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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/pt1dictionnaired05vigo
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
TOME CINQUIEME
PE Z
ENCYCLOPEDIE
DES
SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES
Il il l'Ail
LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS
DE FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE
Publié par F. VIGOUROUX, prêtre de Saint-Sulpice
1 ' [nsl atlioliquc de Paris, Secrétaire «le la f ommissiu/t biblique
T DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE
Commencé sous la direction de A. VACANT, prof, au Sein, de Nancy,
Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur à l'Institut catholique de Pans.
3° DICTIONNAIRE D'ARCHEOLOGIE CHRÉTIENNE
ET l>K LITURGIE
Publié par le R"' dom Fcrn. CABROL, abbe de Farnborough, et doni H. LECLERCQ.
i" DICTIONNAIRE D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE
ECCLÉSIASTIQUES
Public par Mgr Alfred BAUDRILLART, recteur de l'Institut catholique du Pans
Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain ROUZIÈS.
.">" DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE
En préparation)
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
C O N T F .\" A .N T
TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, DANIMAUX
MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES
LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES
RELATIVES A L ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT
ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES
PU 11 LIE PAH
F. VIGOUROUX
PUETKE LIE SUiNT-SULPICE
AVEC l,E CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE CO 1. 1, ALSOR ATEUKS
TOME CINQUIÈME
CONTENANT .'ili!) ILLUSTRATIONS
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BIBLIOTHÈQUES
PARIS ^,ty of <*^
LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS
76'"% RUE DES SAINTS-PÈRES, VIIe
1912
nus int n it s mis i: iiv es
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Ottaviens^*
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TRANSCRIPTION DES CARACTÈRES HÉBREUX EN CARACTÈRES LATINS
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TRANSCRIPTION DES CARACTÈRES ARABES EN CARACTÈRES LATINS
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esprit doux.
b.
t.
Ili anglais dur, le 6 grec.
g italien de giorno. En Egypte et dans quelques
parties de l'Arabie, comme g dans garçon.
aspiration forte.
aspiration gutturale, j espagnol, ch allemand.
d.
lit anglais doux, le S grec,
r.
z.
s dur.
eh, dans citerai.
s emphatique, prononcée avec la partie antérieure
de la langue placée contre le palais,
d emphatique.
t emphatique.
/. emphatique.
esprit rude : 7 hébreu, son guttural.
r grasseyé,
f.
k explosif et très guttural,
k.
1.
m.
n.
aspiration légère,
ou français, w anglais.
■-y-
voyeli.es
n, é avec élif, = ''.
i, é avec i/o. i-
ou, o avec ouaou, = où.
LISTE DES COLLABORATEURS
Dll TOME CINQUIÈME
MM.
lUTiFFOi Pierre (Mo'). l"''^'1 ,Il' la Maison de Sa S,ain"
BuKo^«thW^e et è.lettfe.,.«c«n recteur
de I Institut catholique de roulouse.
BEDRLin Emile ;■ . docteur es lettre , curé de Notre-
Dame d'Auteuil, à Paris.
Bliard Pierre, bibliographe, à Paris.
Corrierri . à Paris.
FF.™ (J.-J-), chanoine prémontré, à Overboae (Bel-
gique).
, , Louis-Claude, prêtre de Saint-Sulpice, profes-
,,, honoraire à l'Institut catholique, Pans.
I . I;l ., (le r, p.),membi e la Commission biblique, à
R ime.
Hkid„ Louis, ancien professeur à l'école des Etudes
bibliques, à .Jérusalem.
HBIffiRniu (li. P. dom Benjamin), bénédictin de^a
I ,, ationdeFrance.à Ravenswood Ryde (Angle-
terre).
Hv Félix, professeur de botanique à la Faculté catho*
lique d'Angers.
In ii (Augustin), prêtre à Colmar.
Ugier(R. P. Camille), s. J.,au collège de la Sainte-
Famille, au Caire (Egypte).
L, r,AC] ancien aumônier de la Marine.
I egi mt.k Alphonse (Mur), docteur en théologie, doyen
de la Faculté de théologie d'Angers.
i, ; ,,,, Henri, curé de Saint-Étienne-du-Mont, Paris.
I., Vl . , , , , Eugène, prêtre de Saint-Sulpice, professeur
d'Écriture Sainte ■ l'école supérieure de théologie,
Paris.
MM.
Mangenot Eugène, professeur d'Écriture Sainte à l'Ins-
titut catholique de Paris.
Marie Jules, professeur d'Écriture Sainte à l'École supé-
rieure de théologie, à Ba-yeux.
Marucchi Horace, professeur au séminaire pontffical
de l'Apollinaire, à Home, bibliothécaire a la Biblio-
thèque vaticane.
Miskgian Jean (Ma')) Constantinople.
MOLINl (H. P. Augustin), Frère mineur, à Home.
Montagne (J.), à Blackburn (Angleterre).
N'au François, professeur à l'Institut catholique de
Paris.
Pannier Eugène, professeur d'archéologie et de lan-
gues orientales à la Faculté catholique de Lille.
Parisot (li. P. Jean), à Plombières-les-Bains.
PEREIRA José liasilio, chanoine, Bahia Brésil .
!,,. 0nne le P.. P. dom), bénédictin, Ravenswood
Ryde (Ile de Wight).
Pp.at Ferd., ancien professeur d'Écriture Sainte,.. Paris.
Régnier Adolphe, bibliothécaire à l'Institut de France,
à Paris.
K, gnier Alphonse, bibliothécaire al'lnstitul de France.
Paris.
Uiv Octave, du clergé de Paris.
SEDLACEK .laroslaus, professeur à Prague.
Toi SSAINT Constantin, professeur à l'Université catho-
lique, à Lille.
Van DEN GllEYN (H. P. Joseph), de la Compagnie ,1e
Jésus, conservateurdes Manuscrits de la Bibliothèque
royale, à Bruxelles.
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
PÉ, s, dix-septième lettre de l'alphabet hébreu. Son
nom signifie « bouche ».cf. le grec lit, mais les formes
primitives de ce caractère dans l'alphabet sémitique
n'ont rien qui rappelle la forme de la bouche. Cette
lettre a toujours eu chez les Hébreux une double pro-
nonciation, l'un aspirée, comme celle du ? grec par
exemple dans -t-n. 'Ofir, Ophir, et celle du p, ainsi
que l'attestent les transcriptions grecques des mots
--:-z. -i'/lxï, « concubine; .1 -:■:". ïâffiti?, « jaspe; »
V v ■ V : T
D2-2, y.ij>7toc;o;; :i:, Perse. Les Massorètes distinguent
t : - - t
le Plié aspiré, s, du Pé, par un daguesch doux, 2. Saint
Jérôme transcrit le p dur comme le plié par ph dans les
noms propres, Phihahiroth, Phithom, au lieu de Pi-
hahïrôt, Pithorn, etc., excepté dans le premier élément
du nom de Putiphar (Septante : nereçpifjs) dans Palx-
stini, Exod., xxm, 31, etc., paradisus, pascha, Persa,
Perses, Persis.
PEARCE Zacharie, théologien anglican, né à Lon-
dres le 8 septembre 1690, mort à Little-Ealing le
29 juin 1774. Ses premières études se firent à West-
minster, puis il alla au collège de la Trinité à Cam-
bridge. Il s'appliqua tout d'abord à l'étude des clas-
siques et se distingua comme philologue. Il publia une
édition du traité De sublimitate de Longin et des deux
ouvrages de Cicéron De oratore et De officiis. Entré
dans les rangs du clergé anglican, il fut chapelain du
lord chancelier Parker. Après avoir rempli divers minis-
tères il devint en 1739 doyen de Winchester, puis en
1748 évêque de Eangor et en 1756 de Rochester et doyen
de Westminster. Le seul ouvrage que nous ayons à
mentionner de cet auteur est le suivant : A Commen-
tant with notes on the four Evangelists and tke Aels
of the Apostles, together wilh a new translation of St.
Paul's firsl Epistle to the Corinthians, with a para-
phrase and notes to which areadded other theologieal
pièces, 2 in-4°, Londres, 1774. En tête de cet ouvrage
se trouve une vie de L. Pearce par Jean Derby. — Voir
W. Orme, Bibliotlieea biblica, p. 343.
B. Heurtebize.
PEARSON Jean, théologien anglican, né en 1613
à Great Snoring dans le comté de Norfolk, mort à
Chester le 16 juillet 1686. Il étudia au collège d'Eton
puio à Cambridge et entra dans les ordres en 1639. Il
obtint une prébende à Salisbury et devint chapelain du
lord chancelier Finch, puis ministre à Tborrington
dans le comté de Sullolk, et à Saint-Clément de Lon-
dres. Dans ce dernier poste il prononça une série de
sermons publiés sous le titre de Exposition of the
Creed qui le rendirent célèbre. Charles II le combla
DICT. DE LA BIBLE.
d'honneurs. En 1660 il avait une prébende à Ely, puis
devenait archidiacre du Surrey, maître du collège de
la Trinité à Cambridge, et en 1673 évêque de Chester.
Outre son Exposition of the Creed, in-4°, Londres,
1659, on a de J. Pearson des Annales Paulini ou disser-
tation critique sur la vie de saint Paul, ouvrage publié
après sa mort dans ses œuvres posthumes, in-4", Londres,
1688. Une édition en a été publiée sous le titre : An-
nales of St. Paul, translatai with geographical and
crilical notes, in-12, Cambridge, 1825. — Voir W.
Orme, Bibl. biblica, p. 343; Chamber's Encijlopœdia,
t. vu (1901), p. 828. B. Heurtebize.
PEAU (hébreu : 'ôr, et une fois, Job, xvi, 16 : géléd;
Septante : 5epu.ce; Vulgate : cutis, pellis), membrane
appliquée sur la surface du corps de l'homme et d'un
grand nombre d'animaux.
1" La peau de l'homme. — Dieu a revêtu l'homme
de peau et de chair. Job. x. 11. La peau de l'homme a
sa couleur propre, suivant les races, et l'Ethiopien ne
saurait changer la couleur de sa peau. ,1er. , xm, 23.
Job, xvi, 16, a cousu un sac sur sa peau, c'est-à-dire ne
fait plus qu'un avec le deuil et la souffrance. La mala-
die fait que les os sont attachés à la peau et à la chair et
que l'on n'a que la peau sur les dents, Job, xi.x, 20,
expressions qui indiquent une excessive maigreur.
Dans le même sens, l'épreuve use la chair et la peau.
Lam., m, 4. La faim la rend brûlante comme un four,
Lam., v, 10, à cause de la fièvre qu'elle engendre.
Cicéron, Pro leg. agrar., 11, 34, 93, dit que l'affamé est
macie torridus, brûlé, desséché de maigreur, et Quin-
tilien, Declam., 12, parle de Yignea famés, une faim
brûlante. Michée, m, 2, 3, accuse les riches cupides et
injustes d'arracher la peau du corps aux pauvres gens.
Le prophète emploie ici cette expression dans le sens
ligure, pour montrer qu'on enlève aux faibles ce qui
leur appartient le plus indiscutablement, ce qui fait
partie de leur propre substance. Les Assyriens se plai-
saient à écorcher en réalité leurs ennemis vaincus; ils
ont plusieurs fois reproduit sur leurs monuments ce
cruel spectacle (fig. 1). Cf. Botta, Le monument de
Ninive, t. 11, pi. 120. Voir aussi t. 1, lig. 66, col. 990,
des chefs élamites écorchés vifs après la bataille de
Toulliz, d'après Layard, The monuments of Nineveh,
t. 11, pi. 47. D'après une légende, l'apôtre saint Bar-
thélémy aurait été écorché vif. Voir Barthélémy,
t. I, col. 1472. Job, XIX, 26, affirme sa certitude d être
un jour de nouveau revêtu de sa peau et de voir son
vengeur vivant. — Après avoir éprouvé' Job dans ses
biens extérieurs, Satan explique sa constance en disant :
« Peau pour peau ! L'homme donne tout ce qu'il pos-
V. - 1
PEAU — PÈCHE
pour conserver sa vie. » Job, It, i La loculion
provti au pour peau -i-nifie donc ici que
l'homme tien) 3 sa vie, i à sa p mme on dit
vulgairement, plus qu'à tout le reste, mais que, quand
il sera permis de toucher à ce bien, Job changera d'atti-
tude. Satan demande que la peau, la vie même de Job
soit attaqie
._> / , , sert de vêtement
à l'homme. Après leur péché, Adam el Eve sont ri
de tuniques de peau. Gen.. ni. 21. Rêbecca couvre de
peau velue de chevreau les mains et le cou de Jacob,
alin qu'Isaac le prenne pour Ésaû. Gen., xxvu, 16.
Parmi les premiers chrétiens, il v en eut qui durent
lv -JIIIO--J.::. in melotis, « dans des peaux de
dans des peaux de chèvres ». 11.1... XI, 37.
— Pour dissimuler l'absence de David. Michol plaça
le lit nue peau de chèvre à l'endroit de sa tète,
■if A "Jmhr 3 -
r==L i — i-"-' a t; "H —-— r
1. — Valouliid de Hamath écorclié vif. D'après Botta,
Monument de Ninive, \
une couverture par-dessus, un téraphim figurant
le reste du corps. I Reg., \i\. 13. — Les peaux servant
pour I. ..l- ni.nl mi I .inuul.lem.nl pouvaient conlrac-
uillures ou une sorte de lèpre. II fallait
1 . xi. 32; xn. 18; xv. 17; xvi, 27.
peaux d'animaux à recouvrir
1,1 T-'1 lie. On utilisa pour cet usage des
peaux de bélier! a rougi el les peaux d'un
mammifère marin, ce nun° dans la mer Rouge, le
G, t. Il, col. 1511. Ces
ll''1""' 1 . I .'paisses et plus résistantes que les
autres, étaient placées par-dessus. Exod., x.xv, ô: x.xvi.
14; «xxv, 7, 23; xxxvi, 19; xxxix. 33; Nu.,,.. 1
at faites avec des peaux. De
as parlent de peaux quand il est
question de tenlei II Reg., vu, 2; I Par., xvn, I ; Ps. civ
1. ', . .1. , i 0 tti 29.
liai... 111, 7. - La |»au du crocodile est si dure qu'on né
Pt'»1 'a 1'" ' Job, XI . 26 (31). - 3 Mans les
on commeni "> par enlevi 1 la peau d
1 6. Les |.i. In |u r de ce-
soin; mais, quand les victimes étaient par trop nom-
leuses, les lévites les suppléaient. Il Par., x.xix. 31;
xxxv. 11. La peau de la victime ofl'erle en holocauste
appartenait au prêtre qui célébrait le sacriGce. Le\ .. vu, S.
Mais on brûlait la victime tout entière avec sa peau
dans le sacrifice pour le péché, Lev., iv. 11; xvi, 27.
dans le sacrifice pour la consécration des prêtres,
Lev.. vin, 17; ix. II. et dans le rite de la vache rousse.
Niiiu.. xix. 5. — Les victimes étaient égorgées dans le
e, puis écorchées. Pour faciliter cette opération,
on avait élevé au nord de l'autel huit colonnes de
pierre qui supportaient des traverses de cèdre. Les
victimes étaient suspendues à ces traverses par les pieds
de derrière. La peau suivait le sort de la chair des
victimes, et, en conséquence, elle était soit brûlée avec
la chair, dans les sacrifices énumérës plus haut, soit
attribuée aux prêtres, dans les holocaustes et les autres
sacrifices dont les victimes devaient être mangées par
les prêtres, soit laissée à ceux qui avaient apporté la
victime, dans les sacrifices de moindre importance. Cf.
Siphra, f. '20. 2: f. 82. I: Zebachim, xu. 3. Au nord du
sanctuaire, à coté de la chambre du sel, il y en avait une
autre où l'on salait les peaux, afin de les empêcher de
se corrompre. Cf. Gem. Pesachim, 57. 1 ; Reland, Anti-
quitates sac/se. Utrecht, 1741, p. 52. 1(13. — 1 Les p. aux
des animaux furent encore utilisées comme matière pro-
pre à recevoir l'écriture. Au 11e siècle avant Jésus-Christ,
sous le roi Eumène II. à Pergame, on perfectionna
beaucoup, si on ne l'inventa pas alors, la préparation
des peaux d'animaux pour suppléer au papyrus. On se
servait surtout des peaux de bouc, de chèvre et de ehe-
111, d'une, de veau et d'agneau. Les peaux ainsi pré-
parées furent connues sous le nom de prrgamena ou
parchemins. Saint Paul écrivait sur des parchemins. II
demande à Timolhée de lui envoyer de Troade son man-
teau, ses livre- el surtout u.eu.ëpiva{, menibranas, « ses
parchemins . » II Tim., iv, 13. Josèphe, .!/</. jud., III,
xi. tj: XII. 11. II. parle ainsi de peau apprêtée, 8ii>8*pa,
■ 1. 'Ht les Juifs se servaient pour écrire, quelquefois
même en lettres d'or. Voir LIVRE, t. IV. Col. 302.
H. Lesêtre.
PÊCHE (hébn u : dûgâh; Luc, v, 9 : ïyp0 '■'/.'>'■-<•>•>'■
Vulgate : captura piscium), emploi de moyens appro-
priés pour prendre des poissons. Le mot hébreu dûgâh,
dérivé de dâg, .. poisson, 1 comme tous les autres mots
qui se rapportent à la pèche, ne se lit que dans Am*o.
iv. 2 ; t On enlèvera vos enfants avec des sirot dûgdh,
épines de pêche ou hameçons. Voir Hameçon, t. 111.
col. 108. Les versions ne rendent pas le mot dûgdh.
I I lillérents procédés étaient employés pour la pêche.
1. I.a ligne, terminée par un hameçon qui portait l'ap-
pât, était usitée partout, en Egypte, ,-n Assyrie, voir
t. m, lig, 97, 98, col. 107, el en Palestine, ("est avec la
. hameçon 1 e sainl Piern prend dans le lac de
Tibériade le poisson porteur du statère. Matth., xvn,
26. Isaïe, \ix. 8, parle de ceux qui pèchent a la ligne
dans le Nil. Ilalaeue. i. Il . |."i, suppose l'emploi
ligne à la mer. Ame-, n. 2, compare les ennemis d'Is-
raël a des pécheurs qui prendront les enfants à l'ha-
ll, — 2. La nasse et le harpon sont a l'usaç
urs égyptiens. Les monuments représentent des
pêcheurs qui relèvent la nasse, au milieu de nom-
breuses scènes de pêche (fig. 2). Cf. Maspero, //<
ancienne les /.• "/.'es .'e l'Orient classique, Paris, 1895.
t. 1. p. 61, 297. — 3. Le filet de différentes e-;
Voir Filet, t. 11. col. 2218-2249. L'homme, qui n.
nait pas son heure, est comparé au poisson que le filet
saisit à l'improvisle. Eccle.. ix, 12. Les Chaldi 1 us
prennent les Israélites comme des poissons dan-
Blets; ils sont si enchantés de ces filets qui
traitent comme des divinités, leur sacrifient el leur
offrent de l'encens. IIal...i, li-17. Les Apôtres péchaient
an filet dans le lac de Tibériade. Du haut de leurs bar-
ques, ils jetaient leurs filets en forme d'éperviers ou
enfermaient les poissons dans une seine pour les Irai-
PÈCHE
6
ner jusqu'au rivage. Matth., iv, 18; xm. i7; Luc, v, 4;
.loa., xxi, 6. Aujourd'hui, « le filet employé est ordi-
nairement l'épervier; dans les endroits profonds, il est
lancé de la barque; ou bien, s'il y a peu d'eau, le
ne prissent rien du tout, quand les poissons se tenaient
enfoncés dans les profondeurs. Luc, v, 5; .loa., xxi. :!.
Il est vrai aussi qu'alors le lac était sillonné de bar-
ques de pêche, tandis qu'aujourd'hui, à Tibériade. il
La pêche en Egypte. Musée Guimet.
pécheur descend sur le rivage, entre dans le lac jus-
qu'à mi-jambes, et jette alors le filet sur les bandes de
poissons qui se trouvent autour de lui. Ce bassin est si
peuplé que. dans l'espace de quelques minutes, nous
n'en existe plus que quelques-unes. — L'Évangile fait
plusieurs fois allusion aux pèches des Apôtres, Matth.,
îv, 18; Marc, i, 16; Luc, v, 2; .loa., xxi, 3; de plus,
il relate deux pèches miraculeuses. Une première
3. — La pèche sur la cote de Syrie. D'après une photographie de M. L. Heidet.
avons vu chaque jour notre bateau rempli jusqu'au
bord par des milliers de poissons de toute grandeur. »
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1881, p. 506.
2» A l'époque évangélique, la pêche n'était pas toujours
aussi fructueuse. Il n'était pas rare que des hommes du
métier, travaillant pendant la nuit, qui est cependant
le moment le plus favorable pour la pèche à l'épervier,
fois, le Sauveur voit au bord du lac deux barques dont
les pécheurs lavent leurs filète. Il monte dans l'une
d'elles, de là, prêche au peuple, puis commande d'aller
au large et de pêcher. La pêche est si abondante, après
toute une nuit,infructueuse,que les poissons remplissent
les deux barques. Luc, v. 2-7. Une autre fois, après la
résurrection, Jésus, de la rive du lac, ordonne aux
PÈCHE — PÉCHÉ
8
Apôtres de jeter le li lot. Ceux-ci, qui n'ont rien pris
la nui! précédente, obéissent et, d'un coup de filet,
prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa., xxi,
6-11 . Une parabole évangélique fait allusion. Match., xm.
17-48, à un genrede pèche qu'on voit encore fréquem-
tnenl pratiquer sur la c te de Syrie. Les pêcheurs, re-
produits dans la figure 3, tirent le filel sagena) qu'avec
un bateau on a étendu à une assez courte distance dans
la mer, et lorsqu'il arrive sur le rivage, les pécheurs re-
jettenl dansl'eau le mauvais poisson. — La pèche mari-
time n'était pas pratiquée par les Israélites, qui n'ont
marins. Les Phéniciens au contraire s'y
livraient avec activité; l'une de leurs principales villes
porte le nom de Sidon, c'est-à-dire « pêcherie ». Voir
SlDON. IL LESÉTRE.
PÉCHÉ (hébreu : bête', fintâ'âh, hattaàli, halhi't.
»ta'iii. oéSa, èêt, Segî'dh, fahâlâh; chaldéen :
avyà ; Septante : àuaprîa, àvo|i(a, àvô-
:ir,aa. Ttapaurwp» ; Vulgate : peccatum, culpa, iniqui-
tas, offensa, offensio, delictum, scelus), transgression
volontaire de la loi divine, naturelle ou positive.
I Sa genèse. — I. Le péché apparaît pour la pre-
mière fois au paradis terrestre, sous la forme d'un
acte de volonté humaine en opposition avec la volonté
souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous
peine de mort. Ce qui a été dit de l'homme créé à
l'image île liieu. Gen.. i.'Jli. 27, la notion d'un Dieu puis-
sant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du
Livre sacré, et la défense imposée à l'homme par ce
Dieu souverainement hon et parfait, supposent néces-
sairemenl que l'homme jouit d'une volonté libre, intel-
ligente et par conséquent responsable. Malgré la
défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien
que le i ' il sacré ne raconte que ce qui se voit, dans
Cel acte et ses conséquences, il va de soi qu'il faut
aller i i au delà de la lettre. Le mal n'est pas dans
l'acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit ; le
coupable n'est pas la main qui exécute, mais l'âme
libre qui commande aux organes. Celte conclusion
n orl clairement du châtiment imposé au coupable.
Pour encourir un pareil châtiment de la part il un
Dieu juste, il a fallu qu'il y eut dans le péché, non
seulement un acte extérieur, tuais encore et surtout
un acte intérieur, celui d'une volonté consciemment et
librement en opposition avec la volonté du Maître tout-
puissant. Il est vrai qu'un autre être intervient pour
incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de
la femme et, par elle, celle de l'homme. Mais cette
influence, >i perverse el si forte qu'elle soit, n'a d'ac-
tion sur la volonté libre qu'autant que celle-ci le veut
bii n. Elle peul diminuer sa responsabilité, elle ne la
supprime pas, parce que la volonté de l'homme est
suffisamment maltresse d'elle-même. C'est ce
qu'il faul i ncore conclure de la sentence de condamna-
tion, mitigée el laissant la porte ouverte à l'espérance
du pardon, mais cependant sévère et supposant une
eulpabilil les deux coupables. Gen., m, 1-
19 2 Vprès avoir ainsi l'ait son apparition dans
l'humanité, le péché s'j perpé , par des actes volon-
taire-.. :. travers toutes les générations. Le meurtre
,! M>( ! I l I lin a sans doute été précédé par bien
d'autres fautes moins graves. Toujours est-il qu'avanl
rime le meurtrier reçoit un avertissement qui
marque I litudi que doit avoir l'homme en face du
bien el à al, quelle que soient la fureur de ses
passions el les sollicitations de la tentation : i Si tu
1 ■" ' " '"■ "" seras-tu , | fais pas
bien, le péché ne se lient-il pas à ta porte-' Son désir
il ll! _ ira toi; mai i i, tu doi dominer sur lui. i
Gen - n. T. Le premiei phi a im ai se passe dan, la
conscience de l'homme, quand il a cessé de faire le
bien, c esl à dire de confor r sa vi lie de '
Dieu. Il sent qu'il n'est plus agréable à son Créateur,
qu'il ne peut plus lever la tète vers lui avec assurance.
Déjà le péché est à là porte, comme une bête fauve qui
cherche à forcer l'entrée; il veut contracter une sorte
d'union avec l'homme; mais celui-ci reste le maître, il
peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa
volonté demeure assez armée pour se défendre et
triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté.
— 3. Saint Jacques, I, lci-15, analyse l'acte ordinaire
du péché, tel qu'il se produit dans l'homme. « Que
nul. lorsqu'il est tenté, ne dise : C'est Dieu qui me
tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-
même ne tente personne. » On sait qu'Adam avait es-
sayé de faire remonter jusqu'à Dieu la responsabilité'
de son péché, en disant : « La femme que vous m'avez
donnée pour compagne m'a présenté le fruit de l'arbre, i
Gen., m, 12. L'excuse e>t vaine et injurieuse à Dieu.
L'apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre con-
voitise, qui l'amorce et l'entraine. Ensuite la convoitise,
lorsqu'elle a conçu, enfante le péché, et le péché,
lorsqu'il est consommé, engendre la mort, i Ainsi, il y
a tout d'abord, issu du fond même de la nature hu-
maine, un désir immodéré et désordonné, qui se
porte vers une apparence de bien créé. Ce désir prend
peu à peu une forme précise et consentie, bien que
reconnue répréhensible par la conscience; la volonté
s'ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui
est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l'âme est
frappée à mort. La tentation peut se produire, prove-
nant des êtres extérieurs; le péché n'est possible que
si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la
volonté. C'est ce qui permet â saint Augustin, De Gen.
ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas,
Sum. theol., I, q. xi.iv. a. i, ad lum, de dire que la ten-
tation n'aurait pas eu de prise sur Eve si celle-ci n'avail
péché au préalable par un amour coupable de sa propre
excellence. — -i. Le récit de la Genèse, III, 5, montre
que cette pensée de complaisance personnelle fut d'ail-
leurs aidée par l'habile tentateur : « Vous serez comme
Dieul » De là, à la source de tout péché, l'orgueil, la
pensée de l'indépendance, l'idée que la créature peul
se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre
que le Créateur.
L'orgueil commence quand l'homme se sépare du Seigneur,
Et quand le cœur s'éloigne de celui qui l'a lait :
Car le commencement île l'orgueil, o'est le péché,
ou, d'après la Vulgate :
Le commencement de tout péché, c'est l'orgueil...
Le malheur de l'orgueilleux esl sans remède.
i ■•!■ I.i l'huile iln i.crlié a jeté en lui ses racines.
Eccli.. x, 15; m, 30.
En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s'appellent
l'un l'autre. Cf. Is., xm. 11. — 5, Cel orgueil lui-même,
qui est le premier instigateur de la convoitise et du
péché, a sa cause dans la nature de l'être Créé, alors
même qu'il n'est pas encore déchu. La Sainte Ecriture
ne le dit pas formellement; mais, avant de raconter la
chute, elle eoiiiineiiee par montrer que l'homme est un
être créé. Or, pins un être ère a reçu de dons de la
munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se
complaire en ce qu'il est et en ce qu'il a, si sa volonté
vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu Se
produire le péché des anges et ensuite celui de l'homme.
Voir Mal, t. IV, col. 598-600.
2° Sa nature. — 1. Le péché consiste essentiellement
dans l'opposition de la volonté de l'homme à la volonté
de Dieu. C'est ce que montrent les textes précédents.
Le péché n'est donc pas dans l'acte extérieur, tel que le
voient les hommes; il est dans l'une, telle qu'elle ap-
parall auxyeui de Dieu. I Reg.,xvi, 7. Par conséquent,
les sentiments el les pensées peuvent être coupables.
-9
PECHE
10
Le dernier précepte du Décalogue proscrit les simples
convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur
déclare que du cœur sortent les pensées mauvaises.
Matth., xv, 19; Marc., vu, 21. 11 aflirme en outre que
certains désirs sont coupables, comme les actes eux-
mêmes. Matth.. v, 28. Ainsi les actes extérieurs ne suffi-
sent pas à constituer le péché. Dans leur confession
négative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des
Morts, cf. W. Pleyte, Élude sur le chapitre cxxv du
Rituel Itinéraire, Leyde, 1866; Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris,
1895, t. î, p. 189, les Égyptiens ne savent s'accuser
que de fautes extérieures d'ordre moral, social ou par-
fois purement liturgique. Les Babyloniens ont une
confession analogue, où il est question d'adultère,
d'homicide, de vol, d'autres fautes contre la morale ou
la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la
-conscience. Cf. Zimmern, Beitràge îur Kenntniss der
babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, II, 1. 47-
51; Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques,
Paris, 1905, p. 225, 226; Revue .biblique, 1906, p. 657.
Cf. Ézéchiel, xvm. 14-17. Autrement significative est la
confession qui se lit dans Job, XXXI, 4-37. L'auteur y
énumëre les principales fautes contre la morale qui se
pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint
ici et là des remarques comme celles-ci :
Dieu ne connaît-il pas mes voies,
Ne compte-t-il pas tous mes pas?
si mon cœur a suivi mes yeux...
Si j'ai mis dans l'or mon assurance...
si. in voyant le soleil jeter ses feux,
Et la lune s'avancer dans su splendeur,
Mon cœur s'est laissé séduire en secret...
Si j'ai été joyeux de la ruine de mon ennemi...
Si j'ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes,
Et renfermé mes iniquités dans mon sein...
— 2. En effet, la conscience morale, telle que la sup-
pose la religion du vrai Dieu, obéit à cette règle posée
à Abraham ; <• Marche devant ma face et sois irrépro-
chable. " tien., xvii, 1. C'est devant la face du Seigneur,
sous son regard auquel rien n'échappe, qu'on est cou-
pable ou irréprochable, et, si l'on est coupable, c'est
tout d'abord dans l'âme elle-même que le péché existe.
0 Dieu, tu connais ma folie,
Et mes fautes ne te sont pas cachées. Ps. lxix u.xviii), 6.
Cf. Ps. x, 15; Eccli., xv, 21. — 3. Le péché outrage
toujours Dieu, alors même qu'il semble viser exclusi-
vement le prochain. Num., v, 6.
Je reconnais mes transgressions,
Et mon péché esl constamment devant moi;
( :'est contre toi soûl que j'ai péché,
J'ai t'ait ce qui est mal à tes yeux,
dit le Psalmiste, Ps. li (l), 5-6, avouant que ses trans-
gressions de toute nature ont avant tout offensé Dieu.
De même le prodigue, qui a tant outragé son père, se
reconnaît coupable contre lui, mais avant tout « contre
le ciel ». Luc, xv, 18. « En péchant contre vos frères
et en violentant leur conscience encore faible, vous
péchez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., vm,
12. — 4. Le péché est un acte par lequel l'homme
s'écarte et s'éloigne de Dieu, en mettant sa volonté en
opposition avec celle de Dieu, connue soit par la con-
science, soit par la loi positive, qui rend mauvais des
actes qui ne le seraient pas toujours par eux-mêmes.
Roin., m, 20; vu, 7. « Être infidèles à Jéhovah et le
renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voilà comment
Isaïe, lix, 13, caractérise le péché. Cette idée d'éloigne-
ment de Dieu par le péché revient souvent. Deut., xi,
16; xxxii, 15; ,Ios., XXII, 16; Job, XXI, li; XXII, 17;
Sap., m, 10; Bar., m, 8; Dan., ix, 5, 9, etc. Kn ouisé-
• quence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter
dans un être soumis au péché, Sap., I, 4, et cet «Hic,
ainsi séparé de Dieu, ne peut manquer d'agir parfois
par l'inspiration du démon. I.loa., m, 8, et d'en faire les
œuvres, qui sont des œuvres de péché. Joa., vm, 41. Si
Dieu hait tant le péché, Ps. v, 5, 7, c'est parce qu'il y voit
nécessairement un attentat contre sa souveraineté inalié-
nable. — 5. Saint Jacques, II, 10, dit que « quiconque
aura observé toute la loi, s'il vient à faillir en un seul
point, est coupable de tous ». Ce texte fait l'objet d'une
consultation adressée à saint Jérôme par saint Augustin,
Ep. i xxxi, t. xxn, col. 1138-1147. Ce dernier propose
sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui trans-
gresse un précepte est coupable envers tous, parce
qu'il agit contre la charité de laquelle dépend toute la
loi. Il est coupable de tout parce qu'il agit contre celle
dont tout dépend. » Saint Jérôme, Ep. cxxxiv, t. xxn,
col. 1161, s'excuse de ne pas répondre et dit qu'il n'a
rien à reprendre à la solution proposée. Saint Thomas,
Sum. l/ieol.. 1» 11»-, q. lxxiii, a. 1, ad 1""\ explique que
l'Apotre parle ici des péchés, non par rapport à l'objel
vers lequel ils portent et qui est variable, mais par
rapport à celui dont ils détournent et qui est toujours
Dieu. Tout péché comporte le mépris de Dieu. Quand
on faillit en un point on est coupable de tous en ce
sens qu'on encourt le châtiment que mérite le mépris
de Dieu, mépris et châtiment communs à tous les pé-
chés. Les péchés demeurent donc distincts, bien que
le principe et les conséquences de tous soient les
mêmes, et l'on peut en commettre un sans commettre
les autres. La pensée de saint Jacques revient à ceci
que, quand on transgresse un commandement, on est
è'voxoç, passible de la peine qui châtie toutes les autres
transgressions, non en quantité, mais en qualité, car
dans tous les cas, c'est l'auteur même des lois qui est
offensé et qui est obligé de sévir. — 6. Tous les péchés
ne sont pas mis sur le même rang dans la Sainte Ecri-
ture, bien que tous supposent l'opposition de la volonté
de l'homme avec celle de Dieu. Il y a des péchés plus
particulièrement graves, l'adultère, Gen., xx, 9; xxvi,
10; l'apostasie, Exod., xxxn, 21 ; la profanation du sacer-
doce et le scandale, I Reg., Il, 17; l'idolâtrie, .1er., xix,
11 ; le péché contre le Saint-Esprit, Matth., xn,31 ; Marc,
in, 28; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc.
Notre-Seigneur note lui-même une gradation entre cer-
tains péchés contre la charité. Matth., v, 22. Il y a des
péchés qui sont commis par ignorance, sans pleine
conscience ou sans volonté complète. Lev., IV, 2, 27;
v, 17; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s'excuse sur son
ignorance des persécutions qu'il a exercées contre les
chrétiens. I Tim., i,13. Mais, dans la Sainte Écriture, on ne
trouve pas mention de ces culpabilités inconscientes et
fatales, s'attachant inéluctablement à des êtres qui n'ont
rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre
dans les religions païennes, ni de ces fautes commises
sans connaissance et sans volonté dont les idolâtres se
croyaient si fréquemment coupables dans le culte de
leurs dieux, par l'omission de formalités insignifiantes
ou puériles. — 7. Puisque rien n'échappe aux regards
de Dieu et que Dieu hait le péché, la conséquence
s'impose : « Tous les jours de ta vie, aie Dieu présent
à ta pensée, et garde-toi de consentir jamais au péché. •>
Tob., iv, 6; cf. i, 10.
Fuis le péché comme le serpent,
Car. si tu en approches, il te mordra. Eccli., xxi, 2.
Et pour déterminer sa volonté' à s'éloigner du mal,
l'homme doit songer à la fin de sa vie et au compte
qu'il devra rendre à Dieu, Eccli., vu, 4-0, sans se lais-
ser tromper par les charmes du présent ni par la pa-
tience divine, car
La voie des pécheurs est pavée de p. erres.
Mais à son extrémité est l'abîme de L'Hadès. Eccli., sxi, H-
11
PÉCHÉ — PÉCHÉ oP.K.HNEL
12
nces. — 1. Le péché sépare 1 àme d'avec
Dieu, Is., iix. 2. Si l'homme meurl dans son péché,
I; su, 13; .Toa.. vm, 21, etc., cette sépara-
tion d i al définitive, e Lu justice du juste ne le sau-
vera pas au jour de sa transgression,... le juste ne
vivre parsa justice le jour où il péchera. »
Ezech., xxxiu, [2. — 2. Par suite de l'affaiblissement
moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui com-
met le péché fini) par devenir esclave du péché, et il a
le difficulté à se soustraire à sa tyrannie.
lu Ê3 Rom., vi, 17. c Le méchant est saisi par
m péché, n Prov., v. 22; Eccli., xxi, 3.
Le trouble et le inalaise régnent dans son .'une.
l's. xxxviii (xxxvli), i. 19. Ainsi ceux qui commettent
i 1 iniquité sont leurs propres ennemis d.
Tob., mi. 10. Le péché peul se généraliser dans une
on.
La justice êU ve une nation.
Mais le péché est l'opprobre des peuples. Prov., xiv, 34.
— 3. D ice el poursuit le péché îles rigueursde
sa justice. Exod., xxxii, 34; Lev., xx. 20; Num., xxxn.
23; Jos., xxiv, 19 : « Jéhovah esl un Dieu saint, un Dieu
jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos
péchés,... il se retournera, vous maltraitera el mois
consumera. o Ps. i.xxxix (lxxxvhi), 33; Prov., xxn,
S; Ezech., xvm, î; Dan., ix. 11; II Mach., vu, 18, etc.
La justice de Dieu contre le péché s'exerce d'ailleurs
par différents moyens, par les ('preuves dans la vie
c. v, 25, etc., voir Mai., t, iv. cul. 601, par
les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et pai les
sanctions «le l'autre vie. Sap., v, '2- IL Voir Enfer,
t. ii, col. 1792; Pi rgatoire. — 1. Le péché a de plus
i i rcussion prévue sur les générations qui suivent
celui qui l'a Commis, de même que la fidélité- a la
-e un. i*, h le fail répéter plusieurs fois : « Je suis
Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité
sur les enfants, sur la troisième et sur la
quatrié génération à l'égard de ceux qui me haïssent,
et qui fais miséricorde jusqu'à mille'générations à ceux
qui m'aimenl et qui gardent mes commandements. »
! I., xx, 5-6; cf. xxxiv, 7; Num., xiv, 18; Deut., v,
xxxii, in; l.mi.. v. 7. etc. Cette répercussion,
que l'expérience justifie fréquemment encore, m- l'ail
enfants une peine injuste. Elle suppose
[ui ces derniers imitent les péchés de leurs pères, «m
l OU i pour i ux une épreuve temporelle destinée soit
a les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu
1 ■> au I m- méi il.- définitif. Dieu se réservait
d'appliquer cette sanction; mais il n'a pas autorisé les
à '-i i-nfanls a cause d-- leurs pères.
xxiv, H;; IV Reg., xiv, 6; Il Par., xxv, i. Le
10 20, explique la conduite de
11 - impie lui-même, 1.- fils de l'im-
115 el fidèle, il \il el Ile
imenl qu'ont attiré' les crimes de -ou
pèl e.
' S il. — Dieu est un jugi n os il
n'esl i , - , o
131. Il reul rdoni er le péi hé. Job, mi, 21 ;
PS. XX\ KXIV), Il ; XXXII (XXXI), I; LXXIX (LXXVIIl), 9;
J-xxxv uxxxiv), ,„i 25;jer., xxxi,
'■'•''■ " i mt, pour pardonner I.- péché,
"'eu - ,| ,| o | |'aveUi
1 *xvi, 10; il i ,i.. i\. -j; job, xxxi, 33, 34;
Matth., iii.il. Marc . t, .".. I Joa., i, 'a. etc. Voir Confes-
sion, i n, coi. 907. _ :!. n veu| ,, ,,,,, ,, regrel sin.
loel . n. 13, i le Voir 1 i ;, rtaines
Dii u el i achètent le
i i Voir Ai mOne, t. i. roi. 1252 i. n
«1 II i ne, t. m. col. 1528; Saci i 5 h., us ^
Nouveau ["estament, )- ,,, ,|„
Mallh., vi, Il 15 . 25; Lue., m. j pai
le Fils, Matth., ix, 2-fi; Marc, il, 5-10; Luc, v, -20- i9 r
etc, qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission,
Luc, x.xiv, 27; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pou-
voir de l'accorder dans le sacrement de pénitence,
Joa., xx, 23, et dans celui d'extrême-onction. Jacob., v,
15. — 6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la
rédemption opérée sur la croix. Daniel, ix, 21. avait
annoncé que le Messie mettrait lin au péché, c'est-à-
dire à son inlluence irréparable. Jésus-Christ, par sa
croix, obtint à l'homme le pardon du péché. Matth., I,
21 ; xxvi, 28; Joa., i, 29; Rom., vi, ti ; 1 Cor., xv, 3;
II Cor.. v.2l;i;.,l.,i, i: Eph., i. 7: Col., i, 11; Heb., ix.
28; I Pet., m, 18: I Joa., i. 7; Apoc, i, 5, etc. Ce
pardon peut même atteindre les âmes dans l'autre vie,
au purgatoire. II Mach.. XII, -'i6. — 7. Les écrivains
sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes ex-
pressions caractéristiques pour marquer la réalité de
la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent
ne plus tenir rigueur. Il Reg., XII, 13; III Reg., vm,
3i; Tob., m, 13, etc.; » remettre, » par conséquent ne
plus rien exiger à ce sujet, l's. xxxn (xxxi), 1 ;
Matth.. ix. 2; Luc. vu. 18, etc.; ■• ne pas imputer, »
ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., XII,
I I . Rom., iv, 7, 8. etc. ; • ne plus se rappeler, » tenir
pour non avenu, Ezech., xxxui, 10; u couvrir, i de
manière qu'on ne le voie plus, Ps. i.xxxv M.xxxiv), 3;
« fermer les veux. » parce qu'on ne veut plus voir,
Sap . m. 24; - effacer, purifier, laver, » comme une
tache que l'on veut faire disparaître, Ps. u in. 1.
Is., xi. ni, 20 i- enlever, b Is., VI, -7; faire disparaître
comme de la glace qui se fond.lxcli.. m, 17, comme un
nuage qui -e dissout, Is., .xi.iv, 22; « ni' plus trouver, o
comme une chose qui n'existe plus. .1er., i., 20;
« d'écarlate, rendre blanc comme neige. - c'est-à-dire
remplacer la tarin- du péché par quelque chose qui en
est l'oppos '. u., i. is, jeter derrière son dos , - comme
une chose qu'on d daigne et qu'on ne reverra plus.
Is., xxxvill, 17: » mettre sous -os pieds, comme une
chose méprisable qu'on veul détruire, et - jeter au fond
de la mer », comme ce qui doit périr définitivement.
Mich., vu, li). etc. Ézéchiel, xxxui, 14-46, exprime
sans ligure et de la manière la plus positi\.- l'effet de
la rémission du péché : Lors même que j'aurai dit au
méchant : Tu mourras! s'il s,, détourne de sou péché el
fait ce qui est juste el droit,... on ne se rappellera plus
aucun des péchés qu'il a commis : il a fait ce qui est
droit et juste, il vivra, d La réalité objective de la rémis-
sion du péché est d'ailleurs démontrée par la conduite
de Pieu à l'égard de grands pécheurs, Adam. Sap.. x.
I. David, Marie-Madel ine, saint Pierre, saint P. ml. etc.
11. Lesêtri .
PÉCHÉ ORIGINEL, péché commis par Ad. nu. a
l'origine d.- Il anité, ■ ■! par suite duquel tous ses
descendants naissent dans un état de déchéance et de
péché,
1» Lai mm initiale. I. Le récit de l'épreuve im-
posée à Adam, de la tentation, de la chute el du châti-
ment, esl consigné dans la G nèse, m. 1-19. Ce i il
peut être interprété avec une en laine largeur, à condi-
tion de respecter la réalité du fait. Voir Adam, t. i,
col, 17.".; Eve, t. n. col. 2119. Les Pères l'onl générale-
ment entendu dans son sens littéral, mais l'Egli
pas condamné lecardinal Cajetan qui l'a expliqm
goriquement. lu Sacram Scripturam Commenlarii,
5in-f -, Lyon 1639, 1. 1, p. 22,20. Voir Vigouroux, lia
,-. 12 édit., i. i, pi. 564. — 2. Rien dans le rêcil
n'avertit formellement que le premiei I une ail igi
comme repn - ntanl de toute su race. Il esl seulement
le premii r de lous les ho tes. Mais c'esl de lui que
les très recevront la vie, et, étant données les lois
ordinaires de la nature que l'auteur sacré suppose
connues de ses lecteurs, il fallait s'attendre à ce qu'Adam,
avei i i vie • '■ • - conditions essentielles, transmit à ses
13
PÉCHÉ ORIGINEL
14
descendants quelque chose de ce qu'il était devenu lui-
même, par l'abus qu'il avait fait des dons extraordi-
naires de son Créateur. Toutefois ce n'est pas dans la
concupiscence que consiste à proprement parler le péché
originel, niais dans la privation de la grâce. L'avenir
de l'humanité est indiqué dans l'inimitié annoncée
entre la postérité de la femme et celle du serpent et
dans les conditions de vie imposées à Adam et à Eve,
et par là même à leurs descendants. Du récit de la
se, les théologiens ont déduit que nos premiers
parents avaient été élevés à un état surnaturel, et
qu'ayant perdu par leur faute l'intégrité primitive, ils
étaient déchus de leur état et avaient transmis leur
mce à leurs enfants.
- Dans l'Ancien Testament. — 1. Les écrivains ins-
pirés de l'Ancien Testament ne parlent du péché origi-
nel qu'en termes généraux. Job, XIV, 4, à propos de
l'homme né de la femme, que Dieu, semble-t-il, ne
peut citer en justice sans s'abaisser lui-même, remarque :
« Qui peut tirer le pur de l'impur? Personne. » La
Vulgate traduit un peu différemment : « Qui peut
rendre pur celui qui a été conçu dans l'impureté?
N'est-ce pas vous seul? * Les Septante ajoutent au texte
les premiers mots du verset suivant : « Qui peut être
pur de souillure? Personne, pas même celui dont la vie
que d'un jour sur la terre. » Les Pères ont eom-
menté le texte ainsi formulé. L'idée principale est que
l'homme appartient à une race pécheresse et impure.
et que l'on ne doit pas s'étonner qu'il soit si peu digne
de l'attention divine, ayant hérité d'ancèlres pécheurs.
— Au Psaume u (l), 7, on lit ces paroles :
Je suis né dans l'iniquité,
Et ma mère m'a conçu dans le péché.
Comme pour le passage précédent, la doctrine du
péché originel, sans être formulée d'une façon tout à fait
explicite, donne seule à ces paroles tout leur sens. — On
trouve ces autres paroles dans l'Ecclésiastique, xxv, 33 :
i est par une femme que le péché a commencé,
i e=t à cause d'elle que nous mourons tous.
Le texte accuse avec raison Eve d'avoir commencé la
première à pécher et d'être la première cause de la
mort de tous. Mais Adam, et non pas Eve, était le chef
de l'humanité, et par lui ont été transmis le péché et ses
conséquences. — 11 n'y a pas à s'arrêter au texte
d'Isaïe, xliii, 27, disant à Israël : « Ton premier père a
péché : car il s'agit ici de Jacob. Cf. t ise.. xu. 3-5. —
L'auteur de la Sagesse, vin, 18-20, prenant le person-
nage de Salomon, s'exprime dans des termes dont on
pourrait s'étonner, s'il fallait les prendre absolument à
la lettre : u J'étais un enfant d'un bon naturel, et j'avais
reçu en partage une bonne âme, ou plutôt, étant bon,
je vins à un corps sans souillure. » Celte aflirmation ne
peut porter que sur la vie purement naturelle. Un
autre texte parait plus signilicatif : « Vous saviez bien
qu'ils sortaient d'une souche perverse,... car c'était une
i ii maudite des l'origine. » Sap., xn, 10, 11. Toute-
fois, comme il s'agit ici des Chananéens, il est clair
que- la malédiction dont parle l'auteur sacré est celle
qu'encourut Chanaan. Gen., ix, 25. — 2. liais si les
textes sont peu explicites, on sent que, pour ainsi dire,
tout le poids du péché originel pèse sur l'Ancien Tes-
tament. Souvent les auteurs sacrés constatent le règne
général du péché. « Tous sont égarés, tous sont perver-
tis; pas un qui fasse le bien, pas un seul! o Ps. XIV
(Xiii). 3; lu an). 4. « Qui dira : J'ai purifié mon cœur,
- nel de mon péché? o Prov.. xx, 9. L'autre vie,
dont l'attente aurait dû réjouir les justes, ne leur appa-
raît que sous de sombres couleurs. Ils se rendent
compte que, mémo dans le sclièùl, la paix ne sera pas
encore faite entre eux et Dieu, parce que, dans le
passé lointain de l'humanité comme dans ses généra-
tions successives, il y a quelque cho«e qui empêche
une réconciliation complète et définitive. Cette réconci-
liation, les anciens l'attendent dans la personne du
Messie futur. Au lieu de porter leurs regards vers
celui qui fut l'origine de l'humanité, ils les tendent vers
celui qui, dans l'avenir, en sera le réparateur et le
Sauveur. N'ayant qu'une idée confuse du péché originel
et de ses suites, ils sont peu capables par là même
de se faire une notion exacte de ce que sera la rédemp-
tion. Néanmoins cette attente du Messie libérateur est,
dans l'Ancien Testament, la forme la plus concrète et
la plus positive sous laquelle on puisse reconnaître la
tradition du péché originel.
S0 Dans l'Évangile. — Quelques passages de l'Évan-
gile font allusion au péché originel; mais cette allu-
sion ne peut être comprise que si l'on a présente à
l'esprit la notion de la chute et de ses conséquences.
Ainsi la lumière du Verbe « luit au milieu dc^s
ténèbres », Joa., i, 5; le Sauveur vient éclairer ceux
« qui sont assis dans les ténèbres et à l'ombre de la
mort ». Luc, i, 79. Saint Jean-Baptiste présente Notre-
Seigneur comme « l'Agneau de Dieu, celui qui enlève
le péché du monde », Joa., i, 29, c'est-à-dire ce péché
dont les conséquences pèsent sur le monde entier. Si
on ne renaît de nouveau, on ne peut voir le royaume de
Dieu. » Joa.. m, 3. C'est donc que la vie transmi
Adam ne suffit pas pour conduire l'homme au salut.
Les justes de l'ancienne loi en font l'expérience dans
le scltëôl; mais « l'heure vient où ceux qui sont dans
les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et
ceux qui ont fait le bien en sortiront pour ressusciter
à la vie t.. Joa., v, 25,28, 29. Le Sauveur fait annoncer
que « le royaume de Dieu approche », Luc, x, 9, par
conséquent que l'état de choses antérieur, même sous
li- régime île la Loi, n'était pas le royaume de Dieu, la
vraie voie du salut. Il dit aux Juifs, qui se glorifiaient
d'être enfants d'Abraham : o C'est seulement si le Fils
vous délivre, que vous serez vraiment libres. » Joa_,
vin, 36. Une servitude générale s'imposait donc à tous
les hommes. Enfin, par deux fois, Joa.. xn. 31; xiv. 30,
le Sauveur appelle Satan le « prince de ce monde ».
Satan y règne en maître, en effet, depuis sa victoire sur
le premier homme; mais « il va être chassé dehoi-
d'aflleurs il n'a rien à lui en Jésus, qui a pris la des-
cendance mais non la servitude d'Adam. — On ne peut
tirer aucune conclusion, touchant le péché originel,
du texle de Joa., ix, 2. Voir Mal, t. îv, col. 601,
i». Quand les pharisiens disent à l'aveugle guéri qu'il
est « né tout entier dans le péché », ils ne songent
pas au péché originel, car ils ne s'appliquent certes
pas cette remarque à eux-mêmes. Joa.. IX, 34.
4 Dans saint Paix. — 1. Saint Paul dégage la notion
du péché originel avec précision dans son Épiti
Romains. Pour faire ressortir toute la signification de
la rédemption, il établit un parallèle entre Jésus-Christ
et Adam, et il écrit : '< Ainsi donc, comme par un seul
homme le péché est entré dans le monde, et par le
péché la mort, ainsi la mort a passé dans tou-^ les
lien, mes, parce que (È<p'<?) tous ont péché (Vulgate :
in quo, « en qui » ou « en quoi » tous ont péché)...
Par la faute d'un seul, tous les hommes sont moi
Le jugement a été porté' a cause d'une seule faute pour
la condamnation... Par la faute d'un seul, la mort a
régné par ce seul homme... Par la faute d'un seul. la
condamnation est venue sur tous les hommes... Par la
! sobéissance d'un seul homme, tuu- cuit été constitués
pécheurs. ■ Rom., v, 12-19. Cel en-, ign nt de
l'Apôtre éclaire le récil de la Genèse. Au paradis ter-
restre. Adam était doue, dans I.' pensée de Dieu, I
repn -entant de l'humanité, repn sentant dont l'huma-
nité serait mal venue à se plaindre, puisqu'il jouissait
de l'innocence et de tous les dons divin-,. Adam subi
sail l'épreuve au nom de toute sa postérité. Seul il a
15
PECHE ORIGINEL
PECHEUR
16
péché personnellement, mais en lui et par lui. Uni-
on! péché, tous ont désobéi, tous ont encouru la mort
et la condamnation. En cela, Adam a été la figure de
celui qui doit venir. 7,-0: roû |AÉX).ovtoç, forma fuluri,
Rom., v, li ; il a été pour l'humanité, au point de vue
du péché et de la condamnation, ce que Jésus-Chrisl a
été au point de vue de la réconciliation et de la vie. Con-
formément à cette doctrine, l'Église enseigne que l.i
rication d'Adam a nui, non à lui seul, mais à sa des-
cendance; qu'il a perdu à la fois pour lui et pour nous la
sainteté et la justice qu'il avait reçues de Dieu: que
souillé lui-même par son péché de désobéissance, il a
transmis à tout le genre humain, non seulement les
- du corps, mais aussi le péché qui est la mort de
l'âme ■. Conr. Trid., sess. v, De pecc. ov\g.t 2. —
voir Tunnel, Histoire de la théologie positive, Paris,
1904, p. 87, 2-26, 412. H. Lesètre.
PÉCHERESSE de l'Évangile. Luc, vu. 37. 39. Voir
Marie-JIadeleine, t. 1, col. 810.
PÊCHEUR (hébreu : davvdg, dayyâg; Septante :
i)t£Jç ; Vulgate : piscalor), celui qui fait métier de
pécher des poissons. — 1 Isaïe, xi.x. 5-8, décrit la déso-
lation des pêcheurs égyptiens lorsque le châtiment
frappera leur pays, que le Heine et les canaux tariront
et que la pêche deviendra impossible. Les pêcheurs
égyptiens faisaient de superbes captures. Sur une pein-
1 Pêcheurs du tombeau di Rahotep à Meidoum.
O'oprèf 1 ndei Pétrie, Meidum, n-4», Londres, 1892, pi. xn
2. Dans d'autres passages, saint Paul se réfère à la
môme doctrine. Il appelle » vieil homme » l'homme
lit d'Adam. Itom.. vi, ti; Eph., i\. 22 .
Col., 111, 9. Il écrit aux Corinthiens que « par un homme
1 morl ». [Cor., xv, 22. Aux Ephésiens, 11, 2-
:: offenses el vus péi hi »,
ls vous marchiez auti 1 foi selon le train de
ce monde, selon le pi ince de la puissance de l'air, de
l'espi h qui agit maintenanl dans les Bis de la désobéis-
• lions par nature enfants de colère,
'' "' les autres. « Fils d Idam prévaricateur el
volontairemenl 1 -, di 1 e m le, 1rs
hommes ne peuvent qu - tre tl antipa-
thiques .1 D
Le péché originel, qui souille loul homme venanl en
ce nde, n 1 p.. s alteinl le Fils de Dieu incarné.
1 Pet., 11, 22; I Joa., m, 5; .1-.... vin, 16. L'Église a
di i"" que la v linte Vii rge, en mi,- de mérites d
,llxi" Ffoi ,,,,.. e| ,, ,
pas cessé d être un seul instant 1 pleine de gi
auxyeuxde son Créateur. Luc, 1, 28. - Sur l'inter-
i"' '■ les Pèi .... du ,
5. — Pêcheurs de nos jours, à Ain Tobagba, sur les bords
iln lac de Tibériade. — D'après photographie de
M. L. Ilcidct (1899
Un' de Mridonm. on voit trois pécheurs; deux d'entre
rux transportent un latus presque aussi grand qu'eux
(fig. V}. Sur un tombeau de Beni-Hassan, un pécheur
lient deux poissons qu'il a piqués d'un seul coup de
fourche, cf. Rosellini, Monument) civi'i, pi, xxv, 1, et
sur le tombeau de Ti. six pécheurs montés sur deux
barques sont occupés à relever une nasse. Voir PÉCUE,
lie. 2, col. 5. .léhovah appelle contre les Israélites infidèles
i des pêcheurs pour les pécher . c'esl à-dire des enne-
mis pour s'emparer d'eux el les tenir en captivité. .1er.,
\\ 1. Iii. Ëzéchiel, xi.vn, 9-10, prédit que, dans la nouvelle
Terre Sainte, les eaux de la mer Morte seront assainies,
qu'il > abondera des poissons de toute 1 spèce, que des
pécheurs se tiendront sur ses bonis el qu'ils jetteront
leurs filets d'Engaddi à Engallim. Cela signifie que,
dans le royaume du Messie, il n'j aura point de pays
deshérité et abandonné, mais que la vie de la grâce
se répandra partout. — -2 Plusieurs des Apôtres
exerçaient le métier de pécheurs sur le lac de Tibériade
(fig ô quand le Sauveur les appela à sa suite. Tels
étaient André, Pierre, Joa., 1. W il, Jacques le Majeur
17
PECHEUR — PECTORAL
18
•et Jean. Mat th., iv, 21. Pendant la vie publique de
Notre- Seigneur, et même après sa résurrection, ils
continuèrent à pêcher quand l'occasion s'en présenta.
Matth., iv, IS; Marc, i, 16; Luc, v, 2; Joa., xxi, 3. —
3° En les appelant à lui, Notre-Seigneur leur signi-
fia qu'il voulait faire d'eux des pécheurs d'hommes.
Matth., iv, 19; Marc, i. 17. Les Apôtres devaient donc
consacrer à la conquête des âmes un labeur, une adresse,
une patience analogues à ce qu'exigeait d'eux la pèche
des poissons. En souvenir de cette mission, les pre-
miers chrétiens représentèrent, dans les catacombes,
saint Pierre sous la figure d'un pécheur dont la ligne
tire de l'eau un poisson (lig. 6). Quant à l'anneau du
<3. — Saint Pierre, pêcheur d'âmes. Cimetière de Saint-Calliste.
D'après Allard, Rome chrétienne, pi. vi.
pêcheur, dont se sert le Souverain Ponlife, on ne com-
mence à en faire mention qu'au xiii" siècle. Cf. Dict.
d'archéologie chrétienne, t. i, col. -2-210.
H. Lesètre.
PÉCHEUR, PÉCHERESSE(hébreu:/m((d',pos:;m,
haltaàh; Septante : â[iapT<o>.o; ; Vulgate : peccator,
peccatrix), celui ou celle qui commet habituellement
le péché et y persévère.
ln II y a différentes sortes de pécheurs : celui qui est
perverti dès le sein de sa mère, Ps. lviii (lvii). 4; celui
qui fait le mal pendant une longue vie de cent ans,
Is., lxv, 20; celui qui entasse péchés sur péchés,
Eccle.. vm, 12; Eccli., m, -29; v, 5, 6; vu. 8; celui qui
boit l'iniquité comme l'eau, Job. XV, 1(5; celui qui se rit
du péché, l'rov.. XIV, 9; Eccli., XXVII, 11, et se glorifie
de ses passions, Ps. X, 3; celui que la vue du juste fait
entrer en fureur, Ps. exil (CXI), 10; celui qui fait com-
mettre le mal aux autres, III Reg., xv. 31; xvi. 19; voir
Scandale; celui qui abuse de la patience de Dieu en
disant : « J'ai péché, que m'est-il arrivé de fâcheux? »
Eccli., v, 3; celui qui se vante de sa prospérité,
Ps. xciv (xcin), 3, 4; voir Impie, t. m, col. 846; le pé-
cheur hypocrite qui a sur les lèvres les préceptes.
Ps. L (xlix), 16, ou la louange de Dieu, Eccli., xv, 9;
le pécheur impénitent, Joa., vin, 21, etc. ; le pécheur
persécuteur, Matth., xxvi, 45; Marc, xiv, 41 ; Luc, xxiv,
7; et d'autre part le pécheur humble et pénitent,
Luc, v, 8; xvin, 13, alors même que sa pénitence est
tardive. II Reg., xn, 13; Luc, xxin, 42, etc. — 2° Le
pécheur, haï de Dieu à cause de son péché, Eccli., XII,
7, peut fleurir comme l'herbe, ii sera exterminé à
jamais, Ps. xcn (xci), 8; le péché même le fera périr,
Ps. xxxiv (xxxin), 22; Prov., xm, 6, 21, et des maux
de toutes sortes s'abattront sur lui. Ps. xxxn (xxxi),
10; i.xxv (lxxiv), 9; xci (xc), 8; cxxix (cxxvin), 4;
cxlvi, 6; Prov., xi, 31; Eccli., v, 7; XL, 8; Is., i, 28;
Am., ix, 10, etc. Le Psaume xxxvn (xxxvi), 12-34, décrit
longuement le sort malheureux qui attend le pécheur.
Le livre de la Sagesse, n, 1-25; m, 10-13; IV, 16-20;
v. 1-14, met en scène les pécheurs d'abord dans leurs
joies coupables sur la terre, ensuite dans leur déses-
poir de l'autre vie. — 3° Le juste ne doit pas fréquenter
le pécheur. Ps. I, 1; Tob., iv, 18, etc. Ils ne sont pas
plus faits pour aller ensemble que le loup et l'agneau.
Eccli., xm, 21. Aussi mieux vaut habiter sur le seuil de
la maison de Dieu que sous les tentes des pécheurs.
Ps. lxxxiv (lxxxih), 11. — 4° Dans l'Évangile. Notre-
Seigneur, sans cesser de condamner le péché, prend
compassion du pécheur dont il veut sauver l'âme. Il
permet aux pécheurs de venir à lui, Matth., ix. 10;
Luc, xv, 1; mange avec eux, Matth., ix. 11; Marc, n,
15, 16; Luc, v, 30; xv,2; xix, 7; se laisse appeler leur
.uni, Matth., xi, 19; Luc, vu, 34; déclare qu'il est venu
pour les sauver, Matth.. ix, 13; Marc, n, 17; Luc, v,
32; I Tim., i, 15, et que leur conversion cause grande
joie au ciel. Luc, xv, 7, 10. Traité lui-même comme
un pécheur par les Juifs, Joa., îx, 10, il est défendu
avec beaucoup d'énergie et de bon sens par l'aveugle
qu'il a guéri. Joa., ix, 30-33. Il appuie lui-même ses
déclarations en faveur des pécheurs par la conduite
qu'il tient envers la Samaritaine. Joa., iv, 1-12; Matthieu,
Matth., ix, 9-17; Marc, II, 13-22; Luc. v, 27-39; la
pécheresse, Luc, vu, 36-50; la Chananéenne, Matth., xv,
21-28; Marc, vu, 24-30; la femme adultère, Joa., vin,
2-11 ; Zacliée, Luc, xix, 1-10; le bon larron, Luc, XXIII,
43; Pierre, Joa., xxi, 15-18; Paul. Act., ix, 3-6, etc.
Tous les hommes sont pécheurs, à des degrés divers,
Rom., v, 8, 19; Gai., Il, 15 17; mais la volonté du Sau-
veur est que tous soient sauvés. I Tim., Il, 4.
H. Lesétre.
PECTORAL (hébreu : hosén, et plus habituellement :
hosèn ham-niiSpat ; Septante : i.ri-^.'yi Tôiv -/.ptirstov, et
fefea
l
^mmmmmwirv:^i
^
7. — Pectoral égyptien en or, avec un scarabée bleu au milieu
et un encadrement de pierres précieuses. Musée du Louvre.
une fois, Exod., xxvm, 4; nîpc<7iiî9io7 ; Vulgate : ralio-
nale judicii), ornement que le grand-prêtre portait sur
sa poitrine quand il devait entrer dans le sanctuaire.
On l'appelle aussi en français le rational. — 1° L'origine
du mot hosén est incertaine. D'après l'arabe haSan,
« être beau, » il pourrait avoir le sens d' «ornement ;
niais les versions ne favorisent pas cette étymologie.
Dans le premier passage où il soit question du hosén,
Exod., xxv, 7, l'auteur sacré en parle, sans aucune
explication, comme d'une chose bien connue et suffi-
samment désignée par son nom. Comme l'objet parait
être d'origine égyptienne (fig. 7), il est assez probable
que le nom l'est aussi. Beaucoup de personnages de
l'ancienne Egypte sont représentés avec un pectoral
(fig. 8), sorte d'ornement trapézoïdal qui se porte sus-
pendu au cou. Cf. Lepsius,.Oas Todtenbuch :1er Aegyp-
ter, Leipzig, 1812, c 125, pi. l; Mariette, Monuments
divers recueillis en Egypte cl en Xtibic, Paris, IS72,
pi. 24, 7i. 92; Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 239. Le pec-
toral trouvé sur la momie de la reine Aah-Hotep, mère
1<J
PECTORAL
20
du premii i roi de la XVIII1 dynastie, antéi ieur à Moïse,
, i décrit par Mariette, Notii e des monuments du
musée de i 263-264: La forme générale du
monument est celle d'un petit )iaos... Au cintre, Amo-
sis est représenté debout sur une barque. Deux divini-
tés, Ammon et Phré, lui versent sur la tête l'eau de pu-
rification. Deux éperviers planent au-dessus de la
comme des symboles du soleil vivifiant. Le tra-
vail de ce monument esl tout à fait hors ligne. Le
figures est découpé à jour; les figures elles-
sonl dessinées par des cloisons d'or dans
lesquelles on a introduit des plaquettes de pierres dures:
cornalines, turquoises, lapis, pâte imitant le feldspath
vert. Ainsi disposée, celte sorte de mosaïque, où cha-
rée de celle qui l'avoisine par un
8. — Grand tn i ter i \ ptien poi tant le | ectoral.
\ï\ - ) ptien du I
1 i ill in! lîlel d'or, i li ii, m- un ensemble aussi harmonieux
'!"'■ M.; i i \i ouroux, La Bible et les découvertes
1 i dit., i. m. p. 543; Les Livres s, nuis ri la
criliq . :■ édit., l. m, p, 123. Dieu vou-
lut que fi' ;. imuiI prêtre de son peuple portai nu orne-
ment nal i celui qui distinguail 1rs grands per-
so ptiens. 1 . ques l'appellent,
'in!- de /■,- ',,-. i parole, i ci
tept<rri Jio : q itoure la poitrine; « Josèphe,
ni- vu. 5, ii les autr rsion j recques :
fmmaque : Bâytov, i réceptacle. t
1 linàti ii du pec-
poitrine du grand-prêtre, ren
fermait .il i i. immim au moyen duquel Dieu
1 ti île, adopté
par la \ ul ad . vise à tradu , en le dérivanl
;< lieu di . , i ,,. i,,,!, . i \
■ ugement, i
n que Dieu rendait
;i" moyen de ce qu i n lil le pi i loral. 2 I e te li
lonne uni d a minutieuse di i doit
,I|V '•' I l,|,''l- Il '■ pi il mi arli ravaillé
• I 'I" même lissu que l'i pbod, comprenant l'oi la
i" "M re violetl rouge, le 1 1 isi el le lin. Voir
1 i ' i '■ il col. 1865. Il i [uadrai ulaire,
mais pas nécessairement celle d'un carre parfait; il est
double, c'est-à-dire replié sur lui-même de manière à
former une sorte de poche renfermant l'Urim et le
Thummim; sa longeur et sa largeur sont d'un zéref ou
empan, mesure comprise entre les extrémités du petit
doigt et du pouce étendus. Il porle quatre rangées de
pierres précieuses, toutes différentes et au nombre de
trois par rangée, Chacune de ces pierres, enchâssée
dans une rosette d'or, représente une des douze tribus
d'Israël dont le nom est gravi' sur elle (fig. 9). L'or-
dre dans lequel ces noms étaient disposés n'est pas
indiqué. Josèphe, ibid., pense que l'ordre suivi était
celui de la naissance, et c'est en effet ce qui parait le
plus naturel. Des chaînettes et des anneaux d'or ser-
vaient à fixer le pectoral, deux en haut et deux en
bas, aux épaulettes de l'éphodj de manière qu'il fût
Wïémwmm
9, Pectoral du grand-prètre juif. Essai de restituti t'aprèi
Schuster, dans Fillion, Atlas archèolog., 2 édit., pi. m r, fig. 12.
maintenu au-dessus de la ceinture de l'épliod. Josèphe,
ibid., lii que le i dorai rempli suii ainsi sur la poi-
trine l'espace laissé libre par l'éphod (fig. 10). Lé grand-
prêtre ne pouvait entrer dans le sanctuaire sans porter
ainsi sur son cœur les noms des fils d'Israël, g en sou-
venir perpétuel devanl Jéhovah. o Exod., wvm. 15-29;
\wi\. s-Jl : l.e\.. mii.s. Voir Grand-prètre, t. m, fig. 64.
col. 296. - Dans l'Ecclésiastique, xlv, 12, 11!, lepectonal
est ntionné parmi les ornements d'Aaron. Le texte
hébreu dil que Dieu lui lit porti r i le pectoral du juge-
ment, l'i pi n ni el la ceinture, ouvrages lissés de cramoisi,
les pierres précieuses sur le pectoral, gravées comme
.les cachets pour 1 inauguration (d Aaron . chaque pierre
ayant une écriture gravée en souvenir, suivant le nombre
,les tribus) d'Israël i . Les Septante rendent bemillu im,
g pour l'inauguration, » par (pyta î.tôoOpyoxJ, uvre
du graveur, g l.e texte hébreu esl d'ailleurs peu sûr dans
ce passage, el le premier des deux versets esl -
par les versions avec des variantes aSSeZ COnsidl l'ailles.
3° Les matièn qui entrent dans la fabrication du
pectoral, or, Bis richement teints el pierres précieuses,
symbolisent la dignité du grand-prêtre el surtout la
royauté suprême du Dieu donl il esl le ministre. Aaron
porte le pectoral o sur les deux i paules i el i sur te
cœur ', Exod., xxxui. li, 30, i en souvenir perpétuel
21
PECTORAL
PEINTURE
22
devant Jéhovah, » comme pour représenter devant le
Seigneur tout le peuple qui lui est consacré. Les pierres
précieuses rellètent la lumière du ciel, dont Jéhovah
est aussi le souverain. Elles sont disposées sur le pec-
toral quadrangulaire à peu prés comme les Israélistes
eux-mêmes le sont dans leur camp. Voir Camp, t. n.
col. 95. Il est évidemment impossible de déterminer
quelle relation symbolique pouvait exister entre chaque
pierre et la tribu dont elle portait le nom. Il n'y en
avait pas moins là une expression saisissante de cette idée
que, dans la personne du grand-prêtre, les douze tribus
étaient présentes pour rendre hommage à Jéhovah et
recevoir ses oracles. — Cf. Braun. De véstitu sacérdo-
10. — Le pectoral et l'éphod. — Essai de reconstitution
d'après les monuments égyptiens, par V. Ancessi, Atlas
biblique, in-4% Paris, 1870, pi. VI.
lum Hebrseorum, Leyde, 1680, n, 0, 7; Bâhr, Symbolik
des mosaischen Quitus, Heidelberg, 18)19, t. n. p. 104-
110,127-136. H. Lesètre.
PEIKHART François, commentateur autrichien,
né à Vienne le 14 janvier 16S4, mort dans cette ville le
•29 mai 1752. Il entra dans la Compagnie de Jésus en
1698 et fut longtemps professeur et prédicateur. Nous
a\ >.ii - de lui. en allemand, de longs commentaires sur
le- quatre Evangiles : Erklârung der Evangelischen
/': hreibung der IV Evangelischen. Ils parurent
d'abord à Vienne en 1752-1754, fuis à Munich et à In-
golsladt en 1753. L'édition de Munich est en 1 in-f°.
P. I!i ivp.d.
PEINES, châtiments. Voir Pénalités.
PEINTURE, art d'imiter, à l'aide des couleurs appli-
quées sur une surface, l'apparence naturelle des êtres
vivants ou des objets. — La loi qui proscrivait toute
image taillée et toute figure d'être animé, Exod., xx, 1,
. fut toujours prise par les Hébreux dans le sens le plus
strict. Ils s'en inspirèrent dans leurs monuments. De
plus, étant donnée la nature des matériaux employés
dans leurs grandes constructions et leur caractère suffi-
samment décoratif, on peut dire que la peinture leur fut
à peu près étrangère. Aussi, pour exprimer l'idée de
peindre », sont-ils obligés de se servir du verbe liâqâh
qui veut surtout dire « sculpter ■• et o graver ». Il est
bon néanmoins d'avoir quelque idée de ce que fut la
peinture chez les Égyptiens, les Assyriens, les Perses,
et les Grecs, à cause de quelques allusions bibliques et
aussi des illustrations qu'on en tire pour l'explication
du texte sacré.
1° Chez les Egyptiens. — Les statues étaient souvent
complètement peintes des pieds à la tète. Dans les bas-
reliefs, les personnages et les figures étaient enluminés,
sur un fond laissé à l'étal naturel. Pour exécuter ces
peintures, on se servait de couleurs dont la variété
s'accuse déplus en plus avec le temps. Les couleurs trop
coûteuses se remplaçaient par des imitations plus simples,
comme le bleu du lapis-lazuli par du verre coloré et réduit
en fine poussière. On délayait la couleur dans de l'eau
additionnée de gomme adragante, et on l'étalait à laide
d'un calame ou d'une brosse. Pour les surfaces planes,
sur lesquelles on tenait à fixer des scènes plus ou
moins compliquées, on commençait par dégrossir la
paroi à décorer et l'on appliquait sur la muraille encore
rugueuse un crépi d'argile noire et de paille hachée
menu, mélange qui produisait un enduit analogue à la
composition de la brique. La peinture fixée sur les sur-
f.ices ainsi préparées constituait de l'enluminure beau-
coup plus que de la peinture. L'artiste procédait par
teintes plates, juxtaposées mais non fondues. Tout en
obéissant à l'inspiration de la nature, il ne s'écartait
p i 'pendant de certaines formules de convention qui
caractérisent les procédés égyptiens de la première à
la dernière époque. On indiquait dans les ateliers la
couleur qui convenait à tel être ou à tel objet, et l'on
s'en tenait à celte donnée traditionnelle. Ainsi l'eau est
toujours d'un bleu uni ou strié de zigzags noirs. Les
chairs sont brunes chez les hommes et d'un jaune clair
chez les femmes, sauf un certain nombre d'exceptions
qui ne se constatent guère qu'à de rares et courtes pé-
riodes. Voir 1. 1, fig. 616, col. 193-2; t. n, fig. 384, col. 1067.
La perspective est à peu près inconnue. Les objets
représentés sont là, mais à leur place conventionnelle,
un canal, par exemple, à mi-hauteur du tronc des pal-
miers qu'il traverse, un bassin avec les plantations
dressées perpendiculairement sur les quatre faces,
des masses de soldats figurées par la reproduction
multipliée et identique du même individu, les diffé-
rentes scènes d'une même action juxtaposées ou super-
posées pour ne négliger aucun détail, etc. L'artiste lais-
sait au spectateur le soin d'interpréter, ce qui d'ailleurs
était facile, puisque tous connaissaient parfaitement la
convention traditionnelle qui réglait l'œuvre des pra-
ticiens. La représentation de l'être humain ne s car-
tait qu'assez rarement de certaines lois artistiques en
contradiction avec celles de la perspective, mais per-
mettant de caractériser facilement les principales
parties du corps. Ainsi presque toujours la tète, munie
d'un œil de face, se présente de profil. 1'' buste de face,
le tronc de trois quarts et les jambes de profil, o Les
maîtres égyptiens continuèrent jusqu'à la lin à déformer
la figure humaine. Leurs hommes et leurs femmes sont
donede véritables monstres pour l'anatomiste, eteepen-
danl il- ur sont ni aussi laids ni aussi risibles qu'on esl
porté à le croire, en étudiant les copies malencontreuses
que nos artistes en ont faites souvent. Les membres
défectueux sont alliés aux corrects avec tant d'ail
qu'ils paraissent être soudés comme naturellement.
I. !s lignes exactes el les fictives se suivent et se com-
plètent si ingénieus imenl qu'elles semblenl se déduin
23
PEINTURE - PÈLERINAGES
24
nécessairene-nl les unes des autres. La convention une i
ibis reconnue el admise, on ne saurait trop admirer
l'habileté technique dont témoignent beaucoup de mo-
numents... Chaque mur est traité comme un tout, et
l'harmonie d.-s couleurs s'y poursuit à travers les re-
■ superpos - : tantôt elles sont reparties avec
rythme el symétrie, d'étage en étage, et s'équilibrent
l'une par l'autre, tantôt l'une d'elles prédomine et
une une tonalité générale, à laquelle le reste
est subordonné. L'inti i ensemble est toujours
proportionnée à la qualité et à la quantité de lun
que le tableau devait recevoir. Dans les salles entière-
ment sombres, le coloris est poussé aussi loin que
possible; moins fort, on l'aurait à peine aperçu à la
vacillante des lampes et clés torches. Aux murs
d'enceinte el ^m- la face des pylônes, il atteignait la
puissance qu'au fond des hypogées; si brutal
qu'on le fit, le soleil en atténuait l'éclat. 11 est doux et
discret dans les pièces où ne pénètre qu'un demi-jour
voilé, sous le portique des temples et dans l'antichambre
des tombeaux. La peinture en Egypte n'était que
l'humble servante de l'architecture et delà sculpture.»
Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887. p. ITu.
198. Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux avaient
eu l'occasion de contempler certaines de ces peintures
d un caractère fréquemment idolâtrique et dans les-
quelles les dieux étaient habituellement représentés
avec des têtes d'animaux. Il était donc utile de I
munir contre tout.' idée d'imitation. Plus tard, l'auteur
de la Sagesse, xv, i. se moquera de ces idoles qui ont
une figure barbouillée de diverses couleurs, vain
travail d'un peint] I
2° Chez les Assyriens. — Les assyriens enduisaient
leurs maisons d'un stuc blanc, fait de plâtre et de
el assez souvent le décoraient de peintures en
détrempe, à teintes plates et sans modelé- dans les
Perrot, Histoire de l'an, t. n. p. 291. Plu-
- de ces peintures remontent à la plus liante anti-
quité chaldéenne. On a retrouvé' d'élégantes rosaces
formées par l'application sur le stuc de couleurs très
trancli — des bordures décoratives avec taureaux
- en blanc sur fond jaune et silhouettes ai eus es
par un.' large bandi noire, créneaux bleus et restons
multicolores, etc. Les tours .'i étages ont les degt -
ls, a partir du bas, en blanc, noir, rouge, jaune.
"ermillon, .,,-. a i intérieurdes salles, les bas-
rehefseux-mêmes étaient décorés en couleur, de sorteque
s *l'"'~ ' ' itures p. naissaient en être la conti-
l""li"" ' ' le prolonge nt, ce qui évitait un contraste
111,1 entre la blancheur des sculptures et la colo-
1 •'•- - stucs. Cf. Babi Ion, Arche* mtale,
1888, p. lit;. La brique émaillée entrai! aussi
Jupdansla décoration desédifices. VoirÉMMi .
[' "''"'■ '''-• "'"is une de srs visions, mi pays des
•'l:'1,1' ""-■ ! " chiel, vin, 10, mii,_.. ;, ces peintures,
dèles, quand il décrit, dans
■jpesalle retirée, i ti i iresde reptiles et
' /'""uaux ii mdes, el toutes les idoles de la maison
'"'" ' ''' ssinées sur la muraille tout autour, t Dans
'"'" vision, il voil Ooliba, c'est-à dire Jérusalem,
brulanl d amour pour les fils .1" l'Assyrie repn si nti -
en peintur, surla muraille avec une couleur vermillon.
I./'-i'" . wiii. li. i,,,., Jérémie, xxii. 11. avait sligma-
lls'; ' rois de Juda qui s'élevaieni de vastes
"''"""' i a vermillon.
" ■'!'' syriaque el arabe, il
rail ici non pas
mais de
levi rmillon, ..:,- Cf. Plii //. N., \\w
6, 13.
•i Chez 1rs Perses. - A Sus., la décoration poly-
chrorae a l'extérieur des -,■ composait de
briques émaillées ,mx vives couleurs, avec d'-
en relief pour imiter la sculpture assyrienne. ■ L'inté-
rieur de l'apadàna parait avoir été simplement colorié à
l'aide d'un stuc rouge monochrome que dissimulaient
d'ailleurs, à peu près complèlement, les riches tapis
et les draperies brodées dont les parois de toutes les
salles étaient tendues. » Babelon, Archéologie orientale,
p. 184. Le livre d'Esther, I, 6, mentionne ces tentures,
et non des peintures, comme traduisent les versions.
1 Chez les Grecs. — La polychromie des édifices et
des maisons était en grand honneur chez les Grecs.
L'inlluence s'en fit naturellement sentir en Palestine à
l'époque des Séleucides. On en a une preuve dans une
remarque faite en passant par l'auteur du second
livre des Machabées, n, 30 : « De même que l'architecte
d'une maison nouvelle doit embrasser dans sa pensée
tout l'ensemble de la construction, tandis que celui qui
se charge de la décorer et d'y peindre des ligures doit
se préoccuper de ce qui regarde l'ornementation...
Kn tous cas, cet art ne pénétra jamais dans le Temple,
où la couleur ne figurait que dans les tapisseries
S ou. à l'état naturel, dans les riches matériaux
plus ou moins ouvragés qui entraient dans la construc-
tion, pierre, cèdre, bronze, or. etc. .loséphe, Bell.jud.,
Y. v. i. note que même dans l'ornementation des por-
tiques du Temple, aucun peintre de ligures, j.rji;^:.
n'avait eu à travailler. La peinture décorative, la seule
dont il puisse être question, était donc exclue de l'édi-
Bce sacré. Différents textes semblent.au moins dans les
versions, se rapporter à la peinture. 11 lteg.. VI, 29, 32 :
Prov.. vu, 16; Jer.. iv, 30; Ezech-., xi . ti; Eccli., XXXVIII,
is. En réalité, il n'y est question que de sculpture ou
de teinture. H. Leslthe.
PEIRCE James, controversiste protestant, né à
Londres en 1673, mort à Exeter le 30 mars 1726. Il étu-
dia en Hollande, à Utrecht et à Leyde. De retour en
Angleterre, il prêcha à Londres, et en 1713 devint mi-
nistre d'une église non conformiste à Exeter. Cinq ans
plus tard il devait renoncer à ce poste à cause de ses
doctrines sur la Trinité: mais peu après il ouvrait un
nouveau temple dans la même ville. Prédicateur cé-
lèbre, il eut de longues discussions avec les anglicans
et presque tous ses écrits ont Irait à ces controverses.
Nous devons cependant mentionner l'ouvrage suivant :
1 | araphase and notes on ihe Epistles of St. l'aul to
llie Colossians, Philippians and Hebrews, after the
teroj Mr. Locke to wich are annexederilical dis-
sertations on parlicular tes (s o/ Si ripture. With a pa-
raphrase and notes on the three lasl chapter» of the
Hebrews, left uni nUhed >"i Mr. Peirce; andati
/,, discover tin- autor of the Epislle, and language En
with il was written, '<;/ Joseph Hallel, '-" édition, m-1 '.
Londres, 1733. Cet ouvrage, dont la 1" édition avait
paru en 1725-1727, fut traduit en latin par Michaëlis en
1717. — Voir W'.ilrli, Bibliolh. theologica, t. iv. p. H7.">.
736; W. Orme, Biblioth. biblica, p, 344.
P. llll l'.ll 1:1/1.
PELAGE (hébreu : hàbarbiti ô( . Septante : scoixf) ax-x:
Vulgate . oarietales . la robe d'un fauve, donl les poils
diversement colorés donnent an aspect spécial à chaque
espèce. — Le mot hébreu, exactement rendu par les
i-. .1 isigne les tache- noires qui sont dissémi-
sur le dos jaune du léopard. L'Ethiopien ne peu!
pas plu- changer sa peau que le léopard les taches *\r
son pelage. 1er . xm, 23. Von- Ni cri s, t. ix. col
Sur le procédé employé par Jacob pour obtenir d'-s
brebis tachetées de différentes nuances, Gen., xx\. 37-
;:;, voir Bri bis, 1. 1, col. 1918. II. Lesi
PÈLERINAGES, voyages que les Israélites étaient
obligés de faire à Jérusa len aux trois fêtes principales.
I La Loi obligeait tous les ho tes à se présenter
trois fois l'an devant Jéhovah, Exod., xxiit. 17: xxxiv.
25
PELERINAGES
PELICAN
2G
23, à la fêle des azymes ou Pàque, à la fête des se-
maines ou Pentecôte et à la fête des Tabernacles. La
loi ajoutait qu'en ces occasions il ne fallait pas venir
les mains vides, mais que chacun devait apporter ses
offrandes selon les bénédictions que Dieu lui avait
accordées. Deut., xvi, 16-17. Cf. II Par., vin, 13. Voir
Fêtes juives, t. n, col. 2218. — Sur la manière dont les
pèlerins se rendaient à Jérusalem, voir Caravane, t. n,
col. 249.
2" L'obligation légale ne visait que les hommes. Pra-
tiquement, on déclarait exempts de cette obligation les
sourds, les faibles d'esprit, les enfants, les orphelins,
les femmes, les esclaves, les estropiés, les aveugles, les
malades, les vieillards, et en général tous ceux qui ne
pouvaient faire le chemin à pied. Cf. Chagiga, I, 1. Par
enfant, on entendait, d'après Schammaï, celui qui ne
pouvait plus être transporté de Jérusalem au mont des
Oliviers que sur les épaules de son père, et d'après llillel,
celui qui n'aurait pu faire ce chemin en tenant la main
de son père. Du récit de saint Luc, II, 42, il ressort
que l'enfant n'entreprenait le pèlerinage qu'à sa dou-
zième année. Encore faut-il tenir compte de la dis-
tance à laquelle il se trouvait de Jérusalem. Les
docteurs étaient plus sévères pour la fête des Taber-
nacles, î es femmes, les esclaves et les enfants en
étaient exempts. Mais, parmi ces derniers, l'obligation
s'imposait à ceux qui pouvaient se passer de leur mère
et qui étaient capables d'agiter le rameau de la fête ou
lulnli. Cf. Sukka, n, 8; m, 15. Les Israélites de l'étranger
ne se dispensaient pas de ces pèlerinages; ils venaient
à la ville sainte au moins de temps en temps. Ils arri-
vaient par milliers de tous les points cardinaux, les
uns par terre, les autres par mer. Cf. Philon, De
inonarch., n, 1, édit. Mangey, t. n, p. 223. Cf. Josèpbe,
Ant. jud., XVII. Il, 2; XVIII, ix, 1; Yoma, vi, 4;
Taanith, 1, 3.
3° Un mois avant chacune de ces trois fêtes, on com-
mençait à instruire le peuple de tout ce qui concernait
la solennité. Quinze jours plus tard, ou procédait à la
décimation des troupeaux, on recueillait le montant de
l'impôt et l'on tirait du trésor du Temple ce qui était
nécessaire à l'usage commun pendant la fête. Cf. Sche-
kalin, m, 1. Tout était préparé dans le pays pour
l'utilité et la sécurité des pèlerins, les chemins remis
en état, les puits débarrassés de leurs pierres, les
sépulcres reblanchis, les ponts consolidés, les places et
les rues de Jérusalem laissées à la disposition de ceux
qui devaient y camper. Là où il y avait lieu de le faire,
on donnait l'eau de jalousie à boire aux femmes sus-
pectes d'adultère (voir t. n. 1522), on immolait et on
consumait la vache rousse (voir t. n col. 407) et l'on
perçait les oreilles des esclaves (voir t. IV, col. 1857).
Deux ou trois jours avant la fêle on purifiait soigneuse-
ment les vases et les ustensiles qui devaient servir ce
jour-là.
4° Dans la Mischna, le traité Chagiga s'occupe de
l'obligation d'aller à Jérusalem aux trois grandes fêtes
et des devoirs qui s'imposaient alors à l'Israélite; le
traité Moed katan a pour objet les jours intermédiaires
de la fête, et le traité Beza ou Yom tob indique ce
qu'il est permis de faire les jours de fête' ou de
sabbat. On voit dans ces traités que les Juifs recon-
naissaient six jours de fête majeure, appelés yâmîm
lohhn. « jours bons » ou « grands jours » : le premier
et le septième de la Pàque, celui de la Pentecôte, le
premier et le huitième des Tabernacles, et le premier
de tischri ou commencement de l'année civile. Cf. Bosch
haschana, î, 1. En ces jours, le travail était défendu,
mais moins strictement qu'au jour du sabbat, car il était
permis de cuire les aliments préparés la veille.
Cf. Gem. Jerus. Yebamoth, 8, 4. Sur ces six jours, i!
y en avait quatre, le premier de la Pàque, celui de
la Pentecôte, le huitième des Tabernacles et le
premier de tischri qui se distinguaient des autres
par les sacrifices qu'on offrait et les festins aux-
quels on se livrait. Saint Jean, vu, 37, remarque
que le dernier jour de la fête des Tabernacles était
« le jour le plus solennel ». Les jours intermédiaires de
la Pàque et de la fête des Tabernacles étaient moins
solennels. Saint Jean, vu. H, fait encore allusion à l'un
de ces jours. On y pouvait terminer les travaux qui ne
seraient pas restés en souffrance sans inconvénient ou
dommage. Cf. Sota, ix, 10. Il était également permis
de se livrer à des travaux d'utilité publique et immé-
diate, comme le blanchissage des sépulcres à la chaux,
ou à d'autres couvres urgentes, comme l'arrosage d'un
champ desséché, etc.
5» On profitait de ces fêtes pour offrir un grand nom-
bre de sacrifices, qu'on réservait jusqu'à cette occasion,
comme ceux qui étaient prescrits aux femmes devenues
mères, à ceux qui étaient atteints de flux, etc. Cf. Joa.
m, .V) [ut sanciificarent seipsos). De plus, la Loi or-
donnait expressément de ne pas se présenter les mains
vides devant le Seigneur. Exod., xxm, 15; Deut., xvi.
10. 17. Chacun se faisait donc un devoir d'offrir un
holocauste pendant le cours la fête, et, le premier
jour, un sacrilice pacifique dont on pouvait manger
ce jour-là, la nuit et le jour qui suivaient. Ces
sacrifices prenaient le nom de hagignh, ou sacrifices
de la fêle. Celui qu'on offrait le 14 nisan poi
être mangé avant l'agneau pascal. Si ces deux saeri-
lices n'avaient pas été offerts dès le premier jour, on
pouvait les offrir les autres jours de la fêle, et, pour
la fête de la Pentecôte qui ne durait qu'un jour, pen-
dant les six jours suivants. Cf. Moed kalon, m, 6;
Chagiga, î, 6.
6» A ces sacrifices devaient s'ajouter des festins de
joie et de reconnaissance. Deut., xxvn, 7. L'Israélite
devait inviter, au moins à la fête de la Pentecôte, outre
son lils, sa fille, son serviteur et sa servante, le lévite
l'étranger, l'orphelin et la veuve. Deut., xvi, 11, il.
On y mangeait ce qui avait été offert dans les sacri-
fices pacifiques de la fête et même ce qui provenait de
la (lime des animaux. Les prêtres célébraient leurs fes-
tins avec ce qui leur revenait de ces sacrifices. On re-
gardait les femmes comme obligées à prendre part à
ces festins.
7» On profitait de l'affluence amenée par ces fêtes
pour exécuter les criminels, afin d'inculquer à tous
une crainte salutaire. Deut., xvn, 13; xix, 20. Cf.
Sanhédrin, xi, 4. On ne procédait cependant à l'exécu-
tion qu'avant le commencement de la fête, comme il
fut fait pour Notre-Seigneur, ou après son dernier jour,
comme Hérode Agrippa se le proposait pour saint
Pierre. Act., xil, 4. Cette aflluence et ces festins
n'allaient pas sans occasionner parfois certains dé-
sordres, surtout à l'époque de la domination romaine.
Cf. Josèpbe, Bell, jud., I, m, 2-4 ; Matth., xxvi, 5. Aussi
les procurateurs avaient-ils coutume d'être eux-mêmes
présents à Jérusalem pendant les fêtes avec toute leur
garnison, et même ils postaient une cohorte en armes
sous les portiques du Temple afin de maintenir l'ordre
et d'obvier à toute tentative de troubles. Cf. Josèpbe,
Ant. jud.. XX, v, 3. — Reland, Antiquilates sacras,
Utrecht, 1731, p. 224-228; Iken, Antiquilates hebraicœ,
Brème, 1741, p. 305-307. — Sur les voyages entrepris
pour porter les prémices à Jérusalem, voir Prémices.
II. Lesètre.
PÉLICAN (hébreu : qd'af; Septante : t.i'i t/.i/ : Yul-
gate : pellicanus, onocrotalus), oiseau palmipède, type
de la famille des pélécanidés (lig. 11). — Le pélican
est un oiseau dont la taille atteint quelquefois deux
mètres. Son bec seul a près de cinquante centimètres;
il est droit, large, déprimé, avec une mandibule infé-
rieure composée de deux branches osseuses qui servent
de soutien à une grande poche nue et dilatable, dans
27
PÉLICAN - PÉLUSE
28
laquelle l'oiseau amasse une forte quantité d'eau el de
poissons. Le p'lican fréquente les bords des fleuves,
de la mer. il nage avec une merveilleuse
té et est en mesure de foire une chasse très
active aux poissons qui composent sa nourriture. Le
,, atifiqui ittribué au pélican
à cause d'une certaine ressemblance entre son ci i et
1, braimenl de l'âne. Sur le bord du lac de Tibériade,
on trou- fréquemmenl le pélican, pelecanus ono-
tienl ordinairemenl en troupes nom-
plusieurs centaines d'individus, près de l'en-
droit où le Jourdain forme un estuaire. Ces gros oiseaux
ici ut i ii cercles immenses sur un seul rang
ii rement disposés el espacés,
se livn ni à une pêche active, la tête toujours dirigée
vers le centre du cercle. Ils sont trop sauvages pour se
il.
Le pélican.
laisser voir de prés, mais avec la longue-vue nous
avons pu souvent examiner leurs manœuvres singu-
lières. Lorsque la pèche a élé fructueuse et leur poche
cervicale convenable menl remplie de poissons, ils se
retirent au milieu des roseaux, dans quelque golfe
t, pour se livrer alors en paix au travail de la
mastication et de la digestion ». Lortet, La Syrie
urd'hui, Paris, 1884, p. 511. Le pélican dégorge
1rs provisions qu'il a amassées en pressant sa mandi-
irentre. il semble alors les
hi breu de qà'af, tiré du verbe
vomir, i 11 agit ainsi, soit quand il est alarmé el
pour fuir plus aisément, il se débarrasse du far-
deau qui ' tardi rail a cour e, s, .il quand il veul
doi ' ' man ■ r à ■ ■ - pi til D'une observation incom-
d ip Tte te pélican, on a
conclu qu'il s'ouvrait lui-même le ventre pour nourrir
ses petits. Saint Augustin, \n Ps.t r,8,t.xxxvil,col.l299,
enregistre la tous la forme suivante : l'oiseau
tue ses petit à coups de becetensuite porte leur deuil
dans - ml pendant trois jours; au bout de ce In,, p.
'■ -r* se t'ait i e un , lve blessure et ré-
pand bob sanj sut pi tits, qui aussitol reprennenl
la vie. ' . qui rend la | im ,g, ,i„ sang
du Sauveur. La légende el son application se sonl géné-
raliséesau moye et ont pris place dans l'iconogra-
phie chrétienne. Le pélican Ml,, ent0Uré
de ses petils et les nourrissant au moyen d'une bles-
sure qu'il s'est faite. Saint Thomas, dans l'hymne
,1c', ,ro te, appelle Jésus-Christ g compatissant pélican ■•;
mais, dans le développement de cette idée, il reste
lidèle à la donnée de saint Agustinet considère l'acte de
l'oiseau symbolique comme destiné à purifier et à vivi-
fier au moyen du sang et non à nourrir. — La Sainte
Écriture parle du pélican pour défendre de l'employer
dans l'alimentation. Lev.. xi, 18; Deul., xiv, 17. Lie fait,
sa chair n'est pas* mangeable. Un Psalmiste. en proie
à de dures épreuves, se c pare au pélican du ;
et au hibou des ruines. Ps. cil (Cl), 7. Le pélican au
repos a un air grave et mélancolique qui ligure bien
les apparences du chagrin. Le désert qu'il habite est
naturellement situé sur le bord des eaux, puisque cet
oiseau ne vit que de poisson. La présence du pélican
d m- des endroits précédemment habités indique que
ces lieux sonl devenus déserts et en ruines. Il en si l i
ainsi du pays d'L'dom, dont les torrents seront dessé-
chés, Is.. xxxiv, 9, 11, el de Ninive. Soph., II, li. A
Ninive, les pélicans trouvèrent à vivre dan- les
du Tigre. Ils sont nombreux en Egypte sur les I Is
du Nil et dans les marécages du Delta. En Iilumée. ils
n'auront à leur disposition que les eaux de la mer
Morte et du golfe Êlanitique. Mais il faul observer
qu'ici le prophète Isaïe prend Edom comme type de
toutes les nations condamnées par la justice divine et
attribue à leurs territoires en général les signes de
désolation qui ne conviennent qu'à certains d'entre
eux. Les Septante traduisent qà'at dans lsaie par
opvsov, « oiseau, » et dans Sophonie par y_a\i.aù.èov,
0 caméléon. » II. LesÉTRIî.
PELLEGRINI Alexandre, commentateur italien, né
à Matelica en 1600, mort à Home en ltii7. II entra au
noviciat de la Compagnie de Jésus en ll'.Jl el remplit
diverses charges dans son Ordre. Il nous reste de lui
un commentaire assez long el assez original : Evange-
lium secundum Matthxnm paradoxis illustralutn. 11
comprend deux volumes parus le premier à Rome 0
1638 et le second à Lorette en 1745. P. lii.i.utti.
PÉLUSE (hébreu :Sin; Septante: lié/, Su^v-j), ville
d'Egypte. — I. Nom kt siti:. — Le nom que la Vulgate
rend par Péluse est Sin en hébreu. Les Septante le tra-
duisent parSâ't'v, Ezech., xxx. 15, el Su^vrj, 16. Le I
Alexandrinus porte Tâviv Su lieu de£âïv,le Afarc/iaHa-
iius a Sais aux deux endroits. Cela semble indiquer que,
pour les Septante, ou du moins pour les copistes des
plus anciens codices, le mot Sin n'offrait rien de précis
et qu'on étaii embarrassé pour l'identifier. Évidemment
--,1,1c, est ici fautif : il ne traduit pas Sin. mais s
tn'li, Ezech., xxix, 10. xxx. 0. la li> K._. > -m des
Egyptiens, la cof&Ji des Coptes, la Syène des Romains,
l'Assouan des Arabes. 11 faut en dire autan i
•■ f- \
qui est le nom grec de 1 n, Zdn ou Djan, en hi
So'an. Ezech., xxx, 14. Cf. Is.. \i\. i; Ps. xi.vii (xlviii),
12, 13. C'esl la moderne S.'im cl-llaggai . Huant à Eiïv, ce
pourrait être l'accusatif de - ... et alors nous aurions la
ville de ? jk^?' ®ai S'"s- aujourd'hui Sa eUHaggar,
capitale ifi1 la xwi dynastie et située sur la branche de
Rosette, dan- le Delta occidental. .Mais le contexte
d'Ezéchiel nous interdit de songer à une pareille iden-
tification. Contre les ennemis qui doivent venir de l'Asie,
Sin est désignée comme la force dou i le remparl de
1 Egypte », \\\. 15, el cela vise de façon assez claire la
frontière orientale du Delta. C'est en cet endroit qu'il
nous faut la chercher. Siïv pourrait encore à la rigueur
être un mot indéclinable et, dans ce cas. rendre tant
bien que mal Sin qui relève du dialecte chaldaïque et
devient Seydn dans le dialecte aramaïque, Or Sin, *i-yii>.
20
LU-1
PELUSE
30
■emporte le sens Ue\£feoue », tout connue n^.ouaiov
qui en serait alors l'équivalent greÔ^-Féluse était située
à l'extrémité nord du Dèka^orienjéwf à la bouche même
de la brandie du Xil à laquelle elle donna son nom, la
Pélusiaque. Les marais et les fondrières l'entouraient.
« Son nom, dit Strabon, XVII, i. 21, lui vient précisé-
ment de la boue et des marais : (ovo[i3ea7xi 5'»7;rj to-j
7a)XoO y.a'i tiuv -ù.ii.ituiv. » C'est appuyé sur cette analo-
gie, peut-être aussi sur quelque texte plus pur des
Septante et sur quelque tradition juive, que saint Jérôme
aura rendu Sin par Péluse. On n'a guère contesté cette
assimilation de noms, assimilation que rappelle encore
aujourd'hui la dénomination de Tinéh, «boue, » donnée
par les Arabes à un fort en ruines de Péluse. Cf. d'An-
ville, Mémoires sur l'Egypte ancienne et moderne,
1700, p. 90-97; Steindorlï, Beitràge :ur Assyriologie,
t. i, 1890, p. 589,- Griffith, art. Sin, dans Hastings, Dic-
tionary of the Bible, t. iv. p. 336.
II. Son importance. — Doublement importante était
Péluse, comme station commerciale et comme poste
militaire. Par la mer arrivaient à elle les vaisseaux
phéniciens, cypriotes et grecs. De là ils pénétraient dans
l'intérieur du pays, surtout depuis Psammétique Ier
(663-609 avant J.-C.) qui avait favorisé l'établissement
des Grecs dans la région extrême de la branche pélusia-
que. Hérodote, H, 154. Par terre, six à sept jours de
marche seulement séparaient Péluse de Gaza : elle
était donc le confluent des caravanes et un point central
du trafic entre l'Asie et l'Afrique. En conséquence, elle
était aussi le poste le plus exposé aux ennemis de l'est :
Péluse prise, les conquérants tenaient la clef de l'Egypte,
et la route de Memphis s'ouvrait devant eux. Mais sa
ceinture de marais la rendait difficilement abordable.
« On s'explique par cette disposition des lieux comment
l'entrée de l'Egypte est si difficile du coté du Levant,
c'est-à-dire par la frontière de Phénicie et de Judée,
seule route pourtant que puisse prendre le voyageur qui
vient du pays des Nabatéens, bien que cette partie de
l'Arabie, la Nabatée, soit elle-même contiguë à l'Egypte.
Tout l'espace compris entre le Xil et le golfe Arabique, dont
Péluse se trouve former le point extrême, appartient en
effet déjà à l'Arabie et n'offre qu'un désert ininterrompu
qu'une armée ne saurait franchir. » Strabon, XVII, i,
'21, traduction Amédée Tardieu, t. m, p. 426. C'est
pourquoi les Pharaons qui se souvenaient des campagnes
d'Asarhaddon et d'Assurbanipal durent mettre à profit
cette situation avantageuse, ce chemin nécessaire des
envahisseurs, et en faire le boulevard contre lequel,
dans leur pensée, viendrait se briser la vague des
peuples asiatiques. Quelques années après la première
campagne de Xabuchodonosor (583), Amasis en éloigna
même les mercenaires grecs et leurs colonies par
crainte de les voir faire cause commune avec l'ennemi,
et les remplaça par des troupes plus sûres. Hérodote,
il, 154. Xabuchodonosor menaçait de nouveau l'Egypte.
Dès 571, Ézéchiel, xxix, 1, avait annoncé le retour du
Chaldéen. Malheureusement les documents égyptiens
que l'on possède nous laissent ignorer jusqu'au nom de
Péluse. Hérodote nous permet d'y suppléer. Il a connu
la branche pélusiaque. n, 17, 151; il nous raconte l'en-
trée en Egypte de Cambyse en 525, sous le règne de
Psammétique III. Le Pharaon vint attendre le Grand-
Roi à Péluse, mais ne put empêcher la ville d'être em-
portée après une journée de lutte. Memphis ouvrit
bientôt ses portes et la Haute-Egypte se plia docilement
au joug du vainqueur. Hérodote, m. 10-13. C'est à peu
pics ce qui dut se passer quarante ans plus tôt, en 568,
dans la deuxième campagne de Xabuchodonosor. Voir
No-Amon, t. iv, col, 1652, 3». A n'en pas douter, Péluse
était déjà ce que nous la voyons être sous Psammétique
III. Quelques années avant cette même date, Dieu par
la bouche d'Ézéchiel pouvait donc mettre Péluse en
parallèle avec Memphis et Thèbes, et dire en toute
vérité : ■■ Je verserai mon indignation sur Péluse, la
force de l'Egypte, j'exterminerai la multitude de Xo
(Thèbes). Et je mettrai le feu dans l'Egypte. Péluse
sera à la torture comme une femme en travail. No
(Thèbes) sera détruite et Memphis sera chaque jour
dans l'angoisse. » Ezech., xxx, 15-16. Apres Xabuchodo-
nosor et Cambyse, d'autres envahisseurs venus par la
route d'Asie devaient montrer encore, dans l'ère an-
cienne, qu'au sort de Péluse était lié d'ordinaire le sort de
Memphis et de la Haute-Egypte. Qu'il suffise de rappeler
Xerxès I«, en 490, Artaxèrxes I^en 460, Artaxerxès III
ou Ochus en 344, Alexandre en 331, Gabinius et son
lieutenant Marc-Antoine en 55, Octave en 30. C'est en
vue de Péluse que Pompée fut lâchement assassiné (48).
III. La fin de PÉLUSE. — A l'époque romaine. Péluse
devint la métropole de l'Augustamnique. Lequien,
Oriens Chrislianus,t. n, p. 340. Longtemps encore elle
compta parmi les places principales du Delta, bien que
dès lors l'attention se portât surtout vers l'occident de
l'Egypte. Au ive siècle, ses monastères eurent du renom.
Saint Isidore le Pélusiote (350-435 environ) nous a
laissé un nombre considérable de lettres d'où l'on
pourrait tirer le piquant tableau d'une ville gréco-
romaine d'Egypte. Pour les Coptes, elle s'appela
nepeju.O'yii. Parmi les évêques d'Éphèse, on rencontre
Eusèbe de Peremoun.en grec Ilr\lov<jtov. Labbe, Sacro-
sancta Concilia, t. m, col. 1084. Comparant le copte
Peremoun avec l'égyptien Am, capitale du XIXe nome
de la Basse-Egypte, Brugsch crut avoir retrouvé dans
ce dernier le nom de Péluse par l'entremise de OWie
« boue ». Dictionnaire géographique de l'Egypte an-
cienne, Supplément, 18S0, p. 1091; Die Acgyplologie,
1891, p. 452. Mais en 1886 les fouilles de Tell-Nebeshéh
ont révélé le site de Am à cinquante-cinq kilomètres
environ à l'ouest de Péluse et à mi-chemin entre Taniset
Salahieh. Cf. Pétrie, Tanis, Part, n, Tell-Nebesheh, 1888,
p.'.l-37 (Ve Mémoire de YEgypt' Exploration Fund). Pour
les Arabes, Pélusefut£Y-F<,>rmâ ou Farrnâ. « La liste des
évèchés coptes donne l'égalité suivante : neAcrciOT =
nepeju.O'yii = El-Fermâ. » Amélineau, La géographie
de l'Egypte à l'époque copte, 1893, p. 317; cf. d'Anville,
loc. cit.; Quatremère, Mémoires géographiques et his-
toriques sur l'Egypte, 1811, t. i, p. 259-260; Cbampol-
lion, L'Egypte sous les Pharaons, 1811-1814, t. n, p.
82-87. — Renouvelant les exploits des Assyriens et des
anciens conqnérants, les troupes de Chosroés prirent
Péluse en IJ16; Amrou s'en empara en 640. Baudouin I«
la brûla en 1117. 11 n'en est plus question après le xne
siècle. La branche pélusiaque abandonnée à elle-même
finit par s'envaser; la mer que l'eau du fleuve ne refou-
lait plus pénétra dans les marécages, y détruisit les
bandes cultivées et rendit la région déserte. « La plaine
saline de Péluse... vaste et unie comme ia surface des
eaux d'un lac tranquille, dont elle oll're une parfaite
image, est formée d'un sable humide et gras à la marche.
Toutes les parties n'en sont pas également fermes; car
il en est de fangeuses et de mouvantes, dans lesquelles
il serait dangereux de s'engager. » J.-M. Lepère, Mé-
moire sur le canal des deux mers, dans Description de
l'Egypte, t. XI, 2e édit. 1822, p. 334. A partir de Port-
Saïd, sur une longueur de trente kilomètres, le canal
de Suez sépare aujourd'hui cette plaine du lacMenzaléh.
Au-dessus de la morne étendue seules deux grandes
buttes persistent, dont l'une, celle de l'ouest, s'allonge
à deux kilomètres de la mer, à vingt stades, comme
Strabon, XVII, i, 21, le disait de Péluse. Elle lui est
parallèle et porte les débris d'un temple dans une large
enceinte de briques rouges. Ce sont des ruines d'époque
romaine ou byzantine qui recouvrent la vieille cité égyp-
tienne. Leur éloignement de tout centre habité, la diffi-
culté de s'y ravitailler ont empêché' jusqu'à ce jour d'y
entreprendre des fouilles. Ces fouilles cependant
peuvent seules, dans un sens ou dans l'autre, lever les
31
PÉLUSE — PÉNALITÉS
32
doutes que la version des Septante laisse malgré lout
,i ister i " notre esprit au sujet de l'identification de
sin avec Péluse. C Lagier.
PENIBLE Guillaume, théologien anglais, puritain,
né vers 1591, morl en 1623. Il étudia à Oxford au col-
lège de la Madeleine et se lit promptement remarquer
comme théologien et comme prédicateur. Dans ses
œuvres publiées à Londres, in-f°, 1635, on remarque :
Salomon's recantation and repentanee, or the book of
/.;,.,./,. plained ; The period of t/ie Persian mo-
narchy wherein sundry places of Ezra. Nehemiah
and Daniel are cleared ; A short and sw'eet Exposi-
tion upon the /irsl nine chapters of Zecharia. — Voir
Walch, Bibliolh. theologica, t. iv, p. 479, 480: AV.
Orme, Biblioth. biblica, p. 345.
B. Hf.urtf.hize.
PÉNALITÉS (hébreu : bir/qoivt, pequddâh, fôke-
h.l.iihal; Septante : immrm-r\, é'J.syuoç, hz"(%6i\
Vulgate : castigatio, increpatio, plaga), sanctions por-
tées contre les transgresseurs d'une loi.
I. l'i NALITÊS MOSAÏQUES. — 1° Comme toutes les lois,
la loi mosaïque avait pour sanction des châtiments des-
tin.s a punir le coupable qui n'avait pas eu assez de
fermeté dans la conscience et la volonté pour recon-
naltre le caractère impératif de la loi et s'y soumettre.
L'application du châtiment servait en même temps de
leçon aux autres ; sollicités par les avantages apparents
de la transgression, ils devaient être retenus par les
conséquences onéreuses qu'elle entraînait. Dieu lui-
même a voulu donner le premier l'exemple d'une péna-
lité annexée a nu précepte, Au paradis terrestre, il dé-
rendil aux premiers êtres humains de toucher à un
fruil sous peine de mort. Gen., Il, 17. L'homme, sur-
tout quand il étaitdans l'état d'innocence, pouvait obéir
au commandement par le seul amour du bien. Dieu
jugea pourtant que, même alors, la crainte du chàli-
in, i,' ,',.iii pas inutile pour maintenir la volonté hu-
maine dans la rectitude. Cette crainte elle-même fut
loin de suffire toujours. — 2° La nation hébraïque est
CHi-liluéi' ru Ihécicralii'. Il suit de là que les lois reli-
gieuses sont lois d'Ktat au même titre que que les lois
civiles H qu'à leur transgression sonl allachées des
pénalités analogues. Aussi Dieu intervient-il directe-
ment, soit pour prescrire ces pénalités, soit pour les
appliquer au besoin. Exod., xxn. 18; .\um..xxv, 4, 11;
xxxv, il ; Lev., XX, 2. i; lient., XVII, •">, etc. — 3° Tout
le peuple esl intéressé au châtiment du coupable, afin
que le mal soit olé d'Israël. Dent., xvn, 7. 12, elc.
Co le un crime ne peut rester sans auteur responsa-
ble el sans châtiment, si le coupable est inconnu, les
hou - du pays où le mal a été commis doivent se
disculper publiquement et offrir une expiation.
Deut., xxi, 1-9. La pénalité infligée au coupable doit
à tout le peuple. Dent., xvn, 7; xix,
20; XXI, 21. — 'i En principe, la responsabilité est
pei onni lie el les enfants ne sont pas punis pour les
fautes îles pères, lient., xxiv, l(i; IV Reg., xv, ô; Il Par.,
xxv, 4. Cependant, en ci ri dn cas, l'iniquité îles pères
était punie dans les lils, soit par une pénalité précise,
Nimi,, xvi, 27, 32; Jos.,vii,24; IV Reg., x, 7, soit par
une malédiction divine qui entraînait le malheur d'une
famille. Exod., \x. .">. etc. Il s'agissait surtout alors
■ i, i ' nue- 1 o is contre Dieu. Le code d'Hammourabi
esl beaucoup moins humain sous ce rapport. Il permet
île tire i morl la fille d'un injuste agresseur qui a l'ait
périr une fem libre (art. 2lll), le [ils d'un architecte
dont la négligence a eau ié la morl du fils d'un proprié-
taire ( 11 il - 230 . etc. Chez le- Perses . on avail j ardé la
coutume de fane mourir avec certains condamnés toute
leur famille. Deut., vi, 24 ; Esth., ix, 7-10.
II. lui mu mi - pénalités. Les pénalités prévues
parla loi mosaïqui "ni les suivantes : — I Peine de
mort, contre le blasphème, Lev.. xxiv, 15, 16; cf. III
Reg., xxi. 10, 13; Matth., xxvi. 65, 66; la profanation
du sabbat, Exod., xxxi, 14; xxxv, 2; X11111., xv, 32-36;
la pratique de l'idolâtrie par les sacrifices aux idoles,
la divination, la nécromancie, etc., Exod., xxn, 18, 20;
Lev., xx, 2, 27; Deut., xm, 6, 10, 15; xvn, 2-7; la
prétention illégitime à la prophétie, Exod., xxn. IS;
Lev. xx, 27; Deut., xm, 5 ; xvm, 20; I Reg., xxvm, 9;
— les coups ou la malédiction sur les parents,
Exod., xxi, 15. 17; l'adultère, Lev., xx, 10; Deut., xxn,
22; cf. Joa., vin, 5; la fornication découverte après le
mariage, Dent., xxn, 21, commise par une fiancée,
Deut., xxn, 23, ou la lî lie d'un prêtre, Lev., xxi, 9; le
rapt, Deut., xxn, 25; l'inceste et les fautes contre na-
ture, Exod., xxn, 19; Lev.. xx, 11. 14, 16; l'homicide,
Exod., xxi, 12; Lev., xxiv. 17; la vente de son semblable,
Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7; le faux témoignage con-
cluant à la mort de l'innocent. Deut., xix, 16-19. —
Tous ces crimes étaient graves, soit au point de vue
religieux, soit au point de vue moral. Plusieurs d'entre
eux, même parmi ceux qui ne se rapportent pas aux de-
voirs religieux, n'encourent pas la mort dans nos légis-
lations modernes. Par contre, le code d'Hammourabi
est beaucoup plus rigoureux que celui de Moïse. Il con-
damne à mort le sorcier malveillant (art. 1), le témoin
injurieux (art. 3), le voleur et le receleur (art. 6-8),
celui qui a favorisé la fuite d'un esclave (art. 15. 16), le
brigand pris en flagrant délit (art. 22), l'architecte homi-
cide par imprudence (art. 229), etc. La loi de Moise
avait plus de respect pour la vie humaine; elle ne la
sacrifiait que quand le cas était vraiment grave au point
de vue de la religion, de l'intérêt. familial ou social et
des mœurs. — Sur l'application de la peine de mort,
voir Goel, t. III, col. 260; LAPIDATION, t. iv, col., 89;
Penii.visuN, Si in 11:1 s.
2° Retranchement , sorte d'excommunication, c'est-à-
dire exclusion du peuple de Dieu et perte des droits
religieux et civils. Celui qui n'appréciait pas suffisam-
ment l'honneur d'appartenir au peuple de Dieu et con-
trevenait à certaines lois graves imposées à ce peuple,
méritait bien d'en être exclu. Le retranchement était
prononcé dans les cas suivants : omission de la circon-
cision, Gen., xvn, 14; Exod., iv, 24; omission delà
Pâque, Xum.. ix. 13; omission de la fête de l'Expiation
ou travail exécuté ce jour-là, Lev., x.xin, 29, 30; nian-
ducation de pain levé pendant les Azymes, Exod.. xn.
15, 19; occision d'un animal, à l'époque de l'exode,
sans l'amènera l'entrée du Tabernacle, Lev., xvn. 4,9;
manducation de la graisse des sacrifices ou du sang des
animaux, Lev., vil, 25, 27; XVII, 14; manducation d'une
victime après le second jour, Lev., VII, 18; xix. 7. S;
manducation d'une victime pacifique sans être en état
île pureté, Lev., vu, 20; contact des choses saintes par
un prêtre qui est impur. Lev., xxn, 3; usage profane
de l'huile sainte et du parfum de l'autel. Exod., XXX,
33, 38; omission de la purification après le contact d'un
mort, Num., xi.x. 20; travail exécuté le jour du sabbat,
Exod., x.xxi, I i: consultation des devins el des nécro-
manciens, Lev.. xx. 6; mépris habituel îles préceptes
divins, Num., xv, 30, 31; — quinze cas d'unions pros-
crites par la Loi. Lev., xvm, 29; xx, 9-21. — Au retran-
chement se rattache la menace de mourir sans enfants,
Lev.. xx, 21; cette peine est appliquée directement par
Dieu, et elle aboutit au retranchement d'une famille à
courte échéance, — Sur le retranchement, voir ANA-
TIII.MF. t. I, Col., ôiô; EXCOMM1 N1CAT10N, t. II, col., 2132.
3° Talion, peine consistant à subir un mal semblabh
à celui qu'on a infligé à un autre. Exod., xxi, 21. 25.
Voir T ai ion.
1 Flagellation, imposée pour certaines fautes de
moindre gravité. Voir Flagellation, t. h, col. 2281.
ô Amende, ou compensation en argent pour le tort
causé. Comme il n'y avait pas de fisc hébraïque,
33
PÉNALITÉS - PENDAISON
24
l'amende se payait à la personne lésée. Voir Amende,
t. i, col. 476: Dommage, t. h, col. 148-2. Le débiteur
insolvable était sujet à la saisie de ses biens ou même
pouvait être réduit en esclavage, lui et ses enfants.
Voir Dette, t. n, col. 1395.
6" Prison, non en usage chez les anciens Hébreux,
et employée seulement à l'époque des Rois. Voir
Prison.
'«Sacrifice expiatoire, à la suite de certains délits.
Voir Sacrifice.
En somme, la loi mosaïque était relativement douce
dans ses pénalités. Elle ne connaissait ni la torture,
deslinée à provoquer les aveux du coupable, ni ces
supplices atroces que les autres peuples infligeaient
sans pitié, les mutilations de toute nature. la perfora-
tion des yeux, l'écorcliemeat, le pal, l'exposition aux
bètes. la crucifixion, le travail des mines, la déporta-
tion, etc. Quand ils infligeaient la peine de mort, les
Hébreux ne cherchaient pas à prolonger ni à augmenter
les souffrances du condamné; ils s'appliquaient au
contraire à l'exécuter le plus rapidement possible,
PENC1NI Innocent, théologien dominicain, né à
\emse vers 1621, mort en 1689 ou 1690. Entré dans
l'ordre des Frères-Prêcheurs, il fut, en 1644. à l'âge de
23 ans, choisi pour professeur de philosophie à l'uni-
versité de Padoue. Il a publié parmi d'autres écrits .
Nova veleris Legis myslico-sacra Gala.,-,,, >,,,
m cselo angelici prxceploris Kcclesiseque doctoris D.
Thomse .1./. phœbeo signai,' excursu, cingulo /
lacteo, gemrnis instrata stellis, h. e. luculenta C
mentaria m Genesim, Exodum, Leviticum, Numéros,
Deuteronomium, in quibus potissima, quse ubivis dis-
persit allie sapientiœ sporades decuriatim in eoaclas
phalanges candicant et collucent, lilteralis, moralis,
allegoricus, anagogicus micant sensus; controversia-
rum qusestionum coit lumen, in-f», Venise, 1670;
A'ora evangelicx legis mystico-sacra Galaxia Scrip-
turse... h. e. luculenta commentaria in Matthœum,
Marcum, Lucam et Joannem..., 2 in-f°, Venise, 1678-
1685 : l'ouvrage demeuré inachevé devait avoir 4 vo-
lumes; Commentarius in Cantica canticorum sub
nom i ne • D. Tliomx Aq. e ms. codiee primum typis
12
- Criminels auxquels on met la corde au cou pour les pendre. D'après Rosellini. Monum. civili deW Ecjitto, 1834, pi. cxxiv.
comme on le remarque dans leur manière de faire mou-
rir par lapidation, le supplice presque exclusivement
usité chez eux. Voir t. iv, col. 90.
III. Dans le Nouveau Testament. — I» Plusieurs
des pénalités mosaïques sont rappelées, la lapidation,
Joa., vin, 5, le retranchement, Joa., ix, 22, la flagella-
tion. Matth., x, 17. etc. — 2» Il y est aussi question de
pénalités étrangères à la législation juive, la décapita-
tion, Marc, vi, 27; Act.. xii, 2, etc.; la crucifixion,
Matth., XXVII, 35, etc. ; l'exposition aux bètes, I Cor., xv,
32: II Tim., iv, 17: différents supplices infligés par
les païens, Heb., xt, 35-38; la prison pour "dettes,
Matth., v, 25: xvm, 34; la prison préventive, Act., iv,
3; v, 1S; xn, 4; xvi, ,23, etc.; la garde militaire,
Act.. xxviii, 16: les coups. Matth., xxiv, 51; Luc, XII,
46-48, etc. - 3» Enfin, il y est fait allusion à diffé-
rentes peines spirituelles, temporelles ou éternelles,
devant servir de sanction aux prescriptionsévangéliques,
la dénonciation à l'Église et l'excommunication du
coupable opiniâtre, Matth., xvm. 17:1 Cor., v, 2-5. 9-1 1 ;
I Tim., i, 20; TH., ni, 10; la géhenne du feu pour l'in-
sulteur de son frère, Matth., v, 21, 22, voir Géhenne,
t. m, col. 155; les ténèbres extérieures dans lesquelles
les coupables sont jetés pieds et poings liés, Matth., xxn.
13; xxv. 30, ténèbres qui figurent les supplier- de
l'autre vie; la non-rémission des péchés à certains
F heurs, Joa., xx, 23, et l'irrémissibilité du péché
contre le Saint-Esprit, même en l'autre inonde
Matth., xn, 31,32; l'enfer, Luc, xvi. 22, avec son sup-
plice éternel. Matth., xxv. 46. De plus, en conférant
à ses Apôtres le pouvoir de lier, Matth., xvi, 19;
XVIII, 18, Xotre-Seigneur a autorisé son Église à
instituer des pénalités spéciales pour le bien spirituel
de ses enfants. H. Lesètre.
DICT. DE LA BIBLE.
éditas, in-f°, Lyon, 1652. — Voir Echard, Scripton •■
Ord. Prœdicatorum, t. n, p. 726.
D. Hedrtebize.
PENDAISON (hébreu : tâlàh, « pendre, » yâqa' ;
Septante : xpe[iâa8o-i; Vulgate : suspende, crueiflgo),
suspension d'un corps humain à un poteau, une
potence, une branche d'arbre, etc. — 1» La pendaison
était ordinairement un supplice. Elle est infligée au
chef des panetiers du pharaon, qui se trouvait en
prison avec Joseph, mais elle est précédée pour lui de
la décapitation, Gen., xl, 19; xli, 13, de sorte qu'elle
servait surtout à exposer aux regards le cadavre du
coupable. En Egypte, « la pendaison était le supplice or-
dinaire pour la plupart des grands crimes. » Wilkinson,
Manners and Customs of the ancienl Egyptians,
2e édit., t. i, p. 307. On voit sur les peintures des
criminels auxquels on met la corde au cou (fig. 12>.
Rosellini, Monumenti civili, pi. cxxiv. — Au désert.
Dieu ordonne de pendre les chefs du peuple qui
avaient commis le mal avec les filles de Moab. Xum.,
xxv. 4. Il est probable que les coupables furent aupara-
vant percés du glaive et que leurs cadavres furent
ensuite pendus pour l'exemple. Ainsi le comprennent
les Septante : itxpa5î:--ij.âxt7ov, « montre en exemple. »
La suspension dut avoir lieu « à la face du soleil o,
c'est-à-dire pendant le jour. Plus tard, une loi défendit
de laisser des cadavres à la potence après le coucher
du soleil, car le pendu était l'objet de la malédiction de
Dieu, à cause du crime qui lui avait mérité le châti-
ment. Deut., xxi, 23; Gai., m, 13. Les Hébreux n'em-
ployaient pas la pendaison pour donner directement !a
mort ; ils se contentaient de suspendre le cadavre du sup-
plicié pour l'exposer aux regards et inspirer aux specta-
teurs de salutaires réflexions. Deut., xxi, 21, 22. Voir
V. - 2
35
PENDAISON — PENDANTS D'OREILLE
36
Lapidation, col. 90; Potence. - Josuéfait pendre à un
arbre jusqu'au soir le roi d'Haï, .los.. vm, 29,
avoir frappés de l'épée, les cinq rois pris
dans la caverne de Macéda. los., x. 26. — Les Philis-
tin- pendent aux murailles de Bethsan les cadavres de
Saûl et de son tîls. I Reg., x.\xi. 10-1-2. - Quand
Béchab et lîaana appui-lent à David la tête d'Isboseth
qu'ils ont tué, le roi les fait mettre à mort, puis on
■ -nd, pieds et mains coupés, au bord de l'étang
d Hébron. II Reg., IV, 12. — Les Gabaonites pendent
sur la monl Jéhovah », c'est-à-dire en
Jéhovah, cf. Num., xxv, 4. deux
tîls et cinq petits-fils de Saûl, et Respha, mère des
deux premiers, veille sur leurs cadavres pendant foute
une saison pour empêcher les bètes de les dévorer.
Il Reg., xxi. 8-10. — Jérémie dit que les Chaldéens
13. - ' oui-. .Musée du Loi
pendirent d'1 leurs propres mains les chefs d'Israël.
Lam., v. 12. Il s'agit sans doute des fils de Sédécias et
de Juda que Nabuchodonosor avait fait
r. ,li t., xxxix, (i, et aux cadavres desquels il
a ensuite l'ignominie de ta pendaison. — ASuse,
us eunuques qui ont comploté contre le roi sont
pendu . i th., n, 23. Quelque temps après, Aman esl
pendu à une potence d cinquante coudées qu'il avail
fait pi our Mardochée, l-.sth.. vu. 10, et les
Juifs obtiennent is Bis d'Aman soient pendus
comme leur père. Esth., tx, 13-14. La suspension au
gibet est mentionnée par Hérodote, vi, 30; vu, 238,
comme étant pratiquée chez les Perses. — En Pales-
tine pandanl la persécution d'Antiochus, on suspend au
- u .hi\ mam I - , afants qui ont
été cii -ci du haut des
murailles I Mach., i, 64; Il Mach., vi, 10. — 2' La
pendaison esta dont la che-
velure se prend i hes il un térébinthe,
P mdant qu'il fuyait ilté se trou\t
ainsi suspendu sai : Joab vient
li' iiiii en le perçan svm, '.<- 1 i.
— 3" La pendaison Ii pi traître
m t la corde au ci pend à in ai ; i Matth.,
xxvn.ô. puis n il tombe en avant, rompt par le milieu
et toutes ses entrailles se répandent g. Aet., i, 18. La
corde ou la branche d'arbre cassent sous le poids,
probablement quand Judas est déjà mort, que son
ventre se gonlleet que la putréfaction a déjà coup
son œuvre. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant
que, par suite de la chute, la peau déjà entamée se
rompe et laisse échapper les entrailles.
II. Lesétre.
PENDANTS D'OREILLE hébreu : âgxl, m
nézém; Septante : èvûttov; Vulgate : inawis), orne-
14, Pendants d' reille assyriens. Moules assyriens pou
pendants d'oreille en or et en argent trouvés i K
i Nimroud. D'après Layard, Discoveries in A
. L853 [ 597
ment qui se suspend aux oreilles lîg, 13). — Les
pendants d'oreille, comme toutes les autres parures,
mit de tout temps été du yoùt des Orientaux. Les
Égyptiens en portaient. On en voit aux oreille- des
personnes assises à un festin, voir I. n. fig. 649,
col. 2214. La reine Xofritari. femme de Ramsès II.
porte des anneaux aux oreilles. Cf. Lepsius, Denk-
. ni. 189 &. En Babylonie et en Assyrie, les
pendants d'oreille étaient familier- . même aux
hommes. Sargon et son premier ministre en ont de
considérables. Cf. Botta, Le monument de Ninive, i. i.
pi. 12. il en est de même pour Assurbanipal, t. i,
Ile. 312, 319, col 1 1 16, 1 157. Les Phéniciens fabriquaii nt
pour le commerce des pendants d'oreille dont un
certain nombre de modèles ont été conservi s. Cf, Ba-
leli.n. Archéologie orientale, Paris. 1888, p. 310. —
Les formes de pendants d'oreille étaient très divei
(fig. Il . On suspendait aux oreilles tantôt un anneau,
37
PENDANTS D'OREILLE
PENITENCE
38
voir t. !, fig. 284, col. 1058; t. n, fig. 619, col. 2009,
tantôt dos bijoux plus compliqués (fig. 15). Avant de
se rendre à Béthel, Jacob se fit remettre les dieux
étrangers qui se trouvaient dans sa famille et les
anneaux que ses gens avaient aux oreilles et il enfouit
le tout sous un chêne à Sichem. Gen., xxxv, 2-4.
Ceci donne à supposer que ces anneaux présentaient
un caractère idolàtrique ou superstitieux. Pour fa-
briquer le veau d'or, Aaron demanda les anneaux
d'or qui étaient aux oreilles des femmes d'Israël, de
leurs fils et de leurs filles. Exod., xxxn, 2-3. — Les
Israélites possédaient aussi de vrais pendants d'oreille.
Ils en trouvèrent dans le butin fait sur les Madia-
nites, Xum., xxxi, 50, et les offrirent à Jéhovah. Il
y en eut également dans un autre butin fait sur les
mêmes Madianites par Gédéon. Jud., vin, 26. Isaïe,
m. 20, nomme les netîfôt dans son énumération des
bijoux des femmes de Jérusalem. Dans Ézécbiel, xvi,
12, Jéhovah rappelle à Jérusalem les soins dont il l'a
Pendants d'oreille assyriens. Musée du Louvre.
entourée. Il a mis un nézém à ses narines et des
'âgîlim à ses oreilles. Les versions traduisent à tort ici
nézém par « pendants d'oreille » et le second mot par
« boucles ». Le premier mot désigne certainement la
parure du nez et le second celle des oreilles. Judith,
x, 3, avait des pendants d'oreille. — Dans quelques
autres passages, les versions appellent « pendants
d'oreille » des anneaux de nez, Gen., xxiv, 22, 30, 47,
ou des anneaux dont l'usage n'est pas déterminé.
Exod., xxxv, 22; Jud., VIII, 24, 25; Job, xr.il, 11.
Prov., xxv, 12, Ose., Il, 13. Cf. K. Hadaczeh, Der Ohr-
tchmuck der Griechen und Etrusker, dans les Abliand-
lungendes arch.-epigr. Seminarsder Unversitat Wien,
xiv, lleft, in-'f. Vienne, 1903." H. Lesètre.
PÉNITENCE (hébreu : nôham, Sûbâh, « conver-
sion: » Septante : jjeiivo'.a; Vulgate : pœnitentia),
regret intérieur et effectif du mal que l'on a commis.
I. Appels À la pénitence. — 1° Dans le Temple. —
Au jour de la consécration du Temple, Salomon adressa
une prière solennelle au Seigneur pour lui demander
de p ordonner à son peuple toutes les fois que, châtié à
cause de ses péchés, il viendrait dans ce Temple im-
plorer son pardon et ferait pénitence. III Reg., vin,
33-52; II Par,, VI, 24-39, Le Seigneur daigna s'engager
à pardonner quand le peuple serait sincèrement péni-
tent. II Par., vu, 13-15.
2» Par les 'prophètes. — Isaïe, xuv, 22, invite
Israël à revenir au Dieu qui l'a racheté, en lui assurant
que, s'il se tourne vers lui, il sera sauvé, Is., xlv, 22,
et que Dieu fera grâce au méchant qui se convertira.
Is., lvii, 7. Jérémie, m, 14; iv, 1; xvm, 11, renouvelle
l'appel divin. Il déclare que si la nation revient de sa
méchanceté, Dieu se repentira du mal qu'il voulait
lui faire. Jer., xvm, 8. Ézéchiel, xiv. 6; xvm, 21, 30;
xxxiii, 14, appelle le pécheur à la pénitence en disant
que, s'il se repent, il vivra et ne sera pas maltraité.
Dieu dit par sa bouche : « Prendrai-je plaisir à la
mort du méchant0 N'est-ce pas plutôt à ce qu'il se
détourne de ses voies et qu'il vive? » Ezech., xvm. 23.
32; xxxiii, 11. Le prophète a reçu mission de prêcher
la pénitence au pécheur, et il sera responsable de la
perte de ce dernier s'il ne parle pas pour le détourner
du mal. Ezech., n, 18, 19; xxxiii, 8, 9. Osée, xiv. 2;
Joël, n, 12, 13. et Zacharie, i, 4, répètent la même
invitation aux pécheurs.
3° Par les saints personnages. — Tobie, xin, 8,
exhorte les pécheurs de son temps à faire pénitence.
Judith, v, 19, remarque que le Seigneur a toujours
aidé les Israélites repentants, et que, comme il est
patient, il pardonnera si on fait pénitence avec larmes.
Judith, vm, 14. Le Psalmiste pénitent s'engage à en-
seigner les méchants pour qu'ils se convertissent au
Seigneur. Ps. u (l), 15. Dans le livre de l'Ecclésias-
tique, on lit qu'il ne faut pas tarder de se convertir
au Seigneur, Eccli., v, 8, que Dieu ménage un large
pardon à ceux qui reviennent à lui, Eccli., xvn, 28, et
qu'il est beau de se repentir quand on a été repris.
Eccli., xx, 4. L'auteur de la Sagesse dit que Dieu
ferme les yeux sur les péchés des hommes pour les
amener à la pénitence, parce qu'il aime toutes ses
créatures, et qu'il pardonne à tous parce que tout est
à lui et que les âmes sont l'objet de son amour. Sap.,
xi, 24-26. Il ne punit que par degrés, pour laisser le
temps de faire pénitence et ne pas désespérer ses
enfants. Sap., XII, 10, 19.
4° Par saint Jean-Baptiste. — Le précurseur
prêche dans le désert le baptême de pénitence, c'est-à-
dire le repentir et la purification du cœur dont son
baptême est le symbole. Matth., m, 2; Marc, i, 4;
Luc, m, 3. Il invite les hommes à faire de dignes fruits
de pénitence, par conséquent à témoigner par une
conduite nouvelle la sincérité de leur repentir. Matth.
m, 8; Luc, m, 8; cf. i, 16; Act., xm, 24; xix, 4.
5° Par Jésus-Christ. — Le Sauveur lui-même
appelle les hommes à la pénitence. Matth., IV, 17;
xvm. 3; Marc, i, 15. Il est venu pour appeler les pé-
cheurs à la pénitence, Luc, v, 32; déclare que tous
périront s'ils ne font pénitence, Luc, xm, 3, 5; parle
de la joie que cause au ciel la pénitence d'un seul
pécheur, Luc, xv, 7, 10; ordonne à chacun de par-
donner à son frère repentant, Luc, xvn, 3, 4; invite à
la pénitence par ses paraboles de la brebis perdue,
Luc, xv, 1-7, de la drachme égarée, Luc, xv, 8-10,
de l'enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, du pharisien et du
publicain, Luc, xvm, 9-14, et par l'accueil qu'il fait aux
pécheurs, voir Péchelti, col. 18; et enfin, après sa ré-
surrection, il envoie ses Apôtres dans le monde pour y
prêcher la pénitence. Luc, xxiv, 27.
6" Par les Apôtres. - Initiés à cette prédication
par leur divin Maître, Marc, vi, 12, les Apôtres pro-
clament la nécessité de la pénitence. Act., ri, 38; m,
19, 26; VIII, 22, etc. Ils montrent comment le Sauveur
est venu pour aider les hommes à faire une pénite ice
salutaire. Act., v, 31; xi, 18; XVII, 30. Saint Paul
exhorte à la pénitence. Act., xx, 21; xxvi, 20. Il parle
de la bonté de Dieu amenant les hommes à se repentir,
Rom., n, 4. et rappelle que le devoir des ministres
sacrés est de conduire leurs frères à la pénitence.
Il Tim., il, 25. Saint Pierre dit que si Dieu patiente
39
PÉNITENCE
40
c'est pour que le? hommes fassent pénitence. II Pet.,
,,, g cf. A< i.. ii, 18. Saint Jacques, v, -20. enseigne
, celui qui convertit un pécheur sauve son
la multitude des péchés. Enfin saint Jean
multiplie les appels à la pénitence. Apoc, il, o, to,
-'■ 22; i"- :;' 19- , , • -,™™
1 1 , de la pénitence. - 1" La pénitence
comporte toujours, pour celui qui y est soumis
quel! chose d'afflictif. On le oïl par les exemples
Je ,,. parents, Gen., in, 16-19; de David,
Il Reg., m, 11-11; xxiv, 10-14, etc. - 2» Mais elle
implique nécessairement un acte de la volonté qui a
péché en se détournant de Dieu et qui ne peut se
repenti.' efficacemenl qu'en se retournant vers Dieu. Le
Seigneur pi tel son pardon à celui qui remplira
quatre i dilions : s'humilier, prier, chercher sa face
i lu mal. Il Par., vu, 14. Judith, vin,
14-17 .nage ses compatriotes qui veulent obtenir
|eur pardon à humilier et à prier avec larmes. Dans
I | c, lé ... tique, ivn, 20, 21, les conditions de la péni-
tence sont ainsi indiquées :
Tourne-toi vers le Seigneur et quitte tes péchés,
Prie devant sa face et diminue tes offenses,
l; „ au Très-Haut, détourne-toi de l'injustice
El déteste fortement ce qui est abominable.
II ne suffit donc pas de quitter le mal, il faut le
détester el donner comme preuve de repentir les efforts
qui aboutissent à une diminution des offenses. —
3 Le prophète Joël, h, 12-17, énumère les conditions
que doit remplir le peuple coupable qu'il appelle à la
pénitence :
i;,. em i ,, moi de tout votre cœur,
\n r .les jeûnes, des larmes et des lamentations;
Déchire! iras cœurs et non vos vêtements...
Que les prêtres, ministres de Jéhovah, pleurent
Entri le portique el l'autel,
!.. ,i, i ni Jéhovah, épargnez votre peuple.
Une vraie contrition doit saisir le cœur el le déchirer;
le jeûne el la prière achèveront l'œuvre de la péni-
tence. Sans doute, il existait sous l'ancienne loi des
sacrifices pour le péché. Mais ni les sacrifices, ni les
œuvres itérieures, comme le jeune, ne constituaient
une pénitence valable sans les sentiments du cœur el
le renoncement au mal.
Le Très Haut u'agrée pa l. oflrandes des impies, [chés...
pas sur la quantité des victimes qu'il pardonne lespé-
,, qui nïtiepour ses péchés, s il va les renouveler,
a prière, que lui sert son humiliation?
I ecli., xxxv, 19,26.
le Psalmiste termine-t-il son cantique de péni
trmr i.. disant, Ps, Ll (l), 18, 19 ;
Tu neé te saci B. . je t'en offrirais,
Tu m- prend* | plaisir aus holocaustes;
Le sa. nespritni
0 Dieu, tu ne dédaignes ■< brisé et contrit.
i aussi .'h .m . i que ces sentiments inté-
rieurs ;... Psaume de pénitence babyloniens. Les
Bupplianl ne [u'i manifester leur peur
,l,s maui que peul leur causer une divinité irritée
,i ini lie les biens qui contribuent au bon-
neur de la fie. Cl . ni il, P aume de pénitence
chaldéen, dan I 1896, p. 7.'. 77 ;
Dhorme, Di !ea ■ ' y o-babylonien$,
dans la Revue i 1906, p. 274-285; Fr. Martin,
Texte» religieux ns et babyloniens, l" sér.,
Paris, 1903, p. 57. I La prière est indiquée comme
condition nécessaire à 1 1 p. nitence Dieu, en effet,
n'imposi pas son pardon; il convient qu'on le lui
demande. lais-moi revenir, et je reviendrai dil
j Éphraïm au Seigneur. Jer., XXXI, 18. a Faites-nous
revenir et nous reviendrons, » disent les Juifs de Jéru-
salem. Lam., V, 21. « Ayez pitié- de moi qui suis un
pécheur, » dit le publicain. Luc. IVIII, 13. « Remettez-
nous nos dettes, » c'est-à-dire « pardonnez-nous nos
offenses », nous fait dire le divin Maître. Matlh., vi,
12. — 5" Dans la parabole de l'enfant prodigue, Luc,
xi, 21, Xotre-Seigneur montre quelles sont les condi-
tions de la vraie pénitence ; le malheureux prodigue
rentre en lui-même, regrette la perte des biens de la
maison paternelle, prend la résolution d'aller retrouver
-on père, île lui faire l'aveu de son crime et de se
soumettre ensuite au sort le plus humiliant, abandonne
effectivement la vie indigne à laquelle il se trouvait
réduit, reprend le chemin qui ramène à son père, lui
fait son aveu et implore son pardon. — 6» Ce qui
montre que la pénitence est véritable, ce sont les
« dignes fruits » qu'elle porte. Mattb., III, S. Parmi ces
fruits, saint Jean-Baptiste indique aux foules la pratique
de la charité, aux publicains et aux soldats la justice et
la fidélité dans l'accomplissement de leurs devoirs
d'état. Luc. III, 10-14. Xotre-Seigneur recommande de
ne plus pécher. Joa., v, 11 : VIII, 1 1.
III. Exemples de pénitence. - 1 Adam lit pénitence
de son péché, Sap., X, 2, probablement eu supportant
avec humilité et résignation l'épreuve à laquelle il fut
condamné. — Enoch fut pour les nations un exemple
de pénitence. Eccli., xuv. 10. - Au temps de Noé, il
v eut des esprits rebelles qui tirent pénitence à la me
du châtiment, puisque le Christ put, après sa mort,
leur prêcher dans la prison où ils étaient détenus.
I Pet., XIX, 20. — 2» L'époque îles Juges fut pont les
Israélites une succession d'infidélités à Dieu et de repen-
tirs. Jud., m, 9; iv, 3; vi, 7; x, 10, etc. - Job lit péni-
tence dans la poussière, après avoir reconnu sa pré-
somption. Job, xi. ii. ti. - 3° A la suite de son double
crime, David resta près d'une année sans écouter La
voix de sa conscience; mais ensuite il se repentit sin-
cèrement à l'appel de Nathan. 11 Reg., xn. 13; xvi.
12. — .losias amena la nation au repentir. Eccli.,
xux, 3. — Captif à Babylone, Manassé s'humilia el
demanda pardon au Seigneur. Il Par., iixm, 12, 13.
— t" Pour obtenir leur délivrance, les Juifs se
livrèrent à .bs actes de pénitence à Suse, sur la
demande d'Esther. Esth., tv, 16. - A la prédication de
Jonas, le roi de Ninive se soumit avec ses sujets a une
pénitence rigoureuse comprenant un jeûne absolu
pour tout être vivant, homme ou bêle, l'usage du sac
et de la cendre, la prière instante adressée à Dieu et le
renoncement au mal. .Ion., lu, 5-9. - 5» Une longue
protestation de repentir fut signée par les principaux
personnages et acceptée par tout le peuple, au temps de
Néhémie. II Ksd., ix, 1-38. - 6« Dans le Nouveau
Testament, on trouve les exemples de pénitence des
luil's a la prédication de saint Jean-Baptiste, Matlh.,
m 7. Luc. ni. 7; de la pécheresse chez Simon le
pharisien, Luc, vu, 37, 38, 18; du publicain, Luc,
xviii, 13; de Zachée.Luc, irx, 8; de saint Pierre pleu-
ranl amèremenl après son reniement. Matth., xxvi, 75;
Marc xiv 72; Luc xxn; 62; du bon larron se repen-
tant sur la croix, Luc. ixill, M-42; des Juifs qui par-
tirent du Calvaire en se frappant la poitrine. Luc,
xxin, 48. - 7" Notre-Seigneur lui-même donne 1 exemple
de la pénitence, è son jeune du désert, Matth., iv, 2;
lue îv ■' pendant son ministère évangéhque, n ayant
pas toujours le temps de prendre sa nourriture, M rc,
Il 90 ni où reposer sa tète, Matlh.. VIII, 20; Luc. ix.
58' et suru.ui pendant sa passion. *" Plusieurs
milliers de Juifs font pénitence à la voix de sainl
Pierre \ct.. Il, 38, il. - Saint Paul se convertit et.
pendant le reste de sa vie, accepte en esprit de péni-
tence l'accomplissement de la prédiction du Sauveur à
son sujet : - Je lui montrerai tout ce qu'il doit souilnr
41
l'KMTEXCE
la
4:
pour mon nom. •• Acl.. ix, 16. — A l'appel des Apôtres,
on fait pénitence à Lydda et à Saron, Act.. îx. 35; à An-
tioche, Act., si, il : à Éphèse, où l'on brûle une multi-
tude de livres de superstition, Act., xix. 18. 19: xx. 21:
à Corinthe, II Cor., vu. 9. 10. Cf. I Pet., n, 25.
IV. Exemples d'impénitence. — 1° Beaucoup de pé-
cheurs se sont refusés à faire pénitence. Tels furent
Caïn, Gen., iv. 10-13; la plupart des contemporains de
Xoé. Gen., vi. ô, 6; les habitants de Sodome et des
villes coupables, Gen., xix. 12, 13; le pharaon d'Egypte
qui se repentait un moment pour s'obstiner ensuite,
Exod., vin. -25. 32, ix, 27, 35; x, 16, 20, 24, 27: xn, 31;
xiv, ô: les Israélites révoltés qui furent condamnés à
périr au désert, Xum.. xiv, 27-33; les fils d'Héli, I Reg., iv.
11; Saul, I Reg., xm. 14; xvi, 35; les contemporains
du prophète Élie, Eccli., xlviii, 16; les rois et le peuple
d'Israël, IV Reg., xvii. 7-1S; une grande partie des rois
et du peuple de Juda. IV Reg., xxrv, 3. 4. En vain
.lérémie multiplia ses appels à la pénitence; on ne vou-
lut pas se convertir. .1er., m. 1-22; v,3; vin, 6. — Plus
tard, le roi persécuteur. Antiochus Épiphane, frappé
par la justice île Dieu, sembla vouloir se repentir du
mal qu'il avait causé; mais sa pénitence n'était ni sin-
cère ni désintéressée. Il Mach., ix. 11-29.
2 A plusieurs reprises, il est dit que Dieu endurcit
le cœur de ceux qui ne veulent pas se convertir.
Exod.. iv. 21: vu. 3; ix. 12; x, 1, 20, 27: XIV, i, 8, 17;
Deut., n. 30: Is., i.xin. 17; Rom., ix, 18. D'autre part,
on lit dans Isaïe. vi. 10 : « Appesantis le cœur de ce
peuple, rends ses oreilles dures et bouche-lui les yeux,
en sorte qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende
point de ses oreilles, ne se convertisse point et ne soit
point guéri. » Cet oracle est répété par Xotre-Seigneur.
Matth., xm, 15; .Marc, iv, 12; Joa., xn, 40, et par saint
Paul. Act.. xxvin. 27. A prendre les termes à la lettre,
Dieu semble ainsi l'auteur de l'inipénitence qu'ensuite
il châtie. — .Mais il y a là une manière de parler des-
tinée à faire comprendre avec quelle certitude Dieu
prévoit l'endurcissement et lui donne occasion de se
produire en vue d'un bien supérieur. Saint Augustin,
Qusest. in Heptat., n. 18, t. xxxiv, col. 601-602, expli-
que ainsi le cas du pharaon : « La malice qui est au
cœur d'un homme, c'est-à-dire sa disposition au mal.
tient à sa propre faute et n'existe que par le fait de
sa volonté libre. Toutefois, pour que cette disposition
mauvaise agi--, il m- un sens ou dans l'autre, il faut des
causes qui mettent l'esprit en mouvement. Or il ne dépend
pas du pouvoir de l'homme que ces causes existent ou
non ; elles proviennent delà providence cachée, mais très
juste et très sage, du Dieu qui règle et gouverne l'uni-
vers qu'il a créé. Si le pharaon avait un cœur tel que la
patience de Dieu le portât, non à la religion, mais bien
plutôt à l'impiété, c'était par sa propre faute. .Mais si
les événements se produisirent de telle manière que
son cœur, si mauvais par sa faute, résista aux ordres de
Dieu, ce fut le résultat de la sagesse divine. » Pour
expliquer le passage d'Isaïe, VI, 10, saint Jérôme, In
Is., m, 6, t. xxix, col. 100, s'appuie sur la doctrine de
l'Epilre aux Romains, ix, 14-18, et dit que l'aveugle-
ment volontaire des .luifs a procuré l'illumination des
autres nations : « Ce n'est pas par cruauté, mais par
miséricorde, que Dieu permet la perte d'une nation
pour le salut de toutes les autres. Une parlie des Juifs
n'ont pas vu clair, pour que le monde entier put voir. »
3° D'autres exemples d'impénitence se rencontrent
dans le Nouveau Testament. Les villes de Corozaïn,
Betlisaïde et Capharnaum ont refusé de se convertir.
dans des condi lions qui auraient décidé T\r et Sidon à
faire pénitence. Matth., xi, 20-24; Luc, x, 13-15. La
génération contemporaine du Sauveur a montré le
même endurcissement, alors que Xinive s'est convertie
à la voix de Jonas. Matth., xn. il; Luc, xi, 32. Jérusa-
lem s'est dérobée aux appels du Sauveur qui voulait
rassembler ses enfants comme la poule rassemble ses
poussins sous ses ailes. .Matth.. xxm, 37. Après avoir
refusé d'obéir, les pécheurs ont fait pénitence; après
avoir promis fidélité, les Juifs ont refusé de faire péni-
tence. Matth.. xxi, 28-32. — Même si un mort ressusci-
tait, certains pécheurs ne se convertiraient pas. Luc, xvi,
31. — Juda fut saisi de repentir, mais sa pénitence fut
dépourvue de confiance en Dieu et ne le sauva pas.
-Matth., xxvii, 3-10. — La résurrection du Sauveur
laissa dans l'inipénitence la plupart des Juifs. Matth.,
xxvni, 11-15. — La pénitence de Simon le magicien fut
intéressée et sans valeur. Act., vin, 13, 18-24. — Beau-
coup de pécheurs ont continué à refuser la pénitence.
II Cor., xn. 21 ; Apoc. ix. 20-21; XVI, 9, 11.
V. Le sacrement de pénitence. — 1° Jésus-Christ
dit à saint Pierre : o Jeté donnerai les clefs du royaume
des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié
dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre
sera délié dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit en-
suite à tous ses Apôtres en général : « Tout ce que vous
lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que
vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. «.Matth.,
xvill, 19. Les Apôtres reçoivent par là le pouvoir il ta-
blir ou de supprimer des obligations dans le domaine
spirituel. Voir Lien, t. iv, col. 218. Le soir même de sa
résurrection, le divin Maître, qui vient de payer sur la
croix la rançon du péché, applique à un point spécial
le pouvoir qu'il a précédemment accordé : « Recevez le
Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils
leur seront remis; et ceux à qui vous les retiendrez, ils
leur seront retenus. » Joa., xx. 22, 23. Les Apôtres re-
çoivent donc ce jour-là, de celui qui a le pouvoir de
remettre les péchés, Matth., ix, 5, la transmission de ce
pouvoir. Saint Paul l'entend bien ainsi quand il dit :
« Dieu nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ, et
nous a confié le ministère de la réconciliation. » II Cor.,
v, 18. Ce ministère de la réconciliation, c'est l'ordre et
le pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de
pénitence. Le Concile de Trente, Sess. xiv. can. 2, 3, a
défini que les paroles dites parle Sauveur le jour de sa
résurrection doivent s'entendre du pouvoir de remettre
et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence,
comme l'Église catholique l'a toujours entendu depuis
l'origine, et qu'on ne peut les détourner contre l'insti-
tution de ce sacrement en les appliquant au pouvoir de
prêcher l'Évangile.
2 Le sacrement de pénitence précise et facilite les
conditions nécessaires à la rémission du péché sous la
Loi ancienne. 1. La contrition réclame toujours les
même qualités qu'autrefois; il faut qu'elle soit au fond
du cœur, qu'elle soit sincère et détache effectivement
la volonté du péché. Voir col. 39. Un nouveau motif
s'ajoute aux précédents pour la faire naître dans le
cœur; c'est la pensée de la rédemption et de tout ce
que le Sauveur s'est imposé de souffrances pour l'expia-
tion du péché. — 2. La confession prend une forme
plus précise, dont l'obligation se déduit des paroles
mêmes qui instituent le sacrement. Voir Confession,
t. n, col. 907-919. — 3. La satisfaction demeure néces-
saire comme autrefois, même après la rémission du
péché, du moins pour l'ordinaire. Cf. Xum.. xx. 12:
Deut.. xxxii, 49-51; II Reg.. XII, 14. etc. Saint Paul
déclare qu'il « complète en sa propre chair ce qui
manque aux souffrances du Christ, pour son corps,
qui est l'Église ». Col., i, 24. — i. Enfin Vabsol"
est une grâce nouvelle que l'Ancien Testament ne con-
naissait pas. Nathan put bien exceptionnellement dire
a David : i Jéhovah a pardonné ton péché. « II Reg., xn,
13. Les autres pécheurs, si repentants qu'ils lussent,
ne pouvaient présumer leur pardon. Xotre-Seigneur,
qui dit lui-même à plusieurs pécheurs : « Tes péchés
te sont remis, » Matth.. ix, 2; Luc, v, 20; vu, 47, 48,
donna à ses Apôtres, en vertu des paroles de l'institu-
43
PÉNITENCE — PENSEE
44
lion, le pouvoir non seulement de déclarer les péchés.
remis, mais de les remettre effectivement : i C
i|ui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis.
Leur pouvoir s'étend donc plus loin que celui de Na-
than, cpii ne lit que déclarer à David que son péché
était pardonné. — Cette rémission comporte reflet
déjà énoncé dans divers passages de la Sainte Écriture
par Dieu. Le péché, en vertu
de l'absolution, esl i couvert», Ps. lxxxv (lxxxiv), 3, et
« non imputé , Num., mi. 11 : Rom., iv, 7, 8, non pas
as qu'il existe toujours, quoique
: eu dai ne n'en plus tenir compte. Il est réellement
effacé, enlevé, radicalement détruit, comme le déclarent
les autres textes inspirés. Voir Péché, 4°, col. 11. En un
mot, en vertu des paroles évangéliques, il est « remis ».
comme une dette qui n'existe plus et ne peut plus
revivre, quand le créancier a rendu au débiteur le titre
qui liait ce dernier.
3° Le pouvoir conféré par Xotre-Seigneurà son Église
n'est pas limité par sa déclaration sur le péché contre
le Saint-Esprit. Matth., xn, 32; Marc, m, 28. Voir
Blasphème, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans l'Épitre
aux Hébreux, vi, 4-6 : « Il est impossible pour ceux qui
ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste,
qui ont eu pari au Saint-Esprit, qui ont goûté la dou-
ceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde
à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler
econde fois en les amenant à la pénitence. » De
ce texte, plusieurs Pères, Clément d'Alexandrie, Strom.,
2, 13, t. vin, col. 293; Tertullien. De psenit., 7, 9, t. i,
col. 1241, 1243; Origène, In Levit., Hom. xv, 2, t, xn,
col. 565; S. Ambroise, De psenit., u, 95, t. xvi,
col. 520 ; S. Augustin, Ep. Chili, 7. t. xxxm, col. 656,
ont conclu, sans justifier autrement leur assertion.
qu'il n'y a qu'une pénitence, comme il n'y a qu'un
baptême. Novatien et ses partisans s'appuyaient même
sur ce texte pour nier la possibilité du pardon des
graves. Cf. Socrate, H. E.. i, 10. t. i.xvii.
col. 69. Au moyen âge, on l'eniendit de la pénitence
solennelle, qui en effet n'était jamais réitérée. Cf. Tur-
mel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904,
p. 461. Il esl évident que l'auteur de l'Épitre n'a guère
pu songer à la pénitence publique. On explique assez
souvent son texte de la difficulté et même de l'impossi-
bilité meule fini empêche pratiquement l'apostat de
se repentir avec efficacité. .Mais plusieurs Pères pré-
fèrent une autre explication. Ils font porter l'idée prin-
cipale de l'auteur sur le mot s renouveler » ; il est im-
possible, disent-ils, qu'une Sme soit renouvelée par la
pénitence coi Ole l'est par le baptême, i 11 n'exclui
pas les pécheurs de la pénitence, mais il montre qu'il
n'j a dans l'Église catholique qu'un baptême, et non
lui qui fait pénitence cesse de pécher, mais
s blessures, tandis que celui
d ipouille le vieil homme et est renou-
velé par I i du Saint-Esprit qui lui donne une
naissanci » S. Athanase, Epist. iv ad Sera-
13 •• i . .i ici;. Ii au 1res pensent que l'écri-
eul seulement montrer qu'il n'y a pas clans
Juifs, plusieurs baptêmes
Ifier des souillures. Cf. S. Thomas,
theol., m, ,|. cxxxiv. a. 10, ad I"1". En toute hy-
pothèse, le li ; tion n'apporte donc aucune
restrii ti n à la rémissibilité des péchés.
VI. 1 Dieu. - La Sainte Êcritun dil
T"' ' oti d'avoir fait l'h me sur la terre,
G " ■ n, 6; ir établi roi Saiil, i i; ,.. xv. II. 35;
d'avoir voulu faire du mal à son peuple infidèle,
Jer., xxvi, 3, 13, 19, et auxNinh blés. .Ion., m,
10. D'autres fois, on annonc i que Diei se repentira
pas. I tv, 28; xx, 16. Ci ml la de
inthro] os qui prétenl à
S, mais
qui présentent sous une forme relative ce qui est
absolu en Dieu. Le repentir est impossible à Dieu,
qu'il a tout prévu à l'avance, le bon ou mauvais
usage que l'homme ferait de ses dons et la conduite
qu'il tiendrait lui-même en conséquence. Samuel
exprime ce qu'il y a d'immuable dans la volonté de
Dieu, quand il dit à Saiil : « Celui qui est la splendeur
d'Israël ne ment point et ne se repent point, car il
n'est pas un homme pour se repentir. » I Pie::., xv. 29.
Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites
aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu
sont sans repentance ». Rom., xi, 29.
H. Lesètre.
2. PÉNITENCE D'ADAM, livre apocryphe. Voir APO-
CRYPHES, t. i, col. 710.
PÉNITENTIAUX (PSAUMES), nom donné aux
sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvn, l, ci, cxxix et cxi.m, à
cause des sentiments de pénitence qu'ils expriment.
L'usage de réciter ces Psaumes pour demander à Dieu
pardon de ses péchés est très ancien dans l'Église.
PENSÉE hébreu : hâgûf, de hâgâh, « parler dou-
cement, méditer; t lamnidh, mezimmdh, de lâmam,
même sens; yesèr, de yâsar, «former; » aifûf, éstowjt,
de «sot, " former, imaginer; » rêa , àere'dh,» penser;»
iêah, de xiah, « parler, méditer; i se'i/fim, ie'iffim,
de sàaf, « diviser; » tar'affim; chaldéen : harhor, de
hdrdh, « concevoir; i va'iôn, de re'dh, • penser;
Septante : ô'.a)o-'.T,u.ô;. Sitxvoia, Ëvvota, èv8-jp.^a:{, \xtii-.r, ;
Vulgate : cogitatio, cogitatus. amsilium), combinaison
d'idées formée intérieurement par l'intelligence. —
Cette combinaison peut être spontanée ou voulue,
mais rapide; c'est la pensée proprement dite. Elle
exprimée extérieurement par la parole. Voir PAROLE.
L'intelligence peut s'y arrêter avec attention, c'est la
réflexion, ou même faire effort pour examiner la pensée
plus longuement et sous divers aspects, c'est la médi-
tation, sihdh, u.iii-.-r,. meditatio. La pensée peut ensuite
passer dans le domaine de la volonté, pour devenir
projet, dessein ou résolution, et être communiquée à
d'autres, sous forme de conseil, peur les diriger. —
Dans le langage biblique, le cœur est habituellement
considéré comme le siège de la pensée. Voir COEl R,
t. n, col. 823.
I Les pensées de Dieu. — Elles sont d'une profondeur
qui déconcerte l'homme. Ps. xcn (xci), 6. Elles ne
sont pas celles des hommes, Is., LV, 8, et les dépassent
autant que le ciel est au dessus de la terre. Is.. LV, 9.
Personne ne peut changer la pensée de Dieu, .lob, xxin,
13. Iiieu a des pensées de paix à l'égard de son peuple.
.1er., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pen-
sées. Mich., iv, 12.
2» i-es pensées de l'homme. — l. Dieu les connaît
toutes; il les sonde. I Par., xxvm. 9; Ps. xi iv (xcin),
11; exxxix (cxxxvm), :'.; Sap., VI, i; I eeli., xi.n, 20;
Is.. î.xvi, IS; Ezech., xj,5; I Cor., ni, 20; Heb.,iv, 12;
il les juge, Sap., i. 9, et les révèle. Luc. n. X>. 11 a
horreur des pensées mauvaises, Prov.. XV, 26. et son
Esprit s'éloigne de celles qui manqui nid.' sen<. Sap.. i.
5. Notre-Seigneur lisait dans les cœurs le- pensées de
-es interlocuteurs, et les étonnait profondément en les
l.ur révélant. Matth., ix. i; xn. 25; Marc, il, 6, 8;
Lue., v, 22; VI, S; i\. 17; xi. 17: x.xiv, 38. — 2. L'espril
de l'homme a des pensées multiples. Sap.. ix. 15. Ces
pi ii-. es sont incertaines. Sap., IX. li. et parfois Cl
grand trouble ;, l'homme. Dan., IV, 16; v, 6: m
Il ne faut pas s'élever dans ses pensées, Eccli., vi. 2.
mais demande]- a Iiieu qu'il en donne de bonnes, car,
-m- -en inspiration, nous ne soie capables de
concevoir quelque chose par nous-mêmes, au moins
dan- l'ordre du salut. II Cor., m, 5. - :i. Les bonnes
rencontrent chez le juste. Ps. xi.ix xi.vm),
45
PENSEE
PENTAPOLE
46
4 ; Prov., xii, 5. En lui, la charité ne pense pas le mal.
I Cor., xm, 5. Lui-même pense à Dieu dans toutes ses
voies. Prov., m, 6. Le chrétien doit s'armer delà pen-
sée de Jésus crucifié. I Pet., iv. 1. En dehors de là,
l'objet ordinaire de ses pensées sera « tout ce qui est
honorable, juste, pur, de bonne renommée, conforme
à la vertu et digne d'éloge ». Phil., iv, S. — i. Les mau-
vaises pensées, que fuit le juste, Job, xxxi, 1, sont
celles des méchants : pensées impies contre Dieu,
Sap., m. 14; pensées idolàtriques, Ezech., xx. 32;
pensées égoïstes, Deut., xv, 9; pensées intéressées,
Act., vin, 22; pensées d'erreur, Sap., H, 21, d'injus-
tice, Jacob., il, 4, d'adultère, Dan., xm, 28, d'orgueil
Dan., il, 29, 30, d'homicide, Gen., xxxvn, 18; I Reg.,
xxiv, 11; pensées perverses de toute nature. ;Is., LV,
7; i.ix, 7; I Reg., xvm, 25; Judith, v, 26; Sap., m, 10 ;
xvm, 5; II Esd., vi, 2; Lsth., ix, 24; Matth., xv. 19;
Marc, VII, 21. Depuis la chute des premiers parents,
toutes les pensées de l'homme inclinent vers le mal.
Gen.. vi, .">; vin, 21. Les philosophes eux-mêmes n'ont
abouti qu'à des pensées vaines. Rom., i, 21. En se con-
duisant au gré de leurs pensées, Is., lxv, 2; Jer., xvm.
12; Eph., il, 3, les méchants se séparent de Dieu, Sap.,
i, o, se couvrent de honte, Sap., Il, 14, attirent sur
eux le malheur, Jer., vi, 19. et se préparent de terribles
remords pour l'autre vie. Sap., iv, 20. — 5. L'insensé
n'a que des pensées volages, qui se succèdent sans
réflexion.
L'intérieur de l'insensé est comme une roue de chariot,
Et sa pensée comme un essieu qui tourne. Eccli., xxxm. 5.
II v a certaines pensées qu'il faut garder pour soi.
Même dans ta chambre ne dis pas de mal du puissant;
Même dans ta pensée ne maudis pas le roi.
L'oiseau du ciel emporterait ta voix
Et le volatile publierait tes paroles. Eccle., x, 20.
— 6. La Sainte Ecriture loue comme « une pensée
sainte et pieuse » celle qui porta Judas Machabée à
faire offrir des sacrifices pour les morts, et qui lui fut
inspirée par >• la pensée de la résurrection ». II Mach.,
xii, 43. 45.
3° La réflexion. — 1. Tout homme agit avec ré-
flexion. Prov., xm, 16. La réflexion doit précéder
toute action, si l'on ne veut pas avoir à se repentir.
Eccli., xxxil, 24; xxxvn, 20. Il est bon de fréquenter
ceux qui réfléchissent. Eccli., xxvii, 13. L'enfant pense
en enfant. I Cor., xm, 11. — 2. Les pharisiens réflé-
chissent à ce qu'ils répondront à Notre-Seigneur.
Matth., xxi, 25; Marc, xi, 31; Luc, xx, 5. Ca'iphe dit
aux membres du sanhédrin qu'ils ne réfléchissent pas
que la mort d'un seul est avantageuse à tout le peuple.
Joa., XI, 50. — 3. Le juste réfléchit quand il est néces-
saire. Judith, x, 13; II Esd., v, 7; II Mach., vi, 23;
etc. Marie réfléchit aux paroles de l'ang'e, Luc, i. 29;
Joseph, à ce qu'il doit faire par rapport à Marie,
Matth.. i, 20; les Apôtres, aux paroles que leur a dites
le Sauveur, Matth., XVI, 7, 8; Marc, |VIII, 16, 17; saint
Pierre, à sa vision de Joppé. Act., x, 19. — 4. Le cœur
du juste médite sur ce qu'il doit répondre. Prov., xv,
28. Cependant, Notre-Seigneur recommande à ses dis-
ciples de ne pas réfléchir sur ce qu'ils répondront de-
vant les tribunaux, parce que l'Esprit de Dieu le leur
nspirera. Matth., x. 19.
4° La méditation. — 1. On médite sur ce qui inté-
resse la vie présente. Dans la maison du deuil, le vivant
médite sur sa destinée. Eccle., vu, 3. Isaac sortait dans
les champs pour méditer, d'après la Yulgate. Gen.,
xxiv, 63. Un a beau méditer et s'ingénier, on ne
peut allonger d'une coudée sa taille, ou plutôt la durée
de sa vie. Matth., vi, 27; Luc, xn, 25. Le riche fermier
médite sur les moyens de serrer sa récolte abondante,
Luc, xn, 17; l'architecte, sur les ressources qui] lui
faut pour achever son édifice, Luc, xiv, 28; le roi, sur
les forces dont il dispose pour entreprendre la guérie.
Luc, xiv, 31. En général, la méditation habituelle des
gens de métier porte sur l'exécution de leur travail.
Eccli., xxxviii, 24-34. — 2. Le méchant médite le mal
sur sa couche, Ps. xxxvi ixxxvi, 5. et ne songe qu'à
tendre des embûches. Ps. xxxvm (xxxvii), 13. Il ferme
les yeux pour méditer la tromperie. Prov., xvi, 30. —
3° Il faut méditer jour et nuit sur la loi du Seigneur.
Jos., i, 8, sur ses commandements, Eccli., VI, 37. sur
la sagesse, Sap., vi, 16; vut, 17. Sur sa couche, pendant
ses veilles, le juste médite sur Dieu et sur ses œuvres.
Ps. uni (lxii), 7, 13; lxxvii (lxxvi), 7. Son cœur s'en-
flamme à la méditation de la fragilité de la vie. Ps. xxxix
I xxxvm), 4. Heureux qui médite ainsi! Ps.i,2; Eccli., xiv,
22, 28. L'auteur du Psaume exix icxvm) revient jus-
qu'à douze fois (16, 27, 47, 70, 77, 92, 97. 99, 117, 143,
118, 174) sur cette idée que la loi de Dieu est l'objet
assidu et très aimé de sa méditation. — Marie conser-
vait et méditait dans son cœur tout ce qu'elle voyait et
entendait au sujet de l'enfant Jésus. Luc, II, 19, 51. La
vierge n'a pas d'autre souci que de songer aux choses
de Dieu. I Cor., vu, 34. Saint Paul recommande à
Timothée de méditersur les conseils qu'il lui a donnés.
! Tim.. iv, 15.
5° Les projets. — Souvent on dit qu'on 'pense à une
chose pour signifier qu'on a le dessein de l'exécuter.
1. Ainsi Dieu a ses pensées, c'est-à-dire ses projets sur le
juste, Sap., iv, 17; contre l'Assyrie, Is., xiv, 26, et en
face de ses desseins, ceux de l'homme ne tiennent pas.
Prov., xxi, 30. Saint Paul a annoncé aux Éphésiens
tous les desseins de Dieu. Act., xx, 27. Quand les
Apôtres persistent à prêcher Jésus-Christ, Gamaliel dit
au sanhédrin que si cette idéevientde Dieu, elle s'exé-
cutera malgré eux. Act., v, 38. Salomon pense à bâtir
une maison à Jéhovah. III Reg., v, 5; vm, IN; 1
Par., xxviu, 2. Le navigateur pense à prendre la mer.
Sap., xiv, 1. Beaucoup d'autres pensées ne sont autre
chose que des desseins qu'on veut exécuter. Cf. Judith,
il, 3; Esth., xn, 2; Ps. v, il; xxxm (xxxn), 10; î.vi
(lv), 6; Prov., xvi, 3; xix, 21; Is., xxix, 16; etc. —
2. Très fréquemment, ces desseins sont mauvais.
Exod., x, 10; Ps. x, 2; xxi (xx), 12; xi.i ixi . 8;
Jer., xvm, 11, 18; xlviii, 2, etc. Tels sont en particu-
lier ceux de se révolter contre le Seigneur, Ps. n, 1;
Act., lv, 25: de s'emparer du Sauveur, Matth., xxvi, 4;
de le mettre à mort, Joa., xi, 53; de traiter de même les
Apôtres, Act.. v. 33, etc. Zacharie, vu, 10; vm, 17, re-
commande de ne pas méditer le mal les uns contre les
autres. Un jour, du reste, Dieu manifestera tous les
desseins des coeurs. I Cor., îv, 5.
6° Le conseil (hébreu : zimmâh, ésâh, fxiHyâh;
Septante : fio\i\rt ; Vulgate : cogitatio, consilium). — C'est
la manifestation de la pensée, pour la direction des
autres. Des conseils, bons ou mauvais, sont souvent
donnés. II Reg., xvn, 7; III Reg., xx, 25; Esth., i, 20;
Ezech., xi, 2, etc. Il faut chercher conseil auprès fles
hommes sages. Tob., lv, 19; Prov., xix, 20. La sage -
est avec ceux qui se laissent conseiller. Prov.. xm, 10.
Grâce aux conseils reçus, leurs projets s'affermissent.
Prov., xx, 18. Les conseils de l'amitié réjouissent le
cœur. Prov., xxvii, 9. Mais, même les conseils de l'étran-
ger ne sont pas dédaignés de l'homme de
Eccli., xxxn. 22. — Saint Paul conseille la virgi
I Cor., vu, 25. Voir CONSEILS ÉVANGÉMQ.BES, 1. II,
col. 922. H- Lesétre.
PENTAPOLE (grec :Uv^x-6,:;. « les cinq villes
désigne, Sap., x, 6, la région où étaient Sodome el les
autres villes qui furent condamnées par la justice di-
vine à disparaître, à cause de leurs iniquités.
I Les cinq villes. — Dans les divers passages où il
est fait allusion à la catastrophe, Sodome #t Gomorrhe
47
PENTAPOLE
48
sont le plus souvent nommées ensemble à l'exclusion
des autres villes; ainsi Gen., mu, 10: l'ont.. xxxn. 32;
Is., i. 9: mil 19; .1er., xxin, 14; xux. 18; l. 40; Amos,
iv. Il ; Soph., il. 9; Math., x, 15; Rom., ix, 29; Juda,
jor i'sl désignée comme une des villes coupables
el condamnée, mais épargnée à cause de la prière de
Lot. Gen.. xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et
Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut.,
xxix. 23. et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois pré-
ile, soit parce qu'elle était la principale
d'entre les cinq par son importance ou sa suprématie
■ H bien parce qu'elle fut la plus coupable. Cf. 1s., m. 9;
ï hren., iv. (>; Lzech..xvi; Matlh.,xi,23. Les autres villes
sont appelées « les filles »,benô(,ie Sodome, Ezech.,xvi,
16. IS. 19, 53, 55, expression qui. dans la Bible, in-
dique la dépendance et les suppose dans une même
- .in. Cette situation réciproque est attestée d'ail-
,1er., m ix, 18; l, 40, où ces villes sont toutes
'es « voisines »; Juda, 7, où elles sont dites
i villes des alentours », par rapport à Sodome et
i • orrhe.
2 Situation, étendue et description de la région. —
li Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c'est-à-
dire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. JOURDAIN,
t. m, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez
ralement cru à l'identité de la Pentapole avec « la
vallée de Siddim, vallis Silvestris, qui est la mer
Salée », Gen., xiv, 8, 10, où les cinq rois des cinq
villes se rangèrent en bataille pour soutenir l'attaque
de Chodorlahomor et de ses alliés; ils ont admis, en con-
séquence, qu'elle occupait tout le territoire recouvert
aujourd'hui par les eaux de la mer Morte. Cette con-
certainement les données bibliques.
La vallés de Siddim où les cinq rois s'assemblèrent
pour attendre leurs ennemis n'est pas présentée comme
identique à la Pentapole ni même comme en faisant
partie, puisque les rois « sortent » pour s'y rendre,
.IV. S; et si la vallée est devenue partie de la
ni' r Salée, la Pentapole au contraire « est une terre
brûlée par le soufre elle sel, inapte à être semée et où
iien ne germe plus, et où l'herbe ne pousse plus ».
xxix, 23; c'est une terre déserte et fumante,
produisant des fruits étranges, où est demeurée une
stèle de sid, monument attestant l'incrédulité de la
de Lot. .Sap., x. 7. Cf. .Ter., xlix, 18; i.. 10:
Soph., il. 9: Amos, iv, 11. La vallée de Siddim, appe-
li ' par Josèphe > la vallée des puits de Bitume ».
faisait, suivant lui. partie du territoire de Sodome,
■/x?i £68o|ia, et devint le lac Asphaltite, mais ne se
confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par
l'historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore
de son temps, mais privée de sa splendeur passée et
de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables,
portant les indices du feu qui l'avait frappée et ne gar-
dant plus que des restes informes des villes brillantes,
ni'eiises et qui en avaient été la gloire. Ilrll.
/'»■'.. IV, vin, i; ..lu/. ,„,/., [. ix, xi, 3.'cf. Tacite,
Hi ' . \. 7; Solin, Polyhistor, 38; Reland, Palmslina,
logues modernes sont unanimes d'ail-
iffirm i la préexistence de la mer Morte .. ta
trophede la Pentapole, sauf A reconnaître qu'une
rritoire a pu postérieurement être en-
iix du lac, à la suite d'un affaissi
de -.1. Voir Morte [Mer), t. iv, col. 1303-1307.
Mai : couvert par les eaux de la mer
Morie ne peul avoir été, en général du moins, le terri-
de la Pentapole, où faut-il chercher celui-ci? Une
partie, celle qui en fui !.. p ,„-, se lr011v;M| |a
métropole Sodome, occupai! certainement la régionqui
id m sud de t., ,,.. r > j es| ||n
indique Zoara d'Arabie, identique avec
Zoar de la Bible. Bell. ;»</., IV.viii, Cf. Moab,
I. iv, col. 1158, et Si,, on. Celle ville où Lot arrivait an
lever du soleil, en venant de Sodome qu'il avait quitté
aux premières heures du jour, Gen., xix, 15. 23.
use le site de cette rivière, non loin et dans la même
région méridionale. Le nom de Sodome reste encore
attaché, c'est ce que l'on reconnaît généralement, à une
petite chaine de collines, le Djebel Esdoum, qui s'étend
à l'extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôr Sâfiéh,
où l'on doit chercher le site de Ségor. La ville elle-
même, on n'en peut douter, se trouvait dans le terri-
toire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh
n'a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former
une riante et riche oasis, avec des plantatioDS de pal-
miers et diverses autres cultures, toute la région qui
s'étend depuis le djebel Esdoum, à l'ouest, jusqu'aux
abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres
et une longueur de dix depuis l'extrémité sud de la mer
Morte, n'est qu'une plaine désolée dont le sol est une
marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom
de Sebkliali, « terre salsugineuse. » Les abords du
djebel Esdoum, le p;/io> Sâfiéh, et la partie de la
Sebkhah s'étendant entre les deux, ont nécessairement
été une portion de la Pentapole, mais jusqu'où se déve-
loppait-elle au delà ?
Outre l'ancienne opinion voyant dans la mer Morte
la Pentapole recouverte par les eaux, trois autres hypo-
thèses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs
anglais croyant qu'on pourrait reconnaître le nom de
Gomorrhe dans celui de Atnr porté par une vallée
située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans
celui du Tell eSSaghûr que l'on trouve à l'est du Tell
er-Raâméh, dans les ancienne^ Araboth à quelques mi-
nutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damiéh
donné à des ruines qui se voient non loin de l'embouchure
du Zerqà (Jaboc), inclinent à localiser ainsi la Pentapole
tout entière au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong,
Wilson et Couder, Names and places in the OUI Testa-
ment, Londres. 1887. p. 4, 71, 178, 186; Conder, Band-
book lo the Bible, Londres, 1887, p. 238-241—2. M. Cler-
mont-Ganneau. au contraire, pense que le nom de Ghamr
étvmologiquement identique à celui de Gomorrhe. men-
tionné par la géographie arabe d'EI Moqaddasi [Géogra-
phie, édil. Goije, Leyde. 1873. p. 2ô3)surla route de Suq-
qariélt à Allah, à deux journées de marche au nord de
cette dernière, et que l'on retrouve aujourd'hui encore
dans celui de otn Ghamr,à quatre-vingts kilomètres en-
viron au sud de l'extrémité méridionale delà mer Morte,
propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud,
dans YArâbah. Cf. lu., Recueil d'archéologie oriei
Paris, 1888, t. i. p. 163. — 3. Pour Guérin et d'autres,
la Pentapole se développai) autour de Sodome dont le
djebel Esdoum est, de l'avis général, le représentant
incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au
sud, la Sebkab, peut-être entière : au nord toute la pointe
méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du
Lisàn, sur une longueur de 17 kilomètres et une lar-
geur de 13. avec les terrains qui bordent l'une et
l'autre à l'est et à l'ouest. Cette partie inférieure de la
mer Morte est une lagune dont la plus grande profon-
deur dépasse à peine sept mètres. Les terrains se
seraient affaissés n ia suite de la catastrophe el auraient
été postérieurement envahis par les eaux de la mer
Morte. Dans CI Me partie devait se trouver la vallée de
Siddim devenue partie intégrante du lac el c'est dans
son voisinai:e que se voyaient les diverses villes de la
Pentapole. Ct \ Guérin, Samarie, p. 291-298; Adama,
t. i, col. 207; Gomorrhe, t. m. coi. 273; Mo
col. 1307, 13i is.
La première opinion a le toit de ne pas tenir compte
des traditions onomastiques et historiques locales, les
premières sources d'information après la Bible, qui
n'ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du
djebel Esdoum el démontrer presque jusqu'à nos jours
Ségor et c le pays du peuple de Lot », diydr (/uni Loi,
40
PENTAPOLE — PENTATEUQUE
50
c'est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la
mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine under tltc
Moslems, Londres. 1890. p. 286-29-2. Dans la seconde
hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé
beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, sem-
ble-t-il, les données de la Bible et la conformation du
sol : Ségor était, en effet, de ce coté la limite de la
région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par
Lot pour son habitation. Gen., xm, 10-12. Et au delà
de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil
devant lequel le Jourdain devait s'arrêter. Les diverses
locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou
la position des autres villes par rapport à Sodome,
dont elles sont les « filles, les voisines, les villes du
pourtour ... déterminent aussi le rayon du cercle dans
lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne
parait pas sortir de ces limites. On pourrait seulement
lui contester, admise la préexistence de la mer Morte
jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le
Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l'arrosage
des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur
lesquelles elle s'appuie sont incontestables comme il le
semble, elle demeure inébranlable et elles font de
cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la
formation ultérieure de la mer Morte; c'est la question
des origines de ce lac.
3» Histoire. — En principe, la Pentapole apparaît ha-
bitée par des peuplades chananéennes de race ou d'as-
similation. Gen., x, 19; Num., xm, 30. Arrosée par le
Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l'Egypte
et formait un jardin divin; sa beauté et sa fertilité ten-
tèrent Lot. qui la choisit pour sa résidence, quand
Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen.,
xm, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de
la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée
dans la vallée de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar,
Arioch, roi d'Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et
ïhadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug
pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la trei-
zième année, ils avaient repris leur indépendance. L'an-
née suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir
ravagé tous les pays des alentours, s'avancèrent de nou-
veau contre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient
rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim.
Battus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes
tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la
région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les monta-
gnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la popula-
tion emmenée en captivité. Parmi les captifs se trou-
vait Lot. Averti, Abraham se mit à la poursuite de
l'armée victorieuse. Il tomba sur elle à l'improviste, la
mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les pri-
sonniers. Gen., xiv. Bans l'oisiveté et les jouissances de
la table que leur permettait l'abondance de tous les
biens produits presque spontanément par le sol le plus
fécond, aveuglés par les richesses et l'orgueil, les habi-
tants de la Pentapole ttaient descendus au dernier degré
de la perversion morale et s'étaient livrés aux dé-
sordres les plus infâmes. Gen., xm, 13; xvm, 20; xix,
11-21 ; Ezech., xvi, 49. Le Seigneur les punit en anéantis-
sant la Pentapole avec ses habitants. Gen., xvm, 20-xix.
30; Beut., xxix. 23, etc. — Cette terre riante et fortunée
devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle
apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'évapora-
tion extraordinaire de la mer Morte, semblable à une
entrée fumante et plongée dans les brouillards. Les
quatre villes brûlées n'ont plus jamais été relevées. Si
on en voyait encore les débris au temps de l'historien
Josèphe, aujourd'hui on ne sait plus même où les
chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés
font allusion, Gen., xix, 26, et Sap., x, 6, aurait existé
encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s'il faut
en croire Josèphe qui assure l'avoir vue. Anl. jud., I,
xi, 4. On la montrait longtemps après encore et aujour-
d'hui même un bloc de sel du Djebel Esdoum est
appelé bent seik Lout, ■< la fille (au lieu de la femme)
de Lot. » Il est douteux que ce soit le même dont par-
laient les anciens. Voir Lut i La femme de), t. m, col.
365. L. Heidet.
PENTATEUQUE, nom donné aux cinq premiers
livres de la Bible.
I. Noms.— 1° De la collection. — Le nom de Penta-
teuque n'est pas original. Il suppose la division en
cinq livres qui, elle-même, n'est pas primitive. Sa plus
ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abra-
hamo, 1, Opéra, Paris, 1610. p. 249; cf. De [migratione
Abralianii, 3, ibid., p. 390, et dans Josèphe, Cont.
Apion., i, 8, Opéra, Amsterdam, 1726, t. n, p. 441.
Quelques critiques l'attribuent aux Septante, voir t. IV,
col. 313-314; d'autres pensent qu'elle leur était anté-
rieure. Saint Jérôme, Epist. LU, ad Paulin., 8.
t. xxii, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante,
semble-t-il, que saint Paul, I Cor., xiv, 19, y faisait
allusion. Elle résulte peut-être de la distribution d'an
rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq
codices plus petits, à peu près d'égale dimension. Le
premier emploi du nom grec Kvrca-e.v/ôç, signifiant
littéralement « cinq étuis » (ts-j/o; étant l'étui dans
lequel on plaçait chaque rouleau), se rencontre dans
la lettre du valentinien Ptolémée (vers 150-175) à Flora.
S. Épiphane, Hser., xxxm, 4, t. xli, col. 560. On
croyait l'avoir rencontré clans un passage de saint Hip-
polyte, édité par de Lagarde, Leipzig et Londres. 1858,
p. 193, dans lequel le Psautier, divisé en cinq livres,
était dit y.xi otùrà ïUov îesvtoitsoxov. Mais ce passage
est de saint Épiphane. Hippolylus, dans Die grieschi-
schen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte,
Leipzig, 1897, t. i. p. 143. Origène, Comment, in Ev.
Joa., tom. Il (fragment), t. xrv, col. 192, emploie ce
nom, et ibid-, tom. xm. n. 26, col. 441, il parle de t?,;
IIîvtïTsO/oy Mioudéioç. Saint Athanase, Epist. ad Mar-
cellin., 5, t. xxvn, col. 12, s'en sert. Saint Epiphane
l'emploie plusieurs fois. De mens, et point.. ;..">, t. xi.ni.
col. 244. En latin, ce nom apparaît pour la première
fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Ter-
tullien, Adv. Dfarcion.,1, 10, t. n, col. 257. Il a la forme
neutre : Pentateuclntm, dans saint Isidore de Séville,
Etym., VI. n. 1, 2. t. lxxxii, col. 230. Les cri-
tiques ne s'accordent pas sur le point de savoir si, a
l'origine, il était un adjectif, qualifiant (5£6Xoî ou liber
sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-même
la signification d'ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv.
col. 314. Quoi qu'il en soit, les anciens employaient des
termes analogues, formés d'une manière identique.
Ainsi Eusèbe, Prsep. evang., i, 10, t. xxi, col. 88, men-
tionne un écrit d"Oorôviiç, intitulé : 'OxTiïs-j-/o;. Cer-
tains manuscrits, contenant les huit premiers livres de
la Bible, furent aussi désignés plus tard par le nom
d"0/.^i-.ijy_rjt. Pitra. Analecta sacra, Frascati, 1881,
t. H, p. 412; de Lagarde, Sepluagintastudien, Gcettin-
gue, 1892, t. n, p. 60. Ce nom est employé couramment
aujourd'hui pour désigner les manuscrits grecs conte-
nant huit livres. Swete, An introduction to the Old
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des
noms analogues étaient usités chez les Latins pour dé-
signer des manuscrits contenant les sept ou huit premiers
livres de la Bible. Saint Arnbroise, In Ps. cxvill expo-
sitio, serm. xxi. 12, t. xv. col. 1506, parle d'un Hep-
lateuchus, comprenant Genèse-Juges. Le canon de
Cheltenham, de 359, après les Juges, signale les livres
précédents comme formant une première collection :
Fiunt libri Vil. Sanday, dans Si* a et eccle-
siastica, Oxford, 189È t. m. p. 222. Les critiques mo-
dernes donnent le nom à'He.catcuque aux livres du
Pentateuque en y joignant le livre de Josué, qu'ils re-
51
PENTATEUQUE
gardent comme faisant parlii- il.' I;i même teuvre unique.
Les Juifs anciens n'onl ni connu ni employé le nom
de Pentateuqne. Les rabbins l'ont adopté équivalemment
plus tard quand ils onl appelé les livres de Moïse les
■ cinq cinquièmes de la Thora », minn "-"P"~ ntfpn,
ou « les cinq cinquièmes », DHjtoiri n^nn. Les anciens
se servaient d'autres dénominations. Comme les livres
de Moïse son! en grande partie législatifs, les Juifs en
Dommaii m le recueil, d'après la partie principale du
un. --T-. i la Loi, » .los., vm, 34; I Esd., x, 3;
Il I sd., mu. 2. 14; x. 35, 37; II Par., xxv, 4, et plus
tard min, » Lui. - sansarticle. Voirt.iv,col.329.Quandils
considéraient le législateur ou le rédacteur de cette loi,
ils disaient nsfia min, b Loi de Moïse, ■> .los., vin, 32;
I (III) Reg., il. 3; H (IV) Reg., xxm, 25; Dan., IX, 11;
I Esd., m. 2; vil, ti: H Par., xxm, 18; xxx, 16; ou
plus clairement encore. minn -:c, « livre de la Loi, »
.los., i, 8; vin. 34; Il Esd., vm, 3; ou rr&a min "isp,
» livre de la Loi de .Moïse ». Jos., VIII, 31; xxm, 6;
II (IV) Reg., xiv. li: Il Esd., vm, 1; ou plus brièvement,
-•i-^ -rr, " livre de Moïse », I Esd., vi,18; II Esd.. sm,
'1 ; II Par., XXV, i ; wxv, 12. Mais, lorsqu'on avait en vue
l'origine divine el la révélation de la Loi mosaïque, on
la nommait ---• min, « Loi de Jéhovah, » I Esd.. vu,
T : I
10; I Par., xvi. 10; II Par., xxxi, 3; xxxv, 26; ou bien
r'n'-s min, « Loi d'ÉIohim, » II Esd., vm, 18; x, 29,
30; ou nin' min -". « livre de la Loi de Jéhovah, »
II Par., xvn, î); xxxiv, 14; ou dtY-n rnin -z=. « livre
de la Loi d'ÉIohim, » Jos.,xxiv, 26; il Esd., vm, 18; ou
encore cn'-N ou ni-i min -,ed, « livredela loi de Jého-
vah Élohim. » 11 Esd., ix, 3. Les Septante ont traduit
ces passages par h v<S[jw>î ou vojj.o; sans article. Dans le
Nouveau Testament, les livres de Moïse sont désignés
aussi parles mots âv&po;, Matth.,v, L7;Rom.,u, 12, etc.,
on bien 6 vô(io5 Mwtialco;, Luc, II, 22; xxiv. il;
Ael . xxvm, 23; cf. Joa., 1,17; ou bien Bî6Xoç Muuoéuç,
Mu... xn, 26; ou simplement Mortirîj;! Luc, xxiv. 27;
Act.. xv, 21. Dans le ïalmud et chez les rabbins, les
livres île Moïse sont nommés rnin -z:, « le livre de la
Loi. » Buxtorf, Lexicon ckaldaicum talmudicum rab-
binicum, p. 791 ; Levy, Chaldâisches Worterbucli,
1). 268. Le nom ar.iméen de la collection est n: M,
rtorf, op. cit., p. 983; Levy, op. cil., p.' 16;
Aicher, Dos aile Testament in der Mischna, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1906, \>. 16.
2« De chaque livre. — Les Juifs de Palestine et
d Alexandrie uni donné à chacun des cinq livres des
noms différents. Dans la Bible hébraïque, les premiers
mots du texte -ni servi à désigner chaque livre : le
i"''' ' ' i 'i ■■ ! -:-s-:. le 2», niDtf --x- ou nioitf,
'" ':- *■"-'"■ le '', -z--, el le .V. :-"n n'-s ou = -;-.
Cf. Origène, /» /'s. ,, i. xn, col. 108i;' et d'ans Eusebe,
H. /■.., vi. 25, i. u ( -, , i . 580; s. Jérôme, Prologus galea-
'«*, t. xxvm, col. 552; s. Isidore de Séville, Etym.,
[■ VIi •'■ '• n. i. t. i xxxn. col. 229. Voir Biblische
'"/'. 1905, I. [II, p. 149-150. Les rabbins ,,„!
trois derniers de ces livres des
'i»i résument leur contenu : ainsi ils appelaient
'"•' - ;": rI"r- ' loi le ;-, ompsn u-:-.
i a transcription d'Ori-
■ H. E., vi, 25, t. xx, col. 580,
-v- sa, . dans le désert, »
'' ''' ~""r ".:-':■ répétiti le la Loi,» d'après une
lion -i lient., XVII, 18, qui parle seule-
ment d'un exemplaire de celte loi, c'est-a-dire du Deu-
téronome, désigné sous le nom de min. On a aussi
considéré ce livre comme une mischnah, une SeuTépu-
/>'.; to-j vo|ioù, une récapitulation de la législation pré-
cédente. Cf. Jos., xiii, 32. Les titres : m>x> nsD, « livre
de la création, a et J'p'M, « dommages, « ne dési-
gnaient pas, comme on l'a cru parfois, le premier et le
second des cinq livres, mais seulement des sections
particulières, à savoir le récit de la création et les lois.
Exod., x.xi, xxii. Voir J. Fûrst, Der Kanon des A. T.
nach den Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch,
Leipzig, 1868, p. 5-6; Buxtorf. Lexicon chald., p. 671.
Les Juifs alexandrins dans la version à leur usage,
dite version des Septante, ont désigné les cinq livres
par des noms qui conviennent, sinon à tout leur con-
tenu, du moins au sujet traité au commencement du
livre. Ainsi le 1er est désigné par son déduit révsot;
■/.od".oj, ou simplement Téveu:;; le 2e de même ' EÇoSo;
AÎ-,"j7i7o\j ou "EÇoôoç seulement; le 3° AsVEtttxdv ou
Aeumxrfv; le 4e 'Àpt6u.ot, et le 5e ÂEUTepovtfpiov. Pbilon
nomme les trois premiers : yâveo;;, ÈÇaywf'l ou ÈSoSor,
Aeuruxôv ou A.EUiTixti fitg>.oç. Les chrétiens ont adopté
ces noms; les Latins ont cependant traduit àpi6u.oî par
Numeri. Cf. Origène et S. Jérôme, toc. cit.; les Philo-
sophoumena, vi, 15-16, t. xvi, col. 3215, 3218. Théo-
dulfe, évêque d'Orléans, les a expliqués en vers. Car-
mina, II, I, t. cv, col. 299. Ils ont passé dans loutes
les langues par l'intermédiaire des versions faites sur
la Vulgate latine. — Sur les sections massorétiques du
texte hébreu, voir t. H, col. 559,
IL Analyse. — Le Pentateuque, dans >on ensemble,
est un livre en partie historique, en partie législatif,
qui raconte l'histoire du peuple d'Israël depuis la
création du monde jusqu'à la mort de Moïse el qui re-
produit la législation civile et religieuse de ce peuple
au cours de la vie du législateur lui-même. En tenant
compte du sujet traité et même partiellement de la
forme littéraire, le Pentateuque se diviserait tout natu-
rellement en trois parties. La Genèse, avec ses subdi-
visions généalogiques, sert d'introduction aux quatre
autres livres, et raconte l'histoire juive des origines
jusqu'à la sortie d'Egypte. Le Deutéronome, composé
principalement de discours, contient la récapitulation,
faite au pays de Moab, de la législation du Sinaï et ter-
mine l'histoire d'Israël sous la conduite de Moïse.
L'Exode, le Lévitique et les Nombres, dits les trois
livres du milieu, présentent les mêmes caractères: ils
racontent les pérégrinations d'Israël dans le désert et
contiennent la législation donnée aux Hébreux. Ce plan
général présente donc une indéniable unité d'ensemble.
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Sainte et la critique ratio-
naliste, 5- édit., i aris, 1902, I. m, p. 17-25.
1" Genèse. — Ce livre est construit suivant un plan
particulier, qui a été remarqué pour la première fois
par Kurtz, Die Einheit der Genesis, Berlin, I8i(i,
p. i.xvii-i. xviii. Il se partage en dix sections d'inégale
longueur et d'inégale importance, qui débutent par une
formule identique : r-i~r n-s. n, i; v, 1; vi. 9; x, 1;
xi. 27; xxv, 12; xxv, I9;xxxvi.l; xxxvil, 2. La variante :
nVn"tr ":- m, v, l.qui est synonyme de la précédente,
cl le double emploi, xxxvi, 1. 9. dans la notice d'Ésaû,
dont le second n'est qu'une transition, ne changent pas
le résultat, qui a été voulu et recherche'' pour lui-n
Le contenu des sections sert à indiquer le sens de fôldôf.
Ce mot signifie étymologiquement générations; il a
une autre signification dans les tiln di se lion i la
Genèse, si ces titres n'étaient suivis que de la généa-
logie des personnages nommés, le mot (aidât signi-
fierait seulement table généalogique. Mais com la
plupart des sections contiennent plus que de simples
énumérations de noms, le sens réel du mol est plus
compréhensif. On pense généralemi ni que de la signi-
53
PENTATEUQUE
ûcation dérivée : généalogie, l'auteur a passé à celui
dliistoire. Le titre de ces récits indique donc leur
genre littéraire. -Non pas qu'il signifie : « histoire rela-
tant des traditions populaires. » comme l'a prétendu
le P. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirations-
frarje, dans les Siblische Studien, Fribourg-en-Bris-
gau, 1901, t. ix, fasc. i, p. 26-32 ; mais bien histoire,
fondée sur les généalogies, développées par des récit?.
parce que les généalogies constituaient la partie prin-
cipale et le cadre de l'histoire primitive. Cl', abbé de
Broglie,£es;7<;ii!:<(/<><7<es bibliques, dans le Congrès scien-
tifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i,
p. 94-101. Voir t. m, col. 160. Le sens d'histoire une
fois admis, l'auteur l'a appliqué même aux choses ina-
nimées, auxcieux et à la terre, II, i, dont il racontait la
création.
Après une introduction sur la création du monde en
six jours, i. 1-n, 3, voir t. n, col. 1034-1054, la Genèse
se divise donc en dix sections, débutant par le même
titre : 1° Histoire du ciel et de la terre, n, 4-iv, 26.
Après le titre, II, 4, cette section raconte la création
spéciale de l'homme et de la femme, u, 5-25; la ten-
tation et la chute d'Adam et d'Eve, leur expulsion du
paradis terrestre, m, 1-21; la naissance de Cain et
d'Abel, les caractères différents de ces deux fils d'Adam,
le meurtre d'Abel parCaïnet la punition du meurtrier,
iv. 1-16; l'histoire de la postérité de Caïn et la nais-
sance de Seth, iv. 17-26. — 2° Histoire d'Adam, v, 1-vi, 8.
Cette section donne la généalogie des dix patriarches
antédiluviens depuis Adam jusqu'à Noé, v, 1-31, et ra-
conte la perversion de l'humanité primitive, perver-
sion qui attire sur la terre les châtiments de Dieu. VI,
1-8. — 3° Histoire de Noé, VI, 9-ix, 29. Noé, parce qu'il
est juste, trouve grâce devant Dieu qui lui ordonne de
construire une arche, destinée à le sauver du déluge,
lui. sa famille et un couple de chaque espèce d'ani-
maux, vi. 9-22. Il entre dans l'arche, vu, 1-9. La pluie
tombe pendant quarante jours et quarante nuits et les
eaux qui couvrent et détruisent tout demeurent sur la
terre durant 150 jours, vu, 10-24. Après la cessation de
la pluie, les eaux diminuent progressivement et Xoé
sort de l'arche, VIII, 1-14. Voir Déluge. I! offre un sa-
crifice à Dieu qui le bénit et fait alliance avec lui, vm,
15-ix, 17. Il plante la vigne, maudit Cham, bénit Sem
et .lapheth, et meurt, îx. 18-29. — 4» Histoire des fils de
Xoé. x. 1-xi. 9. Elle se réduit à la table des peuples
issus de Japheth, de Sem, x, 1-32, à laquelle est joint
le récit de la construction de la tour de Babel et de la
confusion des langues, xi, 1-9. — 5" Histoire de Sem,
xi. 10-26. C'est la répétition de la généalogie de Sem et
sa continuation jusqu'à Tharé, père d'Abraham. —
ti Histoire de Tharé et d'Abraham, xi, 27-xxv, 11. La vie
de Tharé et de ses enfants ayant été résumée, xi, 27-
32, l'histoire spéciale d'Abraham commence par le récit
de sa vocation et de sa migration de Haran au pays de
Chanaan, xn, 1-9, et par celui de son séjour en Egypte
et de la préservation de Sara, son épouse, xn, 10-20.
Revenu en Chanaan. Abraham se sépare de Lot, son
neveu, xili, 1-13, et Dieu promet de donner le pays à sa
postérité, xi. i. 1.4-18. Quatre rois confédérés envahissent
la Pentapole et emmènent Lot qui habitait à Sodome,
xiv, 1-12; Abraham poursuit les envahisseurs et leur
ravit le butin qu'ils avaient enlevé. Melchisédech bénit
Abraham et celui-ci rend au roi de Sodome tout son
bien, xiv, 13-24. Dieu conclut une alliance solennelle
avec Abraham, à qui il prédit les destinées de sa race,
x>, 1-21. Abraham épouse Agar, qui enfante Ismaël,
avoir fui au désert pour échapper aux mauvais
traitements, que Sara, sa maîtresse, lui infligeait, XVI,
1-16. Dieu change le nom d'Abram en celui d'Abraham,
renouvelle ses promesses, institue la circoncision et
prédit la naissance d'un lils de Sara, xvn, 1-22. Abra-
ham se circoncit et avec lui toute sa famille, xvn,
13-27. Trois anges lui apparaissent, lui renouvellent
l'annonce d'un lils de Sara et le préviennent Je la ruine
de Sodome et de Gomorrhe, qu'ils vont accomplir
malgré l'intervention d'Abraham, xvni, l-i;::. Récit du
crime des Sodomiles et de la délivrance de Lot, xix,
1-29; naissance incestueuse de Moah et d'Ammon.xix.
30-38. Aventure de Sara chez Abimélech, roideGérare,
xx, 1-18. Xaissance d'Isaac et expulsion d'Ismaël, xxi,
1-21. Alliance d'Abraham avec Abimélech, XXI, 22-34.
Abraham se dispose à immoler Isaac sur l'ordre de
Dieu, qui, satisfait de sa bonne volonté, arrête sa main
et renouvelle les promesses précédentes, xxn. 1-19.
Postérité de Xachor, xxin, 20-24. Mort et sépulture de
Sara dans le champ d'Éphron, xxm, 1-20. Abraham
envoie un de ses serviteurs en Mésopotamie chercher
une femme à Isaac, xxiv, 1-9; prière de ce serviteur
qui rencontre Rébecca, xxiv, 10-28; il la demande en
mariage pour son jeune maître, xxiv, 29-51. et la ra-
mène, xxiv, 55-61. Mariage d'Isaac, xxiv. 62-67. Abra-
ham épouse Cétura, partage ses biens entre ses enfants,
meurt et est enseveli avec Sara, xxv, 1-11 — 7° Histoire
d'Ismaël, xxv, 12-18. Elle se réduit à l'indication de sa
postérité et au récit de sa mort. — 8» Histoire d'Isaac,
xxv, 19-xxxv, 29. Xaissance d'Ésaii et de Jacob, xxv. 19-
26. Ésaii vend son droit d'aînesse, xxv, 27-31. Au temps
d'une famine, Isaac va chez Abimélech, reçoit des pro-
messes divines et fait passer Rébecca pour sa sœur,
xxvi, 1-11. Ses richesses excitent l'envie des habitants,
qui bouchent les puits qu'il a creusés, xxvi, 12-22.
A Bersabée, Dieu lui apparaît de nouveau, et Abimélech
vient contracter alliance, xxvi, 23-33; double mariage
d'Ésaii, xxvi, 31, 35. Jacob obtient la bénédiction de
son père à la place d'Ésaii, xxvn. 1-29; Ésaii est béni à
son tour, xxvn, 30-40. Jacob va en Mésopotamie pour
échapper à la colère de son frère et pour chercher une
femme de sa race, xxvn, 41-xxvni, 5. Ésaii épouse une
troisième femme, xxvm. 6-9. Sur le chemin de Haran,
Jacob a une vision à Béthel, xxvm. 10-22. Il rencontre
Rachel, fille de Laban; il l'épouse ainsi que Lia, sa
sœur, xxix, 1-30. Xaissance de onze fils et d'une fille,
xxix, 31-xxx, 24. Jacob fait avec Laban des conventions,
et il s'enrichit habilement, xxx, 2543. Parce que les fils
de Laban le jalousaient, il quitte furtivement Haran et
Laban le poursuit, xxxi, 1-21. Ils contractent ensemble
une alliance, xxxi, 25-55. Jacob envoie des présents à
Ésaii, xxxu, 1-21 ; il lutte avec un ange, xxxn, 22-32.
I.sau lui fait bon accueil, xxxm, 1-17. Jacob passe à
Salem et achète le champ d'Hémor à Sichem, xxxiil,
18-20. Enlèvement de Dina par les Sichémites et ven-
geance de ses frères, xxxiv, 1-31. Dieu apparaît de
nouveau à Jacob et lui ordonne de lui élever un aulel
à Béthel, xxxv, 1-7. Mort de Débora, nourrice de Ré-
becca, et changement du nom de Jacob en celui d'Israël,
xxv, S-15. Xaissance de Benjamin et mort de Rachel,
xxxv, 16-20. Inceste de Ruben, liste des fils de Jacob
et mort d'Isaac, xxxv, 21-29. — 9» Histoire d'Ésaii,
xxxvi, 1-42. Elle n'est que le tableau généalogique de
sa postérité. — 10" Histoire de Jacob, xxxvn, 1-l, 25.
Joseph, le fils préféré de Jacob, est jalousé par ses
frères, xxxvn, 2-11. Envoyé pour les rejoindre à Do-
thain, il est vendu par eux à des Ismaélites qui le re-
vendent à Putiphar, xxvn. 12-36. Les fils de Juda, spé-
cialement à la suite de ses relations avec Thamar, sa
bru, xxxviii, 1-30. Joseph chez Putiphar; accusé par la
femme de son maître, il est jeté en prison, xxxis, 1-2:!.
Il interprète les songes du panetier et de l'écha
du Pharaon, xi., 1-23; puis ceux du Pharaon lui-même,
xli, 1-36 : c'esl pourquoi il est mis à la tête île l'Egypte,
xli, 37-16. Les sept années de fertilité; naissance des
fils de Joseph, xii. W-52. Co tenci tnenl de la famine,
xli, 53-57. Jacob envoie ses lils en Egypte; Joseph les
reconnaît, retient Siméon en capthité et renvoie les
autres à leur père, xlii, 1-25. Leur retour; Jacob re-
:,:>
PENTATEUQUE
Û6
fuse de laisser partir Benjamin, xlii, 26-38. Contraint
par la famine, il consent au départ de Benjamin, xi.in.
1-15. Ses fils sont reçus par le chef de la maison de
Joseph, puis par Joseph lui-même, xliii, 15-34. La coupe
i mise à dessein dans le sac de Benjamin;
Joseph veut punir le ravisseur; Judas s'offre à la place
de son jeune frère, xi.iv, l-3i. Joseph se fait reconnaître
et \ .ut faire venir son père en Egypte, xly, 1-28. Arri-
vée de Jacob en Egypte, et liste de ses enfants et petits-
enfant-, xlvi, 1-27. Rencontre de Joseph et de son père,
xlvi, 28-34. Joseph obtient de Pharaon la terre de Ges-
sen, xlvii, [-12. Les Égyptiens achètent des vivres,
xi.vii. 13-26. Après 17 ans de séjour en Egypte, Jacob
fait à Joseph ses dernières recommandations, XLVII, 27-
31. Devenu malade, il adopte les deux fils de Joseph et
les bénit, xi.vin. 1-22. Il bénit tous ses fils et meurt,
xi.ix, 1-32. Joseph le fait ensevelir en Chanaan, L, 1-12.
Ses frères lui demandent pardon; il leur promet ses
bonnes grâces. Sur le point de mourir, il demande que
ses ossements soient un jour emportés au pays de Cha-
naan. Il meurt et il est enterré en Egypte, L, 13-25.
On a prétendu que, dans la pensée de l'auteur, le
nombre des dix sections avait une valeur symbolique
et signifiait l'universalité ou la perfection de l'histoire
primitive de la théocratie. Mais cette idée symbolique,
imaginée par les critiques modernes, n'est probable-
ment jamais entrée dans l'esprit de cet auteur.
Le « schématisme », comme on dit, de la Genèse ne
manifeste pas seulement dans ce sectionnement en
dix parties ayant le même titre; on le remarque encore
clans la disposition des sections et dans le procédé,
identiquement suivi pour chaque section. Les (ôldôf sont
disposées dans l'ordre de leur importance. Il y en a de
deux sortes, en effet, celles de la ligne directe d'Adam
à Jacob, et celles des lignes latérales, au nombre de
trois, à savoir, celles des enfants de Noé, d'Ismaël el
d'Ésaù. Ces dernières, qui ont moins d'importance,
sont plus courtes et elles précèdent toujours les branches
parallèles de la ligne principale. Elles sont donc inten-
tionnellement placées en avant et peu développées en
raison de leur moindre importance. Les branches secon-
daires sont ainsi éliminées, el ne reparaissent plus qu'ac-
cidentellement, quand elles sont mêlées à l'histoire
de la branche principale. Du reste, ce procédé d'éli-
mination est employé dans tout le livre, dont le con-
tenu se restreint toujours de plus en plus. L'histoire.
d'universelle qu'elle était au début, se particularise
progressivement pour n'être plus que l'histoire reli-
gieuse <l Israël. Caïn et sa race sont éliminés dans
I histoire d'Adam; les descendants de Seth, sauf Noé, i
partir de l'histoire de ce dernier; Cham et Japheth
disparaissent de l'histoire de Sem; les autres fils de
Sem sont exclus de l'histoire de Tharé et d'Abraham.
A partira Ismaël, les branches secondaires, qui forment
iales, sonl vite laissées hors d'obser-
vation /,;/ île Jacob commence l'histoire
uple élu, du peuple théocratique.
D autre part, l'écrivain suit un ordre déterminé dans
i" ments de i haque section. Le titre est
sum ipitulalion de la section prê-
te. Ainsi Gen., n, 1. résume l'introduction, i. l-n,
:;: v. i. ,, pèie i. 27; xxv, 12, ri su me xvi, I. 3, 15, 16;
xxv, 19, condense svii; wi. 2 ... Au début des autres
"-• i' ^ a un poinl de repère avec ce qui précède :
1, 10 les noms des Mis de Noé, v. 32, el les
causes du déluge, xi. 1-5; x, 1, est la répétition de tx,
18, 19; si, 27, reproduil le irersel qui termine la section
i"1 cédente; xxxvi, 2,3, réi apitule tes i s des femmes
d'Esaû, xxvi, 34; xxvm, 9; xxxvii, 1, esl la rép
de kxxv, 27. Ce procédé récapitulatif, remarqué par
liai.. m Maur, Comment, in Gen., I. Il, c. xn, t. cvn,
col. 531 532 donne I - des répétitions signa
lées par les critiques connue indice île la diversité di -
sources. Les (ôldôf d'un patriarche embrassent toujours
tout le développement qu'a pris sa maison de son
vivant. Ainsi celles d'Abraham comprennent l'histoire
d'Ismaël et d'Isaac, qui sont réunis pour ensevelir leur
père, xxv, 9; celles d'Isaac racontent l'histoire d'Ésaii,
qui, lui aussi, se joint à Jacob pour ensevelir Isaac,
xxxv, 29; celles de Jacob comprennent l'histoire de ses
fils jusqu'à sa mort, l, 12. et à celle de Joseph. L, 25.
La vie du patriarche est plus ou moins développée.
Elle est réduite parfois à quelques mots, v, xi ; ou à
quelques lignes, xi, 28-31 ; pour Noé, Abraham et Jacob,
elle raconte de nombreux faits. Quand elle est détaillée,
elle se termine d'une manière à peu près uniforme :
l'écrivain indique la durée totale de la vie du héros et
sa sépulture avec ses ancêtres, ix, 29; xi, 32: xxv. 7;
xxxv, 28; xlvii, 28. Le total des années des patriarches
est aussi indiqué au c. v; mais il ne l'est pas au c. xi,
10-26.
Ce plan suivi est indéniable et prouve que la Genèsi
a été rédigée dans un but déterminé et d'après un ordre
fixé. Les critiques modernes l'attribuent au rédacteur
définitif du Pentateuque qui, selon eux, aurait emprunté
au code sacerdotal le cadre généalogique et le schéma-
tisme, lesquels seraient une des caractéristiques de
cette source. Il montre, atout le moins, l'unité actuelle
de ce livre, compris comme un vaste tableau généalo-
gique, embrassant les détails connus de l'histoire pri-
mitive et de l'histoire patriarcale. Cf. P. Débattre, Plan
de la Genèse, dans la Revue des questions historiques,
juillet 1876, t. xx, p. 5-43; Id., Le plan de la Genèse
cl 1rs générations du ciel et de la terre, dans la Scieur,'
catholique du 15 octobre 1891, t. v, p. 978-989; P. de
Broglie, Elude sur les généalogies bibliques, dans le
Congrès scientifique international des catholiques de
t888, Paris, 1889, t. i, p. 94-101; P. Julian, Étudi cri-
tique sur la composition de la Genèse, Puis. 1888,
p. 232-250.
A ne considérer que le contenu de la Genèse, on a
proposé des divisions logiques en deux ou huit parties.
Dans le premier cas, le livre raconte : I» l'histoire de
l'humanité depuis la création jusqu'à la vocation
d'Abraham, ri, 1-xi. 26: 2" l'histoire dis patriarches
Abraham. Isaac et Jacob, ancêtres du peuple juif, jus-
qu'à la mort de Jacob et de Joseph en Egypte, xi. 27-L,
25. Chacune de ces parties principales se subdiviserait
en cinq sections, commençant par (ôldôf. Cf. R. Cor-
nel\. Tntroductio speciàlis in historiées V. T. libres,
Paris. INS7, t. n, p. 8-10. Beaucoup de critiques mo-
dernes acceptent cette division etséparent l'histoire pri-
mitive, i. I-XI, 9, de l'histoire des patriarches, XI, 28-L,
2H. reliée à la première par la généalogie de Sem. XI,
10-27. Dans le see ml cas. 0n distingue : l" la création
du monde et de l'homme, i. I-m, 21; 2 l'histoire de
1 humanité jusqu'au déluge et l'alliance conclue entre
Dieu et Noé après le cataclysme. IV. 1-IX. 17: 3 11
trois fils de Noé considérés comme pères de l'humanité
postdiluvienne, ix. lS-x. 32; V la séparation des
le. mines au point de vue des langues, la formation
des nations, et la généalogie de Sem, XI : 5° l'histoire
d'Abraham, père du penple de la promesse. XII. l-xx\.
11: G la généalogie d'Ismaël. xxv. 12-18, et l'histoire
d'Isaac, xxv, 19 \\x\. 39; 7 la généalogie d'Ésaû, xxxvi:
8' l'histoire de Jacob, xxxvn-L.
2 Exode. — Après la mort de Joseph, l'histoire du
peuple d'Israël ne procède plus par généalogies. Israël
est devenu un peuple et son histoire, sous la cou
de 'luise, est celle de sa constitution nationale el i 'i-
gieuse. i lie se poursuit dans les quatre autres livre I)
Pentateuque, qui sont à la fois historiques el législa-
tifs. La séparation des trois livres du milieu esl un peu
arbitraire; elle n'a eu peut-être d'autre raison, comme
nous l'avons déjà dit, que la nécessité de diviser en
parts à peu près égales un rouleau qui, autrement.
57
PENTATEUQUE
58
aurait été trop volumineux. Les faits qu'ils racontent
se suivent et se complètent. On peut néanmoins consi-
dérer chacun d'eux comme un tout séparé.
L'Exode, après un court préambule, i, 1-7, qui est
comme la récapitulation des tôldôt de Jacob, peut se
diviser en trois parties très distinctes : la première partie
raconte les événements qui ont précédé et préparé la
sortie d'Egypte, i, S-xn, 36, à savoir, l'oppression des
Israélites par un nouveau Pharaon, qui n'avait pas
connu Joseph, i, 8-22: l'histoire de Moïse avant sa voca-
tion, il, 1-25; la vocation de Moïse comme sauveur de
son peuple, son retour en Egypte et l'accueil que lui
font les Israélites, m, 1-iv, 31; les premières tentatives
de Moïse et d'Aaron auprès du roi d'Egypte, v, I-vi,
13; une généalogie des fils de Ruben, Siméon et Lévi,
précédant et préparant la généalogie de Moïse, vi, 14-
30; une nouvelle mission divine de Moïse et la descrip-
tion des neuf premières plaies d'Egypte, vin, 1-x, 29;
la prédiction de la dixième plaie, xi, 1-10; l'institution
et la célébration de la première Pàque, xn, 1-28, la
mort des premiers-nés des Égyptiens et les préparatifs
de la sortie d'Egypte, 29-36. La seconde partie rapporte
les faits accomplis depuis la sortie d'Egypte jusqu'à
l'arrivée des Israélites au pied du Sinaï, xn, 37-xvm,
27. Le récit du départ des Israélites est suivi de la
législation concernant la Pàque future, souvenir et
anniversaire de la première et la consécration des
premiers-nés. xn. 37-xm. 16. Viennent ensuite le récit
des premiers campements des Israélites, la poursuile
de l'armée égyptienne, qui serre les fugitifs sur les
bords de la mer Rouge, xm, 17-xiv, 14. Les Israélites
passent la mer à pied sec, et les Égyptiens sont englou-
tis dans les Ilots, xiv, 15-31. Cantiques de Moïse et de
Marie, sa sœur, ST, 1-21. Les stations dans le désert
sont ensuite spécifiées avec les événements qui s'y
rattachent : à Sur, à Mara, à Élim,xv, 22-27, au désert
de Sin avec l'envoi des cailles et de la manne, xvi, 1-
36, à Raphidim, où l'eau sort du rocher, xvn, 1-7, et
où les Israélites battent les Amalécites, 8-16. La visite
de Jéthro, beau-père de Moïse, sert d'occasion à l'institu-
tion des juges du peuple, XVIII, 1-27. La troisième
partie débute par le voyage de Raphidim au pied du
Sinaï. xix, I. 2. A cette longue station se rattache une
portion de la législation mosaïque, de sorte que l'on-
vrage, d'historique qu'il était, devient code législatif.
Moïse monte au sommet du mont Sinaï, où Dieu lui
indique les préparatifs, puis, trois jours après, les dis-
positions extérieures de la promulgation de ce qu'on a
appelé son alliance avec Israël, xix, 3-25. Suit la pro-
mulgation du Décalogue et des conditions de l'alliance
qui forment le livre de l'alliance, xx, 1-xxm, 33. Ce
livre, ainsi nommé, XXIV, 7, comprend la loi de l'autel,
xx, 24-26, des lois sur les esclaves, xxi, 1-11, sur l'homi-
cide et les rixes, 12-27, sur les dommages causés par
les animaux, 28-36, sur les voleurs, xxn, 1-4, lesdamni-
ficatetirs, 5, 6, les dépositaires négligents, 7-13, sur le
prêt. 14, 15, sur des points de morale ou de religion,
xxii. 16-xxin, 9, sur l'année sabbatique et le sabbat,
10-12, et les trois fêtes annuelles, 13-19. Des promesses
sont attachées à l'observation de ces lois, 20-33. Voir
t. i, col. 388. L'alliance, fondée sur ces conditions, est
conclue entre Dieu et Israél. xxiv, 1-8. Dieu se manifeste
aux anciens du peuple, puis à Moïse seul qui, pendant
quarante jours et quarante nuits au sommet de la mon-
tagne, reçoit du Seigneur une description précise de
l'arche d'alliance, de la table des pains de proposition,
du candélabre à sept branches, du tabernacle et de
l'autel des holocaustes, des vêtements sacerdotaux, des
rites de la consécration des prêtres, diverses lois, la
désignation des constructeurs du tabernacle et une loi
relative à l'observance du sabbat, xxiv, 9-xxxi, 18. Le
récit historique reprend. Pendant l'absence prolongée
de Moïse, le peuple adore le veau d'or. Dieu s'en irrite;
.Moïse intercède pour le peuple, brise les tables de la
loi, renverse l'idole, punit les coupables, intercède de
nouveau auprès du Seigneur, qui fait grâce au peuple
repentant, xxxii, 1-xxxin, 6. Moïse transporte le taber-
nacle hors du camp et Dieu propose de renouveler
l'alliance rompue par l'infidélité des Israélites. Mm-,
taille de nouvelles tables, reçoit une seconde fois de
Dieu les conditions de l'alliance, après 40 jours de
séjour au sommet du Sinaï, rapporte les tables de la
loi, gravées de sa propre main, et reparait le visage
resplendissant de la gloire divine, xxxm, 7-xxxiv, 35.
Les ordres divins au sujet de la construction du taber-
nacle et des instruments du culte s'accomplissent : les
Israélites apportent leurs dons; les ouvriers désignés
les emploient à la construction du tabernacle, de l'arche,
de la table des pains de proposition, du candélabre,
des autels et des vêtements sacerdotaux, xxxv, I-xxxix
29. Tout le travail achevé est béni par Moïse. Dieu or-
donne d'ériger le tabernacle, de vêtir et d'oindre les
prêtres. Ses ordres sont exécutés, et la nuée du Sei-
gneur couvre le tabernacle, xxxix, 30-xl, 36.
3" Lévitique. — Ce livre est presque en entier légis-
latif et continue l'exposé des lois, données par Dieu à
Moïse au Sinaï. Les nombreuses lois qu'il contient sont
codifiées sans ordre logique. Il y a cependant certains
groupements de dispositions concernant le même sujet.
Une première section, l-vn, est consacrée aux sacrifices:
holocaustes, i, 1-17; oblations. H, 1-16; sacrifices paci-
fiques, m, 1-17; sacrifices pour le péché involontaire,
iv. I-v, 13, et pour le délit volontaire, v, 14-vi, 7. Sui-
vent les préceptes concernant les prêtres dans l'offrande
de ces divers sacrifices, vi, 8-10, puis de nouvelles pres-
criptions au sujet des sacrifices pacifiques entrecou-
pées par la défense réitérée de manger la graisse et le
sang, vu, 11-34, et terminées par une conclusion géné-
rale, 35-38. Une seconde section raconte en détails la
consécration d'Aaron et de ses fils, vm, 1-36, et l'inau-
guration de leurs fonctions, ix, 1-24. Suit l'épisode de
la punition de Nadab et d'Abiu, coupables d'un man-
quement dans le service divin, x, 1-27. Enfin vient la
défense faite aux prêtres de boire du vin et des liqueurs
enivrantes, et une prescription relative à la manduca-
tion des restes du sacrifice, x. 8-20. Une troisième
section réunit les lois de la pureté légale, xi-xv : les
animaux purs el impurs, XI, 1-47; la purification de la
femme en couches, xn, 1-8; la lèpre des hommes, xm,
1-ili, des habits, xm, 47-59; la purification du lépreux,
xiv, 1-32; la lèpre des maisons, 33-53; récapitulation,
54-57; les impuretés sexuelles, xv, 1-33. Une quatrième
section expose les rites de la fête annuelle de l'expia-
tion, XVI, 1-34. Après une loi spéciale sur l'immolation
des victimes el la défense de manger le sang et les
bêtes mortes, xvn, 1-16, une cinquième section groupe
les lois concernant la pureté extérieure et inté-
rieure, xvin, 1-5, à savoir les mariages interdits, xvm,
6-30; les devoirs envers Dieu et le prochain, xix, 1-18,
et différents préceptes de même nature, xix, 19-37. Des
peines sévères sont portées contre les violateurs de ces
dispositions, xx, 1-27. Lois spéciales sur la sainteté des
prêtres, irrégularités sacerdotales, xxi, 1-24. Conditions
à remplir par les prêtres et les membres de leurs
familles pour pouvoir manger les choses saintes, xxn.
1-1G. Qualités que doivent avoir les victimes des sacri-
fices, 17-30. Conclusion, 31-33. Liste des fêtes à célébrer,
xxiii, 1-44. Loi sur l'huile du tabernacle et les pains
de proposition, xxiv, 1-9. A l'occasion d'un fait parti-
culier, peine portée contre les blasphémateurs, xxiv,
10-23. L'année sabbatique et le jubilé, xxv, 1-55. Pro-
messes et menaces pour l'observation ou la violation de
la loi divine, xxvi, 1-45. Loi sur les vœux et les dimes,
xxvil, 1-34.
4° Nombres. — Ce livre reprend le récit du séjour
des Israélites dans le désert, récit qui avait été inter-
59
PENTATEUQUE
60
rompu par l'exposé il t- la législation donnée par Dieu à
Moïse sur le Sinaï. Il le reprend au départ du Sinaï,
- de la seconde année après la sortie
d'Egypte, et il le conduit jusqu'au onzième mois de la
quarantième année du séjour dans le désert. Mais
l'histoire de ces3 n'esl pas racontée en détail;
seuls, les évi a m il du début et de la lin de cette
i. sonl rapportés. Des lois nouvelles sont ins
! des faits. Les Nombres peuvent donc se di-
viser en trois parties : — I- partie. Événements qui se
lits depuis les préparatifs du dépari du Sinaï
. ondamnaiion divine du peuple révolté, i-xiv.
le se subdivise en deux sections : — i"> section.
Préparatifs du départ : 1" recensement du peuple d'où
le livre a pris son nom, et office des lévites, i, 1-54;
2° ordre des campements, h, l-3i; 3° généalogie, office,
recensement et place dis lévites, m, 1-39; recense-
ment di pri miers-nés que remplacent les lévites. 40-
51; offices de chaque famille de lévites, iv, 1-33; réca-
pitulation, 31-49; 1° lois-particulières, dont la première
concerne la pureté' du campement, v, 1-vi. 27; 5° re-
tour en arrière i récil de ce qui s'est passé au premier
mois de la seconde année, lors de l'érection du taber-
nacle, cf. Exod. xi., I ; offrande de chariots pour porter
le tabernacle, et autres offrandes des princes de chaque
tribu, Num., vu. 1-89; loi relative au candélabre, VIII,
1-4; consécration des lévites et durée de leur ministère,
VIII, 5-2G ; la Pàque de la seconde année, avec une
Pàque extraordinaire, ix, 1-14; signaux de la levée du
camp, la nuée lumineuse et le son des trompettes, i\.
15-x, 10. — IIe section. Départ du Sinaï jusqu'à la dé-
faite des Israélites par les Amaléciles : le 22 du second
mois de la deuxième année, levée du campement et
ordre de la marche, x, ll-'28; Moïse invile llobab à le
suivre, 29-32; après trois jours de marche, murmure
du peuple puni par l'incendie d'une partie du camp. XI,
I peuple venu d'Egypte, las de la manne, veut de
la viande; Dieu donne à Moïse des aides pour gouverner
et envoie des cailles, xi, 6-34; reproches d'Aaron et de
Marie contre Moïse; Marie est couverte de lèpre, XII;
1-15. De Pharan, Moïse envoie au pays de Chanaan des
explorateurs dont le récit, à leur retour, provoque une
sédition du peuple, xin, l-xiv. 10; Dieu fait périples
explorateurs coupables et condamne les Israélites ré-
voltés a séjourner quarante ans dans le désert, xiv, 1 1-
:;s. le peuple prend les armes, mais est IjattU parles
taialécites, xiv, 39-45. — II'' partie. Quelques épisodes
des quarante ans du séjour dans le désert. — Lois di-
verses, w. I :il : un violateur du sabbat lapidé'. XV, 32-
:;ti; loi des franges aux vêtements, xv, 37-41. I!é\olte
if' Coré, '!'■ Dathan r\ d'Abiron, xvi, 1-40; punition îles
murmures du peuple, xvi, 11-50; la verge d'Aaron
fleurit, xvn, 1-13. Offices, droits et charges des prêtres
wni. 1-32; immolation de la vache
rousse, el li.>is de purification, xix, 1-22. — III1-' partie.
Derniers événements delà lin du séjour dans le désert.
— Apres la mort de Marie, révoltée Cad. s ; Moïse frappe
deux fois le rochei I 13; ambassade au roi d'Édom
qui refuse le pas>;i-,. sur ses terres, xx, 14-21; morl
Uor, \\. 22 30; vi< toire remportée sur le roi
les Israélites i onl nenl 1 [dumée e
plaigD ' I ■ mil punis par des serpents de
i u m. 1-9; itinéraire suivi jusqu'à l'Arnon; chant de
l'Arien du puits, xxi. 10-20; expédition contre
Séon et i d'Hi bon, xxi, 21 30 ictoire remportée
sur i';:, xxi. 31-35 u ,,,-. h- champs di Moal i idic
lions el oracles de Balaam, \\n. l-xxiv, 25; crime de.
Israélites, tèle de Phinées el ordre d'exterminer les
Madianites, xxv, 1-18. Nouveau r& i n I uple
xxvi, 1-65. Loi sur les filles héritii rcs a l'occa ion des
filles de Salphaad, xxvn. 1-11. Josué esl institu
cesse ur de Moïse, xxmi. 12-23 Lois sur les acr ■-.
les el les vœux, sxviii, 1-xxx, 17. Victoire sur les
Madianites, xxxi. 1-54. Attribution du pays situé à l'est
du Jourdain aux tribus de Ruben et de Gad et à la
demi-tribade Manassé. xxxn, 1-42. Résumé des stations
des Israélites dans le désert, xxxm, 1-19. Ordre donné
par Dieu d'exterminer les Chananéens, xxxm, 50-56.
Limites de la Terre Promise et noms des hommes qui
feront le partage du pays conquis, xxxiv, 1-29. Villes
lévitiques et villes de refuge, xxxv, 1-15. Lois sur
l'homicide volontaire et involontaire et sur le mariage
des filles héritières, xxxv, 16-xxxvi, 12. Conclu-
sion, y. 13.
L'analyse précédente, qui est tout à fait objective,
montre clairement que si, dans les livres du milieu,
Exode, Lévitique et Nombres, le récit historique se
développe d'une façon assez cohérente pour l'ensemble,
dans un cadre à la fois chronologique et géographique,
tracé par les stations ou campements successifs des
Israélites dans le désert, et que si la législation sinai-
tique s'y insère naturellement à sa date, cependant les
lois sont souvent groupées en codes ou recueils distincts,
qui sont juxtaposés plutôt que coordonnés, el les pres-
criptions elles-mêmes de chaque code ne sont pas tou-
jours logiquement distribuées; beaucoup semblent être
des lois complémentaires ou explicatives des précé-
dentes. U y a donc, dans ces livres et dans leurs
parties, un certain ordre; mais il n'esl pas toujours
apparent, et la disposition actuelle trahit certaines
répétitions, qui proviennent de la manière dont la loi
mosaïque a été promulguée. Elle n'a pas été- faite d'un
seul coup, mais progressivement et au jour le joui'. Le
législateur est revenu plusieurs fois sur les mêmes
sujets, en expliquant ou complétant ses premières
ordonnances. Voir t. IV, col. 337-339. Pour les divisions
logiques de la législation mosaïque, voir t. IV, col. 327-
332.
5° Deuté 'ronome. — Ce livre a. dans le Pentateuque,
une physionomie à part. Il ne se rattache pas aux
Nombres comme ceux-ci aux deux livres précédents, et
il se distingue des autres parties du Pentateuque en
ce qu'il se compose principalement, non de récits,
mais de discours prononcés par Moïse dans les plaines
de Moab, le onzième mois de la 10 année du séjour au
désert. D'autre part, il forme, dans l'ensemble, un tout
complet. Son plan est simple. Indépendamment du
litre, i. 1-4, il comprend quatre discours. — Le pre-
mier, i. 6-1V, io. sert d'introduction au livre entier. On
\ distingue : I" un résumé historique des fàrits qui ont
suivi la promulgation de la Loi au Sinaï, i. ti-in, 29;
2» une exhortation à observer cette Loi, iv, 1-10. Ce
premier discours est suivi de deux enclaves : I" un
fragment historique sur les villes de refuge situées à
l'est du Jourdain. IV, H -43; 2" un préambule historique
préparant le discours qui va suivre, iv, 14-49. — Le
second discours, \-XXVI. fait le fond du livre. Il débute
par un rappel de la Lui sinailiqiie el il reproduit le
décalogue, v, 1-vi. 3. Il se subdivise ensuite en deux
parties : la première, m. 'i xi. 32, est parénélique; elle
expose les motifs que les Israélites mit d'obéir à la loi
et elle les exhorte à l'obéissance. On a signalé', x. ti. 7,
un passage qui semble 'ire une interpolation. Le ver-
gel S l'ait naturellement suite au verset Te Même consi-
dérés comme une parenthèse, les \rrsets 11 et 7 ne
s'expliquent guère el rompent 1res malencontreusement
lr résumé historique, au milieu duquel ils s.. ni intro-
duits. La seconde partie du discours, xil, l-xx\i. 15,
contient un code de lois, essentiellement morales et ri '
gieuses, qu'on a diversement groupées : I" Lois ri'li-
gieuses : unité du culte, xti, 2-27; interdiction de l'ido-
lâtrie, xii. 28-xiH, 18; prohibition de quelques u a
païens ei distinction des animaux purs et impurs, xiv,
1-21; paiement de la dime.xiv, 22-29; l'année sabbatique,
xv. l-l!S: offrande des premiers-nés des troupeaux, xv.
19-2:1; les trois fêtes annuelles. Pàque, Pentecôte el
Gl
PENTATEUQL'E
62
Tabernacles, xvi, 1-17: 2° institutions publiques : les
juges, xvi, 18-xvn. 13; le roi futur, xvn, 14-20; les
prêtres et les lévites, xvm, 1-8; les faux et les vrais
prophètes, xvm, 9-22; 3" la justice criminelle : les
villes de refuge, xix, 1-13; le déplacement des bornes
des champs, xix; 14; les témoins, xix, 15-21; 4" la
guerre, les exempts et la manière de traiter les enne-
mis, XX, 1-20; 5° meurtre dont les auteurs sont incon-
nus, xxi, 1-9 : 6 traitement des femmes prises à la
guerre, xxi, 10-11: 7" droit privé : droit d'ainesse. xxi.
15-17; conduite à l'égard d'un lils rebelle, xxi, 18-21;
coupables punis de mort, xxi, 22, 23; animaux et objets
perdus, xxn. 1-4; vêtements, nids d'oiseaux, construc-
tion des maisons, mélanges disparates, franges, xxn,
5-12: des vierges, xxn, 13-30; de ceux qui ne peuvent
faire partie d'Israël, xxm, 1-8; hygiène des camps,
xxiii, 9-14; esclaves fugitifs, prostituées, usure, vœux,
droit de prendre dans les vignes et les moissons, xxm,
15-25; divorce, xxiv. 1-4; le nouveau marié, 5; droits
des pauvres. 6-22; la flagellation, xxv, 1-3; le bœuf qui
foule l'aire, 4; loi du lévirat, 5-10; poids et mesures, 13-
16: extermination des Amaléciles, 17-19; les prémices
et les dîmes, xxvi, 1-15. Péroraison : exhortation à
observer ces lois, 16-19. — Dans le troisième discours,
xxvii-Xxvm, Moïse ordonne aux Israélites, lorsqu'ils
auront passé le Jourdain, d'élever un autel sur lequel
ils graveront le Deutéronome, et il leur trace les béné-
dictions et les malédictions à prononcer ce jour-là,
xxvii. 1-26. Moïse prononce lui-même les bénédictions
réservées aux observateurs de la loi et les malédictions
qui frapperont les rebelles, xxvm, 1-68. Le verset 69
de l'hébreu (Yulgate, xxix, 1) sert de conclusion à ce
discours. — Un quatrième discours, xxix, 1 (Yulgate 2)
xxx, 20. résume les bienfaits de Dieu envers Israël,
exhorte à observer l'alliance jurée et à ne pas y être in-
fidèle, annonce le pardon aux coupables, montre que la
loi est facile à observer et réitère les bénédictions et les
malédictions.
Le recueil de ces quatre discours est complété par
une conclusion historique, relatant les derniers événe-
ments de la vie de Moïse, xxxi-xxxiv. Moïse choisit
Josné comme son successeur, ordonne de lire la loi au
peuple tous les sept ans et d'en déposer le texte dans
l'arche, xxxi. 1-27; il fait rassembler les anciens et
récite son cantique, xxxi, 28-xxxn, 47; il contemple de
loin la Terre Promise, xxxn, 48-52. Il bénit les tribus
d'Israël, xxxiii. 1-29. Sa mort, sa sépulture, son éloge,
xxxiv, 1-2. Ces derniers chapitres ne sont pas très
étroitement rattachés l'un à l'autre et sont comme des
appendices ajoutés au Pentateuque entier.
III. Authenticité. — Nous revendiquons l'authenti-
cité mosaïque du Pentateuque et avec la tradition juive
il chrétienne nous pensons que Moïse est l'auteur du
livre qui porte son nom. Mais, avant de faire la démons-
tration de cette thèse et de résoudre les objections
qu'on lui oppose, il est bon de déterminer dans quel
sens nous entendons maintenir l'authenticité mosaïque
du Pentateuque et d'indiquer la part que Moïse a prise
à la rédaction du livre.
/. NATDRB bi: L'AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE. — D'abord,
nous ne disons pas avec Joséphe, Philon et quelques
rabbins juifs, dont les témoignages seront rapportés
plus loin, que Moïse a personnellement écrit ou dicté
le l'entateuque entier, y compris le récit de sa mort.
Deut., sxxiv,5-12. Déjà, des Juifs dans le Talmud attri-
I lient à Josué les huit derniers versets de la loi. Au
rapport d'Abenesra (f 1167), le rabbin Isaac ben Jasus
(y 1057) soutenait que Gen., xxxvi, 31, avait été' écrit
sous le règne de.Iosaph.it. Abenesra lui-même disait en
i es voilés que les passages, Gen., \n. 6; xxn. li:
Deut., i, 1.5; m. 11; xxxi, 9. étaient des additions faites
au texte primitif ou en contenaient. Cf. D. Spinoza.
Trait, theolog. polit;, c. vin, dans Opéra, 2" édit. Van
Vloten et Land, La Haye, 1895, I. il, p. 56-58: Richard
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs i
siastiques, Paris, 1730, t. m, p. 195-221. André M.isius.
Josuee imperatoris historia illustrata, Anvers, 1574,
prœf., p. 2, dans Migne, Cursus completus Script.
Sac, t. vu, col. 853, affirma que le Pentateuque avait
été expliqué et complété longtemps après Moïse et il
signala le nom d'Hébron, substitué à Cariath-Arbé.
comme un exemple de ce travail d'adaptation posté-
rieure. Les jésuites Benoit Pereira, Comment, et disp.
in Gen., Lyon, 1594, t. i, p. 13-14; Jacques Bonfrère,
Pentateuchus, Anvers, 1625, p. 93-94 ; Tirin. Comment,
in V. et A'. T., cité dans Jean de la Haye, Biblia
maxima, Paris, 1669, t. m, p. 582, reconnaissaient
dans le texte actuel des additions, faites par des scribes
inspirés après Moïse, etils citaientGen., xiv, li; Num.,
xii. M: \xi, 14, 15. Jansénius, évêque d'Ypres, Penta-
teuchus, Louvain, 1685, pr;ef., p. 2, admettait aussi
quelques additions de cette nature. Corneille de la
Pierre, Comment, in Pent., arg., dans Comment, in
V. etN. T., Lyon, 1732, t. i, p. 18, émit même l'hypo-
thèse que Moïse avait rédigé le Pentateuque par ma-
nière de journal et d'annales, et que Josué ou un autre
avait mis en ordre ces annales en y insérant quelques
additions, telles que le récit de la mort de Moïse, son
éloge, -Num., xii, 3, et en modifiant ou complétant
certains détails, comme Gen., xiv, li : Num., xxi, 14.
15. 27. Au siècle suivant, un autre jésuite, le P. Veith,
Sacra Scriptura contra incredulos propugnata, part. 1,
sect. i, q. m, n. 8, 9, dans Migne, Cursus completus
Script, sac., t. iv, col. 22, note; 2e édit., col. 195-196,
est du même sentiment que Corneille de la Pierre.
Bellarmin, Controversise, Milan, 1721, t. i, p. 166,
attribuait à Esdras une revision du Pentateuque, coin-
prenant l'addition du dernier chapitre du Deutéronome
et l'insertion de quelques détails dans le texte. Dom
Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1724, 1. 1,
p. 9; t. n, p. 401, admettait, avec l'addition finale,
l'introduction de quelques gloses dans le texte origi-
nal. C'est devenu au xixe siècle l'enseignement des
exégètes et des théologiens catholiques que l'œuvri de
Moïse a subi des changements de noms propres et des
altérations de nombres, des additions et des modifica-
tions de détails, et même qu'elle a reçu peut-être dans
sa partie législative certaines dispositions complémen-
taires. Haneberg, Histoire de la révélation biblique,
trad. franc., Paris, 1856, t. i, p. 222-223; J.-T. Lamy,
Comment, in lib. Geneseos, Malines, 18S3, t. t, p. 36-
39; F. Kaulen, Einleit-ung in die heilige Schrift,
■1 = édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890. p. 172-'l79; F. Vi-
goureux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1900, t. i?
p. 463-477; Ch. Pesch, Apparatus ail historiam cox-
vam doctrinse inspirationis pênes catholicos, Rome,
1903, p. 75: F. Prat, Le code du Sinaï, Paris, [904,
p. 46-60; Hôpfl, Die hôhere Bibelkritik, Paderborn,
1902, p. 35. Voir t. iv, col. 337-339. Quelques-uns de ces
critiques ont, en outre, admis que Moïse s'était servi
de documents antérieurs pour la rédaction de la Genèse,
et d'autres ont renouvelé encore l'hypothèse de l'emploi
de secrétaires, choisis par Moïse et contrôlés par lui,
sinon personnellement inspirés, comme l'avait pensé
Richard Simon. .1. Brucker, Authenticité des livres de
Moïse, dans les Études, 1888, t. xxm, p. 327,340; card.
Meignan, De l'Éden à Moïse. Paris, 1895, p. OS-77 :
lil., David, roi. psalmiste, prophète, Paris, 1889, intro-
duction, p. XXXIV-I.XV.
M. Hoberg, Ueber négative und positive Pentateuch-
kritik, dans Biblische Sludien, Fribourg-en-Brisgau,
1901. t. vi, fasc. 1 et 2. p. 7-9; Moses und dei l'enla-
teuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, g 17-69, él ndjayan-
tage le champ des additions historiques el législatives
lai li- .ni Pentateuque postérieurement ;> Moïse. Il signal*
au nombre des premières la conclusion du Deutéro-
63
PEXTATEUQUE
64
nome, xxxi-xxxiv. ajoutée peut-être par Josué ; des listes
complétées, telles que celle de Gen.. xxxvi. poussée jus-
qu'au temps de David ou de Salomon : Exod.. xxxvi, S-
XXXix, 43, qui ne serait qu'une répétition retouchée
d'Exod.. xxv, 10-xxxin, 43; Exod., xxx ; N'uni., x. 29-
32, 35, 36: xxvn. 14: Deut., in, 86, 11. 14; iv. 41-43:
pi ut-élre aussi Gen., xxn, 146; certainement Deut.. x.
6-9; xxi. 'i : peut-être les deux chants, N'uni., xxi. 136-
15; 16 6-18; certainement les introductions, Deut., I,
1-5; iv. 1 1- 49. 11 est plus difficile de discerner les ad-
ditions législatives. Quelques exemples de transforma-
tions paraissent admissibles : ainsi la loi sur la dîme
qui se présente sous cinq formes différentes. Exod..
xxn, 28; Xurii., xvm, 21-32; Deut.. xn. 6. 11, 17; xiv :
22-29; xxvi. 12-15. Toute disposition qui suppose une
habitation fixe, comme Lev., xxv. 32-34, est vraisem-
blablement, selon M. Hoberg, d'origine postérieure à
.Moïse. D'autre part, les réflexions générales, les titres et
les conclusions des sections appartiendraient rarement
au texte original. Moïse n'a donc pas écrit chaque mot.
chaque phrase du Pentateuque ; il en est l'auteur; mais
son œuvre a pu recevoir au cours des siècles quelques
additions et modifications, depuis le temps de sa com-
position jusqu'après le retour en Palestine des Juifs
captifs à Babylone.
La Commission biblique a reconnu la légitimité de
cette manière d'envisager l'authenticité mosaïque du
Pentateuque. Le 27 juin 1906. Pie X approuvait les solu-
tions qu'elle avait données à quatre questions soumises
à son examen. Elle maintient d'abord l'authenticité de
ce livre; les trois autres réponses en expliquent la
nature : II. Utrum mosaica authentia Pentateuchi
lalemnecessario poslulet redactionem totius operis, ut
prorsus tenendum sit Moysen omnia et singula manu
sua scripsisse vel anianuensibtis dictasse ; an etiam
eoruni hypothesis permilti possit qui existimant eum
opus ipsum a se sub divines inspirationis afflatu
- ,.,,. e\ lum alteri vel pluribus scribendum commisisse,
Ha tamen ut sema sua fideliter redderent, nikil
siuuu voluntatem scriberent, nihil omitterent; ae tan-
dem opus hoc ratione confectum, al> eodem Moyse
principe inspiratoque auctore prolatum, ipsiusmet
nomme vulgaretur? Resp. Négative ad primatn par-
tent, affirmative ad secundam. — III. Utrum absque
prsejudicic mosaics authenlUe Pentateuchi concedi
possit Moysen ad suum conficiendum opus fontes ad-
liibuisse, scripta videlicet documenta vel orales tradi-
tiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi
tub divinte inspirationis afflatu, non-
nulla hauserit eaque ad aerbum vel quoad sententiam,
'fia vel ampli ficala ; ipsi o]>rr> insm i
Affirmative. — IV. Utrum, salva substantialiter
mosaica authenlia et integritate Pentateuchi, ad
possit tant longo sœculorum dei tmullas
ei modificationes obvenisse, mi :addimenta post Moysi
em vel ab auctore impirato appi glossas
et explicationes textui interjectas, vocabula qusedam
et formas se> mone antiquato in serti
rem translatas ; mendosas demum lectiones vitii
nuensium adscribendas, de quibus fas *it ad normas
arlis criticœ disguirere et judicaref Resp. Affirma-
tive, salvo Ecclesise judicio.
C'est sous la triple réserve : I de l'emploi de secré-
is, choisis et contrôlés par Moïse, qui aurait publié
sous sa garantie personnelle le travail commandé i
surveillé par lui; 2° du recours à des documents écrits
ou à des traditions orales, reproduits ou utilisés par
lui dans son œuvre personnelle et pour les événements
antérieurs à son époque; 3° de quelques modifications
postérieures, introduites après coup dans le Penta-
teuque achevé, que nous soutiendrons l'authenticité
un aïque de ce livre. Pour attribuer à Moïse le Penta-
teuque, nous ne tenons donc pas comme nécessaire
qu'il ait écrit lui-même ou dicté mot à mot à des co-
pistes tout le contenu; il suffit que tout ait été publié
sous sa responsabilité et reproduise fidèlement et exac-
tement ce qu'il avait ordonné à ses secrétaires d'écrire
en son nom. De même encore, les additions, telles que
le récit de la mort de Moïse, des gloses introduites
dans le texte, soit pour expliquer des usages anciens,
soit pour remplacer des termes archaïques par des
formes plus récentes, enfin, les fautes de transcription
ne nuisent pas plus à l'authenticité qu'à l'intégrité sub-
stantielle du Pentateuque. Xonobstant ces additions et
modifications, le Pentateuque reste l'œuvre de Moïse
auteur responsable et inspiré, ayant peut-être fait rédi-
ger par ses secrétaires une partie de ses récits ou de
ses lois.
//. PREUVE? DE L'AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE DU PBNTA-
VBUQUE. — Que Moïse ait écrit le Pentateuque, qui
porte son nom, c'est un fait attesté : 1° par différents
témoignages bibliques ; 2° par le sentiment perpétuel
des Juifs; 3° par la tradition constante de l'Église ca-
tholique ; et 4J confirmé par des indices fournis par le
livre lui-même.
1° Témoignages bibliques de l'activité littéraire de
Moïse. — Si on ne lit nulle part dans la Bible l'affir-
mation explicite et formelle que Moïse a rédigé le Pen-
tateuque entier, il y a cependant, en différents livres
des deux Testaments, des indications et des affirmations
desquelles il résulte que Moïse a écrit des faits, des lois
qui sont contenus dans.le Pentateuque. — 1. Témoignage
du Pentateuque lui-même. — Le livre entier ne se pré-
sente pas expressément comme ayant été composé par
Moïse. Outre qu'il contient, dans son élat actuel, le récit,
évidemment postérieur, de la mort de Moïse, il raconte
la vie du législateur hébreu à la troisième personne et en
style indirect, et les quatre derniers livres n'ont pas la
forme littéraire de Mémoires du héros dont ils font
l'histoire. Toutefois le caractère impersonnel du récit
peut fort bien se concilier avec la rédaction par Moïse.
On peut dire que la formule : g Dieu dit à Moisi .
si souvent employée, en tête des lois, qui prouve l'ori-
gine divine ou la révélation faite à Moïse, de cetle légis-
lation, ne signifie pas nécessairement que Moïse lui-
même a codifié dans le Pentateuque les lois qu'il a
promulguées. Mais le Pentateuque cependant donne
des indications formelles sur l'activité littéraire de
Moïse. Après la bataille contre les Amalécites à Raphi-
ilim, le chef des Hébreux reçut île Dieu l'ordre suivant :
» Écris cela en souvenir dans le livre et inculque-le
dans les oreilles de Josué. » Exod.. xvn. 14. L'ordre
divin est certainement restreint à la victoire sur Ama-
lec, dont Israël devait garder le souvenir. Deut.. xxv.
17-19, et dont le réc l'ut rédigé pai Moïse afin de con-
serverla mémoire de l'événement. Selon la leçon
qui . -::: Dieu ordonne à Moïse d'écrire dans le
livre, c'est-à-dire comme on l'interprète communémi n1
dans un livre déjà commence'' et connu, dans un registre
ou journal où Moïse notait les faits mémorables de
l'histoire d'Israël. En ponctuant ainsi le texte, les
sorètes eux-mêmes voulaient vraisemblablement dési-
gner, non pas le livre des justes, F. de Hummelauer,
Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 182; Deut
Paris, 1901, p. 152, mais le Pentateuque lui-
. Cependant le^ Septante ne lisaient pas l'article dé-
fini, puisqu'ils ont traduit ce mot : ei; |5i6X(ov ou êv [i\-
■•... I e texte, à leur sentiment, désignai! donc un livre
indéterminé. J. Kley, Die Pentateuchfrage, Munster.
1903, p. 217. a prétendu que cette dernière signification
i ii isc -■.', employée dans ce sens. Deut..
xvn. 18: xxxi. 21: Is., xxx. 8; .1er.. x\\. 2; xxxvi. 2.
Néanmoins la leçon massorétique, lut-elle originale, ne
désignerait pas nécessairement le Pentateuque com-
mencé; elle conviendrait suffisamment à un livre, dans
•65
PENTATEUQUE
66
lequel Moïse aurait joint ce récit à des récits précé-
dents et qui serait reproduit dans le Pentateuque. Plus
loin, Exod., xxiv, 4, il est dit que Moïse écrivit toutes
les paroles de Jéhovah. Or il ne s'agit naturellement
pas de toutes les révélations faites par Dieu à Moïse,
•puisqu'elles n'étaient pas terminées, ni même de toutes
les communications divines antérieures, mais seule-
ment des paroles qui précèdent immédiatement et qui
contiennent les conditions de l'alliance conclue entre
Dieu et les Israélites, Exod., xx-xxm, du « livre de
l'alliance », que Moïse lut au peuple. Exod., xxiv, 7.
Cf. Ileb., ix, "19, 20.
Les deux témoignages précédents prouvent déjà que
Moïse avait rédigé un récit historique et un code légis-
latif, celui de l'alliance. Un autre petit code de l'alliance
est encore expressément attribué à Moïse. De nouveau,
Dieu ordonna au législateur d'écrire les paroles qu'il
vient de prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, et qui con-
tiennent les bases de l'alliance proposée à Israël, Exod.,
xxxiv. 27. et Moïse écrivit les dix paroles de l'alliance
sur deux tables qu'il avait préparées, Exod., xxxiv, 1,
4, qu'il tenait en mains à la descente du Sinaï et dont
il imposa le contenu aux Israélites. Exod., xxxiv, 28,
29, 32. Le petit livre de l'alliance, comprenant le Déca-
logue, Exod., xxxiv, 10-26. a donc été rédigé de la main
de Moïse.
Un autre ordre de Dieu impose à Moïse de décrire
les marches et les stations d'Israël dans le désert.
Num., xxxiii, 1, 2. On a interprété cet ordre de deux
façons différentes. Selon les uns, Dieuaurait ordonné à
Moïse d'écrire le récit de l'exode, en suivant l'ordre
des stations et des campements des Israélites. Dans
cette interprétation, Moïse serait l'auteur de la narra-
tion détaillée dont la liste des campements dressée,
Num., xxxiii, 3-49, ne serait que le résumé. Mais comme
cette liste ne résume pas la narration précédente, puis-
qu'elle indique un plus grand nombre de stations, dont
quelques-unes sont différentes, il vaut mieux, semble-
t-il, avec d'autres, restreindre cet ordre à la liste elle-
même des stations qui. suivant cette explication, serait
l'œuvre de Moïse.
Parce que les témoignages précédents n'attribuent
pas explicitement à Moïse la rédaction du Pentateuque
entier, et ne lui en rapportent que des portions seule-
ment, les critiques modernes veulent en conclure
qu'ils restreignent la composition mosaïque à ces par-
ties et qu'ils excluent celle du tout. Mais cette conclu-
sion n'est pas légitime. La rédaction des passages men-
tionnés est toujours exécutée par ordre divin. En
ordonnant à Moïse d'écrire le récit des événements les
plus notables pour en garder le souvenir et les dispo-
sitions fondamentales de son alliance avec Israël, Dieu
ne lui interdisait pas de relater l'histoire entière des
Israélites au désert ni de rédiger toutes les lois qu'il
l'avait chargé de porter. Son ordre de mettre par écrit
les faits et les lois les plus importants est loin d'exclure
la relation des autres événements et des autres disposi-
tions législatives.
Le Deutéronome, composé de discours prononcés par
Moïse, nous fournit une indication sur l'activité litté-
raire de Moïse dans l'épilogue, xxxi. Sur le point de
mourir, Moïse, après avoir institué Josué son succes-
seur, remet aux prêtres et aux anciens cette loi-ci qu'il
avait écrite et il leur ordonne de la faire lire tous les
sept ans au peuple assemblé pour que tous en con-
naissent et en observent les préceptes, 9-13. Ayant
acuevé d'écrire « les paroles de cette loi dans un livre »,
il ordonne aux lévites de porter ce livre auprès de
l'arche d'alliance, pour qu'il serve de témoignage contre
ceux qui en violeront les dispositions, 24-26. On ne peut
pas affirmer avec certitude que cette loi est le Pentateuque
entier, car elle peut n'être que celle à laquelle le
c. xxxi est rattaché : la législation du Deutéronome
DICT. DE LA BIBLE.
Ce livre se donne comme une législation spéciale pro-
mulguée par Moïse au pays de Moab, iv, 1-40, 44-49;
V, 1 sq. ; xii, 1 sq. Au début de leur règne, les futurs
rois d'Israël devaient recevoir des prêtres a un exem-
plaire de cette loi-ci »,xvn, 18, 19, pour qu'ils la lisent
et l'observent, et les termes de la recommandation sont
identiques à ceux de Deut., xxxi, 12, 13. La même loi,
ou au moins une de ses parties, est encore visée dans
l'ordre donné aux anciens de la transcrire sur la pierre,
lorsqu'ils renouvelleront l'alliance à l'ouest du Jour-
dain, xxvn, 1-8. De même encore, « les paroles de
cette loi-ci qui sont écrites dans ce volume, » xxvm,
5S, qui comprenaient les malédictions et les peines,
portées en ce chapitre contre les violateurs de la loi,
cf. j . (il, et rappelées de nouveau, xxix, 20,21, 27, aussi
bien que les bénédictions qui y sont jointes en faveur
des observateurs de la même loi, xxxn, 46, 47, dési-
gnent le Deutéronome. Ce livre législatif est donc de
la main de Moïse. On attribue encore à Moïse la com-
position d'un cantique que Dieu lui avait ordonné
d'écrire, Deut., xxxi, 19, et qui est cité, xxxn, 1-43.
Des commentateurs catholiques concluent de Deut.,
I, 5, où il est dit que Moïse va expliquer la loi, que la
législation antérieure, dont le Deutéronome n'est qu'une
explication et une répétition, est d'origine mosaïque. Mais
toutefois la loi que Moïse va expliquer ou mieux re-
commander parait être plutôt, non celte qui précède et
qui est contenue dans les livres du milieu, mais celle qui
suit et qui est promulguée au delà du Jourdain. Il faut
reconnaître, du reste, que si l'introduction avait la si-
gnification qu'on lui donne, elle affirmerait, non pas
que la législation précédente a été rédigée par Moïse,
mais seulement qu'elle a été promulguée par lui. Or,
de la promulgation de la législation hébraïque par
Moïse on ne peut conclure rigoureusement à sa rédac-
tion par Moïse dans l'état où elle se trouve actuelle-
ment dans le Pentateuque. Celle-ci est possible, vrai-
semblable même, mais elle n'est pas démontrée par le
seul fait de la promulgation mosaïque.
2. Témoignages des outres livres de l'Ancien Testa-
ment. — Le livre de Josué parle à plusieurs reprises
d'une loi, provenant de Moïse. D'abord, Dieu ordonne
à Josué d'observer lui-même et de faire observer aux
autres la loi de Moïse et il lui recommande de méditer
le volume de cette loi. Jos., i, 7-8. Si les termes de
cet ordre ne disent pas explicitement qu'il s'agit de
tout le Pentateuque, ils ne l'excluent pas non plus. Le
renouvellement de l'alliance, accompli conformément
aux ordres de Moïse tels qu'ils sont écrits dans le livre
de la loi de Moïse, Jos., vm, 30-35, vise directement
les prescriptions de Deut., xxvn, 1-8, avec les bénédic-
tions et les malédictions contenues Deut., xxvn, 9-
xxvin, 68; mais la manière dont parle l'auteur sacré
suppose qu'il y a aussi autre chose dans le livre de la
loi. Avant de mourir, Josué exhorte les Israélites à
observer tout ce qui est écrit dans le volume de la loi
de Moïse, Jos., xxm, 6, ce qui désigne, en le prenant
dans le sens le plus restreint, le Deutéronome. Enfin,
après l'alliance solennelle conclue à Sichem, Josué
dressa un statut et une ordonnance, et il écrivit toutes
ces paroles « dans le livre de la loi de Dieu ». Jos.,
xxiv, 25-26. Ce texte signifie que Josué a ajouté ses
ordonnances en les écrivant à la suite du livre où
étaient contenues celles de Moïse. La législation de
Moïse était donc écrite et révélée par Dieu. Voir Ho-
berg, Ueber den Vrsprung des Pentalenchs, dans Bi-
blische Zeitschrift, 1906, t. iv, p. 310, qui pense que
ce volume de la loi de Dieu est le Pentateuque. Il
désigne au moins le Deutéronome.
Les livres des Juges et de Samuel ne parlent pas en
propres termes du Pentateuque, mais ils suppDsent
son existence. Voir Jud., i, 5, et Exod., xxxm, 2,
xxxiv, 11; Deut., vu, 1, etc.; Jud., n, 1-3, et Exod.;
V. - 3
67
PENTATEUQUE
68
xxxiv 12-13; Deul., vu. 2, 5; Exbd., xxiii, 32; Deut.,
xii, 3; Num., xxxm, 35, etc.; Jud., xi, 15, el Num.,xx,
14-21; xxi, 21-24, etc.'; I Reg.,l, 3; n. 13, et Deut.,xvni,
•; | Reg xv 29, el Num., xxiii, 19; I Reg-, xii, 3, et
Num., xvi, L5; Lev., v, 13, etc. Les livres des Rois (III
et IV i composés vers l'époque de la captivité, parlent
plusieurs fois de la loi de Mois, el c ist sans raison
suffisante qu'on veut restreindre cette expression au
D , ronome seul. 1 (lin Reg., n, 3; x, 31. L'auteur
Pque qu'Amasias, quand il lit périr les meurtriers
péri | il" m ufant£ selon cequiesl écril
il IVi Reg., xiv. 6. Les étran-
exportés i Samarie, n'observaient pas les ordon-
qU Dieu avail données aux Qls de Jacob. Le
Israélite qui fui envoyé pour les insh i li ur
,,,,.. i, i l'observance di - lois écrites que Dieu avail im-
posées aux Israélites. II (IV) Reg., xvii, 34-39. Les
i,..l itants du royaume de îuda ont été séduits par Ma-
I, m roi idolâtre, et n'ont pas tenu compte des
magnifiques promesses que Dieu avail faites à David el
mon si leurs sujets observaient fidèlement toute
|a loi que Moïse avail e. II (IV) Reg., xxi, y.
Cf. 1 illli Reg., ix, 6-9.
La [8 année du règne di I 621), en restauranl
I, i mple de Jérusalem on retrouva mïnn usa, II (IV)
Reg., xxn. 8. Il, cf. xxiii, '21. appelé enaore nnan -iso,
xxiii, 2, et c'csl conformément à cette loi retrouvée
roi accomplit une importante réforme religieuse.
II (IV) Reg., xxiii, 1-24. Voir t. m, col. 1680-1681. Or
cette loi étail la loi de Moïse, puisqu'il est dit, xxiii 25,
cun roi ni avant ni après ne ressembla à Josias
pour l'observation complète de celle loi. Mais quelle
.lut cette loi Saïque retrouvée au Temple? Plusieurs
i de l'Église onl remarqué, justement semble-t-il,
que c étail le Deuti ronome. S. Aihanase, Epist. ad
;/,,, , lin . 32, i. xxvii, col. 44; s. Jérôme, Adv. Jo-
,., I. 5, t. xxiii, col. -217: Comment, in Ezech.,
,. |. |. xxv, col. 17; S. Chrysu-L lu Mullli..
nom'. IX, i, t. ivn, col. 181 j In 1 Coi:, hom. vu,
3] i. ,\i, col. 58; Procope de Gaza, t'otiiwien*. !»
/), ■../ . xvii, 18, t. iaxwii, col. 916. La pluparl des
critiques dernes reconnaissent aussi clan- c code le
Deutéronome tout entier, ou au moins en partii I.
-m lesquels s'est faite la réforme : 1° l'abolition
des cultes étrangers el de leurs infiltrations dans le
culte de Jéhovah; 2° la centralisation du culte de .lé-
hovah au Temple de Jérusalem; 3 la célébration cor-
recte de la fête de Pâqne, sonl spécialement recom-
mandés par le Deutéronome, xu. --:'>- : xvi, 1-8. En
outre, bien que ce livre ne soil pas nommé i livre de
l'alliance », il a été rédigé en vue de renouveler
l'alliance contractée à l'Horeb entre Dieu et le peuple
d'Israël, v, -J. 3; xxvi, 17-19; x\i\. 8, el les 1er:
i aiii mi - renouvi léi pai li is , Il <I\ > Reg., xxw, 3,
.,,i,i des expressions deutéronomiques. Enfin, la ré-
ponse de la prophéti i llolda vise les malédictions,
Deut., xxviii . i n!' ou !■ . islatif du livre n
esl désigné par les termes usités Deut., iv, 45; vi, 20,
, i | , loge du roi i I fail aussi en termes deul
miques. Le livre retrouvé étail donc bien le Deutéro-
nommé la loi de Moïse. F. de Hummelauer,
/, mium, Paris, 1901, p. 16-60, 83-87. Cepen-
dant, quelque exégèl i itboliques, Clair, l.-
des Rois, Paris, 1884, t. u. p. 557-558; Hoberg, \£oset
Pentateucli, lui rg-en-Brisgau, 1905, p. 17-
8 . Ueberden ' < dansiî
Zeilschrift, 1906, I. iv, p. 338340, pensent que le livre
luvéétail le Pentateuque entier, ils s'appuient sur
le ,. cil parallèle, Il Par., xxxiv, 8-xxxv, 19, qui certai-
uemi ol parle du Pentateuqi • , ntiei (voir plus loin),
sur ce que les pai ticulariti - de la réforme déci ites,
xxiii. -i, ne convienncnl pas seulement à Dent., xvm,
1(1-1 1. mais aussi à Lev., xix. 31 : xx. 6, 27; sur ce que le
style de ce verset ressemble à celui de Lev.. xix, 31;
xx 6, 27; Gen., xxxi, 19, 34, 3ô, et enfin sur le senti-
ment de Josèphe, .1»-/. jud., X, iv, 2, dans Opéra,
Amsterdam, 17-21. t. ... p. 517, qui dit que Helcias
itUYYÔvev -x.--f,x\: pfêîiotçTOÙ MiMJrâoî.Ces preuves ne
sont pas décisives. L'auteur des Paralipomenes a dé-
crit les rites de la Pâque d'après les livres du milieu.
Les prophètes antérieurs à la captivité ne parlent pas
de h loiécriti de Moïse. Ils parlent souvent, il esl vrai,
de la loi de Dieu. Visent-ils un code écrit et notaui-
,,,,.„! I,. ivntaioiiquev lieaucoup d'exégètes le pensent
i i signalent toute mention de la loi divine par les pro-
ph< i. s comme un indice certain de l'existence du Pen-
tateuque. Mais il faut se rappeler la double signification
i tôt fôrâh. Son sens propre esl celui d'instruction
,.t désigne strictement toute expression i
volonté divine.Ce n'estque par extension que ce terme
a servi à nommer les cinq premiers livres de la Bible,
dans lesquels l'élémenl législatif prédomine. Or, on ne
sait pas nu juste a quelle date cette seconde significa-
tion est entr ans l'usage, et c'est précisément ce
qu'il faudrait fixer. 11 faut donc étudier les cas parti-
culiers. A -. Il, ï. 5, parle une fois et d'une façon
générale de la loi de Jéhovah et de ses commandements,
dont la violation attirera sur .Iuda les punitions du
1 1 vin, 2, reproche aux Israélites d'avoir transgresse
l'alliance divine, cf. vi. 7, et violé la loi; ils en -
punis, et Dieu ne leur écrira plus de multiples loi- qui
leur demeurent étrangères, v. 12. 11 est évidemment
question de nombreuses lois divines écrites, et on a le
droit d'y voir une allusion au Pentateuque. Pour
la loi est sa propre prophétie, r, 10; v, 24; vin, 16. 20;.
la loi de Dieu est la parole des prophètes, xx\. SU, ou
la révélation future aux temps messianiques. H, d. Cf.
Mich iv. -2. La transgression des lois divines et la vio-
lation de l'alliance, reprochées v, 24; xxiv, 5, ne con-
cernenl pas uécessairemenl des lois écrites; s il avail
en vue un code, le prophète ne dit rien de son Ol
lïque. Sophonie, 111,4, reproche aux prêtres de son
temps d'avoir violé la loi. Jérémie n'envisa
parole de Dieu en général, vi, 19, et la prédication
prophétique, xxvi, 4-5. Mais il parle d'une loi divine
et de préceptes, violés par ses contemporains et leurs
es, i\. 13; xvi. 11. 12; xxxn, 23; xi.iv, 10, 23;
,1 une loi que les prêtres tenaient dans leurs mains,
n. S; XVIII, IS; el d'une loi écrite, qu'il oppose
plume mensongère des scribes, vin, 8- H rappelle
l'alliance contractée par les Israélites avec Dieu après
la sortie d'Egypte, xi, 2-8; mais elle n'imposail
i offrande des holocaustes cl des sacrifices, vu, 21-25.
era remplacée par une alliance nouvelh
laquelle Dieu éi ira sa loi dan.- les cœurs, xxxi, 31-33.
Il y a ici encore opposition à une loi écrite, qui ne
peut être que celle de Moïse.
Pendant la captivité, Baruch, n, 2. 28, mu.. me
, spressémenl la loi écrite par Moïse; les I
il correspondent assez, bien au Deutéronome.
xxviii, 15,53,62-64, sans toutefois lui convenir exclu-
sivement, « l on j trouve des allusions aux autres malé-
dictions contenues dans le Pentateuque. Le même
prophète, in, 9-14, 35-lv, i. rait l'éloge de la sagesse con-
tenue dans le livre des préceptes de .léhovah, en des
trail analogues à ceux du Deutéronome, xxx, 11-14.
de Hummelauer. Deu ter onomium, p. 101-102.
I. qui, en vue de la restauration future d'Israël,
rédi <■■' '• ii cérémonielle, fait peu d'allusions à une
législation antérieure. Comme Jérémie, xvm, 18, il
prédit que les prêtres laisseront périr la loi qu'ils ont
dan les mains, vu, 20; il accuse les plein- de Jérusa-
lem d'avoir méprisé la loi de Dieu, d'avoir souill
sanctuaires, de n'avoir passa distinguer entre les choses
es et les choses sacrées, les puretés et les impu-
69
PENTATEUQUE
retés, et d'avoir détourné le peuple de la célébration du
sabbat, xxn. 26. Daniel parle de la loi divine, promul-
guée par les prophètes et violée par Israël; il ajoute
que cette violation de la loi a attiré sur les coupables
la malédiction écrite dans le livre de Moïse, i.x, 10-13.
Après la captivité, Zacharie.vn, 12, mentionne la loi!
Malachie reproche aux prêtres d'avoir rompu le pacte
conclu entre Dieu et Lévi et d'avoir négligé la connais-
sance de la loi et le devoir delà faire observer, ri, 4-9;
il reproche aussi à Jnda d'avoir transgressé l'alliance
divine et le menace des châtiments divins, ir, 10-16.
Mais il fait davantage; il rappelle le souvenir de la loi
de Moïse, donnée par Dieu sur le mont Horeb. loi qui
contenait des préceptes et des ordonnances pour tout
Israël, iv, I (hébreu, tu, 22). Josué etZorobabel, rentrés
a Jérusalem, y élevèrent un autel pour offrir des holo-
caustes conformément aux dispositions écrites de la loi
de Mo.se. et ils célébrèrent la fête des Tabernacles
comme il est écrit de le faire. I Esd., m, 2 i Quand
I- temple fut rebâti et consacré, on établit les prêtres
et les lévites dans leurs fonctions, comme il est écrit
dans le livre de Moïse. I Esd.. vi. 18. Esdras, au témoi-
gnage d Artaxerxès lui-même, rapporta à Jérusalem le
livre de la loi de Dieu. I Esd., vu. li. Néhémie, à la
cour d Artaxerxès. fait à Dieu l'aveu des prévarications
de ses pères, qui n'ont pas observé les préceptes, les
cérémonies, ordonnées par Moïse; il rappelle aussi la
menace contre les prévaricateurs, et la promesse de
les rétablir, s ils se convertissaient et pratiquaient les
préceptes, menace et promesse faites à Moïse. II Esd. i
/-9. La reforme d'Esdras fut entreprise à la suite de là
lecture et de l'explication du livre de la loi de Moïse
et la fête des Tabernacles fut célébrée conformément
aux dispositions écrites dans cette loi. II Esd vin
1-18. On continu . la lecture du volume de la loi de
Jehovah. II Esd., ix, 3. I.e renouvellement de l'alliance
fut fait aussi conformément à la loi divine, donnée par
Mo.se, II Esd., x, 29, ainsi que la fourniture du bois
destine aux sacrifices. II Esd., x, 36. Plus tard. Néhé-
mie régla encore la question des mariages mixtes en
conformité avec ce qu'il avait h, dans le volume de
Moise. I Esd., xiii. 1-3. Or, ce volume n'était pas seu-
lement le code sacerdotal, comme le prétendent les
grafiens, celait le Pentateuque entier, puisque le livre
contenait des prescriptions du Lévitique, xxm, et du.
Deuteronome, vu, 2-4 ; xv, 2. Enfin, Esdras et Néhémie
par les désignations qu'ils donnaient de ce livre ne
voulaient pas parler seulement du volume qui conte-
nait la législation divine, promulguée par Moïse, mais
bien le livre de la loi de Dieu, écrit par Moïse. C'est
[interprétation la plus naturelle et la plus commune
de leurs écrits.
L'auteur du livre des Paralipoménes, qu'on regarde
généralement comme le rédacteur des livres d'Esdras
etdeNehemie, a utilisé le Pentateuque pour dresser ses
genea og.es I Par ws. Vûir l>xAuLi*EsZ^
ses descriptions du culte divin concordent avec les
prescnptions-du Pentateuque. Il signale explicitement
Téhûv?!0" M." " ""V qUi 6Sl écrit dans ,a loi de
„ ': ' ' "' "■• '"'' 40' ^'ns la 1^ de Moïse. II Par.,
xxm, b; xxxi, S. H parie évidemment de la loi de
i expression „wn va, ,,„ ,| emploie, II Par., xxxm, 8,
n:; signifie pas nécessairement que Moïse a rédigé la
loi de sa propre main, puisque, dans d'autres passages
ou .1 est question de la loi mosaïque, Lev., xxvi 46 -
Num xxxv,. 13, elle désigne une disposition prise par
ICo.se, sans indication de rédaction écrite. Cf. I Par.,xL
• Mais .1 est tout naturel de l'entendre ici de la Iégis-
ation écrite par Moïse. De même, dans le récit de' la
de UlTiïv?™!?* S°US le rè=ne de Josias. Ie "vre
de la oi de Moise, II Par., xxxiv. l4; xxxv, 12, pour-
rait a la rigueur désigner seulement le livre qui conte-
70
sens „, S °n Prrm]ëU'e Par Moïse- dans l« même
sens que « les paroles que Jéhovah a dites par l'inter-
m(f ,a" " Moïse .. Il Par., xxxv. 6. Mais le sans
naturel est que cet écrivain entendait parler du Penta-
teuque rédigé par Moïse.
Enfin, l'auteur de l'Ecclésiastique, xxiv, 33; i.xv. 6
neiiiT, f Joïse.?ue com™e législateur; mais son
petit-fils, dans la préface qu'il mit en tête de sa traduc-
tion grecque, nomme à trois reprises la Loi, qu'il place
a cote des prophètes et des autres livres et qu'il consi-
dère ainsi comme un recueil distinct: il désigne sous
ce nom les cinq livres du Pentateuque. L'auteur du
second livre des Machabées, vu, 0, cite le cantique de
Moïse, Deut., xxxn, 30. comme oeuvre de Moïse
Ainsi les premiers témoignages de l'Ancien Testa-
ment attribuent explicitement à Moïse la composition de
quelques parties du Pentateuque actuel, récits ou lois
et notamment le Deuteronome. Esdras, Néhémie et l'au-
teur des Paralipoménes lui reconnaissent formellement
la rédaction du Pentateuque entier. La tradition juive la
plus ancienne a donc signalé le législateur hébreu
comme auteur du Pentateuque.
3. Témoignages d„ Nouveau Testament. - Notre-
keigneur et ses Apôtres ont parlé à diverses reprises
de Moïse comme écrivain et de la Loi comme son œuvre
Lorsque les sadducéens interrogent Jésus sur la résur-
rection ils citent la loi du Iévirat comme écrite par
Moïse. Malll,., xxn, 24; Marc, xn, 19; Luc xx o8
Jésus n examine pas cette affirmation, émise incidem-
ment et comme moyen de preuve ; il se borne à réfuter
par 1 Ecriture, Matth., xxu, 29; Marc, xn, 24, l'erreur
de ses interrogateurs, et il cite un passage du livre de
Moïse Matth., xxn. 31; Marc, xn, 26; Luc, xx, 37
bon affirmation porte directement sur le caractère
scripturaire plutôt que sur l'origine mosaïque de ce
passage. Notre-Seigneur emploie plusieurs fois l'ex-
pression usuelle « la Loi i pour désigner le Pentateuque •
son apposition à la désignation technique : « les Pro-
phètes. »> le montre bien. Luc, xiv, 16, 17. Dans la pa-
rabole du riche et de La/are. c'est « Moïse » qu'il place
a cote des « prophètes », et il entend bien Moïse et les
prophètes dans leurs livres. Luc, xvi, 29,31. De même
pour montrer aux disciples d'Emmaûs que sa passion
et sa mort avaient été prédites, il commença par
« Moïse » et continua par « tous les prophètes », inter-
prétant tout s les Ecritures qui parlaient de lui. Luc,
xxiv, 27. Dans ses dernières recommandations aux
Apôtres, il leur rappelle qu'il était nécessaire que s'ac-
complit tout ce qui était écrit de lui dans la loi de
-Moïse, les prophètes et les Psaumes; il leur ouvrit l'in-
telligence pour comprendre les Écritures et il leur dit
qu'il était écrit que le Christ devait souffrir et ressus-
citer le troisième jour. Luc, xxiv, 44-46. Dans tous ces
passages, Notre-Seigneur se bornait à désigner ce livre
par les dénominations ordinaires. De plus, il ne visait
pas expressément tout le contenu du livre, mais seule-
ment ses prophéties messianiques. Mais ailleurs, il
envisage plus directement l'écrit de Moïse. Dans une
discussion avec les Juifs qui niaient sa divinité, il en
appela aux Écritures qui lui rendaient témoignage.
Joa., v, 39. Si donc ses adversaires demeurent incré-
dules, Moïse, le législateur en qui ils ont mis leur espé-
rance, sera leur accusateur auprès du Père. Joo , v. 15.
8 Si, en effet, continue-t-il, vous croviez à Moïse, vous
croiriez peut-être à moi aussi, car ii a écrit sur moi.
.Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croi-
riez-vous à mes paroles? ,, Joa., v. 10, 17. Jésus met
donc en parallèle ses propres paroles avec le livre de
Moïse, avec ceque .Moïse, le législateur d'Israël, a écrit
sur lui : les écrits de ce législateur rendent témoignage
à Jésus que les Juifs repoussaient; si les Juifs ne
croient plus au témoignage écrit, rendu par leur légis-
lateur, il n'est pas étonnant qu'ils ne croient pas à la
PENTATEUOIK
parole de Jésus. Notre-Seigneur parle de Moïse comme
écrivain, au sujet des prophéties messianiques conte-
nues dans le Pentateuque. S. Irénée, Cont. hser., îv,
•2, n. 3, 1, t. vu, col. 977-978; Origène, In Num., liom.
x.wi, n. 3. t. xii. col. 771 ; Éuthymius, Panoplia dog-
malica, tit. xxiv. t. cxxx, col. 1225.
Les Apôtres ont parlé aussi de Moise écrivain. Phi-
lippe annonce à Nalhanaël qu'il a rencontré en Jésus
h' Messie sur lequel Moïse a écrit dans la Loi et dont
parlent les prophètes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act.,
m, 22, cite Deut., xviii, 15, comme parole de Moïse.
Saint Jacques rappelle qu'on lit Moïse le samedi dans
1rs synagogues. Act., xv, '21. Saint Paul relate le même
fail. II Cor., m, 15. Le même apôtre nomme ailleurs
1., Lui de Moïse. Act., xm, 33; I Cor., ix. 9. Il prêche
Jésus d'après la Loi de Moïse et les prophètes. Act.,
xxviii, 23. Il cite différents passages du Pentateuque
comme paroles écrites île Moïse. Puni., x. 5-8, 19.
L'Apocalypse, xv. 3, parle du cantique de Moïse.
Si quelques-uns des témoignages précédents peuvent
être restreints aux prophéties messianiques du Penta-
teuque, il reste établi que Jésus et ses Apôtres, pour
parler du livre entier, ont employé les désignations
usuelles à leur époque el par suite ont parlé, indirec-
tement an moins, de la Loi comme étant l'œuvre de
Moïse. Ils partageaient donc la croyance commune de
leurs contemporains au sujet de l'origine mosaïque du
Pentateuque et ils l'ont manifestée, sinon par des affir-
mations directes et formelles, du moins indirectement
et en termes équivalents. Toutes les fois qu'ils ont eu
à parler de l'auteur du Pentateuque, ils l'ont attribuée
Hoïse. La critique n'exige pas et ne peut pas exiger,
pour établir que la tradilion a attribué un écrit à un
auteur déterminé, que les écrivains qui l'ont cilé aient
cilé un ouvrage tout entier, mais il lui suffit qu'ils lui
aient attribué les parties dont ils ont eu occasion de
usage. On n'a pas le droit d'exiger de Notre-
Seigneur el des Apôtres ce qu'on n'exige pas des auteurs
profanes.
2° Le sentiment perpétuel du peuplejuif. — Ladis-
eussion précédente des textes de l'Ancien Testament a
prouvé que la plus ancienne tradition d'Israël, repro-
duite dans le Pentateuque lui-même et dans les livres
suivants, rapportait à Moïse au moins la rédaction de
Certains récits et de certaines lois, qui sont contenus
dans h- Pentateuque. Le livre des Rois, rédigé pendant
la captivité, attribue à Moïse le Deuléronome, découvert
dans le Temple du temps de Josias. En revenant à Jé-
rusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu'il lit
et présente comme l'œuvre de Moise. Néhémie, Mala-
chie, l'auteur des Paralipomènes regardaient Moïse
comme l'auteur du Pentateuque entier. Les auteurs
juifs de la version grecque dite des Septante partageaient
relie conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains
,le Notre-Seigneur, à quelque secte qu'ils appartinssent,
admettaient cette tradition, dont Jésus se sert pour
convaincre les sadducéens. Jésus el ses Apôtres, eu
employant les dénominations usitées de leur temps,
ont bien admis le sentiment commun de leurs coreli-
gionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue à
Moïse la composition du Pentateuque, s'est perpétuée
dans la Synagogue jusqu'à nos jours, sauf de très rares
et toutes récentes exceptions.
Pour le rr siècle de notre ère, Josèphe et Philon re-
présentent les ileu\ fractions du judaïsme, palestinien
et alexandrin. L'historien Josèphe, qui riait de Pales-
tine, place en trie des vingt-deux livres que les Juifs
reconnaissent comme divins et inspirés, les cinq livres
de Moïse qui contiennent l'histoire îles origines et de
l'humanité depuis la création jusqu'à la morl de l'au-
teur. Cont. Apion., 1, 8. Dans ses Antiquités judaï-
ques, 1. Proam., '<■ il se propose de résumer les livres
de Moïse a partir de la création du monde. A la lin de
son exposé, IV, vin. 3-i8. il rapporte que Moïse.
avant de mourir, remit aux Israélites qu'il avait tirés
de l'Egypte le livre qui contenait la législation divine
i't qu'il avait écrit lui-même. Or, au sentiment de Jo-
sèphe, il ne s'agit pas seulement du Deutéronome.
mais bien du Pentateuque entier, puisque le résumé
logique qu'il en donne comprend toutes les lois du
Pentateuque. Il attribue même explicitement au légis-
lateur hébreu le récit de son trépas. I r lignant, dit-il,
qu'on ne prétendit qu'à cause de sa grande vertu Dieu
ne l'avait ravi auprès de lui, il raconta lui-même dans
les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe
alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque
comme étant de Moïse. La Thora est de tous les Livres
saints celui qu'il cite le plus souvent. Elle possède à
ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame
Moïse son auteur, le prophète par excellence, un arehi-
prophète. Les écrits qu'il a composés comprennent
des récits historiques et des lois. L'histoire mosaïque
remonte à la création du monde. De vila Mosis, 1. II,
Opéra, Genève, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de
Moïse d'après les écrits de son héros, et parvenu au
terme de son ouvrage, 1. III. p. 538. il rapporte comme
une merveille que Moïse, sur le point de mourir, lit
par inspiration divine le récit prophétique de sa mort
Une beraïtha du Talmud de Babylone, traité Baba-
Bat/ira, voir t. n, col. 140, reproduit l'enseignement
des Juifs demeurés au pays de la captivité : « Moïse,
dit-elle, écrivit son livre (c'est-à-dire le Pentateuque) et
la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et
huit versets de la Loi, » ceux qui font le récit de la
mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont
l'opinion est ici reproduite, jugeant que le neit de la
mort de Moïse n'avait pu être rédigé par le défunt,
l'attribuaient à son successeur. Celait notamment le
sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est répétée,
traité Makkôth, fol. lin.- traité Menachôth, fol. 30a.
Mais au rapport d'une autre beraïtha du même traité,
c. h'ania, Rabbi Siméon objectait "qu'il ne pouvait man-
quer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi con-
cluait-il que jusqu'à Deut., xxxiv, i, « Dieu dictait,
Moïse répétait et écrivait; à partir de là, Dieu dictait,
et Moïse écrivait en pleurant. » L. Wogue, Histoire de
la Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours,
Paris, 1881, p. 21 ; C.' Wildeboer, De la formation du
canon de l'A. T., trad. franc.. Lausanne, s. d., p. H.
Le Talmud de Jérusalem mentionne seulement l'attri-
bution des cinq livres du Pentateuque, avec mention à
part de la section de Balaam et de Balac, mais sans
allusion au récit de la mort de Moïse. Traité Sota,
V, 5, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vu, p. 290. D'ailleurs,
les rabbins, en disant : « la lui de Moïse, » en regar-
daient Moïse comme le rédacteur; aussi l'appelaient-ils
lui-même » le grand écrivain d'Israël ". Tous les doc-
teurs d'Israël sont demeurés fidèles a > lit ion de
leurs pères, et ont unanimement reconnu que, sauf les
douze derniers versets ajoutés par Josué, Moïse a écrit
le Pentateuque sous l'inspiration divine. J. Furst,
lier Knnini des Alten Testaments naeh den Ueberlia-
fenmgen un Talmud md Midrasch, Leipzig, IS68,
p. 7-9. Seuls Isaac ben .lasus. au xi" siècle, et Ahenesra,
au XIIe. ont admis dans- les livres de Moïse quelques
additions postérieures. Voir col. 61. A la même époque
Maimonide énonça en ces termes le huitième article de
la foi juive ; « 11 faut croire que la loi que nous possé-
dons est la loi qui nous a été donnée par Moïse...
Moïse écrivit ce qui lui fut dicté sur l'histoire et sur
les lois. » Comment, in lr. Sanhédrin, c. ix, cil • par
Abarbanel, SépherRosch 'Amanah, c. i, trad. de Yors-
tius, in-i°, Amsterdam, 163S. p. (i. Cf. Surenhusius,
MUchna cum commentariU integris Maimonidis et
Bartenorœ, Amsterdam, 1702, t. iv, p.2l>i. Auxnr siècle.
R. Becchai admettait que Moïse avait écrit la loi depuis
PENTATEUijUE
74
le premier mol de la Genèse jusqu'au dernier du Deuté-
ronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateu-
que entier venait immédiatement de Dieu et que Moïse
n'en avait écrit aucune parole de lui-même. Au
XV siècle, Abarbanel répétait la même chose et rejetait
le sentiment de ceux qui attribuaient à .losué les douze
derniers versets du Deutéronome. Cf. Richard Simon,
Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques
de E. Dupin, Paris. 1730. t. m, p. 215-220. Le premier
parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au XVIIe siècle, rejette
l'authenticité mosaïque du Pentateuque qu'il déclare
bien postérieur à Moïse, puisque Esdras en est peut-
être l'auteur. Tractatus theologico-polilicus, c. vm,
édit. lauchnitz, t. in, p. 125; trad. Saisset, 2" édit.,
Paris, 1861, t. h. p. 151-173. Quelques Juifs modernes
ont admis plus ou moins complètement les conclusions
des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris,
1881, p. 132-112, attribue la Genèse, sauf un petit
nombre d'interpolations, à Moïse qui en a puisé le fond
dans des documents antérieurs, émanés de diflérents
auteurs; il lui attribue aussi toute la législation du
Pentateuque, qui formait peut-être le « livre de l'al-
liance », bien que sa rédaction ait pu, avec le temps,
subir quelques modilications. Le reste du Pentateuque,
a savoir les parties historiques des quatre derniers
livres, est foriné de documents qui étaient postérieurs à
•Moïse, mais dont il est impossible de fixer l'âge avec
précision. « Le recueil a dû être achevé et exister dans
sa forme actuelle à l'époque de Josias, et c'est à cette
même époque qu'il a pu être reçu par les Samaritains.
Le Pentateuque peu 1 donc être appelé avec raison un
livre mosaïque, bien qu'il ne soit pas émané en entier
de Moïse. S'il manque d'unité dans le plan et la méthode,
il va unité dans l'idée, » p. 142. Les Juifs croyants ont
donc toujours admis et admettent encore l'authenticité
mosaïque du Pentateuque. La tradition était si stricte
qu'elle a porté les rabbins à accepter même des exagé-
rations et des fables pour la défendre.
3» La tradition perpétuelle de l'Eglise catholique.
— La tradition juive, introduite par Jésus et ses Apôtres
dans l'Église, s'y manifeste de bonne heure et se conti-
nue sans interruption de siècle en siècle jusqu'à nos
jours. Il suffit de constater son existence dans les pre-
miers siècles, car personne ne nie sérieusement sa
persévérance et son unanimité. Les Pères apostoliques
citent assez souvent des passages du Pentateuque
comme paroles d'Écriture inspirée, sans nommer l'au-
teur, conformément à leur manière habituelle de citer
la Bible, mais ils ne sont pas cependant tout à fait muets
sur l'activité littéraire de Moïse. Ainsi le pseudo-Bar-
nabe, s'il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres
apostolici, 2" édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 60-70, plu-
sieurs lois, et xir. 2-9. p. 74-76, plusieurs paroles de
Moïse, ne considère pas ce personnage exclusivement
comme législateur et comme chef d'Israël. Il cite sous
le nom du prophète Moïse une parole prononcée par
Dieu lui-même, F.xod.. xxxiii, 1, 3, parce que le prophète
l'avait entendue et relatée dans son récit. Epist., vi, S,
10, 13, p. 54,56. De même encore le jeune de Moïse sur
le mont Sinaï est cité comme une parole du prophète.
Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clément de Rome cite, lui
aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Écri-
ture sainte. Il affirme une fois que xa'i 6 jiaxipioî tiiittô;
liz^i-or/ vi oui) -r<; o'.'/.'i» Ma>ij<77j; ~v. 5iaxay(JLÉva aijîw
— ivTa !<7r,|iEia>aaT0 h --j.:: iîpsî; fSio/a;;. 1 Cor., XLI, 1,
ibid., p. 152.
Les Pères apologistes apprennent aux païens, à qui ils
s'adressent, que Moïse a écrit sous l'inspiration divine,
qu'il est le premier des prophètes et le plus ancien de
tous les écrivains et qu'il a raconté par l'esprit pro-
phétique la création du monde. S. Justin, Apol., 1. 59,
t. vi, col. 416; Cohort. ad Grxc., 28, 30, 33, 34, ibid.,
col. 293,296-297, 361; S. Théophile, Ad Aulol., m, 23,
ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, il>ul.,
col. 377, 409, cite la prophétie de Jacob, Gen., xi.ix,
10, comme écrite par l'esprit prophétique. Il rappelle
à Tryphon, Dial., 29, ibid., col. 537, que Moïse a écrit
dans les lettres juives. L'auteur de la Cohort. ad Grœcos,
9, ibid., col. 257, prouve l'antiquité du prophète et
du législateur juif par le témoignage des philosophes
grecs. Moïse a écrit au sujet du tabernacle, ibid., 29,
col. 296; et Platon a fait des emprunts à sa divine his-
toire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de l'humanité
nous sont connues, c'est que le Saint-Esprit nous les a
apprises, lui qui a parlé par Moïse et les autres pro-
phètes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes
que tous les écrivains et tous les poètes. S. Théophile,
Ad Aulol., il, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apo-
logistes s'accordent-ils à dire que les philosophes et
les législateurs païens ont fait des emprunts à Moïse
et lui ont volé leur sagesse.
Tous les Pères subséquents citent le Pentateuque
sous le nom de Moïse. Ils affirment aussi à l'occasion
que Moïse a composé le Pentateuque. On retrouve de
ces témoignages formels dans toutes les Églises chré-
tiennes. Saint Irénée, Cont. hier., I, II, 6, t. vu,
col. 715-716, attribue à Moïse le récit de la création du
monde. Cf. H, 22. n. 3, col. 783. A Rome, saint Hippo-
lyte commentait Deut., xxxi. 9, 24. 25, qui attribue â
Muise la rédaction de ce livre. Achelis, Arabische Frag-
mente :utii Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897
t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, vm, 8; x, 33, t. xvt
col. 3350, 3149. A Cartbage, Tertullien provoquait Her-
mogène ad originale inslrunientuin Moysi, à propos
de la création du monde. Adv. Hermogenem , xix, t. n,
col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv. 22, ibid., col. 414.
A Alexandrie, Origène tenait Moïse non seulement
comme législateur, mais aussi comme écrivain, puisque
les lettres qu'il employa pour écrire ces cinq livres,
tenus pour sacrés chez les Juifs, sont différentes des
lettres égyptiennes. Cont. Cels., m, 5-6, t. XI, col. 928.
Il parle des écrits de Moïse, livres clairs et sages, que
Moïse ou plutôt l'Esprit divin qui .'lait en Moïse et
dont l'inspiration l'a fait prophète, a écrits. Ibid., IV, 55i
col. 1120. Cf. In Gen.. hom. nu, n. 2, t. xu, col. 231;
In Num., hom. xxvi, 3, ibid., col. 774. Eusèbe de Césa-
rée parle du grand Moïse, le plus ancien de tous les
prophètes, qui a décrit sous l'inspiration divine la créa-
tion du monde et l'histoire des premiers hommes. H. E.,
i, 2. t. xx, col. 56; cf. 3, col. 69. Saint Euslhate d'An-
tioche. De engastrimylhacontra Origenem, 21, t. xviu,
col. 656, reproche à Origène d'appeler fables ce que Dieu
a fait et ce que le très fidèle Moïse a consigné par écrit.
Cf. pseudo-Eusthate, In Hexaenieron, ibid., col. 708
Marius Victorin, De verbis Script., Factum est, 1,
t. vin, col. 1009, déclare que Moyses nos docuit librû
Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32,
t. XXVII, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avait
ordonné à Moïse d'écrire un cantique et le Deutéro-
nome tout entier. Diodore de Tarse déclare que Moïse a
écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen.
t. xxxiii, col. 1561-1562. Didyme d'Alexandrie, De Tri-
nitate, II, vu, 3, t. xxxtx, col. 565, expliquant .■ Fa-
ciamus hominem ad imaginem nostram, dit qui
Moïse dans la Genèse par la personne du Père et du
Fils parle au Saint-Esprit. Saint Grégoire de Nysse
attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la
Genèse qui, de prime abord, paraissent contraires. In
Hcxaemeron, proo-m., t. xliv, col. 61. Saint Ambroise,
llexaemeron, VI, n, 8. t. xiv, col. 245, déclare que
Moïse, quoiqu'il fut instruit dans toute la sagesse de6
Égyptiens, a méprisé, parce qu'il était inspiré, la
vaine doctrine des philosophes et a décrit la création
du monde. Saint Épiphane, User., xxvt, 3, t. xi.j,
col. 337, dit que ce législateur était inspiré' pour rédi-
ger la loi contre les parricides, et XXXIII, n. 9, col. 572.
75
PENTATEUQUE
76
pour écrire loulcc qu'il [a écrit. Faustin, De Trinilate,
c. i. 5-7. i. «H, col. il. 42, attribue à Moïse le début
de la Genèse, et fait des emprunts aux livres de .Moïse.
Saint llilaire de Poitiers, De Trinitale, i, 5. t. x.
col. 28, parle des livres, quos a Moyse alque proplie-
tis sciiptos esse Hel-, Iradebat. Saint
Chrysostome, In Gen., hom. n. '2-3. t. lui, col. -27. 28.
reconnaissait dans le début de la Genèse les paroles du
bienheureux .Moïse qui, pour se faire comprendre des
Juifs, parlait, comme plus tard sain! Paul, un langage
ier. 11 attribuait aussi à Moïse le récit du déluge
et il expliquait comment Cet écrivain n'a rien dit des
soixante-dix premières années de Xoé. Ail Stagirium a
dxtnone vexât uni, n. (i. t. xlvii. col. 457. Saint .Jérôme
dit expressément que le Pentateuque est de Moïse. Prx-
falio in lib. Josue, t. xxvm. col. ïtil : Prologus galea-
ius, ibid., col. 548. Il énumère les cinq livres : Genèse,
Exode. Lévitique, N'ombres et Deutéronome comme
étant de Moïse ainsi que les onze Psaumes i.xxxix-
xcix. Epist. ' XL, 2, t. xxii, col. 1167. La parole sou-
vent citée contre l'authenticité du Pentateuque : Sive
Moi/sen dicere vivais auclorem Pentaleuchi, sive
Esdram ■ ejusdem instauratorenx operis mm reeuso
\De perpétua virginitale B. Mariée liber advenus
Belvidium, n. 7, t. xxm, col. 199), ne concerne pas
!.• livre entier, mais seulement la glose : usque in
Uodiemum diem, Gen., xxxv, i: Deut., xxxtv, 6 (selon
ptante), que le saint docteur refuse de rapporter
soit à Moïse soit à Esdras. Saint Augustin voit les cinq
livres de Moïse figurés par les cinq pierres que David
choisit dans le torrent pour en armer sa fronde.
m , xxxi, c. v. vu, t. xxxviii. col. 198, 199, et dans
les cinq portiques de la piscine de Bethsaïde. Serm.,
cxxiv, c. m. ibid., col. 687. 11 enseigne que le récit de
la création, dont le sens l'a préoccupé durant toute sa
vie, i l ;••"' Moïse. Conf., il, 3; xn, il. 30,
I. xxxn. col. 811,832, Ni.!; 1'. Gen. m i,,., VIII . m. 7;
IX, mm. 2:;. t. xxxiv. col. 375, W2; Decivilate Dei, XI,
iv, 1, t. xii. col. 319. Théodore de Mopsueste tient
Moïse pour l'auteur de la Genèse. Sachau, Tl,
Mu}< agmenla syriaca, Leipzig, 1869, p. s. 9.
Cf. Kilm. Theodor m,, \Iopsue I milita Afri-
canw Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 98.
Saint Cyrille d'Alexandrie, Cont, Julian., I. t. i.xxvi.
col. 524 525, prouve que Moïse a précédé tous les sages
delà Grèce qui l'ont connu et estimé, et il explique
que le contenu de ses récits est admirai. le. parce que
l'écrivain était inspiré de Dieu. Saint Isidore de Péluse,
Epist. ,\. IV. epist. CLXxvi.t. i.xxvm. col. 1268, explique
pourquoi Moïsea fait précédei ion d'un récit
historique. Thi Mala, h . arg., t. i.xxxi,
col. i960, déclare que Moïse, le grand li gislateui
premier qui mai- ail laissi par • cril des oracles divins,
l'rocope de Gaza, In Gen., prolog., t. i.wxvii, col. 24,
affirme que le livre qu'il entreprend de commenter est
de Mo I iplications qu'il donne montrent bien
qu'il regardait la législation, contenu.- dans les livres
do ""i" "• par cet écrivain. D'ailleurs,
il déclare expressémi ni que le Deutér
des livres précédi m estdi la main de Moi In Deut .
ibid., eol. ,893-894. Junilius, /<•- partibus I
I. 1, c. vin. 1. ixvm. col 28; cf. Kihn, op. cit., p. 480,
ex ti aditù ne velerum, que Moi 1 a écrit li
premiers livres historiques de l'Ancien r/esl iment, bien
que leurs titres ne contiennent pas son nom. . i que
lui-même ne dise pas : Dixit Uomii , . mais.
''"' ' s'il parlait ilun autre : 0 nus ad
Voyten. De son côté, saint Isidore de Séville .-1 tri -
explicite dans les attributions du Pentateuque
■ VI, 1. i: 11, I. t. 1 xxxii.col. 229, 230. Il indique
""' ' <• mps mis par Moïse à rédiger le D
Quml ii V. 1 . in Detit., 1,2, 1 1 xxxm. col. .
Il est inutile de multiplier les citations. On a conti-
nué dans l'Église à admettre l'authenticité mosaïque
du Pentateuque. Pour le moyen âge et les temps mo-
dernes, voir Hoberg. iloses und der Pentalemli.-p.'ï-
73. Personne jusqu'au xvr et au XVIIe siècle n'a émis
le moindre doute à ce sujet. Nous exposerons plus
loin les doutes et les négations des critiques modernes.
La masse des exégètes et des théologiens catholiques
aussi bien que des fidèles est demeurée attachée à
l'ancienne tradition, et aujourd'hui encore, nonobstant
le travail de la critique, admet l'authenticité mosaïque
du Pentateuque. L'enseignement traditionnel a été vé-
ritablement unanime, ininterrompu et perpétuel dans
l'Église catholique.
i Critères internes ou caractères mosaïques du
Pentateuque. — Ils sont tirés du fond même ou de la
forme littéraire du livre. Par eux-mêmes, ils sont in-
suffisants à prouver l'authenticité mosaïque du Penta-
teuque, mais ils continuent la tradition |ui\e et chré-
tienne. — 1. Caractères mosaïques du fond. — a)
ur du Pentateuque connaît exactement les
choses d'Egypte. — Ilien que les nombreux documents
hiéroglyphiques de l'ancienne Egypte, déchiffrés ré-
cemment, ne fournissent aucune preuve directe des
faits racontés par Moïse dans l'histoire de Joseph, la
venue des Israélites en Egypte, leur séjour au pays de
Gessen, leur oppression et leur exode, ils donnent ce-
pendant des preuves indirectes de la vraisemblance et
de l'exactitude des récits qui rapportent ces événe-
ments. Sur le voyage d'Abraham en Egypte, voir F. Yi-
gouroux, La Bible cl les découvertes modernes,^' édit..
Paris, 1S96. t. 1, p. 153 180 , 11 l'histoire de Joseph,
voir op. cit., t. 11, p. 1-213: ÈciMNSON, t. H, col. 1558-
1559; Joseph, t. m. col. 1657-1669; pour b- s. jour des
Israélites en Egypte, leur oppression et leur exode, voir
t., t. 11, p. 215-439; Briqi e, t. 1, col. 1981-1934;
Gessen, t. m, col. 218-221 . Corvée, 1. 11, col. 1030-1031.
Les plaies d'Egypte, sans perdre leur caractère miracu-
leux, sont conformes aux phénomènes naturels delà
contrée et sont des maux propres au pays. La couleur
égyptienne de ces récils est indéniable. Or, elle ne
prouve pas seulement leur ..... ontre aussi,
au moins indirectement, leur authenticité mosaïque,
Tous les détails sont ~i , tacts, si égyptiens, qu'ils n'ont
pu être inventés après coup, qu'ils ont dû plutôt être
ri latés par un Israélite qui, comme Moïse, avait été
élevé en Egypte. La tradition, eût-elle reçu dès l'origine
une forte empreinte égyptienne, aurait perdu de sa
fraîcheur et de son coloris, si elle avait été conservée
longtemps dans la mémoire du peuple avant d'être
consignée par écrit. L'n rédacteur postérieur, fût-il
bien au courant de la situation particulière de l'Ef
de ses usages et 1 ses coutumes, n'aurait pu rend
narration aussi conforme, dans les plus petits détails,
à la réalité historique que les découvertes égyptolo-
giques nous ont révi lée Seul, un Israélite, ayant vécu
nips en Egypte, a été capable de donner au récit
l'exactitude minutieuse qu'on v constate,
Les critiques modernes ne contestent guère celte
couleur égyptienne des ié, it~. et ils reconnaissent que
l'auteur du document qu'ils appellent élohiste était très
au courant dis . . pticiines. Il reproduit deux
mots égyptiens fortement simili- !.. voir t. I,
col. 90-91. et Sdfenat pa'etl ^- x | .1 i. -11 donné- .1
Joseph. Gen., xi.i. 13. 15. 11 nomme Puliphar, Gen.,
xxxvii, 36, etc., Séphora et l'hua, les sages-femmes
égyptiennes, Exod., 1. 15, les villes de Phithom et de
Ramessès, Exod., 1. II. et la mer Rouge. Exod., vu.
18; xv, 22. H connaît exactement la constitution de
l'armée égyptienne. Exod., xiv, 7. Paul de Lagarde et
Steindorll s'appuyaient sur une interprétation contes-
table du nom égyptien de Joseph, du nom de sa femme
Aseneth et de celui de Puliphar pour rapporter l'his-
toire d.- Joseph dans le document 1 lohiste a l'époque
77
PEXTATEUQIi;
de la seconde djnastie saïte, après Psammétique Ier
(655-610). Mais M. Naville a réfuté les explications don-
nées. Proceedings of tlie Society of biblical Archxo-
togy, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771. 10S2-10S3;
t. m, col. 1668. La conclusion qu'on en tirait relative-
ment à la date tardive du document élohiste n'estdonc
pas fondée. Les autres critiques qui la remontent plus
haut ne dépassent pas l'époque des rois d'Israël, et ils
pensent que l'auteur avait eu personnellement à cette
époque une connaissance directe de l'Egypte à la suite
des alliances des rois d'Israël avec les Pharaons. Ils en
concluent qu'on ne peut discerner dans ses descriptions
ce qui convient à l'époque des faits de ce qui se rap-
porte à son temps. >.'ais la couleur égyptienne n'est pas
spéciale aux récits du soi-disant document élohiste;
elle se remarque dans l'ensemble du Pentateuque, sans
distinction des sources; elle est tout aussi réelle pour
les plaies d'Egypte, par exemple, dans les parties du
récit que les critiques attribuent au document jéhoviste,
et plusieurs traits ne sont justes que pour l'époque des
événements et ne conviennent pas à l'Egypte des Pha-
raons, contemporains des rois et des prophètes d'Israël.
On a constaté, en effet, que l'Egypte, décrite dans
l'histoire de Joseph, du séjour des Israélites et de leur
exode, est l'Egypte du xv« siècle avant notre ère. Ce qui
est dit de l'état du pays, des principales villes de la
frontière, de la composition de l'armée, est vrai de
l'époque des Ramsès. Ce pays y apparaît comme un
royaume unique, placé sous le gouvernement d'un
seul roi; elle n'est pas encore morcelée en douze petits
Etats, comme elle l'était au temps d'Isaïe, xix. 2. Voir
t. Il, col. 1612. Les villes de Phithom et de Ramessès,
bâties par les Israélites, Exod., i. 11. ont eu réelle-
ment Ramsès II. sinon comme premier fondateur, du
moins comme restaurateur. Il n'est parlé ni de Migdol
ni de Tapîmes et on n'y relève aucun des noms sémi-
tiques de villes qui furent usités sous la dynastie buba-
tiste contemporaine de Salornon. L'armée est composée
•de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. n, col. 567-
570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires étran-
gers, pareils aux Lubim, qui en faisaient partie plus
tard. ,1er.. xlvi, 9; Il Par., xil, 3. Voir t. i. col. 992-
994; t. iv. col. 238-241. Les relations de l'Egypte avec
les pays étrangers supposent aussi une époque ancienne.
Il n'est parlé ni du royaume d'Ethiopie qui dominait
l'Egypte sous le règne d'Ézéchias, ni des rois assyriens
qui conquirent l'Egypte sous la dynastie éthiopienne.
Voir t. il, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt,
•dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759
De cet accord entre le Pentateuque et les anciens do-
cuments égyptiens on peut conclure que les récits ont
été rédiges peu après les événements et à l'époque où
le souvenir des faits était encore récent.
Cette conclusion est confirmée par la ressemblance,
purement extérieure il est vrai, mais très réelle, des
institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse
au désert avec les rites égyptiens. Voir t. iv, col. 335.
L'arche d'alliance, placée dans le tabernacle, ressem-
blai en quelque chose au naos des temples égyptiens.
Voir t. i. col. 912. Le tabernacle présentait lui-même,
•dans son ensemble, les mêmes dispositions que ces
temples. Les divergences provenaient de la diversité
des matériaux employés et de la nécessité d'avoir,
durant le séjour au désert, un temple portatif. Le ratio-
nnai d'Aaron est pareil au pectoral des prêtres égyptiens.
Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche
du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigoureux, La
Hible et les découvertes modernes, 6* édit., Paris, 1896.
1. il, p. 529-547; Les Livres Saints et la crilii/ue
valiste, Paris, 1902, t. m, p. 86-99; Sa\c.'. La
ère nouvelle apportée par les monuments an-
trad. ïrochon, Paris, 1888. p. 77-98: .1. Ileyes,
Bibel and Aegypten, Munster, ISJOt, p. 142. Cer-
tains usages pharaoniques sont mentionnés dans le
Deutéronome : l'arrosage avec les pieds, vi, 10, mode
d'irrigation particulier à l'Égyptej voir, t. ni, col. 926-
929; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-même se
rapproche de celui des scribes égyptiens; la bastonnade,
infligée à la mode égyptienne, xxv, 2, voir, t. i,
col. 1500; les pierres enduites de chaux, dont on se
sert pour écrire, xxvn, 1-8. De tout cet ensemble il
résulte manifestement que l'auteur du Pentateuque
connaissait les mœurs de l'Egypte, ses usages, se s
coutumes, d'une manière si parfaite qu'il a dû vivre
longtemps dans ce pays et précisément à l'époque des
événements qu'il raconte.
b) L'auteur a écrit son livre pour les Israélites,
sortis île l'Egypte et n'occupant pus encore le pays
île Chanaan. — Le souvenir de l'Egypte est Fréquem-
ment rappelé aussi bien dans les lois que dans les
récits historiques des quatre derniers livres du Pi nta-
teuque. L'oppression que les Israélites y avaient subie
était un motif souvent indiqué de ne pas retourner
dans un pays où l'on avait tant souffert et la délivrance
delà servitude est un événement récent et Iris impor-
tant pour Israël. Le récit de ces événements est écrit
sous le coup de l'impression profonde qu'ils avaient
laissée. L'anniversaire de l'exode est célébré par une
fête solennelle, la fête de la Pàque, qui en rappelle
les circonstances historiques. La consécration dus
premiers-nés au Seigneur se rattache aussi à la dixième
plaie d'Egypte, dont les Israélites avaient été exemptés.
La fête des Tabernacles est destinée à remémorer aux
Hébreux que leurs ancêtres ont habité sous la tente
dans le désert, quand Dieu les tira de la terre
d'Egypte. Lev., xxm. 43. Quand les Israélites se
révoltent et murmurent contre Moïse, ils regrettent la
vie facile qu'il menaient en Egypte comparativement
aux privations qu'ils subissent au désert, el ils vou-
draient retourner dans ce pays d'abondance. Moïse
lutte constamment contre ces désirs insensés du
peuple, et il cherche à éloigner le plus possible les
Israélites du pays de leur servitude. Pour répondre à
leurs plaintes, il déclare que ce n'est pas lui, que c'est
Dieu qui les a fait sortir d'Egypte. Il recommande de
de pas agir conformément aux usages de l'Egypte.
Lev., xvin, 3. Pour calmer Dieu irrité contre Israël.
Aloïse fait valoir l'opinion îles Égyptiens. Num., xiv.
13, 14. Plusieurs dispositions législatives sont portées
à cause de l'Egypte qu'on vient de quitter. La loi sur
l'étranger, qu'il ne faut ni contrister ni affliger, est
motivée parle fait que les Israélites ont été étrangers
en Egypte. Exod., xxn. 21. L'Israélite ne sera pas
esclave de ses frères à perpétuité, parce que pieu a
affranchi tout Israël de la servitude de l'Egypte.
Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur
qu'elles ne séduisent et n'entraînent à l'idolâtrie le
peuple choisi, tiré par Dieu de l'Egypte. Deut., IV,
15-20. On recommande au roi futur, qui régnera en
Israël, de ne pas ramener son peuple en Egypte.
Deut.. xvn. 16. La délivrance de la servitude égyptienne
est un des plus puissants motifs, invoqués et répétés
dans le Deutéronome pour inciter les Israélites à
observer fidèlement les prescriptions données par le
Seigneur qui avait sauvé Israël. Si les Israélites sont
fidèles aux prescriptions divines, ils ne souffriront
aucun des maux que Dieu a infligés aux Égyptiens.
Exod., xv, 26; Deut.. vu. 15. S'ils sont infidèles, ils
subiront comme châtiment les mêmes maux dont ils
avaient déjà été aflligés en Egypte, Deut.. xxvm, 27. 60;
xxix, 25. L'exode est donc pour le narrateur comme
pour le législateur un fait récent, dont le souvenir est
encore très vivant et très capable de produire une
forte impression. Écrit longtemps après les événements,
le récit n'aurait pas eu un accent -i saisissant, et la
sortie d'Egypte n'aurail pas été le seul et unique
79
PENTATEUQUE
80-
bienfait <li \ in, rappelé à la mémoire des descendants
d'Israël. C'était de ceux-là mêmes qni avaient été oppri-
ii Egypte et qui venaient d'être délivrés que
l'auteur ravivait des souvenirs récents et communs.
Leurs descendants éloignés n'auraient pas pu cire
frappés à ce point par la mémoire de faits, dont ils
n'avaient s témoins oculaires
1' tut rt- part, rien dans le Pentateuque n'indique que
les Israélites aient déjà occupé définitivement le pays
de Chanaan. Leurs ancêtres, Abraham, Isaac et ]
qui avaient quitté la Chaldéè, n'y ont vécu qu'en
nomades et en étrangers. Dieu leur avait seulemenl
promis de donner à leur postérité la terre où ils
vivaient. Les prom. <se> réitérées, faites aux patriarches,
sont mentionnées pour rappeler les droits d'Israël à la
possession future de la 'J'erre promise. Si .Jacob vient
en Egypte pendant la famine, c'est avec le dessein de
retourner en Chanaan. Gen., mvi. i. Il demanda d'être
enseveli avec ses pères au champ d'Ephron. Gen., xux.
29-31, et son désir fut accompli. Gen., l. '«-13. Joseph
demanda aussi que ses ossements fussent emportés par
si - frères, lorsqu'ils retourneraient au pays de la
promesse. Gen., i. 23-24. Dieu confia à Moïse la mission
de faire sortir son peuple de l'Egypte et de le conduire
dans la terre des Chananéens. Êxod., in. S: VI, 2-8.
Quand, irrité contre Israël, il veut l'exterminer tout
Moïse lui rappelle la promesse faite aux pa-
triarches et obtient ainsi la grâce des coup
xxxii, 13; xxxiii, I. Le Seigneur promet la pos-
m di Chanaan aux Israélites, s'ils pratiquent Gdè-
Lev., xx, 24. Cette promesse est fré-
quemment lans le Deutéronome. Les livres du
milieusonl le récil de la marche d'Israël vers la ren
Promise. Moïse y conduit son peuple et il compare la
terre, qu'il faudra conquérir, à l'Egypte. Deut., xi, 10.
Dieu lavait caractérisée comme une terre où coule le
lail •■' : : I) Exod., iii,8, 17, et les espions, de retour
de leur exploration, décrivent le pays par ce trait.
Num., xiii, L2X. Les Israélites sont donc en route
Terre Promise. Une des pli préocupations tli
esl de les déterminer à j entn r et à en :
conquête. Ils devaient gagner rapidi ment le pays
séjournenl quarante ans au désert, c'est en punition de
la révolte qui sui\it le retour des espions envoj
Palestine. Le délai écoulé, Moïse conduit le peuple
jusqu'aux frontières, et choisit, avant de mourir, Josué
comme chef de l'armée, et le charge de faire la conquête,
Cf. F. Vigoureux, Les Livr, t la critique ratio-
naliste, Paiis. 1902, t. m. p. 28 16
Le récit n'est pas composé, comme on l'a prétendu, par
un écrivain qui habite à l'ouest du Jourdain, c'est-à-dire
dans la Palestine où Moïse n'a jamais pénétré. En effet
ssion be'êber hay-yardèn ne désigne pas néces-
'' '•' Située sur la ri\e gauchi du Jour-
dain. La signification doit être déterminée par le con-
1 1 dans le mé verset, Num., xxxii, 19 (hébreu
elledèsigni successive ni les deux rives. F. Vigourou)
tel biblique, 12" édit., Paris, 1906, t. i. p. 167-468
On n dans le Pentateuque aucune allusion
certaine à la situation historique qui a suivi la conquête,
Rien i fait supposer que le peuple habite dan- des
villes et dan- des maisons; la législation convient à des
nomades, vivant au désert et son- la tente. Il n'estparlé
ni de lérus ili m ni de la royauté c te existante. Les
allusions. signalées par 1rs critiques, notamment dans
b^ morceaux poétiques et prophétiques, visent l'avenir,
si le plus souvent par m. pn jugé contre la pro
phétie qu'on y voit un indii
de II iode et du Lévitique onl l'empreinte du
désert à un degré tel que leur rédaction à une autre
époque ri en un autre lieu esl haute ni invraisem-
blable. Leur cadre invariabl i le camp d Isra
nacle, par exemple, est portatif et répond à la
situation de nomades, qui ne peuvent avoir de sanctuaire
lixe. Prétendre, comme le font les critiques, qu'il
n'est qu'une projection du Temple de Jérusalem
dans le passé, c'est une hypothèse, qui est commandé
par les besoins do la cause et qui ne rend pas compte
de tous b-s détails de la construction et du service.
D'ailleurs, il faut pour cela attribuer à l'auteur du code
sao r dotal, qui l'aurait construit de toutes pièces, une
imagination créatrice qui ne répond guèreauxcarai
qu'on lui prête. On prétend aussi que la couleur locale
des lois du désert est l'oeuvre du même auteur, qui se
reportait en esprit à l'époque mosaïque. Le principal
argument, sur lequel on appuie cette explication, est la
promulgation de la plupart de ces lois sacerdotales au
pied du Sinaï. Or, à ce moment, rien n'était plus étran-
ger à la pensée de -Moisi- que la prévision d'un séjour
prolongé d'Israël au désert. Moïse n'a donc pu rédiger
les lois sinaïtiques en vue d'une situation qu'il De
prévoyait pas encore. Mais la rédaction définitive de
ces lois a bien pu être faite après la révolte dont le
séjour dans ledéserl pendant quarante ans fut la puni-
lion: elle aurait par suite été rendue conforme à cette
situation nouvelle. Ainsi, quand le temps de l'épreuve
est écoulé, quand la législation, temporaire et locale.
du désert touche à sa lin. Moïse promulgue;! la généra-
tion nouvelle qui va traverser le Jourdain et conquérir
le pays de Chanaan. des lois appropriées à la vie
-.dentaire et agricole qu'elle va mener dans la Terre
isi . Du reste, à vrai dire, seules les lois qui
concernent les campements et li transfert de l'arche et
du tabernacle, présentent ce caractère temporaire et
provisoire. Primiti ement, elles ne devaient être appli-
que pendanl le voyage. Le législateur, parvenu
au pays de Chanaan. les aurait abrogées et reinpl
par des dispositions nouvelles. La révolte des Israélites
après le retour des espions a changé la situation, et des
prescription- | mr une dune fort limitée, ont pu
être appliquées pendant quarante ans. Celles qui regar-
la descendance el les sacrifices pouvaient être
pratiquées partout et en tout temps, hors du camp aussi
bien que il,.!, 11 n'y a plus donc, de ce chef.
de difficulté, et l'empreinte du désert que conservent
les lois du culte israélite demeure un indice de la date
de leur promulgation et de la rédaction du code qui
les contient. 1 ■'. Vigouroux, Les Livres Saints et lacri-
laliste, t. ni. p. 7;i-Si> : R. Cornely, Inlroduc-
tio specialis in hist. V. T. Iihrox, part. I. Paris.
P 57-60.
D'ailleurs, la forme elle-même de la législation du
Pentateuque témoigne de son origine mosaïque. Il n'y
a pas d'ordre rigoureux dans la disposition des lois.
L'auteur les enregistre à l'occasion, en racontant les
faits qui les ont amenées. Klles ne constituent pas un
code systématique. Elles ont été prises au jour le jour.
suivant les occurrences. En dehors de la loi morale et
use, révélée par Dieu d'un seul coup, ou à de-
dates fixes, beaucoup di règles civiles sont le résultat
de consultations adressées à Moïse. Des cas spéciaux
exigent des solutions nouvelles et précisent l'applica-
tion des lois générales. Des lois complémentaires
retouche-, des répétitions dépendent de circonstances
parfois imprévues. Les premières lacunes sont ainsi
comblées. Néanmoins la législation n'est pas comp
L'organisation politique n'est pas réglée. La loi sur la
royauté est pleine de lacunes el ne vise qu'un avenir
éloigné. Aussi Israël, après la conquête de la Palestine,
pas de chef commun; chaque tribu sera, pour
ainsi dire, isolée el indépendante. Josué. n'esl cl
que de conquérir et de partager la Terre Promise. Ces
caractères de la législation du , Pentateuque ne peuvent
convenir qu'à Moïse el au temps du séjour d'Israël au
désert. Il- confirment donc l'origine mosaïque des lois
israélites et du livre qui les contient. F. Vigouroux.
81
PENTATEUQUE
82
op. cit., t. m, p. 09-79; R. Corn 'ly, loc. cit., p. 64-66.
2. Caractères mosaït/ws de la l'arme littéraire. —
La langue du Penlaleuque, malgré l'immobilité relative
de l'hébreu, présente des particularités, qui ne se ren-
contrent déjà plus dans le livre de Josué. Ce sont des
mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombés en
désuétude ou ont été modifiés. On y reconnaît donc des
archaïsmes, indices assurés de l'antiquité du livre. Voir
t. I, col. 911. Ce sont le pronom masculin hu, employé
155 fois sur 206 pour la forme féminine hi'; na'ar, au
masculin, pour désigner une jeune plie: les pronoms
hait au lieu de 'ellêh, et hallêzéh. R. Graflin, Étude
sur certains archaïsmes du Pentateuque, dans le
Compte rendu du Congrès scientifique des catholiques,
Paris, 1888, t. i, p. lôi-165 ; F. Vigouroux, Manuel bi-
blique, 12» édit., Paris, 1906, t. i, p. 434-435; Les Livres
Saints et la critique rationaliste, Paris, '1902, t. III,
p. 122-126. Les critiques ont cherché à échapper à cet
argument linguistique de différentes façons. La plupart,
rencontrant les archaïsmes dans le code sacerdotal, la
source la plus récente, selon eux, du Pentateuque, pré-
tendent que, fussent-ils réels, ils ne prouvent pas l'an-
tiquité du document qui les contient; un écrivain récent
peut à dessein, par amour de l'archaïsme et pour vieillir
son œuvre, employer desexpressions anciennes, tombées
de son temps en désuétude. Mais d'autres ne reconnais-
sent pas même dans ces particularités du Pentateuque
des archaïsmes réels, ils n'y voient que des singularités
d'orthographe et d'écriture, introduites par les massorètes
dans leur édition du texte du Pentateuque. Ainsi pen-
dant longtemps la voyelle du pronom s'- n'était pas
écrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible,
on avait pour les deux genres les simples lettres «-;
seule, la lecture différenciait le masculin du féminin. La
présence du i dans le pronom féminin n'est pas an-
cienne, et les quiescentes i et > n'ont été ajoutées qu'à
une époque assez récente. En transcrivant le Wîl fémi-
nin, les massorètes ont marqué sous le n le point de la
voyelle i ; ils lisaient donc hï et non hû'. S'ils ont con-
servé l'anomalie N--, c'est par un respect exagéré pour
l'unique manuscrit du Pentateuque qu'ils ont transcrit
et ponctué, et la leçon de leur manuscrit s'explique par
le fait que, vers le commencement de notre ère, l'écri-
ture hébraïque ne mettait que peu ou pas de différence
entre le i et le >. Ces affirmations sont loin d'être cer-
taines, voir t. m, col. 501-505; rien ne donne droit
d'accuser les massorètes d'être des faussaires. Les
massorètes, au rapport du Talmud de Jérusalem, traité
Taanilh, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. VI, p. 179-
180, consultèrent trois manuscrits du Pentateuque et
maintinrent les onze exceptions de la forme féminine
N'n sur le témoignage de deux de ces manuscrits.
L'emploi du masculin -y: pour le féminin mv: pourrait
bien n'être aussi, dit-on, qu'une simple irrégularité
d'orthographe ; à supposer qu'il soit un idiotisme ancien,
il ne serait pas à lui seul une marque de haute anti-
quité. Les pronoms archaïques ne seraient non plus
que des différences orthographiques. A. Loisy, Histoire
critique du texte et des versions de la Bible, dans
L'enseignement biblique, Paris, 1892, t. i. p. 51-56.
Comment se fait-il donc qu'ils n'existent que dans le
Pentateuque?
En outre des formes archaïques, on signale encore
dans le Pentateuque des mots anciens, tels que inn
""zi et nrin, Gen., i, 2, et la tournure y-it<- n»n, Gen.,
i, 25, des expressions et des phrases plus tard inusitées :
dbilj.a épi, » et le premier mois de l'année, voir t. i,
coi. 46; bànàh, dans le sens de concevoir; kib'san,
s four; » kdsas, « compter; » mékés, << somme comp-
tée; » miksdh, g compte; n yê'dsef el-'ammav, (i être
réuni à ses peuples, » ou simplement yê'âsef, >■ être
réuni. » Certaines phrases poétiques, telles que « cou-
vrir l'œil de la terre », Exod., x, 5, 15; Num., XXII, 5,
11, signifiant couvrir la surface de la terre, sont très
antiques. Les mots orner et issdron ne se lisent aussi
que dans le Pentateuque. Voir t. m, col. 273. Enfin, en
plus des mots égyptiens déjà mentionnés, on trouve
dans le Pentateuque des expressions hébraïques qui
ne sont que des transcriptions de mots égyptiens.
Ainsi têbdh, désignant l'arche de Noé et la nacelle
dans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil, est l'égyptien
tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ».
Les roseaux dont était faite la têbdh de Moïse sont
appelés goméh ; c'est l'égyptien kani, qui est la même
chose que gain, « jonc. » L'enfant fut exposé sur la
« lèvre du Nil » ; or la lèvre exprimait métaphorique-
ment en égyptien le rivage. Yeor est le nom même du
Nil. Les vaches grasses du songe de Pharaon paissaient
des ahu, expression égyptienne qui signifie « verdure,
roseaux ». Joseph est revêtu de lin, SeS, mot usité dans
la Genèse comme sur les monuments hiéroglyphiques.
Voir t. m, col. 1668. Le roseau que les Israélites em-
ploient pour fabriquer des briques est nommé de son
nom égyptien qas. Sur les hartummim, voir t. n,
col. 1443-1444. L'arbuste dans lequel Moïse voit Dieu à
l'Horeb est appelé senéh, qui est le sent des inscrip-
tions et des papyrus de la XIX» dynastie. Le tambour,
(of, dont Marie, sœur de Moïse, se sert, porte un nom
égyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on dépose la
manne, sinsénef, les pots de viande, que regrettent les
Israélites, sir, sont des mots égyptiens sennu, seri,
qu'on ne retrouve plus dans les autres livres de la
Bible. La corbeille destinée à contenir les prémices,
téné, est la tena, « corbeille, » des Égyptiens. F. "Vi-
gouroux, La Bible et les découvertes modernes,^' édit.,
Paris, 1896, t. n, p. 586-591. Toutes ces particularités
linguistiques réunies sont des indices évidents de l'an-
tiquité du Pentateuque; elles confirment par suite
l'authenticité mosaïque de ce livre.
lit. OBJECTIONS CONTRE L'AUTBENTICITÉ MOSAIQOE
nu pentatedque. — l" Histoire de ces objections. —
1. Les précurseurs des critiques modernes. — Les
gnostiques, qui rejetaienttout l'Ancien Testament comme
étant l'œuvre du mauvais principe, ne niaient pas
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, ils soutenaient
seulement que le mauvais principe avait trompé Moïse.
Ptolémée, disciple de Valentin, distinguait dans la-
législation mosaïque les lois divinement révélées, les
lois portées par Moïse de sa propre autorité et les lois
promulguées par les anciens du peuple. Il ne niait
pas explicitement que cette législation ait été rédigée
par Moïse. Lettre à Flora reproduite par saint Epiphane,
Hier., xxxiii, 8, t. xli, col. 560-561. D'après le même
saint, Hœr., xvm, 1, ibid., col. 257, et saint Jean
Damascène, Hser., xix, t. xciv, col. 689, les nazaréens
prétendaient que les livres de Moïse avaient été fabri-
qués et que la loi, donnée aux Juifs par ce législateur,
différait de celle du Pentateuque. Au m" siècle, l'auteur
des Homélies clémentines, hom.in,47,t. u, col. 141, 144,
faisait dire à saint Pierre que la loi, donnée par Dieu
à Moïse, avait été confiée oralement aux anciens, mise
par écrit après la mort de Moïse, perdue, retrouvée et
enfin brûlée au temps de Nabuchodonosor. Le récit de
la mort de Moïse n'ayant pu être écrit par le défunt, le
Pentateuque qui le contenait était par suite d'une
autre main. A part cette dernière observation qui est
vraie, les objections des hérétiques n'ont rien de scien-
tifique et sont de pures inventions sans valeur.
Il faut passer jusqu'au temps de la Réforme pour
rencontrer de nouveaux doutes sur l'authenticité mo-
saïque du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scrip-
turis libellus, Wittemberg, 1520. en vint parle même
raisonnement que l'aut ui des Homélies clémentines,
à douter que Moïse ait rédigé les récits historiques du
Pentateuque. Moïse n'a pu raconter sa mort. Or le
83
PENTATEUQUE
84
sujet de celte narration est identique à celui des récils
précédents. Tous ces récils sont donc d'une même
main, qui n'est pas celle de Moïse, ni celle d'Esdras,
mais celle d'un inconnu. La législation venait de Moïse,
€t le Penlateuque n'en demeurait pas moins le plus
saint de tous les livres de la Bible. Au XVIIe siècle, les
■doutes se multiplièrent. Le philosophe anglais llohbes,
Levialhan, 1. III, c. xxxm. Londres, 1051, déclarait
d'abord que le titre : « les cinq livres de Moïse, » ne
voulait pas dire que Moïse en était l'auteur, mais seu-
lemenl qu'il en était le sujet principal. Le récit de la
mort de Moïse est une addition postérieure. L'ensemble
■du Pentateuque est plus récent que Moïse, qui en a
cependant rédigé quelques parties, notamment Deut.,
xi-xxvn. Isaac de la Peyrère, Syslema theologicum ex
Prseadamitarum hypolhesi, 1. IV, s. 1., 1655, p. 173-
182, ne regardait pas non plus le Pentateuque actuel
comme l'œuvre originale de Moïse. Les derniers ver-
sets du Deutéronome, certains passages. Ximi., xxn.
14-15; Deut., i, I; m. 11. li. sont des additions; les
détails -m- S, 'ii. Deut., il, conviennent à l'époque de
David; les obscurités, les confusions, les lacunes et les
altérations du texte actuel ne proviennent pas de
Moïse. Celui-ci cependant avait écrit l'histoire des Juifs
à partir de la création du monde et rédigé sa propre
législation: mais son livre a été abrégé, retouché el
modifié, comme le prouve l'étude du lexte. Ce n'est pas
encore la négation de l'origine mosaïque du Penta-
teuque.
Baruch Spinoza (1634-1677), Tractatus theologieo-
tpoliticus, c. vin, i\, dans Opéra, 2- édit. de Van Vlo-
ten et Land, La Haye, 1895, t. II, p. 56-69, rejette
l'authenticité mosaïque du Penlateuque. Il reproduit
les objections d'Abenesra ri il les interprète dans le
s. -us de la négation de l'authenticité mosaïque. Il y
joint ses observations personnelles : 1« Il est parlé de
Moïsi à la troisième personne, Num., xn,3; xxxi, 14;
Deut., xxxm. 1, tandis que .Moïse parle à la première
personne de la loi qu'il avail promulguée et écrite.
Deut., il,l-17, etc. A la lin du Deutéronome, le ré-cil
reprend à la troisième personne; ce qui prouve que le
livre dans son étal actuel esl d'une nuire main que de
celle de Moïse. 2 Le récit do la mort, de la sépulture
el du deuil de Moïse, l'éloge de ce prophète supérieur
aux autres prophètes, faits au pa^é, lémoignent d'une
époque postérieure de rédaction. :i- Certaines localités,
telles que Dan, Gen., xiv, 14, portent les noms qu'elles
eurent longtemps après Moïse s, ni. nient. 4" Parfois le
récit historique dépasse la vie de Moïse. Ainsi, la ces-
sation de la manducalion do la manne, Exod., xvj, 14,
n'eut lieu qu'à l'arrivée dos Israélites aux frontières du
pays do Chanaan. .les., v, 12. Les rois iduméens
ii'11 is Gen., xxxvi, 31, vont jusqu'à David, qui sub-
iugua leur royaume. Il Sam., vm, li. De tout cela il
" oit plus clair que le jour que le Pentateuque a été
rédigé par un écrivain postérieur à Moïse. Mois.- tou-
tefois a écrit des livres, mentionnés dans le Penta-
h'i'q I différents do ce livre, à savoir : 1» le livre
dos .noires de Dieu, Num., xxi, li, qui contenail
doute l'' récil .h- la défaite d Imalec, Exod., xvn,
li- et toutes les stations décrites par Moïse. Num.,
xxxm, 2; 2» le livre de l'alliance, Exod., x\i. 1. 7. ré-
duit aux lois. Exod., \\. 22 \\m. 33; :: un livre
d'exphci h do toutes les lois mosaïques, Deut., i. .">,
lois qu'il avail impo ées de nouveau, Deut., x\i\ il
livre qu'il avail écril m j relatanl la rénovation de
l'alliance, Deut., xxxi, 9; c'esl h-» livre de la loi »,
augmenté par Josué, Jo . sxiv, 25, 26, livre perdu,
mais inséré partiellemenl dans le Pentateuque, avec lé
cantique. Deut., xxxn. i. iqu'il soil vraisemblable que
Moïse an écril d'autres loi . on no peul cependant
I affirmer, car les aurions pouvaienl les avoir rédigées
eux-mêmes et l'auteur >\r la vie de Moïse les avoir in-
sérées dans son livre. Quant au Penlateuque, il n'a
formé d'abord qu'un écrit avec Josué, les Juges. Iiuth.
les livres de Samuel et des Rois, œuvre d'un historien
qui racontait l'histoire juive depuis la création jusqu'à
la ruine de Jérusalem par Xabuchodonosor. Son auteur
est probablement Esdras, le seul scribe dont le zèle
pour la Loi soit mentionné dans l'Écriture. Esdras a au
moins rédigé le livre de la Loi ou le Deutéronome, qu'il
a lu et fait expliquer au peuple. II Esd.. vm, 9. Plus
tard, Esdras prit soin d'écrire l'histoire complète des
Juifs, en y insérant le Deutéronome à sa place. Peut-
être même a-t-il intitulé les cinq premiers livres de
celle histoire « livres de Moïse », parce qu'ils conte-
naient surtout la vie de ce personnage. Mais Esdras n'a
pas mis la dernière main à cette histoire. Faisant une
simple compilation de documents antérieurs, il les a
seulement transcrits, sansles ordonner. C'est pourquoi,
dans le Pentaleuque. les lois et les récils historiques
sont mélangés sans ordre logique ou chronologique;
les mêmes faits sont répétés, et parfois diversement.
Cf. P. L. Couchoud, Benoit de Spinoza, Paris, 1902,
p. 102-101. Les additions el recherches dans l'œuvre
de Moïse sont faciles à expliquer comme un complé-
ment apporté dans la suite des temps à l'ouvrage pri-
mitif. Les autres assertions de Spinoza ne reposent
sur rien de positif.
Pour répondre aux objections ,b- Spinoza et défendre
l'autorité historique et divine des livres de Moïse,
Richard Simon a émis des hypothèses nouvelles sur la
composition du Pentateuque. Il attribuait à Moïse per-
sonnellement toute la partie législative de ce livre. Quant
aux récits historiques, il reconnaissait que ce législa-
teur lui-même avail rédigé-, mais d'après d'anciens
mémoires, la Genèse entière. L'histoire de son temps,
il ne l'avait pas écrite de sa main: il l'avait fait écrire
par des scribes publics, dont l'existence est constatée
plus tard et qui étaient chargés officiellement de rédi-
ger les Annales d'Israël. Bien que leur institution par
.Moïse ne soit pas mentionnée dans le Pentaleuque. rlle
est néanmoins vraisemblable. An sentiment do Richard
Simon, ces scribes publics étaient inspirés pour abré-
ger, en les ordonnant, les modifiant el les complétant,
les Annales officielles. Connue ils résumaient celles-ci,
ils onl laisse- dans leurs abrégés des répétitions en vue
de ne pas trop modifier les actes publics. Ayant été
exécuté par ordre de Moïse, leur travail pouvait légi-
timement être attribué à ce dernier. Certaines incolié-
rences du texte actuel proviennent, en outre, d'un
déplacement de feuillets, opéré à l'époque où les livres
de la Bible avaient la forme de rouleaux. Elles ne
prouvent rien contre l'autorité divine et l'origine
mosaïque du Pentateuque. Voir Histoire critique du
Vieux Testament, préface non paginée, et le 1. I, c. i-vi,
Rotterdam, 1685, p. l-iô: Réponse au livre intitulé:
Sentimens de quelques théologiens ''<- Hollande, c. vi-
i\. Rotterdam, 1686, p. 55-94; De l'inspiration des
livres sacrés, etc.. Rotterdam, 1687, p. 20-oi. 114-125,
1:17-117, 150 sq.; Lettres choisies, lettres xwiu-xxx,
2 édit., Paris, 1,173(1, t- m. p. 206-236; Critique de lu
Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 17:10.
t. 11, p. 149; t. m, p. 154-247. Cf. A. Hennis, Richard
Simon, Lausanne, 1869, p. 78-80, s:i-S!i: il. Margival,
Richard Simon et la critique biblique au xvn> siècle,
dans la Reçue d'histoire el de littérature religieuses,
ls:i7. 1 11, p. 540-515.
L'arminien Jean Leclerc, sous le voile de l'anon
attaqua Richard Simon et nia l'authenticité mosaïque
du Penlateuque. Il signalait dans les livres de Mois, (JeS
détails et des chapitres entiers qui. d'après lui,
supposent une époque postérieure a Moïse. Dans son
étal actuel, le Penlateuque esl une compilation, non
pas d'ouvrages officiels, extraits des archives publiques.
mais bien d'écrits privés, dont quelques-uns, comme
«5
PENTATEUQUE
86
celui des guerres de Dieu, Niiin.. xxi. 11, étaient anté-
rieurs à Moïse. Celui-ci n'a rédigé que la partie princi-
pale des livres que la tradition lui a attribués. L'auteur
du Pentateuque, si au courant des choses chaldéennes,
a dû vivre en Chaldée. Or, les Juifs n'avaient pas passé
l'Euphrate avant la captivité. L'auteur a donc vécu
après 722; mais il n'est pas Esdras, puisque les Sama-
ritains possédaient auparavant le Pentateuque. C'est
plutôt le prêtre israélite, envoyé par le roi d'Assyrie
aux Samaritains, 1\' Reg
24-28, qui a composé le
livre de la loi pour leur instruction. Son travail a éti
commencé après la découverte de la loi dans le Temple
sous Josias. Plus tard, les prêtres de Jérusalem ont mis
leur loi d'accord avec le Pentateuque samaritain. Sen-
timent de quelques théologiens de Hollande sur l'His-
toire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1085,
p. 107-129; Défense des Sentimens de quelques théolo-
giens de Hollande, lettre vif. Amsterdam, 1686, p. 166-
1SS. Plus tard, Leclerc atténua son premier sentiment.
Tout en maintenant que le Pentateuque dans son état
actuel était postérieur à Moïse, il déclarait que les addi-
tions étaient si peu considérables qu'on ne pouvait refu-
ser à Moïse la composition du livre. Genesis sive Mosis
ju-op/ielse liber primus, proleg., diss. III, Amsterdam,
1693. En 1686, Antoine Van Dale soutint qu'Esdras
liait l'auteur du Pentateuque, mais qu'il avait utilisé le
livre de la loi, découvert au Temple, et d'autres écrits,
historiques et prophétiques.
2. Hypothèse documentaire. — La première systé-
matisation de la composition du Pentateuque consista
-dans la supposition de sources diverses, compilées et
utilisées par l'auteur. Jean Astruc, Conjectures sur les
mémoires originaux dont il parait que M"<se s'est
servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles
{Paris), 1753, détermina le premier le contenu et la
nature des mémoires antérieurs que Moïse avait em-
ployés pour rédiger la Genèse, et les parties du récit
actuel qui leur avaient été empruntées. Les répétitions
et les divergences des récils lui servirent de point de
départ dans le discernement des sources, et la diversité
des noms divins, Ëlohim et Jéhovah, lui Ht désigner les
-deux principales sources combinées par Moïse, l'une
éloliiste et l'autre jéhoviste. Une troisième nommait
Dieu Jéhovah-Élohim. Astruc distinguait encore neuf
autres sources, qui n'étaient que fragmentaires. Il
supposait enlin que Moïse avait disposé sur quatre
nés les matériaux préexistants, et que les copistes
avaient mêlé et confondu ces quatre récits; de là pro-
venaient les répétitions et les incohérences de la Genèse
actuelle. Voir t. i, col. 1196-1197. Eichhorn, Einleitung
m dos A. T., Leipzig, 1780. t. t. étendit la distinction
des sources éloliiste et jéhoviste aux deux premiers
chapitres de l'Exode. Il a, en outre, caractérisé ces
sources, non seulement par l'emploi des noms divins.
mais encore par leur contenu et leur style. Il ne se
croyait pas en mesure de déterminer leur origine. Il
pensait d'abord que Moïse avait rédigé la Genèse et le
début de l'Exode, en les combinant; plus tard, il ne
i plus que d'un rédacteur. Le reste du Pentateuque,
sauf quelques interpolations, comprenait la législation
el If journal de voyage de Moïse. Charles David Ilgen,
Die Vrkunden des jerusaleniischen Tempelarchivs in
ihrer Urgestalt, Halle, t. i (seul paru), distingua trois
documents, deux élohistes et un jéhoviste, ayant leur
genre propre de rédaction. En les combinant, le rédac-
iii' a dû les modifier pour les mettre d'accord. Aussi
n'est-il pas facile d'en discerner dans le texte actuel
tous les éléments constitutifs.
3. Hypothèse fragmentaire. — Un nouveau courant
se dessina bientôt, suivant lequel le Pentateuque était
un conglomérat de fragments détachés el disparates.
Alexandre Geddes (voir t. m. col. 145), prêtre catholique
interdit, The Iwly Bible or the /.''«.As aecounled saered
bt/Jewsand Chrislians, Londres, 1792 ;Crilical remarks
on the Hebrew, Londres, 1800, t. i. parla le premier de
nombreux fragments plus ou moins étendus, divergents
et même contradictoires, réunis et mis en ordre par
un rédacteur pour former le Pentateuque actuel. Ces
fragments se groupaient en deux séries, caractérisées
parles noms divins, Ëlohim et Jéhovah. Vater. Commen-
tar iiber den Penlaleuch, 3 in-S», Halle. 1802-1805,
répandit celte nouvelle hypothèse en Allemagne. Moïss
a bien pu rédiger quelques-uns des fragments, entrée
dans la composition du Pentateuque; mais il n'est pas
le compilateur du recueil. Celui-ci n'a fait que juxtapo-
ser dans l'ordre chronologique des fragments d'époques
différentes, qui sont demeurés dispara tes. Les lois en par-
ticulier avaient été promulguées selon les occurrences.
La première collection, le Deutéronome, existait déjà
au temps de David et de Salomon ; on la retrouva sous
Josias. Les fragments historiques et législatifs, compo-
sés dans l'intervalle, y furent joints. Le Pentateuque
avait été terminé à une date inconnue, peut-être dans
les derniers temps du royaume de Juda. De Wette se
rallia à cette hypothèse. Dissertatio critica qua aprio-
ribus Deuleronomium Pcntateuchi libris diversum
aliud cujusdam reeenlioris aucloris opus esse mons-
tratur, in-K Iéna, 1805; Beitrâge :ur Einleitung in
dos A. T., Halle, 1807, t. n. Pour lui. la Genèse et
l'Exode sont l'épopée nationale des Israélites, formée,
comme les œuvres d'Homère, de fragments mythiques
divers. Voir t. IV, col. 1377. Le Lévitiqué est le recueil
des lois attribuées à Moïse et soi-disant données au
Sinaï. Les Nombres forment un appendice, sans plan,
ajoutés aux trois premiers livres qu'ils continuent. Le
Deutéronome comprend des lois postérieures, censées
promulguées par Moïse au pays de Moab et différentes
de la législation sinaïtique. La collection des cinq livres
est postérieure à la découverte du Deutéronome sous
Josias. Plus tard, il fixa au temps de la captivité a
Babylone la composition du Deutéronome et la dernière
rédaction du Pentateuque. Lehrbuch der historisch-
kritische Einleitung in A. T., 3" édit., Berlin, 1829.
Pour L. Berthold, Historisch-krilische Einleitung.
Erlangen, 1813, part. III, p. 768-812, quelques frag-
ments, dont le Pentateuque est composé, pouvaient être
de Moïse lui-même ou. au moins, étaient de son temps.
La plupart ont été rédigés au commencement du règne
de Saûl. Les recueils se sont formés progressivement
par le travail de quatre ou cinq écrivains. La collection
complète n'a été faite que sous Salomon. Hartmann.
Historisch-krilische Forschungen cher die Bildung,
das Zeitalter und der Plan der fùnf Bûcher Moses,
Rostock, 1831, p. 552-700, prétendait que Moïse ne
savait pas écrire et que les Israélites n'avaient connu
l'écriture que sous les Juges. Selon lui, les plus an-
ciennes parties du Pentateuque sont postérieures à Sa-
lomon, et les recueils écrits de lois appartiennent aux
derniers temps de la royauté. Les éléments les plus
importants du Pentateuque existaient à l'époque de
Jérémie et d'Ézéchiel. On n'y fit plus tard qu'un petit
nombre d'additions, d'ailleurs bien reliées au reste.
L'état actuel du texte est contemporain de la captivité
à Babylone. P. von Bohlen, Genesis, Kœnigsberg, 1835,
introduction, adopta les conclusions de Hartmann avec
cette seule différence qu'il regardait le Deutéronome,
découvert sous Josias, comme la partie la plus ancienne
du Pentateuque.
't. Hypothèse complémentaire. — L'hypothèse frag-
mentaire n'eut guère de succès. Par réaction contre
lémiettement des fragments, on en arriva à considérer
le Pentateuque comme l'œuvre d'un premier écrivain,
complétée plus tard par un rédacteur, comme une his-
toire complète et suivie à laquelle on rattacha en guise
de suppléments des lambeaux de toute sorte. Kelle,
Verurthcilsfreie Wûrdigung der mosaischen Schrif-
87
PENTATEUQUE
88
ten, Freyberg, 1812. soutint que la Genèse était un livre
primitivement bien ordonne'1, mais dont les récits avaient
été déformés et le plan disloqué par des interpolations
successives. ||. Ewald, Die KomposUion der Genesis,
Brunswick, 1823, en raison du plan, de l'unité du
style et de l'origine du fond, soutint que la Genèse était
l'œuvre non pas de Moïse, il est vrai, mais d'un seul
auteur qui n'avait recouru ni à des documents ni
même à (1rs fragments antérieurs. Le même critique,
rendant compte de l'ouvrage de Stàhelin, Kritische
V ntersuchung liber die Genesis, 1830, favorable à l'hy-
pothèse (loeiimenlaire, déclara que le Pentateuque en-
tier avait à sa base un écrit unique, élohiste, compre-
nant quelques morceaux antérieurs tels que leDécalogue
et le livre de l'alliance, et dans lequel un rédacteur
inséra comme compléments des extraits d'un écrit jé-
hoviste postérieur. Sludien und Kritiken, 1831, p. 595-
606, I ■'. Bleek, abandonnant l'hypothèse documentaire,
enseigna que l'écrit élohiste primitif avait été complété
par nu rédacteur jéhoviste au moyen de ses propres
récits et d'autres compléments. Le Deutéronome est
plus récenl el a été joint à l'écrit primitif complété
sous lr règne de Manassé dans la première moitié du
vu* siècle. De libri Geneseos origine aùque indole his-
toricœ observationes, 1836.
Le principal tenant de l'hypothèse complémentaire
fut F. 'l'utli. Commentar ûber die Genesis, Halle, 1838.
A son sentiment, ['élohiste esi le Grundschrift, o écrit
fondamental, "comprenant toute la partie législative et
les principaux récils historiques et dérivant de source-;
écrites. Il a été complété par le rédacteur jéhoviste,
peut-être d'après un autre document, mais certaine-
ment d'après la tradition orale et des sources écrites.
L'élohiste est antérieur à Salomon, et le jéhoviste con-
temporain de ce roi. De W'ette accepta cette hypothèse
dans les .Y ei 6' éditions de son Einleitung, 1840, 1845.
Stàhelin l'adopta aussi et l'appliqua à tous les livres
nommés dans le titre de son ouvrage. Kritische Vnter-
suchungen ûber den Pentateuch, die Bûcher Josua,
Bichter, Samuelis und der Kônige, Bàle, 1813. Il rap-
portait l'élohiste au e mencemenl de l'époque îles
Juges et le jéhoviste au règne de Saùl. C. von Lengerke,
Kanvan, Volks und Religionsgeschichle Israels bis
:io>) Tod des Josua, Kœnigsberg, 1844, modifia les
dates, rapportant l'élohiste au début du règne de Salo-
mon et le jéhoviste à l'époque des rapports de Juda
avec l'Assyrie, vers le règne d'Ézéchias. Franz Delitzsch,
Die Genesis, Leipzig, 1852, se rallia aussi momentané-
ment à cette hypothèse.
5. Xouvelle hypothèse doeunienlaire. — Cependant
l'ancienne hypothèse des sources avait été' reprise.
Gramberg, Libri Geneseos secundum fontes rite di-
gni isi \endo s adunibralio nova, 1828, el Stàhelin, Kri-
tische Vntersuchung ûber die Genesis, 1830, distin-
guaient dans la Genèse deux documents élohiste et
jéhoviste, compiles plus lard. F. Bleek, Beitrâge :u <len
Forschungen ûber den Pentateuch, dans Sludien und
Kritiken, 1831, p. 188-524, prétendit que lllexateuque
actuel avait eu au moins deux rédacteurs : l'auteur de
la Genèse qui, avant le schisme vies dix tribus, avait
11 é, si Ion le plan de l'Hexateuque, une histoire dans
laquelle il avait reproduil littéralement des chants, des
narrai it des lois antérieurs, en les combinant avec
les données de la tradition orale; l'auteur du Deutéro-
nome qui, ver, |a iin ,iu royaume de Juda, a inséré
son œuvre dan, le premier récit, qu'il modifiait et
complétait surtout dans la partie qui forme le livre
actui I de Josué. II. Ewald, abandonnant l'hypothèse
fragmentaire, distingua cinq documents : a) le livre
des alliances, écrit historique, rédigé au temps de
Samson, qui allait d'Abraham à l'époque des Juges;
6) le livre des origines, le Grundschrift élohiste, œuvre
d'un lévite du début du règne de Salomon, qui conte-
nait l'histoire depuis la création jusqu'à la consécration
du Temple de Salomon; y) un récit composé par un
Éphraïmite du x« ou du ix« siècle, contemporain d'Élie
ou de Joël, qui racontait l'histoire de Moïse d'après
le premier document; 8) un récit de la fin du 1X« ou
du commencement du vine siècle; e) un écrit jéhoviste,
œuvre d'un judéen de la première moitié ou du milieu
du VIIe siècle, sous Osias ou Joatham. Ce dernier est le
rédacteur de l'Hexateuque. Le Deutéronome formait un
livre à part, rédigé dans la première partie du règne
de Manassé par un juif qui vivait en Egypte et com-
plété sous .losias par la bénédiction de Moïse, xxxtv.
Geschichte Israels, Gœttingue, 18'i3, 1815, t. i, p. 60-
164; t. il, p. 1-25. Dans les éditions suivantes, 2e, Gœt-
tingue, 1851, 1853, t. i, p. 80-175; t. h, p. L4-45; 3»,
Gœttingue, 1864, t. i, p. 94-193, le Deutéronome de la-
lin du vil' siècle a été retouché par le dernier rédac-
teur de l'Hexateuque, qui y a ajouté la bénédiction de
Moïse. Seul, Michel Nicolas, Éludes critiques sur la
Bible. Ancien Testament, Paris. 1802, p. 46-94, a
adopté une partie des conclusions d'Ewald.
Les vues de Knobel n'ont pas eu plus de succès. Ce
critique distinguait trois documents : a) le Grundschrift
élohiste, composé sous Saùl au moyen de sources anté-
rieures; b) le livre du droit, Rechtsbuch, moins com-
plet que le précédent et fait d'après lui, contenant des
lois morales et la législation théocratique, œuvre d'un
lévite du royaume du nord, qui vivait à l'époque où ce
poyi ie a été détruit par les Assyriens; c) le livre
des guerres, Kriegsbuch, ainsi comme en raison deses
nombreux récits de bataille, composé d'après le livre
du juste et le Grundschrift. Ce dernier document n'a
jamais eu une existence séparée. Son auteur qui em-
ployait le nom de .léhovah, un judéen du temps de Jo-
saphat, un lévite probablement, a complété l'ouvrage
entier par des traditions et des légendes populaires
pour l'histoire primitive et à l'aide de documents pour
l'histoire patriarcale, Le Deutéronome, qui est un ou-
vrage distinct, est plus récent, son auteura vécu sous
Josias et sa langue ressemble à celle de .lérémie. Kri-
tik îles Pentateuch und Josua, p. 189-599.
II. llupl'elil. Die Quelle» der Genesis und die Ait
ihrer Zusamntensetzung, Berlin, 1853, a fait entrer
l'hypothèse documentaire dans une voie nouvelle, que
les critiques ont depuis lors généralement suivie. Il a
distingue dans la Genèse trois documents indépendants:
ni le premier, élohiste, qui est l'ancien Grundschrift,
au moins dans son ensemble; l» un second, élohiste,
qui raconte l'histoire des patriarches; e) le jéhoviste
dont le contenu se rapproche beaucoup du précédent.
I n rédacteur les a réunis et harmonisés de façon à for-
mer une histoire ci uplele el suivie. K. Bôhmer a con-
firmé les vues de llupfeld, son maître. Liber Gel
pentateuchicus, Halle, 1860; Das ers te Buch der
Thora, 1862, Étendant ses recherches au l'enlateuque
entier, Th. Noldeke, Unleesuehungen zur h'ritil. des
A. T., Kiel, 1809, p. 1-144; Histoire littéraire de VA.
T., trad. franc., Paris, 1873, p. 17-59, distingua quatre
documents : le jéhoviste, un second jéhoviste plus
ancien, le Grundschrift (élohiste), et le Deutéronome
le plus récent des quatre. Les quatre premiers livres
du Pentateuque et Josué avaient été' formés avant la ré-
daction du Deutéronome. E. Schrader, Einleitung de
de Welle. 8" ■'■•lit.. Berlin, 1809. ne reconnaissait que
deux doci nts principaux : a) l'élohiste ou Grund-
schrift, œuvre d'un prêtre de Juda contemporain de
David; h] le second, élohiste, composé par un Israélili
du nord peu après le schisme des dix tribus. Le jého-
viste les réunit en les remaniant et en y ajoutant de
nouveaux morceaux, entre 825 et 800, sous le règne de
Jéroboam 11. Le Deutéronome, iv. ii-xxvm, 09, formait
un ouvrage spécial, rédigé' peu avant sa découverte an
Temple par un écrivain qui touchait de très près a Je-
■•89
PENTATEUQUE
90
rérnie. Pendant la captivité, il fut joint aux quatre pre-
miers livres; il subit alors des retouches et reçut des
additions.
Un revirement d'opinion modifia ensuite les dates
attribuées à deux de ces documents : le Grundschrift,
considéré comme le plus ancien, passa pour le plus
récent et le Deutéronome ne tint plus la dernière place.
La théorie du développement religieux en Israël, pro-
posée par Reuss en 1S30 et 1S34, puis par Vatke. Die
Religion îles A. T. tiach den kanonischen Bûchern
enlwickelt, Berlin, 1835, t. i, et par George, Die alté-
rai jûdischen Fesle mit einer Kritik der Gesetzge-
bung des Pentateuchs, Berlin, 1835, fut reprise par
Graf, Die geschichtliehen Bûcher des A. T., Leipzig,
1865. 1866, et dans Merx, Archiv fur wissenschâftliche
Erforschung des A. T.. Halle, 1869, t. i, p. 3(Hl-i77.
et appliquée à la critique littéraire de l'IIexateuque.
Elle a donné naissance au système des quatre docu-
ments qui est aujourd'hui prédominant parmi les cri-
tiques, adversaires de l'authenticité mosaïque du Pen-
tateuque. En voici le résumé :
a) Document élohiste, E. — Nommé ainsi, parce que
son auteur s'abstient systématiquement, avant la révé-
lation de .léhovah à Moïse au Sinaï, d'employer ce nom
révéli-, et désigne Dieu sous le nom d'Élobim, ce docu-
mentes! le moins étendu et le moins important des quatre.
Il n'a été inséré dans l'Hexateuque que par lambeaux,
et par suite on a discuté sur son point de départ. On
pense généralement qu'il ne contenait pas d'histoire
<les origines et qu'il débutait par l'histoire des patriar-
ches. On lui attribue Gen.. xx, 1-17; xxi, 6-32a; xxii.
l-ll. lit; xxviii, 11. 12, 17,18, 20-22; xxix, 1, 15-23,25-
28, 30; xxx, l-3a, 6, 8, 17-20a, 21-23 ; xxxi, 2, 4-18a, 19-
15, 47, 5I-.V,; xxxn, 1-3, 146-22, 24; xxxm, 186-20;
xxxv, 1-8, 16- -vi; x.xxvn, 26, 5-11, lia, L5-18a, 19, 20,
22, 236, 21, 28a, 29, 30,316,32a, 34, 36; XL, 1-xlii,37;
xi. m, 14, 236; xi. v, 1-xlvi, 5a; xlvii, 12; xi.vm, 1. 2,
8-22; l, 15-26; Exod., i, 15-11,14; m, 1-6, 9-15,21, 22; iv,
17. 18, 206, 21; vu, 206,21a, 24;ix, 22, 23a, 35; x,8-13a,
20-27. xi. 1-3; xil, 31-36, 376-39: xv, 1-21 ; xvn, 3-6,
8-xvm, 27; xix, 26-19; xx. 1-21; xxi, 1-xxiit, 33; xxiv.
3-8, 1245a, 1S6,xxxi, 186-xxxn, 8, 15-xxxm, 23. Dans
le livre des Nombres, le partage entre l'élohiste et le
jéhoviste est si difficile à opérer que les plus récents
critiques renoncent à le faire et se bornent à attribuer
à JE les passages qu'ils distinguent du code sacerdo-
tal, à savoir Num., x, 29-xn, 15; xm, 176-20, 22-24,266-
31, 326. 33; xiv, 3, 4, 8, 9, 11-25, 31-33, 39-45; xvi, 16,
2a, 12-15, 25, 26, 276-32a, 33, 34; xx, 16, 3a, 5, 14-21 ;
xxi, 1-3, 46-9, 12-35; xxii, 2-xxv, 5; xxxn, 1-17, 20-27,
3S-42. Quelques versets du Deutéronome, x. 6, 7; xxvn,
5-7a; xxxi, 14, 15, 23; xxxm, 1-28; xxxiv, 5, 6, provien-
draient de E, et xxxiv, 10-12, de JE. Certains critiques
retrouvent un élohiste dans les livres de Josué, des
Juges, de Samuel et des Rois. Son récit irait jusqu'à la
mort de Saiil (Cornill)ou même jusqu'au temps d'Achab
(Bacon).
C'était donc un livre historique, commençant à Abra-
ham et racontant l'histoire de Moïse et de la conquête
de la Palestine d'après une tradition différente de celle
qu .i reproduite le document jéhoviste. Elle comprenait
le Décalogue et le livre de l'alliance. comme législation
donnée à Moïse sur le mont Horeb. Ses récits seraient
très objectifs et très précis. L'auteur, qui était au cou-
rant des choses égyptiennes, était déjà dominé par les
vues religieuses des premiers prophètes d'Israël. Il ré-
digeait une histoire théocratique plutôt qu'une histoire
nationale. Il employait des expressions spéciales, et son
style parait uni et coulant, quoique parfois peu châtié.
Comme presque toutes les traditions qu'il rapporte se
rattachent à des localités du royaume d'Israël, on pense
généralement qu'il était de ce royaume. O. Procksch,
Das nordhebràisches Sagenbuch. Die Elohimquelle,
Leipzig, 1906. Quelques critiques ont aie l'unité litté-
raire de son œuvre et distingué plusieurs élohistes,
deux au moins, sinon trois, E1, E-, lv. Dans l'école de
Wellhausen, on prétend que l'élohiste est plus récent,
d'une centaine d'années, que le jéhoviste. Les traditions
de celui-ci paraissent, dit-on, plus fraîches, plus simples
et plus naïves. Mais d'autres critiques, Dillmann, Kittel,
Kônig et même Winckler, pour des raisons différentes,
soutiennent la priorité de E. Les dates proposées sont
donc divergentes; elles s'échelonnent du IXe au VIIIe siè-
cle avant notre ère. Toutefois, l'auteur aurait inséré
dans son œuvre des documents antérieurs: morceaux poé-
tiques, tirésdu livre des guerres dejéhovah, Num. ,xxxi,
li, 15, et du livre du juste ou des justes, Jos., x, 12, 13,
voir t. m, col. 1873—1875, à savoir le chant du puits,
Num., xxi, 17, 18. voir t. i, col. 154S, et léchant d'Iié-
sébon, Num., xxi, 27-30, voir t. m, col. 660, et peut-être
aussi le cantique de Moïse après le passage de la mer
Rouge, Exod., xv, 1-18, voir t. iv, col. 1211-1212; en
outre, les oracles de Balaam,Num., xxm, xxiv (au moins
en partie), et la bénédiction des tribus d'Israël parMoïse,
Deut., xxxm, voir t. IV, col. 1213-1214; lois morales, le
Décalogue, Exod., xx, 1-17; lois civiles et rituelles, le
livre de l'alliance, Exod., xxi, 1-xxiii, 33, voir t. i,
col. 388, code Israélite le plus ancien, dit-on. qu'on a
rapproché du code d'Hammourabi, récemment décou-
vert. Voir t. iv, col. 335-336.
6) Document jéhoviste, J. — On lui a donné ce nom,
parce que son auteur a constamment employé le nom de
•léhovah, même avant sa révélation sur le Sinaï. C'est
encore un livre historique; mais il remonte jusqu'aux
origines de l'humanité, et après l'histoire primitive, il
raconte l'histoire des patriarches, ancêtres d'Israël, et
du peuple juif au moins jusqu'après la conquête de la
Terre Promise. On lui attribue les passages suivants
du Pentateuque : Gen., H, 46-iv, 26; v, 29; vi, 1-8; vu,
1-5, 7-10, 12, 166, 17, 22, 23; vm, 26, 3a, 6-12, 136, 20-
22; ix, 18-27; x, 8-19, 21, 24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-'.a,
6-20; xm, 1-5, 7-lla, 126, 20-22; ix, 18-27; x, 8-19, 21,
24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a, 6-20; xm, 1-5, 7-lla,
126-18; xv; xvi, 16, 2, 4-14; xvnr, l-.xix, 28. 30-38; xxi,
la, 2a, 33; xxii, 15-18; xxiv, 1-xxv, 6, 116, 18, 21-26a,
27-xxvi. 33; xxvn, 1-45; xxviii. 10. 13-16, 19; xxix, 2-14,
31-35; xxx, 36-5. 7,9-16, 24-xxxi, 1, 3, 46, 48-50; xxxn,
3-13a, 22, 21-xxxiii, 17; xxxiv. 26, 3. 5, 7, 11, 12, 19,
j:.. 26, 30, 31; xxxv. 14, 21, 22a; xxxvn, 3, i, 12, 13,
146, 186, 21, 23a, 25-27, 286, 31a, 326, 33, 35; xxxvm;
xxxix; xlii, 38; xliii, 1-13, 15-23a, 24-XLIV, 3i; xlvi,
2S-xi.vii, 6, 13-27a, 29-31; xlix, 16-28a,L, 1-11, 14;
Exod., i, 6, 8-12; II, 15-23a; m, 7, 8, 16-20; iv, 1-16,
19. 20a,22-vi, 1 ; vu, 14-18, 23, 25-29; vm, 4-1 la, 10-ix,
7, 13-21, 236-34; x, 1-7, 136-19, 28, 29; xi, 4-8, 21-27,
29, 30; xm, 3-22; xiv, 5-7, 10-14, 19, 20, 216, 24, 25,
276, 30, 31 ; xv, 22-27; xvi, 4; xvn, 16, 2, 7; xix, 20-25;
xx. 22-26; xxiv, 9-11; xxxn, 9-14; xxxiv, 1-28. Pour les
Nombres, la part du jéhoviste est si étroitement mêlée
à celle de l'élohiste qu'on ne peut les distinguer avec
certitude, voir col. 89. Dans le Deutéronome, on
n'attribue au jéhoviste que xxxiv, 16-4. Le jéhoviste
racontait aussi l'histoire de la conquête de la Palestine,
si même il ne parlait pas des Juges. J. Lagrange, Le
livre des Juges, Paris, 1903, p. xxm-xxxii.
Ce document envisageait les faits qu'il rapportait au
point de vue religieux et moral, et l'histoire qu'il con-
tient est à la fois nationale et religieuse. Pour la période
primitive, il a reproduit la tradition populaire et quel-
ques chants de l'âge héroïque : le chant de Lamech,
Gen., il, 23, 24, voir t. iv, col. 41-42, et la bénédiction
de Jacob mourant. Gen., xlix. Cf. J. Lagrange, La pro-
phétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vu,
p. 539-540; FI. de Moor, La bénédiction de Jacob,
Bruxelles, 1902. L'histoire des patriarches est foncière-
ment la même que dans l'écrit élohiste; elle ne se
91
PEXTATEUQUE
92
diversifie que par quelques particularités. De plus no-
tables divergences sont signalées dans l'histoire de
.Moïse et de la conquête île l llianaan. L'auteur reproduit,
Exod., xxxiv, 1 1-26, une forme, exclusivement religieuse
et rituelle, ilu Décalogue, Révélé au Sinaï, ou au moins
un fragmenl d'un écrit législatif. Dans le récit des faits,
cet historien suil l'ordre clironologique. Il se plait à
indiquer réhmologi.: des noms de personnes et de
lieux, et il rapporte des détails qui lui sont propres. Il
envisage l'histoire de l'humanité et d'Israël en confor-
mité avec les idées religieusesel morales des prophètes.
Jéhovah est I" Dieu du monde entier, le Dieu tout-puis-
sant, la providence de son peuple de choix. Les critiques
déclarent que le jéhoviste est le meilleur narrateur de
tout l'Ancien Testament. Son livre est une sorte d'épo-
pée nationale. Parce que le théâtre des événements
dont on lui attribue le récit est souvent Ilébron ou ses
environs, un r irde généralement l'auteur comme un
jndéen. Toutefois, on s'esl d indé si l'ouvrage était
d'un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y recon-
naître des traces d'au moins deux mains différentes,
.1' ct.l-. Voir Kuenen, Histoire critique des livres de
VA. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158,162-
[63; Budde, Die biblische l'egeseliiehie. Giessen, 1883,
p. 521-5!!l . Corail], Einleilung in das A. T.. '■', el
V édil.. Fribourg-en-Brisgau el Leipzig, 1896, p. 48-46;
C. Bruston, Les deux jékovistes, Montauban, 1S85.
Quant à la date de la composition, on la fixe commu-
nément au ix* siècle' vers 850, au moins pour J'. Quant
à J-, pour ceux qui admettenl son existence, il serait
du vin' ou il 1 1 mi siècle.
c Le Deutéronome, D. — Lescritiques ont longuement
discuté sur le contenu primitif de cetle législation qui
se présente comme ayanl été promulguée par Moïse au
pays de Moab avant l'entrée des Israélites dans la Terre
Promise. Considérant le caractère disparate du contenu,
visible malgré' l'unité' apparente ilu livre, ils ont pensé
i|i. • I ■ Deutéronome actuel n'esl pas une œuvre homo-
gène, mais qu'il comprend un fond primitif, complété,
remanié et finalement arrangé pour servir de conclu-
sion au Pentateuque. Les plus modérés conservent au
Deutéronome primitif, D, l'ensemble des c. i-xxxi. re-
touchés par un rédacteur, Hj. Cf. F. Montet, Le Deuté-
ronome et lu question de l'Hexateuque, Paris, 1891,
p. 49-110; Driver, Einleilung in die Literatur des
A. T., trad. allemande, Berlin, 1890, p. 98-103; Deute-
ronomy, Londres, 1895; A. Van Iloonacker, L'origine
i/es quatre piv miers chapitres du Deutéronome, Lou-
vain, 1889. D'autres restreignent le noyau à v-xxvi.
avec iv, 15-49, comme introduction, et une conclusion,
qui varie elon les individus (Kuenen, Kônig, Reuss,
Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium,
Tubingue, 1899. Un troisième groupe le réduit à xn,
l-xxvi. 19. Wellhausen, Die Composition des He& t-
leuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu'on en avail
fait plus tard deux éditions différentes, comprenant, la
première, i. 1-iv, ii: xii-xxvi; xxvii, et la seconde, tv,
'i.j-xi, 39; xii-xxvi; xxvni-xxx, finalement combinées
par le rédacteur qui a inséré le Deutéronome dans
l'Hexateuque. Cornill. Kmleilmirj, p. 27-28, a disposé
un peu autremenl la pari de chaq 'iliiion. Wilde-
Oie LiU ratur des I 7 . ■: ■ ■ 1 1 1 . . Gcellingue,
1905, p. 177 ; Holzinger. Einleilung in den Bexateuch,
Fribourg-en-Bri gau el Leipzig, 1893, p. 274-275, el
'-• (Jautii i \'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1.
p. 7'J-81. L. Horst, Éludes sur le Deutéronome, dans
ii Revue de l'histoire rts, 1887, t. xvi, p. 28-
65, a considi ré le code lui n xh-xxvi, comme an
recueil ou plutôt une compilati l'éléments préexis-
tant . 1 1 uni ans ordre el i mme au hasard.
si. h 1 1.. Dos /'• uteronot titi , Leipzig, 1894, el Steuer-
nagel, Der Rahmen d. i D< ium, H il e, 1894 :
Die i r d nomisclien Geselzes, Halle,
1896, ont isolé', mais d'une façon divergente, dans le
code les passages dans lesquels le législateur emploie
le singulier [tu) et ceux où il se sert du pluriel {vous)..
i !f. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue,
1900, p. iii-vi. Tous les critiques admettent par suite.
non pas un seul écrivain deutéronomiste, mais toute
i. 'le. animée nu même esprit. Ils discernent donc,
en dehors du Deutéronome primitif, D1, des couches,,
secondaires. D-'. D ,qui ont pénétré aussi dans le livre
de Josué. Cf. F. de llummelauer, Josue, Paris, 1903,
p. 57-60.
Le Deutéronome dépend des documents précédents
et pour l'histoire et pour la législation. Dans les intro-
duction- historiques et dans les allusions que contien-
nent les exhortations, il résume les faits racontés dans
l'élohiste et le jéhoviste. Cf. l'r. de llummelauer,
Deuteronomium, Paris. 1902, p. 119-158. Les détails
nouveaux qu'il donne proviennent peut-être des frag-
ments perdus de ces deux histoires. Il n'impose pas
non plus une législation nouvelle. Il exhorte ses audi-
teurs à pratiquer fidèlement la législation donnée par
Dieu au Sinaï ou à l'Iloreb, iv, 9-15, à garder l'alliance
contractée avec Dieu et à observer le Décalogue, v, 1-33.
Le code lui-même s'inspire du livre de l'alliance, en
développe les dispositions, en tire les conséquences et
y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu'il est
adapté à une situation difïérente. Toutefois, c'est plus
qu'une mise au point de l'ancien droit religieux; c'est
aussi une réaction contre le passé et l'introduction d'un
esprit nouveau dans les mœurs et les pratiques popu-
laires. 11 va à rencontre du livre de l'alliance, et s'il
s'en rapprochi c'est pour prendre sa place. Il se
donne c ne le code complet et homogène, promul-
gué par Moïse au juins de Moab, comme le code de
l'avenir que les Israélites devront observer quand ils
seront établis en Cbanaan. Le livre de l'alliance repré-
sente aux yeux de son auteur le culte ancien de
l'époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon.
Tout en sanctionnant quelques usages d'autrefois, il
s'écarte forte ni du pissé' par la centralisation du
culte, à laquelle il rattache et la célébration des
et les fonctions des ministres sacrés, s'il n'esl pas une
fiction pure, il est ou bien un précipité et une cristal-
lisation des idées des prophètes précédents, qu'il con-
dense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, à
Moïse, le premier des prophètes, ou bien la codifica-
tion des coutumes anciennes. ayant reçu par l'usage force
de lois, ou enfin, pour quelques critiques, l'utilisation
de sources écrites .intérieures. Le seul élément nou-
veau consiste dans l'exhortation ou parénése à observer
la loi, surtout dans les motifs d'obéir à Dieu : la fidé-
lité à garder l'alliance contractée avec Dieu et l'amour
de ce Dieu, qui a ta il aimé son peuple choisi. L'écrivain
a aussi ses expressions propres et un style très carac-
téristique. Les locutions spéciales correspondent, du
reste, au contenu et au genre littéraire. Le Deutéro-
nome est un code de lois, exposé et expliqué' dans une
homélie; c'est une série de discours prononcés pour
encourager à la pratique de la loi divine. Les ordon-
nai:.■. s portent des noms techniques, et l'homéliste a
îles formules préférées qu'il répète constamment et qui
- n ni comme des refrains. C'est un prédicateur qui
exhorte avec onction et persuasion. Il parle clairement
pour être compris du peuple; il s'insinue doucement
dans l'esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas
d'insister sur l'observation fidèle de la loi divine. Son
exhortation traîne même en longueur; il veut toujours
arriver au fait et il n'y parvient jamais. Il revient in
arrière el répète ce qu'il a dit. Son style n'est pas con-
cis, el l'uniformité des formules finit par le rendre
fastidieux.
Quant à la date de la composition du Deutéronome,
.11 i il très diverse selon les divers critiques. Le point
93
PENTATEUQUE
94
de dépari de sa détermination est le fait de la décou-
verte de ce livre au Temple de Jérusalem, à la 18e année
du règne de Josias. II Reg., xxn. 3-xxm, 23. Quelques
critiques français ont dénié toute valeur historique au
récil de ce fait et prétendu qu'il avait été fabriqué
d'après le Deutéronome. dont ils rabaissaient la publi-
cation après le retour de la captivité, sinon même sous
la domination perse. L. Havet, Le christianisme et ses
origines, Paris, 187S, t. m, p. 137-137 : G. d'Eichtbal,
Éludes sur le Deutéronome, dans ses Mélanges de
critique biofigue, Paris, 1886, p. 85-108; Hoort, Eludes
sur le Dent*-,'", mie, dans la Revue de l'histoire des
religions. 1888. t. xvn. p. 11-22; t. xvnr, p. 320-334;
M. Verne*. Une nouvelle hypothèse sur la composition
du Pentateuque. Examen des vues de M. G. d'Eichthal,
Paris, 1887; Précis d'histoire juive, Paris, 1889, p. 795.
Mais la vérité historique du récit est démontrée,
cf. Piepenbring, La réforme et le code de Josias, dans
la Revue de l'histoire des religions, t. xxix. el admise,
pour le fond au moins, par tous les critiques. Ils en
concluent que D1 est antérieur à 621. puisqu'il a été re-
trouvé celte année-là. Mais le désaccord le plus profond
règne sur la date précise de sa composition. La plupart
des critiques de l'école de Wellhausen ne la remontent
guère avant 021. Selon eux, la trouvaille n'a été ni for-
tuite ni imprévue; elle a été préméditée et faite en vue
de réaliser une réforme religieuse. Le livre avait donc
été rédigé dans ce dessein, caché et présenté comme
l'œuvre de .Moïse. Pu reste, il apparaît comme un com-
promis entre le parti prophétique et le parti sacerdotal
ou, au moins, comme le programme religieux et poli-
tique du parti prophétique du temps. Mais si le code
avait été fabriqué en vue de la réforme, il ne devrait
contenir que les lois propres à amener la réforme. Or
il comprend beaucoup d'ordonnances qui n'ont aucun
rapport à ce projet. Cf. P. Martin, De l'origine du
Pentateuque (lithog.), Paris, 1887-1888, t. u, p. 243-270.
Aussi Cornill et Bertholet tiennent-ils le Deutéronome
pour un produit et un résumé de l'enseignement des
prophètes, comme un précipité et une cristallisation de
leurs vues. Colenso et Renan en attrihuaient la pater-
nité au prophète Jérémie. Mais les critiques pensent
plutôt que Jérémie a connu le Deutéronome, dont il a
partiellement pris l'esprit et imité le stylo. Voir t. m,
col. 1278. Pour quelques-uns, le livre serait pourtant
du temps de ce prophète. D'autres, rejetant l'hypothèse
d'une fraude et de la fabrication intentionnelle du
Deutéronome, pensent que ce code a été réellement
perdu de vue à la fin du vni" siècle et qu'il aurait été
rédigé au cours de ce siècle sous les règnes d'Ézéchias
ou de Manassé. Pour exclure le temps d'Ézéchias, plu-
sieurs constatent i'absence de points de contact et
d'affinité entre le Deutéronome et le prophète Isaïe,
contemporain et conseiller de ce roi. Le Deutéronome
tend plutôt à réaliser les vues d'Osée et d'Isaïe. On y
voit dès lors un programme de réforme religieuse éla-
boré sous le long règne de Manassé par réaction contre
l'idolâtrie introduite par ce roi en Juda. Voir t. îv,
col. 612. Quelques-uns néanmoins ont pensé à la ré-
forme d'Ézéchias, II Reg., xviii, 4-0, quoique, en dehors
de la suppression des hauts-lieux, elle ne présente au-
cun caractère deutéronomiste. Voir t. il. col. 2142-2144.
Klostermann a reconnu le Deutéronome dans le livre
lu au peuple sous Josaphat. II Par., xvn, 9. Mais ce
pieux roi n'a pas détruit les hauts-lieux, I Reg.. xxn,
44; aussi d'autres critiques pensent-ils que le livre de
l'alliance fut la règle de sa réforme. Voir t. m, col. 1048.
Kleinert rapportait le Deutéronome a la tin de l'époque
des Juges.
d) Le code sacerdotal, P. — C'est l'ancien élohiste
ou premier élohiste ou encore le Grundschrifl, nommé
enfin par Wellhausen Prieslercodex (d'où le sigle P) ou
• code sacerdotal », parce qu'il contenait la législation
sacerdotale et rituelle des livres du milieu. Cette déno-
mination ne convient qu'à la partie principale du do-
cument, qui est à la fois un livre historique et un t
elle a été néanmoins adoptée. Ce document, qui a
fourni au dernier rédacteur le cadre de l'Heiateuque,
a été conservé en entier, sauf de rares lacunes; aussi,
reconstitué à part, forme-t-il un tout suivi et- coor-
donné, i in attribue à son auteur la division de la Genèse
en fôldôf, ou tableaux généalogiques. Voici la paît qui
lui revient dans la Genèse : i, 1-H, 4a; v, 1-28, 30-32;
m, 9-22; vu, 0. 11, 1316a, 18-21, 21; vm. l-2a, 36-5r
13a, 14-19; ix. 1-17. 28, 29; x, 1-7, 20, 22, 23, 31, 32;
M. 10-27,31, 32; xn, M. 5; au, 6, 11 6-12 o; xvi, la.
3, 15, 10: XVII; xix. 29; xxi, 16,26-5; xxm ; xxv.
7-1 lo. 12-17. 19, 20, 206; xxvi, 34, 35; xxvn, 46-
XXVIH, 9: xxix. 24, 29; xxxi, 186; xxxm, 18a; xxxiv,
1, 2a, 4,6,8-10, 13-18, 20-24, 27-29; xxxv, 9-13. 15. 226-
xxxvn, 2a; xi.vi. 56-27; xi.vn. 7-11, 27 6, 28: xi.vin,
3-7; M i\. 1,7, 2.S6-33: L, 12, 13. Dans la suite, Exod., I,
1-5, 7. 13. 11: ii, 236-25: vi, 2-vn. 13. 19, 20a, 216,
22; vm, 1-3, 116-15; ix. 8-12; xi, 9-xn. 20. 28, 37a,
40-xiii, 2: xiv, 1-1, 8. 9, 15-18, 21a, 2lc-23, 26, 27».
28, 29; xvi, 13. 5-xvn. la; six, 1. 2a; xxiv. 1. 2. 15 6-
ISa; xxv. l-xxxi,18a; xxxiv, 29. — Num., x. 28(y com-
pris le Lévitique); xm, 1-I7a. 21, 25. 26a, 32a; xiv,
1, 2. 5-7, 10, 20-30, 34-38; xv, 1-xvi, la. 26-11, 10-21.
27a. 326, 35-xx, la, 2, 36, 4, 0-13, 22-29; xxi, 4a, 10,
11; xxn, 1 ; xxv, 0-xxxi,54; xxxn, 18, 19, 28-33; xxxm,
1-xxxvi, 13; Deut., îv, 41-43; xxxu, 48-52; xxiv, la.
Le récit de P se poursuivait dans le livre de Josué.
S'il fournissait peu de détails sur la conquête, il étak
plus étendu sur le partage du pays de Chanaan.
Dans ce document, la législation est plus développée
que l'histoire; celle-ci, d'ailleurs, n'est que le cadre
historique des institutions religieuses d'Israël. Elle re-
monte jusqu'aux origines et présente les premiers
temps de l'humanité comme les débuts du peuple théo-
cratique, dont l'institution commence à la sortie
d'Egypte. Elle n'est pas très détaillée : les événements
principaux sont longuement racontés; mais pour les
faits intermédiaires, l'auteur procède par tableaux gé-
néalogiques ou se borne à indiquer les stations d'Israël
au désert. La préparation de l'histoire de Moïse com-
prend trois alliances de Dieu avec Adam, Xoé et Abra-
ham. Si on y joint l'histoire de Moïse, qui rapporte
l'alliance du Sinaï, le code se divise en quatre périodes,
qui lui ont fait donner par Wellhausen le nom de Vier-
bundesbuch, « le livre des quatrealliances. » Laqualrième
alliance embrasse toute la législation mosaïque. Celle-ci
est essentiellement sacerdotale et rituelle, et elle a
pour but d'établir le peuple saint par excellence (hiéro-
cratie) et la société religieuse en Israël. Voir t. iv,
col. 330-332. Bien que le code sacerdotal règle princi-
palement les manifestations extérieures du culte, il
n'exclut pas les lois morales, dont il suppose l'obser-
vation exacte. Sa terminologie est très nettement carac-
térisée, et elle comprend naturellement de nombreu-
ses expressions techniques qui désignent les choses du
culte. L'auteur répète souvent les mêmes formules dans
ses récits aussi bien que dans ses recueils de lois.
Quelques-unes sont stéréotypées. Il a le souci de l'exac-
titude et de la précision, mais il tombe dans la prolixité.
Son style est peu imagé, et sa langue est abstraite.
Le code sacerdotal était lui-même une compilation.
L'enchainement des matériaux parait brisé par de
longues additions intercalées ; certaines lois sont répé-
tées ; quelques dispositions sont divergentes. Tous les
morceaux cependant ont le même esprit, le même ca-
ractère général et le même style; s'ils viennent de la
même école, ils ne sont pas de la même main. Ausei
les critiques ont-ils distingué dans le code trois couches
différentes : a) un écrit historique et législatif, appelé
priesterliche Grundschrifl, « l'écrit fondamental sacer-
95
PENTATEUQUE
96
•dotal, » P1 ou Pa, parce qu'il fait le fond du code;
P) un recueil particulier des lois, que Klostermann a
nommé Heiligeilsgeselz, o loi de sainteté, » 11, P- ou
P1', Lev., xvn-xxvi, parce qu'il traite spécialement de
la sainteté lévitique, code plus ancien (contemporain
d'Ézéchiel, ou un peu postérieur, sinon même, selon
quelques-uns, l'œuvre de ce prophète), incorporé pos-
térieurement dans l'écrit fondamental sacerdotal;
f) des parties secondaires. P . P4, P», selon Kuenen,
Ps ou P» selon d'autres critiques, retouches et addi-
tions qui proviendraient peut-être de couches superpo-
sées et seraient l'œuvre d'une école plutôt que d'une
seule main. Bertholet et Baentsch ont distingué, en
outre, deux recueils de lois : «) un rituel de sacrifices,
Opferthora, P", Lev.. i-vn; p) des préceptes; relatifs à la
pureté légale, Reinheitsvorschriften, P', Lev., xi-xv,
qui auraient été insérés dans HPo réunis, avant que le
travail de Ps ait commencé.
Selon les partisans de la première hypothèse docu-
mentaire, le Grundschrift, qui correspond presque
entièrement au code sacerdotal, passait pour la partie
la plus ancienne du Pentateuque. C'était le livre du
mosaïsme, le document qui reilétait le mieux l'esprit
de Moïse, son auteur. Quelques critiques cependant, tels
queC. Bruslon, L'histoire sacerdotale et le Deutéronome
primitif, Paris. 1906, el A. Dillmann, Ueber die Com-
position des Hexateuch, dans Die Bûclter Numeri,
Deuteronomium und .losita, 2* ■ - dit., Leipzig, 188fi.
tiennent le code pour antérieur au Deutéronome et pla-
cent sa composition au moins au milieu du vtne siècle,
à une époque où les deux royaumes de .luda et d'Israël
étaient encore puissants. Le comte de Baudissin rahaisse
sa date vers la moitié du VIIe siècle. Die Geschichte der
alttestamentlichen Prietterthvmis, 1S89; Einleitung
ie Bûcher îles A. T., Leipzig, 1901. Mais la plu-
part des critiques font du code sacerdotal le docu-
ment le plus récent qui soit entré dans la composition
di i Bexateuque. Ils prétendent qu'aucun des livres
bibliques, rédigés avant ou pendant la captivité, n'a
connu la législation si compliquée de ce code. Les
institutions religieuses ou les pratiques rituelles, que
signalent ces livres, prouvent bien l'existence d'un
cuit 'ganisé; mais elles n'ont point de rapport avec le
rituel minutieux de P. Quelques-unes même, telles que
l'offrande des sacrifices en tout lieu, et par d'autres
personnes que par des prêtres, sont opposées aux
prescriptions formelles du code et en particulier à la
concentration du culte qu'il règle et sanctionne. Si le
code existait, on le violait sans scrupule, et les histo-
riens sacrés n'ont pas un mot de hlâme pour ces viola-
tions de la loi. Ce silence s'explique par la non-exis-
tence du code, animé, d'ailleurs, d'un autre esprit que
celui qui se manifeste dans ces livres. Les premiers
rapprochements de fond et de forme avec le code se
remarquent dans .lérémie; mais la ressemblance, lors-
qu'elle existe, ii. s i pas complète, et il est plus vrai-
semblable que l'auteur du code a fait des emprunts au
prophète. Il en est de même, dit-on, avec Ézéchiel.
Pour ne parler que du nouveau culte organisé par ce
prophète, xi.iv, 10-xi.vt, 15, il tient, sous le rapport du
sacerdoce, des fêtes et des sacrifices, le milieu entre D
et P, puisque ses descriptions sont plus détaillées que
celles du Deutéronome et plus simples que celles du
code. Il en résulte que le programme du prophète, ré-
digé en 573 ou 572, voir t. il. col. 2152, est antérieur
au code qui e^t plus complet et plus perfectionne On
a cherché à continuer cette conclusion par l'étude de la
langue de P, qui serait plus récente et contiendrait des
aramaïsmes. .Mais de lions juges, Driver, Journal of
philology, t. xi, p. 201-296; Einleitung, p. 146-146,
168-170, ont reconnu qu'on n'en pouvait rien conclure
au sujet de l'âge du code. Quant à la date précise de sa
rédaction, au moins pour P», l'accord n'est pas fait.
Les disciples de Wellhausen la fixent après le retour
de la captivité. Certains indices, tirés du contenu du
livre, la comparaison du code avec la législation reli-
gieuse d'Ézéchiel et avec les prophètes qui ont suivi ce
retour, tendent, à leur jugement, à reporter le code après
le retour des Juifs à Jérusalem. Esdras en particulier
aurait lu au peuple le code sacerdotal, II Esd., ix. 1-x,
39, qu'il avait apporté de Babylonie et dont il serait,
sinon l'auteur unique, du moins le principal inspira-
teur. Cf. G. Wildeboer, De la formation du canon de
l'A. T., trad. franc., p. 78-79. Donc Pa a été composé
au plus tôt à la fin de la captivité à Babylone. sinon
même en Palestine après le retour. Mais les critiques
qui pensent avec raison qu'Esdras a lu au peuple le
Pentateuque entier, voir col. 69, estiment que le code
avait été rédigé antérieurement, après Ézéchiel, mais
avant le retour des premiers captifs (53fi).
Si le code est de date si tardive, à quelles sources
ont été puisés les matériaux mis en œuvre? Tous les
critiques reconnaissent que. pour ses récits historiques,
l'auteur dépend de J et de E. probablement déjà com-
binés. Il en a extrait des tableaux généalogiques et son
schème historique jusqu'à la sortie d'Egypte;
selon les disciples de Wellhausen, il a manipulé les
matériaux employés conformément à son but et à son
plan. Ilolzinger, Einleitung inden Hexateuch, Eribeurg-
en-Brisgau, 1893, p. 358-376. Dillmann et Driver
pensent toutefois que l'auteur a recouru à d'autres
sources historiques que JE; qu'il n'a pas inventé les faits
qu'il est seul à rapporter et qu'il n'a pas non plus fal-
sifié de parti-pris la tradi'ion Israélite. Quant à la
législation spéciale de P, l'école de Wellhausen la
regarde comme la constitution à priori de la hiérocra-
tie juive, tracée pour servir de règle à la restauration
religieuse qui suivit le retour à Jérusalem, projetée
dans le passé et attribuée à Moise. Mais d'autres cri-
tiques pensent que les auteurs du code n'ont pas créé
de toutes pièces leur système liturgique, qu'ils y ont
introduit un grand nombre d'éléments empruntés au
culte ancien et qu'ils ont ordonné systématiquement
les usages préexistants en les développant et en les
adaptant à une situation nouvelle. La tradition orale
fut codifiée à l'aide sans doute de règlements écrits
avant la captivité'.
e) Les rédacteurs et la composition définitive. — Ces
quatre documents, qui sont entrés dans la trame de
l'Hexateuque. n'ont pas été mêlés et combinés par une
seule main; plusieurs rédacteurs y ont travaillé et, à
en croire les critiques, sauf Dillmann qui a un système
spécial, la rédaction du texte actuel a passé par trois
stades principaux : ai Un premier rédacteur jéhoviste,
It-1" ou Ri, a combiné .1 et E. en les remaniant pour
les harmoniser et les adapter au point de vue prophé-
tique, à l'époque deutéronomiste, avant ou plus ou
moins longtemps après la rédaction du Deutéronome. —
p) Quand le Deutéronome eut été complètement acl
c'est-à-dire pendant la captivité (vi* siècle), un rédacteur
mimé du même esprit que ce livre H1, incorpora D 9
Il . en faisant subir à ce dernier quelques modifications
aires pour accorder ses récits avec la loi deuté-
ronomique. Probablement même, plusieurs écrivains
de la même école travaillèrent à cette rédaction. —
•; i l'n dernier rédacteur, pénétré de l'esprit et de la
lettre ducode, Rf, combine JED avec P, en retouchant
les deux écrits pour les raccorder. Le nombre et
l'étendue des retouches, la nature des remaniements ne
sont pas déterminés avec certitude. La table des peu-
ples, Gen., xiv. quelle que soit ~.i date, aurait éteint sé-
duite alors pour la première fois dans le Pentateuque.
Selon Kuenen, la division en cinq livres aurait été-
faite par ce rédacteur, qui est le dernier et définitif
rédacteur du Pentateuque. Ce travail, œuvre d'une
école de scribes plutôt que d'un seul individu, serait,
97
PENTATEUQUE
PS
pour les disciples de Wellhausen, postérieur à la pro-
mulgation du code par Esdras en 144, et aurait été
terminé à la fin du ve siècle. D'autres critiques, nous
l'avons dit déjà, pensent que le code d'Esdras était le
Pentateuque actuel (hormis quelques additions posté-
rieures), formé par son école et sous sa direction en
vue d'harmoniser tous les documents législatifs d'Israël
et île constituer un code complet et unique. La der-
nière rédaction du Pentateuque aurait donc été exécu-
tée en [ialiylonie. peu avant le retour à Jérusalem et
en vue de la restauration prochaine.
En outre des ouvrages cités, voir Reuss, L'histoire
sainte et la lai, Paris, 1879, t. m, de La Bible; Driver.
Einleitung in die Literatur des alten Testaments,
trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170; Cornill. Ein-
leitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Bris-
gau. 1890, p. 16-79; A. Westphal, Les sources du
Pentateuque, 2 in-8", Paris, 1888, 1892; Holzinger,
Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8". I'rihourg-cn-
Brisgau. 1S93; Wildeboer, Die Lileratur des A. T.,
Gœttingue, 1895; 2e édit., 1905, passim; Addis, Tlie
• tenls of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892,
1893; Briggs, The higher crilicism of tlie Hexateuch,
2" édit.. New- York, 1897; Steuernagel, Allgenieine
Einleitung in den Hexateuch, Gœttingue, 1900;
Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol.,
Londres, 1900; Carpenter, The Composition of the
Hexateuch, Londres, 1902; Gautier, Introduction à
l'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 53-253; Strack, Einleitung
1. /'.. f, .dit.. Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Man-
genot. L'authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris.
1907. p. 16-201.
2» Réponse aux principales objections critiques. —
Il est impossible et inutile de discuter ici en détail
toutes les difficultés que les critiques modernes ont
accumulées contre l'authenticité mosaïque du Penta-
teuque. Plusieurs, du reste, ont déjà été ou seront
résolues dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire,
auxquels nous renverrons. Après avoir dit un mot de
la méthode et des conclusions des critiques, nous exa-
minerons les principaux arguments généraux ou parti-
culiers contre l'origine mosaïque du Pentateuque.
1. Méthode suivie et incertitude des conclusions. —
Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de
la tradition juive et chrétienne, qui attribue à Moïse
la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique
la tradition et l'histoire ne puissent sur ce point être
négligées. C'est au livre lui-même et à son contenu
seul qu'ils demandent l'explication de son origine. Ils
analysent minutieusement le texte, relèvent et exa-
gèrent lesinconséquences, les contradictions apparentes
et les répétitions pour conclure à la diversité des
sources. La méthode suivie est juste en principe, et
rien ne s'opposeà la distinction de documents différents
que Moïse aurait réunis et combinés pour rédiger
l'histoire antérieure à son temps, contenue dans le
livre de la Genèse. Mais les critiques étendent la dis-
tinction des. sources à l'Hexateuque entier et pré-
tendent que ces livres dans leur état actuel sont formés
de documents postérieurs de beaucoup à Moïse. Ils
s'appuient sur les anomalies du texte actuel, anomalies
la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent à la
simple lecture du teste et qui ne peuvent être des signes
certains de documents distincts. Aussi, d'accord pour
nier l'origine mosaïque du Pentateuque, ils ne peuvent
s'entendre, l'histoire de leurs travaux en fait foi, sur la
ii. tinction des sources elles-mêmes, sur leurs caractères
et la date de leur apparition. Les solutions les plus diver-
gentes ont vu le jour et se sont succédé rapidement.
Chacun abondait dans son sens et proposait avec assu-
rance une explication nouvelle, qu'un autre déclarai!
bientôt inacceptable et insuffisante. Les disciples d'une
même école sont assurément d'accord sur quelques
DICT. DE LA BIBLE.
résultats qu'ils croient acquis; leur consensus est très
restreint et ils se séparent les uns des autres sur un
plus grand nombre de points particuliers, parce que
leurs principes de critique sont arbitraires et leurs
appréciations subjectives. La nouvelle théorie docu-
mentaire, malgré la fière assurance avec laquelle on
l'affirme démontrée, n'a pas rallié tous les suffrages,
et des esprits indépendants, même en dehors du catho-
licisme et dans la catégorie des hébraïsants, en sont
les adversaires résolus. J. Halévy, L'histoire des ori-
gines d'après la Genèse, dans les Recherches bibliques,
Paris, 1895 et suiv., t. i et h; Green, The higher Criti-
çism of the Pentateuch, 1895; Rupprecht, Die Kritik
nach ihren Redit und Unrecht, 1897; B. Jacob. Dèr
Pentateuch. Exegetisch-hritische Forschungen, Leip-
zig, 1905; Orr, The problem of the Old Testament,
Londres, 1906.
Sur la part qui revient dans le texte actuel à chaque
document, sur la date des diverses sources et sur le
travail des rédacteurs, il y a presque autant de senti-
ments que de critiques. On a renoncé à distinguer
l'élohiste du jévohiste dans une partie des récits des
Nombres; leur part d'attribution est moins nettement
délimitée que les indications données plus haut le laissent
supposer; nous avons dû nous borner aux conclusions
principales. La continuité des documents n'est pas non
plus démontrée; il reste des lacunes, des trous qui ne
sont pas comblés. Les critiques reconnaissent n'être
d'accord qu'en gros et pour l'ensemble; mais les diver-
gences sont plus notables qu'on le dit; les tables d'Hol-
zinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur l'âge
des documents, les manières de voir sont très divergentes.
Sans doute, les critiques placeront tous D après E. mais
ce sera le seul point où l'accord sera parfait. Sur
l'autorité de E et de J, sur celle de D et de P, les avis
demeurent partagés. Cf. W. de Baudissin, Einleitung
in die Rucher des A. T., Leipzig, 1901, p. 72-77, cité
par M. Yigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris,
1906, t. i, p. 440-414. Les parties dites rédactionnelles
sont plus discutées encore. A peine s'entend-on à les
discerner; mais on ne sait le plus souvent à qui les
attribuer. Stàbelin et Kittel ont supprimé le pre-
mier stade de rédaction de l'Hexateuque et ont
attribué au rédacteur deutéronomiste, Ra, la réunion
simultanée de J. de E et de D. A. Dillmann a proposé
trois autres stades de rédaction du Pentateuque :
o] union de Pu avec E et J ; b) union de PoEJ avec D ;
c) union de PjEJD avec P1'. Toutes ces divergences,
que les critiques cherchent à atténuer, prouvent à
l'évidence que les conclusions ne sont pas certaines et
que la théorie documentaire n'est qu'une hypothèse,
très savamment échafaudée, incapable cependant d'in-
firmer et de remplacer la tradition constante des Juifs
et des chrétiens en faveur de l'authenticité mosaïque du
Pentateuque.
2. Les arguments généraux contre Vantiquité et
l'unité du Pentateuque ne prouvent pas la non-authen-
ticité mosaïque de ce livre. — a) Il n'est plus nécessaire
aujourd'hui de démontrer contre les anciens critiques
l'existence de l'écriture à l'époque de Moïse, ni même
la connaissance que les Hébreux en avaient et l'usage
qu'ils en faisaient à l'époque de leur sortie d'Egypte.
Voir t. il, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deuté-
ronome, dans lequel le discours direct, placé dans la
bouche de Moïse, est un simple procédé littéraire, I
Pentateuque, dit-on, ne se présente pas comme l'œuvre
de Moïse; le style y est impersonnel, et il y est parlé île
lui comme du héros de l'histoire d'une façon objective.
Exod., vi, 26, 27; xi, 3; Num., XV, 22, 23; Deut., xàxiii.
4. Son éloge, Num., XII, 3, provient d'une plume étran-
gère; il est fait en des termes qui ne peuvent convenir
à une autobiographie. On répond que Moïse, écrivant
des Annales plutôt que ses Mémoires, aurait fort bien
V. - 4
99
PENTATELtM'I-:
100
pu parler de lui-même à la troisième personne, dresser
sa généalogie comme celle d'un étranger et se louer en
termes modérés. Mais ces particularités peuvent bien
aussi être attribuées aux scribes ou secrétaires qui écri-
vaient sous sa direction.
b) Quant aux indications historiques et géographi-
ques, qui seraient des anachronismes au temps de
Moïse, quelques-unes, déjà signalées par Alienesra, sont
lées par beaucoup d'exégètes comme des gloses
insérées plus tard dans le récit de Moïse, par exemple
Gen., xn, 6; XIII, 7; xix, 37-38; Deut., III, 11. L4.
Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tar-
dive du Pentateuque; avant l'invention de l'imprimerie,
les additions et la mise au point de certains détails dans
la transcription des manuscrits était chose facile et na-
turelle. On pense généralement aussi que la liste des rois
d'idumée, Gen., xxxvi, 31, a été continuée jusqu'à
l'époque de David. Voir t. m, col. 834. La cessation de
la manducation de la manne, Exod., xvi. 35, qui n'arriva
qu'après le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu
être mentionnée par Moïse, peu avant sa mort, alors
que les Israélites étaient déjà sur les contins de la
Palestine. Les livres des guerres de Jéhovah el du Juste
étaient des anthologies de poèmes. Commencés avant
Moïse, qui \ lit des emprunts, ils ont été enrichis de
pièces plus récentes, telles que l'élégie de Saûl el do
Jonathan par David. Il Reg. (Sam.), i, 18. Les noms an-
ciens de plusieurs localités ont été remplacés par ceux
qu'elles eurent après la conquête du pays de Chanaan.
Ainsi Dan, voir t. il, col. 1244-1245, et Cariath-Arbé,
voir t. i, col. 88't; t. m, col. 55'ï. Dans le cantique de
Moïse, Exod., XV, 16-17, le pays de Chanaan n'est pas
expressément désigné sous le nom de terre des Hébreux,
et sa possession par les Israélites n'est que future.
c) Les douldos récits de la Genèse, s'ils étaient cons-
tatés, prouveraient seulement que Moïse aurait utilisé
des documents différents, par exemple pour la création
i i le déluge. Voir t. n, col. 1345. Mais l'existence de
tous ceux que les critiques signalent est loin d'être
démontrée. Ainsi on affirme gratuitement que les
relations d'Abraham et d*Isaac avec Abimélech, roi de
('rerare, ne sont que le même fait dédoublé; les circons-
tances différentes des récits prouvent la distinction des
deux événements, répétés dans des situations analogues
pour le pore el pour le lils. Voir t. t. col. 54. Il en est de
même des deux enlèvements de Sara, voir t. i, col. Il), et
h cas analogue survenu àRébecca. La fuite d'Agar ne
peut être e parée à son expulsion. Voir t. i, col. 262.
La pi esse d'un lils fut réitérée par Dieu à Abraham
dans des occasions différentes. Voir t. i, col. 78. Les
prétendues étvmologies multiples des noms propres
de personnes ou de lieux s'expliquent aisément.
Voir Beb mi', t. i, col. 1629-1638; Béthel, col. 1672-
1671; GALAAD, I. ni, col. 15; MviivvUM, t. IV, col. 571;
Issachar, t. m, col. 1005-1006; Joseph, col. 1655;
/mj i.o\. il en esl de même dans l'Exode et les
Nombres, Les prétendus doubles récits concernant des
faits qui se sont réellement produits deux l'ois, tels
que le double envoi des railles, voir t. n, col. 33, et le
double miracle du rocher frappé. D'autres, ci ne la
double vocation de Moïse el la double révélation du nom
de Jéhovah, Exod., m, 2-1 i; vi, 2-13, voir i. m.
col. 1230-1231, I2:i:'.; la double désignation d'Aaron
comme interprète île son fine, Exod., i\. Il 16; vi, 30-
vii, 2, ne soûl que des répétitions faites par Dieu des
mêmes pn tsses. Pour l'organisation successive des
anciens et des juges au désert, voir 1. 1. col. 554-555.
Quant aux diversités de détails qui prouveraient la
distinction des récits, la plupart sont de simples anoma-
lies, qui ne sont pas inconciliables et qui n'empêchenl
pas une heureuse harmonisation de l'ensemble, Sur les
femmes d'Esaû, voir Aux. 1. 1, col. 165; Dasemath,
col. Ii.t2; sur le beau-père de Moïse, voir IloliAIl, t. III,
col. 725-726: JÊTHRO, col. 1521-1522. De même, certaines
lois qu'on oppose comme provenant de codes différents,
se sont que des dispositions successives et complémen-
taires. Voir t. iv, col. 338.
3. Arguments particuliers tirés de la législation
hébraïque gui prouveraient et la diversité des codes et
leur promulgation postmosaïque. —Les critiques ont
cherché à établir la distinction des trois codes hébraïques:
livre de l'alliance. Deutéronome et code sacerdotal, par
la. diversité de leurs principales dispositions religieuses,
et leur succession dans cet ordre par la progression
successive de ces dispositions et leur observance tardive
de la part des Israélites. Sans parler de la loi morale
ou du Décalogue, qu'on trouve sous trois formes
spéciales : censé, d'après eux, promulgué au Sinal dans
le document élobiste, Exod., xx, 1-17, puis dans le
documentjéhoviste, Exod.,xxxiv, 14-26, enfin promulgué
à l'Horeb, Deut., v, 6-18, les institutions religieuses
d'Israël auraient passé par trois phases el si' seraient
développées, non pas dans l'intervalle des 40 années du
séjour au désert, mais bien au cours des àps et sous
des influences variées, notamment sous l'action des
prophètes, qui épuraient et spiritualisaient progressive-
ment les idées de leur peuple. Passons en revue à ce
point de vue les principales dispositions législatives,
dans lesquelles le progrès serait le plus nettement
marqué.
a) La pluralité îles autels et l'unité île sanctuaire. —
Le livre de l'alliance permettait de dresser des autels
en tout lieu où Dieu avait manifesté son nom, pourvu
que l'autel soit de terre on de pierres brutes et non
taillées, et à la condition aussi qu'il n'ail pas , le degrés
de peur que le sacrificateur, en les -i tvissant, ne dé-
couvre sa nudité en présence de Dieu. Exod., xx, 24-26.
Si les Israélites n'ont pas la liberté d'ériger des autels
partout où il leur plaît, puisqu'il est nécessaire que le
lieu ail déjà été sanctilié par une intervention divine,
cependant il n'y a ni sanctuaire unique ni lieu fixé
pour tous. L'unité de sanctuaire est imposée soi-disant
par Moïse et pour l'avenir seulement, quand Israël aura
pénétré' dans le pays de Chanaan et que Dieu aura
manifesté le lieu unique où il veut être honoré.
Deut., xn, 5. Enfin, cette unité que le Deutéronome
présentait comme un buta réaliser est supposée dans
le code sacerdotal comme ayant toujours existé. Elle
n'est pas prescrite explicitement; mais loute l'organi-
sation du culte autour du tabernacle exige sa réalisation,
puisque ce code ne soupçonne pas qu'un sacrifice put
être offert ailleurs. L'histoire d'Israël conlirme par les
faits celle superposition de lois relatives à l'autel. A
l'époque des .luges, nonobstant l'existence du sanctuaire
de Silo, OÙ lare' e esl déposée, I Sam., 1. (J ; 111, 2. 11. 15;
Jer., vu. 12, on offre ailleurs des sacrifices, .lud.. VI,
26-28; xi, 11, :il : ZIII, 15-23. Michas a une maison de.
Dieu, XVII, 5. Les Danites établissent un sanctuaire à
Laïs qu'ils onl conquise, xvm, Il sq. Apres que l'arche
eul 1 té prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses
localités, è Maspiiatli.a lia mai lia, a Galgala,etc.l Sam.,vT,
14, 15; VII, S». 17: ix. 12; XI, 15; XIII, \l 12: xvi. 2.:!;
xx. 211; xxi, I. 6; XXII, b'. 13; Il Sam.. VI, 12, 13, 17.
18; xxiv, 18-25. Même après la construction du Temple
I, Jérusalem, on sacrifiait sur les b. mis-lieux enjqda,
I lit Reg., m. 2-4; xv, 11; XXII, il; Il (IV) lie::., xn,
:i; xiv, 1 ; w. 1. 35, el dans le royaume d'Israël, a Béthel
et'a C.algala. I (III) Reg., XII, 26-33; Anios, m. 11 ; 1 v. 1.5;
v,5;vn, 13; Ose., iv, 13; i\. 15; xn, M. Êlie el 1 Usée
ne réclament pas contre la pluralité des autels: ils
blâment seulement le culte idolâtrique qui estaccoi .pli
sur les hauts-lieux. Élie se plaint de la destruction des
autels de Jéhovah, 1 (111) Reg.,XIX, 10, 11; il dresse lui-
même un autel de pierres au Carmel, XVIII, 30, 3'2, et
Elisée sacrifie chez, lui, xix, 21. La loi de l'unité de
sanctuaire n'a été oliscrvee a Jérusalem qu'après la
yjb\V«fSlta,
PIBUOTHECA
101
PENTATEUQL'E
102
clmte de Samarie et en application de la loi deutéro-
nomique. Elle n'est donc pas mosaïque. Telle est
l'objection.
La succession des ordonnances relatives à l'autel
s'explique et s'harmonise avec les faits de l'histoire
israélite, sans qu'elles cessent d'avoir été portées par
Moïse. Au pied du Sinaï, avant que le tabernacle n'ait
élé dressé, Moïse avait permis d'élever à Dieu des
autels simples et sans degrés en tout lieu où le Sei-
gneur manifesterait son nom. Après l'adoration du
veau d'or et quand le tabernacle eut été érigé, pour
prévenir les rechutes dans l'idolâtrie, Moïse avait
ordonné aux Israélites d'offrir des sacrifices et d'im-
moler, même les animaux destinés à la boucherie,
auprès du sanctuaire unique du désert. Lev., xvn, 3-9.
Voir Chair des animaux, t. n, col. 491-498. Cette loi
n'a pu être pratiquée qu'au désert, à l'époque où Israël,
réuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle.
Elle n'a pu être imaginée au temps d'Esdras. alors qu'il
n 'y avait ni camp ni tabernacle. Sur le point d'introduire
Israël au pays de Chanaaa, le sage législateur abrogea
l'obligation d'immoler tous les animaux auprès de
l'arche, en maintenant pour l'avenir la loi du sanc-
tuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. Er. atten-
dant que Dieu eût fait choix de Jérusalem, il n'était
pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du
sanctuaire où reposait l'arche. Voir Hauts-lieux, t. m.
col. 453-4.54. Même après l'érection du Temple de Jéru-
salem, la loi de l'unité du sanctuaire n'était pas si ri-
goureuse qu'il ne fût permis d'ériger d'autres autels et
d'y offrir des sacrifices légitimes. Au Temple, se faisait
le service régulier, quotidien, prescrit par la loi mo-
saïque. Dans les circonstances extraordinaires, on pou-
vait dresser des autels; les prophètes et les rois les
plus pieux le faisaient sans scrupule et ne pensaient pas
manquer à une loi divine qui n'avait pas une significa-
tion si absolue et si restrictive qu'on le prétend. Voir
Autel, t. î, col. 1266-1268. Il n'est donc pas nécessaire
de soutenir avec M. Poels, Examen critique de l'his-
toire du sanctuaire de l'arche, Louvain, 1897, t. i
(seul paru), en dépit de la géographie, que le haut-lieu
de Gabaon est identique à Masphath, à Kiriath-.Iarim et
à Xob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjalh Jearim,
Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu du
culte dans la législation rituelle des Hébreux, clans le
Muséon, avril-octobre 1894, t. xm, p. 195-204, 299-320.
533-541; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois
codes un sanctuaire unique servant de demeure à
Jéhûvah et de centre exclusif du culte public et natio-
nal, et des autels multiples, consacrés au culte privé et
domestique pour l'immolation ordinaire du bétail,
accompagnée de rites religieux que tout Israélite pou-
vait accomplir. Le Deutéronome ordonnait de détruire
seulement les hauts-lieux avant servi au culte des idoles.
Sans doute, cette prescription ne fut pas observée fidè-
lement, Jud., n, 2, 3, et les hauts-lieux détruits furent
relevés, parce que les Israélites retombèrent fréquem-
ment dans l'idolâtrie. De même, le culte de Jéhovah
sur les hauts-lieux, quoique illicite après la construc-
tion du Temple de Jérusalem, continua, non seulement
dans le royaume schismatique d'Israël, mais même
dans celui de Juda. L'usage en était tellement invétéré
que les rois les plus pieux durent le tolérer. On y mêla
même parfois des pratiques idolàtriques au culte de
Jéhovah. Les prophètes s'élevèrent avec vigueur contre
ci mite mixte, et leur enseignement finit par faire
abolir tardivement tous les hauts-lieux, conservés
malgré la loi et au détriment de la pureté du culte.
Voir Hauts-lieux, t. iv, col. 455-457; Idolâtrie,
col. 810-813. L'histoire de la multiplicité des autels et
du sanctuaire unique de Dieu en Israël ne prouve donc
rien contre la législation mosaïque qui les concerne.
b) Les sacrifices. — Le livre de l'alliance exigeait
les prémices des fruits de la terre et les premiers-nés
des bestiaux, ainsi que le rachat du premier-né de
l'homme. Exod.,xxn, 28-29 (hébreu, xxm, 19). Il deman-
dait qu'aux jours de fête, quand il se présentait devant
Dieu. Israël ne vint pas les mains vides. Kxod.. xxm,
15. On ne devait mélanger rien de fermenté aux sacri-
fices ni rien conserver des victimes pour le lendemain.
Exod., xxm, 19. Les sacrifices paraissent donc être une
ollrande spontanée des biens de la terre au Seigneur
et leur cérémonial est réduit au minimum. Le Deuté-
ronome précise et développe les lois sur les premiers-
nés des animaux, xv, 19-23, les prémices, xxvi, 1-11
et les dîmes, xxvi, 12-15. L'offrande des prémices est
rattachée au souvenir de la sortie d'Égvpte et de la pris,
de possession du pays de Chanaaa, et elle présente
comme celle de la dime, le caractère d'une œuvre de
bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphe-
lins et les lévites. Le code sacerdotal enfin distingue
différentes espèces de sacrifices et décrit minutieuse-
ment tous leurs rites. A l'holocauste et au sacrifice
d'actions de grâces il joint la simple oblation et les sa-
crifices pour le péché et le délit. Il introduit encore
l'offrande de l'encens. L'idée du sacrifice est elle-même
changée : au lieu de l'offrande familiale, spontanément
faite à Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les
pauvres, il est une institution officielle et publique, un
service commandé, soumis à des rites minutieux. Or,
ce rituel détaillé du Lévitique n'apparaît nulle part
observé avant la captivité. On offrait assurément des
sacrifices, des holocaustes, mais librement et simple-
ment pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On
ne se préoccupait pas de savoir quelle victime devait
être immolée, quand, où, par qui et comment elle de-
vait être offerte. Bref, le code sacerdotal n'était pas
observé, par la raison bien simple qu'il n'existait pas
encore.
Les faits ne répondent pas à la théorie, et les livres
historiques ne sont pas muets, comme on le prétend,
sur l'offrande publique et solennelle des sacrifices. Ils
mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. m,
col. 732. S'ils ne parlent pas du sacrifice quotidien,
s'ils ne décrivent pas les rites, on n'est pas en droit
de conclure de leur silence que ce service ne se prati-
quait pas et que les rites n'étaient ni observés ni
appliqués. On peut légitimement supposer que le ser-
vice ordinaire se faisait régulièrement à Silo, et plus
tard à Jérusalem, auprès de l'arche. Il y avait là un
sacerdoce en permanence. Les historiens n'enregistrent
que les faits, supposant les rites connus de tous. D'ail-
leurs, si les prophètes les plus anciens, Anios et Osée,
protestent si énergiquement contre le formalisme
excessif des pratiques rituelles de leur temps et prê-
chent le culte en esprit et en vérité, c'est une preuve
péremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque
les prêtres et le peuple y attachaient plus d'importance
qu'aux dispositions intérieures. Si Dieu blâme les sa-
crifices réitérés à Béthel, c'est que leur ollrande n'em-
pêche pas l'impiété et la multiplication des péchés.
Amos, iv, 4, 5. S'il hait leurs fêtes, leurs holocaustes
et leurs vœux, Amos, v, 21, 22, c'est parce que les
Israélites sont coupables. La maison d'Israël ne lui a-
t-elle pas offert des victimes durant les quarante années
de son séjour au désert? Amos, v, 25, et pourtant elle
a été punie, parce qu'elle était infidèle. Ou mieux peut-
être faut-il lire ce verset difficile ainsi : « Avez-vous,
alors que vous m'offriez des sacrifices dans le désert
pendant quarante ans, porté aussi Sakkout et Kion? o
Le crime actuel des Israélites est plus grand que leur
rébellion au désert; elle sera punie, nonobstant les
sacrifices qu'ils offrent au Seigneur. Celle interpréta-
tion suffit à enlever la prétendue opposition qu'on
trouve entre cette parole du prophète et le code sacer-
dotal, qui mentionne l'offrande quotidienne des sacri-
l'ENTATEUQUE
103
lices au désert. A moins encore qu'Amos ne fasse
allusion à l'apostasie d'Israël à Cadès. Voir t. ry,
col 1-X)3-1204. De même, la parole de Jéremie, vil, -1-
"3 suivant laquelle Jéhovah, à la sortie d'Egypte,
n'aurait pas exigé d'holocaustes et de sacrifices, ne
prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le
prophète fait peut-être simplement allusion à la propo-
sition que Dieu fit aux Israélites en Egypte de les dé-
livrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas
encore la mention des sacrifices et qui fut d'abord re-
Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les
sacrifices, le prophète, par un contraste saisissant,
insiste sur l'obligation de la loi morale, et sur la fidé-
lité à cette loi, dont l'inobservation sera châtiée, malgré
l'observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur
;nix veux de Dieu.
L'holocauste et le sacrifice pacifique ont donc tou-
jours été en usage, quoique leurs rites ne soient pas
décrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour \e
péché n.i pas été imaginé par Ézéchiel, xi.v. 22-25.
Osée, iv, 8, el Michée, vi, 7, le nomment expressément,
puisi manger le haltàt signifie clairement manger
les victimes offertes pour le péché; il est aussi men-
tionné dans le Ps. xxxix ixi. . 7. L'idée en avait été
- [primée bien auparavant. I Sam., III, 14. Le sacrifice
pour le délit n'est pas toujours nettement distingué du
sacrifice pour le péché. U l'est formellement toutefois
dans le passage relatif aux revenus des prêtres sous le
règne de Joas. II (IV) Reg., xu, 16. Déjà, à l'époque
des Juges, les Philistins, punis pour s'être empares de
l'arche, renvoyèrent cette arche avec des 'âSâm pour
obtenir le pardon de leur faute. 1 Sam., VI, 3-15. Le
icrifice pour le délit est aussi nommé dans Isaïe,
i.m. -10. Les quatre espèces de sacrifices étaient donc
connues en Israël avant Ézéchiel, et si le code sacer-
dotal bs distingue pour la première fois, c'est qu'il a
été promulgué par Moïse au désert.
i Les /.'tes. — Le livre de l'alliance. Exod.. xxm.
U-17. ordonne la célébration de trois fêtes annuelles
la fête des azymes, qui dure sept jours et qui est déjà
rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte, mais sans
être encore la Pâque; la fête de la moisson et celle de
la récolte des fruits. Ces deux dernières ont un i arai
1ère nettement et exclusivement agricole, et on peut
penser que la première, qui a lieu au printemps, se
rapportait aussi à l'agriculture. La durée de celles-ci
n'est pas non plus fixée. Le Deutéronome, xvi, 1-17, ne
connaît encore que trois fêtes annuelles, qui doivent
célébrées au sanctuaire unique. La première réunit
l.i solennité de la Pàque à la fêle clos azymes- La célé-
bration delà seconde est fixée à sept Bemaines après la
première. La troisième est nommée i fête des taber-
nacles , el sa durée esl de septjonrs. Leur cai
est différent : ce sont des fêtes de joie, de reconnais-
sance el de charité fraternelle. Dans le code sacerdotal,
ces trois fêtes rentrent dans un cycle plus complet de
cinq solennités, dont les rites sont minutieusement dé-
crits. Lev., xxm, 4-44. Il ajoute la fête des trompettes
ri relie du grand-pardon, et il modifie le caractère des
fêtes de la Pentecôte el >les tabernacles, en 1rs ratta-
chant ' un souvenir historique. Toutes sont célébrées
au sanctuaire unique; leur date, leur durée el leurs
moniessont fixées dans les moindres détails, Enfin,
:, bration de ces fêtes n'est pas signalée dan- les
livres historiques les plus anciens. Une fête, solennisée
par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque année
., silo. Jud., xxi. 19. Les parents de Samuel allaient
chaque année honorer Dieu en ce sanctuaire, 1 Sam.,
1, 3, 7. -il ; n, 19. Jéroboam l« établit dans son royaume
au huitième mois une fête pareille à celle qui avail
lieu en Juda. 1 lllll Reg., XII, 32, 33. Les anciens pro-
phètes. Amos et Osée, parlent plusieurs fois de Etes
religieuses, mais sans les désigner par des noms par-
104
ticuliers. Après la découverte du Deutéronome, la Pâque
est célébrée pour la première fois conformément aux
rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxm, 21-23.
Pendant la captivité. Ézéchiel, xi.v, 18-25. ne connaît
encore que trois solennités, avec un sacrifice d expia-
tion au premier jour du premier et du septième mois.
Le code sacerdotal avec ses cinq fêtes est donc posté-
rieur à la captivité, concluent les critiques négatifs.
Les anciennes fêtes ne sont mentionnées dans le»
litres historiques que quand les circonstances en ont
fourni l'occasion, et l'on ne peut arguer de la rareté de
leur mention contre leur non-existence. Leur périodi-
cité régulière n'avait pas besoin d'être signalée par h s
historiens qui relatent seulement les circonstances ex-
traordinaires, comme celle de la Pàque sous le règne
de Josias. La coutume de monter à Jérusalem oll ru-
des sacrifices existait à l'époque du schisme des dix
tribus puisque Jéroboam 1" élève des autels a Dan et
à Béthel, pour empêcher ses sujets d'aller à Jérusalem,
I (III) Reg., xii. 26-31, et il établit au moins uni
pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commenta-
teurs ont pensé qu'après l'établissement des Hébreux
au pays de Chanaan, l'usage s'était introduit de ne
faire qu'un seul pèlerinage chaque année ausanctuaiM
du Seigneur. Voir t. u, col. 2219. Osée, XII, 9, fait allu-
sion à la fête des Tabernacles et à sa signification histo-
rique; Isaïe, xxix, 1; xxx, 29, parle du cycle des
Ézéchiel rappelle seulement les trois fêtes qui exigeaient
l'assemblée relisieuse de tout Israël au Temple. Voir
t i col 1129-1130. La fête de l'Expiation n'est pas men-
tionnée dans l'Ancien Testament en dehors du Penta-
teuqne.voir t. h, col. 2139. et sa célébration n'est relalce
par Josepheque sous Jean llyrcan ou Hérode. En faut-
il conclure qu'elle n'avait pas lieu auparavant, an
moins depuis le retour des Juifs en Palestine/ Le si-
lence des anciens écrivains ne prouve pas davantage sa
non-célébration.
cl) Les prêtres et les lévites. - Le code de 1 alliance.
promulgue avant l'institution du sacerdoce aaronique,
ne parle pas, objecte-t-on, de prêtres, et l'alliance dont il
contient les dispositions est conclue par des sacrifices,
immolés par de jeunes Israélites. Exod.. xxiv, o. Le
Deutéronome mentionne fréquemment les prêtres -
les lévites. Il établit leurs droits, XVIII, 1-8, mais il ne
reconnaît pas de distinction hiérarchique entre eux.
Il ignore le grand-prêtre. 11 distingue seulement, \. ..
le l'exile qui habite dans le pays du lévite attache au
service du sanctuaire unique. Le premier est ordinaire-
ment classé avec la veuve, l'orphelin, l'indigent et
l'étranger pour recevoir les largesses du pieux Israélite.
Les lévites, éloi nés du sanctuaire, n'avaient donc pas
encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sa-
Cl ni,,, eesl I institution -on, ,1e. hiérarchisée, dont les
droits et les fonctions sont déterminés très exactemenl
La hiérarchie comprend le grand-prêtre, fils aîné et
successeur d'Aaron, et le- lévites, membres de la tribu
de Lévi. Les prêtres sont richement dotés. Les lévites,
n'avanl pas eu de domaine distinct dans le parla
la Palestine, habitent des villes spéciales et sont entre-
tenus eux et leurs familles, par le prélèvement des
prémices el le paiement de la dlme. En tout cela, ce
code est manifestement en progrès sur le Deutéronome;
il lui est donc postérieur.
D'antre part, on prétend que l'histoire d Israël con-
tinue cette progression de la législation sacerdotale.
Dans les documents élohiste et jéhoviste, Aaron n ap-
paraît comme prêtre que dans l'épisode du veau d or,
Exod xxxii, 5, 6, et la tribu de Lévi, qui punit les
coupables, n'y a pas de droits spéciaux. A l'époque des
Ju»es il n'est fait mention d'aucun prêtre; il est ques-
tion de lévites dans deux épisodes, racontés en appen-
dice Jud., xvn-xxi. A Silo, il y a cependant une
famille sacerdotale, celle d'Héli, 1 Sam., I, U, mais
105
PENTATEUQUE
106
sans lien avec Aaron. L'arche renvoyée par les Philis-
tins est reçue par les lévites, I Sam., VI, 15; mais
Éléazar, fils d'Abinadab, est consacré pour la garder
dans la maison de son père. I Sam., vu, 1. Samuel,
fils d'un Éphraïmite, joue un rôle sacerdotal. Il offre
des sacrifices, aussi bien que les rois Saiil, David et
Salomon,sans prêtres. Absalom en offre aussi. II Sam.,
xv, 12. A la cour de David, il y avait des prêtres, Sadoc
et Abiatbar. II Sam., vin, 17; xx, 25. Les fils de David,
II Sam., vin, 18, et le Jaïrite, II Sam., xx, 26, men-
tionnés comme prêtres, ne faisaient pas partie du sacer-
doce, si la leçon massorétique kolivu n'était, comme on
l'a pensé, qu'une altération de sôkên, désignant un chef
ou un officier. Is., xxn, 15. Salomon destitua Abiathar.
I (III) Reg., il, 20. 27. A la dédicace du Temple, c'est
le roi qui sacrifie, bénit l'assemblée et prononce la
prière de la consécration; les prêtres et les lévites
portent simplement l'arche et les ustensiles sacrés. I
(III) Reg.. vin. 3, 4. Jéroboam I™ établit dans le
royaume d'Israël des prêtres pris parmi le peuple et
n'appartenant pas aux fils de Lévi. I (III) Reg.. xn. 31.
II y avait donc des prêtres et des lévites, mais pas
encore de grand-prêtre. Plus tard, Joïada, ordinaire-
ment qualifié « prêtre », II (IV) Reg., xi, 9, 15, 18;
xii, 2, 7, 9, est dit o grand-prêtre » une seule fois. II
(IV) Reg.. vn. 10. Sous Achaz, Urie est dit aussi sim-
plement prêtre. II (IV) Reg., xvi, 10-16. Sous Josias,
Helcias est appelé « grand-prêtre », II (IV) Reg., xxn,
i. 8; zxiii, 4, et « prêtre •> tout court. II (IV) Reg.,
xxn. 10. 12, 14. Saraia est nommé « premier prêtre ».
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., ni. 21. Auprès d'Helcias,
figurent des a prêtres en second », II (IV) Reg., xx m. i,
et à coté de Saraia, Sophonie, « prêtre en second. »
II (IV) Reg.. xxv. 18; .1er., lu. 24. Durant la captivité, le
prêtre Ézéchiel distingue les prêtres, fils de Sadoc, des
prêtres lévitiques; mais cette distinction est faite en vue
de l'avenir; c'est une innovation introduite pour des
raisons historiques. Les lévites seront des prêtres dé-
s de leurs fonctions anciennes en punition de
leur idolâtrie; ils seront réduits au rôle de serviteurs
des prêtres et de portiers du nouveau Temple. Ezech.,
xi. iv. 10-11. Les prêtres et les lévites, fils de Sadoc,
qui sont demeurés fidèles, continueront leurs fonctions
i i seront astreints à des règles de pureté déterminées.
Ils n'auront pas de propriété, vivront de l'autel, rece-
vront les prémices et habiteront des domaines tracés
au cordeau au milieu de la Terre Sainte. Ezeoli., xliv,
15-xi.v. 5. Le prophète ne connaît pas encore le grand-
prêtre. Le code sacerdotal avec sa hiérarchie à trois
degrés, avec sa distinction des prêtres et des lévites
dès l'origine. Num., m, 5-13, est postérieur à Ézéchiel.
Sa législation détaillée sur les fonctions et les revenus
des deux classes est en progrès sur le prophète orga-
nisateur Je l'avenir. Ses villes lévitiques remplacent
les domaines imaginés par Ézéchiel.
On a démontré ailleurs, voir t. IV, col. 200-203. qu'il
y eut en Israël dès l'origine du peuple une tribu de
Lévi. à qui Dieu lit attribuer les fonctions sacerdotales
un récompense de sa fidélité lors de l'adoration du veau
d'or. Exod., xxxn, 26-29. On a prouvé aussi, ibid.,
col. 203-205, que cette tribu comprit deux catégories de
ministres sacrés : les prêtres et les simples lévites. On
a raconté enfin, ibid., col. 208-211, l'histoire des des-
cendants de Lévi jusqu'à la lin de la captivité. Quant
au plan de restauration religieuse d'Ézéchiel, voir t. H,
col. 2155-2156, était-ce une réforme pratique ou seu-
lement une restauration purement idéale, irréalisable
et irréalisée? Si l'on admet la seconde alternative, qui
ne peut même être niée, il en résulte que le prophète
n'est pas l'auteur de la distinction entre prêtre- et
lévites. Loin de la créer, il la suppose existante; il lui
emprunte le cadre de ses institutions futures. S'il dé-
. grade les prêtres coupables d'idolâtrie, ce n'est pas en
créant une caste inférieure, exclusivement composée
d'eux; il les réduit au rang de simples lévites, de ces
lévites, dont le nom et les fonctions étaient connus et
déterminés par la tradition. Ézéchiel, xlviii, 11, dis-
tingue ces deux classes, et il avait mentionné aupara-
vant, xl, 45, des gardiens du temple, et des ministres
de l'autel, xl, 46. Les fils de Sadoc, à qui il réserve
les fonctions sacerdotales à cause de leur fidélité, étaient
eux-mêmes des fils de Lévi, xliii, 19; xliv, 15. Quand
il élabore son programme de restauration future, il en
emprunte le cadre aux institutions existantes, mais il y
introduit des matériaux de sa création. Il maintient
donc les deux grandes classes des ministres du culte;
mais divisant ceux-ci sous le rapport de leur fidélité à
Dieu, il n'admet au ministère de l'autel que les prêtres
demeurés fidèles, en les désignant comme fils de Sa-
doc, et il réduit au simple rang de serviteurs des
prêtres les anciens ministres infidèles. Le caractère
idéal de la réforme laissait au prophète la liberté d'ex-
clure les lévites et d'omettre le grand-prêtre, comme
la fête de la Pentecôte sans nuire à leur réalité histo-
rique. A. Van Hoonacker, Les prêtres el les lévites
le livre d'Ézéchiel, dans la Revue biblique, 1899, t. vin,
p. 180-1S9, 192-194. Voir t. n, col. 2155, 2156, 2161.
Quant au grand-prêtre, il est mentionné dans les livres
historiques, chaque fois qu'il est intervenu dans les
affaires publiques. Son institution remonte à Aaron et
n'est pas une création artificielle de l'auteur du code
sacerdotal. Voir t. m, col. 295-308.
Les redevances, versées aux prêtres et aux lévites,
ne sont pas non plus une invention récente. On pré-
tend bien que les prêtres n'avaient primitivement
aucun droit à recevoir une part de la victime des
sacrifices, ceux-ci étant des repas sacrés auxquels les
particuliers qui les offraient invitaient les prêtres du
sanctuaire où avait eu lieu l'immolation. Le Deutéro-
nome, xvm, 1-8, leur attribua des parts déterminées.
Le code qu'on appelle sacerdotal les augmenta notable-
ment et distingua ce qui revenait au grand-prêtre, aux
prêtres et aux lévites. Lev., vu. 28-3i: Num., v. 8-10;
xvm, 8-32. Quant aux villes lévitiques, Num., xxxv. I-
8; Jos., xxi, 1-40, l'idée en a été suggérée par Ézéchiel,
XLVIII, 10-14. En fait, les livres historiques mentionnent
en quelques circonstances les redevances dues aux
prêtres. Les fils d'IIéli n'étaient prévaricateurs qu'en
ce qu'ils n'observaient pas les prescriptions légales et
dé] assaient 11 ur droit en s'attribuant ce qui leur plai-
sait des victimes offertes. I Sam., n, 12-17. Et l'homme
de Dieu qui reproche à leur père sa faiblesse, règle
quels seront à l'avenir les revenus des prêtres de Silo.
Ibid., 36. Sous le règne de Joas, les revenus des prê-
tres se payaient en argent. II (IV) Reg., XII, 4-16. A la
réforme religieuse de Josias, les prêtres infidèles
furent privés des revenus du culte et ne gardèrent pour
vivre qu'une partie de leurs droits. II (IV) Reg., xxm,
9. Sur la dime, voir t. n, col. 1432-1435, et sur les
villes lévitiques, t. iv, col. 216-221.
e) Loi sur les bctes mortes. — Le livre de l'alliance
interdit absolument aux Israélites, qui forment un
peuple saint, de manger les bêtes mortes, et ordonne
de les abandonner aux chiens. Exod., xxn, 31. Le Deu-
téronome, xiv, 21, autorise à les donner ou à les ven-
dre aux étrangers. Le code sacerdotal ne voit plus dans
l'acte de manger une bête morte qu'une impureté lé-
gale, exigeant une simple ablution. Lev., xvn, 15-16.
Ces dispositions diverses ne s'excluent pas. La prohi-
bition, fondée sur la sainteté spéciale des Israélites,
demeure, nonobstant les remarques successives qui s'y
ajoutent. Quand, au désert, il n'y a pas d'étrangei au
milieu d'Israël, il faut laisser aux chiens toute bête
morte; lorsque Israël aura au milieu de lui ou à côté
de lui des étrangers, qui ne sont pas obligés à la sain-
teté spéciale des Israélites, on pourra leur donner ou
107
PENTATEUQUE
108
leur vendre, selon les cas, les bêles mortes. Enfin,
l'Israélite qui aura manqué à celte prescription n'aura
encouru qu'une impureté légale que l'ablution fera
disparaître. Les ordonnances différentes visent des cas
différents et ne constituent pas des codes successifs.
/') Loi sur les esclaves. — Selon le livre de l'alliance,
l'esclave hébreu ne peut être acheté que pour six
années; il est nécessairement libéré pour la septième:
et s'il veut se lier à perpétuité, une cérémonie spé-
ciale doit le constater. Exod., xxt, 2-6. Le Deutéro-
Dome, xv. 12-18, reproduit cette loi, mais l'explique,
en obligeant le maître à faire des présents à l'esclave
libéré et en spécilbnt que ces dispositions s'appliquent
à la femme esclave. La loi nouvelle du prétendu code
sacerdotal, Lev., xxv, 39-46, ne fixe qu'un cas particu-
lier. En déterminant les privilèges de l'année du ju-
bilé, elle règle que, cette année-là survenant, tout es-
clave hébreu est libéré, même si les six années de son
engagement ne sont pas révolus. Voir t. m, col. 1750-
Is.M. Jérémie, xxxiv,8-22, annonce seulement la puni-
tion encourue par la violation d'une loi de libération,
imposée après la délivrance de la servitude d'Egypte.
Voir t. il, col. 1921-1923.
i. Arguments philologiques invoqués e» faveur de
la diversité des documents. — Nous ne reviendrons
pas sur la diversité des noms divins, Élohim et Jého-
vah, qui a servi de point de départ à la distinction des
documents élohiste et jéhoviste. Elle a perdu beaucoup
de son imporlance première et elle n'est plus aujour-
d'hui pour les critiques qu'un des nombreux exemples
de la variété du vocabulaire des écrivains qui ont rédigé
les sources de l'Hexateuque. Voir d'ailleurs Élohim,
t. il, col. 1701-1703. et Jéiiovaii, t. m, col. 1230-1234.
Au sentiment des critiques, chaque document a ses
expressions propres, ses tournures spéciales et son
style distinctif. Voir E. Mangendt, L'authenticité
mosaïque du Pentateuque, Paris, P.I07, p, 56-58, 85-87,
111-11."). 144-147. .Mais il importe de remarquer par
quelle méthode on les a déterminés. On a choisi un
certain nombre de morceaux qui présentaient des dillé-
rences de langue plus marquées; on a étudié leurs
particularités le\ire",i\i|>liii|ues el grammaticales, et on
a discerné ainsi les termes soi-disant caractéristiques,
qui ont servi à reconnaître les autres morceaux appar-
tenant à la même source. Le procédé a paru quelque
peu arbitraire. On range dans une série tous les pas-
sages qui présentent les mêmes caractères linguistiques
et dans une autre ceux qui ont d'antres caractères. Les
deux séries -uni par suite différentes. Mais, on ne tient
pas compte d'un nombre plus considérable d'expres-
sions communes, employées partout. Quant à l'appré-
ciation des expressions dites caractéristiques, il faudrait
considérer la diversité des matières et du genre litté-
raire, l'n code législatif ne se rédige pas dans le
n - termes qu'un récit historique OU qu'un discours
parénétique. La Genèse et les parties narratives des
livres du milieu sont naturellement différentes de la
législation. Le législateur n'emploie pas les mêmes
mots qu'un historien ou un [indicateur. Ainsi, il n'est
pas étonnant que la législation mosaïque ait des termes
techniques, concernant les choses du culte, qui ne se
retrouvent pas ailleurs. On peul admettre toutes les
particularités de vocabulaire el -te style, remarquées
dans le Deutéronome, sans qu'elles prouvent que les
discours, qui composent ce livre, n'ont pas été rédigés
par Moïse lui-même. Le genre litti raire choisi et le ton
parénétique exigeaient ces différences. Cf. P. Martin,
Introduction' à la critique générale de l'A, '/'., Paris.
1886-1887 (lithog.), I. i. p. 576-604. Les critiques ont
renoncé' à démontrer la modernité du code sacerdotal
par sa langue propre; l'étude de cette langue apprend
commenl l'auteur écrivait, elle n'indique pas la date du
livre. Du reste, la diversité du style s'explique tout na-
turellement dans l'hypothèse que, pour composer le
Pentateuque, Moïse a employé différents secrétaires ou
scribes écrivant sous sa direction. Chacun d'eux avait
son style propre, et la diversité du langage n'est pas
surprenante dans une œuvre à laquelle plusieurs mains
ont collaboré. Pour la Genèse en parliculier, certaines
particularités de style et de lexique peuvent aussi pro-
venir des sources utilisées et reproduites sans retouches.
Enfin, le texte hébreu actuel ne représente pas absolu-
ment l'original; il a pu êlre remanié, et toutes les par-
ticularités linguistiques ne peuvent fournir un argu-
ment certain de la prétendue diversité des documents.
Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, l'.iol,
p. 138-144. Ainsi expliqué, l'argument philologique,
qui ne prouve rien à lui seul, perd toute sa force
probante en faveur de la distinction des sources du
Pentateuque.
L'authenticité mosaïque du Pentateuque a été soute-
nue par de nombreux critiques et défendue contre les
attaques des adversaires. Nous signalerons en terminant
les principaux ouvrages ou articles consacrés à cette
démonstration ou à la polémique avec les critiques
allemands : Hengstenberg, Die Bûcher Moses und
Aegypten, Berlin, 1841; W. Smith, The Book of Moses
or the Pentateuch in ils aulhorship, credibility and
civilisation, 2 in-8°, Londres. 1868; Ch. Schœbel, Dé-
monstration de l'authenticité du Deutéronome, Paris,
186S; Démonstration de l'authenticité mosaïque du
Lévitique el des Nombres, Paris, 1869; Démonstration
du l'authenticité mosaïque de l'Exode, Paris, 1871;
Démonstration de l'authenticité de la Genèse, Paris,
1873; Le Moïse historique et la rédaction moi
du Pentateuque, Paris. 1875 (ces travaux ont paru d'abord
en articles dan- les Annales de philosophie chréti
1867-1875) ; Knabenbauer, Dei Pentateuch und à
glâubige Bibelkritik, dans Stimmen ausMaria-Laach,
1873, t. iv ; Bredenkamp, (iesetz >md l 'ropheten, Erlan-
gen, 1881; C. Elliot, Vindication of the Mosaic au-
thorship oj the Pentateuch, Cincinnati, 1884; E. C I ; i s -
sel, The Pentateuch, ils origin and structure, New-Yorl .
1885; l'. Vigouroux, Manuel biblique, 12- édit., Paris,
1906, i. i, p. 397-478; Les Livres Saints el la crii
rali tliste, Paris. 1902, t. m. p. 1-220; t. iv. p. 239-
253; 105-415; Ubaldi, Introduclio in Sacram Scripltt-
ram, 2" édit., Rome, 1882, t. i. p. 152 509; R. Cornely,
Introduclio specialis in historicos Y. T. lil>ros, Paris,
1887, p. 19-160; .1. P.P. Martin. Introduction à la cri-
tique générale de l'A. T. De l'origine du Pentateuque,
3 in-4», Paris. 1886-1889 (lithog.); (i. Vos. .Vos,,,,
origin of the Pentateuchal rodes, Londres. 1886;
\\ . II. (iieon. Moses and the Prophets, New-York,
1883; The Uebrew Veasts, New-York, 1885; The Penta-
teuchal question, dans Vosniru, Chicago, 1880-18112,
t. v-xm; The higher Criticism of the Pentateuch,
New-York, 1895; The unity of the book of Ger,
New York, 1895; cardinal Meignan, Dei'Éden à Moïse,
Paris. 1895, p. 1-88; La a, or the Law of Moses
oud the higher criticism (Essais de Sayce, Rawlinson,
Trench, Lias, Wace, etc.), Londres, 1894; Baxter,
Sanctuary and sacrifice, Londres, 1890; Ed. Bohlj
/ m,! Gesete und zum Zeugnits, Vienne, 1883; A. Zahn,
Emste Blicke m den Wahn dermodernen Krilikdes
A. T.. Gûtersloh, 1893; Dat Deuteronomium, 1890;
Israelitische und jùdische Geschichte, 1895; Ed. ltup-
precht. Die Atuchauung der krit.Schule Wellhau
vom Pentateuch, Leipzig, 1893; Dos Râlhteldes Fûnf-
b uchesM ose und seine falsche Los un g, Gùtersloh, 1894;
Dos Ràlhsels LOsung oder Beitràge zur richtigen i ■
sung des Pentaleuchrâthsels, 3 vol., 1897; Die Kritih
nachihrem Rechl und Unrecht, 1897; abbé de Broglie,
Questions bibliques, édit. Piat, Paris. 1897, p. 89-lti'é,
J. B. l'elt. Histoire de l'A. T., 3 édit., Paris, 1901, 1. 1,
p. 291-326; J. Kiev. Die Penlateuchfrage. Ihre Ge-
109
PENTATEUQUE
110
schichle und ihre Système, Munster, 1903; J. Thomas,
The organic unity of the Pentateuch, Londres, 1904;
G. 11. Iiouse, The OUI Testament in New Testament
light. Londres, 1905; H. A. Redpath, Modem criticism
ami the book of Genesis, Londres. 1905; G. Hoberg,
Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau. 1905;
H. M. Wiener, Studies in biblical Law, Londres, 1904;
,1. Orr. Tlie problem of (lie Old Testament considered
vit h référence to récent criticism, Londres, 1900.
Cf. II. Hôpfl, Die hôhere Bibelkritik, Paderborn, 1902,
p. 1-96.
///. .YOZ'£ THÙOLOGIQVE DE if AUTHENTICITÉ MO-
SAÏQUE Tir PEyrATEUQUE. — L'authenticité mosaïque
du Pentateuque reposant principalement sur le témoi-
des écrivains inspirés, sur la parole de Jésus-
Christ et des Apôtres et sur la tradition catholique, il
y a lieu de se demander si, étant affirmée par l'Écriture
et la tradition ecclésiastique, elle rentre dans le do-
maine de la révélation divine, ou bien si, n'étant pas
formellement enseignée par Dieu aux hommes, elle
n'a pas été révélée et par suite peut librement être
discutée par les catholiques et abandonnée sans détri-
ment pour la foi qui ne sera pas en cause.
Depuis 1S87. un certain nombre d'exégètes et de
critiques catholiques, prêtres séculiers ou religieux,
avaient exprimé publiquement, avec la tolérance de
leurs supéi leurs et sans avoir été, avant 1900, blâmés
ou repris par l'autorité ecclésiastique, que la thèse
de l'authenticité mosaïque du Pentateuque ne s'impo-
sait pas à la foi des chrétiens et pouvait être librement
débattue ou contestée, parce qu'elle ne faisait pas partie
de la révélation divine. A leur sentiment, l'origine
mosaïque du Pentateuque n'est pas formellement
révélée dans l'Écriture ni enseignée par l'Eglise comme
certaine.
Les théologiens qui n'admettent pas ce sentiment ne
sont pas cependant d'accord entre eux. Pour les uns.
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, bien que n'étant
pas explicitement révélée, l'est implicitement et for-
mellement, exprimée qu'elle est dans la révélation en
termes équivalents, puisqu'elle se tire des formules ré-
vélées par simple explication et sans qu'il soit besoin de
recourir à une déduction proprement dite. La négation
de cette vérité serait donc une erreur, et la contradic-
toire serait erronea in pile. Méchineau, L'origine mo-
saïque du Pentateuque, p. 31. Pour les autres, l'authen-
ticité mosaïque du Pentateuque est seulement une
vérité certaine (theologice certa), parce qu'elle se
déduit nécessairement des textes bibliques et parce
que la tradition catholique appuie et confirme cette
conclusion. Elle n'est énoncée dans la révélation que
ellement; on l'en tire par déduction ou raisonne-
ment. Par suite, conformément à l'enseignement
commun des théologiens, elle ne s'imposerait pas à
l'adhésion comme de foi divine. Mais rattachée à la
révélation, enseignée par l'Église, dans son magistère
ordinaire, elle est certaine théologiquement, et sa
négation pourrait être dite erronée, ou au moins
téméraire ; elle ne serait pas hérétique, puisqu'elle
n'a pas été jusqu'ici condamnée expressément comme
telle >ar 1 Église. .1. Brucker, Authenticité des livres
de Moïse, dans les Études, mars 1888, p. 327. Cf. ibid.,
janvier IS97, p. 122-123: E. .Mangenot, L'authenticité
mosaïque du Pentateuque, p. 207-310.
IV. Texte. — Le texte original de Moïse ne nous est
pas parvenu dans toute sa pureté première, il a subi des
retouches de diverse nature. Voir plus haut. col. 63.
La seule comparaison du texte massorétique avec le
Pentateuque samaritain et la version des Septante suf-
firait à le démontrer. On sait que ces trois recensions
présentent entre elles des différences nombreuses. Les
plus saillantes concernent les chiffres de l'âge des pa-
triarches antédiluviens, Gen., v, 1-31, et postdiluviens,
Gen.j xi, 10-26; elles ont donné lieu à trois chronolo-
gies différentes de l'histoire primitive, sans qu'il soit
possible de déterminer laquelle des trois se rapproche
le plus de l'original. Voir Chronologie, t. n, col. 721-
724. Mais les nombres ne sont pas seuls divergents dans
ces trois recensions. Le Pentateuque samaritain con-
tient, en outre, des additions et des modifications, dont
les trois plus célèbres substituent Garizirn à Hébal.
Exod., xx, 17; v, 21: xxvn, 4. 5. Voir t. m, col. 461;
t. iv, col. 127ii, 1274. Or, on ne peut décider si ce sont
des interpolations faites par les Samaritains dans l'in-
tention d'autoriser le culte célébré à leur temple de
Garizirn, ou si les Juifs auraient changé Garizim en
Hébal, Dent., xi, 29, dans un but polémique. B. Kenni-
eott, The State of the printed hebrevi Text of the
t)ld Testament considered, 1753-1759, t. i, p. 21-117, a
donné la préférence au texte samaritain; mais Gesenius,
De Penlateuchi samaritani origine, indole, auclorï-
tate, Halle, 1815, le croyait plus altéré que le texte hé-
breu et rejetait en bloc toutes ses leçons propres.
Cependant le Pentateuque samaritain a probablement
quelques bonnes leçons. Il a, du reste, des rapports
étroits avec le texte grec des Septante et tous deux
représentent certainement un texte hébreu ancien et
différent du texte massorétique; ce qui s'expliquerait
>i le texte samaritain ne remontait guère plus haut
que l'époque d'Alexandre le Grand, quand les Samari-
tains, ayant rompu définitivement avec les Juifs, orga-
nisèrent leur culte sur le mont Garizim. Voir Garizim,
t. m, col. 111-112. Cf. L. Gautier, Introduction, t. H,
p. 556-557. De son côté, la version des Septante, com-
parativement au texte massorétique, présente des addi-
tions, des omissions, des transpositions, des lectures
différentes, qui ne sont pas toutes le fait des traducteurs,
mais qui proviennent souvent de l'état antérieur du
texte hébreu. Voir Swete, An Introduction to the Old
Testament in Greek, Cambridge, 1900. p. 234-236, 243,
142, 'i 46. Enfin, le texte massorétique, quoique tradi-
tionnel dans sa vocalisation, ne représente pas absolu-
ment l'original; il a reproduit, du reste, dans les keri
un certain nombre de variantes antérieures, voir t. IV,
col. 856, 858, et il conserve dans sa teneur actuelle des
indices d'altération, par exemple, Deut., x,6, voir Mu-
sera, ibid., col. 1318; Exod., xi. 3. et des transpositions,
comme Exod.. xxx, 1-10, qui devrait être plutôt après
Exod., xxvi, 35. De cet état des trois recensions, il faut
conclure que le texte du Pentateuque a subi, au cours
séculaire de sa transmission, des retouches et des altéra-
tions. Or, celles-ci ne semblent pas être exclusivement
l'œuvre des copistes, mais parfois de reviseurs. Nous
n'avons donc plus le texte du Pentateuque dans sa pureté
complète; il nous est parvenu remanié, retouché dans
des détails qui, sans atteindre à la substance du fond,
permettent aux critiques modernes de reconnaître dans
le texte actuel des gloses et des modifications. P. Mar-
tin, Introduction à la critique générale de l'A. T.,
Paris, 1886-1887 (lithog.), t. i, p. 17-129; J. Brucker,
Authenticité des livres de Moïse, dans les Etudes,
1888, t. xlix, p. 332-33S.
V. Style. — Le style du Pentateuque. nous l'avons
déjà remarqué, n'est pas uniforme, et il n'y a en cela
rien de surprenant si. comme il est légitime de le sup-
poser, Moïse a reproduit des documents antérieurs et
a pu confier à des secrétaires la rédaction d'une partie
de son œuvre.
On peut distinguer dans ce livre, sous le rapport du
style, trois sortes de passages. Il y a d'abord des
tableaux statistiques et des recueils de lois, qui n'exigent
que de l'exactitude et de la précision. On ne reprochera
pas à l'écrivain la sécheresse des généalogies, de la
table ethnographique, de la liste des stations du désert,
et autres morceaux analogues. Pareillement, les lois
étaient formulées en termes juridiques, clairs, précis,
111
PENTATEUQUE
112
et codifiées dans des cadres ressemblants, sinon iden-
tiques. Le législateur n'a d'autre souci que la précision
et la clarté.
Le narrateur est ordinairement simple et naturel.
mais il a aussi les qualités du conteur oriental. Les
récits sont vivants et saisissants. 11 excelle à peindre
le caractère des personnages; il exprime leurs senti-
i ■ i • nts intimes, multiplie les dialogues. Il aime la
mise en scène, et il décrit les événements en quelques
traits bien frappés. Son histoire est le plus souvent
anecdotique. Elle renferme de fort belles pages. Sans
parler du récit delà création, qui a une forme spéciale,
on a admiré de tout temps l'achat du champ d'Héraor
par Abraham comme une scène pittoresque des mœurs
patriarcales, l'histoire si émouvante de Joseph et en
particulier sa reconnaissance par ses frères, la narra-
tion dramatisée des plaies d'Egypte et de la délivrance
des Israélites,
Le Deutéronome appartient à un genre littérairi
spécial. C'est un corps de lois, exposé et expliqué
dans une série de discours. Si la législation a sa forme
particulière, les exhortations dans lesquelles elle est
encadrée ont leur style propre. L'orateur ne se borne
pas à rapporter les prescriptions législatives; il veut
surtout porter ses auditeurs à les pratiquer. Il les
justifie donc et y joint souvent les motifs de les obser-
ver. C'est un prédicateur et un homéliste. Il expose
longuement son sujet, en phrases pleines et riches,
en périodes bien remplies. Il aime à revenir sur les
recommandations qu'il répète, elles mêmes manières
de dire se pressent constamment sur ses lèvres. Les
formules spécial.-, très caractéristiques, qui font partie
de ce que les critiques nomment le style deutérono-
miste, reparaissent continuellement, et constituentdes
sortes de refrains. Ses longues périodes ne s'ach. venl
pas toujours, et on a signalé des anacoluthes, vi. 10-12;
VIII, 11-17; IX, 9-11; xi, '2-7; XXIV, l-i. .Moïse ici a le
ton du prédicateur. Ses qualités dominantes sont l'onc-
tion et la persuasion. Quoiqu'il ne manque pas d'éni r-
-i il n'a pas la véhémence des prophètes. Il s'exprime
avec clarté pour être compris du peuple auquel il
s'adresse. Il s'insinue doucement d.ms l'esprit de ses
auditeurs, el il ne se lasse pas d'insister sur l'observa-
tion fidèle de la loi divine. L'abondance de son
exhortation tourne parfois en longueurs. Il remonte
en arrière et répète ce qu'il vient de dire.
VI. Prophéties messianiques. — Le Pentateuque
contient les plus anciennes prophéties messianiques.
— 1" Le protévangile. — La première a été promulguée
au paradis terrestre pai Dieu lui-même à Adam et à
après leur péché. Elle est renfermée dans la mys-
térieuse sentence, prononcée contre le serpent séduc-
eur : o J'établirai une inimitié entre toi et la femme,
entre ta descendance el sa descendance; celle-ci te bri-
sera la tète et tu lui briseras le talon. Gen., m, 15.
Ces paroles ne s'adressent pas au serpent et elles ne
ignifienl pas l'aversion naturelle, instinctive, des
hommes pour les serpents. Le serpent avait servi
d'instrument à un être intelligent et méchant, à un
esprit marnais qui l'avait fait parler avec perfidie el
perversité-. Les .luifs ont reconnu en lui le démon ten-
tateur de la femme. Sap., u. 24; Apoc, \n. 9; \\, 2;
lleb.. u, 14. Voir i. u. col. 1368, 2119 \ussi la sen-
tence divine s'i ti ad ' Me plus loin que 1" serpent visible
el atteint-elle directemi ni l'espril tentateur, Un jour,
Dieu étal. lira entre lui .i la femme une inimitié mo-
rale, telle qu'elle peul exister entre deux êtres raison-
nables ennemis l'un de l'autre, Num., xxxv. 21, 22,
entre Dieu etl'hommi I \w. 15; xxxv, 5. Cette
inimitié, qui diffère de l'horreur naturelle que les
hommes éprouvent pour les serpents, régnera entre le
démon et la femme, non pas le sexe féminin en géné-
ral, quoique l'expression hébraïque, --'s-, avec l'ar-
ticle, puisse avoir ce sens, mais une femme déterminée,
et d'après tout le récit biblique, dans lequel le mot
femme précédé de l'article désigne constamment Eve,
la femme séduite par le serpent, plutôt qu'une femme
future, présente seulement à la pensée divine, une
femme unique en son genre et très excellente, la mère
du Messie. La même inimitié. Dieu l'établira aussi
entre la descendance du serpent et la descendance de
la femme. Puisqu'il s'agit d'une inimitié morale, on
d.jit exclure la postérité du serpent. Appliquée au
démon, l'expression « descendance » est nécessaire-
ment métaphorique. Elle désigne ou les esprits mau-
vais, donl Satan est le chef, ou les hommes pervers,
qui se sont mis sous l'empire du démon. Mat th., xxm,
33; Joa., VIII, 44. Si telle est la descendance du ser-
pent séducteur, la rigueur du parallélisme semble
exiger que la i descendance » de la femme ait aussi un
sens collectif et désigne la postérité de la femme, qui
sera en haine et en lutte avec la lignée du serpent, le
genre humain, qui sera un jour victorieux du démon.
Mais plusieurs exégètes, s'appuyant sur l'autorité des
Pères qui ont reconnu dans la femme, figurée par I ve,
la mère du Messie. S. Justin, Dial. cum Tryph., 100,
I. vi. col. 709-712; s. Irénée, '.'..»/. fta?i\, 111. xxm.
7; V. xix. 1; c. xxi. 1. t. vu. col. 964, 1175-1176.
1179; S. Cyprien, Testim. adv. Judseos, 11. îx, t. iv.
col. 704; S. Épiphane. Hœr., lxxvii, 18, 19, t. Xl.ll,
col. 729; S. Léon le Grand. Serai., xxil, t. i.iv,
col. 729; pseudo-Jérôme, Epist. vi, a.' amicum segro-
Inm de viro perfecto, t. xxx, col. 8-2-83: S. Isidore
i Péluse, Epist., 1. I, epist. ccccxxvi, t. i.xxvni,
col. il7; s. Fulbert d ai -. Set m. 1 1 . de nat.
II. V.. t. cxi.i. col. 320-321; S. Bernard, Hom., H,
super Missus est, i. t. ci.xxxiit. col. 63, l'entendent
d'un « rejeton » unique, le Messie. Ils observent que,
lorsque ïTt présente un sens collectif, le pronom qui
s'j rapporte se met régulièrement au pluriel, lien., xv,
m 8, 9, etc. On ne signale que trois exceptions
i cette règle. Gen., xvi, 10; xvu, 17; xxiv, 60. Or ici le
pronom est au singulier. Le nom si-nilie donc un re-
jeton en particulier, sens qu'il a Gen., IV, 25 : Il
mi. 12. 13; I Par., xvu, 11. 12.
Le résultat final de cette inimitié sera une lutte,
diversement décrite dans la Vulgate et le texte hébreu.
Tandis que la Vulgate. après les Septante, attribue la
\ei, .ire sur le démon à la femme : Ipsa conXeret caput
luum, le texte original la rapporte à sa descendance
postérité ou rejeton). La leçon latine est fautive et on
I explique souvent par une erreur de copie. Tous les
manuscrits hébreux sauf trois, les anciennes versions,
tous les l'eus grecs et la plupart des latins ont le mas-
culin ipse. le premier verbe hébreu est d'ailleurs à la
troisième lier-. une' ou masculin, et le pronom -nflixo du
second verbe est aussi masculin. Le pronom sin se rap-
porte donc à •,— t et non à ton. En outre, dans le texte
lui. l'eu, la lutte est exprimé.' par le même verbe, ré-
pété dans les deux membres de phrase. La signi-
fication de ce verbe --_• a ité discutée. Il ne se rencontre
qu'ici et Job, ix. 7; Ps. cxxxix, 11. On le traduit ou
Lien ■ briser, écraser s, ou bien ■ dresser des embûches,
observer, épier, Chercher à atteindre ». Les Septante.
les Pères grecs qui ont cité leur version et Onkelos ont
adopté la seconde interprétation, géni ralement ae.
l o les critiques modernes. Quoique saint Jérôme, Li-
ber quiest. hebr. in Genesim, t. xxn. col. 913, pi
la signification : conterere, il a traduit le second verbe
par insidiaberis. Suivant cette interprétation, les com-
battants s'observent, s'épient et s'apprêtent a s attaqu r
conformément à leur nature. La race de la femme cherche
à écraser la tête du serpent, car c'est lui, et non sa des-
cendance, qui est attaqué', el le serpent, qui rampe sur
la terre, vise le talon de l'homme et cherche à le mordre.
113
PENTATEUQUE
114
Suivant la première interprétation, la descendance de la
femme brisera donc la tète du serpent et celui-ci lui
mordra le talon. L'expression est évidemment métapho-
rique. Dans l'Écriture, briser la tête de quelqu'un
signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre inca-
pable de nuire, le vaincre. Amos, il, 7; Ps. lxvii, 22;
ci.x, 6. La postérité de la femme brisera donc la puis-
sance de Satan et détruira son empire tyrannique. La
métaphore est continuée dans la suite du verset. Le
serpent, écrasé par le pied de son adversaire, se re-
tournera contre lui et l'attaquera au seul endroit
qu'il puisse atteindre encore, au talon qu'il cherchera
à atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites
de la lutte, il y a toute la différence d'un talon blessé et
d'une tète broyée. Les commentateurs catholiques, qui
reconnaissent dans la descendance de la femme un re-
jeton spécial, qui est le Messie, voient dans l'écrasement
de la tète du serpent la victoire définitive remportée par
le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa mort sur la
croix, a véritablement brisé la tète du serpent infernal.
Joa., xn, 31 ; Col., Il, 15; I Joa., m, 8, et dans la mor-
sure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix,
œuvre des suppùts de Satan, mais cette morsure,
quoique mortelle, est suivie de la résurrection du vain-
queurdu démon. Cal met, Commentairelittéralsurla Ge-
nèse, S" édit., Paris, 1721. t. la, p. 39-40; Patrizi, Bibli-
carum quseslionum decas, Rome, 1877. p. 47-53; Id.. De
n--. hoc est de immaeulata Maria Virgine a Deo prsc-
dicta, Rome, 1S53; C. Passaglia, De immaeulata Dei-
parœ conceptu, Rome, 1853, t. n, p. 812-954; Mo' Gilly,
d'introduction, .N'imes, 1867, t. H, p. 345-356;
Msr Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. i,
p. 235-236; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12° édit.,
Paris, 1906, t. i, p. 567-571; Fillion, La sainte Bible,
Paris, 1888. t. i, p. 32; E. Mangenot, Les prophéties
ianiques. Le protévangile, dans Le prêtre, Arras,
1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protévangile
est messianique au sens littéral. Pour d'autres, il ne
l'est qu'au sens spirituel; la prophétie vise directe-
ment Eve et sa descendance, qui sont des figures du
Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Les targums
d'Onkelos et de Jérusalem avaient compris le sens mes-
sianique général de cette prophétie. Clément d'Alexan-
drie, Cohort. ad génies, i, t. vin, col. 64, y avait vu
seulement l'annonce prophétique du salut. Saint Chry-
sostome, Hom., xvn. in Gen.. n. 7, t. lui, col. 143;
saint Augustin, De Genesi contra manichœbs, 1. II.
c. xviii, i. xxxiv, col. 210; saint Jérôme, Liber quœst.
hebr. in lien., t. xxin, col. 943; saint Éphrem, Opéra
syriaea, Rome, 1732, t. I, p. 135; saint Grégoire le
Grand, Moral, in Job, I. I, c. xxxvi, n. 53, t. lxxv,
col. 552, l'ont entendue de la lutte des hommes avec le
serpent infernal et de leur triomphe par leurs bonnes
œuvres sur les perverses suggestions de Satan. Cor-
neille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732,
p. 66-67; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin,
1829, l. i, p. 26-46; Reinke, Beitràge :ur Erklârung
I 7'., Giessen, 1857, t. n, p. 272 sq.; Corluy,
Spicilegiuni dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i,
p. 847-372; card. Meignan, De VÉde>i à Moïse, Paris,
1811.-, ,,. 1 0." - 1 '. 1-2 ; Crelier. La Genèse, Paris, 1889,
\> 5 4-56; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim,
Paris, 1895, p. 159-167, ont vu dans Eve et sa postérité
les ligures du Messie et de sa mère. Que la signification
messianique du protévangile soit littérale ou spirituelle
seulement, le trait initial qui commence à donner la
physionomie du Messie, c'est qu'il sera un fils d'Eve, un
descendant de la femme coupable, un membre de cette
humanité qu'il arrachera à l'empire du démon.
2° La bénédiction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Après
avoir maudit Chain, son fils irrespectueux, dans la
personne de Chanaan, voir t. n,col. 513-514, 532, Noé
bénit Sem et Japheth, ses lils respectueux. La béné-
diction de Sem est exprimée sous forme optative :
« Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem ! Que Chanaan
soit son esclave! » Jéhovah, le Dieu de la révélation,
de la grâce et du salut, est appelé l'Élohim de Sem.
C'est la première fois que, dans l'Écriture, Jého-
vah est dit l'Élohim d'un homme. Plus tard, il se
nommera lui-même l'Élohim d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob. Gen.. xxvm, 13; Exod., m, 6. Cette dénomination
exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces
patriarches : il est le Dieu de leur famille; il a con-
tracté alliance perpétuelle avec eux et il leur réserve à
eux et à leur postérité des bénédictions spéciales. Or,
ces bénédictions ne sont qu'une conséquence de celle
de Sem. Le fait .que Jéhovah est dit l'Élohim de Sem,
signifie donc que ce fils de Noé aura comme apanage
d'avoir avec Dieu des relations spéciales et de conserver
la vraie religion. De sa race viendra le salut et le ré-
dempteur promis à l'humanité pécheresse.
3° Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac
et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu à Abraham
et renouvelées par lui à Isaac et à Jacob, avaient une
portée messianique. — 1. Promesse d'une nombreuse
postérité. — Après avoir ordonné à Abraham d'émigrer
au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire
sortir de lui un grand peuple. Gen., XII, 2. Les réitéra-
tions de cette promesse divine en ont précisé le sens,
puisque la postérité d'Abraham devait être aussi nom-
breuse que la poussière de la terre, Gen., XIII, 16, et
les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d'Abram
est-il changé par Dieu en celui d'Abraham, « père de
la multitude. » Dieu rendra le patriarche chef de nations
et fera sortir des rois de lui.. Gen., xvn, 4-6. Cette nom-
breuse postérité lui viendra non d'Ismaèl, mais d'Isaac,
fils de Sara. Gen., xvn, 16; xvm, 10-15; xxn, 17. Cf. Heb.,
xi, 12. Cette promesse est réitérée presque dans les
mêmes termes à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob, Gen.,
xxvm, 14, et elle a été réalisée par la nombreuse lignée
d'Isaac. Mais plusieurs Pères ont pensé que la promesse
divine n'avait pas son accomplissement parfait, si l'on ne
considérait pas dans la postérité d'Abraham, sou rejeton
le plus illustre, Jésus-Christ, Mat th., i, 1, et les lils qu'il
lui a engendrés par la foi. Rom., iv, 16, 17. Cf. S. Iré-
née, Conl. hier., IV, vu, 1, 2. t. vu, col. 991-992;
S. Ambroise, De Abraham, I, m, 20-21, t. xiv,
col. 428; S. Cyrille d'Alexandrie, Glapit, in Gen.,
III, 2, t. lxix, col. 113; Raban Maur, Comment, in
Gen.. n, 12, 17, t. cvn, col. 533, 541; Rupert, De Tri-
nitale et operibus ejus, xv, 10, 18, t. cxlvii, col. 375,
383. — 2. Promesse d'être une source de bénédictions.
— Elle est exprimée dans le texte hébreu en ces
termes : « Sois bénédiction. » Gen., XII, 2. L'impératif
a le sens du futur. Elle est expliquée par le verset sui-
vant : « Je bénirai ceux qui te béniront; je maudirai
ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre
seront bénies en toi. » Elle s'est réalisée du vivant même
d'Abraham : Lot, Gen., xtv, 16, Ismaël, Gen., xvn, 20,
sont bénis à cause de lui; Pharaon, Gen., xn, 17, et
Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés par Dieu à
son occasion. Elle devait enfin être universelle. On a
voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus ebananéennes
et aux populations voisines, qui étaient en relations
avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et
la réitération de cette promesse n'a fait qu'accentuer sa
portée universelle. D'autre part, elle ne se réduisait pas
à des bénédictions temporelles. Le verbe bdraq est em-
ployé ici à la forme niphal ou passive. Plusieurs
commentateurs, après saint Cbrysostome, In Gen.,
hom. xxxi, n. 4, t. lui, col. 288, l'entendent comme
s'il était à la forme hithpahel ou réfléchie, nnployée
Gen., xxn, 18; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre
désireront pour elles ton sort heureux. » Les Septante,
les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères
grecs et latins maintiennent le sens passif, cité par-
115
PENTATEUOUE
1IG
saint Pierre, Act., m, 25, et par saint Paul. Gai., m, 8.
La préposition :, unie à la forme passive, désigne l'au-
teur ou l'instrument et signifie ici en toi ou par toi, de
sorte que la bénédiction divine, qui se répandra sur
les familles de la terre sera en la personne d'Abraham
ou viendra par son intermédiaire. Paint Paul a expli-
qué le sens de cette promesse. Gai., m, 7 9. Abraham
ayant été justifié par la l"i, Gen., xv, G; Rom., IV, 3;
.lac, h, 23, tous les croyants sont ses fils. Rom., rv, 1 1,
12. Or l'auteur de l'Écriture, décidant de justifier les
gentils par la foi, a annoncé d'avance à Abraham que
toutes les nations seront bénies en lui, si elles ont la
foi et bien qu'elles ne pratiquent pas la loi mosaïque.
11 en résulte donc que tous les gentils, qui sont fils
d'Abraham parce qu'ils partagent sa foi, auront part à
sa bénédiction. Cf. .1. Boehmer, Das biblische « 1m
Namen », Giessen, 1898, p. 50. Le P. Cornely, Com-
ment. in Epist. ad L'or, alteram et ad Gai., Paris,
1892, p. i80, l'étend à tout le salut messianique. Or,
cette bénédiction les gentils la recevront par Abraham
el le Christ son rejeton.
i- La bénédiction de Jacob mourant à Juda. Gen.,
Xl.ix, 8-10. — Elle est certainement dans la bouche de
Jacob une prophétie en même temps qu'un testament.
Juda obtient la prééminence, refusée à Ruben. à Si-
méon el à Lévi, ses frères aines, à cause de leurs
fautes. Voir t. m, col. 1073; t. iv, col. 201. Le premier
en Israël, il aura gloire, force et souveraineté. 11 don-
nera des rois à son peuple à partir de David. « Le
sceptre ne sortira pas de Juda, ni le bâton de com-
mandement d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne
o celui auquel il appartient », à qui est (due) l'obéissance
1,1 peuples! • v. 10. La première partie du verset est
claire. Il s'agit du bâton de commandement et du bâton
de justice, qui sonl les symboles de l'autorité civile el
judiciaire de la tribu de Juda. Les Égyptiens et les Assy-
riens avaient de ces long bâtons entre les pieds. Voir
t. i, col. 1510-1512. Seule, la seconde partie du verset
est obscure, au moins dans le I. .1, massorétiqne. La
leçon ri-'-;-. Silo, n'a aucune signification pour la
lnl'" de Juda, qui ne s'est jamais établie en ce lieu.
Voir Sun. Ce n'est que par pure conjecture qu'on a
substitué à ce nom celui de Salem, qu'aucun texte n'a
conservé'. D'ailleurs, la liaison locale avec le premier
membre de la phrase n'a pas de sens; on ne compren-
drait guère que le sceptre que Juda tient entre ses
pieds n'en m, rie pas jusqu'à ce qu'il soit arrivé en un
heu, puisqu'il est an repos et pas en marche. Cette
leçon, entendue dans le sens de « paix o, ne se justifie
guère au point de vue philologique et elle ne s'harmo-
"'•'' pas avec le conteste, car Juda, déjà au repos après
le pillage, v. 9, ne peut pas perdre le sceptre, en - éta-
blissant pacifiquement sur son territoire, Il ne reste-
rait, si l'on maintient ta leçon --■--, qu'à en faire un
nom symbolique du Messie, signifiant i le pacifique »,
Mais la leçon --\r. appuyée par lOUS les anciens, sauf
par saint Jérôme, parait préférable. On la traduit, en
sous-entendanl s-- : » celui à qui le sceptre appartient.
Ézéchiel, xxi, 32 (Vulgate, 27), a une formule analogue,
quoique plus explicite. Le sens esl ainsi 1res clair :
Juda conserve le sceptre jusqu'à ce que vienne celui à
qui il esl destiné el à qui les peuples rendront obéis-
sance. Celui-là est vraisemblablement un rejeton de
Juda, qui prendra le sceptre, conservé longtemps dans
sa tribu, et qui régnera sur les peuples. Cette pro-
phétie a été réalisée par l'empire universel de Jésus-
Christ; le Messie, sorti île .Inila. a M'aiment conquis
l'obéissance de tous les peuples. Voir t. m, col. 1770-
•1771. Cf. Reinke, Die Weissagung Jacobs, Munster,
1849; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 .'dit.. Pans.
1906, t. i, p. 733-739; Patrizi, Biblicarum qusestionum
deçà . p. 69-1 18; A. Lémann, Le sceptre de la tribu de
Juda, Lyon, 1S80; Corluy, Spicilegium dogmatico-
biblicum, t. i, p. 456-474; La m y, dans le Dictionnaire
apologétique de la foi catholique de Jaugey, col. 1624-
1649; card. Meignan, De l'Éden à Moïse, p. 135-464;
Lagrange, La prophétie de Jaeob, dans la Revue bi-
blique, 1898, I. vu, p. 530-531, 510; F. de Hummelauer,
Comment, in Gen., p. 592-597.
5» La prophétie de Balaam. — Voir tl i, col. 1392-
1397. Cf. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 118-
160; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. I, p. 775-779;
card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1890. p. 194-
282.
6° Le prophète annoncé par Moïse. Iteut., XVIII, 15-
19. — Moïse, parvenu au terme de sa vie, rappelle aux
Israélites la promesse que Dieu lui avait faite de sus-
citer du milieu d'eux un prophète semblable à lui. Ce
prophète ne peut être Job, comme l'ont prétendu
quelques rabbins, ciJosué qui était peut-être déjà institué
comme successeur de Moïse, Num., xxvil, 18-23, pour
conduire Israël, mais pas pour continuer sa mission
prophétique. Les commentateurs catholiques se sont
partagés en deux camps dans l'interprétation de cet
oracle messianique. Le plus grand nombre s'appuyant
sur la tradition juive qui, au temps de Jésus, recon-
naissait dans ce prophète le Messie lui-même, Joa., I,
21; vi. M ; vu. 40, devant annoncer aux hommes toutes
choses, Joa., iv, 25; cf. Dent., xvm, 18, prédit par
Moïse, Joa., I, 45, v. i5, 16; sur l'interprétation de
saint Pierre, Act., m. 22, 23, de saint Etienne, Act., vn,
37, et de la plupart des Pères, l'ont entendu du Me
m il et de sa mission prophétique. Patrizi, Biblica
qusestionum decas, p. 161-175; F. Vigouroux, Manuel
biblique, t. i, p. 779; Corluy, Spicilegium dogmatico-
biblicum, i. i, p. 147-455. Mais, à partir de Nicolas de
Lyre, un autre courant s'est produit, qui voit dans ce!
oracle l'annonce prophétique de toute la série des pro-
phètes d'Israël, y compris le Messie, le dernier des
prophètes et l'objet principal des oracles messianiques
île ses devanciers. Moïse, en ellet, quand il prononça
cet oracle, voulait montrer aux Juifs qu'ils ne devaient
pas consulter les devins, puisque Dieu leur avait promis
une suite continue de véritables prophètes, qui leur
feront connaître les volontés divines cl leur annonce-
ront toutes choses. Si les contemporains de Jésus et
ses Apôtres appliquent cet oracle au Messie seul, c'est
que la série des prophètes antérieurs, qui l'avaient
préparé, était close; c'est que le Messie était vraiment
le dernier des prophètes, dont on attendait alor I
venue prochaine. Ael.. III, 22-26. Corneille de la Pierre,
Comment, in lient., Lyon, 1732, p. 764; Calmet, Coni
mentaire attend, t. i b, p. 197-498; card. Meignan,
Ile MoïSC à David, p. 292-31.'!; F. de Hun
Comment, ni Deui Paris. 1901, p. 371-377. Dans les
deux interprétations, le sens est identique : le Messie
sera »\\ prophète israélite, pareil à Moïse, qui annon-
cera aux hommes toutes les volontés divine .
VII. Commentaires. — Ils sont très nombreux; nous
n'indiquerons que les principaux. — I De V époque
patristique. — 1. Pères grecs et syriens. — S. llippo-
lyte, Fragmenta in Hexaemeron (Gen., Num.), t. x,
col. 583-606; dans DieGriechi chen christlichen Schrif-
testeller, Leipzig, 1897, t. i. p. 51-119 (chaîne arabe);
Bonwetsch, Die georgisch erhaltene Schriften von
Hippolytus : lier Segen Jakobs,der Segen Moses, etc.,
dans Texte und Unlersuch., Leipzig, 1904, t. xi,
l'ase. I, p. 1-78; Origène, Selecta in tienesim, t. mi.
col. 91-1 15; Homiliœ in Genesim, ibid'., col. 145-262;
Selecta et Homilim in Exod., Lev.. Num. et Dent
ibid., col. 263-818; Fragmenta, I. xvn. col. 11-36
s. Basile, Homilisein Hexaemeron, t.. xxix, col. 3-208;
s. Grégoire de Nysse, lu Hexaemeron, t. vin, col. 61-
124; De hominis opificio, ibid., col. 124-297; De uita
Uoysis, ibid-, col. 297-430; S. Jean Cl-.rysostorne, Homi-
117
PENTATEUQUE
118
lise lxtii in Genesim, t. lui, i.iv, col. 23-580; Saumonés
a in Genesim, t. liy, col. 581-630; Sévérien de Cabales,
Orationes in mundi creationem, t. lvi, col. 429-500;
Homilia de serpente, ibid., col. 499-516; S. Éphrem,
Comment, in Pentateuchum, dans Opéra syriaca, t. i,
p. 1-115: le commentaire qui suit. p. 116-295, a été revu
par Jacques d'Édesse ; S. Cyrille d'Alexandrie, De ado-
ratione in spiritu, t. lxviii, col. 133-1125; Glaphyra,
t. lxix, col. 13-677: Théodore!, Qusestiones in Gen.,
Exod., Lev., Kum., Deut., t. lxxx. col. 76-456; Diodore
de Tarse, Fragmenta in Gen., Exod., t. i.xvi, col. 633-
648; Procope de Gaza, Comment, in Octaleuchum,
I. lxxxvii, col. 21-992; Photius. Amphilochia, t. ci,
col. 4S sq.; Nicéphore, Catena in Octateuchum et li-
bros Regum, Leipzig, 1772. Sur les chaînes grecques
du Pentateuque, voir Faulhaber, Die Katenenhand-
schriflen der spanischen Bibliotheken, dans Biblische
Zeitschrift, 1903, t. i, p. 151-159. 246-247.
2. Pères latins. — S. Ambroise, In Hexaemeron,
t. xiv, col. 123-274; De paradiso terreslri, ibid.,
col. 275-314; De Gain et Abel, ibid., col. 315-360; De
Noe et arca, ibid., col. 361-416; De Abraham, ibid.,
cri. H9-500; De lsaac et anima, ibid., col. 501-534;
De Joseph patriarcha, ibid., col. 641-672; De benedi-
clionibus patriarcharum, ibid.. col. 673-694 ; S.Jérôme,
Liber hebraicarum quasstionum in Genesim, t. xxm,
col. 935-1010; s. Augustin, De Genesi contra Mani-
cheos libri duo, t. xxxiv, col. 173-220; De Genesi ad
Utteram in liber, ibid., col. 219-246; 1. XII,
ibid., col. 245-486; Qusestionesin Beptateuchum (pour
le Pentateuque). ibid., col. 517-776; Paulin, De bene-
dictionibus patriarcharum libellas, t. xx, col. 715-732;
Rufin, De benedictionibus partriarcharum libri </».'.
t. xxi, col. 295-336; pseudo-Jérôme, De benedictionibus
Jacob patriarcha;, t. xxm, col. 1307-1318; S. Isidore de
Séville. Qusestioa s in V. T. Pentateuch., t. lxxxiii,
col.207-370; S. Patère, Expositio Y. et X. T.. t. lxxxix,
col. 685-784 (pour le Pentateuque); S. Bédé, Hexaeme-
ron, t. SCI, col. 9-190; In Pentateuchum commentarii.
ibid., col. 189-394; De tabernaculo et vasibus ejus et
vestibus sacris, ibid.. col. 393-498; pseudo-Béde, De sex
dierumereatiane, t. xcm, col. 207-234 ; Qusestiones su-
per Pentateuchum, ibid., col. 233-416; Alouin, Inter-
rogationes et responsiones in Genesim, t. c, col. 515-
506; Raban Maur, Comment, in Gen., t. cvn, col. 443-
6/0: Comment. in Exod., Lev., Num. et Deut., t. cvm,
col. 9-998; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxm,
col. 67-506 (pour le Pentateuque); Angelome, Comment.
i., t. cxv. col. 107-244.
2 Du moyen âge. — S. Bruno d'Asti, Expositio i»
Pentateuchum, t. ii.xiv, col. 147-550; Rupert de Deutz.
De SS. Trinitale et operibus ejus, t. clxvii, col. 197-
1000 tpour le Pentateuque) ; Hugues de Saint-Victor.
Adnotationes elttcidatoriœ in Pentateuchum, t. clxxv,
col. 29-86; Honorius d'Autun, Hexaemeron, t. clxxii.
col. 253-266; De decem plagis jEgypti, ibid., col. 265-
270; Abélard, Expositio in Hexaemeron, t. CLXXVUI,
col. 731-781; Ernaud. Tractatus in Hexaemeron,
t. ct.xxxix. col. 1515-1570; Hugues de Rouen, Frag-
Uexaemeron, t. excu, col. 1247-1256; Tho-
mas, Pastilla seu expositio aurea in librum Geti
(ifi-ea, Paris, 1876; t. xxxi. p. 1-194; Hugues de
Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588. t. i: Nicolas de Lyre,
Postilla, Rome, 1471, t. i; Tostat, Opéra, Venise, 1728,
t. i-iv; Denys le chartreux, Comment, in Pentateuchum,
Opéra omnia, Montreuil, 1896, 1897, t. i, II.
ii Des temps modernes. — 1. Protestants. — Sans
parler dis commentaires de Luther et de Mélanclithon
sur la Genèse, de Calvin sur le Pentateuque, etc.,
notons ceux de J. Gerhart (-j-1637), In Gen., Deut.;
d'Abraham Calov, In Gen., de Jean Drusius, Louis de
Dieu, Louis Cappel,Coccéius et Grolius. au xvne siècle:
de Jean-Henri Michaelis, Jean Le Clerc (1710 et 1735;.
de Rosenmuller, Scholia in Y. T., dont les deux pre-
miers volumes concernent le Pentateuque; 3e .Mit..
1821, -1824; Scholia in Y. T. in compendium redacta,
1828, t. i (Pentateuque). Au xix« siècle, le Pentateuque
a été souvent commenté par les protestants, dont plu-
sieurs ont entièrement versé dans le rationalisme. — En
Allemagne, Tuch, Commentai- ùber die Genesis, Halle,
1S38; 2e édit. par Arnold et Merx, 1871; Baumgarten,
Theologischer Commentai- zum A. T., Kiel, 1843-1844,
t. i; dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum
A. T., Leipzig, A. Knobel avait expliqué la Genèse,
1852, l'Exode et le Lévitique, 1857, les Nombres, le
Deutéronome et Josué. 1861; à partir de la 3e édition,
la Genèse fut refondue par A. Dillmann (6e édit.,1892);
trad. anglaise, 2 vol., Edimbourg, 1897; une 2e édition
de l'Exode et du Lévitique fut l'aile par le même, 1850,
et une 3« par Ryssel, 1897; une 2e édition des Nombres,
du Deutéronome et de Josué par Dillmann parut en
18S6. Le Theologisch-homiletisches Bibelwerk, édité à
Bielefeld et Leipzig, contient un commentaire de la
Genèse, par Lange, 2e édit., 1877, de l'Exode, du Lévi-
tique et des Nombres par le même, 1874, du Deutéro-
nome, par Schrôder, 1866; 28 édit. par Stosch. 1902.
Le BMischer Commenta,- nier das A. T., de Keil et
de Franz Delitzsch, contient la Genèse et l'Exode com-
mentés par Keil. 3e édit.. Leipzig, 1878; du Lévitique,
des Nombres et du Deutéronome, par le même, 2e édit.,
1870; trad. anglaise, 3 in-8°, Edimbourg, 1881, 1885; le
Kurzgefasster Kommenlar n< den heiligen Schriflen
A. und X. T., de Strack et de Zôckler, Munich, com-
prend l'explication des quatre premiers livres du Pen-
tateuque par Strack, 1894 (la Genèse a paru à part en
2« édition, en 1905), et celle du Deutéronome, de Josué
et des Juges par Œttli, 1893. Le Handkommentar zum
A. T. de Nowack, publié à Gœttingue, contient la Ge-
nèse de Gunkel, 1901; 2« édit.. 1902; l'Exode, le Lévi-
tique et les Nombres de Baentscb, 1903, et le Deutéro-
nome de Steuernagel,1900. Le KurzerHand-Kommentai
zum A. T., de Marti, édité à Fribourg-en-Brisgau, ren-
ferme les commentaires de la Genèse. 1898, de l'Exode,
1900, des Nombres, 1903, par Holzinger; du Lévitique,
1901, et du Deutéronome, 1899, par Bertbolet. Com-
mentaires spéciaux de la Genèse, par Franz Delitzsch,
Leipzig, 1852; i' édit., 1872; 5>' édit. sous le titre ■
Neuer Commenta;- uber die Genesis, 1887; Gossrau,
Commentai- zur Genesis. llalbersladt, 1887; Schultz,
Das Déute -onomium erklârt, Berlin, 1859;.!. Bobiner.
Das ersti-biieh Mose, Stuttgart, 1905. - En Angleterre,
The Hohj Bible according lo the authorized Version,
éditée par Cook à Londres, contient le Pentateuque en
2 in-8», Londres, 1877, t. i et II. The Pulpil Commen-
tary, édité par Spence et Exell à Londres, contient la
Genèse, par Whitelaw; l'Exode, par Rawlinson; \<- Lé-
vitique, parMeyrick; les Nombres par Winterbotham,
et le Deutéronome par Alexander, 1897. Tlu- Ex} -
tor's Bible, de Londres, renferme la Genèse de Dods,
1887, l'Exode de Chadwick, 1890, le Lévitique de Kel-
logg, 1891, les Nombres de Watsun. 1889, et le Deuté-
ronome de Harper. 1895. La Cambridge Bible fur
Schools and Collèges et The Century Bible n'ont pas
encore de commentaires du Pentateuque. The interna-
tional critical commentary on the Holy Scriptures of
the Oldand New Testaments, d'Edimbourg, comprend
déjà les Nombres de Gray, 1903, et le Deutéronome de
Driver, 1895. Commentaires particuliers : Wright, The
book of Gem-sis in liebrcio, Londres, 1859; 2« édtt.
1896; G. Y. Garland. Genesis with notes, Londres. 1878;
Spurrell, Notes on the hebrew text of the book of Ge-
nesis, Oxford, 1887; 2« édit.. 1896; Driver, The book of
Genesis, Londres, 1901 ; Levilicus, Leipzig, 1891; l.ms-
burg, The third book of iloses, called Levilicus, Lon-
dres, 1884; Howard. The books of Numbers and Deu-
teronomy according lo the LXX u-ith critical notes,
119
PENTATEUQUE
PENTECOTE
120
Cambridge, 1857; Maclaren, The books of Exodas, Le-
iticus and Numbers, Londres, 1906; Id., Books of
Deuteronomy, etc., Londres, 1906. — En France,- Ed.
Reuss, L'histoire sainte et la loi, 2 vol., Paris, 1S79,
dans La Bible, traduction nouvelle arec introduction
et < nmmentaires. — En Hollande, Het Oude Testament,
par Kuenen, Hosykaas, Kosters et Oort. 2 vol., Levde,
1900, 1901.
2. Juifs. — Les commentaires de Raschi (1040-1150),
Abenesra (1092-1167) ci de David Kimclii (1160-1235) sur
le 1 'entateuque sont réunis dans les Bibles rabbiniques.
Celui d'Abarbanel a été édité à Venise, l'an 5539 du
monde (1579 de i'ère chrétienne, in-f°, voir t. i.
col. 16). S. Cahen a traduit le Pentateuque hébraïque
en'français, Paris, 1831; Kalisch, Historical and cri-
tical commentary on Ihe old Test, viith « neu> transla-
tion, Londres : Genèse, 1885; Exode, 1855; Lévitique,
1867, 1872; llirsch, Dec Pentateuch ûberselzt und
erlâutert, -J .dit.. 2 in s-. Francfort-sur-le-Main, 1893,
1895; Hoffmann, Dos Buch Leviticus ùbersetzt und
erklârt, Berlin, 1906.
3. Catholiques. — Cajetan, Commentarii in quinque
mosaicos libros, in-f», Rome, 1531; Jérôme Oleaster,
Comment, in Penlaleuchum, i in-f", Lisbonne, 1556;
Aug. Steuchus d'Eugubio, V. T. ad hebraicam verita-
tem recognitio, sive m Pentateuchum annotaliones,
in-'r, Venise, 1529; Santé Pagnino, Catena argentea
in Pentateuchum, in-f", Anvers, 1565; Louis Lippo-
in.ui, Catena in Genesim, Paris, 1546; in Exodum,
Paris, I55(i; G. Hammer, Commentationes in Genesim,
in-f", Dillingen, 1564; Benoit Pereira, Comment, ri
■disputationes in Genesim, in-f", Rome, 1589; Dispu-
tationes centum viginti septem in Exodum, [ngolstadt,
1601 . A-.. un- Martinengus, Glossse magnec in Genesim,
2 in-f". Padoue, 1597; .Iran Lorin, Comment, in Levi
loi, m, Lyon, 1619; in Numéros, Cologne, 1623; in
Deuteronomium, Anvers, 1625; .1. Tirin, Comment.
" V. n ,Y. t.. Anvers, 1632; Corneille de la Pierre,
Comment, m Y. ri \. T., Lyon, 1732, i. i; réédité par
Migne, . Cursus complet us Scripturœ sacrée, i. v-vn;
Corneille Jansénius, Penlaleuchus, Louvain, 1641;
J. Bonfrère, Pentateuchut Mrs, s commentaric illu-
stratus, in-f», Anvers. 1625; Cl. Frassen, Disquisitiones
in Pentateuchum, in-4°, Rouen, 1705; Calmel, Com-
mentaire littéral sur tous les livres dr l'A. ri du A'. T.,
lit., Paris, 172'/. l. i et n; Brentano, Dereser et
Scholz, Die heilige Schrift des .1. und A'. /'., Franc-
fort-sur-le-Main, 1820, t. i -ni ; La Sainte Bible, édi-
i Paris, contient la Genèse par Crelier, 1889;
l'Exode ci le Lévitique, par le même, 1886; les Nombres
l-i le Deutérono par Trochon, 1887, 1888. Le Cursus
Scripturœ sacrai des jésuites allemands, édité à Paris,
contient ln, eiiininentaii'e du l'entaleiupie par le P. île
Hummelauer: in Genesim, 1895; in Exodum et Levi-
ticum, 1897; m Numéros, 1899; m Deuteronomium,
' ■ " ' 1 • Commentaire- particuliers ; Fr. de Schrank,
Commentarius lilteralis in Genesin, 1835; Th. .1. Lamy,
Comment, in librum Geneseos, 2 in-8», Matines. 1883,
1884 ; A. Tappehorn, Erklàrung der Genesis, Paderborn,
1NJS8; G. Hoberg, JUr Genesis nach dem Literalsinn
erklârt, Fribourg-en-Brisgau, 1899; i:. Neteler, Das
Buch Genesis der Vulgala und des hebraisehes Textes
ùbersetzt und erklârt, 'Munster. 1905; billion. LaSainte
Bible, Paris, 1888, t. i. E. Mam.knot.
PENTECOTE (grec ; tiev. v/ost/,; Vulgate : Peti-
te), la seconde di trois grandes fêles des .luifs.
I« Xoms. — La fête est appelée hag haq-qdsir bik-
kûrë, loprri OeptapoC rcpuTOYevviiu.diTuv, solemnitas
niessis primitivorum, I. le de la moisson et des pré-
mices, i lixod., xxm. 16; hag iâbu'ôt, loptri iêSouiouv,
solemnitas hebdomadarum, i fête des semaines, »
Jixod., xxxiv, 22; lient., xvi, 10: yom hab-bikkûrim,
T,u.fp3L tiôv 'lit.n. dies primitivorum, « jour des prémi-
ces. » Num., XXVIII, 26. Le mot nEVTiptoor^, supposant en
hébreu hamissim, i cinquante » ou « cinquantième «,
est employé de différentes manières, dans Tobie. n. 1 :
vi ÉopTr, irevTYixoatr,, « la fêle (de) Pentecôte; » dans
II Mach., xii. 32; I Cor., xvi, 8. et dans .loséphe, Bell,
jud., II, m, 1 : irevTï|xo<rnî, s Pentecôte; » dans les
Actes, n, ]; xx, 16 : ^jiÉpa Tr,; rUvcY]XO<rrî)ç, » jour de
la Pentecôle. » — Les Juifs ont ensuite appelé plus
communément la Pentecôte âséréf, en chaldaïque
àsarfâ', dans Josèphe, Anl. jud., III. s, 6, iaœpôâ,
s nom qui signifie Pentecôte. Cf. Erachin, XI, 3;
Midr. Koheletli, 110, 2. etc. Ce nom vient de âsar, qni
signifie « clore » et « rassembler », d'où le sens de
i clôture i ou d' « assemblée ■ peur âsérét. Gesenius,
Thésaurus, p, 1059, soutien! que le mot veut toujours
dire assemblée, comme .1er., IX, 2; le-., i, li; I Reg.,
X, 20, etc. Cependant les Septante l'on! traduit plu-
sieurs fuis par IÇôStôv, " dénouement, clôture, > Lev.,
xxm, 36. Vulgate : cottus, t assemblée; i Num., \\i\.
35, où la Vulgate ne traduit pas 'àsérêf; lient., x\i. 8,
Vulgate : collecta, -assemblée. ■ Tonj. mis est-il que les
docteurs juifs ont pris ce mot dans le st us de « clôture i
et l'onl consacré a désigner spécialement la Pentecôte,
considérée surtout comme la clôture du temps de la
Pàque.
2» Date. — D'après la Loi, la date de la Pentecôte
était ainsi fixée : à partir du lendemain du sabbat de
la Pàque, où l'on avait offert la gerbe nouvelle. DO
comptai! cinquante jours, et. le lendemain de la sep-
tii me semaine, on offrait une oblation nouvelle.
Lev.. xxm, 15, 16. Les Caraïles utendaient par ce sab-
bat celui qui tombait dans le cours des fêles de la
Pàque. D'après leur manière de comprendre le texte,
les sept semaines d, la Pentecôte pouvaient donc com-
mencer du second au huitième jour après la Pâque.
Les sadducéens professaient la même opinion. Cf.
Uenacholh, x, 3; Schûrer, Geschich ischen
Volkes in Zeit. J. C, Leipzig, t. n. 1898, p. H3, '.11.
D'après l'interprétation la plus commune, qui pratique-
ment a prévalu parmi les Juifs, ce sabbal n était autre
que le 15 nisan. Le lendemain du sabbat ou 16 iii-.hi
commençaie ni l >s sept semaines au lendemain desquelles
on fêlait la l'culecôle. De la série, il ; avait sept se-
maines pleines entre la Pâque et ta Pentecôte. P
les Caraïles, la Pentecôte tombait toujours le lende-
main du sabl.al. Cf. Chagiga, n, i; Siphra, f, 248, 1.
Elle ne coïncidai! avec celle îles autres Israélites que
quand la Pàque tombait un vendredi.
3° Le rituel de la fête. — 1. Ce jour-là. il y avait
assemblée du peuple et le travail, sauf celui de la pré-
paration des aliments, était interdit, comme au premier
et au septième jour lé la Pâque. L'offrande caractéris-
tiqu de la Pentecôte êtail celle de deux pains levés, On
j ajoutait en holocauste sept agneaux d un an, un jeune
taureau et deux béliers, et en plus un bouc et
uni aux d'un an en sacrifice pour le péché. Lev., xxm,
15-21. D'après les Nombres. XWII1. 26-31, l'holocauste
se composait de sept agneaux, deux jeunes taureaux et
un bélier. — 2. En principe, la fête ne durait qu un
jour. Mais, depuis la captivité, les Juifs qui résidaient
hors île la Palestine la célébraient deux jours de suite.
Cf. Gem. Pesachim, 52, 1; Gem. Rosch haschana,5
1. Peut-être agissaient-ils de la sorti- dans la crainte de
se tremper sur le vrai jour de la fête. Josèphe, Int.
jud., III. \. 6, dit qu'on immolai! ce jour-là en holo-
causte trois jeunes taureaux, deux béliers et quatorze
agneaux, ce qui représente, à un bélier près, le total
de ce que prescrivent chacun de leur côté le Lévitique
et les Nombre8. Les victimes indiquées par les
Nombres étaient offertes à titre supplémentaire.
Cf. Wenacholh, iv, 2. — 3. Les deux pains à offrir
devaient être faits avec de la farine de froment nouveau
121
PENTECiiTK
122'
récolté en terre israélite. Sur le soir de la Pentecôte,
ou, si le jour suivant était le sabbat, après la fin du
sabbat, on achetait aux frais du trésor trois mesures de
froment, on les passait à la meule et ensuite à travers
douze cribles. On retirait deux dixièmes d'éphi de
farine, on y ajoutait de l'eau chaude et du levain et
l'on confectionnait les deux pains. Ils devaient avoir
sept palmes de long, sept palmes de large et, aux extré-
mités, des cornes de quatre doigts. Le matin du jour
suivant, à la suite des sacrifices publics, on offrait les
deux pains à l'est du parvis intérieur, mais on ne les
portait pas jusqu'à l'autel, à cause du levain qu'ils
renfermaient. L'un des deux pains était ensuite donné
au grand-prêtre, s'il le voulait; l'autre se partageait
entre les prêtres, qui le mangeaient dans le Temple.
Ces deux pains constituaient des prémices. A partir de
leur présentation, il était permis d'apporter au Temple
dos offrandes provenant des récoltes de l'année.
Cf. Uenachoth, xi, 9; Erachin, n, 2. — Sur le céré-
monial suivi pour présenter les prémices au Temple,
voir Prémices. — 4. Après l'offrande des différents sa-
crifices prescrits, le peuple était invité à se réjouir
dans des festins, auxquels on invitait les lévites et
tous ceux qui vivaient dans l'entourage du chef de la
famille. Deut., xvi. 11. — 5. La fête delà Pentecôte
étaii célébrée partout par les Israélites, même hors de
Jérusalem et de la Palestine. Tob., ti, 1 (texte greci.
On omettait alors naturellement ce qui était spécial à
la liturgie du Temple. Judas Machabée rentra à Jéru-
salem avec son armée victorieuse pour célébrer la fêle
des semaines ou Pentecôte. II Mach., xii, 30. La
Pentecôte qui suivit la résurrection de XotreSeigneur
avait amené à Jérusalem « des hommes pieux de toutes
les nations qui sont sous le ciel », c'est-à-dire des
divers pays ensuite énumérés. Act., H, 5-11. Du temps
de saint Paul, on fêtait encore la Pentecôte à Éplièse.
I Cor., xvi, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacra?,
Utrecht, 1741, p. 237-240; Iken, Antiquitates hébraicse,
Brème, 1741, p. 316-319.
4° La Pentecôte et la loi du Sinaï. — 1. Partis de
pte le quinzième jour du premier mois, Exod.,
xii. 26-34, les Hébreux arrivèrent au Sinaï le premier
jour du troisième mois, Exod.. xix, I, et trois jours
après, Exod., xix, 16. Dieu commença à manifester sa
présence sur le Sinaï, par des nuées, des éclairs et des
tonnerres. Il s'écoula donc quarante-huit ou quarante-
neuf jours entre la Pàque d'Egypte et la promulgation
de la Loi au Sinaï. Malgré cette coïncidence entre la
promulgation de la Loi et la fête de la Pentecôte, les
textes qui prescrivent la célébration de la fête ne font
jamais allusion aux événements du Sinaï, et même,
dans le rituel mosaïque, rien n'est destiné à commé-
morer ces événements. Philon et Josèphe n'établissent
nulle part aucune corrélation entre la fête et le don
de la Loi. La promulgation de la Loi nouvelle à la
fête de la Pentecôte donna probablement aux chrétiens
l'idée de rattacher à la même fête le souvenir de la
promulgation du Sinaï. Saint Jérôme, Ep., Lxxvm. 12,
ad FabioV., t. xxn, col. 707, établit la coïncidence
entre l'événement du Sinaï et la Pentecôte, qui en
célèbre le souvenir. Saint Augustin, Cont. Faust.,
xxxn, 12, t. xlii, col. 503, affirme la même relation et
voit dans la promulgation de la Loi au Sinaï la figure
de la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte.
Saint Léon, De Pentecost., serin, i, t. Liv, col. 400,
pense comme les précédents. Les auteurs juifs posté-
rieurs ne connaissent pas plus que leurs anciens la
célébration d'une fête pour rappeler la manifestation
du Sinaï. Ils admettent la coïncidence signalée par
saint Jérôme. « La fête des semaines est le jour où la
Loi fut donnée. Ce qui constitue l'honneur de ce jour.
c'est que sa date dépend de la fête solennelle précé-
dente, la Pàque. > Maimonide, More nevochim, m, 11.
Mais ils ajoutent : s La Loi divine n'a pas besoin d'un
jour saint dans lequel on rappelle avec honneur son
souvenir. Le motif de la fête des semaines est le com-
mencement de la moisson du froment... Il est indiscu-
table que la Loi a été donnée le jour de la fête des
semaines, mais il n'a pas été institué de fête pour la
rappeler. » Abarbanel, In Leg., f. 26-2. Cependant, les
auteurs juifs plus modernes n'hésitent pas à attribuer
à la Pentecôte un sens historique et à célébrer ce
jour-là la promulgation de la Loi. Cf. Munk, Pales-
tine. Paris, 1881. p. 188. Pour beaucoup même, cette
idée devient d'autant plus prééminente que l'objet pri-
mitif de la fête a moins de raison d'être dans les pays
où ils vivent dispersés. Dans l'enseignement populaire,
on s'exprime ainsi : « La Pentecôte ou fêle des
semaines est célébrée le cinquantième jour à compter
du second jour de la Pàque, le six du mois de sivan
(troisième mois). C'est l'anniversaire de la promulga-
tion de la loi sur le mont Sinaï. Cette fête dure deux
jours. » Wogue, Catéchisme, Paris, 1872, p. 59.
5° Symbolisme de la fête. — 1. La Pentecôte con-
sacre solennellement la fin de la moisson, qui avait été
inaugurée le lendemain de la Pàque. Elle est ainsi
comme une suite de la solennité précédente, de
laquelle elle dépend par sa date. Elle rappelait à l'Israé-
lite que le Dieu qui l'avait tiré de. la servitude d'Egypte
avait promis de le conduire « dans une terre fertile et
spacieuse, dans une terre où coulent le lait et le
miel ». Exod.. m, 8, que ce Dieu avait tenu sa pro-
messe, et que chaque année il donnait à son peuple
l'abondance des moissons et des bénédictions ter-
restres. C'était donc une fête d'actions de grâces. —
2. La caractéristique de la fête consistait dans l'offrande
de deux pains levés. A la Pàque, on avait offert les-
prémices d'une moisson qui commençait, mais qu'on:
ne pouvait guère encore utiliser pour l'alimentation de
l'homme. A la Pentecôte, la moisson se terminait et
l'on pouvait en présenter à Dieu le résultat définitif,
tel que l'industrie humaine le traitait pour l'approprier
à la nourriture. On apportait au sanctuaire deux pains
levés, mais par respect pour la loi qui ne permettait
pas l'introduction du levain dans le culte du Seigneur,
voir Levain, col. 198, on ne les offrait pas sur l'autel..
— 3. Les pains, au nombre de deux, n'étaient sans
doute pas sans rapport avec les deux jours de fête dont
l'un commençait et l'autre terminait le temps de la
moisson; les deux jeunes taureaux ou les deux béliers
représentent la même idée, tandis que les sept agneaux
se rapportaient aux sept semaines du temps de la mois-
son. Le jeune taureau ou le bélier, seul de son espèce,
pouvait rappeler l'idée du Dieu unique auquel était
offert l'holocauste. Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen
Cultus, Heidelberg, 1839, t. Il, p. 645-652.
6° La Pentecôte du Nouveau Testament. — 1. C'est
le jour même de la Pentecôte juive, à la troisième
heure, c'est-à-dire vers neuf heures du matin, que le
Saint-Esprit descendit sur les Apôtres et les disciples
rassemblés au nombre de cent vingt. Act., Il, 15. Des
phénomènes extérieurs analogues à ceux du Sinaï
signalèrent sa venue et furent remarqués par la multi-
tude qui se trouvait dans la ville. Act., il, 6. Le Saint-
Esprit apparut sous forme de langues de feu. Voir
Langue, t. iv, col. 74. Il communiqua aux Apôtres le
don des langues. Voir Langues (Don des), t. iv,
col. 74-81. — 2. L'ancienne Pentecôte était la fête de la
moisson; avec la nouvelle commence la moisson évan-
gélique, et dès le jour même saint Pierre fait une
récolte d'environ trois mille âmes. Act., n, 41. La Loi
nouvelle est promulguée ce jour-là, cinquante jours
après la rédemption, comme l'avait été jadis la loi du
Sinaï, cinquante jours après la délivrance de la servi-
tude d'Egypte. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme,
Epis t. lxxvm, 12, ad Eabiul., t. xxn, col. 707, qu' ~ on
123
PENTECÔTE
PERCNOPTÈRE
124
célèbre la solennité de la Pentecôte et qu'ensuite le
mystère évangélique rec;oit son complément dans la
ate du S;iint-Esprit ■. Cf. .1. C. Harenberg, De
miraculo pentecpstali, dans le Thésaurus de Hase et
Iken, Leyde, 1732, t. n, p. 5G9-59i; Kellner, Heorlolo-
gie, Fribourg-en-B., 1901, p. 72-75.
H. Lf.sétre.
PEQOD (hébreu : Peqôd), nom qui se lit dans deuj
passages de la Bible : ,1er., i., 21, et Ezech., xxm. 23.
Les anciens commentateurs en ont fait généralement
un nom commun. Ils ont traduit ce mot dans Jérémie
dans le sens de « Visitation s divine, c'est-à-dire de
châtiment, et ont cru que le prophète appelait ainsi
symboliquement Babylone pour annoncer le châtiment
que Dieu allait lui infliger. Dans Ezéchiel, ils ont donné
à Peqôd le même sens que pâqîd, e chef, préfet.
Il Esd., XI, 9; xiv, 22: xn, i2. La Vulgate a traduit, dans
.l.i. mie, Peqôd par visita, et dans Ezéchiel par nobilei
Dieu dit dans Jérémie au futur vainqueur de Babylone,
saint Jérôme : a Monte contre le pays des Do-
minateurs et visite (châtie) ses habitants, t — Depuis
que bs documents cunéiformes nous ont mieux fait
connaître la géographie assyro-bab\ Ionienne, on ne peut
plus douter qu'il ne faille traduire ainsi ce passage :
» .Monte contre la terre de Merâlaim région du sud
de la Babylone, Frd. Delitzsch, ll'o lag das Parodies,
p. il, 182), et contre les habitants de Peqod. » — Dans
I zéchiel, d'après la Vulgate, Dieu dit à Ooliba, person-
nification de Jérusalem et du royaume de Juda : - Je
susciterai contre toi... les fils de Babylone et tous les
Chaldéens, nobles, rois et princes, o 11 faut traduire
l'hébreu : « Je ferai venir contre toi les fils de Baby-
lone et tous les Chaldéens, Peqôd, Sô'a et Qôa (Sutu
ou Su il ijiilii ou qu, tribus voisines de la Babylonie,
Frd. Delitzsch, IFo lag das Paradies, p. 233). » La ver-
sion des Septante, qui avait pris les noms propres pour
des noms communs, dans Jérémie, de même que la
\ uL I. , a reconnu ici des noms propres qu'elle a trans-
crits par $axoux [Alexandrinus : x.a\ $ou8), Sous et
' \'/yjï. Symmaque et Théodotion avaient fait de même:
$axoùS y.-x\ Eouè xa! Koui. Origène, Uexapl., Ezech.,
xxiii, 23, t. xvi, :s, col. 2557. saint Jérôme a sui\i dans
li traduction de ce passage la version d'Aquila et s'il n'a
pas accepté l'interprétation des Septante et des autres
traducteurs grecs, c'est, dit-il, M Ezech., xxm, 23,
t. xxv, col. 219, parce qu'on ne trouve pas les noms de
Phacud, Sue et Cue comme noms de peuples dans
l'Écriture; ce qui n'est pas exact pour Peqôd et ne
peut rien prouver d'ailleurs contre l'existence de ces
tribus orientales, la Bible n'ayant pas eu occasion de
les nommer ailleurs.
Peqôd est le nom d'une tribu de la Babylonie méridio-
nale et de la contrée où elle habitait, prés de l-'embou-
avec les Elamites, leurs voisins, et les rois d'Assyrie,
Saigon et Sennachérib, leur firent plusieurs fois la
guerre. Les inscriptions cunéiformes appellent cette
tribu Puqûdu. E. Scbrader. Keilinschriften und Ge-
schichtsforschung,i838,rj. 108, Il I. 113; Frd. Delitzsch,
Wo lag das Paradies, p. 182. 195, 2 in La tribu de
Puqùdu dut être soumise à la domination de Xabucho-
donosor et lui fournir des soldats quand son armée
assiégea et prit Jérusalem, ainsi que l'annonce Ezéchiel.
Plus tard, quand Cyrus s'empara de Babylone, Peqôd
dut être soumise aux Perses et punie, selon la prédic-
tion de Jérémie. du mal qu'elle avait fait aux Juifs dans
l'armée de Xaluicbodonosor. F. Viooir.oix.
PERCNOPTERE
nopfjpt'wv ; Vulgate :
hébreu : râlfâm ; Septante :
porphyrion), espèce de vautour,
'
X,
16. — Le percnoptêre.
rangé parmi les oiseaux impurs. Lev.. xi. 18; Deut., xiv,
17. — Les versions font du râhâm un porphyrion,
espèce d'oiseau qui appartient à l'ordre issiers.
Voir Porphyrion. Mais ce nom désigne le vautour
i .. Pi i noptère planant et tenant deus chasse-moucli. serres.
I • i >. Histoire ancienne île l'Orient, t. I, p. 791.
chure du fleuve Uknu. Les gens de Peqôd étaient de
race araméenne ; ils s'allièrent en diverses circonstances
d'Egypte, vultur ou neophron percnoplerus, « à ailes
noires, >> connu des Arabes sous le nom de rahmah.
125
PERCNOPTERE
PERDRIX
12G
Cet oiseau, long d'une soixantaine de centimètres, a le
plumage blanc mêlé de brun et de roussàtre, les
grandes plumes des ailes noires, les pieds jaunes ; la tête
est dénudée et de couleur jaune clair (lig. 16). Le
percnoptére et moins fort que les autres rapaces de son
espèce ; aussi évite-t-il de se mêler à eux. Il vit ordinai-
rement par paires et sa ponte est de deux œufs, rare-
ment de trois. Ce qui distingue surtout cet oiseau, c'est
son genre d'alimentation. Il se nourrit de cadavres
d'animaux et de détritus de toute nature, débarrassant
ainsi le sol de tout ce qui pourrait empester, et, à ce
titre, méritant la protection dont l'homme l'entoure.
On le trouve dans les parties chaudes de l'ancien
monde, des Pyrénées au sud de l'Inde, et dans presque
toute l'Afrique. Il est très commun en Egypte; on le
voit représenté sur les monuments (lig. 17). En Pales-
tine, on le rencontre en été, jamais en hiver. Il y vit
familièrement dans le voisinage de l'homme et s'abat
sans crainte jusque dans les villages, pour chercher sa
nourriture dans les tas d'immondices. On comprend
que le percnoptére, malgré les services qu'il rend, ait été
rangé parmi les oiseaux impurs. Cf. Trislram, The natu-
ral [history of the Bible, Londres, 1889, p. 180. —
Michée, i, 16, dit à sa nation : i Fais-toi chauve comme
li né'éér, car (tes enfants) s'en vont en captivité loin de
toi. ■> Le mot hébreu désigne ordinairement l'aigle; mais
c'est un floral générique qui a une signilication géné-
rale et ici il se rapporte au vautour percnoptére, qui
seul est chauve; il en est de même dans Job, xxxix,
27; Prov., xxx. 17, où il est dit qu'il se nourrit de
cadavres. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrt., p. 550.
II. Lesêtre.
PERCY Thomas, théologien anglican, né à liridg-
north en 17-28, mort à Dromore le 30 septembre 1811.
D'une condition modeste, il prit ses grades à Oxford et
entra dans les ordres. Chapelain du duc de Northmn-
berland et du roi, il devint doyen de Carlisle en 1778,
et quatre ans plus tard, évêque de Dromore en Irlande.
Parmi ses écrits on remarque : The Song of Salomon
netl'ly translatée! frotn the original Hebrew : with a
nentary ami annotations, in-12, Londres, 1764;
et un manuel souvent réimprimé qui a pour titre : A
Kexj of Uie New Testament giving an aec. uni of the
severalbooks, their contents, their authors, and of the
times places and occasions, on which they were wr'tt-
ten, in-12, Londres, 1765. — W. Orme, Biblioth. bi-
blica, p. 3i6. B. Heurtebize.
PERDRIX (hébreu : gorê'; Septante: népSiÇ; Vul-
gate ; perdue), oiseau de l'ordre des gallinacés, que
caractérise l'absence d'ergots, remplacés par une simple
saillie tuberculeuse du tarse. L'espèce perdrix comprend
les perdrix proprement dites, les cailles (voir t. n,
col. 3i), les francolins, etc.
I Description. —Les perdrix proprement dites (lig. 18)
ont à peu près la taille du pigeon. Elles portent un
plumage gris, mélangé de diverses couleurs, ont la
tète petite, le corps ramassé, les ailes courtes, se nour-
rissent d'herbes, de graines, d'insectes, de vermisseaux,
a de fourmis, etc., vivent en compagnies de plu-
sieurs individus, nichent à terre, ordinairement dans
les sillons, et y pondent de douze à vingt œufs que la
femelle est seule à couver. Elles sont timides et délian-
tes et, d'un vol saccadé et bruyant, changent continuel-
lement de séjour, bien qu'elles n'entreprennent que
rarement de longs voyages. Elles font entendre un cri
guttural, dur et sec. Ce cri a valu à la perdrix son
nom hébreu de qorc", du verbe qàrd', « crier. » La per-
drix «st activement chassée par les oiseaux de proie,
les renards et l'homme, qui la recherche à cause de
ses qualités comestibles. A l'approche de l'ennemi, le
mâle s'envole d'un côté pour attirer l'attention; la
femelle part d'un autre, puis revient en courant auprès
de ses perdreaux pour les rassembler en lieu sur. —
La perdrix grecque ou bartavelle, caccabis saœatilis,
abonde en Palestine, dans les régions rocheuses du
désert de Judée et dans les gorges de la forêt du Carmel.
Elle se plait dans les pays montagneux. On en trouve
aussi très fréquemment dans les parties sauvages de la
Galilée, courant par compagnies, comme des poules
domestiques, au milieu des rochers. Les bandes en sont
nombreuses en automne; elles se dispersent en hiver,
sans doute pour se procurer plus facilement leur nour-
riture. La grosse perdrix rouge, perdix sehukkar, s'en-
vole ou court rapidement devant les cavaliers, qui la
poursuivent à fond de train et arrivent à la tuer quand
elle est fatiguée. La perdrix du désert, ammoperdix
heyii, a des nuances plus délicates. Elle est grosse à
peu près deux fois comme une caille, et a le plumage
d'un gris jaunâtre, le mâle seul portant aux joues une
sorte de col d'un blanc de neige. « Cette perdrix a
tellement la couleur du sol environnant, qu'on lui
marche presque sur le corps avant de l'apercevoir...
Ces perdrix, fort peu sauvages, constituent un manger
délicat... On parvient à les prendre avec la main en les
18. — La perdrix.
poursuivant dans les trous des rochers où elles vont se
retirer. Lorsqu'elles sont ainsi pourchassées pendant
quelques instants, elles restent parfaitement immobiles
en cachant leur tête et souvent même une partie de
leur corps entre deux pierres ou dans la fente d'un
rocher... Cet oiseau, qui est loin cependant d'être inin-
telligent, croit évidemment ne plus être vu parce qu'il ne
peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Cette
manière d'agir est une exception pour les espèces de
ce groupe. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
I88'i-, p. 403, 406, 469. On rencontre ce genre de per-
drix dans l'Arabie pétrée, le bassin de la mer Morte, le
désert de Judée et surtout les environs de la grotte
d'Odollam. Comme tous les autres oiseaux, elles
aiment à se réfugier à l'abri des tamaris et des zizy-
phus. Dans les riches plaines de Géhézareth, d'Acre et
de Phénicie, le genre perdrix est principalement repré-
senté par le francolin, francolihus vulgœris, bien
connu dans l'Inde et dans quelques rares régions du
sud de l'Europe. Le mâle est un bel oiseau, avec sa
poitrine noire, ses lianes largement mouchetés de
blanc et son collier châtain frangé de taches noires et
blanches. Le francolin se cache dans les herbes épaisses
et dans les cultures des plaines marécageuses, de telle
sorte qu'il est bien plus aisé de l'entendre que de l'aper-
cevoir. — Au nom hébreu de qorë se rattache aussi
un autre gallinacé, le coq de bruyère des sables, plero-
cles, très abondant dans les districts arides de la
Palestine. Cet oiseau ressemble assez au pigeon et
fréquente par myriades les terrains sablonneux de
127
PERDRIX
PERE
128
l'Asie et de l'Afrique. On en voit jusque dans le nord
de l'Espagne et dans les Landes françaises. Le coq des
sables commun, pterocles arenatïus, le khudry des
Arabes, se trouve dans le désert de Judée. Une autre
espèce le pterocles setarius, le kata des Arabes, se
montre de temps en temps par milliers dans les parties
découvertes de la vallée du Jourdain et dans le désert
qui est à l'est. Le désert de Judée et les abords de la
mer Morte sont encore fréquentés par deux autres
espèces, le pterocles exustus et le senegalensis, dont le
plumage présente, avec des traits délicats, une tonalité
générale en harmonie avec celle du terrain. De là vienl
que les oiseaux du genre perdrix échappent si facile-
ment à la vue de leurs ennemis. Cf. Tristram, The
MituralhUtory of the Bible, Londres, 18S'.I, p. 224-229.
2» La perdrix dans l'Écriture. - La Sainte Ecriture
fait trois fois mention de la perdrix. David constate que
Saiil le poursuit a comme on poursuivrait une perdrix
dans les montagnes ». I Reg., XXVI, 20 Cette comparai-
Bon est parfaitement justifiée. On a vu plus haul
comment les perdrix des différentes espèces commune*
en Palestine sont poursuivies à travers les rochers et
finissent par se laisser prendre, quand la fatigue les a
harassées. Ainsi Saûl comptait épuiser les forces de
David par une poursuite acharnée et finir pars'empan r
de |„i. _ On lit dans l'Ecclésiastique, XI, 32 (28) :
Comme la perdrix de chasse dans sa cage,
\m-,i est le cœur de l'orgueilleux,
li comme l'espion il guette la ruine.
Changeant le bien en mal, il dresse des pièges.
Celte perdrix de chasse, TilpotE brfltvcrfi, esl celle q i
employait comme appeau. On dressait pour cet usage
des alouettes, des linottes, des pigeons, des cailles et
surtout des perdrix. Celles-ci étaient ensuite placées
dans une cage qu'on dissimulait en partie au moyen
d'un couvert di feuillage. En avant de la cage, un filet
manœuvré par un chasseur caché, pouvait s'abattre sur
les oiseaux qu'attiraient les cris des perdrix prison-
nières, ou les empêtrer de telle sorte qu'il était ensuite
aisé ,le les prendre à la main. Cf. Tristram, The natu-
',.„; hislnrij. p. Hi3-I6i. L'orgueilleux méchant et per-
fide esl comparé à l'oiseau qui serl d'appeau : il
attire auprès de lui, mais pour perdre et faire tomber
dans ses pièges. — Enfin, .lérémie, xvii, 11, emprunte
;iux ,,,,,-urs iie la perdrix cette autre comparaison :
Une perdrix couve (des œufs) qu'elle n'a pas pondus;
t L'homme qui acquiert des richesses injustemi nt
\u milieu de ses jours, il doit les quitter,
I | à sa lin il n'est plus qu'un insensé.
Ce texte semble supposer que la perdrix va s'en
d'œufs d'oiseaux d'une autre espèce, qu'elle les couve et
,|„ èii-iule les poussin* abandonnent cille qui n'est pas
leur mère. Celle dernière se Irouvrrail alors dans le
CaS de la poule qui a couvé des œufs de canards,
comme on dit proverbialement en français. Lechaldéen
traduit : « Voici, comme la perdi ix rassemble des œufs
qui ne s. .ut pas h elle, et en les chauffant couve des
poussins qui pourtant ne la suivent pas. ainsi en est-il
de tout méchant qui possède des richesses mal acquises, i
On lit dans les Septante : « La perdrix a crié, elle a
rassemblé ceux qu'elle n'a pas engendrés, i el dans la
Vulgate La perdrix a couvé ceux qu'elle n'a pas
î, endrés. i Saint Ambroise, qui a toute une lettre
sur les mœurs de la perdrix, Ep. \\.\/M. xvi, col. 1 009-
UI71. accepté le fait de la perdrix s'emparant d'œufs
étrangers. Cf. Bexaem., n, 3, t. xiv. col. 246. Saint
Jérôme, lu 'fer., m, 17, t. xxiv, col. 789. pour justifier
celle assertion, s'appuie sur les auteurs d'histoire natu-
relle, qu'il cite d'ailleurs assez vaguement. Saint Augus-
tin, Cont. Faust., XIII, 12, t. xi.ii, col. 289, explique le
même texte, mais sans s'arrêter au rapt des œufs
étrangers. Il est à remarquer que le texte hébreu ne
suppose nullement que des œufs soient pris par la
perdrix à d'autres oiseaux. D'ailleurs les faits ne justi-
fient pas cette affirmation. Le coucou va porter ses
œufs dans le nid d'un autre oiseau qui les couve à
son insu, mais on ne cite pas d'oiseau qui aille s'empa-
rer des œufs d'un autre pour les couver lui-même. Le
texte hébreu dit seulement : qorê' dâgàr velu' yàlâd,
<• la perdrix a couvé et n'a pas engendré. » En suppo-
sant les deux termes de la phrase unis par un pronom
relatif, 8 la perdrix a couvé (ce qu'elle) n'a pas engen-
dré, t. il suffirait, pour justifier l'assertion, de dire, non
pas que la perdrix a pris des œufs, mais qu'on lui en
a mis à couver qu'elle n'avait pas pondus, et que ces
nuls, appartenant à des oiseaux qui n'étaient pas de
son espèce, ont donné des poussins qui l'ont abandonnée
pour se livrer à leurs allures propres. Ainsi l'homme
acquiert injustement des richesses qui, à un moment,
l'abandonnent et sont perdues pour lui, par un juste
retour des choses. Le verbe dàgâr\eu\ dire i amasser »
pour couver, quand il s'agit des oiseaux. Mais sa signi-
fication ne s'étend pas jusqu'à l'idée d'aller chercher di -
œufs ailleurs que dans le nid où ils sont déposés.
Quant au verbe yàlâd, il signifie « engendrer » et
o pondre », en parlant des oiseaux. Mais comme ce pas-
sage de Jérémie est le seul où yàlâd soit employé à
propos d'oiseaux, on ne voit pas pourquoi ce verbe ne
pourrait pas signifier « engendrer » dans le sens de
o faire éclore », d'où la traduction possible : <• La per-
drix a couvé et n'a pas fait éclore, • c'est-à-dire n'a pas
mené à terme sa couvée. Cf. Yatahle, dans le Script.
Sacr. cursus conipl. de Migne, Paris. 1841, t. xix.
col. 175. " Sur ce passage de Jérémie, écrit Tristram,
The nalural history, p, 225, on a propos.' plusieurs
commentaires ingénieux, dont quelques uns sont con-
traires aux faits. On a affirmé que la perdrix dérobe
les œufs d'autres oiseaux, les couve pour son propre
compte, d'où la traduction du passage : Elle rassemble
des œufs qu'elle n'a pas pondus. Mais il n'est pas vrai
que la perdrix dérobe les couvées des autres. Il n'\ a
qu'une vraie interprétation. La perdrix pond un 1res
grand nombre d'œufs. l'ne fois, j'ai trouvé un nid de
trente-six œufs dans désert de Judée. Mais elle a beau-
coup d'ennemis, parmi lesquels l'homme n'est pas le
moindre, qui recherchent son nid el lui dérobent ses
œufs. Les œufs de perdrix sont assidûment recherchés
par les Arabes qui en font leur nourriture. Ils sont aisés
à trouver el la quantité détruiteannuellementestsurpre-
nanie. Durant un printemps, en Palestine, près de huit
cents œufs de perdrix grecque, caccabii saxatilis, ont été
apportés à noire camp; nous avions l' ha blinde de les utili-
ser chaque jour, encore tout frais, pour faire des
lottes. Autrefois OU les ramassait sans doute dans le même
but. La pensée du prophète est donc que l'homme
devenu riche par des moyens injustes n'aura guère la
jouissance de sa prospérité mal acquise, mais qu'il la
perdra prématurément, comme la perdrix qui commen-
. couver, mais est rapidement dépouillée de tout
espoir de couvée. ■ La comparaison poil, rail ainsi, non
-m la manière dont les richesses injustes sont acquises,
mais sur la rapidité avec laquelle elles disparaissent.
Il faudrait donc traduire :
La perdrix couve, sans mener à tenue:
Ainsi l'homme qui acquiert des richesses injustement
11. L.ESÈTHE.
PÈRE (hébreu : 'ab; Septante : ic«Tifa; Vulgate :
pater), celui qui a engendré des enfants avec le concours
de la mère. Le nom de père est employé par la s linte
Ecriture dans des sens divers, tantôt par rapport aux
hommes tantôt par rapport à Dieu.
[, |'m; euppom mx HOMMES. — 1° Père au sens
naturel. Coll., H. 21; IX. 18, etc. — Sur les droits du
père, voir FàMIIXE, t. n. col. 2170. Les devoirs envers
129
PERE
130
sont souvent rappelés aux enfants. Exod., xx, 12;
Matth., xv. I; xix, 5; Mare., vu, 10; x, 19; Luc., xviu,
'20; Eph., vi, 2, etc. Les coups ou les malédictions
adressés au père étaient punis de mort. Exod., XXI, lô,
17. Voir MÈRE, t. iv, col. 995.
2° Grand-père. — Ahraham est appelé père de Jacob,
bien qu'Isaac sépare l'un de l'autre. Gen., xxvm, 13.
Jacoli appelle pères Abraham et Isaac. Gen., xux, 29.
:: Ancêtres. — Gen., xlvi, 34; Num., xiv, 18, etc.,
et particulièrement ceux d'un peuple. Très fréquem-
ment, il est parlé aux Israélites de leurs pères, c'est-à-
dire des premiers hommes de leur race qui ont reçu les
promesses divines et ont été témoins des merveilles
de la puissance de Dieu. Exod., m, 15; xiil, 5; Num.,
xx. 15; Ruth, iv. 17; III Reg., xiv, 15; IV Reg., xiv, 3;
XVIII, 3; Tob., m, 13; Judith, v, 7; Ps. xxn (xxi), 5;
xi.iv (xuii), 2; Is., i.i, 2; xlhi, 27; Jer., xvi, 11. 12;
1 Mach., x, 52; II Mach., i, 25; Joa., vu, 22; Acl., m,
13, etc. Quelquefois, on donne le nom de père à un
ancêtre très éloigné. Adam est le père commun de tous
les hommes. Eccli., xl, 1 ; xlix, 19. David est le père
du roi Asa, III Reg., xv, 11, et ensuite du Christ. Luc,
i. 32. — Rejoindre ses pères, dormir avec ses pères,
c'est mourir et passer dans une autre vie où l'on re-
trouve les ancêtres. Gen., xv, 15; xi.vii, 30; Deut., xxxi.
16; II Reg., vu, 12; III Reg., n, "10; xiv, 20; xvi, 6;
xxu. 10; IV Reg., xxi, 18; î Mach., H, 69, etc. Le roi
Anliochus Eupator exprime cette idée sous la forme
païenne quand il écrit que son père a été » transféré
parmi les dieux ». II Mach., xi, 23.
i Souche d'un peuple. — Sera est le père de tous
les fils d'Héber, Gen., x, 21; Abraham, celui d'une
multitude de nations, Gen., xvn, 4; Eccli., xliv, 20;
Moab, celui des Moabites, et Ben-Ammi, celui des
Ammonites, Gen.. xix, 37; Esaii, celui des Iduméens.
(mu., xx.wi. il, 13, etc. Ézéchiel, xvi, 3, dit que le
père îles Israélites était un Amorrhéen, afin de signifier
que les fils de Jacob sont partis de Chanaan pour aller
en Egypte, où ils sont devenus un peuple. Les Israélites
revendiquent souvent comme pères, c'est-à-dire
comme fondateurs de leur nation, Abraham, Matth.,
m. 9; Luc, i, 73; m, 8; xvi, 21; Joa., un, 39, 53, 56;
Act., vu, 2; Rom., iv. 1; 12, 16; Jacob., n. 21; Isaac,
Rom., ix. H); Jacob, Joa., IV, 12, et même David.
Marc. XI. Kl; Act., IV, 25.
.")■' Instituteur d'un genre de vie. — Jabel est le père
i ceux qui habitent sous la tente et au milieu des
troupeaux, Jubal le père de ceux qui jouent des instru-
ments. Gen., iv, 20, 21. Jonadab, fils de Réchab, est
le père des Réchabites, qui s'abstiennent de vin. Jer.,
xxxv. 6, 8. Phinées est le père de ceux qui se montrent
zélés pour la cause de Dieu. I Mach., il, 54.
<'i" Maître. — Michas demande à un lévite d'être son
père et son prêtre. Jud., xvn, 10; xvin, 19. David
appelle Saùl son père. I Reg., xxiv, 12. Elisée donne
ce nom à Elie, IV Reg., u, 12, et lui-même le reçoit
du roi d'Israël, IV Reg., vi, 21; xm, 14, et du roi de
Syrie. IV Reg., vin, 9, Les serviteurs de Naaman l'ap-
pellent père. IV Reg., v, 13. Les relations de maître à
disciple sont assimilées aux relations de père à fils.
Voir Fils, t. H, col. 2252. Saint Paul dit aux Corin-
thiens qu'ils pourraient avoir dix mille maîtres, mais
qu'ils n'ont qu'un père, l'apotre qui les a engendrés
en Jésus-Christ. I Cor., iv, 15.
7 Bienfaiteur. — Job, xxix, 16, a été le père des
pauvres. L'homme de bien doit dire comme un prie
pour les orphelins. Eccli., iv, 10. Razias était « ap-
i. '•' le père des Juifs à cause de sa bienfaisance, o
U Mach., xiv, 37. i-.liacim. intendant d'Ézéchias, devait
être un père pour h is habitants de Jérusalem, Is., xxn.
21, mais il ne sut pas conserver sa situation.
8° Conseiller. — 1. En Egypte, losrpli est constitué
père du pharaon. Gen., xi.v, x. « Les traducteurs de ce pas-
LIICT. DE I.A BIBLE.
sage, à commencer par les Septante, ontcru y reconnaître
le mot hébreu ieab, « père », Ce sont les textes égyptien i
qui nous informent que, loin d'être hébreu, le titre de ab
pu piriio désigne un inspecteur ou intendant royal atta-
ché tout spécialement à la maison pharaonique. Plu-
sieurs des précieux papyrus historiques du temps de la
XIX"dynastie,dont les textes, sous forme desimpies let-
tres et communications, ont été composés par des scribes
et employés de la cour, se rapportent à ces ab en
pirâo, ces officiers supérieurs du pharaon dont le haut
rang est clairement indiqué par le style plein de res-
pect de la part de ces scribes de rang inférieur. ••
Brugsch, L'Exode et 1rs monuments égyptiens, 1875,
p. 17. On ne voit pas que le titre de « père » ait été
employé dans le protocoIeegyptien.il y avait seulement,
à la cour du pharaon, des rokhou ou « commis » du roi,
qui pouvaient traiter avec lui sans intermédiaire et qui,
descendants éloignés des princes et des princesses de
jadis, étaient plus ou moins apparentés au souverain
régnant; puis des samîrou ou « amis », anciens com-
pagnons du prince dont ils avaient partagé l'éducation
et les jeux. Cf. Maspero, Histoire ancienne de l'Orient
classique, 1. 1, p. 280, 281. On peut s'étonner que Joseph
ait pris, vis-à-vis de ses frères, un titre purement égyp-
tien et probablement inconnu d'eux; mais ce titre était
suffisamment expliqué pour eux par ceux qui suivent,
'lidûn, « seigneur », et moSêl, « prince », de toute
l'Egypte. Le Samaritain traduit ici '.<// par rê'éh,
« ami, conseiller ». En égyptien, I I ♦,<*&, voulant dire
« cœur »,on pourrait expliquera titre dans le sens d'ami.
Mais, "5\ àb, signifie aussi « préposé, inspecteur »; pe
ahu n pirao, « les inspecteurs royaux, » Papyrus Anas-
tasi, v, 24; ce qui convient à la fonction de Joseph. —
2. Le roi Assuérus appelle Aman son « second père »,
c'est-à-dire son ministre et son conseiller. Esth., xm, 6.
— 3. La même appellation était en usage à la cour dis
rois syriens. I Mach., xi, 32. Matathias mourant recom-
mandait à ses fils d'avoir confiance en leur frère Simon
homme de conseil et destiné à être pour eux un père.
I Mach., n, 32.
9° Auteur. — Job, xxxvm, 28, parle du père de la
pluie, c'est-à-dire de celui qui l'a créée. Les chefs
d'Israël, devenus idolâtres, disent au bois : a Tu es mon
père, » et à la pierre : « Tu m'as mis au monde, g Jer.,
u, 2/. c'est-à-dire attribuent leur existence aux idoles
.1. boi "n de pierre.
lll" l'ère adoptif. — Saint Joseph est appelé' père de
Jésus, en ce sens qu'époux de Marie, il a été appelé à
remplir les fonctions de père adoptif auprès du divin En-
fant. Luc, 11,33,48. Les Juifs ont adopté le diable pour
père, en se comportant à son égard comme des enfants
dociles et en obéissant à ses inspirations. Joa., vin, 44.
Il» Vieillard. — A raison de son âge, il doit être
traité comme un père. I Tim., v, 1. — La Vulgate
ajoute à Bacchus le nom de père, qui ne se lit pas
dans le texte grec II Mach., xiv, 33. — Dans Job,
xxxiv, 36, 'âbi ne signifie pas « mon père », comme
traduit la Vulgate; c'est un mot de sens douteux ou
une simple interjection dont les Septante n'ont pas
tenu compte. — Le mot 'db entre dans la composition
de beaucoup de noms propres. Voir An, t. i, col. 12.
II. l'Ali rapport A Dieu. — Dieu est le père par ex-
cellence et toute paternité a en lui son origine. Eph.,
m. 15. .Mais Dieu est père à des titres divers. —
1» Père de tous les hommes. — Celte idée n'apparait
qu'aux temps voisins de l'Évangile. » 0 Père, c'est votre
Providence qui gouverne » le vaisseau sur la mer.
Sap., xiv, 3. Notre-Seigneur apprend aux hommes à
reconnaître le Père céleste, le Père qui est dans les
cieiiN. Matth., v, 10, 48, etc., qui s'occupe de tous et
fait lever sou soleil sur les méchants comme sur les
131
PÈRE — PEREE
132
lions. Mal th., v. 45. 11 leur enseigne à l'invoquer en
l'appelant » notre Père ». Matth., vi, 9; Marc, xi, 25;
Luc. M, ■-, 13. 11 veut qu'on ne donne à personne le
nom de père, c'est-à-dire en l'entendant dans le sens
de créateur et de souverain Maître, parce que les
hommes n'ont qu'un seul Père, celui qui est dans les
cieux. Matth.. mu, 9. — 2° Père des Israélites. —
Jéhovah est le père et le créateur d'Israël. Deut.,
xxxn, 6. Les prophètes le rappellent, Is., lxiv, 8;
.1er., m, i; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israé-
lites de ne pas faire honneur à cette paternité. Mal., I,
6. Isaïe, lxiii, 10, va jusqu'à dire, en s'adressant à
Dieu : « Vous êtes notre père; car Abraham nous
ignore et Israël ne nous connaît pas, » ce qui signifie
que la paternité d'Abraham et de Jacob est absolument
néj;li".eahle en iv-:ni] de celle de Hicu, el que d'ailleurs
les patriarches ne peuvent rien pour leurs descendants.
— 3" Père du juste. — David invoque Dieu comme son
père. Ps. lxxxix (lxxxviii), 27. Jéhovah promet d'être
un père pour Salomon, si ce prince lui est fidèle.
II Reg., vu, 14; I Par., xvii, 13. Le fils de Sirach s'adresse
à Dieu comme au souverain Maître de sa vie. Eccli.,
XXIII, 1, i. Il lui dit : « Seigneur, tu es mon père! »
ce que les versions traduisent par : « Seigneur, père de
mon Seigneur. » Eccli., Ll, 10. Dans la Sagesse, II, 16,
les impies constatent que le juste se glorifie d'avoir
Dieu pour père. — 4° Père du chrétien. — Dieu est
un père pour le chrétien, en vertu de l'adoption divine
méritée par le Fils et opérée par le Saint-Esprit, Rom.,
vm, 15; Gai., IV, 6, par conséquent dans un sens bien
supérieur à celui de la paternité qui s'exerce envers
les hommes en général, les Israélites ou les justes de
l'ancienne Loi. — 5" Père de son Fils éternel. — Vis-à-
vis de ses créatures, Dieu est père, sans distinction de
personnes divines, par droil de création, de conserva-
tion, d'élection, de rédemption et d'adoption. Mais,
au sein même de l'auguste Trinité, l'une des personnes
a le titre de Père vis-à-vis d'une autre personne qui a
li i tre de Fils el qui esl éternellement engendrée par
la première. Notre-Seigneur esl ce Fils du Père, et sa
filiation éternelle n'est en rien modifiée par son incar-
nation. II parle du l'ère céleste, qui exerce sa puissance
et sa bonté sur toutes les créatures en tant que Dieu
unique ri indivisible; mais il nomme aussi très sou-
vent un être divin qu'il appelle « mon Père », devant
lequel il s'abaisse en tant qu'homme, Joa., xvn, 4;
Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 36; Luc, xxn, 42, etc.,
mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les
droits d'égalité. Joa., x, 30; xiv, 9; Matth., xxvm, 19,
etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Père
dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36;
XXVI, 39, 12; Luc, n, 4-9; x, 21; xxn, 29; xxm, 34,
Hi: tua.. 1,14; ii, 16; m, 35; v. 17; vm, 27; xiv, 6, 9,
etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu'ils
lui reprochaient de t dire que Dieu étail son père, se
faisant lui-même l'égal de Pieu. » Joa., v, 18. Voir
Fils di Dieu, i. ti, col. 2254; Jésus-Christ, t. m,
col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jésus Vessie et Fils de Dieu
d'après les Évangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267-
337. IL Lesêtre.
PÉRÉE (Llepafa), » région au delà » et à l'est du
Jourdain, nom d'une province de Palestine au temps
du Sauveur.
I. Nom m lcceptio - Employé par Josèphe,
Bell. jud., III. ni. 3, ce i corre pond à la locution
Ttspxv to-j 'IopSdwov, o au delà du Jourdain », commu-
nément usitée dans tesSeptante pour traduire l'expres-
sion èber hay-Yardên du texte hébreu, souvent em-
ployée pour désigner toute la région orientale occupée
par les Israélites. Dans l'Ancien Testament en général
et parfois dans le Nouveau, co e Joa., i, 28. m, 26;
x, 10 ei Math., iv, 15, où l'Évangéliste reproduit le moi
d'Isaïe, vm, 23 (Vulgate, IX, 1), la locution est prise
comme un véritable nom propre équivalant au nom de
Pérée, ou Transjordane. de l'historien juif. Elle rem-
place, depuis la captivité, le nom de Galaad, pour dé-
signer de même quedans les temps anciens toute la partie
orientale de la terre d'Israël. Dans l'énumération des
régions dont les populations accouraient pour écouter
la parole de Jésus, la « Transjordane » ou Pérée est
citée après la Galilée, la Décapole, Jérusalem et la Judée.
Matth., iv, 25; cf. Marc, ni, 7-8.
II. Limites et étendue. — Josèphe recense la Pérée
avec la Judée, la Samarie et la Galilée, comme une des
quatre grandes divisions de la terre d'Israël. Elle est
beaucoup plus vaste que la Galilée, mais aussi plus
accidentée et plus sauvage, quoiqu'encore abondante
en fruits, couverte d'arbres, spécialement de vignes,
d'oliviers, de palmiers et bien arrosée par des sources et
des cours d'eau permanents. Elle s'étend en longueur
du sud au nord, de Machéronte [Menhour) ou de la
Moabitide et de l'Arnon à Pella, et du Jourdain, à
l'ouest, à la frontière d'Arabie ou jusqu'à Hésébon
iljesbdn), Philadelphie (Amman) el Gérasa (DjéraS),
à l'orient. Bell, jud., III, m, 3. Ainsi limitée, la Pérée
comprend seulement la partie méridionale extrême de
la Décapole, si même elle ne l'exclut pas tout entière.
Il s'agit sans doute de la Perte politique, telle qu'elle
fut quand Pompée déclara libres les principales villes
de la Décapole, ou quand, à la mort d'Hérode l'ancien,
Auguste les annexa à la province de Syrie. Cf. Ant.
jud., XIV, iv, 4; XVII, xi, 4; Bell, jud., I, vu, 7. La
Pérée était en cette condition au temps du Sauveur.
Cependant l'historien juif, en appelant Gadara la
métropole de la Pérée, Bell, jud., IV, vu, 3, en recule
ainsi la frontière septentrionale jusqu'au Yarmouk,
aujourd'hui le Serî'at el-Menâderéh, limite du terri-
toire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre
cette dernière ville, étaient enclavées Pella (Fahêl),
Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beil er-Râs), el Gérasa
DjéraS), c'est-à-dire la moitié des villes de la liéca-
pole. C'était à peu pies tout le territoire des anciennes
tribus de Gad et de Ruben, le pays de Adjloûn actuel
et la Belqà septentrionale au nord de Vouadi Môdjib,
l'ancien Arnon, divisé en deux parties à peu près
•'-aies par la Zerqâ, l'ancien Jaboc. Les Talmuds, qui
considèrent la Perée au point de vue des observances
légales, y l'ont entrer encore plusieurs localités du Mau-
ran et du Djédour, comme Nève (Ndoua), Édréi [ed-
Dera'a) et quelques autres qui appartenaient à la tribu
de Manassé orientale. Cf. Mischna, Baba Bat ru. 111, 2;
Ketouboth, xin, 9; Tosil'tha, même traité à la lin;
Talmud Bab., Sanhédrin, h, b, etc. Cf. A. Neubauer,
Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 56, 241-
251. Voir la carte de Gad, t. ni, col. 28.
III. Population. — Au temps du Sauveur. la Pérée
était occupée par les races les plus diverses. — Les
Moabiles, qui avaient profilé de la scission du royaume
d'Israël pour se réinstaller dans la partie
entre l'Arnon et le Jaboc. ne l'avaient plus quittée.
Les Ammonites s'étaient avances vers l'om iu
temps des Machabées ils occupaient Jaser el les alen-
tours. I Mach., v. 6-9. A eux s'étaient mêlés les Nabu-
Ihéensel diverses autres branches ismaélites OU arabes.
Cf. 1 Mach.. x, 25; îx. 35,36; Ant.jud., XII, iv, 11, etc.
Après la déportation en Assyrie des tribus orientales
• i Israël, les Syriens de Damas avaient pu occuper
c plètemenl la contrée. Josèphe, Bell, jud., xvin, I,
nous les montre peuplant les villages delà Pérée, tant
au sud qu'au nord du Jaboc, et son récit les suppose, si-
non formant le fond de la population, du moins no n-
breux dans les principales villes du pays, à Philadelphie
mi Amman, a Hésébon, à Gérasa, à Pella, à Gadara. —
A ces éléments purement orientaux et sémites, était
venu se joindre lors de l'invasion gréco-macédonienne
133
PEREE — PERGA.ME
134
l'élément occidental ou japhétique. Pella de Pérée,
comme son homonyme d'Apamée, doit sans doute son
origine à des soldats de l'armée d'Alexandre qui. s'étant
arrêtés au pied des monts de Galaad, et non loin au nord
du Carith (ouadi Yâbis), avaient voulu donner à leur
ville le nom delà patrie de leur maître. Elle aurait pour
fondateur, ainsi que Lion, s'il faut en croire Etienne
de Byzance. Alexandre lui-même (332 avant J.-C). Cf.
Reland, Palœstina, p. 736-737. Les autres villes de la
Décapole dont les noms sémitiques indiquent une ori-
gine plus ancienne durent être relevées ou agrandies et
embellies, pour recevoir des colonies de même genre.
Vers la même époque, les Juifs trop à l'étroit dans la
Judée étaient revenus dans cette Transjordane que leur
avait donnée Moïse. Devant la fureur des autres popu-
lations toutes païennes, les Machabées avaient dû ra-
ter leurs frères dans la terre de Juda, I Mach., v,
15. Après les conquêtes, en cette région, de Jean Hyrcan
135-107 . d'Alexandre Jannée I 106-391 et de son fils Hyr-
can (79-40i, les Juifs s'établirent de nouveau dans un
grand nombre de villes de la Pérée où se trouvaient
des Syriens et en relevèrent un grand nombre d'autres
qui avaient été ruinées. Josèphe, Aut. jud., XIII, 4.
De gré ou de force, une multitude de païens embras-
sèrent alors la religion des Juifs. Cf. Ant. jud., XIII,
XV, i: Bell, jud., II. xnii, 1. Pompée, en 63, soustrait
Gadara. Pella, Dion à la domination des Juifs et déclare
leurs habitants autonomes. Aut. jud.. XIV, IV, 2, 4.
C'était sans doute le même motif qui détermina plus
lard Auguste, après la mort d'Hérode (40-11, à enlever
Gadara à Ilérode Antipas (4-39), et à la rattacher à la
Syrie, parce que cette ville était « grecque ». Ant.,
XVII, xi. 4. Elles étaient toutefois plus grecques, par
leur caractère extérieur et la religion, que par le nom-
bre de leurs habitants hellènes, puisque l'historien.
Ant., XIII, xv, 4, nomme Gadara même une ville « de
Syrie g et qu'au commencement des troubles de Judée
(61), les Juifs se jettent sur elle pour venger, par le
massacre des Syriens, leurs frères traités de même à
Césarée. Bell. jud.. II, xvm, I. — Telle était la popu-
lation de la Pérée quand le Christ commença la pré-
dication de l'Évangile. Les foules qui accouraient de là
et de la Décapole pour l'entendre étaient, -ans doute,
pour le plus grand nombre, des Juifs de la région et
c des judaïsants » ou convertis. Voir Reland, Palsestîna,
Utrecht, 1714, p. 197-200. Cf. Décapole, t. h, col. 1333-
1336; Galaad. t. m, col. 45-59; MOAB, t. iv, col. 1138-
117?. L. 1Ilil.lt.
PEREIRA DE FIGUEIREDO Antonio, théologien
portugais né au bourg de Macao. le 14 février I7J">.
mort à Lisbonne, le 14 août 1797. Il lit ses études au
collège des Jésuites à Villa-Viçosa et entra en I7ii à
l'Oratoire de Lisbonne, où il enseigna la grammaire
1752 . la rhétorique (1755), et la théologie (1761), Dans
le conllit qui s'éleva entre le Portugal et le Saint-Siège
il défendit d'abord l'Église, mais Pombal le gagna à sa
cause et le combla d'honneurs. Il quitta l'habit reli-
gieux et attaqua violemment le Pape et les doctrines
les dans une foule de publications. Xous n'avons
à mentionner parmi ses écrits que sa traduction des
Écritures : O VelhoeNovo Testaniento em Portuguez,
23 in-8\ Lisbonne. 1778-1790. Les notes qu'il a jointes
à sa version ne sont pas toujours orthodoxes. Voir
Portugaises (Versions) de la Bible.
PEREYRA Benoit, exégète espagnol, né vers 1535,
pr. .- de Valence, mort à Rome le 6 mars 1610. Il entra
au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1552, pi
iups la philosophie, la théologie et l'Écriture
Sainte et se fit une grande réputation par son savoir et
son érudition. Xous lui devons : l« L'n long coinmen-
1 diverses dissertations sur la Genèse, en 4 in-f° :
Ben. Pererii, Valentini, commentariorum et dispu-
tationum in Genesim tomi quatuor. Cet ouvrage
d'abord imprimé à Rome. 1591-1595, le fut ensuite plu-
sieurs fois à Lyon et à Cologne. — 2" Un commen-
taire sur Daniel, en 16 livres, dédié au cardinal Caraffa,
in-f°, Rome, 1587 : Ben. Pererii, Valentini, commen-
tariorum in Danielem proplietam libri sexdecim. Il
fut réimprimé à Lyon l'année suivante, à Anvers en
1594. Les éditions de Trêves (1618 et 1625) ne donnent
que la 4e partie de ce travail. — 3» Des Dissertations
considérables sur l'Exode, Ingolstadt. in-4", 1601 ; L\on.
1602 et 1607; sur l'Évangile de S. Jean, Lyon, in-4»,
1608 et 1610; sur l'Apocalypse, Lyon, in-4», 1606; Ve-
nise. in-8". 1607; sur VÉpitre aux Humains, Ingolstadt.
in-4», 1603; Lyon, 1604; Ben. Pererii, Valentini, sele-
ctarum disputalionum in Sacram Scripturam tomi
quatuor. Ses autres ouvrages d'exégèse restés manus-
crits sont : 1° In B. Matthœi et B. Lucie Evangelia
commentant; 2° Passio secundum IV Evangelistas
ea -jilirala ; 3» Explicatio aliquot capitum S.Evangelii
secundum ilatthivum et Lucam; 4° Prolegomena m
Epistolam Divi Pauli ad Romanos; 5° Expositio
Evangelii S. Joannis; 6" Diverses dissertations sur îles
points spéciaux. P. Bliard.
PEREZ DE VALENCE Jacques, théologien espa-
gnol, né à Ayora, diocèse d'Orihuela, mort en 1490 ou
1491. Religieux augustin. il occupa les premières char-
ges de son ordre avant de devenir évêque de Chrysopolis
et sufïragant de Frédéric Rorgia, cardinal de Valence,
plus tard pape sous le nom d'Alexandre VI. On a publié
de Jacques Perez : Expositio in caput ut Threnorum,
in-f», Paris. 1482; Centum et quinquaginta Psalnii
cum diligentissima eliam titulorum omnium
sitione, in-f», Valence, 1484; Expositio in Cantica
canticorum, in-f°, Venise, 1498; Expositio in Exodum,
in-f°, Paris, 1533. — Voir N. Antonio, Biblioth. Bis-
pana vêtus, t. i, p. 329. R. Heertebize.
PERGAME (grec : rô IhV-xaov, ^ Tléoya^oç; ce
nom n'apparaissant qu'au datif et à l'accusatif dans le
Nouveau Testament, sans article, on ignore quel genre
lui attribuait l'écrivain sacré', ancienne capitale de la
Mysie, dans le district de Teuthranie. région accidentée
et montagneuse; puis métropole de la province romaine
de l'Asia propria, en Asie Mineure. Aujourd'hui.
Bergamo ou Bergama (tig. 19i. Pergame est mention-
19. — Monnaie de Pergame.
Têtes affrontées de Tibère et de Livie. CebaCTOI Etn nETP(Q-
NIOrj.—^.eEONCEBACTONnEPrASIHNOI. Temple d'Auguste.
née en deux endroits du Nouveau Testament : l» Apoc.
t. 11. dans la liste de sept Églises d'Asie Mineure
auxquelles saint Jean reçut l'ordre d'adresser le récil
de ses visions de Patmos; 2° Apoc, II, 12, en tête de
la troisième des sept lettres écrites par l'Apôtre à ces
mêmes Églises, de la part de N.-S. Jésus-Christ.
I. Topographie. — Au dessus d'une plaine ondulée,
traversée par deux cours d'eau, se dresse une colline
très remarquable, haute d'environ 300 mètres, a la
forme arrondie, qui, vue d'en bas, ressemble à un cône
de pin et que les anciens surnommaient pour ce motif
rtpo60io£i8lc. Slrabon, XIII, iv, 1. C'est au sommet de
cette masse de trachyte que fut bâtie la cité primitivi
de Pergame, avec une citadelle ou acropole extrême-
135
PERGAME
136
ment forte. Plus lard, une ville beaucoup plus considé-
rable s'étala peu à peu au pied de la montagne.
Le Kétéios (aujourd'hui Kestel-tchaï) et le Sélinos
Bergama-tchaî), venant tous deux du nord, coulent
dans des ravins profonds et abrupts. Le premier longe
simplement la ville; comme autrefois, le second la
traverse sur une étendue d'environ 800 mètres. Pline,
//. .Y., v. 126. Ils vont se jeter, l'un et l'autre, à quelques
Kilomètres au sud de Pergame, dans le Caïcos, aujour-
d'hui Sakyr-tchaï, la rivière principale de la région,
qui arrose une vallée d'une grande beauté, large et
fertile. Strabon, XIII, iv, 2; et qui a son embouchure à
environ 25 kil. 1 120 stades) de Pergame. dansla mer Egée,
près de l'ancienne ville d'Élaïa, aujourd'hui Tchanderlik.
thère (284-263); Eumène I" 263-2H); Mtale I" 241-
L97 . Eumène il 197 159 . Attale II (159-138); Attale
111 138-133). Nous ne relèverons que les traits princi-
paux de leur histoire, en tant qu'elle peut intéresser
leur capitale.
Apres la mort d'Alexandre le Grand. Pergame tomba
sous la domination de Lysimaque. l'un de ses généraux
et successeurs. La ville" ne consistait alors qu'en une
citadelle, bâtie, avec un certain nombre de maisons, au
sommet delà montagne isolée qu'enserrent le Kétéios
et le Sélinos. Lysimaque y mit en sûreté son riche trésor
de 9 000 talents (environ 44 000 000 de francs i. dont il
confia la garde à l'eunuque Philétère. Celui-ci, mettant
à profit les troubles politiques qui régnaient alors.
20.
Vue de l'Acropole de Pergame. D'après une photographie.
Le Caïcos était autrefois navigable. A Pergame, le K
est presque toujours à sec; le Sélinos a un peu
qui arrose quelques jardins. Ou sommet de l'acropole,
la vue s'étend jusqu'à la mer et jusqu'à Mitylène.
II. Il, GA.HE. — 1" A l'origine. — anté-
rieurement à la dynastie qui établit la puissance de
P mie, cette ville n'a qu'une histoire assez obscure.
ou presque toute légendaire. Elle paraît avoir été fondée
par des colons grecs, qui, d'après la tradition la plus
mblable, étaient orignaires d'Arcadie. Yoirllessel-
iii, m •" garni l i« B
1885; E. Chrœmer, P Leipzig, 1888. La
première mention faite de Pergame dans un texte his-
torique ne remonte qu'au début du iv> siècle avant
,1,-C. Xénophon VII, vm, 8; Ilellenic, III,
i, 6. Les pins anciennes qu'on ail d'elle
datent des années ISO I vant notre
: Sous 1rs prit le des A t laies. — Au
commencement du in sii I.-C, Pergame
1 tout à coup une grai , il.', grâce à ses
rois, les Attalides, dont voici la liste : Philé-
réussit à s'i api i iu trésor "etïde la citadelle, qu'il
transmit à son neveu Eumène, petit dynastedes environs,
fondateur de la brillante famille des attalides. attale I r
reçut d'Eumène un territoire considérablement agrandi,
. des victoires remportées soit sur Antiochus de
Syrie, soit sur les Gaulois, ou Galates. qui envahirent
1 Vsie Mineure en 279. 11 prit le titre de roi. après avoir
battu à son tour ces demi rs 240 : et voyant l'avantage
qu'il y aurait à profiter de l'amitié des Romains, dont
l'influence c mi ni ail à se faire sentir en Asie Mineure,
se fil leur fidèle allié. Sous son règne, Pergame devint
non seulement la capitale d'un royaume considérable
et l'une des villes les plus importantes de l'Asie anté-
rieure, maisaussi un grand centre commercial et artis-
tique, et une métropole d'une magniùence vraiment
I , prospérité et la splendeur de la citi
crurent encore sous Eumène II, Strabon, XIII, iv, 2, qui
y multiplia les monuments somptueux, sacrés ou pro-
II l'enrichit notamment d'une bibliothèque
ad mirai, le pour l'époque, où l'on comptait plus de
•200 000 volumes ou rouleaux; grâce à elle, Pergame fut
137
PERGAME
138
aussi le centre d'un grand mouvement littéraire et
scientifique. Elle fut transportée plus tard à Alexandrie,
Antoine en ayant fait présent à Cléopàtre. Pline, //. N.,
[Il, 2. Eumène donna également aux arts une impul-
sion considérable, et établit à Pergame une école de
sculpture très illustre, qui posa la base de l'art dit
pergaménien. La ville avait alors, comme autre source
de richesses, la fabrication des parfums et des coupes
d'argile, le travail de l'ivoire, la taille des pierres fines,
et surtout la préparation des parchemins. A cette époque,
en effet, on n'exportait pas encore les papyrus d'Egypte,
et l'on se servait en Asie, pour les livres, de peaux de
moutons, de chèvres et de veaux, auxquelles on faisait
subir une préparation spéciale. Comme l'art de préparer
ces peaux atteignit à Pergame une perfection particu-
lière, on ne tarda pas à leur donner le nom de charta-
pergamenm, qui subsiste encore sous la forme de
« parchemin. » A la mort d'Eumène II, son frère
Attale II prit les rênes du gouvernement, comme tuteur
du jeune Attale III, fils du roi défunt. Il est question
d'Attale II au premier livre des Machabées, xv, 22.
Voir Attale II. t. i, col. 1227-1228. Attale III mourut
sans héritier en 133, après avoir légué son royaume
aux Romains, par un testament que Salluste soup-
çonne d'avoir été simulé, Histor., v; cf. Horace, Ud., II,
xviii, .">, mais dont on reconnaît aujourd'hui la sincérité.
— Ces divers princes battirent successivement monnaie.
et Pergame continua ensuite, jusqu'à la fin du IIIe siècle
de notre ère, d'user de ce privilège. Ses monnaies les
plus courantes sont les cistophori, ainsi nommées
parce qu'elles portaient gravée la cista mystica, avec
d'autres objets rappelant le culte de Bacchus. On y voit
aussi les insignes des trois autres grandes divinités de
Pergame : Zeus, Athéné, Esculape.
3» Sous la domination romaine. — Après la mort
d'Attale III, le royaume de Pergame fut incorporé à
l'empire romain, sous le nom d'Asia propria, et, pen-
dant deux siècles encore (jusqu'en 129 de l'ère chré-
tienne', la ville demeura la capitale de la province.
Strabon, XIII, vi, 23, l'appelle littyxvriç noXi;. Cf. Pline,
H. N., v, 30. Elle était le siège d'un tribunal su-
prême ; elle avait à sa tète, comme d'autres villes
d'Asie, un asiarque, sorte de magistrat municipal indé-
pendant, qui présidait les fêtes civiles et religieuses.
On y avait installé une école de médecine, dont sortit
le célèbre Galien. Les Romains continuèrent les tradi-
tions artistiques des Attalides, et contribuèrent aussi
beaucoup à orner soit l'acropole, soit la ville basse, qui
leur durent de beaux monuments. Pergame ne demeura
donc pas alors sans gloire, bien qu'Éphèse etSmyrne se
fussent développées à ses dépens et l'eussent peu à peu re-
dans l'ombre. Vers la fin du premier siècle après
ï.-C, à l'époque où fut composée l'Apocalypse, Éphèse
lui ravit même, sinon officiellement, du moins dans l'ap-
préciation populaire, son titre de capitale de la province;
c'est pour cela sans doute que Pergame n'est citée qu'au
troisième rang parmi les sept églises, à la suite
d'Éphèse et de Smyrne. Apoc, il. Voir W. M. Ramsay,
dans le Diction, of the Bible de Hastings, t. ni, p. 750-
751. Au second siècle de notre ère, elle avait encore
120060 habitants; mais, plus tard, elle dépérit graduel-
lement, surtout sous les empereurs byzantins. Elle
compte aujourd'hui environ 14 500 habitants, Turcs,
Grecs. Arméniens, etc.
III. Pergame et le christianisme. — Xous ignorons
dans quelles circonstances spéciales le christianisme
a lit pénétré à Pergame. Ce fut peut-être dès l'époque
de saint Paul. Cf. Act., xix, 10. Du moins, le passage
(' l'Apocalypse qui la concerne suppose qu'elle possé-
dait, à la fin du premier siècle, une chrétienté considé-
rable, fervente et parfaitement organisée, bien que,
malheureusement, la secte impure des Xicolaïtes, voir
A'icolaïtes, t. iv, col. 1616-1617, y eût un certain nom-
bre d'adhérents, comme à Éphèse. Apoc, n, 6. — Les
interprètes se demandent, sans pouvoir se mettre
entièrement d'accord, pourquoi, dans la lettre de saint
Jean à « l'ange » de Pergame, cette ville est appelée à
deux reprises, Apoc, H, 13, « le trône (ou l'habitation)
de S.itan. » La pensée générale est claire: ces mots
signifient évidemment que l'évêque de Pergame exerçait
son ministèredans un endroit qui présentait des difficul-
tés particulières; mais il est difficile d'indiquer avec
certitude le motif pour lequel Satan était censé avoir
son siège à Pergame plutôt qu'ailleurs. — 1» D'après
d'assez nombreux commentateurs, cela viendrait de ce
que l'esprit de persécution, qui est vraiment un espri
satanique, Apoc, n, 10, faisait alors rage à Pergame
plus que dans aucune autre ville d'Asie; un passage de
la lettre, Apoc, n, 13, mentionne le martyre du « témoin
fidèle » Antipas. — 2» Une autre interprétation se rattache
au culte vraiment extraordinaire dont le dieu Esculape
fut l'objet à Pergame, à toutes les époques de son his-
toire, mais surtout sous la domination romaine. C'est,
en effet, sous les Romains que fut bâti, dans la ville
basse, aux frais de l'Asie entière, Philostrate, Apoll.,n,i,
le célèbre Asclépéion 'ou temple d'Esculape, dont les
dépendances étaient considérables, et qui jouissait du
droit d'asile. Les malades y accouraient de très loin, dans
l'espoir d'obtenir des guérisons miraculeuses ; ils atten-
5t. — Monnaie de Pergame.
Tête d'Esculape à droite. — n). Serpent. ACKAEniOV [COTHJPOC.
daient que le dieu leur dictât en songe des ordonnances
infaillibles. Tacite, Ann., m, 63; Pausanias, III, xxvi,
8. Esculape était, d'après Martial, IX, xvi, 2, le per-
gamcnus rfeus par excellence. Or, ce dieu avait pour
emblème le serpent, comme on le voit par de nom-
breuses monnaies de l'antiquité (fig. 21). D'un autre
côté, Satan est, dans la Bible, le« serpent antique ». Cf.
Gen., m, 1 sq.; Apoc, xn. 9 ; xxn, 2, etc. — 3° Selon
d'autres, l'allusion porterait spécialement sur ce fait que
Pergame était devenue, dès le règne d'Auguste, un
centre du culte rendu à Rome et aux empereurs. —
4" On a pensé aussi tout spécialement à l'autel gigantes-
que qui fut érigé en l'honneur de Zeus Soter sur le
plateau de l'acropole, par les soins d'Eumène II, entre
les années 183 et 174 avant J.-C. Il était tout entouré de
colonnades, et avait près de 35 m. de longsur37m.de
large. Sa façade extérieure était ornée d'un haut-relief
qui représentait la lutte des géants avec les dieux, en
souvenir des victoires que les Attalides avaient rem-
portées sur les Galales (fig. 22). — 5° Enfin, et telle est
peut-être l'interprétation la plus naturelle, on a supposé
que si Pergame estappelée le « trônede Satan», ce n'est
pas seulement pour un de ces motifs particuliers, mais
surtout parce qu'elle était devenue chaque jour davan-
tage, depuis le commencement du ni" siècle avant notre
ère, un centre général d'idolâtrie. A côté du culte rendu
à Rome et à l'empereur, à Esculape et à Jupiter, il \
avait celui qu'on offrait à Athéna Polias Niképhoros, à
Bacchus, à Vénus, etc., comme l'indiquent encore les
ruines de vingt temples divers, échafaudés sur la mon-
tagne et éparpillés dans la ville basse. Par ce culte et
par les orgies qui s'y associaient, Pergame était vrai-
ment devenue le trône de Satan.
IV. Etat actuel des monuments de Pergame. —
Jusqu'aux vingt dernières années du XIX0 siècle, les
139
PEU G A ME
PERGE
140
ruines de Pergame, malgré leur étendue considérable.
ne disaient presque rien aux peu nombreux voyageurs
qui allaient les visiter. Mais le gouvernement prussien
entreprit en 1S78, sous l'habile direction de JIM. Hu-
mann, Bohn, Conze, etc., des fouilles importantes, qui
durèrent jusqu'à l'année 1886. Elles nous ont livré le
plan complet des monuments de l'acropole et de la ville,
en même temps qu'elles mettaient à jour des débris
très précieux d'architecture, de sculpture, etc. En bas
de la colline, on voit les restes plus ou moins bien con-
servés des remparts, d'un aqueduc souterrain, de quais,
de ponts, d'un stade, de thermes, d'un théâtre, d'un
amphithéâtre, de PAsclépéion, etc. En haut, sur les
quatre terrasses superposées du plateau de l'acropole,
on admire les restes d'un gymnase, de l'autel de Jupiter,
de plusieurs des temples mentionnés ci-dessus, d'un
pilais royal, de la bibliothèque d'Euméne II, d'un
théâtre, etc. De nombreuses sculptures, statues, etc.,
sont devenues les richesses opimes du musée de Berlin.
Amazonengruppe des Attalischeti Weihgeschenks, eine
Studie zur Pergamenischen Kunstgeschichte, Berlin,
1890; .1. L. Ussing, Pergamos, dens Historié og Monu-
menten, Copenhague, 1897; Conze, Pro Pergamo,
Berlin, 189S: E. Sehweizer, Grammatik der Pergame-
nischen Inschriften, Beilrâge :«/• Laut-und Fles'ions-
lehre der gemein-griechischen Sprache, Berlin. 1898,
E. Pontremoli et M. Colignon, Pergame, restauratù n
el description des monuments de l'Acropole, Paris. 1900;
VY. Dôrpfeld, Der sûdliche T/ior von Pergamon,
Berlin, 1901, dans les Abliandhtngen der h
preussisch. Akademie der Wissenschaften : Conze. /ne
Kleinfunde ans Pergamon, dans le même recueil.
Berlin, 1902; G. Cardinali, 11 regno di Pergamo, Ri-
cerche di storia e di diritto pubblico, Rome, '1900;
enfin la grande publication artistique Altertûmer von
Pergamon, dont les parties suivantes ont été publii
t. ii, Das Heiliglum der Athena Polias Nikephoros, par
R. Bohn, Berlin, 1897; t. m, 1» partie, J. Schrara-
22. — Autel de Jupiter à Pergame. Reconstitution.
D'après Baumeister, DenkmSIer des klassischen Altertums, t. n. p. 1216. Gg. 1404.
V. Bibliographie; — l» Auteurs classiques : Strahon,
xiii. i; Martial, ix, 17; Pline. //. .Y., XXXV. rv, 10;
Tife-Live, XXXII. wxin. i; Polybe, xvi. I; xxxn. 23;
Ptolémée, V, 11,14 ;Josèphe, Ant.jud.,Xl\. —2» Auteurs
modernes : Macfarlane, Pisii to the seven Apocalyptic
Churches, I s: i-j , Arundell, Discoveries in Asm Minor,
t. n. p. 302-307; von Prokesch-Osten, Denkuiûrdig-
n tind Erinnerungen uus dem Orient, Stutt-
gart, 1836-1837, t. m. p. 304 sq.; von Schubert, Reise
m's Morgenland, - édit., Erlangen, 1840. t. i. p. :!l(i
318; Van Capelle, Commentatio de regibus et anti-
quitatibus Pergamenis, Amsterdam, 1842; Welcker,
Tagebuch einei grie* hi i hen Reise, Berlin. 1865, t. u,
p 193 sq.; Ergebnisse der lusgrabungen su Perga-
on, trois rapports publiés sur les fouilles allemandes
par MM. Humann, Conze el Bohn, en ISSU. 1882 el ISSS.
dan le Jahrbuch der kônigl.preussischen Kunstsamm-
lungen ;Thii rsch, Die Kônigsburg von Pergamon, Stutl
gart, 1883; i plich Pe yamon, Geschichte und Kunst,
Leipzig, 1883; i Reclus, Nouvelle géograpl
selle, i. i\. /. Ai Paris, 1884, p. 598-612;
Humann, Fûhrer durch die Ruin< i von Pergamon,
Berlin. 1885; Fabricius el Trendelenburg, l'article
mon dans les Denkmàler de* hlassisch
lertums de B leisler, t. n. p. 1206-1287, Berlin.
1889; l'. Pedroli, U > gi o di Pergamo., Studi e ricer-
che, rurin, 1896; E. Le Ci s. Les sept Églises de
l'Apocalypse, Paris. 1896, p. 247-264; G. Habich, Die
îuen. Der (p-osse Altar, der obère Markt, Berlin. 1906;
l. iv. Die Théo. ter-Terrasse, par R. Bohn. Berlin, iNtiii;
t. v, 2' partie, Pas Trajaneum, par H. Stiller, Berlin.
1895; t. vin. Die Inschriften von Pergamon, par
Max Frânkel, avec la collaboration de E. Fabricius el
C. Schuchhardt, Berlin. 1895. L. FlLLION.
PERGÉ (Grec nia
■y], Vni ia), ville de
Pamphylie, située à l'ouest du Cestrus, à environ
00 stades (12 kil.) de l'embouchure. Strahon, XIV. iv. 2
(flg 23). Saint Paul et saint Barnabe dans leur pre-
mière mission viennent de Papbos à Pergé en pi
i.mi le Meuve. Act., xi ii , 13-14. Les Apôtres j séjour-
nèrent probablement peu et ne paraissent pas \ avoir
prêché. Conybeare el Howson, The Life and Epistles o/
st. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 131, suivis par
C. Foûard, S. Paul el ses missions, in-80, Paris, 1892,
p, 26-28, croient que saint Paul et ses compagnons
arrivèrent à Pergé à l'époque où les habitants fuient
les plaines malsaines du rivage pour se réfugier sur
les hauteurs du Taurus: \V. Ramsay, The Church in
the Roman empire, 1893, p. 16-18, croit au contraire
que cette m ig rat ion esi de date récente et qu'elle n'i |
pas antérieure aux Turcs. C'est à Pergé que .ban Marc
quitta saint Paul et s'en retourna à Jérusalem. Act., xm,
13. Voir .Ii: an Marc, t. m, col. J166. A leur retour de
Pisidie, saint Paul prêcha à Pergé. Act., \iv. 24.
Pergé était la seconde ville de Pamphylie. le centre d -
LU
T E R G E
PERIBOLE
14'2
indigènes, tandis qu'Attalie était une colonie grecque.
A Pergé se trouvait un temple célèbre d'Artémis, la
même divinité que l'Artémis d'Ephèse. Les monnaies
lui donnent le titre de reine de Pergé, Piva^T*, en
23. — Monnaie de Pergé. — Tète laurée d'Artémis à droite. —
£. âPTEMIâ iieitai. Artémis en chiton court, debout à
gauche, le carquois sur l'épaule, appuyée sur un sceptre et te-
nant une couronne de laurier. A ses pieds une bicbe ; dans
le champ I.
dialecte pamphylien et plus communément celui d'Ar-
t. mis de Pergé, C. Lankoronski, Les villes de Pam-
phylie et de Pisidie, in-f°, Paris, 1S90-1891. t. i.
p. 17-37. 39. i'.l. (32. Inscription, n. 33 et 36, p. 172-173.
W. Ramsay dans le Journal of hellenic Sludies, 1880,
p. 147-971; llill. Calalog. of Bvilis/i Muséum. Pam-
phylia, in-8 . Londres, 1897, p. 129-131'. Le temple d'Ar-
témis était silué près de la ville sur une hauteur. On
34 — Plan de Pi
D'après Lanl. iroski, Las villes de Pamphylie, t. i. p. 174.
y tenait chaque année une grande assemblée. Strabon,
XIV îv. 2. 11 en reste quelques ruines. Le temple et
son enceinte axaient droit d'asile. Arck. Epigraph.
Miltheilungen ans Oesterreich, 1897. p. 67; C. Lanko-
ronski, Les Villes de Pamphylie, t. i. p. 171. n. 39; llill.
Catalogue of the Greek coins of Lycia, Pamphylia,
1897, p. 119-142. Pergé porte aujourd'hui le nom de
Murtana. E. Beurlier.
PERIBOLE (hébreu : gédér, « mur; d Septante :
TrepfmxToç, 7U£p(6oXoç; Vulgate : peribolus), enceinte, mur
formant enceinte. — Ézéchiel, xui, 7, 10, parle d'un mur
extérieur, long de cinquante coudées et parallèle aux
chambres du Temple, de manière à laisser un espai
vide entre les chambres et le mur. Les Septante tra-
duisent par Tispf-aTo;, « lieu où l'on se promène. " ce
qui convient à l'espace vide et non au mur. La Vul-
gate emploie le mot peribolus, de neptSoXo;, qui veut
toujours dire « enceinte » ou « clôture ». — Sous
Simon Machabée, on grava sur des tables d'airain le
récit de ce qui avait été fait pour l'indépendance et
la gloire de la nation, et on plaça ces tables sur le pé-
ribole: du Temple, en un lieu apparent. I Mach., xiv.
1<S. Il est à croire que le mot péribole ne désigne pas
ici le mur même du Temple, à distance duquel étaient
tenus les gentils, mais un mur d'enceinte donnant
sur le parvis des gentils et ménageant le lieu apparent
qui permettait à tous de lire l'inscription. — Dans le
Temple d'Hérode, le parvis des gentils contenait un
péribole, ou mur d'enceinte, probablement à la place
du péribole machabéen. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2,
en parle en ces termes : A l'intérieur des portiques,
« tout l'espace à ciel ouvert était dallé de pierres de
toutes sortes. Quand on se rendait par là au second
Temple, tout autour s'élevait une barrière en pierre.
Spùçaxxoç XiOivo;, de trois coudées de hauteur, fort
élégamment construite. A intervalles égaux, se dres-
saient des colonnes pour rappeler, les unes en
caractères grecs, les autres en latins, la loi de pureté
en vertu de" laquelle il n'est permis à aucun étranger
d'entrer dans l'fry/ov (le saint), car le second Temple
était appelé Syiov (le saint). >> Pareille défense était
déjà en vigueur au temps d'Antiochus le Grand,
puisque ce prince reconnaît « qu'il n'est permis à
aucun étranger de pénétrer dans le péribole du Temple,
interdit aux Juifs eux-mêmes quand ils n'ont pas été
purifiés conformément à la loi de leurs pères. »
Josèphe, Ant. jud., XII, m, 4. L'historien juif dit
ailleurs, Ant. jud., XV, xi, 5; Bell. jud.. VI, n, 4, que
l'infraction à cetle défense comportait la peine de mort,
et que l'autorité romaine avait sanctionné l'application
de cette loi même à des Romains. Cf. Philon, Légat,
ad Caium, 3!, édit. Mangey, t. n, p. 577; Middoth,
n, 3; Kelim, i, S. On a révoqué en doute l'assertion
de Josèphe concernant la peine de mort infligée aux
étrangers qui franchissaient le péribole. Mais, en 1871,
la vérité de l'assertion a dû être reconnue, lorsque
Clermont-Ganneau, Revue archéologique, nouv. sér.,
t. xxin, 1872, p. 214-234, 290-296, pi. x. retrouva une
colonne de pierre portant, en grec, l'une des inscrip-
tions mentionnées par Josèphe. Cette inscription,
actuellement à Constantinople, au musée Tschnili-
Kiôschk, et dont le musée judaïque du Louvre pos- d
un moulage, est ainsi conçue :
MH0ENA AAAOTENH ElInO
PEYEZOAI ENTOZ TOY nE
PI TO IEPON TPYdîAKTOY KAI
nEPIBOAOY OZ A AN AH
cb0H EAYTQI AITIOI El
TAI MA TO EIAKOAOY
OEIN 0ANATON
« Que nul étranger ne pénétre au dedans de la barrière
qui entoure l'hpov (les parvis réservés) et du péribole;
celui qui serait pris serait cause pour lui-même que
la mort s'ensuivrait. » Cf. Schurer, Geschichte de
dischen Volkes im Zeit. J. C. Leipzig, t. II, 1898, p. 271-
275. En conséquence <!<• cette défense, les Juifs surveil-
laient avec soin les mirées du péribole. Aussi s'émurent-
143
PÉRIBOLE — PERLE
144
ils violemment quand ils crurent que saint Paul avait
lait franchir l'enceinte sacrée à un gentil, Trophime
d'Éphèse. Ils entraînèrent l'Apôtre hors du Temple dont
ils firent aussitôt fermer les portes. Act., xxi, 29, 30.
Le péribole était appelé soreg et l'on donnait le nom
de hel à l'espace compris entre cette barrière et les
bâtiments du Temple lui-même. Cf. Middoth, n. 3.
Ce traité- de la Mischna n'attribue à la barrière que dix
palmes (0"'67) de hauteur; l'indication de Josèphe,
Bell, jud., V, v, 2, parlant de trois coudées (lm57).
parait plus vraisemblable. L'espace circonscrit par le
péribole s'élevait de quelques degrés au-dessus du
terre-plein du parvis des gentils. Cf. Josèphe, A m.
jud.. XV, xi, 5. Treize portes donnaient accès dans le
hel et devant chacune se dressait l'une des colonnes
mentionnées plus haut. Saint Paul semble faire al-
lusion à ce mur de séparation, médium parietem
maceria . dans son Épître aux Éphésiens, H, 14. Voir
Temple. H. Lesëtre.
PÉRIL (grec : xtvSuvoç; Vulgate : periculum),
risque de perdre la vie. — L'hébreu n'a pas de mot
particulier pour rendre l'idée de péril. 11 se sert des
locution- benéféS, i pour la vie t, au risque de la vie,
II Reg., xviii, 13 [qéri); uni, 17; III Reg., u, 23;
Lam., \. 9; Prov., vu, 23, et beroVSênû, i pour notre
tête », au risque de notre tète. I Par., xn, 19. L'Ecclé-
siastique XXXIV, 13, dit qu'il a été plusieurs fois en
péril de mort, mais qu'il en a été tiré par son expé-
rience, Vulgate : « par la grâce de Dieu ». Dans deux
autres passages de ce livre, on peut recourir au texte
hébreu pour \ trouver ce qui correspond à l'idée île
péril. On lit dans les Septante et la Vulgate. m. 27 :
« Qui aime le péril y périra. » Il y a dans l'hébreu :
» Qui aime les richesses, tôbô(, soupirera après elles. »
Plus loin, xi.m, 2G, les versions traduisent : « Ceux
qui naviguent sur la nier en racontent le péril. » Il y
a '1 ins l'hébreu : « Ceux qui descendent sur la mer en
raconteront l'extrémité, qdsàh, -diront, s'ils le peuvent,
jusqu'où elle s'étend. Tobie, iv, 1, rappelle à son lils les
périls que sa mère a courus pendant qu'elle le portait
dans son sein. Eslher, xiv, 1, 4, en péril de mort, de-
mande à liieu son assistance. Plusieurs fois, il est ques-
tion des périls affrontés par les princes Machabées
et leurs compatriotes. I Macli., XI, 23; xiv,29; II Mach.,
i, 11; xi. 7; xv, 17. — Les Apôtres étaient en péril
sur la barque pendant la tempête. Luc, vm, 23. Saint
Paul a été en péril à toute heure. I Cor., xv, 30. U
énumère tous ceux par lesquels il a passé. II Cor., XI,
Jli. Dieu l'en a délivré. Il Cor., i, 10. D'ailleurs au-
cun péril ne le détachera de l'amour du Christ. Rom.,
vin, 35. 11. Lesêtre.
PER1PSEMA (grec : ncptyviua), qualificatif que se
donne saint Paul, I Cor., iv. 13: « Nous sommes ci
les Tispi/.aOipuKTa <lu monde et le 7iep:^r,p.a de tous. »
Le mot iteptxaOâpuaTa désigne le produit d'un nettoyage
complet, les balayures d'une maison, et le mot
-n,\-Vi,\ix. de ;cepi<|»â<<), « frotter tout autour, » le résidu
ou la raclure d'un nh|ei <pi n a remis en état. L'Apôtre
1 Irait donc dire qu'il >'si traité par la plupart des
hommes commi la balayure e1 le rebut de l'humanité.
Cf. 1s., un, 3. Cependant les deux mots grecs sont
susceptibles i! un autre sens. Le premier est un
composé de xaOapu.<x. nom donné à des misérables que
l'on entretenait à Athènes aux liais de l'État, pour en
faire des victimes expiatoires en cas de malheurs
publics, C.l\ Aristophane, Plut., 154; /.'/.. 1133; Dôllin-
Paganisme et Judaïsme, trad. J. deP., Bruxelles,
1858, t. i. |>. 315, Dans l'ancienne Italique, TtepixâBaoua
était rendu par lustratnentum, peur lustramen,
jet expiait. ire. d Cf. S. Ambroise, /// Ps. t wtti,
vm. 7, t. xv. col. 1297. Dans les Proverbes, xxj, [8 :
o Le méchant sert de rançon pour le juste, » les Sep-
tante rendent kofér, « rançon, » par TtEptxdtBaptia. Le
mot Trtp (■!/?] u.ct se prête également à un sens analogue.
Dans l'édition sixtine du livre de Tobie, v, 1S, on lit :
« Que l'argent devienne le mçi^iw-a de notre enfant. »
c'est-à-dire sa rançon. D'après Hesychius et Suidas,
les Athéniens jetaient à la mer l'homme dont ils fai-
saient leur victime expiatoire en disant : o Sois notre
-sp ;!//,yx. » Cf. Cornely. 1 Epis t. ad Cor., Paris. 1S90,
p. 111. Dans l'idée de saint Paul, les Apôtres seraient
donc comme des victimes expiatoires, rejetées par le
monde et associées au Christ pour compléter ce qui
manque à ses souffrances. Col., i, 24. Leur abjection
participerait ainsi à celle du Messie, dont il est dit
dans Isaïe. lui, 3, 5 :
Il était méprisé et abandonné des hommes...
-Mais c'étaient vraiment nos maladies qu'il portait...
Il a été transpercé à cause de nos péchés.
Saint Paul serait à la fois o balayure et rebut » et en
même temps « rançon et victime expiatoire », à
l'exemple du Messie. Le second sens est rendu pro-
bable par la gradation que suit l'Apôtre : les prédica-
teurs de l'Évangile sont traités « comme les derniers
des hommes, comme des condamnés à mort »; après
le dénuement, les coups, les malédictions, les persécu-
tions, les calomnies, l'idée d'expiation parait se pré-
senter plus logiquement que celle du mépris et de
l'humiliation. I Cor., iv, 9-13. II. LESÊTRE.
PERKtNS Guillaume, théologien calviniste, né en
1558 à Warton dans le coin! de Warwick, mort en
1C02. Il étudia à l'université de Cambridge. Ministre
calviniste, il acquit une grande réputation connue
prédicateur. Dans ses œuvres publiées à Londres, 1616,
3 in-f", on remarque : A digest or harmonie of the
old and new Testament : Exposition of GalatiatlS,
Exposition of <:/irist's sermon on the Mount ; Commen-
tary on Hebr. xi; Exposition of Jude; Exposition of
Révélation /, //, and m. — Voir W. Orme, Bibliotheca
biblica, p. 3i7; Waleh, Biblioth. theologica, !. iv.
p. 701, 758, 857. B. HEURTEBIZ! .
PERLE (grec : y.xpytxpi;r, ; Vulgate : margarita),
substance qui se forme dans l'intérieur de plusieurs
espèces île coquilles marines. — 1» l"n certain nombre
de coquilles sont tapissées intérieurement par une
substance calcaire argentée, sécrétée par le manteau du
mollusque, comme la coquille elle-même dont la com-
position chimique est identique. Cette substance s'ap-
pelle nacre. Parfois, à la suite d'une blessure faite an
mollusque par la piqûre d'un petit ver, par un grain de
sable ou un petil corps étranger introduit et enfermé
dans la coquille, il se produit une concrétion isolée
de matière nacrée, sous forme ronde, oblongue ou irré-
gulière. C'est la perle. Elle esl généralement adhérente
à la coquille, mais peut au- i se sécréter à l'intérieur
du manteau et des organes. D'abord tn-s petite, elle
s'accroil par couches annuelles. Ce qui l'ail son prix,
c'est sa grande dureté, sa dimension et surtout son
éclat chatoyant qui reproduit celui de la nacre. Sa colo-
ration va du blanc azuré au blanc jaunâtre, au jaune d'or
et au. noir bleuâtre; on trouve même des perles roses.
bleues el lilas. Les principales coquilles perlieies sont
Vavicula margaritifera (fig. 25), la meleagrina mar-
gai itifei n , appelée aussi prinlailiiie ou more-perle, la
pinna marina, l'unio margaritiferus, mulette oumou-
lette perlière, etc. On trouve aussi des perles dans les
huîtres et les moules ordinaires; mais elles sont ternes
et sans valeur. Les Chinois et les Indiens l'ont produire
îles perles d'un certain prix à îles moules et des
huîtres, en introduisant dans le manteau de ces bivalves
de petits corps durs qui déterminent la sécrétion nacrée.
145
PERLE — PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE
146
Les anciens recueillaient les coquilles perlières clans la
mer Bouge, dans la mer des Indes, cf. Pline, fl. N., ix,
51; \xxiv, 48; Strabon, xv, 717, et dans le golfe Per-
sique, aux environs de l'île de Tylos. Cf. Pline, H. A'.,
vi, 32; Strabon, XVI, 707; Athénée, m, 93; Élien, Hist.
animal. , x, 13. Les perles ont été estimées à très haut
prix dans l'antiquité. Pline, H. .Y., ix, 54, dit qu'elles
occupent le sommet parmi les choses précieuses.
Cf Pline, //. A"., vi. 24; ix, 56,58; xxxm, 12; xxxiv,
48: xxxvn, 0. Les Romains en faisaient grand cas. La
femme de Caligula, l'impératrice Lollia Paulina, en
possédait dans sa parure pour 40 millions de sesterces
(près de 10 millions de francs). On en mettait à toutes
les parties du costume. Cléopâtre, dans une fête donnée
par Marc-Antoine, en avala une qui valait des centaines
de mille francs. Horace, Sat., II, m, 238-240, parle
d'un personnage qui prit une perle à l'oreille de Metella
et la lit dissoudre dans du vinaigre, pour avaler tout
d'un trait un million de sesterces (près de 250000 francs).
Le goût de ces objets coûteux s'était également répandu
on Grèce et en Orient.
2» Les perles ont été certainement connues en Pales-
3» Dans le Nouveau Testament, la mention des perles
est très claire. Xotre-Seigneur compare le royaume
des cieux à un marchand qui trafique sur les perles'
En ayant rencontré une de grand prix, il vend tout ce
qu'il a pour l'acheter. Matth., xui, 45, 46. Il ne craint
pas d'engager momentanément toute sa fortune, parce
qu'il est sûr de revendre la perle avec gros bénéfice à
quelque riche amateur. Saint Paul recommande aux
femmes chrétiennes d'éviter le luxe dans leur parure
et de savoir se passer de perles. I Tim., il, 9. La femme
qui représente la grande Babylone est ornée de perles.
Apoc., xvii, 4; xvin, 16. Babylone faisait commerce de
ces précieux objets. Apoc, xvin, 12. — Le Sauveur
défend de jeter les perles devant les pourceaux, qui les
fouleraient aux pieds. Matth., vu, 6. La doctrine et la
grâce de l'Évangile ne doivent pas être communiquées
à des âmes indignes qui les profaneraient.
II. LesètRE.
PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE. -
1° Sous les rois de Perse, Cyrus et ses successeurs,
un grand nombre de Juifs s'établirent dans toutes les
parties de leur empire, et il est à croire que dans les
Avicula Margaritifera.
Une, au moins depuis l'époque de Salomon. Mais on ne
sait pas d'une manière certaine quel mot pouvait les
er. Le mot gains est le nom du cristal, probable-
ment du cristal de roche, et non des perles. Voir
Cristal, t. II, col. 1119. Les peninim ne sont que des
pierres précieuses, d'après les versions. Prov., m. 15'
vin, Il ; x\. 15: xxxi, 10. Ces pierres précieuses peuvent
sans doute être des perles, puisque ces dernières sont
des sécrétions calcaires; elles pourraient être aussi du
corail rouge ou une substance analogue. Voir Corail,
t. n, col. 957. A Suse, il y avait dans le palais royal
un dallage fait avec de l'émeraude et du dar. Esth., i,
6. Le mot dar est le nom des perles en arabe. Les Sep-
tante traduisent par XîOo? itîvvivoç, « pierre de pinne, »
i!i linna marina, ce qui indiquerait une incrustation
de i acre provenant des coquilles du mollusque perlier.
LaVulgaterend dar par lapis parius, « pierre de Paros, »
marbre. Il est assez probable en etlet qu'il s'agissait de
marbre translucide et nuancé comme les perles ou la
nacre. Dans le Cantique, I, 10, on dit à l'Épouse :
Nous le ferons des tôrim avec des hàrûzîm. » D'après
les versions, il s'agit de « chaînes d'or marquetées d'ar-
gent •>. Il est possible que les deux mots hébreux
désignent des colliers dans la composition desquels
Miraient les perles, le corail et les pierres précieuses.
Ils ne se rencontrent pas ailleurs, et ce sens leur con-
vient bien, par comparaison avec les termes arabes
correspondants. Cf. Buhl. Gesenius' Handwôrterbuch,
p. 278, 885.
synagogues on expliqua les Écritures dans la langue du
pays. Nous savons du moins par le Talmud, ijota,
i9\ que les Israélites qui habitaient en Perse, en par-
laient la langue en même temps que l'hébreu. Mais s'il
a existé des traductions persanes de l'Écriture à leur
usage, il ne nous en est rien parvenu. On ne possède
rien non plus des anciennes versions du Nouveau Tes-
tament, qui ont dû être faites d'assez bonne heure,
puisque le christianisme se répandit en Perse dés les
premiers siècles. Saint Jean Chrysostome, Hom. n, 2,
in Joa., t. lix, col. 32, dit expressément que de son
temps l'Évangile de saint Jean était traduit en persan,
et Théodoret de Cyr, Grsec. affect. curât., ix, t. î.xxxm,
col. 1045, dit que les Perses « vénèrent les écrits de
Pierre, de Paul, de Jean, de Matthieu, de Luc ri de
Marc, comme venant du ciel, » ce qui semble indiquer
qu'ils étaient traduits en leur langue. De toutes ces
versions primitives, rien n'a survécu.
2" Le Penlateuque. — Maimonide parle d'une
traduction persane du Pentateuque antérieure à .Maho-
met. L. Zunz, Die gottesdiensllichen Vortràge der
Juden historisch entwickelt, Berlin, 1&32, p. 9. Celle
que nous possédons est bien moins ancienne. Elle a été
imprimée pour la première fois à Constantinople en
1546, en caractères hébreux, et réimprimée, en carac-
téres perses, dans la quatrième partie de la Polyglotte
de Walton. Elle a pour auleur Rabbi Jacob ben-Joseph
Taous (« le Paon »), qui vivait à Constantinople dans
la première moitié du xvr" siècle. Quelques critiques
147
PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE
148
ont voulu la faire romonter plus haut, mais il est
impossible de lui donner une origine antéislamique,
parce qu'elle est écrite en néo-perse et abonde en
mots arabes, ce qui ne se rencontre que dans les
livres écrits depuis la conversion de la Perse au malio-
métisme. De plus. Babel, Gen., x, 10, est traduit par
Bagdad »; or Bagdad ne fut bâtie qu'en 763 (l'an
145 de l'Hégire). A. Kohut, Krilische Beleuchtung der
persischen Pentateuch-Vebersetzung des Jacob Ben-
Joseph Tavus unter stetiger Rïicksiclitsname auf die
âltesten Bibelversionen, in-8°, Leipzig et Heidelberg,
1871, de même que Lorsbach, dans le Ienaer AU. Lit.
Zeitung, 1S16, n, 58; Zunz. dans Geiger Wissensehaft-
liche Zeitschrift, 1839, t. îv, p. 391, et Munk, Notice
sur Rabbi Saadia Garni. Paris, 1838, p. 62-87, s'ac-
cordent à faire naître R. Jacob vers 1510. La traduc-
tion, faite sur l'hébreu, est d'une liltéralité excessive :
Taous évite les anthropomorphism.es et emploie des
euphémismes; il se sert du Targum d'Onkelos et de la
version arabe de Saadia, des commentaires de Kirnehi
et d'Aben Ezra; dans plusieurs passages, il laisse
l'hébreu sans le traduire. Gen., vu, 11; xn, 6, 8, etc.;
Exod., m, 14; xvn, 7; Nûm. xxi, 28, etc., Deut., m,
10, etc. Son œuvre a peu de valeur critique. «L'auteur
de cette traduction, étant juif, dit Richard Simon, llisl.
critique dit vieux Testant., p. 307, a affecté partout
les hébraïsmes, et c'est ce qui fait qu'elle ne peut
pas être d'un grand usage, si ce n'est dans les
synagogues des Juifs de Perse. »
3" Manuscrits de diverses traductions persanes de
livres de l'Ancien Testament. — Il existe en manuscrit
des traductions persanes de plusieurs livres de l'Ancien
Testament. La Bibliothèque nationale de Paris en possède
plusieurs. Le Catalogue des manuscrits hébreux, Paris,
in-4°, 186e!, signale les suivants (cf. Catalogus codicum
manuscriptorum Bibliothecse regiœ, in-f°, t. i, Paris,
1739, Codices hebraici, p. 4-5) : — N° 10 (ancien 54),
lieu," ■ el Exode, renfermant l'hébreu original et, après
chaque verset, la version persane, de même que le
n» 11 (ancien :',.'>) qui contient le Lévitique, les Nombres
et le Deutéronome. Cette version persane, écrite en
caractères hébreux, reproduit la paraphrase chaldaïque
d'Onkelos; elle est dillérente de celle qui a été impri-
mée dans la Polyglotte de Constantinople et dans le
t. vi de la Polyglotte de Walton. - N" 00 (ancien 38),
Josué, lis Juges, liuth. Esdras et Néhémie, en caractères
ii I i un. Traduction très littérale sur l'hébreu. Écrit en
1601. — X» 01 (ancien 30). Livres de Samuel, des Rois
et 'li i Paralipomènes, en caractères hébreux. Écrit
dans la ville de Làr, comme le précédent, en 1601. —
N '.>', (ancien 44). Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, en carac-
tères lu breux. Ézéchiel s'arrête au ch. x, i. I.a version
ite sur le texte massoi'élique, d'après la paraphrase
chaldaïque de Jonathan, Écrit au commencement du
xvi« siècle. — \' 100 (ancien 25). Jérémie, en carac-
tères hébreux. La version est très différente de celle du
ii"9;; elle a été faite sur la paraphrase chaldaïque. —
N" tOl (ancien V7). Lamentations et les douze petits
prophètes, en caractères hébreux. Traduction faite sur
lr 'exte hébreu, mais avec de nombreux contre-sens. —
.\" 116 (ancien 43). Proverbes, Cantique des Can-
tiques, Ruth, Ecclesiaste. Esther, texte hébreu ponctué'
accompagné verset pal verset .le la ha. ludion persane,
l'ail, sur l'hébreu et écrite en caractères hébreux. —
.Y //: (ancien 113 . Proverbes, Ecclesiaste etCantique
avec traduction persi suivant versel par verset,
l'hébreu qui est ponctué. Elle esl - crit en caractères
hébreux. En général, .Ile s'accorde avec celle du
n" 116, mais avec beaucoup de variantes, c est |e ma-
nuscrit donl s'est occupé Hassler, dans les Theolo-
gische Studien und Kritiken, 1829, p. 169-480. —
X" 118 .ancien }0). Job ei les Lamentations, texte
hébreu ponctué avec traduction persane, verset par
verset, en caractères hébreux. — N» 120 (ancien 42).
Job, du même traducteur, mais avec de nombreuses va-
riantes. Hébreu et persan comme au n° 118. — X° 123
(ancien 41). Job (incomplet). La traduction est presque
toujours d'accord avec la précédente. — N» 121 (ancien
224), Esther, texte hébreu ponctué, suivi verset par
verset de la traduction persane, en caractères hébreux.
En tête du manuscrit se trouve un calendrier litur-
gique qui finit à l'année 1523. — X» 128 (ancien 45).
Daniel, avec une histoire apocryphe de ce prophète
(cette histoire a été publiée en caractères hébreux avec
une traduction allemande par Zotenberg. dans Ad. ilerx,
Archiv fur wissenschaflliclie Erforschung des Allen
Testamentes, 1869, t. i, p. 385-427. — X» 120 (ancien
46). Daniel. Cette version s'accorde avec celle du n" 128.
— X" 130 (ancien 236). Livres deulérocanoniques, en
caractères hébreux. La traduction de Tobie est faite
d'après le texte hébreu publié pour la première fois à
Constantinople en 1516 et reproduit dans le t. iv de la
Polyglotte de Londres. Judith est traduit d'après le texte
hébreu publié à Venise vers 1650. Bel el le dragon,
d'après l'hébreu contenu dans le même volume où se
trouve l'hébreu de Judith.
Parmi les manuscrits persans, écrits en persan, la
Bibliothèque nationale, Catalogue des manuscrits per-
sans de la Bibliothèque nationale de Paris, in-8»,
1905, possède les traductions suivantes de livres de
l'Ancien Testament : N" 1. Une traduction persane des
Psaumes, d'origine juive, copiée en 1316 sur un manus-
crit judéo-persan du Làr. avec les variantes de deux
autres manuscrits. — X° 2. Proverbes, Ecclesiaste, Can-
tique des Cantiques, Esther. Ruth. Écrit a Agra en 1604
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 3. Proverbes,
Ecclesiaste, Cantique des Cantiques, Esther (non achevé).
La traduction est la même que la précédente, avec
quelques variantes. — X» 4. Isaïe, Jérémie, Lamentations
(deux versions), Baruch. Copié en 1606 à Hamadan
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 5. Judith,
traduit sur la Vulgate, par le P. Gabriel, capucin (com-
mencement du xvn" siècle),
La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg pos-
sède aussi plusieurs versions persanes qui faisaient
partie de la collection du karaïte Abraham Firkowitz
et de la sociélé d'Odessa. Cf. A. llarkavy et II. L.Strack,
Catalog der hebraïschen Bibel-Randschriften in
Sl-Petersburg, in-8", Saint-Pétersbourg et Leipzig,
1875. — X° 139. Petits prophètes, contenant Midi. e.
i, 13, jusqu'à Malachie, m, 2. — X» 140. llaphtaroth,
en hébreu ponctué, avec la traduction persane ; la ver-
sion persane esl écrite en caractères arabes. — X" 141.
Pentateuque hébren et persan. L'hébreu esl ponctué,
mais d'une l'a. ..n p rliculière. I.a ■ ersion est écrite en
petits caractères et suit l'original verset par verset,
mais elle est très différente do la version de II. Jacob
Taous. — N° 142. Fragments de Job.
Wallon, dans les Prolégomènes de sa Poli/glotte, xvi.
®, p. 694. mentionne deux Psautiers manuscrits traduits
sur la Vulgate.
La bibliothèque du British Muséum à Londres pos-
sède (voir Margoliouth, Catalogue of the Hebreui and
Samaritain manuscripts ut the British Muséum, in-'r.
Londres, part. I. 1899) : V " 159, version persan. .1 rs
Psaumes par Baba ben Xurial, faite à Ispahan vers
1740, par ordre de Nadir Chah. Cette traduction e-t
précédée du texte hébreu du Pentateuque el suivie de
divers poèmes en caractères persans rabbiniques. —
\" Itill, même version persane des Psaumes. I
tères rabbiniques persans du xuir ou xi.\" siècle.
La Bibliothèque bodléienne d'Oxford possède trois
exemplaires (N"- 1827-1829) de la traduction persane
.les psaumes faite par un religieux portugais, le P. Juan,
1610; deux exemplaires (un incomplet) d'une autre
traduction dillérente des Psaumes (NM 1830-I831)i
149
PERSANES (VERSIONS: DE LA BIBLE — PERSE
150
une traduction de Judith, d'après la Vulgate (X" ISS?).
; Traductions persanes des Evangiles. — 1. Impri-
mées. — Les chrétiens des provinces occidentales de
la Perse, se rattachant à l'Église syriaque, se servirent
d'abord de la Peschito. Aussi une des premières traduc-
tions des Évangiles qui fut faite en persan dérive-t-elle
de la Peschito. Elle a été publiée dans la Polyglotte de
Wallon, d'après un manuscrit appartenant à Pococke et
écrit en 1341, avec une traduction latine de Sain. Clericus
et de Thom. Grovius. La traduction latine a été réimpri-
mée par Bode. in-4\ Helmstadt, 1751, avec une préface
historique et littéraire. Une seconde traduction des
.les. faite sur le texte grec, fut publiée d'après deux
manuscrits, l'un de Cambridge, l'autre d'Oxford; avec
les variantes du manuscrit de Pococke traduit d'après
la Peschito. par un professeur arabe de Cambridge.
Abraham Wheloc, et par Pierson. Quatuor Evangeliorum
versio persica, in-!' . Londres, 1652-1657. L'Ile est accom-
e d'une traduction latine. — Nadir Schah fit faire
i n 1710, par les jésuites Duhan et Desvignes, une nou-
velle traduction persane des quatre Évangiles, qui a été
publiée par Dorn à Saint-Pétersbourg en 1848. Voir
Dorn, dans Hall. Allg. Literaturzeilung, 1848, t. n.
p, 164. — Colebrooke a fait imprimer à Calcutta en 1804
une version des Évangiles. De même L. Sebastiani à
Séramporeen 1812. 11. Martyn a édité à Londres en 1821
The New Testament, translated fron\ the Greek into
m. — La société biblique a publié depuis diverses
traductions persanes complètes ou partielles des Écri-
tures.
2. Manuscrites. — Le fonds persan de la Bibliothèque
nationale de Paris contient les manuscrits suivants :
X 6. Les quatre Évangiles. Traduction anonyme, copiée
en 1750. — X° 7. Traduction des quatre Évangiles,
dont il est parlé plus haut, faites par des missionnaires,
- docteurs arméniens sur la Vulgate par l'ordre
qu'en donna le roi de Perse Xadir Schah, en 1736. Copie
de l'original, faite par les soins de P. Lagarde (j 1750).
— X° S. Autre traduction des Évangiles, faite sur le grec,
écrite pour le roi Louis XIII en 1616, par un mission-
naire français. — X" 0. .Même traduction avec quelques
is divergences. Écrite en 1631. — X" 10. Evangile
de saint Matthieu. Copié sur un très ancien manuscrit du
Vatican. Cette version se rapproche beaucoup de celle
qui est contenue dans le n1 9. — - X° 11. Autre copie
(incomplète) de l'Évangile de saint Matthieu, faite sur
niiscrit précédent. — X» 11. Évangéliaire pour le
commun du temps. Copié en 1374.
La Bibliothèque bodléienne possède le Xouveau Tes-
tament traduit par le R. H. .Martin, deux exemplaires
(X 1833-i834)et plusieurs traductions plus ou moins
complètes des Évangiles (X"! i835-i840). VoirSachauet
Ethe, Catalogue of the Persian manuscripts in the
ion Library, in-4 . Oxford, 1889, col. 1050-1056.
La Bibliothèque de Berlin possède le manuscrit d'une
traduction persane de l'Évangile de saint Matthieu
X 1096 qui est pour le fond la même que celle qui
■< été publiée à Londres par Whelock, in-f», 1657. Le
X luQl contient entre autres choses la traduction des
douze premiers chapitres de saint .Matthieu, faite en
1799. Voir \\ . Pertsch, Verzeichniss der persischen
Handschriften, t. iv des Handschriften Verzeichnisse
der h. Biblioth A zu Berlin, in-4», Berlin, 1888,
p. 1043-1046.
Voir Rosenmûller, De versione Pentateuchi persica
comment., in-4 . Leipzig, 1813: .1. Fûrst, Bibliotheca
■'. l. m. p. 153; J. M Clintock et .1. Strong, Cyclo-
• '•/' Biblical Literature, t. vu. New-York, 1889,
I : The Bibleof every Land, in-i», Londres, 1860,
P- &-71. F. ViGOURonx.
PERSE i hébreu; Paras; Septante : llipai;; Vul-
/' i si»), contrée d'Asie. Le nom de la Perse est,
dans les inscriptions cunéiformes, Pârça, en perse,
Pars et Fdrs, en arabe, Fâris.
I. Géographie. — La Perse proprement dite ifig. 26)
occupait primitivement la partie la plus méridionale de
la grande chaîne de montagnes qui s'étend de la mer
Xoiiv an golfe Persique tout le long de la rive gauche
du Tigre. Le pays était borné au sud et au sud-ouest
par le golfe Persique, au nord-ouest et au nord par la
Susiane et la Médie. à l'est par de grands déserts. La
région qui avoisine la mer se compose de bancs d'ar-
gile et de sable parallèles au rivage; elle a été modi-
fiée sur plusieurs points par le travail des alluvions.
Le sol est tantôt marécageux, tantôt rocheux et mal
arrosé, partout malsain et stérile. Cf. Pline, H. N., xn,
20. Au delà, plusieurs chaînes de hauteurs s'élèvent
graduellement l'une derrière l'autre, dans toute la
longueur du pays, pour atteindre le plateau. Cette
région moyenne est ordinairement boisée et fertile en
céréales, sauf dans plusieurs cantons du nord et de
l'est. Cf. Strabon, XV, 727. Quelques rivières seulement.
I'Oroatis, PAraxès, le Bagradas, parviennent à traver-
ser les hauteurs et les sables et à se jeter dans le golfe.
D'autres n'ont pas d'écoulement; leurs eaux forment
au fond des vallées des lacs dont le niveau varie avec
les saisons. La partie montagneuse se découpe en pics
aigus, couverts de neige, séparés par des ravins aux
parois presque verticales, au fond desquels se préci-
pitent de furieux torrents. Le sommet le plus élevé, le
Kouh-i-Dina, au nord, atteint 5200 m ; au sud, le
Djebel Boukoun monte jusqu'à 3230'".
Sur le haut plateau, le climat se ressent de la séche-
resse du sol et de l'absence de rivières. La pureté de
l'atmosphère est telle qu'on peut distinguer à l'œil nu
les satellittes de Jupiter; la planète elle-même y jette
de si vifs rayons qu'elle porte une ombre très nette sur
une surface claire. On s'explique ainsi le goùl des
anciens mages pour l'observation des astres et le culte
qu'ils rendaient à certains d'entre eux. Voir MAGE,
t. iv. col. 544. Par contre, comme cette pureté de
l'atmosphère n'oppose aucun obstacle aux rayons
solaires et au rayonnement nocturne, on peut passer,
en moins de quelques heures, de 7 à 62 degrés centi-
grades. En hiver, avec des tourbillons de neige, la
température peut descendre à — 30".
La race était endurcie à la fatigue par la vie dans la
montagne. Élancés et robustes, la tète fine sous leur
l- lèse eliex dure et leur barbe bouclée (fig. 27), les
Perses étaient intelligents et passionnés pour la guerre.
Plusieurs tribus se partageaient le pays : les Pasa-
gardes, les Maraphiens et les Maspiens, qui exerçaient
la prépondérance, les Panthialéens, les Dérousiéens et
les Carmanes, qui menaient la vie sédentaire, les
Daens, les Mardes, les Dropiques et les Sagartiens,
qui préféraient l'état nomade. De gros villages avaient
été bâtis sur le bord de la mer, Armouza, Sisidona.
Apostana, Gogana et Taoké, ce dernier possédant un
palais royal. Cf. Hérodote, i. 125: Néarque, dans
Arrien, Hist. indic., xxxvn. 5. 7, 8;xxxix, 3; Strabon.
XV, m. 3. A l'intérieur s'élevaient les villes de Carma-
na, au nord-est, cf. Ptolémée, vi, 8, de Gabœ, an nord.
avec un palais, cf. Plotémée. vi. 4; Strabon, XV. m.
3, de Persépolis et de Pasagardes. au centre du pays.
Cf. E. Reclus, Géographie universelle, t.ix. p. 108-187;
Maspero, Histoire ancienne, t. ni. p. 450-559.
II. Histoire. — Les Perses ne sont pas nommés dans
la table ethnographique, mais ils étaient, comme le>
Mèdes, japhétites et de race iranienne. Gen., x. 2. Pri-
mitivement confinés dans leurs vallées ardues, ils
avaient dû s'étendre au nord-ouest aux dépen i\
l'Élam, au moment où ce pays avait été affaibli par la
puissance assyrienne. Voir Élam, t. Il, col. 1038. Ils
élisaient leurs rois dans la famille d'un de leurs chefs
primitifs, Akhâmanisch, l'Akhéménès des Grecs, donl
151
PERSE
152
la légende s'est emparée. Cf. Élien, Var. kist., xn, 21.
Tchaispi ou Téispès, son successeur et peut-être son
fils, prolita de la ruine de Suse par Assurbanipal pour
s'emparer de la partie orientale de l'Elam. C'était le
pays d'Ansàn, et lui-même prit dès lors le titre de roi
d'Ansân. Cf. Hérodote, vu. 11, et l'inscription de Bé-
histoun, col. I, lig. 5, 6. Ce titre est attribué à Cyrus
et à ses trois prédécesseurs par les monuments babylo-
niens de Cyrus, Cylindre, lig. 20, 21, dans les Bei-
tràge :ur Assyriologie, t. n. p. 20, 21, d'où l'on con-
clut que la conquête du pays d'Ansàn est bien l'œuvre
de Téispès, et qu'il n'existe pas de lacune dans la série
chronologique tnlre ce dernier et Akhéménès.
Pbraorle, roi des Mèdes (647-625), qui songeait à
lig. 18. Dans la Bible. Daniel parle toujours des .Mèdes
et des Perses, Dan., v. 28; VI, 8, 12. 15; le livre d'Esther,
i, 3, 14. 18, 19, nomme au contraire les Perses et les
Mèdes, sauf dans nn endroit où il est question du livre
des rois de Médie et de Perse, Esth., x, 2, qui conte-
nait les annales du royaume commencées sous les
anciens rois. Voir Cyrus, t. Il, col. 1191-1194. — Les
rois de Perse se succédèrent dans l'ordre suivant,
jusqu'à la conquête d'Alexandre le llrand :
Cyrus ■ 550 Artaxerxès I ■■ 465
Cambyse 529 Darius II 424
Smerdis le Mage. . . . 522 Artaxerxès 11 Mnémon . 405
Darius I" 521 Artaxersès III Oclms . 359
Xentès I" . 485 Darius III Codoman ... 336
EMPIRE DES PERSES
Échelle
ZOO WO 600 800 1000
6 ibo zoo
26. — Carte de la Perse.
l'attaque de l'Assyrie, commença par s'annexer ses voi-
Mi il soumit les Perses, dont les princes devinrent
désormais vassaux de la Médie. Cf. Hérodote, i, 102.
Il fut vaincu et périt dans son attaque contre les Assy-
riens. Son lils Cyaxare (624-585), pour s'assurer la vic-
toire, réorganisa son armée, composée de Mèdes et de
Pi rses. Cf. Hérodote, vil, 62. Ces derniers prirent part
à la lutte contre Assurbanipal, à la prise de Ninive,
el aux diverses campagnes du roi des Mèdes. Voir
M t. iv. col. 919.
A réispès avait succédé Cambyse, et à Cambyse son
in- Cyrus, vers 559. Celui-ci pensa que les Perses, au-
trefois dominés par les Mèdes, pouvaient et devaient à
leur tour exercer la souveraineté dans l'empire médo-
I n 553, il se révolta contre Astyage, lils et suc-
cesseur de Cyaxare; il le défit, s'empara d'Ecbatane et
substitua une administration perse au gouvern. ni
mède. L'empire n'était pas changé extérieurement;
mais tandis que les rois précédents avaient été les chefs
des Mèdes el des Perses, Cyrus el ses successeurs
furent rois des Perses et des Mèdes. Voir l'inscription
le Béliistoun. col. i, lig. :tî, :d, Ht. il. ii'', 17; cul. n,
Sur ces rois, voir MÉDIE, t. iv. col. 920; Caubi
t. n, col. 89; it.\ hjs I", col. 1299; Assuérus (Xerxès
I" i. t. t. col. 1141; Artaxerxès 1"'. col. 1089; Daru s 11.
i. il, col. 1306; Artaxerxès II. t. i, col. 1042; Daru s III,
t. ii, col. 1306. — Alexandre le Grand, roi di I
doine, conquit l'empire des Perses en 331. Voir Alexan-
dre le Grand, t. i, col. 345. Après sa mort, la Perse
lit partie du royaume de Syrie, gouverné par les Séleu-
cides. Voir Syrie. Mais ensuite les rois Parthes la
disputèrent à ces dernii rs et Arsace VI finit par s'en
emparer en 138. Voir Ai. -mi . t. i, col. 1034. Les Arsa-
cides j régnèrent jusqu'en 226 après J.-C.
III. Mœurs et coutumes des Perses. — Hérodote, i,
131-140, fournit quelques détails sur la manière de
vivre des Perses. Les Pris.- pratiquaient la polygamie,
épousant plusieurs femmes el ayant en outiv des
concubines en grand nombre. Ils se ('.lisaient n
d'avoir beaucoup d'enfants; mais 1rs hommes ne s'en
occupaient qu'à l'âge de cinq ans; jusqu'à vingt, ils
leur apprenaient à monter à cheval, à tirer de l'arc et
à dire la vérité. Assez sobres du coté de la nourriture,
il- l'étaient beaucoup moins dans l'usage du vin et
153
PERSE
loi
- enivraient à tout propos, même quand il s'agissait de
délibérer sur des choses sérieuses. Les grands festins
donnés par Xerxès l" répondaient parfaitement au
goût de ses sujets. Le vin royal y était servi en abon-
dance. Esth., i, 5-11. Le texte sacré remarque que « le
vin avait mis la joie au cœur du roi, » et, s'il observe
que ■ chacun buvait sans que personne lui fit violence, »
c'est que sans doute l'utilité de cette violence ne se
faisait nullement sentir. Curieux des usages de l'étran-
ger, ils adoptaient tout ce qui pouvait contribuer à
leurs plaisirs. Aussi leurs mœurs s'efféminèrent au
point que, malgré leur nombre et leurs ressources, ils
Furent incapables de tenir tête aux Grecs. S'estimant
eux-mêmes au-dessus de tous les autres peuples, ils
méprisaient ces derniers à proportion de leur éloigne-
ment. On s'explique ainsi qu'ils se soient montrés si
outrés de la conduite des Grecs à leur égard et se
soient imaginé qu'ils les réduiraient aisément.
Leur législation ne permettait à personne, pas même
•27. — Perses de Persépolis.
D'après G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. v, p. 179, 191.
au roi. de faire mourir un homme pour un seul crime.
Le mensonge leur était odieux et ils trouvaient hon-
teux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques
de respect proportionnées à la condition de chacun. Ils
ne pouvaient supporter les lépreux, dont ils attribuaient
la maladie à un péché commis contre le soleil. Cf.
Ctésias, Res persic., il. On sait par la Bible, Dan., vi,
8; Esth., vm, 8, qu'un décret signé de l'anneau royal
était irrévocable, et que, pour l'empêcher d'avoir son
effet, il fallait un autre décret qui rendit le premier
impraticable. Esth., vm, 10, 11. Cf. I Esd., VI, 11. Hé-
rod île, ix, 108, 110, montre Xerxès se refusant à révo-
nne parole donnée, malgré le plus grave incon-
vénient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de
refuser les grâces qu'on lui demande le jour du festin
royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir Anga-
RJER, t. i, col. 575. Les archives du royaume étaient
tenues avec grand soin. I Esd., iv, 15, 19; Esth., vi, 1 ;
\. 2. Sur l'écriture perse, voir Vigouroux, La Bible et
1rs découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 137-146. Sur
la monnaie, voir DARIQUE, t. n, col. 1294. Sur l'admi-
nistration provinciale, voir SATRAPE.
Les rois perses tenaient à habiter dans de magni-
fiques palais. Le site austère de l'antique Pasargades et
la simplicité de la demeure royale de Cyrus ne conve-
naient plus à leurs goûts raffinés. Ils s'y rendaient
pour ceindre la couronne, après la mort de leur pré-
décesseur, cf. Plutarque, Artaxerxès, 3, mais ils n'y
demeuraient pas. Darius Ier préféra le séjour de Persé-
polis; il développa la ville, y éleva de splendides bâti-
ments et tint même à ce que son tombeau fût creusé
dans les rochers à pic des environs, où plusieurs de
ses successeurs vinrent le rejoindre (lig. 28). Cf.
Al. Dieulafoy, L'arl italique de la Perse, t. n, pi. x;
Flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir
Persépolis. Xerxès Ier agrandit et orna le palais de
Persépolis. Artaxerxès I" préféra Suse. Il y édifia un
palais plus vaste que tout ce qu'on avait fait jusqu'alors.
Cf. Dieulafoy, L'acropole de Suse, p. 274-358.
Les rois perses recevaient leurs vassaux et les am-
bassadeurs étrangers sur leur trône d'or, au fond de
leur apadana ou salle de réception. Voir Palais, t. iv,
col. 1972. On ne les apercevait qu'un instant. Ils por-
taient une robe de pourpre avec des broderies d'or.
Plutarque, Artaxerxès, 24, estime un de ces vêtements
à 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette
bleue et blanche formait diadème autour de la kidaris
du roi. On ne l'entrevoyait lui-même qu'à l'ombre d'un
parasol et au vent d'un chasse-mouches. Il ne parais-
sait d'ailleurs en public qu'à cheval ou sur son char,
entouré de sa garde. Les hommes de sa famille et des
six anciennes familles princières pouvaient l'aborder à
toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14.
Une lettre d'Artaxerxès à Esdras mentionne ces sept
conseillers. I Esd., vu, 14. Ce droit conféré à six fa-
milles venait de ce que sept Perses s'étaient concertés
pour tuer Smerdis le Mage et faire désigner l'un d'eux
pour roi, à condition que chacun des six autres aurait
toujours libre accès auprès de l'élu et que celui-ci ne
pourrait prendre femme que dans la famille de ses
compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la conven-
tion fut observée. Hérodote, m, 76,84. La fréquentation
de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occu-
paient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, His-
toire ancienne, t. ni, p. 736-716.
Sur la religion des Perses, voir Mage, t. iv, col. 544;
Médie, col. 921; Michel, col. 1069. Il ne faut pas juger
de cette religion, à l'époque des Achéménides, par la
forme systématique et philosophique qui lui a été im-
posée par Zoroastre ou les réformateurs désignés sous
ce nom, et n'a triomphé que bien des siècles plus tard.
D'après Hérodote, i, 131, 132, les Perses ne représen-
taient pas tes dieux; mais, sur le sommet des mon-
tagnes, ils offraient des sacrifices à la divinité suprême,
qui est le ciel, au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à
l'eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la déesse
Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu,
et coupaient la victime par morceaux qu'ils faisaient
bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours
d'un mage, pour la prospérité du roi et celle de
tous les Perses en général, et disposaient ensuite de la
victime.
Les Achéménides étaient certainement polythéistes.
On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra,
Anahala, et aussi Ahriman, le principe du mal concré-
tisé pour eux sous forme du dieu malfaisant. C'est
parce que les fourmis, les serpents et d'autres reptiles
ou volatiles étaient l'œuvre de ce dieu, que les mages
les tuaient de leurs propres mains. Hérodote, i, lin.
Les Perses croyaient à la survivance de l'âme. Après la
mort, l'âme se trouvait exposée à des dangers, contre
lesquels les vivants pouvaient la défendre par des sa-
crifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces
dangers se spécialisèrent dans un jugement subi sur
le pont Cinvât, et à la suite duquel les âmes étaient
envoyées au bonheur, ou à l'enfer, ou à un état inter-
médiaire. A la fin du monde, tous ressuscitent,
subissent une nouvelle épreuve qui purifie les pécheurs
155
PERSE
156
et arrivent enfin à être sauvés, à l'exception d'Àhriman
et de quelques autres.
Les Perses connaissaient aussi certains cas d'impu-
reté; il leur était défendu de souiller l'eau, parce que
l'impureté se communique surtout par elle. Ils ne vou-
laient pas non plus souiller la terre avec le contact des
cadavres. Ils laissaient dévorer ceux-ci par les oiseaux
et les chiens, ou ne les inhumaient qu'enduits de cire
pour empêcher le contact, cf. Hérodote, i, 140, et plus
tard les déposaient dans les tours du silence. Ces pra-
tiques se conciliaient avec leur foi à la résurrection.
On a souvent cherché à établir des relations d'influence
réciproque ou de dépendance sur certains points entre
la religion des Perses et celle d'Israël. Ces relations
sont difficiles à préciser et surtout à justifier. ■• En
fait, presque tous les points où l'on croit voir des rap-
ports étroits, même la résurrection, appartiennent
selon nous à la réforme. Que si l'on compare le judaïsme
tions a quelque lieu d'étonner, surtout dans le premier
passage. Les Lydiens d'Asie Mineure et les Libyens du
nord de l'Afrique étaient en communication facile avec
Tyr par mer. Les Perses au contraire auraient eu à
traverser la Médie, la Babylonie et la Syrie pour
atteindre cette ville. Aussi se pourrait-il que le mot
paras désignât, dans le premier texte, les Pharusiens,
de l'île de Pharos, à l'embouchure du Nil, qui étaient
d'excellents archers. Dans le second texte, il s'agit
d'une armée idéale, dans laquelle la présence des
Perses étonne moins à coté des Scythes, des Armé-
niens, des Ethiopiens et des Libyens. Pourtant, comme
les Perses sont associés à ces deux derniers peuples
africains, on peut douter qu'ici encore paras désigne
la Perse.
3° Daniel, v, 28, annonça à Baltasar que son royaume
allait être donné aux Modes et aux Perses. La nuit même,
Cyrus prit la ville. Le prophète se trouva ensuite un
Vue des ruines de Persépolis. D'après F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 102.
à la réforme elle même, l'influence des Perses ne sau-
raii être antérieure aux environs de l'an 150 avant J.-C.
Or il est constant qu'à celle époque le judaïsme élait
déjà dans une fermentation extraordinaire, en possession
île toutes les idées qu'on dit empruntées au mazdéisme. »
Lagrange. La religion des Perses. Paris. 1904, p. i5, iti.
IV. Les Perses dans la Bible. — 1" Dans son cantique
de victoire, Judith dit que « les Perses ont frémi de sa
vaillance et les Mèdes de son audace, s Judith, xvi, 12.
Les faits ramilles dans le livre de .liuliib doivent se pla-
cer vraisemblablement sous les règnes d'Assurbanipal.
en Assyrie, et de Manassé, en Juda. Voir t. III, col. 1830,
A celte époque, Phraorte, roi des Mèdes, s'apprêtait à
entrer en campagne contre le monarque assyrien.
Judith parle donc des Persesel des Mèdes, non comme
de vassaux, mais comme de rivaux des Assyriens. Elle
nomme ceux-ci au troisième rang, les Mèdes au second
el les Perse! au premier, ce qui donnerait à penserque
le cantique a été composé à une époque où l'Assyrie
avail été soumise par les Mèdes et où ceux-ci subissaient
la domination des Perses.
.: Ezéchiel, xxvu, lu, dit que les Perses, les Lydiens el
les Libyens servaient dans l'armée de Tyr el < taienl ses
>""" s de guerre. Ailleurs, xxxvm. 5, il met dans
l'armée de Gog des Perses, des Éthiopiens et des
Libyens. La présence des Perses dans ces énuméra-
rapport avec Darius le Mède, qui gouvernait la Babylo-
nie au nom de Cyrus le Perse, mais d'après la loi des
Medes il des Perses, plusieurs lois invoquée. Dan., vi,
S, 12. 13, 28. Voir Darius le Mède, i. ii. col. 1298. -
Dans une de ses visions « pour le temps de la lin, »
c'est-à-dire ici pour le temps qui doit aboutira l'époque
messianique, le pu ihète mit suci ssivement un bélier
à deux cornes, qui figure l'empire des Mèdes el des
Perses, ri un bouc velu, qui figure la monarchie
grecque. Dan., un, 20-22. — La troisième année de
Cyrus, roi de Perse, le prophète a une autre \ision sur
les destinées du peuple d'Israël. Cette visiun a lieu
deux ans après ledit qui a autorisé le retour des Israé-
lites en Palestine. I Esd., i. 1-3, Daniel n'a pas profité
de l'autorisation et la plupart des exilés sont demeurés
volontairement en Ilabvlonio. L'ange qui lui apparait
lui dit : i Le chef du royaume il" l'erse m'a résisté
vingl et un jours, el Michel, un des premiers chefs, est
venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des
mi- de Perse. Pan., \. 13. L'ange qui parle au pro-
phèle es| probablement Cabriel, qui s'était déjà montré
à lui. Pan., ix. 21. Le chef du roya e de Perse n i t
pas un homme, mais un far, comme Michel, tandis que
les rois sont appelés malké Paras, s il résiste vingt el
un jouis, eesi qu'il souhaite que tous les Israélites ne
quittent pas le royaume <lr Perse, où leur présence est
157
PERSE
PERSEPOLIS
158
avantageuse. Michel, qui est le protecteur du peuple de
Dieu, vient cependant en aide au premier ange pour
faire cesser l'opposition de l'ange des Perses. Voir
Mi- in l. t. iv. col. 1068-1069. Cf. Rosenmuller, Daniel,
Leipzig. 1832, p. 348-351. L'ange révèle ensuite au pro-
phète les destinées de la Perse : a II y aura encore
trois rois en Perse; le quatrième posssèdera de plus
grandes richesses que tous les autres, et quand il sera
puissant par ses richesses, il soulèvera tout contre le
royaume de Javan. Et il s'élèvera un roi vaillant, qui
aura une grande puissance et fera ce qui lui plaira... »
Dan., xi. 2, 3. Ces trois rois qui doivent suivre Cyrus
sont Cambyse, Darius I" et Xerxès Ier, en négligeant
l'éphémère Smerdis. Le quatrième, à partir de Cyrus,
est Xerxès Ier, puissant par ses richesses et qui mit
tout en mouvement contre la Grèce. Les cinq autres
rois ne sont pas nommés dans la prophétie: mais avec
eux la Perse perdit peu à peu de sa puissance. Deux
grands princes sont surtout mis en relief : Xerxès Ier
qui alla porter le déli aux Grecs jusque chez eux.
Alexandre le Grand qui releva le défi au cœur même de
l'empire perse. Voir Daniel, t. n, col. 1275.
4» La délivrance des Israélites exilés fut l'œuvre de
Cyrus, roi de Perse, dès la première année de son
arrivée au pouvoir souverain. II Par., XXXVI, 22. 23;
I Esd., 1-11. Le livre d'Esdras raconte ensuite ce qui
fut fait par les rois de Perse au sujet des Juifs : l'au-
torisation de rehàtir le Temple, I Esd., m, 7; IV, 3;
les tentatives hostiles des ennemis des Juifs auprès de
Xerxès et d'Artaxerxès, I Esd.. IV, 7: la lettre d'Ar-
taxerxès interdisant la restauration de la ville, I Esd., iv,
18-22; l'édil de Darius confirmant l'autorisation donnée
par Cyrus de rebâtir le Temple et assignant des redevances
pour les sacrifices, I Esd., VI, 6-12; le retour d'Esdras
sous Arlaxerxès. I Esd.. vil, 1-0. et, en général, la
bienveillance dont firent preuve les rois de Perse.
I Esd., IX, 9. Néhéjnie remplissait les fonctions d'échan-
son auprès d'Artaxerxès, quand il obtint de revenir à
Jérusalem pour en relever les murailles. II Esd., il,
1-10.
5° Tous les événements rapportés dans le livre d'Esther
se passent à Suse et dans le royaume des Perses, sous
le règne de Xerxès. Voir Assuébus, t. i, col. 11 il;
Estiier, t. n, col. 1973; Mardochée, t. iv, col. 753.
6° La victoire d'Alexandre le Grand sur Darius, roi des
Perses et des Mèdes, est rappelée I Mach., i, 1. On
raconte ensuite comment Néhéniie, renvoyé en Judée
par le roi de Perse, retrouva une eau épaisse à l'en-
droit où l'on avait jadis caché le feu sacré, que cette
eau, répandue sur le sacrifice, s'était enflammée, et que
le roi de Perse, informé de l'événement, fit enclore le
lieu où l'on avait trouvé l'eau et ainsi le rendit sacré.
II Mach., i. 19-35. Voir Naphthar, col. 1597. — En
Perse s'élevaient les temples que les deux rois Antio-
chus III et Antiochus IV cherchèrent en vain à piller.
I M.,ch., vi. 1-1 : II Mach., i, 13-16; ix, 1, 2; voir Nanée,
t. iv, col. 1473. — Enfin, c'est de Perse que les liages
arrivèrent pour adorer l'enfant Jésus. Matth.. n, 1-12.
Voir Mage, t. iv, col. 543-545. — Les Perses ne sont
pas nommés dans le Nouveau Testament, mais seule-
les Mèdes. Act., II. 9.
Bibliographie. — Hérodote, I; Xénophon, A)iabasis,
Hellenica, Cyropxdia; .1. Gilmore, Fragments of the
Persika of Ctesias, in-8», Londres. 18S9; .1. Malcolra,
Bistory of Persia from the earliest Ages to the pré-
sent Times, 2 in- 4°, Londres, 1815; 1S. Brisson, De
regio Persarum principatu, 1091: in-S°, Strasbourg,
1710; J. H. G. Kern, Spécimen historiarum contai, -n*
ptores griecos de rébus persicis Aclisemenidarum
tumentis collatos, in-8", Liège (1855i; M. Dieu-
lafoy, L'art antique de la Perse, 2 in-f». Paris,
1884-1889; L. l'errot et Chipiez, Histoire de l'art dans
l'antiquité, t. vi, Perse, 1890, p. 503-897; G. Hawlin-
son, The five cjreat monarchies of the ancien! eastern
World, fifth Monarc.hxj, t. iv. 1807; G. W. Benjamin,
Persia, in-12, Londres, 18S8; F. Justi, Geschichte des
alten Persiens, in-8°, Berlin. 1879; A. von Gutschmid,
Geschichte Irans imcl seiner Nachbarlânder von
Alexander dem Grossen bis zum Untergang der Ar-
saciden, in-8», Tubingue, 1888; Ker Porter, Travt
Georgia, Persia, with numerous engravings, 2 in-1 .
Londres, 1821-1828; Flandin et P. Coste, Voyage en
Perse (Perse ancienne), Paris, texte, in-8°; planches,
in-f», 1843-1854. II. Lesétre.
PERSEE (grec: Ilspcre'j;), le dernier roi de Macédoine
(fig. 29). La Vulgate l'appelle: Persen Celseorum regem.
Il succéda à Philippe V, qui passait pour son père, mais
on ignore s'il était son fils légitime ou illégitime ou
supposé 1 179 avant J. Ci. En 171, il lit la guerre avec
plus de bravoure que de succès. Il la soutint d'abord
habilement, mais en 168 il fut défait à Pydna, près de
VAzam actuel, sur la côte occidentale du golfe de
29. — Monnaie de Persée, roi de Macédoine.
Tète de Persée à droite, diadémée. — R% Dans une couronne,
aigle éployé, tenant un foudre. Dans le champ : DALI AEQI
IIEP j leci: et un monogramme.
Salonique, par L. Emilius Paulus. Il se rendit, avec sa
famille, à Samothrace, entre les mains du vainqueur
qui l'emmena à Rome et le fit figurer à son triomphe.
Avec lui finit le royaume de Macédoine. Après un court
emprisonnement, il fut autorisé à se retirer à Albe où
il mourut. Le bruit de sa défaite arriva jusqu'en Pales-
tine et contribua à donner aux Juifs une haute idée
de la puissance militaire des Romains. I Mach., vm, 5.
PERSEPOLIS (grec : ElEfxrâtoAic), une des capitales
du royaume de Perse sous les Achéménides. Elle est
nommée une fois, II Mach., ix, 2, d'après un grand
nombre de commentateurs. Antiochus IV Épiphane, à
court d'argent, tenta de piller le temple de cette ville,
d'après ces commentateurs, mais les habitants le forcèrent
à fuir honteusement. — Alexandre le Grand avait déjà
mis le feu à Persépolis, lors de sa guerre contre les
Perses, pour venger, dit-on, la prise d'Athènes par
Xerxès. Clitarque, dans Athénée, xin, p. 570; Diodore
de Sicile, XVII, lxxi,2, 3; Lxxn,6;Plutarque, Alexand.,
38; Quinte-Curce, v, 7, 3. D'après Diodore de Sicile,
loc. cil., et quelques autres, Arrien, m, 18, 11; Pline,
//. -Y., vi, 20. la ville entière aurait élé la proie des
flammes; d'après Strabon, XV, m, 6, et Plutarque,
loc. cit., le palais royal aurait été seul détruit. Une
partie de ses monuments avait certainemsnt échappé à
la destruction. Ptolémée, vi, 44; vu, 5, 13. On y voit
encore des mines importantes. Strabon, XV, m, 6, dit
que Persépolis était, après Suse, la plus riche des villes
de l'erse, quand elle fut incendiée par Alexandre, et ses
ruines attestent encore son ancienne splendeur; il est
douteux, malgré les suppositions contraires, qu'elle se
soit relevée jamais de ce désastre.
Persépolis était située près de la plaine de Merdaseht,
159
PERSÉPOLIS — PESTE
160
au confluent de l'Araxe (Bendamir) et du Médus
tPulouan), à 40 kilomètres environ de Pasargades, la
capitale primitive de la Perse, avec laquelle on l'a au-
trefois confondue à tort. Darius, fils d'Hystaspe, fut le
premier roi qui y établit sa cour. D'après Athénée, Deip-
nosoph., xtt, p. 513, les rois de Perse résidaient à Per-
sépolis pendant trois mois en automne, mais son affirma-
tion n'est pas confirmée par les autres écrivains anciens.
Xénophon, Cyrop., vm, p. 22; Plutarque, De exil., xn-
édit. Didot, t. îv, p. 730; Zonaras, m, 26. Quoi qu'il en
soit de ce point, il est certain que Persépolis, depuis
Harius I", fut avec Suse une des résidences royales. La
magnificence de ses ruines (fig. 28, col. 155), remplit les
voyageurs d'admiration. Elles portent aujourd'hui le nom
de Ghel Minar « les quarante colonnes ». On y voit en-
core les restes de deux superbes palais élevés par Darius
fils d'Hystaspe et par son fils Xerxès, en même temps
que le reste d'autres édifices. — Voir M. Dieulafoy, L'art
antique (le la Perse, in-f«, t. m, 1885; G. N. Curzon,
Persia, 2 in-8", Londres, 1892, t. Il, p. 115-196.
La ville de Persépolis est-elle réellement la ville dont
parle l'auteur du second livre des Machabées?Il y a des
raisons d'en douter. Le premier livre des Machal.ées,
vi, 1. place l'événement qui est rapporté II Mach., ix,
2. en Élvinaide, et non dans la Perse proprement dite
où se trouvait Persépolis. On peut traduire le nom de Per-
sépolis « ville ou capitale des Perses » et entendre par là
Suse. Voir ÉLYMAïDE, Lu, col. 1712. Le temple que voulait
piller le roi séleucide était dédié à Nanée. II Mach.. i\. 2.
Xanée était une déesse élamite qui devait être honorée
à Sn-e et non à Persépolis. Voir NanÈe, t. IV, col. 1 173.
PERSIDE (grec : lh^i;, féminin de Ilepai ,..
i Perse ; Vulgate; Pevsis), chrétienne de Rome, saluée
par saint Paul, Rom.,xvi, 12: Saluez Perside, la bien-
aimée, qui a travaillé beaucoup pour le Seigneur. »
On ne sait plus rien sur elle. Le nom de Persis se lit
comme celui d'une affranchie, Corpus inscript. Int.,
t. vi, n. 23959.
PERSONNE (hébreu : pânêh; Septante : icpéaiùicoi ;
Vulgate : jiersuna), tout être intelligent, divin ou hu-
main. — L'idée abstraite de personne est étrangère ■ •
l'hébreu. On \ emploie h' mot pânêh, » face . pour
désigner une personne en particulier. La face de
ili est prise pour sa personne même. Exod., xxxm,
1',; Deut., IV, 37: l's. x \ i i x x i . 10; i.xxx (lxxix). 17;
Lam., i\. 16; ls., LXIII, 9. Saint Paul pardonne « à la
face » du Christ, c'est-à-dire à cause de la personne du
Christ. II Cor., n, 10. — D'autres fois, le mot panai,
s ma face i . m- prend dans le sens de « ma personne .
II Ree., xvii. Il; ls.. m, 15, etc. Une seule fois le mot
personne se lit avec le sens que nous lui donnons ni
français. 11 Cor., i, 11. — Le plus souvent, les versions
se servent du mol npôsMirov, persona, pour rendre les
locutions hébraïques ndsa' pdnîm, « lever la fai e
hikkir pdnim, s regarder la face.', gùr mip-penê,
i craindre devant la face », qui signifient en réalité :
juger quelqu'un d'après l'extérieur et se laisser influen-
cer plus que de raison par les apparences. Les versions
traduisent un peu servilement par pÀÉTOiv ï't? 7ipo<7(u-ov,
respicere personam, o regarder au visage », Xa(i6ctvetv
Kp6au>itov, accipere personam, recevoir la personne».
Il est vrai que les deux mots grec et latin désignent
originairement la ligure et le masque, et se rapprochent
ainsi du -eus de pânêh. Les auteurs sacrés rappellent
fréquemment que Iiieu ne juge pas les hommes selon
les apparences, ou, comme nous traduisons en français,
0 ne fait pas acception i des personnes. Deut., \. 16;
Il Par., six, 7; .lob. xxxiv, 10; Sar., vi, 8; Act., x,34;
Rom., n. H ; Cal., n. 11; Eph., vi, 9; Col 2.".:
1 Pet., 1. 17. On voit que les Apôtres reviennent sou-
vent sur celle idée pour l'opposer suit aux prétentions
des Juifs qui se regardaient comme des privilégiés,
soit à l'erreur des païens qui refusaient à l'esclave les
droits de l'homme libre. Les ennemis de Notre-Seigneur
reconnaissent eux-mêmes qu'il ne juge pas les hommes
sur leur extérieur. Malth., xxn, 16; Luc. xx. 21. Il est
prescrit de ne porter aucun jugement en tenant compte
de l'extérieur des personnes, de leur puissance, de leur
richesse, etc. Lev.. xix, 15: Deut., i. 17; xvi, 19;
•lob, xxxn, 21 ; Prov., xvin, ô: xxiv. 23; Jacob., Il, 1. 9.
Par contre, il faut avoir égard à la personne du vieillard
pour le respecter. Lev., xix, 32. 11. Lesltre.
PESCHITO. Voir Syriaques (Versions) de la Bible.
PESTE (hébreu : dél/ér, qétéb, fpttéh, mâcct, rêsef;
Septante : quelquefois Xotu.ôç, mais presque toujours
OâvexTOç, '• mort » ; Vulgate : pestilenlia, pestis), mala-
die épidémique qui se propage rapidement dans une
population et fait périr les hommes en grand nombre.
I. Nature delà peste. — 1» Son origine. —La peste
est due à un bacille très court, à bouts arrondis, qu'on
trouve dans le pus des bubons pesteux, dans le foie,
la rate et le sang des pestiférés. Ce bacille à été décou-
vert en 1894, à Hong-Kong, par ïersin, de l'Institut
Pasteur. Cf. Yersin. Ann. de l'Institut Pasteur, Paris
sept. 1891, p. 662: Xetler. La peste et son microbe,
Paris, 1900. Il ne résiste pas à une dessiccation prolon-
gée pendant trois ou quatre jours, ni aune température
de 58° pendant quelques heures ou de 100° pendant
quelques minutes, ni à l'action des désinfectants habi-
tuels.
2° Sa transmission. — La peste est une maladie
contagieuse qui se transmet par le contact due.
la malade ou avec des objei par lui. L'air ne
transporte pas le germe infectieux, sinon à très faible
distance; l'isolement est donc une cause d'immunité. Le
sol conserve le bacille, mais en atténuant sa virulence.
Certains animaux contractent et transmettent facile-
ment la peste. Les rats et les souris sont les premiers
atteints et succombent en masse à la veille OU au débul
d'une épidémie. Puis viennent les buffles, les porcs,
les chiens, les poules, etc. Les mouches paraissent être
des i^ents directs de transmission Le bacille pesteuj
pénètre dans l'économie surtout par les lésions de l'en-
veloppe cutanée, mais aussi en partie par les
piratoires et le tube digestif. Il s'attaque à toute l'hu-
manité, sans distinction de race, de sexe OU d'âge. Sa
propagation est favorisée par la famine, la misère, la
malpropreté, le manque d'hygiène, les excès, i encom-
brement qui multiplie les points de contact. L'altitude
et la température n'ont que peu d'intluence sur le déve-
loppement et la durée des épidémies.
3° Son développement dans l'organisme. — Après
une période d'incubation de trois à dix jours, quel-
quefois de vingt-quatre lu uns seulement, la maladie
débute par des frissons, un violent mal de tête el une
fièvre intense, accompagnée de délire et d'accablement,
Au bout de deux ou trois jours, si le i nin, la
convalescence commence. Le plus souvent, la ]
le délire et l'insomnie augmentent. Les bubons, ou
gonllemenls ganglionnaires, apparaissent a l'aine, puis
à l'aisselle et enfin au . - grossissent et suppurent
du huitième au dixième jour. En même temps ou peu
après, les charbons, ou tumeurs gangreneuses entou-
rées d'une zone très rouge, se montrent et se développent,
de préférence aux jambes el su cou. La mort peut
arriver à cette période. Le durée de la maladi
d'environ huit jours, bienquela mort se produise par-
fois des le deuxième ou troisième jour, ou même plus
tôt. La prédominance des bubons fait doi rà la m i-
die le nom de peste bubonique. Elle devient peste
pneumonique m le mal se localise surtout sur l'appareil
pulmonaire. lies hémorragies sous-cutanées peuvent
161
PESTE
162
produire des lâches noires sur la peau; c'est alors la
peste hémorragique ou mort noire. Quand les symptômes
de dépression s'accentuent, la maladie ressemble à
une grave fièvre typhoïde et prend le nom de peste
typhoïdique. 11 y a donc différentes variétés de pestes,
les unes malignes, les autres bénignes et moins conta-
gieuses. La peste est souvent foudroyante, notamment
au début des épidémies; elle tue alors ses victimes en
quelques heures. Parfois, au contraire, elle est si at-
ténuée que les malades peuvent continuer à vaquer à
leurs occupations. C'est alors la peste ambulatoire.
4° Ses ravages. — La peste est, avec la fièvre jaune,
la plus meurtrière des maladies. Au début de l'épidé-
mie, presque personne n'échappe; on estime qu'ensuite
la mortalité est en moyenne de 50 à 60 pour cent, pou-
vant aller cependant à 90 ou 95 pour cent. La période
d'activité de l'épidémie est de huit mois environ;
ensuite la mortalité baisse lentement. Depuis la peste
d'Athènes, décrite par Thucydide, Bell. Pelop., Il, 48,
l'histoire a enregistré un certain nombre de pestes très
meurtrières. La peste noire, qui sévit en Asie et en
Europe de 1346 à 1361, coûta la vie à '21 millions
d'hommes en Europe, et probablement à un plus grand
nombre en Asie. Quelques détails empruntés à la des-
cription de la peste de Marseille, en 1720. donneront
une idée de ce qui devait se passer dans les villes de
l'antiquité quand l'épidémie les visitait. « Marseille
présente alors le plus épouvantable spectacle; cent
mille personnes se craignent, veulent se fuir et se
rencontrent partout. Les liens les plus sacrés sont
rompus. Tout ce qui languit est déjà réputé malade,
tout ce qui est malade est regardé comme mort. On
s'échappe de sa propre maison, où quelques parents
rendent le dernier soupir; on n'est reçu dans aucune
autre. Les portes de la ville sont encombrées d'une
foule empressée de se dérober au souffle empoisonné.
Les gens du peuple campent sous des tentes... lien est
qui vont chercher un refuge sur le sommet des collines
ou dans le fond des cavernes. Les marins se croient
plus heureux parce qu'ils vivent dans des barques sur
le port. Mais la mer et les ruisseaux, les collines et
les cavernes ne protègent point contre les atteintes de
la contagion... Toutes les boutiques fermées, le com-
merce arrêté, les travaux interrompus, toutes les rues,
toutes les places, toutes les églises désertées; ce n'est
encore là qu'un premier coup d'œil de la dévastation
de Marseille. Quelques jours après, l'aspect de Marseille
était effrayant. De quelque coté qu'on jette les yeux, on
voit les rues jonchées des deux côtés de cadavres qui
s'entretouchent et qui, étant presque pourris, sont
hideux et effroyables à voir. Comme le nombre des
forçats qu'on a pour les prendre dans les maisons est
beaucoup inférieur pour pouvoir dans tous les quartiers
les retirer journellement, ils y restent souvent des se-
maines entières et ils y resteraient encore plus long-
temps, si la puanteur qu'ils exhalent et qui empeste
les voisins ne les déterminait, pour leur propre conser-
vation, de faire un effort sur eux-mêmes et d'aller les
retirer des appartements où ils sont pour les traîner
sur le pavé. Us vont les prendre avec des crocs et les
tirent de loin avec des cordes jusqu'à la rue; ils font
cela pendant la nuit pour être libres de les traîner le
plus loin qu'ils peuvent de leurs maisons et de les
laisser étendus devant celle d'un autre qui frémit, le
lendemain matin, d'y trouver ce hideux objet qui
l'infecte et lui porte l'horreur et la mort. On voit tout
le cours, toutes les places, tout le port, traversés de ces
cadavres qui sont entassés les uns sur les autres. Sous
chaque arbre du cours et des places publiques, sous
l'auvent de chaque boutique, on voit entre tous ces
cadavres un nombre prodigieux de pauvres malades et
même des familles tout entières, étendus misérablement
sur un peu de paille ou sur de mauvais matelas. »
DICT. DE LA BIBLE.
A. Boudin, Histoire de Marseille, cité par L. Lamelle,
La peste dans l'état actuel de la science, dans la Revue
des questions scientifiques, Bruxelles, juillet 1897,
p. 41-43. Voir tout l'article, p. 39-73, et E. Deschamps,
Peste, dans le Traité de médecine de Brouardel,
Paris, 1903, t. il, p. 52-58. Tel était le spectacle que
devaient présenter équivalemment les villes anciennes
quand la peste y éclatait. Les rares victimes de la
peste qui échappent à la mort demeurent languissantes,
plus ou moins paralysées et atteintes dans leur intelli-
gence. La peste, qui se répandait dans tout l'ancien
monde, est aujourd'hui confinée dans quelques foyers,
en Afrique, la Cyrénaïque, et en Asie, l'Assyrie, l'Irak-
Arabie, la Perse, leTurkestan, l'Afghanistan, l'Hindous-
tan et la Chine. Elle ne détermine pas toujours, dans
les endroits où elle est endémique, les mêmes désastres
qu'autrefois en Europe. Mais elle a eu de temps en
temps des réveils terribles, et l'on a pu constater que
sa virulence ne s'était pas atténuée avec les siècles. En
1894, elle fit à Canton, en quelques semaines, 60 000
victimes. En revanche elle n'a jamais envahi l'Améri-
que. — Voir H. F. Millier, Die Pest, in-8», Vienne, 1900.
II. La peste dans la Bible. — 1° Ses caractères. —
La peste apparait dans la Bible comme un mal qui
effraie par sa soudaineté et ses ravages. Sa nature
infectieuse ressort de ce faitqu'elle accompagne souvent
la famine dans les villes assiégées, où toute hygiène
est rendue impossible. Mais les écrivains sacrés ne
fournissent aucun détail permettant d'identifier la pesle
dont ils parlent. Les noms qui la désignent en hébreu
sont des termes généraux, impliquant l'idée de mort,
mais convenant à diverses calamités. Pour rendre ces
différents termes, les Septante n'ont guère que le mot
eàva-roç, « mort », dont la signification est très étendue.
Cf. Ose., xin, 14. Il est donc à croire que les termes
du texte hébreu visent des affections morbides assez
diverses, n'ayant de commun que leur caractère viru-
lent, leur extension rapide et la multiplicité de leurs
ravages. Le typhus, la peste noire, le choléra, et d'autres
épidémies analogues ont donc pu sévir sur les Israé-
lites et leurs voisins, sans qu'il soit possible de préci-
ser, en aucun cas, la nature spécifique du mal. Cf.
W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stutt-
gart, 1901, p. 100-101.
2° Pestes mentionnées dans la Bible. — 1. Après la
peste du bétail, qui constitue la cinquième plaie
d'Egypte, Exod., ix, 3-6, un autre genre de peste
s'abattit, sous forme de pustules, sur les hommes et
les animaux. Exod., IX, 8-11. Ce fut la sixième plaie.
Voir Pustules. Sur le mal épidémique qui frappa les
Philistins détenteurs de l'Arche, voir Ofalim, t. iv,
col. 1757. — 2. La peste signalée sous David, à la suite
du dénombrement, dura trois jours et fit périr 70 010
hommes. Reg., xxiv, 15 ; I Par., xxi, 12-14. L'exécution
de la sentence divine est alors confiée à un ange, « qui
promène la mort dans tout le territoire d'Israël. »
Celte peste est présentée comme un châtiment divin,
que David lui-même préféra à une famine de trois ans
et à une guerre de trois mois. Elle commence et elle
s'arrête sur l'ordre de Dieu. Il y a donc là une épidé-
mie qui peut être naturelle en elle-même et analogue
à celles qui sévissaient de temps en temps, mais qui
fut surnaturelle dans ses circonstances. — 3. Sous le
roi Ézéchias, l'ange de Jéhovah fit périr en une nuit
185000 hommes de l'armée de Sennachérib, aux environs
de Jérusalem. IV Reg., xix,35; Is., xxxvn, 36. Josèphe,
Ant. jud., X, i, 5, attribue ce ravage à une peste,
Xoijuxt) v'jno;. Mais les textes ne donnent aucun détail
permettant de reconnaître le genre de maladie. Il ne
serait pas impossible que l'agent employé par Dieu ait
été le hphus, qui se distingue de la peste par l'absence
de bubons et de charbons, mais dont on a observe''
fréquemment le développement au milieu des armées
V. - 6
163
PESTE — PETAI*
164
en campagne, au point de lui faire donner le nom de
typhus des camps. « Le typhus est une des affections
les plus graves, les plus meurtrières. La proportion de
mortalité ne saurait être calculée; elle varie essentielle-
ment suivant les lieux, les circonstances au milieu
desquelles la maladie éclate. Ainsi, dans quelques épi-
démies, presque tous les malades succombent, ou bien
la mortalité en enlève la moitié, les deux tiers. >■
Grisolle, Traité de pathologie interne, Paris, 1874, t. i,
p. 71. L'intervention de Dieu aurait rendu le mal parti-
culièrement meurtrier pour les soldats de Sennacbérib.
Hérodote, il, 141, confirme le fait, tout en le dénatu-
rant. D'après cet historien, l'armée assyrienne campait
devant Péluse, dans le delta du Nil, quand une multi-
tude de rats rongèrent dans le cours d'une nuit les
carquois, les arcs et les courroies des soldats, si bien
que, devenus incapables de se servir de leurs armes,
les Assyriens n'eurent plus qu'à prendre la fuite le
lendemain- Cette invasion de rats est curieuse à noter.
Peut-être pourrait-elle être l'indice d'une peste à
laquelle, comme il arrive d'ordinaire, ces rongeurs au-
raient succombé les premiers. — Sur la maladie du roi
Ezéchias, voir Ulcère. — 4. Amos, iv, 10, mentionne
une peste qui sévit de son temps, sous le roi Jéroboam
II, bedéréh, « à la manière » de la peste d'Egypte, et
non êv iSoi, in via, « sur le chemin » de l'Egypte, comme
traduisent les versions, qui ont pris dérék dans son
sens ordinaire de « route ». Le prophète fait également
illusion à la puanteur des camps montant jusqu'aux
narines, ce qui permet de penser que l'épidémie s'éten-
dit surtout sur les armées de Jéroboam. — Bien d'au-
tres pestes que celles-là se produisirent sans nul doute
dans le cours de l'histoire d'Israël. La plupart furent
limitées, moins meurtrières et dues à des causes pure-
ment naturelles. Josèphe, Ant. jud., XV, vu, 7, cite
une peste qui, au temps d'IIérode, lit périr beaucoup
d'hommes du peuple etde courtisans. Quelques années
plus tard, la disette fut accompagnée d'une nouvelle
pes • . le double mal se prolongea durant deux ans et
causa de grands ravages. Ant. jud., XV, ix, 1. Nôtre-
Seigneur avail prédit que des pestes et des famines
précéderaient la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 7;
Luc, xxi, 11. Pendant le siège de la ville, la peste ne
put manquer de se joindre aux autres maux, quand il
fallut laisser les cadavres sans sépulture dans les rues,
dans les maisons et autour des murailles. Cf. Josèphe,
Bell. jud., V, XII, 3; xm, 7; VI, i, 1, etc.
:!' Les menace» de peste. — 1. Le Seigneur menace les
Israélites infidèles de trois fléaux : l'épée. c'est-à-dire la
guerre, la peste et la famine. Lev., xxvi, 25. Après une
i il le du peuple au désert, Jéhovah veut le détruire par
la peste elne pardonne que sur les instances de .Moïse,
en stipulant cependant qu'aucun des coupables ne verra
la Terre Promise. Num., xiv, 12, 23. La menace delà
peste et de toutes surir de maladies est encore rappelée
dans le Deutéronome, x.xvm, 21-26. Dans son cantique,
Moïse \ juinl la mention de la famine, desbétes féroces
ri del'épée. Deut.,xxxn, 24,25. Cette menace répondait
à une crainte déjà ancienne parmi les Hébreux. Quand
Moïse se présenta pour la première fois devant le pha-
r.ion, il lui demanda l'autorisation d'emmener son
peuple à trois jours (le marche dans le désert, « pour
ollïir des sacrifices à Jéhovah, afin qu'il ne nous frappe
pas de la peste ou de l'épée. Exod., v, 3. —2. Des
; i i les sont adressées au Seigneur dans le Temple de
Salomon, pour qu'il préserve les Israélites de la peste
el de> autres fléaux, III Reg., un, 37; il Par., vi. 28,
et le Seigneur pro i de les exaucer. Il Par., vu. 13.
des prières sonl réitérées sous Josaphat, Il Par., \x. 9.
Du reste, la peste est le châtiment de l'infidélité; quant
au juste, qui met sa confiance dans le Seigneur, il est
■i l'abri t de la peste funeste », mid-débér havvôf, et
non mid-ddbâr, iitô \6yov rapa^uSouç, « verbo aspero,
« de la parole funeste ». comme ont lu les versions.
Il n'a à craindre, Ps. xci (xc), 3, 6 :
Ni la peste (dèbèr) qui marche dans les ténèbres,
Ni la contagion (qètêb) qui ravage en plein midi.
Deux prophètes, Jérémie et Ézéchiel, reviennent fré-
quemment sur la menace de la peste. Ils joignent ordi-
nairement trois fléaux : l'épée, la famine et la peste.
Jer., XIV, 12; x.xi, 7,9; xxiv, 10; xxvn, 8, 13; xxix, 17-
18;xxxu, 24, 36; xxxiv, 17; xxxvm, 2; xlii. 17. 22;
xi.iv. 13; Ezech.. vu. lô; XII, 16. Dans une ville assié-
gée, bs trois lléaux s'appellent l'un l'autre. L'ennemi
empêche le ravitaillement et souvent accapare les
sources; la famine et les maladies infectieuses sont
bientôt la conséquence du siège. C'est là ce dont les
prophètes menacent Jérusalem. Ézéchiel. xxviii, 33,
appelle contre Sidon la peste et l'épée; il ne parle pas
de famine, parce que la ville pouvait se ravitailler par
mer. Une autre fois, faisant écho à la menace de Moïse,
il annonce l'envoi contre Jérusalem de ■ quatre châti-
ments terribles, l'épée, la famine, les bêtes malfaÎ!
et la peste. » Ezech., xiv, 19, 21. La mention des trois
principaux lléaux s'est perpétuée dans l'Eglise. L'une
des invocations des litanies des Saints demande encore
que les fidèles soient préservés a peste, (urne et belle
4° La peste des animaux. —Jérémie, xxi, 6, prédit
qu'à Jérusalem Dieu frappera de la peste hommes et
bêtes. Les animaux d'Egypte furent atteints par les pus-
tules de la sixième plaie, ix, 9-10. La plaie précédente
avait été particulière à ceux qui se trouvaient dans les
champs, chevaux, ânes, chameaux, bœufs el brebis.
Exod., ix. 3, 6. Les animaux domestiques ont toujours
été extraordinairement nombreux dans les champs de
la Basse-Egypte et parfois les épizooties y exercent de
prodigieux ravages. Cf. Vigouroux, La Bible el les
découvertes modernes, 6e édit., t. H, p. 329. Le lexte
sacré ne permet pas de préciser le genre de pesle qui
constitua la cinquième plaie. Le typhus du gros bétail,
la fièvre charbonneuse, la péripneumonie contagieuse
ou d'autres causes infectieuses ont pu facilement entrer
en activité sur l'ordre de Dieu, tout en résultant natu-
rellement de la putréfaction engendrée par les ca-
davres des grenouilles de la seconde plaie, ou des pi-
qûres envenimées des cousins et des mouches des deux
plaies suivantes. Cette plaie n'atteignit du reste qui
animaux laissés dehors, dans les champs. Cf. S. Augus-
tin, lu Beptat., il, 33, t. xxxiv, col. 608. Les autres
devaient être frappés par la sixième plaie, sans cepen-
dant en périr. C'est ce qui permit ensuite au pharaon
de pouvoir atteler sa charrerie pour la mettre à la
poursuite des Hébreux. Exod., xiv, 6-9. — 5° Les ver-
sions parlent quelquefois de pestilence, Ps. I, 1, et
d'homme pestilent. Prov., xv, 12; xix. 2.">; \xi. 11;
XXIX, 8; 1 Mach., \, 61; XV, '■>. 21, dans des passages
où il n'est question que d'impiété ou d'impies. Les
Juifs appellenl sainl Puni i une pesle », rbv StvSpa
TOÛTOV Xoip.o'v, hunC Imminent pest i féru m , Aet., XXIV, 5,
c'est-à-dire un homme qu'ils jugent dangereux comme
la peste. H. LesÉTRE.
PÉTASE igrec : :rÉTa<roç)t chapeau à fond bas el à
larges bords dont était coiffé le dieu Mercure. II Mach.,
IV, 12, dans le lexte grec. Voir MERCUBE, 2 », t. IV, col. 992.
PETAU Denis, théologien français, né à Orléans
en l.">83, mort à Palis le 11 décembre I0.V2, entre au
Doviciat de Nancy en 160."). professa d'abord la rhéto-
rique puis, pendant 22 ans. la théologie dogmatique au
collège de Clermont à Paris avec un rare su
Petau n'appartient à l'exégèse que par la paraphrase en
vers grecs de tous les Psaumes de David et des can-
tiques de la Bible : Aiovuvfou roî Wiza6(o'J... Ttapa-
fpioi? ïu.u.ETpo; àtivTwv tûv to0 Aï-Ji'îo'j U'a).p.<ï>v, xai
165
PETAU
PÉTRA
166
T(ôv èv -*-.; \iç,x\; êtoXoiç; celte paraplirase est accom-
pagnée d'une sorte de traduction latine pour la commo-
dité de ceux qui ne savent pas le grec. In-12. Paris,
1637. — On peut signaler aussi ses commentaires sur
Job et Osée restés manuscrits, ainsi qu'une paraphrase
en vers grecs sur les Lamentations de Jérémie et des
remarques sur Jérémie. Ézéchiel et Daniel.
P. Bliard.
PETERSEN Jean Guillaume, théologien protestant
et visionnaire allemand, né à Osnabruek en 1619, mort
près de Magdebourg le 31 janvier 1727. Après avoir
étudié à Lubeck, à Giessen et à Rostock. il fut nommé
pasteur à Hanovre, puis surintendant dans le diocèse
de Lubeck. Ministre à Lunebourg, il fut accusé de
renouveler les erreurs des Millénaires et forcé, en 1692,
de renoncer à la prédication. On lui reprochait en outre
de regarder toutes les religions comme également
bonnes. Il se retira alors près de Magdebourg, conti-
nuant avec l'aide de sa femme à propager toutes ses
erreurs. Xous citerons parmi les écrits de ce vision-
naire : Psalmen Davids, nach dem Maas der ertheilten
Gabe Christi, in dem reichesten prophetiscltcn Sinne,
durcit den Schlussel Davids aufgesehlossen, in-4c,
Francfort et Leipzig. 1719; Zeugniss Icsu aus dem kô-
niglichen Propheten Jesaia durcit den Geist der
Weissagung, von Capitel :u Capitel erklârt, worin-
nen gezeiyt wird, dass der Geist Gottes nebst der
vergangenen, auch attf die gegenwârtige, ingleichen
au f die naelifolgende Zeit nach seinem vôlligen Sinn
gedeutel habe, in-i . Francfort, 1719; Zeugniss lesti
in dem Propheten Ieremia, in-4»., Francfort. 1719;
Zeugniss Iesu aus dem Propheten Ezechiel, durcit
den Geist der Weissagung dargethan, in-i", Franc-
fort, 1719; Sinn des Geistes in dent Propheten Daniel,
in-4 . Francfort. 1720; Apostolischer Z usant ntenhang ,
darinne» das verkUirle Evangelium so tvoltl in der
Apostelgeschichte : als in allen Epîsleln Paulli, Pétri,
îs, lacobi attd ludse in der Connexion, als dem
Schlussel der wahren Exegesis und Erforsehung des
Sinnes und des Geistes hervorleuchtel undgezeigetist
in-4», Francfort. 1722; Erklàrung der zwôlf kleiuen
Propheten, in-4 . Francfort, 1723. Erklàrung des Ho-
henliedes Salomonis, in-8°. Budingen, 1728. J.-G. Pe-
tersen écrivit lui-même sa biographie : Lebensbe-
schreibung J. W. Petersen's, derheiligen Scltrift Doc-
toris, vannais Professons :u Rostock, in-8», Halle. 1717.
et sa femme deux ans plus tard l'imita en publiant :
Leben Frauen J. E. Pelersen, Gebohrner von und
:■< Merlau, lie, un D' J. W. Petersen's Eheliebsten,
in-8», s. 1. Halle), 1719. — Voir en outre Walch.
Biblioth. théologien, t. îv, p. 496, 528, 538, 545, 552,
557, etc. C. Heuriebize.
PETHOR (hébreu : Petùr; Septante : <I>a(iivpi :
Alexandrinus : BaOo-jfi), ville de Mésopotamie, patrie
de Balaam. La Vulgate a traduit ce nom de lieu par
ariolunt, » devin, » dans Nurn.. xxn. 5, tandis que les
Septante l'ont conservé comme nom propre. Dans le
second passage où le texte hébreu mentionne cette ville,
ixm, i l Vulgate, 5), il est omis par les Septante et
parsaii I Jérôme. C'est à Pethor que Balac,roi de Moab.
envoya chercher Balaam, afin de lui faire maudire les
enfanls d'Israël, Voir Balaam. t. i. col. 1319. Le Deuté-
ronome nou> apprend que Pethor était une ville d'Aram
Naharaïm ou Mésopotamie et les N'ombres, qu'elle était
située sur ( le lleuve du pays des fils de son peuple »
(Vulgate par erreur : des lils d'Ammon) c'est-à-dire de
Urate. Le nom de cette ville, en assyrien Pitrtt, se
lit sur l'obélisque de Salmanasar. Voir Eb. Schrader,
Ke nschriften and Geschichtforschung, 1878, p. 140,
220, 231. Elle était située sur le haut Euphrate, au
conlluent de ce fleuve et du Sagur. qui vient de l'ouest,
à une centaine de kilomètres au nord-est d'Alep, à plus
de 600 kilomètres de la Palestine. Thothmès III s'était
déjà emparé de Pethor, lors de ses conquêtes dans l'Asie
antérieure, comme on le voit sur les listes de Karnak
où le pharaon enumère ses victoires. H. Brugsch, Ge-
schichte Aegtjptens, 1877, p. 454, n. 280; W. M. Mflller,
Asten und Europa nach allâgypttschen Denkmâlem,
1893, p. 291. Cf. J. Menant, Annales des rois d'Assy-
rie, 1874, p. 98; Eb. Schrader, Keilinschrifiliche Bi-
blwthek.t. i, p. 133, lig. 37-40; p. 163, lig. 36; p. 173.
lig. Sô-86. C'est à tort que J. Marquart, Fundamente
israelilischcr und jûdischer Geschichte, 1896, p. 74.
et H. Winckler, dans Schrader, Keilinichriften und
das alte Testament, 3* édit., p. 118. prétendent que
Pethor était en Egypte.
PETRA (hébreu : ySo, Séla', « pierre »; employé
parfois sans article, Is., xvi. 1 : xt.n. 11. quelquefois avec
l'article, ySsn, has-Séla', Jud., i, 36; IV Reg., xiv. 7:
Septante : EUrpa, r, Uï-ox; Vulgate : Petra . ville de
l'Idumée (tig. 30). Voir Ed. Robinson, Biblical Resear-
ches, 2e édit., 1856, t. Il, note xxxvii, p. 521-521. D'après
le sentiment général des interprètes, il est question de
cette ville dans les quatre passages bibliques cités plus
haut, et probablement aussi II Par., xxv, 12. texte paral-
30.
Monnaie de Pétra.
Buste d'Hadrien à droite, tète laurée, épaules drapées. ArTO-
KPATCOP. — R.. Pétra assise sur un rocher tenant daus la main
gauche un trophée. Dans la droite un patère. I1ETPAMHTPC-
no.uc.
lèle à IV Reg., xiv, 7. — Le texte, Jud., i, 36, mentionne
simplement Pétra comme formant la limite du territoire
des Amorrhéens. — IV Reg., xiv, 7, il est dit qu'Amasias,
roi de Juda, « battit 10000 Iduméens dans la vallée du
Sel, » c'est-à-dire de la mer Morte, et qu' « il s'empara
de Séla' » ou Pétra. — II Par., xxv. 11-12, nous lisons
qu'après cette victoire d'Amasias, ses troupes se saisi-
rent d'un grand nombre d'Iduméens. qu'ils menèrent
sur la hauteur de Pétra (hébreu, Séla' ; Vulgate : ad
prœruptum cujusdam pétrie), d'où ils les précipitèrent.
— Isaïe, xvi. 1. suppose idéalement que les Moabites, bat-
tus par les Hébreux et réfugiés à Pétra, envoient de là le
tribut au roi de Jérusalem, pour faire leur soumission;
xlii, 11, le même prophète invite les habitants de Séla
à chanter avec tout l'univers la gloire du Dieu d'Israël.
— Le prophète Abdias fait au moins allusion à Pétra
aux v. 2-4 de sa prophétie :
[Édom], je te rendrai petit parmi les nations...
L'orgueil de ton cœur t'a égaré,
Toi qui habites le creux des rochers (s
Qui t'assieds sur les hauteurs.
Et qui dis en toi-même :
Qui me précipitera jusqu'à terre ?
Quand tu élèverais ton aire comme l'aigle,
Quand tu la placerais au milieu des étoiles,
Je t'en précipiterai, dit Jéhovah.
I. Identification. — Il n'y a pas de doute que l'an-
cienne Séla' ne corresponde à la Pétra des Grecs et
des Romains. Les passages de la Bible qui la mention-
nent la placent tous dans l'Idumée et font d'elle une
ville importante de cette région. Lrs caractères de Pétra
conviennent fort bien à ce que les écrivains sacrés
1G7
PETRA
168
nous disent de Séla : aussi est-ce d'une manière à
peu près unanime qu'on a identifié de tout temps les
deux localités. Voir Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttin-
gue, 1870, p. 147, 286. L'ancien nom hébreu de Pétra
semble avoir été conservé sous la l'orme Sal, que l'écri-
vain arabe Yalkoût emploie pour désigner une forteresse
Mime précisément dans l'ouadi Mouça, sur l'empla-
cement de Pétra. Nôldeke, Der arabische Nanie von
Petra, dans la Zeitschrifl der deutschen morgenlân-
dis, hén Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les ruines
de Pétra sont situées dans la vallée que les Arabes ap-
pellent Ouadi Mouça, t Vallée de Moïse, » et ils lui ont
attribué ce nom parce qu'ils placent en ce lieu l'un des
rochers qui, frappés par Moïse, fournirent aux Hébreux
une eau miraculeuse durant leur marche à travers le
désert. « Le fond de la cuvette où était autrefois la ville
elle-même, est bossue, mamelonné; l'ouadi Mouça la
coupe sensiblement par le milieu en allant de l'est à
l'ouest. Ce nom de Ouadi Mouça a été donné par les
Arabes à l'ensemble de Pétra et à son débouché vers
l'Arabah. » .1. de Kergorlay, Pétra, dans la Revue des
deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Pélra a donné
son nom à l'Arabie Pétrée; en effet, l'épithète « Pétrée »
n'a pas le sens de pierreuse, rocheuse; il s'agit du dis-
trict de l'Arabie dont Pétra était la capitale : f| xoreà
IU'-pav 'Apa6e'a. Agathemerus, Geographix expositio
campendiara, VI, 21, dans C. Mûller, Geograplii grseci
minores, édit. Ilidot, t. Il, p. 499.
II. Situation géographique. — Pétra était située par
30» 19 de latitude N. et 35» 31 de longitude E., au cœur
des montagnes d'Édom, à peu près à mi-chemin entre
l'extrémité sud de la mer Moite et la pointe nord du
golfe d'Akabah. Voir la carte, t. in, col. 330. On compte
cinq jours de marche pour la première partie, six pour
la seconde ;environ 100 kil. à partir de la pointe d'Aka-
bah. Pélra se trouvait à 500 milles romains de Gaza,
Pline, //. A'., vi. 22, au pied du mont llor, Josèphe,
A. ii. jud., [V, rv, 7, sur les contreforts orientaux de la
I i .ne et profonde vallée, nommée Arâbah,qui unit la
mer Morte à la nui' Rouge. Elle appartient maintenant
à la province du lledjaz. Elle était comme isolée du
reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques
qui l'entourait. « A l'est, à l'ouest, se dressent des
parois abruptes; au nord, les hauteurs découpées par
des ravins parallèles limitent l'horizon d'une arête
continue; au sud, les pentes sont plus douces, mais
la aussi une muraille de grès forme le rebord du bas-
sin. » E. Reclus, Nouvelle grogr. universelle, t. ix,
1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'étalaient les
habitations et les monuments de Pétra n'est aisément
abordable que de deux côtés. On peut \ pénétrer
par le sud-ouest, en suivant nu sentier de montagne
rude et escarpé. L'entrée la plus naturelle, comme
aussi la plus pittoresque, est do coté de l'est; elle
consiste dans un long défilé, qui porte le nom arabe
de Sîk. Rien n'est plus saisissant que cette gorge
étroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute
il 80, 100 et 200 mètres, qu'on suit pendant plus d'une
heure, en longeant le cours d'eau principal de Pétra,
auquel le Sik sert de lit. Strabon, XVI, tv. 21, et Pline,
//. A'., vi. 32, mentionnent aussi cet étrange couloir,
où parfois deux chameaux chargés ont de la peine à
passer de front, et dont mainte portion est inaccessible
au soleil. Les tombes et les temples taillés dans le roc
v font leur apparition assez longtemps avant qu'on
n'arrive a i
En sortant du Sik, on se trouve dans le bassin où
était bâtie la ville. Sa forme est à peu près quadran-
gulaire, D'après Pline, //. A'., vi, 32, sa largeur
était de deux milles n. mains ; ce qui correspond assez
exactement aux mesures indiquées par les voyageurs
plus récents : de 150X1 à 1800 m. du S. au N. ; de
iOOOà 1200 de l'E. a l'O. La nature esl déchirée, tour-
mentée; les moindres ravins sont des précipices. Les
rochers nus qu'on voit de toutes parts consistent parfois
en calcaire; mais le plus habituellement en grès, et
ces grès ont des colorations merveilleuses, dont les
visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le
jaune dominent; mais on rencontre toutes les nuances,
depuis le rouge presque noir jusqu'au rose tendre, et
depuis le jaune foncé jusqu'au jaune citron; au lever
et au coucher du soleil ces teintes sont très agréables
à contempler. Autrefois, la vallée était cultivée avec
soin; elle est maintenant sans culture aucune, quoique
l'eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de
murs de soutènement prouvent qu'on avait des jardins
en terrasses.
Le grès est très friable de sa nature ; aussi les mon-
tagnes de Pétra n'ont-elles pas échappé à l'érosion du
temps, et elles continuent de se désagréger chaque
jour; en s'eflritant ainsi, elles prennent les formes les
plus variées, les plus bizarres. Lorsque d'en haut on
jette un coup d'œil sur le sommet des rochers, on
dirait une mer étrange, dont les vagues se seraient
figées. Emplacement singulier, sans doute, pour y ins-
ta'ler une ville importante. L'histoire de Pétra va nous
faire comprendre pourquoi il fut choisi.
III. Histoihe de la. ville. — Un profond mystère
enveloppe la fondation de Séla', qui se perd dans les
temps les plus reculés. A l'origine, les habitants de
la contrée étaient les Horréens (voir IIorréens, t m.
col. 757-758), c'est-à-dire des Troglodytes. Ils sont men-
tionnés Gen., xiv, 6, à l'époque d'Abraham et de Chodor-
lahomor. C'est par eux que doivent avoir été creusées
les premières grottes de Pétra, qui n'étaient encore que
de grossières cavités. Plus tard, les Horrhéens furent
supplantés par les Édomites, qui descendaient d'Ésaû,
Peut, n, 12, 22. Grâce à ceux-ci, Séla' acquit alors une
importance nouvelle, bien qu'elle ne fut pas leur capi-
tale; cet honneur appartenait à Bosra. Voir BoSRA 1.
t. i, col. 1859. Vers la fin du ix« siècle avant notre ère,
elle fut conquise par Amasias de Juda.qui la détruisit
en partie et lui donna le nom de Jectéhel. Voir JeCTÉHEL,
I. ut, col. 1216. Aussi n'est-il plus question d'elle pen-
dant quelque temps dans les saints Livres. Amos, i,
12, ne menlionne pas Séla' parmi les villes du pays
d'Édom. Toutefois, elle était trop bien située, pour ne
pas redevenir une ville très importante.
C'est aux Nabuthéens qu'elle dut la période la plus
florissante de son histoire. Ce petit peuple d'origine
sémitique, voir Nabuthéens, t. iv, col. 1414, venu
d'Orient on ne sait pas au juste à quelle époque, était
beaucoup plus trafiquant que guerrier. Il possédail de-
richesses énormes, et il avait besoin, sur l'un des che-
mins fréquentés par les caravanes, d'un endroit sur,
difficilement accessible, à l'abri d'un coup de main des
maraudeurs ara BS, oui pût sei ir d'entrepôt à se-
ebandises, et de résidence aux vieillards, aux femmes
et aux enfants, durant ses déplacements commerciaux.
Pétra convenait admirablement pour ce but. D'un côté,
par sa situation même, elle était facile à défendre contre
une invasion; de l'autre, elle se trouvait au centre des
roules les plus fréquentées d'alors par le commerce :
roule d'Egypte a Damas, route de Gaza, route d'Akabah,
roule du 'golfe Persique. etc. Pline, //. A'., VI, 32 De
nombreux marchands romains et étrangers s'\ étaient
installés à l'époque de Strabon, (oc cit., et Diodore de
Sicile, \i\, 98, compare à des armées les caravanes qui
traversaient ces parages. Vers l'an 300 av. J.-C, et
même un peu plus têt, Pétra nous apparaît donc tout à
coup comme la capitale des Nabuthéens, qui - eu
étaient emparés à leur tour, peut-être au v i u au
n siècle. A deux reprises au moins, les Séleucides,
qui gouvernaient alors la Syrie, essayèrent de la réduire,
< richesses les tentaient; mais ils furent repou!
usement. Diodore de Sicile, xix, 95. Joseplie
169
PETRA
170
nous apprend que, vers l'an 70 avant notre ère, elle
servait de résidence à l'un des princes arabes nommés
Arélas, et qu'elle fournit ensuite un refuge à Hyrcan II,
siècle plus tard, 105 après J.-C, Trajan l'incorpora à
l'empire; il l'agrandit et l'embellit considérablement.
Dion Cassius, lxviii, 14. Son successeur, Adrien, la prit
roi de Jérusalem. Josèpbe, Ant. jud., XIV, II, 3; Bell,
jud., I, vi, 2.
A l'époque de Pompée, Pétra devint tributaire de Rome,
comme tout le reste du territoire des Nabuthéens. Un
en affection singulière, lui donna son nom, « lladriana »,
et tailla dans ses énormes rocbers de nouveaux édi-
fices. Mais, peu de temps après, le commerce se détourna
\ers Palmyre; les Nabutbéens cessèrent d'avoir le
171
PETRA
172
monopole des transports et la décadence de Pétra
commença. Sous les empereurs byzantins, ce n'était
plus qu'une simple bourgade. Les Arabes achevèrent
sa ruine au vu0 siècle, lorsqu'ils en furent devenus
maîtres, et elle devint bientôt un lieu de désolation
complète. Au moyen âge, entre les années 1260 et
1277, elle reçut la visite du sultan d'Egypte Bibars, qui
fut frappé, lui aussi, de la coloration de ses rochers et
de ses monuments taillés dans le roc. Voir Quatre-
mère, Mémoire sttr les Nabatéens, dans le Journal
asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit
complètement de vue. Elle n'a été retrouvée qu'en 1812,
par le célèbre explorateur allemand Bnrckhardt. Ce
furent deux Français, L. de Laborde et Linant de Bel-
lefonds qui levèrent, en 1830, le premier plan exact
des ruines; non sans péril, car les Bédouins qui habi-
tent ou fréquentent ces parages sont agressifs, supers-
titieux et pillards. On compte les visiteurs qui s'y sont
succédé à d'assez rares intervalles. Voir leur liste dans
l.ihhey, The Jordan Valley, t. Il, p. 325. L'antique
Séla' n'est plus habitée aujourd'hui que par quelques
misérables familles, qui vivent dans les tombes. Elle
s eu sa part de la malédiction lancée contre l'Idumée.
Cf. Jer., xlix, 14-19. — Au commencement du Ve siècle
de notre ère, Pétra était un siège métropolitain, qui
dépendait du patriarcat de Jérusalem. On ignore à
quelle époque et dans quelles circonstances le christia-
nisme y avait pénétré. La tradition d'après laquelle
saint Paul serait venu à Pétra lorsqu'il se retira en
Arabie après sa conversion, cf. Gai., i, 17, pourrait
bien n'être qu'une légende.
IV. État actuel. — Bien que Pétra ne soit plus
aujourd'hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus,
loc. cit., p. 797. ses ruines comptent parmi les plus re-
marquables que nous ait léguées l'antiquité.
De la cité même, bâtie dans la vallée, il ne reste à
peu près rien. Elle a été o tellement bouleversée,
qu'en certains endroits il est difficile de rctromer les
- des rues, des places ou des carrefours. Un grand
temple bien délabré, les débris des décorations qui
ornaient la voie triomphale sur les bords d'un oued
desséché, des culées de ponts, quelques colonnes et
des dizaines d'hectares de pierres culbutées pêle-mêle,
sous lesquelles s'abritent des légions de serpents et
de scorpions, voilà, à l'heure présente, l'antique ville »
de Pétra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1IHI7,
p. 82 i,
Dans la partie méridionale de l'emplacement de la
cité', on dislingue en particulier une plate-forme qui
parait avoir été l'agora ou le forum, les restes d'un
temple, un arc de triomphe et surtout, tout à fait à
l'ouest, le Qasr Fir'aoùn ou i Château de Pharaon o,
vaste édifice curé' qui était probablement un temple.
C'est l'édifice le mieux conservé île la ville proprement
dite; mais son six !■• n'a rien d'extraordinaire, el il date
sans don te d'une époque relativement tardive. Au sud-esl
on admire, entièrement taillé dans le roc. un amphi-
théâtre qui a jusqu'à 33 rangées de gradins, et qui pou-
vait contenir : ï 01 K ) spectateurs. Dans la partie septen-
trionale, au nord de la rivière, spécialement du côté
de l'est, on voit quelques-uns des monuments les plus
si.mpliieux de Pétra. Ce sent des tombeaux également
creusés el sculptés dans le rocher : entre autres, une
grande tombe à trois étages de colonnes — on en
i pte jusqu'à dix-sept an second étage — une tombe
corinthienne, un autre tombeau muni d'une terrasse
il de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les
directions, el particulièrement au nord et à l'ouest du
parallélogramme formé par la vallée, les montagnes
qui entourent Pétra sont remplies de tombes plus sim-
ples, taillées elles aussi dans le rocher et ne pré i o-
tanl aucun ornement extérieur. On peut les compter
par milliers. Les tombes plus riches sont élégamment
ornées de façades, de colonnes ou de pilastres, de fron-
tons, etc. Le tout est monolithe, le grès se prêtant aisé-
ment, par la souplesse de son grain, à toutes sortes de
sculptures. L'architecture de ces divers édifices est
extrêmement variée : on y trouve les styles égyptien,
syrien, grec, romain. Les tombes sont souvent super-
posées et elles atteignent presque les sommets les plus
élevés des montagnes; on avait pratiqué des escaliers
dans le roc, pour arriver jusqu'à elles. En un endroit,
on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont
10,15,20 in.de hauteur. Parfois, la chambre sépulcrale
était de dimensions considérables; une entre autres,
qui a de 10 à 12 m. de haut et 18 m. de large.
Quelques-uns des monuments de Pétra sont en dehors
de son enceinte. Dans le Sik, à une certaine distance
de la ville, on aperçoit tout à coup, avec une légitime
admiration, à un tournant du délilé, le Kaznéh Fir-
32. —Kaznéh Firaoùn. D'après une photographie.
aoûn ou « trésor de Pharaon », taillé dans la paroi
rose du rocher et orné de deux rangées de colonnes
superposées, avec des bas-reliefs dans l'intervalle; il
est dans un état de conservation remarquable, et c'est
une véritable merveille dans ce déserl C'est
une tombe d ordre corinthien: les salles intérieures
sont très simples. Dans la direction opposée, au nord-
est et environ à une heure de marche de la ville, on
trouve le Deir, le « couvent », qui repi oduil en grand et
avec moins de grâce le plan du Ka:n* Ses propor-
tions sont colossales : 15 m. de développement sur 10
de hauteur; l'église de la Madeleine à Paris n'est pas
aussi grande. Ainsi qu'il a été dit plus haut, quelques-
unes des tombes remontent vraisemblable ni jusqu'à
l'époque lointaine des llorréens. lieux Hauts-Lieux,
découverts récemment, l'un au sommet d une montagne
qui domine la vallée de Pétra, l'autre à l'ouest, du
côté du mont Hor, sont pareillement 1res anciens. Sur
le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarlerty
Statement, octobre 1900; ililtheilungen des deutsch,
Palâstina Vereins, 1904, n. 2, p. 21, et surtoul la
biblique internationale, t. xn. avril 1903, p. 2S
La plupart des édifices proprement dits ne datent que
du dernier siècle antérieur à notre ère ou des deux
premiers siècles après J.-C.
173
PÉTRA — PETROPOLITAXUS (CODEX)
174
V. Bibliographie. — Reland, Paliestina ex monu-
mentis veteribus illustrata, 1711: Burckardt, Reisen
in Syrien, 1823. t. n, p. 703-708: Léon de Laborde et
Linant de Bellefonds, Voyage dans l'Arabie Pétrée,
Paris, 1830-1834; E. Robinson, Palœstina und die si'ul-
lich angrenzenden Lânder, Halle, 1842, t. m, p. 60.
128, el 7(50: .1. Wilson, The Lands of the Bible visi-
led and described, Edimbourg, 1847, t. i, p. 291-336;
A. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1860, p. 87-98;
K. Ilitter, The comparative geography of Palestine and
the Sinaitic Peninsula, trad. angl., Edimbourg. 1866,
t. f, p. 421-125, 434-451; E. II. Palmer, The Désert of
Exodus, Londres. 1871, t. n; duc de Luynes, Voyage
loratùm à la mer Morte et sur la rive gauche du
Jourdain, à Pétra, etc., Taris, 1871, p. 271; Yisconti,
Viaggio in Arabia Petrea, 1872; Ebers et Guthe,
Palseslina in Bild und Wort, nebst der Sinaihalbin-
sel..., Stuttgart, 1881, t. Il, p. 233-250: V. Guérin, La
Terre Sainte, 2« partie, Paris. 1884, p. 313-323; E.Hull,
M, mut Seir, Sinai and Western Palestine, dans le
Palestine Exploration Fund Quarterly Stalement,
Londres, 1886; H. E. llart, Some Account of the
l'anna and Flora of Sinai, Petra and Wady Arabah,
Londres, 1891; G. Dalman, Petra und seine Felshei-
ligthùmer, in-8», Leipzig, 1908.; F. Buhl, Geschichte
der Edomiler, Leipzig, 1893; A. Sargerton-Galichon,
Sinai, Ma' an, Pétra : sur les traces d'Israël et chez les
Nabatéens, Paris, 1904; Brunnow et von Domoszweski,
Die Provincia arabica, t. i, Strasbourg, 1904; W. Lib-
bey, The Jordan Valley and Petra, New-York, 1905.
L.'FlI.LlOX.
PÉTREL, oiseau de mer. Voir Molette, t. iv, col. 1327.
PETRI, PEETERS Barthélémy, théologien belge
catholique, né vers 1517 à Op-Linter près Tirlemont,
mort à Douai le 26 février 1630. Après avoir pendant
dix ans enseigné la philosophie à Louvain, il fut forcé
en 1580 par les guerres de chercher un refuge à Douai
où il fut pourvu d'un canonicat dans l'église Saint-Amé
et d'une chaire de théologie où il enseigna jusqu'à sa
11 publia : Actus Apostolorum a S. Luca con-
scripti et in eosdem Actus commentarius perpétuas,
in-'i". Douai, 1622.11 termina après la mort de Guillaume
Estius la publication des commentaires de ce théolo-
gien sur les Epitves : In omnes divi Pauli et septem
calholicas Apostolorum Epistolas commentarii, 2 in-f".
Douai, 1614-1616. Les notes sur le chapitre v de la pre-
mière Epitre de saint.Jean et sur les deux autres Épitres
d c t Apôtre sont de Barthélémy Pétri. Voir Paquot, Mé-
oires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas,
t. vin, p. 76; Valère André, Bibliollieca Belgica, p. 109.
D. Heurtebize.
PETRIN (hébreu : mis'erét), ustensile dans lequel
on pétrit la farine (fîg. 33). — Les grenouilles de la
deuxième plaie d'Egypte montèrent jusque dans les fours
elles pétrins. Cf. Exod., vn,28(Vulgate, vin, 3). LesEgxp-
tiens se servaient de pétrins plus longs que larges. Voir
t. iv. 6g. 512, col. 32, un autre pétrin dans lequel deux
hommes à la fois pétrissaient le pain avec les pieds. Il
était facile aux grenouilles de s'introduire dans ces
as posés à terre. Les Septante rendent les mots
hébreux par pupctiurea xa! x.Xi6âvot, » les masses de
pâte et les fours •>, et la Vulgate par « les fours et les
restes d'aliments ». — Au départ d'Egypte, les Hébreux
emportèrent leur pâte avant qu'elle fût levée, serrèrent
dans leurs manteaux les pétrins qui la contenaient et
les mirent sur leurs épaules. Exod., xn, 31. Il s'agit
■ci évidemment de ces pétrins plus petits, de forme
ronde, qu'on posait sur un support et dans lesquels un
seul homme debout pétrissait avec les mains. Voir
t. i. fîg. 590, col. 1891. Tous ces pétrins paraissent fa-
briqués en jonc ou en osier, comme les corbeilles ordi-
naires. Dans ce second passage les versions ne rendent
pas le mot miS'érét et font envelopper directement la
pâte dans les manteaux. — Suivant la conduite des
Israélites, Dieu bénira ou maudira leur téné' et leur
miS'érét, c'est-à-dire leur corbeille à provisions, cf.
t. n, col. 963, etleur pétrin. Deut., xxvtn, 5, 17 (dans les
Septante : .< tes magasins et tes restes », et dans la
Vulgate : « tes greniers et tes restes »). Les versions
n'ont compris, dans aucun des quatre passages, la
signilication du mot mis'érët. Ce mot, d'ailleurs, ne
se retrouve plus en dehors de ces passages. Les Israé-
33. — Pétrin égyptien. Tombeau de Rekhmara.
« Au-dessus d'un vase de farine, on lit : cuisson des pain*, lu
homme délaie la farine avec une pelle d dans le pétrin; a un
autre verse l'eau (?) avec une outre (?). La pâte est déposée
en forme de cube sur une planche épaisse. Deux hommes,
assis sur des escabeaux, la pétrissent sur des planches en
forme de pains coniques. » Ph. Virey, Le tombeau de I: kh-
mara, p. 47.
lites ont continué sans nul doute à se servir de pétrins;
mais les auteurs sacrés n'ont plus eu l'occasion de les
mentionner. II. Lesétre.
PÉTRINISME. Voir Baor, t. i, col. 1523.
PETROPOLITANUS (CODEX), lieux manus-
crits, l'un de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau,
sont généralement connus sous ce nom.
1. Le premier est un palimpseste de 88 feuillets in-
octavo : les feuillets primitifs au nombre de 44 ont été
plies en deux. Il contient des fragments du Livre des
Nombres selon la version des Septante : i, 1-30; i, 40-
ii, 14; II, 30-m, 26; v, 13-23; VI, 6-viI, 7: vu, 41-7S;
vill,2-16;xi,3-xill,ll;xill,28-xiv.:;i;xv.:;-2S;xv,.'!2-xvi.
31 j xvi, ii-xviii. 4; xviii, 15-26; XXI, 15-22; xxn, 30-
11; xxili, 12-27; xxvi, 54-xxvn, 15; xxvih, 7-xxix, 36;
xxx. 9-xxxi, 48; xxxn, 7-xxxiv, 17; xxxvi, 1-13. Tis-
chendorf qui l'a édité dans ses Monumenta sacra ined .
nova coll., t.I, Leipzig, 1855, l'attribue au VIe siècle, à cause
des abréviations qu'il renferme, bien que l'écriture ait
un aspect plus archaïque. On le désigne en critique
par la lettre II.
II. L'autre Petropolitanus consiste en un seul
feuillet arraché à la couverture de bois d'un manuscrit
syriaque. 11 est du vnc siècle et contient Acl., Il, 15-ni.
S. Tischendorf dans sa huitième édition du Nouveau
Testament l'appelle G (lettre qui désignait autrefois le
manuscrit des Actes de la Bibliothèque Angelica,
désigné maintenant par L). Von Soden lui attribue
le svmbole -x 1002. F. Prat.
175
PEUPLIER
PEVERELLI
176
PEUPLIER (hébreu : libnéh; Septante : pàgSoç
cnupavfar,, Gen., xxx. .'■' : Xsâxi), Ose., rv, 13: Vulgate :
populea, populus), un des grands arbres de la Palestine.
I. Description. — Les Peupliers composent avec
les Saules toute la famille des Salicinées, arbres
et arbrisseaux caractérisés par les fleurs dis-
posées en chatons dioïques. Les graines, à la maturité,
s'échappent en grand nombre d'une capsule bivalve,
emportées par le vent sous la forme de flocons blancs
-i aux poils soyeux dont elles sont revêtues. Les
Peupliers se distinguent par leur taille franchement
arborescente, leurs feuilles à limbe élargi et porté- sur
un pétiole comprimé suivant le plan médian, leurs
> tamines enfin plus nombreuses dans chaque fleur.
Dans aucun autre genre, peut-être, le dimorphisme
sexuel n'est plus accentué, au point que le vulgaire
donne souvent des noms différents aux pieds mâles et
femelles de la même espèce. Les premiers sont aussi
préférés et presque exclusivement propagés par la cul-
ture à cause de leur croissance rapide, de leur tipe plus
élevée, de leur végétation de tout pointplus vigoureuse
34. — Populus alba.
Rameau, fleurs et chatons dioïques; graines.
les feuilles paraissant plus vile au printemps, et tombant
plus tard en automne. En outre, ils n'ont pas l'inconvé-
nient passager mais très réel des plantes fructifères au
moment où se dispersent les semences cotonneuses.
Les espèces de Palestine se répartissent en trois séries
distinctes. 1" La plus commune au bord des eau» dans
toute la plaine littorale rie Syrie, l'Ypreau, Populus alba
de Linnée (6g. 34), est facile à reconnaître au feutre
couleur blanc de neige qui revêt les jeunes rameaux el
le dessous des feuilles, Dans la région montagneuse du
Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula,
de la même section des Peupliers blancs, pour les
squames ciliées de ses chatons, mais â feuilles vertes
sur les deux faces, et, en pins, une race intermédiaire
entre les deux précédentes, dont elle est probablement
un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, à bois
uai e, tronc élancé, el feuillage cendré. 2° Le curieux
Peuplier de l'Euphrate, si remarquable par le polymor-
phisme de ses feuilles, tantôt larges et deltoïdes, tantôt
étroites au point de simuler un Saule, esl un arbre de
ion désertique à rameaux étalés avec une cime
-'""i1"'- disséminé depuis l'Afrique septentrionale
jusqu'à l'Himalaya, mais surtout abondant dans la
dépression du Jourdain et en Mésopotamie. 11 ressemble
aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus el ses
squames lanciniées, mais possède lesélamines indéfinies
de la section suivante. 3« Dans les vallées du Liban le
Peuplier noir est aussi répandu, surtout sous la forme
pyramidale, que dans l'Europe moyenne, quoique de
spontanéité douteuse. Les jeunes rameaux et les feuilles
sont glabres, comme chez toutes les espèces de la sec-
tion Aigirus, avec les bourgeons visqueux et le* .la-
mines au nombre de 12 à 30. F. Hy.
II. Exkiièse. — Les anciens et les modernes sont
également partagés sur le sens du mot libnéh : les uns
y voient le styrax of/icinalis, l'aliboufier; les autres le
peuplier blanc. L'étymologie ne saurait trancher le dif-
férend. Libnéh vient de la racine làban. % être blanc. »
Ce nom peut s'appliquer an styrax comme au peuplier.
L'aliboufier donne une sorte de lait blanchâtre qui se
coagule et forme la gomme ou résine de stvrax. Cette
résine blanche aurait pu donner son nom à l'arbre lui-
même, comme en arabe où (_j--^', lobna, désigne l'ali-
boufier et son produit. Le nom de libnéh convient aussi
et mieux encore au peuplier, à cause de la blancheur
de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles-
Parmi les traductions anciennes on trouve une grande
divergence d'interprétation. Si pour Gen., xxx. 37, les
Septante, suivis par l'arabe de Saadias et par l'éthiopien,
traduisent par pàSSoc crrupaxivii branche d'aliboulier;
dans Ose., iv, 13. ils rendent libnéh par Xevxt), le peu-
plier. La Vuigate traduit dans les deux endroits par
populus, populea, peuplier. Les exégètes modernes
comme Gesenius, Thésaurus, p. 740; Michaêlis, Supplé-
ment, ad Lexica hebraica, t. n. p. 1404 ; E. Fr. C. Rosen-
mûller, Hamlbuch <ler biblischen Alterthumskunde,
in-8'\ Leipzig, 1830, t. iv, p. 261, préfèrent la traduction
styrax, à cause du rapprochement de l'hébreu libnéh
avec l'arabe lobna. D'autre pari 0. Celsius, liierobo-
lanicon, in-8", Amsterdam, 1748, t. i, p. 292; II. B. Iris-
tram, The natural History of Ihe Bible, in-12,
Londres, 1889, p. 389, préfèrent la traduction peuplier
blanc. Le contexte est plutôt en faveur de ce dernier
sentiment. Dans Gen., xxx, 37, e Jacob prit des ba-
guettes vrrles de libnéh, d'amandier et de platane. Il
y pela des bandes blanches, en mettant à nu le blanc
des baguettes; puis il plaça les baguettes ainsi pelées
en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des
rameaux d'aliboulier pouvaient servir aussi bien que
des branches de peuplier à cet usage. Mais près des
deux grands arbres mentionnés, l'amandier et le pla-
tane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble
plus naturellement placé qu'un arbuste comme le
styrax officinales. Le second passage. Ose., tv, 13, est
plus décisif encore. Il s'agit de l'idolâtrie d'Israël.
« Ils offrent, dit le prophète, des sacrifices sur les
sommets des montagnes: ils brûlent de l'encens sur
les collines sous le chêne, le libnéh, et le térébinthe,
parce que I In-age en est bon. » Le chêne et le
térébinthe sont de grands arbres à t'ombrage épais, près
desquels on serait étonné' de trouver mentionné' on
arbuste connue l'aliboufier, tandis que le beau et
peuplier blanc trot re une place naturelle. Peut-être
que les exégètes qui ont préféré traduire libnéh par
l'aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pensé sur-
tout au port élancée) peu touffu du peuplier pyramidal.
Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n'esl pas
déplacé [nés du chêne et du t.rebintbe aux frais om-
brages. Aussi préférons-nous traduire libnéh par
peuplier blanc. Voir Styrax. E. Levksq
PEUR. Voir Frayeur, t. n, col. 2399.
PEVERELLI Barthélemi, exégète italien, né à Vé-
rone en 1695, mort à Modène le 22 octobre 1766, entra
au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 29 octobre 1713.
enseigna d'abord les humanités puis l'Écriture Sainte è
Modène. Ses leçons sur les Actes des Apôtres : Le:
sacre e nioruli sopra il santo libro de gli AUi Apost -
lici, Vérone, 1766-1777, 2 in-4», sont tout à la fois une
œuvre de science et une oeuvre de piété ; elles s'adressent
à l'intelligence et au cour. P. Ri.iard.
177
PEZRON
PHACEE
178-
PEZRON Paul, savant chronologiste de l'ordre de
Citeaux, né en 1639 à Hennebont en Bretagne, mort a
Chessy le 10 octobre 1706. Il fut admis dans l'ordre de
Citeaux à l'abbaye de Prières et y exerça les fonctions
de maître des novices. En 1677 il fut nommé sous-
prieur du collège des Bernardins à Paris, où il se fit rece-
voir docteur. Il enseigna ensuite la théologie jusqu'en
1690 et fut alors choisi comme visiteur de son ordre.
En 1697 il fut élu abbé de la Charmoye; mais quelques
années plus tard, en 1703, il se démit de cette charge
afin de pouvoir se livrer plus facilement à la prière et
à l'étude. Il a publié : Essay d'un commentaire
littéral et historique sur les Prophètes, in-1'2, Paris,
1693 : l'auteur entreprend d'y expliquer les prophètes
selon l'ordre chronologique; Histoire évangélique con-
firmée par ta Judaïque et la Romaine, 2 in-12, Paris,
1696. Dom Pezron est surtout connu par son ouvrage :
L'Antiquité îles temps rétablie et défendue contre les
Juifs et les nouveaux chronologistes, où l'on prouve
que le texte hébreu a été corrompu parles Juifs, avec
un canon chronologique depuis le commencement du
le jusqu'il Jésus-Christ, in-4", Paris, 1687. Dom
Pezron y rétablit la chronologie du texte des Septante.
Ses conclusions furent attaquées par dom Martianay,
de la congrégation de Saint-Maur et par Le Quien-
Il leur répondit par la Défense de l'antiquité du temps
contre le P. Jean Martianay : où l'on soutient la tra-
dition des Pères et des Églises contre celle duTalmud
etoii l'on fait voir la corruption de l'Hébreu des Juifs,
in-4». Paris, 1691. Dom Pezron publia en outre dans
les .Mémoires de Trévoux : Dissertation touchant l'an-
cienne demeure des Chananéens et de l'usurpation
qu'ils ont faite sur les enfants de Sem, 1704, p. 15;
Dissertation sur les anciennes et véritables bornes île
la terre promise, 1705, p. 1015. —Voir D. François,
Biblioth. générale des écrivains de l'Ordre de S. Be-
noit, t. il, p. 387. B. Heurtebize.
PFAFF Christophe Matthieu, exégète protestant, né
à Stuttgart le 25 décembre 1686, mort le 19 novembre
1760. Docteur et professeur de théologie à Tubingue,
il fut chancelier de l'Université de cette ville et membre
de l'Académie des sciences de Berlin. Parmi les nom-
breux écrits de cet auteur on remarque : Notse exege-
tiese in Evangelium Malthœi quibus sensus ejusdem
litteralis perspicue breviterque evolvitur, in-4». Tubin-
gue, 1721. — Voir C. P. Leporin, Verbesserte Nachrichl
von C. M. Pfaffen's Leben, Controversien und Schrif-
ivn. in-4», Leipzig. 1726; Walch, Bibl. theologica, t. iv,
p. 390, 637, 915, 917. B. Heurtebize.
PFEFFINGER Daniel, théologien protestant, né
vers 1661, mort le 2i novembre 1724. Professeur de
théologie et de langues orientales, il publia : Notai in
prophetiam Haggai, in-i", Strasbourg, 1703; Disser-
taliones in Epistolam ad Ephesios, in-8», Strasbourg,
1721. — Voir J. Wieger, Programma in J. D. Pfejfingeri
a, in-f», Strasbourg, 1724; Walch, Bibl. theolo-
gica, t. iv, p. 591, 702. B. Heurtebize.
PFEIFFER Auguste, théologien et orientaliste pro-
testant, né à Lauenbourg le 27 octobre 1640, mort à
Lubeck le 11 janvier 1698. Archidiacre de l'église Saint-
Thomas à Leipzig, professeur de langues orientales et
de théologie, puis surintendant des églises de Lubeck,
Auguste Pfeifler publia un grand nombre d'ouvrages,
parmi lesquels nous devons citer : Commentarius in
Obadiam, prxter genuini sensus evolutionem et colla-
tionem, interprelum exhibens versionem latinam et
• en commenlarii 1s. Abarbanelis Judœi doctis-
, sed christianis infensissimi et inter alia al/ster-
gens indignissimam Judœorum calumniam, christia-
nos esse ldumœos eosque manere pœnas Idumseis in
sacro Codice denuntiatas, in-4°, Wittenberg, 1666; Prse-
lectiones in prophetiam Jonse recognitse et in justum
commenlurium redactx, quibus emphases vocun\
eruuntur, verus Sacrie Scriptural sensus exjionitur,
sententise variai et Judœorum et christianoriini addu-
cuntur, falsse re/elliintur cl qusestiones dubiœ resol-
vuiiiur. in-4», Wittenberg, 1671; Dubia vexala Scrip-
tural Sacrai, sive loca difficiliora Veteris Testamenti
succincte decisa, in-4°, Dresde, 1679; Criticasacra de
sacri Codicis partitione, editionibus variis, linguis
orientalibus, in-8», Dresde, 1680: Theologia mystica
Veteris Testamenti per typos rariores promulgala et
ad historiam Novi Testamenti adplicata, in-8», Stral-
sund, 1727. — Voir .1. E. Pfeill'er, Memoria A. Pfeifferi,
theologi Lubecensis, in-4», Rostock, 1700; Walch, Bihl.
theologica, t. IV, p. 233, 577, 581,791.
B. Heurtebize.
PHACÉE (hébreu : Peqah; Septante : <ï>a-/.eé),
dix-huitième roi d'Israël (759-739, ou 750-731). Phacée
était fils de Romélie, personnage inconnu ou peut-être
décrié, comme le donnerait à supposer l'affectation avec
laquelle Isaïe, vu, 4, 5, 9; vin, 6, appelle le roi d'Israël
simplement « le fils de Romélie ». Phacée n'entra
d'ailleurs dans l'histoire que par la porte du crime. Il
était officier de Phacéia, ëalisô, « son officier », par
conséquent attaché à sa personne. Il ne tarda pas à
conspirer contre lui pour le faire disparaître et prendre
sa place, comme avaient fait récemment, dans ce mal-
heureux royaume d'Israël, Sellum pour Zacharie, et
Manahem, père de Phacéia, pour Sellum. Phacéia ne
régnait que depuis deux ans, quand Phacée réussit à
le frapper à Samarie, dans la tour de la maison royale.
Avec le roi périrent deux de ses officiers fidèles, àrgob
et Arié. Pour réussir dans son entreprise criminelle,
le meurtrier s'était assuré le concours de cinquante
Galaadites. D'après la Vulgate, ces derniers sont au
contraire du parti de Phacéia et périssent avec lui.
Leur nombre précis indique des conjurés plutôt que
des victimes. Josèphe, Ant.jud.. IX, xi, 1, on ne sait
sur quelle donnée, dit que le crime eut lieu au milieu
d'un festin. IV Reg., xv, 25.
Devenu roi dans de telles conditions, Phacée ne
pouvait que favoriser en Israël les habitudes idolàtriques
mises en honneur par ses prédécesseurs. Il n'y manqua
pas. IV Reg., xv, 28. Il régnait depuis deux ans à Sa-
marie, quand, à Jérusalem, un jeune prince de vingt-
cinq ans, Joatham, succéda à son père, Ozias, qui avait
régné cinquante-deux ans. D'autre part régnait en Syrie
Rasin II, qui jadis, en même temps que Manahem,
avait été obligé de prêter hommage au roi d'Assyrie,
Téglathphalasar III, quand celui-ci avait soumis la
Syrie septentrionale. Phacée et Rasin, au lieu de
s'entendre avec le roi de Juda pour faire face ensemble
aux incursions assyriennes, préférèrent comploter tous
les deux contre leur voisin du sud. Dés le temps de
Joatham, leurs entreprises hostiles se dessinèrent.
IV Reg., xv, 37. Cependant elles ne prirent corps que
quand un jeune roi de vingt ans, Achaz, fut monté sur
le trôné de Jérusalem, la dix-septième année de Phacée.
Rasin et ce dernier se portèrent ensemble contre la
capitale de Juda pour l'attaquer. Leur projet n'allait
à rien moins qu'à détrôner Achaz pour mettre à sa
place le fils de Tabéel, personnage inconnu, peut-être
Rasin lui-même, en tous cas un prince tenu par la
Syrie dans une étroite dépendance. Is., vu, 6. Voir
Tabèel. L'armée syrienne s'avançait à travers le ter-
ritoire d'Éphraïm. A l'approche des ennemis, Achaz
et tout son peuple furent saisis d'épouvante. Le pro-
phète Isaïe s'efforça de les rassurer contre les menaces
de Rasin et du fils de Romélie, « ces deux bou's de
tisons fumants », dont le dessein ne devait pas avoir
d'effet, et sur lesquels allaient s'abattre bientôt les
fureurs de l'Assyrie. Is., vit, 1-9; VIII, 1-4. Malgré leurs-
179
PHACEE
PHADAÏA
180
efforts, les rois de Syrie et de Samarie ne purent
vaincre Achaz à Jérusalem. Ils se tournèrent alors
chacun de leur côté. Rasin alla s'emparer d'Élath, sur
la mer Rouge et fit dans le royaume de Juda un grand
nombre de prisonniers qu'il déporta à Damas. IV Reg.,
xvi, 6; Il Par., xxvm, 5. Phacée, opérant pour son
compte, Ijattit l'armée d'Achaz et lui tua cent vingt
mille hommes en un jour. Zéchri, guerrier d'Éphraïm.
mit à mort Maasias, fils du roi, Eyrica, intendant de la
maison royale, et Elcana, le premier ministre. En
toutes ces rencontres, les Israélites firent à leurs frères
deux cent mille prisonniers, femmes, fils et filles,
qu'ils emmenèrent à Samarie avec un butin considérable.
II Par., xxvm, 6-8. Sur la valeur de ces chiffres, voir
Nombre, t. iv, col. 1682-1683.
Dieu ne permit pas cependant que des frères se
traitassent comme des étrangers. L'armée Israélite
revenait à Samarie avec ses captifs et son butin, quand
un prophète de Jébovah, nommé Oded, se présenta au-
devant d'elle et lui reprocha la fureur avec laquelle elle
avait tué tant d'hommes de Juda. On allait maintenant
réduire en esclavage des milliers de survivants. Mais
Ephraïiu. lui aussi, n'était-il pas coupable envers
Jéhovah? Le prophète concluait au renvoi des prison-
niers, si l'on voulait échapper à la colère de Dieu. Son
observation était trop juste pour ne pas éveiller la pitié
dans l'âme des vainqueurs. Quelques-uns des chefs
d'Ephraïm appuyèrent énergiquement les paroles
d'Oded. L'armée abandonna ses captifs et son butin.
Par les soins des chefs, on fournit aux prisonniers des
vêtements et des chaussures; on les fit manger et boire,
on les oignit, on fit monter sur des ânes ceux qui
défaillaient et on les reconduisit tous à Jéricho, oi'ï~ôn
les remit aux mains de leurs compatriotes. Il Par.,
xxvm, 9-15. Ce jour-là, grâce à l'initiative du prophète
et à l'intelligence des chefs, un grand acte de frater-
nité l'ut accompli en Israël. L'intervention de Phacée
n'apparait pas dans cet événement. Peut-être tout se
fit-il à son insu, ou du moins n'osa-t-il pas s'opposer à
un mouvement qui entraînait tout son peuple.
Lescbosesn'enrestèrentpaslà. Achaz, effrayé de la cam-
pagne menée si rudement contre lui par 1rs deux alliés,
prit alors un parti désastreux pour l'indépendance natio-
nale. Il envoya des messagers a Téglathphalasar pour
lui dire : « .le suis ton serviteur et ton fils; monte et
délivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main
du roi d'Israël, qui se sont levés contre moi. » IV l;.-_
xvi. 7. Il faut ajouter que les Iduméens et les Philis-
tins avaient attaqué Judaà leurtour, lui avaient emmené
des captifs et pris des villes. Il Par., xxvm, 16-18. Le
roi d'Assyrie se hâta d'acquiescer à une demande qui
répondait merveilleusement à ses ambitieux projets. En
vain Isaïe cherrha-t-il à faire tomber les illusions d'un
peuple qui « se réjouissait au sujet de Rasin el Mu
fils de Homélie «. narés par l'Assyrien. En vain
prédit-il que ce sauveur deviendrait pour Juda un
envahisseur et un conquérant. Is., vm, 6, 7. Téglath-
phalasar descendit et s'abattit d'abord sur le royaume
d'Israël, sans que le roi de Syrie osât venir au secours
de son allié. Arrivant par la vallée de l'Oronte, du
Léontès et du haut Jourdain, il prit successivement
les villes d'Ajon, d'Abel-Beth-Machaa, de Janoé, de
Cédés, d'Asor, puis Galaad, la Galilée et tout le pays de
Nephthali. c'est-à-dire toute la partie septentrionale du
royaume d'Israël, et il en déporta les habitants en
Assyrie. Il Reg., XV, 29. Il est dit ailleurs, 1 l'ai-., v.
■26, que Téglathphalasar emmena captifs les Rubénites,
les Gadites et la demi-tribu de Manassé, et qu'il les
conduisit à liala, a C.liabor, à Ara et au Meuve de Gozan.
Après les Israélites, le roi d'Assyrie tomba sur les
Philistins, ces autres ennemis de Juda, el sur les
Sm ions, contre lesquels il fil deux campagnes. Tous ces
nents se passèrent dans les années 731-732. Le
roi de Juda eut ensuite son tour, comme il fallait s'y
attendre et comme Isaïe l'avait annoncé. II Par.,
xxvm, 20.
Une des inscriptions de Téglathphalasar, Cuneiform
Inscriptions of Western Asia, I. m. pi. x, 2; cf.
\igouroux, La Bible el les découvertes modernes,
6e édit., t. m. p. 522. 523, raconte la campagne contre
la terre de Pilasta. la Palestine. Parmi les villes prises
à l'entrée de la terre de Bêl-Ilu-u,n-rt. maison d'Amri
ou d'Israël, on a cru reconnaître celles de Galaad et
d'Abel-Beth-Maacha (Abiilakka). Mais il est possible
qu'il Taille lire plutôt Galza et Abilakka. Cf. Rost, Die
Keilschrifttexle Tiglat-Pilesers III, 1. 1. p. 78-79. L'ins-
cription ajoute, lig. 26-2S : « La terre de Bèt-l.lu-um-ri...
la totalité de ses habitants, avec leurs biens, je trans-
portai en Assyrie. »
Phacée avait échappé à la déportation, probablement
en se cachant dans les montagnes. Il ne survécut
guère au désastre. Parvenu à la royauté par l'assassi-
nai, il fut assassiné à son tour par Usée, fils d'Éla, qui
régna à sa place. II Reg.. xv. 30. L'inscription de I- -
glalhphalasar relate le fait. Voir Osée, t. iv. col. L905.
Ce qui se dégage de ces récits, c'est que Phacée fut un
ambitieux sans scrupule, qui ne recula pas devant l'al-
liance avec les étrangers pour l'oppression de ses frères
de Juda, mais qui ne sut et ne put lien faire pour la
défense de son propre royaume, qu'il vit le premier
très sérieusement entamer par les conquérants assyriens.
H. Lesltre.
PHACÉIA (hébreu : Peqabyâh ; Septante : $oc/.E(ria;),
dix-septième roi d'Israël (761-759, ou 752-751). Il était
fils de Manahein, a la mort duquel il devint roi. Son
règne de deux ans se résun. en ces mois, si souvent
redits au sujet des rois d'Israël : « Il lit ce qui est mal
aux veux de Jéhovah et ne se détourna pas dos péchés
deJéroboam, fils de Nabat, qui avait fait pécher Israël, a
II Reg'.. \v, 21. Il est possible que le tribut payé
naguère au roi d'Assyrie, et que Manahein avait fait
peser sur les riches, ait indisposé ces derniers contre
son fils. Un des officiers du roi le mit à mort et frappa
avec lui deux personnages dont le nom a été conservé,
Argob et Arié, fidèles à Phacéia et. à ce titre, partagi anl
probablement son impopularité. II Reg.. xv. 25. Voir
Phacée, col. 178. Il* Lesétri
PHADAÏA (hébreu : Pedâyâh, une fois Pedà-
yâkiï; t Jéhovah rachète ou délivre »), nom de six ou
sept Israélites. M. Bliss a trouvé' au sud de la colline
35. — Cachet dan Phadaîa.
m>TS -*•;-:-•. !>,. ! Pedayahu.
d'Ophel, à Jérusalem, un cachet scarabéoïde qui porte
le nom de Phadaîa écrit en hébreu ancien (lig. 35).
Voir Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
Comptes rendus, 23 juillet 1897, p. 374.
1. PHADAIA i Septante : $aâafct; Alexandrinus :
EUSSiagc), père de la rein.' Zébida, mère du roi Joakim.
Il .'tait originaire de Ruma. IV Reg., xxni. 36.
2. PHADAIA (Septante : $aSaia;), fils du roi de ad
Jéchonias el père de Zorobabel. I Par., m, IS-l!r. le
Vaticanus et V Alexandrinus, I Par., m, lit. indiquent
Salathiel comme père de Zorobabel, comme le font
d'ailleurs Agg., i, 1, etc.; I Esd., m, 2, etc.; Néhé-
181
PHADAÏA — PHALEG
182
mie, II Esd., xii. 1; Matth., i, 12; et Luc, ni. 27: il
est ainsi le neveu, non le fils de Phadaïa. Il faut donc
ou que le texte I Par., m, 27, soit altéré ou, comme on
l'a supposé, que Zorobabel fût le fils de Phadaïa et de
la femme de Salatliiel qui serait devenue son épouse
après la mort de son frère, en vertu de la loi du lévi-
rat. Voir Zorobabel. Phadaïa était probablement né à
Babylone où son père avait été emmené en captivité.
3. PHADAÏA (hébreu : Peddyâhû; Septante : <I>a8a'.a),
père de Joël. Joël fut mis par David à la tête de la
demi-tribu de Manassé cisjordanique. I Par., xxvn, '20.
■4. PHADAÏA (Septante : $aSaîct), lils de Pharos qui,
du temps de Néhémie, travailla à la reconstruction des
murs de Jérusalem. II Esd., ni, 25.
5. phadaïa (Septante : *aSaia;), Israélite qui se tint
à la gauche d'Esdras, lorsque celui-ci fit au peuple la
lecture de la loi à Jérusalem. II Esd-, vin, 4. Quelques
interprètes le confondent avec Phadaïa 4, d'autres avec
Phadaïa 7.
6. PHADAÏA (Septante : 4>aSot'ta), fils de Colaïa, de la
tribu de Benjamin, ancêtre de Sellum qui habita à Jéru-
salem au retour de la captivité. II Esd., XI, 7. Dans
I Par., ix, il ne figure pas parmi les ancêtres de Sel-
lum.
7. phadaïa Septante : <Pa&i:a), lévite à qui Néhé-
mie confia, en même temps qu'à quelques autres
Israélites, la garde des magasins qui contenaient le pro-
duit de la dime du blé, du vin et de l'huile. II Esd.,
xiii. 13. Divers commentateurs pensent que ce Phadaïa
est le même que Phadaïa 4 ou Phadaïa 5, mais on ne
peut ni l'affirmer, ni le nier avec certitude; quoi qu'il
en soit, Néhémie avait choisi Phadaïa comme repré-
sentant des lévites et défenseur de leurs intérêts.
PHADASSUR (hébreu : Pedâhçûr, ^celui que] le
rocher délivre »; Septante : <ï>aoao'o-jp, «t'aSautro-jp),
chef d'une famille de la tribu de Manassé et père de
Gamaliel, du temps de l'exode. Num., i, 10; n, 20; vu,
51, 50: x. 23. Voir Gamaliel 1. t. ni, coi. 102.
PHADON (hébreu : Pâdôn, <• délivrance »; Sep-
tante : $oc8ûv), chef d'une famille de Nathinéens. qui
revint en Palestine avec Zorobabel après la captivité
de Babylone. 1 Esd., il, 44; II Esd., vu, 17.
PHAHATH MOAB (hébreu : Paliat Mô'ab, « gou-
verneur de Moab o; Septante : «l'aàô Mwtiê), chef
d'une des principales familles de la tribu de Juda. On
explique ordinairement ce nom comme signifiant
iverneur (ou pacha) de Moab ». Pour expliquer
celte signification, on a fait toutes sortes d'hypothèses,
dont aucune n'est pleinement satisfaisante. La plus na-
turelle, si le nom n'est pas altéré, consiste à supposer
que le chef de la famille exerça réellement un certain
pouvoir dans le pays de Moab. Il est question, I Par.,
n, 21-22, des descendants de Séla, fils de Juda, qui
dominèrent sur Moab ». Quoi qu'il eu soit, les des-
cendants de Phahath-Moab formaient une des princi-
pales familles juives au retour de la captivité de Baby-
lone : elle est nommée la quatrième dans les deux
listes de captifs qui revinrent en Palestine du temps de
Zorobabel, I Esd., n, 6; II Esd., vu, 11 ; et le cinquième
dans la liste des compagnons d'Esdras, I Esd., vm, 4;
son chef signa le second l'alliance du temps de Néhé-
mie parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14. Elle était
aussi très importante par le nombre de ses membres,
la plus nombreuse après celle de Sénaa le Benjamite.
Celle-ci comptait près de 1000 membres, I Esd., n, 35;
II Esd., VU, 38; celle de Phahath Moab en avait 2S18.
II Esd.. vu, 11 (2812, d'après I Esd., n, 6). Elle se
composait de deux branches, celle de Josué et celle de
Joab, comme on le lit expressément, II Esd., vu, 11,
< fils de Josué et de Joab » (la conjonction et manque
dans II Esd., n, 6, mais on doit très vraisemblablement
l'y suppléer). Nous ignorons ce qu'étaient ce Josué et
ce Joab; nous connaissons seulement un Joab descen-
dant de Juda, nommé I Par., iv, 14, cf. Il, 54, sans
pouvoir dire si c'est celui dont il est parle'' dans Esdras
et dans Néhémie. Esdras, à son retour en Palestine,
emmena avec lui 218 hommes « des fils de Joab »,
I Esd., vm, 9; il les énumère à part, après avoir
compté plus haut, au y. 4, deux cents hommes de
Phahath-Moab.
Tout ce que nous savons des descendants de Phahath
Moab, lorsqu'ils furent revenus dans leur patrie, se ré-
sume dans ces trois points : — 1° Esdras obligea huit
d'entre eux qui sont nommés par leurs noms, à répu-
dier les femmes étrangères qu'ils avaient épousées.
I Esd., x, 30. — 2° Hasub, qui était probablement un
des chefs de la famille, travailla à la réparation d'une
partie des murs de Jérusalem et de la tour des Four-
neaux ou des Fours (t. n, col. 2344). Quelques com-
mentateurs confondent cet Hasub avec celui qui répara
une autre partie des murs de Jérusalem, II Esd., m,
23, mais c'est sans raison. — 3" Lorsque les principaux
d'entre les Juifs signèrent avec Néhémie l'alliance que
le peuple fit avec Dieu, le représentant de la famille
de Phahath Moab signa après Pharos, le second sur
quarante-quatre parmi les chefs du peuple. II Esd., x,
li.
PHALAIA (hébreu : Pelà'ydh, » Jéhovah fait des
choses admirables » ; Septante : $eXloc, omis dans
II Esd., vm, 7), un des lévites qui aidèrent Esdras à
expliquer la loi au peuple, II Esd., vm, 7, et qui
signèrent plus tard, avec Néhémie, l'alliance contractée
entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 10. — Un fils
d'Élioénaï, de la race royale de David, appelé Pelàydh
dans le texte hébreu, porte le nom de Phéléia dans la
Vulgate. I Par., m, 24.
PHALANGE, ordre de bataille usité chez les Grecs,
consistant en la disposition des troupes par colonnes,
en files espacées pour la marche, rapprochées pour la
charge et serrées pour l'attaque. La Vulgate a traduit par
ce mot « phalanges », I Reg\, xvn. 8, l'hébreu maarkot
(Septante: ■Ka.pi-nxhi), qui désigne l'armée d'Israël rangée
en ordre de bataille par Saûl contre les Philistinselcontre
Goliath. — Sur la manière dont les Syro-Macédoniens
disposaient leur ordre de bataille, voir I Mach., vi,
35.
PHALÉA (hébreu : Pilha; Septante : d>ay),ai[). un
des chefs de famille qui signèrent l'alliance entre Dieu
et son peuple au temps de Néhémie. II Esd., x, 24.
PHALEG (hébreu : Pclég, « division «; Septante :
1>i>sx ; Josèphe, Ant. jud., I, xi, .">), descendant de
Sem, fils d'Héber, frère aine de Jectan et père de Réii,
un des ancêtres d'Abraham. Gen., x, 25; xi, 16, 17, 18,
19; I Par., i. 19, 25. Il fut appelé Phaleg, dit la Genèse,
x, 25, « parce qu'en ses jours la terre fut divisée. » On
a donné de cette phrase les explications les plus diverses.
Les uns l'ont entendue de la dispersion des peuples
dont parle la Genèse à propos de la construction de la
tour de Babel, xi, 9; d'autres, du partage de la terre par
Xoé entre ses petits-fils ou bien de la séparation des en-
fants d'Héber dont les uns seraient allés en Arabie,
pendant que les autres demeuraient en liabylonie. Ces
explications sont peu vraisemblables, de même que l'opi-
nion de ceux qui voient dans cette division une allusion
183
PHALEG
PHANUEL
184
à une catastrophe terrestre, tremblement de lerre, érup-
tion volcanique, au commencement de la canalisation
en Babylonie, etc. Les expressions du texte sacré sont
si vagues qu'on ne peut aujourd'hui en préciser le sens
avec certitude : si elles semblent plutôt faire allusion à
la dispersion du peuple, Gen., XI, 9, il faut remarquer
que la Genèse, xi, 4, 8, 9, emploie le verbe pus, o dis-
perser », et non le verbe pdlag, « diviser », pour marquer
cette dispersion. — Divers commentateurs ont voulu
sans raison suflisante prendre le nom de Phaleg comme
un nom ethnographique ou un nom géographique et
ils l'ont rapproché de celui de la ville de Pliatiga,
mentionnée par Isidore de Charax comme située au
confluent du Chaboras et de l'Euphrate, mais il n'est
nullement question de cette ville avant cet auteur, qui
vivait seulement au iii« siècle avant J.-C. — Phaleg en-
gendra Réû à l'âge de 30 ans et mourut à l'âge de
'239 ans, laissant des fils et des lilles. Gen., xi, 18-19. Il
esl nommé dans la généalogie de Notre-Seigneur en
saint hue, ni, 35.
PHALEL (hébreu : Pâlàl, » [Dieu] juge »; Septante :
i'i/iy; Alexandrinus : <I>a/.o(£), fils d'Ozi. Du temps de
Néhémie, il rebâtit une partie des murs de Jérusalem,
■• vis-à-vis de l'angle et de la hante tour qui fait saillie
en avant de la maison du roi, près de la cour de la
prison. » II Ksd., ni, 25.
PHALET (hébreu : Pélét, ti délivrance, évasion .. ;
Septante : <I>a)ix ; Alexandrinus : <\'-x\i-, I Par., n, 47),
nom de deux Israélites, dans le texte hébreu. Dans la
Vulgate, le nom de l'un des deux est écrit l'hall, t.
1 Par., xn, 3. Le Phalet de notre version latine était
de la tribu deJuda et de la famille de Galeb ITlesro-
nite, le quatrième des six fils de Johaddaï. I Par., n, 47.
PHALETH (hébreu : Péléf; Septante: 'l'aXÉO). nom
de deux Israélites, dans le texte hébreu. La Vulgate
écrit le nom de l'un d'eux Phéleth, Num., \vi, I. Celui
qu'elle écrit Phalet était de la tribu de .luda, lils de
Jonathan, de la descendance de Jéraméel. 1 Par., Il, 33.
PHALLET (hébreu : Pélét ; Septante : '\,.^aii-;
Alexandrinus: 'baUrjt), lils d'Azmoth et frère de Jaziel,
de la tribu de Benjamin. Les deux frères sont comptés
parmi les gibborîm de David. Ils étaient allés se joindre
à lui à Sicelcj;. 1 Par., XII, 3.
PHALLONITE (hébreu : hap-Pelôni, I Par., xi, 27,
36; XXVII, III; Septante : à *eXuvî: I l'ai'., x. '27 ; 6 *eX-
n.vii, \. 36; 6 èx «l'aX/.o-j; ; Vulgate : PAallonites, I Par.,
xxvn, 10; Phalonites, I Par., xi, 27; Phelonites, )>. 36),
originaire de Bethphaleth, d'après un certain nombre
de commentateurs. Deux des gibborim de David,
Hellés ou Hélés (t. m, col. 567), i Par., XI, 27; xxvn.
10, et Ahia 1 (t. i. col. 291), I Par., XI, 36, sont dits
l'hallonites ou Pélonites. Cette dénomination semblerait
désigner une ville de Péloni ou Pélon, mais connue
on ne connaît aucune ville de ce nom et que dans
n Reg., xxm, 26, Hélés esl appelé hap-Palti, a le
Phaltite » (Vulgate : de Plialli), beaucoup de critiques
croienl que la leçon de II Reg. esl la meilleure el que
hap-Palti veul dire que Hélés étail originaire de
(Beth)phaleth (t. i, col. 1709), ville du Négeb an sud de
la Palestine, dans la tribu de .luda. Il y a cependant
contre celte identification une difficulté sérieuse qui
n'est pas résolue: c'est que Hélés étail Êphraîmite,
d'après 11 Par., xxvn. 10, et que Bethphaleth était une
ville de .luda, nom d'Épbraiin. On a imaginé d'autres
hypothèses, mais toutes sont purement conjecturales,
PHALLU (hébreu : PalhY ; Septante : *«X).4«, 'l'a'/-
second fils de Ruhen. le lils aîné de Jacob. Gen.,
xlvi, 9; Kxod., vi. 14: Num., xxvi, 5; I Par., v, 3. Il
eut pour fils Éliab et devint le chef de la famille des-
Phallonites. On compte parmi ses descendants Dathan
et Abiron. Num., xxvi, 5, 8.
PHALLUITES (hébreu : Itap-Pallui; Septante :
6 o?|[).o; xoù foxXXouî; Vulgate : Phalluitm), descendants-
de Phallu. Num., xxvi, 5.
PHALONITE, dans la Vulgate, I Par., xi, 27. Voir
PlIALLONITE.
PHALTI (hébreu : Palti ; Septante : $aXvi), nom de
deux Israélites et nom ethnique. Phalti, nom d'homme,
signifie « (Dieu) est mon libérateur i
1. PHALTI, fils de Raphu. de la tribu de Benjamin.
Il fut l'un des douze espions que Moïse envoya dans la
terre de Chanaan pour l'explorer. Num., xm, 9.
2. PHALTI, lils de Laïs, de Gallim. Saûl lui donna en
mariage sa fille Michol qu'il avait déjà mariée avec
David. I Reg., xxv, 44. Après la mort de Saûl, David se
fit rendre Michol par Abner. Phalti la suivit en pleu-
rant jusqu'à Bahurim où Al. ner l'obligea de retourner
chezlui. Il Reg., ni. 15. Dans ce dernier passage. Phalti
est appel.' Phaltiel, ce qui est la forme complète de son
nom, El (Dieu) élant sous-entendu dans Phalti.
3. PHALTI, pour Phaltite. II Reg.. xxm, 26. Hélés est
désigné dans ce passage comme étant t de Phalti »,
selon la traduction de la Vulgate. Ailleurs il est dit
Phellonile. Voir PHALLONITE.
PHALTI AS (hébreu : Pelatydh, « Yah est mon libé-
rateur; i Pelatyâhû, sous une l'orme plus complète dans
Êzéchiel, xi, I, 13). nom de quatre Israélites dans le
texte hébreu. 11 ne diffère que par le nom divin, qui est
ici exprimé, de Phalti et de Phaltiel ou Phalthiel.
Dans la Vulgate. deux de ces noms sont écrits Phallias
(dans quelques exemplaires Pbalthias), le troisième esl
écrit Pheltias, Ezech., xi, 1, 13, et le quatrième l'heltia.
II Esd., x, 22.
1. PHALTIAS (Septante : <I>»).£iTi'a), descendant de
David, fils d'Hananiaset père de Jésaïas. I Par., m, 21.
2. PHALTIAS (Septante : $âXsETTfa}, le premier
nommé' des quatre Bis de Jési, de la tribu de Siméob.
Ils se mirent à la tête de cinq cents hommes de leur
tribu, pour aller combattre dans la montagne de S.ir
les restes des Amalécitcs qui s'y étaient réfugiés rt. les
ayant vaincus, s'y établirent à leur place. 1 Par., iv, 12-43,
[PHALTIEL (hébreu : Palti'êl, voir Phaltia; Sep-
tante : 'l'a'/Tir,'/ 1, nom de deux Israélites.
1. PHALTIEL, lils d'O/.an, chef de la tribu d'IsSa-
char. qui l'ut choisi par .Moïse pour représenter sa tribu
dans le partage de la Terre Promise. Num., x.xxiv, 26.
2. PHALTIEL, le même que Phalti, le mari de
Michol. II Reg., m. 15. Voir l'uu n 2.
PHANUEL 1. i i. : Penû'êl, i race de Dieu: » Sep
tante : $avouqX), nom de trois Israélites el nom de lieu.
1. PHANUEL, lils d'IIur el pelil-lils de .luda. 11 fut le
père de Gédor. I Par., IV, i
2. PHANUEL, le dernier nommé des onze lils de Sésac,
de la tribu de Benjamin, qui s'établirent à Jérusalem
I Par., vin , 25.
185
PHANUEL
PHARA
186
3. PHANUEL, de la tribu d'Aser, père de la prophé-
tesse Anne. Luc, II, 36. Voir Anne, 5, t. i, col. 630.
PHANUEL (hébreu : Peni'él, « face de Dieu, »
Gen., xxxii, 30, 31; Penû'èl, ibid., 32; Jud., vin, 8, 17;
1 (III) Reg., xii, 25; Septante ; sïôo; 0eoO, Gen., xxxn,
30; EtBoç toî 0eoC, 32; *avour,>, partout ailleurs), lo-
calité située sur les rives du Jaboc où Jacob lutta avec
l'ange et où s'éleva une ville du même nom. Elle est
mentionnée sur les monuments égyptiens sous la forme
" VI *mI -** ' Penual"- W. M. Millier, Asien und
Europa, p. 168.
I. Identification et description. — Phanuël était à
l'est du Jourdain et de Socoth, puisque Gédéon fran-
cliit le lleuve et passa par Socoth avant d'arriver à
Phanuël. Cf. Jud., vin, 4, 5, 8. Il était sans doute en
vue et non loin du Jourdain, dont Jacob disait en arri-
vant au Jaboc : « J'ai passé ce Jourdain. » Gen., xxxn,
10. Le même arrivant de Galaad et Mahanaïm qu'il faut
chercher au nord du Jaboc, la rive opposée, où il allait
passer le lendemain et rencontrer l'ange, est néces-
sairement la rive gauche ou méridionale du Jaboc,
aujourd'hui le Nahr-Zerqâ. Cf. Gen., xxxn, 13, 21-23.
Phanuël parait être oubliée depuis longtemps, car
VOnomasticon se contente de l'indiquer « près du Ja-
boc », et les anciens écrivains juifs n'en font plus men-
tion. Les savants anglais pensent qu'on doit chercher
ce lieu probablement sur les pentes septentrionales du
Djebel Osa . Armstrong, Wilson et Conder, Names and
Places in the Old Testament, Londres, 18S7, p. 138;
Conder, Hetli and Moab, Londres, 1887, p. 177-179.
Ricb. von Riess le croit plutôt sur la rive septentrionale
du Jaboc. c'est-à-dire du coté opposé. Bibel-Atlas, Fri-
bourg-en-Brisgau. 1887, p. 231. M. Mer il], Easl of Jour-
dan, 2e édition, New-York, 1883, p. 38i, le suppose au
Teloul ed-clehab, au nord de la rivière et non loin de
sa sortie des montagnes. M. Gotl. Schumacher préfère
Medouar-Nôl, village situé à une heure et quart au nord-
est d'un excellent gué de la Zerqâ, se trouvant au nord
de Aïn es-Zerqâ. Dans Miitheilungen und Nachrichten
des deutschen Palâstina-Vereins, 1901, p. 2. Quelques
autres auteurs ont proposé, quoique en hésitant beau-
coup, le Tell Deralla. Cf. Buhl, Géographie des
alle-u Palôslina, Leipzig. 1896. p. 260. La simililude de
ce nom avec Tar'élâh identifiée dans les Talmuds avec
Succoth, a fait penser qu'il s'agit de la même localité.
Ibid. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris,
1860, p. 218-219; Schumacher, loc. cit., 1889, p. 21;
Ariiistrong, etc., loc. cit., p. 166. L'identilication de
Deralla avec Tarehi.lt n'est pas sans vraisemblance,
mais celle de Tar'eldh avec Socoth est contestable.
L'itinéraire de Gédéon poursuivant les Madianites.
Jud., vin, i-5, parait indiquer cette localité tout près
du Jourdain et Phanuël, où « il monta » de Socoth.
plus à l'est et plus près de la montagne. Il semble tou-
tefois qu'il y ait là un souvenir des faits racontés
Gen., xxxn. Cette identilication. si elle n'est pas d'une
certitude absolue, parce que les données positives font
défaut pour désigner ce tell, me semble d'une très
grande probabilité. Les diverses indications bibliques
s'appliquent parfaitement à lui et on ne trouve d'autres
sites ou d'autres vestiges de villes auxquels on puisse
les rapporter de même.
Le Tell Derilla est un grand tell au sommet aplati,
s'élevant de sept à huit mètres au-dessus de la plaine
environnante, où l'on constate des restes d'anciennes
constructions, et semblable à tous ces anciens tell que
l'on a reconnu être formés de débris d'anciennes cités.
11 est à deux kilomètres et demi environ vers le sud
à'Abou Obeidah, où les musulmans vénèrent le tom-
beau du général de ce nom, compagnon deMahoinetjà la
lisière orientale du Ghôr, et à deux ou trois cents mètres
seulement des montagnes d'où sort le Zerqâ, sur le
chemin qui monte de la vallée aux montagnes, se
dirigeant vers Sait, Djebéhat et Amman, voie que dut
prendre Gédéon poursuivant les Madianites et les
Benê-Qédem. Ce qui parait avoir fait hésiter les pales-
tinologues, c'est que le nahr ez-Zerqd passe à un
kilomètre au sud du tell, alors que la Bible indique
Phanuël au sud de la rivière; mais son cours actuel
est un cours nouveau que l'eau s'est frayé à travers les
siècles. L'ancien lit de la rivière, large de vingt mètres
et profond de cinq ou six, se voit au nord du tell qui
est immédiatement sur la rive méridionale. De là on
aperçoit à trois kilomètres vers l'ouest et non loin du
Jourdain un autre tell de même forme. C'est à celui-ci,
semble-t-il, qu'il faut placer Socoth.
II. Histoire. — Jacob, venant de Mésopotamie et
ayant quitté Mahanaïm pour s'avancer vers le Jourdain,
était arrivé sur la rive du Jaboc, où il avait établi son
campement. De là il envoya en avant ses serviteurs
avec les présents destinés à apaiser son frère Ésaù
qui s'avançait à sa rencontre. S'étant levé pendant la
nuit, il fit passer le gué du Jaboc à toute sa famille et à
ses troupeaux, et le passa après eux. Resté seul sur le
bord de la rivière, un personnage mystérieux, que
la Genèse appelle un homme, "t$, xxxn, 23, et le pro-
phète Osée, xn, 3-4, un ange, se présenta et se mit à
lutter avec lui jusqu'au lever de l'aurore. En quittant
Jacob, l'ange lui donna le nom d'Israël, et Jacob en
souvenir du fait appela l'endroit Phanuël, disant :
« Jai vu mon Dieu face à face et mon àme a été sauvée. »
Gen., xxxni. Levant les yeux, Jacob vit son frère Ésaù
qui s'avançait vers lui. De là, il se retira à l'endroit
qu'il appela Socoth et où il s'établit avant de monter
vers Sichem. Gen., xxxm. — Dans le partage de la Terre
Promise, Phanuël dut échoir, avec Socoth et toute la
partie orientale de la vallée du Jourdain, à la tribu de
Cad. Cf. Jos., xni, 27. — Phanuël était devenue une
ville forte au temps de Gédéon. Le libérateur d'Israël
poursuivant les Madianites, ayant franchi le Jourdain,
demanda aux habitants de Socoth du pain pour ses
hommes fatigués, afin de pouvoir continuer la pour-
suite de l'ennemi. Ceux-ci refusèrent en ajoutant à
leur refus le mépris et l'injure. Les habitants de Phanuël
firent de même. « Quand je reviendrai victorieux,
j'abattrai cette tour, » jura Gédéon. A son retour, il tint
son serment et mit à mort les principaux habitants
de la ville. Jud., vm, 4-17. —Jéroboam Ier. après avoir
resti iiré Sichem, fit de même pour Phanuël. III Reg.,
xn, 25. D'après Josèphe, Ant. jud., VIII, vm, 4, il s'y
fit construire un palais. Il n'est plus question depuis
de Phanuël. L. Heidet.
PHARA, nom d'un Israélite et d'une ville.
1. PHARA (hébreu : Purdh, « rameau »; Septante :
•tapa), serviteur de Gédéon. Il alla pendant la nuit avec
son maître dans le camp des Madianites. Jud., vu, 10-1 1 .
2. PHARA (Septante : <I>apa8wvt), ville de Judée, for-
tifiée par Bacchide pendant la guerre contre Jonathas.
I Mach., ix, 50. Le nom de cette ville est douteux. La
Vulgate distingue deux villes, Thamnatha et Phara; de
même Josèphe, Ant. jud., xm, i, 3, 0ot|j.va8à xal $a-
paOra ; et aussi la version syriaque. Les Septante ne font
qu'une seule ville de tt|v ©auvaOà $apatl<dvi. Si la leçon
du grec était la véritable, ce qu'on peut contester, nous
n'aurions dans l'Écriture aucune autre trace de l'exis-
tence de Phara, mais si l'on admet la distinction de
Tamnatha et de Phara ou Pharathon, nous retrouvons
le nom de cette dernière dans le livre des Juges, xn, 13,
15, et dans l'histoire des rois. II Reg.. XXIII, 30; I Par..
xi, :'.l ; mu; 14. Sur cette identification et sur la ville
même, voir Pharathon, col. 204.
187
PHARAÏ
PHARAN
188
PHARAÏ (hébreu : Pa'ùrai; Septante : Oùpjcospyi,
par corruption de "faapai !, 'Apêi), un des vaillants sol-
dats de David. II Reg., xxm, 35. Dans I Par., xi, 37, il est
appelé Naaraî. Voir Na.vraï, col. "1428. Il était d'Aral.,
ville de la tribu de Juda, de Arbi, dit la Vulgate.
II Reg., xxm, 35. Voir Arbi, t. i, col. 886.
PHARAM (hébreu : Pir'âm; Septante : «ÊcooW;
Alexandrinus : d'ssxiu.), roi amorrhéen de Jérimotb.
du temps de Josué, qui avec trois autres rois du sud de
la Palestine répondit à l'appel d'Adonisédecroi de Jéru-
salem et marcha avec eux contre les Gabaonites qui
- étaient soumis aux Israélites. Jos., x, 3. Ils furent tous
battus par Josué devant Gabaon et s'étant enfuis, ils se
réfugièrent dans la caverne de Macéda, mais ils y
furent pris et mis à mort, après qu'on leur eut mis le
pied sur le cou (voir Pied), par ordre du vainqueur.
puis pendus à cinq poteaux et enfin ensevelis dans la
caverne. Jos., x, 10, 20-27.
PHARAN (hébreu : Pâ'rân; Septante : <t>apàv),
nom d'un désert de l'Arabie Pétrée, d'une chaîne de
montagnes et, d'après certains commentateurs, d'une
localité.
1. PHARAN (DÉSERT DE) (hébreu : midbdr-Pd'ran,
Gen., xxi, 21 ; Xnm., x, 12; xm, 1, 4, 27 (hébreu : xn.
16; xm, 3,26); 1 Reg., xxv, i ; Septante : èpr,y.'j; «Papiv,
Num., xm, 4, 27; roO $<xpâv, Xum., x, 12; xm, 1; Gen.,
xxi, 21; Septante : $apôcv AïyiSiteou), désert de l'Arabie
Pétrée, appelé aujourd'hui Badiet-et-Tih, « désert de
l'Égarement », parce que les Israélites y errèrent plu-
sieurs années. Num., xiv, 32-33.
I. Identification. — Le désert de Pharan est formé
par le large plateau de l'Arabie Pétrée qui est borné à
l'est par la partie de la vallée de l'Arabah, s'étendant
du sud de la mer Morte au golfe Élanitique (voir Ara-
bah, t. i, col. 821); à l'ouest par le désert de Sur, Gen.
xvi, 7 (voir Sur); au sud par le Djebel et-Tih, et au
nord par les montagnes des Amorrhéens, c'est-à-dire
par la frontière méridionale du pays de Chanaan.
Deut., i, 19-20, ou de la Palestine, aux environs de
Rersabée. Voir H. S. Palmer, Sinai from the fourlh
Egyptian dynasty to the présent day, Londres, 1878,
p. 19S, 205; E. 11. l'aimer, The désert of the Exodus,
1831, t. ii. p. 508-510.
II. Description. — Le Bctdiet et-Tih est un grand
plateau désert qui compte emiron deux cent quarante
kilomètres de longueur, du sud au nord, et à peu pris
autant de largeur. Dans sa longueur il est coupé par
l'ouadi el-Arisch, qui le divise ainsi en deux parties.
La partie orientale, plus élevée que la partie occiden-
tale, est un plateau calcaire d'une surface irrégulière,
une contrée montagneuse coupée de grands et de petits
ouadis dont beaucoup se dirigent vers le nord. Le coté
méridional se termine en un long escarpement, abrupt
vers le sud et s'abaissant doucement vers le sud-est.
La surface du plateau est aride, sans physionomie
marquée, el son aspect n'est relevé que par quelques
groupes isoles de montagnes. La contrée est presque
sans eau, à l'exception de quelques sources, entourées
de tamaris et d'acacias el fréquentées par les gazelles
dans les grands ouadis; l'eau De s'obtient souvent dans
le lil des ouadis qu'en ci eusant de petits puits, thémail,
et en la puisant avec la main. A peu près partout, le
terrain esl 1res dur et recouvert de petits cailloux.
Malgré l'aridité du sol, une grande quantité d'herbes
biaiiu - el de ...m éparses à la surface, et four-
nissent un combustible pour le campement. Pendant la
plus grande partie de l'année, le terrain semble brûlé
et mort; mais il arrive, avec la pluie, à une vie sou-
daine. Pans les ouadis, la végétation est beaucoup
plus abondante que dans les plaines. Là, il y a toujours
des pâturages suffisants pour les chameaux; çà et là
même, quelques endroits sont susceptibles de culture.
E. H. Palmer, The Désert oflhe Exodus, t. n, p. 327-
348.
III. Histoire. — 1" Le nom de Pharan est mentionné
pour la première fois dans la Genèse, xiv, 6. L'auteur
sacré indique dans son récit la limite septentrionale
du désert et l'extrême point sud qu'atteignit l'expédition
de Chodorlahomor et de ses alliés contre les rois de
la Penlapole et les pays voisins. Après avoir battu les
Raphaïm, les Zuzim et les Éinim, les confédérés battirent
aussi « les Chorréens ou Horréens, dans les montagnes
de Séir, jusqu'à El-Pdrân, qui est près du désert. » La
Vulgate traduit El-Pdrân, par campeslria Pharan,
o plaine de Pharan », les Septante, par r, Tsplêivôo; to-j
■ï>apiv, « le térébinthe de Pharan ». Plusieurs savants
modernes croient que 'Êl-Pâr&n désigne la ville d'Aila
ou Élath. Voir Élath, t. n, col. 1643. Le texte est trop
peu précis pour qu'on puisse trancher la question avec
certitude. WEl-Pàrân, les envahisseurs n'ayant rien à
piller dans le désert de Pharan. ne poussèrent pas plus
loin vers le sud; ils se dirigèrent vers la fontaine de
Masphatb ['En Mispât), qui est le même lieu que Cadès,
Gen., xiv, 7, situé dans le désert de Pharan. Cadès
est placé plusieurs fois dans le désert de Sin, Xum.,
xx, 1; XXVII, 14; xxxm,36; Deut., xxxn, 51, mais Sin
était le nom particulier de la partie septentrionale du
désert de Pharan. Cf. Num., xm, 27 (2fi). Voir Cadès 1,
t. n, col. 21. — 2° Dans le désert de Pharan habita Is-
maël, fils d'Abraham et de sa servante Agar, que Sara
fit chasser afin qu'Isaac devint seul héritier des biens
paternels. Gen., xxi, 10, 21. — 3" Mais le désert de Pha-
ran doit sa principale renommée à ce que les Israélites
y ont erré pendant trente-huit ans : il a été ainsi le
théâtre des événements les plus remarquables de l'his-
toire du peuple de Dieu pendant cette période. Voici les
principaux. Mais tout d'abord, comme semblent l'exiger
les textes bibliques, prenons le désert de Pharan dans
un sens moins restreint et étendons-le jusqu'au massif
du Sinaï. — Le premier épisode saillant est l'incendie
d'une partie du camp d'Israël à Tab'êrâh, Num., xi. 1-3,
en punition des murmures du peuple contre Dieu et
contre Moïse. Voir Embrasement, t. Il, col. 17211, et In-
cendie, t. m, col. 864. Plusieurs sont d'avis qu'on pour-
rait l'identifier avec la station Qibrôf-Battadvah. Cf. La-
grange, L'itinéraire des Israélites, dans la Revue bi-
bliqtte, 1900, p. 275. — Qibrôf-Battadvah était en tout
cas dans le voisinage. Cette localité fut ainsi appelée,
Sépulcres .le concupiscence », comme traduit la Vul-
gate, à cause des nombreux Israélites qui y furent
frappés par la main de Dieu, à la suite de leurs mur-
mures contre la manne, lors du second envoi des
cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Voir Sépi LCRES m
cipiscence. — De Qibrôf-Hattaâvah les Hébreux se
mirent en marche pour Haséroth, autre endroit du
désert de Pharan. pris dans un sens plus large. Voir
Haséroth, t. m. col. 445. C'est là que Marie, sœur de
Moïse, de concert avec Aaron. parla contre son frère.
Frappée de la lèpre, elle fut séquestrée sept jours hors
du camp, et le peuple dut attendre sa guérison pour se
remettre en voyage. Num., xn. — Partant d'Haséroth
les Israélites gagnèrent le Sommet du plateau d'et-Tih,
et allèrent planter leurs tentes dans le désert de Pha-
ran, au sens strict du mot, c'est-à-dire dans la partie
de cette solitude qui renfermait Cadès [Aïn-Qatlis). Il
ne fallut pas moins de dix-neuf ('tapes pour atteindre
ce terme final. Les dix-neuf stations, dont plu
nous restent inconnues, sont énumérées Num., x.wui.
17-36. Cf. Lagrange, L'itinéraire des Israélites, d; n
Revue biblii/ue, 191)0, p. 277; L. de Laborde, Comment
taire géographique sur l'Exode et les Nombres, in-f°,
Paris, 1841, p. 120-127. A Cadès, située dans la partie
septentrionale du désert de Pharan qu'on appelle aussi
189
PHARAN
PHARAON
190
quelquefois désert de Sin, Moïse reçut de Dieu l'ordre
d'envoyer dans la Terre Promise, les douze espions
chargés de l'explorer. Sur la route qu'ils suivirent,
cf. E. H. Palmer, The Désert of the Exodm, t. n,
p. 510-513, 351. Voir Espion, 2", t. Il, col. 1966. A leur
retour, le rapport décourageant qu'ils firent au peuple
provoqua une révolte. Dieu la punit en condamnant
tous les Israélites âgés de vingt et un ans lors de leur
sortie d'Egypte, à mourir dans le désert. Caleb et Josué
furent seuls exceptés de cette peine. Le peuple, cons-
terné de celte sentence et passant alors de l'abattement
à la présomption, voulut, malgré Moïse, envahir le pays
de Chanaan et il se lit tailler en pièces, par les Ama-
léciles et les Chananéens dans les environs d'Horma.
Voir IlORMA 1.1. ni, col. 755. Il fut refoulé sur Cadès.
Num., xin-xiv. Alors commença pour les enfants d'Is-
raël, du côté de la mer Rouge, celte vie errante de
trente-huit ans, dans le désert.
Les derniers incidents du séjour des Israélites dans
le désert de Pharan, depuis que la génération cou-
pable y eut semé ses ossements, eurent encore lieu à
Cadès. Marie, sœur de Moïse y mourut; Moïse donnant
suite aux plaintes amères du peuple à cause du manque
d'eau, y frappa le rocher et en fit jaillir une source
abondante d'eau, qu'on appela Mê-Merîbâh ou « Eaux
de contradiction ». Voir Eaix de contradiction, t. n,
col. 1523. De Cadès, Moïse envoya des messagers au
roi d'Édom pour obtenir la permission de traverser
son territoire, afin de gagner ainsi les frontières de la
Terre Promise : mais Édom refusa formellement. Quel-
que temps après, se rapprochant de la Terre Promise
dans la direction de l'est, les enfants d'Israël quittèrent
définitivement le désert de Pharan. Num., xx, 1-22.
Le nom de Pharan ne parait plus que deux fois dans
l'histoire sainte. David, persécuté par Saûl, se réfugia
dans le désert de Pharan. après la mort de Samuel,
I Ileg., xxv, 1, d'après le texte hébreu, le Codex
Alexandrinus et la Vulgate. Le Codex Valicanus lit
Maon, à cause de la suite du récit. Voir Maon, t. iv.
col. 703. — Adad l'Iduméen, fuyant devant Joab, tra-
versa avec ses hommes le désert de Pharan et emmena
avec lui plusieurs habitants du pays qui l'accompa-
gnèrent en Egypte où il se réfugia. III Reg., m. 1S.
A. Molini.
2. PHARAN (hébreu : 'Èl-Pà'rdn ; Septante : «pé6iv-
9o< roû $otpâv; Vulgate : catnpestria Pharan, Gen.,
xiv, 6), l'extrême point méridional de l'expédition de
Cliodorlahomor contre les rois de la Pentapole. Êl-
Pharan, d'après les Septante et la Vulgate, était dans
le désert; d'après l'hébreu, près du désert. L'appellation
de Pharan lui vient probablement du désert du même
nom, dont il aurait été dans des temps très reculés la
dernière limite ori.enlale. D'après les Septante, 'êl dési-
gne un térébinthe qui était connu et célèbre dans le
pays. Beaucoup de commentateurs croient que cette
traduction est exacte. D'après d'autres, 'êl serait le nom
antique de la ville d'Élath, mais ce n'est qu'une con-
jecture. Voir plus haut, col. 188.
A. Molini.
3. PHARAN (MONTAGNE DE) (hébreu: har Pd'rân;
Septa ite : opo« $ap<xv), montagne du désert de Pharan.
Elle est nommée dans deux passages de l'Écriture :
li> ut., xx xiii, 2; Hab., m, 3. L'un et l'autre font allusion,
en langage poétique, aux merveilles opérées par Dieu
à l'époque de la sortie d'Egypte. Dans l'exorde du can-
tique où il bénit les tribus d'Israël. -Moïse s'écrie :
Jébovah est venu du Sinaï,
Il s es) levé pour eux de Séîr,
11 a resplendi des montagnes de Pharan,
Il esl sorti du milieu des saintes myriades.
De sa droite jaillissaient sur eux des jets de lumière.
Habacuc, m, 3. supplie Dieu de renouveler l'œuvre
de miséricorde et de justice acccomplie dans le passé en
se montrant de nouveau à son peuple :
Dieu vient de Théman
Et le Saint de la montagne de Pharan.
Les données de ces textes sont trop vagues pour
nous permettre d'établir avec certitude l'identité des
monts de Pharan. D'où la divergence d'opinion parmi
les savants. Les uns les identifient avec le Djebel
Moukrah (1050 mètres d'élévation) à 46 kilomètres au
sud d'Aîn-Qadis, à 80 kilomètres à l'ouest d'Édom, et à
200 kilomètres au nord du Sinaï. Le Djebel Moukrah
occupe la partie méridionale du plateau accidenté
qu'habitent aujourd'hui les Arabes A zdz ime'A.W. Schultz,
Dos Deuteronomium erklârt, 1859; Palmer, The Désert
of the Exodus, p. 510, 288, 344-345. — D'autres, au
contraire, retrouvent les montagnes de Pharan dans la
chaîne qui du Sinaï se projette vers le nord-est, tout
le long de la côte ouest du golfe Élanitique jusqu'à
Édom. Driver, Deuteronomy, Edimbourg, 1902, p. 391.
— Har-Pd'rdn peut signifier aussi « la région monta-
gneuse et sauvage qui est située au sud de la Pales-
tine, 'i L.-CI. Fillion, Bible commentée, t. vi, p. 520.
A. Molini.
I. PHARAON (hébreu : Pare'ôh; Septante : $«.
paw), titre des rois d'Egypte. — I. Signification. — Le
sens du terme pharaon n'est point douteux dans la Bible :
c'est le nom générique des rois d'Egypte, au temps d'Abra-
ham, de Moïse et de l'Exode, des rois et des prophètes.
Gen., xn, 15-20 ;Exod., vi, 11; III Reg., ix, 16; Is., xxxvi,
6, etc. Pour deux d'entre eux seulement le nom géné-
rique se rencontre à côté du nom propre : « Pharaon
Néchao » et « Pharaon Ephrée », de la XXVIe dynastie.
Quatre autres sont désignés simplement par leur nom
propre, dont deux de la XXIIe dynastie, Sésac et Zara ;
et deux de la XXVe, Sua et Tharaca. Voir ces noms.
Ces exceptions n'infirment en rien l'usage général et
l'on peut dire que pour les auteurs sacrés tout roi
d'Egypte s'appelait Pharaon, de la même manière que
plus tard toute reine d'Ethiopie s'appela Candace, que
dans les temps modernes tout empereur de Russie
s'appelle tsar.
II. Étysiologie.. — L'origine du mot pharaon est
égyptienne. 'O $apa<ôv xar' Aï^uicrfouç (izv.'/ix m)u.a!-
v£;. Josèphe, Anl. jud., vm, 6, 2, nous en avait déjà
prévenus. Rosellini, Monumenti storici, 1832, i, p. 116-
117; Lepsius, Die Chronologie der Aegypter, 1849,
p. 336, et Chabas, Le papyrus magique Harris, 1860,
p. 1860. p. 173, note 2, ont proposé successivement
comme origine du mot pharaon l'expression égyptienne
yè f J> Va rci> " 'e soleil, le dieu Râ ». Avec plus
d'apparence de raison, Stern, Koptische Grammatik,
1880, p. 92, et Zeitschrift fur dg. Sprache, t. xxn, 1884,
p. 52, a affirmé que Pharaon était identique à ^£rl)l>
pa our àa. « le grand prince ». Mais ce titre fréquent,
qu'on rencontre en particulier dans le traité entre
Ramsès II et les Khétas et dans une stèle du temps de
Scheschanq IV, « était celui que la chancellerie égyp-
tienne donnait aux princec asiatiques ou africains, soit
qu'ils reconnussent, soit qu'ils ne reconnussent pas la
suzeraineté des Pharaons. » Maspero, Sur deux stèles
récemment découvertes, dans Recueil des travaux re-
latifs ù la philologie et à l'archéologie égyptiennes et
assyriennes, t. xv, 1893, p. 85. De bonne heure cepen-
dant, E. de Rougé, Note sur le mot Pharaon, dans le
Bulletin archéologique de l'Alliéneum français, 1856,
p. 66-68, avait indiqué l'étymologie vraie de ce mot en
le dérivant de
m
per fia, « la grande maison, le
palais ». Il se rencontrait avec l'oh.Oi :ir;x: de la tra-
dition grecque conservée par Horapollon, Hierogly-
phica, i. 61, .'dit. Leemans. 1835, p. 58. Cf. Maspero,
191
PHARAON
192
Histoire ancienne de l'Orient classique, t. I, 1895,
p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales,
voir Erman. Aegypten und âgyptisches Leben, édit.
anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264.
Aujourd'hui tout le monde est d'accord que Pharaon,
Pare'ùh, est la forme hébraïsée de per ôa, comme le
|^*|» — ■Lw.4'*-— 1^11 Ier' Bi-ir-'-u de Sargon parait
en être la forme assyrianisée. Cf. Oppert, Mémoire sui-
tes rapports (le l'Egypte et de l'Assyrie, 1869, p. 15.
L'étude des textes égyptiens de plus en plus nombreux
nous a fourni sur l'expression per âa et sur son évolu-
tion dans la langue des données d'un haut intérêt pour
la Bible.
III. Historique. — Ici nous avons pour guide principal,
sans nous y astreindre de tous points et sans nous dis-
penser de recourir aux sources, un remarquable article
de Griffith : Chronological value of Egyptian words
found in the Bible, dans les Proceedings of the Society
of biblical archwology, t. xxm. 1901, p. 72-76. Sous
l'Ancien Empire où les inscriptions officielles sont
les seuls témoins de la langue, le mot ~" est pris au
sens littéral de « grande maison », palais du souverain :
j- J L , per âa n souten. Mariette, Mastabas, C 1,
p. 112. Il entre surtout en composition avec toute une
série de titres : « Ami unique de la faveur de la
grande maison », ibid., C 25, p. 160; « connu de la
grande maison », ibid., D 51, p. 314; « médecin de la
grande maison », ibid., D 11, p. 203; « surintendant
du jardin » ou « domaine de la grande maison s, In-
scription d'Ouni, dans E. de Bougé, Recherches sur
les monuments qu'on peut attribuer aux six pre-
mières dynasties, pi. vu, lig. 9. Dans tous ces titres
nous voyons per âa s'écarter de son sens primitif,
une métonymie s'ébauche, si bien que partout nous
pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n'en est
pas encore le synonyme adéquat, ce n'en est qu'une
paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le
Saint-Siège pour le pape, la Sublime Porle pour le
sultan. Cf. W. M. Muller, art. Pharaoh, dans Cheyne,
Encyclopedia biblica, t. m, col. 3687. — Au moyen
empire, XII -XV11- dynastie, avec les papyrus nous
sortons des textes officiels et de leurs artilices. hésor-
mais c'est l'idiome populaire, plus fidèle interprète de
la nature du langage et de ses particularités, qui va
nous fournir des exemples. Là encore per âa se mon-
tre tantôt avec un sens franchement littéral, tantôt
avec un sens plus vague derrière lequel se cache le
roi. Ainsi, à la XII* dynastie, il est question de taxes
sur le bétail pour « la grande maison ». Griffith, Hie-
ratic Papyri from Kalmn and Gurob, 1898, pi, xvi. el
p. 30. A la XIIIe dynastie on parle de « la porte de la
promenade du roi dans In grande maison . Mariette,
Papyrus égyptien» du musée de Boula/], t. u, 1878,
n. XVIII, pi. xxit ; de provisions envoyées à la grande
maison », ibid., pi. xxxin. Dans un document qui est
pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons
encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die
Marchai des Papyrus W'eslcar, 189(1, pi. VIII ri p. Kl.
Deux remarques sont à faire sur les textes de cette
période : I" Le mot per âa s'y trouve ordinairement
au duel, " , per(oui) âa{oui), « les deux grandes
maisons », particularité qui tient à ce que l'Egypte fut
de tout temps divisée en deux terres, la terre du Sud
et la terre du Nord. L'union des deux terres se Faisait
dans la personne du roi, qui devenait ainsi le double
roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et,
par suile, ce qui se rapportait à lui revêtait un carac-
tère de dualité pour répondre à sa double personnalité.
Ainsi « la Maison Blanche (magasin royal) i était « la
double Maison Blanche », le Palais était « la double
grande maison ». Cf. Erman. Aegypten, loc. cit., et
Maspero, Les contes populaires de l'ancienne Egypte,
3* édit. (1905). p. 14, notel.
2° Per âa à cette époque est presque toujours suivi
du souhait royal par excellence •£ j ïï.ânk oudjasenb,
« vie, santé, force! » ce qui est un signe, dans le fond,
que la métonymie prend corps de plus en plus, que le
nom du palais marche vers une personnilicalion et va
être attribuée au maître lui-même du palais. En effet,
la personnilicalion est un fait accompli sous le nouvel .
empire. — A la XVIII* dynastie, une lettre, adressée
à Aménophis IV (Khounaton), porte en suscription
0 iH, per âa ânk oudja senb Neb : « Pharaon v. s.
f . ! le Maître! » tandis qu'à l'intérieur la titulature
complète du roi remplit les trois premières lignes.
Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxvm et p. 92. A la
XIX' dynastie, per âa prend le déterminatif personnel
- J T \ \ ' " P''araon v- s- f " et devient une ex-
pression courante pour désigner le roi, comme dans le
Conte des deux frères, écrit au temps de Ramsès II.
Birch, Select papyri, t. il, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10;
pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot
« Pharaon » se présente toujours sans être accompagné
du nom royal jusqu'à la XXII* dynastie. A cette époque
seulement on commence à le faire suivre du nom du
roi. De ce fait l'un des Scheschanq (Sésac) est le premier
exemple, dans une stèle hiératique • J J T I '
IIIlIV,^lIIIV'^V•Ti[1',, le Pharaon v- s- f-
Shashaka v. s. f. ». Spiegelherg. Eine Stèle ans der Oase
Dacliel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A
la XXVe dynastie abondent les documents légaux et dans
les dates des papyrus de l'époque de Taharqa on trouve
per âa précédant le nom royal. Revillout, Quelques textes
démotiques archaïques, papyrus 3228 du Louvre. A
partir de ce moment jusqu'à la fin de la période païenne,
tous les rois en démotiques sont intitulés « Pharaon »,
L -I , L J L J, ou avec le cartouche ( '--' 1. — Chez
les Coptes, l'ancien per âa perdit le aï» et devint nepo,
Griffith, Stories of the high pries/ of Memphis, 1900,
p. 73, note 7; puis le n initial, considéré à tort comme
l'article, disparut à son tour et il resta epo, ppo, OTpio.
Steindorff, Zeitschrift fur ây. S/iraclie, t. xxvn, 1889,
p. 107; Sethe, Dos âgyptische Verhum, I. i, 1899, p. 22.
IV. Le mot pha.ra.on et la critique i>e la Bible. —
On a voulu tirer contre l'authenticité du Pentateuque
une objecliori^de la manière dont y ligure le mot Pha-
raon. Les uns ont dit : a I ie la part d'un homme (Moïse)
élevé à la cour du roi, nous aurions pu nous attendre...
à des renseignements plus précis sur les noms propres...
Il y en a si peu que, dans toute cette histoire (l'Exode .
il est toujours question du roi Pharaon, qu'il s'agisse
de celui dont la tille recueillit l'enfant dans le fleuve,
ou de celui devant lequel le vieillard octogénaire se
présente pour demander la liberté de son peuple. Le
rédacteur n'éprouve pas le moindre besoin de distinguer
par leurs noms îles personnages si importants. La no-
tice qu'il survint un autre roi qui ne savait rien de Jo-
seph... n'est pas précisément l'indice d'un témoignage
immédiat. » lieiiss, L' histoire sainte et la loi, t. Il,
1879, p. 80-81. Sans nous arrêter à relever l'expression
inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres
Saints et la critique rationaliste, t. IV, 1902, '>• édit.,
p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu'en ne dési-
gnant le roi que par son titre générique de Pharaon
Moïse est en parfait accord avec les usages d'Egypte à
son époque. Il nomme le roi comme on le nommait du
193
PHARAON D'ABRAHAM
194
temps de Ramsès II, comme faisait, par exemple, l'au-
teur du Conte des deux Frères. On ne peut donc lui
demander une meilleure mise au point. « Ce fut surtout
au temps des Ramsès, quand le peuple d'Israël était
prisonnier en Egypte, que ces mots [per âa) servirent à
dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde. .. Lorsque
nous donnons aujourd'hui à Ramsès le nom de Pha-
raon, nous employons l'expression même dont se ser-
vaient ses contemporains pour le désigner. » V. Loret,
L'Egypte a>< temps des Pharaons, Î889. p. 18. Par
cetle simple observation nous voyons aussi le cas qu'il
faut faire de cette autre affirmation, au sujet du séjour
d'Abraham en Egypte, Gen., xn. 15 sq. : « Le récit
contient une pâle représentation des choses d'Egypte;
il ne connait ni le nom du Pharaon ni le nom de sa
capitale. » Gunkel, Genesis, 1901, p. 156. Sans doute,
au temps d'Abraham, per âa n'était pas encore devenu
l'expression usuelle pour désigner le roi. Mais rappe-
lons-nous que Moïse vit, écrit et meurt en pleine
époque ramesside. Voudrait-on qu'il eût fait de l'ar-
chaïsme ou du style de basse époque! El précisément,
ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le
mot Pharaon — seul point en question ici — est pour
nous l'œuvre de Moïse, c'est que le mot Pharaon reste
indéterminé sous sa plume. Le préciser par l'adjonc-
tion d'un prénom serait nous rejeter au moins à la
XX11 dynastie, c'est-à-dire après l'an 1000. C'est juste-
ment pour placer la composition du Pentateuque vers
cette date que d'autres ont émis des conjectures d'ap-
parence plus scientifique. Ils veulent hien que le titre
i Pharaon > soit employé familièrement dans la litté-
rature populaire du Nouvel-Empire, liais c'est- plus
tard seulement, affirment-ils, qu'il devient le mot usuel
pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions
comme lionef,« sa majesté », et souten. Par conséquent
les Hébreux ne purent le recevoir qu'après l'an 1000
avant J.-C. W. M. Mflller, art. Pharaoh, lue. cit. M. Vf.
H. Mûller oublie que l'évolution du mot lier âa est
complète sous la XVIII8 dynastie, témoin l'adresse de
la lettre à Ainénophis IV. Pharaon est donc dès lors le
mot usuel, le terme courant et à la portée de tous qu'un
historien emploiera de préférence, lit pourquoi les Hé-
breux vivant en Egypte et mêlés aux Égyptiens, pour-
quoi Moïse surtout, élevé dans le palais royal juraient-
ils ignoré ce fait et parlé autrement que les gens qui
les entouraient? Ce raisonnement garde toute sa valeur
même dans l'hypothèse peu recevable de ceux qui
veulent faire coïncider l'Exode avec les temps troublés
d'Aménophis IV. \V. M. Millier, loc. cit., prétend tirer
une confirmation de son dire dans le fait qu'en Asie.au
Xiv" siècle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunéi-
formes de Tell Amarna adressées à Aménophis III et à
Aménophis IV de la XVIIIe dynastie. Mais on ne peut
établir de parité entre les auteurs de ces lettres, des
roitelets syriens, vivant en dehors de la vie égyptienne,
et les Hébreux habitant la terre même des Pharaons,
et Moïse surtout g instruit dans toute la sagesse des
Egyptiens », Act., VII, 22, et auquel nous ramène à
chaque instant, comme à l'auteur du Pentateuque, ce
que nous révèle l'égyptologie. Cf. Heyes, Bibel und
Aegyp en, 1904, p. 24. C. Lacier.
2. PHARAON D'ABRAHAM. — 1" C'est le premier que
mentionne la Bible. Gen., xn, 15. Avec Ebers, Aegijpten
und die Bûcher Mose's, t. i, p. 256-258, et d'autres, ce
Pharaon doit-il èlre cherché parmi les Aménémhatou les
Osortésen de la XIIe dynastie, c'est-à-dire aux environs
de l'an 2000? Il n'y aurait pas d'hésitation possible si
nous devions admettre comme certaine la récente chro-
nologie basée par Ed. Meyer,.rleo;;/p(isc/fe Chronologie,
dans les Abhandlungen der kôniglichen preussischen
Akademie, 100'k sur un leverde Sothis découvert dans
un papyrus de Kabun par Borchardt. Zeitschrifl fur
DICT. DE LA BIBLE.
ag. Sprache, t. xxxvtt, 1899, p. 99-101. .1. H. Breasted,
A history of Egypt, in-8°, New- York, 1905, et Ancienl
Records of Egypt, t. i, 1906, p. 25-39, accepte de con-
liance cette chronologie. Mais ainsi que le remarque
Maspero, Revue critique, nouvelle série, t. LXII, 1906,
p. 112, « lors même qu'on admettrait l'authenticité des
calculs élevés sur cette observation, la réduction systé-
matique du nombre de siècles assignés aux dynasties
antérieures à la XVIIIe n'est qu'une affaire de senti-
ment. M. Borchardt ayant à choisir pour l'époque delà
XIIe dynastie entre deux périodes sotbiaques dont l'une
le reportait au début du troisième millénaire avant
J.-C, et l'autre au début du quatrième, a choisi la
première a priori parce que l'autre ne lui convenait
pas, et Ed. Mayer s'est rangé à cette façon de penser
sur l'autorité de Borchardt : en bonne critique ils au-
raient dû se borner à poser l'alternative et à indiquer
leur opinion personnelle sans l'ériger en axiome ne
varietur. » Voir dans Arehseological Report, 1904-1905,
de YEgypt Exploration Fund, p. 13-44, un résumé de
la question et des discussions qu'elle a soulevées
entre Allemands. Faut-il maintenant avec d'autres
relarder l'arrivée d'Abraham en Egypte? t. es) en parti-
culier l'opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews
and Herodotos, 3e édit, 1902, p. 16 sq. Il faut l'en
croire si l'on accepte les calculs de Flinders Pétrie,
Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xn, p. 103-
185. Celui ci reprend résolument la période sothiaque
abandonnée par Borchardt et Ed. Meyer, tâche de
l'étayer à l'aide de dates trouvées au Sinai, et assigne
comme origine à la XIIe dynastie l'an 3459. Reste alors
l'espace suffisant pour caser entre la XIIe dynastie (3459-
3246) et la XVIIIe, qu'on admet de part et d'autre com-
mencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIIIe dy-
nastie et les suivantes qui comprennent la période des
Ilyksos. Reste aussi pour les dynasties XI1I-XVII, si
peu connues, « assez de jeu dans la chronologie relative
de l'Egypte pour que, dit Maspero, ioc. cit., nous y
puissions ranger les faits nouveaux sans être obligés à
démolir et à reconstruire un système rigoureux à
chaque découverte d'un règne inconnu. » Etant données
ces incertitudes de la chronologie générale, qui
s'aggravent encore dans les détails, il n'est donc pas
possible actuellement d'identi lier le Pharaon d'Abraham
ni même la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon
n'en rappelle pas moins la vallée du Nil. Quoi qu'on en
ait dit, il agit et parle en roi égyptien. L'exactitude de
l'écrivain sacré et la confiance qu'il mérite ressortent
pleinement du récit.
2° Le pharaon, dit la Genèse, xu. 16, lit bon accueil à
Abraham. Ce n'était pas la première fois que des Sémites
trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoum-
hotep à Beni-Hassan nous fournit un tableau d'immigrants
asiatiques qui peut servir d'illustration à la descente
d'Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-même
en Egypte. Voir t. n, la planche entre les colonnes
1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, en-
fants, trente-sept personnes. Quand même l'inscription
ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race à
leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs
armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbe des
hommes est noire et pointue, leurs armes sont l'arc, la
javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la
plupart des hommes n'ont pour vêtement que le pagne
bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau,
les femmes, de longues robes de bon goût et de belle
élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins
bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de
disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le
mobilier. Un autre âne est muni d'une sorte de selle a
bords relevés où sont assujettis deux enfants. C'est le
grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amou, le
scribe royal Khéti lésa aussitôt inscrits et, en les pré-
V. - 7
195
PHARAON DE JOSEPH
196
sentant à son maître, il lui transmet la requête du chef
de la tribu, Abescha. Celui-ci demande à s'établir sur les
terres de Pharaon. En signe de soumission, il offre les
produits du désert, du kohl. un bouquetin et une
gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec
!i ci rémonia] usité pour les personnages de distinc-
tion. Ceci se passait sous la XIIe dynastie, en l'an VI
d'Osorlésen 11. avant la venue d'Abraham en Egypte.
Cf. Newberry, Beni-Hasan, part. i. pi. xxxi. xxxvm et
p. 69 (Mémoire i de VArchteological Survey
3» Abraham avait une raison de plus d'être bien
traité : il .tait accompagné de Sara. 'remarquable par sa
beauté, et qu'il faisait passer pour sa sœur. Les sujets
du Pharaon en préviennent aussitôt leur maître. Et
Sara enlevée est placée dans le harem royal. EnÉgypte,
comme dans tout l'Orient, le roi. outre l'épouse prin-
cipale, avait un harem où il s'arrogeait le droit (l'in-
troduire toute femme libre a sa convenance. Un grand
officier en était le gouverneur. Il avait sous lui un
scribe et divers fonctionnaires. Cl". Erman, Aegypten
und âgyplisches Leben, ''lit. anglaise, p. 74. Tout ce
monde était attentif à prévenir les désirs et les passions
de leur seigneur, comme les courtisans du
deua Frères. Une boucle de cheveux parfumés a été
apportée par le Nil. Les scribes et les sorciers s'écrièrent
aussitôt : « Cette boucle de cheveux appartient à une
fille de Phra-Armachis qui a en elle l'essence de tous les
dieux! » Des messagers à la hâte se mettent en cam-
pagne et l'on amené la personne que le Pharaon salue
grande favorite. Maspero, Les coules populaires de
ne Egypte, 3« ('dit. (1905), p. 13-1 4. Mais les
préférences des Égyptiens allèrent de tout temps aux
filles de l'Asie. Dans l'Ostracon 2262 du Louvre nous
voyons le prince Samentou, fils de Ramsès II. accepter
dans son harem une Bile sémite de basse naissance,
t suivant une ancienne coutume pratiquée par les Pha-
raons comme par les sujets. Spiegelberg, Ostraca
hiératiques i re, dans Recueil des travaux,
t. xvi, 1894, p. Si 65. Les roitelets syriens pour se faire
bien venir du Pharj sous la XVIII» dynastie, ne man-
quent pas de le pourvoir de le tes esclaves el se pré
valent du pi isent. C'est ainsi qu'Abkhiba de Ji rusalem
rappelle qu'il a envoyé au Pharaon vingt et une esclaves.
Winckler, Die Thontafeln von Tell-elrAmarna, n. 181,
[i 309. Aménophis II admit dans son harem au moins
trois princesses sémite-, dent rime, comme suite,
n'amena pas moins de dois cent dix-sepl com]
choisies. Pétrie, .1 history of Egypt, t. il, 3' édit.,
1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que l'on pour-
i ni multiplier, suffisent à prouver que l'enlèvement de
Sara était un geste vraimenl pharaonique. On sail ce
qui en résulta. - 1 t Pharaon appela Abraham el lui
dii : Qu'est-ce que tu as l'ait'.' Pourquoi ne m'as-tu pas
oir que c'étail la femme 1 Pour quel motif m'as-
tu dit qu'elle était la sœur, de telle sorte qu
pour femmef » Gen., xn, 18-19. Il semble que les
grandes plaies dent Dieu frappa le Pharaon à cause de
Sara aient réveilli dans so mr la crainte de l'adul-
tère. Tout (P l'uni avâil en effel à ré] Ire à ses juges
sur cei article el la porte du séjour des dieux lui i tail
fermée s'il ue pouvait due ; Je n'ai pas eu con
avec une femme mariée. Pierret, Le I
des anciens Égyptiens, c. i \xv. p. 374.
i- Sara fui donc rendue à Vbraham et celui-ci avec
tous ses bien- ei les |u'. isents qu'il avail e u remonta
vers la région méridionale... I t il était très t ii
possédait beaucoup d or el d argent. » Gen., xm. I. 2.
i ei or ne lui renail pas delà terre de Chanaan qui
n'en produisait pas. ni;u- de l.i munificence du PI
De tout temps l'or abonda en Egypte apporté parles
Nomades, et le Pharaon en était l'unique dispensateur.
Il \ abonda surtout à partir de la XII" dynastie lorsque
les limites de l'empire lurent reportées par la conquête
à la seconde cataracte, jusqu'à Semnéh, et que les
districts de l'or furent ouverts aux expéditions annuelles.
Nous apprenons par la tombe d'Améni que cet officier
dirigea deux expéditions aux mines de l'Etbaye, suivi la
première fois d'une escorte de quatre cents, la seconde
fois de six cents hommes. A chaque fois il ramena au "
Pharaon Osorlésen l" tout l'or qui lui avait été
demandée Newberry, loc. cit., pi. vin, p. 21-26. Au
retour d'une de ses campagnes en Nubie, Osortésen
III délégua à Abydos son trésorier Ichernefret pour
orner le sanctuaire d Osiris, ses barques et tout le mobi-
lier avec l'or rapporté. Stèle 1204 de Berlin, publiée
par 11. Schaefer, dan- les Untersuchungen :«<■ Ge~
schichte und Alterlhumskunde Aegyptens de Sethe,
t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux trésors découverts
à Dahchour par M. de Morgan confirment cette abon-
dance de l'or sous la Xlb dynastie Fouilles à Dahchour,
1894, pi. xv-\.\v et p. 60-72; Fouilles à Dahchour, 1894-
1895, pi. v-siii et p. 51 53, 58 65, 67-68. Sous la XVIII'
dynastie celte richesse excitera Vauri sacra fanu* des
roitelets syriens. 11 leur faut de l'or, de l'or pur, ils y
reviennent sans cesse dans leur correspondance. Que
mon frère, écrit l'un d'eux à Aménophis III. m'envoie
de l'or en grande quantité, sans mesure; qu'il m'en
envoie plus qu'il n'a fait à mon père. Cardans la tene
de mon frère l'or est aussi commun que la poussière. »
Winckler, loc. cit., n. 25.
Quant à l'objection tirée de la présence du chameau
parmi les dons du Pharaon à Abraham, voir CHAMEAU,
t. n, col. 524-525. Ajoutons que les études et les fouilles
récentes confirment sur ce point les données de la Bible.
Le musée de Berlin possède un vase en terre cuite re-
utant un chameau accroupi, chargé de quatre
ne e( m,, nt,'. par si n conducteur. Von Bissing, Zur
Geschichte des Kamei \s, dans la Zeilschrift /'■
Sprache, t. xxxvm, 1900, p. 68-69, esti |ue eel objel
re nte aux dernier- Ramessides, 1100-1000 avant J.-C.
rs Pétrie, dans ses fouilles de !!K)7, '.'*':<
/,'i/e/i, p. 23, ,i trouvé aux environs d'Assiout, dans une
tombe de la XIX' dynastie, la représenlation bien au-
thentique d'un chameau. Le même FHnders Pétrie,
Ibydos, part, n, 1903, pi. x. u. 224 et |>. 27. 19 (Mé-
moire xxiv de V Egypt Exploration Fund) avail déjà
trouvé en Abydos une tète de chameau en terre cuite,
contemporaine des ol i< i- de la P dyn
C. Lagier.
3. PHARAON DE JOSEPH. - 1 lai admettant, connue
on le l'ail généralement aujourd'hui, que l'Exode eut
lieu dans les premières années de Menephtah qui com-
mença de régner vers 1225, et en ajoutant à ce chiffre
les i:m m- que le- Hébreux passèrent en Egypte,
l sod., su, M), nous obtenons la date approximative de
1655, époque de leur arrivé,- dans la terre de Gessen,
époque aussi d - Hyksos égy| tianisés, mais à leur dé-
clin. Cela e erde avec la tradition. Jean d'Antioche,
fragm., fragm. :n>. édit. Didot, t. îv,
p 555. i h', parmi les derniers rois Hyksos, XVIe ou
Wll dynastie, se trouvenl les Vpapi, et c'esl précisé-
ment sous un Apapi, d'après la tradition encore, que
h devint vizir d'Egypte : ~/-:-;o-j->: t..-.:... :™ teràpTip
stei trjç ,^™:li; DCJtoî A -<•'-■.:) rôv 'Itoar.i èXSeïv :'::
\ev-T.,, SoÛXov. OÙTOJ y.-x-.il-.r^l tôv 'IcoOïjÇ xÛplOV
\\-'.--.vj xai Itâarfi -.'c,: ^i:);:i: ï'-toC t» iÇ' ï-.i: Tf,;
àpKîjC aùtoO. Sym I ■■,.■. édit. Dindorf,
1829, p. 204. L'un des Apapi, peut-être id
donc le Pharaon d< Joseph. Voir Joseph, t. m. col. 1657,
Contre ce calcul on a invoqué la stèle de Menephtah;
Voir Menephtah, t. n. col. 956-957. En l'an V de M*
liephtah, disent quelques un-, le- Hébreux -, et en
Palestii u Us -e trouvenl en conllit avec le- Égyp-
tiens, ce qui permet à Menephtah d'affirmer qu' i Israël
est déraciné': qu'il n'y en a plu- de graine ou de
postérité ». W. Mûlli t I 3688; Steindorff,
197
PHARAON DE JOSEPH
198
Zeitschrift fiirdie Alttestamentliehe Wissenschaft,t. xv.
1896, p. 330, etc. A cela on a fait deux réponses princi-
pales : — a) Les troupes de Ménephlali, si tant est qu'elles
poussèrent jusqu'en Palestine, purent y trouver des
Israélites, mais non ceux de l'Exode. Jacob en effel des-
cendit en Egypte seulement avec ses fils et leur famille,
au nombre de soixante-dix personnes, Gen., xi.vi. -27;
mais une partie de la tribu, de cette tribu qui avait
déjà fourni à Abraham trois cent dix-huit hommes pour
combattre Cbodorlahomor, Gen., xiv. 11, resta au pays.
D'autres Israélites durent revenir dans l'intervalle. Tout
ce monde campait dans la région d'Hébron. autour du
tombeau d'Abraham où Joseph avait ramené le corps de
son père. Gen., i., 13. Pendant que les Israélites de
Gessen poursuivaient leur marche au désert, c'est dans
ce lieu de ralliement des groupes épars que Menephtah
put écraser les Hébreux restés dans le pays ou revenus
pte soit après la lin de la disette, soit lors du
voyage de Joseph, soit à d'autres époques. Cf. Daressy,
Bévue archéologique, 3" série. 1898, t. xxxm. p. 262-
266. — 6) « Il me semble, dit Edouard Xaville, que nous
avons là une allusion très courte au fait que l'Exode a
eu lieu, » que nous avons aussi « la version égyptienne,
ou plutôt le nom que les Égyptiens donnaient à cet
36. — Anneau (sceau portant le nom d'Apapi I", le 9 bon-roi
Aaouserra, donnant la vie d. Le chaton, en stéatile vernissée
de vert, est taillé en forme de scarabée avec une tête d'homme,
et sertie dans une légère monture d'or. Sur la base du chaton
en intaille et dans un cartouche le nom du roi. In
lii d'or fixe le chaton à la monture. D'après Newbi rr
-pice.
événement : l'anéantissement des Israélites. le ne vois
rien là qui aille à rencontre de l'ancienne idée qui
plaçait l'Exode au commencemeni du règne de Me-
nephtah, c'est-à-dire peu avant le moment où la stèle a
Israélites étaient dans le désert mar-
chant vers la Terre Promise... Pour les Égyptiens ils
n'existaient plus, ils avaient disparu dans le déserl el
ils n avaient laissé den ière eux aucune postérité-. Cette
explication me semble en harmonie avec le langage
habituel des Pharaons. Dans la bouche du roi d'Egypte
ou de ses écrivains officiels, la sortie des Israélites ne
pouvait être que leur destruction». Lesdernières lignes
de la stèle mentionnant les Israélites, dans 1;
des travaux, t. x\, 1898, p. 37. Cf. fi
t. ix, 1900, p. 111. Le Pharaon de Joseph était
donc probablement Apapi II (lig. 36). Qu'il soit égyp-
. il le montre par sa manière de faire. "" En
•_ Ce pharaon célèbre le jour de sa naissance. Gen., xl,
20. Les théogamies des temples, expression d'une tra-
dition antique et commune à tous les Pharaons, nous
disent de reste qu'un pareil jour devait être tout à la
joie. Ne rappelait-il pas le jour où les déesses accou-
cheuses avaient reçu dans leurs bras le pharaon
l'oauf ». le dit n nouveau-né, et l'avaient présenté à son
père selon le sang, Ra ou Arnon, tout le ciel étant
dans la jubilation ? Cf. A. Moret, hu caractère religieux
de la royauté pharaonique, 1902, p. 48-55, 66-67;
Prisse d'Avennes. Monuments de l'Egypte, pi. xxi,
lig. 3-4. Les Ptolémées, gardiens des croyances et des
coutumes pharaoniques, fêleront de même « le jour de
la naissance du dieu bon » Épiphane, Pierre de Ro-
sette, texte hiérogl. lig. 10, « la fête de la nouvelle
année — za yevéOXta — de Sa Majesté, » le dieu Éver-
gète I". Décret de Canope, lig. 3. Et ces jours solennels
sont une occasion de faveurs pour leurs sujets, Pierre
de Rosette, lig. 47. comme pour l'échanson du Pha-
raon de Joseph, Gen , xl, 21, comme pour les prison-
niers à l'avènement de Ramsès IV, Maspero, Notes sur
quelques points de grammaire et d'histoire, dans
Recueil des travaux, t. n. 1880, p. 115-117, ou ceux de
la Pierre de Rosette, lig. 1 i. Ce dernier passage semble
>, v
37. — Amënothès, architecte sous Aménophis III, célèbre surtout
dans la science des formules magiques et dqf ce chef devenu
plus tard dieu ptolémaïque. Il était à ce double titre conseiller
de son maître. — Musée du Caire. — Découvert à Karnal par
M. Legrain en 1901.
exclure des faveurs certains coupables. Le grand pane-
tier devait avoir à se reprocher un grand crime, car le
Pharaon le condamne à la décapitation, comme Horem-
heb plus tard, à côté d'autres criminels châtiés moins
sévèrement, condamnera au même supplice le receveur
qui avait enlevé à un homme de peine la barque et le
chargement qu'il convoyait pour le service d'un maître.
Revue égyptologique, t. vin, 1898, p. 120-121. Puis,
en exemple, on suspendit à un gibet le cadavre du
panelier, Gen., xl, 19, 22, comme fera Aménophis II
pour sept chefs syriens révoltés, tués de sa main,
et suspendus l'un aux murs de Napata, les autres
aux murs de Thèbes. Maspero, Histoire ancû
t. n, p. 292. Cf. Capart, Note sur la décapitation
en Egypte, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache,
t. xxxvt. 1N98, p. 125-126. Sur les plus anciens monu-
ments de l'Egypte se trouvent des exemples de décapita-
199
PHARAON DE JOSEPH
200
lion. Quibell, [Hierakonpolis, part. i. 1900, pi. xxix.
3« Deux ans après, le pharaon cul le double songe des
sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des
sept épis pleins et des sept épis desséchés. L'esprit
<< frappé », il convoque ses conseillers, comme cela
arrive dans toutes les grandes circonstances : les sages
et les magiciens. Gen., xli, 1-8. C'est ainsi qu'Osorté-
sen Ier, songeant à reconstruire le Temple dlléliopolis.
assemble son conseil et expose son plan que tous
approuvent. L. Stern, Urkunde ûber den JSau des
Sonnentempels :u On, pi. i, lig. 1-17, dans Zeitschrift
fur àg. Sp. t. xil, 1874, p. 85 sq. C'est ainsi encore
que Ramsès II, d'après là stèle de Kouhan, sollicité
d'assurer l'eau aux caravanes des mines d'or, s'inspire
de ses conseillers pour la construction de nouvelles
citernes. Prisse d'Avennes, loc. cil., pi. xxi. Si le cas
étail ardu, ce n'était plus seulement les sages ou
hakamim qu'on appelai! en délibération, mais aussi les
magiciens ou hartumim. Voir Divination, t. Il, col. 1443-
lii'ï ; MAGIE, t. rv, col. 563. « La sorcellerie avait sa place
dans la vie courante aussi bien que la guerre, le com-
merce, la littérature, les métiers qu'on exerçait, les di-
vertissements qu'on prenait... Le prêtre était un magi-
cien... Pharaon en avait toujours plusieurs à côté de lui...
efqui étaient ses sorciers attitrés, i Maspero, Lescontes,
préface, p. xlvi. Ils possédaient les secrets de Thot, gar-
daient soigneusement les écrits hermétiques par lesquels
ils avaient puissance sur la nature. Cf. Maspero, loc. cit.,
p. 102-103, et Histoire ancienne, I. i. p. 145-146, 279-280.
Ce sont ces mêmes conseillers, sages ou devins (lig. 37),
dont le prophète raillera plus tard l'impuissance à
sauver le pharaon et l'r.gyple des Assyriens. Is.. xix
11-13. Le pharaon de Joseph ne fit donc, en convo-
quant les sorciers, qu'agir suivant la pratique courante.
C'est, d'après la tradition, ce même Apapi qui ayant
construit un temple à Soutek rêva d'imposer aux Thé-
bains le culte de son dieu. Les grands ou sages ne
purent lui dire quel moyen employer, tandis que le
collège des devins et des scribes trouva un expédient
qui lui plut. Maspero, Les contes, p. 238-242. Mais cette
fois les devins furent impuissants à résoudre le cas.
4" L'échanson rétabli dans sa charge se souvinl alors
de Joseph qui expliqua le double songe. « Puisque
Dieu t'a montré tout ce que tu as dit, lu seras établi
sur ma maison et au commandement de ta bouche
tout le peuple obéira, je ne serai plus grand que toi
que par mon trône, » ditle Pharaon à Joseph, tien., xli.
39-40. Le fait d'appeler Joseph à une si grande charge
n'a rien que de très naturel de la part d'un roi
Hyksos, puisque sous les dynasties indigènes la même
I ,] sepréS' ute. AlacourdeMénephtah, leChananécn
Ben-Matana est le premier porte-parole du Pharaon. Ma-
riette, Abydos, t. il, pi. l; Catalogue général des monu-
ments d'Abydos, p. 422, n. 1145. Nésamon et Néferka-
ram-per-Amon, sous leurs noms égyptianisés, sont deux
esclaves arrivés à être l'un, surintendant des domaines
d'Amon-Ba, l'autre, procureur du Pharaon, Papyrus Ab-
bot, pi. iv et passim. Ce qui avait lieu pour des esclaves
pouvait à plus forte raison avoir lieu pour des étrangers
de marque. A la cour de ïhèbes, sous la X VHP dynas-
tie, étaient élevés à l'égyptienne et comblés d'honneurs
les fils des princes syriens, qu'on renvoyait ensuite i
l'occasion commander dans leur pays. Mariette, Karnak,
pi. XVII. Un chef de Gaza, Yabitiri, avait été conduit
tout jeune en fcgypte par un inspecteur égyptien. » Je
m'attachai au roi mon maître, écrit Yabitiri au Pharaon
et je demeurai à la porte du roi mon maître... Le joug
du roi mon maître est à mon cou et je le porterai. ■
Winckler, Die Thonlafeln von Tell el-Amarna, n. 211.
Ce sera plus tard le cas de lladad l'Iduméen «lui, nous
l'avons vu, épousa la sœur de la reine el dont le fils
lut élevé parmi les princes du sang. Jéroboam sera
accueilli de même par Sésac. III Reg., XI, 40.
5° Quand la Bible fait dire à Joseph par le Pharaon :
« De ta bouche dépendra tout mon peuple, » elle ne
fait que traduire un titre égyptien "^ ▼ " .ra-heri
ou ro-hevi, « bouche supérieure. » Le fonctionnaire
qui portait ce titre était le premier intermédiaire entre
les fonctionnaires et le Pharaon : toutes les affaires
passaient par lui. Un certain Rahotep était « la bou-
che du roi de la Haute-Egypte et l'oracle du roi de
la Basse-Egypte ». Brugsch, Wôrlerbuch, t. vi. p. 671.
Tenouna de la XVIII" dynastie s'intitule « grande bou-
che supérieure du pays tout entier », Id., Recueil des
monuments, pi. lxvi a. Avant d'être roi, Ramsès 111
fut élevé par son père à la dignité de « grande bouche
supérieure de tous les pays d'Egypte ». Chabas, Re-
sp^lSUâ^s!
M1
38. _ Tradition du sceau. — Au nom de Toutankhainon, le (;rand
chancelier remet au prince Houi le sceau de gouverneur ou
vice-roi d'Ethiopie. XVIII" dynastie. L'inscription se traduit :
a Remise du sceau de la dignité de royal lits par te grand
chancelier, afin que prospère la dignité du. royal fils de Kj asch
Houi. » (Son commandement) va de Nekhen (El-Kalo i Kerl
(Djebel Barkal).— D'après Newberry, Scarabs, pi. II. I ■ ■ a-
neau et son chaton sont colorés en jaune pour indiquer qu'ils
sont en or. Les deux | ersonnages portent la relie de lin lin.
Tombe de Ileiii à Thebes. Colline de Kcuinet alourai, près du
petit temple de l'eir el-Medinet.
,hrrrl,es sur la XIX' dynastie p. 14, 27. Mais cette
fonction n'entraînai! pas nécessairement avec elle celle
de vizir. Même dans le Papyrus Hood-Wilbour, lig 14,
elle ne vient qu'après la fonction de maréchal de la
cour. Cf. Maspero. Éludes égyptiennes, t. n, p. 25-36.
C'est pourquoi après avoir établi Joseph sur toute sa
maison, le Pharaon qui veut faire mieux encore dit de
nouveau : « Voici que je t'ai établi sur toute la tare
d'Egypte. » Et en même temps il lui fait la tradition
du sceau royal et de la robe de fin lin que mus
voyons portée par Bekhmara, vizir de Thotbmès III,
dans l'exercice de ses fonctions. Chez Newberry, The
life of Rehhmara, pi. xu, Rekhmara est assis dans
la longue robe de vizir; pi. xu et xxm, il fail BCel-
ler les provisions du temple d'Amoii, et il noir, dit,
pi. XVII, lig. 3. (lue lui-même il scelle de son sceau les
portes du Trésor. Dans une tombe thébaine, Toutan-
khamon nommait Houi à la dignité de \ice-roi de Chus
201
PHARAON DE JOSEPH
202
et lui remettait en grande pompe le sceau royal sous la
forme d'un anneau d'or massif (lig. 38). Joseph reçoit
de plus un collier d'or. Voir Collier, t. h. fig. 308,
col. SoT. C'était la récompense royale par excellence.
La scène se reproduit souvent dans les tombeaux des
grands fonctionnaires et les inscriptions ne manquent
pas de noter le nombre de fois que le Pharaon gratifia
de la sorte le défunt. Ahmès d'El-Kab, le bras droit de
son homonyme Ahmès Ier dans l'expulsion définitive
des Hyksos. reçut jusqu'à sept fois l'or de la vaillance.
E. de Rougé, Mémoire sur le tombeau d'Ahmès, 1819,
p. 61. Il suffira de renvoyer à Newberry, Rock Tombs
of el-Amama, part, ri, 1905, pi. xxxm et p. 36-37
(Mémoire xiv de l'Archeological Survey), où Mérira est
aujourd'hui encore les sais des équipages cairotes.
Cf. en particulier Newberry, The rock tombs of el-
Amarna, loc. cit., pi. xm, xv, xvi, xvn, où Khounaton
sur son char est suivi de la reine et de ses filles éga-
lement sur leurs chars. — Sur abrek, du héraut de
Joseph, cf. Spiegelberg, Aegyptologische Randglossen
zum Allen Testament, 1904, p. 14-18, et voir Abrek,
t. i, col. 90; sur le nom donné à Joseph, voir Çafnat
Pa'néah. En changeant le nom de Joseph, le Pharaon
se conformait à une coutume égyptienne. Plus haut
nous avons déjà rencontré portant des noms égyptiens
plusieurs étrangers. Un certain Sarebibina, grand-
prêtre d'Amon et prêtre de Baal et d'Astarté, sous Amé-
nophis IV, s'appelait en égyptien Abat. Lepsius, Denk-
— Triomphe d'Aménophis III. Stèle découverte dans le temple funéraire de Ménephtah. Musée du Caire 1377. — Le tableau est
double. La partie de gauche, incomplète ici, monU'e le pharaon sur son char marchant sur les Syriens. — La partie de droite est
complète : le pharaon foule sous son char les vils Éthiopiens dont les chef» sont liés sur les chevaux. En légende, on lit :
I Dieu bon) maître du glaive, puissant à les enchaîner ises ennemis du Sud); détruisant la race de la vile Kous, ame-
nant leurs chefs en prisonni ers vivants, o
accablé d'or littéralement, et à la stèle C i23 du Louvre
où Séti I« de son balcon tend les mains vers son favori
Horkhem pendant qu'on passe au cou de celui-ci le
collier d'or. Cf. Vigouroux, La Bible et les décou-
vertes modernes, 6e édit. t. n, p. 128-129.
6° Il fallait que le peuple qui devait obéir à Joseph
connût aussi son élévation, et c'est pourquoi Pharaon
le fait monter sur son second char. Gen., xli, 43. Ce
n'était plus la litière des anciens temps portée à épaules
d'hommes ou assujettie entre deux ânes, mais le vrai
char asiatique introduit en Egypte avec le cheval par
les Ihksos. ,\ partir de cette époque les monuments re-
présentent partout le Pharaon paradant, combattant et
triomphant sur un char enlevé par de grands chevaux
(lig. 39). 11 en est de même pour les hauts fonction-
naires. Naturellement la hiérarchie des chars suivait la
hiérarchie des personnages, et comme Joseph était
éiair.i le premier après le roi, il devait marcher immé-
diatement après lui. Cf. lleyes, Bibel und Aegypten,
i p. 250-253, r.ràce aux tombes de Tell el-Amarna,
il n'est pas difficile de reconstituer Pharaon sur s. m
char et son cortège, s'avançant au vent des grands éven-
tails, précédé de ses coureurs que nous rappellent
mâlerausAegyptenundAethiopien, publiés parNaville,
Sethe et Borchardt, t. i, p. 16-17. Un chef des orfèvres,
Kertana, devint Nefer-renpit. Naville, Das âgyptische
Totenbuch der 18-20 Dynastie, 1886, Introduction
p. 64. Ben-Matana, que nous connaissons, fut pour
tous les Égyptiens Ramsès-m-per-ra, « Ratnsès dans le
temple de Ha » avec le surnom de Mer-on « aimé
d'Héliopolis ». La princesse héthéenne qu'épousa Ram-
sès II ne nous est connue que par le nom égyptien
que lui imposa le Pharaon : Our-ma-neferou-ra, « la
grande qui voit les beautés de Ra ». Maspero, Histoire
ancienne, t. n, p. 405-406.
7 Quant au mariage de Joseph avec une lille d'un
prêtre d'Héliopolis, il était des plus honorables. Le
sacerdoce d'Héliopolis occupait l'un des premiers rangs
par son antiquité et par la qualité de son dieu. A défaut
de ses filles, le Pharaon alliait ses favoris à des filles
de prêtre. Lui-même ne croyait pas déroger en choisis-
sant parmi elles son épouse principale. La femme
d'Amasis, la mère de Psammétique 111, 'lait île race
sai erdotale. Wiedemann, AegyptischeGeschichte, 1880,
p. 659.
8° On ne pouvait entrer en Egypte ou en sortir sans
PHARAON DE JOSEPH - PHARATHON
203
l'assentiment du Pharaon. Aux immigrants autorisés i
ablir était assignée la place qu'ils devaient habiter.
Nous avons vu les Ainou du tombeau de Khnumhotep
demandera se Dxer en Egypte. Mes Schasou au temps
de Menephtah ne pénètrent avec leurs troupeaux dans
les pâturages laissés libres par le dépari des Hébreux
qu'avec l'autorisation des gardes qui veillaient à la
iv, et aussitôl le Pharaon en est prévenu. Ana*-
tati VI, pi. VI, î. Halls le traité entre le roi liéll,. ,n
Khéta ar et Elamsés 11, les contractants s'engageaient
réciproquement à s.- rendre les transfuges. Lig. 22 25,
dans Record» 0/ thepast, l" série, t. rv, p. 30. L'Egyp-
tien Sinouhit réfugié chei les tribus voisines du Sinal
ne peut rentrer en Egypte que sur l'invitation du Pha-
raon alors régnant. Maspero, Les contes, p. -l-.:i. Nous
ne sommes donc pas surpris de voir le Pharaon de
Josi pli autoriser Jacob et sa famille à demeurer en
Egypte el leur désigner un territoire, Gen . xlyii, l 6,
pas plus que nous ne serons surpris de voir Menephtah
résistei au dépari des Israélites jusqu'à la dixième
plaie. C. Lagieb
\. PHARAON DE L' OPPRESSION . ExOd., I,
m. etc. Voir RamsI - II.
204
5. PHARAON DE L'EXoDE.
col. 955-8
Voir MENEPHTAH, t. 1\.
<>. pharaon (fille du). 1 Par., tv, 18. Dans une
généalogie, il est question d'une Bile de Pharaon : Hi
autem filii Belhim filiss Pharaonis que ■ Me-
red, Mered avail peul être rendu de grands suai.', s au
Pharaon Dan I histoire de l'Egypte, il n'est pas rare
de voir le roi récompenser ses serviteurs en les mariant
,i l'une de ses nombreuses Biles. Bethta Berait-elle un»
Bile ■!.' Ramsès II ? Convertie à s,,n mariage, elle aurail
reçu un nom nouveau, rvro, Bityah,* la fille de
\.di ... iiuiii d'autant plus auguste que s. m r..n
plu , i levé. Voir Bethia, t. t, col. 1686; Ji daïa, t. m,
Col. ITTS; Ml RED, t. [V, Col. 996
7. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE DAVID. -
Quand l'armée de David battit les [duméens, A. Lui. de
i., race royale d'1 dom chercha un refuge auprès du
Pharaon. 111 Reg., m. 15-22. Ce Pharaon était probable-
ment P oui enm [I, Voir Adad 3, t. t, col. 166,
8. LE PHARAON BEAU-PÈRE DE SALOMON. - l 11
Pharaon donna è Salomon sa Bile en mariage. III Reg.,
m. I. Voir Su hm.in.
9. LE PHARAON DE JÉROBOAM ET DE ROBOAM.
— Voir Sesac. L'Écriture lui donne le titre de roi al
n m celui île Pharaon.
Kl. LE PHARAON ENNEMI O'ASA. Il 6S| appelé
g roi ^ i thiopie . H Par . uv, 9, mais il était sans
doute aussi roi d Egypte. Voir Zaba
11. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'OSEE, ROI
dmsrael. il est appelé roi d'Egypte. IV Reg., svn,
i \ oir Si »
12. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'EZECHIAS,
ennemi de Si nnachi ril Is xxxvi, 6. Voir f/HARAi i
13. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE JOSIAS.
Voii Nêciiao col
I '.. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE SÊDECIAS.
dont il est question dans li réml . t dans i
Voii t n, col. 1882. || t'
PHARATHON (hébreu : Pir'âfin ; Septante : *a-
i Irinus : *poa8civ), ville d'Êphraïm,
patrie du juye Abdon, lils .1111.1. où il fut enseveli.
,lud.. xii, 13-15. De là fut aussi Banalas, un des vaillants
i i . i di i armée de David. Il Reg., xxiii, 30; 1 I
xi, 31; xxvii, 11. Cette ville était bâtie sur la montagne
.1 Amal. e. Voir Asi.vi i:< . I. I, col. 127. Elle l'ut plus lard
fortifiée, munie de murs élevés, de portes et de serrures,
par Bacchide, général de l'armée d'Antochius. 1 Mach.,
ix, 50. Quelques commentateurs ont douté si la *apa-
. Machabées Alexandrin»» .-t Sinaiticus * :
<Pap«8iiv; Vulgate : Phara; Josèphe, Ant. ./«•'.. X.IIÏ,
i, 3 : *apaO<i) étail identique i la Pharathon
Juges, parce que les villes fortifiées par le général
syrien sonl attribuées à la Judée. Mais la pi
peut - interpréter différemment : Il bâtit des villes fortes
eD Judée et [en outre] les forteresses de Jéricho,
ou bien la Judi e est prise ici dans l acception plus géné-
rale qui lui .. été souvent attribuée de pays d Isi
Thamnata el Thopo (Taphua citées en ce pas
n'appartiennent pas non plus à la province de Judée.
Pharatha, d'après le rabbin Estôriha Parchi (xm siècle),
étail située à environ six heures de Sichem, à l'ouest
déclinant un peu au sud .'t appelée Fer'attS. i Caftor
ua-Phérach, .dit. Luncx, Jérusalem, 1897-1899, p
« -i aujourd'hui un petit village de moin
deux cents habitants, a douze kilomètres environ ■
l'ouest-sud-ouesl de Naplouse, l'ancienne Sichem. On
-, r.n.i.i, cette ville par doux sentiers escarpés, dif-
ficiles et formant de nombreux ,1 lou "1S
dont.' ces difficultés qui ont induit l'écrivain juif en
erreur sur la distani e réelle entre i deu
car on ne peul contester qu II ne désigne la mêmi
lité, Fer'atà s'élève sur une colline de 555 mèti
d'altitude ..n di bsus du niveau de la mer Médite!
elles pierres, régulii remenl taillées qui 1 on voit
dan- les murs des liai, dations modernes ou que
trouve éparsi - aux alentours, attestent que le villa
lui I, ,i i| n de rhamns d I phi iïm comme per t
de le croire l'ordredes villes procédant du sud au nord,
B accédé è une localité antique de quelque importance.
On rencontre aussi des sarcophages en pierre de
tyla rec el di s tombes antiques. A sept ou huit cents
au nord-est du village, un petit sanctuaire
musulman di dié à Vouély Abou-Djoud est i n grande
vénération dans le pays. L'identification d'Estôn repro-
duite par le rabbin Jos. Schwarx, Tebuoth ha-'Amz,
.dil. l.une/. Jérusalem, 1900, p. 187, a été adopl
tomson^euebiblischcForschungenin Polos !.
Berlin 1887, p. 175; Guérin, Samorie, t. n. P- 179-180,
el t.. plupart des palestinologues. Cl. R. Conder cepen-
danl identifie Far'alfà avec Éphra, Jud., vi, 11, et
propose de voir Pharathon dans Fir'aûn. The
Western Palestine, Mmmrs, t. n, p 16
104, Cf. Armstrong, Wilson el Conder, >
! in //,,■ Old Testament, Londres, 1887, p
l m, grand village de Bepl à huit .vois habi-
lants.situi à trois kilomètres au sud di m.sur
une des collines qui bordenl la plaine côtière méditer-
,,,.. s, ,n nom procède sans doute de la même
étymologie que Fi r'atd', mais tandis que celui-ci con-
la forme historique arabisée du nom de Fer'aton,
comme Anàfd, par exemple, celle de Anafdf, on
s'expliquerait dirflcilement comment contrairemenl au
fan |c plus constant dans la modification des noms
anciens en Palestine, ce serait le i intermédiaire qui
aurait disparu lout en laissant subsister la sOla .e
lin do on. La Chronique samaritaine (xu« siècle]
le nom de Fer'atà dans sa forme actuelle
el en rail remonter l'origine à l'époque
Suivanl .... récit légendaire, le lieu aurait été ainsi
I, , ,i,. |a racine fdra . parce que là, à loeei.le.it
du mont sacré de Garixiin, les Israélites dissidents par
a e
I-IIA r:ATirON - PHARISIENS
206
rapport à i i multipliés à
lin-: aux d'un arbre touffu ». Chron. sa-
marit., cb. .vu, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. H.
L. IIeidet.
PHARATHON1TE (hébreu ftajj Sep-
tante i 1 A 4apa$<d
rathon, l'n des juges d Israël, Abdon, Jud., mu, 13, 15,
et Banaîas, un des vaillants soldats de David, (1
ixiii, 30; I Par., Il, 31; cf. xxvii, 14, Phara
thon. Voir PnARATHON.
PHARES ite, de deux Israélites
qui ont .1 texte hébreu.
1. phares hébreu Pcré brèche : Septante :
'I'-jl-J.: . til- i|>- Jnda el de ; jumeau de
Zara Voir ThaMAR. Au me
nia le premier la main et la rage-femme j attacha
un til entra on frère, qui
fut appelé pour cela Phares, sorti) le premiei
xxxvni. :>> i lils sont donnés par :
de l'importance des droits d oits pa-
! donnés à Phares, car il est toujours
nommé le premier dan i Ien.,
xi.vi, 12; \ui,i.. xxvi, 20; I Par , n, l; Matth., i. 3. Ses
notants furent bénis d I m le souhait des
pares Ruth, iv. 12, i
brenx , Phares fut la ti royale de David
et l'ancêtre de Nol Matth., 1,3; Luc, m, 33.
La postérité de Juda forma qnati principale .
et Phares fui la souch |]i des
mites et i
Hesron et Hamul. Num., xxvi. 20. Les deux auti
de Juda ne furent chefs qo mille chacun, Séla
de ee desZaréi Num.,
SX', i. 20. I les descend mts de Phai
donnée. Ruth, i plus en détail,
I Par., h, 5, 9-m, 24, iptivité de Baby-
lone. de Juda, cendants de
Phares, les livres historiques de l'Ancien Testament
nous font connaître parmi les Pharésil
de David, Jesboam, I Par., rxvn, :;. ainsi que Joab et
.. tils :1e Sarvia, sœur de
I Par., ii. 16, qui . ai de Phares au
moins par | nommé nulle
part dans l'Écriture, lui i Zorobabel, 468 des
Bis fie Phares habitèreni II Esd., xi. Mi.
Cf. I Par., ix. '».
■i phapes hébreu : l- ante : *ap
premier no fils que Machir eut de Maacha. Il
était de la tribu de Hanassé. I Par., ii. 16.
3. PHARES, DD
écrits sur la muraille de la salle .lu festin de Daltassar.
Voir Baltassah ■>, t. i, col. [421-1422.
PHARÉSITES '<. bren hap-Parfî; Septante : 3rj[io<
ndants de PI
. I.
PHARIOA ix 57; Perûdâ ,
n, 55; Septante: 4>2p:3i, Ii : <7;<J>a8oupâ,
I Es<i., h, 55 . é|
Salornon < qui r : captivité d
en Pal . il. 1 Esd., n. 55; Il Esd-, ix.
'"
conformément à l'or' iriginal. Les
Vathinéens.
Voir N'athini.i.n-. t. iv, col.
PHARISIENS. — Tout ce que
nous — ou à peu prés — nous
phe, du Palmud el du Nou reau i e lament.
pai le ouvenl des pharisiens el le p i
qui sur ni onl surtout à étudii r : Bell, iud., II.
vm, Ii Anl jud., Mil, ■.. 9; XIII, \, 5-6; XVII.
n. 1; XVIII, i, 2-4; Viio, 2,38. !..■ portrail .pi.
doublement précieo -.. parce qu'il e i d'un
contem I nu homme qui fut quelque
Malheureu lement, i hi toi ien
juif, désireux d'être compri de ses lecteurs païens,
nous les présente cornu de philosophique, les
■ oile a i le roel eon it; lenl en oppo
sition avec le ladducéens el l< e éniens, qui seraienl
d'après lui des du mé un Ce
faites, le détail : qu il nou donne onl forl
instructifs el trouvent dans les laits leur confirmation,
Le i almud contient de noml lils mr le
iens, principalement dans leur eonl raste
il le vulgaire l am hâ ârès . ' '" trou-
i mi Schûrer, Geschichte des jùdischen i
2 i dil . i ii. Leipzig, 1898, p. 384-388, les t.
Mischna njet. Bien que la Mischna n'ail été
n .li ée i .n. h, Eal actuel que vers la lin du si
par Juda le Saint, beaucoup de parties lonl an-
térieure el supposent l'existence du temple. Ma
qu'il v .i dans le Talmud Mi chna, Ghemara et Mi-
.].■ plu . intéressant que le te i te particuliers,
e'c i i-' pril phari </.././.■ donl il esl imprégné d nu
boul i l'autre. Non seulement le Talmud esl l'œuvre
mais il peu ird • omme
mi.- ,-t 1 incarnation du ph u Les
m Nouveau I e I: ni au i pharis ien
■ les informations .pi elle nou
,.it le plus souvent qu'indirectes. Mais
tient un tel rôle dans l'histoil
lique -'i apostolique que cette source de ren
ni pour nous d'une '■* impoi ta m e.
.■.r.. de I I. ..i.. ile éclairent d'un
jour Ire-. \ il 1rs .1
fdles le ntaire et leur explication.
II. Les f OMS m Le mot «t pharisien
hébreu D'tfns, un araméen •■-■-:, étal empha-
tique swis, d'où vient L- grec 'Pxpiacdoi. C'esl donc
i de z-z. parai, • léparer s , ri la ieule
: oir si les pharisien ion! air ii appelés
parce qu'ils s'éloignent des choses impures, caj
ouillure légale, ou parce qu'il
. |e roi..:
.1 adopter le prem
é -;"-i ou r- . '
ni drs choses impures, I exemption de toute
ireté. Mais drs raisons plus puissantes milil I
i, : ns.D aboi d i éloignemenl d
iinpiii e ,, n. e iii menl loignemenl
st-â-dire de celles qui n'observent
relatives ai
contai Ensuite toute l'hi
nous les monti lire el foi
m.'. Enfin l" écrivain
ption. Cle
t. n, roi. 296 (les phari si
. . -, , ifiôfia . Ori ène, In Matth., \xiii,
2, t. xin. col. ltill dividunl [uasi melioi
rnultis... qui interpretantui \egregati); In
Matth., xxiii. u:;. t.xin, col. 1626; Ibid., xzin, 29, t. xm,
col. 163 :isi);
13, t.. xiv. col. 240 -
/■j.: axaa Ibid., xm, 54, t. xiv, col. 504
l.i lin du I)r i
teript., t. n. col. 61 a r ad-
. ... Cent.
hser., xvi, 1, t. xi.i. col. 249 . • Se *apM7*ÏM
',:u -', v ..: îtv«! xirtoiii ■/-•> zâ < '///'.>. j. S. .le-
207
PHARISIENS
208
ro Adv. Luciferian., 23, t. xxiii, col. 178 (Pharisaei
;i Judaeis divisi, propter quasdara observaliones super-
fluas, QOmen quoque a dissidio susceperunti: lu
Malth., xxn, 23, t. xxvi.col. 163 (unde et divisi vocaban-
tur a populo). Le Talmud donne de l'étymologie du
nom des pharisiens la même explication. On peut voir
les passages dans le Lexique de Buxtorf et la définition
des pharisiens dans VAruch. — Le sens du mot pha-
risien » étant « séparatiste », il n'est guère probable
que les pbarisiens eux-mêmes se soient donné ce nom ;
ils finirent par l'accepter; mais tout porte à croire qu'il
leur fut attribue d'abord par leurs adversaires. En effet,
selon toute apparence, les pbarisiens apparaissent pour
la première Ibis dans l'histoire sous le nom de D>"HDn,
Jfâsidim, « les hommes pieux », lors du soulèvement des
Mâcha bées. Le nom de pharisiens est encore relativemenl
rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux
fois), il est mis dans la bouche des sectes hostiles. En-
fin nous savons que les pbarisiens s'appelaient entre
eux onan, luthérint,- associés ou compagnons ». — Un
fait très digne de remarque et trop peu remarqué, c'esl la
synonymie apparente, dans le Nouveau Testament, entre
scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les
pharisiens sont très souvent nommés ensemble comme
une classe à part, mais ce qu'un Évangile attribue à
un pharisien est par un autre Évangile attribué à un
scribe ou réciproquement. C'est que, à l'époque néo-
testamentaire, les scribes appartenaient en général au
parti pharisien; aucun scribe sadducéen n'a laissé un
nom dans l'histoire et cela n'est pas pour surprendre,
car les sadducéens rejetant toute tradition, le métier de
scribe était chez eux presque réduit à rien. Tous les
pharisiens n'étaient pas scribes, puisqu'on distinguait,
même parmi les pharisiens, l'ignorant (îsinn) et le sa-
vant (rrn), mais à peu près tons les scribes étaient
T T
pbarisiens. Cependant les Évangélistes ont conscience
que les mots « scribes et « pharisiens o ne sont pas
pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils men-
tionnent les pharisiens à côté des scribes, Matth.,xn,38;
xv, 1; xxiii, 2. 13, 14, 15, 2:!. 25, 27. 29; Marc, vu, 1,
5; Luc, V, 21. 30; VI, 7; xi. 53; xv, 2; cL Àct., \. :'»i.
Ils signalent même quelquefois les scribes appartenant
au parti .pharisien, Marc, h, t; (ol ypa(i(iavEtç ;»■< <l>api-
Taii.wi; cf. Lue, v. 30. Saint Jean ne parle pas des
scribes, sauf une fois dans l'épisode de la femme adul-
tère, Mil. '.'<. Sainl Luc emploie le mot YpxiJ.ij.aTcJ; con-
curremment avec vrj'.xo: et vOjioSiSâffxa/tac. Voir Sctu-
BES el Saiuii CÉENS.
III. Historique. — 1° Origine des pharisiens. —
L'esprit de séparation, si caractéristique des pbarisiens,
commence à se manifester chez les Juifs revenus de
l'exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. lies cette
époque, la terminologie usitée dans la suite entre en
vigueur, quoique clan- un sens différent. Obéissant aux
exhortations d I sdras el de Néhémie, les Israélites dé
vols se séparenl des habitants du pays ('om hâ ârés),
c'est-à dire des païens ou des Juifs infidèles qui étaient
restés en Judée après la déportation. I Esd., vi, 21;
IX. I; \. Il; Il Esd., i\, 2. \. 29. Mais ks pharisiens
proprement diis, qui se séparent de la masse du peuple
trop peu zélée puni 1 observation rigoureuse de la loi,
ne remontent pas si haut. Leur première apparition a
lieu Un- île la grande persécution entreprise par les
H,i- de Syrie en vue d'helléniser la Palestine. Lu mon-
lanl sur le trône L75avanl J.-C), Ântiochus Épiphane
avait juré d'exterminer la religion juive, et il lui puissam-
ment secondé dans ce dessein par la lâcheté el l'ambition
d un certain nombre de personnages influents apparte-
nant an sacerdoce, entre autres les grands-prêtres
. surnommé Jason, el Ménélas. En 170, le monarque
ilège avail pénétré dans le lieu saint et enlevé le
i du Temple, l'eu de temps après il interd
circoncision, la célébration du sabbat, les sacrifice-, en
un mot tout le culte judaïque. Le 15 du mois de cas-
leu, un autel de Jupiter Olympien remplaça dans le
Temple l'autel de Jéhovah, et le 25 du même mois on y
immolait des victimes. Cette profanation fit éclater le
soulèvement des Machabées qui trouvèrent bientôt un
ferme appui dans un parti qui s'était formé un peu
auparavant pour résister à l'hellénisme et pour mainte-
nir intacte la religion mosaïque. Les Assidéens, a'TDn,
ol 'Airiôatoi, « les hommes pieux » — c'est ainsi qu'on
les nommait et qu'ils s'étaient peut-être nommés eux-
mêmes — sont les ancêtres des pharisiens ou pour
mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom près, des
pharisiens. Depuis Wellhausen, .Die Pharisâer tutti
die Sadducàer, Greifswald, 1874, p. 78-80. l'identitéesl
généralement admise. Cf. I Macli. i, 65-ti(>; H, 42: vu,
12-13; II Mach. xiv. G. Cohen, Les Pharisiens, t. i.
p. 10b', émet l'hypothèse que les assidéens, en dispa-
raissant, donnèrent naissance aux deux sectes des pha-
risiens et des esséniens : o Une fraction (les assid,
restant fidèle à la tradition naziréenne, se réfugia,
contre les orages de ces temps malheureux, dans un
ascétisme obstiné. L'autre fraction (les pharisiens) — et
ce fut la plus nombreuse — se séparant de ses frères
en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en
avanl d'un pas résolu, aspirant ouvertement i diriger
dans les voies nouvelles le judaïsme réformé. » Si l'ori-
gine assignée aux esséniens est très contestable, la
descendance des pbarisiens du vieux parti assidéen
semble établie.
2° Les pharisiens sous les Asmonéens. — C'est sous
le roi Jean Hyrcan' (135-105) que les pharisiens appa-
raissent pour la première fois dans l'histoire -eus la
dénomination de pbarisiens. Voici comment Josèphe,
Ant. jtttl., XIII, x, 5-6, raconte l'anecdote. Dans un
festin, où les principaux d'entre les pharisiens étaient
invités, le roi pria les convives de ne pas lui ménager
leurs conseils. Pendant que les autres se récriaient,
en exaltant à l'envi les \eiius du monarque, un des
assistants, nommé Éléazar, lui dit que ce qu'il aurait
de mieux à faire pour plaire à Dieu serait de se dé-
mettre du souverain pontifical. Comme le roi en de-
mandait la raison : « C'est, ajouta l'autre, qu'au rap-
port des anciens ta mère a été captive. » t'n saddu-
céen, présent à la scène, lui insinua alors que pour
sonder les véritables sentiments des pharisiens à son
égard il n'avait qu'à leur demander quel supplice mé-
ritait l'insolent. Tous opinèrent, non pas pour la mort,
mais pour la prison ou la peine du fouet; el le roi
jugeant par la qu'ils lui étaient hostiles et qu'ils pre-
naient secrètement parti pour le coupable, si' déclara
désormais contre eux et se jeta dans les bras îles sail-
ducéens. D'après le Talmud de Babylone le lait se
serait passé sous Alexandre Jannéi (104-76). Sur l'avis
d'un sailil ne, en du nom d'Éléazar, le roi au rail le ml de
vouloir se démettre du pontificat afin de savoir ce que
les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnanl
dans le .piège, lui aurai! dit : i O roi, i ontenle toi de la
couronne royale ei laisse la couronne de- pontifes aux
descendants d'Aaroii. A ces mots, Ali vanille .lannée
aurait l'ail mettre a morl iuns les pharisiens, l'es deux
mi dotes la dernière est certainement la plus invrai-
semblable. Voir I.. Montet, Le premier conflit entre
pharisiens et sadd u éens d'après trtjis documenté
orientai/.', Paris, issT. Ces récits légendaires peuvent
contenir un fond de vérité. Le- pharisiens d
raient pas voir de bon œil le- Asmonéens usurpei el
retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les
visées profanes et les ambitions m I -de Jean
Hyrcan n'étaient poinl pour leur plaire. Les cruautés
de Si S deux lil- el successeurs i aliats, Aristulmle
el Uexandre, n'étaienl pas non plus de nature à les
lier et ils avaient centre ces deux princes un grief
209
PHARISIENS
210
nouveau, celui d'avoir ajoute- à la qualité de pontife le
titre de roi que Jean IJyrcan n'avait pas osé prendre.
A la mort d'Alexandre Jannée, les pharisiens rentrèrent
en faveur. Ici encore il faut, dans le récit de Josèphe, j
faire la part de la légende, Sur le conseil du monarque
expirant, sa femme Alexandra se serait livrée aux
mains des pharisiens, leur permettant de réparer à leur
gré les injustices de son mari, sans épargner sa
mémoire ni même son cadavre. Touchés de ces
avances, les pharisiens auraient accordé au roi défunt
de magnifiques funérailles et pris sous leur protection
ses deux enfants Aristohule et Hyrean qui lui succé-
daient, celui-ci comme roi, celui-là comme pontife.
Ant. jud., XIII. xv. 5; xvi, 2; Bell, jud., I, v, 1-2.
Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirèrent
une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre
Janm'e s'était servi pour les persécuter. Les massacres
et les exils arbitraires leur aliénèrent bientôt lescœurs
et furent pour beaucoup dans la révolution qui fit pas-
ser le sceptre des mains d'Hyrcan II à celles d'Aristo-
bule et qui amenèrent, avec l'intervention de Pompée,
la perte de l'autonomie juive. Dans les temps troublés
qui suivirent on n'entend plus parler des pharisiens.
Ils rentrent en scène à l'avènement d'IIérode auquel
six mille d'entre eux refusent le serment de fidélité.
Frappés d'une forte amende et plusieurs même punis
de mort, ils restent en défaveur durant tout ce règne;
mais leur crédit auprès du peuple n'en devenait que
plus grand. Ant. jud., XVII, II, i. A partir d'ici les
pharisiens, grâce au Nouveau Testament et au Talmud,
apparaissent en pleine lumière historique ; mais toute
la période précédente est fort obscure, parce que les
pharisiens, qui par leurs scribes et leurs légistes se
trouvaient maîtres de la littérature, ont enseveli dans
un silence systématique la dynastie des Asmonéens.
Judas Machabée Ini-même est a peine nommé dans le
Talmud et l'on ne fait exception que pour le chef de
la famille Matathias. Voir Gaster. The Scroll of the
Hasmonxar.s(MegillathJBene Hashmunai), dans Trans-
actions of the ninth internat. Congress of Orienlalists,
t. H, Londres, 1893, p. 3-32.
IV. Doctrines des pharisiens. — 1° Les pharisiens
et les traditions. — Los pharisiens, dit Josèphe, se
faisaient remarquer par leur exacte interprétation de
la Loi, Bell, jud., II, vin, 14 : oî yi-z i/pië£:'a; Boxoûv-
tï; Èçïry et <r8ai -j. vo;x:eia. Cf. Yita, 38; Ant. jud., XVII,
H, 4. Nous le savions déjà par saint Paul qui s'ex-
prime presque dans les mêmes termes. Act., xxn, 3;
xxvi, 5; Phil.. m. 5. Mais ce qui les distinguait des
sadducéens, c'était l'admission de la tradition orale qui
interprétait et au besoin complétait la Loi, tandis quo
les sadducéens, en principe du moins, refusaient- de
rien reconnaître en dehors de la Loi écrite. Josèphe,
Ant. jud.. XIII, X, 6 : Nûp.tu.â Ttva -apé3o<7av T(T> cr^-M
o\ 'bapto-atot èx Tia7£paiv StaSoYrjç, arcep eux àvavéypaTï-rat
lv toîç Muvœéwç v<5u.oiç. Les Évangélistes mettent aussi
en relief ce caractère des pharisiens. Matth., xv, 2;
Marc, vu, 3. Le Talmud va jusqu'à dire qu'on est moins
coupable en allant contre la Thora qu'en rejetant les
pr- scriptions des scribes. Sanhédrin, xi. 3; cf. Abolh,
m, 1 1 ; v, 8. Repousser ces traditions c'était rompre
ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud-, XIII,
xvi. 2. Geiger, Sadducâer und Pharisâer, dans Jûd.
Zeilschrift, t. n, ISG3, est donc bien mal inspiré lors-
qu'il prétend que le pharisaïsme était l'image anticipée
du protestantisme. — Les traditions se divisaient en tra-
ditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques
[llagada). Voir MlDRASCH, t. iv, col. 1078-1079. Sur les
unes et sur les autres on peut consulter Schûrer, Ges-
clnchle des jiidischen Yolkes, 3e édit., t. m, 1898, p. 330-
350. Pour constater à quelles minuties puériles descen-
dait la casuistique des pharisiens, il n'y a qu'à parcourir
l'ouvrage de J. de.Pauly et Neviasky, Rituel du judaïsme,
Orléans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments pré-
parés par un païen. De la ruisselle d'un païen.
2" Les pharisiens et la théologie. — - Les pharisiens
et les sadducéens étaient en désaccord sur trois points
principaux : l'immortalité de l'àme, la résurrection des
justes et le libre arbitre. — .4) L'immortalité de l'âme.
— Les sadducéens étaient matérialistes : ils n'admet-
taient ni anges, ni esprits. Act., xxiii, 8. Ils affirmaient
que l'àme périt avec le corps. Josèphe, Bell, jud., II,
VIII, 14; Ant. jud., XVIII, I, 4: EaSSouxaîoiç ri; ■l-jyx;<j
).6yoç o-jvaçaviÇet toï; o-wpia'îtv. Les pharisiens au con-
traire étaient spiritualistes : ils admettaient la survi-
vance des âmes, celles des méchants comme celles des
bons. Josèphe, Ant. jud.. XVIII, i, 3: 'ABâvortov î^y/jv
taT; -{.oyat; ttitti; a-j-rot; £-.vït. — B) La résurrection
des justes. — Il est évident que pour les sadducéens il
ne pouvait être question de résurrection, puisque l'âme
ne survivait pas. Matth., xxn, 23; Marc.,xn, 18, Luc.,xx,
27; Act., xxiii, 8. Les pharisiens, de leur coté, ensei-
gnaient bien que les méchants sont punis dans l'autre
monde, mais ils réservaient aux justes seuls le privi-
lège de la résurrection. Josèphe exprime cela en
termes qui rappellent la métempsychose des platoni-
ciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell,
jud., II, vin, 14 : •V^yv/ tSo-av [ièv xçOccp-rov p.E-raëatvetv
Se et; erepov a'op.a TT|V àvaôùjv (j.ôvr,v, Ta; 5è :wv çoc'jXcov
àvôim Tijjuopïa xo).i"eo-8at. Mais ce texte est mis en lu-
mière par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui
présente le dogme de la résurrection sous un jour
orthodoxe, le seul qui cadrât avec les idées juives. —
C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josèphe
est des plus confuses, parce qu'il revêt les concepts
sémitiques d'une terminologie hellénique. A l'en croire,
les esséniens auraient fait tout dépendre du destin : les
sadducéens, tout rapporté au libre arbitre; les phari-
siens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud.,
XIII, V, 9 : Ttvà xai o-j Ttdtv-ra tîjç el^apu-évï); ep-fov etvat
).éyovaiv Ttvà S'èp' lau-raiç onàpY_erv ffuu.6atveiv te xa't p.r)
vi'iza'1%'.. Sans même parler de ce schématisme suspect,
la notion du destin est tellement contraire aux idées
sémitiques qu'il est difficile de deviner ce que Josèphe
a voulu dire. Peut-être se rapprocherait-on de la vérité
en remplaçant le destin par la grâce et le secours de
Dieu ou encore par la providence et la prédestination.
Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve,
Bell, jud., II, vin, 14 : eificcp(j.évï] te xai t'eû «posàn-
-ro-jfft rcàvTa, xai to jj.èv jrpàfTerv rà Sîxata xàl jj.ri xa-à
zh icXetorov eut Totç avpôumot; xei<r9ai, (ior^stv SE ei;
ï/.xn-0-i xai -r,'i £caap(x£vr)v. D'après cela, les esséniens
auraient été fatalistes ou mieux prédestinationistes, les
sadducéens auraient été rationalistes et précurseurs de
Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et
sauvegardé le libre arbitre de l'homme tout en recon-
naissant la nécessité du concours divin. Mais, encore
une fois, il convient de se défier de ce schématisme.
3° Les pharisiens et la ]>olitique. — Aux yeux des
pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils
jamais, à proprement parler, un parti politique. Les
assidéens, leurs ancêtres, s'étaient ralliés aux Macha-
bées aussi longtemps que l'indépendance de la patrie
fut une condition essentielle de la liberté religieuse.
Ce résultat obtenu, ils se retirèrent peu à peu de la
lutte et ne suivirent jamais les Asmonéens dans leurs
visées ambitieuses de domination et d'agrandissement.
Il n'est pourtant pas tout à fait exact de dire que les
pharisiens, par principe et comme parti religieux, tai-
saient abstraction de la politique. Il y eut toujours
parmi eux deux courants opposés : les uns acceptaient
le fait accompli et se soumettaient à la domination
étrangère, comme à un châtiment divin, aussi longtemps
que la liberté- religieuse leur était accordée, n'attendant
un sort meilleur que d'un événement providentiel; les
autres, regardant le joug de l'étranger comme essentiel-
211
PHARISIENS
212
lement contraire à la théocratie judaïque et aux privi-
lèges d'Israël, épiaient toutes les occasions de révolte
et comptaient parmi les zélotes les plus ardents. On vit
ces deux tendances rivales se manifester lors de l'avè-
nement d'Hérode et au moment du grand soulèvement
national de l'an 66 de notre ère.
Y. Lts PHARISIENS ET l'Évangile. — 1» Prélude aux
hostilités entre Jésus et les pharisiens. — A) Saint
Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les
pharisiens étaient les ennernis-nés de quiconque ga-
gnait l'estime ou les sympathies du peuple. Leur atti-
tude à l'égard du Baptiste fut une sourde défiance et
peut-être une hostilité déclarée. Pendant que toutes
les classes de la société accouraient en masse au Jour-
dain pour y recevoir le baptême du Précurseur, les
pharisiens et les sadducéens s'y rendaient aussi, mais
pour l'épier et le prendre en faute. C'est du moins
l'impression laissée par le récit de saint Matthieu rap-
portant les paroles sévères que leur adresse Xotre-Sei-
gneur, m, 7 : t Race de vipères, qui vous a enseigné à
fuir la colère imminente? Faites donc de dignes fruits
de pénitence. » Dans saint Luc, m, 7, ces paroles sont
adressées a la foule en général ; mais le premier Évan-
gile nous montre qu'elles visaient principalement les
pharisiens et les sadducéens. Nous ne voyons pas ce-
pendant qu'ils aient trempé dans le complot contre la
vie du Baptiste : les rancunes d'Hérode Antipas et la
haine d'Ilérodiade prévinrent leur vengeance.
/.' <>, njine du conflit entre Jésus et des pharisiens.
— Le solennel témoignage que Jean rendit à Jésus
dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens: mais il
n'était pas besoin de cela pour exciter leur antipathie.
Il- ne pouvaient manquer de s'apercevoir que la popu-
larité- du nouveau thaumaturge amoindrissait leui
influence et que sa doctrine était le contrepied de leur
enseignement. Le discours sur la montagne contii ut
déjà la condamnation de leur formalisme, v. 20 : i Je
vous le dis, si votre justice n'est pas plus abondante
que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez
pas dans le royaume des cieux. » L'autorité avec la-
quelle Jésus enseignait faisait l'admiration des foules
qui ne pouvaient s'empêcher de la mettre en contraste
avec la manière sournoise et embarrassée des scribes
et des pharisiens. Matth.. vu, 18-29: cf. .Marc. i. 22.
Ceux-ci avaient du remarquer dans tout le Sermon sur
la montagne, en particulier dans le parallèle entre
l'ancienne et la nouvelle loi. Matth., v. 17-48, un anta-
gonisme latent dirigé contre eux. et la déclaration de
qu'il n'était pas venu abolir la loi mais l'accom-
plir ou la compléter, n'était pas fruit- p m les rassurer,
nilit, désormais inévitable, éclata à l'occasion de la
guérison du paralytique. Avant de lui rendre la santé
du corps, Jésus lui avait dit : « Alun Mis. 1rs péchés te
sont remis. » Et les pharisiens présents de s'écrier
aussitôt : « Celui-là blasphème : qui peut remettre les
; i lieu seul? A la vérité, sainl Matthieu,
Vin, 3, et saint Marc, il, 6, ne mentionnent en cet endroit
que les scribes, mais sainl Luc nomme expressément les
scribes et les pharisiens, v. 21. on ce qui est pour lui la
chose les pharisiens et les docteurs de la loi
lâoxaXoi), et il ajoute qu'ils étaient venus de la
Galilée, de la Judée el de Jérusalem, v, 17. sans aucun
doute dans des vues malveillantes.
2» Lutte ouverte entre Jésus et les pharisiens. —
A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs princi-
paux -ont rapportés par les Synoptiques dans le même
ordre et rattachés aux mêmes circonstances extérieures;
mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux
derniers, divers événe nts, il n'est pas sûr que les
i ■■listes entendent marquer une succession chro-
que. a Premier grief: < les péchés.
La guérison du paralytique amena le premier conflit
entre Jésus et les pharisiens. Quand Jésus ditàl'infii
■ Confiance, mon tils, tes péchés te sont remis, » ils
s'écrièrent : « Celui-là blasphème ! et le miracle fait in-
continent par le Sauveur ne leur dessilla point les veux.
Matth., îx. 1-8: Marc. n. 1-12: Luc. v. 11-26. Saint'Mat-
thieu et saint Marc attribuent cette réflexion aux scribes ;
saint Luc. aux scribes et aux pharisiens : la variante
est sans importance. — b) Deuxième grief : fréquen-
tation des pécheurs. Peu de temps après, Jésus et ses
disciples assistaient au festin donné par saint Matthieu
récemment converti. Les pharisiens se scandalisèrent
de les voir en compagnie de païens et de publicains ;
mais Jésus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce
ne sont pas les hommes bien portants qui ont besoin
du médecin, mais les malades... Je suis venu appeler
les pécheur- [à la pénitence) et non pas les justes. »
Matth., ix. 9-13: Marc, n, 13-17; Luc. v, 27-32. Ici
saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens; les deux
autres Synoptiques nomment les pharisiens et les
scribes. Bans la même occasion, on fit un grief i Jésus
de ne pas jeûner, lui et ses disciples. Saint Matthieu,
il est vrai, IX, 11, attribue ce reproche aux disciples de
Jean-Baptiste; mais la manière dont le grief est for-
mulé montre que ces disciples de Jean-Baptiste étaient
de connivence avec les pharisiens ou qu'ils étaient pha-
risiens eux-mêmes. En effet, Marc. Il, 18, et Luc. v, 33,
mentionnent expressément les pharisiens. — c) Troi-
sième grief : violation </« sabbat. Il est très vraisem-
blable que les pharisiens, si pointilleux sur l'observa-
tion exacte du sabbat, incriminèrent souvent la con-
duite de Jésus. Les Synoptiques rapportent à ce sujet
deux faits caractéristiques, qu'ils racontent dans le
même ordre et à peu prés dans les mêmes tenue-. 1 n
jour de sabbat, les disciples traversant un champ di blé
presque rnùr arrachaient quelques épis pour apaiser leur
faim et les mangeaient après les avoir broyés dans leurs
doigts. Aussitôt les pharisiens de crier à la violation du
repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les
disciples cueillir quelques épis dans un champ étran-
ger — car l'usage et la Loi elle-même le permettaient
— mais de les voir préparer leur nourriture un jour
de sabbat, contrairement à leur absurde interprétation
de la Loi. Jésus leur répond qu'ils ne comprennent
rien à l'esprit de la législation : Misericordiam oola
et non sacrificium ; que la Loi n'est pas faite pour les
cas de nécessité, comme le prouve l'exemple de David
consommant les pains de proposition; que d'ailleurs
le I ils de l'Homme est maître du sabbat et peut en dis-
penser qui il veut. Matth., zii, 1-8; Marc., n. 23-28; Luc,
vi, 1-6. — L'autre fait met encore plus en relief l'aveugle
prévention des pharisiens. Jésus allai! guérir un |
I y tique : il lui suffisait pour cela d'une parole el
d'un acte de volonté. Or, les pharisiens s'indignaient
d'avancede cette prétendue violation du i Sau-
veur les confond en leur rappelant qu'ils n'hésitent
pas eux-mêmes à relever une brebis tombée dans un
fossé. Combien [dus est-il permis de soulager un
malheureux. Matth.. zii, 9-1 i : Marc, m, 1-6: Luc. vi.
6-11.
li) Les embûches des pharisiens. — Plusieurs fois les
pharisiens, soit seulssoit nnisaux sadducéens, essayé] i al
de prendre Jésus en défaut et de le faire tomber dans
un piège. Apres le miracle de la multiplication des sept
pains, ils lui demandent un signe du ciel ». Marc et
Matthieu noient expressément que c'était pour le
tenter t. Marc, \ ni. Il (jtEtpiÇovTe; otùrév); Matth.,
XVI, I. Jésus, qui accomplissait sous leurs yeux pr.
sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosité malveil-
lante et mil aussitôt en garde ses disciples contre
levain des pharisiens el d'Hérode ■ . comme parle Marc,
vin, 15, ou contre le levain îles pharisiens et des
sadducéens », comme s'exprime Matthieu, xvi. 6, ce
qui montre que les ennemis du Sauveur s'étaient déjà
coalisés. II?- esp i dent, si Jésus ne fai.-.dt pas droit à
213
PHARISIENS
214
leur requête, persuader aux foules que c'était un faux
prophète, incapable de prouver sa mission divine. — La
seconde embûche fut encore mieux tendue. Ils lui deman-
dèrent s'il était possible de renvoyer sa femme pour
n'importe que! motif. Ils étaient sûrs de sa réponse né-
gative et par conséquent assurés de le mettre en con-
tradiction avec la loi de Moïse qui avait autorisé le
divorce, Marc, x, 2-11; Matth., xix, 1-9; Jésus répéta
ce qu'il avait dit dans son sermon sur la montagne,
Matth., v, 31-32; cf. Luc, xvi, 18, rejetant la tolérance
du divorce sur l'imperfection de la loi mosaïque et sur
la dureté de cœur des Juifs. — La conspiration la mieux
ourdie fut cependant la troisième. Fallait-il ou non
payer le tribut à César? Matth., xxn, 15-22; Marc, xn,
13-17; Luc, xx, 20-26. En disant non. Jésus se posait
en adversaire de l'ordre de choses établi et devenait
criminel politique; en disant oui, il s'aliénait les sym-
pathies d'un grand nombre de ses auditeurs. On pourrait
deviner, alors même que saint Matthieu, xxn, 16, et
saint Marc, xn, 13, n'en feraient pas mention expresse,
que les partisans d'Hérode étaient ici de concert
avec les pharisiens. Mais les sadducéens eux-mêmes
n'étaient pas loin ; car ils vinrent à la rescousse dès
que Jésus eut fermé la bouche à ses autres adversaires
et essayèrent de l'embarrasser sur le dogme de la ré-
surrection en lui posant le cas d'une femme qui aurait
eu successivement sept maris. Matth., xxn, 34-40 ; Marc,
xn, 28-34; Luc, xx, 39-40. Presque aussitôt après, un
scribe ou légiste voulut savoir quel était le plus grand
des commandements. Le récit de saint Marc, xn, 28, 34,
ne fait pas supposer d'intentions malveillantes, mais
celui de saint .Matthieu, xxn, 35-40, note le dessein de
prendre Jésus en défaut (mipriÇiov x\k6\). A partir de
ce jour les scribes et les pharisiens cessèrent de « ten-
ter Jésus. Matth., xxn, 16. Mais la mesure de leurs
iniquités était comble et leur condamnation était prête
à fondre sur eux. Cf. Luc, xvm, 10-14.
3° Le dénouement de la lutte. — A) Le grand dis-
cours contre les pharisiens. — Ce fut seulement deux
ou trois jours avant sa passion, que Jésus prononça le
terrible réquisitoire enregistré par les Évangélistes. Ce
discours est placé par les trois Sypnoptiques en oon-
nexion avant la dernière tentative des pharisiens ; mais
tandis que saint Marc et saint Luc se contentent de
l'indiquer sans le reproduire, Marc, XII, 38-40, Luc,
xx, 15-57, saint Matthieu lui donne un développement
et une forme schématique, où l'on ne peut nier le des-
sein de résumer et de coordonner les principales ac-
cusations du Sauveur contre ses perfides ennemis. Sept
fois Jésus renouvelle ses objurgations en commençant
toujours par la formule : « Malheur à vous, scribes et
pharisiens hypocrites. » Matth., xxm, 13, 15, 23, 25, 27,
29. Une seule fois, y. 16, la formule change : Vœ vobis
duces cseci. Le huitième vas qui se trouve dans la Yul-
gate et dans un certain nombre de manuscrits grecs,
y. 14, est très probablement interpolé d'après .Marc, xn,
20, et Luc, xx, 47; en effe-t, non seulement il fait défaut
dans les meilleurs manuscrits, mais il interrompt évi-
demment la suite des idées. — Jésus-Christ reproche
aux Pharisiens : 1° de fermer aux autres le royaume
des lieux, c'est-à-dire l'accès de l'Église, sans y entrer
eux-mêmes; 2° de parcourir la terre et les mers à la
recherche d'un prosélyte pour en faire un fils de per-
dition; 3° d'enseigner que le serment fait par le
Temple ou par l'autel est invalide et que le serment
fait par l'or du Temple ou par la victime posée sur
l'autel est valide; 4» de payer exactement la dîme de la
menthe, de l'anis et du cumin et de négliger la justice
et la miséricorde ; 5" de laver soigneusement les vases
et les ustensiles et de compter pour rien l'impureté de
l'âme; 6" de ne faire attention qu'à l'extérieur et aux
dehors et d'être, au fond du cœur, comme des sépul-
cres blanchis; 7° d'élever aux prophètes de ma-
gnifiques tombeaux et de les persécuter ou de les
mettre à mort. Il termine par cette accablante apos-
trophe : « Serpents, race de vipères, comment échap-
perez-vous à la condamnation de la géhenne? » On
peut lire dans les commentaires de Knabenbauer, de
Schegg ou de Schanz, les textes rabbiniques justifiant et
expliquant ces imputations du Sauveur. Voir M" Klin-
tock, Cyclopœdia of biblical... Litcrature, t. vin, 1889,
p. 69-70, des détails curieux sur les cas d'impureté lé-
gale et le payement des dîmes.
B) La revanche des pharisiens. — Une circonstance
assez significative c'est que, dans les jours qui précèdent
immédiatement la passion, les pharisiens cessent de se
montrer. Dans le récit même de la passion, les Évangé-
listes ne les nomment plus (sauf Jean, xvm, 3, pour
l'expédition nocturne de Gethsémani et Matthieu, xxvn,
62, quand il s'agit de faire garder le sépulcre). Il les
remplacent par ,les scribes, c'est-à-dire par les repré-
sentants des pharisiens au sein du sanhédrin. 11 est
remarquable que les sadducéens s'effacent aussi et que
les princes des prêtres, c'est-à-dire les chefs du parti
sadducéen, qui entraient dans le sanhédrin, prennent leur
place. Maintenant les scribes et les princes des prêtres
sont pleinement d'accord contre leur commun adversaire.
Ils ont su gagner les anciens, les notables qui ne sont
ni scribes ni prêtres et qui forment un tiers du san-
hédrin. La coalition des adversaires de Jésus datait de
loin. Dés le début du ministère public, les pharisiens
s'étaient concertés avec les hérodiens sur les moyens de
le perdre. Matth., xxn, 16; Marc, m, 6; cf. XII, 13. Pour
atteindre ce but, les pharisiens et les sadducéens ou-
bliaient leurs rivalités et leurs querelles. Matth., XVI,
1, 6, 11, 12 ; xxn, 31-. Mais, en ce moment, leur entente
est parfaite et leur plan arrêté. « Les princes des prê-
tres, dit saint Luc, xix, 47-48, et les scribes et les pre-
miers du peuple cherchaient à le perdre ; mais ils ne
savaient comment faire, car tout le peuple était sus-
pendu à ses lèvres, o Désormais les trois fractions du
sanhédrin marchent toujours ensemble. Luc, XX, 1;
xxn, 66; Marc, xiv, 43, 53; Matth., xxvn, 41. Mais on
voit que l'aristocratie sacerdotale joue le rôle principal
et dirige l'action.
4° Les pharisiens et l'Église naissante. — La mort
de Jésus semble avoir assouvi les rancunes des phari-
siens, tandis que la haine des sadducéens, loin de
s'apaiser, ne cessait de croître. Ceux-ci, vivant du temple
et de l'autel, étaient profondément remués, nonobstant
l'indifférentisme religieux d'un grand nombre d'entre
eux, par tout ce qui menaçait la religion nationale. Les
disciples n'eurent pas d'ennemis plus irréconciliables.
Dans le contlit qui ne tarda pas à se produire, ce fut un
pharisien, Gamaliel, qui prit publiquement la défense
des Apôtres et lit entendre raison à leurs persécuteurs :
au contraire, l'aristocratie sacerdotale, composée de
sadducéens (Act., v, 17 : Princeps sacerdotum et omnes
qui cian illo erant : <jnse est hseresis Sadducseorum ; cf.
v, 24j, avait pris l'initiative des mesures de rigueur.
Act., v, 17-42. Plus tard saint Paul, poursuivi pour in-
fraction à la Loi qui interdisait d'introduire des étran-
gers dans le Temple, s'appuya résolument sur le parti
des pharisiens et se fit gloire d'avoir été jadis pharisien
lui-même. Act., xxm. 6-10; cf. xxn, 3. Il ne faut pas
méconnaître ce qu'il y avait de sérieux dans le phan-
saïsme. Si le zèle des pharisiens était souvent aveugle
ou mal éclairé, il n'en était pas moins sincère. Les con-
victions fortes au service de la passion sont plus faciles
à tourner au bien qu'un scepticisme armé d'indifférence.
Saint Paul dépassait tous ses compatriotes par l'ardeur
de son pharisaïsme : malgré cela — ou plutôt a cause
de cela — la grâce divine eut vite raison de lui. Il est
à croire qu'une partie de l'église-mère de Jérusalem
se recruta au sein des pharisiens. Ainsi s'explique l'at-
tachement aux pratiques de l'ancienne Loi qui la carac-
215
PHARISIENS
216
térisa si longtemps. Act.. il, 16-47 : m, 1 ; xxi. 20, etc.
Ce fut un très grand danger pour l'Église au berceau.
perçut bientôt que les pharisiens, en embrassant
la religion du Christ, n'avaient pas dépouillé le parti-
cularisme c|ui était leur caractère dominant. L'assem-
blée des Apùtres à Jérusalem fut rendue nécessaire grâce
à leurs agissements; tout l'ait penser que le conllit
d'Antioche fut provoqué par eux, et l'on peut san- té-
mérité les soupçonner d'être entrés dans les complots
qui essayèrent d'entraver l'œuvre de Paul et l'admission
des_ Gentils dans l'Église. Act., xv, 5. Cf. J. Thomas,
L'Église et les judaîsants ù l'âge apostolique, dan-; les
Mélanges d'histoire et de littérature religieuse, in-8»,
Paris, 1899, p. 1-190.
VI, Traits caractéristiques du pharisien. — o I li-
veloppée comme d'un étroit réseau par les six cent
treize prescriptions du code mosaïque renforcées de
traditions sans nombre, la vie du pharisien était une
intolérable servitude. Les purifications rituelles pres-
crites à la suite des souillures que causait le seul con-
tact d'objets impurs, remplissent plusieurs traités du
Talmud : par exemple tout le sixième et dernier seder
de la Mischna intitulé Teharôth et comprenant douze
traités. Impossible de quitter sa maison, de prendre de
la nourriture, de faire une action quelconque, sans
s'exposer à mille infractions. La peur d'y tomber para-
lysait l'esprit et oblitérait le sens supérieur de la mo-
ralité naturelle. Toute la religion dégénérait en un
formalisme mesquin. L'homme était tenté de se croire
l'artisan de sa propre justice; il ne devait rien qu'à
lui-même; il devenait le créancier de Dieu. A quoi bon
le repentir, la prière ardente et humble, les soupirs
vers le ciel du pécheur et du publicain? N'était-il pas.
lui, le juste qui jeûnait deux fois par semaine, le lundi
et le jeudi, selon la coutume de sa secte, qui payait
exactement la dîme de la menthe, de l'aniset du cumin,
qui n'oubliait jamais aucun rite traditionnel? Le pha-
risaïsme nourrissait l'amour-propre, la présomption et
l'orgueil. Il fomentait aussi l'hypocrisie. L'idéal du pha-
risien était élevé, mais il n'avait pour l'atteindre que son
orgueil. Ce mobile ne suffisant pas, sa seule ressource
était de dissimuler ses défaillances et de les tourner
en vertus devant le vulgaire i oui hâ-ârés), objet de ses
craintes et de ses mépris. Quels stratagèmes decasuiste
retors pour tempérer la rigueurdu jeûne, puni- modérer
l'incommodité du repos sabbatique ! Ainsi le traite Er\ -
'•m permet «le placer un domicile fictif au terme du
autorisé un jour de sabbat pour le prolonger
d'autant et d'unir fictivement plusieurs domiciles pour
porter des aliments de l'un dan» l'autre, sans enfreindre
la loi du repos, i Voir F. Prat, 77 gie de saint
p. 33-34, el comparer Bousset, Die Religion des Juden-
tums, Berlin, 1903, Vie Frommen, p. 161-168. Les pré-
tentions exclusives des pharisiens a la justice I
leur suffisance, leur présomption, li ur ostentation, leur
i en un mot. ne sont gui tés. Sur ce
point, les accu ations de I Évangile el h n quisitoire de
sainir. ml surtout Rom.,ix,31-32; x, 1-4) se trouvent plei-
nement justifiés. -Mais il s'esl trouvé des ailleurs pour
nier la sincérité du portrait que l'Évangile nousti
leur hypocrisie. Il ne sera donc pas hors de propo
autorité du Talmud qui est, comme nous
l'avons dit, l'œuvre de pharisiens, Le Talmud de Jéru-
i bien que Celui de Uahv h. ne. distingUl
espèces de pharisiens dont la dernière seulement, ou
luplu h di :. dei nii i es . sonl exemptes de du -
. Voici d'abord le passage du Talmud de J
lem, d'après M. Schwab, / •• Berakholk, Paris,
1871, p. I7l : g 11 ; a sepl pharisiens : I celui qui
accepte la loi comme un fardeau; - celui qui agit par
intérêt ;.'>■ celui qui se frapj outre le murpour
éviter la vue d'une fen
talion ; 5° celui qui prie de lui indiquer une bonne
action à accomplir; 6" celui qui agit par crainte et
7» celui qui agit par amour. En voici une explication
plus détaillée : le premier ressemble à quelqu'un qui
chargerait les commandements divins sur les épaules
pour les transporter; le deuxième à celui qui dirait :
prêtez-moi de l'argent pour que j'accomplisse le pré-
* . pN : le troisième : je vais accomplir ce devoir reli-
gieux, puis me permettre une transgression légale et
les contrebalancer l'un par l'autre; le quatrième semble
dire : je me rends compte de tout ce que j'ai el
par bonne volonté que j'obéis à la religion : le cin-
quième qui a conscience de ses devoirs, tâche d'(
liés par sa bonne conduite: le sixième agit par
crainte comme Job; le septième par amour comme Abra-
: ce dernier degré est le meilleur de tous, i Les
explications du Talmud de Babylone, Sota, 22 b et les
définitions de VA ruch diffèrent très sensiblement. Voir
Lightfoot, Horœ hebraicss et talmudicse, sur Mat th.. m,
7, Works, Londres, I684, t. n. p. 125. Les énonciations
sibyllines des deux Talmuds sont diversement inter-
prétées. Le nom de la première classe, par exemple,
>" -• ons, est dérive par le Talmud de Babylone de DSW,
o Sichem u, et non de D3~, Sekém, « épaule », et expliqué :
« qui accomplit la loi à contre-cœur, comme les Sichémi-
tes, Gen., xxxiv, 10, reçurent la circoncision. » La se-
conde •:-: ons, « le pharisien qui hésite », désignerait
le pharisien qui dirait à celui qui demande un ser-
vice : « Attendez un peu; je suis occupé à faire une bonne
action, a La cinquième classe voudrait dire d'après
VAruch : ■ Personne ne peut me montrer que j'ai mal
i.'uoi qu'il en soit de ces commentaires, non-
vons conclure de ces textes que beaucoup de ceux qui
se disaient pharisiens obéissaient à des mobiles peu
avouables.
Les jugements des auteurs sur les pharisiens sont
divergents. Pour certains, le pharisaïsme aurait
représenté l'orthodoxie juive. « Les Pharisiens
taienl fidèlement les aspirations, les idées du pi
et d'un autre côté ils exerçaient, par leur en
et leur autorité, sur ces mêmes idées une inlluence
très grande. Toutes les faces du caractère national,
favorables et défavorables, toutes les nuances de l'es-
prit public se retrouvaient en eux. » Dollinger, l'aga-
el judaïsme, trad. frain;., Bruxelles, 1858, t. IV,
p. 130. Selon d'autres, les sadducéens auraient été les
conservateurs tandis que les pharisiens auraient incarné
l'idée de progrès. Kohler, dans The Jeuish Luc;
dut. t. ix. 1905, p. 662-665, Ces vues en apparence con-
tradictoires ne sont pas inconciliables. Sur beaucoup
de points, les sadducéens, s'attachant à la lettre de la
Loi, pouvaient passer pour plus conservateurs; tandis
que les traditions phaiisiennes. entendues au sens large
comme enseignement ou opinion des sages, avaient l'air
d'innovations. Dans le droit criminel par exemple, les
saddui nt plus rigorishs; ils appliquaient,
sans distinction el sans miséricorde, la peine du lalion :
les pharisiens tempéraient cette rigueur et admettaient
des compensations pécuniaires. Comparez Josèphe,
Ant. />"l.. XIII, x. 6 : A/>.t,>; -z v.x: pûaei irpbç -x; /.',-
/.iffci; i-:i:v.&>; ë/outjiv ol $aptcratoi. lieli. jitd., II, vin,
sadducéens sonl inoins sociables et plus rudes
i apports) \Ant.ju '., XX, ix, 1 : tïcri (ol Ea8-
S'jxatoi itsp'i -1: xv.7£'.: i'o|ioi r.xyx -xi-x: -.'i^; 'IouSafouf.
— D'un autre côté, les pharisiens faisaient appel à leurs
traditions pour atténuer l'incommodité du repo
batique i t pour écarter l'obligation des l . m pie
prescrites par la Loi, Leur but était de transformer
ejour du Seigneur en jour de fête et en jour de joie,
dont nous avons parlé plus haut étaient
destinées à les j aider. En tout cela, les
surtout de la fréquentation et du service
voulaient qu'on s'en tint à la lettre de la
Thora.
217
PHARISIENS — PHAROS
218
VII. Bibliographie. — Ugolini, Trihasresium sive
dissertatio de tribus sectis Judseorum (dans Thésaurus
antiq. sacr., t. xxip. et Triglandius, Trïum scriptorum
illustrium de tribus Judseorum sectis syntagma,
1703, ont recueilli un certain nombre d'anciennes dis-
sertations sur les pharisiens; Carpzov, Apparatus hi-
ttorico-crilicus antiquitatum sacri Codicis, rlelmstedt,
L748, p. 173-215, en donne la bibliographie. Parmi les
monographies plus récentes on peut citer: Grossmann,
De Pharisseistno Judseorum Alexandrino, Leipzig,
1816-1830; De collegio Pharisseorum, Leipzig, 1851;
Biedermann, Pharisâer und Sadducàer, Zurich, 1S54;
Wellhausen, Die Pharisâer und Sadducàer, Greifs-
wald, 1874; Cohen, Les Pharisiens, 2 in-80, Paris, 1877;
Montet, Essai sur les origines des partis sadducêen et
pharisien et leur histoire jusqu'il la naissance de
Jésus-Christ, Paris, 1883; Narbel, Étude sur le parti
pharisien, son origine et son histoire, Paris, 1891;
Elbogen, Die Religionsanschauung der Pharisâer,
Encyclopsedia, t. ix, 1905, p. 661-666. — Comme ar-
ticles de revues, nous devons nous borner à signaler :
Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Saddu-
céens, dans le Journal asiatique, 1887, p. U 5-423;
Hanne, Die Pharisâer und Sadducàer als politische
Parteien, dans Zeitschrift fur wissensch. Theol., Halle,
1867; Muller, Pharisâer und Sadducàer oder Judais-
mus und Mosaismus, dans les comptes'remlus de l'Acad
de Vienne, philos, et hist., t. xxxv, 1860, p. 95-164;Gei-
ger, Sadducàer und Pharisâer, dans Jûd. Zeitschrift,
I. il, 1863. p. 11-51; Krûger, Beitrâge zur Kenntniss
der Pharisâer und Essener, dans Theolog. Quartal-
.si7iri/'/,Tubingue, 1891. p. 431-496. V. Pbat,
PHARMACIEN (hébreu : rôqêah; Septante : à
[i-jpv]/6;; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les
remèdes (fig. 40). Le nom est le même que celui du
parfumeur, à cause des préparations à l'huile dont l'un
et l'autre s'occupaient principalement. Le mot rôqêah
40. — Préparation et administration des remèdes. — Une peinture découverte dans la maison des Vettii à Pompéi représente
sous la forme d'Amorini, te niedicus qui chez les anciens préparait et administrait les remèdes. — A droite est un pres-
soir d'où jaillit l'huile médicinale dans un petit bassin circulaire. De chaque côté deux Amorini tiennent un gros marteau
dont ils frappent des coins de bois qui, en pénétrant au dedans, font descendre les planches mobiles du pressoir, lequel écrase
les matières d'où est extraite l'huile médicinale. — Plus loin, une Psyché assise remue avec une longue cuiller l'huile posée sur
un trépied dans un petit bassin. Deux Amorini debout en font autant. — A gauche un petit Amorino est au comptoir et tient une
grosse bouteille. Sur le comptoir est placée une balance. Sur le côté postérieur du comptoir est un rouleau de papyrus contenant
le formulaire. A côté est une armoire avec des vases de verre et une statuette d'Apollon, dieu de la santé. — A gauche est une
Psyché dont le maintien indique une malade. Un Amorino, tenant un vase et une cuiller, va lui administrer le remède qui y
est contenu. Derrière Psyché est la servante de la malade. Voir Domus Vettiorum, in-f% Naples, 1898, p. 6, pi. xn'I.
Berlin, 1904. — En dehors des monographies, les
quatre ouvrages suivants donnent des renseignements
précieux : Geiger, Urschrift und Uebersetzungen der
Bibel, Breslau, 1857, p. 101-158; Weber, Jùdische
Théologie auf Grund des Talmud und verwandten
Schriflen, Leipzig, 1890, p. 10-14, 44-46 (seconde édition
d'un ouvrage publié d'abord sous un autre titre);
Schûrer, Geschichte des jùdischen Yolkes im Zeilalter
JesuChristi, 3' édit, t. n, Leipzig, 1892, p. 380-419;
Bousset, Die Religion des Judenlhums, Berlin, 1903,
p. 161-168. — Toutes les encyclopédies bibliques ont sur
les pharisiens des articles d'importance et de valeur
im gale : Twisleton, dans le Dictionary of the Bible de
Smith; Ginsburg, dans Cyclopsedia of biblical Lilera-
ture île Kitto; Reuss, dans Real-Encyclop. de Herzog,
1" édit.; Sieffert, lbid., 2e et 3e édit.; Daniel dans
Allgemeine Encyclop. de Ersch et Gruber; Hamburger,
dans Realeneycl. fur Ribelund Talmud; Kaulen. dans
Kirchenlexicon, lrc et 2e édit.; Hausrath. dans Bibel-
lexikon de Schenkel; J. Strong, dans Cyclopsedia nf
biblical, theological and ecclesiastical Lileralure,
New- York, t. vin, 1891, p. 68-76; Eaton, dans Hastings,
Dictionary of the Bible, Edimbourg, t. ni, 1900,
p. 821-829; Prince, article Scribes and Pharisees,
dans Encyclopsedia biblica, Londres, t. îv, 1903,
col. 1321-4329; Kaufmann Koliler. dans Tlie Jeicish
ne se trouve que dans le texte hébreu de l'Ecclésias-
tique, xxxviii, 8, avec le sens de pharmacien. On lit
en effet dans ce passage :
Le Seigneur fait produire à la terre ses remèdes,
Et l'homme sensé ne les dédaigne pas...
H a donné aux hommes la science
Pour qu'ils se lissent un nom par ses dons merveilleux.
Par eux l'homme procure la guérison
Et il parvient à enlever la douleur.
Le pharmacien en fait des médicaments,
Et son œuvre est à peine achevée
Que par lui la santé se répand sur la terre.
Eccli., xxxviii, 4-8.
Cf. Ezech., xxx, 21. Le pharmacien n'était pas d'ordi-
naire distinct du médecin. — Sur les remèdes employés
par les pharmaciens israélites et cités dans la Sainte
Écriture, voir Médecine, t. iv, col. 912, 913.
H. Lesiïtre.
PHARNACH (hébreu : Parnâk; Septanle : l'apviy),
zabulonite. père d'Élisaphan. Celui-ci était le chef de
la tribu de Zabulon du temps de Moïse, un des douze
Israélites qui furent chargés de présider au partage de
là Terre Promise. Nom., xxxiv, 25.
PHAROS (hébreu : Par'ùS, « mouche »; Septante :
'Popô;; dansIEsd.,11,3, <Papéç), chef d'une famille dont
219
PHAROS - PHASELIDE
220
41. — Pierre gra-
vée au nom de
Pharos.
les descendants au nombre de 2172, I Esd., Il, 3; II Esd.,
vu, 8, retournèrent de Babylonie en Palestine avec
Zorobabel. Un autre groupe, comprenant 150 hommes,
sous leur chef Zacharie, revint plus tard en Judée avec
Esdras. I Esd., vm,3. Sept des « fils
de Pharos « avaient épousé des fem-
mes étrangères et Esdras les obligea
à les répudier. I Esd., X, 25. — Pha-
daïa « fils de Pharos », répara une
partie des murs de Jérusalem. II Esd.,
(11,25. — Parmi les chefs du peuple
qui signèrent l'alliance que Néhémie
lit renouveler entre Dieu et les
Israélites, le premier nommé est
Pharos, probablement le représen-
tant de la famille de ce nom. II Esd..
x, 14. Un sceau antique en cornaline porte le nom de
Pharos gravé en lettres phéniciennes (fig. 11 |. Voir
\V. von Landau. Beilràge zur Altertumskunde des
Orients, t. IV, in-S", Leipzig, 1905, p. 13.
PHARPHAR (hébreu : Parpar; Septante : «Sapipâp;
Alexandrinus : iapyapà), la seconde des rivières qui
arrosent la ville de Damas. Elle est mentionnée par
Naaman, qui, dans IV Reg., v, 12. répond au prophète
Elisée, lorsque celui-ci lui conseille d'aller se laver
dans le Jourdain pour se guérir de la lèpre : .< L'Abana
et le Pharpbar, les rivières de Damas, ne sonl-ils pas
meilleurs que toutes les eaux d'Israël? » — Le Phar-
pbar s'appelle aujourd'hui Nahr el-Aouadj, voir Aba-
na, t. I, col. li. el un de ses affluents porte encore
le nom de Barbai: Il a deux sources principales,
l'une sur la pente orientale de l'Hermon, au-dessous
du pic central; l'autre, à quelques kilomètres au sud,
près du village de Beit Djatm. Les deux cours d eau
se réunissent près de Sasa et, par un lit profond
creusé au milieu des rochers, vont se jeter dans la direc-
tion de l'est dans un lac marécageux, le Bahrel Uidja-
néh, à mx kilomètres environ au sud du lac où débouche
le Barada, l ien Abana. L'Aouadj ue passe pas à Da-
mas même, mais à douze kilomètres de la ville ; il mérite
néanmoins le nom de fleuve de Damas, parce qu'il
arrose toute la plaine qui porte le nom de la ville, et,
par d'anciens canaux, ses eaux en arrosent les champs
et. les jardins presque jusqu'aux murailles de la cité.
Le cours du Nahr el-Aouadj esl d'une soixantaine de
kilomètres el son volume d'eau esl à peu près le quart
de celui du Barada. — Voir.). L. Porter, Five years in
Ddmascus, 3 in-12, Londres. 1855, t. î, p. 299, 311-312,
318-321,389; t. h, p. 12-14,247-248; ld.. The Rivers
oj Damascus, dans te Journal of sacred Literatx i
t. v, octobre 1853, p. 45-57; Ed. Bobinson, Notes on
biblical Geography, the A'waj, dans la Bibliotheca
sacra, t. VI, 1849, p. 366-371, F. VlGOUROl \.
PHARSANDATHA (hébreu ParSanddtà ; Sep-
tante : $ap<ravvéc; Alexandrinus : «tapo-avcirrdiv), le
premier nommé des dis Ris d'Aman qui furent mis à
mort à Suse par les Juifs le 13 du douzième mois
appelé Ad. ir après la chute el l'exécution de leur père
Esther, ix. 7. Le nom de Pharsandatha esl en perse,
d'après certains philologues, Fraçna-data, ■< dôme par
prière o. Cf. J. Oppert, Commentaire du livre d'Esther,
1801. p. 21.
PHARUDA. 1 Esd.. h, 55. Voir Piiarida, col. 205.
PHARUÉ (hébreu . Parùafy; Septante: $ova?otS8;
Alexandrinus : $ocppou; Lucien : Bapiaoûy), père de
.losapbat. Salomon chargea .losapha! de la levée des
tributs sur la tribu dlssachar. III Iteg.. iv. 17.
PHARUR1M (bel neii : Parvàrim; Septante : $xpou-
pi(i), partie des dépendances du Temple. IV Reg.,xxin,
11. L'auteur sacré raconte dans ce passage que le roi
Josias « fit disparaître les chevaux que les rois de Juda
avaient dédiés au soleil à l'entrée de la maison de
Jéhovah, près de la chambre de Nathanmélech, l'eunuque
qui était à Parvàrim ». Au premier livre des Parali-
pomènes, x.xvi. 10-18. nous lisons au sujet des portiers
du sanctuaire : o A Séphim et à Hosa [échut la garde
du] côté de l'occident, avec la porte Sallékéj sur le
chemin montant (Vulgate : juxta portant quse durit ad
riant ascensionis)... Il y avait... au Parbdr, à l'occi-
dent quatre [lévites] sur le chemin, deux au Parbdr. •>
(Vulgate : lu cellulis quoque janilorunt ad oa idenlem
quatuor in ria, binique per cellulas.) Le Parbdr dont
il est question ici, d'après le contexte, était situé à
l'ouest du Temple, près de la porte appelée Sallëkéf
{dejectio), à l'endroit peut-être où est la Bab Silsilis
actuelle. Le chemin mentionné' conduisait du Temple
à la colline appelée aujourd'hui le mont Sion, en Ira-
versant la vallée du Tyropoeon. — On ne s'entend pas
sur la signification précise du mot parbdr. La plupart
croient que ce mot est le même que celui de parvàrim
(au singulier parvâr), les deux ne diffèrent entre eux
que par une lettre, a, 6, et i, v. La Vulgate a traduit
parbdr par « cellules . Gesènius, Thésaurus, p. 1123,
entend par parvàrim des portiques ou des colons li
ouvertes qui entouraient le Temple; il rapproche ce
mot du perse farouar, t maison d'été, kiosi]
D'autres ont traduit parbdr par faubourgs . parce
que c'est le sens donné par les Targuens et le Talmud
aux mots paryârin et parvilin. Buxtorf, Lexicon cttal-
daicum, 1640, p. 1801, 1805. Cf. Josèphe, Ant.
XV, xi, 5, qui dit que deux dos portes du Temple
d'Hérode débouchaient à l'ouest i[; -'■, ^ojt:::'//. dans
le faubourg de la ville. Voir Temple. — Les six portiers
dont parle I Par., xwi, 10. avaient leur poste, quatre
probablement en dehors de la porte, du côté du chemin,
et deux à l'intérieur de la porte. — Pour les chevaux du
soleil qui étaient à Pharurim, voir Nathanmélech,
col. 1185.
PHASE, nom donne a la Pàque, dans la Vulgate,
dans Ions les livres de l'Ancien Testament. E\od., XII,
11. etc., excepté Ezech., xi.v, 21, et 1 Ksd.. vi, 19, l
cette fête esl appelée Pascha, comme dans tout le Nou-
veau Testament, lorsqu'elle n'esl pas désignée par son
autre nom de » fête des Azymes . Voir Paque, t. iv.
col. 2094, ei Azymes, 2», t. i, col. 1313.
PHASÉA [hébreu : Paséah, o boiteux »; Septante :
Œokjt,), chef d'une famille de nathinéens qui retourna
de captivité en Palestine avec Zorobabel, I Esd., n. 19;
III Esd., vu. 51. l'n des membres de celle famille
appelé Joïada restaura avec Mosollam la porte Ancienne
de Jérusalem. Il Esd., m. 0. Certains commentateurs
font cependant di Pha i i" re de Joïada d un per-
-. .un .ige distinct du chef de la famille nalhiiiooune. —
Le texte hébreu mentionne un descendant de Juda qui
porte le même nom. mais la Vulgate l'a écrit Phi ssé,
I Par., iv. 12.
PHASELIDE (grec : '\'xir,).:;), ville de l'Asie Mineui .
située sur les confins de la Lveie el de la Pamphylie
(fig. 42). C'était une colonie dorienne. Hérodote, il,
I7.S. Sa position était Ires favorable pour le con
Bâtie dans un isthme, (die n'avait pas moins d
ports. C'était la première terre qui apparaissait au na-
vigateur dans le voyage (le Cilicie à Rhodes. Tite I ivi
XXX VII, 23; Cicéron, Vcrr., iv, 10 (22). Dès le il siècle
avant .l.-C, sous le règne d'Amasis, elle avait à Naucra-
tis, en Egypte, une part dans l'Hellénium, qui était une
sorte de bourse de commerce pour les tirées. Hérodote,
221
PHASELTDE — PHASGA
222
il. 178. Son trafic était très considérable. Strabon. XIV.
m. 9; Thucydide, II, 69; vin, 88; Polybe. xxx. 9. Le
mont Solyme, au-dessous duquel elle était située, ser-
vait comme de phare aux navires qui se dirigeaient
vers Phasélide. s Sur la cote orientale de Lycie. dit
Reclus. Nouvelle géographie universelle, t. v,
1884, p. 180, se dresse, à '2375 mètres, la montagne de
Takh talou, le Solyma des anciens, à la base entaillée
de gorses, aux pentes moyennes couvertes d'arbrisseaux ;
sur le versant méridional de ce pic superbe que
brûle jour et nuit la Chimère dont parlent les géogra-
jrrecs et romains etqui adonné' lieu à tant de fables
La source du feu. le Fanai- ou Yanar-tach, jaillit d'une
ouverture profonde d'un mètre environ, au-dessus de
laquelle s'élèvent les débris d'un temple. Aucune fumée
n'accompagne la flamme; à quelques mètres de dis-
tance, la roche serpentineuse d'où s'élance le feu
mystérieux n'a pas une température supérieure à celle
42.
Monnaie de Phasélide.
Poupe de galère: dans le champ *AEH. — u. Minerve Proma-
chos. A droite un monogramme dans un cercle, à gauche <t>.
des terrains environnants; des arbres croissent dans
le voisinage et un ruisseau serpente sous l'ombrage...
Une autre ouverture du rocher, semblable à celle du
Vanar. est maintenant éteinte. — Phasélide à l'époque
il. - Romains, devint un repaire de pirates. P. Servilius
les attaqua et détruisit la ville. Cicéron, Vèrr., iv. 10 :
Elle perdit son indépendance en 72-75 avant J.-C. Llle
fut restaurée, mais elle ne recouvra jamais sa première
prospérité. On y voit encore des ruines de ses anciens
monuments: son port est devenu un marais d'où s'exha-
lent des miasmes délétères. Elle porte aujourd'hui le
nom de Tekrova.
C'est à l'époque où la piraterie ne prédominait pas
encore à Phasélide que les Romains écrivirent aux habi-
tants de cette ville et de quelques autres, situées la plu-
part sur la route que suivait le commerce maritime de
la Lycie en Italie, pour leur demander de porter aide
et appui à Simon Maehabée et aux Juifs. I Mach., xv,
23. Phasélide avait donc une colonie juive vers 139 avant
notre ère. — Voir Fr. fieaufort. Karamania or descrip-
tion of the south Coasl of Asia minor, in-8°, Londres,
1S17. p. 53-65; Ch. Texier. Asie Mineure, in-12, Paris,
1862, p. 697-699; G. F. Ilill. Catalogue of Gr, ' -
in the Jlrit. Muséum, Lycia, 1897, p. i.xvii.
F. VlGOUROUX.
PHASÉRON (grec : $a?tpcov), nom d'une tribu na-
buthéenne, « les fils de Phaséron, 9 qui fut battue par
Jonathas Maehabée, I Mach.. ix, 66, dans les environs
de Bethbessen. Cette tribu est inconnue.
PHASGA (hébreu : Pisgdh), montagne du pays de
Moa >. Dans le texte hébreu, ce nom est toujours pré-
cédé de l'article : hap- Pisgdh. Il n'est jamais employé-
seul, mais précédé tantôt de ros, s sommet du Phasga »,
tantôt de asdût, mot qui est diversement interprété.
On n'est pas d'accord sur le point de savoir si Pisgdh
est un nom propre ou un nom commun ; les deux opi-
nions ont des partisans. La Vulgate l'a toujours consi-
déré comme un nom propre; les Septante lont rendu
tantôt comme un nom propre et tantôt comme un nom
commun: $a<rvâ dans Deut.. ni. 67; xxxiv. 1: .Ins..
xii. 3: xin, -20; et xopuqw] roî Xeiageuuivo'j, t sommet
du (mont) taillé ». escarpé, dans Xum.. xxi, 20; xxin.
14. Saint Jérôme. Onotnast., édit. Larsovv, 1S62. p. 73
et 227. explique aussi le sens de Phasga par ahscissum
et excisum. On peut l'interpréter par >• section, partie».
Gesenius, Thésaurus, p. 1114.— Sur les 'asdôt Pisgdh,
mentionnées Deut., m, 17; iv. 49; Jos., xn. 3; xm.20,
voir A.SÉDOTH, t. i. col. 1076.
1° L'Écriture dit expressément que le Phasga est dans
le pavs de Moab, Xum.. xxi. 20; vis-à-vis de Jéricho,
Deut., xxxiv, 1, et du désert de Jésimoth, Xum., xxi,
20, à l'est de la pointe septentrionale de la mer Morte.
Deut., iv, 49; Jos.. xn. 3. — Le mont Phasga fait partie
de la chaîne des Abarim. Deut.. xxxn, 19, comparé avec
xxxiv, 1. Les monts Abarim s'étendent du nord au sud,
à l'est de la mer Morte, depuis l'ouadi Hesban jusqu'au
Zerka Main. Voir Abarim, t. i, col. 17. Le mont Nebo
était un des pics des Abarim. VoirNÉBO 2. t. iv, col 1544.
Phasga est-il un autre nom de la chaîne ou d'une partie
de la chaîne des Abarim. ou bien un des pics du mont
Xébo ou bien enfin simplement un nom commun,
désignant le sommet du mont Nébo? Dans ce der-
nier cas, la phrase du Deutéronome, xxxiv. !. i Moïse
monta sur le mont Xébo. au sommet du l'hasga, »
devrait se traduire : « Moïse monta sur le mont
Xébo, au sommet de la hauteur. » On peut alléguer
en faveur de cette version, outre les passages des
Septante rapportés plus haut, le ["argum de Jéru-
salem et celui du Pseudo-Jonathan qui rendent inva-
riablement Pisgdh par rama/a, i colline, élévation »,
et ne le regardent pas comme un nom propre. Cette
explication est difficile à concilier avec les textes qui
représentent le Phasga comme une montagne au pied
de laquelle campèrent les Israélites, cf. Xum.. xxm. 14
et xxiv. 2, et d'où jaillissaient des sources d'eau. Deut.,
ni, 17; iv, 49; Jos.. xn, 3; xm, 26. Les divers passages
dans lesquels l'Écriture nomme le mont Phasga semblent
s'expliquer plus commodément en admettant que c'était
une montagne de la chaîne des Abarim distinguée, par
ce nom propre, des autres parties de la chaîne. C'est du
mont X.'lio que Moïse. Deut.. xxxil, 49, contemple la
Terre Promise avant de mourir. Or nous lisons, Deut.,
xxxiv, 1. i Moïse monta des plaines de Moab sur le
mont Xébo, au sommet du Phasga : i ce dernier som-
met parait donc bien n'être qu'un pic du Xébo, mais,
à cause de son élévation, il désignait sans doute aussi
toute la montagne. — Les voyageurs modernes n'ont pas
trouvé de traces du nom de Phasga dans la Moabitide,
Quelques -uns d'entre eux identifient le Phasga avec le Dje-
bel ou Rds Siaghah, C.R.Conder. Palestine, lSS9,p.259,
mais le /< 'iel Neba, à l'est du Siaghah est plus élevé.
2° Le mont Phasga est nommé pour la première fois
dans les Nombres, xxi, 20. En s'approchantde la Terre
Promise pouren faire la conquête, les Israélites allèrent
camper « de Bamoth (voir Bamoth-P.aai.. t. i. col. 1423)
à la vallée qui est dans le pays de Moab au sommet du
Phasga, en vue du désert (de Jésimon) a. De là. Moïse
fit demander à Séhon, roi des Amorrhéens, qui régnait
à Hésébon, dans le voisinage, l'autorisation de Irai
pacifiquement son territoire. Séhon ne l'accorda point,
mais, au contraire, attaqua Israël. 11 fut battu et les
Israélites allèrent camper sur la rive orientale du Jour-
dain vis-à-vis de Jéricho. — Balac. roi de Moab, ne se
sentant pas de force à les arrêter, eut recours à Balaam,
et lui demanda de maudire ses ennemis, afin qu'il pût
ainsi les mettre en fuite. Balaam prononça son second
oracle, au sujet d'Israël, du champ de Sofim [Vul-
gate : « d'un lieu élevé, in locum subliment), au som-
met du Phasga. Xum.. xxm, 11-24. — Le Phasga est
nommé ensuite plusieurs fois comme marquant la fron-
tière orientale de la Terre Promise qui doit s'étendre à
l'est « jusqu'à la mer de sel ou mer Morte o au pied de
ASdot hap-Pisgâh. Deut., ni, 17; iv. 19; Jos., xu. 3.
— Moïse donna 'A Sdôl hap-Pisgâh à la tribu de Ruben.
Jos., xm. 20. — Enfin Moïse, sur l'ordre de Dieu,
223
PIIASGA
PHATURÈS
224
« monta des plaines de Moab sur le mont Nébo, au
sommet du Phasga. « Deut., xxxiv, 1. C'est là qu'il
contempla la Terre Promise et qu'il mourut. — Quant
à la vue dont on jouit de cette montagne sur la Pales-
tine, voir Nébo, t. iv, col. lôii.
PHASHUR (hébreu : PaShûr; Septante : $o<reoûp),
chef d'une famille sacerdotale. II Esd., VII, 41. Sou
nom est écrit Pheshur I Esd., il, 38; x, 22; II Esd..
x, 3, dans la Vulgate. « Les fils de Pbasbur » retour-
nèrent de Babylonie en Palestine avec Zorobabel au
nombre de 1247. I Esd.. n. 38; II Esd., vu, il. Six
d'entre eux sont nommés par leur nom dans I Esd.. x.
22, comme ayant épousé des femmes étrangères,
qu'Esdras les obligea à répudier. — Pbasbur (Pheshur),
ou le chef de la famille de ce nom, signa du temps de
Néhémie l'alliance conlractée entre Dieu et son peuple.
II Esd., x, 3. — Dans le texte hébreu, plusieurs autres
Ismaélites sont nommés aussi PaShûr. La Vulgate écrit
les noms de trois d'entre eux qui furent contemporains
de Jérémie Phassur \\o\v ce mot) et Pheshur, dans
Il Esd., xi, 12, celui qu'elle appelle Phassur dans I Par.,
ix, 12. — Certains commentaires identifient h- Pbasbur
dont les (Ils revinrent à la captivité avec un des Phas-
sur nommés par Jérémie : ce n'est pas impossible, mais
peu probable. Voir PHASSUR 2.
PHASPHA (hébreu : Pispâh; Septante : $ao^à),
second fils de Jélher, un des principaux chefs de
famille de la' tribu d'Aser. I Par., vu, 38.
PHASSUR (hébreu : PaShûr), nom de six Israélites.
I..i Vulgate écrit le nom de deux d'entre eux Phashnr
cl Pheshur. Voir ces deux noms.
1. PHASSUR (Septante : Haa/tôp), prêtre, fils d'Em-
mer. Un des oracles de Jérémie, xx, 1-G, est dirigé
contre lui. Phassur était inspecteur en chef (hébreu :
pdqû nàgîd; Vulgate : princeps) un intendant du temple
cl,. Jétusalem. Ayant entendu Jérémie prophétise!1 la
ruine de Jérusalem et du Temple, il le frappa et le lit
mettre aux ceps dans le Temple à la porte Haute de
Benjamin. Il ne le délivra que le lendemain. Jérémie
lui dit alors . « Jéhovah ne l'appelle plus Phassur
(étymologie incertaine; Gesenius, Thésaurus, p. 1135,
l'explique par « sécurité tout autour »), mais Mâgôr
Missâbib [terreur tout autour), parce que voici ce que
dit Jéhovah. « Je te livrerai à la terreur toi et tous tes
amis. » Tous ses amis seront frappés par l'ennemi,
Juda sera livré au roi de Babylone, et Phassur et les
siens seront emmenés en captivité. Jérémie, v. 6, ter-
mine sa prophétie en reprochant au fils d'Emmer
d'avoir prophétisé des mensonges. Il devait donc avoir
prédit qui' Juda serait délivré des attaques des Chal-
déens. Le texte sacré ne nous dil rien de plus sur le
sort de Phassur et de sa famille, mais on ne saurait
douter que la prophétie qu'il avait faite contre eux nul
été réalisée. - Phassur, lils d'Emmer, peut être le
même que Phassur, père de Gédélias. Voir Phassur 3.
2. PHASSUR (Septante : IIï^/moi. lils de Melchias,
contemporain de Jérémie comme le précédent, prêtre
selon les uns, cf. 1 Par., ix, 12. prince du peuple, sel, m
les autres. Il fut mêlé à deux événements de la vie de
Jérémie. Le roi Sédécias lVnvova auprès ,1e prophète
avec le prêtre Sophonie pour lui demander de consulter
Jéhovah au sujet de la guerre que lui faisait les Chal-
déens, dans l'espoir d'en obtenir une prédiction favo-
rable, mais Jérémie annonça la prise de Jérusalem.
Jer., xxi, 1. — Plus tard, nous retrouvons le lils de
Melchias, .1er., xxxviii, 1, parmi les grands de la cour
qui. ayant entendu Jérémie prophétiser la ruine de
Jérusalem, pendant qu'il était dans la cour de la prison,
pressèrent le roi de le faire mettre à mort et obtinrent
de lui de le jeter dans la citerne boueuse de Melchias
d'où il fut retiré par l'eunuque éthiopien Abdémélech.
Jer., xxxviii, 1-13. — Ce Phassur est peut-être le même
que le i Phassur, lils de Melchias -. qui est nommé
I Par., ix, 12, et II Esd., xi, 12, comme aïeul d'Adaïas,
lequel ligure parmi les prêtres qui habitèrent Jéru-
salem au retour de la captivité, mais on ne peut établir
qu'il soit le chef éponvme des « lils de Pbasbur » qui
revinrent de captivité avec Zorobabel. Voir PHASHUR,
col. 223. — Quelques commentateurs croient aussi que
le fils de Melchias esl le père de Gédélias, .1er., xxxviii,
1, mais ce n'est guère vraisemblable, Gédi lias lils de
Phassur » étant nommé dans ce \. 31. avant i Phassur,
(ils de Melchias », et sans l'indication d'aucun lien de
parenté. Le nom de » Phassur, lils de Melchias »,
manque, il est vrai, dans les Septante, mais il se lit
dans l'hébreu comme dans la Vulgati
3. phassur [Septante : Qaax<>>p), père de Gédélias.
Gédélias fut un des ennemis de Jérémie. .1er.. XXXVIII,
1. Certains commentateurs confondent ce Phassur avec
l'un des précédents. Voir PHASSt R 1 et 2.
4. phassur (Septante : <Pa.ayi!>p), père de Jéroham,
aïeul d'Adaïas el lils de Melchias. I Par., ix. 12. Quelques
commentateurs le prennent pour un personnage diffé-
rent de Phassur 2. mais la distinction des deux n'est
pas certaine. Le livre de Néhémie, Il Esd.. xi, 12,
mentionne aussi Phassur (dont elle écrit le nom Peshur),
fils de Melchias. c me ancêtre du prêtre Adaïa. fils
,le Jéroham. Seulement dans ce passage la généalogie
est plus complète; elle contient quelques noms qui
sont omis dans I Par., ix, 12.
PHATAIA i hébreu : Pefahyâh, o Jéhovah délivre »;
Septante : $eèeïa), un des Lévites qui avaient épousé
une femme étrangère. Esdras l'obligea à la répudier.
I Esd., x, 23. Nous le retrouvons dans II Esd.. t\. .Y le
dernier de ceux des Lévites qui du temps de Whéiiiie
adressèrent à Dieu une longue prière pour le renou-
vellement de l'alliance entre lui et son peuple. Dans ce
passage, les Septante omettent son nom et la Vulgate
l'écrit Phathahia. — Le texte hébreu mentionne deux
autres Petahyàh qui sont appelés dans notre version
latine Phétéia. I Par., xxiv, 1G, et Phathahia, II Esd.,
xi, 2i.
PHATHAHIA (hébreu : Pefahyâh), nom de deux
Israélites dans la Vulgate. Voir Piiataïa.
1. PHATHAHIA (Septante omettent son nom), lévite.
II Esd., IX, 5. C'est le même que la Vulgate appelle
Phat.ua. I Esd., x, 23.
2. PHATHAHIA i 'I>ï(p»V»1, fils d, Mesézebel, di
dant de /.ara. de la tribu de Juda. contemporain de
V le mie. Il était « sous la main du roi a Artaxerxi -
c'est-à-dire son représentant ou son mandatairi son
conseiller pour toutes les affaires qui concernaient les
Juifs. II Esd.. xi. 21.
PHATHUEL hébreu . P'eftYêl; Septante : Ba8oui$X),
père du prophète. Joël Joël. I, I. On ne connaît que
son nom, et encore ce nom est-il diversement écrit dans
les manuscrits grecs et dans les versions. Voir .loti. 15,
t. m, col. 1582
PHATURÈS, PHATHURÈS, PHÉTROS (hébreu :
Pafrôs; Septante : yf[ llaOouff,; et -, -r, 'l'a'io-^pr,;; Vul-
ate Phatures, dans Jérémie, xnv. I. lô; Phathures,
dans Ëzéchiel, xxix, 14; xxx, 11; Phetros, ls., xi, 11),
la Haute Egypte.
225
PHATURES
226
I. Étymologie et signification. — Phathurès ou Phé-
tros est un mot égyptien hébraïsé. 11 se décompose de
l'avis général, enpn ta risi, JC.TTI 3. V ,ou P-to-res,
» la terre du sud », et il désigne la Haute Egypte, la
Thébaïde des Grecs, le Sàïd des Arabes, par opposition
à pa ta mehil, ^t •••.. .ou P-to-mehet, « la terre
du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et
leurs variantes, voir Brugsch, Dictionnaire géogra-
phique de l'ancienne Egypte, Supplément, 1880,
p. 1399. La plus ancienne histoire de l'Egypte est una-
nime à nous montrer la division du pays en deus
terres et en même temps son union dans les mains
d'un seul chef. Déjà les rois des premières dynasties
font l'union des deux terres et la ligurent par \esam-looui,
c'est-à-dire la ligature du lotus, emblème de la Haute
Egypte, et du papyrus, emblème de la Basse Egypte.
Quibeli, Bierakonpolis, part. I, 1900. pi. xxxvii-xxxviu
et p. 11. Chaque région avait sa couronne propre, cou-
ronne blanche pour la Haute Ég\pte, couronne rouge
pour la Basse Egypte. Les deux couronnes réunies for-
maient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com-
43. — Couronnes d'Egypte,
t. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent.
mençait plus ou moins loin de Memphis, suivant les
époques, et se terminait à Bigeh et à Philae. Dès l'An-
cien Empire, il eut ses gouverneurs dont la résidence
ne parait pas avoir été fixe. Ouni, que Mérenra de la
VI5 dynastie nomma à la dignité de — V * «L, hatj-
â mer res, « chef gouverneur du midi », résidait à la
cour. Le territoire de la province méridionale descen-
dait alors jusqu'à Memphis. E. de Rougé, Recherches
sur les monuments qu'on peut attribuer aux si.r pre-
mières dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le même
honneur après Ouni était gouverneur d'Éléphantine.
J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscrip-
tions de l'Egypte antique, t. i, p. 172. Quand plus tard
Thèbes eut obtenu la suprématie et fut devenue Nout-
Risit, o la ville par excellence du sud », la grande
capitale, c'est là que résida le gouverneur du midi. A
une époque où les Hébreux vivaient encore tranquilles
en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thèbes, vizir de
Thotmès III, etc.. joignait à ses autres charges celle de
gouverneur du midi. Mais alors \ , Resit,\a région
du midi, si elle allait toujours jusqu'à Bigeh, ne
descendait plus que jusqu'à Siout, puisque c'est dans
ces limites que Rekhmara perçoit les taxes de son
commandement. Newberry, The life of Rekhmara,
1900. pi. v-vi et p. '26. Après les Ramessides et la
disparition des rois prêtres, les Bubastites de la
XXIIe dynastie firent de la Thébaïde déchue un apa-
nage royal et la maintinrent de la sorte sous leur dé-
pendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero,
histoire ancienne des peuples de l'Orient, 6e édit.,
1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains
des Ethiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du
viii" siècle, puis sous les Saïtes, VIIe et vie siècles, elle
devint une principauté théocratique régie par des
femmes de sang royal. Toutes ces péripéties contribuè-
DICT. DE LA BIBLE.
rent politiquement à rendre réelle, de nominale qu'elle
était auparavant, la démarcation déjà si tranchée par la
nature elle-même, entre la Haute et la Basse Egypte.
Le nom d'Egypte ou Mesraïm se restreignit à la dernière.
II. LA TERRE DU SUD CHEZ LES PROPHÈTES. — 1° l'aie,
xi, 11, prophétisant la venue du Messie, annonce qu'il
apportera au inonde le règne de la justice, et spéciale-
ment qu'« il étendra de nouveau sa main », comme il
avait déjà fait pour la sortie d'Egypte, et qu'« il rappel-
lera le reste de son peuple » dispersé aux quatre points
cardinaux. Il le rappellera en particulier du sud, c'est-
à-dire de l'Egypte, de Phétros et de l'Ethiopie. On ne
s'explique pas que les Septante lisent ici ànô Ùx£'j).wvia;
pour a Phetros, contrairement au texte hébreu suivi
par la Vulgate. Quoi qu'il en soit, Phétros est le même
mot que Phaturès. Jer., xliv, 1, 15. Isaïe est pleinement
d'accord avec l'état de choses existant en Egypte de son
temps, lorsqu'il distingue la terre du sud de Mesraïm
devenue au sens restreint l'Egypte proprement dite. De
plus il suit l'ordre géographique, allant du nord au sud
jusqu'à l'r.thiopie, jadis soumise à l'Egypte, maintenant
indépendante d'elle et parfois la dominant. Asarhadon
ne fait pas autrement quand il se déclare « le roi des
rois d'Egypte (Musar), de la Haute Egypte (Paturisi) et
de l'Ethiopie (Kusi). » Budge, The history of Esarad-
don, n» 5, p. 16 19. — 2° Jérémie, xliv, 1 : « Parole
qui fut transmise par Jérémie à tous les Juifs qui habi-
taient le pays d'Egypte, à Magdal, à Taphnès et dans
Memphis, et dans la terre de Phaturès. o-if. 15 : « Et
tout le peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) à
Phaturès, répondirent à Jérémie... «Jérémie suit aussi
l'ordre géographique et met en parallèle Mesraïm et
Phaturès, soit qu'il annonce aux Juifs réfugiés et dis-
persés en Egypte le châtiment de leur idolâtrie par la
main de Nabuchodonosor, soit qu'il cite la réponse de
ces mêmes Juifs opiniâtres dans leur incrédulité. Tous
ceux de Mesraïm et ceux de Phaturès (f. 15), Dieu les
atteindra en Mesraïm où ils occupent trois villes, Mag-
dal à la frontière orientale, Taphnis un peu plus haut
dans les terres et enfin Memphis à la pointe de Delta ;
il les atteindra pareillement en Haute Egypte (S'. l);d'un
mot, dans les deux régions distinctes où s'étend la dis-
persion. Cf. Ézéchiel, xxx, 13- 1 1, où l'on voit la même
opposition entre Mesraïm et Phaturès. — 3° Dans Ézé-
chiel, xxx, 14, le Seigneur prédit la dispersion de la
terre de Phaturès. Au chap. xxix, 12-13, le Seigneur vient
de dire : « Je disperserai les Égyptiens parmi les na-
tions, et je les séparerai dans tous les pays... Après qua-
rante ans je rassemblerai les Egyptiens du milieu des
peuples parmi lesquels ils avaient été dispersés. » Il
ajoute, f. 14 : « Je ramènerai les captifs d'Egypte; je les
placerai dans la terre de Phaturès, dans la terre de leur
naissance, et ils y feront un royaume humilié. » Dans
l'état actuel de nos connaissances, la réalisation de cette
prophétie reste obscure par plus d'un coté. Ni les docu-
ments assyriens et égyptiens, ni Josèphe et les autres
écrivains ne font la lumière sur ces quarante années
suivies du rétablissement de l'Egypte dans un royaume
limité à la terre du sud. Cf. W.M. Mùller, art. Pathros,
dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. m, p. 693.
Une seule chose est certaine : après les invasions des
Assyriens, l'Egypte était frappée à mort, et malgré son
renouveau sous Amasis, elle était bien « un royaume
humilié ». Les Perses allaient venir. Peut-être est-ce
dans la période qui va d'Amasis aux Perses (570-525)
qu'il faudra placer la restauration signalée par le pro-
phète'.' Il y eut là, semble-t-il, un moment d'accalmie
et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte déli-
vrée des Éthiopiens. Mais il est un point de la prophétie
où nos connaissances nous permettent de vérifier l'exac-
titude d'Ézéchiel. 11 dit expressément que Phaturès est
la terre d'origine des Égyptiens, terra nativitalis
suse. En cela il est d'accord avec la tradition égyptienne
V. - 8
227
PHATURKS — PHÉXICIE
228
consignée par Hérodote. Il, 4, 15, et Diodore II, 50,
Thinis, / — > 1 , Tlteni, dans la Haute-Éevpte, fut en
effet le berceau et la première capitale de l'Egypte, Menés,
le premier roi historique, en était originaire, les deux
premières dynasties sont appelées thinites. Brugsch,
Histoire d'Egypte, 1" partie, - édit., Leipzig, 1875,
p. 29-30. De plus, les inscriptions attestent la priorité'
du sud en le plaçant toujours avant le nord ; ainsi, par
exemple, le Pharaon est constamment en premier lieu
roi de la Haute Egypte. Enfin Amélineau a découvert
(1895-1898) les lombes des plus anciens rois à Abydos,
nécropole de Thinis, et cette découverte est venue
donner à la tradition la plus éclatante confirmation.
Cf. Pétrie, The royal Tombs,2 in-8-\ 1900-1901 Mé-
moires XVIII et XXI de VEgypt Exploration Fioul).
Venus d'Asie par la mer Rouge et l'ouadi Hammàmàt,
suivant l'opinion la plus probable, les Égyptiens s'éta-
blirent donc dans les environs d'Abydos. Ce fut là
qu'ils naquirent en quelque sorte comme peuple et
d'où ils s'étendirent au sud et au nord sur toute la
vallée du Nil. Cf. .T. de Morgan. Recherches sur les
origines de l'Egypte, t. il, 1897. p, 214 sq.
C. Lai, 1ER.
PH AU (hébreu: ws, Pâ'û, Gen.,xxxvi,39; >ys, l'a i,
T "T
I Par., i, 50; Septante : $uyuip), ville d'Idumée où
résidait Adar (appelé Adad I Par., i, 50), roi d'Édom.
Le site de cette ville est inconnu. U. J. Seetzen, Reisen
durch Syrien, Palàstina, t. m. I.und. 1835, p, 18, pro-
pose de reconnaître Phâû dans Phauaca. F. Buhl,
Geschichte der Edomiter, 1893, p. 38, combat cetle
identification.
PHÉ, lettre hébraïque. Voir PÉ, col. 1.
PHEDAEL (hébreu : Pedâh'êl t Dieu délivre »;
Septante : $a8o^X), lils d'Ammiud, de la tribu de Neph-
thali. Il fut chef de sa tribu et Moïse le chargea de la
représenter dans le partage de la Palestine, avec les
chefs des autres tribus israélitss. Xiim., xxxiv, 28.
PHEGIEL (hébreu : Pag'ïêl, Septante : •]•<,-; x:r,, .
>]'x:;ir:'>). lils d'Ochran, chef de la tribu d'Aser, du
temps de Moïse. Il offrit au Tabernacle les menu- pré-
sents et les mêmes sacrifices que les autres chefs de
tribus. Num., I, 13; il, 27; vu. 72. 77. Il marchait à la
tète des Asérites. Num., x, 26.
PHELDAS [Pildâë; Septante : $aXSÉç), le sixième
des huit fils de Nachor, frère d'Abraham el de Melcha.
sa nièce. Gen.. XXII, 22. Le nom mnbs a été trouvé
dans les inscriptions nabuthéennes. M. A. Levy, Ueber
die nabalâischen Inschriften, dans la Zeitschrift der
deutschen morgeniândischen Gesellschaft, t. xiv. 1860,
p. 440.
PHÉLÉIA ih.d. reu : Pelâ'ydh [voirPHALAïA, col. 182];
Septante : $a5ass; A lexandrinus : $aXafa), troisième
lils d'Elioénaï. de la race royale île David. I l'ai., m.
PHÉLÉLIA (bel, i-eii : Pelalyâh, Jéhovah jiig.- j;
Septante : $sXaXiâ), prêtre, Sis d'Amsi el père de
.h'-roham qui était lui-même père cl \daïa, contempo-
rain de \eleiiiie. Il Esd.. XI, 12. C'était un des des-
cendants de Pheshur ou l'hassur, fils de Melchias.
PHÉLETH (hébreu : Pélcf, Septante : *aX£6), père
de Hon, de la tribu de Ruben. Hon prit pari à la ré-
volte de Coré ei des deux autres Rubénites Dathan et
Abiron contre Moïse el Aaron, Num., xvi, I. les Sep-
tante el le texte samaritain appellent Phéleth Bis de
q, — In descendant de Jéraméel de la tribu de
Juda, qui est aussi appelé' Pélét dans le texte hébreu,
est appelé Phalelh, dans ia Vulgate. I Par., H, 33.
PHÉLÉTHIENS (hébreu : hap-Pelêti; Septante :
ci $eXe$ï), gardes du corps du roi David. II Reg., vm,
18; xv, 18; III Reg., i. 38, 44; I Par., xvilt, 17. La Vul-
gate nomme aussi les Phéléthiens, IV Reg., XI, 19,
parmi les gardes qui accompagnèrent le roi Joas lors de
son intronisation, mais l'hébreu et les Septante n'en
font pas mention et parlent seulement des Céréthiens.
Dans tous les autres passages cités plus haut, les Phé-
léthiens sont toujours joints aux Céréthiens et nommés
à leur suite. On croit communément que leur nom
n'est qu'une variante de celui de Philistin. Cf.
Ezech., xxv, 15; Soph., Il, 5. Voir CÉRÉTHIENS, t. u.
col. 411.
PHÉLONITE. I Par.. XI, 3G. Voir Piial i.onite,
col. 183.
PHELTI (hébreu : Pillai: Septante: •!■;> et- i, repré-
sentant de la famille sacerdotale de Miaminet Moadiadu
temps du grand-prêtre Joacim. II Esd.. xn, 17. Voir
Miamin 3, col. 1058.
PHELTIA (hébreu : l'elatyâh |\oir PhaltiaS,
col. 184]; Septante : $aX-ridt), un des chefs du peuple
qui du temps de Néhémie signèrent l'alliance entre
Dieu et les Israélites. II Esd., x, 22.
PHELTI AS c hébreu : Pelatyâh et Pelatyâhû [voir
Piiai.tias. col. 184] ; Septante : <t>aX-riâç), fils de Banaïas,
contemporain d'Ézéchiel, un des chefs du peuple. Le
prophète, dans une vision, XI, 1^13. fui transporte .i la
porte orientale du Temple de Jérusalem et il vil là
vingt-cinq honiines au milieu desquels étaient Jézonias.
fils d'Azur, et Pheltias. Dieu lui ordonna de prophétiser
contre eux el comme il prophétisait, Pheltias mourut.
PHÉNENNA i hébreu : Peninndh,t corail ou perle: a
Septante : $evvâva), seconde femme d'Eleana, père de
Samuel. Elle avait des enfants el Anne, la première
femme et la femme préférée d'Eleana, n'en avait point,
l'h.'nenna. jalouse sans doute de la préférence que mon-
trait son mari, reprochait sa stérilité à Anne qui était
humiliée el blessée de ses reproches. I Reg., i. 1-8.
Quand ses prières lui eurent obtenu de Dieu un lils qui
fui Samuel, Anne s'écria dans son cantique, à l'adresse
de l hénenna, I Reg., u, 5 :
La stérile enfante sept fois,
Et celle qui avait beaucoup de lils est flétrie.
PHÉNICE (grec : *oïvtÇ; Vulgate : Phœnice), porl
de Crète. Act.. XXVIIj 12. Voir PhŒNICE.
PHÉNICtE, nom donné à la cote de Syrie et au terri-
toire compris entre le mont Liban à l'est et la mer Mé-
diterranée à l'ouest. Sa longueur a été très différente
selon les diverses époques. Elle s'étendait depuis Gébaj
ou Byblos jusqu'à Dur ou Tantourah, mais on l'a pro-
longé.- aussi jusqu'à .loppé .-I même llhinoeolure, à la
frontière de l'Egypte, avant l'établissement des Philistins
dans la Séphélah. Jamais elle n'a désigné un État unique,
gouverné par un même chef; elle fui toujours divisé, eu
un certain nombre de villes possédant chacune un terri-
toire particulier et une domina lion pi us ou moins étend ne.
1. NOM, — I Le nom de Pln-nieie nous vient des Grecs
et non des Phéniciens eux-mêmes. La forme grecque
.->! $oiv(x*), Odyt., iv, 83; Hérodote, m, .">; Thucy-
dide, n,69; Strabon, XVI, u, 21: Ptolémée, \. 15, .1.
et la forme latine. Phœnice. Cicéron, Acad., u. 20;
Tacite, But., v, 6; Pomponius Mêla. i. 12: Pline.
//. A'., V, 13. Les auteurs latins plus récents écrivirent le
229
PHENICIE
230
nom Phœnicia et celte forme a prévalu parmi les mo-
dernes, mais elle ne se trouve pas dans l'Écriture. Ce
nom ne se lit que dans les livres écrits en grec,
puisqu'il est d'origine grecque, c'est-à-dire dans le se-
cond livre des Machabées, m, 5, 8; iv, 4, 22; vin, 8; x,
11, tt dans les Actes, xi, 19; xv, 3; xxi, 2; xxvii, 12 :
'î'oivi/.r) etPfiœnice. Saint Marc, vu, 26, mentionne une
Syro-phénicienne i^upoçoivtaaa, Syrophœnissa.
2° L'Ancien Testament, en dehors de II Mach., ne
désigne pas autrement la Phénicie que par le nom
général de terre de Chanaan. Gen., x, 19; Is., xxm,
11; Abd., 20. CI'. Matth., xv, 22, appelant « Chana-
néenne » la femme que saint Marc, vu, 26, appela
Syro-phénicienne, et les Septante rendant (quelquefois
à tort), Jos., v, 12, la locution « terre de Chanaan » par
■rt $otv£x7] ou r, y^ôpx -wv $om'xo)v. Exod., xvi, 3, 5; Jos.,
v, 1; Is., xxin,"2; Job, xl, 15 (30). Cf. Dent., m, 9.
Voir Chanaan 2, I. n, col. 537. Mais il faut observer
que ce nom de Chanaan n'est pas réservé seulement à
la Phénicie; il esl plus étendu et s'applique à des ter-
ritoires et à des peuples qui n'étaient pas phéniciens.
L'absence d'un nom général pour la Phénicie provient
de ce que les cités phéniciennes étaient indépendantes
les unes des autres et n'étaient unies par aucun lien
politique. La table ethnographique de la Genèse, x, 15-
44. — Monnaie de Laodicée du Liban.
Ti-te di&démée et radiée d'Antioohus, à droite. — û;. BASIAEQS
ANTIOXOr. ^eL,-^^ y w W \\ Whh' Neptune, de-
boul. do face, drapé aux trois quarts dans sa chlamyde, tenant
une patère de la main droite et le trident de la main gauche.
Dans le champ à gauche, VA (pour Laodicée); à droite, un
monogramme.
IS. énumère séparément Sidon, l'Aracéen, l'Aradien, le
Samaréen, et les écrivains hébreux ne désignent jamais
les Phéniciens par un nom ethnique spécial, mais par
les noms des villes auxquelles ils appartiennent : les
gens de Sidon, les gens de Tyr, I Esd., m, 7; les
Giblites, III Reg., v, 18; les gens d'Arad, Ezech., xxvii,
11: les Aracéens, les Sinéens, les Samaréens, Gen., x,
17. 18; les habitants d'Acho, d'Achzib et d'Aphec. Jud.,
i, 31. En englobant d'ailleurs la Phénicie dans la terre
de Chanaan, les écrivains hébreux parlaient comme les
Phéniciens eux-mêmes. Une monnaie de Laodicée du
Liban (fig. 44), frappée au nom d'Antiochus IV Épi-
phane, nous montre que, à cette époque encore (175-
164 avant J.-C), on donnait au pays le nom de Cha-
naan. On y lil en ell'et jy»a zn n:-în'-'-, « De Laodicée,
mère (métropole) de Chanaan. » Gesenius, Phœnicise
monumenta, t. n, p. 267. Etienne de Byzance, De
urbibus, édit. Dindorf, Leipzig, 1835, t. i, p. 464, dit
formellement : Xvà, ovtcûç r, 4'otviVr, èxcO.eÏto. Cf. la
citation de Philon de Byblos dans Eusèbe, Prsep.
evaiig., I, 10, t. xxi, col. 84 : 'A8s).ço; Xvà toO -Kpuno-j
u.ETOvou.a(r8évToç 'l'oivi/.oç.Chna est une forme apocopée
de Chanaan. Dans le papyrus Ilarris, I, 9, lig. 1 et suiv., la
Phénicie estappelée aussi Kanaan. Voir \V. M. Mùller,
.1m. . und Europa, 1893, p. 181. Saint Augustin nous
apprend que de son temps les paysans carthaginois, en
latin. Pœni, dénomination qui n'est pa's différente de
Phœnices, s'appelaient eux-mêmes Chanani : Interio-
gali rustwi nostri quid sinl, dit-il, In Rom. inch.
Expos., 13, t. xxxv, col. 2096, punice respondenles
Chanani... Cf. Gesenius," Thésaurus, p. 696; Schrb-
der, Die phônizische Sprache, in-8», Halle, 1869, p. 6
(et les citations, ibid.). Sur le nom Chanaan-Phénicie,
voir W. -M. Millier, Asien und Europa, p. 205-208.
Le nom géographique de Chanaan ne désigne pas direc-
tement le peuple qui habitait sur la côte, mais le pays
lui-même d'après son caractère physique. Chanaan
signifie « le pays bas », qui longeait la Méditerranée,
par opposition au pays haut, Aram ou la Syrie, formée
par les montagnes qui s'élevaient à l'ouest. Cw
dicta sit terra Chanaan interpretatio hujus nominis
aperit. Chanaan quippe interprétatif Humilis,
dit saint Augustin, Enarr. in Ps. CIV, 7, t. xxxvn,
col. 1394.
3» L'étymologie du mot grec *otviÇ est controversée.
Le nom de la Phénicie parait tiré, d'après les uns, du
nom de ses habitants. Les Grecs les appelèrent $oïvixeç,
d'où les Latins tirèrent Phœnices et Pœni, à cause de la
couleur rouge-brun de leur peau (cpotvô;). R. Pietsch-
mann, Gesdiichte der Pkônizier, Berlin, 1889, p. 13.
D'après d'autres, les Hellènes antérieurs à Homère
donnèrent au pays situé à l'ouest du Liban le nom de
•ÊoivixYi, parce que ce qui les frappa le plus quand ils
le visitèrent, ce fut le palmier qui y est indigène et
élève sa couronne de palmes au-dessus de l'olivier, du
'i.".. — .Monnaie de Tyr.
Tète diadémée d'Antiochus IV, adroite. — 15. BAEIAEQE
ANTIOXOï. Un palmier.
figuier et du grenadier; Phénicie veut dire le pays des
palmiers, çoïve! signifiant « palmier » en grec. G. Raw-
linson, Hislory of Phœnicia, 1SS9, p. 1. Cet arbre
figure sur des monnaies de Tyr (fig. 45) et de plu-
sieurs autres villes phéniciennes. Babelon, Les rois de
Syrie, Paris, 1890, p. xcix, 75 (n» 577, 578), pi. xm,
n» 12. Voir, pour d'autres monnaies phéniciennes re-
produisant le palmier, Sehroder, Phônizische Sprache
pi. xvill, fig. 11, 12, 14.
.II. Origine des Phéniciens. — La table ethnogra-
phique de la Genèse, x, 15-18, fait descendre les Phé-
niciens de Chanaan, fils de Noé. Elle énumère parmi
les fils de Chanaan, Sidon, son premier-né, l'Aracéen,
le Sinéen, l'Aradien et le Samaréen, c'est-à-dire que
Sidon, Arca (voir Aracéen, t. 1, col. 866), Arad ou
Arvad et Simira, qui comptaient parmi les principales
villes de Phénicie, furent fondées et habitées par les
descendants de Chanaan. Sidon fut en effet tout d'abord
la ville la plus florissante du pays, et Tyr, qui n'est pas
nommée dans le Pentateuque et n'apparaît que dans le
livre de Josué, xix, 29, n'acquit que plus tard la préé-
minence. Voir Tyr, Sidon.
On croit généralement que les Phéniciens ont émi-
gré des bords du golfe Persique sur les rives de la
Méditerranée environ 3000 ans avant notre ère. Héro-
dote, 1, 1 ; vu, 89; Strabon, XVI, m, 2; Justin, XVIII,
m, 2. Ce dernier, abréviateur de Trajan Pompée, dit :
« La nation syrienne fut fondée par les Phéniciens, qui
étant troublés par un tremblement de terre, quittèrent
leur pays d'origine et s'établirent d'abord sur les bords
du lac Assyrien (probablement le Balir Nedjif, dans le
voisinage de Babylone) et puis sur les bords de la
Méditerranée, où ils bâtirent une ville qu'ils appelèrent
Sidon, à cause de l'abondance du poisson, car les Phé-
niciens appellent le poisson sidon ». Ces affirmations
231
PHÉNICIE
232
ont été contestées, mais le fond parait exact. G. Rawlin-
son, History of Phœnicia, p. 54. Quel a été leur ber-
ceau primitif'/ Nous l'ignorons. On en fait assez générale-
ment aujourd'hni un peuple sémitique, surtout à cause
de sa langue, qui diffère très peu de l'hébreu et est
apparentée aux autres langues sémitiques, mais il ne
résulte pas de là nécessairement que les Phéniciens
fussent des descendants de Sem et que l'origine chami-
tique qui leur est attribuée par la Genèse soit controu-
16. — Carie de la Phénicie.
vée. Les Phéniciens, commerçants par goût et par tem-
pérament, ont pu adopter la langue des nations et des
tribus avec lesquelles ils étaient en affaires. Il est pos-
sible aussi que Sémites el Cbamites aient parlé long-
temps ta même langue et que les Phéniciens vivant au
milieu des Sémites aient toujours parlé un idiome
semblable à celui de leurs plus proches voisins. Cf. Th.
.1. Ditmar, Ueber dos Vaterland der Phônizier, in-12,
Merlin (1889).
III. Le pays. — I" Étendue. — La longueur de la
Phénicie a varié aux diverses époques et les anciens
géographes n'ont eu qu'une idée assez vague de ses di-
mensions. Si on l'étend du cap Possidi à Rhinocolure,
elle eut en I i^m- droite, environ <>lo kilomètres de lon-
gueur, mais, en général, les Phéniciens n'onl pas de
beaucoup dépassé le mon! Carmel, Pomponius Mêla,
Chorogr.. i, 11-12. édit. Teubner, p. 15-16, en remon-
tant du sud au nord la fait commencer à Joppé (fig. 46).
De la frontière d'Egypte au mont Carmel, sur une
longueur de '240 kilomètres, on ne rencontre aucun
promontoire, aucune baie digne de ce nom. Du Carmel
qui s'avance assez avant dans la mer et oll're un refuge
aux navires, jusqu'à Beyrouth, pendant 146 kilomètres,
la côte est presque régulière. Ce n'est qu'au nord de
Beyrouth que la ligne de côtes devient accidentée. De
celte ville à Tripoli, elle est coupée par plusieurs pro-
montoires et plusieurs baies. A partir de là. de Tripoli
à Tortose (Antaradus), la mer fait une forte échancrure
dans les terres. Jusqu'au delà de Gabala, la côte remonte
vers le nord avec peu de sinuosités, mais ensuite, jus-
qu'au cap l'ossidi, elle est très irrégulière; les monts
Bargylus etCasiusse prolongent dans la mer et forment
des promontoires dont le cap Possidi est le plus remar-
quable.
La largeur du territoire occupé par les Phéniciens
sur le rivage de la Méditerranée variait île 12 à 15 kilo-
mètres à 50. La frontière orientale était l'arête monta-
gneuse qui sépare les eaux qui se déversent dans la
nier à l'ouest, de celles qui se déversent à l'est dans
l'Oronte, le Litany et le Jourdain. Entre ces montagnes
et la mer, on trouve des plaines d'alluvion et sur le
rivage même une bande de sable blanc, plus ou moins
large, qui se distingue par sa finesse et par son excel-
lente qualité siliceuse, spécialement dans le voisinage
de Sidon et au pied du mont Carmel.
2" Plaines el montagnes. — Les plaines les plus
remarquables sont celles de Saron, d'Accbo, de Tyr, de
Sidon et de Marathus. Les montagnes qui appartiennent
ou se rattacbentà la Phénicie sont le Carmel. le Casius,
le Bargylus et le Liban. Voir Carmei. 2, t. Il, col. 290, et
Liban, t. iv, col. 1277. Le Bargylus des anciens, Ansay-
riéb ou Nasariyéh des modernes s'étend de l'Oronte
près d'Antioche à la vallée de l'Éleuthérus. L'eau y
abonde et là prennent naissance le Nahr-el-Kebir qui
a son embouchure près de Latakiéh, le Nahr-el-Melk,
le Nalir-Aini il. le Nahr-Kublé. le Nahr-el-Abrath, etc.
Le Liban était la chaîne la plus importante, la défense
naturelle la plus forte de la Phénicie; les armées étran-
gères n'osaient guère s'aventurer à l'ouesl de ses cimes.
'■'•■ Climat. — Le climat de la Phénicie est très varié,
à cause de l'étendue de ses côtes el de la diversité des
altitudes. Pendant l'hiver, les tempêtes sont nombreuses
et la pluie abondante, la navigation, interrompue el
même impossible, mais de mai à octobre, le baromètre
varie fort peu, le ciel est sans nuage et sans pluie.
4° Productions. — Le sol produit le palmier qui,
autrefois surtout, était très abondant, le sycomore, le
pin maritime, le platane, sur la côte; et dans les mon-
tagnes le cèdre, « la gloire du Liban », le pin d'Alep, le
cyprès, etc., le chi ne, le noyer, le peuplier et le ca-
roubier. Les arbres fruitiers indigènes dans le pays
sont l'olivier, la vigne, le daitier, le noyer el le liguier.
Voir ces mots. On trouve sur la côte les coquillages
dont les Phéniciens tiraient la couleur pourpre. Voir
POl RPRE.
5° Villes principales. — Les principales villes de
Phénicie, depuis Laodicée au nord jusqu'à Joppé an
sud, étaient au nombre île vingt-cinq : Laodicée,
Gabala, Balança, Paltos; Arad on Arvad, Gen., \. 18;
I /e, li., xxvti, 8, avec Antaradus. Marathus. Simya,
Ortbosiade et Area; Tripoli, Calamus, Tri. ris et Botrys;
Gébal (Byblos), Ezech., \xvn. 9; 111 lie,:., v. 18 32 ;
Aphaca; Béryte, voii Béroth, t. t. col. 1625; Sidon,
Sarepta el Ornithopolis; Tyr el Ecdippe; Accho et Por-
phyrton; Dor et Joppé. Sarepta est imée dans
l'Écriture, 111 &eg., svii, 9-24; Abd., 20; Lui
ainsi qu'Orthosiade, I Mach., xv,37, Accho, Dor, Joppé
et surtout Tyr el Sidon. Voir ces mots. La plaine de
l.i Phénicie d'ans le sens strict s'étendait du Pronu
233
PHENICIE
234
riuni Albion des anciens illàs d-Beyad ou Alii/ail des
modernes), à huit kilomètres environ au sud de Tyr
jusqu'à l'ancien Bostrenus(Nahrel-Avly des modernes)
à deux kilomètres au nord de Sidon, Robinson. Bibli-
cal researches, 2* édit., 1S56. t. n. p. 473, occupant une
plaine ondulée de 450 kilomètres de longueur.
IV. Le commerce. — Les Phéniciens sont surtout cé-
lèbres par leur commerce, leur industrie et leurs navi-
gations. Doués du génie du négoce, leur trafic nous
explique toute leur histoire. Il leur avait procuré de
grandes richesses qui les avaient rendus célèbres.
Cf. Ps. xliv ixi.vi. 13; lxxxvi (lxxxvh), 4; Ezech.,
XXVII ; Ose., ix, 13.-Z.ioli.. ix, 2-3.
« Ce petit peuple, attaché à la frange d'un littoral,
possédait le monopole des grandes navigations dans la
.Méditerranée et fournissait à
tous ses voisins les objets pré-
cieux importés des extrémités
du monde, aussi bien par les
voies de terre où cheminaient
les caravanes, que par les voies
de mer. pratiquées des navi-
res. Les Phéniciens avaient
acquis des ports sur la mer
Rouge, atin de s'élancer vers
l'océan des Indes et de visiter
les cotes de l'Afrique, de l'A-
sie, même de l'Insulinde.
ainsi qu'en témoignent nom-
bre d'inscriptions phénicien-
nes trouvées à Rejang. dans
l'île de Sumatra, et datant de
vingt-deux à vingt-trois siè-
cles... Pour aller chercher
l'étain qu'ils vendirent d'abord
aux Égyptiens, puis aux Hel-
lènes, de la Petite et de la
Grande Grèce, les Phéniciens
avaient même osé franchir les
portes d'Hercule, et s'aventu-
rer sur la g mer Ténébreuse />.
Enfin, devançant de vingt siè-
cles les Diaz et les Vasco de
Gaina, n'avaient-ils pas, par
ordre du roi d'ugypte, Né-
chao II. accompli la circum-
navigation complète du con-
tinent d'Afrique? Le récit des
navigateurs affirmant qu'ils
avaient vu le soleil d'abord à
leur droite, puis à leur gau-
che, pendant ce long périple,
entraine Hérodote à douter de l'authenticité de ce voyage
et c'est précisément ce dire sur lequel s'appuient main-
tenant les géographes pour conclure à la réalité de
l'événement. Elisée Reclus, La Phénicie et les Phéni-
ciens, in-8°, Neuchatel, 1900, p. 15-16.
Les Phéniciens firent leur apprentissage de la navi-
gation lorsqu'ils habitaient sur les bords du golfe Per-
sique. en voyageant au moyen de radeaux d'une ile à
Ion la tradition antique. Pline, H. S., VII.
î.vi, 206, édit. Teubner, 1870. t. n, p. 52. Quand ils se
furent établis sur le territoire qu'on a appelé de leur
nom, ils perfectionnèrent peu à peu leurs moyens de
transport. La situation du pays le rendait très favorable
pour le commerce. Pomponius Mêla. ï. 12; I. Kenrick.
Phœnicia, Londres, 1855, p. 186-187. Le Liban leur
i -sait en abondance un excellent bois de construc-
tion pour les navires; Chypre, tous les matériaux néces-
saire pour le grément du vaisseau, de la quille jusqu'aux
voiles. Nous ne connaissons pas en détail le navire
phénicien, mais nous savons qu'il faisait l'admiration
des Grecs. Dans Xénophon, Œconom., vin. Ischomachos
47. — Fia. il de verre phé-
nicien, à parfums, trouvé
à Camiros, dans l'île de
Rhodes. — D'après l'en t
et Chipiez, Histoire de
l'art, t. m, (1g. 522, p. 741.
dit qu'il n'avait jamais vu de navire mieux disposé qu'un
vaisseau phénicien. Voir Navire, t. iv. lîg. 405, col. 2427.
Ezëchiel, xxvn, a tracé un tableau célèbre du commerce
de T\r, qui était celui de tous les Phéniciens. Cf. Is..
xxm, 2-8. Ils fournissaient à l'ancien monde des pro-
duits textiles renommés. Damas et l'Arabie lui ven-
daient la laine à tisser. Ezech., xxvn, 18, 21. Leurs
- Peigne phénicien en ivoire, trouvé en Espagne.
Musée du Louvre.
tissus étaient estimés par-dessus tous les autres, lliad.,
vi, 290. à cause de la beauté et de l'éclat de leurs cou-
leurs et aussi, souvent, à cause de la délicatesse et de la
richesse de leurs broderies. Voir Perrot, Histoire île
l'art, t. m, p. 877. Leurs étoffes de pourpre jouissaient
d'une grande réputation. Voir Pourpre.
Le \erre était avec les tissus un des principaux objets
49. — Bus'e de femme ornée de ses bijoux. Sculpture gréco-
phénicienne, trouvée à Elché (ancienne Ilici) en Espagne
Musée du Louvre.
du commerce des Phéniciens. Voir Verre. Les Égyp-
tiens le connaissaient avant eux, mais quoiqu'ils n'aient
pas été les premiers à le connaître, ils l'exploitèrent
sur une large échelle et avec le plus grand succès. Sidon,
Tyr et Sarepta se distinguèrent par leurs manufactures.
11 fut exporté dans tout le inonde ancien et l'on en a
retrouvé de très beaux échantillons, transparents ou
demi-transparents et diversement colorés (fig. 17).
L'art céramique en Phénicie fut loin d'égaler celui
du verre, mais ils fabriquaient de la poterie à bon
marché et la répandirent ainsi très loin. Strabon, III, v,
235
PHÉNICIE
236
11; Scylax, Periplus, 112, dans Geogr. min., édit. Di-
dot, t. r, p. 94. Ils fabriquaient aussi des objets de toi-
lette, comme le peigne en ivoire qui a été retrouvé en
Espagne (fig. 48), et des bijoux de toute sorte (fig. 49).
Les ouvriers phéniciens étaient aussi habiles en mé-
tallurgie, comme ils le montrèrent dans la fabrication
des deux colonnes du temple de Salomon, voir III Reg.,
vu, 21 ; et des ustensiles en bronze destinés au service,
du même temple, III Reg., vu, 14; II Par., n, 14. Ils
l'Assyrie, la Mésopotamie (Haran), l'Arménie (Thogor-
mah), l'Asie Mineure, l'Ionie, Cypre, l'Ilellade (.lavan),
l'Espagne (Tbarsis). Avec les uns, les Phéniciens fai-
sant leur commerce par terre; avec les autres, par mer.
Grâce à leurs découvertes géographiques et à leurs dé-
couvertes astronomiques qui leur permirent de navi-
guer en pleine mer, sans s'astreindre à longer seule-
ment les côtes, ils élargirent sans cesse le cercle de
leur commerce. Ils établirent un peu partout des
5ii
Coupe de travail phénicien, trouvée dans l'ile de Chypre. Mum't du Louvre.
fabriquaient pour l'exportation de nombreux objets en
métal, statuettes, coupes, patères, etc., et les vendaient à
l'étranger (fig. 50). lliad., xxm, 740-744; Odys., i\, 615;
xv. 115. Leur art est de qualité inférieure; c'est une
imitation un peu gauche et maladroite de l'art assyrien
et surtout de l'art égyptien, mais ces oeuvres n'en fai-
saient pas moins leur chemin à travers le monde qui,
en dehors des bords de l'Euphrate et du Nil, ne con-
aaissaient rien de mieux dans ces temps antiques. Voir
(.. IVrrot, Histoire de l'art daim l'antiquité, t. m,
p. 403-439. 518-535; Clern t-Ganneau, L'imagerie
phénicienne, Paris, 1880, p. 2.
l'./échiel, dans son chapitre \x\n, ('•minière une partie
des pays avec lesquels .trafiquait la ville de Tyr: la Syrie
Damas, la Palestine, l'Egypte, l'Arabie, la liabylonie,
comptoirs qui facilitèrent leur négoce. Voir A. Dauza
Recherches sur les emporia phéniciens, dans leZeugir
et le Bysacium, in-8°, Paris. 1869.
Les Phéniciens achetaient en Palestine les chênes de
Basan, pour en faire des rames. Ezech., XXVII, (i, le
froment de Mennith (voir Mennith, t. iv, col. 972). le
baume, le miel, l'huile et ta résine, X. 17, les ceintures
fabriquées par [es femmes Israélites, Prov., xxxi, 24, et
sans (toute toutes les productions du pays. Cf. Joël,
III, 3-6. lui échange, ils donnaient les étoffes et les
bijoux de leurs artistes ili^. ôl); les 'J'xriens alla ni
vendre leur poisson jusqu'à Jérusalem, avec toute es] <
de marchandises, otnnia venalia, et ce ne fut pas sans
peine que Néhémie les obligea à respecter le repos du
sabbat. Il Esd., xtn. 16-21.
237
PHEXICIE
238
Les Phéniciens n'exercèrent pas toujours leur com-
merce sans violer les lois de la justice. Ils s'étaient
souvent rendus odieux par leurs pirateries et par leurs
rapines. Ils enlevaient par la ruse et la violence tous
ceux qu'ils pouvaient surprendre, hommes, femmes,
entants, pour les vendre comme esclaves. La fraude,
izxTr.îiï, Odyss., xiv, 883, était pour eux, en mémo
51. — Bijoux phéniciens sur une statue de femme drapée, trou-
vée dans les ruines du temple de Curium en Chypre. Pierre
calcaire. Le vêtement forme des plis très marqués. La tète
manque. Autour du cou, une petite chaîne à laquelle était sus-
pendu un objet brisé. Au-dessous un collier à gros grains;
plus bas. deux autres grands colliers auxquels sont suspendus
des ornements en forme de glands; entin, traces d'un qua-
trième collier qui parait porter un ornement en forme de tète
de taureau. Une longue chaîne, travaillée avec beaucoup d'art,
descend du cou jusqu'au-dessous de la main droite; quatre
anneaux sont attachés a l'ornement en forme de lyre que deux
- d'aspic nouent à la chaîne. Aux bras, un bracelet. —
I aprùF ili Cesnola, Allas, in-l . part. 2. pi. ex, fig. 588.
temps que la vente de leurs marchandises, un moyen
de s'enrichir. Hérodote, H, 56; v, 58: Odyss., xiv, 290;
x\. 115-484; Cieéron, Dr Hrp., m, .'ili; Thucydide, i, 8.
Le mensonge leur était familier pour dissimuler leurs
voyages et las sources de leurs profils. Le ■]>vjiu.x
■'••',:, v/.:/.vi élait devenu proverbial, Strabon, III, v, 5,
Étymologic. Macjn., édit. Craisford, Oxford, 8, 48,
p. 797. Cf. Hérodote, m, 107, 110. 111, 115. Un capi-
taine phénicien, qui allait de Cadix au pays de l'étain
(Cassitérides), s'étant aperçu qu'il élait suivi par uu
navire romain, n'hésita pas à aller briser le sien sur la
côte pour ne pas révéler le pays où il allait s'approvi-
sionner. L'État le dédommagea de sa perte volontaire.
Les Phéniciens réussirent ainsi à conserver longtemps
l'empire de la mer. On comprend sans doute que ce
52. — Buste supposé de Melkarth. Musée du Louvre.
peuple de marchands ne négligeât rien pour cacher à
ceux qui seraient devenus leurs concurrents les routes
qui leur servaient à faire fortune, mais il eût été dési-
rable pour leur honneur qu'ils n'eussent employé que
des moyens honnêtes dans leur trafic. Il faut d'ailleurs
reconnaître qu'ils rendirent aussi de véritables services.
Malgré' leur rapacité et leurs pillages trop fréquents,
les marchands phéniciens étaient ordinairement reçus
avec bienveillance par les pays qu'ils visitaient et à qui ils
vendaient des objets estimés, qu'ils étaient seuls à four-
nir. Ils méritaient ce bon accueil, parce qu'ils achetaient
53. — Autel phénicien de Hagiar Kim. Malte.
D'après Penot, Histoire de l'art, t. m, p. 304, fig. 229.
aux indigènes leurs produits, qu'ils les intéressaient et les
instruisaient par les récits plus ou moins fabuleux de
leurs voyages et leur apportaient un luxe et des élé-
ments de bien-être inconnus. Le premier vaisseau, a-t-
on dit, qui partit du port de Sidon pour aller trafiquer
à l'étranger, emportait dans ses lianes la civilisation et
le progrès. Progrès très relatif, il est vrai, mais progrès
239
PHENICIE
240
cependant, quoique matériel surtout. Quand ils inven-
tèrent l'écriture alphabétique et la communiquèrent aux
Grecs, ils devinrent les bienfaiteurs de l'humanité et
ils supplantèrent peu à peu toutes les écritures impar-
faites imaginées jusque-là. Voir Alphabet, t. i, col. 402.
Ils ne nous ont guère laissé d'ailleurs que quelques
inscriptions, la plupart religieuses, et point de littéra-
ture, absorbés qu'ils étaient par leurs opérations mer-
cantiles. L'existence de Sanchoniaton est révoquée en
doute, Pliilon de Bjblos et les autres écrivains anciens
qu'a produits la Phénicie ne sont pas antérieurs au
commencement de notre ère.
V. Relwion. — La religion des Phéniciens eut une
54. — Prêtre carthagi s. Musée Lavigerieà i .iriliage.
grande influence sur 1rs Israélites,:'! toutes les époques (le
leur histoire et particulièrement à l'époque d'Achab, où
hi reine Jézabel, Phénicienne d origine, el fille d'Ithobal,
grand-prêtre d'Astarthé (Ménandre d'Éphèse, l'ragm. 1,
dans les Hist. grsec. fragm., édit. Didot, t. iv, p. 146), vou-
lut la faire dominer par la force dans le royaume des
dix tribus. Le voisinage el la prospérité de la Phénicie
ne pouvaient manquer d'exercer une fâcheuse influence
sur les Israélites, déjà enclins par eux-mêmes à l'ido-
lâtrie. Aussi adorèrent-ils les dieux de Tyr el de Sidon
el pratiquèrent-ils les rites de leur religion. Jud., x. 6.
A la tête du panthéon phénicien liaient le dieu Baal
et sa compagne, la déesse Astarthé ou Astoreth. Voir
Baal, t. i. col. 1315, el Astarthé, col, 1180. Chaque
h l!\.\i : île là les llaalim. .lud., il, 1 1 ; m, 7:
x, 6, etc., Raal-samin ou des cieux, Baal des mouches,
voir Béelzébub. t. i, col. 1547, etc. Les autres prin-
cipales divinités phéniciennes furent El, Melkartb
(Bg. 52), Dagon, t. n, col. 1204; Hadad, t. m, col. 391.
Adonis, voir Thahhuz, Sydik, Eschmûn, les Cabires.
Onca, Tanith, Tanata ou Anaïtis. Baalith, Baaltis ou
Beltis. On honorait ces divinités par des sacrifices et
par des hymnes, des processions et des offrandes votives.
On élevait îles temples et des autels en leur honneur
(lig. 53). Des prêtres (fig. 54) et des prêtresses ifig. 55)
étaient attachés à leur service. Leur culte était désho-
noré par des sacrifices humains, Porphyre, Vc abstin.,
Prêtresse carthaginoise. Musée Lavigerie à Caiths
n, 56; Quinte Curce, iv. 15; cf. Jer., xix, i-5; Mich., vi,
7; IV liée... m. 27; svi, 3; sxi, 6, el par des pratiques
licencieuses. Ovide, .uViiim., x, 240; Hérodote, l, 199;
Justin, xvin. .">: Eusèbe, Vita Const., m, 55, 3, 1. xx,
col. 1120; Lucien, /><' Dea Syra,50-52; Corpus inscript.
s, •mit., t. i. fasc. 1, p. 92. Les Phéniciens n'avaient
qu'une idée vague de l'immortalité de l'âme, mais ils fai-
saient des provisions pour la vie d'outre tombe, Après
la pluie le soleil brille de nouveau, •• lit-on sur une in-
scription funéraire. Gesenius, lionum., p. 11.- Ils
étaient très religieux à leur façon et ils faisaient fré-
quemment des vieux à leurs dieux, comme le promeut
spécialement les nombreuses stèles votives trouvées à
Carthage, voir Corpus inscript, semit., part, i, t. i. et
les ex-votos trouvés en grande quantité en Chypre, où
le temple de Golgi a fourni à ceux qui l'ont fouille 228
241
PHENICIE
242
statues votives, et une seule chambre du trésor de Cu-
rium plus de trois cents objets consacrés, en argent ou
argentés, Di Cesnola, Cyprns, p. 146, 3-25, 306-334.
VI. Histoire. — ;. caractère de leur gouverne-
mi: \i .— Les villes phéniciennes étaient autonomes, lors-
qu'elles apparaissent dans l'histoire, et sous le gouver-
nement d'un roi; pendant la période de la prépondé-
rance égyptienne, de 1600 à 1350 environ, aucune d'elles
ne parait avoir prédominé sur les autres. Elles tenaient
surtout à la liberté de leur commerce; le reste semble
leur avoir importé peu; elles n'ont jamais eu le goût
des conquêtes; elles se soumettaient même sans trop
de difficulté aux rois d'Egypte et d'Assyrie plus forts
qu'elles et leur payaient tribut, quand ils faisaient cam-
pagne contre leur territoire. Une inscription égyptienne
antérieure à Moïse est à ce sujet très significative.
Sur le tombeau de Rekhmara qui fut préfet de Thébes
sous Thothmés 111 (XVIIIe dynastie), on voit le défunt
recevant au nom du Pharaon les hommages des nations
tributaires. Parmi elles sont représentés les Phéniciens
(tig. 56i. < Viennent, dit l'inscription, et sont les bien-
venus les princes de Phénicie et des iles qui sont au
und Europa, p. 208-212, nie que les Fenh = Fenkliu des
textes hiéroglyphiques soient lesPhéniciens mais, quoi
qu'il en soit de ce nom, les guerres des Pharaons contre
le pays sont historiques.
;//. SUPRÉMATIE DE SIDON. — Ce qu'ils faisaient à
l'égard des Egyptiens, auxquels ils payaient tribut dans
l'intérêt de leur commerce, les Phéniciens le firent à
l'égard de presque tous leurs vainqueurs, à toutes les
périodes de leur histoire. Après avoir été à peu près
égales entre elles, les cités phéniciennes acquirent ce-
pendant plus ou moins d'importance. Aradus (Arvad)
et surtout Sidon exercèrent d'abord une certaine supré-
matie. Du temps d'Homère, tous les marchands de Phé-
nicie n'étaient connus que comme Sidoniens. Iliad.,
xxiii, 743-748; VI, 290-295; Odys., iv, 613-619; xv, 460.
Avec le déclin de la puissance égyptienne, après
Ramsès II, du temps de Moïse, Sidon se lit connaître
comme « Sidon la grande ». Jos., xi, 8; xix, 28. Son
territoire s'étendit jusqu'à Laïs (Dan). ,Iud., xvm,
7-8. Ce fut sans doute la crainte qu'inspirait son pou-
voir qui empêcha les Hébreux, lors de la conquête de la
Terre Promise, de s'emparer de villes qui n'auraient
56. — Phéniciens apportant leur tribut en Egypte. Tombeau de Rekhmara.
Mémoires de la mission du Caire, t. v, fasc. 1, pi. v.
milieu de la Grande Verte (la mer), à l'état de courbés
et d'inclinés pour les volontés de sa majesté le roi du
midi et du nord. Ramenkheper, vivilicateur éternelle-
ment. Ses victoires sur tous les pays [ont porté] chez
eux le dégoût |de combattre (?)]. Leurs apports sur leur
dos, ils présentent l'hommage [pour que leur soient
donnés] les souffles de vie, comme désireux de subsister
par l'émanation de sa majesté... » Ph. Virey, Le tom-
beau de Rekhmara, dans les Mémoires de la mission
du Caire, t. v. fasc. 1, p. 33. Les Égyptiens avaient de
bonne heure envahi la Phénicie.
//. la vin. \u ib SOI S LES ÉGYPTIENS. — La plus an-
cienne inscription égyptienne qui mentionne la Phé-
nicie la nomme Dahé ou Zahi. W. Max Muller, Asien
und Europa, p. 176-182. D'après ses calculs, entre 1587
et 1562 avant notre ère, Aahmés atteignit son territoire.
Il nomme des Fenkhu qui travaillaient dans des car-
rières. Thothmés 1er, vers 1541-1516, envahit toute la
Syrie jusqu'à l'Euphrate. Thothmés III, vers 1503-1449,
mentionne la 23" année de son règne une victoire sur
i et les autres habitants de la Syrie ; la 29e an-
née, il fait une campagne contre les Rutennu, Tunep,
Arvad t Zahi el s'empare d'un riche butin; sa 30» an-
née, il prend Cédés, Simyra et Arvad: sa 3ic année, il
fait payer tribut au pays de Zabi, de Rutennou et d'Asi
(Cypre). Aménophis [II, vers 1414-1379, tient sous sa
domination la Phénicie et la Syrie tout entière. Les let-
tres de Tell el-Amarna nom ment les gouverneurs de Tyr,
ryte, de Simyra, de Gebal, d'Accho, de Sidon, etc..
qui représentaient le Pharaon dans ces villes à cette
époque. Voir Keilinschriflliche Bibliothek, t. v, 1896,
p. 131, 133, 151, 267, 271, etc. Ramsès II envahit à son
tour le pa\s et une inscription de lui se voit encore près
du Nahr-el-Kelb (le Lycusj. - M. W. M. Muller, Asien
pu leur résister par leurs propres forces. Accho, Acha-
zib, Aphec, Jud., i, 31; cf. Eccli., xlvi, 21. et qui avaient
été attribuées à Aser, lors du partage de la Terre
Sainte. Cf. Jos.. xix, 26.
Les cités du voisinage de Sidon, Sarepta, Heldun,
peut-être Réryte (Beyrouth i, Ecdippe el Accho acceptèrent
sa suzeraineté. Elle se distingua particulièrement pen-
dant cette période par ses progrés dans les arts, dans la
guerre i ! dans la navigation. Les premiers navigateurs
grecs les rencontrèrent dans toutes les parties de la
Méditerranée où ils s'aventuraient, et l'on savait qu'ils
fréquentaient de plus des régions inconnues àl'Héllade.
Une guerre qu'ils eurent à soutenir contre les Philis-
tins, qui s'étaient établis au sud de leur pays sur les
rives de la Méditerranée, leur mérita une grande répu-
tation d'audace, mais elle fut pour eux un échec fatal
à leur puissance. Les Philistins, conduits par le chef
des Ascalonites, assiégèrent Sidon par terre, la bloqués
rent et voulurent la forcer à se rendre, mais ses habi-
tants se sauvèrent par mer et se réfugièrent à Tyr, Jus-
tin, Hist. Philipp., xvili, 3. Avant cette défaite, à l'époque
des Juges et antérieurement à la judicature de Jephté,
les Sidoniens avaient opprimé les Israélites, Jud., x,
12, mais nous n'avons aucun détail à ce sujet.
IV. suprématie de tyr. — L'hégémonie passa alors
à Tyr. C'était vers 1250 avant notre ère. Voir .1. Kenrick,
Phœnicia, p. 343. Elle dura jusqu'en 877. Du temps de
.losué. Tyr est appelée « une ville forte », Jos.. xix. 29
et elle ne le cédait probablement alors qu'à Sidon en
importance. L'arrivée dans ses murs des Sidoniens
vaincus lui assura la suprématie. Dans le Vui/at/e a'uii
Égyptien, trad. Chabas, 1866, p. 169, vers 1350, elle est
mentionnée comme un port a plus riche en poissons
qu'en sable ». Vers 11311, la colonisation de Cades
243
PHENICIE
244
(lig. 57), au delà des colonnes d'Hercule, sur le rivage
de l'Atlantique, marque un nouvel élan et une hardiesse
plus grande qu'auparavant dans les entreprises commer-
ciales et dans le rayon d'action de la Phénicie. Ce fu-
rent les Tyriens qui effectuèrent les plus longs voyages.
Hérodote, i. 1. el qui cherchèrent à nouer le plus de
relations pour ouvrir à leur commerce toute espèce de
débouchés. L'histoire sainte nous en fournit des exem-
ples remarquables. Lorsque David fut acclamé roi à
Hébron, Abi-Baal occupait le trône de Tyr (fig. 58). Dius,
57. — Monnaie de Gadès.
Tête 'd'Alexandre le Grand. — ii. Meba'alé Agadir.
i ■ .i. Gadès ». Deux poissons.
Fragm. il; Ménandre, Fragm. i, dans Eistor. Grsee.
fragm.. édit. Didot, I. rv, p. 398, 446. Cf. .losèphe,
Cont. Apion., I, 17. 1S. Il eut pour successeur son
lils Hiram, âgé de dix-neuf ans. lbid. Celui-ci semble
avoir discerne'' promptement les hautes qualités de Da-
vid et le profit qu'il pourrait tirer de son alliance. Peu
après la prise de Jébus par le jeune roi, il lui envoya
des ambassadeurs avec des cèdres du Liban, des maçons
et des charpentiers pour lui bâtir un palais. I Par., xiv,
1. Cf. II Reg., vu. •-'. Les bonnes relations durèrent
58. — Sceau en sardoine avant appartenu -72 *2s~ à a Abi-Baal. d
Mu sée de Florence. Grossi au double.
pendant tout leur règne. III Reg., v. I. Lorsque David
prépara les matériaux pour la construction du temple
de Jérusalem, 1rs sujets d'Hiram, Sidoniens et Tyriens,
« lui apportèrent beaucoup de cèdres. 0 I Par., xxn, 4.
Sous son lils Salnhi 1rs rapports devinrent encore
plus étroits, A la mort de David, Hiram lui envoya une
ambassade. III Reg., v, l ; .losèphe, Ant. jud., VIII,
11, 6, el Salomon en profita pour lui demander son
concours dans l'œuvre de la construction du Temple.
Josèphe reproduit les lettres qu'il dit avoir été échan-
gées entre les deux monarques en cette circonstance; il
assure qu'elles étaient conservées dans les archives de
Tyr el de Jérusalem. Ant. jud., VIII, 11, 7-8. Il leur
fut facile de s'entendre. Les Phéniciens avaient tout in-
térêt à rendre leur bois du Liban et à recevoir en
échange les denrées qui abondaient en Palestine, et dont
li Phénicie avait besoin pour sa nombreuse popula-
tion. L'accord fut conclu a ces conditions : Salomon
fournirait annuellement .pendant la durée du contrat.
20000 cors d'orge, autant de froment, 20000 haths
d'huile el la même quantité, de vin. 111 Reg., v, 3-12,
Les Phéniciens donneraient en échange les bois néces-
saires et les ouvriers qui dirigeraient et exécuteraient
les travaux de construction et de décoration. Hiram
avait fait élever lui-même des temples à ses dieux.
Melkarth et Astoreth. Ménandre. Fragm. 1, p. 446; il
envoya au roi d'Israël un excellent architecte qui s'ap-
pelait aussi Hiram.
La construction du temple de Jérusalem et au palais
royal dura vingt ans. III Reg., VI, 38; vu, 1; cf. i\. 10,
Quand tout fut achevé. Salomon, pour reconnaître les
services que lui avait rendu* Hiram, lui céda de son
propre gré vingl villes de Galilée, dans le voisinage
d'Acho, qui faisait probablement partie du royaume de
Tyr. A cause de ce voisinage, elles semblaient donc
devoir être à la convenance du roi phénicienn, mais
elles étaient placées sur un plateau nu et désolé, qui
déplut au prince lyrien; il exprima son mécontente-
ment en donnant au territoire le nom de Chabul, « re-
but, balayures. 1 I|[ Reg., ix, 10-13. Voir CiiAI.ir. t. II.
col. 473. Leur amitié mutuelle n'en fui pas d'ailleurs
rompue pour cela. Paint Justin. Dial. cum Tryph., 34,
t. xi, col. 549, reproche à Salomon d'avoir adoré les
idoles à Sillon. Ménandre, Fragm. n, p. 447 (dans
Clément d'Alexandrie, Strom. i, 21, t. vin , col. 8'»0).
raconte que le roi de Tyr lui donna une de ses tilles en
mariage. Cf. III Reg.. xi, 1 (Sidoniennes). Quoi qu'il
en soit de ces faits, il est certain que les deux rois
s'entendirent pour aller faire un commerce fructueux à
Ophir. Voir Oi'inr; '2, col. 1289. Les Phéniciens étaient
les maîtres de la Méditerranée, mais il ne l'étaient pas
de la mer Rouge. Ils fournirent des matelots au roi de
Juda qui mit à profit leur habileté dans le golfi Per-
sique, III Reg.. ix, 2b. ce qui les enrichit les uns el les
autres.
Hiram mourut à l'âge de 53 ans, après un règne de
33 ans, Il eut pour successeur son Ois Baléazar. Ménandre
Fragm. i. p. 146. Après lui, le Irène fui occupé' par
Abd.-Asboreth, qui périt de mort violente. Dans l'espace
de 34 ans, trois rois moururent assassinés el la dy-
nastie régnante fui changée trois fois, Ithobal ou Eth-
Baal, en montant sur le trône, j ramena la tranquil-
lité. Il était en même temps grand-prêtre d'Astoreth.
11 lit alliance avec Achab, roi d'Israël, et lui donna sa
tille Jézabel en mariage. III Reg., XVI, 31. Ménandre lui
attribue la fondation de Botrys, sur la cote, au nord de
Gebal. Fragm. i\. p. 447, En fondant cette ville, Ithobal
avait peut-lire pour but de se défendre contre l'Assy-
rie qui était alors pour la Phénicie une menace per-
pétuelle.
Ithobal eut pour successeur son lils Balezor ou
Baal-asar, et celui-ci. son lils Malgen ou Mali. m. lu
était alors diviséi entre le parti aristocratique et le
parti populaire. Justin, But. Phil., xvin. .">. Hattan
craignait que le parti populaire ne l'emportât. Pour
l'empêcher, il donna sa fille l'.lisa à «on l'i'en Si-
charbas, grand-prêtre de Melkarth, qui épousa ainsi
sa nièce et de la soi te devint l'héritier présomptif du
royaume. A s ort, Mattan laissait un lils appelé
Pygmalion, âgé de 8 OU '.) ans. Le parti populaire le
choisit pour son roi. et Sicharbas el Ëlisa rentn < al
dans la vie privée. An boni de sept ans. le jeune Pyg-
malion lit tuer son beau-frère, qui était en même temps
son oncle. Êlisa (Didon), sa sœur, réussit à lui échap-
per et se saiiva avec un.- flotte il'abord en Chypre, puis ' u
Afrique ou elle bâtit la ville devenue si célèbre sous le
nom de Cartilage. L43 ans après la construction du
temple de Jérusalem, raconte .losèphe, Cmit. l/.ion., I,
18. Sur ce récit, cf. la critique de O. Meltzer, Geschichte
der Karthager, 1870. p. 111-141; G. Rawlinson, Pha à-
cia, p. 122-126.
Voici la lisl. des mis de Tvr depuis Hiram jusqu'à
Pygmalion, avec les années de leur règne, d'après Piet-
schmann. Geschichte der Phônixier, p. 299. Ménandre,
24:
PHENICIE
246
d'où sont tirés ces chiffres, loc. cit., ne les donne que
jusqu'à Pygmalion.
Avant .1 i
Hiram 969-936
Baalbazer 935-919
Alidaslai-t 918-910
Metuastart 909-898
Astharymos 897-889
Phellés (8 mois) — 888
Ithobaal SsT-856
Baalazar. 855-850
Mettenos 849-821
Pygmalion 820-774
r. la pbÉnicib sors LES ASSYRIENS. — Quand les
Phéniciens avaient été affranchis des invasions égyp-
tiennes, ils n'avaient pas tardé longtemps à avoir à re-
douter celles des Assyriens. Il est possible que vers l'an
1 1 10. Xabucliodonosor Ie1, roi de Babylone, ait fait déjà
une incursion en Phénieie. Cf. Winckler, Geschichte
Babyloniens und Assyriens, 189-2, p. 95 et note 18,p. 329,
mais les Assyriens devaient être pour ce pays un ennemi
bien plus à craindre. Théglathphalasar I", vers 1100,
poussa ses troupes jusqu'à la Méditerranée près d'Arvad.
Au IXe siècle, vers 877, sous le règne d'Ithobal, Assurbani-
pal pilla le pays. Eb. Schrader, Keilinschriftliche Biblio-
thek, t. i. 1889, p. 122. La Phénieie n'eut pas moins à
souffrir qu'Israël sous les successeurs de ce prince.
Parmi les tributaires de Salmanazar II tigurent Tyr,
Sidon, Gebal, et Arvad, de même que Jéhu d'Israël.
Mattanbaal d'Arvad combattit contre les Assyriens avec
àchab d'Israël à la bataille de Karkar (854 avant J.-C).
Au VIIIe siècle, Théglathphalasar III, qui ravagea Israël,
reçut aussi le tribut d'Arvad, de Tyr et de Gébal, à qui
il fit plusieurs fois la guerre. Voir Pietschmann, Ge-
schicttte der Phônizier, p. 299 sq., Salmanasar IV,
d'après un fragment de Menaudre, dans Joséphe, Ant,
jud., IX, xiv. 2, assiégea Tyr pendant cinq ans. Les
ennemis les plus redoutables d'Israël et puis de Juda.
il Sennachérib, Asarhaddon, Assurbanipal tinrent
la Phénieie sous leur joug. Au vi« siècle, le vainqueur
de Jérusalem, .Xabucliodonosor II, assiégea Tyr et Sidon.
Sidon fut prise après avoir perdu par la peste la moi-
tié «le ses défenseurs. Ezech., XXVIII, 21-23. Tyr résista
pendant treize ans. Ménandre, loc. cit. Cf. E/.echiel, XXVI,
2. 8-12, 17-18, vers 585. Les prophéties contre la grande
ville phénicienne commençaient ainsi à s'accomplir.
Les habitants de la Palestine avaient eu plus d'une fois
à se plaindre de la cupidité et des violences des Phéni-
II. Ps. i.xxxn ii.xxxim, 8; Ezech., xxvi, 2; Joël, m,
3-6; Amos, i, 9; I Mach., v, 15; II Mach., vm, 10. Les
prophètes avaient prédit le châtiment que Dieu infligerait
à Tyr et à Sidon. Is., xxm. 1-17; Jer., XXV, 22; xxvu,
3; xi.vii, 1; Ezech., xxvi-xxvm; Use., ix, 13-15; Joël, III,
i -S; Amos, i, 9-10; Zach., ix, 3-7. Ces menaces ne de-
vaient cependant s'exécuter complètement que plus tard.
— La Phénieie passa du joug de Babylone sous celui de
Cvrus, vainqueur de Nabonide et de Baltassar.
VI. LA PHÉNICIB SOUS LA DOMINATION PERSE El
GRBCQUB. — Les Phéniciens n'eurent pas alors à se
plaindre de la domination perse. Cyrus ne les inquiéta
Cf. Hérodote, m, 19, 44. Vers cette époque ils
pur mt fournir des matériaux aux Juifs pour la recon-
struction du temple de Jérusalem, I Esd., m, 7, et ils
furent pays en blé et en vin. Cambyze les comprit
dans la même satrapie que la Palestine, la Syrie
et Cypre, et ii eut recours à leur marine. Héro-
dote, m, 19. Il n'essaya pas de les forcer à le
servir contre Carthage. Leurs marins aidèrent les
i erses contre les Grecs, jusqu'en 351 où Sidon se ré-
volta. Ochus les soumit bientôt. — Ils conservèrent leurs
rois jusqu'après la bataille d'Issus (333), où ils furent
asservis par Alexandre le Grand, qui infligea un long
siège et un dur châtiment à Tyr. Voir Tyr. Après la
mort d'Alexandre, la Phénieie échut à Laomédon, en
320 à Ptolémée Lagus, en 31 i à Antigone. En 287, elle
fut de nouveau soumise à Ptolémée Lagus, et elle de-
meura pendant près de 70 ans sous la domination des
Lagides qui les gouvernèrent avec sagesse, jusqu'au
règne de Philopator. Ce roi monta sur le trône en 222, et
se montra faible et mauvais administrateur. Antiochus III
en profita. En 219, il chassa les Égyptiens de Séleucie,
le port d'Antioche, et prit possession de Tyr et d'Accho
qui avait reçu alors le nom de Ptolémaïde. En 198. à la
suite de la victoire d'Antiochus sur Scopas, Polybe, XVI,
18; Josèphe. Ant. jud., XII. m, 3, la Phénieie devint
définitivement la possesion des Séleucides. La fonda-
tion d'Alexandrie l'avait rendue jalouse de l'Egypte ;
elle s'accommoda fort bien du gouvernement des rois de
Syrie, qui la traitèrent avec faveur, participèrent à ses
fêtes, Il Mach., iv, 18, visitèrent ses principales villes,
Il Mach., iv, il— 50. Elle les paya de retour. Tito
Live, xxvu, 30. Pendant le règne d'Antiochus Épiphane,
ce prince, ayant condamné injustement à la mort, à Tyr
même, les Juifs qui avaient dénoncé les crimes de Mé-
nélas, voir t. iv, col. 964, les Tyriens touchés de leur
sort, leur donnèrent une sépulture honorable, II Mach.,
i\. 19. mais il n'en avait pas toujours été ainsi. Ils
s'étaient joints aux ennemis des Juifs au commencement
de la persécution. I Mach., v, 15. Plus tard, entraînés
par leur avidité mercantile, ils acceptèrent les propo-
sitions des généraux d'Antiochus, quand ils leur offrirent
de leur vendre à bas prix les prisonniers qu'ils espé-
raient faire dans la guerre contre Judas Machabée, ce qui
leur assurerait, en les revendant, un gain considérable.
II Mach., vm. 11. Ils accoururent en foule à la suite de
l'armée syrienne, I Mach., m, il, apportant avec eux
une grande quantité d'or et d'argent. Nicanor avait
compté payer avec le bénéfice de la vente des esclaves
juifs les deux mille talents d'argent que son maître
Antiochus devaitpayer aux Romains. II Mach., vm. 10.
Voir ANTIOCHUS IV, t. i, col. 698. Il fut complètement
battu par Judas Machabée. Les cupides marchands
phéniciens eurent la vie sauve, mais il leur fallut don-
ner au vainqueur l'argent qu'ils avaient apporté.
II Mach.. vm, 25; Josèphe, Ant. jud., XII, vu, 4.
C'est le dernier événement dans lequel les Phéniciens
se trouvent mêlés à l'histoire juive. — Ils s'hellénisèrent
de plus en plus sous le gouvernement des Séleucides.
Leurs monnaies portèrent des légendes grecques à côté
des légendes phéniciennes, les noms grecs devinrent à
la mode. Antipater et Apollonius, philosophes stoïciens
de Tyr, Strabon XVII, II, 22, Philon de Byblos, Dius,
Théodote, Philostrate, Boéthus et Diodote, péripatéci-
ciens de Tyr, Hermippe de Bénte étudièrent la phi-
losophie grecque, Strabon, XVII, n, 22; leurs littéra-
teurs écrivirent leurs ouvrages en grec.
VII. LA PBÉNICIB EST SOI UISE U ! ROMAINS. —
Le royaume des Séleucides prit lin l'an 83 avant J.-C.
et la Phénieie dut alors se soumettre à Tigrane, le roi
d'Arménie contemporain de Lucullus et de Pompée. Ce
ne fut pas pour longtemps. Les Romains attaquèrent
Tigrane en 69 et ne tardèrent pas à le déposséder de
la Syrie et de la Phénic;e. Ce fut alors la fin pour tou-
jours de son indépendance. La Phénieie fit partie de la
province de Syrie sous un proconsul ou un propréteur.
Cependant Tyr, Sidon et Tripoli restèrent cités libres.
Les Actes, xn, 20-23, supposent cette autonomie relative.
Ils nous apprennent qu'Hérode Agrippa était en dis-
cussion l'an 4i avec Tyr et Sidon et que ces deux villes
lui envoyèrent une ambassade à Césarée pour calmer sa
colère. Hérode ne leur aurait point cherché querelle, si
ces cités avaient été complètement gouvernées par Rome,
car autrement il aurait eu sur les bras les Romains
eux-mêmes, ce à quoi il n'aurait eu garde de s'exposer.
VIII. LE CHRISTIANISME E \ PBÉNICIB. — Le chris-
tianisme ne tarda pas à s'implanter en Phénieie, comme
247
PHENICIE
PHERATH
248
l'avaient prédit les prophètes. Ps. lxxxvi (i.xxxvii . i;
cf. Zach.. ix. 4. .Vôtre-Seigneur avait daigné visiter le
pays de'fyr et de Sidon, dont il avait déclaré l'incrédu-
lité moins coupable que celle des Juifs. Matth., xi. 21-22;
Luc. X. 13-14, et il avait guéri la tille de la Chananéenne
qui était possédée. Matth., xv. 21 ; Marc, vu. 24-31. Des
Phéniciens avaient été témoins de ses miracles, Luc. vi,
17 Quelques-uns des nouveaux chrétiens qui avaient
quitté Jérusalem après le martyre de saint Etienne se
dispersèrent en Phénicie et y prêchèrent la foi aux
Juifs qui habitaient le pays. Act.. xi, 19. Quand
saint Paul, lors de son troisième voyage de mission
(an 58). se rendant en Palestine à son retour de Grèce
et d'Asie Mineure, débarqua àTyr. il y trouva une église
déjà établie et y séjourna pendant sept jours, bien ac-
cueilli par les nouveaux chrétiens, hommes, femmes
et enfants. Act., xxt, 3-6. Le christianisme fut florissant
dans cette ville pendant les deux premiers siècles.
Origène s'y retira vers 250 et c'est là qu'il mourut.
VU. Bibliographie. — Cor/nts inscriptionum semiti-
carum, in-f», part. i. t. i, Paris, 1881-1889; Scylax, Peri-
plus, dans C. Millier, Geographi minores, édit. Didot.
in-4 . Paris, 1855-1861, t. i; Ealconer, Voyageof Hanno,
Londres. 1797; F. C. Movers, Die Phônizier, 2 tomes en
4in-8". lionn. 1841-1856; Walpole, Ansayrii, in-8», Lon-
dres, 1851; John Kenrick, Phœnicia, in-8», Londres,
1855 ;W. Gesenius, Scripturse linguœque Phœnicim mo-
numenla, 3 in-4", Leipzig, 1857; E. Renan. Mission de
Phénicie, in-i'. Paris, 1864; Voyage d'un Egyptien
en Syrie, en Phénicie, traduit par Chabas, in-4», Paris,
1866; Dans Prutz, Ans Phônizten. Geographische
Skizzen uni) historische Studien, in-8", Leipzig, 1876;
di Cesnola, Cyprus, in-8", Londres, 1877; ld., Salami-
nia. in-8», Londres, 1882; G. Perrot et Chipiez, Histoire
de l'art dans l'antiquité, t. ni, 1885; <i. Rawlinson,
History of Phœnicia, in-8", Londres, 1889: ld.. Phœ-
nicia, dans Stonj of the Sain, us, in-8", Londres. 1889:
B. Pietschmann, Geschichle der Phônizier, in-8», Berlin,
1889: A. Mayr, Ans den phônischen Kekropolen von
Malta, in-4», Munich, 19115,; W. von',Landau, Die Bcden-
tung der Phônizierim Vôlkerleben, in-8", Leipzig, 1906.
F. Vigodroi v.
PHÉNIX, oiseau fabuleux, dont les auteurs anciens
font souvent mention. Cf. Métrai. Le Phénix, Paris.
1824. D'après Hérodote, H, 73. le phénix arrivait d'Ara-
bie, tous les cinq cents ans. apportai! avec lui le corps
de son père, enveloppé de myrrhe, et le déposait dans
le temple du soleil. Lucien. Herniot., 53; Pline, //. A..
x. 2; Ovide, Amor., n. 6, 54; Melam., xv. 391; Clau-
dien, Laud. Stit . II, 117; llorapollon. M. 57, etc. font
aussi mention du phénix. Tacite, Annal., VI, 28, rap-
porte différentes traditions à son sujet, en concluant que
« tout esl incertain et augmenté de fables . mais que
du moins « il est sur qu'un voit quelquefois eel oiseau
en Egypte. On a voulu reconnaître le phénix dans
l'oiseau d'Osiris, le bonou; mais cet oiseau esl un van-
neau ou une espèce de luron. Cf. Maspero, llis* '■■ire
ancienne des peuples de l'Orient, t. i. p. 131. note 2.
Les premiers écrivains ecclésiastiques ont fait grand
état de la fable du phénix, parce qu'ils y voyaient un
symbole de la résurrection. Voici la forme que prend la
fable .l.uis la m, lus,-,, lie. 20, trad. Nau, Taris. [902,
p. 108 : Le phénix i est unique, car s'il avait une fe-
melle, les lu. mines en verraient bientôt beaucoup,
tandis que maintenant on n'en \oit qu'un qui entre en
bgypte tous Us cinq cents ans, el va à l'autel qui est
ippelé .lu Soleil. Il rassemble du cinnamome, puis,
priant vers l'orient, le feu s'allume de lui-même, le
brûle ei le réduit en cendre; puis, de cette cendre, il
se forme un ver, qui croit semblable à lui el devient un
phénix parfait; puis il s'éloigne et retourne d'où il est
venu. Cf. lbid., p. 166. La même légende se retrouve
dans S. Clément. / Cor., 25, t. I. col. 261; les
Constitutions apostoliques, v. 7, t. i, col. 846; Tertul-
lien, De resur. corn., 13. t. n, col. 811; S. Ambroise,
De excès, fralr., ir, 59, t. xvi, col. 1331, etc. Ces au-
teurs font séjourner le phénix en Arabie ou dans l'Inde;
il n'apparait en Egypte que pour y périr et y renaître.
— Dans un passage où il parle de ses espérances de
longue et heureuse vie. Job. xxix, 18, s'exprime ainsi :
Je disais : Je mourrai dans mon nid,
J'aurai des jours nombreux comme le hôl.
Le mot hùl, fréquemment employé dans la Bible
hébraïque, y a toujours le sens de « sable », et la com-
paraison du sable est usitée pour donner l'idée d'un
peuple nombreux, Gen., xxii. 17; Jos.. xi, 4;I Reg.,
xiii, 5; Is., x, 22, etc.. et aussi d'un petit nombre
d'années que l'on assimile à un grain de sable. Eccli ,
xvn. 8, 9. Dans ce dernier passage, cent ans sont com-
pares à un grain de sable; Job, au contraire, se pro-
mettait des jours nombreux comme le sable. Cependant
les massorètes ont noté ici le mot hôl d'un signe indi-
quant qu'il n'a pas le même sens que dans les autres
passages. Les Septante l'on traduit primitivement par
?oîvi£, qui veut dire à la fois» palmier» et » phénix 9.
Comme le palmier se nomme en hébreu tàmdr et non
pas hôl, les Septante avaient donc eu en vue tout d'abord
le phénix. Pour corriger l'amphibologie du mot grec, on
substitua ensuite l'expression ati'tcy ot pofvixo;, « tronc
de palmier ». Les talmudistes assurent que dans ce
passage de Job il est question du phénix. Sanhédrin,
fol. 108, 2, et les commentateurs rabbiniques affirment
la même chose. D'après eux. le phénix serait le seul
de tous les animaux qui aurait refusé de partager le
fruit défendu avec Eve, et plus tard Noé aurait souhaité'
au phénix une vie sans fin. Cf. Buxlûrf, Le.ric. lah
col. 720. Le phénix aurait été appelé holi par les Egyp-
tiens, si l'on en croit les hiéroglyphes interprétés par
G. Seyffarth, dans la Zeitschrift der deulsch. morgenl.
Gesellseh, t. m, p. 64, et les mots allôê ou alloê, repro-
duisant hùl, sont traduits dans les glossaires coptes-
arabes par semendel ou semendar, noms communs
aux deux animaux qui échappent à l'action du feu, la
salamandre et le phénix. L'idée d'oiseau parait appelée
dans le texte de Job par celle du nid, mentionne au
vers précédent, et le phénix était dans l'antiquité le
symbole de la longue vie; on disait proverbialement :
poc'vixoc ërt\ fiioOv, » vivre les années du phénix ».
Lucien. Hennel.. 03. 11 faut observer cependant qu'au
lieu de qinnî, » mon nid ». les Septante, Saint Ephrem
et Barhebrseus ont lu qànai pour qdnéh, t roseau ».
dans le premier vers, ce qui rendrait moins probable
la mention d'un oiseau dans le second. Rosenmûller,
Jobtts, Leipzig, 1806, t. », p. 694; Welle, Dos Buch Job,
Fribourg-en-B., 1849, p. 283; Delitzsch, Dos Buch lob,
Leipzig, 1876, p. 381-383; Knabenbauer, In Job, Paris,
1886, p. 342, etc.. regardent comme possible ou même
probable la désignation du phénix par le mol hùl. Elle
ne peut étonner delà pari d'un auteur familier avec li s
choses de l'Egypte et de l'Arabie. La mention d'un
mythe, pris comme simple terme de comparaison par
un écrivain sacré, ne soulevé pas non plus de difficulté,
cette mention n'impliquant à aucun degré la réalité du
mythe allégué. Cependant cette explication ne s'impose
pas. D'autres interprètes se contentent d'entendre le
mot hôl dans son sens habituel de i sable », adopté
par la Vulgaie. Cf. Oesenius, Thésaurus, p. 454; Le
1 1 il-. Le livre de Job. Paris. IN73. p. 354.
11. 1.1 sITRIi.
PHERATH (hébreu ; Perâfâh, avec le hé local ;
Septante : 1. ..•-/:,-,;: Vulgate ; Euphrates), lien où
Jérémie, sur l'ordre de Dieu, alla cacher dans le creux
d'un rocher la ceinture neuve qu'il venait d acheter, où
il la trouva ensuite toute pourrie. 1er., xm, 1-7. Les
anciens interprètes et commentateurs ont généralement
249
PHERATEI
250
cru qu'il était là question du Neuve de l'Euplirate.
Bochart cependant, Geographia sacra, 3= édit., Opéra,
1692, t. i, col. 956, et quelques autres après lui, y ont
vu plutôt la petite ville d'Éphrata. Cf. Knabenbauer, In
Jer., 1889, p. 183-186. Les paleslinologues modernes
contes'ent l'ancienne identification et voient le Pherath
ou plutôt Phârah de n, (, n'étant que le n transformé
par la présence du n local! de .lérémie dans YOuadi
Fdrah. ou vallée de Phârah, avec l'article haf-Fârah
(Septante: $>%oi; Vulgate, Aphara). ios., xviu, 23. Voir
AriiARA, t. i, col. 721. Sur une trentaine de fois que les
auteurs nomment l'Euplirate, à l'exception de deux ou
trois cas isolés, c'est presque toujours « le lleuve d'Eu-
phrate », où sa nature est déterminée par le contexte :
I Reg., xiii, 6, et auxquelles faisaient allusion ces en-
nemis d'Israël, xiv, 11, en voyant Jonalhas monter de
la vallée qui est sous Machinas, c'est-à-dire de YOuadi-
Soueinît, l'un des affluents de YOuadi-Fârah, qu'il re-
joint un peu plus bas. C'est probablement dans l'une
d'elles que Jérémie cacha sa ceinture. Les juifs fidèles,
au temps de la persécution d'Antiocbus, durent cher-
cher avec Mathathias et ses fils un refuge dans cette
même vallée et les circonvoisines. Cf. I Mach., i, 56;
II, 26, 31. Au temps de la guerre de Judée, Simon ben
doras ne trouvait pas de cachette plus sûre que ces
grottes, pour y renfermer ses trésors, et que la vallée
pour y séjourner avec ses partisans. Bell, jud., IV. îx,
4. .losèphe appe'le l'endroit Pharan, mais le n est sans
59.
Vue de l'ouadi Farâh. au nord-est de Jérusalem, nun loin d'Anatoth. D'après une photographie de M. L. Heidet .
en Jérémie, xm, sur quatre fois que le nom est répété
de suite, non seulement cet appositif ne lui est pas ad-
joint, mais c'est celui de « rocher » ou « région ro-
cheuse ». « Prends la ceinture que tu as achetée et qui
ceint tes reins; lève-toi et va à Perâtha et cache-la dans
un creux du rocher, » b'vnqîq has-sdla'. Jer., xm, 4.
Quand le Seigneur veut instruire le peuple par un
symbole prophétique, pour frapper davantage son atten-
tion, c'est toujours sous ses yeux qu'il le fait exposer; il
ser. it étrange, en ce cas, qu'il envoyât Jérémie à une
dislance de près de trente jours de marche.
Formé par la jonction de Youâd' er-Redeidàh et de
Youad' ibn Idd, appelé encore ouddi- Andld, parce
qu'il passe sous cette localité qui est l'antique Ana-
thotb. patrie de Jérémie, Youadi-Fdrah commence à
trois kilomètres au nord-est de Andtd (fig. 39). De
chaque coté de la vallée s'élèvent, à une hauteur de
plus de cent mètres, de gigantesques rochers percés
d'innombrables grottes, les unes naturelles, les autres
artificielles. Plusieurs d'entre elles sont sans doute de
celles où se cachèrent les Israélites fujant devant
les Philistins, aux premiers temps du règne de Saûl,
doute le signe de l'accusatif. En ces mêmes lieux, où
les Assidéens avaient accueilli les Machabées et les
fugitifs d'Israël plutôt qu'ils ne s'étaient joints à eux,
I Mach., il, 42, et II Mach., xiv, 67, les âmes redoutant
les dangers du monde vinrent, au Ve siècle de l'ère
chrétienne, y reprendre la vie de mortification des
Esséniens, comme sous l'ancienne loi. C'est à Fârah, à
six milles à l'ouest de Jérusalem, que les Chariton, les
Euthyme, les Théoctiste, les pères de la vie cénobitique,
l'inaugurèrent en Palestine. Cf. Cyrille Scytb., Yila
S. Euthymii, n. 12, 41, 114, 184; Acta sanct., ja-
nuarii t. n, p. 668,672, 686, 691; Vila S. CharitonU,
ïbid., septembris t. vu, p. 576.
A cette époque, la ville de Phara, qui avait vraisem-
blablement pris son nom de la vallée, le portait encore,
à quelques stades en aval des grottes qui formaient la
Laure de Phara ou Pharan; ses ruines sont connues
aujourd'hui sous le nom seulement de Khirbel el-
Qoreini. Au pied des grands rochers, jaillit une source
pure et abondante qui se déverse dans des bassins
naturels où se jouent de nombreux petits poissons, des
crabes et des grenouilles et forme un ruisseau qui va
251
PHERATH
PHICOL
252
s'unir, environ six kilomètres plus bas, au Nahr el-
Kelt. Au-dessus de la fontaine, des moines russes ont jeté
en 1905, là où se voient les restes de l'ancienne église, les
fondements d'un nouveau monastère et occupent les an-
ciennes grottes. — Voir Schick, dans Zeitschrift des deut-
schen Palâstina Vereins, t. m, p. 6 ;Buhl, Géographie des
alten Palàstina, in-8», 1896. p. 99-100.
L. Heidet.
PHÉRÉZÉEN (hébreu : hap-Perizzi; Septante :
■fcepeÇatoc, dans la Genèse en général et en quelques
endroits; plus communément $Epc;<xïo;, au sing.,
correspondant à l'hébreu qui conserve partout ce
nombre. La Vulgate emploie quatorze fois Pherezœus
et huit fois Pheresœi), peuplade du pays de Cbanaan
dont le territoire fut promis à Abraham et conquis par
les Israélites. Le Phérézéen est nommé seul avec le
Cbananéen, Gen., xm, 7; xxxiv, 30, et Jud., I, 4, pour
désigner avec ce dernier toutes les populations du pays.
Serait-ce pour spécifier une classe particulière d'entre
elles? Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1126, Perizzi a la
même signification que Perthi, « campagnard, paysan o.
Ce nom serait ainsi l'équivalent de celui de fellah, fel-
lahht, employé aujourd'hui pour désigner la classe des
cultivateurs par opposition à toutes les autres classes.
Quelle que soil la signification étymologique du nom, on
ne peut cependant admettre que dans les cas précités
le Phérézéen désigne ainsi une catégorie, tandis que
le Chananéen représenterait la population des villes ou
celle exerçant les professions industrielles et libérales.
Dans la plupart des cas le Phérézéen est cité parmi
toutes les autres populations comme une d'entre elles,
c'est-à-dire comme une tribu ou une nation. De plus,
s'il désignait ainsi toute une catégorie, il devrait repré-
senter les « campagnards » de toute la Terre Promise,
ceux de la plaine comme ceux de la montagne, ceux
de la région septentrionale comme ceux du midi,
tandis qu'il est expressément donné pour une des
peuplades de la montagne seulement. i)i montants,
Jos., XI, 3, et de la partie méridionale1, in meridie,
ibid., su, 8. L'opposition du Phérézéen au Chananéen
ne l'indiquerail-elle pas plutôt comme le représentant
des populations autochtones, tandis que le Chananéen
représenterait la race conquérante et dominatrice,
comme le fellah représente aujourd'hui la race abori-
gène et le turc l'étranger dominateur'.' Si aucune indi-
cation positive n'appuie cette conjecture, on peut re-
marquer toutefois que le Phérézéen n'est pas nommé
dans la table ethnographique de la Genèse, x, 6-20,
parmi les tribus descendant de Chanaan ou de Cham.
La population phérézéenne paraît avoir été concentrée
dans la partie montagneuse qui devint le partage des
fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, c'est-à-dire dans la
contrée qui forma plus tard la province de Samarie.
Jacob étant encore à Sicbem. disait à Siméon el à Lévi,
ses fils, qui venaient de massacrer les habitants de la
ville : " Vous me metie/ 1 1 . 1 1 1 s le plus grand embarras, en
me rendant odieux aux babil. mis de ce pays, aux Cha-
nanéens et aux Phérézéens. » Gen., x.xxiv, .'!U. nuanil
les fils de Joseph, d'Ephraïm et de Manassé se plai-
gnaient de manquer d'espace pour s'établir, Josm leur
répondait : « Puisque vous êtes un peuple nombreux,
moule/ à la foret et faites-vous là de l'espace dans le
pays des Phérézéens cl des Ilaphaïui, puisque la mon
tagne à Éphraïm est étroite pour vous. Jos., xvn, 14-
10. Abraham les avait trouvés établis jusqu'aux alentours
de Béthel. Kn parlant de la rixe survenue entre les
pasteurs du patriarche et de Lot son neveu, 'loi-
établi entre Béthel el liai : o Kn ce temps, fait remar-
quer l'auteur sacré, le Chananéen et le Phérézéen ha-
ii ii ni ce pays. Gen., xill, 7. Les fils de .luda et de
Siméon, trouvèrent les Chananéens et les Phérézéens
devant eux quand ils faisaient la conquête de leur ter-
ritoire particulier. Jud., i, 1-5. Il est possible toutefois
qu'en ce passage le nom de Phérézéen ait une signifi-
cation générique pour désigner les autres habitants de
la contrée, distincts des Chananéens proprement dits,
car ce sont ordinairement les Amorrhéens qui sont pré-
sentés comme les habitants du territoire qui deviendra
celui de Juda et de Siméon. Cf. Gen., xiv, 7, 13; Deut.,
i, 7. 19, '27, «; Jos., x, 5, 6, 12; Jud., i, 36. — Les
Phérézéens furent vaincus avec les autres peuplades
de Chanaan et en partie exterminés par .losué et les
Israélites. Jos., m. 10; ix, I ; xi, 3, 8; xn, 8: xxiv. 11 ;
Judith, v, 20. Ce qui en resta fut soumis au tribut et à
la corvée; on les retrouve dans cette condition sous le
règne de Salomon, travaillant aux constructions élevées
par ce roi. III Reg., ix, 20; II Par., vin. 7. Ils sont
signalés encore en général avec les éléments chana-
néens, après la captivité, et on reproche aux Juifs peu
fidèles à la loi de prendre de leurs filles en mariage.
I Esd., ix, 1. I.. IIkioet.
PHERMESTA (hébreu : Paraa,si,i ; Septante : Metp-
|j.aatu.i). le septième des lils d'Aman, qui fut mis à mort
par les Juifs de Susc. Esther, in. 9. D'après .1. Oppert,
ParmaSta' est le perse Paramaistd, « celui qui se met
au premier rang. » Commentaire du livre d'Esther,
1864, p. 22.
PHESDOMIM (hébreu : Pas Dammini; Septante :
$a<;oSauiv; Alexandrinus : <I>aso8o[j.t), localité de Juda.
I Par., xv, 13. Le nom complet esVEfés Dammini, comme
ilselitlSaiu.il Reg.), xvu, 1 (Vulgate : in flnibus Di •■-
mini). L'aleph initial de ce nom propre parait avoir
disparu devant l'article dans I Par., XI, 13 : c-;. bap-
Paz, pour be-hap-Paz, Voir Do.m.mim, t. Il, col. 1483.
PHESHUR. I Esd., h, 38; x. 22; 11 Esd., x, 3. Voir
PHASHUR, col. 223. — Il Esd., XI. 12. Voir PlIASSDB i,
col. 224.
PHESSÉ (hébreu : Paséah [voir Piiaséa. col. 220] ;
Septante : Btua^e; Alexandrinus : <t>c.a<rf\), second fils
d'Esthon, de la tribu de Juda et de la famille de Caleb.
1 Par., IV, l'2.
PHÉTÉIAi hébreu : Petahyâh [voir Phataïa,co1.224J;
Septante : ■fceraia), prêtre, contemporain de havid, chef
de la dix-neuvième famille sacerdotale. I Par., xxiv. 16.
PHÉTHROS (hébreu : Pafrôs), la llauie Egypte.
Is., xi, 11. Les Septante traduisent dans ce passage \\x-
ëvùwvia, mais ils ont rendu ailleurs le mol hébreu par
"PocOr.ipr,;. de nièi rue la Vulgate l'a rendu par l'ba-
turès. Voir PiiATinÈs, col. 224.
PHÉTRUSIM (hébreu: Pa(rusim; Septante: Ilarpo-
frci>viei|i), descendants de Mesraïm. Gen.. x, 13-1 i;
I Par., i. 12. La forme plurielle du mol indique qu'il
s'agit ici d'un nom ethnique désignant une collectivité
d'hommes. Phelrusim g esl évidemment formé avec le
mol Patros on l'on a reconnu depuis longtemps p-to-
res, « le pays du midi ». la Théhaide. » Y,, de Itougé.
Recherclies sur les monume ils qu'on peut attribuer
aux six premières dynasties, p. S. Les Phétrusim sont
donc les habitants de Phalurès ou Phetros, la terre du
sud, la Haute Egypte. Voir Phati RI s.
C. I.AI.IEH.
PHICOL (hébreu : Pikôl; Septante ; *ix4> el $ix<ô) I,
chef de l'armée d'Âbimélech, roi de Gérare. L'étymolo-
gie de ce nom est inconnue; il est probablement chana-
néen. On ne sait si c'esl un nom propre ou un titre de
dignité. Si l'on admel .née beaucoup de commentateurs
que la Genèse parle de deux Phicol, et non d'un seul.
il est plus naturel de supposer que ce mot est simple-
ment le titre du général qui commandait les soldats d'Abi-
253
l'HICOL
PHIHAIIIROTH
254
mélech. La Genèse, xxv, 22, dit que Phicol ou le Phicol
accompagna le roi de Gérare, lorsqu'il alla trouver Abra-
hara pour faire alliance avec lui. Nous retrouvons les
deux mêmes personnages ou deux personnages dési-
gnés par le même nom, Gen., xxvi, 26, qui vont l'aire
alliance avec Isaac. Si l'Abimélech du temps d'Isaac
était le fils de celui qui avait fait alliance avec Abraham,
il est vraisemblable que le Phicol de Gen., xxvi, -26.
était le successeur de celui de Gen., xxi, 22, et c'est le
sentiment le plus vraisemblable. Voir Abimélech 1 et 2,
t. i, col. 53, 54.
PHIGELLE, chrétien d'Asie. II Tim., i, 15. Voir
Phygelle.
PHIHAHIROTH (hébreu, Pi Hahirôt ; Hatiîrôt;
Septante : 'Empti8, EipiiO, gitocAt;), localité d'Egypte.
I. De Ramessès a Phihahiroth, — Réunis à Rames-
sès. quelque part à l'entrée de l'Ouadi Toumilat, les
Israélites s'engagèrent dans l'Ouadi le long du canal
et vinrent camper à Socolh dans les environs de Phi-
thom. Voir Phithoh. Exod., xn, 37. Là ils touchaient
à l'extrémité nord du lac Timsah et au désert. Deux
routes s'ouvraient devant eux : la route du nord, la
plus courte, longeant d'abord les terres cultivées, puis
le bord de la Méditerranée, et de là, courant en droiture
au pays des Philistins et à la côte syrienne, la route du
sud, plus longue et plus difficile, à cause des montagnes
qu'il faut traverser, route que suivaient encore les Bé-
douins avant le percement de l'isthme. C'est par cette
seconde route que les Hébreux devaient marcher. « Par-
tis de Socoth, ils campèrent à Etham, aux confins
extrêmes du désert. •> Exod., xm. 17. i8, 20. Voir
Etham, t. Il, col. 2002-2003. Maintenant, comme l'armée
de Pharaon approche, et que Dieu veut sauver son
peuple, et le sauver par un prodige capital dans l'his-
toire des Juifs, il lui fait abandonner la route d'Etham
qui contournait vraisemblablement le lac Timsah par
son extrémité septentrionale, et le ramène en arrière
sur le bord occidental et vers le sud pour placer la mer
entre lui et le désert. 11 le fit campera Phihahiroth, entre
Magdala et la mer. vis-à-vis de Béelsephon. Exod., xiv,
1-2. C'était une folie au point de vue humain, puisque
les Hébreux allaient être pris entre la mer, les mon-
tagnes et l'armée de Pharaon. Mais Dieu avait ses vues.
II. Le nom et le site. — 1» On a cherché l'étymolo-
gie de Phihahiroth du côté de l'hébreu. Le Targum et
la Peschito regardent 'ï, pi, dans ce nom comme l'état
construit de -s, péh, <■ bouche », tandis que pour le
premier mm, hirôt, signifie montagne ou rocher, et pour
le second, « fossé » ou « canal ». Cf. S. Jérôme, Episl.
ixxvw, ad Fabio'am, t. xxn. col. 702. Mais Phihahiroth
étant unnom égyptien, il faut nous en tenir à l'égyptien.
Dans ses fouilles de Tell el-Maskhouta, N'avilie a ren-
contré sur une stèle de Ptolémée Philadelphie le nom de
! ) , Pikeheret ou Pikereliet, « la demeure du
serpent sacré ■>. S tore-Ci ty of Pitliom, 4e édit., 1903.
pi. vm, IX, lig. 7, x lig. 26. Pikeheret était un sanctuaire
d i isiris dans la terre de Socoth. Il joue un rôle impor-
tant dans la st.le. Les listes géographiques des temples
donnent aussi Pikeheret sous la forme Askeheret,
I 8 . E.-J. de Rougé, Inscriptions et notices re-
cueillies à Edfou (Haute Egypte), t. II, pi. cxlv. Elles
la nomment alternativement avec Pi-tum et parlent de
son serpent sacré-, Dûmiçhen, Geographisehe Inschrif-
ten, t. m. pi. xxxm, et, comme la stèle de Philadelphe,
la placent dans la région de Socoth. Il y avait donc
deux temples dans le VIIIe nome, proches l'un de
l'autre, Pi-turn et Pikeheret, ce dernier dans le voisi-
nage de la mer. Sans doute Pikeheret ne se rencontre
que sur des monuments ptolémaïques. Mais on peut
croire que, là comme ailleurs, les Grecs n'innovèrent
pas; ils restaurèrent un ancien culte, agrandirent ou
reconstruisirent le temple, respectant une tradition
locale et antique. Par suite, il reste probable qu'Osiris,
dès la plus ancienne époque, eut un sanctuaire à Pike-
Jieret, Store-City of Pithov. p. 30. Et Pikeheret sem-
blerait être le même mot que la Phihahiroth de la
Bible.
2" Mais où placer Phihahiroth? Ici la Bible ne nous
fournit qu'un point de repère : la retraite des Hébreux
vers le sud par le bord occidental du golfe arabique.
Mais dans l'Exode station et jour de marche n'étant
pas synonymes, nous ne savons combien ils marchèrent
dans cette direction. De plus, nous ne savons pas da-
vantage la position de Magdala et de Béelsephon. Les
théories sur l'étendue de la mer à l'époque de la
XIXe dynastie viennent encore compliquer la question.
Certains savants veulent que la mer ait alors commu-
niqué non seulement avec les lacs Amers, mais aussi
avec le lac Timsah, au moins par intermittences, ce
qui permettrait de chercher Phihahiroth sur les bords
de ce dernier lac et Béelsephon en face sur le bord
oriental où se trouve la colline actuelle de Toussoum :
c'est la théorie de Naville, D'autres, et c'est le grand
nombre, nient qu'on puisse attribuer cette extension
aux temps historiques; ce serait dans la pré-histoire
que la mer en se retirant aurait laissé derrière elle le
lac Timsah, peut-être même les lacs Amers, suivant
quelques-uns. Par conséquent, Phihahiroth serait à
reculer vers le sud, jusqu'au seuil de Chalouf, Lecoin-
tre, La campagne de Moïse pour la sortie d'Egypte
(1882); et même jusqu'à Adjroud qui n'est pas sans
rappeler vaguement Phihahiroth. Ebers, Durch Gosen
zum Sinai, 2» édit., 1881, p. 509.
III. Hypothèse de M. Naville. — 1» Le savant égypto-
logue regarde comme difficile de ne pas admettre qu'au
temps de Ranisès II, le golfe s'étendit beaucoup plus au
nord qu'aujourd'hui. La mer Bouge ne comprenait pas
seulement les lacs Amers, mais aussi le lac Timsah. Il
appuie son dire du témoignage des anciens, confirmé
suivant lui par les études géologiques des modernes.
Eu conséquence, l'ancien canal aurait été borné à
l'ouadi Toumilat, ou à peu près. Tout d'abord Strabon,
XVII, 3, 20, place Héroopolis à l'extrémité du golfe ara-
bique. Pline, H. N., VI. xxxm, 2, dit que sur le golfe
d'.Êant (arabique) se trouve Héroum. Tous les écri-
vains de l'antiquité, même les plus récents d'entre eux,
parlant d'IIéroopolis, semblent supposer le voisinage
de la mer. Agathémère fait commencer le golfe ara-
bique à Héroopolis : 'ApaBéoç xôXtcoç.., xpxETac iitô
'Hpaliiiv jio).iw;. Mùller, Geographi grœci minores,
édit. Didot, t. II, p. 465. Artémidore affirme que les
navires partaient d'IIéroopolis pour la terre desTroglo-
dytes, dans Strabon XVI, iv, 5. D'où l'on peut sûre-
ment conclure que non seulement au temps de l'Exode,
mais même sous les Romains, le golfe s'étendait jusque
dans le voisinage d' Héroopolis, à l'ouest d'Ismaïliah.
Store-City of Pitliom, p. 10, 25-26. Nous verrons tout
à l'heure ce qu'il faut penser de ces textes.
Ce point lui semblant acquis, M. N'avilie cherche àsi-
tuer en conséquence Pikeheret-Phihahiroth. Parla stèle
de Philadelphe et par les textes géographiques, on a vu
que Pikeheret était un sanctuaire d'Osiris. Les Grecs,
par suite, durent l'appeler Sérapéum, Or, l'Itinéraire
d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, mentionne un
Sérapiu ou Sérapéum à dix-huit milles d'Ero ou Héroo-
polis, et ce ne peut être que Pikeheret, puisque c'est
le seul sanctuaire d'Osiris que l'on connaisse dans le
voisinage d'IIéroopolis. Si l'on cherche maintenant la
place qu'il a dû occuper, elle nous est indiquée au pied
du Djebel Maryam, falaise plate qui forme comme le
fond du lac Timsah sur la rive occidentale. A sa base
255
['HIHAHIROTH
256
et sur les bords du canal se trouve un vaste emplace-
ment romain, en partie recouvert par les lagunes. Il
ne concorde pas tout à fait avec la distance de l'Itiné-
raire, mais l'Itinéraire ne mérite pas une confiance
absolue. Là seulement put être le Sérapéum, et non à
buit kilomètres plus loin, endroit que les ingénieurs
français ont appelé de ce nom. Ce dernier endroit por-
tait bien une stèle de Darius, mais s'il y a place pour
une tour de garde, un migdol, il n'y a pas trace d'ha-
bitations. Store-City of Pithom, p. 25. Que ce soit bien
là la situation de Pikelieret, les textes égyptiens et la
version des Septante le confirment. La stèle de Phila-
delphe parle de taxes annuelles en chevaux ou en bé-
tail affectées au sanctuaire de Pikeheret, pi. x, Iig.l7-2U.
D'autre part, le Papyrus Anastasi VI, pi. IV, nous a
appris que sous Ménephtah les Shasou d'Atuma deman-
dèrent à conduire leurs troupeaux dans les pâturages
qui appartenaient au domaine ou à la ferme I S CTl
ah, de Pbaraon, dans la terre de Socoth. Ce mot ah
désigne un domaine avec pâturages où l'on élève et
nourrit les cbevaux et tout bétail. Si nous passons
maintenant à l'Exode, nous trouvons que les Septante
ont rendu vis-à-vis de Phihahiroth, de l'bébreu et de
la Vulgate, par iTtevàvn tyj; ÈrcauXcu;, « devant le do-
maine, la ferme », l'équivalent exact de l'égyptien ah.
Ainsi, tandis que l'bébreu donne le nom propre du
sanctuaire d'Osiris, les Septante nous parlent du do-
maine que le Papyrus Anastasi VI nous a fait connaî-
tre comme étant dans la terre de Socoth où se trouve
Pikeheret. Nous avons ainsi le cadre du campement des
Israélites : au nord-ouest, Phihahiroth-Pikeherel sur
le lac ïimsab, non loin de Phithom, proche de l'actuel
Djebel Maryam : au sud-est, Migdol ou Magdala, la bulle
marquée par la stèle des Perses, à peu de distance de
l'actuelle stalion du Sérapéum sur le canal; à l'est, la
mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelsepbon,
l'actuelle colline de Toussoum. Voilà ce qui semble
probable à M. Naville. Store-City of Pithom, p. 31.
2° La géographie de l'isthme, selon M. Naville, a
contre elle le témoignage d'Hérodote qui vit l'Égyptè
sous les Perses. A lui tout seul cet auteur suffit à
ruiner la thèse que nous venons d'exposer. Il dit du
canal qu'il avait « quatre journées de navigation... i lu
commença à le creuser, poursuit-il, dans cette partie
de la plaine d'Egypte qui est du côté de l'Arabie. La
montagne qui s'étend vers Memphis, et dans laquelle
sont les carrières, est au-dessus de cette plaine cl lui
est contiguë. Le canal commence donc au pied de
la montagne; il va d'abord pendant un long espace,
d'occident ci) orient, il passe ensuite par les gorges
de cette montagne et se porte au midi dans le golfe
d'Arabie. » il, 158. « La signification du passage et
l'intention de l'auteur sont visibles : Hérodote décrit
les deux directions du canal, l'une de l'ouest à l'est
dans le sens de l'( luadi Tourailat, l'autre de l'est au sud,
dans le sens des lacs Amers. La montagne dont il parle
est le versant méridional de la chaîne qui longe l'Ouadi,
et la gorge de cette montagne correspond à l'ouverture
septentrionale du bassin qui contient les lacs Amers.
La topographie de l'historien ne s'accorde en aucune
far, n avec la carie de .M. Naville qui place l'ancien i i-
de la mer Rouge entre Pikeheret et le lacTimsah,
ne laissant ainsi aucun moyen de tracer le coude dé-
cril par le canal de l'est au sud, ni de comprendre en
outre, comment les vingl lieues de l'Ouadi Toumilal
auraient exigé quatre jours de voyage, quand la journée
de navigation, en Egypte, était de treize à quatorze
lieues, du remarquera que la description d'Hérodote
est confirmée de plusieurs manières, et notam ni
par les traces du canal creusé ou recreusé par les
Perses depuis les lacs Amers jusqu'aux environs de
ïue/.. Entre ces deux points la Commission d'Egypte a
découvert des ruines et des inscriptions, surtout dans
le voisinage de Chalouf, près de l'ancien canal (appelé
aujourd'hui canal des Pharaons), qui fut retrouvé par
le général Bonaparte. » E. Lefébure, Les fouilles de
M. Naville o Pithom, dans la Revue des religions, t. xi,
1885, p. 322. Les traces de ce dernier canal semblent
montrer que cinq cents ans avant J.-C. les lacs Amers et
le lac Tiinsah étaient séparés et ne différaient guère de
ce qu'ils sont aujourd'hui. — Strabon, XVII, i, 26, fait
franchir au canal les lacs Amers : Siappîï ôè y.a't 6;ï nSv
mxpûv xaXoupivuv >i;ivwv. Et il nous» représente ces
lacs comme dessalés par le canal soit qu'il prenne
quelque partie pour le tout, soit qu'il confonde les lacs
avec le canal lui-même, qui était large et poissonneux. >■
E. Lefébure, loc. cit., p. 323. — Pline, qui suit Slrabon
et d'autres auteurs, compile sans bien comprendre et
semble même faire partir le canal de la mer Rouge
pour venir aboutir aux lacs, usr/ue ad foules amaros.
H. X., vi, 33. Quoi qu'il en soit, Strabon et Pline nous
montrent le canal se prolongeant bien plus loin que
l'Ouadi Toumilat à travers des lacs qu'ils distinguent
de la mer Rouge. Philadelphe. dans la stèle de Phi-
thom, parle du s Grand lac noir », Kenmur.ei du « lac
du Scorpion » (Tiinsah actuel) comme étant navigables et
communiquant par le canai avec la mer Rouge, ce
qui permettait aux marchandises du pays des Troglo-
dytes de venir débarquer dans le lac Timsah, pi. x.
On ne peut donc accorder à M. Naville que le canal
se soit borné à l'ouadi Toumilat. Les lacs Amers de
Pline et de Strabon ne peuvent se placer que dans le
site actuel de ce nom et ils correspondent, semble-t-il,
au grand lac noir de Ptoléraée II. Par conséquent, si
plus loin Strabon, XVII, m. 20. dit qu'Héroopolis est
sur le golfe arabique, si Pline le répète avec lui, loc.
cit., nous ne devons pas les prendre à la lettre, pas
plus que nous ne prenons à la lettre Josèphe disant
que la mer Rouge s'étend jusqu'à Coptos, qui est sur
le Nil. De Bell, jud., IV, x, 5. « Les Anciens, qui
appelaient mer toute grande étendue d'eau, ont regardé
les lacs Amers et leur canal tantôt comme faisant
partie et tantôt comme ne faisant pas partie de la mer
Rouge, (hi ne peut même comprendre autrement le
passage où Aristotedit que Sésoslris, le premier. e
de canaliser la mer Rouge, tv.v ÈpuOpàv BoXatrav ï-an-
ptifir, BiopircEtv, Melereolog. i, 14. Les lacs Amers
étaient une mer intérieure à peine séparée de l'autre,
si bien que l'on pouvait les réunir toutes les deux sous
un même nom, quand le sujet n'exigeait pas une pré-
cision d'ailleurs peu conforme aux habitudes de l'anti-
quité. » E. Lefébure, loc. cit., p. 321. Quant aux auteurs
qui avec Artémidorc font partir les navires d'Héroo-
polis pour la terre des Troglodytes, cela ne préjuge en
rien la question des lacs. Héroopolis était la dernière
ville d'Egypte, la plus connue, que l'on rencontrait
avant de s'engager dans les lac- reliés a la mer Ri
On pouvait donc dire que la navigation eomniein ni i
cette place. Il n\ a pas d'autre conséquence à en tirer.
i in ne peut rien tirer non plus du Clysma que la se-
conde inscription latine de Phithom place a neuf
milles d'Ero. Clysma signifie port et pouvait convenir
à bien des localités différentes, comme les mots Migdol
et Sérapéum, Ce Clysma tait quelque part sur le lac
Timsah et différait de l'autre Clysma que l' Itinéraire
d'Anlonin place sur la mer Rouge a soixante huit
milles d'Iléroupolis. Reste le texte d'Agalhénière qui
pourrait recevoir la même explication que les autres
I extes. Mais il faut remarquer de plus que cet auleur
copie Eratosthène. Celui-ci. dans Strabon, \VI. iv, i.
dit que l'on a à sa droite la Troglodytique quanu n
longe la Cote depuis Héroopolis : «t£p è<7Tiv êv ô:;ii
irroitXéo-jffiv iro 'ilpwioy iraXewc. H fait donc simple-
ment Héroopolis le point de départ de la navigation,
tandis qu'Agalhémère change les mots concernant
257
PHIIIAHIROTH — PHILADELPHIE
258
Héroopolis dont il fait le commencement du golfe
arabique. Son témoignage en perd toute sa valeur.
Mais peut-être que la géologie donnera raison à M. Na-
ville? Linant de Rellefonds lui est tout entier favorable
et il s'en prévaut à plusieurs reprises. Sfore-City of
Pithom, p. 25, '26, etc. Partant d'un point communé-
ment admis, savoir que la mer Rouge et la mer Médi-
terranée ont communiqué dans lestempspréhistoriques,
il signale trois atterrissements successifs intervenus
entre les deux mers. Le premier est antérieur à l'his-
toire, c'est celui qui existe entre les lagunes les plus
au sud du lac Menzaleh et le lac Timsah, nommé seuil
de Gisr. Le second se trouve entre le lac Timsah et les
lacs Arners. c'est le seuil du Sérapéum. Le troisième
est situé entre les lacs Amers et le fond du golfe actuel,
c'est le seuil de Chalouf. Selon l'auteur, l'atterrissement
du Sérapéum s'est produit après Moïse, à plus forte
raison celui de Chalouf, et il explique dans ce sens les
textes des anciens. Linant, Mémoires sur les princi-
paux travaux d'utilité publique exécutés en Egypte
depuis la plus haute antiquité jusqu'à mis jours,
Paris, 1872-1873, p. 178-194, surtout p. 195-197, où l'au-
teur se résume. Les autres géologues sont moins affir-
matifs. Ils s'accordent en général pour dire que la
mer Rouge n'a pas dû dépasser le Sérapéum depuis les
temps historiques. Mais ils admettent par contre que
les lacs Amers, à une époque récente, n'ont fait qu'un
avec la i.vr Rouge. Cf. Lecointre, La campagne île
Moïse pour la sortie d'Egypte (1882), p. 37-38. La dif-
liculté int donc tout entière dans le seuil de Chalouf
Par sa nature, il est hors de doute qu'il est bien an-
térieur à .Moïse, puisqu'il est d'origine tertiaire. Cf.
0. Fraas. Aus dem Orient : geologische Beobac/tlun-
gie» oui Nil, auf der Sinai-Halbinsel und in Syrien,
1867, p. 170-173; O.Rilt, Histoire de l'Isthme de Suez,
p. 5. Mais ce seuil a pu être soulevé par les modernes
tremblements de terre ou les mouvements du sol.
C'est l'opinion de M. Rilt, loc. cit., p. 4-5. 11 n'insiste
pas et passe à des preuves d'un autre ordre, aux
mesures données par les anciens sur la largeur de
l'isthme. ■ Hérodote, dit-il, rapporte que la distance
du mont Casius, formant cap sur la Méditerranée, à la
mer Erythrée était de mille stades, c'est-à-dire d'envi-
ron cent kilomètres, le stade unitaire employé par le
savant historien dans toutes ses observations équivalant
à peu près à cent mètres. Or, d'après l'examen de la
carte, la distance du cap Casius à la mer Rouge est un
peu supérieure à la plus petite largeur de l'isthme. Il
résulte donc de l'assertion d'Hérodote, que l'isthme de
Suez n'avait pas plus de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-
quinze kilomètres de large, il y a deux mille ans; c'est-
à-dire que la mer Rouge devait faire, à cette époque,
une pointe d'environ cinquante kilomètres dans l'inté-
rieur de l'isthme. Loc. cit., p. 5. Cf. Linant, loc. cit.,
p. 161-165. M. Vigouroux répond que M. Rilt « suppose
que le stade d'Hérodote n'était que de trois cents pieds ;
en réalite, il était du double, c'est-à-dire de six cents,
comme nous le lisons formellement dans la description
du lac Moeris, où il est dit que le stade équivaut à
cent oryges et l'oryge à six pieds. Hérodote, n. 149. Le
stade était donc de six cents pieds. Par conséquent la
distance du mont Casius au golfe de Suez, était, non
pas de quatre-vingt-quinze, mais de cent quatre-vingt-
cinq kilomètres : c'est plus que la distance actuelle, la-
quelle ne dépasse pas cent treize kilomètres environ.»
La Bible et les découvertes modernes, t. n, 6^ édit.,
1896, p. 397-398 et p. 390-396, utilisées ci-dessus. C'est
même trop, et nous restons perplexes sur la nature du
-: le employé ici par un auteur qui change à ce sujet
'l'une page à l'autre. Lecointre, loc. cit., p. 93-99. Les
hiffres d'Hérodote, répond-on, confirmés par ceux de
Strabon, XI, i. 5, 0; XVII, 1,21, de Pline, H. X.,\,
■>. de {'Itinéraire, s'appliquent sans doute à la route
DICT. DE LA BIBLE.
suivie, et c ette route avait ses circuits et ses détours
Nous aurions ainsi l'explication de la différence enlre
ces distances et celles des modernes qui mesurent en
ligne droite. Vigouroux, loc. cit., p. 399.
V. Conclusion. — Que conclure maintenant par rap-
port à Phihahiroth'? Évidemment, il faut reculer celte
station plus au sud que ne le fait Naville, que ne le
suppose Linant. Mais combien plus au sud la reporler?
En admettant qu'au temps d'Hérodote, c'est-à-dire au
ve siècle avant J.-C, la largeur de l'isthme ait répondu
à peu près à ce qu'elle est aujourd'hui, s'ensuit-il qu'au
temps de l'Exode, c'est-à-dire au xme siècle avant. I.-C,
il en ait été de même? Le seuil de Chalouf, par son
origine tertiaire, semble nous l'assurer. Mais ce seuil
est un soulèvement, de l'avis de tous les géologues: et,
suivant l'ingénieur Lecointe, ce soulèvement qui corres-
pond à un affaissement du coté de la Méditerranée, se
poursuit toujours, puisque le fond du canal recreusé
par Amrou est resté par places, à Chalouf spécialement,
« dans un état de conservation vraiment merveilleux ;
les talus sont réguliers, les arêtes vives, le fond de
cailloux et d'argile parfaitement plat et sans trace d'en-
sablement... Sa cote est de 17™76, tandis que celle de la
hauteur de la mer Rouge est de •18m36 : il n'aurait
donc plus aujourd'hui que soixante centimètres à demi
marée, et resterait toujours à sec à marée basse : par
suite le canal serait hors de service. » Loc. cit., p. 3S.
Le même auteur en déduit que le seuil a dû se relever,
au minimum, de quatre mètres vingt depuis Ptolémée
Philadelphe et « qu'à l'époque de Moïse, il devait être
profondément submergé ». Loc. cit., p. 39. Il s'en faut
que tous se soient ralliés à cette opinion. Le dernier
mot sur la question, controversée entre savants qui ne
cherchent pas à supprimer le caractère miraculeux du
passage de la mer Rouge, le dernier mot est aux fouilles
nouvelles et à leurs révélations. En attendant, on peut
penser avec les uns que Phihahirot se trouvait en face
des lacs Amers, avec les autres, qu'elle était vers
Adjroud, en face de la mer Rouge proprement dite.
Cette dernière opinion repose sur la tradition juive
alexandrine. acceptée par les premiers chrétiens, et
qui peut n'être qu'une accommodation aux conditions
géographiques de l'époque. Peut-être encore nous
forcerait-elle à reporter trop haut Phihahiroth pour
que son identification si séduisante avec Pikeheret n'en
souffrît pas. Pourtant, qui sait? L'innombrable multi-
tude des Hébreux avec leurs troupeaux et leurs bagages
occupait une immense place et le « vis-à-vis de Phiha-
hiroth » peut nous donner de la marge.
C. Lagier.
PHILADELPHIE (grec : *aeeSiâ<pia), ville ancienne
de Lydie, en Asie Mineure, sur la rive méridionale du
Kogamos, aflluent de l'Hemius, actuellement Alachehr,
CO. — Monnaie rie Philadelphie (dernière partie du r' siècle de
notre ère). = Tète de Diane, à gauche, avec un carquois. —
fi,. Apollon jouant de la lyre : *IAAAEA*EON EPMinnoC
APXIEPEYC.
c'est-à-dire « la bigarrée », dans le vilayel d'Aïdin,
dans le pachalik d'Anatolie, à 118 kil. de Smyrne, qui
lui est reliée par une ligne de chemin de fer. Elle était
bàiie sur les derniers contreforts du mont Tmolus, au
bord du haut plateau central de l'Asie Mineure
(lig. 60). Voir la carte de Lydie, I. iv. col. 448. Elle esl
mentionnée deux fois dans le Nouveau Testament ;
Apoc. i, 11, dans la liste des sept Églises de l'Asie
V. - 9
259
PHILADELPHIE
260
proconsulaire auxquelles saint Jean devait envoyer le
livre de ses visions; Apoc., m, 7, en tête de la lettre
adressée à l'ange, c'est-à-dire à l'évèque de la ville. Elle
fut fondée par Attale II Philadelphie (voir ATTALE II, 1. 1,
col. 1227-1228;, roi de Pergame entre les années 159-
138 avant J.-C, auquel appartenait son territoire et
dont le surnom servit à la désigner. En 133 avant J.-C,
elle passa sous la domination romaine, avec tout le
royaume de Pergame. Voir Pergame. t. îv. col. 137.
Située tout auprès de la région volcanique nommée
Katakékaitniènè, « district brûlé, » qui est très exposé
aui tremblements de terre, elle eut beaucoup à souf-
frir de ce fléau; elle était presque en ruines à l'époque
de Strabon, XIII, iv, 10. Mais elle ne tarda pas à se
sur laquelle elle se dresse est couverte de jardins et
d'arbres; la plaine est un champ immense, bien cul-
tivé, que traversent de nombreux canaux d'irrigation.
La population s'occupe beaucoup d'agriculture, comme
au temps de Strabon, qui comparait son sol à celui de
Catane, en Sicile, sous le rapport de la fertilité.
Cf. Strabon. xn, 8; xm, 4. Son vin était déjà très
renommé dans les temps anciens, Virgile, Georg., il, 98,
et elle en exportait de grandes quantités; ses monnaies
portaient souvent, pour ce motif, la tête de Bacchus ou
celle d'une bacchante. Les ruines de l'ancienne cité
sont peu nombreuses; elles consistent dans les restes
d'un théâtre, d'un stade, de deux enceintes, etc. Mais
nous devons à Philadelphie une lettre de l'Apocalypse
61. — Vue d'Alachehr. D'après une photogi
relever. Elle porta pendant quelque temps, au i« siècle
de l'ère chrétienne, le nom de Néocésarée, qu'on lit
sur des monnaies contemporaines des règnes de
Tilièri-, de Caligula et de Claude. Sous Yespasien, elle
reçut l'épithète de Flavia. On lui donna aussi, à l'époque
île ni plus jji'.-iiidc prospérité, le titre de « petite
Athènes », à cause du grand nombre de ses temples
i de -es l'êtes. Cf. J. G. Droysen, Gesclrichte des Bel-
lenismus, 2" édit., 3 vol., in-N", Gotha, 1878, t. m,
2e partie, p. 276. A l'époque byzantine, c'était encore
une ville grande et peuplée, qui faisait un commerce
considérable. Philadelphie eut la gloire de ne tomber
au pouvoir des Turcs qu'en 1390, après huit années de
vigoureuse résistance, alors que toutes les autres \illcs
d'Asie Mineure étaient déjà entre leurs mains.
[lachehr (fig, 61), qui a succédé à la cité antique,
est ;\ -J( K) mètres au-dessus du niveau de la mer, et domine
une vaste et fertile plaine. De loin, elle a un aspect
imposant; mais elle est mal bâtie et très malpropre,
Comme la plupart des villes orientales. Son activité
commerciale est encore très importante. La terrasse
m, 7-13, qui ne mourra jamais. s,iu évéque s
de grands éloges, i nue celui de Smyrne, Apoc. Il, 8-
II. et pas un seul î proche. La communauté chrétienne
qu'elle abritait était peu considérable enc ipoc.
ui,8, et les Juifs essayaient de la troubler, Apoc, m
9; mais pasteurs et fidèles résistaient vaillamment a
cette « synagogue de Satan ». Notre- Seigneur n'a
donc qu'à les Kmer. à leur promettre une brillante
récompense el à leur recommander de conserver avec-
soin le don précieux qu'ils ont reçu. Apoc.. m, 10-11.
Pans l'épitre intéressante qu'il leur écrivit quelques
années plus tard, saint Ignace d'Anlioche met égale-
ment les chu tiens de Philadelphie en garde contre
les juifs. Cf. l'uni,. Die apostolisclten Vâler, in-8°,
Tubingue, 1901, p. 98-102. Aujourd'hui encore, l'élé-
ment chrétien esl de beaucoup prépondérant parmi
la population d'Alachehr; la bénédition du Chris)
a porté bonheur à cette Eglise comme à celle de
Smyrae.
Nous ne savons pas dans quelles circonstances spé-
ciales le christianisme avait pénétré à Philadelphie.
261
PHILADELPHIE — PHILEMON (ÉPITRE A)
262
D'après les Conslitut. Aposl., vu, 46, t. i, col. 1053, son
premier évèque, nommé Démétrius, aurait été institué
par saint Pierre lui-même. L'apologiste saint Miltiade,
dans Eusèbe, //. E., v, 17, t. xx, col. 173, mentionne
une prophétesse, nommée Ammia, qui aurait appar-
tenu à l'Église primitive de Philadelphie. Durant la
période byzantine, cette ville était le siège d'un évêché
qui dépendait du centre métropolitain de Sardes. —
Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, in-8\ t. i,
p. 34; Curtius. Naclitrag ru den Beitrâgen zur Ge-
schichte und Topographie Kleinasiens, dans les
Abhandlungen der Berliner Akademie, 1873; Ramsay,
Ihstorical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres,
1890, p. 86; Id., Cities and Bishoprics of Phrygia,
2 in-S<\ t. i, p. 196; t. il, p. 353; Ms' Le Camus, Les
sept Églises de l'Apocalypse, in-i», Paris, 18'.I6, p. 203-
216. L. Fillion.
PHI L ARQUE (grec : !> z.-S>,â9w, Vulgate : Philar-
ches), chef de tribu, chef de troupes comme çuXâp^oç.
Cf. £.zpt&&pyrr\ç, I Mach., x. 65. Nos éditions de la Vul-
gate donnent ce mot comme un nom propre, et beaucoup
de commentateurs acceptent cette interprétation, mais
la phrase grecque : tov 8s ^■j'iAo/t^ tùv t.so': TqiôÔEov,
s'entend plus naturellement du « commandant ou chef
de ceux qui étaient avec Timothée », c'est-à-dire de ses
soldats. II Mach., vin, 32; cf. y. 30. Le texte sacré nous
dit que .ludas Machabée ayant battu Timothée et Bac-
cliide. les vainqueurs mirent à mort le philarque.
i' homme très pervers, qui avait fait aux luifs beaucoup
de mal. o
1. PHILEMON (grec, $tA^|i&>v), riche chrétien de
Colosses à qui saint Paul écrivit une de ses lettres.
Le nom qu'il portait était très répandu en Phrvgie,
comme le témoignent Ovide, Metani,, vin, 631 ; Aristo-
phane, Aves, 762, et de nombreuses inscriptions.
Wieseler. Chron. des Apost. Zeitalt., 1881, p. 152,
a pi'étendu conclure d'un passage de l'Épitre aux
Colossiens, iv, 7, que Philémon était originaire de
Laodicée, et que la lettre qui lui est adressée était celle
que l'Apôtre envoya, par les soins de Tychique, à cette
dernière Église, Col. iv, 16. Mais il est plus naturel de
supposer que Philémon habitait, comme son esclave
Onésime, Col., IV, 9, « l'un d'entre vous, » la ville de
Colosses. On y montrait encore sa maison au temps de
Jhéodorel, In Episl. ad Philem.,Proa'm.,l-^\\i,co\.GO\,
et les Constitutions apostoliques, iv, 46, t. i, col. 1053,
en font l'évêque de cette cité. D'après les Menées
grecques du 22 novembre, il aurait subi là le martyre
en compagnie d'Appia, d'Archippe et d'Onésime. J.-B.
Lightfoot, The Apostolic Fathers, Ignatius, Londres,
1884, t. il, p. 535. Saint Paul n'ayant jamais été à Co-
losses, il est probable que Philémon et les siens l'avaient
connu dans un voyage à Éphèse. Act., xix, 26; I Cor.,
xvi, 19. En tout cas, c'est à l'Apôtre lui-même, qu'il
devait sa conversion, jr. 19.
Philémon parait avoir joui d'une certaine fortune :
il a des esclaves; il reçoit de nombreux amis dans sa
maison, y. 22; il est connu par sa libéralité envers les
pi nvres, v. 5-7; la communauté chrétienne se réunit
lui, \. 2. L'épithète de c-jvsoyôî, que lui donne
Paul, y. 1. laisse entendre qu'il servait avec zèle la
cause de l'Évangile parmi ses compatriotes. C'était une
âme généreuse, droite, loyale, toute dévouée à la per-
sonne de l'Apôtre, jf. 13, 17, 22. — Les traditions le
présentent tantôt comme prêtre, tantôt comme évèque
ou comme diacre; les martyrologes grecs l'appellent
simplement « un saint apôtre ». Lightfoot, lgnathis,
il, p. 535. Philémon semble avoir été marié : sa femme
esl »ans doute cette Appie qui figure avec lui, dans
l'adresse d» l'Épitre à côté d'Archippe lequel, vraisem-
blablement, était leur Bis. C. Toussaint.
2. PHILÉMON (ÉPITRE A). — Cette lettre se distin-
gue des autres Épitres de l'Apôtre par des caractères
tout particuliers. C'est d'abord la plus courte : elle n'a
que quelques lignes. Elle semble, de plus, avoir été
écrite tout entière de la main de Paul, il. 19, cas fort
rare pour les Épitres de saint Paul. Enlin elle n'est
adressée ni à une église, ni à un chef d'église comme
les lettres pastorales, mais à une famille, plus exacte-
ment encore, à un ami personnel, pour une affaire
d'ordre privé.
I. Contenu de l'Épitre. — Malgré son peu d'étendue,
ce billet présente les divisions habituelles des grandes
épitres; préambule, corps du sujet, épilogue.— {"Préam-
bule, v 17. — Il se compose de l'adresse et de l'action de
grâces. L'adresse mentionne en première ligne Philé-
mon, le chef de famille, à qui la lettre est principa-
lement destinée. Elle y ajoute les noms d'Appia sa
femme et d'Archippe son fils. Les autres membres de
la famille du riche Colossien sont désignés par ces
mots « l'église qui se réunit dans ta maison •■. L'action
de grâces, en louant, d'une façon délicate, la foi et la
charité de Philémon, prépare la requête que l'Apôtre
va lui présenter, y 1-7.
2» Corps de l'Épitre, y. 8-21. — Saint Paul y sollicite
le pardon d'Onésime, avec un art consommé. L'Apôtre
n'aborde son sujet qu'avec mille précautions. 11 n'é-
nonce pas de suite l'objet de sa demande. Il rappelle
d'abord à Philémon quel est celui qui la lui adresse,
f 8-9, c'est Paul lui-même. Au besoin, il pourrait
commander, il aime mieux, par amour, le supplier
et demander, comme service personnel, ce qu'il pour-
rait exiger comme apôtre. Comment Philémon pour-
rait-il refuser cette grâce à celui qui passe sa vie
au service des gentils, qui endure, en ce moment
même, toutes les souffrances de la captivité, et qui est
arrivé à l'âge de la vieillesse? A ces motifs, Paul joint
ceux qu'il trouve dans la personne de son client, } 10-
16. Celui en faveur de qui il intercède est son « fils
spirituel », qu'il a enfanté dans sa prison; c'est cet
Onésime qui, jusqu'ici, il est vrai, n'a guère justifié la
signification de son nom (Onésime, en grec, signifie
« utile ») mais qui, désormais, en est tellement digne,
que Paul l'aurait volontiers gardé auprès de lui pour
l'aider dans l'œuvre de l'Évangile et faire pour lui tout
ce que Philémon ferait lui-même s'il étaitjprésent, mais
Paul n'a voulu devoir cette précieuse assistance qu'à la
bonne volonté de Philémon lui-même. De plus, celui
pour qui parle l'Apôtre n'est plus un simple esclave,
c'est « un frère »et un frère pour l'éternité, frère aimé
de Paul et, à plus forte raison, de Philémon qui l'avait
aimé autrefois comme maître, en sorte que si Onésime
a été séparé de Philémon pour un temps, c'est afin
qu'il le recouvre pour l'éternité, non plus comme un
esclave, mais comme un frère bien-aimé. L'Apôtre pro-
nonce alors le mot décisif : « Reçois-le, f. 17-21, comme
tu me recevrais moi-même. » Il est vrai qu'Onésime ne
s'est pas enfui seulement de chez son maître, mais qu'il
lui a causé quelque grave dommage. Mais Paul s'offre
pour le réparer. Il s'engage, par écrit, à indemniser
Philémon, bien qu'au fond celui-ci soit son débiteur
puisqu'il lui doit son salut. Cette idée remplit l'âme de
Paul de confiance. Il reproduit sa prière, au y. 20, sur
un ton qui écarte jusqu'à la possibilité' d'un refus. Bien
plus, au verset suivant, il attend de Philémon quelque
chose de mieux encore. Quoi donc '.' Le tour de phrase
est général et laisse aux interprètes la place à diverses
hypothèses. Les uns supposent un bienfait quelconque
en plus du bon accueil réservé à Onésime, d'autres
(De VVette, Oltramare, Reuss, Godet), l'affranchissement
pur et simple.
3° Épilogue, 22-25. — L'Apôtre prie Philémon de lui
préparer un logement, car il espère suivre de près
Onésime à Colosses. Les autres versets contiennent les
263
PHILÉMON (ËPITRE A)
264
salutations des compagnons de Paul, ce sont les mêmes
noms que dans l'Epitre aux Colossiens, à part celui de
Jésus Justus qui probablement n'était pas connu de
Pbilémon. Par contre, Épaphras est mentionné le pre-
mier de tous, étant l'ami personnel de Philémon. Il
était alors à Rome et partageait l'appartement que le
prisonnier Paul avait loué. Col.. îv, 10-12.
II. Lieu et date de la composition de l'Épïtre. —
De l'aveu de presque tous les critiques, l'Épïtre à Phi-
lémon a été rédigée en même temps que les Épitres aux
Colossiens et aux Kphésiens. « Ces trois lettres, dit
Sabatier, forment un groupe distinct dans l'ensemble
des Épitres de la captivité et ne doivent point être
séparées. Écrites en même temps, poitées en Asie
Mineure par les mêmes messagers, elles gardent des
traces frappantes de cette parenté d'origine. Philem.,
10, et Col., îv, 9; Philem., 23, 24, et Col., n, 10, 12, 14;
Philem., 2, et Col., iv, 17. Ces Épitres, en effet, se sup-
posent l'une l'autre. A. Sabatier, L'Apôtre Paul, 3e édit.,
1896, p. 233. D'après leur contenu, elles ont été certai-
nement écrites durant une des deux captivités de Paul.
Mais est-ce celle de Rome ou celle de Césarée? Les
exégètes modernes ne sont point d'accord sur ce point.
Voir leurs arguments, pour ou contre, à l'article Co-
lossiens (Épître ai x), t. n, col. 867.
III. Authenticité. — On ne trouve pas de traces cer-
taines de l'Épïtre à Philémon chez les Pères aposto-
liques. Rr. V. Westcott, Canon of the N. T., 1884,
p. 48. Les premières citations formelles de l'Epïtre à
Philémon viennent d'Origène qui l'attribue à Paul et
en extrait plusieurs passages. In Jerem., nom. xix, 2;
Comm. séries m Matth., | 66, 72, t. xm,col. 501. 1707,
1715. Tertullien, Adv. Marc, v, 11, t. n, col. 254, re-
marque que la brièveté de cet écrit l'a mis à l'abri
des falsifications de Marcion. D'après saint Épiphane,
Hœi:, xi.ii, 9, t. xi.i, col. 708, la lettre à Philémon occu-
pait dans le recueil de Marcion l'avant-dernière place,
après les Épitres aux Colossiens et aux Laodicéens et
avant celle aux Philippiens, tandis que, d'après Tertul-
lien, elle venait après celle-ci, comme la dernière. On
la trouve mentionnée dans le canon de Muratori, à côté
des trois Epitres pastorales. Voir t. il, col. 170. Les
deux anciennes versions syriaque et latine la conte-
naient. Saint Jérôme, Comm. in Epis t. Philem.,
Proœm., I. XXVI, col. 601, observe pourtant que plu-
sieurs ne la croyaient pas écrite par saint Paul ou que,
si elle était de lui, elle n'était pas inspirée, car elle ne
contenait rien pour l'édification : c'était plutôt une
lettre de recommandation qu'une lettre doctrinale. A
quoi l'illustre exégète répondait : on trouve, dans toutes
les lettres de Paul, des détails se rapportant aux choses
de la vie, par exemple, II Tim., IV, 13, où l'Apôtre
donne l'ordre de lui rapporter son manteau et ses livres,
et d'ailleurs jamais cette lettre n'aurait été renie par
toute l'Église, si l'on n'avait pas cru qu'elle fût de Paul.
Saint Chrysostomc, In Philem. Prol., t. i.xn, col. 702,
reproduit à peu près les mêmes raisons contre ceux qui
considéraient cette Épltre au-dessous de la dignité du
grand Apôtre. A partir de ce moment, l'authenticité de
notre Épître n'a laissé aucun doute dans les esprits.
Elle n'a été mise en question que par Christian liaur
qui lui dénia son origine paulinienne, opinion plus ou
moins adoptée par Weizsâcker, Pfleiderer, Stock, von
Manpn. Pour ces critiques, l'Épïtre à Philémon est l'em-
bryon à un roman chrétien analogue à celui dos Réco-
gnitions clémentines, destinéesâ mettre en exemple la
'.elle idée chrétienne que chaque fidèle se retrouve lui-
même dans chacun de ses frères. Cette hypothèse n'a
aueun lôiidomonl.
La lettre à Philémon est d'une telle originalité el l'âme
de Paul l'a si bien marquée dé son empreinte ineffaça-
ble, qu'on ne peut douter de son authenticité. Voir
P. Sabatier. l'Apôtre Paul, 3« édit.. p. 235, 236; Re-
nan, Saint Paul, 1869, introd., p. xi. Von Soden, dans
le Hand-Commentar zum N. T., t. m, part, i, Frihourg-
en-B., 1893, p. 73, admire, dans cette lettre, un témoi-
gnage charmant de la délicatesse et de l'humour de
l'Apôtre, et tout à la fois de l'élévation de sentiment et
de langage avec laquelle il savait traiter les choses con-
crètes de la vie. Les objections tirées du vocabulaire
de l'Epitre méritent à peine de retenir l'attention. Les
sept âuaÇ J.eyopiEva qu'on y signale, àvairltwiEiv, ânott-
veiv, <xy_pr,<7TO;, £TTtT.i<7T£tv, ;sv!x, ov(vaO"6at, npotroçefAElv,
n'enlèvent pas l'impression générale que le style de
l'Epitre ne soit celui de Paul, en particulier celui des
autres Epitres de la captivité. On retrouve, en effet,
plusieurs des expressions favorites de Paul : iTti'vvaxri;,
ïtxpp^m'a, 7capâxAi]?ic- La belle métaphore 5v èyévvr.ia
èv toïç Se(I(j.oîc, f. 10, rappelle I Cor., iv, 15, l'adverbe
-■'■x/'x, f. 15, l'Épïtre aux Romains, v, 7. Il y a, en outre,
nombre de coïncidences verbales avec les Epitres aux
Colossiens, aux Éphésiens, aux Philippiens, par exem-
ple, g£<t|jlco; Xptffxo'j 'Ir|O-o0, il, 1, 9; Eph., m, 1 ; <7uv£pY<S;
et <nj<7TpanwTri;, v, 1, 2; Phil., n, 25; àvr,xov, v, 8;
Eph., v, 4; Col., ni, 18; tjuvaixy.i>wTo;, v, 23; Col., IV,
10; àôe).?oç àYeunrtrfc, v, 16; Eph., VI, 21; Col., IV, 7.
IV. Mérite littéraire. — Tous les critiques s'accor-
dent à reconnaître, dans l'Epitre à Philémon, un vrai
petit chef-d'œuvre de l'art épistolaire. Erasme. I» Phi-
lem., 20, défie même Cicéron de dépasser l'éloquence
de ces quelques lignes. On ne sait ce qu'il faut le plus
admirer dans cette page, unique en son genre parmi
les écrits de Paul, la finesse, la grâce, la délicatesse de
sentiment et de langage, les tournures heureuses, les in-
sinuations habiles, les sous-entendus pleins de tact et
d'à-propos. Cette Épitre nous révèle la souplesse du
génie de Paul. « Ce ne sont, dit Sabatier, que quelques
lignes familières, mais si pleines de grâce, de sel, d
tion sérieuse et confiante, que cette courte Epitre
brille, comme une perle de la plus exquise finesse,
dans le riche trésor du Nouveau Testament. Jamais
n'a mieux été réalisé le précepte que Paul lui-même
donnait à la fin de sa lettre aux Colossiens : « Que votre
« parole sorte toujours revêtue de grâce, assaisonnée de
« sel, de manière à savoir comment vous devez répondre
«à chacun. Col., IV, 6 .1 L'Apôtre Pau l, 3" édit., p. 234,
236. La conservation de cette Epître est due sans doute
au respect, à l'affection, au culte de la famille de Phi-
lémon pour tout ce qui émanait de l'Apôtre Paul.
V. La question de l'esclavage. — On a parfois re-
proché à Paul d'avoir renvoyé Onésime à son maître
au lieu de prendre occasion de cet incident pour pro-
clamer, au nom de l'Évangile, l'émancipation des
esclaves. Il faut, au contraire, louer l'Apôtre de ne
s'être point pose en Spartacus imprudent et d'avoir
traité avec une si grande sagesse un point de doctrine
si grave et si délicat On doil lui savoir gré d'avoir
tracé la ligne de conduite que le christianisme devait
prendre à l'égard d'une institution qui tenait, par tant
de liens intimes,àla vie politique, sociale, économique,
des sociétés anciennes. En renvoyant l'esclave à son
maître, Paul reconnaît, respecte l'institution existante
mais il ne lui donne pas, connue on l'a prétendu, une
sorte de consécration qui la rende intangible. Il pose,
au contraire, les principes qui doivent, dans un avenir
plus ou moins rapprochera faire disparaître du monde
civilisé. Parle fait qu'il fait de l'esclave chrétien le
frère de son maître et qu'il efface dans le Christ toutes
les différences sociales, il ruine, par la base, celle
oppression de l'homme par l'homme. Voir Onésime,
t. iv, eol. 1812.
VI. Uni i:m'iiie. — .l.-li. LiiJiifooi. S. Paul'»
Epistles to the Colossians nml to Philémon, in s .
Londres, 1892; 11. K. von Soden, Die Briefe an die
Kolosser, Epheser, Philémon, Fribourg, 1893, p. 73;
Heyer, Comment, ûber die Briefe an die Kolos. und
265
PHILÉMON (ÉPITRE A) — PHILIPPE II HÉRODE
266
Phil., t. vm, ix ; H. Oltramare, Comment, sur les
Épitres de saint Paul aux Colossiens, aux Éphcsiens
et à Philétnon, in-8". Paris, 1891; Vincent, dans
lntern. Critic. Commentai-]), Episl. tothe Philip. and
to Philemon, p. 1Ô7, Edimbourg, 1897; Holtzmann,
Dey Brief an Philemon, krilisch untersucht dans
Zeitschrift fin- wissenschaftliche Théologie, 1873,
p. 428441. C. Toussaint.
PHILÈTE (grec : «^iX/itoî, « aimé a), chrétien, infi-
dèle à sa foi qui partagea l'hérésie d'Hyménée, en disant
que la résurrection était déjà accomplie. II Tim., II,
17-18. Voir Hyménée, t. m, col. 391. On ne sait rien
autre chose de certain sur sa vie. Ce qu'on lit dans le
Pseudo-Abdias, Apostolicœ historiée, iv, 2-3, dans J. A.
Fabricius, Codex apocryphus Novi Testantenli, 1719,
t. il, p. 517-5'20, sur ses rapports avec l'apôtre saint
Jacques, fils de Zébédée, est fabuleux. On trouve sépa-
rément les noms d'Hyménée et de Philète parmi ceux de
la maison de César dont les cendres avaient été dépo-
sées dans des Columbaria de Rome. Voir .1. G. Walch,
De Hijmenseo et l'hilelo, dans ses iliscellanea sacra,
Amsterdam, 171 i. p. 81-121; J. Ellicott, The Pastoral
Epistles of St. Paul, 4e édit., Londres, 1860, p. 133-134.
PHlLÎPPE (grec : '{•;'/ imtoç, « ami des chevaux »), nom
de deux rois de Macédoine, d'un oncle d'Antiochus
Épiphane, de deux Hérodes, d'un apôtre et d'un diacre.
1. Philippe il, fils d'Amyntas (fig. 62) roi de Macé-
doine (360-336 avant J.-C), et père d'Alexandre le Grand.
62. — Monnaie de Philippe II, roi de Macédoine.
Tète de Jupiter laurée, à droite. — R). *IAinn01C Cavalier
marchant à droite et portant une palme.
C'est seulement en cette dernière qualité qu'il est
nommé I Mach., i, 1; vi, 2.
2. PHILIPPE V, roi de Macédoine (220-179 avant
J.-C.) (fig. 63). Il était fils de Démétrius II, et lui suc-
céda sur le trône. Voulant agrandir son royaume, il
entra on conllit avec les Romains pendant qu'ils
étaient en guerre avec Carthage et profita de la cir-
63. — Stature de Philippe V, roi de Macédoine.
Tète de Philippe V, diadémée, à droite. — Ri. DAriAEQl!.]
<t»IAIIinoi\ Hercule debout, à gauche, portant sa massue et
une corne d'abondance.
constance pour consolider son pouvoir. Mais lorsque
la victoire de Zama eut permis aux Romains de
l'attaquer à leur gré, en 200, il ne put leur résister
longtemps, malgré sa bravoure. 11 lutta contre eux
jusqu'en 198, où l'arrivée de T. Q. Flaminius lui fut
fatale. Celui-ci le battit en 197 à Cynoscéphale en
Thessalie et lui imposa uue paix humiliante. Philippe
termina sa vie en vains efforts pour regagner une partie
de sa puissance perdue. Le premier livre des Maclia-
bées, vm, 5, rappelle la défaite de Philippe V et celle
de Persée comme une preuve de la grande force des
Romains.
3. PHILIPPE, < Phrygien d'origine, » et par caractère
plus cruel qu'Anliochus IV Épiphane lui-même qui
l'avait nommé gouverneur de Jérusalem, 170 avant J.-C.
II Mach., v, 22. Il fit brûler dans les cavernes des en-
virons de Jérusalem les Juifs qui s'y étaient réfugiés
pour célébrer le sabbat et qui ne se défendirent point
pour respecter le repos de ce jour. II Mach., vi, 11.
Plus tard, effrayé de la résistance et des progrès de
Judas Machabée qui avait battu Apollonius et Séron,
généraux d'Antiochus, Philippe demanda des secours
contre lui à Ptolémée, gouverneur syrien de la Cœlé-
syrie et de la Phénicie, qui lui envoya Nicanor, fils de
Patrocle et Gorgias. Voir Nicanor, t. IV, col. 1613, et
Gorgias, t. m, col. 277. II Mach., vm, 8-9.
Philippe était frère de lait, o-ivrpoçoç, collactaneus,
d'Antiochus IV Épiphane. II Mach., ix, 29. Le pre-
mier livre des Machabées, vi, 14, l'appelle « un des
amis » du roi. Sur ce titre, voir Ami 2, 7", t. i, col. 480.
Quand Antiochus IV entreprit sa campagne en Perse,
il voulut emmener son familier avec lui. Là, sentant sa
fin approcher, il le chargea de la régence et lui remit
son diadème, ses insignes royaux et son anneau, afin
qu'il les transmit à son fils, Antiochus, encore mineur
(163 avant J.-C). I Mach., vi, li-15. Mais à la nouvelle
de la mort d'Épiphane, Lysias qui était en Syrie s'em-
para du pouvoir au nom du jeune Antiochus qui n'était
qu'un enfant et dont il était le tuteur (voir Antiochus V,
t. i, col. 700) et lui donna le nom d'Eupator. I Mach., vi,
17. Philippe, qui ne se sentait pas le plus fort, n'osa
pas revenir aussitôt à Antioche. Il se rendit en Egypte,
emportant avec lui le corps d'Antiochus IV, auprès de
Ptolémée Philométor, afin de lui demander appui contre
Lysias. II Mach., ix, 29. Il réussit sans doute dans ses
démarches et pendant que Lysias faisait la guerre en
Judée contre Judas Machabée, Philippe, avec l'aide des
troupes syriennes qui étaient revenues de Perse et de
Médie, occupa Antioche. I Mach., VI, 56; II Mach., xm,
23. Lysias, informé de cet événement, s'empressa de
faire la paix avec les Juifs (voir Lysias 1, t. iv, col. 458) et
de retourner avec son armée en Syrie'; il reprit Antioche,
I Mach., vi, 63, et d'après Josèphe, Ant. jud., XII, ix,
7. s'empara de la personne de Philippe et le fit mettre
à mort. — Un certain nombre d'historiens distinguent
le frère de lait d'Antiochus Épiphane de Philippe le
Phrygien, mais plus communément on admet que c'est
un seul et même personnage. Quelques critiques veu- •
lent révoquer en doute le voyage de Philippe en Egypte,
II Mach., ix, 29, parce qu'il n'est pas mentionné
I Mach., vi, 56. La prétention de I Mach., vi, 56, ne
prouve nullement que le voyage n'ait pas eu lieu. — Tite
Live, xxxvn, 41, mentionne un Philippe qui avait le
commandement des éléphants dans l'armée syrienne à
la bataille de Magnésie (190 avant J.-C), mais rien
n'autorise à l'identifier avec celui dont parlent les livres
des Machabées.
4. PHILIPPE Ie' HÉRODE, premier mari d'Hérodiade
et père de Salomé. Les Évangélistes ne le désignent que
sous le nom de Philippe. Mat th., xiv,;'.; Marc, VI, 17;
Luc, m, 19. Voir Hérode 4. t. m, col. 619.
5.. PHILIPPE II HÉRODE, tétrarque de Trachonitide
et dlltirée. Luc, ni, 1. Il rebâtit l'ancienne Panéas,
qui prit de lui son nom de Césarée de Philippe.
Matth., xvi, 13; Marc, vm, 27. Voir Ulrode 5, t. m,
col. 649-650.
267
PHILIPPE (SAINT) APÔTRE
268
6. PHILIPPE (SAINT), un des douze Apôtres {fig.6i).
I. Saint Philippe d'après les Évangiles. — Il était
originaire de Bethsaïde en Galilée, comme Simon Pierre
et André, 'Joa., i. li; mi, 21. Cette communauté d'ori-
gine explique comment il était particulièrement lié
avec saint André. Joa., xii, 22; vi, 5-8. C'était aussi un
ami de Nathanaël ou Barthélémy. Joa., i, 4546. Saint
Philippe est nommé le cinquième dans toutes les listes
des Apôtres et les trois Évangélistes nomment immé-
diatement après lui son ami Barthélémy. Matth., x, 3;
Marc, m, 18; Luc, VI, 14; cf. Act., i, 13. Cet apôtre
est donc placé immédiatement après les deux frères
Pierre et André et les deux fils de Zébédée, et ce rang lui
revient historiquement, parce qu'il fut un des premiers
disciples du Sauveur. Lorsque saint Jean-Baptiste eut
C4.
L'apôtre saint Philippe. Type traditionnel.
D'après Albert Durer.
révélé à André, qui était son disciple, ce qu'était Jésus,
André s'empressa de communiquer la grande nouvelle
à son frère Simon cl il l'annonça aussi sans doute à
son ami Philippe qui ('lait probablement comme lui
disciple de Jean-Baptiste. Ces faits se passaient à Bétha-
nie au delà du Jourdain. Joa., i, 28. Le lendemain Jésus,
ayant rencontré Philippe, lui dit : Suis-moi. ■> Joa., i,
13 el l'heureux élu se mil aussitôt à sa suite, ayant été
appelé directement le premier de tous les Apôtres. Il ne
tarda pas à faire part de sun bonheur à son ami Na-
thanaël et l'amena à son nouveau Maître. Joa., 1, £5,48.
i i lanière dont Philippe parle a Nathanaël du « pro-
phète qu'avait prédit Moïse el qu'il venait de rencon-
trer semble indiquer m1"' la enue du Messie avait été
déjà auparavant un sujet d'entretien entre les deux
amis. Comme Nathanaël était de Cana, Joa., xxi, 2, on
esl porté à croire que c'est à son arrivée dans cette
ville que Philippe rencontra Nathanaël. Cf. Joa.. n. 1.
ci ne put croire d'abord que quelque chose de
bon pûl venir de Nazareth : i Viens et vois, > lui dit
Philippe, et son ami fui bientôt convaincu. Joa., i, 46-
19. Philippe avait d'ailleurs mal renseigné son ami,
n'étant pas encore bien instruit lui-même, en lui par-
lant de Jésus comme fils de Joseph et originaire de
Nazareth. Joa., i, i">
Les trois synoptiques se contentent de nommer Phi-
lippe dans leur catalogue des Apôtres, mais saint Jean,
né comme lui sur les bords du lac de Tibériade, nous
fournit sur sa personne, outre le récit de sa vocation,
quelques renseignements particuliers propres à inté-
resser ses lecteurs'd'Asie Mineure. Philippe assista aux
noces de Cana, car il doit être compris parmi « les
disciples » qui y avaient été invités avec Jésus. Joa., II,
2. Clément d'Alexandrie, dans ses Stromates, m, i.
t. vin, col. 1129,11e nomme [comme étant le disciple à
qui Jésus aurait dit : « Laisse les morts ensevelir leurs
morts », Matth., VIII, 22, quand ce disciple, que l'Kvan-
géliste ne désigne pas par son nom, lui aurait demandé
d'aller ensevelir son père. Le Maître aurait voulu le
former ainsi au détachement nécessaire à un apôtre,
mais nous ignorons sur quel fondement Clément
d'Alexandrie appuie son identification.
Ce qui est certain, c'est que Notre-Seigneur voulut
lui inspirer pleine confiance en lui. lors du miracle de la
multiplication des pains. A la vue de la foule qui l'en-
tourait, Jésus lui demanda : « Ou achèterons-nous du
pain, pour que ce monde puisse mangei '.' lesus, ajoute
l'Évangéliste, « disait cela pour l'éprouver, car il savait
ce qu'il allait faire. » Philippe s'attendait si peu à un mi-
racle, qu'il lui répondit : « Deux cents deniers de pain
ne suffiraient pas pour que chacun en eut un mor-
ceau. » Joa., vi, 5-7. Saint Jean Chrysostome conclut
de là que Philippe avait particulièrement besoin des
instructions du Sauveur. Hom. xlii, 1, in Joa., t. i.ix.
col. 239. Tentât (idem Philippi, consilium peter,
nime indigens, dit J. Corluy, Comment, in Ev. Joan-
nis, 2e édit., dand, 1880, p. 135. Des commentateurs
modernes ont supposé, en se plaçant à un point de vue
plus positif, que si Philippe avait été interrogé directe-
ment, c'est parce qu'il était chargé des provisions et
que s'il avait parlé de deux cents deniers, c'est parce
que c'était la somme qui était alors dans la possession
des Apôtres. Cl. Fillion, Évangile selon saint Jean,
1887, p. IIS.
Saint Jean nous a conservé dans son Évangile deux
autres épisodes on l'apôtre Philippe joua un rôle. Parmi
les pèlerins qui s'étaienl rendus à Jérusalem à l'occa-
sion ib; la fête de Pâques, il y avait des prosélytes grecs
qui désiraient voir Jésus. Attirés peut-être par le nom
grec de Philippe ou bien le connaissant auparavant, ils
s'adressèrent à lui afin qu'il les présentât au Maître.
Philippe semble n'avoir pas osé le faire lui seul. Il
appela son ami André qui était moins timide et les
deux ensemble prévinrent Notre-Seigneur qui adressa
à la foule un discours, confirmé par une voix du ciel.
Joa., xn, 20-30. — Une autre fois, et c'est la quatrième
où saint Jean parle nommément de saint Philippe, dans
le discours après la Cène, Jésus dit à ses Apôtres
qu'ils avaient vu son Père. Philippe ne comprit pas ce
que le Maille entendait par là, qu'ils avaient vu le l'ère
dans le Fils qui est un avec lui, et alla, haut à ces
paroles un sens matériel, il répondit à Jésus dans I es
poir de voir quelque théophanie connue les patriarches.
Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit. »
« Il \ a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as
pa- connu? répliqua le Sauveur (d'après le texte grec).
« Philippe, celui qui m'a vu a vu aussi le Père. Comment
peux-tu dire : Montrez-nous le Père. Necrois-tu pas que
je suis dans le Père el que le Père est en moi'.' »
.Lia.. \iv, 7-10. La demande faite par Philippe avec la
simplicité' de son caractère fournit ainsi à Jésus-Chrisl
l'occasion de donner à ses Apôtres sur son union avec
son Père céleste une leçon profonde qui resta profon-
dément gravée dans la mémoire de saint Jean.
Philippe étant natif de Bethsaïde et, lié' comme il
L'était avec les fils île Zébedée et Nathanaël, dut être l'un
I ,1, u di-i ipl es, tua., xxi. 2, à qui Jésus
ressuscité- apparut sur les bonis de la mer de Galilée;
ce n'est toutefois qu'une hypothèse. — Cet apôtre n'est
269
FHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE
270
nommé qu'une autre fois dans le Nouveau Testament,
avec les dix autres qui étaient rassemblés dans le Cé-
nacle, après l'Ascension, Act., i, 13, et il reçut avec eux le
Saint-Esprit le jour de la Pentecôte. Act., ir, 1-3.
II. Saint Philippe d'après la tradition. — A partir
de ce moment nous ne savons plus rien sur cet apôtre
que par les témoignages de la tradition qui ne sont
pas en tout concordants. Les plus anciens écrivains
ecclésiastiques ne l'ont pas toujours distingué exacte-
ment de l'Evangéliste Philippe, un des sept diacres.
Voir Philippe 7. Eusèbe lui-même, H. E., m, 31,
t. xxi. col., '281, les confond ensemble.
Ce qui se dégage avec le plus de certitude des tradi-
tions anciennes, c'est que saint Philippe évangélisa la
Phrygie. D'après le Bréviaire romain et plusieurs marty-
rologes, il avait évangélisé d'abord la Scythie et la Lydie.
Tous les monuments sont d'accord pour lui faire passer
les dernières années de sa vie à Hiérapolis en Phrygie,
Polycrate, évêque d'Éphèse dans la dernière partie du
IIe siècle, qui avait tous les moyens d'être bien informé,
dit dans sa lettre au pape Victor dont un fragment
nous a été conservé par Eusèbe, H. E., m, 31, t. xx.
col. 280 : « ...Philippe, qui fut'un des douze Apôtres, et
mourut à Hiérapolis, ainsi que deux de ses tilles qui
avaipnt vieilli dans la virginité. Son autre fille... fut
enterrée à r.phése. » Cf. Théodoret de Cyr, In Ps. CXVI,
1, t. lxxx, col. 1808: Nicéphore, H. E., il, 44, t. cxi.v,
col. 880; dans les œuvres de S. Jérôme, De vilis
apost., t. xxiii, col. 721. D'après tous ces auteurs à
rencontre de Caîus, voir Philippe 6, l'apôtre saint Phi-
lippe fut marié et eut trois filles, dont deux restèrent
vierges et dont la troisième mourut à Éphèse où elle
était probablement mariée. Papias, qui fut évêque
d'Hiérapolis, connut les filles de l'apôtre et apprit d'elles,
au rapport d'Eueébe, qu'un mort avait été ressuscité de
son temps, par leur père sans doute. Eusèbe, H. E., m,
39, t. xx, col. 297; Nicéphore, H. E., m, 2, t. cxlv,
col. 937. Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. toi,
col. 1156. L'antique nécropole d'Hiérapolis, dont les
nombreux tombeaux ont été conservés par les eaux pé-
trifiantes de la ville, au milieu desquelles ils sont in-
crustés, contient une inscription où il est fait allusion à
une église dédiée à saint Philippe, en souvenir de son
apostolat: roO £vS6!io*j 'Aitoor6Xou y.x: BsoXôyou $iXcte7tou.
W. M. Ramsay, TkeCities und Bishoprics of Phrygia,
Londres. 1895-1897. p. 552. Les restes de l'Église qu'on
voit encore à Hiérapolis, au nord à l'entrée de la grande
nécropole, près des anciens tombeaux, sont peut-être
ceux de l'Eglise qui avait été consacrée à la mémoire
du saint apôtre. Voir E. Le Camus, Voyage aux sept
Églises de l'Apocalypse, in-t", Paris, 1896, p. 189-190.
Cf., dans le Dictionnaire, \e plan d'Hiérapolis, fig. 147,
t. m. col. 705.
La mort de saint Philippe est racontée de façons très
diverses. Clément d'Alexandrie, Strom., iv, 9, t. vm,
col. 1281, dit faussement que les apôtres Matthieu,
Philippe et Thomas moururent de mort naturelle. Le
Pseudo-Hippolyte, De duodecini Apostolis, t. x. col. 952,
et la plupart des documents anciens disent que
saint Philippe fut martyrisé sous Domitien à Hiérapolis,
et qu'il fut crucifié la tète en bas. Il devait avoir envi-
ron 87 ans. Voir Acla sanctofum, maii t. i, p. 10.
Sa sœur Marianne et ses deux filles qui étaient avec lui
à Hiérapolis furent enterrées plus tard à côté de lui.
d'après les Ménologes grecs. Dans un sermon attribué
à saint Jean Chrysostome, Hom. de XII Apost., t. lix,
col. 495, on lit que « Philippe conserve Hiérapolis par
ses miracles ». Les reliques du saint ont été depuis
iransportées à Rome dans l'église des Saints-Apôtres,
où elles sont placées avec celles de saint Jacques le
Mineur, fils d'Alphée, sous le grand autel. L'Église
latine célèbre la fête de ces deux Apôtres le 1" mai. —
Il existe des Actes apocryphes de saint Philippe qui ne
contiennent guère que des fables. Voir Actes apocryphes
des apôtres, vu, Acta S. Pkilvppi, t. i, p. 164. Sur un
prétendu Evangile de saint Philippe, voir ÉVAWGIEES
apocryphes, ii, 50, t. m, col. 2117.
F. Vigouroix.
".PHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE (grec : >}>•}■--
nos o E0aYve).t<rri)ç), un des sept premiers diacres. Il
est nommé pour la première fois dans les Actes, vi, 5,
le second des sept diacres que les Apôtres chargèrent
de s'occuper des veuves des juifs hellénistes convertis à
la foi. Il est distingué de l'apôtre du même nom, dans
le livre des Actes, xxi, 8, par le titre d'évangéliste.
Voir Évangéliste, t. ii, col. 2057. Ce fut, après
saint Etienne, celui des sept diacres qui joua le rôle le
plus important. Il annonça le premier l'Évangile aux
Samaritains et baptisa le premier Gentil.
La persécution qui suivit la lapidation de saint Etienne
l'obligea à quitter Jérusalem. Act., vu, 1. Il se rendit à
la ville de Samarie, y prêcha Jésus-Christ et y opéra
de nombreux miracles. Il fit de nombreuses conver-
sions et conféra le baptême à beaucoup de Samaritains,
hommes et femmes, et aussi à Simon le Magicien. Les
Apôtres, ayant appris à Jérusalem qne Samarie avait
reçu la parole de Dieu, Pierre et Jean s'empressèrent
d'aller administrer aux nouveaux fidèles le sacrement
de confirmation. Simon le Magicien toutefois se montra
indigne de la grâce en offrant à saint Pierre d'acheter
pour de i'argent le pouvoir de conférer le Saint-Esprit.
Act., vin. 5-24.
21 Un ange du Seigneur commanda alors au diacre
Philippe de se diriger vers le midi de la Judée, sur la
route de Jérusalem à Gaza. Là, il rencontra l'eunuque
de Candace, reine d'Ethiopie. Voir Candace, t. n,
col. 131. Tous les détails de la rencontre sont donnés
par les Actes, vm, 26-29. Saint Luc avait pu les appren-
dre delà bouche même du diacre évangéliste, pendant
le séjour qu'il fit plus tard dans sa maison avec
saint Paul à Césarée, et il les dépeint au vif. L'Éthio-
pien, assis sur son char, lisait le chapitre Lin d'Isaïe,
mais il ne le comprenait pas. Philippe l'accoste, monte
avec lui sur le char, lui explique le sens messianique
de la prophétie, l'évangélise, et arrivé auprès d'une
fontaine, sur la demande du néophyte, lui confère le
baptême. Une tradition identifie cette fontaine avec
celle A'él-Haniéh, entre Ain Karim et Bethléhem; et on
l'appelle la Fontaine de saint Philippe. Liévin, Guide
Indicateur de la Terre Sainte, 4e édit., 1897, t. n,
p. 29-30. Cf. V. Guérin, Judée, t. i, p. 109. o La tradi-
tion qui rattache à l'Aïn-el-Haniéh les souvenirs (de
saint Philippe) est, je l'avoue, dit V. Guérin, Judée.
t. m, p. 293-29i, depuis longtemps consacrée, en quel-
que sorte, par les témoignages presque unanimes de
tous les pèlerins qui l'ont visitée... Mais cette tradi-
tion, qui ne parait pas remonter à une époque anté-
rieure à celle des Croisades, doit évidemment céder le
pas, pour tout esprit impartial, à la tradition primitive,
telle qu'elle est consignée dans le Pèlerin de Bordeaux,
dans Eusèbe et dans saint Jérôme (qui placent la fon-
taine de saint Philippe à VAhi ed-Dirouéh) au-dessous
de Bethsur, Onomast., édit., Larsow et Parthey, 1862,
p. 104, 105, (et qui sont)... les plus sérieuses autorités
que l'on puisse consulter en pareille matière... En outre,
les circonstances elles-mêmes du récit des Actes des
Apôtres relativement à ce baptême semblent s'opposer
matériellement à l'hypothèse qui place à l'Ain el-Ha-
niéh le lieu de cet événement. Le texte sacré nous dit
que l'eunuque de la reine d'Ethiopie était sur un char...
Or la route qui passe près de l'Ain el- Haniéh ne pa-
rait pas avoir été jamais carrossable. Au contraire,
la route à côté de laquelle coule l'Ain ed-Dirrouéh
conserve encore çà et là, les traces d'un ancien passage. »
Saint Jérôme, dans l'Épitaphe de sainte Paule, t. xxii,
col. 886, dit qu'elle visita la fontaine sur la <i vieille
271
PHILIPPE (SAINT) LÉVANGÉLISTE — PHILIPPES
272
roule » qui mène à Gaza, o L'épithète de vêtus, vieille,
donnée par saint Jérôme à la roule conduisant à Gaza
par Hébron explique très bien, dit V. Guérin, p. 293,1e
sens que l'on doit donner à celle de déserta, déserte,
employée dans les Actes pour désigner la même voie. Il
ne faut pas prendre ce dernier mot à la lettre et croire
<[iie cette route était réellement déserte, puisqu'elle
traversait des villes et des villages; elle était seulement
abandonnée alors par la plupart de ceux qui se ren-
daient à Gaza, lesquels en prenaient une autre plus
occidentale, comme le font encore les caravanes
d'aujourd'hui. »
La fontaine d'Ain ed-Dirrouéb est sur le bord de la
route actuelle de Jérusalem à Hébron, au bas de la
colline sur laquelle sont les restes de l'antique Bethsur.
L'eau de la fontaine s'écoule à un mètre environ au-
dessus de la chaussée, à l'est, par un bloc de marine
rouge cannelé, dans un réservoir fait en partie de sar-
cophages. Le filet d'eau est assez abondant. Les femmes
des environs vont y puiser de l'eau dans des outres et
laver leur linge dans le réservoir. Les ruines d'une
vieille église bâtie au-dessus de la source conservent le
souvenir du baptême de l'eunuque éthiopien. L'eau
est absorbée sur place dans la terre comme l'observe
saint Jérôme. Onomast., p. 105 (Notes prises sur les lieux
en mars 1888). Après que l'eunuque eut été baptisé, le
nouveau converti et l'apotre se séparèrent. Les fonctions
que l'Éthiopien remplissait à la cour de la reine Can-
dace font croire qu'il était réellement eunuque. Le
• des Actes ne permet pas de supposer que c'était
un juif né en Ethiopie; il devait être un prosélyte de
la porte, Is., li, 4-5, son état l'empêchant d'être un
prosélyte de justice. Deut., xxni. 1. Ce fut. comme le
remarque Eusèbe, H. E., u, 1. t. xx, col. 137, irpàrroç
è; I8v(5v, o le premier des gentils converti » et à ce
titre l'acte de saint Philippe est particulièrement mé-
morable. 11 remplit bien en cette circonstance ses
fonctions d'évangéliste. En conférant le baptême à un
descendant de Cham, à un homme de cette race mé-
prisée, à un eunuque et à un Ethiopien, cf. Amos, ix,
7, il montrait que Jésus-Christ était le Sauveur de tous
1rs hommes et qu'il n'excluait personne de son royaume.
Cet événement accompli sans témoins, el en faveur d'un
prosélyte qui quitta aussitôt la Palestine, eut moins
d'éclal que plus lard la conversion du centurion Cor-
neille, mais elle en était comme le prélude. De retour
en Ethiopie, le néophyte, d'après la tradition, y prêcha
l'Évangile et convertit la reine elle-même. Eusèbe,
7/. E., H, 2, t. xx, col. 137; s. Jérôme, In. Is.. lui,
t. xxiv, col. 509; Nicéphore, B. E.,u, 6, t. cxlv, col. 709.
Quanl à Philippe, < l'Esprit du Seigneur le ravit à la vue
de l'eunuque, » Act., vin, 39, et il prêcha l'Évangile à
Azot, dans les villes philistines el sur toute sa route
jusqu'à Césarée, \. 40, où habitait probablement sa
famille.
:; s, nui Philippe reçoit saint l'uni à césarée. —
Nous ne retrouvons le diacre Philippe que plusieurs
années plus tard, el c'esl la dernière fois qu'il est nom-
mé dans les Acies. wi, 8. Saint Paul venant de l'iolé-
maïde el allant à Jérusalem, à la lin de sa troisième
mission, reçut chez lui l'hospitalité comme chez une
ancienne connaissance. L'apôtre des gentils devait
s'entendre pleinement avec celui qui avail baptisé le
premier gentil. Il demeura plusieurs jours à Césarée
ivec ses compagnons dans la maison du diacre Philippe
el c'esl là que le prophète \ Mois annonça à saint Paul
i prochaine captivité. Sainl Eue nous apprend, Act., \\i.
9, que leur hôte avait quatre filles i qui prophéti-
aienl . el qui instruisaient sans doute ceux qui vou-
laient se convertir au christianisme, aidant leur père
dans soi ire d'évangéliste. C'esl la mention de ces
quatre lilles qui a : né la confusion des traditions
relatives à Philippe l'apôtre et à Philippe l'évangé-
liste. Les témoignages anciens qui attribuent trois lilles
à l'apotre et le font évëque d'Hiérapolis, ont été rap-
portés plus haut. Voir Philippe 6, col. 269. Un passage
de Caïus, cité par Eusèbe. //. E.. ni, 31. t. xx,
col. 281, attribue au diacre Philippe ce qui regarde en
réalité l'Apôtre du même nom. Cet écrivain ecclésias-
tique était contemporain du pape Zéphyrin (202-219).
Eusèbe, H. E., u, 25, col. 208. D'après l'histoire lilté-
rairede la France, t. i, I, p. 356, il était originaire de
la Gaule. Il eut à Rome une discussion publique avec
le montaniste Proclus. qu'il publia plus tard sous le
titre de AiâXoyo; Ttpb; lUoy./.ov; c'est dans ce dialogue
que nous lisons : j Après cela les quatre filles de Phi-
lippe furent prophétesses à Hiérapolis en Asie, où l'on
voit leur tombeau et celui de leur père Philippe. » Ce
nombre de quatre et le titre de prophétesses montrent
qu'il faut entendre par là Philippe l'Évangéliste.
Act., xxi, S. Caïus est la seule autorité ancienne qu'on
puisse citer en faveur de cette opinion, qui compte en-
core aujourd'hui des défenseurs. Cependant la plupart
des critiques reconnaissent que le témoignage de Caïus
n'a pas la valeur de celui de Polycrate qui écrivait avant
lui et vivait non loin d'Hiérapolis. Voir J.-B. Lightfoot,
St. Paul's Epistles to the Colossiaus and to Pliilctnon,
Londres, 1875, p. 45.
Un Ménologe grec, dans Lipsius, Die apokryphen
Apostelgeschichlen, 1889-1890, t. m, p. 3, appelle les
quatre lilles de saint Philippe Hermione, Cliaritine,
haïs et Eutychiane. D'après les traditions les plus an-
ciennes, leur père devint évéque de Tralles et il y mou-
rut de mort naturelle. Acta Sam . junii I. i. p. 609.
Des martyrologes plus récents le font mourir à Ces
Du temps de saint Jérôme, on montrait encore dans
cette dernière ville, la maison où le diacre Philippe
avait reçu suint Paul et les chambres de ses quatre lilles.
Le saint docteur raconte que sainte Paule > lit un
pèlerinage. Epist. cvm, 8. t. XXII, col. 82. L'J
célèbre la fête de l'évangéliste saint Philippe le 6 juin.
F. VlGOUBOUX.
PHILIPPES [grec : ftXncnoi; Vulgate, Philippi),
ville très ancienne et citadelle très forte de la Macé-
doine (lig. 65). Elle était située entre les monts llérnus
65. — Monnaie de Phil |
[•ICLAUDIUS CAESAR. ait.. PM. TRP imP. Tète de l'em-
pereur Claude, à gauche. — $. COL AUG IUL PHILIP. Entre
deux Clppes, statues de Jules e,
un piédestal sur lequel on lit Dl\ US AUG,
et Pangée, à l'est du fleuve Strymon, près de la fron-
tière de Thrace el de la rivière Gangès ou Gangitès, sur
une colline élew'v :lig. liti). Cf. Appien, De bellis
iv, 106. Elle dominait une vaste plaine, d'une grande
fertilité, mais dont quelques parlies-sonl marécageuses.
Elle n'était séparée de la mer Egée que par environ
trois heures de marche, et avait pour port la petite
ville de Néapolis Hat. 'mon. aujourd'hui Cavalla
\i iPOLlS, t. iv, col. 1542. Ce fui d'abord nue colonie
fondée par les habitants de l'île de Thasos, située non
loin de là. Elle porta en premier lieu le nom de
Krénidès, ou o Fontaines », à cause des source- très
abondantes qui l'arrosent. En 356 avant .1. -('.., elle l'ut
conquise par Philippe 11 de Macédoine, père d'Alexandre
273
FIIIL1PPKS
-'7i
le Grand, qui l'agrandit considérablement, la fortifia
et lui donna son propre nom. Sa situation stratégique
était fort importante, car elle commandait tout à la
fois les routes de Grèce et de Thrace. De plus, on avait
découvert des gisements très riches d'or et d'argent
dans la montagne voisine, le Pangée. et ces deux
motifs réunis avaient excité la convoitise du roi Phi-
lippe. La recherche de l'or fut la grande affaire de
toute la région pendant plusieurs siècles, et la ville
en obtint un redoublement de prospérité.
Dès l'année I6S avant- J.-C, elle tomba sous la domi-
nation de Rome. C'est dans sa vaste plaine qu'en 42
avant notre ère Octave et Antoine, héritiers de César,
l'année 53. Appelé en Macédoine par une vision surna-
turelle, Act., xvi, 9. l'apôtre des gentils traversa la mer
Egée, et vint en droite ligne à Philippes, avec
Silas, Timothée et saint Luc. Durant un séjour rapide,
il réussit à fonder une chrétienté vaillante et généreuse,
malgré l'opposition des Juifs et des autorités romaines.
Voir Paul (Saint), t. iv, col. 2-209. C'était la première
fois que Paul annonçait l'évangile en Europe. La per-
sécution qui éclata après son départ contre les néophytes
ne fit qu'exciter davantage leur zèle. I Thess., H, 2.
Saint Paul fit à Philippes une seconde visite plus pro-
longée, pendant son troisième voyage, vers l'année 58,
après avoir quitté Éphèse. Act., xx. 1-2. Cette fois, la
66. — Vue de la plaine de Philippes. D'après une photographie de M. H. Cambournac.
remportèrent une victoire décisive sur Brutus et Cassius,
les derniers défenseurs de la république. Devenu em-
pereur, Octave établit à Philippes une colonie de '
rans, et lui donna le nom de Colonia Augusta Julia
Philippensium. Cf. Pline. H. A'., îv, 18; Act., xvi.
12. Ce fut un quatrième élément apporté à la popula-
ti in, qui se composait déjà de Macédoniens, de Grecs
et il.' \près la bataille d'Actiurn. 31 avant
J.-C. d'autres vétérans furent envoyés à Philippes.
Cf. Dion Cassius, LI, iv, 6. Il n'est donc pas étonnant
qu'on ait trouvé sur l'emplacement de la ville de nom-
breuses monnaies et inscriptions latines (fig. 66). Phi-
lippe reçut alors le ■ jus italicurn », qui accordait à ses
habitants des droits et des privilèges presque égaux à
ceux des citoyens de Rome. Voir Marquardt. Rômische
Siaatsverwaltung, 2 in-S\ Leipzig, t. i, 1873, p. 187.
débuts du christianisme à Philippes sont ra-
contés tout au long, dans les termes les plus drama-
tiques, au livre des Actes, xvi, 12-40. Rien de plus
modeste, et aussi rien de plus touchant. C'était pen-
dant le second voyage apostolique de saint Paul, vers
ville n'est pas mentionnée nommément par l'historien
sacré; mais le texte suppose de la façon la plus évi-
dente que Paul vit alors toutes les chrétientés de Ma-
cédoine. Il y revint encore une troisième fois, de
Corinthe, pendant ce même voyage, Act., xx. 3-6, vers
la Pàque de l'année 59. De Rome, à la fin de sa pre-
mière captivité, il écrivit aux Philippiens une de ses
lettres les plus intimes, voir Philippiens (Éiùtre aux),
qui montre à quel degré il leur était attaché et combien
il .tait pavé de retour. Cf. Phil.. i, 1; n, 12; IV, 3, 10;
II Cor., xi. 8-9.
Un passage des Actes, xvi. 12, relatif à la ville de
Philippes, a de tout temps créé quelque difficulté aux
interprètes. Le texte présente en cet endroit plusieurs
variantes, qui prouvent qu'on ne le comprenait pas
très bien et que les copistes cherchaient à le rendre
plus clair. On lit, d'après la leçon la plus commune,
qui est vraisemblablement la meilleure : tU $iXt'mtouç,
■}-'.; lorîv grpc&TY] -rt- uspioo: t/; MaxsSovtac "'>>::, y.o/w-
vfa. Vulgate : Philippos, quse est prima partis Mace-
doniœ civilas, colonia. Le Codex B supprime l'article
275
PHILIPPES
276
devant [i£p:oo;; le Codex D substitue xeçaXVj, a capitale, i
aux mots tcjhoty) tt,; u.Epi5o;. Cf. E. Nestlé, Xovi Tesla-
menti supplementum, in-8°, Leipzig, 1896, p. 60. Ce
passage peut avoir deux sens, auxquels se ramènent
les principales interprétations des commentateurs :
1» Philippes était une ville macédonienne de premier
rang; 2° c'est la première des villes de Macédoine
qu atteignit saint Paul. Le premier sens serait contraire
à l'histoire, si l'on prétendait, avec quelques auteurs,
que Philippes était alors la capitale de la province de
Macédoine : c'est Thessalonique qui possédait ce privi-
lège. D'autres interprètes se sont souvenus que, dès l'an-
née 167 avant J.-C, la Macédoine avait été distribuée en
quatre districts, dont les inscriptions mentionnent clai-
1895, h. I., lit Ttpii-r,; au lieu de îtpu>Tr| rijç : d Ville de
la première région de la Macédoine. » MM. Westcott et
Hort, The New Testament in the original Greek, Cam-
bridge. 2 in-12. 1S82, t. n, p. 96-97, transforment
jiepCSo; en UiEptSo; : <■ Ville chef-lieu de la Macédoine
Piéride. » On nommait ainsi la région à laquelle appar-
tenait Philippes. Cf. Hérodote, vu. 212; Thucydide, n.
99. Mais ce ne sont là que de simples conjectures.
D'autres, spécialement W. Meyer dans son commen-
taire de ce passage, Kritisch-exegelisch. Commentât
iïber das Neue Test., part, m, Die Apostelgeschichte,
8» édit., in-8», Gœttingue. 1899, p. 278, 280.' rattachent
le mot koXIc à xoXrovCa, et traduisent : « La première
ville colonie fondée dans ce district. » Mais cette asso ■
67. — Ruines du Direkeir à Philippes. D'après une photographie.
rement l'existence, voir Macédoine, t. iv. col. 475 —
MaxéSovuv itpbnr)c, M. Seure'paç, M. letâpTrjç, c'est-à-dire
(monnaie) des Macédoniens de la première, de la
seconde, de la quatrième (division) — et ils ont dit
que Philippes était la première ville, le chef-lieu de
la Macedonia prima, dont elle faisait partie. Mais
cela aussi est inexact, car la métropole officielle de ce
district était Amphipolis. Cf. Tite-Live, xi.v. 29-30. Peut-
être pourrait-on, avec quelques commentateurs, regarder
les mots 7tp(ÔTt] T'r,; [lepeSoç... comme un de ces titres
d'honneur que les villes grecques convoitaient alors
si ardemment et qu'elles aimaient à se faire octroyer
par les Ko mai ns; dans ce cas, le sens serait : Philippes
('•tait une ville importante, jouissant de grands privi-
lèges, etc. Cf. C. T. Kuinoel, Acla Apostolorum, 2 édit,,
in-8°, Leipzig, 1827, p. 542. On trouve, en effet, d'an-
ciennes monnaies sur lesquelles la cité porte le titre
de itpÙT>], Voir Rettig, Quiestiones Philippenses, in-8»,
Giessen, 1831, p. 5. On a proposé aussi quelques modi-
fications au texte, en vue de le rendre plus clair.
M. l'rd. Lilass, Acla Apostolorum, in-8°, Gcettingue,
ciation ne saur, il être justifiée sous le rapport de la
syntaxe. Il resterai! à dire que ta proposition aurait
une signification locale : pour saint Paul, arrivant du
côté de la mer Egée et de l'ile de Samothrace, Phi-
lippes était la première ville proprement dite di
{loi ne placée sur sa route ; car le port de Néapolis , aji
i on, aurait appartenue la Thrace, non à la Macédoine.
Voir van Steenkiste, Actus Apostolorum breviter
cati, in-8», 'r édit, Bruges, 1882, p. 246; J. Felten, Die
Apostelgeschichte ùbersetzt ufjrf erklârt, in-8". Iri-
bourg-en-Brisgau, 1892, p. :>ll-:;'12. Cf. Neapolis, t. iv,
col. 1542. Cette interprétation supprime la »i i 1 1 . .
mais elle est difficile a justifier.
La chrétienté de Philippes a eu aussi 1 honneur de
recevoir une lettre de saint Polycarpe. Cf. Punk, Oie
apostolischen V&ter, in-S", Tuhingue, 1901, p. 110-116.
La ville s'est maintenue durant tout le moyen âge; elle
est souvent mentionnée dans l'histoire des guerres du
mv siècle. Tins lard, elle fui détruite par les Turcs.
Les ruines, complètement inhabitées, portent le nom
.1 Filibedjik, Elles consistent dans les substructions
277
PHILIPPES — PHILIPPIENS (EPITRE AUX)
278
d'un amphithéâtre el dans les restes d'un stade, d'un
temple de Claude, etc. Elles ont fourni des inscrip-
tions très intéressantes. — Voir Leake, Travels in nor-
thern Greece, 1835, t. ni, p- 214-225; Heuzey, Explora-
tion archéologique de Macédoine, Paris, 1864-1876;
W. Ramsay, St. Paul thé Traveller and the Roman
Citizen, in-S", 5' édit., 1900, p. 206-226; Id., The Church
in the Roman Empire, in-8», 1896, p. 156-158; F. Vi-
gouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes
archéologiques modernes, 2e édit., p. 211-229; Corpus
inscriptionum latinarum, t. m, lre partie, p. 633-707,
el le Supplementum, 7337-735S.
L. Fillion.
PHILIPPI Henri, chronologiste, né aux environs
de Saint-Hubert (grand-duché de Luxembourg) le
30 mars 1575, mort à Ratisbonne le 30 novembre 1636.
Admis le 26 août 1597 dans la Compagnie de Jésus, il
professa plusieurs années les belles-lettres, la théologie
et l'Écriture Sainte aux universités de Gratz, Vienne et
Prague. Le P. Philippi s'occupa surtout de chronologie.
Ses travaux en cette matière, qui se rapportent à l'exé-
peuvent encore, même à notre époque, être con-
sultés avec profit. Ce sont d'abord des ouvrages géné-
raux : 1° Generalis synopsis sacrorum temporum...
intelligentiœsacraruni litterarum accommodata, in-4°,
Cologne, 1Ô24; 2° Manuale chronologicum veteris Te-
stament}, in-8", Anvers, 1635; "à" Chronologie veteris Te-
stamenti accuratum examen, Cologne, 1637. — On peut
signaler ensuite, comme traités plus particuliers :
Rota? et </uœstiones chronologies' in Pentateuchum
Moysis, in-'i , Vienne, 1633; — Inlibros J 'osue , Judicum ,
Rulh, Regum, Paralipomenon, Esclrse, Nehemise, in-4°,
Cologne, 1637; — In libros Tobiœ, Judith, Estlier,
Prophetarum, in-4°, Cologne, 1637; — In duos libros
Machabxorum, in-4°. Cologne, 1637. P. Rliard.
PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). - I. Importance.
— Cette lettre, la plus épislolaire entre les Epitres, est
une de celles qui oll'rent, à divers points de vue, le
plus d'intérêt parmi les écrits de saint Paul. Ce qui
charme d'abord le lecteur, c'est le ton intime et fami-
lier, l'abandon touchant avec lequel l'Apôtre épanche
ses joies, ses tristesses, ses espérances. L'épître aux
Philippiens est une lettre d'ami. Aucune discussion ni
argumentation théologique. Si l'Apôtre parle des judaï-
sants, ce n'est pas avec une intention de polémique,
mais pour prémunir son troupeau, i, 17; m, 2, 18. De
même le beau passage sur la kénose (exiuanivit) du
Christ, II, 7, si riche en conclusions dogmatiques, n'est
là que pour appuyer une exhortation pratique à l'abné-
gati h el au dévouement. L'àme de Paul se rellcte donc
ici dans ce qu'elle avait de merveilleusement tendre, dé-
licat, affectueux, reconnaissant, pour une communauté
répondant à peu prés à son idéal. On s'attend à ce qu'une
lettre écrite dans de pareils sentiments exprime mieux
que toute autre la situation personnelle de l'auteur.
Les Philippiens tenaient à être mis au courant de
tout ce qui concernait leur apôtre bien-aimé. De fait,
la prés> nie I.pitre est le meilleur document pour com-
bler les lacunes de la fin du livre des Actes. L'his-
torien y peut recueillir des données certaines sur les
derniers mois de la captivité de Paul à Rome. Il con-
sulte les progrès de l'Évangile dans la cité et jusque
dans la maison de.; Césars, l'effet produit, dans les
prétoires, par les chaînes du vaillant prisonnier, les
luttes qu'il soutient contre des ennemis envieux et
jaloux qui essaient d'exciter les Juifs contre lui et
d'aggraver une position déjà si pénible, les espoirs
mêlé! d'inquiétudes qui traversent l'esprit de Paul et
donnent à sa lettre un fond de mélancolie qui con-
traste avec 1rs autres sentiments exprimés dans la
lettre, enfin les projets qu'il nourrissait dans le cas où
il serait rendu à la liberté. Mais tout cela n'est rien
auprès de la valeur qui s'attache, pour la théologie, au
chap. il de cette lettre, encore qu'il ait été écrit sans
aucune préoccupation dogmatique, dans le seul but de
proposer en exemple le renoncement du Verbe fait
chair. La conception christologique de l'Apôtre a su
trouver, à cet endroit, des expressions qui surpassent
en clarté et en précision toutes celles des autres
Epitres. A ce point de vue seul l'Épitre aux Philippiens
serait déjà hors de pair.
II. Les relations de saint Paul avec l'Église de
Piiilippes. — Aucune Église n'a été en rapports aussi
étroits et aussi suivis avec l'Apôtre; aucune ne lui a
donné autant de consolations. Il l'appelle lui-même
« sa joie et sa couronne ». iv, 1. C'est vers l'automne
de l'an 52, dans son second voyage, que saint Paul
prêcha l'évangile à Philippes et y fonda la première
communauté chrétienne de Macédoine en compagnie
de Silas, de Timothée et de l'auteur des Actes. Voir
Act., xvi. Les premières et les plus nombreuses conver-
sions paraissent s'être produites parmi les femmes
d'un certain rang, déjà affiliées au judaïsme. La plus
connue est Lydie, riche marchande de pourpre, origi-
naire d'Asie Mineure, qui fut baptisée par Paul avec
toute sa maison et donna l'hospitalité à la troupe apos-
tolique. Voir Lydie, col. 447. Ce fut là le commence-
ment de l'Église de Philippes. On sait à la suite de quels
événements Paul et Silas durent quitter la commu-
nauté naissante. Act., xvi, 16-40. Voir Paul, t. iv, col. 2208,
La nouvelle Église devait compter peu de Juifs; elle
était surtout composée de gentils, les femmes paraissent
y avoir tenu une place considérable. Leur influence s'y
maintint longtemps, puisque dans cette lettre l'Apôtre
regarde la mésintelligence de deux d'entre elles,
Evodie et Syntyque, comme un sérieux danger pour
l'Église de Philippes tout entière, iv, 2, 3.
Il paraît qu'en Macédoine les femmes jouèrent, de
tous temps, un rôle social plus considérable que par-
tout ailleurs. C'est ce qu'attestent, en grand nombre,
lis inscriptions de ce pays. La jeune Église, après le
départ précipité de l'Apôtre, ne cessa de croître et de
prospérer. Saint Luc, que plusieurs critiques supposent
originaire de cette ville, voir Luc, col. 376, y continua
pendant près de cinq ans l'œuvre de son maître. Les
persécutions ne parvinrent pas à ébranler les généreux
néophytes, II Cor., vin, 2 ; ils restèrent fidèles à Paul
et à son Évangile. L'Apôtre ne revit probablement ses
chers Philippieus qu'àson départ d'Ephèse vers l'an 58,
lors de son troisième voyage à Corinthe. Il se rendit
alors en Macédoine pour l'œuvre des collectes. On croit
qu'il écrivit à Philippes sa seconde lettre aux Corin-
thiens, II Cor., H, 13; vu, 5; vm, 1; ix, 2, 4. 11 avait
sous les yeux le spectacle de leur foi, de leur généro-
sité, de leur ardeur. Ils étaient prêts, dit-il, non seule-
ment à donner leurs biens, mais à se donner eux-
mêmes, II Cor., vm, 1-5, pour l'œuvre du Seigneur. Au
printemps de l'année suivante, en se rendant à Jérusa-
lem pour y porter la collecte, saint Paul passa la se-
maine de Pâques à Philippes. Act., xx, 5, 6 ; il y retrouva
saint Luc. Les Epitres pastorales surtout, 1 Tim., 13,
laissent entendre que l'Apôtre réalisa le vœu qu'il énon-
çait dans sa lettre aux Philippiens, 1, 26; II, 2i, et qu'après
sa première captivité il revit sa chère Église. Durant les
intervalles plus ou moins longs qui séparèrent ces di-
vers séjours, les relations les plus amicales ne cessèrent
jamais entre la communauté de Philippes et son fonda-
teur. A diverses reprises, les Philippiens envoyèrent
des secours d'argent à leur père bien-aimé, deux fois à
Xhessalonique, iv, 16; une fois, à Corinthe, II Cor., xi,
<.), et a Rome, l'bih.iv, 18. Cette dernière fois, ils ne se
contentèrent pas de secours matériels, ils envoyèrent
Épaphrodite, le chef de leur église, auprès du prison-
nier. Paul, qui connaissait les sentiments élevés de
ces âmes généreuses, ne craignait pas d'accepter d'eux
279
PHILIPPIENS (ÉPURE AUX)
280
un service qu'il aurait refusé de la part d'autres Eglises.
Il trouvait aussi là, chaque fois, l'occasion de leur en-
voyer des remerciements et des nouvelles de ses tra-
vaux. Aussi a-t-on supposé, avec quelque vraisemblance,
qu'il leur écrivit d'autres lettres que celles que nous
possédons. Dans son Épître aux Philippiens, Polycarpe
semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux
et glorieux Paul leur écrivit « des lettres », èmtrroXaf.
AdPhU.,u\, t. v, col. 1008. Il se peut toutefois, comme le
remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant l'usage des
Grecs et des Latins, puisse être circonscrit à une lettre
unique. Quoi qu'il en soit, un passage de la présente
Epitre de Paul, m, I, parait sous-entendre d'autres
lettres antérieures.
III. Lieu et datk de composition. — La lettre aux
Philippiens a été écrite en prison, i, 7, 13, 14, 17.
Est-ce à Home ou à Césarée? L'opinion générale des
critiques, même de ceux qui datent de Césarée les
Epitres aux Colossicns, aux Ephésiens, à Philémon,
penche pour la première hypothèse. On a définitivement
abandonné celle de Paulus (1799), Bôttger (1837), Rilliet
(1841), Thiersch (1879), qui plaçaient à Césarée la rédac-
tion de cette Épître. Les termes mêmes de la lettre
lui sont défavorables. Le prétoire tout court, i, 13, s'en-
tend mieux de la cour impériale que du palais d'Hérode
à Césarée, Act., xxm, 35; la maison de César, iv,22, ne
peut s'appliquer à la maison du gouverneur Félix; les
prédicateurs envieux et jaloux dont se plaint l'Apôtre,
I, 17, supposent une église bien plus considérable que
celle de Césarée. Son espoir d'être bientôt rendu à la
liberté, i, 25, 27; n, 24, son projet de revenir à Phi-
lippes, se conçoivent mieux à Rome qu'après l'appel à
César. Le point difficile est de savoir si cette lettre a
précédé ou suivi les Épitres aux Colossiens, aux Éphé-
siens, à Philémon, ou, en d'autres termes, si elle a été
écrite au commencement ou à la lin des deux ans de
Captivité donl parlent les Actes, xxvm, 30. Ici les opi-
nions se parlagent. La majorité des critiques (Meyer,
Weiss, Godet, ■Lipsius, lloltzmann, Zahn, Jûlicher,
Ramsay) penchent vers la seconde manière de voir. Ils
font remarquer qu'on ne peut expliquer sans un long
séjour à Rome les succès de la prédication de Paul
dans le prétoire, i, 12, dans la maison de César, iv,22.
Il faut, de plus, un temps suffisant pour les deux
voyages, aller et retour, entre Rome et Philippes, indi-
qués dans l'Épltre; message de Rome à Philippes pour
annoncer la captivité de l'Apôtre, voyage dV.paphrodilc
de Philippes à Rome, annonce de sa maladie en Macé-
doine, lettre au messager qui apprend à Épaphroùite
et à Paul l'inquiétude des Philippiens au sujet de cette
maladie; toutes ces allées el venues, ces échangée de
nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un
intervalle assez long. Qu'on ajoute à cela le fond de
tritesse, presque de découragement, qui se détache de
la lettre, l'absence de Luc el d'Aristarque, a, 20, en-
voyés sans doute en mission par l'Apôtre, l'isolemenl
où s.' trouve le prisonnier, l'attente imminente de son
procès, l'incertitude de plus en pins grande sur l'issue
de son appel à César, la possibilité d'une condamna-
tion à mort, on trouvera là lous les indices d'une cap-
tivité déjà longue qui touche à sa fin. A ces arguments,
Lightfoot répond qu'il n'y a pas de verset décisif, pas
même, i, 12, en faveur d'une longue détention; que
les succès de Paul dans Home, i, 1347, peinent avoir
eu lieu des les premiers mois de son arrivée dans la
Ville éternelle, qui' l'absence de salutations, de la part
de Lucel d'Aristarque ne prouve rien, les arguments a si-
lentio étant, par eux-mêmes, toujours très précaires ;
que le ton général de la lettre est celui de la joie et de
la confiance, n lelui de la tristesse et de l'abatte-
ment; enfin, que les 1200 kilomètres entre Rome el
Philippes, par la voie Egnalienne, peuvent être par-
Courus dans l'espace d'un mois. Farrar insiste, à son
tour sur les analogies entre cette épitre et celle aux
Romains, comme si, remarque von Soden, il n'y en
avait pas de plus frappante encore avec l'Épitre aux
Corinthiens. Le même auteur allègue encore l'absence
de toute controverse avec le judaïsme semi-gnostique
combattu dans l'Épitre aux Colossiens, prétendant qu'il
est contraire à toute psychologie de ne pas prolonger
jusque dans l'Epitre aux Philippiens, une préoccupation
aussi envahissante, si cette Epitre avait été écrite, en
réalité, après l'Épitre aux Colossiens. Or, remarque
excellemment Ramsay, Paul n'avait pas à envoyer à
Philippes un traité contre des hérésies qui ne s'y étaient
jamais montrées. Aussi l'opinion de Lightfoot et de Farrar
qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de
moins en moins acceptée des exégètes. 11 semble donc,
d'après la chronologie la plus reçue, que l'Épitre aux
Philippiens date de la fin de l'an 63, tout au plus des
premiers mois de l'an 64.
[V. Authenticité. — Les témoignages en faveur de
de l'origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont
à peu près les mêmes que pour les grandes Épitres.
Dès la fin du Ier siècle, Clément de Rome parait s'être
inspiré du passage christologique déjà cité, Phil., n,G-8,
quand il écrit : « Le Christ appartient à ceux qui ont
des sentiments humbles et qui ne s'élèvent pas au-
dessus de son troupeau. Le sceptre de la majesté de
Dieu, le Seigneur Jésus-Christ n'est pas venu avec la
jactance de l'orgueil, l'arrogance, quoiqu'il l'ait pu.
Phil., n, 6-8, mais avec des sentiments humbles.
Voyez, frères bien-aimés, quel exemple nous est pro-
posé, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d'humi-
lité, que ferons-nous, nous qu'il a amenés sous le joug
de sa grâce? » 1 Cor., xvi, 1. On trouverait encore
d'autres réminiscences en comparant entre eux :
/ '.'or., xlvii, = Phil., iv, 15; ib.,\\i - Phil., 1, 27; ib.,0
= Phil., i, 40; n, 15. Diverses expressions des épitres
de saint Ignace offrent des ressemblances caractéristi-
que avec l'Épitre aux Philippiens, Rom.,ll = Phil., n.
17; l'Inlad., vm = Phil., Il, 3; Smyrn., i\ = Phil., IV,
18; )'6.,XI = Pliil.,in. 1,"); et surtout : U>.,II,3= Phil., III,
15, 10, .. Etant parfaits, aspire/, aussi aux choses par-
faites. » — L'épître de Polycarpe aux mêmes Philip-
piens, n, l.est encore plus explicite : «Le glorieux Paul
qui, étant personnellement parmi vous, vous a ensi
exactement et sûrement la parole de la vérité; lequel
aussi étant absent vous a écrit des lettres ion une lettre)
que vous n'avez qu'à étudier pour être édifiés dans la
foi qui vous a été donnée. » Or une de ces lettres est
certainement celle-ci, car le même Polycarpe semble
y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10; n =
Phil., n, 10; ix = Phil., n. Ili; x - Phil., n,2,5;Xli =
Phil., m, ly. On rencontre des réminiscences sembla-
bles dans le Pasteur d'Hermas, dans les Testaments
des douze patriarches, dans l'épître a Diognête, t. Il,
cul. 1168; dans Théophile d'Anti'oche, cité par S. ,lé-
rôme, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxh, col. 1020, enfin
dans la belle lellre des Églises de Vienne et de Lyon,
! n i be, //. F... v, 1, 2. t. xx. eol. 133, où se trouve
reproduit le passage sur les abaissements du Christ, 11,6.
Il parait, d'après les PhiloSOphumena, \. 11. t- XVI, 3,
col. 3120, que les Séthiens, se servaient de Phil., n,
6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des écrits il
lenlinien Théodote, Clé ni d'Alexandrie, Strom., m,
i, i. xiii, col. I 196, a conserve deux citations de l'Épitre
aux Philippiens, n. 7. Elle a sa place, avec Imites les au-
tres.dans les versions syriaque el latine el elle se trou-
\ ,iil thins le recueil de Marcion. Mentionnée par i>
deMuratori, voirCANON, t. n, col. 170, elle est attril
à saint Paul, à la lin du n' siècle, par saint Irénée, Cont.
heer.,iv, 18; v. 13, t. vu, col. 1026, 1158. Tertullien, De
resur., 23; Cont. Marc, \. 20; /<■■ presser., 26, I. n,
roi. S-Jll Si!!, 522. 557; Clément d'Alexandrie, Piedag., I,
524, t. vm, col. 312, 408; Strom, iv, 12, 13, 94, t. vm,
281
PHILIPP1ENS (ÉPITRE AUX)
282
col. 1196. Origène et Eusébe reconnaissent aussi son ori-
gine paulinienne qui a été admise par toute l'antiquité.
Les premiers doutes, à ce sujet, ne commencent qu'avec
Schraderqui attaque l'authenticité d'une partie delà
présente Épitre, m, 1-iv. 9. En 1845, Baur et ses dis-
ciples la rejettent complètement. Voici leurs griefs. Cet
écrit, disent-ils, est dépourvu de toute originalité :
c'est une imitation des autres Epitres. On y trouve, de
plus, des idées semi-gnostiques, une doctrine sur la
justification qui n'est pas celle de Paul, des anachro-
nismes évidents comme l'existence de l'épiscopat et du
diaconat, autant d'indices de l'époque réelle où ce pas-
tiche aurait été- composé, c'est-à-dire au second siècle,
quand s'opère la réconciliation des deux partis en lutte
dans l'Église, partis symbolisés ici par les deux diaco-
nesses, Évodie et Syntyque, iv, 2. Le nom de Clément
dont la tradition faisait un ami de Pierre et que l'au-
teur de l'Epitre présente comme un collaborateur de
Paul, n'est qu'un mythe destiné à concourir à cette
œuvre de conciliation.
Ces difficultés de E;iur ne présentent guère plus qu'un
intérêt purement historique depuis les travaux de Lù-
neinann, Pauli ad Phil. Ep. contra Baunum défen-
dit, 1S47; B. Brûckner, Ep. ad Phil. Paulo auctori
vindicata contra Baurium, 1848; Ernesti, dans les Stu-
and Kritiken, ISIS. p. 858-924; Schenkel, Bibel-
lexicon, 1878} t, iv, p. 531. Cependant, après plusieurs
années, l'Epitre aux Philippiens fut de nouveau com-
battue parllitzig. 1870; Kneucker, 1881; Huisch, 1873;
Hœkstra, 1875; Bindermann, 1885, et surtont par
Holsten qui reprit l'attaque avec plus d'ardeur; aban-
donnant les arguments ruineux de son maître, les rap-
prochements imaginaires avec le gnosticisme et les
allusions aux légendes du second siècle, il prétendit
prouver que la langue et les doctrines de l'Epitre aux
Philippiens n'étaient pas celles des autres écrits de
l'Apôtre. Il dressa un catalogue très minutieux des ex-
pressions propres à cette Épitre et les mit en regard
des locutions habituelles aux grandes Épitres de saint
Paul, Voir Lightfoot, dans le Speaker's Commentary
on Phil., p. 43. On y trouve une quarantaine d'hapax le-
gomena, mais cela ne prouve rien. On en compte plus
de cent dans l'Epitre aux Romains et plus de deux cents
dans la première Épitre aux Corinthiens. « Toutes les
i isons avancées dans ce domaine contre l'authenticité
n'ont de valeur que pour celui qui'fait de l'apôtre Paul,
cet esprit le plus vivant et le plus mobile de tous ceux
que le monde a jamais vus, un homme d'habitude
et de routine, qui devait écrire chacune de ses lettres
coin me toutes les autres, ne faire que répéter dans les
suivantes ce qu'il avait dit dans les précédentes, et le
redire toujours de la même manière et dans les mêmes
termes. Dès que l'on a renoncé à cette manière de
voir, toutes les objections contre l'authenticité de la
lettre aux Philippiens tombent d'elles-mêmes. » Schû-
rer, dans la Lilteratur Zeitung, 1877. D'ailleurs, la
terminologie paulinienne n'est pas absente de notre
Épitre. On y relève une vingtaine de mots exclu-
sivement employés par sair.t Paul, tels que (Spaëefoy,
3oxt(tT|, £>8ei(i;, xevoûv, etc., étrangers aux autres
livres du Nouveau Testament. De plus, nombre de
tournures de phrases, de figures, de procédés de style,
certaines répétitions de mots rappellent les grandes
I- pitres les plus authentiques. « Cette lettre, dit Schen-
kel, dans Bit. Lexik., 1872. t. iv, p. 531, porte la ga-
rantie de son authenticité' dans son style et ses expres-
sions mêmes, dans la fraîcheur du sentiment intime
qui l'a dictée, dans la sérénité d'esprit et la tendresse
de co'Ui qui s'y expriment de la manière la plus natu-
relle, et sans la moindre trace d'alfectation. »
Quant aux divergences de doctrine, Holsten, dans
Jahrb. fur prot. Tlicl., t. i,p. 125; t. n, p. 58, 282, en
allègue deux principales. I» La christologie. — Holsten
trouve une opposition entre le Christ de l'Épilre aux
Philippiens et celui de la première Épitre aux Corin-
thiens, xv, 45. D'après celle-ci, dit-il, saint Paul conçoit
le Christ dans sa préexistence, comme un homme
céleste, SvBpuitoî êisoûpocvioç, alors que dans l'antre
Épitre, il en fait un être purement divin, i-, [Loozif, Oeoû
-iraip'/wv, qui ne devient homme que par l'Incarnation,
appartenant, par suite, à un ordre d'êtres plus élevé
que l'humanité, même céleste. — Il suffit, pour lever
la contradiction, de replacer, dans son contexte, le
passage allégué de l'Epitre aux Corinthiens, où l'Apô-
tre parle, non de la préexistence du Christ, comme
dans l'Epitre aux Philippiens, mais du Christ après
sa résurrection, revêtu du corps spirituel, incorrup-
tible et lumineux qu'est celui des justes qui ressus-
citent. La doctrine christologique de cette 'Épitre n'est
pas davantage en opposition avec celle des autres Épi-
tres pauliniennes. Seulement elle reproduit, sous une
forme peut-être plus philosophique, ce qu'avait ensei-
gné l'Epitre aux Galates, IV, 4 : <c Or, quand le temps
est venu, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme; »
l'Epitre aux Romains, vin, 3 : « Dieu a envoyé son
propre Fils dans une chair semblable à la chair du
péché; » la IIe Épitre aux Corinthiens, vm, 9: « Jésus-
Christ, lui qui, étant riche, s'est fait pauvre à cause de
nous. »
2» La justification. — On a encore objecté que celui
qui, dans les Épitres aux Galates et aux Romains, a si
énergiquement opposé entre elles la justification par
Dieu, Sixatoaûvq rt i/. Osoû, et la justification par la foi,
Stxatoaûv'f] ett'i ■zr, ict'trcst, n'a pu dire, comme le fait
l'Epitre aux Philippiens, m, 6, que sa justice légale
était à'(j.£(j.7cto;, « irréprochable. » Mais il est facile de
voir que l'Apôtre se place, en cet endroit, au point de
vue juif, extérieur, charnel qu'il combat lui-même. Ra-
contant son passé, il veut rappeler son zèle pour le
judaïsme et montrer qu'il n'était, sur ce point, inférieur
à aucun de ses contemporains. Il a donc recherché avec
ardeur la justice légale, mais c'est pour en avoir expé-
rimenté l'impuissance qu'il l'a plus tard rejetée avec
tant d'énergie. Aussi, même les auteurs qui tiennent en
défiance les Epitres aux Éphésiens et aux Colossiens
(Jiilicher, Hilgenfeld, Plleiderer, Lipsius, Holtzmannl
sont unanimes à défendre celle-ci. L'authenticité de
l'Epitre aux Philippiens est donc un résultat défini-
tivement acquis dans le domaine de la critique scien-
tifique. Voir Knowling, The witness of the Epistles,
p. 63.
V. Intégrité. — L'expression x'o Xotitov, au reste,
qui ouvre le c. m de l'Epitre, a donné lieu à divers
doutes sur l'unité de l'Epitre tout entière. Clemen sou-
tient que l'épitre actuelle se compose de deux lettres
de l'Apôtre à l'église de l'hilippes, la seconde compre-
nant n, 19-24; m, 2-iv, 3; iv, 8, 9. Seulement c'est
l'éditeur et non Paul lui-même, qui aura fondu les
deux lettres en une seule. Die Einheil d. pantin.
Briefe, 1894. Pour Spitta, Zur Geschichte und Litt.
d. Urchristenlhums, 1893, l'Epitre actuelle est inter-
polée : il n'y verrait de la main de l'Apôtre que les
passages suivants : i, 1-7, 12-14, 18-26; n, 17-29; iv,
10-21, 23; tous les autres auraient été ajoutés par une
main étrangère. — Toutes ces hypothèses n'arrivent
pas à expliquer pourquoi saint Paul n'a pas encore
remercié les Philippiens de leur envoi d'argent, auquel
il a déjà fait allusion, I, 5, II; n, 30. La lettre ne
doit donc pas se terminer au ch. ni. La locution -h
XotTtov n'est pas, en soi, la conclusion obligée de toute
letlre de Paul; elle lui sert assez souvent de transition
pour passer d'un sujet à un autre; I Cor., vu, 29;
Phil., iv, 8; I Thés., iv, I; II Thés., in, I. Voir Jacquier,
Histoire des livres du N. T. t. i, p. 352, 1903; Light-
foot, St.Paul's Epistle to the Philippians, 'redit., 1885,
p. G9.
283
PHILIPPIENS (EPITRE AUX;
284
VI. Occasion et but de l'Épitre. — La lettre aux
Philippiens est, avant tout, une lettre de remerciement.
Si l'Apôtre réserve pour la fin sa dette de reconnais-
sance c'est pour mieux marquer combien elle lui tient
à cœur. Quand on écrit pour un objet déterminé, on
peut le traiter soit en commençant, soit en finissant.
Comme il s'agissait, d'autre part, d'une atïaire d'argent,
Paul aura préféré débuter par les nouvelles et les
exbortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois,
l 5-11 ' H, 30, dans le courant de la lettre, aux secours
que les Philippiens lui avaient envoyés, II, 25; iv, 18.
comme on l'a vu plus haut, col. 278. Épaphrodite
s'acquitta de sa mission avec le plus grand dévouement.
En même temps qu'il remettait à l'Apôtre l'offrande
des fidèles, il lui donnait les nouvelles les plus conso-
lantes de l'Église de Philippes.'A part quelques rivali-
tés de peu d'importance, rien n'était venu troubler la
paix. La persécution n'avait fait que montrer la patience
des fidèles. Les judaïsants essayaient en vain de les
surprendre : l'autorité de Paul était là trop vénérée
pour qu'on put oser quelque chose contre lui. S'il y
avait des scandales de chrétiens relâchés, c'était assu-
rément en dehors de Philippes. L'état de l'Église était
donc des plus satisfaisants. L'Apotre dut en ressentir
une grande joie. Mais une nouvelle épreuve vint obscur-
cir cette éclaircie. Épaphrodite qui s'était associé aux
travaux de l'Apotre captif tomba dangereusement malade
et faillil mourir, II, 26. On l'apprit à Philippes avec un
vif chagrin et l'on souhaita son retour. Épaphrodite dési-
rait lui-même revoir sa patrie pour calmer les inquié-
tudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de
forces pour pouvoir se remettre en route, l'Apotre vou-
lant faire cesser au plus tôt les craintes de tous, s'eni-
pressa de congédier le convalescent, lui remettant, pour
[es Philippiens, cette Épitre pleine de tendresse écrite
,1,. la m. un de lïmothée, n. 25, -28, lettre toute intime
d'un père qui écrit à sa famille ponr la remercier d'une
marque d'affection, lui donner de ses nouvelles, lui
sser des exhortations et des conseils, lui faire p
rer son prochain retour, n, 24. Telle est la situation
d'où est sortie cette Épitre.
VII. Analyse de l'Épitre. — Bien que l'unité de
cette lettre vienne plutôt de la logique des sentiments
que de celle des idées, on peut cependant y trouver les
trois grandes divisions des autres Epitres.
I Prologue,!, 1-11. — 11 renferme l'adresse, l'action
de grâces et les vœux de l'Apôtre pour sa chère com-
munauté • I • - Philippes. L'adresse, y. 1-2, a ceci de spé-
cial qu'elle mentionne les ëauV/.onoi et les Siâxovoi
comme fis deux éléments essentiels de l'organisation
eci lésiastique à Philippes. L'action de grâces, \. 3-8,
prend les Ions les plus délicats, les plus affectueux
pourexprimeraux Philippiens la joie que Pauléprouve
de leur /cl • pour la prédication de l'Evangile, depuis
le jour de leur conversion jusqu'à cette heure où ils
viennent de prêter leur concours à l'œuvre apostolique
Aussi l'Apôtre demande-t-ïl à Dieu, 9-11, pour eux. fis
dons surnaturels les plus excellents en charité., ,u
science, ni pureté- morale.
2° Corps de l'Épitre, i, 12-iv, 9. — Les nouvelles -.
alternent avec les exhortations. On ne peut donc songer
à un ordre méthodique. Mais comme les nouvelles pré-
dominent au début de la lettre et ses exhortations
vers la lin, on la divise- généralement en deux parts à
peu pics .'-aies. — .1 1 Partie historique, t. 12-it. 'M. Elle
comprend diversmorceaux. — a) Nouvelles personnelles,
i, 12-26. L'Apôtre s empresse de rassurer les Philippiens;
v.i situation présente tourne de plus en plus aux intérêts
et au progrès de l'Evangile. Son arrivée à Home a été le
point de départ d'un redoublement de zèle dans la pré-
dication de l'Évangile. La prison de Paul est. en un sens,
plus féconde que ne l'avait été sa libre activité. Ses chaî-
nes, traînées au prétoire, sont à elles seules comme une
prédication. A son exemple, et animés par la façon
dont il supportait sa captivité, ses disciples et les autres
chrétiens de Rome prêchaient. Il n'y a pas jusqu'à la ja-
lousie de ses ennemis, sans doute les judaïsants, qui n'ai-
dât au progrès de l'Évangile. Car cette émulation aboutit,
à la lin, à étendre la connaissance du Christ. Aussi Paul
s'en réjouit-il sincèrement. Pour lui, le Christ est tout.
Que lui importe l'avenir? Il est sûr que de toute façon
le Christ sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort,
\ . 19-21. 11 s en remet donc au choix de Dieu. Il attend
avec confiance 1 issue de son procès, car, en toute hy-
pothèse, il est sur d'\ trouver son profit. En effet, s'il
est condamné: à mort, il sera réuni au Christ; s'il
recouvre la liberté, il en profitera pour de nouvelles
conquêtes apostoliques. Il croit pourtant que celte
seconde alternative est la plus probable, qu'il pourra
revoir les Philippiens, travailler à leur perfectionne-
ment et se procurer ainsi un surcroit d'honneur, au
jour de la Parousie, v. 21-26.
0) Exhortation à l'union, à la concorde, à la fidé-
lité dans toute leur conduite, I, 27-n, 18. — Après ces
premiers épanchements d'amitié, l'Apôtre en vient au
seul reproche que méritât l'Église de Philippes ou, plus
exactement, une portion minime de cette Eglise. Il
s'était récemment passé une querelle d'amour-propre
entre deux personnes de qualité, Évodie et Syntyque —
peut-être deux diaconesses — qui avait quelque temps
troublé les esprits et divisé les cœurs. Le cas avait été
de peu d'importance. Aussi l'Apôtre n'y fait-il qu'une
légère allusion. Il va droit à l'obstacle de l'union fra-
ternelle : l'égoïsme qu'il faut combattre par l'humilité
et le renoncement. 11 faut entrer dans l'esprit d'abné-
gation dont le Christ nous a donné un exemple si
sublime. Lui qui jouissait d'un étal divin et qui eût pu,
par conséquent, paraître ici-bas dans une gloire égalé
à celle de Dieu, il n'a pas jugé opportun de s'approprier
un tel honneur, mais, au contraire, il s'est dépouillé de
cet état divin en entrant dans l'état deserviteur, vivant
en tout à la manière humaine et poussant même
I abaissement jusqu'à mourir sur une croix. Mais plus
il s'est abaissé, plus il a été élevé, n, 5-11. A celte ex-
hortation spéciale à l'abnégation volontaire, saint Paul
ajoute trois recommandations qui se rapportent à la
fidélité chrétienne en général, lu première en vue du
salut des lecteurs eux-mêmes, \. 12. l:i, la seconde,
pour l'édification du monde extérieur, \. li. 15: la troi-
-i-iue. en vue de leur Apôtre, y. 17-18.
c) Nouvelles de Timolhée et d' Épaphrodite, ri, 19-
liO. — Après l'exhortation d'autres nouvelles. Elles con-
cernent les deux compagnons d'œuvre de saint Paul, qui
sont actuellement avec lui : Timolhée qui avait travaillé
avec lui à la fondation de li ur église et qu'il se propose
de leur envoyer sou-- ju-i i pin- I ; i leur mes-
sager auprès de lui. Il enverra Timothée dès qu'il
aura vu la tournure que prendra son procès, il espère
b- suivre sans retard. \. 19-24. Quant à Épaphrodite, il
ne veut pas tarder un instant à le leur rendre. Il ra-
conte la grave maladie qu'il a c : Romi sa
convalescence inespéré,-. I aei-m-il empressé qu'ils de»
\ronl faire à un homme qui lui a été si utile! \ . 25-30.
B) Partie morale, m. 1-iv, 9. — Au dernier moment,
Paul, qui peut-être songeait à abréger sa lettre, revient
aux divers avis qu il juge utiles aux Philippiens. Il les
met en garde : — <i judaïsants qu'il traiti
la plus grande sévérité el une énergie d'expressions
toute sémitique, m, 2-14. Il montre, par son propre
exemple, lecas qu'il faut faire de la justice légale : elle
n'est que pous-ieie et ordure auprès de la \ raie justice,
qui est celle du Christ. — 6) Contre les mauvais
pies de chrétiens mondains et s, -usuels dont lApôtre
parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pa
leur Kglise. Ces ennemis de la croix du Christ qui à<
honorent, par leur vie sensuelle, sans doute par l'ivro-
285
PH1LIPPIENS (ÉPITR1-: AUX1
PHILISTINS
286
gnerie, le nom chrétien, étaient étrangers à la commu-
nauté, 18, 19. — c) Contre les dissensions, iv, 29.
L'Apotre touche d'un mot le cas qu'il visait plus haut,
d'une manière générale, il, 2-11, celuides deux femmes,
Évodie et Synlyque, qui, sans doute, avaient joué
un rôle important dans la fondation de l'Église de Phi-
lippes.
3° Épilogue, iv, 10-23. — Saint Paul remercie, dans
les termes les plus délicats, la générosité des Philip-
piens. Suivent quelques salutations. Il charge l'assem-
blée de saluer elle-même tous ses membres et il la sa-
lue de la part des collaborateurs qui l'entourent ainsi
que de la part des membres de l'Église de Rome, sur-
tout de ceux de la maison de l'empereur.
VIII. Texte. — Cette Épitre ne présente pas de dif-
ficultés spéciales au point de vue du texte. Elle se
trouve dans les manuscrits suivants : N, A, B, C, D, F,
G, K, L, P, 17, 31, 37, 47, 67, 80, 137, et dans les ver-
sions latines, égyptiennes (copte, memphitique, sahi-
Agar Beet, A commentant on St. Paul's Epis/les to tlie
Philippians, 1891; 'K. A. Lipsius, Briefe an die Gala-
ter, Borner, Philipper, dans le Handcommentar zum
Neuen Testament, bearbeitet von Holtzmann, Lipsius,
Schmiedel, von Soden, 2e édit., t. n, part. 2, Kribourg-
en-B., 1892. c. Toussaint.
PHILIST1E, pays des Philistins. La Vulgate appelle
exceptionnellement Philisthœa le territoire occupé par
les Philistins, Is., xiv, 29, 31, comme elle appelle aussi
quelquefois ses habitants Palsestini, Gen., xxi, 33, etc.
Dans le passage d'Isaïe, saint Jérôme a rendu par Phi-
listhœa le nom hébreu Pelését qui là et ailleurs, Ps. lx,
10; lxxxiii, 8; lxxxvh, 4; cvm, 10, etc., désigne pro-
prement le pays des Philistins. Voir Philistins, i.
PHILISTINS, peuple qui habitait le sud-ouest delà
Palestine (lig. 68).
I. Nom. — Les Philistins sont appelés en hébreu or.
mmÂ
''-■ ~~ Types philistins sur les monuments égyptiens de Médinet-Abou.
dique), syriaque, arménienne, gothique, éthiopienne.
UViss. Kritiscke Teœt Vntersuchungen und Text
BertteUung, 1896.
IX. Bibliographie. — S. Jean Chrysostome, In Phi-
lipp. Itom., t. lxii, col. 205-298; Théodore de Mop-
. In Epist. B. Pauli commentaria, t. lxvi,
col. 922-926; Théodoret, Opéra, t. lxxxii, col. 557-589;
Pseudo-Athanase, Synops., t. xxvm, col. 420; Œcumé-
nius, t. CXVIII, col. 1256-1325; Théophylacte, t. cxxiv,
col. 1140-1204; S. Thomas d'Aquin, In onines dir'i
Pauli Apostoli Epistolas commentaria; Estius, /»
omnes Pauli Apostoli Epistolas commentarii. — Com-
mentateur!; modernes :' Henry Alford, Greek Testa-
. :849-1861 ; 'de Wette, Kurzgefasstes exegetisches
Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848; -H. A.
Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch ûber die
Briefe an die Philipper, 5e édit., 1886; .1. Beelen,
menlarius in Epistolam ad Philippenses, in-4»'
Loiivain. hs.52; 'C. J. Ellicott, .4 critical and gram-
matical Commentait) on St. Pauls' Epislles t<> //',,■ Phi-
ans, 1888; 'H. von Soden, Der Brief des Aposlels
\san diePhilipper,1889;'J.-B.Lig\ittoot,St.Paul's
Epistle m the Philippians, 12» édit., 1896; 'B. Weiss,
Der Philipperbrief ausgeselzl , 1859; 'A. Kbipper, Der
Brief des Apost'eU Paulus an die Philipper, 1883; M.
dinairement PeliSlîm: quelquefois Pelisfiyim ; au sin-
gulier, Pelisti. Ces mots désignent les habitants du
pays lui-même, lequel est appelé aussi Pelését. Les
Septante appellent les Philistins «ÊuXeoTiefp. (variante :
*i).t<mei'pi) dans le Pentateuque, Josué et l'Ecclésias-
tique, XL VI, 18; xlvii,7; L,26; IMach., m, 24; 'AXXiçuXot,
« étrangers, » dans les autres livres de l'Ancien Testa-
ment. Ils ne sont pas nommés dans le Nouveau. La
Vulgate les appelle Pliilistseus, Philisliim, Philistini,
Palsestini. Les documents égyptiens, d'après l'opinion
la plus répandue parmi les égyptologues, les appellent
. " . , -* l| *-àJt, Purusati = Pulusati (1rs Égyptiens
transcrivaient la lettre l par un r, parce qu'ils ne dis-
tinguaient pas les deux sons l'un de l'autre dans leur
langue et dans leur prononciation).
II. Origine des Philistins. — Elle a été longtemps
très controversée et aujourd'hui encore on ne peut la
déterminer avec une entière certitude. L'Écriture ne
l'indique nulle part d'une manière explicite, mais elle
les fait venir de Caphtor. Nous lisons dans le Deuté-
ronome, n, 23: « Les Hévéens, qui habitaient dans des
villages jusqu'à Gaza (c'est-à-dire dans le pays qui de-
vint celui des Philistins) furent détruits par les Caph-
torim, qui, étant sortis de Caphtor, s'établirent à leur
287
PHILISTINS
288
place, s La Vulgate appelle les Caphtorim Cappadoeiens
et Caphtor. la Cappadoce. Ainos, IX, 6. met à son tour
dans la bouche de Dieu ces paroles; « X'ai-je pas fait
venir les Philistins de Caphtor i Vulgate : Paùestinos de
Cappadocia) ? » Jérémie, xi.vi, 4. appelle aussi les
Philistins o les restes de l'île de Caphtor » (Vulgate :
Palsesthinos reliquias insulœ Cappadociss). Mais l'Ecri-
ture ne précise pas la situation de Caphtor. La table
ethnographique, Gen., x. 13-14, nous apprend seule-
ment que les Caphtorim étaient des descendants de
Mesraïiri. Cf. I Par., I, 12. Le texte de la Genèse, dans
sa forme actuelle, représente les Philistins comme issus
des Casluim et ne signale aucun rapport de pa-
renté directe entre eux et les Caphtorim : Chasluim,
de quibus egressi sunt Philisthiim et Caphtorim,
comme traduit la Vulgate. D'après les autres textes
scripturaires qui ont été rapportés, il est très vraisem-
blable qu'il y a une transposition dans le v. 14 de
Gen., x. ri que c'est après le mot Caphtorim et non
avant, qu'il faut lire l'incidente : o et d'où sont sortis les
Philistins. >. Quoi qu'il en soit, et de quelque manière
qu'on interprète le passage de la table ethnographique.
Les Septante et la Vulgate ont traduit le nom de
Caphtor par o Cappadoce ». Sur l'identification du nom
hébreu, voir Caphtorim. t. il, col. 211. D'après les ren-
seignements fournis par les documents égyptiens, les
Philistins, ou au moins une partie d'entre eux. durent
donc venir de la cote méridionale de l'Asie Mineure, en
longeant les cotes de Syrie, peut-être avec les Hélhéens.
et s'établir finalement dans la Séphéla.
Des savants modernes ont voulu identifier Caphtor
avec l'île de Crète et considèrent les Philistins comme
des Cretois d'origine. Ils s'appuient principalement
sur le nom de Céréthéens donné a une tribu philis-
line et à une partie des gardes du corps de David. Voir
Céréthéens, t. ii, col. 141. De la distinction qu'établit
plusieurs fois le texte sacré entre le Céréthéen et le
Phéléthien = Philistin, I Reg., xxx. Il: Il Reg., vin,
18; xv, 18; xx, 3, 7, 23; III Reg., i, 38, 44; IV Reg..
xi. 19; I Par., xvm, 17, et du parallélisme ou de la
synonymie qu'établissent entre les Céréthéens et les
Philistins, Sophonie, n, 5 (hébreu : g<>i Kerêfim; Sep-
tante : nàpoixot Kpi)T<âv; Vulgate : gens perditorv
Ézéchiel, xxv. 16 (hébreu :Kerê(îm; Septante : Kpr,Tar;
l'origine chamitique des Philistins n'en demeure pas
moins établie par son témoignage.
Les documents égyptiens ont fourni de nouvelles ln-
mières sur ce peuple. Le nom de Purusati donné par les
Égyptiens aux Philistins porte à croire que c'était là leur
nom national et qu'on ne doit pas en chercher l'étymo-
logie, comme on l'a fait souvent jusqu'à nos jours, dans
une racine sémitique. La manière dont ils sont représen-
tés sur les monuments, leur costume, leur armure, leur
type sont ceux que les documents égyptiens attribuent
aux peuples de la cùle méridionale de l'Asie Mineure et
des îles de la mer Egée. \V. M. Millier. Asien unit Eii-
ropa, p. 342, Mii'i. Les inscriptions égyptiennes appellent
la cote méridionale de l'Asie Mineure Kefto el même
Kptàr, W. M. Mùller, Die Urheimath der Philistâer,
dans S/m/, zur vorderas.Geschichte, 1900, p. 5; H. Savce.
The higher Crilicism and the verdict of the Monu-
ments. 2 édit., p. 13, et ce nom rappelle le Caphtor
biblique. De tout cela on peut conclure que les Phéni-
ciens n'étaient pas de race sémitique, à rencontre de
plusieurs savants, tels que Schwalley, Die liasse der
Philistâer, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche
Théologie, 1891, p. 103-108. On a voulu, sans autre
preuve qu'une coïncidence fortuite, expliquer le nom
des Philistins dans te sens d'à émigrants », en le déri
vaut de la racine •--:, pU, « émigrer, b qui existe
encore en éthiopien, mais celle élymologie suppose
que c'est un nom qui leur a été donné par les habi-
tants du pays où ils ont émigré et nous avons vu qu'il
est probable que C est au contraire leur nom primitif.
il est vrai que les Septante, dans quelques livres de
l'Écriture, col. 28G, ont traduit leur nom par à).X<5çu).oi,
mais ce nom qu'on peut rendre par o étrangers l n'est
pas nécessairement la traduction du mot g Philistins v.
Vulgate inlerfertores), on doit conclure qu'il J avail
en effet des Philistins d'origine Cretoise cl îles Phi-
listins venus d'autres contrées. Les découvertes de
M. Arthur, I. Evans en Crète ont montré que cette Ile
était un ancien foyer de civilisation très avancé. Evans,
Cretan Pictograph and prœ-Phœnician Script, in-8».
Londres, 1895; ld., The Mycentean Tree ami Pillar
EnltanditsMediterranean Relations, with illustrations
front recrut Cretan finds, in-4«, Londres. 1901; ld..
Theprehistoric Tombs of Knossos, in- 1", Londres, 190f>.
La présence de diverses tribus philistines dans la Sé-
phéla s'explique facilement par l'arrivée successive dans
celle contrée de divers émigrants qui se sont ensuite
plus ou moins unis ou fendus ensemble par suite de la
c mnauté d'intérêts. Les Céréthéens semblent avoir
habité l'extré ilté méridionale de la Palestine. I
(Sam.), xxx, 14. Mais les détails nous font défaut sur
l'histoire de ces diverses émigrations. Nous savons ce-
pendant qu'une -.les invasions principales eut lieu sona
le règne du pharaon Ramsès III. Les monuments
(fig, 69) de ce roi nous les montrent emmenant avec
eux, sur des chars traînés par des bieufs. leurs femmes
et leurs enfants. W. M. Muller. A sien und Ew
p, ;;<;<;.
On a essayé de faire des inductions sur l'origine
des Philistins d'après leur langage. Malheureusement
la langue que parlaient primitivement les Philistins
ne nous est pas connue, < in sait que le roi de G-eth, du
temps de David el de Salomon, s'appelait Achis (hébreu :
AkiS); les inscriptions assyriennes d'Asarhaddon et
d'Assurbanipal nommentun Ikausu, roi d'Accarop, qui
rappelle le nom d'Achis cf. W. M. Muller. /';<■ Urhei-
math der Philister, dans Studien zur vorderasiati-
schen Geschichte, 1900, p. 9); un roi de Dor est nommé
289
PHILISTINS
290
Bidir dans le papyrus Golénischefl", ibid., p. 37. On
peut supposer que le titre de sérén (seranim) donné
dans l'Écriture aux chefs des cinq principales villes des
Philistins est un mot de leur langage primitif. Mais ces
données sont trop maigres pour en tirer quelque con-
clusion sur la nature de leur langue originelle. Après
leur arrivée en Palestine, ils semblent avoir adopté
assez vite le langage du pays; leurs noms dans l'Ancien
Testament et dans les documents cunéiformes, sont
pour la plupart sémitiques ou chananéens.
II. GÉOGRAPHIE. — L'étendue du pays occupé par les
Philistins n'a pas été la même aux diverses époques de
leur histoire. Leur territoire, après l'occupation de la
Terre Promise par les Hébreux, embrassait surtout la
plaine maritime de la Sêphélah qui s'étendait d'Ascalon
au nord jusqu'au désert de Gaza au sud et des posses-
sions de la tribu de Juda à l'est à la mer Méditerranée
à l'ouest. Jos., xin, 2-3; I Reg. (Sam.), VI, 12; Is., ix,
12 (hébreu. 11). C'était la Philistie propre. Les Grj.cs
employaient ce nom, dont nous avons fait Palestine,
dans un sens imprécis et il s'étendit peu à peu jusqu'au
Jourdain. Reland, Palœstina, 1714, p. 38. Les Philis-
tins, malgré les conquêtes qu'ils firent à diverses
époques, demeurèrent toujours eux-mêmes renfermés
dans leur territoire, qui comprenait cinq villes princi-
pales, leur servant de centre : Gaza, Azot. Ascalon,
Geth et Accaron, I Reg. (Sam.), VI, 17; Jos., xm, 3;
.1er., xxv, 20; Soph., n, 4-7, etc. (voir ces noms), et
quelques autres bourgs ou villages fortifiés ou non
murés, Jabné ou Jamnia, II Par., xxvi, 6; Siceleg,
I Reg. (Sam.), xxvil, 5, et autres. Dent., n, 23; I Reg.
(Sam.), vi, 18.
La plaine de la Séphélah est plate et unie, avec de lé-
gères ondulations; suffisamment arrosée, fertile et
presque partout cultivable. Voir SÉPHÉLAH. La côte, de-
puis le Carmel jusqu'à Gaza, formée de dunes et de col-
lines de sable peu élevées, ne possède pas de grands ports
naturels. Les villes maritimes, Azot, Ascalon, Gaza,
avaient de petits ports (|iaiov(iï;), mais peu sûrs, et les
Philistins ne purent jamais rivaliser pour leur com-
merce avec les Phéniciens. En revanche, la roule qui
longeait la mer avait une importance capitale pour les
caravanes qui devaient passer à Gaza pour se rendre
en Egypte, ou en Phénicie, et pour remonter en Syrie,
en Rabylonie et en Assyrie. Les conquérants égyptiens
étaient obligés de suivre cette voie pour porter leurs
armes au nord et sur les bords de l'Euphrate et du
Tigre; les rois de Ninive et de Babylone devaient faire
de même, en sens contraire, pour soumettre la vallée
«lu Xil. Les invasions égyptiennes dans l'Asie antérieure
et les invasions babyloniennes en Egypte remontent à
une antiquité reculée.
III. Organisation politique. — 1° Gouvernement. —
Les Philistins étaient un peuple assez avancé en civi-
lisation. Ils avaient une organisation supérieure à celle
des tribus qui habitaient à leur arrivée la terre de
Chanaan, et leur supériorité militaire les mit en état de
iblir avec solidité sur le territoire dont ils s'empa-
rèrent. Voir W. M. Mùlier, Asien und Europa, p. 361-
l'hilistins avaient cinq seranim ou chefs parti-
culiers. On peut supposer que c'était parce qu'ils appar-
tenaient à cinq tribus différentes d'origine. Toutes ces
tribus avaient sans doute des liens de parenté et elles
avaient pu être attirées, à la même époque ou à des
époques différentes, par les besoins de l'émigration, sur
la cote occidentale de la Palestine. Les Pulusati étaient
peut-être venus les premiers, les Cércthéens ensuite.
Cf. W. M. Mùller, Die Chronologie der PhilUterein-
•vanderung, lue. cit., p. 30-42. — Le nom général de se-
ranîmdonné à leurs chefs leur est particulier et doit être
un reste de leur langue primitive. Il n'est jamais em-
ploie qu'au pluriel. On n'en a pas encore découvert
DICT. DE LA BIBLE.
d'étymologie satisfaisante. Les* Septante [traduisent ce
nom le plus souvent par Ty.ryy-.x.. 1 Reg. (Sam.), v. 8,
11; VI, 4. 12, 16, 18; vu, 7; xxix, 2. 0, 7; et Tx-ymi-.i.,
Jos., XIII, 3; Jud., ni,3; aussi par ïpyovTeç, Jud., XVI,
5, 8, 18, 23, 27, et par <rrpaTï]Yo<, I Par., XII, 19. La
Vulgale a reguli, Jos., xm. 3: satrapx, Jud., m. 3; xvi.
8: I Reg., v. s. 11. vi, 12, 16; vu, 7; \xix, 2. (i, 7. prin-
cipes, Jud., xvi. 5, 18, -'■'■ 27; I Par., xu,"l9: provincise,
I Reg., vi, 5, 18. Seranim désigne donc certainement
le chef de chacune des cinq grandes villes pliilistines,
Gaza, Azot, Ascalon, Geth et \ccaron. los.. xm, 3.
Ces chefs avaient tout à la fois une autorité militaire
et civile. Ils avaient sous leurs ordres des sarim ou
commandants de troupes, I Reg. (Sain.), xviii, 30 [man-
que dans les Septante; Vulgate ; principes); xxix, 3
(aa-pà-ac, uipatriYOt; principes .en temps de guerre. Les
textes parlent tantôt « desarmées », IReg. (Sam.), xxm,
3; xxix, 1, et tantôt « de l'armée », xxviu, 1. Chacun des
seranim avait sans doute se« troupes personnelles, cf.
I lie:;. (Sam.), xxvm, 1; xxix, 2, mais ils agissaient
toujours ensemble et d'un commun accord. Leurs forces
étaient divisées par groupes de mille, subdivisés en
centaines. I Reg. (Sam.), xxix, 2. C'est tantôt le chef
de Gaza, nommé le premier, Jos., xm, 3; Arnos, i, 6-7,
tantôt le chef d'Azot, tantôt celui de Geth ou d'une autre
des cinq villes qui parait avoir été à la tête des Philis-
tins. I Reg. (Sam.), v, 1; vi, 17; I Par., xx, 6. Chaque
sérén, gouvernait outre sa ville capitale, les dépen-
dances du voisinage. I Par., xvm. 1: I Ri _. (Sam.), v, 6|;
Jos., xv, 45-47.
On ne sait si la dignité des seranim était héréditaire
ou élective et si le titre de roi, donné quelquefois aux
chefs philistins, implique une fonction particulière. Ce
n'est pas probable. Aucun des rois nommés dans l'Écri-
ture ne régnait sur toutes les villes de la Philistie et
ceux qui sont nommés dans les documents cunéiformes
sont à la tête des villes où nous savons qu'il y avait des
seranim. Jer., xxv, 20; Zach., ix, 5. La division du
pays en cinq districts, qu'on retrouve dès le commen-
cement, peut avoir été le résultat de la manière dont
les émigrants avaient fait la conquête du pays, peut-être
successivement. Leur politique semble avoir consisté
surtout, dans leurs rapporls avec les Israélites, non
pas à s'emparer de leur territoire, mais aies empêcher
de former un tout compact dont ils auraient eu à re-
douter la puissance. Dès que les Israélites veulent
s'unifier sous Héli et Samuel, il les attaquent. I Reg.
(Sam.), vu, 7; de même du temps de Saûl, xm-xiv;
quand David ne règne que sur le sud de la Palestine,
ils le laissent en paix; dès que les douze tribus se sou-
mettent à lui, ils lui font la guerre. II Reg., v, 17. Pour
dominer plus sûrement les Israélites, au moment où ils
faisaient effort pour s'unir entre eux, les Philistins leur
imposèrent le désarmement et leur interdirent la fabri-
cation des armes, au commencement du règne de Saûl.
I Reg. (Sam.), xm, 19-23. La supériorité de leur orga-
nisation militaire les mettait d'ailleurs en état d'imposer
leur volonté à leurs voisins.
2" L'armée philistine. — Les Philistins se distin-
guaient par leur valeur guerrière. On comptait parmi
eux des soldats redoutables, surtout par leur force
exceptionnelle. Voir Goliath, t. m, col. 268. L'histoire
de David. II Reg. (Sam.), xv, 18, 19, 22, et ce qui nous
est raconté des Céréthéens et des Phélétiens (voir ces
mots), attestent qu'ils avaient le goût des armes et qu'ils
• ■n faisaient métier. Ils étaient divisés et groupés d'une
manière régulière, I Reg., xxix, 2, armés de l'arc, XXXI,
3; I Par., X, 3, mais ce qui faisait surtout leur force
et mettait Israël dans l'impossibilité de leur résister
en plaine, c'étaient leurs chars. I Reg. (Sam.), xm, 5;
II Reg. (Sam.), i, 0; cf. Jud., i, 19. Leurs fantassins
avaient des armes défensives comme des armes offen-
sives, le bouclier, le casque, la cuirasse, l'arc, la lance,
V. - 10
291
PHILISTINS
292
la pique el l'épée large et courte (fig. 69). I Reg.. xvn,
5-7. Ils étaient aussi marins et l'histoire enregistre
quelques-unes de leurs campagnes navales. Des navires
partis d'Ascalon, au commencement de leur séjour dans
I i Séphélah, battirent les vaisseaux de Sidon et sacca-
gèrent la ville pendant les premières années du XIIe siècle
avant notre ère. Justin, XVIII, m, 5. Les monuments
de Ramsès III nous ont conservé la forme de leurs
navires (voir fig. 230, t. rv, col. 861) et aussi le souvenir
de leur défaite par ce pharaon qui les battit sur terre et
sur mer avec leurs confédérés, soit que cette défaite eût
ralenti leur ardeur, soit surtout qu'ils trouvassent plus
de profit, avec moins de danger, à rester tranquilles dans
leur riche plaine, et à se contenter du commerce intérieur
ou cotier, ils semblent avoir renoncé, d'ailleurs d'assez
bonne heure, aux expéditions aventureuses sur mer.
agriculture et commerce. — Les Philistins, tout
en - exerçant à la guerre, ne négligeaient pas l'agri-
culture. Ils cultivaient le blé. dans leur riche plaine de
la Séphélah, qui l'a toujours produit en abondance. Jud.,
xv. .">; cf. IV Reg., vin. 2. Ils s'adonnaient aussi sans
doute au commerce, la situation de leur territoire,
comme nous l'avons vu col. 289, le rendait un lieu
de passage pour les caravanes qui trafiquaient entre
l'Éypte et les pays asiatiques et ils devaient mettre à
profit celte circonstance si avantageuse.
i Religion. — En s'établissant sur la côte occiden-
tale de la Méditerranée, les Philistins y apportèrent
avec eux la religion de leurs pères. Le
culte de Dagon, Jud., xvi. 23; I Reg.
Sam.), v, 2: IPar.,x,10;IMaeh.,x,84;
xi, i: voir Dagon, t. n, col. 1204, et
celui de Béelzébub, IV Reg., i, 2, 3, 6,
16; voir Béelzébub, t. i, col. 1547. leur
était propre, comme celui de Derkéto,
cou u u par Piodorede Sicile, il, 4 (fig. 70).
.Mais selon la coutume de la plupart des
anciens peuples, à leur culte national
ils durent joindre dans la Séphélah le
tulle des dieux déjà adorés dans le
pays. Peut-être Astoreth ou les Astarthés
furent-elles du nombre des divinités
adoptées; peut-être aussi vénéraient-ils déjà ces déesses,
compagnes de leurs dieux, avant leur émigration.
I lie;:. (Sam.), XXXI, 10; Hérodote, I, 105. Ils avaient
de- temples consacrés à Dagon et l'on y vénérait sa
statue. I Reg.. \. 2-5; XXXI, 9-10; I Par.. X, 10; I Macb..
\. 83-84; en lui offrait des sacrifices zébah. Jud., xvi,
2-3. Des prêtres, kohànim, étaient voués à son culte.
I Reg. Sam.), VI, 2. Un lui demandait conseil dans
1 ■• circonstances difficiles, i Reg. Sam.), vi, 2. On
consultait aussi les devins [gôsmim; Vulgate : divini),
qui paraissent avoir joui d'un grand crédit, vi, 2. Leurs
'ônenim [Vulgate : augure» 'tient renommés. Is-,
n, (i. Les Philistins avaient une coutume religieuse
singulière a A/ot. A la suite de la chute de la Statue de
Dagon, d.ms le temple fameux de cette ville, quand
l'arche \ axait été déposée, ils ni' marchaient pas sur
le seuil de la porte, mais le franchissaient d'un bond.
I Reg. Sam.), \. 1. Cf. Soph., i. 9. Ils emportaient
avec eux dans leurs guerres les statues de leurs dieux
['àfabèhém; Septante : BeoS; Vulgate : sculptUia sua).
II Ri - Sam.), v, 21. Voir I 20 . t. m, col. 821.
Ils attribuaient leurs victoires à la protection de leurs
divinités et consacraient leurs trophées dans leurs
temples, l Reg (Sam \. 1-2: xxxi, 9. Ils ne prati-
quaient pas la cire ision, ce qui les distinguait des
autres habitants de la Palestine el des Kgyptiens, el
les faisait mépriser par les Israélites qui les appelaient
a i dédain incirconcis . Jud.. xrv, :'.; xv. 18: I Reg.
(Sam.), siv, 6; xvit, 26, 36; ïxxi, i: Il Reg. (Sam.), i,
20.
IV. Histoire, — l« Avant l'établissement des Israé-
lites en Palestine. — Nous ne savons rien de l'histoire
des Philistins avant leur arrivée en Palestine. Nous
ignorons aussi l'époque de cette arrivée. Du temps
d'Abraham, il y avait déjà des Philistins [Palsestini dans
la Vulgate) dans la terre de Chanaan, Gen., xxi. 33, 34,
mais ils paraissent avoir habité alors plus au sud que les
émigranls du même nom qui s'établirent plus tard
dans la Séphélah. Ils avaient à leur tète un chef qui
portait le titre de roi. mélék, et s'appelait Abimélech.
Il demeurait à Gérare. Gen., xxxvt. I. au sud de Gaza.
Sur les rapports du roi de Gérare avec Abraham et
Isaac, voir Abimélech, t. i, col. 53, 54, et Gérare, t. m,
col. 200. Il faut observer que quelques savants ne
croient pas qu'Abimélech fût un véritable Philistin: ils
supposent que le titre de « roi des Philistins lui est
attribué, non pas parce qu'il était de leur race, mais
parce qu'il habitait dans la contrée qui reçut plus tard
le nom de Philistie. Quoi qu'il en soit, tout le monde
admet que des Philistins étaient en possession de la
Séphélah du temps de Moïse, etles Israélites, sur l'ordre
de Dieu, évitèrent de se rendre dans la Terr
« par le chemin du pays des Philistins, •> quoiqu'il fût
le plus court, parce qu'ils n'étaient pas capables de forcer
le passage et de lutter contre des hommes aguerris tels
que les habitants du pays. Exod., XIII, 17. Les Caph-
torim (Philistins) avaient déjà chassé auparavant les
Ilévéens de Gaza, à une époque de date inconnue. Deut.,
n. -i:;.
L'histoire antérieure du pays ne nous est connue que
très imparfaitement et d'une manière tout à fait frag-
mentaire, an moyen des rares renseignements épais
dan- les documents cunéiformes et hiéroglyphique-.
Depuis longtemps déjà les plaines qui s'étendent sur
le rivage occidental de la Méditerranée avaient été té-
moins des grands conflits qui avaient mis aux prises
l'Afrique septentrionale avec l'Asie occidentale.
Les lettres de Tell el-Amarna fournissent la preuve
qu'antérieurement au v. siècle avant notre ère la civili-
sation babylonienne et probablement sa domination
- il lient implantées sur la cote palestinienne et dan-
toute la Palestine. Sous la xvnr dynastie égyptienne,
le pays de Chanaan faisait partie de l'empire pharao-
nique sous le nom de Haru. Les noms des villes pbilis-
tines et de nombreuses villes palestiniennes reviennent
constamment dans les lettres de Tell el-Amama, Gaza,
Ascalon, Joppé, Lachis, Geth, Gazer. Aîalon, Jérusalem,
etc. Thothmès III. Séti I", Ramsès II. Ménephtah
avaient cherché' à s'assurer la possession du pays
et entretenu des soldats à Gaza. Maspero, Histoire an-
tienne tin peuples de l'Orient, i" édit., 1884, p. 313;
II. Brugscb, Geschichle Aegyptens, 1877, p. 529, 581
Ramsès 11 lit le siège d'Ascalon. 11 nous en a laissé la
représentation sur les murs du grand temple de Karnak.
voir t. i. fig. 286, col. 1061, et elle nous montre qi
Philistins n'y étaient pas encore établis; du moins les
hommes que combat le pharaon ne ressemblent-ils en
aucune façon à ceux que va nous (aire connaître
- 111. — C'est du temps de ce derner roi qu'eut
lieu la plus grande invasion philistine. Ramsès III nous
a conservé sur les bas-reliefs de Médinet-Abou les
principaux épisodes de la grande campagne que les
7'ii/i?sot!eld'autres peuples de la mer entreprirent contre
l'Egypte sous son règne. Le texte qui accompagne les
tableaux de la guerre est peu explicite el très incom-
plet, mais nous voyons par l'ensemble que les confé-
dérés lurent battus sur terre (fig. 71) et sur mer (voir
col. 291), et il leur lit des prisonniers (fig. 72). Néan-
moins pour se débarrasser d'eux, le roi d'ÉgypU leur
lit des concessions et il accorda aux Pulusali la pi line
de la Séphélah pour s'y établir. Les nouveaux venus
trouvèrent des émigrants déjà établis dans le pays;
ils s'unirent à eux et apportèrent aux anciens occu-
pants un accroissement de force considérable dont les
293
PHILISTINS
294
conséquence ne tardèrent pas à se faire sentir pour les
Israélites.
2° Histoire des Philistins depuis l'époque de Josué
jusqu'au règne de Saut — Lorsque les douze tribus
avaient conquis la Terre Promise, elles avaient dû renon-
cer à s'emparer de la plaine des Philistins, n'étant ni
assez fortes ni assez bien armées pour en chasser les
possesseurs. Celle plaine faisait partie de leur héritage.
.los., xv. i. i.ViT. mais au moment du partage du pays
le gouvernement d'Héli que les Philistins commencèrent
à attaquer, et de façon redoutable, les Israélites dont
ils furent dès lors les ennemis acharnés pendant des
siècles. Ils avaient peu redouté les descendants de Jacob,
tant que ceux-ci étaient restés divisés en tribus séparées
et indépendantes, mais quand elles travaillèrent à former
un seul peuple uni et fort, dont la cohésion devinait
un péril pour les habitants de la Séphélah, les Philistins
les combattirent avec acharnement. Ils remportèrent
71. — Pulusali battus sur terre par le pharaon Ramsès III. Bas-relief de Médinet-Abou.
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. 120.
elle n'était pas encore entre leurs mains. Jos., xm. 2-3;
Jud., m, 3. La tribu de Juda, à qui elle avait été
allril lée, lit quelques tentatives pour s'y établir, et rem-
porta quelques succès contre Gaza, Ascalon et Accaron,
Jud., i. 18. mais elle ne put s'y maintenir. Les Philis-
tins, qui ne se sentaient pas sans doute encore assez
forts à cette époque, ne semblent d'ailleurs avoir rien
fait en ce moment pour s'opposer à l'établissement des
Israélites dans la terre de Chanaan. Ils eurent même
d'abord des relations de bon voisinage, Jud., xiv, 1, 7, 10,
1 1. Ce ne fut que lorsque l'arrivée de nouveaux émigrants
du temps de Ramsès III eut augmenté leur puissance,
qu'ils se mirent à harceler les Hébreux. Jud., x, 6, 7,
11. Samgar frappa six cents d'entre eux. Jud., m, 31.
S.inison eut à lutter contre eux pendant toute sa vie.
Jud.. xiv-xvi. Voir Samson. Mais ce fut surtout sous
contre Israël d'éclatantes victoires à Aphec à la fin de la
judicature d'Héli et s'emparèrent de l'arche sainte.
I Reg. (Sain.), iv, 1-11. Voir Aphec 3, t. i, col. 728;
Arche d'alliance, t. i, col. 920. Les châtiments divins
obligèrent les vainqueurs à renvoyer l'arche à Israël.
1 Reg. (Sam.), v-vi. Samuel ayant succédé à Héli comme
juge d'Israël rassembla tout le peuple à Masphath. Les
Philistins en prirent ombrage et marchèrent de nouveau
en armes contre eux, mais cette fois, ils furent battus à
Ében-Ézer (La Pierre du Secours). Le succès des
Israélites fut tel qu'ils recouvrèrent les places qu'ils
avaient perdues et que leurs ennemis les laissèrent en
paix jusqu'à l'avènement de Saûl, vu, 5-13.
3° Guerres des Pltilistins contre Saûl. — L'élection
d'un roi qui réunit sous son pouvoir les douze tribus
d'Israël était propre à inspirer des inquiétudes aux
295
PHILISTINS
296
Philistins pour leur indépendance. C'était spécialement
contre rus que la royauté avait été établie, vin, 20. Aussi
luttèrent-ils avec acharnement contre Saûl pendant
toute sa vie et ne furent-ils satisfaits qu'après avoir
anéanti sa puissance à Gelboé et lavoir réduit a se
donner la mort. Pendant cette longue guerre qui dura
tout le règne de Saûl, c'esW-dire pendant quarante ans,
il y eut des deux côtés alternatives de succès et de
revers, mais, quoique Saûl eûl fait de grands efforts pour
i ,l:, .,. une armée, les Philistins furent le plus souvent
vainqueurs. Saûl entreprit d'abord de les chasser des
environs de sa trille natale, Gabaa, qui lui servait de
résidence et où ses ennemis s'étaient étal dis, x, 5; XII, 9;
xiii, 3. Grâce à la bravoure de Jonatbas, fils aine de Saûl,
les Philistins furent battus à Gabaa, et Saûl appela aus-
la tribu de Juda et campèrent à Épbès Dommim, entre
Socho et Azéca. Saiil, pour les arrêter, se porta avec
son armée dans la vallée du Térébinthe, à une vingtaine
de kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Là le géant
Goliath défia les Israélites. Le jeune David releva le
défi, le tua. et entraîna ainsi la défaite de toute l'armée
phil'istine. xvii. Voir Goliath, t. m, col. 268. Les
Israélites poursuivirent leurs ennemis jusqu'à Geth et
à Accaron, mais ils les laissèrent en paix dans leur
territoire, xvm. David put se réfugier chez Acliis, le
roi de Geth, pendant la persécution de Saûl et il \ fut.
ainsi qu'ensuite à Siceleg, à l'abri des poursuites de
son ennemi, xxi, 10-15; xxvii. La paix n'était pas
cependant établie entre Israël et la Pliilistie. Il y avait
sans doute de temps en temps
des incidents de fron-
72. - Pulusati prisonniers de Rarasés III. Bas-relief de Médinet-ALou. D'après une photographie.
sitôt tout le peuple à prendre les armes contre les Phi-
listins, XIII, 2-4. Ces derniers ne perdirent pas de temps
pour répondre à ces menaces. Avec trois mille chars
(nombre marqué par une m. te de la Massore, quoique
le texte porte trente mille, chiffre trop élevé, par erreur,
et en contradiction avec le chiffre suivant qui porte
six mille cavalier^., c'esl à-diresix mille soldats montes
sur des chars) et de nombreux fantassins, ils allèrent
camper ■< Machinas et remplirent de terreur les
Israélites qui coururent, en foule se cacher dans les envi-
rons et même se réfugier au delà du Jourdain. XIII, 5-
7. Cependant les Philistins, après qu un de leurs avant-
postes eût été battu par la vaillance de Jonathas et eût
porté, la frayeur dans tout leur camp, furent défaits
depuis Machinas jusqu'à Aïalon, XIII, Hi-XIY, 21.
Ce ne lut qu'au bout de plus de vingt ans que les
Philistins purent reprendre l'offensive. Saûl, après sa
victoire, axait aussi battU les Alnah ■cites, mais à cause
de sa désobéissance aux ordres de Dieu, il avail été
rejeté el David avait été sacré secrètement à sa place.
Ce dernier événement venait de s accomplir, lorsque
les Philistins rassemblèrent leurs troupes à Socho dans
tière et des escarmouches comme dans l'épisode de
Céilah, xxin, 1-5, mais ce ne l'ut qu'à la lin du n
de Saiil que la guerre entre les deux peuples recom-
mença avec violence. Cette fois le théâtre de la bataille
fut le nord do la Palestine, à l'extrémité occidentale de
la plaine d'Esdrelon. Les Philistins avaient-ils été
attirés en cet endroit par le désir de faire une razzia
fructueuse dans la riche plaine, comme autrefois tes
Madianites au temps deGédéon, OU par l'espoir d'y battre
plus facilement les ennemis en terrain plat avec le
secours de leurs chars, ou pour couper en deux le terri-
toire du royaume et en briser la foire, on est réduit aux
conjectures, Quoi qu'il en soit, Saûl avait cherché B6
protéger contre eux en s'adossant au mont Gelboi
tandis que les Philistins campaient à Sunam. mais ce
fut en vain, la défaite d'Israël fui complète, Saûl et
Jonathas périrent dans la bataille, les vainqueurs s'em-
parèrent des villes qu'abandonnèrenl leurs bah lents
e1 pénétrèrent jusqu'au delà du Jourdain. SXVIII, I-
XXIX, 1-2; XXXI, 1-10. Si les Philistins avaient voulu
diviser les douze tribus pour briser leur force, ils
avaient pleinement réussi. Les luttes intestines qu'a-
29^
PHILISTINS
298
mena la mort de Saùl ne pouvaient que fortifier la
suprématie des Philistins. Ils cherchèrent à la mainte-
nir en attaquant David sans retard.
4° Du règne de David à celui d'Achaz. — Dès
que David eut été reconnu comme roi par les douze
tribus et que l'unité du royaume eut été ainsi recon-
stituée, ils s'avancèrent en armes dans la vallée de
Raphaïm au sud-ouest de Jérusalem et établirent
même un poste à Bethléhem. I Par., xi. 16. Les
Israélites réunis pouvaient lutter avantageusement
contre eux. et avec un chef comme David, ils battirent
deux fois leurs ennemis à Raphaïm et. dans la seconde
rencontre, les poursuivirent depuis Gabaa jusqu'à Gé-
zer. II Reg. (Sam.), v, 17-25: I Par., xiv, 8-16.
Sept ans plus tard environ, la situation des belligé-
rants était tellement changée que ce fut David qui prit
l'offensive et s'empara de Geth. I Par., xvm, 1. La
puissance des Philistins était désormais brisée. L'Écri-
ture mentionne encore quatre combats contre les Phi-
listins, qui eurent lieu vers la fin du règne de David ou
à des dates inconnues, II Reg. (Sam.), xxi, 15-22. mais
ils furent sans grande importance et servirent surtout
à faire éclater la bravoure de quelques-uns des soldats
d'Israël.
Sous le règne de Salomon, les villes philistines.
en conservant leur autonomie, III Reg., n, 39, lui
payèrent ;ans doute tribut. III Reg..iv, 21, 24; II Par.,
ix. 26, mais le schisme des dix tribus leur permit de
relever la tête. Roboam pour les arrêter fortifia contre
eux Geth et les villes limitrophes de leur territoire.
II Par., xi, S. Ils réussirent à prendre Gebbéthon et à
s'y établir. Cette place commandait les défilés qui me-
naient delà plaine de SaronàSamarie. Voir Gebeéthox,
t. m, col. 142. Les rois d'Israël Nadafa et Baasa tirent
donc de longs efforts pour la leur reprendre. III Reg.,
xv, 27: xvi. 15. 17. Du temps de Josapbat, roi de
Juda. quelques Philistins lui payaient encore tribut,
II Par., xvn, 11, mais sous son fils Joram, s'étant joints
à des pillards arabes, ils saccagèrent le palais du roi,
xxi, 16-17. Du temps de Joas, Hazaèl. roi de Damas,
prit la ville de Geth. IV Reg., xn. 17. Les Philistins
parvinrent sans doute à la reprendre après son départ,
car Ozias, en leur faisant la guerre, détruisit les murs
de cette ville avec ceux de Jamnia et d'Azot. II Par.,
xxvi, 6. Cf. Amos, VI, 2. La haine des habitants de la
Séphélah contre les Israélites s'en augmentait toujours.
Nous apprenons par les prophètes, Joël, m, i-6:
Amos. i, 6-10. que, unis aux Iduméens et aux Phéni-
ciens, ils avaient fait la traite des esclaves et vendu les
Juif* dont ils s'étaient emparés. Pendant le règne
d'Achaz, ils mirent à profit les embarras que les Idu-
méens et les Syriens causaient à ce roi pour s'emparer
des villes de Juda qui étaient dans leur voisinage. II Par..
XXVIII, 18. Cf. Is., ix. 11. Mais le moment approchait
où les habitants de la Séphélah allaient avoir affaire à
des ennemis plus redoutables que Juda. aux Assyriens,
selon la prophétie d'Isaïe. xiv. 28-31. Ils avaient eu
déjà à soullrir de leur part lors de leurs premières
invasions contre le royaume du nord de la Palestine.
5> Les Philistins aux prises avec les Assyriens. —
s 'Us Philistins avait été soumis au tribut [ai-
les rois d'Assyrie en même temps qu'Israël et l'Idnmée
par Raminannirar III. Téglathphalasar III comptait,
vers 734. parmi ses vassaux. Mitinti d'Ascalon et
Hanon de Gaza, qui avaient pris put avec Rasin de
■ d'Israël à la révolte contre Xinive
734-732 . Rukipti succéda à son père Mitinti comme roi
d .'. calon et fit sans doute sa soumission au roi d'Assy-
rie. A l'approche des Assyriens, Hanon de Gaza s'en-
fuit en Egypte, et sa capitale fut prise et pillée. Après
le départ des vainqueurs, il y revint, et en 720 nous le
trouvons parmi les alliés du su ou Sévé, le Scbabak
égyptien, qui avait promis son appui à Osée d'Israël,
IV Reg., xvn. 4. mais ne l'avait pas sauvé. Il fut battu
et fait prisonnier à Raphia par Sargon, le vainqueur de
Samarie. Sargon déposa aussi Azuri, roi d'Azot, et le
remplaça par son frère Ahimiti; mais quand Sargon
se fut éloigné, les habitants d'Azot chassèrent Ahimiti
et le remplacèrent par Yamani. Le roi de Xinive
marcha en 711 contre les rebelles et s'empara d'Azot,
Is.. xx, I, de Geth, etc., déporta les habitants du pays,
les remplaça par des colons qu'il fit venir de l'est de
l'Assyrie et les plaça sous le gouvernement d'un Assy-
rien. Ce fut pour peu de temps. Sous le règne de
Sennachérib, Mitinti d'Azot figure parmi les tributaires
de Sennachérib. Ezéchias. qui avait secoué le joug des
Assyriens, avait battu les Philistins, IV Reg.. xvm, 8.
et les avait entraînés en partie dans sa révolte.
Quand Sennachérib porta la guerre en Palestine.
Sidqa d'Ascalon, l'un des chefs philistins, fut défait par-
ce roi et envoyé captif en Assyrie; Sarludari, fils d'un
ancien roi d'Ascalon, fut mis sur le trône à sa place. Le
roi d'Accaron. Padi. avait refusé de se révolter contre le
roi de Xinive. Ses sujets l'avaient saisi et envoyé captif
à Ezéchias roi de Juda. Sennachérib obligea le roi de
Juda à le lui rendre et le rétablit sur le trône. Il sac-
cagea en même temps plusieurs villes des Philistins.
Depuis lors ces derniers semblent être restés fidèles
aux Assyriens. Asarhaddon et Assurbanipal énumèrent
parmi leurs tributaires Silbel de Gaza, Mitinti d'As-
calon, Ikausu d'Accaron. Ahimilki d'Azot. Quand l'Egypte
voulut secouer le joug de l'Assyrie sous le règne de
Tharaka, les Philistins restèrent fidèles aux Assyriens.
Hérodote, n, 157, raconte que le roi d'Egypte Psammé-
tique assiégea Azot pendant 29 ans. Cf. Jer.. xxv, 20.
Le temple d'Ascalon, dédié à « Aphrodite Urania », dit
Hérodote, I, 105, fut pillé par les Scythes.
6° Les Philistins tributaires des Clialde'ens et des
Perses. — Après la chute de l'empire assyrien, lorsque
Xéchao II porta la guerre sur l'Euphrate (608), il prit
Gaza à son passage. Hérodote, n, 159. Sa défaite à
Carchamis ne tarda pas à amener Xabuchodonosor en
Egypte et il semble n'avoir rencontré aucune résistance
dans le pays des Philistins, fort maltraité pendant toutes
ces guerres. Soph.. Il, 4-7; Jer., xvn, 1-7; Ezech., xxv,
15-17. Xabonide fit lever des tributs jusqu'à Gaza pour
la construction du grand temple de Sin à Harran. Keil-
inschriftliche Bibliothek, t. m, 2, p. 98.
Lorsque Babylone fut tombée au pouvoir des Perses
et que Cambyse marcha contre l'Egypte, Gaza fut la
seule ville philistine qui s'opposa à son passage.
Polybe, xvi, 40. Quand Darius organisa son empire, les
Philistins, avec la Palestine, firent partie de la cin-
quième satrapie. Hérodote, m, 91. Ils fournirent leur
contingent à la flotte de Xerxès. Hérodote, vu. 89.
Pendant quelque temps. Ascalon parait avoir été sou-
mise à Tyr, du moins, Sc\bx. dans son Périple.
l'appelle « une ville tyrienne. » Geographi min., édit.
Didot, t. 1, p. 79. Gaza jouit alors d'une grande pros-
périté. Hérodote, m. 15. On ne sait rien de précis sur
les villes philistines pendant les dernières années de la
monarchie perse. Mais le livre de Néhémie, II Esd., xin.
nous apprend que, de son temps, la commu-
nauté de malheurs avant atténué sans doute la haine
qui divisait Philistins et Israélites, plusieurs Juifs
avaient épousé des femmes philistines, originaires
d'Azot, qui avaient appris à leurs enfants à parler la
de cette ville, de sorte qu'ils ne connaissaient
même pas la langue juive.
7» Les Philistins à l'époque des Lagides et des Sé-
s. — Sous Alexandre le Grand et ses successeurs,
la Philistie soutint de fréquentes guerres,. Alexandre
assiégea Gaza, qui lui refusait le passage, quaud il se
rendait de Tyr en Egypte, et la traita dure:
Diodore de Sicile. XVII, XLViii. 7; Arrien, n, 265:
Q. Curce, iv, 67. — Après sa mort, la S; rie échut à
299
PHILISTINS
PHILOX
300
Laomédon. En 320, Ptolémée Ir s'empara de Gaza et
de Joppé. Anligone les prit en 315. t'Iolémée les reprit
en 315. Diodore de Sicile, xix. 80, mais il en fut chassé
l'automne suivant par Démétrius et Antigone. Diodore,
xrx, 93. Ptolémée lit une nouvelle tentative en 302 et
elle fut i'n partie couronnée de succès. La Philislie
resta à ses successeurs. Antiochus le Grand, en 219,
entreprit de la reprendre. 11 s'empara de Gaza et c'est
dans cette ville, en 218. qu'il prépara l'invasion de
. pie. 1 ne grande bataille fut livrée à Raphia en 217,
le roi de Suie fut battu et Ptolémée recouvra les villes
philistines. Polybe, v, 82-86. Un nouvel effort d'An-
tiochus en 201 le rendit maître de Gaza, les Egyptiens
furent battus à Pbanéion en 200 et toute la Syrie
tomba ainsi au pouvoir des Séleucides.
La domination des successeurs d'Alexandre contribua
beaucoup à la diffusion de la civilisation grecque en
Philistie. Déjà auparavant, sous les rois perses, les
rapports commerciaux des Philistins avec les I
avaient introduit dans les villes pbilislines des mon-
naies du tvpe atbénien. E. Schùrer, Geschichle di
s im Zeitalt. J. C, 3" édit., t. n, 1898, p. 84;
E. Babelon, Les Perses Achéménides, 1893. p. lv-i.xiv.
47-52. pi. VIII. Sous les Séleucides, on se mit à parler
grec, on donna aux dieux les noms des dieux grecs,
on imita les institutions grecques. Antiochus Épiphane,
qui cherchai helléniser les Juifs, ne dut éprouver aucune
difficulté à établir les mœurs grecques dans la Sépbélab.
8» Histoire des Philistins à l'époque des Machabées.
Leur assujettissement par les Romains. — 1. Du temps
des Machabées, les Syriens eurent d'ordinaire les Phi-
listins comme auxiliaires dans leur lutte contre les
Juifs; ils en avaient dans leurs armées, ils partaient
souvent de la Séphélah pour attaquer les fils de Matha-
tïas; les Philistins achetaient comme esclaves les pri-
sonniers juifs. 1 Mach., m. il. Les Hasmonéens eurent
ainsi souvent à les combattre. Judas Machabée prit
Azot et la pilla. I Mach.. v. 08. Cacchide fut obligé, pour
éviiLr ces incursions, de fortifier Emmaûs, Béthoron,
Thamnatha, Pharathon, Gézer.l .Mach., ix, 50-52. Jona-
thas, ayant pris le parti d'Alexandre Balas contre Dé-
métrius, essaya en 147 de s'emparer de Joppé, mais sans
succès; il battit cependant Apollonius près d'Azot et
brûla le temple de Dagon. I Mach., x. 75-85; cf. XI, i.
Ascalon lui ouvrit ses portes. I .Mach.. x, 80. Il reçut
en don Accaron d'Alexandre Balas. I Mach., x, 89. Plus
lard. Jonathas soumit Ascalon et obligea Gaza à traiter
avec lui [146-143 . I Mach.. xi. 60-02. Simon Machabée
prit à son tour Joppé et y établit ensuite des Juifs,
ainsi qu'à Gaza. I Mach., xn. :»".; xil, II,
Jean Hvrcan semble avoir perdu ces villes qui lui
furent enlevées pur Antiochus Sideles, mais ce dernier
dut les lui rendre à cause de l'intervention de R
Alexandre Jannée se rendit maître de Raphia, d'Anthé-
don et de Gaza, .losèphe, Anl.jud., XIII, xm. '■'•: Bel.
jud., I, iv. 2. — 2. Pompée rendit leur autonomie aux
villes philistines, mais il les incorpora dans la province
de Syrie (63 avant .1. C. . Josèphe, Hell. jud., I, vu. 7.
Gahinius i57-55a\ant .1. C. rebâtit les villes détruites ou
ailées par les Juifs. Josèphe, Aid. jud., MIL xiv.
53; Bell, jud., I, vtii, 1. Gésar rendit Joppé aux Juifs.
Ant. jud., XIV, \. 6. Antoine donna à Cléopâtre toute la
cote de la Méditerranée depuis l'cgypte jusqu'au fleuve
Éleuti ception de Tyr et de Sidon (36 avant
J. C). Plutarque. Anton., 36; Josèphe, Bell, jud., I.
xvm. 5. Auguste (30 avant J. C.) donna à Hérode Gaza,
Anthédon, Joppé et la tour de Straton dont Hérode fil
Césarée. — 3. Quand le royaume d n rode fut divisé, Gaza
fut sons la dépendance directe du gouverneur de Syrie; il
en fut de même pour Joppé et Césarée à la déposition
d'Archéiaus (6 de notre ère). Azol et Jamnia Eurent don-
nées à Salomé; leurs revenus, après la mort de Salomé,
furent attribués à l'impératrice I.ivie et plus tard à Ti-
bère. Josèphe, Ant. jud., XVII. XI, 4-5; XVIII, H, 2;
vi. 3; Bell, jud., IL vi. :); ix. 1: E. Schùrer, Gesch.
des jùd. Volkes im Zeitall. .J. C. 3« édit., t. Il, 1898,
p. 78. — Pendant toutes ces révolutions. Ascalon conserva
ses franchises, conquises en 104 avant J. C. — 4. En 66
de notre ère, au commencement de la révolte des Juifs
contre Rome, les Juifs de Césarée furent égorgés par
les autres habitants de la ville, avec la connivence du
procurateur Gessius Florus. Des massacres eurent lieu
aussi à Ascalon. Josèphe, Bell, jud., IL xvm, 5. Les
Juifs révoltés brûlèrent de leur côté Ascalon, détruisirent
Anthédon et Gaza. Bell, jud., IL xvm. 1. Cestius Gallus
prit Joppé et en massacra la population juive, ma
Juifs la reprirent et s'y tinrent jusqu'à ce qu'elle fut
détruite par Yespasien. Bell, jud., IL xvm, 10; xx, i;
III. ix, 2. Ainsi s'était accomplie peu a peu la ruine de
la Philistie. Cf. Zach., x. 5-7. Le nom des Philistins
n'apparaît plus dans le Nouveau Testament.
V. Bibliographie.— Ftisch, De origine, diiê et terra
Palsfstinorum, Tubingue, 1090; Wolf. Apparatus
PhilistsBOrum bellicorum, Wittenberg, 1711; F. Hitzig,
Urgeschichte und Mythologie der Philistâer, Leipzig,
1845; Berlheau, Z\n- Geschichle der Isrealiten, Gœt-
tingue, 1842. p. 186-200, 280-285, 306-308; G. Bour, Der
Prophet Amos, Giessen, 1S47, p. 76-94; Knobel, Die
VôVtertafel der Genesis, Giessen. 1850, p. 215-225; l'r.
\V. Schultz. dans Herzog, Real-EncylUopàdie, 2* édit.,
t. xi, 1883, p. 618-630; Kneucker. dans Schenkel. Bibrl-
Lexicon, t. iv. 1872. p. 541-559; Ritter, Erdkunde, t. xvn,
Berlin. 1852, p. 168-192; Stark, Gaza und die philis-
tàische Ki'iste, Iéna, 1852: Hanneker, Die Philit
Eichstadt, 1872; V. Guérin, Judée, t. n, 1869, p. i
Schwally. l)ie Basse der Philistâer, dans Hilgenfeld,
Zeitschrift \ nschaftliche Théologie, t. xxxiv,
1890, p. 103, 265; W. M. Mûller, Asien und Europa
nach altâgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 386-390.
F. Vigouroux.
PHILOLOGUE grec : *iXô>.oyoî), chrétien de Rome,
salué par saint Paul. Rom., xvi, 15. Ce num était
commun parmi les esclaves et les affranchis de la
maison impériale. Corpus inscript, lot., t. vi. 4116;
Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen,
3e édit., t. n, col. 1026. Origène suppose qu'il pouvait
être le mari de Julie, nommée avec lui. Voir Julib,
t. m. col. 1S66. Le pseudo-Dorothée. De septuaginta
discip., 41, Patr. Gr., t. xm, col. 1063, dit qu'il était
un des soixante-dix disciples et que saint André
évêque de Sinope dans le Pont. Cf. Pseudo-Hippolyte,
De septuaginta Apostolis, 41, t. x. col. 955, qui répète
les mêmes choses. On célèbre sa fête le 4 noven
Voir Acta sanctorum, novembris t. n, 1894. p. 222-224.
PHILOMÉTOR, « aimant sa mère, i surnom donné
par antiphrase à Ptolémée VI, rui d'Egypte, qui ;
tait sa mère. II Mach.. iv. 21: ix. 29; \. 13. Voir Pto-
LÉMÈE VI.
PHILON, écrivain juif, contemporain de
Christ,
I. Sx vie. — On n'a que forl peu de rensi ignemenls
surlaviedePhilon.il. èphe, Ant. jud., XVIII,
rai, 1 ; cf. Eusèbe, //. /-.'.. n, i. t. xx, col. 148, il appar-
tenait à une famille distinguée; son frère Alexandre ou
plutôt le fils de son frère, Evvald, Geschichle des Volk-it
Israrls, 3* édit., Gœttingue, 1868, t. vi, p 259 exerçait
actions d'alabarque, probablement de
fermier général des impôts sur la rive droite du Nil,
fonctions qui furent plusieurs fois confiées à de i
Juifs. Saint Jérôme, l>c vir. Ht., 11. t. xxm, col. 625. dit
que Philon était de famille sacerdotale; mais cette indi-
cation ne trouve sa confirmation chez aucun historien,
pas même chez Eusèbe. et les écrits de Philon ne font
aucune allusion à ce point. Ils sont d'ailleurs très sobres
301
PHILON
302
de détails concernant leur auteur. Celui-ci y mentionne
seulement ses fréquentes retraites dans le désert pour y
jouir de la comteniplation, sans un grand résultat, Leg.
altegor., ti, 21, édit. Mangey, t. i, p. 81; la part qu'il
prenait aux festins des fêtes, Leg. allegor., m, 53, t. i,
p. 118; le soin avec lequel il s'adonnait à la philosophie,
De spécial, leg., il, 1, t. Il, p. 299, et son voyage pour les
fêtes à Jérusalem. Fragm. de Provident., t. n, p. 646.
Le seul événement historique auquel ait été mêléPhilon
est l'ambassade à Caligula, en l'an 40 après J.-C. On sait
que quand Caligula se mit en tête de se faire rendre
partout les honneurs divins, et même d'installer sa sta-
tue dans le Temple de Jérusalem, les Juifs s'ahstinrent
partout de participer à ce culte. Malmenés à celte occa-
sion par leurs concitoyens gréco-égyptiens, les Juifs
d'Alexandrie envoyèrent à Rome une députation à la
tête de laquelle fut placé Philon; une députation con-
traire suivit la première, sous la conduite d'Apion,
ennemi déclaré des Juifs. Philon et ses collègues trou-
vèrent l'empereur à Pouzzoles et ne purent l'aborder.
A Rome, ils furent reçus par Caligula dans la maison
de Mécènes, eurent à y subir toutes sortes d'affronts et
finalement se virent congédier sans avoir rien obtenu.
Peu de temps après, l'assassinat de l'empereur résolut
la difficulté. Philon a fait lui-même le récit de son
ambassade, De légat, ad Caium, t. n, p. 545-000. Cf.
Beurliei. Le culte impérial. Paris, 1S91, p. 264-271. Au
début de cet écrit, Philon dit de lui-même qu'il était
alors un vieillard, fépiov. On en conclut que sa nais-
sance remontait à une vingtaine d'années avant Jésus-
Christ. D'après Eusèhe, //. E., H, 17, t. xx, col. 173,
que saint Jérôme reproduit dans sa notice, t. xxm,
col. 627, Philon se serait rendu une seconde fois à
Rome, sous Claude, et y aurait connu saint Pierre; à
Alexandrie, il aurait été en rapport 'avec les chrétiens
de saint Marc. Ces derniers renseignements sont re-
gardés comme sujets à caution. On ignore la date de la
mort de Philon. A la lecture de ses écrits, on voit que
Philon n'avait rien de l'étroitesse du pharisien, attaché
principalement à la lettre de la Loi. Il était au contraire
homme de mysticisme et de culte intérieur. Cf. De che-
rub., 27. t. i, p. 155, 156; De plantât., 30, t. i, p. 348;
Desomn., i, 42, t. î. p. 657. Il avait un sentiment très
le piété et d'obéissance envers Dieu et il profes-
sait que délaisser son service, c'était renoncer au
bonheur. Cf. Ritter, Philo und die Halacha, Leipzig,
1879.
II. Ses écrits. — Philon a laissé de nombreux écrits,
dont quelques-uns se sont perdus. Eusèhe, H. E., Il,
18, t. xx, col. 183, et saint Jérôme, De vir. ill., 11,
t. xxm, col. 628, donnent le catalogue de ceux qu'ils
connaissaient. On peut les classer comme il suit :
/. QUESTIONS et SOLUTIONS. — Dans le projet de
Philon, elles devaient porter sur tout le Pentateuque.
Eusèhe ne connaît que ce qui concerne la Genèse et
l'Exode. Une version arménienne a conservé la plus
grande partie des questions sur la Genèse et l'Exode;
une ancienne version latine, ignorée des premiers édi-
teurs du texte grec de Philon, reproduit les questions
sur la Genèse; en grec, on ne possède qu'un très grand
nombre de fragments épars dans les Pères, les Chaînes
et les anciens recueils de commentaires.
II. COMMENTAIRES ALLÉGORIQUES .StT) ;..l GENÈSE. —
Ils se composent de différents traités : l" Allégories des
lois, trois livres sur Gen., n. 1-17; u, 18-111 1; III, 8-19,
édit. Mangey, t. i, p. 43-137. — 2. Des chérubins et du
glaive de flamme, sur Gen., m, 24; iv, 1, t. i, p. 138-
IM — 3. Des sacrifices d'Abel et de Gain, sur Gen.,iv,
3-4, t. i, p. 163-190. Saint Ambroise s'est beaucoup servi
de ce traité dans son De Caïn et Abel, t. xiv, col. 315-
360. — V. Que le pire cherche à nuire au mieux, sur
Gen., iv, 8-15, t. i, p. 191-225. — 5. De la postérité de
Gain qui se croit sage et de son changement de de-
meure, sur Gen., tv, 16-25, t. i, p. 226-261. — 6. Des
géants, sur Gen., VI, 1-4, t. i, p. 272-299. — 7. De l'agri-
culture, sur Gen., ix, 20, t. i, p. 300-328, avec un second
livre intitulé : De la plantation de Noé, sur Gen.. ix, 20,
t.i,p. 329-356. — 8. De l'ivresse, sur Gen., ix, 2t. t. i,
p. 357-391. Eusèbe et saint Jérôme indiquent deux
livres; il n'en reste qu'un, probablement le premier. —
9. De la sobriété, sur Gen., ix, 24 27, t. i, p. 392-403,
intitulé dans Eusèbe et saint Jérôme : De ce qu'un esprit
sobre souhaite et maudit. — 10. De la confusion des
langues, sur Gen., XI, 1-9. t. i, p. 404-435. — U.Dela
migration d'Abraham, sur Gen., XII, 1-6, t. I, p. 436-
472. — 12. De l'héritier des choses divines, sur Gen.,
xv, 2-18, t. i, p. 473-518. — 13. De l'union à contracter
pour s'instruire, sur Gen.. XVI, 1-6, t. I, p. 519-545. —
14. Des exilés, sur Gen., xvi, 6-14, t. i, p. 546-577.
Saint Ambroise utilise ce traité dans son De fuga sse-
culi,l. xiv, col. 569-596. — 15. Du changement de noms,
sur Gen., xvn, 1-22, t. i, p. 578-619. — 16. Des songes,
sur Gen., xxvm, 12; xxxi, 11, et xxxvn, 40, 41, t. i,
p. 620-699. Eusèbe et saint Jérôme indiquent cinq livres
sur ce sujet; il y en aurait donc trois de perdus et
ceux qui restent sont probablement le troisième et le
quatrième.
III. EXPOSITION DE LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.'— 1. De
la création du monde, t. i. p. 1-42, comme base natu-
relle de toute la législation. — 2. Sur Abraham, t. Il,
1-40, la vie des patriarches montrant en action la loi
non écrite. — 3. Sur Joseph, t. u, p. 41-79. Philon
avait écrit sur Isaac et Jacob des livres qui sont perdus
et auxquels il fait allusion au début du traité sur Joseph.
— 4. Du décalogue, t. u, p. 180-209. — 5. Des lois spé-
ciales, en quatre livres comprenant plusieurs traités :
I. De la circoncision, t. u, p. 210-212 ; De la monarchie,
en deux livres, traitant de l'unité de Dieu. t. Il, p. 213-
232; Des honoraires des prêtres, t. u, p. 232-237; Des
victimes, t. u, p. 237-250; De ceux qui offrent les vic-
times, t. u, p. 251-264. — II. Sur les troisième, qua-
trième et cinquième préceptes, t. u, p. 270-277, et
spécialement Du septennaire, t. u, p. 277-298. Le traité
Des devoirs envers les parents manque. La plus grande
partie en a été éditée par Mai, De cophini feslo et de
colendis parenlibus, Milan. 1818; tout le texte l'a été
par Tischendorf, Philonea, Leipzig, 1868, p. 1-83. —
III. Sur les sixième et septième préceptes, t. Il, p. 299-
331. — IV. Sur les trois derniers préceptes, t. u,
p. 335-358, et De la justice, t. u, p. 358-374. — 6. Des
trois vertus, De la force, t. u, p. 375-383; De la cha-
rité, t. u, p. 383405; De la pénitence, t. n, p. 405-
407; il faut y joindre le morceau Sur lanoblesse, dont
la source est la vertu, non la naissance, t. u, p. 437-444.
Les vertus se rapportent au décalogue parce qu'elles
aident à en accomplir les préceptes. — 7. Des récom-
penses et des peines, t. u, p. 408-428, et Des exécra-
tions, t. u, p. 429-437, formant un seul traité.
IV. écrits spéciaux. — 1. Vie de Moïse, en trois
livres, t. Il, p. 80-133, 134-144, 145-179. Eusèbe ne cite
pas cet écrit, mais seulement un traité Sur le taber-
nacle, qui n'en est qu'une partie. — 2. Que tout homme
de bien est libre, t. Il, p. 445-470. — 3. Contre Flaccus,
t. u, p. 517-544, et De l'ambassade à Caïus, t. II, p. 545-
600, deux livres qui se rapportent aux persécutions
auxquelles furent en butte les Juifs d'Alexandrie, sur-
tout sous Caligula. — 4. De la Providence, seulement
en arménien et traduit en latin par Aucher, Philonis
Judsei sermones très, Venise, 1822, p. 1-121. — 5. Sur
Alexandre et que les animaux ont une raison à eux,
également en arménien, cf. Aucher, p. 123-172. —
('.. Hypothétiques, apologie des Juifs, qu'on a tout lieu
de croire identique au traité suivant. — 7. Sur les Juifs.
ou apologie des Juifs. On n'en a que des fragments dans
Eusèbe, Prsepar. evang., vm, 6, 7, t. xxi, col. 606-611.
— 8. De la vie contemplative, t. u, p. 171-486. C'est
303
PIULON
304
une description de la Nie des thérapeutes, qui avaient
transporté l'essénisme aux environs d'Alexandrie. Eusèbe
pensait que ces contemplatifs étaient des chrétiens, dis-
ciples de saint Marc. Saint Jérôme le croit aussi, et à
leur suite, beaucoup d'auteurs l'ont admis. Cf. Mont-
faucon, Le livre de Philon de la vie contemplative,
Paris, 1709. On fait valoir contre l'authenticité de l'ou-
vrage que Philon ne fait allusion à cette colonie de
thérapeutes dans aucun autre endroit de ses écrits, que
le persiflage du Banquet de Platon qu'on y rencontre,
De vit. contempl., 7, ne concorde guère avec l'admi-
ration professée par Philon pour le grand philosophe
grec, que l'ascétisme décrit dans cet ouvrage n'est, à
proprement parler, ni juif, ni chrétien, etc. Néanmoins,
ces raisons ne sont pas absolument convaincantes, et
l'authenticité du traité a encore, parmi les modernes,
de nombreux partisans, tels que Delaunay, dans la
Revue archéologique, t. xxii, 1870, p. 268-282; t. x.wi,
1873, p. 12-22; Renan, dans le Journal des savants,
1892, p. 83-9:;. Massebieau, dans la Revue de l'histoire
des religions. I. xvi, 1887, p. 170-198, 28i-319; Conybeare,
Philo aboul the contemplative Life, Oxford, 1895;
Wendland, Die Thérapeute» und die philonische
Schrift, dans le Jahrb. fur class. philol., 1896, p. 695-
772, cle. On remarque surtout l'analogie que présente
ce traité avec les autres écrits de Philon au point de
vue de la langue et des idées, de sorte que la thèse de
l'authenticité paraîl en somme mieux établie que la
thèse contraire.
v. œuvres apocryphes. — Sont considérés comme
inauthentiques les ouvrages suivants, ordinairement
attribués à Philon : 1. De l'incorruptibilité du monde,
t. il, p. 487-516, qui soutient la thèse de l'éternité du
monde. — 2. lin monde, i. n. p. 601-624, compilation
tirée des autres écrits de Philon. — 3. Sur Samson et
sur Jonas, seulemenl en arménien et en latin. — i. In-
terprétation des noms hébreux, œuvre probablement
anonyme attribuée à Philon parOrigène, au témoignage
de saint Jérôme, Lib. de nomin. hebraic, t. xxm,
col. 771, qui juge à propos de la refondre totalement et
de la compléter. — 5. Livre des antiquités bibliques,
qui raconte l'histoire biblique d'Adam à Saûl. Le texte
latin suppose un texte grec, qui lui-même suppose un
original hébreu. Cf. Massebieau, Le classement des
œuvres de Philon, dans la Bibliothèque des liâmes
études, Scienc. relig., t. i, 1889. p. 1-91. — 6. Abrégé
des temps, postérieure Philon. — En outre, sont perdus
vingt e1 un livres mentionnés par Philon lui-même ou
eilés par des auteurs postérieurs. — La meilleure édi-
tion c plète des humus de Philon était celle de Man-
gey, Londres, 17i2, 2 in-f°; elle sera désormais rem-
placée par l'édition critique, en cours de publication,
de Colin el Wendland, Berlin, 1896-1906, t. l-v. La
traduction latine a été faite par Sigismond (lelenius,
Bâle, I55i . une tradui lion française a été publiée par
Bellier, Paris, 1588, el revue par Morel, Paris. 1612.
Cf. Sehûrer, Geschichte des jiïdischen Volkesim Zeit.
./. '.'.. Leipzig, I. III, 1898. p. i,s7-512. qui donne toute
la bibliographie concernant Philon. On voit que l'écri-
vain juil ■ occupe surtout du Pentatenque. On peut dire
que les trois quarts de son o uvre s'y rapportent, 11 ne
i ite d'ailli urs que fort peu les autres Livres sari es. —
Dans la plupart de ses écrits, Philon est assez médiocre
écrivain. Sa composition est lâche, avec des longueurs
et des répétitions; les idées sont souvent confuses, for-
mulé, s sans clarté ou imparfaitement exposées; l'abus
des métaphores contribue à rendre la pensée plus indé-
cise. Philon n'est pas un écrivain châtié; c'esl un pen-
seur assez superficiel qui se contente d'écrire comme
il parle.
IIP Si v doctrines.— /. leur SOURCE. — La forma-
tion intellectuelle de Philon se montre à la fois juive et
grecque; mais c'est surtout le philosophisme ;:rec qui
dirige sa pensée. Il connaît et cite les grands poètes,
Homère, Euripide et les autres. Platon est pour lui le
maître « sacré » par excellence, ispû-a-oç, cf. Quod
oninis probus liber, t. n, p. 447, et saint Jérôme. De
vir. ill., 11, t. xxm, col. 629, transcrit le dicton qui
courait à ce propos parmi les Grecs : c< C'est ou Platon
qui philonise ou Philon qui platonise. » Il appelle
Philon un « Platon juif », Èpisl. LXX, 3. t. xxii,
col. 666. Cf. £pist. xxii, 35, col. 421. Aux yeux de Phi-
lon, Parménicle. Empédocle, Zenon, Cléanthe sont des
hommes divins. Cf. De Provid., Il, 48. Il est également
pythagoricien, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., I, 15.
72: ii, 19, 100, t. vin, col. 7117, 1039; Eusèbe, //. F., n.
4, 3, t. xx, col. 148. Les récentes études sur la philo-
sophie stoïcienne démontrent que Philon a emprunté
à Zenon et à son école la théorie de la nature à la fois
providence, juge, cité universelle, dont Moïse et le
grand-prêtre sont les citoyens par excellence. De sep-
temar., t. n, p. 279; De monarch., t. n. p. 227. Cf. Hans
von Arnim, Quellenstudien :u Philo von Alexandria,
Berlin, 1880, p. 101-140; Massebieau, Le classement,
p. 11-12. « Philon doit à sa foi juive les croyances
religieuses qui orientent sa pensée : la transcendance
divine, la nécessité d'un intermédiaire par qui Dieu
agit et se manifeste; il a reçu de Platon les spécula-
tions brillantes qui la dominent; la théorie des idées,
l'exemplarisme, mais c'est aux stoïciens qu'il emprunte
loute la charpente qui la soutient, c'est-à-dire toute sa
théorie sur le monde, sur sa constitution intrinsèque
sur le rôle qu'y jouent la raison et la loi. » .1. Lebreton
Les théories du Logos au début de l'ère chrétienne,
Paris, 1906, p. 70. Cependant, au-dessus de tous les
philosophes, il place Moïse, auquel tous, d'après lui,
ont emprunté ce qu'ils ont de vrai. Cette idée avait été
formulée, avant Philon. par Aristobule, 170-150 avant
J.-C, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., V, 14, 97, t. ix.
col. 145, voir Aristobule, t. i, col. 964, el même par
Hermippe Callimaque, 246-204 av. J.-C, cf. Origène,
Cont. Cels., i, 15. t. xi, col. 682. Philon la reproduit,
Vit. Mosis, t. Il, p. 163, et Josèphe, Cont. Apion., i. 22
init., la reprend à son tour. Pour Philon, la Loi de
Moïse est l'expression parfaite de la sagesse divine; elle
est la seule source de toute philosophie, c'est à cette
source qu'ont puisé tous les grands penseurs grecs. Pour
justifier ce système, Philon voit surtout dans l'Écriture
des allégories, ce qui lui permet d'y retrouver les doc-
trines les plus variées de la philosophie grecque. En
réalité, il prête à l'Ecriture les idées que sa culture
grecque lui suggère. C'est le triomphe de L'hellénisme,
dont il croit faire une doctrine essentiellement mosaïque.
Juif el Grec à la fois, Philon s'imagine réaliser ainsi
l'unité de deux civilisations et de deux peuples. Pour
lui, comme bientôt après pour saint Paul, I il n'y a pas
de différence en! - le Juif et h Grec. > Rom., x. 12.
Seulement l'Apôtre parle ainsi parée que le même Christ
, si devenu le Soi-neur de tous, tandis que Philon. qui
n. ire totalement renseignement et l'action du Christ,
pourtant son contemporain, n'a réalisé qu'une vaine el
superficielle tentative. Les éléments si divers qu'il
combine ensemble n'arrivent à former qu'une unité
factice. Voici quelles sont ses idées principales:
n. dieu. — Dieu est l'absolu par essence; il est éter-
nel, immuable, simple, libre, se suffisant à lui-même.
Il est le souverain bien, la souveraine beauté', la souve-
raine unité. Il est ôntoioc, sans propriété particulière,
-ans noiÔTTjc, c'est-à-dire sans qualité positive qui le
détermine ou le limite. On peut dire qu'il est, mais
non ce qu'il est. 11 n est cependant pas une abstraction;
il jouit d'une personnalité absolue, qui réunit en elle
toule perfeclion.
/;;. LBS Êtres INTERMÉDIAIRES. — Dieu, étant l'être
absolu et immuable, ne peul entrer en rapport avec le
monde changeant et imparfait. Il y a donc des êtres
305
PHILON
306
intermédiaires qui agissent sur ce monde tons que
Dieu ail à se commettre avec lui. Philon prend ces
êtres intermédiaires là où il les trouve; il emprunte
1rs i idées » à Platon, les « énergies » aux stoïciens,
les g anges » à la théologie juive et les « dénions ou gé-
nies » à la mythologie grecque. Ces forces spirituelles,
identiques malgré la diversité des noms, sont les agents
de Dieu en ce monde; c'est par elles qu'il le gouverne.
Les intermédiaires ainsi supposés sont en nombre illi-
mité; quelquefois Philon les réduit à trois, quatre ou
cinq, ou même à deux, l'énergie créatrice appelée Dieu,
et l'énergie royale appelée Seigneur. Philon leur accorde
la personnalité, mais parfois la leur refuse. Il les place
si avant dans l'essence divine qu'on a peine à les en
distinguer; et cependant, il faut bien qu'ils en soient
distincts, pour éviter à Dieu ce contact avec le monde
que l'écrivain déclare impossible. Cf. Zeller, Die Phi-
losophie cler Griechen, Leipzig, 1881, t. ni, 2, p. 365.
IV. le Loaos. — Pour Philon, le Logos est à la tête
de tous ces êtres. Il est l'agent par excellence de la
puissance divine. Il n'est ni incréé, comme Dieu, ni
créé comme les autres êtres. Il est parole créatrice, et
non-seulement l'organe de Dieu vis-à-vis du monde,
mais encore le médiateur entre le monde et Dieu. On
ne peut savoir cependant si, dans la pensée de Philon,
il se confond avec Dieu ou s'il constitue une personne
distincte de lui. Il est certain que les idées juives ne
permettaient pas d'admettre une seconde personnalité
divine qui eût paru inconciliable avec le dogme de
L'unité absolue de Dieu. Voir Logos, t. iv, col. 325-327,
Le Logos exerce surtout son activité dans le monde
moral; il est l'inspirateur de tout bien, l'initiateur de
toute vie supérieure, le guide du salut, le législateur,
le grand-prêtre, l'intercesseur, l'introducteur dans la
vie éternelle. Philon a certainement connu le livre de
la Sagesse, composé au moins un demi-siècle avant
lui, dans le milieu helléniste et alexandrin où il vécut
lui-même. Cf. Sap., xm, 8, 9, et De profug., 38, t. i.
p. 577. Dans sa description du Logos, il s'en est inspiré
d'autant plus volontiers que l'auteur du livre sacré
s'inspirait lui-même de Platon. Voir Sagesse (Livre oe
lai. o 11 est incontestable qu'il y a entre les doctrines
platoniciennes et philoniennes d'une part, et les en-
droits du livre de la Sagesse de l'autre part, un accord
frappant, affectant non seulement le fond des pensées,
mais encore l'expression. Il n'est pas possible que pa-
reille concordance soit l'effet du hasard. Nous avouons
donc volontiers que, dans sa description de la Sagesse,
l'auteur sacré a fait des emprunts au platonisme et
qu'il a, en suivant Platon, marché dans une voie à peu
près parallèle à celle où entra plus tard l'alexandrin
Philon. » .1. Corluy, La Sagesse dans l'A. T., dans le
Congrès scient, internat, des catliol., 1889, t. i, p. 81.
Aujourd'hui, on admet assez généralement le caractère
stoïcien du Logos de Philon. Cf. Zeller, Die Philoso-
phie der Griechen, p. 385; Schiirer, Geschichte, t. m,
p. .Vu ; Bousset, Die Religion des Judentums in neu-
test. Zeilalter, Berlin, 1903, p. 346. Pour Philon, le
Logos est encore l'âme du monde, idée qu'il emprunte
à Platon. « Ce que l'àme est dans l'homme, le ciel, je
pense, l'est clans le monde... Il y a donc deux natures
indivisibles, la raison qui est en nous, et cette autre
raison divine, b Quis rer. divin, hier., 48, t. i, p. 506.
1 Le Logos très ancien de Celui qui est, est entouré du
monde comme d'un vêtement... Comme il est le lien de
toutes choses, il tient ensemble et resserre toutes les
parties, ne les laissant ni se dissoudre ni se disperser. »
Me profug., 20, t. i. p. 562; cf. De migr. Abrah., 1,
t. i, p. 436. Cf. J. Lebreton, Les théories du Logos au
début de l'ère chrétienne, p. 63-90; Hackspill. Élude
le milieu religieux et intellectuel du Nouveau
Testament, dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383.
v. LE MONDE. — Dans bon nombre de passages, Phi-
lon affirme nettement l'idée de création. Dieu a tout
tiré du néant, Leg. alleg., m, 3, t. I, p. 89; il a appelé
du néant à l'être. De juslit., 9, t. Il, p. 367, etc. Philon
reproche aux philosophes d'avoir ignoré la création.
De opif. mund., 1, 61, t. i, p. 2, 41. D'autres fois, par
une singulière inconséquence, il la nie. De plaidât., 1,
t. i, p. 329; De profug., 2, t. i, p. 547. Ailleurs, De
somn., il, 6, t. i, p. 665, il suppose comme préexis-
tante une matière informe, indéterminée, sans qualité,
à laquelle Dieu donne la forme, la détermination, la
qualité et une âme. Cf. De opif. mund., 5, t. i, p. 5.
En tous cas, Dieu n'agit sur la matière que par son
Logos et les êtres intermédiaires. Ceux-ci continuent
l'œuvre première en veillant à la conservation et au
gouvernement du monde. Les astres sont des êtres
intelligents, composés d'une âme et d'un corps, mais
dont la volonté toujours droite ne pèche jamais. De opif.
mund., 24, t. i, p. 17.
17. l'homme. — Toutes les âmes préexistent à l'union
avec le corps. Elles habitent les régions aériennes. Il
en est qui s'approchent de la terre et finissent par
s'unir à -des corps mortels. Si elles le font pour se
livrer à la philosophie, elles retournent ensuite à la
demeure céleste; mais elles sont perdues si elles se
laissent absorber par le corps. De gigant., 3, t. i,
p. 263, 264. « L'homme est mortel selon le corps, et
immortel selon l'àme. » De opif. mund., 16. t. i, p. 32.
Mais Philon ne sait affirmer l'immortalité que pour les
justes. Il parle des Juifs persécutés, qui « se précipitent
volontiers vers la mort, comme vers l'immortalité. »
Leg. alleg., 16, t. n, p. 562. Il ne dit rien de la sanction
réservée aux méchants, ni rien de la résurrection,
malgré ce qu'il pouvait lire à ce sujet dans les livres
de Daniel, des Machabées et de la Sagesse.
Vil. LA RELIGION. — Elle consiste à connaître et à
honorer le Dieu unique. Le vrai prêtre est aussi un
prophète, illuminé de Dieu. De justit., 8, t. u, p. 367,
368. Le Juif doit exercer le prosélytisme, De victim.,
12, t. ti, p. 260, 261, mais avec douceur, parce que les
idolâtres sont victimes de leur éducation et de leur
ignorance. De monarch., i, 7, t. Il, p. 220. Quant
aux apostats, ils sont dignes de toutes les poursuites
et de tous les châtiments. Aux Juifs qui seraient tentés
d'innover, en matière de religion, il rappelle qu' « il
n'est pas avantageux d'ébranler les coutumes des an-
cêtres. » Adv. Flacc, 6, t. Il, p. 523.
VIH. LA morale. — Le grand principe delà morale
philonienne est le dégagement de la matière, source de
tout mal. Comme les stoïciens, Philon impose l'obli-
gation de combattre et de contenir les passions, les
besoins et les affections sensuelles. Il se distingue
d'eux, cependant, en ce qu'ils estimaient cette lutte à la
portée des forces humaines, tandis que, pour lui, on
ne peut la mener à bien qu'avec le secours de Dieu.
Seul, Dieu peut faire croître la vertu dans l'âme, et
cette vertu consiste à tout faire en vue de Dieu. Il suit
de là que la foi en Dieu est le premier des devoirs,
tandis que l'incrédulité est le pire des crimes. La ré-
compense de la vertu sera la vue même de Dieu dans
l'autre monde. Mais, d°s ici-bas, on peut s'élever
jusqu'à cette vue de Dieu par l'extase. En état d'extase,
l'âme s'élève au-dessus de tous les êtres, même du Lo-
gos, et plonge dans l'essence divine elle-même. On
arrive à l'extase en se dépouillant de soi-même pour
s'abandonner passivement à l'action de Dieu. On est
alors animé, comme les cordes d'un instrument, par le
souffle d'en haut et, de fils du Logos, on devienl fils de
Dieu et presque l'égal du Logos. Philon prétend avoir
atteint plusieurs fois cet état extatique. Cf. Quis rerum
divin, hseres, t. i, p. 482, 508, 511. Le règne messia-
nique, tel qu'il le conçoit, n'est guère que l'extension
de cet état d'extase à toute la nation juive. Les Juifs
pratiqueront alors de si sublimes vertus que les na-
307
PHILON
308
lions, frappées d'admiration, les renverront tous dans
leur pays, où le sol se couvrira de moissons spontanées,
pour que les saints ne soient pas détournés de leur
contemplation. Une nombreuse postérité et une longue
vie leur seront alors accordées. On reconnut ici les
idées millénaristes familières aux coreligionnaires de
Philon. Cf. Dollinger, Paganisme et judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 249-262; Drummond,
Philo fudssus or the Jewish-Alexandrian Philosophtj,
Londres, 1S88; Schûrer, Geschichte, t. m, p. 542-562,
et les auteurs qu'il cite; Ed. Herriot, Philon le Juif,
Paris, 1898; .1. Martin, Philon, Paris, 1907.
On voit comment Philon, qui se pique de philoso-
phie et de littérature, utilise les philosophes grecs avec
un parfait éclectisme. « 11 emprunta, sans choix, à
chaque philosophe, les théories purement physiques...
Mais comme Philon vénérait les philosophes et que son
orthodoxie n'était pas toujours assez avisée, il n'arri-
vait pas à bien discerner chez les philosophes leur
réelle doctrine. Il lisait le Timée, et c'était avec une
admiration et un respect presque aussi absolu que s'il
s'était agi de la Genèse. Donc, dans ses ouvrages, il
mêle au hasard l'enseignement de la Bible avec celui
des philosophes; il garde avec une parfaite quiétude
toute son orthodoxie; et lorsque, à propos de Dieu, de
la création et de la providence, l'enseignement des
philosophes ruinerait celui de la Bible, Philon n'aper-
çoit pas la contradiction; il n'a jamais conscience que
le Timée ne s'accorde pas avec la Genèse; il n'a jamais
songé à se demander si l'accord existe. 11 a passé sa
vie à lire les philosophes, et on peut bien affirmerqu'il
ne les a jamais compris, et que jamais non plus le
souci de choisir dans leurs œuvres les vérités qui s'y
trouvent, et de faire servir toutes ces vérités à l'éclair-
cissement du dogme, n'a guidé son étude. » J. Martin,
Philon, p. 42, 43. « La philosophie de Philon est si
fuyante et si incertaine, que l'on hésite toujours à en
trop presser les maximes. » Lebreton, Les théories du
Logi s, p. 88. A l'égard des doctrines bibliques, il prend
des libertés bien autrement répréhensibles. Ses théo-
ries sur les rires intermédiaires et sur le Logos, sur
l'existence de la matière indépendamment de Dieu, sur
l'impossibilité où est Dieu d'agir directement sur elle,
sur sa nature essentiellement mauvaise, sur l'origine
des âmes el la formation de l'homme, sur l'extase et
l'obtention sur lerre de la vue de Dieu, sont en contra-
diction formelle avec la doctrine des Livres Saints.
« Philon ne voit pas comment la doctrine enseignée dans
la Bible montre, dans des faits concrets, très différents
de vaines allégories, la toute-puissance absolue d'un
Dieu maître et père de l'homme. 11 ne voit pas que l'in-
tervention de Dieu au début de l'histoire présage une
autre intervention encore : il ne voit pas le dogme de
la chute et la promesse du Rédempteur. Le messianisme
esl l'aboutissement du judaïsme; le messianisme ne
tient aucune place dans la pensée de Philon. Si son
âme est restée religieuse, l'idée grecque a dissous en
lui la foi juive. » A. Dufourcq, L'avenir du christia-
nisme, Paris, 1904, p. 87. Il est à croire que la plupart
de écrits de Philon étaient composés quand Jésus-
Christ prêcha son Évangile. On ne peut donc dire si le
silence qu'il garde à son sujet provient d'un parti-pris
ou d'une inattention assez explicable de sa part. On
sait que .losèphc, écrivant un demi-siècle après lui, a
probablement gardé le même silence. Voir t. m,
col. 1516.
IV. Son exégèse. — 1° .Son texte biblique. — Phi-
lon interprète ta Bible exclusivement d'après la traduc-
tion des Septante. Il avail certainement la connaissance
de l'hébreu, comme le montrent ses étymologies des
noms; celles-ci sont souvent fort arbitraires, mais Philon
ne dépasse pas sur ce point ce que se permettaient les
docteurs palestiniens. Pour lui, l'Écriture est inspirée .
les oracles que contient le Pentateuque ont pour au-
teur, les uns Dieu lui-même immédiatement, les autres
le prophète qui est l'instrument de Dieu. Dieu d'ail-
leurs ne parlait pas lui-même; il se contentait de
former dans l'air les syllabes. Philon considère la ver-
sion des Septante comme reproduisant l'hébreu avec
une exactitude rigoureuse, au point qu'on peut regarder
les traducteurs comme de vrais prophètes. C'est lui
qui prétend que les traducteurs, comme s'ils eussent
été inspirés, rendirent tous l'hébreu par des expres-
sions identiques, bien qu'ils travaillassent séparément.
Il ajoute qu'en mémoire de ce fait, on célébrait chaque
année, dans l'île de Pharos, une fête qui attirait à la
fois les Juifs et les Grecs, Cf. Vit. Mosis, n, 5-7, t. II,
p. 139-140. Cependant, il n'indique pas le nombre l
traducteurs, et laisse entendre que ces derniers n'ont
travaillé que sur le Pentateuque. On comprend que,
dans ces conditions, il ne fasse pas de dillérence, au
point de vue de l'inspiration, entre le texte de la ver-
sion grecque et le texte hébreu. Il y a lieu toutefois de
se demander comment il a pu, s'il savait l'hébreu,
affirmer une exactitude de traduction qui n'existe pas.
Sur le texte des Septante dont se sert Philon. cf. Schû-
rer, Geschichte, t. m, p. 489. — 2» Son allégorïsme.
— Philon avait eu des devanciers dans l'emploi de la
méthode allégorique. Plus de quatre siècles avant lui,
les philosophes grecs avaient commencé à réduire leurs
mythes religieux à de simples allégories, afin d'en
pouvoir fournir une explication plus rationnelle et
d'empêcher le peuple de se prévaloir des exemples
scandaleux des dieux. Théogène de Bhegium, Heraclite,
Métrodore de Lampsaque s'appliquèrent à donner aux
légendes de la mythologie grecque des interprétations
physico-allégoriques. Cf. Tatien, Oral., 27, t. vi,
col. 864. Les stoïciens Zenon, Cléanthe, Chrysippe,
adoptèrent les mêmes procédés d'interprétation, cf.
Cicéron, De nat. deor., m, 24, malgré les protestations
de Platon et d'isocrale. Cf. Dollinger, Paganisme et
judaïsme, t. n. p. 18-50, 141, ) 1-2 ; Decharmi <
ti</ue des traditions religieuses chez les Grecs, Paris,
1904, p. 270-355. \ Alexandrie même, la mythologie
égvptienne avail été l'objet de semblables interpréta-
tions de la part des philosophes grecs. On voit, au dé-
but du traité de Plutarque sur Isis el Osiris. comment
chaque école prétendait retrouver dans les légendes
égyptiennes ses principes el sa doctrine. Les Juifs eux-
mêmes y voyaient quelque chose de leurs croyances et
de leur histoire. Cf. De Is. el Us,,:. 31. L'idée d'imiter
ce procédé d'interprétation devait venir naturellement
aux Juifs hellénistes, désireux de faire accepter par le
monde grec les récils merveilleux de la Bible. Sans
nier la valeur historique de ces récits, qu'on ne pou-
vail assimiler aux mythes grecs, ils s'efforcèrent de
les interpréter r.i .ne' des allégories scientifiques ou
morales. Ainsi Aristobule allégorisa, à l'usage de
Ptolémée VI, les anthropomorphismes du Penta-
teuque, el Arisiée faisait ri monter à Moïse lui-
même les principes de l'allégorisme. Cf. Eu
Prtepar. evang., un, 9, t. xxi, col. 636. Voir Aristo-
bule, 1, t. i, col. 964; Alexandrie (École exégétique
u'), t. i, col. 360. Les thérapeutes étaient des allégo-
ristes. « Ils interprètent la loi mosaïque allégorique-
ment, persuadés que les mots de cette loi ne sont que
les signes et les symboles de vérités cachées. De plus,
ils possèdent des écrits d'anciens sages, fondateurs de
leur secte, qui leur ont laissé beaucoup de monuments
de la sagesse allégorique dont ils font leurs modèles...
La loi entière leur apparaît comme un cire organique,
qui aurait pour corps le sens littéral, et pour àme le
sens caché ». Philon, De vit. contempl., 3, t. il, p. W5,
17ti. cf. Karppe, Étude sur les origines et la nature de
Zohar, Paris, 1901. p. 15-17. Les Juifs palestiniens culti-
vait ut eux-mêmes le genre allégorique dans leurs Mi-
309
PHILON
310
draschim. Voir MlDRASCH, 1. iv, col. 1079, 1080. Philon,
avec son estime pour les philosophes grecs et son désir
de faire accepter les écrits bibliques comme les trésors
de la parfaite sagesse, ne pouvait manquer de faire ap-
pel à toutes les ressources de l'allégorisme et de trans-
porter ainsi dans le domaine de l'hellénisme une mé-
thode déjà en faveur auprès des rédacteurs de la Ilagada
palestinienne. Cf. Frankel, Ueber den Eiii/luss der pa-
ischen Exégèse auf die alexandrinische Herme-
neutik, 1851, p. 190-200. Il n'était donc pas le premier
à se servir de l'allégorisme pour expliquer les Livres
Saints: mais il faut reconnaître qu'avant lui personne,
dans le inonde juif, n'avait encore employé celte mé-
thode d'une manière aussi étendue et aussi systéma-
tique. Cf. R. Simon, Hist. crit. du Vieux Testament,
Rotterdam, 1685, p. 92, 97, 98, 371, 373. - Toutefois,
Philon ne néglige pas le sens littéral du texte sacré;
mais il le traite comme secondaire et uniquement des-
tiné à ceux qui ne sont pas capables de s'élever à une
sagesse supérieure. C'est un corps dont le sens allégo-
rique est l'âme, et l'intérêt de l'âme demande qu'on
prenne soin du corps. 11 dit, en s'inspirant des idées
qu'il a prêtées aux thérapeutes : « Quelques-uns, bien
assurés que le texte des lois symbolise des réalités in-
telligibles, s'appliquent avec grand soin à ces réalités
et ne font plus aucun cas de la lettre. Je blâme leur
parti-pris; il fallait, en effet, avoir souci de l'un et de
l'autre, rechercher avec grand zèle ,les choses invisi-
bles, et conserver comme un précieux trésor l'élément
visible... Il faut assimiler la lettre au corps, et le sens
mystique à l'âme. De même donc que l'on doit veiller
sur le corps, parce qu'il est la demeure de l'âme, ainsi
l'on doit tenir compte de la lettre. » De migr. Abrah.,
16, t. i, p. 450-451. « La lettre des Saintes Écritures
ressemble à l'ombre des corps, les sens mystérieux dé-
gagés des Écritures sont la vraie réalité. » De confus.
38, t. î. p. 134. Cf. Col., n, 17; Heb., x, 1. Phi-
lon tient surtout à écarter du texte sacré les concep-
tions anthropomorpbiques. 11 dit à leur sujet : « Pour
ce qui est de la propre interprétation, l'esprit le plus
lent ne manquera pas de concevoir qu'ici, il faut saisir,
en dehors de la lettre, une autre chose. >> De somn..
16, t. i, p. 635, 036. La lettre ainsi reléguée à l'arrière-
plan, Philon allégorise en toute liberté. Il se refuse à
entendre littéralement les six jours de la création, Leg.
alleg., i, 2, t. i, p. 44; le récit de la formation d'Eve,
Leg. alleg., n, 7, t. i, p. 70; le paradis terrestre, De
tnund. opif., 54, t. i, p. 37; la tentation d'Eve, De
l. opif., 56, t. i, p. 38, etc. Abraham reçoit l'ordre
de sortir de son pays, de sa parenté, de la maison de
son père. Gen., xii, 1-3. Dieu indique par là ce qu'il faut
faire pour purifier l'âme : l'éloigner du corps, de la
sensibilité et de la conversation. De migr. Abrah., 1.
t. i, p. 436. Le traité De congressu explique le texte
où il est dit que Sara envoya Abraham à sa servante
pour en avoir des enfants. Gen., xvi, 1-6. Sur ce thème,
Philon explique que, désirant épouser la philosophie, il
commença par entrer successivement en rapport avec
trois servantes de celle-ci, la grammaire, la géométrie
et la musique, et qu'il en apporta les fruits à l'épouse
légiti ne. De congress., 14, t. i, p. 530. Certaines lois
ne peuvent se prendre dans le sens littéral, par
exemple, celle qui exempte les fiancés du service mili-
taire. Deut., xx, 5. Cette loi signifie simplement que
ceux qui n'ont pas fait grand progrès dans la vertu ne
doivent pas s'exposer à la tentation. De agricult., t. i,
p. 322. Ces exemples montrent comment Philon traite
'. récits bibliques. Les personnages ont aussi leur si-
ation allégorique. Adam est l'homme inférieur,
Caïn l'égoïsme, Noé la justice, Sara la vertu féminine,
Rébecca la sagesse, Abraham la vertu acquise par la
science, Isaac la vertu produite par la nature, Jacob la
vertu qui résulte delà pratique et delà méditation, etc.
L'Egypte symbolise le corps, Cbanaan la piété, la
tourterelle la sagesse divine, la colombe la sagesse hu-
maine, etc. En un mot, tout dans la Bible, hommes,
choses, événements, devient sujet d'allégorie et même
n'est mentionné que dans ce but. Sans doute, il y a
des allégories dans la Sainte Écriture. Voir Allégorie,
t. i, col. 368. -Mais encore faut-il qu'il existe un rap-
port naturel et justifiable entre le sens littéral et le
sens allégorique ou mystique. Voir MYSTIQUE (Si n- .
t. IV, col. 1371-1371. Philon ne doutait pas de la valeur
objective de ses interprétations; il s'imaginait que,
dans l'extase, c'était Dieu même qui l'inspirait. « J'ai
appris plus d'une fois une merveilleuse doctrine;
c'était mon âme qui me l'enseignait. Il lui arriva en
effet d'être soulevée par Dieu et de prophétiser cela
même qu'elle ne savait pas. » De c/terub.,9,t. i,p.!43.
Cf. De migr. Abrah., 7, t. i, p. 441. Son système n'en
est pas moins, dans son application, subjectif et arbi-
traire. Il a porté au delà des limites permises l'exagéra-
tion d'un principe vrai. Aussi, bien qu'elle soit presque
complètement exégétique, son œuvre n'apporte-t-elle
qu'une contribution insignifiante à l'intelligence des
Livres Saints. Cf. Cornely, Tntrod. in U. T. libros sa-
cros, Paris, t. i, 1885, p. 598-599.
V. Son influence. — 1° Nouveau Testament. — On a
signalé un certain nombre de resemblances de pensée
ou d'expression entre Matth., m, 10; vu, 18, 19, et De
agricult., 2,3, t. i, p. 301; Matth., vu, 13, 14, et Leg.
alleg., Il, 24, t. i, p. 84; Matth., xxm, 23-2S, et De
cherub., 27, 28, t. I, p. 155, 156; Joa., v, 3, et De vi-
ctim.. S, t. n, p. 257; Rom., i, 25, et De sacrif. Abel,
20, t. I, p. 177; I Cor., xv, 47-49, et Leg. allegor., i, 29,
t. i, p. 02; II Cor., v, 6, et De agricult., 29, t. i, p. 310,
etc. Dans l'Épitre aux Colossiens, les rapprochements
possibles seraient au nombre de plus de vingt-cinq.
Ces analogies prouvent seulement que la terminologie
et les idées de l'école d'Alexandrie étaient assez répan-
dues au temps des Apôtres pour que ceux-ci pussent
y faire des allusions plus ou moins formelles. Dans
i'Épitre aux Hébreux, les ressemblances sont d'un
autre ordre. Elles portent sur les points suivants :
1. Caractère et mission du grand-prêtre, Heb., v, 1, 2,
et De monarch., u, 12, t. u, p. 230; De prœm., 9, t. il,
p. il7. — 2. Le vrai grand-prêtre est le Logos, Heb., v,
5-10; vu. 25, elDeprofug., 20, t.l, p. 562; De leg. spec,
m, 24, t. il, p. 322; De somn., i, 37, t. i, p. 653; Vit.
Mos., m, 14. — 3. Le Temple et la liturgie, Heb., îx, x,
et De somn., i, 37, t. i, p. 653; Vit. Mos., m, 1-18;
Légat, ad Caj., 39, t. n, 591. — 4. Difficulté du pardon,
Heb., vi, 4-6, et De prœm., I, t. Il, p. 409. — 5. Le
serinent de Dieu, Heb., VI, 13, et Leg. alleg., ni, 72,
t. i, p. 127; De sacrif. Abel, 28, t. i, p. 181. — 6. Le
pontife Melchisédech, Heb., vu, 1, et Leg. alleg., m,
25, t. i, p. 102, 103, etc. D'autres ressemblances sont
purement verbales, Heb., iv, 12, et Quis rer. divin.
hseres, 48, 1. 1, p. 506; Heb., m, 5, et Leg. alleg., m, 81, 1. 1,
p. 132; Heb., v, 8, et De agricult., 23, t. i, p. 315, etc.
Rien n'autorise à supposer un document antérieur
auquel les deux auteurs auraient puisé chacun de leur
coté. Plusieurs savants en concluent que le rédacteur
de ï'Épître aux Hébreux connaissait plusieurs traités
de Philon. Quoi qu'il en soit, il ne dépend de lui en au-
cune manière pour le fond même des idées. Pour éviter
toute confusion entre sa doctrine et celle de Philon, il
s'abstient même d'employer le nom de Logos et fait du
Christ le Fils même de" Dieu. Voir Hébmxx (Epitre
aux), t. m. col. 543, 544. Cf. Petau, De incarn. Verbi,
XII, xi, 1, 2; Siegfried, Philo von Alexandria als Aus-
leger des Allen Testaments, Iéna, 1875, p. 321-330. Il
faut de plus observer que la plupart des ressemblances
entre les écrits de Philon et des Épitres de saint Paul
s'expliquent par le livre de la Sagesse et parce que ces
idées étaient devenues courantes dans les milieux juifs.
311
PHILON — PHILOSOPHIE
312
2 Exégètes postérieurs.— Le système allégorie,
Philon inspira ceux qui après lui étudièrent ou ensei-
gnèrent dans l'école d'Alexandrie. 11 est presque exact
de dire qti il avaitabsorbé, comme un immense réser-
voir, tous les petits ruisseaux de l'exégèse biblique à
Alexandrie, pour déverser ensuite ses eaux dans les ri-
vières et les canaux à mille bras de l'interprétation
juive et chrétienne des Saintes Ecritures. ■ Siegfried,
Philo von Alexandria, p. 27. Il eut à Alexandrie même
d'illustres imitateurs, Clément d'Alexandrie, qui admet-
tait la création instantanée et tendait à introduire
l'allégorie dans l'explication du paradis terrestre,
Strom., v, 11; vi, 16, t. ES, col. 109, 370, 376; voir
Ci.t.Mi.M d'Alexandrie, t. n, col. 803; Origène qui,
comme Philon, distinguait dans l'Ecriture un corps et
une âme, Periarchon, iv, 11, t. xi, col. 365; In Levit.,
boniil. v, 5, t. xn, col. 456. excluait l'anthropomorphisme
et appliquait avec grande hardiesse le système de l'in-
terprétation allégorique; voir Origène, t. iv. col. 1874-
1878; saint Athanase, Oral, il cont. Arian., 49, 60,
t. xxvi, col. 249,276, el saint Cyrille, Glaphyr. in Gen.,
1, t. i.xix. col. 13. 16, qui. en beaucoup de points,
suivent la tradition alexandrine. Voir Athanase i Saint),
t. i, col. 1209; Cyrille d'Alexandrie (Saint), t. n,
col. 1185. A la même tradition se rattache, au vif siècle,
Anastase le Sinaïlique, In Hexaemer., 7, t. LXXXIX,
col. 961,968, qui blâme cependant l'abus du sens allé-
gorique chez Origène, et dit que Philon, Papias. [re-
née, .lustin, Pantène, Clément et les deux Grégoire de
Cappadoce entendaient dans un sens mystique les six
jours et le paradis terrestre. Voir Alexandrie i ÉCOLE
EXÉGÉTiMi e D'), t. i, col. 358. La réaction contre l'allégo-
gisrae se produisit à Antioche de Syrie. Voir Antiocue
(École i:\D.i.Tinn: n'i, t. i, col. 683. Cf. Yigouroux. La
cosmogonie mosaïque, Paris, 1882, p. 20-57. — L'idée
de Philon sur la dépendance des philosophes grecs par
rapport à Moïse est adoptée par saint Justin, Apoh, i,
59; Dial. mm Tryph., 7. t. VI, col. 116, 491, par Tatien,
Oral .. 3(i-il, i v. col. 880-888, Clément d'Alexandrie,
Strom., i, 21, t. wh, col. 819; v, 3, t. ix, col. 31, Théc-
doret, Grœc. Affect., n. t. î.xxx, col. 840, et presque
tous les Pères des cinq premiers siècles. Cependant
Origène, Cont.Cels., i, 16; vu. 27, t. xi. col. 687, 1459;
et saint Augustin, De civ. Dei, xvm, 27. t. xi.i. col. 583.
sont moins affirmatifs. — Eusèbe et saint Jérôme con-
sidèrent Philon comme un écrivain important et lui
consacrent une notice, lieux autres Pères lui emprun-
tent fréquemment ses pensées, Clément d'Alexandrie,
cf. la préface de Potter, Oxford, 1715, reproduite dans
Migne, t. vin, el saint Ambroise, dans ceux de ses
livres où il Iraite les mêmes sujets que Philon, In
Hexaemer., De paradis., De Cain elAbel, De Nœ el
De Abrali., De fug. sœc, De Jacob. Cf. Siegfried,
Philo von Alexandria, p. 371-391. — En appliquant à
leurs explications des textes sacrés l'allégorisme philo-
nien, 1rs Pères alexandrins, même Origène, n'avaient
pas dépassé certaines limites, imposées parla nécessité
de sauvegarder le sens littéral de la Sainte Écriture.
L'opposition que rencontra de bonne heure l'en
irique empêcha d'ailleurs leur méthode de faire loi
dans l'Église. 11 n'en fut pas de même pour l'exégèse
juive, Obligée de se dérobei à l'explication littérale
à on bon Dombn de passages bibliques, elle recourut
de plus en plus à l'allégorisme pour se tirer d'embarras.
A l'allégorie des choses, elle ajouta celle des mots, des
chiffres, des lettres elles-mêmes, pour aboutira la kab-
bale. Philon, sans doute, n'y fut pour rien; le Talmud
ibsolument. Néanmoins i il existe entre
la kabbale el le nouveau platonisme d'Alexandrie de
telles ressemblances, qu'il esl impossible de les expli-
quer autrement que par une origine commune, i
A. 1 ranck, L>< la phiîot
des Juifs, Paris, 1889, p. 213. Partis des mêmes prin-
cipes, obéissant aux mêmes besoins, Philon et les kab-
balistes aboutirent aux mêmes résultats, et rien ne
ressemble mieux à l'œuvre du premier que le Zoliar.
qui renchérit encore sur l'allégorisme de l'écrivain
d'Alexandrie. Cf. Sepher ha-Zoliar. édit. Lafuma-Giraud,
Paris, 1906.
VI. Bibliographie. — Fabricius, Dissertatio de l'Ia-
tonisnio Philoms, in-4°, Leipzig. 1693; Stahl, dans
VAltgemeine Bibliothek der Biblischen Lileratur
d'Eichhorn, t. îv. fasc. v. p. 770-890; Plank, Coi;-.
tatio de principiis et causis interpretationis Pliilo-
nianx allégories?, 1807; Grossmann, Qusesliones i>lii-
lunianœ, part. I, De theologiec Philonis fontibus et
auctoritate, 1829; Gfrôrer, J'hilo und die
nische Theosophie, 2 in-8», Stuttgart, I831-1S35; Dâhne,
Geschichtliche Darslellung der jùdisch-al
schen Religionsphilosophie, 2 in-8'. 1834; Creuzer,
Kritik der Schriften des Judeu Pliilo, dans les
Theologische Studien und Kritiken, 1832; Kirchbaum,
Der jûdische Alexi mus, Leipzig, 1841; Bûcher,
Philonische Studien. 1848; M. Wolf, Die Philonische
Philosophie, Leipzig. 1849; 2' édit.. Gothenbourg, 1858;
J. liiet, Essai historique et critique sur l'école juive
d'Alexandrie, in-8", .Paris, 1851; F. Delaunay, l'hilon
d'Alexandrie, in-8», Paris, 1867; C. Siegfried. Philo
von Alexandria als Ausleger des Allen Testaments,
in-8°, Iéna, 1875; Ed. Ryle. Philo ami Iii'ly Scrip-
ture, in-16. Londres, 1895; Ed. Ilerriot. Philon le Juif,
in-8, Paris. 1898; .1. Martin. l'hilon, Paris, 1907.
H. Lesètre.
PHILOSOPHIE (grec: piXoaoçfa; Vulgate: jddloso-
jdiiu). ensemble d'idées fondamentales et rationnelles
sur Dieu, l'homme, le inonde et leurs relations.
1. PHILOSOPHIE HÉBRAÏQUE — l" Les Hébreux avaient
reçu de leurs ancêtres chaldéens un certain nombre de
notions théoriques et pratiques sur les êtres qui font
l'objet des connaissances fondamentales de l'esprit hu-
main. Ces notions, conservées et approfondies par le
bon sens des générations successives, avaient cependant
subi l'influence des croyances religieuses, issues elles-
mêmes des traditions primitives, mais défigurées et
matérialisées par le long travail de l'erreur et des pas-
sions. Les révélations faites à Abraham el aux patri-
arches et surtout la législation donnée par Dieu à
Moïse remirent toutes choses au point pour les lb lieux.
Dès lors furent fixés pour eux les grands principes
méconnus ou à peine soupçonnés par les peu
privés des lumières de la révélation : existence, unité,
spiritualité, puissance créatrice et providence de Dieu,
contingence et infériorité du monde et de tous les
êtres qui le composent, double nature corporelle et
spirituelle de l'homme, sa liberté et sa responsabilité.
C est donc de la révélation que procédait la philosophie
hébraïque, c'esl lur elle qu'elle s'appuyait, c'est par
elle qu'elle corrigeai! ses écarts, quand les tendances
naturelles des Israélites les poussaient au polythéisme ou
au matérialisme. A cet égard, il était juste de dire :
i La crainte de Jéhoi dit la i ligion est
le commence I de la sagesse. Prov., i. 7. Celui-là
était sage et savant, il s'élevail mê à un niveau très
supérieur à celui des philosophes de l'antiquité, parce
qu'il connaissait Dieu, l'homme et le inonde par les
inspirations de sa foi. Pour les sa.es hébreux, i la divi-
nité n esl pas le résultat d'une suite de syllogismes; il
n'existe dans leurs livres aucune trace de ces spécula-
tions métaphysiques que nous trouvons chei les Hindous
et chez les Grecs il n'j a chez eux ni théologie savante,
ni philosophie dans le sens que nous attachons à ce
mot, et. pour faire connaître Dieu, ils s'adressent m
cœur de l'homme, è son sentiment moral, à son
gination. L'Hébreu croyait au Dieu créateur qui s'était
révélé a -es pères et dont l'existence esl au-dessus du
raisonnement des hommes. La morale des Hébreux est
313
PHILOSOPHIE
314
celle de la conviction, du sentiment intime d'un Dieu
juste el bon; les maximes de leurs sages et de leurs
prophètes ont jailli d'une source divine, elles se sont
manifestées tout à coup par un sublime élan et ne sont
pas les résultats d'une froide réllexion et d'un orgueil-
leux stoïcisme. « Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 418.
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de philoso-
phie hébraïque; les Hébreux reçoivent de la révélation
leurs idées toutes faites; tout au plus en tirent-ils les
conséquences immédiates; l'observation leur est fami-
lière, comme à tous les Orientaux, mais la spéculation
leur demeure à peu près étrangère. Leur sagesse a un
caractère positif et traditionnel; ils reçoivent la vérité
de leurs prophètes et de leurs sages; ils l'admettent ou
la repoussent pratiquement, suivant les dispositions du
moment; ils ne songent guère à justifier par le raison-
nement déductif leurs conclusions vraies ou fausses.
— 2° Dien que renseignés aulhentiquement par la révé-
lation sur les thèses capitales de la vraie philosophie,
les Hébreux ne laissent pas de garder, sur les points
secondaires, les théories qui sont celles de leur temps
et de leur milieu, ou qui même leur sont particulières.
La révélation respecte chez eux ces manières impar-
faites de penser, pour autant qu'elles ne sont pas en
contradiction avec les données essentielles de leur foi.
Ainsi la nature spirituelle et transcendante de Dieu est
affirmée avec la plus parfaite netteté. Néanmoins, les
Hi breux tiennent à concevoir Dieu d'une certaine
manière: de là les anthropomorphismes si fréquents
dans la liible, surtout dans les anciens livres. Voir AN-
THROPOMORPHISMES, t. i, col. 662. Dieu a interdit toute
représentation de la divinité et personne ne l'a vu,
même parmi les plus privilégiés. Exod.,m, 6; xxiv. 10,
11; xxxili, 18-23; Joa., i, 18. Néanmoins les Israélites
s'imaginent qu'un veau d'or peut être une image de
Jéhovah, Exod., \.\xn, 1, 4; III Reg.. xn, 28, et les
prophètes sont obligés de leur rappeler que Dieu ne se
nourrit pas de la chair de leurs sacrifices. Ps. i. (xlix),
12. 13, Ces tendances grossières ne se corrigent com-
plètement qu'après le retour de la captivité, et les con-
quérants romains conduits par Pompée sont singu-
lièrement étonnés, avec leurs idées polythéistes, de
constater dans le temple de Jérusalem, nulla intus
deâm effigie, vacuam sedem et inania areana, « aucune
image de divinités à l'intérieur, un sanctuaire vide et de
vains mystères. •> Tacite, Hist., v, 9. Voir Eloiiim, t. il,
col. 1701; Jéhovah, t. m, col. 1235. Cf. de Broglie,
L'idée de Dieu dans l'Ancien Testament, Paris, 1892,
p 15-194. — 3° Les notions nécessaires sur la nature,
la destinée et les devoirs de l'homme sont également
fournies aux Hébreux par la révélation. Voir Adam,
t. i, col. 171; Ame, col. 453; Morale, t. iv, col. 1260.
liais comme celle-ci n'a pas à intervenir dans la
manière dont on conçoit le fonctionnement de l'être
intelligent, la psychologie des Hébreux est purement
humaine et spécialement sémitique. Ils comprennent
les opérations de l'âme et ses rapports avec le corps
comme on pouvait le faire de leur temps et dans leur
milieu, prêtant au souffle, au sang, au cœur, aux reins,
aux entrailles, aux os, une action dans la vie de
l'âme, dans ses pensées, ses volontés et ses sentiments.
Cf. l'r. Delitzsch, System der biblischen Psychologie,
Leipzig, 1861, p. 119-285. Les termes qu'ils emploient
rellètent ces conceptions. La substance spirituelle et
pensante prend chez eux le nom de ruâh, « souffle »,
KvEÛiut, spiritus. Le corps est appelé bdsàr, « chair ».
■yii-, caro, le mot •ràiu.x, corpus, étant plus habituel-
. ment réservé pour désigner le cadavre, Mat th., xiv,
12; xix, 5; xxvii. 58; Marc, x, 8; xv, 43; Luc. xvn,
.\iii. 52, .V,; Joa., xix, 31, 38, 10; Act., ix, 40, etc.
Le néfei hébreu, ■l-^yr,, anima, est le nom du com-
posé humain et par conséquent de la vie. Matth., Il,
20; vi, 25; x. 39: Marc, m, l; x, 45; Luc, vi. 9; xn,
20, 23; Joa., x, 11; xn, 25; Act., xx, 21; Rom., xvi,
4, etc. Il remplace même le pronom personnel pour
désigner la personne elle-même. Matth., vi, 25: xxvi,
38; Luc, i, 46, 47; Act., n, 43, etc. La sensibilité y a
parfois son siège. Matth., xi, 29; XXVI, 38; Marc, xiv,
31; Luc, n, 35; xn, 19, 20; Apoc, xvm, II, etc. Les
termes abstraits pour désigner la sensibilité et les sens
n'existent pas. Des verbes servent à indiquer les opé-
rations de ces derniers, sans qu'on se soucie toujours
d'établir un rapport logique entre l'idée et l'expression.
Ainsi on « voit s la chaleur, Is., xliv, 16, le bruit,
Marc,v, 38, la vie, Joa., m, 36, la corruption, Luc, il,
26; Joa., VIII, 51; Act., Il, 27, au lieu de les « sentir »;
on « goûte » la mort, Matth., xxvi, 28 ; Joa., vm, 52, etc.,
au lieu de la « souffrir ». Rien ne marque explicitement
la distinction entre la sensation et le sentiment. Les
nuances manquent pour l'expression des sentiments
intermédiaires; pour dire « aimer moins », on est
obligé d'avoir recours au verbe « haïr ». Luc, xiv, 26-,
Les passions ne sont pas distinguées des désirs. I. in-
telligence est habituellement nommée lêb, « cœur »,
xapSfot, cor. Voir Cœur, t. Il, col. 823. La raison, la
conscience n'ont pas de nom spécial; la loi esl écrite
dans le cœur, Rom., Il, 15, et non dans la conscience.
L'imagination n'est pas mentionnée; l'intention ne se
distingue pas du cœur où elle se forme. Le nom abs-
trait de la vertu se rencontre à peine. Cf. Vigouroux,
Le Nouveau Testament et les découv. archçol. mod.,
Paris, 1S96, p. 61-76. Cette psychologie était donc assez
rudimentaire et ne comportait pas une analyse très
profonde des facultés de l'âme et de leur exercice. —
Pareillement, les Hébreux ne se font qu'une idée
imparfaite de la nature de l'âme, de sa distinction
d'avec le corps et des conditions de sa vie séparée. De
là peut-être leur embarras pour concevoir clairement sa
survivance après la mort, quand le corps lui-même
n'étail plus là pour la servir et tombait en dissolution.
Voir Schéol. Ainsi s'explique en partie leur lenteur à
dégager complètement la notion de son immortalité,
comme aussi à trouver la solution du problème de
l'épreuve des bons et de la prospérité des méchants sur
la terre. Voir Mal, t. tv, col. 601-604. Les révélations
et les bienfaits divins dont ils ont été l'objet, les pré-
cautions qui ont été prises pour les isoler des autres
peuples, les persécutions et la haine dont ils finissent
par devenir les victimes, enfin les prophéties qu'ils
entendent dans un sens temporel et exclusivement
favorable à leur nation, deviennent pour les Israélites
le prétexte à une appréciation très exagérée de leur su-
périorité par rapport aux autres hommes. Ils oublient
que, s'ils ont été les premiers bénéficiaires de la révéla-
tion, c'est afin de la conserver et de la transmettre au
reste de l'humanité, et non de la monopoliser comme
un bien qui leur est dû. Il y a là une méconnaissance
de l'égalité originelle des hommes et de l'indépendance
de Dieu dans la répartition de ses dons, que saint Paul
est obligé de redresser. Rom., n, 1-m, 20. — 4° La révé-
lation ne faisait connaître aux Hébreux que deux idées
fondamentales au sujet du monde : la création de toutes
choses par Dieu et l'action de sa providence sur tous
les êtres créés. A elles seules, ces deux idées font
de la cosmogonie mosaïque une œuvre philosophique
qui n'a été dépassée par aucun système. Voir Cosmo-
gonie mosaïque, t. il, col. 1034. Quant aux explications
de détail, les Hébreux sont restés tributaires de la
science de leur époque, science des apparences au-
dessus de laquelle ils n'ont eu ni le désir ni le moyen
de s'élever. Seulement leurs idées religieuses, se com-
binant avec leur connaissance fort restreinte des lois
de la nature, les ont portés à supposer très fréquem-
ment une action directe de Dieu là où nous ne voyons
que le jeu normal des forces créées et réglées par lui.
II. La philosophie des auteurs sacrés. — 1° Moïse
315
PHILOSOPHIE
316
et les prophètes sont des philosophes en ce sens que
leurs écrits enseignent la vraie sagesse, beaucoup moins
par le cote théorique que par le cùté pratique. Ils règlent
les rapports de l'homme avec Dieu et avec ses sem-
blables : vis-à-vis de Dieu, respect, obéissance, amour,
culte conforme à la loi, mais sincère et exempt de for-
malisme; vis-à-vis du prochain, justice sous toutes ses
formes et bienveillance. Il n'y a pas de meilleure phi-
losophie que celle qui conduit à de pareilles conclu-
sions et aide à en faire des règles pratiques et obéies.
— 2° D'autres écrivains sacrés ont traité plus directe-
ment et plus exclusivement les questions philosophiques,
telles que les concevaient lès Hébreux. Ce sont d'abord
certains Psalmistes, qui se sont occupés des questions
de morale. Ps. (Vulgate) 1, xx.wi, lxxii, cxi. cxxxviii.
cxi.iv, etc. Le livre de Job est le type d'une large dis-
cussion philosophique. Le problème posé est celui de
la relation de cause à effet qu'il faut supposer entre le
mal moral et le mal physique. Plusieurs interlocuteurs
défendent des solutions diverses en faisant appel tantôt
au raisonnement, tantùt et beaucoup plus fréquemment,
à l'expérience. La discussion n'est pas menée avec une
logique serrée, comparable à celle des dialogues de
Platon. Elle se poursuit cependant majestueuse, vivante,
incisive, avec une allure tout orientale, pour aboutir à
une double solution : une solution de principe, la sou-
mission à la toute-puissante et insondable volonté de
Dieu, et une solution de fait, le retour du juste à la
prospérité après son épreuve momentanée. Voir Job
(Livre de), t. m, col. 1570-1576. L'Ecclésiaste est une
sorte de traité de la béatitude, consistant sur la terre à
servir Dieu tout en jouissant avec modération des biens
qu'il accorde à l'homme. Le raisonnement y tient peu
de place; l'auteur procède surtout par aphorismes qui
s'inspirent du bon sens et par des appels à sa propre
expérience et à celle des autres. Voir Eccli;:si,\ste (Le
LIVRE de l'), t. il, col. 1534. Le livre des Proverbes est
par excellence le livre de la sagesse hébraïque. Il con-
tienl I ■ loge de la sagesse, dont il cherche l'origine en
Dieu même, et traite des devoirs de la vie morale, de
la vie domestique et de la vie civile. C'est un De offtciis,
mais composé suivant la méthode orientale. On n'y voit
ni déductions logiques, ni développements suivis, mais
seulement de brèves sentences, des observation-, di s
conseils, des tableaux de mœurs, le tout tendant à
rendre la vie vertueuse et en même temps aussi suppor-
table que possible, pour soi et pour les autres. Les
plus hautes leçons de morale s'y mêlent aux préceptes
les plus élémentaires de la prudence et de la civilité. Le
même genre de philosophie pratique se retrouve dans
le livre de l'Ecclésiastique. Seulement le groupement
logique des pensées y est beaucoup plus sensible. D'après
le fils de Sirach, la vraie sagesse vient toujours de Dieu
et se manifeste surtout par l'accomplissement des devoirs
envers lui. Mais elle préside également à tous les actes
et à toutes les relations des hommes, afin de rendre la
vie bonne et heureuse ici-bas. Voir Ecclésiasi L]
m\i:i DEL'), t. il. col. 1551-1553. La morale de ces livres
est inférieure à celle de l'Évangile; mais, en général.
elle s'élève fort au dessus de la morale des sa.-' - du
paganisme. — L'un des traités de la Mischna, Pirke
Abolit, o sentence des pères, » contient, en cinq cha-
pitres, une collection analogue de conseils pratiques,
parmi lesquels plusieurs insistent sur la nécessité d'étu-
dier la lui. Ce recueil est d'une date postérieure à 1ère
chrétienne 70-170), mais se réfère parfois à des autori-
tés plus anciennes. Sa philosophie ne dépasse pas celle
îles livres précédents, si tani esl qu'elle l'égale.
III. Influence de la philosophii grecque. — 1° Elle
se fait sentir dans un drs livres dé l'Ancien Testament,
la Sagesse, œuvre dont l'auteur appartenait à la com-
munauté judéo-hellénique d'Alexandrie. Il est naturel
que ce livre inspiré reflète les manières de penser des
Juifs hellénistes, tout en restant conforme à la doctrine
révélée. On sait que les Juifs de la Palestine voyaient
de fort mauvais œil cette sorte de décentralisation de la
pensée hébraïque et celte intrusion de la culture grecque,
justement suspecte à bien des égards. Josèphe, A>il.
j " '.. XX, xi, 2. se fait l'interprète de cette antipathie :
« On n'estime pas chez nous, dit-il, ceux qui apprennent
à parler la langue de beaucoup de nations et qui
recherchent dans leurs discours l'élégance et les orne-
ments du langage, parce qu'on regarde cette recherche
comme à la portée des esclaves aussi bien que des
hommes libres. On ne tient pour sages que ceux qui
ont acquis la science des lois et savent interpréter a\ec
compétence la valeur des choses et des paroles dans les
saintes Lettres. » Le livre de la Sagesse, par sa manière
de présenter les idées hébraïques et de les exprimer,
-oit évidemment du cadre traditionnel et se rapproche
de l'hellénisme. La sagesse n'y apparaît plus seulement
sous la forme poétique usitée dans les livres précé-
dents; elle y prend une allure plus philosophique. Elle
est un i< souflle de Dieu », une « émanation de sa
gloire », un « éclat de la lumière éternelle », vu, 25,
26; elle « cohabite avec Dieu »,elle « initie à la science
de Dieu », elle n choisit parmi ses œuvres ■> celles qu'il
doit réaliser, vin, 3, 4; elle est « assise près du trône
de Dieu , ix. i. et s'identifie avec le Logos tout-puis-
sant qui a son trône royal dans le ciel, xvill, 15. C'est
déjà un acheminement vers le Logos de saint Jean.
Voir Logos, t. iv, col. 323. L'auteur sacré ne s'écarte
pourtant point des données antérieures sur la sa.
il veut surtout montrer en elle un attribut divin à la
communication duquel sont appelés les hommes de
bien. Cette sagesse se meut et pénètre l'univers, vil,
•21; vin, 1. comme ce que les stoïciens appelaient l'àiue
du inonde. Elle est la source de la tempérance, de la
prudence, de la justice et de la force, vm, 7. Ce sont
là les quatre vertus cardinales de Platon. L'auteur
s'inspire aussi de la psychologie platonicienne dans sa
conception île l'âme, vm, 20. dont le corps n'est que
la i tente terrestre > . ix, 15. Il ne procède plus par
courtes sentences, comme les écrivains palestiniens ;
sa pensée se déroule en assez longs développements,
dans lesquels h- raisonnement prédomine. L'idée elle-
même perd sa forme concrète et imagée d'autrefois
' pour prendre un tour abstrait et philosophique. Là où
l'auteur dit : « Qui lient des discours impies ne saurait
rester caché... Facilement on la trouve lia sagesse)
quand on la cherche, i Sap., i. S; VI, 13. ses prédéces-
seurs avaient écrit : <■ L'oreille qui entend et l'œil qui
voit, c'est le Seigneur qui a fait l'un et l'autre... La
crie dans les rues, elle élève sa voix sur les
places. » Prov., xx, 12; i. 20. l'n sorile en règle esl
même employé pour prouver que le désir de la sagesse
conduit à la royauté éterni Ile. Sap., VI, 17-20. Les ili\
derniers chapitres sont une philosophie de l'histoire
des Égyptiens, au moment de l'exode des Hébreux,
tendant à montrer l'infériorité de l'idolâtrie par rap-
port au culte du vrai Dieu. D'ailleurs les grandes
erreurs des philosophes grecs sont présentes à l'esprit
de l'écrivain sacré'. Par sa théodicée si claire et si
ferme, il prémunit à la fois contre le panthéisme des
stoïciens, l'abstraction rationaliste îles péripatéticiens
et le nihilisme des sceptiques. — 2" Platon a exercé
une large influence sur les idées du juif l'hilon:
cette influence est demeurée étrangi re aux écrivains
sacrés, puisque le Logos de saint Jean n'emprunte
rien à celui du disciple de Platon. Voir LOGOS, t. iv.
col. 323. — 3" Par contre, quelques écrivains juifs ont
iiu que les philosophes grecs, Pythagore, Socrate,
Platon, avaient puisé dans les livres de Moïse. Cette
idée a été mise en avant par axistobule, vers 170-150
avant Jésus-Christ. Pbilon l'a également soutenue. Cf.
Schûrer, Geschichte ''es jûdischen Volkes nu Zeit.
317
PHILOSOPHIE
PHILOXENE
318
J. C, Leipzig, t. m, 1S9S, p. 386, 547. Josèphe, Cont.
Apion., Il, 10, prétend que les philosophes grecs ont
eu Moïse pour maître et pour guide dans tout ce qu'ils
ont dit de juste sur Dieu. Les livres de .Moïse n'ont pu
exercer d'influence directe sur les penseurs grecs
avant leur traduction par les Septante, sous Ptolémée
Philadelphe, 284-246 avant Jésus-Christ. Il se peut que
dans leurs voyages, surtout en Egypte, Pythagore et
Platon aient eu quelque connaissance des enseigne-
ments mosaïques. Mais on ne saurait dire en quelle
mesure et rien n'est prouvé à cet égard. Dans les re-
proches qu'il adresse aux philosophes du paganisme,
saint Paul ne fait aucune allusion à une transmission
il' ta doctrine mosaïque sur Dieu. Il suppose au con-
tai ire que ces philosophes ont parfaitement pu connaître
Dieu par ses oeuvres, et que la raison suffisait à les
instruire de son existence et de sa nature. Rom., I,
18-20. Si l'enseignement de la révélation était arrivé
jusqu'à eux, ils auraient été beaucoup plus coupables.
IV. La philosophie nu Nouveau Testament.— 4° Les
écrivains du Nouveau Testament se rattachent à leurs
ancêtres hébraïques quand ils touchent aux questions
qui peuvent se rapporter à la philosophie. Les ensei-
gnements évangéliques. avec leur impeccable rectitude,
apportent la solution définitive aux principaux pro-
blèmes qui tourmentent la raison humaine, dans la
mesure où cette solution intéresse la vie chrétienne.
Pour le reste. Notre-Seigneur ne dit rien dont puissent
profiter soit la philosophie spéculative, soit les sciences
profanes, abandonnées à la libre activité des hommes.
Ce sont surtout des idées de bon sens que le Sauveur
met en relief : « La vie est plus que la nourriture et
le corps plus que le vêtement. » Mat th., vi, 25. « Le
sabbat est fait pour l'homme, non l'homme pour le
sabbat. » Marc, il, 27. « Celui à qui on remet moins,
aime moins. » Luc, vil, 47. « Ce qui souille l'homme
n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en
sort. » Matth., xv, 11, etc. D'autres fois, ce sont des
traits de vive lumière projetés sur les questions de
tbéodicée ou de morale : « Mon Père est sans cesse en
action. » ,Ioa., v, 17. « Dieu est esprit et ceux qui
l'adorent doivent le faire en esprit et en vérité. »
.loa., iv, 24. o Qui fait le mal hait la lumière, qui pra-
tique la vérité vient à la lumière. » .loa., m, 20, 21, etc.
La seule doctrine philosophique que Notre-Seigneur
ait rencontrée sur son chemin est celle des sadducéens,
qui niaient la résurrection des corps et l'immortalité
de l'âme, Matth., xxii, 23; Marc.xn, 18; Luc, xx, 27;
Act., iv, 1, 2, et aussi l'existence des anges. Act., xxm,
8. Il y avait là une sorte de matérialisme, qui allait
ni' jusqu'à révoquer en doute l'action de Dieu sur ses
créatures. Le Sauveur les réfuta en leur rappelant que,
d'après l'Écriture, Dieu est le Dieu des patriarches et le
Dieu des vivants, c'est-à-dire celui pour qui tous sont
vivants, Luc, xx, 38, d'où il suit que les patriarches son
encore vivants par leuràme. — 2° A Athènes, saint Paul
eut à conférer avec des philosophes épicuriens et stoï-
ciens. Act., xvii, 18. Voir EPICURIENS, t. n. col. 1894;
Stoïciens. A l'Aréopage, l'Apôtre traite la question des
attributs de Dieu et de ses rapports avec l'homme dans
les termes les plus philosophiques. Mais l'affirmation
de li insurrection des morts lui aliène son auditoire.
Act., xvn, 23-32. Dans ses tpitres, il fait allusion à cette
sagesse qu'estiment tant les Grecs, I Cor., I, 22-25; il est
obligé de recommander aux Colossiens, n, 8, de se tenir
in r inle contre une certaine philosophie qui est con-
traire aux enseignements de l'Évangile. Col., Il, 16-23.
ut il rencontra dans ses missions des docteurs
dont les rêveries empruntaient une certaine forme
philosophique pour s'opposer avec plus de succès aux
doctrines évangéliques. Act., xx. 30; I Tim., IV, 1-7;
vi, 20; II Tim., n, 16-18; m, 13, etc. S'inspirant sur-
tout de fables judaïques, ceux-ci préconisaient un culte
particulier des anges, avec des généalogies intermi-
nables, des mythes, des questions subtiles et ridicules,
le tout pour aboutir à des pratiques immorales et
condamnables, à une science de mauvais aloi, I Tim.,
vi, 20, que les systèmes gnostiques devaient plus tard
développer et répandre. Saint Paul combat ces doctrines
avec énergie, sans cependant leur opposer d'arguments
précis : il n'y a pas d'argumentation philosophique
contre le vague et l'insaisissable. Cf. Duchesne,
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, t. i, p. 66-75.
L'Apôtre a sa dialectique particulière pour établir les
thèses dont il a besoin. Cette dialectique n'est pas
toujours conforme aux règles de la logique classique ■
mais elle constitue une argumentation ad hominem
contre laquelle ses adversaires demeuraient impuissants.
Ainsi, d'après saint Paul, Abraham fut justifié par sa
foi avant d'être circoncis; donc la justification ne peut
venir de la circoncision. Rom., iv, 9-22. Abraham eut
deux fils, l'un de la servante, l'autre de la femme libre.
Or la servante venait du Sinaï, et c'est au Sinaï que les
Israélites ont reçu la loi. Donc cette loi était une loi de
servitude et en conséquence les Juifs ne sont pas les
fils de la femme libre. Gai., iv, 22-28. L'Épitre aux
Hébreux présente des arguments de même nature.
Melchisédech a béni Abraham, donc il lui est supé-
rieur, donc le sacerdoce de Melchisédech est supérieur
lui-même au sacerdoce des descendants d'Abraham,
par conséquent au sacerdoce aaronique. Heb.. vu, 1-10.
En réalité, saint Paul s'en tient aux procédés de rai-
sonnement qu'il a appris des docteurs juifs. Quand il
s'adresse à des chrétiens venus du paganisme, il fait
même profession de répudier la sagesse humaine, avec
sa dialectique subtile et son beau langage, afin délaisser
à la puissance de la croix de Jésus- Christ toute la gloire
de la prédication évangélique. 1 Cor., n, 1-5. Comme
la philosophie humaine n'a pas su arriver à la con-
naissance de Dieu, l'Apôtre veut faire accepter par les
Grecs la croix du Sauveur, mais sans se servir « des
paroles qu'enseigne la sagesse humaine ». I Cor., i, 21 ;
n, 13. C'est là l'esprit même de l'Évangile. La doctrine
du Sauveur domine de haut toutes les philosophies, elle
éclaire beaucoup de leurs obscurités et rectifie beaucoup
de leurs erreurs. Mais elle ne les met pas directement
à contribution, parce que les systèmes philosophiques
ne durent pas toujours et n'atteignent qu'un petit nom-
bre d'esprits, tandis que l'Évangile est destiné à tous
les hommes et à tous les temps, et ne fait appel qu'au
bon sens pour gagner la raison et à la grâce pour pro-
duire la foi. — Voir Philon, col. 300; II. L. Mansel,
l'hilosophy, dans Kitto, Cyclopxdia of Biblical Lite-
rature, 3« édit., t. m, 1866, p. 517-531; B. F. Westcott,
dans Smith, Dictionary of Ihe Bible, t. H, 1863, p. 849-
858; l'rz. Delitzsch, System der biblischen Psycholo-
gie, 2e édit., Leipzig, 1861; Buch, Weisheitlehre der
Hebràer, Strasbourg, 1851; M. Nicolas, Les doctrines
religieuses des Juifs, Paris, 1860. H. Lesétre.
PHILOXENE, évèque de Mabboug, un des écri-
vains syriens jacobites les plus féconds. Il naquit à
Tahal dans le Beit-Garmaï, contrée sise entre le Tigre
et les montagnes du Kurdistan au sud du petit Zab. Il
étudia à Édesse sous Ibas (435 à 457), et fut chassé
d'Antioche par le patriarche Calendion (482 à 485)
parce qu'il corrompait la doctrine de l'Église. Il se
consacra dès lors à la défense de la doctrine condam-
née au concile de Chalcédoine, fut nommé évêque de
Mabboug (Hiéropolis), par Pierre le Foulon, en 485, et
changea alors son nom, qui était Aksénaya, contre ce-
lui de Philoxéne. Il alla plusieurs fois à Constantinople
et décida enfin l'empereur Anastase à réunir à Sidon
un concile qui déposa Flavien d'Antioche et le rem-
plaça par Sévère. Mais Justin Ier suivit une politique
religieuse opposée à celle d'Anastase, il rétablit, le
319
PHILOXÈXE
PHINON
320
2't mars519, la communion avec Rome, exila les évo-
ques jaeobites et déporta Philoxène à Philippopolis en
Thrace, puis à Gangres en Paphlagonie où il mourut
vers 523.
Parmi ses nombreux ouvrages, dont une petite partie
seulement est publiée, nous citerons son commentaire
sur les Évangiles conservé en partie dans deux manus-
crits du British Muséum, à Londres. L'un de ces ma-
nuscrits est daté de l'an 511 et renferme des fragments
du commentaire sur saint Matthieu et saint Luc. Quelques
années plus tôt, en 505 ou 508. Philoxène avait chargé
le chorévêque Polycarpe de faire sur le grec une ver-
sion littérale de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Cette version, nommée « Philoxénienne », jouit d'un
certain crédit durant le VIe siècle, mais ne tarda pas à
être supplantée par d'autres et il n'en reste que des
fragments dans quelques manuscrits. Cf. Wright, Sy-
riac Lileralure, London, 1894, p. 13-14; Rubens Duval,
La littérature syriaque, Paris, 3« édit., 1907, p. 50, 64.
F. Nau.
PHINÉE, PHINÉES (hébreu : Pineljds, « bouche
d'airain éclatante; » Septante : <lnvl-ç), nom de trois
Israélites. D'après certains commentateurs, le nom est
d'origine égyptienne et peut signifier en cette langue
« le nègre ». Voir E. Nestlé, Die israelitischen Eigen-
namen, in-8°, Haarlem, 1870, 112. Cf. Zeitsclirift i)er
deutschen morgenl. Geseltscltaft, t. xxv, p. 139.
1. PHINÉES, Bis d'Éléazar et petit-fils d'Aaron. Sa
mère était une fille de Phutiel, que le Targuni du
pseudo-Jonathan, Exod., VI, 25, identifie avec Jéthro
le Madianite, mais qui est en réalité un inconnu dont
on ne sait que le nom. Phinées fut le troisième grand-
prêtre d'Israël. Encore jeune, il se rendit célèbre par
suii zèle à châtier les Juifs infidèles qui participèrent
à Settim au culte licencieux de Béelphégor et commi-
rent le mal avec les filles de Moab. Moïse, au nom de
Dieu, commanda à son peuple de mettre à mort les cou-
pables. Il s'agissait de préserver la religion judaïque
dans sa pureté et de combattre Haal qui devait pendant
plusieurs siècles lutter contre Jéhovah. Phinées se dis-
tingua entre tous les vrais Israélites. Il pénétra dans la
tente de Co/.bi, fille d'un prince madianite appelé Sur,
où Zambri, fils de Salu, chef delà tribu de Siméon, au
grand scandale des Israélites, était entré publiquement,
et il frappa à mort les deux complices de sa lance dans
le ventre. En récompense de cette action d'éclat, Dieu
lui promit pour lui et sa race le souverain sacerdoce.
Niiiu., xxv. Son zèle futfécond : il fut glorifié d'âge en
âge, Ps. cv (evi), 30-31 ; Eccli., xlv, 23-25, et, lorsque
Matathias, le père des Machabées, commença la guerre
sainte contre le persécuteur Antiochus Épiphane, ce
fut l'exemple de Phinées, qui enflamma son ardeur.
I Mach., h, 26, 54.
Afin d'imprimer l'horreur la plus vive dans le cœur
des Israélites pour le culte abominable de Beelphégor,
Dieu voulut que Moïse châtiât les Madianites qui avaient
fait prévariquer tant de coupables. Douze mille hommes
furent envoyés contre eux et Phinées fut chargé de les
accompagner en emportant avec lui les instruments
sacrés dont la nature n'est pas précisée et les trom-
pettes (/«■ï.jôsc/'ii/ Imt-terû àh. Xuin., xxxi, 6; cf. x, 8-9;
II Par., xiii, 12. La défaite des Madianites fut com-
plète el Balaam, qui avait donné le conseil perfide de
séduire les Israélites, en les initiant au culte de Beel-
phégor, fut au nombre îles tués.
Phinées l'ut, sans dente pendant la vie d'Eléazar, son
père, chef des Corites chargés de la garde des portes
du Tabernacle el de l'entrée du camp d'Israël. I Par.,
îx, 10-20. Quand les tribus transjordaniennes construi-
sirent un autel sur les bords du Jourdain, Phinées
reçut à Silo, de la part des tribus cisjordaniennes, la
mission d'aller à la tète de .dix princes, leur faire des
remontrances; ils lui répondirent de manière à le satis-
faire ainsi que tout Israël. Jos., xxn, 13-14, 30-33.
Phinées succéda comme grand-prêtre à son père
Éléazar. Il remplissait ses fonctions lorsque les onze
tribus déclarèrent la guerre à celle de Benjamin pour
venger le crime commis à Gabaon contre la femme du
Lévite delà montagne d'Éphraïm. Jud., xx, 28. D'après
le texte hébreu, l'arche d'alliance semble avoir été à ce
moment à Béthel, f. 26-27, et non à Silo, comme avant
et après cette époque. Dans le partage de la Terre Pro-
mise, Phinées avait reçu pour héritage dans la mon-
tagne d'Éphraïm, la ville de Gabaa, ou, comme l'appelle
la Vulgate, Gabaalh, qui fut surnommé » de Phinées »,
pour la distinguer des autres localités du même nom.
Voir Gabaath de Phinées, t. m, col. 14. C'est là qu'avait
été enseveli le grand-prêtre Éléazar, Jos.. xxiv, 32, et
c'est là, d'après une addition des Septante, que fut aussi
enseveli Phinées. « Phinées, dit le texte grec, remplit
les fonctions de grand-prêtre jusqu'à sa mort, à la place
d'Éléazar, son père, et il fut enterré dans la ville de
Gabaath. » Le lieu traditionnel de son tombeau (tig. 73)
est très fréquenté par les pèlerins juifs et samaritains.
73. — Tombeau traditionnel de Phinées.
D'après Conder, Tcntwork m Palestine, t. i. p. 77.
Le souverain pontificat se conserva dans la descen-
dance de Phinées, comme Dieu le lui avait promis, en
récompense de son zèle, contre les Israélites idolâtres,
Nom., xxv. 13, sauf une interruption, dont la cause
est inconnue. Im temps du grand-prêtre llïli, il était
pas-..- dans la branche d'Ithamar, quatrième fils d'Aaron,
I Reg.,II,23, mais il rentra dans la famille d'Éléazar, en
la personne de Sadoc, à l'époque de Salomon, III Beg.,
il, 35, et il se perpétua clans la même ligne jusqu'à
Nolir-Seigneur. Voir Ghand-PRÈTRE, I. III, Col. 304. Le
grand-prêtre des Samaritains se vante de descendre des
Phinées par Ménélas, lils de Johanan et frère do Jeddoa,
II Esd., xn, 22, ou Jadclus. Voir la Lettre des Samari-
tains à Scaliger, dans .1. G. Eichhorn, Reperlorium
fur biblische Literalur, t. xn, p. 262.
2. PHINÉES, second lils du grand-prêtre llïli. I Be
I, 3; il. 31. Il commit les mêmes, fautes que son frère
Ophni et périt avec lui dans la défaite que les Philis-
tins infligèrent aux Israélites. I Reg., IV, i, II, 17. Voir
Ophni I, t. iv, col. 1833. Sa femme, a la nouvelle de sa
mort, mourut elle-même en donnant prématurément
naissance à un lils qu'elle appela Ichabod. Elle avait un
fils aiué appelé Achitob, lequel eut a son tour deux Ris,
Achias cl Achimélech, qui l'urenl grands-prêtres à Silo
et à Nobé sous le renne de Sanl. I Reg., IV. 10; XIV. 3;
XXII, 9.
3. phinées, lévite, père d'Éléazar. Cet Éléazar fut
un de ceux qui furent chargés par Esd ras de vérifier la
poids des vases sacrés rapportés de Babylc I Esd.,
vin, ;;:;.
PHINON (hébreu : Pinùit ; Septante : d'îtvwv), un
des \tlliîf d'Édom, ainsi appelé du nom de la ville oii il
321
PHINON — PHITIIOM
322
résidait. Gen., xxxvi. 41 ; I Par., i, 52. Eusèbe et saint
Jérôme, Qnoniastic, édit. Larsow et Parlhey, 1862,
p. 360-363, mentionnent une ville de Phinon entre Pétra
et Zoar: ils disent que c'est là, N'um., xxxm, 42 (Vul-
gate : Planton I. que fut établi un des campements d'Israël
pendant l'exode et qu'il y avait en cet endroit des mines
(de cuivre) exploitées par les Romains. Voir Phunon.
PHISON (hébreu : Pisùn; Septante : $t<;ûv), un des
quatre tleuves du Paradis terrestre. Il entourait le pays
d'Hévilath. Gen.. n. 11-12. Sur son identification, voir
Paradis terrestre, t. iv, col. 212. L'auteur de l'Ecclésias-
tique, xxiv, 35. compare la loi de Moïse qui fait débor-
der la sagesse avec le Pbison qui fait déborder ses eaux.
PHITHOM (hébreu : Pitôm ; Septante : nsiSw,
riid'ùa), ville d'Egypte.
I. Conjectures sur le site de 1766 \ 1883. — Sous
le pharaon oppresseur, les Hébreux, surveillés par
d'impitoyables maitres des travaux, bâtirent deux villes
fortes contenant des magasins, l'bitbom et Ramessès.
Exod., i. 10-11. Longtemps on s'est demandé dans
quelle partie du Delta oriental se trouvaient ces deux
villes. On se le demande encore pour Ramessès, bien
que le cercle ou il faut la cbercher se soit singulière-
ment resserré. Quand les premiers cbrétiensse préoc-
cupèrent de la géographie de l'Exode, la plupart des
stations bibliques d'Egypte étaient disparues ou se
cachaient sous des noms nouveaux. On les localisa au
hasard. Des modernes seulement datent les recherches
précises. Pour Pbitbom. d'Ânville avait déjà remarqué,
Mémoires sur VKgypte ancienne et moderne, 1766.
p. 122-124, qu'elle devait être identique à l'Héroopolis
de l'Itinéraire d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, el
qu'il fallait la placer, non vers le fond du golfe de
Suez, mais sur le canal de Néchao, devenu plus tard
le Ira/anus amnis, à l'endroit même de la n&Tupoc
d'Hérodote, n, 158, à l'aboutissement de la route de
Palestine en Egypte. C'est en ell'et dans la terre de
u. Gen., xlvi, 28, et à ce point même de la terre de
n dans la terre de Ramessès que Joseph rencontra
Jacob venant de Chanaan et de Bersabée. Josèphe,
A, il. j)id., II, vu, 15. D'autre part, les Septante, qui
i aient connaître la géographie du Delta, ont rendu
par Wy'n.y, IIoXiv le Pbitbom du texte hébreu; et la
version copte, faite d'après le texte grec, a substitué
Pbitbom, ne&ioAi, à Héroopolis. Sur ces témoignages il
n élail donc pas téméraire de tirer l'équation Pbitbom
= Patumos = Héroopolis. Mais quelle était au juste
la situation de Pbitbom-Héroopolis? Par son Mé-
sur le canal des deux mers, dans la Description
Je l'Egypte, t. si, 2- édit., 182-2, p. 291-298, poussant
plus loin les observations de d'Anville, Le Père situait
Héroopolis à Abou-Keycheyd où l'on voyait un vaste
amas de décombres. Dubois-Aymé, Sur les anciennes
limites de la mer Ronge, loc. cit., p. 377-379, corro-
borait la même opinion, suivi en cela par Quatremère,
Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte,
t. n. p. 166 sq., et Champollion. L'Egypte sous les
i n, p. 89. Or, Abou-Keycheyd n'est pas
autre chose que l'ancien nom de Tell-el-Maskbouta, « le
montici le de la statue ». Ce dernier nom, qui nous est
innu, était du à un monolithe en granit rouge re-
'i sentant un roi assis entre deux dieux et dominant les
ruines. Précisons la place. Au sortir de Zagazig,
quand on prend la direction d'Ismaïliab, le chemin de
fer ne tarde pas d'atteindre Tell el-Kébir. On est alors
in nue Ii Toumilat jusqu'à Ismailiah, sur une
longueur de cinquante kilomètres. L'Ouadi relie à
- le désert arabique le Delta aux lacs Amers. Le
ii de fer et le canal d'eau douce qui va alimenter
Suez, y ont pris la place de deux canaux plus anciens
dont les traces sont encore reconnaissables, l'un qu'on
D1CT. DE LA BIBLE.
appelle « le canal de l'Ouadi », l'autre, « le canal des
pharaons », qui depuis Néchao et Darius joignit le Nil
à la mer Rouge. Le canal de l'Ouadi était probablement
un canal plus moderne destiné à l'arrosage de la région.
Déjà Ramsès II dut conduire l'eau jusqu'à Phithom
et dans toute la région de Socoth, qui n'auraient pu
subsister sans eau, et c'est peut-être ce qui lui a valu
la réputation d'avoir tenté de faire communiquer le Nil
avec la mer Rouge, suivant la tradition mentionnée
par Strabon, i, 2, 31. C'est du canal des pharaons
qu'Hérodote a dit : « Son eau procède un petit au-des-
sus de la ville Iïubastis, et passant par Patume. ville
d'Arabie, va rencontrer la mer Rouge. » II, 158,
trad. Saliat, édit. Talbot, p. 189. Si l'on est dans
l'Ouadi Toumilat, on est aussi en terre de Gessen,
voir Gessen, t. m, col. 218-220, et dans la partie la
plus orientale de la terre de Ramessès, qui parait avoir
compris non seulement la terre de Gessen, mais encore
toute la partie du Delta située à l'est de la branche
tanitique. Ed. Naville, tios/ien and Shrine of Safl el-
Henneh, 1887, p. 1S (Mémoire iv de VEgijpt Explora-
tion Fund). Sur cette partie ainsi délimitée de la terre
de Gessen dans la terre de Ramessès, Tell el-Maskhouta
occupe le point central, à égale distance de Tell el-
Kébir et d'Ismaïliab.. L'égyptologie, à qui était réservi
le dernier mot sur son identification, s'égara d'abord et
même se dispersa. — Mû par la lecture du nom de
Ramsès sur le monolithe qui avait donné son nom à la
butte, Lepsius proposa d'y voir la ville de Ramessès,
Chronologie der Aegypler, 1849, p. 318, tandis qu'il
plaçait Phithom quatre ou cinq kilomètres plus à l'est,
à Magfar. loc. cit., p. 345. Pendant les derniers tra-
vaux nécessités par le percement de l'Isthme, en 1876,
les ingénieurs français entamèrent les ruines de Tell el-
Maskhouta. Entre autres monuments, un monolithe
semblable à celui qui était visible, deux sphinx, un
naos et une grande stèle parurent au jour. Ils ornent
aujourd'hui le jardin public d'Ismaïliah. Maspero les
étudia, Sur deux non veaux monuments de Ramsès II.
dans Revue archéologique, nouvelle série, t. sxxiv,
1877, p. 320-332. Les inscriptions ne contenaient au-
cune indication géographique, mais on y lisait les car-
touches de Ramsès II et les hommages de ce roi au
dieu Tum. Maspero ne conclut pas autrement que
Lepsius et l'on parut s'en contenter. La station du
chemin de fer qui s'arrêtait alors en cet endroit porta
même le nom de Ramessès. — Brugsch avait d'abord
admis l'identité de Phithom et d'Iiéroopolis, mais en
1874 il fit sienne une théorie de Schleiden. Celui-ci,
dès 1858, dans son livre Die Landenge von Sues :ur
Beurtheilung des Canalsprojects uni! des Auszugs der
Israeliten ans Aegypten, p. 120 sq., fut le promoteur
d'un Exode à travers les fondrières du lacSirhonet par
les bords de la Méditerranée, iîrugsch reprit l'idée de
Schleiden et, pour le besoin de sa cause, plaça Ramessès
à Tanis et Pbitbom près du lac Menzaleh, à mi-chemin
entre Tanis et Péluse. La sortie des Hébreux d'Egypte
el les monuments égyptiens, Alexandrie, 1874. Après
les fouilles de Naville, il renonça loyalement à l'idée
de Schleiden. Naville, Slore-City of Pitliom and Route
o\ Exodus, 4«édit. 1903, p. 9, n. 8. — Chabas, lui aussi,
en 1864, avait d'abord supposé qu'un jour on retrouve-
rait la biblique Pbitbom en égyptien sous la forme
EjJ ^d=d %k | f,, « la demeure du dieu Tum », et que
Tell el-Maskhouta pouvait bien en recouvrir les ruines.
Mélanges égyptologiques, i' série, p. 162. Mais en 1*7:;,
Recherches pour servi,- o /'/usinier de la XIX dynas-
tie et spécialement à celle du temps de l' Exode, p. 109,
oubliant sa conjecture, il inclina à chercher Phithom
aux environs de l'ancienne Thmuis. — La question de
Phithom depuis d'Anville et les savants de l'expédition
française s'était donc compliquée au lieu de s'éclaircir
323
PHITHOM
3'24
II. M. Naville a Tell el-Maskhouta, 1883. — l'Egypt
Exploration Fund venait de s'organiser. Elle confia à
M. Ed. Naville le soin d'explorer les ruines de Tell el-Mas-
khouta. Celui-ci commença par étudier les monuments
transportés à Ismaïliah. Il se convainquit que le dieu
d'Héliopolis sous sa double forme de Tum, le soleil
couchant, et d'Horemkhou (Harmachis), le soleil levant.
avait été le dieu de la cité à identifier, et il en augura
que ce n'était pas Ramessès mais Phithom, la ville ou
la demeure de Tum, qu'il découvrirait à Tell el-Mas-
khouta. Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les
touilles au point où avaient eu lieu celles de 1876,
M. N'avilie trouva d'abord qu'il était à l'angle sud-ouest
d'une énorme enceinte rectangulaire, encore visible
par places, faite de briques crues et enfermant toute la
butte, soit une surface de quatre hectares environ.
Immédiatement devant lui il reconnut un temple. Les
monolithes et les sphinx enlevés par ses devanciers en
marquaient l'entrée, Le naos trouvé plus loin corres-
pondait au sanctuaire. Ce temple une fois délimité,
Naville poussa ses recherches vers l'angle nord-est de
la grande enceinte. Il rencontra sous le sable de sin-
gulières constructions rectangulaires, nombreuses, aux
dimensions inégales, sans communication entre elles,
solidement Inities en murs de briques, d'au moins deux
mètres d'épaisseur. C'était évidemment une série de
grenier enfermés avec le temple dans la grande en-
ceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces
greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser,
une porte était réservée à mi-hauteur ou vers le bas.
Le signe hiéroglyphique *iA. shenut, « grenier 8, re-
présente deux de ces chambres isolées l'une de l'autre
,i n.piisanl sur une large assise de terre battue. Au
cours de ces découvertes, déjà si précieuses, quelques
monuments et des inscriptions sortirent des décom-
bres : une vieille cité livrait quelques feuillets de son
histoire, et non les moins intéressants.
III. Le FONDATEUR de LA VILLE. — Le nom de
Ramsès II se lisait déjà, avons-nous dit, sur tous les
monuments transportés à Ismaïliah. Naville le ren-
contra encore sur un faucon de granit noir, emblème
d'Ilorus. et sur un fragment retrouvé du naos. Il n'est
sorti des fouilles aucun monument antérieur à ce
prince, ni aucun de .Ménephtah. A supposer même que
Tum ail reçu là un culte plus ancien, il n'en demeure
pas moins certain que Itamsès II est l'unique construc-
teur de l.i grande enceinte et des édilices qu'elle con-
tenait. Il doit être regardé comme le véritable fonda-
teur de la ville. D'où il suit que si cette ville est Phi-
thom, Itamsès 11 est à n'en pas douter le pharaon de
l'oppression, et ce furent bien les Hébreux, au milieu
des plus cruelles vexations, qui la bâtirent avec son
temple, ses greniers et son enceinte, en même temps
qu'ils bâtissaient Ramessès. Ce qu'ils eurent à souffrir,
L'Exode, v. 7-19, nous l'apprend el nous pouvons en
juger par l'énorme quantité de briques amoncelées à
l'hillioiii. pendant qu'à Ramessès et ailleurs se pour-
suivait la même besogne, dans les mêmes conditions.
Voir BRIQ1 E, t. 1. COl. 1931-1934. Naville a observé que
les murs des greniers étaient remarquablement bien
bâtis, avec du mortier entre les couches de briques
crues. Celles-ci ont quarante-quatre centimètres de
lang, sur vingt-quatre de large, et douze d'épaisseur.
i,,iii j indiquait une œuvre de la bonne époque, laite
pour durer. Store-City of Pithom, p. II. Villiers
Sluart qui vint le visiter pendant les fouilles a écrit
(citation de M. Naville) : e .l'examinai avec le plus grand
soin les murs des chambres, et je remarquai que cer-
taines parties étaient faites de briques sans aucun mé-
lange de paille |ou de roseaux], .le ne me souviens
pas d'avoir VU en Egypte des briques de celle sorte.
huis un climat sec comme celui d'Egypte, il n'est pas
nécessaire de cuire les briques : on les fabrique née
le limon du Nil et on les fait sécher au soleil. Pour
leur donner de la cohésion, on y mélange de la paille. »
Egypt after the War, p. 81. Ceci parait nous indiquer
deux choses : à un moment la paille fut supprimée
aux Hébreux sans que leur tâche en fut diminuée,
comme le rapporte l'Exode, v, 11; et, bien qu'ils se
répandissent dans toute l'Egypte pour y ramasser des
roseaux au lieu de paille, V, 12, il leur arriva parfois
de ne pouvoir en réunir en quantité suffisante pour
toutes les briques à fournir. S'il en était besoin, le
récit de Moïse trouverait là une confirmation. Ramessès
et Phithom étaient des forteresses autant que des ma-
gasins, comme cela convenait à un pays frontière,
toujours menacé parles nomades que les riches plaines
de l'Egypte sollicitaient aux razzias; comme cela con-
venait surtout au débouché des routes vers la Syrie, à
l'entrée du désert où se réunissaient les armées et les
caravanes, où des soldats devaient se tenir toujours
prêts à marcher pour sauvegarder la Palestine, la
seule contrée qui restât aux Égyptiens des anciennes
conquêtes de Thoulmès III. Les Septante ont donc pu
rendre l'hébreu misknùt, « magasins ». par r.r/t.v.; 6//j-
j;:, villes fortifiées, cf. II Par., vm, i: xvn. 12; ail-
leurs encore simplement par itoz.si: où le contexte
indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit
le même hébraïsme par urbes munitissimas, II Par.,
vm, 1; urbes murât as, xvi. i ; xvn,12, et ici par urbes
tabemaculorum, villes où l'on dresse pavillon, cam-
pement. Toutes ces expressions sont également vraies.
IV. Les noms DE la ville. —Tell el-Maskhouta repn -
senterait vraiment le site de Phithom. suivant M. N'avilie.
Cela résulte des monuments trouvés par lui. Les plus
intéressants sont : — 1° L'n fragment de grès rouge ap-
partenant au naos d'Ismaïliah : il porte le litre divin de
■ maître de la région de rhuku « ou « Thukut ». Store-
City of Pithom, pi. m B. — 2° Une statue en granit rouge,
figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, o lieutenant
d'Osorkon II, le bon commémorateur de la demeure
ile^um. ^p J, maître de An (Héliopolis). » Frontis-
pice et pi. IV. — 3° Un fragment de statue du prophète
Parnès-lsis, « chef des greniers, scribe du temple de
Tum: i il supplie la dame de An. llathor. que la statue
qui porte son nom soit à jamais fixée dans « la de-
meure de Tum, le grand dieu vivant de la ville de
Thukut
, . PI. vu a. — 4° L'ne statue en granit
_©'
noir. un homme assis, Aak, « chef des prophètes de
Tum, premier prophète de la ville de Thukut. » Il
s'adresse aux prêtres : « Vous tous, prêtres, qui entre/
dans celle demeure sacrée de 'Tum, le grand dieu de
la ville de Thukut. dites : Le roi donne l'offrande, etc. ■>
PI. v. — 5' l'ne grande stèle de Ptolémée Philadelphe,
pièce capitale. Elle fut trouvée non loin de l'endroit
ou était le naos. Philadelphe j est représenté trois
fois en adoration, dont deux fois devant Tum, c le
grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vm. Dans le
corps de l'inscription, » il aime Tum, le grand dieu
vivant de In région de Thukut, » pi. ix. lig. I, x. lig. 28,
de la •■,!!.■ de Thukut. « PI. ix lig. 2. i En l'an VI.
quand on lui eut appris qu'était achevée la restauration
du sanctuaire de s. m père Tum, le grand dieu d
ville de Thukut, Sa Majesté vint à Thukut. le trône de
son père Tum. • PI. ix. lig. 7, etc. — Les cinq monu-
ments énumérés sont ou dédiés à l'um ou appartiennent
à un prêtre attaché au culte de ce dieu. Le nom géo-
graphique de Thukut se présente sur quatre d'entre eux.
Sous Ramsès 1 1 il porte le signe d'une terre frontière ;
plus tard il est donné connue le nom de la capitale
d'une région du même nom. Ce nom est généralen enl
associé à celui du dieu Tum. le grand dieu de Thukut,
qui ré.-hle dans Thukut, le grand dieu vivant de Thu-
kut. » La seule stèle de Philadelphe le contient au
325
PHITHOM
326
moins douze fois tantôt avec le déterminatif des
villes ©, tantôt avec celui d'une région de quelque
étendue
•:-
. Il s'agit donc bien de Tlmkut, soit comme
ville soit comme région, et du culte de Tum dieu de la
ville et de la région de Thukut. De plus le nom de Pi-
tum se lit trois fois sur la statue de Ankh-renp-mTer,
deux fois dans la grande stèle ptolémaïque avec le déter-
minatif des villes ©, pi. ix lig. 10, 13, où il est parlé des
revenus affectés au temple, des statues et des prêtres pla-
cés devant « les dieux de Pi-tum-Tlmkut ». Pi-tum y a la
variante H J Ha-tum,o la divine demeure de
Tum, le grand dieu qui réside dans Thukut. » PI. v A,
vu A, lig. 2, 3. II s'agit donc bien aussi de Phithom.
Tout ce qu'on peut dire c'est que Pi-tum désignait plus
spécialement l'enceinte avec son temple et ses greniers,
tandis que Tlmkut, désignait, en outre, la ville grou-
pée autour de l'enceinte sacrée. En résumé, les textes
de Tell el-Maskhouta nous apprennent que la ville située
en cet endroit s'appelait Pi-tum, qu'elle était dans la
la région de Thukut dont elle prit aussi le nom dans
la suite. Si nous joignons ces données à ce que nous
apprennent les Papyrus de la XIXe dynastie, nous
voyons qu'à cette époque il n'est pas question de la
ville de Thukut, mais uniquement de la région de
Thukut, le plus souvent écrite ^^ V 1. Anastasi,v,
pi. xix, lig. 2, 3, 8; xxv, lig. 2. Une lettre de l'an VIII
de Ménephtah parle de nomades voisins de cette région
qui furent autorisés à passer la frontière « à la forte-
resse de .Ménephtah dans la terre de Thukut, vers les
lacs de Pi-tum de .Ménephtah dans la terre de Thukut,
pour y vivre en faisant paitre leurs troupeaux dans le
grand état ou domaine de Pharaon. » Anastasi, IV, I.
Cf. Brugsch. Dictionnaire géographique de l'ancienne
Egypte, 1889, p. 612; Chabas, Recherches pour servir
à I histoire de la XIX' dynastie, p. 107. A rencontre
des papyrus de la XIXe dynastie, les textes géogra-
phiques de Denderah, Edfou et Philae, tous d'époque
ptolémaïque, nous montrent Thukut comme étant, sans
perdre son nom de région, le nom vulgaire ou civil de
la capitale du VIIIe nome de la Basse-tgypte. Diiinichen,
iraphische Inschriften, t. i, pi. lxii. lxiv. Le nom
sacré de cette même ville était Ha-turn, loc. cit., t. m,
pi. cxlvi. etc.. i la demeure de Tum », le dieu principal
du nome; il était aussi Pi-tum, loc. cit., t. il, pi. lxxxviii;
t. m. pi. xxix, « qui est à la porte orientale ». Il y a
donc pleine correspondance entre les textes de Naville
et les textes déjà connus par les papyrus et les temples.
De ce que Pi-tum nous parait n'avoir emprunté que
plus tard le nom de la région qui dépendait d'elle,
nous devons conclure qu'au temps de l'Exode la Socoth
de la Bible, Exod., xn, 37; xm, 20; Num., xxxm, 5, 6,
est prise dans le sens de région. On ne peut supposer
d'ailleurs qu'une aussi grande multitude que celle des
Israélites en route pour la Palestine ait pu s'arrêter,
dans la ville même, ville fortifiée dont les portes ne se
seraient pas ouvertes pour elle, et, se fussent-elles
ouvertes, qui n'aurait pu la contenir. Que r-",
Sucoth ou Socoth, soit le mot égyptien Thukut, cela
est clair. Le s= égyptien se prononçait th et on le
transcr.t souvent en grec par a et en hébreu par c.
Brugsch, Zeitschrift fur âgyptiscke Spracke, t. xm,
1875, p. 7. Pour n'en citer qu'un exemple, pris entre
beaucoup d'autres, la "] s= J ©, Thebneter ou Theb-
nuter des Égyptiens, est devenue la EsêevvuTo;, Seben-
nytus, des Grecs. Store-Cily of Pithom p. 7. - Il reste
à no is demander pourquoi Hérodote appelle Pi-tum
i ville d'Arabie» : IIït-j^; fj'Apa6fï|. Les Septante
nomment aussi la terre de Gessen F^éu. 'Apa6fo«.
Gen . xxxvi, 31. Arabie, Arabique signifient ici Orient,
oriental, et c'est la traduction de l'expression égyp-
tienne . T , Rti-ab, i< porte orientale », que les
textes de Denderah accolent au nom de Pi-tum,
Dûmichen, loc. cit., t. i, pi. xcvm, lig. 12; t. n. pi. xxix,
lig. 3, et que nous retrouvons dans la grande stèle de
Philadelphe, pi. vin, 3e tableau où, derrière Tum, se
tient Osiris « le maître de la porte orientale », comme
ayant son sanctuaire ou sérapéum à l'extrémité de la
région de Thukut. Pour l'Egypte, l'Orient c'élait l'Arabie,
les Grecsdonnérent ce nom aux contrées qui touchaient
directement au désert de l'est. Outre Gessen d'Arabie,
il y eut le nome d'Arabie, le XXe. situé entre la branche
pélusiaque et le désert, tout de même qu'à l'autre
extrémité du Delta il y avait le nome libyque. — Nous
avons vu plus haut la correspondance entre les textes de
Naville et ceux des papyrus et des temples au sujet de
Thukut région et Thukut-Pi-tum. Cette correspondance
va plus loin qu'il n'était nécessaire de l'établir pour
notre sujet. Elle s'étend d'abord aux noms des principales
divisions du nome, son territoire, son canal, ses ter-
rains inondés. Elle s'étend encore au nom du nome
lui-même et à celui d'une de ses localités, As-kéhëret
ou Pi-keheret (Pi-hahiroth ?), le sanctuaire 'osirien du
nome. En effet, tous ces noms que les temples donnaient
déjà se sont retrouvés à Tell el-Maskhouta. Store-City
of Pithom, p. 5-8. Mais ce que les temples ne disaient
pas, c'était la situation précise du VIIIe nome de la
Basse-Égvpte dont Pi-tum-Thukut était le chef-lieu.
Désormais « tout change grâce aux fouilles de Naville.
Le huitième nome ne peut plus côtoyer le lac Menza-
leh, comme le croyait Brugsch, et une grande découpure
de la topographie encore llottante du Delta se fixe et se
précise immédiatement, sur la carte, autour de Tell
el-Maskouta. o E. Lefébure, Les fouilles de il. Naville à
Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 1885, p. 310.
Cf. J. de Rougé, Géographie ancienne de la Basse-
Egypte, 1891, p. 15-55. — Si Tell el-Maskouta était
Phithom, elle était aussi HéroopoUs. Quand Naville
découvrit les greniers de Phithom, il s'aperçut qu'à là
basse époque on avait nivelé le sol au-dessus et rempli
toutes les chambres avec des briques, du sable, de la
terre, des débris de calcaire, au grand détriment du
temple de Tum. Le but avait été d'y asseoir un camp, et
deux inscriptions révélèrent que ce camp était l'œuvre
des Romains. La première inscription fragmentaire,
qui avait dû faire partie d'une porte, finit après cinq
signes peu lisibles par
POLIS
ERO
CASTRA
mots tout à fait distincts et pour lesquels le doute
n'est pas possible. L'autre inscription est datée (30ii ou
307), car elle contient les noms des empereurs Maxi-
mien et Sévère, des césars Maximin et Constantin.
Elle donne une distance de neuf milles entre Éro et
Clysma :
ABEROINCLUSMA
M Vllll O
PL xi. Le nombre des milles est en latin et en grec.
C'est un cas fréquent dans les pays où le grec était
parlé. Cf. Corpus inscr. latin., m. 1. n. 205, 309,
312-315, 317. 461. Phithom sous les Grecs avait donc
échangé son nom contre Uéroopolis, IIPOT, comme
l'a lu Naville sur un petit fragment trouvé en place.
'Hpw, dit Etienne de Byzance, De urbibus et populis,
Amsterdam, 1678, p. 298-299, est une ville égyptienne
que Strabon appelle "Hpwcov -o"/.tv. Nous l'avons vu, les
Septante avaient déjà rendu Phithom par Uéroopolis, et
Josèphe, marquant à cet endroit la rencontre de Jacob
et de Joseph, lui donna le nom même que Phithom por-
tait de son temps. Les Romains en firent r.ro. A la fin du
IVe siècle de notre ère (vers 385), sainte Silvie suivit la
327
PHITHOM
I'HŒBE
328
route de l'Exode, le texte des Septante en mains, de la
mer Boni:.- a Ramessès. Sur tous les noms bibliques elle
questionne les moines et les clercs qui l'accompagnent.
Ci ux-ci localisent sans le moindre embarras les villes
mortes et nous rappellent les drogmans du temps
d'Hérodote et du nôtre. Il en résulte que les Israélites,
pour une part égale, avançaient et reculaient, allaient
à droite, puis à gauche : nam mihi credat voloaffectio
vêtira, quantum tamenpervidere polui, filios Israhel
, ambulasse, ut quantum irait dexlra, tantum re-
verterentur sinistra, quantum denuo inante ibanl,
tantum denuo rétro revertebantur. Cependant elle ne
put être induite en erreur sur le site d'Ero, car cette
ville subsistait encore. 11 n'est pas certain toutefois
qu'elle n'en fasse pas une ville distincte de Phithom.
Mais l'important pour ce qui nous touche ici, c'est
qu'elle en donne le nom romain : Heroum autem civi-
tas... nunc esl corne ,/...', ;j v. sed grandis, quod nus
dicimus viens... Ipse oicut nunc appellatur Bero.
limera hierosolymitana sseeuh ir-vm, p. 17-48, dans
Corpus scriptorum ecclesiasticorum lalinorum ,
t. xxxvill, Vienne, 1898. - D'où vient ce nom de
'Hpw? M. Naville avait d'abord pensé qu'il venait de
"~. J Cl • àr, pluriel âru, o magasins », ce qui aurait
très bien convenu aux are misknôt de Phithom.
Exod., i, 11; Store-Cily of Pilhom, p. 10. Mais il esl
revenu sur cette interprétation et l'a corrigée dans une
note, loc. rit., et dans le Sphinx d'Upsala, t. v.p. 197.
n Puisque le sphinx est un lion, il doit porter les dif-
f, rents noms qui sont donnés à cet animal. -Vous en
lissons plusieurs, en particulier un qui est peut-
êtred origine sémitique, ^ -»s, àr. La transcription
pecque en serait IIP et de là vient le nom de 'II-.-.
qui esl donné' à Tum.dans la traduction de l'obélisque
d'Hermapion. Ammien Marcellin, \vn. 4. Ero c'est
Tin.i représenté par un lion, un sphinx; Eropolis,
Ero castra, c'esl la ville, le camp du sphinx, de l'uni -
Quoi qu'il en soit, la pénétration de d'Anville
„a , ,,. ,.,, défaut, ni celle des savants français, depuis
I.,. père, en passant par Dubois-Aymé et Quatremèn
jusqu'à Champollion. Le premier avait vu lléroopolis
dans phithom et délimité l'espace où il fallait la cher-
cher, les autres en devinèrent l'emplacement. Elle ne
devait pas être confondue, comme le voulut d'abord
Lepsius, Chronologie, p. 337, avec le Thohu, Thou ou
Thoum de l'Itinéraire d'Antonin, toc. cit., dont la
situation à quarante-deux milles d'Héliopolis et à
vingt-quatre milles avant d'atteindre lléroopolis ne
s'accorde pas avec notre Phithom.
Y. COKCLUSIOH- — Les fouilles de Phithom on! donné
|ieu à di conclusions secondaires, donl les unes
atteignenl la plus grande vraisemblance, comme l'iden-
tification du pharaon de l'oppression et, par suite, du
pharaon de l'Exodi , i Ramsès 11 construisant Pithom
correspond bien au puissant roi de l'oppression, tandis
nue Ménephtah 1" négligeant Pilhom rappelle bi< n le
pharaon malheureux de la Fuite. » E. Lefébure, loc.
cit. il 320. Les autres conclusions sont moins certaim -,
impossibles même, i omme celle qui veut que le golfe
,,, [a mer Rouge, même au temps des Romains, se soil
étendu jusqu'à neuf milles d'Héroopolis, c'est-à-dire
, |U a Clysma qui aurait été situéeà l'extrémité du lac
limsah. On en devine les conséquences pourdi terminer
|f, p0ini -,u les Hébreux passèrent la mer Rouge.Slore-
City 0/ Pilhom, p. 24-27. Mais ce sujet a été traité.
\,,j',. PhihahirOTH. Le point capilal ici était de voil que
la piua imporl mte ville de l'Exode esl à peu près sûre
ment identifiée; que tout le début de ce mèmi
s'explique, bien qu'on ne sache encore avec certitude
ou prendre Ramessès; que Socoth, la seconde station
Hébreux, esl au voisinage de Phithom. toutefois
quelque vive que soil la lumière que les fouilles de
Tell el-Maskhouta ont projeté sur l'authentique récit
de Moïse, nous n'oserions pas affirmer de façon absolue
que tous les doutes prudents sont levés. 11 faut encore
compter avec les surprises possibles des recherches
entre Ismaïliah et Sue/, sur la rive occidentale du canal.
C. Lagier.
PHITHON (hébreu: Piton; Septante : *i8iiv), le
premier nommé des fils de Micha, petit-lils deJonathas
et arrière-petit-fils du roi Saiil. I Par., vin, 35; ix. il.
PHLÉGON (grec : *Xsy<ov, « ardent, brûlant > ).
chrétien de Rome, salué par saint Paul. Rom.. XVI, I '■•
Le Pseudo-Dorothée, Patr. gr., t. xm. col. 1060, el I
lo-Hippolyte, Patr. gr., t. x. col. 160, le compt ni
parmi les soixante-douze disciples de Notre-Seigneur
et disent qu'il devint évêquede Marathon dans l'Altiq
le- i .i.i- cl les Latins l'honorent comme martyr le
8 avril. Acta sanctorum, édit. Palmé, aprilis 1. 1. p
PHOCHÉRETH (hébreu : Pôkérét, t prenant au
lit. I I |, chef ou ancêtre d'une famille de Nathinéens,
i (ils des serviteurs de Salomon », qui retourna de
captivité en Palestine avec Zorobabel. Le texte hébreu
porte : Benê Pokérél lias febaim, dans les deux pas-
sages où il esl nommé, 1 Esd., il, 57; II Esd., vil,
59, et à en juger par les listes des Nathinéens, que
donnent les deux livres et dans lesquelles le
, gis » est suivi exclusivement du nom seul du pue
ou chef, sans autre indication, on doit conclun
Pokérél has-sebaïm ne forme qu'un nom propre, à
moins qu'on ne suppose que le mot benê, « (ils
lom! è devant hai-Sebatm. Les deux opinions oui leurs
, r,j an , Li - uns pensent in il faut lire en i (Tel :
., les fils de Pokéré(-Has sel . nom ou su
q„i signifie i celui qui prend au piège d
chasseur de '....■'■II'" ». D'autres lisent : i les fils di
Ph, chéreth; lei fils d'Asi baïm. 1 es Si ptanti
Iraduil : uloi *axepàB, uiot 'AcreÊ ; - 1 Esd., Il, 5
■axapie, uto'. Sasaqx, Il Esd., vit, 59. La Vu
, prj , . • . m pour un nom de lieu : fil I
„.,/,, qui erant de Asebaim; 1 Esd., n. 57; filii
,. ,,, ortus •■., Sebaim, mais ci Ite inter-
prétation n'est pa-. facile à justifier. Voir Asebaïm, t- i.
col. 1075.
PHŒBÉ lurec : 'l'o-.nr,. " radieuse » ou » lui
diaconesse de t'.oiichrées. recommandée par sain
aux chrétiens de Rome et placée en tête des ri
mandations. Rom., xw. 1-2, On admet général*
que ce fut Phœbé qui porta aux fidèles de Rome l'Epttre
écrite à leur adresse par saint Paul. L'Apôtre l'ait d'elle
un grandi loge. 11 lappelle- notre sœur, qui sert (Siâxo-
., n giise qui esl à Ci nchri es les deux ports de
Corinthe. Ci titi de Siaxd o; ■ ' IxxXïista; semble in-
diquer une fonction spéciale el déterminée, quoiqu il
i ,,as possible de préciser en quoi elle con
„ Chrysostome, Hom., x\x. -2. in Rom., t. i x.
col. 663. Voir Diaconessk, 3», t. n, col. 1401. i
seul passage du Nom eau Testament où il soil question
d'une femme v.v/o-<,:, mais .m peul > voir comme
l'origine des diaconesses, de ces ministre que I
le Je Episl., X. xevi, s. dit avoir existé
I Église chrétienne. Cf. UiACONKSSE, t. n, col. 1400. Saint
Paul ajoute qu'elle a été npooràviç, « aide », c'esl a-
dire qu'elle a rendu de grands services i à lu imeel
, bi iu p d'autres, i Elle devait être riche el
ini Cenchrées, le porl où débarquaient les
qui venaient d'Éphèse en Grèce, elle avait eu souvent
0I |Sion il être utile aux nouveaux chrétiens qui pas-
.,.„, par là. L'insistance avec laquelle l'Apé.tre appuie
sa recommandation montre quelle impoi
atlachail et combien il tenait à ce qu'on fit bon accui il
à la messagère de son Épitre. Nous ignorons quelles
329
PFIŒIîE — PHOGOR
330
affaires particulières Phœfié pouvait avoir à Rome.
Saint Paul, sans s'expliquer autrement, dem le seule-
ment aux chrétiens de la capitale de l'empire de lui
prêter leur concours en tout ce dont elle aura besoin.
On croit communément que Phœbé était une veuve, et
non une vierge. Voir Acla sanctorum, t. i septem-
bres, édit. Palmé, p. 605, n. 18. L'Église célèbre sa
fête le 3 septembre. Les martyrologes ne savent de sa
vie que ce que nous eu apprend saint Paul.
PHŒNICE (grec : J'ovi:), port de mer mentionné
Act., xxvit, 12, à l'occasion du voyage mariti de
saint Paul, comme un excellent hivernage, situé sur
la côte méridionale de l'île de Crète, à l'est de fions-
Ports et de Laséa. Cf. Act., xxvn, il. Son nom lui
venait sans doute des palmiers (en grec, poivilj) qui,
comme nous l'apprend Théophraste, 11ht. planta.):,
n, 8, croissaient en nombre dans ces parages. Mis
en danger par le mauvais temps, le vaisseau qui con-
duisait saint Paul à Rome se dirigeait vers ce port,
pour \ passer l'hiver, lorsqu'une terrible tempête le
rejeta en pleine mer. Plolémée, III, xvn, 3. et Strabon,
X.iv, 3. parlent l'un et l'autre d'un portcrétois du nom
de Phoinix ». Strabon en fait un village florissant,
xaTosxia, et le place sur •■ l'isthme » de Crète, c'est-à-
dire dans la partie la plus étroite de l'île, entre le muni
I.I., et les montagnes de l'extrémité occidentale, sur le
territoire de Lampa ou Lappa, ville d'une certaine im-
portance. Voir Crète, carte, lig. 104, t. u, col. 1113. Le
passage de Ptolémée est plus obscur, et semble dési-
gner tout à la fois un port nommé g Phoinikoi », et une
ville appelée a Phoinix . également situés sur la cote
méridionale.
D'après -MM. .lames Smith el le commandant Spratt,
qui ont tout particulièrement étudié les détails relatifs
au voyage et au naufrage de saint Paul dans la Médi-
terranée, il n'y a pas de doute que Pbœnice ne corres-
ponde au port actuel de Loulro. qui est « la seule baie
île la côte sud dans laquelle un bâtiment puisse mouil-
ler en toute sécurité durant l'hiver, parce que les
vents du sud. repoussés par les hautes montagnes qui
la dominent, ne viennent jamais à terre, el parce que
l.i mer qu'ils soulèvent arrive presque morte à la cote,
de sorte que les bâtiments roulent, mais les amarres
ne fatiguent pas. » Spratt, Instructions sur l'ile de
Crète, trad. franc., Paris, 1861, p. H. Cf. .1. Smith, The
Voyage and Shipwrech of St. Paul, l" édit., in-S»,
Londri s. 1888, p. 261 . Loutro, située à l'esl du cap Plaka.
qui correspond au cap llerniaa des anciens, est pré-
cisément sur le territoire de l'antique cité de Lappa.
Il est vrai que, d'après le texte des Actes, « Phœnice
est un port de Crète qui regarde du cùté du Libs, >
ou vent du sud-ouest, vent africain, « et du coté du Kho-
rus ou vent du nord-ouest, tandis que la baie de Loulro
est au contraire ouverte dans la direction du sud-est et du
nord-est. La difficulté est très réelle. On a essayé de la
résoudre de plusieurs manières : 1» Il est possible que
l'ancien port de Phœnice ait consisté en un double
bassin, dont l'un aurait été abrité contre les vents du
sud, et l'autre contre les venls du nord. Voir Ramsay,
dans II istings, Diction. of tlie Bible, in-i", t. m. p, 863 .
I Belser, Die Apostelgeschichte ûberselzt und erklsert,
in-8", Vienne, 1905, p. 317. — 2° Comme l'ont lui re-
marquer de nombreux commentateurs, à la suite de
M. J. Smith, les m its a qui regarde du cùté du Libs... »
ne sauraient signifier que le port était ouvert aux venls du
sud-ouest et du nord-ouest, c'est-à-dire aux vents occi-
■ I- ■ ii iux, si dangereux dans ces régions, mais plutôt, que
les cotes qui entouraient la baie se dressaient dans cette
double direction, et, par suite, la garantissaient contre
eux. Presque tous les exégètes récents adoptent ce senti-
ment: entre autres MM. Viguuroux, Fouard. Felten,
Cook dans la Speaker's Bible, Wendt dans la 8e édit. du
commentaire de W. Meyer. etc. Cela revient à dire que
le port de Phœnice était ouvert, non pas du coté d'où
venait le vent, mais dans la direction opposée, du coté
où le vent soufllait. Si le port avait été exposé au Libs
et au Khorus, il n'aurait nullement répondu aux con-
ditions requises pour un hivernage. — 3° Comme il a
été dit plus haut, aucun autre port de la cote méridio-
dionale de l'île de Crète ne parait avoir convenu à
la situation décrite. C'est bien à tort qu'on a parfois
accusé saint Luc de n'avoir pas exactement rendu le
langage des marins qui l'auraient renseigné sur Phœ-
nice. Les habitants affirment que l'ancien nom de la
ville était Phœniki. — Voir Hœck, Kreta, Gœltingue,
1823-1S24, t. i. p 387-388; C. Bursian, Géographie von
Crieclienland, t. n, Leipzig, 1S70. in S0, p, 545-546.;
Plaine
fiabos
! 7 Fàraffà
à Anapolis . 4^|É
& . 8
'•^Anapolis
,„ ■t'.tirvina
74. — dite sud de l'ile de Crète.
Spratt, Travels and Rescarches in Creta, t. n. p. 247;
Convbeare and Howson, The Life and Epistles of
St. Paul, in-12, Londres. 1875, p. 041-642; A. Breu-
sin^. Die Xaulik der Allen, in-8", Brème, 1886, p. 186;
A. Trêve, l'ne traversée de Césarée.. à Putéoles, in-8",
Lyon, 1887. p. 25-26; II. Balmer, Die Romfahrt des
Apostels Paid und die Seefahrtskunde im rômisehen
Kaiserzeitalter, Leipzig, 1906, 3e partie, cliap. i.
L. r'ii.uoN.
1. PHOGOR ihébreu : hap-Pe'or; Septante : $ii>y<*p)i
montagne de Moab, mentionnée seulement dans Xuni.,
XXIII, "28. Dalac, roi de Moab, conduisit llalaam sur son
sommet afin qu'il pût voir de là le camp des Israélites
el le maudire. Cette montagne était située en face de
Jesimon, c'est-à-dire du désert au nord est de la mer
.Morte, dans le voisinage de l'embouchure du Jourdain.
Son emplacement n'est pas rigoureusement déterminé;
elle devait se trouver près de Rethphogor. Voir Beth-
PHOGOR, t. i. col. 1710. C'est là qu'on rendait un culte
impur à Béelphégor. Voir BéelphéGOK, t. i, col. 1543.
— l'hogor, Num., \xv, 18 (Vulgate : idolum Pliogor),
est pour Béelphégor.
2. PHOGOR (Septante : $aya>p), une des onze villes
de la tribu de Juda ajoutées par les traducteurs grecs
au texte hébreu. Elle était située entre Bethléhem el
Klhaui. Jos., xv, 60. Lusèbe et saint Jérôme en l'ont
mention. « Il y a un autre village de Fogor, dil saint
Jérôme, qu'on voit non loin de Bethléhem; il s'appelle
maintenant Phaora. o Onomaslic, édit. Larsovv et Par-
thev, 1862, p. 363. On identifie généralement aujourd'hui
ce Pliogor avec le Khirbel Beil-Foghour, qui a con-
servé le nom antique, à huit kilomètres au sud-ouest
de Bethléhem. C'est un amas de ruines situées sur une
331
PHOGOR — PHRYGIE
332
colline. M. V. Guérin, Judée, t. m, p. 314, y a trouvé
encore une vingtaine de maisons, d'apparence arabe,
en partie debout, mais abandonnées, ainsi que les
jardins qui les avoisinent. Dans les environs est la
source appelée Aïn Faghour, qui coule dans un ancien
canal dégradé; sur les lianes de la colline, qui limite
au sud la vallée arrosée par l'Ain Faghour, sont d'an-
ciennes chambres sépulcrales creusées dans le roc;
quelques-unes d'entre elles servent de refuge à des
bergers. Béelphégor avait-il été honoré autrefois en ce
lieu? C'est ce que plusieurs supposent, mais on ne peut
donner là d'autre indice de son culte que le nom.
PHOLLATHI (hébreu : Pe ulfaï; Septante : $oUa6s),
le huitième et dernier nommé des .fils d'Obédédom
qui avait gardé l'arche d'alliance dans sa maison. Phol-
lalhi était un descendant d'Asaph, de la tribu de Lé\i
et un des portiers du Tabernacle du temps de David.
I Par., xxvi, 5.
PHORATHI (hébreu : Parafa"; Septante : <I>apaôiOa:
Alexandrinus : Bap8i8a; Sinaiticus : $apaâ8a), le
quatrième des
di\ lils d'Ainon
qui fut mis à
mort par les
Juifs. Esth., ix.
S. Le nom doit
être perse et si
l'on adopte la le-
çon grecque? Aos-
radatha, peut si-
gnilier « donné
parla destinée ».
bornes de la Phrygie. Aux temps les plus anciens, les
Phrygiens paraissent avoir occupe'' une partie considé-
rable de la péninsule asiatique. Leur domaine allait
jusqu'à la mer Egée et à l'Hellespont. Cf. Diodore. vu.
11, d'après lequel, pendant vingt-cinq ans, au début du
IXe siècle avant J.-C, ils furent maîtres de la mer. Troie
est souvent appelée phrygienne par les vieux classiques,
ainsi que la Lydie méridionale. Néanmoins, lorsqu'on
parle de la Phrygie proprement dite, ou de la Grande
Phrygie,
i-iXr, &pv(la, par opposition à la Petite
PHOSECH
(hébreu : l'risak;
Septante : $o-
oix), le premier
nommé des trois
Bis de Jéphlat,
de l.i tribu d'A-
si r. I Par., vu. 33.
PHOTINE,
nom donné à la
femme samaritaine convertie par Notre-Seigneur, Joa.,
'v, 6-32, sans doule parce qu'elle avait reçu la lumière
d'en haut, IçwTEivrj, de yw;, o lumière ». Voir S. Nil,
Epis t., il, 31, t. i.xxix, col. '2P2; Elymolog. magnum,
édit. Craisford, in-f, Oxford. 1818, p. 276, 53. Le mar-
tyrologe marque sa fête comme martyre au 20 mars.
Voir Acta sanclorum, martii t. in, p. 80.
PHRYGIE (grec : 'I'p-jy:Vi, province d'Asie Mineure,
mentionnée une l'ois dans l'Ancien Testament, II Mach.,
v. 22, et trois fois dans le Nouveau, Act., Il, 10; XVI, 6;
xvm, 23. Son nom lui venait de ses anciens habitants,
les 'l'vjye; — on trouve aussi les variantes Hp-jy;;,
Bpe'jys; et Bpiys; — c'est-à-dire les « hommes libres ,
suivant l'interprétation donnée à ce mot par Ilésychius,
au mot lipiye;. Lexicon, édit. M. Schmidt, 5 in-i ". h lia.
1858, t. i. p. 398.
I. Limites du territoire phrygien. — Elles demeu-
rèrent toujours assez vagues, et peut-être n'existe-t-il
p.is. en Asie Mineure, d'expression géographique dont
il soit plus difficile de déterminer le sens d'une manière
précise. En effet, l'étendue de la Phrygie varia beaucoup
aux différentes époques de son histoire, ainsi qu'il sera
dit plus bas. Pour savoir au juste ce que signifie ce
nom, lorsqu'on le rencontre dans un ancien auteur, on
doit donc se demander tout d'abord de quelle période
il s'a-it et quelles étaient alors, au moins en gros, les
Phrygie. nommée aussi Phrygie hellespontide, Slrabon,
X, ni, 6, on désigne surtout l'extrémité occidentale du
grand plateau qui occupe le centre de l'Anatolie actuelle,
avec les montagnes avoisinantes, jusque vers le fleuve
llalys. aujourd'hui Kizil-Irmak, à l'est. Au nord, elle
confinait à la Bithynie; au sud, à la Pisidie. On peut
dire aussi, d'une manière plus spéciale, qu'au premier
siècle de noire ère, la Phrygie était limitée au nord par
la Bithynie; au sud par la Lycie, la Pisidie et l'Isaurie;
à l'est par la Galatie et la Lycaonie; à l'ouest parla
Carie, la Lydie et la Mysie (fig. 76 1.
II. GÉOGRAPHIE physique. — Sous ce rapport, la Phry-
gie présentait
beaucoup de va-
riété, selon les
régions dont elle
était composée.
Dans son ensem-
ble, la Phrygia
magna consis-
tait en un iraste
plateau, dont l'al-
titude moyenne
est de '.uni i 1000
nielles. Ce pla-
teau est coupé en
divers endroits
par des vallées
profondes, en-
tre antres celles
du Méandre et
de l'Hertnos fi
l'< st. du Thym-
brios au nord-
est. du Sangarios
au nord, du Ly-
cus, etc. Çà et là se dressi ut des groupes isolés de mon-
tagnes, parmi lesquelles on peut citer le Dindymos.
aujourd'hui Mmtrad-Dag/i. Les cours d'eau sont plus
rares au nord et au sud, plus fréquents au centre et au
sud-ouest. Les parties de la contrée qu'arrosent des ri-
vières étaient fertiles, et produisaient en abondance du
blé, des fruits et du vin. Cf. Homère. //., m, 862; III,
184; vu. 719. Lei autres districts étaient arides et peu
productifs, notamment la région méridionale qui avoi-
sine la Pisidie; du moins, très riches en sel — ils con-
tiennent plusieurs lacs salés — ils convenaient fort bien
à l'élevage des moutons : aussi la race des brebis phry-
giennes à laine noire était-elle renommée au loin. La
Phrygie était aussi un pays de commerce, grâce aux deux
roules qui la traversaient et qui la mettaient en com-
munication soit avec 11 k'eulenl. suit ,i\ ee li trient. L'une
a liait de Byzanceen Arménie, par Ancyre et Tavia : l'uni
partait de la côte, à l'ouest, et se dirigeait vers le> p
du Tauriis, par Sardes. Synnade et Icône, saint Paul
ilul les Utiliser l'une et l'autre, la seconde surtout, du-
rant ses courses apostoliques. — Les carrières de
marbre n'étaient pas rares en Phrygie, non plus que
les mines d'or, comme le témoigne la légende de on
ancien roi. Midas. L'ait phrygien fui llorissanl au
iv et au vnr siècle avant J.-C; il consistait surtout en
broderies, en tapis, dans la fabrication des voitures, etc.
— Les villes du pays étaient bâties pour la plupart dans
75. — La Phrygie personnifiée.
te'laurée de Caracalb. à droite, épaule drapée, poitrine cuirassée, û. En liant
En exergue: vaOaikeOM NEQXOPnN. A gauche :*PVriA; i droite KAPIA. Au
milieu, ta déesse urbaine a Laodicée », assise sur un trône, tourrelée, tenant de sa inain
droite étendue une statuette de Zeus Laodicien et de la gauche une corne d'abondance;
devant elle, la Phrygie debout portant sur la tète le kalathos; dans sa main droite
sont deux épie, et dans la gauche un sceptre appuyé sur son épaule. Derrière te trône
est la i larie > portant le kalathos et tenant un rameau et une corne d'abondance.
333
PIIRYGIE
334
les vallées creusées par les fleuves; Homère vantait
déjà leur beauté. Les principales étaient : au nord,
Doryheon et Kotyseon; à l'est, Amorion, Synnade et
Ipsos; dans la vallée du -Méandre, Kéléœ ou Apamée
Kibotos, ancienne résidence des rois phrygiens; puis
Laodicée, t. m. col. 82; lliérapolis, t. m, col. 702;
Colosses, t. h, col. 860, célèbres dans l'histoire des ori-
gines chrétiennes.
III. Les habitants. — 1° Les Phrygiens étaient un
peuple très ancien. D'après la tradition grecque, ils
appartenaient à diverses tribus originaires de Macé-
doine et de Tbrace, qui avaient émigré en Asie Mineure.
Cf. Hérodote, vu. 73; Strabon, X, in. 16; Pline, H. N.,
v. il. Mais Hérodote, vu, 73, signale aussi leur parenté
avec les Arméniens, et il est fort possible, comme
l'admettent de nombreux auteurs, qu'ils aient formé
dans la péninsule asiatique une race un peu mélangée.
C'était un peuple doux et pacifique, efféminé même et
passif, qui demeura sans vigueur pour résister aux
influences étrangères; aussi fut-il débordé de toutes
«1/ y>JL
fe§*p
Cliodirep ,'_-■■'
l'] ' y pi si pu
.LYCIE
76. — Carte de la Phrygie.
paris, aux différentes époques de son histoire, et jamais
il n'exerça un rôle important, sous le rapport poli-
tique, parmi les peuples anciens.
2° Les rochers abondent sur le territoire phrygien :
aussi les habitants en prolitèrent-ils de bonne heure,
pour y creuser des habitations, des sanctuaires, des
tombeaux, dont on a retrouvé de nombreux restes,
spécialement dans le district montagneux du Sanga-
rios supérieur. Il y a là des échantillons très intéres-
sants de l'architecture et de la sculpture phrygiennes.
Voir W. M. Ramsay, The Rock Necropolis of Phrygia,
dans le Journal of Hellenic Studies,t. ni, p. 1-68,156-
•263; t. v, p. 241-262.
3" La langue des Phrygiens, autant qu'on peut en
juger par les rares spécimens qui sont parvenus jusqu'à
nous, appartenait à la famille indo-germanique. Voir
de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, Leipzig,
p. 276-280; Lassen, dans la Zeitschrift der
li. morgenlàndischen Gesellscha/t, t. x, p. 369-
375. Elle passait pour remonter jusqu'à l'époque des
premiers humains. Hérodote, II, 2; Pausanias, I, XIV,
12.
4° Les Phrygiens avaient aussi, à l'origine, leur reli-
gion à part, dont maint détail passa dans celle des Hel-
lènes Leurs divinités principales étaient Men ou Manès,
le et Attis. Au culte qu'ils leur rendaient se mê-
laient les plus honteuses orgies. La légende religieuse
tarissait en Phrygie, et elle a fourni des traits abon-
dai. ls à la mythologie grecque, entre autres l'histoire
de Philémon et Baucis.
IV. Histoire de la Phrygie. — Sous le rapport
historique et politique, cette province a passé par des
vicissitudes multiples, dont nous n'avons à relever ici
que les points les plus saillants. Suivant les anciens
auteurs, cf. Hérodote, II, 2; Pausanias, I, xiv 12; Clau-
dien, In Eutrap., n, 251, etc., il exista d'assez, bonne
heure, dans la vallée du Sangarios, un royaume auto-
nome. Toutefois, la Phrygie ne forma que pendant une
période assez restreinte un État indépendant. On en-
tend dans Homère, Iliad., n, 862 et ni, 187, des échos
de son ancienne grandeur. Parmi ses premiers rois,
on cite Gordios. et surtout Midas, dont on a retrouvé
naguère le tombeau, avec l'inscription « Midas, le roi ».
Mais, entre les années 680 et 670 avant J.-C, à partir
de l'invasion formidable des Cimmériens, l'histoire de
la Phrygie devint « une histoire d'esclavage, de dégra-
dation et de décomposition ». Eneycl. Britannica,
9° édit., t. xvni, p. 851. Lorsque ces terribles envahis-
seurs eurent été expulsés d'Asie Mineure, vers la fin
du vi'î siècle ou au commencement du v«, la Phrygie
tomba au pouvoir de Crésus, roi des Lydiens. Un peu
plus tard, vers 516, les Perses s'en emparèrent à leur
tour; elle fut ensuite conquise par Alexandre le Grand,
qui la légua à ses successeurs. Les Galates l'envahi-
rent aussi en 278 ; mais, refoulés par Attale h1 de
Pergame, ils ne réussirent à garder définitivement que
la partie nord-est du territoire.
Lorsque les Romains furent devenus maîtres de la
région qui avait formé la Grande Phrygie, ils en ratta-
chèrent les districts occidentaux à la province d'Asie
proconsulaire, sous le nom de Phrygia asiana (49
avant J.-C). tandis que les districts orientaux et méri-
dionaux étaient joints à la province de Galatie, sous le
titre de Phrygia galatica (36 avant J.-C). Elle cessa
par là-même d'avoir une existence politique séparée.
Son nom ne reparut officiellement, comme désigna-
tion d'une province, que vers la fin du ni'' siècle après
J.-C, lors de la nouvelle division de l'empire ro-
main. Voir .1. Marquardt, Organisation de l'empire
romain, trad. franc., t. n, Paris, 1892, p. 237-239, 313-
314.
V. La Phrygie et les Juifs. — Favorisés par les
successeurs d'Alexandre le Grand, qui leur accordèrent
en Asie Mineure des droits égaux à ceux des Grecs et
des Macédoniens, de nombreux Israélites ne tardèrent
pas à s'établir dans les régions phrygiennes. Josèphe,
A ni. jud., XII, ni, 4, raconte expressément qu'An-
tiochus le Grand, roi de Syrie (224-187 avant J.-C),
transporta 2000 familles juives, de Mésopotamie et de
Babylonie, en Phrygie et en Lydie. Le Talmud range ces
Juifs de Phrygie parmi les descendants des dix tribus
qui avaient formé le royaume schismatique du nord,
sans doute parce qu'ils venaient de la Babylonie. Il les
juge assez sévèrement, car il va jusqu'à dire que « les
bains et le vin phrygiens les avaient séparés de leurs
frères. » Ce langage figuré signifie qu'ils étaient devenus
très relâchés sous le rapport religieux, et qu'ils avaient
adopté sur plusieurs points les mœurs des païens. Voir
Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris,
1868, p. 315; Talmud Babli, Sabbalh, 147 6. Cf. Act.,
xvi, 1. D'autre part, ils exercèrent eux-mêmes une
influence salutaire sur les Gentils parmi lesquels ils
vivaient, et ils les préparèrent ainsi à recevoir la foi
chrétienne. Saint Luc nous apprend que, de leur coté,
ils se convertirent en grand nombre à la religion de
Jésus dans ces parages. Cf. Act., xm, 14, 43, 49-50;
xiv, 19, etc.
VI. La Phrygie dans l'Ancien et le Nouveau
Testament. — 1° Nous ne nous arrêterons pas au pas-
sage II Mach.. v, 22, où il est simplement affirmé que
Philippe, qui avait été nommé gouverneur de Jéru-
salem par Antiochus Epiphane, vers l'an 170 avant
J.-C, appartenait à la race phrygienne, xo (xèv ylvoç
<l>p-jya.
335
PHRYGIE
PII L'A
336
"2° Au premier des Irois endroits où elle est mention-
née dans le Nouveau Testament, Act.. n, 10, la Phrygie
est prise aussi dans un sens assez généra). Elle y apparaît
comme une des nombreuses contrées de la Diaspora
d'où il était venu des pèlerins juifs a Jérusalem, pour
assister à la fête de la Pentecôte : "... Ceux qui habitent
la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l'Asie,
la Phrygie, la Pamphilie, l'Egypte... » Dans cette énu-
mération extraordinaire, dont on a vainement cherché
le principe directeur, le mot « Phrygie » doit repré-
senter tout te territoire de cette contrée, tel qu'il exis-
tail ,i l'époque de saint Paul, c'est-à-dire, aussi bien la
Phrygia galatica que la Phrygia asiana. — Les deux
autres passages ilu livre des Actes où il est question de
la Phrygie se rapportent, l'un au second voyage aposto-
lique de Paul et l'autre à son troisième voyage. Ils mé-
ritent d'être étudiés simultanément. Act., xvi. 6 : « Ils
(Paul et Timothée) traversèrent la Phrygieet le pa\s de
Galatie, » rïjv ^pu-ricr» v.ai [t»)v] IV/atiy.r.v ytipav. Act,
Xvni, 23 : o (Paul) ayant traversé successivement le
pays de Galatie et la Phrygie, » tt,v reeXaTixïiv jrûpav
xai $puyfav. Dans les deux textes, le narrateur emploie
les mêmes termes géographiques, mais avec une
inversion occasionnée par la direction différente que
suivait l'Apôtre. Dans le] premier cas, Act.. xvi. 6,
saint Paul venait de Lycaonie, et, empêché par l'Esprit-
Sainl d'annoncer l'Évangile dans l'Asie proconsulaire,
il se dirigea vers la Bithynie, après avoir traversé un-
partie de la Phrygie et de la Galatie. Dans le second
cas, Act., xvill, 23, l'Apôtre se proposait expressément
de |ui. uiirir la Galatie et la Phrygie, pour se rendre de
là à phèse. Si nous nous reportons à ce qui a été dit
plus haut de l'iiisiuiiv île la Phrygie, il n'est pas éton-
nant qu'à deux reprises cette province soitainsi associée
à la Galatie. En effet, nous avons vu qu'avant l'époque
de saint Paul, la Phrygie avait été démembrée par les
Romains el rattachée aux provinces de Galatie et d'Asie.
Dans nos deux textes, le mot Phrygie désigne donc
plus particulièrement la Phrygia asiana. — Selon
d'autres, l'expression tîjv *puyiav y.ii [tîjv] ra)oTtxr,v
ywpav, ou vice versa, désignerait un seul et même
district, qui était tout à la fois phrygien el galate :
phrygien Wus le rapport ethnologique, el galate sous
le rapport politique, depuis son annexion à la Galatie.
— Les interprètes discutent aussi sur la nature du mot
I . stv dans les ileu\ passages en question. Suivant
les uns. il serait île pari el d'antre un adjectif, de sorte
qu'on devrait traduire, Act., xvi, 6 : « lis traversèrent
la région phrygienne et galate; » Aet., xvin. 13, «Ayant
traversé la région galateel phrygienne, i Selon d'autres,
II iav serait au contraire un substantif, Act., xvi, 6
o Ils traversèrent la Phrygie et la région galate; i
Act., XVIII, 23 : a Ayant traversé la région galate et la
Phrygie. » D'après une troisième opinion, «PpuYtav
serait pris adjectivement dans le premier passage,
Act., xvi, li, et substantivement dans le second. Act.,
xvill, 23. L'emploi d'un seul article, du moins d'après
la leçon la plus accréditée, semble favoriser le premier
sentiment. 11 est aussi question implicitement de la
Phrygie au passage Act., xix, I. peragratis superiori-
bus partibus. En effet, d'après le contexte, les o parties
supérieures . ainsi nommées à cause de leur altitude
élevée, ne sont autres que les régions centrales de
l'Asie Mineure, c'est-à-dire la Galatie el la Phrygie,
que saint Paul venail de parcourir.
Ainsi donc, la Phrygie i ni te grand honneur de re-
cevoir {au moins à deux reprises la visite de l'apôtre
des Gentils, qui \ jeta les premières semences de la foi
chrétienne. On ignore cependant si c'est par lui direc-
tement, ou par ses disciples, que furent fondées les
Eglises, si brillantes peu de temps après, de Colosses,
de Laodicée el de Hiérapolis, situées dans la vallée du
Lycus. En ce qui concerne celle de Colosses, il parait
plus 'vraisemblable, d'après l'épitre qui lui fut adres-
sée par saint Paul, que l'Apôtre n'eut pas une part
immédiate à sa fondation. Voir L.-Cl. Fillion, La
Sainte Bible commentée, t. vin, Paris, 1905, p. 395.
Selon d'anciennes traditions, suint Jean l'évangé-
liste aurait exercé plus tard un ministère person-
nel dans la même vallée du L\cus. — La Phrygie a
joué un rôle important dans l'histoire de l'Église pri-
mitive, et on y voit encore les restes nombreux de
monuments chrétiens, antérieurs à l'époque de Cons-
tantin.
VII. Bibliographie. — Bergmann, De Asia Romar
n provincia, in-8", Berlin, Isiti; l'article Phry-
gien, ilans la Realencyklopxdic der classischen Al-
terthumswissenschaft, t. v. p. 1569-1580; Becker-Mar-
qnartll, Handbuch der rômischen Allerlhûmer, Leipzig,
1843-1867, t. m. p. 136-139. 155-162; K. Hitler. Ver-
gleichende Erdkunde des Halbinsellandes Klein-Asien,
Berlin, 1859-1SG0, t. i. p. 520-680; Ch. Texier, Descrip-
tion de l'Asie Mineure, in-8°, Paris, 1863, p. 153-175;
W. M. Hamsay, Ciliés ami bishopnes oj Phrygia,
2 m 8 ". Londres, 1895-1897; Id., Historical get
phy of Asia Minor, in-8". Londres. 1890; Id.,
Church in the roman empire, in-8°, Londres. 1893;
Perrot et Chipiez. Histoire de l'art dans Vantiquitêj
in-î . Paris, 1890; t. v, La Phrygie, p. 1-235, A. Torp,
/,' il, 'n phrygischen Inschriften aus rôniist lier Zeit,
in -i". Christiania, 1894; Id., Zum Phrygischen, Chris-
tiania, in-4», 1896; G. Radet, En Phrygie : Rapport
sur une mission scientifique en Asie Mineure, in-8 .
Paris, 1895 (extrait des Nouvelles archive
figues, t. vi); li. Ouvré. In •/uns en Phrygie, in-18,
Paris, 1896; Reber. Die fihrygischen Felsem
mater, in-8», .Munich, ÎS'.IT ; V. 11. Barclay, Cata-
logue of the greek eoins of l'iirijgia, in-8». Londres,
1906. L. Fillion.
PHRYGIEN (grec . *pûE), originaire de Phi
Il Maeh.. v, "22. l'n officier d'Antiochus Épipl
appel.' Philippe, étail Phrygien d'origine. Voir Phi-
lippe 3. col. 266.
PHUA, nom dans la Vulgate d'une Égyptienne el de
deux Israélites qui portent tous des noms différents eu
hébreu.
1. phua (hébreu : Pùvrdh; Septante : ■Pouà), le
second des quatre lils d'Issachar. Gen., XI. VI. Li;
.N'uni., xxvi, 33; I Par., vu. I. Ses descendants furent
nommés les Phuaïtes. Num., xxvi, -'■'•.
2. PHUA (hébreu : Pû'âh : Septante : «l'o-ja). une des
deux sages-femmes égyptiennes <|ue le pharaon char-
gea de faire péri tous les enfants mâles qui naîtraient
aux Hébreux. Exod., i. 15. Elle n'exécuta pas ainsi que
l'autre sage-femme Sèphora, les ordres du roi et lui ré-
pondit, pour lui expliquer comment les nouveau-m
Hébreux n'avaient point péri, que les femmes des Hé-
breux n'avaienl pas besoin de leur ministère. Les uns
pensent que Sèphora et l'hua étaient Égyptiennes,
d'autres qu'elles étaient israélites. Josèphe, Ant.jud., II,
i\. 2, est de la première opinion; la plupart des com-
mentateurs juifs, saint Augustin, Conl. menti., xv,
t. XL, col. 539, el beaucoup d'autres sont de la seconde.
Les premiers allèguent que le roi d'Egypte ne pi
c pu ir que Bur des Égyptiennes | ■ en obtenir ce
qu'il voulait d'elles ; li - seconds disent que les femmes
israélites n'auraient pasaccepté les services des femmes
égyptiennes, el que celles-ci n'auraienl pas cons
servir c. ■Iles-là. L'origine égyptienne de Sèphora e de
l'hua paraît plus vraisemblable. — Le nom de Phua,
V" V "V J. Poua, se lit sur une stèle du musée
337
PHUA — PIIURIM (FÊTE DES
338
du Caire. Voir Mariette, Catalogue général des monu-
ments d'Abydos, 882. C'était le nom d'une femme
égyptienne qui vivait sous la XIII1' ou la XIV" dynastie.
Voir Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques,
supplém., in-N". Leipzig, 1892, p. 70i, n. 1798. Quoique
deux sages-femmes seulement soient nommées, il
devait ; en avoir un plus grand nombre, mais comme
l'observe Aben-Esra, elles étaient les deux principales.
— Dieu, pour les récompenser de leur conduite,
i leur lit des maisons. » Exod., i, 21, c'est-à-dire lit
prospérer leur famille.
3. PHUA (hébreu : Pïi'âh; Septante : *o-ji), de la
tribu d'Issachar, père du juge d'Israël Thola. Jud.,x.l.
l'hua est, d'après le lexte hébreu, bén-DodÔ, ce que la
Vulgate traduit « l'hua, uncle d'Abimélech », et les
Septante : « l'hua, lils de son oncle. » Le plus probable
est que Dôdô est un nom propre. Voir Dodo 1, t. n,
col. 1459.
PHUAITES (hébreu : hap-Puni; Septante : St|(j.oî o
*o-j»i ; Vulgate : Phuaitœ), descendants de Phua, lils
d'Issachar. Num., XXVI, 23.
PHUD (Septante : #o-JS), la Pisidie, dans le texte grec
de Judith, n, 23 (13). D'après les Septante, Holopherne
ravagea Phud (la Pisidie) et Lud (la Lydie), etc. Voir
Pisidie.
1. PHUL (hébreu : Pûl; Septante : "ÊoûX, 'I'cjv,
'l'x'nny. 'I>ï>t.',;; assyrien : Pulu), roi d'Assyrie, le même
que Théglathphalasar. IV Reg., xv, 19; 1 Par., v, '2(3;
Voir Théglathphalasar.
2. PHUL, Pi'il, dans h texte hébreu d'Isaïe, lxvi, 29.
Voir Afrique, t. i, col. 256.
PHUNON (hébreu Pûnôn; Septante : *iv(i), campe-
ment des Israélites dans le désert, entre celui de Sal-
mona et celui d'Gboth. Num., xxm, 42-43. Eusèbe et
saint Jérôme, Onomaslic, édit. Larsow et Parthey,
p. 360-363, disent que $tvc£v, <I>aivwv, Fenon, était situé
entre Pétra et Zoar et qu'on y exploitait des mines de
cuivre. Saint Épiphane, Hœ»\, i.xvm. 3, t. xi.ii, col. 188,
parle îles <PaivTJ<ji2 •>.{-. -jCiri. de même que Thèodoret
de Cyr, //. E., [V. 19, 1. i.xxxii, col. 1177, qui les ap-
pelle ^EW^o-iot [léraXXa, /.a:x 'Mvvov (et non : xorraçév-
vr,;), et ils nous apprennent l'un et l'autre que beaucoup
de chrétiens avaient été condamnés à y travailler. Cf. Ni-
céphore, //. E., xi, '28, t. cxlvi, col. 665. Eusèbe, H. E.,
vin, 13, t. xx, col. 775, nomme quelques-uns de ces
martyrs. Cf. aussi Eusèbe. Hist. de martyr. Palsest., 7,
t. xx, col. 1484. Saint Athanase, Hist. Arian. ad mon.,
60, t. xxv, col. 765, parle aussi de ces mines et dit
qu'on y trouve promptement la mort.
Le site dePhunon était donc bien connu des anciens,
mais le souvenir s'en était complètement perdu. Il a
été retrouvé en 1897 par le P. Lagrange. Pliunon con-
serve encore aujourd'hui son nom sous la forme à
peine modifiée de Fendu. Le Kliirbel Fendn est au
nord-ouest de Pétra, dans l'ouadi el-Arabah, à l'est,
voir la carte de l'Idumée, t. m, col. 830. « Voici, dit le
P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1898, p. 114,
deux croupes massives qui ont l'aspect des mines de
cuivre de Maghâra, sur la roule de Suez au Sinaï. C'est
bien le même grès d'un noir verdàtre. Au bas de la
montagne, une ruine immense (fig. 77), dominée par
use colline tout entière couverte de constructions.
C'était comme l'acropole. Sur ses lianes, à l'ouest,
deux églises orientées, partout des tas de scories,
toutes les traces d'une puissante installation indus-
trielle. Cet endroit n'est pas dépourvu d'un certain
charme. Avec un peu de soin, on pouvait avoir là le
conlluenl de deux ruisseaux perpétuels, l'ouadiThana...
et l'ouadi l'enan qui remonte vers Chaubak. L'eau étail
donc abondante; un aqueduc à peine rompu la condui-
sait dans un grand réservoir, et la situation, un peu
au-dessus de l'Araba, était meilleure que celle de Jéri-
cho et de Ségor... Aujourd'hui trois bergers gardent
(ces mines), en répétant sans le comprendre, le nom
de la vieille tribu édomite : Kharbet Fenàn. Voir l'ui-
NON, col. 320. L'homophonie des noms est parfaite,
elle a résisté aux transformations des hellénistes, le
site est caractérisé par la présence des mines; nul
doute que nous ne soyons à Phunon. » Cette identifi-
cation est d'une extrême importance pour la détermi-
nation de la roule suivie par les Israélites dans cette
partie de leur exode. Moïse put tirer des mines de
Phunon le cuivre nécessaire pour la fabrication du ser-
pent d'airain. Num., xxi, 8-9. Cet épisode miraculeux
eut lieu dans celte région, et c'est là que le place la
carte mosaïque de Madaba. — Phunon devint un siège
épiscopal pendant les premiers siècles du christia-
itièsealcé-es '"■'■ Urnes cà]aif? 'Hms WÎ']':'Mbç>iiïpfc
Puina ' ' Khirèet Haled
ËchellB 773
i. ^ ---^
%
77. — Ruines de Fenàn.
D'après un croquis de la Revue biblique, 1900, p. 285.
nisme. On trouve la suscription de quelques-uns de ses
évêques dans les conciles orientaux, B. Gains, Séries
episcoporum, Ratisbonne, 1873, p. 454, et le P. La-
grange a découverl dans les ruines de Fenàn, sur un
bloc de grès, Revue biblique, 1898, p. 449, le nom d'un
évèque Théodore. K. VlGOUROUX.
PHUR, singulier de Phurim. Esth., vin, 7; tx, 24
26. Voir Phdrim.
PHURIM (FÊTE DES) (hébreu ; yîmê hap-pûrîm,
pûrîm; Septante : -qy.ipa.-i tûv "Ppo'jfa:, 'ï'poupa;'; Vul-
gate : (Vies phurim, phurim), fête instituée en mémoire
de la délivrance des Juifs du temps d'Esther.
1" Sun origine. — 1. Lorsque Aman, ministre
d'Assuérus, voulut se venger de Mardochée en faisant
exterminer tous les Juifs du royaume, il obtint du roi
un édit conforme à ses désirs. Mais il restait à déter-
miner le jour de l'extermination. Les Perses aimaient
à s'en remettre au sort quand ils avaient une décision
à prendre. Cf. Hérodote, m, 128. Au premier mois de
l'année, qui est celui de nisan, on jeta donc le pur,
c'est-à-dire le sort, gôrâl, Esth., m, 7, « pour chaque
jour et pour chaque mois, jusqu'au douzième mois, qui
est celui d'Adar. » Le sort désigna le treizième jour du
douzième mois, ce qui laissait aux Juifs un répit d'une
année presque entière. Les Perses ne revenaient jamais
sur une décision du sort, si peu conforme qu'elle fût
à leurs désirs. Le 13 nisan, les secrétaires du roi expé-
dièrent des lettres à toutes les autorités du royaume,
pour qu'il fût procédé, le 13 adar, au massacre de
tous les Juifs. Esth., m, 7, 13. - 2. o Pour, d'où pour-
rim.... est une des racines les mieux connues et les
plus fixes des langues aryennes. Par en sanscrit, por
339
PHURIM (FÊTE DES)
340
en persan; plere en latin, plein en français, répondent
à la même idée et communiquent le même sens à leurs
dérivés... Il s'agii d'un instrument fatidique, nommé
pour en langue perse, qu'on jetait devant toute personne
désireuse de prendre l'avis du destin. Le pour rendait
sans doute ses oracles par oui et par non... Il devait
répondre à une question bien déterminée, posée d'une
façon dichotomique : g Les Juifs seront-ils massacrés
!• premier jourdu mois'.'" Nous savons que, consulté
jour par jour, mois par mois, le pour donna d'abord
un avis négatif, puis, quand on appela le treizième
jour et le douzième mois, il répondit : oui, c'est-à-dire :
tuez. » On a découvert à Suse un prisme quadrangu-
laire sur les faces duquel sont gravés des points, comme
sur nos dés. Voir t. n, fig. 484, col. 1325. « Les Perses
aimaient les jeux de basard autant que le vin; le petit
monument susien ne serait-il pas un de leurs dés; et
leurs dés, sous le nom de pour, n'auraient-ils pas
servi à consulter le soit et à tenter la fortune'.' Pour,
pas plus que cartes, urne ou dés, n'a le sens propre de
sort, mais tous ces mots entrent dans des pbrases sem-
blables : jeter le ;>otir, tirer les cartes, mettre la main
dans l'urne, agiter les dés, qui éveillent toutes quatre la
même idée : consulter le sort. L'expression perse
pour, littéralement <• plein, solide ». répond même
dans une certaine mesure à la forme du déachéménide .»
Dieulafoy, L'acropole de Suse, Paris, 189-2. p. 362-363.
Cf. Vigouroux, Lu Bible el les découvertes modernes.
6' édit.. t. iv. p. 64(3-652. — 3. A la prière d'Estber,
Aman fut condamné-, et des courriers furent expédiés
dans les provinces pour permettre aux Juifs de se
défendre le 13 adar. A Suse. dans toutes les villes et
dans toutes les provinces, le nouvel édit royal produi-
sit un revirement total de l'opinion en faveur du
peuple voué à la mort; e il y eut parmi les Juifs de la
joie et de l'allégresse, des festins et des fêtes, et beau-
coup de gens d'entre les peuples du pays se firent
Juifs, parce que la crainte des Juifs les avait saisis. »
Estb.. vm, 'J-17. Le 13 adar, les Juifs prirent les armes
contie leurs ennemis el en lirent périr un grand
nombre. Esther obtint même qu'à Suse le massacre se
renouvelât le M. A trois reprises, le texte sacré
rque que 1rs Juifs a ne mirent pas la main au
.' . Esth., i.\. 1-16. — 4. Après cette exécution
le- Juifs s,' reposi-ivnl le 11 adar. à Suse le 15 seule-
ment, et ils en firent un jour de joie et de festin. Mardo-
chée écrivit le récit de ce qui s'était passé et ordonna
que, cbaque année, le I i el le 15 adar fussent célébrés
par des festins, des échanges gracieux et des distribu-
tions aux indigents. I sther el Mardochée écrivirent par
deui fois, alin d'établir cette fêle à perpétuité, en la
faisant précéder déjeunes el de lamentations, à l'exemple
qu'Esther avait elle-même pratiqué. Estb., iv,
16; ix. 17-32. La part prise par Mardochée à tous ces
événements el à l'institution de la fête fit donner à
cliacun de ces deux jours le nom de MsepSoy.aïxï-, r,\i.ïpx,
Mardochœi aies, « jour de Mardochée ». II Mach.,
xv, 37.
■1 Sa célébration. — I. La fête se célébrait pendant
deux jours, le 11 et le 15 adar, en mémoire des deux
jours accordi s aux Juifs de Suse pour se défendre.
Dans K-s années auxquelles on ajoutait un mois inter-
calaire, le vcadar (voir t. Il, col. 66). on célébrait deux
fois la fi i des Phurim, qu'on appelait petit Phurim en
adar, el grand Phurim en veadar. La veille de la fête,
13 adar, était un jour de jeûne appelé » jeune d'Estber .
Mais si le li adar tombait un jour de sabbat, le jeûné
du 13 était avancé d'un jour. Les règles du jeune che2
- Juifs eussent été trop difficiles à observer la veille
d'un jour où était défendue même la préparation desali-
ments. Voir JEÛNE, t. ni, col. 1531. Il va de soi que le
gaiement avancé quand le 13 adar était
un jour de sabbat. Du reste, on évitait que la fête
tombât le second, le quatrième ou le septième jour de
la semaine. — 2. La fêle des Phurim ne s'introduisit
pas sans quelque difficulté en Palestine, si l'on en croit la
Gern. lerus, Megilla, 70, 4. C'était une nouveauté contre
laquelle un bon nombre protestaient. Elle finit cependant
par être acceptée, et la mention qu'en fait le second
livre des Machabées, xv, 37. prouve qu'en 162 avant
Jésus-Christ, on la célébrait à Jérusalem. Elle ne com-
portait pas de service liturgique. Aucun sacrifice
n'était donc prescrit à cette occasion, ce qui s'explique
par ce fait que la fête avait eu son origine en pays
étranger. Le livre d'Estber ne prévoit d'ailleurs aucun
exercice religieux, pas même des actions de grâces au
Seigneur. A une époque qu'on ne peut déterminer, on
institua des réunions dans les synagogues. Dans la
réunion de la veille, on lisait deux passages de la Gei
xxxn-xxxiv. Ce même jour, on envoyait de l'argent ou
des dons en nature aux pauvres, alin qu'ils pussent se
réjouir le lendemain. — 3. L'acte le plus important du
14 était la lecture de la megillâh. Ce nom, qui signifie
o rouleau, volume », était commun à cinq livres sai
Voir Ml '.il i mu. I. iv, col. 932. Mais on le donnait par
excellence et sans autre désignation au livre d'Esther,
à cause de l'importance que lui faisait attribuer la fête
des Phurim. Les Juifs disaient proverbialement que le
Temple et les prophètes pourraient disparaître, mais
jamais les Phurim ni la Megillâh, et ils croyaient que
le Messie n'abrogerait ni la loi de Moïse ni le livre
d'Estber. La lecture solennelle de la Megillâh se faisait
dans les synagogues, à la lueur des flambeaux, le soir
ou la nuit, mais à des jours différents suivant les lieux,
le 15 adar dans les kârakim, ou villes enceintes de
murailles au temps de Josue, le 14 dans les autres
villes ou ârim, et enfin, dans les bourgs ou /.'<'/•
le second ou le cinquième jour de la semaine le plus
voisin de la fête. Si celle-ci tombait le jour du sabbat.
la lecture se faisait l'avant-veille. Lis années on l'on
célébrait la fête des Phurim en adar et en veadar, la
lecture n'avait lieu que la première fois. Cf. Megilla. i. 1.
Le matin de la fête, on lisait le passage de l'Exode,
xvii, 8-16, qui raconte la victoire sur les Amali
parce qu'on supposait qu'Aman avait eu pour an
le roi amalécite Agag, Cf. I Reg., xv. S; Estb.. m, I.
— I. Le traité Megilla de la Miscbna a pour objet
la manière de lire le livre d'Estber à la fête des Phu-
rim. Cette lecture donnait lieu à des manifestations
bruyantes, qui étaient probablement la cause de son
interdiction le jour du sabbat, autant que l'absence du
nom de Dieu dans le livre. Voir ESTHER (Lrvftl
t. n, col. 1980. Ces manifestation*, introduites a une
époque où la fête prit un caractère de plus en plus
profane, furent probablement la raison pour laqi
or. lit une rédaction abrégée du livre d'Esther, dans
laquelle n'apparaissait plus le nom de Jéhovah.
Cf. Cornely, Introduct. specia hitt. V. T.libr.,
Paris, 1887, i. n, p. 136; Zschokke, Bistoria »
Vienne. 1888, p. 343. Quand le nom .1 Aman se pré-
sentait au cours de la lecture, on s'écriait : innua/j
temô, que son nom soit détruit ! ou iêm reSâ'im
irqdb, que le nom il - méchants pourrisse^! i Les
enfants battaient des mains, frappaient les bancs ou
heurtaient à grand bruit l'un contie l'autre des mor-
ceaux de bois ou de pierre sur lesquels ils avaient
écrit le nom d'Aman. A la lin de la lecture, toute l'as-
semblée poussait des acclamations : j Maudit Aman
Béni Mardochée! Maudite Zarès femme d'Aman)! Dénie
Esther! Maudits idolâtres! Denis tous les Israélites!
Béni Eiarbona qui a pendu Aman! » Esth., vu. '.'
leurs imprécations, les Juifs visèrent par la suit
ceu\ qu'ils regardaient comme leurs ennemis. Pai
sans limite, il leur arrivait de faire des aumc - même
aux chrétiens pauvres, à l'occasion de la fête des Phu-
rim. Mais d'autre fois, ils brûlaient l'effigie d'Aman
341
PHURIM (FETE DES) - ■ PHUTH
342
et en même temps une croix, en haine de la foi chré-
tienne. Théodose fut ohligé de leur défendre ce sacri-
lège. Cod. Theod., XVI, vm. 18. — 5. Les festins qui
accompagnaient la fête des Phurim étaient joyeux et
copieux. D'après la Geni. Megilla, vu. 2. chacun de-
vait boire, à la fête des Phurim, de manière à ne plus
pouvoir distinguer entre « maudit Aman « et <• béni
Mardochée «. — 6. Un certain nombre d'auteurs ont
pensé que la fête mentionnée par saint Jean, v, 1.
[opr-rj, « une fête, » ou d'après plusieurs manuscrits
r, èopr/j, c la fête, » n'était autre que celle des Phurim.
.Mais cette fêle n'obligeait pas à se rendre à Jérusalem
et il serait étonnant que saint Jean se fut arrêté à signa-
ler une solennité d'un caractère si profane. Il parle
manifestement d'une fêle qui attirait à Jérusalem un
grand concours de peuple. A la suite de saint Irénée,
Adv. User., n, 22, 3, t. vu. col. 783, et conformément
aux conclusions d'Eusèbe, Chronic, et Demonslr.
evang., t. xix. col. Ô36; t. xxn, col. 625, on croit assez
généralement que cette fête était la Pàque. Cf. Fillion,
Evang. selon S. Jean, Paris, 1887, p. 92, 93; Knaben-
bauer, Evang. sec. Joan.. Paris, 1898, p. 187. — 7. Enfin,
on a cherché à rattacher la fête juive des Phurim à cer-
tains usages en honneur chez les Perses. La fête ne se-
i.i 1 1 qu'une adaptation, par les Juifs de Suse, d'une fête
de printemps que les Perses célébraient annuellement.
Selon d'autres, elle devrait son origine aux festins que
les Perses faisaient en l'honneur des morts pendant
dix jours, les cinq derniers jours du douzième mois
d'abàn et les cinq jours intercalaires qui suivaient. Ces
solennités gastronomiques s'appelaient Fôrdigàn ou
Pôrdigdn, termes que reproduiraient approximative-
ment les mots des textes grecs $povipai et «Êpoupaïa, et
les festins du 14 et du 15 adar n'en seraient que l'imi-
tation, On a prétendu aussi que celte fête n'était qu'un
prélude de la fête de la Pàque, qui tombe juste un
m i- plus lard. Cf. Riehm, Handwôrterbuch des
biblisch. Allerlums, Leipzig, 1894, t. n, p. 1264.
Toutes ces allégations se heurtent au récit du livre
d'Esther qui ne fait pas la moindre allusion, à propos
de la fête des Phurim, ni à une solennité printanière,
ni au souvenir des morts, ni à une préparation anti-
cipée à la Pàque. Les festins sont de tous les temps et
de tous les pays et il était naturel d'y recourir pour
célébrer une délivrance. Ils étaient déjà prescrits aux
Israélites dans leurs autres fêtes. Deut.. xvi, 11. 14. En
somme, l'historique de la fàte des Phurim est aussi
incontestable que celle des autres fêtes instituées après
la captivité, celle de la Dédicace, II Mach., x, 1-8, et
celle du 13 adar en souvenir de la mort de Nicanor.
Il Mach., xv, 36-37. — Cf. Reland. Antiquitates sacrse,
Utrecht, 1741, p. 268-269; Iken, Antiquitates hebraicse,
Brème, 1741. p. 141-142, 336-338; W. Schickard,
Purim sire Bacchanalia .fudxorum, dans les Critici
t. m, col. 1184; B. L. Eskuche, De festo Judseo-
rum Purim, Marbourg, 1734. II. Lesètre.
PHUTH (hébreu : Pù«;Septante : *oû8, AîëuEç; Vul-
gate : Pltuth, Phut, Libyes, Libya, Africa), pays.
I. Les textes. —Isaïe, lxvi, 19, sous le règne et
\ei s i lin de la vie d'Ézéchias, vers 698 avant J.-C, parle
du royaume messianique et des Juifs incrédules. Tou-
tefois, parmi ces derniers, quelques-uns resteront
fidèles et Dieu les enverra prêcher sa gloire aux Gentils,
aux i Pûl » entre autres et aux a Lùd qui tirent de
ce que la Vulgate rend par in Africain et Ly-
diam tendentes sagittam. Pûl est un mot qui ne se
■ntre nulle part ailleurs et qui semble une cor-
ruption pour Put. Ainsi l'ont compris les Septante qui
le traduisent par <I>cCc. Leur lecture a été généralement
acceptée, à commencer par saint Jérôme, comme
l'insinue le mot Africa. — Nahum, III, 9, nous
montre Pût et Lûbim parmi les auxiliaires de l'ar-
mée égyptienne, tandis que Kùs et Misraim sont la
force de Thèbes : /Ethiopia fortitudo e/us et .Egyp-
tus...: Africa (Put) et Libyes [Lûbim) fuerunt in
au.rilio tuo. Rien n'est plus exact, puisque, avant le sac
de Thèbes (664) par Assurhanipal, l'Ethiopie dominait
l'Egypte et ne faisait qu'un avec elle. Les Éthiopiens ne
pouvaient donc alors être considérés comme les auxi-
liaires de l'Egypte. Cf. No-Amon, t. IV, col. 1647. —
Jérémie, xlvi, 9, nous apprend que dans l'armée que
Néchao II conduit au désastre de Carchamis, 606 avant
J.-C, se trouvent des Éthiopiens [Kûê) et des Libyens
[Pût) armés du bouclier, et des Lydiens [Lûdîm) sai-
sissant et lançant des llèches.Ici les Éthiopiens ne sont
plus que les auxiliaires de l'Egypte et sur le même pied
que Pût et Lûdim. En effet les Éthiopiens, à cetle date,
se sont retirés à Napata, et l'Egypte possède un gouver-
nement indépendant. — Ézéchiel, xxvn, 10, place, avec
les Perses Lùd et Pût, des Lydiens et des Libyens,
parmi les auxiliaires de Tyr qui doit tomber, ou du
moins se soumettre, après treize ans de siège, àNabu-
chodonosor, 574 avant J.-C. Cf. Maspero, Histoire de
l'Orient classique, t. tu, 1899, p. 549. Chez le même
prophète, xxx, 5, Kùs, Pût et Lùd, l'Ethiopie, la
Libye et les Lydiens, servent dans l'armée de Pharaon
que Nabuchodonosor heurtera en 568, dans sa deuxième
campagne contre l'Egypte. Cf. No-Amon. t. iv, col. 1652.
3°. — Enlin, chez Ézéchiel, xxxvm, 5. nous trouvons
dans l'armée de Gog, roi de Magog, avec d'autres peu-
ples Kùs et Put, les Éthiopiens et les Libyens. — Dans
un passage de Judith, Septante, n, 23, Holopherne
vient d'arriver au nord de la Cilicie; il s'engage alors
dans les montagnes et ravage Put et Lùd.
IL Phtth, peuple africain. — 1° Pour Nahum. m,
9, il n'y a pas de doute, Phuth est en Afrique. A Thè-
bes, dont l'Ethiopie et l'Egypte sont la force, puisqu'à
ce moment l'éthiopien Tanoutamen a succédé à son
père, l'éthiopien Tharaca, dans le gouvernement de
l'empire éthiopico-égyptien, Phuth fournit des auxi-
liaires au même titre que la Libye. Les gens de Phuth
sont donc comme les Lùdim des voisins de l'empire
éthiopico-égyptien. — 2° Isaïe, LXVI, 19, unit les Pût
aux Lùd, si vraiment, après les Septante, nous devons
lire Put au lieu de Pùl. Mais comme Lùd représente
ici, nous dit-on, les Lydiens de l'Asie Mineure, il en
résulte que Put parait être aussi un peuple delà même
région. « Isaïe... comprend dans une énumération
Tarsis, Phoul (Phut), Loud, Thubal, Javan, leur ap-
pliquant la désignation commune d'iles, sous la-
quelle l'usage biblique entend l'Asie Mineure, les
iles de la Méditerranée, la Grèce et les îles plus
éloignées à l'ouest. Le texte d'Isaïe nous ramène donc
à l'Asie Mineure pour Loud en particulier et probable-
ment aussi pour Phout. » A. Delaltre, Le peuple et
l'empire des Médes, Bruxelles, 1883, p. 159, note 1. A
cela on peut répondre : le texte en question, le mot
iles en particulier, ont-ils bien ce sens restreint?
« Et je ferai un prodige au milieu d'eux, dit le texte
hébreu, et j'enverrai de leurs réqhappés vers les na-
tions, à Tharsis (Tartessus, port phénicien d'Espagne),
à Pùl (Put) et à Lùd qui tirent de l'arc, à Thubal iTi-
baréniens du Pont-Euxin) et à Iavan (Ioniens, Grecs)
vers les iles lointaines, qui n'ont jamais entendu par-
ler de moi, et ils publieront ma gloire parmi les na-
tions. » De ceux qui auront échappé au jugement de
Dieu, il en est donc qui iront annoncer la bonne nou-
velle jusque chez les peuples reculés et peu connus,
chez toutes les nations, dont quelques-unes sont nom-
mées. Aucune limite ne leursera assignée que les limites
des iles « les plus lointaines », c'est-à-dire de l'uni-
vers. L'énumération d'Isaïe est si peu restrictive qu'elle
a pour but principal de montrer que le royaume de
Dieu sera prêché à tous. D'où il ne suit pas néces-
sairement que les peuples réunis par l'énumération
343
I'HUTH
344
soient aussi réunis par la race ou par la géographie et
qu'il faille placer l'ùi à cédé de Lùd. Cf. Knabenbauer,
1,, haiam, t. n. p. 515, 517. En accordant même que
ers deux peuples aient été voisins, rien ne nous garan-
tit que Lùd ail eu son habitai en Lydie. Sans vouloir
avec Ebers, Aegyplen und die Bûcher Mose's, 1868,
p. 91, en faire des I gypliens, Lulu, ce qui est très
douteux comme lecture puisque le mot s=> M* se lit
aujourd'hui plutôt romilou; ce qui est exclu par le l'ait
même que Lùd et Lûdim comptent ailleurs, .1er., xi.vi,
9; Ezech., xxx, 5, parmi les auxiliaires des Égyptiens;
sans donc aller jusque-là, il est à propos de noter que
si dans la Genèse, x, 22, Lùd esl le quatrième (ils
ou la quatrième famille issue de Sera, Lûdim, X, 13,
est la première famille issue de Misraîm. Il y eut donc
à l'origine deux peuples de ce nom, l'un asiatique, les
Lùd, l'autre africain, les Lùdim. Malheureusement, la
distinction de ces deux peuples ne s.' conserve pas
chez les prophètes qui emploient indifféremment et
l'un pour l'autre Lùd et Lùdim. Cf. les passages paral-
lèles, Jer., xi.vi. 9, et Ezech., XXX, 5. On ne peut donc
rien conclure contre l'origine africaine des Lùd tris
qu'ils apparaissent dans le texte de J. rende, a plus
forte raison des l'ùl que rien n'autorise à dédoubler et
à sortir de l'Afrique où les met clairement Nahum. On
pourrait objecter le texte des Septante dans Judith, II,
23. .Mais nous ne possédons pas le texte original de ce
livre. Les noms propres surtout, dans les manuscrits
des différentes versions, sont profondément altérés el
divers. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, t. n, 12' édit.,
1906, p. 186-188. Si bien, qu'étant donnée la marche
d Holopherne, qui ravage la Cappadoce, puis entre
dans t., région des montagnes, c'est-à-dire la Pisidie,
le plus probable esl de déduire avec Robiou, Deux
questions de chronologie et d'histoire éclaircies par
les Annales d'Assurbanipal, 1875, p. 16, que •• Phut »
esl ici pour ■ Phusl », par suite de la chute de la
sifflante. « En effet, en suivant celte direction, les
massifs de la Pisidie s,, présentaient devanl eux îles
Assyriens'. L'omission de la sifflante par les copistes
sufiit pour transformer en Phul le n de celte
contrée, » — 3" Jërémie, xi.vi, 9, et Êzéchiel, XXX, 5,
nous retiennent en Afrique avec Kûs et Pût qui ma-
nient le bouclier, quoi qu'il en soit de Lùdim et Lùd.
Ces derniers pourraient bien être des Lydiens à
l'époque de Néchao el d'Amasis. Les Grecs el leurs
voisins de l'Asie Mineure sont nombreux alors dans
l'armée égyptienne, et, peu après la seconde campagne
de Nabuchodonosor, Amasis resserra ses liens avec eux
en s'alliant à Polycrate de Samos et à Crésus de Lydie.
Hérodote, m, 3'J, i, 77. — 4" Ezéchiel, xxvu, 10, ne
nous parle plus de l'armée égyptienne, mais de l'armée
qui défend Tyr, et celle aine'.' comprend des Perses.
des Lùd el des pat. A première vue, un tel groupemenl
dans un tel endroit peul surprendre, e! on a voulu y voir
une » simple paranomase ». Cf. Frd. Delitzsch, Wo
lag das Parodies, 1881, p. 252. Mais si nous nous rappe-
lons qu'à ce moment la mer Rouge esl reliée au Nil el
a la Méditerranée, que les colonies phéniciennes s-. ni
disséminées en Syrie, en Mésopotamie, au golfe IVr-
sique, en Egypte, sur 1rs différents rivages de I' Mrique,
dans la plupart .les Iles de la Méditerranée, sur la mer
Noire et en Espagne, cf. Movers, Die Phônizier, 1841-
1856, i. n, "2, nous ne serons pas étonnés de voir Tyr
recruter ses mercenaires jusque chez les nations les
plus éloignées, ir.oll.ur-. a le bien regarder, le texte
sien'' ne nous forée nullement à l'aire coudoyer dans
Tyr même les gens de l'ùl par 1rs Perses el les Lydiens.
t zéchiel ne borne pas sa vue à la ville de Tyr, mais il
embrasse Tyr el tout l'ensemble de ses colonies el, pour
ainsi dire, son rayonnement entier : « Les Perses el
les Lydiens et Put combattaient dans ton armée; ils
suspendaient chez toi le casque et le bouclier et le
donnaient de la splendeur, o II peut très bien n'être
question que de mercenaires soudoyés sur place pour
la défense dfs colonies phéniciennes où Tyr, métropole
des nations, était encore chez elle, et alors rien de
plus naturel que les gens de Pût lui aient servi de mi-
lice dans ses postes africains de la mer Rouge, pendant
que les Perses et les Lydiens jouaient ailleurs le mê
rôle, tous contribuant à la gloire et à la force de Tyr.
Cf. Knabenbauer. 7» Ezechielem, p. 270-271. — 5° Ezé-
chiel, xxxviii. ô : Que Gog, roi de Magog, soit un per-
sonnage historique ou non. il est ici une figure. Il
incarne la lutte générale, et peut-être la grande el
suprême lutte contre le royame de Dieu. Tel sera son
prestige qu'il recrutera ses partisans dans le monde
entier. Afin de rendre -,i description plus saisissante,
le prophète ne se contente pas de parler en général, il
s'accommode à l'esprit de ses contemporains el il leur
cite des peuples aux noms et aux caractères connus.
pour leur montrer que ces adversaires seront impla-
cables autant qu'innombrables. Il nous faut donc gar-
der le symbole, mais en en distinguant la chose signi-
fiée, el nous comprendrons sans peine pourquoi l -
nations africaines de luis el de Put sont contenues dans
cette énumération des contingents de l'armée de Gog.
géographie vivante au moment où l'auteur parle, bien
qu'elle ne doive plus l'être probablement quand se
produiront les événements. Cf. Knabenbauer, loc. cit.,
p. 388-391. — En résume, de l'examen de nos textes, il
ressort qu'il n'j a qu'un peuple de Pût et qu'il est
africain. Cest ainsi d'ailleurs que l'avaient compris les
Septante et la Vulgale puisqu'ils rendent toujours ce
nom chez les Prophètes par Libyens,
III. Pût et Punt. — Où les Septante se sonl Iroinpés,
et, après eux, la Vulgale, c'est en identifiant Pùl avei
les Libyens. Ils ne faisaient, du reste, que suivre une
tradition. Cf. Josèphe, 1///. jud. I. vi, 2. Cf. Pline,
//. N., v, 13 el Ptolémée, IV. i. 3. Jusqu'à notre
époque les interprèles de 1 Écriture s'i n -eut lenus à
la tradition mentionnée dans Josèphe el plusieurs s'j
tiennent encore. Cf. Riehm, Handivôrterbûch des bibl,
Altertums, 2" édit., t. n. p. 1268. Mais elle ne mérite
aucune attention, car lés anciens Égyptiens ne connu-
rent jamais la Mauritanie marocaine. I>e plus. .Ile ne
tient aucun compte de ce fait que l'Écriture distingue
à plusieurs reprises bs Pùl des Libyens : Lehabini el
Lubini. Ceii., x, 13; N'ai m. il; Ezech., xxx, 5. —
Pour justifier la traduction de Pût par Libyes, quelques
commentateurs, cf. Dillmann, Genesis, Ie édit., 1882,
p. 169, oui fait appel au mot sb*.iô.T, désignant la Li-
bye el surtout la partie occidentale du Delta. Mais on
ne connaît pas encore en égyptien le correspondant de
ce mot el l'on ne voil pas d'après quelles règles de
linguistique il sérail représentatif d'un teri égyptien
équivalent à l'ùl el qui aurait inlluencé les traducteurs.
D'autre pari, .les égyplologues ont comparé l'ùl à .^
qu'ils lisent jiflt. pâte, « guerriers étrangers, m
naires ». Cette expression vient de _, . padit, p
g arc ... en copie nrre au masculin, >\>n au féminin;
écrite
III
- uni
elle désigne les <• neuf arcs i que les
statues royales t',.uient aux pieds el qui représentent
les ennemis de l'Egypte. Liant donnée la lecture peti,
pale, elle ne serait pas sans analogie avec l'ùl que la
Bible accule de l'épithète » maniant l'arc ... Par suite.
Put désignerai! en général tous les contingents étran-
gers, tant africains qu'asiatiques, à la solde de l'Egypti
el même d'aulres nations. Nous les trouvons, en effet,
dans les forteresses du Delta oriental. Papyrus
/.-m. m, 6, lig. i ; 7. lig. 6; gardant les puits de la Pa-
lestine orientale, jo., v. 11, lie. 7: à Héliopolis, ib.,l,
10. lig. I ; en Ethiopie, Papyrus judiciaire de J
34."
PHUTH
:î46
pi. v, lig. 3; dans l'armée fédérale des Chélas se bat-
tant contre Ramsès II. Lepsius. Denkmâler, Abth. m,
163 Cf. Delatlre, Lettres de Tell el-Amarna, 7,: série,
dans Proceedings of llie Society of Biblical Archse-
ology, t. xv, 1892-1893, p. 347-348, note de Wiedmann.
Allant plus loin comme au temps des Prophètes les
mercenaires de l'armée égyptienne étaient surtout des
Libyens, on pourrait avancer qu'il n'était pas dérai-
sonnable de rendre Pût par Aî6ueç. A cela il n'y a
qu'une difficulté, mais elle est capitale, c'est que la
lecture peti, pale est fautive, comme le prouvent les
transcriptions assyriennes des Lettres de Tell el-
Amarna : bitati. a. 72 de Berlin, lig. -27. pidali, n. 102,
verso lig. 59, bi-it-ta-ti, n. 37 du Brilisli Muséum,
lig. 57. Cf. Delattre, loc. cit. Or pidali et variantes
nous donnent en égyptien pédale, pedati qui, comme
formation, ne concorde pas avec Put. Cf. W. M. Millier,
art. Put, dans Cheyne-Black, Encyclopedia biblica,
t. iv. col. 177. Il est donc nécessaire de nous tourner
ailleurs. — Le premier, E. de Rougé attira l'attention
sur un peuple que nous rencontrons datas les docu-
ments égyptiens de toutes les époques : | S?± .T..
Puni. Recherches sur les monuments qu'on peut
attribuer aux si.c premières dynasties, 1S66, p. 4-5.
Il déduisait qu'on pouvait reconnaître Phuth dans le
nom de Punt. Cf. Ebers, Aegypten und die Bûcher
Mnse's, 1868, p. 64; Brugsch, Die allaegyptische Voel-
kertafel, p. 3S, 45, 51, 59, 66, dans Ve Congrès inter-
national des Orientalistes, Berlin, 1882, iic partie,
l,r fasc, section africaine; Weisbach-Beng, Die Alt-
ischen Keilinsehriften, 1893, p. 36-37; AV. M.
Muller. Asien und Enropa nach altâgyptischen Denk-
>■», 1893, p. 115. Ce dernier auteur, art. Put, loc.
• it., ajoute : « Les Égyptiens prononçaient le t. après»,
avec un son que les Grecs rendirent par 8 (cf. <I>oùo
rendu constamment, non d'après l'hébreu, mais d'après
li prononciation égyptienne), les Sémites par teth.
Ainsi Pût est pour Pu\n)t, et cela très régulièrement, n
L'opinion d'E. de Rongé est de plus en plus générale-
ment admise aujourd'hui.
IV. Race de Punt. — Le portrait des indigènes de
Punt nous a été conservé, entre autres, par le temple
«le lieir el-Bahari, Mariette, Deir el Baliari, 1877,
pi. 5. 13-16; Naville, Deir el-Bahari, t. m, 1898,
pi, iaix. lxxiv, lxxvi (XVIe Mémoire de VEgypt Explo-
ration lund); par le Tombeau de Rekhmara, publié
par Pli. Virey, dans Mémoires de la mission arcliéolo-
gique française au Caire, t. y, fasc. 1,1889, pi. iv; par
constructions d'Horemheb à Karnak (muraille est
de la Cour qui précède le dixième pylône, section com-
prisi entre le temple d'Aménopbis II et le pjlone lui-
même;. Cf. Xo-Amon, t. iv, col. 1643- 16U. lig. 445 a. De
celte dernière représentation nous lisons, Lettre de
il. Boudant à M. Max Mûller, dans Becueil tles tro-
ua relatifs à la philologie et à l'archéologie égyp-
tii fines et assyriennes, t. xvii, 1895, p. 41-13 : e Le
mur iseclion de mur en question) se divise en deux
parties, séparées par une porte donnant à l'extérieur
Cour. La partie la plus méridionale, celle, par
iquent, qui est soudée directement au pylône,
portait an grand tableau représentant le roi amenant
a la triade thébaine un certain nombre de captif-.. .
Sur la partie du mur située au delà de la porte, un seul
peuple est représenté, mais traité en ami; il n'est ni
ùné ni même relié au roi par la corde tradition-
nelle. C'est celui de Punt, dont les chefs apportent l'or,
la gomme et les plumes d'autruche. Le type de ces
individus se rapproche assez du type égyptien pour
faire croire à une commune origine; dans tous les cas
hairs sont rouges, on peut encore le constater, et
■ment n'est pas autre chose que celui des Égyp-
tiens. Détail curieux à signaler : les chefs ne portent
pas l'épitbète de **"- -y/_ [khesi, « vils o) dont on est si
prodigue envers les autres. » Sur la représentation du
tombeau de Rekhmara, il faut faire les mêmes re-
marques : les gens de Punt viennent en amis, leurs
traits sont ceux des Égyptiens, leurs produits, or,
gommes résineuses, œufs et plumes d'autruche, ivoire,
arbre à encens, la bosweïlia Carteri, singes et guépard,
« presque tout ce que l'on y voit rappelle l'Afrique
bien plus que l'Arabie; et si quelques traits peuvent
s'appliquer à celte dernière contrée, ils lui sont com-
muns avec les terres extrêmes du continent africain. »
Ilamy, Etude sur les peintures ethniques d'un tombeau
lliébain de la XY11P dynastie, p. 21, tirage à part du
Bulletin de la Société anthropologique de Paris, t. x.
La représentation de Deir el-Bahari est de toutes la plus
caractéristique, malgré ses mutilations. Il s'agit d'une
expédition pacifique envoyée à Punt par la reine Hat-
chepsou. Cf. Naville, loc. cit., p. 11-21. En substance,
Naville observe que la llottille égyptienne débarque sur
une terre africaine. Les huttes des indigènes, arrondies
et surmontées d'un toit conique, sont bâties sur pilotis,
crainte des fauves et peut-être de l'inondation. Une
échelle y donne accès. Elles ne diffèrent point des
huttes qu'on retrouve aujourd'hui dans l'Afrique cen-
trale. La faune du pays ne comporte que des espèces
africaines : bœufs à cornes courtes, bœufs à cornes
longues et recourbées, que de nos jours encore on
exporte du Soudan en Egypte; girafes, chiens blancs aux
longues oreilles pendantes, cynocéphales, singes vert-,
peaux de panthère, hippopotames. Bien africains aussi
sont les arbres à encens ou à myrrhe, les ébéniers,
l'or et l'antimoine. Les habitants sont plus significatifs
encore. On remarque parmi eux trois types : deux
sortes de nègres et les gens de Punt proprement dits.
Des nègres, les uns ont la peau noire, et sont probable-
ment venus de l'intérieur pour leur commerce; les
autres ont la peau bronzée ou rougeàtre, différents des
premiers par leur visage ovale, leur nez lin et droit ou
d'une courbe légère, leurs attaches délicates, leurs che-
veux frisés, tenant le milieu entre les boucles des
Arabes et la laine crépue des Noirs, tous traits que
Deniker, The races of Mon, p. 138, regarde comme le
lot de la race éthiopienne, dont les Gallas, avec leurs
épaules larges et leur tronc en forme de cône ren-
versé surdes hanches peu développées, sont le meilleur
spécimen. Quant aux gens de Punt, ils ont la peau
carminée, la taille élancée et bien prise, le nez aquilin.
la barbe longue et terminée en pointe, la chevelure
blonde qui s'étage en petites mèches ou se divise en
nattes soignées. Leur costume esl fait d'un simple
pagne. Si la femme du chef est difforme, si la fille est
en voie de le devenir, c'est un genre de beauté toujours
apprécié dans les régions du Haut-Nil. Cf. Speke, Les
sources du Nil, édition française, 1865, p. 183; Schwein-
furlli, Au cœur de l'Afrique, édition française, 1875,
t. i, p. 282. En tout, les gens de Punt apparaissent
cuiiime des Chamites, appartenant à la race rouge dont
les Egyptiens sont une autre branche. C'est donc à tort
que Lepsius, Kubische Grammatik, Einleitung, p. xevi,
et, après lui, Glaser, Punt und die sudarabische Race,
p. 66, ont voulu en faire des Phéniciens qui fondèrent
plus tard la colonie de Carlhage. On rapproche ainsi
les noms : Puna, Phuna, Phoenix ( t'oiv.; . l'uni, Puni.
.Mais Puna, pour Punt, est une lecture incorrecte. En
outre, l'adjectif latin punicus est dérivé du nom
Pœnus, qui est l'équivalent exact de i'oïviÇ. Or, entre
'l'oïviÇ et Punt, il n'y a ni ressemblance ni rapport
d'aucune sorte. La vocalisation gréco-romaine $o£vtxe;-
Pœni repousse toute équivalence entre Vu ou plutôt
le i« de Punt et I'm de Puni. Cf. Ed. Meyer, Geschichte
des Alterthums, 1884-1902. t. i. p. 210; Bissing, Ge-
schichte Aegyptens in Vmriss, 1904, p. 45.
347
P1IUTH
348
V. Le pays de Punt. — Il est avant tout « les Échelles
de l'encens ». khetiou mm antiou, O-** V ^k i *
^^ iii' Naville> loc- cit-> P1- Lxrxrv, lig. 13, la
terre des parfums par excellence, ceux que les dieux
préfèrent et qu'à respirer les hommes éprouvent une
joie céleste. « Je t'ai donné, dit Amon à Hatchepsou,
tout le pays de Punt, y compris les terres des dieux de
la Terre divine... Les Échelles de l'encens, c'est en
vérité le lieu de mes délices. Je l'ai créé pour (y trou-
i ■]■ le bien de mon cœur, dans la compagnie de Moût,
d'IIathor, d'Ourrit, darne de Punt. » Naville, loc. cit.,
lig. 10-13. Nous voyons par ce texte que Puni s'appelait
aussi la Terre divine | /y*. ■ ta neter. Punt et Taneter
sont d'ordinaire synonymes. Toutefois le second sem-
ble avoir un sens plus vague et plus étendu que le pre-
mier et l'on comprend dos lors que parfois on le place
au nord relativement à Punt. Cf. Maspero, De quelques
navigations des Egyptiens, 1878, p. 6. Par delà Puni
et la Terre divine s'étendaient les régions fabuleuses,
1 lie des Doubles, la Terre des Esprits. — De ce qui a
été dit, il ressort déjà que le Punt connu des Égyptiens
était en Afrique et l'on a pu soupçonner qu'il se trouvait
à l'est du Nil. Les documents hiéroglyphiques vont
nous permettre de préciser davantage. « Je suis venu,
dit Amon à Thoutmès III, et je t'accorde d'écraser la
terre d'Orient, de fouler aux pieds les habitants des
contrées divines. Mariette, Karnak, 1875, pi. xi. lig. 15.
De même à Ramsès III : « Je tourne ma face vers
l'Orient... : je le l'assujettis en son entier...; je réunis
pour loi les produits de Punt, gommes odorantes, en-
cens, cinnamome..., l'odeur agréable en esl devant toi. »
Champollion, Monuments de l'Egypte et de la Nubie,
Notices descriptives, t. i, p. 7"27. Tous les malins le
soleil arrivait de Punt chez les Mazaiou, c'est-à-dire
d'Orient en Occident. Mariette, Papyrus de Boulaq,
t. il. pi. xi, p. 2, lig. 4; cf. p. 1, lig. 4-5. C'est donc bien à
l'I trient de l'Egypte que se trouvait le pays de Puni. On
pouvait s'y rendre par les routes de terre et de mer.
C'est par les roules de terre que Hirkhouf, prince
d'Éléphanline, y parvint sous la VIe dynastie et en ramena
un pygmée, comme avait l'ait quatre-vingts ans plus
lût un autre fonctionnaire de la Ve dynastie. Maspero,
Histoire de l'Orient classique, t. i, 1895, p. 390-397.
432-433, pense que c'est par les vallées qui s'ouvrent
vers la mer Rouge un peu avant la seconde cataracte
que Hirkhouf toucha au pays de Punt. E. Schiaparelli,
Una tomba egiziana inedita délia VI» dinastia, dans
Atti délia /.'. Ace. dei Lincei, séria l», t. x. 1893,
part. I', tfemorie, p. 22, estime que ce fut plus au
miiI encore que remonta Hirkhouf pour aller prendre
contact avec la Terre divine, p. 18-53. Dans la suite, on
|,i h i-a la nulle île Coptos par l'Ouadi llammamat, jus-
qu'à Qoçéyr sur la mer Rouge. De là, des chalands ayant
été construits sur place, on filait en course le lon.u des
Cotes vers le sud. un percevait les tributs des terres divi-
nes, surtout 1 encens dont on avait besoin pour le culte
des dieux. Ainsi lit Ibiunou, l'ami unique de Sankhara
Mentouhotep, le dernier roi de la XIe dynastie. Lepsius,
Denkmâler, Abth. Il, pi. I50a; Maspero, loc. cit., p, 194-
195. Ainsi m un certain Khentkhétouer, en l'an XXVIII
d'Aménemhal 11 et, il consigna son heureuse croisière
sur une stèle de l'Ouadi Gasous. Erman, Striai ans
i ddi Gasûs bei Qosêr, dans Zeitschrift fur àgyplische
Sprache, t. x\; 1882, p. 203-205. Ainsi feront tous les
mis aux époqin-s prospères. Un n'oubliera plus le
chemin de l'uni que plus lard rendra plus abordable le
canal du Nil à la mer Rouge. Cf. Maspero, De quelques
talions, p. 27-32; .Naville, The Store-City of l'i-
thom, l- édii., 1903, p. 21, 33. - Jusqu'à la Xli- dynas-
tie, il semble que les Égyptiens n'aient connu de ce
pays que la partie située a la hauteur de Souakim el
de Massaouah, et pour cette époque seulement valent
les conclusions documentées de Krall, Studien zar
Geschichte des allen Aegxjptens, IV, Das Land Punt,
dans les Sitzungsberichte de l'Académie impériale de
Vienne, t. cxxi. 1890. p. 1-87; voir en particulier,
p. 21-22. En effet, Maspero. Notes sur linéiques pointa
! degrammaire et d'histoire, dans Recueil des travaux,
t. xvii, 1895. p. 76-78. a montré qu'à la XIIe dynastie
l'on croyait que le Nil débouchait par là dans la mer
Rouge, vers l'île du roi des Serpents, qui répondrait à
l'île des Topazes des Anciens, dans la région moyenne
du golfe Arabique. Mais sous la XVIII- dynastie, la llot-
tille de la reine Hatchepsou parait avoir dépassé ces
limites. Ce n'est pas sur la côte même, mais dans l'es-
tuaire d'un fleuve que les Égyptiens débarquent, comme
cela résulte de l'examen des représentations de Deir el-
Bahari. Parlant de ce fait. Maspero, Dr quelques navi-
gations, p. 20-22, a cherché le point d'arrivée de la
lloltille dans l'une des rades accessibles, que signale le
Périple de la mer Erythrée, S 8-11. dans Millier.
graphi Grxci minores, t. i, édit. Didot. p. 265-2
il a songea la rivière de l'Eléphant dont l'Ouadi,» situé
entre le Ras el-Fil (cap Elephas) et le cap Guardafui,
parait avoir été assez considérable pour que des navires
d'un faible tirant d'eau pussent y pénétrer et même v
évoluer à leur aise. C'était là, et là seulement, qu'à
l'époque romaine on recueillait la meilleure qualité
d'encens; c'est là probablement que les Égyptiens d'IIat-
chopsitou atterrirent. Ils remontèrent le fleuve jusqu'à
l'endroit où le ilux et le reflux ne se faisaient plus sen-
tir, et ils mouillèrent en face d'un village épars sur la
rive, au milieu des sycomores et des palmiers. His-
toire de V Orient classique, t. n. 1897. p. 245-248 et
notes. Ils auraient donc été en pleine cùte des Somalis,
dans la région des Aromates des Anciens. Cf. Geograpli.
Grseci minores. Tabulée, pars prima, lab. mi. N'avilie
ne pense pas autrement que .Maspero. Cf. The tomb
of Hatchopsitû, Londres. 1900. p. 26, 27. 30, 31. Le
même auteur, p. 25, fait une remarque qui vaut d'être
notée : « .l'estime une erreur, dit-il, de considérer le
nom de Punt comme s'appliquant à un territoire aux
limites définies, s, ni à un État ou rovai soit a un
groupe d'États. C'était une vague appellali. n géogi
phique embrassant un pays d'une vaste étendue, le res-
sort de plusieurs nations de races diverses, sans aucun
lien entre elles. » 11 juge même, loc. cit., p. 26, que
l'appellation s'étendait à la cùte Arabique de la mer
Rouge. Aux gens de Punt vivaient plus ou moins mê-
lées les tribus chamiliques du désert, celles princi-
palement qu'on appela plus tard 1rs Troglodytes et
les Ichtyophages (les Ababdéhs et les Bicharis de nos
jours), les Bedjas qu'un dil les descendants des Ble-
ir.ves. les Sahos et les Afars de la Côte Abyssin
Somalis et les G Mas. plus avancés dans les tel
touchant même au Nil et occupant les vallées de l'esl
à la hauteur de la deuxième cataracte, disséminés vrai-
semblablement jusqu'à l'Atbara, étaient contigus au pays
de Punt les Mazaiou qui fournirent d<- tout temps à
l'Egypte de solides el nombreux contingents el dont le
nom finit par devenir synonyme de soldais. Cf. le copie
Ai*aoi. Le nom de Punt couvrit vaguement touti -
régions. C'est pourquoi, sous le nom de Pnt-1'unl. les
Prophètes purent désigner les mercenaires que plu-
sieursde ces contrées envoyaient à l'Egypte. — D'autre
part, les Égyptiens ne connaissaient de Punt que quel-
ques points, surtout les stations côtières qui étaient des
entrepots pour les produits de l'intérieur. Sur cet inté-
rieur, ils n'avaient que de vagues idées, et l'on s. -\-
plique que d'après leurs données obscures les savants
aient d'abord divergé beaucoup dans la manière <!
tuer la Terre divine, qu'ils l'ai, -ni même étendue à la côte
asiatique de la mer Rouge, à l'Vémen el a l'Hadramaut
Pour la bibliographie des opinions diverses ou succès-
349
PHUTH — PHYLACTERES
350
sives sur ce sujet, voir Maspero, loc. cit., p. 2i7. note 3.
Nous devons retenir une chose surtout, c'est que les gens
de l'unt étaient de purs Africains, qu'entre eux et les
Égyptiens il n'y eut jamais que des rapports amicaux.
C'est en volontaires qu'ils livrent leurs tributs aux
envoyés de Pharaon ou qu'ils les apportent en Egypte.
Les Egyptiens, de leur côté, les traitent en frères plus
qu'en alliés et écrivent d'ordinaire le nom de Punt
sans le déterminatif des peuples étrangers. Pour eux,
Bès, Hathor, et d'autres dieux de la vallée du Nil étaient
originaires de Punt. Tout sembledonc indiquer qu'entre
les Égyptiens et les gens de Punt il y avait des affini-
tés de sang et comme le souvenir d'un habitat com-
mun : c'était apparemment les deux branches d'un
même tronc. F.t l'on est en droit de penser que les
habitants de Punt ne sont qu'une portion des conqué-
rants venus primitivement de l'Orient vers l'Egypte.
Cette portion s'arrêta en route, se lixa sur la côte afri-
caine de la mer Rouge, la dépassa même et s'enfonça
plus ou moins dans l'intérieur, pendant que la grande
masse des immigrants, suivant l'Ouadi Hammamat, abor-
dait par infiltrations successives à Coptos où Pétrie a mis
au jour les statues du dieu Min qu'il regarde comme
les plus anciens monuments dynastiques, Coptos, 1896,
p. 7. 9, et s'établissait dans les environs d'Abydos où se
trouvent les tombes des premiers rois. Cf. J. Capart, Les
débuts de l'art en Egypte, 1904, p. '278-280. Naville, La
religion dee anciens Egyptiens, 1906, p. 9-12, pense que
les immigrants suivirent une route plus méridionale.
Pour récapituler, les textes de l'Écriture pris dans
leur ensemble nous obligent à situer en Afrique le
peuple de Phuth-Pùt. Or, précisément, les textes hié-
roglyphiques nous donnent le nom d'un peuple et d'un
l'unt, qui est l'équivalent exact de Put. Ce peuple
de l'unt, d'après les produits de son sol et ses caractères
ethnographiques est purement africain, mais africain
étroitement apparenté aux Égyptiens avec lesquels il. est
en rapports d'amitié constants. Il couvre de son nom
tout un groupe de tribus, chamitiques comme lui,
qui lui sont mêlées ou contiguës, s'étendent dans la
partie orientale du Nil. au-dessus de la première ca
i tracte jusque vers l'Atbara. pépinière de soldats pour
l'Egypte. Quant à lui, il habite principalement les
côtes de l'Etbaye, de l'Abyssinie, des Somalis, pénètre
même les Gallas, faisant le commerce de ses produits
et servant d'intermédiaire pour les produits de l'inté-
rieur. Il marque probablement, à l'origine, la dernière
station des futurs conquérants de la vallée du Nil dont
il se détacha pour se ttxer aux Echelles de l'encens.
C. Lagier.
PHUT1EL (hébreu : Pùlicl; Septante : $outit|X),
père de la femme du grand-prêtre Éléazar, (ils d'Aaron
et grand-père de Phinées. Exod., vi, 25. Voir Puînées 1,
col. 319.
PHYGELLE (grec : *ÛYeUoç, « fugitif [?] •>), chré-
tien d'Asie qui. se trouvant à Rome pendant que saint
Paul y était prisonnier, l'abandonna, de même qu'Her-
mogène. 11 Tim., i, 1">. Nous ne savons pas en quoi
consista l'abandon de Phygelle, s'il refusa simplement
de \ nir en aide à saint Paul ou s'il aila jusqu'à l'apos-
tasie. Voir Heruooène, t. m, col. 633. Ce qu'ont dit les
anciens a son sujet, et en particulier l'Ambrosiaster, In
Tim., i, 15, t. xvn, col. 487, est purement conjectural.
PHYLACTÈRES (grec : çw.ax-r.pta; Vulgate :
phyUwteria), inscriptions que les Juifs portaient à
leur front, au bras ou à la main.
i. Lti R origine. — 1° Dans quatre passages du Pen-
tateuque, Exod., xm, 9, 16; Deut., VI, 8; xi, 18, le légis-
I c.'eur, pour inculquer aux Israélites la nécessité de
l'obéissance aux préceptes divins, dit que ces préceptes
doivent être pour eux ù(, uïjiieïov, signum, un signe
dans la main, un zikkarùn, « mémorial. ■■ ou des tôtdfôt
devant les yeux. Le sens du mot tôtdfôt n'est pas bien dé-
terminé; on ignore de quel radical il provient. Cf. Buhl,
(îesenius' Handwôrterb.,p. 295. Les Septante le tradui-
sent par àsâXsuTOv, « quelque chose de tixe, •> la Vulgate
par appensum cjuid, « quelque chose de suspendu, » et
par les verbes movebuntur, « seront agités, » coltocate,
« placez. » La signification de tôtdfôt est vraisemblable-
ment analogue à celle de vt. Il s'agit de part et d'autre
d'un signe, d'un mémorial, d'un zikkdrôn, u,vï|[i.d(Tuvov,
monumenlum, objet destiné à rappeler une idée, comme
il est dit dans le premier de ces textes. Exod., xm, 9. —
2° Les Juifs de l'époque évangélique pensaient que les
recommandations du législateur devaient se prendre
dans le sens le plus littéral. En conséquence, ils écri-
vaient les passages indiqués par le législateur et se les
mettaient sur le front et dans la main, au moins pen-
dant la prière. Il est à croire que cette pratique, basée
sur l'interprétation servile du texte sacré, n'entra en
vigueur qu'après la captivité, quand le formalisme pha-
risien commença à exercer son influence et à substi-
tuer peu à peu la lettre de la loi à son esprit, les tra-
ditions humaines aux prescriptions divines. On a un
exemple analogue d'interprétation dans la inezuza. Voir
Me/.uza, t. iv, col. 1057. Du temps de Notre-Seigneur,
les tôtdfôt étaient en honneur sous le nom de « phv-
lactères ». Le divin Maître en parle sans en réprouver
l'usage, mais seulement pour en blâmer l'abus. Josèphe,
An t. jud., IV, vin, 13, les mentionne sans leur donner
de nom; il dit seulement que les Israélites écrivent et
portent sur leur front et leur bras ce qui rappelle la
puissance de Dieu et sa bonté envers eux. Saint Justin,
Dial. cum Tnjpli., 46, t. vi, col. 576, reconnaît dans
cet usage une prescription de la Loi. Un certain nom-
bre d'auteurs, anciens ou modernes, sont du même
avis; la Loi, selon eux, prescrivait réellement de porter
par écrit, sur le front et à la main, plusieurs de ses
préceptes. Roseninùller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 471,
dit que Dieu commanda cette pratique aux Israélites
alin de faire tourner au profit de la Loi le penchant
qu'ils avaient pour les amulettes, à l'exemple de tous
les peuples anciens. Il est probable que l'interpréta-
tion littérale des recommandations sur les tôtdfôt s'ins-
pira de la loi très positive qui concerne le sisit. Voir
Frange, t. n, col. 2394. On crut que les 'ôf et les tôtd-
fôt devaient être des objets matériels, comme les fran-
ges. — 3° Il n'est pas possible cependant de faire re-
monter l'usage des phylactères au delà des siècles qui
précèdent immédiatement l'ère chrétienne. Cf. Frz. De-
litzsch, dans le Handwôrterb. des bibl. Attert. de
Riehm, t. i, p. 310. Parmi les Juifs eux-mêmes, les
Caraïtes ne les admettaient pas, convaincus que les
textes allégués devaient s'entendre dans le sens figuré.
Saint Jérôme, Ep. m, 13, t. xxn, col. 537; In Matth.,
iv, 23, t. xxvi, col. 168, tout en affirmant par erreur que
c'était le Décalogue que l'on écrivait sur les phylactères,
dit que les pharisiens interprétaient mal la Loi et qu'il
s'agissait de la porter dans le cœur et non extérieure-
ment. De fait, dans les temps antérieurs à la captivité,
on ne trouve aucune trace de l'usage des phylactères.
Saint Matthieu est le premier à en faire mention, sans
cependant les supposer récents. Il est certain que si
l'auteur sacré avait voulu que ses paroles fussent en-
tendues dans un sens matériel, il s'en serait expliqué
plus nettement, comme il le fait quand il s'agit de
prescriptions de ce genre, à propos des franges, par
exemple. Pour dire qu'il ne faudra jamais oublier les
commandements divins, le législateur ajoute : « Tu les
inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras
dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te
coucheras et quand tu te lèveras. •> Deut.. VI, 7. Ces
recommandations n'ont pas été prises, et avec raison,
selon la rigueur de la lettre. Pourquoi celles qui sui-
351
PHYLACTERES
35'2
vent, el qui se rapportent aux tôtâfôt, auraient-elles dû
l'être? Bon nombre d'expressions équivalentes se ren-
contrent d'ailleurs dans les Livres sacrés, «ans qu'on
ait songé à leur donner une interprétation matérielle.
Il esl dit. par exemple, qu'il faut o attacher à son cou »
la miséricorde cl la \érité, l'rov., ni, 3, ainsi que l'en-
seignement du père et de la mère, « lier sur ses doigls
et écrire sur la table de son cœur » les leçons du sage,
l'rov.. vu, 3, etc.: cf. Cant., VIII, 6. Ces expressions
figurées ont toujours été comprises dans le sens d'une
grande attention, d'un soin vigilant, pour ne rien ou-
ïe r de ce qu'il faut retenir et pratiquer. Les anciens
Hébreux entendaient de même les recommandations
relatives à la Loi.
II. La pratique juive. — 1° Les tôtâfôt prennent,
dans l'Evangile, le nom de fjXaxTTipia. Matth., xxni.
6. Le mot pu^axT^piov vient de çuXâcseiv, « garder. »
et signifie « moyen de garder, préservatif, amulette ».
Lien que le verbe sulâo-aeiv ait quelquefois le sens
78. — Phylactère pour la tète. D'après L. Cl. Fillion, Atlas
archéologique de ta Bible,2' édit.,pl. crx.
observer une loi », cf. Bailly, D'ut. gr. franc.,
p. -ilui. ce sens n'a poinl passé au substantif el il
n'est pas probable que l'évangéliste ou son traducteur
le lui .lie ut prêté, contrairement à l'usage de la langue
recque. D'ailleurs, le Targum sur Cant., vin, 3, voii
dans les phylactères des amulettes contre les démons.
Voir Ami l.i.rn;, t. I, col. 531. Il est donc à croire qu'a
l'époque évangélique le mol tôtâfôt avait pris ce sens.
On ne peul être étonné que tes pharisiens aient re-
gardé le l'oit des phylactères comme l'expression par-
faite de l'accomplissement de la Loi et comme un
préservatif assuré contre les malédictions qui mena-
çaient ses transgresseurs. Les rabbins ont substitué
au terme hébreu celui de te/illin. qui vient de tt'filhih,
prière, i pane que les phylactères se portaient pen-
dant la prière el qu'ils constituaient eux-mêmes une
orte de prière.
•2° Les Juifs attachaient la plus grande importance
aux phylactères. Il en esl que-non dan- quinze des
traités de la Mischna, cf. Berachoth, m. I. '■'<: Sckab-
bath, VI, '2; vin, 3; xvi. I. etc.. et dans plusieurs
l argums. 1 H petit traité talmudique intitulé Massecheth
Tephillin ou simplement Tephillin, résume tout ce
que les docteurs ont décidé sur le sujet. Maimonide
s'en occupe dans Hilchoth Tephillin. On avait réglé
jusque dans les détails les plus minutieux ce qui con-
cerne les Tephillin. On en distinguait de deux sortes,
la te/illali srl r'oi, ou phylactère pour la tête (fig. 78
et la tefillàh Sel xjàd, phylactère pour la main, cf. Me-
nacholh, iv. 1, ou Sel zerôd, pour le bras (lig. 79
el 80), cf. Mihvaolh, \. 3. La tefillàh du front se
composait d'une petite cassette de basane, divisée en
quatre compartiments, dans chacun desquels on enfer-
mait l'un des quatre passages prescrits, soigneusement
écrits sur parchemin. La cassette, appliquée sur le
T'a. - - Phylactère pour le bras. D'après K i sedia
ofSiblical Literature, 1866, t. ni. Dg. 183.
front, 1 était retenue par deux courroies qui se nouaient
derrière la tête et venaient retomber sur la poitrine
par-dessus les épaules. La tefillàh de la main ou du
bras «e composait également d'une cas-' Ile île basane.
mais a un seul compartiment dans lequel un même
parchemin portait écrits les quatre passages sa, i
La cassette devait, selon les pharisiens, s'attacher au
Lias gauche par des courroies qui s'enroulaient ensuite
autour de l'avant-bras, de la main el des trois doigts
du milieu. Les sadducéens se contentaient de l'attacher
à la main gauche, interprétant ainsi le texte plus litté-
ralement. Les quatre passage- à écrire sur les parche
hc~~
i>
sa. liras avec | hj lai t( re. D'apn s Kit
mins étaient les suivants : Exod., XIII, 1-10, sur la fêle
ils Azymes; Exod., khi. Il Lé sur la consécratioi
premiers-nés à Jéhovah; Deut., m. 1-9, suc les com-
mandements et principalement L- premier; Deut., m.
13-21, sur les promesses cl les ou II na s ,|,. Dieu au SU-
jel de l'observation ou de la transgression de la Loi.
Com n le voit, les deux derniers passages conte-1
liaient seuls îles prescriptions d'un usage quotidien, et
I .m csi en di'oil de Iroincr quelque peu singulière une
interprétation en vertu de laquelle on étail censé avoir
devant les yeux el dans la main des préceptes donl le
texte, écrit sur parchemin, étail soigueusemenl en-
fermé dans fies cassettes, du avait autant de \én, ,
pour les Tephillin que pour la Sainte Écriture, cf. Ya-
dayim, m. lî. et l'on était autorisé a les arracher à un
353
PHYLACTÈRES — PIED
354
incendie, le jour du sabbat, an même litre que les
écrits sacrés. Cf. Schabbatb, XVI, 1.
o" On prenait les phylactères pour la prière quoti-
dienne, composée des trois passages bibliques. Dent.,
VI, 1-9; xi, 13-21, et Xiim., xv, 37-41. Les hommes
seuls y étaient obligés; il n'est pas prouvé cependant
qui' cille obligation ait été regardée comme stricte.
Rien ne donne à penser que Xotre-Seigneur se soit
jamais servi des phylactères, qu'il mettait sans nul
doute au rang des institutions humaines, et cependant
les pharisiens, qui lui reprochèrent tant de choses, ne
paraissent pas l'avoir blâmé de celte abstention. Sans
3 être tenues, les femmes pouvaient les porter. (In ne
les prenait pas les jours de sabbat ou de fêle, parce que
ces jours rappelaient suffisamment par eux-mêmes le
souvenir de la loi du Seigneur. Cf. Midr. Mechilta,iT,
2. < > i • s'en abstenait aussi le premier jour d'un deuil.
Un homme qui portait des léphillim ne devait pas
s'approcher à plus de quatre coudées d'une sépulture.
11 fallait se servir des deux mains, autant que possible
pour écrire les textes qu'ils contenaient. Ces textes
devaient toujours, même à l'étranger, être écrits en
hébreu. Cf. Megilla, i, 8.
4° Malgré le soin avec lequel les docteurs avaient
réglé tout ce qui se rapportait aux phylactères, rien
n'était déterminé, quant à la dimension" des cassettes
et des courroies. Aussi les pharisiens, toujours portés
à exagérer les marques extérieures de religion, élargis-
saient-ils .i plaisir les cassettes et les courroies de leurs
tépbillim, comme pour faire entendre que la Loi tenait
une aussi large place dans leur pensée et dans leur
conduite que ses signes extérieurs en tenaient sur leur
front et dans leurs mains. En réalité, ils agissaienl
ainsi ii pour être vus des hommes », et. en dépil de
cette ostentation de piété, c ils négligeaient les points
les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et
la bonne foi », c'est-à-dire précisément les grands
devoirs rappelés dans les inscriptions des phylactères.
C'est ce que Notre-Seigneur leur reproche sévèrement.
Matth., xxin, 5, 23. Il ne dit rien pourtant de l'usage
même des phylactères, le jugeant sans doute inoffensif,
quand on évitait d'en faire parade ou d'y attacher une
valeur superstitieuse.
.".' Saint Jérôme, In Matth., iv, 23, t. xxvi. col. 168,
atteste que, de son temps, les Juifs des Indes, de Perse
il de Babylonie se servaient encore de phylactères
pour se donn i aux yeux du peuple un air de piété, de
ii ême qu'ils fixaient des épines à leurs franges, pour
faire croire qu'en les piquant, ces épines leur rappe-
laient la Loi. 11 donne aux inscriptions des phylactères
le nom de pictatiola ou pitlatiola, de -i-icr/.iov,
« feuille de tablette », et il reproche à des femmes su-
perstitieuses d'imiter les pharisiens, en portant sur
elles de petits évangiles en guise d'amulettes. Sur ce
genre de phylactères, voir AMULETTES, dans le Dict
d'arch. chrct., I. /, col. 1788. Ils furent prohibés par
le synode de Laodicée, can. 30. Cf. Hefele, Hist. des
conciles, trad. nouvelle. Paris. 1907, I. i, p. lofs
Sur les phylactères juife, voir Ugolini, Oe phylaeteriis
Hebrœorum, dans le Thésaurus, t. xxi; Spencer De
gm. Phylacteriorum, dans le De leg Ue-
brxot: ritual., Tubingue, 1432, p. 1201-1232; Reland
Intiquiiates hebraicse, Brème, 1741, p. 5W-..V7; sèl.ii-
rer. Geschichte des jUd. Volkes ini Zeit. J. C Leinzie
t. 11,1898, p. 48^486. H. Lesêtbe P S'
PIANCJAN! Jean-Baptiste, savant jésuite italien, né
a Spoleteje 27 octobre 1784, morl le 23 mars 1862 II
I""" mde réputation les sciences physiques
et mathématiques au Collège romain. Son ouvrage lu
""" creationis mosaicam commentai™, paru à
«apli en 1851, in-8», a été réimprimé, d'abord à
Louvain, en L853, puis à Paris, 1861. P. Bliard,
du r. DE U BIBLE.
PIED (hébreu : régél; Septante : jroûç; Vulgate :
pes), organe s'articulant à l'extrémité de la jambe de
l'homme et posant à terre pour supporter le corps à
l'état de station ou de marche.
I. .4« sens propre. — 1» Se tenir sur ses pieds, c'est
être valide et vivant, IV Reg., xill, 21; Ezech., xxxvn,
10; Zach., xiv, 12; I Mach., x, 72; Act., xiv, 9; xxvi,
lfi: Apoc, xi, 11. — Les pieds peuvent êtreatteints de
différents maux, la fracture, qui rendait inhabile au
sacerdoce, Lev., xxi, 19; la difformité, II Reg., îv, 4;
IX, 3, 13; la claudication, Act.. xiv. 7, etc. Chez les
anciens, un pied votif placé dans un sanctuaire indi-
quait que l'on avait été' guéri. Un pied votif en marbre
blanc, mais mutilé, a été trouvé à Jérusalem, dans la
fontaine Probalique. Il est aujourd'hui au musée ju-
daïque du Louvre. Voir t. i, lig. 526, col. 1731. — Les
pieds du Messie durent être percés. Ps. xxn (xxi),
81. — Fellah conduisant avec le pied l'eau d'arrosage d'un
jardin dans la Haute Egypte. — D'après une photographie
prise à M Ii et envoyée par le R. P. Jullien, S. J.
17; Luc, xxiv, 39, 40. — A la guerre, on coupait les
pieds et les mains des ennemis vaincus. II Reg.,
iv, 12; II Mach., vu, 4. — On liait les pieds et les
mains de ceux qu'on voulait réduire à l'impuissance.
Dan., m, 20; Matth., xxn, 13; Joa., xi, 44. — Le
vainqueur niellait le pied sur le cou du vaincu, pour
marquer sa domination et comme pour l'écraser. ,Ios.,
x, 24; Lam,, m, 34; Rom., xvi, 20 (voir t. i, fig. 35,
col. 227 1. Les êtres inférieurs servent d'escabeau aux
pieds du supérieur, particulièrement de Pieu. Voir
Escabeau, t. n, col. 1912. Cf. Apoc. xn, I. - 2° On
embrassait les pieds de quelqu'un en manière de sup-
plication ou de vénération. IV Reg., iv, 27; Matth.,
XXVIII, 9; Luc, vu, 38. — On faisait des onctions sur
les pieds du grand-prèlre, pour les consacrer. Exod.,
XXIX, 20; Lev., vin, 23, et sur ceux du lépreux, pour
lui rendre le droit à la Me s, iei.de. Lev., xiv, 14. Voir
Onction, I. iv. col. 1806. - 3' II est souvent question
de laver les pieds. Exod., XXX, 19, etc. Voir LAVEMENT
DES Pinns, I. iv. col. 132. Il fallait avoir les pieds chaus-
sés pour manger la Pàque, Exod., xn, 11, et les pieds
nus dans un endroit consacré' par la présence de Dieu.
Lxod., m, 5; ,Ios., v, 16, etc. Les prêtres servaient
pieds nus dans le Temple. Cf. Middoth, i. G; Schab-
bath, i, 11. Voir t. iv. co!. 910. - V.n cerlaines circon-
V. - 12
355
PIED — PIERRE (SAINT)
356
stnnces, on secouait la poussière de ses pieds. Matlh.,
x, 14; Luc, x, 11, etc. Voir PoDSSiÉBE. En Egypte, on
dirige aujourd'hui avec une binette l'eau dans les
rigoles, mais autrefois on se servait aussi des pieds.
Deut., xi. lu dig. 81). Voir Irrigation, t. m, col. 927-
929. — Au désert, par suite de la protection divine, les
pieds des Israélites ne s'enflèrent pas. malgré la durée
du voyage. Deut., VIII, 4. — Sur Exod., iv, 25, voir
t. iv, col! I 195.
II. Au sens figuré. — 1° Être assis aux pieds de
quelqu'un, c'est être placé sous sa dépendance ou sa
protection. Deut., xxxm, 3; Rutli, m, 8. — Se jeter
aux pieds d'un autre, c'est s'adresser à lui en humble
esclave ou en suppliant. I Reg., xxv, 21; IV Reg . i\.
37; Judith, xm, 20; Esth., vin, 3; Marc, v, 22; vil,
25; Luc, vin, 41, 47; xvn, 16; Joa., xi, 32; Act., XVI.
29, etc. Voir t. i, (ig. 37, col. 236; t. n, iig. 541,
col. 1637. — Raiser les traces des pieds de quelqu'un,
Is., lx, 14; Esth., xm, 13, ou lécher la poussière de
ses pieds, Is., xlix, 23, c'est lui témoigner soumission
et respect. — Mettre sous les pieds de quelqu'un, c'est
placer sous sa domination. III Reg., v, 3; Ps. vm, 8;
cx(cix), I : Eph., i. 22; Hehr., n,8. — 2» Tremper ses pieds
dans l'huile, Deut., xxxm, 21, ou dans le beurre,
Job, xxix, 6, c'est posséder en abondance les biens de
la terre. Les tremper dans le sang, Ps. lxviii
(i.xvn), 24, c'est triompher de ses ennemis. — Job,
\\i\. 15, dit qu'il a été le pied du boiteux, pour
indiquer qu'il a exercé la charité envers les malheu-
reux, quelle que fût leur infirmité. — 3° Les pieds qui
trébuchent, Deut., xxxn, 35, qui errent, IV Reg., xxi.
S; Il Par., xxxm, 8, signifient l'épreuve ot le malheur;
les pieds menacés ou saisis par les lacets supposent la
persécution. Ps. îx, 16; xxv (xxiv), 15; i.vii (lui, 7;
CV (civ), 18; Jer., xvm, 22; Lam., i, 13, etc. Les pieds
au large, Ps. xxxi jxxxi, 9, ou sur le roc Ps. xi. (xxxix),
3, indiquent la prospérité et la stabilité. — 4° Les pieds,
avec lesquels on marche, sont souvent pris comme le
-- \ i ..?.<. 1 . ■ de la conduite, c'est-à-dire de la manière dont
on marche dans le chemin du devoir. Job, xm, -~ ,
xxiii, 11; l's. xiv (xm), 3; xxxvi (x.xxv), 12; CXIX
(cxvin), 59, lui; Prov., i, 15; iv, 27; Eccle., îv, 17;
Hehr., \n, 13, etc. Les pieds du méchant courent vers
le mal. Ps. xiv (xm). 3; Prov., i, 16; vi, 18; Is., i.t.x,
7; Rom., m. 15, etc.
III. Locutions diverses. — Ne « lever la main ri le
pied .i qu'avec la permission de quelqu'un, c'esl dé-
pendre totalement de lui. tien., xi.i, il. — « Poser la
plante des pieds » sur un territoire, c'est l'occuper ou
le posséder. Deut., m. 5; xi, 24; .los., i, 3; xiv, il. Le
( lieu des pieds » de Jéhovah est le Temple. Is.. i.x, 13;
I zech., m. m, 7. — o De la piaule drs pieds au sommet
de la tête » désigne le corps tout entier, 11 Reg., xiv,
25; Job, n. 7; N.. i, 6. Comme on comptait souvent
m frappant du pied, le pluriel regdlim esl pris avec le
sens de « fuis . après un nombre. Exod.. xxm, li ;
Hdloè regdlim, t irois (coups de) pieds », c'est-à-dire
huis fois l'an lu nie fêleras ». Cf. Num.. XXII, 28. —
La i voix des pieds esl le bruit que fuit les pieds en
marcl t. III Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32. — « Être sur
les pieds » de quelqu'un, c'est le suivre. Exod., xi, 8;
Deut., xi, 6; etc. — Isaïe, vu, 20; xxxvi. 12, emploie le
mol " pieds » pour éviter un ter grossier. L'expres-
sion <> d'entre les pieds » signifie de la descend v de
quelqu'un. Gen., XLIX, 10; lient., xxvm. .77. « Couvrir
ses pieds », Jud., III, 24; I Reg., xxiv, V. veut dire
satisfaire aux besoins de la nature. Voir LATRINES, I- IV,
col. 125. 11. Lesètre.
PIÈGE, engin disposé pour prendre des animaux.
On utilise dans ce but drs lacets, des filets, des h.
des trappes, etc. Voir »'.>i\sse, t. n, col. 621 ; CROCODILE,
t. n, col. 1123; Filet, t. ni, col. 2245; Fosse, t. m,
col. 2329; Lacet, t. rv, col. II; Lion. t. iv, col. 269;
Oiseaux, t. iv, col. 1765; Oiseleur, t. iv, col. 1774;
Pêche, col. 4; Poissons. — Le plus souvent, les écri-
vains mentionnent les pièges dans le sens figuré, à
propos des embûches de toutes sortes que les méchants
dressent contre les serviteurs de Dieu. Ps. xxxvm
(xxxvn), 13; cxi. (cxxxix), 6; Is., xxix, 21. Les prêtres
d'Israël, en sacrifiant aux idoles, ont été pour le peuple
comme un piège et un filet tendu. Ose., v, 1. Voir
Scandale. Le malheur et le châtiment sont comme des
pièges dans lesquels les hommes sont inévitablement
pris. Eccle., ix, 12; Is., xxiv, 18; Jer., xivm. il.
i., 24, etc. Il arrive que le méchant est comme pris au
piège par ses propres iniquités. Prov., v, 22.
II. Lesêtri .
PICQUIGNY (BERNARDIN DE>. Voir Bernardin
DE PICQUIGNY, t. I, Col. 1620.
PIERRE (SAINT) (grec LléTpo;), apôtre et chef du
collège apostolique (Iig. 82 .
I. Pierre dans les récits évanci'i iqi i s. — C'esl la
période de préparation ou de formation de l'apôtre.
Elle s'étend depuis sa vocation jusqu'à l'Ascension du
Sauveur.
;. PIERRE .1 v.i.vr L'APPEL DE JÉSUS. — I» Son nom. —
Il reçut à la circoncision celui de Simon, qui, dans les
manuscrits grecs du Nouveau Testament, apparaît sous
la forme de £u[iewv, cf. Act., xv, II; 11 Pet., I, 1, etc., ou
de 2i|jui)v. Cf. Mat th., x, 2 ; Marc, i, 16; Luc. v, 3 ; Joa .
i, M, 52, etc. La première est employée par les Seplanle
comme l'équivalent du nom hébreu •••;■:— (Si
qui se présente pour la première fois Gen., xxix, 33,
pour désigner le second fils de Jacob. La seconde, qui
se rapproche davantage de l'usage gin-, est employée
Eccli., l, 1 ; I Mach., il, I ; Luc, il, 25, el souvent
ailleurs. Voir aussi Josèphe, Bell. n'il., IV, m, 9. Dans
l'idiome araméen, elle esl devenue ]-c'; [Simon).
Voir Dalman, Die Worte Jesu, in-8», 1898, p. il, n. 1;
Rlass, GiammatiU des neutestam. Giiechisch, in-80,
1896, p. 30. La Vulgale dit toujours Sinmn. Le nom de
Simon était très commun chez les Juifs an temps de
Jésus-Christ. Cf. Matth., x, i; xm, 55; XXVI, t>; xxvn,
32; Luc, xxvn, 40; Act., x, 6. — Plus lard. Matlh., \\i.
18; cf. Joa., i. 42. Simon reçut de Jésus la dénomi-
nation symbolique de net. Kêfd', moi araméen,
dont on a fait en grec Ktjçï;, et qui, connue l'hébreu
-:, kêf, .lob, xxx, 6; Jer., iv, 29, a la signification de
B pierre, rocher ii ; en grec, lier?'.:, qui, transcrit I n
latin, est devenu Petrus (masculin de petra), Pierre en
français. Rien ne prouve que les substantifs Kê/'l
llivrpo: aient jamais été emploies comme >s propres
avant d'être appli pus ;i s.iini Pierre. Néanmoins, d
Edersheim, The Life and Times of Jésus the V.
t. i. p. 175, note, d'autres Juifs auraient été pareille-
ment appelés Pétros. — On a fait les remarques sui-
vantes au sujet de l'emploi de ces deux nom- il, m, 1rs
écrits du Nouveau Testament : 1° Dans le quatrième
évangile, la double appellation, Simon Pierre, esl la
plus fréquente; on l'y rencontre jusqu'à dix-sepl fois;
2° dans les autres Évangiles, les deux noms n'appa-
raissent combinés ensemble qu'a deux reprises, ni dis
circonstances très importantes pour l'apôtre, Matth., ivi,
16; Luc, v, 8; 3e après la résurrection el l'ascensien,
le litre d'honneur, (Yphas ou Pierre, remplaça peu à
peu le nom primitif Simon, comme le montre son
emploi très fréquent (dix-neuf fois dans -:i i ii i Matth.,
dix huit dans saint Maie, seize dans s;iint Lue. quinze
dans saint Jean el 1res souvent au livre des Actes)
Sauveur lui-nié revient à l'ancien nom, lorsqu'il
adresse à l'apôtre un reproche, cf. .Mur., xiv. 37, ou
un avertissement, Luc, XXII, 31 ; 5° sainl Paul emploie
357
PIERRE (SAINT)
358
volontiers le nom araniéen Céphas. Cf. I Cor., i, 1-2;
in,22: Gai., i, 10; il, 9,11, 11.
2° Sa patrie. — Simon était originaire de «. Bethsaïde,
la ville d'André et de Pierre », comme aussi de l'apotre
Philippe. Joa., i, 44. Elle était située en Galilée, non
loin de Capharnaùm, sur la rive droite du lac de Tibé-
riade. Plus tard, cependant, Pierre abandonna Beth-
saïde, pour s'établir à Capharnaùm, car plusieurs textes
évangéliques, cf. Matth., vin, 5, li; Marc, i, 21, 29;
Luc, iv, 31, 38, parlent de la maison qu'il possédait, ou
du moins qu'il habitait dans cette dernière ville.
3" Sa famille. — Les Évangiles nous fournissent
aussi quelques renseignements intéressants sur la fa-
82. — Statue de saint Pierre, iv* siècle, dans les cryptes
vaticanes. D'après une photographie. Voir D. Dufresne,
Les cryptes vaticanes, 1902, p. 14.
mille de saint Pierre. — 1. Son père s'appelait 'Iiovâç,
d'après Matth., xvi, 17; Joa., i, 42; xxi, 15, 16, 17 (textus
receptus). Voir Jona; t. m, col. 1603. — 2. L'Évangile
nous apprend aussi que Simon avait un frère nommé
André, lequel eut également l'honneur de compter
parmi les amis privilégiés de Notre-Seigneur. Il n'est
pas possible de dire avec certitude lequel des deux
frères était l'aîné; ce serait Simon, d'après la plupart
des auteurs qui se sont occupés de cette question. —
3. Simon s'était marié avant de recevoir l'appel de
Jésus. Il est parlé expressément de sa belle-mère.
Matth., vin, li; Marc, i, 30; Luc, iv, 38. Saint Paul
mentionne sa femme. I Cor., ix, 5.
i° Son éducation intellectuelle et morale. — Nous
sommes réduits sur ces deux points à de simples con-
jectures. — l. La vie de Simon-Pierre montre qu'il pos-
sédait une intelligence peu commune. D'autre part, les
membres du sanhédrin portèrent sur lui et sur son ami
saint Jean un jugement sévère sous le rapport de l'ins-
truction, les regardant tous deux comme « des hommes
illettrés et des gens du peuple ». Act., IV, 13 :
avOpwTtoi àypâjxu.aToi... xoù ESiûtou, homines sine lit-
teris et idiotae. Cf. S. Jean Chrysostome, Hom. xxxn,
3, In Matth., t. lvii, col. 3S1. Mais il faut prendre ces
expressions dans le sens que leur donnaient alors les
Juifs; ainsi comprises, elles signilient seulement que
les deux apôtres n'avaient pas étudié dans les écoles
rabbiniques et qu'ils n'étaient que des hommes ordi-
naires, sans influence, par contraste avec les docteurs
de la loi, les prêtres, etc. Néanmoins, Simon n'était pas
dénué de toute instruction. Depuis longtemps, en effet,
des écoles avaient été établies dans les communautés
juives de toute la Palestine, et les pharisiens veillaient
à ce que l'enseignement des maîtres fût sérieux et
solide. Voir J. Simon, L'éducation et l'instruction des
a, fu nis chez les anciens Juifs, d'après la Bible et le
Talmud, in-8», Leipzig, 3» édit., 1879. L;idiome en usage
dans la contrée était l'araméen occidental, dont les
Évangélistes nous ont conservé quelques échantillons.
Cf. Matth., xxvn, 46; Marc, v, il; Joa., xx, 16, etc.
Nous apprenons, Matth., xxvi, 13, que c'était la langue
maternelle de saint Pierre ; mais de très bonne heure
il dut comprendre et parler plus ou moins parfaite-
ment le grec dit hellénistique (voir plus bas, col. 392,1.
qui, dans la région du lac, était connu de la plupart
des habitants, comme l'affirment les anciens auteurs.
D^ nombreux païens s'étant fixés dans ces parages,
ce grec vulgaire servait de moyen de communication
entre eux et les Juifs. — 2. La formation religieuse de .
Simon avait eu lieu d'abord sous l'intluence de la fa-
mille, puis sous celle de la synagogue. Ses relations
intimes avec Jean-Baptiste, cf. Joa., I, 35, attestent sa
grande piété et la foi très vive avec laquelle il atten-
dait le Messie. Ses discours et ses Épitres prouvent
qu'il connaissait la Bible, si chère à tous ses coreli-
gionnaires; il la cite assez fréquemment, et son lan-
gage en est tout coloré, comme il sera démontré plus
loin (col. 393).
5° Sa profession. — Avant d'être appelé par Notre-
Seigneur, Simon exerçait sur la mer de Galilée le mé-
tier de pécheur. Matth.. iv, 18; Marc, i, 16; Luc, V, 2;
Joa., xxi, 3. Le bateau dont il se servait était sa pro-
priété personnelle. Luc, v, 3. Les pêcheurs du lac de
Tibériade formaient alors une classe nombreuse, car
les poissons abondaient dans ses eaux (c'est encore le
cas aujourd'hui), et il s'en faisait un commerce consi-
dérable dans la Palestine entière. C'était une profession
assez rémunératrice; aussi rien ne donne à penser que
Pierre ait été pauvre avant de s'attacher au Sauveur;
bien plus, nous l'entendrons lui-même affirmer plus
tard qu'il avait conscience d'avoir abandonné, pour
suivre Jésus, des biens qui n'étaient pas sans valeur.
Cf. Marc, x, 28. Si les beaux horizons du lac durent
exercer une impression durable sur l'âme sensible et
ardente de Pierre, il est très juste aussi de dire que
son rude métier, accompagné de tant de privations, de
fatigues et de périls, ne contribua pas peu à développer
son énergie, sa persévérance, son activité et son habi-
leté pratique.
//. LES APPELS SUCCESSIFS DE SIMON PIERRE. —
Nous devons en distinguer trois, d'après les récits très
nets et très formels des Évangélistes. Le premier, seu-
lement préliminaire, établit entre Jésus et Simon de
simples relations d'amitié. Le second fut décisif : il lit
du pêcheur de Galilée un disciple du Sauveur dans le
sens strict. Le troisième fut d'un ordre encore plus
relevé, puisqu'il transforma Pierre en apôtre du
Christ.
1» Première rencontre de Jésus et de Simon, et pre-
mier appel de ce dernier. — C'était sur la rive orien-
tale du Jourdain, à Béthanie ou Bethabara. Joa., i, 28.
André et celui qui fut plus tard le disciple bien-aimé
359
PIERRE SAINT
360
par conséquent, le narrateur lui-mëmei s'étaient mis
à la suite de Jésus, que le précurseur, dont ils étaient
les fervents disciples, leur avait désigné comme
l'Agneau de Dieu. En revenant, tout ému. d'auprès de
celui en qui i! avait reconnu le Messie. André trouva
son frère, qu'il se limita de conduire au Sauveur. Re-
gard pénétrant du Christ sur Simon vj'/jvLx: ■ accom-
pagné de cette parole, qui révélait tout l'avenir du futur
clief de l'Église Tu es Simon, le fils de .lean; tu
seras appelé Pierre. - C'est-à-dire : jusqu'à ce jour tu
n'as été qu'un liomme ordinaire: bientôt tu seras trans-
formé, et tu dewendras un rocher inébranlable, sur
lequel je bâtirai un glorieux édifice. Toutefois, ici. le
nom de Céphas ou de Pierre est seulement promis a
Simon; il ne le recevra d'une manière proprement dite
qu'après sa noble confession. Cf. Matth.. xvi. 18. Il est
probable que Simon avait alors un peu plus de trente
ans. car on suppose qu'il était un peu plus âgé que
Notre-Seigneur. Après cet appel, il demeura pendant
quelque temps auprès de son nouveau .Maître, qu'il
accompagna, avec son frère André, ses amis Jacques
et Jean. Philippe et Nathanaël, d'abord en Galilée, où
il fut témoin du changement de l'eau en vin à Cana,
puis à Jérusalem pour la fête de Pàque. et de nouveau
en Galilée, après avoir traversé la Samarie. Le petit
groupe se dispersa alors pour un temps. Cf.
Joa., ii-iv.
-_ Si d appel. — Il fit de Simon le disciple pro-
prement dit du Sauveur, et eut lieu après la première
Pàque de la vie publique de Jésus. Il est raconté par
les trois synoptiques. Cf. Matth.. tv. 18-22; Marc. i.
Luc, v. 1-11. Les ide saint Matthieu et de
saint Marc sont presque identiques: celui de saint Luc
en diffère notablement pour les détails, à tel point que
divers commentateurs ont supposé qu'il y est question
d'un épisode distinct. Mais la ressemblance générale est
trop grande entre les trois narrations, pour qu'elles se
rapportent à des faits différents. Tout s'explique, si
Ion admet que saint Luc raconte plus explicitement
. .distances de l'appel, et met en un plus s.iisis-
sant relief la personnalité de Pierre. D'ailleurs, de
part et d'autre nous apprenons que Simon fut appelé
par X> -S - eur tandis qu'il ses fonctions
de pécheur, el que ces mêmes fonctions lui furent
comme un symbole de son rôle futur :
Ne crains point: désormais, ce sont des hommes
que tu prendras vivants. Une pêche miraculeuse fut
associ .'.ion. André. Jacques et Jean devinrent
en même temps que lui les disciples de Jésus, et.
comme lui. ils quittèrent tout sans hésiter, pour s'atta-
cher définitivement à Notre-Seigneur. Depuis ce mo-
ment. Simon vécut auprès du divin Mailre. recevant de
lui chaque jour, avec les autres disciples, la formation
- ùre pour la haute destinée qui lui était rés
_ listes ne mentionnent, à cette époque, que
rares incidents auxquels il fut personnellement
mêlé. 11 eut l'honneur de donner l'hospitalité au
Sauveur dans sa maison de Capharnaiim. durant 1
midi d'un juiir de sabbat, et Jésus l'en récompensi en
-i,,, ie. malade de la Gèvre. Cf. Matth.,
▼ni. Ii-I."i: Marc. i. 29-31; Luc. iv. 38-39. Le lende-
main, comme le Sauveur était sorti de grand malin pour
pri. i . I.i foule, que ses nombreux miracles avaient jetée
dans l'enthousiasme, le cherchait avec an lié té; Pierre
et ceux qui étaient avec lui i Marc. i. 36 : formule
remarquable, dans laquelle les exégètes reconn
a bon droit la primauté par anticipation allèrent
dans toutes les directions pour le retrouver. Il leur lit
alors évangéliser une partie de la Galilée. Marc. i. 39:
Luc ,
:■ L'appel é< l'apostolat et les divers incidents qui
ni. — Cet appel, le plus solennel
.ne nommée
Koi'io'n-Hattin. qui se dresse à peu près en face de
Tibériade. à environ trois heures du lac de Génésareth.
Dans la région, c est vraiment « la montagne » par
excellence fri c,ç.o:. avec l'article . Voir Stanley, Sinai
and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent
aussi cet événement, qui fut d'une gravité exception-
nelle dans la vie de Jésus. Cf. Matth.. x. 1-i: Marc, m,
1319: Luc. vi. 12-16. Saint Marc et saint Luc en font
ressortir l'importance par les formules solennelles qui
introduisent leurs narrations. Un trait spécial est à
noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois
du corps apostolique citées à cette occasion,
connue aussi dans la quatrième, que nous fournit le
des Aet.s. i. 13, il est toujours mentionné le pre-
mier, quoique la plupart des autres Apôtres n'obtiennent
pas constamment la rnéme place. Saint Matthieu appuie
sur cette circonstance d'une façon particulière, car,
après avoir ouvert sa liste en ces termes : Voici les
noms des douze apôtres : le premier Simon, qui est
appelé Pierre. » il cesse tout à coup de signaler d'autres
numéros d'ordre, et continue en disant : Et André,
son frère: Jacques... et Jean... » Les Pères, les doc-
teurs et les commentateurs catholiques, et même d
nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait
la preuve de la primauté très réelle que saint Pierre
exerçait sur ses collègues lorsque l'Évangéliste com-
posa son récit. D'ailleurs, cette primauté sera bientôt
confiée à Simon par Notre-Seigneur en un lang g
encore plus saisissant. Et puis. ce n'est pas seule-
ment en cet endroit que Pierre occupe le premier rang
dans le collège apostolique; l'histoire - ue lui
fait jouer presque à chaque page un rôle prééminent.
Tantôt il parle au nom de tous le* autre* disciples,
Matth.. xix. 27; Luc. XII, il : tantôt il répond 1.
les Apôtres sont interpellés en commun par leur Maître.
Matth.. xvi. 16. etc.; quelquefois Jésus s'adresse à lui
comme au personnage principal, même parmi li -
ciples privilégiés. Matth.. xxvi, 10; Luc. SSII, 31. Ces
détails, sans parler d'autres traits plus frappants encore,
auxquels nous arriverons bientôt, forment le meilleur
commentaire des mots Prinius Peints. ■ L.-CI. Fillion.
Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. -2'..
i Entre l'appel de saint Pierre à l'apostolat et la con-
fession glorieuse qui lui méritera d à une
dignité encore plus haute, nous ne connaissons qu'un
lit nombre d'incidents auxquels il ait pris une
part directe. — 1. Saint Luc. vin. 45. cite une réflexion
familière qu'il lit à Jésus au moment de la guérison de
l'hémorrhoîsse : Maître, les foules vous pressent et
vous accablent, et vous dites : Qui m'a touché '.' ■ Comme
précédemment, saint Marc se sert à cette occasion de
la formule remarquable » Pierre et ceux qui étaient
avec lui ■. Quelques instant- - Simon était choisi,
avec les lils . a l'exclusion des auti
pour être témoin de la i surit lion de la fille de Jaïre.
Marc. v. 37; Luc. vin. 51. C'est grâce à lui sans doute
que sainl Marc son lils spirituel el son interpn
la parole principale du Sauveur sous
sa forme primitive : Talilha coumi, Marc. v. 41. —
•2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint
Matthieu, xiv. 28-32, raconte immédiatement api
première multiplication des pains, Pierre nous appa-
raît dans cl épisode avec tous les traits distinclifs de
son caraclère : il est tout d'abord ardent, plein d'entrain
et de courage, puis il se laisse tout à coup abattre
par la difficulté : Maître, si c'est vous, ordonnez que
j'aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et
Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau
pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il
eut peur; et comme il commençait à enfoncer, il s', cria :
sauvez-moi. Et aussitôl Jésus, étendait 1»
main, le saisit et lui dil : liomme de peu .1
pourquoi as-tu douté? » — Quelques heures se pas
361
PIERRE (SAINT)
302
et ces! une foi très vive, comme aussi un amour géné-
reux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maître.
Jésus venait de prononcer dans la synagogue de Caphar-
naûm, le discours où il promet la sainte Eucharistie.
Joa., vi, 2:2-59. D'assez nombreux disciples turent
choqués de ses paroles, qu'ils interprétaient d'une
manière toute charnelle. Resté seul avec les Douze, le
Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous
voulez aussi me quitter'.' » Aussitôt, Pierre répondit au
nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction :
■ Seigneur, à qui irions-nous? Vous avez les paroles
de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous
avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu »
(ou, d'après une variante qui pourrait bien avoir été
la leçon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c'est-à-
dire, celui que Dieu a consacré, misa part, pour accom-
plir le rè)le qui lui a été destiné). Cf. Joa., vi. 60-72.
L'apôtre regardait donc alors Jésus comme le vrai Messie,
— 3. Vers celle époque, les scribes et les pharisiens re-
prochèrent aux disciples de se dispenser des ablutions
traditionnelles qui précédaient les repas. Jésus prit
énergiquement la défense des siens, et prononça à cette
occasion la parole célèbre : « Ce n'est pas ce qui entre
il:i ns la bouche qui souille l'homme. » Pierre, qui ne
le comprit point, en demanda l'explication : « Inter-
prétez-nous cette parabole, o Matth., xv, 1-20.
;/;. la profession ni; foi m: simon pieube et sa
nÉCOitPEXSE. — 1° L'occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15 ;
.Marc, VIII, 27-29; Luc, IX, 18-19. — Jésus a commencé
de rassembler les brebis dispersées d'Israël, et il a
institué des pasteurs pour les nourrir et les diriger;
mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu'il aura
quitté cette terre, un pasteur suprême des âmes, et il
\a maintenant l'établir. Ce fait mémorable eut lieu
dans la Galilée du nord, au pied de l'Hermon, non
loin de Césarée de Philippe. Jésus approchait de la
ville; tout à coup, au sortir d'une prière solitaire, il
posa aux Douze, dont il était entouré, cette question,
destinée à préparer les révélations qui suivent : « Que
disent les hommes qu'est le Eils de l'homme? » C'est-
à-dire : Quel jugement porte-t-onà mon sujet? La réponse
des Apôtres fournit un compte rendu très exact des dif-
férentes opinions qui avaient cours en Israèl au sujet
de leur Maître : « Les uns, qu'il est Jean-Baptiste ; les
autres, Elie; les autres, Jérémie ou quelqu'un des
prophètes. » La niasse du peuple considérait donc
Jésus, à cette époque de sa vie publique, comme un
personnage extraordinaire; mais beaucoup avaient cessé
de le regarder comme le Messie, parce qu'il s'était
refusé' à flatter leurs préjugés grossiers. Jésus reprit :
i Et vous (vous, mes disciples privilégiés, qui me con-
naissez mieux que personne), qui dites-vous que je
suis? » La crise terrible de sa passion approche, et il
veut savoir s'il pourra compter, pour continuer son
ouvre, sur ceux qu'il avait le plus aimés.
2» Confession de Pierre. — Il répondit au nom de
tous. Saint Marc, vin, 29, et saint Luc, îx, 20, ne donnent
qu'un résumé de sa profession de foi; mais saint
Matthieu, XVI, 16, l'a conservée plus complètement : 2ù
il ô Xp:cTÔ;, ô v.o; toO ("hoO roO Ç&vtoç. La définition
que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'éner-
gique (notez l'emploi de l'article devant tous les mots
capables de le recevoir); la nature et le rôle uniques de
Jésus y sont nettement marqués. Simon reconnaissait
en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais
le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. Il n'est
pas douteux que telle est ici la signification des mots
Filius I)ei viventis, comme l'ont toujours affirmé, à la
suite des Pères, les exégètes et les théologiens catho-
liques, et même de nombreux écrivains protestants. Si,
dans la pensée de Pierre, ce second titre était un simple
synonyme du premier, comme le prétendent les com-
mentateurs rationalistes, Jésus n'aurait pas pu le félici-
ter et lui dire qu'il avait parlé' en vertu d'une révéla-
tion spéciale; en effet, les Apôtres savaient depuis
longtemps que leur Maître était le Christ. Le second
titre explique donc et développe le premier : le Messie,
tel que Pierre se le représentait, était réellement le
Fils de Dieu.
3" Récompense de Pierre. — Ce passage est propre
à saint Matthieu, xvi, 17-19. Jésus répondit à l'apôtre :
.< Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâ-
tirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront
point contre elle; et je te donnerai les clefs du royaume
des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié
aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la
terre sera aussi délié dans les cieux. » Dès sa première
rencontre avec le lils de Jonas, Jésus lui avait prédit
qu'il serait appelé Kêfa'. Cf. Joa., i, 43. Voir plus haut,
col. 356. Il lui donne maintenant ce nom symbolique;
et part de là pour l'instituer chef de son Église, com-
parée à un édifice spirituel. « Sur cette pierre », c'est-
à-dire, comme il ressort évidemment du texte, sur
Simon lui-même, en tant qu'il était Kêfa', rocher
mystique. C'est à tort qu'on a interprété parfois ces
mots comme il suit : sur Jésus en personne; ou bien,
sur celte confession de Pierre; ou encore : sur le collège
apostolique uni à Pierre. Bâtie sur ce roc d'une soli-
dité à toute épreuve, l'Église de Jésus sera elle-même
à jamais inébranlable; les portes (la partie pour le
tout) de l'enfer, ou plus exactement, du séjour des
morts (7rj).at ïôo-j) envisagé comme une citadelle dont
les portes ont une solidité' extraordinaire, seront im-
puissantes contre elle. Ce sombre séjour, à la puissance
duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera
donc pas de l'Église du Christ. — Les images suivantes
expliquent la première. Celle des clefs se rattache liés
naturellement à celle de la construction mystique qui
est l'Église. Elle fait de Pierre l'intendant suprême, le
chef visible de ce bel édifice, puisque celui qui possède
les clefs d'une maison, et qui a le droit de s'en servir
pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble,
jouit par là même d'une autorité sans limite sur la mai-
son. Cf. Is., xxii, 22; Apuc, i, 1S et m, 7. La figure :
« Tout ce que tu lieras... » est encore plus expressive
pour marquer une puissance absolue; en effet, le Sau-
veur affirme ainsi que toutes les décisions de Pierre se-
ront ratifiées par Dieu lui-même. Les rabbins emploient
souvent les verbes lier el délier dans le sens d'inter-
dire et de permettre. Voir Edersheim, Life a>i<l rimes
of Jésus Ihe Messiah, t. il, p. 84; Dalman, Worte Jesu,
p. 171-178. Ils signifient plutôt dans ce passage : con-
damner et acquitter. — Sans doute, Jésus devait dire
plus tard à tous les Apôtres, presque dans les mêmes
termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié
aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la
terre sera délié aussi dans le ciel. » Cf. Matth., xvin, 18.
Mais, comme le remarque très bien Bossuet, Diseurs
sur l'unité de l'Église, 1" point, « cette parole : Tout
ce que tu lieras,... dite à un seul, a déjà rangé sous sa
puissance chacun de ceux à qui on dira : Tout ce que
vous remettrez... Il y a donc dans la chaire de Pierre
la plénitude de la puissance. » La primauté de Pierre
et l'indéfectibilité de l'Église, telles sont donc les pro-
messes faites ici par Jésus.
IV. DEPUIS LA PROMESSE DE IA PRIMAUTÉ JUSQU'A
i. i /• [SSION DO SAl r/77,'. — 1° Le /ils de Jouas se fait
le tentateur de Jésus. Matth., XVI, 21-23; Marc, VIII,
31-33. — Cet épisode, qui eut lieu aussitôt après la
confession de Simon-Pierre, ne nous présente pas
l'apôtre sous un jour aussi favorable. « La chair et le
sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme
Jésus, pour préparer de plus en plus ses amis les plus
intimes à l'épreuve redoutable qui les attendait, venait
de leur annoncer pour la première fois, en termes
très clairs, la proximité de sa passion, le cœur aimant
363
PIERRE (SAINT)
364
de Pierre en fui terrifié; il ne pouvait comprendre en-
core que le Christ dut subir une telle humiliation. Le
prenant donc à part, il s'écria : i A Dieu ne plaise,
Seigneur! cela ne vous arrivera pas. » Se détournant
de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jésus lui dit :
« Va-t-en derrière moi, Satan; tu m'es un objet de
scandale, car lu n'as pas le goût des choses de Dieu,
mais des choses des hommes. » C'est parle même lan-
gage que le Christ avait autrefois chassé loin de lui le
démon en personne, à la suite de sa tentation dans
le désert. Matth.. iv, 10. En effet, Pierre, guidé en ce
moment par des pensées et des sentiments tout humains,
ne tendait à rien moins qu'à empêcher .'.'sus d'accom-
plir la volonté de Dieu.
2" Pierre sur la montagne de la Transfiguration.
Matth., xvii, 1-8: Marc, ix, 1-7; Luc, ix, -28-30. - Ce
grand miracle, qui tient une place si importante dans
la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seule-
ment après les faits qui précèdent. Simon-Pierre eut
le grand honneur d'être choisi par son Maître pour en
être témoin, avec les deux fils de Zébédée. Ici encore,
il joua un rôle spécial, très conforme à son tempéra-
ment ardent et à sa tendre affection pour Xotre-
Seigneur. An moment le plus solennel du mystère,
lorsqu'il vit que Moïse et Èlie étaient sur le point de se
retirer, il s'écria : Seigneur, il est bon pour nous
d'être ici; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une
pour vous, une pour .Moïse et une pour Élie. » Il ne
respirait que bonheur et suavité sur la sainte mon-
tagne, et il aurait voulu que ces instants délicieux
fussent à jamais prolongés. « Il ne savait ce qu'il
disait, .) fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son
extase, il oubliait que de telles joies ne sauraient durer
indéfiniment ici-bas. Un passage de sa IIe Épltre, î, 10-
18, composée environ trente-cinq ans plus tard, décrit,
en quelques traits pleins de vie, le m; stère de la
Transfiguration, le citant comme une preuve incontes-
table de la certitude parfaite des vérités prèchées par
les apôtres.
'■'< Le m irai le du didrachtne. — Il est placé un peu
plus tard dans le récit de saint Matthieu, xvn, 23-20.
lu jour que Jésus el ses apôtres revenaient à Caphar-
naiim, les collecteurs de l'impôt du Temple, n'osant
peut-être pas s'adi — er directement à Notre-Seigneur,
demandèrent à Pierre, qui était connu dans la ville :
i Votre Maître ne paie-t-il pas le didrachme? » c'est-à-
dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon ré-
pondit affirmativement; mais il s'était trop avancé, en
uit son Maître sans le consulter. Celui-ci lui
démontra donc qu'en tant que Messie il n'était pas tenu
i payer ce genre d imposition. Toutefois, pour ne pas
être une occasion de scandale, il consentit à acquitter
le tribut; mais, voulant en même temps attest
droits, il se procura par un prodige la somme qu'exi-
eail la loi.
1 la suite du récil évangélique mentionne encore,
vers cette époque, trois questions du prince des
apôtres. Elles manifestent s. m esprit pratique, et aussi
l'attention intelligente avec laquelle il ('contait les le-
çons du Sauveur. — La première concerne le pardon des
injures, vertu toute chrétienne que Jésus venait de re-
commander instamment : « Seigneur, combien de fois
pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il aura péché contre
moi? Jusqu'à sept fois? » Non, ce n'était pas assez :
Jusqu'à soixante-dix-sept fois, » sans lin. Cf. Matth..
\vm, 21-22. Dans une antre circonstance, Luc, SXH,
11-43, Jésus venait d'exhorter ses auditeurs à une
vigilance de tous les instants, pour qu'ils fussent bien
préparés à son second avènement. Pierre demanda :
Seigneur, est-ce à nous (à nous, vos Apôtre
vous dites celte parabole, ou est-ce aussi à tous ( a tous
fis chrétiens i'.' * — Pierre adressa sa troisième ques-
tion à Notre-Seigneur après le départ du jeune homme
riche, qui avait refusé de vendre ses biens pour suivre
Jésus. Le g bon Maître » s'était écrié avec tristesse :
a En vérité, je vous le dis, un riche entrera difficile-
ment dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda;
■ Nous, voici que nous avons tout quitté et que nous
vous avons suivi; qu'y aura-t-il donc pour nous? i II
reçut pour lui-même et ses collègues dans l'apostolat
une promesse magnifique. Cf. Matth.. xix, 27-30; Marc,
x, 28-31; Luc. xvm, 28-30.
V. SAINT PIERRE DOSANT LA SEMAINE DE LA PASSION.
— Ici encore, il a sa place à part et joue un rôle pré?
pondérant parmi les membres du collège apostolique.
1 Saint Marc nous a conservé deux paroles pronon-
cées par Simon-Pierre dans la journée du mardi. La
première fut proférée dans la matinée, lorsque les
Apôtres constatèrent l'effet produit sur le figuier stérile
par la malédiction de Jésus. Pierre, « se ressouvenant,
dit à Jésus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez
maudit s'est desséché. » .Marc, xi, 20-21. — 11 prononça
la seconde dans l'après-midi. Comme Jésus venait de
prophétiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean
et André lui demandèrent en particulier : « Dites-nous
quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de
votre avènement et de la consommation du siècle. »
Marc, xiii, I; Matth., xxiv, 3; Luc. xxi, 7. C'est pro-
bablement saint Pierre qui fut le porte-parole, selon
sa coutume.
2° Le jour du jeudi-saint, il fut chargé par Jésus.
avec saint Jean, de préparer tout ce qui était requis
pour le festin pascal et de découvrir, au moyen d'un
signe particulier, le cénacle où le Maître devait l.ii
la Pâque avec ses disciples. Cf. Luc, xxn, 8. Le soir,
lorsque Jésus et les Apôtres, se trouvèrent réunis,
Notre-Seigneur, Joa.. xm. 1-10, voulut lavei les pieds
des Douze, pour marquer symboliquement les disposi-
tions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eu-
charistie. Dans le dialogue qui s'engagea alors entre Jésus
et Pierre, l'apôtre se peint tout entier avec sa foi. son
enthousiasme, son amour, l'eu d'instants après, lorsque
le Sauveur eut prédit qu'un de ses Apôtres le trahirait.
Pierre sut obtenir, par l'intermédiaire de son ami
saint Jean, la désignation du trailre. Joa., xm. 22-20.
— La prédiction de la chute prochaine de Pierre est
mentionnée par les quatre Évangélistes, Matth.. xxvi,
30 S Marc, xiv, 26-31; Lue., xxn. 31-34; Joa., xm.
33-38; mais ils ne la combinent pas de la même ma-
nière avec les incidents voisins; du moins, ils la placent
tous à la suite de la cène. 11 ne parail guère vraisem-
blable que Jésus l'ait réitérée à plusieurs reprises,
comme l'ont supposé' quelques interprètes. Saint Luc
l'associe a une prophétie consolante, qu'il est seul â
signaler, xxn. 31-32, el qui rappelle la magnifique
promesse faite autrefois près de Césaréi de Philippe :
Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé, pour
vous cribler comme le froment; mais j'ai prié pour toi.
afin que ta foi ne dé-faille pas, el lorsque tu seras con-
verti, affermis tes frères. »
:; A Gelhsémani, Pierre fut de nouveau i
Jacques et Jean, pour assister à l'une des scènes les
plus douloureuses de la vie de son Maître. Matth., XXVI,
37; .Marc, xrv, 33. D'après saint Marc xiv. 37. c'est à
lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reproche,
après la première phase de son agonie : • Simon, tu
n'as pas pu veiller une heure! >■ Mais, un peu plus
tard, Pierre essaya, au péril de sa propre vie, de di -
fendre le Sauveur, lorsque les émissaires du sanhédrin
sepn '■senti Ten l pour l'arrélrr. A vaut de quitter le cénacle,
il s'était muni d'un glaive, dont il voulut asséner un
coup sur la tête de Malchus; mais il ne l'atteignit |U à
l'oreille. Matth., XXVI, 51; Marc, xiv. 17; Lue., xxil,
50; Joa.. xvm, 10-11. Jésus blâma cet acte de violence.
1' Au moment de l'arrestation du Christ, Pierre prit
la fuite avec les dix autres Apôtres; mais bientôt, devenu
365
PIERRE (SAINT;
366
plus calme, et oubliant son propre péril pour ne songer
qu'à la triste situation de son Maître, « il suivit Jésus
de loin, jusque dans la cour du grand prêtre. » Mat th.,
xxvi. 58; Marc, xiv, 5i; Luc, xxii, 51; Joa.. xvm, 15.
Le quatrième Évangile nous apprend formellement que
c'est grâce à son ami, le disciple bien-aimé, que Pierre
réussit à pénétrer dans la cour du palais ponlilical.
Désireux de » voir la lin », Mattb., xxvi, 58. c'est-à-
dire, l'issue du procès de Notre-Seigneur, il s'assit au
milieu des serviteurs du grand prêtre, auprès du feu
de braise qu'ils avaient allumé dans la cour, à cause du
froid. ,
5» Là, un autre danger, auquel il ne pensait pas,
l'atteignit et le renversa tristement. Les quatre Évangé-
listes racontent le douloureux épisode de son triple
reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75; Marc, xiv, 66-
72; Luc, xxn, 55-62; Joa., xvm, 16-18, 25-27. Chacune
des narrations présente un certain nombre de diver-
gences, qui ne \ont jamais jusqu'à la contradiction,
quoi qu'on ait prétendu en sens contraire. La meil-
leure explication qu'on puisse donner de ces variantes
consiste à dire qu'il y eut. dans ce petit drame, trois
actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs
scènes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix
parmi ces scènes particulières, l'essentiel consistant
pour eux dans les trois actes, à cause de la prophétie
récente de Jésus. Voir Kouard, Vie de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. in-8», -1' édit., Paris, 1882, t. n, p. 350-352;
L.-Cl. Fillion, L'Evangile selon saint Jean, in-S", Paris,
1887, p. 331-335. Le chant du coq rappela le malheu-
reux apôtre à la réalité. Sortant aussitôt du palais, il se
mit à pleurer en sanglotant (sxXocuoev). Sa faute avait
été grande, assurément; mais c'était seulement une
faute de surprise, de faiblesse, qui n'atteignit ni sa foi,
ni son dévouement. Il la répara du reste, par un pro-
fond et perpétuel repentir.
VI. APRES LA RÉSURRECTION DE JÉSUS. — Pierre
continua de recevoir alors des marques de la prédilec-
tion du divin Maître, soit à Jérusalem, soit un peu plus
tard en Galilée. — Lorsque les saintes femmes, averties
par un ange que Jésus était ressuscité, eurent annoncé
à leur tour « aux disciples et à Pierre », Marc, xvi.
7, les faits dont elles avaient été témoins, Pierre et le
disciple bien-aimé lirent ensemble au sépulcre la visite
que saint Luc se contente de mentionner brièvement,
XXIV, 12, mais que saint Jean raconte d'une manière
dramatique. XX, 2-10. D'après le troisième Évangile,
Pierre s'en alla. « admirant en lui-même ce qui était
arrivé. » Bientôt son admiration se changea en une
complète certitude, car Jésus daigna lui apparaître
en ce même jour. Luc, xxiv, 34; cf. I Cor., XV, 5. —
Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les détails
d'une autre apparition que le Sauveur ressuscité fit,
quelque temps après, à sept apôtres réunis sur les
bords du lac de Tibériade, et dont saint Pierre eut,
pour ainsi dire, tous les honneurs. A la suite d'une
pèche miraculeuse, analogue à celle qui avait accom-
pagné son appel au rôle de disciple, cf. Luc, v, 1-11,
Jésus exigea de lui une triple protestation d'amour, en
réparation de son triple reniement; puis il lui confirma
solennellement son titre de chef du corps apostolique
et de l'Église entière, en lui disant : « Pais mes agneaux,
pais mes brebis. » Voir L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon
saint Jean, IS.S7, p. 381. Il lui prédit ensuite une mort
tragique, par ce langage figuré : « Lorsque lu auras
vieilli, un autre te ceindra et te conduira où tu ne
voudras pas. »
II. Saint Pierre dans les Actes des Apôtres. —
C'est le début de la période d'action pour notre héros,
après la période de préparation dont les Évangiles con-
tiennent le très riche exposé. Le livre des Actes renferme
dans sa première partie, chap. i-xi, des détails si nom-
breux sur le ministère du prince des Apôtres, qu'on a
souvent donné à cette section le nom d'Actes de Pierre.
Il est encore question de Simon au chap. xv. Partout
l'historien sacré nous le montre, selon le mot de Bossuet,
« à la tête de tout, menant pour ainsi dire ses frères
les Apôtres au combat, » occupant le premier rang et
exerçant une supériorité très réelle, que personne ne
songe à contester.
1" Part très grande qu'il prend à la fondation de
l'Eglise de Jérusalem. — 1. Au cénacle, immédiatement
après l'ascension de Xotre-Seigneur, il se mit, même
en présence de Marie, Act., i, 11, à la tète des « frères ».
et il présida au remplacement de Judas. Act., i, 12-26. Il
prononça, à cette occasion, le premier des huit discours
que saint Luc nous a conservés de lui. Cf. Act., i, 15-22.
2. Le jour de la Pentecôte, lorsqu'une foule énorme,
composée d'Israélites qui habitaient toutes les régions
de l'empire romain, eut entouré le cénacle, attirée par
le bruit violent qui avait accompagné la descente de
l'Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour
expliquer la nature de ce mystère qu'avait prédit le
prophète Joël, et pour prêcher hautement-Jésus-Christ.
Act., n, 1-41. Une transformation admirable s'était
produite en lui, naguère si timide. Trois mille con-
versions furent le résultat de ce qu'on a très jus-
tement appelé «le premier coup de filet du pécheur
d'hommes. »
3. Quelque temps après, il guérit miraculeusement un
paralytique, qui mendiait depuis de longues années à
la Belle-Porte du temple. L'n grand concours de peu-
ple s'étant formé autour de lui et de saint Jean, qui
l'accompagnait, il prononça sa troisième allocution,
dans laquelle il attribue nettement la guérison à son
véritable auteur, Jésus-Christ, dont elle attestait le ca-
ractère messianique. Cinq mille conversions nouvelles
eurent lieu en cet instant. Act., m, 1-26. Mais ce fut
l'occasion d'un premier conflit des autorités juives avec
l'Église naissante. Irrités de voir que les deux apôtres
proclamaient publiquement la résurrection de Jésus et
sa toute-puissance, quelques prêtres et sadducéens les
lirent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean com-
parurent devant le sanhédrin tout entier, pour donner
des explications sur leur conduite. Dans son quatrième
discours, Pierre rendit un éclatant témoignage à Jésus-
Christ en face du tribunal suprême des Juifs. Comme
le miracle avait eu de nombreux témoins, on n'osa pas
condamner les accusés; maison les relâcha, après leur
avoir interdit sévèrement de prêcher au nom de Jésu -
Christ. C'est alors que Pierre prononça son célèbre
Non possumus. Act., iv, 1-22.
■1. Malgré la sainteté de vie des premiers chrétiens.
signalée à deux reprises par l'auteur des Actes, H,
12-47; iv, 32-35, un douloureux épisode ne tarda pas
à prouver que l'imperfection et le mal se glissent promp-
tement au sein des sociétés les meilleures : Ananie et
Saphire « mentirent à l'Esprit-Saint et fraudèrent sur
le prix de leur champ », pour se donner l'apparence
d'une libéralité généreuse. Pierre, en sa qualité de chef
de l'Église, eut à châtier cet orgueil doublement cri-
minel. Act., V, 1-11. Son autorité suprême, mise en un
très vif relief par cet événement, fut encore rehaussée
par les éclatants prodiges que Dieu lui donna d'accom-
plir : son ombre même guérissait les malades sur les-
quels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collègues
dans l'apostolat accomplissaient aussi des miracles nom-
breux, il se produisit des conversions multiples. Alors la
colère du grand-prêtre et du sanhédrin ne connut pas
de bornes : les Douze, arrêtés tous ensemble, furent
conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquième
allocution, protesta avec un courage inébranlable et
rendit témoignage à la résurrection de son Maître.
Leurs juges iniques les auraient infailliblement con-
damnés à mort, sans l'intervention du sage Gamaliel,
qui les sauva. Ils furent donc remis en liberté, non
367
PIERRE l 'SAINT
36*
sans de nouvelles menaces, dont ils continuèrent de
ne tenir aucun compte. Act., v, 17 -42.
2° Avec le concours de Pierre, l'Eglise se développe
en Samarie et en Judée. Act., VM,8-25. — 1. En Sa-
marie. — Le livre des Acles ne fait aucune mention
directe de Pierre pendant la persécution violente qui
éclata bientôt contre l'Eglise; nous y apprenons seu-
lement que les apôtres demeurèrent alors à Jérusalem,
où leur présence était nécessaire pour confirmer les
chrétiens dans la foi. Act.. VIII, 1. Lorsqu'il est de
nouveau question de lui, nous le trouvons, d'après le
texte grec, à Sébaste, en Samarie, où le saint et vail-
lant diacre Philippe avait opéré de nombreuses conver-
sions, entre autres celle de Simon le magicien. Sur le
désir des Apôtres, Pierre, en compagnie de saint Jean,
se rendit en Samarie. pour affermir les fidèles dans
leurs bonnes dispositions. C'est alors que le magicien
osa lui offrir' de l'argent pour obtenir le pouvoir de
faire descendre, comme lui, l'Esprit-Saint par la simple
imposition des mains. L'apôtre rejeta cette offre avec
indignation, et revint à Jérusalem, en annonçant avec
succès la bonne nouvelle dans les bourgades samari-
taines situées sur son chemin.
2. En Judée. — Lorsque la paix eut été complètement
rendue à l'Église, le prince des apôtres en profita pour
visiter officiellement les chrétientés qui s'étaient for-
mées, pendant la persécution, sur divers points de la
Judée, grâce au zèle des lidèles de Jérusalem, obligés
de se disperser. Saint Luc raconte deux grands prodiges
accomplis par saint Pierre durant cette première de
toutes les visites pastorales : la guérison d'un paraly-
tique à Lydda, Act., ix, 32-35, et la résurrection de
Tabitha à Joppé. Act., ix, 30 -43. Voir Paralytique, t. iv.
col. 2153, el Taiii i ma.
3° Saint Pierre, sur l'ordre de Dieu, ouvre aussi les
portes de l'Église aux païens. — 1. Conversion du
centurion Corneille. — Avant de remonter au ciel,
Jésus avait dit à ses Apôtres : g Vous me servirez de
témoins à Jérusalem, el dans toute la Judée el la Samarie,
ci jusqu'aux extrémités de la terre, ij Act., i. 8. Pierre a
déjà réalisé les deux premières parties de cet ordre; voici
qu'il va maintenant rendre témoignage à Jésus devant
les païens, el les introduire a leur loin- dans le dix in
bercail. Quoiqu'il fut réservé à saint Paul d'être l'apôtre
des Gentils par excellence, il convenait que le vicaire
du Sauveur fût choisi île préférence à tous les autres
Apôtres pour recevoir d'une manière officielle dans
l'Église les premiers convertis du paganisme. Cet épi-
sode est raconte longuement par saint Lue, Act.. X, 1-
48, à cause de son importance extraordinaire. L'écri-
vain sacre expose lour à tour les deux visions par les-
quelles Corneille et Pierre furent divinement avertis,
chacun de son côté; le voyage de Simon-Pierre à Cé-
sarée de Palestine, ville où le centurion était abus en
garnison; l'entrevue des deux héros de la narration,
qu'entouraient plusieurs amis de pari el d'autre; l'élo-
quent discours prononcé è cette occasion par l'apôtre
lie Sixième du livre des Acles); enlin la ileSOen te de
I Esprit-Saint sur les nouveaux convertis et leur bap-
tême. Voir Corneille, t. n, col. 1012,
2. Lorsqu'il revini à Jérusalem, Pierre eut à justifier
sa conduite devant les chrétiens assemblés. (In lui re-
prochait d' « être entré chez des païens et d'avoir mangé
avec eux », et beaucoup plus encore, quoiqu'on ne mît
pas cette raison en avant, d'avoir participé à leur con-
version. En v i il ti d'antiques préjugés, la plupart des
fidèles d'origine Israélite étaient demeurés hostiles aux
convertis du paganisme, el, malgré les oracles si clairs
des prophète!, ils avaient de la peine à croire que
! Eglise de Jésus dût être ouverte à tous les hommes
sans exception. Pierre expliqua sa conduite dans son
seplié discours, el elle fut approuvée de tons. Act..
xi, lis.
4° Saint Pierre est emprisonne par Be'rode el dé-
livré miraculeusement. Act., xn, 1-17. — Ce double
incident eut lieu vers l'an 43 de notre ère, quelque
temps avant la mort du roi llérode Agrippa Ier, petit-
fils d'Hérode le Grand. Ce prince, après avoir fait dé-
capiter saint Jacques le Majeur par haine du chris-
tianisme, donna l'ordre, pour plaire davantage encore
aux Juifs, que cet acte cruel avait comblés de joie,
d'incarcérer saint Pierre, en attendant qu'on le condui-
sit à son tour au supplice. Mais, la nuit même qui
précéda le jour où il devait être exécuté, un ange le
délivra en des circonstances merveilleuses. Sorti de sa
prison, Pierre alla directement dans la maison de Marie.
mère de Jean-Marc, le futur évangéliste, chez laquelle
il trouva de nombreux chrétiens assemblés. Après leur
avoir raconté l'histoire de sa délivrance, o il s'en alla
dans un autre lieu, » que nous essaierons de fixer
ultérieurement, d'après les données de la tradition. Voir
col. 37:: 374.
5» Pierre au concile de Jérusalem. Act.. xv. 1-27. —
Quelques années se passent. Lorsque Pierre est de
nouveau mentionné au livre des Actes, il est à Jérusa-
lem (vers l'an 50, 51 ou 52) et préside l'assemblée des
Apôtres et des Anciens, qui allait trancher définitive-
ment la controverse soulevée avec tant de violence par
les judaïsanls, sur divers points de la chrétienté. Paul
et Barnabe étaient venus tout expies d'Antioche, pour
consulter l'autorité suprême sur celle question. Les
débats furent 1res vifs, car les partisans de l'erreur
exigeaient avec nn acharnement extraordinaire le
maintien de la circoncision el des autres princij IUJ
rites du judaïsme. Lorsque les deux partis eurent ex-
posé leurs arguments, Pierre prit la parole a»ec toute
l'autorité que lui conférait sa charge. Le petit discours
qu'il prononça (le huitième et dernier de «eux que
nous lisons dans les Actes) proclame hautement la
liberté pleine et entière des chrétiens issus du paga-
nisme, par rapport aux observances judaïques. Le
prince des Apôtres disparait du récit des Acles, après
cette conduite si digne de lui.
111. Saim Pierre dans I'Épître de saint Pai i ai \
Galates. — I" Paul, dans les chap. I el il decelte lettre,
signale coup sur coup deux fails nouveaux relatifs a
Céphas, c'est-à-dire à saint Pierre. Esquissant d'abord
en quelques lignes les incidents qui suivirent de très
près sa propre conversion, il raconte en ces termes sa
première entrevue avec le prince des Apôtres ; « Je
vins à Jérusalem pour voir Pierre. » Gai., i, 18-20, Le
verbe ieiQOTJaeti signifie toujours que la personne ou la
chose contemplée est digne d'un intérêt particulier;
en l'employant, saint Paul met en un vif relief l'auguste
dignité ipi il reconnaissait et qu'il venait honore] dan
Céphas.
2° Quelques lignas plus bas. Gai., u, 11-21, Paul si
gnale un l'ait plus surprenant encore, dont les protes-
tants ont souvent exagéré la portée, pour amoindrir
l'autorité de saint Pierre. Il s'agil dé ce qu'on nomme
habituellement <• le conllil il'Anlioche ». Celait, ce
semble, peu de temps après l'assemblée de Jérusalem,
et Pierre se trouvait avec l'apôtre des Gentils dans la
métropole de la Syrie. Voici les laits, tels que les ex-
pose sainl Paul : •■ Lorsque Céphas vinl à Anlioche. je
lui résistai en face, parce qu'il était blâmable (xote-jvo»-
n\i.i-/'i:). lai effet, avant l'arrivée de quelques personni
envoyées ide Jérusalem) par Jacques, il mangeait avec
les païens ic est à-dire, les chrétiens d'origine païenne ;
mais, quand elles furent venues, il se retira el se mil i
l'écart, craignant ceux de la circoncision (les Juifs con-
voi lis). El les autres Juifs usèrent de la même dissimu-
lation que lui, de sorte que Barnabe aussi tiii entraîné
dans celle dissimulation. Mais, quand je vis qu'ils ne
marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je
dis à Céphas, en présence de tous : Si toi, qui es luif,
369
PIERRE (SAINT)
370
lu vis à la manière des païens, et non comme les Juifs,
pourquoi forces-tu les païens de judaïser?... »
Souvent, dans les temps anciens, on a essayé d'échap-
per, par des hypothèses assez étranges, aux consé-
quences fâcheuses que l'on croyait devoir découler de
cet épisode pour la dignité de saint Pierre. — 1. On a
prétendu qu'il s'agit d'un autre Céphas que Simon
Pierre, Voir Clément d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E.,
i, 12, t. xx. col. 117. Mais cela est inadmissible, puisque,
d'une part, quelques lignes plus haut, Gai., i, 18, Paul
a déjà mentionné le prince des Apôtres sous le nom de
Céphas, et que, d'autre part, tout son récit suppose
que celui avec lequel il entra en discussion était un
personnage jouissant d'une autorité supérieure. Aussi,
presque tous les Pères et les anciens auteurs ecclésias-
tiques, comme la plupart des commentateurs modernes
et contemporains, ont-ils identifié ce Céphas et saint
Pierre. Voir Céphas. t. n, col. 429. — 2. On a supposé
(Origène. d'après S. Jérôme, A'/iisl. exil, ad August.,
4, t. xxn. col. 918; S. Jean Chrysostome, Boni, in
illud : In facieni ei rcslili, 15. t. i.i. col. 384; S. Jé-
rôme lui-même. In EpisL ad Gai., n, 11, t. xxvi,
col. 341) que, si saint Pierre et saint Paul ont agi comme
le raconte ce dernier, c'était en vertu d'une entente
préalable, afin de donner une leçon très forte aux ju-
daîsants dans la personne du prince des Apôtres. Cette
conjecture s'appuie sur une fausse interprétation du
mot ûnoxptijt;, « dissimulation, « En effet, en employant
ce terme, saint Paul a seulement voulu dire que Cé-
phas, Barnabe et leurs imitateurs avaient changé de
conduite par de simples motifs de circonstance, par
timidité et faiblesse, et non par suite d'une convicti on
intime. Voir à ce sujet S. Augustin, Epist. xxvill et
LXXXlï, ad Hieronym., t. xxm, col. 112, 276. Pour in-
terpréter les faits, il faut les envisager de la façon la
plus simple et la plus naturelle. Pierre, en arrivant à
Antioche. partagea sans la moindre hésitation la vie et
les repas des chrétiens d'origine païenne, ainsi qu'il
avait déjà fait autrefois chez le centurion Corneille,
Act., xt, 3; mais, plusieurs chrétiens issus du judaïsme
étant venus à leur tour dans cette même ville, connue
il les savait très attachés aux observances légales, il se
trouva dans une situation fort délicate : s'il continuait
de vivre avec les Gentils, il froissait les chrétiens de
Jérusalem; s'il se séparait des fidèles d'origine païenne,
il les ollènsait eux-mêmes. Il lui parut cependant qu'il
valait mieux, dans l'intérêt de son ministère, exercé sur-
tout auprès des judéo-chrétiens, de se décider en faveur
de la seconde alternative. Il en avait certainement le
droit, puisque les Juifs convertis étaient libres encore
d'observer la loi. Mais son exemple suscitait deux grands
périls : d'un côté, quelques esprits exagérés pouvaient
en conclure que les pratiques légales continuaient d'être
strictement obligatoires pour les chrétiens issus du
judaïsme, et pas seulement facultatives; d'autre part, les
païens convertis eux-mêmes pouvaient craindre qu'on
ne les assujettit à ces pratiques. Paul réclama au nom
de ces derniers. Il ne dit pas en termes exprès ce que fit
saint Pierre; mais il n'est pas douteux quecelui-ci ne se
soit humblement soumis aux observations très justes de
son « bien-airné frère Paul ». II Pelr., m, lô. Sur cette
question, voir Pesch, Ueberdie Persan des Kephas, dans
la Zeitschrift fur kalhol. Théologie, t. vu, 1883. p. 456-
490; F. Vigouroux, Les Livres Saints et ta critique ra-
tionaliste, 5e édit.. t. v, p. 456-476 ijls donnent la liste
des principaux auteurs qui ont cru. dans le cours des
temps, que le Céphas d'Antioche est distinct du prince
des Apôtres).
1\ . Saint Pierre d'après la tradition. — Ici, une
distinction est nécessaire, car les documents sont loin
de posséder tous la même valeur historique. Il en est
que nous pouvons suivre en toute sécurité; tels sont en
général les renseignements fournis par les Pères de
l'Église, surtout par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme.
D'autres sont plus ou moins associés à des détails mer-
veilleux, légendaires, dont il est nécessaire de se défier;
dans cette catégorie se placent les Actes apocryphes de
saint Pierre, les écrits connus sous le nom de littérature
clémentine, etc. .Néanmoins, ces sources de second
ordre contiennent elles-mêmes quelques faits histori-
ques, qui se dégagent assez facilement, grâce à la tra-
dition sérieuse et à la critique, des fables dont ils sont
entourés. Il faut noter encore que la tradition propre-
ment dite nous fournit des données assez restreintes
sur la vie et le ministère apostolique de saint Pierre. Du
moins, elle nous renseigne très clairement sur les points
essentiels
/. LA PREMIERE PÉRIODE UE LA VIE DE >'.4/.V2 PIERRE.
— A ce sujet, la tradition se borne à quelques points
d'importance très secondaire. La mère de Simon se
serait nommée Johanna. Cf. Cotelier, Constit. apost., n,
63, t. I, col. 755. Sa femme aurait porté le nom de Per-
pétue ou celui de Concordia qui ne conviennent pas ;i
une Juive, l'atr. gr., t. i, col. 1365, note 43. D'après
saint Jérôme, Adv. Jovinian., i, 26, t. xxm, col. 245,
elle serait morte d'assez bonne heure, avant que Pierre
ne devint le disciple de Jésus. Au contraire, au dire de
Clément d'Alexandrie, Strom., vu, 11, t.ix, col. 488, elle
aurait subi le martyre à Rome, peu de temps avant lui.
Il l'aurait accompagnée au lieu du supplice, en l'encou-
rageant par ces paroles : 8 0 toi, souviens-toi du Sei-
gneur. » Plusieurs adoptent ce dernier sentiment en
concluant de 1 Cor., ix, 5, que saint Pierre, comme
d'autres apôtres, se faisait accompagner, durant ses
courses apostoliques, par sa femme, traitée comme une
sieur. Saint Jérôme, loc. cit., mentionne une tradition
d'après laquelle Pierre aurait eu plusieurs enfants.
Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. vu, col. 1 156.
On lui a longtemps attribué une fille du nom de Pélro-
nille, que mentionnent les Acla A'erei et Achillet, 15.
et les Acta Philippi. Tisçhendorf, Apocal. apocr., p. 149,
155. Mais on reconnaît généralement aujourd'hui que
cette attribution provient simplement d'une fausse éty-
mologie. En effet, le nom « Petronilla o ne dérive pas de
« Petrus », mais de « Petronius ». Par son père, sainte
Pétronilie appartenait à la célèbre « gens Flavia », c'est
pour ce motif qu'elle fut enterrée dans la catacombe de
Domitilla. Voir Lightfoot, St. Clément of Borne, 1. 1, p. 37;
F. X. Kraus, Real-Encijclopxdia der christl. Alterthû-
mer, t. n, p. 607; Acta sanetorum, maii I. vu, p. 420.
//. QUELQUES VOIACES DU PRIME DES APOTRES. —
1° Nous venons de le voir, saint Paul fait une allusion
très claire aux courses apostoliques de saint Pierre.
Notre héros serait-il allé à Corinthe? Saint Denys,
évèque de cette ville vers le milieu du mesiècle, l'affirme
comme une chose très connue. Voir Eusèbe. //. E., II,
25, t. xx, col. 209. S'adressant aux Romains, il leur dit:
« (Pierre et Paul,) étant entrés dans notre Corinthr.
nous ont instruits; puis, partis ensemble pour l'Italie,
après nous avoir enseignés, ils ont subi le martyre en
même temps. » Saint Clément pape, I Cor., xlvii. t. i,
col. 308, semble admettre aussi ce séjour de saint Pierre
à Corinthe. Néanmoins, la plupart des critiques con-
temporains le mettent au rang des hypothèses.
2° On regarde aussi, d'une manière assez générale,
comme peu fondé le sentiment, d'ailleurs très ancien,
d'après lequel saint Pierre aurait évangélisé les cinq
provinces d'Asie Mineure auxquelles est adressée sa
première Épilre ; le Pont, la Galatie, la Cappadoce,
l'Asie proconsulaire et la Bithynie. I Pet., I, 1. Ori-
gène, qui est le premier à mentionner cette opinion, lu
Gen., m, t. xii, col. 92; cf. Eusèbe. H. E., m, 1, t. XX,
col. 216, en parle comme d'une simple conjecture, basée
seulement sur ce que saint Pierre a écrit aux chrétiens
de ces provinces ; « Pierre parait (îoixev) avoir prêché
dans le l'ont, la Galatie... » Eusèbe fait de même, II. E.r
371
PIERRE (SAINT)
372
m. 4, t. xx, col. '2-20: g Que Pierreait prêché le Christ...
dans ces provinces, cela ressort ouvertement de l'Épi-
tre. » Saint Épipbane, User., xxvn. 6, t. xu. col. 374,
saint Jérôme, De Vir M., 1, t. xxm. col. 138, et saint
Léon, In Nat. apost. Pétri et Pauli serin., i.xxmi, 5,
t. i.iv, col. iJô. présentent le fait en termes positifs;
mais ils ne paraissent pas avoir eux-mêmes appuyé leur
sentiment sur d'autre preuve que la mention des cinq
provinces dans l'Épitre. Du reste, cette lettre ne contient
aucun détail duquel on puisse conclure que l'auteur
connaissait personnellement les destinataires; elle sup-
pose plutôt, I Pet.,i. 12, 25; v, 12; cf. 11 Pet., m. 2, que
ceux-ci avaient été évangélisés par d'autres prédicateurs
que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un
séjour du prince des Apôtres en Asie Mineure n'est pas
impossible en soi. il ne parait pas avoir été démontré
historiquement. Voir Cornely, Introd., t. h, 3e part.,
p. 619; Lipsius, Apokr. Aposlelgesch., t. n, Ie part.,
|i. i (i. M. Hundhausen, Das ersie Ponti/icalschreiben
des... l'elrus, 1873, p. 96, croit à la prédication de saint
Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que l'apôtre
ne lit que traverser rapidement les provinces en
question.
3 On a prétendu aussi, mais seulement à partir du
XVIe siècle, que saint Pierre serait allé et aurait séjourné
à Babylone, vers la lin de sa vie. Le motif allègue c'est
que la 7» Pétri, v, 13, transmet aux chrétientés d'Asie
Mineure les salutations de l'Église de Babylone (ï) èv
BxS'j).ûvi auvexXextirç) ; d'où il suit, disent les partisans
de cette opinion, que l'apôtre résidait à Babylone lors-
qu'il composa son écrit. C'est Érasme, lu I Pet., xv,
13, qui inventa le premier cette explication. De no n-
breux protestants l'adoptèrent aussitôt, pour enlever à
la théorie de la venue et du séjour de saint Pierre à
Home un de ses principaux arguments. Mais il n'est
pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici
dans un sens métaphorique. En effet, — 1. telle a . té
l'opinion unanime des écrivains ecclésiastiques des
pr< miers siècles rentre autres, de Papiasetde Clément
d'Alexandrie, dans Eusèbe, //. A'., il. lô. t. XX, col. 73,
d'Eusèbe lui-même, ibid., de saint Jérôme, De vir. ill., 8,
1. xxm, col. 654, du Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xcin,
col. 07. d'Œcuménius et de Théophylacte, et les com-
mentateurs catholiques les ont suivis, à part de très rares
exceptions. On est surpris de compter panai ces excep-
tions les savants et judicieux écrivains Hum,. Einleitung
in die Schriflen des S. T., .'!' édit., t. n. p. 550, et
A. Maier, Einleit. in die Schrifl.des A'. T., p. il::. —
2. Ce ji symbolique convenait fort bien pour désiguer
Rome, qui n'avait que trop parfaitement remplacé l'an-
tique Babylone sous le rapport du paganisme, de l'am-
bition et de l'immoralité. — 3. Lis Juifs l'employaient
couramment dans ce sens. Voir Schoeltgen, Hor. hebr. et
tnl, mol.. |i. 1050 et U25; les Oracles sibyllins, v, 143,
158, etc. — 1. S uni Jean l'ail de même dans sou Apoca-
lypse, xiv, 8, et xvm, 2,10, el personne n'a jamais songé
à prendre a la lettre, dans cet écrit, le nom de Baby-
1 ■ — 5. il n'existe aucune tradition proprement dite
au sujet d'un voyage de saint Pierre à Babylone, et ce
silence est difficile a expliquer, si l'apôtre avait réelle-
ment entrepris ce \.n ave. Voir P. Martin, Saint Pierre,
sa venue et son martyre à II, mie, dans la Revue des
Questions historiques, t. un, 1873 (article très docu-
nté -'i rempli de témoignages empruntés à des écri-
vains orientaux). Lipsius, il esi vrai. loc. cit., t. it,
-' part., p. 145-116, I7ô, mentionne, d'après Assemani,
Bibliolheca orienlalis, t. m. 2a part., p. \i. des écri-
vains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita
Babylone; mais ces auteurs sont relativement récents,
i I leur assertion n'a pas d'autre base que le passage
I Pet., v, 13, interprété à la lettre. Voir Farrar, 77ie
Days of Christianity, 1884, p, 595-596; Cornely,
Introd., t. u,3' part., p. 621-623; Hundhausen, Joe. rit..
p. 82-90; Th. Xahn, Einleitung in das N. T., I. n,
p. 17; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698. —
Mais laissons de côté le faux et le douteux, pour nous
occuper de fails réels et certains. Or, il en est deux
qu'une tradition très nette et très ancienne, dont nous
avons des témoignages multiples, a rendus indubitables.
C'est l'installation successive de la chaire de saint Pierre
à Antiocbe et à Rome : deux événements d'une impor-
tance capitale.
///. LA ri] MUE HE SAINT PIERRE A AXTIOCBB DE SF-
iiii:. — 1 " Ce fait est parfaitement garanti par Eusèbe
et par saint Jérôme. « Pierre fonda la première Église
d'Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d'Eusèbe,
t. xix, col. Ô39. Il s'agit sans aucun doute, de la chré-
tienté mentionnée Ael.. xi. 19, et composée uniquement
de Juifs convertis, par contraste avec la deuxième Église
de la même ville, en grande partie formée de chrétiens
issus du paganisme, et développée grâce au zèle de
Paul et de Barnabe. AeL.xi. 20-26. Dans sa traduction
du Chronicon, saint Jérôme n'a pas donné le sens exact
de ce passage, car il dit : « Petrus, cum prinunn An-
tiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte
porte, avec la nuance que nous venons d'expliquer :
tv," èv 'AvtioxeMX7cpiiTii)v...4xxXï)(j!av. Ailleurs, U.K.. III,
xxwi, 2, t. xx, col. 288, Eusèbe suppose aussi la trans-
lation de la chaire de saint Pierre à Antiocbe, car il
affirme qu'Evodius succéda en 42 au prince des Apô-
tres comme évéque de cette ville. Saint Jérôme, de son
coté, est très formel sur ce même point: Simon Pe-
trus..., prinreps Apostolorum..., posi episcopatùm
[ntiochensis ecclesiœ... Romam pergit. De vir. ilt.,
i, t. XXIII, col. 008. Nous pouvous citer encore le témoi-
gnage de saint Léon le Grand, In .Xat. apost. Pétri el
Pauli Serni., i.xxxii. 5, l. i.i\. col. 125 : Jani Anlio-
i henam ecclesiam, ubi primum christiani nominis dû-
gnitas est orla, fundaveras. Cf. Epis(.,cvietcxiX, l.i.iv,
col. 1007, I042;0rigène,flom. v'iinZ/wc.t.xin.col. 1815;
S. Jean Chrysostome, Humilia, in Ignatium martyr.,
t. L, col. ô'.ll ; Théodoni. Dial [mmut., t. i.xwiii.
p. 81; leChronic. Pasch., t. xcn, col. .">.">7; les Constit.
ajiosl., vu, i(i. t. i. col. 1049; le Liber pont if., édit. Du-
chesne, p. ôl-ôô, 118; la littérature dite clémentine,
dont les sources remontent au moins au commence-
i u t-ii l du tir siècle, notamment Recognit., x, 08. i. i.
roi. 168; Hom., xx, 23, t. n. col. 1452.
2° L'époque et la durée du séjour de sainl Pierre
Antioche ne sauraient être déterminées avec certitude.
11 est possible, nous venons de le voir d'après Eusèbe,
[in Pierre ait pris en mains legouvernement de I Église
d'Antioche des l'année 36 de notre ère. Évodius lui
avant succédé' en 12, l'épiscopat du prince des Apôtres
dans I -tropole de la Svric aurait par là-mémo duré'
sept ans. comme Eusèbe l'affirme en propres termes Cf.
s. Grégoire le Grand, EpUt.,\n, (0, t. i.xxvn, col. 899.
Une autre tradition, qui p.uait moins digne de foi, lui
attribue une durée de dix ans. Voir Duchesne, I
ponlif., p. 50. ijiioi qu'il en soit, il est certain que saint
Pierre, même après s'èlre fixé à Antioche, ne lit pas de
eetle ville sa résidence exclusive, rien m s'oppnsaii ;'i
ce que, de ce centre, il allât visiter les chrétientés
auxquelles sa présence était utile ou nécessaire. Divers
auteurs ont supposé' que Pierre ne transporta sa chaire
à Antioche qu'après avoir été' miraculeusement délivré
de la prison où llérode Agrippa l'avait enfermé. Act.,
xu, 1-11, par conséquent, apris l'année 43. Mais,
sans compter qu'Eusèbe signale une date de beaucoup
antérieure, ce sentiment a contre lui le récit des Actes,
qui suppose que, vers l'an 43 ou il. sainl Paul et saint
Barnabe avaient la direction de l'Église d'Antioche.! ur
les relations de sainl Pierre avec la capitale de la Syrie,
voir H. Kellner, Ihr Fesle Cathedra Pétri und deran-
lioclienische Episkopat Pétri, dans la Zeitschrift fur
kathol. Théologie, Inspruck, 1889, p. 566-575; W. Esser,
373
PIERRE (SAINT)
374
Der antiochenische Episkopat Pétri und die Feste
Cathedra Pétri, dans le Katholik, 1890, t. i. p. 321-335,
419-459.
iv. LA iuaire DE SAINT PIERRE A ROME. — 1° Pierre
lui-même, nous l'avons vu, col. 371, date de Rome, la
Babylone mystique, sa première Épitre. I Pet., v, 13'
Plusieurs Pères apostoliques supposent ou affirment,
dans un langage très formel, sa \enue et son apostolat
à Rome : saint Clément, l'un de ses premiers succes-
seurs (vers 96), 1 ad Cor., 5, t. i, col. 217; saint Ignace
(vers 115), ad Rom., iv, 3, t. v, col. 808; Papias (vers
130), dans Eusèbe, H. E., Il, 15, t. xx, col. 172. Plus
tard, nous avons, dans le même sens, les témoignages
de saint Denys de Corinthe (vers 170), ibid., n, 25, 7-8,
col. 209; de saint Irénée, venu à Rome en 177, Cont.
hier., III, i, 1 et 2, t. vu, col. 845; des P/iilosophou-
mena, v, 20, t. xvi, col. 3226, part. 3; de Clément
d'Alexandrie (vers l'an 200), dans Eusèbe, II. E., II, XV,
2, et VI, xtv, 5, t. xx, col. 172, 552; du prêtre romain
Caïus (même date), ibid., n, 25, 7-8; deTertullien (même
date), De Prsescript., xxxvi, t. Il, col. 49; Scoripac,
15, t. n, col. 15; Adv. Marc., IV, 5, t. Il, col. 366; plus
tard encore, d'Origène (vers 250), Expos, in Gen., t. ni,
dans Eusèbe, H. E., m, 1, t. xx, col. 216; de saint Cy-
prien, Episl. lix ad Cornet., t. m, col. 806; au IVe
siècle, d'Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172; De-
monstr. evang., III, v, 65, t. xxn, col. 209; de Lactance,
Institut, div., iv, 21, t. vi, col. 516; de saint Jérôme, De
vir. ill., I, 8, t. xxni, col. 651, et In Gai. Il, 11-13, t. wvi,
col. 341, etc. Voir sur cette question Baronius, Annal.,
ad ann. 44 et suiv. ; Tillemont, Mémoires pour servir à
l'histoire ecclésiastique, édit. de 1701, t. i, p. 162;
Nat. Alexander, Hist. ecclesiaslica, t. m, dissert. XIII,
p. 168;Dbllinger, Clirislenthum und A'irc/ie, Ratisbonne,
1860, p. 95-105; Windischmann, Vindicise Petrinœ,
Ratisbonne, 1836; Ginzel, Neue Vnlersusch. ùber. den
Episkopat und Marlijrtod des heil. Pelrus in Rom, dans
la (Eslerreich. Yierteljahrschrift fûrkalliol. Théologie,
1877, p. 469; C. Fouard, Saint Pierre et les premières
années du christianisme, p. 535-545; Hundbausen, Das
erste Ponliftcalschreiben des Pelrus, p. 35-60; Lecler,
De Romano sancti Pétri episcopalu, Louvain, 1888
(p. 9 l'auteur donne une liste complète des écrivains
catholiques qui ont défendu la même thèse); Schmid,
Pelrus in Rom, oder Nova* vindicise Petrinse, Lu-
cerne, 1892; Eellen, die Apostelgeschichte, Fribourg-
en-I!risgau, 1892, p. 240-241; T. Livius, Ht. Peter,
Bishop of Rome, or the Roman Episcopale of Ihe
Prince of the Apostles, Londres, s. d. ; Me Giffert, A
Hislory of Chrislianily in the apostolical Age, 1897,
p. 591-597.
2» La date du premier voyage de saint Pierre à Rome
demeurera probablement toujours incertaine. Nous
avons cependant, pour essayer de la fixer, les docu-
ments suivants. — 1. Suivant Eusèbe, H. E., II, xiv, 6,
t. xx, col. 172, saint Pierre serait allé à Rome sous le
règne, de Claude (41-54). Orose, Hist., vu, 6, t. xxxi,
col. 1078, est un peu plus précis : Exordio regni Clau-
dii. D'après la traduction du Chronicon d'Eusèbe par
saint Jérôme, H, 153, t. xxvn, col. 577, ce voyage aurait
eu lieu la seconde année du même règne (42-43). Saint
Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 608, adopte la même
date pour son propre compte. La traduction armé-
nienne du Chronicon, n, t. xix, col. 539, déclare aussi
qu'Evodius succéda en cette même année à saint Pierre
sur le siège épiscopal d'Antioche. Il est vrai qu'un peu
plus haut, n, 150, la même traduction arménienne as-
signe à l'an 39 l'arrivée de saint Pierre à Rome; mais
il y a en cela une erreur évidente. La date très nette-
ment lixée par saint Jérôme est selon toute probabilité
la véritable. — 2. Si nous parcourons la première partie
du livre des Actes, I, 1 ; XII, 25, nous voyons qu'il n'y a
pas de place pour un voyage et un séjour de saint
Pierre à Rome avant sa délivrance miraculeuse de pri-
son, xii, 1 sq. Or, ce dernier fait ne saurait s'être passé
antérieurement à la Pàque de l'année 42, puisque Hé-
rode Agrippa Ier fut institué roi de Judée par l'empe-
reur Claude, lequel monta sur le trône le 25 janvier il.
Le même fait n'est certainement pas postérieur à l'an
44, durant lequel mourut Agrippa. Il est donc très pos-
sible que le trait du récit des Actes, xn, 17, « Il s'en
alla dans un autre lieu, » se rapporte au départ de
saint Pierre pour Rome. Voir P. Allard, Histoire des
persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris,
1885, p. 15; Hundbausen, Das erste Ponli/Ualschreiben
...Petrus, p. 16; Felten, Die Apostelgeschichte iXber-
setzt und erklàrt, 1892, p. 240, etc. — 3. Alors
même que cette date n'a pas le caractère d'une entière
certitude, et qu'elle n'est pas mathématiquement dé-
montrable, elle nous parait du moins très vraisem-
blable. Des historiens catholiques assez nombreux l'ont
adoptée de nos jours. Voir, entre autres, Funk, article
Petrus dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte>
2e édition, t. ix,col. 1861. Elle coïncide d'ailleurs assez
bien avec l'assertion d'Apollonius (vers 200; dans Eu-
sèbe, H. E., V, xvm, 14, t. xx, col. 480) et de Clément
d'Alexandrie, Slrom., vi, 15, t. ix, col. 264, d'après la-
quelle Notre-Seigneur aurait enjoint à ses disciples de
demeurer à Jérusalem pendant les deux premières
années qui suivraient son ascension. Si Lactance, De
morte persecut., 2, t. vu, col. 195, fixe une date beau-
coup plus tardive (après l'année 61), c'est sans doute
parce qu'il fait allusion au dernier voyage de saint
Pierre à Rome.
3° La durée du séjour de Pierre dans la capitale du
monde romain ne saurait être non plus déterminée
avec certitude; les bases chronologiques ne sont pas
assez sures pour cela. Voici les faits principaux. Dans
la version arménienne du Chronicon d'Eusèbe, t. xix,
col. 539, on doit lire : « Le chef de l'Eglise demeura là
(à Home) pendant vingt-cinq ans. » C'est ce que porte la
version latine de saint Jérôme, t. xxvn, col. 571 : Vigintî
quinque annis ejusdem urbis episcopus persévérât. Le
saint docteur nous fait connaître en ces termes son
sentiment personnel, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607 :
Romani pergit, ibique viginli quinque annis cathe-
dram sacerdotalem tenuit, usque ad ullimum aunniii
Neronis, id est, quartum decimum (l'an 67 de notre
ère). Cette durée de vingt-cinq ans pour le pontificat
romain de Pierre est aussi mentionnée dans les diffé-
rentes éditions du Liber pontificalis. Voir celle de
M9r Duchesne, p. xx, 2, 50, 118. Toutefois, les détails
par lesquels le fait est développé dans cet écrit célèbre
varient au point d'être contradictoires. Il n'en demeure
pas moins frappant de constater que, de très bonne
heure (dès le IIe siècle, d'après Funk, l. c, col. 1864),
on mentionne cette durée de vingt-cinq ans. Nous pou-
vons donc fort bien admettre, en nous conformant
aux données d'Eusèbe et de saint Jérôme, qui parais-
sent résumer les anciens témoignages sur ce point, que
saint Pierre fut évêque de Rome entre les années 42
et 67.
4° De son activité apostolique dans la capitale des Cé-
sars, il ne nous est parvenu que trois détails. D'abord,
comme il fallait s'y attendre, les épreuves ne lui man-
quèrent pas, ainsi que l'affirme saint Clément, / ad Cor.,
v, 4, t. i, col. 217. En second lieu, sa prédication
obtint un merveilleux succès. Comme nous l'apprend
Eusèbe, H. E., Il, 15, t. xx, col. 172, en s'appuyant sur
les témoignages de Papias et de Clément d'Alexandrie
(voir, de ce dernier, Hypotypos., VI, dans Eusèbe,
H. E.', VI, xiv, t. xx, col. 552), les fidèles de Rome de-
meurèrent toujours avides de l'entendre, et ils for-
cèrent instamment son disciple saint Marc de la mettre
par écrit, pour qu'ils n'en perdissent jamais le souve-
nir. C'est ce qui occasionna la composition du second
3î
PIERRE (SAINT)
376
Évangile. En troisième lieu, il eut probablement, tout
à fait à la lin de sa vie. une nouvelle rencontre avec
Simon le magicien. Bien que les détails qui entourent
cet épisode dans la littérature clémentine et dans les
autres i crits apocryphes soient légendaires en grande
partie, le fait même est atteste et regardé comme his-
torique par des écrivains ecclésiastiques aussi anciens
que judicieux, tels que saint Irénée, Tertullien, saint
Hippohte, Eusèbe, etc.; c'est pourquoi divers critiques
contemporains en parlent connue d'un événement cer-
tain, tout en le dégageant des fables dont il est envi-
ronné ; d'autres, il est vrai, le rejettent totalement.
Voir C. Fouard, Saint Pierre; p. 551, L. Duchesne,
Les Origines chrétiennes, p. 87-113, etc. En tout cas,
il est bien évident que le prince des Apôtres, même
après s'être installé à Rome, n'y séjournait pas per-
pétuellement ; il s'en allait parfois, lorsque les besoins
de l'Eglise réclamaient ailleurs sa présence. C'est
ainsi que nous le trouvons a .lérusalem, pour l'assem-
blée qui s'j tint vers l'an 50, Act., i. 15 et à Antiocbe
un peu plus lard. Gai., Il, 11.
v. LES DBBX1BRS IXCIDBSTS ni- S I VIE ; SON MAKJIIil
i: i SOA VO il DE AU. — 1' Hien n'est complètement cer-
tain non plus sur les faits qm précédèrent immédiate-
ment la mort de saint Pierre. Arrêté par l'ordre de
.Néron, il lut. d'après une tradition longtemps en hon-
neur, mais aujourd'hui battue en brèche (voir Kraus,
Real-Encyklopâdie der chrisll. Alterthûmer, t. n,
p. 611), jeté dans le cachot nommé- Tullianiim, dans
I obscur caveau de la prison Mamertine, au pied du
• -qiitole. Voir II. Grisar, Histoire de Hume, trad. Ledos,
i9oe, 1. 1. p. 207-210.
-' I.e théâtre de sa mort l'ut Rome : il n'y pas le
moindre doute sur ce point. Nous en avons pour ga-
rants saint Clément pape, / ad Cor., v et vi. l. i. cul 217.
220; Caïus dans I usèbe, //. E.. II, xxv. t. xx, col. 209;
S. Denys .le Corinlbe, ibid., II. xxv. 8; Origène, ibid.,
M, i. I. col. 210; Tertullien, Adv. Marc. iv. 5. t. n.
col. 375;Eusèbe, Demonstr. evang., III. v, 65. t. \\n.
col. 209; saint Jérôme, h- . -, . il/., I. t. xxiii, col. 608;
île même les Acta Pelri ci Pauli (Tischendorf, Acla
Al-ostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 35), la lit-
térature clémentine. Voir Clemenlinœ, édit, de Lagai de,
Leipzig, 1865, p. 0. Le témoignage des Clémentines
esl remarquable; en effet, les hérétiques qui les ont
composa e- aiiraieni (liflicilement songé d'eux-mêmes a
faire mourir saint Pierre à Rome, si le l'ait n'avait pas
été réel. Il est Ira ppa ni aussi île voir que «si plusieurs
r-glisi - revendiquent l'honneur d'avoir été fondées par
Pierre, aucune, sauf Rome, n'a revendiqué la gloire
île son martyre, i A. Brun, L'Apôtre Pierre, p. OU. note I .
L'endroit spécial de Home ou le vicaire du Christ subit
le martyre ne lui probablement pas l'emplacement
actuel de l'Eglise San Pietro inMontorio, sur lejanicule,
mais celui de la basilique de saint Pierre, sur la col-
line vaticane. Voir Marucchi, Élément! d'archéologie
chrétienne, t. t. p. 11.
•"> Pierre subil le martyre pourson Maitre, comme ce-
lui-ci le lui avait prédit Joa., \xi. -2-1. Voir Denys de
Corinthe el Caïus, /. c-.; Tertullien, Adv. Marc, tv, 5.
t. II. cul. .175. Son genre de mort fut le crucifiement,
ainsi que nous l'apprennent Origène, dans Eusèbe,
H.E., III, i, 2, t. sx, col. 216; Tertullien, l>< prsescript.,
MO. t. i. col. ioi. ei Scorpiae., 15. l. u, cul. 151; saint
Jérôme, Devir. ilt., 15, t. xxiii, col. 631 ; Eusèbe, Dem.
evang., III. v. 05. l. xxii, col. 209. etc. Origène el saint
te ajoutent que, sur sa demande, le prince des
s lui crucifié la tête en bas, pour n'être pas égalé
Maître. Sénèque, Consul. ail Marc, 20, mentionne
en termes formels cetle aggravation du crucifiement,
ni usitée de son temps. D'après l'explication
la plus naturelle, c'est bien le supplice de la croix qui
est désigné dans la prophétie du Sauveur, Joa., XXI, 22 :
« Tu étendras les bras... « C'est ce que reconnaissait
déjà Tertullien. Scorpiae, 15, t. i. col. 151 : Tune
Peints ah at/cm cingitur, cum cruci adstringitur.
4° La date de s;, mort. — Suivant Mfl' Duchesne,
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906. t. i. p. 01.
« c'est... en 64 qu'il convient de placer son martyre. •■
Le savant historien ajoute dans une note : i Eusèbe le
met en 67 ou 68: cependant, comme il indique en
même temps la persécution de Néron, son attribution
n'est pas sans ambiguité. La persécution de Néron...
commença à l'été de 04. » .Nous préférons nous en
tenir à la date d'Eusèbe, et tout spécialement à l'année
67, la quatorzième du règne de .Néron, qui est adoptée
par saint Jérôme et par la plupart des historiens mo-
dernes et contemporains. Voir Gains, Das Jaltr des
Martyrlodes der Apostel Parus e,,,/ Paulus, Halis-
bonne, 1867; A. Bartolini. Sopra Vanne ti~ dcll era
volgare, se fosse quel del martirio dé gloiiosi apostoli,
Rome, 1868. D'après saint Épiphane, User., xxvn. 6,
t. xli, col. 373. c'est dès la douzième année de
Néron (en 00 1, qu'aurait eu lieu le martyre de saint Pierre.
Déjà le catalogue libérien cite le 29 juin comme le jour
de cette glorieuse mort. Les Acta Pétri el Pauli font
de même. Cf. Tischendorf, Acla Apostol. apocr.,p. 39.
On ne saurait faire rigoureusement la preuve; mais
d'assez nombreux critiques acceptent cette ancienne
donnée comme véritable. Voir Erbes, Die Todestage
der Apostel Paulus und Petrus, dans les Texte und
Vntersuchungen, nouvelle série, t. iv, h partie. 1899.
•"> Saint Pierre subit-il le martyre eu même temps
que saint Paul'.' Plusieurs anciens auteurs le d
formellement; entre autres, Denys de Corinthe. dans
Eusèbe. //. E., II, xxv, t. xx, cul. 209 . Us ont rendu
témoignage à la même époque, i xerrâ -.'ri kÙtov y.a.o-y,.
Cf. Eusèbe, Cl,, -a nie., traduction armén., I. xix. col. 524,
et traduct. de saint Jérôme, t. xxvn. col. 589. Saint
Jérôme, De vir. ill.. 5. t. xxiit. cul. 017. dit, en
parlant de Paul : Eodem die .//u. Petrus Rom i
Christo capite truncatur. Les traditions romaines s'ex-
priment dans le même sens. D'autres anciens écri-
vains, s.iiis affirmer directement ce l'ait, le supposent :
tels saint Clément pape. Caïus, Origène, Tertullien, l. c.
iJe nombreux historiens contemporains se rangent a celle
opinion. Voir Funck, dans le Kirchenlexikon de Wet-
zer et Welte, édit. Kaulen, l. ix. col. 1863. Le pueie
Prudence, Perisleph., 12. t. t.x. col. 556-557, 560, l'ait
mourir saint Paul un an après saint Pierre. Cf. aussi
saint Augustin, Scmi., ccxcv, 7, et Serai., ccclxxxj,
I. xxwin-xxxix. col. 1352, 1683, qui ajoute cependant
que le jour du martyre l'ut le même,
6° Le prince des Apùlres fut enseveli tout près du
lieu de son supplice, sur la colline Vaticane. comme le
disait déjà le prêtre romain Caïus, dans Eusèbe,
//. E.. il. 25. t. xx. col. 2H7 : I Si tu veux aller sur
le Vatican ou sur la route d'Ostie, tu trouvera
trophées (ri cp6irai>) de ceux qui ont fondé cette Égli-
se. - c'est-à-dire les tombeaux glorieux de -uni Pi
enterré au Vatican, el de saint Paul, enseveli pies de la
via Ostiensis t. Saint Jérôme signale le même fait.
lie vir. ill., 1, t. xxiii, col. 607. Une tradition identique
a élé conservée parle I.ilu r ponti/icalis, édit. Duchesne.
p. 52-53, 158-159, el les Acta Pétri n Pauli, si. édit.
Lipsius. p. 216. C'est la que le pape Anaclet construisit
la Mcinoria beali Pelri [Lib. ponlif., édit. Duché
p. 55 et 125) ; là que Constantin bâtit uni' basilique, sur
l'emplacement de laquelle s'élève aujourd'hui l'œuvre
admirable du Bramante ei de Michel-Ange.
V. Portrait moral et physiqi i di -,\i\i Pierre;
sun ENSEIGNEMENT D'APRÈS LES DISCOURS l'I IIV1;I DES
Actes. — ;. « m li rÊRB m prini : ss. — Il
n'a pas toujours été décrit exactement, ('.est ainsi que
divers écrivains, soit catholiques, suit protestants,
attribuent à l'apolre trop de défauts naturels : les uns,
377
PIERRE (SAINT)
378
pour relover la puissance de la grâce; les autres, pour
amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral
est cependant aisé à reproduire, car ses grandes lignes
sont esquissées aussi clairement que possible dans les
récits évangéliques et au livre des Actes. La fougue,
l'ardeur impétueuse en étaient le trait le plus saillant : ses
paroles ne le démontrent pas moins bien que ses actes.
Voir .Matlli., xvi, 22; xvn, 4; Marc, xiv, 29; Luc., v,
8; Joa., vi, 69; xm, 9, 37, etc. A cet entrain véhément,
qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des
autres Apôtres, cf. Matth., xv, 15; xvi, 16; xvm, 21;
Marc, i, 36; xi, 21; Luc, vin, 45; Joa., VI, 69-70,
etc., se joignaient la mobilité et l'impressionnabilité,
cf. Matth., xiv, 30; Luc, v, 8, l'enthousiasme,
Matth., xiv, 28-29, la candeur, Matth., xvi, 22; xvn, 4,
la franchise et la loyauté, Matth., xix, 27; Luc, v, 5,
la générosité et la vaillance, Matth., IV, 18-20 ;
Joa.,' xvm. lit; Act., n, 14; m, 12-26, iv, 8; v, 29,
etc., parfois la présomption et l'obstination, Matth., XXVI,
33, la timidité. Gai., n. 11-12, et même la faiblesse.
Matth., xxvi, 40, 69. A ces divers points de vue, la na-
ture de Pierre reflétait celle des Galiléens, ses compa-
triotes, telle que l'historien Josèphe nous l'a décrite.
Voir A ut. juij., xvi. 17; Bell. jvd.. III, m, 2. Il était
avant tout un homme d'action, comme il sut le montrer
de la façon la plus admirable après la mort de Jésus-
Christ. Son cœur était chaud, généreux, dévoué, ainsi
qu'on le voit par de nombreux passages du Nouveau
Testament. Voir L.-CI. Fillion, Saint Pierre, p. 182-185.
n. SA REPRÉSENTATION -~rz< I.i:s J/il.ïl MBNTS FIGURÉS.
— Le portrait physique de saint Pierre est très souvent
reproduit sur les anciens monuments (sarcophages,
mosaïques, fonds de verres, fresques des Catacombes).
Voir Smith, Dictionary of Christian Bibliography , t. n,
p. 1621; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte tind
Apostellegenden, t. n. 1" partie, p. 213; F. X. Kraus,
Realencyklopâdie der christl. Alterthûmer, t. n, p. 67 ;
0. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo in Rotna, 1900,
p. 161-169.
« Saint Jérôme In Gai., i, 18, t. xxvi, col. 329,
rapporte, d'après un ancien livre apocryphe, que
saint Pierre aurait été chauve; et parfois il est ligure
comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens,
il porte la barbe, dps cheveux courts et frisés; son
visage est rond; ses traits sont ordinaires, comme
ceux de la plupart des gens du peuple; toutefois, quoi-
qu'il ne soit nulle part idéalisé, sa physionomie respire
toujours l'intelligence et la bonté. Plus tard, on le re-
présente avec une tonsure : c'est le fruit d'une légende
signalée par plusieurs écrivains du VI" ou du vif siècle,
et suivant laquelle saint Pierre aurait été ignominieuse-
ment tondu par les ennemis de l'Évangile. » L.-CI.
Fillion. Sa,i,t Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188,
li-. 579, la ligure à droite.
lit. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE
SAINT pierre. — Plus loin, nous aurons à spécifier la
doctrine que le prince des Apôtres enseigne dans cha-
cune de ses Epitres. Il est bon d'indiquer ici celle qui
se dégage de ses huit discours du livre des Actes. No-
tons cependant qu'on aurait tort de vouloir déterminer
rigoureusement par ces discours, comme on l'a fait
parfois, quel était l'enseignement caractéristique soit
de saint Pierre, soit des autres Apôtres, au début de
l'histoire de l'Église. On ne doit pas oublier que ces
allocutions furent des improvisations rapides, dictées
par les circonstances, qu'elles furent nécessairement
brèves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement
d'y développer le symbole chrétien, soit en général,
soit même sur tel ou lel point particulier. Il serait donc
inutile d'y chercher, et de prétendre y trouver, un sys-
l n dogmatique, parce que c'est avant tout une pré-
dication apostolique, dont nous n'avons d'ailleurs qu'un
écho nécessairement affaibli, quelque fidèle qu'il soit.
Cette réserve faite, il est très intéressant de les par-
courir, pour les envisager sous le rapport doctrinal.
Voir *B. VVeiss, Lehrbuch der bibl. Théologie des N.
T., 4« édit., Berlin, 1884, p. 114-116, 123-144; *Lechlei\
Vas apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3e éd.,
Leipzig, 1885. p. 225-241; *Mc Gifiért, A History <•)
Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63,
482-486; *Bovon, Théologie du Noitv. Test., 2e éd.,
1905, t. il, p. 51-7(1.
Les discours les plus importants au point de vue que
nous étudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa
au peuple le jour de la Pentecôte, Act., n, 14-40;
2" celui qu'il prononça dans la cour du Temple, après
la guérison du paralytique, Act., m, 12-26; 3° celui
qu'il adressa au centurion Corneille et à ses amis.
Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour
but direct de gagner les auditeurs à la foi chrétienne.
Néanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act.. i,
16-22; iv. 8-12; v, 29-32; xi, 4-17; xv, 7-11, et la prière
des fidèles, iv, 24-30, sont aussi très instructifs sous ce
rapport. Des idées dogmatiques, morales, apologétiques
et polémiques très variées y sont exprimées. On a dit très
justement (B. Weiss. I. e., p. 116) qu'on n'a pas suffi-
samment apprécié ces discours au point de vue théolo-
gique. Ce sont les documents les plus anciens que
nous ayons pour nous renseigner sur la prédication
apostolique au début de l'histoire de l'Église. Sur leur
authenticité, voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152.
On peut les résumer tous en un mot très exact : ils
sont un témoignage rendu à N.-S. Jésus-Christ. La
doctrine en est très simple, comme le demandaient les
circonstances; elle est cependant très riche aussi.
1° Rapports de la religion nouvelle avec celle de
V Ancien Testament. — Ces rapports sont très intimes;
les deux religions sont étroitement alliées. La seconde
se rattache à la première comme à sa racine, à sa pré-
paration. Saint Pierre est très formel sur ce point, et
il y revient fréquemment. Dans ses discours, comme
plus tard dans ses écrits, il répète sans se lasser que
le christianisme s'appuie de toutes manières sur les
oracles prophétiques, qui l'ont annoncé' d'avance, et
dont il est la réalisation parfaite. Cf. Act., n, 14-21,
24-36; iv, 11; x, 43. Il cite en ce sens Moïse, Act., m,
22-23, les Psaumes, Act., il, 25-36; iv, II, les grands
et les petits prophètes, en particulier Joël, Act., n, 17-
21 ; Jérémie, xxxi, 34, tous les oracles de l'Ancien
Testament in globo. Act., m, 24. Ce fait ne pouvait
qu'intéresser et frapper vivement les auditeurs juifs de
l'apôtre.
2» La cliristologie. — C'est le point de départ, le
point central et aussi le terme de la prédication de
saint Pierre, Jésus est le Messie prédit par Dieu à son
peuple, impatiemment attendu et désiré par les Juifs
aux différentes époques de leur histoire. Act., m, 22.
Dieu l'a en quelque sorte légitimé, accrédité par des
miracles et des signes nombreux, Act., n, 22, 36; x,
38; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38;
cf. Marc, i. 10. Jésus est le prophète annoncé par
Moïse, le serviteur de Jéhovah prédit par lsaïe. Act., m,
13, 26; IV, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait elle-
même dans le plan divin. Act., Il, 23; m, 18; IV, 11,
25-28; v, 30; x, 39. La preuve la plus frappante de son
caractère messianique consiste dans sa résurrection,
dans son ascension et dans sa glorification sublime
auprès de son père. Act., H, 3335; v, 31, etc. Saint
Pierre ne manque jamais d'opposer ces faits glorieux
à la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., Il, 36;
m, 15; iv, 10; v, 30; x, 40. En effet, humainement
parlant, la croix de Jésus était la négation de son carac-
tère messianique, tandis que sa résurrection en est la
preuve la plus convaincante; aussi l'apôtre fait-il de
ce dernier mystère le centre de toute sa prédication.
Cf. Act., i, 8, 22; il, 2-32, 36; m, 15; iv, 10; v, 30; x,
379
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
380
42. etc. Vivant et triomphant dans le ciel, il demeure
toujours uni à son Église et lui envoie sans cesse de
précieux secours. Act.. H, 33; m, 16; IV, 10. Il reviendra
un jour, poissant et glorieux, pour juger tous les
hommes, Act., m, 26: x. 42, et alors commencera une
ère de consommation pour son Église. Il est la pierre
angulaire sur laquelle repose tout l'édifice chrétien.
Act.. iv. 11. — Les discours de Pierre n'affirment pas
explicitement et directement la divinité de Jésus-Christ,
mais ils la supposent constamment. Le point essentiel
consistait à démontrer d'abord aux Juifs que Jésus
était le Messie depuis longtemps promis. Il est le Saint
de Dieu par excellence, 6 ôi'.i; <ro'j, Act., n, 27, le
saint et le juste. Ael., m, 14, le prince de la vie, Act., m.
15, le Seigneur de toutes choses. Act., x, 36. Il est le
Seigneur par antonomase (o xdptoc), comme Dieu lui-
même, Act., i, 24; n, 20, 21, 36; III, 20; vu, 59-61;
xi, 23, 24, etc., ou le Seigneur Jésus. Act., i, 31; îv, 33;
xv, 11. etc. Dieu était avec lui d'une manière toute
île, Act., x. 38; en lui seul est placé le salut du
monde. Act.. IV, 12: v, 31. Assis sur le trône de Dieu.
il est évidi mmenl -on égal, De grands miracles s'accom-
plissent en son nom. Act., m, 6, 16; iv. 30, etc. A tous
ces points de vue, il est un être unique, d'une dignité
et d'une puissance extraordinaires. Mais il est homme
aussi : c'est Jésus de Nazareth, « homme approuvé de
Dieu. » Act.. il. 22, et, à ce titre, descendant royil de
David. Act.. il, 30.
3^ La sotériolugie. — Avec Jésus-Christ a commencé
l'ère de rédemption annoncée par les prophètes. Act.. u.
7; m, 24; x, 43. Les moyens de s'approprier le salut
apporté par lui consistent : — 1. Sous le rapport négatif,
à faire pénitence et à rompre avec le péché, Act.. II,
38; m, 26; — 2. Sous le rapport positif, à accepter sans
hésitation la prédication apostolique, qui est la parole
u lui-même. Act.. iv. 29; v. 32; \. 11-12. etc., à
croire en Jésus-Christ comme au Sauveur depuis
longtemps prédit, Act, n, 36; x, 13, et à recevoir le
baptême en son nom, de manière à faire partie de la
société des élus. Act., Il, 38. En échange de cette foi en
sn personne et pour rendre plus certaine l'acceptation
individuelle du salut. Jésus remet les péchés des croyants
sincères, Act., Il, 38; m, 19; x, 43; il leur commu-
nique son Esprit, selon les antiques promesses, Act.. II,
Me etc.; il leur accorde le salut éternel. Act.. ni.
15; iv, 11-12; v, 31, etc. Israël, en tant que peuple de
l'alliance, avait un droit spécial à la rédemption mes-
sianique, cf. Act., n, 39; m, 26; v, 31; x, 36, 42, etc.;
mais tous les peuples du monde, sans exception,
devaient \ participer aussi. Act., Il, 17.39; III, 25; \.
i 35; xv. 7. —On le voit parce simple sommaire, rien
n'est plus précis que l'enseignement doctrinal du prince
des Apôtres, malgré' son caractère élémentaire. Les
Épi Ires nous le présentent sous une forme plus large
et plus complète.
\ [, llii'.i i:ai-ii u.. — Voir C. Fouard, Saint Pu
du chrittianisnie, Paris, 1886;
Mb' l.e Camus, L'œuvre ''es Apôtres, t. i, Fondation de
l'Église chrétienne, Paris, 1891 : Xavier. Bistoria S.
, 1639; P. Scheuren, Petrus der Apostelfùrst u.
Statthaller Christi, nach der h.Schrift, d
dargestellt, Aix-la-Chapelle, 1846; Janvier, H ist.de saint
Pierre, Tours. 1*7.".; '.I.S. llo«son, Studios in the Life
o/ st. Peter, Londres, 1883;* A. Birks, Studios in Ihe
Life a acier of St. Peter. Londres. 1887;
fer Apostel des llerm, 1889;
llenriot. Saint Pierre, son apostolat, son ponti/ieat, son
copat; histoire, traditions et légendes, Lille. 1891;
• II. G. Tl is. The ApOStle Peter, oulline Stmlies
in his Life, er and Writings, Londres. 1904;
L.-CI. Fillion, S,i,„i Pierre. Paris, 1906; *A. Brnn, Essai
sur l'apôtre Pierre, Montauban, 1905.
L. Fillion.
2. PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT). — I. La
QUESTION ri'AtTiiFNTiciTÉ. — Nous étudierons successi-
vement les preuves extrinsèques et les arguments
intrinsèques; puis, nous réfuterons les principales
objections des néo-critiques.
/. PREUVE BXTMNSÈQDB. — Les témoignages ren-
dus à notre Épitre par les écrivains ecclésiastiques
abondent depuis les temps les plus reculés. Aucun de
ces anciens auteurs « n'a douté de son authenticité,
ni m. me entendu parler de doute la concernant »
(Olshausen). Si l'on se place au ive siècle et que l'on
remonte en arrière, on est tout d'abord frappé de ce
l'ail que, dans toutes les listes qui énumèrent les livres
canoniques du .Nouveau Testament, à part une seule,
la lettre est citée et attribuée à saint Pierre. C'est le
canon de Muralori qui l'ait exception : ce qu'il dit
des i erits de saint Pierre est d'ailleurs très obscur; il
porte en cet endroit des traces visibles de corruption,
et il est possible que la ia Pétri ait été menti
dans le texte primitif, comme le pensent des critiques
de premier ordre. VoirTh.Zahn, Gesch. des neutestam.
Kanons, t. n. I« part., p. llu. Eusèbe, //. E., m. 25,
t. xx. col. 268, mentionne expressément l'Épitre parmi
les livres admis d'une manière incontestable, et il affirme,
m. 3, t. xx, col. 217, que « les anciens prêtres l'ont
citée dans leurs écrits comme étanl très authentique.
Au commencement du 111e siècle et dès la lin du n*,
nous pouvons constater l'étal de choses suivant. Pour
I Église d'Alexandrie, nous avons, d'une part, le témoi-
gnage du docte Clément, qui, non seulement cite la
lettre et l'attribue à Pierre, Strom., ni. 18, t. vin,
col. 1213; Pxdagog., i, 6, t. vm, col. 301 cf. 1 Pet, i.
6-9; n. 2-3i, mais en a donné une brève explii
dans ses Bypotyposeis (cf. Eusèbe, //. E., n, 11 I,
t. xx. col. 549;. et, d'autre part, l'attestation non
moins claire d'Origène, dans Eusèbe. //. E., VI, 25,
s. t. xx, col. 481; — pour les Eglises d'Afrique, le
soil deTertullien, qui, s'il omet de la men-
tionner dans son énumération des Instrumenta apos-
tolica, c'est-à-dire des écrits composés par les a]
lui emprunte, plusieurs passages (cf. De oral., 20, t. i.
col. 1182, et I Pet, m, 3; Scorpiace, xiv, t. u, col. 150,
et I Pet, H, 17; voir Rônscb, das Neue Testament Ter-
>. p. 556-563), et la donne expressément comme
l'œuvre du prince des Apôtres, soit de saint Cyprien
(cf. De bono patientiœ, 9, t. IV, p. 628; Conte, jud., m,
36, t. IV, col. 756); — pour les Églises de Syrie, celui de
la Peschito, dont notre lettre a toujours fait partie; —
pour les Églises des Gaules, celui <le saint Irénée, qui
lui emprunte plusieurs citations, en déclaranl qu'elle
composée par sainl Pierre (cf. Adv. hier., IV,
i\. 2. t. vu. col. 998, et I Pet, i, 8; ibid., x\i. 5,
col. 1019, et I Pet, iv. 16); — pour l'Eglise de Home,
le témoignage de l'Itala, qui a toujours contenu la
/' Pétri, comme le prouvent les citations de Tertul-
lien et de saint Cyprien, et celui de sainl Hippolyte
i i Fragm. in Don., xn, 7, édit. La'garde. 185, 20, et
1 Pet, l, 12).
La première Épttre de saint Pierre esl aussi très
fri [uemmenl citée dans le cours du ir siècle, el i
I . ] .. ., | u .- îles Pores apostoliques. Voir la lettre .1rs
Églises de Lyon el de Vienne, en 177. dans Eu
II. E., v, I el 2. t. xx. col. 136; comp, 1 Pet, v. 6
el 8; s. .lusiin, Dial. e. Tryph., 103, t. vi, col. 717
(cf. I Pet, v. 8); s. [renée, Adv. hier., i, 18, 3, t. vu,
col. 645, cf. I Pet, m. 20; Clément d'Alexandrie,
Strom., IV. mi. 83, et 1 Pet, i. 12; t. vm. col. 1108;
llermas. Vis., IV, 3, 1. el Pet, I, 7; Sini.. IX. 21. 3.
xxviii. 4-7, el Pet., iv, 14-16; Sim., îx. 16, el i
m. 19-20; Papias, dans Eusèbe, //. /'.'.. III. XX\I\. I.
t \\. col. 500; Polvcarpe. Philipp., i, 2, et 1 Pet, i, 8;
n. i. el 1 Petr., i, 13, 21; n. 2, et I Pet., m, 9; vm, 1.
et 1 Pet., n. 22, 24. Cf. Eusèbe, H. E., iv. 14, t. xx,
381
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
382
col. 350; S. Clément de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et
33, t. i, col. 210, 244, 273, et I Pet., n, 21; xxu, 2,
et I Pet., in, 10; xlix. 5, et I Pet., iv, 8. Les témoi-
gnages de Papias et de saint Polycarpe ont d'autant
plus" de force, que les Églises gouvernées par eux
(Hiérapolis et Smyrne) faisaient partie de la région à
laquelle est adressée l'Épitre. Celui de saint Clément
a aussi une grande autorité, la lettre ayant été composée
à Rome même, comme il sera dit plus loin. — Le témoi-
gnage le plus ancien de tous, et par suite l'un des plus
importants, est celui de la II' Pétri, laquelle se pré-
sente, m, 1, comme étant la seconde lettre de l'apôtre
Pierre. Il est vrai qu'il a existé autrefois des doutes au
sujet de son authenticité, et qu'un grand nombre de
critiques hétérodoxes la rejettent comme apocryphe (voir
ci-dessous, col. 402-410); mais elle est très ancienne
aux yeux de ces critiques eux-mêmes, car ils placent
généralement sa composition entre les années 88 et 90.
Son témoignage demeure donc ferme en toute hypothèse.
Telle est la preuve extrinsèque, qui démontre l'authen-
ticité de l'Épitre de saint Pierre. Ces deux faits s'en
dégagent : 1" l'Épitre a été connue de très bonne heure
dans toute l'Église ; dès que celle-ci a possédé un re-
cueil de littérature qui lui fut propre, la /a Pétri y est
citée comme un écrit qui exerce une inlluence consi-
dérable; 2° à partir de saint Irénée, c'est directement
et nommément à saint Pierre que tous les auteurs ec-
clésiastiques attribuent l'Épitre.
Pour éluder un si puissant argument, les adversaires
de l'authenticité éprouvent, on le conçoit, un très grand
embarras, et il ne peuvent lui opposerquede très pauvres
raisons. Voir Jûlicher, Einleitung in das N. T., 1894,
p. 131. 1° L'objection qu'ils tirent du silence du canon
de Muraturi a été brièvement réfutée plus haut. 2° Ils
s'appuient aussi sur une double allégation de Pierre de
Sicile (vers 870), Historia Manichseor., c xvn. D'après
cet auteur, d'une part, les « pauliniens », qui vou-
laient établir un christianisme purement basé sur la
doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la 2a Pétri;
d'autre part, Théodore de Mopsueste, suivant une
donnée fournie par Léonce de Byzance dans son
écrit Contra Keslor. et Eutych., 1. IV (entre 5G0 et
600). t. lxxxvi, col. 1650. aurait abrégé et rejeté les
Épitres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du
tout », comme l'a fort bien dit Credner, Einleit., t. il,
p. 648; car les faits en question sont d'une date très
tardive. D'ailleurs, le second de ces faits n'est pas
même certain, puisque aujourd'hui encore les Nes-
toriens, qui ont conservé le canon biblique de Théo-
dore de Mopsueste, regardent la Ire Epitre de saint
Pierre comme canonique. Voir Kihn, Theodor von
Mops., in-8», Fribourg-en-Brisgau. 1880, p. 64. 3° En troi-
sième lieu, les néo-critiques s'appliquent à affaiblir la
force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi,
d'après Harnack, Chronologie, p. 463, saint Polycarpe
n'aurait pas regardé notre Épitre comme l'œuvre de
saint Pierre, puisqu'il ne la lui attribue pas nom-
mément, tandis qu'il mentionne expressément saint
Paul en lui empruntant des citations. Mais la con-
clusion est illégitime; en effet, saint Polycarpe ne
cite pas davantage les noms de saint Jean, des synop-
tiques, de saint Clément pape et des auteurs de
l'Ancien Testament, lorsqu'il leur fait quelque em-
prunt. Si lYvèque de Smyrne fait une exception en
faveur de l'apôtre des Gentils, c'est simplement parce
qu'il s'adressait à une Église fondée par lui.
II. ARGUMENTS INTMNSBQDES. — Us confirment la
preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle-
i. i'iue, i, 1, comme ayant été composée par o Pierre,
apôtre de Jésus-Christ ». Or, de nombreux détails
qu'elle renferme sont en parfait accord avec ce ren-
seignement. Entre autres : — a) la mention de Silvain, v,
12, personnage important qui avait eu des relations
étroites avec l'Église de Jérusalem et avec le prince des
Apôtres, Act., xv, 22; — 6) la mention de saint Marc,
v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps
la mère, Act., xn, 12, et qu'il avait alors auprès de lui
comme un Mis spirituel et un compagnon dévoué,
voir Eusèbe, H. E., m, 36, t. xx, col. 300; - c) la
mention de Babylone, v, 13, c'est-à-dire de Rome,
où le prince des Apôtres se trouvait à la (in de sa
vie. — (?) v, 1 sq., l'auteur désigne certainement par
le mot TtpcaSÛTspoi les prêtres-évèques préposés aux
chrétientés d'Asie Mineure auxquelles la lettre est
adressée. Il se présente lui-même comme leur (ruvitpsij-
ë'JTEpoç. Or, tout le ton de la lettre montre qu'il est
de beaucoup leur supérieur à tous; ce qui est bien
évident, puisqu'il est le chef de l'Eglise entière. Un
faussaire, bien loin de parler avec une telle humilité,
aurait fait valoir hautement le titre du prince des apô-
tres. — e) Nous avons à signaler aussi des allusions
assez fréquentes aux paroles de Jésus-Christ. Cf. i, 10,
et Luc, x, 24-25; i, 13, et Luc, xn, 35; 1,17, et Matth., vi, 9;
ii,17, et Marc, xn, 17; m,14,etiv, 14, avecMallh., v, 10-11 ;
iv, 13, et Matth., v, 12; v, 3, et Marc, x, 42-43; v, 6, et
Matth.. xxiii, 12. Comp. aussi n, 6-8, avec Matth., xxi, 42,
et Luc, xx, 17. Cf. Act., îv, 11. Ce dernier rapproche-
ment est particulièrement frappant, car la combinaison
de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se
trouve qu'en ces quatre passages, dont deux citent les
paroles de Jésus et les deux autres les paroles de saint
Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21 ;
il. 21-25; m, 18-19; iv, 1, etc., l'auteur fait allusion à
divers événements de la vie du Sauveur, et même, ce
qui est encore plus significatif, aux relations person-
nelles qu'il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 :
« (Jésus-Christ) que vous aimez quoique vous ne l'ayez
pas vu, » semble établir sous ce rapport une distinction
spéciale entre l'auteur de la lettre et les lecteurs :
ceux-ci ne connaissaient le Christ que par ouï dire;
lui, il l'a vu de ses propres yeux. C'est bien à tort, on
le voit, qu'on a accusé la 1" Pétri de « manquer de
souvenirs directs du ministère et de l'enseignement de
Jésus. » J. Monnier, La 1" Épitre de l'apotre Pierre,
Màcon. 1900, p. 515. Celui qui l'a composée a été réel-
lement témoin de la vie publique, de la passion et de
la résurrection de Notre-Seigneur. S'il parle plus sou-
vent de la passion, c'est à cause de l'importance spé-
ciale qu'avait ce mystère pour les lecteurs, plongés
alors dans l'épreuve. Voir Westcott, An introduction
to the Study of the Gospels, 5e édit., Londres, 1875,
p. 174-175. — g) Une preuve intrinsèque qui mérite
toute notre attention, c'est la ressemblance qui existe,
soit pour le fond, soit pour la forme, entre l'Epitre et
les discours de saint Pierre contenus dans le livre des
Actes. Des deux côtés, peu de pensées abstraites et
spéculatives, mais les faits principaux de la vie du
Sauveur, présentés d'une manière concrète comme la
base de notre salut. Cf: en particulier I Pet., i, 10-12,
et Act., m, 18-25 et x, 43; I Pet., i, 20, et Act., Il, 23, et
m, 20; I Pet., n, 4, et Act., x, 11 ; 1 Pet., n, 24, et Act.,
v, :iO, et x, 39 ; I Pet., m , 22, et Act., n, 33-34, et v, 31 , etc.
De part et d'autre aussi, l'auteur aime à rattacher sa
doctrine aux oracles de l'Ancien Testament. Ce trait
est vraiment caractéristique. De nombreuses pensées
de l'Épitre, comme celles des discours, ont un vête-
ment biblique. « On sent que l'auteur se meut dans un
domaine familier, et que sa piété plonge ses racines
dans la terre nourricière de l'ancienne Alliance. Il en
[Mile la langue, il en rellète la pensée. » A. Brun, Essai
sor l'apôtre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, A/iost. und
nacltapost. Zeilalter, 3« éd., p. 140-443; lv. Burger,
dans le Kurzgelasster Komment. de Strack et Zoe.kler,
A. Test., 4» Abth., p. 153 de la 2» édit. Voir en par-
ticulier les passages, i, 16, 17, 24-25; n, 4, 6, 7, 9,
10, 22, 24; m, 6, 9, 10, 11, 20; iv, 8, 18, etc. -
383
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
3S4
h) L'Epitre rellète véritablement le caractère de saint
Pierre, tel que nous le révèlent les récits des Evangiles
et des Actes des Apôtres. Sa personnalité y apparaît
tout entière, comme fait celle de saint Paul dans ses
propres lettres. Nous y contemplons l'homme pratique,
l'homme d'action, l'homme au tempérament ardent et
généreux, l'homme qui exhorte avec bonté, en em-
ployant des expressions et des images pittoresques.
C'est donc d'une manière très injuste que divers cri-
tiques regardent notre Epilre comme un produit litté-
raire dénué d'originalité. Voiren sens contraire Scharfe,
Die Petrinische Strônaing (1er neutestam. Lilteratvr,
189',>. Les images concrètes et frappantes y abondent;
cf. i. 7. (3, 's. 28; 24; ii. -2, 4, 5, etc. L'auteur dran -
lise sou exposition au moyen d'épithètes vigoureuses,
i, i. 7, S. 19; v. 10, etc. ; il emploie des verbes compo-
sés et varie les prépositions pour mieux exprimer les
nuances de sa pensée, i. -, :!. ."■. 12, 13, etc.; il a recours
aux contrastes pour mieux insister sur l'idée, i. 6, s.
H: il. 1- 7. etc. Tout cela manifeste un esprit original,
puissant, ardent, comme l'était celui de Simon-Pierre.
Voir Belser, Einleit., p. 701.
;;/. OBJECTIONS DES CRITIQUES CONTRE L'AUTBBN-
TICITÉ. — I" Histoire de leurs attaques. — Sans
doute, ces différentes preuves intrinsèques n'ont pas
I , même valeur que les témoignages cités plus haut;
mais elles les corroborent singulièrement. .Néanmoins.
quoique si bien accréditée de toutes manières, la
/a Pétri ne pouvait pas plus échapper que les autres
parties du N. T. aux procédés dissolvants de la critique
rationaliste. Déjà Semler. en 1781. avait émis des doutes
sérieux sur l'authenticité, que Cludius, un peu plus la ni.
a été le premier à nier franchement, dans son livre
Uransich tendes Christenthums, Alloua, 1808, p. 296-300,
Eichhorn, en 1818, a marché sur ses traces, r. Baur,
Theol. Jahrbïtcher, 1856, t.n,p. 193-198, el sesdisciples
(notammenl Schwegler, Uas nachapostol. Zeilalter,
Tubingue, 1846, l. n. p. 2-16; II. Holtzmann, i'.n,-
SchenkeJ, Itibel-Lexikon, t. n. p. 195-498.; Hilgenfi Id
/ , , ,,. m das .Y. T., p. 625-630 se sont particulière-
ment distingués parla violence de leurs attaques, mais
sans pouvoir se mettre d'accord entre eux pour les
détails de leurs théories, ni pour la date de l'Epitre, etc.
Celle-ci sérail, comme lanl d'autres parties du .Nouveau
Testament, un écrit de conciliation, Unionsschrift,
destiné à célébrer l'harmonie finalement établie entre
les deux grands partis hostiles, le Pétrinisme et le
l'aulinisme. Elle démontrerait, en même temps, com-
ment i' s idées pauliniennes peuvent être mis< s a profit
dans l'intérêl du parti judéo-chrétien. Baur, loc. cit.,
p. 219-222. De là ces réminiscences perpètre 11
épltres de sainl Paul qu'on prétend découvrir dans la
/■ Pétri (voir plus bas, col. 385) el qui donneraient,
t-on, l'impression que la Lettre provient d'un
disciple de Paul. » Mais, comme on l'admet univers 1
lemenl aujourd'hui, a cette théorie de l'école de Tu-
bing qui esl profondément ébranlée d'une manière
générale, esl réful i particulier dans l'application
qui en a été laite à I l'et. 9 Harnack, Chronologie,
I. i, p. 156. D'après Jûlicher, Einleit., p. 134-136, de la
i édit., la lettre, à cause de ses relations avec l'Epitre
aux I; ains. aurai! été comptée par un chrétien qui
résidai! alors a Rome, mais .pri était originaire d'Asie
Mineui''. Selon l'on Soden, Hand-Comment. r»/u
N. T., t. m, 2e part., p. 117, la lettre aurait Silvain p ■
auteur. Cf. v, 12. Me Giffert, Historyol Chrislianily in
the apo tolical Age, p. 598, l'attribue à sainl Barnabe.
D'autres critiques s'en sonl tenus à l'opinion tradi-
tionnelle, mais en admettant que l'upitreest dans un
état d'infériorité et de dépendance par rapport aux
de sainl Paul; ce qu'on explique en disant que
Pierre, pratique avant tout, n'avail pas une grande
lité littéraire (Bleek, etc.), que c était un thi olo
gien médiocre (Renan), ou du moins une nature « ré-
ceptive, impressionnable a (Salmon). Suivant Harnack,
Lehre der zwôlf Apostel, t. n, p. 106-109, et Chrono-
logie, t. I, p. 155-465, les premières et les dernières
lignes de l'Epitre, I, 1-2; v, 12-14, n'appartiendraient
pas au texte primitif; elles auraient été ajoutées à la
lettre, lorsque celle-ci fut officiellement déclarée cano-
nique. Le document primitif, i, 3-v, 11, que ce fût une
lettre ou non (ce que M. Harnack avoue ne pouvoir dé-
terminer), serait l'œuvre de a quelque docteur ou pro-
fesseur distingué », qui l'aurait peut-être composé à
Rome, entre les années 83-93, ou même \ingt ans plus
tôt. Toutefois, d'une part, l'adresse de la lettre, qui est
si concrète et caractéristique, et, d'antre part, la con-
[usion, dont les détails conviennent si bien à saint
Pierre, protestent contre cette hypothèse : et puis,
qu'aurait été ce document original, comme nous l'avons
vu. el attribué au prince des apôtres des la plus haute
antiquité? Le Dr Harnack sent si bien la faiblesse de
sa conjecture, qu'il se déclare prêt, au cas où on la
trouverait inexacte, à i regarder l'improbable (c'est-à-
dire, ce qui est improbable à ses propres yeux i comme
possible, et a revendiquer l'épitre pour Pierre lui-
même, plutôt que de supposer qu'elle a été- écrite par
un pseudo-Petrus. Chronolog., t. I, p. 4(ii.
2° Première objection. — L'argument tiré des aflinit.'s
de la l' J'rt/i avec les l'pilres pauliniennes et l'Épitre
de saint Jacques, esl mis fréquemment en avant par les
critiques contemporains. D'après eux, celte affinité serait
telle, que la lettre ne pourrait pas avoir été composée
par saint Pierre, mais seulement par un disciple de saint
Paul. Voir McGilTert. /. c, p. 593-595; Jûlicher, Einleit.,
p. 132-133; 11. Holtzmann. Einleit., p. 313-316. Celte as-
sertion remonte aux dernières années du xvnr siècle;
mais elle a été surtout développée au débul du xix* siècle,
par Scbolz, Der schriflstell. Werth und Charakter
des Johannes, 1811, p. 12, par Eichhorn, Einleit. in
das -Y. T., ISI i. t. m. §284-286. Ce dernier rattache pres-
que toutes les pensées el les expressions de la /» Pétri
aux Epilres de saint Paul. Le savant catholique Hug,
Si lu ift. .'es A". T.. 'e édit., t. n. g 166,
les protestants Scholt, hagoge, 1830, s 96, de Wette,
Lehrbuch der Einleit., ■". édit., 1848, > 172. ri il.
reconnurent aussi, mais avec plus de mesure, qu'il
existe un certain nombre de ressemblances prémi
entre notre Epitre el celles de sainl Paul : sainl Piem
aurait l'ail ces emprunts à dessein, parce qu'il écrivait
a des chrétientés fondées par saint Paul (Hug); ou bien,
il aurait voulu manifester sa conformité de pei
avec l'àpôtré des Gentils, soit contre les hérétiques
(Schott), soit sur l'ensemble de la doctrine chrétienne
(de Wette). Voir aussi la Zeilschrift for wissenschaftl.
Théologie, 1874, p. 360-375; 1881, p. 178-186, 332-342
D'assez bonne heure on protesta contre cette affirma-
lion, spécialement ontre -a forme la plu- exagérée, et
on essaya de <i Imontrer, tantôl dans les articles de Rc-
Rausch, dans le Krit. Journal de VViner ri l.n-
gelhardt, t. vm. 1828, p. 396; Lûcke, dans les Theol.
Sludii itik., 1833, p. 528, — tantôt dans les
ouvrages propremenl dits MayerholT, Hist. krit. Etn-
Irit. m die pétrin. Schriften, ls:;:,, y. lui; I;. Brûck-
dition remaniée du commentaire de L. de
Wette, 1853, Introd., s, iv; II. Weiss, Der pétrin. Lehr-
begriff, p. 381, que -.nul Pierre n'a utilisé nulle
pai'l les lettres de sainl Paul, ou du un. m- que h' l'ait
esl très douteux el nesaurail être prouvé avec certitude,
(,u enfin m1"' l< ,s prétendus emprunts se bornenl
réminiscences et ■• des échos plus ou i - conscients!
L'ouvrage du D'B.Weissesl particulièrement remar-
quable sur ce point. San- nier que saint Pierre at
connu les écrits de saint Paul et qu'il ait pu s'en appro-
iii Iques pensées ixpressiôns, lorsqu elles ca-
draient avec le lia me qu il avait a traiter, l'auteur
385
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
386
relève en détail les exagérations dans lesquelles on est
tombé; puis il restreint le débat à l'Épitre aux Éphé-
siens et à celle aux Romains (chap. xii-xm), avec les-
quelles, dit-il, la /a Pétri présente des ressemblances
très réelles. Ce sentiment est admis de nos jours par
un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns
ajoutent l'Épitre de saint Jacques à celles de saint Paul
aux Romains et aux Épbésiens. Voir Th. Zahn, Einleit.
in das N. T., t. II, p. 30; Cornely, Introd., t. III, p. 626-
627: Belser, Einleit., p. 694.
a) Relations de la Ia Pétri avec l'Epitre aux Ro-
mains. — M. R. Weiss reconnaît qu'il existe des points
de contact évidents entre divers passages de I Pet., et
les chap. xil-xm de la lettre aux Romains. De même
Kiibl, Die Briefe Pétri, p. 40. Hofmann, dans son com-
mentaire de notre Épitre, Die heilig. Schrif tendes N.
T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des réminis-
cences de l'un ou de l'autre des deux écrivains, 1° le
verbe ffiuTxi)u.aTc'(e<r6ai (il n'est pas employé ailleurs
dans le N. T.), associé dans I Pet., i, 14, à tïîç npoTepov
êni8u[uai{, et dans Rom., xn, 2, à™ aîiôvt tovjtw; 2° l'ad-
jectif Ào-.-exô;, employé dans I Pet., Il, 2, à propos du
lait de la divine parole, et Rom., xn, 2, à propos du
service de Dieu ; 3" la locution xax'ov àvr\ xaxoO àitofii-
Wi-.i;, qu'on trouve identiquement dans I Pet., m, 9. et
Rom., xn, 17. Les critiques établissent encore les rap-
prochements suivants : I Pet., n, 5, et Rom., xn, 1 ;
I Pet., n, 13-14, et Rom., xm, 1-6; I Pet., m, 8-9, et
Rom., xn, 9-10; I Pet., iv, 7, et Rom., xm, 12; I Pet.,
iv, 10-11, et Rom., xn, 6-S. Ils allèguent encore I Pet.,
n,24, et Rom., vi, 2, 6, 18; I Pet., n, 6-7, et Rom., ix,
33; I Pet., iv, 1. et Rom., vi, 6. Il règne certainement
quelque ressemblance entre ces divers passages; mais,
des deux côtés aussi, il y a une indépendance très
réelle. Comme le dit fort bien le Dr Kùhl, /. c, p. 18,
les ressemblances signalées permettent seulement de
supposer que saint Pierre, qui a écrit en dernier lieu,
avait lu l'épître aux Romains, et qu'il s'en est appro-
prié, tout en demeurant très original, des pensées et
des expressions qui s'harmonisaient avec le but de sa
lettre.
b) La la Pétri et l'Épitre aux Ephésiens. — « On a
souvent attiré l'attention sur une certaine ressemblance
de notre lettre avec l'Épitre de saint Paul aux Éphé-
siens. Si l'on n'entend pas cela d'un emprunt propre-
ment dit des pensées, mais d'un certain accord dans les
expressions, les concepts et les constructions, nous
l'admettons aussi. » Belser, Einleit., p. 694. De même
le Dr Zahn, Einleit., t. n, p. 30 et 36, qui tire simple-
ment de ce fait la conclusion que saint Pierre connais-
sait l'épitre aux Éphésiens, et que la I* Pétri est au-
thentique, attendu qu'un faussaire de la première
partie du second siècle n'aurait eu aucune raison de
faire des emprunts proprement dits à saint Paul. On a
rapproché les uns des autres les passages suivants :
I Pet., i, 3, et Eph., i, 3 (début identique, mais qu'on
retrouve dans la IIe aux Cor.; d'ailleurs, la suite diffère
totalement des deux parts; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv,
17-18 (exhortation à mener une vie toute chrétienne1 ;
I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 1; m, 6-11 ; 1 Pet., n, 4-
7, et Eph., n. 20-22; I Pet., m, 4 (xpu^To; t?,ç xapàitx;
SvBpomoc), et Eph., m, 16 (='sw av6pw7toi;); I Pet., m, 18
(îvo ',\)-'J.; -fr^x-iyri iS 8ew), et Eph., II, 18 (Si' cojtoû
ï/ouîv rr|V icpoaayiayrii itpô; tôv na^ipa); I Pet., m, 22,
et Eph., i, 20-22, etc. Quelques néo-critiques, entre
autres Sieffert, Hilgenfeld's Zeitschnft, 1881, p. 179,
trouvent les ressemblances si nombreuses entre les
ili'u\ écrits, qu'ils leur attribuent le même auteur, le-
quel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Voir aussi
Gunkel, Die Schriften des y. T. neu ùbersetzt, 1907.
t. n, 3e partie, p. 27. Mais cela est tout à fait inadmis-
sible. Voir T. Zahn, Einleit., t. n, p. 36; Knhl, I. c;
Keil. Comment, ûber die Briefe des Peints, p. 12-14;
DICT. DE LA BIBLE.
B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le Dr von Soden, loc. cit., va
même jusqu'à regarder comme douteux le point de
contact de la ia Pétri avec l'Épitre aux Éphésiens. Le
même auteur, Hand-Commenlar :um N. T., t. m,
2e partie, p. 97-98, remarque que l'auteur de la ia Pétri,
tout en utilisant les œuvres de saint Paul, a complète-
ment laissé de coté la terminologie de l'apôtre des Gen-
tils, et qu'il ne mentionne pas même les idées spécifi-
quement pauliniennes. En résumé, on compte dans la
7" Pétri environ soixante expressions qu'on ne ren-
contre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du
Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alléguées,
plusieurs proviennent d'un fonds commun de pensées
et d'expressions qu'aucun auteur chrétien ne pouvait
éviter (tels les mots tiistiç, i>7t:;, ;Mvî, yocpiana, etc.).
Dans sa IIe Épitre, m, 15, saint Pierre affirme avoir
lu les Épitres de son « frère bien-aimé » Paul ; il est
donc difficile de ne pas admettre l'existence, dans son
écrit, de quelques réminiscences très réelles; mais
il demeure toujours indépendant, original, et n'imite
ni de près ni de loin d'une manière proprement
dite.
c) La Ia Pétri et l'Epitre de saint Jacques. — Ici
encore, on signale un certain nombre de ressemblances.
Les deux Epitres sont adressées aux fidèles de la 6ia-
oitopi, I Pet., i, 1, et . lac, i, 1; mais avec de grandes
différences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a
beaucoup d'analogie avec Jac, i, 2-3 (noter en particu-
lier l'expression va îoxi'u.tov ûu-ùv rr,; 7u'<7rsw;, qu'on ne
trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., n. 1,
et Jac, i,21 ; I Pet., îv, 8, et Jac, v, 20; I Pet., v, 5-9,
et Jac, IV, 6, 10. Mais, dans ces divers passages, les di-
vergences sont plus grandes que les ressemblances. Il
en est de même par rapport à la régénération chré-
tienne, I Pet., i, 23, et Jac, i, 18, et aux désirs de la
chair, I Pet., Il, 11, et Jac, iv, 1. La citation de trois
passages identiques de l'Ancien Testament dans les
deux écrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac, iv, 7; I Pet.,
iv, 8, et Jac, v, 20; I Pet., i, 24-25, et Jac, iv, 10-11, ne
prouve pas davantage qu'il existe une dépendance pro-
prement dite entre leurs auteurs.
3° Seconde objection. — Les adversaires de l'authen-
ticité font une autre objection, à laquelle ils attachent
aussi une grande importance. La lettre suppose, disent-
ils, qu'à l'époque même où elle fut publiée, les chré-
tiens étaient sous le coup d'une persécution générale
et officielle dans l'empire; ce qui ne saurait convenir
qu'au règne de Trajan, puisque la persécution de Xéron
ne dépassa guère les limites de Rome. Il suit de là que
saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas être
l'auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit-,
3Ȏdit., p. 494; Julicher, Einleit., p. 135; McGiffert,
HUlory of the apostol. Age, p. 596-597. Mais celte ob-
jection a pour base une fausse interprétation de I Pet.,
iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6; n, 12; ni, 9,
15-16; iv. i, 12-14. Aucun de ces textes n'exige l'exis-
tence d'une persécution sanglante et officiellement or-
ganisée par l'empereur, ou par ses représentants dans
les provinces, soit sous Trajan, soit même antérieure-
ment sous Néron. Il n'y est question ni de juges et de
tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confisca-
tions. Ce n'est point de la part des autorités constituées
que les fidèles avaient alors à souffrir, mais de leurs
anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur
mécontentement et leur haine de mille manières, dans "
les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess.,
où saint Paul mentionne quelque chose de semblable
pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xn, 11-16;
Eph., iv, 27; v, 15-16; Heb., x, 32-3i; Jac, n, 13-17.
L'auteur, dans ce passage, en parlant des autorités ci-
viles, n'a pas de reproche spécial à leur adresser; il
les caractérise même comme punissant les méchants
et réconfortant les bons. 11 aurait difficilement agi de
V. - 13
387
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
388
la sorte, si elles avaient persécuté ouvertement les
chrétiens. — Les arguments par lesquels les néo-cri-
tiques s'efforcent de démontrer que la Ja Pétri n'est
pas l'œuvre du prince des Apôtres n ont donc rien de
solide.
II. Occasion et Bit de l'Entre. — Ils ressortent assez
clairement du fond même de l'écrit, qui les rattache
aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les des-
tinataires. — 1° Les Églises d'Asie Mineure auxquelles
il est adressé, sans être, comme il a été démontré
plus haut (col. 386). sous le coup d'une persécution
violente et officiellement organisée, avaient néan-
moins beaucoup à souffrir. Les païens et les Juifs
au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient
toutes sortes de vexations pénibles. Ce fait n'a rien
d'étonnant, quand on se place dans la situation des
membres de la primitive Kglise : les nouveaux conver-
tis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur
culte, leurs superstitions, cf. I Pet., i, 18, mais en
grande partie aussi leur manière antérieure de penser
et leur genre de vie; et leurs anciens coreligionnaires
ne leur pardonnaient pas ce qu'ils regardaient comme
une apostasie tout à la fois religieuse, nationale et
sociale. Voir Tacite. Ann., ii: Suétone. Nero, 10. On
leur reprochait aussi leur vie simple, qui était comme
un reproche perpétuel pour leurs compatriotes païens,
I Pet., iv, i. et l'on ne comprenait pas qu'ils ne retom-
bassent point dans leurs excès d'autrefois. On les con-
tristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de
crimes divers, n, 12, et m, 16 : tout cela, soit par suite
de l'ignorance et des préjugés, soit par mauvais vou-
loir et méchanceté proprement dite. D'après iv. 12, un
mouvement particulier de haine et d'hostilité venait
d'éclater contre les chrétientés d'Asie. Ces vexations
.[aient récentes, et les fidèles n'y étaient pas encore
habitués; de là, pour eux. le trouble et le danger du
découragement, et, par suite, de l'apostasie, car le dé-
mon ne manquerait pas de mettre à profit cette situation
pour les tenter, cf. 1 Pet., V, 8. Le prince des Apôtres
leur écrivit donc pour les consoler au milieu de leurs
épreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il
leur montre que la souffrance est comme la vocation
du chrétien, et qu'elle leur procurera plus tard une
grande gloire, de même qu'elle est dès ici-bas pour
eux une grande grâce. Il les engage en même temps à
bien remplir, malgré tout, leurs devoirs envers la
société, envers eux-mêmes et envers l'Église.
2» Comme on le voit, le but de l'Kpitre est tout pra-
tique, nullement dogmatique ou polémique. L'auteur
l'expose lui-même à la fin de la lettre, v. 12 : » .le
vous ai brièvement écrit, pour vous exhorter et pour
vous attester que cette grâce de Dieu à laquelle vous
êtes attachés est la véritable (c'est-à-dire, que votre reli-
gion est la seule vraie;. Obsecrans et contestons
-xyx/.x/i:>/ v.ï: SjtijiapTuptôv) : ces deux participes
résument tout le contenu de 1 Épitre, où l'exhortation
alterne avec l'enseignement proprement dit. Comme
exemples de ces g attestations » ou témoignages, qui
donnent plus de poids à l'exhortation, voir i, 3-12, 18-
21, 23, 25; n, 3-10, 19-20; m. 14-16: iv, 12-11; v, 7, 10,
12. L'apôtre exhorte ses lecteurs, en pensant à la situa-
tion douloureuse où ils se trouvaient; il atteste et il
témoigne qu'en dépit des adversités qu'elle occasionne,
la religion chrétienue est la grâce des grâces pour ses
adeples sincères et généreux, et qu'il fauty persévérer
avec courage. C'est l'exhortation qui domine; elle va
d'un bout à l'autre de l'Kpitre, sous des formes variées.
Elle porte sur la sainteté, l'obéissance, la charité fra-
ternelle et le support du prochain, les devoirs envers
la société et la famille, la vigilance, et surtout la pa-
tience dans l'épreuve. Le témoignage a pour objet, tan-
tôt direct, tantôt indirect, les bienfaits paternels de
Dieu la splendeur de l'héritage réservé aux fidèles, la
force que procure l'union à Jésus-Christ, et spécialement
les exemples du divin Crucifié. L'auteur jette souvent
sur Jésus en croix un regard plein d'amour. — l'ne
occasion plus spéciale fut le départ de Silvanus pour
l'Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon
de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes
des chrétientés de cette région. Cf. Act.. xvi, 19; xvn,
4, 15; xvm, 5; II Cor., I, 19; IV, 7-H: 1 Thess., i, 1,
etc. C'est lui, d'après v, 13. qui fut chargé de porter
la lettre.
III. Sujet. — L'auteur a précisé lui-même le sujet en
indi juant son but, v, 12. Voir aussi i, 13; v, 9-10.
Aucune pensée dogmatique ou polémique ne domine
la lettre et ne lui communique une forme spéciale,
comme cela a lieu pour la plupart des Epitres de
saint Paul. L'opinion contraire, soutenue par l'école
de Tubingue. est aujourd'hui complètement abandonnée.
Si quelques concepts ont plus d'importance que les
autres, c'est, d'une part, celui de la sainteté que
doivent pratiquer les chrétiens, par suite de leur voca-
tion même; d'autre part, celui de la souffrance bien
supportée, à l'exemple de Jésus-Christ (« le vrai chré-
tien dans la soulfrance, d dit Jùlicher, Einleit., I' édit.,
p. 132V; enfin, celui de l'espérance, car les amis du
Christ seront récompensés éternellement comme lui.
après avoir mené une vie sainte, et supporté comme
lui patiemment les peines de la vie. L'auteur ne
tache nullement à exposer les principes; ses intentions
sont avant tout pratiques, en conformité avec le but
qui vient d'être marqué. Avant toutes choses, il se
propose d'exhorter ses lecteurs à demeurer I
dans la foi, malgré les souffrances qu'ils endurent
pour elle. S'il signale de nombreux points de doctrine
(voir plus bas, col. 394), s'il s témoigne », comme il dit.
c'est une manière transitoire et. secondaire, en tant que
son témoignage pouvait servir de base à ses exhorta-
tions. Saint Paul sépare d'ordinaire 1res nettement l.<
partie pratique de ses Kpitres de la partie dogmatique;
il n'en est pas de même de saint Pierre dans cette
lettre, où l'exhortation et l'instruction se tiennent per-
pétuellement et s'appuient l'une sur l'autre. Le manque
de caractère dogmatique n'empêche pas cet écrit de
former un tout bien compact, et jamais encore on n'a
songé à attaquer son unité.
IV. Division et analyse de l'Épître. — Il n'y a pas
de plan précis, fant la pensée est spontanée et pour
ainsi dire sans préméditation. Le ton est presque
toujours celui de l'exhortation paternelle; ce qui exclut
une marche systématique des pensées. L'auteur passe
d'une recommandation générale à des recommanda-
tions particulières, et vice versa, sans s'occuper de
mettre un ordre très logique dans ses idées. Elles ne
sont pas cependant dépourvues de tout enchaînement.
Les groupes plus ou moins considérables de vei
qui développent une même pensée se rattachent les
uns aux autres, de manière à former trois séries d'ex-
hortations, encadrées entre un court -préambule, t, 1-2,
et une conclusion très brève aussi, v, 12-11. La saluta-
tion initiale, I, 1-2. se compose des trois éléments ac-
coutumés : le nom de l'auteur, la désignation des
destinataires, un souhait pieux et affectueux.
I' La première des trois sections, 1,3-11, 10, peut s'inti-
tuler : Privilèges accordés par Dieu aux chrétiens et
sainteté qu'ils exigent. Elle s'ouvre par une action de
grâces à Dieu, pour les dons entièrement gratuits de la
i gi m ration spirituelle et du céleste héritage, que
Jésus-Christ a mérités pour les chrétiens, I, 3-.">; dons
tellement précieux, qu'ils doivent être une cause pi
tuelle d'allégresse, même parmi les épreuves de la vie,
i. 0-9. Les prophètes avaient annoncé depuis longu tops
ce salut apporté aux hommes par le Christ, et les
anges sont désireux de le connaître à fond, I, 10-12.
Après ce beau début, l'apôtre exhorte ses lecteurs à
389
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
390
mener une vie digne de l'immense bienfait qu'ils ont
reçu de Dieu, il signale tour à tour la nécessité géné-
rale d'une vie sainte, quelques-uns des devoirs spé-
ciaux qui en découlent et le grand modèle de perfec-
tion que nous devons suivre. Appelés au salut, les chré-
tiens doivent être pleins d'espérance en Dieu, qui
leur a accordé cette grande faveur, et lui devenir
semblables, en pratiquant la sainteté, i, 13-16. L'exhor-
tation à la sainteté est motivée aussi par la justice di-
vine et par notre rédemption, qui a coûté la vie à
Jésus-Christ, i, 17-21; puis la charité mutuelle des
chrétiens est envisagée comme un élément de leur
perfection, i, 22-25. La sainteté chrétienne étant la
conséquence de la régénération, il faut travailler à
l'accroitre sans cesse, il, 1-3, et c'est en s'approchant
du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et
en adhérant intimement à lui, qu'on peut réaliser cet
idéal, il, 4-10.
2" La seconde série d'exhortations, H, 11-iv, 6, envi-
sage les chrétiens au milieu du monde, et leur rappelle
quelques-uns de leurs devoirs généraux et particuliers.
C'est un petit traité de morale pratique, dont voici les
principaux détails. Dans une courte introduction, II,
11-12, l'auteur formule une pensée importante : il faut
que les fidèles aient une conduite très sainte, capable
d'édifier même les païens. De cette recommandation
générale, il passe à plusieurs domaines spéciaux, sur
lesquels les vrais disciples de Jésus sont tenus de ma-
nifester leur perfection. Il traite successivement des
obligations des chrétiens envers le pouvoir civil, II, 13-
17, des devoirs des esclaves, auxquels il présente comme
modèle Jésus-Christ humilié et outragé. II, 18-23; les
relations réciproques des époux, m, 1-7. Saint Pierre
revient ensuite à l'exhortation générale, qu'il fait por-
ter sur les points suivants : sommaire des devoirs du
chrétien à l'égard du prochain, m, 8-12; la fidélité à
Dieu malgré les épreuves, qui, bien supportées, sont
par elles-mêmes une récompense pour le chrétien, m,
13-17; encore l'exemple du Christ, qui a souffert pour
nous, tout innocent qu'il fût, et qui a prêché l'Évan-
gile, non seulement aux vivants, mais aussi aux âmes
détenues dans les limbes, m, 18-22; idéal du chrétien,
qui consiste à mener une vie tout exempte de péché,
iv, 1-6.
3° La troisième série d'exhortations, iv, 7-v, 11, ren-
ferme des recommandations qui concernent la vie in-
time des chrétientés particulières. Introduite par cette
transition. « Le jugement de Dieu approche et réclame
des dispositions parfaites, » elle entre en d'assez nom-
breux détails pratiques, que l'on peut grouper sous ces
divers chefs : vertus à pratiquer en vue de la proximité
du jugement divin, IV, 7-11; confiance en Dieu parmi
les épreuves, car, si l'on participe aux soulfrances du
Christ, on aura également part à sa gloire, iv, 12-15;
obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles,
v, l-5a ; autres vertus que tous les chrétiens sont tenus de
pratiquer, v, ô''-l 1 . — La lettre se termine par un épilogue
assez court, v, 12-14, composé d'une petite réflexion de
l'auteur à propos de son écrit, et de quelques salu-
tations.
V. Destinataikes de l'Épître. — Ils sont désignés
de la façon la plus nette dans le premier verset, i,
1 : o Aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la
Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie. » Les cinq
provinces mentionnées faisaient partie de l'Asie Mineure,
dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie),
l'ouest (l'Asie proconsulaire), la partie centrale et orien-
tal" ila Galatie et la Cappadoce). Comme la province
du font est nommée la première, notre Épitre a porté
aussi, aux temps anciens, dans l'Eglise latine, le nom
de Ei>isIola ad Ponlicos. Cf. Tertullien, Scorpiac,
12, t. il, col. 146 ; S. Cyprien, Testim., m, 36-37,
t. îv, col. 756. L'Evangile, d'après certains commenta-
teurs, avait été annoncé dans ces différentes régions
par saint Paul, et par ses collaborateurs Barnabe, Épa-
phras, Silvain, etc., soit directement, comme en Gala-
tie, Act., xv, 40; xvi, 6; Gai., iv, 13; en Asie, Act.,
xix, 1, soit indirectement (des chrétiens de l'Asie pro-
consulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en
Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu
pour la Phrygie, d'après Col., il, 1). Nous avons vu
plus haut (col. 371) .que saint Pierre lui-même a pu
exercer son ministère apostolique dans l'une ou l'autre
de ces provinces, mais que le fait est loin d'ùtre cer-
tain, et que l'hypothèse contraire est même de beau-
coup la plus vraisemblable.
Les membres des Eglises ainsi fondées avaient ap-
partenu en grande partie au paganisme. Voir S. Jé-
rôme, Adv. Jovin., I, 39, et H, 3, t. xxm, col. 275, 300,
quoique ailleurs il soit d'un autre avis, et S. Augus-
tin, Cont. Faust., XXII, 896, t. xt.ll. col. 'i00. Plusieurs
passages de l'Épitre rendent cette opinion tout à fait
certaine. D'après i, 14. les lecteurs avaient vécu autre-
fois dans une complète ignorance religieuse; d'après i,
18, leurs ancêtres avaient vécu dans l'idolâtrie;
d'après H, 9-10, Dieu les avait appelés à sa merveil-
leuse lumière et avait fait d'eux son peuple privilégié,
eux qui n'étaient rien auparavant; d'après ni, 6, leurs
femmes étaient devenues des filles de Sara, ce qui
prouve qu'elles ne l'étaient point par la naissance;
d'après IV, 2-4, avant leur conversion, ils s'étaient livrés
au culte des faux dieux et à toutes les immoralités du
paganisme. Ces détails ne sauraient convenir à des
judéo-chrétiens, mais seulement à des païens d'origine,
comme l'ont admis et l'admettent encore de nos jours
la plupart des interprètes et des critiques. Voir Hund-
hausen, 'Das erste Pontificalschreiben des Peints, p. 45,
note n. Il n'est donc pas étonnant que Cassiodore,
Instit. div., 14, t. lxx, col. 1 125 ; Junilius Africanus, De
part, leg., i, 6, t. lxviii, col. 16, et le Codex Fuhlensis
aient intitulé notre Épitre : « ad Gentes ». Cependant
Origène, dans Eusèbe, H. E,. m, 1, t. xx, col. 216,
Didyme d'Alexandrie. ïbid., ni, 4; t. xx, col. 220; le
pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxvin, col. 40,
saint Jérôme, De vit: M., 1, t. xxm, col. 638, etc.,
croyaient au contraire que l'Épitre avait été principa-
lement composée pour des chrétiens issus du judaïsme.
Leur raison principale consistait dans une interpréta-
lion inexacte du mot SiaaitopSç (dispersionis), qu'on
lit à la première ligne. Comme ce mot désignait d'ordi-
naire les Juifs « dispersés » plus ou moins loin de la
Palestine, à travers l'empire romain, cf. II Mach., 1,27;
Joa., vil, 35; Jac, i, 1, on a supposé qu'il doit rece-
voir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre l'a
déterminé et précisé par les expressions èx/wcol
TCapsTuS^iJiot, electi advenx," dont la première était
alors une appellation spécifique des chrétiens, choisis
et mis à part en vue du salut futur, I Pet., n, 9;
Rom., vm, 33; Col., m, 12; II Tim., il, 10; Tit., i, 1,
etc., tandis que la seconde, d'après l'usage biblique, a
pour but de rappeler aux destinataires de l'Epitre
qu'ils devaient se regarder, à la manière d'Abraham,
Gen., xxm, 3, de Jacob, Gen., lvii, 3, comme des
étrangers sur cette terre d'exil, et avoir constamment
à la pensée le souvenir de la céleste patrie. Cf. i, 17;
n, 11; Heb., xi, 9. Le mot SiacrTiopi est donc pris
ici, non pas dans le sens technique qu'il avait autre-
fois, mais dans un sens métaphorique, pour désigner
le nouveau peuple de Dieu.
Le livre des Actes montre qu'il y avait des éléments
juifs considérables dans plusieurs des contrées énumé-
rées ci-dessus. Cf. Act., xvm, 2i-28; xix, 8-10, etc. Il
est donc vraisemblable qu'un certain nombre des des-
tinataires de la Ja Pétri étaient Israélites de naissance;
mais ils formaient certainement une minorité. Aussi
est-il surprenant que divers critiques contemporains,
391
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
392
B. Weiss, Krit. Vntersuch. ;u den kathol. Briefen,
1892, et Der Pétrin. Lehrbegriff, 1855, p. 99; Kuhl,
Die Briefe Pétri, p. 22; Nôsgen, Geschichte der neu-
testam. Offenbarung, t. II, p. 37, aient repris à leur
compte le sentiment d'Origène, de Didyme, etc., qui
méritait d'être à tout jamais abandonné. Voir Keil,
Comment. îtber die Briefe des Peints, p. 20-24. Voici
leurs principales raisons : 1° Ils s'appuient sur la res-
semblance qui existe entre l'adresse de la 7a Pétri et
celle de l'Épitre de saint Jacques, I. 1. Il est vrai que,
dans cette dernière, il est aussi question de la îia>7-oç.à :
mais ce mot y est déterminé par l'addition « les douze
tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs con-
vertis. — 2° Ils allèguent que les pensées et le six le de
notre Épitre sont vraiment des échos de l'Ancien Tes-
tament; ce qui conviendrait fort peu à des lecteurs
d'origine païenne, mais seulement à des destinataires
judéo-chrétiens, familiarisés avec la loi, les prophètes
et les Psaumes. Nous répondons que saint Paul cite
assez souvent aussi les livres de l'Ancien Testament dans
plusieurs de ses lettres adressées à des païens convertis,
tout spécialement dans I Cor., II Cor. et Gai. Nous
dirons encore, sur ce même point, que les citations ou
allusions de saint Pierre expriment des pensées claires
par elles-mêmes; il n'était donc pas nécessaire que les
lecteurs comprissent qu'elles étaient empruntées à la
Bible juive. D'ailleurs, l'Ancien Testament n'était-il pas
lu en grec dans les assemblées religieuses des premiers
chrétiens? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans
succès, de démontrer que les passages énuinérés plus
haut, i, H, 18; n, 9-10; m, 6; lv, 3, ne conviennent
qu'en apparence aux païens et s'appliquent en réalité à
des Juifs convertis. Mais il faut faire violence à ces di-
vers textes, pour obtenir d'eux un tel résultat. Voir
Belser, Einleit. in dus X. T., p. 695-696. — Dans leur
ensemble, les lecteurs avaient été convertis depuis assez
longtemps, puisqu'ils avaient leurs prêtres et leur orga-
nisation ecclésiastique régulière. Cf. V, 1-5. Les mots
siei ' modo genili infantes..., h, 2. ne prouvent pas
qu'ils venaient de passer tout récemment au christia-
nisme, car c'est là une ligure qui peut s'appliquera la
vii' entière de la plupart des chrétiens. Us formaient
un corps parfaitement constitué parmi leurs voisins de-
meurés païens.
VI. Le lieu de l\ composition. — Nous lisons à la fin
de l'Épitre, V, 13 : « L'église qui est à Babylone vous
salue. » D'où il suit que la lettre a été écrite de la ville
qui est appelée ici Babylone. Mais nous avons démontré
plus haut (col. 371), que ce nom doit être interprété
d'une manière symbolique. Il ne saurait en aucune
façon désigner l'antique capitale des Babyloniens, à la-
quelle la tradition n'a jamais rattaché un séjour île
saint Pierre. Il ne saurait non plus se rapporter,
comme on l'a parfois supposé, a la cité égyptienne de
Babylone, située près du Caire. Cette opinion est dénuée
de tout fondemenl , Ce n'esl point au prince des Apôtres,
mais à son disciple saint Marc, que les Églises d Egypte,
et en particulier celle d'Alexandrie, ont toujours attribué
leur origine. La Babylone mystique mentionnée par
l'auteur de l'épltre n'est autre que Rome même, roui me
le dit saint Jérôme, De vir. m., 8, t. nuit, col. 621.
C'est très exactement que, malgré les mois lv BaguXûvc,
de nombreux manuscrits grecs ont celte suscription
finale : ëypafo inb 'P<i>(iîjç. Voir Tischendorf, A'. Test.,
édit. vm, t. ii, p. :«kj. c-t aussi II. Ewald, Sieben Setid-
schreiben, 1890, p. 2; F. Baur, Dos Christenthum und
die christl. Kirche, p. 130; Schw egler, Nachapostolich.es
Zeitalter, i. n, p. 16; E. lien. m. L'Antéchrist, p. 122;
Hilgenfeld, Einleit., p, 632; II. .1. Holtzmann, Einleit.,
2° édit., p. 521; Jûlicher, Einleit., 1811. p. 132; von
Soden, Band-Commentar zum N. T.. t. m 2 part;,
3« édit,, p. 115; Me Giffert, History of Ihe apostolical
Age, p. 598.
VII. Date de l'Épitre. — 1° D'après les critiques qui
ne croient pas à l'authenticité, la lettre aurait été com-
posée : a) sous Doinitien, 81-96 après J.-C. (von Soden,
entre 92 et 96; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-être
dès 73. ou même dès 63); 6) sous Trajan, 96-117 (Baur,
Keim, Lipsius, Plleiderer, Jûlicher); cl sous Adrien.
1 17-138 (Zeller) ; </■ enlre les années 140 et 1 17 ( Volkmar).
Ces divers sentiments ont été réfutés d'avance par ce
qui a été dit au sujet de l'authenticité (col. 380). —
2° Parmi les auteurs qui regardent l'Epitre comme
l'oeuvre de saint Pierre, il en est qui fixent une date
trop avancée : entre autres, le Vén. Bède, In Pelr., v,
13, t. xni, col. 68, sous le règne de Claude, 41-54; Ba-
ronius, Annal., ad. ann. 45, 16, en 45; Foggini, De Bo-
mano D. Pétri itinere, 17'i2, p. 196-198, entre 42 et 49:
B. Weiss. Pétrin. Lehrbegriff, p. 365-367; Einleit.,
3' édit., p. 427 430, et Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 50.
à une époque antérieure aux Épilres de saint Paul.
— D'après l'opinion la plus vraisemblable, qui a tou-
jours eu des adhérents très nombreux, la /* Pétri
fut composée vers la fin de l'année 63. ou au commen-
cement de 61. On arrive à celle conclusion grâce aux
données suivantes: - ni b lettre suppose que le chris-
tianisme avait fait de grands progrès dans l'Asie Mi-
neure; or, un tel développement n'a eu lieu qu'à la
suite du séjour de trois ans que Paul lit à Éphèse du-
rant son troisième voyage apostolique, entre 51 et 57.
Cf. Act., XVIII, 23; xix, 1, 10. L'Épitre n'a donc pas été
écrite avant cette dernière année. — b) L'Apôtre des
Gentils avait été délivré' de sa prison en 63, et était parti
pour l'Espagne ou pour l'Orient; de là probablement
le silence de la lettre à son sujet. — c) La persécution
île Xéron n'avait pas encore éclaté lorsque l'Épitre fut
composée (elle ne commença que vers la lin de 61);
mais on en voyail déjà les signes précurseurs. —
d) Saint Marc, mentionné' à la lin de la lettre, V, 13,
était encore à Rome, où saint Paul l'avait appelé na-
guère, dînant sa première incarcération, Col.. IV, 10
(l'Épitre aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre
a réellement connu l'Épitre aux Éphésiens (voir la
col. 385), il n'a pu composer sa lettre qu'après l'époque
où saint Paul écrivit lui-même à l'Église d'Éphèse,
c'est-à-dire en 63. — Sur toute cette question voir en-
core H. Holtzmann, Einleitung, 3" édit., p. 318-320;
E. Scberfe. Die petrinische Strômung der neutestani.
Literatur, 1893, p. 633; Ramsay, Tlie Church in Ihe
Roman Empire, 1893, p. 279-295.
VIII. Idiome et style de l'Épître. — 1' La /■> Pétri
a été conquis n grec; il ne saurait existe;' aucun
doute à ce sujet. Seul, saint Jérôme a supposé, Epitt.
i\x. ad Hedib., 11. t. xxn, col. 1002, que la langue
primitive aurait été l'araméen. Ainsi qu'il a été dit plus
haut (col. 338), Simon-Pierre, originaire des bords du
lac de libii'iiile avail pu apprendre de bonne heure à
parler le grec, qui était d'un usage fréquent dans ces
parages; il se développa dans la connaissance de celte
langue, durant ses courses apostolique-; à travers des
contrées habitées par des i .n-.-- helléniques. Saint Jean,
saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient, comme
lui, Juifs d'origine, et pourlanl il est certain qu'ils ont
écrit en grec. Si saint Marc esl appelé, depuis les
temps les plus anciens. l' g interprète (ipu,r,vgvrn{) de
Pierre, cela vient, soit de ce qu'au début de ses voyages
(vers43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exercé
pour parler a îles I lices proprement dils. se taisait aider
par son disciple de prédilection, sc.il plutôt de ce que
Jean-Marc a rédigé son Évangile d'après les prédica-
tions de saint Pierre ». Voir t. tv, col. 717.
2° La lettre est écrite en un grec correct, assez bon
un nie. mais qui n'a pas ) élégance de celui de saint
Jacques. L'agencement des phrases présente parfois
quelque rudesse: par exemple, lorsqu'elles sont pro-
longées an moyen de participes ou de pronoms relatifs
393
PIERRE (PREMIÈRE É PITRE DE SAINT,
394
accumulés. L'emploi des synonymes, le maniement assez
habile des verbes (surtout des verbes composés), des
temps et des prépositions, la structure rythmique des
phrases dénotent aussi une connaissance su disante de
la langue grecque. Les hébraïsmes ne sont ni fréquents
ni choquants. On peut citer, parmi les principaux :
Siacnropri, t, 1: fils d'obéissance, i, 14; l'acception des
personnes, i. 17; la parole du Seigneur, i, 25- un peuple
d'acquisition, il, 9; le mot « vase » pour désigner le
corps humain, m, 7. Le style est généralement simple.
comme la pensée; par moments, il est plein de gran-
deur. Cf. i. 3-9, 17-21; n. 21-25; v, 6-10, etc. L'auteur
aime à exprimer la même pensée en termes tour à tour
négatifs et positifs, cf. i, H, 18, 23; II, 16; m, 3, 9, 21;
iv, 2; v, 2-3; il fait çà et là un usage intelligent des
épithétes, cf. i. 3. 18. 22; n, 2, etc.; il oppose d'une
manière caractéristique le pluriel au singulier, par
exemple, iv, 2 : àv6pw^tov |jtt8uu.éat« et OeX^iia-i SeoO, etc.
Il a recours à des images vivantes, dramatiques, qu'il
emprunte à la vie de famille, i. 3. 14. 17, 22-23; n, 2;
à la vie des champs, i, 4; v, 2, 8; à la vie militaire, i,
5: n. 11 ; iv, 1 : à la vie nomade, i, 1, 17; n, 1 1 ; au culte
sacré, n, ô; ni, 15; à la métallurgie, i, 7: iv. 12, etc. Le
vocabulaire do l'Épitre renferme un nombre assez con-
sidérable de termes qui ne sont employés dans aucun
autre livre du Nouveau Testament. On en a compté
jusqu'à soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent
dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions,
il en est de très classiques; àva-jxaarùiç, ivâ-xu(nç, »vti-
XoifiopEïv, xita-fEvéadat, àitoOeatç, [jeoOv, épTr'/oy.r,, ÊTCLxâ-
/,a;ja. otvoçuyta, ôu/j-çr-tv. âitXiÇstv, TCflfcpoTrapâSoTOÇ, etc.
D'autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas
avoir été employées avant saint Pierre; néanmoins, leur
formation est très régulière et leur signification est géné-
ralement très nette là part celle du premier terme) :
iXXoTpioeiti'mumo;, iu.âpavTivoç, àvaycvvïv, ivExXdcXr,-
Toç, à— pOTa)7:o).^|J.Ta);, ÈYXOtAoo'JG-ôac, TCEpiÔETi:, izpv-
|iapTÛpEs6ai, aOevoov, crjv7rpE<7<5ÛTEpo;, etc. D'autres
locutions, comme /ipiajia, piXaSsXçîa, faisaient par-
tie du langage chrétien. La dépendance des Septante
est très frappante, sous le rapport soit des réminis-
cences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce
qui n'a rien de trop surprenant, car il était aisé
à Pierre d'avoir cette traduction avec lui durant ses
voyages.
3° Le texte grec de l'Épitre ne présente au critique
aucun problème sérieux. Les principaux manuscrits
qui nous l'ont transmis sont les suivants : n. A, B, G,
k-, L-, P-. puis 13, 'i0. ii, 137. Comme il a été dit ci-
dessus (col. 380), l'Épitre est contenue dans la Pes-
chilto. On possède des fragments de l'ancienne version
latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv,
17-v. 14, dans le palimpseste Fleury (Ii): i, 8-19; n,
20-ni, 7; iv. 10-v, 14, dans le ms. de Munich (7); 1, 1-
12; n,4-10, dans le Codex Bobbiensis (s). Voir OM Latin
Biblical Texls, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D' B. Weiss
a soigneusement revisé ,1e texte grec, Die kalltol.
Briefe, Texlkrit. Untersucltungen und Textherstel-
lung, 1892.
IX. Caractère générai, de l'Épitre. — L'espérance
est une de ses notes dominantes. Cf. 1, 3, 21; m, 15;
iv, 13; v, 1. 4. Elle atteste dans son auteur une nature
très personnelle et indépendante, mais aussi un tempé-
rament tout pratique, qui n'a pas l'intérêt spéculatif.
ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint
Jean. Voir von Soden, loc. cit., p. 121. Elle renferme
quelques belles pensées originales. On peut mentionner,
entre beaucoup d'autres : la désignation des chrétiens
comme des advenu! et perigrini sur cette te.rre, 11, 11;
le rapprochement établi entre le baptême et le déluge,
m, 21 ; le titre d'ip-/_ntoqiY)v donné à Notre-Seigneur, v,
'4; la passior 1 J -us souvent représentée comme un
modèle pour les chrétiens éprouvés. 11, 12; III, 16, etc.
— Un point particulièrement frappant, c'est l'emploi
que saint Pierre fait sans cesse de l'Ancien Testament.
Tantôt il montre que le salut apporté par le Christ est
la réalisation intégrale des promesses que Dieu avait
faites aux anciens prophètes, 1, 10-12; tantôt il s'appro-
prie dans le détail, comme il a été marqué plus haut,
col. 900, les pensées et les expressions même de l'an-
cienne Alliance. Fait remarquable : ce petit écrit, qui
ne contient que deux citations proprement dites de
l'Ancien Testament, 1, 16, et n, 6, renferme un nombre
considérable de réminiscences ou d'échos bibliques.
Cf. 1, 14, 15; 11. 3. 4. 7, 9, 10, 22-24; m, 10-12, 13, 14;
iv, 8, 17. 18; v. 5, 7, etc.
X. L'enseignement doctrinal de l'Épître. — On doit
se souvenir, lorsqu'on cherche à déterminer l'enseigne-
ment d'un écrit avant tout pratique, comme l'est
celui-ci, qu'on tomberait dans une exagération singu-
lière, si l'on concluait que tel ou tel point doctrinal qui
y est omis était inconnu de l'auteur, ou n'avait pour
lui qu'une importance secondaire. On a donc eu tort
de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la
doctrine chrétienne durant la période apostolique, soit
(c'est le cas pour M. B. Weiss) un christianisme juif anté-
rieur à saint Paul, soit une théologie de saint Pierre
en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d'autres
itant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce
point) ayant pour but de la confirmer. Nous l'avons
déjà dit, le dogme 'n'apparaît dans cette lettre que par
accident et d'une manière secondaire, pour appuyer
les exhortations pratiques. Saint Pierre n'a nullement
songé à insérer ici son Credo, ou un système doc-
trinal complet; il nous fait seulement connaître un
coté spécial de sa prédication. Et pourtant, en grou-
pant sous divers chefs les principaux enseignements
positifs qui sont épars dans la 7a Pétri, on trouve un
sommaire assez riche du dogme chrétien. — On est
frappé d'abord de la grande ressemblance qui existe
entre cet enseignement et celui des discours de saint
Pierre, tels que les Actes des Apôtres nous les ont
transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fon-
damental nous avons, de part et d'autre, cette grande
idée : le christianisme a l'Ancien Testament pour base;
il a réalisé, grâce à la mort et à la résurrection de
Jésus-Christ, les oracles prophétiques de l'ancienne
Alliance relatifs au salut promis à l'humanité coupable.
Toutefois les discours de saint Pierre ne nous révè-
lent qu'une face de son enseignement, tel qu'il était
tout à l'origine de l'Église, tandis que sa première
Epitre est adressée à des chrétientés qui existaient
déjà depuis assez longtemps, et auxquelles, par con-
séquent, l'apôtre présente des conseils plus variés et
plus développés qu'aux premiers chrétiens, d'origine
juive ou païenne. Il est remarquable qu'il ne men-
tionne nulle part ici la loi judaïque, ni la justification
par la foi.
Voici les principaux points de l'enseignement doctri-
nal de la I'Petvt. — i"Sur Dieu. — Naturellement, une
place souveraine lui est accordée, et son nom revient à
tout instant. Dès le début de la lettre, 1, 2, nous ren-
controns la formule trinitaire. Non content de nommer
en passant les trois personnes divines, l'auteur signale
le rôle spécial de chacune d'elles dans le mystère de
la rédemption. A plusieurs reprises, il est parlé de
Dieu, du Père, qui est le « Créateur fidèle », iv, 19,
le Dieu vivant, 1, 23, l'auteur de notre salut par l'in-
termédiaire du Christ, 1, 3, 23; de Jésus, son divin
Fils, I, 13, etc.; de l'Esprit-Saint, qui est tout à la fois
l'Esprit de Dieu, IV, 14, et celui de Notre-Seigneur, 1,
11. L'Esprit-Saint vient de Dieu; il a reçu de lui une
mission temporelle à remplir, 1. 12. Il assiste les prédi-
cateurs de l'Évangile, I, 12; il opère la sanctification
des âmes, 1, 2, 22; il atteste la réalité de l'héritage
futur, tv, li.
395
PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT;
396
2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jésus
est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L'apôtre le nomme à côté
du Père et du Saint-Esprit, comme leur égal, i, 2; il
l'élève au niveau de Dieu et nous le montre assis à la
droite du l'ère, m, 22. Jésus -Christ s'est incarné pour
nous sauver et a pris toute notre nature, composée
d'une âme et d'un corps, m, 18. Il possède une par-
faite sainletr, i, lit; n, 22-23; m, 18. Il est le Messie
prédestiné île toute éternité, i, 20. promis par les pro-
phètes, qui avaient annoncé longtemps d'avance ses
souffrances et sa gloire, i, 10-12; n, 4-6. Aussi Pierre
lui altribue-t-il les titres de Christ, i, 11, 19; n, 21 ;
III, 16, 18; iv, 1, 13, etc., de Jésus-Christ, I. 1,2, 3, 7,
13; il. 5, etc, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 3. —
6) L'œuvre rédemptrice du Christ a pour point de départ
la mort et la passion du Sauveur, m, 18; IV, 1. Celte
mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractère d'un
sacrifice proprement dit, par lequel Jésus a expié les
péchés des hommes, comme Isaïe l'avait prophétisé, II,
21-24; m. 18; son sang divin nous a servi de rançon et
de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les
souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous
racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur morale
et les présente comme un exemple pour les chrétiens,
n, 21 ; m, 17-18; iv, I, 13. La conséquence du sacrifice
expiatoire de Jésus-Christ, c'est le pardon des péchés,
i, 2, la régénération chrétienne, i, 3, la liberté chré-
tienne, n, l(i. l'héritage impérissable qui nous attend
dans le ciel, i, 4. — c) Lntre sa mort et sa résurrection,
Jésus est descendu dans les limbes, où il a annoncé la
bonne nouvelle aux âmes des justes, m, 19-iv, 6. Ce
dogme est tout spécialement intéressant à noter ici, car,
parmi les écrivains inspirés, saint Pierre est seul à le
mentionner en termes explicites. Il est vrai que Jésus
lui-même avait dit au bon larron : « Aujourd'hui, tu
seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxm, 43. Or,
cette parole ne saurait s'appliquer au ciel, où l'âme de
Jésus-Christ ne monta pas ce jour-là, non plus que
celle du bon larron; elle désigne donc le « limbus jus-
toi uni », auquel il est peut-être encore fait une triple
allusion par saint Paul, Rom., x, 7: xiv, 19; Eph.,
iv, 9, Le passage I Pet., m, 19-22, ne manque pas
d'obscurité; mais l'opinion commune a toujours été,
depuis les temps les plus anciens, qu'il décrit le des-
census ad inferos de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Telle était déjà l'interprétation de saint Justin, Dial. c.
Tryph., 82, t. vi. col. 6G9, de saint [renée, Adv. hier.,
IV, xxvh,2; v, 1, t. vu. col. 1058, de Tertullien, De ani-
ma, vu, 55, t. n, col. (iô7, etc. Voici la partie principale
de ce passage, in. 18-20: « Le Christ aussi est mort une
fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin
de nous offrir a Dieu, ayant été mis à mort quanl à la
chair, mais rendu à la vie quanl à l'esprit; par lequel
aussi il esl allé prêcher aux esprits qui étaient en prison,
qui autrefois avaient été incrédules, lorsque, au temps
de Noé, ils s'attendaient à la patience de Dieu, pendant
qu'était préparée l'arche, dans laquelle peu de personne-,
à savoir huit seulement, furent sauvées à travers l'eau, o
Les âmes emprisonnées -oui évidemment celles des
jusles. et n.. m relies des damnés, qui ne pouvaient
tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportée par le
Christ, Parmi les auditeurs de Jésus dans les limbes,
il se trouvail des contemporains de Noé, qui, d'abord
incrédules, s'étaient convertis avanl de périr dans les
eaux du déluge; ils sont eilés comme type de tou
pécheurs venus à résipiscence antérieurement à l'ap-
parition du Messie. On retromo rel enseignement dans
I Evangile (apocryphe) de Pierre, il-i-J, et dans VÉvan
gile de Nicodème, n, 10. D'après l'enseignement de
saint Pierre, c'est entre la mon de Jésus et sa résur-
rection qu'à eu lieu sa descente mysti rieuse dans les
1""l"'s- En effet, le Christ meurt* quant à sa chair,
mail il .si vivifié quant à son esprit; c'est donc dans
cet état spirituel qu'il est descendu aux enfers. Ensuite
il est ressuscité et monté au ciel. La prédication
(xripûrreiv) qu'il a portée dans les limbes n'a pas con-
sisté, comme on l'a parfois affirmé, dans une sentence de
condamnation lancée par lui contre les pécheurs. Son
message est tout d'amour, ainsi qu'il est dit iv, 6 :
« L'Évangile a été annoncé aux morts. » Or, l'Évangile
est la bonne nouvelle par excellence; d'où il suit (pie
Notre-Seigneur a dû annoncer aux âmes des justes
retenues dans les limbes sa mort rédemptrice, sa ré-
surrection et son ascension prochaines, et leur propre
délivrance. — Qu'il suffise de signaler deux interpréta-
tions inexactes données à la prédication de Jésus : d'après
saint Augustin, c'est par la bouche de Noé que le
Christ aurait prêché l'Évangile aux pécheurs qui vi-
vaient à l'époque du déluge; selon d'autres, Jésus
aurait apporté la bonne nouvelle aux morts, c'est-à-dire
aux pécheurs, par l'entremise des Apôtres. Sur cette
question importante, voir Dietelmaier, tlitl, dogma-
lica de descensu Christi ad inferos, 17il et 1762;
Gùder, Die Lettre von der Erscheinung Christi noter
den Todten, 1853; Zezschwitz, De Christi ad inferos
descensu, 1857; Schweitzer, Hinabgefahren zur Hôlle,
1886; Spittà, CAristi Predigt an'die Geisler, 1893;
Bruston, La descente tlu Christ au.r enfers, 1897;
Stevens, Theology of ihe New Test., 1899," p. 304;
C. Clemen, Niedergefahren iu den Toten, ein Beitrag
zur Wûrdigung des Apostolikums, Giessen, 1900;
Tunnel, article dans les Annales de philosophie chré-
tienne, n" de février 1703, p. 508-533; ld., La
descente du Christ aux enfers, Paris, 1901; 2' édit.,
1905. — rf) Jésus est ressuscité d'entre les morts, con-
formément aux anciens oracles; la foi et l'espérance
des chrétiens s'appuient sur ce fait capital. Cf. î, 3-.r>,
18-21, elc. C'ist Dieu lui-même qui a ressuscité et glo-
rifié son Fils, i. 21; ni, 21-22. Le Christ est monté au
ciel, où il est élevé' au-dessus de toutes les créatures,
I, 21; m, 18, 22. Dans cet état, il est encore actif pour
glorifier son l'ère, iv, 11; car tout ce qui se fait de bon
dans l'Église est opéré par lui. — c) Il reviendra à la
lin du monde, i. 4, 5, 7, 8, 13, 21 ; IV, 13; v. 4, 10. S, m
second avènement est désigné par le mot iitoxaÀûiJKÇ,
révélation », i, 7, 13; IV, 13. Ce retour sera terrible
pour les méchants, iv, 17, mais il apportera aux bons
le salut définitif, le ciel, qui est l'objet suprême de notre
espérance i, 4, etc.
3° L'eschatologie. — L'auteur mentionne la fin du
inonde iv. li. et le second avènement de Jésus-Chrisl
i. 13; iv. 13. Pour mieux encourager les chrétiens
d'Asie Mineure à supporter avec patience les épreuves
auxquelles ils étaient en butte, il leur propose plusieurs
fois la pensée du glorieux el éternel héritage qui les
attend dans le ciel cf. i. 4-9; tv, 18; v, lu. n. rie. Mais
le Dr li. Weiss ' lagère, lorsqu'il prétend, Lehrbuch der
bibl. Théologie, S li, p. 172, que ette idée était, pour
saint Pierre, l'idée centrale de la vie chrétienne. — Le
prime des Apôtres croyait-il que le retour de Jésus-
Christ sérail prochain? On l'a souvent répété parmi les
protestants, en se basanl sur le texte: s La lin de toutes
choses approche, » iv, 7, et aussi sur v. I, autre'passage
dans lequel on a prétendu trouver la persuasion ou
était siiniiii Pierre qu'il serait bientôt témoin de
l'avènement de Jésus-Christ. Mais comment l'apôtre,
après avoir entendu son Maître affirmer, Mat th., xxiv,
36, que l'époque de la lin du inonde est un secret
réservé nu Père céleste, se serait-il hasardé à faire uns
prédiction i m' ce point? Le second texte allégué revient
simplement à dire : J'espère qu'un jour je serai avec
vousdans le ciel. Quanl au premier, il doit s'inli
ter d'une manière générale, car il ne signifie i
menl que Pierre regardait le retour de Jésus comme
imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., iv, 12-17;
H Thess, n, 2-11 ; 1 Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques,
397
PIERRE (DEUXIÈME ËPITRE DE SAINT)
:ï!)8
Jac, v. 7-9. et saint Jean. cf. I .loa., n, 18, il savait que
ce grand jour pouvait arriver d'un moment à l'autre,
puisque désormais le mystère de la rédemption était ac-
compli. Mais à quelle date précise JPsus reviendrait-il
juger les vivants et les morts? Il l'ignorait. Cf. II Pet.,
m. 8-9, où il dit qu'il peut s'écouler encore mille ans
et plus avant la fin du monde. Voir Estius, Cornélius a
Lapide. Hundliausen, etc.. In 1 Pet., IV, 7. De nombreux
commentateurs protestants n'interprètent pas autrement
ce passage. — Les chrétiens doivent souvent penser au
jugement de Dieu et le redouter, i, 17; ni. 9-10; iv, 7.
17-19. Cette crainte est pour eux le commencement de
la sagesse.
4° L'Église. — Formée de tous ceux qui ont été rache-
tés par Jésus-Christ, elle est une société très auguste, que
l'auteur désigne par plusieurs titres magnifiques, em-
pruntés à l'Ancien Testament. Cf. Il, 9-10. Ses membres
sont comme des prêtres, qui offrent perpétuellement
à Dieu des victimes spirituelles, II, 5, 9. Elle est un édi-
fice pareillement mystique, dont chaque fidèle est une
pierre vivante, et dont Jésus-Christ et la pierre angu-
laire, n, 8. Elle est un troupeau symbolique dont
Notre-Seignenr est le pasteur suprême, iv, 10-11; v. 1-
4. Quant à son organisation, rien de plus simple : à
la tète de chaque Église particulière étaient les anciens
(npEaëifcepot), les prêtres, chargés de nourrir et de diri-
ger leurs ouailles; celles-ci devaient l'obéissance.
5" Les devoirs des chrétiens. — a) D'abord il faut
croire, ou, comme dit notre auteur, i, 2. 21-22, il faut
obéir à la vérité, à l'Evangile. Les chrétiens sont, en ce
sens, « des fils d'obéissance », i, 14, tandis que les
incrédules sont des rebelles, il, S; m. 1, etc. La prédi-
dication de l'Évangile est la source de la foi. i, 12. La
foi même est un sentiment de confiance inébranlable.
I, S; en nous attachant à Jésus-Christ, elle est pour
nous le principe d'une force irrésistible, v, 9. Elle com-
munique la vraie connaissance, I, 14. la connaissance
de Dieu et de Jésus-Christ, i, 2, 8; m, 18. Elle est la
condition indispensable du salut, i, 9. L'épreuve bien
supportée l'épure et la fortifie, i, 7; v, 9. — b) Il faut
aussi recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, m, 21 .
Si la foi et le baptême sont nécessaires au salut, rien
ne se fait sans la grâce, qui est un don gratuit du
. Dieu de toute grâce », v, 10. La grâce suprême est
celle du salut éternel, m, 7. — c) Il faut mener une
vie très sainte, puisque Dieu lui-même est la sainteté
parfaite, i, 15. De là, la nécessité de se purifier sans
cesse, i, 22, d'avoir une n bonne conscience », comme
l'apôtre aime à le répéter, cf. m, 16, 21, de lutter contre
la chair, H, 11, que saint Pierre oppose à l'esprit, comme
saint Paul, ni, 18; iv, 6, de remplacer l'homme exté-
rieur par l'homme intérieur, m, 3-4. Comme moyen de
parvenir à cette sainteté, l'auteurallègue l'union intime
et vitale avec Jésus-Christ, qui en est à la fois la source
et le modèle. II, 4-5. — d) Parmi les vertus spéciales
que le chrétien doit pratiquer, saint Pierre cite : 1» la
charité fraternelle, sur laquelle il insiste spécialement,
d'une manière soit positive soit négative, i, 32; n, I.
15. 17: m, 8-11, 15; iv, 8-10; 2" les devoirs d'état, en
particulier ceux des chrétiens en tant que citoyens, il,
13-17, ceux des esclaves, n, 18-25, ceux des époux, m, 1-7.
Sur ces trois points, il existe une grande ressemblance
entre les règles tracées par saint Pierre et les recom-
mandations antérieures de saint Paul, Rom., xm. 1-7:
Eph., v, 22- vi, 9; Col., m, 22-25. etc. 3" L'apôtre recom-
mande encore la sobriété, la vigilance, iv, 7; v, 8,
la pratique des bonnes œuvres, n, 12; m, 11, et, avec
une insistance particulière, la patience, la résignation
et même la joie dans les souffrances, il, 19-25; m. 9;
iv. 12-14.
Sur l'enseignement doctrinal de la I* Pétri, voir
Poelmann, Theologia Pelrina, 1850; C. F^Schmid,
Bibl. Théologie des N. T., herausgegeben von Weiz-
.ïcker, Stuttgart, 1853; 4"édit. par A. Keller, Gotha, 1868;
11. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff. Berlin. 1855;
du même, Leltrbuch der Théologie des N. T.. 3e éd.,
p. 144 sq.; Lechler, Das aposlol. und das nacha-
poslol. Zeitaller, 2e édit., p. 421-439: A. Krawutzky
(catholique), Petrinische Studien, 2 in-S-. Dresde, 1872-
1873; Bovon, Théologie du Nouv. Test., 1893, t. Il,
p. 430445; Briggs, The Messiah of the Apostles, 1895,
p. 21-35; McGiffert, Histoni of the apostolical Age,
p. 482-487; Stevens, Theology of the N. T., 1899, p. 293-
311. L. FlLLION.
3. PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT). -
I. Destinataires. — Dès ses premières lignes, i. 1.
l'auteur les désigne lui-même, en s'exprimant ainsi :
« A ceux qui ont obtenu avec nous une foi du même
prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-
Christ. » Avec nous : cela signifie, d'après le contexte,
avec les apôtres; d'où il suit que la lettre s'adresse
aux coreligionnaires de ces derniers, aux chrétiens.
L'expression ayant, à première vue, un caractère géné-
ral, on en a conclu parfois que l'Épitre a été composée
pour toute la chrétienté. Mais le passage m, 1. où l'au-
teur dit expressément à ses lecteurs que cette lettre est
la seconde qu'il leur envoie, est directement contraire à
ce sentiment; en effet, il en résulte de la manière la
plus claire que les destinataires sont les mêmes que
ceux de la première Épitre. Il s'agit donc de nouveau
des chrétiens qui vivaient alors dans les cinq provin-
ces d'Asie Mineure énumérées I Pet., i, l (voir la
col. 389). — On ne trouve dans le cours de l'écrit aucun
détail dont on puisse conclure que les lecteurs primi-
tifs diffèrent de ceux de la I* Pétri. Au contraire, le
texte m, 15, où il est parlé d'une lettre qui leur avait
été adressée par saint Paul, désigne selon toute vrai-
semblance l'Épitre aux Éphésiens; or, Éphèse était la
capitale de l'Asie proconsulaire, l'une des cinq provinces
en question, et il est possible que cette Épitre aux
Éphésiens ait été une lettre circulaire adressée par
l'Apôtre des Gentils à d'autres chrétientés d'Asie Mi-
neure.
II. Temps et lieu de la composition. — Aucun de
ces deux points n'est déterminé en termes directs dans
l'Épitre. On peut cependant les préciser avec une cer-
titude morale, au moyen de la réllexion faite par l'au-
teur, i, 14, au sujet de la révélation qu'il avait reçue
naguère de Jésus-Christ relativement à sa mort pro-
chaine. Selon toute probabilité, cette révélation ne doit
pas être confondue avec l'oracle mentionné Joa., xxi.
18-19. Eu effet, celui-ci ne désigne que d'une façon très
générale l'époque de la mort de Pierre, cum senueris;
ce qu'il annonce, c'est le genre même de cette mort, le
crucifiement. Il s'agit donc plutôt d'une révélation ré-
cente. Voir Spitta, Der zweite Brief Peints, 1885, p.88-
89; Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben des Pe-
trus, p. 207-209; Belser, Einleit., p. 716, etc. — Simon-
Pierre sent donc que sa fin est imminente. Or, connue
il est démontré qu'il subit le martyre à Rome, en 67
d'après.l'opinion la plus probable (voir col. 376), nous
pouvons conclure de là qu'il a composé cette seconde
Épitre dans la capitale de l'empire, durant la première
partie de l'année 67, ou à la fin de 66. Telle est l'opi-
nion de presque tous les critiques qui croient à l'au-
thenticité de la lettre. Il semble résulter de II Pet., m,
1, qu'il ne s'écoula pas un temps très considérable en-
tre les deux lettres du prince des Apôtres. Si l'auteur de
la II1 Pétri, comme nous le pensons (voir col. 410, et
t. m, col. 1811), a eu sous les yeux l'Épitre de saint
Jude et lui a fait des emprunts, son œuvre est natu-
rellement d'une date plus récente que cette dernière
composition, que l'on suppose avoir été écrite elle-
même vers l'année 65. Les exégètes qui, tout en admet-
tant l'authenticité de notre Épitre, placent la mort de
399
PIERRE '(DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
400
saint Pierre en 64, adoptent cette même date pour sa
seconde lettre. Quant à ceux qui rejettent l'authenticité,
ils lui assignent les dates les plus variées, et cette di-
versité de sentiments manifeste à elle seule la faiblesse
de leurs preuves. Credner et Bleek, à la fin du 1er siè-
cle; Schwegler et Volkmar, à la lin du n« siècle; Jùli-
cher, en Egypte, entre 158 et 175 (d'après cet auteur,
Einleit., p. 152, •• la II» Pétri est certainement la
partie la plus récente du .Nouveau Testament, et aussi
celle qui méritait le moins d'entrer dans le canon »);
Chase(dans Hastings, Dicl. o( tlie Bible, t. m, col. 817),
pas plus tard que 175, probablement vers 150, en Egypte,
peut-être à Alexandrie.
III. Occasion ni bit de l'Épître. — 1° a) Dans l'in-
tervalle qui s'était écoulé depuis l'envoi de la Ire Épitre,
un fait très grave s'était produit dans les chrétientés
il Asie Mineure. Des hérétiques, dont la doctrine et la
conduite étaient également perverses, s'y étaient intro-
duits, et menaçaient de les corrompre tout à fait. Ce sont
eux qui furent vraiment l'occasion de l'Épître. Ils sont
déjà mentionnés au chap tre i", 16, 19-21 ; le chapitre il
s'occupe d'eux uniquement; on les retrouve au cha-
pitre m. 3-7, 16-17. Ces hommes, qui avaient été d'abord
païens et qui s'étaient convertis à la religion du Christ,
avaient repris les mœurs du paganisme et se livraient
sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. n, 2-3, 10,
13-1 1. 18-20. Non contents de s'abandonner eux-mêmes
à la licence, ils exerçaient autour d'eux un ardent pro-
sélytisme, s'efforçant de séduire, par leurs discours et
leurs exemples, les chrétiens parmi lesquels ils vivaient.
Cf. n, 1-3, 14, 18-19. Us faisaient aussi de l'antino-
misme, vantant la liberté apportée par .lésus-Christ,
comme si elle avait autorisé toutes sortes d'excès. Cf.
i, 18-19, A l'immoralité de leur vie sejoignaientde graves
erreurs doctrinales. Ils se permettaient de traiter cer-
tains faits de l'histoire sacrée comme « des fables sage-
ment inventée* ». i, 16. Ils avaient cessé de croire que
le monde est dirigé par une intelligence supérieure, et
qu'il y aura un second avènement du Christ, suivi du
nent éternel des impies. Cf. m, 9. Ils donnaient à
l.i sainte Écriture de fausses interprétations, afin de
pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines perni-
cieuses, ni, 16. Il est même possible qu'ils allassent
jusqu'à nier la divinité de Notre- Seigneur. Cf. II, 1, et
linl.i . 4. Comme beaucoup d'autres hérétiques, ils ai-
maient l'argent, et s'en faisaient donner en échange de
la communication de leurs erreurs, n, 3, 13. L'auteur
nous les présente comme des apostats véritables, II,
20-22. Le tableau qu'il en trace au chapitre n est d'une
r_n.ur remarquable.
b) Quels étaient les hérétiques que sainl Pierre stig-
matise avec tant d'énergie? Certains critiques con-
mporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i,
; 166-470; Jûlicher, Einleit., p. 151-152; von Soden.
Hand-Commentar zun\ N. T., t. m. part. 2, p. 171. ont
prétendu qu'ils étaient identiques aux gnostiques du
cle; puis ils se sont servis de ce fait comme d'un
argument pour attaquer l'authenticité de l'Épître. 11 est
vrai que, dés le début de la lettre, II l'et., I, 2, saint
Pierre mentionne la i vraie connaissance (ète-yvcdsi;)
de Dieu et de Notre-Seigneur .lésus-Christ » comme
une bénédiction spéciale qu'il souhaite à ses lecteurs,
par opposition à la fausse science (yvûvic) des docteurs
hérétiques, et qu'il n\ ienl plusieurs fois sur cette pen-
• Cf. i, 3. 18; n, 20; ni, 18. Mais saint Paul le fait
pareillement. Col., 1,6,9, 10, etc. U.est certain de même,
que « les germes de la Gnose apparurent dès le com-
mencement de l'ère chrétienne, et qu'il n'exista, dans
les premiers temps de l'Église, aucun hérétique qui
n'ait eu plus ou moins de traits communs avec les
gnostiques des temps plus rapprochés. » Kaulen, I-a>i-
p. 515. 11 est également vrai que saint Innée
accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens
des Écritures. Cf. User., m, i; t. vu. col. 882. Néan-
moins, maigre tout cela, ce ne sont pas les gnostiques
proprement dits qui sont décrits dans celte lettre,
mais seulement Teurs premiers précur seurs; car le
portrait que notre Épitre trace des faux docteurs ne
coïncide qu'à la surface avec le système gnostique,
tel qu'il se développa plus tard. Quoi que prétendent
nos adversaires, les expressions aip.tfîi; oncc-Otciat,
II Pet.. 11. 2, tù:i<..o.ç >.ôyoiç> II, 3, et iTtcpoyxa u,a-
TacÔTuiTo;, n. 18. sont trop vagues pour représenter le
système en question. La première ne désigne point
un corps de doctrine, mais un choix, une hérésie; les
deux autres font allusion à ce qu'il y avait de nul et de
vaia dans les discours des docteurs hérétiques. Quant
aux éons, que M. von Soden a cru découvrir dans le
passage II, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou
les mauvais anges, d'après le sentiment commun. Voir
B. W'eiss. Einleit. in dos N. T., 3* édit., 1897, p. 451;
Kaulen, Einleit , p. 565; Hundhausen, Der zu'eite Pon-
tificalbrief, p. 1-10; K. Henkel, Der iweile Brief des
Apostelfûrsten,p. 21-37, etc. S'il ya ici quelque chose de
la gnose, c'est la gnose a ses premiers débuts, telle qu'elle
commença à se, manifester environ vingt ans après l'as-
cension du Sauveur, comme on le voit par les Épitres
de saint Paul aux Philippiens, aux Éphésiens. aux
Colossiens, par la première à Timothée, par les Épitres
de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi donc, « pour
éclaircir par d'autres données historiques le portrait
des faux docteurs que nous présentent l'Épitre de Jude
et la 17» Pétri, il n'est pas nécessaire de descendre
dans le second siècle. Nous en trouvons déjà les traits
essentiels dans la chrétienté primitive >. Th. Zahn,
Fini, in das N. T., t. n, p. 101; voir aussi le t. i.
p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du
christianisme, tels que les décrivent ces diflérentes
Épitres, on reconnaît une grande ressemblance : ils
ont des tendances antinomisles et refusent de se plier
entièrement sous la loi chrétienne. ils se livrent à toutes
sortes d'excès, ils en viennent jusqu'à mépriser la per-
sonne du Christ et à l'abaisser pour devenir plus
libres par là-même.
c) A quel groupe spécial des premiers hérétiques
devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels
s'élève la 11* Pétri? On les a identifiés lantùt aux Xi-
colaïtes de l'Apocalypse dans les temps anciens, Œcu-
ménius, In II Pet., Il, I, t. cxix, col. 592; dans les
temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8;
de nos jours, llug. Einleit., '.', édit.. t. II, p. 572; W'in-
dischmann. Vindicte Petrinse, p. :ii: Reithmayr, Kin-
leit., p. 743; Cornely, Tntrod., t. ni. p. 636; T. Zahn,
Enleit. in dasN. T., t. Il, p. loi i, tantôt avec les disci-
ples et successeurs de Simon le magicien, etc. 11 est
difficile de se prononcer la-dessus avec certitude. Toutes
ces hypothèses on' du Mai. car ' s hérétiques décrits
dans la H' Pétri présentent certaines ressemblances
avec ces autres docteurs de mensonge; mais elles pa-
raissent toutes plus ou moins exagérées, attendu qu au-
cune d'elles ne correspond absolument au portrait tracé
par saint Pierre. 11 esl probable que le prince des
Apôtres généralise, el qu'il stigmatise en même temps
toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, lor. cit., p. 32-
37. — Un a eu tort parfois. Fronmûller, In 11 Pet., ni,
3, p. 96; P. W'eiss, Der Pétrin. Lehrbegriff, p. 283;
lluther, Die Briefe Pétri, p. 2X6; Uisping, Erktàrung
der kathol. Briefe, p. 257. etc.. d'établir une distinc-
tion entre les •iî.S.caôï'jy.aVot, magistri mendaces,
que décrit le cinq). 11, JT. 2-3, et les èu..:a.y.-at. illu-
sores, du chap. in. v. 3-4, comme s'ils avaient formé
deux classes distinctes d'héivtiqucs. Il s'agil en i i-
lité d'une seule et même catégorie de faux docteurs,
qui prêchaient simultanément la licence morale et des
doctrines erronées sur la nature et sur le retour de
Jésus-Christ. Après les avoir décrits en ternies gêné-
401
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT
402
raux dans le chap.n, l'auteur revient, dans le chap.ui,
sur un trait spécial de leurdoctrine perverse, la néga-
tion du second avènement de Jésus-Clirist. Cf. H, 10 et III,
3, où le même trait caractéristique, qui post carnem
in concupiscentia immunditiœ ambulant, etjuxta pro-
prias concupisceidix ambulantes, appliqué de part et
d'autre, montre qu'il est vraiment question des mêmes
personnes. Le texte m, 17, ne insipientium (à8É<ru,<i>v,
« des hommes sans loi ») errore traducti excidatis...,
prouve aussi que les i^-Kxîy.-ca: étaient antinomistes
comme les iiE-j6riSiS<iiTxa).ot. Rejetant toute loi, ils se
livraient à la débauche, et niaient le retour gênant du
Christ. Comme l'auteur emploie plusieurs fois le futur
à propos de ces faux docteurs, o, 1, « erunt magistri
mendaces; » m, 3, « ventent in novissimis diebus illu-
sores, » quelques interprètes ont supposé que sa des-
cription concerne l'avenir et non le temps présent. Ce
sentiment est inexact, car il est évident, d'après le sens
de l'Épitre, que saint Pierre écrit pour prémunir ses
lecteurs contre un péril actuel. D'ailleurs, dans les ver-
sets 10-15 du chap. il (cf. ii,20, y£yovEv;n,22, avy.6iêi\x&v),
il parle des hérétiques comme existant déjà réellement.
Cf. II Tim., m. 1-8, où saint Paul s'exprime d'une fa-
çon identique. Cette manière de faire devait montrer
que le danger, déjà présent, deviendrait plus grand
encore, parce que le mal irait en se développant.
2° Le but que se proposait l'auteur est indiqué parles
détails qui précèdent. Il est même énoncé tout au long
dans les dernières lignes de l'Épitre, m, 17-18, en termes
tour à tour négatifs et positifs : « Vous donc, frères,
avertis d'avance, soyez sur vos gardes, de peur qu'en-
traînés par l'erreur de ces insensés, vous ne veniez à
déchoir de votre fermeté; mais croissez dans la grâce
et dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ. » Saint Pierre voulait donc prémunir ses
lecteurs contre le nouveau danger qui les menaçait;
danger beaucoup plus grave que celui qui avait servi
d'occasion et de but à sa première Epitre. Voir col. 387.
Nous ignorons de quelle manière il avait été averti du
fait désolant qui a été signalé plus haut. Les relations
entre Rome et l'Asie Mineure étaient d'ailleurs faciles
et fréquentes à cette époque. Certain qu'il ne tarderait
pas à mourir, cf. i, 14, Pierre se hâta d'écrire cette
seconde lettre, qui est avant tout, comme la précédente,
une exhortation essentiellement pratique.
IV. Analyse. — La II' Pétri se fait remarquer,
comme la première Epitre, par son unité, et par une
marche simple et claire. Voir Keil, Comment, ûber die
Briefe des Petrus, p. 179-182.
1° Voici d'abord, en général, le sujet traité par
l'apôtre. Dans les circonstances qui ont été décrites, il
importait de rappeler dès le début aux chrétiens d'Asie
Mineure la stricte obligation où ils étaient de mener
une vie très sainte, et aussi la certitude parfaite de
l'objet de leur foi. Il fallait ensuite les mettre directe-
ment et nettement en garde contre les séductions qui
les menaçaient de la part des docteurs hérétiques.
C'est ce thème qui est traité ici par saint Pierre. Il
presse ses lecteurs d'organiser leur vie d'une manière
conforme à la foi chrétienne, de se préserver des doc-
trines malsaines et des mauvais exemples de l'hérésie,
enfin de se tenir prêts en vue du second avènement de
Jésus-Christ. Il insiste aussi, dès la première ligne, sur
la divinité de Jésus-Christ, cf. i, 1, dont il ne cite
ensuite jamais le nom sans y ajouter le titre « Notre-
Seigneur ». Cf. i, 2. S, 11, 14, 16; m, 18.
2» Il y a trois parties dans la lettre : a) Nécessité et
motifs de croître dans la pratique de la vertu, i, 1-21;
6) Description des mœurs et des maximes des faux
docteurs, il, 1-22; c) Réalité du second avènement de
■k-sus-Christ et instruction relative à la fin du monde,
m. 1-18. La première partie est morale; la seconde polé-
mique; la troisième, tout ensemble pratique et doctrinale.
a) Après avoir brièvement salué ses lecteurs, i, 1-2,
l'auteur les invile à grandir sans cesse dans les vertus
chrétiennes : les bienfaits dont Dieu les a gratuitement
comblés et les magnifiques promesses qu'il leur a
faites sont pour eux de pressants motifs de vivre sain-
tement. En agissant ainsi, ils réaliseront de la façon la
plus sûre le but de leur vocation, qui consiste, d'une
part, à connaître de plus en plus Xotre-Seigneur Jésus-
Christ, et, de l'autre, à conquérir la place qui leur est
préparée dans le ciel, i. 3-11. Pierre se sent pressé de
leur adresser cette recommandation, car Jésus lui a ré-
vélé que sa fin est proche; c'est donc pour ainsi dire
son testament qu'il fait en leur écrivant, i, 12-15.
Comme raison spéciale de vivre très saintement, il leur
signale la certitude de l'enseignement qui leur a été
prêché, et il démontre successivement cette certitude
par la prédication des apôtres et par les oracles des
anciens prophètes.
b) Dans la seconde partie, dirigée ouvertement contre
les docteurs hérétiques, l'auteur commence par affirmer
avec énergie le châtiment futur de ces hommes per-
vers : Dieu, qui est fidèle à délivrer les justes, sera
fidèle aussi à punir ces misérables, de même qu'il
avait autrefois châtié les anges déchus, les contempo-
rains impies de Noé, les infâmes habitants de Sodonie
et de Gomorrhe, H, 1-9. Saint Pierre trace ensuite une
peinture vivante, hardie, de leur conduite ignoble;
surtout de leur orgueil, de leur esprit de révolte, de
leurs débauches. Il les montre comme les prédicateurs
d'une fausse liberté, qui produit forcément l'esclavage,
et il assure qu'il aurait été meilleur pour eux de ne
pas connaître Jésus-Christ, n. 10-22.
c) Dans la troisième partie, l'auteur réfute deux
erreurs dogmatiques de ces docteurs de mensonge.
Ils tournaient en ridicule la croyance au second avè-
nement du Christ et à la fin du monde. L'apôtre ré-
pond avec vigueur que ces deux événements se
passeront à l'heure voulue par Dieu, et que, s'ils sont
retardés, c'est par un effet de la bonté du Seigneur,
qui veut donner pleinement aux pécheurs le temps de
se repentir. Mais le jour du Seigneur viendra infailli-
blement; les cieux et la terre actuels seront dissous
par le feu, non toutefois pour disparaître, mais pour
faire place à de nouveaux cieux et à une nouvelle
terre où habitera la justice, m, 1-10. Pierre conclut en
engageant ses lecteurs à se tenir toujours prêts, en vue
du jugement divin, qui éclatera à l'improviste; il en
appelle sur ce point au témoignage de son bien-aimé frère
Paul, m, 11-16. Enfin, il exhorte les fidèles à se tenir
en garde contre les faux docteurs, et à croître dans la
connaissance et dans la grâce du Sauveur Jésus, m, 17-18.
V. Authenticité. — /. preuves extrinsèques (voir
Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben...,p. 19-
100; Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 184,
Th. Zahn, Einleit., t. n, p. 89 sq.; Cornely. Introd.;
Henkel, Der zweite Brief des Apostelfinslen Petrus
geprûft auf seine Echlheit, p. 47-89). — a) Si nous
interrogeons la tradition sur ce point important, nous
n'aurons pas à signaler la même unanimité de témoi-
gnages que pour la I10 Epitre; nous trouverons cepen-
dant des preuves satisfaisantes. De nombreux faits his-
toriques, regardés très justement comme indiscutables,
sont beaucoup moins accrédités. Remarquons d'ailleurs
que la 7ia Pétri est, dans son ensemble, moins pratique
que la première lettre, qu'elle traite de sujets moins
généraux, et qu'elle est née de circonstances plus spé-
ciales. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ne soit pas
mentionnée et citée aussi fréquemment dans les temps
anciens.
b) Néanmoins, elle était connue de très bonne heure
dans l'Église comme un écrit inspiré et canonique. Au
premier siècle, le pape saint Clément y fait plusieurs
allusions très probables. Cf. surtout 1 ad Cor., vu, 5;
403
PIERRE (DEUXIÈME EPITRE DE SAINT)
404
ix. 1. et II Pet., il, 5-7 : de part et d'autre, les
exemples de Xoé et de Lot sont cités conjointement, et,
dans les deux écrits, à propos de Lot, il est dit que
Dieu n'abandonne pas les siens, mais qu'il châtie leurs
ennemis; ce double rapprochement est frappant.
Cf. aussi I ad Cor., vu. 9, et II Pet., i, 12-13; / ad
Cor., ix, 2, et II Pet., i. 17; / ad Cor., xi, 1, et
II Pet., Il, 6-8; 1 ad Cm-.. XXHI, 2, et II Pet., i. 1;
I ad Cor., xxv, 5, et II Pet., n. 2. Au second siècle,
on entend très vraisemblablement aussi des échos de
notre Épitre dans le Pasteur d'Hermas (cf. Simil., 6,
et II Pet., n, 1-3; plusieurs critiques sérieux croient
qu'ici l'emprunt est indéniable), dans la Didaclié, cf. m,
6-8; iv, 1, et II Pet., II, lu il régne une grande ana-
logie de pensées et d'expressions entre les deux au-
teurs); dans l'Épitre de Barnabe, cf. n, t. n, col. 729, et
II Pet., i, 5-6; xv, 4. et II Pet., m. 8; dans l'Épitre de
saint Polycarpe Ad Philipp., 7. t. v. col. 1012, cf. II Pet.,
m, 3; dans l'écrit de saint Théophile d'Antioche Ad
Aulol., n. 9, t. vi, col. 1064 (il existe une grande res-
semblance entre le passage n,9, et II Pet.. 1,21 ; cf. aussi
II, 3. et II Pet., i, 19); dans le Dial. c. Tryph., de
saint Justin, cf. t. vi, col. 669, et II Pet., i, 21; t. m,
8; dans saint Irénée, Adv. hier., cf. îv, 36, 3, t. vu.
col. 1224, et II Pet., n, i-7: v, 23, 2; 28, 3, col. L185,
1200, et II Pet., m, 8. Au troisième siècle. Firmilius de
Césarée en Cappadoce parle. Ep. ad Cypr., 75, t. m.
col. 1159, d'avertissements donnés aux fidèles par saint
Pierre et par saint Paul, afin de les mettre en garde
contre les docteurs hérétiques: or, cette réflexion ne
saurait s'appliquer qu'à la II' Pétri, car il n'est nulle-
ment question des faux docteurs dans la première lettre
du prince des Apôtres. L'auteur des Philosophoumena,
ix. 7, t. xvi, col. 3371, fait allusion à II Pet., n. 22.
Au dire d'Eusèbe, //. E., vi, 11. t. xx, col. 549, Clé-
ment d'Alexandrie avait commente' l'Épitre de saint
Jude et « les autres Epitres catholiques »; or, Eusèbe
range la II* Pétri dans cette catégorie d'écrits. Cf. //.
E. îi 23. t. xx, col. 205. Ce commentaire de Clément
d'Alexandrie suppose que notre Kpitre était alors très
estimée et répandue. Origène est le premier à la citer
nommément comme l'œuvre de saint Pierre. Voir
surtout Hom. iv in Le»., I. n. col. 437, où il cite
Il Pet., i, 4; Hom. xiii in Num., t. n, col. 676, où il
cile II Pet., n, 16; Hom. vu in Jox., t. n, col. 857,
où il dit : Petrus duabus Epistolorum suatttm Per-
sonal tubis; Connu, in ilatlh., 15, t. m, col. 692, el
Comm. in Rom., i, 8, t. iv, col. 1178, où il cite
II Pet., i, 2. Didyuie d'Alexandrie, mort en 384.
attribue plusieurs fois notre lettre à saint Pierre, dans
son traité De Trinit., i, 15. 28, 29. etc., t. xxxix.
col. 304, 409, 416. Saint Athanase, Ex Epist. (estai..
39, t. xxvi, col. 1176,1a range, avec les autres livres du
Nouveau Testament, parmi « les sources du salut ».
Saint Cyrille de Jérusalem. Catecli., iv, 36, t. xxxin.
col. 500, énumère les sept Épitres catholiques telles que
nous les connaissons. L'historien Eusèbe accepte per-
sonnellement la //• Pétri comme authentique et cano-
nique. H. E.,u. 23, l.xx. col. 205. Ailleurs, II. E.. m, 3.
col. 217. il établit une distinction essentielle entre elle
et trois écrits (les Actes, la Prédication et l'Apocalypse
de Pierre), qui circulaient sous le nom du prince îles
Apôtres; ces derniers n'ont pas été transmis parmi les
livres généralement reçus par l'Église, tandis que la
Seuïépa imaxaXr, est lue officiellement comme les autres
écrits inspirés. Saint Jérôme est, en ce qui le concerne
personnellement, un partisan très décidé de l'authenti-
cité : Scripsit (Petrus duat Epistolas, quœ catholicœ
nominanhir. De vir. ill.. I, t. mu, col. 607. Il dit
irs Bpi*t, >\\. ad Uedib., II. t. xxn, col. 1002;
Cf. Ep. ad Paulin., LUI, 8, t. xv.il, col. 5i8. qu'il > a
sept Épitres catholiques, composées par Jacques, Pierre,
Jean et Jude.
c) Il est vrai que plusieurs de ces anciens écrivains
signalent des doutes qui existaient çà et là. de leur
temps, touchant l'authenticité et la canonicité de la
11" Pétri. C'est ainsi qu'Origène a dit (dans Eusèbe.
H. E., vi, 25, t. xx. coi. 585) : « Pierre n'a laissé
qu'une Épitre universellement reconnue, peut-être
aussi une seconde, mais on n'est pas d'accord sur ce
point. » Didyme d'Alexandrie l'accepte et l'a commen-
tée, comme il a été indiqué ci-dessus, col. 403; mais
un fragment latin de son interprétation contient ce
trait : Non igitur ignoraxdum pnrsentem Epistolam
esse falsalam, quœ licet publiée tur, non tanien in ca-
none est. Mais il est assez communément admis, même
par des adversaires de l'authenticité, que ces mots ne
sont pas de Didyme lui-même, ou bien que esse falsa-
tam est une traduction fautive du verbe vo8ï-J;ts<:, qui
signifie : o Elle est déclarée non authentique. » Eusèbe.
dont nous avons vu plus haut le sentiment personnel,
très favorable à notre Épitre, la range ailleurs parmi
les livres qui n'étaient pas universellement admis
comme canoniques, ri iv-riXe- ;6u.v.x. bien qu'elle fût
connue de la plupart des chrétiens (toî; 7to).Xoîç) et
qu'elle fût étudiée par un grand nombre (tkAXoiç) avec
les autres écritures, parce qu'elle leur paraissait utile.
H. E., vi, 25, t. xx. col. 584; voir aussi m, 26. 3;
m, 3, 1. Saint Jérôme fait une observation semblable :
Secundam (epistolam) a plerisque ejus (Pétri) esse
negari propter styli cum priore dissonantiam. De
tir. ill., I, t. xxiîi, col. 6:38. Cf. Epist. ad H-
cxx, t. xxn, col. 1002. Nous ferons remarquer, à la
suite du P. Cornely, Inlrod., t. ni. 2' part., p. 64
d'autres auteurs, en particulier A. Scha'fer. Eitlleit.
in das N. T., p. 333, n. 3, que l'expression a ple-
risque dépasse la mesure, car; à l'époque du saint
docteur (lin du IV siècle), il est certain que notre
Épitre était communément regardée [comme un livre
inspiré.
d) Les doutes en question sont très probablement la
cause du silence gardé au sujet de cette Epitre par le
Canon de Muratori ivers 175), par Tertullien el par
saint Cyprien. qui cependant connaissent et citent la
précédente lettre. L'omission de la II' Pétri par la
version syriaque primitive est pareillement surpre-
nante; mais elle est compensée par la présence de cet
écrit dans lTtala, au second siècle. Nous savons d'ail-
leurs par saint Ephrem, Opéra syriaca, t. il, p. 342,
que les Syriens admettaient la canonicité de l'cpitre
au IVe siècle. Les doutes en question portèrent surtout
sur la différence de style avec la I' Pétri voir plus
bas, col. 407), ou bien, comme c'est le cas pour le moine
Cosinas Indicopleuste (au si' siècle), ils durent leur
origine à la prophétie relative à la destruction'du monde
par le feu. Cf. II Pet., m, 7. 10-13. Peu à peu ces doutes
disparurent, de ne me que pour les autres parties deu-
noniques du Nouveau Testament; aussi, à partir
de la fin du iv« siècle, on n'en voit plus de trace
sérieuse. Les onze ou douze listes authentiques des
écrits inspirés que nous a léguées le même siécl
tiennent l'Épitre (voir Gaussen, Canon des Ecrii
t. i. p. 505), et les conciles de Laodicée en 364, île
Rome en 375, d'Hippone en 393, île Cartilage en 397,
comptent officiellement notre lettre parmi les livres
inspirés; ce qui signifie, en même temps, qu'on en attri-
buait alors généralement la composition à saint Pierre,
Voilà, certes, de-, témoignages plus que suffisants pour
croire à son authenticité. — Il n'y a pas eu la moindre
hésitation durant le moyen âge jusqu'à Érasme (voir la
lin de son commentaire sur II Pet.), Calvin i/«
Il Pet., Prolog.), et plus tard Grotius [Adnotat. in
Il Pet., i. I), etc.. qui liront revivre les anciens dûmes.
Les protestants eux-mêmes refusèrent d'abord d
suivre: mais, à partir du xix* siècle, ils se sont mis i
regarder assez généralement l'Épitre comme l'œuvre
405
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
406
d'un faussaire. On compte, aujourd'hui, ceux qui l'attri-
buent encore au prince des apôtres. Voir leur énu-
mération dans Hundhausen, Das ziveite Pontifical-
schreiben des Peints, p. 19; ajouter Spitta, Der
zweite Brief Petrus, p. 175.
//. preuves INTRINSÈQUES. — Olshausen, l'un de ces
exégètes protestants qui, assurent-ils, n'ont pas réussi
à se former une opinion certaine au moyen des seuls
témoignages de l'antiquité, ajoute : Rationibus... sub-
jectivis fultus authentiam Epistolœ persuasum habeo.
Dans Salmon, Introd. lo the Study of the Books of
the N. T., 7« édit., p. 498. Interrogeons donc maintenant
l'Épitre elle-même, et voyons ce qu'elle nous dit au
sujet de son authenticité.
Elle se donne dès le début, i, 1, comme l'œuvre de
« Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ ».
Plusieurs passages de la lettre confirment cette asser-
tion. L'auteur se range, i, 16-18, parmi les témoins ocu-
laires de la transfiguration de Notre-Seigneur, et le
récit qu'il fait de ce prodige montre qu'il était vraiment
sur la « sainte montagne ». Cf. Matth., xvn, l-4;Marc, ix,
1-5; Luc. ix, 28-33. Or, ce prodige éclatant n'eut que
trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, et personne n'a
jamais songé à attribuer la lettre aux deux fils de Zé-
bédée. Plus loin, in, 15, l'auteur nomme saint Paul son
« frère bien-aimé », c'est-à-dire son collègue dans l'apos-
tolat. Ces deux témoignages sont très explicites. 11 faut
en rapprocher aussi la déclaration II Pet., m, 1, qui
identifie clairement l'auteur de la première Épitre et
celui de la seconde, et le passage m, 2, où celui qui a
écrit la lettre affirme de nouveau qu'il faisait partie du
collège apostolique. En rapprochant n, 20, de Matth., xn,
45, et n, 14, de Matth., v, 27, on voit qu'il connaissait
fort bien les paroles du Sauveur. Ce n'est pas qu'il
« fasse des efforts surprenants pour jouer le rôle d'apô-
tre », comme le prétendent E. Reuss, Die Geschichte
der heil. Schriften des N. T., p. 256 de la 3" édit., 1860,
et H. Holtzmann, Einl. in das N. T., 3e édit., p. 321, dans
le but d'enlever toute force à l'argument qui précède.
Il ne joue jamais un rôle, mais il se présente simple-
ment tel qu'il était en réalité. On a aussi affirmé que,
m. 2. il sort de ce même rôle par mégarde, et qu'il
s'exclut lui-même du corps apostolique; mais, pour ob-
tenir ce résultat on suit la leçon àiroor<S),<«v fiurâv, « de
nos apôtres », tandis que le texte le mieux garanti
porte û)iùv, vestrorum.
Autre preuve très forte. Non seulement cette seconde
Épitre ne renferme absolument rien que saint Pierre
n'ait pu écrire; elle contient en outre des pensées iden-
tiques à celles de la première. Voir Hundhausen, Das
ziceite Pontificalschreiben, p. 02-90; Kaulen, Einleit-,
p. 567; Belser, Einleit., p. 718 sq.; Krawutzcky, Pe-
trinische Studien, Breslau, 1877, t. n, p. 64-72. —
a) Les deux écrits mettent singulièrement en relief la
personne de Notre-Seigneur, qui est leur centre per-
pétuel, et auquel tout se rapporte en vérité. Relevons
en particulier l'importance attachée à son second avè-
nement et à l'obligation qu'ont les fidèles de se préparer
à cet acte suprême par une vie très simple. Cf. I Pet.,
i, 7-8, 13-14; iv, 7-8, 13-14; v, 1-3; II Pet., i, 16,
19. m, 10-12. — 6) De part et d'autre, l'auteur insiste
sur la pensée que Jésus-Christ nous a rachetés au prix
de son sang divin, et qu'il nous a ainsi purifiés de nos
péchés. Cf. 1 Pet., i, 2, 18-19; m, 21; II Pet., i, 9; II,
20-22. — c) Dans les deux lettres, la religion chrétienne
est présentée comme la réalisation des anciennes pro-
phéties, de sorte que le ministère des prophètes et ce-
lui des Apôtres sont mis en relations intimes. Cf.
I Pet., i, 10-12; II Pet., i, 16-19; m, 2. - d) La
seconde Épitre suppose, comme la première, une con-
naissance très grande de l'Ancien Testament. Il est vrai
qu'il n'y est cité qu'une fois; explicitement, II Pet., n,
28; cf. Prov., xxvi, 11; mais les allusions, les réminis-
cences, les citations indirectes y abondent partout. Cf.
i, 19-21; n, 1, 4-8, 15-16; m, 2, 5-8, 10, 13, 16, etc. -
e) Voici encore quelques traits communs aux deux Épi-
tres : l'idée que les chrétiens ont été régénérés et qu'ils
participent à la nature divine, I Pet., i, 23; II Pet., i,
4; l'existence d'une vraie et d'une fausse liberté, I Pet.,
i, 22; II Pet., II, 19; la mention du déluge, I Pet., m.
20; II Pet., m, 6; le fait que sept personnes seulement
échappèrent à cette catastrophe, I Pet., m, 20; II Pet.,
H, 5; plusieurs ressemblances frappantes sous le rap-
port eschatologique. I Pet., i, 4, et II Pet., i, 11:
I Pet., i, 7, et II Pet., i, 16; I Pet., I, 20, et II Pet., m,
3. — /) Notons aussi les analogies qui existent entre
le commencement et la lin des deux lettres. Elles men-
tionnent l'une et l'autre, dès leurs premières lignes,
l'espérance du ciel comme un puissant encouragement
pour les chrétiens. Cf. I Pet., i, 4-6; II Pet., i, 11.
Elles s'ouvrent par le même souhait, qui n'apparaît
nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. L'une
et l'autre elles s'achèvent par l'indication très précise
du but que se proposait leur auteur, I Pet., v, 12;
II Pet., m, 17-18. — g) La seconde Épitre rappelle
partout le caractère ardent, l'autorité et le zèle aposto-
lique, la vigueur et l'originalité du prince des Apôtres,
de sorte qu'elle respire constamment, comme la pre-
mière, « l'esprit de Pierre ».
///. objections des CRITIQUES. — Dans ces conditions,
on conçoit que les adversaires de l'authenticité «n'aient
pas essayé de proposer, avec quelque vraisemblance,
un auteur différent » de saint Pierre. Burger, dans Strack
et Zôcklet, Kurzgefasster Komment.,N. Test., 4» fascic,
p. 181. Néanmoins, malgré tant de preuves extrinsè-
ques et intrinsèques, ils ont combattu notre Épilre avec
un acharnement extraordinaire. Voir E. Renan, L'Anté-
christ, p. vi ; E. Reuss, Gesch. der heilig. Schriften des
N. Test., 3e édit., p. 256; .lûlicher, Einleit., p. 152.
B.Weiss lui-même, qui admettait autrefois l'authenticité,
pense maintenant qu'on ne peut rien décider à ce sujet.
Cf. Einleit., 3= édit., p. 450. Le D' Kûhl, Die Briefe
Pétri, édit. de 1897, p. 370, affirme très justement qu'on
a abusé des arguments intrinsèques contre l'Épitre, et
que plusieurs détails qui, dans l'hypothèse de l'authen-
ticité, paraissent tout à fait inoffensifs, ont été bien à
tort regardés comme des motifs de soupçon et de doute.
Parmi les exégètes protestants qui l'admettent, nous
pouvons citer Nietzsche, Epislola Pétri posterior, au-
ctori suo... vindicata, I7S5; C. Flatt, Genuina secunda
Pétri epistolœ origo... defendilur, 1806; W. Dahl, De
Authentia epistolse Pétri posterioris alque Judw, 1807,
Bertholdt, Olshausen (il a aussi composé un ouvrage spé-
cial sur la question, De integrilate et authentia poste-
rioris Pétri epistolse, 1823), Guericke, Thiersch, Stier,
Dietlein, Hofmann, Schulze, F. Keil, Briickner, Spitta,
A. Bruce, etc., qui appartiennent aux écoles exégéti-
ques les plus diverses. Voir .1. H. Holtzmann, Einleit ,
p. 325; Grosch, Die Echtheit des zweiten Briefes Pé-
tri, 1889, et surtout l'excellent ouvrage du D' Henkel
(catholique), Der zweite Brief des Apostelfûrsten
Petrus geprûft auf seine Echtheit, Fribourg-en-Bris-
gau, 1904.
Les objections alléguées sont de deux sortes : il y a
celles qui concernent les pensées et celles qui regar-
dent la forme. — 1° Objections concernant les pensées.
— On a prétendu que le fond des deux écrits est trop
différent pour qu'ils puissent provenir d'un seul et
même auteur. H. Holtzmann, Einleit., p. 321-322. Mais
nous avons déjà démontré indirectement, col. 405, que
cette allégation porte entièrement à faux; aussi Reuss
lui-même, Geschichte der heil. Schriften des N. T.,
p. 70, ne lui attache-t-il « aucune force décisive ». Comp.
Hofmann, Heil. Schriften des N. T., t. il, p. 128; t. ix,
p. 208. Nos adversaires insistent en particulier sur le fait
suivant : la II' Pelri parle de la destruction ou plutôt
407
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
408
de la rénovation du inonde actuel par le feu. m, 7,10,
12, tandis que cette doctrine est tout à fait étrangère à
la première Épilre. Nous répondons que cet enseigne-
ment n'est pas nouveau, mais très conforme à celui
des prophètes de l'Ancien Testament et de Jésus-
Christ lui-même. Cf. Is.. rxv. 17 : lxvi. 22; Matth., xxiv,
29. etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionné
dans la I" Épitre la descente de Jésus-Christ aux en-
fers, dogme qui n'est qu'insinué rapidement ailleurs
dans les écrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il
pas, dans la IIe, d'un fait qu'il laisse de coté dans la
lettre précédente'/ Les autres divergences s'expliquent
suffisamment par la différence du thème traité de part
et d'autre. Par exemple, dans la Ire Épitre, l'auteur
insiste sur l'espérance, voir la col. 396, afin de mieux
consoler et encourager, par la promesse de l'héritage
céleste, les chrétiens d'Asie Mineure, qui enduraient la
persécution pour la justice; dans la IIe, il appuie da-
vantage sur la connaissance ii-i-ytw.z.) de Jésus-Christ,
qu'il oppose à la fausse science (tvôo'.ç) des docteurs
hérétiques. Mais la première Épitre, tout en insistant
davantage sur l'espérance, ne manque pas de mention-
ner aussi la vraie yvûxji;, cf. I Pet., m. 7. et la II',
hien qu'elle ne contienne pas expressément le mot
:/- :.- ;espérance|, exprime à plusieurs reprises l'idée
de l'espérance chrétienne. Cf. II Pet., i. 11, 19; m, 9,
12-15. Dans la première lettre, le retour de Jésus-
Christ à la fin des temps est appelé i-ozj/vi:;. i révé-
lation ■ . et icapou<7(a, s présence », dans la seconde.
Mais est-ce là une différence? Voir la réfutation de
cette ohjection générale dans B. Weiss. Die Petrinische
Etage, p. 293; F. Keil, Comment, ûber die Briefe
des Petrus, p. 194.
2° Objections tirées ('» style. — On a ohjecté très
souvent aussi la différence de style entre la première
et la seconde Épitre, comme une preuve manifeste que
les deux écrits ne peuvent pas avoir été composés par
même auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322.
La différence alléguée est très réelle. Cf. von Soden,
Eand-Comment. mm .Y. Test., t. m. 2 partie, p. 211:
Henkel, De* zweile Brief des Âpostelfûrsten Petrus,
p. 56. Mais elle n'est nullement de nature à permettre de
nier l'authenticité; sans compter que nous possédons
trop peu de produits littéraires de saint Pierre, pour
porter un jugement convenable sur son style. Déjà saint
Jérôme signalai! cette difficulté. Epist. cxx, ad Hedib.,
11, t. xxii, col. 1002; cf. De vir. ill., 1, t. xxm. col. 609.
Il essayait en même temps d'en marquer la cause : Ex
quo intelligimus pro diversitate rerum diversis eum
esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exégètes con-
trains pensent que telle est, en effet, la meilleure
solution; entre autres, Cornely, Introd., t. n, 3° part.,
p. 848; A. Schaefer, Einleit. in das A*. T., p. 3.S5: Kûhl,
Die Briefe Pétri, p. 367, S:i int Marc ou Silvain auraient
aidé saint Pierre pour la composition de la première
Épitre, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait
n'a rien d'invraisemblable en lui-même; toutefois, il
est loin d'être certain, et il n'est pas nécessaire de
recourir à lui pour expliquer le petit problème lin-
guistique que nous étudions. D'ailleurs, on peut dire
que saint Jérôme exagère à propos de la dillérence de
style et que beaucoup de critiques contemporains font
comme lui. Cf. Henkel, lue. cit., p. 58-59.
Il est bon de noter ici, avant toute autre ré-
ponse, que, en ce qui concerne le style et la diction
_ aérai, i la divergence des opinions est la règle
parmi les savants, comme le dit fort hien M. Helser,
Einleit., p. 705. Et pour justifier cette réllexion. le
savant auteur cite les jugements contradictoires de
deux exégètes protestants sur lechap. n de la II' Pétri :
Bofmann, Die Briefe Pétri, Judœ, etc.,
p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme
unique en son genre parmi les écrits du Nouveau
Testament, Mayerhoff, Hisl. krit. Einleit. in die Pétrin.
Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat.
Il est aussi très important, pour apprécier équitahle-
ment la divergence indiquée, de se rappeler la diffé-
rence considérable des sujets traités et du but que se
proposait l'auteur. En outre, l'emploi que saint Pierre
a fait, selon toute prohabilité, de la lettre de saint
Jude, col. 410, n'a pas manqué d'exercer une certaine
inlluence sur son propre style.
Examinons maintenant quelques-unes des objections
de détail proposées sur ce point par les néo-critiques.
— a) On a noté en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit.,
p. 322, une certaine monotonie que présente la II' Pétri
dans l'usage des prépositions, tandis que l'auteur de la
I" Epitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans
le passage II Pet., i, 3-5, lia revient quatre fois; h
jusqu'à sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. Il est
vrai que. dans la première lettre, les prépositions sont
plus variées; ce qui n'empêche pas si.-, Èv et r.ix d'y
dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet..
qui viennent d'être cités, les répétitions ont eu lieu
évidemment à dessein, et elles donnent beaucoup de
force à la pensée. — 6) Il y a dans II Pet. ce qu'on a
appelé à tort des •• répétitions traînantes », des mêmes
termes, à des intervalles très rapprochés. Holtzmann,
loc. cit., p. 322. Par exemple : I, 2-3. BESupiguivo; et
SeêcôprjTat ; I. 1-10, trois fois -ra-jr*; II, 1. deux fois
àiruXeia. Voir aussi i, 17. etc. Mais comment n a-t-on
pas remarqué que ces répétitions sont voulues, et
qu'elles ont pour but évident de fortifier la pensée'.'
Du reste, il en existe de semblables dans la Ire Épilre.
Cf, I Pet., i, 5-10, où les mots « foi, croire. -
sont employés coup sur coup: i. 5-18 et m. 1-2. à pro-
pos des expressions àveurrpofij et xya<rrpéçE<r6at. — c On
met en avant un nombre assez considérable de tel mes
(environ cinquante- qu'on ne trouve pas ailleurs dans
le Nouveau Testament (entre autres i'JE-ju.o:. i/aTxnaj-
n-',;. àjj.ii'iu.r.To;. otù-/(iT)po;, 'j'hth. (îopéopo;, i:iv,
5uavtfr)toc, ÉYxaToixeïv, ÈÇaxo^ouSetv, ËitfXuai;, W/jt.v
).<x6eïv, prlacua, 6a:/>r,. rcapEtaxyetv, icXamdç, 'ï-^v
-xy.iô;. reçpoOv, pwofdpo;), et dont plusieurs semblent
avoir été inventés par l'auteur lui-même (notamment
taprapoûv, n. i; Kotpaçpovta, II, 16; Êgépa|jLa et xuXia|iâ<)>
Mais, selon la remarque très juste de Reuss, Epi très ca-
tholiq., p. 223, qui rejettepourtant l'authenticité. « qu'est-
ce que cela prouve'.' Est-il juste que chaque auteur
écrive toujours de la même manière? i Les Apôtres
étaient souvent obligés de créer un langage nouveau
pour exprimer les idées chrétiennes; saint Pierre l'a
fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi donc,
0 on ne saurait déduire de ces particularités de lan-
gage une nécessité absolue d'affirmer que l'auteur de
]., !; Épitre diffère de celui de la II'. » Burger, Knrz-
gefasst. Comment., p. 182, N. T.. 4« fasc.
Nous, de notre côté, nous pouvons signaler des points
de contact très nombreux entre les deui tpîtri
le rapport de la diction. Nous n'indiquerons que les
plus caractéristiques. Voir des listes plus compli i -
dans Lumby. dans le Speakers Commentary, t. iv
du N. T.. p. 228; Davidson. Introd. t« the New Test.,
t. il, p. 462; llundhausen, Das zweite Ponti/icalschrei-
ben, p. 86-88; Keil, 'loc. cit., p. 199-202; Kûhl, Die
Pétri, p. 336; Henkel. Der zweite Brief des
Apostelfûrsten, p. 47. — a) Les deux .lettres ren-
ferment un certain nombre d'expressions qui leur sont
communes et qui ne sont pas employées dans les autres
livres du Nouveau Testament : a;jLr.>j ^ - et uvr.ù.iz. 1 Pet.,
i. 19; cf. Il Pet., m, 14; eimkteùeiv, I Pet., il, 19 et
m. 2: cf. 11 Pet., i. Hi: E-Jit46e<»i;, I Pet., m, J!.
cf. Il Pet., i. 11; iténavrai â|ixpT(ac, I Pet., iv. '.
cf. II Pet., il. 1 i. — b) Des deux côtés, on rencontre
des expressions et des tournures identiques, rares ou
relativement rares. Par exemple : 1 Pet.. Il, 9. -.iz
409
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
410
àperct; to-j... xaXéoavToç ; II Pet., I, 3, toù xaXéaavioç
Tjtxâs Si' àp£Tf|{ (il est à remarquer que le mot àpsxr,,
« vertu », indépendamment de ces deux passages, n'est
employé dans le Nouveau Testament que par saint
Paul, Phil., îv, 8, où il est appliqué aux hommes ; saint
Pierre seul l'applique à Dieu); à6£p.iToç, I Pet., IV, 3,
et à6s<j[io?, II Pet., il, 7; Sr)).o'jv, pour marquer la ré-
vélation divine, I Pet., i, II, et II Pet., i, 14; àva-
oipo^ (le « mot favori » de saint Pierre), 1 Pet., i, 15,
18; il, 23; m, 1, 2, 16, et II Pet., n, 7; m, 11;
èmOu[K'a aapxixa, I Pet., il, 11. et II Pet., II. 10;
(TOipfÇstv, I Pet., v, 10, et II Pet., i, 12, etc.; .0 x-
Stkipta, I Pet., i,22. et II Pet., i, 7; -/op^v, I Pet.,
iv, 11, et II Pet., i, 5, 11, etc., — c) On signale encore
l'usage très spécial du participe é'xovteç (I Pet., II, 12,
ayant une bonne manière d'agir; ni, 16, ayant une
bonne conscience ; iv, 8, ayant une charité conti-
nuelle; II Pet., n. II, ayant les yeux pleins d'adul-
tère), la construction avec le datif, I Pet., i, 12; II, 7;
m, 15; iv,2. 12; v, 9; II Pet., i, 1, 17; n, 1, 3, 5, 8,
17, 19, 20; m, 7; l'emploi fréquent du participe passif.
Cf. I Pet., i, 4, 8, 20, 22, 23; il, 1 ; iv, 3; II Pet., i, 3,
12, 16; n, 12, 14; m,2, 7. — d) Notons aussi des mots
ordinaires, mais qui reviennent souvent dans les deux
lettres ; i}-ujc>j, I Pet., i, 9, 22; n, II, 25; m, 21; IV,
19; II Pet., n, 8, 14; siSÛ;, I Pet., i, 8, 18; II, 9;
II Pet , I, 12, li; ri;, cinq fois dans I Pet., quatre
fois dans II Pet. — e) On trouve dans les deuxÉpitres
l'emploi des substantifs abstraits, au pluriel : I Pet.,
i, II, les gloires; voir aussi n, 19, et iv, 3; II Pet., n,
2, 13, 18; ni, 11. Et rien, dans toutes ces coïncidences,
n'indique qu'elles aient été voulues et recherchées
par un faussaire qui se serait proposé d'imiter le
style du prince des Apôtres : elles n'ont rien de trop
saillant, qui puisse exciler la méfiance; elles ne sont
pas la répétition de pensées formulées dans la lie Épitre.
En somme, la comparaison du style des deux lettres
aboutit plutôt à une très forte présomption en fa-
veur de l'authenticité de la IIe. — /') On peut citer
pareillement des coïncidences assez frappantes, tou-
jours au point de vue du style, entre notre Épitre et
les discours de saint Pierre dans le livre des Actes.
Voir Lumby, loc. cit., p. 226; Salmon, Introd. lu tlie
N. T., p. 495; Henkel, loc. cil., p. 75-76. Voici quelques-
unes des principales : àpvsou.ai, Act., m, 13-14, et
II Pet., n, 1; YvûptÇsiv, Act.,' n, 28, et II Pet., I, 16;
eiSùç 8xi, Act., n, 30, et II Pet., I, 14; r,u.épa xupiW,
Act., Il, 20, et II Pet., m, 10; xaTaixv"i«'-, Act., Il,
26, et dxYy/wtioc, Il Pet., i, 13, 14; z-jnèStax, Act., m,
12, et II Pet., i, 7; czanôvr,^ Act., iv, 21, et II Pet., n,
1; çépoueu, Act., n, 2, et II Pet., i, 7, 17.
3" Objection tirée de la prétendue ressemblance qui
existe entre la IIa Pétri et les écrits de l'historien Jo-
sèphe. — M. Edwin Abbott a développé dans The Ex-
positor, IIe série, t. ni, 1882, p. 49-60, un nouvel argu-
ment contre l'authenticité de l'Épître, en prétendant
que l'auteur aurait fait de nombreux emprunts à l'his-
torien juif Josèphe et imité son langage. Si le fait était
exact, comme les écrits de Josèphe datent de la fin du
Ier siècle, la H" Pétri ne saurait être l'œuvre de saint
Pierre. Le Dr Farrar admet comme un fait certain que
l'un des deux écrivains a fait des emprunts à l'autre.
Cf. The Exposilor, ibid., p. 403. Voir aussi von So-
den, Hand-Comtnentar zum N. T., t. m, 2e part.,
p. 210. — Remarquons d'abord que les ressemblances
alléguées ne portent que sur les expressions, jamais
sur les pensées : Josèphe et le chrétien qui a composé
Il Pet. expriment des idées tout à fait différentes,
bien qu'ils aient parfois recours à des expressions
identiques. De plus, les expressions de ce genre
sont espacées les unes des autres dans les écrits de
l'historien juif; elles n'ont pas été empruntées à des
passages qui se suivent: ce qui diminue singulièrement
la force de l'objection. Ajoutons qu'un grand nombre
d'entre elles (notamment j'ÇoSo; dans le sens de mort,
cf. Luc, ix, 31; Oeîoç, adjectif plusieurs fois employé
par les Septante; u£y<xXsi6ti]ç, cf. Luc, ix, 43, etc.;
|iC'9o;, qu'on trouve quatre fois dans les Épitres pasto-
rales, etc.) existent dans le vocabulaire des Septante ou
du Nouveau Testament ; par conséquent, dans le grec
avec lequel saint Pierre était familier. Enfin, les termes
tn question n'ont rien de rare ou d'extraordinaire.
Ainsi on signale, comme une coïncidence remarquable,
l'usage fait de part et d'autre du verbe xva.zëk).u>, pour
désigner le lever d'un astre; l'emploi du substantif
Bûvctu.[;, pour exprimer la puissance divine, et de locu-
tions aussi ordinaires que EÙt7S«eta,xaTaTpov£w, Tiapwv,
yivwuxetv Sti, Sixaiov ^ysîtrfla:, etc. Or, dans une argu-
mentation de ce genre, la plus grande partie de la
preuve consiste dans la rareté des mots employés. Le
raisonnement porte donc absolument à faux : l'auteur
de II Pet. n'a fait aucun emprunta Josèphe. auquel il
n'a rien prêté lui-même; ils ont écrit l'un et l'autre en
grec, et c'est tout. Voir la réfutation détaillée dans
Salmon, Introd. totheN. T., p. 498-501, et dans l'ou-
vrage spécial de B. Warfield, D' E. A. Abbott on the
genuineness of II Pet., 1883.
VI. Intégrité de l'ÉpItre. — Divers critiques protes-
tants ont nié l'unité et l'intégrité de la II" Pétri. Voir
F. Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 170.
Le plus récent est le Dr Kûhl. D'après ce savant, Die
Briefe Pétri und Judas, 1897, p. 346-356, le chap. n
tout entier serait une interpolation. De plus, les versets
1 et 2 du chap. m, auraient été remaniés, de manière
à s'adapter à ce qui précède. A l'origine, immédiate-
ment après i, 21. on lisait, selon M. Kûhl, l'exhortation
suivante : « Pour vous, bien-aimés, souvenez-vous des
paroles prédites par les saints prophètes, sachant
d'abord cela... » etc. Cf. ni, 1-3. Cette théorie, qui ne
s'appuie sur aucune preuve, n'a trouvé aucun succès. Il
règne une parfaite unité dans notre Épitre: le passage
que l'on prétend avoir été interpolé se rattache de la
façon la plus naturelle, d'une part, à i, 21, de l'autre à
m, 2. Il n'y a, du reste, aucune différence sous le
rapport du style entre ce passage et ceux qui l'en-
tourent.
VII. Relations de la II" Pétri avec l'Épître de
saint Jude. — Sur ce point important, voir le t. m,
col. 1811-1812. Aux ouvrages mentionnés, on peut
ajouter : 'Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus,
p. 202-208;* Kûhl, die Briefe Pétri, p. 336-346; Cornely,
Introd., t. n, 3e part., p. 645-647; 'II. Holtzmann, Ein-
Ieit.,3* édit., p. 322-324; Belser, Einleit., p. 707-709,
719-721; M. Bovon, Théologie du Nouv. Test., t. n,
2= édit., p. 416-448; "A. Brun, L'Apôtre Pierre, 1905,
p. 126-136.
VIII. Le texte primitif et sa transmission.— Nous
possédons le texte grec de la II" Pétri dans les ma-
nuscrits onciaux liiBCK'L' P'. Les Pères grecs
fournissent ça et là des indication^ précieuses pour le
critique. Voir le texte grec amélioré par B. Weiss, Das
Neue Testament, Textkritische Untersuchungen und
Text fiers tellung , t. III, et aussi les éditions critiques
de Tischendorf, Gebhardt, Westcott et Hort, Nestlé, etc.
Le texte syriaque que nous avons est beaucoup moins
ancien que la Peschito, qui ne contenait pas notre
Épitre, comme il a été dit plus haut. On possède quel-
ques fragments assez rares des versions latines anté-
rieures à saint Jérôme, dans les manuscrits h, g, etc.
IX. Enseignement doctrinal he l'Épître (voir les
ouvrages mentionnés à propos de la I" Pétri; en par-
ticulier, B. Weiss, Der Pelrinische Lclirbegriff, Ber-
lin, 1855, et Lefirbuch der bibl. Théologie des N. T.,
4e édit., Berlin, 1881, p. 536-546). — 1» Sur Dieu. Dieu
est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 17. Il est
éternel, m, 8; c'est lui qui a tout créé et qui gouverne
411
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
412
le monde actuel, ni, 5-7. Il est infiniment miséricor-
dieux, et il désire le salut de tous les hommes, m. 5,
15. C'est de lui que vient la vocation au salut, 1,3. —
2» Les idées christologiques sonl moins abondantes que
dans la I" Épitre. La lettre est d'ailleurs plus brève :
en outre, la description et la réfutation des hérétiques
y tiennent une large place. Mais, ici encore, Jésus-
Chrisl, i, 1, ou Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, '2.8. 10,
ou le Seigneur et Sauveur, i. 11; [II, '2, 18, ou Notre-
Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, i, 14; n, '20, m, 2,
ainsi qu'il est appelé, occupe la place principale. Il y
est aussi désigné, à propos du récit de la transfigura-
tion, par le nom de « Fils bien-aimé » de Dieu, i, 17.
Dans la doxologie finale, III, 18. l'apôtre lui souhaite,
comme il le ferait pour Dieu lui-même, la gloire dans
les siècles des siècles. Le but auquel doit tendre tout
chrétien, c'est de le connaître toujours davantage, 1,2,
8; III, 18. SaintPierre n'a pas, comme dans sa I" Épitre,
l'occasion d'insister sur la passion et sur la mort ré-
demptrice du Christ. Il signale du moins, en passant,
ce fait capital : Jésus est le Maître qui nous a rachetés,
II, 1 ; cf. I, 9. Il mentionne aussi deux de ses mystères
glorieux : d'un côté, au centre de sa vie publique, la
transfiguration, I, 16; de l'autre, son retour à la fois
glorieux, consolante! terrible, au jour du Seigneur ou
au jour de Dieu, m, 10, 12. Ce second avènement est
appelé jtapoj<7ia, « la présence », m, 4, 12. Quelques
hérétiques osaient en nier la réalité : l'apôtre réfute
leur objection principale, à laquelle ils affectaient de
donner une forme scientifique, ni. '2-10. Au retour du
Christ est rattachée la transformation du monde par le
feu, en vue de créer » de nouveaux cieux et une nou-
velle terre, où la justice habitera », m, 13. Déjà saint
Pierre avait annoncé ce fait dans un de ses discours
des Actes, m, 19-21. Cette grande catastrophe amènera
la consommation du royaume de Dieu, selon ce que
Jésus-Christ lui-même avait prédit. Cf. Mat th., xxiv,
29-42; Marc, XIII, 24-35; Luc, xxi. '25-35. Le prince des
Apôtres men lionne aussi, mais seulement d'une ma-
nière rapide, le royaume de Jésus-Christ, c'est-à-dire le
ciel et son bonheur éternel, I, 11. — 3° L'Espril-Saint.
Dans la II' Épitre, comme dan- la I . il est question de
l'Esprit-Saint. C'est lui qui a inspiré les prophètes, I,
21, dont les oracles sont une lumière très précieuse,
indispensable même, pour arriver à la connaissance
du Sauveur, î. 19. — 4° La sotériologie. Le salut est
offert à tous; mais, pour l'obtenir, il faut croire en
Jésus-Christ, il, 1,17. Ceux qui ne croient pas sont des
« enfants de malédiction », n, li. La foi est aussi la
base de toute la vie morale et spirituelle, i, 5, 6. Le
christianisme est la voie de la vérité, II, 2; cf. i, 12. La
grâce nous aide puissamment à nous sauver; mais il
est nécessaire d'y faire des progrès perpétuels, de
marcher constamment vers la perfection, M, 18. C'est
seulement à la fin du monde, an dernier jour, que l<-
salut sera proclamé d'une manière générale et défini-
tive, III, 15. Comme adversaires du salut, il va au-dedans
de nous la chair et ses convoitises coupables, II, 18, et,
en dehors de nous, le monde avec sa corruption dan-
gereuse, i, 1; n, 20. Par les mérites de Jésus-Christ,
les chrétiens deviennent « participants de la nature di-
vine », i, 4. La connaissance de Notre-Seigneur ne doit
pas demeurer oisive en nous; mais il faut qu'elle pro-
duise des fruits pour la vie éternelle. A ce point de vue
pratique, saint Pierre nomme la religion chrétienne
« la voie de la justice ». n, 21. L'arbre mystique de la
foi doit de même faire mûrir en nous sept fruits déli-
cieux, i, 5-7. Une des sources de la foi consiste dans
les Saintes Écritures, dont Dieu est l'auteur el dont il
fournit l'interprétation authentique, i, 20-21. Instam-
. l'apôtre recommande « les bonnes œuvres, les
oeuvres de piété », i, 3; m, 1 1. Les hérétiques sont des
ennemis dangereux; il faut les fuir, si l'on ne veut pas
se laisser entraîner par eux, car le châtiment éternel
de l'enfer leur est réservé, n. 1-20.
X. Bibliographie. — Pour la Ia et la IIa Pétri. —
I L. Mayerhoff, H/st.-krit. Einleitung in die petri-
nischen Schriften, Hambourg, 1835; Harnack, Die
Chronologie, 1897, t. i, p. 450.
2° Commentaires sur les deux Épîtres, — a) Catho-
liques. Didyme d'Alexandrie (on n'en possède que des
fragments latins ou grecs, t. xxxix, col. 1750-18l8i,
Œcuménius, t. cix, col. 451-722, Théophylacte, t. cxxv,
col. 1131-1. i:\xvi. col. 104; Bède, Expositio super ca-
tliol. Epistolas, t. xcin, col. 9-130. Cramer, Catena in
Epistolas catholicas, Oxford, 1840; Lorin, lu cathol.
Joannis el Pétri epistolas, Lyon, 1609; Bisping, Er-
klârung (1er katholischen Briefe, Munster, 1871 ; Drach,
Les Épîtres catholiques, "Paris, 1873; llundhausen, Die
beiden Pontificalschreiben des Apostelfùrsten Petrus,
Mayence, 1873-1878: Van Sleenkisle, Epistolas catltolicœ
breviter explicatœ, Bruges, 1876; Maunoury, Commen-
taires sur les Épîtres catholiques, Bar-le-Duc. 1888;
L.-Cl. Fillion, Lu Sainte Bible commenter, t. vin,
p. 058-715, Paris, 1904. — b) Commentateurs protes-
tants ou rationalistes : De Wette, Kurze Erklârung dei
Briefe des Petrus, Judas und Jakobus, 1847, 2" édit.,
en 1853, revue par B. Bruckner,3< édit. en 1805; Hu-
ther, Krit. exeget. Handbuch ûber den ersten Brie/
des Petrus, den Brief des Judas und den ziceiten
Brief des Petrus, l" édit.. 1852; ."> .'dit.. 1887. revue
par Kiihl; 6e édit.. 1897; YViesinger, Der ersle Brief
des Apostels Petrus (continuation du commentaire
de Olshausen sur le X. T.), Kœnigsberg, 1856, el Der
tuieite Brief Pétri desApost. Petrus und der Brief des
Judas, 1862; Scholt, Der ente Brief Pétri erklârt,
Erlangeri, 1861, etDerzweite Brief Pet ri und der Brief
Judâ, 1802; Fronmûller, Die Briefe Pétri, dans le
Bibelwerk de J. P. Lange, 1862,4e édit., par Fûller, en
1890; Ewald. Die sieben Sendschreiben des
11, n, des. Gcettingue, 1870; Wordsworth. 77ie New Tes-
tament, iftlh introduction and notes, t. iv, 2e- édit.,
1872; l'Iumptre. dans la Cambridge Bible for schools
and collèges, Cambridge, 1880 ; K. Hofmann, Die Briefe
l'etri, Judx und Jacobi, Nôrdlingen, 1875; F. Keil,
Rommentar ûber die Briefe des Petrus und Judas,
Leipzig, 1883 ; von Soden, dans le Band-Commentar
:um A". T., 3" édit., 1S99; Burger, Die Briefe des Ja-
kobus, Petrus und Judas, dans le Eurzgefasst. Kom-
menl. de Strack el /...ckler, 2e édit., 1895; S. Gœbel,
Die Briefe des Petrus mit kurzer Erklârung, 1893;
F. \V. Bugge, Commentaire (en langue danoise) sur les
deux Épîtres de saint Pierre et i Épitre de saint Jude,
1892; J. T. Beck, Erklârung der Briefe Pétri, 1895;
J. H.Jowett, Epistles of St. Peler, Londres, 1905.
3» Sur la 1" Épitre seulement ; Usteri, Wissenschafll,
und praktischer Commentar ûber den ersten Petrus
brief, Zurich, iss7: Rob. Johnston, The first Epistle
of Prier, Edimbourg, 1888; A. J. Mason.dans le Com-
meiititry for Englisli Readers de Ellicott, Londres,
1889; L- Monnier, La 1" Épitre de l'apôtre Pierre,
Paris, I9i)'2; Abbé L. Gontard, Essai critique et liislo-
rique sur la 1" Epitre de sainl Pierre, in-8°, L\on.
1905; D. Voiler. Der ersle Petersbrief, seine Entstehung
und Stelhmg m der Geschichte îles l'rchristentums,
Strasbourg, 1906; H. Gunkel, dans Die Schriften îles
X. Test, uberseizl ; und fur die Gegenwart erklârt,
Gcettingue, t. n, 1906, p. 25; H. Weiss, Der ciste
Petrusbrief und die neuere Kritik, in-8°, Berlin.
1906.
i Sur la ID Épitre : \V. O. Dietlein, Der zweite
Brief Petrus, 1851 ; F. Steinfass, Der :»■,>,/,■ Brief les
heil. Petrus, 1863; Plummer, dans le Commentary
for English Beaders de Ellicott, Londres, 1883 ; Spitta,
Der zweite Brief des Petrus und der Brief des Judas,
Halle, 1885; G. llollmann. dans l'ouvrage Die Schrif-
413
PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT;
414
ton des N. Test., neu ûbersetzt und fur die Gegenwarl
erklsert, t. n. 1906, p. 61; J. B. Mayor, Epistle of
St. .Inde and the second Epistle of St. Peter, in-8°,
Londivs, 1907. L. Fillion.
4. PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT). —
On en distingue quatre principaux : les Actes de Pierre,
voir t. i, col. 161-163; l'Apocalypse de Pierre, t. i,
col. 765; l'Évangile de Pierre et la Prédication de
Pierre. Nous n'avons à parler ici que des deux der-
nières compositions.
.1) L'Évangile de Pierre. — 1» Origène le mentionne
In Matth., tom. x, 17, t. xm, col. 876. Eusèbe le signale
aussi, //. E., m, 3, t. xx, col. '217, en même temps
que les Actes, la Prédication et l'Apocalypse; puis il
ajoute : « Nous ne les reconnaissons pas comme trans-
mis jusqu'à nous parmi les écrits catholiques ; car aucun
écrivain ecclésiastique, soit dans les anciens temps,
soit de nos jours, n'a jamais fait usage des témoignages
qu'ils fournissent. ï Voir aussi, m, 25, et S. Jérôme,
De ut)', ill., 1. t. xxiii, col. 609, qui le classe égale-
ment parmi les apocryphes, comme fait encore leDecre-
(»»i Gelasianum. Dans un autre endroit de son II. E.,
vi, 12, t. xx, col. 5i5, Eusèbe a conservé une lettre écrite
par Sérapiùn, évêque d'Antioche à la fin du IIe siècle,
et relative à cet Evangile. Le saint évêque nous apprend
qu'il avait trouvé l'Évangile en question à Rhésus, loca-
lité située sur la baie d'Issus, en Asie Mineure, et qu'il
l'avait d'abord approuvé ; mais, qu'après l'avoir étudié de
plus près, il le condamna, parce qu'il était l'œuvre des
Docètes, et qu'il ajoutait différentes choses « à la véri-
table doctrine par rapport au Sauveur ». Cette œuvre
apocryphe ne devait pas jouir d'une circulation consi-
dérable, car il est rarement parlé d'elle dans l'antiquité.
2° Un Français, M. U. Bouriant, découvrit à Akmim
(Haute Egypte), dans un tombeau durant l'hiver 1886-
1887, et publia en 1892 un fragment en langue grecque,
que les critiques sont d'accord pour regarder comme
un reste de l'Évangile de Pierre. Voir les Mémoires pu-
bliés par les membres de la Mission archéologique ait
Caire, t, ix, Paris, 1892, p. 137-142. L'auteur parle à la
première personne (comp. chap. vu et xn), et s'iden-
tifie avec le prince des Apôtres : « Moi, Simon Pierre,
et André mon frère » (c. xiv). Le fragment se rap-
porte au jugement de Notre-Seigneur devant Pilate et
Hérode (il s'ouvre au moment où Pilate se lave les
mains), aux outrages dont il fut l'objet, à son crucifie-
ment, à sa sépulture, à sa résurrection. On l'a divisé en
quatorze petits chapitres et en soixante versets. On en
a donné plusieurs éditions : J. A. Robinson, The Gos-
pel according lu Peter and the Révélation of Peter,
Londres, 1892; Lods, L'Evangile et l'Apocalypse de
Pierre, 1893; Th. Zahn, Brucltsl'ùcke des Evangel. und
der Apokalypse Petrus, 1893; A. Harnack, Evatigelium
des Petrus, Leipzig, 1893; Swete,' The Akmim frag-
ments of the apocrijphal Gospel of Peter, 1732; 0. von
Gebhardt, Das Evangelium and die Apokalypse des
Petrus, Leipzig, 1893; Klosterinann, Reste des Petrus-
evangelium, der Pelrusapokalypse und des Kerygma
Pétri, Bonn, 1891.
3° Jésus-Christ y est toujours appelé « le Seigneur » ;
le dimanche y est nommé r, xupizx^ le (j°ur) domini-
cal. L'auteur fait successivement des emprunts aux
quatre Évangiles canoniques : c'est ainsi qu'il prend le
lavement des mains de Pilate dans le récit de saint
Matthieu, l'histoire du bon larron dans celui de saint
Luc, la trans/ixio lateris dans celui de saint Jean, et
qu'il raconte la visite des saintes femmes au sépulcre
ii ns les mêmes termes que saint Marc. On voit, d'un
bout à l'autre, qu'il les connaît à fond; mais il les trans-
forme et les enjolive à sa façon, en multipliant les détails
légendaires, en grossissant les miracles, etc. Il rend
témoins de la résurrection de Jésus les soldats romains
et de nombreux Juifs, prêtres et laïques. Il manifeste
une grande sévérité à l'égard des Juifs, dont il fait les
bourreaux immédiats du Sauveur; il innocente au con-
traire le plus possible Pilate et les Romains. Son docé-
tisme apparaît en plusieurs endroits de la passion; par
exemple, dans la suppression de l'angoisse de Jésus sur
la croix. En somme, son écrit n'enrichit en rien notre
connaissance de la vie de Jésus,
4" Les critiques sont loin d'être d'accord sur la date
de la composition de cet écrit. Ce serait le commence-
ment du IIe siècle, d'après Harnack, qui croit que saint
Justin a commenté l'Évangile de Pierre (fait d'ailleurs
très contestable et probablement inexact ; voir V. II.
Stanton, The Gospels as h istorical Documents, I™part.,
Cambridge, 1903, p. 93 sq.); l'année 130 d'après lé
Dr Zahn; l'an 150, selon Swete, etc. En tout cas, l'écrit
existait un certain temps avant la fin du IIe siècle, puis-
qu'il était connu de Sérapion et d'Origène.
5° Auteurs à consulter. Outre ceux qui ont été indi-
qués plus haut, voir H. von Schubert, Die Composition
des pseudopetrin. Evangelien fragmentes, Berlin, 1893-
D. Vôlter, Petrusevangelium oder Aegypterevange-
liumf Tubingue, 1893; A. Sabatier, L'Évangile de
saint Pierre et les Evangiles canoniques, Paris, 1893;
Salmon, Introduction lo the Study of the Books of
the New Testam., S' édit., 1897, p. 581-591 ; O. Bar-
denhewer, Geschichte der altchristlichen Litteratur,
t. I, Fribourg-en Brisgau, 1892, p. 392-397; L. Hennecke,
Neutestam. Apokryphen, in deutscher Ûbersetzung
iniil mit Erlàuterungen, Tubingue, 1904, p. 27-32; et
aussi les articles suivants, insérés en diverses revues :
Funk, Fragmente des Evangeliums und der Apoka-
lypse des Petrus, dans la Theolog. Quartalschrift,
t. lxxv (1893), p. 255-288 ; H. von Soden, Das Petrus-
evangelium und die kanonischen Evangelien, dans la
Zeilschrift fïir Théologie u. Kirche, t. m, 1893, p. 52-
92; A. Hilgenfeld, Das Petrusevangelium iiber Leiden
und Aufcrslehung Jesti, dans la Zeilschrift fur wis-
senschalfl. Théologie, année 1893, t. i, p. 439-454; J.-B.
Semeria, L'Evangile île Pierre, dans la Revue biblique,
t. m (1894), p. 522-560; A.-C. McGiffert, The Gospel
of Peter, dans les Papers of the American Society of
Church Hislory, t. vi, 1894, p. 99-130; E. Koch, Das
Petrusevangelium und unsere kanonischen Evange-
lien, dans la Kircldiche Monatsschrift, t. xv (1896),
p. 311-338; V. II. Stanton, The Gospel of Peter, ils
early history and character considered in relation lo
the history of the récognition in the Church of the
canonical Gospels, dans le Journal of Theological Stu-
dies, t. u, 1901, p. 1-25.
b) La. Prédication de Pierre (xvipuY|*a Ilé-rpou), qu'il
ne faut pas probablement confondre avec la « Doctrine
de Pierre » (ôtSauxaXa Ilérpou), mentionnée par des
écrivains moins anciens, a exercé une influence assez
grande dans l'antiquité chrétienne. 1» Elle semble avoir
été connue dès la fin du second siècle par Apollo-
nius 'd'Asie Mineure (cf. Eusèbe, //. E., v, 18, t. xx,
col. 480), par le gnostique Héracléon, par l'auteur de
l'Epitre à Diognète, les apologistes saint Justin et Aris-
tide. Voir Robinson. Tecls and Studies, t. i, Ie partie,
p. 86-90. Clément d'Alexandrie s'en est servi certaine-
ment, et c'est à lui que nous sommes redevables de plu-
sieurs des fragments qui sont parvenus jusqu'à nous.
Voir Strom., i, 29; II, 15; vi, 5, etc., t. vin, col. 929,
1008; t. ix, col. 264. Elle remonte donc évidemment
plus haut que tous ces écrivains : aux années 110-
130 d'après Harnack, Chronologie, t. i, p. 472-474;
aux années 90-100 d'après Th. Zahn, Gesch. des neu-
testam Kanons, t. u, IIe partie, p. 820-832; vers
l'an 110 d'après le D1 von Dobschùtz, Texte und Unter-
suchungen zur Geschichte der altchristl. Litteratur,
xi, 1. Ce dernier auteur et M. Harnack regardent
l'Egypte comme le pays d'origine de ce document, sur-
415 PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT) — PIERRE LOMBARD 41G
tout à cause des allusions qu'on y trouve au culte des
animaux par les Égyptiens. C'est très probablement le
v./^yvy.a qui est cité par Origène, De princ. (Prol.), i>
8. t. XI, col. 119, sous le titre de Pétri doctrina.
2° Les fragments que nous en possédons ont été réu-
nis par A. Hilgenfeld, Nov. Text. extra canonem recep-
tuiti, 2e édit., 188i, fasc. iv, p. 51-65, par von Dobschûtz,
Das Kerygma Pétri kritisch untersucht, 1893, dans les
Texte und Unlersuch., XI, 1. et Preuschen, Antilego-
mena, die Reste der ausserkanon. Evangelien und
urchristl. Uberlieferungen, Giessen, 1901, p. 53-54, 143-
145. Voir aussi E. Hennecke, Neutestamenllichen Apo-
crqphen in deutscher Uberselzung,... mit Einleitungen,
Tubingue, 1904, p. 1G8-171. L'écrit, autant qu'on peut en
juger par ces fragments, se composait de discours pro-
noncés par un personnage qui parle toujours à la pre-
mière personne du pluriel, au nom des douze apôtres.
Clément d'Alexandrie dans Origène, In Evang. Joa.,
tom. xnt, 17, t. xiv, col. 424, suppose que ce personnage
n'est autre que saint Pierre; bien plus, que le livre lui-
même l'identifiait avec Pierre. Strotn., VI, 7 : 6 IléTpoi;
ypiçEt, t. ix, col. 280. Origène, (. c, doute à bon
droit de l'authenticité, el Eusèbe, H. E., in, 3. t. xx,
col. 217, range explicitement l'écrit parmi les apo-
cryphes.
3» Quant au sujet traité, c'est le pur monothéisme
que doivent pratiquer les chrétiens, par opposition aux
erreurs du judaïsme et du polythéisme. Les fidèles sont
précisément nommés un tpcrôv yév'oç entre les Juifs et
les païens. Le livre renferme aussi des ordres de Notre-
Seigneur en vue de la prédication de l'Évangile chez
les païens. En somme, l'écrit renferme une sorte d'apo-
logie du christianisme, ou un programme pour les
missionnaires chrétiens.
L. Fillion.
5. PIERRE dans les noms de lieux. Le mot pierre.
'ébén, ou rocher entre dans un certain nombre de
noms géographiques :
1" Pierre, ville principale d'Idumée, connue sous son
nom latin de Pétra. Voir Pétra, col. 166.
2" Pierre de Boen. .los.. xv, 6; xviii, 17. Voir A.BEN-
Bohen, t. I, col. 34.
3" Pierre de division (Vulgate : Pelra dividens).
I Reg., xxill, 28. Rocher du déserl de Maon où se retira
David pendant la persécution de Saûl. Son ennemi ne
put l'y poursuivre, ayant été obligé de marcher contre
les Philistins. En souvenir de cet événement, le rocher
fut appelé Séla' ham mahleqôt, « Rocher de la déli-
vrance. » Il n'est pas identifié. Voir Hachila, t. ni, 2°,
col. 391.
4" Pierre du désert (Vulgate : l'clra deserti). ls., xvi,
1. C'est la ville de Pétra, col. 166.
5» Pierre d'Étam (Vulgate : Pelra Elam). Jud., xv.
8. Voir Étam 3, t. il, col. 1996.
6° Pierre d'Ézel (Vulgate : Lapis cui notnen est
Ezel). Rocher auprès duquel David devait attendreson
ami Jonathas au commencement de la persécution de
Saûl. I Reg., xx. !'.). Voir Ézel, t. ri, col. 1062.
7 Pierre d'Horeb (Vulgate : l'clra Horeb), rocher
d'où Moïse lit jaillir miraculeusement de Iran.
Exod., xvn, 6. Voir M \ss.\n. t. iv, col. 853-854.
8" Pierre d'Oreb (Vulgate : Petra Oreb). Jud., vu,
25. Voir Oreb 2, t. iv, col. 1857.
9» Pierre du secours (Vulgate Lapis adjutorii).
I lteg., iv, 1 ; v, L ; vu, 12. Voir Èben-Ézer, t. H, col. 1526.
10 Pierre de Zohéleth (Vulgate : Lapis Zohelelh),
111 Reg., I. 9. Voir /.mil i I.T1I.
G. PIERRE ANGULAIRE. Voir ANGULAIRE (PIERRE),
t. I, col. 601.
7. pierre de jacob. Gen., XXVIII, 18, 22j XXXI, 15.
Voir Bétvle, t. i, col. 1766.
8. PIERRE COMESTOR, théologien catholique fran-
çais du xnc siècle, né à Troyes, mort à Paris, le 21 oc-
tobre 1179 (d'après certains auteurs, en 1198i. Il fut
surnommé Comestor ou le Mangeur, à cause, croit-on,
de la grande quantité de livres qu'il dévora. D'abord
chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes (1147), il
devint, en 1464. chancelier de l'Église de Paris et \ occupa
jusqu'en 1169 la chaire de théologie. Il se démit de ses
dignités dans les dernières années de sa vie et se retira
à l'abbaye de Saint-Victor de Paris où il mourut. Il
laissa des sermons qui furent publiés d'abord sous le
nom de Pierre de Blois, Pair, lat., t. cxcviu,
col. 1721-lSii. mais il fut surtout célèbre à cause de sa
Schola&tica Hisloria super Novum Testameutum, cum
additionibus atque inciilenliis, qui fut considérée pen-
dant plus de trois siècles comme l'ouvrage de ce genre le
plus parfait. Son Histoire s'étend depuis le commence-
ment du monde jusqu'au martyre de saint Pierre et de
saint I'aul à Rome. L'auteur résume ou bien développe
et explique les livres historiques de l'Ancien et du .Nou-
veau Testament, dont il cite souvent les propres ex-
pressions. Son commentaire ou sa paraphrase est tantôt
littérale et tantôt allégorique, entremêlée de considé-
rations théologiques et philosophiques et de citations
d'auteurs profanes. Le livre de Pierre Comestor eut
dans les écoles un succès semblable à celui du Maître
des Sentences, et c'est son autorité qui parait être ordi-
nairement alléguée par les auteurs du moyen âge quand
ils emploient la formule : dicit magister in historiis.
C'est a cause de l'usage qu'on en lit dans les écoles
qu'elle reçut le nom de Historia scholastica. » Il n'y
avait en ce temps-là. dit Richard Simon, Histoire cri-
tique du Nouveau Testament, t, II, p, 320, de plus
grand et de plus estimé pour l'Ecriture Sainte que le
Pierre Comestor... On ne lisait la Bible que de la
manière qu'elle était dans ce compilateur, et avec ses
gloses. Cet usage a duré longtemps en France, g
V Hisloria scholastica fut imprimée, in-f", Reutling,
1471; Utrecht, 1473; Augsbourg. 1473; Strasbi
1483 et 1502; Bâle, i486; in-4°, Paris, 1513; in-f,
Haguenau, 1519; in-4", Lyon, 1526; in-8», Lyon, 1543;
Venise, 1728; in-i , .Madrid, 1699. Cette dernière édi-
tion a été reproduite par Migne, dans la Patrologie
latine, t. cxcvm, col. 1053-1722. La Bible historiale,
de Guyart-Desmoulins (voir t. m, col. 369), esl une tra-
duction libre de V Historia scholastica. Voir aussi t. il,
col. 2:455. — Voir les notices d'Oudin, de Fabricius,
etc., dans Pat): lat., t. cxcvm, col. 1045-1054; dom
Ceillier, Histoire générale des auteurs sacres, Paris,
1868, t. xiv, p. 744; Ilrial, dans Histoire littéraire de
ia France, t. xiv, Paris, 1817, p. 12; V. Chevalier, Ré-
pertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-
bibliographie, el Supplément, col. 1813, 277s.
!). PIERRE LOMBARD, surnommé le Maître des
Sentences, né probablement à l.umellogno, petite ville
de Lombardie, Mrs la lin du m siècle, morl à Paris,
le 20 juillet 1164. Après avoir étudié la théologie à
Pologne, .i lîeiins et ;ï Paris, ou il fui auditeur d'Abé-
lard, il devint lui-même professeur île théologie dans
celte dernière ville et fut élu en 1159 évêque de Paris;
il renonça à cette dignité' des l'année suivante el
Maurice de Sully lui succéda en 1160. Il s'est rendu
surioul célèbre par --es Sentenliaruni libri quatuor,
qu'il rédige;, entre 1145-1150 (Denille, dans II
fur Lileratur und Kirchengeschichle, 1. 1, 1885, p. 611);
mais on a aussi de lui des commentaires de l'Écriture
qui montrent avec quel soin il avail étudié les Livres
Saints : Commentarius in Psalnws davidicos, l'air, lat.,
i. i m i. col. 55-1296; Collectanea in omnes L>. Pa
Epistolas, col. 1297-1696; t. CXCII, col. 9-520. Le Com-
mentaire sur les Psaumes emploie ei développe la
I, lassa ordinaria (t. III, col. 246); il reçut le nom dl
417
PIERRE LoMP.ARD
PIERRE
418
Magna tilossalura. Le Commentaire sur saint Paul
est tiré principalement des Pères. « Cet ouvrage, dit
dom Rivet, dans l'Histoire littéraire de lo France,
est clair, méthodique, et renferme, outre les pensées
des Pères, de fort bonnes vues propres à l'auteur. »
La Glossa in Jobum et la Concordia evangelica,
qu'on a attribuées à Pierre Lombard ne sont pas pro-
bablement authentiques. — Voir Histoire littéraire de
[a France, t. xn, 1763. p. 585-609; A. Stôchl, Geschichte
der Philosophie des Mittelallers, Mayence, 1864, t. i.
■ 1 1 1 ; .J . Bach. Dogmengeschichte des Mittelal-
lers, Vienne. 1875, Th. n. p. 191-307. 727-739; F. Protois,
Pierre Lombard, son époque, sa rie, ses écrits, son
influence, Paris, 1881; U. Chevalier, Répertoire des
sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie,
2 édit., 1905-1907, p. 3722.
PIERRE (hébreu : ëbén, serôr, «le petit caillou »;
Septante ; Xt'6oç; Vulgate : lapis, petra, calculus,
. substance minérale qui compose la plus
grande partie des couches géologiques du sol. — Quand
la pierre forme de grandes niasses continues, enfouies
dans le sol ou en émergeant, on l'appelle rocher. Voir
Rocher. De ces masses, on extrait des matériaux de
divers volumes pour les constructions. Voir Carrii i;i .
t. n. col. 318. On réserve le nom de pierres aux parties
rocheuses qui sont meubles, par nature ou par suite
du travail de l'homme. Ces pierres peuvent être de
toutes tailles, depuis le grain de sable ou de gravier jus-
qu'aux blocs qu'on employait aux grandes construc-
tions. Voir t. n, col. 320; Maçon, t. îv, col. 513. Les
pierres de médiocre volume, amassées ensemble,
forment un monceau, margèmâh, acervus, Prov.,
xxvi, 8, à moins que le mot hébreu ne désigne la
fronde, comme le pensent les Septante. — Le sol de la
Palestine renferme des pierres de beaucoup d'espi c< s.
surtout des calcaires et des grès. Les roches éruptives
y fournissent aussi, en quelques endroits, le basalte, le
granit et le porphyre. Voir Palestine, t. iy, col. 2005.
Quand les pierres sont calcaires, il est relativemenl
facile de les tailler. Plus elles sont siliceuses, plus
elles sont dures. Les silex fournissent la pierre que
les chocs peuvent transformer en couteaux assez aigus
pour opérer la circoncision. Exod.. iv, 25; voir t. n,
col. 775.
1« Pierres à l'état naturel. — La pierre est lourde,
Prov.. xxvii, 3. et résistante, .lob, VI, 12. Le* eaux
creusent la pierre, grâce aux matières solides qu'elles
entraînent avec elles. Job, xiv, 19. Les racines des
plantes s'enfoncent entre les pierres. Job, vu, 17. Il
est dit des pierres du pays de Chanaan qu'elles sont
comme du fer. Deut., vm, 9; cf. 1s., lx. 17. Voir Fer,
t. Il, col. 2207. Les pierres d'une maison pouvaient
subir un effritement que l'on considérait comme une
sorte de lèpre. Lev., xiv,20. Voir Lèpre, t. îv, col. 186.
— Certaines pierres, plus remarquables par leur cou-
leur et leur éclat, étaient aptes à servir d'ornements.
Voir Pierres précieuses.
2° Pierres utilisées à l'état brut. — 1. Usages do-
mestiques. — On se sert d'une pierre comme de siège.
Lxod., xvii, 12. Pour dormir, on met une pierre sous
sa tête. Gen., xxvni, 11; Luc, ix, ôS. « Les Arabes du
commun n'ont pour tout meuble dans leurs maisons
que des nattes, sur lesquelles ils couchent, quelques
couvertures et rarement des coussins; ils se servent
d'une pierre pour chevet, qu'ils mettent par-dessus la
natte. •> De la Roque, Voyage dans la Palestine, Ams-
terdam, 1718, p. 176. Cette pierre n'était guère plus
que le chevet de bois dont se servaient les Egyp-
tiens. Voir t. îv, tig. 93, col. 826. On pesait à l'aide de
pierres. Prov., xvi, II. Voir Poids. On cachait son
argent sous une pierre. Eccli., xxix, 13. On faisait cer-
tains exercices physiques à l'aide de pierres. Eccli., VI,
UICT. DE LA BIBLE.
22; Zach., xn, 3. Voir Fabdeau, t. n, col. 2178. Un jet
de pierre constituait une sorte de mesure pour les
distances. Luc, xxn, il. — 2. Manipulation. — Il y
avait temps pour ramasser les pierres et temps pour
les disperser. Eccle.. m, 5. On enlevait les pierres des
ii-ii'-.'. pour qu'elles ne gênassent pas la culture, Is.,
v. 2; on les répandait au contraire sur un champ,
quand on voulait le rendre stérile, IV Reg., m, 19, 25.
On enlevait les pierres d'une route pour qu'elle devînt
plus praticable, .1er., i, 26; mais ce sens, adopté par la
Vulgate, est tout autre en hébreu. On pouvait être
blessé par une pierre quand elle retombait pendant
qu'on la roulait, Prov., xxvi, 27, quand on la détachait
à la carrière. Ecole., x, 9, ou quand elle redescendait
sur le tète de celui qui l'avait jetée. Eccli.. XXVII, 28.
— 3. Usages religieux. — L'autel devait être fait de
pierres non taillées. Exod., xx, 25. Étie bâtit ainsi un
autel avec douze pierres sur le Carmel. III Reg., xvm
31. Sa ii I lit rouler une grande pierre, afin qu'on égor-
geât sur elle les victimes destinées au sacrifice. I Reg.,
xiv, 33. Cf. Jud., î.x, 5, 18. La Loi ordonnait aux
Hébreux de dresser de grandes pierres dans le pays de
Chanaan, de les enduire de chaux, et d'y écrire les
commandements divins. L'ordre fut exécuté sur le
mont Hébal, et un aulel de pierres brutes y fut dressé, .
Deut., xxvii, 2-5. — 4. Monuments de souvenir. — Les
habitants de la Palestine antérieurs aux Hébreux
avaient, comme tous les anciens peuples, dressé ou
utilisé d'énormes pierres afin de perpétuer certains
souvenirs. La Palestine transjordane compte par cen-
taines les monuments mégalithiques, dolmens, voir 1. 1,
lig. 120, col. 491, menhirs et cromlechs, connus depuis
longtemps. Plus récemment, on en a découvert «n
certain nombre d'autres dans la Palestine occidentale,
tels un dolmen aux environs du Nébo, encore à l'est
du Jourdain, le double dolmen d'el-Hosn, au nord-
ouest de la Syrie, etc. Cf. H. Vincent, Mo-nun;ents en
pierres brutes dans la Palestine occidentale, dans la
Revue biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907,
p. 414-423. Jacob dresse ainsi une pierre comme mo-
nument de son entente avec Laban, et il l'ait amasser
des pierres en monceau en signe d'alliance. Gen.,
xxxi, 45-52. En mémoire du passage du Jourdain,
Josué ordonne de prendre douze pierres dans le lit dn
fleuve et ensuite de les dresser à Galgala. Jos., iv,
'A. 20-24. Pour marquer la tombe d'Absalom. dans la
forêt d'Éphraïm, on élève au-dessus d'elle un monceau
de pierres. II Reg., xvm, 17. Les pierres sont bien
indiquées pour servir ainsi de mémorial. Elles ont
pour elles la durée, et la disposition particulière qu'on
leur impose indique assez qu'on a eu une intention eu
les plaçant ainsi. A ce même litre, elles fournissent
aussi des bornes pour les champs. Voir Bornes, t. i,
col. 1S54. — 5. Hostilités. — Les pierres peuvent servir
d'armes offensives. On mettait à mort certains cou-
pables à l'aide de pierres. Exod., vm, 26. Voir Lapi-
dation, t. IV, col. 90. On jetait des pierres à quelqu'un
pour le blesser, II Reg.. xvi, 6, 13; Eccli., XXII, 25, ou
l'on saisissait la pierre en main pour le frapper,
Exod., xxi, 18, ou se frapper soi-même. Marc. v. 5. On
donnait plus de portée à la pierre en la projetant au
moyen d'une fronde. Jud.. xx, 16, etc. Voir Fbonde,
t. il, col. 2408. l'ans la suite, on eut des machines
pour lancer de grosses pierres contre les ennemis.
I Mach., n. 36; vi. 51. Voir Baliste, t. i. col. lîli;
Catapulte, i. ii. col. 346. Les pierres contribuaient à
l'attaque on à la défense en obstruant des portes. Jos.,
x, 18; I Mach.. v. 47. La pierre devenait dangereuse
par elle-même quand elle était placée sur le chemin
pour faire tomber le passant. Ps. xci (xc), 12; Eccli.,
xxvii. 29; xxxii. 25; ls., vm, 14; Matin., iv, G; Luc,
iv, 11. — Sur li pierre de scandale, Rom., ix, 23;
I Pet., il, 8, voir Scandale. — 6. Autres usages. — Les
V. - 14
419
PIERRE — PIERRE PRECIEUSE
4120
pierre; servaient à fermer des puits ou des excava-
tions diverses. Gen.. xxix, 2. 3, 8, 10; Dan., vi, 17.
Jetée dans l'eau, la pierre va au fond, à cause de son
poids, et entraine avec elle ceux qui y sont attachés.
Exod., xv, 5; .1er., Ll, 63; II Esd., ix. 11; Apocxvm,
21. Voir Meule, t. iv. col. 1054. — La pierre à feu est
mentionnée II Mach., x. 3. — Certaines pierres re-
marquables, soi! par leur grandeur naturelle, soit par
le souvenir qu'on y attachait, ont donné leur nom à
plusieurs localités. Voir Pierre 5, col. 415 : Ében,
Êben-Ézer, t. ii. col. 1525, 1526.
3» Pierres travaillées. — Dans les plus anciens
temps, les habitants de la Palestine ont commencé à
tailler la pierre. Des dolmens subissent déjà un travail
reconnaissable, comme celui de Tell el-Mataba, qui est
régulièrement troué. On taille ensuite des pierres pour
les consacrer à des usages religieux, voir Betyi.e, t. i,
col. 1765, funéraires ou profanes. Voir Stèle. AuSinaî,
la Loi est donnée sur des tables de pierre, Exod., xxiv,
12, que Moïse brise, Exod.. xxxn. 19, et remplace en-
suite. Exod., xxxiv, 1; II Cor., m, 7. Souvent, le nom
de « pierre o sert à désigner 1rs idoles, à c;iusr de la
matière dont elles sont faites. Deut., IV, 28; xxvm, 36;
S;i|i., xm, 10; Jer., Il, 27 ; Act., XVII. 29, etc. On fabrique
en pierre divers objets i liles, meules, voir Meule,
t. iv, col. 1052, portes, voir Porte, surtout pour les
tombeaux, Matth., xxvii, 66: Marc, xv, 16; .loa.. XI, 38,
voir t. ii, col. 1178, pressoirs, voir Pressoir, etc. On
utilise la pierre à la construction des murs, des maisons,
des palais, du Temple, ainsi qu'au dallage de certains
espaces. Voir Pavé, t. IV, col. 2237. Les Gibliens étaient
renommés pour leur habileté à mettre la pierre en
œuvre, voir Ci ru,, I. m. col. 139, et on les employa
pour les grandes constructions salomoniennes. On tail-
lait la pierre, IV Reg., xil, 12; Ain., v, 11; I Mach.,
XI, 10; on la polissait, quand il était besoin, I Mach.,
xui. 27 ; on l'appareillait pour que toutes ses faces fussent
à angle droit les unes des autres. 111 Reg., v. 17 ; 1s.. ix.
10; Lam., m, 9; Ezech., XL, 12; Am., v. 11. On pla< ail
d'énormes pierres pour servir de fondements à l'édi-
fi v III Reg., v, 17; .1er., xliii, 9, 10, ou de pierres
angulaires à l'intersection des murs. Voir ANGULAIRE
(Pierre), 1. 1, col. 601. Les belles pierres de leur Temple
ont toujours émerveillé les Hébreux, qui prenaient
grand soin de les réparer à l'occasion. 111 Reg., VI, 7-
vii, 12; IV Reg., xn, 12; xxn, 6. Ils aimaient les pierres
de leur Temple. Ps. en ici), 15. Les Apôtres se firent
un jour l'écho de celte admiration et de cet amour,
auprès de Noire-Seigneur. Marc, xm, 1; Luc, \xi. 5.
— Mais les plus solides amas de pierres n'étaient pas
à l'abri de la destruction. Lue ville pouvait être si bien
ruinée qu'il n'en restât pas un caillou, c'est-à-diiv pa!
la plus petite pierre informe. Il Reg.. XVII, 12. Des
monceaux de pierres représentent seuls les cités rui-
nées. Is.. xvii. I ; .loi'.. \x\i, 18 : Mich., i, 6; m, 12. Du
Temple d'Hérode, qui semblait si solidement a^sis sur
ses fondations, le Sauveur prédit qu'il ne resterait pas
pierre sur pierre. Matlh., xxiv, 2. — La pierre, soit
isolée, soii enclavée dans des constructions, pouvait
reee\oir des inscriptions, voir Si I il . ou une décoration
sculpturale. Voir SCULPTURE.
v Autres mentions de la pierre. — [.Comparai-
sons. — L'eau gelée devienl comme de la pierre, Job,
xxxviii, 30. Être comme une pierre signifie qu'on est
sous le coup de la stupéfaction. 1 Reg., xxv, .'(7. t'n
cœur de pierre est un cour dur, insensible et inintelli-
gent. Ezech., xi, 19; xxxvi. 26. Certaines pierres ont
quelque ressemblance avec le pain; le démon en prend
occasion de proposer à Xotre-Seigneur le changement
des pierres en pain. Matth., tv, 3; Luc. i\, 3, et le
Sauveur lui-même, faisant allusion à la même ressem-
blance, dit qu'un pore ne donnerait pas une pierre à
son enfant qui réclame du pain. Matth., vu, 9; Luc,
xi, 11. Dans les déserts rocheux, les pierres plus ou
moins hautes se dressent à perte de vue et ont l'air
d'êtres immobiles : Dieu, par sa puissance, pourrait
changer ces pierres en fils d'Abraham. Matth., m. 19:
Luc, m, 8. Le paresseux est comparé à une pierre
souillée d'ordure et qu'an ne peut toucher. Eccli., xxn.
1. Voir t. ii, col. 2136. Rien de plus commun que les
pierres; l'argent était aussi commun à Jérusalem sous
Saloinon. III Reg.. x. 27. — 2. Métaphores. — Avoir
une alliance avec les pierres des champs, c'est vivre en
paix sur le sol où l'on a sa tente. Job, v, 23. Quand on
bâtit sa maison avec des gains iniques, la pierre cric
delà muraille, c'est-à-dire les êtres inanimés protestent
eux-mêmes contre l'injustice. Hab., Il, 11. A défaut
des enfants acclamant le Sauveur, les pierres elles-
mêmes auraient crié pour saluer en lui le Messie. Luc.
xi\. 40. — 3. Symboles. — Dans un songe, Nabucho-
donosor vit une haute statue qu'une pierre vint briser
et dont elle ne laissa pas trace: la pierre devint ensuite
une grande montagne. Cette pierre représentait le
Messie et son royaume, devant lequel devaient dispa-
raître toutes les autres puissances de la terre. H. m..
il. 34-45. — Le Sauveur traite saint Pierre comme la
pierre sur laquelle il doit asseoir inébranlablemenl
l'édifice de son Église. Matth., xtv. 18. Les fidèles sont
eux aussi des pierres vivantes et spirituelles appelées i
entrer dans la construction. Eph., Il, 20-22; I Pet., il.
4-8. — Au vainqueur, Dieu donnera une pierre blanchi
portant un nom écrit, que connait seul celui qui la
reçoit. Apoc, H, 17. Le caillou blanc marquait, chez les
anciens, les jours heureux et les votes favorables,
Cf. Martial, ix, 53; l'erse, ll, I: Ovide, Metam., XV,
H. Pour saint Jean, il désigne le sort heureux attribué
dans le ciel à celui qui a bien combattu sur la lei
II. I.l S|.| |;|
PIERRE PRÉCIEUSE, pierre remarquable par sa
couleur, -on éclat on sa rareté. Les pion-os précieuses
étaient recherchées des i irientaux qui les faisaienl entrer
dans la composition de leurs bijoux, anneaux, brao I. Is,
colliers, pendants d'oreille, dans l'ornementation des
vêtements, couronnes de roi-, voiles, etc. II Reg., XII,
30; I Par., x\. 2; Judith, x. 19. xv, 11: Cuit., x. Il, rie.
Voir Bi.ioi x. t. i. col. 1794.
I. .Nom oi m ral. — Un les appelle habituellement on
hébreu ébén yeqàrâh, ■ pierre Je pris >> {cf. l'assyrien
ubnu aqartu, pierres précieuses, l'rd. Delitzsch, Assy-
risches H-andwôrterbuch, in-8», Leipzig, 1896, p. s
II Reg., XII, 30; III Ile-.. \. 2:1 Par., \\'. 2; Il ParT, is.
1, 9, Î0;xxxn.27; Ezech., xxvn, 22: xxvm. 13; Dan., XI,
38. Quelquefois 'ébén yeqàrâh esl employé non pour des
pierres précieuses proprement dites, mais pour des pier-
res de construction, coin me le marbre, etc. L'expression
ébén yeqàrâh, pierre précieuse, esl parfois remplacée
par une locution équivalente, comme ébén hëféf, Is.,I.IV,
12. mot à mot o pierre de désir », pierre qui excite le do-
sir, la convoitise 'par sa beauté; ou comme 'ëbnê hên,
Prov. xvn, 8, « pierres de grâce, de beauté, » c esl à-
diro belles pierres. On rencontre aussi le mol Y/en
accompagné du nom d'une espèce particulière do pierres
précieuses, par exemple ébén ïôham, pierre de Sohani,
ou on\x . ébén sappir, pierre do saphir, 'ébén éqdah,
pierre d'éclat, Is., i.iv, 12, escarboucle ou rubis. Le
mot ébén 0 pierre I sans addition ne se trouve dans
I.' sens de pierre précieuse, que lorsque le conb tte,
comme une énumération de pierres précieuses, \iciil
préciser la signification et ('■carter toute amphibologie
Les Septante traduisent ces diverses expressions pat
'/■Mo; T!|uo; ou XÏGo; XP1î<rroî' ''■'>"• èx).exToç, Xî8o; JtoAu-
-Or,;: el la Vulgate par lapis pretiosus on gemma.
II. Provenance. — L'Egypte, l'Arabie, l'Inde fourni-
rent aux Hébreux les 17 ou 18 pierres précieuses n en-
tionnées dans les textes bibliques. Elles leur arrivaient
par les caravanes de marchands qui de l'Inde ou de
421
PIERRE PRÉCIEUSE
l'Arabie venaient en Phénicie apporter leurs richesses,
ou par leurs relations avec l'Egypte et la Phénicie.
A certaines époques même ils aîièrenl eux-mêmes en
chercher jusque dans l'Inde. » On ne saurait parcourir
une galerie égyptienne sans être surpris du nombre
prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont
parvenues jusqu'à nous. On n'y voit pas encore le
diamant, le rubis ni le saphir; mais à cela près, le
domaine du lapidaire était aussi étendu qu'il l'est aujour-
d'hui et comprenait l'améthyste, l'émeraude, le grenat,
l'aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les" mille
variétés de l'agate et du jaspe, le lapis-lazufi, le felds-
path, l'obsidienne... Le plus grand nombre de ces sub-
stances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales,
allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et
disposées sur plusieurs rangs, on -en fabriquait des
colliers, et c'est par myriades qu'on les ramasse dans le
sable des nécropoles... La perfection avec laquelle beau-
coup d'entre elles sont calibrées, la nettelé de la perce,
la beauté du poli font honneur aux ouvriers, a G. Mas-
pero, L'archéologie égyptienne,m-8», Paris, -1887, p. 234.
< tes pierres précieuses, les Égyptiens les trouvaient ou
chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de
Pount, dans la presqu'île du Sinaï et en Arabie Les
documents de la XVIII' dynastie les signalent parmi les
présents que les rois de Babylone, les princes de Mitani
ou des Heihéens envoyaient au Pharaon. G. Maspero
Hisl. ancienne des peuples de l'Orient classique in-8»'
Pans. 1897, t. il, p. 284. L'Egypte pouvait donc fournir
aux Hébreux, des le temps de l'Exode, toutes les pierres
nécessaires à la confection du pectoral du grand-prêtre
Plus tard, fixés en Palestine, ils voyaient passer par
leur pays les marchands qui, de Babylonieou de Perse
allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation
avec les marchands de Saba et de fiééma qui appor-
taient à Tyr toutes espèces de pierres précieuses,
Ezech., xxvil, 22. Sur les marchés de cette grande ville
commerçante, il leur était facile d'acquérir les pierres
précieuses apportées par les Syriens. Ezech., xxvil, 16.
Nous voyons aussi à l'époque de Salomon la reine de
Saba apporter au monarque une grande quantité de
pierres précieuses. III Reg., x, 2, 10. Salomon lui-même
équipait des Hottes pour le pays d'Ophir. quiavecd'au-
Ires produits de l'Inde revenaient chargées de pierres
précieuses. III Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sait
combien les anciens ont vanté la beauté et l'abondance
des pierres précieuses de ce dernier pays. S. Jérôme
Epist. cxxxv,3, t. xxii, col. 1073-1071; Lassen, lndische
AUerlhumskunde, in-8», 1866, 1. 1, p. 364 ; Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes. 6- édit., Paris, 1896,
t. m, p. 390. Il y avait en Israël des artisans habiles à'
travailler ces pierres, à les tailler, à les enchâsser, à les
graver. Ainsi Béséléel à l'époque de l'Exode était re-
nommé en cet art, Exod., xxxv, 33; et son travail était
reste célèbre. Eccli., xlv, 13.
IN. Détermination des espèces de pierres pré-
cieuses. —Pour classer et dénommer ces pierres pré-
cieuses, les Hébreux ne pouvaient, comme aujourd'hui,
s arrêter a l'analyse de leur composition chimique et à
leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les
anciens, on tenait compte de la couleur surtout des
autres qualités extérieures, de l'usage, etc., et ainsi sou-
vent on comprenait sous un même nom des pierres de
couleur identique ou approchante, mais de composition
très différente. De plus, avec le temps les dénominations
ont change; ainsi par exemple on admet généralement
que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre
»Pa; , et que le saphir n'était qu'un lapis-Iazuli, etc.
De la la difficulté de déterminer exactement l'espèce
de pierre comprise sous les noms qu'ils employaient. On
peut aboutir cependant à des déterminations certaines
ou du moins probables, en tenant compte des divers élé-
ments de solution suivants : l'étymologie des noms hé-
4-22
breux et la comparaison de ces noms avec les termes des
différentes langues sémitiques, ou avec la languedupavs
d origine de ces gemmes; les différentes versions an-
ciennes comme les Septante, l'Itala et la Vnlgate la ver-
sion syriaque et les Targums, et les interprétations de
•losephe ou des Rabbins; les qualités ou les usages que
les textes sacrés attribuent à ces pierres et leur groupe-
ment en séries disposées avec art, permettant de mieux
préciser les couleurs elles nuances; enfin les descrip-
tions des mêmes pierres dans les auteurs anciens, comme
Strabon, Diodore de Sicile, Théophraste, Pline l'ancien
et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s'occupent
davantage du sens mystique et des propriétés occultes
des pierres précieuses.
Ces ressources ont été utilisées dans les articles con-
sacres a chacune de ces pierres. Il reste ici à donner les
principaux groupements que l'on rencontre dans la
Sainte Ecriture, et dont l'observation peut être utile à
la détermination de chacune des pierres ainsi artiste-
ment rangées.
Trois groupements principaux méritent de fixer l'at-
tention : les pierres du rational, Exod., xxvm, 17-20, et
xxxix, 10-13; les pierreries du roi de Tyr, Ezeclî., xxvîii
13; et les pierres des fondements de la Jérusalem céleste!
Apoc, xxi, 18. Et il est à remarquer que les deux der-
niers groupements dépendent étroitement du premier.
1» Pierres du rational. - Les 12 pierres du pectoral
ou rational sont disposées 3 par 3 sur 4 rangées, et
placées selon le texte massorétique de la façon sui-
vante. Les rangées commencent de haut en bas, et les
pierres dans chaque rangée vont suivant la coutume
hébraïque de droite à gauche. Nous les disposons dans
le même ordre pour la comparaison qui sera faite plus
bas avec le texte de l'Apocalypse.
l'-Tang : 3. Bâréqét 2. Pitdâh 1. 'Ôdëm
2« rang : 6. Yahâlôm 5. Sappir 4. Nofék
3e rang : 9. 'Ahlâmâh h. Sebo 7. LéSén,
i' rang : 12. YaSféh 11. Sôham 10. Tarsis
Les Septante dans Exod., xxvm, 17-20 et xxxix, 10-13
les traduisent et les rangent ainsi :
3. (rfiipaySos 2. touxÇiov 1. rràpctcri
(12)6. ïauTti; 5. a-âucpsipo; 4. ïvBpaÇ
9. à(ié?y<rros 8. i/,y.ir,; 7. z.iyuoiov
(11)12. ôvOy.iov (6)11. ^pûXXiov 10. Zjju<t(5Xi6oç
On peut remarquer que dans le manuscrit hébreu
qu'ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le
jaspe à la 12= place, mais à la sixième, t. m, col. 1143.
Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transcrit
l'un pour l'autre deux noms qui ont une certaine res-
semblance dans le texte hébreu nsro» et abnt, les deux
mots commençant par un >, yod, et l'ensemble des
lettres ayant, surtout dans l'ancienne écriture, grande
analogie, *™\(,S%, yahâlom, et ^?V\,, yaifeh.
De même les copistes des Septante ont dû intervenir
l'ordre des deux dernières pierres, le Sôham à la
11e place de l'hébreu étant l'onyx, qui se trouve dans
la leçon actuelle des Septante rejeté en 12» lieu, t. iv,
col. 1824. Nous avons indiqué la correspondance avec
le texte hébreu massorétique par des chiffres entre
parenthèses. La Vulgate suit la traduction des Seplante,
et, comme elle, place le jaspe eu 6e lieu au lieu du 12».
Mais cette version latine n'intervertit pas la 11« et la
12" pierre.
3. Sniaragdui 2. Topazius 1. Sardius
(12)6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbtinculus
9. Ametliystus 8. Achates 7. Ligurius
(6)12. Beryllus [11. Onychinus 10. Chrysçlithus
Nous trouvons dans Josèphe en deux passages de
ses ouvrages, Bell, jud., V, v, 7, et Ant. jud., III,Jvii,
423
PIERRE PRECIEUSE
424
."), rémunération des pierres du ralional. On voit qu'il
suit les Septante : il conserve les mots employés pal-
cette version pour rendre les termes hébreux, et l'ordre
îles rangées; mais il intervertit plusieurs fois la place
des pierres dans les rangées, sans doute parce qu'il
cite de mémoire. Et dans les deux passages indiqués,
sur ce dernier point, il ne s'arrête pas à la même dis-
position. Nous mettrons entre parenthèses le numéro
de la place des mêmes pierres dans le texte hébreu ac-
tuel.
Dans Bell, jud., V, v, 7.
3. TU-ipaySor 2. •zàr.-j.l/i; 1. o-âpoiov
(5) 6. OTX7t:peipo? (12) 5. ïacntlç 4. avûpa5,
(7)9. Xryûpiov (9)8. àuéÇéjffio; (8)7. à/iTï]ç
(10)12. zpuai/.tôo; (6)11. 8,r,puXXoç (11)10. 6vu?
dans la traduction grecque de la description du ra-
tional.
Dans Ant. jud., III. VII, .">.
3. ap.apayôo;
(5)6. ijiiiyEtpGi
(8) 9. i/âTV]Ç
6 (12). pT,pj>.>.o;
t2. TOTTOCÇOÇ
(12)5. ■X';-:;
(9) 8. Ôche'O-jst;
11. Hr'j'i
1. <rap5(5vu5
4. avôpal;
7. Xt'yupo;
10. }^pua<iXt6a«
2° Pierres précieuses du roi de Tyr dans Ézéchiel,
xxvin, 13.
1. 'Ôdém, 2. Pilddh, 3. Yahàlùm, 4. TarHS, 5. So-
Aa«î, 6. yâsfêh, 7. sappir, 8. nôfék, 9. bâréqèf. Cette
énumération de 9 pierres se termine par vezâhâb, « et
de l'or. »
Les Septante ou bien lisaient un texte plus complet
et différent en plusieurs points; ou bien plus proba-
blement, leurs copistes ont ajouté trois pierres et
modifié l'ordre afin de se rapprocher de rémunération
du rational. On lit en effet :
i. aipoioç, 2. T07iàÇioi;, 3. <i;j.ip«Y5o;, 4. avOpct;,
5. TOTlÇElpOÇ, 6. ÏXITUÇ.
Après ces six premières pierres le texte ajoute ici
ipyvpioc -/.ai -/pusioç, « l'argent et l'or, » et il reprend :
;7. Xtfûptoç, 8. à/car,;, 9. àu.£6uo~-ro:, 10. xpucdXcOoç,
lï. f3r,p'jXXto;, 12- ov'jy.o,-.
C'est, on le voit, absolument la disposition des
Septante pour les 12 pierres du ralional, tandis que
dans le texte hébreu d'Ézéchiel il n'y a que 9 pierres
et elles sont disposées dans un ordre différent des
pierres du rational, soit selon l'hébreu, soit selon la
version grecque. Les pierres du texte hébreu d'Ézé-
chiel répondent, dans tla traduction des Septante de
la description du rational, aux numéros 1, 2,11,10,
12, 6, 5, i, 3. Sainl Jérôme sur ce passage d'Ézéchiel
avait remarqué la différence de l'hébreu et des Sep-
tante, et il ajoutait qu'Aquila, Symmaque et Théodotion
en cet endroit différaient totalement entre eux, et
avec les Septante, pour l'ordre, le nombre et même
les noms. La Vulgate comme l'hébreu n'é nère que
9 pierres et suit le même ordre, sauf qu'il > a interver-
sion entre le jaspe et le berjl. Le syriaque et le chal-
déen n'ont que huit pierres.
3° Les pierres de la Jérusalem céleste. — Nous trou-
vons déjà dans ïobie, xui, 10-17 (texte grec), un essai
de description de la Jérusalem céleste, où entrent les
pierres précieuses, mais moins développé que dans
l'Apocalypse. « Les murs de Jérusalem sont de saphir et
d'émeraude et de diverses pierres précieuses; les rues
sont pavées de heryl et d'escarbonrlr. d Dans l'Apoca-
lypse, xxi, 18-20, les pierres sont au nombre de 12 que
saint Jean ne range pas par séries, mais que nous
disposons en 4 rangées pour les comparer plus facile-
ment avec les pierres du rational. Nous faisons pré-
céder chaque pierre d'un chiffre indiquant le numéro
d'ordre dans le texte de l'Apocalypse. Le chiffre placé
entre parenthèses indique la place correspondante
(6) 1. ïit-i;
(3) 4. apÂpaySo;
(10)7. xP<xroXc9o;
(8) 10. -/pufroTTpaac;
(5) 2. ai-nçsipo; (4) 3. /aX/EÎwv
(12)5. a-xpôdyuÇ (1)6. ffàpôiov
(11)8. fiâpuXXo; (2)9. TOJtdcÇiov
(7)11. uiy.evôo; (9)12- à|i.éO'juTo;
On peut remarquer que des manuscrits portent
yap/^oiov au lieu de -/xXxeowv ou ^aXxyjStuv ; ce qui
donnerait, au lieu de la calcédoine, l'escarboucle et
répondrait alors exactement au nôfék du rational, traduit
SvSpaÇ par les Septante, t. il, col. 56. La chrysoprase
de saint Jean n'est peut-être pas la chrysoprase mo-
derne et ne serait qu'une des variétés de l'agate, le iebo
du rational. t. n. col. 7'i2. L'hyacinthe ne serait autre
chose que le ligure. léseni du rational, t. m, col. 789
et t. iv, col. 254.
A l'exception du <japB<SvuÇ et du towâÇtov, qui devraient
échanger leur place, les pierres de l'Apocalypse con-
servent la disposition générale des 4 rangées du ra-
tional, tout en variant l'ordre des rangées et la dispo-
sition des pierres dans chaque rangée. Ainsi les
'A premières pierres de saint Jean sont les pierres de
la i' rangée du ralional selon le texte lu par les Sep-
tante, mais énumérées à rebours. Avec la transposition,
indiquée tout à l'heure, la 2e et la 3e rangée de saint
Jean répondraient à la 1™ et à la 4e du rational. Les
trois dernières pierres de saint Jean sont les pierres de
la 3e rangée, dans un ordre ni semblable, ni inverse,
mais différent. En somme donc l'énumération de l'Apo-
calypse est visiblement inspirée du rational, sans en
être cependant la copie. Les 12 pierres du rational
représentaient pour les Hébreux tout ce qu'il y avait de
plus beau en pierreries. Aussi Ézéchiel s'en inspire
pour joindre la richesse du roi de Tyr. Et saint Jean
qui ne pouvait manquer de voir et d'indiquer le carac-
tère typique de la loi ancienne à l'égard delà nouvelle
et d'Israël avec le peuple chrétien, signale ainsi le
rapport entre les 12 patriarches et les 12 tribus avec
les 12 Apôtres et le peuple nouveau. Apoc, xxi, 12. 11.
Les noms des 12 enfants de Jacob étaient, comme on
sait, gravés par ordre sur chacune des 12 pierres. On
croit généralement que cet ordre est celui de la nais-
sance. 1. Ruben, 2. Siméon, 3. Lévi, 4. Juda. 5. Dan,
6. Nephlhali, 7. Cad, 8. Aser, 9. Issachar, 10. Zabulon,
11. Joseph, 12. Benjamin. — Joseph qui donna nais-
sance aux deux tribus d'Éphraim et de Manassé, occu-
perait la onzième place, où se trouve l'onyx ou sarde-
nyx aux deux couleurs.
Avec les divers moyens d'information indiqués plus
haut et la comparaison des pierres dans les différents
groupements qui tous dépendent du rational, on peut
établir le tableau suivant (tig. 83 A) :
S. Êmeraude 2. Topaze des anciens 1. Saule ou Cornaline
(Vert i>" • {Vert jaune) (/ion;)'-"""1 clair)
i Béryl ou 5. Saphir des anciens 4. Kscarboucle
aigue-marine L&piB-LazuU ou Grenat
(Vert bleuâtre) (Bleu ciel) igeliedevin)
9. Améthyste 8. Agate ou 7. Ligure ou hyacinthe
(Violet pur) Chrysoprase (.Rouge orangé
' rrisâtre clair) foncé)
[12. Jaspe. Il nnyx ou variété 10. Chrysolythe des
(Vert foncé) de Sardoine anciens (notre topaze)
(Blanc et rouge) (Jaune d
L'arrangement harmonieux des couleurs demande
que le béryl soit à la sixième place et non à la douzième.
Le jaspe fait moins bien, placé sous l'émeraude, qu'à la
douzième place. La disposition donnée dans le texte
hébreu est donc plus heureuse que celle des Septante.
IV. Liste alphabétique dis pierres précieuses m
LA Bible.'— En dehors des pierres du rational qui for-
ment comme l'écrin des plus belles pierres connues
des Hébreux, auxtemps anciens, il y a quelques géminés
DICT. DE LA BIBLE
LETOUZEY & ANE EDIT.
I. PIERRES DU RATIONAL
TOPAZE I
SARDE = CORXALINE
BERYL -AIGUE-MARINE
1. IPIS-LAZULI=SAPHIR
AMETHYSTE
.. , .. ,
LIGURE =HYACINTHE
jasi'E 0NYX=SARIX)1NE CHRYSOLITH1
II. AUTRES PIERRES PRÉCIEUSES DE LA BIBLE
^J
PERLE
DIAMANT -CORINDON LIMPIDE
anciens)
i HRYSOPRASE
TURi.H OIS1
PIERRES PRECIEUSES BIBLIQUES
Reproduction d'après nature, suivant la. indications J<- M. MELLERI(> dit MELLER.
425
PIERRE PRECIEUSE
426
mentionnées isolément,' comme le diamant et peut-être
le rubis, du moins les pierres entendues autrefois sous
ces noms. On peut ranger aussi parmi les pierres pré-
cieuses, bien que leur origine soit différente, le corail
et la perle (tig. 83 B).
Voici rémunération alphabétique des unes et des
autres :
1. Agate (sebô, Septante : àxà-r,;, Vulgate : achates),
la seconde pierre de la troisième série des pierres pré-
cieuses du rational, Exod., xxviii, 19; xxxix, 12; Voir
t. i, col. 264. C'est la chrysoprase de Saint Jean.
Apoc,xxi, 20, t. », col. 742. Omise dans le texte hébreu
d'Ezéchiel, xxvm, 13; mais mentionnée dans la traduc-
tion des Septante.
2. Améthyste (hébreu : 'ahldmâh, Septante : ànsSuc-
toç; Vulgate : amethystus), la 3me pierre du 3me rang
dans le rational, Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; et la
12° pierre fondamentale de la nouvelle Jérusalem.
Apoc, xxi, 20. Omise dans le texte hébreu, mais rétablie
par la version des Septante dans Ezech., xxvm, 13-
Voir t. i, col. 478.
3. Béryl (hébreu : yahâlôm; Septante : Bïip'j>Xo?;
Vulgate : beryllus), la 3e pierre du second rang dans le
rational d'après le texte hébreu, Exod., xxvm, 19;
xxxix, 12, la 2« du 4e rang d'après le texte reçu des
Septante; et la 3e du 4e rang dans la Vulgate. C'est la
3e pierre dans Ézéchiel, xxvm, 13. Elle figure dans le
texte grec de Tobie, xm, 17, mais manque dans la Vul-
gate. Dans l'Apocalypse, xxi, 20, c'est la 8e pierre fon-
damentale. Voir t. i,col. 1637.
4. Calcédoine (grec : xa)/e8<av et yx'i/rfi'jyi et d'après
quelques mss. xxpyr,8<ôv; Vulgate : chalcedoiiius). La
calcédoine est une variété d'agate; mais toute l'anti-
quité a souvent confondu le chalcedonius avec le char-
chedonias, l'escarboucle. Elle occupe la 3e place parmi
les pierres de la Jérusalem céleste, Apoc, xxi, 19, et
ne serait autre que le nôfék ou Mpai du rational.
Exod., xxvm, 17. Voir t. H, col. 55.
5. Chrysolythe (hébreu : tarsis' ; Septante: ypuaô-
XiOo;; Vulgate : chrysolythus), la dixième pierre du
rational, Exod., xxvm, 20; xxxix, 13; la 4e dans l'énu-
mération d'Ezéchiel. xxvm, 13; la 7e des pierres de la
Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 20. Dans Ezech., 16,
Cant., v, 4; Dan., x, 6, les traducteurs grecs gardent le
mot sans le traduire : Oxpaiç, Oapacc;. La chrysolithe
des anciens serait notre topaze actuelle. Voir t. il,
col. 740.
6. Chrysoprase (grec: yp-jdÔTtpaToç ; Vulgate : chry-
soprasus), la dixième pierre de la Jérusalem céleste.
Apoc, xxi, 20. Ce ne serait probablement pas la chry-
soprase moderne, mais une sorte 'd'agate et elle cor-
respondrait à la Se pierre du rational. Voir t. H, col. '*-■
7. Corail (hébreu : ra'mof; Septante : jiETswpa, pap.08;
Vulgate : excelsa, seHcum), matière calcaire sécrétée par
certains polypes, le corail rouge. tJob, xxvm, 18;
Prov., xxiv, 7; Ezech., xxvn, 16. Voir t. Il, col. 955.
8. Cornaline (hébreu : ôdem; Septante : odtpStov;
Vulgate : sardius), pierre qui varie' du rouge sang foncé
au rouge chair, nuancé de jaunâtre, était confondue
avec la sardoine. C'est la lrc pierre du rational;
Exod., xxvm, 17; xxxix, 10; la première des pierres du
roi de Tyr, Ezech., xxvm, 13; la sixième pierre de la
cité céleste, Apoc, xxi, 19. Voir. t. il, col. 1007.
9. Cristal (hébreu : gdbis. Job, xxxm, 18, et qérah,
Ezech., i, 22, mots qui ont d'abord le sens de glace,
mais qui s'entendent aussi du cristal de roche, comme
le mot grec xpôerraXXoç). Voir t. n, col. Il 19.
10. Diamant (hébreu : Sâtnîr ; Septante: àSoqjiavTÎvoç;
Vulgate : adamas, adamantmus). Ezech., m, 9;
Zach., vu, 12; Jér., xvn, 1. Ce ne serait pas le vrai
diamant que les anciens ne savaient pas tailler et
polir; mais le yaqout blanc des arabes, appelé au.:o::_,
la pierre asmir des Egyptiens, c'est-à-dire une pierre
dure et brillante, le corindon limpide. Voir t. Il,
col. 1403.
11. Émeraude (hébreu : bdréqét; Septante: o(jl«-
pocySoç; Vulgate : smaragdus), la 3e pierre du rational,
Exod., xxvm, 17 ; xxxix, 10, la 9"pierre d'Ezéchiel, xxvm,
13; la 4e pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19.
Elle figure parmi les pierres de la Jérusalem nouvelle de
Tobie., xm, 16 (Vulg. 21). Elle ornait le pavillon d'Holo-
pherne. Judith, x, 21 (Vulgate, 19). Le texte grec de l'Ec-
clésiastique, xxxn, 8, mentionne un cachet d'émeraude
enchâssé dans l'or; mais le texte hébreu récemment
découvert n'a pas le mot émeraude ni l'indication d'une
pierre particulière pour le cachet. Voir. t. n, col. 1729.
12. Escarboucle (hébreu : nôfék; Septante: ïv8p«Ç;
Vulgate : carbitnculus), la lre pierre du second rang
dans le rational; Exod., xxvm, 18; xxx, 11; la 8e pierre
du roi de Tyr, Ezech., xxvm, 13; une pierre qu'on
apportait à Tyr, Ezech., xxvu, 16 ; peut-être la
3e pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19.
L'Ecclésiastique, xxxn, 7. parle de joyau fait d'une
escarboucle enchâssée dans l'or; et dans le texte hébreu
retrouvé on constate en effet le mot nôfék (xxxil, 5).
Voir t. il, col. 1907.
13. Hyacinthe (Apocalypse : uixivôoç; Vulgate : Hya-
cinthus), la onzième pierre de la cité céleste. Apoc, xxi,
20. Elle parait n'être autre chose que le ligure, lésem,
la 7e pierre du rational. Voir t. m, col. 787.
14. Jaspe (hébreu : y ai f eh; ïxutxic,; Vulgate : jaspis),
la 12e pierre du rational selon le texte massorétique, la
6e selon la version grecque et la Vulgate, Exod., xxvm,
20; xxxix, 13; la 6e pierre d'Ezéchiel, xxvm, 13; la
l'« pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. Voir
t. m, col. 1142.
15. Ligure (hébreu : lésém ; Septante : Xi-pptov;
Vulgate : ligurius). la lre pierre du 3e rang dans le
rational. Exod., xxvm, 19; xxxix, 12. Ce serait la
pierre hyacinthe de l'Apocalypse, xxi, 20, d'après saint
Épiphane et de nombreux exégètes. Elle manque dans
l'énumération d'Ezéchiel, xxvm, 13, d'après le texte
hébreu, mais figure dans la traduction grecque. Voir
t. iv, col. 254.
16. Onyx (hébreu : sôiiam; Septante : ôvj/iov ;
Vulgate : onychinus) la 11e pierre du rational, Exod.,
xxvm, 20; xxxix, 13, mise au 12e rang par les Sep-
tante. C'est la 5e pierre de l'énumération d'Ezéchiel,
xxvm. 13, d'après l'hébreu, rejetée la 12» dans la tra-
duction grecque. C'est le sardonyx de l'Apoc, xxj, 19.
Voir t. iv, col. 1823.
17. Perle (grec : tiap-focpiTYi; Vulgate : margarita),
substance brillante qui se forme dans l'intérieur de
certaines coquilles marines. Voir t. v, col. 144. — Sur
les peninim que les uns regardent comme du corail,
d'autres comme des perles, voir l. il, col. 957.
18. Rubis. Quelques auteurs voient dans le kadkod
d'Is., liv, 12, et d'Ezéchiel, xxvu, 16, une pierre rouge
éclatante qu'ils identifient avec le rubis. Pour d'autres
c'est le 'éc/ddl}, pierre étincelante, Is., liv, 12, qui serait
le rubis. Voir Rubis.
19. Saphir (hébreu : sappir; Septante : (jdcjrysipov;
Vulgate : sapphlrus), la 5e pierre du rational, Exod.,
xxxm, 19; xxxix, 13; la 7« pierre d'Ezéchiel, xxvm,
14, selon l'hébreu; placée la 5e dans le grec. La 2e pierre
fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. On sait
que le saphir des anciens est plutôt le lapis-lazidi.
Quelques auteurs croient que la turquoise serait dési-
gnée par ce nom.
20. Sardoine (hébreu: 'ôdêm; Septante : râpSiov;
Vulgate : sardius), la première pierre du rational,
Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; la première des pierres
précieuses du roi de Tyr, Ézech., xxvm, 13; la sixième
pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19.
21. Topaze (hébreu : pitddli ; Septante : TOTtiÇcov,
Vulgate : topazius), la seconde pierre du rational, Exod.,
427
PIERRE PRÉCIEUSE — PIÉTON
428
xxyiii, 17; xxxix, 19; la seconde aussi de rémunération
d'Ézéchiel, xxvm, 13; la 9B pierre fondamentale de la
nouvelle Jérusalem. Apoc, xxi, 20. Ce n'est pas la
belle pierre jaune d'or que nous nommons aujour-
d'hui topaze et que les anciens appelaient chrysolithe.
C'est une pierre d'Ethiopie, lob. XXVIII, 19, qui pourrait
n'être qu'un péridot, ou une pierre vert olive, ou vert
jaune. Voir Topaze.
V. Comparaisons. — Les pierres précieuses en géné-
ral, ou telle pierre déterminée, servent de terme de
comparaison pour marquer une chose de grand prix.
Ainsi l'attente de celui qui espère est une pierre pré-
cieuse. Prov., xvii, 8. Les lèvres savantes ont plus de
valeur que les pierres précieuses. Prov., xxn. 5. La
sagesse est supérieure à la topaze d'Ethiopie. Job., xxvm,
19. — Dans Ps. cxix, 127, où le Psalrniste aime la loi de
Dieu plus que l'or fin. pàz, les Septante et la Yulgate
ont vu à tort une pierre précieuse, la topaze.
VI. Bibliographie. — Théophraste, De îapidibus;
Pline, H. N., xxxvn; S. Kpiphane, De duodecim gem-
mis it. xliii, col. 294-304,1 et son ancienne version
latine iloc. cit., col. 322-366 : S. Isidore, Etymo'og.,
xvi. 6- 15, De Iapidibus, t.Lxxxn, col. 570-580; J.Braunius,
Vestitui Sacerdotuni Itebrœorum, in-8», Leyde, 1680,
1. II. c. vm-xtx, p. 627-715; E. Fr. R. Rosenmûller,
llandbucli der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leip-
zig, l. iv, \" partie; G. B. YViner, Biblisches Realwôr-
, in-s . Leipzig, 1817, t. i, p. 281-284, Edelsteine;
Ch. William King, Antique Gems, in-8», Londres, 1860:
2* édit., 2 in-8°, 1872; The natural history of geins or
décorative slones, in-12, Londres, 1867: 2e édit., 1870;
de Saulcy, dans la Revue archéologique, août 1869,
p. 91; Ch. de Linas, Les origines de l'orfèvrerie cloison-
née, 3 in-8», Paris, 1877, 1878, 1887; Clément Mullet,
Essai sur la minéralogie arabe, extrait du Journal
asiatique, 1868; E. Jannetaz et E. Fontenay, Diamant
et pierres pi écieuses, in-8", Paris. 1881; Ch. Barbot et
Baye, Guide pratique du joaillier, in-8, Paris, s. d.;
dans Daremberget Saglio, Dictionnaire des antiquités
grecques et romaines, t. Il, 2' partie, in-i", 1896, article
Gemmœ par E. Babelon, p. 1160-1488: dans Hastings,
Dictionary of the Bible, t. iv. in-i', 1902. p. 619-621,
article Precious Stones de \V. M. Flinders-Petrie. —
On peut consulter aussi les divers lapidaires et les au-
tres ouvrages cités aux articles spéciaux sur chaque
espèce de pierres précieuses. E. Levesque.
PIERRERIES, pierres précieuses. Voir Pierres PRé-
CIEOSES.
PIÉTÉ (grec : rJTïfei; Vulgate : pietas), applica-
tion de toute sa volonté et de tout son cœur au service
de Dieu. — 1. Dans l'Ancien Testament, l'idée de piété
est représentée par 1rs mois h<:s<:<ly « zèle, dévoue-
ment » envers Dieu, Eccli.. xi.ix. 1, d'où les noms de
■ . ■ htéséd, i hommes de piété », et hâsidim, donnés
aux hommes pieux, Is.. lvii, I ; ird'hr « crainte »,
voir Crainte de Dieu, t. n, col. 1099; sédëq, « justice ».
Voir Justice, t. m, col. 1875. Dans Isaïe, xi, 2. 3. il
est dit que sur le rameau de Jessé reposera
L'esprit de science et de crainte de Jéhovab,
Et il respirera dans la crainte de Jéhovab.
Dans les deux vers, le même mot îr'dh est employé;
il - agit donc, de part et d'autre, delà même crainte de
Dieu, c'est-à-dire de la religion envers lui. Les versions,
pour ne pas répéter deux fois le même mot, l'ont tra-
duit une première fois par vjaéfjf.a, pietas, et la se-
conde par soSo;, limur, i crainte ». Les deux mots
ont ici exactement le même sens, comme le montre la
double traduction grecque d'un mime verset des Pro-
verbes, i, 7, par les Septante qui y rendent successive-
ment ira; Yehovàh par yoëo; Kupfou et par sû<ri6sia
e!; Osdv. La piété et la crainte de Dieu ne sont donc,
dans le passage d'Isaïe, qu'une seule et même chose.
Cf. Touzard, lsaie, xr, 2-3, et les sept dons du Saint-
Esprit, dans la Revue biblique, 1899. p. 219-252.
Après la restauration messianique. Jérusalem sera ap-
pelée « Splendeur de la piété ». Bar., v, 4. Les auteurs
sacrés célèbrent la piété de Josias, Eccli.. xlix. 4.
et celle d'Onias III. II Mach., m, 1. Les premiers an-
cêtres d'Israël n'ont pas laissé faiblir tiqôfam, « leurs
obéissances •> ou « leurs espérances », Bixaiotr-jvat,
leurs justices », pielates, « leurs témoignages de
piété ». Eccli., xliv, 10. Une récompense est réservée
à ceux qui s'endorment dans la piété, c'est-à-dire dans
la fidélité au service de Dieu. II Mach., xn. 15.
2° Dans le Nouveau Testament, la piété ne se con-
fond plus simplement avec la crainte de Dieu ou la
religion en général; elle suppose quelque chose de plus
généreux et de plus affectueux dans le service de Dieu,
en réponse à la bonté et à l'amour du Sauveur pour
les hommes, Tit. . m, 4, et comme effet de la grâce
plus puissante de la Loi nouvelle. Car l'incarnation est
« un grand mystère de piété , c'est-à-dire de l'amour
de Dieu envers l'homme, provoquant l'amour de
l'homme envers Dieu. I Tim., ni, 16. Une e doctrine
conforme à la piété » est celle qui s'inspire des grands
mystères de la foi. I Tim., vi, 3. Les chrétiens doivent
vivre » en toute piété et honnêteté », par conséquent
fidèles à tous les devoirs de la vie surnaturelle et à ceux
de la vie naturelle. I Tim., Il, 2. Les femmes chré-
tiennes font profession de piété, ôeoTi^::», pietas, au
moyen des bonnes œuvres. I Tim., n, 10. Saint Paul
recommande vivement à son disciple de s'exercer à
la piété, comme à quelque chose qui peut et doit
toujours grandir. I Tim.. IV, 7. Il veut qu'il recli
« la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la
douceur. » I Tim,, VI, 11. La piété est donc d'un
supérieur à la justice. « Elle est utile à tout :
des promesses pour la vie présente et pour la \
venir, n par conséquent est profitable même à la vie
du temps, loin de lui nuire. 1 Tim., IV, 8. « C'est une
grande richesse que la piété contente du nécessaire »
et ne s'embarrassant pas des biens inutiles de ce
monde. I Tim., VI, 6. Il y a des hommes vicieux,
i ayant les dehors de la piété sans en avoir ia réalité, »
II Tim.. m, 5. i Ils ne voient dans la piété qu'un
moyen de lucre, » parce qu'eux-mêmes sont privés da
la vérité, I Tim., vi. 5, et que c'est « la vérité qui
conduit à la piété ». Tit.. i. I. La vraie foi est donc
seule la source de la piété sincère. La grâce eus
à renoncer à l'impiété et aux convoitises mondaines,
pour vivre dans le siècle présent avec tempérance,
justice et piété. Tit.. n, 12. Mais le monde ne s'accom-
mode pas de la piété, et " tous ceux qui veulent vivre
avec piété dans le Christ Jésus, auront à souffrir persé-
cution. » II Tim.. m, 12. — Saint Pierre veut aussi
qu'à leur foi les chrétiens ajoutent la vertu, le discer-
nement, la tempérance, la patience, la piété, l'amour
fraternel, la charité', autant d.' dons qui viennen
Dieu. Il Pet., i. 3,6, 7. Ils doivent veillera la sainteté
de leur conduite et à leur piété, en attendant le jour
du Seigneur, II Pet., m, II, qui a sait délivrer de
l'épreuve les hommes pieux ... II Pet., il, 9.
II. Les être.
PIÉTON (hébreu : ragli; Septante : - = ;<i:; Vulgate:
. homme de pied. Ce terme ne s'emploie que
dans les dénombrements de troupes. Exod., xn. .'(7:
Num., xi, 21: .Iml.. xx, 2: I Reg., iv, 10; ,xv. 1.
II Reg., x.ti: 111 I!eg., xx. 29, et l'on oppose le piéton
au cavalier ou au soldat monté sur un char. IV Heg.,
Mil, 7; I Par.. XVIII, i; SIX, 18. On lit dans Jél
xn. 5 : Si lu cours avec des piétons et qu'ils te
fatiguent, pourras-tu lutter avec des cavaliers'.' » Le
prophète s'applique à lui-même cette remarque : il est
429
PIETON — PILATE (PONCE;
430
haï et persécute par ses propres concitoyens; comment
pourra-t-il tenir devant des ennemis plus forts, les
étrangers'.' II. LESÈTRE.
PIGEON (Vulgate : columba). Voir Colombe, t. n,
col. 846.
PILA, « mortier ». La Vulgate, Sopli., i. 11. a
traduit par Pila le nom propre hébreu MaktéS, loca-
lité des environs de Jérusalem ou quartier de celle ville.
Voir Macthesch, t. îv. col. 531.
1. PILATE (PONCE) (grec : IIo'vuo; I'Kàjcto;), pro-
curateur romain de la Judée au temps de Jésus-Christ.
Indépendamment des récits évangéliques relatifs à la
passion de Xotre-Seigneur, Matth., xxvn, .Marc, xv,
Luc, xxiii, Joa., xviii-xix, il est nommé plusieurs fois
dans le Nouveau Testament : Luc, m, 1, pour fixer
l'époque à laquelle saint Jean-Baptiste inaugura son
ministère; Luc. xiii, 1, à propos d'un acte particulière-
ment cruel de son gouvernement, Act., m, 13; iv, 27;
xiii, 28, et I Tim., vi. 13, comme responsable de
la mort du Sauveur. Parmi les auteurs classiques.
Tacite est seul à le mentionner. Ann., xv, 44. Philon
et Josèphe parlent souvent de lui, le premier dans sa
Legatio ad Caium, xxxvm, le second dans ses Anti-
quités et dans le Bellum judaicum. Voir plus bas,
col. 430 et 431.
1" Son nom l'/ son origine. — Son nom complet,
qui n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Tes-
tament, Luc, m, 1, est Pontius Pilatus. Il est possible
qu'il ait appartenu, soit par son ascendance propre-
ment dite, soit par adoption, à la gens Pontia, d'origine
samnite et célèbre dés le début de l'histoire romaine.
Voir le P. Ollivier, Ponce Pilate et les Ponlii, dans la
Revue biblique internationale, t. v, Paris, 1896, p. 247.
254, 594-600. Pilatus n'était qu'un surnom, un cogno-
men, dont il est difficile d'expliquer la provenance.
C'est à tort qu'on l'a rattaché parfois à pileus, bonnet
de laine dont on coiffait les esclaves lorsqu'on les
affranchissait; en effet, dans ce cas, on eût dit pilealus.
La véritable étymologie semble être plutôt pilum ou
pila, « javelot, » de sorte que pilatus signifierait :
« armé du javelot. » Cf. Virgile, .En., XII, 121-122.
D'après sa fonction, Pilate devait appartenir à l'ordre
des chevaliers romains.
2° Son titre et la durée de son administration. —
Pilate porte, dans le texte grec de saint Matth., wvii.
2, 11, 14, etc., et de saint Luc, xx, 20, comme aussi
dans Josèphe, Anl., XVIII, m, 1, le titre moins exact de
f,ycu.civ. Cf. Act., xxiii, 24, 26, 33; xxiv, 1, 10; xxvi, 30.
En latin, son titre officiel était, non pas prseses, comme
nous lisons habituellement dans la Vulgate aux pas-
sages qui s'occupent de lui et d'autres gouverneurs de
la Judée, mais procurator, dont l'équivalent grec était
i-'Tfj-o;. Voir Tacite, Ann., xv, 44; Philon, Légat, ad
C(^ium. xxxvm; Josèphe, Bell, jud., II, ix, 2. Avant lui
à partir de la déposition d'Archélaiis, par Auguste, l'an 6
de notre ère, quatre procurateurs s'étaient succédé en
Judée et en Samarie, — car leur juridiction s'étendait
aussi à cette seconde province. C'étaient : Coponius
(6-9 après J.-C.), Jlarcus Ambivius (9-12), Annius Rufus
(12-15), Valerius Gratus (15-26). Il fut donc le cinquième,
et il exerça ses fonctions entre les années 26 et 36 de
l'ère chrétienne ; par conséquent pendant dix ans,
comme le dit Josèphe en termes exprès, Anl. jud.,
XVIII, iv, 2. Il entra en fonction la douzième année de
Tibère. Eusèbe, H. E., i, 9, t. xx, col. 107, laquelle
correspond, non pas à l'an 27 après J.-C, comme on l'a
dit parfois, mais à l'an 26. Cf. Euald, Geschichte Christi
und seiner Zeit, in-8", 2" édit., Gœttingue, 1S57, p. 36;
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, in-8", 1. 1, Zurich,
1867 ; E. Schùrer, Geschichte des jùdischen Yolkes, in-8°,
4 édit., Leipzig, 1904. p. 487; pour l'an 27, J. Celser
Geschichte des Leideus und Slerbens des Herrn, in-8",
Eribourg-en-Brisgau, 1903, p. 332. Le gouvernement de
Pilate eut donc, comme celui de Valerius Gratus, une
assez longue durée, et c'est uniquement sous le rècne
de Tibère qu'il fut exercé. Or, Tacite, Ann., I, 80; iv,
6, et Josèphe, Ant. jud., XVIII, VI, 5, font remarquer
que, par principe, ce monarque laissait longtemps ses
magistrats en fonction dans les provinces.
3" Caractère général et quelques épisodes de son
administration. — Ce qu'en racontent les auteurs sa-
crés et profanes montre, d'un coté, à quel point était
pénible et difficile, à cette époque, la tâche d'un gou-
verneur de Judée, et, d'un autre coté, combien Pilate
fit peu d'ellorts pour rendre son administration conci-
liante à l'égard des Juifs. La lettre d' Agrippa à Caligula,
citée par Philon dans sa Legatio ad Caium, xxxvm.
trace de lui un portrait peu flatteur, dans lequel il y a
certainement quelque exagération, puisqu'il provient
d'un ennemi juré, mais dont l'histoire ne constate que
trop bien l'exactilude générale. Cette lettre dit de lui
qu'il était « intlexible de caractère et dur avec arro-
gance ». Elle lui reproche :< la corruption, les vio-
lences, la rapine, les mauvais traitements, les vexations,
de perpétuelles exécutions sans jugement préalable, des
cruautés sans nombre et insupportables ». Détestant
les Juifs et ne comprenant rien à leur tempérament ni
à leurs sentiments religieux, il prétendit les gouverner
d'après sa propre volonté, et les faire fléchir en tout et
malgré tout. .Mais, aussi faible et irrésolu par moments
qu'il était d'ordinaire intraitable, il contribuait lui-
même à amoindrir son autorité; aussi fut-il vaincu à
plusieurs reprises par ceux dont il croyait pouvoir aisé-
ment triompher, et il finit même par être tout à fait
brisé par eux. Son opiniâtreté et sa maladresse occa-
sionnèrent plus d'une fois des mouvements de rébel-
lion, qu'il dut ensuite étouffer dans le sang.
Dés les premiers mois qui suivirent son installation,
il froissa jusqu'au vif les habitants de Jérusalem, et
tous les Juifs de Judée par là même. Ses prédécesseurs,
fidèles à la politique d'après laquelle Rome accordait
habituellement une grande liberté aux provinces con-
quises, lorsqu'il ne s'agissait que de leurs affaires in-
térieures, s'étaient montrés fort accommodants sur
certains points qui touchaient aux idées religieuses des
Juifs. C'est ainsi qu'ils avaient fait enlever, sur les éten-
dards du détachement militaire qui tenait garnison à
Jérusalem, toutes les images et effigies qui présen-
taient un caractère idolàtrique. Pilate, au contraire,
\oulut que les soldats envoyés par lui dans la ville
sainte y entrassent avec leurs enseignes munies de
tous leurs emblèmes. Il ne prit d'autre précaution que
de faire pénétrer hommes et drapeaux pendant la nuit.
La colère des Juifs fut grande, lorsqu'ils s'aperçurent,
le lendemain matin, de l'outrage qui leur avait été fait.
En nombre considérable ils se rendirent à Césarée, où
le procurateur avait sa résidence ordinaire, et, pendant
cinq jours, ils protestèrent avec une telle énergie, que
Pilate, qui avait d'abord pris le paiti de les faire mas-
sacrer, dut céder, en voyant qu'ils étaient prêts à
mourir tous, plutôt que de supporter cet affront. Cf.
Josèphe, Ant. jud., XVIII. m, 1-2; Bell, jud., II, ix,
2-4. — Plus tard, malgré cette leçon humiliante, il
commit une faute toute semblable, en faisant suspendre
dans le palais qui lui servait d'habitation lorsqu'il sé-
journait à Jérusalem, des boucliers d'or dédiés à Tibère
et munis aussi d'inscriptions ou de symboles idolà-
triques. Une insurrection faillit éclater. Averti par les
Juifs, l'empereur ordonna lui-même d'enlever au plus
tôt la cause du désordre. Voir Philon, Légat, ad
Caium, xxxvm, édit. Mangey, t. n, p. 590; Eusèbe
H. E., n, 6, t. xx, col. 154. — Plus tard encore, Pilate
se permit de puiser dans le trésor sacré du temple de
431
P1LATE (PONCE
432
Jérusalem, sous prétexte de se procurer ainsi les fonds
nécessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui
amènerait dans la capitale l'eau des réservoirs de Sa-
lomon, situés à environ 15 kilomètres au sud-ouest de
Bethléhem. Des troubles violents s'ensuivirent et le
sang coula encore abondamment. Cf. Joséplie, Anl.
jud., XVIII. m. i: Bell.jud., II. ix. i: Eusèbe, H. E.,
II. vi, 6-7. t. xx. col. 114; E. Schûrer, Geschichte îles
iûd. VoUtes, i édit., t. i. p. 490491.
Saint Luc, xin, 1, signale brièvement un épisode
également tragique de l'administration de Pilate : Il
y avait là (près de Jésus, à certain jour de sa vie pu-
blique) quelques hommes qui lui annoncèrent ce qui
était arrivé aux Galïléens, dont Pilate avait mêlé le sang
avec celui de leurs sacrifices, s Nous ne connaissons
cet incident que par le récit du troisième Évangile: mais
il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle
de Pilate, comme aussi avec le caractère belliqueux
des Galiléens, qu'on était sùr de trouver parmi les
Zélotes les plus exaltés, les plus remuants. CF. Jos
Anl. jud., XVIII. ix. 3. etc. Il s'agit sans doute d'une
tentative de révolte, qui fut aussitôt réprimée par le
gouverneur avec une implacable sévérité. Les rebelles
furent assaillis par les soldats de Pilate et égorgés dans
les parvis mêmes du temple, au moment où les prêtres
immolaient les animaux que ces malheureux offraient
en sacrifice, de sorte que leur propre sang se mêla à
celui de leurs victimes.
4» Son rôle dans la passion du Sam sur est fort bien
résumé dans ces mots de Tacite, .4/t»., xv, 44 : '.'/'■
Tiberio imperitanle, per procuratorem Pontium /,-
lalum tupplicio adfectus fixerai. Malgré la parole si
miséricordieuse et si délicate de la divine victime :
« Celui qui m'a livré à toi commet un plus grand
péché, > .loa.. xix. 11. Pilate demeure à tout jamais
couvert d'infamie par l'attitude lâche, égoïste, inique
qu'il prit à l'égard île Jésus-Christ, en n'osant pas ré-
sister jusqu'au bout au fanatisme cruel des Juifs. Tou-
tefois, dans le Credo, les mots Passus sub l'ontio
Pilato ont été insérés, moins pour mettre en relief
l'odieuse injustice du procurateur, que pour fixer la date
officielle Je la mort de .bsus-Christ, et pour montrer,
par là-même, que le christianisme repose sur une base
historique certaine. Cf. s. Augustin. De foie et sym-
bolo, c. v. t. xl, col. 187.
Les membres du Sanhédrin, privés par Rome du jus
gladii,et n'ayant pas le droit d'exécuter la sentence île
mort qu'ils avaient portée contre Jésus, conduisirent
Notre-Seigneur au prétoire, pour obtenir du procura-
teur la ral.'i nent. C'est donc devant
le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du
procès du Sauveur, celle qu'on nomme le procès civil,
par opposition au procès ecclésiastique, qui avait eu
lieu chez Caïphe. Pilate se trouvait alors à I Srusalem, à
l'occasion de la fête de la Pàque, selon la coutume des
gouverneurs romains, pour prévenir par sa présence,
et au besoin pour châtier aussitôt le moindre mouve-
ment insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance
s ilennelle, assez brièvement esquissée par saint Mat-
thieu, xxvii, 1-25, el par saint Marc, xv, 1-15, <■<! dé-
crite d'une manière plus complète, au point de vue
psychologique, soit par saint Lue. XXIII, I-i">. soit sur-
tout par saint Jean. xvm. 28-xix, 16, dont l'admirable
analyse jette de vives clartés sur les narrations des
synoptiques. Voir .1. Belser, Geschichte des l
des Berrn, p. 337-338: L.-C.l. l'illion. Évangilt
Luc, introd. critique et corn,:,' ntaires, Paris,
1882, p. 381-388; Écant/ilc selon saint Jean, introd.
critiq. et commentaires. Paris. 1887, p. 335-349. I..'
quatrième Évangile nous rend vraiment témoins de ce
drame auguste et douloureux, partageant le mil en
petites scènes très vivantes, qui nous fonl eonti tnpler
Pilate, tantôt faisant l'interrogatoire de Jésus dans
l'intérieur du prétoire, tantôt discutant avec les Juifs,
qui étaient demeurés en dehors. Les réflexions de l'évan-
géliste et celles du gouverneur nous permettent de lire
jusqu'au fond de l'âme de ce dernier.
Le procurateur ne pouvait guère ne pas connaître,
au moins de nom et depuis quelque temps. Jésus-Christ,
qui avait excité une si vive émotion dans Jérusalem
durant les derniers jours. Quoi qu'il en soit, les évan-
gélistes sont unanimes à affirmer que. malgré la gravité
des crimes reprochés à l'accusé par les princes des
prêtres, Pilate fut promptement convaincu de sa par-
faite innocence. Dis le premier instant, il avait percé
à jour la futilité de leurs accusations, et reconnu qu'ils
le lui avaient livré ■ par jalousie •>, par haine. Cf.
Matth., xxvii. IS; .Marc. xv. 10. Aussi refusa-t-il long-
temps d'acquiescer à leur demande, dont l'injustice
•'•tait flagrante. Cf. Matth., xxvn. 23-24; Luc. xxm. S.
II. -J-2; .loa.. xvm. 38; xix, 4, 6. Le récil sacré nous le
présente même comme prenant un grand intéi
Jésus, d'abord à cause de son majestueux silence,
Matth., xxvn. Il; .Marc. xv. 4-5, puis à cause de ses
graves et sublimes réponses. Lue., xxm, 3; Joa.. xvm.
33-38; xxix. 9-11. De là ses efforts multipliés pour le
sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son
innocence (voir ci-dessus); il le renvoie à llérode. qui.
lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc. xxm.
6-15: il propose de le faire flageller, pour apitoyer le
peuple. Luc. xxm. lli; il essaie d'user du droit de
grâce en sa faveur. Matth., xxvn. 15-23; Marc, xv.0-15;
Luc, xxm. 17--25; Joa., xvm, 39-40; il le montre i la
foule, couronné d'épines il tout ensanglanté, loa.. xix,
i ■ : enfin, il dégage sa responsabilité par un acti
bolique. Matth.. xxvn. -21.
Les Évangélistes mettent ainsi i nu sa conscience
ssionnée, qu'ébranlait, mais trop superficielle-
ment, le désir d'arracher a la mort ce juste, qui ne
ressemblait a au. -un des accusés conduits jusque-là
devant son tribunal. - uperstitieuse, quoique
incrédule, fui toul particulièremenl frappée, lorsqu'il
entendit les Juifs reprocher à Je tre fait Fils
de Dieu. Joa.. xix. 7. Il craignait que Ni ■urne
fût quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, aux
i pi i- ailles duquel il redoutait de s'exposer. Aussi
s'empressa-t-il de le questionner sur son origine
es tu? La réponse de Jésus le rassura. Cf. Joa.. xix.
9-12.
Finalement il céda, « pour donner satisfaction au
peuple, d Marc, xv. l5;o il livra Jésus) à leur volonté, i
Luc. xxm. 24, surtout lorsque les Juifs l'eurent me-
nacé très ouverlt.Mii -ut de la disgrâce de César. Joa..
xix. 12. Il monta donc sur son tribunal et proclama la
sentence du Sauveur. Joa., xrx. 15. 11 avait mis à profit
1"^ rudes lei onB que lui avaient donn - Juifs. Pour
ce magistral égoïsl . sans principes moraux, guidé
seulement par les considérations mondaines et poli-
tiques, qu'étaient les droits les plus sacrés d'un inno-
cent, dès lors que son intérèl personnel était en
La conservation de son emploi si lucratif et <i hono-
rable l'emportait sur tout le reste. C'est ainsi que. mal-
a vaine protestation, il prit une très grande pari
an crime le plus affreux qu'aient jamais enregistré les
annales de l'histoire. Les Constitutions apostoliques, v.
14, t. t, col. 877, lui iv] Iinil ,i bon droit sa !
(ivavSpia). Quant à la question célèbre qu'il adres
;i. Qu'est-ce que la vérité'.' Joa.. xvm. 38,
c'était simplement la parole d'un dilettante, d'un scep-
tique, qui regardait la vérité comme une chose indill'é-
i comme un mot sans portée. Aussi n'attendit-il
pas la réponse de Jésus. — Semblable à lui-même
jusqu'au boni, après avoir été battu, celle fois encore,
par les Juifs, il les traita avec dédain, en refusant opi-
niâtrémenl de modifier l'inscription qu'il avait fait
placer au-dessus de la [croix. Joa.. xix. 19-22, et en
433
PILATE (PONCE) — PILATE (FEMME DE)
434
permettant à Joseph d'Arimathie de donner au corps
sacré de Notre-Seigneur une sépulture honorable. Cf.
Luc, xxiii, 50-52; Joa., xix, 38.
5" Sa révocation et sa mort. — Un dernier acte de
cruauté, dont Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous
a conservé les détails, ne tarda pas à renverser les
calculs de cet homme politique et à amener sa chute.
Un certain nombre de Samaritains, séduits par un im-
posteur, s'étant mis à faire des fouilles sur le mont
Garizim, prés de Sichem, dans l'espoir d'y trouver des
vases sacrés que Moïse y aurait cachés avant sa mort,
le gouverneur les fit massacrersans pitié. Leurs parents
et amis, exaspérés, allèrent se plaindre à Vitellius, qui
était alors légat de Syrie. Celui-ci. voyant que Pilate
était devenu insupportable à ses administrés, l'envoya
à Rome pour qu'il essayât de se justifier devant l'empe-
reur; mais il n'arriva qu'après la mort de Tibère.
Les derniers faits de sa vie sont enveloppés d'ombre
et de mystère ; du reste, ils furent de bonne heure
défigurés par la légende. On ignore même en quel lieu
et de quelle manière il mourut. Suivant Eusèbe, II. E.,
II, vu, t. x.v, col. 155, et Chronicon, Ve année de Caïus,
t. xix, col. 538, il aurait été banni à Vienne dans les
Gaules. Oï'i. accablé par l'infortune, il aurait péri de sa
propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. xcn,
col. 557-559, et Orose, Hist., vu, 5, t. xxxi. col. 1071.
On voit encore dans cette ville un monument de forme
singulière, une pyramide sur une base carrée, qu'on
nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n'a rien
pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une
montagne voisine de la ville de Saint-Étienne, se rat-
tache sans doute aussi à ce souvenir. D'après l'histo-
rien grec Malalas, Chronographia, x, t. xcvn, col. 390,
Pilate aurait été décapité par Néron. Comp. Jean J'An-
tioche, dans Mûller, Fragmenta hisloricorum grœco-
j-uni, t. iv, p. 574, édit. Didot, et Suidas, au mot Nijuv.
Il semble du moins probable qu'en toute hypothèse il
mourut de mort violente. Voir E. Sehûrer, Geschichte
des jud. Volkes, 4e édit., t. i, p. 493-494. On trouve de
curieux détails sur ses derniers moments dans le traité
apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius. Apocryph., t. m,
p. 505; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832,
t. I, p. 796-798 : Tischendorf, Evangelia apocrypha,
1" édit., 1851, p. 132-135; 2- édit., 1876, p. 456-458.
Plus tard, la légende continua à se développer. Jeté à
Rome dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occa-
sionné des tempêtes et des inondations. Dans le Rhône,
où on l'emporta ensuite, les mêmes phénomènes terri-
bles se reproduisirent. Enfin, on le précipita dans un
petit lac, situé près de Lucerne, au sommet du mont
Pilate, dont le nom viendrait précisément de cet épi-
sode. Ou bien, après avoir erré au loin, poursuivi par
le remords, l'ancien procurateur serait allé de lui-même
cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et
aurait fini par se noyer de désespoir dans le lac qu'on
y voit encore. Cf. A. Liitolf, Sagen, Braûche und Le-
genden an den fûnf Orten, Lucerne, 1865; Creizenach.
Pilatus-Legenden, 1894; James, Apocrypha anecdota,
dans les Texls and Studies, édités par Robinson. t. v,
fasc. i, 1897, p. xlv-l, 65-81.
Fait surprenant : cette triste figure a excité de bonne
heure une certaine sympathie. Il est vrai que c'était à
une époque où l'on aimait a disculper Pilate et les Ro-
mains, pour aggraver le crime des Juifs déicides. Comp.
l'Evangel. Pétri, dans E. Preuschen, Antilcgomena,
die Reste der ausserkanonischen Euangelien, Giessen,
1901, in-12, p. 13-18. C'est ainsi que, d'après la Para-
dosis Pilati, le gouverneur, condamné à mort par
Tibère et sur le point d'être exécuté, conjure Notre-
Seigneur de ne pas permettre qu'il soit châtié avec
les Juifs, et allègue son ignorance pour excuser en
partie sa conduite. Une voix lui répond du ciel, et
l'assure que toutes les générations le proclameront
bienheureux, et qu'il sera un témoin du Christ lors de
son second avènement, pour juger avec lui les douze
tribus d'Israël. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426-
431. Les Abyssins vont même jusqu'à l'honorer comme
un martyr, et célèbrent sa fête le 25 juin. Cf. Stanley,
Lectures on the History of the Eastern Church, in-8",
Londres, 1S65, 3e édit., p. 13. Le mot de Tertullien au
sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus,
Apolog., 21, t. i, col. 12, provient d'un sentiment ana-
logue, qu'on retrouve dans l'évangile de Nicodème, i, 2,
où Pilate est désigné comme « incirconcis dans la chair,
mais circoncis de cœur ... Voir Tischendorf, Evang.
apocr., p. 236; Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. XIII,
col. 1773. On savait gré au gouverneur de la Judée des
tentatives, pourtant si molles, qu'il avait faites pour
arracher Jésus-Christ à la mort.
6° Bibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5e édit.,
in-12, Leipzig, 1865, p. 248-219, cite une littérature
considérable composée sur Pilate. Voir aussi Ehrhard,
Die altchrislliche Litieratur und ihre Erforschung
von lSSj-1900, Impartie, p. 114-146. Parmi les livres
les plus récents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage
Jesu, in-S», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-291 ;
Mommsen, Rômische Geschichte, in-S», t. v, 4" édit.,
Berlin. 1891, p. 508 sq. ; P. Waltjer, Pilatus, eene
Studie, in-8«, Amsterdam, 1888; G. A. Mûller, Pontius
Pilatus, der fïinfle Procurator von Jadda, Stuttgart,
1888; Gr.itz, historien juif, Geschichte der Juden, t. m,
p. 253-271; A. E. Innés, The Trial oj Jésus Christ, a
légal monograpli, Edimbourg, 1899, in-S°, p. 61-123;
E. Sehûrer, Gesch. des jûdischen Volkes iin Zeitalter
Christi, in-S", t. i, 4e édit., Leipzig, 1904, p. 187-492;
J. Belser, Die Geschichte des Leidens nnd Sterbens,
der Auferstehung und Himnielfahrt des Herrn, in-S",
Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372.
L. FlLLION.
2. pilate (actes de), livre apocryphe Voir Évan-
giles APOCRYPHES, t. II, COl. 2116.
3. PILATE (FEMME DE). — Elle n'est mentionnée
dans les Évangiles que par saint Matthieu, xxvn, 19 :
,< Pendant qu'il (Pilate) était sur son tribunal,. sa femme
lui envoya dire : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste
(Jésus-Christ), car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en
songea son sujet. » A part ce trait touchant, qui inani
feste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie
pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s'em-
barrassât dans de graves difficultés, s'il ne se dégageait
immédiatement de ce procès, nous ne savons rien de
bien certain sur elle. — Une ancienne tradition l'appelle
Procla, IlpôxXs, ou Claudia Procula, et fait d'elle une
femme pieuse, bien plus, une « prosélyte de la porte ».
Voir Prosélyte. Dans l'Évangile de Nicodème, chap. H,
Pilate dit d'elle : Ososepï).; ii-i y.où [/.SXXov îouSaftei.
Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8", 1832,
t. i, p. 523; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8°,
Leipzig, 1851, p. 332; Nicéphore, Historiée, i, 30, t. cxlv,
col. 720. Or, nous savons par Josèphe. Ant., XVIII, m,
5; Bell, jud., xx, 2, et par Juvénal, Sat., VI, 543, que
les femmes romaines, même celles qui appartenaient
aux classes supérieures, étaient attirées par la religion
judaïque, qui parlait beaucoup plus à leur àme que le
paganisme si vide d'alors. Il est probable que la femme
du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur.
et qu'elle avait conçu une grande admiration pour sa
conduite et son enseignement.
Les interprètes discutent sur la nature du songe au-
quel fait allusion son message à Pilate. Plusieurs au-
teurs contemporains le regardent comme un fait pure-
ment naturel, provoqué par l'arrestation et le procès
ecclésiastique de Jésus, dont elle aurait été informée
avant de s'endormir. Voir Langen, Die letzten Lebens-
tage Jesu, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 271-275-
435
PILATE (FEMME DE) — PIN
436
Mais nous croyons, à la suite des Pères et de la grande
majorité des commentateurs, qu'il est difficile de ne
pas reconnaître à ce songe un caractère non seulement
providentiel, mais vraiment surnaturel. Toutefois, les
anciens écrivains ecclésiastiques n'apprécient pas tous
de la même manière cette intervention surnaturelle.
Il en est qui l'attribuent au démon. La plupart des
exégètes lui donnent une origine céleste. Voir Origène,
lin, ii. in Matlli., xxxv, t. xin, col. 1773; S. Jean Chry-
sostome, Hom. lxxxvi in ilatlh., 1, t. lviii, col. 764;
Schanz, Commenter ûber das Evangel. des lieilig.
Matthâus. in-8f, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 510;
M«r Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 2' édil ..
in-8°, t. m, Paris, 1887. p. 315.
On a essayé, il est vrai, d'attaquer la valeur histo-
rique de cet épisode, en rappelant la loi romaine qui
interdisait aux proconsuls, et aussi aux autres magis-
trats délégués dans les provinces, de se faire accompa-
guer par leurs femmes; mais cette loi. observée avec
rigueur sous la république, tomba en désuétude à
l'époque de l'empire, comme nous l'apprennent for-
mellement Tacite, Ann., m, 33-3i, et Suétone, .4»-
gust., 2i. Voir aussi Joséphe, Aut., XX. x. 1; L'Ipien,
iv, 2.
D'après une tradition qui remonte au moins jusqu'au
temps d'Origènc. a femme de Pilate aurait été récom-
pensée de son dévouement pour Notre-Seigneur en
acceptant la foi chrétienne. Voir Origène, Hom. in
Matth., xxxv. I. xiii, col. 1773. et les lettres apocryphes
qu'auraient échangées Pilate et Hérode. dans M. H. .la-
mes, Apocrypha anecdota, 2e série, Cambridge, 1897,
in-8°, p. 66-75. Le inénologe grec va même jusqu'à la
ranger parmi les saints et place sa fête le 27 octobre.
Cf. Calmet, Diction», de la Bible, au mot Procla,
éilit. Migne, t. m, col. 1268. L. Fillion.
PILON (hébreu : èli; Vulgate : pilus), masse de
bois, de métal (fig. 84) ou de pierre (lig. 85) destinée à
un mortier, comme on broie le grain, avec le pilon, sa
85. — Pierres de quartz pour piler le grain, trouvées à Tell-
Yehudiyéh (XYII1* dynastie). D'après W. M. Flinders Pétrie,
Hyksos and Israélite Cities, in-4\ Londres, 1906, pi. xv et
p. 17.
folie ne se séparera pas de lui, » comme l'huile se sé-
pare des olives. 11. LeSETRE.
PIN (hébreu : 'orén; Septante : -éru;; Vulgate :
pinus), arbre vert assez abondant en Palestine.
1. Description. — Les arbres résineux de la famille
des Conifères doivent ce nom à leur appareil fructifère
ou cône formé d'écaillés servant à protéger les graines.
Mais entre tous leurs congénères les Pins se distinguent
par la forme de ces écailles pourvues sur le dos d'une
proéminence ou apophyse. Leur feuillage n'est pas
moins caractéristique, car les aiguilles foliaires, sur
l'arbre adulte, sont réunies par petits groupes, de
81.
Égyptiens pilant dans un mortier. Tbèbes, L'Inscription porte : k •■ Dépèchcz-vus tous à l'ouvrage en prenant soin
de tout ce qui vous est donné; faites le pain, d ( « On pile le grain dans les greniers de
D'après Wilkinson, Mannert of ancien! Egygtians, 2* édit., t. u, p. 204.
concasser et à écraser les objets placés dans un mortier.
Voir Mortier, i. iv, col. 1311. — La manne est com-
parée à g quelque chose de menu comme des grains >',
et, d'après la Vulgate, à i quelque chose d'écrasé au
pilon ». Exod., XVI, 14. Les grains peuvent être écrasés
au pilon; mais, si la manne se prétait au travail de la
meule ou du pilon, elle n'apparaissait pas à l'état concassé
quand elle tombait. Voir Manne, t. iv. col. 657. — Les
enfants d'Israël doivent apporter, pour le luminaire du
sanctuaire, de l'huile d'olives concassées », Septante :
xexou.pivov, « martelées », et équivalemment, d'après
la Vul-ale. martelées an pilon ». Exod., XXVII, 20. —
I-' mol pilon » ne se lit en hébreu que dans ce texte
des Proverbes, xxvn, 22 : « Qu'on pile l'insensé dans
deux ordinairement, protégés chacun par un involucre
de folioles scarieuses. La lloraison a lieu au printemps,
au lieu d'être automnale comme chez les Cèdres; les
fleurs mâles émettent alors en extrême abondance la
poussière pollinique qui emportée par le vent simule
une pluie de soufre. Les cènes mettent parfois 3 ans
avant d'atteindre leur maturité'. Il en est ainsi, par
exemple, dans le Pin-Pignon [Pinus l'inea L.), bel
arbre de la région méditerranéenne que la disposition
étalée 'le ses branches au sommet de la tige a fait nom-
mer aussi Pin-Parasol. Son cène esl ovoïde obtus ne,
îles écailles luisantes; ses g rai lies de viennent des a mandes
comestibles el volumineuses revêtues d'une coque noi-
i ilie, très dure, à aile presque nulle. Le Pin d'Alep
137
PIN — PINACLE DU TEMPLE
438
P. Halepensis Miller (fig. 86), est l'espèce la plus
répandue en Svrie. où elle remplace le Pin maritime
des rivages occidentaux: ses feuilles sont grêles et
tlexueuses ; ses cônes, plus allongés et penchés à
l'extrémité d'un court pédoncule, mettent 2 ans à mûrir :
les graines petites, couvertes d'un tégument mou, sont
prolongées en aile roussàtre. Enfin dans la région éle-
vée du Liban on observe un Pin très voisin du précé-
dent. P. Brutia Tenore, distinct toutefois par ses
feuilles plus épaisses, rigides, ainsi que par ses cônes
sessiles non pendants. F. llv.
II. Exégèse. — L'arbre appelé orén n'est mentionné
qu'une seule fois dans la Bible. Is., xliv. 11. dans un
; ■ i_e où le prophète se moque de l'idolâtre qui est à
la recherche de bois dont il prend une partie pour se
tailler des idoles, et dont il brûle le reste.
Un homme va couper des cèdres,
II prend des rouvres et des chênes.
Il fait un choix parmi les arbres de la foret
Et même il plante le 'orén que la pluie fait croître.
Il s'agit d'un arbre dont le bois est bon à brûler et
peut être utilisé pour sculpter des idoles, un arbre
qu'on peut mettre en parallèle avec le cèdre ou le chêne,
qui s'en distingue cependant sous certains rapports.
l.r cèdre, le rouvre et le chêne sont placés ici parmi
les arbres des forêts qu'on n'a pas besoin de planter et
qu'on ne cultive pas. Le 'orén est signalé comme un
arbre qu'on plante, mais cependant ce n'est pas un arbre
qu'on soigne et qu'on arrose selon les procédés habi-
tuels de la Palestine pour les plantes et les arbres culti-
vés. On laisse à la pluie du ciel le soin de l'arroser.
Tous ces caractères paraissent bien convenir à diverses
espèces de pin qu'on rencontre abondamment en
Palestine, surtout dans les terrains sablonneux, comme
le Pin d'Alep, l'inus Halepensis, le Pin-Pignon ou Pa-
lasol, Pinus Pinea, et le Pinus Brutia. C'est ainsi du
reste que l'entendent les Septante et la Vulgate qui
traduisent 'orén par t.;.-.-j:. et pinus. Bien qu'il y ait
grande divergence parmi les rabbins sur la nature
de cet arbre, beaucoup cependant s'arrêtent au pin, et
l'identifient avec l'arbre que les arabes appellent yiyï^o,
snaubar, et qui n'est autre que le pin; ou bien ils le
rangent dans la même famille que les arazim, « cèdres, »
et les beroSîm, les cyprès: ce qui convient bien au pin.
Cependant il est des critiques qui croient que le mot
orén, ]~s. dont le nuit final n'est pas régulièrement
formé dans les anciens manuscrits et pourrait bien
être un zaïn mal écrit, n'est autre que t-n. 'éréz, le
cèdre. Ils pensent aussi que la suite logique du sens
demande qu'on lise à rebours les stiques de ce verset :
car il est naturel de planter le cèdre avant de le couper.
Ils ont ainsi :
On a planté des cèdres et la pluie les fait croitre,
On laisse grandir les arbres de la forêt,
Puis on prend le rouvre et le chêne,
Et l'on coupe les cèdres.
C'est le sens auquel s'arrête A. Condamin, Le livre
d'haïe, 1905, p. 269. Cette leçon et ces transpositions sont
loin toutefois d'être certaines, et pourraient bien n'être
qu'une interprétation de ce passage, inspirée d'un point
de vue trop subjectif. Les anciennes versions tiennent
pour un mot différent de 'éréz, c'est-à-dire pour 'orén,
« pin. » Et on peut trouver une suite logique à la pensée
sans rien bouleverser. L'idolâtre cherche d'abord parmi
les arbres des forêts, le cèdre, le rouvre et le chêne; il
en vient même à planter des pins afin d'avoir du bois
à sa convenance pour se tailler des idoles. Rien ne pa-
rait donc exiger de transposition ; et la lecture 'orén et
sa traduction par « pin » sont suffisamment justifiées.
Cette traduction d'ailleurs trouve une certaine confir-
mation dans un texte égyptien du Papyrus Anaslasi,
i, 19, 3. Dans une description d'un site de Palestine,
se lit le nom j . . . | i li, anourna, arrouna, qui
rappelle l'hébreu 'orén, pin. Le rapprochement est
d'autant plus vraisemblable que ce mot est placé entre
deux noms de conifères, le cyprès et le cèdre, et que
ces trois arbres sont dits « atteindre jusqu'au ciel ».
Tous ces caractères semblent bien viser le pin-pinier.
J. Lauth, dans la Zeilschrift der deutsch. morgenlànd.
Gesellsch., 1871. p. 620; V. Loret, Études de botanique
égyptienne, dans Becueil de travaux relatifs » la
philol. et archéol. égijpt., in-i°, 1895, p. 187.
E. Levesque.
PINA (Jean de), commentateur espagnol, né à Ma-
drid en 1582, mort dans la même ville en 1657. Entré
au noviciat des Jésuites d'Alcala en 1603, il remplit
divers offices dans son Ordre. Sou volumineux commen-
taire sur l'Ecclésiastique, Commentariorum m Eccle-
siasticum tomi quinque, parut à Lyon de 1638 à 1648,
5 in-f». On y rencontre des idées élevées, ingénieuses,
des aperçus nouveaux, mais aussi parfois des longueurs
et du remplissage. P. Bliard.
PINACLE DU TEMPLE, partie du Temple de
Jérusalem sur laquelle le diable transporta Notre-Sei-
gneur pour le tenter. Le récit de la tentation est le
seul endroit du Nouveau Testament où nous rencon-
trons ce terme : -h tits^-j-j-iov to-j ispo-j, pinnaeulum
templi, Mat th., tv, 6; pinna templi, Luc, iv, 9. IItbsûyiov
est le diminutif de irrépyl, « aile », comme pinnacu-
lum l'est de pinna, qui désigne en latin une grosse
plume d'oiseau, ou une nageoire de poisson, cf. Lev.,
xi, 9, 10, 12; Deut.. xiv. 9. 10, ou des créneaux de mu-
raille. Les Septante emploient le mot Trtspuyov — 1 . pour
traduire l'hébreu kânàf, signifiant la partie du vête-
ment, le bord qui pend comme une aile, Num., xv, 38;
Ruth., m, 9; I Sam. (Reg.), xv, 27; xxiv, 5; — 2. l'hé-
breu senappir, désignant l'aileron, la nageoire des
poissons, Lev., xi. 9-12; Deut., xiv, 9, 10; — 3. l'hébreu
qàfâh, qui s'entend de o l'extrémité » du rational ou
pectoral. — Que signifie exactement mépiiytoi dans
l'Évangile? Tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un
endroit élevé, ressemblant en quelque manière à une
aile ou à une pointe, mais on ne s'accorde pas sur sa
situation précise. Le nom étant précédé de l'article en
439
PINACLE DU TEMPLE — PINTO RAMIREZ
440
grec, il en résulte que la partie du temple désignée
par là était bien connue et déterminée, du temps de
Jésus-Christ; aujourd'hui on ne peut faire que des con-
jectures. Selon les uns, le pinacle faisait partie de la
maison de Dieu, ou du sanctuaire proprement dit;
selon les autres, il était dans les dépendances du
temple. Les partisans de cette seconde opinion s'appuient
sur ce que le sanctuaire est appelé dans le .Nouveau
Testament 6 vcedç et que le pinacle est appelé pinacle toû
Upoû, non toû vaoû. Ceux qui soutiennent la première
opinion reconnaissent que le mot vad; s'applique ex-
clusivement à « la maison de Dieu », mais ils allèguent
que le mot iepév, quoiqu'il puisse s'entendre quelquefois
seulementdes dépendancesdu temple, Matth., xxi, 12, 14;
xxvi, 55: Marc, xiv, 49; Luc, xix, 17 ; xxi. 37 : xxu, 53;
xxiv, 53, etc., comprend en réalité le veto; avec ses dépen-
dances, Matth., XII, 6; xxiv. I : Marc, xm, 3; Luc,
xxi, 5; xxu, 52; par conséquent le pinacle pourrait avoir
été à la rigueur une partie du vad;. Ce n'est donc pas
sur le mot izsàv seul qu'on peut s'appuyer pour fixer
la position du pinacle.
1° Ceux qui le placent sur le sanctuaire proprement
dit sont loin d'être d'accord entre eux. — 1. Grotius
entend par ïtxepÛYiov le parapet qui entourait le toit
de la maison de Dieu, conformément à l'usage juif. Voir
Parapet, t. iv, col. 2153. Ce parapet, d'après le Talmud,
Middolh, iv, 6, avait trois coudées de hauteur, un peu
plus d'un mètre et demi. — 2. D'autres commentateurs
pensent que le pinacle est le faîte du toit, ce qui
s'accorde mal avec ce que nous apprend Josèphe,
Bell, jud., V, V, G, à savoir que le faite était hérissé
de pointes d'or afin que les oiseaux ne pussent pas s'y
reposer. — 3. D'après Ligthfoot, Horm hebraiese, Malt/,.,
iv, 5. Works, 1081, t. n. p. 130. le pinacle peut être le
nom donné au portique de [a maison de Dieu. dVin,
'iilà)i), parce qu'il débordait comme des ailes à droite
< i à gauche l'éililice de la maison de Iheu. On peut allé-
guer contre cette opinion, de même que contre les deux
précédentes, que les termes irrepiSyiov roû tepoû s'enten-
dent plus naturellement des dépendances du temple que
de la maison de Dieu, mais surtout que Jésus-Christ,
r.'élant pas delà tribu de Lévi, se trouvait empêché par
la Loi de pénétrer dans le sanctuaire. Le roi Hérode,
même pendant qu'il lil reconstruire la maison de Dieu,
ne put jamais y entrer. Josèphe, A)it. jud., XV. xi, 5.
2° Le pinacle, d'après ceux qui le placent dans les
dépendances du Temple, faisait partie du grand por-
tique qui fermait l'aire sacrée à l'est et au sud. Josèphe,
Ant. jud., XV, xi. .">, décrit ce portique en ces termes :
« Au sud (de la cour des Gentils) étail le portique royal
(t»|V paffiXeiov <rcoâv), qui était triple et s'étendait de la
vallée orientale jusqu'à la vallée occidentale; il étail
impossible d'aller au delà. C'est le plus remar-
quable des travaux qu'ait éclairés le soleil. La vallée
est tellement profonde, que les yeux de celui qui re-
garde en bas en sont troublés. [Hérode] y éleva un
portique [soutenu par un mur de terrassement] d'une
immense bailleur. Si quelqu'un voulait du haut voir
jusqu'au fond, il s'exposerait à être pris de vertige. >
La muraille surplombe en effet la vallée du Cédron
qui forme au-dessous un affreux précipice. Josèphe,
Anl. jud., XX, ix, 7. Quand on cherche sur les lieux
mêmes à se rendre compte de la scène décrite par
l'Évangile, on esl amené naturellement à cette conclu-
sion : c'esl au-dessus de la haute muraille qui soutient
la terrasse du temple du coté de la vallée, que
le démon a dû transporter Notre-Seigneur, car en
aucun autre endroit, il ne pouvait le tenter avec autant
de force, en lui disant : <• Si tu es le l'ils de Dieu, pré-
cipite-toi en bas. g Matth., iv. (i. — Ajoutons que.
d'après le témoignage d'Hégésippe el de Clément
:i Alexandrie, dans Eusèbe, //. /.'., Il, I, 23, I. xx, col. 136,
196, 200, l'apôtre saint Jacques le Mineur, le premier
évoque de Jérusalem, fut précipité du pinacle du Temple,
rctépuYcov, dit Clément, nxépuyiov toû UpoO, dit d'abord
Hégésippe, et puis nrlpyyiov roû vaoJ. col. 200, mais le
mot va'ô;, dans son sens précis, ne peut être exact, parce
que ni saint Jacques ni le peuple auquel il parlait ne
pouvaient pénétrer dans le vm:. Ce n'est que dans le
parvis que l'Apôtre a pu adresser un discours aux Israé-
lites et ce n'est que du portique extérieur qu'il a pu être
jeté en bas. Le pinacle était donc une partie du por-
tique. Lorsque l'Apôtre eut été achevé par le bâton d'un
foulon, il fut enseveli à l'endroit même où il avait con-
sommé son martyre, ajoute Hégésippe, ce qui ne peut
être vrai que s'il était mort en dehors de l'enceinte du
Temple, c'est-à-dire dans la vallée de Cédron où l'on
enterrait en effet les défunts, tandis qu'il était impos-
sible d'enterrer dans le Temple même. La tradition locale
place le tombeau de saint Jacques à l'angle sud-esl île
l'esplanade du Temple, voir Jacques 2. t. ni. col. ioSS.
dans la vallée de Josaphat. Ces divers détails s'accordent
1res bien avec l'opinion qui place le pinacle au-dessus
de la vallée du Cédron et la confirment par là même.
F. VlGODROUX.
PINCETTES (hébreu mafodh, mélqâho
malqâhayim ; Septante : '/»?:;; Vulgate : fn,--
instrument de métal composé de deux liges qu'on peut
rapprocher pour saisir un objet (lig. 87). — 11 n'es'
87. — Pincettes romaines antiques.
■ : rés Daremberg el Saglio. Dictionnat,
t. n, i: ! 1163, | 1240.
question de pincettes que dan- la description du mobi-
lier du sanctuaire qie Moïse ni exécuter. Exod., xxv,
38; xxvii 3; xxxvn, 23; xxwm. 3. Elles servaii
mettre du feu dans les encensoirs, N'um., xvi. G.
à disposer les mèches des lampes. Xiiiu.. IV, 9, Salo-
mon lit fabriquer en or les pincettes du Temple,
III Reg., vu, 49; Il Par., iv, 21. Dans une de ses vi-
sions, Isaïe, vi, G. vit un ange prendre un charbon ar-
dent sur l'autel avec des pincettes, afin de lui purifier
les lèvres. 11. I.i Si l
PINEDA (Jean de), cou ntaleur espagnol, né à
Séville en 1558, mourut dans celle ville le 27 janvier
Ili37. Bceii dans la Compagnie de Jésus en 1572, il
s'appliqua à l'étude de l'Écriture Sainte qu'il en
ensuite pendant 18 ans à Cordoue, Séville et Madrid.
Le premier ouvrage d'exégèse dû à la plume de P. l'i-
neda est le Commentariorum in Job lilni tredecini',
il parut à Madrid en 1597-1601, 2 in-f». Des rééditions
de cette œuvre capitale se succédèrent à intervalles
rapprochés dans diverses villes de l'Europe, Madrid,
Cologne, Séville, Venise. Paris. - Ses travaux sur Sa-
loinon, Ad suos commentai îus Nommée prssvii
esl, de rébus Salomonis régis libri octo, qui
moins considérables, eurenl également beaucoup de
vogue i son époque; ce travail qui parui à Lv>
1600, fut réimprimée Venise en 1 « '• 1 1 el à M
1613. Il donna enfin des Commentarii in Ecclesiasten,
in-i", Séville, 1619, Paris, 1620, el Prœlectio soi
Cantica Canticorum, in-i1. Séville, 1602. Ces ouvi
témoignent d'une science aussi vaste que sûre.
P, Bliard.
PINTO RAMIREZ André, < ntatenrporti
né à Lisbonne en lô'.iô, mourul le 23 mai 1654.
dans la Compagnie de Jésus en 1617, il enseigna li
temps la rhétorique, puis l' Écriture Sainte à Salamanqu ;
son Canticum Canticorum Salomonis dramatii
nore, litlerali allegoria, tropologicis notis explicatuni,
in S1. Lyon, 1642, es I curieux et original plutôt que sur.
441
PINTO RAMIREZ
PIS1DIE
442
Son explication de VApocalypse qui contient les aver-
tissements aux sept évêques d'Asie, offre de précieux
enseignements moraux. Commentarius in Epistolas
Chrisli Domini ad septem Episcopos Asiec <jux in
Apocalypsi continentur. Lyon, 1652, in-fol.
P. Bli.vrd.
PIOCHE (hébreu : ma'edêr; Vulgate : sarculum),
instrument destiné à défricher le sol. Xolre fer de
pioche se termine d'un côté en pic et de l'autre en
houe. Pline, H. A"., xvm, 49, '2, dit que le sarculum
servait surtout à la petite culture dans les régions mon-
tagneuses. Le ma'edêr dont parle Isaïe, vu. 25, est
précisément employé dans les mêmes conditions. Le
même mot désignait sans doute des instruments ana-
logues, constituant des houes plus ou moins étroites.
Voir Houe, t. m, col. 766. 11. Lesêtre.
PIRES Jacques, commentateur flamand, né à Anvers
le 22 janvier 1680, mort à Bruxelles le 3 janvier 1750,
entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Malines
en septembre 1698 et professa la théologie et l'Écriture
sainte. Dans son Commentarius in sancluni Jesu
Chris ti evangelium secundum Matthseum, necnon se-
cundum Marcum, Lucam et Joannem, Louvain, 1747,
in-S», Malines, 1823, il s'applique plus particulièrement à
montrer l'accord des quatre écrivains sacrés d'après
saint Augustin, Maldonat et Cornélius a Lapide; puisa
fournir des armes contre les hérétiques, à mettre en
relief les idées mystiques auxquelles le texte peut se
prêter sans effort. P. Bliard.
1. PISCINE (liébreu : berêkàh ; Septante : xot|Vt;,
y.oXu[j.6ï:|6pa; Vulgate : piscina, natatoria), bassin arti-
ficiel à ciel ouvert, construit pour garder l'eau des
sources, des pluies ou des aqueducs. Il diffère de la
citerne, ordinairement couverte, moins vaste et alimentée
seulement par l'eau de pluie. Voir Citerne, t. n,
col. 787. — Différentes piscines sont mentionnées dans
la Bible, la piscine de Gabaon, II Reg., n, 13, voir t. m,
col. 19; les piscines d'Hésébon, Cant., vu, 5, voir t. m,
col. 659; la piscine de Samarie, III Reg., xxii, 38; les
piscines attribuées à Salomon, Eccle., il, 6, voir t. i,
col. 799, et les piscines de Jérusalem : la piscine supé-
rieure, sur le chemin du champ du Foulon, IV Reg.,
xvm, 17; Is., vu. 3; xxxvi, '2; la piscine inférieure,
Is., xxn, 9, 11; la piscine attribuée à Ézéchias, IV Reg.,
xx, 20; II Esd., m, 16; la piscine du roi, II Esd., il,
14; la piscine de Siloé, II Esd., m, 15; Joa., IX, 7, 11.
et la piscine probatique ou de Bethesda. Joa., v, 2, 4,
7. Sur les piscines actuelles de la ville, voir JÉRUSAJ eh,
t. m, fig. 245. 246, col. 1347, 1350. Cf. C. Mommert,
Topograpliie des alten Jerusalems, 3 in-8°, Leipzig,
1900-1905, t. m, p. 76-102. Pour la piscine supérieure
voir Piscine 2. Ézéchias fit déverser par un aqueduc
la fontaine de Gihon dans la piscine de Siloé (voir
Aji'educ, t. i, col. 804), appelée pour cette raison pis-
cine inférieure. L'attribution de piscines à l'initiative
de ce roi ne vise pas autre chose que ce travail, qui
eut pour résultat d'alimenter la fontaine de Siloé. Voir
Siloé. Quant à la piscine du roi, c'était sans doute celle
que Josèphe, Bell. /»</.. V, iv, 2, appelle piscine de
Salomon et qu'il place à l'est de Siloé. Voir son empla-
cement, t. m. fig. 249, col. 1356. Sur la piscine Proba-
tique, voir Bethsaïeie, t. i, col. 1723. — Xahum, n, 8,
compare Ninive, au temps de sa prospérité, à une pis-
cine d'eaux; ni les habitants, ni les ressources ne man-
quaient alors à la cité. — Les piscines servaient à
recueillir l'eau pour différents usages. La piscine de
Siloé recevait par un aqueduc creusé dans le roc l'eau
de la source de Gihon, que l'on tenait à soustraire aux
atteintes d'un ennemi assiégeant" la ville. On puisait
aux piscines l'eau à boire, Luc, xxn, 10; on y lavait
des objets divers et l'on s'y baignait, comme à la pis-
cine de Samarie, III Reg.. xxn, 38. à la piscine de Beth-
esda, Joa., v, 4, et très probablement dans les autres.
Voir Bain, t. i.col. 13S7. C'est encore ce qui se pratique
aujourd'hui aux piscines de Siloé et de la Vierge.
Cf. Le Camus, Xotre voyage aux pays bibliques, Paris»
1894, t. i, p. 376-379. ' 11. Lesètre.
2. piscine SUPÉRIEURE (hébreu : berêkàh hd-'élyô-
nàh, Septante: i\ xoX'j|i6iqGpa r, «vu . piscine située près de
Jérusalem, où conduisait une route appelée chemin du
champ du Foulon. Elle est mentionnée en deux occa-
sions : 1» C'est en cet endroit que fut faite la prophétie
d'Emmanuel, Is., vu, 3; 2» C'est là que le Rabsacès et
les envoyés de Sennachérib s'adressèrent au peuple
qui était sur les murs de la ville pour le presser de se
soumettre.au roi d Assyrie. IV Reg., xvm, 17; Is.,
xxxvi, 22. Il résulte des détails de cette dernière scène
que la piscine était en dehors de la ville. Pendant
longtemps on a cru que la piscine supérieure se trou-
vait à l'ouest de Jérusalem à l'emplacement du Birket
Mamillah actuel. Voir Jérusalem, t. m, col. 1349;
Champ du Foulon, t. n, col. 529. Cf. C. Mommert,
Topographie des allen Jérusalem, m Th., Leipzig
1 1905), p. 76-79, 132. Plusieurs savants contestent
aujourd'hui cette identification et identifient la piscine
supérieure avec une des piscines de Siloé. Voir J. Ben-
ziger, Hebriiische Archiiologie, 1894, p. 52.
PISIDIE (grec : IIi<n8io), contrée située dans la
partie sud-ouest de l'Asie .Mineure, et mentionnée deux
' P-" I' S 1 "VD I Ê\A ' V
88.— Carte de la Pisidie.-
fois dans le Nouveau Testament : Act., xm, li. et
xiv, 24.
1° Limites. — Elle était enclavée entre le haut pla-
teau phrygien et la vaste plaine de Pamphylie. Ses
limites précises ne peuvent pas plus être déterminées
que celles d'autres nombreuses provinces de la pénin-
sule asiatique, car elles varièrent aux différentes
époques de l'histoire. On peut dire du moins avec assez
d'exactitude, qu'à l'époque qui nous intéresse, la Pisidie
était bornée au nord par la Phrygie; au sud, parla
Pamphylie, qui la séparait de la Méditerranée; à l'est,
par le territoire isaurien et la Lycaoniejà l'ouest et au
sud-ouest, par la Carie et la Lycie (fig. 88).
2° Géographie physique. — La Pisidie était un dis-
trict rocheux, montagneux, formé par la chaîne du
Taurus occidental, qui a, dans ces parages, quelques-
uns de ses pics les plus élevés. C'est une des contrées
les plus sauvages, les plus accidentées et les plus pitto-
resques de l'Asie .Mineure. Çà et là s'ouvrent de larges
vallées, où coulent des cours d'eau dont plusieurs, tels
que le Kestros, l'Eurymédon et le Mêlas, sont considé-
rables et vont se jeter dans le golfe de Pamphylie. Dans
la partie septentrionale du pays se trouvent plusieurs
lacs salés, et aussi le grand lac d'eau douce qui porte
443
PISiniE
PISTACHE
44 4
le nom A'Egherdîn Gœl. Au sud. les montagnes des-
cendent d'une manière assez abrupte dans la plaine
pamphylienne et, sur la partie inférieure de leurs pentes
fort bien exposées, croissent l'olivier, le styrax et plu-
sieurs autres plantes aromatiques.
3» Population et histoire de la Pisidie. — Les
Pisidiens formaient une race montagnarde âpre et
belliqueuse, passionnée pour la liberté et ardemment
hostile à tout ce qui pouvait gêner son indépendance.
Strabon, XII, VI, 7; Pline, H. N., v, 24. On ignore
quelles étaient leurs origines ethnologiques. Ils furent
d'abord gouvernés par des chefs héréditaires; puis
Amyntas, le dernier roi des Galates, réunit tout le pays
sous sa domination, en 36 avant J.-C. C'est Xénophon,
dans son Anabasis', 1, I, 11; II, I, 4, etc., qui fait la
première mention historique des Pisidiens. Ne re-
doutant rien, ils troublaient fréquemment le repos des
contrées voisines, par des invasions soudaines et ter-
ribles, dont ils revenaient chargés de butin. Cf. Stra-
bon, /. c. ; Tite Live, xxxv, 13. Un comprend donc
qu'ainsi exercés à la guerre el au brigandage, ils aient
fait, à l'occasion, d'excellents soldats. Voir' Josèphe,
A, il. iu,l.. XIII, xin, 5; Bell.jud., xi.ui, 3. Aussi, ni
les Perses, ni Alexandre le Grand, ni les Séleucides,
ni même les Romains ne réussirent-ils à les subjuguer
complètement. Si le général romain Quirinius parvint
à s'emparer de la citadelle de Cremna, après de longs
efforts, el à y installer une colonie de vétérans, et si
d'autres colonies furent également établies à Antioebe
el en d'autres localités, Pline, H. X., v, 24, le cœur de
la contrée ne fut jamais dompté. Après celle conquête
imparfaite de Home, la Pisidie l'ut rattachée à la pro-
vince de Galatie (25 avant J.-C.) et puis de Pamphylie,
Cf. Ptolémée, v, 4 et 5; .1. Marquardt, Organisation de
l'empire romain, t. Il, trad. franc., Paris, 1802, p. 238,
278, 313. Ce n'esl qu'en 297 de notre ère, durant le
règne de Iiioclélien, qu'elle devint une province à part,
gouvernée par un presses. — On conçoit aisément,
d'après les détails qui précèdent, que les Pisidiens
soient demeurés à peu près totalement rebelles à la
civilisation hellénique. Cependant, le langage et l'art
grecs pénétrèrent à la longue dans la contrée, comme
le montrent, d'une part, les inscriptions récemment
découvertes, et, de l'autre, les restes assez bien conser-
vés des anciens monuments. On ne possède que de
rares fragments de la langue propre aux Pisidiens.
Voir W. M. liamsay, Inscriptions en langue pisi-
dienne, dans la Revue des Universités du Midi, 1895,
p. 353-360. — Les villes principales de la Pisidie, vraies
forteresses au milieu des montagnes, étaient Sagalassos,
Selgé, Cremna, Termessos, Pednalissos. Les ruines de
plusieurs d'entre elles ont élé retrouvées de nos jours.
4" La Pisidie et le Nouveau Testament. — La Pisidie
rei ni plusieurs l'ois la visite de saint Paul. Durant son
premier voyage apostolique, il la traversa du sud au
nord, avec Barnabe, en venant de Chypre et de Pam-
phylie. Act., xm, 13-14. Puis il la parcourut de oo'u
veau en sens inverse, du nord au sud, lorsqu'il revint
de Lystres et d'Icône à Antioche (de Pisidie), et re-
descendit en Pamphylie. Act., xiv, 20-23. Il est pro-
bable qu'il visita aussi la partie septentrionale de la
province au début de son second voyage apostolique,
en compagnie de Silas et de Timothée. Act., XVI, 6;
mais cela n'est pas dit explicitement. Saint Luc décrit
tout au long, Act., XIII, 14-52, le ministère et le beau
succès de l'Apôtre à Antioche. Notons, à ce sujet, une
double leçon du texte sacré, au passage Act., xm, 11.
Pour distinguer celle ville importante de plusieurs
autres cités homonymes, spécialement d'Antioche de
Syrie, le narrateur emploie, d'après le « textus recep-
tus o, l'expression 'Avrtdjceicev rr,; IlnrtSix:, « Antioche
de Pisidie o; mais il est vraisemblable, d'après les ma-
nuscrits n, A, U, C, etc., que la leçon primitive était
'Avrio^eiav rîjv IliaiSisiv. « Antioche la Pisidienne. »
Dans rémunération des nombreux périls auxquels il
fut exposé durant son long ministère, saint Paul
signale en particulier, II Cor., xi, 26, ceux qu'il courut
en passant les Meuves et de la part des brigands. Il lit
sans doute très spécialement l'expérience de ces deux
sortes de dangers en voyageant sur les routes pisi-
die n n o s . D'une part, en effet, il eut à franchir plus
d'un torrent de montagne, aux eaux gonllées par les
pluies. D'autre part, ce que nous avons dit plus haut
du caractère des habitants de la Pisidie montre que les
o périls des brigands » n'étaient pas rares dans
celle région. D'ailleurs, les inscriptions anciennes
qu'on y a trouvées mentionnent en propres termes cetti
espèce de péril. Plusieurs d'entre elles signalent l'exis-
tence d'un corps de gardiens, qui avaient pour fonction
principale de protéger les voyageurs et les propriétés
contre les bandits : ôpoçûXaxsç, TtapaspuXaxvat. Une
autre est dédiée par des parents éplorés o à Sousou,
leur fils, gardien des montagnes, égorge par des
brigands. » Voir W. M. Ramsay, Hislorical Geography
of Asia Minor, p. 174; Id., The Church in the Roman
Empire, p. 23 25,
Il semble qu'il existe encore un vestige du passage
de saint Paul en Pisidie, dans le nom de Kara Bavlc
(c'est-à-dire n«SXo) que portent les ruines de l'ancienne
ville d'Adada. située1 autrefois sur- la route qui condui-
sait directement de la cote de Pamphylie à Antioche
de Pisidie. Cf. Ramsay, The Church in the Roman
Empire, p. 20-23.
Voir Strabon, XII, VI, 7 et 8; Pline, H. .Y., v, 21;
luepert, Aile Géographie, in-8°, p. 127; Conybean
et llouson, The Life and EpistU s / .S/. Paul. Londres,
IS7.V in-12, p. 129-13't; C. , 'euard. Saint Paul, ses
missions, in-8°, Paris, 1872, p. 28-32; le comte Lan-
ckoronski. Stâdte Pamphyliens ont Pisidiens, iu-8 .
t. n. Vienne, 1892. L. FiLLIO
PISTACHE (hébreu : botnîm : Septante : vepÉëivOo; ;
Vulgate : tercbintlms). fruit du Pistachier.
I. Description. — Le Pistacia vera (vulgairement
Pistachier), lig. 89 est un arbrisseau de la famille des
Térébinthacées. Les feuilles pennées avec 1 ou 2 paires
de folioles, rarement réduites à la foliole leniiin.de,
sont d'abord velues sur tonte leur surface, puis à la lin
seulement aux bords, très amples, coriaces, obtuses
ou mucronulées, luisantes en dessus, avec des ner-
vures saillantes. Les fleurs dioïques et apétales, en
panicules dressées, ont les caractères de celles du
Lentisque. Mais le fruit devient beaucoup plus gros,
rouge, oblong, prolongé' en apicule à son sommet.
Originaire des montagnes du Liban, il s'est répanda
parla culture dans toute la région méditerranéenne et
orientale, pour son fruit dont la pulpe esl aigrelette
i'l comestible. L'amande e-t oléagineuse, et le lue-
fournil un combustible excellent. Enfin son écorce
astringente peut servirait lannage. el secrète la résine
connue sous le nom de Térébenthine de Ghio. 1". Hy.
IL EXÉGÈSE. — Les botnîm figurent parmi les meil-
leures productions du pays de Canaan, que les enfants
de Jacob doivent porter en présent au premier ministre
du pharaon d'Egypte, tien., xi.m, II. One sont ces
botnîm? A s'en tenir aux seules versions anciennes, il
serait difficile de décider, puisque les unes, comme
la version samaritaine, la version arabe (les Samaritains
et celle d'Erpenius voient dans les botnîm les noix du
pistachier, et les autres plus anciennes el plus nom-
breuses traduisent par térébinthe, comme les Sep-
tante, TSf/iëevGoc, la Vulgale. terebinthus, le syriaque,
betmo, le chaldéen, but mu', l'arabe, butm. Les Arabes
appellent actuellement le térébinthe butm, tandis
qu'ils donnent au pistachier le nom de fistùq. El les
noms employés par le syriaque el le chaldéen, betmo.
445
PISTACHE — PLACE D'HONNEUR
446
bulmâ désignent également dans ces langues le téré-
binthe. Il y a lieu de remarquer cependant que le
Pislacia vera et le Pistacia terebinthus sont deux
arbres de la même famille, des plantes ayant entre elles
de grandes analogies; c'est ce qui a amené les Grecs
â les confondre. Théophraste, Hist. pi., IV, 5. Il est
fort possible que les peuples orientaux aient aussi
compris sous la même dénomination les deux espèces
du Pislacia et que tout en traduisant par térébinthe,
les versions sémitiques aient eu en vue cependant le
Pislacia vera. Les fruits du térébinthe ne sauraient
guère être offerts en présent comme une des meilleures
productions de la Palestine, tandis que la noix du
pistacbier était et est encore très appréciée. C'est ce
qu'ont bien vu d'anciens commentateurs juifs : ainsi
le botnah du TV. Schebi, 7, est regardé par la glose de
— Pistacia vera.
Barlenora et par Maimonide comme une espèce de
noix, appelée pBDNa, p'istuq. On sait du reste que le
pistachier était très répandu en Palestine. La ville de
Betonim, Job, xm, 26, au pays de Gad, parait tirer son
nom de l'abondance de cet arbre. Pline, H. X., xm,
10, y reconnaît une spécialité de la Syrie, qu'on ne
trouvait pas en Egypte : ce qui est conforme au texte
de la Genèse, xliii, 11. Pour ces diverses raisons l'iden-
tilication des botnïm avec les pistaches est très vraisem-
blable : c'est le sentiment de Bochart. Geograph., t. n.
1. I, ch. x; de Celsius, Hierobotanic, in-8°, Amsterdam,
t. i, p. 24; de Michaelis, Supplementa ad lexica he-
braica, in-8. Gœttingue, 1792, t. i, p. 171. Cf. I. Lôw.
Aramaische Pflanzennamen, in-8», p. 420.
E. Levesque.
PLACE D'HONNEUR, place attribuée à un per-
sonnage considérable. — 1" La droite est ordinaire-
ment attribuée, dans la Sainte Écriture, à celui qu'on
veut particulièrement honorer. Dieu fait siéger à sa
droite le Messie, son Fils incarné. Ps. ex (cix), 1;
Matth., xxii, 44; Marc, xn, 36; Luc, xx, 42; Act., n,
34; lleb., i, 13. Devant le sanhédrin, Notre- Seigneur
annonce qu'on le verra un jour occuper cette place.
Matth., xxvi, 64; Marc, xiv, 62; Luc, xxn, 69. Il en
prend possession au jour de son ascension. Marc, xvi.
19, Saint Etienne le voit à cette place. Act., vu, 55.
Les Apôtres parlent souvent du Christ à la droite de
Dieu. Rom., vin, il; Col., m, 1; Heb., i, 3; vm, 1; x.
12; xn, 2; I Pet., m, 22. Au dernier jour, le Fils de
l'homme occupera le siège de sa majesté pour exercer
sa fonction déjuge suprême. Matth., xxv, 31.
2" Le roi Salomon fait asseoir la reine Belhsabée a
sa droite. III Reg., n, 19. Dans l'épithalame du Psaume
xlv ixi.ivi, 10, la reine est aussi à la droite du roi. Le
peuple d'Israël est appelé « l'homme de la droite » de
Jéhovah, Ps. lxxx (lxxix), 18, à cause de la place
d'honneur que Dieu lui a assignée parmi les autres
peuples. Au dernier jugement, les brebis, c'est-à-dire
les âmes des justes, seront placées à droite. Matth.,
xxv, 33. 11 ne faut pas mettre son ennemi à coté de soi.
le faire asseoir à sa droite, si l'on ne veut pas être
supplanté par lui. Eccli., xn, 12.
3° La place attribuée à quelqu'un marque sa dignité
et l'autorité qu'il exerce. Job, xxix, 25, dit que quand
il se rendait dans l'assemblée de ses concitoyens, on
lui donnait la première place et il siégeait comme un
roi. La mère des fils de Zébédée demande à Notre-
Seigneur que. dans son royaume, ses deux fils soient
assis l'un à sa droite et l'autre à sa gauche. Matth.. xx,
21. C'était réclamer pour eux les deux premières di-
gnités dans ce royaume temporel dont on croyait l'éta-
blissement imminent. La seconde place est attribuée
au premier ministre du roi. Joseph occupe le second
char après le pharaon. Gen., xli, 43. Jonathas sera le
second après David, I Reg., xxm, 27; Elcana est le
second après Achaz, II Par., xxvm, 7; Aman et Mar-
dochée occupent la même place auprès d'Assuérus.
Esth., x, 3; xm, 3, 6. Daniel, v, 7, 16, 29, n'est que le
troisième dans le royaume, parce que le roi Xabonide
avait associé au gouvernement son fils Balthasar.
A Malte, le gouverneur Publius portait le titre de
npoiTo;, « premier >;. Act., xxvm, 7. On regardait
comme un honneur de siéger au milieu des premiers.
I Reg., n, 8; III Reg., xxi, 9; Prov., xxxi, 23. Les rois
mettent leur plaisir dans les trônes et les sceptres,
Sap., vi, 22; la sagesse vaut mieux que ces choses.
Sap., vu, S. Les pharisiens aimaient à occuper les
premières places dans les festins et dans les syna
gogues. Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 16
Quand un riche se présentait dans certaines réunions,
on lui offrait une place d'honneur en lui disant :
aj xaOo'j (ôo£ xaXcôç, « à toi cette belle place ».
Jacob., n, 3, — Au jour du jugement, les Apôtres
siégeront sur douze sièges d'honneur, pour juger avec
le Fils de l'homme. .Matth., xix, 28. Alors celui qui
aura vaincu sera assis avec le Fils de Dieu sur son
trône, de même que le Fils est assis sur le trône du
Père. Apoc, m, 21. Mais bien des rôles seront changés;
beaucoup de ceux qui étaient les premiers sur la terre
seront alors les derniers et réciproquement. Matth., xix,
30; xx, 16; Marc, x, 31.
4» La place occupée à table était en rapport avec la
dignité de chaque convive. La reine, épouse d'Artaxer-
xès, est assise auprès du roi pendant le repas,
II Esd., n, 6, sans doute dans l'attitude figurée t. iv,
11g. 97, col. 290. A l'époque de Notre-Seigneur, on
recherchait avec avidité les premières places à table.
Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 46. Un jour,
le divin Maître fut témoin de cet empressement. Il en
prit occasion pour donner aux convives une leçon de
savoir-vivre, dont il fit en même temps une leçon d'hu-
milité. Luc, xiv, 7-11. L'hôte en effet ne respectait pas
toujours le choix de chaque convive; il faisait monter
l'un et descendre l'autre, ce qui était une source d'hu-
miliations pénibles, bien que méritées. Les Apôtres ne
profitèrent pas de la leçon. Avant la dernière Cène, au
moment sans doute où il s'agissait de prendre place à
table, on les voit se disputer sur la préséance.
PLACE D'HONNEUR — PLAIDEUR
44S
Luc. XXII. 24-30. En leur lavant les pieds lui-même,
Xotre-Seigneur leur montra en quoi consisteraient les
dignités dans son royaume. .Toa.. xm. 4, 5. 13-17. —
Sur la place occupée par les convives à l'époque évan-
gélique, voir Lit. t. iv. col. -290- 291.
H. Lesètre.
PLACE PUBLIQUE (hébreu : hùs, « le dehors »,
relwb, « ce qui est large », Syq, • là où l'on court i :
Septante : izXarzia, -/iîo:. iropâj Vulgate : plalea,
i, espace découvert, à proximité des habitations.
— Dans les villes d'Orient, il n'y avait pas de places
proprement dites comme dans les nôtres. Les maisons
étaient resserrées les unes près des autres, les rues
étroites, souvent tortueuses et encombrées. On se gar-
dait d'y ménager des emplacements vides, où l'on n'au-
rait pu s'abriter contre le soleil et qui. dans les villes
entourées de murs, auraient rendu l'enceinte plus éten-
due et plus difficile à défendre. Les places n'étaient
ordinairement que l'espace maintenu libre à l'entrée
des villes ou des villages. De là les noms qui leur sont
donnés; ce sont des endroits en dehors de l'agglomé-
ration, ils sont larges, on peut y courir, ce qui n'était
pas possible dans les rues. Les places étaient les lieux
naturellement indiqués pour servir à toutes les mani-
festations de la vie publique. La Sainte Écriture y l'ail
assez souvent allusion.
I Quand des étrangers arrivaient, ils se tenaient sur
la place, jusqu'à ce que quelqu'un leur offrit l'hospita-
lité. Jud., xix. 16, 17. 20. Parfois, ils préféraient s'y éta-
blir pour passer la nuit. Gen., xix, 2. Comme la place
était le lieu de passage de tous les arrivants et de tous
les sortants, on y cherchait ceux qu'on voulait rencon-
trer, Cant.. ni. 2: on y faisait les proclamations publiques,
l'rov.. i, 20; Luc. x. 10, les vieillards venaient y devi-
ser ■< l'aise, quand la chaleur était tombée. I Mach.,
XIV, 9; on > trouvait les ouvriers à louer. Matth.. xx. 3.
et les convives à inviter. Luc. xiv. 21. Les gens d'im-
portance aimaient à s'y rendre pour être salués. Matth.,
xxin. 7; Marc. xn. 38; Luc. xi. 13; xx. Hi: mais,
comme on y rencontrait toutes sortes de personnes et
d'objels plus ou moins impurs, les pharisiens ne man-
quaient pas de se laver en revenant de la place publique.
.Marc, vu, 1. Noire-Seigneur voulut bien enseigner son-
vent sur les places publiques. Luc. xm. 26. mais sans
j faire retentir sa voix comme ceux qui veulent im-
poser à la foule. Matth.. xn. 19. Dans les villes et les
villages, on rassemblait les malades sur les places pu-
bliques, pour qu'il les guérit. Marc, vi, 36.
2° Les places étaient le théâtre des événements qui
inti ressaient toute la population. En cas de danger, c'est
là que retentissaient les cris d'alarme. Ps. exuv (cxliii).
11. Les ennemis les occupaient tout d'abord. Lam.. IV,
ls. Les Hébreux devaient \ brûler tout le butin des
villes adonnées à l'idolâtrie. Deut., xm, 16. Les Philis-
tins avaient suspendu les os de Saùl et de Jonathas sur
la place de Bethsan. Il Reg., SXI, 12 Aj.res la défaite,
la place publique devenait le siège de la désolation
populaire. Is.. xv. 3; Ara., v, 16. Menacé par Senna-
chérili. Ézéchias réunil les chefs militaires sur une
place, hors de la ville, et les exhorta au courage et à la
conliance. II Par., xwii. 6. Esdras lut la lui au peuple
assemblé sur la place, devant la porte des Eaux, et en-
suite, sur cette place el sur celle d'r.phraim. on dressa
•les tentes pour célébrer la fête des Tabernacles. Il Esil..
ni. S, 16. Voir Jérusalem, lui. col. 1364, 1365 Parfois
aussi, sur les places, on installa les cultes idolàtriques,
Ezech., \\i. 24, 31 . assimilés à la fornication. Cf. Prov..
vu. 12.
'■'■ La place publique était le rendez-vous de la jeu-
nesse, qui y prenait ses ébats. Les jeunes garçons et les
ieunes filles y venaient jouer. Zacb., \m. .") : Matth.. XI,
16; Luc, mi. 32, Dans les temps de calamités, la mort
frappait les jeunes gens des places publiques, .1er., ix.
21 ; xlix, 26: l, 30; les enfants et les nourrissons y tom-
baient en défaillance. Lam., n, 11.
4» Sur la place publique, par laquelle tous les hommes
passaient pour se rendre aux champs ou en revenir, la
justice tenait ses séances. Job. xxix. 7; cf. Act.. xvi. 19.
Mais souvent la vérité et la justice trébuchaient sur la
place publique. Is.. ux. H. l'oppression et l'astuce s'y
installaient à demeure. Ps. lv (liv), 12. Voir Jugement,
t. ni, col. 1843: Porte. Les places publiques servaient
aussi pour les marchés. Voir Marché, t. iv. col. 718. —
Daniel, ix. 25, prédit la restauration de Jérusalem, avec
ses places et son enceinte; ïobie. xm. 22. souhaitait
que le pavé de ces places fût de pierres d'une blancheur-
sans lâche.
5" Il est aussi queslion d'autres places : la place orien-
tale du Temple, c'est-à-dire le grand parvis, dans lequel
Ezéchias réunit les prêtres et les lévites. II Par., xxix,
4; Esdras y rassembla aussi tout le peuple, I Esd., x.
9. et ludas Machabée y détruisit les autels idolàtriques
que les étrangers y avaient élevés, II Mach.. x. 2; la
place du palais de Suse. à travers laquelle Mardochée
fut promené en triomphe, Esth., tv, 6: vi, 9, 11, et les
places que voit saint Jean dans la Jérusalem déicide.
Apoc. xxi. 2i : xxii. 2. Voir Agora, t. i, col. 275;
Forum, t. n. col. 2328. — Souvent les versions parlent
Je places là où le texte hébreu mentionne un emplace-
ment quelconque, une contrée. Job, XVIII, 17. et sur-
tout des rues. Il Reg., xxn. Ui: III Reg.. xx. 3t; Tob.,
n, 3; Esth., iv. 1 : l's. xvm (xvn), 43; Prov., vu. S;
xxn, 13; Ecclc, xn. I, 5: Eccli., ix. 7; Is., v. 25; x 6;
xxiv. 11: .Ter., v. 1 ; vu. 17, 34; xliv, 6. 17, 21: Lam..
n. 12: iv. 1.8. li: E/ech., XXVI, 11: xxvni. 23: Mich..
vu, 10; Nah., n, i: Zach., vin, i: ix. 3: I Mach., 1,58;
il. 9: II Mach.. m. 19; Matth.. m. 5. Ait.. \. 15. Voir
Rue.
6 In dehors des villes, certains croisements de
routes forment des sortes de places ou carrefours.
Ainsi, pour tirer ses présages, le roi de Babylone
s'arrête à 'êm had-dérêk, « la mère du chemin
tête de deux chemin*. L-: ?r,v àp^afav ôSov, •> à l'antique
chemin . probablemenl pour ëieit^v ipxv 68oQ,
commencement du chemin ». in bivio, <■ au carrefour ".
Ezech.. xxi. 21 (26). — La Vulgate appelle bivium, car-
refour, ce que l'hébreu et les Septante nomment <• porte
d'Énaîm ». Gen., xxxvm. li. 21. Voir Enaim, t. H,
col. 1766. Elle donne encore le nom de bivium a 1
Sov, « la rue », de Bethphagé. Marc. xi. 1. Enfin, elle
appelle triria. <■ carrefours des trois chemins ■. les
places des villes de Moab. Is.. xv. 3.
11. Lesètre.
PLAGIAIRE (grec : ivSpanoSKrrr,;; Vulgate: /
riut . celui qui vend ou qui achète comme esclave
un homme libre, dont on s'est emparé par vol. Saint
Paul. I Tina., i. ht. énumère les plagiaires avec les ho-
micides et les autres criminels dignes de toute lai.
des lois. Le plagiat ainsi entendu était puni de mort
chez les Hébreux, Exod.. xxi, 16: lient.. XXIV, 7
les Gn es, Xénophon, liemorab., I, n. 62, et chez les
Romains. Lea Fabia, Digesl., xlviii, lit. xv. La loi mo-
saïque condamnait à mort non seulement celui qui
avait vendu comme esclave un homme ou une femme
mais aussi celui qui. sans les vendre, les retenait
entre ses mains. Exod., xxi. 16.
PLAIDEUR, celui qui. devant le juge, défend ce
qu'il croit être son droit. — Chez les Hébreux, chacun
plaidait lui-même sa cause devant les jugés. A défaut
de témoins pour appuyer sa revendication ou sa dé-
1 prêtai! serment alin de donner plus de poids à
s.i parole. Exod., xxn. Il: Heb.. vi, i6. Voir Jigemeni
t. ni, col. 1841; Procédure. Booz et le proche ]
de lluth font valoir chacun leurs raisons devant dix
anciens pour épouser ou ne pas épouser la jeunejille.
449
PLAIDEUR - PLAIE
Ruth, iv. 1-6. Deux femmes viennent ainsi plaider de-
vint Salomon. au sujet de l'enfant que chacune prétend
être le sien. III Reg., m, 16-28. Déjà, du temps de David
Absalom cherchait à attirer à lui les plaideurs, sous
prétexte que justice ne leur était pas rendue au tribunal
royal, II Reg., xv, 2-4, bien que lui-même fût rentré
en grâce sur l'intervention d'une femme de Thécué
venue pour plaider auprès de David la cause d'un fils
soi-disant menacé de mort par sa parenté. II Reg., xiv
4-20. Les plaideurs usaient parfois de movens ind.'-i ici ts
pour capter la bienveillance des juges. Prov., xvn 15
23; xviii, 5; xxiv, 23; xxvm, 21. - Notre-Seigneur re-
commande au plaideur de s'accorder avec son adversaire
pendant qu'ils sont tous les deux ensemble en roule pour
le tribunal; car, une fois entre les mains de la justice
lallaire suivra son cours et le plaideur imprudent ou
opiniâtre en subira les dures conséquences. Matth v 25
En parlant ainsi, le divin Maître entend donner' un
conseil pratique non seulement pour la vie présente mais
encore pour l'autre vie. On a intérêt à donner satisfac-
tion en ce monde à tous ceux qu'on a lésés de quelque
manière; car, si l'affaire vient en élat au tribunal du
souverain Juge, la sentence sera redoutable, et le cou-
pable ne sortira de prison qu'après avoir payé jusqu'à
la dernière obole. Voir Purgatoire. - Saint Paul ne
veut pas que les chrétiens qui ont à plaider quelque
allaire 1 un contre l'autre en appellent aux tribunaux
des païens. « Quand vous avez des jugements à faire
rendre sur les affaires de cette vie, dit-il, établissez
pour les juger ceux qui sont les moins considérés
dans Eglise. » I Cor., vi, 4. Les plus humbles lidéles
avec leur simple bon sens, seront aptes à juger ces
différends à l'amiable, et l'on évitera ainsi de porter à
la connaissance d'adversaires des discussions qui leur
donneraient occasion de se moquer d'hommes faisant
profession de vivre en paix les uns avec les autres et
de n attacher qu'une médiocre importance aux intérêts
matériels. D'autre part, le conseil de l'Apôtre montre
que, sur certaines questions temporelles, il peut
exister des dissentiments légitimes, même entre les
chrétiens. Mais le chrétien ne doit pas être un homme
a procès. L'Apôtre s'inspire du conseil donné par
Notre-Seigneur : « Si l'on t'appelle en justice pour
avoir ta tunique, abandonne encore ton manteau »
Matth., v, 40; Luc, vi, 20, 30. Il est évident qu'il n'y a
pas ici de précepte. Ainsi l'a compris saint Paul qui
en plusieurs circonstances, a revendiqué ses droits'
a 1 hihppes, Act, xvi, 37-38; à Jérusalem, xxn, 25-26^
xxm, 1 ; devant les procurateurs Félix, xxiv, 10,' et Fes-
tus, xxv, 8-12. Si le chrétien abandonnait toujours tous
tes siens, les adversaires l'accuseraient de pusillanimité
son abnégation encouragerait tous les attentats et ii
Unirait lui-même par ne plus compter dans la société
des hommes. La charité, autant que la justice, com-
mande de se défendre légalement en certains cas, pour
ne pas laisser les méchants maîtres absolus de tous les
biens d ordre temporel. Cf. S.Augustin, Epist. 13S H
? . s V?'"' C01' 528"532; De serm- Dom- '"» m«fc!
I, 18, 63, t. xxxiv, col. 1261-1262. H. Lesètre
450
PLAIE, résultat d'un coup, d'une blessure, d'un mal
quelconque qui entame partiellement le corps et par
extension, calamité de tout ordre qui atteint une' per-
sonne ou une collectivité. Ce mot représente donc plu-
sieurs idées, auxquelles correspondent, dans l'hébreu et
dans les versions, des termes tantôt identiques et tantôt
uitlérents.
I» Coups (hébreu : makkàh, de nâkâh, « frapper » •
bcptante : ^m: Vulgate : plaga). 1. Les coups sont
âss. /. souvent mentionnés dans la Sainte Kcriture Fxod
n. 11; Prov., xvii. 10; xix, 29; xxm, 13, 14; II Mach"'
m. 26; v,, 30; Matth., v, 39; xx.v, 49; .xxv. 51 68; xxvn'
■i0; Act., xxm, 2, etc. Voir Soufplet. - 2. La loi pré-
DICT. DE LA BIBLE.
voyait le châtiment ou le dédommagement qu'entraî-
nent les coups donnés. Qui frappait son père ou sa mère
ncoura, la mort. Fxod., xxi. 18. Frapper son esdave
;< coups de bâton jusqu'à lui ôter la vie méritait châti-
ment; si 1 esclave survivait, ne fût-ce qu'un jour ou deux
e bl?LrnetT'a,î inde"lne- Kx°d- XX*' 2a Ceu* 1" £
l?6'*?' Une fem»^ enceinte, devaient une
amende s. I accouchement n'était que prématuré. Au cas
iidt é ' 0" fPplK'uait !a Pei»e du talion, qui concer-
nait également les cas de blessure, de mutilation ou de
n donner' EX°a-'XXI' 22"-5- V0ir Ta"on' Celui qui
en donnant un coup a son esclave, lui faisait perdre un
Lxod., xxi, 26. - 3. La loi réglait enfin le nombre de
coups qul po ient êtreinfli f£ *e
Ils devaient être proportionnés à la faute et ne jamais
dépasser quarante. Deut., xxv, 2, 3. On les inLea
anciennement sous forme de bastonnade. Voir Baston
2;>1 '5r ■ ApréS 'a CaptîVité' on ï subSla
vf 9 * . mT Flageu-a™n, t. „, col. 2281. Cf. Act.,
xvi, iô, ôà; Il Cor., vi, 5; xi, 23
2» Blessure (makkàh, «ft,^. plaga; pesa, de pdsa\
« blesser », rpaU(ta, vulnus; dakke, de dàka, « être
hroye i, nl^, mfirmitas ; maffias, de mâhas, « frap-
peI.\ *Xr>W' Plaaa; bês, « blessure de flèche », de liés
« Hêcne », 3IXoç, sagitta; néga de ndga , « frapper ,','
«91, (i.a<m5, Plaga, lepra, flagellum; Sêbér, deïabar-
« hnser», <™vWu«, fractura). 1. La première men-
tion de blessure se lit dans le chant de Lamech. Gen. iv
-o. \ o.r Lamech, t. iv, col. 41. On trouve ensuite mention-
nées les blessures de Job, xxxiv, 6; d'Achab, III Ree
xxii 35 de Joram, IV Reg., ,x, 15; II Par., xxn, *?&
Notre-Seigneur Joa., x.x. 18; xx, 27; cf. Is., lui, 10;
de saint Paul, Act., xvi, 33, etc. Au désert, les Hébreux
son blesses par les morsures des serpents. Num., xxr
6. Il n y a que plaies et blessures, par conséquent vio-
lences de toutes sortes, dans Jérusalem, au temps de
Jeremie, yi, 7. Les faux prophètes font passer les inci-
sions qu ils pratiquaient sur eux-mêmes pour des bles-
sures qu ils auraient reeues dans des rixes avec leurs
amis. Zach. , xin, 6. Voir Incision, t. m, col. 868. Le
voyageur de la parabole du bon Samaritain est couvert
de blessures par les voleurs. Luc, x, 30. Les ivro-nes
encourent souvent des blessures. Prov. xxm ^9 'Les
verges causent des blessures qui contribuent à corriger
le vice. Prov., xx, 30; Eccli., xxvm, 21 ; xxx 7 L'hu
man.te sera sauvée par les blessures et les meurtrissu-
res du Rédempteur. Is., un, 5, 10. -2. Au sens figuré,
Jehovah bandera les blessures et guérira les plaies de
son peuple. Is, xxx, 26. Les blessures que fait un ami
sont inspirées par sa fidélité. Prov., xxvn 6 - 3 La
législation s'occupait des blessures. Elle réglait que celui
qui blesse subit la loi du talion. Exod., xxi 25- Lev
xxiv, 20 Quand le cas était difficile à décider, on allait
trouver les prêtres et le juge en fonction à ce moment
et I on s en remettait à leur sentence. Deut xvii 8- xxi
5. Voir Juge, t. m, col. 1834. >>•»-",
3» Maladie (néga' irf, rf,-^, ^.j plaga)w La ièpre
est appelée une plaie; elle entame en effet la peau et les
chairs. Lev., xiii, 3-42;Deut., xx.v, 8. Voir Lèpre, t. iv,
col. 175. Apres la prise de l'Arche, les Philistins sont
frappes de plaies consistant en tumeurs malignes. IRe°
V: °' ?jrVi' 5-,Voir 0fa"M- '■ 'V, col. 1757. Le roiAntio-
chus IV Epiphane fut atteint d'une plaie incurable, qui
avait le caractère d'un châtiment divin, tela yAor^dwina
plaga II Mach., ,x, 5, 11. Notre-Seigneur guérissait
les malheureux qui soutiraient de plaies. Marc, m 10
v, 29. 31; Luc, vu, 21.
4» Épreuve (yàd, « main », ZEÎ? fj^, « main
lou.de », manus plagX; ^^ plaga^ flageaum\ Job.
x.x, ,1 se plaint que la main de Dieu l'a frappé comme
d une plaie. Cette main est lourde. Job, xxm, 2. Le Juste
éprouve et repentant constate que ses amis s'éloignent
V. - 15
451
PLAIE
PLAIES DE N.-S. JESUS-CHRIST
452
de lui à cause de su plaie. Ps. xxxvm (xxxvn), 4, 12. Il
demande que Dieu détourne de lui cette plaie. Ps. xxxix
(xxxvm), 11. Celui qui a conllance en Dieu n'a pas à
subir de plaie. Ps. xci (xc), 10.
.> Châtiment {yâd, i/y-y.r,. dolor; maggêfâh, de
nâgaf, « frappei- ». -ir,-;i„ plaga; néga', oSûvri, turpi-
tvido-; négéf, tctûoi;, plaga; makkàh, %ki\-fy, plaga;
pesa', 9pa-Jeiv. plaga; sébér, de Sdbar, « briser », T.'>r,-;rr
plaga). 1. Tous les coups du malheur fondent sur l'im-
pie. Job. xx, '22. L'impudique ne recueille que plaie et
honte. Prov., VI, 33. La maison du parjure est pleine de
plaies. Kccli., xxm, 12. —2. La plaie atteindra ceux qui
n'acquitteront pas leur rançon au moment du recense-
ment dans le désert. Exod., xxx, 12. Les lévites servent
le Seigneur dans le sanctuaire, afin que les Israélites ne
soient frappés d'aucune plaie quand eux-mêmes s'\ pré-
senteront. N'uni., vin, 19. Ceux-ci cependant s'attirent
la plaie par leurs murmures. Num., xvil, 13. Dieu frap-
pera île plaies les Israélites rebelles et infidèles. Lev.,
xxvi, 21, 28; Deut., xxvm, 59, 61; xxix, 21. — 3. Il a
frappé de la sorte les envoyés qui sont allés visiter le
pays de Chanaan et ensuite ont découragé le peuple.
Num., xiv, 37; Coré, Dathan et Abiron, Num.. xvi, 46;
les Hébreux qui ont murmuré au désert pour avoir de
la viande, Num., xi, 33; ceux qui se sont laissé séduire a
Béelphégor, Num , xxv, 8, 18; xxxi, 16; la nation cou-
pable au temps de Joram, 11 Par., xxi, li, et de Jéré-
mie. x, 19; xiv, 17. Par moquerie, on siffle sur la plaie
qui atteint Jérusalem coupable, .1er., xix, 8; l'Idumée,
.1er., xux, 17, Babylone, .1er., i., 13; Ninive, Nah., in.
19, et les peuples conjurés contre Jérusalem. Zach.,
xiv, 12.
ti" Fléau public {maggêfâh, <ruvavTriu.a, « accident »,
plaga; n'i.r^r,; Opi-t;:;, interfectio ; néga', i-uiu.6;,
« recherche », plaga; négéf, Tzlrtfr,, plaga; makkâh,
t.i r,-;fn plaga). I. Le pharaon d'Egypte etsa maison sont
frappés de grandes plaies à cause de Sara, femme d'Abra-
ham, lien., xn, 17. Les fléaux se déchaînent contre les
Égyptiens, quand le pharaon refuse la liberté aux
Hé! in ux. Exod., ix, II; Judith, v. 10, 11. .Mais ceux-ci
en sont indemnes. Exod., xn, 13. La plaie sévit sur les
Philistins, qui se sont emparés de l'Arche, I Reg., v, 12;
vi, .">, 9; sur les gens de Bethsamès, qui ont regardé
l'Arche irrespectueusement, 1 lieg., vi. 19; sur toul le
peuple Israélite, à l'époque de David, sous forme de
peste. II Reg., xxiv, 21; 1 l'ai., xxi, 22. - 2. Dieu châ-
tiera son peuple » avec une verge d'homme et des plaies
de lils des hommes », c'est-à-dire par des fléaux pro-
portionnés à la t'ois à la faiblesse et à la malice des
coupables. II Reg., vu, 14. On priera dans le Temple
pour obtenir la délivrance de ces fléaux, III Reg., VIII,
37,38; Il Par., vi, 28, 29.
7° Les plaies d'Egypte (maggàfôf, ffuvavt^inaTct,
plagx, Kxod., ix, 14). Elles sont au nombre de dix :
I. L'eau changée en sang. Exod;, vu, 17. 21. Voir Eau,
t. h, col. 1520; Sang. Les magiciens imitèrent ce fléau.
Exod., vu, 22. — 2. Les grenouilles. Exod., vin, 3-0.
Voir Grenouilles, t. m, col. 317. Les magiciens imi-
tèrent de nouveau ce lléau. Exod., vin, 7. '.). Les
moustiques. Exod.,viu, 16-19. Voir Cm mn. t. n, col. 1093.
Les magiciens furent impuissants à imiter cette plaie
ainsi que les suivantes, el ils dirent au pharaon : o C'est
le doigl d'un dieu' i Exod., vin, 18, 19. - i. Les mou-
ches. IaiiiI.. vin. 21-21. Voir Moi on. I. iv, col. 1321.
.">. La peste du bétail. Exod., i\.2-7. Voir PESTE, col. 164.
li. Les pustules. Exod., ix, 9, 10. Voir Pi stules.
7. La grêle. Exod., i\. 18,26. Voir Grêle, i. mi. col.336.
— 8. Les sauterelles. Exod., x, i-l.">. Voir SAUTERELLE.
—9. Les ténèbres. Exod., x, 21-23. Voir <>i km. an. t. iv,
col. 1930. — 10. La mort des premiers-nés. Exod.. xn,
29-30. Voir PAQI i., I. iv, col. 2091: Pri MIER-NÉ. — Ces
plaies ont un côté naturel, en ce sens que les phéno-
mènes qui les constituent se produisent naturellement
en certaines circonstances. Mais ce qui leur donne « un
caractère miraculeux, évident et incontestable, c'est
qu'elles arrivent à point nommé, comme sanction de la
parole de Dieu, dans des circonstances annoncées à
l'avance, précises, et avec une intensité qui révèle mani-
festement une intervention surnaturelle : elles se pro-
duisent par l'ordre de Moïse, au moment qu'il a prédit,
de la manière qu'il a déclarée; elles cessent quand il
l'ordonne et, plusieurs fois, au moment qui lui a été
fixé par le pharaon; le pays de Gessen est toujours
exempt; les Égyptiens n'en contestent jamais le carac-
tère extraordinaire; ils en sont au contraire consternés
et ils acceptent ces signes comme une preuve de la
mission di.ine de Moïse. » Vigouroux, La Bible el les
découvertes modernes, 6e édit., t. n. p. 312. Sur les dix
plaies, voir lbid., p. 315-319. La dixième plaie, en par-
ticulier, en faisant périr dans une même nuit tous les
premiers-nés, tant des hommes que des animaux, fit
éclater de la manière la plus convaincante et la plus
douloureuse le dessein que Dieu avait d'arracher son
peuple aux mains de ses persécuteurs. Cette dernière
plaie, plus terrible que toutes les autres, ne pouvait ces-
ser comme les précédentes et était sans remède. Dieu
exerça cette sévérité contre toute une nation pour abais-
ser l'orgueil et vaincre l'obstination du pharaon, pour,
châtier les Egyptiens de la part qu'ils avaient prise à
l'oppression des Hébreux et pour graver profondément,
dans le cœur de ces derniers, l'idée de sa puissance, de
sa domination absolue sur toute la nature, de sa supé-
riorité sur tous les dieux qu'adoraient les nations et de la
bonté qu'il entendait témoigner au peuple qu'il s'atta-
chait particulièrement. Voir Moisi:, t. iv, col. 1196-1198.
8° Défaite (rnakkâh, (rûvtpi^iç, r.~/r,-;r,, plaga). La
défaite d'une armée esl habituellement désignée -eus le
nom de » grande plaie ». Jos., X>10, 20; ,lud., SI, :\'.l
xv, 8: 1 Reg.. iv, 10: xi\, 14, 30: xxm. .'.; 11 Reg., XVII,
9: xvill, 7; III Reg . w. 21 : II Par.. XIII, 17: XXVIII, '>:
Toi,., i. 21: Esth., ix. 5; I Mach., i, 22: v.3. 31: vu, 22;
VIII, 'i. etc.
9" Etat moral (makkàh, tta/vt,. plaga). La misère mo-
rale d'un individu ou d'un peuple est représentée sous
la ligure d'une plaie. » Toute transgression est connue
uni' épée à deux tranchants, la plaie qu'elle l'ail esl
incurable. » Eccli.. xxi, i. Les infidélités continuelles du
peuple de Dieu constituent pour lui un état ma lad if dans
lequel on ne constate que blessures, meurtrissures,
plaies purulentes, qui ni' sont ni nettoyées, ni bandées,
ni soignées d'aucune manière. Is.. i, 5, 6. La plaie de la
nation est inguérissable et mortelle. .1er., xv, 18: xxx.
12, li.Mich.. i. 9. Cependant Dieu pansera les plaies de
Sion, .1er., xxx. 17, et un jour le Rédempteur se char-
gera des plaies de l'humanité. Is.. Lin, i.
10" Plaies symboliques {->.r-;r,. plaga). Ce sont les
lliaux que saint Jean énumere dans l'Apocalypse : le feu,
l.i fumée et le soufre, IX, 18: les plaies dont les deux
témoins de Dieu peuvent frapper la terre. XI, 0; la plaie
mortelle dont guérit la première bête, xm,3, 12. W ; les
sept plaies déchaînées par les anges, xv. i. 6. 8: xvi, 9,
21: la plaie qui frappe la grande Rabylone, xvm, 1,8;
les plaies dont sont menacés ceux qui ajouteront ou
retrancheront aux paroles de l'Apocalypse xxn, 18.
II. Lesêtre.
PLAIES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-
CHRIST, blessures qui lui onl été faites pendant sa
passion. I" Les prophéties faisaient clairement entendre
que des plaies seraient inlligées au Messie souffrant.
Ils ont percé mes mains cl mes pieds,
Je pourrais compter (Vulgate : ils nui compté) tous mes os,
fait dire au Messie soutirant le Psaume x.xu (XXI), 17-
18. Sur ce texte, voir Lion. t. iv. col. 277-279.
il i été transpercé à cause de nus pécl
Et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris.
45:î
PLAIES DE N.-S. JESUS-CHRIST — PLAINE
454
Is.. lui, ô. Les mots employés par le prophète.
meholdl, « il a été transpercé, ouvert ». irpautiatiôBj],
vulneratus est, « il a été blessé », et bakâburâtô,
« par sa meurtrissure », cf. Gen., iv, 23. (jlw).(ùtu,
livore, la trace que laissent les coups reçus, supposent
des blessures et des coups attaquant la chair même.
Je répandrai sur la maison de David
Et sur les habitants de Jérusalem
l'n esprit de grâce et de supplication.
Et ils regarderont vers moi qu'ils ont percé.
Zacli., xii, 10. Le mot ddqdrù signifie « ils ont
percé », confixcefunt. Par une transposition de lettres,
les Septante ont lu rdqddû, xaTiop^iran-o, « ils ont
insullr '. Saint Jean, xix. 37, qui cite ce texte, lit con-
formément à l'hébreu ïH/.yi-.r,i-j.-i, t ils ont transpercé »,
transfixerunt. Ce texte ne s'applique pas directement
à Judas Machabée, tué par les ennemis, comme le
pense saint Éphrem. qui le rapporte du reste aussi
dans le « sens mystique et très vrai » à Noire-
Seigneur. Cf. Bévue biblique, 1898, p. 91. Ce dernier
sens est seul possible; il est reconnu et consacré par
saint Jean, xix, 37. Les regrets dont parle ensuite le
prophète de la part de ceux qui ont commis le crime.
Zach., xii, 10, se sont produits effectivement après la
mort du Sauveur. Luc, xxni. 48; Act., Il, 37. — Un
autre texte de Zacharie, xm, 6 : « Qu'est-ce que ces
blessures à tes mains? — J'ai reçu ces coups dans
la maison de mes amis, » ne peut être appliqué à
Xotre-Seigneur que par accommodation. Il s'agit en
effet d'un faux prophète qui a pratiqué sur lui-même
des incisions idolàtriques et qui. pour se disculper,
feint d'avoir été blessé par ses amis.
2» Quand Notre-Seigneur annonce sa mort, il dit
qu'il sera crucifié. Matth., xx. 19; xxvi, 2. La cruci-
fixion était un supplice romain, et saint Jean, xvm, 32,
remarque que quand les Juifs avouèrent qu'ils ne pou-
vaient eux-mêmes mettre Jésus à mort, ils procuraient
l'accomplissement de la prédiction qu'il avait faite.
Joa., XII, 33. Les Juifs l'auraient lapidé, les Romains
devaient le crucilier. Les Kvangélistes se contentent de
dire qu'on le crucifia, sans donner aucun détail. Matth.,
xxvn, 31,35; Marc, xv. 21, 25; Luc, xxm, 33; Joa.,
xix. 18. Quelquefois, les criminels étaient attachés à la
croix avec des cordes. Cf. Rich, Dict. des antiq.
grecques et romaines, trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 206.
Le plus souvent, on les fixait avec des clous. Cf. Plaute,
Mostellaria, n, 1, 13. Tertullien, Adv. jud., 10, t. n,
col. 629. fréquemment témoin de ce spectacle, dit que
la perforation des mains et des pieds était « l'atrocité
propre de la croix ». En certains cas, on liait le sup-
plicié avec des cordes avant de le clouer. Cf. Pline.
H. X., xxviil, 11; S. Hilaire, De Trinit., x, 13, t. x,
col. 352. Les Pères sont unanimes à expliquer les ver-
sets 17-18 du Psaume xxi, en supposant que le Sau-
veur a eu les mains et les pieds percés par les clous.
On lit aussi dans YEpitrede Barnabe, 12, dont l'auteur
se réfère à IV Esd., XIV, 33; v, 5 : « Quand ces choses
s'accompliront elles'.' Lorsque le bois, dit le Seigneur,
aura été étendu par terre puis redressé, et que du bois
le sang tombera goutte à goutte, paroles qui se rappor-
tent à la croix et à celui qui devait y être crucifié. »
Cf. Hemmer-Lejay, Textes et documents, les Pères
apust., Paris, 1907. t. i, p. cxn, 74-75. Pour que le
sang tomliàt du bois goutte à goutte, il fallait que le
supplicié y fût blessé, qu'il eut par conséquent les
mains et les pieds percés. Voir Clou, t. Il, col. 810.
Cl". Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin,
Paris, 1897, p. 181-184; ollivier. La Passion, Paris,
1891, p. 334-338. Le Sauveur avait reçu d'autres bles-
sures à la flagellation, au couronnement d'épines, et
probablement même, d'après certaines traditions, pen-
dant le portement de la croix et par suite de diverses
chutes. Cf. Thurslon. Etude historique sur le chemin
de la Croi.v, trad. Roudinhon, Paris, 1907, p. 87-109.
Mais ces blessures n'étaient qu'accessoires à côté des
quatre plaies qui lui furent faites pendant le crucifie-
ment. Une cinquième fut ajoutée après la mort. Au lieu
de briser les jambes du crucifié, comme c'était la règle,
un soldat lui transperça le coté de sa lance, et il en
sortit du sang et de l'eau. Joa., xix, 32-34. L'apôtre voit
dans cette plaie l'accomplissement de la prophétie de
Zacharie, xn, 10.
3° Après sa résurrection. Jésus apparaît dans le
cénacle aux onze et à leurs compagnons, et, en preuve
de sa résurrection et de la réalité de sa présence, il
leur montre ses mains et ses pieds. Luc. xxiv, 39, 40;
Joa., xx. 20. Pourquoi? Parce que cette vue devait
constituer pour eux un témoignage irrécusable, ce qui
suppose nécessairement que ses extrémités n'avaient
pas seulement été attachées à la croix, mais qu'elles
avaient été transpercées et qu'elles gardaient encore la
trace de ses blessures. Le Sauveur explique ensuite
qu'il fallait que s'accomplit en lui tout ce qui avait été
préditpar Moïse, les prophètesetles Psaumes, Luc. xxiv,
il. ce qui, entre autres prophéties, vise les passages se
rapportant aux plaies du Messie soutirant. Thomas,
absent au moment de cette première apparition, déclara
que, pour croire, il voulait mettre son doigt dans le
trou des clous et sa main dans le coté du Sauveur.
Xotre-Seigneur accéda au désir de l'apôtre incrédule;
huit jours après, il lui montra les plaies de ses mains
et de son côté et l'invita à en constater la réalité. Tho-
mas se rendit alors. Joa.. xx. 24-29. Ce récit rend indu-
Intable la perforation des mains et des pieds, que les
Kvangélistes permettaient de supposer, mais n'affir-
maient pas positivement. — Saint Jean, parlant du
dernier avènement du Christ, dit qu'alors « tout œil le
verra, même ceux qui l'ont percé », lî£X£VTïi<rav, pupn-
aerunt. Apoc. i, 7. Saint Jérôme. Epist. XIV, 11,
t. xxii. col. 35i, en faisant allusion à cette apparition
du Christ souverain Juge, s'exprime ainsi : « Regarde,
Juif, les mains que tu as clouées; regarde, Romain,
le côlé que tu as percé. » Saint Jean représente dans
le ciel. « au milieu du trône. l'Agneau debout, et parais-
sant avoir été immolé. » Apoc. v, 6. L'Agneau est
vivant, puisqu'il est debout, et pour paraître c avoir été
immolé ». il faut qu'il porte encore les traces des
blessures mortelles qu'il a reçues. L'Église a consacré
cette pensée, dans l'hymne qui se récite aux premières
vêpres de la fête de la Lance et des Clous de N.-S. J.-C. :
Te, Jesu, superi laudibus efferant,
Qui clavonim aditu signaque lanceae
In caslo rétines, vivus ubi imperas.
Dans la séquence Soler.mis hsec festivilas, pour le
jour de l'Ascension, on lisait aussi :
Patri monstrat assidue
Qua? dura tulit vulnera,
Et sic pacis perpetuae
Nobis exorat fœdeia.
Ces idées s'inspirent de ce qui est dit Heb.. ix. 11, 12,
21; x. 11-14, et Apoc. i, 7 ; v, 6. H. Lesétre.
PLAINE, étendue de pays plat. — Les Hébreux ont
plusieurs expressions pour rendre ce mot :
1° Biq'âh, de la racine bàqa , qui veut dire : « fendre, »
et par là même : « ouvrir. » Le substantif indique donc
comme une « fissure » ou une « ouverture » entre les
montagnes ou les collines; voilà pourquoi il rend aussi
bien le sens de vallée. Cependant il ne s'applique qu'à
une large étendue de terrain, à la différence de ge, qui
désigne plutôt des ravins ou des gorges étroites. C'est
ainsi que la grande plaine de Cœlésyrie, qui s'étend
entre le Liban et l'Antiliban, porte encore en arabe le
nom d'El Beqàa. Les Septante traduisent généralement
455
PLAINE — PLAISIR
456
ce mot par rceSiov. Gen., xi, 2: .Tos., xi, 8, 17; xu. 7;
Ezecli.. m, 22, 23, etc. La Vulgate le rend par campus,
Gen., xi, 2; Jos.. xu, 7: II Par., xxxv, 22; Is., xi.i. 18;
lxiii, 14, etc.; campestris \ierra}. Deut.. xi, 11; pla-
nities, Jos., xi, 17; vis planée, Is.. XL, 4. Il est employé
dans un sens indéterminé Gen., xi, 2; Ps. cm (hébreu,
civ), 8; Is., xl. 4: XU, 18: i.xm, 14; Ezech., m, 22, 23,
vm, 4; xxxvil, 1. 2. Ajouté à des noms propres, il dé-
signe les plaines suivantes :
1. La plaine de Jéricho (hébreu : biq'af Ierëhô),
partie de la vallée du Jourdain qui s'étend aux envi-
rons de Jéricho. Deut., xxxiv, 3.
2. La plaine de Masphé (hébreu : biq'af Mispéh),
Jos., xi, 8, territoire appelé « terre de Maspba » au
f. 3 du même chapitre, ou région située au pied de
l'Hermon. Voir Maspha 2, col. 834.
3. La plaine du Liban (hébreu : biq'af hal-Lebdnôn),
Jos., xi, 17; xu, 7, est, non pas la Cœlésyrie, mais
plutôt la plaine qui se trouve au sud et au sud-ouest
de Banias, « sous l'Hermon. » Voir BiALGAD, t. 1,
col. 1336.
4. La plaine de Mageddo (hébreu : biq'af Megiddô,
II Par., xxxv, 22; biq'af Megiddôn, Zach., xu, lll
n'est autre que la plaine d'Esdrelon ou de Jezraël,
entre les monts de Samarie au sud et ceux de Galilée
au nord. Voir Mageddo 3, col. 560.
5. La plaine d'Ono (hébreu : biq al 'Onô), II Esd.,
vi, 2. dans laquelle était situé le village d'Ono, aujour;
d'hui Kefr 'Àna, au sud-est de Jaffa. Voir ONO 2,
col. 1821.
6. La plaine d'Aven (hébreu : biq ai 'Avèn; Sep-
tante : Tteôîov TLiv; Vulgate : campus idoli, « la plaine
de l'idole »), Ain., I, 5, serait, d'après un certain nombre
d'auteurs, la plaine de Cœlésyrie, ce qui n'a rien de
sûr. Voir Aven, t. i, col. 1286.
7. La plaine de Dura (hébreu : biq'af Dura'),
Dan., III, 1, aux environs de Babylone. Voir Dira, t. n,
col. 1517.
2" Kikkar. Ce mot, qui signifie « rond, cercle. » el
par extension, « district, » est plusieurs fois appliqué
à la plaine du Jourdain. Il désigne, en particulier,
l'oasis fertile qui existait autrefois près de la partie
inférieure du lleuve et où Mûrissaient les villes de la
plaine. On trouve ainsi les expressions : kikkar hay-
Yardên; Septante : f, neff/topo? -où 'IopSâvou; Vulgate :
regio Jordanis, Gen., xm, 10, 11, etc., ou simplement
liak-kikkar, Gen., xix. 17. 25. 28, 29. Cf. Matth., III,
5. Voir Jourdain, t. m, col. 1712.
3° 'Ârûbtih, avec l'article défini, hd'Ardbdh, dont
l'idée générale est celle de « région déserte, stérile ».
C'est une des expressions caractéristiques que l'Ecri-
ture emploie pour désigner dans son ensemble la
plaine ou dépression remarquable qui s'étend des
pentes méridionales de l'Hermon au golfe d'Akabali.
Voir Aiuiiaii. t. i, col. 820. Le pluriel 'Arbôf, souvent
uni à Mô'db, Nuin., xxti, I; xxvi, 3, 63; XXXI, 12, etc.,
et à Yeriltà, « Jéricho ». .lus., îv. 13; v, 10; IV lteg.,
xxv, 5. etc., il indique la partie de la plaine du Jour-
dain qui, au nord de la mer Morte, se développe sur
les deux rives du lleuve, à l'ouest aux environs de
Jéricho, à l'est dans le Ghôr es-Çeisbdn, jusqu'aux
premières hauteurs de Moab. Voir MOAB, l,a plaine
inférieure, col. 11 is.
1" Misnr, plus souvenl avec l'article. ham-Miiôl'. Ce
mot, de la racine ijdSar, « élre droit », est appliqué
au plateau de Moab. lient . lit. 10; iv, 43; Jos.. \in. 9,
etc., par contraste avec les inégalités de la partie occi-
di iii, île de la même contrée et les montagnes de Galaad
m nord. Voir MisOB 1, col. 1132.
5° Sefêlâh, haS-aefêHh. Cette expression, qui signifie
le pavs bas ». désigne la partie de la plaine CÔtière
qui s'étend entre les montagnes de Juda et la Méditer-
ranée, el dont les Philistins formèrent leur territoire.
Les Septante la rendent ordinairement par raStov,
Deut., i, 7; Jos.. XI, 2, xu, 8; r, rceSevrj [-;•?,], Jos.. x. 40:
xi, 16, etc. la Vulgate. par campestris, campestria,
Jos., x, 40; xv, 33: Jud.. i, 9, etc.; planifies, Jos., xi.
16. etc.. Voir SéPHÉlah. La partie supérieure de cette
plaine, celle qui va de Jaffa au Carrnel, porte le nom
de baron. Voir Saron.
6° On trouve dans saint Luc. VI, 17. à propos du lieu où
Notre-Seigneur prononça le discours sur les Béatitudes.
l'expression TQito; Ttsôrvdç, « plateau »: Vulgate : locus
campestris. Voir Béatitudes (Mont des), t. i, col. 1528.
On voit que chacun des mots hébreux dont nous
venons de parler a, par lui-même, une signification
distincte. C'est ainsi que les environs de Jéricho, sui-
vant les divers points de vue sous lesquels on les con-
temple, sont dits faire partie du kikkar, de la biq'àh
ou des 'arabôf. Mais le misùr ne saurait être appelé
une blq'dh, ni la biq'dli une ârdbdh. De même encore
le mïiôr nioabite était tout à fait distinct des 'arbôf
Mô'db. Ce mot mièôr est en définitive, étymologique-
ment. celui qui correspond le mieux à celui de
« plaine ». — Voir VALLÉES. Sur le sens et la distinction
des différents mots employés pour » plaines » et
.< vallées », cf. Stanley, Sinai and Palestine, Londres.
1866, Appendix, p. 481-489. A. Legendre.
PLAISIR (hébreu : édndh, êdén, onég. iimhdh.
taàni'iq; Septante : f/>>'/f1,:nv.fflij.j. E*j?p09VV7], Tvj;r, :
Vulgate : volnptas, deliciœ, luxuria), satisfaction plus
ou moins vive que l'on ('prouve à jouir des biens de ce
monde.
1" Plaisirs permis. — Dieu a attaché le plai-i
I accomplissement de certains devoirs, comme ceux île
la vie conjugale, lien., xviit. 12; Gant., vu, 7, du travail,
Eccle., ii. 10, de l'observation du sabbat, Is.. î.vni, 13,
de la fidélité à son service, Ps. xxxvi xxxv), 9, de la
célébration des fêtes. Il Par., \\\. 23; II Esd., vni, 12;
xu. 27, etc. La jouissance des biens de la vie cause un
plaisir légitime. II Esd., IX, 25. I.'Ecclésiasto. Il, I. 8,
24, 25; v, 18. a usé île tous les plaisirs en pensant qu'ils
lui venaient de Dieu. Certains plaisirs se trouvent sur-
tout auprès des rois. Il lîeg., i, 21: Luc, vu. 25, et,
d'après les versions. II l'.ir.. x. 10. Ces plaisirs présen-
tée cependant des inconvénients. \ les aimer trop, on
tombe dans l'indigence. Prov., xxi. 17. Il ne sied pas à
l'insensé de s'y livrer, Prov., xix, 10. sans doute parce
qu'il ne saura pas se modérer. Un moment d'aflliction
les fait vite oublier. Eccli.. xi, 29. L'avare, qui s'est
privé, laisse ses biens à d'autres, qui vivront dans les
délices. Eccli.. xiv. 4. — La veuve chrétienne qui vit
dans les plaisirs, esl morte, bien quelle paraisse
vivante. I 'fini., v, 6, l'usage immodéré du plaisir,
même légitime, ne convenant pas à son état, VoirJOIE,
t. m. col. 1597.
2° Plaisirs coupables. — Les impies cherchent par-
tout le plaisir et s'y livrent s. m- retenue. Sap., 11,6-9;
Luc, xv, 13; I Cor.. xv,32; I Pet., iv, 3, 4. A Babylone,
Châtiée par Dieu, les chiens sauvages devaient hurler
dans les « maisons de plaisir . Is.. xm, 22. Pendant
la persécution d'Antiochus Épiphane, le Temple était
devenu un lieu de plaisirs infinies. Il Mach., VI, 4. Les
riches vivent sur la terre dans les déliées et les festins.
comme la victime qui se repail le jour où l'on doit
rger. Jacob.. V, 5. Saint Pierre accuse les faux
docteurs de passer toutes les Journées dans les délices
et, par leurs il 'ies pompeuses et vides, d'attirer les
nouveaux convertis dans les convoitises de la chair.
II Pet., il 13, 18. Saint Paul signala également ces
mêmes faux docteurs, i amis des voluptés plus que de
Dieu. » Il Tim..in. i. Les fidèles de Jésus-Christ, autre-
fois « esclaves de toutes sortes de convoitises et de
jouissances », ont su \ renoncer pour devenir héritiers
de la vie éternelle. TU., m, 3, 7. Car Notre- Seigneur 8
457
PLAISIR
PLANÈTE
458
déclaré que o les plaisirs de la vie », soit ceux qui sont
coupables, soit même ceux qui sont légitimes, mais
dont on abuse, sont les épines qui empêchent la bonne
semence de croître dans les âmes. Luc, vm, 14. Saint
Jean rapporte la sentence portée contre la grande Baby-
lone et contre tous ceux qui ont partagé son genre de
vie : « Autant elle s'est gloriliée et plongée dans le luxe,
autant donnez-lui de tourmentetde deuil. » Apoc, xviii,
T. Voir Gourmandise, t. m, col. 281; Ivresse, col. 1048:
Li.xe, t. iv. col. 135; Luxire, ibicl., col. 136.
H. Lesètre.
PLANCK Heinrich Ludvvig, théologien protestant,
né à Gœttingue le 19 juillet 1785. mort dans cette ville
le 23 septembre 1831. En 1806, il devint répétiteur à
l'université de Gœttingue, en même temps que Gese-
nius, et y enseigna l'exégèse et l'hébreu. Il s'occupa
principalement de la critique et de la langue originale
du Nouveau Testament. On a de lui : Bemerkungen
iiber ilen ersten Paulinitchen Brief an Timotheus,
Gœttingue, 1808 (défense de l'authenticité de celte Épître
planètes, qui sont, dans l'ordre de leur distance du
soleil. Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne,
(Jranus, Neptune. Ces deux dernières ont été décou-
vertes l'une en 1781 , l'autre en 1816. On a de plus observé
une multitude de petites planètes, dont le nombre at-
teint plusieurs centaines et s'accroît avec les années. —
Les anciens ont très bien reconnu les planètes à leurs
signes distinctifs. Dans le système cosmogonique
babylonien, Mardouk avait tracé la route des planètes
dans le ciel, et avait confié à des dieux la garde de
quatre d'entre elles, se réservant lui-même de veiller
sur celle que nous appelons Jupiter. Cf. Jensen, Die
Kosmalogie der Bahylonier, Strasbourg, 1890, p. 288-
291. Les Babyloniens ne connaissaient naturellement
que cinq planètes, confiées, Jupiter à Mardouk, Vénus
à Istar, Saturne à Ninib, Mars à Nergal, Mercure à Nébo.
Ces attributions ne sont pas absolument certaines.
Cf. Jensen, Die Kosmalogie, p. 95-133; Oppert, Un
annuaire astronomique babylonien, dans le Journal
asiatique, 1891 ; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 669.
90. — Les planètes, d'après les Babyloniens, représentées sur une borne, sous le règne de Nabuchodonosor 1
roi de Babylone, vers 1300 avant J.-C. — D'après Jeremias, Das alte Testament, 1C04, flg. 5, p. 11.
contre Schleiermacher); Entwurf einer neuen si/nop-
tischen Zusammenstellung der drei ersten Evangelien,
in-8», Gœttingue, 1809; De vera natura atque indole
orationis grœrœ Novi Testamenti commentatio, in-4°,
Gœttingue, 1810; cet essai, qu'il publia comme pro-
gramme de son cours, quand il fut nommé professeur
extraordinaire de théologie en 1810. lui acquit une
grande réputation. Il travailla les dernières années de
sa vie à un Lexique du Nouveau Testament, mais la mort
l'empêcha de l'achever. — Voir Fr. Lucke, Fr. G. J.
Planck, ein biograpliischer Versuch, Gœttingue, 1835.
Dans cette biographie du père d'Henri Louis, in-8°;
Lucke a réimprimé, p. 135 sq., ce qu'il avait écrit du
fils en 1831 au moment de sa mort, Zum Andenken an
D.K. L. Planck. eine biographische Miltheilung. Voir
Allgemeine deutsclte Biographie, t. xxvi, 1888, p. 227.
PLANÈTE, corps céleste dont la révolution est
commandée par le soleil et dont l'orbite décrit une
ellipse autour de cet astre. Les planètes se distinguent
des étoiles fixes par leur absence de scintillation et par
leur déplacement au milieu des étoiles. C'est par suite
d'une simple illusion d'optique que les planètes parais-
sent se mouvoir à travers les étoiles, car elles sont à
une distance effroyable de la plus rapprochée de ces
dernières. Les planètes n'ont pas de lumière propre;
elles réfléchissent celle qu'elles reçoivent du soleil et,
en conséquence, présentent des phases régulières,
comme la lune. On distingue aujourd'hui huit grandes
Si à ces planètes on ajoute le soleil ou Samas et la
lune ou Sin, on a les sept planètes des anciens (fig. 90).
On a retranche depuis de ce nombre le soleil, qui n'est
pas une planète, et la lune, qui est un satellite de la
terre, et l'on y a ajouté la terre elle-même, qui est une
planète. — Les Égyptiens connaissaient aussi les cinq
planètes, Ouapshetalooui ou Jupiter, Kahiri ou Saturne,
Sobkou ou Mercure, Doshiri, « le rouge », ou Mars, et
Bonou, « l'oiseau », ou Vénus, ayant double figure,
Ouàiti, ou étoile du soir, et Tiou-noutiri, ou étoile du
matin. Cf. E. de Rougé, Note sur les noms égyptiens
des planètes, dans le Bulletin archéologique de l'Athe-
nœum français, t. il, p. 18-21, 25-28. Sur un plafond
du tombeau de Séti Ier, sont représentées trois planètes
debout sur leurs barques et cheminant lentement sous
la conduite de Sàhou ou Orion et de Sothis ou Sirius
(lig. 91). — Les écrivains sacrés ne mentionnent qu'in-
cidemment quelques planètes : liëlèl, Vénus, voir LUCI-
FER, t. IV, col. 407; hag-Gad, probablement Jupiter,
voir Gad, t. m, col. 24; kîyyûn, correspondant à l'as-
syrien kaivanû, Saturne, cf. Jensen, Kosmologie,
p. 111-116; Oppert, Tablettes assyriennes dans le
Journal asiatique, 6e sér., t. XVIII, 1861, p. 445;
voir Rempham. Saint Jude, 13. assimile les docteurs de
mensonge à des 7t>ivr,-î; ia-ioz;, « astres errants ». Il
est probable que l'apôtre songe plutôt aux comètes.
Voir Comète, t. n, col. 877. Les Chaldéens cependant
comparaient les planètes à des moutons capricieux.
libbou, échappés au troupeau des étoiles pour s'en
459
PLANETE
PLAT
460
aller paître à leur guise. Cf. .lensen, Die Kosmologie,
p. 95-99; Jeremias, Dus aile Testament, in-8». Leipzig,
1904. p. 9-16. H. Lesétre.
PLANTAVIT DE LA PAUSE Jean, évêque fran-
çais, né en 1576 au château de Marcassargues, dans le
Gévaudan (aujourd'hui le département de la Lozère .
mort au château de Margon, près de Béziers, en 1651.
Élevé dans le calvinisme, que professaient ses parents,
il y resta jusqu'à l'âge de i\\ ans. Il remplissait même
les fonctions de ministre à Béziers, lorsqu'il se conver-
tit au catholicisme et lit son abjuration dans cette
ville (1605). Par la suite il devint prêtre, et après avoir
été, successivement, grand vicaire du cardinal de
La Rochefoucauld, aumônier d'Elisabeth de France,
reine d'Espagne, il fut promu, en 1625, par l'interven-
liebraico-latini loco, sacrœ linguse studiosis inservire
posait, in-f°, Lodève, 1644. Son second ouvrage est inti-
tulé : Florilegium rabbinicutn, ordine alphabetico
digestion, complectens hebraicas et chaldaicas vete-
rum rabbinorum sententias duplici charactere rabbi-
nico et quadrato exaratas, versione latina, brevibut-
giie, ubi opns est, scholiis in grattant studiosorum
linguw sanctx illust ratas, in-f ". Lodève, 1644. A la lin
une table donne les noms de tous les rabbins dont les
maximes sont citées. Dans cet ouvrage l'auteur fait de
nombreux rapprochements avec les maximes de 1 An-
cien et du Nouveau Testament.
Cet ouvrage appelait comme complément le suivant :
Florilegium biblicum, complectens ontnes utriusque
Testament! sententias hebraice et grsece cum versione
latina et brevi juxta literalem sensu») commentariu
91. — Planètes et constellations représentées en Egypte sur le tombeau de >■ I
D'apn - E, Lefébure, Les hypogées royaux de Thèses, V part., pi, xxxvi.
tion de celte princesse, à l'évdché de Lodève. Ses
infirmités l'obligèrent à résigner ce siège, en Hi4S.
pour se retirer, dans le diocèse de Béziers, au château
de Margon. Il avait étudié l'hébreu avec le plus grand
soin, et l'on a de lui sous un titre qui rappelle le nom
de l'auteur : |::n 7::, néla haggéfén, Planta viti
Thésaurus synonijmicus-bebraico-clialdaico-rabbini-
cus, in i/ua omnes totius hebraicas linguee voces una
cum plerisque rabbinicis, talntudicis, chaldaicis, ea
runtque significationes, elymon, synonymia, usas,
elegantise, paraphrases, idiolismi, ex hebraicorunt
Bibliorum contexlu, horuni chaldaicis paraphrasibus,
ex immensa codicum Babylonici el Bierosolymilani
Talmudica farragine, ex Rabbinorum ru,, nu, ntalori-
btts, grammaticis expositoribus, cabbalistis, pliiloso-
pliis et thenlogis, aliisque reconduis Hebrseorum
monuntentis, nova et exacta methodo, per hexapla
-i?i>> /;><.>; demonstrantur, ac una cum auctorit,
e sacrarum litterarum corpore depromptis energiam
et emphasim vocum perhibentibus ample ac dilucide
explieantur : nonnulîorum quoque vocabulorum grec-
corum, latinorum, gallicorum, italicorum, hispani-
corum, germante,,/ uni, anglicorum, belgicorum, po-
lonicorum, ex elymologia ab hebrœo seu che
idwmate petita passim ubique indicatur; Quibus ac-
cessit duplex lu, 1er locupletissimus qui jusli lexici
illustrât as. L'ouvrage est divisé en deux parties. La
l" contient les maximes tirées des livres de l'Ancien
testament écrits en hébreu, La seconde renferme les
maximes du Nouveau Testament et des livres écrits en
grec de l'Ancien Testament. Les maximes sont dispo-
sées par ordre alphabétique du l" mot de la sentence
biblique en hébreu ou en grec. In-f°, Lodève, 1645. A
la lin an index donne toutes les sentences d'après la
Vulgate selon l'ordre alphabétique. Une table des prin-
cipales matières termine le volu I n exemplaire de
ces trois volumes se trouve à la Bibliothèque nationale
.t 2718, -,'', lu n 2720. — Sur le mouvement d'études
bibliques auquel se rattache la composition du premier
de ces ouvrages, voir t. Il, col. 1415, 1416: pour la bio-
graphie, cf. Poitevin-Peltavi . Notice sur Jean Planla-
vit de la Pause, in-8", Béziers, 1SI7. 0. Rey.
PLANTES DE PALESTINE. Voir Botaniqi i SA-
CRÉE, t.i.col. 1867-1869; Palestine, t. iv, col. 2035 2041 .
arbres, 1. 1, col. 888-894; Herbes el Herbacéi s{pla
t. m, col. 599 et 596-599; Fleur, t. n, col. 2287; i.i
t. n. col. 160, et l'article consacré à chaque plante.
PLAT (hébreu : satinant, sel6h.it; grec: -:.,x-., rpu-
.,/:',.. rr,oi::; Vulgate : ras, catinus, paropsis . usten-
sile servant à contenir certains aliments. Cet ustensile
461
PLAT
PLATANE
462
a le fond plat et est muni do bords plus ou moins élevés.
Il ne sert pas ordinairement à la cuisson; celle-ci se fait
au four ou dans des marmites. Voir Chaudière, t. n,
col. 628. — 1° Alin d'assainir des eaux, Elisée y jeta du
sel qu'on lui avait apporté dans un plat neuf, J6pi'Txr„
■< vase à eau », vas. IV Reg., n. 20. — Pour donnerune
idée des malheurs que l'impiété de Manassé attirera sur
Jérusalem, le Seigneur dit qu'il nettoiera la ville comme
le plat qu'on nettoie et qu'on retourn" onsuite, c'est-à-
dire qu'il y fera place nette et bouleversera tout de
fond en comble. IV Reg., xxi, 13. Les versions appellent
ici le plat àù.6.?jzrs-poz, « vase d'albâtre », tabulas, « tablet-
tes», plateaux. — Sous.losias, on lit cuire les victimes de
la Pàque dans des chaudrons et des plats, ollee. II Par.,
x\xv. 13. — Il est dit du paresseux qu'il plonge la main
dans le plat et ensuite a de la peine à la ramener jus-
qu'à sa bouche. Prov., xix, 24; xxvi, 15. Les versions,
qui n'ont compris nulle part le sens du mot sallahat,
le traduisent ici par « sein » et «aisselle ». — 2° Notre-
Seigneur reproche aux scribes et aux pharisiens de
nettoyer le dehors de la coupe et du plat en laissant à
l'intérieur la rapine et l'intempérance. Matth., XXIII,
25, 26; Luc, xi, 39. Le TtîvaE, dont parle ici saint Luc,
était originairement une planche; le nom est passé suc-
cessivement au plateau de bois, puis au plat de terre ou
de métal. — Judas met la main au plat en même temps
que le Sauveur, c'est-à-dire, comme l'indique le con-
texte, prend part au même repas que lui. Matth., XXVI,
23: Marc, xiv, 20. Le catinus de la Vulgate était un
92. — Le sacro catino.
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 128.
plat assez profond dans lequel on servait des légumes,
de la volaille et du poisson. Cf. Horace, Sat., I, vi, 115;
II, il, 39; iv. 77. On conserve à Gènes, dans le trésor
de la cathédrale, le sacro catino (lig. 92), vase précieux
apporté de Césarée de Palestine en 1 101, qu'on dit avoir
servi à Xotre-Seigneur pendant la dernière Cène et à
Josèphe d'Arimatiiie pour recueillir le sang des bles-
sures du Sauveur. Tombé au pouvoir des Génois, après
la première croisade, il fut prodigieusement célèbre
au moyen âge sous le nom de Saint-Graal. On le croyait
en émeraude; mais il fut brisé quand Napoléon Ier le
fit transporter à Paris, et l'on reconnut qu'il n'était
qu'en pâte de verre orientale ancienne. Ses faibles di-
mensions ne permettent pas de croire qu'il ait jamais
pu servir de plat dans un festin pascal. Cf. A. de La-
borde, Notice des émaux, bijoux, etc., conservés au
Louvre, Paris, 1853, p. 333. H. Lesétre.
PLATANE (hébreu : armt'm; Septante : TïXiravo:,
Gen.,xxx,37, etl/irr,, Ezech., xxi, 8; Vulgate : plata-
nus). un des grands arbres de Palestine.
I. Description. — Les arbres de cette famille se
rapportent à un genre unique et même, selon Spacb,
à une seule espèce, ce qui est incontestable au moins
pour l'ancien inonde. Par ailleurs leur structure est si
spéciale qu'ils ne peuvent être confondus avec aucun
autre type végétal, et que leurs affinités même restent
douteuses. Les Heurs petites et unisexuées sont grou-
pées en capitules monoïques, globuleux et espacés sur
de longs pédoncules terminaux et pendants. Les étami-
nes, comme les pistils, y sont entremêlés de poils écail-
leux considérés comme des bractées, des périanthes ru-
dimentaires et des organes sexuels avortés. Chaque fruit
isolé est un achaine claviforme, avec style terminal
persistant, et entouré à sa base de poils raides articulés.
Le Platanus orientalis, de Linné ilig. 93), d'origine
méditerranéenne et surtout asiatique, a été répandu
par la culture dans toutes les régions tempérées,
parce qu'il supporte des froids très rigoureux, et
prospère également sous les climats chauds, surtout
au voisinage des eaux. Il devient alors un arbre de
première grandeur, à cime large et régulière, donnant
un ombrage très épais et ainsi très propre à orner les
places publiques. Ses larges feuilles alternes et palma-
tilobées sont munies de stipules concrescentes en
forme de manchette, et la base de leur pétiole se di-
late en une poche qui protège le bourgeon axillaire.
Il se distingue surtout de tous les autres arbres d'ave-
nue par l'exfoliation de ses couches corticales externes,
qui tombent par grandes loques, laissant le tronc lisse
et nu. Boissier dit bien que le vrai platane d'Orient
93. — Platanus orientalis.
aurait son écorce persistante et rugueuse (Flora orien-
talis, t. îv, p. 1162), mais c'est sans doute une manière
un peu exagérée d'exprimer la différence entre les
écailles petites, alignées longitudinalement et plus
longtemps persistantes du type Platanus orientalis, et
les larges plaques irrégulières, promptement caduques,
de sa variété acerifolia, de beaucoup la plus répandue,
et qui se distingue en outre par ses feuilles à lobes
moins profonds. Cette même variété acerifolia a plus
souvent encore été confondue avec le type américain
des platanes, Platanus occidentalis L., qui a le limbe
foliaire superficiellement lobé, plus large que long, avec
un duvet persistant plus longtemps sur les nervures de
la page inférieure, et un seul capitule fructifère pen-
dant à l'extrémité de chaque pédoncule. F. Ilv.
II. Exégèse. — L"armôn est mentionné deux fois
dans le texte hébreu de l'Ancien Testament. Dans
Gen., xxx, 37, nous voyons Jacob prendre des baguettes
de peuplier, d'amandier et d"armôn, y peler des
bandes blanches et les placer ainsi en face des brebis
qui venaient s'abreuver. Dans Ézéchiel, xxxi, 8, Assur
est comparé à un cèdre du Liban dont les rameaux
sont si puissants qu'ils égalent des cyprès et des
'armôri. L'étyinologie (arman, « dépouiller », 'armôn,
l'arbre qui se dépouille de son écorce), la place que
463
PL AT AN K — PLÉIADES
464
les deux textes lui donnent au milieu des grands
arbres, la traduction généralement adoptée par les an-
ciennes versions, ne laissent guère place au doute dans
l'identification de 'armôn considéré comme le platane.
— Dans l'éloge delà Sagesse. Eccli., xxiv, 19, le platane
est également présenté comme un bel et grand arbre.
Aussi les exégètes sont-ils presque tous d'accord pour
rejeter le châtaignier (que les rabbins voient habituel-
lement dans 'armôn, bien que cet arbre ne croisse pas
en Palestine) et pour rejeter aussi l'érable, reconnais-
sant dans 'armôn, le Platanus orientalis. — Le platane
est répandu dans toute la Palestine et s'y montre comme
un très grand arbre, aux larges rameaux et épais om-
brages. Et ce qui est conforme à nos deux textes hé-
breux qui nous transportent en Syrie, en Assyrie et en
Mésopotamie, les platanes de ces dernières régions dé-
passent en général la hauteur et les proportions que
cet arbre atteint en Palestine, lîelon, Observations de
plusieurs singularités, in-8°, 1588, 1. I, c. cv: Jean
de la Roque, Voyage de Syrie et du mont Liban, Paris,
1722, p. 197, 199. L'ne constatation de ce dernier ou-
vrage, p. 68, semble être le commentaire du passage
d'Ézéchiel, xxxi, 8. Parlant des cèdres groupés au
sommet du Liban et qui forment comme une petite
forêt, cet auteur ajoute : « Elle est composée de vingt
cèdres d'une grosseur prodigieuse, et telle qu'il n'y a
aucune comparaison à faire avec les plus beaux pla-
tanes, sycomores, et autres gros arbres que nous avons
vus jusqu'alors. » Voir 0. Celsius, Hierobotanicon,
in-8°, Amsterdam, 17'iS, t. i, p. 512; I. Low, Aramâische
Pflanzennamen, in-8", Leipzig, 1881, p. 107.
E. Levesque.
PLATRE, produit de la calcination du gypse. Le
gypse est un sulfate de chaux hydraté, qui perd son
eau quand on le calcine au four. Le produit de cette
opération, réduit en poudre, est le plâtre. Délayé avec
de l'eau, le plâtre devient une pâte molle qui prend
toutes les formes que l'on désire et les garde en dur-
cissant peu â peu. — Le plâtre n'est pas directement
mentionné dans la Bible. Mais le gypse ne manquait pas
en Palestine; les couches gypseuses du cénomanien
affleuraient en particulier au bord de la nier Morte.
Voir Palestine, t. rv, col. 2010,2014, 2022. Il n'était pas
plus difficile â utiliser pour faire du plâtre, que le cal-
caire pour faire de la chaux. Voir Chaux, t. Il, col. 642.
Les Hébreux n'ont guère dû s'en servir dans leurs con-
structions ; les pierres y étaient simplement superposées
ou le mortier \ agglutinait les matériaux sans consis-
tance. Voir Mortier, t. iv. col. 1312. Le plâtre ne pou-
vait être utilisé que pour faire des enduits dans des
endroits â l'abri de l'humidité. Voir ENDUIT, t. Il,
col. 1783. Les Hébreux durent apprendre des Phéniciens
â fabriquer et â utiliser le plâtre, â supposer que les
Chananéens ne l'aient pas connu avant leur arrivée.
on a trouvé en Espagne la trace du passage des Phé-
niciens dans les objets que renfermaient d'anciennes
sépultures. Ce sont des débris de vases phéniciens en
plâtre, des fonds de pots troués et bouchés avec du
plâtre, des cols de plâtre ajoutés â des vases de terre
cuite et peints en rougi', des crépissages de mu-
raille, etc. Cf. L. Siret, Orientaux et Occidentaux en
Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue des
questions scientifiques de Bruxelles, oct. 1906, p 558,
559. Les Phéniciens ne faisaient ainsi qu'importer au
loin une industrie bien connue dans leur pays d'origine.
11. I.I.SI.THE.
PLECTRE. Le plectre (irMjxTpov, de tA^tteiv, <• pin-
cer, frapper » les cordes, en latin plecto; on disait
aussi xpoûetv. Le terme technique était xpfxeiv) était
un bâtonnet, pointe ou crochet, de bois, d'ivoire ou
de métal, droit on recourbé, dont on se servait pour
faire vibrer les cordes des instruments, au lieu de les
toucher directement avec les doigts. On employait
aussi pour le même usage un crochet de corne ou un
bec de plume. Les Orientaux modernes fixent souvent
le plectre â un anneau tenu au doigt et peuvent ainsi
en employer plusieurs simultanément. L'usage du
plectre, moins ancien que le procédé de percussion
manuelle, est peut-être d'origine grecque. La Bible ne
le mentionne pas, non plus qu'Homère. Il est repré-
senté' cependant en Egypte entre les mains de musiciens
bédouins ou Amou du temps de la XIIe dynastie,
voir t. ii, lig. 304, col. 1068, et l'espèce de harpe dont
ces musiciens se servaient a dû être connue des
Hébreux. On rapporte à Sapho l'invention du plectre,
mais Athénée remarque qu'Épigone d'Amhracie. au
VU" siècle, dédaignait de s'en servir : no-jaixioTaro; S'ûv
xari xE'Pa î'X" tWprcpou ïlix'tïvi- Deipnos., îv. 25,
p. 183. C'était une exception. Il est évident que les
Grecs apprécièrent un procédé d'exécution qui augmen-
tait l'émission du son et sa résonnance et multipliait
l'effet musical en diminuant la fatigue du joueur. Ils
l'appliquèrent â la cithare, à la lyre, au psaltérion,
même aux instruments â manche, mais non exclusive-
ment; les deux procédés de percussion étaient employés
concurremment. Les monuments représentent en effet
des musiciens jouant avec le plectre de la main droite
pendant que la main gauche nue pince les cordes.
C'était, à peu près comme dans le jeu actuel de la
Zitber, le moyen de faire ressortir le chant; et l'on
disait, sans doute d'après la manière dont le musicien
tenait son instrument, foris canere, pour « jouer (de la
main droite) avec le plectre », et intus canere, « toucher
les cordes avec les doigts (de la main gauche) ». Cicéron,
1 err., i, 20, 53, qui nous rapporte ces expressions mu-
sicales, mentionne le cithariste Aspendius, qui pouvait
exécuter à la fois l'accompagnement et le chant de la
main gauche seule. Ibid. Chez les Grecs même, les
instruments asiatiques proprement dits se jouaient s.m-
plectre, mais cet accessoire fut importé de Grèce chez
les Asiatiques avec les instruments nouveaux, ainsi que
l'attestent les monuments ass\ riens, et les Hébreux
durent s'en servir pareillement, après la captivité. Du
moins Josèphe l'exprime-t-il indirectement en mention-
nant e nable antique qui se jouait sans plectre.
Ant.jud., Vil, xii, 3. Mais les rares indications musi-
cales de cette période ne nous fournissent aucun texte
qui démontre l'usage du plectre dans la musique du
second temple ou dans l'usage privé. J. Pahisot.
PLÉIADES (hébreu : kimdh; Septante : ID.ciiSe;;
Vulgate : Pléiades), constellation de l'hémisphère boréal,
voisine de la tète du Taureau (lig. 94). Voie HYADES,
f>/eu
^*v * Coe/eno
4tcj/pn? Ï^TXomqut ou C
Alias . Electre
Merope
t/"j-f.
?<**- ----_
J|3~~,
94. — Les Pléiades.
t. ni, col. 789. Elle compte plus de 2500 étoiles, dont
tii principales, parmi lesquelles cependant sept ou huit
seulement sont visibles â l'œil nu. D'après quelques
auteurs modernes, kimdh désignerait Sirius ou le
Scorpion. Mais un passage de .lob, XXXVIII, 31, « Est-ce
toi qui serres les liens de kintdh ' -appose clairement
465
PLÉIADES — PLEUREUSES
466
qu'il s'agit d'un groupe d'étoile?, et, d'après les an-
ciennes versions, ce groupe n'est autre que celui des
Pléiades. L'Iliade, xvm, 486, signale également ce
groupe parmi les constellations les plus remarquables.
Deux autres passages bibliques mentionnent kimâh
parmi les œuvres importantes du Créateur. Dans le
premier, Job, ix, 9, les Septante traduisent par Pléiades
et la Vulgate par Hyades; dans le second, Amos, v,
8. les Septante rendent le mot par raivTa, « toutes
choses ». et la Vulgate par Arcturus. Voir Arcturus,
t. i. col. 937. H. Lesêtre.
PLEURANTS < LIEU DES), Locus Flentium, dans
la Vulgate, ,Iud.. u, 1,5. Voir Bokiji, t. i, col. 1843.
PLEUREUSES (hébreu : meqônenôf, de gin, au
pilel qénên, o chanter des chants lugubres »; Septante:
95. — Pleureuses égyptiennes dans le cortège funèbre.
D'après Wilkinson, Vannera and Custons, t. in, pi. LXVI.
8pt]vo-j<rai; Vulgate : lamentatrices), femmes qui pous-
saient des cris lugubres dans les funérailles. — Chez
l'extrême du désespoir, mais les parents et les amis ne
craignaient pas de se donner en spectacle, ni de trou-
bler l'indifférence des passants par l'intempérance de
leur deuil. » Maspero. Histoire ancienne, t. Il, 1S97,
p. 511 Cf. Lectures historiques, Paris, •1890, p. 1 VI-
152. Les pleureuses accompagnaient le convoi funèbre
(fig. 95), en poussant des exclamations pour répondre
à celles de la parenté : « A l'occident, demeure d'Osiris,
à l'occident, toi, le meilleur des hommes ! » Sur le Nil,
elles montaient dans une barque et y continuaient leurs
gestes éplorés et leurs cris de douleur (fig. 96). Enfin,
à la tombe même, elles faisaient au mort les adieux
suprêmes : » Plaintes! plaintes! Faites, faites des
lamentations sans cesse, aussi haut que vous le pouvez!
0 voyageur excellent, qui chemines vers la terre d'éter-
nité, tu nous as été arraché! 0 toi qui avais tant de
monde autour de toi, te voici dans la terre qui impose
l'isolement! » Cf. .Maspero, Histoire ancienne, t. m,
p. 516. 518. Voir t. Il, fig. 705, col. 2417; t. iv, fig. 459,
col. 17V9; Funérailles, t. u, col. -2416-2420. — La mode
de ces bruyantes démonstrations ne s'est point perdue.
Chez les Arabes, quand quelqu'un est mort, « les fem-
mes crient de toutes leurs forces, s'égratignant les bras,
les mains et le visage, arrachant leurs cheveux et se
prosternant de temps en temps, comme si elles étaient
pâmées de douleur. » De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. En Palestine, aux
enterrements des musulmans actuels, on voit en tête du
cortège « une troupe de gamins affublés ou plutôt dé-
guenillés à l'orientale, guidés par un gamin chef qui
n'arrive jamais à les faire mettre en rang, ni à leur
faire comprendre la mesure de la cantilène criarde
qu'ils ont mission de chanter... La marche est fermée
par une troupe de femmes enveloppées de longues robes
et drapées de manteaux de toile indigo; elles poussent,
en signe de douleur, de petits cris stridents; chacune
tient à la main un mouchoir de couleur sombre qu'elle
tortille avec toute espèce de contorsions et agite dans
[»iïlil?nwnra
ïfiîtPWJM .UUIMI
«eiiiui!,
96- — Pleureuses égyptiennes sur la barque funéraire. D'après Wilkinson, Ibid-, pi. lxvii.
les Orientaux, la douleur a toujours été fort démonstra-
tive. En Egypte, par exemple, « les enterrements
n'étaient pas. comme chez nous, de ces processions
muettes où la douleur se trahit à peine par quelques
larmes furtives; il leur fallait du bruit, des sanglots,
des gestes désordonnés. Xon seulement on louait des
pleureuses à gages qui s'arrachaient les cheveux,
chantaient des complaintes et simulaient par métier
la direction du corps, comme si elle voulait l'asperger
des larmes que le tissu est censé avoir essuyées. Ce
sont des pleureuses de profession, louées pour la cir-
constance ». Chauvet-Isamhert, Syrie, Palestine, Paris,
1890, p. 165-166. — Les pleureuses n'étaient pas incon-
nues chez les anciens Israélites. On s'y lamentait sur
les morts. III Reg., xm, 30. Voir Deiil, t. Il, col. 1397.
Les chanteurs et les chanteuses firent entendre leurs
467
PLEUREUSES
PLOMB
468
lamentations sur Josias. II Par., xxxv, 25. Dans sa pro-
phétie sur la ruine de Jérusalem,. Urémie, ix, 17-20, écrit :
Pensez à commander les pleureuses, qu'elles viennent!
Envoyez chez les plus habiles, qu'elles viennent !
Qu'elles se hâtent, qu'elles entonnent sur nous des lamenta-
Que les larmes coulent de nos yeux.... [tions,
Ensei^n'/ .i \ s tilles une lamentation,
Que chacune apprenne à sa compagne un chant de deuil.
Car la mort est montée par nos fenêtres...
TTo'/Xï, /lentes et e jutantes multum, des pleureuses qui
se lamentaient beaucoup. Malth., ix, i'.l; Marc, v, !iS;
Luc, vin, 52. Quand Noire-Seigneur dit que la jeune
fille dormait et n'était pas morte, toutes ces personnes
à gages, musiciens et pleureuses, se moquèrent de lui,
en comptant bien que le salaire attendu ne leur ferait
pas défaut. Ces manifestations bruyantes de la douleur
frappaient les enfants, qui les imitaient dans leurs jeux
et disaient à leurs camarades : « Nous avons chanté
TX}3bt-
ifnmi-r
ittiw:i
Pleureuses égyptiennes dans une scène de sépulture. D'après Wilkinson, op. cit., t. m, pi. 69.
Cf. Eccle., xm, 5; Eccli., xxxvm, 16; Jer., xxn, 18;
xxxi, 15; xxxiv, 5; Am., v, 16. Sur les complaintes des
98. — Pleureuses gagnes. Sarcophage représentant les funérailles
de Méléagre. D'après Iticii, Dict. ttts antiq,, p. 507.
pleureuses, voir t. n, col. 1397. Sur la ruine de l'Egî pte,
les filles des nations chauleront une lamentation.
une lamentation et vous ne vous êtes pas frappé la poi-
trine, vous n'avez pas pleuré! » Mattli., xi, 17; Luc,
vil, 32. Cf. Ketubotli, iv, 6: Baba Metsia, vi, 1 ; Josèphe,
Bell, jttil., III, ix. 5. — Il ne convenait pas aux chré-
tiens de donner à leur deuil une expression aussi
exagérée; saint Paul leur recommande de ne pas
s'affliger comme les autres hommes qui n'ont pas
d'espérance. 1 Tlies..iv, 13. L'Église a toujours réprouvé
les excès du deuil funèbre. Les Romains avaient adopté
l'usage des pleureuses gagées (tig. 98), appelées prm-
(icœ, parce qu'elles étaient placées en tête des cortèges
funéraires. Cf. Aulu-Gelle. XVIII, 7. 3. Les chrétiens
occidentaux répudièrent toujours le service de ces
pleureuses, comme entaché d idolâtrie. Les Orientaux
le conservèreut dans une certaine mesure; mais les
Pères ne manquaient pas de combattre cet usage.
Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., Paris. IS77.
p. 241, 280. Une curieuse inscription chrétienne,
(lig. 09) réprouve les cris poussés sur la tombe des
morts. L'inscription grecque est ainsi conçue : « Spe-
rantius, aie bon courage, doux, excellent; » à gauche
de la seconde ligne, on voit un canard portant le mot
ANATEC, qui joue sur le latin anates, e canards '»; à
droite est un bœuf avec le mot BOYAEIN. En réunissant
les deux mots, on a en grec : ïvatte; poâeiv, « cesse de
beugler », de crier, Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét.,
p. 241. C'est la condamnation des pleureuses el de ceux
qui seraient tentés de les imiter. H. Lesictue.
CJ1HPANTI€Y+1XI
r\Ykïc xpHcre
99. — Inscription de la custode des reliques de saint Apollinaire.
i l'aprèE Perret, Catacombes de Rome, In-f , Paris, t, vi, 1851, pi. i.xiu, n. 33.
. XXXII, 16. — Lorsque le Sauveur arriva chez
Jaïre, dont la fille venait de mourir, il y trouva grand
tumulte de gens accourus pour les funérailles, entre
autres des joueurs de flûte el via/ovrn: »j: èAttkâTovmc
PLEURS. Voir Larmi s, t. iv, col. 92.
PLOMB (hébreu
Se tante : uOiêoc,
oférét, en assyrien abdru :
;>//:. .2-,:; Vulgate : plnnil>>
469
PLOMB
PLUIE
470
métal d'un blanc bleuâtre qui se ternit facilement,
assez malléable, si mou qu'on peut le rayer avec
l'ongle, fusible à la température peu élevée de 330" et
onze fois et demie lourd comme l'eau. — 1° Le plomb
est très commun dans la nature; mais il ne se pré-
sente pas à l'état natif. Le minerai qui le contient en
plus grande quantité est la galène, ou sulfure de plomb
naturel. On en dégage le métal par divers procédés de
calcination. La presqu'île Sinaïtique renferme de nom-
breux gisements de minerai de plomb; on en trouvait
aussi en Egypte. On s'explique ainsi que, dès le séjour
au désert, les Hébreux possédaient différents objets ou
ustensiles de plomb. Num., xxxi, 22. Les Pbéniciens
en recueillaient en Espagne, où abondent les fdons de
plomb argentifère. Voir Argent, t. i. col. 945. Cf. Pline,
H. N., m, 7; L. Siret, Orientaux el Occidentaux en
Espagne aux tenijis préhistoriques, dans la Renie
îles questions scientifiques, Bruxelles, octobre 1906,
p. 544-545. Ézécbiel. xxvn, 12, dit que Tharsis échan-
geait le plomb avec Tyr. Le plomb n'avait pas grande
valeur, mais était assez usuel en Palestine pour
qu'on pût dire que Salomon amassait de l'argent
comme du plomb, Eccli., xlvii, 20. Jérémie, vi, '29, 30,
pour indiquer que la méchanceté est inséparable de
ses compatriotes, fait allusion à l'opération du fondeur
de métaux : « Le soufflet est devenu la proie du feu
(ou : a souftlé violemment), le plomb est épuisé, on
épure, on épure, les méchants ne se détachent pas.
Argent de rebut! dira-t-on. » Le prophète décrit ici
l'opération au moyen de laquelle on sépare l'argent
des métaux inférieurs auxquels il est mélangé. On fait
fondre du plomb dans le creuset et, quand il est fondu,
on y ajoute le minerai d'argent. Sous l'influence de la
chaleur, au contact de l'air, le plomb se transforme
en litharge, qui s'absorbe peu à peu, tandis que l'argent
se sépare de toute autre substance et se rassemble au
fond du creuset. Voir Creuset, t. n, col. 1110. Jérémie
suppose que, contrairement à l'ordinaire, le plomb a
été complètement transformé et absorbé, sans que
l'argent soit sorti de la gangue. Ézéchiel, xxn, 18, 20.
compare les Israélites infidèles à des scories et à des
métaux communs, fer, cuivre, étain et plomb, que
Dieu fera fondre dans le fourneau allumé par sa colère.
Ces passages montrent que les Israélites possédaient la
science pratique des procédés nécessaires pour le trai-
tement des métaux usuels. Zacharie, v, 7, 8, parle d'un
disque de plomb, servant de couvercle à un épha assez
large pour contenir une femme. On a trouvé en Pales-
tine des poupées de plomb qui servaient aux pratiques
magiques. Voir t. iv. fig. 173, col. 568. — 2» La pesan-
teur de ce métal fait dire que les Égyptiens se sont
enfoncés dans les eaux de la mer Rouge comme le
plomb. Exod.. xv. 10. Les anciens ne connaissaient
pas de métal plus lourd. Eccli., xxn, 17. — 3" Job, xix,
24, parlant de ses paroles d'espérance, fait ce souhait :
Je voudrais qu'avec un burin de fer et du plomb
Elles fussent pour toujours gravées dans le roc!
L'auteur sacré fait probablement allusion à une inscrip-
tion creusée dans le roc avec le burin de fer et dans les
lettres de laquelle on a ensuite coulé du plomb. Grâce
à ce procédé, l'inscription était plus visible et les lettres
sculptées se conservaient mieux. Cf. Renan, Le livre
de Job, Paris, 1859, p. 81 ; Frz. Delitzsch, Das Buch Job,
Leipzig, 1876, p. 246. Il ne peut évidemment être ques-
tion d'un burin de plomb, ce métal étant beaucoup
trop mou pour servir à cet usage. La Vulgate suppose
l'inscription gravée « avec un stylet de fer et une lame
de plomb, ou sculptée au burin sur le roc. » Les an-
ciens écrivaient parfois sur des lames de plomb, même
des inscriptions assez longues. Cf. Pausanias, ix, 3!, 4;
Pline, H. X., un, 21; Tacite, Annal., n, 69, etc. Voir
t. n, lig. 191, col. 1366. Mais le texte hébreu et les Sep-
tante parlent de plomb, efëre't, uo/.iëio, et non de lames
de plomb, et la contexture même de la phrase exige
que le plomb soit ici, non la matière sur laquelle on
écrit, mais celle au moyen de laquelle on constitue
l'inscription, barzél ve'oférèt, avec « le fer et le plomb ».
Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 246. On n'a pas
retrouvé d'inscription ancienne ayant du plomb coulé
dans le creux des lettres. Mais le procédé n'était pas
d invention si difficile qu'il ne pût être employé en cer-
tains cas. — 5» Le plomb est encore désigné en hébreu
par le mot 'ânâk, l'assyrien anaku. Mais ce mot n'est
utilisé qu'une fois. Ain., vu. 7, 8, pour désigner le fil à
plomb. Voir Fil a plomb, t. n, col. 2244.
H; Lesètre.
PLONGEURS, oiseaux de l'ordre des palmipèdes,
surtout remarquables par leur facilité à plonger
pour chercher leur proie dans l'eau. Imparfaitement
organisés pour le vol ou la marche, ils mènent une vie
presque exclusivement aquatique. Les plongeurs pro-
prement dits ne se rencontrent guère que dans les mers
des climats froids. Aussi n'en est-il pas fait mention
dans la Sainte Écriture. — Mais on trouve en Pales-
tine d'autres oiseaux qui se nourrissent de poissons et
plongent adroitement pour saisir leur proie. Tels sont
les martins-pècheurs, passereaux de l'espèce ceryle
rudis, qui pèchent de petits poissons dans les lagunes
d'eau douce, ou de l'espèce alcyon smyrnensis, qui
plongent dans le Jourdain avec un agilité surprenante.
Cf. Lortet. La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 429,
448, 463. A la mer Morte et surtout au lac de Tibériade
vivent par myriades des échassiers macrodaetxles
appelés grèbes huppés, podiceps cris talus. Ces oiseaux,
longs d'environ 0"'50, portent au sommet de la tête
une double huppe qui leur donne un aspect très gra-
cieux, avec leur cou long et mince. Ils nagent presque
complètement plongés dans l'eau et ne peuvent être
atteints qu'à la tète. Extrêmement sauvages, ils s'enfon-
cent à la moindre alerte. De leur long bec, ils aiment à
enlever les yeux des poissons, surtout des chromis,
dont beaucoup errent ensuite aveugles à travers les
eaux du lac. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. ÏM,
510. Ces oiseaux ont été sûrement connus des anciens
Hébreux; mais ils étaient beaucoup trop inaccessibles
pour que le législateur songeât à parler d'eux au point
de vue de l'alimentation. Peut-être les assimilait-on au
porphyrion. Voir Porphyrion, H. Lesètre.
PLUIE, eau qui se déverse des nuages sur la terre
en globules plus ou moins volumineux. La pluie tombe
quand les gouttelettes liquides qui composent un nuage
deviennent trop lourdes pour rester en suspension
dans l'atmosphère. C'est ce qui arrive quand, par suite
du refroidissement de l'air ou du transport du nuage
dans des régions à plus basse température, de nouvelles
quantités de vapeur viennent se condenser à la surface
des gouttelettes déjà formées. D'autres fois, un fort
ébranlement de l'air, comme celui qui résulte des dé-
charges de la foudre, suffit pour déterminer la résolu-
tion d'un nuage en pluie. Voir Nuage, t. iv, col. 1710.
I. Les noms de la pluie. — La pluie est désignée en
hébreu par treize noms différents, ce qui indique l'impor-
tance qu'on attachait en Palestine à ce phénomène mété-
orologique. Ces noms sont les suivants : mdtàr, Oetôî,
pluvia; — gésém, veto:, pluvia, « averse »; — gosém,
Ceto;, compluta est; — metar-géSém, •jetô; -/etufpivôç,
« pluie d'hiver ». pluvia imbris, « grosse pluie »; —
gèsém-Diitrôt, -/eiftùv ùeto;, hieinis phivia, « pluie d'hi-
ver »; — zérém, -jeto;, pluvia; — sagrir, axayôvzç,
« gouttes «.perslillantia; — zarzif, u-caytivEç, stillicidia;
— sdfîah, -jSaïa 'j^tia, « eaux inférieures », alluvio; —
rebibîm, vi?eti>;, o pluie ». stillx; — séirim, ou.opo;,
iniber; — yôréh, ie-côc npoôcpio;, pluvia temporanea,
« première pluie »; — môréh, -jetô; îrpciïu.0;, pluvia
471
PLUIE
472
matutina, << première pluie »; — malqôs, -jetoc 0'iiu.o:,
pluvia serotina, « arrière-pluie » ; — setdv, « temps de
pluie », uetôç, iniber. Dans le Nouveau Testament, les
mots qui désignent la pluie sont -je-oç, pluvia, et 6poy.r„
seulement dansMatth., vu, 25, 27.
II. La pli m: en général. — 1" La pluie est beaucoup
plus appréciée dans les climats très cliauds que dans
les nôtres; elle l'est encore davantage dans les régions
où font défaut les rivières et les moyens naturels ou
artificiels d'irrigation. Aussi les auteurs sacrés parlent-
ils de la pluie comme d'un grand bienfait de Dieu,
Qui a ouvert des canaux aux ondées...
Afin que la pluie tombe sur une terre inhabitée,
Sur le désert où il n'y a point d'hommes,
Pour qu'elle arrose la plaine vaste et vide.
Et y fasse germer l'herbe verte !
La pluie a-t-elle un père?
Job, XXXVIII, 25-28. C'est Dieu qui verse la pluie sur la
terre. Job, v, 10, par le moyen des nuées qui se
vident, Eccle., xi, 3. C'est lui qui commande aux
ondées et aux averses, Job, xxxvu, 6; 1er., x, 13; Li,
16, qui fait les éclairs et la pluie, Ps. cxxxv (cxxxiv),
7, qui donne des lois à la pluie, Job, xxvm, 26, de
manière qu'elle vienne en temps propice. Act., xiv, 16.
IPattirc lus gouttes d'eau
Qui se répandent en pluie par leur propre poids;
Les nuées la laissent couler,
Et en versent les ondées sur les hommes.
Job, xxxvi, 27, 2S. Kt qui peut compter les gouttes de
pluie'? Eccli., i, 2. Dieu accorde la pluie à tous sans
distinction, bons et mauvais. Mattb., v, 45. Mais les
idoles seraient bien incapables d'en donner. Jer., xiv.
22; Bar., VI, 52. Aussi la pluie est-elle invitée, comme
toutes les autres créatures, à bénir le Seigneur.
Dan., vi, 64. — 2» La pluie est un élément de fécon-
dité pour le sol. .< La pluie et la neige descendent du
ciel et n'y retournent pas, qu'elles n'aient abreuvé <l
fécondé la terre et ne l'aient couverte de verdure,
qu elles n'aient donné la semence au semeur et le pain
à celui qui mange. » ls., LV, 10; cf. XXX, 23. Après la
pluie, le soleil vient et l'herbe sort de terre. Gen.j il,
5; II Reg., xxm, 4. Cf. Ps. cxi.vii (cxlvi), 8. La pluie
fait aussi croître les arbres, ls., xi.iv, li. « Lorsqu'une
terre, abreuvée par la pluie qui tombe souvent sur elle,
produit une herbe utile à ceux pour qui on la cultive,
elle a part à la. bénédiction de Dieu. » Heb., vi, 7. —
3° Quelquefois la pluie a des effets désagréables ou
nuisibles. A travers la couverture mal close, elle forme
drs gouttières qui coulent dans la maison. Prov., xxvn,
15. Au dehors, il faut une tente pour s'abriter contre
elle. Is., iv, 6. Il y a des malheureux qui passent la
nuit sans vêlement; la pluie des montagnes les pé-
nètre, alors même qu'ils cherchent a se blottir contre
un rocher, .loi., \xiv, S. La pluie Lui écrouler les murs
mal bâtis. Ezech., xm, II. 13; Malth., vu. 25, 27. Elle
peut tomber eu torrents dévastateurs. E/cch., xxxvm,
■J'J. C'est ce qui arriva en particulier au déluge. Gen.,
vu, 12 ; vin, 2.
III. LE RÉGIME PLUVIAL EN PALESTINE. — 1° Le pays
que Dieu donna aux Israélites 'tait un « pays de mon-
tagnes et de vallées, qui est arrosé par la pluie du
ciel ». lient., xi, 11. En cela, il différait totalement de
l'Egypte. La Palestine, en effet, n'a pas à compter sur les
rivières pour arroser le sol. Les torrents qui descen-
dent des collines vers le Jourdain ou vers la Méditer
ranée sont eux-mêmes taris pendant la saison sèche
C'est donc de la pluie seule qu'il faut attendre l'irriga-
tion des terris. Elle tombe d'ailleurs on Palestine avec
une régularité remarquable. Elle commence à appa-
raître I 0 octobre et cesse tout à fait avec le mois de
mai. A Jérusalem, les jours de pluie sont en moyenne
de 1 ' en octobre, 5 ' 2 en novembre, 9 en décembre,
10 en janvier, 10 l/2 en février, 8 '/■> en mars, 5 '/s en
avril, 1 ' -i en mai. Cf. Socin, Palâstina und Syrien,
Leipzig, 1891, p. 35; Palestine Exploration Fund,
Quarterly Statement, 1883, p. 8-40; 1892, p. 50-71;
Zeitschri.fi des deutxchen Palâslina-Vereins, t. xiv.
1891, p. 93-112. Il ne se produit que des variations
légères dans la distribution de ces jours pluvieux. La
même règle s'applique à peu près à tout l'ensemble du
pays. Il tombe moins de pluie cependant du côté de
Gaza, et surtout dans la vallée encaissée du Jourdain.
La hauteur de pluie qui tombe dans l'année et de 1*10 i
2m12, en moyenne de l'"60, alors que la moyenne est
de lm50 à la surface du globe. Cette pluie alimente les
sources et servait autrefois à remplir les citernes. Il
est probable que. quand la Palestine était plus boisée
et plus cultivée qu'aujourd'hui, les pluies étaient
encore plus abondantes. La fraîcheur entretenue par
la végétation déterminait la précipitation de nuages qui
passent maintenant sans rien donner ou dont la pluie
s'évapore dans une atmosphère desséchée, avant d'avoir
touché le sol. La dénudation du pays a un autre incon-
vénient. Au lieu d'être, arrêtée par les cultures et de
pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un sol ameubli, la pluie
ruisselle à la surface et les trois quarts en sont perdus,
ne produisant d'autres effets que des ravinements
dévastateurs. Ce sont les vents d'ouest et de sud-ouest
qui amènent la pluie en Palestine. III Reg., xvm, 44;
Luc. xii. 54. Le vent du nord souflle assez rarement:
il se sature d'humidité sur les sommets du Liban et de
l'Anti-Liban et amène aussi de la pluie. Prov., xxv, 23.
2° Les Israélites distinguaient deux pluies, la pre-
mière pluie, yôréh ou môréh, pluvia teniporanea, et
l'arrière ou dernière pluie, malqôi, pluvia sev"lin<t.
Deut., xi, 14; Jer., m, 3; v. 24; Joël.. 11, 23; Jacob., v.
7. Cf. Schebiith, ix. 7; Nedaritn, vin, 5, etc. La pre-
mière pluie commençait à tomber en octobre et deve-
nait plus fréquente en novembre. C'est elle qui ameu-
blissait le sol et permettait le travail préparatoire aux
semailles. A son défaut, « à cause du sol crevassé,
parce qu'il n'y a pas eu de pluie sur la terre, les labou-
reurs sont confondus. » .1er., xiv. i. Cette première
pluie manquait rarement; il fallait des sécheresses ex-
ceptionnelles pour qu'on en fût totalement privé.
III Reg., xvii, 1. Dans les derniers temps avant l'ère
chrétienne, le sanhédrin ordonnait des jeûnes répètes,
quand cette pluie tardait encore en novembre et sur-
tout en décembre. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. — La
période qui va du commencement de décembre a la lin
de lévrier est la saison des pluies. Elle compte une
trentaine de jours pluvieux, sur les cinquante-deux
jours de pluie habituels à la Palestine. Le neuvième
mois, correspondant à décembre, est signale pour son
caractère pluvieux. I Esd., x, 9. 13. Pendant ce is.
a la fête île la lin: care. .Nulre-Si ignoiir était obligé de
s'abriter dans le Temple sous le portique de Salouion,
à cause des intempéries. Joa., x. 22, 23. Celle saison
n'avait pas d'importance spéciale au point de vue agri-
cole. Cependant des pluies trop continues empêchaient
la maturation de l'orge on niellaient les chemins hors
de service. Cf. Malth.. \\i\. :i(l; Josèphe, Anl. jud.,
XIV. xv, 12. lai pareil cas, on retardait la Pàque d'un
mois, en ajoutant au douzième mois de l'année le mois
intercalaire de veadar. Voir PAQUE, I. IV, col. 2098. — La
seconde pluie venail en mars et en avril. C'est elle
qui arrosait les céréales déjà en herbe et facilitait leur
croissance. De son abondance dépendaient la quantité
et la qualité 'le la moisson. Aussi était-elle attendue
avec anxiété, lob. xxi\. 23; Prov., xvi, 15; .1er., m. :i;
Ezech., xxxiv, 26; Ose., vi, 3; Zach.,X, I..M. Vigourou
dans la Revue biblique, 1894, |> lin. raconte comment
il lui. en Palestine. « témoin des souhaits que tout le
inonde répétait sans cesse, pour obtenir celte i pluie
0 tardive >. qui avait l'ail jusque-là défaut. El, en effet,
473
PLUIE — PLUME
474
les recolles commençaient à sécher dans les champs,
les citernes tarissaient et les accapareurs cachaient le
blé. Aussi, quand la pluie est tombée en abondance,
la joie a été universelle ; ceux-là même dont les projets
de voyage étaient ainsi renversés, ou qui rentraient
chez eux trempés jusqu'aux os, bénissaient ce don de
Dieu, qui apportait avec la fertilité la seule eau qu'on
ait pour boire dans la plus grande partie du pays. »
Cette pluie n'était pas toujours régulière. « .le vous ai
retenu la pluie alors qu'il y avait encore trois mois
avant la moisson... ; une terre était arrosée par la pluie,
et une autre, sur laquelle il ne pleuvait pas, se dessé-
chait. ■ Ami., iv. 7. Il ne fallait pas pourtant que cette
pluie fut trop violente: car alors elle renversait les
épis et causait la disette. Prov., xxvm. 3. — En mai,
la pluie cessait complètement. Gant.. II, 11. Elle était
aussi insolite pendant la moisson, c'est-à-dire à partir
de la seconde quinzaine de niai, que la neige en été.
Prov., xxvi. 1. C'est pourquoi Samuel donne comme
une marque certaine de l'intervention divine la pluie
qu'il obtient à l'époque de la moisson. I Beg., XII, I".
18. — Cf. Tristram, The natural History of Ihe Bible,
Londres, 1889. p. 31-33. — Du milieu de mai au mi-
lieu d'octobre, la pluie ne tombe plus en Palestine. Ed.
Robinson, Biblïcal Researches in Palestine, 2e édit.,
1856, t. i. p. 128-431.
IV. Caractère providentiel de la pluie pour les
HÉBREUX. — 1° » Si vous gardez mes commandements
et les mettez en pratique, j'enverrai vos pluies en leur
saison; la terre donnera ses produits et les arbres des
champs donneront leurs fruits. » Lev., XXVT, 3. 4.
Telle est la convention établie dès l'origine entre Dieu
et son peuple. Elle est rappelée dans le Deutéronoine,
xi. li. 17 : Que les Israélites soient fidèles, la première
et la seconde pluie viendront à leur heure, et, en con-
séquence, le blé, le vin, l'huile et le fourrage abonde-
ront. Qu'ils soient infidèles, Dieu « fermera le ciel et
il n'y aura plus de pluie », par conséquent, plus de
récoltes. Dieu leur enverra de la poussière au heu de
pluie. Dent., xxvm, 24. II n'est point dit que Dieu ait
toujours appliqué à la rigueur les termes de la con-
vention et proportionné le bienfait de la pluie au degré
de fidélité des Israélites. Dans leur histoire, en effet,
il est beaucoup plus'souvent question de transgressions
et d'apostasies que de sécheresse et de disettes. Néan-
moins, en plusieurs circonstances, le châtiment annoncé
suivit les fautes. — 2° A la consécration du Temple,
Salomon demanda au Seigneur d'oublier les péchés
de son peuple et de lui accorder la pluie. III Reg.,
VIII, 36, quand ce peuple se repentirait sincèrement et
viendrait dans le Temple implorer son Dieu. II Par., vi.
26, 27. Le Seigneur daigna répondre qu'il en serait ainsi.
II Par., vu, 13; li. — 3° Le prophète Élie fut chargé d'aller
dire à l'impie Achab. roi d'Israël : « Il n'y aura ces
années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole. »
III Reg., xvii, 1. La prophétie s'accomplit, et la famine
fut la conséquence de la sécheresse. Nulle part même
on ne trouvait d'herbe pour la nourriture des animaux,
qu'on était obligé d'abattre. III Reg.. xvni. 5. Sur
l'ordre du Seigneur, Élie se présenta de nouveau
devant Achab, et, après avoir confondu et fait périr
les prophètes de Baal, il annonça la pluie, qui en effet
fut amenée par des nuages venus du cùté de la mer
et tomba abondamment. III Reg., xvm, 41-45; Jacob.,
v. 18. — 4° Isaïe, V, 6, comparant Israël à une vigne
stérile, dit que le Seigneur commandera aux nuées de
ne plus laisser tomber la pluie sur elle. David avait
déjà appelé la même malédiction sur les monts de
Gelboé. témoins de la mort de Saûl. II Reg., i, 21.
Jérémle, v. '21. 25, s'adresse en ces termes à ses com-
patriotes impies : « Ils ne disent pas dans leur coeur :
Craignons Jéhovah notre Dieu, lui qui donne la pluie,
celle de la première saison et celle de l'arrière-saison,
et qui nous garde les semaines destinées à la moisson.
Ce sont vos iniquités qui ont dérangé cet ordre, ce
sont vos péchés qui vous privent de ces biens. »
Amos, iv, 7, 8, fait une remarque analogue. Zacharie,
xiv, 17. 18. annonce que la pluie fera défaut en Pales-
tine et en Egypte, si les familles de ces pays ne sont
pas représentées à Jérusalem pour la fête des Tabernacles.
Cette fête se célébrait les derniers jours de septembre
et les premiers jours d'octobre, par conséquent à la
veille de la première pluie. La pluie est tout à fait
exceptionnelle en Egypte. Deut., xi. 10. 11. Cf. Héro-
dote, m, 10. Mais les pluies abondantes des régions
qui alimentent le Nil peuvent faire plus ou moins défaut,
et l'inondation du Meuve n'être plus suffisante pour
arroser et féconder le pays. Voir IRRIGATION, t. m,
col. 926. Les Septante ont supprime' dans ce passage
la mention de la pluie et ne parlent que d'un lléau.
-Tfoat;. — 5° Les deux témoins que Dieu envoie sur la
terre pour parler et agir en son nom « ont la puissance
de fermer le ciel pour empêcher la pluie de tomber
durant les jours de leur prédication >.. Apoc, xi, 6.
VI. Comparaisons. — 1° A cause de son rôle si bien-
faisant en Palestine, les écrivains sacrés comparent à
la pluie l'enseignement de la loi et de la sagesse.
Deut., xxxn, 2; Job, xxix, 23; la miséricorde divine,
Eccli., xxxv, 26 (19), et la faveur du roi. Prov., xvi,
15. — 2° La venue du Messie sera pour le monde
comme une pluie bienfaisante et féconde.
Qu'il descende comme la pluie sur le gazon,
Comme l'ondée qui arrose la ten
Qu'en ses jours le juste fleurisse,
Avec l'abondance de la paix!
Ps. lxxii (lxxi), 6. Isaïe, xlv, 8, dit aussi :
deux, répandez d'en haut votre rosée.
Et que les nuées fassent pleuvoir la justice !
Que la terre s'ouvre et produise le salut,
Qu'elle fasse germer la justice en même temps !
Israël espère que Dieu viendra à lui, « comme la pluie
tardive qui arrose la terre. » Os., vi, 3. — 3° Par assi-
milation, on dit que Dieu fait pleuvoir la grêle, Exod., IX,
18, 23; le feu du ciel, Gen., xix, 21; Ezech.. xxxvm.
22; Luc, xvn, 29; sa colère. Job, xx, 23; les pièges
sur les pécheurs, Ps. xi (x), 7; la manne et les cailles
du désert. Exod.. xvi. 4; Ps. lxxv (lxxivi, 24. 27.
H. Lesètre.
1. PLUME hébreu: nôsâh, yty; Septante : titïsov;
Vulgate : plumât, produit épidermique. de nature plus
compliquée que le poil des mammifères, et qui sert à
recouvrir le corps des oiseaux. — Quand le prêtre offrait
un sacrifice d'oiseaux, il devait jeter de côté le jabot et
nosatâh. Lev., î, 16. On fait ordinairement venir nosdh
de i/iisci', « sortir >■. et on lui donne le sens d' « impu-
reté, excrément ». Mais en s'en tenant à la leçon du
Samaritain, et à la traduction des Septante, de Sym-
maque, de Théodotion et de la Vulgate, on doit traduire
par « plume ». Nôsdh a le sens de plume, Job, xxxix,
13; Ezech., xvn. 3, 7. Il est certain d'ailleurs qu'avant
de porter un oiseau sur l'autel, on le déplumait.
Cf. Sebachim, vi, 2; Siphra, f. 67, 1. — Jérémie, xlviii,
9, dit à propos de Moab :
Donnez la plume à Moab, car en s'envolant il fuira.
Ses villes seront dévastées et dépeuplées.
Ici, le mot qui désigne la plume, prise pour les ailes,
est fis. Or, ce mot a plusieurs significations. C'est d'abord
le nom de la lame d'or du grand-prêtre, ce qui fait que
les Septante le traduisent par tr,u.i:.x. « signes •>, et le
Chaldéen par « couronne », la lame d'or étant comme
la couronne du grand-prêtre et le signe de sa dignité.
Exod., xxvm, 36-38. Le mot yif veut aussi dire « Heur »,
Job, xiv, 2, traduction admise par Aquila et la \ ulgate,
tandis que Symmaque le rend par « germe ». Pour
47.")
PLUME — POÊLE
476
continuer la métaphore, la Vulgate fait venir le verbe
suivant ndso' de nùs, « lleurir », et traduit : « Donnez
une Ileur à Moab, car il sortira florissant, » ce qui con-
corde peu avec le vers suivant. En réalité, nâso' vient
de nàsa , « voler », et y if a ici le sens déplume. Jérémie
semble s'inspirer d'un passage d'Isaïe, xvi, 2, également
contre Moab :
Comme des oiseaux fugitifs,
Gomme une nichée que l'on disperse.
Telles seront les filles de Moab.
Voir Aile, t. i, col. 311. — Ézéchiel, xvn, 3, 7, repré-
sente le roi de Babylone comme un grand aigle, o cou-
vert d'un plumage, nosdh, aux couleurs variées, » et le
roi d'Egypte comme un aigle aux ■ nombreuses plumes ».
Dans ces deux passages, les Septante traduisent par
à'vuye;, « serres ». Ici le sens du mot n<ï?ah, correspon-
dant à l'assyrien nâsu, n'est point douteux. Dans Job,
xxxix, 13, il est dit que l'aile de l'autruche n'est ni
(celle de) la cigogne, ni nosdh, « la plume » qui vole.
Les Septante reproduisent le mot sans le traduire :
vso-aa. La Vulgate traduit par « épervier », en faisant
probablement venir nosdh du miphal nissdh, « se
disputer », d'où oiseau de proie. H. Lesètre.
2. PLUME A ÉCRIRE. Voir Calame, t. il, col. 50.
PLUVIER (Septante : xaP«8piô«; Vulgate : chara-
drion, charadrius), oiseau de l'ordre des échassiers, à
bec long et renllé à l'extrémité, habitant le voisinage
des eaux et se nourrissant d'insectes aquatiques et d'an-
nélides. Les pluviers vivent en troupes et voyagent
ensemble quand ils émigrent d'Afrique usque dans le
nord de l'Europe (lîg. 100). Ils sont nombreux dans la
100. — Le pluvier.
Basse Egypte. — Les Septante et la Vulgate, Lei ., XI, 19;
Deut.. xiv, 18. traduisent par o pluvier » le mol 'ùnâfdh,
qui désigne beaucoup plus probablement le héron.
Voir HÉRON, I. III, col. 654. Les pluviers ne sont pas
nommés parmi les échassiers qui fréquentent les bords
des lacs palestiniens. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
Paris, 1884, p. 526, 543. Le législateur hébreu n'a donc
pas eu à s'occuper d'eux. 11. L-ESÊTRE.
POCOCKE Edward, théologien anglican, l'un des
plus célèbres orientalistes de la Grande Bretagne, né
le 8 novembre 1604 à Oxford, mort dans cette ville le
lu septembre 1691. Après avoir fait ses études dans sa
ville natale, on il étudia surtout les langues orientales
el recul les ordres anglicans, il fut nommé, en 1630,
i hapi lain de la factorerie anglaise à Alep et \ séjoui na
six ans. En 1636, Land, archevêque de Cantorbéry,
fonda en sa faveur une chaire d'arabe à l'université
d'Oxford. Il ne put professer qu'en 1647, après de nom-
breuses difficultés. Pocock se servit de ses études
orientales principalement pour l'intelligence des Écri-
tures. Il fut un des principaux collaborateurs de la
Polyglotte de Walton. En 1655. il publia, in -4°. à Oxford,
sa Porta Mosis, contenant six discours arabes, impri-
més en caractères hébreux, des commentaires de Moïse
Maimonide sur laMischna, avec une traduction anglaise
et des notes. Ce fut le premier ouvrage publié par la
presse hébraïque d'Oxford. Outre plusieurs autres pu-
blications orientales, on lui doit Commentary on the
Prophéties of ilicah and Malachi, 1077; Borea, 1685;
Joël, 1691. Ces divers ouvrages ont élé réunis dans ses
Theological Works, 2 in-8°, Londres, 1710, en tête
desquelles on trouve une biographie de l'auteur. Voir
W. i irme. Bibliotheca biblica, 4824, p. 352 ; S. Lee, Dic-
tionary of national Biography, t. xi.vi. 1896, p. 7-12.
PODAGRE, maladie de Iakoutie, affectant spéciale-
ment les pieds. — La goutte est une maladie qui en-
vahit l'organisme entier et se présente à l'état tantôt
aigu et tantôt chronique. Elle se déclare d'ordinaire
entre 25 et 55 ans et atteint plus souvent 1rs hommi s
que les femmes. Ses causes les plus fréquentes sont les
excès de table, la vie molle et sédentaire, le défaut
d'exercice, quelquefois l'impression d'un froid humide,
la suppression de la transpiration, etc. La goutte se
manifeste par une douleur subite et très vive au gros
orteil, ou plus rarement au cou de pied, au genou, à
la main. La douleur augmente et linit par devenir
intolérable. L'accès dure plusieurs jours et se renou-
velle à intervalles irréguliers; puis, les périodes de
souffrance se multiplient et se prolongent; des nodosi-
tés et des concrétions d'urates et de phosphates cal-
caires se forment dans les articulations el en rendent
les mouvements difficiles ou même impossibles. On
appelle podagre la goutte qui s'attaque aux pieds,
chiragre celle qui atteint les mains, etc. La goutte se
traite surtout par des soins hygiéniques, exercice,
sobriété, régularité de vie. frictions, séjour dans les
climats chauds et Secs, etc. — Il est raconté du roi Asa
que hdldlt 'éf-raglàv, ètiôve» tous -oôi; teJroO, dotait
pedes, III Reg., xv, 23; yèhélè beragldv, Éu.aXaxca8i)
loùç -oSa;, œgrotavit dnlorc peduni. II Par., xvi, 12.
Il fut malade des pieds, et, suivant ce qu'ajoute ce
dernier texte, il en arriva à éprouver de grandes souf-
frances. Le mal se déclara la trente-neuvième année du
règne d'Asa ; il dura par conséquent de deux à trois
ans, puisque le roi mourut la quarante et unième
année. II Par., xvi, 12. 13. Le texte sacré ajoute qu'an
lieu de chercher Jéhovah, sans doute pour en obtenir
sa guérison, il s'adressa aux médecins. Ceux-ci n'arri-
vèrent nia le guérir ni à le soulager beaucoup. On
s'accorde généralement .i reconnaître la goutte dans la
maladie si succinctement décrite; --a localisation, les
souffrances qu'elle occasionna, son prolongement sont
di - caractères propres à la goutte. 11 esl probable qu'à
un moment elle remonta jusqu'à un organe essentiel,
le coeur ou le cerveau, el entraîna ainsi la mort. L'an-
cienne médecine ne possédait pas de spécifiques
sérieux contre ce mal. Lucien. Tragopodagra, 173.
indique comme remède contre la podagre un exorcisme
fait par un Juif. — Il y a peut-être, dans plusieurs autres
(.-vies, quelque allusion à la goutte qui paralyse (es
genoux, Joh, IV, i. et à celle qui atteint à la fois les
genoux et les mains. Eecli., xxv, 32; I*.. xxxv, 3;
Heb., xii, 12. — Cf. W. Ebstein, Die Medizin un
Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. lis.
II. Lesètre,
POÊLE (hébreu : mahàbaf, niairêf ; Septante
ti^Yavov ; Vulgate : sarlago), instrument qui sert à faire
477
POÊLE — POESIE HÉBRAÏQUE
478
frire sur le feu des gâteaux ou des mets analogues.
La poêle était en métal et ne consistait guère que
dan-, une simple plaque avec ou sans rebords (lig. LOI :.
— On faisait frire sur la poêle des gâteaux de fleur
de farine destinés aux oblations. Lev., n, 5; vi, 21;
vu, 9. Ces gâteaux étaient ordinairement mélangés
d'huile, ce qui leur permettait de se détacher facile-
ment du métal. Dans le Temple, il y avait des lévites
chargés de veiller sur les gâteaux cuils à la poêle,
1 Par.. i\, 31; xxm, 29. — Chez son frère Amnon-
Thamar fit cuire des gâteaux, puis prit la poêle et
les versa. II Reg., xiii, 9. Le mot mairêf n'ap-
parait que dans ce passage. Le mot mahâbat n'est
pourtant pas réservé pour les poêles du Temple. —
Ezéchiel, iv, 1-3, reçut l'ordre de tracer sur une brique
un plan de Jérusalem et de construire autour l'appareil
d'un siège, puis de prendre une poêle de fer et de la
placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont
il figurait l'assiégeant. Cette poêle de fer, ainsi inter-
posée, signifiait que Dieu, le véritable assiégeant, ne
voulait plus ni voir ni entendre Jérusale in, dont le
101. — Poêle à frire, trouvée à Pompéi.
D'après Ricli, Dictionnaire des antiquités, p. 556.
sort était irrévocablement fixé et la ruine décidée. Dans
la réalité, la poêle de fer représentait ici les péchés
d'un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible.
Isaïe, i.ix, 2, avait en effet déjà dit : « Ce sont vos ini-
quités qui ont mis une séparation entre vous et voire
Dieu, ce sont vos péchés qui vous ont caché sa face
pour qu'il ne vous entendit pas. » Cf. Lam., ni, il. —
Pendant la persécution d'Antioelius Épiphane, le pre-
inii".' des sept frères, d'abord affreusement mutilé, fut
placé sur une poêle pour y être rôti, et la vapeur de
la poêle se répandit au loin. II Mach., vu. 3-5.
H. Lksètre.
POÉSIE HÉBRAÏQUE. Sur le caractère général
de la poésie hébraïque et sur les caractères particuliers
qui la distinguent, parallélisme, vers, strophe, voir HÉ-
BRAÏQUE (Langue), t. m, col. 487-492
1° Origine babylonienne de la poésie hébraïque. —
Le parallélisme n'est pas une invention des Hébreux,
on le trouve dans de très anciens poèmes babyloniens
et même égyptiens, quoique inoins régulier dans ces
derniers. Eh. Schrader. Setiiitismus und Babylonismus,
dans les Jahrbûcher fur proteslantische Théologie,
1. 1. 1875, p. 121 ; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur As-
syriologie, t. vin, p. 121 : t. x. p. 1 ; W. Max Millier, Die
Liebespoesie de? alten Aegypler, 1899. p. 10. La littéra-
ture assyrienne offre même des exemples de poèmes
alphabétiques. Proceedings of the Society of Biblical
Archseology, t. vu, 1895, p. 135-151. C'est donc de leur
pairie primitive que les Hébreux avaient emporté, pour
ainsi dire, leur moule poétique. Leurs ancêtres avaient
connu, là aussi, leur principal genre poétique, la poésie
lyrique, et l'on a pu donner le nom de psaumes à des
poèmes babyloniens qui par leur ton, leur tour et
leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux
chants du Psautier, dont ils dillérentpeu pour la forme,
quoiqu'ils en diffèrent totalement par la doctrine théolo-
gique. — Ni les Assyriens ni les Hébreux n'eurent l'idée
du drame proprement dit. — L'antique Babylonie eut des
poèmes épiques, tels que le poème de Gilgamès. mais
les Israélites n'ont jamais utilisé cette forme de poésie.
L'Écriture contient snrtout des poèmes lyriques. Pour
les différents noms qu'on leur donnait, voir Psaumes.
— Avec la poésie lyrique, la poésie gnomique ou didac-
tique, mdsal, fut la plus cultivée chez les Hébreux. Voir
Proverbes.
2° Usage de la poésie chez les Hébreux. — Comme
chez tous les peuples, dès la plus haute antiquité, les
Hébreux eurent recours à la poésie pour exprimer leurs
joies et leurs peines, les événements heureux et les
deuils de la vie privée ou de la vie publique. Le plus
ancien morceau poétique que renferme la Bible est re-
latif à l'histoire de Lamech. Gen.. iv, 23-21. Moïse chante
le passage de la mer Rouge. Exod., xv, 1-21; Débora. la
victoire de Barac et la défaite de Sisara, ,Tud., v, etc.
Cf. I Reg., xvin, 7; .lud.. xv, 16; Kuni, xxi, 27-30;
Jos.. x, 12. Noé, Gen., ix, 25-27: Jacob, Gen.. xlix;
Moïse, Deut., xxxm, bénissent leurs enfants ou leur
peuple en un testament poétique. David déplore dans
une élégie d'un lyrisme achevé la mort de Saûl et de
Jonalhas, II Reg., i, 18-27; Jérémie, dans ses touchantes
Lamentations, les malheurs de son peuple emmené en
captivité. Cf. Il Reg., m, 33; .lud., xi, 40. La poésie
cumme la musique égayait les festins. Is.,v. 12; xxiv.
9; Amos, vi, 5; Jml., xiv, 14, 18, etc. La découverte
d'une source fournissait matière à un chant. Num., XXI,
17-18. On célébrait aussi par des chants poétiques la
moisson et les vendanges. Jud., ix, 27. Voir Chanson,
t. n, col. 551. Mais les Hébreux composaient surtout des
chants religieux et leur poésie est avant tout religieuse.
Le Psautier en est la preuve; aucun autre recueil poé-
tique ne peut lui être comparé pour l'élévation des sen-
timents, la profondeur de la piété, l'éclat du lyrisme,
l'union intime du poète avec Dieu. Les livres des pro-
phètes nous offrent une plus grande variété de formes
poétiques que les Psaumes, mais c'est le même senti-
ment religieux qui s'y manifeste.
Les chants sacrés, avec accompagnement de musique,
furent un des éléments principaux du culte rendu à
Dieu par les Israélites. Voir Chant sache, t. u, col. 553;
Chantres du temple, col. 556; Musique, ni, t. iv,
col. 1349. C'est aux Hébreux que l'Eglise chrétienne a
emprunté avec les Psaumes, l'usage de la psalmodie et
du chant liturgique.
3° Technique de la poésie hébraïque. — 1. La poésie
hébraïque, comme toutes les poésies, se distingue de
la prose par l'assujettissement à des règles spéciales
qui consistent surtout dans le rythme et dans la me-
sure. Un poème doit briller par le choix des pensées,
la beauté des figures, le mouvement, la couleur et
l'éclat du style, mais toutes ces qualités peuvent exister
dans la prose; ce qui constitue proprement le poème
en tant qu'oeuvre d'art, c'est en général, la métrique;
en hébreu, c'est en particulier le parallélisme, qui
par lui-même n'exige pas une mesure rigoureuse et
peut se rencontrer à la vérité dans des morceaux qui
ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister
avec le vers, lequel caractérise par excellence les mor-
ceaux poétiques. Les règles de la versification hébraïque
ne nous sont pas bien connues, mais l'existence du
vers hébreu n'en est pas moins certaine. Les poèmes
hébreux sont aussi souvent divisés en strophes.
2. Outre ces caractères généraux, on peut signaler
dans la poésie hébraïque, a) l'emploi de mots, de
formes grammaticales et de tournures qui lui sont
propres, comme dans toutes les langues; — b) les
poèmes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque
série parallèle commence par une lettre de l'alphabet,
selon son ordre alphabétique. Voir Alphabétique
(Poème), t. i, col. 416; — c) la rime ou répétition du
même son à une place déterminée du vers. L'emploi
de la rime dans la poésie rabbinique est fréquent,
mais son usage régulier ne parait pas antérieur au
479
POÉSIE HÉBRAÏQUE — POÉTIQUES LIVRES) DE LA BIBLE
480
\ue siècle de notre ère. On ne la rencontre donc qu'acci-
dentellement dans l'ancienne poésie hébraïque. La
langue des Hébreux, par la sonorité des finales de ses
mots et de ses flexions, fournit à la rime des ressources
abondantes et le poète est amené tout naturellement à
s'en servir et à répéter, sans les chercher, les mêmes ter-
minaisons qu'il emploie nécessairement pour exprimer
sa pensée. Il y a donc dans ce qu'il écrit des rimes in-
conscientes, mais elles sont aussi quelquefois un effet
de l'art comme on n'en saurait douter lorsqu'elles ré-
viennent d'une manière régulière et suivie et par con-
séquent voulue. Ainsi, par exemple, dans les vers sui-
vants de Job, x, 9-1S.
Zekor-nd ki kahômèr âèîtàni
Ve'él dfâr teiîbêni.
Halo kékàlâb (afikêni
Vekagbinàh (aqpi êni.
i ij ûbâsâr falbisêni
Ûba'âsâmôf vegîdim (eéôkkênî.
Hayim vdhéséd àiitâ' itnmâdi
Ufquddatkâ Sdntrdh rûhi.
Ve'élléh sâfan(à bilbdbéka
Yâdaefi ki zôf immdk.
Im hâtati uicmartdni
Umê 'tr.ni Vô (enaqqêni.
Im rdia'eli alelai U
Vesddui/li h': 'esta' r'ôSi
$eba qâlôn iiru'rh 'onyi.
Ve-ig'éh kassahal (esûdêni
Veiasob (ilpalld M.
Tehaddêi êdéka negdi
Veféréb ka'askd itnmâdi
IJnlifôi vesdbd' 'imtnî.
Veldmmdli mëréhém hôs'ê(âni
'Egeva ve'ain l'ô-(ir'êni.
Voir aussi le l's. VI, dont un.' grande partie des vers
sont rimes.
i/ L'assonance, c'est-à-dire la reproduction fréquente
du même son, est recherchée par les poètes hébreux.
Elle se distingue de la rime en ce qu'elle n'est pas placée
régulièrement à la fin du vers mais arbitrairement à
des endroits différents. Dans les iV vers que contient
le chap. v dis Lamentations, la syllabe nû est répétée
trente-cinq fois; elle l'est douze fois dans les seize vers
de Ps. cxxiv. Elle est autant un artifice de rhétorique
qu'un procédé poétique, «le même que l'allitération et
les jeux de mots, mais tous ces moyens qui piquent
l'attention et aident la mémoire du lecteur ou de l'au-
diteur sont familiers aux poètes d'Israël.
e) L'allitération esl la répétition des mêmes lettres
ou des mêmes syllabes. Les exemples en sont nom-
breux : <<•,;/( umeis'âh, solitude <■! désert », qui se lit
deux fois dan?, .lob, xxx. 3,el wxvm. 27. etc. - L'an-
nomination est la répétition des mêmes mots sous des
formes différentes; Isale l'affectionne particulièrement.
Hinnêh Yahvéh metallélqà.
Taltêldli gober ve ôtkâ atôh
Çanàf isnofkd çenêfàh. Is.. xxn, 17-18.
Quant aux paronomases et aux jeux de mots, les poètes
hébreux s'\ complaisent. Ire'û rabbîm veirâ'û. l's. xi.,
i. Veire û saddiqim veird «. Ps. in. S. Vehdyefah
.:>h. is.. x\ix. 2. etc. Voir Jeu di mots,
(. m. col. loi"). Cf. aussi i;. \V. llopf, Allitération,
Assonanz, Retm in der Bibel, in-8 . Erlangen, 1883;
.1. M. Casanowicz, Paronomasia in tbeold Testament,
in-8», Boston. 1894.
Sur la poésie hébraïque i n _ aérai, voir l'historique
et l'exposé dis systèmes anciens et modernes sur la
métrique hébraïque dan- .1. huiler. Rythmus, Metrik
■ Irophik in ker biblisch-hebrâischen PoesU . in-8 .
Paderborn, -189!); Ed. Kbnig, Stilistik, Rhetorik, Poe-
tik im Bezug auf die biblische Literatur, in-8", Leip-
zig. 1900, p. 346 sq. Sur les strophes en particulier,
voir D. H. Huiler, Die Proplieten in ihrer ursprùngli-
chen Form, 2 in-S°. Vienne, 1896: F. Perles, Zur
hebraîschen Stropbik, Vienne. 1896;. 1. K. Zenner, S.J..
Die Chorgesânge ini Huche der Psahnen. 2 in-i". Fri-
bourg-en-Brisgau. 1896; D. H. Mullér, Strnpltenbau
und Responsion, in-8°, Vienne. 1898. Voir aussi
H. Grimme, Psahnenprobleme, Vntersuchungen ïtber
Metrik, Strophen und Pasekdes Psahnenbuches, in-i .
Fribourg (Suisse), 1902. F. Vigouroux.
POÈTE (grec : -o •./•,:-/,;). Ce mot, désignant un écri-
vain qui a composé des vers, ne se lit qu'une fois dans
l'Écriture. Saint Paul, dans son discours de l'Aréopage,
cite littéralement à ses auditeurs un vers d'Aratns qui
était comme lui originaire de Cilicie. Voir ARATUS, 1. 1,
col. 882. Il ne le lui attribue pas d'ailleurs nommé-
ment, mais il s'exprime ainsi : «comme l'ont dit quel-
ques-uns de vos poètes. A, !.. \\n. 28. Cette manière
de parler pourrait ne pas être prise à la rigueur de la
lettre et s'entendre d'un seul poète, niais il est vrai
que deux autres poètes grecs sont connus comme ayant
écrit un vers semblable : 'Ex oo3 yop tv'o; écuiv, dit
Cléanthe, Hymn. in Ju>\, 15. "Ev xvSpcôv, Ëv 8ewv ysvo;,
dit Pindare. Nem., 6. Voir Wetstein, In Ad., xvn, 28,
Novum Testam. gi\, t. n. 1752. p. 570.
Saint Paul cite aussi un poète Cretois, Tit., i. ^.éga-
lement sans le nommer; il l'appelle » un prophète ■
des Cretois. Voir Epiménide, t. u, col. 1891. Dans
I Cor., xv, 33, il reproduit un vers de la Thaïs de Mé-
nandre, mais sans aucune indication. Voir Ménandre.
t. îv, col. 960. Ce sont là les seuls poètes profanes cités
dans le Nouveau Testament. — llans l'Ancien Testa-
ment, on ne trouve qu'un mot qui, en hébreu, dé-
signe les poètes en général, et encore ne s'applique-t-il
directement qu'à i eux qui composent îles mâsdl, poèmes
gnomiques, didactiques et satiriques. Les Nombres,
xxi. 27. rapportent les vers contre Moah. v. 27-30, en
les attribuant aux môilitn un portes. La Vulgate n'a
pas traduit ce mot: les Septante l'ont rendu par ol
otîviY|ucTi<rcaî. — Il est possible que le mot nâbi . • pro-
phète », eut accessoirement le sens de poète, parce
que les prophètes écrivaient souvent ou s'exprimaient
en vers, mais ce n'était certainement, en tout cas, qu'une
signification secondaire et dérivée. lien Sirach fait
l'éloge des poètes sacrés • ■--- •*•;■-:). KcclL, xi iv, 5.
F. VlGODROt X.
POÉTIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE. -
1° L'Fcriture contient un certain nombre de livres écrits
en vers et des morceaux poétiques se trouvent ;,us-i
dans plusieurs des livres écrits en prose. Voir t. III,
col. 487. Les grammairiens hébreux n ont noté que
trois livres avec les accents poétiques, Job, les Psaumes
ei n- Proverbes, mais on range aussi aujourd'hui parmi
lis livres poétiques le Cantique de- Cantiques et les La-
mentations. Plusieurs > ajoutenl l'Eccli siaste el 1
siastique dont une partie a été retrouvée dans le texte
original. — lieux recueils de | sies qui contenaient
des morceaux profanes avec de- morceaux religieux,
le Livre île. Guerres du Seigneur. Nu m.. XXI, 14, el le
Livre des Justes ou du ï'dè ly Ins.. ix, 13, etc. Voir
Justes Livri des), t. m, col. 1873. Cf. Livres ph
1°, 2°, t. iv, col. 317). ne nous sont plus connus que par
des citations. U parait avoir existé ni-si un recueil
d'élégies ou lamentions funèbres. <iinùt. II Par.. \\\\.
23.
tin pourrait considérer également comme livres poé-
tiques les écrits de plusieurs prophètes, qui se con-
I lent en général aux règles de la poésie hébraïque.
tels que Isaïe, Osée, Joël, Amos, Abdias, Mi
Nahum, Habacuc, Sophonie, etc. Cependant ils s'as-
treignent d'ordinaire moins rigoureusement aux exi-
481
POÉTIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE — POIDS
482
gences de la poétique hébraïque, de sorte qu'il n'est
pas toujours facile de distinguer ce qui est vers de ce
qui n'est que style oratoire, et de tracer une ligne
exacte de démarcation entre les deux. Si nombre de
morceaux renferment des chants, des psaumes ou des
cantiques en vers réguliers, Is., xn, 1-6, etc., qu'on re-
connaît sans peine, il en est autrement ailleurs. Néan-
moins même quand ils ne s'expriment pas en vers pro-
prement dits, les prophètes, souvent, ne parlent pas en
prose simple; ils se servent d'un langage mesuré, plus
soigné, plus artificiel et plus rare, afin qu'il soit plus
digne des oracles divins qu'il transmet aux hommes et
afin qu'il frappe davantage l'imagination et l'esprit des
auditeurs et des lecteurs. Il est, du reste, malaisé d'en
fixer les règles précises. Tandis que, parfois, ils s'ex-
priment de la manière la plus ordinaire, sans aucun
effort et sans aucun artifice, ls., vu, 1-3; .1er., xxi, 1-10,
d'autres fois, prose et poésie sont entremêlées, Is., vi ;
Jer., i, etc., et ailleurs, entre l'une et l'autre, apparaît
un langage rythmé, qui n'est ni la simple prose ni le
vers de Job ou des Psaumes, et qui est caractérisé sur-
tout par le parallélisme, mais avec des nuances et des
variations infinies. F. VlGOURoux.
POIDS, morceaux de pierre ou de métal d'une pesan-
teur déterminée, qu'on a employés, dès les temps les
plus reculés, pour peser les objets de toute nature.
Comme l'or et l'argent ne furent monnayés qu'à une
époque relativement tardive et qu'il fallait les peser
pour connaître leur valeur, chez les Hébreux, comme
chez les Babyloniens et les Assyriens, les mêmes noms,
talent, mine, sicle, etc., servent à désigner soit des
poids, soit des monnaies. Voir Monnaie, t. iv, col. 1235.
I. Les poids a l'origine. — I» Poid* primitifs. —
De même que les membres du corps humain fourni-
rent les premières mesures de longueur, par exemple,
la coudée, le pied, l'empan, le palme, le doigt, voir
Mesures, t. iv, col. 1041-1042, de même la nature pro-
cura aux hommes, sous la forme des graines de cer-
taines plantes communes, telles que le blé, l'orge, les
haricots, etc., les premiers poids dont ils firent usage.
Voir Ridgeway, Origin of metallic Currency and
standard Weigtks, in-8°, Cambridge, IS92, p. 387.
Divers passages du Talmud mentionnent encore ces
poids primitifs. Voir le traité Scheqâlim. Maimonide
dit aussi, Vonstitut. de Siclis, Leyde, 1718, p. 1-2, que.
sous les rois hébreux, le sicle pesait 320 grains d'orge.
Néanmoins, il exista de très bonne heure, en Egypte et
spécialement chez les Babyloniens, un système com-
plet, fort bien agencé, en ce qui concerne cette partie
de la métrologie.
2» Noms. — Le mot « poids » se dit en hébreu :
miSqâl, "jptfn, ou séqél, bp*, de la racine sâqal,
« peser ». Cf. Gen., xlhi, 21; Ex., xxx. 14: Lev.. v.
15; xxix, 35, etc. Les poids des anciens Israélites
furent tout d'abord de simples pierres, et c'est pour
ce motif qu'on les nommait habituellement z-;:*.
. T_.
'âbdnîm,« pierres ». Cf. Lev., xix, 36; Deut., xxv, 13;
II Reg., xiv, 26; Prov., xi, 1; xvi, 11; xx. 10, 23, etc.
En fait, on a retrouvé, à Jérusalem et en d'autres
endroits de la Palestine, plusieurs poids en pierre
ordinaire, en hématite, etc. Voir Talent. Plus tard, ils
paraissent avoir été aussi quelquefois en plomb, cf. Zach . ,
v, 7, et sans doute aussi en d'autres métaux.
3° Formes. — Les Égyptiens, les Assyriens et les
Babyloniens donnaient à leurs poids des formes d'ani-
maux ; notamment celle d'un lion accroupi, muni
d'une anse qui le rendait plus maniable (fig. 102), celle
d'un canard (fig. 103), celle d'une gazelle ou d'autres
animaux. Voir Balance, t. i, fig. 420, col. 1403. C'est
peut-être pour ce motif que le mot hébreu rroiDp,
qesîtdh, Gen.,'xxxni, 19, cf. Jos., xxiv, 32, et Job. xli'i,
DICT. DE LA BIBLE.
11, est traduit par « agneau » dans les Septante et dans
la plupart des autres versions anciennes. Voir Gese-
nius, Thésaurus, t. III, p. 1241. Mais on ne peut rien
dire de certain à ce sujet. Les poids hébreux, assy-
riens et babyloniens portaient d'ordinaire une ou deux
inscriptions, qui marquaient leur valeur et le nom
du roi qui les avait fait fabriquer. C'est ainsi que, sur
un poids assyrien en forme de lion, on lit ces mots
gravés en araméen : « deux mines du pays », et cette
102. — Poids assyrien en forme de lion. British Muséum.
autre inscription en caractères cunéiformes : « Palais
de Sennachérib; deux mines du roi. » Sur un poids
babylonien en basalte vert, en forme de canard, on lit
en caractères cunéiformes : « Trente mines de poids
justifié. Palais d'Irba-Mérodach, roi de Babylone. »
4° Poids hébreux. — On ne pouvait pas manquer de
retrouver quelques anciens poids hébreux en Pales-
tine; mais ils ne forment encore qu'une série très
incomplète. Toutefois, il ne faut pas oublier que les
sicles juifs qui sont parvenus jusqu'à nous sous forme
de monnaie comptent aussi sous ce rapport, puisque, à
103. — Poids assyrien en forme de canard.
la façon de nos monnaies courantes, ils correspon-
daient à des poids fixes. — 1° M. Clermont-Ganneau a
étudié dans son Recueil d'archéologie orientale, t. iv.
1900, p. 24-35, quelques-uns de ces poids. Un tout petit
poids de 2ar54 seulement, a été découvert en Samarie;
il porte deux inscriptions en hébreu : réba' nésef,
=135731, « quart d'une moitié » (?), et réba' Sel, 1,-"'.'-~ .
« quart d'un sicle » (?) (fig. 104). Trois autres poids sont
l'un en pierre rougeàtre, l'autre rouge clair et le troi-
sième en calcaire blanc; .ils ont été trouvés à Tell-
Zachariya; ils pèsent 10a1 21, 9ar05 et 9 grammes (fig. 105).
Sur chacun d'eux on a cru lire le mot hébreu né?i
=132, qu'on a traduit ordinairement par « moitié ». Un
autre poids, également de petites dimensions, a la
forme d'un grain de chapelet percé et est en pierre
d'un jaune rougeàtre; il provient d'Anàtà, l'ancienne
Anathoth, près de Jérusalem, et correspond à 8'Jr61.
Les hébraïsants ont beaucoup discuté au sujet de ces
inscriptions, sans pouvoir se mettre entièrement
d'accord. Quelques-uns d'entre eux ont lu nêség, 1S3,
ou késéf, =]DD, « argent ■>, au lieu de néséf. En tout
V. — 16
483
POIDS
484
cas, le mot reba désigne certainement un quart. Voir
Ed. Kœnig, Einleitung in das aile Testât»., in-S\ Bonn.
•1893, p. 485. q, I ; Driver, lntrod. to the Literature
of the Old Test., in-8", 6' édit., p. 419, note; Pales-
tine Explor. Fund, Quarterly Slalement, in-8°, 1890,
p. 267-268; 1891, p. 69; 1893, p. 22; 1S94, p. 220, 286-
287; 1895. p. 187-190. — 2° Dans la jnême revue, 1892,
104. — Poids en hématite, en forme de navette, découvert à
Samarie. D'après Palestine Expl. Fund, Quart. Stat.,
1890, p. 207; lb94, p. 287.
p. 114, M. FI. Pétrie analyse d'autres poids qu'on a
aussi découverts en Palestine. Mais rien de tout cela
ne conduit à des résultats définitifs.
II. Anciens systèmes métrologiques de l'Orient.
BIBLIQUE EN CE QUI CONCERNE LES POIDS. — l. OB-
SERVATIONS GÉKÊRALES. — Les Hébreux paraissent
avoir eu assez tôt un système de poids bien complet.
Ce système était le même, dans son ensemble, que
celui de la plupart des peuples de l'Asie antérieure, en
particulier des Pbéniciens, des Syriens, de plusieurs
provinces d'Asie Mineure, et tout spécialement le même
que celui des Babyloniens. — On avait d'abord simple-
105. — Quatre poids Israélites à inscriptions.
D'après Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale,
t. iv. 1" et 2- livr., 1900, p. 'J5, 20, 18.
ment conjecturé, puis on a démontré de la manière
l;i plus certaine qu'en ce qui regarde les poids, comme
les mesures de longueur el de capacité, tous 1rs svs-
teni'-s métrologiques de l'antiquité, y compris ceux de
l'Egypte, de la Grèce, de la Sicile, de l'Italie, etc., ont
entreeux une ressemblance frappante, el que Babylone
en esi le centre, ou plutôt le lieu d'origine. Voir Bôckh,
Metrologische Vfitersuchungen ûber Gewichte, Mûnz-
fiisse und Muasse tirs Mlerl/iutns in i/trem Zusani-
menhange, in-8°. Berlin, 1838. liertlieau, Z ur Geschichte
(1er Israeliten, in-8», Gœttingue, 1842, a développé
cette idée et cette démonstration par rapport aux an-
ciens Hébreux ; M. Brandis la reprise plus en grand,
dans son ouvrage intitulé Uas Mini:- , Mass- und Ge-
wiclttsiresen in Vorderasien bis auf Alexander den
Grossen, in-8», Berlin, 1866. La preuve est devenue
péremptoire à la suite des savants travaux de M. C. P.
Lehmann. Voir surtout Das altbabijlomsclie Mass- und
Gewichtssystem als Grundlage der antiken Gewicht-,
Minrz- und Maassijsteme, dans les A ctes du vin* Congrès
international des Orientalistes, Section sémitique B,
in-8», Leyde, 1893, p. 166-246. Cf. V. Duruy, Histoire
des Grecs, t. i, Paris, 1887, p. 608. Naturellement, le
système babylonien a subi des modifications et des
transformations multiples chez les divers peuples qui
l'ont emprunté, tout en demeurant au fond le même.
On peut regarder comme un point incontestable que,
dès le xvi1' siècle avant J.-C, la partie du système
métrologique des Babyloniens qui se rapporte aux poids
avait pénétré dans les régions syriennes. Cela ressort
de la façon la plus évidente du fait suivant : dans les
inscriptions de Tell-el-Amarna, les tributs payés au roi
d'Egypte Thothmès III par ses vassaux de Syrie sont
énumérés en poids assyriens, c'est-à-dire, en talents
et en mines, et non pas en poids égyptiens. Voir Leh-
mann, dans la Zeilschrift fur Assyriologie, t. m, 1888,
p. 392. 11 est vrai que, sur l'inscription du temple de
Karnak, les mêmes tributs sont énoncés d'après le
système métrologique égyptien. Mais il est visible, par
la seule inspection des chiffres marqués, que ces chif-
fres ont été obtenus au moyen de calculs, et traduits
pour ainsi dire en langue égyptienne; car ils sont sou-
vent impairs, et même accompagnés de fractions, tandis
que d'ordinaire les tributs étaient comptés par centaines
et par milliers de talents, de mines, de sicles, etc. Cf.
Nowack, Handbuch (1er hebr. Archâologie, t. i, p. 206;
Benzinger, Hebr. Archâologie, p. 186. Suivant Héro-
dote, m, 91, l'Egypte elle-même payait le tribut aux
Perses d'après les poids babyloniens.
/(. LES nui» babyloniens. — Quelques indications
à ce sujet sont ici à leur place, puisque c'est au sys-
tème babylonien que les Hébreux ont emprunté leurs
propres poids. Cette branche a été en quelque sorte
révolutionnée de nos jours, non seulement par l'étude
des textes assyriens et babyloniens, mais surtout par
la découverte d'un nombre assez considérable de poids
de Babylone Jet de Ninive, — Le principe sur lequel
s'appuie tout ce système métrologique est le principe
sexagésimal, ainsi nommé parce que le chiffre 60
joue chez les Babyloniens le même rôle que le chiffre
10 chez nous. Leur unité de poids était la mine.
MA-NA des inscriptions, qui correspond à mâneh des
Hébreux, au grec u.vî et au latin jiina ou mina. Au
dessus de la mine était le talent, appelé gaggarou dans
les lettres de Tell-el-Amarna. kikkareo hébreu, tàXavrov,
c'est-à-dire « poids », en grec, lalentum en laiin: il
valait 60 mines. Au dessous de la mine était le sicle, en
assyrien Siklu, sèqél en hébreu, trixXo; en grec, ou
tf7arr,p. siclus en latin ; elle formait la soixantième partie
de la mine. Il fallait donc, en Chaldee et en Ass\rie.
60 sicles pour faire une mine, 60 mines pour faire un
talent. (Les monuments découverts à Tell-Lob. dans la
Babylonie méridionale, montrent que ies Chaldéens se
servaient aussi d'un poids inférieur, nommé clié, qui
correspondait à 180 grains de blé (60x3).
On a remarqué' qu'à Babylone et à Ninive il existait
un double système de poids, et. dans chaque s\slriih
une double série, la série lourde et la série lé
Voir C. P. Lehmann. Sitzungsberichte der archàolog.
Gesellschaft zu Berlin, 1888, p. 27-42; Das altba
nischeMaas- und Gewichtssystem, 1893. p. 6-20. La série
lourde pesai! exactement le double de la série légère. Le
premier système a été surnommé royal, parce que les
poids qui le représentent ont été trouvés dans les palais
royaux et qu'il portent tous cette inscription : < Tant
et tant de mines du roi. » La mine royale lourde a été
évaluée, d'après ces modèles, à 1010 gr. (c'est le poids
de la Bg. 102), el la mine légère à 505 gr. (poids de la
fig. 103), D'après cela, le talent royal de la série lourd
485
POIDS
486
correspondait a 1010 gr. x 60, c'est-à-dire à 60 600 gr.,
et le talent royal de la série faible, à 505 gr. x 60,
c'est-à-dire 30 300 gr. Le sicle royal lourd, qui était la
60 partie de la mine, valait 16s'83, et le sicle royal
léger pesait S'ri 1 . Voir Lehmann, dans Zeitsi lirift fur
Ethnologie, 1889. p. 372-373. A côté de ce système de
poids royaux, les Babyloniens en avaient un autre, dit
commun ou usuel, dont on a également retrouvé des
échantillons, marques g une 1 "2 mine, un 1,3 de mine.
1 6 de mine ». Ces poids étaient un peu plus faibles
que les poids royaux. D'après les évaluations de M. Leh-
mann. la mine lourde y valait en moyenne 989r24; la
mine légère. 49l3r2.
//;. srsrÈME DES POIDS BÉBRBUX. — II était en réa-
lité, ainsi qu'il a été dit plus haut, la reproduction de
celui des Babyloniens. A Jérusalem comme à Babylone.
les poids principaux étaient le sicle, la mine et le
talent. Le talent valait 60 mines, et tel était aussi le cas
en Asie Mineure, en Grèce, en Syrie, en Perse. .Mais
le sicle avait cessé d'être la 60' partie de la mine; par
un compromis entre le système sexagésimal et le sys-
tème décimal, elle en était devenue la 50e partie. Nous
ignorons à quelle époque précise et en quel endroit se
fit tout d'abord cette transformation. Chez les Israélites,
elle nous apparaît dès l'Exode, xxxvm. 24-25. où nous
voyons que leurs talents d'argent n'équivalaient pas à
3600 sicles, comme à Babylone, mais seulement à 3000.
Les principaux poids des Hébreux sont mentionnés
très souvent dans la Bible, mais toujours d'une manière
indirecte, par conséquent sommaire et incomplète, car
les écrivains sacrés supposaient à bon droit que ce sujet
était familier à leurs lecteurs. Ça et là cependant, les
rapports réciproques de plusieurs poids ou mesures
sont indiqués en termes explicites. Cf. Exod., XV, 36:
Ezech., xlv, 12.
1" Le sicle. — L'unité de poids des Israélites était le
sicle, Séqcl, qui valait, à l'époque des Machabées, et
probablement aussi dès celle de Moïse, 14'Jr200. Les
subdivisions du sicle envisagé comme poids, étaient :
— 1. le 1 2sicleou béqa , 7p3. de la racine bdqâ , « divi-
ser ». Cf. Gen.. xxiv, 22; Ex., xxx, 13 et xxxvm, 26,
dans le texte hébreu. Voir Béka, t. i, col. 1555; —2. Le
gérâh. ".:, « grain », qui était la dixième partie du
béqa , la vingtième partie du sicle. Cf. Exod., xxx. 13;
Lev., xxvil, 25; Num., m, 47; xvm, 16; Ez., xi.v, 12.
Voir Obole, t. m, col. 197. C'était le plus petit de tous
les poids hébreux. — 3. L'Ancien Testament signale aussi
le 1 3 de sicle, Neh., x, 32. et le 1 4 de sicle, appelé
relia . « quart », Gen.. xxiv, 22; I Reg., IX, 8. Plus
tard, les Juifs donnèrent au réba' le nom de zouz, "•.
Voir Réba .
2° La mine. — Au-dessus du sicle, il y avait la mine,
en hébreu, mdneh, -:-. Cf. III Reg., ix, 17; I Esd., Il,
9; M Esd.. vu. 71-72. Son poids était de 50 sicles.
comme il a été dit plus haut. Il est vrai que, d'après
Ezéchiel. xlv, 12. elle parait avoir correspondu à
60 sicles, car on lit dans le texte hébreu de ce passage,
et aussi dans la Vulgate : « Le sicle a 20 gérali ; la
mine doit avoir 20 sicles, 25 sicles, 15 sicles. » Or. 20
+ 25 + 15 = 60. Mais, généralement, on préfère à
cette leçon celle de la traduction grecque des Septante
d'après le Codex Alexandrinus et le Codex Valicanus :
« Cinq (sicles) doivent être cinq (sicles), et dix sicles,
dix, et (de) cinquante sicles sera votre mine. » Manière
de dire que les poids doivent avoir leur valeur rigou-
reusement exacte, ni plus ni moins. Il est très possible,
en effet, que le texte primitif ait été altéré en cet en-
droit. Voir F. Keil. Bibl. Commentai- ïtber den Pro-
phelen Ezéchiel, in-8", Leipzig, 1868, p. 460-461. Les
mines mentionnées au 1" livre des Machabées. xiv, 24
et xv, 18. sont des mines attiques, qui avaient un poids
distinct. Voir Mine. t. iv, col. 1102-1105.
3» Le talent. — Le poids le plus élevé, chez les
Hébreux comme chez les Babyloniens, les Perses, etc.,
était le talent. Son nom hébreu, kikkar, -ï2, a le sens
de t rond, objet rond ». sans doute parce que telle était
sa forme primitive. VoirTALENT.il équivalait à 60 mines,
à 3000 sicles. Cela ressort très évidemment du passage
Exod., xxxvm, 24-25. où nous voyons que 603550 demi-
sicles correspondaient en poids à 100 talents 1775 sicles.
Comp. aussi Exod., xxv, 39; II Reg., xn.30; III Reg..
ix, H; x, 10. 14; II Par., xxv, 9, etc.
4° Poids dans le Nouveau Testament. — Le Nouveau
Testament ne mentionne qu'une nouvelle espèce de
poids, la 'i.i-ûx, Vulgate, libra, la livre. Joa.. XII, 3;
xix. 139 : poids romain qu'on évalue à 326or327. et
qui se subdivisait en 12 onces. — Dans l'Apocalypse, xvi,
21, nous trouvons aussi la mention du talent en tant
que poids : des grêlons pesant un talent. Cf. Josèphe,
Bell, jud., V, vi, 3. — On a trouvé à Jérusalem, en
1891, une grosse pierre ayant servi de poids et pesant
41' ''900 grammes. Voir Palestine Exploration Fund,
Quarterly Statement, 1892, p. 289-290; F. Vigouroux,
Manuel biblique, 12e edit., t. I, p. 310.
5" Les balances. — Pour peser, on se servait de ba-
lances. Cf. Gen., xxiii, 16; x.xiv, 22; Deut.. xxv, 13;
Prov., xi, 1; xx, 10; Is., xxiv, 6: Am.. vin. 5, etc. Voir
Balance, t. i. col. 1400-1 tOJ. Les marchands les por-
taient avec eux, en même temps que les poids les plus
usuels, placés dans une pochette. Cf. Deut., xxm, 3;
Prov., xvi, 4;Mich.. VI, 11. Cela était d'autant plus né-
cessaire que, pendant longtemps, l'argent et l'or n'étaient
pas monnayés, et qu'il fallait les peser chaque fois qu'ils
étaient donnés en paiement. Cf. Jer., xxxn, 10. Voir
Monnaie, t. iv. col. 1235.
III. Rapport des poids hébreux avec notre système
décimal. — II est très difficile, pour ne pas dire impos-
sible, de déterminer cette relation avec certitude,
comme on le voit par les divergences qui existent entre
les évaluations des savants qui se sont le plus occupés
de ce problème. Les modèles qu'on a récemment décou-
verts nous sont parvenus en trop petite quantité et dans
un état de préservation trop incomplète, pour nous
fournir autre chose que d'assez vagues indications. Du
moins, nous pourrons établir l'équivalence d'une façon
approximative. Pour fixer le rapport qui existe entre
notre système décimal et les poids des anciens Israélites,
les savants ont pris pour base le sicle d'argent de
l'époque des Machabées, qu'ils ont supposé être de même
pesanteur que celui des anciens Hébreux. Les deux ta-
bleaux qui suivent indiquent les résultats ainsi obtenus.
Ii <[ v Ri'.
1 Talent —- 60 mines 3000 sicles 6000 60 000= 42533.100
1 Mine = 30— 100 1000= 708,850
1 Sicle = 2 20 = 14.200
1 Béqa' - 10 = 7.100
1 Gérait = = .0.708
Ou bien :
sicle
gr.
0.708
7.100
14.200
708,850
42 533,100
Gérah bcqa'
1 =
10 — 1 =
20 = 2 = 1 =
1000 = 100 = 50 = 1 mine
60000 = 6000 — 3000 = 60 — = 1 Talent
IV. Le poids de sanctuaire et le poids de roi. —
1» On rencontre fréquemment dans le Pentateuque
l'expression séqel haq-qôdéS, tf-jpn u--\ » poids du
sanctuaire », au sujet de laquelle on a fait des conjec-
tures plus ou moins heureuses. Cf. Ex.. xxx. 13, 24;
xxxvm, 24, 26; Lev., v. 15: xxvn, 3, 25; Num.. m,
17, 50; vu, 13-11; xvm, 16. Les rabbins l'expliquaient
en ce sens qu'à coté du poids du sanctuaire, ou poids
sacré, les Hébreux en auraient eu d'ordinaires, en
quelque sorte civils, dont la valeur aurait été moindre
487
POIDS
POIL
488
de moitié. Voir Maimonide, Constilut. de siclis, éd. de
Leyde, 1718, p. 19; Bertheau, Zuv Gesch. der Israeliten,
Gœttingue, 18i2, p. 26-27. Cette hypothèse rappellerait
aussi le système babylonien; mais elle est sans fonde-
ment, car il n'est parlé nulle part d'un tel arrangement
chez les Hébreux. D'autres ont supposé que le système
de poids ainsi Sommé dépassait au contraire les poids
ordinaires. Voir Nowack, Handbuch der Itebr. Archâo-
logie, 1. 1, p. 209. — 11 est plus simple et beaucoup plus
naturel de dire, avec la plupart des interprètes, que la
locution « poids du sanctuaire » indiquait des poids
légaux, d'une exactitude rigoureuse, conformes aux éta-
lons qui avaient été déposés, d'abord dans le tabernacle,
puis dans le temple, pour servir de norme régulière.
Le Taluiud, Kélim, 17, 9, constate que c'est près de la
porte orientale du lernple que se trouvait ce dépôt.
Cette hypothèse explique aussi pourquoi, d'après 1 Par. .
xxm, 29, les lils d'Aaron paraissent avoir été préposés
aux poids et mesures. Voir Keil et Delitzsch, Bibl. Com-
mentai' liber die nachexilischen Geschichtsbûcher, in-
8», Leipzig, 1870, p. 194; Josèphe, Ant. jud., VIII. m,
8; Michaelis, Mosaisehes Redit, Francfort-sur-le-Main,
1775-1780, t. îv. ij 227. Les Romains conservaient ainsi
au Capitule, et les Athéniens dans les bâtiments de la
monnaie, les étalons de leurs divers poids. Cf. V. Dnruy,
Histoire des Grecs, t. t, Paris, 1887, p. 390-391 ; Histoire
des Romains, t. v, Paris, 1883, p. 504.
2° Nous lisons aussi dans l'Ancien Testament, mais
une seule fois, II Reg., xiv, 26, l'expression « poids du
roi », 'ébén ham-mèlék, littéralement « pierre du roi »,
Septante, ™ <*U\u> tû fjijc'uxw; Vulga te, pondère publico.
Il est dit, dans ce passage, que la chevelure d'Absalom,
lorsqu'il la coupait une fois par an, pesait 200 sicles
d'après le poids du roi. Les avis des commentateurs
sont également très divisés sur ce point, d'autant
plus qu'une chevelure d'homme pesant 2kll8i0 gr.
(14ar200 x 200) parait chose impossible. Peut-être y
aura-t-il eu ici une corruption du texte en ce qui regarde
les chiffres. Du moins, d'après la plupart des auteurs,
le poids du roi aurait été exactement le même que le
poids du sanctuaire. Voir Bœckh, Melrologische Ûnter.
suchungen ûber GeivielUe..., p. 61; Bertheau, l. c.
p. 28. D'autres ont pensé, à la suite de Josèphe, Ant.,
VII, vm, 5, que le poids du roi aurait dépassé en pesan-
teur le poids commun, de sorte qu'il n'aurait fallu
que 40 sicles royaux au lieu de 50, pour valoir une mine.
D'autres, au contraire, ont regardé le poids royal comme
inférieur de moitié au poids ordinaire. On est dans l'in-
certitude sur ce point. Le plus vraisemblable est que le
poids royal signifie poids juste et exact.
V. Les poids envisagés dans la Bible m1 point de
vue MORAL. — La scrupuleuse fidélité par le manie-
ment des poids est fréquemment exigée dans les livrés
les plus divers de l'Ancien Testament. Les auteurs
inspirés insistent à ce sujet, soit à cause du caractère
sacré de la propriété individuelle, soit en vue de la
loyauté et de la paix des relations commerciales ou
sociales. Lev.,xix, 35-36 : « Vous ne commettrez d'ini-
quité ni dans les jugements, ...ni dans les poids... Vous
aurez des balances justes, des poids justes, » 'abné
sédeq. Deut., xxv, 13-16 : « Tu n'auras pas dans ton
sac (dans ta pochette) un poids et un poids, un gros
et un petit...; tu auras un poids exact et juste (à la
lettre, une pierre de perfection et de justice), afin que
tes jours se prolongent dans le pays (pie le Seigneur
ton Dieu le donne. » Prov., xi, I : <• La balance fausse
est en abomination au Seigneur: mais le poids juste
lui est agréable. » Prov., xx, 10 : « Deux sortes de poids
sont une abomination au Seigneur. » Eccli., xm, 14.
le lils de Sirach recommande instamment » la justesse
de la balance et des poids », c'est-à-dire l'honnêteté dans
tous les rapports commerciaux. Mich., vi, Il : « Est-on
puravec des balances fausseset avec de faux poids dans
le sac? ■> C'est en conformité avec ces conseils que les
rabbins exigeaient, Baba bathra, v, 10 f, qu'on nettoyât
soigneusement les poids et les balances, de crainte que
les matières étrangères, en y adhérant, n'en dimi-
nuassent la parfaite justesse, aux dépens de l'acheteur.
VI. Bibliographie. — Liber de mensuris et ponderi-
bus, Migne, t. xliii, col. 271-271; Eisenschmidt, De
ponderibus et mensuris ueterum Romanorum, Grseco-
runt et Hebrseorum, Strasbourg, 1737; Paucton,
Métrologie ou traité des Mesures, Poids et Monnaies
des anciens peuples et des modernes, in-4", Paris, 1780;
X. Bock h, Melrologische Untersuchungen uber Ge-
wichte, Mûnzfùsse und Muasse des Aller thums, in-8»,
Berlin, 1838; V. Vasquez Oueipo, Essai sur les système»
métriques et monétaires des anciens peuples, ,'i vol.
in-8°, Paris, 1859; L. Herzfeld. Melrologische Vurunter-
suchungen zu einer Geschichte des ibrâischen resp.
altjûdischen Bandels, Leipzig, 1863-1865; de Yvette,
Lehrbuch der hebrâisch-jùdischen Archâologie, in-8".
i< (dit., Leipzig, 1864, S 182-184; .1. Brandis, lias
Miin:-, Muss-und Gewichtswesen in Vorderasien, in-.1»,
Berlin, 1866, p. 43-45, 95, 102-103, 158; F. Hultsch, Métro-
logicorum scriplorura reliqw.se, 2 in-4°, 1864-1866;
B. Zuckermann, Das jûdische Maassystem in seinen
Beziehungen zum griechischen und rômischen, in-8*,
Breslau, 1867; J. Oppert, L'étalon des mesures assy-
riennes, in-8", Paris, 1875; F. Hultsch, Griechische
und rômische Métrologie, in-8«, 2e édit., Berlin. 1882:
M. C. Soutzo, Etalons pondéraux primitifs. 1884;
C. F. Lehmann, Altbabylonisches Maas und Gewicht,
dans les Verhandlungen der Berliner Gesellschaft fur
anthropologie, Berlin, 1889; W. Ridgeway, The Origin
"/ Metallir Currencij and Weigth Standards, in-8",
Cambridge, 1892; C. F. Lehmann, Das Allbabylon.
Maas- umt Gewichtssystem (VIIIe Congres des orienta-
listes, 1889), Leyde, 1893; \V. Nowack, Lehrbuch der
hebrâischen Archâologie, in-8°, Leipzig, 1891, p. 208-
209; .1. Benzinger, Uebrâische Archâologie, in-8". Fri-
bourg-en-Br., 1894, p. 182-189; H. Klimpert, Lexikon
der Mùnzen, Maasse, Geivù h te soivie der Zâhlarlen und
Zeitgrôssen aller Litnder der Erde, in-12, Berlin, 1896;
F. Hultsch, Die Gewichte des AUertums nach ihrem
Zusammenlinng dargestellt, dans les Abliandlungen
der pltilolog.- histor. Classe der kônigl. sâchsischen
Gesellschaft derWissensi haften,in-i0, t. iv. Leipzig, 1899.
L. Fll.LION.
POIL (hébreu : ie'âr; Septante : 8pi§; Vulgate :
pilus), production épidermique, composée d'une racine
bulbeuse enfermée dans la peau, et d'une tige extérieure
qui s'élève plus ou moins au dessus de la surface cuta-
née. Cette tige est creuse et imbibée d'un liquide colo-
rant qui détermine la nuance du poil. — Le système
pileux de l'homme comprend les cheveux (voir t. n,
col. 681), les sourcils, les cils, la barbe i voir t. i, col. 1 150;
t. IV, col. 13301. les poils et les poils follets. Chez les
animaux, le Système pileux couvre à peu près tout le
corps. Voir Laine, t. tv, col. 34, et', pour les poils de
chèvre, ou 'izzini, Exod., xxvi, 7; xxxvi. 14; I Reg.,
xix, 13, et de chameau. ClLlCE, t n, col. 759.
I» Esau était velu. Sa il; Ixi-J:, pilosus, b comme un
manteau de poil. >> Gen., xxv. 26; XXVII, 11. La môme
particularité se remarquait chez le prophète Elie.
IV Reg., i, 8. — Le poil de l'homme a la propriété de se
hérisser sous l'empire de la frayeur : les cheveux se
dressent sur la télé de celui qui a grand' peur. Job, v,
15, dit < pi 'a u passage d'un esprit, tous les poils de sa chair
se hérissèrent. — 2» Pour leur purification, les léviti
eurent à passer le rasoir sur tout leur corps, à cause
des impuretés dont le système pileux peut être le m.
Num., vin. 7. Cette prescription ne s'étendait pas a ix
prêtres, l.ev.. XXI, 5. On pense, du reste, qu'elle ne lui
en vigueur qu'au désert. Cf. Negaim, xiv, i. Chez les
Égyptiens, pour raison de pureté, les prêtres se rasaient
489
POIL — POIREAU
490
le corps entier tous les trois jours. Hérodote, n, 37. —
3" Des indications minutieuses sur l'examen des poils
sont consignées dans la loi sur les lépreux. Le poil
devenu tout blanc est un signe de contagion. Lev., xm,
3, 10. 20. 25. Le poil devenu .jaunâtre indique une
autre espèce de mal. Lev., xm, 30. Les poils noirs cons-
tituent au contraire un signe favorable. Lev., xm, 37.
On comprend que le liquide qui remplit le canal pileux
et le colore soit lui-même altéré' et décoloré dans le
cas où la contagion a atteint le tissu épidermique. Le
lépreux que l'on jugeait guéri devait raser tout son poil
le premier et le septièmejour de sa purification légale.
Lev., xiv, 8, 9. — i° Pour faire périr le dragon vénéré
des Babyloniens, Daniel lui fit avaler des boules com-
posées de poix, de graisse et de poils. L'animal dut
étouffer à la suite d'une absorption si indigeste.
Dan., xtv, 26. — Sur Is., vit, 20. voir Pied, col. 355.
H. Lesètre.
POING (hébreu : 'egrôf ; Septante : rcuY|un ; Vulgate :
pugmis). main dont les doigts sont repliés en dedans,
de manière à former une sorte de masse offensive ou
défensive. — Celui qui frappait un autre avec le
poing et le rendait malade, avait la charge de le faire
soigner et de l'indemniser de son chômage. Exod.. xxi,
18. Isaïe. lvih. i. observe qu'un jeune accompagné de
querelles et de coups de poings ne saurait plaire à Dieu.
— Sur la coutume de se laver les mains 7ruY|«j, a avec
le poing », voir Laver (se) les mains, t. iv, col. 137.
H. Lesètre.
POINTS-VOYELLES, nom donné aux signes mas-
sorétiques marquant les voyelles dans les Bibles hé-
braïques qu'on appelle pour cette raison ponctuées. Leur
nom provient de ce que ces signes sont des points ou
des petits traits. Voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 467,
pour leur forme et leur valeur; col. 50i, pour leur ori-
gine. Voir aussi PONCTUATION.
POIREAU (hébreu : hâçir; Septante : -picot; Vul-
gate : porri), un des légumes appréciés des Israélites.
I, Description. — Diverses espèces d'Allium sont
cultivées comme condiment à cause de leur saveur acre,
mais agréable ; d'autres chez qui l'arôme est moins péné-
trant comptent parmi les herbes potagères, ainsi l'Oi-
gnon. Voir t. iv. col. 1762. C'est aussi le cas du Poireau.
A. Porrum, L. ilig. 106). Dans la nombreuse série des
aulx, cette espèce se distingue par son bulbe simple et
allongé et surtout par ses feuilles planes, jamais creuses,
garnissant dans sa moitié inférieure la tige épaisse et
cylindrique, qui peut atteindre la taille d'un mètre au
moment de la floraison. L'inllorescence globuleuse très
ample nait d'une spathe herbacée terminée par une
pointe 4 fois plus longue qu'elle. Les pièces du périanthe,
de couleur blanchâtre ou carnée, sont rapprochées en
cloche d'où font saillie les étamines au nombre de 6;
les 3 filets inférieurs portent de chaque côté une longue
pointe stipulaire dépassant au début les anthères rou-
geàtres. Le style reste inclus ; la capsule trigone-arrondie
s'ouvre en 3 valves à la maturité, pour laisser échapper
les. nombreuses graines noires aplaties, ridées.
On ne connaît pas la plante à l'état sauvage, mais
Vilmorin regarde comme très probable son origine déri-
vée de YAllium Ampeloprasum, vulgairement appelé
Ail d'Orient, qui croit spontanément dans la région
méditerranéenne, et n'en diffère guère que par la
production de caïeux abondants, la brièveté et la cadu-
cité de la spathe, enfin par la substitution fréquente
de bulbilles aux graines. F. Hv.
II. EXÉGÈSE. —A s'en tenir à la signification ordinaire
de hâfir on n'entendrait par ce mot que l'herbe, le
gazon. Mais dans N'uni., xi, 5, ce terme semble bien
désigner une planle particulière, une herbe potagère,
comme les oignons et les aulx près desquels elle figure.
11 nous souvient, disent les Israélites au désert, des
poissons que nous mangions pour rien en Egypte, des
concombres, des melons, hëhaçir, des oignons et des
aulx. » Ici toutes les versions, les Septante, la Vulgate,
le syriaque, le chaldéen, l'arabe, le samaritain, toutes
ont traduit hasir par poireau. Comme les hébreux dési-
gnaient par le terme très général yéréq, verdure, les
légumes verts, ils pouvaient également appeler du nom
d'herbe verte, hafir, le poireau, sa couleur verte lui
méritant bien cette dénomination. Cependant en lisant
ce verset du livre des Nombres on peut être étonné de
voir après haqqisSuim, les concombres, et ôbattihim
les melons, et avant besalim les oignons et SOmim les
aulx, le mot hdsir mis au singulier. Sans doute ce pour-
rait être un collectif. Mais ne pourrait-on avancer une
106. — AUium porrum.
conjecture? i>xn, hâçir, ne serait-il pas une faute de
copiste pour n>sn, hrsim"? (Dans l'ancienne écriture
surtout le »! et le r, rapidement écrits, peuvent avoir
une grande ressemblance.) Hèfnn serait le pluriel de
Ir's, nom emprunté aux Égyptiens pour désigner le
poireau, qui se dit en effet htsi, hedji, en copte et qui
rappelle l'hiéroglyphe | ^ T. hedj, hets. Le nom des
oignons bëfél, besdlim, n'est-il pas déjà un mot égyp-
tien, badjar, avec la même lettre hébraïque s, j, pour
rendre le dj égvptien? T. iv, col. 1765. 'Abattihim, les
melons ou pastèques, dans le même texte est aussi un
nom d'origine égyptienne. T. iv, col. 951. La faute d'un
copiste, introduisant au lieu de hasim, nom d'origine
égyptienne, un nom hébreu hasir bien connu, aurai
été l'origine de la leçon actuelle du texte hébreu.
Le poireau était très apprécié, et il l'est encore en
Egypte et en Palestine. On connaît la satire de Juvé-
nal, xv, 9, sur les Égyptiens :
Porrum et cèpe nefas violare, ac franç;ere morsu.
O sanctas gentes, quibus hœc nascuntur in hortis
Xumina!
491
POIREAU
POIS
492
Les Égyptiens n'ont jamais adoré les poireaux. Tout ce
qu'il y a de vrai dans ce texte c'est que le poireau était
cultivé dans les jardins. Il entrait fréquemment dans
l'alimentation. E. LEVESQUE.
POIRIER. C'est par ce mot que les Septante tradui-
sent beka'ini dans 1 Par., xiv, 14, ôtntov, et que la Vul-
gate rend le même terme hébreu, dans I Par., xiv. H.
et dans l'endroit parallèle, II Reg., V, 23, pyrus. Dien
que le poirier, dont deux espèces sont indigènes, ait
été connu et cultivé en Palestine, aucune raison ne per-
met cette identification. Les bekaini sont plutôt des
mûriers. Voir t. iv, col. 1344.
POIS, légume cultivé en Palestine1.
I. Description. — Le nom de pois a été attribué à
plusieurs plantes annuelles de la famille des Légumi-
neuses, tribu des Viciées, fournissant des graines ali-
mentaires riches en fécule, sucre et gluten. Le genre
Cicer se distingue aisément à ses gousses courtes et
gonflées, renfermant chacune 2 graines bossuées et
.^
107. — Cicer Arietinum.
ridées, et surtout à ses feuilles formées de 6 à 8 paires
de folioles, terminées par une foliole impaire, sans vrille.
L'espèce principale est le C. Arietinum L. (fig, 107 .
vulgairement pois-chiche. Les vrais Pisum ont de très
larges stipules foliaires, plus développées même que
les folioles, dont le nombre est réduit de 1 à 3 paires avec
une vrille terminale et ramifiée. Les gousses longues
et comprimées renferment des graines muni. reuses.
L'espèce cultivée communément dans les jardins sous
le nom de petit pois est le /'. satirum L. ilig. 1(18 a
fleurs blanches ou bleuâtres, et à graines rondes. Elle
n'est, sans doute, pas distincte spécifiquement du
/'. arvense à corolle plus teintée, surtout sur les ailes
qui sont d'un pourpre noir, el à graines .meuleuses par
compression réciproque. Celle dernière for , plus
robuste et aussi plus résistante aux froids, se cultive en
pleins champs comme plante fourragère. A l'heure
actuelle on ne connaît à l'état spontané ni l'une ni
l'autre, mais seulement échappées des cultures. Aussi
pense-t-on communément qu'elles sont dérivées de
certains Pisum croissant dans les bois de la région
méditerranéenne el de l'Asie centrale, el ayant pour
type le 1'. elutiusi\,< liieherslein. Les différences tirées
de la dimension du pédoncule el des gousses paraissent
insignifiantes. Celles même de la graine légèrement
granuleuse chez la plante des broussailles, tandis qu'elle
est lisse dans les races cultivées, ne dépassent pas non
plus la limite des variations provoquées artificielle-
ment. Or c'est de temps immémorial que les pois sont
introduits dans la culture pour la nourriture de
l'homme ou des animaux domestiques. F. Hv.
IL ExÉfiÈSE. — Le poisse rencontre dans la Vulgate
pour traduire le mot hébreu >Sp, qdli, qui est répété
une seconde fois dans II Reg., xvn, 28. Lorsque David
arriva à Mahanaîm, on vint lui offrir du froment, de
l'orge, de la farine, et qdli (Septante : a/.rrov; Vulgate :
polenlam), o du grain grillé d; puis des fèves, des len-
tilles, et qâli (omis dans Septante; Vulgate : frixum
cicer), « des pois grillés ». Dans le premier cas, qdli
est regardé généralement comme étant du grain grillé.
On vient apporter à David du froment et de l'orge,
c'est-à-dire des grains de ces deux céréales en nature,
et aussi en farine et en grains grillés. Les grains grillés
sont une nourriture très usitée dans les pays orientaux.
W. Thomson, The Land and Ihe /.'....A-, in-8», Londres,
1885, p. 648. Mais quand le mot qdli revient pour la
seconde fois dans le même verset, certains auteurs pen-
sent que c'est le fait d'une dislr action de copiste qui
Pisum sativum.
l'aurait répété à tort : aussi les Septante n'eut rien en
cet endroit. D'autres au contraire croient que cette
répétition est justifiée. Après avoir offert à David des
céréales en nature el préparées, on lui présente an^si
des graines légumineuses en nature et grillées : « des
fèves, des lentilles et des pois grillés. ■> Rabbi Isaïe
cil.'' pai' O. Celsius. Ilierobotanicon, in-8", Amsterdam,
1748, t. ii. p. 233 l aussi Rabbi Salomon, Aboda Zarah,
f. 38, 2. admettent deux espèces de qâli, ou grain grillé,
l'une faite de blé ou d'orge, l'autre de graines légumi-
neuses. On aurait ainsi une explication suffisante de
qâli dans le même verset. Pour .1. Kitlo. Cyclopœdia,
in-8", Edimbourg, ISGi. t. il, p. 607, qdli à la seconde
fois, serait un mot différent du premier, mais par
une ponctuation fautive, ramené à la mène forme, el
serait à rapprocher du sanscrit kalhc, kullss, qui signi-
fie graines de légumineuses, el spécialement pois, soit
pois-chiche, soit pois gris et petit pois. Le pois qui
était certainement cultivé en Palestine, serait ainsi
mentionné à coté- de la fève et de la lentille, el se serait
il. . 1 1 1 1 1 1 • - peut-être i/alli. La conjecture est bien hasardée,
(i. Celsius, Bierobotanicon, I. il, p. 231-234. — Les pois
étaient vraisemblablement compris dans les espèces
diverses de zêr'ônim, o graines légumineuses doi i -e
nourrissaient Daniel et ses trois compagnons a la cour
.le Xaluichodonosor. — Quelques auteurs, comme Rey-
nier, Ecoiwntie des Arabes et des Juifs, p. 130.
im
POIS
POISSON
494
cherchent à identifier de qéçah d'Isaïe, xxvui. 24-27,
avec le pais-chiche; mais ce nom désigne la nielle
i Nigella saliva) ou cumin noir. Voir Gith, t. m, col. 244.
A. de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°,
Paris. 1886. p. 259. E. Levesqoe.
POISON (hébreu : hêmàh, « ce qui brûle; » r'ôS, ce
qui vient de la plante vénéneuse; merorâh; Septante :
!o:: Vulgate : venenum), substance d'origine animale ou
végétale, qui est nuisible ou mortelle pour l'organisme
humain. — II n'est guère parlé de poison qu'une seule
fois dans le sens propre : Ptolémée Macron se donna la
mort par le poison, ïapaixs'jua;, veneno. II Mach., x,
13. Le mot yap|*axeia, employé dans le grec biblique,
Ezod., vu, 11; vin, 7. 18, etc.; Gai., v, 10; Apoc, ix,
21, et traduit par vene/icium, ne suppose pas l'usage
des poisons, mais seulement les sortilèges et les pra-
tiques magiques, tandis que le verbe çapu.avt£'jw des
Machabées y signifie « empoisonner ».— Xotre-Seigneur,
en envoyant ses Apôtres, leur promet que s'ils prennent
quelque breuvage mortel, daviaiuo;, ils n'en éprouve-
ront aucun mal. Marc, xvi, 18. — Au figuré, le venin
des reptiles, hèmâli, Dupée, furor, fera périr les enne-
mis de Dieu. Deut., xxxu, 24. Une peste venimeuse,
meriri, les frappera. Deut., xxxu, 24. Leur raisin de-
viendra vénéneux et leur vin se changera en venin,
vôS. 6'jad.-, ■/_'à'rl. venenum, fel. Deut., xxxu, 32, 33.
Pour r'ôs, dans le sens de venin, voir Pavot, t. iv,
col. 2239. Le pain du méchant se change en venin,
merorâh, yo/.r,, fel, Job, xx, 14, car lui-même a sucé
le venin de l'aspic, Septante : « la langue du serpent le
lera périr », Vulgate : caput, « tète, » sens ordinaire de
r'oS, qui ne convient pas ici. Job, xx, 16. Le vin mord
comme un serpent, Prov., xxm.32; d'après les versions,
il répandra le venin, iô;, venena. Dieu fait boire à son
peuple infidèle et aux faux prophètes l'eau de poison,
/•V.-, y/j'i.r,, fel.ier., vin, 14; ix, 14; xxm, 15. Les riches
d'Israël ont changé le droit en poison, c'est-à-dire qu'ils
en font un moyen de nuire au peuple. Am., VI, 13. Le
venin des impies, hêrndh, f)-j;j.6;, furor, est semblable à
celui des serpents, Ps. lviii (lvii), 5; ils ont sous les
lèvres le venin de l'aspic. Ps. cxl (cxxxix), 4; Rom., m,
13. La langue, si l'on n'y prend garde, répand un poison
mortel. Jacob., m, 8. L'apôtre compare ainsi à la langue
du serpent venimeux celle de l'homme aux paroles
impies et méchantes. H. Lesétre.
1. POISSON i hébreu : ddg, ddg, ddgdlt, tannin,
« le monstre marin »; Septante ; iyb-Js, v.r,-o:; Vulgate:
piscis, celé, cetus), animal vertébré, vivant dans l'eau
et y respirant au moyen de branchies, organes qui em-
pruntent à l'eau même l'oxygène nécessaire à la vie.
Sur les mammifères qui vivent aussi au sein des eaux
et sont généralement désignés par les mots tannin,
xtj-coç, cete. Voir Cétacés, t. n, col. 405. Les poissons
forment de très nombreuses espèces, que les natura-
listes divisent plus communément en cinq ordres. Us
ont l'intelligence nulle, la vue très courte, mais l'odo-
rat très développé. Leur conformation et leur système
musculaire leur permettent de se mouvoir très rapide-
ment dans l'eau. Leur appétit est très vorace; ils se
dévorent les uns les autres et sont doués d'une prodi-
gieuse fécondité qui aide chaque espèce à survivre à
toutes les exterminations.
I. Remarques générales. — l» La Sainte Écriture
n'entre dans aucun détail caractéristique sur les pois-
sons. Elle se contente de les mentionner d'une manière
générale. Après avoir créé tout ce qui se meut dans les
eaux, selon son espèce, Gen., i, 21, Dieu soumit les
poissons à la domination de l'homme, Gen., i, 26. 28;
IX, 2; Ps. vin, 9, domination qui se borne pratiquement
pour l'homme à s'emparer des poissons, quand il le
peut, pour en faire sa nourriture. Œuvre de Dieu,
comme tous les autres êtres, les poissons de la mer
rendent témoignage à la puissance du Créateur. Job, xu,
8. Ils tremblent devant lui, c'est-à-dire ne sont que de
pauvres créatures en face de sa majesté. Ezech..xxxvm,
20. Leurabondance marque la bénédiction, Ezech.,XLvn,
9, 10, et leur destruction, la colère de Dieu. Is., L, 2;
Os., iv, 3; Soph., i, 3. — 2" Il était permis aux Israé-
lites de manger des poissons, mais seulement ceux qui
sont pourvus de nageoires et d'écaillés. Les poissons
sans nageoires ou sans écailles devaient leur être en
abomination. Lev.. xi, 9-12. La restriction n'était pas
considérable. Elle comprenait les silures, par consé-
quent le silurus auritus du Nil, et d'autres de la même
espèce qui sont très communs dans les eaux douces en
Orient; les raies, qui habitent exclusivement la mer;
les lamproies, qui au printemps remontent les fleuves
et les rivières pour frayer; les squales, poissons marins
très voraces qui forment plusieurs espèces. Les doc-
teurs y joignirent par la suite les murénidés ou an-
guilles, dont les écailles sont petites et peu visibles.
La plupart de ces poissons ont une chair agréable,
mais parfois un peu indigeste. La principale raison de
leur prohibition provenait donc uniquement de la vo-
lonté divine, qui s'affirmait en imposant aux Israélites
109.— Poison en bronze trouvé dans une nécropole punique.
D'après un des-in de M. .1- d'Anselme (Delattre, La nécropole
punique de Douïmès, fouilles île 1S93-1894, fig. 3, p. !)•
une privation d'ailleurs assez légère. Saint Paul signale
la différence qu'il y a entre la chair du poisson et celle
des autres animaux. I Cor., xv, 39. — 3» Il est dit de Salo-
mon qu'il disserta sur les poissons. III Reg., IV, 33. Il
est à croire que le roi avait des connaissances assez
étendues sur le grand nombre des espèces qui peuplent
les eaux palestiniennes. Toutefois, il est remarquable,
observe Tristram, The natural History of the Bible,
Londres, 1889, p. 284, qu'on ne trouve en hébreu au-
cun nom particulier de poisson, alors que la langue
grecque en possède plus de quatre cents. — 4° La Loi
défendait formellement « toute image de poisson qui
vit dans les eaux au-dessous de la terre ». Deut., iv,
18. La prohibition n'était pas restreinte aux seuls pois-
sons. Elle avait pour but de détourner les Israélites
d'une forme d'idolâtrie commune aux peuples qui les
entouraient. Les Philistins avaient leur dieu-poisson,
Dagon, ddgôn, dont le nom vient de dâg. Voir Dagon,
t. n, col. 1204. Les Phéniciens et les Carthaginois vé-
néraient les poissons; ils en portaient les images sur
eux comme amulettes et se faisaient enterrer avec elles
après leur mort. Le P. Delattre, dans ses fouilles des
nécropoles puniques, en a trouvé un grand nombre en
bronze (fig. 109), en os, en ivoire, en lapis-lazuli (fig. 110).
D'après Hérodote, II, 72, les Égyptiens regardaient
comme sacrés un gros poisson du Nil, appelé lépidote,
et l'anguille. Les Chaldéens honoraient aussi un dieu-
poisson, Oannès (t. I, fig. 316, col. 1154), qui passait
pour avoir instruit les premiers hommes. Cf. Fr. Lenor-
mant, Les origines de l'histoire, Paris, 1880, t. i, p. 585.
Il n'était donc pas inutile de prémunir sévèrement les
Israélites contre tout danger d'imitation de ces cultes
Tossiers. Aujourd'hui encore, dans la Syrie occidentale,
l'ancien culte rendu à Dagon se perpétue sous forme
de vénération envers certains poissons qu'il est défendu
dépêcher. Tel est le capoetafratercula (fig. Hl), nourri
avec sollicitude dans des bassins spéciaux à Tripoli.
495
POISSON
496
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 58;
Élien, Hist. n»ima/.,x, 46; xu.2; Xénophon, Anabas.,
i. i. S»; Strabon, xvn. S12; Diodore de Sicile,», 4.
II. Li:s POISSONS D'ÉGÏPTE. — 1° En bénissant lesfils
de Joseph, Jacob dit : i Qu'ils multiplient (idgû, qu'ils
poissonnent) en abondance au milieu du pays ».
Gen., XLVIII, 16. Il y a là une allusion à la grande fé-
condité des poissons et à leur abondance particulière
dans le Nil et ses canaux. Au désert, les Israélites se
souvenaient des poissons qu'ils mangeaient pour rien
110. — Poissons en os, ivoire et lapis-lazuli, trouvés dans les
nécropoles de Oarthage. Celui qui est figuré au milieu en noir
est gravé sur une pastille de verre. D'après le P. Delattre.
en Egypte, Niim., xi, 5, tant ils étaient abondants et
faciles à prendre. Ce sont ces poissons qui, pendant la
première plaie, moururent à cause de l'infection du
lleuve. Exod., vu, 18, 21; Ps. cv (civ), 29. Quand les
Israélites se plaignirent de leur nourriture près du
Sinaï, Moïse lit celle réflexion : o Leur ramassera-t-on
tous les poissons de la mer, pour qu'ils en aient assez?»
Nuin . xi, 22. — 2° Les poissons marins des cotes
d'Egypte el de la Palestine sont ceux qu'on trouve
dans toute la Méditerranée. Quelques espèces, les mu-
lets par exemple, y abondent particulièrement. Certains
,111. — Capoeta fratercula. D'après Lortet, La Syrie, p. 58.
cétacés, marsouins el dauphins, y sont aussi très com-
muns, mais ne pouvaient servir à la nourriture des
Israélites. — 3° De nombreuses espèces peuplent le Nil
et les divers canaux qui en dérivent. « Beaucoup de pois-
sons de mer montent frayer en eau douce, les clupées,
les mugils. les perches, le labre, et poussent leurs ex-
cursions très haut dans le Saïd. Les espèces qui ne
sortent pas de la Méditerranée sont arrivées du fond de
l'Ethiopie, et en arrivent encore chaque année avec la
crue, le raschal. le raï, la tortue molle, le doemac, les
mormyres. Plusieurs atteignent une taille gigantesque,
le bavad et la tortue pies de I mètre, le lalus jusqu'à
3 mètres; d'autres se distinguent par leurs propriétés
électriques, comme le silure tremhleur. Le fahaka
ilig. 112 e»t un poisson allongé', qui liait au delà des
cataractes. Le Nil l'entraîne d'autant plus aisément
qu'il a la faculté de s'emplir d'air et de se gonfler à
volonté: quand il est tendu outre mesure, il bascule et
file à la dérive, le ventre au vent et tout semé d'épines
qui lui prêtent l'apparence d'un hérisson. Pendant
l'inondation, il roule de canal en canal au gré du cou-
rant ; les eaux en se retirant l'abandonnent dans les
champs limoneux, où il devient la proie des oiseaux
ou chacals, et sert de jouet aux enfants. » Maspero,
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, Paris, 1895,
t. i, p. 35, 36. Cf. J. Geoffroy Saint-Hilaire, histoire
naturelle des poissons du Nil, dans la Description de
l'Egypte, t. xxiv. p. 176-217. Tous ces poissons sont en
quantité prodigieuse. Si, même avant la promulgation
de la loi sur les animaux impurs, les Israélites s'abste-
naient de plusieurs d'entre eux par raison d'hygiène,
112. — Fahaka du Nil.
D'après Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 36.
particulièrement des silures, ils en avaient à leur dis-
position beaucoup d'autres appartenant aux genres
brème, spare, perche, labre, carpe, chromis, etc. Voir
t. il. 6g. 622, col. 2044, un eunuque apportant à une
Égyptienne di s poissons dans un panier. — 4° Dans sa
prophétie contre l'Egypte, Isaïe, XIX, 8, prédit le des-
sèchement du lleuve et des canaux, l'infection des eaux
et la perte des poissons, au grand désespoir des pécheurs.
Ezéchiel, xxix. 4, 5, annonce également la destruction
des poissons, en punition de l'orgueil égyptien.
111. Ll> POISSONS DE PALESTINK. — I" Au lac de l'i-
Les poissons sont prodigieusement abondants
dans ce lac. Comme ceux du Jourdain el de ses affluents,
ils présentent une grande ressemblance avec les pois-
sons du Nil, au point qu'autrefois on croyait à une
118. — Chromis Simonis. D'après Lortet, La Syrie, p. 507.
communication souterraine entre le fleuve égyptien et
les eaux palestiniennes. Cf. Josèphe, Bell, jud., in. \,
8. Ces poissons forment parfois des bancs étendus et
épais, qui agitent l'eau à la surface comme le ferai!
mu' violente averse. Ils appartiennent aux genres chro-
mis, clarias, capoeta, barbus, blennius, discognathus
et nemachilus. Les chromis sont représentés par de
nombreuses espèces. Ces poissons, longs d'une ving-
l.iine de centimètres à peine, ont la spécialité de garder
leurs alevins dans leur gueule durant plusieurs se-
maines, jusqu'à ce que ceux-ci soient de taille à se
suffire à eux-mêmes, o l'ne de ces espèces, le chn ois
Simonis (6g. 113), a une gueule énorme, compilée
aux dimensions du corps; au printemps, les joues du
mâle sont toujours gonllées par les o^ufs, ou le fretin,
qu'il transporte ainsi partout avec lui... J'ai vu maintes
497
POISSON
498
fois la femelle en pondre une quantité considérable,
deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux,
dans une petite excavation qu'elle creuse en se frottant
dans la vase... Quelques minutes plus tard, le mâle
prend avec ses lèvres les œufs, les uns après les autres,
et les fait glisser dans l'intérieur de sa gueule, contre
ses joues qui se gonflent alors d'une manière étrange...
Au sein de cette cavité incubatrice d'un nouveau genre,
les œufs subissent en quelques jours toutes leurs méta-
morphoses. Les petits, qui prennent rapidement un
volume considérable, paraissent bien gênés dans leur
étroite prison... et ne quittent cette demeure que
lorsqu'ils sont longs de dix millimètres, et alors assez
forts et agiles pour écbapper facilement à leurs nom-
breux ennemis. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
p. 506. h'hemichromis sacra se rencontre, au mois de
juin, avec la gueule pleine d'œufs et d'alevins, atteignant
parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis
Tiberiadis, niloticus et microstoimts, de plus grande
taille que les précédents, sont préférés par les pê-
cbeurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des
cbroniis ont une couleur argentée et tombent sur le
sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut très
probablement dans la gueule d'un chromis que, sur
l'ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non
plus des alevins, mais le statère destiné à payer le
114. — Clarias macracanthus des rives vaseuses et herbeuses
du lac de Tibériade. D'après Lortet, La Syrie, p. 509.
tribut. Matth., xvn, 26. Le poisson, malgré la présence
du statère dans sa bouche, n'eut pas plus de difficulté
à saisir l'hameçon, que n'en avaient ses semblables
pour saisir la proie destinée à les nourrir, dans le
temps que leur bouche était encombrée par leurs ale-
vins. Un des poissons les plus curieux du lac est un
siluridé, le clarias macracanthus (fig. 114), analogue
au clarias anguillaris d'Egypte, le coracinus de Josè-
phe, Bell, jud., III, x, 8. Il atteint plus d'un mètre de
longueur, peut vivre plusieurs jours hors de l'eau, et
fait entendre, quand on le prend ou qu'on le frappe,
des espèces de miaulements comme ceux d'un chat. Il
a une vessie natatoire qu'il peut remplir d'air, qui lui
permet de respirer hors de l'eau comme les dipneustes,
et qui, en se contractant, imite le bruit d'un miaule-
ment. Ce poisson, dépourvu d'écaillés, ne pouvait être
mangé par les Israélites. Les poissons du lac servent
de proie aux pélicans et aux grèbes huppés, échassiers
qui fréquentent la Palestine en très grand nombre. Ces
derniers s'attaquent aux chromis pour les dévorer;
mais, quand ils les trouvent trop gros, ils se conten-
tent de leur enlever les yeux avec leur long bec. Aussi
prend-on souvent des poissons aveugles dans le lac.
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 508-510.
2° Dans le Jourdain et ses affluents. — Le Jourdain
nourrit une grande quantité de poissons que chassent
les martins-pècheurs, mais qui se multiplient d'autant
plus aisément que, par suite d'un préjugé, les Arabes
n'y touchent jamais. Les espèces ne diffèrent pas de
celles qui peuplent le lac de Tibériade. On pêche le
plus fréquemment les capoeta Syriaca, socialis et Da-
mascina, poissons argentés comme les truites de mon-
tagne ; les barbus canis et longiceps, d'assez grande
taille et pourvus de tentacules de chaque côté du mu-
seau; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq cen-
timètres de long, et quelquefois le clarias macracan-
tlms. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont
les mêmes espèces que le fleuve. Les petits ruisseaux
du Kelt, aux environs de Jéricho, nourrissent le ca-
poeta Damascina, le Discognatlms lamta et le cypri-
nodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtout dans
le Jaboc. Le lac Houléh a les mêmes habitants que le
lac de Tibériade. Mais tous les poissons qu'entraîne le
violent courant du Jourdain périssent dès qu'ils attei-
gnent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezécli., xlvii, 9,
10. Voir Jourdain, t. m, col. 1739; Morte (Mer), t. iv,
col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans
des sources même salées ou chaudes, de petits pois-
sons argentés, le cyprinodon Sophiie, le 'cyprinodon
dispar, et d'autres analogues. Le cyprinodon dispar
(fig. 115), long de cinq centimètres à peine, est d'un
gris argenté et verdâtre sur le dos. Des points pigmen-
taires d'un noir intense sont semés sur les flancs, le
ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources
chaudes, fortement salées et parfois quelque peu sulfu-
reuses. Mais, comme tous les autres, il périt sitôt qu'on
le plonge dans l'eau de la mer Morte. La source Ain
Sghaïr, salée, sulfureuse et d'une température de 20»,
renferme des myriades de cyprinodon Sophiœ. longs
115. — Cyprinodon dispar de Palestine.
D'après Lortet, La Syrie, p. 439.
de trois ou quatre centimètres à peine. Ces poissons
sont d'un brun verdâtre, avec des raies argentées ver-
ticales sur les tlancs. Ils se meuvent avec grande agi-
lité et se nourrissent surtout de larves de moustiques.
Près du lac Houléh, la source Ain Mellàhâh nourrit des
cyprinodon dis}iar et des capoeta fratercula. Cf. Lor-
tet, La Syrie d'aujourd'liui, p. 438, 439, 44i, 540. Il
arrivait parfois que les torrents aboutissant au Jourdain
se tarissaient. Alors se réalisait ce que dit Isaïe, L, 2 :
« Je changerai les fleuves en désert, leurs poissons
pourriront faute d'eau et ils périront de soif. »
IV. Le poisson de Jonas. — Le texte sacré dit que
« Jéhovah fit venir un grand poisson, ddg gâdôl, pour
engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson
trois jours et trois nuits. » Jon., h, 1. Dans saint Mat-
thieu, xn, 40, le poisson est appelé un monstre marin,
xtitoç, cetus. Tout d'abord, il n'est nullement néces-
saire de supposer que Dieu ait créé un poisson spécial
pour engloutir le prophète. Il .< fit venir », c'est-à-dire
prit soin que le monstre se trouvât là au moment
voulu. Notre-Seigneur lui-même fait allusion à l'évé-
nement et le présente comme un signe, c'est-à-dire
comme un fait miraculeux destiné à prouver ou à fi-
gurer quelque chose. Matth., xil, 39; Luc, xi, 29. Les
mots dàg gâdôl, « grand poisson », xî|To;, employés par
les Septante et par saint Matthieu, piscis grandis de la
Vulgate, ne préjugent absolument rien quant à la na-
ture de l'animal en question. Il ne saurait être la
baleine dont le pharynx est beaucoup trop étroit pour
avaler une proie considérable. Voir Baleine, t. i,
col. 1413. Mais dans la Méditerranée se trouvent
d'autres monstres capables d'engloutir un homme tout
entier. Tels sont par exemple le pristis ou scie, dont la
499
POISSON
000
taille peut atteindre de trois à cinq mètres; le squale,
poisson de grande taille dont la voracité est prodi-
gieuse; la lamie, de dimension extraordinaire et dont
le poids peut atteindre 15000 kilogrammes, et surtout
le requin ou carcharias, d'une force et d'une voracité
étonnantes et dont la taille peut aller jusqu'à neuf et
dix mètres. Tous ces poissons appartiennent à la
famille des sélaciens ou plagiostomes, dont la bouche
est placée transversalement au-dessous du museau.
Dans leur mythe d'Hercule englouti par un monstre
marin qu'avait envoyé Xeptune, puis rejeté sain et sauf,
les Grecs faisaient intervenir un carcharias, xip-/_apo;
xûuv, canis carcharias ou requin. Cf. L;cophron, Cas-
sandr., 34. On cite plusieurs cas d'hommes engloutis
tout entiers par des requins, entre autres celui d'un
matelot qui, en 1759, tomba à la mer dans la gueule
d'un requin qui suivait le navire. Le monstre, blessé à
coups de fusil, rendit aussitôt le matelot un peu contu-
sionné. Cf. S. Muller, Des Ritt. i>on Linné volst. Natur-
system., Nuremberg, 1774, p. 268, 269. Le cas d'un
homme englouti par un poisson, comme le fut Jonas,
est donc naturellement possible. Il est dit que le pro-
phète resta trois jours et trois nuits dans le ventre
du monstre. .Ion., Il, 2. Cette expression doit s'entendre,
à la manière hébraïque, non de 72 heures, mais de
beaucoup moins, peut-être de 30 ou 40. Ce séjour de
Jonas au sein du poisson, sa survivance dans un pareil
milieu et ensuite sa délivrance sur le rivage ne sont
pas présentés par le texte sacré comme des faits natu-
rels. On ne peut donc leur opposer d'autres objections
que celles qu'on fait contre tous les miracles. Voir Jo-
nas 2, t. III, col. 1608-1609. Cf. F. Baringius, De ceto
Jonœ, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732,
t. il, p. 217-219; Rosenmùller, Prophète* minores.
Leipzig, p. 354-356, 374; T. J. Lamy, J<mas, dans le
Diction, apologétique de Jaugey, p. 1705-1714. Sur les
représentations de Jonas et du poisson dans l'iconogra-
phie chrétienne primitive, voir Martigny, Diction, des
antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 398.
V. Le poisson de Tobie. — Le jeune Tobie descendait
sur la rive du Tigre pour se laver les pieds, quand un
poisson énorme, i/6-Jî \ls*(«.ç, piscis immanis, sortit pour
le dévorer, ou, d'après le StnaïLicus, chercha à lui
happer le pied. Tobie fut épouvanté, mais, sur l'ordre
de l'ange, il tira le poisson par les ouïes jusque sur la
rive. Tob., VI, 2-4. Le texte sacré ne dit rien sur la na-
ture de ce poisson. L'Euphrate et le Tigre sont très
poissonneux. Les riverains n'ont longtemps vécu que
de poisson, qu'ils mangeaient frais, salé ou fumé. Ils le
séchaient au soleil, le pilaient dans un mortier, tami-
saient la poudre et en faisaient des sortes de pains ou
de gâteaux. Hérodote, i, 200. Le barbeau, la carpe, l'an-
guille, la murène, le silure prospèrent et prennent de
fortes dimensions dans ces eaux Unies. On y trouve
aussi une curieuse espèce de grondin, g II séjourne dans
l'eau à l'ordinaire, mais l'air libre ne l'effraie point :
il saule sur les berges, grimpe aux arbres sans trop de
peine, s'oublie volontiers sur les bancs de boue que la
marée découvre el s'y vautre au soleil, sauf à s'enlizer
en un clin d'œil m quelque oiseau l'avise de trop près. »
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient.
t. i, p. 556. On a conjecturé que le poisson de Tobie
était un silure, mais on a contesté qu'il ait pu s'élancer
pour attaquer l'homme, cf. Tristram, The natural His-
tory o{ the Bible, p. 293. Le Sinailicus et la Vulgate
parlent d'un grand poisson. Le texte grec de la Sixtine
dit seulement qu' « un poisson s'élança du neuve ». il
ne sérail pas impossible que ce poisson non qualifié,
qui sauta du fleuve, ne f"t autre que le grondin. Il
devait, en tous cas, être à la fois de taille assez faible
pour que le jeune homme put le tirer à lui, et pourtant
assez volumineux pour fournir les provisions qui suf-
Rrenl aux deux voyageurs jusqu'à liages. Tob.. vi, 6.
L'ne fresque du cimetière de Thrason représente Tobie
offrant à l'ange le poisson qu'il vient de prendre
(lîg. 116). Cf. Marucchi, Éléments 'l'archéologie chré-
tienne, Paris, t. i, 1899, p. 303. Sur l'emploi du fiel de
poisson pour la guérison des yeux, voir Fiel, t. n,
col. 2234. Voir aussi Tobie.
VI. Le marché aix poissons. — Dans l'ancienne Jé-
rusalem, il y avait une porte des Poissons, ainsi nommée
parce que les provisions de poisson arrivaient par là,
de la mer et du lac de Tibériade. II Par., x.xxiii, 14;
II Esd., m, 3; xn, 38; Soph., i, 10. Des ^marchands
tyriens vendaient le poisson dans la ville; Néhémie fut
même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour
les empêcher d'exercer leur commerce le jour du sab-
bat. II Esd., xin, 16. Le poisson qu'ils vendaient n était
pas frais, à cause de la distance à parcourir, mais salé
ou séché au soleil. Voir le marchand de poisson d'un an-
cien bazar égyptien, t. il, fig. 512, col. 1555. Le poisson
de mer frais ne pouvait guère venir à Jérusalem que de
Joppé. Les Phéniciens avaient de grandes pêcheries
maritimes et exportaient en Palestine une partie de leur
116. — Tobie offrant à fange le poisson.
Peinture de la catacombe des Salnts-Thrason-et-Saturnin.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 760.
poisson. Les habitants de plusieurs bourgs de la cote ne
vivaient que de leur pèche. Le lac de Tibériade four-
nissait les poissons d'eau douce. Un grand nombre de
bateaux y péchaient au temps de Notre-Seigneur. Cf.
Josèphe, Bell, jud., III, \. 9. Ues poissons salés arri-
vaient aussi d'Egypte. I.e rifr/o; ou salaison s'y prépa-
rait en un grand nombre d'endroits, d'où la fréquence
du nom de lieu Tapr/iïi. Machschirin, vi, 3. Cf. Héro-
dote, il. 149. Le thon salé ou kolias provenait d'Espa-
gne, dont les salaisons étaient renommées. Schabbath,
xxii, 2; Machschirin, vi, 3. Cf. Pline, H. -V.. xxxn.
140; Schùrer, Geschichte des jiulischen T'offres, Leipzig,
I. il, 1898, p. 57. 58, Sauf au bord de la nier et du lac
tous les poissons n'étaient transportés et utilisés
qu'après avoir été salés ou séchés au soleil. Le peuple
se contentait de cette nourriture.
VIL Lis POISSONS DANS l.'Ev \M.ll.E. — Les ,'\. nihi-
listes mentionnent les poissons à propos des pèches
ordinaires, Matth., XIII, 47, ou miraculeuses. Luc., v,
6; Joa., xxi, 6-13. Voir Pèche, col. 6. Ils en parlent
surtout au point de vue de la nourriture. Notre-Seigneur
dit qu'un père ne donnerait pas un serpent à son en-
fant qui lui demande un poisson. Matth., vu. 10; Luc,
xi, 11. Le poisson et le serpent ont une certaine res-
semblance; mais l'un est comestible il l'autre nuisible.
A la première multiplication des pains, un enfant a il. nx
poissons, assez petits, sans doute, puisqu'il peut 'es
porter en chemin avec cinq pains. Matth., xiv, 17;
Marc. vi. 38, il ; Luc, IX, 13; Joa., VI, 9. A la seconde
multiplication, on trouve parmi les assistants quelques
501
POISSON
POLICE
502
petits poissons. Matin., xv. 'Si. Ces poissons, salés ou
séchés, faisaient partielles provisions de route dont se
munissait ordinairement l'Israélite. — Après la résur-
rection, au cénacle, les Apôtres offrent à Notre-Seigneur
un morceau de poisson rôti. Luc. xxiv, 42. A son tour,
sur les bords du lac de Tibériade. le Sauveur a disposé
117. — Poisson, personnifiant Notre-Seigneur.
portant une corbeille de pains.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. '291.
pour eux du poisson qui rôtit sur des charbons ardents.
Joa., xxi, 9. — Les miracles de la multiplication des
pains suggérèrent aux premiers chrétiens l'idée d'un
symbole eucharistique qu'on trouve représenté dans les
catacombes. C'est un poisson portant une corbeille de
pains (fig. 117). Voir Martigny, Dictionnaire des anti-
quités chrétiennes, 3e édit., p. 291. Cf. Marucchi. Élé-
ments d'archéologie chrétienne, Varis, 1900, t. h. p. 170.
118. — Poisson de bronze, figure de Notre-Seigneur.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 655.
A cause de son nom grec, le poisson devint lui-même le
symbole du Christ. On observa de bonne heure que les
cinq lettres du mot i^flyç fournissaient les initiales des
cinq mots 'Irt<rous Xpurcoç Oso-j utoç (rwrrçp, « Jésus-
Christ, de Dieu Fils, Sauveur. » Des poissons de verre
ou de métal étaient portés comme objets de piété, au
moyen desquels les chrétiens se reconnaissaient entre
eux. On gravait des poissons surj des anneaux, sur
119.
Ancre debout, figurant une croix, d'où descend une ligue
à laquelle est pris un poisson, image du chrétien.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 657.
l'ivoire, les pierres précieuses, etc. Parfois des inscrip-
tions étaient tracées sur le poisson lui-même, pour
accuser davantage sa signification. On lit sur un pois-
son de bronze ilig. 118) le mot CC0CAIC, « sauve », ce
qui fait que l'ensemble constitue celte invocation :
« Jesus-Cbrist. Fils de Dieu, Sauveur, sauve-nous. » Le
poisson pris à l'hameçon (fig. 119) ligure le chrétien
converti par la prédication évangélique. Cf. Martigny,
Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 653-659.
H. Lksètbe.
2. POISSONS (PORTE DES) à Jérusalem. Voir JÉ-
i.i sali m. 2», t. nr, col. 1364.
POITRINE (hébreu : fyazéh; chaldéen : hidin: Sep-
tante : srrfloç, artflivw, Vulgale :pectus, pectusculum),
partie antérieure du corps, située entre le ventre et le
cou. — 1» Le mot hazéli n'est employé que pour dé-
signer la poitrine des victimes offertes dans les sacri-
fices pacifiques. Cette poitrine était détachée, balancée
devant le Seigneur et ensuite appartenait ordinaire-
ment aux prêtres. Exod., x.xix. '26, 27 ; Lev., vu, 30, 31 ;
ix, 20. 21 ; x, 1. — 2" Dans plusieurs passages, les
versions prennent la poitrine pour désigner le ventre,
• ■en., m, 14, et surtout les organes du sentiment, tels
que les concevaient les auteurs sacrés, le cœur, Ju-
dith, m, 11, les reins, les entrailles, le sein, etc. La
statue vue en songe par Xabuchodonosor avait la poi-
trine et les bras d'argent. Dan., n, 32. Au moment de
l'attentat d'Héliodore, les femmes de Jérusalem se
couvrirent la poitrine d'un cilice, en signe de deuil.
II Mach., m, 19. Les sept anges de l'Apocalypse, xv, 6,
portaient des ceintures d'or autour de la poitrine. —
3° Dans le deuil ou le repentir, on se frappe la poitrine.
Nah., n, 7; Luc, xvm, 13; xxm, 48. Ce geste est na-
turel; c'est la révélation publique de ce qui est caché au
fond du cœur, douleur ou regret. Cf. S. Augustin,
Serm., 67, t. xxxvm, col. 433. — A la dernière Cène,
saint Jean reposa sa tête sur la poitrine de Jésus,
Joa., xiii, 25; xxi, 20, ce qui marquait l'amour du
Sauveur pour le disciple, et celui du disciple pour son
divin Mailre. II. Lesètre.
POIVRETTE COMMUNE, non, vulgaire de la ni-
gelle ou nielle cultivée, dont la graine servait de condi-
ment dans l'Orient et qui était appelée gith en latin.
Voir Gith, t. m, col. 244.
POIX (hébreu : zcfét; Septante : niatsa.; Vulgate :
pi.r), substance résineuse ou bitumineuse, extraite des
pins et des sapins. Celte substance est de la térében-
thine qui se fond à chaud dans l'eau; d'aspect jaunâtre,
elle est grasse au toucher, tient aux mains et est im-
perméable à l'eau; elle se ramollit seulement à la
chaleur. — La corbeille de jonc dans laquelle .Moïse
fut exposé sur le Nil était enduite de bitume et de poix,
pour que l'eau n'y pénétrât pas. Exod., Il, 3. — Dans
sa prophétie contre Édom, Isaïe, xxxiv, 9, dit que les
torrents de son territoire seront changés en poix et
que la terre elle-même deviendra de la poix brûlante.
Le prophète fait allusion à la configuration du pays qui,
situé au sud-ouest de la mer Morte, a vu les éruptions
de matières bitumineuses dans lesquelles ont péri
Sodome et les villes coupables. Voir t. m, col. 830.
Les phénomènes qu'il prédit ne sont que des images du
châtiment qui menace l'Idumée. — Celui qui touche de
la poix souille sa main, à cause de la nature adhésive
de cette substance; de même, celui qui fréquente l'or-
gueilleux devient vicieux à son contact. Eccli., xm, 1.
— Pour augmenter la combustion de la fournaise baby-
lonienne, on y jetait de la poix, matière résineuse qui
activait le feu. Dan., m, 46. Pour tuer le dragon
qu'adoraient les Babyloniens, Daniel lui fit avaler des
boulettes composées de poix, de graisse et de poils.
Dan., xiv, 26. La graisse devait allécher l'animal, la
poix, retenue par les poils, s'arrêter dans sa gorge et
l'étouffer. C'est ce qui se produisit.
H. Lesètre.
POLE Matthieu. Voir Poole.
POLICE, institution chargée de maintenir l'ordre
public. — 1" Police civile. — On a fort peu de rensei-
gnements sur ce sujet. Les choses de\ aient d'ailleurs
se passer très simplement chez les Hébreux. La police
rentrait naturellement dans les attributions des anciens,
placés à la tête. de chaque agglomération. Voir Anciens,
t. i, col. 555-556. Dans les affaires criminelles, les pa-
rents, le lésé lui-même ou les témoins amenaient le
coupable devant les juges. Voir Jugement, t. m, col. 1814.
503
POLICE
504
Les rois exerçaient le droit de police sur tout le pays
soumis à leur juridiction. III Reg., xvm, 10: IV Reg.,
1,9, 11, 13; .1er., xxxvil, 12-14; Matth., xiv, 3; Act.,
XII, 1-3. Dans certains cas de flagrant délit, on voit les
juges prendre l'initiative des poursuites et citer ou
saisir eux-mêmes le coupable. Dan., xm, 27, 29; loi..
vm, 3.
2° Police religieuse. — Le blasphème et les crimes
contre la religion appelaient la surveillance des juges
locaux, III Reg., xxi, 10-13, et surtout des prêtres de
Jérusalem. Jer., xxvi, 8, 9. Le grand sanhédrin exerça
plus tard cette surveillance sur tout le pays juif et
même sur les communautés juives vivant hors de la
Palestine. Les hommes qu'il employait pour sa police
sont appelés VTn\phai, ministri, * serviteurs ». Il en '"=1
question dans le Nouveau Testament. Matth.. XXVI, 58;
.Marc, xiv, 54; Joa., vu, 32, 45; xvm, 3, 12, 22; xix. fi;
Act., v, 22, 26. La police du sanhédrin fut mise en mou-
vement pour suivre partout Notre-Seigneur pendant sa
vie publique et espionner ses paroles et ses démarches.
Le soin de cet espionnage ne fut pas confié aux simples
serviteurs; des scribes et des pharisiens envoyés de Jé-
rusalem s'y employèrent. Matth., xv, 1-6; xvi, 1 ; Luc,
v, 17: xi, 53, 54. A Jérusalem, le sanhédrin chercha à
faire arrêter Jésus par les serviteurs. Joa., vu, 30, 32,
44. Ceux-ci n'osèrent pas une première fois et furent
réprimandés par leurs maîtres. Joa., vu, 45-47. Peu
avant la dernière Pàque, le sanhédrin donna ordre à
quiconque le savait de dénoncer le séjour de Jésus,
afin qu'on pût l'arrêter. Joa., xi, 56. Pour plus de sû-
reté, il voulait agir par ruse. Matth.. \\vi. i. Mais-
grâce à la trahison de Judas, on put trouver une occa-
sion favorable pour s'emparer de la victime. Matth.,
xxvi, 16. La troupe qui fut envoyée a Gethsémani com-
prenait une cohorte, mais aussi des agents dépendant
du sanhédrin. Matth.. xxvi. 47: Marc, xiv, 13; Joa.,
XVIII, 3. Ces derniers appartenaient à la police des
grands-prêtres. L'un d'eux se permit de souffleter le
Sauveur en plein tribunal. Joa., xvm. 22. Cf. A. Lémann,
La police autour de la personne de Jésus-Christ, Paris.
1895. Les mêmes agents se saisirent plus tard des apô-
tres, les mirent en prison, mais se gardèrent ensuite
de les maltraiter, quand ils constatèrent leur délivrance
miraculeuse. Act., vu, 18, 22, 26. Lorsque Saul s'en
allait à Damas, pour ramener à Jérusalem les chrétiens
enchaînés, il disposait évidemment d'une force de
police à la solde du sanhédrin. Act., ix, 2.
3° Police du Temple. — Dans le premier Temple, la
police ('•lait confiée à des lévites. Voir Portier; I Par.,
îx, 17, 24-27; xxvi, 12-18. Dans le second, les lévites
occupaient la nuit vingt et un postes, à savoir : les cinq
portes de la montagne du Temple, les quatre angles
intérieurs, les cinq portes du parvis intérieur, les qua-
tre angles extérieurs du ce parvis, la chambre de l'obla-
tion, celle du voile, la partie postérieure du Saint des
Saints, la porte Nitzotz au nord, la chambre Aftines au-
dessus de la porte des Eaux et l'endroit appelé Beth mo-
ked, dans lequel donnaient les prêtres. Dix lévites
veillaient à chaque poste, et avec eux dix prêtres , lans
chacun des trois derniers. Cf. Num.. xvm, i : Ps. . wi\
(cxxui), I. 2. Tamid, i, 1; Middoth, i, 1. Un préfet du
Temple, nommé 'ÎS liai- hah-bnil, j homme de la mon-
tagne de la maison », faisait des rondes pendant la
iniil pour s'assurer que chacun veillait à son poste.
S'il trouvait quelque gardien à dormir, il pouvait le
frapper de verges el même mettre le feu a ses .éléments.
Cf. Middoth, i, 2. L'Apocalypse, xvi, lô, fait peut-être
allusion à cet usage. On renforça celle garde de nuit.
après l'attentai Ci ois, sous le procurateur Coponius,
par des Samaritains, qui profitèrent de l'ouverture du
Temple après minuit durant lus fêtes de la Pâque pour
semer dus osse nis de moi i- dans le lieu saint. Cf. Jo-
sèphe. Ant. jud., XVIII. M.2. Pendant le jour, la police
du Temple veillait également pour interdire l'entrée du
péribole à ceux qui n'avaient pas le droit de le franchir.
Voir Péribole, col. 142; Philon, De prœm. sacerdot.,
6, édit. Mangey, t. n, p. 236. Le préfet du Temple avait
la police des parvis extérieurs; un autre fonctionnaire,
appelé 'U hab-birâh, <> homme de l'édifice », surveillait le
Temple lui-même. Cf. Orla, II, 12. Le mot birdh désigne
certainement ici le Temple, comme I Par., xxix, 1, 19;
Pesac/tim, m, 8; vu, 8, etc. Cf. Schùrer, Geschichte
des jîidischen Volkes ïm Zeil. J.-C, Leipzig, t. n, 1898,
p. 273, 274. Dans le Nouveau Testament, le préfet du
Temple porte le nom de s-rpatriYÔç, magistratus. Judas
s'aboucha avec les princes des prêtres et les magistrats,
vraisemblablement les deux préfets mentionnés plus
haut et commandant la police du Temple. Luc, XXII, i.
Les forces policières qui procédèrent à l'arrestation du
Sauveur à Gethsémani étaient d'ailleurs accompagnées
de princes des prêtres, d'anciens et des préfets du
Temple, <TTpav7]YO! to-j ispo-j, magistratus templi. Luc,
xxil, 52. L'un des deux préfets intervint à plusieurs
reprises au sujet des Apéitres. Act., iv. 1; v, 21, 26.
C'est plutôt le préfet des parvis dont il est question
dans ces derniers passages.
4" Police romaine. — Les procurateurs romains
exerçaient en Judée le droit de haute police. De l'an 6
à l'an 41 après J.-C, ils surveillèrent même les finances
du Temple. Ce droit passa ensuite, jusqu'en 66, aux
princes juifs, Hérode de Chalcis et Agrippa II, qui d'ail-
leurs nommaient le grand-prêtre. Cf. Josèphe, Ant.
jud., XX, i, 3; ix, 7. Jusqu'à l'an 36, le procurateur
garda, dans la citadelle Amonia, les ornements du
gr.md-prêtre, ne les remettant au titulaire qu'aux trois
grandes fêtes et au jour de l'Expiation. Vitellius en ren-
dit alors aux Juifs le libre usage, que le procurateur
Cuspius Fadus chercha en vain à restreindre de nou-
veau en 44. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i\. 3: XX.
i, 1, 2. Les Romains s'en emparèrent définitivement à
la prise de Jérusalem. Cf. Josèphe, Bell. jud.. VI, vm,
3. A l'époque des grandes fêtes, qui attiraient à Jérusa-
lem une population nombreuse et très remuante, le
procurateur quittait sa résidence ordinaire de Césarée
pour venir dans la capitale juive, afin de parer a tout
événement imprévu. Il habitait alors soit la citadelle
Antonia, soit l'ancien palais d'Hérode. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, xiv, 8; xv, 5. La garnison de Jérusalem
se composait habituellement d'une cohorte. Voir t. il.
col. S-J7. Celle-ci était commandée par un y/i.i<xpyoz,
tribunus. Act., xxi, 31; xxn. 24; xxm, 10, 15; xxiv, 7,
22. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8. parle d'un Tïyna de
Romains en garnison à l' Antonia; mais pour lui, cf. Ant.
jud., XX, vi, 1; Bell, jud., II, xii, 5, le rctypia est la
oTtet'p»), la cohorte, cf. Act.. xxi. 31, et non la légion.
La cohorte romaine prétait main forte aux autorités
juives dans certains cas. Elle fournit les soldats qui
prirent part a l'arrestation du Sauveur, Joa.. xvm. 3,
et à son crucifiement, Joa., xix, 23, 21. sous la conduite
d'un ï/.x-.'yi-.x-, /',:. centurio. Matth.', xxvii, 51 ; Marc.
sv, 39; Luc, xxm. i7. La garde, xouormSîa, rustodia,
a pus lée au sépulcre, Matth , xxvii, 65, se composai! aussi
de soldats romains, comme le prouve ce qui se passa
après la résurrection. Matth., xxvm, li. De l'Antonia,
deui escaliers donnaient accus d.-ms le Temple et per-
mettaienl d'j l'aire pénétrer îles soldais en cas de trou-
bles. Aux jours de fête, dus postes étaient établis sous
les portiques qui entouraient le parvis des gentils.
i:r. Josèphe Ant. jud., XX. v, 3; vm, il; /;,//. jud., II,
xii, 1 : Y. v, 8. Le tribun de la cohorte intervenait pour
maintenir l'ordre. Act., xxi. 31-40; xxm, 10, et il expé-
diait des détachements composés de piétons et de ca-
valiers, pour conduire des prisonniers jusqu'à Ces
Act., xxm, 23, 24. Le centurion qui conduisait des pri-
sonniers 'lue par mer, en était responsable. Act.,
xxvii, 42-43, H. Lesêtre.
505
POLITARQUE
POLITESSE
506
POLITARQUE (grec : noViTap-//,;; Vulgate . princeps
civitatis), nom local des chefs de la ville de Thessalo-
nique. Act., XVII, 6, 8. On a retrouvé un certain nombre
de leurs inscriptions. Voir Vigouroux, Le Nouveau
Testament et les découvertes archéologiques modernes,
2e édit., p. 237-256. Leur nombre parait avoir varié
selon les époques. Une inscription en mentionne deux,
une autre six, une autre sept, etc. On trouve des poli-
tarques dans d'autres villes de la Macédoine. Quand
saint Paul prêcha l'Évangile à Thessalonique, les Juifs
irrité-; voulurent s'emparer de sa personne et, ne l'ayant
pas trouvé, ils traînèrent Jason chez qui il logeait
devant les politarques; ceux-ci ne laissèrent en liberté
Jason et les frères qu'on avait arrêtés avec lui que
contre caution. Act., xvn. 1-9.
POLITESSE, ensemble d'usages qui président aux
bonnes relations des hommes entre eux. — Ces usages
varient suivant les pays et suivant les temps; mais la
dignité extérieure a toujours été en grande estime chez
les Orientaux, ce qui fait que parmi eux, même
l'homme du peuple, le pauvre, le nomade, ne sont
jamais vulgaires. Les Israélites avaient des règles de
politesse auxquelles la Sainte Écriture fait assez sou-
vent allusion.
Ie En se rencontrant, on échangeait des salutations
très expressives et parfois très cérémonieuses. Voir
Salutation. En certaines circonstances, on donnait un
baiser. Voir Baiser, t. i, col. 1388. On voit Joab saisir
de la main droite la barbe d'Amasa pour le baiser.
II Reg., xx, 9. Pour inarquer un plus grand respect,
on se prosternait, voir Adoration, t. i, col. 233, et
Prosternemknt. A la rencontre d'un supérieur, celui
qui était sur sa monture en descendait et se proster-
nait. I Reg., xxv, 23.
2» L'inférieur donnait à son supérieur le nom de
seigneur et lui-même se déclarait son esclave, Gen.,
xviii, 3; xix, 2; xxxm, 14; Jud., xix, 19; I Reg., xxvi,
18, etc. ; il parlait de lui à la troisième personne. Gen.,
xliv, 18. 19, etc. Une femme prenait aussi le nom
d'esclave devant son supérieur. I Reg., i, Iti; xxv. 24;
IV Reg., iv, 2, 16, etc., cependant même un serviteur
pouvait parler à sa maîtresse sans qu'aucun terme spé-
cial de respect fût mentionné. I Reg , xxv. li, 17.
3° On avait des égards particuliers pour les vieillards.
La loi faisait une obligation de se lever devant eux.
Lev., xix, 32. Le jeune homme devait garder une atti-
tude modeste et réservée :
Parle, jeune homme, s'il y a utilité pour toi,
A peine deux fois, si l'on t'interroge.
Abrège ton discours, dis beaucoup en peu de mots.
Sois comme quelqu'un qui a la science et sail se taire.
Au milieu des grands, ne te fais pas leur égal.
Et, où il y a des vieillards, sois sobre de paroles...
L'heure venue, lève-toi sans tarder.
Eccli., xxxii. 7-10.
4° Quand on allait chez quelqu'un, on commençait
par se tenir hors de la maison, et, si l'on arrivait chez
un grand personnage, on se faisait annoncer. III Reg.,
1, 23. Il eût été impoli d'entrer rapidement dans la
maison, de se courber à l'entrée pour voir à l'intérieur
et d'écouter à la porte. Eccli., xxi, 25-27. Voir Visite.
Les visites comportaient différentes attentions mu-
tuelles. Le nouvel arrivant pouvait apporter des pré-
sents, voir Présent; son hôte lui donnait le baiser,
lui lavait les pieds, voir Lavement des pieds, t. iv,
eol. 132, et le parfumait. Voir Onction, t. iv, col. 1810;
Parfum, col. 2163. S'il y avait quelque festin ou quelques
autres réjouissances, il fallait éviter de s'attribuer la
première place, voir Première place, et ensuite prendre
soin de se comporter convenablement. Voir Festin,
t. III, col. 2212; Repas. Quand le visiteur venait de
loin, le devoir de l'hospitalité s'imposait envers lui.
Voir Hospitalité, t. m, col 760.
50 La conversation était fort dans le goût des Israé-
lites, comme de tous les Orientaux. Job, xxix, 9-11, etc.
Hais elle devait respecter la convenance des assistants.
Aussi était-il dit à l'adresse du vieillard qui assistait à
un repas, Eccli., xxxn, 3-4 :
Parle, vieillard, avec justesse et doctrine, c'est ton rôle,
M. lis sans faire obstacle à la musique.
Lorsqu'on (l')écoute, ne te répands pas en paroles,
Et n'étale pas ta sagesse à contre-temps.
Il y a en effet « un temps pour se taire et un temps
pour parler. » Eccle., m, 7. Fleury. Mœurs des Israé-
lites, I, xn, fait les remarques suivantes au sujet du
langage des Hébreux : « Ils usaient volontiers, dans leurs
discours, d'allégories et d'énigmes ingénieuses. Leur
langage était modeste et conforme à la pudeur, mais
d'une manière différente de la nôtre : ils disaient l'eau
des pieds pour dire l'urine; couvrir les pieds, pour sa-
tisfaire aux autres besoins, parce qu'en cette action, ils
se couvraient de leurs manteaux, après avoir creusé la
terre, Deut., xxm, 14; ils nommaient la cuisse pour les
parties voisines que la pudeur défend de nommer.
D'ailleurs, ils ont des expressions qui nous paraissent
fort dures, quand ils parlent de la conception et de la
naissance des enfants, de la fécondité et de la stérilité
des femmes; et ils nomment sans façon certaines infir-
mités secrètes de l'un et l'autre sexe, que nous enve-
loppons par des circonlocutions éloignées. Toutes ces
différences ne viennent que de la distance des temps et
des lieux. La plupart des mots qui sont déshonnétes,
suivant l'usage présent de notre langue, étaient hon-
nêtes autrefois, parce qu'ils donnaient d'autres idées...
Les livres de l'Écriture parlent plus librement que nous
ne ferions de ce qui regarde le matériel du mariage,
parce qu'il n'y avait personne parmi les Israélites qui
y renonçât, et que ceux qui écrivaient étaient des
hommes graves et des vieillards pour l'ordinaire. » Les
récits que font parfois les historiens sacrés et le lan-
gage que tiennent certains prophètes ne doivent donc
pas étonner. Ils n'accusent nullement un manque de
savoir-vivre et de délicatesse; ils portent seulement la
marque d'un temps et d'un pays où les choses ne s'ap-
préciaient pas comme dans les nôtres, où la grâce de
l'Évangile n'avait pas encore fait sentir son intluence et
où la politesse ignorait ceu-tains raffinements dont des
civilisations plus avancées couvrent leurs vices. La
simplicité des mœurs autorisait d'ailleurs celle du lan-
gage en bien des circonslances. — Il était considéré
comme malséant de rire bruyamment. Eccli., xxi, 23.
6° Dans l'Évangile, on rencontre un bon nombre de
formules de politesse très simples, mais d'autant plus
expressives que souvent les interlocuteurs s'adressent
l'un à l'autre sans se donner aucune appellation spé-
ciale. Ceux qui parlent au Sauveur lui disent ordi-
nairement « Seigneur », Matth., vin, 6,8, 25; ix, 28;
xv, 22; Luc, v, 8, 12; Joa., iv, 49; v, 7;xi, 21, 27, etc.,
ou ■• Maître, Rabbi, Rabboni ». Matth., xxn, 16; xxvi,
49; Marc, iv, 38; ix, 16: x. 51; Luc, vu, 40; vm, 24;
x, 25; xvn, 13; xvm, 18; xix, 39; Joa., vin, 4; ix. 2;
xi, 8, etc. Lui-même, suivant les personnes auxquelles
il s'adresse, dit « mon fils », Matth., ix, 2; Marc, II,
5; « homme », Luc, v, 20; « jeune homme », Luc,
vu, 14; « femme », Matth., xv, 28; Luc, xni, 12; Joa.,
vm, 10, même quand il parle à sa mère, Joa., n, 4;
xix, 26; » ma fille. » .Marc, v, 3i; Luc, vm, 48. Par-
fois, il interpelle directement quelqu'un par son nom.
Matth., xvn, 24; Luc, vu, 10; x, 11; xix, 5; Joa., xiv,
9; xxi, 15, 17. Dans les paraboles, le fils dit « mon
père », Matth., xxi, 28; Luc, xv, 12, 21; le père dit
« mon fils », Luc, xv, 31; le serviteur dit à son maître
« seigneur ». Matth., xxv, 20; Luc, xm, 8; xiv, 22;
507
POLITESSE
POLYGAMIE
508
xix, 16, 25. etc. On dit « ami » même à des hommes
répréhensibles ou méchants. Matth., xx, 13; xxn, 12;
xxvi, 50; Luc, xiv, 10. Abraham dit même « mon fils »
au mauvais riche de l'enfer. Luc, xvi, 25. La femme
qui pousse une acclamation au milieu d'un discours de
Notre-Seigneur, Luc, xi, 27, fait preuve à son égard
d'une courtoisie très délicate. Le Sauveur veut que ses
disciples, en entrant dans une maison, y souhaitent la
paix, Matth.. x. 12; Luc, x, 5, et, quand on a à répri-
mander quoiqu'un, il recommande de le faire tout
d'abord seul à seul. Matth., xvm, 15. Le convive malap-
pris auquel le maître dit sèchement : « Cède la place
à cet autre, » Luc, xiv, 9. a bien mérité cette leçon de
politesse. — Après sa résurrection, Notre-Seigneur
salue gracieusement ceux auxquels il se montre, Matth..
xxvm" 9; Luc. xxiv, 36; Joa., xx, 21, 26, et il appelle
ses Apôtres « enfants ». Joa., xxi, 5.
7° Saint Paul réprouve la vaine politesse; il prescrit
aux chrétiens d'avoir « une charité sans hypocrisie o,
par conséquent, une politesse extérieure qui s'inspire
des sentiments d'une charité sincère, et il veut qu'ils
soient remplis d'affection les uns pour les autres, se
« prévenant d'honneur les uns les autres ». Rom., Xil,
9, 10. Il rappelle à Timothée qu'il doit avoir des égards
pour tous et de l'honneur pour les vraies veuves.
I Tini.. v. 1.3. H. Lesétre.
POLONAISES (VERSIONS) DELA BIBLE. Voir
Slave.-- (Versions) de la Bible.
POLYCARPE, cborévèque syrien jacobite, du v« au
VIe siècle. Philoxène, évèque de Mabboug, le chargea,
en l'an 508, de traduire toute la Bible du grec en sy-
riaque. Cette version est appelée philoxénienne et il
n'en reste que des fragments. La version philoxé-
nienne du Nouveau Testament lut corrigée par Thomas
d'Harkel (ou d'Héraclée) et constitua ainsi la revision
héracléenne dont nous possédons encore de nombreux
manuscrits. Il n'est pas facile, a l'aide de la revision
héracléenne. de reconstituer la traduction faite par
Polycarpe, car les astérisques et les obèles qu'elle
porte peuvent avoir déjà été introduits par Polycarpe
lui-même, comme l'a montré M. D. Gottlob Christian
Storr. C'est donc à tort sans doute que MM. Wetstein
et White croyaient pouvoir formuler la règle suivante :
« Lorsque Thomas a trouvé dans ses manuscrits grecs
des choses différentes de celles qui étaient dans la ver-
sion de Polycarpe, il les a écrites en marge ; il a marqué
d'un obèle les mois qui manquaient dans ses manus-
crits, et il a introduit dans le texte, en les marquant
d'une astérisque, les mots qui manquaient dans la tra-
duction philoxénienne >■, Repertorium fur Biblisclte
und Morgenlàndische Litteratur, Leipzig, 1780, t. vu,
p. 48-74. Cf. Rubens-Duval, La littérature syriaque,
3° édition, p. 50. F. N\r.
POLYCHRONIUS, écrivain ecclésiastique du
v siècle. Tout ce que Ton connaît de la vie de cet
exégète lient dans le maigre renseignement fourni par
Théodoret, //. E . v, 30. t. i.xxxii, col. 1277. L'histoire
nous apprend que Polychronius était le frère cadet du
fameux Théodore de Mopsueste, et qu'en 428, il occu-
pait le siège d'Apamée en Syrie, qu'il illustra par son
éloquence et l'éclat de ses vertus. Il ne semble pas
qu'il ait survécu longtemps à son frère, mort Yn 428,
car, au concile d'Éphèse, ce n'est plus son nom qui
ligure comme titulaire d'Apamée. Un a cru pouvoir
appliquer m l'évéque d'Apamée les nombreux détails
que Théodoret, Religiosa historia, xxiv, t. i.xxxii,
col. 1457-1464, rapporte d'un saint ermite du nom de
Polychronius. Mais il n'y a nulle identité enliv ces
deux personnages qui doivent demeurer distincts. C'esl
sur l'exégèse île l'Ancien Testament que s'est portée
toute l'activité littéraire de Polychronius, et lui aussi
est un des principaux compilateurs de Chaînes. Voici
l'indication de ses œuvres aujourd'hui connues. —
1° Scolies sur le livre de Job. Elles furent publiées
d'abord sous le nom d'Olympiodore, diacre d'Alexan-
drie, en traduction latine, par Paul Coinitolus, S. J.,
a Lyon, en 1586; l'année suivante, en 1587, une seconde
édition parut à Venise, avec deux additions. Le texte
grec fut édité à Londres en 1637 par Patrice .lunius,
et c'est cette dernière édition que Migne a reproduite.
l'atr. G>-., t. xciii. col. 13-470. — 2° On trouve, dans la
seconde édition des Scolies sur Job. celle de Venise, 1587,
le prologue d'un commentaire sur le livre de Job. En
1738, D. 0. Wahrendorf en publie le texte grec origi-
nal, dans ses Meditationes de resurrectione pra
tim Jobi, Grôttingen. — 3" La même édition de Venise
dont nous avons parlé, donne aussi en latin, p. 38-38,
un petit traité sur les causes de l'obscurité de l'Écri-
ture Ti èttiv r, iii^=ia -r,; Ppavpij;. Toutefois, on pos-
sédait depuis longtemps le texte grec de ce fragment
dans les Questions ù Amphiloque de Pbotius, Quiest.,
CLH, t. ci, col. 815-816. — 4» Des Scolies sur le livre
de Daniel ont été découvertes et publiées par le cardinal
Mai, Scriptorutn velerum nora colteclio, t. i, part. 2,
Rome, 1825, p. 105-160. Le savant éditeur accompagne
le texte grec d'une version latine. Toutefois, celle-ci,
ainsi que bon nombre de notes, a été supprimée dans
la seconde publication que le cardinal Mai lit de ce
travail de Polychronius dans Scriptorutn veterum nora
collectio, t. i, part. 3, p. 1-27. — 5° F.nlin des Scolies sur
Ezéchiel ont été également trouvées et éditées par Mai
danssaA'ova Patrum Bibliotheca, t. vu, part. 2, Borne,
1854, p. 92-1-27. Au tome clxh de la l'atrologie grecque,
Migne a repris les éditions des Scolies 'sur Daniel et
Ezéchiel faites par Mai. En 1617, .1. Meuvsius publia à
Leyde son Ettselni, Polychronii, l'st'lli in Canlicum
Canticorum expositiones grsecœ. Ces commentaires
sur le Cantique des Cantiques ne sont pas de l'évéque
d'Apamée, comme l'a démontré O. Bardenhewer, Po-
lychronius, Bruder Theodors ion Mopsuestia und
Bischof von Apamea. Ein Beilrag zur Geschichle der
Exégèse, Fribourg-en-Brisgan, 1879. M. Bardenhewer,
dans le même travail, défend aussi Polychronius,
contre toute suspicion de nestorianisme. qui du reste
ne repose que sur le fait de sa parenté avec Théo-
dore de Mopsueste. Alors que celui-ci, par exemple,
mettait en doute le caractère canonique du livre de Job,
Polychronius, au contraire, insiste sur la canonicitéde
celte partie de l'Ecriture Sainte. Polychronius se révèle
comme un des plu? grands exégètes de la célèbre école
d'Antioche, dont il pratique tous les principes. 11 s'at-
tache surtout à épuiser l'explication du texte qu'il a
sous les yeux et à l'occasion il s'élève fortement contre
la méthode allégorique d'Origène.
.1. Van iikn Gheyn,
POLYGAMIE, mariage d'un seul homme avec plu-
sieurs femmes à la fois.
I. A L'ÉPOQUE patriarcale. — I ' Du récit de la créa-
lion du premier homme et de la première femme ressort
nettement celte idée que, dans l'intention du Créateur,
l'union constitutive de la famille doit exister entre un
seul homme et une seule femme. Gen., II, 21-21. La
suite du récil ne suppose toujours qu'une seule femme
.1 \d.im. Gen., rv, 25. Dans la postérité de Caïn, le
cinquième patriarche. Lantech, est noté comme avant
pris deux femmes, Ada et Sella. Gen., IV, 19. Le fait
est enregistré- comme digne de remarque. H introduit
en effet une modification notable dans la constitution
de la famille humaine. Rien ne laisse supposer que
Lantech ait été autorisé a agir ainsi ; il n'est pas blài té,
sans doute, mais il suffit que l'usage s'introduise par
un descendant de Caïn pour qu'il soit suspect. Les
autres patriarches vies deux lignées de Caïn et de Seth
509
POLYGAMIE
510
paraissent n'avoir eu qu'une seule femme. La chose
n'est pourtant dite assez clairement que pour Noé.
lien., vin, 18. — Avec Abraham, la polygamie appa-
raît comme chose normale. Le patriarche a une pre-
mière femme. Sara. Gen., xn, 5. Comme celle-ci ne
lui donne pas d'enfant, il prend une seconde femme,
Agar. Gen., xvi, 1. Il faut remarquer toutefois que cette
dernière n'a pas la même situation que Sara. C'est
une épouse de rang inférieur, une de celles que l'on
appelle concubines dans un sens particulier à la
Sainte Écriture, c'est-à-dire des femmes légitimes,
mais de second rang, et quelquefois des esclaves que
le mari prend ou reçoit quand la première femme est
stérile. Ce fut le cas pour Abraham. Le patriarche
épouse Cétura. après la mort de Sara. Gen., xxv, 1, et
il est ensuite fait mention de concubines. Gen., xxv,6.
11 n'est question que de Rébecca pour Isaac. Gen., xxiv,
51. En principe, semble-t-il, Jacob ne pense qu'à Rachel.
Lia est substituée frauduleusement à la première, et,
comme Jacob ne veut pas renoncer à l'épouse de son
choix, il se trouve en avoir deux. Or Rachel est d'abord
stérile. Elle fait agréer par le patriarche Râla, son
esclave; puis Lia, de son côté, agit de même et pré-
sente à Jacob son esclave Zelpha. Gen., xxix, 25, 29;
xxx. 2, 9. Ésati a trois femmes. Gen., xxxvi. 1. 2. Il
n'est plus parlé de plusieurs femmes à l'occasion des
personnages bibliques jusqu'à Moïse, soit qu'en elïet
ils n'en ai«nt pris qu'une, soit que les auteurs sacrés
n'aient eu ni occasion ni motif pour mentionner une
circonstance, qui paraissait toute naturelle. On voit
en effet que Rachel considère Rata comme une autre
elle-même auprès de Jacob. « Qu'elle enfante sur mes
genoux, dit-elle, et par elle j'aurai, moi aussi, une
famille. » Quand Bala a enfanté, Rachel s'en félicite
en disant : « Dieu m'a rendu justice, et même il a
entendu ma voix et m'a donné un fils. » Elle ajoute,
après la naissance du second enfant de Bala : « J'ai
lutté auprès de Dieu à rencontre de ma sœur et je l'ai
emporté. » Gen., xxx, 3-8. Comme Bala appartient à
Rachel, les enfants de Bala sont regardés comme lui
appartenant aussi. De fait, on ne voit aucune différence
de traitement entre les douze fils de Jacob: enfants des
deux femmes libres, enfants des deux esclaves, tous
sont au même titre enfants de Jacob.
2' L'attribution à Lamech du premier exemple de
polygamie et l'absence totale de scrupule qui caracté-
rise les multiples unions d'Abraham, indiquent assez
qu'à l'époque du patriarche la tolérance de la polyga-
mie était tout à fait entrée dans les mœurs. De fait, le
code d Hammourabi, art. 14H46, voir t. iv, col. 336,
prévoit, à coté de l'épouse de premier rang, l'exis-
tence légale d'une concubine ou d'une esclave présentée
au mari par l'épouse. Les rois babyloniens avaient
dans leurs harems de nombreuses femmes de condi-
tion variée. Dans la classe bourgeoise et dans le peu-
ple, le nombre des épouses dépendait des ressources
du mari. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 741-
742. Il en était de même en Egypte. Le pharaon possé-
dait de nombreuses femmes, filles de grands seigneurs
ou de hauts fonctionnaires, ou étrangères, filles de pe-
tits princes des pays soumis à l'Egypte, venues à la
cour en qualité d'otages. La plupart de ces femmes de-
meuraient simples concubines, quelques-unes pre-
naient rang d'épouses royales, et une au moins recevait
le titre de grande épouse ou de reine. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i. p. 270. Les seigneurs possédaient
aussi leur harem, proportionné à leur situation de
fortune; les hommes de moindre condition constituaient
i. ur famille selon leurs moyens. Ce que l'on sait des
Babyloniens, des Égyptiens, et plus tard des Perses,
cf. Hérodote, i, 135, donne l'idée de ce qu'était la
polygamie des anciens temps. Le nombre des femmes
était le signe d'un luxe proportionnel aux ressources
des riches et des puissants. Comme d'autre part on
estimait à très haut prix l'avantage d'une descendance
multiple et assurée, on faisait normalement appel à
une seconde femme quand la première n'avait pas
donné d'enfants. Abraham et Jacob ne firent donc que
se conformer aux usages de leur temps et de leur pays,
Jacob avec moins de réserve que son grand-père, il est
vrai, mais sous la pression de circonstances indépen-
dantes de sa volonté.
II. Chez les Israélites. — 1» La législation mo-
saïque. — 1. Les traditions reçues des ancêtres chaldéens
sur l'usage de la polygamie et le spectacle de ce que les
Hébreux eurent devant les yeux, sous ce rapport, en
Egypte, ne permettaient pas à Moïse de passer la ques-
tion sous silence. La loi mosaïque n'approuve ni ne
blâme la polygamie; elle tend seulement à la ramener
à la bigamie, telle que la prévoyait le code babylonien.
Elle examine le cas où un homme a donné à son fils une
esclave israélite pour épouse; si le lils prend une autre
épouse, il doit cependant garder la première et ne rien
lui ôter de ce qui lui est du pour la nourriture, le vê-
tement et l'habitation. Exod., xxi, 9, 10. Des entraves
considérables sont ensuite apportées à la pratique de
la polygamie. Les rapports sexuels entraînent une
impureté légale qui nécessite des ablutions et met, pour
ainsi dire, hors de la société jusqu'au soir. Lev., xv, 18.
On ne peut prendre pour seconde épouse la sœur de
sa femme. Lev., xvm, 18. Les eunuques ne sont pas
admis dans la société israélite, Deut., xxm. 1, et sans
eux la tenue d'un harem est pratiquement impossible.
La loi prévoit qu'un homme puisse avoir deux femmes.
Deut., xxi, 15. Elle n'indique pas dans quelles condi-
tions. Le code babylonien est plus précis et plus res-
trictif. Il règle que celui auquel son épouse n'a pas
donné d'enfants peut prendre une concubine; mais celui-
ci n'en peut prendre une seconde, s'il a déjà reçu de sa
femme une esclave dont il a eu des enfants. Art. 144,
145, t. iv, col. 336.. Le cas d'Abraham est, dans le prin-
cipe, conforme à cette législation; il ne prend Agar
qu'à cause de la stérilité de Sara. Le cas de Jacob
n'est pas conforme à la littéralité du code babylonien;
car le patriarche a déjà des enfants de Lia, quand il
s'unit à l'esclave Zelpha, sans parler de ses deux autres
unions. Les rois s'autorisaient de leur situation pour
s'accorder de nombreuses épouses. Le législateur
hébreu songe à ce qui pourra un jour se passer en
Israël, et il recommande expressément au roi futur
de ne pas prendre un grand nombre de femmes,
de peur que son cœur ne se détourne de Dieu.
Deut., xvn, 17. — 2. Les concessions faites par la loi
mosaïque furent considérées plus tard comme un pis-
aller. Dans plusieurs passages, Prov., v, 18, 19; xn,
4; xix, 14; xxxi, 10-31; Ps. ç.xxvin (cxxvn), 3;
Eccli., xxvi, 1-4, les auteurs sacrés semblent supposer
la présence d'une seule femme au foyer domestique.
Cependant on ne peut tirer de leurs paroles une con-
clusion rigoureuse, à cause de l'étroite subordination
dans laquelle vivaient l'esclave ou la concubine et leurs
enfants vis-à-vis de l'épouse principale. Les prophètes
envisagent aussi sous la figure d'une union conjugale
les rapports de Dieu avec son peuple choisi. Voir Ma-
riage, t. îv, col. 769. Ce symbolisme n'avait de sens
qu'autant que la monogamie était la règle du mariage.
Mais il n'y a là encore qu'une improbation lointaine de
la polygamie. Ce sont les mœurs qui peu à peu réagirent
contre l'usage toléré par la loi.
2° La coutume israélite. — 1. On ne peut pas in-
terpréter de la polygamie ce qui est dit des lils d'Issa-
char. I Par., vu, 4. Mais Saharaïm, de la tribu de
Benjamin, eut d'abord deux femmes moabites qu'il
renvoya, puisune troisième. I Par.,vm,7, 8. A l'époque
des Juges, la polygamie est pratiquée sans mesure par
certains personnages que les événements mettent en
511
POLYGAMIE
Ô12
lumière, mais qui devaient vivre comme ceux de leur
condition. Gédéon a 70 lils et beaucoup de femmes et
de concubines. Jud., vin, 30, 31. Jaïr a 30 fils. ,Iud., x,
4. Abesan a 30 fils et 30 filles. Jud., xn, 9. Abdon a
40 fils. Jud., xn, 14. Elcana, père de Samuel, a deux
femmes qui paraissent de même condition, Anne et
Phénenna. La seconde prenait plaisir à aflliger sa rivale
à cause de sa stérilité. I Reg., i, 2, 6. La situation de
la famille d'Elcana représente ce qu'étaient les familles
moyennes en Israël. La bigamie y régnait. Peut-être
même Elcana n'avait-il pris Pbénenna qu'à raison de
la stérilité d'Anne, qu'il préférait à l'autre et traitait en
conséquence. I Reg., i, 5. De là des dissentiments, des
jalousies et des propos amers, conséquences inévitables
de la polygamie déjà constatées dans les familles
d'Abraham et de Jacob. — 2. Sous les rois, les recom-
mandations du Deutéronome, xvn, 17, sont interprétées
avec une largeur excessive. A Saiil ne sont attribuées
qu'une femme et une concubine. II Reg., m, 7. Mais
déjà David prend Michol, I Reg., xvm, 27, Abigaïl,
I Reg., xxv, 42, Rethsabée, II Reg., xi, 5, et un certain
nombre de femmes et de concubines, II Reg., xn, 8,
en possession desquelles se met publiquement Absalom,
le jour où il veut s'emparer de la royauté paternelle.
II Reg., xvi, 21, 22. Salomon dépasse toutes les bornes
avec son innombrable harem. III Reg., xi, 3. Cf. Cant.,
vi, 8-9, Roboam a 18 femmes et 60 concubines; il
établit ses fils dans les différentes places du royaume
et leur donne beaucoup de femmes. II Par., xi, 21,
23. Abia a 14 femmes. II Par., xm, 21. Joram en a un
nombre qui n'est pas indiqué. II Par., xxi, 17. Quand
le grand-prêtre Joïada veut établir le jeune roi Joas, il
lui fait prendre deux femmes. Il Par., xxiv, 3. Les
renseignements font défaut au sujet des autres rois de
Juda; mais c'est probablement parce qu'ils ont plu-
sieurs épouses que l'historien sacré prend soin de
nommer la mère de chaque nouveau roi. III Reg., xxn,
42; IV Reg., mi, 1; xiv, 2; xv, 2, 33; xvm, 2; xxi, 1,
19; xxn, I ; xxm, 31, 36; xxiv, 8. Par ce que l'on sait
des rois de Juda, on peut juger de ce que dut être la po-
lygamie parmi les rois d'Israël. — 3. Après la captivité,
on ne trouve plus mention de polygamie chez les écri-
vains sacrés. Il est seulement question de l'admission
d'Esther dans le harem d'Assuérus. Esth., n, 8. A cette
occasion, l'historien fournit de curieux détails sur le
recrutement et le fonctionnement du harem royal de
Suse. On commence par chercher dans tout l'empire
des jeunes filles, « vierges et belles de figure », qu'on
rassemble à Suse. L'eunuque Egée a pour fonction de
faire un choix, d'enfermer les élues dans la maison
des femmes, sous une surveillance rigoureuse, et de
leur assurer des soins appropriés pendant de longs
mois. Au bout d'un an, chacune était présentée au roi,
passait une nuit dans son palais, puis était reléguée
dans une seconde maison des femmes, où elle restait
désormais confinée sous la garde d'un autre eunuque,
à moins que le roi ne la fit rappeler. Esth., n, 2-1 i.
Esther eut la faveur de plaire à Assuérus plus que
toutes les autres, et elle fut élevée à la dignité de
reine, ce qui lui permettait d'avoir ses entrées auprès
du roi, et d'habiter dans un palais particulier où elle
I vail donner des festins même au roi et à son
ministre. Esth., u, 16, 17; v, 1-8. La polygamie étail
en vigueur chez les Perses, cf. stral.on, w. 7:;.;.
Hérodote, i, 135, chez les Mèdes et chez les Indiens.
Cf. Strabon, xi, 526; xv, 714. — 4. On a pu remar-
quer que, pour la période royale, la Sainte Écriture
parle de polygamie à propos des rois, mais se tait en
ce qui concerne les particuliers. Môme silence pour
l.i période qui s'étend de la captivité à .lésus-Christ.
Faut-il en conclure que la coutume était totalement
tombée en désuétude, en dehors des cours? On
ne doit pas se lutter de tirer cette conclusion. Le roi
llérode eut en tout dix femmes, dont plusieurs à la fois.
A ce propos, Josèphe, Bell, jud., I, xxiv, 2, observe que
cette pluralité était permise aux Juifs en vertu de leurs
usages particuliers, et que d'ailleurs le roi aimait avoir
plusieurs femmes. En un autre endroit, Anl. jud., XVII,
i, 2, il dit: « C'est pour nous une coutume nationale
d'avoir en même temps plusieurs femmes. » Il adresse
cette remarque à ses lecteurs grecs et romains, chez
lesquels la polygamie était mal vue. D'après la Mischna,
■Sanhédrin, II, I, un roi pouvait se permettre dix-huit
femmes. Quant aux particuliers, ils avaient droit d'aller
jusqu'à quatre, cf. Yebamoth, iv, 11; Kethuboth, x,
1-6, ou cinq. Cf. KeHthoth, m, 7; Kiddutchin, n. 7:
Bechorolh, vin, 4. Saint Justin, Dial. cum. Tryphon.,
134, t. vi, col. 785, confirme ces indications de la Mi-
schna, quand il déclare que les docteurs juifs « en sont
encore à permettre à chacun d'avoir quatre ou cinq
femmes. » La polygamie s'est, parait-il, perpétuée chez
les Juifs allemands jusqu'au moyen âge. Cf. Schùrer,
Geschichle des jiidischen Volkes im Zeit. J.-C, Leip-
zig, t. i, 1901, p. 407.
III. Dans le Nouveau Testament. — Les écrivains
du Nouveau Testament ne font nulle part mention
expresse de la polygamie. Par deux fois, saint Paul
exige bien que l'évèque soil |iiâç yuvaix'o; ccvr)p, « mari
d'une seule femme ». I Tim., ni, 2; Tit., i. 6. Mais ce
qu'il exclut ici, ce n'est pas la polygamie simultanée,
étrangère aux mœurs des Grecs et des Romains, c'est
la polygamie successive. Il veut de même que la veu\e
admise au service de l'Église soit ï-t'u; àvSpbç yv/v,.
« femme d'un seul homme », c'est-à-dire évidemment
« n'ayant eu qu'un seul mari ». Le silence des écrivains
du Nouveau Testament démontre qu'à leur époque
malgré les concessions des docteurs juifs, la polygamie
élait assez exceptionnelle et assez décriée pour qu'il lut
inutile de la réprouver. C'était donc un abus qui tom-
bait totalement en désuétude, surtout au contact du
monde gréco-romain, qui avait bien d'autres vices,
mais ignorait celui-là. S'il en eût été autrement. Notre-
Seigneur en aurait parlé, comme il a fait pour le
divorce. — 2. D'ailleurs la condamnation île la polyga-
mie est nécessairement renfermée dans celle <lu divorce.
Notre-Seigneur déclare que « quitter sa femme pour
en prendre une autre, c'est commettre l'adultère. »
Matlh.. XIX, 9; Mare., x, Il ; Luc, xvi, 18. Le mal ne
consiste pas nécessairement à se séparer de sa femme,
puisque dans certains cas la séparation est permise,
mais à prendre une seconde femme du vivant de la
première. An regard de la loi évangélique, la bigamie a
donc le caractère de l'adultère; à plus forte raison en
est-il ainsi de la polygamie. Le divin Maître attribue à
la dureté de cœur des Hébreux, c'est-à-dire à leur
manque d'intelligence, de délicatesse et de sens moral,
l'autorisation du divorce que Moïse a dû leur accorder.
Mat th., xix, S. La même cause a certainement inspiré
le législateur quand il a tolère'' tacitement la polygamie.
Les Hébreux d'autrefois n'auraient pu se passer de cetti
tolérance, au milieu de peuples qui en jouissaient à
leur aise. Une défense portée par la loi n'eûtservi qu'à
multiplier les transgressions. Rom., vu. 7-11. La loi
ancienne a donc toléré un abus qui ne se heurtait à
aucun article essentiel de la loi naturelle et qui respec-
tait suffisamment les fins principales du mariage, l'union
mutuelle de l'homme et delà femme et la propagation
de la race. Mais la loi nouvelle, plus parfaite et d'ail-
leurs universelle, ne pouvait laisser se perpétuer cette
tolérance. « Au commencement, il n'en fut pas ainsi. »
Matlh., xix, 8. Xotre-Seigneur le disait du divorce;
c'était également vrai de la polygamie. Adam n'avait
reçu de Dieu qu'une seule femme et n'en avait qu i ne,
ainsi que ses descendants pendant plusieurs générations.
— 3. Quels qu'aient pu être les avantages résultant de
la tolérance de la polygamie pour les anciens Hébreux,
513
POLYGAMIE
POLYGLOTTES
514
il est incontestable que ces avantages étaient secon-
daires, locaux et prêtant à de nombreux et graves abus,
tels que la mésentente entre les femmes dans les familles
d'Abraham, de Jacob etd'Elcana. la discorde entre les
enfants dans la famille de David, la multiplication
scandaleuse des épouses et des concubines autour de
Salomon et de plusieurs rois. La loi évangélique réta-
blissait les cboses à l'état primitif, qui était conforme
au plan providentiel. L'expérience a d'ailleurs prouvé
que la polygamie n'était favorable ni à l'union des
époux, ni à la dignité de la femme, ni au bonheur des
enfants, ni à la multiplication de la population. Cf.
Bergier, Œuvres complètes, Paris, 1859. t. iv, p. 1529-
On a la démonstration de cette vérité chez les
peuples qui ont conservé la polygamie, spécialement
chez les Musulmans. Avant Mahomet, les Arabes avaient
huit ou dix femmes. Mahomet crut devoir restreindre
ce nombre : i N'eu épousez que deux, trois ou quatre.
Choisissez celles qui vous auront plu. Si vous ne pou-
:s maintenir avec équité, n'en prenez qu'une,
ou bornez-vous a vos esclaves. Cette conduite sage
vous facilitera les moyens d'être justes et de doter vos
femmes, o Koran, iv, 3. La restriction de la polygamie
n'est ici qu'une question de ressources; l'intérêt social
et la cause de la morale n'ont rien à gagner à la règle
ainsi formulée. On sait comment quelques protestants
du XVIe siècle crurent pouvoir autoriser ou pratiquer la
polygamie. En 1540. Luther. Mélancblon et lïucer accor-
dèrent même au landgrave Philippe de Hesse la per-
mission d'adjoindre une seconde épouse à celle qu'il
avait déjà. Cf. Bossuet. Histoire des variations, vi.
Œuvres, Bar-le-Duc, 1870, t. m, p. 239-24-2. La loi
évangélique n'en subsiste pas moins dans sa rigueur
salutaire. H. Lesètre.
POLYGLOTTES. — I- Définition. — Sous le nom
de « Polyglottes > ou sous la dénomination plus
complète de « Bibles pohglottes ". on désigne, con-
formément à la signification étymologique : koXûç,
•< plusieurs », v'/iotti. langue », des recueils conte-
nant, en tout ou en partie, le texte original de la Bible
accompagné de deux versions, au moins, en langues
différentes. Ces textes doivent être reproduits dans le
même volume et sur des colonnes parallèles ou super-
posées. Faute d'avoir dans l'esprit cette notion suffi-
samment précise, des bibliographes mal avisés ont ap-
pelé Polyglottes des éditions de la Bible, contenant
auprès de l'original une seule traduction soit en latin
soit dans une langue vulgaire. Généralement toutefois
on exige pour une Polyglotte trois textes bibliques au
minimum : l'original et deux versions, sans compter
les traductions littérales qui les accompagnent. Cette
notion écarte donc de la catégorie des Polyglottes les
manuscrits bilingues du Nouveau Testament, grecs et
latins, D'.D-, Wc, A (Évangiles), E.G1' (Actes et Épitres ca-
tholiques i, grecs et coptes. T\ T-, T\ T1, T\ ï:, T». T°,
T", T>, T'. T . T". grec et arabe. B\ les Psautiers bi-
lingues, trilingues ou quadruples, manuscrits qui re-
produisaient plusieurs versions latines des Psaumes et
parfois le texte grec, aussi bien que le Quintuplex
Psalterium, que Le Fèvre d'ttaples lit imprimer en
1509, les éditions du Nouveau Testament avec une
version interlinéaire ou avec une traduction latine.
récente ou ancienne, les éditions de plusieurs versions
sans le texte original, telles que celle du Cantique et
des Epitres catholiques en éthiopien, en arabe et en
latin, faite en 1654 et 1655 par Xi-sel et Petrâus, et la
Biblia pentaplc de Wansbeck, 1711. comprenant
"uatre versions allemandes et une néerlandaise, enfin
les éditions reproduisant le texte original, une ancienne
version et la traduction de celle-ci en langue étrangère,
telle que le Nouveau Testament de Le Fèvre de la Bode-
rie, publié' à Paris en 1584 et contenant le grec, la Pe-
DICT. DE LA BIBLE
schito et une traduction latine de cette version syriaque.
Ainsi limitée, la notion de Polyglotte exclut toute
édition de la Bible en plusieurs langues faite dans un
but pratique d'édification. La Polyglotte, en effet, est
un ouvrage destiné à favoriser l'étude et les travaux
scientifiques sur la Bible. Son but principal est de
faciliter la comparaison du texte original des Livres
Saints avec les anciennes versions, en présentant ces
textes, non pas en très volumes différents, mais dans
un seul, et sur la même page en des colonnes parallèles
ou superposées. Les Polyglottes sont donc un instru-
ment d'étude presque nécessaire aux mains de ceux
qui veulent se livrer à la critique textuelle, à la re-
constitution et à l'interprétation du texte et de la pensée
des écrivains sacrés. Aussi, dans l'encyclique Providen-
tissimus Deus, Léon XIII a-t-il déclaré les Polyglottes
d'Anvers et de Paris sincerx invesligandae sententise
peraptas. Voir t. i. p. XVI. Les Polyglottes présentent
encore un autre avantage : elles facilitent aux étudiants
l'étude des langues sacrées, si vivement recommandée
parle même pape. Voir ibid., p. xxvn. La juxtaposi-
tion des textes permet les comparaisons et rend le
même service qu'une version interlinéaire, et le manie-
ment fréquent des textes parallèles ainsi groupés est
une condition de progrès à réaliser dans la connaissance
de ces langues.
II. Les quatre grandes Polyglottes. — Dans l'an-
tiquité chrétienne, les Hexaples d'Origène (voir t. ni.
col. 689-701) sont le seul travail qui soit une véritable
Polyglotte. Ce n'est qu'au xvie siècle que la renaissance
des études bibliques provoqua la publication de recueils
des textes originaux et des anciennes versions de la
Bible. Les quatre Polyglottes d'Alcala, d'Anvers, de
Paris et de Londres méritent par leur ampleur et leur
importance d'être signalées les premières.
1° La Polyglotte d'Alcala. — 1. Histoire. — Onladoit
à l'initiative et à la magnificence du grand cardinal
François Ximénès de Cisneros, archevêque de Tolède
et ministre du roi de Castille. C'est pendant l'été
de 1502. durant son séjour à' Tolède, qu'il conçut
le projet d'une Polyglotte pour raviver l'étude
scientifique de la Bible et permettre aux théolo-
giens, par la comparaison des textes, de remonter
aux originaux. Il confia le travail à des philologues, qui
étaient professeurs à son université d'Alcala : Antoine
de Lebrija (voir t. i, col. 709). Démétrius Ducas, Lopez
de Zuniga, Nunez de Guzman, à qui il associa trois sa-
vants juifs convertis : Alphonse d'Alcala, Paul Coronell
et Alphonse de Zamora. Le cardinal acheta des manus-
crits hébreux et rassembla de divers côtés des manus-
crits grecs et latins. Nous indiquerons ceux qu'on a pu
identifier. Quoique le cardinal pressât les travailleurs.
ce ne fut qu'au mois de janvier 1514 qu'un premier
volume, contenant le Nouveau Testament, sortit des
presses d'Arnold Guillaume de Brocario. C'est le tome v
dans le plan général de l'ouvrage. Quelques mois plus
tard, à la fin demai 1514, fut achevé un second volume,
le t. vi; il contient deux dictionnaires, hébreu et chal-
daïque, et une grammaire hébraïque, œuvres d'Alphonse
de Zamora et devant servir d'introduction à l'Ancien
Testament. Les quatre autres volumes, t. I-IV, sont
consacrés à l'Ancien Testament; le dernier sortit des
presses le 10 juillet 1517. Le cardinal mourut quatre
mois plus tard, le S novembre 1517. Toutefois, son
grand ouvrage ne fui mis en vente qu'en 1520. après
que Léon X, à qui il avait été dédié, l'eût approuvé par
bref en date du 22 mars 1520. Il n'en avait été tiré que
600 exemplaires, et quoique la dépense totale s'élevàl
à plus de 50 000 ducats, le prix de chaque exemplaire
fut tixé à six ducats et demi seulement. La Polyglotte
d'Alcala ne fut guère connue qu'en 1521. Elle est d'une
extrême rareté; aussi le prix des exemplaires, qui
reparaissent sur le marché, est très élevé.
V. - 17
515
POLYGLOTTES
516
2. Description. — Le titre général de l'ouvrage, qui
forme 6 in-f», est : Iliblia nacra Pohjglotta, etc. Celui
de l'Ancien Testament est : Vêtus Testamentum multi-
plia lingua mine primo impressum. Dans le t. I,
consacré tout entier au Pentateuque, à la suite des pro-
logues et de divers traités, viennent les textes repro-
duits . hébreu, latin, grec, disposés sur trois colonnes
dans la partie supérieure de chaque page, sans que les l
lignes correspondent, en raison de la dill'érence des i
caractères. Le texte hébreu est ponctué et le texte grec
est accentué. Dans la colonne, toujours la plus rappro-
chée de la marge intérieure, le grec des Septante est
surmonté d'une version latine, littérale et interlinéaire,
faite par les éditeurs; les mots latins sont exactement
au-dessus des mots grecs correspondants. De petits ca-
ractères latins indiquent le rapportde laVulgate avec le
texte hébreu. La partie inférieure delà page est divisée
en deux colonnes inégales, dont la plus large contient
le texte chaldéen ponctué du targum d'Onkelos, et la
moins large une version latine de ce texte. A la marge
extérieure, sont indiquées les racines des mots et des
formes hébraïques et chaldaïques, imprimées dans la
colonne voisine. Le t. il comprend les livres de Josué.
jusqu'aux Paralipomènes inclusivement. Comme les
targums, bien que traduits en latin par ordre de Ximé-
nès, n'y sont pas reproduits, la page entière est divisée
en trois colonnes, dans lesquelles les lexles sont dispo-
sés comme dans le volume précédent. La prière de
Manassé, à la fin du t. n, n'est éditée qu'en latin. Le
t. in renferme les deux livres d'Esdras, Tobie, Judith,
Esther, Job, le Psautier, les Proverbes, l'Ecclésiaste,
le Cantique, la Sagesse et l'Ecclésiastique. La disposi-
tion générale est la même que dans les volumes précé-
dents, sauf quelques particularités. Dans le Psautier,
la version latine ordinaire ouïe Psalterium gallicanum
sert de version interlinéaire au texte grec, et le Psalte-
rium hebraicum de saint Jérôme occupe la colonne du
milieu. Pour les livres deutérocanoniques, bien que
le texte hébreu fasse défaut, on a maintenu la division
en tn,is colonnes : la version interlinéaire du grec des
Septante est imprimée a paît dans la colonne réservée
ailleurs à l'hébreu. Le t. iv contient tous les prophètes
et 1rs trois livres des Machabées. Pour le troisième de
ces livres, il n'y a que deux colonnes, contenant sépa-
rément b' texte grec et une version latine. Dans le t. V,
consacré au Nouveau Testament, après diverses pièces
qui servent d'introduction, les quatre Évangiles sont
imprimés sur deux colonnes, dont la plus large contient
le texte grec et la moins large la Vulgate. Les passages
parallèles et les citations bibliques sont notés en
marge. Chaque Évangile est suivi d'un prologue. Deux
dissertations grecques, dont la seconde est d'Eutbalius.
in-, -cèdent les Ëpltres de saint Paul, reproduites sur
deux colonnes. Chaque Épitre esl précédée d'un prologue
et d'un sommaire. Deux prologues précèdent aussi les
Actes, qui sont suivis des Épltres catholiques et de l'Apo-
calypse. Cinq pièces de poésie, deux en grec et trois
en latin, à la louange de Kiménès et de son œuvre,
terminent le volume, avec une liste des noms propres,
une petite grammaire grecque et un court lexique grec-
latin. Le texte grec n est pas aeeeiilué, parce que les
autographes ne l'étaient pas. afin de se rapprocher
ainsi le plus possible de l'original. Le rapport du texte
grec avec la Vulgate est indiqué par de petites lettres
latines, inscrites au-dessus îles mots correspondants.
Cf. Van l'raet. Catalogue «/es livres imprimés sur vélin
qui se traînent dans des bibliothèques tant publiques
que particulières, Paris, 18-21, t. I. p. 1-4.
;t. Valeur ri influence. — «\ Taie hébreu. — Bien
que n'appartenant pas aux incunables hébreux, son
édition a l'ait époque et elle est la première édition
catholique de ce texte. Elle a été considérée comme
une œuvre scientifique, Ses inexactitudes et ses nom-
breuses fautes d'impression ne diminuent pas la valeur
critique du texte. D'après les travaux de Iiaer, ses
variantes sont meilleures que les leçons traditionnelles
massorétiques. Ximénès avait fait acheter sept manus-
crits hébreux, qui lui avaient coûté à eux seuls 4000 du-
cats. Ils provenaient des synagogues de Tolède et de
Maquéda. Ils sont conservés à la bibliothèque de l'uni-
versité de Madrid. Cinq ne sonl que des Pentateuques
avec des commentaires ordinairement défectueux et cor-
rigés par Zamora. Deux sur parchemin contiennent la
Bible hébraïque en entier. Ils ont appartenu au collège
de Saint-Ildefonse d'Alcala. L'un est du .\ille siècle et a
été acheté à Tolède en 1280 par deux médecins juifs,
l'autre a été transcrit l'an 6242 depuis la création à
Tarazona en Aragon. Les collations que Franz Delitzsch,
Complutensische Varianlen :u dem allteslamentlichen
Text, in-i", Leipzig, 1878, p. 6-38, a faites de quelques
passages avec d'autres documents, lui ont permis de
conclure que les éditeurs avaient utilise'' au moins un
manuscrit hébreu, différent des deux Bibles hébraïques
conservées, que le texte édité, malgré ses fautes, a une
haute valeur critique et surpasse souvent les autres
éditions du texte hébreu. Cette édition a été' reproduite
dans la Polyglotte d'Heidelberg et utilisée dans celle
d'Anvers.
b) Texte des Septante. — Les éditeurs de la Polyglotte
pour cette édit on princeps des Septante, eurent a L'in-
disposition deux manuscrits de la bibliothèque vaticine:
346 (Holmes 248) contenant les livres sapientiaux. Esdras.
Tobie, Judith, Esther, et 330 (Holmes 108) contenant les
livres historiques depuis 1 ■■ Pentateuque jusqu'à Esther
avec un fragment de Tobie. Voir I. [V, col. 682. Ces manus-
crits, qui paraissent être du \nr siècle, furent envoyés
à Alcala par Léon X la première année de son pontifical;
prêtés pour un an. il- ne furent rendus que le 9 juil-
let 1519. Les éditeurs eurent aussi la copie faite avec grand
soin, envoyée par le sénat de Venise et conservée à la
bibliothèque de Madrid corn provenant du collège
Saint-Ildefonse d'Alcala, d'une partie d'un manuscrit
grec très correct copié par le crétois Jean Hhosos pour
le cardinal Bessarion et conservé à la bibliothèque
Saint-Marc de Venise (Marc V, Holmes 68). La copie
comprend les .luges, Ituth. les quatre livres des Bois,
tesdeuxlivres de, Paralipomènes, les Proverbes, lie,!'
siaste. le Cantique, le I" livre d'Esdras (apocryphe .
Esdras et N'éliémie. Esther. la Sagesse. Judith. Tobie,
les trois livres des Machabées. Les collations de ces
manuscrits avec le texte des Septante de la Polyglotte,
que Franz Delitzsch a faites, Fortgesetzle Studien fur
Entstehungsgeschichte der Complulensischen Poly-
glotte, in-'r. Leipzig, 1886, p. 1-28, ont permis de déter-
miner l'usage que les éditeurs ont fait des manuscrits
mis à leur disposition. Ils n'ont pas reproduit textuelle-
ment les manuscrits :i:so et li'iti. Les nombreuses diffé-
rences de leur I -le avec relui illl preln ier mail i l'e- len I
des corrections arbitraires, faites d'après l'hébreu qu'ils
préféraient, non pas. comme dit Richard Simon. • en
une infinité d'endroits, o Catalogue des principales
éditions de lu Bible, dans Histoire ci-itique du Vieux
'testament. Amsterdam, ItiSô, p. 516, ou u en un assez
grand nombre d'endroils ■•■ Bibliothèque critique,
Amsterdam. 1708. I. lit. p. 185, mais seule nt pour
une petite part, ou plus souvent des emprunts à la
copie du manuscrit de Bessarion ou au Vatican 346,
donl ils corrigeaient les fautes de transcription, r '
le Psautier, qui n'est pas dans les trois manuscrits
précédents, ils ont utilisé' un manuscrit spécial en cur-
sive. du xur ou xiv siècle, qui esl a la bibliothèque de
Madrid. Un ignore de quels manuscrits il- disposaient
pour les livre-, propliel iqlles. A défaul de ronsoiglii .lents
précis, on a recherché à quelle recension appartenait
le texte de leur édition et on a constaté qu'il ressemblait
:, celui des manuscrits I. V el VI de Sainl Marc .le
517
POLYGLOTTES
518
Venise (Holmes 23, 68, 122), < i n i ont servi à l'édition
Aldine de 1518. Ibid., p. 53-57. Le texte des Septante
de la Polyglotte de Complute a été reproduit dans les
Polyglottes d'Anvers et de Paris, dans la Bible de Vala-
ble 00 de Bertram, Genève, 15S6-1587. 1599. ICI*;, el
dans celle de D. Wolder, Hambourg, 1596. Cf. Swete,
An introduction to the OUI Testament in Grèek, Cam-
bridge, 1900, p. 171-173.
c) Texte grec du Nouveau Testament. — L édition
de Complute est aussi l'édition princeps du texte ori-
ginal du Nouveau Testament. On ignore sur quels ma-
nuscrits elle a été faite. Lopez de Zuniga (Stunica),
qui, sans avoir eu la part principale à cette édition,
comme on le pensait, a travaillé au moins au texte des
Actes et des Kpitres, parle de manuscrits grecs corrigés,
mais il n'en nomme qu'un, le Rhodiensùt, vraisem-
blablement envoyé de Rhodes au cardinal Ximénès et
contenant les tpitres. On ne l'a pas encore retrouvé.
On ne sait si, pour le Nouveau Testament, des manus-
crits grecs du Vatican furent envoyés à Alcala. La com-
paraison du texte édité avec les manuscrits du Vatican,
1158 (Ev. 140 et 366, Act. 7-2. Paul 79, Apoc. 37), les
seuls dont il puisse être question, ne permet pas de
conclure à leur emploi. Franz Delitzsch estime que le
texte des Actes el des Kpitres est apparenté à celui du
Bafniensis 1 (Ev. 234. Act. 57, Paul 72), qui est à
Copenhague, mais qui était encore à Venise en 1699,
el qui a été copié par Théodore d'Hagios Petros. et à
celui du Lawlianus 2 (Ev. 51, Act. 32. Paul 38), qui
est à la Bodléienne à Oxford et qui est une copie du
lent. lorlgeselzte Studien, p. 30-51. Wettstein
et Semler avaient prétendu que les éditeurs de la Poly-
glotte d'AIcala avaient altéré le texte grec, en y insé-
rant des leçons de la Vulgate. Gœze, Vertheidigung
(1er Complut. Bibel, Hambourg. 17ii5; Ausfùhrlichere
Vertheidigung des Compl. -V. T., ibid.. 1766; Fort-
setzung der ausfûhrl, Vertheidigung des Compl.
N. T., Halle, 1769, a surabondamment prouvé la faus-
seté de ce sentiment. Seul, le verset, I Joa., v, 7, a été
certainement emprunté à la Vulgate; les passages, Rom.,
xvi, 5; II Cor., v, 10; VI, 15; Gai., m, 19, en proviennent
peut-être. En résumé, bien que les manuscrits consultés
aient été probablement récents, le texte édité comprend
beaucoup de bonnes leçons que les critiques postérieurs
ont admises, surtout pour l'Apocalypse, moins pour
les Évangiles et très rarement dans les autres livres.
Il diffère beaucoup de celui qu'Érasme éditait à la
même époque; il est moins incorrect, malgré ses
fautes évidentes. Kranz Delitzsch, Studien :ur Enste-
hungsgeschickle der Polygloltenbibel des Cardinals
Ximenes, Leipzig, 1871; Ed. Reuss, Bibliotheca -V. T.
grseci, Brunswick, 1872, p. 15-26; S Berger, La Bible
au seizième siècle, Paris, 1879, p. 49-51; Gregory,
Texlkrilik des Xeuen Testaments. Leipzig, 1902, t. n,
p. 924-928; A. Bludau, dans Der Katholik, 1902, t. n,
p. 27 sq.
Le texte grec du Nouveau Testament d'AIcala n'a
pas eu au xvt« siècle l'inlluence qu'Hefele lui a attri-
\ucuni- édition ne l'a reproduit exactement. Les
éditeurs des Polyglottes u'Anvers et de Paris et ceux
qui dépendent de ces Bibles lui ont emprunté un plus
n n uns grand nombre de leçons. Ed. Reuss, op. cit.,
p. 74-83. Au xixe siècle, il a été lidèlement réédité par
Gratz dans son édition du Nouveau Testament, 2 in-8",
Tubingue, 1821; Majeure, 1827, 1851. Van Ess. dans
son édition, in-8 '. Tubingue, 1827. a mêlé les leçons de
Complute avec celles d'Érasme. Ed. Reuss, op. cit.,
p. 45.
' Texte latin de la Vulgate. — L'édition d'AIcala a
précédé la Bible clémentine. Son origine est peu con-
nu-, Ximénès dit bien qu'il a rassemblé des manuscrits
latins, mais sans plus d'explication. La bibliothèque de
l'université de Madrid a trois Bibles latines qui vien-
nent d'AIcala et qui contiennent le verse! des trois
témoins célestes. Elles ont dû servir aux éditeurs de la
Vulgate. Franz Delitzsch, Fortgesetzte Studien, p. 51-
52. De l'examen du texte édité, on a conclu que ces
éditeurs ont corrigé des exemplaires courants de leur
époque d'après hs manuscrits plus anciens et plus cor-
rects, dont ils rapportaient quelques-uns, écrits en lettres
gothiques, au vne ou au vm« siècle, mais parfois aussi
sur l'hébreu et le grec, en particulier pour supprimer
Ce qui n'avait pas de termes correspondants dans les
originaux. R. Simon, Histoire critique du Vieux Tes-
tament, Amsterdam, 1685, p. 313, 516. — Sur la Poly-
glotte de Complute, voir encore Hefele, Der Cardinal
Ximenes, 2' édit., Tubingue, 1851. p. 113-147; trad.
franc., Tournai, 1856. p. 141-177; Vercellone, Disserta-
zioni academiche di vario argumenta, Rome, 1864,
p. 407; Hurler, Nomenclator literarius, 3e édit.. Ins-
pruck, 1906, t. n, col. 1132-1134.
2° La Polyglotte d'Anvers. — 1. Histoire. — Dés
1566, l'imprimeur Christophe Plantin, établi à Anvers,
avait formé le projet de publier une Polyglotte. Par
l'intermédiaire du cardinal de Granvelle, son protec-
teur, il s'assura l'intervention de Philippe II, roi d'Es-
pagne. Ce prince donna un subside de 12000 llorins à
rembourser en exemplaires de la nouvelle Bible et
envoya Arias Montanus pour surveiller le travail et
corriger les épreuves. Ce savant espagnol arriva à
Anvers le 15 mai 1568. Il apportait d'AIcala la version
latine des targums sur les prophètes, et un très ancien
manuscrit hébreu qui lui appartenait. Pendant que
Plantin faisait fondre les caractères nécessaires, gravés
par Robert Granjon et Guillaume Le Bée (on se servit
pour l'hébreu des caractères employés pour la Bible de
Bomberg), Arias Montanus préparait les matériaux. 11
fut aidé par André Maes, François Luc de Bruges,
Guy Le Fèvre de la Boderie et son frère Nicolas,
François Ravlenghien, plus tard gendre de Plantin, et
son frère Nicolas-Guy, le jésuite Jean Willem (Harle-
mius), etc. Voir t. i. col. 954-955. Les caractères ,■! le
papier étaient plus beaux que ceux de la Polyglotte
d'AIcala. L'impression commença au mois de juillet
1568 et fut terminée le 31 mai 1572. Le t. tv est daté de
1570, le t. v de 1571 et les Apparatus de 1572. Un tira
960 exemplaires ordinaires, 200 meilleurs, 30 lins,
10 extra-fins et 13 sur parchemin. Arias Montanus avait
demandé à Pie V son approbation. Le pape hésita à
cause de la version latine de Pagnino et de quelques
traités de l' Apparatus qui paraissaient suspects. Le
Talmud et Sébastien Munster y étaient trop souvent
cités. On consulta des théologiens belges et espagnols.
Montanus alla à Rome s'expliquer et présenta un mé-
moire. Pie V était mort le 1er mai. Grégoire XIII, élu
le 12 du même mois, se montra plus favorable et adressa
à Philippe II, le 20 octobre 1572, un bref, dans lequel
il appelle la Polyglotte d'Anvers opus vere regium.
D'ailleurs, V Apparatus fut réimprimé du 2 août 1572
au 1 i août 1573 avec des modifications, faisant droit
aux critiques précédentes. Max Rooses, Christophe
Plantin, imprimeur Anrersois, 1882, p. 123. Cepen-
dant Léon de Castro, professeur de langues orientales
à Salainanque, dénonça Arias Montanus à l'Inquisition
espagnole. Il lui reprochait d'avoir présenté la traduc-
tion de Pagnino comme la version la plus exacte des
textes hébreu et grec et d'avoir recommandé de recourir
aux sources originales, contrairement, prétendait-il,
au décret du concile de Trente sur la Vulgate. Arias
Montanus se défendit en 1576. Mariana, comme inqui-
siteur, signala des fautes très réelles, mais déclara
qu'elles n'étaient pas suffisante? pour faire condamner
la Polyglotte du roi d'Espagne. L'affaire ne fut terminée
qu'en 1580. H. Reusch, Der Indec der verbolenen
Bûcher, Bonn, 1883, t. i, p. 575 576. La Polyglotte
« royale d reçut bon accueil du public et elle fut ap-
519
POLYGLOTTES
520
prouvée par plusieurs universités, notamment par
celle de Paris. L'empereur et le roi de France autori-
sèrent sa vente dans leurs États. Les exemplaires furent
vite distribués et devinrent rares et recherchés. On les
a vendus chez les antiquaires 120, 150 et 180 marks.
2. Description. — La Polyglotte de Plantin est inti-
tulée : Biblia hebraice, chaldaice, grsece et latine,
et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes
contiennent l'Ancien Testament. Pour les livres pro-
tocanoniques, chaque page a deux colonnes, reprodui-
sant, au verso, le texte hébreu sans version interlinéaire
et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante à
droite avec sa traduction latine à gauche. Au bas des pages,
on trouve, pour tous les livres qui en ont, les targums
ou paraphrases chaldaïques et leur version latine.
Celle-ci était celle que le cardinal Ximénès avait fait
faire et qu'Arias Montanus avait apportée d'Espagne.
Le texte chaldaïque avait été emprunté à des manuscrits
espagnols et vénitiens. On en avait retranché les fables
les plus grossières. Les livres deutérocanoniques n'ont
que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant
de gauche à droite la version latine du texte grec, ce
texte lui-même et la Vulgate. Dans le t. m, on a imprimé,
sans pagination, le seul texte latin des IIIe et IV livres
d'Esdras. Le t. v contient le Nouveau Testament. Les
textes y sont disposés dans cet ordre. La page de gauche
présente dans une première colonne la Peschito, qui
n'a que les livres protocaaoniques, en caractères
syriaques, et dans une seconde colonne, sa version latine,
œuvre de Guy Le Fèvre de la Boderie. La page de
droite reproduit d'abord la Vulgate latine, puis le texte
grec. Sous ces quatre colonnes, et par conséquent sur
les deux pages, le texte syriaque est transcrit en carac-
tères hébraïques avec points-voyelles pour les lecteurs
qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers
volumes ont le titre d'Apparatus. Le t. vi contient une
grammaire hébraïque et un abrégé du Thésaurus de
l'agnino par François Ravlenghien, une grammaire
chaldaïque et un dictionnaire syro-chaldaïqiie par Guy
Le Fèvre de la Boderie, une grammaire syriaque et un
vocabulaire intitulé : Peculium Syrorum par Macs.
une grammaire et un dictionnaire grecs, dont l'auteur
est inconnu. Le t. VU renferme plusieurs dissertations
d'archéologie biblique par Arias Montanus, et des re-
cueils de variantes ou de notes philologiques et critiques
de divers ailleurs. Ces dissertations et recueils forment
un total de 18 traités distincts. Le t. vm comprend la
version latine des livres de la Bible hébraïque, faite
par Pagnino el revisée par Arias Montanus; elle a été
examinée par les censeurs de Louvain. Il contient en-
suite le texte -J'ec du Nouveau Testament, la version
latine interlinéaire, correspondant aux mots grecs; les
différences du grec et du latin suiit imprimées en marge
avec des caractères spéciaux. Enûn, viennent les Com-
munes et familiares hebraicœ lingu.se idiolisnii
d'Arias Montanus. Mais l'ordre de ces volumes et des
matières qu'ils contiennent est divergent selon les
exemplaires qui sont d'éditions différentes. Van Praet,
Catalogue des livres imprima sur relui de la biblio-
thèque du Roi, Paris, 1821, t. i. p. 1-5; C. Ruelens et
A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866,
p, 128-135, La version interlinéaire a été souvent réim-
primée à pari. Voir t. i, col. 954-955. Richard Simon l'a
jugée très sévèrement. Histoire critique >iit Vieux
Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 3 16-318 ;
Critique de la Bibliothèque îles auteurs eccli siastiques,
Paris, 1730, t. h, p. 213-216.
3. Valeur ei influence. Les textes, hébreu et grec,
ont été empruntés à la Polyglotte de Complulc et
celui des Septante sans modifications; mais l'hébreu a
été collationné avec la Bible de Bomberg. Quant à
l'édition grecque du Nouveau Testament, elle diffère
de celle de Complute par un certain nonilire de leçons
qui se trouvent dans l'édition de Robert Estienne de
1550. Sur les mille passages que Reuss a étudiés, elle
est 709 fois d'accord avec les deux éditions précédentes.
Dans les 291 autres, 39 sont d'accord avec R. Estienne,
3 avec Érasme, 1 est tout spécial et les 249 dernières
sont exclusivement conformes à la Bible de Complute.
Le texte grec du t. vm diffère de celui du t. v en 14
passages dans lesquels la leçon de Complute est aban-
donnée pour celle d'Estienne, sauf Apoc, i, 6, dont le
texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la leçon
d'Estienne est remplacée par celle de Complute, enfin,
I Pet., il, 3, la leçon Erasmienne est remplacée par le
texte ordinaire. L'édition d'Arias Montanus suit donc
une voie spéciale et elle a plus de valeur que les cri-
tiques le disaient. Elle a été souvent reproduite exac-
tement ou avec quelques corrections, dans ses deux
états. On trouvera le détail de ces rééditions dans
Reuss, Bibliolheca N. T. grseci, p. 74-83. Cf. Gregory,
Textkritik des N. T., t. n, p. 936. La Vulgate latine est
de même nature que celle de la Polyglotte d'Alcala.
Finalement, les travaux préparatoires de la Bible
d'Anvers ont laissé beaucoup à désirer. Les éditions ne
sont pas en progrés notables sur celles de Complute.
et les recueils de variantes, dans l'Apparat us, sont
parfois peu considérables.
3» La Pub/glotte de Paris. — 1. Histoire. — Le car-
dinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothécaire du
roi, avaient conçu le projet de rééditer la Polyglotte
d'Anvers avec l'aide de deux maronites, Gabriel Sionite
et Jean Hesronite, ramenés d'Orient par Savary de
Brèves. Ils avaient obtenu le privilège royal en 1615.
Mais la mort du premier en 1617 et du second en 101S
arrêta l'entreprise, qui pourtant fut louée, en 1619, par
l'Assemblée du clergé réunie à Blois. Guy-Michel Le Jay,
avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de
Bertille lui conseilla, en 1626. d'y ajouter le Pentateu-
que samaritain et la version samaritaine. L'édition il''
ces textes fut confiée à l'oratorien Jean Morin. Philippe
d'Aquin fut chargé de l'hébreu, Gabriel Sionite et Jean
Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham
Echellensis et d'autres érudits collaborèrent à l'entre-
prise. L'impression fut remise à Antoine Vitré, qui fit
graver des caractères hébreux, chaldéens, grecs et
latins par le fils de Le lice. Jacques de Sanlecque
grava les caractères samaritains et syriaques, dont
Sionite avait fourni le modèle. Il prépara aussi des
matrices nouvelles d'arabe sur les poinçons de
M. de Brèves. On fit fabriquer un papier spécial, si
beau qu'on l'a appelé' caria imperialis. A. Bernard.
Antoine Vitré ci les caractères orientaux île la Bible
polyglotte de Paris, in-S", Paris, 1857; Id.. Histoire
de l'imprimerie royale du I. mirée, in-8". Paris, 1867,
p. 55-64. L'impression fut ci nencée au mois de
mars 1628. Les quatre premiers volumes étaient ache-
vés en 1629, et le I. vt en 1632; la première partie du
t. v est datée de 1630, ci ia seconde de 1633. Le t. vm
fut terminé' vers la fin de 1635. L'impression du t. \n,
qui était commencée à cette date, fut interrompue par
suite du relu- .1.' Sionite de remettre la copie néces-
saire. 11 ne voulait pas non plus se dessaisir des ma-
nuscrits orientaux, ayant appartenu à Savary de Brèves
Au mois de janvier 1640 il fut enfermé au château de
Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis à
Vitré. Libéré le 12 juillet, Sionite reprit sa traduction
latine de la version syriaque, et le t. VII fut achevé en
1642. Sou travail traîna en longueur, elle t. IX sortit
des presses au mois de mai 1655 seulement, La Poly-
glotte entière parut enfin, avec une préface, datée du
1" octobre 1645, en lolc du premier volume. L'Assemblée
du clergé' l'avait approuvée, le 24 janvier 1636. I e Jay
avait emprunté' ÎUOIKK» «Vus que Richelieu s'oltrit de
payer, L'éditeur refusa cette olîre aussi bien que la
proposition des éditeurs anglais de lui racheter
521
POLYGLOTTES
522
600 exemplaires. La Polyglotte de Walton empêcha la
vente de celle de Paris, dont le prix était de 200 francs.
Beaucoup d'exemplaires furent veudus au poids du
papier, et Le Jay, entièrement ruiné, ne put payer
ses dettes. La Polyglotte fut présentée au public, en
1666, par trois libraires hollandais sous un nouveau
titre : Biblia alexandrina heplaglotta, comme étant
publiée sous les auspices d'Alexandre VII, mais leur ruse
fut déjouée. Mabillon, Musssum italicum, Paris, 1687,
1. 1, p. 95-96. Elle est magnifique par la beauté du papier
et l'exécution typographique; mais la grandeur du
format rend son emploi fort difficile. Elle présente
enfin le désavantage de n'avoir pas publié dans le
même volume tous les textes, puisqu'il faut recourir à
deux volumes pour les avoir ensemble sous les yeux.
2. Description. — Elle comprend 9 tomes en 15 vo-
lumes grand in-folio et est intitulée : Biblia. 1. hebraiea.
2. samaritana. 3. clialdaica. 4. grœca. 6. latina. 7. ara-
bica, quibus textus originales totius Script tiras Sacrée,
quorum pars in editione Coniplutensi, deinde i»
Antuerpiensi regiis sumplibus e.rtat, nunc integris ex
manuscriptis tolo fere orbe qusesitis exemplaribus
exhibentur. En raison de son contenu, elle comprend
deux parties bien distinctes. Les cinq premiers volumes,
sauf une préface non paginée de Le Jay : Institua
operis ratio, et une autre préface de .T. Morin sur le
Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, en
tète du premier volume, ne sont guère que la reproduc-
tion intégrale des cinq premiers volumes de la Polyglotte
d'Anvers. La disposition typographique est la même,
ainsi que les textes. Les seules différences notables
consistent en ce que le t. v, au lieu du syriaque en lettres
hébraïques, contient une version arabe du Nouveau
Testament et sa traduction latine, et aussi le texte
syriaque des quatre Épitres catholiques et de l'Apocalypse
qui manquaient dans la Peschito. La seconde partie, for-
mant les quatre derniers tomes, est seule nouvelle. Le
t. vi contient le Pentateuque syriaque et arabe avec
leurs traductions latines, puis le Pentateuque samari-
tain et sa version samaritaine, qui n'ont qu'une seule
traduction latine. Ces deux textes étaient imprimés
pour la première fois. Les t. vn-ix ont les versions
syriaque et arabe, avec leurs traductions latines, de
tout le reste de l'Ancien Testament, sauf que pour Job
il n'y a qu'une seule traduction latine des deux textes.
3. Valeur. — Quant à la première partie, qui n'est
presque que la reproduction de la Polyglotte d'Anvers,
la Polyglotte de Paris n'a pas réalisé les progrès que
pourtant il eût été facile d'accomplir. Le texte hébreu
est mal reproduit et fort incorrect; il aurait pu aisément
être constitué d'après les bons manuscrits massorétiques
qui se trouvaient à Paris à la bibliothèque du roi.
Pour les targums, le texte d'Anvers est mêlé à celui de
la Bible de Boniberg. Il eut été à propos d'imprimer,
pour les Septante, l'édition romaine faite d'après le
Vaticanus, et pour la Vulgate, la Bible clémentine.
Pour le texte grec du Nouveau Testament, Reuss, Bi-
bli"theca N. T. grseci, p. 75, n'a remarqué que neuf
différences d'avec le prototype. Cf. Gregory, Textkritik
des X. T., t. n, p. 940-941. Relativement aux textes
non eaux, l'absence de préfaces et d'Apparat us critique
prive de renseignements sur leur origine, si l'on excepte
le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine.
Ils provenaient des manuscrits achetés à Damas par le
voyageur Pietro délia Valle pour le compte de M. de
Sancy, ambassadeur de France a Constantinople, et
donnés par ce dernier, qui était devenu oratorien, à la
bibliothèque de l'Oratoire (n. 1 et 2 du fonds samari-
tain de la Bibliothèque nationale). Le manuscrit de
Peiresc, demandé dés 1630 par Vitré, avec des manus-
crits arabes, ne futapporté à Paris qu'en 1632 par Denis
Guillemin et ne put être utilisé. L. Dorez, Notes et
documents sur la Bible polyglotte de Paris, dans le
Bulletin de la Société d'Histoire de Paris et de l'Ile-
de-France, 17e année, 1890, p. 84-94. La version arabe
des Evangiles a été éditée d'après le texte arabe, publié
à Rome en 1591, et la traduction latine est celle de
J.-B. Baymond, revue par Gabriel Sionite. Pour le reste
du Nouveau Testament, on avait quelques manuscrits
arabes, venus d'Alep, entre autres un seul sur l'Apoca-
lypse, provenant deS.de Brèves. On a reproché à Gabriel
Sionite d'en avoir modifié le texte. Les versions, syriaque
et arabe, de l'Ancien Testament, furent éditées à l'aide
d'éditions antérieures (le Pentateuque arabe, publié à
Constantinople, en 1546; un Psautier syriaque et arabe
édité au Mont-Liban, en 1610; un Psautier syriaque,
Paris, 1625; un Psautier arabe. Genève, 1516; Rome,
1613), et de six ou sept manuscrits seulement. En 1640,
Sionite avait rapporté de Rome un manuscrit syriaque,
légué par Risius. La Polyglotte de Paris, supérieure à
celle d'Anvers par les nouveaux textes qu'elle contenait,
n'eut guère d'iniluence, supplantée qu'elle fut bientôt
par la Polyglotte de Londres.
4° Polyglotte de Londres. — 1. Histoire. — Comme
la Bible de Le Jay était incommode à manier et très
chère, les Anglais décidèrent de publier une Polyglotte
plus commode et moins coûteuse. Brian Walton, qui
fut plus tard évèque anglican de Chester, s'en chargea
avec desavants collaborateurs. Edmond Castle surveilla
l'édition des textes samaritains, syriaques, arabes et
éthiopiens; il fit la traduction latine de la version éthio-
pienne du Cantique et composa le Lexicon lieptaglotton,
annexé à la Polyglotte. Samuel Clarke s'occupa du
texte hébreu et des targums. et traduisit en latin la
version persane des Évangiles. Thomas Hyde transcri-
vit le Pentateuque persan et en fit la traduction latine.
Alexandre Huish surveilla l'impression des textes grecs
et latins, et recueillit les variantes du Codex Alexan-
drinus. La nouvelle Polyglotte fut publiée par souscrip-
tion sous le patronage de Cromwell, qui lui accorda
l'exemption des droits sur le papier. Le premier volume
parut en septembre 1654; il sortait, comme les suivants,
des presses de Thomas Roycroft, à Londres. Il contient
une dédicace au Protecteur. Après la restauration des
Stuarts, on remplaça cette dédicace- par une autre à
Charles II. On distingue par suite les exemplaires
royaux et les exemplaires républicains; ceux-ci, qui
sont les plus rares, sont les plus recherchés. Le t. n
est daté de 1655. Le t. \i et dernier parut en 1657. En
1669, on y joignit le Lexicon lieptaglotton de Castle en
deux in-folio. La Polyglotte de Londres, qui avait été
mise à l'Index par décret du 29 novembre 1663, à
cause de ses prolégomènes (voir H. Reusch, Der In-
dex der verbotenen Bâcher, Bonn, 1885, t. n, p. 124-
125), ne figure plus dans l'édition officielle du cata-
logue des livres prohibés, publiée en 1900.
2. Description. — Cette Bible, qui forme 6 in-f», est
intitulée : S 6'. Biblia poh/glotta compleclens textus
originales hebraicos cum Pentateucho Samaritano,
chaldaicos, grsecos versionumque antiquarum sama-
ritaine, chaldaicse, latinse Vulgatse, sethiopicx, grœcœ
Sept., syriacse, arabicse, persicse, quicquid comparari
poterat ex mss. antiqnis undique conquisitis opti-
misque exemplaribus impressis summa foie collatis.
Les quatre premiers tomes sont remplis par l'Ancien
Testament. Le I", à la suite de la préface et de prolé-
gomènes, dans lesquels Walton parle des langues
sacrées, des éditions et des versions de la Bible, et qui
constituent une véritable introduction critique, repro-
duit le Pentateuque en huit langues. Les textes sont
disposés sur deux pages en cet ordre : au verso, en
haut de la page sur quatre colonnes parallèles, le texte
hébreu avec la version interlinéaire de Santé Pagnino
revue par Arias Montanus, la Vulgate latine de la Bible
clémentine, le grec des Septante d'après l'édition ro-
maine du Vaticanus avec les variantes de VAlexan-
523
POLYGLOTTES
524
drinus, placées au-dessous, la version laline de ce
texte grec, empruntée à l'édition de Flaminius Nobi-
lius; la version syriaque, accompagnée de sa traduction
latine est dans le bas de cette page; au recto, le haut
de la page contient parallèlement le targum d'Onkelos
selon l'édition de Bâle. sa version latine, le texte
hébreu samaritain et sa version latine; la version arabe
et sa traduction latine occupent le bas de la page. Le
t. il contient les livres historiques, de Josué à Esther.
La disposition est à peu près la même que dans le t. i,
sauf qu'au recto, il n'y a que le targum du pseudo-
Jonathan pour les livres qui en sont dotés, avec sa
traduction latine, et la version arabe i qui manque pour
Esther). Le t. m renferme Job, les Psaumes, les Pro-
verbes, PEeclésiaste, le Cantique, les grands et les
petits prophètes. La disposition typographique varie
suivant les livres. Sans entrer dans plus de détails,
signalons seulement un texte nouveau : la version
éthiopienne des Psaumes et du Cantique. Le t. iv débute
par la Prière de Manassé. en grec et en latin, le
IIIe livre d'Esdras (latin, grec, syriaque, avec traduc-
tion latine du grec et du syi'iaque), le IVe livre d'Esdras,
en latin seulement. On trouve ensuite Tobie (le texte
hébreu selon les deux éditions de Fage et de Sébastien
Munster avec leurs traductions latines correspondantes,
la Vulgate, le grec et la version syriaque). Pour Judith,
les parties deutérocanoniques de Jérémie et de Daniel
et les deux livres canoniques des Machabées. il n'y a
que trois grands textes (latin, grec et syriaque); une
version arabe est en plus pour la Sagesse, l'Ecclésias-
tique, Baruch. Les passages deutérocanoniques d'Esther
ne sont qu'en grec et en latin. Après les textes grec et
syriaque de III Mac h., on trouve la version arabe de
II .Macli. La seconde partie de ce t. IV contient les deux
targums du Pentateuque, dits du pseudo-Jonathan et
de Jérusalem, intercalés l'un dans l'autre et accom-
pugnés de leurs traductions latines, la version persane
des mêmes livres avec traduction laline. Le t. V est
consacré au Nouveau Testament. Il contient superposés,
au verso, le texte grec (édition Robert Estienne) avec
la version laline interlinéaire d'Arias Montanus, les
versions syriaque et éthiopienne avec leurs traductions
latines, au recto, la Vulgate et les versions arabe et
perse (celle-ci pour les Évangiles seulement), avec
leurs traductions latines. Le t. vi sert d'Appendice et
renferme des notes de divers auteurs et des recueils de
variantes, avec l'Indea de l'ouvrage entier. Le il
heptaglolton de Castl'e, 2 in-f», Londres, 1669, est sou-
vent ajout.' à la Polyglotte de Walton.
li. Valeur. — La Polyglotte de Londres est la plus
complète et la meilleure qui ait été publiée. Elle est
loin cependant d'être parfaite. Les Prolégomènes de
Wallon, qui ont été réédités à part, in-f°, Zurich, H>7:»,
et par Dathe, Leipzig, 1777, ont été critiqués en
plusieurs points par Richard Simon, Histoire
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685. p. isi-
510. Cf. Réponse de Pierre Ambrun, ministre du
saint Évangile, » l'Histoire critique du Vieua Tes-
tament, ibid., p. 16 18; Lettres choisies, Paris. 1730,
t. n, p. 275; t. m. p. 122. Les éditeurs ont emprunté
aux Polyglottes d'Anvers et de Paris la version inter-
linéaire de l'hébreu, le Pentateuque samaritain et sa
version samaritaine, la version syriaque de l'Ancien
testament et la version arabe du Nouveau. Au lieu de
rééditer ces versions, prisés a la Polyglotte de Paris
par un larcin public t, connue dit li. Simon, on aurait
pu reproduire de meilleurs textes ou, au moins, revoir
les traductions latines correspondantes, qui sont mal
Elle a, en progrès sur les précédeutes, reproduit
l'édition romaine des Septante, l'édition de l'Italique
par Flarninius Nobilius el la Vulgate clémentine. Elle
a produit aussi des textes nouveaux : un Psautier
pien, déjà imprimé à Cologne et à Rome, la
version éthiopienne du Cantique et du Nouveau Tes-
tament, publiée pour la première fois, et la version
persane des Évangiles, tirée d'un manuscrit de Poco
Les trois targums du Pentateuque étaient empruntés
à l'édition de Buxtorf. et la version persane de ce livre
à l'édition de Conslantinople. Le texte grec du Nouveau
Testament provenait de l'édition d'Estienne de 1550,
dont le texte n'est modifié qu'en trois passages.
Ed. lleuss. Bibliolheca N. T. grseci, p. 56. A la marge,
on lit les variantes du codex Alexandrinus, recueillies
par Huish. Les notes et les variantes, éditées dans l'ap-
pendice ont généralement peu de valeur. Gregory,
Textkritik des N. T., t. n. p. 9il-9i2. Nonobstant ces
défauts, la Polyglotte d'Angleterre reste un instrument
très utile pour l'étude critique de la Bible,
III. Polyglottes partielles ou moins importantes
FAITES AUX XVIe, XVIIe ET XVIII' SIÈCLES. — \" Le f'sn
de Justiniani. — Bien qu'imprimé après le Nouveau
Testament d'Alcala, il a été publié en 1516, avant la
Polyglotte de Xiinénès. Son éditeur, Augustin Justiniani.
religieux dominicain et évéque de Nebbio. avait projeté'
la publication d'une polyglotte qu'il ne put exécuter. Il
n'a donné que le psautier en cinq langues: Psalteri ion
hebrseum, grsecum, arabicum el chaldaicum cum
tribus latinis interpretationibus et glossis, in-i' .
Gênes, 1516- Chaque page comprend quatre colonnes,
qui contiennent, au verso, l'hébreu, sa traduction
latine, la Vulgate et le texte grec, au recto, la version
arabe, le targum, la version latine du targum el des
scolies et remarques.
2° Le Psautier de Polken. — .ban Polken, prévôl
de la collégiale Saint-Georges de Cologne, a fait impri-
mer, en 1518, un Psautier eu quatre langues : hébreu,
grec, latin et éthiopien (qu'il appelle chaldéen). Cette
version éthiopienne a été reproduite dans la Polyf
de Londres.
3° Les deux Pentateuques polyglottes des Juij
Constanlinople. — En 1546, les Juifs de Constantinople
firent imprimer le Pentateuque en plusieurs lau
Au milieu de la page se trouve le texte hébreu en gros
caractères, il est accompagné d'un côté du targum
d'Onkelos en caractères médiocres et de l'autre
paraphrase persane. En dehors de ces trois colonnes, il \
a en haut de la page la version arabe de Saa.lias (iaon.
et au bas le commentaire de Babbi Isaac Iarcbi. Les
lextes arabe et persan sont imprimés en caractères
hébreux. L'année suivante. 1517, parut dans la même
ville un autre Pentateuque polyglotte avec la meioe
disposition des textes. Le texte hébreu, qui est aussi au
milieu, est accompagné d'une traduction en grec vul-
gaire et d'une version espagnole; ces deuxtraduc
sont imprimées en caractères hébreux avec points-
voyelles. Au haut de la page, court te targum d'Onkelos
et au bas, le commentaire de .Iarcbi.
) Essais de Draconitès. — Jean Draconitès (1491
1566) avait entrepris uni' Biblia pentapla. Il n'en a pu-
blié que de courts fragments ou spécimens : les six
premiers chapitres de la Genèse, in-f", Wittemberg,
loti!!; les deux premiers Psaumes, ibid., 1563; les sepl
premiers chapitres d'Isaïe, Leipzig, loti:;; les Provi
Wittenberg, 1564; Malaehie, Leipzig, 1561; Joël. Wit-
temberg, 1565; Zacharie, ibid., lôtiô; Michée, ihid.. 1565,
Ces textes étaient imprimés en cinq langues : hébreu,
chaldéen, grec, latin, version allemande de Luther. Par
une disposition bizarre, ces cinq lextes sont superposi B
ligne par ligne. Les Septante, la Vu h He et la traduction
allemande sonl corrigés d'après lie bien. Les passages
messianiques sont en encre rouge. Un commentaire esl
encore au-dessous de ces cinq lignes du texte,
suite est de la sorte maladroitement interrompue.
5" /.« Polyglotte de Bertram, ou de Heidelberg. — Un
calviniste d'origine française, Corneille-Bonaventure
Bertram. professeur d'hébreu à t'.enève (1566-1581). puis
525
POLYGLOTTES
526
prédicateur à Frankenthal, morl en 1591, publia une
Biblia sacra, hebraice. grsece et latine-, i in-f". Heidel-
berg, 1587. Elle ne contenait que l'Ancien Testament en
hébreu, en grec, avec la Vulgate et la version de Pa.
gnino. Dieu que le titre ajoute : Omnia cum éditions
Complutensi diligenter collala, l'édition n'est qu'une
reproduction de la Polyglotte d'Anvers; elle lui a em-
prunté aussi les deutérocanoniques de l'Ancien Testa-
ment. Une deuxième édition parut en 4599. Latroisiè
faite chez Commelin, en 1616. comprend en outre le
Nouveau Testament avec la version latine d'Arias Mon-
lanus, le tout emprunté encore à la Polyglotte d'Anvers.
Voir Ed. Reuss, Bibliotheca A". T. gi'seci, p. 78-79. Ce
n'est donc pas une Polyglotte pour le Nouveau Testa-
ment. Comme cette Cible contenait des notes de Valable.
on l'appelle parfois la Bible de Valable.
6° La Polyglotte d'Hambourg.. — On la rencontre
rarement complète. Elle comprend : 1. le texte hébreu
de la Bible hébraïque d'Elie llutter. in-f", 15S7, dont
la date est remplacée par celle de 1596, et dans laquelle
les lettres de la racine sont typographiquement distin-
guées des autres caractères; 2. l'édition de David
Wolder qui contient en 6 in-f" et sur quatre colonnes
le texte grec de l'Ancien et du Nouveau Testament, la
Vulgate. la traduction latine de l'Ancien Testament par
Pagnino et celle du Nouveau par Théodore de Bèze,
enfin la version allemande de Luther. Les deux ouvrages
sortent des presses de Jacques Lucius, à Hambourg, 1596.
Le texte grec du Nouveau Testament est emprunté, sauf
de rares modifications, à l'édition de Samuel Sellisch,
in-8°. Wittenberg, Io83. Cf. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T.
graeci, p. 63-64. Cette Polyglotte, qui est très imparfaite,
ruina son éditeur, bien que le gouvernement danois
ait obligé toutes les églises du Schleswig à l'acheter.
7° Les Bibles de llutter. — Êlie Hutler. ancien pro-
fesseur d'hébreu de l'électeur de Saxe et imprimeur à
Nuremberg, avait la passion des Polyglottes. Il en pu-
blia plusieurs qui sont toutes imparfaites. — 1 - Il avait
commencé un Ancien Testament en six langues et en
quatre éditions différentes. Le seul volume paru, in-f",
Nuremberg, 1599, comprend six textes en six colonnes.
Sur la page de gauche, on trouve l'hébreu entre le tar-
gum et le grec, le tout d'après la Polyglotte d'Anvers;
sur la page de droite, il y a la version allemande de
Luther entre la Vulgate et une autre version récente,
qui diffère selon les exemplaires, destinés à des nations
différentes. La sixième colonne, en effet, reproduit, ou
bien la version slavonne de l'édition de Wittemberg,
ou bien la traduction française de Genève, ou bien la
version italienne de Genève, ou bien la version saxonne
faite sur la traduction allemande de Luther. Ce volume
ne dépasse pas le livre de Ruth. — -2. Un Psautier hé-
breu, grec, latin et allemand, in-8", Nuremberg, 1602.
— 3. Un Nouveau Testament en douze langues, 2 in-f",
Nuremberg. 1599. Les douze textes sont disposés sur six
colonnes de la manière suivante : Au verso, dans la
1" colonne, la version syriaque de l'édition de Trémé-
lius. 1569 (l'auteur a suppléé les passages manquants :
le récit de la femme adultère, le verset des témoins cè-
les quatre Epitres catholiques et l'Apocalypse,
qu il a traduits en syriaque d'après le grec), avec la
ver ion italienne, de Bruccioli, 1526, l'une sous l'autre,
verset par verset; dans la 2e colonne, un texte hébreu
que l'éditeur avait fabriqué, imprimé en caractères de
deux sortes, et la traduction espagnole de Cassiodore
Reina. 1569; d ins la 3e, le grec et la version française
de Genève, de 1588. Au recto, la 1" colonne contient
la Vulgate et la version anglaise de 1562, la 2«, la ver-
sion de Luther et la traduction danoise de 1589, et la
3e, la version bohémienne de 1693 et la version polo-
naise de 1596. I lutte i- reproduisit l'Epi Ire aux Laodicéens
qu'il avait lui-même traduite en grec sur le texte latin.
Cette œuvre n'a aucun caractère scientifique, et rien
n'égale l'audace et l'arbitraire avec lesquels l'éditeur
constitue ses texles. Pour le grec du Nouveau Testa-
ment, il n'a pas tenu compte des règles critiques, mè-
l.mi les leçons anciennes à sa guise et en fabriquant
impudemment en conformité avec les doctrines luthé-
riennes. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grœci, p. 105-
106. — i. Un autre Nouveau Testament en quatre lan-
gues : hébreu, grec, latin et allemand, emprunté au
précédent sans grandes modifications, in-l°, Nurem-
berg, 1602. On en fit un nouveau titre en 1615, pour
représenter une soi-disant édition d'Amsterdam, chez
.1. Walschaert. Ed. Reuss, op. cit., p. 106. — 5. Hutter
a édité aussi quelques prophéties et les quatre Evan-
giles en douze langues.
8° La Polyglotte de Reineccius ou de Leipzig. —
Chr. Reineccius. curé de Weissenfels, prépara une
nouvelle Polyglotte en quatre langues, qui parut à
deux époques assez éloignées l'une de l'autre. Le Nou-
veau Testament fut édité, in-f". à Leipzig, en 1713.
sous ce titre : Biblia sacra quadrilinguia N. T. A la
suite d'une préface de Reineccius et de prolégomènes
en allemand, tirés de Luther, les textes sont imprimés
sur cinq colonnes parallèles. Sur la page de gauche,
se trouve le texte grec entre la version syriaque et une
traduction en néo-grec; sur la page de droite, on lit la
version latine de Sébastien Schmid et la version alle-
mande de Luther. Les passages parallèles sont indiqués
à la marge extérieure; des variantes grecques et alle-
mandes, celles-ci prises à la première édition de Lu-
ther avec îles notes marginales de Luther et des anno-
tations de Reineccius, sont au bas de la page. En
appendice, se trouvent des additions critiques et exé-
gétiques de diverse nature. Le texte grec, qui ressemble
souvent à celui de Pritius, mêle les leçons de Robert
Estienne et des Elzévier. Il a été souvent réédité à part.
Ed. Reuss, op. cit., p. 157-159. L'impression de l'An-
cien Testament était déjà commencée en 1713, mais
elle subit de longs retards. Quand elle fut fort avancée,
en 17'i-7, l'imprimeur fit un nouveau titre au Nouveau
Testament, et enfin, trois et quatre ans plus tard, en
1750 et 1751, parut l'Ancien Testament en 2 in-f». Ces
volumes contiennent le texte hébreu, le texte grec des
Septante, la version latine de Schmid et la version
allemande de Luther.
IV. Projet d'une nouvelle Polyglotte par Richard
Simon. — En 1678, dans son Histoire critiquedu Vieux
Testament, édit. de Rotterdam, 1685, p. 521-522, Ri-
chard Simon avait esquissé le projet d'une nouvelle
Polyglotte, qui ne serait qu'un abrégé de la Polyglotte
de Londres. Au lieu d'imprimer, dans des volumes
lourds, difficiles à manier et chers, toutes les anciennes
versions, il ne reproduirait que les variantes de celles
qui sont dérivées. Par conséquent, la nouvelle Po-
lv glotte ne devait être composée que de trois textes
complets : le texte hébreu, la version des Septante et
la Vulgate latine. Le P. Simon avait d'abord pensé y
joindre Vllala d'après l'édition de Flaminius Nobi-
lins. Il ne voulait éditer ni le Penlaleuque samaritain,
ni la version samaritaine, ni les targums; leurs va-
riantes auraient seulement été indiquées a la marge en
face de l'hébreu. Les autres targums, qui sont plutôt
des commentaires que des versions, pourraient être
négligés, sauf à noter à la marge leurs leçons propres.
Quant aux autres versions, leurs variantes seraient
signalées en face de l'hébreu pour celles qui dérivent
.le ce texte, ou en face îles Septante pour celles qui en
suivent le texte. De celles qui sont mixtes, comme la
version syriaque remaniée d'après les Septante, on ne
noterait que les leçons vraiment spéciales. Les variantes
latines accompagneraient aussi la Bible clémentine.
Retiré' à Dieppe, des 1681, Simon avait préparé l'An-
cien Testament conformément à ce plan. Il avait pris
un exemplaire de la Polyglotte de Wallon, et au moyen
527
POLYGLOTTES
528
de bandes de papier collées, il avait couvert ce qu'il
voulait omettre, et écrit ce qu'il désirait ajouter ou
substituer. En 16S'r, sous forme de lettre adressée à
Ambroise par Origène, il développait son projet : No-
vnrum Bibliorum polyglotlorum synopsis, in-S",
L'treclit, datée du 20 août 1081. Il aurait mis aussi au
bas des pages les passages conservés des versions
d'Aquila et de Symmaque et différents des Septante.
Dans une réponse d'Ambroise à Origène : Ambrosii ad
Origenem epistola de m, ris Bibliis polygloltis, datée
du 1" décembre I68i, in-8", Utrecht, 1685, il annonce
que sa Polyglotte serait heureusement complétée par
un dictionnaire et une grammaire hébraïque, dont il
dressait le plan. Cf. Bayle, Nouvelles de la République
des lettres, octobre 1684, art. 13, t. i, p. 153-155; jan-
vier 1685, art. 9, t. i, p. 209-211; Journal des Sçavans,
30 juillet 1685. Voir aussi H. Simon. Réponse de Pierre
Ambrun, ministre du sainl Evangile, à l'Histoire cri-
tique ilu Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 48.
Ce projet fut loué par Le Clerc et blâmé par Jurieu.
Au premier, qui sous le pseudonyme de Cristobulus
Hierapolitanus, écrivit à Origène une longue lettre
latine, datée du 4 novembre 1684, publiée partielle-
ment par R. Simon, Réponse au livre intitulé : Sen-
timent de quelques théologiens de Hollande sur l'His-
toire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1686,
p. 2-5, et intégralement par Le Clerc, Défense des Sen-
timent, etc., 1686, p. 421 sq., Simon demanda des
conseils et des renseignements dans un billet en fla-
mand, traduiten français dans la Réponse au livre, etc.,
p. 5-6. Jurieu, de son coté, avait attaqué le projet de
Simon dans son livre sur V Accomplissement des pro-
phéties. Simon répliqua violemment. Réponse à la
Défense <les Sentiment, etc., Rotterdam, 1687, p. 194-
198. Il continua la préparation de cette Polyglotte, qui
devait être complète en un seul volume. Si elle n'a pas
été imprimée, ce ne fut pas, comme l'a dit le Père Le-
long, parce qu'aucun imprimeur n'a voulu en faire la
dépense; ce fut seulement parce qu'il ne s'en trouva
aucun assez habile pour imprimer un ouvrage qui exi-
geait, sur la même page, tant de caractères différents.
La première feuille fut imprimée; elle fourmillait de
tant de fautes qu'il fut impossible de les corriger, It.
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclé-
siastiques, Paris, 1730, t. Il, p. 449-450. Quand 11. Si-
mon écrivait ce dernier ouvrage, la meilleure partie de
la copie de sa polyglotte était prèle. Son travail passa,
après sa mort, à la bibliothèque du chapitre cathédral
de Rouen, à qui il avait légué ses manuscrits. L. Bat-
terel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire
de l'Oratoire, édit. Ingold et Bonnardet, Paris, 1905,
t. iv, p. 273-275; Saas, Notice des manuscrits de la bi-
bliothèque de l'Église métropolitaine de Rouen, in- 12,
Rouen, 17i(i, p. 41 sq.; A. Bernus, Richard Simon
et son Histoire critique du Vieux Testa/ment, Lausanne,
1869, p. 29, 107. Le manuscrit dont des parties man-
quaient déjà en 1746, ne se trouve pas à la bibliothèque
municipale de Rouen, qui a hérité des autres manus-
crits de Richard Simon.
V. Polyglottes manuelles pi bliées ai- xix* et ai'
xxe siècle. — 1° La Polyglotte de Bagster. — L'édi-
teur anglais Bagster a donné au publie : lliblia sacra
Polyglotta lextus archetypos versionesque prsecipuas
ah Ecclesia anliquilus reeeptas neemm rersiones re-
centiores, 2 in-f°, Londres, 1831. Après îles prolégo
mènes dus à S. Lee. cette Polyglotte reproduit en petits
caractères l'hébreu de Van (1er iluoght, le Pentateuque
samaritain de Kennicott, les Septante, la Vulgate, la
Peschito, le texte grec du Nouveau Testament (édition
de Mill), les traductions, allemande de Luther, italienne
de Diodati, française d'tiMcrwnld, espagnole de Scio et
la version anglaise dite autorisée. Elle a été rééditée
sous ce titre : Bagster' s Polyglot Bible in eigltt lau-
gtiages, 2 in-f". Londres, 1874. Elle ne comprend que
les livres protocanoniques. Ragster a aussi publié
Hexapla Psalter, in-4". I8i3, contenant les Psaumes
en hébreu, en grec, en latin, Psalterium hebraicumet
gallicanum, de saint Jérôme et deux divisions anglaises.
2" l.a Polyglotte de Stier el de Theile. — Stier et
Theile ont publié une Polyglotte manuelle : Polyglot-
ten-Bibel zuin praktischen Handgebrauch, 4 in-8" en
6 parties, Bielefeld, 1846-1855. Elle contient, pourl'An-
cien Testament, l'hébreu, les Septante, la Vulgate et la
version allemande de Luther, et pour le Nouveau, le
grec, avec linéiques variantes, le latin et l'allemand.
Elle a eu plusieurs éditions dont la dernière date de
1890. Dans les trois premières qui ontété stéréotypées,
la quatrième colonne, pour le Nouveau Testament, est
remplie île variantes de diverses traductions allemandes.
Dans la quatrième (1855) et la cinquième 1858), cette
colonne est occupée par une version anglaise. Dans
l'édition de 1875, on a ajouté en appendice les princi-
pales variantes du Sinaiticus. Sur la constitution du
texte grec du Nouveau Testament, voir Éd. Reuss. Bi-
liliolheca N. T. grseci, p. 265. Ce lexte diffère peu du
texte reçu. L'hébreu, revu par Bôckel et Landschrei-
ber, n'est pas 1res bon. Les deutérocanoniques manquent.
3° Biblia tetraglotta de Bunsen. 1859. sous la direc-
tion de Lagarde, est demeurée à l'état de projet .
1 Ed. de Levante a publié une llexaglotte et une
Triglotle ; Hexagloll Bible, comprUing the holy Scri-
plures of the Oldand Neiv Testament,^ in-4", Londres,
1876, qui contient l'hébreu, les Septante, la version sy-
riaque du Nouveau Testament, la Vulgate, la vei
anglaise autorisée, une version allemande et une ver-
sion française; Biblia Triglotta continent Script
sacras Veteris el Novi Testamenti, - in-i". Londres.
1890, qui est un extrait de l'Hexaglotte et qui contient,
pour l'Ancien Testament, l'hébreu, les Septante et la
Vulgate, pour le Nouveau, le grec, la Peschito et la
Vulgate. Les livres deutérocanoniques en sont absents.
5° M. Vigouroux a entrepris la publication d'une Po-
lyglotte catholique el française ; La sainte Bible Poly-
glotte contenant le laie hébreu original, le texte grec
des Septante, le texte latin de la Vulgate et la tra*
duction française de M. l'abbé Glaire, avec les diffé-
rences de l'hébreu, des Septante et de la Vulgate.
îles introductions, des miles, des cartes et des illustra-
titms. Elle formera 8 in-8» dont six, contenant toul
l'Ancien Testament, et le septième comprenant lesEvan-
giles et les Actes, ont déjà paru. Paris, 1898-1908, Les
textes sont disposés sur quatre colonnes, avec notes et
variantes au bas des pages. Le texte hébreu a éle n
prunté a l'édition stéréotypée de Stier et de Theile (texte
de Van der Hooghi, revu par Ilahn et Theile). Le texte
des Septante est celui de l'édition romaine de I5S7. avec
quelques additions tirées de la Polyglotte d'Alcala. Des
Signes, introduits dans le texte, indiquent les lacunes,
les additions et les divergences les plus notables rela-
tivement à l'hébreu. Au bas de la colonne sont les prin-
cipales variantes de ['Alexandrinus, du Sinaiticus, de
1 ' IÇ/ilicn initiais, etc. La Vulgate clémentine est conforme
à la réimpression officielle, faite à Turin en 1881. La
traduction française de Glaire esl accompagnée de notes.
A partir du t. n, les variantes grecques sont plus nom-
breuses, on trouve en plus celles de l'Ambrosiamu et
du l'urisinus, n. 8, du liuislmiiiuiis \ 111 pour Tobie,
du Marc/ialianus pour les prophètes; un double texte
grec pour certains passages de Tobie et de Judith, avec
les variantes pour le reste de Tobie el pour Esther; les
parties, récemment retrouvées, du texte hébreu de l'Ec-
clésiastique. Les Epitres et l'Apocalypse seront B te
nues dans le t. VIII.
6" Indiquons enfin quelques Polyglottes partielles ;
Tischendorf, Novum Testanicniuni triglottuni, in-8°,
Leipzig, 185! ; 2« édit., ibid., 1805, a publié le texte
529
POLYGLOTTES
POMMIER
530
grec avec des variantes, la revision de saint Jérôme
d'après les manuscrits avec les leçons différentes delà
Vulgate clémentine et la'version allemande de Luther,
revue sur les premières éditions; He.ragjoll Bible de
Cohn. 1856-1S59, jusqu'aux Nombres; 1868, tout le Pen-
tateuque; Hexaglot Pentateuch de Robert Young,
Edimbourg, 1851 : textes samaritain, chaldéen, syriaque
et arabe des cinq premiers chapitres de la Genèse ;
Parabola de seminatore ex Erangelio Matthsei, in
LXXJI Europeas linguas ac dialectes versa, ac Roma-
nis characteribus expressa, Londres. 1857 (édition pri-
vée du prince L.-C. Bonaparte
Sur les Polyglottes, voir Richard Simon, Histoire
critique du Vieux Testament, in-S". Rotterdam. 1685.
p. 514-522; P. Lelong, Discours historique sur les
principales éditions des Bibles polyglottes, ïn-12, Pa-
ris, 1713: ld., Bibliotheca sacra, in-fol., Paris, 17-2,!.
t. i. p. 1-47; dom Cathelinot, Bibliothèque sacrée,
part. III, a. 1. dans le Dictionnaire de la Bible de dom
Calmet, Paris, 1730. t. iv, p. '297-302; G. Outhuys,
Geschiedkundig verslag der voornaamsle uitgaven van
het Biblia Polyglolta, in-8», Franeker, 1822; Brunet,
Manuel du libraire, Paris, 1860, t. i, col. 8i9-8ôi; En-
cyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger,
t. x, p. 676 sq. (art. Polyglottes de S. Berger); F. Vi-
goureux. Manuel biblique, 12e édit . , Paris, 1906, t. i,
p. 260-261; Ch. Trochon, Introduction générale, Paris,
1886, t. i,p. 449-455; R. Cornely, Introductio generalis,
2 < dit., Paris, 1894. p. 527-532: Realencyclopâdie fur
protestanlische Théologie und Kirehe, t. xv. p. 528-535.
E. Mangenot.
POLYPE, zoophyte à longs filaments mobiles. Voir
Corail, t. n, col. 955.
POMARIUS. Voir Baujjgarten 2, t. i, col. 1518.
1. POMME. Voir Pommier.
2. POMME DE SODOME. Voir JÉRICHO, t. m,
col. 1291 et fig. 226, col. 1290.
POMMIER (hébreu : tappûah; Septante : [»jXov;
Vulgate : malum), arbre fruitier de Palestine.
I. Description. — Cet arbre a donné son nom à une
tribu de Rosacées dont il est le type, les Pomacées, à
120. — Malus communis.
fruit comprenant, outre les carpelles soudés à son
centre, une enveloppe charnue formée en partie par le
réceptacle ou le tube du calice. Son sommet porte une
dépression ou œil limité par les sépales ou par la trace
de leurs cicatrices. Dans les vrais Malus chacune des
5 loges de l'ovaire renferme seulement deux ovules,
alors qu'ils sont nombreux dans les Cognassiers. Au-
tour de la graine ou pépin l'endocarpe est cartilagi-
neux au lieu d'être osseux comme dans les Xétliers,
ou totalement charnus comme dans les Poiriers. Enfin
le pédoncule s'insère dans une cavité basilaire de ce
fruit qui est ainsi ombiliqué, avec une forme généra-
lement déprimée.
Les Pommiers sont originaires de toute la région
silvatique de l'Ancien Monde. Mais l'espèce la plus ré-
pandue en Europe à l'état spontané, le Malus acerba,
semble manquer dans la région orientale, où l'on ne
trouve que le M. Communis (fig. 120) (.1/. mitis de
Wallroth) caractérisé par ses feuilles cotonneuses
en dessous, ainsi que les sépales. Ces deux types croi-
sés entre eux et améliorés par la culture ont donné
naissance à toutes les nombreuses races de nos
vergers. F. H Y.
II. Exégèse. — Le tappûah se présente plusieurs fois
dans la Bible, trois fois comme arbre, Cant., n, 3;
vin, 5; Joël, 1,12, et trois fois comme fruit de cet arbre,
Cant., n. 5; vu, 9 (Vulgate, 8); Prov., xxv, 11. Ce mot se
rencontre aussi comme nom de ville, Tappûah, Jos., xn,
17; xv, 34; xvi, 8; xvn, 8, ou sous la forme Bet Tap-
pûah, Jos., xv, 53. Dans les textes cités, le tappûah est
un arbre à l'ombre duquel on peut se reposer, Cant. Il,
3 ; vm, 5; un arbre rangé à côté du figuier, du grena-
dier, du palmier, de ces arbres cultivés qui se des-
sèchent au jour des calamités. Joël., i. 12. Son fruit est
doux à la bouche. Cant.. Il, 3; et répand une suave
odeur (d'où lui vient son nom, racine nafah). Cant., vu,
9. Ce fruit réconforte et rafraîchit. Cant.. n, 5. Ces
différents caractères conviennent bien au pommier,
qu'on rencontre en Palestine dans les vergers, près des
habitations, et dont le fruit est toujours très apprécié
pour son goût et son odeur. D'autre part les Septante
et la Vulgate ont toujours traduit par jj.?,).ov oumalum.
L'arabe -AjL), tiffah, qui évidemment rappelle étroite-
ment le tappûah hébreu, signifie toujours la pomme,
et rien que la pomme. Pour désigner un autre fruit,
il faut ajouter une épithète, par exemple, tiffah ar-
niiny, pomme d'Arménie, l'abricot; lifjah parsy, pomme
de Perse, la pèche; tiffah main, pomme de Mali, le
citron. Du reste les abricotiers et les pêchers ne furent
implantés qu'assez tard en Palestine, sous la domina-
tion grecque. Or certainement, d'après Joël, i, 12, et
les noms de lieux chananéensoù entre le tappûah, cet
arbre était connu en Palestine beaucoup plus ancien-
nement. Le pommier avait été importé en Egypte à
une époque reculée, et probablement du pays de Cha-
naan. Rarnsès II fit planter des pommiers dans ses
jardins du Delta. V. Loret, Recherches sur plusieurs
plantes connues des anciens Égyptiens, V. le Pom-
mier, dans Recueil de travaux relatifs à la philo-
logie et archéologie égyptiennes, t. vu, p. 113. Rarn-
sès III, pour les offrandes journalières des prêtres de
Thèbes, leur fit présent de 848 paniers de pommes.
La culture de cet arbre était alors très répandue en
Egypte et encore maintenant on le rencontre aux envi-
rons de Miniéh. V. Loret. La flore pharaonique,^ édit.,
p. 83. Le nom égyptien d'aillleurs a probablement été
emprunté aux peuples de Syrie en même temps que
l'arbre et il rappelle le tappûah hébreu et le tiffah.
arabe : ■ 8 t. Dapih, pommier, et II , , Dapih,
pomme, nom qui est devenu •s.eriHg ou xHixeg,
Djepeli en copte; et dans les anciens lexiques coptico-
arabes, ce mot est rendu par tiffah, u,î$ov. La traduc-
tion tappûah, « pomme, pommier, » parait donc bien
établie; et il n'y a pas de raison de chercher une au-
tre identification, lorsque toutes sont sujettes à plus
de difficultés. Aussi la tappûah n'est pas l'abricot
comme le veut H. Tristram, The nalural Hislory of
the Bible, 8« édit., in-8<>, Londres, 1889, p. 335 ; ce
531
POMMIER
PONCTUATION HEBRAÏQUE
532
fruit est du reste d'importation plus récente, et ne
répond pas parfaitement aux caractères du tappûah.
Cf. t. i, col. 91. Ce n'est pas davantage le coing, comme
le voudraient 0. Celsius, Hierobolanicon, in-12, Ams-
terdam. 1818. p. 254, 267 et E. F. K. Rosenmûller, Hand-
but'h Oer biblischen Alterthutnskunde, t. îv, p. 308-
312. cf. t. il. col. 826 : ce fruit acerbe et acide au goût
ne répond pas parfaitement à la description du tappûah
dans les textes bibliques. C'est encore moins l'orange,
qui ne fut connue dans la région méditerranéenne que
postérieurement à 1ère chrétienne. Bien que plu- an-
ciennement connus en Palestine, le cédratier et le ci-
tronnier ne paraissent avoir été importés qu'à l'époque
de la captivité de Sabylone; du reste leurs qualités ne
permettent guère de les identifier avec le tappûah
biblique. Cf. t. Il, col. 371. 793. Reste donc le pom-
mier, comme l'arbre le plus anciennement connu
(même avant l'introduction des Hébreux en Palestine)
de tous ceux qu'on veut identifier au tappûah et son
fruit a bien les caractères marqués dans les textes.
On peut cependant mettre à part le tappûah des
Proverbes, xxv, 11.
Comme des pommes d'or sur des ciselures d'argi
Ainsi une par->le d;te â propos.
L'épithète d'or pourrait changer la signification et
marquer qu'il ne s'agit pas d'un simple tappûah. mais
d'un fruit qui lui ressemble, aux couleurs plus dorées,
par exemple le citron, le cédrat, l'orange. 11 n'est pas
nécessaire alors que les caractères du tappûah ordi-
naire lui conviennent. Mais reste la difficulté de l'époque
tardive pour l'introduction de ces plantes en Palestine
surtout relativement à l'oranger. Il est vrai qu'il n'esl
pas nécessaire alors d'admettre que les arbres eux-
mêmes y aient été transplantés, il peut s'agir de la
simple importation du fruit. 11 faut dire aussi que
dans ce tappûah d'or on peut encore voir la pomme.
E. Leyesque.
PONCE grec : lltfvTco;; Vulgate : Ponlius), nom de
famil de Pilate, qui le rattache par origine ou par
adoption à la gens Pontia, très connue dans l'histoire
romaine. Matth., XXVII, 2; Lue., m, 1; Act.. IV, 27;
I Tim.. vi. 13. Voir Pli mi . col. 129.
PONCTUATION HÉBRAÏQUE. - 1. Sa nature
El SES différentes ESPÈCES. — On traitera, sous ce
nom, de l'ensemble des points ou signes que les anciens
rabbins ont inventés pour transmettre d'une manière
plus certaine la prononciation du texte hébreu de la
Bible, et aussi pour aider à mieux comprendre le sens
des Saints Livres, en indiquant les relations des mots
entre eux. Avant celte invention, les consonnes étaient
seules tracées sur les manuscrits; il fallait donc possé-
der une connaissant' parfaite de la langui In l raique
pour lire aisément le texte sacré el pour suppléer exac-
tement les voyelles. Lorsque l'hébreu fut devenu une
langue morte, on sentit peu à peu le besoin de faciliter
aussi de fixer la signification d'un
.i ind nombre de mots, en joignant aux consonn
signes qui représenteraient soit les voyelles, soit la
ponctuation. Ceux qui ont créé ce système très com-
plexe, composé de signes multiples, n'ont pas touché
au texte même de la lîible, tel qu'il s'était transmis
avant eux de génération en génération. Ils n'ont rien
Changé aux consonnes, qui, jusqu'alors, avaient été
seules reproduites par l'écriture : tous les signes nou-
veaux ont été insérés soit dans l'intérieur des lettres
primitives, soit au-dessus d'elles, soit au-dessous, soità
Côté, parfois aussi dans la ligne même, entre les mots.
Ces signes sont de plusieurs sortes. On distingue :
1" Ceux qui sont destinés à marquer les voyelles, les
punir- comme on disait autrefois, ainsi
nommés parce que beaucoup d'entre eux — c'était
même le cas pour la plupart, à l'origine —consistent
en un ou plusieurs points groupés de différentes ma-
nières : par exemple, tséré, ou e long, ~ . Les anciens
grammairiens juifs les appelaient pource motif niqqûd,
de la racine niqgêd, ponctuer; par conséquent, ponc-
tuation. De là vint aussi, pour leurs inventeurs, le nom
de punclatores, ponctuateurs. — 2° H existe une autre
série de signes, qui servent à des tins diverses, et qu'on
désigne parfois en général par le nom de points dia-
critiques. Ce sont : — a) le daguesch, point dans l'inté-
rieur de la leltre. pour montrer que celle-ci doit être
redoublée ou fortifiée dans la prononciation; — b) le
point qui sert à différencier lejtn, », d'avec le s«n,w,
suivant qu'il esl placé à droiteou à gauche de la lettre;
— c) le ràphêh, trait horizontal qu'on met an-dessous
d'une consonne, pour marquer qu'elle n'a pas le son
fort;— d le mappîq, semblable au daguesch, mais qui
ne se place guère que dans le hé final, ". pour indi-
quer que cette lettre doit alors se prononcer comme
un li aspiré; — e) les signes £. ou *, puncla
itaria qu'on rencontre fréquemment à travers le
texte biblique original el qui correspondent à des notes
placées soit au bas de la page, soit en marge, les-
quelles marquent le qeri et le ketib. — 3° 11 y a enfin
les signes qui représentent la ponctuation proprement
dite. Comme il a été déjà traite, t. ni. col. 467-469,
504-507, des signes relatifs à la vocalisation, c'est-à-dire
de ceux qui ont été mentionnés au I» et au 2°, il ne
sera question ici que de la ponctuation dans 1>
strict de l'expression.
II. La ponctuation hébbaïqi e PROPREMENT DITI i I
ses divers i:i ts. — Ici encore, il esl nécessaire d'éta-
blir une distinction, car les signes ou accents spéciaux
dont nous allons parler servent tout à la fois à
tins différentes. — a) Pour la lecture ordinail
marquent l'accent tonique, c'est-à-dire la syllabe qui
doit être mise en relief dans la prononciation
toujours la dernière ou l'avant-dernière, le plu-
vent la dernière. Voir t. ni, col. -472. — b\ Pour la lec-
ture modulée de la Bible, cantillalio, telle qu'elle a
lieudans les synagogues, ces accents indiquent I
rations el les chutes de la voix, chacun d'eux équiva-
lant à une sorte de neume, qui se compose de plusieurs
note, de musique toujours les mêmes. — c) Ils ■-
quenl enfin la ponctuation des phrases, sujet que nous
avons seul à traiter ici. En hébreu, les accents, en t.mt
qu'ils servent à cette fin. portent le nom expressif de
ta a,,i, ■ goût. i au pluriel te âtllit», paire qu'ils donnent
pour ainsi dire du goûl .i la phrase.
III. ( H; loi M DES ACCENTS DESTINÉS V i \ POKI TIATiON
in hébreu. — Ce système de signes, avec les règles
multiples qui le dirigent, suppose, comme celui de la
vocalisation auquel il se rattache de très près, un travail
de longue haleine. De nombreux savants Israélites >
prirent part, car il se prolongea pendant plusieurs
siècles. — Au moyen âge, les Juifs croyaient g< nérale
nt que l'accentuation et la vocalisation du texte
hébreu de la Bible remontaient jusqu'à Ksdras el à ce
qu'on appelait la o Grande Synagogue t. Cetle opinion
avait encore des adhérents au xvii sieele. parmi les
hébraîsants chrétiens, comme on le voit parla discus-
sion très \ ive qui eut lieu sur ce point entre Louis Cap-
pel, cpii li rejetait, et les deux Buxtorf, qui t'acceptaient.
Voir t. I, col. 1982. t. 11. col. 219; .1. Sel.iiedenn.inn.
ontroverse ''es Ludovicus Cappellus mit den
Buxtorfen ùber die hebr. Punclation, in-8 . Leipzig,
1879. Quelques rabbins allaient même jusqu à affirmer
que le lienl été introduits par les propl
de l'exil, el qu'ils portaient ainsi le sceau de l'inspira-
tion divine. Bien plus, plusieurs d'entre eus, entre
autres Judas Hadassi, l'un des chefs de l'école caraïte,
supposaient que les tables il,- la Loi. lorsque Moïse les
recul au sommet de Sinaï, auraient été' munies de-
533
PONCTUATION HÉBRAÏQUE
534
points-voyelles et d'accents. Voir H. Gràtz, Geschichte
der Juden von den atteste» Zetlen bis auf die Gégen-
uiart, t. v, p. 503. Au xvie siècle, le savant juif Elias
Levita protesta de toutes ses forces contre ces théories;
Louis Cappel lit de même cent ans après.
On ne saurait dire avec certitude si la vocalisation
et l'accentuation du texte sacré, c'est-à-dire l'invention
des points-voyelles et celle des accents destinés à
marquer la ponctuation, furent contemporaines. Celle-
ci est peut-être un peu moins ancienne que celle-là.
Le grammairien juif Ben-Ascher, dans son traité Dikduké
ha-Teamim, réédité en 1879 par Baer et Strack, f. 9, fait
en prose rimée l'éloge de la ponctuation biblique et men-
tionne les « points sans nombre » dont elle se composait,
mais sans dire à quelle époque il en fixait l'origine.
Il est certain du moins, et communément admis de nos
jours, que la ponctuation hébraïque proprement dite
est plus récente que saint Jérôme (\ 420), et que le
Talmud, achevé vers l'an 500 après Jésus-Christ. En
effet, ni l'un ni l'autre ne la connaissent encore, ainsi
qu'on l'a démontré par des arguments irréfutables.
Voir la dissertation de II. Hupfeld, dans les Theolo-
gische Studien und Kritiken, 1830, p. 549-590, 785-810.
Le traité Soferim, m, 7, où il est parlé pour la premier''
fois de points destinés à marquer la séparation des
versets, est postérieur au Talmud.
C'est probablement au vi" siècle de notre ère qu'il
faut placer les débuts du système de la vocalisation et
de la ponctuation hébraïques. Il se développa lente-
ment, car il ne semble avoir été complet qu'au milieu
du vnle siècle. Voir The Jewish Encyclopédie/., in-40,
New-York, t. x, 1905, p. 269. Les plus anciens manus-
crits, qui datent du IXe et du X' siècle, sont pourvus
d'accents; il en est de même, jusqu'à un certain point,
des fragments hébreux de l'Ecclésiastique, récemment
découverts en Egypte. Cf. la Revue des Éludes juives,
Paris, t. XL, n. 79, année 1900, p. 1-36; A. E. Cowley et
A. Neubauer, The original Hébreu' of a Portion of Ec-
clesiaslicus, in-f", Oxford, 1897.
D'après une hypothèse ingénieuse, mais peu vrai-
semblable, de M. Joseph Derenbourg, dans la Revue
critique, nouvelle série, t. vu. 1879, p. 453-461, le sys-
tème de la ponctuation hébraïque se serait élaboré tout
entier dans les écoles primaires juives, à l'époque in-
diquée plus haut, et serait l'œuvre des maitres d'école,
qui auraient inventé ces divers signes pour faciliter
aux enfants la lecture du texte hébreu de la Bible. Ce
système a une origine plus scientifique. Les hébraï-
sants s'accordent de plus en plus pour le rattacher à
celui des Syriens, inventé dès la fin du ve siècle, avec
lequel il présente de grandes analogies, et dont il pro-
vient au moins en partie. Voir P. Martin, Histoire '<e
la ponctuation et de la Massora chez les Syriens, in-8",
Paris, 1875, dans le Journal asiatique, 7e série, t. v,
p. 81-208; A. Wright, A short History of Syriac Lite-
rature, in-8,J, Londres, 1894, p. 115-116. Les Syriens
avaient eux-mêmes emprunté leurs accents aux Grecs.
D'après une autre théorie, dont H. Praetorius s'est fait
l'ardent et savant défenseur, dans son livre Die Her-
kunftder hebrâischen Accente, in-8", Berlin, 1901, la plu-
part des accents hébreux auraient pour modèles directs
la ponctuation et la neumation des Évangéliaires grecs.
En toute hypothèse, le système emprunté, soit grec,
soit syrien, ne fut pas adopté tel quel, mais remanié
et considérablement développé par les écoles juives de
Babylonie et de Palestine, qui prirent en main, de très
bonne heure, la vocalisation et la ponctuation du texte
biblique. Il existait des divergences assez grandes entre
les signes adoptés par les écoles orientales et les écoles
occidentales (celles de Palestine). Voir Babyloniens
(Petropolitanus Codex) et le fac-similé, fig. 409, t. i,
col. 1359. Nos éditions imprimées contiennent l'accen-
tuation palestinienne. — Les massorètes veillèrent sur
les signes des voyelles et des accents, avec le même soin
religieux et méticuleux que sur les consonnes, comme
on le voit par les notes nombreuses des éditions cri-
tiques de la Bible hébraïque publiées par S. Baer etFrz.
Delitzsch, in-8", Leipzig, 1869-1896, et par B. Kittel,
in-8», Leipzig, 1905-1906.
IV. IlirORTANCE DU VERSET DANS LA PONCTUATION
hébraïque. — Cette ponctuation a pour but principal, en
effet, de déterminer les rapports réciproques des mots
et des propositions, non pas précisément dans une même
phrase, comme c'est le cas pour nos langues euro-
péennes, mais dans un même verset. D'où il suit que le
verset joue un rôle essentiel dans cette sorte d'accen-
tuation, car c'est par rapport à lui qu'elle est invaria-
blement déterminée. Les punctatores ont donc commencé
par séparer les versets tant bien que mal, d'après le
sens, s'efforçant d'en faire un tout à peu près complet.
Ils l'ont ensuite divisé en deux parties, qui ne sont pas
nécessairement égales. Chacune de ces parties a été à
son tour subdivisée en deux sections plus petites, et ainsi
de suite, jusqu'à ce qu'on eût atteint des groupes
minuscules et inséparables de mots. Ainsi donc, sous
le rapport de la ponctuation, chaque verset biblique —
et notons de nouveau qu'il ne forme pas toujours ni
obligatoirement une phrase complète — est considéré,
d'après le langage imagé des anciens grammairiens,
comme un territoire, ditio, qui est dominé par le double
point final (voir plus bas), et que d'autres accents, de ■
valeur décroissante, coupent de façon à former d'autres
petits domaines secondaires, selon qu'il est plus ou
moins long.
Nous aussi, nous avons des signes disjonctifs, qui
partagent la phrase en ses différents membres; mais,
tandis qu'il nous suffit d'en posséder quatre, le point,
les deux points, le point et virgule, la simple virgule
— nous laissons de côté le point d'interrogation, le
point d'exclamation et la parenthèse, qui manquent tota-
lement en hébreu — on en rencontre près de treille
dans l'ensemble de la Bible hébraïque, sans parler du
système de ponctuation qui est propre à quelques livres
poétiques. Voir col. 535. Et non contents de séparer
ainsi parle menu les propositions et les mots, au moyen
de signes divers, les ponctuateurs en ont inventé une
seconde classe, qui, à une exception prés, le trait
d'union, fait complètement défaut dans les langues indo-
germaniques : il s'agit des accents conjonctifs, assez
nombreux aussi, qui sont destinés à unir entre eux
certains mots d'une manière plus étroite. En somme,
il n'est pas un seul mot hébreu qui ne soit muni d'un
accent quelconque, lequel le sépare du mot précédent
ou l'y rattache. — Parmi les accents qui servent à la
ponctuation, les uns sont placés sur la première con-
sonne du mot, les autres sur la dernière; pour ce mo-
tif, on donne aux premiers le surnom de prépositifs, et
aux seconds celui de postpositifs.
V. Désignation des signes de la ponctuation hé-
braïque. — On distingue, ainsi qu'il vient d'être dit,
deux grandes catégories d'accents, servant à la ponc-
tuation dans la Bible hébraïque : les distinctivi ou
disjonctifs, appelés aussi doniini, « maîtres », c'est-à-dire
principaux, à cause de leur importance considérable;
les conjunctiri ou conjonctifs, qu'on appelait encore
servi, « serviteurs », subalternes, à cause de leur
moindre utilité. D'après la savante grammaire de Kônig,
Lehrgebânde der hebrâischen Sprache, 1881, t. I,
p. 75-81, que nous avons prise pour guide principal
dans l'énumération qui suit, on en compte jusqu'à 27.
Leurs noms hébreux ou araméens se rapportent tantôt
à leur forme, tantôt aux fonctions qu'ils remplissent
soit pour rendre plus aisée l'intelligence de la phrase,
soit en vue de la cantillatio des synagogues. Nous n'en
avons donné la traduction que lorsqu'elle est morale-
ment certaine, ou de quelque utilité.
535
PONCTUATION HÉBRAÏQUE
536
Il y a d'abord les accents ordinaires, ou prosaïques,
qui sont employés dans la plupart des livres de la Bible,
écrits habituellement en simple prose; puis les accents
poétiques, qui forment un système particulier, réservé
pour les trois livres de. lob, des Psaumes et des Proverbes,
écrits en vers. Il parait singulier, à première vue, que
ce système n'ait pas été adopté aussi pour le Cantique
des cantiques; mais les rabbins ont rangé de bonne
heure ce petit livre dans une catégorie spéciale. De
pari et d'autre, nous trouverons la double classe des
accents disjonctifs et des accents conjonctifs.
A) Accents ordinaires ou prosaïques. — 1° Dans ce
groupe, les signes disjonctifs de la ponctuation sont
rangés sous quatre chefs distincts, dont les noms sym-
boliques, relativement récents, marquent la valeur tou-
jours décroissante. On distingue : — a) les [MPERA-
tores, au nombre de deux seulement : Ie le sôf pâsûk,
« lin du verset », : , toujours précédé du silli'iq, « ces-
sation », T, qui l'annonce, placé qu'il estsous la syllabe
du dernier mot du verset; 2° V'atnah, « respiration,
pause », 7, situé habituellement vers le milieu du ver-
set; — b) les reces, au nombre de cinq : 1" le zâqêf
qâtôn ou petit zâqi-f. 1". dont le nom signifie i éléva-
tion » ; 2» le zâqêf gddôl ou grand zâqêf, — : 3° le rebid ,
« qui repose », _^ ; 4° le segoltd, « grappe », i ; 5» le sal-
sélet, « chaîne ». i_ ; — c) les m ces, au nombre de cinq :
1° le paild, « inclinatio » ±; 2» le yetib, « sessio »,
' ~;3° le tifhâ , i largeurde la main », T ; 4° le tebif , t ;
5° lezarqâ', -; — d) les comités au nombre de six : 1» le
géreS, L; 2" le gerSaïm ou gcrê's double. ± ; le legarmëh,
t; 4° le pdzêr, ' J 5" le qarnépàrdh, •■ cornes de vache»,
îf ; 6» le telisâ gedôlâh ou grand telisd X, qui n'est
employé que seize fois dans la Bible.
Cela fait donc en tout, dans le système prosaïque,
dix-huit accents disjonctifs. Les « empereurs » mar-
quent toujours la fin et habituellement le milieu du
verset; les « rois » servent à diviser les deux sections
ainsi obtenues, lorsqu'elles ont une certaine étendue.
Cf. Gen., i, 22, on la première moitié du verset, qui est
forl courte, n'a aucun accent de cette espèce, tandis
que la seconde en contient, parce qu'elle est plus
longue; le contraire a lieu au verset 24. Les « ducs »
séparent les divers groupes de la phrase; par
exemple, le sujet de ses attributs, le complément et les
mots qui en dépendent. Les « comtes o ont encore un
rôle plus spécial, puisqu'ils séparent simplement 'es
petits groupes de mots.
2» On compte d'ordinaire neuf accents prosaïques
conjonctifs. Ce sont : 1° le merkd', o prolongement »,
— ; 2° le merkd kefûlâ ou double merkd', 7 ;3" le nnï-
nah, —. semblable au legarmëh; 1 le dargd', t ■ 5 le
mâhpdk, ~;60 le qadmd', appelé aussi 'azld', i; 7° le
(eliêd qetanndh ou petit tctisiï, ±; 8° le gérait, nommé
aussi galgal, 7. qui précède toujours le ptizer g à, lui
et qui, comme cet accent disjonctif, n'est employé que
seize fois dans la Bible; 9° le ma'yelà', ~- Seuls, les
mots étroitement unis par le sens, comme le nominatif
et le génitif qui en dépend, le substantif et l'adjectif
qui lui sert d'épi thète, sont relies l'un à l'autre par
un acecent conjonclif.
B) Les accrut* dits poétiques sont en partie 1rs
mêmes que les accents ordinaires, dont on vient de
parcourir la liste, et ils en diffèrent en partie. La dis-
semblance entre les deux systèmes d accentuation se
rattache moins à la ponctuation proprement dite
qu'aux modulations différentes de la voix, lorsque les
livres de .lob, des Psaumes et des Proverbes sont lus
comme partie intégrante du culte dans les sjnagogues
On en compte 20, qui se divisent aussi en deux classes
principales. — 1. Les accents disjonctifs sont : 1° le
st/iV'</ avec le se/' pâsùq, : et T : '-" le oleh veyâred,
niant et descendanl », que l'on nomme aussi
merkd' mdhpàh, parce que les deux signes dont il se
compose sont ceux qui représentent ces deux accents,
r : 3° V'atndli, — , qui a une valeur moindre que dans le
système ordinaire; i" le rebia' giidôl ou grand rebid,
_^;5° le rebid qdtùn ou petit rebia, -, semblable au
précédent, niais formé d'un point plus petit; 6° le
rebia' mngrâs, c'est-à-dire le rebid précédé du gérei,
; ± : 7» le salsrlet gedôlâh ou grand saliélet, — ; 8° le
larqà ou èinnôr, -: 9° le dehi, auquel on donne encore
le nom de tifhâ' initial ou prépositif, j; 10» le pâzêr,
Z: I \ \<),ia h i^îk legarmëh, l—;li°le'azld' legarmëh, \ y.
— 2. Les accents conjonctifs sont : 1° le mêrkd', ~ '■ 2° le
mûnâft, t; 3» le 'illûy ou mûnah supérieur, j. : 4" le
(ai /<<;, identique au dehi non prépositif. 7; 5° le géràh
ou galgal, 7 ; 6" le mahpâk, -;'" le azld, i; 8» le
SalSdlet qetanndh ou petit iaùélef, ±.
C) Le maqqêf et le méteg. — A ces divers signes de
la ponctuation hébraïque, il faut joindre le maqqêf el
le méfeg, qui s'y rattachent de très près. Le maqqêf,
lien 0, consiste en un gros trait horizontal. — , placé
en haut de la ligne, entre deux ou plusieurs mots
qu'il associe très étroitement, de sorte qu'ils sont cen-
sés ne plus former qu'une seule expression. Par ex. :
--iN-'-i. kôl-'dddm, « tout homme »; tV- -rs-'-i-rs,
ep-kôt-'âSer-lô, ■ tout ce qui est à lui ». Certaines par-
ticules, entreautres rs, signe de l'accusatif, -s.
-7. 1 sur », en sont presque toujours accompagnées.
Le maqqêf, faisant refluer l'accent tonique.vers la lin
du mot qu'il sert à créer, modifie par là-même, en les
abrégeant, les voyelles des premières syllabes de ce
mot nouveau. — Le méteg, 0 frein », a la forme d'un
petit trait vertical, placé en bas de la ligne. 7. et à la
gauche d'une voyelle. Comme son nom l'indique, il
l'attention du lecteur, qu'il averti! de ne pas
glisser trop rapidement sur la syllabe ainsi notée 11
marque aussi un accent tonique secondaire. I! a par-
fois une importance spéciale pour la prononciation de
certaines voyelles; par exemple, pour distinguer e
1 long de i bref, etc.
VI. Quelques remarques sub ces divers accents. —
1. Ce double système de ponctuation est. on le voit,
assez compliqué, non seulement à cause du grand
nombre des signes employés, mais encore parce que
plusieurs de ces signes sont identiques, ou presque
identiques enlre eux, et aussi parce que, insérés à
travers les voyelles, ils rendent tout d'abord la lec-
ture plus difficile. Heureusement, il n'est pas néces-
saire d'en avoir une connaissance approfondie pour
bien comprendre le texte original de l'Ancien Testa-
inent. Pour l'hébraïsant ordinaire, il suffit d'être
familiarisé avec les accents principaux. Leur multipli-
cité même montre, à elle seule, que plusieurs d'entre
eux ne peuvent avoir qu'une infime valeur; souvent
ils n équivalent pas même au quart d'une de nos vir-
gules.
2. Lorsqu'on étudie la ponctuation hébraïque dans le
détail, on est forcé d'admettre qu'elle est réellement
ingénieuse, tout en demeurant subtile et complexe.
Le choix des accents, soit disjonctifs, soit conjonctifs.
a été déterminé' d'avance par les ponctuateurs el les
grammairiens ; tel accent conjonctif ne peut s'employer
qu'avec tel accent disjonctif, à l'exclusion de tout autre,
el réciproquement.
:;. si quelques-uns de ces signes ont la même forme
ou ressemblent à une voyelle — c'est le cas pour le
rebia, qui est identique au cholem, c'est-à-dire à Vo
— leurs inventeurs ont pris soin qu'on ne put pas
aisément les confondre. C'est ainsi que. dans le sys-
tème ordinaire ou prosaïque, le pastd, i,est placé' »u-
dessus de la consonne qui termine le mot, tandis que
le qadmd', qui lui est identique, est mis sur la pre-
mière' consonne de la syllabe accentuée. De même, le
yetib, —, est placé' à droite et au-dessus de la première
537
PONCTUATION HEBRAÏQUE — PONT
538
consonne, tandis que le mahpdk, qui lui est entière-
ment semblable, est mis à gaucbe de la syllabe qui
porte l'accent tonique, etc.
4. Les principaux signes de ponctuation entraînent
souvent des changements dans les voyelles auprès
desquelles ils sont placés. Tantôt ils les allongent,
tantôt ils les abrègent, suivant les circonstances. Les
grammaires un peu complètes donnent les règles de
ces changements. — Il arrive çà et là que le même
accent est employé plusieurs fois de suite dans un
membre de phrase. Cf. Gen., i, 20, dans la première
moitié du verset. Il perd alors graduellement de sa
force, au fur et à mesure qu'on avance dans la phrase.
VII. Utilité de ce système de ponctuation. — Elle
est indéniable, car cet ensemble de signes a d'abord
contribué à fixer de bonne heure le sens traditionnel
du texte original de l'Ancien Testament, enjoignant et
en séparant les mots d'une manière logique; puis,
grâce à la vigilance minutieuse des massorètes, qui
n'ont pas inoins surveillé la ponctuation que les con-
sonnes et les voyelles, elle a servi aussi à maintenir ce
texte dans une assez grande pureté. Le travail des ponc-
tuateurs se conforme bien, d'ordinaire, à la significa-
tion naturelle de la parole divine. 11 représente l'inter-
prétation courante de la Bible hébraïque parles anciens
.fuifs, à l'époque où il fut accompli.
La ponctuation hébraïque parut, pendant longtemps,
si excellente aux commentateurs israélites, qu'Abraham
Aben Esra, au xn'siècle, alla jusqu'à édictercette règle :
i Aucune interprétation d'un passage biblique ne de-
vrait être acceptée, si elle n'est pas conforme à l'accen-
tuation. » Néanmoins, dans la pratique, presque
aucun exégète juif ne s'est conformé rigoureusement à
ce principe, pas même Aben Esra; et ils ont eu raison,
car le système a des imperfections manifestes, et il est
évident que ses créateurs n'ont eu ni le désir, ni le
droit d'imposer des liens perpétuels à ceux qui de-
vaient interpréter après eux les saintes Écritures. Un
autre savant juif très illustre, Kimchi, a donc pu dire
en toute justesse, In Ose., xir 17 : « En interprétant
l'Écriture, nous ne sommes pas liés par les accents. »
I! y a quelques endroits, cependant, où la ponctuation
rabbinique est préférable à celle des Septante et de la
Vulgate; par exemple, au passage célèbre Is., XL, 3,
où on lit, d'après l'accentuation de l'hébreu : « Une
voix crie : Dans le désert préparez le chemin du Sei-
gneur; » d'après les Septante et notre version latine
officielle, comme aussi d'après les passages du Nouveau
Testament qui reproduisent ce texte. Matth., m, 3;
Marc, i, 3; Luc, m, 4; Joa., i. 23 : « Une voix crie
dans le désert : Préparez... »
VIII. Bibliographie. — 1° Dans les temps plus éloi-
gnés de nous. Le plus ancien traité que nous ayons
sur la ponctuation hébraïque est celui du grammairien
juif Ben Ascher, qui vivait dans la première moitié du
x« siècle; il a été réédité sous ce titre : Diqduqé ha-
Teamim des Ben-Ascher von Tiberias, herausgegeben
von S. Baer und H. L. Strack, in-8», Leipzig, 1879. On
a aussi, dans le même sens, i. Derenbourg, Manuel
du Lecteur, traduction d'un traité arabe sur les ac-
cents et la Massera, in-8», Paris, 1871 ; voir aussi Jour-
nal asiatique, juillet-décembre, 1870, VIe série, t. xvi,
p. 309-550. — 2° Ouvrages spéciaux, contemporains :
A. R. Davidson, Outlines of hebr. Accentuation, in-8»,
Londres, 18lil ; A. Geiger, Zur Nakdanim (= Punkta-
toren) Literatur, dans la Jùdische Zeitschrift fur Wis-
senschaft und Leben, 1872, t. x, p. 10-35; L. Segond,
Traité élémentaire des accents hébreux, in-8l>, Genève,
2» édit., 1874 ; E. Kônig, Gedanke, Laul und Accent als
die drei Faktoren der Sprachbildung, in-8°, Weimar,
1874; H. Strack, Beitrag zur Geschichte des liebrài-
schen Bibeltextes, dans les Theolog. Studien und Kriti-
ken, 1875, p. 736-747; M. Schwab, Des points-voyelles
dans les langues sémitiques, dans les Actes de la So-
ciété philologique, t. vu, in-8", Paris, 1875; Frz. De-
litzsch, Elemenla accentuationis metriese, dans l'ou-
vrage Liber Psalmorum, lextum massoreticum accu-
ratissime expressif... S. Baer, in-8», Leipzig, 1880,
p. viii-xii; J. Wejnkoop, Leges de accent, hebr. linguse
ascensione, in-8», Leyde, 1881; H. Gràtz, Étude sur la
ponctuation hébraïque, dans la Monalschrift fur Ge-
schichte und Wissenschafl des Judenthums, 1882,
p. 389-409; \Y. Wickes, A treatise on hebr. Accentua-
tion, in-8», Oxford, 1S81-1887, ouvrage très solide; Her-
n ki n h. Zur Geschichte des Streites iïberdie Entstehung
der hebràischen Punktation, in-8», Ruhrort, 1885:
A. Buchler, Untersuchungen sur Entstehung und
Entwickelung der hebr. Accente, in-8», Vienne, 1891 ;
A. Ackermann, Das hermeneutische Elément in der
biblischen Accentuation, in-S», Berlin, 1893; Nathan,
Die Tonzeichen in der Bibel, in-8», Hambourg, 1893;
J. Bachrach, Das Aller der hebr. Vocalisation und Ac-
centuation, in-8», Varsovie, 1895; H. Grimme, Grund-
zïige der hebràischen Akzente und Vokallelire, in-8»,
Fribourg (Suisse). 1896; J. M. Japhet, Die Accente der
heiligen Schriften, in-8», Francfort-sur-!e-Mein, 1896;
F. Praetorius, Ueber dem zurûckweichenden Accent int
Hebràischen, in-8», Halle, 1S97; Id., Die Herkunft der
hebr. Accente, in-8», Berlin, 1901; P. Kahle, Zur Ge-
schichte der hebràischen Accente, dans la Zeitschrift
der morgenlândischen Gesellschaft, 1901, t. lv, p. 167-
194; The Jewish Encyclopedia, New-York, 1900-1905,
t. i, au mot ■< Accents », p. 149-158, et t. x, au mot
« Ponctuation », p. 268-273. Voiraussi E. Kônig, His(oWsc/i-
kritischer Lehrgebàude der hebràischen Sprache, t. i,
Leipzig, 1881, p. 52-90; t. n, 1"> partie, Leipzig, 1895,
p. 349-362. L. Fillion.
1. PONT (grec : flôvroç), nom qui a désigné, à diffé-
rentes époques de l'histoire, un territoire du nord-est
de l'Asie Mineure, dont les limites ont beaucoup varié.
Directement il représente la rner, tiovto;, et en parti-
culier la mer Noire, le Pont Euxin des anciens, Llriv-
toç eû'Eeivoç, « mer hospitalière. » Puis on l'employa
comme une dénomination appliquée aux côtes sud-est
de cette mer. Xénophon, Anabasis, V, vi, 15, est le
plus ancien auteur qui en ait usé en ce sens. Ailleurs,
nous apprenons que c'est une abréviation pour Karata-
ôoxt'ac /) itepi to Eù'letvov, « la Cappadoce qui est près
de l'Euxin, » Polybe, v, 43, ou K. r, r.yiz t» itov-w, « la
Cappadoce qui est près de la nier. » Strabon, XII, i. i.
1. Situation géographique. — A l'origine, le pays
qui portait ce nom n'était donc qu'une bande de terri-
toire qui s'étendait le long de la côte de l'Euxin, entre
la Colchide, à l'est, et le ileuve Halys, à l'ouest. Il faisait
partie du vaste domaine de la Cappadoce, qui allait de
la Cilicie au Pont Euxin. Sous la domination persane,
il fut divisé en deux satrapies ou gouvernements, dont
le plus septentrional, borné au nord par la mer et au
sud par le mont Paryadrès, fut appelé, comme nous
venons de le voir, Cappadoce sur le Pont, puis simple-
ment le Pont. Du côté de l'ouest, son territoire s'avan-
çait davantage dans les terres. Les contrées limitrophes
étaient : au sud-ouest, la Galatie; au sud la Cappadoce
proprement dite et la Petite Arménie; à l'est, la Colchide
et l'Arménie; à l'ouest, la Paphlagonie. Voir fig. 121.
Néanmoins, comme nous l'apprendra le résumé de
l'histoire du Pont, ces limites ne furent pas les mêmes
à toutes les époques.
Sous le rapport de la géographie physique, la région
qui forma toujours le noyau principal du Pont est acci-
dentée à l'extrême, comme le sont peu de contrées
de notre globe. C'est essentiellement un pays de mon-
tagnes. Les monts principaux sont, à l'est, le Paryadrès
et le Scydisès, qui se dressent comme des remparts
gigantesques ; le premier, tout le long du littoral, en
539
PONT
540
face du Caucase, tandis que l'autre s'avance à l'inté-
rieur, comme un prolongement de l'Antitaurus. Quel-
ques-uns de leurs sommets atteignent plus de 3000 mè-
tres. Les montagnes du sud donnent naissance à de
nombreuses rivières, qui sillonnent tout le pays; on
en a compté jusqu'à vingt-huit. Les principales sont le
Halys, aujourd'hui Kisil-lrmach, l'Iris et le Lycos. Les
vallées étaient très fertiles, surtout celle qui borde le
l'ont Euxin; elles produisaient, spécialement dans la
partie occidentale, toutes sortes de céréales et d'arbres
fruitiers. Cf. Strabon, XII, i, 15; Pline, H. N., xiv, 19;
Théophraste, Hisl. planta):, iv, 5; vu t, i; ix, 16. Les
abeilles y abondaient; aussi faisait-on un commerce
considérable de miel et de cire. Voir Xénophon, Aunb.,
IV, vin, 10, '20; Pline, H. N., xxi, 45. Les eaux des
rivières étaient très poissonneuses, et l'on trouvait des
minerais variés dans les montagnes. On rencontrait
partout, suivant les zones et les altitudes, des pâturages,
des champs cultivés, des vignobles, des vergers, des
forêts. La situation commerciale était excellente aussi,
121. Carte du Pont.
gré aux ports de l'Euxin et aux vallées fluviales. Le
climat est généralement tempéré, doux et agréable,
comme celui de la région méditerranéenne. Cf. Strabon,
II, i, 15; XII, n, 10.
Les habitants appartenaient parleur origine, les uns
à la Colchide, les autres à la Grèce, d'autres à de nom-
breuses tribus dont la parenté ethnologique est très
obscure; parmi elles, on mentionne les Tibareiii. les
Macrones, les Mocynœci, les Chalybei, etc. (Juel-
ques-u nés appartenaient à la race sémitique, notamment
les Leucosyri, ou Syriens blancs, qui semblent être
descendus des Assyriens. A eux tous, ils formaient une
vraie mosaïque de- nations, et parlaient, au dire des
anciens auteurs, 22 ou 25 langues distinctes. Voir Valère-
Maxime, VIII, vu, 10; Quintilien, 1. 11,50; Pline, H. A'.,
xxv, 2; Aulu-Gelle, xvn. 17. Le long de la côte, tirs
colonies grecques, venins en partie de Sinope, en par-
tie de Milet, s'étaienl établies depuis le xvir siècle
avanl J.-C et étaient parvenues à une grande prospé-
rité. Les peuplades de l'intérieur, surtout à l'est, étaient
très sauvages, à demi barbares. Voir Strabon, loc. cit.:
li. Hansen. De genlibus m Ponto orienlali liabilanti-
bus, Kiel, IS70.
Plus de cent villes, dont plusieurs riches el peuplées,
liaient un signe de la prospérité du pays : quelques-unes
d'entre elles sont encore pleines de vie. Les plus
célèbres liaient I" sur le rivage de l'Euxin : Sinope,
actuellement Siimiih, Aniistis ou Sumsoûn, Trape/us ou
Trébizonde, Pharnacéia, Side; 2° dans l'intérieur :
Auiaséia, qui devint, l'an 7 avant J.-C, la capital" de la
province romaine du Pool; Comana Pontica, Lycopolis,
lia OU Siuds.-Cabira, appelée plus lard Xéucésaive.
II. Histii Pont. Elle est assez difficile à
résumer, tant elle a eu de vicissitudes. Tel est d'ailleurs
le cas pour la plupart des provinces d'Asie Mineure.
Après l'époque de Cyrus, le Pont demeura sous la
domination au moins nominale de la Perse, et fut
gouverné par des satrapes. Cf. Hérodote, m, 94; vu. 77,
etc. Ses annales proprement dites ne s'ouvrent qu'avec
la famille des Mithridate. qui lui procura tant de
gloire et aussi tant de revers. Cn premier Mithridate,
qu'on dit avoir appartenu à la noblesse perse, fut le
fondateur de cette dynastie. Ariobazane. son Mis. :»li:è
337 avant J.-C. subjugua quelques tribus du Pool, qui
avaient été jusqu'alors plus ou moins indépendantes, el
jeta ainsi les bases d'un territoire à part. Voir Diodore
de Sicile, \v, 90. Son (ils et successeur. Mithridate II.
poursuivit son ouivre. Mais c'est surtout Mithridate III,
301-200, qui fonda vraiment le royaume du l'ont, en
profitant, pour s'établir solidement, des guerres intes-
tines que se livraient alors les Diadoques ou succes-
seurs d'Alexandre le Grand. On le désigna plus lard
par le surnom de ktistès, » fondateur ». Il prit le litre
de roi en 290. Son domaine, qui s'étendait d'abord sur
les districts papblagonien et cappadocien situés près du
cours inférieur du lleuve Halys. ne tarda pas à embras-
ser aussi les régions pontiques proprement dites.
Durant deux siècles ce royaume continua de grandir,
presque en silence, éclipsé par les deux dynasties
des Séleucides et des Ptolémées, et même aussi par
les deux petits royaumes de Bithynie et de l'erg; ■.
nés en même temps que lui.
C'est sous son dernier roi. Mithridate VI Kupalor,
dit le Grand (120-63), qu'il s'élc\a tout à coup a une
grandeur prodigieuse. Ce prince fui presque perpétuelle-
ment en guerre, en premier le \ec ses voisins du nord-
esl de l'Asie, auxquels il enleva lour à tour la Chersonèse
taurique, la Colchide, la Petite Arménie et une grande
partie de l'Asie Mineure, puis avec les Romains dont il
avait d'abord recherché l'amitié. Salutteavec Romi
prolongea, à part quelques intervalles de trêve, durant de
longues années, 92-65 avant.l.-C. La grande république
n'eut guère d'adversaires plus terribles. Cicéron disait
de lui, PrO Muni., x\. 32, que c'était » le plus grand
des rois auxquels le peuple romain eut jamais fait la
guerre. » Sylla lui-même, envoyé contre lui, n'arriva
pas à remporter des avantages décisifs. Finalement.
Mithridate fut défait par Pompée en 05, et son territoire
fut divisé en plusieurs morceaux. La région septen-
trionale, voisine de la mer Noire, et la région occi-
dentale furent incorporées à la province de Bithynie,
établie depuis l'an 74, et la nouvelle province ainsi for-
mée reçut le nom de Bithynia et Pontus. Les districts
méridionaux furent partagés entre un certain nombre
de petits dynastes du pa\s. Cf. Dion Cassius, xi.n,
15; Strabon, XII, 1,4. C'est ainsi que Polémon recul
d Antoine, l'an 36 avant J.-C, le territoire situ,' tues , lu
Lycos, qui fut nommé Pontus poletnoniacus. lie son
côté, Déjotare, roi de Galatie, recevait la partie située
entre les rivières Iris et Halys, cpii l'urina le Pontus
galatievs. Enfin, la partie orientale échut an roi de
Cappadoce, et devint le Pontus cappadocicus. On
trouve ces trois contrées ainsi désignées, non seulement
par les historiens, mais aussi sur d'anciennes inscrip-
tions. A Polémon I" succéda Polémon II, qui, en 03
après J.-C, se désista en faveur de Néron. Suétone, Netro,
8. Il avait épousé en secondes noces Bérénice, Mlle
d'Ilérode Agrippa 1" et sieur d'Hérode Agrippa IL. Fosè-
phe, Ant., XX, vu, 3. Voir Bérénice 2, t. i, col. I0J2.
III. Le Pont ei n Noi vi u Testament. — Le Ponl
esl mentionné à trois reprises dans les écrits «In Nou-
veau Testament : deui fois au livre des Actes, n. 9. et
xvni. 2, et une fois au début de la 1" Kpitre de saint
Pierre, I Pet., i, 1. Dans le premier de ces passages
Act., n, 9, le l'ont est cité avec plusieurs autres pro-
vinces d'Asie Mineure, la Cappadoce. l'Asie procon-
sulaire, la Phrygie et la Pamphilie, dans la longue liste
541
POXT — POOLE
542
des contrées d'où un certain nombre de Juifs étaient
venus à Jérusalem, pour célébrer la première Pentecôte
qui suivit la mort de Notre-Seigneur et qui fut témoin
de la descente du Saint-Esprit sur l'Église naissante.
Dans le second texte. Act., xvin, 2, nous apprenons
qu'Aquila, le célèbre ami et collaborateur de saint Paul,
était originaire de cette contrée. Enfin, la première
Épitre de saint Pierre est adressée simultanément aux
chrétiens « du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de
l'Asie et de la Bitbynie ». D'après le sentiment général
des critiques, le livre des Actes et la jfa Pétri furent
composés vers l'an 63 de notre ère ; mais le premier
des trois textes signalés se rapporte à peu prés à l'an 30.
et le second, relatif au décret par lequel Claude exila
les Juifs de Rome vers 50, nous ramènent quelques an-
nées plus haut. Or, le résumé historique qui précède a
montré qu'au 1" siècle de notre ère le mot Pont pouvait
recevoir deux significations distinctes, selon qu'on l'ap-
pliquait au royaume de Polémon II, ou à la province
■ I après le Nouveau Testament, il y fut introduit beau-
coup plus tôt.
Voir Maf quardt. Rômische Staalsverwallung, 2 in-8",
Leipzig, 1873, p. 192-216; E. Meyer, Gesckickte des
Kônigreichs Pontus, in-8», Leipzig, 1879; E. Reclus,
Nouvelle géographie universelle, t. IX, L'Asie anté-
rieure, in-i". Paris, 1S84, p. 555-562; Rollin et Feuardent,
Trois royaumes de l'Asie Mineure : Cappadoce, Bithii-
uie. Pont, in-8». Paris, 1888; Th. Reinach, Mithridate
Eupator, roi du Pont, in-8", Paris, 1890; W. Ramsay,
Historical geography of Asia Minor, in-8». Londres,
1890; Id., The Churcli in Un' Roman Empire, in-8",
Londres, 1893. L. Filliox.
2. PONT (grec : yeçupoûv ; Vulgate : pons). construc-
tion jetée au-dessus d'un cours d'eau, pour permettre
de le traverser (lig. 122). Il n'en est question que dans un
seul passage. II Mach., xn, 13, et encore ne s'y agit-il pas
de pont proprement dit. Voir Casphin, t. n, col. 331.
122. -- Construction d'un pont par les Assyriens pour passer une rivière. D'après Gates of Balaient, pi. 74.
romaine Bithynia et Pontus. Mais la plupart des com-
mentateurs supposent à bon droit que, dans nos trois
passages, le nom du Pont semble avoir été employé
d'une manière toute générale, sans allusion aux diverses
péripéties de l'histoire du pays et aux vicissitudes de
son territoire.
Nous manquons de détails sur lévangélisation du
Pont. Elle eut lieu sans doute sous l'influence de saint
Paul et de ses disciples. Le pays n'était pas directement
sur la route des premiers prédicateurs. Le fait que saint
Pierre compte le Pont parmi les destinataires de sa
I,e Epitre suppose qu'il y avait alors dans cette contrée
des Églises ferventes, entièrement constituées. Voir
surtout I Pet., v. 1-7. D'après quelques ailleurs, le
prince des Apôtres les aurait connues personnellement ;
mais, selon l'opinion générale, il parait peu probable
qu I soit allé jusque-là. Voir PiERitE (Saint), t. îv,
col. 370. Dans sa lettre si célèbre à Trajan, qui date de
l'année 112, Pline le jeune atteste, Epist., 96, qu'il y
avait alors un nombre considérable de chrétiens dans la
province Bythinia et l'onlus, dont il était le gouver-
neur : à tel point, dit-il, que les temples païens étaient
déserts et les sacrifices interrompus en divers lieux.
Quelques apostats prétendaient même avoir abandonné-
la religion chrétienne 25 ans auparavant. Ce dernier
trait suppose que le christianisme avait pénétré dans la
région au moins vers l'an 87; mais nous avons vu que,
PONTIFE, grand-prètre des Juifs. La Yulgate appelle
souvent le grand-prêtre pontifex dans les livres histo-
riques de l'Ancien Testament et dans l'Évangile de
saint Jean. Voir Grand-Phétre, t. ni, col. 295. Dans
l'Épitre aux Hébreux, v, 5, etc., Jésus-Christ est appelé
le pontife, «p^iepEÛç, de la loi nouvelle.
POOLE ou POLE ien latin Polus) Matthew, né à
York en 1621, mort à Amsterdam le 12 octobre 1679. Il
se rattachait par son père aux Pôles ou Pools de
Spinkhill en Derbyshire. Après avoir pris ses degrés
universitaires à Cambridge, il exerça le ministère pas-
toral dans la paroisse presbytérienne de S. Michael-le-
Querne. mais il démissionna en 1662 aussitôt après le
vote de VUniformity Act. Ce fut alors que, plus libre
de son temps, et à l'instigation de William Lloyd qui
devait être plus tard évèque anglican de Worcester, il
écrivit la Synopsis Criticorum aliorumque Sacras
Scripturse Interprétant, le travail le plus important
d'une active carrière. Il puisa largement aux sources
rabbiniques et catholiques, affirment ses biographies;
il emprunta peu de chose à Calvin et rien à Luther.
Le premier volume parut, in-f», en 1669, le 2e en 1671,
le 3e en 1673, le 4e en 1674, le 5= en 1676. — A l'époque
de ce que les protestants appellent le Popish Plot,
comme son nom fut mêlé incidemment aux déclara-
tions ultra-fantaisistes de Titus Oates, Poole crut devoir
543
POOLE
PORC
544
se réfugier i Amsterdam où il mourut. — Une 2e édi-
tion de la Synopsis, 5 in-f", fut publiée à Francfort en
1679; une 3* édition à Ulrecht en 1684; une 4" à Franc-
fort en 1694 (toujours en 5 in-f»), augmentée d'une vie
de l'auteur, une â' à Francfort en 1709, 6 in-f», grossie
d'un commentaire sur les Apocryphes (deutérocanoni-
ques). L'ouvrage fut mis à Ylndex le 21 avril 1693. —
Poole mourut avant d'avoir pu terminer ses Annota-
tions on the Holy Bible qu'il n'eut le temps cle pousser
que jusqu'au chapitre l.vin d'Isaïe. Le travail fut achevé
par d'autres presbytériens et publié en 2 in-f\ 1683. Il
a été souvent réimprimé. La dernière édition, 3 in-8°,
a paru en 1840. — Voir S. Lee, Diclionary of national
Biography, t. xi.vi. 1S96, p. 99. .1. Montai. m .
PORC (hébreu : hâzir, le fcunifiru assyrien; Sep-
tante : yoïpo:. 5;; Vulgate : porcus, sus), mammifère de
l'ordre des bisulques, à pied fourchu et à doigts pairs;
c'est le type des porcins (fig. 123 . — Le porc est surtout
remarquable par sa voracité, qu'on exploite pour l'en-
graisser. Il se nourrit de glands et de fruits sauvages.
Guidé par son odorat très tin. il fouille la terre de son
123. — Le porc.
boutoir pour y chercher les larves d'insectes, les ra-
cines el les tubercules. Tous les détritus lui sont bons,
et, pour les trouver, il se vautre dans toutes les fanges.
Il lui arrive de dévorer ses petits et même parfois de
jeunes enfants. Il \il jusqu'à 20 ans, et. chaque année,
la truie a deux portées de 12 à 15 petits chacune. La
chair du porc fournit un aliment substantiel, mais de
digestion un peu difficile. Dans les pays chauds, elle
devient aisément malsaine.
1" L'usage de la viande de porc était interdit aux
Israélites. Lev., xi. 7; Peut., xn. 8. Cf. Tacite, Hist., v.
'i: Juvénal, Sut., xiv,98; Macrobe, n, 4. Cette prohibi-
tion ne leur était pas spéciale. En Egypte, le simple
contact du pourceau rendait impur. Cependant, à la
pleine lune, il était permis d'immoler des porcs à
Osiris et i la Lune, el ensuite d'en manger, mais seule-
ment ce jour-là. Hérodote, il, i7. Les Egyptiens ne lais-
saient pas d'élever des porcs en grand nombre fig. 124);
quand les eaux du Nil se retiraient, ils lâchaient les
porcs dans les champs avant de les ensemencer; le pié-
tinement de ces animaux suffisail à tenir lieu de labour.
Hérodote, n. 14. Cf. Elien, Hist. animal., x, 16; Plu-
tarque, De Isid., 8; Josèphe, Cont. Apion., n, 13.
L'abstention du porc était encore en vigueur chez les
Indiens, Élien, Hist. animal., xvi, 37; cf. I. I, col. 615;
chez les Arabes. Pline, //. .Y., vin, 78. dont la coutume
a été consacrée par le Coran, u, 168; v, 4; vi. lie,-
xvi, 116; chez les Ethiopiens, Porphyre, De abstin., i,
14; chez les Phéniciens, Hérodien, v, 6, 21 ; voir ce-
pendanl Lampride, Vit. Héliogabal., 31, qui est d'un
avis contraire. Les Cretois s'en abstenaient également,
mais parce qu'ils considéraient le porc comme sacré.
Athénée, tx. :;7ô. Les troglodytes ou les Chananéens qui
précédèrent les Hébreux en Palestine mangeaienl le
porc ou l'offraient en sacrifice. On a retrouvé dans les
cavernes de l'époque néolithique, à Gazer, les ossements
de ces animaux. Cf. Revue biblique, 1904, p. 428. Les
ossements de porcs qui abondent dans le haut-lieu néo-
lithique de Gazer, donnent même à penser que le porc
était une victime préférée dans l'ancien culte chana-
iieen. ce qui expliquerai! encore la prohibition absolue
de l'usage du porc par la loi mosaïque. Cf. Vincent,
Canaan, Paris, 1907, p. 188, 202. Tacite. Hist., v, i. se
fait l'écho d'une fable, quand il prétend que les Israé-
lites s'abstenaient du porc à cause d'une lèpre dont ils
auraient été atteints et à laquelle le porc est sujet. Por-
phyre, De abstin., i, 14, prend l'ellèt pour la C
quand il dit que les Phéniciens et les Juifs ne man-
geaient pas de porc parce qu'il ne s'en trouvait pas
dans leurs pays. Les raisons qui avaient détermine le
législateur des Hébreux étaient à la fois d'oïdre mural
et d'ordre hygiénique. Voir t. i. col. 617. 620. Cf. S. Jé-
rôme, Ailv. Jovin., II. 6. t. xxui, col. 291. L'abstention
de la chair de porc demeura l'une des caractéristiques
du peuple juif. Cf. Philon, De concupiscent.. 4-9. édit.
Mangey, t. n. p. 352-355; Juvénal, Sal.. vi, 160; xi\.
124. — Porcher et troupeau de porcs en Èg
D'après Wilkinson, Manners, t u . p. 100.
98; Cassel, De Judseorum odio et abstinentia a
cina ejusque causis, Magdebourg, 1740.
2° Les prescriptions de la loi ne furent pas toujours
suivies par les Israélites, [sale, i.xv, 1, parle de ceux
qui, de son temps, mangeaient de la chair de porc et
des mets impurs, dans des cachettes où ils se retiraient
la nuit. Il décrit ce que se passait dans les jardins i . I , . -
l.ïtriques, où, à l'exemple de celui qui présidait rassem-
blée, chacun mangeait de la chair de porc el d'autres
choses abominables. Is., i.xvi, 17. — A l'époque n
liéenne, les persécuteurs des Juifs entreprirent de leur
imposer la transgression de la loi mosaïque au sujet
du porc. Pour profaner le sanctuaire, le nu intiochus
Epiphane ordonna, sous peine de mort, d'y offrir eu
sacrifice des pour aux el d'autres animaux impurs.
Beaucoup de Juifs sesoumirenl i cet ordre. I Mach.. i,
50,55. Il voulut aussi obliger les Juifs fidèles à man-
ger la viande de porc, et il la laisait introduire de fore
dans la bouche de ceux qui résistaient. Il Mach., VI, 18.
Le docteur Eléazar donna à cette occasion un admirable
exemple de droiture de conscience et de fer té.
il Mach., vi. 18-31; voir Eléaza.r, t. n, col. 1652. Sepl
frères el leur nière subirent ensuite courageusement le
martyre, plutôt que de manger de la chair de porc.
Il Mach., vu, 1-41. Sous Caligula, le préfet d'Egypte
Flaccus, obligeait les fem s juives à manger de la
chair de pore en plein théâtre. Philon, In Flacc. 11.
t. n, p. 529-531. Par la suite, les Juifs ne furent pas
toujours aussi intransigeants dans leur répulsion pour
la chair de porc. Cf. Drach, De l'harmonie
e el la synagogue, Paris, 1844, I. I. p, 265 -'
3° L'horreur dont le porc était l'objet parmi les Israé-
lites se manifeste en plusieurs passages de la Sainte
545
PORC — PORC-ÉPIC
546
Ecriture. Pour marquer le mépris de Dieu à l'égard du
culle purement extérieur, Isaïe, lxvi, 3, dit : « Celui
qui présente une oblation offre du sang de porc, » c'est-
à-dire celui qui présente à Dieu une oblation sans
l'accompagner de sentiments intérieurs lui est aussi
odieux que s'il offrait du sang de porc. La femme qui
a le don de la beauté, mais est dépourvue de sens, est
comparée à un anneau d'or au nez d'un pourceau. Prov.,
xi, 22. Anneau et beauté sont également mal placés.
Notre-Seigneur dit : « Ne jetez pas vos perles devant les
pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds. »
Matth., vu, 6. Les pourceaux désignent ici les hommes
grossiers, uniquement préoccupés de plaisirs immondes
et de pensées terrestres. Ils n'apprécieraient pas, ils
mépriseraient, ils profaneraient la doctrine évangé-
lique et les biens spirituels, représentés par les perles.
Inutile donc de les leur offrir. Pour indiquer le degré
d'abaissement où est tombé le lils prodigue, Notre-
Seigneur dit qu'on l'envoya garder les pourceaux. Luc,
xv, 15. Les docteurs interdisaient aux Juifs d'être gar-
diens de pourceaux. Balia Uama. vu, 7; Jerus. Scheka-
125. — Tuile de la Legio X' avec l'emblème du sanglier.
Uni, f. 47, 3. Mais le lils prodigue n'est plus dans son
pays; il est tombé si bas qu'il est devenu étranger à sa
famille et à sa nation. Enfin, saint Pierre, parlant des
faux docteurs qui, après avoir connu la vérité, enseignent
le mensonge, leur applique le proverbe : o La truie vau-
trée s'est lavée dans le bourbier, o II Pet., Il, 22.
Horace, Ep., I, n, 213, dit de même, en unissantensemble,
comme l'Apôtre, le chien et la truie :
Viœisset canis immundus, vel arnica luto sus.
Sur le hûzir de Ps. lxxx(lxxxix), 14. voir Sanglier.
4" Lorsque le Sauveur vint aux pays des Géraséniens
(voir t. m, col. 204), et qu'il eut guéri un possédé dont
le démon disait s'appeler « légion » (voir t. m, col. 159).
pour indiquer que les esprits mauvais se trouvaient là
en grand nombre, ces esprits demandèrent à être envoyés
dans un troupeau de deux mille pourceaux qu'on fai-
sait paitre dans le voisinage. Le Sauveur le leur permit.
Aussitôt les pourceaux, sous l'influence des démons, se
précipitèrent du haut de la colline à pic dans le lac de
Tibériade et y périrent tous. Matth., vin, 30-34 ; Marc,
v, 9-20; Luc, vin, 30-39. Les évangélistes ne disent pas
à qui appartenait ce nombreux troupeau. Que, contrai-
rement à l'esprit de la Loi, il ait appartenu à un
Juif, qu'il ait été gardé par des porchers juifs, ou bien
qu'il ait eu pour propriétaire et pour gardien des étran-
DICT. DE LA BIBLE.
gers, Notre-Seigneur, qui commandait aux démons,
n'en était pas moins le maître d'agir comme il le fit.
Le troupeau, il est vrai, n'était pas en terre juive. Son
voisinage n'en constituait pas moins une tentation ou
une sorte de défi à l'égard des, Israélites de l'autre rive
du lac. Du reste, la perte était compensée par la sécu-
rité rendue à la localité ; car auparavant la fureur des
possédés rendait le chemin impraticable. Matth., vm,
28. — On a retrouvé à Jérusalem des tuiles portant
l'estampille de la Legio X' Fretensis, qui, sous l'empe-
reur Hadrien, campa à Gadara, non loin du pays des
Géraséniens. Plusieurs de ces tuiles portent comme
emblème un porc ou plutôt un sanglier (fig. 125). Cette
représentation ne constitue pas, comme on l'a cru un
moment, cf. Revue archéologique, 1869, t. xx, p. 259,
une insulte à la nation juive; car l'emblème du san-
glier appartenait à plusieurs légions. Encore moins
faut-il songer à chercher une relation quelconque entre
la « légion » des démons se précipitant dans les porcs,
et la Legio Fretensis ayant le porc ou le sanglier pour
emblème. A l'époque évangélique, la Xe légion campait
en Espagne ; elle ne vint en Judée que pour la cam-
pagne de Vespasien. Tacite, Hisl., v, 1. Cf. Revue
biblique, 1900. p. 101-105. H. Lesêtre.
PORC-EPIC, mammifère de l'ordre des rongeurs,
qui, en dépit de son nom, n'a rien de commun avec le
126. — Le porc-épic.
porc, et se rapproche plutôt des lapins par sa taille et
ses habitudes (lig. 126). Il est très inoffensif, malgré les
piquants raides et aigus dont son corps est couvert. Ces
piquants sont creux comme les tuyaux d'une plume,
clairsemés et assez peu adhérents à la peau pour tomber
souvent quand l'animal fait des mouvements brusques.
Le porc-épic vit dans des terriers profonds. Il en sort
la nuit pour chercher les graines, les racines, et même
parfois les œufs et les petits oiseaux dont il se nourrit.
— Le porc-épic n'est pas nommé dans la Sainte Écri-
ture, bien que certains auteurs le croient désigné par
le mot qippôd, comme le hérisson, avec lequel ses
piquants lui donnent quelque ressemblance. Voir
Hérisson, t. m, col. 609. Pourtant l'espèce hystria
cristata est fort commune en Palestine, dans les régions
rocheuses et dans les gorges des montagnes. Elle
abonde dans le voisinage de la mer Morte, dans la
vallée du Jourdain et dans tous les endroits où les
fentes des rochers peuvent lui ménager un abri. Le
porc-épic n'a pas besoin d'eau; il peut vivre par con-
séquent là où presque aucun autre mammifère serait
incapable de résider. Il reste à dormir pendant l'hiver,
et, le reste du temps, ne sort que la nuit. Aussi ne le
renconlre-t-on pas vivant, excepté quand les Arabes
réussissent à s'emparer de lui dans sa retraite. Celle-ci
se reconnaît aux empreintes de pattes et au grand
V. - 18
547
PORC-EPIC
PORTE
548
nombre de piquants qui jonchent le sol ; mais elle est
bien trop enfoncée dans les fissures du rocher et bien
trop étroite pour être accessible. Les Arabes n'ont pas
trouvé le moyen de faire sortir le porc-épic de sa for-
teresse. Sa chair est très estimée pour sa délicatesse, et
ses piquants sont un objet de commerce à Jérusalem.
Pour s'en emparer, on chasse l'animal pendant la nuit.
au moment où il regagne son gîte avant le lever du
soleil et on le met dans l'impuissance de s'échapper
en le frappant à coups de bâton. D'autres fois, on dis-
pose à l'entrée de son refuge des nasses de fil de fer.
Pour se défendre, le porc-épic se roule en boule et
darde ses piquants contre les assaillants qui ne peuvent
l'atteindre sans se blessercruellement. CI.Tristram, 1 lie
natural Hislonj of llie Bible, Londres, 1889, p. 125.
H. Lesktre.
PORFIRIANUS ou PORPHYRIANUS (CODEX).
Ce manuscrit, ainsi appelé du nom île son ancien
possesseur, fut d'abord étudié et put/lié par Tischendorf
dans ses Monumenta sacra ineilila, t. v et vi, Leipzig,
ISIm c-i isijil. Il .,• trouve maintenant à la Bibliothèque
impériale de Saint-Pétersbourg sous le numéro 225.
C'est un palimpseste en écriture onciale du IXe siècle;
il contient des fragments notables des Actes, des Kpitres
de saint Paul et de l'Apocalypse, mais une assez grande
partie est à peu près illisible. L'écriture supérieure,
datant de l'année 1301, comprend les Actes des Apôtres
(315 act) et les Épilres pauliniennes (474 paul\; von
Soden lui attribue le symbole a 463. — A cause de son
état fragmentaire et de sa lecture difficile, le Por/iria-
nus n'a été que peu ulilisé par les critiques; son texte
est d'ailleurs, au jugement de Ilort, d'un type relative-
ment récent. Le Por/irianus est désigné en crili [ue
par la lettre P, par le sigle a 3 dans la notation nou-
velle de von Soden. — Voir Scrivener, Introduction,
i édit., Londres, 1891, t. i, p. 172-173; Gregory,
Te.rlkiilik des neiien Testaments, Leipzig, t. i, 1900,
p. 102-103; v<m Soden. Die Schriften des neuen Tes-
taments, Berlin, t. i, 1902, p. 216. F. Pbat.
PORPHYRION, oiseau de l'ordre des écbassiers
macrodactyles, appelé' aussi poule sultane, l'eu différenl
.. • ; ï^m
127. — Le porphyi ii a,
plumage, sur lequel se détachent un bec rouge et des
pattes rougeàtres (fig. 127). — Les Septante ont traduit
une fois par Ttopçvpiwv le mot (inSémél, qui désigne
tantôt le caméléon, voir t. il, col. 90, tantôt un oiseau
impur, le pborpbyrion. d'après les Septante, le cygne,
d'après la Vulgate, Lev., xi, 18, l'ibis, d'après les deux
versions. Deut.. xiv. 16. Voir Inis, t. m, col. 801. Il est
impossible de déterminer quelle est l'espèce visée par
le législateur. Le porpbyrion est commun sur le Nil
et prés des marais de la Palestine. Il se nourrit de
toutes sortes de proies et, à ce titre, mérilait de prendre
place parmi les oiseaux impurs. Cf. Tristrain, 'i 'lie na-
tural hUlory of the Bible, Londres. 1889. p. 250.
H. Lesètre.
PORREAU. Voir Poireau, col. 189.
PORTE (hébreu : dâlâh, délé(,mùsiî,pétah, U
Sa'ar; cbaldéen : fera : Septante : 6ypa, -w.r,, iruXc&v,
delà poule d'eau, le porpbyrion est originaire d'Afrique
et se fait remarquer par la belle couleur bleue de son
128. — Perle antique. Plolémaïde. Musée judaïque du L livre.
;;'»-;; Vulgate ; janua, porta, valva, ostium, fores),
ouverture ménagée | • pénétrer dans une enceinte.
Celte ouverture se compose d'une partie fixe, compre-
nant le seuil, les montants et le linteau, et d'une partie
mobile pivotant sur des gonds. Voir GoNUS, t. III,
col. 275. La partie mobile peut être d'une seule pii i .
s'articulant sur l'un des montants de la porte (lig. I28i,
ou de deux pièces dont chacune s'articule sur un
montant el dont la réunion clôt l'ouverture. Dans ce
second cas, la porte est désignée par un mot au duel,
delâfayini, ou au pluriel, delàtôf, fores, à cause deses
deux battants (fig. 131). Le nom de porte convient d'ail-
leurs soit à la partie lise de l'ouverture, soit à la partie
mobile, soit à l'ensemble.
1. Dans le sens propre. — 1" Différentes esj
de portes. — Les écrivains sacrés font mention
portes: 1. du Tabernacle, Exod.,xxxv, 17; xi., 12, etc.;
-2. du Temple, 111 Reg., vi, 31; IV Reg., su, 9;
II Par.. SXVIII, 24; L'zech., vin, 5; x. 19; xi.i, 24;xLIIl,
549
PORTE
550
11; Mal., i. 10; Ps. xxiv (xxm), 7; cxvm (cxvn), 19,
20; HMach., vin, 33; Act., xxi, 30; etc.; voir Temple,
— 3. des chambres du Temple, Ezech., XL. 38; xi.n,
11 ; I Mach., iv, 57; — 4. des temples païens, Bar., vi,
17; Dan., xiv, 10; — 5. du camp Israélite, Exod.,
xxxn, 26, 27; — 0. des villes, Peut., ni. 5; Jos., il, 5,
129. — Porte avec gonds et fermeture d'un modèle de maison
égyptienne. British Muséum. D'après Wilkinson, Manners and
cusloms of the anc. Egyptians, t. i, fïg. 117, n. 2, p. 351.
7; vi, 26; Jud., xvi, 3; I Reg., xxm, 7; III Reg., xxn,
10; IV Reg., vu, 1; Judith, x, 6; Jer., xlix,31 ; Ezech.,
XLVIH, 30; I Mach., xn, 38;'xm, 33; Act., xiv, 12, etc.;
— 7. de Jérusalem, Ezech., xxvi, 2; II Esd., xm, 19, etc. ;
voir Jéri-salem, t. m, iig. 240-242, col. 1364-1365; —
— 8. des maisons, Jud., xi, 21; Prov., v, 8; Marc, n,
2; Luc, xvi, 20; Act., x, 17, etc.; — 9. des chambres,
Jud., m, 23-25; — 10. des palais de Joseph en Egypte,
Gen., xljii, 19, de David à Jérusalem, II Reg., xi, 9;
xv, 2; du roi de Bahylone, Dan., n, 49; du roi des
Perses à Suse, Esth., Il, 19; 21; iv, 2; v, 9, 13; vi, 10;
de Caïphe, Mattli., xxvi, 71; — 11. des tours, Jud., ix.
130. — Porte égyptienne.
D'après Wilkinson, Manners, t. i, fig. 123, p. 355.
51; II Mach., xiv, il; — 12. des prisons, Bar., vi, 17;
Act., v, 19, 23; xvi, 26, 27; — 13. des tombeaux, Matth.,
xxvn, 60; Marc, xv, 16; — 14. du jardin, Dan., xm,
17; — 15. de la bergerie, Joa., x, 1; — 16. de la four-
naise, Dan., m, 93. — 17. de la ferme, Marc, XI, 4.
2° Agencement des portes. — 1. Les portes des villes
étaient de bois et formées de deux battants assujettis
à l'intérieur par des barres. Voir t. i, fig. 453, col. 1468.
La porte de Gaza, que Samson enleva pendant la nuit,
avait chaque battant fixé à un poteau. Jud., xvi, 3. Les
villes qui possédaient des portes et des barres pouvaient
se défendre et garder des prisonniers. I Reg., xxm, 7.
Celles qui n'avaient ni portes ni barres étaient à la
merci des assaillants. Jer., xi.ix, 31. Quand la ville
était entourée de murailles assez épaisses, on pouvait
ménager au-dessus de la porte une chambre de garde.
131. — Portes égyptiennes fermées. Celle de gauche est close
avec des verrous.
D'après Wilkinson, Manners, t. i, fig. 121, p. 353.
II Reg., xvin, 24, 33. Dans les sièges, on attaquait les
portes parla cognée et par le feu et ensuite on renver-
sait les montants qui les soutenaient. Lam., i, 4. — 2.
Les portes du Temple de Salomon étaient fixées à des
poteaux en bois d'olivier sauvage engagés dans la mu-
raille; les battants se composaient de deux panneaux
132. — Porte égyptienne avec ornements et inscriptions.
D'après Wilkinson, Manners. t. I, fig. 124, p. 356.
en bois de cyprès, qui pouvaient se replier l'un sur
l'autre. III Reg., vi, 34; Ezech., XLI, 24. Les Chaldéens
brûlèrent ces portes. IV Reg., xxv, 9. Cf. Ps. lxmv
(i.xxm), 3-7. Les portes du second Temple eurent le
même sort. II Mach., vin, 33. — 3. Les portes des mai-
sons et des chambres étaient aussi de bois, quelque-
551
TORTE
552
foia de bois de cèdre. Cant., vm, 9. Les monuments
égyptiens nous ont conservé la représentation d'un
«rand nombre de portes. Le British Muséum possède
îe modèle d'une petite maison avec sa porte roulant
sur des gonds (fig. 129). Voir Wilkinson, Manners,
•>■ édit., 1. 1, fig. 117, p. 351. Les portes avaient naturelle-
ment différentes formes (fig. 130), ibkl., fig. 123, p. 355,
et fermaient de diverses manières (fig. 131). lbid.,ùg. 121.
p. 353. Quelques-unes étaient très ornées (fig. 132).
lbid., fig. 124, p. 356. Quelquefois elles portaient un
nom '(fig. 133), ibid., fig. 115, n» 1, p. 3'iï) ou une ins-
cription (fig. 134). Ibid., fig. 134, p. 362. Cf. Deut., xx,
5. Les portes des maisons de Pompéi avaient générale-
ment plusieurs battants, deux, trois et même quatre.
Elles étaient divisées en panneaux et ornées de clous
à grosse tète. Cf. H. Tbédenat, Pompéi, Paris. L906,
t. 1, p. 58. — 4. Les portes des tombeaux étaient souvent
de pierre plus ou moins ornée. Voir t. m, fig. 41,
133. — Porte égyptienne, avec le nom de Remenkopiou
(Thotmès lit).
D'après Wilkinson, Manners, t. I, fig. 115, p. 346.
col. 205; fig. 56, col. 275. Cf. t. iv, fig. 392, 393, col. 1 14Ô,
1450, D'autres fois, une simple dalle fermait la porte.
Voil i. m. liy- '-I*. col. 1478. — 5. Les portes de ber-
gerie m' consistaient guère que dans une sorte de
clayonnage suffisant pour arrêter les bêtes fauves. Voir
t. ii, fig. 6H, col. 1987. — 6. Les portes de métal
étaient plus rares. Il est probable qu'on s'en servait
puni fermer les fournaises. Dan., m, 93. Dans les pri-
sons, où il fallait des fermetures particulièrement so-
lides, on mettait des portes très épaisses. A Jérusalem,
la poil'' extérieure était de fer. Act., xn, 10. — 7. La
partie fixe des portes de temple, de palais ou de ville
recevait une ornementation particulière en rapport
avec sa destination. Voir t. i, fig. 68, col. 312 (égyp-
tienne); t. n, lie. 246, col. 668 (assyrienne); fig. 587,
col. 1845 (grecque), etc.
3» Usage des portes. - I. La porte tourne sur ses
onds, l'rov.,xxvi,li. un l'ouvre, Jud., xix,27;IVReg.,
. : , Ail., mi. li ; Apoc, m, 20, ou on la ferme. Gen.,
mx, 10; Il Reg., xiii. 17, 18, IV Reg., iv, 4, 5, 21, 33;
Matth-, xxv, 10, etc. Pour la fermer, on la fixe avec des
barres, voir Barre, i. i, col. 1468, ou avec une clef qui
|H.,,i être manœuvrée du dehors. Voir Clef, t. n,
, ,1 . silo, i in. mi mi >.< nt l'ire seul, ,i I abri des dangers
extérieurs, ls.. xxvi, 20, pour prier, Matth., vi, 6, ou
e reposer, Luc, xi, 7; xm, 25, on fer la porte
sur soi; car d'ordinaire, elle restait ouverte, parce que
il seulement par la porte qu'entrait la lumière
dans les maisons les plus communes. Pour se faire
ouvrir du dedans, on frappe à la porte. Jud., xix, 22;
Act., xn, 13; Apoc, m, 20. — 2. Chez le roi Achis, à
Geth, David, contrefaisant le fou, se heurtait contre les
battants des portes, d'après la Vulgate (hébreu) : i il
faisait des marques. » I Reg., xxi, 13. La porte était
souvent assez légère ; écouter à la poi-te ce qui se disait
à l'intérieur était une grossièreté. Eccli., xxi, 17.
L'homme bien élevé s'arrêtait à la porte, même quand
elle était ouverte; l'insensé entrait rapidement et se
courbait dès la porte pour voir à l'intérieur. Eccli.,
xxi. 15. 16. — 3. La Loi ordonnait de placer sur la
porte de la maison certains textes sacrés. Deut., vi, 9;
xi, 20. Voir Mezuza. t. iv, col. 1057. Isaïe. lvh, 8, re-
proche à celle qui veut se conduire mal de reléguer
derrière la porte et les poteaux son zikkarôn, « mé-
morial «. c'est-à-dire probablement sa mézuza, qui lui
rappelle la loi de Dieu, ou, selon d'autres, ses amu-
lettes idolàtriques, qu'elle veut dérober aux regards. —
4. Quand un esclave voulait rester pour toujours au
3
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134, _ Porte égyptienne avec l'inscription : Pinofir,
t Belle maison. i>
D'après Wilkinson. Manners, i. i, lig. 134, p. 362.
service de son maître, celui-ci devait lui percer l'oreille
contre la porte de la maison. Deut.. XV, 17. Voir
OREILLE, t. iv, col. 1857. C'est devant la maison de son
père qu'on lapidait la jeune femme que son époux
n'avait pas trouvée vierge. Deul., xxn, 21. L'exécution
ainsi faite entraînait une sorle d'infamie pour le père
qui n'avait pas su garder sa fille et l'avait accordée en
mariage sans savoir son état ou sans vouloir en tenir
compte. — 5. A l'époque des Machabées, on brûlait de
l'encens aux portes des maisons, en signe d'adhésion
au culte idolàtrique. I Mach., i, 58.
3- Les portes do la ville (fig. 135). - 1. Elles étaient
le lieu le plus passager à cause des entrants et des sor-
tants. De pi"-, il étail rare que les villes anciennes
eussent des places spacieuses. Dans les villes entourées
de murs, on utilisait pour les constructions tout
pace disponible, afin de réduire au minimum la lon-
gueur de l'enceinle à défendre. Le lieu de réunion !••
plus commode el le plus fréquenté était donc I;. p
de la ville. Là se tenaient les oisifs et les curieux, qui
voulaient se distraire ou s'informer. Lot était assis à la
porte de la ville de Sodome quand les deux anges y arri-
vèrent. Gen.. xix. I. C'est là qu'on devisait sur le compti
,1,.. uns et .1rs autres. Ps. i.xix (lxviii), 13. Jérémie,
xvii 19. reçoit l'ordre d'aller faire entendre ses oracles
à la'poi'lc de !.. ville, pour qu'ils soient entendus des
rois et des fils du peuple. On y tenait des mi In-,
IV ReL..,\. 1. et, dans les temps d'idolâtrie, des h ats-
lieux, c'est-à-dire du petits sanctuaires d'idoles, sur-
montaient les portes, pour rappeler à tous le cuil. un
honneur. IV Reg., xxm, S. La sagesse est représi
553
PORTE
554
comme instruisant et invitant les hommes à la porte
de la ville. Prov., i, il ; vm, 3; ix. 14, tandis que l'in-
sensé était incapable de s'y faire entendre. Prov.. xxiv,
7. On amenait les malades à Notre-Seigneur à la porte
des villes. Marc. i. 33. — '2. La porte de la ville cor-
respondant en Orient à l'àfofi grecque et au forum
romain, on y passait les contrats. Gen., xxm, 18. et là
se réunissaient les anciens auxquels on soumettait les
affaires litigieuses. Deut., xxn. 15. On y faisait la re-
nonciation publique au droit du lévirat. Deut., xxv, 7;
Ruth, tv, 11. Voir Lévirat, t. îv, col. 214. Dans le pays
de Job, on écrasait à la porte, sans que personne les
défendit, les fils de l'insensé, c'est-à-dire qu'on laissait
à l'abandon et que l'on vouait au mépris la race de
l'impie. Job, v, 4. Job lui-même venait siéger à la porte
de la ville, sur la place publique, et se faisait vénérer
de tous, parce qu'il prenait en main la cause de tous
les infortunés, n'avait d'autre régie que celle de la jus-
tice et réduisait l'injuste au silence et à l'impuissance.
Job, xxix, 7-17. il n'eût jamais profité de la faveur d'un
juge pour accabler le faible. Job, xxxi, 21. Il est re-
commandé de ne pas opprimer le malheureux à la
porte, c'est-à-dire au tribunal, Prov., xxn. 22. là où
royale, parce que la porte donne accès au siège de cette
puissance. Chez les Perses, x\ 9Jpoci, « les portes, dési-
gnaient la cour, Xénophon, Cyroped., I, m, 2, et dans
l'inscription de Behistoun, col. M, 13, Darius emploie
le terme duvarayàmai, « dans ma porte ». L'usage du
mot « porte », pour parler de la puissance souveraine,
s'est conservé en Turquie, « la Porte », comme ailleurs
l'usage des mots « cour, chambre, cabinet », etc., qui
indiquent une autorité par le nom de l'endroit où elle
s'exerçait jadis. En ce sens doivent s'entendre les pa-
roles de Notre-Seigneur, déclarant que « les portes de
l'enfer ne prévaudront pas contre son Église ». Matth.,
xvi, 18. Ces portes de l'enfer ne sont autre chose que
la puissance satanique qui sans cesse attaquera l'Eglise
sans jamais pouvoir triompher d'elle.
II. Dans le sens figuhé. — 1° Les écrivains sacrés
assimilent à une porte tout ce qui peut permettre ou
empêcher un accès. Les portes du pays sont les endroits
par lesquels les ennemis peuvent l'envahir. .1er., xv, 7;
Nah., m, 13. Le Seigneur ouvre devant Cyrus toutes les
portes des nations, afin qu'il s'en rende maître. Is., xi.v,
1. — Le rivage est comme une porte qui enferme la
mer. Job. xxxvm, 8, 10. Le ciel s'ouvre comme une
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135. — Portes assyriennes.
D'après Smith, Dict. of the Bible, t. I, au mot Gâte, et Layard, The Monuments of Nlneveh, part. I, p. 66.
l'époux de la femme forte siège avec honneur parmi
les anciens du pays. Prov., xxxi. 23. Isaie. xxix. 21.
s'élève contre ceux qui tendent des pièges à l'homme
juste qui les confond a la porte et le perdent par leurs
mensonges. Amos, v, 10. 12, 15, constate la haine dont
les oppresseurs du peuple poursuivent les hommes in-
tègres à la porte, et le tort qu'ils y font aux justes et
aux pauvres; il veut que le droit y règne. Après la
prise de Jérusalem, les vieillards ne purent continuer
de se réunir à la porte. Lam., v, 14. — 3. Quand les
jugements étaient rendus, c'est encore à la porte de
la ville qu'on exécutait les sentences. On y lapidait.
Deut., XVII, 5; xxn, 24. Le Sauveur fut mis en croix à
la porte de Jérusalem. Heb., xm, 12. A Suse même,
Aman fut pendu à la porte de la ville. Es th., xvi. 18.
— 4. Par extension, les portes sont prises pour les
villes elles-mêmes. L'expression « dans tes portes •>,
qui revient si souvent, surtout dans le Pentateuque,
signifie « dans tes villes ». Deut., XII, 12; xiv. 27 ; xvn,
2," etc.: III Reg., vm, 37; II Par., vi, 28. Dieu affermit
les verrous des portes de Jérusalem, c'est-à-dire for-
tifie et protège la ville. Ps. cxlvii, 13. Les portes de
Sion gémiront, c'est-à-dire la ville sera plongée dans le
deuil. Is., m, 26. Rendre la justice dans ses portes,
c'est la rendre dans ses villes. Zach., vm, 16. Il est
promis à Abraham que sa postérité possédera « la
porte de ses ennemis ». Gen., xxn, 17. La porte repré-
sente ici la puissance des ennemis, de même qu'elle
représente la fore ■ d'une ville, l'autorité qui s'exerce
à la porte et la ville elle-même. La « porte du roi »,
dans Daniel, II, 49, tara' malka, et dans Esther, m, 2,
-3: îv, 2; v, 9, Ha'ar ham-mâlék, désigne la puissance
porte pour laisser tomber la pluie. Ps. lxxviii (lxxvii),
23. Jérusalem est la porte des peuples, Ezech., xxvi, 2,
toujours ouverte afin qu'on puisse par là arriver au sa-
lut promis. Is., lx, 11. 18. Les portes du Liban sont
l'endroit par où l'incendie viendra dévorer les cèdres.
Zach., xi, 1. On appelle » porte du ciel » un lieu sanc-
tifié par une communication divine, Gen., xxvm, 17.
et l'accès même du ciel aperçu en vision, Apoc, iv, 1, et
« porte de la mort » ou « du scbéol » toutes les causes
qui acheminent vers le tombeau. Job, xxxvm. 17;
Ps. IX, 15; cvn (cvn. 16, 18; Is.. xxxvm, 10; Sap., xvi,
3. — Par une figure plus hardie, on parle de la porte
du sein maternel, Job, m, 10, de la porte que forme la
gueule du crocodile, Job, xli, 6, et de la porte des lè-
vres, à laquelle il faut mettre une garde sévère. Ps. cxli
(cxl), 3; Eccli., xxvm, 28. Dans le Cantique, vm, 9,
l'Épouse est comparée à une porte qu'on fermera avec
des panneaux de cèdre, c'est-à-dire qu'on défendra
contre toute tentative.
2° Différentes locutions proverbiales empruntent l'idée
de porte. Être à la porte de quelqu'un, c'est être tout
près de lui pour le menacer ou l'assister. Gen., iv, 7;
Matth., xxiv, 33; Marc, xm, 29; Apoc. m, 20. Veiller
ou écouter à la porte de la sagesse, c'est se montrer
attentif à ses enseignements. Prov., vm, 34; Eccli.. xiv
24. User le seuil de la porte d'un homme sage, c'est
aimer à le fréquenter pour profiter de ses leçons et de
ses exemples. Eccli., vi, 36. Devant une pareille porte,
les impies eux-mêmes s'inclinent, c'est-à-dire sont forcés
de rendre quelque hommage à la vertu. Prov., xiv, 19.
Par contre, faire le guet à la porte du prochain indique
parfois des projets criminels. Job, xxxi, 9.
Ô.").")
PORTE
PORTIER
556
3° La ■• porte de la foi » est la facilité que Dieu mé-
nage auï hommes pour qu'ils se convertissent à l'Évan-
gile. Act., xiv, 20. Saint Paul aime à appeler i porte
ouverte » toute occasion favorable qui se présente à lui
d'annoncer Jésus-Christ. I Cor., \vi, 9; Il Cor..n. 12;
Col., iv, 3; cf. Apoc, m, 8. La « porte du salut », celle
qui mène à la vie éternelle, est une porte étroite par la-
quelle on ne passe pas sans de sérieux efforts. Mallh., vu,
13; Luc, xiii, 24. — Xotre-Seigneur déclare qu'il est
lui-même la porte qui donne accès dans la bergerie; si
on entre par cette porte, on est sauvé. Joa., x, 9. Le
divin Maître, en effet, aide les âmes par sa grâce à
entrer dans l'Église et par l'Église dans le ciel. — 4° La
Jérusalem régénérée, image de la Jérusalem céleste, a
aussi des portes. Isaïe, liv, 12, dit qu'elles sont d'escar-
boucles. Voir t. il, col. 1907. Tobie, xm, 21, les voit
bâties de saphirs et d'émeraudes ». Saint Jean les dé-
crit avec détail. La Jérusalem céleste a douze portes,
portant chacune le nom d'une des douze tribus. Cha-
que porte est formée par une seule perle, enchâssée
dans les pierres précieuses qui forment la muraille.
Comme il n'y a point de nuit, il n'est pas nécessaire de
fermer ces portes. Apoc, xxi, 12. 21, 25. Sous ces
figures de pierres précieuses et de perles, les auteurs
sacrés veulent décrire les merveilles que Dieu opérera
(lins son Église par la grâce et dans le ciel par la
gloire dont il environnera les saints.
H. Lesètre.
2. PORTES DE JÉRUSALEM. Voir JÉRUSALEM, t. III,
col. 1364.
PORTIER (hébreu : SÔ'êr; chaldéen : tard ; Sep-
tante : KuXwpdc, Supwpôç; Vulgate : janitoi; ostiarius,
portarius), préposé à la surveillance d'une porte.
1. Portiers do Temple. - l«Des prêtres et des lévites
avaient été chargés autrefois de tout ce qui concernait
le service du Tabernacle. Num., xvm, i. Il y en avait
donc naturellement parmi eux qui devaient veiller sur
la porte. Ce service, d'après l'institution de Samuel et
de David, comprenait 212 lévites. Ceux-ci se tenaient
aux quatre côtés du Tabernacle et avaient à l'ouvrir
chaque matin. La surveillance des chambres et des tré-
sors de la maison de Dieu rentrait dans leurs attribu-
tions. Quatre chefs les commandaient. Les portiers ré-
sidaient dans les villages environnants; mais un roule-
ment était établi entre eux pour faire à tour de rôle un
service hebdomadaire. Les portiers de semaine logeaient
auprès du Tabernacle. I Par., ix, 17-27. — Quand l'Arche
l'Ut été transférée à Jérusalem, David adjoignit à Bara-
chias et Elcana, qui étaient portiers de l'Arche, deux
autres portiers, Obedédom et Jéhias. A ces fonction-
naires incombait la surveillance de l'entrée de la tente
qui abritait l'Arche. I Par., xv, 23, 24. Obedédom et
llosa furent ensuite chargésdece service avec 68 lévites.
I Par., xvi. 38. En vue du service du Temple projeté,
David régla que, sur les 24 000 lévites chargés de rem-
plir les différents offices, Î0OO seraient portiers. I Par.,
XXIII, 5. Ils étaient partagés en différentes classes, sous
les ordres de chefs appartenant à la descendance de
Coré et de Mérari. Le sort désigna les portes qu'ils
aillaient a surveiller. A Obedédom échut le côté du
midi, et à ses fils la maison des magasins; à Sépbiin el
à llosa le côté de l'occident; à Sélémias, le cété de
l'orient el a Zacharie le cété du nord. (Juatre portiers
devaient être de garde chaque jour au midi, à l'occident
el au nord, six â l'orient, quatre aux magasins el deux
aux dépendances à l'occident, soit en tout vingt-quatre
pour chaque joui nie. | Par., xxvi, 1-19. Les i 000 lé-
vites chargés des portes se relayaient pour ce service.
Ils passaient la nuit a leur poste el pendant le jour,
surveillaient les entrées el les sorties. Chacun des
quatre postes occupait naturellement plusieurs
gardiens dans le cours d'une même journée, el il est
probable, quoique les textes ne le disent pas, que
chaque semaine l'effectif des portiers était changé.
Quand le Temple fût bâti, Salomon, se conformant aux
dispositions prises par son père, « distribua les por-
tiers à chaque porte d'après leurs classes. • c'est-à-
dire d'après l'attribution que le sort avait assignée à
chaque famille. II Par., vm, 14.
2° Sous Joas, le grand-prètre Joïada eut à réorganiser
le service du Temple, en partie supprimé sous les
règnes précédents. Il rétablit des portiers aux entrées
du Temple, avec ordre de ne laisser entrer personne
qui eût quelque souillure. II Par., xxm. 19. — Sous
Ézéchias, le' lévite Coré, gardien de la porte orientale,
était en même temps préposé aux dons volontaires et
chargé de distribuer aux prêtres, même en dehors de
Jérusalem, ce qui était otlèrt au Seigneur. II Par., xxxi.
14. Les chefs des portiers étaient donc des personnages
considérables, ayant la responsabilité de services assez
délicats. — Sous Josias, les portiers recueillaient l'ar-
gent qu'on apportait pour la restauration du Temple
et le remettaient aux intendants. II Par., xxxiv, 9. 13;
IV Reg.. xxii. i. Ils furent chargés aussi de rejeter
hors du Temple tout le mobilier idolâtrique dont on
l'avait souillé. IV Reg., xxm, 4. A la Pàque solennelle
que Josias fit célébrer, il fut enjoint aux portiers de ne
pas quitter leur poste et des lévites furent chargés de
préparer pour eux la Pàque. Il Par., xxxv, 15. — A la
prise de Jérusalem par les Chaldéens. le général vain-
queur prit un certain nombre de notables de la \ille,
entre autres trois portiers, que Jérémie, xxxv. i ; ui,
24, appelle « gardes du seuil » ; il les conduisit à N'abu-
chodonosor, qui les fit mourir à Réblatha. IV Reg.,
xxxv. 18.
3' Après la captivité, 139 lévites portiers revinrent
avec Zorobabel. I Esd., n. 12. 70; II Esd., vu. ir.
D'autres accompagnèrent l.'sdras un peu plus tard.
I Esd., VII, 7, 21. Trois d'entre eux avaient pris des
femmes étrangères et durent s'en séparer. I Esd.. x,
24; II Esd.. x. 28. Quand il fallut repeupler Jérusalem,
on compta 172 portiers qui s'v établirent. Il Esd.. xi,
19. A cette époque, les chefs des portiers du Temple
étaient au nombre de six. II Esd., XII, 25. Les portiers
avaient part aux distributions des dîmes qui étaient
versées par les Israélites, et remplissaient leurs fonc-
tions conformément au règlement établi par David.
II Esd., XII, li. 16; xm, 5. — Ézéchiel. xi.iv. 11. prévoit
aussi, dans son Temple idéal, des lévites chargés des
portes.
4° Dans le second Temple, il n'y avait plus que vingt
et un postes de gardiens, au lieu de vingt-quatre. Mais.
à chaque poste, dix lévites étaient de garde, et, chaque
nuit, 210 lévites et 30 prêtres veillaient sur le Temple.
Cf. Ps. cxxxin (cxxxrv); Tamid, i, I; Middoth, t, 1;
Reland, Antiquita is sacrée, Utrecht, 17H. p. 118. Un
fonctionnaire supérieur faisait des rondes nocturnes dans
le Temple, sous la surveillance d'un intendant spécial.
Cf. Schekalim, v, 1. D'après Josèphe, Cont. Apion., n.
9,\ ingl hommes étaient employés à la fermeture, et il fal-
lait les efforts de ces vingt hommes réunis pour ouvrir la
porte orientale du sanctuaire, qui était toute de bronze
et d'un poids énorme. Cf. lirll. jud., VI, v, 3. Les Juifs
prétendaient que la porte principale du Temple grin-
çait si fort quand on l'ouvrait, que le bruil s'en enten-
dait jusqu'à Jéricho. Cf. Tamid, ni, 8. On ouvrait les
portes à la pointe du jour et on les fermait le soir à
-un déclin. Pendant les fêtes de la Pàque, on les ou-
vrait dès le milieu de la nuit, cf. Josèphe, An!, jud.,
XVIII, II, 2. et à la Pentecôte les prêtres venaient la
nuit pour remplir leurs fonctions. Cf. Bell. jud.. VI,
v, ;; ; Yoiuii, i, 8. — Les portiers surveillaient aussi
ceux qui pénétraient dans le Temple et dans ses par-
vis. IN laissaient pénétrer dans le premier parvis tous
ceux qui se présentaient, même les étrangers, mais non
557
PORTIER — PORTIQUE
558
les femmes en état d'impureté légale. Le parvis des
femmes n'était ouvert qu'aux Israélites et le parvis
d'Israël qu'aux hommes seuls, à l'exclusion de ceux et
celles qui n'étaient pas légalement purifiés. Cf. Josèphe,
CoiU. Apion., il, 8. Les portiers ne remplissaient pas
toujours leur office avec le soin requis et beaucoup d'Is-
raélites trouvaient plus commode de traverser le grand
parvis que de contourner l'enceinte du Temple pour al-
ler du nord au sud de la ville. Notre-Seigneur intervint
pour défendre de transporter différents objets à travers
le Temple. Marc, xi, 10.
5° L'importance des portiers dans l'ancien Temple et
la nécessité de leur fonction ont déterminé l'Église à
instituer aussi des portiers parmi ses ministres. L'ordre
d'ostiarius est le moins élevé des ordres mineurs. Les
portiers avaient à veiller sur ceux qui entraient pour
assister aux réunions liturgiques et à prendre soin de
l'ordre dans l'église, de la garde de différents objets, etc.
137. — Soldats égyptiens gardant la porte d'un campement.
D'après Lepsius, Denkmâler, Ablh. III, Blatt. 154.
Cf. Martignv, Dut. des antiquités chrétiennes, Paris,
1877. p. 659.
II. Autres portiers. — I» Il est plusieurs fois question
de portiers veillant sur les portes d'une ville. Mais ces
portiers étaient plutôt des gardes postés en cet endroit
en cas d'alerte ou de guerre (fig. 137). Tels étaient les
gardesdesportesdeSamarie assiégée, IV Reg., vu, 10, 11,
et ceux de Jérusalem, à l'approche des Chaldéens. Jer.,
xxxvii, 12, — Pour assurer le respect de la Loi, Néhémie
posta des gardes aux portes de Jérusalem, avec ordre de
les tenir fermées le jour du sabbat, pour empêcher les
marchands tyriens d'entrer et de vendre. II Esd., xm, 19.
— 2° Des portiers gardaient la porte des palais. Mardo-
chée surprit le complot que tramaient deux gardiens de
la porte du palais de Suse. Esth., il, 21 ; xn, 1. A l'en-
trée de la cour du palais de Caïphe, il y avait une por-
tière qui, par ses propos, contribua à la chute de saint
Pierre. Joa., xvm, 16, 17. — 3° Les maisons de quel-
que importance avaient des portiers. En quittant sa
maison, le maître commande au portier de veiller. Marc,
xm, 35. A la maison de Marie, mère de Jean Marc, une
servante, du nom de Rhodé, entendit saint Pierre frap-
per à la porte du vestibule et ne songea pas à lui ouvrir.
Act., xn, 13, 14. — 4» Le portier de la bergerie est le
gardien qui veille sur le troupeau pendant la nuit et
ouvre au vrai pasteur, quand celui-ci se présente. Joa.,
x, 2, 3-50. On lit dans Job, xxxvii, 17 :
Les portes de la mort ont-elles été ouvertes devant toi ?
As-tu vu les portes des ténèbres?
Il est question de portes dans les deux vers. Dans le
second, les Septante lisent 7rj)t.>po!, ce qui donne au
parallélisme une forme bien préférable :
Les portiers de l'Hadès ont-ils eu peur à ta vue?
Cf. Dhorme, Le séjour des morts chez tes Babyloniens
et les Hébreux, dans la Revue biblique, 1907, p. 68.
Dans le poème babylonien de la Descente d'istar aux
enfers, il y a aussi un portier, pêtû, préposé à la garde
des différentes portes. Sur la menace que fait Istar
d'enfoncer la première porte si on ne la lui ouvre,
le portier va avertir la déesse infernale et ensuite
ouvre à Istar les sept portes successives de l'enfer.
Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907,
p. 327-333. — Sur les portiers de prison, voir Geôlier,
t. m, col. 193. H. Lesétre.
PORTIQUE (hébreu : 'ùldm, ou 'ulâm, mûsdk,
parhdr: Septante : al\i\j., vaôç, oroà; Vulgate : porli-
cus, vestibulum), construction ordinairement composée
de colonnes et d'un toit servant d'abri, destinée à orner
l'entrée d'un édifice, le pourtour d'une cour où il sert
contre la pluie et le soleil, etc. — 1° La première
mention d'une sorte de portique se trouve dans les
Juges, m, 23. Il y est dit qu'Aod, après avoir tué Églon,
roi de Moab, sortit par le misderôn. On fait venir le
mot de sdddr, « série » ; il désigne probablement une
série de colonnes formant vestibule à la maison. Les
Septante traduisent par xpoa-ràç, « vestibule » ; la Vul-
gate ne rend pas le mot hébreu. Le portique de la mai-
son d'Églon était sans nul doute fort simple. — 2° Le
Temple de Salomon avait des portiques dont David
avait laissé le plan. I Par., xxvm, 11. Sur les mots par-
bdr et parvdrim, pliarurïm, que plusieurs expliquent
comme signifiant portiques, voir Pharurim, col. 220.
— 3° Le portique du Temple porte ordinairement le
nom de 'ùldm, que les Septante reproduisent à peu
près sans le traduire : sùXip.. Le portique avait 20 cou-
dées de largeur, 10 de profondeur et 120 de haut.
III Reg., vi, 3; II Par., m, 4. Ce dernier chiffre est
manifestement fautif, car le Temple lui même n'avait
que 30 coudées de haut. III Reg., VI, 2. D'après la des-
cription qui en est fournie, ce portique occupait la façade
même de l'édilice sacré. L'autel s'élevait en face de ce
portique. II Par., vin, 12; xv, 8. Les rois impies le fer-
mèrent; Ézéchias le purifia et le rendit à sa destination
primitive. II Par., xxix, 7. Les prêtres se tenaient entre
le portique et l'autel pour prier et demander pardon
au nom du peuple. Joël, H, 17. Ézéchiel, XL, 7-17, pré-
voit également des portiques dans son Temple idéal. —
Sur l'espèce de portique construit par Achaz et appelé
mûsak, IV Reg., xvi, 18, voir MuSACH, t. iv, col. 1345.
— 4° Salomon orna aussi son palais de portiques : por-
tique à colonnes, long de 50 coudées et large de 30,
ayant en avant un autre portique avec des degrés, por-
tique du trône, portique du jugement, portique de sa
maison d'habitation et portique de la maison de la
reine. III Reg., vu, 6-8. Voir Maison du Rois-Liran,
t. iv, col. 597. — 5" Dans le Temple d'Hérode, des por-
tiques occupaient les côtés du grand parvis des gentils,
et en faisaient le tour, à l'exception de la partie occu-
pée par la forteresse Antonia. Ces portiques formaient
deux allées parallèles, au moyen de trois rangées de
colonnes, dont la troisième était engagée dans la mu-
raille même de l'enceinte. Le portique du midi, ou por-
tique royal, avait une rangée de colonnes de plus et
formait par conséquent trois allées. Les colonnes étaient
de marbre blanc et avaient 25 coudées de haut. Des lam-
bris de cèdre recouvraient les portiques. L'espace ainsi
protégé contre la pluie et le soleil était de 30 coudées de
large. Dans le portique royal, les deux allées latérales
avaient 30 pieds de large et 50 de haut, celle du milieu
45 pieds de large et 100 de hauteur. Cf. Josèphe, Anl.
jud., XV, xi, 5 ; Bell, jud., V, v, 2. Ces portiques furent
559
PORTIQUE — PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
560
incendiés à l'époque d'Archélaûs, pendant une sédition
des Juifs contre les Romains. Cf. .Tosèphe, Ant. jud.,
XVII, x, 2. On les reconstruisit ensuite. Le portique situé
à l'esl et faisant face au Temple proprement dit s'appe-
laitportique de Salomon.On se réunissaitsous ces por-
tiques pour converser, les docteurs y entretenaient
leurs disi iples. Un jour d'hiver, Jésus se promenait
sous le portique de Salomon et les Juifs se rassemblèrent
autour de lui. Joa., x, 23. Sous ce même portique, le
peuple se réunissait plus tard autour de Pierre et de
Jean, pour écouler leur prédication, Act., ni, 11. et les
premiers fidèles se tenaient ensemble pour prier et
entendre les Apôtres. Act., v, 12. — Sur la piscine Pro-
batique et ses cinq portiques, Joa., v. 2, voir BETHSAÎDE,
t. i, col. 1723. H. Lesètre.
PORTIUS (grec : n&pxioc; Vulgate : Portius), no-
men gentilitium de Festus, procurateur de Judée.
Act., xxxiv, 27. Voir Festus, t. h, col. 2116.
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
La nationalité, portugaise commença à se constituer
à la fin du XIe siècle et, quoique le peuple eût déjà
depuis longtemps son idiome particulier, formé des
langues parlées par ceux dont il tirait son origine, les
recherches les plus anciennes attestent que, même
parmi les Portugais, jusqu'au commencement du
xive siècle, les versions connues ou usitées des
Saintes Ecritures étaient en espagnol ou en une autre
langue étrangère.
I. Premières versions portugaises. — On doit au
savant archevêque d'Évora (Portugal), D. I'r. Forlunalo
de S. Boaventura (f 1844), deux importantes publica-
tions qui nous fournissent des renseignements et des
documents sur les origines des versions portugaises
des Écritures, Le premier de ces travaux a pour titre:
Memoria sobre o começo, progresso e decadencia da
litteratura hebraica entre os portugueses catholicos
romanosel a paru dans le t. ix des Mémoires de l'Aca-
démie royale des sciences de Lisbonne. Un écrivain
du xvie siècle, Jacob Flavio d'Evora, suivi au xvme siècle
par Diogo Barbosa Machado, dans sa Bibïiotheca Lusi-
lana, et par d'autres savants, avait raconté' qu'un évèque,
supposé ou douteux, d'Evora, appelé Gaston de Fox,
avait traduit la liible en langue arabe et que le roi
h. Diniz l'avait fait traduire de l'arabe en portugais.
Fortuné de Saint-Bonaventure a démontré par des
raisons si solides la fausseté de ce récit que le
célèbre bibliographe du siècle dernier, Innocencio
Francisco da Silva, dont l'autorité est universellement
reconnue,' déclare dans son Diccionario bibliographico,
articles /'■' Francisco Becreio et Canton de Fox, que
l'existence de cette prétendue version est inadmissible
au tribunal de la critique.
La seconde publication de Fortuné de Saint-Bona-
venture est une Coliecçào île Inédites Portuguezes dos
secidos XIV et xv, 3 iu-S . Coimbre, 1829, imprimerie
de l'Université. Cette collection est la reproduction
fidèle de Manuscriplos do Mosteiro de Alcobaça. Dans
le tome i" (de 317 p.) on trouve entre autres, une
Traducçâo do liiro <ios Actos dos Apostolos; dans le
t. II (de xv-299 p.), Hislorias d'abreriado TestamentO
Velho, segundo o Ueestre das Historias scolasticas, e
segundo oittros que as abreviarom, e com dizeres
d'alguds doctores e sabedores (depuis le commence-
ment de la Genèse jusqu'à la fin du second livre des
Rois); dans le t. ni (de 232 p.), sous le même titre,
l'histoire se continue depuis le troisième livre des Rois
jusqu'au second livre des Machabées, avec des additions
tirées de l'historien Josèphe. Le manuscrit îles Histo-
rias est de l'an 1320 et du règne du roi de Portugal
D. Diniz. Fortuné de Saint-Bonaventure, dans son
Historia chronologica e'jeritica da Real Abbadia de
Alcobaça, a fait ressortir le mérite et l'utilité de celte
œuvre, et Innocent da Silva. dans son Diccionario,
notice sur la Coliecçào, les avantages qu'on peut en
tirer pour l'étude archéologique et philologique de la
langue. Comme on ne peut constater l'existence d'au-
cune version portugaise d'un livre biblique antérieure
au règne de 11. Diniz. comme on n'a non plus aucune
preuve que ce roi ait fait faire aucune autre traduction,
même abrégée, c'est aux moines d'Alcobaça, auteurs
de la version des Actes des Apôtres et de l'histoire
abrégée de l'Ancien Testament, que revient l'honneur
d'avoir été chronologiquement les premiers traducteurs
de la Bible en langue portugaise.
Fernào Lopes, surnommé le patriarche des histo-
riens portugais, rapporte dans le prologue de la se-
conde partie de sa Chronica d'el Rei I). -loào P, qui
régna de 1385 à H33, que ce monarque « fit traduire
par de grands lettres, en langue (portugaise!, les Evan-
giles, les Actes des Apôtres et les Epitres de saint Paul,
ainsi que d'autres livres spirituels des saints ». Quels
furent les « lettrés » qui exécutèrent ce travail, de
quelle manière ils accomplirent leur tâche, où se
trouvent ces versions, Fernand Lopes ne le dit pas et
ceux qui sur son témoignage ont reproduit cetlenotice
ne le disent pas davantage. 11. Fr. Manuel do Cenaculo
Villas-Boas, dans son livre Cuidados litterarios do
Prelado de Beja em graça de seu bisjiado. p. 64, dé-
clare seulement qu'il a eu en sa possession une tra-
ducçâo historiada do Antigo Tcslamenlo manuscrite,
faite au xve siècle en portugais de l'époque par un
théologien savant et versé dans la connaissance de la
langue hébraïque, et il ajoute qu'à la date à laquelle
il écrit (son livre fut imprimé en 1788) il ne sait pas
autre chose sur cette traduction. ■
Il convient de mentionner ici la version faite par le
jurisconsulte Gonçalo Garcia de Santa Maria. Diogo
Barbosa, dans le t. n de la Bibïiotheca Lvsitana, dit
qu'elle a pour titre Epistolas e Ecangelhos que se cou-
lant no decurso do anno, el qu'elle fut imprimée
in-folio, en lettres gothiques, en 1479, sans indication
de lieu. Antonio Ribeiro dos Santos. qui vivait de 1743 à
1818, en parle aussi dans Memoria de algumas traduc-
çôes biblicas menos vulgares em lingua portugueza,
qui a paru dans le t. vu des Memorias de Litteratura
Portugueza, publié par l'Académie royale des sciences
de Lisbonne. Il est vrai que le bénéficier Francisco
Leitào Ferreira (1667-1735), dans ses Noticias Chrono-
logicas da Universidade de Coimbra, dit que Gonçalo
Garcia était originaire de Saragosse (Espagne) et qu'on
ne connait de lui qu'une version en castillan de 138
pages, imprimée en caractères gothiques. Barbosa et
Ribeiro dos Santos, s'en rapportant à cette information,
mil rétracté Ce qu'ils avaient écrit avant de la connaî-
tre. Toutefois leui rétractation b été trop prompte
el elle n'est pas fondée sur des raisons suffisantes. Les
tangues parlées dans les deux pays ont une source com-
mune et elles ont entre elles grande affinité el ressem-
blance ; Portugais et Espagnols des classes instruites
cultivaient l'une et l'autre, la leur el celle de la nation
voisine, de sorte qu'il y avait des Portugais qui
écrivaient en espagnol, comme le rabbin Duarte Pinhel,
qui, de concert avec le castillan Jacques de Vargas et
d'autres, composa en celte langue une version de la
Bible (Ancien Testament) éditée par Abraham l'sqne
et connue sous le nom de Bible de Ferrare, parce
qu'elle fut imprimée dans celte ville en 1553. Il y eut
aussi des Espagnols qui écrivirent en portugais el de
ce nombre fut Goni alo I rarcia de Santa-Maria. Innoc ent
da Silva. dans son Diccionario, article Gonçalo Harcia,
rapporte que le 21 gaai 1866 le libraire Bertrand lui
montra un livre in-folio, en caractères gothiques, où
manquaient le frontispice et le dernier ou les der-
niers feuillets, mais on. au liant du premier feuillet, le
561
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA RIBLE
562
titre constatait que c'étaient les Epislolas e Evangelhos
em portuguez par Gonçalo Garcia de Sauta Maria,
Da Siha n'affirme point que c'était l'édition de 1479,
citée dans le tome H de la Bibliotheca Lusitana,
puisque le livre ne contenait ni frontispice ni suscrip-
tion finale avec la date de l'impression, mais il dit qu'il
n'a pas de doute que, s'il n'était du xv siècle, il doit
être au moins du commencement du xvie. Pour se rendre
compte que c'était un livre différent de celui dont
parle Ferreira Leitào, il suffit à Da Silva de constater
que celui que mentionne Leitào avait 138 pages, tan-
dis que celui que vendit le libraire Bertrand en avait
plus de 400, sans compter celles qui étaient perdues à
la fin.
A peu prés contemporaine de la version de Goncalo
Garcia fut celle de D. Philippa de Lancastre, fille de
l'infant D. Pedro et petite-fille de D. Joào I". Elle vécut
de 1435 à 1497 et acheva ses jours dans le couvent des
religieuses cisterciennes d'Odivellas. Le premier qui
mentionne cette traduction est .lorge Cardoso (1606-
1669) dans VAgiologio Lusitano, au 11 février, la lettre
A. Elle a été citée depuis par le théatin D. Antonio
Caetano de Sousa (1674-1759) dans le t. u de VHistoria
Genealogica da Casa Real, et par Diogo Barbosa dans
le t. u de la Bibliotheca Lusitana. D'après ces auteurs
cette version, faite sur une traduction française, ren-
ferme les Erangel/wx e Humilias de todo o anno. Les
deux premiers et Antonio de Figueiredo, dans la Pré-
face générale de sa traduction de la Bible, nous
apprennent que, de leur temps, cette œuvre se conser-
vait encore dans le monastère des Cisterciennes d'Odi-
vellas. Augusto Soares d'Azevedo Barbosa de Pinlio
Leal, parle aussi de ce travail, en 1875, dans le t. VI de
son Portugal Anligo e Moderno, au mot Odivcllas.
« D. Philippa, dit-il. écrivit un manuscrit et l'orna de
belles miniatures; c'est un ouvrage de grand mérite,
qu'elle donna au monastère; il existe encore. » Sur le
degré d'instruction de la princesse, le même auteur
ajoute : g Dirigée par son père dans son éducation, elle
connaissait à fond le latin et le français et elle a laissé
des œuvres écrites de sa main. »
Dans la Resposta a Consulta que o Deputado (da
Real Mesa censoria) Antonio Pereira de Figueiredo
fez aô Sr. Bispo de Beja sobre versôes partidas da
Biblia em vulgar, em Fevereiro de 1794 (manuscrit
qui, selon l'auteur de la Préface à la seconde édition
de la Bible traduite par Figueiredo, appartient au-
jourd'hui à l'Académie des sciences de Lisbonne), D.
Fr. Manuel do Cenaculo rapporte que la reine D.
Leonor, femme de D. Joào II, fit imprimer la traduc-
tion des Actos dos Apostolos, as duas Epistolas de S.
Pedro, as très de S. Joào e a de S. Judas, mais il ne
dit pas par qui elle avait été faite et s'il en existe des
exemplaires.
Si ce n'est pas la même version, c'est au inoins une
version de la même époque, celle des Actos dos
Apostolos, dont nous avons parlé plus haut, qui a
été publiée dans le t. i de la Collecçâo de Ineditos
l'orluguezes, éditée par D. Fr. Fortunato. D'après ce
prélat, cette version fut faite, peut-être d'après une
autre version plus ancienne, par Fr. Bernardo de Alco-
baça, qui vivait sous le règne de D. Joào II. C'est à ce
Fr. Bernardo de Alcobaça qu'on attribue généralement
et avec raison la traduction portugaise de la Grande
vida de Jésus Christo, écrite en latin par Ludolphe le
Chartreux. Cette traduction fut imprimée à Lisbonne
en 1495, par ordre du roi D. Joào II et de sa femme
D. Leonor.
Il est inutile d'énumérer ici en détail diverses ver-
sions de moindre importance, qui sont de la même
époque ou peu postérieures, des traductions d'un cer-
tain nombre de Psaumes ou de chapitres d'autres
•livres de la Bible, intercalés occasionnellement dans
des biographies ou dans des livres d'histoire ou de lit-
térature profane.
II. Versions portugaises depuis le xvi» siècle
jusqu'au milieu du xviii« siècle. — Dans le cours du
xvie siècle, avec l'apparition du protestantisme et la
propagation de sa fausse doctrine du libre examen et
de l'interprétation privée des Ecritures, la lecture de la
Bible devint, dans une certaine mesure, un danger
pour ceux qui n'étaient pas familiers avec les règles
de l'herméneutique sacrée et qui ne connaissaient pas
la véritable interprétation donnée aux Livres Saints
par l'Eglise qui en a le dépôt. Pour ce motif, Pie IV,
le 24 mars 1564, en publiant par la Bulle Dominici
Gregis l'Index des livres défendus, établit dans la
règle 4, que l'usage des versions de la Sainte Écriture
n'est pas permis à tous sans discernement, mais que
la permission de les lire n'est accordée qu'à ceux
qui, au jugement de l'évêqueou de l'inquisiteur, peuvent
le faire sans péril et au profit de leur foi et de leur
piété. En Portugal, la religion des rois très fidèles et
le zèle des évêques avaient déjà prévenu ce décret du
Saint-Siège en adoptant à l'avance des mesures analo-
gues. Les exemplaires de tout livre de la Bible traduit
en langue vulgaire devaient porter à la première page
la permission accordée à celui qui pouvait s'en servir,
et les versions, quelquefois même dans les manuscrits
originaux, portaient le nom de celui à qui elles
étaient destinées. On possède des documents histo-
riques qui en témoignent. Ribeiro dos Sanctos, dans
sa Membria da Litteratura Sagrada, publiée dans le
t. u des ilemorias de Litteratura Portugueza, de
l'Académie des sciences de Lisbonne, cite un exem-
plaire de la Bible où était incorporée à la première
page la permission donnée par Fr. Francisco Foreiro
pour autoriser Francisco de Sa de Miranda (-J- 1558) à
en faire usage. Barbosa dans la Bibliotheca Lusitana et
Figueiredo dans la Préface de sa traduction de la Bible,
parlent d'une version manuscrite des Psaumes de la
pénitence, faite par D. Fr. Antonio de Sousa (f 1597),
évêque de Viseu, pour l'usage de sa sœur la comtesse
de Monsanto.
Ces défenses restrictives furent cause que les ver-
sions devinrent de plus en plus rares et que les savants
s'appliquèrent surtout dès lors à commenter en latin
le texte latin de la Vulgate, chaque écrivain choisis-
sant le livre de l'Écriture pour lequel il se sentait le
plus d'attrait. L'auteur de la Préface générale de la
version de la Bible par Figueiredo. éditée à Lisbonne
en 185i, énumère un grand nombre de ces commen-
tateurs, parmi lesquels figurent des noms de grande
autorité dans les lettres portugaises, comme ceux de
Bartholomeu dos Martyres, Bernardo de Brito. Fran-
cisco Foreiro, Heitor Pinto, Joào de Lucena, Manuel
de Sa, Antonio Vieira, Francisco de Mendonça, etc.
De leur côté, les protestants, interprétant maligne-
ment la défense faite par Pie IV, accusèrent l'Église
d'interdire aux fidèles la lecture des Livres Saints afin
qu'ils ne pussent pas connaître ce qui la condamnait
dans les écrits sacrés, et ils se mirent avec une grande
activité à composer et à publier des versions de la
Bible, en supprimant une partie des livres du canon,
en altérant parfois les textes comme il leur convenait
et en proclamant surtout qu'il était libre à chacun de
les interpréter à son gré. Ils trouvèrent un collabora-
teur pour la langue portugaise dans la personne d'un
prêtre apostat du XVIIe siècle qui était devenu mi-
nistre calviniste en Hollande; il publia : Novo Tesla-
inento, isto é, todos os sacrosantos livros de escriptos
evangelicos e apostolicos, do novo concerto de nosso
fiel senhor, Salvador e redemptor Jesu Christo, agora
traduziilos em portuguez pelo Padre Joào Ferreira
A. de Almeida, ministro prégador do Sancto Evan-
gelho. Com todasas licenças necessaria . Em Amster-
563
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA RIDLE
564
dam. Por a l'iuva de J. V. Someren. Anno 1681.
Em 4°. La Bibliothèque nationale de Lisbonne en
possède un exemplaire. Comme le fait remarquer le
bibliographe da Silva. Diccionario, article Joào Fer-
reira A. de Almeida, cette traduction est remplie
d'erreurs et de fautes typographiques provenant de ce
que le correcteur était peu versé dans la langue portu-
gaise, ainsi que le fait remarquer l'auteur lui-même
dans un avertissement publié à Batavia le 1" janvier
1683 et où sont énumérées plus de mille erreurs à cor-
riger, avec cette observation qu'il a été impossible de
les relever toutes.
l'ne seconde édition fut faite par les Hollandais éta-
blis en Asie pour l'usage des protestants portugais de
Batavia, sous ce titre modifié : O Novo Testamento,
istu ê, todos os livros do nova concerto do nosso fiel
senhor e redemptor Jesu Christo, traduzido na lingua
portugueza pelv reverendo padre Joào Ferreira A. de
Almeida, ministro prégadordoSanctoEvangelhon'esla
cidade de Batavia em lava Maior. Em Batavia, par
Joào de Vites,impressor da Illustre Companhia,e desla
nobre cidade. Anno 1693. Sur le verso de la feuille où
se lit le titre se trouve la déclaration que l'ouvrage a
été imprimé por ordem do Supremo Governo da
illustre Companlna dus l'un/as Provincias na India
Oriental, revis ta, com approvaçâo da congrega
ecclesiastica da cidade de Batavia, pelos ministros
prrgadores do Sancto Evangelho naJgreja da mesma
cidade Theodorus /.as, Jacobus Opden Akker. Cette
édition est sur papier de Hollande, grand in-4», et a
vin-597 pages. Elle a de plus que la première la con-
cordance des textes de l'Écriture. I. da Silva observe
qu'on y a corrigé peu ou point des fautes de la pre-
mière édition, mais qu'on y a fait des changements
considérables, plaçant, par exemple, la plupart des
verbes à la fin des propositions, « ce qui rend parfois
le sens obscur, fait violence à la phrase et affecte la
construction des périodes, o Da Silva possédait un
exemplaire de cette édition. l.-Ch. Brunet. dans le Ma-
nuel du libraire cl de l' Amateur de livres, en signale
une autre qualifiée de « rarissime t dans le catalogue
de Meerman.
En 1712 parut une troisième édition in-8". à Ams-
terdam, chez Joào Creliluz, par ordre de la même
compagnie des Provinces-Unies, pour l'instruction
des Indiens. Elle est encore plus fautive que les
précédentes, l'ne quatrième édition fut publiée en
1760 en deux grands m 8°, à Tramgambar, par l'of-
fice de la mission royale du Danemark et au béné-
fice de cette mission, ans frais de la Société (angli-
cane) de la Propagation de la foi de Londres. Une
cinquième édition fut donnée à Batavia par Egberl
llumen, in-8", 1773. Da Silva dit qu'elle fut comparée
de nouveau avec le texte original et avec d'autres ver-
sions et ainsi améliorée, les verbes furent remis à
leur place naturelle et beaucoup de mots et de fautes
corrigés.
La traduction de Ferreira de Almeida, dil Ribeiro dos
Santos, dans sa Memuria sobre versôes Biblicas, fut
faite sur le texte grec qu'elle suit dans lis points où il
diffère de la Vulgate, En sa qualité de calviniste, l'au-
teur n'en a pas exclu les livres deutérocanoniques que
rejette le luthéranisme. D'après Antonio Pereira de
figueiredo, dans sa préface au Nouveau Testament,
t. i, 2e édit., on n'y trouve rien qui sente le calviniste,
et il la regarde comme très servile. Mais d'autres écri-
vains sont d'un avis tout à fait contraire et la préface
que nous venons de citer ne fut pas reproduite dans
les éditions de Figueiredo qui furent publiées en 1701
et après, son- la surveillance de l'autorité ecclésias-
tique qui \ fit supprimer aussi des notes. Quant a sa
servilité, la traduction, par exemple, de Luc, i, 28,
prouve le contraire; au lieu de traduire par vheia de
graça, elle traduit par em graça accrila dans quelques
éditions et par agraviada dans d'autres.
Le même traducteur publia en 1738, in-4", a Tran-
gambar, Lirros Hisloricos do Velho Testamento, et
en 17 iO, in-8° dans la même ville et, comme le précé-
dent, par l'office de la mission royale de Danemark
Livra dos Psalmos. Eu 1748 parut à Batavia, in-81",
imprimé à l'office des séminaires par M. Mulder, Do
Yellio Testamento o primeiro tomo que content os
SS. Livros de Moysés, Josué, Juizes e Ruth, Samuel,
Reys, Chronicas, Fsra. Nehemias e Esther. Tradu-
zidos etil portuguez por Joào Ferreira A. de Almeida,
Ministre prégador, etc. En 1753, G. II. Heusler impri-
ma au même office du séminaire à Batavia. in-8°. Do
Vellio Testamento o segundo tomo que contem os
SS. Livros de Job, os Psalmos, vs Proverbios, o Pré-
gador, os Canlares, com os Prophetas Mayores <
nores. Traduzidos em portuguez por Joàu Ferreira
A. de Almeida, e Jacob Opden Akker, Ministros pré-
gadores do Santo Evangelho, etc. Entre la publication
du t. i et du t. il de cette version parut en 1749 une
nouvelle édition du Livro dos Psalmos, in-8", à la
même imprimerie, qui donna aussi plus tard, en IT.'iT.
dans une édition séparée, Os Livros de Moysés.
La traduction de l'Ancien Testament fut faite aux
frais de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales.
Elle ne contient pas les livres deutérocanoniques. Au
témoignage de da Silva. Almeida fit sa version sur l'ori-
ginal hébreu, en se servant de la version hollandaise
imprimée en 1618 et de la version castillane de Cypria-
no Valera. édition de 1602; il la poursuivit jusqu'aux
derniers chapitres d'Ézéchiel ; elle fut achevée par
Jacob Opden Akker, un de ceux qui avaient été chargés
de revoir la traduction du Nouveau Testament éditée
par Almeida en 1693.
Depuis sa publication, la version d'Almeida a été' si
souvent réimprimée soit totalement, soit partiellement,
pour les sociétés bibliques d'Angleterre et d'Amérique,
qu' o il est difficile, dit da Silva, de donner une .nu-
mération exacte » de toutes ses éditions. Ce bibliographe
mentionne deux éditions complètes dont il possède
des exemplaires, l'un grand in-S". imprimé par B. et
A. Taylor. à Londres, 1811t. l'autre grand in-8°, impri-
mé' à New-York en 1850. Xous avons entre les mains
ileux éditions complètes plus récentes, l'une in-8°,
publiée à New York en 1883, par la Société, biblique
Américaine, et où il est dit que le Nouveau Testament
est uni1 Reimpresso daediçâode 1093, revista e emen-
dada; l'autre. in-4°. imprimée à Lisbonne, en 1897,
revista •■ correcla, com refereneias e na margem
algumas palabras segundo o hebraico e o grego. Se
vend au Deposito dus Escripturas Sagradas. — En
1862, l'archevêque de Bahia, I). Manuel Joaquim da
Silveira, publia une I ittre pastorale pour prémunir ses
diocésains contra adulteraçôes emu tilaçôes da ISildia
traduzida em portuguez pelo Padre .1.1. A . de A Imeida.
Il y examine l'édition de New York que les protestants
répandaient dans le Brésil et après l'avoir confrontée
avec le texte reconnu authentique dés les premiers
siècles, il montre qu'elle contient des altérations,
changements, mutilations, additions, par exemple,
Luc. i. 28; Act., xiv, 23; Eph., V, 32; Il Tim., iv. ô;
Il .Ion., V, 6. 10, 13, là. 17-20. Ces ait. -rations se trou-
vent .dans les éditions de New York. 1882, et de Lis-
bonne. 1807.
Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria de algumas
IraduCfÔes biblicas noir col. 560), appréciai'.! la valeur
philologique et littéraire du travail de Ferreira de
Almeida, dil que sa langue est assez riche et renferme
un trésor de mois pour le vocabulaire portugais, mais
que sa grammaire est défectueuse, parce qu'il emploie
îles phrases el des constructions qui n'ont pas la saveur
du langage national et parce qu'il serre de trop près
565
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
566
le texte original ou l'ail usage de locutions et d'idio-
tisrnes propres au pays où il vivait.
III. Versions portugaises pepuis le milieu du
xviii' siècle jusqu'à nos jours. — Au milieu du
xvme siècle, à peu prés au moment où apparaissait la
version complète faite par Almeida et son auxiliaire
(1748-1753), s'ouvre une période nouvelle pour la mul-
tiplication des traductions de la Bible. L'Église qui
avait interdit la lecture de l'Écriture en langue vulgaire
au commencement du ^protestantisme pour entraver
les progrès de l'hérésie naissante parmi le peuple,
permit, dans la seconde moitié du x.vii° siècle, pour
détourner les fidèles de la lecture des versions pro-
testantes, de publier des traductions en langue vul-
gaire à la condition qu'elles fussent accompagnées de
notes et d'éclaircissements tirés des saints Pères et des
savants catholiques, et approuvées par le Siège aposto-
lique. Benoit XIV modifia en ce sens en 1757 la qua-
trième règle de l'Index formulée par Pie IV en 1564. Le
résultat fut la publication de versions nouvelles parmi
les catholiques : au Portugal, il parut presque simul-
tanément deux traductions complètes de l'Ecriture.
1° Version de Figueiredo. — La première fut celle
de P. Antonio Pereira de Figueiredo (né en 1725. morl
en 1797). 11 commença par le Nouveau Testament,
lequel était prêt dès 1772, comme on le voit dans l'Épitre
dédicatoire au cardinal D. Joào da Cunha (y 177:; .
mais le premier volume ne fut imprimé qu'en 177S.
nào por culpa do auctor, dit le Prologue, daté du 8 jan-
vier 1778, mas por infelicidade. La version de l'Ancien
Testament commença par les Psaumes imprimés en
"2 volumes en 178'2, elle se continua par la Genèse et
les autres livres, imprimés par l'imprimerie royale à
Lisbonne de 1783 à 1790. La traduction complète forme
23 in-8". Dès 1781, on réimprima les deux premiers
volumes du Nouveau Testament, corrigés pour le texte
et augmentés pour les notes.
Peu de temps après parut la seconde édition de la
Bible entière : Biblia Sagrada, traduzida em porlu-
guez segundo a Vulgata latina, illustrada com pré-
facées, notas eliçôes variantes. Segunda ediçâo revista
e retocada pelo auctor. Les 17 volumes in-8", que com-
prend l'Ancien Testament, furent imprimés par l'impri-
merie royale de Lisbonne de 1791 à 1803 et les 6 du
Nouveau Testament par Simào Thaddeo Ferreira de 1803
à 1S05.
En 1794. commença à paraître une troisième édition ,
en deux colonnes, contenant l'une le texte latin et
l'autre la traduction portugaise, texte et notes retou-
chés par l'auteur. Elle est dédiée au prince du Brésil
B. Joào, dont elle reproduit en tète le portrait. Le tome
premier contient une Prefacio gérai à toda a Sagrada
Biblia, de xcv pages, dans laquelle il est dit que cette édi-
tion « est incomparablement plus correcte et augmen-
tée, de telle sorte qu'on peut dire avec raison que c'est
une version nouvelle ». Outre cette Préface générale,
chaque livre est précédé d'une Préface spéciale plus
ou moins courte dans laquelle Figueiredo indique les
traductions en langues diverses dont il s'est servi pour
la version de ce livre. Cette édition, imprimée à Lis-
bonne, par S. Th. Ferreira et terminée en 1819, com-
prend sept tomes in-folio.
Une réédition de la traduction de Figueiredo, avec le
texte latin, en 2 in-f\ fut publiée en 1852-1853, par la
Bibliotheca Economica, sous la direction d'Eduardo de
l'aria, auteur d'un Dictionnaire portugais, avec ce titre :
A Biblia Sagrada conlendoo Vellio e Novo Testamento.
Traducçâo do Padre Antonio Pereira de Figueiredo.
Enriquecida com varias notas pelo mesmo traductor
leoccepto aquellas que foram condemnadas enx Borna)
e por D. Felippe Scio de S. Miguel, Bispo de Segovia,
Bossuet, etc. Ornado com gravuras. Lisboa. Typogra-
phia de José Carlos de Aguiar Vianna, 1852. Appro-
vada pelo Cardeal Patriarcha de Lisboa em 9 de Ja-
neiro de i852. Cette Bible fut critiquée lors de son
apparition à cause des fautes typographiques nom-
breuses, de la suppression des indications chronolo-
giques et d'une partie des préfaces et aussi de l'insuf-
fisance des notes.
Une nouvelle édition parut en 1854, avec le texte
latin à la librairie populaire et historique de Lisbonne,
sous les auspices du cardinal patriarche. Le Patriarche
en autorisa la publication le 4 juin 1852, à condition
qu'elle reproduirait la seconde édition, in-4", faite à
Lisbonne en 1794. par Simào Thaddeo Ferreira, avec
ses préfaces et ses notes, lesquelles avaient été expur-
gées, et qu'elle serait revue et corrigée par un savant
ecclésiastique, aidé au besoin de deux autres réviseurs.
Une préface nouvelle à l'Ancien Testament et une autre
au Nouveau sont l'œuvre de l'un des censeurs, P. Fran-
cisco Recreio. Elle comprend trois volumes in-folio.
Le troisième contenant le Novo Testamento. Vida de
Nosso Senhor Jésus Christo, parut en IS57. La vie de
Xotre-Seigneur forme un supplément publié en 1858,
avec ce titre spécial : Vida de Xosso Senhor Jésus
C/iristo, redigida pelo Beverendo Abbade Brispot, e
rertida em vulgar por Luis Filippe Leite, Direclor
da Escola Normal Primaria de Lisboa.
La traduction de Figueiredo, sans le texte latin, fut
éditée au Brésil, en 1864, en 2 in-4", à Rio de Janeiro,
par la librairie 0. B. L. Garnier. Elle contient peu de
notes de Figueiredo et seulement dans les livres du
Pentateuque, Josué, Esther, Daniel et Amos. Plusieurs
livres n'ont aucune note. Celles qui sont relatives aux
prophètes et au Nouveau Testament, œuvre du chanoine
Delaunay, curé de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, sont
placées à la fin de la Bible, sans aucun renvoi dans le
texte sacré. Celte édition, avec les notes explicatives de
Delaunay. est approuvée par un mandement de l'arche-
vêque de Bahia, alors métropolitain du Brésil, daté de
1863. — La Société biblique de Londres a publié di-
verses éditions de la version de Figueiredo, sans pré-
faces et sans notes. 1821. 1866, etc. La lecture en fut
permise aux catholiques du Portugal par un acte du
ministère du royaume, du 17 octobre 1842, reproduit
dans la Revista universal Lisbonense, 1™ série, t. il,
p. 521. Francisco Recreio, un des censeurs de l'édition
de la Librairie populaire de 1854, déclare à la fin de la
préface que c'est « pour le bien de l'Église qu'est pu-
bliée avec le plus grand soin cette traduction, parce
que la propagande protestante l'a fâcheusement intro-
duite dans le Portugal et les pays de sa domination, en
la faisant imprimer à sa manière par ses presses im-
pures et falsificatrices ».
Au point de vue philologique et littéraire, la traduc-
tion de la Bible par Figueiredo a justement la réputa-
tion d'une œuvre de valeur. Il avait toutes les qualités
requises pour ce travail, fait sur la Vulgate latine, étant
lui-même un excellent latiniste, « connu comme tel
même à l'étranger, » dit Innocencio da Silva, auteur
d'études historiques et théologiques en latin, ainsi que
d'ouvrages classiques pour l'enseignement élémentaire,
moyen et supérieur de celte langue, adoptés universelle-
ment pendant près d'un siècle au Portugal et au Brésil ;
sa compétence l'avait fait nommer rédacteur pour
les lettres latines de la secrétairerie d'Étal. Quant à
sa composition en langue portugaise, voici ce qu'en
dit Fr. Recreio, dans la première préface de l'édi-
tion de la Librairie populaire : « Dans le catalogue
des livres à consulter pour la continuation du Diction-
naire de la langue portugaise, publié par ordre de l'Aca-
démie royale des sciences de Lisbonne, figure la traduc-
tion de l'Ancien et du Nouveau Testament, édition in-S",
d'Antonio Pereira de Figueiredo. Cette mention est la
preuve authentique de son caractère classique. » On ne
peut donner de semblables éloges aux notes que Figuei-
567
PORTI'OAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
568
redo a jointes lui-même à sa version. « On ne saurait
nier, dit Recreio, dans la préface déjà citée, l'utilité et
l'étendue de l'érudition qui fait le mérite (des notes de
Figueiredo) sous le rapport critique, dogmatique et
moral. A ceux qui ne sont pas d'accord avec quelques-
unes de ses opinions particulières, nous répondrons
par les paroles de l'Apôtre, prises dans leur sens vul-
gaire : Unusquisque in suo sensu abundet. » Sans
contester ce jugement, nous devons observer que
Figueiredo. tout en possédant une instruction variée et
étant très versé dans les sciences ecclésiastiques et pro-
fanes, soull'rit néanmoins de l'inlluence des doctrines
régalistes auxquelles ne surent pas alors résister même
des membres notables de l'épiscopat ; il les défendit
dans les livres qu'il publia, tels que la Tentativa theo-
logica et l'Analyse da Pro/isào de Fê do santo Pa Ire
Pio 1 V, laquelle fut mise à l'index par décret du 26 jan-
vier 1705, et il s'y montra tellement attaclié qu'il refusa
de se rétracter même à ses derniers moments, ainsi que
l'affirme un de ses neveux, dans une lettre adressée à la
presse, et qu'il est rapporté par VEncyclopedùi Portu-
gueza illustrada (publication qui a commencé au
xx» siècle, sous la direction de Maximiano Lemos),
article sur Antonio Pereira de Figueiredo. Si l'on
tient compte de ces circonstances, on comprend que
ses notes aient été condamnées, quoiqu'un grand
nombre d'entre elles témoignent de ses connaissances
linguistiques, historiques et littéraires; il n'y a pas
d'injustice à affirmer qu'on n'y voit prédominer ni l'es-
prit sacerdotal, ni la piété chrétienne qui animent les
commentaires d'autres versions portugaises.
De 1902 à 1904, la traduction de Figueiredo a été réé-
ditée en Portugal sous ce titre : Biblia Sagrada con-
tendo o Velho e Novo Testamento. Versào du Padre
Antonio Pereira de Figueiredo. — Commentarios e
annotaçôes segundo os modernos irabalhos de Glaire,
Knabenbauer, Lesêtre, Lestrade, Poels, Vigouroux,etc.
— Pelo Hev. Sanlos Farinha. — Ediçào popular e
illustrada, approvada pelo Emmo-Cardeal Patriar-
cha, 3 in-8°, Lisbonne, 1902-1904. Les préfaces de Fi-
gueiredo sont remplacées par des préfaces nouvelles,
les archaïsmes et les inexactitudes sont corrigés. Les
corrections ne sont pas toujours heureuses. Le com-
mentaire est presque certainement nouveau. Cette édi-
tion n'est pas accompagnée du texte latin.
2° Version de Sarmento. — Une autre traduction por-
tugaise de la Bible fut faite en même temps que celle
de figueiredo par Francisco de Jésus Maria Sarmento
qui vécut de 1713 à 1790. Le Nouveau Testament pa-
rut d'abord sous le titre de Historia Evangelica,8 in-8°,
Lisbonne, 1777-177S. Avant le texte sacré on trouve une
Concordia Evangelica, à imitaçâo dadeJoâo Buisson,
imi>ressa em Savreux no anno de 1554. L'ancien Tes-
tament parut à Lisbonne de I77S à 1785 en 44 in-'r,
sous le titre de Historia biblica. Le traducteur ne s'est
pas astreint à une traduction rigoureuse, comme il le
déclare dans le prologue du premier livre, et il ajoute
souvent des explications au texte.
La traduction de Sarmento lut rééditée sans le texte
latin à Porto. L'Ancien Testament parut sous ce titre :
Historia Biblica e Dov.tri.na Mural da Religiâo Catho-
lica, extrahida dos Livros Santos do Antigo Testa-
mento com fréquentes Paraphrases et Varias Notas
Litterarias e Beflexoes Moraes, para sua maior e
mais proveitosa intelligencia : 27 in-8", Porto, 1864-
18117. Le Nouw.'iu Testament dans un premier volume
la Concordia Evangelica, et les suivants : ['Historia
Evangelica, apostolicae doutrinal, deduzida dos Livros
Santos do Novo Testamento, com fréquentes para-
phrases introduzidas no Texto, sobre algumas Notas
Litteraes em certos lugares maisdifficeis, tudo extra-
hido dos Antigos Padres e Modernos Expositores,
para melhor e mais faeil intelligencia da Sagrada
Escriptura, 11 in-8», Porto, 1867-1869. Le troisième et le
quatrième livre d'Esdras, également traduit par Sar-
mento, avec la prière de Manassé, etc., sont contenus
dans un 12e volume paru en 1868.
Le bibliographe Innocencio mentionne deux ver-
sions partielles du Nouveau Testament, composées au
xvme siècle et restées manuscrites : Versào das Epis-
tolas e Evangelhos, que se recitam em todo o anno.
acompanhada de illustraçôes, par Joaquim José da
Costa Sa -;- 1803), et 0 Evangelho de Jésus Christo
segundo S. Matheus et S. Marcos, traduzido e illus-
trado em largos commentarios, 3 in-i". par Antonio
Ribeiro dos Santos (f 1818), donnés par l'auteur à la
Bibliothèque de Lisbonne.
3° Versions du w.v et du xx< siècles. — l). Fr. Joa-
quim de Nossa Senhora de Nazareth, qui '[fut d'abord
évêque de Maranhào et puis de Coimbra et acheva sa
vie à Maranhào (Brésil), en 1851, publia : O Novo Tes-
tamento de Nosso Senhor Jésus Christo, conforme a
Vulgata Latina. traduzido em portuguez, e annotado
segundo o sentido dos Santos Padres e Expositores
Catholicos, pelo quai se esclarece a verdadeira dou-
trina do texto sagrado, e se réfutant os erros subver-
sivos dos novadores antigos e modernos, 3 in-f", Ma-
ranhào, 1845-1847. Version estimée et accompagnée du
texte latin. Une nouvelle édition fut imprimée, sans le
texte latin, in-) 2, à Lisbonne, 1875, em conformidade
da Versào Franceza annotada por.l.-B. Glaire.
En 1879. fut publié au Brésil une autre version :
O Novo Testamenta de Xosso Senhor e Bedemptor
Jésus Christo. traduzido do original grego. Primeira
ediçào brazileira, in-8°, Rio de Janeiro. Elle parait
être une reloue lie de la version de Ferreira de Almeida
et ne contient aucune note.
En 1895, a paru à Porto une Biblia popular illustrada
pelo abbade Drioux. Traducçâo de Paiva Pona. l'u-
blicada com permissâo do Cardeal Bispo do Porto.
Velho e Novo Testamento, in-4", avec gravures. Ce
n'est pas proprement une version, mais un récit dans
lequel le commentaire est mêlé au lexte.
Le premier congrès catholique brésilien, réuni a
Bahia en 1900, résolut le 9 juin la publication d'une
nouvelle édition de la Bible, pour combattre la propa-
gande protestante. Le travail fut confié aux Francis-
cains. Ils ont publié à Bahia, en février 1902: O Santa
Evangelho de Jésus Christo segundo S. Matheus, tra-
duzido em Portuguez segundo a Vulgata latina. Com
annotât ces extrahidas dos SS. Padres et de theologos
emiuentes, antigos e modernos. Editado pelos Beligio-
sas Franciscanos. — En avril de la même année : 0
Santo Evangelho de Jésus Christo segundo S. Marcos.
Une nouvelle édition de ces deux Évangiles parut en
juin 1902.
En août 1903 : t> Soi in Erangellio segundo S. Lions ;
en décembre 1903 : 0 Santo Evangelho segundo
S. Joào : en mai 1904 : Os Actos dos Apostolos; de
mai 1905 à janvier 1906 ont été publiées : Epistola de
S. Paulo ans Romanos ; l* et 2" Epistola a<is Corin-
thios. La version des Evangiles et des Actes, avec les
notes, destinées surtout à combattre les erreurs des
protestants, pour une nouvelle édition, qui est sous
presse, ont été revues par le P. I. Knabenbauer, S. .1.
En 1903, le chanoine Duarte Leopoldo e Silva. de-
venu successivement depuis évêque de Corytiba el au-
jourd'hui de S. Paulo, publia une Concordancia dos
Santos Evangelhos reunidos em um sa, in-8", avec com-
mentaire. Le texte des quatre Evangiles est fondu en-
semble de manière à former un seul récit suivi.
Le Brésil a vu paraître en 1905 une traduction por-
tugaise : Os Sautas Evangelhos deN. S. Jésus Christo
e os Actos dos Apostolos, Au titre général des Évan-
giles, on lit en plus : Traducçâo portugueza segundo a
Vulgata latina. Par um Padre da Missào. Com mitas
569
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA RIBLE — POTERIE
570
da ediçâo franceza dos PP. da Assumpçdo, in-4». Rio
de Janeiro. Le traducteur est le P. Pedro Maria Booz,
sa version est approuvée par l'archevêque de cette ville,
Mtr Arcoverde. aujourd'hui cardinal.
4" L'histoire des versions portugaises embrasse, comme
on le voit, six siècles, et peut se partager en trois périodes,
la première d'essais, la seconde de suspension, la troi-
sième d'activité. La première va du commencement du
xiv« siècle au milieu du xvi«; elle ne voit paraître que
des traductions partielles dont les unes ont été impri-
mées et les autres sont restées manuscrites. La seconde
période s'étend jusqu'au milieu du xvnie siècle et corres-
pond au temps où les erreurs protestantes qui regardent
l'Écriture comme l'unique règle de foi et qui enseignent
que chacun peut l'interpréter comme il l'entend, obligent
les souverains Pontifes à interdire la lecture des ver-
sions en langue vulgaire à ceux qui ne sont pas autori-
sés à le faire par leurs supérieurs ecclésiastiques. Cette
époque n'a guère vu paraître que la traduction protes-
138. — Jarre archaïque, de Tell es-Safy.
D'après Vincent, Canaan, p. 307.
tante de J. Ferreira de Almeida, accommodée aux
erreurs dont il faisait profession. La période finale
s'ouvre avec le décret de Benoit X1Y, autorisant la lec-
ture des versions en langue vulgaire approuvées par
le Saint-Siège et annotées d'après les saints Pères et
les savants catholiques. Les traductions se sont alors
multipliées et les éditions augmentent continuelle-
ment. J. Pereira.
POSIOONIUS (grec : iWeiôwvio;), un des trois
envoyés du général syrien Nicanor, chargés de porter à
Judas Macchabée des propositions d'alliance qui furent
acceptées. II Mach., xiv, 19.
POSSÉDÉS DU DÉMON. POSSESSION. Voir
DÉMONIAQUES, t. II. col. 1374.
POTEAU. Voir Mat, t. iv, col. 861-862; Pal, ibid.,
col. 1961 ; Potence.
POTENCE (hébreu : é.j; Septante : ÇùXov; Vulgate:
lignum, patibulum, cntx), pièce de bois servant pour la
pendaison des criminels. Voir Pendaison, t. iv, col. 3ï.
En général, l'hébreu emploie, pour désigner cet instru-
ment, le mot es, « bois », qui ne préjuge rien quant à
sa forme, et peut convenir au pal, voir Pal, t. iv, col. 1961.
à la croix, voir Croix, t. Il, col. 11-29, au simple poteau
ou à un agencement de plusieurs pièces de bois. Gen.,
xl. 22: Num.. xxv, 4; Deut., xxi, '22; Jos., vin, 29; x,
27: Esth., n. 23; vi. i; vu, 10; ix, 13. En hébreu, atta-
cher à la potence se dit tâlâh al liâ'ès, « suspendre au
bois », Septante : È/.pî(iauc, o il suspendit », Deut., xxi,
22; ou simplement hôqîya', • pendre », Septante :
itapaSEiYpâttiTov, « on fit un exemple >\ on exposa en
139. — Lampe-canard, de Gazer.
D'après Vincent, Canaan, p. 315.
exemple, Num., xxv, 4, et i'i^'/.'.iix-i, a on exposa au so-
leil ». II fieg., xxi, 6, 9. Une autre fois, les Septante
supposent une potence en forme de croix: ia-xvpioaQcii,
« être mis en croix », en parlant de la potence d'Aman.
Esth., xvi, 18. Cette potence avait cinquante coudées,
près de vingt-cinq mètres de haut. C'était donc comme
un grand mût au sommet duquel fut hissé le corps du
condamné. H. Lesltrl.
140. — Oiseau peint, à Lachis.
D'après Bliss, A mound of many cities, Londres, 1894. fig. 106.
POTERIE, fabrication d'ustensiles et d'objets divers
en terre cuite. — 1° Poterie chananéenne. L'argile se
rencontrait assez communément en Palestine. Voir
Argile, t. i, col. 949; Palestine, t. iv, col. 2013. Les
plus anciens habitants du pays surent l'utiliser.
Jusqu'en ces dernières années, les débris de poterie
retrouvés dans le sol palestinien étaient assez rares.
Depuis les fouilles de MM. Bliss et Macalister, Excava-
571
POTERIE
572
lions in Palestine during the years 1898-1000, Londres,
1902, part, u, The pottery, p. 74-141, les documents
céramiques sont devenus beaucoup plus nombreux.
141. — Jarre chananéenne.
D'après Vincent, Canaan, pi. x, 8.
Les plus anciens spécimens chananéens sont grossiers
et simplement durcis au soleil. Puis, les potiers
apprennent à cuire et perfectionnent leur art. Les vases
d'animaux, comme la lampe-canard trouvée à Gcezer
(fig. 139). Ensuite on décore les objets en noir sur
143. — Cruche chananéenne décorée.
D'après Rlisset Macalister, Excavations, pi. S4.
fond jaune, en y représentant divers ornements et
surtout des animaux (lig. 140).
A partir du XVIe siècle avant J.-C., l'emploi du tour
142. — Marmites chananéennes. t l'après Vincent, Canaan, pi. x, l. 15, 16.
■-ont modelés à la main avec une assez grande habileté
et a l'aide de silex pour aplanir le^ sur laces; mais le
tour n'est pas encore utilisé. Iles stries et des hachures
se généralise, la technique devient plus habile et les
pièces beaucoup mieux réussies. Les jarres sont pour-
vues d'anses (fig. 141), les marmites prennent une l'orme
lit. — Lampe chananéenne. D'après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 47.
commencent à décorer les pièces. On ne se contente
pas de fabriquer des vases à forme régulière (fig. 138),
on s'essaie à faire des récipients affectant des formés
élégante (lig. 142), les cruches reçoivent une déco-
ration pittoresque (lig. 143), les lampes reproduisent
plus artistiquement les types d'animaux (fig. lii . la
573
POTERIE
574
peinture rouge foncé sur fond jaune ou gris et même
une sorte de vernis émaillé donnent aux pièces une
physionomie plus agréable. On a retrouvé à Gazer des
jarres à fond pointu qui servaient à la sépulture des
enfants. Parfois ces jarres se rencontrent sous un mur.
sous un seuil de porte, sous une maison; les cadavres
qu'elles contiennent sont ceux des enfants qui ont été
145. — Ancienne cruelle à huile phénicienne. Xécropole de Tyr.
D"après Lortet, La Syrie, p. 143.
immolés selon le rite chananéen. Voir Sacrifice. —
On a été tenté de reconnaître l'influence phénicienne
dans la céramique chananéenne. Mais les Phéniciens
n'ont jamais eu de céramique originale (lîg. 145). La po-
terie mise au jour à Tyr, à Tell-el-Rachédiéh, en 1903,
est d'imitation cypriote. Cf. Revue biblique, 1904, p. 564-
5(56. Les Phéniciens cherchaient avant tout à débiter
les articles les plus capables d'exciter l'envie de leur
clientèle ; les légendes gravées ou peinles par eux sur les
objets n'impliquaient nullement une origine tyrienne.
146. — Cruche décorée, de style cypriote.
D'après Sellin, Tell Ta'annek, Vienne, 1904, fig. 44.
Cf. Babelon, Manuel d'archéologie orientale, Paris,
18S8, p. 292-299; Maspero, L'archéologie égyptienne
Paris, 1887, p. 242-247.
2» Poterie isra^lite. — Après leur installation en Pa-
lestine les Hébreux imitèrent naturellement les procédés
de la céranique chananéenne. Mais ils donnèrent des
formes quelque peu originales à leurs produits, cruches
décorées à la manière cypriote (fig. 146 , ou à panse
étroite, comme des gourdes (lîg. 147). A partir de la
monarchie, l'autonomie des potiers israéli tes s'accentue,
tout en subissant l'inlluence phénicienne, à laquelle la
construclion et l'ornementation du Temple avaient
donné grand crédit. Les produits de la Grèce arrivaient
aussi sur les marchés palestiniens et contribuaient à
affiner le goût des artistes israélites. Néanmoins, leurs
produits ne parviennent pas à rivaliser avec ceux de la
147. — Cruche en forme de gourde
D'après Sellin, ibid., pi. v. a.
dernière période chananéenne. Presque toute la vaisselle
est fabriquée au tour; mais bien des vases domestiques
sont grossièrement modelés à la main et à peine
dégrossis au polissoir. Ils font des jarres larges et mas-
sives (lîg. 148). 11 n'y a pas de types absolument origi-
naux; les ouvriers imitent l'ancienne poterie indigène
ou s'inspirent des modèles mvcéniens ou cypriotes
(fig. 149). Voir. t. n, lîg. 416, col. 1135. La décoration
148. — Jarre juive. D'après Vincent, Catuian, p. 356.
est purement linéaire ou empruntée au règne végétal.
Le ton jaune ou noirâtre de la terre cuite reçoit des
traits en noir ou en rouge. Les figurines de l'époque se
rattachent aux productions grecques (lîg. 150i. quelque-
fois avec des types sémitiques (fig. 151 1. L'n certain
nombre de pièces portent des estampilles. Parfois,
c'est un nom de potier. Souvent, ce sont des estampilles
royales, caractérisées par le mot -]'"-'" et par le nom
d'une localité (fig. 152). Quatre localités palestiniennes
o/o
POTERIE
POTHIER
576
sont nommées, Hébron, Zipli, Soccoth et Marésa. Il
faudrait donc lire : « Au roi, Hébron; au roi, Zipli, »
etc. Les ateliers royaux auraient ainsi fabriqué certaines
catégories de vases; ces ateliers se trouvent précisément
dans des régions où abonde l'argile apte au moulage.
Les potiers d'IIébron et de Beit-Djebrin, au voisinage
noms de la plante çémç, le Poterittm épineux. Mais le
nàâsus est le jujubier ou Zizyphus Spina-Christi,
Voir t. m, col. 1861.
POTHIER Rémi, théologien français, né à Reims en
1727, mort dans cette ville le 23 juin 1812. Il fut suc-
Poterie Km. élite. D'après Vincent, Canaan, pi. XI.
de l'antique Marésa, approvisionnent encore aujourd'hui
les marchés de Jérusalem, (if. 11. Vincent, Canaan.
Paris, 1907, p. 297-360. Les potiers israélites fabriquaient
des récipients de toute nature, des lampes, voir
cessivement curé de Béthenville et chanoine [de Laon
avant la Révolution. Esprit singulier, il croyait que per-
sonne avant lui n'avait parfaitement compris le sens-
de l'Écriture. 11 publia en 1773 le plan d'une Explica-
150.
nés de stvle cypriote. D'après vinrent, Canaan, p. 356.
Lampe, t. iv, lig. li, col. 54, des ustensiles que
la rareté du bois obligeait à faire en terre cuite, comme
des mangeoires d'animaux, \oir Cri <:ue, t. tt, col. 1 108,
" is d'idoles. Cf, Sap., xv, 8, etc.
II. Lesètre.
des téraphim, des statuettes
II. LESI I RI .
POTERIUM ÉPINEUX. Les Septante traduisent
le mol hébreu nu axa?. Is.. I.v. 13, par «toiê/,, un des
ratian de l'Apocalypse, qui fut brûlé par le bourreau
par ordre du Parlement de Paris, sur la réquisition de
l'avocat général Seguier. Polluer n'en lit pas moin
raltre s. m Explication, imprimée clandestinement I
Douai, 2 in-8u, 1773, et il en donna plus tard une tra-
duction latine, 2 in-12, Augsbourg, 1797 et 1798. Il lit
paraître à part un extrait intitulé Les Irais dernières
577
P0TU1ER — POTIER
578
plaies, in-12, Augsbourg, 1798, dans lequel il appelle
Bonaparte précurseur de l'Antéchrist. En 1802, il publia,
in-8°, à Augsbourg, une explication des Psaumes en
latin. Voir Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. XL,
151. — Figurines à profils de Sémites.
D'après Vincent, Canaan, p. 357.
1862, col. 895; Michaud, Biographie universelle, nom.
édit., t. xxxiv, p, 190.
de yàsar, « façonner a ;
y.£pïu.:-j; ; Vulgate : figu-
POTIER (hébreu : i/és-V
chaldéen : péhâr; Septante .
lus), artisan qui fait des vases et des ustensiles de terre
cuite. — 1° A une époque reculée, il y eut des potiers
à Nétaïm et à Gédéra, qui travaillaient pour le compte
du roi. 1 Par., iv, 23. D'autres sont signalés auprès de
2» Pour exécuter son travail, le potier commençait
par pétrir la terre avec les pieds. Is., xli, 25. Puis, s il
s'agissait d'un vase, il se servait de la roue (lig. 153)
pour le façonner. La forme de l'instrument n'a guère
15 '■. — Le dieu Plitah façonnant l'œuf du monde (peint en jaune)
sur un tour à potier, dont it met la roue en mouvement avec
les pieds. British Muséum. Cf. E. A. W. Budge, The Gods of,
Ihe Egyptians, 2 in-4% Londres, I9u4, t. I, p. 500.
varié depuis les anciens tpmps. Il se compose essentielle-
ment de deux roues pleines, fixées horizontalement aux
extrémités d'un axe vertical. L'appareil est agencé sur
un pivot, de telle manière que la roue inférieure puisse
être mise en mouvement par les pieds d'un ouvrier
assis. La roue inférieure, ainsi conduite par les pieds,
152. — Estampilles royales. D'après Vincent, Canaan, p. 358.
Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnorn, oùJérémie.
xtx, 2, mentionne une porte des Tessons ou du Potier.
saar ha-karsùf, — -j>.r, t?;; gapers/8, porta fietilis, qu'il
faut peut-être identifier avec la porte Sterquiline ou du
Fumier. Voir Jérusalem, t. in, col. 1365. De ce même
côté se trouvait le champ du potier que les Juifs ache-
tèrent avec les deniers de Judas pour y inhumer les
étrangers.Matth., xxvn, 8. Voir HA.CELDAMA,t.lii,col.386.
DICT. DE LA BIBLE.
entraine dans son mouvement la roue supérieure, qui
fait partie d'un même système. Les objets posés sur
cette roue seront donc entraînés dans son mouvement
giratoire, et, comme dans un tour à façonner le bois,
auront leurs surfaces usées par les objets résistants
qu'on tiendra à frottement auprès d'eux. Pourvu d'un
appareil de cette nature, le potier s'assied, prend dans
ses mains de l'argile suffisamment humide, lui donne
y. - 19
579
POTIER
580
une première forme générale, accusant le relief exté-
rieur et ménageant une cavité à l'intérieur de la masse.
Puis il la pose sur la roue supérieure, maintient le vase
avec une de ses mains placée à l'intérieur, met la roue
154. — Tambourin en terre cuite.
D'après Lortet, La Syrie, p. 336.
en mouvement, et de l'autre main, avec une pièce
plate à échancrures appropriées, comprime doucement
la masse d'argile, jusqu'à ce qu'elle ait été réduite à
les tours sont mis en mouvement. Cf. 1. 1, fig. 22, col. -179.
Il fallait au potier une certaine habileté pour réussir
dans sa tâche. Parfois, pour une raison ou pour une
autre, le vase se brisait avant d'être terminé. « Je des-
cendis à la maison du potier, raconte Jérémie, xxiii, 3,
4; or, il faisait son ouvrage sur des roues. Le vase qu'il
faisait manqua, comme il arrive à l'argile dans la main
du potier, et il refit un autre vase, comme il plut au po-
tier de le faire, » L'Ecclésiastique, xxxviu, 32, 33.
décrit avec plus de détails le travail du potier :
Le potier assis à son ouvrage
Kî tournant la roue avec ses pieds,
Constamment est en souci de son travail,
Et fait effort pour fournir la quantité.
Avec son bras il façonne L'argile,
Et devant ses pieds il fait tourner la masse.
11 met tout son cœur à parfaire le vernis.
l'a soin vigilant à nettoyer son four.
En effet, le vase une fois séché à l'air, est mis au
four pour y cuire. Le four doit être bien propre, pour
que la pâte encore molle ne se déforme pas au contact
d'objets étra-ngers. Le vernis, %piap.a, linilio, est un
composé de divers oxydes, colorés ou non, qui se vitri-
fie par la fusion et constitue une sorte d'émail à la
surface du vase. C'est dans le four que les vases du
potier prennent leur forme définitive ; ils en sortent
réussis ou manques. Eccli.. xxvn. 6. Le potier peut
faire ainsi des ouvrages de toutes sortes, à son choix.
Sap., xv, 7.
3° Comme, pour créer l'homme, Dieu prit de la
poussière de la terre et en forma, yâfar, son corps,
Gen., il, 7-8, les auteurs sacrés aiment à assimiler
m n ,
5 6 r <j 7 £ut>» 9
155. — Potiers égyptiens. D'après Wilkinson, Marinera and Customs, 2' édit.. t. n, lig. 397, p. 192.
a, e, l, p, roues sur lesquelles est placée l'argile; t. Ouvrier façonnant l'intérieur d'une coupe qui tourne sur la roue a.
b, c, (l, n, h, m, n, représentent des vases déjà faits. — 2. Autre ouvrier façonnant l'extérieur d'une coupe cl se préparant à la
séparer du bloc d'argile. — 3 vient de séparer la coupe k ilu bl"<' d'argilo l. — 4 met sur la roue p l'argile qu'il va travailler,
— 5 façonne avec les deux mains nu disque d'argile. — 6 entretient le tour q d'où l'on voit sortir les flammes s. — 7 fail pa
à 8 les vases que celui-ci fait cuire au haut du four. — '.' emporte les vases déjà cuits. Beni-Hàssan iMoyen Empire).
l'épaisseur voulue et ait pris une forme circulaire bien
régulière. (In obtient ainsi toutes sortes de formes
(fig. 154). S'il faut ajouter des anses au vase, élargir
ou rétrécir quelque partie de ses bords, on le fait pen-
dant que l'argile est encore fraîche. Des peintures
égyptiennes représentent ce travail des potiers fabri-
quant au tour des vases d'argile (fig. 155), sans qu'on
puisse cependant se rendre compte de la manière dont
son œuvre à celle du potier. Cf. t. i. lig. 22, col, 179,
le dieu égyptien Khnoum façonnant l'homme. L'homme
est donc par rapport à Dieu, ce que l'argile est par
rapport au potier.
Ciiinmi' l'argile est dans la main du poiier,
Et qu'il en dispose selon son bon plaisir,
Ainsi les hommes sont dans la main de celui qui les a faits.
Et il leur donne selon son jugement. Eccli.. XXXIII, 18-14.
581
POTIER — POULE
582
En conséquence, l'homme n'a pas plus droit de se
révolter contre Dieu que l'argile contre le potier.
Folie! Le potier sera-t-il pris pour de l'argile,
De sorte que l'œuvre dise à l'ouvrier : Il ne m'a point faite!
Et le vase au potier : Il n'y entend rien ! Is., xxix, 16.
Malheur à qui conteste avec celui qui l'a formé,
Vase parmi des vases de terre,
L'argile dira-t-elle à celui qui la façonne : Que fais-tu?
Ton œuvre dira-t-elle : Il n'a pas de mains!...
Oserez-vous m'interroger sur l'avenir,
Me commander au sujet de mes enfants
Et de l'ouvrage de mes mains !
C'est moi qui ai fait la lerre.
Et qui ai créé l'homme qui est sur elle. Is., xlv, 9, 11, 12-
Après avoir montré le potier mettant sur la roue un
vase qui ne se moule pas bien, et le remplaçant par un
autre. Jérémie, xvm, 3-0, ajoute de la part de Dieu :
Est-ce que je ne puis pas vous faire
Comme a fait ce potier, maison d'Israël?
Ce que l'argile est dans la main du potier,
Vous l'êtes dans ma main, maison d'Israël.
Saint Paul reprend la même comparaison et assimile
Dieu au potier qui prend son argile et en fait ce qu'il
veut, tirant de la même masse un vase d'honneur et
un vase commun. Rom., ix, 20, 21. Cf. Sap., xv, 7.
i Quand l'ouvrage du potier a passé au four, on le
brise aisément, mais on ne peut pas le réparer. Les
auteurs sacrés tirent de là d'autres comparaisons. Dieu
mettra en pièces les nations rebelles comme le vase du
potier. Ps. il, 9; Apoc, II, 27. Isaïe, xxx, 14, compare
l'alliance égyptienne à un ouvrage qui tombe subite-
ment en morceaux, comme un vase de potier. Jérémie
reçoit l'ordre d'acheter une cruche de potier, de la
briser hors de Jérusalem sous les yeux des anciens et
de leur dire :
Ainsi parle Jëhovah des armées :
Je briserai ce peuple et cette ville,
Comme on brise le vase du potier
Qui ne peut plus être réparé. Jer., xix, 1, 11.
Après la prise de la ville, les nobles filles de Sion,
jadis estimées au poids de l'or, se plaignent d'être
traitées comme de simples vases de terre, œuvre du
potier. Lam., IV, 2. La statue du songe de Nabuchodo-
nosor avait une partie des pieds en argile de potier, ce
qui indiquait la fragilité de l'œuvre. Dan., n, 41.
H. Lesétre.
POU, insecte aptère, vivant sur le corps de l'homme
et des animaux. Le pou est pourvu d'un suçoir qui lui
156. — Pou et ses œufs. Grossis de 20 diamètres.
permet de pomper le sang, après qu'à l'aide d'un ai-
guillon corné il a percé la peau (fig. 156). Ses pattes
sont terminées par des crochets au moyen desquels il
adhère fortement aux poils ou aux cheveux. — Josèphe,
Ant. jitd.,\\, xiv, 3, suivi par beaucoup de commenta-
teurs juifs, prétend que les kinnîm de la troisième plaie
d'Egypte étaient des poux : « Une innombrable quantité
de poux fourmillait des corps des Egyptiens, et il n'y
avait ni lavages ni application de remèdes qui put les
détruire. » Les Égyptiens prenaient d'ordinaire de
grandes précautions pour éviter ces insectes. Hérodote,
il, 37. Mais ici Josèphe paraphrase le texte biblique.
Les kinnîm ne sont pas des poux, cpDeipî';, pediculi,
mais des cousins ou moustiques. Voir Cousin, t. n,
col. 1093. Les poux n'en sont pas moins une vermine
qui laisse assez indifférents les Bédouins, les Arabes,
les Fellahs et la plupart des Orientaux. Cf. E. Pierotti,
La Palestine actuelle, in-8", Paris, 1865, p. 122, 169.
Les anciens Juifs la connaissaient. Les Talmudisles
disent qu'il y a autant de péché à tuer un pou le jour
du sabbat qu'à tuer un chameau. Jerus. Schabbatli,
f. 107. — La multiplication des poux peut engendrer
une maladie qui, dans quelques cas, devient mortelle,
la phtiriase ou maladie pédiculaire. Antiochus Épi-
pliane et Hérodote Agrippa moururent d'une maladie
analogue. Voir Helminthiase, t. m, col. 585. Quelques
auteurs ont pensé que la maladie dont mourut Hérode
le Grand, et que mentionne Josèphe, Ant.jad., XVII,
vu; Bell.jud., I, xxxm, 5, n'était autre que la maladie
pédiculaire. H. Lesétre.
POUCE (hébreu : bohén; Septante : -r/.pov; Vulgate :
pollex), doigt de la main ou du pied, occupant l'extré-
mité intérieure du membre, et, dans la main, opposa-
ble aux autres doigts. — Des lustrations de sang doivent
être faites aux pouces des mains et des pieds dans la
consécration du grand-prêtre, Exod., xxix,20; Lev., vm,
23, et dans la purification du lépreux, pour lequel des
lustrations d'huile sontajoutées aux premières. Lev., xvi,
14, 17, 25, 28. Sur la signification de ces rites, voir
Lustration, t. iv, col. 427, 428. — Le roi chananéen
Adonibésec, qui avait fait couper les pouces des mains
et des pieds à soixante-dix rois, subit à son tour la
même mutilation, après sa défaite par les hommes de
la tribu de Juda. Jud., i, 6, 7. H. Lesétre.
POULE (Grec : ô'pvt;; Vulgate : gallina), oiseau de
l'ordre des gallinacés (fig. 157) et femelle du coq, donl
elle diffère par une taille plus petite, une queue plus
courte et un plumage moins éclatant. Voir Coq, t. n,
col. 951. Les poules pondent d'ordinaire un œuf par
jour, sauf à l'époque de la mue. Quand elles en ont
pondu une vingtaine, elles manifestent le besoin de
couver. Les petits sortent de leur coquille au bout de
vingt et un jours d'incubation. La poule remplit avec
grande sollicitude et grand dévouement ses devoirs
maternels. Elle suit ses poussins, les rappelle quand
ils s'écartent, veille à leur nourriture avant de penser
à la sienne, les réunit sous ses ailes pour les réchauffer
et les protéger, et les défend résolument même contre
les oiseaux de proie. — Les poules ne paraissent pas
avoir été connues des anciens Israélites. Il n'en est
jamais question expressément dans l'Ancien Testament,
et les volailles engraissées qu'on servait à la table de
Salomon, III Reg., iv, 23, pouvaient comprendre
toute espèce d'autres oiseaux. Voir Barburim, t. i,
col. 1458. On ne sait pas à quelle époque les poules
furent introduites en Syrie. Elles ne sont jamais repré-
sentées sur les monuments égyptiens. Dans l'Inde, on
les trouve à l'état domestique dés les plus anciens
temps. De là elles ont passé, par l'intermédiaire de la
Perse, en Palestine, puis en Grèce. 11 est peu probable
que leur introduction soit due à Salomon ; car les paons
et les singes sont seuls mentionnés parmi les animaux
que ses navigateurs lui rapportèrent d'Ophir. III Reg.,
x, 22. Cette introduction doit cependant être voisine du
retour de la captivité, car déjà Pindare (520-450 avant
583
POULE — POURPRE
584
J -C ), Ohjmp., xii. 20, fait mention du coq. - Quoi
qu'on ait dit sur la défense qui aurait été faite aux
Juifs d'élever des coqs ou des poules (voir t. n, col. SfâiJ),
ils ne font pas difficulté d'en nourrir en grande quan-
tité même dans leurs maisons de Jérusalem, ou il es
laissent percher pendant la nuit. Les poulets et les
œufs entrent pour beaucoup dans leur alimentation,
surtout pour les personnes que les infirmités ou l'âge
ont rendues plus délicates. Cf. Tristram, The nalural
Eistory of the Bible, Londres, 1889, p, 221-223. - Il
en était à peu près ainsi déjà à l'époque de Xotre-Sei-
gneur. De là cette comparaison que le divin Maître
emprunte à la poule qui rassemble ses poussins sous
ses ailes. Matth.. xxm, 37. lia voulu faire de même
pour les fils de Jérusalem, mais ceux-ci n'y ont pas
consenti. La Vulgate traduit avec raison par gallina,
157. — La poule.
« poule, i le mot grec o'pviç, qui veut habituellement
dire « oiseau », en général, mais qui désigne aussi la
poule en particulier. Cf. Eschyle, Eumen., 866;
Xénophon, Anab., iv. 5,25; Théocrite, x.xiv, 63, etc.
H. Lesêtre.
POUPE (grec : icpùnvr,; Vulgate : puppis), arrière
d'un navire. Voir Navire, t. iv. col. 1513. Au moment
où une tempête s'éleva sur le lac de Til.ériade. Xotre-
Seigneur dormait, appuyé sur un coussin, à la poupe
d'une barque. Marc, IV, 38. C'est à la poupe qu'on fai-
sait asseoir les passagers dune embarcation; ils y
étaient plus à l'aise et j gênaient moins ht manœuvre
des rames ou des voiles. Voir I i .
II. LesÈTRE.
POURCEAU. Voir Pori , col. 543.
POURPIER DE MER, nom vulgaire de l'arroehe
halime, plante vivace que nombre d'auteurs identilient
au mail lath de lob, \\s. i. Voir Arroche halime, t. i,
col. 1032.
POURPRE (hébreu : argdmàn; assyrien : arga-
mannuychaldéen : ârigvân : Septante : nopfûpa; Vul-
gate purpura), matière colorante extraite d'un mol-
!eel étoffe teinte avec cette couleur. L'étymologie
du mol ârgdman n'est point certaine. 11 est assez
m cependant qu'elle doit être tirée du sanscrit,
dans lequel on trouve les mots râga, « couleur rouge, ■
rdgamane\ rdgavan, ■ coloré en rouge. » Cf. Gesenius,
Thésaurus, Addenda, p. III.
I. l.<i pourpre dans l'antiquité. - 1° La pourpre esl
une matière colorante que les anciens extrayaient de
plusieurs mollusques, connus sous le nom de murex
ou « rocher >. Ces mollusques sont gastéropodes et
pectinibranches, à coquille ovale ou oblongue, pourvue
antérieurement d'un canal respiratoire, et dont chaque
spire présente des bourrelets saillants en rangées lon-
gitudinales et irrégulières. Ces bourrelets sont les restes
des anciennes bouches de l'animal. Le murex truncu-
lus ou rocher fascié (lig. 158) fournissait la pourpre
améthyste ou violette, dite de Tarente. Du murex bran-
dons ou rocher droite-épine (fig. 159), on tirait la
pourpre rouge foncé, dite pourpre de Tyr. On imitait
cette dernière à l'aide de certaines coquilles univalves
158. — Murex trunculus.
ou buccins, le purpura hœmasloma (fig. 160), le pur-
pura lapillus, le janthina, etc. La matière colorante
du murex se trouve dans une poche située à la partie
supérieure du corps, entre la tête et le foie. Incolore
dans l'animal, elle passe par diverses nuances, quand
elle est exposée à l'air et à la lumière, et part du
vert pour se fixer à la couleur pourpre. Le produit
.lu murex trunculus se compose de deux radicaux,
une substance azurée analogue au bleu d'indigo, l'oxyde
cyanique, et une substance d'un rouge ardent, l'oxyde
purpurique. Le murex brandaris ne contient qu'un
seul radical, l'oxyde tyrien. Cf. Grimaudde Caux. Sur
la pourpre des anciens; dans la .Revue de zoologie,
1856, p. 31, et Lacaze-Dulhiers, Mémoire sur la pour-
pre, dans les Annales des sciences naturelles, 1859,
t. xii, p. 1-92. — 2» Les coquilles à pourpre se trouvent
l.v.i, — Hurex brandaris.
en grande quantité sur les bords de la Méditerranée-.
Les anciens les recueillaient sur les cotes de Phénicle,
Sirabuii. xvi, 757; surcelles du Péloponèse, Pausanias,
m, 21, 6; sur celles du nord de l'Afrique. Strabon,
xv'ii, 834, etc. Vitruve, De architect., vu, 12, rem
que la pourpre recueillie au nord de la Méditerranée
étall plus sombre, qu'elle passail au violei dans les
régions moyennes, pour arriver au rouge sur les
méridionales. La nature du mollusque employé était
aussi pour beaucoup dansées colorations. Pour e\tr.ure
la matière colorante, on ouvrail la coquille sur les
premiers tours de spire, soit d'un coup de hachette,
soil à l'aide d'une meule qui l'usait par le frottement.
Les Phéniciens se livraient en grand à l'exploitation de
585
POURPRE
586
la pourpre. Au dessus du port de Sidon, on rencontre
des amoncellements de murex ouverts artificiellement.
sur plusieurs mètres d'épaisseur et quelques centaines
de mètres de largeur. Le long de l'isthme de Tyr, on
constate des dépôts analogues (fig. 161 1. A Pompéi, on
a trouvé de semblables amas, indiquant l'existence
d'anciens ateliers de teinture. Pour préparer la teinture,
après avoir ouvert le sommet de la coquille, « on re-
cueillait avec soin le suc un peu jaunâtre qui suintait
de la blessure, on le laissait macérer trois jours avec
du sel. on faisait bouillir dans des vases de plomb et
l'on réduisait à feu doux; on filtrait la liqueur au
tamis, pour la débarrasser des résidus de chair qui y
baignaient, et l'on trempait l'étoile. La nuance la plus
fréquente était un sang frais poussant au noir par ré-
Hexion; mais des manipulations graduées permettaient
d'obtenir des tons rouges, violet sombre, améthyste. »
Maspero. Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
Paris, t. H, 1897. p. 203. -201. Cf. Aristote, Hist. anim..
v. 13; Pline, H. .Y., ix, 36, 37. Aujourd'hui, ,< les ga-
mins de Tyr savent encore parfaitement bien teindre
des chiffons de laine en fixant la couleur sécrétée par
le mollusque avec un peu de carbonate de soude et du
jus de citron employés comme mordants. Ces guenilles
colorées en rouge violacé leur servent de drapeaux
lorsqu'ils jouent au soldat comme les enfants de nos
•160.
Murex hœmastama.
pays. >■ Lortet. La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884,
p. 127. — 3° « La pourpre était considérée comme la
plus précieuse des teintures, à cause de son éclat et de
sa durée. L"n des plus grands avantages de cette cou-
leur est. en effet, de résister indéfiniment à l'influence
de la lumière, qui, au lieu de détruire ou affaiblir les
principes colorants, en augmente au contraire l'éclat.
Elle présente de plus à un très haut degré ces reflets
chatoyants et changeants si appréciés des anciens, s
Lortet, ibid.. p. 202. Le prix de revient de la pourpre
était fort élevé, à raison de la faible quantité de matière
colorante que contient chaque murex, du grand nombre
de mollusques qu'il fallait recueillir et de la manipula-
tion qu'il fallait faire subir au produit. D'après les
estimations de Pline, H. N., ix, 36, 61, le poids des
mollusques employés représentait plus de six fois celui
de la laine à teindre. A Rome, la laine teinte en pourpre
se vendait au poids de l'argent, et la laine deux fois
teinte, en écarlate puis en pourpre, ou dibapha, Pline,
H. y., n, 39, 63: xxi, 8, 22, valait dix fois plus, soit
2300 francs le kilogramme. Cf. Guignet, Les couleurs,
Paris, 1889, p. 139. — 4" Le haut prix de la pourpre
n'en r3ndait l'acquisition possible qu'à des personnages
très riches. Cf. Hérodote, ix, 22. Elle était l'emblème
de la royauté et plus tard de la puissance impériale.
Cf. Odyss., xix. 223 ; Lucain, Pharsal., vu, 228; Eu-
trope, Breviar., ix. 8; Ainmien Marcellin, xxi, 9; Cod.
Theod., VI. xxiv, 3. Cod. Justin., n, 8; vi, 12, etc. A
Byzance. on appelait iropo-jpofévvTycoç, « né dans la
pourpre », le fils du prince. Des ordonnances impériales
restreignirent l'usage de la pourpre à certains digni-
taires. Cf. Suétone, Cses., 43; Ner., 32; Philostrate,
Heroic., xix, 15; Cod. tlieod., IV, xl. Les Phéniciens
restèrent toujours les principaux fabricants et les four-
nisseurs des teintures de pourpre. Cf. Virgile, Georg.,
m, 307; Tibulle, II, 3, 58; 4, 28; Ovide, Ars atnat., m,
170. Cependant les Lydiens parvinrent à leur faire une
concurrence appréciée. Cf. Elien, A'a(. animal., iv, 46;
Valer. Flaccus, Argonaut., îv, 369, elc. On cherchait
naturellement à imiter la pourpre. Ctésias, Indic, 21,
dit que dans l'Inde ou se servait d'une Heur couleur
de pourpre pour obtenir un produit de même qualité
que ceux de Grèce et encore plus brillant. La fabrica-
tion de la pourpre au moyen du murex est délaissée
depuis longtemps. Grâce aux progrès de la chimie, on
obtient beaucoup mieux et surtout à meilleur marché.
Cf. A. Schmidt, Veber die Purpurfurberei und den
Purpurhandel ini Altertum, Berlin, 1812; Von Mar-
tens, Purpur und Perlen, Berlin, 1874.
II. La pourpre dans la Sainte Écriture. — I» Moïse
reçut l'ordre de recevoir des Israélites, au désert, la
pourpre nécessaire à la confection des objets du culte.
Exod., xxv. 4. On lui en apporta en effet, Exod., xxxv,
6, 23, 25, 35, ce qui suppose que le fil de pourpre était
161. — Conglomérat de débris de murex truneulus trouvés à
Tyr. — D'après W. R. Wilde. Narrative of a voyage to Ma-
deira, Tenerifte, along the shores of the Méditerranéen,
2 in-8\ Dublin, 1840, t. il, p. 482.
assez commun en Egypte et que les Israélites en avaient
emporté en quittant ce pays. Les fils de pourpre furent
employés à confectionner les tentures du Tabernacle,
le voile du Saint des Saints, Exod., xxvi, 1, 31, 36, les
tentures de la porte du parvis. Exod.. xxvn, 16, l'éphod,
la ceinture, le pectoral, les grenades de la robe du
grand-prètre. Exod.. xxvm, 5, 6, 8, 15, 33; xxxvi, 8,
35, 37; xxxvm, 18, 23; xxxix. 1. 2. 8. 22, 28. Dans la
confection de ces travaux entrent trois éléments : le te-
kêlél, hyacinthe ou pourpre bleue-violette, lirée, d'après
le Talnuid, du hilzôn, mollusque à pourpre , voir Cou-
leurs, t. il, col. 1066; Y'argdmdn, ou pourpre rouge,
et le tôla ou cramoisi. Voir Cochenille, t. Il, col. 818;
Eccli., xlv, 12. — Quand Salomon voulut bâtir le Temple,
il demanda à Hiram un ouvrier habile à teindre en
pourpre. II Par., n, 7. li. Pour fabriquer le voile du
Temple, on employa le byssus, le bleu, le pourpre et le
cramoisi, II Par., ni, 14, c'est-à-dire qu'à l'étoffe de
bit?, voir Lin, t. iv, col. 264. furent joints des tils de
laine bleue, pourpre et cramoisie. — Dans toute l'anti-
quité, l'étoffe de pourpre fut considérée comme la plus
riche et la plus magnifique de toutes. Aussi on en
revêtait les statues des dieux. Jer., x, 9; Bar., vi, 71.
On disait que l'Héraclès phénicien avait offert à Astarté
la première tunique teinte avec la pourpre tyrienne.
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 127. La statue
de Jupiter Capitolin, à Rome, celle des Dioscures, à
Sparte et à Messine, portaient des manteaux de pourpre
587
POURPRE
POUSSIÈRE
588
précieuse. Le vêtement de pourpre éveillant ainsi la
double idée de royauté et de divinité, il convenait que
la pourpre fût employée dans le culte de Jéhovah, pour
inarquer sa divinité unique et sa suprême royauté.
Cf. Bàhr, Symbolikdes mosaischen Cullus, Heidelberg,
1837, t. i, p. 330-332.
2° La pourpre est signalée dans les dépouilles du roi
de Madian, dont s'empara Gédéon, .1 1 1 cl . , vin, 26; dans
le siège de la litière de Salomon, Cant., m, 10; dans le
conopée d'Holoplierne, Judith., x, 19; dans les vête-
ments de la femme forte, qui ordonne si bien sa riche
maison, Prov., xxxi, 20; dans la parure de Daniel,
après qu'il a expliqué le songe de Baltassar, Dan., v, 7,
16, 29 ; dans celle dont est revêtu Mardochée pour son
triomphe, Esth., vm, 15; dans les vêtements du mauvais
riche à Jérusalem. Luc, xvi, 19. A l'époque des Macha-
bées, les royautés orientales attachaient grande impor-
tance au port de la pourpre. Quand Judas pilla le camp
des Syriens, il y trouva beaucoup de pourpre. I Mach.,
iv, 23. Par contre, l'auteur sacré remarque qu'à Home,
à cette époque, personne ne prenait la pourpre pour
se faire roi. I Mach., vin, 14. Antiochus Epiphane ôta
le droit de pourpre à Andronique, le meurtrier du
grand-prétre Onias. II .Mach., iv, 38. Alexandre Bala
l'accorda à Jonathas, et le revêtit lui-même à Ptolémaïde,
I Mach., x, 20, 62, 61; Antiochus VI lui conllrma ce
droit. 1 Mach.. XI, 58. Après lui, le grand-prêtre Simon
eut seul, parmi les Juifs, le droit de se revêtir de
pourpre. I Mach., xiv, 43, 44.
3° Ézéchiel, xxvn, 7, 16, dit que les Tyriens faisaient
venir la pourpre des iles d'Élisa, c'est-à-dire de Laconie
dans le Péloponèse, voir Élisa, t. Il, col. 1686-1688; il
ajoute qu'ils en échangeaient contre les marchandise?
des Syriens. — A l'époque de saint Paul, une fervente et
généreuse chrétienne, Lydie, était marchande de pourpre,
TCopîpvfonio'/i;, purpuraria, à Thyatire. Act.. xvi. 14.
4° D'après saint Marc, XV, 17, Notre-Seigneur fut
revêtu de pourpre par les soldats du prétoire. Saint
Matthieu, xxvil, 28, dit que ce fut d'un manteau cra-
moisi. />>:;.•; xoxx:'vïj. Il y avait donc équivalence entre
les 1 1 . ■ 1 1 \ couleurs, et, quand on parlait de pourpre sans
autre explication, il s'agissait de pourpre rouge.
5» Les cheveux de l'Épouse sont comparés à la pourpre.
Cant., vu, .">. La comparaison porte moins sur la couleur
que sur le brillant, la splendeur et les tons chatoyants
de la pourpre. Les poètes appellent « cheveux de
pourpre » ceux qui sont d'un brillant brun-noirâtre.
Cf. Virgile, Georg.. i, 405; Tibulle, I, iv, ti:!.
6» Enfin saint Jean représente Babylone comme une
reine velue de pourpre et faisant le commerce de la
pourpre. Apoc, xvn, 4; xvm, 12, lii.
II. Les être.
POURRITURE (hébreu : «107, râqàb, sah&nâh,
ià/iat, tam'dh; Septante : BiaçOopot, ;''''?■'• trewrpi'a;
Vulgate : pulredo, corruptio), résultat de la décompo-
sition des corps organiques. — I» Job. XVII, II, en
proie à sa terrible maladie, en vient à dire à la pour-
riture : « Tu es mon père ». Isaïe, m, 21, annonce aux
filles de Sion que la pourriture remplacera pour elles
l'odeur des parfums. Joël, II, 20, prédit que l'infection
de la pourriture s'élèvera dans le camp des Assyriens.
Dieu l'a fait déjà monter dans le camp des Israélites.
Am., iv, lo. — 2° La pourriture est surtout la caracté-
ristique du tombeau. Dieu ne permettra pas que son
bien-aimé, son Messie, voie la corruption. Ps. xvi (xv),
10; Act., n. 27; xin. 35. Par la mort, le corps de
l'homme tombe en pourriture, mais pour ressusciter
ensuite : 0 Semé dans la corruption, le corps ressus-
cite incorruptible; semé dans l'ignominie, il ressuscite
glorieux. » I Cor., xv, 42, 43. Il est connue une se-
mence qui d'abord pourrit en terre avant de revivre.
— 3° La pourriture ou carie des os représente, dans les
comparaisons, la femme acariâtre, Prov.. XII, 4; l'en-
vie, Prov.. xiv, 30; la crainte des ennemis. Ilab., m,
16. Le pécheur repentant, en proie au remords, dit
que l'infection et la purulence ont envahi ses meur-
trissures, marquant ainsi combien est malheureux et
répugnant l'état de son àme, Ps. xxxvm (xxxvn), 6.
La racine des méchants est semblable à la pourriture.
Is., v, 24, elle ne peut rien produire de bon. Leur nom
aussi tombe en pourriture. Prov., x, 7. Les riches
impies succomberont un jour à la pourriture d'une
cruelle destruction, Mich., 11. 10; leurs richesses sont
pourries. Jacob., v, 2. Celui qui sème dans la chair en
moissonnera la corruption, Gai., vi, 8, c'est-à-dire que
celui qui vit au gré des convoitises mauvaises de sa
nature n'en recueillera que péché et misère. Dieu est
comme la pourriture pour la maison de Juda. Ose., v,
12. il l'attaque et la consume lentement dans sa justice,
afin de lui ménager le temps de la pénitence.
H. Lesétre.
POUSSIÈRE (hébreu : àfâr, et une ou deux fois seu-
lement : 'âbâq, 'âbâqâh, daliktï , daq, sahaq. nei.o't;
Septante : Su.u.or, y-?,, xovcopTo;, j(oûç; Vulgate .pulvit),
éléments solides réduits en particules très ténues.
I. Au sens PROPRE. — 1" Dans son corps, l'homme a
été tiré de la poussière et il retournera en poussière.
Gen.,111, 19; Job, x, 9: Ps. xc n.xxxixi, 3; cm (cil), 14;
Eccle., XII, 7. Il en est de même des animaux, l's. eiv
11:111 1. 29. — 2" La poussière du sol s'élève sous les pieds
des chevaux, E/.ech.. XXVI, 10; elle couvre les statues
des faux dieux. Bar., vi, 12, 16. Dans la poussière, un
arbre meurt. Job, xiv, 8; mais la pluie fait de la pous-
sière une masse consistante. Job. xxxvm, 38. La pous-
sière joue un grand rôle dans les plaies d'Egypte. D'elle
sortent les moustiques de la troisième plaie, Exod.,
vin. Iti, 17, et les pustules de la sixième. Exod.. ix, 9.
Mise en mouvement par le khamsin de la neuvième
plaie, elle empêche la lumière d'éclairer le pays pen-
dant trois jours. Exod., \. 21-23. Voir Ouragan, t. iv,
col. 1931. — 3" La loi sur l'épreuve de la femme accusée
d'infidélité l'obligeait à boire une eau dans laquelle le
prêtre avait mis de la poussière prise sur le sol du sanc-
tuaire.Num., v, 17. 24. C'étail une manière de marquer
que le sanctuaire lui-même détail prendre parti contre
la femme, si elle élail vraiment coupable. Les Assyriens
avaient un rite analogue. Ils versaient dans de l'eau du
lleuve de la poussière du sanctuaire du dieu et d'autres
poussières ramassées à différentes portes, et ils se ser-
vaient de ce mélange, non pour le faire boire, mais
pour arroser la porte de la maison que l'on voulait
sans doute préserver. Cf. l'r. Martin, Textes religieux el
babyloniens, \" série, Paris, 1903, p. 243-245. — V l.a
poussière résulte de l'écrasement ou de la décomposition
de certains solides. Ainsi le veau d'or est réduit en pous-
sière. Exod.. xxxii. 2ll; lient.. i\. 21. Voir On. col. 1810,
Quand les murs sont atteints de lèpre, on les racle et
l'on jette la poussh ie au loin. Lev., XIV, 41. Voir l.i 11:1 ,
t. iv, col. 186. Josias lit enlever du Temple tous les
objets idolâtriques et réduire eu poussière les idoles;
puis il ordonna de porter cette poussière à Béthel, cen-
tre idolâtrique, et sur les tombes du peuple. IV l; _ .
xxni, 1, 6, 15. — 5» En signe de deuil, on se jetait de la
poussière sur la tête. Jos., vu. (i; I Reg., IV, 12; Job, 11,
12; Ezech., xxvn,30; Am., u,7; Apoc, wni, 19. Le pro-
phète Hichée, I, 10, annonçant le châtiment de Juda.
joue sur le nom de la ville de Beth-Aphra, « maison
de poussière », et dit d'elle : « A Beth-Aphra, je me
roule dans la poussière, » c'est-à-dire je suis au comble
de la désolation. Voir Aphra, t. 1. col. 735. Cf. Jer., xxv,
lii. tu Egypte, une des marques les plus fréquentes de
douleur consistait à se barbouiller le visage de pous-
sière 1 1 de boue (lig. 162). Cf. Wilkinson, Manners m '
Gustoms, -■ édit., t. III, pi. I.xvn: Maspero, Les contes
populaires de l'Egypte ancienne, 3' édit., p. lu. Les
Hébreux employaient dans l'expression de leur deuil la
:>89
POUSSIERE
590
cendre et la poussière. Voir Cendre, t. n. col. 407. La
poussière implique l'idée de fragilité et surtout celle de
mort. Elle convenait donc bien à l'expression d'un cha-
grin qui entamait la vie. Aux funérailles, chez les Ara-
bes, s les femmes crient de toutes leurs forces, s'égra-
tignent les bras, les mains et le visage, arrachant leurs
cheveux, et se prosternant de temps en temps, comme
si elles étaient pâmées de douleur; elles prennent des
poignées de terre ou de sable, et le jettent sur leur
tète et sur leur visage. » De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. — 5° Pour marquer
la colère et l'indignation, on lançait de la poussière en
l'air. C'est ce que fait Séméï, en accompagnant David de
ses imprécations. II Reg., xvi, 13. A Jérusalem, les Juifs,
en fureur contre Paul, lançaient de la poussière en
l'air. Act., xxn, '23. Cette expression de l'indignation
parait être instinctive en Orient. Un fellah ayant été
battu sur l'ordre d'un elfendi, jusqu'à ce qu'il eût perdu
connaissance, « il y eut une grande lamentation. Le
malheureux fut apporté lout près de ma maison, au
iv. 10; Job, xvr. 18; Is.. xxvi, 21. — 3° Secouer la pous-
sière de ses pieds sur quelqu'un ou sur un pays, c'est mar-
quer qu'on regarde comme maudite la poussière de ce
pays, qu'on ne veut rien emporter d'un pareil endroit, et
qu'on cesse tout rapport avec des hommes qui n'ont su
ni comprendre ni remplir leur devoir. Cette expression
ne se lit que dans le Nouveau Testament. Matth.. x, 14;
Marc. vi. 11 ; Luc. ix, 5; x, 11 ; Act., xm, 51. » Aujour-
d'hui, il n'est pas rare de voir un Égyptien, un Syrien,
à la suite d'une discussion, ou au sortir d'une maison
où il a été mal reçu, quitter ses babouches et les battre
deux ou trois fois, semelle contre semelle, en face de
son adversaire. Cela veut dire : Je ne veux plus avoir
affaire avec toi. •> Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. L257.
— 4° A raison de la sentence originelle, Gen., m. 19, la
poussière éveille naturellement l'idée du tombeau. Aussi
est-elle prise parfois pour la mort elle-même. Job, vu,
11; xx. 11; xxi. 26; xl, 8 (13); Ps. vu, 6; Is., xxvi,
19; Dan., xn, 2. La poussière du tombeau, c'est-à-dire
la mort ne chante pas la louange de Dieu. Ps. xxx
162. — Egyptiennes répandant de la poussière sur leur tête en signe de deuil.
D'après Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, t édit., t. i, p. 167.
milieu d'une foule de femmes qui hurlaient comme des
possédées; la sienne surtout criait et se frappait la tèle
et jetait de la poussière en l'air, more majorum, comme
vous pouvez le voir dans les tombes. » Lady Gordon,
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 273.
II. Ai" sens figuré. — 1° La poussière du sol est
l'image de ce qui est petit, faible, méprisable. Abraham
parle au Seigneur, bien qu'étant poussière et cendre.
Gen., xvni, 27. Dieu tire le pauvre de la poussière, c'est-
à-dire de l'abaissement. I Reg., n, 8; III Reg., xvi. 2.
Les nations ne sont devant lui que poussière. Is., XL, 15.
Il réduit en poussière ou renverse dans la poussière,
c'est-à-dire humilie, abaisse et ruine, Moab, Is.,xxv, 12;
wvi, 5; Bahylone, ls., xlvii, 1; Tyr, Ezech., xxvi, i. 12;
les ennemis. Is., xxix, 5. Il l'ait voler en poussière l'épée
des puissants. Is., xli. 2. Dans l'épreuve, on est affaissé
jusqu'à la poussière. Ps. xliv (xlihi, 25. Jérusalem régé-
nérée secoue sa poussière. Is., lu, 2. Après la captivité,
les Juifs sauront tirer de leur poussière les pierres
de leurs murs. II Esd., IV, 2. — 2» Mettre sa bouche
dans la poussière, c'est se prosterner très humblement.
Lam.. m, 29. Voir t. i, col. 541. Lécher la poussière des
pieds de quelqu'un, c'est lui marquer sa complète sou-
mission. Ps. i.xxi ii.xxii), 9; Is., xlix,23. Ezéchiel, xxiv, 7,
accusant Jérusalem de ses crimes, dit qu'elle a versé le
sang sur la roche nue, et non sur la terre pour le re-
couvrir de poussière. Le prophète veut signifier que les
crimes de Jérusalem ont été commis impudemment, au
grand jour, et que les traces en sont visibles. Cf. Gen.,
(xxixi, 10. Le supplicié attaché à la croix est réduit à la
poussière de mort, c'est-à-dire dévoré, après la perte
de son sang, par une fièvre brûlante qui le dessèche
comme une poussière et le conduit à la mort. Ps. xxn
xxi . 16. — 5° Les nuages sont comme la poussière des
pieds de Dieu. Nah., i, 3. A Israël infidèle, la poussière,
c'est-à-dire la sécheresse, sera envoyée au lieu de pluie.
Deut., xxviii, 24.
III. Comparaisons tirées de la poussière. — 1° La
poussière se compose d'une multitude innombrable de
particules. La race d'Abraham deviendra aussi nom-
breuse que la poussière. Gen... xm, 16; xxvm,14; Nuin.,
.xxui, 10; II Par., i, 9. A la voix de Dieu, les cailles
tombèrent comme la poussière dans le camp des Israé-
lites. Ps. lxxviii (lxxvh), 27. Dans un sens analogue,
Benadad, pour donner l'idée du grand nombre de ses
soldats, prétend que la poussière de Samarie ne suf-
firait pas à remplir le creux de toutes leurs mains.
III Reg., xx, 10. — 2" La poussière est le résultat d'un
broiement d'éléments solides. Les ennemis sont broyés
comme la poussière. II Reg., xxn, 43. — 3» La pous-
sière légère est emportée par le vent. Les nations enne-
mies, Is., xvn, 13, les armées vaincues, IV Reg., xm, 17,
la fleur des méchants, c'est-à-dire leur prospérité, les
méchants eux-rnèmes sont emportés par le vent comme
la poussière. Ps. xvm (xvn), 43; xxxv (xxxiv), 5; Is.,
xxix. 5. — 4° Le serpent rampe à terre et semble lécher
et manger la poussière. Gen., m, 14; Is., lxv. 25. En
face d'Israël régénéré, les nations lécheront la poussière
591
POUSSIÈRE — l'OUZZOLES
592
comme le serpent, c'est-à-dire se feront humbles et
soumises. Micb., vu. 17. — Sur la poussière aromati-
que, I xod., xxx, 30; Cant., m, G. voir Parfum, t. îv,
col. 2163. 11. Lf.siïtre.
POUSSINES Pierre, érudit français né le 28 oc-
tobre 1609, à Laurar Autlei. novice de la Compagnie de
Jésus le "juillet 1624, fut, 19 ans durant, chargé du
cours d'Écriture Sainte et d'hébreu au Collège romain.
Revenu a Toulouse en 1682, il j mourut 4 ans plus
tard, le 2 février '1686. Sa vaste et sure érudition ne se
porta pas seulement sur les Pères grecs, elle s'exerça
sur l'Écriture Sainte et nous a valu notamment deux
ouvrages fort importants. C'est d'abord Catena Grseco-
rum Patrum in "Evangelium secundum Marcum,
in-f», Rome, 1673. Cette œuvre est suivie île commen-
taires sur des passages spéciaux des quatre Lvan-
giles; de collations du texte grec de tous les livres du
Nouveau Testament avec 22 manuscrits; d'observations
montants, colonnes, poteaux, etc. — Barucb, vi, 13,
54, dit que les idoles sont dans leurs temples comme
des poutres et qu'elles y brûleront comme ces der-
nières. — Notre-Seigneur compare à une poutre dans
l'oeil les défauts de celui qui, oublieux ou inconscient
de ses torts graves, ne songe qu'à remarquer les tra-
vers beaucoup moindres du prochain. Matth., vu, 3-5;
Luc, vi, 41. 42. La poutre dans l'œil est une hyper-
bole orientale de même ordre que le chameau dans le
trou d'une aiguille. Matth., xix, 24, le chameau avalé.
Matth.. xxiii. 2i. etc. La comparaison se retrouve dans
la Miscbna. Arachin, 16 6, à propos des réprimandes
qu'on refuse d'accepter ; g A qui dirait à son prochain :
Ole la paille qui est dans ton œil, on ne manquerait
pas de répondre ; Ote la poutre qui est d;ins le tien. »
H. LESÊTRE,
POUZZOLES (grec : norfoXoi; Vulgate : Puteoli),
aujourd'hui Pozzuoli, port autrefois célèbre, situé vers
l'extrémité septentrionale du golfe de Xaples, ou du
1G3. — Purt de Poum-les, ruines de 1 ancien môle.
sur divers endroits du Nouveau Testament. Son second
ouvrage, plus remarquable, est Apocalypsis etiarra-
tiones, in-4», Toulouse, 1685. On doit signaler encore deui
Dissertations sur l'Assuérus d'Esther, le Darius de Daniel
et le Zacharie de Barachie, deux autres Dissertations
sur les prophéties concernant Notre-Seigneur, enfin
une étude De adventu Christi nonnisi posl prsevisum
Adami lapsum decreto. P. Bliard.
POUTRE (hébreu : krufôp, mehabbrôf, sêl'ôf,
lequfïm, qôrâh; Septante : Soxd;; Vulgate : trabes),
pièce de bois, longue et forte, employée dans les cons-
tructions. — Il est question de poutres à propos de la
construction des parvis du Temple, III Reg.. vi, 36;
vu, 12, du Temple lui-même, sous Salomon, II Par.,
m, 7, et sous Josias, Il Par., xxxiv. 11. des palais et
autres édifices de Salomon, III Reg,, vi, 15, 16; vu. ::,
4, et de maisons riches, Cant.. i, lli, on communes.
IV Reg., VI, 2, 5. Les termes hébreux, presque tous au
pluriel, indiquent probablement des variétés de pou-
tres, différentes quant à la forme ou quant à l'usage,
poutres proprement dites, poutrelles, fermes, solives,
Sinus Puteolanus, comme on disait alors, à l'ouest et
à lu Kilomètres de l'ancienne g Néapolis », entre le cap
du Pausilippe el le ap Misène, L'origine de son nom
est douteuse. On l'a rattaché tantôt aux exhalaisons
putrides des sources sulfureuses de la région, ptl-
tere; tantôt directement à ces puits sulfureux, putei,
Saint Paul y arriva de Malte en peu de jours, poussé
par un vent favorable. Act., xxvm. 13. Puteoli était le
grand port commercial de l'Italie. Pline. H. .Y., xxwi,
14, rapporte que les marchands de soixante-dix nations
diverses s'y rencontraient, occupés à y entreposer pour
Rome les produits de tout l'univers, .spécialement le
blé d'Egypte. Voir aussi Suétone, August., 98, et Titus,
'>; Silius Italicus. Silv.. m, 2. Cicéron, comme saint
Paul, y aborda en venant de Sicile. Cf. Pro Plane. ,26.
L'historien juif .losèphe y vint également à la suite
d'un naufrage, Vita, 3. On nommait Pouzzoles g la
petite Délos », parce que cette il.- de la mer Egée avait
été elle-même te grand marché de l'univers. Il existe
encore des restes de l'ancien môle sur lequel saint Paul
dut débarquer ilig. 163). Fondée par les Ioniens, Puii/-
zoles portait primitivement, lorsque toute la rive cam-
593
POUZZOLES — PREDESTINATION
594
panienne était beaucoup plus grecque que latine, le
nom de Dikéai k/iia, que lui donne encore Josèphe,
Ant.jud., XVII, xii, 1. C'est pendant la seconde guerre
punique qu'elle fut occupée par les Romains.
En sa qualité de port marchand fréquenté du monde
entier. Pouzzoles ne pouvait manquer de posséder une
colonie de juifs, cf. Josèphe. I. c, et aussi d'entendre
de très bonne heure la prédication chrétienne. Voir
Ramsay. i't. Paul the Traveller, 5e édit.. in-8°, Londres.
1900, p. 346. C'est probablement parmi ces habitants
israélites que germèrent les premières semences de la
foi en Jésus-Christ. Paul, en y débarquant, y trouva
des « frères », Act., xxvm, 14, qui le prièrent de de-
meurer quelques jours auprès d'eux. Le centurion Ju-
lius, sous la garde duquel était l'Apôtre, lui accorda
cette faveur, comme précédemment à Césarée, Act.,
xxvii, 3, de sorte que saint Paul put passer une semaine
entière à Pouzzoles. Une variante du texte grec, dans
Act., xxvm, 13, mérite d'être signalée : au lieu de
~xpïy.).r,6iî|j.£v Tiap'a-J-oT; £Tr:|j.£Ïvai, qui est la leçon la
plus autorisée et celle qu'a suivie la Vulgate, le cod.D
et d'autres manuscrits portent : Ttotpsx).. iic'amoT( ip.ii.zi-
vavTs;, « Nous fûmes consolés, étant demeurés auprès
d'eux ». L. Fillion.
PRADO (Joronime de), exégète espagnol, né à
Baeza en 1547. mort à Rome le 13 janvier 1595. Il
entra en 1572 au noviciat de la Compagnie de Jésus et
devint ensuite professeur à Cordoue où il enseigna
d'abord les humanités, puis, pendant 16 ans, l'Écriture
Sainte. Il est surtout connu à cause de son grand ou-
vrage sur Ézéchiel. Étant allé à Rome pour y chercher
des artistes capables de faire les illustrations qu'il
voulait joindre à son Commentaire, il y mourut, lais-
sant inachevée son œuvre qui fut terminée par son con-
frère Villalpaud : Hieronymi Pradi etJoannis Baptistœ
Villalpandi e Societale Jesu in Ezecldelem Explora-
tiones et Apparatus Urbis ac Templi Hierosolymi-
tani Commentariis et Imaginibus illustratus. Opus
tribus toinis dhtinctum, 3 in-f«, Rome, 1596-1604. Le
tome i.part. I, renferme le commentaire des 26 premiers
chapitres, le tome n est consacré au Temple et le tome m
à la ville de Jérusalem. La première partie seule du tome i
est l'œuvre de Prado ; la seconde partie du tome i
lÉzech., xxvii-xxviii) et les tomes n et m sont l'œuvre
de Villalpand.
PRÉCURSEUR (grec : itpoïps/iov, itptiSpou.o;; Vul-
gate : prsecursor), celui qui court devant un person-
nage pour préparer son passage. — Les précurseurs
étaient employés chez les Égyptiens. Ils sont représen-
tés courant à pied devant le char du pharaon. Voir t. n,
fig. 193, col. 566. L'un d'eux précédait le char de Jo-
seph en criant 'abrek! Gen., xli, 43. Voir Abrek, t. i,
col. 90; Main, t. iv. col. 584. Samuel prévit que les
rois israélites voudraient aussi avoir des hommes pour
courir « devant la face de leur char », à la mode égyp-
tienne. I Reg., vm, 11. L'usage du précurseur existe
encore en Egypte. « Il court devant notre landau, écar-
tant de ses cris et menaçant de sa baguette les pares-
seux ou les affairés qui sont sur la route. Les sais des
grands seigneurs, mieux costumés que lui, portent des
vestes brodées d'argent et d'or. Leurs manches larges
et leur jupe volumineuse flottent au vent, tandis qu'ils
crient, qu'ils volent, qu'ils frappent. » Le Camus,A'o(»-e
voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 97.
Cf. Landrieux, Aux pays du Christ, Paris, 1897, p. 65.
— Le Seigneur promit à Moïse d'envoyer devant lui
un ange pour précéder le peuple dans le pays de Cha-
naan et ainsi lui frayer la voie. Exod., xxxm, 2. Plus
tard, Dieu fit annoncer par Malachie, m, 1, qu'il enver-
rait son messager pour préparer le chemin devant lui.
Saint Jean-Baptiste remplit cet office à l'égard de
Notre-Seigneur, Marc, i, 2, 4. ce qui lui a fait donner
le nom de précurseur. — Jésus-Christ est entré dans
le sanctuaire du ciel en qualité de précurseur. Heb.,
vi, 20. Il nous y précède et, par sa rédemption, nous
mérite la grâce de le suivre. H. Lesêtre.
PRÉDESTINATION, acte de volonté divine déter-
minant à l'avance la lin surnaturelle que doit atteindre
une âme.
1° Il y a une. prédestination à la grâce pour la vie
présente. Des témoins choisis d'avance ont eu la faveur
de voir Jésus ressuscité, et sont ainsi devenus capables
de transmettre à d'autres la foi en cette résurrection.
Act., x, 41. Saint Paul a été prédestiné â connaître la
volonté de Dieu, à voir le Juste et â entendre les paroles
de sa bouchej. Act., xxn, 14. Les chrétiens sont prédes-
tinés à être les fils adoptifs de Dieu par Jésus-Christ,
selon sa libre volonté, en faisant ainsi éclater en eux la
gloire de sa grâce, Eph., i, 5, prédestination qui est
toute gratuite et ne suppose aucun mérite préalable de
la part de l'homme, puisqu'elle ne dépend que de « la
résolution de celui qui opère toutes choses d'après le
conseil de sa volonté. » Eph., i, 11. Les chrétiens par-
viennent à cette adoption divine par la grâce de Jésus-
Christ, qui veut que nous accomplissions n les bonnes
œuvres que Dieu a préparées d'avance afin que nous
les pratiquions. » Eph., il, 10. Tout, dans la vie chré-
tienne, est donc prévu et voulu à l'avance par Dieu,
dont la volonté toute-puissante respecte cependant la
liberté de l'homme. Rom., ix, 18.
2° Il y a surtout une prédestination au salut et à la
gloire éternelle. Saint Luc dit qu'à la prédication de
Paul et de Barnabe, à Antioche de Pisidie, < tous ceux-
là crurent qui étaient prédestinés à la vie éternelle. »
Act., xm, 48. Saint Paul formule en ces termes la doc-
trine complète de la prédestination : « Toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux
qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu'il a
connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être con-
formes à l'image de son Fils, afin que son Fils soit le
premier-né d'un grand nombre de frères. Et ceux qu'il
a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a
appelés, il les a justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les
a glorifiés. » Rom., vm, 28-30. Voilà donc quatre
termes qui marquent l'action de la volonté divine sur
une âme : prédestination ou détermination antécédente
de Dieu; vocation ou appel adressé à l'âme; justifica-
tion ou effet de la grâce sur l'âme; glorification ou
entrée de l'âme dans la vie éternelle. L'Apôtre compare
ensuite les âmes à l'argile dont le potier est le maître
absolu, et dont il peut tirer, à son choix, un vase pré-
cieux ou un vase commun. Ainsi fait Dieu, qui sup-
porte avec patience « des vases de colère, formés pour
la perdition », et qui exerce sa libre munificence « à
l'égard des vases de miséricorde qu'il a d'avance pré-
parés pour la gloire. » Rom., ix, 21-23. L'Évangile que
prêche l'Apôtre est une sagesse « que Dieu, avant les
siècles, avait destinée pour notre glorification. »I Cor.,
n, 7. Cette sagesse a été révélée « selon le dessein éter-
nel qu'il a réalisé par Jésus-Christ. « Eph., ni, 11. Voir
F. Prat, La théologie de saint Paid, 1. 1, 1908, p. 342-352.
3» La prédestination ne peut en aucune manière être
assimilée au destin, àvocyx-o, fatum, des anciens, qui
déterminait aveuglément à l'avance le sort de chacun.
Elle ne préjudicie en rien à la libre activité de
l'homme. Au dernier jugement, le sort de chacun
est décidé, non d'après une détermination antécédente
et nécessitante de Dieu, mais selon les œuvres bonnes
ou mauvaises que l'homme a accomplies. Matth., xxv,
34, 35.41, 42. D'après les paraboles du Sauveur, l'homme
est lui-même l'artisan de son bonheur ou de son
malheur éternels. Matth., xx, 10; xxn, 12, 13; xxv,
3-12, 21, 23, 30, etc. « Si tu veux entrer dans la vie,
595
PRÉDESTINATION — PREDICATION
596
garde les commandements », dit formellement le Sau-
veur. Mat th., xix, 17. Cf. Luc., xm. 23. D'après saint
Paul, il faut courir et se donner de la peine pour
atteindre le but final, I Cor., ix,24; la récompense est
une couronne due en justice à celui qui a bien tra-
vaillé pour Dieu sur la terre, II Tim., iv, 7. et cette ré-
compense est en rapport avec le labeur de chacun.
Rom., il, 5; I Cor., m, 8. Saint l'ierre déclare que les
bonnes mœurs sont nécessaires pour fixer chacun dans
sa vocation et son élection. II Pet., i, 10. La récom-
pense promise demeure toujours incertaine tant qu'on
ne la tient pas, car on peut la perdre par sa négligence
ou son infidélité. Rom., xi, 22; I Cor.,x, 12; Phil., Il,
12; Apoc, m, 11, etc. Voir JUSTIFICATION, t. III,
col. 1878; Œuvres, t. iv, col. 1756. De tous ces textes
résulte cette conclusion, que par la prédestination Dieu
prévoit le sort éternel de chaque âme, mais en tenant
compte de la manière dont cette âme utilisera libre-
ment ses grâces. Autrement l'obéissance aux comman-
dements et les efforts pour la pratique de la vertu ne
seraient pas de précepte pour le salut. Si, avant de
venir au monde, on était prédestiné au bonheur ou au
malheur par une volonté inéluctable de Dieu, indépen-
damment de tout acte d'obéissance ou de désobéissance
personnelle, il serait dès lors impossible, quoi qu'on
fit, de manquer ce bonheur ou de se dérober à ce
malheur. Pareille théorie est contraire à toutes les as-
surances et à tous les conseils de l'Évangile. Dieu «veut
que tous les hommes soient sauvés », I Tim., Il, 4, et
il a envoyé son Fils dans le monde « pour que le
monde soit sauvé par lui ». Joa., 111,17. Telle est la pré-
destination universelle ante mérita; c'est seulement la
prédestination post mérita prsevisa qui assigne aux
uns le bonheur et aux autres le malheur. Sur la
théorie thomiste et sur les discussions auxquelles a
donné lieu la doctrine de la prédestination, voirTurmel,
Histoire de la théologie positive, Taris, 1904, p. 270-
282, 401-409.
4° Il y a une prédestination spéciale pour Notre-Sei-
gneiir, dont saint Paul dit, d'après la Vulgate, qu'il « a
été prédestiné Fils de Dieu miraculeusement, selon
l'Esprit de sainteté, par une résurrection d'entre les
morts ». Rom., i, 3. La prédestination ne peut porter
sur le Fils de Dieu dans sa nature divine, mais seule-
ment sur ce qu'il est devenu dans le temps par son in-
carnation, et sur la gloire dont sa nature humaine a
ensuite été comblée dans le ciel après son ascension.
Dans le texte grec, au lieu de prœdestinatus, on lit
(5pio8évTo«, qui veut dire « défini, t\\r, établi ». La
pensée de l'Apôtre est donc que Jésus-Christ a été
défini, déclaré, manifesté Fils de Dieu par sa résurrec-
tion, h. Lesêtre.
PRÉDICATION (hébreu : qeryâh ; Septante :
xiip'jyna; Vulgate : prœdicalio), exposition et propa-
gation par la parole d'un enseignement dogmatique
ou moral.
I. Dans I'Ancien TESTAMENT. — En plusieurs circon-
sh s, Moise adressa au peuple qu'il avait à former
des exhortations publiques à la fidélité envers Jéhovah.
Elles sont consignées dans le Deutéronome, x, xi, xxix.
Après lui, ce ne furent pas les prêtres, dont les fonc-
tions étaient presque exclusivement liturgiques, mais
les prophètes qui eurent à rappeler au peuple les
prescriptions de la loi divine. Ainsi firent Samuel,
I lie, Elisée, et ceux qui les suivirent. Josaphat envoya
de ses chefs et des lévites dans les villes dcluda, avec
le livre de la loi, pour enseigner le peuple. II Par., XVII,
7-9. Plus tard, le roi iv/.échias envoya de même à
travers le pays d'Israël des messagers remplissant les
fonctions de missionnaires, pour prêcher aux tribus
séparées le retour au service de Jéhovah, sans grand
succès d'ailleurs. II Par., xxx, 0-11. Sous Josias, la
découverte du livre de la Loi fut l'occasion d'une sorte
de prédication solennelle. II Par., xxxiv, 29-33. L'obéis-
sance à la Loi fut de nouveau prêchée au temps d'Esdras.
I Esd., ix, 0-x, 14; II Esd., vin. 1-ix, 38. Les oracles
des prophètes sont souvent des prédications mises par
écrit. Jer., vu, 2; xix, 2, etc. C'est par eux surtout
que la sagesse prêchait sur les places publiques.
Prov., i, 20. Jonas, i, 2; m, 2, fut envoyé à Ninive
pour y prêcher la pénitence. Luc, xi, 32. Isaïe, LU,
7, salue à l'avance celui qui doit venir prêcher à Israël
la bonne nouvelle, la paix, le bonheur et le salut. Il
annonce que le Messie prêchera la bonne nouvelle, le
retour à la lumière et l'année de grâce. 1s., i.xi. 1;
Luc, iv, 19. Quand les synagogues furent instituées.
le service religieux y comprit une explication des
textes sacrés et une exhortation morale. Voir Lecteur
t. iv, col. 147; Synagogue. Saint Jacques atteste que
depuis bien des générations, Moïse avait dans chaque
ville des hommes qui le prêchaient. Act., XV, 21.
Néanmoins, sous l'ancienne loi. la prédication n'avait
qu'un rôle secondaire, parce que le Livre sacré était
la base de la religion et renfermait tout ce qui s'impo-
sait à la croyance et à la pratique de l'Israélite.
II. Dans le Nouveau Testaient. — 1» Par sa pré-
dication sur les bords du Jourdain, saint Jean-Baptiste
prépare les foules à l'apparition du Messie. Il exhorte
à la pénitence et à l'accomplissement des devoirs d'état;
il interpelle sévèrement les pécheurs orgueilleux pour
les obliger à rentrer en eux-mêmes. Mais sa mission
se borne à annoncer le Messie, à disposer les âmes à
le recevoir, et enfin à le montrer. Matth., ni, 1; Marc, i.
4, 6; Luc, m, 3; Act., xui. 24. Celle prédication fit
grand effet. Le précurseur eut beaucoup de disciples
qui s'attachèrent à lui. Matth., ix. 1 ; Marc, n, 18;
Luc, v, 33; VII, 18, 19; XI, 1 ; Jôa., III, 25; IV, I. Plus
tard, il s'en trouva même un, Apollos. à Ephèse, qui
prêchait la doctrine de Jésus tout en ne connaissant
que le baptême de Jean. Act., xvm, 25. — 2° Le Sau-
veur prêcha lui-même sa doctrine pendant tout le cours
de sa vie publique. Cette doctrine constituait la « lionne
nouvelle » ou l'Evangile, d'où l'emploi du mot eC*--. •:-
XtVadOai ou t\>a.fyt.\i&afl(xi,evangelizare, i évangéliser, >>
pour désigner celte prédication. Le Sauveur prêchait
donc le royaume de Dieu, Luc, iv, fâ; vin, 1 ; il l'an-
nonçait aux pauvres, Matth., vu, 22; xi, 5; Luc, îv,
18, alors que les docteurs juifs se bornaient à enseigner
leurs disciples. Il prêchait partout, Matth., iv, 17, 23;
ix, 35; XI, 1; Marc, I, 14,45; Luc, VIII, 1; Marc, i,
14, 45; Luc, VIII, 1; dans les bourgs, Marc, i, 38; en
pleine campagne, Matth., v, I, 2; dans la Décapole,
Marc, v, 20; dans les synagogues, Marc, l, 39;
Luc, iv, 44; sur les bords du lac, Matth., xm, 2, 3;
dans le Temple, Joa., v, 18; VII, 14, etc. Sur la pré-
dication du Sauveur, voir. h si s-CHRIST, t. III, col. 1 iSO-
1497. — 3" Notn Seigneur chargea ses disciples et
particulièrement ses apôtres de prêcher son Évangile.
Matth., x, 7; Marc, ni, li; vi, 12; xvt, 15, 20; Luc, IX,
2; xxiv, 47; Act., x. 42; I Pet., i, 12; etc. Il leur
recommanda de le prêcher sur les toits, Matth., x, 27;
Luc, xn, 3, c'est-à-dire de manière à être vus et enten-
dus pas tous. — 4" L'ordre du Sauveur fut exécuté avec
zèle. Dés le jour de la Pentecôte, saint Pierre se nul
a prêcher. Act., Il, 11; il a pour imitateurs le diacre
Etienne à Jérusalem, Act., VI, 14; vu, 1-53, le diacre
Philippe en Samarie, Act., vin, 5, 12, 40, tous les
autres Apôtres à travers le monde. Act., v. 42; VIII, i,
25; xiv, G, 20; xv, 35, etc. — 5° Mais le prédicateur de
l'Évangile par excellence est saint Paul, que le Sauveur
lui-même a choisi pour porter son nom devant les na-
tions, devant les rois et devant les enfants d'Israi I.
Act.. ix, 15. Il s'en va prêcher partout dans le inonde
romain, en commençant par les synagogues des Juifs,
Act., ix, 20; xm, 5, etc., et en s'adressant ensuite aux
597
PREDICATION — PREMICES
598
gentils partout où il les rencontre. Act.. w. 36; xvn,
13; six. 13: xx. 25; xxvm, 31; I Cor., n. i; xv. 1. -2,
11. 14; Il Cor., i, 19; XI, i; Col., i. '23; I Thés., n, 9;
I Tim.. ii.T, II Tim .1. 11; iv. L7;Tit.,l, 3, etc. Cepen-
dant il se sait particulièrement chargé de la prédication
aux gentils. Gai., i. 10: n, 2; Eph., m. 8; mais il s'ap-
plique à prêcher l'Évangile là où il n'a pas encore été
annoncé. Rom., xv, 20; II Cor., x, 16. Son rôle spécial
n'est pas de baptiser, mais de prêcher, I Cor., i, 17, et
malheur à lui s'il ne prêche pas. I Cor., i.\. 16. —
6» Les Èpitres de saint Paul énoncent un certain nombre
de réllexions qui montrent quelle idée l'Apôtre se faisait
de la prédication. Tout d'abord, dans la religion de
Jésus-Christ, la prédication est indispensable. «Comment
invoquer celui en qui on ne croit pas ? Comment croire
en celui dont on n'a pas entendu parler? Comment en
entendre parler sans prédication? Et comment y aura-
t-il des prédicateurs s'ils ne sont envoyés? » Rom., x,
14-15. La prédication est donc nécessaire, puisque
Notre-Seigneur a donné pour base à sa religion non
plus un livre, comme dans la loi ancienne, mais la
parole de ses envoyés. Matth., xxvm, 19. Pourtant n'est
pas prédicateur qui veut : il faut avoir reçu mission de
Jésus-Christ, ou de ceux qui le représentent. Saint Paul
ne se prêche pas lui-même, c'est-à-dire qu'il ne met
en avant ni sa personne ni ses idées. II Cor., iv, 5. Il
prêche Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, c'est-à-
dire le Sauveur dans ses humiliations aussi bien que
dans ses gloires. I Cor., i, 23. Il ne le prêche
pas en faisant appel aux ressources de la sagesse
et de l'éloquence humaines, I Cor., i. 17-25, mais
simplement et en dépit de ses infirmités person-
nelles, Gai., iv, 13. afin qu'il soit bien constant que
cette prédication agit par sa propre vertu, indépen-
damment de la valeur du prédicateur. I Cor., i. 17. Il
y en a qui se font prédicateurs de l'Évangile par envie
et par esprit d'opposition. Phil., i, 15. Saint Paul prêche
avec un parfait désintéressement. I Cor., ix, 18;
II Cor., XI. 7. et il s'applique à pratiquer la doctrine
qu'il prêche, afin de n'être pas réprouvé. I Cor., ix, 27.
II veut que son disciple Timothée « prêche la parole,
insiste à temps et à contre-temps, reprenne, menace,
exhorte, avec une entière patience et toujours en ins-
truisant. » II Tim.. iv. 2. Tels sont en effet les devoirs
qui s'imposent au prédicateur de l'Évangile.
H. Lesëtre.
PRÉFETS DE SALOMON. III
Voir Gouverneur, 12°, t. m, col. 285.
Res
IV.
-19.
PRÉFIXES, terme grammatical par lequel on dé-
signe dans la langue hébraïque les particules qui sont
placées au commencement de certains mots. Voir Hé-
braïque (Langue), t. m, col. 473.
1 . PRÉMICES, prélèvements opérés sur les premiers
fruits produits par la terre, destinés à être offerts au Sei-
gneur, comme les premiers-nés de l'homme et des
animaux. Ces prélèvements étaient de deux sortes, les
prémices des fruits naturels et les prémices des
fruits préparés.
I. Prémices ijes fruits naturels. — 1° Ces prémices
portent le nom de bikkurim, npb>Toyevv^|i.aTa, yevvTijiaTa,
fruges, et sont ordinairement désignées par l'expres-
sion r'êlif bikkùrê hd-'âdâmàh, à7iap-/x: tcôv -pwrovcv-
■ir,i)-j-i.ri :r; '/.-'■ primitive frugum terrse, « les pré-
mices des fruits de la terre •>, Exod., xxm, 19, ou
t'eut péri ha-'âddmdh, x-uy/ri rûv YEWT][iâTb>v îTj;yîjç,
primitisB frugum terrœ. Deut., xxvi, 10. — 2° La Loi
ordonnait d'apporter les prémices des fruits de la
terre dans la maison du Seigneur. Exod., xxm, 19;
xxxiv, 26. Elle indiquait ensuite avec plus de détail la
manière dont on devait procéder. Une fois dans la
Terre Promise, l'Israélite prendra les prémices de tous
ses fruits, les mettra dans une corbeille, s'en ira au
lieu choisi par le Seigneur pour y être honoré et se
présentera au prêtre en fonction en lui disant : « Je
déclare aujourd'hui à Jéhovah, ton Dieu, que je suis
entré dans le pays que Jéhovah a juré à nos pères de
nous donner. » Le prêtre prendra la corbeille et la
déposera devant l'autel. L'Israélite prononcera une
formule rappelant tout ce que Dieu a fait pour ses
pères et conclura en ces termes : « Et maintenant,
voici que j'apporte les prémices des produits du sol
que vous m'avez donné, ô Jéhovah ! » Ensuite il se
livrera à des réjouissances avec le lévite et l'étranger
qui réside auprès de lui. Deut., xxvi, 1-11. — 3° Le
traité Bikkurim de la Mischna a pour objet l'offrande
des prémices. — Quelques docteurs ont prétendu que
la loi sur les prémices ne fut obligatoire que quand le
Temple exista, parce que le texte sacré dit de les
apporter dans la « maison » du Seigneur. Deut., xxvi,
2. Cf. Schekalim, vm, 8. Mais cette assertion est inad-
missible, puisque le Tabernacle lui-même est souvent
appelé « maison ». Exod., xxm, 19; Jos., vi, 24; I Reg.,
I, 7, 24, etc. — 3° Rien que la Loi parlât de tous les
fruits de la terre, on restreignait l'obligation des pré-
mices aux sept fruits qui sont indiqués. Deut., vin, 8,
comme caractéristiques de la Palestine, le froment,
l'orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l'olivier et le
miel. Cf. Bikkurim, i, 2; Gem. Bekorolh, 35, 1. —
4° La Loi ne portait que sur les produits de la terre
d'Israël, à laquelle on ajoutait les anciens territoires
de Séhon, Deut., n, 32-37, d'Og, Deut., m, 8-10, et
plus lard la partie de la Syrie conquise par David.
D'après Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 7, on apportait
aussi les prémices d'Asie Mineure. — 5" Les fruits
offerts en prémices devaient être de premier choix et
tout frais, sauf les raisins et les figues qui pouvaient
être secs quand on les apportait de loin. — La quan-
tité de fruits à offrir en prémices n'était pas déter-
minée. On pouvait même offrir à ce titre ceux d'un
champ tout entier. Cf. Bikhurim n, 4; Siphra, f. 25,
I. Les prémices faisaient partie des six ou dix choses
dont la Loi ne réglait pas la mesure. Cf. Pea.i. 1 ; Gem.
Jerus., Pea, 16. 1. Mais les docteurs avaient décidé que
l'offrande devait être au moins d'un soixantième. Le
mot téné', « corbeille », dont les trois lettres -.:. :. n,
représentent les chiffres 9, 50 et 1, au total 60, servait
à rappeler cette règle à la mémoire. Cf. Gem. Jerus.
Bikkurim, 65, 3; Siphra, f. 202, 2. — 6° La sépara-
tion des fruits constituant les prémices pouvait se
faire soit sur l'arbre, avant maturité, au moyen d'un
signe, soit après la récolte, à condition toutefois que
les bikkurim, fussent mis àpartavant toutes les autres
redevances. Cf. Terumoth, m, 7. On était obligé de
remplacer ce qui s'était pourri ou avait été volé. —
7° Quand le Temple eut été construit l'offrande de
ces prémices se faisait à Jérusalem, mais pas avant la
Pentecùte, Exod., xxm, 16; Lev., xxm. 17, ni après la
Dédicace, le 25 casleu, les fruits plus tardifs n'ayant
pas grande valeur. Cf. Bikkurim, i, 6; Challa, iv, 10.
— 8° Par la suite des temps, l'offrande des prémices
fut réglée dans tous les détails. Les fruits se plaçaient
dans des corbeilles dorées, argentées ou en bois de
saule. Si tous les fruits devaient être contenus dans
la même corbeille, on mettait au fond l'orge, puis le
blé, ensuite les olives, au-dessus le miel, les grenades,
les figues et enfin les raisins. Ordinairement on atta-
chait à la corbeille des tourterelles ou des colombes
destinées à être offertes en holocauste. — La corbeille
ainsi disposée était portée à Jérusalem par celui qui
faisait l'offrande ou par son réprésentant. Le voyage
était entrepris en grande pompe. De plusieurs loca-
lités, on se réunissait à un rendez-vous commun. Le
chef de la bande criait les paroles de Jérémie, xxxt, 6;
cf. Mich., iv, 2 : « Levez-vous et montons à Sion, vers
599
PREMICES
600
Jéhovah noire Dieu! » et l'on se niellait en route,
avec un bœuf à cornes dorées et couronné d'olivier, et
un joueur de flûte. Chemin faisant, on répétait les
paroles du Psaume r.xxn (cxxi), 1 : • J'ai été dans la
joie quand on m'a dit : Allons à la maison de Jéhovah! g
— Aux approches de Jérusalem, de hauts fonction-
naires du Temple allaient au devant des arrivants et
leur faisaient accueil. A l'entrée du Temple, chacun,
même le roi, devait prendre sa corbeille sur ses
épaules, et la porter à l'intérieur en chantant le
Psaume CL, auquel les lévites répondaient par le
Psaume xxx ,xxix). Au parvis des prêtres, il la déchar-
geait et l'agitait, avec l'aide d'un prêtre, en proférant
les paroles prescrites. Deut.. xxvi. 3-10. Cette formule
n'obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves,
ni ceux qui présentaient des prémices après la fêle
des Tabernacles. Cf. BikkuHm, i, 5, 6. La corbeille
était portée près de l'autel, sans qu'on put mettre sur
l'autel même ce qui contenait du levain ou du miel,
Lev., il, 11, 12. et le sacrifice était offert. Si la corbeille
était de métal, on la rendait à l'Israélite porteur des
prémices: 1rs prêtres gardaient pour eux les corbeilles
de saule ou de jonc. — Après l'offrande des prémices.
l'Israélite était obligé de passer la nuit à Jérusalem; il
ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bik-
kurim, II, 2. 3. 4. — Les prémices appartenaient aux
piètres, ce qui explique l'empressement avec lequel
ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les prêtres
de service pendant la semaine se les partageaient et les
mangeaient a Jérusalem même, eux. leurs femmes,
leurs esclaves et leurs bêtes, pendant le séjour en
ville de celui qui avait présenté ces différents fruits.
Num., xvmi. 13; Il Esd., x, 37. — Cf. Josèphe. Aul.
jud., IV. vin, 22. Philon a écrit au sujet de la pré-
sentation des prémices un petit traité De festo co-
phini, publié par Mai et par Tischendorf, Phii
1868, p. (39-71.
II. Prémices des i ruits prépari s. — l°Ces prémices
portenl le nom il'' (erùmâh, içacpefia, inj/r. prinii-
tise. Elles font l'objet du traité Terumolh de la Mischna.
— Outre les prémices des fruits à l'état naturel, la Loi
ordonnait encore de donner aux prêtres les prémices
des produits tirés des fruils, Exod., xxn, 29, nommé-
ment delà farine. Num., xv. lit. -21. du vin nouveau,
de l'huile, même de la toison des brebis. Deut., xvm,
4, et en général de tous les produits de la terre ou des
arbres, il, Terumoth, n. 5, 6. Cette redevance devait
être acquittée chaque année envers les prêtres par les
Israélites non seulement de Palestine, mais aussi, après
la captivité, de Babylone, d'Egypte, du pays d'Ammon
et de Moab, el de Syrie. Toutefois les prémices de ces
pays étrangers ne devaient pas êtres introduites en Terre
Sainte. Cf. Te-umoth, i. 1. Les prémices des toisons
étaient fidèlement offertes par Tobie, i, l>. qui. du
royaume d'Israël, avant d'être emmené en captivité, se
rendait régulièrement au Temple de Jérusalem et j pré-
sentait <■ les prémices i et ses « premières tontes »,
rcpuvoxoupfcc. Les prémices de la farine et des aliments
dont elle formait la base étaient l'objet de prescriptions
spéciales contenues dans le traité Challaie la Mischna.
Saint Paul y fait allusion quand il dit que t si les pré-
mices, ù-xy/.r. seul sainles, la masse de la pâte, pûpot-
ij.ï. l'est aussi. ■ Rom., xi, l(i. Était soumis à l'obliga-
tion des prémices tout ce qui provenait du froment, de
l'orge, de l'épeautre, de l'avoine et du seigle. Cf. Clialta.
i. 1. Ces prémices ne s'acquittaient pas en farine, mais
en pâte et en pain tout préparé. Cf. Challa, il. 5. — La
quantité de prémices à fournir n'était pas déterminée.
Ezéchiel. xlv, 13, 14, suppose une proportion d'un
soixantième pour le froment et l'orge, et d'un centième
pour l'huile. On estimait généralement qu'il était dû un
cinquantième; les disciples d'Hillel opinaient pour un
quarantième, ceux de Scbammai pour un trentième; les
moins généreux se contentaient d'un soixantième. Sur
les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulan-
gers 1 48. Cf. Challa, m. 7; Eduyoth, i, 2. Saint Jérôme,
ht Ezech., xiv. 45. t. xxv. col. 451, dit que, selon la
tradition juive, on pouvait s'en tenir à une quantité in-
termédiaire quelconque entre le quarantième et le
soixantième. Cf. Philon, De primitiis r '.uni, 1,
édit. Mangey. t. Il, p. 233.
2° L'usage de ces prémices n'était pas réglé. Chacun
les attribuait au prêtre qu'il voulait. Ces prémices
n'avaient donc pas un caractère sacré, comme les pré-
cédentes qu'il fallait aller présenter au Temple. C'étaient
de simples redevances au bénéfice de l'ordre sacerdotal.
La liberté que chacun avait de les distribuer à son gré
ne laissait pas que d'aider les prêtres à se rendre ai-
mables et serviables à tous. Sous Ézéchias, des prémices
abondantes de vin nouveau et d'huile furent ainsi pré-
sentées, avec les autres prémices, par les habitants de
Jérusalem aux prêtres et aux lévites, g afin qu'il s'atta-
chassent fortement à la loi de Jéhovah. « c'est-à-dire
au service du Temple. II Par., x.xxi. 4-10. Apres la cap-
tivité, les Israélites s'engagèrent à porter au Temple
leurs prémices de farine, de vin et d'huile; mais ce fut
clans le but d'attirer et de fixer les prêtres, alors peu
nombreux, dans la maison de Dieu. II Esd.. x, 35-39;
xii, 43; xiii, 5. Pour l'ordinaire, la redevance était
acquittée partout où vivaient des prêtres. — Les pré-
mices devaient être consommées en Terre Sainte par les
prêtres en état de pureté et tous ceux de leur maison
qui satisfaisaient à la même condition, Num., xvm. 11.
leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs
animaux même pouvaient manger des prémices. Cf.
Terumoth, i.x, 3: xi. 'J. La Bile d'un piètre mariée à un
simple Israélite n'avait pas le droit d'en manger, pas
plus que ceux de sa maison. Lev.. xxn, 11-13. Cf. le-
hamotli, vu, 2; ix. 6. Une simple Bile Israélite mariée
à un prêtre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison,
cf. Yebatnoth, vu, 2; ix, 5, mais seulement du vivant
de son mari. Cf. Gittin, m. i. — Cf. Reland. Antii/iii-
tates sacrée, l'Irecht, 1741. p. 2im-2<>5: Iken, Antif/ui-
tales h, Brème, 1741. p. 210-218; Schûrer, Ge-
schichte des judischen Yolkes im Zeit. J, (.'., Leipzig.
t. n. 1898, p. 249-250
III. Remarques diverses sur les prémices. — I /.«
pratique. — A toutes les époques de l'histoire d'Israël,
il est question des prémices. Pour maudire les monts
de Gelboé, David souhaite qu'ils n'aient aucun champ
de prémices, c'est-à-dire qu'ils soient frappés de stéri-
lité. 11 Reg., i. 21. Un homme de Baalsalisa apporte à
Elisée vingt pains d'orpe de prémices et du froment
nouveau. IV Reg., iv, 12. Pareille offrande ne pouvait
se faire qu'aux prêtres; mais il n'y en avait plus de lé-
gitimes dans le royaume d'Israël, III Reg-. XIII, 3:f. et
le présent fait à Elisée ne procédait que de la généro-
sité du donateur. Ézéchias remit en honneur l'offrande
de prémices abondantes. II Par.. XXXI, H0. Il est re-
commandé de faire honneur à Dieu des prémices de
tout son revenu, l'rov.. m, 9. Cf. Eccli.. xxxv. 10
chiel, xx, 40; xi.iv. 30; xi.vm, 14, rappelle que les pré-
mices appartiennent au Seigneur et que celles des pre-
miers produits de toutes sortes sont pour les prêtres,
Les captifs de Babylone se plaignent qu'il n'y a plus
d'endroit pour présenter les prémices au Seigneur.
I>an.. m, 38. Après la captivité, cette institution fut
restaurée. II Esd.. x. 35-39; xn, 13; un, 5. Elle était
en pleine vigueur à l'époque évangélique, comme le
donne à supposer la composition des traités Bikkurim
et Terumoth. — Deux offrandes de prémices étaient
particulièrement solennelles, celle des prémices de
l'orge, à la Pique, Lev.,xxm, 10, 11, voir Pàque, t. i*,
col. 2091. et celle des prémices du froment et des deux
pains, à la Pentecôte. Exod., xxxiv. 22; Lev., xxm, 17.
Voir Pentecôte, col. 119.
601
PRÉMICES — PREMIER-NÉ
m-2
2° Signification des prémices. — L'offrande des pré-
mices, prescrite par le Seigneur, constituait à son égard
un acte de reconnaissance, de soumission et de suppli-
cation. En s'acquittent de ce devoir, l'Israélite faisait
profession de reconnaître en Jéhovah le créateur de
toutes choses, le maitre de la nature et le dispensateur
libéral de tous les biens. Il lui obéissait en sacrifiant
une partie, la première et la meilleure, de ce qu'il avait
reçu de sa munificence. En même temps, il se le ren-
dait propice et s'assurait les mêmes bienfaits pour l'ave-
nir. Ces idées étaient si naturelles qu'on trouve chez un
bon nombre de peuples l'usage d'offrir à la divinité les
prémices des fruits de la terre. Cf. lliad., ix, 529; Cal-
limaque, In Cercr., 19 ; Théocrite, vu, 31 ; Aristophane,
Ran., 1272; Pausanias, i, 43; Porphyre, De abstin. ,11,
5, 6, 27, 32; Épictète, 38; Ovide, Metam., vin, 273; x,
431; Fast., Il, 519; Tibulle, i, 1, 13; Pline, //. -V., IV,
26, etc. En Egypte, les donations analogues de pains, de
liqueurs, de quartiers de victimes, même de terres avec
tout ce qu'elles contenaient, étaient faites aux dieux,
pour se les rendre favorables, et laissées à la jouissance
des prêtres. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu-
ples île l'Orient, 1895, t. i, p. 303. Les mêmes usages
régnaient en Chaldée. Ibid., p. 676, 677.
3° Leur destination. — Les prémices constituaient
une partie de la dotation des prêtres et des lévites. Il
était juste que ceux qui, au nom de la nation, consa-
craient leur vie au service du Seigneur, reçussent du
peuple les choses nécessaires à la vie. On comprenait
également le droit supérieur de Dieu qui, en donnant
aux Hébreux la terre fertile de Chanaan, avait établi
une réserve en faveur de ceux qu'il prenait à son ser-
vice. Cf. Eccli., xj.v, 25. Aux prémices s'ajoutaient, poul-
ies prêtres et les lévites, les dîmes, voir DÎME, t. il,
col. 1431; une part d'un centième sur le butin de
guerre pour le grand-prêtre, et d'un cinquantième pour
les lévites, Num., xxxi, 28-30; une part plus ou moins
considérable des victimes offertes pour les sacrifices
autres que l'holocauste, voir Sacrifice; différentes
sommes d'argent ou divers biens en nature provenant
de vœux, de restitutions, d'amendes, de rachats, etc.;
l'épaule droite, l'estomac et la mâchoire de tous les
animaux tués pour l'usage des particuliers, redevance
qui était comme une extension des prémices. Cf. Iken,
Antiquitates hebraiese, p. 217; Munk, Palestine, Paris,
1881, p. 177. La vie des prêtres et des lévites était ainsi
assurée dans des conditions suffisamment larges, mais
qui ne permettaient pas l'accumulation de grandes
richesses, comme il arrivait pour les castes sacer-
dotales des autres pays de l'antiquité. Cf. Hérodote,
il, 37; Diodore de Sicile, i, 73; Munk, Palestine,
p. 178-179.
4» Les prémices au sens figuré. — Pour marquer que
le peuple d'Israël appartenait spécialement au Seigneur
et que le Seigneur le protégeait en conséquence, Jéré-
mie, il, 3, dit ; « Israël était consacré à Jéhovah, comme
les prémices de son revenu; quiconque en mangeait se
rendait coupable, le malheur fondait sur lui. » — Saint
Paul salue en Jésus-Christ les prémices de la résurrec-
tion et de la vie, c'est-à-dire celui qui le premier est
ressuscité glorieusement pour ne plus mourir et com-
muniquer la vie aux âmes. I Cor., XV, 20, 23. — Les
chrétiens ont ici-bas « les prémices de l'Esprit s, c'est-
à-dire le commencement d'une vie qui se développera
un jour dans la gloire. Rom., vin, 23. Cf. S. Irénée,
Adv. hseres., \, 8. 1, t. vil, col. 1142. — La famille de
Stéphanas représente les prémices de l'Achaïe, c'est-à-
dire qu'elle est la première qui se soit convertie dans
celte province. I Cor., xvi, 15. Les âmes vierges sont
des prémices pour Dieu et l'Agneau, c'est-à-dire qu'elles
occupent une place privilégiée dans l'Église et dans le
ciel. Apoc, xiv. i.
II. Lesétre.
2. PRÉMICES (FÊTE DES), un des noms de la fête de
la Pentecôte. Exod.. xxm, 16. Voir Pentecôte, col. 119.
PREMIER (grec : irptôto;; Vulgate : princeps), titre
que portait le magistrat qui gouvernait 1 île de -Malle,
Act., xxvm, 7. Il s'appelait Publius, lorsque saint Paul
y aborda après son naufrage. Voir Publr'S. L'île de
Malte, pendant la seconde guerre punique, était passée
en 342 avant J.-C. de la domination carthaginoise sous
celle de Rome. Les Romains laissèrent aux Maltais une
grande liberté, ils tirent de Malte un municipe et per-
mirent aux habitants de se gouverner d'après leurs
propres lois. Malte dépendait du préteur de Sicile,
ma is celui-ci étaitreprésenté dans l'île par un propréteur,
àqui l'on donnait le titre de irpw-o; MeXeTaîwv, Primus
Melite/isium, comme l'atteste l'inscription suivante
qui confirme l'exactitude de saint Luc : Aoc.xeoç K-jp.
IIpo-J07)v; Î7C7ISÙ; 'Ptou.[a:cov] 7cptoToç Me).tra:'wv xcti
7iaTpûv. Kaibel, Inscript, grœc. Italiœ et Sicilise, Ber-
lin, 1890, p. 142, n. 601. Cf. Boeck, Corpus inscriptio-
num grxcarum, n. 5754, t. m, p. 682; Une inscription
latine porte : Mel. Primus. Smith, Voyage and ship-
wreck of St. Paul, 3' édit., Londres, 1866, p. 150-151.
Voir Schœlfer, Dissertatio de Publio, koùzw Meliten-
sium, in-4", Iéna, 1755.
PREMIER-NÉ (hébreu : bek&r, de bdkar, « être le
premier »; Septante ; irpuTOToy-oj; Vulgate : primogeni-
tus), le premier qui vient au monde dans une famille.
Il est aussi désigné par l'expression pétér réhém, «ou-
verture du sein », ou simplement peter, Biccvoïyov u.y-t-
potv, quod aperil vulvam. Exod., xm, 2, 12, 13, 15;
xxxiv, 20. Ces désignations s'appliquent à la fois au
premier-né de l'homme et à celui des animaux.
I. Les premiers-nés des hommes. — I» Dans les an-
ciennes familles israélites, les premiers-nés jouissaient
de certains droits. Voir Aînesse (Droit d'), 1. 1, col. 317-
322. — 2° Le premier-né était naturellement l'objet
d'une affection plus grande et d'attentions plus marquées
de la part de son père dont il devait continuer la des-
cendance. Si ce père mourait sans premier-né, on lui
en procurait un en vertu de l'institution du lévirat.
Voir Lévirat, t. iv, col. 213. On pleurait plus amèrement
que celle des autres la mort du premier-né. Zach.,
xii, 10. Cette mort était le plus grand malheur qui
put arrivera une famille, Jos., vi, 26, et le plus grand
sacrifice qu'un père pût s'imposer. Gen., xxn. 2, 12, 16 ;
IV Reg., m, 27 ; Mich., VI, 7. — 3° Dans un sens méta-
phorique, Dieu appelle le peuple d'Israël son premier-
né, c'est-à-dire son peuple de prédilection, celui auquel
il accorde plus de bénédictions qu'aux autres et qu'il a
chargé de garder son nom sur la terre, comme le pre-
mier-né perpétue celui de son père. Exod., iv, 22, 23;
Eccli., xxxvi, 14. Si Jérémie, xxxi, 9, appelle Ephraïm
le premier-né de Dieu, c'est pou» marquer qu'après la
captivité le royaume d'Israël représenté par Ephraïm,
retrouvera, aussi bien que Juda, le titre et les préro-
gatives de premier-né de Jéhovah. Le titre de premier-
né, donné par Dieu à Israël, est devenu comme l'idée
maîtresse qui commande, historiquement et légalement,
tout ce qui se rapporte aux premiers-nés. — 4» Moïse
reçoit l'ordre de dire au pharaon d'Egypte que s'il re-
fuse de laisser aller le premier-né de Jéhovah. Israël,
Jéhovah fera périr son fils premier-né, par conséquent
l'atteindra dans son affection la plus chère. Exod.. iv,
23. Le pharaon s'obstine à refuser et la sentence divine
s'exécute. Le premier-né du pharaon et les premiers-
nés des Égyptiens périssent en une nuit, et même les
premiers-nés du bétail ne sont pas épargnés. Exod., xi,
5; xn, 29, 30; xm, 15; Ps. lxxviii (lxxvii), 51 ; cv (civ),
36; cxxxv (cxxxiv), 8; cxxxvi (cxxxv), 10; Sap., xvm,
13. Par contre, tous les Hébreux demeurent indemnes,
y- compris leurs premiers-nés. Exod. 3, 27. —
603
PREMIER-NE
604
.V En conséquence de celle préservation. Dieu veut que
tous les premiers-nés lui soient consacrés, comme lui
appartenant. Exod., xiii, 2, 12; xxn, 29. Il indique lui-
même la raison de cette consécration. Le père doit en
effet dire à son li!s : • Comme le pharaon s'obstinait à
ne point nous laisser aller, Jéhovah fit mourir tous les
premiers-nés dans le pays d'Egypte, depuis les pre-
miers-nés des hommes jusqu'aux premiers-nés des ani-
maux. Voilà pourquoi j'offre en sacrifice à Jéhovah tout
mâle premier-né et je rachète tout premier-né de mes
(ils. » Exod., xiii, 15-16. Le texte sacré ajoute que l'Is-
raélite ne devra jamais perdre de vue le sens de cette
consécration et que ce souvenir sera pour lui comme
un signe sur la main et un bandeau entre les yeux. —
6° En principe, les premiers-nés étaient ainsi réservés
pour le service de Dieu. C'était en effet, dans les an-
ciens temps, la prérogative du chef de famille et, après
lui, de son premier-né, d'exercer le sacerdoce. Voir t. i,
col. 31S. Mais il plut à Dieu d'organiser le culte autre-
ment chez le peuple qu'il se choisissait. Il formula
ainsi sa volonté : « J'ai pris les lévites du milieu des
enfants d'Israël, à la place de chaque premier-né qui
ouvre le sein de sa mère parmi les enfants d'Israël, et
les lévites sont à moi ; le jour où j'ai frappé tous les
premiers-nés dans le pays d'Egypte, je me suis consa-
cré tout premier-né en Israël. > Xum., m. 12, 13, 40-50;
VIII, 16. Les lévites sont donc désignés par Dieu pour
remplir auprès de lui les fondions cultuelles précédem-
ment dévolues au père et à l'aîné de la famille. —
7° Comme les premiers-nés appartiennent à Dieu et
que cependant Dieu n'a pas le dessein de les utiliser
pour son service particulier, la liberté leur sera laissée
moyennant rachat. Tout premier-né doit donc être ra-
cheté, et l'Israélite qui le reprend au Seigneur ne doit
pas se présenter les mains vides. Exod., xxxiv. 20. l'n
mois après sa naissance, le premier-né tombe sous la
loi du rachat li\é à cinq sicles d'argent. Xum., m, 47;
xviii, 15-16. — 8" l'our qu'un premier-né fut soumis à
la loi, il devait être à la fois un garçon et le premier
enfant de sa mère, l'n gareoii né après une ou plusieurs
sœurs n'était pas péter réjfém, ouvrant le sein «de
la mère. Exod., xiii. 2. Cette expression du texte sacré
montre qu'il s'agit bien du premier fils de la mère, et
non du premier fils du père. Ce premier-né pouvait
n'avoir pas le droit d'ainesse, si le père avait eu déjà
d'autres enfants d'une autre épouse. Réciproquement,
un père pouvait avoir plusieurs premiers-nés il 'épouses
différentes. Voir t. I, col. 317. 11 n'y avait pourtant pas
de premier-né dans toutes les familles. Dans le recen-
sement que Moïse fit au désert, on trouva 22273 pre-
miers-nés d'un mois et au-dessus, sur 603550 Israélites
de vingt-ans et au-dessus, Num., i, 15 : m, 13, soit un
premier-né' sur 27 hommes, et encore parmi ces der-
niers ne sont pas comptés ceux qui onl d'un mois à
vingt ans. Il s'agissait alors de substituer les lev ites aux
premiers-nés. Comme il n'v avait que 20000 lévites, les
273 premiers-nés qui ne pouvaient être remplacés
furent rachetés chacun au prix de cinq sicles Num., m,
40-50. Le rachat fut ensuite imposé a tous les premiers-
nés, sans qu'il fui tenu compte de leur remplacement
par les lévites. Num., xvm, 15. Les prêtres et les lé-
viles n'étaienl pas assujettis à cette loi, puisque tous
ils devaient consacrer leur vie au service du Seigneur.
— 9" Le prix du rachat était uniformément de cinq
sicles, pour les riches comme pour les pauvres.
Cf. Philon. De priemiis sacerdolum, 1, édit. Mangey,
t. il, p. 233. Ce prix appartenait au prêtre, Num., xvm.
15. sans doute en tant que remplaçant du premier-né,
La loi n'obligeait nullemenl à présenter le premier-né
au Temple. Cependant, après la captivité, on paraît
avoir pris l'habitude de celle démarche. II Esd., x.
36. On profilait pour cela de la \isile que la mère
avait à \ faire après la naissance d'un enfanl. Lev.,
xii, 2-8; mais rien de particulier n'était prescrit au sujet
de ce dernier. La Sainte Vierge se conforma à l'usage
des pieux Israélites en ce qui concernait la présenta-
tion du divin Enfant. Le trentième jour après la nais-
sance, elle avait remis ou fait remettre au prêtre les
cinq sicles d'argent (environ 17 fr. 50, voir t. tv,
col. 1254) imposés par la Loi. Num., xvm, 16. Quand
elle vint au Temple, après les quarante jours de réclu-
sion qui lui étaient prescrits, Lev., xn, 2-4, elle et
Joseph eurent l'intention de présenter l'Enfant au Sei-
gneur. Luc, H, 22. Les deux oiseaux offerts à celte
occasion étaient destinés au sacrifice de purification
pour la mère, et non au rachat de l'Enfant, comme
on le dit quelquefois à tort. Cf. Bossuet, Serm, pour
la Purification, 1658, 2e part.; Elëv. sur les myst.,
xvme serm., iv, Bar-le-Duc, 1870, t. v», p. 233; t. vin,
p. 508. Bossuet peut s'appuyer sur la liturgie de la fête
de la Purification, qui répète plusieurs fois : obtulerunt
pro eo par turturum. Cette allégation liturgique est
conforme à l'interprétation du texte du Lévitique, xn,
0, par saint Augustin, In Heptat., m, 40, t. xxxiv,
col. 695-696. Mais le saint Docteur n'explique ainsi le
texte que par suite d'une ponctuation défectueuse. —
10» Les juifs restèrent fidèles à l'accomplissement de
cette loi, même après la destruction du Temple. Le
trente-et-unième jour après la naissance du premier-
né, ils invitaient le prêtre à un festin et lui versaient
les cinq sicles. Ce festin se célébrait même un jour de
jeûne, mais se remettait au lendemain si le Irente-et-
unièine jour coïncidait avec le sabbat. Si le père mou-
rait avant cette date, la mère n'était pas obligée de ra-
cheter l'enfant. Elle lui mettait au cou une petite
plaque portant les mots : bekôr Sélô' nipdd/i, « premier-
né non racheté' », et lui-même se rachetait une fois
adulte. Les lilles de prêtres et de lévites, mariées à de
simples Israélites, étaient, comme leurs pères, exemptes
de l'obligation du rachat. Cf. Iken, Antiquitates hebraiese,
Brème, 1741, p. 516. — 11° Jésus est appelé le s pre-
mier-né' de Marie. Matth., i. 25; Luc, M, 17; Heb., I,
6. L'enfant premier-né était en effet bekôr tout en res-
tant fils unique. Zacharie, xn, 10, met en parallèle le
ydhid, « fils unique », et le bekôr. — La Sagesse est
« première-née avant toute créature, » d'après une ad-
dition de la Vulgate, Eccli., xxiv, 5, et le Verbe incarné
est ' né avant toute créature, » Col., I, 15, le premier-
né' d'un grand nombre de frères, Rom.. VIII, 29, en-
fants par adoption d'un Père dont il est fils par nature,
et. par sa résurrection glorieuse, « premier-né d'entre
les morts. » Apoc, I, 5.
II. Les premiers-nés des animaux. — ]«Des l'origine,
les premiers-nés des animaux ont été considérés comme
ayant une valeur plus grande. Deut., xxxm, 17. Déjà
A I .t-l offrait au Seigneur les premiers-nés de son trou-
pe.,!], r.en., iv, i. — 2" A la dixième plaie d'Egypte, les
premiers-nés du bétail furent frappés comme ceux des
hommes, Exod., xi, 5; xn, 29. Aussi, en retour, Dieu
voulut-il que les premiers-nés des animaux lui fussent
réservés, Exod,, xiii. 2; Xum., m. 13. — 3° Les mâles
premiers-nés des animaux devaient être immolés, connue
appartenant à Jéhovah. Le premier-né' de l'âne pouvait
cependant être racheté pour un agneau et à défaut de
rachat, on devait lui briser la nuque. Exod., xiii. 13;
xxxiv, 20. L'âne était l'objet de cetfe exception à cause
di sa -lande utilité pour les Israélites. Voir Ane, t. i,
col. 566. On rachetai! également les premiers-nés des
animaux impurs et le prix en revenait aux prêtres, mais
on immolait les premiers nés du bœuf, de la brebis et
de la chèvre. Num.. XVIII, 15-18. Ces derniers devaient
être amenés au sanctuaire, Dent.. XII, 6, el c'est là
lemeiit que les prêtres et les lévites pouvaient mangi
la part qui leur en revenait. Deut., XII, 17. IS;\i
Il était défendu de faire travailler le premier-né' du
boni' et de tondre le premier-né' de la brebis. Si le pre-
005
PREMIER-NÉ — PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES)
006
raier-né était aveugle, boiteux, atteint d'un défaut ou
d'une difformité quelconque, on ne l'offrait pas en sacri-
lice et on pouvait le manger là où l'on résidait, sans
aucune condition. Deut., xv, 19-23. — 4° La tradition
juive a interprété ces différentes lois dans le traité Be-
choroth de la Misohna. Les prêtres et les lévites étaient
tenus à l'offrande des premiers-nés, mais seulement des
animaux purs. Cf. Beclioroth, n, 1 ; Midr. Mechilta, 15,
2. Les premiers-nés, comme les prémices, devaient être
amenés de toute la terre d'Israël. Cf. Themura, m, •">.
On devait également offrir ceux qu'on introduisait dans
le pavs. — Si l'on n'avait pas d'agneau pour racheter le
premier-né de l'àne, on en donnait le prix, fixé d'après
.losèphe, Ant. jud., IV. iv, 4, à un sicle et demi. A
défaut de rachat, on frappait l'animal et on l'enterrait.
D'après Philon, De prsem. sacerdot., 1, les premiers-
nés des animaux impurs, cheval, àne, chameau, se ra-
chetaient à prix d'argent, sur l'estimation du prêtre,
avec majoration d'un cinquième. — Les premiers-nés
des animaux purs devaient être amenés aux prêtres de
service dans le Temple, au cours de leur première
année, comptée cependant à partir du huitième jour
après la naissance. L'animal était égorgé dans le par-
vis, son sang versé aux pieds de l'autel, les parties in-
térieures brûlées sur l'autel après addition de sel,'et
le reste cuit au gré des prêtres et mangé par eux à
l'intérieur de Jérusalem. Cf. Sebachim , v, 8. — Le
premier-Hé atteint d'un défaut congénital, ou contracté
ensuite, ne pouvait servir de victime. Mais il était sacré
à raison de sa naissance, et on le remettait aux prêtres
qui pouvaient en manger partout, ou le vendre à d'autres
qui le mangeraient à condition de ne pas le mettre dans
le commerce. Cf. Maaser caheni, i, 2. — Les défauts du
premier-né pouvaient être manifestes ou douteux, passa-
gers ou permanents. Des mandataires du sanhédrin
étaient chargés de faire des inspections à ce sujet.
Cf. Reland, Antiquilales sacrse, Utrecht, 1741, p. 185-
188; Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes imZeit.
J.-C, Leipzig, t. H, 1898, p. 253-254. - 5» Dans Job,
xviii, 13, le « premier-né de la mort » est la maladie
très cruelle qui conduit infailliblement à la mort. En
arabe, les fièvres mortelles sont aussi appelées « tilles de
la mort ». Cf. Frz. Belitzsch, Das Bucli Job, Leipzig, 1876,
p. 231. Un Targum traduit l'expression hébraïque par
mal'ak môld', « ange de la mort », un autre par ëêrùi/
môtâ', « prémices de la mort », les Septante par ôSpaîa
6ivaTo;, « le temps convenable de la mort » et la Vul-
gate par primogenita mors, « mort première-née »,
sans doute dans le sens de « mort prématurée ». Dans
Isaïe, xiv, 30, les c< premiers-nés des pauvres » sont les
plus pauvres de tous. II. Lesêtue.
PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES) SUR LES
SAINTES ÉCRITURES. L'ordre des Prémontrés a
été fondé par saint Norbert de Gennep, né à Xanten
(duché de Clèves) en 1080 (1085), mort le 6 juin 1131.
11 fut chanoine régulier de Xanten et fonda un ordre
de chanoines réguliers à Prémontré, dans le diocèse de
Laon (1120). Il devint archevêque de Magdehourg en
1126.11 fut canonisé en 1582. — Xous donnons ici, d'après
l'ordre chronologique, les principaux ouvrages des
Pré iiontrés relatifs aux Saintes Écritures.
I. Introductions aux saintes Écritures. — l.Ulin,ou
Ulinus Guillaume (date ?), De studio linguœ sanclse,
Ingolstadt. 1513. — 2. Mansuy Nicolas (1690), Disser-
tation sur les années et époques de l'Ancien Testa-
ment, pour redresser les erreurs de certains chro-
nologistes, Clef du Cabinet de Luxembourg, novem-
i 'e 1749. — 3. Nauwens Corneille (f 1774), Antilogiœ
alimque diffieultates sefipturisticas amplificatse, 5 in-8"
ms. — 4. Kips Jean Baptiste (1716-1793), Compendiosum
Sacrse Scripturœ Diclionariuni ail scripturisticarum
historiarum nolitiam. Ex ipsa Sacra Scriptura, Flavio
Josepho, aliisque sac ris historicis deduclum et concin-
natum, in-8", Louvain, 1779; Synopsis Sacrse Scripturœ,
3 vol. ms. — 5. Zasio André Maximilien (1741-1816),
Hermeneuticse seu ratio inlerprelandi Sacrant Scrip-
turam Antiqui FœUeris, 1796, in-8»; Hermeneuticse
Xeteris Testamenti partes duœ, in-8°, Pesth, 1796-1797;
Hermeneutica, seu ratio inlerprelandi Sacram Scrip-
turam Novi Fœderis, i-m Tomi, Pesth, 1796; editio
2'i», Vacii-VVaitzen, 1801-1802. - 6. Jahn Martin Jean
1 1750-1806), Einleilung in die gôlllichcn Schriflen des
allen Ilundes, in-8°, Vienne, 1792. Cette première édi-
tion fut suivie d'une nouvelle : Zweyteganz umgearbei-
tele Au/lage, 4 in-8°, Vienne, 1802; Biblische Archâo-
logie, trois parties en 5 in-8», Vienne, 1797-1804; lntro-
ductio in libros saci'os Veleris Fœderis. In epitomen
redacla a Johanne Jahn. Editio secunda emendata,
in-8", Vienne, 1814; Archœologia Biblica in compen-
dium redacta a Johanne Jahn, in-8", Vienne, 1805;
Editio altéra emendata, in-8», Vienne, 1814; 3e édi t., 1826,
par Ackermann; ¥ édit., 2 in-8», Vilna, 1829-36; Bibha
Hebraica digessitet graviores lectionum varietales ad-
jecit Jo/iannesJahn, 4 in-8». Vienne, 1806; Enchiridion
Hermeneuticse generalis tabularum Veleris et Novi
Fœderis, in-8», Vienne, 1812; Appendix Hermeneuticse-
seu exercitationes exegeliese. Vaticinia de Messia,
Fasciculi duo. in-8", Vienne, 1813 et 1815; leremias,
MS. latin, in-4°. — 6. Stoppani Charles Antoine Jean-Bap-
tiste (1778-1836), Sâtze aus der biblischen Auslegungs-
kunde, den biblischen Allerthimiem und der Einlei-
tung in die gôltlichen Bûcher, in-8», Prague, 1805-1812 ;
Dissertatiode sludii biblici Veleris Testamenti, quan-
tum ad christianos theologos atlinet, necessitate ac
prœslantia, Prague, 1809; Einige ldeen zur Beurthei-
lung des moralischen Theiles des allen Blindes, dans
Frints' theol. Zeitschrift, 2" Jahrg.,2" Band, 1" Heft.
— 8. Koppmann Adolphe Jean (1781-1835), Hermeneu-
tica biblica, a Cl. Altmanno Arigler édita (Viennae,
1813), fuit ab eximio Dre Adolpbo Koppmann scriptote-
nus emendata. — 9. Gûntner Gabriel Jean Baptiste (1804-
1867), Hermeneutica biblica generalis juxta principia
catholica, in-8", Prague, 1848; 2" édit., 1851; 3" édit.,
Prague, 1863; Inlroduclio in sacros Novi Testamenti
libros historico-critica et apologetica, in-8", Prague,
1863. — 10. Dallos, Szekeres et Wentko ont publié une
revue, qui a pour titre : .4 Biblia es a Tudomàny (La
Bible et la Science), depuis 1896, in-4°, à Budapest.
— 11. Crets Gommaire Joseph (né en 1858), De divina
Bibliorum inspirations; dissertatio..., in-8°, Louvain,
1»86. — 12. Kortleitner François-Xavier Joseph (né en
1863), Archseologiœ Biblica: Summarium, in-8», ins-
pruck, 1906; De poh/theismo universo... apml Hebrseos
/initimasque génies usilalis, in-8», Inspruck, 1908.
II. Traductions des saintes Ecritures. — 1. Gebhard
(f 1191), Psalmen Verdeutscliung, 1174. — 2. Carré Ré-
mi (1706-1773), Psaumes dans l'ordre historique, nouvel-
lement traduits sur l'hébreu. — 3. Klimesch Philippe
Mathieu (1S09-1886), Codex Te)>lensis, enthallend die
Schrift des neuen Gezeuges. I Theil : Die vier heili-
gen Evangelien. II" Theil : Die Hriefe S. Pauli,
III" Theil : Die Briefe S. Jacobi, S. Pétri, S. Johannis,
S. Judse, das Botenbuch, und S. Joliannis Oflenba-
rung, nebsl drei An/uingen, in-4°, Augsbourg-Municli,
1881.
III. Commentaires sur les saintes Écritures. — 1.
S.Xorbert (f 1134), archevêque de Magdebourg. On lui
attribue: Commentarii sive Interpretaliones in aliquot
libros S. Scripturœ. — 2. Luc du Mont-Cornillon
(+1179), In Evangelium Matlhaei liber unus; InEvan-
gelium Joannis liber unus; In Apocalypsin. — 3. Phi-
lippe de llarvengt (fll82) Commentarius mysticus ei
moralis in Canlica canticorum Satomonis, in-f»,
mdcxxi. —4. Gebhard (f 1191), CommenlariainS. Pau-
lum (1160); Interpretatio Apocalypseos (1156) ; Expo-
607 PRÉMONTRÉS (TRAV. DES) SUR LES SS. ÉCRIT. — PRÉSENT 608
sitioin Genesim, Exodum, Leviticum, librum Nume-
rorum, Deuteronomium el Josue (1164); Explanatio
Psalmorum (1170); Vocabularium S . Scripturx (1189).
— 5. Zacharias Chrysopolitanus (xne siéclei. In ttniun
ex quatuor sive de concordia Evanjelistarum, libri
quatuor, l" édit., in-f", 1473; 2e édit., in-f", 1535;
'.',• édit., Cologne, 1618. — 6. Jean d'Abbeville (vers
1210), Glossa in Genesim; Commentaria in libros Exo-
di cl Levillci ; Commentaria in Numéros, Deuterono-
mium . tu Cantica canticorum, et in Isaïam ; Commcn-
taria in Danielem, Tobiam, Judith et Est fier; Glossa
in Psalterium, 3 in-f°; Commentaria in Acta Apostolo-
rum. — 7. Lensius ou de Lens (Eustache) (né vers 1170,
vivait encore en 1220), Seminarium verbi Dei (diction-
naire biblique); Detropis et schematibus .S. Scripturse :
De mysteriis S. Scripturse ; Cosmographiae Moysis Li-
bri III; on lui attribue encore des Commentaires
sur la Genèse, l'Exode, le Lévitique, le Deutéronome,
et sur les Paralipoménes. — 8. Jacques d'Arras (Jaco-
bus Atrebas, 1227), In ultimom visionem Ezechielis,
liber unus. — 9. (Servais (-j- 1228), Commentant litté-
rales in Psalmos ; Commentarii littérales in minores
Prophrtas (ces deux ouvrages n'existent qu'en manus-
crit). — 10. Jaricus (f 1240), Commentaria in Genesim
et Commentariain Cantica canticorum (ms). — ll.Hay-
tbo, vel Haythonus (commencement du xive siècle),
Commentarius in Apocalypsin (inédit). — 12. Pierre de
Lutra, ou de Kayserslauter (vivait dans la l" moitié
du xivsièele), In Evangelium S. Joannis, liber unus.
— 13. Pierre de Herenthals (1322-1391), Collectarius
Evumjcliorum, 1364, 2 in-f"; Collectarius super
librum Psalmorum, in-f", 1480,1483, 1487, 1488, 1494,
1498, 1504, etc.; In septem Psalmos psenitentiales Com-
mentarius (ms.); In XV Cantica graduum liber 1 (ms).
— 14. Thomas de Vicogne (vers 1308); on lui attribue:
Commentarii in Cantica canticorum, liber unus;
In librum Job. — 15. Lheureux, ou Félix Thomas
éf 1420) : Annolaliones in Psalmos Davidicos (ms).
— 16. l'Un, ou Ulinus Guillaume (vers le milieu du
XVIe siècle), Commentationes m Epistolam sancti Pauli
ad homanos, ms. in-4». Le manuscrit n> (5333 de la
bibliothèque royale de Munich a pour titre : (S. Qlini
Commentationes in sancti Pauli Epistolas cl in Vil
Epistolas canonicas, in-8», 1533. — 17. Motzhart An-
toine (-j- 1544), A nnotationes in Evangelium sancti Joan-
nis. — 18. De Quixada Thomas (1588), Sermones exege-
tici in Sacrum Sa'ipturam. — 19. Manar {ou Mannaert)
Jean 1 1583-1033). .1 nnotationes in Novum Teslamentum
(ms). — 20. l'abri Christophe (f 1645). On lui attribue
les ouvrages suivants : Commentaires stir les livres
deMoyse; Commentaires sur Tobie; Commentaires
sur 1rs Psaumes de David. — 21. Ilempfer G 'ges
(■j- 1048), Exegesis Psalmorum. — 22. Balavenus Augus-
tin, ou Balavoine (vivait vers le milieu du xvnc siècle),
Paraphrasis mystica in Canticum canticorum. Il tra-
duisit ce même ouvrage en français. (Rien ne fut im-
primé, pour autant que nous le savons du moins.)
— 23. Tineo de Morales Louis (1660), Bexameron com-
menta rm litterali ac morali illustration. — 24. .Noizct
Henri (t 1670), Annotationes in Epistolas B. Pauli.
Manuscrit de 1578, in-f", biblioth. d'Averbode. — 25. De
Estrada Gijon Jean (fvers 1070),/» Exodum. — 20. Ma-
clot Edmont (1639-1711), Histoire de l'Ancien Testament,
Nancy. 1705, in-8"; Histoire du Nouveau Testament nu
du sixième âge du monde, divisé en deux parties. Avec
des réflexions théologiques, murales, critiques et chro-
nologiques, in-8", Paris. 1712. —27. (F.rtle Eusèbel 1654-
1721 i, Commentarius in Psalterium Davidis. — 28, Reif-
fenberger Norbert (1694-1764), Varuc Qusestiones in
Historias Genesis et Judicum, cum Resolutionibus,
20. liéraneck lingues |-j- 1771), Calechesis scripturi-
stica m l'eninienelium. — 30. Caenen Candide Jean
Joseph Mathias Antoine (1749-1811), Commentaria in
Actus Aposlolorum, ms. in-f°; Commentaria in Psal-
mos, 3 in-4" ms; Brcriarium historicum Veteris ac
Novi Testament}, 1775. ms. in-4» (Bibliothèque d'Aver-
bode).—31. L'Ecuy Jean-Baptiste (1740-1834), auteur du
8e et dernier volume de l'ouvrage de Bassinet : His-
toire sacrée de l'Ancien et du Nouveau Testament,
Paris, 1804-1806. Ce dernier volume contient les Actes
des Apôtres et l'Apocalypse, in-8»; La Bible de la
jeunesse (96 figures), 2 in-8», Paris, 1819; 2e édit.;
Abrégé de l'Histoire de la Bible (24 ligures), in-12°,
Paris, 1812. — A cet ouvrage est ajouté un Nouvet
Altos de la Bible, pour servir à l'intelligence des
livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament,
Paris, 1809, grand in-f"; La Bible de la jeunesse, par
l'Ecuy, reçut de grands éloges lors de sa publication.
— 32. Seerwart Ilerman-Joseph (1752-1828), Thèses sacrx
ex septem Epistolis catholicis, et Apocalypsi S. Joan-
nis, in-4°, Anvers, 1777; Thèses sacras ex prioribus
capitibus Evangeliisecundum Joannem, Louvain, 1778.
— 33. Gûntner Gabriel Jean-Baptiste (1804-1867), Com-
mentarius in Evangelium S. Malthœi (cet ouvrage,
annoncé dans la préface des 2e et 3' éditions de
l'Hermeneutica du même auteur, est peut-être resté
manuscrit). — 34. Wentko Justin François (né en 1848 .
Exegesis in Libros sacros (Hongrie), 1881. — 35. Ma-
gashazy Antoine Adalbert (né en 1861), A négu evange-
lium hasonliisétga es Eûlônbôrôsège (Die Einheil und
Vcrschicdenheit der vier Evangeliën), in-8», Keszthcly,
1890. — 30. Kortleilner François Xavier Joseph (né en
1863), Canticum canticorum explicatum el prsecipue
ad historiam Ecclesias applicatum, in-8», Inspruck,
1802. — 37. Daniel (dates inconnues), In Apocalypsin
B. Joannis Commentariorum liber.
IV. Bibliographie. — Dupré (Maur.), Annales brèves
ordinis Prxmonstratensis, 2e édit., in-8", Namur, 1880;
Kohel Sigismond. Prxmonstratensis ordinis nonnul-
lorum patrum vitx ex variis aut/ioribus collecta;,
in-4», 1608; Le Paige. Bibliotheca Prmmonstratensis
ordinis, % in-f", Paris, 1633; Lienhart Georges, Spiritus
literarius Norbertinus... seu sylloge viros ex ordine
l'ricmonslralensi, scriptis et doctrina célèbres neenon
eorumdem vitas, res gestas, opéra et scripta tum mé-
dita perspicue exhibais..., in-4». Augsbourg. 1771;
Miraeus (.4ub.), Chronicon ordinis Prxmonstratensis,
in-8". Cologne. 1613; Ulysse Chevalier, Répertoire des
sources historiques du moyen âge, Topo-Bibliographie,
in-8», Montbéliard, 1891-1903, p. 2455; Léon Goovaerts,
Ecrivains, artistes et savants de l'ordre des Pré-
montrés, Dictionnaire bio-bibliographique, 2 in-4".
Bruxelles, 1899-1908. J. .1. Fim.n.
PRÉPUCE. Voir Circoncision, i. ii, col. 772.
PRÉSENT (hébreu : berdkdh, o bénédiction »;
maffân, maftanâh, mattat. île nàfan, o donner »;
Sohad, île idhad, i donner »; maéia . mai'êf, de misée
•< porter s ; minhâh, nedâbàh, nêdéh, (erûmdh, (eSû-
râh, salmnnim; chaldéen : matfon, nebizbdh; Sep-
tante : Sôiia, Sûpov ; Vulgate : donum, donarium,dona-
tio, munus, munusculum), chose que l'on donne à
quelqu'un sans y être obligé en justice. (In peut distin-
guer les présents en trois sortes, suivant la pensée qui
les inspire.
I" Présents gracieux. — Ce sont ceux qui sont faits
par amitié, par reconnaissance, par charité ou par
respect. 1. Tels sont les présents d'Abraham à ses con-
cubines, Gen., xxv, 6; d'Eliézer à Rebecca, à son frère
cl a sa mère, Gen.. xxiv. 53; de Jacob à Ësaù, Gen., xwn.
Ii, 19, 21; xxxiii, Ujd'AbigaïlàDavid, IReg., xxv, "7.
de David ans anciens de Juda, 1 Reg., xxx, 26; • •■
Saloinon à la reinede Saba, 111 Reg., \. 13; de ses sujets
et de ses voisins à Salomon, 111 Beg., i\, 21; x. 25;
II Par., IX, 24; de tout Juda à Josaphat, Il Par., xvn,
609
Présent — présentation de jésus au temple
610
5; de Josaphat ù ses enfants, II Pat'., xxi, 3; de Méro-
dach Baladan à Ézéchias, IV Reg.. xx, 12; Is., xxxix.
t; de ses sujets à Ézéchias, II Par., xxxn, 23; du chef
chaldéen à Jérémie, .1er., xl, 5; de Xabucliodonosor à
Daniel, Dan., Il, 6. 48; d'Assuérus à ses invités,
Esth., il. 18, et à Mardochée, Esth.. xn, 5; de Cyrus
aux captifs israélites qu'il délivre. Is., xi.v, 13;
I Esd., i, 4; du roi de Perse aux Juifs, II Mach.,1,35;
des .luifs à leurs frères indigents, Esth., ix, 22; des
mages à Xotre-Seigneur, Matth., n. 11; voir Mages,
t. iv. col. 551; des rois à leur médecin. Eccli., xxxvm,
2; des hommes entre eux en signe d'allégresse, Apoc,
xi, 10, etc. Parmi les présents, il faut ranger les dons
qui sont faits par charité aux malheureux. Voir Ai-
Mône, t. i, col. 1244. — 2. Il est prédit qu'un jour, à
l'époque du Messie, les rois et les nations apporteront
leurs présents à Jérusalem. Ps. xi.v (xliv), 13: lxxii
n.vxn. 20; Tob., xm, 14. I! s'agit ici surtout des dons
destinés à honorer le Seigneur. Sur ces présents, voir
Oblatiok, Offrande, t. iv, col. 1725, 1758. — 3. Quel-
quefois les présents gracieux sont refusés par ceux qui
devraient les faire, I Reg., x, 27, ou par ceux qui pour-
raient les accepter. Dan., v, 17. — 4. Les présents ont
leurs raisons d'être : ils font plaisir à tous, Prov.. xvii,
8, procurent à celui qui les fait des amis, Prov., xix,
6, et même des bénédictions temporelles, Prov., xi. 25,
et sont parfois utiles pour calmer la colère. Prov., xxi,
14.
2° Présents intéressés. — 1. On les fait en vue d'un
intérêt légitime. Hémor offre de grands présents afin
d'obtenir que Dina soit accordée pour épouse à son
fils Sichem. Gen.. xxxiv. 12. Sur le présent ou mohar
que l'époux doit offrir aux parents de l'épouse, voir Dot,
t. n. col. 1496. Jacob envoie des présents à Joseph, pour
gagner ses bonnes grâces. Gen., xliii. 11, 25, 26. Quand
Saûl, à la recherche de ses finesses, songe à consulter
le voyant, il se prépare à lui offrir un présent. I Reg.,
îx. 7. Ainsi procèdent, vis-à-vis d'hommes de Dieu.
Jéroboam, III Reg., xm. 7; Naaman, IV Reg., v, 15. et
Hazaël, IV Reg., vm. 8-9. — 2. Des présents sont olferls
à des rois dont on veut se ménager la faveur. Aod est
chargé de porter des présents à Eglon, roi de Moab.
Jud.. m. 15, 18. De cette espèce sont les tributs plus
ou moins volontaires, mais décorés du nom de pré-
sents, qui sont payés par les Moabites à David, II Reg.,
vm. 2, 6: par les Philistins à Salomon, III Reg.. iv,
21; par Asa à Benadad. III Reg., xv, 19; par Achaz au
roi d'Assyrie. IV Reg., xvi, 8; II Par., xxvm, 21; par
les Philistins à Josaphat, II Par., xvn, 11; par les
Ammonites à Ozias, II Par., xxvi, S; par Epliraim aux
nations voisines, Os., vm, 9; par Tryphon à .lonathas,
I Mach., xn. 43. etc. Le roi Osée se déroba à l'obliga-
tion d'ollrir des présents au roi d'Assyrie. IV Reg.,
xvn, 4. — 3. On offre des présents à quelqu'un pour le
gagner ou l'adoucir. David, pour pallier son crime, en-
voie des présents a Une. II Reg., xi, 8. Antiochus Épi-
phane en otlre à Matathias et aux Juifs de son parti
pour qu'ils se soumettent. I Mach.J il. IS. L'homme
outragé dans son honneur de famille demeure inflexible
et n'accepte pas les présents. Prov.. vi, 35. — Ces
sur s de présents frayent la voie à un homme et lui
donnent accis auprès des grands. Prov.. xvm, 16. Mais
ils engendrent facilement des abus. Le roi qui en est
avide ruine son pays. Prov.. xxix, S. Le présent injus-
tement acquis périra. Eccli.. XL, 12. Celui qui se glo-
rifie de présents trompeurs, c'est-à-dire, comme traduit
la Vulgate. qui en promet mais ne les donne pas, est
un nuage ou un vent sans pluie. Prov.. xxv, 14. En
somme, celui qui hait les présents, vivra. Prov., xv. 27.
3° Présents corrupteurs. — 1. Il y a des présents in-
fâmes, qui sont le salaire de la prostitution. Ezeeh.,
xvi, 33. — 2. Bien plus fréquemment, il est question
dans la Sainte Ecriture de la corruption introduite par
D1CT. LE LA BIBLE.
les présents dans l'exercice de la justice publique. La
Loi recommande aux juges de ne pas accepter de pré-
sents. Exod., xvm, 8. Il est dit que Jéhovah ne reçoit
pas de présents pour rendre justice, Deut.. x, 17;
II Par., xix, 7: que les juges n'en doivent pas rece-
voir, parce que les présents aveuglent. Deut.. xvi. 19. et
que maudit est celui qui, pour un présent, verse le
sang innocent. Deut., xxvn, 25. Les auteurs sacrés
rappellent que les présents corrompent le cœur, Eccli.,
vu. 7: qu'ils aveuglent les sages et les empêchent de
blâmer ce qui est mauvais, Eccli., xx. :il : qu'il ne faut
pas chercher à tromper le Seigneur par des dons, parce
qu'il juge sans tenir compte de la qualité des per-
sonnes. Eccli., xxxv, 14. — 3. Le juste n'accepte pas
de présents au préjudice de l'innocent. Ps. xv ixivt,
5. Samuel a pu se rendre ce témoignage qu'il n'a jamais
reçu de présents pour fermer les yeux à la justice.
I Reg., xii, 3. En général, l'homme juste se délie des
présents, et il secoue ses mains pour n'en pas recevoir
et n'en pas garder. Is., xxxiu, 15. — 4. Mais le méchant
a la droite pleine de présents, soit de ceux qu'il a
reçus pour mal faire, soit de ceux qu'il veut donner
pour corrompre. Ps. xxvi (xxv), 10. Les fils de Samuel
recevaient des présents au détriment de la justice.
I Reg., vm, 3. D'autres cachaient des présents dans le
pli de leur manteau pour gagner les juges. Prov.,
xvn, 23. Ceux-ci se laissaient facilement corrompre.
Des plaintes sont formulées à ce sujet par Isaïe, i, 23;
v. 23; l'.zéchiel, xxii, 12: Amos. v. 12, et Michée,
m. 11. II. Lesètre.
1. PRÉSENTATION de la Sainte Vierge au Temple
de Jérusalem. Voir Marie, t. iv, col. 77S-780.
2. PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEWPLE. —
1» Saint Luc raconte que. quand les jours de sa (on de
leur) purification furent accomplis, « Marie et Jo-eph
portèrent l'Enfant à Jérusalem pour le présenter au
Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la loi du Sei-
gneur. «Luc, u.22-24. L'Evangéliste vise deux lois, celle
qui ordonnait de consacrer au Seigneur tout mâle pre-
mier-né, Niiin., vu. 17; xvm, 16-17, et celle qui pres-
crivait le sacrifice à offrir pour la purification de sa mère
quarante jours après la naissance de l'enfant. Lev.. xn,
2-4. La Sainte Vierge ayant seule à ét»e purifiée légale-
ment, on comprend que la Vulgate parle des jours de
« sa purification ». Mais la plupart des manuscrits grecs
portent ici le pluriel. <• leur purification ». D'après ce
texte, il faut comprendre sous le nom de purification
la présentation de l'Enfant et le sacrifice de la mère, et
le pronom au pluriel concerne Marie et Jésus, présenté
lui-même à son Père. Selon la loi, Num., xvm. 16, le
premier-né appartenait au Seigneur. Mais, comme le
service direct du Seigneur avait été réservé à la tribu
de Lévi, les premiers-nés qui s'en trouvaient ainsi
exemptés devaient être rachetés, au prix de cinq sicles
d'argent, à l'âge d'un mois. La loi ne prescrit pas en
termes exprès la présentation du premier-né au Sei-
gneur, mais l'usage avait ainsi interprété la loi qui
ordonnait de le « sanctifier » (consacrer dans le texte
hébreu) à Dieu. Exod., xm. 2; Num., vm. 17. « Quand
les jours de sa (ou de leur) purification (les quaranle-
jours) furent accomplis, dit saint Luc, II, 22-23. selon
la loi de Moïse. Joseph et Marie le portèrent à Jérusa-
lem pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit
dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera,
consacré au Seigneur. » Plus que toute autre mère, la
Sainte Vierge devait être portée à offrir au Seigneur son
divin Enfant. Elle savait que cet Enfant, destiné au seul
véritable et efficace sacrifice pour le genre humain,
avait hâte de faire précéder sa future immolation d'une
offrande officielle de lui-même dans le Temple. D'autre-
part, elle n'ignorait pas les prophéties, et, sans nul
V. - 20
PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE - PRESSOIR
611
doute, comprenait que Jésus les réalisait par sa pré-
sence : « .le remplirai de gloire cette maison;... grande
sera la gloire de cette maison, la dernière plus que la
première. » Agg., II, 7, 9. « Soudain viendra dans son
Temple le Seigneur que vous cherchez, l'ange de
l'alliance que vous désirez. Voici, il vient, dit Jéhovah
des armées. » Mal., m, 1. Pendant sa vie publique, le
Sauveur devait accomplir ces prophéties dans toute
leur plénitude. Mais il ne pouvait attendre jusqu'à celte
époque pour paraître dans la maison de son l'ère. Car
la volonté de ce Père était qu'il y fut apporté peu après
sa naissance. Le saint vieillard Siraéon avait reçu la
promesse « qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le
Christ du Seigneur », et il fut envoyé dans le Temple
pour le saluer, pendant que, de son côté, la prophétesse
Anne, sur le déclin de sa vie, lui rendait hommage et
parlait de lui « à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient
la rédemption. » Luc, II, 26-38. Comme cette présen-
tation n'était pas spécialement réglée par la loi, les
prêtres n'eurent pas à intervenir pour la faire, et il se
trouva que Marie, la plus pure et la plus sainte des créa-
tures, eut à remplir cet oflice extérieurement, pendant
qu'intérieurement le Verbe incarné renouvelait l'of-
frande qu'il avait faite de son humanité dès le premier
instant de son union hypostatique. Heb., x, 5.
2° La présentation du Sauveur, racontée par l'Evan-
gile même, fut de bonne heure l'objet d'une fête chré-
tienne. A la lin du iv« siècle, la Peregrinalio Silvise, 60,
la mentionne comme célébrée à Jérusalem quadrage-
sinise de epipliania, « le quarantième jour de l'épipha-
nie », c'est-à-dire de la naissance du Sauveur, selon le
langage oriental. Justinien en prescrivit la célébration
dans son empire en 542, à l'occasion d'une peste. Les
Grecs appelaient cette fête iîtaTtivvr,, « rencontre », à
cause il.' la rencontre au Temple de Jésus et ses parents
avec Siméon et Anne. A Rome, elle est mentionnée par
lesacranienlaire de saint Gélase, II, 8, t. LXXIV, col. 1 158,
entre 492 et l'Jli, sous le nom de purificatio. La litur-
gie latine appelle celte fête la « Purification de la
I,. \. Marie »; mais les souvenirs évangéliques y
liennent nue très grande place et, en conséquence, s'il
y est question de la très sainte Vierge, il y est encore
plus parlé du divin Enfant, des prophéties qui annoncent
son apparition et des circonstances qui accompagnèrent
sa présentation. Cf. Kellner, Heortologie, Fribourg-en-
Brisgau, 1901, p. 116-1 IK. 11. Ij.siti.e.
PRESLES (Raoul de), traducteur de la Bible en
français, mort en 1382. Il fut avocat général au parle-
ment de Paris ei puis maître des requêtes de l'hôtel
de Charles V, roi île France. Il traduisit et composa
plusieurs ouvrages. Nous n'avons à mentionner ici que
sa traduction française des Saintes Ecritures. Voir
Françaises (Versions) de la Bible, iv, 3, t. ni,
col. 2960.
PRESSENSÉ (Edmond de), théologien protestant,
née Paris le 3 juin 1824, mort dans celle ville le 8 avril
1891. Au terme de ses études théologiques, commencées
à Lausanne (1842-1845) sous la direction de Vitiet. cl
poursuivies à Halle ci a Berlin avecTholuck et Néander
pour maîtres, Pressensé l'ut nommé pasteur de l'église
Taitbont à Paris (1847). En 187(1 il résigna ses fonc-
tions, pour remplir celles d'aumônier des ambulances à
la frontière. De retour à Paris il partagea son activité
entre la politiqoe, la Revue chrétienne, fondée par
lui en 1854 et qu'il dirigea pendant 37 ans, et la publi-
cation de nombreux ouvrages. Le 1 1 janvier 1890, l'Aca-
démie des sciences morales et politiques lui ouvrit ses
portes, une année avant sa mort. — Sans parler des
nombreux articles de la Revue chrétienne, relatifs aux
, Indes hililii|iics, «m a de lui : Histoire des trois pre-
mier» siècles de l'Église chrétienne, 6 in-8», Paris,
612
1858-1877; L'école critique et Jésus-Christ, in-8», Paris,
1863; Le pays de l'Évangile, in-12, Paris, 1861; Jésus-
Christ, son temps, sa vie, son œuvre, in-8" et in-12,
Paris, 1866 (plusieurs éditions); Études évangéliques,
in-12, Paris, 1867; Saint Paul jugé par Renan,
in-8», Paris, 1869. — Cf. Théophile Roussel, Notice sut-
la vie et les intcres de M. de Pressensé, in-8», Paris,
1894. 0. Rey.
PRESSOIR (hébreu : ga(, ijéqéb, pùrdh; Septante:
).ï)v6ç, 7cpoAÏ)viov, iicoXriviov; Vulgale ; torcular), appa-
reil servant à faire sortir le jus contenu dans les
raisins, les olives, etc.
1» Le pressoir se compose essentiellement d'une
cuve dans laquelle on fait arriver le jus des fruits.
Cette cuve s'appelle gat, Xyivo;. Le yéqéb désigne la
même cuve, en tant que placée au-dessous de l'appareil
à pression, -jnoATJvtov. Le 7tpo).r,vio'/ est la cuve platée
non plus au-dessous, mais en avant. La parait, de
pur, « broyer », est l'appareil à pression. Le torcular,
de torqueo, « tordre », a le même sens que pûrdh.
Tous ces mots d'ailleurs désignent l'ensemble de
l'appareil, bien qu'ils n'en nomment qu'une des par-
ties. Parmi les pressoirs anciens, il y en a qui sont à
torsion. Tel est un pressoir égyptien se composant d 'un
164. _ Pressoir égyptien à torsi.ni. Béni Hassan.
D'après Wilkinson, Manners and cusfciffll 0/ the ancien!
Egyptians, 2' édit., t.i, fig. 160, i
sac ohlong et perméable, fixé par ses extrémités à deux
poteaux (fig. 164). Quand le raisin est enfermé dans le
sac, on soumet celui-ci à une forte torsion, et le raisin
comprimé laisse échapper son jus dans une cuve, qui
est un CiitoÀT,v'<w C'est là un torcular proprement dit.
D'autres fois le raisin est foulé aux pieds (lig. 165).
Un autre pressoir égygtien (fig. 166) consiste en un
grand récipient dans lequel on a versé le raisin. Sept
hommes le foulent aux pieds, en se tenant par les
mains à des cordes qui pendent d'un châssis supéi leur.
Sur deux côtés du récipient, des cuves, qui sont des
Tupo^vio, reçoivent le jus. Beaucoup de monuments
anciens représentent des vendangeurs qui foulent aux
pieds le raisin ou d'autres fruits dans des cuves
Cf met. cVarchét .chrét., 1. 1, lig. 385, col. 1616; fig.387,
col. 1617; fig. 411, col. 1643; fig. 973, col. 2871. de
|i;,ns le pressoir à levier (lig. 167), primitivement
employé en Grèce el en Italie, une lourde pierre
pesé sur les raisins ou les olives. Ces fruits sont
retenus par un panier ou par des lattes. Une longue
poutrelle, articulée à l'une de -es extrémités, sert a
soulever la pierre pour placer le panier, el ensuite a
augmenter ta pression par la pesée que des hommes
exercent à l'extrémité libre. Ce pressoir parvenait à
extraire ce qui restait de .jus dans les raisins déjà fou-
lés ou l'huile dans les olives déjà écrasées. D autres
pressoirs moins encombrants furent inventes par la
suite Cf Hicli, met. des antiquités romaines et
grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 655-659. Les
,'rcssoirs a huile de Palestine ressemblaient un p. a
des meules à blé. Voir t. m, lig. 157 col. 773. Sur
une pierre creusée en cm elle, une meule pouvait tout
ner s,,it à la ncin. soit à laide d'une traverse de bois
613
PRESSOIR
614
passant à travers la meule et mise en mouvement par
des hommes ou des animaux. — « Encore aujourd'hui,
en Palestine et en Syrie, on creuse le pressoir dans la
vigne. Le raisin est entassé sur une aire de fortes
dans la Bible. Le pressoir ou la cuve sont nommés
pour désigner leurs produits. Num., xviii, "27. 30;
Deut., xv.'li; xvi, 13; IV lteg., VI, 27. Gédéon battait
son froment sur son pressoir, c'est-à-dire sur l'aire
163. — Pressoir égyptien dans lequel le raisin est foulé aux pieds.
'D'après Wilkinson, llanners and customs of anc. Egyptians, 2' édit., t. n. p. 192.
dalles, entourée d'une bordure en pierres et adossée à
une muraille. Là il est foulé aux pieds, puis fortement
pressé à l'aide de poutres engagées dans le mur. Le
moût s'écoule dans des fosses, profondes d'un mètre.
Xn .-vuY^w.i ! uiiiiiinii;nirm7~
166. — Grand pressoir égyptien. Thèbes.
D'après Wilkinson. Manners, t. i, fig. 162, p. 385.
enduites avec soin. Quand il y a déposé ses impuretés,
on le porte dans une chaudière établie tout auprès, où
il reçoit une légère cuisson avant d'être mis en barils
pour fermenter. On rencontre quelquefois des pressoirs
dallée qui servait d'ordinaire à presser le raisin. Jud.,
vi, 11. Des pressoirs sont signalés près du Jourdain,
Jud., vu, 25, et dans le voisinage de Sichem. Jud., ix,
27. Job. xxiv, 11, parle des pauvres gens que le riche
occupe à exprimer l'huile dans ses celliers et à fouler la
vendange au pressoir. Dans une vigne, on bâtissait
d'ordinaire une tour et un pressoir, Is., v, 2; Matth.,xxi,
33; Marc,, xn, 1, le pressoir pour faire le vin sur place,
la tour pour y poster un veilleur chargé d'écarter les
maraudeurs. Voir Tour. Zacharie, xiv, 10, parle de
« pressoirs du roi » attenant à l'enceinte même de Jéru-
salem, et probablement voisins des jardins royaux, au
sud de la ville. Voir t. m, col. 1132. Gethsémani marque
l'emplacement d'un pressoir à huile. Voir t. m, col. 230.
Les villes de Geth, « pressoir », Géthaïm, « les deux
pressoirs », Gethhépher, «le pressoir de l'excavation »,
ont du leur origine à des pressoirs. Voir t. in, col. 223,
227. 228. On trouve encore en Palestine de nombreux
restes d'anciens pressoirs (fig. 169). plus ou moins dé-
formés et enfouis sous la terre et les broussailles, dans
les collines du sud de la Judée, entre Hébron et Ber-
sabée ; il y en a beaucoup au mont Carmel et aux en-
virons de Caïffa, en Galilée et spécialement près de
Cédés. Cf. Tristram, The natural History of tlw Bible,
Londres, 1889, p. 409. — Néhémie rappela à l'ordre
des hommes qu'il vit fouler au pressoir un jour de
sabbat. II Esd., xm, 15. A l'Israélite fidèle, il était
promis que sa cuve déborderait de vin nouveau. Prov.,
m. 10. Par contre, en Moab, châtié par le Seigneur, le
167. — Pressoir romain. D'après Rich, Dict. des antiquités, p. 656.
de ce genre tout entiers taillés dans le roc. » Jullien.
VÉgijpte, Lille, 1891, p. 261.
2° La Palestine était un pays de vignes. Aussi les
pressoirs sont-ils l'objet d'assez nombreuses mentions
vendangeur ne foule plus le vin dans les cuves, Is.,
xvi, 10, et, chez les Israélites infidèles, quand on venait
au pressoir pour y puiser cinquante mesures, il n'y en
avait que vingt, Agg., H, 17, ou bien on pressait l'olive
615
PRESSOIR
616
et le raisin, mais on n'en jouissail pas. Mich., vi, "15.
Cf. Ose., ix, 2. — On chantait et on poussait des cris
de joie en foulant le raisin au pressoir. Le Seigneur
fait dire de Moab, Jer., xi.vin. 33 :
J'ai fait tarir le vin des cuves;
On ne le foule plus au bruit îles cris de joie :
Ce sont des cris de guerre et non des cris de joie.
3° Le pressoir fournit matière à des comparaisons
expressives. L'auteur de l'Ecclésiastique, xxxm, 16,17,
après avoir consacré ses veilles à la sagesse, se dit sem-
|
Echelle
o , s 3 i ' ^iMeens
168. — Pressoir à vin, antique, taillé dans le roc, à Ain Karim.
— On foule le raisin en a, d'où il s'écoule dans le bassin b,
qui est de 1 mètre plus profond et plus large. Dans sa partie
méridionale, qui est moins profonde, il y a trois niches, dout
les deux latérales sont percées de trous, devant lesquels il y
avait sans doute un clou qui .devait servir a lixer des le-
viers pour presser. Voir lig. 167. Les raisins foulés en a pas-
saient donc, comme le montre la section, en b, n les près-
davantage au yen de pièces de bois et de leviers.
la* liquide s'écoulait alors par les Irous on , et ,i , <■ est beau-
coup plus étroit et n'a que 1"40 de i rofondeur, tandis que d
a environ 'J mètres de large el 2"30 'le profondeur. De c & d
il y a un trou rond par où le liquide peut passer du premier
dans le second. Ce dernier a des marches au nord et à l'est.
Sur le roc, près de la marche i ! est et au coin nord-est, il y a
un creux en forme de cou| l'on pool poser une jarre de
terre sons qu'elle soit exposée ô se renverser. - D'après Schick,
Palestine Exploration Fund, Quarterly Étalement, 1899,
p. 41.
blable à celui qui grapille les raisins après la vendange
el <]iti pourtant, comme le vendangeur, rempli) le
ir. Au temps messianique, les cuves regorge-
ront de vin nouveau e1 d'huile, Joël, ti, 24, symboles de
l'abondance des biens spirituels. — Le pressoir est la
figure de l'épreuve et du châtiment qui écrasent. Les
Chaldéens ont écrasé les jeunes bommes de Juda et le
Seigneur a foulé au pressoir les jeunes lilles. Lam., i,
15. A la même idée se rapporte la pression, OXt^-.ç,
pressura, de la femme qui enfante, Joa., xvi, 21, el
celle qu'endure le chrétien de la part des persécuteurs.
Joa., xvi. 33; II Cor., i, 4; Phil., i, 17. - Dieu, dans
l'exercice de sa puissance ou de sa justice, est comparé
au vendangeur qui travaille au pressoir. Isaïe. i.xiii, 2-6,
représente en ces ternies le jugement exercé contre
Édom, (igure des ennemis des serviteurs de Dieu :
Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement.
Et tes habits sont-ils comme quand on foule au pressoir?
J'ai été seul à fouler au pressoir.
Et parmi les peuples personne n'a été avec moi;
Je les ai foulés dans ma colère,
Écrasés sous mes pieds dans ma fureur;
Le jus a jailli sur mes habits
Et j'ai souillé tout mon vêtement...
J'ai écrasé les peuples dans ma colère...
Et j'ai fait couler leur sang à terre.
1C9. — Pressoir à huile, trouvé à Taaoach.
D'après E. Sellin, Eine A'acMese aus dem Tell Ta'annak,
dans les Denkschrifteti der K. Akademie der Wissenec)
Ph. hist. Kl., Vienne, 1906, flg. W. p. 27.
On voit ici le vendangeur, se plaignant d'être
à l'ouvrage quand d'ordinaire plusieurs foulent sut la
même aire. Il se met cependant à la biche avec ardeur;
le jus du raisin jaillit sur ses habits qu'il rougit Bl
tombe eu bas de la cuve, .lérétnie, xxv, 30, montre le'
Seigneur sur le point deebâtier Jérusalem par le glaive
des Chaldéens : il fait entendre à tous les habitants de
la terre le cri des vendangeurs qui foulent le raisin.
Joël, m, 13, parlant de la vengeance qui va fondre sur
les ennemis du peuple de Dieu, s'écrie :
\ .nez, foulez, car le pressoir est plein,
la- cuves regorgent, tant est grande leur malice.
Sainl Jean se sert des mêmes figures pour décrire
le jugement du monde. « L'ange vendangea la vigne de
la terre et il en jeta les grappes dans la grand cuve
de la colère de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ille,
et il en sortit du sang jusqu'à la hauteur du mots des
chevaux, » Apoc. xiv, 19, 20. C'est le Roi des n
le Seigneur des seigneurs e qui foulera la cuve du vin
617
PRESSOIR — PRÊT
618
de l'ardente colèredu Dieu tout-puissant. »Apoc.,xix. 15.
Plusieurs Psaumes ont en titre dans les versions :
•j-£p twv Xt|V(Tiv, pro torcularibus, «pour les pressoirs ».
Ps. vin. 1; lxxx. 1; lxxxiii, 1. Il y a en hébreu 'al
hag-gittit, « sur la gittit ». Ce mot est le nom d'un
instrument. Voir Gittith, t. m. col. -215.
E. Lesètre.
PRÊT, mise d'une somme d'argent ou d'un objet à
la disposition de quelqu'un qui doit les rendre. En
hébreu, le verbe lâvâh signilie « emprunter o au kal,
et « prêter •> à l'hiphil causatif ; Septante : Bavsfïeiv,
xiypàvai; Vulgate : commodare. Le verbe nâSdh a le
même sens.
I. La loi. — l1 La loi mosaïque considérait le prêt
comme un service essentiellement désintéressé qu'il
fallait rendre au prochain dans le besoin, a Si lu
prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au
pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard
comme un créancier, tu n'exigeras pas de lui d'intérêt. »
Exod., xxii, 25. La prescription est répétée dans le
Lévitique. xxv, 35-37 : » Si ton frère devient pauvre et
que sa main s'affaiblisse près de toi, tu le soutiendras,
fùt-il étranger, afin qu'il vive auprès de toi. Ne tire de
lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que
ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton
argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes
vivres pour en tirer profit. » L'étranger est ici le gê>;
admis à vivre au milieu des Israélites en respectant
leurs lois religieuses et sociales. Voir Prosélyte. Le
Deutéronome, xxm, 19, 20, revient une troisième fois
sur le même objet : « Tu n'exigeras de ton frère
aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour
aucune chose qui se prête à intérêt. > — L'intérêt
porte en hébreu différents noms. On l'appelle d'abord
nésék, du verbe nâSak, « mordre », parce que c'est
mordre et dévorer le débiteur pauvre que de l'obliger
à rendre quelque chose de plus que ce qu'on lui a
prêté. L'araméen nekat, « mordre » donne de même
nûktà", o intérêt j; l'arabe gras signifie à la fois
« ronger 9 et « tirer intérêt »; Aristophane, Xub., i,
12, emploie l'expression 8dtxvE<x8a: Otto twv xperâv, « être
mordu par les dettes », et Lucain, i, 181, qualifie
l'usure de vorax, « dévorante ». Cf. Gesenius, T/ic-
s, p. 922. Les versions traduisent nésék par to/.o;
et usitra. Du verbe râbâh, » augmenter, multiplier »,
sont tirés deux autres noms de l'intérêt : niarbit et
farbît, que les versions rendent par jc)iEovao|iôç, « sur-
plus », superabundantia. L'intérêt d'un prêt se pré-
sentait donc aux Hébreux sous un double aspect : celui
d'une dureté à l'égard d'un homme déjà pauvre, et
celui d'un profit en faveur d'un homme déjà riche. On
comprend qu'à ces titres il ait été prohibé par une loi
qui visait à resserrer les liens de fraternité entre tous
les membres de la famille israélite.
'2 S'il ne pouvait exiger d'intérêt, du moins le prê-
teur avait le droit de prendre un gage sur son débi-
teur. S'il en eut été autrement, certains débiteurs au-
raient abusé de la situation pour se faire prêter sans
intention de rendre, et bien des riches auraient refusé
de prêter, à cause des risques à courir; et, en défini-
tive, c'eût été au détriment du pauvre. Mais la loi im-
posait certaines conditions à celui qui se nantissait
d'un gage prélevé sur les biens de son débiteur. Voir
Dette, t. n, col. 1394, 1395. Plus tard, la solvabilité du
débiteur fut garantie par des cautions. Voir t. n,
■col. 1395. — L'institution des années jubilaires et sab-
batiques apportait certaines restrictions aux droits na-
turels du préteur. A l'année jubilaire, chaque famille
devait rentrer dans sa propriété- foncière. Dès lors, le
gage pris sur cette propriété devenait caduc. Il ne s'en-
suit nullement, comme le prétend Josèphe, Ant. jud.,
III, xil, 3, que les dettes s'éteignaient par le fait
même. Rien dans les textes sacrés n'autorise à l'ad-
mettre. Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1752-1753.
L'effet de l'année sabbatique était purement suspensif.
Comme, cette année-là, le sol n'était pas cultivé et ne
rapportait rien, celui qui avait fait un prêt ne pouvait
en exiger la restitution d'un Israélite. L'approche de
l'année sabbatique ne devait même pas empêcher de
prêter au pauvre, sous prétexte qu'on ne rentrerait pas
dans ses fonds toute la durée de cette année. Le Sei-
gneur voulait que l'Israélite lise eût le cceur mieux
placé et n'hésitât pas à proroger d'une année entière
l'échéance de la dette. Deut.. xv, 1-3, 7-11. Ce précepte
n'était pas d'une observation très onéreuse dans un
pays et dans un temps où l'argent n'avait qu'une valeur
représentative et n'était pas considéré comme portant
profit par lui-même.
3° Vis à vis de l'étranger, nokri, xûb-pio;, de celui
qui n'était pas agrégé à la nation comme le gêr, les
droits de l'Israélite avaient plus d'extension. On pou-
vait exiger de lui le paiement de la dette même l'année
sabbatique. Deut., xv, 3. De plus, il était permis de
lui prêter à intérêt. Deut., xxm, 20. Cette faculté com-
ptait parmi les faveurs accordées par Jéhovah à son
peuple : « Tu feras des prêts à beaucoup de nations et
toi tu n'emprunteras pas. » Deut., xv, 6; xxvm, 12.
Or ces prêts comportaient intérêt; autrement les Israé-
lites ne les eussent jamais consentis à des peuples vis-
à-vis desquels aucune obligation ne les liait, ni en jus-
tice, ni en charité. Chez les Babyloniens, on prêtait à
intérêt. Le code d'IIammourabi prévoit plusieurs fois le
paiement d'un capital et des intérêts, kaspu u sibat-su.
Scheil, Textes élamitiques-sémiliques, Paris, 1902,
p. ï'.i; art. 48-51, p. 41-43. Cf. Buhl, La société israé-
lite d'après l'A. T., trad. de Cintré. Paris, 1904,
p. 155-160. L'intérêt était de 20 et parfois même de
25 pour 100. Cf. Rawlinson, Cun. Tnsc. W. As., t. n,
pi. 12, col. 1, 20, 21: t. m, pi. 47, 9. Les prêtres ba-
byloniens faisaient fructifier les immenses ressources
accumulées dans les temples, trafiquaient sur l'argent
el servaient d'intermédiaires entre prêteurs et em-
prunteurs, avec intervention de scribe public et usage
du gage, de la caution, de l'amortissement et de la
saisie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. (379,750.
Les Israélites ne faisaient donc que suivre un usage
commun en tirant intérêt de ce qu'ils prêtaient aux
étrangers. — Par contre, si l'Israélite devenait infidèle
à son Dieu, les malédictions devaient tomber sur lui,
celle-ci entre autres : « L'étranger qui vit au milieu de
toi s'élèvera de plus en plus au-dessus de toi, tandis
que toi, tu descendras toujours plus bas; il te prêtera,
et tu ne lui prêteras pas; il sera en tête, et tu seras à
la queue. » Deut.. xxvm, 43, 44. L'étranger en ques-
tion est léger, admis à vivre au milieu d'Israël et astreint
à ses lois. Par conséquent, s'il prétait à un Israélite, il
ne devait pas réclamer d'intérêt, et c'était déjà une
humiliation pour l'Israélite que d'en être réduit à em-
prunter sans avoir le moyen de prêter. Mais, pour la
suite, on ne prêta guère sans intérêt dans de pareilles
conditions.
II. La pratique. — 1° Les prescriptions de la loi sur
les prêts n'ont pas toujours été strictement observées.
La femme dont Elisée multiplia l'huile pour l'aider à
payer sa dette avait vu ses deux enfants réduits en escla-
vage par un créancier impitoyable. IV Reg., iv, 1. Le
texte ne dit pas si ce créancier était Israélite ou étran-
ger. S'il était Israélite, il avait outrepassé ses droits;
car la loi permettait à l'Israélite pauvre de se vendre
comme esclave jusqu'à l'année jubilaire, Exod., xxv.
39 ; elle n'autorisait pas un créancier à le réduire de
force en esclavage. Il est assez probable que le créancier
était étranger, car le fait se passait dans le royaume du
nord ; on est alors en droit d'incriminer les compatriotes
de cette veuve « d'entre les femmes des fils des pro-
phètes »,qui avaient laissé cette violence s'exercer sans
619
PRÊT
620
venir au secours de la malheureuse famille. — Après
la captivité, les gens du peuple se virent obligés, pour
se nourrir et pour paver le tribut, d'emprunter de
l'argent en engageant tous leurs biens et même de
mettre leurs enfants en esclavage. II Esd., v, 2-5. Les
créanciers étaient des Juifs. Néhémie les réprimanda
sévèrement en leur disant : » Vous prêtez donc à inté-
rêt à vos frères! » El, préchant lui-même d'exemple, il
décida les riches à faire abandon des biens qu'on leur
avait engagés et de l'intérêt qu'ils avaient exigé. Cet
intérêt se montait à un centième de l'argent, du vin et
de l'huile. II Esd., v, 7-12. Bien que peu élevé, il ne
laissait pas cependant d'être contraire à la loi et oné-
reux pour les pauvres gens. — Dans une des para-
boles de Notre-Seigneur, un débiteur est condamné à
être vendu, avec sa femme, ses enfants et tous ses
biens, afin d'acquitter la dette. Malth., xvm, 25. Ici le
divin Maître se réfère sans doute à la législation ro-
maine, qui était très dure pour les débiteurs insol-
vables et permettait de les mettre à mort ou de les
vendre hors de Rome. Cf. Aulu-Gelle, xx, 1, 47.
2° Les prophètes ont quelques allusions aux prêts
qui se faisaient de leur temps. Isaïe, t., 1, suppose des
débiteurs vendus à des créanciers. Jérémie, xv, 10,
dit en parlant des antipathies dont il est l'objet : « Je
n'ai rien prêté, et tous me maudissent. » Celui qu i
prêtait [était donc habituellement maudit, soit à cause
de sa dureté, soit par suite de l'ingratitude de son dé-
biteur. Le même prophète constate que de son temps,
et même bien avant son époque, on n'obéissait plus à
la loi qui ordonnait de libérer, à l'année sabbatique.
les esclaves israélites qui avaient dû se vendre par
pauvreté ou pour acquitter des dettes. .1er., xxxiv, 9-16,
— Amos, il, 8, accuse les riches d'Israël de s'étendre
près de chaque auiel sur des vêtements reçus en
gage, et de boire dans les maisons de leur Dieu le vin
de ceux qu'ils ont condamné à l'amende. Ce passage
fait allusion à la loi qui permettait au préteur de
prendre en gage le manteau du prochain, à condition
de le lui rendre pour la nuit. Exod., xxn, 26. Les
3 faisaient ainsi un étalage scandaleux et un usage
déshonorant des manteaux qui constituaient la preuve
de leurs prêts. Probablement, ils ne songeaient nul-
lement à les rendre au temps prescrit. Le vin prove-
nant des amendes arait peut-être aussi été prélevé sur
des débiteurs. — Ézéchiel, xvm, 8, 13, dit que le juste
rend au débiteur son gage, ne prête pas à usure et ne
prend pas d'intérêt, tandis que le méchant fait tout le
contraire. Mais il constate qu'à Jérusalem le prêt à
intérêt s'était généralisé contrairement à la loi. Ezech.,
xxn, 12.
3" Les autres écrivains de l'Ancien Testament ont
aussi quelques traits relatifs à la question du prêt.
Dans Job, xxn, 6, on voit le méchant prendre sans
motif des gages à ses frères et enlever les vêtements au
misérable; il pousse devant lui l'âne de l'orphelin et
retient en gage le bœuf de la veuve, tandis que, par sa
faute, le pauvre est sans couverture contre le froid el
passe la nuit sans vêtement. Job, xxiv. 3, 7. — Au
maudit, on souhaite que le créancier s'empare de ce
qui est a lui. Ps. i:ix (avili), 11. Quant au juste, on lui
fait honneur, comme d'une chose qui est loin de se
pratiquer généralement, d'être compatissani el de prê-
ter sans intérêt. Ps. xv (xiv). 5; xxxvii ixxxvi), 26; exil
(CXI), 5. — Pour l'auteur des Proverbes, xxn. 7, em-
prunter, c'est se faire l'esclave de celui qui prête. Par
contre, avoir pitié du pauvre, c'est prêtera Jéhovah.
Prov., xix, 17. — L'Ecclésiastique renferme des remar-
ques intéressantes sur le prêt el ses conséquences
diverses :
Ne prête pas à plus puissanl que toi,
Et si tu lui as prêté, tiens-le pour perdu.
Eccli., vin. 15 (12).
Les puissants n'avaient donc guère l'habitude de
rendre. L'insensé « prête aujourd'hui et redemandera
demain ». Eccli., xx, 16 (14). On ne peut se fier à lui.
C'est faire acte de miséricorde que de prêter au pro-
chain qui est dans le besoin. Eccli., xxix, 1, 2. Mal-
heureusement, l'emprunteur n'est pas toujours délicat.
Beaucoup regardent comme une trouvaille ce qu'on leur a prêté.
Et causent de l'ennui à ceux qui les ont aidés...
Quand vient le moment de rendre, on prend des délais,
On exprime tout son chagrin, on accuse la dureté des temps.
Peul-on payer, le prêteur recevra la moitié à peine
Et encore croira à une bonne aubaine.
Si on ne le peut, on le frustre de son argent,
Et celui-ci se fait malgré lui de son obligé un ennemi
Qui le paie en malédictions et en injures.
Et qui, au lieu d'honneur, ne lui rend qu'outrage.
Eccli., xxix, 4-6.
L'auteur observe que, pour ces raisons, beaucoup se
refusent à prêter; il les exhorte cependant à le faire
par charité pour leurs frères. Eccli., xxix, 7-11. — De
ces différents passages résulte cette conclusion que chez
les Israélites, surtout aux époques d'affaissement reli-
gieux, l'amour du gain se manifestait chez ceux qui
empruntaient et surtout chez ceux qui prêtaient. La
loi était d'autant plus aisément violée qu'on prétendait
parla se mettre d'accord avec la pratique des étrangers.
4» A l'époque évangélique, la situation n'est plus la
même. On admet que l'argent prêté peut produire un
intérêt. Notre-Seigneur, dans une parabole, fait allu-
sion, sans un mot de blâme, aux opérations de banque
qui rendaient l'argent productif. Mattb.. xxv, 27;
Luc, xix, 23. Chez les Romains, l'intérêt légal était de
12 pour 100 par an, et il s'accumulait d'année en année.
Cf. Cicéron, Attic, vi, 3, 5. A son disciple cependant,
le Sauveur recommande de ne pas chercher à éviter celui
qui veut lui emprunter. Matth., v, 42. Il ajoute même :
« Si vous ne prêtez qu'à ceux dont vous espérez resti-
tution, quel mérite avez-vous ? Car les pécheurs prê-
tent aux pécheurs afin de recevoir l'équivalent, ta fca...
Prêtez sans rien espérer, et votre récompense sera
grande. ■ Luc., vi,34,35. Ces pécheurs sont sans doute
des Juifs, car ils se contentent de recevoir l'équivalent
du prêt, conformément à la loi mosaïque. Il y a dans
le texte grec : [»)5èv àTteXiti'ÇovTe;, ce que beaucoup
d'anciens manuscrits latins traduisent: nihil despe-
ranles, « sans désespérer de rien, » conformément au
sens habituel du verbe grec, même dans les Septante.
Is., xxix, 19; Judith, ix, 11; Eccli., xxn, 26; xxvn, 24;
II Mach., ix, 18. Notre-Seigneur voudrait donc dire qu'il
faut prêter sans désespérer de rien, car, à défaut du
débiteur, Dieu sera là pour récompenser le bienfaiteur.
Mais le verbe grec peut aussi avoir, comme d'autres
verbes de composition semblable, le sens « d'espérer en
retour ». Ce sens s'accorde mieux avec l'ensemble du
passage, dans lequel Notre-Seigneur préconise la pra-
tique d'une charité absolument désintéressée; aussi
est-il le plus généralement admis. Le mot iîteXitî'Covvss
équivaudrait à ivTeXitfïovTe;, » espérant en retour. »
Cf. Bulletin critique, 15 juin 1894, p. 238; Knaben-
bmet,Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 239, 210. Cette
sentence de Notre-Seigneur représente, de l'aveu de
tous, non pas un précepte, mais un conseil à l'usage
des parfaits. — 11 v avait à Jérusalem un dépôt public
dans lequel se conservaient les titres des créances. Au
débul du siège, les sicaires s'empressèrent d'y mettre le
feu, afin de se concilier la faveur île la multitude ainsi
libérée de ses délies. Josèphe, llcll. jud., II. xvn, 6. —
L'Évangile ne mentionne qu'un seul prêt effectif, celui
de trois pains. Luc, xi, 5.
5° La loi mosaïque autorisait les spéculations d'argent
avec les étrangers, mais non avec les compatriotes.
Cette disposition ne laissa pas que de devenir gênante
quand les Israélites commencèrent à se lancer dans les
621
PRET
PRÉTOIRE
622
affaires et à exercer en grand le commerce de l'argent.
qui ne permettait pas de différer le paiement des
dettes à la septième année. Les prêtres eux-mêmes
participaient à ces opérations financières. Cf. Josèphe,
Ant.jud., XX. IX, 2. Pour éluder la difficulté, le créan-
cier acceptait l'argent de son débiteur à titre de cadeau,
ou bien l'on excluait de l'ordonnance légale les dettes
pour lesquelles le créancier avait un gage. Hillel ima-
gina un autre moyen, la ->o<x?o"/.r,. qui consistait à lire
à haute voix, devant le juge, une formule par laquelle
on se réservait d'exiger son argent en tout temps. De la
sorte, l'intérêt du commerce était sauf, mais non le
texte de la loi. Cette déclaration prend le nom hébraïsé
de prôz-bôl dans la Mischna. Cf. Schebiith, x, 3-7;
Gittin, îv, 3; Pea, m, 6; Moed Kalan, m, 3; Kelhu-
bolh, ix, 9; Okzin, m, 10. Les titres déposés dans les
archives publiques de Jérusalem étaient vraisemblable-
ment accompagnés de cette déclaration. Cf. Schùrer.
Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leip-
zig, t. h. 1S98, p. 45. 363; F. Buhl, La société israélite
d'après VA. T., trad.B.de Cintré,Paris, 1904, p. 173, 174.
H. Lesêtre.
PRÊTEUR (hébreu : nôSéh,de >uisdh, « prêter »;
Septante : Saveiircfc; Vulgate : creditor, fœnerator).
celui qui prête. — Voir Dette, t. u, col. 1394. Le prê-
teur met de l'argent ou un objet quelconque à la dispo-
sition de quelqu'un qui, tant qu'il n'a pas rendu ce qui
lui a été prêté, demeure son débiteur, lôvéh, 'jx-niXopt-
vo; O-'i/piio;, ■/ç,to>yzù.é-rl;, debitor. Il y a des prêteurs
impitoyables, IV Reg., iv, 1, d'autres qui sont miséri-
cordieux. Luc. vu. 41. Ils sont les uns et les autres
sous le regard de Dieu. Prov., xxix, 13. On vendait au
prêteur des esclaves pour acquitter ses dettes, Is.. i.. 1,
ou lui-même prenait tout dans la maison de son débi-
teur. Ps. cix (cvm), 11. Au jour du grand jugement de
Dieu, tous les hommes se trouveront dans la même si-
tuation, le préteur comme l'emprunteur, le débiteur
comme le créancier. Is., xxiv, 2. Voir Emprunt, t. Il,
col. 1764; Prêt. col. 617. H. Lesêtre.
PRÉTOIRE grec : -h itpoutwpiov), mot dérivé du
latin prxtorium , lequel est passé en grec. Il désignait
primitivement, chez les Romains, dans les camps de
marche, la tente du général en chef {prsetor). Cf. Tite-
Live, vu, 12-; x, 33. Il s'appliqua ensuite au conseil de
guerre ou réunion des officiers supérieurs qui se
tenait dans cette tente, Tite Live, xxvi, 15; xxx. 5;
xxxvii. 5, et, dans les camps permanents, au quartier
général du commandant en chef. Lorsque l'empereur
devint théoriquement le général par excellence, l'fni-
perator, sa résidence prit le nom de prxtorium, et,
comme d'habitude il demeurait à Rome, il y eut, à
côté de prxtvria changeant avec ses déplacements, un
prxtorium fixe dans la capitale. A la tête de ce der-
nier étaient les préfets du prétoire, prxfecli prxtorio,
et les prxloriani étaient spécialement chargés de
le garder. Tacite. Ann., i. '20; n. 11, -24; iv, 46. Mais,
même alors, le mot continua a être employé, comme
auparavant, dans le sens de « résidence du gouver-
neur » et particulièrement de « logement réservé au
gouverneur dans ses déplacements .>. Cicéron./re Verr.,
II. iv. 28; v. 35. Par une dernière extension, il devint
synonyme de maison riche, palais, et même de maison
d'habitation opposée aux constructions agricoles.
Cf. R. Cagnat, Prsetorium, dans le Dictionnaire des
antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio, Paris, t. vu, p. 640. — Ce nom ne se trouve que
dans le Nouveau Testament. Dans les Évangiles. Mat th.,
xx. n. 27; Marc, xv, 16; Joa., xvm, 28, 33; xix, 9, et
dans les Actes des Apôtres, xxm, 35, il désigne la
nce du gouverneur romain. Dans l'Épitre aux
Philippiens, i. 13, il a un sens que nous aurons à dé-
terminer.
I. Dans les Évangiles. — Le prétoire, dans les
Évangiles, soulève une question fort débattue de nos
jours, à savoir l'emplacement qu'il occupait à Jéru-
salem au moment de la Passion du Sauveur. Commen-
çons par examiner les données scripturaires.
i" Données évangéliques. — C'est de chez Caïphe
que les Juifs conduisirent Jésus au prétoire, chez
Pilate. Matlh.. xxvii. 2; Marc. xv. 1; Luc. xxm. 1:
Joa., xvm, 28. o C'était le matin, et ils n'entrèrent pas
eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller
et de pouvoir manger la Pàque. Pilate sortit donc au
devant d'eux. è$î)>.8ev... ëÇm; Vulgate : exivit... foras. »
Joa., xvm, 28-29. Après leur avoir demandé quelle
accusation ils portaient contre cet homme et entendu
leur réponse, il « rentra dans le prétoire, et appela
Jésus », qu'il interrogea sur sa royauté. Joa., xvm. 33-
37. « Il sortit de nouveau au devant des Juifs » et leur
proposa de relâcher le prisonnier à l'occasion de la
fête de Pàque; mais ceux-ci réclamèrent Barabbas.
Joa., xvm, 38-40. « Alors donc Pilate ordonna de saisir
Jésus et de le flageller. Et les soldats (le conduisant
dans la cour, qui est le prétoire, ïaat tîjç av/f,;, S S<rriv
npacTwpiov, Marc, xv, 16) tressèrent une couronne
d'épines qu'ils lui mirent sur la tète, et le revêtirent
d'un manteau de pourpre; puis ils s'avançaient vers
lui en disant : « Salut, roi des Juifs! » et ils lui don-
naient des coups de verge. Pilate sortit de nouveau et
leur dit : « Voici, je vous l'amène pour que vous
» sachiez que je ne lui trouve aucun crime. » Jésus
sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau
de pourpre, et il leur dit : j Voici l'homme! » Joa.,
xix, 1-5. Devant les cris de mort poussés par les Juifs,
Pilate « rentra de nouveau dans le prétoire » et lit
subir un nouvel interrogatoire à Jésus. Joa., XIX. 7-11.
Accusé de n'être pas l'ami de l'empereur, <• Pilate fit
sortir Jésus, i-ya^s-' ïîm, et s'assit sur le tribunal. i-\
;if,u.aTo:, à l'endroit appelé Lithostrotos, en hébreu
Gabbatha. » Enfin « il le leur livra chargé de liens
pour être crucifié. » Joa., xix, 12-16. — Voilà tout ce
que nous apprend l'Evangile: le prétoire où demeurait
Pilate, d'où il sortit, et où il rentra plusieurs fois au
cours de ces différentes scènes, le lieu témoin de l'in-
terrogatoire, de la flagellation, du couronnement d'épi-
nes et de la condamnation de Jésus, était précédé d'une
place où la foule des Juifs put se rassembler et d'un
lieu «élevé » [Gabbatha) et «pavé en pierre » (Lithos-
trotos) où le gouverneur établit son tribunal. Saint Marc
nous parle d'une cour intérieure ou atrium, qui était le
prétoire. Mais dans quel endroit de la ville se trouvait-il?
Le texte sacré ne nous le dit pas. Interrogeons l'histoire.
2° L'histoire. — Le prétoire, chez les Romains,
n'était pas un édifice spécial, semblable à nos palais de
justice, affecté aux audiences et aux jugements du
tribunal; c'était, nous l'avons dit, la résidence du gou-
verneur de province, qui y jugeait cependant les cas
soumis à sa juridiction et y rendait ses sentences,
puisqu'il était non seulement le chef de l'armée, mais
encore le chef du gouvernement. Les procurateurs de
Judée n'habitaient pas ordinairement Jérusalem, mais
Césarée maritime, où ils occupaient le palais d'Hérode,
qui est appelé itpatTÛptov toû 'HpwSou, Aet., xxm. 35,
à propos de la comparution de saint Paul devant Félix.
Ils venaient dans la ville sainte à l'époque des grandes
fêtes de l'année, lorsque la multitude des Juifs rassem-
blée à ces occasions pouvait amener et amenait sou-
vent des émeutes. Pilate s'y trouvait donc à cause de la
fête de Pàque. Mais où habitait-il? L'histoire nous
éclaire un peu en nous apprenant qu'il devait, comme
à Césarée, occuper un des palais d'Hérode, mais elle
ne nous dit pas lequel. Nous savons, en effet, qu'Ilérode
le Grand agrandit et embellit la citadelle Antonia,
située à l'angle nord-ouest de l'enceinte du Temple. Il
en fit non seulement une forteresse remarquable, mais
623
PRETOIRE
6'24
encore un palais, renfermant des galeries et de somp-
tueux appartements. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV. xi,
i; XVIII, iv, 3; Bell, jud., 1. xxt. 1; V, iv, 2; v, 8.
Voir Antokia, t. I, col. 712. Elle est appelée nafC|).ëo>./,
Vulgate : castra . A, t.. x.\i. 34, 37; xxn, 24; mu, 10,
16, 32: elle servait, en effet, de caserne à la garnison
romain-', mais elle offrait en même temps au gouver-
neur une résidence agréable. Hérode cependant fit con-
struire un autre palais, plus splendide encore, à l'angle
nord-ouest de la ville, sur remplacement actuel de la
citadelle. Flanquée de trois tours énormes, appelées
Hippicus. Phasaël et Mariamne, cette maison royale
était, à l'intérieur, d'une richesse extraordinaire. Cf. Jo-
sèphe, Bell, jud., V, îv, i. Voir JÉRUSALEM, t. m,
col. 1373. Il est certain qu'elle offrait plus d'attraits
encore que l'Antonia. Le procurateur Gessius Florus
s'y installa, et nous le voyons un jour établir devant
le palais son tribunal, prés duquel se rassemblent les
princes des prêtres et les principaux de la ville. Jo-
sèphe, Bell, jud., II, xiv. 8. Le contexte, II, xv, 5, 6,
montre bien qu'il s'agit ici d'une demeure royale dis-
tincte de l'Antonia. Cependant on peut dire que, pen-
dant les fêtes de Pàque, le gouverneur avait tout
intérêt à occuper la citadelle, d'où il pouvait mieux
surveiller les agissements des Juifs dans le Temple et
parer plus vite à toute éventualité. Cherchons un peu
plus de lumière dans la tradition.
3' La tradition. — Le premier témoin est le Pèlerin
de Bordeaux. Dans son itinéraire de l'an 333. après
avoir parlé de la maison de Caïphe, qu'il visita sur le
mont Sion. c'est-à-dire sur la colline occidentale, et
de l'endroit où fut le « palais de David », il ajoute :
« De là, en sortant de l'enceinte de Sion et en se ren-
dant à la porte napolitaine (aujourd'hui bâh ri- A mini.
appelée aussi porte de Xaplouse et de Damas), on a,
ii droite, en lias, dans la vallée les murs où fut la
maison ou le prétoire de l'once Dilate. Là, le Seigneur
fut entendu avant sa passion. A gauche, est le monti-
cule du Golgotha où le Seigneur fut crucifié. » Cf. lti-
nera Terres Sanctœ, edit. T. Tobler, Genève 1877, t. i.
p. 18. Ce texte, comme les autres, sera discuté plus
loin. — Un passage dr la Vie de Pierre l'Ibère nous
apprend que, au v siècle, il y avait une église de Pi-
late. Quelle que soit la valeur intrinsèque de la vision
qu'il relate, l'itinéraire dont il est question est claire-
ment tracé : parti du Martyrium de saint Etienne, Pierre
o courut au saint Golgotha et au tombeau: puis il des-
rendit à l'église qui est dite de Dilate et de là à celle
du paralytique (Sainte-Anne) et ensuite à Gethsémani. >
Cf. J.-B. Chabot, Pierre l'Ibérien, dans la Bévue de
l'Orient latin, Paris, t. m, 1895, p. 381-382. — A cette
église succéda un peu plus tard la basilique de Sainte
Sophie. Xous lisons dans le Breviarivs de Hierosolyma
(vers 530] : i De là. vous allez à la maison de Caïphe,
où saint Pierre renia [le Sauveur] et où une grande basi-
lique esl déd iée à saint Pierre. Vous vous rendez ensuite
à la maison de Dilate, où celui-ci livra aux Juifs le
Seigneur flagellé, et où il y a une grande basilique,
appelée Sainte Sophie, avec une chambre où le Sau-
veur fut dépouillé de ses vêtements el flagellé, «
Cf. Itinera Terrée Sani tx, p. 59. — Théodose, De
Terra Sancla (vers 530), dit de son côté : o De la
maison de Caïphe jusqu'au prétoire de Pilate, il j a
cent pas. La esl I i glise de Sainte-Sophie; tout auprès.
s;iint Jérémie fui jeté dans une citerne. De la citerne où
fut jeté le prophète Jérémie jusqu'à la piscine de Siloé,
il y a cent pas. De la maison de Dilate jusqu'à la piscine
probatique, il j a plus ou moins cent pas: là le Sei-
gneur guérit le paralytique, o Cf. Itinera Terra San-
i tir. p. 65. — lin l'année 570 environ, nous avons le
témoignage d'Antonin le Martyr, De l.oris Sanctis :
Xous avons prié dans le prétoire où le Seigneur fut
entendu et ou est actuellement la basilique de Sainte-
Sophie. Devant les ruines du Temple de Salomon,
l'eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique
de Salomon. Dans la même basilique, il y a le siège
sur lequel s'assit Pilate quand il écouta le Seigneur,
et une pierre quadrangulaire qui se trouvait au milieu
du prétoire. C'est sur celle-ci que le Seigneur fut élevé
quand il fut interrogé par Pilate. afin qu'il fût entendu
et vu de tout le peuple; et il y laissa l'empreinte de
ses pieds. » Cf. Itinera Terrée Sanctœ, p. 101. L'église
de Sainte-Sophie disparut sous le tléau de l'invasion
persane, en tili. et près de W0 chrétiens arrosèrent
de leur sang le sol de l'antique prétoire, s'il faut en
croire une relation arabe. Cf. Clermont-Ganneau, Be-
rneil d'archéologie orientale, Paris, t. it, 1896, p. 148.
— Il faut arriver au commencement du ix* siècle pour
retrouver mention du prétoire. L'auteur du Comme-
moratoriutn de casis Dei, vers 808, dans le recense-
ment qu'il fait des prêtres et clercs desservant les
sanctuaires de Jérusalem en compte cinq dans le Pré-
toire. Cf. Itinera hierosolymitana, édit. Tobler et Mo-
linier, Genève, 1880, t. i. p. 301. On pourrait croire
d'après le contexte qu'il place ce lieu saint sur le
mont Sion. avec l'église de Saint-Pierre; il ne faut peut-
être pas trop presser celte conclusion.
Xous verrons cependant s'accréditer, au temps des
croisades, la tradition qui place le prétoire sur le
mont Sion. Un des premiers historiens de cette époque,
l'auteur des Gesta Francorum expugnantium Jérusa-
lem, déclare que, au moment où les croisés entrèrent
pour la première fois dans la ville sainte, il était dif-
ficile de reconnaître certains sanctuaires, en particu-
lier ceux qui marquaient le théâtre des diverses scènes
du procès de Noire-Seigneur. Après avoir visite i
de Sainte-Anne et la piscine Probatique, il ajoute :
« La llagellation de Jésus-Christ, le couronnement, la
dérision et d'autres souffrances qu'il a endurées pour
nous : mais il n'est pas facile à présent de reconnaître
les endroits où ces faits s'accomplirent, surtout parce
que la ville a été trop souvent depuis bouleversée el
détruite. .. Cf. •!• Bongars, Gesta Dei per Franco», 11a-
nnu, 1611. p. 573. Cependant, en 1112 ou 1113,
l'higoumène russe Daniel mentionne le prétoire i pi a
près dans la même direction que les pèlerins dont
nous avons parlé. Cf. Itinéraires russes en Orient, trad.
B. de Khitrowo, Genève, 1881t. p. 18-19. Un petit traité
des Lieux Saints intitulé : De situ urbis Jérusalem . . I
qui fut écrit entre 1 130 et 1 150, dit au sujet du prétoire :
. [Jésus], étant retourné de là à Gethsémani, fut livré
par Judas aux Juifs. Celui-ci le présenta lié à Anne «t
a Caïphe près du portique de Salomon, ensuite à Sion,
au lieu qui est appelé Lithostrotos et qu'on montre a
présent devant la porte de l'église. Cf. M. de \>
Les églises de la Terre Sainte. Paris. 1860, p. 127.
C'est le commencement de la confusion. Plusieurs
écrivains anonymes, que l'on ne croil pas antérieurs
à 1145 ni postérieurs à 1170. placent le prétoire sur le
mont Sion. Ainsi, pour n'en citer qu'un. l'Innomina-
tns \ttt dit : i Xous vînmes ensuite au mont Sion. où
est la chapelle du Sauveur, appelée le prétoire de Di-
late. Là, Notre-Seigneur lut couronné, lié, exposé' aux
dérisions et condamné par Dilate. » Cf. Descript
Terrée Sanctœ a sœr. vm-xv, édit. Tobler, Leipzig,
1874, p. 194. — Vers 1165, Jean de Wur/.bourg s'ex-
prime de même. Cf. Descriptiones T. S., p. 139. —
Théodoric 1172 mêle les deux traditions. D'un côté,
il parle de la maison de Pilate pies de l'église Sainte-
Anne; de l'autre, il montre le tribunal de Dilate sur le
mont Sion. Ci. Theodorici Libellus, édit. Tobler, Paris,
1865, p. 10, 62-63. — Il est à remarquer cependant que,
même à celle époque, la tradition maintient le li'
la condamnation dejésus du cédé de l'église de Sainte-
Anne et de la piscine probatique. C'est ainsi que, sur
une carte topographique de Jérusalem, tracée vers l'an
625
PRÉTOIRE
626
1180, on lit, à gauche du chemin qui conduit ad por-
tant vallis Josapltat, ces mots : Hic flagcllalus est
Jhesus. Cf. Rôhricht, Karlen und Plane zur Palasli-
nakunde aus dem 7 bis 16 Jahrhundert, dans la Zeit-
schrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xv,
1892, p. 34-39, pi. i. On trouve de même dans Ernoul,
L'estatdela rite: de Iherusalem (vers 1231) : «A main
destre de celle rue de Josall'as, avait un moustier c'on
apeloit le Repos. Là dist on que .Ihesu Cris reposa,
quant on le mena crucefiier; et là estoit li prisons u il
lu mis la nuit que il fu pris en Gessemani. Un poi
avant, à main senestre de celle rue, estoit li Maisons
Pilote. Devant celle maison avoit une porte par u on
aloit al Temple. » Cf. Itinéraires ù Jérusalem publiés
par H. Michelanl et G. Raynaud, Genève, 1882, p. 49.
Parmi les ouvrages du XIIIe siècle, il en est quelques-
uns qui parlent vaguement du prétoire au mont Sion.
Ainsi nous lisons dans Les pelerinaiges por aler en
Iherusalem (vers 1231) : « Vers midi sur la cité de
Iherusalem est Monte Syon : la fu la grant yglise qui
est abatue, où Notre-Dame trespassa, et d'ilueques
l'emportèrent li apostre à Josaphas, et iluec devant
est une chapele où Xostre Sire fu iugiés et batus et
Qacillez et d'espines lormentés et coronés; ce fu le
Prétoire Cayfas et sa maison. » Cf. Michelant et Ray-
ii, nul, Itinéraires à Jérusalem, p. 96. 11 en est de
même dans Les sains pèlerinages que l'en doit re-
querreèn la Terre Sainte, et Pèlerinages et pardouns
de Acre. Cf. Itinéraires à Jérusalem, p. 104, 231.
Ces descriptions, tout en ne parlant que du prétoire de
Caïphe, placent néanmoins implicitement le tribunal
de Pilate au mont Sion, puisqu'elles y localisent le
couronnement d'épines. Cependant, vers la fin du même
siècle. Riccoldo da .Monte Croce s'exprime en ces termes
au suiel du prétoire : « Et nous arrivâmes à l'église de
Sainte-Anne... Tout près de là, nous trouvâmes la
piscine probatique. En montant, nous rencontrâmes la
maison d'Hérode et, tout près, la maison de Pilate, où
nous vîmes le lilhostrotos et le lieu où fut jugé le
Seigneur, ainsi que l'endroit où se tint le peuple, sur
la place, devant le palais, lorsque Pilate sortit au-
devant des Juifs. » Itinerarius, édit. Laurent, Pere-
grinatores medii sévi quatuor, Leipzig, 1S64, p. 111-
112. — Au xiv siècle, Marino Sanuto (1310', après
avoir mentionné l'église de Sainte-Anne et la piscine
probatique, l'une en face de l'autre, la première à droite,
et la seconde à gauche d'une des portes de la ville,
ajoute que, en allant directement vers la porte opposée
ou porte Judiciaire, on trouve « la maison de Pilate »,
où l'Agneau de Dieu fut flagellé, couronné d'épines et
enfin condamné à mort. Près de la maison de Pilate, il
place « la maison d'Anne, à laquelle le Christ, pris par
les Juifs à Gethsémani, fut d'abord conduit. >> Près de
la maison d'Anne, il signale « l'église de Sainte-Marie
de Pamason {Pasmus Virginia sur le plan), où cette
bienheureuse vierge tomba en syncope de douleur, en
voyant son fils innocent porter sa croix. » Cf. Bongars,
Gesla Dei per Francos, cap. x, p. 257. C'est ce qui est
nettement marqué sur un plan du même auteur, tiré
d'un manuscrit de Londres. Cf. Rôhricht, Marino Sa-
nn in scu. uls Kartograph Palâstinas, dans la Zeit-
sih ■{[! des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xxi, 1898,
p. 84, pi. 4. A remarquer que la maison de Pilate est
placée en face de Notre-Dame du Spasme, du coté op-
posé de la rue, à l'angle de celle qui conduit à la porte
de Saint-Etienne. — Au XVIe siècle, un pèlerin manceau,
Greflin AH'agart (1533-1534), décrit ainsi le Prétoire :
« Plus loing un peu (au delà du carrefour où il place
.-'.-li. du Spasme) est le prétoire de l'illale et aussi sa
maison en laquelle Jésus fut flagellé et couronné d'es-
pines. Mays il est à noler que la rnayson estoyt telle-
ment située que l'une partie estoyt d'un costé de la rue
■et l'autre part de l'autre, en faezon qu'on povoyt aller
de l'une à l'autre par dessus une arche de pierre qui
traversoyt la rue, faicte en manière de gallerye... Après,
l'on va à la maison de saincte Anne. » Cf. J. Chavanon,
Relation de Terre Sainte par Greflin Affagart, Paris,
1902, p. 95. Ici il n'y a plus de doute, l'emplacement du
prétoire est bien marqué par l'arc de l'Ecce Homo. —
Au xvne siècle, Quaresmius (1616) le montre au nord-
ouest de l'enceinte du Temple, prés de la tour Antonia,
et décrit longuement l'état des lieux. Cf. Quaresmius,
Elucidalio Terras Sanctse, Anvers, 1639, t. u, lib. IV,
cap. u. La tradition a continué sans interruption jus-
qu'à nos jours, et c'est là que les pèlerins cherchent le
commencement de la Voie douloureuse.
Si nous résumons, en dehors de toute hypothèse, les
enseignements de la tradition, nous arrivons donc aux
résultats suivants. Le prétoire, que saint Cyrille de Jéru-
salem, Catech., xm, t. xxxm, col. 820, déclare, au ive siè-
cle, « réduit en solitude, par la puissance de celui qui
fut alors attaché à la Croix, » a, dès 333, son emplace-
ment marqué ù droite de la voie qui 'conduit de Sion
à la porte de Naplouse, c'est-à-dire du sud au nord, et
en bas, dans la vallée (du Tyropœon). Plus tard, il est
indiqué par une église dite de Pilate, à laquelle on
descend en venant du saint Sépulcre, et qui se trouve sur
une ligne allant de l'ouest à l'est, vers la piscine Proba-
tique. A cette église succède la basilique de Sainte-
Sophie, que Théodose (vers 530) place à peu près à
moitié chemin (quelle que soit la valeur de ses pas)
entre la maison deCaïphe, sur le mont Sion. et la pis-
cine probatique, et qu'Antonin le Martyr montre devant
les ruines du Temple de Salomon, à un endroit où l'eau
coule vers la fontaine de Siloé, c'est-à-dire le long de
la vallée du Tyropœon. Après la destruction de la basi-
lique, enGli, la tradition devient plus difficile à suivre;
elle s'égare même au moment des croisades. Dès
le début de la guerre sainte, on constate la difficulté
de retrouver l'emplacement du prétoire. Trompés peut-
être par une fausse lecture du texte évangélique : Ad
Caipham principem sacerdotnm in prsetorium, au
lieu de a Caipha in prsetorium, Joa., xvm, 28 (cf. Tis-
ehendorf, Nuvum Teslamenturn grsece, édit. oct.,
Leipzig, 1869-1894, t. i, p. 932), et par certaines reliques
transportées de l'ancien prétoire sur le mont Sion, les
pèlerins des XIIe et xme siècles ont souvent cherché sur
cette dernière colline le lieu de la llagellation, du
couronnement d'épines et de la condamnation de Jésus.
Il est cependant juste de remarquer que, même au mi-
lieu de ces fluctuations, les anciens jalons ne dispa-
raissent pas complètement. Nous le voyons d'après
l'hégoumène russe, Daniel (1112 ou 1113), Théodoric
(1172), certaines cartes topographiques de Jérusalem
( 1 1S0) et Ernoul (vers 1231). Au xive siècle, Marino
Sanulo maintient les mêmes lignes. Enfin la tradition
se précise et se fixe à l'ancienne citadelle Antonia. Mais,
il faut l'avouer, ce n'est qu'en des temps assez éloignés
des origines qu'elle se localise d'une façon aussi posi-
tive ; les premiers témoins laissent le champ libre à
des recherches qui peuvent se poursuivre le long de
l'enceinte occidentale et septentrionale du Temple. Il
nous reste donc à voir si l'archéologie peut nous ap-
porter quelque lumière, et à examiner les diverses théo-
ries émises sur la question.
4» Les hijpolhèses. — D'après les données de l'his-
toire et de la tradition que nous venons d'exposer,
nous sommes en face de deux hypothèses générales :
le Prétoire se trouvait ou à l'ouest, sur le mont Sion,
ou à l'est, sur ou vers la colline du Temple. Cette
dernière, la plus importante, se subdivise en trois
opinions, que nous aurons à étudier séparément.
a) LE pnÉroiRE au MOKT SION, — Cette théorie, long-
temps abandonnée, a été reprise de nos jours par
Kreyenbùhl, dans la Zeilscltrifl fur die neulestament-
liche Wissenscliaft , Giessen, t. m, 1902, p. 16 sq. L'au-
627
PRETOIRE
628
leur s'appuie principalement sur l'histoire, rappelant
l'exemple de Sabinus, gouverneur de Syrie, qui, pen-
dant un séjour à Jérusalem, occupa le palais d'Hérode,
et celui de Gessius Florus, dont nous avons parlé plus
haut. Cf. Josèphe, Bell.jud., II, n. 2; Anl. jud., XVII,
IX, 3 . Bell, jud., II, xiv, 8. Il cherche une confirma-
tion de sa thèse dans le fait suivant, rapporté par l'his-
torien juif, Bell, jud., Il, IX, 4; Anl. jud., XVIII, m.
2. Pilate, ayant employé l'argent du trésor sacré à la
construction d'un aqueduc, souleva contre lui le peuple,
qui, profitant de la venue du procurateur dans la ville
sainte, assiégea son tribunal, -o £lr,u.a, en poussant de
grands cris. Prévoyant le tumulte, le gouverneur avait eu
soin de mêler à la foule des soldats armés, mais vêtus à
la manière du peuple, et leur avait enjoint de frapper
les séditieux non avec le glaive, mais avec des bâtons.
Sur un ordre qu'il donna du haut de son tribunal, la
consigne fut exécutée, et un grand nombre de Juifs
tombèrent sous les coups, .losèphe ne dit pas quel palais
habitait Pilate à ce moment-là, mais il parait clair à
notre auteur que l'émeute ne put avoir lieu à l'Antonia,
où les soldats romains n'eussent pas laissé pénétrer la
misse populaire; on ne saurait non plus placer le
pf,îj.ï du procurateur sur la place du Temple, au-dessous
de l'Antonia, d'où l'on descendait par des degrés. Il est
vrai que la sédition soulevée à propos de saint Paul,
Acl., xxi-xxiiï, éclata en cet endroit, et que le tribun
mit l'Apôtre en sûreté dans la citadelle. Act., xxi, 34,
37; xxn, 24; xxm, 10, 16, 32. Mais il n'est pas ques-
tion ici du procurateur, qui à ce moment était à Césa-
rée, ■•! le théâtre de l'émeute est nettement caractérisé
par la mention du Temple, du « camp », ^ a f.;;j.ôo /.■>,,
c'est-à-dire de la partie de la citadelle qui servait de
caserne à la garnison romaine, et des degrés. àvaSaO-
|io!, par lesquels on y montait. Act., xxi, 35, iO. Dans
le récit de Josèphe, au contraire, le soulèvement est
dirigé contre le gouverneur. Il va sans dire que le
palais d'Hérode avait sa garnison comme l'Antonia, el
que le procurateur y avail au moins sa garde du corps.
Lors donc que saint Marc, xv. 10, parle de la cohorte
convoquée dans la cour du prétoire, pour prodiguer
les outrages à Jésus, il ne saurait être question de la
garnison de l'Antonia, mais de celle du palais d'Hérode
ou d'une partie de celle-ci, la garde du procurateur.
Aussi les Synoptiques, dans l'exécution de la sentence
capitale, ne mentionnent-ils pas un yùiap/rj; ou tribun,
comme les Actes, xxi-xxiii, mais seulement un x;vt-j-
pt'iov, centurion. Marc, xv, 39. La présence d'une gar-
nison dans le palais royal explique peut-être l'expres-
sion de saint Marc, xv, 10, ■}, aj>/,, ô ïi-.'.i irpamipiov;
x-'j'rr, seul ne pourrait s'appliquer à l'Antonia, qui étail
une forteresse. Sans doute celle-ci, avec ses magni-
ficences, pouvait être assimilée à un château royal.
mais, par destination, elle était surtout une forteresse,
le çpoûpiov du Temple, comme le Temple était le ypo-j-
piov de la ville, suivant le mot de Josèphe. llell.jiid.,
Y, v, 8; aussi l'historien juif la désigne -t-il régulière-
ment sous les noms de itupyoç, nupYOEt$r,ç, ppoiiptov,
non sous celui de oc-J).irç. Une aùXr,, c'est le palais du
grand-prétre, Marc, xiv, ~>'t, ou de l'empereur, past-
>'./.r ocjVrj. Eusèbe, //. h'., Y. \x, 5. Josèphe lui-même,
llell. jud., Y, iv. i, appelle le palais d'Hérode r, ro-j
\Jixiùii,i; -j.i'i'1,. Contre cette théorie on a cherché à faire
valoir l'expression àveiten<|/£v, employée par saint Luc,
XXIII, 7, à propos du renvoi de Jésus devant Hérodi .
Comme àvanéjjLTtu signifie « envoyer en haut, faire
monter . on enconclul que îe palais d'Hérode Antipas
étail à un niveau plus élevé que la demeure actuelle
de Pilate. Or, Antipas, pendant son séjour à Jérusalem,
habitait le palais des Asmonéens. situé plus bas du
côté de la vallée de Tyropœon. Donc Pilate ne pouvait
occuper le palais .1 Hérode le Grand. M. luvyenbùh
répond que le verbe «y x-Kéu.mi<i n'indique pas seule-
ment la direction vers un lieu plus élevé, mais encore
vers une personne supérieure en dignité et en puis-
sance. Cf. Act., xxv, 21, et que, Luc, xxm, 11, 15, il a
même le sens de « renvoyer ».
Tels sont les arguments par lesquels on cherche à
prouver que le Prétoire devait se trouver sur la colline
occidentale. Cette théorie a le grand inconvénient d'être
absolument contraire à la tradition. Nous avons vu, en
effet, que les témoignages les plus anciens et les plus
authentiques, jusqu'à l'époque des croisades, fixent nos
regards du côté de la colline orientale. Le silence des
premiers siècles jusqu'à l'an 333 n'est pas un obstacle,
car, malgré les bouleversements subis par Jérusalem,
les chrétiens n'avaient pas perdu de vue les principaux
points de la ville sanctifiés par Xotre-Seigneur et de-
venus l'objet de leur vénération, et cette tradition
s'était transmise de génération en génération. Noos
disons les principaux points, parmi lesquels il faut
bien compter le Prétoire de Pilate, sans vouloir approu-
ver pour cela la précision rigoureuse que la tradition
a donnée plus tard et donne encore aujourd'hui à cer-
tains détails des scènes évangéliques. Si, au moment
des croisades, les recherches se sont égarées du côté
du mont Sion, cette fausse piste est due à certaines
méprises et, du reste, n'a pas fait oublier la vraie.
Quant aux arguments historiques qu'on apporte, ils ne
sont pas suffisants pour prouver que tous les procura-
teurs, et Pilate en particulier, aient habité le palais
d'Hérode. Pilate aurait sans doute pu l'occuper, et
l'exemple de Gessius Florus rendrait ce séjour vrai-
semblable, s'il n'y avait plus de vraisemblance encore
à ce que, pendant les fêtes de la Pàque, en prévision des
troubles, il n'eut choisi l'Antonia pour demeure. Les
soldats romains d'ailleurs n'eussent pas plus laissé la
foule envahir le palais de Sion que la citadelle, el la
place sur laquelle le procurateur établit son tribunal,
sans être celle du Temple, pouvait être au-dessous de
l'Antonia, du côté de la ville. D'autre part, s'il n'est
question que d'un centurion. Marc, SV, 39, il n'est pas
nécessaire de ne voir dans la troupe qu'il commandait
que la petite garnison du palais occidental, ou la garde
de Pilate ; c'était un simple détachement de l'effectif
plus nombreux de la citadelle. L'argument tiré de x'j'ir,
est de nature à frapper davantage, mais le mot ne veut
pas seulement dire « palais », il signifie également
0 cour ». S'il a le premier sens dans certains passages,
comme Matth., xxvi, 3, 58; Marc, xiv, 5i, etc., il a le
second dans d'autres, comme Matth.. xxvi. Oit; Marc,
xiv, 66; Luc. xxn. 55. L'expression de Marc, xv, 16 :
î| KÙVrj, 3 Iffriv Ttpatnopiov, pourrait donc désigner la
cour intérieure qui servait de prétoire. Cependant,
M. van Vebber, Theologische Quartalschrift, 1905,
Hefl II, « arrive, à la suite d'un raisonnement objectif
et très serré, à ces deux équations : -x Hpuiôou Setaf-
>.eia = oîxt'a ttoy ÈncTpd7E(dv dans Philon, et r, a0>/(, ô
iotiv itpaiTiâptoy de saint Marc = r, a-j> .r, 3a*0 " •■', ou sim-
plement aO).r„ que Josèphe applique uniquement au
palais d'Hérode élevé dans la ville liante, tandis que
pour lui la forteresse du Temple n'est que l'Antonia,
le ppo-jpiov ou le itûpyo;. La distinction du Prétoire et
de l'Antonia est d'ailleurs confirmée par d'autres pas-
sages de Josèphe. ' Cf. Revue biblique, 1905, p. 650. 11
y aurait donc là un argument sérieux en faveur île
cette première théorie, si elle n'avait toute la tradition
contre elle. Quant à l'objection tirée de xviireptl'sv, nous
sommes d'avis qu'il ne faut pas trop presser la signi-
fication étymologique du mot. Cette opinion est admise
par un certain nombre d'auteurs, entre autres par
1 Schûrer, Geschiehte des jiidischen Volkes im Zeital
/,,• Jesu Christi, Leipzig, 1901, t. i, p. 158, et dans
rtfehm, Handivôrterbttch des biblisclien Alternons,
Leipzig, 1884, t. n, p. 1293. Elle est regardée comme
probable par G. T. Purves, dans le Dictionanj of the
629
PRETOIRE
630
Bible de J. Hastings, Edimbourg, 1902, t. iv, p. 32, qui
cite en sa faveur Meyer, Winer, Alford, Edersheim et
d'autres.
/.') I.E PRÉTOIRE ET /..l COLLISE ORIENTALE. — La tra-
dition nous conduit plutôt du coté de la colline du
Temple. Mais là, les opinions se partagent actuellement
et cherchent le prétoire en trois points distincts.
I. L'Antonia. — C'est là, nous l'avons vu, que, depuis
le xm« siècle, les pèlerins ont coutume de vénérer le
lieu sanctifié par les souffrances du Christ chez Pilate.
On ;i même localisé en des points précis les différentes
scènes: le couronnement d'épines, la flagellation, X'Ecce
qui le rendait facilement accessible à l'ennemi. Il fallut
donc, non seulement élever une tour de défense, mais
encore séparer les deux collines par une tranchée. Or,
voici ce que nous révèle l'exploration du terrain. Voir
fig. 170. Au nord de l'ancienne enceinte, existait une
vaste tranchée, taillée dans le roc (c), au fond de la-
quelle avait été creusé en outre un fossé large d'envi-
ron dix mètres (d), destiné sans doute à défendre les
approches d'un rempart élevé au nord du hiéron. La
communication entre le mont Bézétha et le montMoriah
n'étant pas jugée suffisamment interrompue par cette
coupure, on en pratiqua une nouvelle vers le nord (e),
Echelle
Les chiffres indiquent les hauteurs en mètres
au-dessus au niveau de la mer.
Plateforme du Temple
Rochersacré^
756
-w-g*jr
COUPE en A B
lr.e Coupure C
7sz Fosse D
'7~\ 7te
;"^9f.''.er.l8.B.anf " Z"1* Coupure- £
7J . ' < ... 7tB,
Configuration du terrain au nord-ouest du Temple k l'avènement d'Hérode :
D'après le P. Barnabe, Le Prétoire de Pilate, p. 5.
Homo, la condamnation à mort. La caserne turque ac-
tuelle étant regardée comme l'emplacement du Prétoire,
c'est de là que part la Voie douloureuse. Cette opinion,
attaquée de nos iours par plusieurs savants catholiques,
a été défendue en particulier, avec ampleur et ardeur,
par le P. Barnabe d'Alsace, Le Prétoire de Pilate et la
forteresse Antonia, in-S», Paris, 1902. Il étudie la
question au point de vue archéologique, historique et
traditionnel; cette question est trop importante pour
que nous ne donnions un résumé des considérations
de 1 auteur.
Au moyen de l'archéologie et de l'histoire, le P. Bar-
nabe a cberché d'abord à reconstituer le Prétoire, c'est
à-dire la forteresse Antonia, telle qu'elle devait être au
temps de Notre-Seigneur. On sait que cette forteresse
se trouvait à l'angle nord-ouest de l'esplanade du Temple
tt avait succédé à l'antique Baris. Cf. 3osèphe,Ant, jud.,
XV, xi, i; XVIII, iv, 3. Elle était destinée à protéger de
ce côté l'enceinte sacrée; le mont Moriah, en effet, en-
touré partout ailleurs de ravins profonds, se rattachait
au nord a la masse rocheuse appelée mont Bézétha,
et on ne laissa subsister que le massif rocheux qui sup-
portait la tour Baris. Par suite de ce travail, le rocher
sur lequel est assise la caserne turque fut taillé à pic
sur toutes ses faces. Il forme, dans son ensemble, un
banc trapézoïde, long de 110 mètres, large de 40 en
moyenne, et, à l'ouest, une équerre dont la branche qui
va du nord au sud n'a que 9 mètres de largeur. Du côté
sud. l'escarpe de ce bloc immense a une hauteur maxima
de 10 mètres, tandis que, au nord, la taille perpendi-
culaire n'a guère plus de 5 mètres. La contrescarpe,
c'est-à-dire la coupure du mont Bézétha. a été retrou-
vée à 70 mètres au nord du rocher Baris; elle se dirige
de l'ouest à l'est, mais, à l'ouest, elle fait un coude
comme pour contourner en lignes parallèles le massif
de la citadelle, et, dans l'église de l'Ecce Homo, on voit
le rocher taillé verticalement sur une hauteur de
4 mètres. Cette coupure a en réalité 5 à 6 mètres de
hauteur au-dessus du sol rocheux qui s'étend sous
l'église, tandis que, au nord, la différence de niveau
atteint environ 9 mètres. En creusant les premiers fon-
dements du monastère des Dames de Sion, on a dé-
631
PRETOIRE
153'_>
couvert également une ancienne piscine, taillée dans
le roc, divisée en deux branches parallèles, qui se
dirigent du nord-ouest au sud-est; elle s'enfonce légè-
rement sous le rocher Baris, à l'angle nord-ouest.
Tel était le terrain sur lequel Hérode bâtit l'Antonia.
Mais il n'en fit pas seulement une forteresse, il voulut
aussi s'\ ménager un palais, avec péristyles, salles de
bains et vastes cours. Cf. Tosèphe, Bell, jitd., V, v, 8.
Pour cela, il dut nécessairement élargir la citadelle de
Baris, trop étroite pour porter les nouveaux monu-
ments. Ne pouvant, d'après le P. Barnabe, l'agrandir
du coté du sud. il l'étendit des autres côtés, et prin-
cipalement sur le plateau artificiel taillé au nord.
L'Antonia formait ainsi un vaste quadrilatère, enfer-
mant dans son enceinte le rocher de Baris, qu'il dépas-
sait. Voir fig. 171. Quatre grosses tours, reliées par des
où se rendait la justice, lorsque le procurateur y habi-
tait, en un mot le prétoire, r, x-j'/.r,, o èît.v itpartiipiov,
suivant l'expression de Marc, xv, 16. Le Lithostrotos
formait la cour inférieure et extérieure. Quoique situé
à cinq mètres en contre-bas de la cour intérieure, il
n'en justifierait pas moins son autre nom de Gabbaiha
ou « élevé » par sa position dominante; car il est placé
au sommet d'une crête rocheuse, à laquelle montent
deux chemins, l'un de l'est, l'autre de l'ouest. La lla-
gellation, d'après le P. Barnabe, p. 93. aurait eu lieu
en dehors du Prétoire, comme aussi en dehors du Li-
thostrotos, dans le lieu spécialement destiné à ce genre
de supplice. Ajoutons enfin que deux escaliers des-
cendaient, du côté du sud. sur l'esplanade du Temple,
pour permettre à la troupe de réprimer les premiers
mouvements séditieux. D'autre part, le P. Barnabe,
171. — La citadelle Antonia. D'après le P. Barnabe. Le Prétoire, p. 29.
portiques, le Danquaienl aux quatre coin-; un fossé,
dont le Birket Israil est considéré comme le terri
le séparait du mont Bézétha. Une porte monumentale
à trois baies s'ouvrait vers la ville, du côté de l'ouest.
Cette porte ne serait autre que l'arc de l'Ecce Homo,
qui, comme on le sait, se compose d'un grand arc en
plein cintre, à cheval sur la rue. et d'une arcade plus
petite, qui se trouve dans l'église des haines de Sion,
et dont le pendant ou collatéral sud a complètement
disparu. Voir JÉR1 SALI M, t. m, col. 1342. Le P. Barnabe
le compare à la porte monumentale d'un camp préto-
rien. En avant et au delà, s'étendait un beau pavement,
qu'on a mis à découvert à un OU deui mètres au-dessous
du niveau de la rue, et qui se continue jusque dans
l'enclos de la Flagellation. Il est formé de grandes
dalles de pierre très dure, dont l'épaisseur varie entre
15 centimètres : devant el derrière l'arc, elles sont
striées par des cannelures transversales. Ce serait le
Lithostrotos. Trois escaliers descendent au fond de la
piscine. La résidence royale, par là même le palais du
procurateur se trouvait sur le rocher Paris, dominant
toute l'enceinte du Temple; on y accédait du Lithos-
trotos par un escalier, la Scala Santa de Borne. C'est
là, au milieu des bâtiments qui constituaient le palais,
que devait être l'atrium intérieur, la cour principale
p. 56-77. au lieu de rattacher la seconde enceinte de
Jérusalem à l'angle nord-ouest de l'esplanade du
Temple, la l'ait passer au nord des constructions dont
nous venons de parler et la ramène à l'angle nord-est
6g. 5, p. lfi'. Apres avoir ainsi reconstitué l'Antonia,
il avoue, p. 85, que l'histoire ne fournit aucun argu-
ment péremptoire pour y placer le Prétoire de Pilate;
il y a simplement une très grande probabilité pour
que, pendant les fêtes de la Pàque, le procurateur ait
préféré la citadelle au palais du mont Sion. Ce dernier
se trouvait éloigné- du Temple et de la caserne princi-
pale où les troupes se tenaient concentrées, ce qui
devait paralyser tout commandement prompt et rapide,
qu'auraient nécessité les circonstances (p. 81 .
Le P. Barnabe cherche à faire valoir en sa faveur les
premiers témoignages traditionnels. Ainsi, en ce qui
concerne le pèlerin deBordeaux, il reconnaît bien (p. 111)
que les mots en bas, dans la vallée, Désignent évi-
demment ce qu'on appelle aujourd'hui YEl-Wad, la rue
(iu Vallon, rue qui suit un moment la Voie doulou-
reuse ». .Mais on aurait mauvaise grâce à demander aux
anciens pèlerins une précision mathématique. Et puis,
d'après M. de Vogué, il ne faut pas prendre à la lettre
les expressions ilcw»i»i m valle, et conclure que, pour
le pèlerin de Bordeaux, le Prétoire était dans le val du
633
PRÉTOIRE
634
Tyropceon; le mont Sion domine beaucoup le Sérail
actuel, qui, vu du haut, est sur un plan inférieur et
parait, pour ainsi dire, dans une vallée. Au iv° siècle,
du reste, le fond du vallon s'étendait vers la forteresse
Antonia un peu plus qu'aujourd'hui, comme l'indique
la mosaïque trouvée dans l'église de Xotre-Dame du
Spasme, et qui est à une centaine de pas seulement de
l'arc Ecce Homo, à six ou sept mètres au-dessous du
pied de l'arc. L'expression « descendit », qu'on ren-
contre dans l'itinéraire de Pierre l'Ibère, est parfaite-
ment justifiée, au dire de M. Clermont-Ganneau, Recueil
d'archéologie orientale, Paris, 1900, t. m, p. 229, la
cote d'altitude du parvis de l'église du Saint-Sépulcre
étant de 2479 pieds anglais (755 mètres) et celle de la
Voie douloureuse, à l'angle nord-ouest de la caserne,
étant de 2 448 (745 mètres). Quant aux chiffres de Théo-
dose, il faut absolument s'en passer, tant ils sont sujets
à caution. Les deux points suivants seuls sont à consi-
dérer : 1» Le pèlerin nous conduit au Prétoire en se
rendant à "ta piscine probatiquc et à l'église de Sainte-
Marie; 2° près du Prétoire, est creusée la fosse dans
laquelle fut jeté le prophète Jérémie; or la tradition a
persisté à placer cette fosse au nord-est du Temple,
dans le quartier qui renferme l'église de Sainte-Marie
ou Sainte-Anne; donc le Prétoire était non loin de ce
dernier édifice. Enfin Antonin de Plaisance rencontre
le Prétoire près du portique de Salomon, au-devant
îles reines du Temple. « Or, comme Ponce Pilate n'a
absolument pas pu établir sa résidence et celle de sa
cohorte païenne, ni sur la plate-forme du Temple, ni
au pied du mur de l'enceinte sacrée, saint Antonin ne
put trouver la basilique de Sainte-Sophie qu'à l'autre
extrémité du hiéron, au nord, à l'emplacement de la
forteresse Antonia. » Et en effet « les ruines du temple
de Salomon ne furent jamais montrées au pied du mur
d'enceinte, qui a une hauteur énorme sur trois de ses
cotés, mais bien sur la plate-forme elle-même, et ce
n'est qu'au nord que le rocher de Paris se dressait en
avant des ruines du temple. Quant au portique de Salo-
mon, nous avons déjà vu que saint Willibald en indique
les ruines non loin de la piscine probatique ». Barnabe,
op. cit.. p. 153, 454. Inutile d'aller plus loin; tout le
monde concède que dans les sept derniers siècles la
tradition de l'Antonia l'emporte.
Il est certain que l'opinion qui vient d'être exposée a
quelque chose de séduisant; elle semble reconstruire
l'antique Prétoire d'une manière si naturelle, si con-
forme en apparence à l'histoire et à l'archéologie, que
les scènes évangéliques y revivent d'elles-mêmes. Elle
donne tant de satisfaction à la piété traditionnelle, qui
depuis longtemps cherche à l'Antonia et dans les envi-
rons l'émotion des plus douloureux souvenirs, qu'on la
voudrait absolument certaine. Et pourtant, il faut
l'avouer, elle soutire bien des difficultés. Autant le Gol-
gotha et le Saint-Sépulcre, malgré quelques attaques
sans importance, sont des points absolument acquis
dans la topographie de la Passion, autant le Prétoire
reste encore soumis à des incertitudes. Le P. Barnabe
lui-même, p. 132, ne donne à sa conclusion qu'un sens
négatif, lorsqu'il dit : « Par l'étude du terrain, nous
croyons avoir bien clairement démontré que ni l'Écri-
ture Sainte, ni l'histoire, ni l'archéologie ou les décou-
vertes modernes ne s'opposent d'aucune façon à l'exis-
tence du prétoire de Pilate dans la forteresse Antonia :
bien au contraire. » Est-il bien vrai même que la vieille
citadellea pu servir de Prétoire'? Plusieurs en doutent.
On nous dit d'abord qu'Hérode ne pouvait étendre
l'Antonia du côté du sud, parce qu'il avait déjà prolongé
le hiéron jusqu'au rocher de Baris. C'est une assertion
que n'admettent pas de bonsarchéologues, et M. deVogùé,
en particulier, ne l'a pas compris ainsi. Voir Temple.
Mais le plus grave est de porter les agrandissements
jusque dans la coupure artificielle qui séparait le Bézétha
du Moriah. Il semble de prime abord qu'elle était des-
tinée à servir de fossé, à rendre la citadelle plus inac-
cessible de ce côté. Josèphe lui-même rapporte, Bell,
jud., Y, v, 8, que l'Antonia était assise sur un rocher
« escarpé de tous côtés, rccp'.xsrijivou ôs miaï);, revêtu
du haut en bas de pierres polies, pour l'embellissement
de l'édifice, mais aussi pour faire glisser quiconque
aurait voulu monter ou descendre >•. Quelle eût été
l'utilité de cette muraille septentrionale, si on la suppose
précédée d'autres constructions et munie d'un escalier
qui eût relié les appartements supérieurs aux cours
inférieures? Cette coupure n'est-elle pas le fossé pro-
fond dont parle Josèphe, Bell, jud., Y, iv, 2, « creusé
à dessein » pour que les fondements de l'Antonia fussent
moins accessibles et plus hauts9 Même en admettant la
reconstitution proposée par l'auteur, on se demande
comment la concilier avec la direction de la seconde
enceinte de Jérusalem. Nous reconnaissons que cette
seconde ligne de fortifications est hypothétique en plu-
sieurs points, mais ses deux points d'attache sont cer-
tains, puisque Josèphe, Bell, jud., Y, iv, 2, nous dit
qu'elle partait de la porte Gennath et se prolongeait
o jusqu'à l'Antonia ». Voir JÉRUSALEM, t. m, col. 1360.
Il est donc tout naturel de croire que, venant de l'ouest,
elle allait buter contre 'la paroi occidentale de la forte-
resse, c'est-à-dire contre son angle nord-ouest. Ce qui
confirme cette supposition, c'est la direction même de
la contrescarpe, qui, descendant du nord au sud, fait,
en face de l'arc de l'Ecce Homo, un détour à angle
droit et s'en va du côté de l'ouest, le long de la Voie
douloureuse. Cette dernière ligne semble donc bien
indiquer celle que suivait le fossé et, par conséquent.
le mur de la seconde enceinte. Mais, s'il en est ainsi,
la porte monumentale dont on décore l'Antonia se trou-
vait en dehors des murs et donnait sur le fossé, ce qui
est inadmissible. Le P. Barnabe (fig. 5. p. 16) remédie
à cet inconvénient en conduisant « la ligne supposée
de la deuxième enceinte » par-dessus le mont Bézétha
et la faisant aboutir à l'angle nord-est de l'enceinte du
Temple. C'est se mettre en opposition absolue avec
Josèphe, puis à quoi aurait servi cette muraille bâtie
en plein sur le mont Bézétha? Il eût donc fallu un
second fossé pour la défendre. D'antre part, le même
auteur (p. 41) avoue que des archéologues distingués,
comme MM. de Vogué et de Saulcy, après avoir cru
reconnaître dans l'arc Ecce Homo un monument héro-
dien, un débris du palais de Pilate, ont fini par émettre
des doutes et lui assigner une date postérieure à la
Passion de Xotre-Seigneur. D'ailleurs, si ses débris
avaient subsisté, ils eussent été des indices suffisants
de l'emplacement de l'antique Prétoire. Comment se
fait-il alors que la plus ancienne tradition n'en parle
pas? Il va sans dire que le pavement de pierres ou
Lithostrotos doit subir les incertitudes qui se rattachent
à.l'arc. Il y aurait encore bien des objections de détail ;
celles que nous venons de faire montrent assez les
défauts de la reconstitution archéologique. Au point de
vue historique, nous avons vu qu'il est très difficile,
sinon impossible, d'avoir des données certaines, per-
mettant d'affirmer qu'un des procurateurs ait résidé à
l'Antonia.
La tradition elle-même fait bien entendre quelques
protestations contre l'usage qu'on en fait. Sans exiger
trop de précision des anciens pèlerins, et, en donnant
à ces mots : deorsum in valle toute la latitude possible,
il est difficile de les appliquer à l'Antonia, même vue
de Sion, puisqu'elle se trouvait sur la partie la plus
élevée du mont Moriah. Il en est de même de l'expres-
sion « descendit » de Pierre l'Ibère; sans rechercher
l'endroit précis où sont prises les cotes, il est peu
naturel de dire, en parlant du Saint-Sépulcre, qu'on
« descend » à la caserne turque. Quant à Théodose, il
est sans doute inutile de discuter la valeur de ses pas;
635
PRETOIRE
636
mais ce qui ressort de son témoignage, c'est que le
Prétoire était à peu près à égale distance de Siloé et
de la piscine probalique. Or, l'Antonia est de beaucoup
plus prés de cette dernière. Anlonin le Martyr place le
Prétoire « devant les ruines du Temple de Salomon »,
à l'endroit où « l'eau coule vers la fontaine de Siloé,
près du portique de Salomon. » Cette eau qui coule
dans la direction de Siloé semble bien èlre celle qui
suit la pente naturelle du Tyropœon, le long de l'enceinte
du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n'est
donc pas à prendre ici dans son sens historique, comme
indiquant l'est du Temple, mais dans un sens général
que le pèlerin donne aux restes salomoniens de l'édifice
sacré.
2. Le Terrain des Arméniens catholiques. — Une
seconde opinion, qui s'appuie également sur les données
évangéliques, traditionnelles et archéologiques, se rap-
proche de la précédente en ce sens qu'elle place le
172. — Plan de l'église inférieure de Notre-Dame du Spasme.
D'après Macalister, dans le Palestine Exploration
Fund, Quarterlij Statement, 1902, p. 122.
Prétoire dans une certaine dépendance de l'Antonia,
mais elle s'en écarte en le mettant à l'ouest, du coté
de la vallée du Tyropmon. Le terrain de cet emplace-
ment est situé entre la Voie douloureuse au nord,
la rue de la Vallée à l'ouest, une rue qui va vers
l'esplanade du Temple au sud, et le couvent des
derviches à l'est; il appartient aux Arméniens catho-
liques. On y a découvert les ruines d'un sanctuaire
byzantin, (fig. L72) dont l'abside méridionale conserve
une curieuse mosaïque, représentant doux sandales
(fig. 173). Cette figure, d'après l'interprétation courante,
marque l'endroit où se tenait la Sainte Vierge lorsqu'elle
rencontra son divin Fils marchant au supplice; d'où
Notre-Dame du Spasme, signalée par d'anciens pèle-
rins. Une autre explication y voit le lieu où Jésus se
reposa sur le chemin du Calvaire; d'où « le moustier
c'on apeloit le Hepos 0, dont parle Krnoul. Mais les
partisans de cette seconde bypollièse veulent y re-
li'ouver la place qu'occupait .N'ulre-Seigneur, la Sagesse
incréée, lorsqu'il lui condamné par Pilale. Nous aurions
ainsi l'emplacement exacl de l'ancienne église de
Sainte-Sophie, et par conséquent du Prétoire. Les
raisons mises en avant sont les suivantes. La mosaïque
est très ancienne, comme le prouvent les monnaies
byzantines, les seules trouvées dans les environs au
ment des fouilles en [883. D'après M. Macalister,
Palestine Exploration Fwnd, Quart. Si. 190-2, p. 1-23,
elle est plus ancienne que l'église elle-même. Elle n'a
pas été faite pour servir d'ornement à l'église, mais
pour consacrer un culte religieux, car elle" était ren-
fermée dans une partie de l'édifice où elle ne pouvait
être profanée. Elle fixe donc un souvenir relatif à la
Sainte Vierge ou à Notre-Seigneur. Or, il n'est pas ques-
tion d'un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le
XIIIe siècle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas
la mosaïque aux deux sandales. L'endroit d'ailleurs est
trop éloigné de la Voie douloureuse pour avoir pu èlre
le point de rencontre de .lésus avec sa .Mère. Dès l'an
570, au contraire, Anfonin de Plaisance déclare avoir
vénéré l'empreinte des pieds du Sauveur dans la basi-
lique de Sainte Sophie. 'C'est donc bien la même basi-
lique, tombée dans l'oubli depuis l'invasion persane,
qu'on aurait retrouvée sur le terrain arménien, « en
bas, dans la vallée, » selon les indications du Pèlerin
de Bordeaux concernant le Prétoire, « devant les ruines
du Temple de Salomon t, à l'endroit où e l'eau coule
vers la fontaine de Siloé, » selon Antonin de Plaisance.
c 8&i&Z0,$i *••• '!#% *££*** *
173. — La mosaïque de N.-D. du Spasme, îWd., p. 124.
Le Prétoire se trouvait ainsi au pied de l'Antonia, du
côté de l'ouest, près d'une porte conduisant de la forte-
resse à la ville. Ces données semblent confirmées par
le plan de Jérusalem, tel qu'il apparaît sur la mosaïque
de Madaba. En suivant, en effet, comme le Pèlerin de
Bordeaux, la grande colonnade qui va du sud au nord
et aboutit à la porte napolitaine, marquée par une
belle place, avec une colonne, on rencontre à droite,
presque en face de la basilique du Saint-Sépulcre à
gauche, un peu plus loin cependant vers !e nord-est,
une église placée dans la direction de la rue qui con-
duit à la porte de l'est. La rue qui la borde à l'est n'a
de colonnes que d'un cédé; c'est un portique, et l'on
peut y voir le portique de Salomon dont parle Antonin
et le long duquel les eaux descendent à Siloé. Plus
loin, près de la porte de l'est, se trouve une autre église,
qui est celle du paralytique ou de Sainte-Marie,
aujourd'hui Sainte-Anne Cf. M.J. I.agrange, Jérusalem
d'après la mosaïque de Madaba, dans la Revue inhii-
(iue, Paris, IS',17. p. i.Vi-i.".7. —Celte seconde opinion a
été défendue de nos jours par E. Zaccaria, dans le Nuovo
bullettino di ar< heoloijia cristiana, Rome, mais 1900 et
mars 1901; et C.Mommert, DasPrâtorium desPilatus,
Leipzig, IIHU. Il est sur qu'elle répond bien à la tradi-
tion des plus anciens pèlerins, à la situation présumée
de l'antique basilique de Sainte-Sophie. Mais on peul se
demander comment elle rattache le Prétoire à la forte-
resse Antonia, commenl elle concilie cet emplacement
avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem.
637
PRÉTOIRE
638
3. Le Mehkéméh. — Le Mehkéméh, qui servait
autrefois de Iribunal, esl une grande salle que l'on
rencontre près d'une des portes occidentales du llaram
esch-Schérif, appelée Bdb es- Silsiléh ou « Porto de la
Chaîne ». Voir le plan de Jérusalem moderne, t. ut,
col. 13U. Etabli sur de vieilles substructions, cet édi-
fice n'est pas antérieur au xve siècle. C'est là qu'une
troisième opinion cherche le Prétoire. Au temps de
Notre-Seigneur, l'emplacement était occupé par la
Curie ou salle du Conseil, {JouXirç, que .losèphe,
Bell, jud., Y, îv, 2. nous montre contigué au mur de
la première enceinte, qui, descendant du palais d'Hérode-
venait en cet endroit rejoindre l'esplanade du Temple.
Voir le plan de Jérusalem ancienne, t. [Il, col. 1355.
Au sud. se trouvait le Xyste, large place entourée de
portiques, qui était reliée au Temple par un pont à
arcades superposées. Un palais le surplombait à l'ouest,
celui des Asmonéens, alors la propriété des Hérode.
« Les données de l'Evangile, disent les Professeurs de
Xolre-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, p. 103,
s'adaptent parfaitement à ce cadre : La place du Xyste
était le lieu des rassemblements publics, une sorte
i'agora ou de forum comme on le constate particuliè-
rement lors de la révolte juive en 66. Rien de plus
vraisemblable que de voir Pilate y dresser son tribu-
nal devant la foule assemblée. Il faisait ainsi à Césarée.
Le palais où eut lieu l'instruction secrète du procès
serai! assez naturellement la Curie. Les accusateurs de
Notre-Seigneur n'y entrent pas pour ne pas se souiller
la veille de la Pàque. et Pilate \ient dehors entendre
leurs dépositions. Les sanhédrites répondent du milieu
de la foule qui se tenait sur la place. Cette place était
sans doute dallée et peut-être surélevée à l'endroit où
s'élevait l'estrade du tribunal; c'est le sens des deux
mots L'Uliostrotos et Gabatha de saint Jean, xix, 13.
La résidence d'Hérode Antipas, ancien palais des
Asmonéens, était toute voisine, et explique parfaitement
le rapide envoi de Jésus du Prétoire à Hérode en cette
lugubre matinée. Quant au chemin suivi pour aller au
Calvaire, on dut, en partant du Xyste, franchir tout
d'abord la première enceinte à la porte dite de V Angle,
voisine de la Curie ; puis entrer dans le faubourg neuf
enclavé entre les deux murs, et enfin, du fond de la
vallée,' gravir la pente de la colline occidentale jusqu'à
la porte qui s'ouvrait près du Golgotha, dans le quar-
tier où s'élève l'hospice des Nobles russes. La Voie
douloureuse, ainsi reconstituée, monterait donc de la
vallée parallèlement au tronçon du chemin de croix
actuel qui va de la V« à la IXe station. Elle se tiendrait
constamment plus au sud. Mais ce parcours du Prétoire
au Calvaire ne fut pas vénéré parla dévotion du chemin
de la Croix tant que dura la tradition primitive; da
moins, rien ne l'indique. » C'est donc sur l'emplacement
du Mehkéméh qu'aurait été l'antique basilique de
Sainte-Sophie. Aujourd'hui, il est vrai, rien n'atteste
matériellement dans l'endroit présumé l'existence an-
térieure de cet édifice. On y a cependant découvert,
il y a quelques années, dans le mur d'une maison, une
pierre sur laquelle on a pu lire, gravé au-dessous d'une
croix grecque, le mot E]o<pîa;. Celte pierre, bien que
déplacée, parait avoir appartenu à l'église dédiée à la
div.ne Sagesse. Cf. Germer-Durand, Epigraphe chré-
(ifioie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892,
p. 584. Cette hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée par
la tradition, qui est avant toutcelle des premiers siècles.
Elle place, en effet, le palais de Pilate « en bas, dans la
vallée i> du Tyropœon, près e des ruines du Temple »; au
point où « la vallée commence à s'abaisser vers Siloé » ;
l ins le « voisinage de l'église Sainte-Marie-la Neuve »
i la Présentation) et des « hotelleriesT)àlies au centre de la
ville »; enfin à « égale distance de Sainte-Anne et de la
piscine de Siloé, » distance qui est « double pour aller du
prétoire à Saint-Étienne. » Telle est l'opinion adoptée
par les Professeurs de Notre-Dame de France dans leur
guide de La Palestine, p. 99-103, et par le P. Zanecchia,
La Palestine d'aujourd'hui, trad. Dorangeon, Paris,
1S99, t. i, p. 349-359. Il est certain que la tradition pri-
mitive, dans son ensemble, peut s'appliquer au point
en question; il serait cependant permis d'hésiter sur
le texte du Pèlerin de Bordeaux, pris à la rigueur.
D'autre part, on avouera que la pierre portant le mot
-o?ta; est, à elle seule, un faible indice archéologique
puisqu'on ne sait d'où elle provient; il en serait tout
autrement si elle avait été trouvée in situ dans quelque
vieux pan de muraille. Au point de vue historique, on
se demande pourquoi Pilate choisit la Curie pour pré-
toire. A cause du Xyste, lieu des rassemblements
publics, répond-on. liais ce n'est pas Pilate qui suivit
la foule, c'est la foule qui vint le trouver à sa demeure
I officielle, et il y avait devant les palais qu'il pouvait
occuper des places suffisantes pour contenir la populace
juive et ses meneurs acharnés contre Jésus. La proxi-
mité du palais des Asmonéens n'est pas non plus une
raison bien déterminante. Les données évangéliques
peuvent donc, croyons-nous, s'adapter aussi parfaite-
ment à un autre cadre. M. Léonide Guyo, Le Prétoire
dans la Revue augustinienne, 15 décembre 1903, p. 501-
; 513, combat bien cette théorie du Mehkéméh; mais il
a tort, croyons-nous, de placer le Prétoire au palais des
Asmonéens, ce qu'il est difficile d'accorder avec la
tradition primitive.
5° Conclusion. — Tels sont les éléments essentiels
du problème. Complexe et difficile, il n'a pas encore,
on le voit, reçu de solution définitive. L'histoire seule
] laisse le choix entre le palais d'Hérode et l'Antonia.
L'archéologie n'a que des indices insuffisants. La tradi-
tion reste donc notre guide principal, mais un guide
dont les fils conducteurs ont besoin d'être démêlés et
ramenés à certaine unité de direction. Or, nous avons
à distinguer ici entre la tradition primitive et la tradi-
' tion récente. Celte dernière dirige incontestablement
{ nos pas du côté de l'Antonia. Mais quelle est son ori-
1 gine? En remontant son cours, on finit par perdre ses
traces. On aura beau accumuler les textes et les auto-
rités, on ne pourra lui donner la force qui s'attache à
un témoignage primordial, authentique, que l'on suit
sans interruption à travers les siècles. La tradition pri-
mitive, moins riche, est, on le conçoit, bien autrement
importante; c'est la seule qui ait une valeur historique.
Mais là encore, les textes ont leur latitude; il est sou-
vent facile de les étendre à tel ou tel point, dans une
direction déterminée, et c'est ainsi, nous l'avons vu,
que chacune des opinions exposées cherche à les reven-
diquer en sa faveur. Chaque texte n'est qu'une voix de
la tradition: écouter l'une plutôt que l'autre serait s'ex-
poser à faire fausse route. La vraie méthode scientifique
consiste à suivre, autant qu'on le peut, la résultante
harmonique de ces voix, ou. si l'on aime mieux, l'orien-
tation générale tracée par les fils conducteurs. Or, on
peut remarquer chez les plus anciens témoins une
double tendance : celle de placer le Prétoire dans un
lieu bas, et celle de le mettre en relation avec la Piscine
probatique. S'il n'esl pas à l'Antonia. c'est donc au-des-
sous, le long de la vallée du Tyropœon qu'il faudrait le
chercher. Il serait sans doute plus consolant pour notre
piété de reconnaître avec certitude dans les sanctuaires
actuels, depuis longtemps en vénération à Jérusalem,
les lieux témoins des souffrances de Notre-Seigneur au
début de la Voie douloureuse. Mais la vérité scientifique
a des droits que la piété bien entendue ne peut mécon-
naître. Le débat dont il s'agit n'est ni une affaire de
sentiment ni une question de rivalité entre sanctuaires.
Mettre en doute l'authenticité de tel ou tel d'entre ceux-
ci n'est point faire œuvre de démolition sacrilège. C'es,t,
au contraire, rendre service à la foi chrétienne que de
chercher en toute sincérité, sans parti pris ni animo-
039
PRÉTOIRE
PRÊTRE
640
site contre personne, la vérité sur nos Lieux Saints.
Attendons que quelque heureuse trouvaille historique,
épigraphique ou archéologique, la fasse éclater à nos
jeux.
G> Bibliographie. — Sans remonter jusqu'à T. Tobler,
Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. t. p. 220-
230, nous nous contentons de rappeler ici les derniers
travaux sur la question : Barnabe d'Alsace, Le Prétoire
de Pilote et la forteresse Antonio, in-8», Paris, 1902;
C.Mommert, Dos Pràtoriumdes Pilatus, in-8», Leipzig,
1903; G. Marta, La t/uestione del Prelorio ili Pilota,
in-8 . Jérusalem, 1905; D. Zanecchia, La Palestine
./'(-»;.. «iv/'/hh. Paris, 1899, t. i, p. 3-19-359; Professeurs
de Notre-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904,
p. 99-107. Outre les articles de revues, comme ceux de
Kreyenbûhl et de Zaccaria, mentionnés dans notre étude,
nous signalerons : .1. Arb-Arétas, Question de topo-
graphie palestinienne : l'authenticité du Prétoire et
du Chemin delà Croix, dans L'Université catholique,
Lyon, 15 septembre 1903. p. 52-74; Léonide Guyo, Le
Prétoire, dans la Revue augustinienne, Louvain et Pa-
ris, 15 décembre 1903, p. 501-513.
IL Dans les Actes des Apôtres.' — Les Actes, xm il.
liS. nous apprennent que saint Paul fut amené de Jéru-
salem à Césarée, devant le gouverneur Félix. Celui-ci,
en attendant l'arrivée des accusateurs de l'apôtre, or-
donna de le garder dans le prétoire d'Hérode, * ëv r<3
KpaiTcupïij) toO 'HpûSou. Il s'agit évidemment ici du pa-
lais bâti par Hérode le Grand et qui servait alors de
résidence aux procurateurs romains. Voir Césarée du
RORD DE LA MER, t. II, Cûl. 456.
III. Dans l'épItre \rx Philippiens. — Il n'est pas si
facile de préciser le sens du mot « prétoire » dans ce
passai'/ de l'F.pitiv aux Philippiens. i, 13, où saint Paul
dit que i ses ch,iine< sont devenues manifestes dans le
Christ dans tout le prétoire », èv S).u -•■< nfxttiasim,
c'est-à-dire que là on le regarde non comme un prison-
nier vulgaire, niais comme un chrétien, un apôtre in-
carcéré pour Jésus-Christ. Quelques commentateurs
anciens et modernes ont voulu voir ici le palais d> Cê-
sir. à Rome, parce que plus loin, iv, 22, il est question
des chrétiens qui sent i de la maison de César ». Mais
il n'y a pas d'exemple de l'application de ce terme
prétoire i à la résidence de l'empereur à Rome. Aussi,
plus communément, on l'entend de la caserne de- pré-
toriens, castra prsetorianorum, bâtie par Tibère. Sous
Auguste, trois cohortes prétoriennes seulement, sur les
neuf qui furent alors créées, étaient logées à Home dans
différents quartiers, mais sans campement fixe; les
autres étaient disséminées en Italie, dans les diverses
résidences impériales. Tibère les réunit toutes dans un
seul camp, au nord-est de la ville Cf. R. Cagnal, l'r.t-
torise cohortes, dans le Dictionnaire des antiquités
grecques et romaines de Daremberg el s i - 1 i o . t. vu.
p. 632. Cependant Conybeareet Howson, The Life and
es of St. Paul, Londres, 1853, t. n. p. 128. pen-
sent, à la suite île Wnseler. qu'il s'agit plutôt de la ca-
serne de cette partie île la garde prétorienne qui était
au service immédiat de l'empereur, sur le Palatin.
D'autre part, il faut remarquer que nparrupîov di-i-nr
ici les personnes, c'est-à-dire la garde prétorienne,
plutôt que le local I ni -même. C'est ce qui ressort du
contexte et du membre de phrase suivant : v.x\ roî;
l'i-.'r.; --J.',.,. i',:-;:. dans le Nouveau Testament, lu
s'appliquant jamais a un lieu. C'est donc auprès des
prétoriens el de beaucoup d'autres personnes que les
chaînes de Paul étaient une sorte de prédication et ren-
daient célèbre le pi isonnier du Christ. Telle est l'inter-
prétation pri sentée par la plupart des commentateurs,
an sujel du mol prétoire ». depuis la fameuse contro-
verse a laquelle il il. mua lieu, a la lin o\u XVII1 siècle,
entre lluber et Perizonius. Mais, de nos jours, une
nouvelle explication i été proposée par Mommsen, SU-
zungber. de,- kônig. />;v;/.>s. Aéad. der Wissensch., 1893,
p. 495 et suiv. Ce savant regarde comme peu probable
que saint Paul ait été confié à la gaule prétorienne. Il
croit plutôt que le centurion Jules, qui amena l'apôtre
à Rome, appartenait au corps des milites frumenlarii
ou peregrini. On nommait ainsi les soldats chargés d'as-
surer l'alimentation en blé des troupes, particulière-
ment ceux qui composaient ou escortaient les convois.
Mais ce terme prit, à l'époque impériale, une valeur
toute différente, par suite du changement ou plutôt de
l'extension des fonctions réservées aux frumentarii.
Le service des vivres légionnaires était le moindre de
leurs emplois. De tous les textes que l'on possède, il
semble bien résulter que ces soldats étaient, avant tout,
des agents de police, aussi bien à Rome qu'en Italie et
dans les provinces. On voit, en effet, que le préfet du
prétoire s'adresse à eux pour opérer des arrestations
et l'empereur pour faire surveiller ceux qu'il juge dan-
gereux. Dans les légions, outre leurs fonctions de fru-
mentarii ou approvisionneurs, ils devaient avoir un
rôle de policiers, analogue à celui qui est réserve a la
gendarmerie dans nos corps d'armée. Le nom de pere~
grini leur vint de ce que, appartenant à différentes lé-
gions provinciales, ils pouvaient être et étaient regardés
comme des pérégrins, non point à cause de leur état
civil, puisqu'ils étaient citoyens romains, mais à cause
de leurorigine extra-italique, tin trouve à la tête de ce
corps, et sous le commandement suprême du préfet du
prétoire, un princeps peregrinorum et des centurione»
frumentarii ou frumentariorum. Cl". R. Cagnat, Fru-
mentarius, dans le Dict. des antiquités grecques et
romaines, t. iv. p. 1348. Il est donc probable que .Iules
livra son prisonnier au princeps peregrinorum, dont
la caserne, castra peregrinorum, était déjà sans doute,
comme elle le fut plus tard, sur le mont Cœlius. Mais
c'est devant le préfet du prétoire et ses assistants que
l'apôtre comparut, et c'est ce tribunal qu'il mentionne
dans l'Epitre aux Philippiens. A. LeGENDRI .
PRÊTRE ihébreu : kohên, kômér, Septante
Vulgate : sacerdos), celui qui est spécialement con
à l'exercice du culte dhin. Deut., x.8; xvm, 7. I.
kômér {kâmiru dans les lettres de Tell-el-Amarn
prend dans un sens méprisant pour désigner les prêtres
des idoles. FY Reg., xxm.5: Ose., x. 5; Soph., i, 4. Le
prêtre est appelé mal'dk, envoyé .m ange i, dans
deux passages. Eccle.. v. .">: Mal., n. 7. Le nom de
est celui des prêtres de Perse el de Médie. Voir MAGI .
t. tv, col. 543.
I. Sacerdoce patriarcal. — A l'origine, le clef de
famille remplit lui-même les fonctions sacerdotal
au nom de tous ceux qui dépendent de lui, offre a Dieu
s. -s hommages et ses sacrifices. Ainsi agissent Noé,
Cen.. VIII. 211. Abraham. Gen., XII, 8; XV, 8-17: XVIII,
s.\: Isaac, Gen., xxvi, 25; Jacob, xxxui. 20, etc. Au temps
d'Abraham, Melchisédech, roi de Salem, est prêtre du
Très-Haut. Gen., xiv. 18, Jéthro, beau-père de .Moise,
est prêtre de Madian et adore levrai Dieu. Exod., n, 16;
m. 1. Voir .lia mai. t. m, col. 1522. .lob offre lui-même
ses holocaustes au Seigneur pour la purification
lils. Job, i. 5. Les Hébreux, pendant leur séjour en
l gypte, ne connurent que ce sacerdoce patriarcal. Eux-
n lén ies demain le ni à aller offrir leur* sacrifices au désert,
Kxod.. v. 1-3. ce qui peut faire supposer qu'ils n'en ont
jui ri offerl dans la terre de Gessen, mais et
l'aide de ceux qui parmi eux remplissaient l'oO
prêtres, o Les prêtres qui s'approchent de Jéhovah »sont
mentionnés à l'occasion de la promulgation de la loi; il
leur est commandé de se sanctifier, mais défendu '
franchir les limites posées autour du Sinai : ils doive) t
rester avec le peuple. Exod-, xix. 22-21 Plus tard, quand
il s'agit de conclure l'alliance, les prêtres ne sont pas
- d'offrir les sacrifices; Moïse envoie des jeunea
641
PRÊTRE
64-2
gens, enfants d'Israël, pour offrir des holocaustes à
ïéhovah et immoler des taureaux en actions de grâces.
Exod., xxiv, 4-5. Puis les anciens d'Israël, et non les
prêtres, sont admis à monter sur la montagne. Exod.,
xxiv, 9. On a pensé que ces prêtres n'étaient autres que
les premiers-nés, cf. S. Jérôme, Epist. LXXIII, 6, t. xxn,
col. 680, que Jéliovah avait commandé de lui consacrer,
Exod., xin, 2, et qui furent ensuite remplacés par les
lévites. Mais rien ne prouve que les premiers-nés aient
élé appelés à remplir des fonctions sacerdotales si peu
<le temps avant l'institution du sacerdoce aaronique, et,
d'autre part, les Hébreux devaient avoir depuis long-
temps des hommes marqués pour offrir les sacrilices.
D'après de llummelauer. In E.eod. et Levit-, Paris,
•1897, p. 6, le sacerdoce aurait été exercé en première
ligne par les chefs de famille, sans préjudice du droit
qui appartenait aux Dis, comme Caïn et Abel, Jacob, etc.,
d'offrir des sacrifices en certains cas. Jacob, chef
de famille et prêtre, aurait transmis ses droits, non à
son aine, Ruben, mais à Joseph, qu'il appelle « prince
de ses frères ». Gen., xlix, '26. Manassé, l'aine de Joseph,
aurait hérité de la charge sacerdotale de son père, et
après lui les prêtres des Hébreux auraient été choisis
dans sa tribu. Mais ensuite cette tribu serait devenue
indigne de son mandat; aussi Moïse tint-il ses prêtres
à l'écart au moment de la promulgation de la loi et fit-
il offrir les sacrifices pardesjeunesgens choisis ailleurs.
Les prêtres manasséens auraient été les instigateurs
du culte rendu au veau d'or, et trois mille d'entre eux
auraient été mis à mort par les fils de Lévi. Exod., xxxm,
28. Plus tard, afin de briser davantage l'orgueil de la
tribu et couper court à ses prétentions. Moïse l'aurait
divisée en deux, pour qu'une partie fût établie à l'est
du Jourdain et l'autre à l'ouest. Ces conjectures sont
spécieuses; mais on ne peut démontrer historiquement
ni la transmission exclusive du droit sacerdotal de
Jacob à Joseph, ni la fixation du sacerdoce dans la tribu
de Manassé. Pendant le séjour des Hébreux en Egypte,
le sacerdoce continua à être exercé parmi eux dans des
conditions sur lesquelles les renseignements nous font
défaut. Quand Dieu voulut instituer les cérémonies de
son culte, il était naturel qu'il mit de coté l'ancien
sacerdoce, quel qu'il fût, pour en créer un nouveau.
II. Sacerdoces idoi.atriques. — Les coutumes primi-
tives étaient passées à tous les peuples, mais elles
s'étaient transformées suivant les conditions particu-
lières à chacun d eux. Quand ceux-ci se créèrent de mul-
tiples divinités, ils ne manquèrent pas de mettre à leur
service des hommes ou même des femmes ayant les
attributions sacerdotales.
1° Chez les Egyptiens. — Le pharaon exerçait la
haule maîtrise sur tous les cultes de son empire; il
officiait devant tous les dieux, sans être spécialement
prêtre d'aucun, et mettait à la tète des temples les plus
richement dotés, comme ceux de Ptbah Memphite ou
de Rà Héliopolitain, les princes de sa famille ou ses
serviteurs les plus fidèles. Le seigneur féodal exerçait
sa juridiction sur les temples de son territoire el il y
exerçait le sacerdoce. Toute une hiérarchie de prêtres
remplissaient les autres fonctions. Ils étaient de toute
origine et il n'y avait pas de règles spéciales pour leur
recrutement; mais ils tendaient à rendre leur situation
héréditaire et leurs enfants occupaient presque toujours
leur place, de sorte que les prêtres égyptiens finirent
par constituer une sorte de caste sacrée. Les temples
les logeaient, les nourrissaient du produit des sacrifices
et leur assuraient des revenus en rapport avec leur
rang; de plus, ils étaient exempts des impôts ordinai-
i du service militaire et des corvées. Les nombreux
serviteurs et scribes qni les entouraient partageaient en
fait les mêmes privilèges. Il y avait là tout un monde
qui échappait aux charges communes. Le prêtre égyp-
tien avait à veiller aux mille formalités que comportait
DICT. DE LA BIBLE.
le culte de la divinité à laquelle il élait voué. Tous les
prêtres étaient assujettis à de multiples purifications
et devaient avoir la a voix juste » pour réciter correcte-
ment les formules de prière. Ils formaient une hiérar-
chie savamment ordonnée. Cf. Brugsch, Die Aegyptolo-
gie, Lepzig, 1891, p. 275-291. A chaque culte était pré-
posé un souverain pontife, appelé premier prophète
quand il servait une divinité secondaire. Au temple de
Rà, à Héliopolis, et dans ceux du même rite, il se nom-
mait Oirou maou, « maître des visions »,parceque.seul,
avec le pharaon et le seigneur du nome, il avait le droit
d' « entrer au ciel et d'y contempler le dieu », c'est-à-
dire de pénétrer dans le plus intime du sanctuaire.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 123-125, 303-305.
Putiphar, « consacré à Rà », dont la fille Aseneth fut
donnée en mariage à Joseph, était prêtre à On ou Hélio-
polis, là même où Rà, le soleil, avait son temple. Gen.,
xli, 45. La fonction de Putiphar devait être la première
du temple ou l'une des principales. Le philosophe stoï-
cien Chœrémon, qui vivait au milieu du i " siècle,
écrivit une histoire d'Egypte dont il ne reste que des
fragments. Cf. Josèpbe, Cont. Apion., i, 32-33. L'un
d'eux, conservé par Porphyre, et cité par saint Jérôme,
Adv. Jovin., n. 13, t. xxm, col. 302, décrit'en ces termes
la vie des prêtres égyptiens: a Ils mettent de côté toutes
les affaires et les préoccupations du monde, pour être
toujours dans le temple. Ils observent les natures des
êtres, les causes et les lois des astres. Ils ne se mêlent
jamais aux femmes, et ne voient plus leurs parents,
leurs alliés ni même leurs enfants, du jour où ils com-
mencent à se consacrer au culte divin. Ils s'abstiennent
absolument de viande et de vin, à cause de l'affaiblisse-
ment des sens et du vertige de tète qu'ils éprouvent
même après en avoir pris très peu, et surtout à cause
des appétits désordonnés qu'engendrent cette nourriture
et cette boisson. Ils mangent rarement du pain, pour ne
pas se charger l'estomac; et quand ils mangent, ils
prennent avec leurs aliments de l'hysope pilé, pour
que sa chaleur fasse digérer une nourriture trop lourde.
... Au même titre que la viande, ils s'abstiennent d'oeufs
et de lait... Leur couche est faite avec des branches de
palmiers; un escabeau incliné et posé à terre sert de
coussin à leur tête; ils supportent des jeûnes de deux,
trois jours. » Cf. Porphyre, De abstin., iv, 6-8. Ce por-
trait ne s'appliquait qu'à une élite des prêtres égyptiens,
ceux qu'on appelait prophètes, iepocToXioraf, « chargés
des habits sacrés des dieux », scribes, et (IjpoXoyoi,
« ceux qui disent l'heure », et encore n'est-il pascertain
que ces coutumes ascétiques remontent très haut. On
voit cependant que certaines pratiques sont communes .
aux prêtres égyptiens et à ceux d'Israël.
2° Chez les Babyloniens. — En Chaldée, comme en
Egypte, le roi était le prêtre par excellence; il pre-
nait le titre de palési ou « vicaire » de la divinité.
Les fonctions journalières du sacerdoce étaient remplies
par des prêtres, soit héréditaires, soit recrutés, for-
mant une hiérarchie sous la conduite du grand-prêtre
de chaque temple. Les grands-prêtres des divinités
principales, Bel-Mardouk, Sin et Schamasch, partici-
paient à la suprématie de leur dieu. Parmi les prêtres,
les iSSakkii présidaient aux libations, les Sangu gouver-
naient les différentes parties du domaine de la divinité,
les kipu et les Salammu veillaient à ses intérêts finan-
ciers, les pasiUu s'occupaient des détails du culte; au-
dessous d'eux venaient les sacrificateurs et leurs aides,
les devins, les augures, les prophètes, les hiérodules
de toute espèce. Tous vivaient des revenus du dieu
et des offrandes qui lui étaient apportées. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i, p. 675-679. Le grand-prêtre s'ap-
pelait Sangamahhu; sous ses ordres agissaient i'osipu
et le bâru, L'asipu ou •< enchanteur » était une sorte
d'exorciste chargé de conjurer les mauvais esprits, causes
des maladies et de tous les maux qui affligent l'huma-
V.
21
643
PRKTRE
644
nité; il consacrait les idoles destinées aux temples et
présidait certaines cérémonies expiatoires. Le bdru ou
« voyant », dont la fonction était héréditaire, interpré-
tait la volonté des dieux et rendait des oracles en leur
nom ; il exerçait tous les genres de divination et pré-
sidait aux sacrifices de caractère pacifique et eucharis-
tique. Le bdru devait réaliser certaines conditions pour
pouvoir se présenter dans le sanctuaire de l'oracle,
être « issu d'un prêtre, d'un père pur », et être « lui-
même accompli dans sa forme et dans ses propor-
tions ». Il ne pouvait exercer sa charge si ces conditions
faisaient défaut, et de plus s'il était « aigu quant aux
vpux », c'est-à-dire louche ou borgne ou avec un œil
crevé, c> brisé quant aux dents », avec une ou plusieurs
dents de moins, ayant o un doigt mutilé, la chair noi-
râtre, des abcès, de la lèpre, un ulcère purulent », ou
d'autres infirmités analogues. Il devait posséder une
doctrine solide et savoir à fond ce qui était nécessaire
dour ne pas commettre la moindre infraction à un
rituel compliqué. Le bdru et VaSipu avaient aussi à
revêtir des <■ vêtements purs », réservés pour leurs
fonctions liturgiques. Cf. Zimmern, Beilrâge zur
Kennlniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901 ;
Ir. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens,
Paris, 1903, p. xiv-xvn, 235; Lagrange, Etudes sur les
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 221-246; Dliorme,
Textes religieux, l'aris, 1907, p. 141-147. Daniel déjoua
la fourberie des prêtres de Bel, qui venaient enlever
de nuit les offrandes du temple et prétendaient que
leur dieu les avait mangées. Dan., xiv, 1-27. Cf. Bar.,
VI, 9-51. — Sur le sacerdoce des Perses et des Mèdes,
voir Mai.es, t. iv, col. 543.
3" Chez les autres peuples sémites. — Chez les
Arabes nomades, la fonction de sacrilicaleur n'était
pas réservée au prêtre; celui-ci n'était qu'un sâdin,
G gardien » du sanctuaire; il restait à son poste pen-
dant que la tribu se déplaçait. Il rendait des oracles au
moyen de flèches ou de bâtons, selon le procédé de la
rhabdomancie. Cf. Ezech., xxi, 21. A côté de lui opé-
rait le devin, kihin, véritable sorcier, dont le rôle
n'est nullement le prototype, mais la déformation de
celui du kohên. Chez les Arabes civilisés du sud, le
sâdin était réellement le sacrificateur, et le grand-
prêtre, kabir, le « grand », servait d'éponyme pour le
calcul des années. — Le prêtre araméen se nommait
komér; il était prêtre de tel ou tel dieu. Josias chassa
les prêtres de cette espèce que ses prédécesseurs avaient
établis en Juda. IV Reg., xxm, 5. Osée, x, 5, signale
leur présence en Samarie, et Sophonie, i, 4, annonce
leur extermination. — Le temple phénicien avait ses
sacrificateurs, ses résidents occupés à la liturgie, ses
barbiers pour raser les chevelures consacrées à la divi-
nité et pratiquer les incisions rituelles, ses scribes, ses
biérodules, ses portiers et ses esclaves, recevant tous
un salaire. Cf. Lagrange, Études, p. 217-221, 478-481.
A Sidon, le roi portait le titre de prêtre d'Astarthé,
comme le prouve l'inscription d'un sarcophage trouvé'
en 1887 : « Tabnilh, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon,
fils d'Eschmunazar, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon. »
Cf. Ile vue (ireliéiilugiiiue, 111" série, t. x. I8S7, p. 2.
4" Cite: les Chananéens. — On constate chez les
Chananéens la pratique des libations, l'érection et l'onc-
tion des bétyles, celle des autels et des lieux sacrés,
l'immolation des victimes et même fréquemment les
sacrifices humains. Cf. Vincent. Canaan, Paris, 1907,
p. 201-203. Toutes ces choses supposent un sacerdoce,
(in n'a point de renseignements sur sa hiérarchie el
son fonctionnement. Mais les deux grandes divinités
chananéennes. Baal et Astarthé, survécurent à la prise
de possession du pays par les Israélites. Klles avaient
leurs prêtres qui perpétuaient leur culte et réusirent
souvent à le faire adopter par le peuple conquérant. A
ce titre, les prêtres chananéens se signalent de temps
en temps dans l'histoire d'Israël. Voir Astarthé, BaaLi
t. i, col. 1180, 1315.
5° Chez les Gréco-Romains. — Les prêtres des cultes
gréco-romains apparaissent dans les derniers récits de
l'histoire Israélite et dans ceux du Nouveau Testament.
Voir Bacchus, t. i, col. 1374; Dianf., t. n, col. 1405;
Hercule, Jupiter, t. ni, col. 602, 1866; Mercure, t. iv,
col. 991. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, 1858, 1. 1. p. 280-287, t. m, p. 93-109.
III. Sacerdoce mosaïque. — /. sox institution. —
Au Sinaï, Dieu donna l'ordre à Moïse de prendre son
frère Aaron et les fils de celui-ci, Nadab, Abiu, Éléazar
et Ithamar, pour qu'ils devinssent prêtres à son service.
Exod., xxvni, I. Il prescrivit ensuite tout ce qui con-
cernait leurs vêtements et leur consécration. Exod.,
XXVIII, xxi.x. Lorsque tous les objets nécessaires au
culte furent préparés et que Jéhovah eut pris possession
du Tabernacle, Exod., XL, 34-38, Moïse procéda à la
consécration d'Aaron et de ses fils, Lev., vm, 1-36. et
huit jours après, leur fit inaugurer leurs fonctions par
l'offrande de sacrifices, d'abord pour eux-mêmes, et
ensuite pour le peuple. Lev., ix, 1-24. Mais bientôt, une
sanction sévère fut exercée contre deux des nouveaux
prêtres. Nadab et Abiu apportèrent devant Jéhovah
des encensoirs contenant du feu profane, qui n'avait
pas été pris sur l'autel. Ils furent immédiatement frap-
pés de mort. Moïse défendit à Aaron et à ses deux fils
survivants de prendre le deuil, et Jéhovah leur interdit
l'usage du vin et des boissons enivrantes, chaque fois
qu'ils auraient à exercer leur ministère dans le Taber-
nacle. Lev., x. 1-11. Le châtiment si rigoureusement
inlligé aux deux coupables devait inculquera tous cette
idée qu'aucune négligence n'était tolérable dans le
culte de Jéhovah. La prescription relative aux boissons
enivrantes autorise à penser que, si Nadab et Abiu
s'étaient si gravement trompés, leur manque d'atten-
tion venait de quelque abus dans l'usage de ces bois-
sons. Toute la tribu de Lévi, à laquelle appartenaient
Moïse et Aaron, fut substituée aux premiers-nés pour
être à Jéhovah et se consacrer à son service. Num.. m,
45. Un membre de cette tribu. Coré, et deux de la
tribu de Ruben, Dathan et Abiron, jaloux de l'autorité
qu'exerçaient Moïse et Aaron, se concertèrent avec
deux cent cinquante autres Israélites, prétendant que
dans Israël tous étaient saints et avaient les mêmes
droits à l'exercice de l'autorité et du sacerdoce. Moïse
en appela au jugement de Jéhovah. Il convoqua les mé-
contents et leurs deux cent cinquante partisans, chacun
avec un encensoir, devant le Tabernacle. Tous s'y ren-
dirent; mais là, à la vue de tout le peuple, la terre
s'entr'ouvril et englorrtil Coré, Dathan. Abiron et leurs
familles, et un feu consuma les deux cent cinquante
autres. Le peuple ayant murmuré le lendemain contre
Moïse et Aaron, le Seigneur déchaîna une plaie qui fit
mourir quatorze mille sept cents personnes el ne s'ar-
rêta que quand Aaron exerça son rôle d'intercesseur,
dont la légitimité fut ainsi démontrée. Num., XVI, 1-50.
Dieu voulut encore confirmer son choix par un nouveau
miracle. 11 lit déposer dans le Tabernacle douze verges,
au nom des douze tribus d'Israël; le lendemain, la
verge d'Aaron, représentant Lévi, fut trouvée lleurie, et
Dieu ordonna de la conserver en témoignage. Num.,
XVII, l-ll. Il décida en outre que les lévites feraient
le service du Tabernacle, mais que seuls Aaron et ses
fils rempliraient les fonctions sacerdotales à l'autel et
au dedans du voile. Il ajouta : o Comme un service en
pur don, je vous confère votre sacerdoce. L'étranger
qui approchera sera mis à mort. » Num., xvin. 1-7. A
la mort d'Aaron. Eléazar fut investi du pontificat.
Num., xx. 25-28. A Phinées, fils d'Eléazar, qui se
montra plein de zèle contre l'idolâtrie. Dieu pr il
i pour lui, et pour sa postérité après lui, l'alliance
d'un sacerdoce perpétuel ». Num., xxv. 13.
645
PRÊTRE
616
II. SA DESCENDANCE D'AARON. — La volonté du
Seigneur était manifeste; ne pouvaient être prêlres que
les descendants d'Aaron. « Nul ne s'arroge cette dignité;
il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron. » Heb.,
v, i. Quand Jéroboam établit son culte schismatique
et « fit des prêtres pris dans tous les rangs du peuple
et n'étant pas enfants de Lévi », III Reg., xii, 31, ces
derniers n'eurent donc de prêtres que le nom; leur
sacerdoce était criminel et sans valeur. Au retour de
la captivité, on exclut du sacerdoce ceux qui ne purent
produire leur généalogie pour justifier de leur descen-
dance aaronique. I Esd., n, 62, 63; II Esd., vm, 63-65.
.losèpbe, Cunt. Apiun., I, 7, dit qu'on prenait le plus
grand soin de maintenir dans toute sa pureté la des-
cendance sacerdotale, et que les prêtres qui résidaient
à l'étranger, à Babylone ou en Egypte, avaient pour
règle d'envoyer à Jérusalem leur généalogie, avec le
nom des témoins. Il ajoute qu'étant lui-même de race
sacerdotale, il a trouvé sa généalogie dans les archives
publiques. Vit., I. Ces généalogies étaient en effet
d'intérêt général ; il importait donc de veiller officiel-
lement sur elles. — Pour maintenir la pureté de la
race sacerdotale, le prêtre ne pouvait épouser ni une
femme prostituée ou déshonorée, ni une femme répu-
diée. Lev., xxi, 7. Il n'était pas obligé d'épouser la Bile
d'un prêtre, mais pouvait choisir une vierge ou une
veuve quelconque, pourvu qu'elle fût Israélite. Cf. Jo-
sépbe. Vont. Apion., i, 7; Ant. jud., III, xn, 2. Il lui
fut aussi interdit d'épouser celle que son beau-frère
refusait en mariage, cf. Sota, iv, 1; vin, 3; Makkoth,
in, 1. celle qui avait élé prisonnière de guerre, cf. .lo-
sèphe. Ant. jud., III. xn, 2; XIII. x,5; Cont. Apion.,
i, 7, une prosélyte ou une esclave affranchie ; la fille de
la prosélyte ou celle de l'esclave affranchie ne lui
élaieut permises que si elles avaient une mère Israélite.
Cf. Yebamtlh, vi, 5. Aussi le prêtre qui voulait se ma-
rier faisait il l'enquête la plus sérieuse sur la condition
de telle qu'il désirait épouser. Cf. Kidduschin, îv, 4, 5.
Ézéchiel, xliv, 22, veut que le prêtre n'épouse ni une
veuve, sauf celle d'un prêtre, ni une répudiée, mais
seulement une vierge de la maison d'Israël. Cette res-
triction n'est pas entrée dans la pratique.
;/;. SBS CONDITIONS physiques. — Comme le bdru
babylonien, le prêtre israélite devait être exempt de
toute difformité corporelle. Il ne pouvait remplir les
fonctions sacerdotales si, malgré sa descendance aaro-
nique. il était aveugle ou boiteux, avait une mutilation
ou une excroissance, une fracture au pied ou à la
main, une bosse, une taille de nain, une tache à l'œil,
la gale, une dartre, une hernie. La Loi insiste pour
exclure de l'approche de l'autel ceux qui ont quel-
qu'une de ces difformités. Lev., xxi, 17-23. Ces diffor-
mités étaient en effet de nature à empêcher les prêtres
d'accomplir les actes liturgiques ou de conserver la
pureté légale et la dignité nécessaires à leur ministère.
Dans la suite, les docteurs juifs étudièrent ces cas
d'exclusion et. en spécialisant chacun d'eux par le dé-
tail, les portèrent à 142. Cf. Bechorot/i, vu; Selden. De
siœcessione in ponlif. Ebr., il, 5 ; L'golini, 'fîtes., t. xm,
p. 897. L'intégrité du corps devait être le symbole du
parfait état de l'àme, cf. l'bilon, De monarch., n, 5;
il était d'ailleurs de la plus haute convenance, pour
l'honneur de Dieu el l'édification du peuple, que les
minisires du culte eussent une attitude corporelle
irréprochable. Les cultes païens avaient souvent les
mêmes exigences, cf. Aulu-Gelle, i, 12; la difformité
corporelle élait de mauvais augure, et l'on écartait le
sacrificateur qui en était atteint. Cf. M. Sénèque, Con-
liov., iv, 2; Bâhr, Symbolik des mnsaischen Cullns,
Heidelberg, 1839, t. n, p. 42-61. — Il était interdit aux
prêtres en exercice de se raser complètement, d'enlever
les côtés de leur barbe, de se faire des incisions, Lev.,
xxi, 5, de laisser flotter leurs cheveux en désordre,
d'avoir. des vêtements déchirés. Lev., x, 6. Il ne leur
était pas permis de couper leurs cheveux ou de laver
leurs vêtements la semaine où ils étaient de service,
afin que tous ces soins fussent pris à l'avance. Les doc-
teurs comptaient dix-huit cas empêchant le prêtre
d'exercer son ministère : l'idolâtrie, la naissance d'une
famille étrangère à celle d'Aaron, la difformité corpo-
relle, l'incirconcision, l'impureté, la nécessité d'attendre
au soir pour redevenir pur, l'obligation de se soumettre
à l'expiation, le deuil, l'ivresse, le manque de vête-
ments, leur trop grand nombre, leur déchirure, le
manque de coiffure, les pieds ou les mains non lavés,
s'asseoir pour remplir le ministère sacré ou se laver,
ne pas toucher directement de la main les objets sa-
crés, ne pas tenir les pieds immédiatement sur le sol,
faire les actions sacrées de la main gauche. Cf. Seba-
chim, n. 1; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741,
p. 96, 97.
IV. ENTRÉE EN FONCTION. — 1° Age. — La loi ne
prescrivait rien quant à l'âge requis pour commencer
le service sacerdotal. Pour les lévites, on ne comprit
dans le premier dénombrement que ceux qui avaient
trente ans, Num., iv, 3, 23, 47; î Par., xxm, 3; un peu
plus tard, cet âge fut abaissé à vingt-cinq, Num., vin,
23-26, et David le réduisit à vingt, lorsque les lévites
n'eurent plus à porter le tabernacle. I Par., xxm, 24-
27; cf. II Par., xxxi, 17; I Esd., m, 8. On s'en tint dans
la suite à cette règle qu'on pouvait entrer en fonction
dès qu'apparaissaient les signes de la virilité, pratique-
ment à la vingtième année. Cf. Babyl. Chullin, 24 b. —
Avant d'être admis au sacerdoce, il fallait, dans les der-
niers temps, subir un examen devant le sanhédrin ou
devant d'autres prêtres. Cf. Middoth, v.
2° Consécration. — Le jeune prêtre était consacré par
un bain de purification, l'imposition des vêtements
sacrés, l'onction et une série de sacrifices accompagnés
de cérémonies particulières, destinées à lui rappeler
ses droits et ses devoirs sacerdotaux. Exod.,xxix, 4-37;
xi., 13-15; Lev., vm. 2-36. Les textes ne disent pas si
le bain de purification était pour tout le corps, ou seu-
lement pour les pieds et les mains, comme dans le
service quotidien. Exod., xxx, 19.
3" Vêtements. — Les vêtements sacrés, imposés au
nouveau prêtre, élaientau nombre de quatre (fig. 172) :
le caleçon de lin, voir Caleçon, t. Il, col. 60; la tunique
de lin, voir Tunique; la ceinture brodée, voir Abnét,
t. î, col. 66; Ceinture, t. n, col. 389, et la mitre de lin,
voir Mitre, t. iv, col. 1135. Les prêtres pouvaient porter
ci s vêtements tant qu'ils étaient dans le Temple, hormis
la ceinture qu'ils devaient quitter sitôt leur ministère
accompli. Cf. Gem. Tamicl, 61, 2; Gem. Yoma, 69,
1. L'usage des vêtements sacrés était prohibé hors du
Temple; les prêtres les y déposaient dans une chambre
spéciale. Quand ils étaient usés, ces vêtements servaient
à fabriquer des mèches pour les lampes. Cf. Gem.
Scliabbath, 21, 1; 79, 2.
4» Onction. — Des onctions furent certainement faites
aux fils d'Aaron. Exod., xxx, 30; XL, 14; Lev., x, 7.
D'autres textes ne semblent parler d'onction qu'à pro-
pos d'Aaron. Exod., xxiy, 5-8; Lev., vin, 7-13, de sorte
que le grand-prêtre est appelé par excellence le « prêtre
oint ». Lev., xvi, 32; xxi 12; Num., xxxv, 25, etc. La
contradiction disparait si l'on observe que le grand-
prêtre recevait sur la tête une onction abondante, cf.
Ps. cxxxn, 2, tandis que les simples prêtres étaient seu-
lement aspergés d'huile. Exod., xxix, 21; Lev., vm, 30.
Ils étaient oints comme le pontife, Exod., XL, 15, mais
d'une manière plus sommaire. Cf. Fr. de Hummelauer,
In E.rod. et Lev., p. 290-291. Voir Onction, t. iv,
col. 1S05, 1806. — On emplissait ensuite les mains des
prêtres, ce qui signifie qu'on leur conférait les pou-
voirs nécessaires à leur ministère, et l'on o tirait les
sacrifices prescrits, le veau pour le péché, Exod., xxix.
647
PRÊTRE
648
10-14, le bélier en holocauste, Exod., xxix. 15-18, et le
bélier de consécration. Exod., xxix, 19-28. Voir Grand-
prêtre, t. m. col. 297. Cf. Bàhr, Symbolik, t. n. p. 166-
168. Toutes ces cérémonies duraient sept jours.
Exod., xxix, 35; Lev., vin, 33. — On s'est demandé si
les cérémonies de la consécration sacerdotale n'avaient
pas été accomplies une fois pour toutes dans la per-
sonne des fils d'Aaron. Philon, Vit. ilosis, ni, 16-18,
et Josèphe, Ant. jud., III, vin, 6, se contentent de re-
produire les passages bibliques, sans rien ajouter à ce
sujet. Plusieurs auteurs pensent que la première con-
sécration a suffi pour toute la suite des générations
sacerdotales, et que le nouveau prêtre n'avait qu'à pré-
senter l'offrande indiquée. Lev.,vi, 15. Cf. Iken, Anti-
guitates hebraiae, Brème, 17 H, p. 112; Munk, l'ales-
i~-. — Prêtre hébreu revêtu de ses vêtements sacerdotaux.
D'après Calmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Prêtre.
Une, Paris, 1881, p. 174; Zscbokke, Historia sacra,
Vienne. 1888, p. 114. Mais, d'après Schûrer, Geschichtc
des jihl. Volkes, t. n, p. 232, cette opinion ne s'appuie-
rait que sur l'interprétation défectueuse des textes rab-
biniques qui rappellent au nouveau prêtre l'obligation
de présenter l'offrande en question avant toute autre.
Le silence des auteurs sacrés postérieurs ne peut
d'ailleurs permettre de nier la consécration particulière
des prêtres dans le cours des âges.
5° Symbolisme. — Toutes les prescriptions relatives
à la consécration des prêtres avaient leur sens symbo-
lique. Les cérémonies duraient sept jours pour leur
faire entendre qu'ils entraient au service de celui qui
avait créé le monde en six jours suivis d'un septième
jour de repos. Cf. Rosenmûller, lnLevl., Leipzig, 1798,
p. 51. Parmi les difformités qui excluaient du sacerdoce
figuraient aussi des défauts de l'ordre moral. La blan-
cheur des vêlements sacerdotaux rappelait la gloire
et la sainteté divines, au service desquelles les prêtres
étaient appelés. Le caleçon marquait la chasteté du
prêtre, la tunique de lin sa pureté de vie, la ceinture sa
discrétion, la mitre sa droiture d'intention. Cf. S. Tho-
mas, Summ. theol., I» il*, en, 5 ad 10. Sur le symbo-
ie l'onction, voir t. iv, col. 1806.
v. CLASSBMBNT. — Quand les fils d'Éléazar et d'Itha-
mar se furent multipliés, il ne leur fut plus possible
d'être tous employés en même temps au service du
culte. A l'époque de David, il se trouvait seize chefs de
famille parmi les descendants d'Éléazar, et huit seule-
ment parmi les descendants d'Ithamar. On tira au sort
le rang que devaient occuper ces vingt-quatre chefs,
afin qu'ils prissent à tour de rùle le service du culte
avec les prêtres de leur famille. I Par., xxiv, 3-19;
Il Par., vin, 14. Cette organisation fonctionna jusqu'à
la captivité de liabylone. Au retour, il ne se trouvra plus
que quatre chefs de familles sacerdotales, Jadaïa, avec
973 prêtres, Emmer, avec 1052, Pheshur, avec 1247, et
Harim, avec 1017. I Esd., Il, 36-38; II Esd., vu, 39-
42. Avec Zorobabel, il y eut 22 chefs de familles sacer-
dotales, II Esd., x, 2-8; xii, 1-7, et 21 seulement dans
une autre liste. II Esd., xn, 12-21. Tous les noms ne
sont d'ailleurs pas identiques, ce qui indique des chan-
gements dans l'organisation. Plus tard, on cite encore
comme chefs de classes sacerdotales .loarib. I Mach., n,
1; xiv, 29, et Abia. Luc. i, 5. Josèphe, dans un passage
dont nous n'avons que la traduction latine, et où le
nombre 20 manque, d'après plusieurs critiques. Cont.
Apiun., II. 7, ne mentionne que quatre classes de cinq
mille prêtres chacune. Mais ailleurs, .4»/. jud., VU, xiv,
7: Vit., l,il parle de vingt-quatre classes qui se sont
maintenues jusqu'à son époque. Ce dernier nombre est
celui que reproduit toute la tradition juive. Cf. Taa-
nitlt.,\\, %;Sukka, v, 6-8; ter. Taanith., îv, 68a; To-
sephta Taanith., n ; Ugolini, Thésaurus, t. XIII, p. 876.
— Les classes sacerdotales s'appelaient mal,
sçr]uEpfat, divisiones, I Par., xxvm, 13, 21; II Par.,
vin, 14; xxiii, 8; xxxi, 2. 15. 16. vices, Luc, 1,8; ln't
abat, oïxoi luaTpicôv, « maisons des pères ". famil
domus, I Par., xxiv, 4. 6. ou miSmârôf, « gardes »,
'/e::o'jj-[s:ji, observationes, II Par.. XXXI. 16, l?7)|«p(at,
ordines, II Esd. xm, 30. Pans la pratique, on réservait
le nom de miàmâr pour la classe, et celui de bê( db
pour ses subdivisions. Cf. Taanith, n, 8. 7. Josèphe ap-
pelle la classe nxTpîa, Ant. jud., VII. \iv, 7, ou Èçr.peB!;,
Pït., 1, et la subdivision -.Sic,. Vit., 1; Bell, jud., IV,
III, 8. Les subdivisions de chaque classe variaient de
cinq à neuf. Cf. Jet: Taanith, iv, 68a. A la tète des
classes étaient des sdrim. i princes », ïp^ovraç, prin-
cipes, I Par., xxiv. 5: Il Par., xxxvi, 14; î Esd., vm,
24, 29; x, 5, ou des râ'ëitn, * chefs ». I Par., xxiv. i.
6; II Esd., xu, 12. Par la suite, ce dernier titre désigna
spécialement les chefs des subdivisions. Le nom de
zdqên, « ancien », a aussi quelquefois le même sens.
Cf. Yoma, i. 5; Tamid. i. 1 ; Middoth, i, S. Au-dessus
de toutes les classes s'exerçait naturellement l'autorité
du grand-prêtre.
■ ;. FONCTIONS DANS LE TEMPLE. — I" Service hebdo-
madaire. — Chaque classe faisait le service du temple
pendant une semaine. C'est ce qu'on appelait aï guipai
-î,; ).eiTOuy(«;, dies officii, « les jours de service ».
Luc, i, 23. Le service se prenait le jour du sabbat,
IV Reg., M. 6; II Par., xxni, 4; la classe sortante
offrait encore le sacrifice du matin, et la classe sui-
vante le sacrifice du soir. Cf. Tosephla Sukka,w, 24-
25; Josèphe. Ant. n"1-- VII, XIV, 7; Cont. Anton., n,
8. Pendant les semaines de la Pàque, de la Pentecôte
et des Tabernacles, les vingt-quatre classes étaient de
service en même temps. Cf. Snkka, v, 6-8. On n'a au-
cune donnée certaine sur l'ordre dans lequel les
vingt-quatre classés se succédaient pour le service
hebdomadaire. C'est donc sans aucun résultat qu'on a
cherché à déduire l'année de la naissance de Jésus-
Christ d'après la semaine de servie' attribuée a la
classe d'Abia. Luc. i. 5. du lit bien dans le Babij .
Taanith, 29a, que la classe de .loarib était de service au
moment de la destruction du Temple; mais cette in-
formation est tardive el peu sine, et encore, pour en
649
PRÊTRE
650
lirer parti, faudrait-il savoir exactement quel rang
occupaient les deux classes et à quelle époque de l'an-
née eut lieu l'annonciation de Jean-Baptiste. Quand
une classe prenait le service, chaque jour de la semaine
était attribué à une ou plusieurs de ses subdivisions.
2" Interdictions. — Il était interdit aux prêtres du
service hebdomadaire de se raser, sauf le sixième jour
à cause du sabbat, d'avoir commerce avec leurs femmes
et de boire du vin durant le jour; ceux qui étaient de
service un jour déterminé ne pouvaient même en boire
ni ce jour-là, ni la nuit, parce que c'était de nuit qu'on
brûlait les graisses sur l'autel. Cf. Taanith, n, 7. Ces
prohibitions s'inspiraient de la défense portée par le
Seigneur, Xum., x, 9, et aussi de la nécessité, pour le
prêtre, d'être totalement et exclusivement à la fonction
sainte qui lui était confiée, Elles lui rappelaient en
même temps les dispositions morales de dévouement,
de pureté et de pénitence que réclamait de lui le service
du Seigneur.
3° Tirage au sort. — Chaque jour on faisait désigner
par le sort les prêtres qui devaient remplir les différents
offices. Luc. i, 9. Ce tirage au sort se répétait quatre
fois. Le premier sort désignait celui qui devait porter
les charbons de l'autel extérieur usque dans le parvis
intérieur. Le second sort pourvoyait aux treize fonc-
tions suivantes : I. égorger l'agneau; 2. en répandre le
sang' 3. enlever la cendre de l'autel intérieur; 4. dis-
poser les lampes; 5. porter à la montée de l'autel la
tète et une jambe postérieure de l'agneau ; 6. les deux
épaules. 7. la croupe avec la queue, l'autre jambe et les
reins; 8. la poitrine et la gorge ;9. les deux côtés; 10. les
intestins sur un plateau et les pieds; 11. l'offrande de
farine; 12. le gâteau du grand-prêtre; 13. la libation de
vin. Le troisième sort portait sur le prêtre qui devait
brûler l'encens; on le choisissait parmi ceux qui
n'avaient pas encore exercé cette fonction, à laquelle on
ne pouvait être appelé qu'une fois dans sa vie. Enfin le
quatrième sort désignait celui qui devait porter les
membres de la victime de la montée de l'autel jusqu'à
l'autel même.
4° Cérémonies. — Le détail de toutes les cérémonies
quotidiennes est donné par le traité Tamid. On y voit
que les prêtres de service, qui couchaient dans une
chambre du parvis intérieur, se mettaient à l'œuvre
avant même le lever du jour. Avant de procéder à
l'exercice de sa fonction, chacun se lavait les mains et
les pieds au bassin d'airain qui se trouvait entre le
Temple et l'autel. Dés que le jour paraissait, on prenait
un agneau dans la chambre des agneaux et les 93 usten-
siles qui servaient chaque jour dans la chambre des
ustensiles. Pendant ce temps, les deux prêtres chargés
de nettoyer l'autel des parfums et les lampes arrivaient,
l'un avec une clef d'or, l'autre avec un vase d'or, ou-
vraient la grande porte du Temple et remplissaient leur
office, en disposant d'abord les cinq lampes qui étaient
au couchant, puis les deux autres, à moins que ces
dernières ne fussent éteintes, car alors on commençait
par elles. C'est seulement à l'ouverture de la porte qu'il
était permis d'immoler l'agneau. Sur les cérémonies du
sacrifice lui-même, voir Sacrifice, Libation, t. iv,
col. 234; Oblation, col. 1727; Pari-tm, col. 2164.
Quand tout était disposé pour le sacrifice, les prêtres
se rendaient dans la chambre ha-gasith pour y réciter
le schéma du matin. Voir Prière. Cf. Tamid, iv, 1-3.
Ensuite, les prêtres que le sort n'avait désignés pour
aucune fonction quittaient leurs vêtements sacrés. On
procédait alors à l'offrande de l'encens et on brûlait
l'holocauste sur l'autel. Enfin, les cinq prêtres qui
avaient été employés à l'offrande de l'encens se ren-
daient à l'entrée du Temple et prononçaient sur le peuple
la formule de bénédiction prescrite, Xum., vi, 24-26, en
élevant les mains et en remplaçant le nom de Jéhovah
par Adonaï. Cf. Tamid, vu, 2; Sota, vu, 6. Les mêmes
cérémonies se répétaient pour le sacrifice du soir, qui
avait lieu vers trois heures de l'après-midi. Mais on ne
tirait au sort que le nom de celui qui devait ollrir l'en-
cens. Cf. Gem. Yoma, 26, 1. L'encens était offert
avant le sacrifice, et les prêtres n'y donnaient pas la
bénédiction au peuple.
5° Fêtes. — Outre les sacrifices quotidiens, les
prêtres en avaient d'autres à offrir à l'occasion des
néoménies et des fêtes, à la Pàque, à la Pentecôte, à
la fête des Tabernacles, à la nouvelle année et au jour
de l'Expiation. Voir ces mots. Ils avaient aussi à s'oc-
cuper des nombreux sacrifices de toute nature que fai-
saient offrir les particuliers.
6° Garde du Temple. — Ils avaient également à
garder le Temple. Les portes en étaient fermées à la
tombée de la nuit et ouvertes au point du jour. Les
prêtres qui couchaient dans le parvis antérieur et à qui
incombait le service du jour suivant, gardaient les
clefs et les transmettaient à ceux qui devaient servir
après eux. Le matin, le préfet du Temple les recevait
pour l'ouverture des portes. Cf. Middoth, i, 8, 9;
Tamid, i, 1.
7° Trompettes. — Enfin, les prêtres avaient à sonner
de la trompette dans le Temple. Xum., x, 8-10; II Esd.,
xii, 41. Chaque jour ils sonnaient vingt et une fois,
trois fois à l'ouverture des portes, neuf fois à la liba-
tion du matin et neuf fois à celle du soir. Cf. Sukka,
v, 5. Voir Trompette.
8" Dignitaires. — Un certain nombre de prêtres rem-
plissaient, sous l'autorité du grand-prêtre, les charges
qui réclamaient des titulaires permanents. Les gisbd-
rîm, -jaÇoçûXaxeç, « gardiens du trésor », veillaient sur
tous les biens du Temple, mobilier et apports. Les
fonctions principales de ce service après ta captivité
de Babylone, étaient confiées à des prêtres, II Esd.,
xin, 13, les autres à des lévites. I Par., ix, 28, 29;
xxvi, 20-28; II Par., xxxi, 11-19. Il fallait surtout des
prêtres préposés au bon ordre du culte quotidien,
puisque ceux qui s'acquittaient des fonctions de ce culte
n'avaient en général à s'en occuper que deux jours par
an, ce qui ne leur permettait guère de s'en rappeler
tous les détails. Il y avait donc, au moins dans les der-
niers temps, quinze prêtres préposés aux services sui-
vants : le sceau, les libations, les 'sorts, l'argent pour
l'achat des victimes, la santé des prêtres malades des
entrailles (voir t. iv, col. 910), les eaux, les temps, les
portes, la discipline, les cymbales, la direction du chant,
les pains de proposition, le parfum, les voiles, les vête-
ments. Cf. Sclwkalim, v, 1. Le préposé aux sorts prési-
dait aux tirages au sort au moyen desquels on désignait
chaque jour les prêtres chargés d'un office. Le préposé
au sceau délivrait des cachets pour se procurer les liba-
tions auprès du préposé aux libations. Le préposé à l'ar-
gent pour l'achat des victimes recueillait l'argent déposé
dans le tronc destiné à cet usage et prenait soin de four-
nir en échange les victimes convenables. Le préposé aux
temps était le héraut chargé le matin d'appeler chacun
à son poste. Le préposé à la discipline avait à réveiller
et même à corriger les lévites trop lents à se mettre
sur pied. Le Talmud parle encore d'autres fonction-
naires : le sagan, voir Sagan', les amarkelin, cf. Sche-
kalim, v, 2, probablement chargés de la caisse et des
comptes, et des xaSoXixoi, cf. 1er. Schekalim, v, 49 a,
probablement des trésoriers ou des subordonnés du
sagan. Cf. Reland, Antiquitales sacrse, p. 88-91 ; Schûrer,
Geschichte des jûdiscken Volkes im Zeitalter Christi,
t. Il, p. 269-299.
r;;. altres FONCTIOKS. — 1° A la guerre. — Avant le
combat, un prêtre était chargé de parler au peuple
pour l'exhorter au courage et à la confiance en Dieu.
Deut., xx, 2-4. Cf. Xum., xxxi, 6; I Reg., iv, 4; II Par.,
xin, 12. On appelait ce prêtre I' « oint du combat », et
l'onction qu'il recevait l'assimilait au grand-prêtre sur
651
PRÊTRE
6r>2
plusieurs poinls, mais ne conférait pas l'hérédité delà
charge. Cf. Sota, vin, 1; Geni. Yonia, 73, 1. Judas
Macliabée parait avoir rempli la fonction d' « oint du
combat ». I Mach., m, 55, 56.
2° Lois de pureté. — Les prêtres étaient chargés de
l'application des lois concernant la pureté légale. Ils
devaient savoir discerner le saint du profane, le pur de
l'impur. Lev., x, 10; XI, 47; Ezech., xxu, 26; xliv, 23.
Agg., H, 11-14. Ces lois étaient devenues très compli-
quées, grâce aux décisions de détail portées par les
docteurs. Voir Impureté légale, t. m, col. 857-860;
cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 105-112. Dans les
cas ordinaires, les prêtres constataient l'impureté, s'il
était nécessaire, indiquaient sa durée et le moyen de la
faire disparaître; dans les cas douteux, ils éclairaient
celui qui les consultait. Ils intervenaient nécessaire-
ment dans le cas de la femme soupçonnée d'adultère,
Num., v, 11-31, voir Eau de jalousie, t. n, col. 1522;
dans l'examen et la purification du lépreux, Lev., xui,
XIV, voir LÈPRE, t. iv, col. 180-184; dans l'examen delà
lèpre des vêtements et des maisons, Lev., xm, 53-59;
xiv, 34-53, voir t. iv, col. 186, 187, et dans tous les cas
analogues d'impureté légale. Lev., xv, 1-33. Le juge-
ment d'un seul prêtre suffisait pour la constatation
de la lèpre. Cf. Gem. Nidda, 50, 1; Siphra, 100, 1.
3" Estima/ions. — Certains rachats s'opéraient
moyennant un prix laissé à l'estimation du prêtre,
pour les personnes, Lev., xxvn,3-8, pour les animaux,
Lev., xxvn, 12, 13, 27, pour les maisons. Lev., wvn,
14, 15. Voir Rachat.
4° Jugements. — Quand une affaire relative à un
meurtre, à une contestation, à une blessure, était trop
difficile à juger, on la soumettait à la décision des
prêtres. Deut., xvn, 8-12. Ils intervenaient spéciale-
ment dans le cas d'un meurtre dont l'auteur était
inconnu. Deut., xxi, 5. Josaphat mit des prêtres au
nombre des juges, II Par., xix, 8-10; cf. Ezech., xi.iv,
2i, bien que la fonction de juge fut habituellement
confiée aux anciens. Voir JuGE, t. ni, col. 1835. Quand
commença à fonctionner le tribunal suprême appelé
sanhédrin, des prêtres en firent partie.
5° Enseignement. — La Loi ordonnait aux prêtres
d' « enseigner aux enfants d'Israël toutes les lois que
Jéhovah leur a données par Moïse ». Lev., x, 11;
cf. Deut., XXXIII, 10. Us s'acquittèrent de cette tâche
d'une manière qui fut loin d'être toujours parfaite. La
foi au vrai Dieu disparaissait quand cessait l'enseigne-
ment du prêtre. II Par., xv, 3. Josaphat envoya dans
Juda, pour y prêcher la loi île Jéhovah, cinq de ses
chefs, neuf lévites et seulement deux prêtres. II Par.,
xvn, 7-9. Ézéchiel, XXU, 26, se plaint que les prêtres
n'enseignent plus à distinguer cuire le saint et le pro-
fane, le pur et l'impur; il annonce que, chez le peuple
régénéré, ils enseigneront ces choses. Ezech., xuv. 23.
Michée, m, 11, les accuse de prendre un salaire pour
enseigner. Aggée, n, 12, constate que les piètres de
son temps ne savent pas faire la distinction dont parle
Ézéchiel. Malachie, n, 7. 8, leur adresse 1rs mêmes
reproches : « Les lèvres du prêtre sont les gardiennes
de la science, et c'est de sa bouche qu'on demande
l'enseignement, parce qu'il est l'ange de Jéhovah des
armées. Mais vous, vous vous êtes écartés de la voie,
vous en avez fait trébucher plusieurs contre la loi, vous
avez perverli l'alliance de Lévi. n II est probable que
le texte du Lévitique se rapportait beaucoup plus à la
lui rituelle qu'à la loi morale. I.a connaissance de
celte dernière venait de la conscience même, et, chaque
année sabbatique, les prêtres devaient donner an
peuple lecture du livre qui la rappelail. Deut., XXXI,
9-13. En fait, l'enseignement moral el religieux donné
par les prêtres semble avoir été assez restreint. Voir
Ensi igni ment, t. n, col. 1813. Les prophètes s'en char-
ge mil pendant un temps; puis, après la captivité, les
docteurs ou scribes, avec moins d'autorité et de sûreté
dans la doctrine, prirent la tâche de l'enseignement.
Les prêtres, uniquement occupés de leurs fonctions
rituelles, s'en désintéressèrent à peu près complète-
ment, sauf ceux d'entre eux qui devinrent docteurs de
la loi. C'est ce qui fait que les prêtres d'Israël n'exer-
cèrent qu'une influence médiocre sur le développement
et la garde des idées morales et religieuses dans leur
nation.
Vin. nÉSIDBKCE. — Quand les Israélites occupèrent
la Palestine, quarante-huit villes furent assignées aux
membres de la tribu de Lévi. pour servir d'habitation
aux prêtres et aux lévites. Num., XXXV, 1-8. Voir LÉVI-
tiques (Villes), t. îv, col. 216. Parmi ces villes, treize
étaient spécialement destinées aux prêtres dans les
tribus de Juda, de Siméon et de Denjamin, par consé-
quent dans le voisinage de Jérusalem. Jos.. xxi, i. Voir
l'énumération de ces villes, t. iv, col. 217. Pourtant les
prêtres n'étaient pas confinés dans ces seules villes.
Partout ailleurs, ils pouvaient s'établir à leur gré, mais
en s'achetant eux-mêmes des maisons et des champs.
Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 373.
C'est pourquoi, à l'époque du schisme de Jéroboam,
les prêtres et les lévites « qui se trouvaient dans tout
Israël », voyant qu'on les empêchait de remplir leurs
fonctions en l'honneur de Jéhovah, abandonnèrent leurs
champs et leurs propriétés pour passer en Juda et à
Jérusalem. II Par., XI, 13, 14, Après la captivité', les
prêtres et les lévites s'établirent dans leurs villes, ce
qui s'entend seulement du pays mis à la disposition
des nouveaux arrivants, c'est-à-dire de Jérusalem et
de.Iuda. Il Esd., vu, 6, 73. A Jérusalem même se fixèrent
1192 prêtres, II Esd., xi, 4, 10-14, 1760 d'après II Par.,
ix, 13. Les villes et bourgades de Juda en reçurent
aussi. I Esd., n, 70; II Esd., vu, 73; xi, 3, 20, 36.
Le voisinage de Jérusalem élail certainement préféré.
parce qu'il rendait plus faciles les voyages au Temple. Le
prêtre Zacharie demeurait dans la montagne de Juda.
Luc, i, 39.
II. RESSOURCES. — Les prêtres, comme tons les
lévites, n'avaient pasde domaine territorial: ilsappar-
tenaient exclusivement au service de Dieu, et Dieu de-
vait être lui-même leur part et leur héritage au milieu
d'Israël. Num., xvm, 20; Jos., XIII, 14. Voici par quels
moyens Dieu assurait leur subsistance et celle de leur
famille. Il y a quelques divergences de détail à ce
sujet entre le Lévitique et le Deuléronome; mais elles
se concilient assez aisément, ou parfois accusent une
modification dans la législation.
1» Sacrifices. — Dans le sacrifice pour le péché, tout
revenait au prèlre, Num., xvm, 9, 10, sauf l'un des
deux oiseaux qu'offraient les pauvres, Lev., v, 7, et fout
ce qui était offert pour le péché d'un prêtre. Lev., vi,
23. — Dans le sacrifice pour le délit, tout revenait égale-
ment au prêtre. Lev., vu, 7; Num., XVIII, 9, 10. — Dans les
dilations, tout était pour le prêtre, sauf la poignée ,1e
farine prélevée pour l'autel. Lev., Il, 3, 10: vi, 9-11;
vu, 9, 10, 14; x. 12, 13; Num., xvm, 9. 10; Ezech.,
xuv, 29. — Les préires avaient encore pour eux les
douze pains de proposition. Lev., XXIV, 5-9. — Dans les
sacrifices pacifiques, la poitrine et la cuisse droite de
la victime étaient pour le prêtre. Lev., vu, 30-3 i ; x,
I i, 15. — Dans les holocaustes, les prêtres n'avaient
pour eux que la peau de la victime; mais le revenu ne
laissait pasque d'être f<>rl appréciable, à cause du grand
nombre des victimes. Cf. Philon, De praeniiis sacer-
dot.. i. édit. Mangey, I. Il, p. 235. Le rituel babylo-
nien assignait aussi, aux prèlres el aux serviteurs dis
temples, la pari des victimes qui devait leur reven
après les sacrifices de bœufs et de moutons, ainsi que
les poissons, légumes, vêlements, etc., auxquels ils
avaient droit. Cf. Dborme, Textes religieux, Paris,
1907, p. 391-393.
653
PRÊTRE
654
2° Prémices. — Elles portaient sur le froment, l'orge,
les raisins, les ligues, les grenades, les olives et le
miel. Deut., vin, 8; xxvi, 5-10; Num., xvm, 13;
II Esd.. x, 36. Voir Prémices, col. 598. On y joignait
ce qu'on appelait la terûmdh, « offrande », prélevée
sur le meilleur des champs et des arbres fruitiers, et
consistant surtout en grains, vin et huile. On donnait
de 1 40 à 1/60 de la récolte, suivant la générosité de
chacun. Xum., xvm, 12; II Esd., x, 38. Cf. Terumoth,
i,7; îv, 3; etc.
3° Dîme. — Elle portait sur tout ce qui croit de la
terre et sert à la nourriture. Elle servait à alimenter
non seulement les prêtres, mais aussi les lévites, qui
d'ailleurs versaient encore aux prêtres la dîme de la
dime. Num., xvm, 20-32; II Esd., x, 38-40. Voir Dîme,
t. n, col. 1434.
4° Pain. — On devait aux prêtres une partie du
pain préparé, Xum., xv, 17-21 ; II Esd., x, 28, ce que
saint Paul appelle ir.ïpyj, t&C ç-jpi[i.aTo;, « prémices
de la masse », Rom., xi, 16, et ce qui fait l'objet du
traité Challa de la Mischna. La redevance portail sur
I 24 pour les particuliers et sur 1/48 pour les boulan-
gers. Challa, n, 7.
5" Premiers-nés. — Exod., xm, 11-16; xxii, 29, 30;
xxxiv. 19, 20; Deut., xv, 19-23. Le premier-né de la
femme était racheté au prix de cinq sicles d'argent,
qui appartenaient aux prêtres. Xum., xvin, 15, 16;
II Esd., x, 37. Le premier-né des animaux purs leur
était aussi destiné, sauf la graisse et le sang, qui
allaient à l'autel. Xum., xvm, 17-18; Peut., xv, 19,20;
II Esd.. x. 37. S'il avait quelque défaut, sa destination
était la même, mais on ne l'offrait pas à. l'autel. Deut.,
xv. 19-23. Le premier-né des animaux impurs se rache-
tait a prix d'argent, sauf celui de l'àne, qui se rache-
tait pour un agneau, toujours au profit des prêtres.
Exod., xm, 13; xxxiv, 20; Xum., xvm, 15; II Esd., x,
37. Voir Prehier-m:;, col. 603; Rachat.
6° Viande. — Pur tout animal de gros ou menu bé-
tail que l'on abattait, les prêtres avaient droit à trois
morceaux, l'épaule, les mâchoires et l'estomac. Deut.,
xvm, 3. Cf. Chullin, x.
7" Toisons. — Deut., xvm, 4; Tob., i, 6. Cf. Chullin,
xi, 1, 2. La redevance n'était due que par celui qui
avait plusieurs brebis, deux d'après l'école de Scham-
maï, cinq d'après celle de Hillel.
8° Vœux. — Le produit des vœux de toute nature de-
vait être versé aux prêtres, soit sous forme réelle, soit
sous forme de rachat, Lev., xxvn, 2-33; Deut., xxm, 21-
23; Matth., xv, 5; Marc, vu, 11; mais il était probable-
ment employé aux besoins du culte. Cf. Schekalim, îv,
6-8. Voir Rachat. Vœu.
9° Ana thèmes. — Tout ce qui était voué à Jéhovah
par anathème, sauf les personnes, allait aux prêtres sans
pouvoir être racheté. Lev., xxvn, 28; Xum., xvm, 14;
Ezech., xi.iv. 19.
{0" Restitutions. — Quand un coupable voulait réparer
le préjudice causé au prochain, il rendait le bien mal
acquis avec majoration d'un cinquième, et si le lésé
n'était plus là et n'avait plus de représentant, la resti-
tution profitait aux prêtres. Num., v, 6-10. Cf. Schûrer,
Gest hichte, t. Il, p. 243-257; F. Duhl, La société Israélite
d'après VA. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 135-139.
x. USAGE DBS RESSOURCES. — 1» Centralisation. — Cer-
taines ressources, à raison de leur nature même, comme
le pain, la viande, etc., ne pouvaient être portées au
loin. On les remettait donc au prêtre là où il se trou-
vait. Cf. Terumoth, n, 4. D'après Challa, iv, 8, 9, on
pouvait remettre à tout prêtre le pain, le produit de
l'anathéme, les animaux premiers-nés, l'argent du ra-
chat du fils premier-né, celui du premier-né de l'àne,
orceaux de l'animal abattu, la toison. Tout le reste
était centralisé à Jérusalem. II Par., xxxi, 11, 12;
Il Esd.. xn, i3: xm, 5; .Mal., m, 10.
2° Répartition. — Les ressources sacerdotales, au
moins celles qui étaient apportées à Jérusalem, se ré-
partissaient entre tous les prêtres. Sous Ézéchias, les
distributions se faisaient dans les villes sacerdotales par
des lévites préposés à ce service. II Par., xxxi, 15-19.
Les prêtres qu'une difformité corporelle écartait du ser-
vice de l'autel avaient part aux distributions au même
titre que lesautres. Lev., xxi, 22. Cf. Josèphe, Ant. jitd-,
III, xn, 2; Bell, jud., V, v, 7; Sebachim, xn, 1.
3° Consommation. — Les choses très saintes ne pou-
vaient être consommées que par les prêtres seuls dans
le Temple; on en comptait dix : les quadrupèdes du
sacrifice expiatoire, les oiseaux du même sacrifice, les
victimes pour le délit certain, celles pour le délit dou-
teux, celles des sacrifices pacifiques publics, le log
d'huile du lépreux, les deux pains de la Pentecôte, les
pains de proposition, les restes des oblations et la gerbe
pascale. On en comptait quatre autres qui devaient être
utilisées à Jérusalem même ; les premiers-nés des ani-
maux, les prémices, ce qu'on réservait dans le sacrifice
du nazaréen et les peaux des victimes très saintes. En-
fin, il y en avait dix dont on pouvait faire usage hors de
Jérusalem : la terumah, la dîme des dîmes, le pain de
la challa, ce qui provenait des animaux abattus, le prix
du rachat du fils premier-né, celui du premier-né de
l'àne, le champ voué à Jéhovah, le champ de l'anathéme
et le produit de la restitution dévolue aux prêtres.
Cf. Reland, Antiquitates sacrx, p. 97, 98. Tous ces
biens, à l'exception des dix premiers qualifiés de « choses
très saintes », pouvaient être utilisés par le prêtre et sa
famille, femmes, filles et esclaves; mais elles étaient
interdites au mercenaire et à la fille mariée à un homme
qui n'était pas prêtre. Lev.,xxn, 1-16. Dans tous les cas,
il fallait être en état de pureté légale pour participer à
l'usage de ces biens.
4° Condition économique des prêtres. — La législa-
tion assurait ainsi, d'une manière assez large, la subsi-
stance des prêtres. Car, ce n'étaient pas seulement
leurs compatriotes de Palestine qui leur versaient de
multiples redevances; ceux de la dispersion ne man-
quaient pas de remplir leur devoir à cet égard. Cf. Clial-
la, iv, 7-11; Chullin, x, 1; Philon, De monarch., n, 3;
Leg. ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, t. H, p. 224, 568,
592; Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2; XVI, VI, 2-7; Ci-
céron, Pro Flacco, 28, etc. D'autre part, les prêtres
n'avaient pas à s'occuper des besoins du culte; puisque
des redevances spéciales y pourvoyaient. Rien ne les
empêchait d'acquérir des propriétés en dehors de leurs
villes, et, à ce point de vue, ils étaient assimilés aux
autres Israélites. III Reg., Il, 26; .1er., I, 1; etc. Mais,
en tant que prêtres, ils n'avaient pas d'autre propriété
territoriale que celle qui leur était assignée par la Loi,
et comme les redevances qui leur étaient servies étaient
à peu près toutes de nature mobilière, il n'y avait pas
à craindre que la propriété foncière s'accumulât entre
leurs mains. Au retour de la captivité, Artaxerxès ne
voulut pas que les prêtres et les autres ministres du
Temple fussent soumis aux impôts communs. I Esd.. vu,
24. Sans doute, le nombre des prêtres avait augmenté
avec le temps ; mais les autres familles israélites s'ac-
croissaient dans la même proportion que celle d'Aaron,
et, avec la population, augmentaient les sacrifices, les
dîmes et les autres sources de revenus. Dieu avait ainsi
voulu assurer à ses prêtres une situation honorable aux
yeux d'un peuple qui regardait l'aisance et la prospé-
rité temporelle comme les marques habituelles de la
faveur divine. Il ne fallait pas non plus que les prêtres
de Jéhovah fissent trop mauvaise figure à côté de ceux
des dieux égyptiens et babyloniens, et des prêtres scliis-
matiques ou idolàtriques de leur voisinage immédiat.
Tous auraient donc pu vivre à l'aise si les redevances
recueillies leur avaient toujours été équitablement ré-
parties.
65r
PRÈTRE
6ô6
xi.'lbs prêtres dans Vbistoire. — 1° De Moïse aux
rois. — Le sacerdoce aaronique établi par Moïse ne fut
pas installé sans opposition, comme le montre la ré-
volte des rubénites Dathan et Abiron, qu'appuya le lé-
vite Coré et à laquelle prirent part deux cent cinquante
Israélites, princes de l'assemblée, appelés au conseil
et hommes de renom. » Nuin., xvi, 1-2. 11 fallut un
châtiment terrible pour faire pré\a)oir la volonté de
Jéhovah, et encore les Israélites ne se soumirent-ils pas
de bon gré à la leçon qui leur était donnée, de sorte
qu'il fallut que le châtiment recommençât pour les
mettre à la raison. Num., xvi, 41-19. Une loi nouvelle
rappela ensuite à tous le respect qu'ils devaient au prêtre
et au juge : « Tu les consulteras, et ils te feront con-
naître ce qui est conforme au droit... Tu agiras selon
la loi qu'ils enseigneront et selon la sentence qu'ils au-
ront prononcée, sans le détourner ni à droite ni à gau-
che de ce qu'ils t'auront fait connaître. Celui qui, se
laissant aller à l'orgueil, n'écoutera pas le prêtre qui se
tient là pour servir Jéhovah, ton Dieu, ou qui n'écou-
tera pas le juge, sera puni de mort. » Deut., xvn, 9-12.
Dès lors, on ne vit plus se produire de protestation sé-
rieuse contre le sacerdoce issu d'Aaron. Les prêtres
exercèrent la fonction qui leur était dévolue dans les
marches et dans les combats, Num., x, 5-10; au passage
du Jourdain, Jos., m, 13-17. et à la prise de Jéricho.
Jos., vi, 12-16. — Du temps des Juges, on vit un simple
lévite entrer comme prêtre au service d'un Éphraïmite,
du nom de Michas, moyennant dix sicles d'argent par
an, une provision de vêtements et la nourriture.
Jud., xvii, 10. Il fut ensuite enlevé par les Danites qui
le prirentà leur service, puis installèrent à Lais, comme
prêtres, des descendants de Gersam, fils de Moïse.
Jud.. xvm, 19, 20, 30. Ces prêtres, bien que lévites,
étaient aussi illégitimes que le culte qu'ils exerçaient.
Leur tentative demeura isolée. — La faiblesse du grand-
prêtre Héli fut cause que ses fils deshonorèrent le sa-
cerdoce par leur rapacité, attirèrent le mépris des Israé-
lites sur les sacrifices et provoquèrent de terribles châ-
timents, la défaite d'Israël par les Philistins, la prise
de l'Arche, la mort d'Héli et leur propre mort. I Reg-, II,
12-17; iv. 1-li-S. Samuel fut suscité par Dieu pour réta-
blir l'honneur du sacerdoce et du culte divin. Il était
de la tribu de Lévi, mais non de la famille d'Aaron,
puisqu'il, descendait de Lévi par Coré. I Par., vi, 3i-H8.
« Moïse et Aaron parmi ses prêtres, et Samuel parmi
ceux qui invoquent son nom, » dit le Ps. xcix (xcvill),
6. Un homme de Dieu dit à Héli, de la part du Sei-
gneur : « Je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira
selon mon cceur et selon mon âme; je lui bâtirai une
maison stable et il marchera toujours devant mon oint.
Et quiconque restera de ta maison viendra se prosterner
devant lui pour avoir une pièce d'argent et un morceau
île pain, et il dira : Mets-moi, je te prie, à quelqu'une
des fonctions du sacerdoce, afin que j'aie un morceau
de pain à manger. a 1 Reg., n, 35, 30. La prophétie se
réalisa quand le pontificat fut enlevé à Aliialhar, qua-
trième successeur d'Héli, de la descendance d'Élëazar,
pour être conféré à Sadoc, de la descendance d'Ithamar,
quatrième fils d'Aaron. III Reg., il. 20. 27. 35. Les petits-
lils el descendants d'Héli en furent alors réduits à exer-
cer les fonctions de simples prêtres. Il est bien dit.
dans un commentaire faussement attribué à saint
.bruine, In / ad Cor., i, 2, t. xxx, col. 717, que le pré-
Ire fidèle n'éiait autre que Samuel. Mais saint Jérôme
lui-même, Qusest, hebr. in I Reg., t. xxx, col. 1333.
n'exprime nullement cet avis, et enregistre seulement
l'opinion de ceux qui pensent que tout le passage I Reg.,
Il, 27-30, se rapporte à une époque antérieure el a été
inséré ici pour l'honneur de Samuel. Saint Augustin,
De Cir. Dei, xvn, 5, 2, dil également qu'il ne peut pas
s'agir ici de Samuel, qui était lévite, mais non de la
famille d'Aaron. Cf. Cont. Faustum, xn, 33, t. xlii,
col. 271. Les fonctions déjuge et de prophète n'exigeaient
nullement le sacerdoce, et si Samuel conféra l'onction
royale à Saiil, I Reg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13,
il ne parait pas qu'il fallût être prêtre pour cet office.
IV Reg., îx. 0. Mais Samuel offrait des sacrifices, I Reg.,
vu, 9, 10; ix,8;Eccli., xi.vi, 19(10) : « Il offrit un agneau
encore à la mamelle. » Aucun reproche n'est adressé
au prophète à ce sujet. C'est donc qu'il agissait en vertu
d'une inspiration divine, ou qu'il n'offrait de sacrifices
que par le ministère habituel des prêtres. Voir Samuel.
2» Sous les rois. — Le transport définitif de l'Arche
à Jérusalem fixa dans la nouvelle capitale le culte de
Jéhovah, et David offrit des sacrifices d'actions de
grâces et des holocaustes. II Reg., VI, 17. Il le fit,
bien entendu, par le ministère des prêtres, pour ne
pas encourir la réprobation qui avait frappé Saiil.
I Reg., xm. 9-14. En Egypte, les pharaons étaient les
souverains sacrificateurs. Dieu ne voulait pas qu'il en
fut ainsi en Israël; il y maintint toujours très formel-
lement la prérogative qu'il avait attribuée à la descen-
dance d'Aaron. David s'occupa de l'organisation du
culte à Jérusalem; il divisa les prêtres en vingt-quatre
classes, de concert avec Sadoc et Achimélech, afin
d'assigner à chaque classe son tour de service.
I Par., xxiv, 1-19. Les prêtres figuraient aussi dans
l'armée et y exerçaient même des commandements.
I Par., xn, 27, 28; xxvn, 5, 6. Avec Salomon, l'organi-
sation préparée par David commença à fonctionner
dans le nouveau Temple. II Par., vin, 14, 15. Après lui,
les choses changèrent de face. Les prêtres avaient leurs
villes sacerdotales ; mais un bon nombre d'entre eux
s'étaient établis dans tout le pays. Ils y avaient avan-
tage, parce que, tout en restant assurés des ressources
générales de leur ordre, ils pouvaient profiter en plus
des redevances locales qu'il était impossible ou qu'il
n'était pas nécessaire de centraliser à Jérusalem. Le
schisme île Jéroboam les obligea à se replier sur le
territoire du royaume de Juda et à abandonner ainsi
la plus grande partie du pays précédemment occupé.
II Par., xi, 13, 14. Il dut en résulter une certaine i4eiie
pendant quelque temps; car Je nombre des prêtres res-
tait à peu près tel qu'à l'époque de David et de Salo-
mon, alors que le royaume de Juda était seul désor-
mais à assurer leur subsistance, et rares furent ceux
d'Israël qui continuèrent à s'acquitter des redevances
légales. Tob., i, 0-8. La situation fut souvent aggravée
par l'idolâtrie des rois et celle du peuple, ce qui com-
mença dès le règne de Roboam. II Par., XII, 1. Il est
évident que ceux qui se détournaient de Jéhovah pour
passer au culte des idoles ne se préoccupaient guère
d'acquitter leurs redevances envers le sacerdoce aaro-
nique. Beaucoup de prêtres durent être souvent ré-
duits, comme les descendants d'Héli, à solliciter une
fonction active dans le service du culte, afin d'avoir un
morceau de pain à manger. I Reg., Il, 36. — Sous les
ordres du grand-prélre .loiad.i. les prêtres et les lévites
furent les agents actifs de la révolution qui détrôna
Athalie, pour mettre à sa place le roi légitimé. Joas,
IV Reg.. xi, 4-10; II Par., xxiu, L-15. Quelques années
plus tard, Joas blâma la négligence des prêtres qui
n'avaient pas dignement entretenu la maison du Sei-
gneur, et prit des mesures pour faire tout remettre en
état. IV Reg., xn, 6-16; II Par., xxiv, 4-11. Le roi
Ozias, qui eut la témérité d'imiter Saiil et de s'ingérer
dans une fonction qui n'appartenait qu'aux prêtres,
fut frappé de Dieu, toujours jaloux de faire respecter
les prérogatives de son sacerdoce. IV Reg., XV, o;
Il Par., xxvi, 10, 21. Ézéchias rouvrit les portes du
Temple fermées par Achaz, y rétablit les prêtres da is
leurs fonctions, restaura le culte de Jéhovah, fit re-
prendre par le peuple l'habitude de s'acquitter des
redevances sacrées et en assura l'équitable répartition.
II Par., xxix, 3-XXXI, 21. - Pendant son long règn&
657
PRÊTRE
658
de cinquante-cinq ans, Manassé installa le culte
idolàtrique dans le Temple même, sans que les prêtres
paraissent avoir fait une sérieuse opposition à un tel
attentat. II Par., xxxm, 2-10; IV Reg., xxi, 2-9. Les
prophètes seuls protestèrent, bien qu'inutilement.
IV Reg., xxi, 10-15. Une dernière restauration du culte
eut lieu sous Josias, avec le concours du grand-prêtre
Helcias. IV Reg., xxn, 3-xxm, 28; II Par., xxxiv. 8-
xxxv, 19. — A travers toutes ces vicissitudes de la re-
ligion, selon le caprice des rois infidèles, on ne voit
guère les prêtres prendre un parti décisif en faveur
du culte de Jéhovah. Les prophètes nous donnent le se-
cret de cette apathie. 11 n'y avait évidemment pas à
compter, pour maintenir le peuple dans la fidélité, sur
les prêtres d'Israël, qui n'av3ient qu'un sacerdoce fictif
et dont Osée décrit l'ignorance, la scélératesse et le
châtiment prochain. Ose., IV, 6-9: v, 1-9; VI, 6-10. En
Juda même, les prêtres se laissaient entraîner au mal.
Déjà Isaïe, xxvm, 7, 8, reproche leurs ignobles ivresses
aux prêtres qui ont à rendre la justice. Cf. Is., lvi,
10-12. Sophonie, m, 4, accuse les prêtres de profaner
les choses saintes et de violer la loi. Jérémie, prêtre
lui-même, donne des détails significatifs sur la con-
duite des autres prêtres. Ils ne s'inquiètent pas de
Jéhovah et n'ont de pensée et de culte que pour les
idoles et pour 1' o armée des cieux ». .1er., Il, 8, 26;
vm, I, 2; cf. Ezech., xliv, 12. Les faux prophètes sont
leurs oracles, Jer., v, 31, le mensonge est leur loi.
Jer., vi. 13; vin, 10. « Prophètes et prêtres sont des
profanes, et dans ma maison même, j'ai trouvé leur
méchanceté, dit Jéhovah. » Jer., xxm, 11. Comme les
rois, les chefs et le peuple, les prêtres ont tourné le
dos à Dieu. Jer., xxxn, 32. II n'est donc pas étonnant
que le châtiment terrible soit tombé sur Jérusalem et
tout le pays-, « à cause des péchés de ses prophètes,
des iniquités de ses prêtres qui répandaient dans son
enceinte le sang des justes. » Lam., IV, 13. Ézéchiel,
prêtre lui aussi, formule les mêmes accusations :
« Les prêtres ont violé ma loi et profané mon sanc-
tuaire; ils ne distinguent pas entre le saint et le pro-
fane, ils n'enseignent pas la différence entre celui qui
est souillé et celui qui est pur, ils détournent les
yeux de mes sabbats et je suis profané au milieu d'eux. »
Ezech., xxn, 26. Les chefs des prêtres eux-mêmes mul-
tipliaient les transgressions et profanaient la maison de
Jéhovah. II Par., xxxvi, 14. Aussi devinrent-ils vic-
times de la captivité, avec le peuple qu'ils n'avaient pas
su maintenir dans le devoir. Tous les prêtres ne furent
pas transportés, sans doute; les pauvres furent laissés
en Palestine. Mais au milieu d'une population amoin-
drie et ruinée, sans Temple et sans culte, ils ne pou-
vaient que végéter misérablement. Il ne resta plus
en fonction dans le pays que ces prêtres improvisés
en Samarie après la première déportation, et qui
alliaient sacrilègement le culte de Jéhovah à celui des
dieux étrangers. IV Reg., xvii, 27-41.
3° Après la captivité. — Avec Zorobabel revinrent
en Palestine quelques milliers de prêtres, 4289 d'après
I Esd.. il, 36-39, et II Esd., vu. 39-42. On dut écarter,
au moins provisoirement, ceux qui ne furent pas à
mi me de fournir la preuve de leur descendance aaro-
nique. II Esd., n, 61-63. Les prêtres reprirent l'exer-
cice de leurs fonctions, selon la loi de Moïse, I Esd.,
m, 2; vi, 18; II Esd., vm, 14; x, 29, 34, et partici-
pèrent à tout ce qui se fit pour la reconstruction du
Temple et des murs de la ville. Les prêtres revenus de
l'exil appartenaient à quatre familles, I Esd., H, 36-38;
II Esd., vu, 39-42. Ces quatre familles comprenaient
vingt-deux chefs au temps du grand - prêtre Josué,
II Esd., xn, 1-7, et du grand-prêtre Joakim, II Esd.,
xn, 12-21. A l'époque d'Esdras, des Israélites, et même
des prêtres et des lévites prirent pour épouses des
étrangères, contrairement à la Loi. I Esd., ix, 1, 2.
Dix-sept prêtres, dont les noms sont cités, s'étaient
rendus coupables de cette infraction; ils jurèrent de
renvoyer leurs femmes et d'expier leur faute. I Esd.,
x, 18-22. Plus tard, Néhémie chassa le fils même du
grand-prêtre, qui s'était allié à une étrangère. II Esd.,
XIII, 28. Il s'en faut que tout fût parfait parmi les
prêtres de ce temps. Malachie, i, 6-14, leur reproche
sévèrement d'offrir à l'autel des victimes indignes de
Dieu. Il leur annonce le châtiment qui les frappera,
Mal., n. 1-9; m, 2-3, et prédit à cette occasion l'obla-
tion pure qu'un jour Dieu substituera aux anciennes
victimes. Mal., i, 10, 11. On comprend que, dans ces
conditions, l'influence religieuse qu'auraient pu exercer
les prêtres ait passé peu à peu aux mains des scribes.
Voir Scribes. — Les devoirs envers le prêtre étaient
néanmoins rappelés au peuple. Osée, iv, 4, avait com-
paré les Israélites impies à « celui qui aurait un pro-
cès avec le prêtre », c'est-à-dire qui contesterait ses
droits légitimes au vrai prêtre de Jéhovah et mérite-
rait ainsi les plus graves châtiments. Deut., xvn, 12.
Le fils de Sirach recommande de rendre aux ministres
du Seigneur ce qui leur est dû :
Crains le Seigneur de toute ton âme,
Et tiens ses prêtres en grand honneur.
Aime de toutes tes forces celui qui t'a fait,
Et ne délaisse pas ses ministres.
Crains le Seigneur et honore le prêtre,
Donne-lui sa part, comme il est prescrit :
La victime pour le délit avec le don des épaules,
La sainte oblation et les prémices dues aux saints.
Eccli., vil, 31-34.
Il fait ensuite l'éloge du grand-prêtre Simon, qui
officiait si majestueusement et autour duquel les autres
prêtres remplissaient leurs fonctions saintes. EcCli., L,
1-21. — Sous la domination des rois de Syrie, le prêtre
Matathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Judas, Éléazar
et Jonathas, prirent l'initiative d'un soulèvement na-
tional pour délivrer le pays du joug étranger et réta-
blir le culte de Jéhovah dans sa splendeur. I Mach.,
n, 1-5. Ils réussirent dans leur double entreprise. Ils
donnèrent eux-mêmes l'exemple de l'obéissance à
toutes les prescriptions de la loi mosaïque. Ils gouver-
nèrent le peuple juif avec une indépendance complète
à partir de Simon, en l'an 142, jusqu'à la prise de
Jérusalem par Pompée, en l'an 63. Jonathas, en 161.
fut même investi du souverain pontificat, qui resta
dans la famille machabéenne jusqu'en l'an 37 et passa
successivement à huit grands-prêtres après Jonathas.
Voir Grand-prêtre, t. m, col. 306; Maciiabées, t. iv,
col. 480-487. Il est probable qu'un certain nombre de
prêtres se laissèrent entraîner aux pratiques idolà-
triques mises à la mode par les rois de Syrie; car il
est noté que, pour purifier le sanctuaire, Judas Macha-
bée « choisit des prêtres sans défauts, attachés à la
loi de Dieu ». I Mach., IV, 42. Les prêtres prenaient
part aux luttes soutenues par leurs chefs, et plusieurs
périrent dans les combats, parfois par leur propre
imprudence. I Mach., v, 67. Quand Nicanor menaça les
prêtres de détruira le Temple s'ils ne lui livraient
Judas Machabée, ceux-ci en appelèrent à Dieu pour les
secourir et ils furent exaucés; II Mach., xiv, 31-34. —
Vers l'an 160, Onias IV, fils du grand-prêtre Onias III,
éleva un temple à Léontopolis, en Egypte, et, sous sa
direction, des prêtres aaroniques y célébrèrent le culte
suivant les règles mosaïques, tout en se maintenant
en relations avec le sacerdoce de Jérusalem. Cette en-
treprise ne fut pas bien vue des Juifs de Palestine.
Voir Onias IV, t. iv, col. 1818-1819.
4» A partir de Jésus-Christ. — Quand Jean-Baptiste
commença sa prédication, on envoya de Jérusalem des
prêtres et des lévites pharisiens pour lui demander ce
qu'il était. Joa., i, 19, 24. C'étaient des représentants
du sanhédrin, exerçant ainsi le droit qu'il avait de sur-
659
PRETRE
660
veiller les manifestations religieuses qui se produi-
saient dans le pays. — Xotre-Seigneur lui-même
semble avoir eu peu de rapports avec les prêtres. Il
reconnaît cependant la légitimité de leur ministère
dans le Temple, Mat th., xn, 4, 5, et renvoie à leur
examen le lépreux qu'il a guéri. Matin., vin, 4; Marc,
I, 44; Luc, v, li. — Depuis que le pontificat suprême
était tombe sous la dépendance absolue du pouvoir
civil, qui se réservait la nomination du grand-prêtre,
c'est-à-dire depuis Hérode, le haut sacerdoce se recru-
tait dans la secte des sadducéens, qui ne croyaient pas
à la vie future et ne songeaient qu'aux honneurs, aux
richesses et à la jouissance. Parmi les descendants
d'Aaron, les riches seuls étaient admis à exercer leurs
fonctions dans le Temple, avec la faculté de les exploi-
ter conformément à leurs intérêts. Les autres prêtres
vivaient dans l'abandon, la pauvreté et l'ignorance.
Des grands-prêtres en vinrent à faire piller par leurs
serviteurs les greniers contenant des dîmes destinées
aux prêtres, si bien que ceux-ci mouraient de misère.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, VIII, 8; ix. 2. Ceux qui
jouissaient de la faveur des grands n'en avaient pas
plus d'inlluence morale pour cela. Ils ne se préoccu-
paient plus que de la forme matérielle du culte, surtout
dans ce qu'il avait d'honorifique et de lucratif. Il n'est
pas surprenant que, dans ces conditions, leur inlluence
morale fût à peu près nulle sur le peuple. Déjà même
les meilleurs prêtres aaroniques eussent été impuis-
sants à procurer le salut de leur nation et à travailler
à celui de l'humanité, parce que la religion qu ils re-
présentaient n'avait pas grâce pour assurer ce bien et
d'ailleurs touchait à sa fin. Notre-Seigneur le donne à
comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui
représente le prêtre de l'ancienne loi passant auprès
du malheureux blessé et ne faisant rien pour lui, par
impuissance plus encore que par mauvais vouloir,
Luc, x, 31. Beaucoup de ces pauvres prêtres s'en ren-
dirent compte; la grâce aidant, une multitude d'entre
eux obéirent à la foi chrétienne. Act., VI, 7. — Bien
que les prêtres influents au point de vue politique
appartinssent à la secte sadducéenne. Act., v, 17;
cf. Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 1, il s'en faut cepen-
dant qu'on ait le droit d'identifier le sacerdoce avec le
sadducéisme. Les principaux seuls se rattachaient à la
secte: beaucoup d'autres étaient pharisiens, et les pha-
risiens défendaient avec zèle les droits légitimes du
sacerdoce et lui reconnaissaient la première place dans
la théocratie. Cf. Chagiga, u, 7; Horayoth, m, 8;
Gitlin, v, S. Leur opposition ne visait que les prêtres
inféodés au sadducéisme et au pouvoir civil, étranger
à la nation. Au temps des Machabées, la hiérarchie
sociale se composait de quatre éléments : le grand-
prêtre, le sénat ou le conseil des anciens, les prêtres
i ! le peuple. I Mach., xn,-6; xiv. 20. A l'époque évan-
gélique, les prêtres n'étaient pas déchus de ce rang,
l'n certain nombre d'entre eux faisaient même partie
du sanhédrin, soit dans la classe des grands-prêtres,
soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes.
Voir S.\mii::drin. Dans les synagogues, les prêtres
avaient la préséance; ils étaient appelés les premiers
à faire la lecture. Cf. Gitlin, v, 8, — Le sacerdoce
judaïque, aboli en droit par la mort de Jésus-Christ,
le fut en fait par la ruine définitive du Temple. On
voulut croire d'abord que le désastre n'était que pro-
visoire, comme au temps des Chaldéens. Les doc-
teurs suspendirent donc le paiement des redevances
qui avaient pour objet l'entretien du Temple et l'exer-
cice public du culte; mais les autres furent maintenues
et on les acquitta, en général, là où se trouvaient des
i rêtres. Cf. Schekalim, vin, s. Mais il fallut ensuite
se rendre à l'évidence. Les prêtres axaient perdu leur
raison d'être, puisqu'il n'y avait plus de fonctions ri-
tuelles à remplir. Us fuient remplacés par les docteurs
ou rabbins, qui n'avaient pas besoin de temple pour
une religion privée de sacrifice et réduite au service
des synagogues.
IV. Sacerdoce chrétien. — 1° Sacerdoce de Jésus-
Christ. — 1. Jésus-Christ a été le prêtre par excellence
de la loi nouvelle. Il a été appelé à cette fonction par
Dieu même, qui déjà s'était réservé d'appeler, en la
personne d'Aaron, les prêtres de la loi ancienne, Heb.,
v, 4, 5. Cet appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : ■ Tu
es mon Fils, je l'ai engendré aujourd'hui. » Ps. Il, 7.
et encore : « Tu es prêtre pour toujours selon l'ordre
de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. — Xotre-Seigneur
n'est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda.
Son sacerdoce ne se rattache donc pas à celui d'Aaron.
Il est prêtre selon l'ordre de Melchisédech. c'est-à-dire
à la manière de ce « roi de justice » et « roi de paix >\
dont l'Écriture n'indique pas la généalogie, mais auqui 1
Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-
même hommage et donne la dime. Le sacerdoce de
Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d'Aaron; il a
sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs
qu'Abraham a rendus à Melchisédech. Heb.. vu, 1-7. —
Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu
ne lui ayant jamais promis l'exercice perpétuel de ses
fonctions; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns
aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce
de Jésus-Christ a été établi avec serment : < Le Sei-
gneur l'a juré, il ne s'en repentira pas : Tu es prêtre
pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et
ne se transmet point, parce que celui qui le possède
est toujours vivant. Heb., vu, 20-25. — Les prêtres lévi-
tiques étaient sujets au péché; se souvenant de leur
faiblesse, ils étaient capables de se montrer indulgents
envers les autres, mais devaient nécessairement com-
mencer par offrir des sacrifices pour eux-mêmes. Jésus-
Christ est un grand-prêtre « saint, innocent, suis
tache, séparé des pécheurs, élevé au-dessus des cieux ».
Il n'a donc pas besoin d'offrir de victimes pour lui-
même; mais il s'est olfert pour les péchés du peuple
et a été exaucé pour sa piété. Heb., v, 1-9; vu, 26-28.
— Les prêtres anciens exerçaient leur ministère dans
des sanctuaires faits de main d'homme, le Tabernacle
et le Temple; il y avait là un Saint des saints caché
par un voile, et de multiples prescriptions charnelles
auxquelles les prêtres étaient assujettis. Le ministère
sacerdotal de Jésus-Christ, après avoir commencé sur
terre, s'exerce maintenant g à la droite du trône de la
majesté, dans les cieux », où est assis Jésus-Christ,
« comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle,
qui a été dressé par le Seigneur, et non par un homme, »
et il y est « toujours vivant pour intercéder o en faveur
des hommes. Heb., vu, 25; vin, 1. 2; ix, 1-11. — Les
sacrifices des anciens prêtres se multipliaient indéfini-
ment, parce qu'ils étaient inefficaces et ne pouvaient
procurer que la pureté de la chair. Le sacrifice de
Jésus-Christ est unique, parce qu'il purifie les âmes
elles-mêmes, aboli) le péché une fois pour toutes, a une
vertu toute puissante et assure le salut éternel à ceux
qui veulent en profiter. Heb.. v. Il; vu, 25; IX, 12-14.
Jésus-Christ a donc été revêtu d'un véritable sacer-
doce, supérieur au sacerdoce lévitique par son origine,
son unité, sa sainteté et son efficacité. — 2. « Tout
grand-prêtre, pris d'entre les hommes, est établi poul-
ies hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin
d'offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés. ■
Heb., v, I. Jésus-Chri>t n'a offerl qu'un seul sacrifice
« par lequel il a procuré- la perfection pour toujours à
ceux qui sont sanctifiés. » Heb.. x, 14. Ce sacrifice est
celui de la croix, que le sacrifice eucharistique repré-
sente et continue. Voir Sacrifice. Cf. l'e Condren,
Idée iln sacerdoce et du sacrifice de ./.-'.'., Paris, 1858,
p. lii-i"). — '■'>. Les Pères appliquent à Jésus-Christ les
paroles du Psaume xlv (xuv), 8 : « Le Seigneur t'a
661
PRETRE
PRIAPE
662
oint d'une huile d'allégresse. » Plusieurs ont pensé
que cette onction s'était faite au jour du baptême; il
est plus exact de dire, avec d'autres, que cette onction
remonte au moment même de l'incarnation et que
Jésus-Christ a été fait prêtre en même temps que fait
homme. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XI, ix, 3-14;
XII, xi. 1-11.
2" Les prêtres de l'Église. — 1. Le sacerdoce de
Jésus-Christ étant un sacerdoce éternel, qui ne se trans-
met pas parce que celui qui le possède est toujours
vivant, il suit de là que les prêtres de la loi nouvelle
ne peuvent être que les organes du prêtre éternel, mais
invisible. Cf. S. Optât, De schismate Donatist., v, 3,
4. t. xi, col. 1051 ; S. Augustin, In Joa., v, 17, 18, 20,
t. xxxv, col. 1423, etc. Jésus-Christ les prend où il
veut, en les appelant lui-même par une vocation inté-
rieure, contrôlée extérieurement par le jugement de
l'Eglise. I Tim., v, 22. Comme sa religion et son
Eglise sont établies pour tous les peuples et pour
tous les temps, il ne s'astreint pas à prendre ses
prêtres dans une race spéciale; il les choisit partout.
Le prophète l'avait prédit : « Le temps est venu de ras-
sembler toutes les nations et toutes les langues...
J'enverrai... vers les îles lointaines qui n'ont jamais
entendu parler de moi et qui n'ont pas vu ma gloire,
et ils publieront ma gloire parmi les nations... Et j'en
prendrai même parmi eux pour prêtres et pour lévites,
dit Jéhovab. » Is., lxvi, 18-21. Ainsi devait être pro-
curé l'accomplissement de la prophétie de Malachie, I,
11, annonçant l'offrande de l'encens, des sacrifices et
de l'oblation pure, en tous lieux parmi les nations. —
2. Jésus-Christ lui-même a institué le sacerdoce de la
loi nouvelle. Il a confié à ses Apôtres le pouvoir de
gouverner l'Église, Matth., xvi, 19; xvm, 18, de célé-
brer le sacrifice eucharistique, Luc, xxn, 19 ; I Cor.,
xi, 25, de remettre les péchés, Joa., xx, 23, d'enseigner
et de baptiser, Matth., xxxvm, 19,20; Marc, xvt, 15;
Luc, xxiv, 47, etc. Les Apôtres ont exercé ces pouvoirs
et les ont transmis à d'autres par l'imposition des mains.
I Tim., iv, 14; il Tim., i, 6. Voir Ordination, t. iv,
col. 1853. De très bonne heure, il y eut comme un dé-
doublement du sacerdoce. Les Apôtres eux-mêmes,
qui en étaient revêtus dans sa plénitude, instituèrent
les diacres, Act., vi, 1-6, chargés de certains minis-
tères qu'eux-mêmes remplissaient tout d'abord. Voir
Diacre, t. h, col. 1401. Les ministres institués par les
Apôtres pour leur succéder et administrer les églises
étaient appelés indifféremment èjikjxôtcoi, « surveil-
lants », Phil., i, 1, et itpsoSvTépoi, « anciens ». L'an-
cien nom hébraïque, kohèn, était donc abandonné
et remplacé par des noms grecs plus intelligibles poul-
ies convertis du monde gréco-romain. On laissait égale-
ment de côté le nom grec iïpE'J;, que portaient les
prêtres païens et que gardaient aussi les prêtres juifs.
Saint Paul disait encore de son temps aux « prêtres »
d'Ephèse, toÙç TipEnêuTlpou; (majores natu dans la Vul-
gate), que Dieu les avait constitués « évèques », iinay.6-
tiou;, pour régir l'Église de Dieu. Act., xx, 17, 28. Ces
ministres gouvernaient collectivement les églises qui
leur avaient été confiées par les fondateurs. Act., xiv,
22; xx, 17; Tït., i, 5; I Pet., v, 1-5; Jacob., v, 14;
Docl r. Apost., xv, 1. Mais cet ordre supérieur ne
tarda pas à être dédoublé à son tour. Dès le commen-
cement du second siècle, d'importantes églises sont gou-
vernées par un chef unique, qui est appelé évêque. Voir
Évêque, t. il, col. 2121-2126. On peut affirmer que cet
épiscopat unitaire a fonctionné dès l'organisation des
églises de Jérusalem, de Rome, probablement d'An-
tioche, etc. Cf. Duchesne, Hist. ancienne de l'Eglise,
Paris, t. i, 1906, p. 84-95; Pourrat, La théologie sacra-
mentaire, Paris, 1907, p. 283-286. Le sacerdoce chrétien
se trouva ainsi, presque à l'origine, partagé entre trois
ordres, l'épiscopat. qui en avait la plénitude, le pres-
bytérat, qui en exerçait presque tous les pouvoirs, mais
sous l'autorité de l'évèque, et le diaconat, qui ne jouissait
que de pouvoirs inférieurs et restreints. Cf. Cône. Trid.,
Sess. xxm, can. 6, 7; D. A. Gréa, De l'Église et de sa
divine constitution, Paris, 1885, p. 271-306. —
3. Saint Paul recommande à son disciple ïimothée de
n'imposer trop vite les mains à personne. I Tim., v, 22.
Il faut en effet que le sujet qui désire exercer le minis-
tère sacré et ses fonctions excellentes soit examiné et
éprouvé au préalable, parce que le ministre du Sei-
gneur doit se « montrer, dans le service de Dieu,
comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'ait point
à rougir, dispensant avec droiture la parole de vérité. »
II Tim., il, 15. L'Apôtre indique donc les qualités
exigées du candidat à l'épiscopat ou au sacerdoce. Il
faut qu'il soit irréprochable, qu'il n'ait été marié qu'une
fois; le célibat n'était pas encore requis pour le sa-
cerdoce, que cette exigence eût alors rendu impossible
à recruter, mais les secondes noces constituaient un
obstacle au ministère sacré. Il doit encore être
vïifâXto;, sobrius, sobre ou modéré dans ses désirs,
prudent, v.6a\uot,ornalus, bien ordonné (pudique ajoute
la Vulgate), hospitalier, capable d'enseigner. 11 ne doit
pas être adonné au vin, ni violent, mais doux, paci-
fique (non querelleur, ajoute la Vulgate), désinté-
ressé, gouvernant bien sa maison, maintenant ses en-
fants dans la soumission en toute gravité, <t£[j.v6t»];,
caslihis. Car celui qui ne sait pas gouverner sa maison
serait incapable de prendre soin de l'Église de Dieu.
Il ne faut pas non plus qu'il soit un nouveau converti,
de peur que la dignité si vite obtenue ne le porte à un
damnable orgueil. Il est enfin nécessaire qu'il jouisse
de la considération de ceux du dehors, afin de ne pas
tomber dans l'opprobre et de là dans les pièges du
diable. I Tim., m, 1-7. Saint Paul reproduit un pro-
gramme analogue à l'usage de Tite. Il appelle l'évèque
ou le prêtre ©eoû oîxovA|ioç, « administrateur de la
maison de Dieu », Dei dispensator. Il veut surtout
qu'il soit « fermement attaché à la doctrine, afin d'être
en état d'exhorter selon la saine doctrine et de réfuter
ceux qui la contredisent ». Th., i, 0-9. — L'Apôtre
supplie Timothée de faire l'œuvre d'un prédicateur de
l'Évangile et d'être tout entier à son ministère, gtaxo-
via. II Tim.. iv, 5. La même recommandation est
adressée à Archippe, de Colosses. Col., IV, 17. — Le
prêtre de la loi nouvelle, comme celui de l'ancienne, a
le droit de vivre de son ministère. I Cor., ix, 4-12;
I Tim., v, 17, 18. — Il se peut qu'il ne soit pas;toujours
à son devoir. On ne doit accueillir d'accusation contre
lui que sur la déposition de deux ou trois témoins.
S'il est coupable, on le reprendra publiquement, afin
d'inspirer de la crainte aux autres, mais on ne devra
agir ni par prévention, ni par faveur. I Tim., v, 19-21.
— Saint Jean, III Joa., 9, signale un certain Diotré-
phès qui exerçait dans une église une orgueilleuse et
intolérante autorité. Il écrit aussi aux « anges » des
sept églises, c'est-à-dire à leurs chefs spirituels, pour
leur rappeler leurs devoirs, les féliciter ou les blâmer,
selon qu'ils le méritent. Apoc, II, i-m, 22.
Sur le sacerdoce attribué par certains textes aux
simples fidèles, voir Ordre, t. iv, col. 1855.
H. Lesltre.
PRIAPE, dieu de la fécondité des champs dans la
mythologie grecque et latine. On le faisait naître de Bac-
chus et de Vénus et l'on plaçait ses statues de forme
indécente dans les jardins. On lui sacrifiait des boucs
et des ânes. Ses fêtes s'appelaient priapées. On l'hono-
rait particulièrement à Lampsaque. Il n'est pas nommé
dans le texte original des Écritures, mais saint Jérôme
a traduit par son nom le mot hébreu >ni/lését,
III Reg., xv, 43; II Par., xv, 16, voir Idole, m, 35",
t. m, col. 825, parce que tnifléséf désigne, d'après le
contexte, un objet idolâtrique obscène en l'honneur
663
PRIAPE — PRIÈRE
664
d'Astarthé que la reine Maacha honorait et faisait ho-
norer par un culte impur. Saint Jérôme l'a rendu par
l'riape pour donner à ses lecteurs latins l'idée de ce
qu'était cette sorte d'idole. Elle était en bois et le roi
Asa, fils ou plutôt petit-fils de Maacha, la fit brûler
dans le torrent de Cédron. Voir Maacha. t. IV, col. 465.
PRICE John, en latin Pricœus, savant anglais, né
vers 1600, mort à Rome en 1676. Il était né de parents
protestants et fut élevé à Oxford. Après avoir achevé
ses études, il se convertit au catholicisme et fut obligé
de quitter l'Angleterre pendant les guerres civiles.
Après avoir vécu quelque temps à Paris, il alla s'éta-
blir à Florence et devint ensuite professeur de grec à
Pise. Il se retira finalement à Rome au couvent des
Augustins où il mourut. 11 avait une connaissance
étendue des littératures classiques et il en lit un usage
utile pour l'explication des Saintes Ecritures par des
notes courtes mais judicieuses. On a de lui : i\[attlixus
ex Sacra Pagina, sanclis Palribus, etc.. illustratus,
in-8», Paris, 16i6; Adnolaliones in Epistolam Jacobi,
in-8», 1646; Acta Apostolorum ex Sacra Pagina, San-
ctis Patribus, etc., illustrala, in-8», Paris, 16i7; Com-
mentarii in varios Novi Testament! libros; liis acces-
serunt Adnotationes in Psalnwrum Uin-inn, in-f".
Londres, 1600, et dans les Crilici sacri, t. v, 824,
p. 362. Voir Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 362;
S. Lee, Dictionary of national Biograpliy, t. xlvi,
1896, p. 330.
1. PRIÈRE (hébreu : teftllâh, tehinini.lt; cbaldéen :
bâ'v ; Septante : fjyj,, c,ir,<jiz, TipoTcir/jr, ; Vulgate :
oratio, supplicalio, preces), acte par lequel l'homme
s'adresse à Dieu pour lui rendre hommage ou solliciter
sa bienveillance. — Pour les Hébreux, prier c'est sur-
tout » invoquer le nom de Jéhovah », qâra beSêm
yehovdh, êirixa>6Ï<r8ai t'o ovo|ia xupfou to0 ÔeoO. invocare
nom en Domini. Comme habituellement le nom de
Dieu se prend pour Dieu lui-même, 1 expression hé-
brai [ue revient à signifier « invoquer Dieu », l'appeler
à son aide ou le nommer pour le louer. Gen., îv, 26;
xn, 8; Deut., xxxn, 3; Ps. i.xxix (i.xxvm), 6; xcix
(xcviu), 6; cv (Civ), 1; Is., i.xiv, 7; Jer.. x. 25; Lam.,
m, 55; Soph.. III, 9; etc.
I. Nature de la prière. — 1° Son caractère instinctif.
Rien ne parait plus naturel à l'homme que de tourner
les yeux vers une puissance supérieure pour l'appeler
à son aide. De quelque nom qu'il désigne cette puis-
sance, il l'invoque, parce que d'elle il attend des biens
ou redoute des maux. C'est là un fait qui a été constaté
chez tous les peuples de tous les temps. Cf. A. Bros,
La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907,
p. 276-304. Au commencement de la Bible, la prière n'est
pas mentionnée dans l'histoire des premiers parents.
Ce silence semble indiquer qu'elle a gravement manqué,
soit immédiatement avant la chute, pour appeler le se-
cours de Dieu contre le tentateur, soit immédiatement
après, pour exprimer le repentir. .Mais les rapports dans
lesquels Adam et Eve ont tout d'abord été avec Dieu ne
se conçoivent pas sans la prière, c'est-à-dire sans l'ex-
pression de pensées, de sentiments et de désirs ma-
nifestés à Dieu dans le langage de l'homme. Cette
expression est même sj impérieusement commandée à
l'homme par la conscience qu'il a de sa dépendance
vis-à-vis d'un auteur et d'un maître, qu'elle jaillit ins-
tinctivemi nt de son âme. Des lors, la prière ne résulte
pas d'une institution positive; elle est d'ordre naturel,
et la Bible n'avait pas à en enregistrer le précepte.
A la seconde génération après Adam, Knos commence à
invoquer le nom de Jéhovah. Gen., iv, 26. Quel que
soit le sens véritable de ces paroles, elles n'en
marqiienl pas moins une accentuation et un progrès
dans l'idée et dans la pratique de la prière. Celle-ci
est en pleine vigueur sous Noé, puisque ce patriarche
oflre un sacrifice avec un rite déjà ancien, et que le
sacrifice n'est qu'une prière en action. Gen., vin, 20.
Par la suite, si haut qu'on remonte vers les origines
des anciens peuples, on rencontre toujours des dieux,
un culte, des sacrifices, institutions inséparables de la
prière. Cf. Sap., XIII, 2, 10, 17-19. La prière se trompe
souvent dans la désignation de l'être auquel elle
s'adresse, mais elle répond à un besoin instinctif que
■ ressent chaque conscience et qui se constate chez tous
les hommes.
2" Sa dépendance de l'idée de Dieu. — L'idée que
chaque peuple se fait de Dieu détermine nécessaire-
ment la manière dont il le prie. A mesure que cette
idée se déforme chez les peuples de l'antiquité, la
prière passe de plus en plus au pur formalisme. De
même que les dieux sont soumis à une sorte de néces-
sité inéluctable qui limite leur bon plaisir, ainsi la
prière doit s'accommoder servilement à des règles exté-
rieures dont la négligence ruine toute possibilité de
crédit auprès de divinités plus ou moins soumises à la
volonté aveugle du destin. Il en est ainsi chez les
Egyptiens. De multiples et impérieuses formalités
s'imposaient, comme condition indispensable, à celui
qui voulait obtenir la faveur du dieu. De plus, g les
formules qui accompagnaient chacun des actes du sa-
crificateur comprenaient un nombre déterminé de
mots, dont les séquences et les harmonies ne pouvaient
être modifiées en quoi que ce soit, ni par le dieu lui-
même, sous peine de perdre leur efficacité... Une note
fausse, un désaccord entre la succession des gestes et
l'émission des paroles sacramentelles, une hésitation,
une gaucherie dans l'accomplissement d'un seul rite
et le sacrifice était nul. o Maspero, Histoire ancienne,
t. i, p. 124. En Babylonie se faisait sentir le même
asservissement aux riti-s. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
t. i, p. 704, 705; Fr. Martin, Textes religieuse assyriens
et babyloniens, Paris, 1903, p. xx-xxvii. Le formalisme
n'est pas moins outré dans la religion de la Grèce et
surtout de Rome. « 11 ne suffit pas de connaître les
attributs du dieu qu'on veut prier, il est bon de lui
donner son nom véritable, sans quoi il serait capable
de ne pas entendre... Même quand on invoque le plus
grand d'entre eux, on lui dit : Puissant Jupiter ou
quel que soit le nom que tu préfères. Le nom du dieu
trouvé, il faut savoir les termes exacts de la prière
qu'il convient de réciter... Ces prières sont souvent
très prolixes. Le Romain qui prie a toujours peur de
mal exprimer sa pensée; il a sein de répéter plusieurs
fois les choses pour être parfaitement compris... Quant
aux dispositions de l'âme qu'il faut apporter à la
prière, la religion romaine ne s'en occupe pas; elle
s'arrête aux pratiques. Pour elle, les gens les plus reli-
gieux sont ceux qui connaissent le mieux les rites. »
G. Boissier, La religion romaine, 1884, t. i, p. 12-15;
Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P.,
Bruxelles, 1858, I. i, p. 306-311; t. m, p. 112, 113;
Fustel de Coulanges, I.a cité antique, Paris, 7e édit.,
p. 194-197. — Il y a un abime entre cette conception
mécanique de la prière et l'idée que nous en donne la
Bible. Le premier exemple de prière un peu étendue
qu'elle nous fournit est le dialogue qu'Abraham engage
avec Dieu au sujet de Sodome. Gen., xvm, 16-32. Le
Dieu d'Abraham n'est pas une entité rigide, inaccessible
à tout sentiment désintéresse de bonté et de compas-
sion et liée d'ailleurs par un inéluctable destin. C'est
un père du genre humain, qui traite Abraham en ami,
ne lui révèle les desseins de sa justice que pour pro-
voquer son intercession, et exauce ses prières succes-
sives avec une telle condescendance que celui qui sup*
plie s'arrête plus tôt que celui qui exauce. Les autres
prières bibliques procèdent toutes de ce même esprit.
L'Israélite sait qu'il parle à un Dieu attentif, bon, mi-
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PRIERE
660
séricordieux. généreux, patient, indifférent aux for-
mules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments
du cteur. Sans doute, un jour, les pharisiens étendront
leur formalisme aux règles de la prière elle-même :
mais Xotre-Seigneur viendra bientôt pour détruire
leur œuvre néfaste et rendre à la prière de l'homme
son caractère d'appel simple, naturel, cordial et con-
fiant de la créature au Créateur bon et puissant, de
l'enfant à son Père des eieux. Aussi n'est-il pas éton-
nant que les prières bibliques, les Psaumes en parti-
culier, s'inspirant de sentiments si vrais et en même
temps si élevés, aient pu traverser les âges et soient
devenues, même après le passage du Sauveur, les
prières de l'humanité.
3° Ses fitis. — Chez les anciens peuples polythéistes,
la prière, à peu d'exceptions près, était devenue une
formalité destinée à procurer les biens ou à écarter les
maux d'ordre temporel. Cicéron. Nal. deor., m, 30, pou-
vait dire : « Jamais personne n'a considéré la vertu
comme un présent de la divinité. On appelle Jupiter le
dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu'il nous
rend justes, sobres et sages, mais parce qu'il nous
donne la santé, le bonheur, la fortune et l'abondance. »
Sans doute, les Israélites, comme tous les autres
hommes, ont été plus sensibles aux biens temporels
qu'aux avantages spirituels, et les premiers ont été
fréquemment appelés par leurs prières. Mais, chez eux,
la prière intéressée n'a pas été exclusive des autres. La
Sainte Ecriture renferme un grand nombre de prières
qui ont des fins plus relevées : 1. La prière latreutique
ou d'adoration. Ce genre de prière se reconnaît dans
les Psaumes vm. xxiv ixxiii),xcxni (xcxin. xcv (xerv),
XCVlt (zevi), xcix (xcvm), cxiii (cxni. etc.: dans le
cantique des trois jeunes gens, Dan., III, 52-90; dans
les acclamations d'Isaïe, VI, 3, et de saint Jean, Apoc,
vu, 12; xi. 17-18; xv. 3-4; xvi, 5-7. etc. — 2. La
prière eucharistique ou d'actions de grâces. Elle est
fréquente dans la Bible. A ce genre appartiennent le
cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; le cantique
d'Anne, I Reg.. Il, 1-10; celui de David, II Reg., XXII,
2-51 : les Psaumes xxxiv (xxxnn. xi. (xxxix), lxx(lxix),
cxxiv jcxxiin, etc.: les cantiques de Tobie, xm, 1-23,
et de Judith, xvi, 2-21; ceux de Marie, Luc, i, 46-55,
et de Zacharie, Luc, i. 6S-79, etc. — 3. La prière
impétratoire ou de demande. La prière pour demander
les biens d'ordre temporel se rencontre continuelle-
ment, surtout dans l'Ancien Testament. L'Évangile lui-
même enregistre les nombreuses requêtes de malheu-
reux qui réclament leur guérison ou celle de leurs
proches. Ces demandes sont conformes à l'ordre de la
Providence, et la meilleure preuve en est qu'elles sont
très souvent exaucées. Mais les biens spirituels sont
aussi l'objet de la prière. Ainsi Salomon demande la
sagesse et l'intelligence, II Par., i, 10; des Psalmistes
prient pour « connaître le sentier de la vie », Ps. xvi
(xv), 11, pour revoir bientôt le sanctuaire du Dieu
qu'ils aiment, Ps. xlii (xli), 2, 3, pour obtenir « un
cœur pur » et « un esprit ferme », Ps. i.n (i.n, 12. pour
que Dieu donne au roi l'esprit de justice et d'équité,
Ps. lxxii ilxxd, 1, 2, pour qu'il accorde la connais-
sance et l'amour de sa loi, Ps. exix (cxvm), etc.; on
lieu d'envoyer du ciel sa sagesse, afin que l'on
connaisse ce qui lui est agréable. Sap., ix, 4. 10. Quand
ils conjurent si souvent le Seigneur d'envoyer le Messie,
les prophètes demandent le bien spirituel par excel-
lence, celui qui doit être pour l'humanité la source de
tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en
requêtes spirituelles, celles du don de Dieu. Joa., iv.
10 !". du pain de vie. Joa., VI, 34, de l'accroissement
de la foi, Marc, tx,23; Luc, xvn, 5, de la vue du Père,
Joa., xiv, 8, et toutes colles qui sont formulées dans
les Actes des Apôtres ou dans leurs Épitres. Ces re-
quêtes répondent à l'invitation si formelle du divin
Maitre qui a recommandé de « chercher d'abord le
royaume de Dieu et sa justice ». Matth.. vi, 33. —
4. La prière propitiatoire ou de repentir. Elle est re-
présentée par les Psaumes de pénitence, vi, xxxu
(xxxi), xxxvm (xxxvn). u (t.), en (ci), cxxx (cxxix),
cxliii (cxlii), les prières de saint Pierre, Luc, v, 8, et
du publicain, Luc, xvm, 13, etc.
1" La prière type. — 1. Le Sauveur a daigné lui
même l'enseigner à ses Apôtres. C'est le Pater, qui
donne une si haute et si complète idée de ce que doit
être la prière. Matth., vi, 9-13; Luc, x, 2-4. Cette prière
iif renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement
caractéristique de la religion chrétienne et qui ne puisse
convenir qu'aux enfants de l'Église du Christ. Notre-
Seigneur a voulu qu'elle fût par excellence la prière de
l'humanité. Dieu y est présenté comme Père, par consé-
quent comme celui auquel les hommes peuvent s'adres-
ser en toute confiance, Père qu'on ne doit pas s'étonner
de ne pas voir, puisqu'il est dans les deux, mais dont
la puissance et la bonté s'exercent de là-haut sur les
enfants qu'il a sur la terre. Les trois premières
demandes : « Que votre nom soit sanctifié, que votre
règne arrive, que votre volonté soit faite sur la
terre comme au ciel », se rapportent à la gloire de
Dieu, que l'homme souhaite et qu'il doit travailler à
procurer par son obéissance. Ainsi l'homme satisfait
au double devoir de l'adoration et de l'action de grâces.
Sa prière passe ensuite à la demande, quand elle
détermine les biens qui sont attendus de la munifi-
cence divine, pour le corps, le pain de chaque jour,
pour l'âme, la préservation de la tentation, pour les
deux ensemble, la délivrance du mal. Enfin le repen-
tir a son expression dans les paroles : « Pardonnez-
nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux
qui nous ont offensés, » paroles qui font de 4la charité
fraternelle la preuve du repentir sincère. Ces choses
sont exprimées en peu de mots, pour indiquer que
Dieu tient plus aux sentiments du cœur qu'à la lon-
gueur des formules. C'est la prière par excellence, tant
par son origine que par sa simplicité et la perfection de
ses demandes. — 2. Avec la leçon, Xotre-Seigneur a
tenu à donner l'exemple de la prière. Nul doute que la
prière n'ait consacré le temps de sa vie cachée. Pen-
dant sa vie publique, aussitôt après son baptême, il est
en prière quand le Père le fait connaître comme son
Fils. Luc, m. 21. Au cours de ses tournées évangé-
liques, il se lève de grand matin et va prier dans la
solitude. Marc, i. 35. Après la guérison du lépreux,
pour échapper à l'empressement indiscret des foules,
il se retire dans le désert et y prie. Luc. v, 16. Avant
de choisir ses Apôtres, il passe la nuit en prière sur la
montagne. Luc, vi. 12. Après la multiplication des
pains, il se retire seul sur la montagne pour prier.
Matth., xiv, 23; Marc, VI, 46. Il était encore seul à
prier, avant de demander à ses Apôtres ce qu'on pensait
de lui. Luc, ix, 18. Sur la montagne de la transfigura-
tion, il prie, et c'est pendant sa prière que son visage
se met à resplendir. Luc, ix, 28, 29. A la suite d'une
de ses prières, les Apôtres lui demandent de leur ap-
prendre à prier. Luc, xi, 1. Ces quelques indications
des Évangélistes montrent que la prière tenait la plus
grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de
toutes les occasions pour s'isoler et prier, sans parler
des prières qu'il faisait publiquement avec ses Apôtres,
sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple.
La prière sanctifie surtout la dernière journée de
Xotre-Seigneur, au cénacle. Matth.. xxvi, 30; Marc, xiv,
26; Joa., xvil, 1-26, à Gethsémani, Matth,, xxvi, 36;
Marc, xiv, 32; Luc, xxn, 41, et sur la croix. Luc, xxm,
3i; Matth.. x.xvu. 4b; Marc, xv, 34; Luc, XXII I, 46.
L'Epitre aux Hébreux, v, 7,'dit que, « dans les jours de
sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes
des prières et des supplications à celui qui pouvait le
667
PRIERE
668
sauver de la mort, et fut exaucé pour sa piété. » Cet
exemple montre déjà quelle importance a la prière
dans la religion et, en général, dans les relations de
l'homme avec Dieu.
II. Sa nécessité. — Il y a, surtout dans l'ordre natu-
rel, une fuulede biens que Dieu accorde même a ceux
qui ne le prient pas. « Il fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les
justes et sur les injustes, i Mat th., v, 45. Mais beaucoup
de biens, principalement dans l'ordre spirituel, ne
peuvent être accordés qu'à ceux qui les demandent par
la prière. « Sachant que je ne pouvais obtenir la sagesse
si Dieu ne me la donnait, et c'était déjà de la prudence
que savoir de qui vient ce don, je m'adressai au Sei-
gneur et je l'invoquai, o Sap., vin, 21. Pour faire com-
prendre cette nécessité de la prière, Notre-Seigneur se
sert de deux exemples. Un ami déjà couché' ne se lève
que quand son voisin vient avec insistance le solliciter
pour lui emprunter du pain. Autrement, il ne se lèverait
pas et n'irait pas au-devant de ses désirs. En consé-
quence, « demandez et l'on vous donnera, cherchez et
vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. Qui de-
mande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on
ouvre... Si vous, qui êtes méchants, vous savez donner
ce qui est bon à vos enfants, combien plus votre Père
du haut du ciel donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le
lui demandent! » Luc. xi, 5-13. Pour montrer « qu'il
faut toujours prier sans se lasser », le Sauveur met
encore en scène une pauvre veuve qui n'obtient gain
de cause auprès d'un juge inique qu'à force d'instances.
Puis, comparant Dieu à ce juge inique, il conclut qu'à
plus forte raison ceux qui s'adressent à lui seront
exaucés. Luc, xvm, 1-8. Le Sauveur prescrit à ses
Apôtres de veiller et de prier, afin de ne pas entrer en
tentation. Mat th., xxvi, 41. Saint Jacques, iv, 2, dit aux
chrétiens que, s'ils n'obtiennent pas, c'est qu'ils ne
demandent pas. — De là les exhortations pressantes à
la prière fréquente, Luc. xvm, 1 ; « Priez sans cesse. »
I Thés., v, 17; Soyez «• assidus à la prière, » Rom., xn;
12; persévérez dans la prière, » Col., IV, 2; « soyez
prudents et sobres, pour vaquer à la prière. » I Pet., IV,
7. Dans les circonstances graves, les Apôtres et les
chrétiens avaient recours à la prière continue. Act., i,
14; xit, 5. La vraie veuve « persévère nuit et jour dans
les supplications et les prières. » I Tim., x , 5. Ces
exhortations et ces exemples s'inspirent de la recom-
mandation du Seigneur : « Veillez et priez sans cesse,
afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous
ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout
devant.le Fils de l'homme. » Luc, xxi. 3(i.
III. Son EFFICACITÉ. — Du commencement à la fin,
la Suinte Écriture témoigne de l'accueil bienveillant
que Dieu fait à la prière. Gen., xxx, 17; Num., xxm ,
1; Deut., ix, 19; I Reg., vu, 9; III Reg., xvn. 22;
II Esd., ix, 28; Ps. iv, 2; xvm xvn). 7; xxxiv ixxxm).
5; Is., xi.ix, 8; Dan., xnt, 44; II Mach., i, 8; Luc, i,
13, etc. Notre-Seigneur exauce presque tous ceux qui
l'implorent. Il donne les assurances les plus for Iles
sur l'efficacité de la prière. Mattb., vu. 7-12; Luc, xi,
1-13. 8 le vous le dis de nouveau, si deux d'entre vous
s'entendent sur la terre, quoi qu'ils demandent, ce leur
sera accordé par mon Père qui est dans les cieux. »
Mat th., xvm, 19. « Tout ce que vous demanderez avec
fui dans la prière, vous l'obtiendrez. 0 Mattli., xxi, 22 ;
Marc, xt, 2i. « Tout ce que vous demanderez à mon
l'ère en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit
glorifié dans le Fils. »Joa., xiv, 13-14. « Si vous de-
meurez en moi, et si mes paroles demeurent en vous,
vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous
arrivera. » .loa., xv, 7, Iti. g Ce que vous demanderez à
mon l'ère en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'à
présenl vous n'avez rien dem lé en n nom :
dem les el vous recevrez. » .loa.. xvi, 23, 26. En
mettant au cour de l'homme l'instinct naturel de la
prière, Dieu s'était engagé à lui donner satifaction, et.
par conséquent, à accueillir et à exaucer les prières
qui lui seraient adressées. Notre-Seigneur corrobore
puissamment la confiance de l'homme, en multipliant
lui-même les promesses. « Nous avons auprès de Dieu
cette pleine confiance que, si nous demandons quelque
chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous
savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous lui
demandions, nous savons que nous obtenons ce que
nous avons demandé. >i I Joa., v, 14-15. La mort volon-
taire de Jésus-Christ nous est un infaillible garant des
promesses de Dieu. « Lui qui n'a pas épargné son
propre Fils, mais qui l'a livré à la mort pour nous tous,
comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes
choses? » Rom., vin, 32. — Pour figurer l'efficacité de
la prière, les auteurs sacrés se servent de métaphores
expressives. La prière monte jusqu'au ciel, à la sainte
demeure de Jéhovab, II Par., xxx, 27, devant la gloire
du Dieu souverain, Tob., m, 25, en sa présence.
Ps. lxxxviii (lxxxvii). 3. Elle s'élève comme l'encens.
Ps. cxli (cxl), 2. Elle pénètre les nues. Eccli., xxxv,
21. Quand il ne veut pas exaucer. Dieu se couvre d'une
nuée, « afin que la prière ne passe point. » Lam., m.
44. — Ce n'est pas à dire pourtant que la prière soit
toujours efficace, au moins dans les termes où elle a
été formulée. Dieu voit plus loin que celui qui le prie
et sa sagesse règle l'action de sa bonté. Aussi saint
Jean dit-il que Dieu nous écoute, si ce que nous lui
demandons est « selon sa volonté ». I Joa., v. 11
Autrement, au bien demandé, il substitue un bien
préférable. Il y a donc, dans la Sainte Écriture, des
prières bonnes en elles-mêmes qui, pour ce motif, ne
sont pas exaucées. Telles sont celle du possédé guéri
qui demande à suivre Jésus, Marc, v, 18, 19; Luc, VIII,
38, 39, celle des fils de Zébédée et de leur mère,
Mattb., xx, 20-23; Mare., x, 35-40, et surtout celle du
Sauveur à Gethsémani. Mattb. . xxvi, 39-44; Marc, xiv,
36-40; Luc, xxn. 12.
IV. Ses CONDITIONS. — Saint Jacques, iv, 3, écrit :
« Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que
vous demandez mal, avec l'intention de satisfaire
vos passions. » Il y a donc des conditions à remplir
pour être exaucé. La Sainte Écriture indique les sui-
vantes : — 1" Conditions essentielles. — 1. La foi et la
confiance. Comme il est impossible de plaire à Dieu sans
la foi, il est de toute nécessité de croire pour s'approcher
de Dieu utilement. Heb., xi. 6. Notre-Seigneur exige
absolument cette foi. Mat th., xxi, 22. Il la réclame or-
dinairement de ceux qui le prient et les traite en con-
séquence de leur foi. Matth., vin, 13; ix, 28; Mare..
v, 36; ix, 22; xi, 23; Luc, vin, 50; etc. C'est la prière
avec la foi qui soulage le malade. Jacob., v, 15. — 2. L'Im-
militè. Dieu s'incline à la prière du petit. Ps. eu (ci),
18. C'esl aux humbles qu'il accorde sa grâce. Jacob.,
IV, 6; I Pet., v. 5. La parabole du pharisien et du pu-
blicain a pour but de faire comprendre la nécessité de
l'humilité quand on parle à Dieu. Luc, xvm, 9-14. —
3. La loyauté. Dieu veut que ceux qui lui demandent
de faire leur volonté commencent par faire la sienne.
( Jéhovah est près de tous ceux qui l'invoquent d'un
COBUr sincère. 1 IN. cxi.v (CXL1V), 18. « Il écoute la
prière des justes. » Prow, xv, 29. Par conséquent, pour
prier devant la face du Seigneur, il faut quitter ses
péchés, diminuer ses offenses, détester le mal. Eccli.,
xvn, 24, 25. La prière de celui qui n'écoute pas la loi
est une abomination. Prov., xxvm, 9. Elle est même
réputée péché, c'est-à-dire qu'elle est offensante pour
Dieu. Ps. CIX (CVlll), 7. « Quand vous multipliez les
prières, dit Jéhovah, je n'écoute pas... Lavez-vous, puri-
liez-vous, otez de devant mes yeux la malice de vos
actions. » 1s., i. 15. — '». La charité fraternelle. Le
Sauveur en insère la condition dans le Pater même, el
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PRIERE
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il n'admet à prier devant l'autel que celui qui n'a aucun
mauvais sentiment envers son frère. Mat th., v, 23, 24.
Il fait de l'union fraternelle un moyen d'être plus sûre-
ment exaucé. Matth., xviii, 19, 20. — 5. L'union à Dieu.
i Sans moi, vous ne pouvez rien faire, » dit le Sauveur.
Joa., xv, 5. Cf. I Cor., xn, 3; II Cor., in, 5. Ceci s'ap-
plique également à la prière. C'est pourquoi « l'Esprit
vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas
ce que. nous devons, selon nos besoins, demander dans
nos prières. Mais l'Esprit lui-même prie pour nous par
des gémissements ineffables. » Rom., vin, 26.
2" Conditions favorables. — Certaines pratiques ajou-
tées à la prière peuvent la rendre plus efficace, comme
le jeûne. Judith. i\. 8. 12; Bar., I, 5; Il Esd.. i. i;
Matth., xvii, 20; Marc. ix. 28; Act., xiv, 22; l'aumône-
Tob., xn. S; Act.. x. i, et les larmes. I Reg., i, 10; Is.,
xxxvm, 5; Judith, xin, 6; Tob., m, 11; vu, 13; xn. 12.
La prière est d'ailleurs elle-même un remède à la tris-
tesse. Jacob., v, 13.
V. La prière poi r les mitres. — On ne prie pas seu-
lement pour soi ; l'intention de Dieu est que les hommes
prient les uns pour les autres. Ainsi. 1" Abraham prie
pour Abimélech, Gen., xx, 7, 17; le pharaon d'Egypte
demande à Moise et à Aaron de prier pour sa déli-
vrance, Exod., vin. 8. 29. 30; ix, 28; x, 18; sur l'ordre
de Dieu, Job prie pour ses amis, Job, xlii. 8, 10; Judith
prie pour ses concitoyens, Judith, vin, 29; Sédécias
demande à Jérémie de prier pour le peuple, .1er., xxxvu,
3, et le peuple renouvelle cette demande, Jer., xlii, 2,
20; les exilés de Babylone sollicitent les prières de leurs
frères de Jérusalem, Bar., i, 13; les Juifs de Jérusale m
prient pour ceux d'Egypte. Il Mach., i, 6. Le grand-
prêtre Onias apparaît priant pour toute la nation, et
disant de Jérémie : « Celui-ci est l'ami de ses frères,
qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. »
II Mach., xv. 12. — Dans la pensée de Notre-Seigneur,
la prière doit habituellement avoir un caractère collec-
tif. Voilà pourquoi les demandes du Pater sont formu-
lées au pluriel. En conséquence de cette indication et
de la grande loi de la charité, les premiers chrétiens
prient beaucoup les uns pour les autres. Saint Jacques,
v, 16, le recommande à ses fidèles. Saint Paul réclame
les 'prières de ses enfants dans la foi, Rom., xv. 30 ;
II Cor., i. 11 ; Phil., i 19; I Thés., v. 25, et il leur
assure les siennes. Eph.. i, 16; Phil., i, 3; I Thés., i,
2; II Tim., 1.3; Philem., 4. Épaphras prie pour les
Colossiens, iv, 12. — L'obligation de prier pour les
autres s'impose plus spécialement aux pasteurs spiri-
tuels. I Reg., vu, 5; xn. 9, 23; II Mach., xv, 14; Col.,
i. 3, 9; II Thés., i, 11, etc. Notre-Seigneur prie pour
ses disciples. Joa., xvii, 9, 13, 20, 21. — 2° On prie poul-
ies rois et les princes, même idolâtres, Bar., "i, 11;
I Esd.. vi, 10, même persécuteurs. I Tim.. H, 1-2. —
Jérémie, xxix, 7. prescrit aux Israélites déportés à
Babylone de prier Jéhovah pour cette ville dont la pros-
périté leur profilera. — 3° On prie pour les persécuteurs.
C'est une des lois les plus formelles de l'Évangile.
Matth.. \. 41; Luc. VI, 28; Rom., XII, 14. Elle a été
consacrée par les exemples de Xotre-Seigneur, Luc. ,
xxm,34. et de saint Etienne. Act., vu, 60. — 4° On prie
pous les morls. II Mach., xn, 44. Saint Paul prie pour
Onésiphore, qui lui a rendu service à Rome et qui est
mort depuis. II Tim., i, 15-18. Voir Onésiphore. t. îv.
col. 1813. — 5" Dans le ciel, les prières des saints sont
présentes devant le trône de Dieu. Ces prières sont
celles des saintes âmes de la terre, offertes à Dieu par
celles qui sont déjà au ciel. Apoc, v, 8; vm, 3, 4.
VI. Les I'RIères bibliques. — La Sainte Écriture
renferme une foule de prières plus ou moins longues,
par lesquelles les hommes s'adressent au Seigneur avec
des intentions diverses. Les plus caractéristiques sont
les suivantes : 1° Dans l'Ancien Testament : Abraham
intercède en laveur de Sodome et poursuit sa requête.
malgré la diminution progressive des chances de par-
don. Gen., xviii, 23-32. — Jacob prie pour échapper à
la colère d'Ésaû. Gen., xxxn, 9-12. — Moïse s'adresse
souvent à Jéhovah, pour lui demander de l'eau douce,
Exod., xv. 25; le pardon de son peuple, Exod., xxxn,
11-13; la cessation d'un fléau. Num., xi, 2; l'éloigne-
ment des serpents, Num., xxi, 8, etc. — David adresse
ses louanges et ses actions de grâces au Seigneur.
II Reg., vu, 18-29, et. dans les Psaumes dont il est
l'auteur, il en renouvelle l'expression, en y joignant
d'humbles demandes et des sentiments de repentir. —
Salomon, à l'occasion de la dédicace du Temple, fait à
Dieu une prière solennelle pour le remercier et implo-
rer son assistance en faveur de ceux qui viendront
l'implorer dans l'édifice sacré. III Reg., vm, 15-53;
II Par., v, 4-42. Il avait d'ailleurs commencé son règne
en demandant la sagesse. II Par., i, 8-10. — Êzéchias
prie pour que Dieu délivre son peuple de l'invasion
assyrienne. IV Reg., xix, 15-19; II Par., xxxin, 20. —
Manassé en exil implore Jéhovah avec humilité et
repentir. II Par.. Xxxn, 12. — Dans les écrits des pro-
phètes, on trouve un bon nombre de prières : ies can-
tiques des rachetés, Is., XII, 1-6; xxvi, 1-19; la prière
pour les captifs, Is., lxiv, 7-lxv, 12; les prières de
Jérémie pour son peuple coupable, .1er., xiv, 7-22; ses
plaintes à Jéhovah. Jer., xx, 7-18; Lam., m, 55-66; sa
prière après la ruine de Jérusalem, Lam., v, 1-22; la
prière de Baruch en faveur des exilés, Bar., n, 11-ni,
8; la prière d'Azarias dans la fournaise, Dan., m, 26-
45, et le cantique d'actions de grâces qui la suivit,
Dan., i il, 52-90: la prière de Susanne, Dan., xm. 12,
43; celle de Jonas, n, 3-10; le cantique de louanges
de Michée, vu. 18-20; la prière d'IIabacuc, ni, 2-19, etc.
— La plupart des Psaumes sont aussi des prières expri-
mant les divers sentiments de l'âme bénie de Dieu,
éprouvée ou repentante. — Job interpelle Dieu fré-
quemment et linit par une humble protestation de
repentir. Job. xlii, 2-6. — Sara, fille de Raguel, de-
mande la protection divine, Tob.. m, 13-23, etTobie cé-
1( bre la louange du Seigneur dans un cantique d'actions
de grâces. Tob., xm, 1-23. — Judith implore le secours
de Dieu en faveur de son peuple, Judith, îx, 2 19,
et ensuite exprime sa reconnaissance au Seigneur.
Judith, xvi, 2-21. — Mardochée et Esther prient pour
leur peuple menacé. Esth., xm, 9-17; xiv, 3-19. —
Néhémie prie pour les enfants d'Israël, II Esdr., i, 5-1 1.
et tout le peuple demande pardon et protection à Jéhovah.
II Esdr., ix, 5-38. — L'auteur de la Sagesse, ix. 1-18.
prèle à Salomon une prière pour demander la sagesse.
— Celui de l'Ecclésiastique, xxm, 1-6, prie pour être
préservé des péchés de langue, pour la délivrance
d'Israël, Eccli., xxxvi, 1-17, et pour remercier le Sei-
gneur de l'avoir tiré du péril. Eccli., i.i, 1-12. — On
prie avant de livrer bataille. 1 Mach., 5, 33; xi, 71 ;
II Mach., vin, 29: xv, 26, etc.
2° Dans le Nouveau Testament. — Les cantiques de
Marie, Luc, i, 46-55. de Zacharie, Luc, i, 6S-79, et de
Siméon, Luc, n, 29-32, sont des prières d'actions de
grâces. — ^Un grand nombre de prières, toutes très
courtes, sont adressées à Xotre-Seigneur par toutes
sortes de personnes. Lui-même remercie son Père de
la manière dont est répartie la grâce de la lumière,
Matth.. xi, 25, 26; il le prie à la dernière Cène, Joa.,
xvii, 1-26; au jardin des Olives, Matth., xxvi, 39-44;
Marc, xiv, 36-39; Luc, xxu. 42, et sur la croix. Luc,
xxm. 31. 46; Matth., xxvn, 46; Marc, xv, 34. — Au
livre des Actes, des prières sont mentionnées en diverses
occasions solennelles : pour l'élection de saint Mathias.
i, 24, 25: pour demander secours après la comparution
des apôtres Pierre et Jean devant le sanhédrin, iv, 24-
30; pour la délivrance de Pierre emprisonné, xn, 5.
— Saint Jean termine son Apocalypse, xxu, 20, par un
appel au Seigneur Jésus.
671
PRIERE
672
3» Prières sacramentelles. — Les Apôtres se consacrè-
rent plus particulièrement à la prière et au ministère
de la parole. Act., VI, 4. La prière devait accompagner
nécessairement les actes par lesquels ils conféraient
la grâce aux fidèles. Elle était inséparable de la fraction
du pain, Matth., xxvi, 26; Act., 11, 42, de l'imposition
des mains, Act., vi, 6; xm, 3; xxvm, 8, de l'onction
des malades, Jacob., v, 14, etc.
VII. Usages concernant la prière. — i° Les formules.
— llans l'Ancien Testament, aucune formule spéciale de
prière n'est indiquée comme devant être d'usage habi-
tuel. Mais il y a un certain nombre de prières toutes
préparées dans le recueil des Psaumes; elles servaient
surtout dans les cérémonies liturgiques. Des formules
spéciales étaient imposées pour l'offrande des dimes et
des prémices. Deut., XXVI, 3-15. Pour l'ordinaire, il est
probable qu'on s'inspirait des besoins du moment dans
les prières que l'on adressait à Dieu. L'Oriental a d'ail-
leurs une particulière facilité pour exprimer ses désirs
et ses sentiments. La prière n'était pas toujours vocale.
Anne parle à Dieu en son cœur et remue seulement les
lèvres, sans que sa voix se fasse entendre. I Reg., 1, 13.
Judith prie en silence et se contente de remuer les lèvres.
Judith, xm, 0. Iiien souvent, sans doute, des âmes
pieuses et méditatives priaient intérieurement et don-
naient un libre cours, sous le regard de Dieu seul, à
l'expression de leurs pensées et de leurs sentiments.
— A l'époque évangélique, la prière juive avait une for-
mule bien déterminée, comprenant deux thèmes prin-
cipaux, le Schéma et le Schemoné-Esré. Le Schéma se
composait de trois passages bibliques : Deut., vi, 4-9 ; xi,
13-21 ; Num., xv, 37-41. Le premier morceau commence
par le mot Sema', « écoute, » d'où le nom donné à l'en-
semble de la formule. Ces trois passages contiennent
seulement des préceptes mosaïques et non des prières
proprement dites. On les récitait comme nous récitons
nous-mêmes soit notre symbole, soit les commande-
ments de Dieu et de l'Église. On les accompagnait de
bénédictions dites avant et après chacun de ces mor-
Ci 1 . Le Schéma devait être récité le matin et le soir,
en hébreu ou en une autre langue, par tous les Israé-
lites, mais non par les femmes, les esclaves et les enfants.
Beracholh, 1, 1-4; 111, 3; Sota, vu, 1. Les deux passages
du Deutéronome, VI, 4-9; xi, 13-21, étaient écrits sur
la mezuza, voir Mezuza, t. iv, col. 1057, et sur les phy-
lactères. Voir Phylactères, col 350.Le Schemoné-Esré,
Semânéh 'é&rêk, 0 dix-huit », se composait de formules
de bénédictions et de louanges en l'honneur de Dieu,
presqu'éntièrement empruntées aux Psaumes et aux
prophètes. C'était pour les Israélites la fefillâh par excel-
lence. Ces formules sont assez développées, mais, à
l'époque évangélique, la rédaction actuelle n'était pas
encore arrêtée. Le nombre en a été porté à dix-neuf.
Tous les Israélites sans exception avaient à les réciter
trois fois le jour, le matin, l'après-midi et le soir. Bera-
choth, m, 3; IV, 1. Elles sont reproduites dans Schûrer,
Geschichte des /»■'■ Volkes im Zeit. .1. C, t. 11, p. 461,
162, el dans Stapfer, La Palestine au temps deJ.-C,
Paris, 1885, p. 372-376. Les docteurs examinèrent une
foule de cas concernant la récitation de ces formules.
— Les plus dévots parmi les Juifs, ou du moins ceux
qui tenaientàle paraître, ne manquèrent pas de mul-
tiplier et d'allonger les formules de la prière. C'estdéjà
sans doute pour protester contre ces longueurs que
Jean-Baptiste enseigna à ses disciples à prier. Luc, xi,
1. Notre Seigneur ne veut pas qu'on multiplie les pa-
roles, comme les païens, et qu'on s'imagine qu'on sera
exaucé à force de parler. Matth., VI, 7. Il reproche aux
pharisiens hypocrites d'aller faire d'interminables priè-
res chez les veuves, afin de tout dévorer chez elles.
Matth., XXIII, 11; Mari-., xm, 10, Lue., xx, 47. La for-
mule de prière qu'il enseigne à sesdisciples est courte.
Elle représente à peine en longueur la vingtième partie
du Schemoné-Esré. Le Sauveur donne la raison de
cette brièveté. Le Père céleste sait parfaitement ce dont
nous avons besoin. Matth., vi, 32. Nous n'avons pas à
le renseigner, mais seulement à lui témoigner notre
confiance, notre soumission et notre amour. « \ous
demanderez en mon nom, dit Notre-Seigneur, et je ne
vous dis point que je prierai le Père pour vous, car le
Père lui-même vous aime. » Joa., XVI, 26. 11 n'est donc
pas nécessaire de lui exposer longuement un besoin.
Ce n'est pas en répétant : « Seigneur. Seigneur! »
qu'on est exaucé, c'est avant tout en faisant la volonté
du Père. Matth., vu, 21. — En dehors du Pater, les
premiers chrétiens n'avaient guère d'autres formules
de prières que les Psaumes et les Cantiques inspirés
de l'Ancien et du Nouveau Testament. C'est peu à peu
que d'autres formules entrèrent en usage parmi eux.
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903,
p. 46-55.
2° Les temps. — Les Israélites avaient l'habitude de
prier trois fois le jour, le soir, le matin et au milieu
du jour. Ps. i.v (i.iv), 18. Trois fois par jour, Daniel se
mettait à genoux et louait Dieu. Dan., VI, 10. La pra-
173. — Égyptiens priant les mains étendues.
D'après Wilkinson, Manners, t. 11, p. 324.
tique du Psahnisle qui, sept fois le jour, redisait les
louanges du Seigneur, l's. exix (cxvhi), 161, paratl
avoir été exceptionnelle, bien qu'elle ail inspiré plus
tard celle des sept heures canoniales du jour. Cf. Ila-
cuez, Du Saint-Office, Paris. IS72. p. 284. Les Israé-
lites récitaient le Schemoné-Esrê le matin, l'après-
midi, à l'heure de l'ohlation, c'est-à-dire vers trois
heures et le soir. Ils priaient également avant et après
les repas. Voir REPAS, lies prières spéciales étaient en
outre prescrites pour le sabbal et les différentes fêtes
de l'année. La prière avant le jour ou dés l'aurore est
plusieurs fois mentionnée. Ps. 1 xxxvm u.xxxvn, li;
Judith, \m. ">; Sap., xvi, 28, etc. La prière de la neu-
vième heure ou de trois heures du soir, Act., m. I.
était celle qui accompagnai! le sacrifice de l'après-
midi. Saint Pierre priait également vers la sixième
heure. Act., x. 9. Ces différentes indications bibliques
ont déterminé le choix des heures auxquelles l'Église
a Qxé ses prières publiques, prime, au lever du jour, à
l'heure de la prière du malin, tierce, à l'heure on se
terminaient les sacrifices du malin, sexte. à l'heure
consacrée par saint Pierre, noue. .1 l'heure du sacri-
lice du soir, vêpres, à l'heure de la prière du soir,
c'esl à-dire à la chute du jour.
3° Les lieux. — L'ancien sanctuaire, rf. 1 Mach., m,
16, el plus lard le Temple ont été les rendez-vous in-
diqués de la prière. Salomon suppose que l'on viendra
<373
PRIERE
674
fréquemment prier dans le Temple qu'il vient de con-
sacrer. III Reg., vin, "28. 31, 33, 35. etc. Le Temple
était par excellence la « mai-
son de la prière ». Is., lvi.
7; I Mach., vu, 37. Là, en
effet, Dieu manifestait plus
qu'ailleurs sa présence et
s;i grâce. C'est pourquoi
Xotre-Seigneur tint à inter-
venir avec autorité pour
faire respecter la destina-
tion de cet édifice. Matth.,
xxi. 13: .Marc, xi, 17;Luc,
xix, 46. On se rendait donc
au Temple pour prier. I Reg.,
i, 10-1-2; Luc, i, 10; xvm.
10; Act., il, 46; tu, 1, etc.
En dehors du Temple, on
priait en commun dans les
synagogues, voirSvNAGOGiE,
et dans de simples oratoi-
res. Voir Oratoire, t. iv,
col. 1850. Les particuliers
priaient ensemble dans leur
maison, ou bien, pour être
seuls, ils se retiraient dans
unechambre haute. IIIReg.,
xvm, 19-23; IV Reg., iv, 10,33; Judith, ix, 1; Dan.,vi,lb;
Act., x, 9, etc. Le Sauveur recommande à celui qui
veut prier d'entrer dans sa chambre, d'en fermer la
174. — Carthaginois offrant
un sacriti.ee, la main droite
levée dans l'attitude de la
prière. Chaton de bague
sigillaire en or. Musée La-
vigerie à^Carthoge.
175. — Personnage tenant la main droite levée dans
l'attitude de l'adoration. Rasoir carthaginois m" siècle
avant J.-C.). Musée Lavigerie à Cartilage. Voir Delat-
tre, La nécropole de Rais anru 'le fouilles,
13g. 25, p. 22.
porte et là. seul à seul, de s'adresser au Père qui est
présent dans le secret. Il blâme les hypocrites qui
aiment à prier debout dans les synagogues et au coin
des rues alin d'être vus des hommes. .Matth., vi, 5-
6. Les chrétiens suivirent la recommandation du Sau-
DICT. DE LA BIBLE.
veur. I Cor., vu, 5. Les pharisiens avaient été amenés
à prier dans les rues par une conséquence de leur
casuistique. Les docteurs avaient réglé les heures aux-
quelles devaient se réciter le Schéma et le Schemonë-
Esré. Le bon pharisien sacrifiait le recueillement à la
ponctualité servile. Il récitait la prière là où l'heure
fixée le surprenait. Des règles spéciales déterminaient
les cas dans lesquels il était alors permis de saluer ou
du rendre un salut. Beracliolh, II, 1-2. Sous prétexte
de régularité, les pharisiens faisaient dégénérer en
ostentation coupable ces prières en public, qui eussent
été bien mieux dites dans la solitude et le recueille-
ment, fût-ce avec plus ou moins de retard sur une
heure arbitrairement lixée. Les docteurs permettaient
Mfih ^ -l ■'"■-'
• 176. — Stèle funéraire. Attitude de la prière.
Musée Lavigerie à Carthage.
aux ouvriers de faire la prière sur un arbre ou sur un
mur, ce qui parfois pouvait avoir quelque raison d'être.
Berachoth, n, 3, 4. Le principe que fait prévaloir, ici
comme partout, Notre-Seigneur, c'est que les vaines
réglementations des hommes sont à mettre de côté,
quand elles sont un obstacle au vrai culte en esprit el
en vérité.
4° Les altitudes. — Or. priait ordinairement debout.
1 Reg., i, 26; III Reg., vin, 22; Matth., VI, 5; .Marc,
xi, 25; Luc, xvm, 11; Berachoth, v, 1; Taanith, II, 2
;lig. 173-175). Quand on voulait témoigner d'une plus
grande humilité ou prier avec plus d'instance, on se
mettait à genoux. III Reg., VIII, 54; II Par., vi, 13;
xxix, 29; I Esd.j ix, 10; Dan., VI, 10; Act., ix, 10; xx,
36; xxi, 5, etc., ou même on se prosternait. Judith,
îx, 1; II Esd., vin, 6; Matth., xxvi, 39; Marc, xiv,
35, etc. On baissait parfois la tête. Ps. xxxv (xxxivi.
13; Luc, xvm, 13. On étendait les mains, Is., i. 15,
selon l'usage commun en Orient (lig. 176), on en frap-
pait sa poitrine, Luc, xvm, 13, et surtout on les le-
vait vers le ciel. III Reg., vm, 22; Lam., Il, 19; m,
V. - 22
675
PRIER F.
PRIMAISE
676
il; I Esd., ix, 10; Il Mach., m, 20; I Tim., n, 8, etc.
(fig. 177). Les Juifs tenaient beaucoup à ce qu'on les
law'it avant de prier. Judith, xn. 7. 8. Le Zohar, Dent.,
f. 101, déclarai! plus lard digne de mort quiconque
priait les mains sales. Saint Paul fait allusion à cette
exigence, mais il lui donne un sens moral. ITim., 11,8.
Cf. Tertullien, De oratione, 13, t. i, col. 1168. Le ca-
non 241 d Hippolyte dit cependant encore: « Qu'en tout
temps le chrétien lave ses mains quand il prie. ■ Die
Canones Hippolyti, édit. H. Achelis, Leipzig. 1891,
p. 130. Le lavement des mains subsiste toujours avant et
pendant la célébration de la messe. — Pendant la prière,
1rs Juifs se voilaient la tête; ils ont conservé depuis
177. — Figurine carthaginoise nv siècle avant i.-r. i.
AUitniir île la prière. Musée Lavigeric .1 Carthage.
Voir Delattre, La nécropole de liabs, 3' année de
fouilles, lig. loi, p, 12,
l'habitude de prier la tète couverte. Saint. Paul déclare
qu'il v a déshonneur pour un homme à prier la tête
couverte, el déshonneur pour une femme à prier sans
voile. I Cor.. M. i. 5. Il ne vise que la prière publique.
Les esclaves avaient habituelle ni la tête couverte;
C'esl pourquoi l'Apôtre veul que 1rs chrétiens gardent la
lête nue, comme des hommes libres. La modestie com-
mamlail le contraire aux femmes. — Dieu avait fait
■ lu sanctuaire le centrede toute la vie religieuse de son
peuple. Deut., xu, 5-7. Quand les Israélites lurent
et Palestine, il ne leur fui possible de se rendre
au sanctuaire el plus lard au Temple que de loin en
loin. Ils prirent l'habitude de se tourner du côté du
femple pour prier. Salomon suppose cet usage en vi-
111 Ri mm, 1S; n Par., vi, 34 ; Daniel, vi,
11, et tous les Israélites s'] conforment. Cf, Berachoth,
v, ."'. 6; Sip/ice, 71 b; s. Jérôme, 'In Ezech., ni. 9,
t. xxv, col. 83. Quand des prévaricateurs veulent se
livrer à un culte idolà trique, ils tournent le dos au
Temple. Ezech., vin, 16. Toutefois, on a remarqué que
la plupart des synagogues galiléennes dont il reste
des ruines sont orientées du sud au nord. Pour prier
selon la coutume, il aurait donc fallu se tourner du
côté de la porte, ce qui parait assez anormal, cf. Schû-
rer, Geschichte, t. II, p. 146, 453, à moins qu'on eut
disposé les constructions tout exprés pour que. la porte
élant ouverte, la prière pût se diriger vers Jérusalem
sans se heurter à une muraille. — Les chrétiens adop-
tèrent l'usage de prier tantôt debout, tantôt à genoux,
el souvent les mains étendues (lig. 17Si. Il cessèrent
naturellement de se tourner vers l'ancien Temple,
pour prier de préférence vers l'orient, sans pourtant se
faire une règle invariable de tourner leurs églises de
178. — mante chrétienne, à gauche.
D'après Bullettino di archeol. cristiana, isTâ, pi. 1.
ce coté. Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes,
Paris. 1877. p. 55i, C66-G09. Saint Paul veut qu'on prie
en lotit lieu. 1 Tim., n, 8. — Cf. Saubert, /V precibui
Rebrseorum, el Polemann, De ritu precandi veterum
Hebrseorum, dans Ugolini, Thés., I. xxi; Voullième,
Quomodo veleres adwraverint, Halle. 1887.
II. I.l.sl I RE.
2. PRIÈRE DE JOSEPH, écrit apocryphe. Voir APO-
CRYPHES (Livres), 7. I. i, col. 771.
3. PRIÈRE DE MANASSÉ, écrit apocryphe. Voir .Va-
\ \--i s. t. iv. col. 651.
PRIMAISE, cm latin Primasius, écrivain ecclésias
tique, il vers 560. La date de sa naissance esl i . i
connue, Il fui évêque d'Adrumète, dans la province de-
Byzacène eu Afrique. Il apparaît pour la première fois
au concile provincial lenu en 511. On le retrouve en-
suite, île .Vitia 554, a Constanlinople où il fut mêlé aui
discussion- théologiques de son temps. A la nier' de
i ce, primai de Byzacène, il lui succéda dans cette
dignité qui. dans celle province, n'étail pas attachée!
un siègefixe. Il nous reste de lui : Commentarioruyi
677
PRIMAISE — PRISON
678
super Apocalypsim libri quinque, t. i.xvm, col. 793-936,
composés vers 5i0. Il y a mis à contribution, d'après
son témoignage, saint Augustin et Ticonius, et
s'attacha surtout à expliquer le sens mystique. On lui
a attribué des Commentaria in Epistolas saticli Pauli,
col. 415-794, tirés en grande partie de saint Jérôme,
de saint Ambroise, de saint Augustin, etc., mais ils ne
paraissent pas être de lui. Le commentaire de l'Épitre
aux Hébreux, col. 6SÔ-794, en particulier, doit être
l'œuvre d'Haymon de Halberstadt.
PRtMATICED Grégoire, en latin Primalicius ou
De Primaticiis, exégète italien, mort en 1518. Il était
docteur de Padoue et il enseigna dans cette ville la
philosophie et la théologie. L'archevêque de Sienne,
François Bondini, l'emmena, en qualité de théologien,
au Concile de Trente. On a de lui : Expositio litteralis
omnium Epistolarum Divi Pauli, in-4", Venise, 1561.
PRINCE, mot fréquemment employé dans la Vul-
gate pour désigner un chef ou un personnage. C'est un
terme générique qui traduit des mots divers de l'hé-
breu et du grec : hôqêq, môSël, nddib, ndgîd, ndii,
nesîb, nissab, pâqid, rô's, rôznîm, èar, sdrak, ïp^wv,
lOvipvr,;, elc. Voir GouVERSEï R, t. m. col. 284-287.
PRINTEMPS (Septante : ïxo; Vulgate : ver, lempus
vernum), i.i saison de l'année qui succède à l'hiver.
— En Palestine, les saisons n'ont pas la même grada-
tion que dans nos climats. Aux pluies de l'hiver succède
presque sans transition, en avril, la chaleur de l'été.
Aussi le printemps proprement dit est-il très court.
On en lit, dans le Cantique n, 11-13, la description
suivante :
Voici que l'hiver est fini,
La pluie a cessé, elle a disparu.
Les Heurs se montrent sur la terre,
Le temps des chants est arrivé;
La voix de la tourterelle s'entend dans nos campagnes,
Le figuier développe ses fruits naissants,
La vigne en fleur exhale son parfum.
Les impies comparent la vie à un printemps dont il
faut jouir : « Que la fleur de la saison, /los temporis,
ne nous échappe point. » Sap., Il, 7. Dans le texte grec,
ïv'jo; iq>o;, o la Heur de l'air, » est une leçon fautive
pour ïv8o; ëapoç, « la Heur du printemps, » que porte
l'Alexandrin. L'Ecclésiastique, L, (S, compare le grand-
prêtre Simon à « la Heur des roses aux jours du prin-
temps o, in Jiebus vernis, Septante : èv Tjuipaiç vlwv,
s aux jours des choses nouvelles, » du renouveau. Dans
l'original hébreu, on peut lire : kenês be'anfc beyemê
mô'êd, « comme la fleur sur les branches aux jours de
fête. » — Au Psaume lxxiv (lxxjii), 17, il est dit que
Dieu a fait l'été et le printemps, ïap, ver. Au lieu de
ïolç,. l'édition de Venise lit wpaïa, « les temps conve-
nables. » En hébreu, le terme employé est horéf,
« l'automne, •> opposé à qayîs, « l'été ; » ainsi sont
désignées les deux saisons qui se partagent l'année en
Palestine. Cf. Gen., vm, 22; Zach., xiv. 8. — Dans un
passage où la Vulgate parle de printemps, il est ra-
Gen., xxxv, 10; xi.vm, 7, que Jacob et Rachel
avaient encore kibrat-hâ-'drés pour arriver à Éphrata.
Le mot kibrat, analogue au kibrdli assyrien, qui
désigne une portion du monde ou de la terre, indique
en hébreu une distance, probablement celle de l'hori-
zon. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig,
1899, p, 358. Le sens du texte est donc que les voya-
geurs étaient arrivés à un kibrat de terre d'Éphrata,
autrement dit qu'Éphrata était à l'horizon ou en vue.
De fait, l'endroit où se trouvaient alors les voyageurs
et auprès duquel Rachel fut inhumée n'est guère à
plus d'un kilomètre de Bethléhem. Le Syriaque traduit
par i< parasange », mesure de longueur quatre fois plus
grande. Les Septante ne traduisent pas le mot hébreu
et disent que les voyageurs approchaient de Chabratha,
ùi Xaëpafji; Gen., xi.viii, 7 ; y.otTi ràv 'i7t7rô<3pou.ov
XaôpaOi, « vers l'hippodrome de Chabratha, » le mot
hippodrome doublant ici celui de Chabratha pour
exprimer une idée de distance; IV Reg., v, 19 : si;
AîopaOdi ou Xagpï6i. Aux deux passages de la Genèse,
la Vulgate traduit kibrat par vernum lempus, « prin-
temps. » On ne saurait dire comment saint Jérôme est
arrivé à cette traduction, si, au livre des Rois, il n'avait
rendu le même mot par electum tempus, « un temps
de choix, » par extension « le printemps ». Il est pro-
bable que le traducteur a rattaché kibrat à bdrdli ou
bdrar, « choisir. » En tous cas, dans ces trois passages,
il n'est pas question de printemps, mais d'une mesure
itinéraire dont on ne peut préciser la longueur. —
Dans l'Exode, xxxiv, 18, il est noté que les Hébreux
sont sortis d'Egypte Èv u.Yiv'i râv vltov, « au mois du
renouveau, » mense verni temporis, « au mois du
printemps. » L'indication est exacte, mais donnée par
équivalence. Dans l'hébreu il y a ; « au moisd"abib,
c'est-à-dire « des épis ». La même expression et les
mêmes traductions se retrouvent Deut., xvi, 1.
II. Lesètre.
PRISCILLE (grec : IlpeïxiUa), diminutif de Pris-
ca, femme d'Aquila. Rom., XVI, !i; II Tim., i\. 11».
Voir Prisque, col. 680, et Aquila, t. i, col. 809.
PRISON (hébreu : bôr, « fosse », bet hab-bôr,
8 maison delà fosse, » bêthâ'êsûr, « maison du lien, »
bëf hd'sùrini, « maison des liés, » bel hap-pequddôt,
« maison des surveillances, » kéle , kelû', kêlV, de
kâld', <, enfermer, » mattârâh, de nâtar, « garder, »
masgér, de sdgar, « enfermer, » mismâr, de Sâmar,
« garder; » Septante : cju'/.axr,, Xâxxoç, oïxoç toC 5euu.w-
T»ipéou; Vulgate : carrer, cuslodia, lacus), lieu dans
lequel on enferme les hommes qu'on veut châtier.
1° Prisons égyptiennes. — Injustement accusé par
la femme de Putiphar, Joseph fut jeté dans une prison
où étaient détenus les prisonniers du roi. Gen., xxxix,
20. Cette prison est appelée bet has-sohar, « maison de
la tour, » rjyjpwu.x. Elle était donc située dans une sorte
de forteresse, probablement dans celle qui est appelée
" Muraille blanche » par Thucydide, i, 101, et Hérodote,
ni, 13, 91, et qui se trouvait dans la « ville de la Muraille
blanche », Pa-sebti-liet, c'est-à-dire Mempbis. La prison
était gouvernée par un sar bel has-sohar, « chef de la
maison de la tour, » àp-/i8ea,u.ocp^Xaxo;, princeps car-
ceris, dont Joseph ne tarda par à gagner les bonnes
grâces. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes. 6" édit., t. n, p. 67-69. Deux officiers du pharaon,
le grand panetier et le grand éebanson furent aussi
enfermés dans cette prison. Au bout d'un certain temps,
ils en sortirent tous les deux, le premier pour être
pendu, le second pour être rétabli dans ses fonctions.
Ce dernier avait promis à Joseph de penser à lui
auprès du pharaon, mais il n'en lit rien et le jeune
Hébreu resta encore deux ans en prison. Il en fui tiré
pour expliquer le songe du prince. Toutefois avant de
paraître à la cour, il dut se raser et changer de vête-
ments. Gen., xli, 14, 15. Cette double précaution
n'implique rien quant au régime intérieur de la prison,
dans laquelle Joseph était sans doute bien traité;
mais on comprend qu'une tenue spéciale fût obliga-
toire pour ceux qui étaient admis à l'audience du pha-
raon. — Pour éprouver ses frères, Joseph à son tour
les fit mettre en prison pendant trois jours, à leur
premier voyage en Egypte. Ensuite, il commanda de
tenir Siméon sous bonne garde et ne lui rendit la
liberté que quand les autres revinrent avec Benjamin.
Gen., xi.ii, 17, 24; xliii, 23.
2» Prison philistine. — Après s'être emparés de
Samson, les Philistins le menèrent à Gaza, lui cre-
679
PRISON — PROCÉDURE
680
vèrent les yeux, le lièrent d'une double chaîne d'airain
el le mirent dans une prison où il avait à tourner la
meule. C'était une dure réclusion, compliquée des
travaux forcés. Ils l'en tirèrent au jour de la fête de
leur dieu Dagon et Samson en profita pour renverser
le temple où se tenait l'assemblée. ,Iud.. xvi, 21, 25.
3" Prisons assyriennes. — Pour punir la révolte
d'Osée, roi d'Israël, Salmanasar, roi d'Assyrie, le fit
saisir, encbainer et jeter dans une prison. IV Reg.,
xvn, 4. Celte mesure suppose la relégation d'Osée en
Assyrie, où le peuple d'Israël allait bientôt rejoindre
son dernier roi. Voir OSÉE, t. IV, col. 1906. — L'avant-
dernier roi de Juda, Joacbin ou Jécbonias, subit le
même sort. Nabuchodonosor le tint en prison en Assyrie
pendant trente-six ans. IV Reg., xxv, 9, 27. Au bout
de ce temps, le nouveau roi, Évilmérodach, dès le
début de son règne, le tira de son humiliation et le traita
avec une faveur marquée. IV Reg., xxv, 27-30; .1er., LU,
31-33. Voir Jéciionias, t. m, col. 1211. - Le dernier
roi de Juda, Sédécias, pris et conduit à Nabuchodono-
sor, alors à Rébla, eut les yeux crevés, fut cbargé de
deux cbaines d'airain et jeté dans une prison de Baby-
lone, où il demeura jusqu'à sa mort. IV Reg., xxv. 6.
7; Jer., ut, 11. Plus tard, Arsace, roi de Perse, lit
mettre en prison le roi de Syrie, Démétrius, qui avait
violé son territoire. I Mach., XIV, 2, 3.
i Prisons israéliles. — 1. Dans les premiers temps,
les Israélites n'avaient pas de prisons. On se conten-
tait d'exercer une surveillance étroite sur les coupables
qui devaient être jugés et punis. Lev., xxiv, 12; Num.,
xv, 34. La première mention d'une prison serencontre
dans l'histoire d'Acbab, roi d'Israël. Un prophète, du
nom de Michée, ayant prédit l'insuccès de l'expédition
qu'Àchab et Josaphat allaient entreprendre ensemble
contre les Syriens, le roi d'Israël le lit mettre en
prison, avec ordre de le nourrir du pain et de l'eau
d'affliction. III Reg., XXII, 27. Voir MiCHÉE, t. iv,
col. 1063. — Le prophète Jérémie subit plusieurs rois
la prison. Enfermé d'abord dans la cour des gardes,
1er., xxxti, 2, 8, 12; xxxm, 1, il fut ensuite accusé de
vouloir passer aux Chaldéens, saisi, battu, et jeté dans
une basse-fosse, sous les voûtes, dans la maison du
secrétaire Jonathan, dont on avait fait une prison.
Après bien des jours, le roi Sédécias le lit tirer
de là et garder dans la cour de la prison, avec
ordre de lui fournir chaque jour une miche de pain,
dont il était privé précédemment. .1er., xxxvn, 14-
16, 20. Ses ennemis ne l'en firent pas moins descendre
ensuite dans une citerne qui ne contenait que de la
boue. Le prophètey enfonça. On l'en tira avec des cordes
et on le relégua de nouveau dans la cour des gardes,
où il demeura jusqu'à la prise de la ville. 1er., xxxvm,
6, 13, 28; xxxix, 14, 15. — 2. Apres la captivité, le roi
Artaxerxès donna à Esdras des instructions en vertu
desquelles les transgressenrs de la loi juive devaient
être punis de mort, de bannissement, d'amende ou de
prison. I Esd., vu, 26. Il y eut un peu plus lard une
prison à Jérusalem. II Esd., III, 25; XII, 38. Au temps
des Machabées, le général syrien Bacchidès prit en
otages les lils des principaux Juifs et les retint
prisonniers dans la citadelle de Jérusalem. I Maeh., ix,
53. — 3. A l'époque évangélique, saint Jean-Baptiste
est mis en prison à Machéronte par le roi Hérode
Antipas et \ esl décapité. Matth., xiv, 3, 10; Marc, vi,
17, 27; Luc, m, 20; Joa., m, 24. Dans l'Évangile, il
esl fail mention de la prison dans laquelle le juge fait
enfermer les accusés, Matth., v, 25; Luc, xn. 58; de
celle où l'on met les débiteurs infidèles, Matth., XVIII,
,1, i Ile où était détenu Barabbas. Luc, XXIII, 19,
25. Saint Pierre proteste qu'il est prêt à suivre Jésus
m prison el à la mort. Lue., xxn, 33. On pouvait visiter
les prisonniers el l ' venir en aide. Act.. xxv, 23.
Nôtre-Seigneur dit qu'au jour du jugement il considérera
ce bon office comme rendu à lui-même en personne.
Matth., xxv, 36. — 4. Les deux apôtres Pierre et Jean
sont mis en prison par l'ordre du sanhédrin. Act., iv,
3. Tous les autres Apôtres y sont enfermés à leur tour,
mais un ange les en fait sortir pendant la nuit. Act., v,
18-25. Saint Paul, avant sa conversion, faisait mettre
en prison les disciples du Sauveur. Act., VIII, 3; xxn,
19; xxvi, 10. Lui-même y alla à son tour. II Cor., VI,
5; XI, 23. A Philippes, il fut enfermé avec Silas dans
un des cachots intérieurs de la prison, et aurait pu
s'échapper s'il avait voulu. Act., XVI, 23-3't. Les premiers
chrétiens étaient souvent jetés en prison par leurs
persécuteurs. Heb., XI, 36; Apoc, II, 10.
5» Au sens figuré. — La plaie des ténèbres enchaînait
les Égyptiens comme dans une prison. Sap.. xvu, 15;
XVIII, 4. — Satan est dans son enfer comme dans une
prison. Apoc. XX, 7. — Avant la rédemption, les rois
et les peuples étaient comme en prison, dans les
ténèbres de leur ignorance et pour l'expiation de leurs
méfaits. Is., xxtv, 22; XLII, 22. Le Messie devait venir
pour faire sortir les captifs de prison. Is., XLII, 7. —
Le sage, même pauvre et sortant de prison, est capable
de régner. Eccle.. IV, li. II. LesétRE.
PRISONNIER. Voir Captif, Lu, col. 222; Priso
col. 678.
PRISQUE (grec : Ilpi'oxa; Vulgale : Prisca, o an-
cienne, «nom de la femme du juif converti Aquila. Act.,
xviii, 2, 18, 26; I Cor.. XVI, lit. On l'appelait aussi l'ris-
cilla, diminutif de Prisca, selon l'usage romain qui em-
ployait souvent les deux formes. Suétone appelle t.'/an-
clitia et Livilla celles que Tacite appelle Claudia et
Livia, Cf. Drusa et Drusilla, Quinla et Quinlilla,
Secundo el Secundilla. Voir Avi il*., t. i, col. 809.
PROBATIQUE (PISCINE) à Jérusalem, loa.,
v, 2. La Vulgate a appelé probatica piscina, la piscine
(y.orjiiS'/iiJi. qui, d'après le texte grec, est située htl rij
r.ooôi.-.:/J, (sous entendu -j'ir,\. c'est-à-dire près de là
porte des Brebis ou du Troupeau, cf. Il Esd., III, I, 32;
XII, 38. où la Vulgale appelle cette porte porta Gregis.
Voir Jérusalem, t. ni, 1°, col. 1364. On donnait en hé-
breu à celle piscine le nom de 1!v,()s<tôï; Vulgate : Beth-
suida. Voir BETHSAÏÛE 3, t. I, col. 1723.
PROCÉDURE, manière dont s'exerce la justice
publique. — Chez les Hébreux, comme en général chez
les Orientaux, la procédure était assez sommaire. La
justice se rendait aux portes des villes, où les juges
s'asseyaient. Prov., xxxi. 23. Voir Porte, i, 3", col. 553.
La justice 'lui rendue par les anciens, puis, a partir de
la domination grecque, par des tribunaux appelés sanhé-
drins, formant trois juridictii us graduées. Voir Ji ai
t. m, eol. 1833-1836. Les rois jugeaient naturellement
dans leur palais, 111 Reg., vu, 7. el le grand sanhédrin
dans un local du temple. Voir 1. III, eol. 1843. Sur l.i
comparution devant le tribunal, l'instruction de l'affaire,
la sentence et son exécution, voir .li ci mi m iudiciairi ,
t. m. eol. 1844, 1815. Quand la cause en litige ne pou-
vait être élucidée ni par la déposition des témoins, ni
par le serment de l'accusé, on l'abandonnail au juge-
ment de Dieu. La cause eiileinlue, les j 11140s donnaient
chacun leur suffrage, soit pour absoudre, soit pour
condamner, soit pour déclarer que la question ne leur
paraissait pas claire, La sentence était rendue d'après
le nombre des suffrages. S'il s'agissait iVuur affaire
grave, les juges ne pouvaient rendre leur sentence que
i,. lendemain des débats. Ne prenant que peu de nour-
riture et s'abstenanl de vin, ils passaienl la nuit à con-
i;.,.,., deux 1 deux sur la cause. Le matin, ils rendaient
leur sentence définitive, et ne pouvaient d'ailleurs
changer leur avis de la veille que dans un sens favo-
681
PROCÉDURE — PROCÈS
682
rable, Le nombre des juges étant toujours impair, il
pouvait arriver que l'un d'eux déclarai que la question
ne lui paraissait pas élucidée, et que les autres juges se
partageassent à voix égales pour ou contre. En pareil
cas. on adjoignait d'autres juges aux premiers, jusqu'à
ce que la sentence put être portée à la pluralité dis
voix. S'il y avait au grand sanhédrin trente-six voix
pour condamner et trente-cinq pour absoudre, on con-
tinuait les débats jusqu'à ce qu'un des juges qui con-
damnaient se ralliât à la sentence opposée. Cf. Iken,
Antiquitates hebraiese, Brème, 1741, p. 410, 411. Ces
complications de procédure ne furent instituées qu'assez
tard après la captivité. Elles montrent le souci que
l'on avait d'éviter une sentence erronée dans les affaires
graves. Ce souci était d'autant plus justifié qu'il n'exis-
l.nl pas de tribunal d'appel et que la sentence était
exécutée immédiatement. Cf. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5.
Sur la procédure suivie au grand sanhédrin de Jérusa-
lem, voir Sanhédrin. — Comme il était interdit aux
Juifs de prendre part à une affaire judiciaire le jour du
sabbat, cf. Beza \ Yom tob), v, '2, l'empereur Auguste
exempta les Juifs de tout l'empire de l'obligation de
témoigner en justice ce jour-là. Cf. Josèphe, A)it. jud.,
XVI, vi, 2. 4. Par le même décret, il voulut que le
vol de l'argent ou des livres sacrés fût considéré
comme sacrilège et puni en conséquence. La loi mo-
saïque réglant à la fois les affaires religieuses et les
affaires civiles, les Juifs avaient obtenu le privilège
d'être jugés selon le droit mosaïque. Ils dirimaient
d'après ce droit les contestations qui s'élevaient dans
leurs communautés de la dispersion. C'est* ainsi que
S.iiil reçut pleins pouvoirs du sanhédrin de Jérusalem
pour ;dler poursuivre juridiquement à Damas les Juifs
passés à la foi chrétienne. Act., ix, 2; xxn, 19; xxvi,
11, 12. A Corinthe, les Juifs traduisirent saint Paul
devant le tribunal du proconsul Gallion, sous prétexte
qu'il prêchait une religion contraire à leur loi. Les
Juifs attaquaient ainsi saint Paul en qualité de Juif;
mais ne se sentant pas en force pour porter contre lui
une sentence exécutoire, ils en appelaient à l'autorité
romaine, qui d'ailleurs se récusa. Act., xvin. 12-16. Le
sanhédrin le poursuivit plus tard à Jérusalem, mais
devant le procurateur, à cause de l'amoindrissement de
ses pouvoirs en matière criminelle. Act., xxiv, 1 ; xxv,
7. Il l'accusait surtout d'actes contraires à la loi reli-
gieuse, et les procurateurs de Judée étaient obligés d'en
connaître, sans pouvoir se dérober comme Gallion,
parce que les attributions du sanhédrin en matière
criminelle étaient passées entre leurs mains. Du reste,
il en avait été déjà ainsi au temps de Xotre-Seigneur.
C'est bien la loi mosaïque que l'on invoqua devant
Pilate, Joa., xix, 7; les Juifs avaient la prétention de
la faire triompher dans le sens qu'ils lui prêtaient, et
ils y réussirent au moins par intimidation. Saint Paul
fut plus d'une fois cité devant les tribunaux juifs de la
dispersion; il atteste que cinq fois il reçut des Juifs
trente-neuf coups de fouet, châtiment que les commu-
nautés de Palestine et de la dispersion avaient le droit
d'infliger à leurs coreligionnaires. II Cor., xi, 24. A
Sardes, avec l'autorisation du pouvoir de Rome, les
Juifs avaient un tribunal dans lequel ils jugeaient les
contestations qui s'élevaient entre eux. Cf. Josèphe,
Anl. jud., XIV. x, 17. Presque toutes leurs commu-
nautés exerçaient ce droit. Cf. Schurer, Geschichte des
jùdischen Volken im Zeit. J. (.'., Leipzig, t. m, 189S,
p. 71, 72. II. Lesètre.
PROCÈS (hébreu : rib, mâdôn; Septante : /.pin:,
■/.fia», ivxû.ayia; Vulgate : judicium, lis, disceptatio),
action intentée devant les juges. L'objet même du pro-
cès s'appelle ddbâr, <• parole, affaire, 8 /.v.?-.;, causa,
Exod., XVIII, 16, 22; XXII, 9, et celui qui a un procès
est un ba'al debdrim, « ayant des affaires, » xpi'creç, quid
nalitm guseslionis. Exod., xxiv, 14. Sur les questions
se rapportant aux procès, voir Jugement judiciaire,
t. ni, col. 1843; Plaideur, col. 448; Procédure, col. 680.
— I" La loi mosaïque s'occupe des procès que rendent
inévitables les différentes manières d'envisager une
même question, surtout quand il s'agit d'intérêts ma-
tériels. Dans le principe, au désert, Moïse lui-même
prenait la peine de juger tous les procès, et cette occu-
pation l'accaparait du matin au soir. Sur le conseil de
Jéthro, il se dessaisit de sa fonction déjuge et la con-
fia à des hommes chargés chacun des affaires d'une
partie du peuple. Exod. r xvm, 13-26. Voir Juges, t. m,
col. 1834. Dans sa législation, il détermina la juridiction
devant laquelle devaient être portés les différents pro-
cès. Exod., xxn, 9, 14; xxiv, 14; Deut., xvii, 8; xix, 17;
xxv, 1. Il défendit soit de se ranger dans un procès à
l'avis du grand nombre contre la justice, soit de favori-
ser le pauvre au détriment du droit, soit de l'accabler.
Exod., xxiii, , 2, 3, 6. Son organisation judiciaire pour
l'examen des procès fut plus tard renouvelée par Josa-
phat. II Par., xvin, 9, 10. — Job, xxix, 16, dit qu'il
examinait avec grand soin la cause de l'inconnu. — Les
querelles et les procès sont fréquemment suscités par
l'homme violent, Prov., xv, 18, ou l'homme faux.
Prov., xvi, 28. Il est permis de défendre sa cause con-
tre l'insulteur, mais en veillant à ne pas compromettre
des tiers. Prov., xxv, 9. Commencer un procès ou
soulever une querelle, c'est ouvrir une digue. Prov.,xvn,
14, car on ne sait ni quand ni comment la chose finira.
Il est conseillé d'éviter les procès avec un riche, car
celui-ci peut aisément gagner les juges à sa cause avec
son argent. Eçcli., vm, 2. — Notre-Seigneur recom-
mande d'éviter les procès et de s'arranger à l'amiable,
Matth., v, 25, et il désire que son disciple souffre le
dommage plutôt que d'en exiger la réparation. Matth., v,
38-41. Saint Paul blâme les chrétiens qui ont des pio-
cès les uns avec les autres; il préférerait qu'on sup-
portât l'injustice. I Cor., vi, 7, 8. Un chrétien et, à
plus- forte raison, un ministre de l'Église doit être
àVcc/or, « non combatif, » non liligiosus, ennemi des
querelles et des procès. I Tim., m, 3; II Tiin., n, 24;
Tit., m, 2. — Ponce Pilate proclama plusieurs fois
qu'il n'y avait pas matière à procès dans ce que les
Juifs reprochaient à Notre-Seigneur. Luc, xxm, ï, 14;
Joa., xvm, 38; xix, 4, 6. Sur les irrégularités dont le
sanhédrin se rendit coupable dans la conduite de ce
procès, voir t. m, col. 1845; Chauvin, Le Procès île
Jésus-Christ, Paris, 1901.
2° Au sens figuré, on compare à un procès dont Dieu
est le juge les difficultés qui s'élèvent entre les bons et
leurs persécuteurs, entre le juste éprouvé et Dieu lui-
même. Ainsi Dieu juge entre David et SaùI,I Reg.,xxiv,
16, entre David et Nabal. I Reg.. xxv, 39. En butte à
l'épreuve, à cause de laquelle on incrimine sa vertu,
Job, xxxi, 35-37, s'écrie ;
Qui me fera trouver quelqu'un qui m'écoute!
Voilà mon thav .que le Tout-Puissant me réponde;
Que mon adversaire écrive aussi sa cëdule !
On verra si je ne la mets pas sur mon épaule,
Si je n'en ceins pas mon front comme d'un diadème .
Job a écrit sa cédule d'accusation ou de défense et il l'a
signée, comme on faisait d'habitude, avec le thav, la
dernière lettre de l'alphabet hébraïque, qui avait dans
l'ancienne écriture la forme d'une croix. Il veut que son
adversaire, l'ami qui l'accuse, en fasse autant. Il est si
sur de son innocence et de la sentence du Tout-Puis-
sant, qu'il traitera les pièces du procès comme si elles
étaient pour lui un titre de gloire et les attachera osten-
siblement à son épaule et à son front. — Dieu estjuge
et défenseur dans la cause de l'orphelin contre l'oppres-
seur. Prov., XXIII, 11. Les justes éprouvés lui confient
leur cause. Ps. ix, 5; xlhi (xi.n), 1; Is., u, 22. — Le
683
PROCÈS — PROCHAIN
684
Seigneur lui-même, en procès contre sa vigne, c'est-à-
dire contre son peuple, défère le jugement aux hale-
tants de Jérusalem et aux hommes de Juda, c'est-à-dire
aux coupables eux-mêmes, dont l'inlidélité est si évi-
dente qu'ils seront bien obligés de se condamner.
ls., v, 3. H. LesëTRE.
PROCHAIN (hébreu : 'ah, « frère », rê'a, « compa-
gnon ; » Septante : •', -n'/r^ivi (sous-entendu : wv), « ce-
lui qui est auprès; » Vulgate : proximus), tout homme
vis-à-vis d'un autre homme.
I. Devoirs envers le prochain dans l'Ancien Tes-
tament. — 1° La loi ancienne prescrit différents devoirs
à l'égard du prochain. Il faut respecter sa vie, Exod.,
xx, 13, sous peine de mort, Gen., i.\, 5; Exod., XXI, I 1:
respecter ses biens, Exod., xx, 15, sous peine d'avoir à
restituer le double, Exod., xxn, 9; ne convoiter ni sa
femme, ni ses biens, Exod., xx. 17; ne pas le frapper,
à peine d'avoir à réparer le tort causé, Exod., xxi, 18;
le traiter humainement quand on prend un gage sur
lui, Exod., xxn. 20; ne pas l'opprimer. Lev., xix. 13;
le iuger selon la justice, Lev., xix, 15; ne pas l'accuser
méchamment, Lev., xix. 16; le reprendre, Lev., xix. I" :
l'aider dans sa pauvreté, Lev., xxv, 35, 36; respecter
les limites de son champ. Deut., xix, 14, etc. Tous ces
devoirs se résument en ces deux prescriptions : « Tu
ne haïras point ton frère dans ton coeur, tu aimeras
ton prochain comme toi-même. » Lev., xix, 17, 18. Des
recommandations spéciales visent certaines catégories
de prochain, les esclaves, voir t. Il, col. 1925, les
étrangers, voir t. n. col. 2(.HO, les mercenaires, voir
t. iv, col. 990, les pauvres, voir t. IV, col. 2234, les
pères, voir col. 128, et mères, voir t. iv, col. 995, etc.
2° Les auteurs sacrés rappellent les différentes pres-
criptions imposées par Dieu à l'égard du prochain.
Eccli., xvn. 12. On doit s'abstenir de faire du mal au
prochain ni croire celui que l'on dit de lui. Ps. XV
(xiv), 3, 4. Celui qui méprise son prochain se rend
coupable, l'rov.. XIV, 21. 11 ne faut pas lui garder
ne de ses injustices, Eccli., x, 6, ni refuser de
lui pardonner, si l'on veut être pardonné soi-même,
Eccli., XXVIII, 2, ni forger des mensonges contre lui,
Eccli., vu, I!!. On lui prêtera s'il est dans le besoin.
Eccli., xxix, 2. On ne lui ravira pas sa subsistance, ce
qui serait lui donner la mort. Eccli., xxxiv, 26. On lui
dira la vérité. Zach., VIII, 16. On n'imitera pas les faux
témoins, qui sèment la discorde entre les frères.
Prov., vi, 19. On évitera même de trop fréquentes
visites dans la maison du prochain, Prov., xxv. 17, et
les salutations intempestives. Prov., xxvm, 14. Si on
juge des désirs du prochain d'après les siens propres,
Eccli., xxxi, 18, on saura comment régler sa conduite
envers lui, et alors il sera bon et doux pour des frères
d'habiter ensemble. Ps. cxxxm (cxxxn), 1.
II. La notion DE PROCHAIN cm/ LES .lins. — I II
faut observer que dans ces textes de l'Ancien Testa-
ment, les devoirs prescrits envers relui que nous
appelons le prochain concernent celui qui, pour les
Hébreux, pouvait porter le nom de ah. •■ frère, » ou
rê'a, « compagnon. » Or ces noms ne se donnaient en
général qu'aux compatriotes. La loi interdisait toute
amitié avec les Amalécites, Lxod.. xvn, Hi; Deut.,xxvj
19; les Ammonites et les Moabites. lient., XXIII, 3-6;
1rs Mailiauiles, Xiiiu , xxv. 17, 18, et sept peuples du
pays de Chanaan. Deut., vu, 1, 2. Le Seigneur avait
promis à Israël, s'il était lidèle, d'être l'ennemi de ses
mi et l'adversaire de ses adversaires. Exod., xxm.
22. Seuls, les Iduméens et les Egyptiens étaient misa
part et ne devaient pas être dis objets d'abomination.
l'eut., xxm, 7. Ces mesures étaient prises pour inter-
toute union el même tout contact entre les
Hébreux et des populations immorales Vi idolâtres.
Mais en Israël, comme généralement chez les autres
peuples de l'antiquité, on en vint aisément à confondre
ensemble l'étranger et l'ennemi. Chez les Grecs,
i-'ii'j--y.',i. <■ autrui, l'étranger, » était devenu le nom
de l'ennemi. Cf. Mail., v, 214; Udys., xvi, 102, etc.
Chez les Romains, la loi des xn Tables donnait encore
à l'étranger le nom d'hoslis, qui par la suite fut celui
de l'ennemi. Cf. Cicéron, De '■flic, i, 12, 37. De
même, chez les Hébreux, on s'habitua à regarder
comme ennemis, par conséquent comme exclus des
préceptes de l'amour et de la bienveillance, tous ceux
qui n'appartenaient pas à la nation choisie. On est
obligé de convenir que les hostilités dont les Israélites
furent fréquemment l'objet de la part des peuples
voisins, n'étaient pas faites pour les incliner à une
grande amitié pour les étrangers,
2° Avec le temps, les sentiments d'antipathie s'accen-
tuèrent et devinrent une véritable haine pour tout ce
qui n'était pas Juif. Déjà à Suse, d'après Josèphe,
Ant.jud., XI, vi. 5, Aman accusait le peuple juif d'être,
par ses mœurs et ses lois, i ennemi du peuple perse et
de tous les hommes. » Plus tard. Apollonius Molon
représentait les Juifs comme g athées et misanthropes i,
Josèphe, Cont. A pion., n, 11; il leur reprochait de ne
pas recevoir ceux qui avaient d'autres idées qu'eux sur
la divinité et de refuser tout commerce avec ceux qui
ne partageaient pas leur genre de vie. Il est vrai que
Josèphe, Cont. Apion., Il, 36, 37, lui renvoie le reproche
en lui faisant observer que les autres peuples, spéciale-
ment les Grecs, Lacédémoniens, Athéniens et autres,
en faisaient tout autant. Lysimaque prétendait que
Moïse avait ordonné à son peuple de n'avoir de bien-
veillance pour aucun autre homme et de toujours
conseiller aux autres non le meilleur, mais le pire,
Josèphe, Cont. Apion., i, 3t. et l'un des conseilli rs
d'Antiochus Subies dissuadait ce prince de ne rien
accorder aux Juifs à cause de leur àjiiÇt'a, leur habitude
de ne pas se mêler aux autres peuples. Josèphi
Anl. jml., XIII, VIII, 3. Tacite, But., V,5, leur attribue
adversus omnes aliot hostile odium, i une inimitié
haineuse a l'égard de tous les autres, et Juvénal,
Sat., xiv, 103. loi, les accuse de ne vouloir montrer le
chemin et indiquer les fontaines qu'à leurs coreligion-
naires. Cf. Justin, xxxw, 2, 15. Ces accusations étaient
justifiées eu grande partie. Un docteur de la loi en est
encore à demander à Notre-Seigneur : g Oui donc est
mon prochain?» Luc. X, 29. Du reste, les écrivains du
Talmud déclarent formellement qu'on ne doit exercer
envers les gentils ni bienveillance ni miséricorde, que
le païen n'est pas le prochain, que les gentils sont com-
parables aux chiens, etc. Cf. Lightfoot, Horœ Itrbraicx
et talm., m Malth, v, 43, et in Luc, ix, 60. Saint Paul
résume tout, d'un mot qui confirme ce qu'on dit les
autres auteurs, quand il dénonce l'hostilité des Juifs,
0êcS \nt ipeaxtfvTtûVj xai tcxtiv àv6pft>itoic âvav-faov,
■ déplaisant a hieu et ennemis de tous les hommes. »
I Thés.. 11. 15.
3" Dans le discours sur la montagne, Notre-Seigneur
dit à ses disciples : g Vous avez appris qu'il a été dit :
Tu aimeras ton prochain et tu haïras Ion ennemi. «
Matlli., v, ii. Le Sauveur n entend pas ici faire allusion
à l'interprétation des Juifs, mai-, comme dans les
autres passages du discours. Matth., v. 21, 27, 31,33,
38, il se réfère aux ternies de la lui ancienne. I Ir nulle
put n 1! -I i ii. commande la haine des ennemis. Aussi
le m, il haïr ■• doit-il s'entendre ici dans un sens
relatif. Il signifie seulement « aimer moins eu ne
pas aimer ». comme dans le- texte- où il est oppi
i aimer t. lien., xxix, 31; lient., xxi, 15. lfi ; Mal., i,
2: Matth.. vi, 24; Luc, xiv. 26; xvi, 13; Joa., xn, 25;
R ix, 13, La pensée du divin Maître doit donc tic
que la loi ancienne ne prescrivait pas d'aimer les
ennemis connue on aime les ami-, le prochain; lui-
même va corriger cette loi ainsi entendue. Sans doute.
685
PROCHAIN
PROCOPE DE GAZA
686
la législation mosaïque suggérait parfois la haine envers
les ennemis, non entant qu'hommes, mais en lanl que
peuples pervers, malfaisants et idolâtres, dont il fallait
se délier et se tenir à l'écart. En prescrivant d'aimer
le rê'a comme soi-même, Lev., xix, 1S, elle désignait
tout d'abord l'Israélite, il est vrai ; rien ne prouve cepen-
dant qu'elle excluait le prochain en général ; le contraire
résulte certainement de la manière [dont les auteurs
sacrés parlent des autres hommes, de l'étranger inoll'en-
sif et même des ennemis personnels. Cf. Job, XXXI,
29, 30; Prov., xxiv. 17, 29; xxv, 21; Rom., xn, '20.
Aussi faut-il tenir pour fausse et contraire à la loi
l'interprétation des Juifs qui, opposant le ré a au nokrî,
le compatriote à l'étranger, se croyaient permis d'avoir
pour l'un l'amour et pour l'autre l'opposé de l'amour,
la haine. *
III. Devoirs envers le prochain dans le Nouveau
Testament. — 1" Notre-Seigneur parle beaucoup plus
explicitement de ces devoirs que ne l'avait fait la loi
ancienne. Tout d'abord, il donne au mot « prochain n
l'extension qu'il comporte. Le prochain, ce n'est pas
seulement l'ami, le compatriote, c'est encore l'étranger
el même l'ennemi. Notre-Seigneur le déclare avec
insistance : « Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis,
sez ceux qui vous maudissent, faites du bien à
ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous
maltraitent et qui vous persécutent. » Matin., v, 44. Il
veut qu'en cela on imite le Père céleste, qui fait lever
son soleil et descendre sa pluie sur les méchants tout
comme sur les bons. Matth., v, -15. Dans la parabole du
bon Samaritain, il explique quel est celui qui se con-
duit vraiment en prochain vis-à-vis d'un autre homme.
Le prochain du malheureux Juif blessé n'a été ni le
prêtre, ni le lévite, ses compatriotes, mais le Samari-
tain, abhorré des Juifs, et pourtant miséricordieux
envers quelqu'un qui le détestait. Le docteur de la loi
est forcé d'en convenir. Luc, x, 30-37.
2° Le Sauveur aime à rappeler le précepte de
l'amour envers le prochain. A un autre docteur, il
enseigne que le plus grand commandement de la loi
concerne l'amour de Dieu, mais que « le second lui
est semblable » et concerne l'amour du prochain. Matth.,
xxil, 3(3-39. Il appelle ce commandement un « com-
mandement nouveau o,Joa., xin, 34, parce que la loi de
I amour du prochain n'avait jamais été formulée avec
tant d'instance, de précision et d'extension. Matth., v,
14; xix, 19; xxvi, 39; Marc, xn, 31,33; Luc, x, 27 ;
Rom., xin, 9; Gai., v, 11; Jacob., Il, 8.
3° En conséquence du précepte, il ne faut pas s'irriter
contre son frère, Matth., v, 22, ni juger le prochain,
Rom., xiv, 10; Jacob., iv, 13, ni chercher la paille
■dans son œil, Matth., vu, 3; Luc, vi, 41, ni le scanda-
liser. I Cor., vin, 13. On doit au contraire se réconci-
lier avec lui, Matth., v, 24, le reprendre quand il fait
mal, Matth., xvm. 15, lui pardonner ses torts, Matth..
xvm, 35, prier pour lui quand il pèche, I Joa., v, l(i,
l'aider dans son indigence, Jacob., H, 15, chercher à
lui plaire pour le bien, Rom., xv, 2, faire de la vérité
la règle des rapports qu'on a avec lui. Eph., iv, 25. Le
véritable amour ne fait jamais de mal au prochain.
Rom., xin, 10. Aimer le prochain, c'est accomplir la
loi. Rom., xm, 8, et vivre dans la lumière. I Joa., n,
10. Ne pas l'aimer, c'est vivre dans les ténèbres, I Joa.,
n. 9. 11, n'être pas de Dieu et se faire homicide.
I Joa., ni. 10, 15. On ne peut pas vraiment aimer Dieu
si l'on n'aime pas son frère. I Joa., iv, 20.
4° Le divin Maître indique la raison fondamentale des
devoirs envers le prochain quand il ordonne à tous de
-, adresser à Dieu en disant : « Notre l'ère qui êtes aux
cieux, m quand il fait ajouter ; « Pardonnez-nous nos
offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés, •> Matth., VI, 10, 12, et qu'il dit : g Vous êtes
tous frères,., vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est
dans les cieux. » Matth., XXIII, 8, 9. SaintPaul reprend
la même idée sous cette autre forme : o Nous sommes
membres les uns des autres. » Eph., iv. 25.
II. Lesétre.
PROCHORE (grec : IIpo/opo;), un des sept diacres
institués par les Apôtres à Jérusalem. Il est nommé le
troisième de la liste, après saint Etienne et saint Phi-
lippe. Act., vi, 5. Son nom ne parait nulle autre part
dans le Nouveau Testament. D'après une tradition, il
fut institué par saint Pierre, évèque de Nicomédie en
liithynie. On trouve dans la Magna Bibliotheca
Patrum, Cologne, 1618, t. i, p. 49-69, une Ristoria
Prochori Christi discipuli,devita B. Toannis apostoli,
livre apocryphe, rempli de fables et d'erreurs. Le mar-
tyrologe romain place la fête de saint Prochore au
6 avril. Voir Acta sanctorum , aprilis t. I, p. 818.
PROCONSUL (grec : àve-JTcato;), gouverneur d'une
province sénatoriale. Le nom grec du proconsul, iv-
8-jtoxto; (ivW « à la place de, » -jTtaTo; « celui qui est au
sommet, le consul ») se trouve dans deux endroits du
livre des Actes, xm, 7, 8, 12, et xix, 38. On y rencontre
aussi une fois le verbe àvOuTrate-ju, xvm, 12, « être pro-
consul », faire l'office de proconsul. — On sait que les
provinces de l'Empire romain étaient divisées en séna-
toriales et en impériales. Les provinces sénatoriales
étaient celles qui étant pacifiées n'avaient pas besoin
de forces militaires. On en confiait l'administration à
un magistrat qui exerçait les fonctions civiles de gou-
verneur de la province et portait !e titre de proconsul.
— 1° L'ilede Cypre, après la bataille d'Actium, était deve-
nue province impériale; mais 'cinq ans après, elle [fut
donnée au Sénat et administrée par un proconsul. Dion
Cassius, liv, 4; Corpus incript. latin., t. IX, 2845; J. Mar-
quardt, Organisation de l'empire romain [Manuel des
antiquités romaines de Mommsen et Marquardt). t. H,
p. 328. Comme ce proconsul était de rang prétorien,
Strabon, xiv, vi, 6, quelques exégètes ont cru, bien à
tort, que saint Luc, xm, 7, s'était trompé en mettant
un proconsul en Cypre. Mais l'historien des Actes des
Apôtres donne à Sergius Paulus son vrai titre. Une in-
scription découverte dans cette île en 1677, est datée de
son proconsulat : twv ètù HaûXou àvô'j-ito'j. Cf. F. Vi-
gouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes
modernes, 2e édit., p. 200-206. Voir aussi la monnaie
proconsulaire de Cominius Proclus, Cypre, t. Il, (îg. 443,
col. 1166. — 2» L'Achaïe d'abord province impériale, Ta-
cite,. Ann.,i, 76, fut rendue au Sénat par Claude. Suétone,
Claudius, 26. Saint Luc a donc donné au gouverneur
résidant à Corinthe le titre précis qui lui convenait.
Ce proconsul, au moment ou saint Paul vint évangéliser
celte ville, était Gallion, frère de Sénèque. J. Mar-
quardt, Inc. cit., p. 220. Voir Gallion, t. m, col. 93. —
Au moment du partage des provinces l'Asie fut donnée
au Sénat et administrée par un proconsul a 12 faisceaux
qui résidait à Éphèse. Voir Éphèse, t. il, fig. 582,
col. 1831. Dans la sédition soulevée contre saint Paul
par l'orfèvre Démétrius, le secrétaire de la ville dit au
peuple, Act., xix, 38 : « Si Démétrius et ses ouvriers
ont à se plaindre de quelqu'un, il y a des jours d'au-
dience et des proconsuls. » En mettant le nom pro-
consuls au pluriel, il ne veut pas indiquer qu'il y avail
plusieurs proconsuls à la tête de la province d'Asie;
mais il se sert d'un pluriel de catégorie, marquant qu'il
y a toujours des proconsuls auxquels on peut recourir.
Saulio et Daremberg, THctiorihaire ''es ani>>itntr^
grecques et romaines, t. IV, 1, p. 061, 719.
E. Levesque.
PROCOPE DE GAZA (IIpoiuSiHoç), écrivain ecclé-
siastique qui llorissait sous les empereurs Anastase 1 '
; 191-518) eT.Justin Ie' (518-527). —.L'école palestinienne
des rhéteurs de la ville de Gaza a compté, parmi ses
représentants les plus illustres, Procope. On ignore la
687
I'ROCOPE DE GAZA
688
date précise de sa naissance et de sa mort. Son disciple
et son successeur, le sophiste Choricius, a écrit son
éloge dans un discours intitulé Xoptxfou itoçiotoû
IniTaçioc Èntllpoxontid ffoçifftij IV-'r,; à >o -, o:. et publié,
avec une traduction latine de Joseph Chrétien Wolff,
par Fabricius, Bibliolkeca grœca, édit. Harless, V,
xxxi, t. vin, p. 8Î0-85I, et aussi par Boissonade, Cho-
ricii Gazaei orationes, declamationes, fragmenta,
Paris, 1844, p. 1-24. Avec les lettres de l'rocope
(voir Pat. Gr., t. i.xxxvii, col. 2717-92, Fabricius-Har-
less, Bibliotheca grseca, t. îx, p. 296 et R. Hercher,
Epislolographi grseci, Paris, 1873, p. 533-598), le
panégyrique de Choricius est la principale source pour
la biographie, d'ailleurs peu fournie, de Procope. Sauf
quelques courts séjours à Alexandrie, à Césarée, en
Pamphylie, et peut-être à Constantinople. sa paisible
carrière s'est toute entière écoulée dans sa ville natale.
Étranger aux agitations qui, de son temps, boulever-
sèrent l'Église et l'État, Procope se voua complètement
et uniquement à des travaux littéraires et théologiques.
Nous n'avons à nous occuper ici que de ces derniers.
La majeure partie de l'œuvre de Procope est con-
sacrée à l'Écriture Sainte. 11 est, parmi les commenta-
teurs de la Ijible. un des principaux exégètes de ceux
qui ont pratiqué la méthode dite de la Chaîne (aeipâ,
Calena). Lui-même caractérise nettement son procédé,
au début d'un commentaire sur la Genèse, t. i.xxxvii,
col. 21. « Nous avons réuni les explications sur l'Octa-
teuque fournies par les Pères et d'autres écrivains, les
recherchant dans les documents et divers discours...
lorsqu'une explication est commune à tous, nous ne la
donnons qu'une fois. S'il y a quelque divergence, nous
l'exposons sommairement pour faire de toutes les opi-
nions un seul corps, qui renfermera pour nous les
sentiments de tous. » Les commentaires de Procope,
qui tous portent sur l'Ancien Testament, sont les sui-
vants. 1» Celui que Photius, [Bibl., ccvi, t. i:iii, col. 076,
intitule npoxo7t[Vj ffoçiirroû i;r,"/,Tr/.a'i a/oXai z:; ~i -:<;i
'OxvaTeu/0\ liïn llx/aitov rpa[Ajj.àxf,)v y.t\ i\: ràç Ita^'.-
/îta: xa; £r, i'.c. ii Ilapa/e'.Tiousvx. Il fut publié pour la
première fois en 1553 à Zurich par André Gesner, mais
seulement en traduction latine, peu correcte de Conrad
Clauser, qui porte aussi le nom de Claude Thrasybule,
Toutefois Conrad Clauser ne traduisit que le commen-
taire sur la Genèse, l'Exode et le Lévitique; le reste de la
traduction, soit la partie concernant leDeutéronome, le
livre de.losué, celui des Juges, ceux des Rois et les Pa-
ralipomènes furent Pieuvre dllartinan Hamberger.
Fn 1620, .1. Meursius publia à Lyon, une traduction de
Louis Lavater, ou plutôt aussi, prétend-on, d'ilart-
man Hamberger, le texte grec des scolies sur les livres
des Rois. .1. Meursius, Opéra, t. vin, p. 1 et suiv. Le
cardinal Auguste Mai, au xix» siècle, retrouva le texte
grec de la partie du commentaire qui se rapporte à la
Genèse el l'édita à Rome en 183i, dans ses Classici
auctores, t. vi, p. 1-18. Migne, t. i.xxxvii. a reproduit
le texte grec de Mai et la traduction de I lesnert, d'Ham-
berger, on y ajoutant, pour certaines parties, le texte
grec de la Calena Lipsiensis éditée à Leipzig en 1772,
par Nicéphore Hiéromonachos, et que l'on a tout lieu de
croire l'œuvre de Procope. — 2° Commentaire sur le livre
des Proverbes; signalé par Monlfaucon, Palœographia
grseca, p. 278 et suiv., et Turrianus, Defensio epistola-
non Pantificum, t. iv. p. i, (i, 17, le texte grec en a été
publié par le cardinal Mai, Classici auctores, t. i\,
p. 1-256, el il a été reproduit avec une traduction la-
tine dans Migne, t. i.xxxvii. col. 1221-151 i. Dans un ma-
nuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique, n 3895-
96 (cf. .1. Van den Gheyn, Catalogne (les manuscrits de
bliotlièque royale de Belgique, t. n, p. 221-222),
on trouve p, 1-217, le texte grec de Dpoxoitîov PaSat'ou
£piffTtavo3 t'j^'.ttoO t«iv îi; :à; itapot}uaç SaXofjLfôvToç
i'.r-r-iy.tin ixloyâv iiEiTopir,, accompagné d'une traduc-
tion latine faite au xvni' siècle par Balthazar Cordier,
S. .1. Migne, t. lxxxvii. col. 1779-1800, en donne quel-
ques extraits. — 3° Dans les Auctores classici, t. ix.
p. 257-130, le cardinal Mai et Migne. t. i.xxxvii, col. 1541-
1754. ontpublié HpoxoTcîou FaCaiou -/piffTiavoû troçtaroû
li; ~'x àauara rôv Ba'fJl.crraw i\rt-rr- :/.&'/ ExXoYCdV È,T'.TOU.rt,
Procopii Gazœi chrisliani sophistes in Cantica Can-
ticorum selectarum expositionum epitome. Migne
a ajouté à son édition les variantes du mss. n" 3895-96
de la Bibliothèque royale de Belgique. En outre. Mai.
Classici auctores, t. vi.p.318, et Migne, t. cité, col. 1755-
1779, ont publié des fragments d'un autre commentaire
de Procope sur le Cantique des Cantiques.— 4" En 1579.
Jean Curlerius publia le texte grec et la version latine
d'un long commentaire de Procope sur Isaïe, reproduit
dans^Migne, t. i.xxxvii, col. 1801-2718. Cave, Bistoria
litteraria, 1750, p. ;>27. attribuée Procope un commen-
taire sur les douze petits prophètes, mais cette opinion
n'est guère appuyée. Toutefois, il n'est pas impossible
qu'un examen plus approfondi des manuscrits fasse
retrouver encore un certain nombre d'ouvrages du
sophiste de Gaza, ou du moins des exemplaires de
traités de Procope connus seulement par un texte unique.
Ainsi M. E. Bratke, Handschriftliclies zu Procopios
von Gaza, dans Zeilsclirift fur wissenschaftliche
Tlieologie, t. xxxix. 1896, p. 303-12, croit avoir recon-
nu une Chaine de Procope sur le Cantique des Cantiques
dans le manuscrit grec n° 131 de la bibliothèque de
Munich et il signale également de nouveaux exem-
plaires du commentaire sur le livre des Proverbes.
Les travaux scripturistiqnes de Procope ont de tout
t imps, chez ceux qui les ont édités ou connus, excité
une vive admiration. Ernesti loue sa vaste érudition et sa
profonde connaissance des ancien-, exégètes. l'ittc. tir.,
t. i.xxxvii, col. 15. Le cardinal Mai relève l'importance
des commentaires et qualifie la méthode de Procope
« d'herméneutique solide et de doctrine authentique »,
et il constate que l'on retrouve chez lui d'intéressantes
variantes des Rexaples d'Origène. Pair. Cr., t. IX,
col. 17. Jacques Gesner, un des éditeurs de Procope, émet
un jugement semblable. Ibid., col. 11. On s'est récem-
ment surtout préoccupé', en ce qui concerne Procope de
Gaza, de démarquer le fond même de ses commentaires
sur l'Écriture, si riches en extraits d'auteurs anciens,
dont quelques-uns sont en partie perdus ou incomplè-
tement conservés. En d'autres termes, on s'est efforcé
de reconnaître les sources auxquelles Procope a puisé;
s'il nomme parfois les écrivains auxquels il emprunte,
le plus souvent il fond les opinions d'autrui dans son
propre texte. M. Rendel Harris, Fragmenta of Pliilu,
Cambridge, 1886, a constaté que Procope s'est plus d'une
fois inspiré des écrits du juif Philon, dans son commen-
taire sur l'Octateuque. Des constatations analogues ont
i te faites parMM.P. Wiudland. Xeuentileelite lent/mente
Philo's, Berlin, 1891, p. 19. note 17. et L. Colin. Zur
indirecten Uberlieferung Philo's und der àlteren Kir-
clienschriftsteller, dans Jahrbuch fur protestantische
Tlieologie, 1812, p. 175-492. Mais ils signalèrent en
même temps l'influence d'Origène, toutefois en bornant
leurs observations aux textes parallèles d'Origène et de
Procope pour le commentaire sur la Genèse el sur
l'Fxode el ne renseignant pas les homélies d'Origène
connue avant .le utilisées par Procope. Cette dernière
constatation élail réservéeà M. Fric Klostermann, quia
nettement indiqué que les .homélies d'Origène ont été'
mises a contribution par Procope dans son commen-
taire sur le livre de Josué ; niais seulement les quatre
premières et les onze dernières des vingt-six homélies
d'Origène sur Josué. Griechische Excerpte aus llomi-
lien des Origenes, dans Texte und Untersuchungen
zur allchrisllichen l.iteralur, t. XII. Ilell 3, 189i,
p. 1-12. Toutes les recherches sur l'œuvre de l'rocope
el ses sources ont été complétées de façon notable par
689
PROCOPE DE GAZA
PROCURATEURS ROMAINS
690
l'étude de M. Louis Eisenhofer, Procopius von Gaza.
Elite literarhistorisclie Studie, in-8°, Fribourg-en-Bris-
gau. 1897. Par l'examen approfondi du commentaire
sur l'Octateuque, comparé avec la Catena Lipsiensis,
il a singulièrement augmenté la liste des auteurs con-
sultés par Procope et réussi à reconstituer pour une
bonne partie ses emprunts et ses citations. Ainsi, il
démontre que l'utilisation des homélies d'Origéne
va au-delà de ce qu'a signalé M. Klostermann. Pour le
commentaire sur la Genèse, M. Eisenhofer nomme
Basile, Théodoret, Sévère de Cabales, Grégoire de
Nysse, Cyrille d'Alexandrie, Méthode, etc., les mêmes
ont été mis à contribution pour le commentaire sur
l'Exode et en outre Grégoire de Nazianze; pour le
commentaire sur le Lévitique, outre les écrits des
Pères ayant servi aux deux premiers commentaires, à
citer en outre Apollinaire de Laodicée; comme sources
du commentaire sur le livre des Nombres, il y a Cyrille
d'Alexandrie, Apollinaire, Grégoire de Nysse, pour celui
sur le Deutéronome, Josué et les Juges, Cyrille d'Alexan-
drie et les scolies anonymes de la Catena Lipsiensis.
Théodoret a servi pour le commentaire sur les livres
des Rois et les Paralipomènes; Cyrille d'Alexandrie,
Eusèbe de Césarée et Théodore d'Héraclée pour celui
sur Isaïe. Cf. J. Stiglmayr, t. i, dans Stimmen aus
Maria Laach, t. lui (1897), p. 79-82, et Cari Weyman,
dans Byzanlinische Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 457-458.
Procope eut avec le néoplatonicien Proclus une polémi-
que théologique, dont on s'est beaucoup occupé en ces
derniers temps. En 1831, le cardinal Mai en publia un
fragment 'E-/. t»v si; ti [IpâxXou 6îo}.oyL'/.i xsipiXaix
àvTtppTJoEtov, dans ses Classici auctores, t. îv, p. 274.
Cf. Migne, Patr. Gr., t. lxxxvii, col. 2792. Démosthène
Russos, Tpelç FaÇûtiot, crj|j:oo).aL si; Tr,v iaropi'av Tyj;
9t),off03i'a; -Sri FaÇaiwv, Constantinople et Leipzig,
1893, constata que cet écrit polémique de Procope ser-
vit de base à celui de Nicolas de Méthone dirigé aussi
contre Proclus. .1. Drâseke dénie toute paternité pour
cette œuvre à Nicolas de Méthone et cherche à établir
que c'est Procope qui en est l'auteur. Byzantinisclie
Zeitschrift, l. vi, 1897, p. 55-91. Mais ses conclusions
ont été fortement battues en brèche parle P. .1. Stigl-
mayr. S. .1. lbid., t. vin, 1899, p. 263-301. Nous n'avons
rien à dire ici des travaux purement littéraires du rhé-
teur de l'école de Gaza.
Bibliographie. — Outre les ouvrages cités au cours de
l'article, voir Sainjore (R. Simon), Bibliotheca critica,
1710. t. iv, p. 143-55; Bardenhewer, Patrologie, 1895,
p. 303; Legrand, Bibliothèque hellénique, t. Il, 1894,
p. 230; A. Ehrard, Procopius von Gaza, dans Kirclien-
lexicon, t. x, 1897, col. 453-55; K. Krumbacher, Ges-
chichle der byzantinischen Lillcratur, 2e éd., 1897,
p. 125-127; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des
neutestamentlichen Kanons und der allkircldichen Lit-
leratur, t. n, Erlangen, 1883, p. 239-253; J. Dràseke,
dans Tlieologisclie Studien und Krilikcn, 1895, fasc. 3,
p. 371 sq. ; L. Eisenhofer, Procopius von Gaza, Fri bourg
(Bade), 1897; lui. Seitz, Die Schule von Gaza, Heidel-
berg, 1892, p. 9-21; C. Ivirsten, Quxstiones Choricianse.
Breslau, 1894, p. 8-13; ErnstLindl, Die Oktateiiclikaleue
des Prokop von Gaza und die Septuagintaforschung,
Munich, 1902. J. Van den Gheyn.
PROCURATEURS ROMAINS (Nouveau Testa-
ment : TrY£|i6veç), gouverneurs de certaines provinces
impériales, en particulier de la Judée et de la Palestine.
Matth., xxvii, 2, 11, 14, 15, 21. 27; Act., xxm, 24, 26.
33, etc.
I. Nom. — Le mot procurator, comme l'indique sa
formation, s'applique à toute personne chargée de veil-
ler, au nom d'une autre, sur quelque alTaire : manda-
taire qui surveille les biens d'un ami, intendant mis à
la tète d'une propriété, conseil et fondé de pouvoirs, etc.
C'est ainsi qu'il vint à désigner plusieurs hauts fonc-
tionnaires de l'Empire romain : intendants de la mai-
son impériale, chefs de la chancellerie, directeurs de
divers services à Rome, administrateurs du fisc et
agents financiers dans les provinces impériales ou sé-
natoriales, enfin gouverneurs des provinces dites pro-
curatoriennes qui avaient le jus gladii. Cf. Mommsen
et Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad.
franc., t. ix, 1892, p. 581. Son véritable correspondant
en grec est Itu'tpotio;. Cependant les écrivains du Nou-
veau Testament n'emploient régulièrement que le mot
riycutiv. Cf. Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15, 21, 27; xxvm,
14; Luc, m, 1; xx, 20; Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, 1,
10; xxvi, 30. Ce terme ^veumv n'est pas un titre spécial,
mais il ne appellation générale qui s'applique à tout per-
sonnage investi d'un haut commandement : prseses,
« président. » Aussi, dans la langue des auteurs sacrés,
les mots ^yî'jivî-jw. r,YEU.ovta, 7,ysu.wv, sont-ils unifor-
mément employés, qu'il s'agisse de Tibère, Luc, ni,
1, du légat de Syrie, Cyrinus, Luc, n, 2, ou de
Ponce Pilate, Luc, m, 1; Matth., xxvn. 2. 11. 14, 15.
21, 27, et de Félix. Act., xxm, 24, 26. Josèphe lui-même
varie ses expressions. Il appelle généralement le gou-
verneur de Judée, éiri-rpoKo,', Art. jttd., XX, vi, 2; Bell,
jud., II, vin, 1; ix, 2; xi, 6 (dans le passage parallèle
Ant. jud., XIX, IX, 2, Ë7rapy_o;); XII, 8; ènt-rpoitiÙMv,
A nt. jud., XX, v, 1. Mais il le nomme aussi : k'nîtpxo;
= prsefectus, Ant. jud., XVIII, n, 2; XIX, ix, 2; XX,
ix, 1; Bell, jud., VI, v, 3; vi"';'"i>j.svoç, Ant. jud., XVIII,
I, 1; r,ysti<ôv, Ant. jud., XVIII, MI. 1 : IIiàStoç, 6 tf,ç
TouSacec? riysao)-/ (cf. Matth., xxvn, 2 : Tlù,i-:u> râ
:,\i]i'ji:); êiri[i6).ïrriiç, Ant. jud., XVIII, IV, 2. Il semble
qu'Auguste avait plutôt choisi le titre de prsefectus,
eiiapxoç. Mais bien vite, au moins depuis Claude, et à
l'exception de l'Egypte, le titre de procurator, i7ttTpo7to;,
devint prédominant. Dans une lettre aux Juifs, citée par
Josèphe, Ant. jud., XX, i, 2, l'empereur Claude dit lui-
même : « J'en ai écrit à Cuspius Fadus mon procura-
teur, râ Ijiw £7u-pÔ7tw. » On connaît aussi la parole de
Tacite, Annal., XV, 44 : Christus Tiberio imperitante
per procuratorem Pontium Pilatum supplicia adfe-
clus erat. Quant à la qualification de presses, 7(yîu.<,Sv, qui
tire son origine de l'administration de la justice, où l'on
opposait le président aux assessores ou au consilium,
elle fut tardivement réservée aux gouverneurs de pro-
vinces. On rencontre parfois, chez les auteurs du Ie' et
du IIe siècle, dans un sens général, le terme prases
provincise, qui devint officiel au début du m» siècle.
Cf. Tacite, Annal., vi, 41 ; xn, 45; Plin. juin., Paneg.,
70; V. Chapol, art. Prseses, dans le Dictionnaire des
antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio, Paris, t. vu, p. 627.
II. Attributions. — Les procurateurs, étant en même
temps chargés d'un commandement militaire, apparte-
naient à l'ordre équestre, et ce fut une innovation ex-
traordinaire lorsque, sous Claude, le gouvernement de
la Judée fut confié à un affranchi, Félix. Jusqu'à quel
point étaient-ils soumis au légat de Syrie? Il semble
que celui-ci avait le droit et le devoir d'intervenir, avec
sa haute autorité, dans les cas de nécessité. Les écrivains
cependant ne s'expriment pas toujours d'une manière
constante sur les relations de la Judée avec la province
de Syrie : tantôt ils les représentent comme deux
provinces distinctes, et par là même indépendantes, tan-
tôt ils donnent la première comme « ajoutée » à la se-
conde : 7cpo<7Br,xïi r?,; S\ip:ac, Josèphe, Ant. jud., XVIII,
i, 1; cf. XVII, xni, 5; Bell, jud., II, vin, 1; Judsei...
provincise Suriai addili, Tacite, Annal., su, 23; cf. u,
42. Quoi qu'il en soit, le commandement militaire el la
juridiction indépendante que possédait le procurateur
de Judée lui créaient, en temps ordinaire, une situation
analogue à celle des gouverneurs des autres provinces.
Mais le légat de Syrie avait à juger l'opportunité de son.
69 1
PROCURATEURS ROMAINS
692
intervention, lorsque des troubles étaient à craindre ou
qu'il surgissait de sérieuses difficultés. Il agissait alors
en Judée avec pleine autorité, comme le tirent Petro-
nius, Ant. jud., XVIII, rai, 2-9; Cassius Longinus, Ant.
jud., XX, i, 1; Ceslius G-allus, Bell, jud., II, xiv. 3.
Les procurateurs résidaient habituellement à Césarée,
sur le bord de la mer; ils n'allaient à Jérusalem qu'à
l'époque des grandes fêtes, pour surveiller les mouve-
ments du peuple. Au commandement des troupes ils
joignaient l'administration de la justice et des finances.
I» Pouvoir militaire. — Les procurateurs étaient
commandants de corps d'armée, comme les légats des
provinces impériales, avec cette différence toutefois que
les troupes rangées sous leurs ordres étaient des auxi-
liaires et non des légionnaires. Voir Auxiliaires, t. I,
col. 1282; Armée romaine, t. i, col. 994. Alors que, sous
Auguste, il y avait trois légions en Syrie, et quatre
depuis Tibère, la Judée ne posséda, jusqu'à Vespasien,
que des troupes auxiliaires, pour la plupart levées dans
le pays même, et recrutées dans la population non
juive, ("est ainsi que nous trouvons mentionnés les
'Seêatrcr^ol, Sebasteni, ou soldats pris sur le territoire
<le Sébaste, l'ancienne Samarie, aujourd'hui Sebastiyëh.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIX. ix, 1-2; XX, vi. I ; vin.
7; Bell. jud.. Il, in, 4; IV, 2-3. Ce corps est sans doute
identique à celui que nous montrent plus tard les ins-
criptions. Cf. Corpus inscriptionutn latinarum, t. vm,
n. 9358. 9359. Un diplôme militaire de l'armée de Judée
nous apprend que, en l'an 139 après J.-C, les corps
auxiliaires (trois ailes et douze cohortes), placés sous
les ordres du légat P. Calpurnius Atilianus, compre-
naient entre autres une Co/iors i Sebasstenorum milia-
ria. Cf. Héron de Villefosse, Revue biblique, 1897.
p. 598-604. Aux HeSairnpioi Josèphe associe plusieurs
fois les IvaiTapsïr, Ciesarenses. Cf. Ant. jud.,, XIX, IX,
1-2; XX, vin, 7. Il ne faut pas confondre avec ces vo-
lontaires de Sébaste la ry-v.^x XîôaTtr,, à laquelle appar-
tenait le centurion Julius, qui fut chargé de conduire
saint Paul à Rome. Art., xxvti, I. Le mot 2e6a<rr^, Au-
gusta, n'est qu'un titre honoritique donné à cette co-
horte. Voir Ai GUSTA Cohorte), t. i. col. 1235. Au temps
des Apôtres, il y avait à Césarée une cohorte italique.
r.T.v.'.-x '\-.x'i\/.r,. (huit faisait partie le centurion Cor-
neille, qui fut baptisé par saint Pierre. Acl.. x, I. Voir
Italiqi i; (C RTE), t. in, col. 1038. D'autres villes et
d'autres postes possédaient également de petites ^.nui-
sons : ainsi Jéricho et Machéronte. Bell, jud., II, xvm,
0. On les trouvait éparses dans la Samarie, Bell, jud.,
III, vu, 32, et la plaine d'Ksdrelon était gardée par un
décurion. Josèpbe, Vila, 21. Jérusalem avait une co-
horte, commandée par un -/ùJ.iy/'j; (ou tribun, d'après
la Vulgate). Art., nu, 31-37; xui, 24-29; \\m. 10, 15-22;
xxiv, 7, 22. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, i; X VIII, iv, 3,
appelle le commandant île l'Antonia ppoypapxo;. La
garnison comprenait aussi des cavaliers. Ail., xxm, 23,
32. Apres la grande guerre de 66-73 après .1. C. la situa-
tion militaire changea en Palestine, le gouverneur
n'étant plus un procurateur d'ordre équestre, mais un
légal d'ordre sénatorial ; une légion, la legio X Freten-
sis, vint s'établir sur les ruines de Jérusalem.
- Pouvoir judo-mire. — Comme les gouverneurs
d'ordre sénatorial, les procurateurs avaient également
droit de haute justice dans leur province; mais ceux
de Judée ne l'exercèrent que dans les cas extraordi-
naires, La justice ordinaire, en effet, aussi bien dans
le, causes Criminelles que dans les causes civiles,
('•lait restée entre les mains des Juifs. Le pouvoir du
procurateur comprenait le droit de vie et de mort, le
i. Josèphe, Bell, jud., II, vin, I, nous dit (pie
inius avail reçu ai/v. roû xTEivEtv Uouvfav, la
puissance .le condamner même à la peine de mort.
Cependant le citoyen romain, sous le coup d'une ac-
tion capitale, gardait, au commencement
cours du procès, le droit d'en appeler à César. Art.,
xxv, 10-12, 21 ; XXVI, 32. Le pouvoir coercitif du gou-
verneur ne s'étendait donc qu'aux gens de la province,
qu'il pouvait néanmoins renvoyer à Rome, pour un ju-
gement délinitif, lorsqu'en raison de la difficulté du
cas il aimait mieux laisser la décision à l'empereur.
Ainsi fit Félix pour Lléazar et un grand nombre de
ses compagnons. Anl. jutl., XX. vm. 5; Bell, jud., II,
XIII, 2. Bien que le procurateur fut seul juge, il pre-
nait cependant assez souvent l'avis de son « conseil i .
t7u|i6o-jXiov, Act., xxv. 12, composé en partie des hauts
fonctionnaires de sa suite, en partie des jeunes gens
qui l'accompagnaient pour leur propre formation. L'exé-
cution de la sentence capitale revenait régulièrement
aux soldats. Voir BOURREAU, t. i, col. 1895.
3" Pouvoir financier. — Les procurateurs avaient
encore pour fonction de veiller à la perception des
impôts; c'est même de là que leur venait leur titre. La
Judée étant province impériale, son tribut allait au
trésor de l'empereur, et non à celui du sénat.
Cf. Matth., xxn, 17-21 ; Marc, vu. 14-17; Luc. xx. 22-
25. Pour les impôts en usage dans la fiscalité impé-
riale et la manière de les lever, voir Cens. t. n.
col. 422: Impôts, t. m, col. 851; Pi blicaiks.
III. Liste. — On compte quatorze procurateurs ro-
mains en Palestine, sept de l'an G à l'an 41, avant le
règne d'Agrippa 1" (il-4'n, et sept après, de il à 66.
Nous n'avons que peu de renseignements sur plusieurs
d'entre eux.
1" Coponius, 6-9 ap. J. C II vint en Judée avec Qui-
rinius. Ant. jud., XVIII, i, 1. C'est sous son administra-
tion que quelques Samaritains, entrés furtivement à
Ji rusalem, vinrent, une nuit, pendant la fêle de Pàque,
jeter des ossements humains dans le temple, pour le
souiller et ainsi en empêcher l'accès au peuple. Ant.
jud., XVIII, n. 2. C'est aus-i dans cette période que
Judas le Gaulonite fomenta une sédition, en proclamant
qu'on ne devait ni payer l'impôt aux Romains, ni re-
connaître d'autre maître que Dieu, llrll.jud.. II, vin, 1.
-.'• Mo, -rus Ambivius ou Ambibulus; on lit dans Jo-
sèphe, Ant. jud., XVIII, II, 2 : 'ApSioûïO;, dans cer-
tains manuscrits : 'A|iëiSo-j-/.o;; le nom d'Ambibulus
se retrouve ailleurs, par exemple celui des consuls
mis Ambibulus et Varius Ambibulus. Cf. Corpus
Inscript, lot., t. x. n. 3861. Ce procurateur fut en
Judée de l'an 9 à l'an 12. De son temps, Salomé, soeur
du roi Ilérode. légua en mourant à Livie, épouse d'Au-
guste, différentes villes, comme Jamnia, Phasaélis et
Archélaïs. Ant. jud., XVIII, n. 2; Bell, jud., 11. ix. 1.
:p Annius Bufus, 12-15. Ant. jud.. XVIII. 11,2.
i Valerius Gratus, 15-26. Envoyé par Tibère, il
déposa et nomma successivement plusieurs grands
prêtres : Anne (6-15); Ismaël, lils de l'babi; Lléazar.
61s d'Anne; Simon. BlsdeCamith; et Caïphe. A ut. jud.,
XVIII, n. 2.
.". Pontius Pilatus, 26-36. Voir Pilate, col. 429.
0* Marcellus, 36-37, ami de Vkellius; légal de Syrie.
et envoyé par lui. Ant. jud., XVIII, IV, 2.
7 Marullus, 37-41. Ant. jud., XVIII. vi. 10.
8 Cuspius Fadus, il-". Envoyé par Claude, après la
mort du ci Agrippa 1, il gouverna, comme ses succes-
seurs, non plus seulement la Judée, mais toute la Pa-
lestine, A ut. jud., XIX. ix. 2. Il eut a arrêter un conllit
entre les Juifs de la Pérée et les habitants de Phila-
delphie, délivra la Judée des brigandages qui s'y com-
mh Plient; mais il souleva maladroitement une diffi-
culté à propos des vêtements du grand-prêtre, qu'il
voulait faire garder dans l'Antonia, afin qu'ils fussent
au pouvoir des Romains. Ant. jud., XX, i. I. 2. Il mit
également a morl l'imposteur rheudas et un grand
nombre de -es partisans. Ant. jud., XX. v. I .
'.) Tiberius Alexander, jusqu'à 18. Issu d'une des
plus grandes familles juives d'Alexandrie, neveu de
693
PROCURATEURS ROMAINS
694
Philon, il avait abandonné la religion de ses pères,
pour se mettre au service des Romains. De son temps,
la Palestine fut éprouvée par une grande famine. Il fit
crucifier les lils de Judas le Galiléen, Jacques et Simon.
Ant.jud., XX, v, i.
10' Ventidius Cumanus. 48-52, Il eut d'abord à ré-.
primer un soulèvement du peuple, à Jérusalem, pen-
dant les fêtes de Pàque, soulèvement provoqué par la
faute d'un des soldats romains qui gardaient le temple.
La foule, effrayée au premier aspect de la troupe, s'en-
fuit, mais, dans la précipitation et vu l'étroitesse des
issues, beaucoup trouvèrent la mort. Ce deuil à peine
terminé, un autre conllit s'éleva, mais dont la cause
venait cette fois du côté des Juifs. Un serviteur de
l'empereur, nommé Etienne, ayant été, à quelque dis-
tance de Jérusalem, attaqué et dépouillé sur la voie
publique, Cumanus envoya des soldats pour tirer ven-
geance des villages voisins du théâtre du crime. Mais
un de ces soldats ayant lui-même gravement offensé
les Juifs dans leurs sentiments religieux, ceux-ci
allèrent à Césarée demander satisfaction au procura-
teur, qui, dans la crainte de nouvelles complications,
et sur le conseil de ses amis, se décida à punir le cou-
pable, et apaisa ainsi un tumulte qu'il aurait pu rallu-
mer. Enfin un troisième événement valut à Cumanus
la déposition et l'exil. Des Galiléens qui passaient par
la Samarie pour aller à Jérusalem furent assaillis et
mis à mort. Les principaux personnages de la région
galiléenne se rendirent près du procurateur pour
crier vengeance. Mais celui-ci, acheté par l'or des Sa-
maritains, ne voulut rien entendre. Alors les Galiléens
se firent justice en pillant et incendiant, malgré les
supplications de leurs chefs, plusieurs villages sama-
ritains. A celte nouvelle. Cumanus marcha contre eux,
en tua un grand nombre et en prit d'autres vivants.
La sédition apaisée, grâce à l'intervention des princi-
paux Juifs de Jérusalem, la cause fut portée devant
Ummidius Quadratus, légat de Syrie, alors à Tyr. En
présence des deux partis, qui s'accusaient mutuelle-
ment, celui-ci différa le jugement et finalement les
renvoya devant Claude. Il ordonna en même temps à
Cumanus de les suivre en Italie. L'empereur, recon-
naissant dans les Samaritains les auteurs de tout le
mal, lit mettre à mort ceux qui avaient comparu devant
son tribunal, et envoya Cumanus en exil. Cf. Ant.
jud... XX. v, '2, 3, 4; VI, 1-3; Bell, jud., II, xn, 1-7.
11° Félix. 52-60. Voir Félix, t. n, col. 2186.
12° Porcins Festus, 60-62. Voir Festus, t. Il, col. 2216.
13» Albinus, 62-64. Josèphe, Bell, jud., II, xiv. 1,
lui rend ce témoignage peu llatteur qu'il n'omit au-
cune sorte de méchancetés. Homme d'argent avant
tout, il pillait aussi bien le trésor public que les biens
particuliers; tout en accablant le peuple d'impôts, il
relâchait, pour certaines sommes, les brigands qu'on
avait jetés en prison. Avec de pareilles dispositions, il
se laissait gagner par les ennemis comme par les amis
de Rome. Cf. Ant.jud., XX, ix. 1-i.
14" Gessius Florus, 61-66. Son gouvernement fut
tellement odieux qu'Albinus auprès de lui pouvait
passer pour un homme très juste, selon Josèphe, Bell.
jud., II, xiv, 2. Celui-ci, en effet, cherchait encore à
cacher ses méfaits, tandis que Gessius se glorifiait de
ses sévices à l'égard des Juifs. C'était le pillage par-
tout, au point de faire déserter les habitants. Il se
plut, pour ainsi dire, à fomenter la sédition parmi les
Juifs; il réussit si bien qu'il finit par allumer la
grande guerre qui amena la ruine de Jérusalem et de
la nation juive. Cf. Anl. jud., XX, xi, 1; Bell, jud.,
II, xiv, 2-9 sq.
IV. La Palestine sous les Romains. — {«Au point
de vue politique. — Après la conquête de Jérusalem
par Pompée, la Palestine perdit son indépendance et
devint tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv, 4;
Bell, jud., I. vu, 0. Fut-elle immédiatement incorporée
à la province de Syrie? Ce n'est pas sûr. Les villes
conquises par les Juifs en Codé-Syrie leur furent enle-
vées et la nation se vit condamnée à vivre désormais
dans les limites de son territoire. Hyrcan II (63-40)
resta à la têle du gouvernement, mais sous la haute
surveillance du légat romain. Plus tard Gabinius (57-55)
lui retira son pouvoir politique, pour ne lui laisser que
le souverain pontificat. En même temps il divisa le pays
en cinq districts, uûvofiot, <juvs5p;i, dont les chefs-lieux
furent : Jérusalem, Gazara, Amathus, Jéricho et Sep-
phoris. Ant. jud., XIV, v, 4; Bell, jud., I, vin, 5. On
ne sait au juste ce qu'ils représentent, mais on peut y
voir ou des circonscriptions territoriales établies en
vue des impôts, ou des ressorts judiciaires, conventus
juridici, peut-être les deux à la fois. Ces dispositions
ne furent cependant pasde longue durée. César rendit
à Hyrcan le pouvoir que lui avait enlevé Gabinius et
le nomma ethnarque des Juifs. Il nomma aussi Anti-
pater procurateur, È-iuTpo-no;, de Judée, ou plutôt il le
confirma dans cette charge, car, déjà avant cette
époque, Josèphe le présente comme ô tô>v 'Iouoaîcov
iTitjj.EÀr.T/,.-. Ant. jud., XIV, vin, 1. Il est possible que
Gabinius lui-même lui eût confié une certaine part
dans l'administration des finances, comme l'indique le
titre d'âm|jiE)a]Tï)ç. Le faible Hyrcan n'eut guère du
gouverneur que le nom. En réalité, ce fut Antipater
qui exerça l'autorité. Il eut soin de donner à son fils
aîné Phasaèl le gouvernement de Jérusalem et des
environs, et à son second fils Hérode celui de la Ga-
lilée. Ant. jud., XIV, ix, 2; Bell, jud., ,1, x, 4. Plus tard,
Antoine leur conféra à tous deux le titre de tétrarque,
et, par un décret en forme, remit entre leurs mains
l'administration de la Judée. Anl. jud., XIV, xm, 1 ;
Bell, jud., I, XII, 5. Cependant la race des Asmonéens
reparut sur le trône avec Antigone (40-37), qui fut ra-
mené par les Parthes. Mais, trois ans après, avec
l'appui des Romains, Hérode le Grand reparaissait avec
le titre de roi. Voir Hérode le Grand, t. m, col. 638.
Après sa mort, le territoire fut partagé entre ses fils :
Archélaiis reçut la Judée, la Samarie et l'Idumée, avec
le titre d'élhnarque; Antipas, la Galilée et la Pérée;
Philippe, la Gaulanitide, la Ratanée, la Trachonitide et
l'Auranitide, tous deux avec le titre de tétrarque. Cf.
Luc, m, 1. Voir ArchélaûS, t. i, col. 927; Hérode An-
Tii'As, t. m, col. 647; Hérode Philippe II, t. m, col. 649.
Après la déposition d'Archélaùs, ce furent les procura-
teurs romains qui gouvernèrent son territoire. L'an 37
après J.-C, Caligula donna la tétrarchie de Philippe
et l'Abilène à Hérode Agrippa Ie', avec le titre de roi.
Ant. jud., XVIII, vi, 10; Bell, jud., II. ix, 6. En 39, il
y ajouta celle d'Antipas, et, en 41. Claude réunit au
tout la Judée et la Samarie. Anl. jud.. XVIII, vu, 2;
XIX, v. 1: Bell, jud., II, ix, 6; xi, 5. C'est ainsi
qu'Agrippa I posséda tout le royaume de son grand-
père et que la Palestine se trouva de nouveau sous le
même sceptre. Voir Hérode Agrippa Ier, t. ni, col. 650.
Mais bientôt après, en 4i, le roi mourait et la province
retombait sous les procurateurs romains. Cependant,
en 53, son (ils, Hérode Agrippa II, recevait de Claude,
en échange de la principauté de Chalcis, et avec le
titre de roi, la tétrarchie de Philippe et l'Abilène.
Anl. jud., XX, vu, 1. Voir Agrippa II, t. i, col. 286.
Après la ruine de Jérusalem, la Palestine fut confiée à
des gouverneurs de rang sénatorial.
2° Au point île vue géographique. — Telles sont les
vicissitudes par lesquelles passèrent, dans l'espace
d'un siècle, les différentes provinces de ta Palestine.
Pour les limites, divisions, description et histoire de
chacune d'elles, voir les articles qui leur sont consa-
crés. Nous devons nous borner ici à un aperçu géné-
ral du pays et à ses particularités les plus remarquables
pendant la période romaine. Voir la carte, fig. 179.
695
PROCURATEURS ROMAINS
6r&
Joscphe décrit sommairement, Bell, jud., III, ni,
1-."). l'ensemble de la Palestine telle qu'elle était de
son temps. L'historien juif est notre première source
dans cetle étude. .Mais il n'est pas la seule. Pour avoir
une idée plus complète de la région, il est utile de dé-
passer les bornes de l'histoire auxquelles la Bible nous
limite strictement, et d'étendre nos recherches géogra-
phiques jusque vers le iv siècle de notre ère. Après
-1 |Snr la côte méditerranéenne, nous renconlrons,
en allant du nord au sud : 'ExSt'mca. Ptol., V, 15; Ec-
dippa, Pline, V. 17: 'Exgtnnwv, 'Exôi'tcouç, .losèphe,
Bell, jud., I. xiii. I; Kezîb ou (u-.îb, Taira.; 'A-/Ç19,
Achtif-Onom., p. 65, 22i: aujourd'hui Es-Zib. Voir
\l IIA/II! 1, t. I, COl. 136.
IlTo>£|iaï:, Acl., xxi, 7; Bell, jud., I, xxi, 11: Ptolo-
maide, Tab. Peut. : Plolomais, dans Onom., 95; Ahkor
10 20 30 *e
179. — Carte de Palestine sous le gouvernement lies procurateurs romains.
.losèphe, les sources seront donc : les Talmuds (nous
renvoyons à Neubauer, La géographie du Talmud,
Paiis. isiis, pour les détails), VOnomaslicon d'Eu-
sèl tdeS. Jérôn dit.de Lagarde, Gœttingue, 1870),
la carte mosaïque de Mâdaba (voir fig. 180), auxquels
on peut joindre : Ptolémée, la Table de l'eutingcr, la
Notitiadignitalum, etc. Nous retrouvons ainsi un cer-
tain nombre de noms connus dans l'Ancien Testament.
Mai il en est d'autres qui viennent s') ajouter; plusieurs
villes, en effet, lurent bâties à cette époque; d'autres
lurent rebâties ou prirent une plus grande impor-
tance. Une Bimple esquisse nous suffira.
Talm.; aujourd'hui Akka, Voir Accno, t. 1, col. 108.
Ilrifii. ns'n, Talm., probablement la ville de l'aoi,
que Josèphe, Bell, jud., 111, m, 1, place près du Car-
inel : anj. llaifa ou Khaïfa, Cf. Neubauer, p. IH7. Elle
est appelée Epha, 11. y. clans lOnoni. p. 134, 267,
qui l'identifie avec la suivante.
Euxs|uv(ov, Ptol.: Siqmônahj -:•---•, Talm.. Neu-
bauer, p. 197; Suxâ|iivo;, Sycaminum, Onom., p. 133,
•Jii7: aujourd'hui llaifa el a liqa ou Tell es-Semak.
Castra, s-.:-. Talm.. Neubauer, p. 196, que
It. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main,
1852, p. 129, identifie avec Athlit, le Castrum peregri-
, lie en 1896, eBt une- mosaïque datant do v ou du vr siècle de l'ère chrél
QB|I |b plue grande parité du pavement d'une église située au nord-est de la ville deMadi
, . de Vîoab: Avec ce dernier paye, elle comprenait primitivement tout Le territoire de
,,, ert du Sfnaï, la Ba i i. f\ ■■■ et probablement une bande de t'Idumée, de l'Amn
et de la Syrie, i-t fragment qui Bubsista aujourd'hui, et rjui a de nombreuses lacunes, s'étend depule
bouches da Nil. L'église étanl orientée de l'es) & [\ u I ... carte était dessinée
s le même ens, et les noms étaient écrits de manière à être lus & mesure qu'on avai
hœur. ■s,': lM'llls seulement figurent en loiil 'jii en |.;irtie sur ce <|in reste : Siméon, Juda, l'an, Ben-
:■ Ruben Lei montagnet sontrepré entées pai di de cou-
leurs qui les disUnguenl nettement de la plaine Les fleuves sont striés de bandai étroites et ilnuousoa
des poissons bs Jouent sans les eaux i s Met Morte a sur ses Rots deux navires qui manquent de pro«
portions, mais sont d ll[1 bDbI pittoresque. Au désert, les palmiers marquent les oasis ; la gaielle Cuit
devant le Uon. Dans les grandes villes, comme tension, Qaia, Jérusalem, on distingue les colonnades,
les principaux monu tes. Les < itéa moins Importantes «ont figurées perdes murs
flanqués de tours carrées. Les. plana deé villes principales sont malheureusement pins ou moins enta-
mes; mais celui de Jérusalem est presque en entier et présente le pins haut Intérêt, t-es loooiUéd
sont désignées, s'il \ o lieu, par le nom uolen el le nom usité è L'époque où la carte o été cons-
truite; souvent des renseignements historiques on géographiques - tant sj as. Les IndloaUons sont
en grande partietirees.fr l'OnontotCfcofi (TGusebe La taïque originale asl en couleurs
\PH1QUE I»E WaDADA !
€97
PROCURATEURS ROMAINS
698
norum du moyen âge. Il est possible que, dés l'époque
■romaine, cet endroit très bien situé ait été une localité
fortifiée, une sorte de camp. V. Guérin, Samarie, t. n,
p. 290, est disposé à y reconnaître, avec Ritter, la mu-
talio Cerla, que le Pèlerin de Bordeaux (333) mentionne
■entre Sycaminos et Césarée de Palestine, cf. Itinera
Terra: Sanctae, édit. T. Tobler, Genève, 1877, t. i. p. 15.
C'est probablement aussi la Magdihel, MaySir,)., que
l'Onomasticon, p. 139, 280, signale entre Dora et Pto-
lémaïde.
Âupot, Ptol. ; Thora, Tabl. de Peut.; aujourd'hui
Tantûrah. Voir Dor, t. n, col. 14S7.
KaiaipEia ÏTpïTiivor, Ptol. ; primitivement la « Tour
de Straton, » Plin., H. N., v, 14, qui devint, sous
Hérode le Grand, Césarée maritime, aujourd'hui Qai-
sariyéh. Voir Césarée du bord de la mer, t. n.
col. 456.
Apollonia, AnoXXbmot, Ptol. ; Apolloniade, Tab. Peut.
Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 4, et Pline, v, 14, la
placent entre Césarée et Joppé. C'est aujourd'hui Arsûf.
Irj7ir„ Ptol.; Joppe, Tab. Peut.; aujourd'hui Jaffa.
Voir Joppé, t. m. col. 1631.
'Ictiivet'ct, Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 6 ; Yabnéh,
Talm., Xeubauer, p. 73, était une petite ville, jtoXr/viri,
au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme, Onom., p. 132,
276; cependant, la carte mosaïque de Mâdaha repré-
sente Ia6vi)X i\ xai Iaav.a comme une ville considéra-
ble, mais sans colonnades; aujourd'hui Yebna. Mais le
port de Jamnia. IaftviTwv Xqn/y/, Ptol., correspond à
Minet Rabin. Voir Jamnia, t. ni, col. 1115.
' A't.iTor, Ptol.; Azoton, Tab. Peu t. ; aujourd'hui Esdûd.
"A^ûjtq; ■Kxpzj.'.rj; ou Azot maritime ■' Miuet-el-Qal'a.
La mosaïque de Màdaba distingue bien Aa5w[8] de
ACw-o; n«paXo[;J, et montre l'importance de la cité
maritime. Voir Azot 1. t. i, col. 1307.
'Ao-xi/Mv, Ptol. ; Ascalone, Tab. Peut.; 'A<xxaXeo[v],
carte de Màdaba, sur laquelle on remarque une im-
mense place rectangulaire entourée de colonnes, au
milieu de laquelle se dressent trois obélisques; aujour-
d'hui Asqûlàn. Voir Ascalon, t. i, col. 1060.
'Av8j]8(iv, Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 3; Anthe-
don, Plin., v, 13, 68, dont le nom fut changé par
Hérode en celui A'Agrippias, Josèphe, toc. cit., se
trouvait au nord de Gaza. On l'identifie aujourd'hui
avec les ruines â'el-Blachiyéh, appelées aussi Teda, à
une heure au nord-ouest de Gaza. Cf. G. Gatt, Bemer-
kungen ïiberGaza und seine Umgebung, dans la Zeit-
scltrift des deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. vu,
1884, p. 5-7; voir ibid., p. 140-142, les remarques de
Noldeke et Gildemeister.
râÇa, Gaza, aujourd'hui Ghazzéh; roÇacuv Xc(ir(v, le
port de Gaza = el-Mînéh. Voir Gaza, t. m, col. 1 18. La
mosaïque de Màdaba fait ressortir la grandeur et la
beauté de la ville de [T] a^a avec ses édifices, sa grande
rue à colonnades et sa superbe basilique.
Raphia, 'Paçia, Strabon, XVI, p. 522; Josèphe, Ant.
jud., XIII, xv, 4; Raphea, Pline, v, 14; Talm. : rosn,
Xeubauer, p. 20; aujourd'hui Khirbel bir Refait, au
sud de Gaza. C'était la première ville syrienne que l'on
rencontrait en venant d'Egypte.
B) En Galilée : — Giscala, Ti<sy*k*, Josèphe, Bell.
jud., II, xx, 6; IV, II, 1; Vita, 10; GûS Balab, shn wil,
Talm., Xeubauer, p. 230; aujourd'hui el-Djisch. Voir
Aiiai.ab, t. i, col. 289.
MnpûO, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6; Vila, 37;
Merôn, '•--, Talm., Xeubauer, p. 22S; aujourd'hui
Meirûn, au sud A'El-Djisch.
Achabara, 'A-/ïêip-rl, Josèphe, Vita, 37; 'A^aëâpuv
riÉTpa., « rocher d'Achabara, » Bell, /ut/., II, xx, 6;
Akbarah, ïrasr, Talm., Xeubauer, 226; aujourd'hui
Akbara, au sud-est de Meirûn.
Kefar Hananiyah. rtoan iss, Talm., Xeubauer, p. 226;
aujourd'hui Kefr'Andn. Voir Hanatiion, t. m, col. 415.
Séldmis, SeXa(it'ç, Josèphe, Bell, jud,, II, xx, 6;
Vila, 37; aujourd'hui Khirbet Sellaméh, au sud-ouest
de Kefr'Andn.
Gabara, l'àêcxpa, Josèphe, Vita, 25, 45; une des
trois grandes villes de la Galilée, avec Tibériade et
Sepphoris, d'après l'historien juif, loc. cit.; on l'a
identifiée avec Khirbet Kabra, au nord-ouest de
À7i. Sellaméh, voir cependant W. Oehler, Die Ort-
schaften und Grenzen Galilàas nach Josephus, dans la
Zeilschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. xxvm.
1905, p. 56.
Sogane, Sto-favTJ, Josèphe, Vita, 51 ; Sîknîn ou S(-
knî, i>33'D »K>D, Talm., Xeubauer, p. 204; aujourd'hui
Sakhnin, au sud de Kh. Kabra.
Chabolo, XaëwXti, Josèphe, Vila, 43; Kabùl. b-cD,
Talm., Xeubauer, p. 205; aujourd'hui Kabùl, à l'ouest
de Sakhnin. Voir Chabui. (Terre de), t. n, col. 473.
Iotapata, 'Itazànarcn, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6;
Vila, 37; sans doute la Yôdafat, riSTV, des Talmuds,
Xeubauer, p. 203; aujourd'hui A7<. Djéfàt, au sud-est
de Kabùl.
Schefar'âm, nyisw, Talm., Xeubauer, p. 198 ; au-
jourd'hui Schéfa 'Amr, au sud-ouest de Kh. Djéfàt.
Uscha, x-iHN, Talm., Xeubauer, 199; aujourd'hui
Kh, Hûsehéh, au sud de Schéfa Amr.
'Poujjià, Josèphe, Bell, jud., III, vu, 21 ; probablement
la Bùma', ndti, des Talmuds, Xeubauer, p. 203; au-
jourd'hui A7i. Rùméh, au sud de Kh. Djéfàt.
Sepphoris, SÉTrycopc;, Josèphe, Vila, 65; SaTtço'jpet,
Ptol.; Sippôri ou Sippôrin, mss, î'Tiss, Talm., Xeu-
bauer, p. 191 ; aujourd'hui Seffuriyéh, au sud de
Kh, Rùméh.
Tibériade, TiSepii;, Josèphe, Rell. jud., II, XIII,
2, etc.; Ptol. ; Onom., p. 88, 215; Tyberias, Tab. Peut.;
Tabaria, «nais, Talm., Xeubauer, p. 208; aujourd'hui
Tabariyéh. Voir Tirériade.
lirfii.xoJs;, Jos., Vila, 12, 62; Beth Maon, Ji7a n>3,
Talm., Xeubauer, p. 218; aujourd'hui Tell Ua'ûn, à
l'ouest de Tibériade.
Sennabris, EewaSp:';, Josèphe, Bell, jud., III, ix, 7;
Senabrî, >H33ï, Talm., Xeubauer, p. 215; Sinn en-
Nabra, au sud de Tibériade. Pour les difficultés d'iden-
tification, en ce qui concerne Josèphe, cf. .1. B. van Kas-
teren, Am See Genezaret, dans la Zeilschrift des
deutschen Palâstina-Vereins, t. xi, 1888. p. 242, 213;
F. Buhl, Bemerkungen lu einigen frûheren Aufsât-
zen der Palâstina-Zeitschrift, dans la même revue,
t. xm, 1890, p. 38-39.
Tapr/sac ou Tapt^loe, Josèphe, Bell, jud., III, X, 1.
Vita, 32; Tarichea, Plin., H. N., v, 15, 71; probable-
ment la Betli Yerah, m> n'a, du Talmud, Xeubauer,
p. 215. On la place généralement à Kh. el-Kérak, à la
pointe sud du lac de Tibériade. D'autres cependant la
cherchent au nord de la ville de Tibériade, à el-Medjdel.
Pour les partisans des deux opinions, voir E. Schûrer,
Geschichle des jûdischen Volkes, t. i, p. 614, note 44.
Kefar Sobti, >roiv te:, Talm., Xeubauer, p. 218;
aujourd'hui Kefr Sabt, au nord-ouest de Sinn en-
Nabra.
Simonias, Sip-w/iâ;, Josèphe, Vita, 24; Simonia',
N'jiO'D, Talm., Neubauer, p. 189; aujourd'hui Semû-
niyéh, à l'ouest de Nazareth.
Scylhopolis, Sxu8Ô7coXcç, sur les confins de la Galilée,
appartenait à la Décapole, au temps de Josèphe, Bell.
jud., III, îx, 7; Scylopoli, Tab. Peut., Beth Sc/ie'dn,
Talm., Xeubauer, p. 174. C'est la Bethsan de l'Écriture,
aujourd'hui Béisân. Voir Bethsan, t. I, col. 1738
G) En Samarie : Ginxa, IV/sta, Josèphe, Bell, jud.,
III, m, 4 ; l'ancienne Engannini, aujourd'hui Djénin, à
l'entrée de la Samarie, au sud de la grande plaine
d'Esdrelon. Voir EnganniM 2, t. n, col. 1802.
Caparcolia, KauapxoTta ou KanapxÔTvEi, Ptol.; Ca-
pnreotani, Tab. Peut., localité que Ptolémée marque
699
PROCURATEURS ROMAINS
700
comme appartenant à l;i Galilée : aujourd'hui Kefr Qûd,
près de Djénin, à l'ouest.
A£-=u)v, Legio, est un nom qu'on rencontre plusieurs
fois d'ans VOnomaslicon, p. 88, 94, 107,214, 223,239, etc.,
et qui sert connue de point central pour déterminer la
position de certaines autres localités. Il atleste sans
doute que les Romains avaient établi en ce point stra-
tégique important un camp pour une légion. Il a sub-
sisté jusqu'à nos jours sous celui de Ledjdjûn, au
nord-ouest de Kefr Qûd, el représente l'ancienne Ma-
geddo. Voir Mageddo 1, t. iv, col. 553.
Sébaste, Zeêaavf\, Josèphe, Bell, jud., I, xxi, 2, nom
donné' à l'ancienne ville de Samarie par Hérode le
Grand, qui la restaura et l'embellit. Elle porte encore
le même nom de Sébastiyéh. Voir Samarie.
Néapolis, NeâiroXiç, Josèphe, Bell, jud., IV. vin, 1 ;
Ptol.; Neapoli, Tab. Peut.; appelée par les indigènes
MaêopOâ, selon Josèphe, loc. cit.; Mamortha, selon
Pline, //. A'., v, 14. C'est l'ancienne ville de Sichem,
qui, rebâtie presque complètement à l'époque de Ves-
pasien, reçut alors une colonie romaine, avec le nou-
veau nom de Flavia Néapolis, qui subsiste encore en
celui de Xablus chez les Arabes, Naplouse pour les
Européens. Voir SlCBEH.
D) En Judée. — Acrabbi, 'Axpaêfeiv, Onom., p. 87,
214, localité donnée par Eusèbe et saint Jérôme comme
- limite de la Judée vers l'orient », ['Axpjagqi, Mad.;
Aqrabah, -z-py, Talm., Neubauer, p. 159. C'est l"Ax-
paëaztâ de Josèphe, Bell, jud., 111. m, 5, capitale de la
toparchie d'Acrabatène, Bell. nul.. Il, XX, 1; IV. ix, 3,
9, aujourd'hui Aqrabéh, au sud-est de Naplouse.
Antipatris, 'Avrtitatpî;, Josèphe, Ant. ?'ud., XIII, xv,
1: Itell. jud., 1. iv, 7; A.I., xxm, 31'; Ptol., Onom.,
p. 127, 245; r— jr--:s, Talm., Neubauer, p. 86, aujour-
d'hui Qala'at Ràsel-'Aïn, au nord-est de Jaffa, suivant
les uns; Medjdel Yaba, au sud-est de Qala'al Rds el-
A'in, selon les autres. Josèphe semble l'identifier avec
la localité' suivante. Voir ANTIPATRIS, t. I, col. 7lH>.
Capharsaba, Xa@ap(aS3, Josèphe, .1»/. jud., XIII,
xv. 1 : Kaçapo-aSâ, Ant. iml., XVI. v, 2; Kefar Saba ,
n;t -rr, Talm., Neubauer, p. 87; aujourd'hui Kefr
Sâbâ, a >rd do Qala'at Ràsel-'Aïn. Les Talmuds
semblent distinguer cet endroit du précédente Cf. V.
Guérin, Samarie, t. n, p. 3.V7-367.
Caplutrsalama, Ka?ap<7aXau.â, Josépbe, Anl. jud.,
XII, x, \ ; Xaçap<xaXau.â, I Mach., vu, 31. Le Talmud
connaît aussi un village appelé' Kefar Salem, dSïj is:,
Neubauer, p. 173. Capharsalama devait se trouver
dans le voisinage de Jérusalem, mais l'identification
exacte n'est pas connue. Voir CAPHARSALAMA., t. Il
col. 210.
Beil Rimah, non r'z. Talm., Neubauer, p. 82; au
jourd'hui Beil Rima
Tôrmasia, NiDDiin, Talm., Neubauer, p. 279; aujour-
d'hui Turmus Aya, au sud-ouest d'Aqrabéh.
Gophna, Péyva, Josèphe, Ant. jud., XIV, xi, 2; ville
importante, chef-lieu d'une toparchie, Bell, jud., III.
m, 5; Pouçvâ, Ptol.; Cofna, Tab. Peut.; Gophna, x::-; ;
très populeuse, selon les Talmuds, Neubauer, p. Iô7;
V'ifi-j.. Onom., p. 300; Màdaba; aujourd'hui D/i/neVt, au
nord de Jérusalem. Voir Opuni 2, t. iv, col. [833.
Éphrem, l .... losèphe, Bell, jud., IV. ix, 9;
'Açep ip -. Anl. jud., MU. IV,- 9; Efrem, I
'. Onom., p. 94, Ils. 257; Eippuv r\ Eçpaïa tv8«
o /:. b Ephron ou Ephrata, où vint le Seigneur i
cl Joa., \i, 54), Màdaba; aujourd'hui Et-Tayibéh, à
i ■ Djifnéh, identification justifiée par la carte dr
Màdaba, Voir cphri m I, t. u, col. 1885.
Lydda, VûSSa, Josèphe, \m. jud., XX, VI, J. clief-
I >p tri hie, Bell, jud., III. m, ô; VuSSâ,
l'Iol.; Lllddis, lab. l'ont.; I.n,l ou l.éil. t'-, Talm.,
uer, p. 76; Diospolis, A.ioo-jr<5Xi«, Onom., p. 107,
128, '219, 22b. etc.; Aw6 ijtoi Auîea r) /.xi Aïooitolt?,
carte de Màdaba, qui représente la ville avec des édi-
fices imposants, entre autres une colonnade circulaire
autour d'une grande place, au fond de laquelle est une
grande église. C'est aujourd'hui Ludd, au sud-est de
Jaffa. Voir Lydda, t. iv, col. lii.
Modin, MwSisqi, Josèphe, Ant. jud., XII, vi, 1;
Mi'idi vm ou Môdi if, B>yma, rwnn, Talm., Neubauer,
p. 99; Modeim, MtjSeeîu,, « bourg près de Diospolis
d'où étaient les Machabées, » Onom., p. 140, 281 ;
Mwô^elij. r, vuv MioScBa ez raut>)ç ijrav di Mï'/./.xêi'.rj:,
Màdaba ; aujourd'hui El-Mediyéh, à l'est de Ludd. Voir
MnlUN. t. iv, col. 1180.
Belhoannaba, BeToavvâg, bourg signalé par l'Oiioni..
p. 90, 218, dans le voisinage de Diospolis, connue
représentant l'ancien Anob, 'Avw6; \mu>6 r, vuv BïjToav-
vioa, Màdaba; aujourd'hui Annâbéh, au sud de Ludd:
mais nous ne croyons pas que ce soit l'Anab assiégé
par .losué. xi, 21. Voir Anab, t. i, col. 533.
'Axxapûv, Josèphe, Ant. jud., V, II, 11, etc.; Acca-
ron, était encore un très gros bourg au temps d'Eusèbe
et de saint Jérôme, Onom., p. 91, 218; Axxap[a>v] r, vuv
A/...., Màdaba : aujourd'hui 'Agir, au sud-ouest d'Aund-
béh. Voir Accaron, t. i, col. 105.
Emmaûs, 'Eu.p.ao0; ou Ap.jj.ao0c, Josèphe, Ant. jud.,
XII, VII, 3; Bell. jud.. II. x.x, 1, était le chef-lieu d'une
toparchie. Bell, jud., III, m, 5; Pline. //. A'., v, 14;
Tvj.ij.aov;, Ptol., Amarante, Tab. l'eut., c-s:s ou c-S--..-
dans les Talmuds, Neubauer, p. 100; appelée aussi
Nicopolis, NixéitoXi;, Onom., p. 121, 2Ô7 ; Nixôtco).k,
Màdaba, où la ville est figurée dans une petite plaine
déjà dans la montagne, mais cependant en avant du
grand massif judéen; beaucoup plus étendue que les
simples bourgs, elle n'a pas de colonnade. C'est au-
jourd'hui 'Amuâs, à l'est i"Agir. Voir Emma! s 1. t. n,
col. 1735.
Jérusalem, appelée par Hadrien ASlia Capitolina ; \e
nom A'.Klut. ViXfa, est habituellement employé' par
Eusèbe et saint Jérôme dans VOnomaslicon. Elle est
indiquée sur la carte de Màdaba avec l'inscription :
v) ayia itoXiç Iepou<ra[X]r]U.] et y occupe une place très
importante; à remarquer : les principales portes, entre
autres celle qui est précédée, à l'intérieur de la ville,
d'une colonne monumentale, d'où le nom de bdb el-
Amûd, « porte de la colonne, » qu'a conservé la porte
de Damas; les doux colonnades, dont l'une traverse la
cité' du nord au sud, et qui est coupée à l'ouest par un
grand édifice, dans lequel on reconnaît le Saint-Sépulcre.
Voir Prétoire, col. 621 ; Sepi lcre (Saint-).
Bethlehem. BqSXéeu., marquée sur la carte de Màdaba
par quelques édifices, dont le plus important est une
église, celle de la Nativité. Voir Bethlehem 1, t. i,
col. 1688.
Hérodium, 'HptaSia, HpûSeiov, Josèphe, Ant. /<"/..
XIV, XIII, 9; Bell, jud , 1, Xlll. S, ville et acropole bâties
par Hérode le Grand a l'endroit même où il avail vaincu
les Juifs partisans (l'Antienne qui le poursuivaient;
auj d'hui djebel Furéidis, an sud-est de Bcthli
Kefar Dikrin, ]•-:- -::, Talm.. Neubauer, p. 71;
aujourd'hui Dhikriu. au nord-ouest de Beil Djibrin;
pour l'identification de ce lien avec Geth, voir lii in.
t. m, col. 223.
'EXsuOsponôXi;, Eleutheropolis, ville souvent citée
dans ['Onomastivon, p. 92, lu;;, lob. 109, etc , comme
point central ou point de départ auquel il rapporte les
distances de plusieurs localités. C'est la Bonvoyo6p£l de
Ptolémée, la Belogabri do la Table do Peutinger, la
Beth Gùbrin, •■'-"- ~'-. des Talmuds, Neubauer,
p. 122, ot lo nom subsi^io encore aujourd'hui sous
celui d<- Beit-Djibrin. La mosaïque de Màdaba no la
nomme pas, il est facile de la reconnaître dans la
grande cité, avec place entourée de col les, qui se
trouve au sud-ouesl de Mopooôi, i don était le pro-
plioto Michée. ■ VOnomaslicon, p. 141, 282. auquel la
701
PROCURATEURS ROMAINS
702
carte emprunte ces paroles, place Morasthi à l'est
d'Éleuthéropolis.
Hébron, Xegpûv, Josèphe, Bell, jud., IV. îx, 9. dé-
truite par l'un des généraux de Vespasien, quelque
temps avant la ruine de Jérusalem, elle ('lait, au temps
d'Eusèbe, Onom., p. 209, un gros bourg, nôpr, vOv
jiEyiirrr, ; aujourd'hui El-Khalil. Voir Hébron 3, t. m,
col. 55i.
Bersabée, Bi)p<royëa!, Josèphe, .4)^. jud., I, xn, 1;
IUo^aiia, Ptol. Au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme,
Onom.. p. 103, 23i, c'était un bourg considérable, où
était établie une garnison romaine. La mosaïque de
Màdaba la mentionne sous le titre de Brjpiraêee r, vuv
B^ipoo-o-aSa, et la représente, en effet, comme une lo-
calité importante. C'est aujourd'hui Bir es-Sébâ. Voir
Bersabée, t. i. col. 1629.
Malalha, Ma).i6o, Josèphe. Anl. juil., XVIII, vi, 2;
Maleaha (var. Maleathia), dans la Notitia dighitatum;
MwXaôâ, Onom.,! p. 279; aujourd'hui Kh. el Milh., à
l'est de Bersabée. Voir Molada, t. îv, col. 1222.
E) Le long de la mer Morte et de la vallée du Jour-
dain, en remontant du sud au nord. — Mascula, Ma-
iiôa, Josèphe, Bell, jud., VII, vin, 2-3, etc.. célèbre
forteresse que les Machabées construisirent, qu'Hérode
le Grand rendit imprenable; aujourd'hui Sebbëh.
Engaddi, 'EyyaSî, Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2;
'EvyeSaiv, Ant. jud., VI, XIII, 1; 'Eyya?8aî, une des
toparchies. Bell, jud.', III. m, 5; EvyaBSa, Ptol.; était
encore « un gros bourg des Juifs », au temps d'Eusèbe
i'l île saint Jérôme, Onom., p. 119, 254; aujourd'hui
Aui Djidi, sur les bords de la mer Morte, presque à
mi-chemin entre les deux extrémités nord et sud. Voir
Engaddi, t. n, col. 1796.
Jéricho, 'LspixoOç, une des toparchies, Josèphe, Bell,
jud., III, m. 5; lepenouç, Ptol. ; Herichonte, Tab. Peut. ;
Jéricho, 'Iepc/fi, Onom., p. 131, 265, qui compte trois
Jéricho successives. La mosaïque de Màdaba la repré-
sente comme une ville importante, flanquée de tours
carrées et environnée de palmiers. Elle s'appelle au-
jourd'hui Er-Rikâ. Voir JÉRICHO, t. m. col. 1282.
Archélaïs, 'Ap-/3>.a;:. Josèphe, Anl. jvd., XVII, xm,
1, ville fondée par Archélaiis, fils d'Hérode le Grand;
'Af/sXac:, Ptol.; Arcelais, Tab. Peut. Son emplace-
ment exact n'est pas connu. D'après Josèphe, Anl.
jml '., XVIII, II, 2, elle était dans la plaine du Jourdain
et dans le voisinage de Pliasaélis, mais les uns la
cherchent au nord, les autres au sud de cette dernière
ville. La carie de Màdaba la place au sud. Cf. V. Gué-
rin, Samane, t. i, p. 236-237; E. Schurer, Geschichte
des jùdischen Volkes, t. i, p. 452. note 12.
Phasaélis, 'Pâinr,'/,:;, Josèphe, .4»;. jud., XVI, v, 2,
ville fondée par llérode le Grand, en l'honneur de son
frère Phasaèl. au nord de Jéricho; ^ao-a/j'/iç, Ptol. Les
dernières lettres seulement du nom, [>ta<7ir,|/.'.ç, sont
conservées sur la mosaïque de Màdaba. Aujourd'hui
Kh. Fasdïl.
Coreae, Kopsaf, Josèphe, Ant. jud., XIV. m, 1; Ko-
peoy;, Màdaba ; aujourd'hui Kurdua, à l'embouchure,
de Vouadi Fdri'a, au nord de Qarn Sartabéh.
F) A l'est du Jourdain, du nord au sud. — Césarée
de Philippe, Kanrapsia r, $iX£mcou, Matlh., xvi. 13;
Marc, vin, 27; Josèphe, Anl. jud., XVIII, n, 1, etc.;
Kataipetx IJaviiç, Ptol.; Cœsarea paneas, Tab. Peut.;
aujourd'hui Bdnias. Voir Césarée de Philippe, t. n,
col. 450.
Bethsaïda-Julias, Josèphe, .1///. jud., XVIII, n, 1,
nous dit que e le village de Bethsaïde, situé sur le
lac de Génésareth », lui agrandi et fortifié par le
tétrarque Philippe, qui lui donna alors le nom de la
Elle d'Auguste, Julias, C'est la louAia; de Ptolémée,
longtemps cherchée à Et-Tell, au nord du lac de
Tibériade, plus probablement à El- Aradj, ou El-Mes'a-
diyéh, un peu plus bas. Voir Bethsaïde 1. i. i, col. 1713.
Hippus, "Ittooç, Josèphe, XIV, iv, 4; Ptol.; Plin., v, 15:
Onom., p, 116, 251. C'est la Sûsitd, sr':-:. des Tal-
muds. Xeubauer, p. 238; aujourd'hui Sûsiyéh, à l'est
du lac de Tibériade.
Gadara, PaSapi, une des places les plus importantes
de la Pérée, Josèphe, Ant. jud., XII, ni, 3; Faôàpa,
Ptol.; Cadara, Tab. Peut.; Gadar, "na, Neubauer,
p. 243; aujourd'hui l'niin Qëis, au sud-est de la
pointe méridionale du lac de Tibériade. Voir Gérasé-
niens (Pays des), t. ni, col. 200. Quelques auteurs dis-
tinguent de cette Gadara celle que mentionne Josèphe,
Bell, jud., IV, vu, 3, et la TaSwpa de Ptolémée, qu'ils
cherchent à Es-Salt. Cf. F. Iluhl, Géographie des alleu
Palâslina, Leipzig, 1896, p. 255, 263.
Capitolias, KaniTwXiaç, Ptol.; Capitoliade, Tab.
Peut.; est souvent identifiée avec Beit er-Bàs, au sudr
est d'Umm QéiS, mais il faudrait plutôt peut-être la
chercher à l'est ou au nord-est de cette localité.
Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. i,
p. 651, noie 15.
Pella, IIîHv",, Josèphe, Bell, jud., III, ni, 3; une des
toparchies, Bell, jml., III, ni, 5; IHXXa, Ptol.; Fahil,
bnr, Talm.. Xeubauer, p. 274; aujourd'hui Kh. Faliil,
au sud d'Umm Qéis.
Dium, Aïov, Josèphe, Ant. jud., XIII. xv, 3; Bell.
jud., I, VI, 4; Ptol.; Plin., v, 18; aujourd'hui Eidihi
ou El-IIosn, à l'est de Kh. Fahil.
Gérasa, Vïç,-j.ni, Josèphe, Bell, jud., I, îv, 8; Ptol.;
Onom., p. 130, 263; aujourd'hui Djèrasch, au sud-est
de Kh. Fahil, avec de magnifiques ruines. Voir Géra-
séniens (Pays des), t. ni, col. 200.
Philadelphia, "tiXaSéXçeia, Josèphe, Bell, jud., I,
xix, 5; Philadelfia, Tab. Peut.; est l'ancienne Rabbath
Animun, capitale des Ammonites, Deut., ni, 11; .lo^..
xm, 25; Onom., p. 88, 215; elle reçut ce nom de Pto-
lémée II Philadelphe, roi d'Egypte, qui la recon-
struisit. C'est aujourd'hui 'Amman, au sud de Djè-
rasch, avec des ruines importantes. Voir Rabbath
Ammon.
Tyrus, T-Jpo:, Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, II, place
forte dont Josèphe attribue la fondation à un prince
nommé Hyrcan; auj. Arà(j el-Emir, avec des ruines
intéressantes, à l'ouest d'Amman.
Livias, A.i6i'aç, Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 'i ; Ptol. ;
Onom., p. 103, 234; aujourd'hui Tell er-Raméh, au
sud-ouest d'Ardtj el-Èniir. Voir Bétharan, t. i,col. 1664.
Câllirrhoé, KaXXtppdrj, sources d'eaux thermales,
situées à l'est de la mer Morte, célèbres dans l'anti-
quité, Josèphe, Ant. jud., XVII, VI, 5; Plin., v, 16;
Ptol. ; 6spp.a KaXXipoïjç, sur la carte de Màdaba, qui
représente trois fontaines : une plus petite au nord;
une autre sur le cours d'un petit torrent, qui prend
naissance au pied de la montagne; entre les deux, la
fontaine principale avec une construction en forme
d'abside. D'après ce plan, Câllirrhoé répond plutôt à
Sâra, situé au sud-ouest d'Hammàm ez-Zerqa, ce
dernier endroit étant le [Bjaapo-j de la mosaïque.
Cf. .1. Manfredi, Callirhoé et Baarou dans la mo-
saïque géographique de Màdaba, dans la Revue bi-
blique, 1903, p. 266-271. Voir Câllirrhoé, I. H, col. 69.
Machserus, Mce-/aipo0ç, Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 2;
Bell, jud., VII, VI, 1, etc.; Plin., H. N., v, 16, célèbre
forteresse, construite par Alexandre Jannée, recon-
struite par Hérode le Grand, et qui servit de prison à
saint Jean-Baptiste, Ant. jud., XVIII, v, 2; aujourd'hui
M'kaur, au sud-est de Sâra.
La Batanée, la Trachonitide et l'Auranitide renfer-
maient aussi de nombreuses villes, dont les noms nous
sont connus ou par les auteurs anciens ou par les ins-
criptions, et qui ont laissé des ruines encore impo-
santes. Citons seulement : Bostra, aujourd'hui Bosra ;
voir Bosra 2, t. i, col. 1860; Dionysias, Es-Suéidéh,
qui portait probablement un nom différent pendant la
703
PROCURATEURS ROMAINS
PROMESSE
704
période romaine; Alliila, Alll: Canatha, Et-Qanaudl,
voir Canatii, t. ir. col. 121; Philippopolis, Schoubba;
Saccaea, Schaqqa; Phxna, El-Musmiyéh ; Aéra, Es.
Sanaméin; Dorea, Ecl-Dùr. Voir Argor '2, t. i,
col. 950; A.URA.N, t. i, col. 1253; Basan, t. i, col. 1486.
Comme on le constate d'après cette énumération, la
Palestine, à l'époque romaine, vit s'élever plusieurs
villes nouvelles, fondées par Hérodeet ses fils : Césarée
maritime, Césarée de Philippe. Anlipalris, Pharaélis,
Archélaïs, Julias, Sepphoris, Livias, Tibériade. D'autres
furent relevées de leurs ruines par Gabinius : Raphia,
Gaza, Anthédon, Azot, .(amnia, Apollonia, Dora, Sa-
marie, Scythopolis. Cf. .loséplie, Ant. jud., XIV, v, 3;
Bell, jud., I, vin, 'i. Un certain nombre, et des plus
importantes, furent déclarées libres par Pompée, tout
en reconnaissant la suprématie romaine. Ant. jud.,
XIV, iv, 4; Bell, jud., I, vu, 7. Outre celles qui sont
citées par josèphe, d'autres sont connues comme ayant
gardé l'ère de Pompée. C'étaient des villes hellénistes.
Voir Hellénisme, t. m, col. 575. Elles se trouvaient
principalement sur la cote : Raphia, Gaza, Anthédon,
Ascalon, Azot, Jainnia, Joppé, Apollonia, Césarée mari-
time, Dor, Ptolémaïs, et à l'est du Jourdain : Hippus,
Gadara, Abila, Canatha, Pella, Dium, Gérasa, Philadel-
phie. Dans l'intérieur étaient : Antipatris, ISébaste,
Sepphoris, Julias, Tibériade, Scythopolis, Phasaélis.
Voir DÉCAFOLÉ, t. m, col. 1333. Pour l'histoire de ces
\ i llis à l'époque romaine, cf. E. Schûrer, Geschichte
./es jûdischen Volkes, t. n, p. 82-175. Pour les villes
juives, voir Villes.
V. Bibliographie. — E. Schûrer, Geschichte des
jûdischen Volkes >m Zeitalter Jesu Christi, Leipzig,
•1901, t. i, p. 454-507, 564-585; t. n, p. 72-188; G. Bo t-
ger, Lexicon :<< den Schrifteti des Flavius Josephus,
Leipzig, 1879; \V. Oehler, Die Orlschaften und Gren-
-_,,, Galilâas nach Josephus, dans la Zeitschrifl '1rs
deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxvm, 1905,
p. 1-26, 49-74, avec carie, is; p. Xhomsen, Palâstina
mi, -h il, -, n 1 1,, ,,in,i si Htm des Fus, ■huis, dans la même
revue, t. xxvi. 11103, p. 97-141, 145-188, avec tarir,
144; ld.. Untersuchungen zur âlteren Palàstina-Lite-
ratur, mêmerevue, i. xxix, 1906, p. 101-132, avec carte,
pl. 3; M.-.l. Lagrangr, La mosaïque géographique de
\tddaba, daus la Revue biblique, 1897, p. 165-184;
A. Jacob] , Dos geographische Mosaih von Mâdaba, dans
les Studien ûber christliche Denkmàler, Leipzig, 1905.
\. Legendre.
PRODIGUE, celui <pn dépense son bien à tort el i
travers. — Il est fait allusion au prodigue dans quelques
passages. " L'homme aux nombreux amis les a pour sa
perte, i Prov., xvm, 24. « Celui qui nourrit 1rs débau-
chés fait honte à son père, o Prov., wviii. 7. De pré-
cieux trésors, de l'huile sont dans la maison du sage.
mais I insensé 1rs engloutit. > Prov., xxi, 20. — Dans
une de ses paraboles, Notre-Seigneur met en scène un
intendant dissipateur, Siseo-xopitijuv. Luc, xvi, 1. Cet
intendant n'a pas fraudé pour si' faire une fortune à lui-
même, puisque, privé de son intendance, il en sera
réduil soit à travailler, soit à mendier. Mais il a usé
largement des biens de son maître comme s'ils étaient
à lui ri il a toul dissipe'. — Dans 1 1 parabole de l'en-
fant prodigue, un Dis demande à son père la part d'hé-
ritage qui lui revient, et, dans un pays éloigné, i il
dissipe son bien en vivant dans la débauche. » Luc, XV,
13. L'indigence absolue el la famine sont la conséquen-
ce de sa conduite imprévoyante. Il expérimente alors la
vérité de ce qui est écrit :
i e pr< cui b un ■ i and noml i ■ à amis,
ner l'ami qu'il possédait.
Prov.. \ix, 4. — Dans un sens tirs différent, Dieu a été
prodi| biens envers l'homme dans l'incarna-
tion et la rédemption. Joa., m. 10; iv, 10; Rom., vm,
32: II Cor., ix, 15; II Pet., i, i. Cette prodigalité a
paru tenir de la folie aux yeux des gentils. I Cor., i,
18, 23. II. Lesêtoe.
PROIE (hébreu : téréf, ad, 'okél; Septante : Or,px,
P'jpi, âpirivjjiajYulgate : prœda, esca), ce que les ani-
maux carnassiers chassent et prennent pour se nourrir.
Sur les captures que les hommes font à la guerre, voir
Butin, t. i, col. 1975. — Les auteurs sacrés font surtout
allusion à la proie des lions. Le lion chasse et dévore
sa proie en rugissant. Nurn., zxill,24; 1s., v. 29; \x\i.
'i ; Ezech., xxn, 25; Am., m, 4; Ps. Ctv (cm), 21 ; I Pet.,
v, 8. Il remplit de proie ses cavernes, Nah., Il, 12, et
apprend aux jeunes lionceaux à saisir et à déchirer leur
proie. Ezech., xix, 3, 6. Faute de proie, il périt. Job, tv,
11; aussi Dieu la lui procure. Job, xxxvm, 39. — Les
loups chassent aussi et déchirent leur proie, lien., xi.ix,
27, Ezech., xxn, 27. — L'aigle voir pour atteindre sa
proie. Job, ix, 26. Parfois, les cadavres des hommes
sont abandonnés en proie aux oiseaux, ce qui est con-
sidéré comme un châtiment redoutable. Dent., XXVIII,
26; Ps. i.xxix (lxxviii), 2; .1er., xvi, i; xix, 7; xxxiv,
20. Voir Oiseau, t. iv, col. 1772. H. Lesltre
PROMESSE igrec : ir.x-;-;zï.ix; Vulgate : pollici-
lalio, promissio, promissunt, repromis sio), annonce
d'un bien futur que l'on s'engage à donner.
I. Promesses humaines. — Les hommes promettent
des choses plus ou moins bonnes, qu'ils n'ont pas tou-
jours le pouvoir ni l'intention de donner. Sur les pro-
messes faites à Dieu, voir VŒU. Sur les promesses
laites avec serment, voir Jurement, t. m, col. 1870.
Ozias promit de livrer Belhulie au bout de cinq jours.
Judith, vin, 9. Tobie lit promettre à Raguel de lui
donner sa lille Sara en mariage, lob., vu, 10. \man
promit de verser une somme d'argent au trésor du roi
en retour du massacre des Juifs. Esth., IV, 7. Bon
nombre de promesses sont faites à l'époque des Ma-
chabées. I Mach., x, 15; xi, 28; II Mach.. m, 35; IV,
8,9, 27. i5; vu, 26; vin, II. 30; xi. li; xii. II. 12.
Hérode promit à la lille d'Hérodiade de lui accorder
tout ce qu'elle demanderait. Malth., xiv, 7. Les princes
«1rs prêtres promirent de l'argent à Judas. Marc. XIV,
11. Les faux docteurs promettaient la liberté à ceux
qui les écoutaient. II Pet., il, 19. Les Corinthiens
avaient promis leurs aumônes pour les pauvres de
Jérusalem. Il Cor., ix. 5.
II. Promesses divines. — 1» Temporelles. — 1. Dieu
promit aux patriarches de leur donner le pays de Cha-
naan et une nombreuse postérité. Gell.. XV, 5,
0. 18; xvii, I(i; xxvi, 3. i; Act., vu, 5. etc
promesses sont fréquemment rappelées à Israël.
Exod., xii, 25; Nurn., x, 29, xxxil, II: l'eut., vi, 3:
xix. 8; xxxi. 21, 2.1; ileb.. VI, 15: xi, 9. 11. 17. rtc.
et l'accomplissemnit m est demandé on signalé. Jos.,
xxn, 4; Judith, Mil, 18; Act., vu, 17; Rom., ;x, i;
llrb.. vi. 15. rtc — 2. Dieu promit encore à Israël les
biens temporels. Tout d'abord, une promesse de longue
vie fut attachée au commandement qui concerne le
respect dû aux parents. Eph., vi, 2. Puis les prospé-
ii 1rs de la terre furent promises aux Israélites, s'ils
étaient fidèles à Dieu. Lev., xxvi, 3-13; Deul., vm, 7-
li; xi, 13-17; XXVIII, 9-14. Les Israélites s'appliquèrent
Irop exclusivement à la recherche de ces bénédictions
temporelles. Longtemps après la rédemption, ils di-
saient encore : n La bénédiction sur la terre consiste
dans la richesse. » Zohar, i, 87 b; édit. Lafuma, Paris,
1906, t. i, p. 507. — 3. Dieu promit à David que qui I-
qu'un de sa descendance occuperait toujours so I
trône. II Par., i, 9; vu. 18: xxi, 7; IV Reg., vm, 19;
Ps. cwxn i:\xxp, 11-13. — i. Les Israélites comptèrent
sur l'efl'et de ces promesses, Judith, XIII, 7: Dan., III»
705
PROMESSE
PROPHETE
706
36; Sap., xn, 21; II Mach., xi, 18. etc., à cause de
la fidélité de Dieu. Hel... x, 24.
2° Spirituelles. — 1. Notre-Seigneur promet que la
prière adressée à son Père sera toujours exaucée.
Voir Prière, col. 667. — 2. Les anciennes promesses
temporelles avaient un sens spirituel concernant la nou-
velle alliance et excellemment réalisé par Jésus-Christ.
En lui s'accomplit pleinement ce qui a été promis aux
anciens patriarches, Act., xxvi, 6; Rom., xv, S; Gai.,
m, 22; II Cor., i, 20; Il Pet., i, 4, spécialement par
sa naissance, Act., xm, 23, et par sa résurrection.
Act., xni, 32. — 3. Lui-même a promis d'envoyer le
Saint-Ksprit. Luc, xxiv, 29; Act., t. 4, il l'a envoyé,
Act., il, 33; Eph., i, 13, et on participe à cet Esprit par
la foi. Gai., ix, 14. — 4. Les promesses de l'ancienne
alliance ne concernaient que les Juifs; aussi ces der-
niers sont-ils appelés tout d'abord à bénéficier de
l'effet spirituel compris dans les promesses anciennes.
Rom., ix, 1 ; Act., n, 39. Les justes de l'Ancien Testa-
ment n'ont vu que de loin l'accomplissement des pro-
messes faites à leurs pères et ils y ont cru. assurant
ainsi leur salut par la foi. Heb., xi. 13, 33, 39. Les
gentils, étrangers aux promesses de l'ancienne alliance,
Eph., n, 10. participent par Jésus-Christ à celles de la
nouvelle. Eph.. ni, 6. En promettant d'ébranler la
terre, Dieu promettait une nouvelle alliance, Heb.,
xn, 26, l'Évangile, promis par les prophètes. Rom., i,
2. C'est par cette alliance nouvelle et par la grâce
qu'elle apporte que se réalisent, dans un sens com-
plet, définitif et spirituel, les promesses faites jadis à
Abraham. Rom., IV, 13, 11, 16: Gai., m, 16; Heb., VI,
13. Les vrais enfants de la promesse ne sont donc pas
les Juifs, mais les descendants spirituels d'Abraham,
Rom., ix, 8; Gai., iv, 28; Heb., vi, 17, et cette descen-
dance spirituelle, qui donne droit aux bienfaits de la
promesse, ne vient pas de la naissance naturelle ni de
la loi ancienne, mais uniquement de la foi en Jésus-
Christ. Gai., m, 18; iv, 23; Heb., VI, 12, 13. —
5. Jésus-Christ, Pontife de la loi nouvelle, établit cette
loi sur des promesses bien supérieures à celles de la
loi ancienne. Heb., vin, 6. Il promet à ses disciples le
titre de fils de Dieu, II Cor., vu, 1, la vie surnaturelle,
IITim., i, 1, les biens de la vie présente et ceux de la
vie future, I Tim., iv, 8, le repos de Dieu, Heb., iv, 1,
la récompense et la couronne célestes, Heb., x, 36;
Jacoby., i. 12; n, 5, la vie éternelle. Tit., i, 2; Heb., ix,
15; I Joa., n, 25. Les incrédules doutent delà venue du
royaume promis. II Pet., m, 4. Les croyants attendent
de nouveaux cieux, c'est-à-dire la vie éternelle à l'avène-
ment du Fils de Dieu, selon sa promesse. II Pet., m, 13.
H. Lesêtre.
PROPHÈTE, homme inspiré à qui Dieu manifeste
ses volontés pour les communiquer aux autres. Les
prophètes ont joué un rôle important dans l'histoire
d'Israël, et Dieu s'est servi d'eux pour instruire son
peuple choisi. Il n'a pas manqué non plus de prophètes
dans les premiers temps du christianisme et les deux
Testaments parlent fréquemment des prophètes de Dieu.
I. Notion. — Le prophète, tel qu'il apparait dans les
Livres Saints, diffère de la conception vulgaire qui ne
voit en lui que celui qui prédit l'avenir. La Bible lui
donne une signification plus large et elle le reconnaît
comme un homme à qui Dieu manifeste spécialement
ses volontés, quelles qu'elles soient, présentes ou futures,
pour qu'il les fasse connaître aux autres. Comme elle
n'en donne nulle part une définition expresse et for-
melle, il faut en dégager la notion des nombreux ren-
seignements que l'Ancien Testament fournit sur les
prophètes d'Israël. Les noms différents par lesquels
ceux-ci sont désignés et la manière dont les prophètes
agissaient de la part de Dieu nous serviront à préciser
l'idée que la Bible nous en donne.
/. D'APRÈS leurs NOMS. — Trois noms hébreux,
DICT. DE LA BIBLE.
-s-, -Th. s';:, rô'éli, hùzéli, nabi', indiquent la nature
•T
du prophète Israélite. Comme, d'après une note que
le rédacteur de I Sam., ix, 9, a insérée dans son récit,
-n-, est le nom le plus ancien ou au moins le plus
répandu dans l'antiquité, nous l'étudierons le premier
nous y ajouterons son synonyme ~'~, avant d'examiner
les noms techniques, N';:. ndbi', en hébreu, et -poyv
ty)Ç, en grec.
1° Le rô'éhou voyant. — Étymologiquement, ce nom
dérive de la racine îwi, rd'âh, qui signifie originaire-
T T
ment « voir » des yeux du corps ou de l'esprit. Ce verbe
a servi à exprimer les visions divines des prophètes.
[s., xxix, 10; xxx, 10. Hii'éh en est le participe actif. De
soi. il pourrait désigner un voyant quelconque; mais
l'usage biblique l'a réservé à dénommer une catégorie
spéciale de voyants, d'hommes qui voient des yeux de
l'esprit ce que les autres hommes ne voient pas.
Ce nom est donné à Samuel, pour la première fois
dans la Bible, par Saûl et son serviteur, I Sam., ix,
11, 18, qui l'avaient d'abord appelé « homme de Dieu »,
6, 7, 8, 10. La glose du verset 9, dans les deux rédac-
tions différentes de l'hébreu et du grec, indique que ce
nom était usité à l'époque de l'événement et désignait
ceux qu'au temps du rédacteur on appelait tnibi. Le
voyant était donc l'homme qu'on allait interroger
quand on voulait consulter Dieu. Il voyait ce qu'on
voulait apprendre de Dieu et ce que Dieu répondait à
la consultation faite. Sa réponse était considérée comme
la réponse de Dieu. Si l'objet de la consultation, rap-
portée dans cette anecdote, est un intérêt temporel et
privé, la découverte d'ànesses perdues. Dieu toutefois
manifestait à Samuel des desseins plus importants et
tout secrets. La veille, il lui avait révélé à l'oreille la
venue de Saûl et ses vues sur lui, et quand Saûl parut
devant lui, Dieu réitéra ses déclarations, 15-17. Samuel
promit à Saûl de lui indiquer le lendemain tout ce
qui était dans son cœur, après lui avoir annoncé que les
ànesses étaient retrouvées, 19, 20. Le lendemain, en
effet, il lit connaître au fils de Cis la parole du Sei-
gneur, 27, l'élection divine à la royanté, x, 1, et il lui
donna trois signes pour confirmer la vérité de cette
déclaration. 2-11. Ce n'était pas, d'ailleurs, la première
révélation faite par Dieu à Samuel. Celui-ci, encore
enfant, avait entendu à Silo la voix divine. La première
fois qu'elle se fit entendre, l'enfant ne savait de qui
elle provenait, I Sam., m, 7, parce que la parole de
Dieu ne lui avait pas encore été manifestée. Du reste,
elle était rare à cette époque, et les visions n'avaient
pas lieu, 1. Au troisième appel, Héli comprit que le
Seigneur parlait à Samuel, 2. Au quatrième, l'enfant,
obéissant aux recommandations du prêtre, dit :
« Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute, o 10, et le
Seigneur lui annonça le sort qu'il réservait à la famille
d'Héli, 11-14. Samuel craignait de rapporter au prêtre
la vision, riNTcn, 15. Interrogé, il répéta les paroles
T : - -
divines, 16-18. Samuel fut dès lors connu dans tout
Israël comme un prophète, 20, 21. Cf. II Par.,
xxxv. 18. Il porte spécialement dans l'Écriture le nom
de voyant. I Par., ix. 22; II Par., xxvi, 28; xxix, 29.
. Quelques autres personnages cependant sont dits
voyants. David appelle ainsi le prêtre Sadoc. II Sam.,
xv, 27. Le prophète Hanani, qui vivait sous le règne
d'Asa, porte aussi ce nom. II Par., XVI, 7, 10. Isaïe,
xxx. 10: xxxii, 3, emploie poétiquement le pluriel
rô'im. On en a conclu que le nom de voyant a cessé
d'être usité après le règne d'Asa. Quoi qu'il en soit,
ces simples attributs ou ces substantifs absolus ne nous
apprennent rien sur la signification du nom. Toutefois,
de l'histoire de Samuel il ressort que le voyant recevait
la vision el entendait la parole de Dieu pour les mani-
fester aux autres.
Y. - 23
707
PROPHETE
708
2° Le hôzéh ou voyant. — Étymologiquement, ce nom
a la même signification que ro'éh. 11 vient, en effet
<le la racine nin, hâzdh, i voir ». Il en est le participe
kaf, pris substantivement, et dans l'usage, il désigne,
comme rà'éh, le prophète voyant. Il est plus fréquem-
ment employé que le précédent, surtout à partir d'Amos.
Il désigne cependant des prophètes antérieurs. Gad
est le hôzéh de David, II Sam., xxiv. 11; I Par., xxi,
9. ainsi que Héinan, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par.,
xxix, 30, et Idithun. II Par., xxxv. 15. Addo, qui a écrit
l'histoire de Salomonet de Rohoam, est dit aussi hôzéh
II Par., ix, 29; xn. lô. Quelques critiques en ont conclu
que le hôzéh était le prophète attaché à la famille
royale, tandis que le rà'éh était un voyant s'occupant
des affaires des simples particuliers. Mais le hôzéh
.léhu. fils d'Hanani, avait fait des reproches à Josaphat.
II Par., xix, 2. L'histoire d Amos à Béthel, vu, 12-17,
est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias
interdit à Amos, qu'il appelle hôzéh, de prophétiser à
Béthel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale.
Si le hôzéh avait été le voyant de la cour royale, Amos
n'aurait pas reçu ce nom de la bouche d'Amasias. Des
hôzim avaient parlé à Manafesé au nom du Seigneur.
II Par., xxxiii, 18. Il y avait eu, d'ailleurs, en Israël et
en .luda des hôzim qui avaient manifesté les ordres du
Seigneur. II (IV) Reg., xvn, 13. Ils avaient vu les visions
de Dieu, hâzôn, cl reçu ses révélations pour les com-
muniquer aux hommes. Voir Prophétie.
Cependant, le pluriel, hôzim, a spécialement dési-
gné les faux prophètes. Michée, m, 7, les nomme avec
les devins et il annonce leur confusion : ils n'auront
pas de i réponse de Dieu ». La nuit leur servira de
vision et les ténèbres de divination, 6. Le prophète
lui-même, au contraiiv. est rempli de la force de l'es-
prit iln Seigneur, 9. Isaïe, xxix. Kl, parle aussi des
faux prophètes de luda, qui voient des visions, mais
que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les
paupières, de sorte que la vision sera pour eux comme
un livre scellé, dans lequel ils ne pourn.nl lire, 11. 12.
Les '.lits incrédules refusaient de croire les vrais
voyants et demandaient aux faux prophètes de leur an-
noncer ce qui leur plaisait et d'avoir des visions
fausses et erronées. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xm, 9.
10; xxu, 28.
Bien que le nom de hôzéh ait servi en dernier lieu
à nommer les faux prophètes, primitivement il dési-
gnait le vrai prophète considéré comme un homme
dont les yeux ne sont pas fermés aux visions divines,
qui les voit, qui lit la réponse de Dieu et qui la com-
munique aux autres. Il était donc synonyme de rô'éh.
La seule différence entre ces deux dénominations est
que la seconde a été appliquée aux faux prophètes el
la première pas.
3 Le ndbi' ou interprète de Dieu. — a) Elgimilogie.
— L'origine de ce nom est incertaine et sa signification
étymologique douteuse. On l'a recherchée dans l'hébreu
lans d'autres langues sémitiques. Si nàbi' ne peut
venir de s;:, nàbâ, qu'il est impossible de décompo-
ser en une racine inconnue s;, h.i , « parler », et en la
préposition a, ayant le sens de /.%--% nàbâ signifierait
alors « convaincre par la parole », et le ndbi' serait un
homme puissant en discours), on a cherché plus ou
moins heureusement .ï le rattachera d'autres racines;
ou bien à vz:. r»a'6d . signifiant i bouillonner i et par
suite » répandre abondamment des paroles », et dont
s;: nôinï. esl la forme adoucie par le changement de
aïn en aleph; ou bien i z:. nûb, « sortir, pousser,
germer », ou à sa racine bilittère ::. nb, exprimant
un mouvement quelconque du dedans au dehors,
quels qu'en soient le point de dépari el le moteur,
de sorte que le nAbï sérail l'homi [ui émel des pa-
roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui
soutiennent que le mot ne dérive pas d'une racine
hébraïque ou au moins n'a pas de racine dans l'hébreu
de la période historique, le font provenir d'autres
langues sémitiques, soit de l'arabe nabaa, « annoncer »
une nouvelle, porter un ordre, soit de l'assyrien nabô,
qui signifie « crier, publier, annoncer » et d'où dérive
le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse
et de la science, de la parole et de l'écriture, voir
t. iv, col. 1434-1436, de sorte que nàbi' signifierait
celui qui parle de la part de Dieu, l'orateur divinement
inspiré.
b) Forme grammaticale. — Les hébraïsants ont
reconnu au mot hébreu nàbi une forme passive ou
active et ont précisé en conséquence la signification
passive ou active du nom. Si on considère le mot ndbi'
comme un participe passif qdtil, le ndbi' est un homme
à qui il est parlé, qui entend une voix intérieure,
mystérieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle
que sous l'action d'un révélateur, un homme qui est
donc inspiré. C'est pourquoi les actes des prophètes
sont toujours exprimés dans la Bible par des verbes au
niphal et à Vhithpahel, qui sont deux formes passives.
Mais même en admettant la justesse de ces observations,
des grammairiens plus récents ont remarqué que les
participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la
signification passive et ont un sens actif; ainsi ">•—.
• T
pdqid, surveillant, ->::-, qaxir, moissonneur, :'":. nâ-
dib, noble, prince, v:;, ndgitl, chef, S':-, rdkii, ca-
'T ' T
loinniateur. etc. D'ailleurs, le niphal est plutôt la forme
réfléchie du qal et Vhithpahel la forme réfléchie du phel.
Par suite N2: et s::r~. qui sont souvent employés l'un
pour l'autre, ont la signification réfléchie et veulent dire :
« se montrer prophète, o n-::. a donc plutôt une forme
• T
active et désigne « celui qui parle », non pas sans doute
en son nom propre, mais bien au nom d'un autre.
e) Signification d'aprét l'usage biblique. —Du reste,
l'usage a fixé le sens du mot. et l'usage a, pour détermi-
ner le sens, plus de valeur que l'étjniologie et la forme
grammaticale. Or, le passage classique qui détermine
le sens usuel du mot, est le récit de l'Exode, vil, 1, 2.
Moïse avait été chargé par Dieu de transmettre à Pha-
raon ses volontés au sujet des Israélites opprimés. Il
objecta que ses lèvres étaient incirconcises, Exod., iv,
10; vi, 10-12, 29-30, et qu'il éprouvait de la difficulté
à parler. Or. Dieu lui donna Aaron pour ndbi ; il
parlera à sa place. Moïse dira à son frère tout ce que
Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra à
Pharaon, non pas comme truchement, mais comme
porte-parole. De même, à l'égard des Israélites, Aaron
sera 0 la bouche de Moïse ». Exod., IV, 14-lfi. Voir t. IV,
col. 1194. Le nâbï de Dieu était pour Dieu ce qu'Aaron
était pour Moïse. Dieu mettait dans sa bouche les
paroles qu'il voulait lui faire dire; lui-même, il ne
disait que ce que Dieu voulait lui taire dire. Il était
donc le porte-parole de Dieu, non pas s. ulement un
inspiré, qui reçoit une révélation, mais un représentant
officiel, charge de parler au nom et à la place de Dieu,
un orateur, un prédicateur qui dit aux hommes ce que
Dieu veut leur faire savoir.
I tanière dont Jérémie reçut la mission prophétique
continue celle interprétation. Dieu lui révèle qu'il
l'avail choisi des le sein de sa mère pour être son unh'i
auprès des nations. Jer., i. i. 5. Le lilsd'Helcias répond
qu'il ne sait ou ne peut parler avec l'autorité nécessaire,
parce qu'il n'est encore qu'un enfin!. Dieu l'encourage,
confirme sa mission prophétique, lui promet sa pi
tion, touche ses lèvres sur lesquelles il mettra le
paroles que le prophète aura à prononcer, 7-10. Cf. v,
I i. Jérémie dit les paroles divines qu'il a entendues, i.
11-13. etc. 11 parle donc par délégation divine et il est
709
PROPHÈTE
710
l'interprète des volontés de Dieu auprès des hommes.
Le nom de ndbV, ayant cette signification, a remplacé
l'ancien nom de r&éh. et est devenu d'un emploi uni-
versel pour désigner les représentants de Dieu en
Israël. I Sam., i.\, 9. Il a toujours caractérisé un homme
qui parle au nom de Dieu et qui répand des oracles di-
vins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication.
4" Le irpoçrJTi); des Septante. — Ce mot grec traduit
régulièrement, dans la version grecque dite des Septante,
le nom nabi' appliqué aux vrais prophètes, et quelque-
fois rô'êh, IPar., xxvi, 28; II Par., xvi, 7, 10, et hùzéh.
II Par., ix, 2; xxix, 30; xxxv, 15. Il faut exposer la
véritable signification de ce nom, duquel viennent le
mot latin propheta et le nom français prophète.
a) Étijmologie. — Les Pères et les théologiens ont
donné diverses explications de ce nom. Eusèbe de Césa-
rée. Demonst. ev., 1. V.prolog., t. xxn. col. 345, le faisait
dériver de npopocîvsw et lui donnait la signification de
communication par le Saint-Esprit des choses futures et
■cachées. Saint Thomas a adopté une dérivation analogue,
puisqu'il séparait ~po, procul, et potvo:, apparitio, et il
■en a conclu que la prophétie consistait principalement
dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues.
Sum. theol., IL* II», q. clxxi, a. 1. Suarez, De fide,
disp. VIII, sect. m, n. I. Opéra, Paris, 1858, t. xn,
p. 227, l'a rejetée à juste titre comme n'ayant aucun
fondement dans la langue grecque. Ce théologien
préférait une autre étymologie, communément admise.
qui fait venir ce mot de irpo jivai, « dire à l'avance, » et
qui considère la prophétie comme une prédiction de
J'avenir. Celte interprétation était déjà acceptée par
saint Irénée, Cont. hier., 1. IV. c. xx, n. 4, t. vu,
col. 1034; par saint Ambroise, De benedictione patri-
archarum, 1. II, n. 7, t. xiv, col. 670; par saint Basile,
In Isa., proœm., n. 3; 1. III, t. xxx, col. 224,
284; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, boni, n,
n. 2. t. i.vi, col. 111; et par saint Grégoire le Grand,
In Ezech., 1. I. boni, i, n. 1, t. i.xxvi, col. 786. Elle a
donné naissance à l'opinion vulgaire, qui ne reconnait
dans les prophètes que des prédiseurs de l'avenir. Mais
tout en admettant cette dérivation, on peut et on doit,
semble-t-il, lui donner une meilleure explication. Dans
jcpoç>T|T7)c, la préposition icp<S n'est pas une particule de
temps. Comme dans les mots composés analogues,
tzc,6ôot/.o:, vice-pasteur, KpoëouAoç, qui prend conseil
pour un autre, itpôS-.xo;, qui traite l'affaire d'autrui,
npoT)Yope:v, parler à la place d'autres, etc.. et en latin,
proconsul, procurator, proprsetor, propugnator, etc.,
elle signifie « à la place de ". Le -ooj/.t/-,; est donc
celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi très bien
le sens de nâbi'.
6) Signification. — Du reste, r.onzr-.r,i, chez les
écrivains grecs profanes, signifie interprèle, et non
prédiseur de l'avenir. Denys d'Halicarnasse appelle les
prêtres jcpoçïJTai tûv Bsi'iov, c'est-à-dire les interprètes
des choses divines. Platon dit que les poètes sont
Houaûv Kpo?r}T<xt. Tbéiuistius, Orat., xxni, nomme
RpoçYjTr,;, celui qui explique Aristote. Philon a plusieurs
fois présenté les prophètes d'Israël comme les inter-
prètes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait
dire. Les Pères, même ceux qui admettaient l'étymolo-
gie tirée de npotpâvat, ont donné celte signification.
S. Chrysostome, In Act., hom. xix, 5. t. lx, col. 156;
In 1 do-., hom. xxxvi. i. t. i.xi, col. 311; S. Âugus-
tin, Qusest. in Heptateucli.. II. 17, t. xxxiv, col. 601 :
Synopsis Sac. Script, (attribuée à saint Chrysostome),
t. i.vi. col. 317. Les commentateurs catholiques, à partir
du xvne siècle, ont généralement adopté cette interpré-
tation, qui n'est pas, comme on le prétend quelquefois,
une découverte de l'exégèse moderne.
//. D'APRÈS LELIl MANIÈRE iè agir. — Tout ce que
disent et font les prophètes, ils le disent et ils le font,
non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu.
Beaucoup de leurs oracles oraux ou écrits débutent par
ce* mots : « Ainsi parle le Seigneur. i> I Sam., x, 18;
xv. ■>; 1 ,111) Heg.. xiu, 2; xxn. Il; II (IV] Reg., vu, 1;
Is., vu, 7; .1er., n, 2; xix. 1; Ezech., V, 5, 8; vi. Il;
vu, 5; xi. i. 7. 10: Arnos, i, 2, 3, 6, II, 13; H, 1, 4, 6;
Abdias, 1; Agg., i. 2. .">, 7; Zach.. i, 3, etc. Dieu lui
ordonne de parler ainsi : « Le Seigneurdit ceci, a .1er.,
ix. 24; Ezech.. xi, 17; xn, 23. Le prophète a entendu
de la bouche de Dieu les paroles qu'il proclame. Ezech.,
m, 17; xxxiii. 7; Hab., ni, 2. Il annonce la parole de
Dieu. Is., r, 10; xxvm, 14; .1er., il, 4, 31; vu, 2; IX,
20: Ezech., vi. 3: xm. 2; xx, 47: Ose., iv. 1; Amos,
vu, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu'il lui
a dit. .1er., SIX, 2; Ezech., m, 4. C'est Dieu qui parle
par sa bouche. Is., i.u. 6; Ezech., xvn. 21. La parole du
Seigneur lui a été dite. Ezech., vi. 1; vu, 1; xi. li;
xn, 1, 5, 17, 21, 26; xm, 1, etc. Bref, ce que le prophète
dit n'est pas le produit de son esprit, et toutes ses
paroles sont des paroles divines. Or, rien n'est plus
varié que leur objet. Elles ne concernent pas toutes
l'avenir. Elles font connaître les résolutions que Dieu
a prises, ses desseins. Elles sont généralement accom-
pagnées d'avertissements et d'exhortations, de reproches,
de menaces, de consolations. Elles forment parfois un
discours entier. Le prophète manifeste donc toutes les
volontés de Dieu, présentes et futures. Il est le porte-
parole de Dieu, le médiateur de la révélation divine,
l'organe de Jéhovah, l'interprète humain de la pensée
divine, un orateur divinement inspiré. Philon en
donnait déjà cette définition, et saint Pierre l'a déclaré :
« Les saints hommes de Dieu ont parlé sous l'inspira-
tion du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21.
II. Vocation et inspiration divine des prophètes.
— Les prophètes d'Israël ne se sont pas introduits
d'eux-mêmes dans le ministère qu'ils remplissaient.
Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xvm, 18.
Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont di-
vines; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rap-
portaient à Dieu.
I1 Vocation et mission. — Ce n'est ni deleurpropre
choix et de leur initiative privée ni par une éducation
spéciale que les prophètes d'Israël ont commencé et
rempli leur ministère. Amos était un simple berger de
Thécué, i, 1 ; Dieu l'a pris derrière son troupeau et l'a
envoyé prophétiser à Israël, vu, 14-15. Il est donc
devenu prophète par vocation expresse et personne ne
saurait aller à rencontre de cet appel divin, ni les
prêtres de Béthel ni les rois d'Israël. Ce n'est pas pour
remplir un métier et gagner son pain qu'il prophétise
comme le supposait Amasias, vu, 12; c'est pour obéir
à l'ordre de Dieu. L'appel divin a été pour lui d'une
clarté irrésistible; il a quitté son métier de berger et
s'est exposé aux dénonciations et aux menaces d'Ama-
sias. La parole divine l'a saisi et subjugué : « Dieu
parle; qui ne prophétiserait ? » ni, 8. Dans une vision,
Isaïe a entendu Dieu demander qui il enverrait; il s'est
offert généreusement et il a reçu l'ordre d'annoncer à
Juda les volontés divines, vi, 8, 9. Jérémie a été choisi
par Dieu comme prophète dès le sein de sa mère.
Comme Moïse, il veut repousser la mission qui lui est
confiée. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la
rendre éloquente et le charge d'une mission pénible, i.
4-10. Plus tard, quand l'accomplissement de sa mission
lui attire le mépris de ses contemporains, il se plaint
amèrement que Dieu l'ait fait prophète par force. Il
avait voulu garder le silence; mais il a senti brûler
dans ses entrailles et dans ses os un feu dévorant et il
a été contraint de céder et de parler, xx, 7-9. Cf. iv.
19-26; xv, 10, 15. Ézéchiel a reçu de Dieu, lui aussi, la
mission de parler aux Israélites coupables et de ne pas
craindre leur opposition, n. 1-6. Les autres prophètes,
bien qu'ils ne nous aient fait connaître ni l'époque ni
le mode de leur vocation, étaient cependant choisis par
711
PROPHETE
712
Dieu comme ses représentants et envoyés vers ceux a
qui le Seigneur voulait révéler ses volontés, ordres ou
menaces. Dieu lui-même l'affirme par la bouche de Jé-
rémie, xi.iv. i.
2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas à envoyer
ses prophètes et à les charger de parler en son nom;il
met sur leurs lèvres ce qu'ils doivent prêcher et annon-
cer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et
toutes kurs démarches. L'action de Dieu sur ses en-
voyés est exprimée dans les Livres Saints en des for-
mules nombreuses, variées et très expressives. Les
unes la décrivent d'une façon générale, d'autres en
précisent la nature, tout en la laissant cependant en-
core dans une mystérieuse obscurité qu'il est impos-
sible de dissiper.
La main du Seigneur est sur son prophète. Ezech-,
i, 3; III, '22; xxxm, 22, avant qu'il ne lui parle; elle
tombe sur lui et il a une vision, Ezech., vm, 1 ; elle le
conduit dans l'Esprit de Dieu. Ezech., xxxvn, 1; XL, 1.
Elle faisait courir Élie devant le char d'Achab. 1 (III)
Heg., xviii, 'ili. L'Esprit du Seigneur est sur Isaïe,
i.xi, 11. Michée, m, 8, a été rempli de sa force, de son
jugement et de sa puissance. Cet Esprit se précipite
sur Ézéchiel pour lui parler, xi, 5; il l'enlève et l'em-
porte au lieu où il doit porter son message, m, 12, li;
il pénètre en lui, le fait tenir debout et lui parle, III,
2i. I lieu a inspiré par son Esprit les paroles desanciens
prophètes. Zach., vu, 12. Aussi le prophète est-il
l'homme de l'esprit, nnn tf>N, qu'Israël coupable tient
T
pour un insensé, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir.
Mich., h, 11. Cette action de l'Esprit divin s'était pro-
duite aussi sur les prophètes d'action. L'Esprit de Dieu
s'était précipité sur Halaam, Num., xxiv. 2; il était
venu sur Azarias, fils d'Oded, II Par., xv, 1, sur Jaha-
ziel, II Par., xx, 14; il avait revêtu Zacharie, fils de
Joïada. II Par., XXIV, 20. L'annonce .le la multiplicité
des prophètes aux temps messianiques est faite sous
l'image d'une effusion de l'Esprit divin sur toule chair.
Joël, II, 28, 29. Cet esprit qui animait les prophètes
d'Israël, venait donc du dehors; il était étranger à
leurs personnes ; il dirigeait leurs actes et il les pous-
sait eux-mêmes à parler.
Son action est précisée ailleurs et présentée comme
une révélation divine. Dieu lui-même met ses propres
paroles sur les lèvres des prophètes, Dent., xvm, 1S,
qu'il a purifiées. Is., VI, 5-7; .1er., i, 9. 11 parle aux
prophètes pour leur révéler ses secrets. Amos, m, 7. Il
montre l'objet des visions. Amos, vu, 1,4, 7: vm, 1.
Consulté et interrogé, il ne répond que s'il le veut.
Ezech., xiv, 3. Le prophète doit attendre que Dieu lui
réponde. Hab., il, 1. Quand le peuple demande une
consultation, il prie le Seigneur de donner une ré-
ponse qui n'est accorder qu'au bout de dix jours. Jer.,
xi.ii, 4, 7. En vain le prophète voudrait-il devancer
l'heure et apprendre de force la parole de Dieu. Il
n'obtient de révélation que si Dieu veut la lui accorder.
Pour punir son peuple. Dieu ne donne plus de visions
à ses prophètes. Lament., u, 9. .Mais quand Dieu a
ouvert la bouche de son prophète, celui-ci ne peut
plus se taire. Ezech., xxxm, 22. Les prophètes ne
parlent donc pas d'eux-mêmes et par leur propre vo-
lonté; c'est l'Esprit qui les inspire. II Pet., t, 21. Leurs
paroles ne sont pas le fin i t de leurs réflexions person-
nelles, ni la conséquence de leurs raisonnements. Elles
leur viennent du dehors, sont mises par Dieu sur leurs
lèvres, ou au moins leurs pensées sont produites dans
leur esprit par une force supérieure, I Esprit de Dieu,
qui les fait agir et parler et qui anime toute leur con-
duite. Sur la manière dont Dieu agissait sur les pro-
phètes ei leur communiquai! ses volontés, voir Pro-
phétie.
Les prophètes n'ont pas décrit leur étal psycholo-
gique, tandis qu'ils recevaient les communications di-
vines. Ils avaient le sentiment intime de posséder la
vérité communiquée par Dieu. Toutefois, quelle qu'ait
été la façon dont l'Esprit divin agissait sur l'intelli-
gence des prophètes, il laissait leur personnalité in-
tacte; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs
actes et n'apportait aucun trouble ni aucune modifica-
tion dans l'exercice régulier et normal de leur intelli-
gence et de leur liberté. Quoique inspiré, le prophète
agissait, pensait et parlait comme les autres hommes.
Ses pensées et ses paroles étaient celles de Dieu; il
avait compris la révélation qui lui avait été faite, et il
la publiait comme il eut fait pour ses propres idées.
En parlant et en agissant, il parlait et agissait au nom
de Dieu, parfois comme s'il était revêtu de la person-
nalité de Dieu qui parlait par sa bouche; il n'avait
néanmoins rien perdu de son activité personnelle.
Quand les prophètes s'exprimaient comme s'ils avaient
été Dieu lui-même, quand ils lui attribuaient leurs dis-
cours, ils formulaient la pensée divine dans leur lan-
gage propre, avec les couleurs de leur imagination et
la chaleur de leurs sentiments. Ils empruntaient leurs
images à leur milieu social, et ils donnaient parfois
l'empreinte de leur esprità la pensée de Dieu. Ils avaient
reçu de Dieu les ordres à communiquer, les vérités à
manifester, l'impulsion pour agir et parler; mais dans
l'exercice de la communication des pensées divines
aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultés.
Ils n'ont pas laissé d'indice que, même dans la vision,
ils aient été ravis en extase. Ils ne disent pas que, tandis
que leur esprit percevait la vérité que Dieu leur mani-
festait, ils avaient perdu conscience des choses exté-
rieures. Il n'y a donc pas lieu, d'ordinaire, de parler
d'extase prophétique, au moins dans le sens antique
d'hommes qui parlent étant hors d'eux-mêmes et sans
l'usage de leurs facultés naturelles. Leur esprit avait du
parfois, peut-être, se fixer si attentivement sur la vérité
révélée par Dieu, surtout lorsqu'elle était présentée à
leur imagination sous des images, qu'au moment de sa
manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement
ou totalement, conscience des choses extérieures. Mu-
cette abstraction d'esprit ne durait que pendant la per-
ception de l'objet révélé; elle n'avait pas fait cesser la
pleine conscience intérieure, et l'acte de perception
accompli, le prophète gardait le souvenir distinct de
ce qu'il avait vu ou de ce qu'il avait éprouvé, et il le
manifestait avec l'usage plénier de sa liberté et de ses
autres facultés naturelles. L'extase prophétique, quand
elle s'est produite, différait donc de la [iolt.x des devins
antiques et n'avait rien de commun avec leur délire ou
leur démence. Le prophète savait toujours ce qu'il
prophétisait, quoiqu'il put cependant ne pas saisir tou-
jours toute la portée de ses oracles. Sur les prophètes
exaltés et hors d'eux-mêmes, voir ProphÉtismE,
Il est clair enfin que les prophètes d'Israël ne sen-
taient pas constamment en eux ni toujours au même
degré, quand elles se produisaient, l'influence el
l'action de Dieu. Leur inspiration n'était pas continue
ni habituelle. Quoique leur mission ait été ordinaire-
ment perpétuelle, tout ce qu'ils faisaient et disaient
d'y avait pas un rapport nécessaire. Quand ils remplis-
saient leur mission, ils étaient poussés par l'Esprit de
Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes étaient ins-
pirés, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles
révélations. L'inspiration divine avait donc lieu pour
eux par intermittence. Le prophète Nathan avait de lui-
même encouragé le roi David dans son projet de bâtir
un temple au Seigneur: mais, la nuit suivante, Dieu
lui révéla que David ne réaliserait pas son dessein qui
serait accompli par son lils. II Sam., vil, 3-13.
ne parlait à Élie que dans des cas particuliers et à .le
longs intervalles. 1 (III) Reg., xvii, 2, 8; xvm, l. Si
Elisée reçoil une double part de l'esprit d'Elie, Il IV)
Reg., Il, 9, 10. 1"), Dieu lui avait caché la douleur de la
713
PROPHETE
714
Sunamite privée de son fils unique, Il (IV) Reg., iv,27 ;
et le prophète irrité a besoin d'un harpiste pour calmer
sa colère et le prédisposer à recevoir la révélation
divine. Il (IV) Reg., m, 11-20. Les oracles des pro-
phètes écrivains n'étaient pas proférés à jet continu.
Chacun a eu son occasion propre et le prophète ne re-
cevait les révélations divines que lorsque Dieu le vou-
lait et dans la mesure même où il le voulait.
III. Manière dont les prophètes manifestaient
les volontés divines. — 1° De vive voix et par la
parole. — Les prophètes, étant essentiellement des ora-
teurs et des prédicateurs qui parlaient au nom de Dieu
et sous son inspiration, ont exercé leur mission sur-
tout par la parole. Tous les anciens prophètes, qu'on
appelle prophètes d'action ou non-écrivains, n'ont agi
sur leurs contemporains que par leurs oracles promul-
gués de vive voix et par leurs discours. Élie, Elisée et
d'autres n'ont laissé aucun recueil de leurs prophéties.
Ce n'est que vers le milieu du vme siècle que commence
la prophétie écrite et encore les prophètes de cette
époque, avant de faire eux-mêmes ou de laisser faire
la collection de leurs oracles, les avaient prononcés de
vive voix en public, Amos, le plus ancien peut-être des
prophètes écrivains, lorsqu'il parait pour la première
fois à Béthel, parle au peuple et au prêtre Amasias.On
peut légitimement supposer qu'il a communiqué les
autres messages de Dieu par la parole avant de les ré-
diger par écrit. .lérémie a prophétisé pendant 23 ans
sans écrire, et ce ne fut qu'après ce long laps de temps
que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d'y
consigner ses précédents oracles, xxxvt, 1. 2. Il avait,
du reste, prononcé quelques-uns d'entre eux dans la
cour du Temple de Jérusalem, xxvi, 2. Beaucoup de
prophéties ont la forme de discours qui ont sans doute
été dits avant d'être couchés par écrit. La parole était
certainement à cette époque le moyen le plus efficace
<le faire connaître et de propager les oracles divins.
On peut donc penser que la plupart des prophètes
écrivains ont été orateurs avant de devenir écrivains.
Ce n'est qu'après avoir fait entendre aux oreilles de
leurs contemporains les volontés divines qu'ils les ont
consignées par écrit. Leurs écrits ne sont donc qu'une
reproduction de leur prédication., Vraisemblablement,
les discours des prophètes n'étaient pas reproduits par
eux intégralement, textuellement, sténographiquement.
A moins qu'il ne s'agisse d'oracles écrits pour être lus,
la reproduction n'est pas faite in extenso, mais seule-
ment sous forme de citations partielles ou même de
simples résumés, .lérémie, commençant à dicter ses pro-
phéties après 23 ans de ministère, ne se souvenait plus
textuellement des paroles qu'il avait prononcées, et il
n'a pu les reproduire littéralement. Les écrits de
beaucoup de prophètes sont donc des recueils d'ex-
traits ou de spécimens de leur prédication, ils y ont
résumé et condensé eux-mêmes la substance de leur
enseignement, les thèmes qu'ils avaient vraisemblable-
ment traités et développés à diverses reprises. Parfois
cependant, le texte primitif a été reproduit intégrale-
ment. On peut penser qu'il en a été ainsi de ces discours
rédigés sous forme poétique, en strophes régulières et
avec refrain répété.
2° Par écrit. — Toutefois, certaines parties des
livres prophétiques n'ont probablement pas été pronon-
cées de vive voix, mais ont été publiées seulement par
écrit. Ainsi les prophéties d'Osée paraissent être moins
des discours que des oracles écrits pour être répan-
dus parmi le peuple et communiqués par la lecture.
Isaïe, qui avait été à la rencontre d'Achaz pour lui dire
les menaces divines, vu, 3-25, voulut, parce que sa mis-
sion était mal vue du peuple, lire la révélation et fer-
mer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, VIII,
16; ce qui signifie qu'il résolut de ne plus la répandre
en public, et de la réserver à un petit groupe de fidèles.
S'il n'avait pas pensé alors à la laisser par écrit, il
reçut plus tard de Dieu l'ordre d'écrire les instructions
du Seigneur, xxx, S. Il est possible que toute la seconde
partie de son livre, xl-lxvi, dont la composition est si
régulière, n'a été publiée que par écrit. Quand Jérémie
eut dicté à Baruch ses oracles antérieurs et les eut
réunis en un volume, il en fit lire publiquement une
partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On
les lut aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25.
Jérémie dicta à son secrétaire un volume plus complet
que le précédent, 27-32. Le livre de Baruch a été écrit
tout entier pour être lu aux Juifs exilés à Babylone,
Bar., i. l-i, ainsi que la lettre que Jérémie adressa
aux mêmes captifs. Bar., vi. L'ordre et la disposition du
livre d'Ezéchiel font penser que le prophète l'a écrit
d'un seul jet, quoique quelques parties soient la repro-
duction de discours précédents, m, 10-15; xx, 2-44;
xxiv, 18-27; xl, 1. On estime que le plan de restaura-
tion religieuse, dressé par lui, xl-xlviii, n'a pas été des-
tiné à être lu en public. Toutefois, Èzéchiel n'a pas été
seulement un prophète de cabinet, comme on l'a dit,
il a été aussi bien que ses devanciers un orateur en con-
tact immédiat avec les exilés ; mais il a composé lui-
même le recueil de ses prophéties. On a- donc eu tort de
prétendre que, pour lui, la vision prophétique n'était
plus une expérience réellement éprouvée et qu'elle était
devenue un genre littéraire, une simple forme dont se
revêtait la pensée de l'écrivain. Le livre de Daniel a été
composé pour être lu, et ses oracles ne semblent pas
avoir été publiés de vive voix, avant leur publication
littéraire.
Les recueils d'oracles prophétiques ont vraisembla-
blement été formés pour la plupart par les prophètes
eux-mêmes qui réunissaient ainsi, groupaient l'ensem-
ble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-être avaient
primitivement été rédigés sur des feuilles volantes. Il
n'est pas certain toutefois que tous aient fait la collection
de leurs prophéties. Quelques-uns ont pu laisser ce
soin à leurs disciples. Les oracles d'Isaïe et de Jérémie
ne semblent pas avoir eu, dès le début, une destina-
tion publique. Ces prophètes les avaient gardés dans le
cercle étroit de leurs disciples. Plus tard, les livres
prophétiques furent communiqués au peuple, et tous
finirent par être reconnus officiellement et publique-
ment comme la parole de Dieu. La prophétie écrite a
ainsi exercé une plus grande influence que la prophétie
simplement orale. Après avoir produit son effet immé-
diat dans les milieux auxquels elle était destinée, elle a
transmis aux siècles suivants et à toutes les généra-
tions juives et chrétiennes la révélation divine.
3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontés
divines étaient manifestées au peuple et rendues tan-
gibles en quelque sorte par des actions symboliques,
accomplies par les prophètes et racontées dans les Livres
Saints. Les prophètes d'action en ont accompli aussi
bien que les prophètes écrivains. En coupant son man-
teau en douze parts et en en donnant dix à Jéroboam,
le prophète Ahias annonçait symboliquement le schisme
de dix tribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophète,
qui se fait battre et blesser et qui se présente au roi
Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer
l'attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort
qu'il avait eu de s'allier avec Bénadad. 1 (Ml Reg., xx,
35-43. Les mariages d'Osée avec Gomer et avec une
femme débauchée ne sont, probablement, ni une
fiction allégorique, ni une simple parabole, ni des
actes accomplis en vision, mais des histoires vraies,
symbolisant la conduite d'Israël à l'égard de Dieu. Voir
t. iv. col. 1909-1912. Isaïe, 1-4, écrit sur une grande ta-
blette en grands caractères et devant témoins le nom
prophétique qu'il donnera au fils qui lui naîtra bientôt.
Ce prophète, nu et déchaussé, parcourt Jérusalem, comme
s'il était un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs
7ir
PROPHETE
716
que le roi d'Assyrie, dans la campagne commencée,
emmènera il Egypte et d'Ethiopie, xx, 1-6. Jérémie cache
sa ceinture de lin nu liord d'un cours d'eau el va la re-
prendre plus lard, toute pourrie et impropre à aucun
usage, pour annoncer le châtiment que Dieu tirera de
Juda. auquel il s'est attaché comme la ceinture s'attache
aux reins d un homme, xui, 1-21. L'n potier, sous les
yeux du prophète, change la destination du vase qu'il
façonne : ce qui signifie que Dieu, lui aussi, peut mo-
difier ses plans, win, 1-10. Jérémie brise ensuite
devant témoins un vase acheté chez ce potier pour ligu-
rer la destruction prochaine de Jérusalem, xix, 1-13.
Il met un joug sur ses épaules en vue de représenter
l'asservissement d*1 Juda par Babylone et d'annoncer
au roi que Dieu lui commande de se soumettre à ses
vainqueurs. XXVII, 2-13, malgré les prédictions trom-
peuses des faux prophètes. Hananias, l'un d'eux, hrise
le joug symbolique porté par Jérémie. et ce prophète
contredit son adversaire et prédit sa mort prochaine,
XXVIII, 1-17. Il achète un champ à Anathoth.et cet achat,
lut sous l'impulsion divine, est l'emblème et le gage
des bénédictions que Dieu réserve aux captifs après
leur retour, xxxu, li-ii. Réfugié en Egypte, il cache de
grandes pierres pour prédire l'invasion du pays par
Xabuchodonosor. xi ni, 8-13. Après avoir écrit sa pro-
phétie annonçant la ruine de Babylone, il remet le rou-
leau à Sarias, qu'il envoie à Babylone pour le lire,
l'attacher ensuite à une pierre et le jeter au milieu de
IT.uphrale. afin de symboliser la submersion de la
grande ville, i.i, 59-61. Ézéchiel mange un rouleau d'écri-
ture qui lui est présenté-, et ce symbole ligurele message
dont il est porteur, il, 8-111,3. Il reçoit l'ordre dt s'en-
fermer dans sa maison et d'y garder un silence absolu
pour montrer que les Israélites exaspèrent Dieu, qui ne
vent plus leur parler, III, 24-27. Il trace sur une brique
un plan de Jérusalem assiégée et représente lui-mé
les assaillants, îv, 1-3, Couche sur le côté gauche pen-
dant 390 jours, il représente la durée des iniquités
d'Israël ; couché ensuite sur le côté droit durant 10 jours,
il figure celle des péchés de Juda, un jour étant pour
une année; après quoi, il prophétise contre Jérusalem
assiégée, IV, i-S. Sa nourriture répugnante, malgré
l'adoucissement obtenu, et sa boisson seront mesurées
connue le signe du sort misérable auquel seront ré-
duits les assiégeants, tv, 9-17. Il coupe enfin sa cheve-
lure, la livre au feu, au rasoir et au vent, pour signifier
qu'un petit nombre seulement des habitants de Jérusa-
lem survivra, v, 1-17. En présence des exilés, il simule
un départ hâtif pour un voyage, el il explique que cette
scène représente le roi Sédécias et les habitants de
Jérusalem qui devront riniyi'cr au milieu des nations,
mi. 1-lli. La manière dont le prophète mange son pain
et boit de l'eau, signifie la condition misérable à la-
seronl réduits les habitants de Jérusalem, xn,
17-20. Sa femme étanl 'te, il reçoit de Dieu l'ordre
de ne pas en porter le deuil, afin de servir de signe à
ses compatriotes, en prévision de la ruine prochaine de
Jérusalem. XXIV, 15-24. Le livre de /.acharie raconte
une seule action symbolique. Trois exilés, revenus de
Babylone, avaient rapporté de l'or et de l'argent; le
prophète doit en faire des couronnes qu'il placera sur
la lête du grand-prêtre .losué et qui seront déposées
dans le Temple de Jérusalem comme des mémoriaux de
• instruction de ce Temple, ainsi prédite, vi, 6-16.
Bien que quelques-unes de ces actions symboliques
présentent des difficultés au point de vue de leur
réalité historique, ce ne sont pas de simples ligures de
rhétorique comme le prétendait Fteuss, mais plutôt des
faits réels, accomplis sous les yeux des spectateurs afin
de les impressionner plus vin nient et de leur donner
une saisissante leçon de choses.
IV. l'i.l l m s m i i i - pnOPIII i i DONNAI! VI in l A
VÉRITÉ DE LEUR MISSION M ni LEUR INSPIRATION.—
1° Les miracles. — Les envoyés de Dieu justifiaient par-
fois leur mission divine, en accomplissant des prodiges.
Ainsi, Dieu accorda à Moïse le pouvoir de faire des pro-
diges avec la verge qu'il tenait à la main ou de changer
l'eau en sang pour l'accréditer auprès des Hébreux,
Exod., iv, 1-19. 29-21, aussi bien qu'auprès de Pharaon.
Exod., vu, 3-5, etc. L'autel de Béthel fut brisé et la
main de Jéroboam desséchée pour confirmer la pré-
diction d'un prophète de Juda, réalisée plus tard dans
la personne du roi Josias. I (III) Reg., XIII, 1-6. La ré-
surrection de son lils fut pour la veuve de Sarephta
une preuve certaine qu'Élie était un homme de Dieu
et que la parole de Dieu était vraiment dans sa bouche.
I (III) Reg.. xvn, 23, 24. Le même prophète confondit
les prophètes de Daal qui ne purent faire dévorer par
le feu du ciel leurs victimes, et quand sa prière à .lébo-
vah eut été exaucée, le peuple entier proclama la puis-
sance de son Dieu. Ibicl., xvm, 20-30. Dieu lui-même
fait proposer à Acbaz par Isaïe un signe en preuve de
la vérité d'un oracle précédent. Is.. VIII, 7-12. La rétro-
gradation de l'ombre sur le cadran d'Ézéchias devait
être pour ce roi une assurance divine de la vérité des
promesses qui venaient de lui être faites de la part du
Seigneur. Is., xxxvm, 5-8. Toutefois, les prophètes
d'Israël ne se donnaient pas ordinairement comme
thaumaturges, et l'accomplissement de signes el de
prodiges semble n'avoir été qu'accidentel pour autoriser,
de par Dieu, la mission de ces prophètes, en Israël.
2° La réalisation île leurs oracles. — La véritable
marque distinctive des faux et des vrais prophètes était
la réalisation ou la non-réalisation de leurs prédictions.
Dieu lui-même avait révélé ce critère i Moïse. Deut.,XVIH,
20-22. Klie, au début de sa mission, prédit une séche-
resse, qui se réalise aussitôt et cesse sur sa parole au
bout de trois ans. I (llli Reg., xvm, 1-45. Dans sa
lutte avec les faux prophètes d'Israël, Miellée, lils de
.lemla, prédit a Sédécias et au roi le sort qui les attend
en conlir lit m de la vérité' de sa prédiction. 1(111 I
XXII, 25. 28. Elisée annonce aux vieillards qui l'entou-
rent que le roi envoie quelqu'un pour le tuer, et à peine
avait-il fini de parler que l'envoyé arrivait. II (IV) Reg.,.
vi, 31-33. L'Israélite qui avait refusé de croire à l'abon-
dance prédite par le même prophète, vit le fait réalise,
mais n'en profita pas, ainsi que l'homme de Dieu le lui
avait déclare. 111 Reg., vu, 1, 2. 16-20. L'événement jus-
tifia prompteinent la prédiction d'Elisée à Ilazaël, qui
devint roi de Syrie après le meurtre de lienadad.
III Reg., VIII, 13-15. Il en fut de même pour celle que ce-
prophète lit à Joas qui fut trois fois victorieux des
Syriens, III Reg,, xn, 14-19,25, et pour celle qu'Isaïe fil
à E/échins contre Sennachérib. III Reg., xix, 20-35. Les-
incursions des Chaldéens, des Syriens, des Moabites el
de- Ammonites dans le royaume de Juda sous le règne
de Joachim réalisaient les paroles que Dieu avait l'ait
prédire parles prophètes, ses serviteurs. III Reg., XXIV, 2.
Amos, vu, 17, annonce au prêtre Amasias un châtiment
personnel, qui a dû avoir une prompte réalisation.
Dans sa discussion avec le faux prophète Hananie,
Jérémie rappelait à son adversaire que les prophètes
antérieurs avaient prédit des guerres, des dévastations.
el des famines, alors que lui annonçait la paix. Lé\é-
ne ni devait vérifier leurs oracles. Jer., xxvin. 8, 9-
II donna tort à Hananie qui, lui-même, mourut dans
l'année en punition de ses prédictions mensongères, 15-
17. La réalisation des prophéties, faites ainsi à brève
échéance, confirmait évidemment la mission divine de
crus qui les avaient faites. Mais toutes les prédicl -
ne devaient pas se réaliser sous les yeux des auditeurs.
Aussi les incrédules reprochaient-ils fréque ni ave
dérision aux prophètes le retard de leurs prédiction
A s. v, IS; i\, 10; Is.. v, 19; Ezech., xn, 21-2S. De
même, parce que les prophètes annonçaient aux Israé-
lites prévaricateurs des châtiments, ont-ils été persécu-
717
PROl'HKTE
718
tés. Matth., v, 12; Act., vu, 52; Iteb., », 3540.
3° Le caractère moral de leur prédication. — Le
plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux
prophètes, les voyants d'Israël, pour justifier leur mis-
sion, en appellent à leur droiture, à la conscience
intime et profonde qu'ils ont de parler au nom de Dieu,
au caractère moral de leur prédication dirigée exclusi-
vement, malgré des obstacles sans nombre, à maintenir
ou à ramener Israël dans la vraie religion, dans la
bonne voie et dans la pratique du bien. Miellée repro-
che à la maison de Jacob son impiété. S'il n'était un
homme inspiré, il dirait des paroles mensongères, il
verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait,
II, II. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans
des visions vaines et trompeuses. Is., lvi, 10. Du temps
de Jérémie, ils trompaient le peuple, VI, 13, parce qu'ils
disaient la vision de leurs cœurs et non ce qui sortait
de la bouche du Seigneur, xxm, 16. Ils empêchaient
la conversion de Juda, xxm, 22. Au temps de la capti-
vité, les fausses prophétesses cousaient des coussins et
altéraient la vérité pour tromper les âmes. Ezech., xm,
'17-23. Les faux prophètes séduisaient le peuple pour
lui plaire et par amour du lucre. Mich., m,5, 1 1 ; Ezech.,
xm, 19, 21. Du reste, ils étaient adonnés au vin. Is.,
XXVIII, 7. Leurs pensées étaient exécrables et leur con-
duite mauvaise. Jer., xxiu, 12, 11, 22; xxix,23; Soph.,
m, 4. Celte dépravation morale trahissait la fausseté
de leur inspiration feinte, et les distinguait des vérita-
bles prophètes, prédicateurs attitrés et officiels du culte
moral de Jéhovah.
V. RÙLE ET INFLUENCE DES PROPHÈTES EN ISRAËL. —
Puisque les prophètes étaient, en Israël, les représen-
tants de Dieu, ses envoyés directs, leur intervention
s'est manifestée dans tous les domaines dans lesquels
Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi.
Elle était éminemment religieuse et morale; mais comme
le gouvernement d'Israél était théocratique, elle a néces-
sairement débordé sur la politique. Enlin, comme à
partir du vni'' siècle elle s'est exercée par des écrits,
elle est devenue littéraire. Nous étudierons donc suc-
cessivement le rôle religieux et moral, politique et
littéraire des prophètes israéliles.
1° Rôle religieux et moral. — Les prophètes n'ont
pas été les créateurs du monothéisme, mais seulement
ses ardents propagateurs. Voir t. m, col. 1235-1237.
S'ils luttaient contre les rois, c'est que ceux-ci pour la
plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs
exemples et leurs actes de gouvernement à l'idolâtrie
et que le peuple se laissait facilement séduire. Les pro-
phètes étaient les adversaires de l'idolâtrie et des cultes
impurs des Philistins et des Syriens. Déjà, sous Samuel,
les disciples des prophètes, à l'époque de la lutte contre
les Philistins, propageaient par leurs réunions, leurs
chants et leurs prières en commun le culte de Jéhovah ;
ils allaient par bandes errantes à travers le pays pour
entraîner le peuple à leur suite. Sous Jéroboam Ier, les
prophètes luttèrent contre le culte du veau d'or, établi
à Béthel. Pendant le règne d'Achab, de ce roi qui avait
introduit en Israël les idoles tyriennes, ils voulaient
avant tout sauver la foi monothéiste. L'extermination
des prophètes de Baal par Elie s'explique par la gran-
deur du danger il /tait nécessaire de frapper un grand
coup) et par les mœurs du temps. (C'étaient des repré-
sailles : n'avait-on pas exterminé les prophètes de
Jéhovah?) C'était un combat de vie et de mort entre le
culte du vrai Dieu et celui des fausses divinités. Les
prophètes suivants repoussent tout mélange des pra-
tiques idolâtriques avec la religion nationale. Voir
t. m, col. 810-813.
S'ils n'ont pas créé le monothéisme, ils l'ont cepen-
dant épuré et développé au moins dans les masses popu-
laires. Ils travaillaient à répandre une connaissance, non
pas spéculative et métaphysique, mais simple et pratique.
de Dieu. Jéhovah, le Dieu des pères, était le seul Dieu
du ciel et de la terre, supérieur à tous les êtres qu'il a
créés, gouvernant le monde avec sagesse et puissance,
d'une justice inflexible à punir les coupables, d'une
bonté sans mesure pour ses fidèles adorateurs, enfin
d'une sainteté si parfaite qu'il ne supportait aucune
souillure. Ce Dieu unique et universel, souverainement
bon et juste, quoique sévère et terrible, imposait un
culte moral en esprit et en vérité et ne se contentait
pas des sacrifices et des pratiques extérieures, auxquelles
ne se joignaient pas les dispositions intérieures et les
œuvres de justice. On a dil, à cause de cela, que la pré-
dication des prophètes était antisacerdotale. Ils n'étaient
pas les adversaires du culte mosaïque; ils défendaient,
au contraire, sa spiritualité comme son intégrité contre
les prêtres qui favorisaient avec l'idolâtrie la dévotion
purement extérieure. Ils devenaient donc les guides
religieux du peuple, et ils maintenaient la pureté des
mœurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs
reproches et leurs menaces autant que par leurs exhor-
tations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans
cesse à la nation juive son idéal religieux, jugeaient le
passé et le présent d'après cet idéal dont ils annonçaient
et préparaient la réalisation dans l'avenir. Ils se disaient
des sentinelles, Is., LU, 8; Jer., VI, 17; Ezech., m, 17;
xxxiii, IJ-7, et des gardiens, Is., xxi. 11, 12; lxii, 6,
parce qu'ils veillaient à la sûreté de leur peuple. Cf. Ose.,
v, 1; lx, 8; Mich., vu, 4.
Les prophètes ont aussi fait progresser les idées mo-
rales en Israël. Ils ont tous été les protecteurs des
pauvres et des opprimés et ils ont défendu les faibles
contre les injustices et les tyrannies des puissants. Tout
en prêchant la rétribution des actes, ils ont reconnu
que le juste peut soull'rir sans être coupable. Pour plus
de détails, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. .T. Brucker,
L'enseignement des prophètes, dans les Eludes, août
1892, p. 554-580; Id., L'Église et la critique biblique,
Paris (1908), p. 244-262.
2» Rôle politique. — Il a été souvent mal compris et
mal jugé, sinon travesti : on a fait des prophètes
d'Israël des ambitieux voulant tout dominer, le trône
et l'autel; on les a représentés comme des tribuns et
des révoltés. En réalité, ils ont simplement tenu la place
que la constitution théocratique de leur nation leur
assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur
imposait. Dans la constitution mosaïque, le prophète
était, de par Dieu, une sorte de modérateur suprême,
semblable à Moïse, un surveillant des rois comme des
prêtres. Deut., xvm, 15-19. C'est le voyant Samuel qui,
par révélation divine, oiqt Saûl, le premier roi, I Sam.,
ix, 15-17; x. 1, et quand Saùl eut été infidèle à sa mis-
sion, le même prophète fut chargé par Dieu d'oindre
David, le chef d'une nouvelle dynastie. I Sam., xvi,
1-13. Pendant la révolte d'Adonias, Nathan avertit
Bersabée et lui conseille de faire sacrer Salomon.
I (III) Reg., i, 11-14. Il intervient lui-même et fait agréer
à David les propositions de Bethsabée, 22-27; il concourt
à l'onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas
que Nathan ne remplisse en cette circonstance son rôle
de prophète. Du vivant de Salomon. Ahias se présente
à Jéroboam et lui annonce qu'il régnera sur dix tri-
bus, détachées de la dynastie salomonienne. I (III) Reg.,
xi, 29-39. Dès que Jéroboam élève un autel à Béthel
et organise le culte des veaux d'or pour empêcher les
Juifs d'aller adorer Jéhovah à Jérusalem, ibid., XII, 26-
33, un homme de Dieu vient de Juda prophétiser contre
le nouvel autel. Ibid., xm, 1-10. Parce que ce roi a été
idolâtre, Dieu, par la bouche d'Ahias, lui prédit la chute
de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Cette prophétie fut
réalisée par la révolte de Baasa et l'extermination de
tous les descendants de Jéroboam. Ibid., XV, 27-30.
L'usurpateur, ayant suivi les voies impies de son pré-
décesseur, apprit du prophète Jéhu sa mort prochaine
ri9
PROPHETE
720
et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, l-i, 7. Après deux
ans de règne, Éla, fils de Baasa, fut détrôné par Zambri,
8ri3. Aiini lui ta tête d'une nouvelle dynastie, qui fut
idolâtre. Cependant, c'est en punition de l'usurpation
de îa vigne de Nabolh par Achab qu'Élie prédit la chute
de sa maison. Ibid., xxi, 17-24. Seule, la pénitence
d'Achab lit retarder la menace de ruine à la génération
suivante, 27-29. Elisée envoya un (ils de prophète sacrer
Jéhu, Il (IV) Reg., îx, 1-10. qui extermina la maison
d'Achab. Tbid., \, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut
idolâtre, lui aussi, ses fils ne régnèrent que jusqu'à la
quatrième génération, 30. Zacharie, en effet, périt
assassiné. Ibid., xv, 12. Les prophètes faisaient donc et
défaisaient les rois d'Israël. Ils n'étaient pas pour cela
des adversaires de la royauté patprincipes républicains.
Aucun d'eux n'a prêché le renversement du trône au
profit d'une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu,
ils substituaient roi à roi. maison à maison, et ils pro-
clamaient le principe de la légitimité dynastique, tant
que la dynastie était elle-même lidéle à sa mission.
S'ils prenaient fait et cause pour un prétendant et favo-
risaient les usurpateurs, ce n'est pas par républica-
nisme, mais simplement par application rigoureuse du
régime théocratique. Dès que le roi, donné par Dieu à
Israël, manquait à son devoir et introduisait ou mainte-
nait l'idolâtrie, il cessait d'être le monarque que Dieu
voulait à la tête de -"U peuple, et les prophètes, après
avoir protesté contre les rois coupables, annonçaient
leur chute sans toutefois les renverser directement du
trône.
Pans le royaume de Juda, comme Pieu avait promis
la pérennité à la dynastie davidique, Il Sam., vu, 13,
les prophètes n'interviennent pas au sujet de la succes-
sion au trône et ils se bornent à réclamer contre les
infiltrations idolàlriques, favorisées par quelques rois.
Leur action politique s'exerce sur un autre terrain.
Après la scission des dix tribus, Séméias empêche
Itohoam de faire la guerre aux Israélites. I (III Reg.,
xn. 22-21. Azarias félicile Asa de sa victoire sur le roi
'l i thiopie el s'appuie sur cette protection divine pour
l'excitera veillera la pureté du culte. Il Par., xv, 1-7.
Dans les deux royaumes, les prophètes s'opposent
spécialement aux alliances avec les p :uples voisins,
lorsqu'elles devaient servira la lutte fratricide de Juda
et d'Israël et lorsqu'elles étaient dangereuses pour la
religion. Ilanani reproche à \sa sa conliancc en Henadad,
roi de Syrie. Il Par., xvi, 7- In. Quand Achah victorieux
a épargné un autre Benadad, roi de Suie, et a fait
alliance avec lui. un lils de prophète, par une action
symbolique, lui reproche celte conduite et le menace
du châtiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des pro-
phètes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13. 14, 22,
28. Quand Achab et Josaphal se sont alliés contre les
Syriens, tandis que les faux prophètes prédisent le
succès. Michée, fils de Jemla, annonce la défaite, Ibid.,
xxii. 5-28. Et Josaphal fui repris par Jéhu, lils d'Ilanani.
pour1 avoir donné son concours a Achah en cette occur-
rence. Il Par.. XIX, 1-3. Le lévite Jahaziel est suscité
par Pieu pour annoncer à ce roi la victoire dans la
guerre contre les Ammonites el les Moabites. Ibid., xx,
14-17. Elisée dévoile à Joram, roi d'Israël, les desseins
du roi de Syrie. Il (IV) Reg., vi, 8-23. Il promet à Joas
trois victoires sur les Syriens. Ibid., xm, 14-21. Quand
les rois d'Israël et de Juda vpulurent jouer un rôle
dans la politique générale en s'appuyanl tantôt sur
l'empire de Ninive, lantôl sur celui d'Egypte, les pro-
phètes blâmèrent cette politique de bascule et lurent
constamment les adversaires des alliances étrangi res
Osée, vu, 8-16, prédit aus Israélites qu'ils seront vic-
times de leur confiance dan- l'I gypte el que les Assy-
riens les accableront, lorsqu'ils seront en guerre avec
les Égyptiens. Isaïe qui a prédit à Achaz la défaite des
peuples alliés contre Juda, vu, 1-17, est violemment
opposé aux .ludéens qui complent sur l'Egypte. Le
seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens
est dans le Seigneur, xxx, 1-7: xxxi. 1-9. Il réconforte
Ezéchias et l'empêche d'accepter les propositions
d'alliance avec les Assjriens, faites par iiabsacès, x.xxvi,
xxxvn. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda,
un homme de Dieu prédit la défaite des Iduméens.
II Par., xxv, 7-9.
Les prophètes hébreux ont donc fait de la politique,
mais c'a été pour réformer l'esprit de gouvernement
des rois, pour faire prévaloir les principes du droit, de
la justice, de la morale, les appareils exagérés de
guerre et les alliances dangereuses. Ils reprochaient
aux rois leurs fautes, à David son adultère, à Achab
l'usurpation de la vigne de Naboth. Ils s'opposaient à
leurs projets de guerre, et loin de s'appuyer sur le
peuple, même fidèle, pour combattre la fausse politique
des monarques, ils bravaient parfois l'opinion, quand
le peuple suivait ses princes infidèles à la théocratie;
ils annonçaient l'insuccès, la défaite et ils subissaient
la persécution. Leur politique a donc toujours été une
politique religieuse, théocratique, imposée et sanc-
tionnée par Pieu.
3° Rûle littéraire. — S'il ne nous reste rien ou à peu
près des discours enflammés des anciens prophètes
d'Israël, nous avons toute une littérature prophétique.
qui va du ixf siècle jusque après le retour des Juifs
captifs à Dabylone. Les prophètes ont donc créé', sous
l'inspiration divine, un genre spécial de productions
littéraires, dont la plupart sont des chefs-d'œuvre de
la littérature hébraïque. Les premiers prophètes écri-
vains ont composé et publié leurs écrits à l'âge d'or de
celte littérature. La forme oratoire de leurs oracles
parlés avant d'être rédigés, se rapproche à des é
divers du lyrisme des poètes. Us sont des orateurs
poètes, et leurs œuvres, qui sont les classiques hébreux,
renferment des beautés littéraires de premier ordre.
La vivacité, le coloris de leurs peintures, la véhémence
deleurs apostrophes, l'originalité et le nalurel de leurs
comparaisons, la force, la franchise, la puissance et
l'audace de leurs paroles inspirées donnent à leurs
discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se
sont pas élevés à ces hauteurs et, au cours des siècles,
le genre prophétique a évolué au point de vue litté-
raire. La lyre prophétique perd parfois de sa fraîcheur.
Après la fin de la captivité, la forme est moins parfaite,
et la poésie cède la place à la prose. La langue elle-
même esl moins pure; elle exprime pourtant encore
de bien nobles accenl s.
VI. Sun: CHRONOLOGIQUE DES PROPHETES. — Les
prophètes d'action ont précédé les prophètes écrivains.
- 1» Prophètes d'action. — Sans parler d'Abraham
qui a été appelé wibï , lien.. XX, 7. au sens large du
mot, parce qu'il avait reçu de Pieu des révélations et
des confidences, Moïse est le premier et le plus grand
prophète hébreu. Au Sinaï, il avait. parlé avec Pieu
bouche à bouche, et il avait promulgué la loireligii usi
qui devait régir le peuple choisi. Peut., xxxiv. 10.
Voir t. iv, col. 1200-1202. Il était, en outre, l'interprète
autorisé de la législation, dont il avait été l'intermé-
diaire, et il avait en Israël la fonction d'oracle attitré
.le Dieu : il répondait aux consultations du peuple.
Exod., xvill, 13-16. Sur le conseil de Jéthro, il choisit
des chefs, qui le suppléèrent dans celle charge, 17-27,
et sur lesquels Pieu répandit une part de l'Espril qui
était mi Moïse. Ces hommes el d'autres, sur lesquels
l'Esprit de Dieu s'était reposé-, prophétisèrent et par-
lèrent au nom du Seigneur. Niim., XI, 2i-29. Apres le
passage de la mer Rouge et le cantique de Moïse, Mari .
la sieur du guide des Hébreux, était devenue proph -
tesse et. sous l'inspiration divine, avait chaulé' le can-
tique île son frère, Exod., xv, 20; cf. Num., xn, 2. Voir
t. iv. col. 770. Balaam, un devin païen, fut obligé de
721
PROPHETE
722
•répéter les paroles que Jéhovah mit clans sa bouche,
Num., xxil, 25, 38; xxiii, 3-12, et de bénir Israël, xxiii,
16-26; xxiv, 2 23. Voir t. i, col. 1392-1397. Dieu, qui
voulait exclure à jamais d'Israël les devins et les au-
gures, promit à son peuple, par la bouche de Moïse,
■une série de prophètes, semblables à Moïse, qui seraient
les intermédiaires autorisés entre lui et les siens et les
organes vivants de ses révélations. Deut., xvm, 15-19.
Voir PENTWEUQUE, col. 1 16. La série, en ell'et, fut dès lors
à peu près ininterrompue. Josué succéda à Moïse
■comme prophète. Eccli., xlvi, 1.
Sous les Juges, Débora est dite « prophétesse »,
.Jud., IV, 4; elle communiquait à Barac les ordres de
Dieu, 6. Voir t. n, col. 1331-1333. Un prophète vint de
la part de Dieu annoncer la délivrance aux Hébreux
■opprimés par les Madianites. Jud., vi, 8-10. F. de llum-
melauer, Conimentarius in libros Samuelis, Paris,
1886, p. 53; Commentarius in librum Judicum et
But h, Paris, 1888, p. 138. L'homme de Dieu, qui
annonce au père de Samson la naissance d'un fils,
Jud., xin, 6, bien qu'il soit un ange apparaissant sous
forme humaine, est regardé par Manué et sa femme
comme un prophète. Leur erreur, bientôt corrigée,
prouve l'existence de prophètes à cette époque. F. de
Huminelauer, Commentarius in librum Judicum et
Buth, p. 249, 253-254; .1. Lagrange, Le livre des Juges,
Paris, 1903, p. 227. Un homme de Dieu vint aussi
adresser à lléli des reproches au nom du Seigneur.
I Sam., n, 27. En ces jours, la parole de Dieu était rare,
et les visions n étaient pas fréquentes. I Sain., m, 1.
Samuel entend la parole de Dieu, qui lui révèle le sort
d'Héli et de sa famille, 2-21. C'est un « voyant », à qui
Dieu manifeste ses desseins sur Saiïl. I Sam.,ix,6-x, 16.
A coté de lui on voit des troupes de prophètes qui
reconnaissent son autorité' et parmi lesquels Saùl se
mêle pour prophétiser, I Sam., x, 5, 6. 10-13; xix, 20-
24, c'est-à-dire, pour chanter les louanges de Dieu.
Voir t. n, col. 1567-1568. Samuel en mourant ne laissa
aucun successeur de son autorité spirituelle. Il y avait
cependant d'autres prophètes, puisque Saiil, avant de
consulter la pythonisse d'Endor, avait interrogé les
prèlres et les prophètes. I Sam., xxvm, 6. Sur la nature
de ces anciens prophètes d'Israël, voir Prophétisme.
Auprès de David interviennent les prophètes Gad et
Nathan. Voir t. m, col. 23-24, t. iv, col. 1181-1182.
Leurs interventions, à la fois politiques, religieuses et
morales, sont relativement rares. Ces deux voyants
s'étaient occupés de l'organisation de la musique sa-
crée. II Par., xxix, 25. Ils écrivirent l'histoire de Da-
vid, I Par., xxix, 29, et Nathan celle de Salomon.
II Par., ix, 29. On n'a signalé l'intervention direct0
d'aucun prophète sous le long règne de ce prince. Tou-
tefois. Ahia vint prédire à Jéroboam son règne sur
dix tribus détachées de la dynastie davidique.
I (III) Reg., xi, 29-39; XII, 15; xiv, 2. Quand Jéroboam
fut devenu roi d'Israël, sa femme alla consulter Ahia sur
le sortdeleur enfant malade. Le vieux prophète annonça
la mort de cet enfant et prononça de terribles menaces
contre la maison de Jéroboam. I (III) Reg., xiv, 1-18. Voir
t. I, col. 291-292. Lors de l'organisation schismatique
du culte à Béthel, un homme de Dieu vint de Juda pro-
phétiser contre l'autel élevé en ce lieu, et refusa les
présents que le roi lui fit offrir pour le gagner à sa
cause. I (III) Reg., xn, 26-33; xui, 1-10. Un vieux pro-
phète de Béthel réussit à tromper l'homme de Dieu et
à le ramènera sa maison. Il lui prédit une mort vio-
lente, qui ne tarda pas à se réaliser; il l'ensevelit dans
■on propre sépulcre et demanda à ses fils de l'ensevelir
lui-même à sa mort auprès de ce prophète dont les
menaces contre l'autel de Béthel se réaliseront.
1 (III) Reg., xin, 11-32. Voir t. i, col. 1629; t. m,
col. 1302.
Des prophètes exercent leur action dans les deux
royaumes de Juda et d'Israël. Séméias avait empêché
Roboam, après la scission des dix tribus, de faire la
guerre aux Israélites. I (III) Reg., xn, 22-24. Ce pro-
phète écrivit l'histoire de Roboam, ainsi que le voyant
Addo. II Par., XII, 15. Jéhu reproche à Baasa, roi d'is-
raël, ses crimes et lui annonce les châtiments divins.
I (III) Reg., xvi, 1-4, 7, 12. Voir t. m, col. 1244-1245.
Son père Hanani, ou lui-même désigné sous un autre
nom, reproche à Asa la confiance qu'il avait dans le
roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Voir t. m, col. 414.
Azarias avait harangué ce roi victorieux et il exerça
sur lui une heureuse influence. Il Par., xv, 1-S. Cepen-
dant Asa, dans sa dernière maladie, consulta les méde-
cins plutôt que les prophètes. II Par., xvi, 12. Voir
t. I, col. 1053-1054, 1300. Sous Achab, apparaît soudain
Elie le Thesbite. I (IIll Reg., xv#, 1-7. Sur sa mission,
voir t. n, col. 1670-1676. Pendant la persécution de ce
roi et de sa femme Jezabel contre les prophètes,
Abdias avait caché cent d'entre eux. I (III) Reg., xvm,
4, 13. Urn prophète annonça la première victoire
d'Achab sur Benadad, roi de Syrie. I (III) Reg., xx, 13,
14. Le même prédit une reprise des hostilités pour
l'année suivante, 22. Quand elle eut lieu, un prophète,
qui, selon les rabbins, serait Michée, fils de Jemla,
prédit la victoire, 28. Par une action symbolique, un
fils de prophète reproche au roi d'Israël d'avoir laissé
la vie sauve au roi vaincu de Syrie, 35-40. Trois ans
plus tard, avant de marcher avec Achab contre Ramoth-
Galaad, Josaphat, roi de Juda, voulut consulter Dieu.
Achab fit venir environ 100 faux prophètes qui annon-
çaient la victoire. Mais Josaphat désira interroger un
véritable prophète. Il restait Michée, fils de Jemla,
prophète de malheur pour Achab. On l'appela. Il an-
nonça la défaite; il fut souffleté par Sédécias, le chef
des prophètes de mensonge, et mourut en prison.
I (III) Reg., xxn, 1-28. Voir t. iv, col. 1062-1063. Josa-
phat fut repris par Jéhu pour avoir donné son concours
à Achab. II Par., xix, 1-3. Jéhu écrivit l'histoire de
Josaphat. II Par., xx, 3i. Le lévite Jahaziel avait été
suscité par Dieu pour prédire à ce roi la victoire sur
les peuples voisins. II Par., xx, 14-17. Voir t. m,
col. 1106. Élié/.er, fils de Dodau, avait aussi reproché à
ce prince son alliance avec Ochozias, roi d'Israël, 37.
Ochozias reçut les reproches d'Élie, parce qu'il consul-
tait le dieu d'Accaron. II (IV) Reg., i, 1-16. Elisée fut le
disciple et le successeur d'Élie. Voir t. ir, col. 1690-
1696. Il intervient auprès de Joram, roi d'Israël, et de
Bénadad, roi de Syrie, et fait oindre Jéhu par un de
ses disciples. Dans sa dernière maladie, il annonce à
Joas de Juda la victoire sur les Syriens. Un homme
de Dieu prédit à Amasias de Juda la défaite des Idu-
méens et reproche au roi son idolâtrie. II Par., xxv,
7-16.
Quand parurent les prophètes écrivains, les prophètes
d'action ne disparurent pas, et les deux classes d'en-
voyés divins agirent simultanément par des moyens
différents. Ceux-ci semblent toutefois avoir été moins
nombreux qu'auparavant, ou, du moins, un plus petit
nombre est mentionné dans l'Ecriture. Le prophète
Oded fait mettre en liberté par les Israélites les habi-
tants de Juda, qu'ils avaient fait captifs. II Par., xxvm,
9-11. Des prophètes prédisent les châtiments que l'im-
piété de Manassé, roi de Juda, devait attirer sur son
peuple. II (IV) Beg., xxi, 10-15. Après la découverte du
livre de la loi au Temple, Josias fit consulter la pro-
phétesse Holda sur la conduite à tenir en cette circon-
stance. II (IV) Beg., xxn, 12-20; II Par., xxxiv, 21-28.
Voir t. m, col. 727. Au milieu des faux prophètes qui
trompaient Juda, L'ric, fils de Séméi, s'associa aux prédic-
tions de malheur de Jérémie, et fut mis à mort par
ordre deJoakim. Jer., xxvi, 20-23. Baruch remplit les
fonctions de secrétaire de Jérémie, Jer., xxxvi, 1-7,
27-32; xlv, avant de devenir prophète lui-même. Parmi
723
PROI'HKTE
724
les captifs, emmenés de Jérusalem en Babylonie par
Xabuchodonosor, se trouvaient des prophètes, à qui
Jérémie adressait son livre. .1er., x.xix, dans lequel il
les mettait en garde contre les faux prophètes, qui
avaient surgi à Babylone, 10-32.
2» Prophètes en nains. — 1. Leur nombre, leur divi-
sion et leur disposition dans la Bible. — Les Bibles
grecques et latines contiennent les écrits de seize pro-
phètes, quatre grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel.
el douze petits, Osée, Joël, Amos,Abdias,Jonas,Micbée,
Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Mala-
chie. La prophétie de Baruch est jointe à celle de
Jérémie, dont ce prophète avait été le secrétaire. Dans
la Bible hébraïque, il n'\ a que trois grands prophètes;
Daniel est rangé parmi les hagiographes, ainsi que les
Lamentations de Jérémie. Le livre de Baruch et la
lettre de Jén nu.- ne son! pas au canon hébraïque. Les
douze petits prophètes n'y sont considérés que comme
un seul livre. Ils sont déjà mentionnés ensemble par
l'auteur de l'Ecclésiastique, xi.ix, 12 (10, dans le texte
grec), et cette mention, considérée par quelques cri-
tiques comme une interpolation, est dans le texte hé-
breu, récemment retrouvé. Josèphe en parle dans le
même sens, Cont. A-pion., i, 8, et les rabbins les te-
naient pour un seul livre, recueilli par les hommes de
la Grande Synagogue, voir t. n, col. KO, et formé ainsi,
en un seul recueil, « de peur que, s'ils étaient demeurés
séparés, l'un ou l'autre ne se perdit à cause de leurs
petites dimensions, » dit kimehi, Comment, in Ps.,
pra-f., d'après la tradition rabbinique. Les Pères de
l'Kglise en parlaient aussi comme d'un seul volume :
ScaSexot Èv |iovo8fë)iw, dit Méliton de Sardes, dans Eusèbe,
//. E., IV, 26, t. xx.'col. 397. Cf. S. Grégoire de Nazianze,
t. XXX VU, col. 'i~'.\ : S. Athanase, I. xxvi, col. 1177; Kiilin,
t. xxt, col. 374, etc. Saint Épiphane l'appelait d'un
mot: tô S(.)ÔE/.a-pojf,tov, t. xi.tti, col. 2i4. Ce sont les La-
tinsquiont nommé ces prophètes minores, par opposi-
tion aux ninjn /v;.', non en raison de leur importance et
de leur valeur, mais seulement à cause de la moindre
étendue de leurs oracles. Cf. S. Augustin, De civitate
Dei, XVIII, wix. I. t. xi.t, col. ôSô. Si l'ordre du
canon hébraïque el chrétien ne varie pas pour les trois
ou quatre grands prophètes, il est différent pour les
petits. Partout uniformes pour les six derniers : Nahum,
Habacuc, Sophonie. Aggée, Zacharie et Malachie, il
varie pour les six premiers. Dans lesBibles hébraïques,
latines et en langues modernes, ceux-ci sont placés
dans cet ordre : Osée, Joël, Amos, Abdias, .lonas, Mi-
chée; mais dans la Bible grecque, on trouve la disposi-
tion suivante : Usée, Amos, Michée, Joël, Abdias. .lonas-
On pense généralement que la disposition de la Bible
hébraïque a été déterminée par une préoccupation
d'ordre chronologique, et saint Jérôme croyait que les
écrits des petits prophètes, qui ne portent pas leur date
dans le titre, sont de la même époque que les précé-
dents, dont la date est connue. Prxfat. in prophetas,
t. xxviii, col. 1016; Comment, in Joelem, i, I, t. xxv,
col. 950. Quoi qu'il en s, ai de cette règle qui n'est pas
rigoureusement exacte, il reste vrai que les prophètes
du viir siècle, Osée, Amos el Michée, sont dans la pre-
mière partie de la liste, que les prophètes du VII" siècle,
.Nahum. Habacuc el Sophonie, puis ceux d'après la lin
de la captivité, Aggée, Zacharie et Malachie, ont été
mis dans la seconde partie. D'ailleurs, la date de quel-
ans de ces écrits a été diversement déterminée par
1rs critiques.
2 Leur ordre chronologique. — H n'est pasfacile à
hier, parce que tous ne sont pas datés et que les rensei-
gnements qu ils contiennent ne suffisent pas à l'indi-
quer avec certitude. Toutes |rs dates proposées ne sont
pas certaines, el les critiques modernes ont émis à ce
di s opinions divergentes de celles qui axaient
autrefois. Ils prétendent même que plusieurs des
livres prophétiques ne sont pas homogènes et renfer-
ment des éléments de provenance d'époques différentes.
Ainsi ils partagent couramment le livre d'Isaïe en deux
ou trois recueils distincts, et celui de Zacharie en deux
parties d'origine diverse. Comme la date de chaque
prophète est discutée à son article, le tableau suivant
résumera les dates proposées dans ce Dictionnaire et
par les critiques libéraux et rationalistes.
NOMS
DATES
DATES
des
du
des
FRO P 11 1 1 E s.
DICTIOHMAI R E.
CRITIQUES AVANCES.
Abitias. . . .
Vers 865
vi* ou v siècle.
s: :7-80i
V ou iv siècle.
Jonas ....
Sous Jéroboam II.
v* ou iv* siècle.
Amos ....
804-770
760-750
Osée
789-700
Tâi i-735
755-7 1 2
I", 740; II-, vers
à in; III-, v siècle.
Miellée. . . .
Contemporain d'Isaïe.
7'i0-701
Nahum . . .
Mil. du vn- s. (663-008).
650, 624, 610.
■ Sc>plionie . .
Vers 665
630, 027, 625.
Habacuc. . .
r.'i 5-630
607, Ooô-iWO.
Jérémie . . .
639-586
626486
Baruch . . .
583
Ép. macbabéenne.
Ezéchiel . . .
592-570
593-573
Daniel. . . .
538
168-167; 104-163
Vggée. . . .
520-516
52il
Zacharie. . .
520
I", 520; II-, 300
Malachie. . ■
Après la 32* année d'Ar-
taxer.xès Longuemarn.
440
Cf. A. Van Iloonacker, Les douze petits proph tes,
Paris, 1908, p. Ml-x.
La série des prophètes Israélites se termina par Ma-
lachie. Au temps des Machabées, on attendait la venue
d'un prophète, pareil aux anciens, pour décider ce
qu'il fallait faire des pierres de l'autel des holocaustes
profané. I Mach., IV, 16. Cf. I Mach.. IX, -27; XIV, il. Ce
ne fut qu'à l'aurore des temps messianiques que Jean-
Baptiste put être appelé' prophèti du Très Haut en
raison de sa mission de précurseur. Luc, l, 76. Il
\inl dans la puissance' el l'esprit d'Klic. Voir t. II.
col. 107b\ Jésus le déclara prophète et plus que pro-
phète, parce qu'il avait préparé les voies au Messie.
Mallli.. xi. 9,10; Luc, vu, 26-28. Voir t. m, col. 1157.
VIL FAUX PROPHÈTES. — Les livres de l'Ancien
Testament signalent deux catégories de faux prophètes :
ceux qui prophétisaient au nom des dieux étrangers,
et ceux qui se donnaient mensongèrement pour des
envoyés du vrai Dieu d'Israël. — 1° Prophétisant au
nom des dieux étrangers. — En dehors de llalaam,
qui l'ut un devin plulot qu'un prophète, voir t. i,
col. LiitX. les prophètes, qui étaient prêtres de Baal,
apparurent dans le royaume d'Israël sous le i
d'Achab. Élie en provoqua i50 sur le Carme], et après
leur échec, il les lil massacrer' sur les bords du C.ison.
I (III Heg., xviii, 19-40; xix, 1. Voir t. n, col. 292-293,
1671-1672. Sur les incisions qu'ils se faisaient, voir
t. m. col. 868-870. Ils prophétisaient au nom de Baal
et (rompaient Israël. .1er., xxin. lit. Le Dieu chananéen
eut aussi des prophètes en .liula jusqu'à la captivité de
Babylone. .1er., n, S. Voir t. I. col. 1319-1320. -
2" Prophétisant mensongèrement au nom deJéhovah.
— A coté des vrais prophètes, inspirés de Dieu, se
levaient des personnages, qui se comportaient comme-
s'ils étaient de véritables prophètes. Dieu les avait
annoncés et avait indiqué les signes auxquels on les
reconnaîtrait, et le sort qu'ils méritaient. Dent., xin
l-ô; XVIII, 20-22. Ils sont parfois explicitement dési-
gnés comme faux prophètes. Souvent cependant ils
sont dits simplement prophètes, mais le contexte per-
met alors de les distinguer suffisamment des vrais
725
PROPHETE
725
prophètes. Ils apparurent encore en Israël sous le
règne d'Achab, au nombre de 400 environ. Parce que
Josaphat. roi île Juda, veut consulter Dieu, Achab les
interroge. Par une action symbolique, leur chef Sédé-
cias prédit la victoire sur Ramotb-Galaad, et tous les
autres confirment cette prédiction. Alichée, fils de
.lemla, tenté par l'envoyé du roi, refuse de s'associer
à ce mensonge et annonce la mauvaise issue de l'expé-
dition. Il a vu Jéhovah, assis sur son trône et envoyant
un esprit menteur pour inspirer les faux prophètes
et tromper Achab. Sédécias se prétend véritablement
inspiré par Jéhovah et il frappe Michée qui en appelle
à la prochaine réalisation de son oracle. I (III) Reg., xxn,
5-28. Dans le royaume de .luda, les faux prophètes
furent nombreux au temps d'Isaïe et de Jéréinie. Isaïe
leur reproche leurs excès et leurs erreurs, causés par
l'ivrognerie, xxvm, 7. .Michée, son contemporain, leur
adresse les mêmes reproches, n, 11, et les accuse de
prophétiser pour de l'argent, m. 5, II. Jérémie les
accuse de mensonge, v, 13, 14; vm, 10; xiv, 13-18, et
il les maudit, xxm, 9-40. Il entre en conllit direct avec
eux. Tandis qu'il prédit la ruine prochaine de Jérusa-
lem et du royaume de Juda, les faux prophètes s'unis-
sent aux prêtres et au peuple pour le contredire et
l'amener en jugement. XXVI, 7-19. Il les contredit pu-
bliquement et exhorte le peuple à ne pas ajouter foi à
leurs oracles trompeurs, xxvn, 14-18. Il eut un conllit
personnel avec Hanani. prophète de Gabaon, xxvm, 1-
17. Il poursuivait les faux prophètes jusqu'au lieu de
leur exil. Comme ils continuaient à tromper les pre-
miers captifs, il les confond, et il prédit des châti-
ments spéciaux à Achab, à Sédécias et à Séméias, xxix.
1-32. Le prophète de l'exil. Ézéchiel, eut à lutter aussi
en Chaldée contre les faux prophètes d'Israël, hommes
et femmes, qui trompaient les captifs, xm, 1-23. Après
le retour à Jérusalem, Gossem accusait Xéhémie d'avoir
suscité des prophètes pour favoriser ses projets. II Esd.,
M. 7. Loin de là, Xéhémie allant consulter Séméias vit
que ce soi-disant prophète n'était pas envoyé par Dieu,
pas plus que Xoadias et les autres prophètes qui vou-
laient l'épouvanter et le détourner de son dessein.
Ibid., 10-11.
Ces prophètes prétendaient posséder, eux aussi, la
parole de Dieu ; mais leur parole n'était que du vent;
elle ne contenait pas la parole de Dieu, ,1er., v, 13.
Ils parlaient faussement au nom de Jéhovah, et ils
mettaient en sa bouche leurs propres discours. Dieu ne
les avait pas envoyés, ne leur avait pas ordonné de
parler. Leur vision était mensongère; ils trompaient
et séduisaient le peuple. Jer.. xiv, 14, 15. Ils disaient
la vision de leur cœur et non celle qui vient de la
bouche de Dieu. .1er., xxm, 16. Dieu ne les envoyait
pas, et ils couraient d'eux-mêmes; il ne leur parlait
pas, et ils prophétisaient d'eux-mêmes, 21. Ils préten-
daient avoir eu des songes prophétiques, 25; mais ils
annonçaient le mensonge et les séductions de leurs
cœurs. Ils volaient les paroles de Dieu, 30, et ils pre-
naient leurs langues pour dire : « Le Seigneur a dit. »
Ils rêvaient des mensonges, 31, 32. Ils n'avaient donc
ni mission ni révélation divine. Ils prétendaient avoir
des visions, Jer., xiv, li; xxm, 16 : visions vaines,
songes creux. Is.,lvi, 10; Jlich., in. 6, 7; Ezech., xiii,
3,6-9; xxii, 28. C'étaient des trompeurs et des séduc-
teurs, .1er., xxix, 21, 23, 31 ; des chiens muets incapables
d'aboyer. Is., lvi, 10. Loin de reprendre le peuple, ils
le confirmaient dans le mal et empêchaient sa con-
version. .1er., xxm, li, 15, 17, 22; Ezech., xm, 5, 22.
Ils faisaient avoir confiance dans le mensonge. .1er.,
xxix. 31. Ils attendaient vainement la confirmation de
leurs oracles, Ezech., xm, 6; leurs prédictions ne
s'accomplissaient pas, ce qui était le signe de leur
fausseté' conformément à la prédiction de -Moïse. Deut..
xvm, 22. Ils seront couverts de confusion, lorsque
l'événement aura montré la fausseté de leurs prophé-
ties. Jer., xiv, 13-15; xxvm, 9, 16-17. Leur caractère
moral était peu élevé, Soph., m, 4; ils s'adonnaient au
vin, Is., xxvm, 7 ; .1er., xm, 13, et prophétisaient pour
de l'argent et pour gagner la faveur des hommes. Mien.,
m, 5, II; Ezech., xm, 18, 19. Ils n'avaient donc rien
de commun avec les véritables prophètes, et leur
inspiration était feinte. Ils avaient cependant de l'in-
fluence sur les prêtres, sur les chefs et sur le peuple,
et ils contrecarraient souvent la mission des véritables
prophètes.
VIII. Les pnopiiiïTEs du Nouveau Testament. —
1° Jésus-Chrisl prophète. — Si, avec la plupart des
Pères, on pense que Moïse prédisait, sous le nom de
prophète semblable à lui, que Dieu devait susciter au.
milieu de son peuple, Deut., xviii, 10. le Messie seul et
sa mission prophétique, voir col. 116, il n'est pas
étonnant que Jésus, le véritable Messie, ait été pro-
phète. Luc. xxiv, 19; Joa., iv, 19; vu, 40; ix. 17:
Act., m, 22: vu, 37. Sa doctrine dogmatique et morale,
voir t. m, col. 1480-1487, complétait et surpassait celle
des prophètes, qu'il n'était pas venu renverser ni abo-
lir. Matth., v. 17. Comme ses devanciers, il a connu et
prédit l'avenir. Ses prédictions ont été exposées, t. m,
col. 1499-1501. — 2" Il y eut aussi des prophètes dans
le Xouveau Testament. D'abord, des prédiseurs de-
1 avenir. Quand l'Eglise d'Antioche eut été fondée, il y
vint de Jérusalem des prophètes, dont l'un, nommé
Agabus, prédit une famine qui se produisit sous le
règne de Claude. Act., XI, 27-28. Seize ans plus tard, à
Césarée, le même Agabus annonça par une action
symbolique la prochaine captivité de saint Paul. Act.,.
xxi, 10-11. Voir t. i, col. 259. Ce fait se passa dans la
maison de l'évangéliste Philippe, qui avait quatre filles,
vierges et prophétesses. Act., xxi, 9. Ces prophèies-
coexistaient à Antioche avec des docteurs. Act., xm, 1.
Deux prophètes de Jérusalem, Judas, surnommé Barsa-
bas, et Silas, furent envoyés à Antioche. Act., xv, 32.
Leur ministère prophétique comprenait sans doute la
prédication et l'enseignement, puisqu'ils consolèrent
les frères et les confirmèrent dans la foi. Voir t. ni,
col. 1807. Parmi les charismes, qui se manifestèrent
dans l'Eglise de Corinthe, saint Paul nomme la pro-
phétie, I Cor., xii, 10, et il range ceux qui en étaient
dotés entre les Apôtres et les docteurs, 28-29. Le don
de prophétie était supérieur au don des langues, car le
prophète parle aux autres et les édifie, les exhorte et
les console, tandis que le glossolale n'édifie pas l'Église
de Dieu, à moins que ses paroles ne soient interpré-
tées. I Cor., xiv, 1-5. Le ministère de ces prophètes est
utile surtout aux fidèles, 22; il convertit cependant les
infidèles qui pénètrent dans les assemblées, en les
convainquant par la parole et en manifestant les se-
crets de leurs cœurs, 24-25. Tous ceux que l'Esprit
animait avaient le droit de prophétiser. Cependant,
pour éviter les abus, saint Paul règle l'exercice de ce
charisme. Il suffisait qu'à chaque assemblée deux ou
trois seulement prennent la parole et exhortent les
fidèles; les autres devaient être juges de ces manifes-
tations de l'Esprit. Ils devaient parler successivement,
et dès qu'un nouveau prophète prenait la parole, le pré-
cédent devait se taire, chacun enseignant et exhortant
l'assistance à son tour, car les prophètes sont soumis-
les uns aux autres. Dieu qui les inspire est le Dieu de
la paix et non pas de la discussion, 29-32. Et ces
règles l'Apôtre les enseignait dans toutes les Églises. Il
impose donc cette loi aux prophètes de Corinthe, comme
un ordre du Seigneur, 37, non pour étouffer l'esprit
de prophétie, sinon celui des faux prophètes qui déso-
béiraient, puisqu'il tient la prophétie pour le meilleur
des charismes divins, 38. Les prophètes, placés entre
les Apôtres et les évangélistes, travaillent, comme eux,.
au service des saints et des fidèles. Eph., iv, 11. Ils.
727
PROPHÈTE — PROPHÉTIE
728
sont avec les Apôtres les fondements de l'Église. Eph.,
H, 20. Ils sont nommés encore après les Apôtres. Eph.,
III, 5; Apoc, XVIII, 28. Ils n'ont pas disparu avec 1 "âge
apostolique. La Didaché, x, 7; xi, 7--12, dans Funk,
Patres apostolici, 2" édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 24,
28-30. et le Pasteur d'Hermas, M and., xi, ibid.,
p. 502-510, les signalent encore et les distinguent des
faux prophètes. Ces prophètes, possédés, dirigés et
conduits par le Saint-Esprit, étaient des prédicateurs
inspirés, qui prêchaient et exhortaient les fidèles;
c'étaient parfois des missionnaires qui, poussés par
l'Esprit, répandaient comme les Apôtres l'Evangile.
Mais leur prophétie était un charisme, une grâce
d'exception, qui se manifestait quand et comme vou-
lait l'Esprit. Cf. Cornely, Prior Epistola ad Corinthios,
Paris, 1890, p. 414 sq. — 3° Jésus avait mis ses dis-
ciples en garde contre les faux prophètes. Matth., vu,
15. lieux faux prophètes sont mentionnés dans le Nou-
veau Testament : Barjésu, Act.. xm, 6-12, voir t. î,
col. 1461, et une femme de Thyatire, .lézahel. Apoc,
II, 20. Voir t. m, col. 1536.
IX. BIBLIOGRAPHIE. — Plusieurs anciens écrivains
ecclésiastiques ont réuni les données bibliques à beau-
coup de détails légendaires pour composer des notices
sur tous les prophètes de l'Ancien Testament. On
possède en grec les fragments d'Eusèbe de Césarée,
Dr vitis prophetarum, t. xxn, col. 1201-1272; deux re-
censions du Liber de rilis prophetarum, attribué à
saint Épipbane, t. xi.in, col. 393-414, 415- i28 ; un livre
analogue, publié sous le nom de Dorothée de Tyr,
dans le Chronicon pascale, t. xcii, col. 300-307. Sur
ces textes, voir Th. Scbermann, Propheten- und Apos-
tellegenden, dans Texte und Vntersuchungen, de
Harnack et de Schmidt, Leip/i-. 1907, t. xxxi. fasc. 3,
p. 1-133, qui en donne une édition plus complète et
plus critique, Pans le recueil de saint Isidore de Se-
ville : De vitct et obitu patrum qui in Scriptura lait-
iithns efferunlur, édité par Fabricius, De vila et morte
Mosis libri très, Hambourg, 1711. p, 512 551, et par
Aligne, l'air. Lai., t. LXXXIII, col. 131-156, il y a des
notices 'sur les prophètes. Les légendes syriaques sur
les prophètes ont été rassemblées par le nestorien
Théodore bar Kôni, au ixf siècle, dans son Livre des
scholies, et par Michel le Syrien, Chronique, édit.
Chabot, Paris, 1899, t. i, p. 63-101.
Sur les prophètes, on pourra consulter tontes les
introductions aux livres de l'Ancien Testament. Citons
seulement F. Vigouroux, Manuel biblique, 12" édit.,
Paris, 1906, t. ii, p. 566-591 ; Trochon, Introduction
générale aux prophètes, Paris, 1883; lt. Cornely,
Inlroductio specialis in didacticos ci propheticos
V. T. libros, Paris, 1887, p. 267-365; card. Meignan,
Les prophètes d'Israël. Quatre siècles de lutte contre
l'idolâtrie, Paris, 1892, p. 1-iS; td., Les prophètes
d'Israël el le Messie depuis Salomon jiisqu'à Daniel,
Paris, 1893, p. 17; .I.-li. Pelt, Histoire de l'Ancien
Testament, 3' édit., Paris. 1902, t. n, p. 138 sq.;
E. Laur, Die Prophetennamen des alten Testamentes,
l-'ribniirg, 1903; ' L. Cautier, Die llerufungder Prophe-
ten, 1903. E. Mangenot.
PROPHÉTESSE (hébreu : nebî'dh; Septante :
r.yj *>-.<.:; Vulgate ; prophetis, prophelissa), nom donné
I m l'Ecriture I1 à des femmes douées de l'esprit de
Pieu ; 2" à Marie, sœur de Moïse, considérée comme [mêle
-ou chantant au son des instruments le cantique de Moïse,
après le passage de la mer Rouge, Exod., w, 20 (sans avoir
aucun don de prophétie, cf. Nom., xn, 6); 3° à la
femme du prophète Isaîe, ainsi appelée parce que son
mari étail prophète. — Les femmes â qui les auteurs
donnenl l" titre de prophétesses dans la pre-
mière acception du mot sont : Débora, qui rendait la
justice aux tribus d'Israël avec le secours divin. Jud.,
iv, 4; Holda, contemporaine du roi Josias, IV Fteg., xxn.
14; II Par., xxxiv. 22; Xoadias, fausse prophétesse,
d'après l'hébreu, t. iv, col. 16135 (faux prophète d'après
les Septante et la Vulgate), II Esd., vi, 14; et, dans
le Nouveau Testament, Anne, fille de Phanuel. Luc,
n, 36. Voir ces noms. — La Vulgate, dans l'Ancien
Testament, n'a employé le mot prophelissa que pour
Marie, sœur de Moïse, et pour la femme d'Isaïe ;
elle a donné à Débora et à Ilolda le titre de prophe-
tis. En saint Luc, II. 36, Anne est appelée prophe-
lissa.
PROPHÉTIE. — I. Notion. — La notion biblique
de la prophétie correspond à la définition du prophète
d'Israël, donnée précédemment, col. 705. La prophétie
dans la Bible n'est donc pas une simple prévision de
l'avenir, quoique l'historien juif .losèphe, Ant. jud.,
XIII, x, 7, l'ait définie ; r, tcdv u£).}.ôvtwv icptfyvutrcç, et
que plusieurs Pères de l'Église aient adopté cette défi-
nition. Voir col. 709. Elle a, en réalité, une significa-
tion plus large, et elle désigne toute manifestation de
la volonté divine à un prophète et, par l'intermédiaire
de celui-ci, aux autres hommes.
Les noms qu'elle porte dans la Bible correspondent
aux différents noms des prophètes. Si le prophète est
un nsô, i voyant », la prophétie est une « vision »,n>i"iBn,
I Sam., ix, 15, et une vision de Dieu, communiquée
par Dieu. Ezech.. i, 1; vm, 3; XL, 2. Ce nom ne
désigne pas seulement ce que Dieu fait voir aux yeux
du corps ou de l'esprit, mais encore ce qu'il fait
entendre aux oreilles. La vision est donc synonyme de
la parole de Dieu. 1 Sam., III, I. 15; ix, 10-18. Elle
désigne par suite toute révélation divine. Ezech., i, 9:
n. 2; ni, 5; v, 6; vi, i, etc. Le verbe -n- est souvent
employé dans les phrases dans lesquelles les prophètes
rapportent les révélations qu'ils ont reeues de Dieu.
Is.. vi, 1; XXI, 6; 1er., I. 11-13; Ezech., I, 15; III.
23, etc.; Joël, ni. I; Amos, vu. 8; VIII, 2; llab., il, I:
Zach., i, 8; n. 1, elc. Partout, c'esl Dieu qui fait voir
(le verbe esl à l'hiphil). .1er., xxiv, l; Ezech., XL, i,
Amos, vu, I sq.; vin, 1 ; Zach., il, 3; m, 1. Le voyant
ne voit que ce que Dieu lui fait voir. La vision est
donc une révélation divine. Cf. S. Isidore de Séville,
Etym., 1. VII. r. vin, t. i.xxxn, col. 283; S. Thomas,
Suni. theol., II« II". q. clxxi, a. 1. — Si le voyant est
dit -Th, sa vision se nomme alors l'un. Ce nom dé-
T
signe la parole révélée par Dieu, II Sam., vu, 17;
1 Par., xvn, 5, ou la chose elle-même. Hab., n, 2, 3. La
révélation est dite « vision », Ezech., vu, 13; vin, 22;
x, 1, 9: xn, 13, 24, 27, ou « parole de vision s, Ezech.,
xu, 23. On parle une vision, Jer., xxill, 16 (faux pro-
phète), coi s un voit une parole. I (IIP lie-., xxn. 19.
ls., i, 1 ; n, I ; xiii, I ; Amos, i, 1, etc.; Abdias, i. I ; Mich.,
i. I; Nahum, i, 1; liai.., i, I; .1er., i. 11-13. Jérémie a
eu une vision de la bouche de Dieu. .1er., xxm, 16. La
vision ainsi nommée est donc encore une révélation
divine, une manifestation de la parole de Dieu. — 3° Le
substantif -s-;:, rtebû'dh, correspondant a *•:::, dé-
t : "T
signe un oracle. I Esd., VI, li;'ll Esd., vi. 12; 11 Par.,
xv. 8, eu même un écril prophétique. 11 Par., ix, 29. —
Dans les Septante, le mol grec itpoçiiTsfa répond soit a
p-, hàzôn, Il Par., xxxn, 32. soit à -*-;:. I Esd.. vi,
li; il Esd., vi, 12. — La prophétie consiste donc en
une action extraordinaire eu surnaturelle, par laquelle
Dieu communique à son prophète certaines lumières
ou connaissances avec mission de les transmettre aux
autres hommes.
II. Manières hont Diei communiquait m x pro-
phètes si. s volontés. — Pour connaître les vérités
qu'ils devaient manifester de la part de Dieu, les pro-
phètes d'Israël n'employaient aucun des procédés
729
PROPHÉTIE
730
artificiels ou appris de la divination, voir t. il, col. 1443-
1448, pas plus que des moyens naturels de se mettre
en rapport avec Dieu. C'était Dieu lui-même qui leur
révélait ou leur inspirait directement ce qu'ils devaient
dire. Les moyens dont il se servait sont désignés dans
l'Écriture par trois expressions différentes : la parole,
la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de
communication prophétique devaient être les plus
ordinaires, puisqu'ils sont distingués de la parole
articulée, employée régulièrement par Dieu pour ré-
véler à Moïse ses volontés. Num., xn, 6-8.
1° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sûre-
ment de son peuple les devins, Deut., xviu, 9-14, pro-
mit de susciter en Israël une série de prophètes,
semblables à Moïse, il déclara qu'il placerait ses
propres paroles dans leur bouche et qu'ils diraient
tout ce qu'il leur ordonnerait de dire. Comme Moïse au
Sinaï servit d'intermédiaire entre Jéhovah et son
peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait
d'entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21,
ainsi les prophètes parleront au nom du Seigneur au
peuple, qui devra écouter leurs paroles. Deut., xyiii,
15-19. Les prophètes entendirent donc parfois la parole
articulée par Dieu lui-même, comme il arriva à Moïse
au buisson ardent, Exod., m, 4-22, et au Sinaï. Samuel
entendit à Silo la voix divine qui l'appelait, I Sam.,
m, 4-14, et Dieu parlait à son oreille. I Sam., ix, 15-
17. Cf. I(III)Reg., xvii, 2,8; xvin, 1 ; xxn,17; Amos, m,
7; Ose., i, 2, 4, 6; m, 1; Is., xvin, i; .1er., Il, 1; xxm,
28; Dan., vin, 127; x, 1, 5; Agg., H, 1, 21; Zach.. i,
1, 7. Il s'établissait parfois un véritable dialogue entre
Dieu et le voyant, ainsi avec Élie, I (III) Reg., xix, 9-18,
et avec Jérémie. .1er., xiv, 11-14. Mais le plus souvent,
seinble-t-il, les prophètes n'entendaient qu'une voix
intérieure. Job, iv, 12, 16. C'est ainsi qu'on peut expli-
quer les révélations faites aux oreilles des prophètes.
Is., xxi, 10; xxti, 14; xxvm, 22; Abdias, i, 1. Ils trans-
mettaient de vive voix ou par écrit les paroles qu'ils
avaient entendues au fond de leurs cœurs. Aussi leurs
oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos,
m, 1, et plusieurs recueils ont pour titre : « Paroles
que Dieu a dites par le prophète. » Ose., 1,1; Joël., i,
1; Soph., i, 1; Jer., i, 1, 2.
2° La vision. — Les mentions de visions sont nom-
breuses dans les écrits des prophètes. Amos a eu cinq
visions, groupées à la fin de son livre, vu, 1-ix, 15.
Isaïe reçoit la mission prophétique dans une vision,
vi. Il voit un oracle, xm, 1. Jérémie, peu après sa
vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une série
de visions, i. 8, 18; H, 1; m, 1; IV, 1; v, 1, 5; VI, 1.
Ézéchiel aussi en a fréquemment, I, 4; II, 1; VIII, 2;
X, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophétiques sont inti-
tulés : « Vision ». Is., i; Abdias, i, 1; Nahum, i, 1.
Quelques-unes de ces visions étaient extérieures. Dan.,
v, 25, et corporelles et formaient de véritables appari-
tions. Dan., vin, 16-27. Mais le plus souvent, elles se
produisaient dans l'imagination du voyant. Dieu
avait annoncé à Aaron et à Marie qu'elles auraient lieu
per senignwta et figuras. Num., xn, 8. On a remarqué
qu'elles se présentaient sous des traits connus du pro-
phète et empruntés au milieu où il vivait. Les images
de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes
ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la
Palestine, l'Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient
lieu à l'état de veille (autrement, elles auraient été des
songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle à Samuel de
nuit. I Sam., m, 3, 10; vu, 4; xv, 11, 16; Zach., i, 8;
Job, iv, 13. Si le voyant était endormi. Dieu le tirait de
son sommeil, ou d'un état semblable au sommeil. Jer.,
xxxi, 26; Zach., iv, 1.
3" Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonté
aux prophètes endormis, c'était en songe. Ce mode de
manifestation divine, annoncé par Dieu, Num., xn, 6;
Deut., xm, 1, 3, 5, est rarement attesté dans l'Écriture.
Il est mentionné comme un moyen que Saûl aurait
tenté inutilement pour consulter Dieu. I Sain., xxvtll,
6, 15. Joël, il, 2S, annonce que, dans l'avenir messia-
nique, les vieillards d'Israël auront des songes. Li»
seul exemple cité est celui de Daniel, vu, 1. Les faux
prophètes aimaient les songes. Is., LVI, 10; .1er., xxm,
25, 28. 32; xxvn, 9; Zach., n, 2. — Sur l'état psycho-
logique des prophètes pendant les visions, voir Pro-
PHÈTE, col. 712.
III. Réalité des prophéties. — Qu'il y ait dans la
Bible des prophéties véritables, c'est-à-dire des mani-
festations surnaturelles de ses volontés, faites par Dieu
aux hommes par l'intermédiaire d'individus inspirés,
c'est tout à la fois un fait constaté et un dogme de la
foi catholique. — 1° Preuves scripluraires. —
1. L'affirmation des prophètes eux-mêmes. — Tous
les prophètes israélites déclarent qu'ils parlent au
nom de Jéhovah, que Jéhovah parle par leur bouche
et qu'ils annoncent en son nom ce qu'il faut faire et
ne pas faire et ce qui arrivera. Voir Prophète, col. 711.
Us croyaient donc être et ils se sont donnés comme
les organes de la divinité, parce qu'ils avaient con-
science de leur inspiration divine. Us en fournissaient
des preuves à leurs contemporains, qui ont cru à leur
mission et à leur inspiration, en voyant plusieurs de
leurs prédictions accomplies à brève échéance et les
miracles qui les autorisaient. On peut chercher à
expliquer naturellement ces faits; on ne peut les nier,
et le témoignage d'hommes probes, sincères, désinté-
ressés, en faveur de leur propre inspiration est rece-
vable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des
expériences réelles qu'ils avaient éprouvées, et on ne
peut prétendre qu'ils employaient un procédé littéraire
pour exprimer leurs propres pensées et les faire
passer auprès d'une foule crédule pour celles de Dieu.
Leur parole n'a pas toujours été crue, Amos, II, 12;
Is., xxxvm, 7; Jer., vi, 17; vu, 25-28; xi, 8, 21, etc.,
et ils ont été persécutés, parce que leurs oracles
inspirés étaient la plupart du temps à l'encontre des
idées de leurs contemporains, des chefs de la nation
aussi bien que du peuple tout entier. Mat th., v, 12 ;
xxm, 29-37; Luc, VI, 23; xi, 47-50; xm, 34; Act., vu,
52; Rom., xi, 3; I Thés., n, 15; Heb., xi, 3240; .lac,
v, 10. Seul, le sentiment intime de la réalité de leur
inspiration divine a pu leur donner à tous l'énergie et
le courage nécessaires pour supporter les persécutions
dont ils étaient l'objet, et remplir, malgré tout, la mis-
sion que Dieu leur avait confiée. — 2. L'affirmation
de Jésus et de ses Apôtres. — Ils en ont appelé aux
écrits des prophètes comme au témoignage de Dieu
même, et ils ont signalé la réalisation des prophéties
messianiques. Voir t. m, col. 888-889. L'inspiration
des prophètes a été explicitement affirmée par saint
Paul, Heb., i, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet.,,
i, 10-12; II Pet., i, 16-21. Voir t. m, col. 889-890. -
2° Preuves traditionnelles. — Les Pères, appuyés sur
le double témoignage de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment, ont affirmé et enseigné l'inspiration divine des
prophètes d'Israël. Voir t. m, col. 891-S97. Cf. Leitner,
Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau,
1S96, p. 98-190. — 3J Preuves dogmatiques. — Après
avoir été cru, affirmé et prouvé, le dogme de l'inspira-
tion des prophètes a été explicitement défini par
l'Église. Voir t. m, col. S97-898; Leitner, op. cit.,.
p. 191-195. Le fait de l'inspiration divine des prophètes
est donc un dogme de la foi catholique. — 4° Réponse
aux objections îles critiques. — La plupart des cri-
tiques rationalistes ont opposé à la réalité divine des
prophéties une fin de non-recevoir, fondée sur des
raisons philosophiques et sur l'impossibilité d'une in-
tervention surnaturelle de Dieu et de la prédiction de
l'avenir. Kuenen a discuté à fond la doctrine tradi-
731
PROPHETIE
732
tionnelle sur les prophéties; il a prétendu que celle
conception était contraire à l'histoire et à la critique
loyale des textes scripturaires. Il rejette d'abord le
témoignage des prophètes sur leur propre inspiration
divine. Si ce témoignage était valable, celui des faux
prophètes serait recevahle au même titre, puisqu'ils
avaient, eux aussi, conscience de leur inspiration sur-
naturelle et qu'ils l'affirmaient expressément. Tous
tirent leur inspiration d'eux-mêmes; c'est leur convic-
tion qui les inspire. La distinction entre les vrais et
les faux prophètes a été inventée après coup, lui fait,
il y avail seulement des prophètes opposés les uns aux
autres, et tous étaient considérés comme inspirés par
Jéhovah. Ils étaient en conflit et dans le peuple chacun
prenait parti pour ceux dont les idées lui agréaient.
Cependant il finit par s'établir une ligne de démarca-
tion plus nette entre les prophètes. Il y eut ceux dont
la pensée religieuse avait fait plus de progrès et qui
avaient sur Dieu des idées plus précises, ei les autres
plus retardataires et moins avancés au point de vue
religieux. Les premiers ont écrit l'histoire sainte et
traité de faux prophètes leurs adversaires. Toutefois
l'ëlévatioi vile des uns, leur opposition avec les
idées des grands et de la foule, la persistance de leur
croyance à leur inspiration malgré les persécutions
qu'elle leur attirait, tout cela, que Kuenen reconnaît,
prouve la sincérité de leur prédication. Les faux pro-
phètes flattaient les passions des rois et de la nation;
ils avaient des idées moins élevées; leur moralité est
discutée par leurs adversaires; tout cela constitue un
préjugé contre la sincérité de leurs affirmations et la
vérité de leur inspiration. 1 tailleurs, pour assurer la
permanence de la mission des vrais prophètes, leur
crédit auprès de la portion saine de la nation et leur
triomphe définitif, il a bien fallu qu ils aient fourni des
signes de leur mission divine. On les exigeait d'eux, el
ils les donnaient. C'étaient es prédictions claires et à
courl terme, relatées dans les livres historiques, l'an-
nonce d'une défaite ou d'une victoire immédiate, du
succès ou de l'échec d'une invasion. Voir col. 710.
Supposer avec Kuenen que ces prédictions ne se soient
.jamais réalisées ou n'aient été que des prévisions
purement naturelles, c'est se mettre dans l'impossibi-
lité d'expliquer la permanence el le triomphe de pro-
phètes, hais du peuple, qui auraient été traités d'im-
posteurs, s'ils s'étaient trompés, aussi bien que la non-
réalisation des soi-disant oracles des taux prophètes.
qui favorisaient les idées du peuple et étaient en oppo-
sition directe avec les prédictions précises des vrais
prophètes. Il a bien fallu que ces prédictions fussent
vérifiées pour que les prophètes pussent continuer
leur mission avec quelque chance d'être écoutés. Le
non-accomplissemenl des oracles des taux prophètes
devait diminuer leur crédit auprès de la foule qu'ils
trompaient. L'ieuvredes prophètes eut-elle simplement
consisté, ci on le prétend, dans la destruction de
l'idolâtrie et rétablisse ni du monothéisme en Israël.
elle n'a pu aboutir que s'ils onl eu auprès ,| un peuple
grossier et idolâtre une réelle autorité' el autorité
divine.
Kuenen a prétendu, en second lieu, que si les pro-
phètes d'Israël étaient véritablement inspirés par Dieu,
il est nécessaire que toutes leurs prédictions se soienl
accomplies. Si elles ne se sont pas accomplies, c'esl
que les prophètes ne parlaient qu'en leur nom el pas
au nom du Dieu de vérité. Cel argument, qu'il avait
indiqué <\,<n- son Histoire critique des livres de l'An-
cien lest "i, ti.nl. franc., Paris, 1879, p. 15, 19-
26, a i un ni développé. '/ lie Prophels and
Prophecy in Israël, trad, anglaise, Londres, 1877, c. v-
vti, p. 98-275. Le critique hollandais paie -t la série
des prédictions contenues dan- les livres canoniques
el relatives soit aux peuples voisins d'Israël soil aux
destinées du peuple élu (les prophéties messianiques) et
il prétend démontrer que le plus grand nombre de ces
prophéties n'a jamais été accompli. Au c. vin, p. -276.
il examine un petit nombre de prophéties qui se
sont réalisées ; mais il soutient ou bien qu'elles ont été
vérifiées par l'événement d'une manière vague et ine-
xacte, ou bien qu'elles ne sont pas authentiques et ont
pu être écrites après l'événement, ou enfin qu'elles ne
dépassent pas les limites de la prévision naturelle. Cet
argument avait été énoncé par Munk, La Palestine,
Paris, 1881, p. 420-421; À. Réville, dans la Revue des
deux inondes, juin 1807. p. 836-840. Il a été repris par
Paul Schwartzkopff, Die prophetische O/fenbarunjj
nach Wesen, Inhall ttnd Grenzen, Giessen. 1896,
p. 100-166. Ce n'est pas le lieu de reprendre une à une
les objections de Kuenen. Voir, pour la réfutation de
quelques-unes. F. Vigouroux, Manuel biblique, P2e édit.,
l'iris, 1906, t. il, p. 570-Ô72. L'abbé de Broglie a observé
que la plupart avaient été présentées auparavant et dis-
cutées. La force de l'argumentation ne pourrait venir que
de l'accumulation des objections. Mais cette argumen-
tation part de principes faux, connue si le sens d'un
texte prophétique devait être exclusivement déterminé
d'après les idées du prophète lui-même et de ses con-
temporains, comme si la réalisation avait dû s'accom-
plir d'une façon absolument conforme à la prévision du
prophète ainsi fixée, comme si enfin chaque fragment
d'une prophétie devait être la prédiction d'un seul et
même événement. En réalité, la prophétie a pu ne pas
être parfaitement comprise des contemporains el du
prophète lui-même, si elle avait un sens énignialique
que l'événement seul pouvait faire découvrir pleine-
ment. N'étant pas claire et complète, elle ne cadre pas
nécessairement ave l'événement dune façon absolue,
et l'accord ne peut pas être plus clair ni plus complet
que la prévision elle-même. Enfin, toutes les parties d'un
oracle prophétique ne s'appliquenl pas â an même événe-
ment. La vue de l'avenir en perspective a souvent réuni
sur le même plan des e\ n ■ nts analogues, dont la
réalisation devait avoir lieu à des époques différentes. Voir
P. de Broglie, Les prophéties el les prophètes d'après
les travaux <'« /'■ Kuenen, dans Compte rendu du
iw Cmit/ers setenU/iane international des catholiques,
Bruxelles, 1895, II' section. Sciences religieuses, p. 139-
151; ld.. Questions bibliques, édit. Piat, Paris, p. 346-
380; .1. llrucker. Les preil/elions îles prophètes, dans
les Etudes, août 1893, p. 586-615; F. Vigouroux. Manuel
biblique, t. u. p. 578-580.
IV. Cycle des prédictions prophétiques. — Rien de
plus varie que l'objet des prophéties bibliques. Cepen-
dant, malgré' leur grande variété, les oracles des pro-
phètes écrivains ont des thèmes communs plus ou
moins développés el diversement appliqués selon les
temps et les milieux, el se déroulent dans le même
cercle d'idées, qu'il est bon d'indiquer.
I Les péchés d'Israël el de Juda. — Pour ram i
leurs contemporains dans la voie droite, dont la plupart
étaient sortis, les prophètes leur reprochent leurs tantes
et font des tableaux éloquents de la perversité morale,
qui attire sur eux la colère divine et de terribles châti-
ments. Amos décrit avec véhémence les iniquités
d'Israël, i, 6-8; in. 2, 9, 10; iv, 1-5; vi, 1-7. Les ai
symboliques d'Osée cl ses mariages figurent l'infidélité
et l'idolâtrie du royaume schismatique, i, 2-in, ô. Ses
discours directs exposent en détail les crimes du peu-
ple el île ses chefs, iv. 1-v. 7; VII. 1-7. Isaïe, des le
début île ses oracles, résume les fautes de Juda, dont
il prédit les châtiments, i, 2-31. 11 y revient sans cesse,
el signale celles que chacune des classes de la nation
i i ai ises, u, 5-9; m, 12, 16, 17 : v. 8-23; \. I, •>. etc
C'était sa mission el il devait la remplir avec fore: i
constance, i.vm, I. Michée décrit les crimes de Samarie
et de Juda, i,5; u, 1,2; tu, 2; 3, 5, 9 11; vu, 1-4. Juda
733
PROPHÉTIE — PROPHÉTIQUES (LIVRES)
734
n'a pas tiré profit du sort d Israël : il imite son idolâtrie.
Jer., m, 6-10; xi, 9-10; xvi, 11, 12. La corruption est
profonde et universelle à Jérusalem. Jer., v, 1-9, etc.
Ézéchiel voit les abominations commises dans le Temple
de Jérusalem, VIII, 1-16. 11 dénonce les Taux prophètes,
qui trompent et séduisent les exilés, xm, 3-7, 18, 19. Il
retrace les crimes des habitants de Jérusalem, xxn, 1-
16,24-31. Après le retour en Palestine, Aggée reprend
les rapatriés qui négligent de relever le Temple, i, 2-6,
et plus tard Malachie adresse des reproches aux prêtres,
I, 6-8, 12, 13, et aux Juifs qui épousent des femmes
étrangères, II, 11. Les prophètes apparaissent donc
tous comme des correcteurs de vices et des redresseurs
de torts, et leurs prophélies sont remplies de plaintes
contre les prévaricateurs.
2° Le châtiment des coupables. — Comme les cou-
pables s'endurcissaient et refusaient de profiter des
reproches et de changer dévie, Jer., xxxu, 33; Ezech.,
m, 7, si même ils ne se moquaient des menaces des
prophètes. Amos, v, 18; Is., v, 19, la punition divine
devait les frapper. Toutes les descriptions de crimes,
précédemment rappelées, sont immédiatement suivies
de l'annonce de châtiments. Plus souvent encore, la
menace est directe, qu'elle soit adressée sous forme
de plainte ou d'élégie, Amos, v, 1-14, ou d'exhortation
ou de reproche. Ose., vin, ix; Is., ix,8-x, 34. Elle tourne
parfois en malédiction. Is., xxvm, I-xxxin, 12. Elle
vise tous les coupables. Tous seront punis, et la puni-
tion répondra à la culpabilité. Chacune des classes de
la société aura son châtiment propre et proporlionné.
Puisque la dépravation est générale et que tout espoir
de conversion est perdu, la nation entière périra. Israël,
qui est le plus coupable, disparaîtra le premier. Amos,
I, 9-16; Ose., xm, 1-xiv, 1; Mich., i, 2-7. Juda. qui n'a
pas compris la leçon,. 1er., ni, 6-10, aura le même sort.
Jer., IV, 5-vi, 30; Ezech., xxm. Le châtiment sera gra-
dué, Jer., iv, 27; v, 18, et la ruine définitive ne viendra
pas frapper un peuple, capable encore d'amendement.
Des coups isolés avertiront les coupables et tenteront
de les ramener à résipiscence. La patience divin. ■ se
lassera enfin, et la perte des deux royaumes sera tour
à tour décidée. L'instrument des vengeances divines
est ordinairement l'épée des nations voisines d'Israël et
de Juda. La ruine du royaume du nord sera l'œuvre de
l'empire assyrien, Ose., x, 6; xi, 5; Is., vu, 17-25;celle
du royaume du sud sera accomplie par les Babylo-
niens. Is., xxxix, 3-7; Mich., iv, 10; Hab., i, 6-11;
.1er., ix, 10-16; xxi, 3-14; Ezech., xxiv, etc.
3° Les oracles contre les nations. — Bien que les
nations païennes soient la verge dont Dieu frappe Israël
et Juda, elles ne seront pas toutefois épargnées, parce
qu'elles sont coupables, elles aussi, et plusieurs livres
prophétiques contiennent des recueils spéciaux d'ora-
cles contre elles. Amos, i, 3-II, 3; Is., xiv. 28-xxi, 17;
Soph.,ii,4-15;Zach.,ix, 1-7; Jer., xi.vi, I-xlix, 39; Ezech.,
xxv, 1-xxxii, 32. La prophétie d'Abdias est tout entière
contre I'Idumée. Mais les deux grandes puissances
vengeresses ont leurs menaces particulières, souvent
répélées. Elles sont idolâtres ; elles ont dépassé la mesure
en exécutant les jugements de Dieu contre Israël et
Juda; elles ont tenté d'exterminer des peuples, que
Dieu ne voulait que châtier; elles ont commis des in-
justices dans la répression juste; elles seront donc
punies à leur tour, et elles seront détruites comme
nations. On lit des oracles contre l'Assyrie dans Isaïe
x, 5-26; xxx, 27-33; xxxvii. 21-38; Nahum, i, 2-m, 19;
Sophonie, n, 13-15, et contre la Chaldée ou Babylone
dans Isaïe, xm, 1-xiv, 23; xxi, 1-10; xxxix, 3-7; xi.m, 14-
21, xlvi, 1-xi.vn, 15; Jérémie, xxv. 12-14; L, 1-li, 64;
Habacuc, n, 2-20. Cf. Rohart, De oneribus biblieis con-
tra génies, Lille, 1893.
4° La conversion d'Israël et de Juda ri leur restau-
ration. — Quels qu'aient été les crimes de son peuple
choisi, quelque durs qu'aient été les châtiments infligés,
Dieu faisait annoncer par ses prophètes la conversion
finale d'Israël et de Juda sous le coup de l'adversité. Il
ne se bornait pas à promettre des bienfaits, si les
coupables quittaient les voies de l'iniquité, Ose., n, 14-
24, il déclarait que les Israélites, emmenés en captivité
en Assyrie, reviendraient en Palestine, Ose., xi, 8-11.
Alidias prédit le salut, 17-21. Israël se repentira et ob-
tiendra miséricorde. Mich., vu, 1-20. Les Israélites dis-
persés serontréunisdenouveau. Is., xi, 10-16; Jer., xxxi,
1-14. Juda surtout trouvera grâce aux yeux du Seigneur.
Is., i, 26-31. Il sera restauré. Is., xxvi, 1-xxvn, 13;
xxxn, 1-20; xxxiii, 13-21; xxxv, I-IO; xl, 1-31; XLI,
8-20; xliii, 1-13; xi.ix, 14-26; m, 1-12. Jérémie prétlil
la libération des exilés après 70 ans de captivité, xxix,
8-14. Il décrit la conversion, le retour et la restaura-
tion, xxx, 2-24; xxxn, 37-xxxin, 26. Baruch répète aux
exilés la même promesse, n, 30-m, 8; v, i-9. Ézéchiel
annonce aussi le salut, xxxvi, 8-xxxvn, 28. Il trace
même tout un plan de restauration, xl-xlviu. Voir t. n,
col. 2156.
5» Le royaume messianique. — Le rétablissement de
Juda comme royaume temporel de Dieu en Palestine
amène les prophètes à annoncer la rédemption spiri-
tuelle des Israélites et de tous les hommes et l'établis-
sement d'un royaume nouveau, idéal, réunissant tous
les peuples sous la loi du vrai Dieu, et gouverné par un
rejeton de David, roi d'Israël et des nations. Michée a
décrit ce nouveau royaume comme la glorification et
l'exaltation de Sion, iv, 1-13. Isaïe a repris le même
thème, n,2-l. Il décrit la gloire de cette nouvelle Jéru-
salem, liv, 1-lvi, 8; lx, 1-22; l.xvi, 1-24. Jérémie en
parle comme d'une alliance conclue entre Dieu et
Juda sous de nouvelles conditions, xx.xi, 31-40. Bref,
les prophètes prédisent le royaume messianique et son
roi, le Messie, et ils en décrivent les caractères. Leurs
oracles messianiques sont exposés dans les articles de
ce Dictionnaire, qui concernent chaque prophète en
particulier. Celles qui ont trait à la personne du Messie
ont été résumées, t. tri, col. 1431-1431, et leur signifi-
cation en faveur de la divinité de Jésus indiquée un
peu plus loin, col. 1197-1499. Pour la bibliographie,
voir ibid., col. 1436.
S m les prédictions des prophètes en général, voir
J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien Testament, 3e édit.,
Paris, 1902, t. n, p. 153-179; ' Davidson, OUI Testament
prophecy, 1903. Sur la doctrine des prophètes, on
pourra consulter 'Zschokke, Théologie der Propheten
desalten Testaments, Eribourg-en-Brisgau, 1877; Tro-
chon, Introduction générale aux prophètes, Paris,
1883, p. xlix-lix; Selbst, Die Kirche Jesu Christi
nach dru Weissagungen der Propheten, Mayence,
1883; 'Duhm, Die Théologie der Propheten, Bonn,
1875; 'Kirkpatrick, Doctrine of the Prophels, 1892. On
peut consulter aussi les théologies de l'Ancien Testa-
ment : Scholz, Handbuclt der Théologie des alten
lion/les im Lichte des Neuen, Ratisbonne, 1862; 'Franz
Delitszch, Die Inblisch-prophetisclie Théologie, Leipzig,
1845; 'Schullz, A Ittestamentliche Théologie, 2 in-8»,
Francfort, 1869; 5e édit., 1890; 'Œhler, Théologie des
alten Testaments, Tubingue, 1873; 3» édit., 1801;
trad. anglaise, 2 in-8», Edimbourg, 1874; trad. franc.,
2 in-8°; 'Hitzig, Biblische Théologie des A. T., 1880;
'Riehm, Alltestanientliche Théologie, 1889; ' Dillmann,
Eandbuch der alttestament. Théologie, 1805.
E. Mam.e.not.
PROPHÉTIQUES (LIVRES). Dans l'usage ecclé-
siastique on donne spécialement ce nom aux livres qui
contiennent les oracles des quatre grands prophètes
et des douze petits prophètes dans l'Ancien Testament,
et à l'Apocalypse dans le Nouveau. Dans la Bible hé-
braïque, outre les œuvres des prophètes proprement
dits qui sont appelés prophètes postérieurs, on distingue
735
PROPHÉTIQUES (LIVRES) — PROPHÉTISME
73&
celles des prophètes antérieurs ou premiers, c'est-à-dire
des auteurs du livre deJosué, des Juges, des deux livres
de Samuel (nos deux premiers livres des Rois) et des
deux livres des Rois (le troisième et le quatrième livre
des Rois de la Vulgate).
PROPHÉTISME. On désigne sous ce nom, dans le
langage des rationalistes, l'explication naturelle de l'in-
tervention, dans l'histoire d'Israël, des prophètes, hom-
mes extraordinaires, doués d'une très grande intelli-
gence et d'une très rare perspicacité, qui ont enseigné
une doctrine religieuse très élevée et exercé sur leur
peuple une très forte influence au point de vue reli-
gieux, moral, social, politique et littéraire. Loin d'être
un miracle vivant, une série presque ininterrompue
d'interventions directes de Dieu en Israël, comme on
l'a cru longtemps, le prophétisme hébreu est un phéno-
mène purement naturel, unique en son genre, il est
vrai, quoiqu'il ne soit pas absolument distinct d'autres
actes religieux ni sans aucune analogie avec des faits
de même nature dans les autres religions. A force d'étu-
des, la critique moderne l'a enfin compris et l'a ramené,
sans le rabaisser, aux conditions et aux lois de l'his-
toire positive. Avant d'exposer la nouvelle idée qu'on
s'est faite des prophètes d'Israël, il sera bon d'indiquer
brièvement les principes qui ont servi de point de dé-
part et la méthode suivie pour aboutir à de tels résultats.
I. Principes et méthode.— Pour expliquer l'origine,
la nature, le rôle historique du prophétisme hébraïque
et son inlluence sur les destinées religieuses et politi-
ques d'Israël, les critiques rationalistes ont écarté toute
intervention surnaturelle de Dieu; ils se sont placés
uniquement sur le terrain rationnel et ils n'ont eu re-
cours qu'à la loi historique du développement de l'huma-
nité. Le prophétisme hébreu leur est apparu comme un
phénomène religieux et se présentant avec les mêmes
caractères et les mêmes traits que le prophétisme des
autres religions. L'unique différence entre le prophète
hébreu et les prophètes païens, c'est qu'il a atteint une
hauteur à laquelle les autres ne sont pas parvenus. Les
prophètes d'Israël excellent; ils sont incontestablement
et de beaucoup les premiers, les types du genre; mais
leur supériorité ne les élève pasà l'ordre surnaturel et
divin; ils restent dans l'ordre naturel de l'histoire des
anciennes religions, surtout des religions sémitiques.
En effet, le prophétisme n'est pas un phénomène
particulier au peuple d'Israël. Il n'est pas de société
humaine qui, à un moment donné de son existence,
n'ait eu, sous un nom ou sous un autre, ses interprètes
de la divinité, ses hommes de Dieu. Chez tous les peuples
de l'antiquité et aujourd'hui encore parmi les nations
qui n'ont pas dépassé un certain degré de culture et
qui sont très rapprochées de la situation sociale des
âges primitifs, il s'est rencontré et on rencontre des
hommes qui se sont attribué ou s'attribuent, avec une
entière bonne fui. le pouvoir surnaturel de lire dans
l'avenir et de communiquer à ceux qui les entourent
les décisions de la volonté divine, dont ils sont ou dont
ils croient être les organes. Tous les peuples sémitiques,
notamment ceux qui touchent de plus pies à Israël,
ont eu leurs prophètes. Les Arabes n'ont pas cessé d'en
avoir. Le prophétisme caractérise en quelque sorte la
race sémitique. Toutefois, il s'est produit aussi dans
les races indo-européennes. La (irèce eut ses u.avTei;,ses
devins possédés de la u,avîa ou fureur prophétique, et
cet ordre de laits donna lieu à une science spéciale, la
mantique. La Gaule et la Germanie eurent leurs inspi-
rées, leurs prophétesses. Dans la plupart des cas, le
prophétisme ne s'éleva pas très haut el ne dépassa guère
les modes ordinaires de la divination, si chez les Hé-
breux il fut supérieur i ce qu'il apparaît ailleurs, il ne
Paul pas cependant changer -a supériorité relative en
singularité absolue.
Il présente, en effet, dans ses manifestations exté-
rieures, des ressemblances avec le prophétisme des-
autres peuples. Ce que la Bible rapporte des prophètes
d'Israël, de leur genre de vie, de leur mode d'action,,
ressemble étonnamment à ce que nous savons des
devins païens. On constate, chez les uns et chez les
autres, la révélation par les songes, une violente exal-
tation de l'imagination dans l'exercice même de la
prophétie, l'union de la vaticination avec l'art de la
médecine et la poésie. Leur histoire a été embellie par
la légende, et leur existence n'est signalée qu'à l'âge
héroïque des peuples anciens. On est ainsi ramené à
une loi historique générale. Le prophétisme est com-
mun à tous les peuples, et il est une manifestation
propre aux temps héroïques. Le peuple d'Israël n'est
donc pas, sous ce rapport, une exception dans le monde,
et son prophétisme rentre dans les analogies de l'his-
toire. D'ailleurs les récits bibliques, dépouillés de leur
caractère légendaire et de leur interprétation surnatu-
relle des faits prophétiques, se ramènent très facile-
ment aux conditions ordinaires du développement des
idées religieuses.
Que penser de ces principes et de celte méthode? Il
n'est pas exact, d'abord, que le prophétisme n'ait existé
qu'aux âges héroïques de l'histoire, puisque les peuples,
païens ont eu leurs devins aux époques de la plus
grande civilisation et en pleine histoire. Quant à la
méthode employée pour ramener le prophétisme hé-
breu aux lois et aux conditions ordinaires, elle n'est
qu'une application spéciale de l'étude comparée des
religions, comme si les ressemblances constatées prou-
vaient l'identité de nature et de conditions. Mais ces
ressemblances sont purement extérieures, partielles
et isolées, et elles ne constituent souvent que de simples-
analogies. On ne peut donc sans paralogisme conclure
à l'identité de cause', d'autant qu'à côté des ressem-
blances, si multiples qu'elles soient, il y a de très-
grandes différences, et la supériorité du prophétisme
hébreu sur les autres n'est niée par aucun critique.
Ces différences et cette transcendance exigent donc
une autre origine, des causes différentes et supérieures
aux causes naturelles, par suite une cause surnaturelle
qui est précisément l'inspiration divine, attestée dans
la Bible. Voir Prophète et Prophétie. Les ressem-
blances purement extérieures s'expliquent par l'iden-
tité de quelques moyens, employés par Dieu même
pour produire parmi son peuple de choix, les mêmes
elfets que la divination produisait chez les peuples-
païens, pour s'adapter aux mêmes dispositions du cieur
humain et donner satisfaction aux mêmes aspirations.
Cf. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l'his-
toire des religions, Paris, 1885, p. 244-260, 321-326, H2-
•ili. L'interprétation naturaliste des récits bibliques,
faite en vue de leur enlever tout caractère surnaturel
et divin, repose sur un principe «' priori, étranger à
la science véritable, et n'est pas capable défaire im-
pression sur un esprit exempt du préjugé rationaliste.
II. DÉVELOPPEMENT PRÉTENDU DU PROPHÉTISME IIÉ-
BREU. — Le prophétisme a passé en Israël par trois
périodes distinctes et caractéristiques : 1° celle des
débuts sous Samuel; 2° une période de transition jus-
qu'à Élie et Elisée, sous Achab ; 3° celle des prophètes
écrivains, qui va du vnr siècle au IVe avant Jésus-
Christ.
/. PÉRIODE DES DÉBUTS SOUS S I VUEL. — Tous les cri-
tiques soi-disant indépendants sont actuellement d'ac-
cord pour placer l'apparition du prophétisme propre-
ment dit en Israël vers la lin de la période des .luges,
sous Samuel, qui est lui-même un des premiers pro-
phètes, sinon même le premier des prophètes au moins
d'une catégorie particulière. En effet, si quelques lus
confondent encore tous les prophètes de cette époque
dans une seule classe d'hommes divinement inspires et
737
PROPHETISME
738
exaltés, groupés autour de Samuel, leur chef, la plu-
part distinguent, à l'origine, deux catégories de pro-
phètes, de nature et d'esprit fort différents, celle des
voyants et celle des nebi 'im enthousiastes et extatiques.
1» Les voyants. — Dans les parties anciennes à'1 la
légende de Samuel, celui-ci est appelé rô'éh, voyant .
11 tient du devin et du prêtre. C'était un simple sor-
cier, que, dit-on, l'on consultait sur des ânesses per-
dues et qu'on n'abordait qu'un cadeau à la main.
I Sam., ix. 6-9, comme liai. mm. Num., xxh, 17, 18;
xxiv, 11-13. 11 fondait son autorité sur des signes,! Sam..
x, 1-8. et il jetait les sorts pour savoir qui serait roi,
20-22. 11 s'occupait donc déjà de politique. Parfois ce-
pendant, sa fonction se rehaussait, et il annonçait l'ave-
nir. Tous les critiques ne sont pas d'accord sur la nature
des voyants, selon qu'ils tiennent les détails de la vie de
Samuel pour historiques ou légendaires. Kraetzschmar,
Prophet und Seher im alleu Israël, Tubingue et Leip-
zig, 1901, p. 6- 12, tient le voyant pour une personne
que l'on consulte au sujet des affaires ordinaires de la
vie privée, et qui ne s'en occupe que selon sa science
et sa sagesse naturelles. Il ne se considère pas comme
un représentant de la divinité. Il ne recourt qu'à des
moyens naturels pour découvrir les forces secrètes de
la nature. Il voit ce que les autres ne voient pas, mais
sans agitation ni extase, et il dit clairement ce qu'il
voit d'après certains indices ou même une illumination
intérieure. Il n'a aucun rapport avec le jahvéisme, et
il est peut-être antérieur au jahvéisme. D'autres peuples
avaient des voyants de même nature: ainsi Balaam en
■Mésopotamie. La profession de voyant n'a aucune rela-
tion ni avec la nationalité ni avec la religion, et les
premiers voyants d Israël n'ont i\::vcr aucune influence
sur la religion de leur peuple, Pour Siuend. au contraire,
le voyant et le prêtre étaient primitivement apparentés ;
tous deux rendaient des oracles divins. Chez les Sé-
mite-, ils avaienl été d'abord identiques. Le mot hé-
breu kôhen, « prêtre ». signifie i voyant », kâhin, dans
l'ancien arabe. Avant d'être voyant, Samuel avait été'
prêtre à Silo avec lleli La principale dillérence a con-
sisté en ce que le charisme du voyant a un caractère
plus personnel que celui du prêtre, qui est social. Il
se rapproche ainsi du ndbi'. Lehrbuch der alllesta-
ménlliclten Religionsgeschichte, 2e édit., l'ribourg-
en-Bcisgau, 1899. p. 9-2-93. Cette dernière théorie est
démentie par les faits, et au lieu que le prêtre soit ori-
ginairement un devin, le devin n'est chez les Sémites
qu'un prêtre dégradé. Cf. J. Lagrange, Éludes sur les
religions sémitiques, 2e édit.. Paris,' 1905, p. 218. Si les
anciens rationalistes regardaient les voyants d'Israël
comme les successeurs de Moïse et les continuateurs
de son œuvre religieuse et morale, la plupart des ra-
tionalistes récents pensent que Samuel a inauguré la
série et que le peuple d'Israël n'avait pas eu dévoyants,
ni au désert, ni au commencement de son installation
au pays deChanaan. M. Loisy cependant estime que les
voyants d'Israël, Débora et Samuel, ont fait suite à
Moïse et ont rendu, comme lui, des oracles au nom de
Jéhovah, tout en s'occupant d'ordinaire d'intérêts pri-
vés. La religion d'israi l, Paris, 1901, p. GO. Organes de
Jéhovah, les voyants ne sont pas les prédicateurs de leur
Dieu, parce qu'ils n'avaient pas besoin de le prêcher.
2° Les nebi'im. — A la même époque apparaissent
des prophètes enthousiastes et possédés de la divinité.
Ils sont mentionnés pour la première fois dans la lé-
gende de Samuel, el les personnages antérieurs, Abra-
ham. Moïse, Marie. Débora, sont nommés prophètes ou
prophétesses par projection des notions du temps de
l'écrivain dans le pissé qu'il raconte. Les premiers
nebi im, contemporains de Samuel, n'étaient ni des
devins, ni des prêtres. Ils ne rendaient pas d'oracles
et, à plus forte raison, n'instruisaient pas le peuple.
C'étaient des exaltes, des cor\ hantes extatiques, réunis
DICT. DE LA BIBLE.
en groupes et formant des associations. Ils prophéti-
saient par leurs cris el leurs attitudes, au son des ins-
truments de musique. Saiil qui les rencontra en reve-
nant de chez Samuel, fut sai>i par l'esprit du Seigneur
et prophétisa avec eux; il devint un autre homme, de
telle sorte que ceux qui l'apprirent disaient : i Saii!
est-il donc du nombre des prophètes? « 1 Sam., x. 5,
6, 10-12. C'étaient des hommes obscurs, dont personne
ne connaissait l'origine, ou des gens mal famés, sans
naissance, ni bonne renommée. Saiil, seul et isolé', eut
dès lors des accès particuliers, qu'on attribuait à l'es-
prit mam. ds dé Lieu. Il prophétisait, c'est-à-dire faisait
l'insensé dans sa maison, et on était obligé de recourir
a un harpiste pour le calmer. I Sam., xvi, 11-16.23:
xvill, 10: xix, 9. Les soldats envoyés par lui pour
prendre David, qui s'était réfugié à Ramatha, rencon-
trèrent une troupe de ces nebi 'im qui prophétisaient
et, saisis par la contagion, se mirent à prophétiser eux
aussi. D'autres émissaires, envoyés après eux, furent
encore gagnés par l'exemple et le même fait se pro-
duisit une troisième fois. Saùl enfin se mit en route et,
chemin taisant, il fut saisi par l'esprit prophétique, et
se dépouillant de ses vêtements, il tomba par terre et
prophétisa tout nu ce jour-là et la nuit suivante, de
sorte qu'il passa dès lors en proverbe dédire : « Saiil
est-il donc du nombre des prophètes? » 1 Sam., xix,
20-21. Ces nebi im, auxquels Saiil se mêla à deux re-
prises, étaient donc de véritables corybantes, qui se
procuraient une ivresse oi giaslique. et dans leur enthou-
siasme extatique se livraient à des actes de folie sacrée.
Selon M. Loisy, op. cil., p. 60, ces inspirés » n'étaient
censés les organes de Jabvéhqu'à raison des phénomènes
extraordinaires qui se manifestaient en eux ». Toute-
fois, selon Smend, op. cit., p. 79, ils rendaient des ora-
cles durant leur extase.
Les critiques rapportent généralement leur origine à
l'époque de leur première mention dans l'histoire d'Is-
raël. Le nabisme parait alors nouveau, extraordinaire,
mal défini encore. Budde, Die Religion 'les Volkes
Israël bis zur Verbannung, (Jiessen, 1900, p. 90. 11 est
donc, selon ce critique, d'origine palestinienne. Cornill,
Derisraelilische Prop/ietisrjiws,4«édit.,Slrasbourg,'t903,
p. 12, qui l'ait dériver le mot ndbi' dune racine arabe,
en conclut que l'Arabie a été la patrie du prophétisme.
Cf. Cheyne, Encyclopsedia biblica, Londres, 1902, t. in,
col. 3857. Mais la plupart des critiques lui reconnaissent
une origine chananéenne. « Baal avait de ces confréries
et cette forme inférieure du prophétisme aura passé
des Chananéens aux Israélites, i A Lois\. op. cit., p. 60.
Kraetzschmar, op. cit., p. 10, a cherché à expliquer leur
apparition en la rattachant à l'oppression des Israé-
lites par les Philistins à la fin de l'époque des .luges.
Des fanatiques de Jahvéh se levèrent alors pour soule-
nir la supériorité de leur dieu national sur l'idole
Dagon des Philistins et pour maintenir en Israël le culte
de Jahvéh. Leur enthousiasme religieux produisit les
accès de folie religieuse, qu'on remarque chez eux. qui
frappèrent l'attention des foules et les rattachèrent plus
fermement ou même les ramenèrent au culte de leur
dieu. Ils continuèrent leurs manifestations religieuses
sous le règne de Saiil, qu'ils avaient entraîné dans leur
parti. Leur exaltation religieuse se compliquait d'une
exaltation psychique, maladive, qui les poussait à l'ac-
tion et qui développa une piété plus ardente envers le
dieu national. Budde, op. cit., p. 90-94. Toutefois, pense
ce critique, lue. cit., p. 90, il reste toujours possible
que le nabisme ait existé déjà auparavant en Israël, au
moins dans une partie du peuple, el que. après un long
assoupissement, il ait pris sous l'oppression philistin-
une signification et une ampleur, jusque-là inconnues.
II. PÉRIODE ni: TRANSITION JUSQU'A ÉLIS ET I I Kl I
SOI - ACBAB. — Durant cette période, les voyants el les
prophètes se sont rapprochés au point de se confondre
V. - 24
739
PROPHÉTIS.ME
740
enfin dans l;i personne d'Elisée. L'enthousiasme des
nebi'im s'atténue fortement; les prophètes cessent d'être
hors de raison; il- deviennent voyants et reçoivent des
communication- de Jéhovah. D'autre part, les voyants
prennent quelques allures extraordinaires des anciens
prophètes exaltés el l'ont des actes plus singuliers que
ceux qui sont attribués à Samuel dans les anciens ré-
cits. Élie el Elisée inaugurent un ministère, qui est
une soi te d'ap istolat par protestation contre l'introduc-
tion de Baal et des dieux étrangers en Israël. Autour
d'Elisée, qui était un voyant, se groupent des troupes
d'inspirés; ils devinrent ses disciples, et ils ont des ré-
vélations. Les voyants prenaient alors le nom de pro-
phètes, et les inspirés sont appelés Gis de prophètes.
Suivant la remarque de Kraetzschmar, op. cit., p. 23,
il n'est pas toujours facile de discerner dans l'histoire
de cette période de transition, à quelle catégorie des
voyants ou des prophètes il faut ranger certains per-
sonnages, et il se peut que, dans les anciens récits, le
nom d'un groupe ait été attribué à des individus de
l'autre groupe. Par suite, les critiques ne sont pas d'ac-
cord sur le classement pis plus que sur certains dé-
tails, dont ils admettent ou contestent l'historicité.
[] relèvent cependant, même chez les prophètes
Élie el Elisée, qui paraissent être les successeurs des
voyants, des traces du caractère extatique des anciens
neb iim. Ainsi Klie courut au gilop devant le char
d'Achab durant tout le trajet du Carmel à Jesraël.
I (III) Reg., xvill, 1446. Elisée irrité eut besoin d'ap-
peler un harpiste pour calmer son courroux et se
procurera l'aide de la musique l'inspiration prophéti-
que. II (IV) Reg., m. !.">. Quand ce prophète envoya un
- disciples pour oindre .lélm, ce lils de prophète
remplit sa mission, seul. snns témoin, dans lâcha
de Jéhu, et des qu'il eut fini, il ouvrit aussitôt la porte
et s'enfuit. Les soldats demandèrent à leur chef
Pourquoi ce fou est-il venu te trouver ? II (IV) Reg., ix,
1-1 1. Ce terme de •;:--. • fou, insensé », servait a dési-
gner les prophètes. Cf. Ose.. IX. T. S: .1er., XXIX, -21''.
La conduite du lils de prophète, qui se fail frapper par
un passant, el qui. couvert de son turban, se présente
au roi Achab et lui propose un cas de consciem . paraît
bien extravagante. Aussi, lorsqu'il eut enlevé le linge
qui couvrait son visage, le roi le reconnut pour un
prophète, pour un homme exalté el singulier. MU Re
\x. 33-41. Kraetzschmar, op. cit., p. 9, après Stade, a
même cm reconnaître dans cel épisode une preuve
que les fils de prophètes perlaient sur le front entre
les yeux des cicatrices sacrées, que ce critique a appe-
lées des «t marques de Jahvéh s, tatouage qui distinguail
ceux qui appartenaient a ce dieu el qui se pi
sous sa protection spéciale. In nabi ne voulait-il pas
être reconnu, il couvrait son front d'un linge el cachait
ses en 'Milices caractéristiques. Achab reconnul a ce
signe le fils de prophète, qui s'était présenté à lui ainsi
voilé'. Pour les mêmes sknos aux mains, on renvoie a
Zach., xiil, 3-6. CI". A. Van Hoonacker, /.es i touze petits
prophètes, Paris, 1908, p. 686-687. C'esl parce que le
nôbV el le lils de nâbï étaient encore mal considérés
et passaient pour îles insensés qn Aine-, le premier
prophète écrivain, déclare qu'il n'es! ni nâbï ni lils
de inlhl , Vil. I i.
I le. ,1,111- la légende el dans t'histoii ■ appareil comme
l.i personnifia i idéale du prophète puritain de Jého-
vah. Il e-l i-.'le. Une M'aie p.n-.e 1' Ic.lell-e lamine.
q [u'i Ile soil empoisonnée par un sombre fanatisme.
unjéhoviste intégral, c'est-à-dire un adorateur de
Jéhovah, de u bon, juste, quoique sévère, exigeant un
culte i 'al, eu esprit el en vérité, Sous le règne
d'Achab, qui favorisait h- culte de Baal, la religion
nationale courait de grands risques. Le prophète se lit
Ire de son l lieu : mais c'i tait un apôtre ardenl
exalté, qui n<' recula ],as devanl l'emploi de
moyens violents pour faire triompher ses idées reli-
gieuses et morales. Il esl entré en lutte ouverte avec
Achab et a fait égorger les prêtres de Baal. Mais la
légende l'a peut-être fait plus fanatique qu'il n'était en
réalité. Son disciple. Elisée, continuateur de son esprit,
est entouré de lils de prophètes, c'est-à-dire de nebi'im
proprement dits, qui étaient de la même catégorie que
les nebi'im exaltés du temps de Samuel. C'étaient des
adorateurs fervents de Jahvéh qui s'élevèrent, à cette
époque de crise nationale et religieuse, pour l'honneur
d'Israël et de son Dieu. Ils protestaient contre l'intrusion
du culle étranger et polythéiste de Baal. Budde. op. rit.,
p. 9i. Elisée les avait organisés en corporations, sur la
nature et le but desquelles on est loin d'être d'accord.
Généralement, on admet qu'on s'y exerçait à l'art pro-
phétique et qu'on y recourait à des moyens naturels.
à des recettes, à des procédés pour exciter l'inspiration.
« La plupart d'entre eux, dit M. Maspero, Histoire des
peuples de l'Orient classique, Paris, 1897, t. u, p. 749,
étaient installés auprès des temples, et ils y vivaient en
termes excellents avec les membres du sacerdoce
régulier. Ils y répétaient au son des instruments les
chants où les poètes d'autrefois avaient exalté' les
exploits de Jahvéh, et ils en extrayaient la matière des
histoires semi- religieuses qu'ils racontaient sur l'origine
du peuple, ou bien ils s'en allaient prêcher à l'aventure
dès que l'esprit les saisissait, isolés, ou le maître avec
son disciple, ou par bandes inégales. Le peuple se pres-
sait autour d'eux, écoutant leurs hymnes ou leurs his-
toires de l'âge héroïque: les grands, les roi- mêmes
subissaient leurs visites et enduraient leurs reproches
ou leurs exhortations avec un respect mêlé de terreur, i
Et M. Loisy. op. rit., p. 61, conclut : i L'institution
semble décliner après la mort d'Elisée, et elle n'a pa-
dû, en tout cas. survivre au royaume d'Israël. Amos,
Osée, [saie ne sortent pas de ce milii u
;;/. PÉRIODE DBS PROPBl PES ÉCRtVAlXS, D( Ml' Al
rv siècle. Ces prophètes sont en progrès notable
sur les précédents. Il- tiennent encore du devin, mais
ils n'ont plus rien du prêtre. Ils sont les héritiers di
Samuel el des voyants el non de- caltés, dont
pourtant ils portent le nom, mais avec une autre signi-
fication. On les consultait encore, comme on avait
consulté Samuel, sur toutes sorte- île sujets, et ils ré-
pondaient a toutes les question-, i Les rois d'Israël et
de .luda. avant de partir en guerre, interrogent les pro-
phètes -m le succès de leurs expéditions. Beaucoup
d'individus faisaient métier d'annoncer l'avenir el de
fournir des renseignements sur les choses cachées, le
tout au nom de Jahvéh, mais comme ils l'auraienl l'ait
au nom de Camos en Moab : ce sont ceux que l'Écriture
appelle faux prophètes, et qui pratiquaient, en quelque
façon, la divination pour elle-même. Les vrais pro-
phètes exercent aussi la divination, mais en Mie à une
u supérieure, el les réponses qu'ils donnent au nom
de Jahvéh sont en rapport avec le caractère moral de
lenrlhen. Il.ius le temps et le milieu où ils vivaient, un
enseignement dogmatique n'aurait eu aucune prise sur
le commun des h mes. un eût mieux aimé recourir
aux sorcier- que de se passer d'oracle-. Les vrais pro-
phètes en ont donc rendu, et beaucoup, selon que
I l sprit les leur suggérait; mais nous les voyons de
bonne I 'e -ni. ordonner leurs réponses a un principe
n i ,i, j une condition religieuse el morale qui peut
se résumer en ce- terni is : Jahvéh vous protégera -i
vous lui el,- fidèles; il vous abandonnera si vous
l'abandonnez. El comme ils en viennent de plus en
plu- a s'occuper des intérêts généraux de la n
leurs prédiction- -e transformenl progressivement en
véritables prédications sur la providence de Jahvéh, ses
desseins, sa justice, les moyens de prévenir ses
i part à sa miséricorde, i A. I
op. cit., p. 61-62.
741
PROPHKTISME
74i2
Ces propliètes ne se bornaient donc pas à prédire
l'avenir; ils enseignaient une doctrine complète, qu'ils
prêchèrent d'abor I et qu'ils écrivirent ensuite pour
que leurs successeurs et la postérité en tirent profit.
Sous ce rapport même, les critiques rationalistes
exagèrent et faussent l'inlluence des prophètes du vin»
siècle, quand ils en font les créateurs du monothéisme
el les fondateurs de la théocratie. A l'époque d'Élie et
d'Elisée, la religion d'Israël n'avait pas encore rompu
complètement avec l'idolâtrie. Ces prophètes, qui com-
battent avec la dernière énergie le culte de Iiaal, ne
disent rien contre l'adoration du veau d'or à Béthel.
Leur jéhovisme cependant est déjà monolàtre, puisqu'il
n'est jamais fait mention d'un autre dieu, pas même
d'une déesse compagne et épouse. Les prophètes du
vme siècle sont monothéistes. Jëhovah, pour eux, est le
vrai liieu, le Dieu universel, maître du monde entier,
unique par nature, invisible et spirituel, saint, juste et
miséricordieux. Une fois en possession de cette idée
monothéiste, obtenue par la comparaison du dieu na-
tional avec les dieux des peuples voisins, par la consta-
tation de sa supériorité et finalement par la conclusion
de son unicité et de sa supériorité universelle, ils s'en
firent les apôtres et les prédicateurs. Ils travaillèrent à
la faire accepter par les rois, les prêtres et le peuple
lui-même. La lutte fut longue et le triomphe ne fut défi-
nitif qu'après le retour de la captivité de Babylone.
Ils furent aussi les créateurs du culte moral. Aupara-
vant, Jéhovah n'était honoré que par des actes extérieurs
et par des sacrifices. Les prophètes découvrent que le
Dieu unique et véritable demande le culle du cœur, la
justice, la vertu, l'obéissance à sa loi, supérieure aux
victimes et aux sacrifices. Ainsi donc, « la critique
historique ne s'est pas bornée à détruire les croyances
traditionnelles, ainsi qu'on l'en accuse trop souvent.
Elle a reconstruit après avoir démoli. En replaçant les
prophètes d'Israël dans leur véritable milieu historique,
elle a fait ressortir leur incomparable originalité', la
haute valeur de leurs prédications enflammées; elle a
reconnu en eux de véritables ancêtres de la conscience
moderne, et s'ils ont perdu leur caractère miraculeux,
ils y ont infiniment gagné en grandeur morale. »
J. Réville, Le prophétisme hébreu, Paris, 1906, p. 2.
Mais enfin, en quoi consistait donc, au sentiment de
ces critiques, l'inspiration des prophètes, hommes
d'action et écrivains? L'ancien rationalisme, celui de
Voltaire et des encyclopédistes, ne voyait dans les pro-
phéties que de pures conjectures sur l'avenir religieux
«t politique, capables de séduire les simples et d'en-
llammer les fanatiques, ou bien des prédictions post
eventum, c'est-à-dire l'histoire du passé écrite sous
forme de prophétie, donc un procédé littéraire employé
pour attirer l'attention, frapper l'imagination et aider
la mémoire. Les rationalistes plus récents ont rejeté
cette fausse conception et réduit les oracles post even-
tum à un minimum de prédictions trop claires- Pour
eux, l'inspiration des prophètes d'Israël, sans
être surnaturelle et directement divine, est cependant
réelle et religieuse. Ils y sont allés par degrés. Les
prophètes d'Israël ont d'abord été des prédicateurs
d'une doctrine élevée, des hommes d'une foi profonde,
des orateurs inspirés par de grandes pensées, qui attri-
buaient à Jahvéh leur propre inspiration. Mais cette
inspiration provenait de leur exaltation religieuse; ils
la puisaient dans leur enthousiasme pour la vraie reli-
gion. Ils se mettaient constamment en rapport avec
Dieu, et ils se regardaient comme ses serviteurs et ses
messagers. Dieu, la religion, la morale étaient l'objet
de leurs principaux discours. Ils rattachaient toutes
leurs paroles à un ordre d'idées purement religieux;
mais ils s'inspiraient toutefois réellement de leurs
propres convictions, qu'ils attribuaient à Dieu. Des
critiques plus récents ont reconnu cependant dans ce
sentiment religieux une action de Dieu, réellement
exercée dans l'âme des prophètes. La prophétie ne
vient pas de Dieu en ce sens seulement qu'elle est,
comme toutes les œuvres humaines, produite par les
facultés que Dieu a données à l'humanité. Il y a plus.
Le prophète a conscience que la pensée qui lui vient,
que la conviction qui s'empare de son esprit, n'est pas
de lui, qu'elle ne lui est pas arrivée par la voie ordi-
naire du raisonnement, et il l'attribue à Dieu. Pour-
quoi? Parce qu'il n'en trouve pas la source en lui. Il
se sent inspiré, il le déclare, et nous ne pouvons douter
de sa parole. Bien que les idées prophétiques ne lui
aient pas été communiquées par révélation surnatu-
relle, elles sont de Dieu, parce que la disposition qui
les a produites dans l'esprit du prophète est l'œuvre de
Dieu en lui. L'esprit de Jéhovah est entré et a agi dans
l'esprit de l'homme. Les prophètes expliquaient ainsi
l'obsession intérieure d'une grande pensée qui rem-
plissait leur âme et dont l'origine psychologique échap-
pait à leur conscience. Ils étaient sincères, et leur
inspiration venait de Dieu en quelque manière.
Voir ' Knobel, Der Prophetismus der Hebrâer, 1837;
'M. Nicolas, Du prophétisme hébreu, dans Études cri-
tiques sur la Bible, Ancien Testament, Paris, 1862,
p. 301-442; 'A. Béville, dans la Revue desdeux mondes,
juin 1867, t. i.xix, p. 823; 'Dillmann, Ueber die
Propheten des aile» Bundes, 1868; "Kuenen, Histoire
critique des livres de l'Ancien Testament, trad. franc.,
Paris, 1879, t. il, p. 1-52; kl.. De profelen eu de
profetie onder Israël, 1875; trad. anglaise, Londres,
1877; 'Robertson Smith, The prophète of Israël ami
their place in history, Edimbourg, 1882; ' Darmesteler,
Les prophètes d'Israël, Paris, 1895; "Cornill, Der
israelitische Prophetismus, 1894 ; \- édit., Strasbourg,
1906; ' Giesebrecht, Die Berufsbegabung der alltesta-
mentlichen Propheten, 1897; 'S. Michelet. lsraels
Propheten als Trâger der Offenbarung, trad. alle-
mande, Eribourg-en-Brisgau, 1898; "Smend, Alttesla-
mentliclie Religionsgeschichte, 2e édit., Friliourg-en-
Brisgau, 1899, p. 78-93, 187-2(111, 253-26', ; ' Kraelzschmar,
Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et
Leipzig, 1901 ; 'A. Sabatier, Esquisse d'une philosophie
de la religion, 1' édit.. Paris. 1903, p. 151-162:
"B. Stade, Biblische Théologie des Allen Testaments ,
Tubingue, 1905, t. r, p. 124-126, 131-132, 201-212 ;
M. Réville, Le prophétisme hébreu. Esquisse de son
histoire et de ses destinées, Paris, 1906.
III. Critique. — Les preuves, précédemment données
aux trticles Prophète, col. 711, et Prophétie, col. 730,
de l'inspiration divine des prophètes d'Israël rendent
inadmissible le prophétisme, qui n'est qu'un essai
d'explication naturelle d'un phénomène surnaturel et
divin. Par conséquent, nous pourrions nous borner à
conclure que l'institution prophétique en Israël et que
son développement séculaire ne se justifient pas par
les seuls agents de l'histoire, et qu'ils dépendent d'une
vertu surnaturelle, que les prophètes eux-mêmes ont
nommé l'Esprit de Dieu. Cependant, comme cet Esprit
divin a pu se servir des causes secondes agir et se
manifester diversement suivant les temps et les milieux,
il se pourrait qu'il y ait quelque vérité dans ses mani-
festations extérieures, telles que les critiques les dé-
crivent, en ne tenant pas suffisamment compte de la
puissance surnaturelle qui agit. Il y a donc lieu de se
demander si les conclusions des critiques sur le déve-
loppement de la prophétie en Israël ne sont pas cer-
taines et coneiliables avec l'action divine sur les pro-
phètes.
1" La distinction entre les voyants et les prophètes
au temps de Samuel, si elle était démontrée, pou-rail
se concilier avec l'enseignement catholique, et elle
prouverait seulement la diversité des dons divins et
des manifestations prophétiques. Mais elle est loin
743
PROPHÉTISME
744-
d'être certaine, et les raisons invoquées pour prouvera
■ ratio» complète de ces deux catégories d hommes
inspirés ont paru insuffisantes à M. Jean Reville lui-
même, Le prophélisme hébreu, p. 9. On recourt a des
traditions différentes, qu'on prétend discerner dans les
livres dits de Samuel. Mais la ré-
teur, I Sa iu., ix. 9, montre quil ny
avait pas, dans les documents qu'il connaissait, de
,,,.. i i, „ tranchée entre le rô'éh et le nabi .
„el, que Saûl va consulter, n'ignore
, lont il annonce la rencontre an futur
,mme signe de la vérité de la communication
divine el de la vocation à la royauté. I Sam., x. 5-7.
: David s'esl réfugié auprès de Samuel à Ra-
matha le voyanl préside les scènes prophétiques des
nebrhii. I Sam., mx. 18-20. 21. Ainsi donc, dans les
deux seules circonstances dans lesquelles il est ques-
tion de ces nebi'im, Samuel, le voyant, est en rela-
tions avec eux. C'est un indice certain que la distinc-
tion des deux catégories de prophètes n'est pas aussi
évidente qu'on le prétend, el pour l'introduire il faut
attribuer au rédacteur du livre un travail de concilia-
tion de deux traditions dont la diversité n'est pas dé-
montrée. M. Van Hoonacker distingue les prophètes
cation personnelle, tels que Amos, etc., des pro-
phètes par état et consécration volontaire. Ceux-ci ont
été groupés à l'époque de Samuel et de Saûl, puis,
dans le royaume du nord, autour d'Élie et d'Elisée.
lui sein de ces corporations sortaient parfois de véri-
tables o hommes de Dieu », distingués par une voca-
tion pris. elle. Mais aussi de ces prophètes par état
provenaient les faux prophètes, qui se prétendaient
investis d'une mission d'en haut. Les douze petits pro-
phètes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-être
admise.
Quant à la nature des fonctions du voyant, on ne
peut les réduire à celles de devin et de sorcier qu'en
ne prenant dans les récits actuels que ce qui va à la
théorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des
intérêts privés, tels qu'au sujet d'ànesses égarées,
I Sam., i\, 8, 9, Samuel avait reçu la veille une révé-
lation divine concernant Saûl et sa vocation à la
royauté, 15, 10; el Dieu lui en donne confirmation,
quand Saûl se présente, 17. 11 n'a pas hesoin d'être
mi au courant de l'affaire, et avanl d'avoir été inter-
rogé, il renseigne sur le sort des finesses. 20, et il
s'engage à révéler le lendemain à Saûl ses pensées les
plus intimes, 19. si Saûl se préoccupe du cadeau à
offrir, c'est qu'il ne connaissait pas Samuel et que, sur
les renseignements de son serviteur, il le prenait pour
,,,i ,1 .in ordinaire, 7. En l'ait, on ne raconte pas qu'il
lui ait offert la pièce d'argent, dont parle le serviteur.
8. Les événements furenl tout autres que ceux qu'il
i1 udait, el le lendemain, Samuel le traita royale-
ment, 22-24. Plus lard, devant tout le peuple réuni,
Sai 1 déclara qu'il n'avait jamais reçu de présents
dans sa judicature, el le peuple le reconnut hautement.
I Sam., \u, 3-5. si le sort est jeté pour le choix du
roi, c'esl devanl la face de Jéhovah, c'est-à-dire proba-
blement auprès de l'arche. 1 Sam.. IX. 19. On n'en
pi ut conclure que Samuel était un vulgaire sorcier. En
outre, le voyant est appel,' i homme de Dieu -, I Sam.,
ix, 6, 7. 8, i". donné à d'autres prophètes, qui
ni ,, , de devins. I (III) lie-., xn. 22; xvn. 18;
II (IV) Reg., iv, 9. La prévision des signes donnés du
h. I Sam., x. o-7. n'a pu avoir lieu qu'en
vertu du don prophétique, l'eue, le récit tout entier, le
ni m i quel s'appuie la théorie du voyant, orciei
vin, nous montre en Samuel, le premier voyant
,,. un véritable prophète. Donc, il n'es! pas prouvé
que la prophétie hébi tiré son oi igine de la
divination. Et s'il j a, entre quelques formes de la
prophétie primitive et la divination superstiliei
nalogies extérieures, elles ne peimelttnl pas de con-
clure à l'identité du fond. Elles indiquent seulement
que les premières manifestations de l'esprit prophé-
tique se produisirent sous des formes imparfaites.
adaptées aux usages de ces temps reculés et aux idées
encore peu élevées du peuple juif. Pour le détourner
des pratiques superstitieuses des Chananéens, Dieu
daignait condescendre à la faiblesse humaine et donner
aux Israélites des moyens de communiquer avec lui et
de connaître ses volontés, même en des choses de
moindre intérêt, par l'intermédiaire de ses prophètes,
comme il l'avait promis. Deut., XVIII, 0-22.
Le soi-disant délire prophétique des nebi'im exaltés
ne repose que sur quelques textes qu'on interprète
dans un sens défavorable. Saûl devait rencontrer une
troupe de prophètes, qui descendaient du haut-lieu,
précédés d'instruments de musique et « prophétisant i
L'esprit du Seigneur devait se saisir de lui; lui-mêm
devait o prophétiser » et devenir un autre homme. Les
faits se passèrent comme Samuel l'avait annoncé. Saûl
rencontra les prophètes: l'esprit divin s'empara de lui,
et au grand éloiinemeiii des assistants, Sanl « prophé-
tisa » avec eux. 1 Sam., x. 5, 6, 10-13. Hien dans ce
récit ne décèle des extatiques, el il n'est rien dit de la
nature de l'acte prophétique accompli. L'étonnemeii
des assistants ne porte ni sur les qualités des nebi'im
ou la singularité de leurs actes, mais seulement sur le
fait que Saûl se mêle à eux et est saisi lui-même par
l'esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par
ces prophètes, voir t. Il, col. 1569-1570. Si, dan- sa
maison, Sanl commet plus tard des actes de fureur el
de folie, c'est qu'il était sous l'inlluence d'un espril
marnais, qui s'était empan', de lui et qui n'avait rien de
commun avec les actes prophétiques des nebi'im. Une
seconde fois, I Sam., xix. 18-24, il prit part aux acte- des
nebi'im, ainsi que les trois troupes de soldats qu'il avail
envoyées pour prendre David. Ici encore, les prophètes
t prophétisaient ». L'esprit du Seigneur saisil les sol-
dats, et ils prophétisent à leur tour. On parle de con-
tagion communiquant le délire prophétique. Rien dans
le texte ne l'indique. Il y a seulement une action de
l'esprit divin, qui fait participer les soldats aux exer-
cices lies prophètes, quels que soient d'ailleurs e, -
exercices. Le cas de Sanl est plus compliqué'. En che-
min et avanl d'arriver à Itamatha, il est déjà SOUS
l'action de l'esprit et il se met à » prophétiser ». S'il
v a eu contagion, ça été contagion à distance. Arrivé, à
Ramatha, il se dépouille de ses vâtements el il prophé-
tise avec les autres. , El il tomba nu ce jour-là
et la nuii suivante, i On voil ici la chute cataleptique
de l'extase, en se référant à Balaam. Num., xxn. i.
16. Plusieurs commentateurs catholiques l'ad ttenl
quoique \ on C.all, Zusa m 1,1 e n tset :u nij und Herkunfl
der Bileamperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie la
parité avec Balaan el jnstemenl semble-t-il, puisque
ee devin a des visions, que n'ont pas les nebi'in di
Saûl. Ce détail, joint à la nudité el à la longue dure,
de l'extase, rend le cas de Saiil forl singulier el extraor-
dinaire. Ainsi entendu, il ne peut être généralisé et
appliqué- à tous les nebi'im. 11 semble plutôt que c'est
Un cas unique, qui s'explique, dans les cil'Coll-
spéciales, par les mauvaises dispositions de Saûl contre
David, que Hien voulail changer par une action plus
énergique. Quoi qu'il en soit, ce sont là les seuls ren-
ments que nous ayons sur les nebi'im exaltés,
nporains de Samuel. Suffisent-ils réellement à-
justifier la Ihéorie qu'on échafaude sur eux?
n'es pas fondé à traduire mifnabbé'im par., faisant
les fous, les insi usés o, ou hien étanl dans le délire
prophétique „. On n'a pas de raison non plus d'atlr -
buer l'occasion , le leur exaltation religieuse à l'oppre*
M,,n des Israélites par les Philistins. Quand ils apps
al dan- les recils bibliques, les nebi'im n'ont
PROPHETISME
746
aucune relation avec celle situation politique. On ne la
suppose que par comparaison avec les benë han-
nebi'ttll, qui entourent Elisée et qui luttent avec lui
contre Achab. On conjecture qu'une cause analogue a
provoqué l'élan prophétique du temps de Samuel. Tout
cela ne sort pas du champ des hypothèses, et l'existence
des prophètes exaltés, véritables corybantes de Jahvé,
n'est pas prouvée.
D'autre part, nous sommes trop peu renseignés sur
les actes des nehiim de cette époque pour nous faire
une idée juste de leur nature et de leur inlluence re-
ligieuse. En particulier, le côte extraordinaire de leurs
manifestations collectives nous échappe complètement,
et c'est abuser de quelques ressemblances générales
que de les assimiler entièrement aux phénomènes con-
vulsifs d'autres mouvements analogues plus récents. On
ne peut, en tout cas, leur enlever tout caractère reli-
gieux et il est légitime de penser que ces bandes orga-
nisées de dévots serviteurs de Jéhovah, courant le pays
au son des instruments de musique, priant et peut-être
prêchant, ont. en un temps de marasme religieux, pro-
duit une grande impression. Ils étaient une preuve
manifeste de l'action de Jéhovah en Israël et ils ont pu
aboutir à relever le niveau religieux et moral de la
foule. L'Esprit de Dieu, qui agit différemment suivant
les époques et les milieux, a suscité un mouvement
extraordinaire, capable d'exciter alors dans le peuple
la piété, l'espérance en Dieu et la confiance en l'avenir.
2» Si, comme nous le pensons, la première période
•du prophétisme en Israël n'a pas présenté les caractères
imaginés par les critiques rationalistes, la seconde pé-
riode, dite de transition, perd déjà par le fait même sa
caractéristique générale, car il ne peut y avoir transi-
tion d'un état qui n'a pas existé à un état futur. Élie
diffère beaucoup moins de Samuel qu'on ne le pré-
tend, et c'est un indice assuré que la série des
voyants se continue sans modification essentielle, et
que, s'il y a progrès, il n'est pas aussi sensible qu'on
le dit. Ce qu'on appelle le « galop » d'Élie devant le
char d' Achab, accompli sous l'action divine. I (III) Reg.,
xvin, 16, avait sans doute pour but de frapper par sa
-singularité l'esprit du roi, au début de l'activité pro-
phétique d'Elie. Si Elisée demande un harpiste avant
de répondre à la consultation de.losaphat, II (IV) Reg..
m, 15, ce n'était pas pour se préparer directement à
l'inspiration prophétique qui ne dépendait pas de
moyens extérieurs, mais de la seule volonté de Dieu;
•c'était pour calmer l'irritation dont il s'était animé lui-
même en parlant au roi d'Israël. Il n'y a pas à s'étonner
que des soldats, ayant remarqué la fuite précipitée du
(ils de prophète qui était venu sacrer Jébu, l'aient
traité d'insensé. II (IV) Reg., ix, 11. Si l'épithéte a le
sens injurieux ou méprisant qu'on lui donne, cela
viendrait du peu d'estime que ces soldats avaient pour
les prophètes. On ne doit pas faire grand fond sur une
injure ou une simple moquerie de caserne. Osée, i\.
dit seulement que le peuple traite d'insensé le pro--
phète dont les avertissements l'importunent et qu'à ses
•autres crimes il ajoute celui de persécuter ceux que
Dieu lui envoie. Dans sa lettre au prêtre Sophonie, le
faux prophète Séméias ne parle, selon son sentiment,
que des faux prophètes, des personnes qui feignent
être saisies de l'esprit de Dieu. .1er., xxix, 26. Si l'ex-
pression est injurieuse, elle vient d'un adversaire et
elle vise Jérémie, 27. Vraiment, on ne peut conclure
de ces faits que 7Vùa ait jamais été un nom ordinaire-
ment donné aux prophètes. Cf. Laur, Die Propheten-
namendes alten Testamcntes, Fribourg, 1903, p. 38-40.
L'acte de ce fils de prophète qui se présente devant
Achab, la face voilée, n'est qu'une de ces actions sym-
boliques que les prophètes accomplissaient pourannon-
cer la volonté divine d'une manière plus expressive et
-saisissante. Il se fait blesser pour paraître revenir du
combat. I (III) Reg., xx, 35-41. Quant aux prétendus
signes de Jéhovah que les prophètes auraient portés au
front et aux mains, c'est une de ces hypothèses singu-
lières qui ne résistent pas à un examen attentif.
On suppose gratuitement qu'il voile son tatouage qui,
découvert, le fait reconnaître par le roi pour un pro-
phète. C'est au symbolisme de son action que le roi
reconnaît son caractère prophétique. Zacharie parle de
coups reçus par le faux prophète qu'il met en scène,
et le terme qu'il emploie ne peut s'entendre d'un ta-
touage antérieur de ses mains. Cf. Laur, op. cit., p. 54-
59. Si Amos, vu, li. déclare à Amasias qu'il n'est ni
prophète ni fils de prophète, c'est qu'il est peut-être au
début de sa vocation et qu'il ne fait pas partie d'une
communauté de fils de prophètes. 11 n'en affirme pas
moins sa mission divine et il ne rejette pas un titre
qu'il regarderait comme injurieux, ne voulant avoir
rien de commun, pas même le nom, avec ces insensés
de prophètes. Il répond à l'insinuation malveillante
d'Amasias et il déclare qu'il ne fait pas profession de
prophète dans un but de lucre. Cf. Laur, op. cit., p. 39-
41,50-51; A. Van Hoonacker, Les douze petits pro-
pliètes, p. 269.
Quant aux benë han-nebî'îm, on a pu les distinguer du
ndbi de Jéhovah. Voir Laur, op. cit., p. 59-63. Les pre-
miers ne seraient pas des prophètes proprement, dits
(quoique leur désignation biblique semble équivaloir à
celle de nebi'im), mais des hommes menant, sous la
direction d'un ndbi', un genre de vie déterminé, sans
être généralement doués de l'esprit prophétique. Sur
leurs associations, voir Écoles de prophètes, t. n,
col. 1567-1570. Quoi qu'il en soit, ces fils de prophètes,
groupés autour d'Elisée, ne présentent aucun de ces
caractères excentriques et violents qu'on a voulu attri-
buer aux prophètes exaltés du temps de Samuel. S'ils
en sont les successeurs, ils en ont continué, avec des
différences conformes aux temps, les fonctions et l'es-
prit. Leur organisation parait plus régulière et leur
action non moins efficace. Disciples des grands pro-
phètes, ils faisaient connaître au peuple leur doctrine
et ils ont contribué à arrêter l'invasion du polythéisme
en Israël. Ils étaient, dans cette œuvre, personnelle-
ment animés de l'Esprit de Dieu; cet Esprit les inspi-
rait, les dirigeait et favorisait leur succès : ce qui appa-
raît tout à fait digne de l'action directe de Dieu sur son
peuple choisi.
3» Les prophètes de la troisième période ne diffèrent
donc pas essentiellement de ceux des périodes antécé-
dentes. Us continuent leur univre de direction et
d'enseignement par des moyens nouveaux, plus parfaits
en eux-mêmes peut-être ou selon notre mode d'appré-
ciation, mieux adaptés aux besoins de leur temps et
produisant, par l'écriture, des effets plus durables de
leur ministère prophétique. Distinguer des formes in-
férieures et des formes supérieures de l'inspiration
divine, c'est mesurer l'action de Dieu aux idées hu-
maines. Il reste cependant conforme aux lois de la
providence que, puisque Israël avançait progressive-
ment dans la civilisation, qu'il était plus directement
en rapport avec les grands empires polythéistes et qu'il
avait besoin de mieux comprendre la religion et le
culte spirituels, Dieu ait choisi de nouveaux moyens
d'entrer en communication avec lui était, si l'on veut,
recouru à des formes plus parfaites d'inspiration pour
éclairer ses prophètes. Ce développement et ce progrès
de l'esprit prophétique se comprennent très bien et se
justifient logiquement. Ils diffèrent, il est vrai, de ceux
que les critiques ont créés d'après leurs vues naturelles
et leurs idées rationalistes.
La seule remarque à ajouter est que les prophètes
du vin» siècle ne sont pas les créateurs du monothéisme.
La foi monothéiste d'Israël remontait aux origines de
ce peuple, constitué précisément pour en être le gar-
7-47
PROJMIETISME
'ROPRIETE
7 48
dien dans l'humanité. Voir t. m, col. 1235-1237. Les
prophètes, nous l'avons < I i t ['lus haut, col. 717, uni été
assurémenl les apôtres el les propagateurs du mono-
théisme; mais ils ne l'ont pas fondé. La création du
monothéisme par 1rs prophètes du vm» siècle, non seu-
lement , pas démontrée, mais encore elle se heurte
à des difficultés insurmontables qu'a bien fait valoir
l'abbd di Bi iglie, Questions bibliques, 2« édit., Paris,
I90i, p. 243-320. Leur rôle historique et l'influence des
prophètes d Israël, iris que nous les avons exposés
précédemment, col. 717, ne sont pas pour cela amoin-
dris. De ce 'in'ils les ont remplis et exercés sons l'in-
spiration divine, leur' gloire n'en est pas diminuée. C'est
un honneur pour un homme d'avoir été l'instrument
intelligent, libre et docile de l'Esprit inspirateur. L'in-
spiration prophétique n esl pas une action mécanique
qui l'.ùi mouvoir des agents inconscii nls. Elle a sauve-
gardé, nous ['avons dit, avec la doctrine catholique, la
conscience, l'intelligence et la liberté des prophètes.
Tout en maintenant leur inspiration surnaturelle, nous
pouvons les saluer comme les plus grands hommes
d'Israël et les plus dignes représentants de Dieu dans
l'histoire du peuple choisi. La grandeur de l'œuvre
i|u'ils ont accomplie est la marque la plus certaine que
Dieu a parlé par leur bouche. E. Mangenot.
PROPITIATOIRE (hébreu : kapporét; Septante .
IXaerc^piov, Im'ÔEji.a, ou seulement iXaaTvjpcov ; Vulgate :
propitiatorium), plaque d'or qui couvrait l'Arche d'al-
liance et portait les deux chérubins. Voir Arche d'al-
liance, l. i, col. 913-919.
1" Description. — Le propitiatoire était une plaque
d'or pur, longue de deux coudées el demie (ln>31) et
large d'une coudée el demie (0m78). Aux deux extré-
mités étaient placés les chérubins d'or battu, qui fai-
saienl corps avec le propitiatoire. Les chérubins se fai-
saient face, et leurs ailes déployées vers le haut
couvraient le propitiatoire, en laisant vide l'espace du
milii i . l.i propitiatoire était posé au-dessus de
l'Arche. Exod., xxv, 17-21; xxvï, li'i : xxx.ii, xxxi.7:
xxxv, 12; xxxvii, 6-9; w.xix. :iô; xl, 20.
•1" Destination. — 1. Le propitiatoire servait lotit
d'abord à couvrir l'Arche. Celle-ci, étant un coffre ou-
vrant par le haut et contenant différents objets, avait
nalurellemciil besoin d'un couvercle. Exod., xxv, 21.
- 2. Le propitiatoire était de plus l'endroit où le Sei-
gneur communiquai! avec Moïse'. « Là je me rencon-
trerai avec toi et je te communiquerai, de dessus le propi-
tiatoire, du milieu des deux chérubins, tous les ordres que
|e ledoi ai poui les enfants d'Israël. » Exod., xxv. 22.
< Lorsque Moïse euh ail dans le Tabernacle de l'alliance
pour parler avec Jéhovah, il entendail la voix qui lui
parlait de dessus le propitiatoire placé sur l'Arche du
|r ignagi . entre les deux chérubins, et il lui parlait. »
Num., vu, 89. C'était là comme le tre le Dieu,
l'endroit où il manifestait sa présence et rendail ses
oracles . I esl cette pi é ence ainsi manifestée que plus
tard les Juifs ont appelée lekindh, >■ habitation ». Voir
Gloire de Dieu, t. m, col. 252; Oracle, t. iv, col. 1846.
On comprend dèi loi pourquoi ce dessus du propitia-
toire restail vide, pour servir de résidence au Dieu
ible il dont toute représentation était interdite.
Li s archi - égyptii nue-, au contraire, portaient toujours
m Iconque de divinité. Voir t. i, fig. 24 I.
ol 913,915,918 :; Le jour de la fêle de l'Ex-
til dans le Saint des
ainl pri ua on doigl du sang du taureau
immolé, il aspet oi ientale du propitiatoire
"t sept .mil es a d mm le propitiatoire,
il recommençai! ensuite le même rite avec le sani du
1 mole Lev., xvi, 1 1-15. I
pour kul de prési ntei à
1 1 ndi i prop
3° Signification. — 1. Le mot kapporét vient, d'après
quelques anciens auteurs juifs et quelques modernes.
de kâfar, o couvrir » ; il désignerait donc le propitia-
toire uniquement comme É:;iO=ij.a, « couvercle » de
l'Arche. Il est peu probable que les Hébreux aient at-
taché un sens aussi restreint au mot kapporét, qui
n'est d'ailleurs employé qu'à propos de l'Arche. L'idée
de « couvrir » était tout à fait secondaire dans un
objet qui portait les deux chérubins et servait de trône
à la majesté divine. Puis, aurait-on appelé le Saint des
saints bt't hak-kappôréf, « maison du couvercle »?
I Par., XXVIII, 11. — 2. Les anciennes versions ont fait
dériver le mol du piel kippér, qui veut dire « par-
donner » et « expier o. Cf. Deut., xxi. S; l's. lxv, i;
Jer., xviii. 23; Exod., xxx, 15; Le\., i. i, etc. L'assy-
rien kuppuru ou kapdru a aussi le sens de « purifier,
essuyer ». Les takpirâli sont des purifications que
Vâsipit applique à des personnes ou à des objets
divers. Cf. I"r. Martin, Textes religieux assyriens el
babyloniens, Paris, 1903, p. xxii-xxin; Zimmern, Die
Keilinschr. und tins A. T.. Berlin, 1903, p. 601. L'arabe
kaffdrah, dans le Coran, dé-signe une g expiation » ou
un o moyen d'expiation ». Cf. Hughes, Dict. of Islam,
Londres, 1896, p. 259. Le sens de kapporê( comporte
donc certainement l'idée d'expiation. Les Septante
le rendent par IXaaTrjpiov, du verbe iXô(mou.ai, «expier,
rendre propice. » Dans l'Épttre aux Hébreux, IX, .">, le
même mot désigne le kappôréf. La Vulgate l'appelle
propitiatorium, l'endroit de la propitiation. Le sens
du mot est donc surtout emprunté au rite de la l'été de
l'Expiation. C'est invisiblement présent sur le kap-
porét que Dieu recevait les marques authentiques du
repentir d'Israël, c'est là qu'il accordait au peuple SOD
pardon. Là aussi Dieu communiquai! ses volontés à
Moïse. .Mais ces communications divines se firent après
Moïse par l'Urim et le Thummin et le texte de 1 Re
xiv, 18, à supposer qu'il n'ait pas été altéré, n'indiqua
nullement que l'Arche ail servi pour faire connaître
au grand-prêtre Achias la volonté divine. Tous les ans,
au contraire, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint
des saints pour y implorer le pardon divin. Il était
donc naturel que l'historien sacré parlai de la » maison
de la propitiation », bét hak-kappôréf ■ I Par., xxvin,
11. Le propitiatoire d'or était en réalité le siège de la
royauté de Jéhovah sur Israël . c'estde la qu'il co lan-
dait, c'est là qu'il pardonnait. Au lieu d'être comme
un accessoire destiné' à couvrir l'Arche, le propitiatoire
coiisliluail .m en n Ira ire la pièce principale, dont l'Arche
était comme la base. Aussi les écrivains sacrés aiment-
ils à appeler Jéhovah " celui qui siège entre les ché-
rubins ». I lleg.. IV. i; Il lleg.. VI, 2; IV lieg., XIX,
lô; I l'a... xiii. Il: l's. i xxx (lxxix), 2; XCIX (xcxvm),
1; Is., xxxvii. Iii. Dan., ni, 55. Cf. liâhr, Symbolih
des mosaischen Cullus, Heidelberg, ls:i7, t. i, p. 379-
382, 387-395, — 3. Saint Paul dit que Jésus-Christ a
été montré « c< e iXjto^ptoy, propitiatio, dans son
sang parla foi. t Rom., ni, 25. Le mot iXa<nr,piov a été
retrouvé' dans un certain nombre d'inscriptions; il j
désigne nu « moyen » ou un objel d'expiation » ou de
> propitiation ». C'esl bien le sens de l'hébreu kappo-
rét. Quanl a Noire-Seigneur, il esi présenté par
sainl Paul comme « moyen ou « instrument d'expia-
i il expie i dans son sang i el on s'applique
.■elle expiation i par la foi. » Cf. F. Prat, La théologie
de sainl foui. Paris. 1908, p. 282, 287 289.
II. Lesêtre.
PROPOSITION (PAINS DE). Von Pains di
rosi i io\. n. 2 ". I. iv. col. 1957.
PROPRIÉTÉ, droit eu vertu duquel une chose ap-
partient en propre a quelqu'un.
I. A i i poqi i patri ua ai e. - 1" Dans le principe,
Dieu avait placé l'homme sur la terre en lui disant
749
PROPRIETE
750
lui el à tous ses descendants : kibsu/ui, xataxupteûtraTe
ntÙTTjç, subjicite eam, « soyez-en les maîtres. » Gen., i,
'28. L'homme était ainsi constitué le propriétaire de la
terre, c'est-à-dire de tout ce qu'il pouvait en atteindre
par l'exercice de son activité. Les animaux furent
également mis à sa disposition. Gen., i, 28; ix. 2, 3.
Cette propriété devait-elle rester indivise ou se partager?
Dieu ne l'indiqua point. 11 laissa à l'homme la liberté
de disposer de sa propriété comme il le jugerait bon.
De l'ait, ceux d'entre les hommes qui menèrent la vie
nomade exercèrent leur droit de propriété sur le sol
en l'occupant Iransitoirement et en exploitant ses pro-
duits spontanés pour leur usage et celui de leurs trou-
peaux. Mais déjà les pasteurs nomades possédaient une
propriété personnelle, celle de leur troupeau. Abe]
offrait à Dieu les premiers-nés de « son troupeau »,
c'est-à-dire les prémices d'un bien qui était à lui.
Gen., iv, 'i. D'autres s'établirent à demeure lixe sur une
partie du sol. Un lils de Caïn, Hénoch, bâtit une ville.
Gen.. îv, 17. Le terrain occupé et les demeures élevées
sur son emplacement devenaient, de droit naturel, la
propriété des bâtisseurs. De plus, pour subsister, il
leur fallait aussi posséder des terres environnantes,
soit pour les cultiver. Gen.. îv. 12, soit pour y élever
des troupeaux. La propriété se trouva ainsi constituée
naturellement sous diverses formes, engendrées par
des manifestations différentes de l'activité humaine.
2>' En arrivant dans le pays de Chanaan, Abraham
amenait avec lui les biens qu'il possédait. Ces biens
consistaient surtout en troupeaux. Les Chananéens et
les Phérézéens étaient alors établis dans le pays. Gen.,
xiii. 7. Abraham et Lot n'en faisaient pas moins paitre
leurs troupeaux ici et là sans être inquiétés. Ayant
constaté qu'ils ne pouvaient rester ensemble, Lot s'en
alla dans la plaine du Jourdain tandis qu'Abraham
demeurait en Chanaan. Il existait doncalors des espaces
considérables, sur lesquels les habitants du pays ne
songeaient à revendiquer aucun droit de prepriëté, ou
dont, tout au moins, ils laissaient le libre usage aux
nomades. Dieu toutefois se réservait le droit de dispo-
ser de la propriété du sol, puisqu'il dit à Abraham :
■ Tout le pays que tu vois, je le donnerai à toi et à tes
descendants pour toujours. » Gen., xui, 15. Sur ce sol
occupé d'une manière générale par des peuples séden-
taires, il y avait des propriétés particulières. A Héhron,
Éphron, lils de Séor. possédait un champ, et, au bout
de ce champ, la caverne de Macpélah. Abraham dési-
rait cette caverne pour y inhumer Sara et en faire un
lieu de sépulture à lui. Il lit marché avec Éphron et,
pour quatre cents sicles d'argent, il acquit en toute
propriété le champ et la caverne, avec les arbres qui
se trouvaient dans le champ et tout autour. Gen., xxin,
16-18. Dans les pays inoccupés, les nomades creusaient
des puits pour les besoins de leurs troupeaux, et, bien
que disputés par les populations sédentaires du voisi-
nage, ces puits demeuraient leur propriété. Gen., XXVI,
15, 18-22, 32. A Gérare, en pays philistin, lsaac put
même faire dis semailles et récolter abondamment.
Gen., xxvi. 12. Les fils de Jacob allaient paitre leurs
troupeaux jusqu'à Sichem el Dothaïn, pendant que leur
père résidait à Hébron, où Abraham avait acquis une
propriété-. Gen., xxxvil, 1, H, 17. En somme, au point
de vue de la constitution de la propriété, le pays de
Chanaan apparaît déjà à peu près tel que les Hébreux
le trouveront au moment de la conquête. La population
forme des agglomérations qui possèdent les villes et les
bourgs épars à travers le pays. Les membres de ces
agglomérations comptent parmi eux des hommes qui
sont propriétaires de champs situés dans les alentours.
Puis, entre ces agglomérations, qui ont le haut domaine
sur les habitations et la campagne environnante,
s'étendent des espaces plus ou moins vastes, stériles
ou inoccupés, sur lesquels les nomades peuvent s'éta-
blir Iransitoirement, mais toujours à leurs risques et
périls, comme le montre l'histoire de Lot, Gen., xiv,
12-16, et celle d'Isaac. Gen., xxvi, 10, 17,20.
II. Chez les Babyloniens. — 1° Le roi possédait de
vastes domaines, à la tète desquels il plaçait des
administrateurs. On trouve mentionnés les ministres
du blé, les chefs des vignes, les chefs des troupeaux
de bœufs, etc. Cf. Rawlinson, Cun. Inser. W. As., t. h,
pi. 31, cul. il, '2; m. 22; vi. 4. Aux temples des dieux
étaient attribués des territoires, des troupeaux, des
biens de toute nature, qui allaient sans cesse en s'accu-
mulant et que se chargeaient d'amoindrir de temps à
autre des voisins pillards ou des rois à court de res-
sources. En principe, la terre était le domaine impres-
criptible des dieux: il convenait donc que les déten-
teurs particuliers tinssent compte de ce droit. Cf. Mas-
pero, Histoire ancienne, t. i, p. 676-678. Le roi accor-
dait à ses officiers des apanages comprenant maison,
champ et jardin. Ces domaines restaient inaliénables
et la vente en était frappée de nullité. Le concession-
naire ne pouvait les transmettre à sa femme ni à sa
tille, qui n'avaient droit qu'aux biens propres de l'époux
el du père. Celui-ci devait pourtant pouvoir transmettre
à son lils les biens reçus du roi, à moins qu'ils ne fissent
retour au donateur, ce sur quoi les textes ne s'expliquent
pas. Cf. Scheil, Textes élamites-sëmitiques, Code de
Hammurabi, art. 35-41, p. 137. Les articles suivants,
12-65, p. 138- 1 40, se rapportent à la gestion des pro-
priétés particulières. Les contrats chaldéens démontrent
que, dans la classe moyenne, chaque famille avait sa
propriété qu'elle s'efforçait de conserver. La maison
était léguée à la veuve ou au lils aine, à moins qu'elle
restât indivise. Les terres, fermes, jardins el autres
biens se partageaient entre les frères ou les descendants
naturels. Au temple, à la porte du dieu, un arbitre
présidait à la répartition, et quand celle-ci était acceptée,
il n'y avait plus à y revenir. Ces partages amoindrissaient
graduellement les fortunes; au bout de quelques géné-
rations, l'avoir des héritiers devenait trop médiocre
pour les faire vivre, et ceux-ci servaient de proie à des
usuriers, s'ils ne parvenaient à relever leur situation.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 748-749. Les
terres étaient limitées par des bornes. Voir Borne, t. i,
col. 1854.
2" En Mésopotamie, Bathuel, père de Rébecca, était
riche et possédait de grands troupeaux. Gen., xxiv,
25. 32. Labi n. frère de Rébecca, élevait au même
endroit de nombreux troupeaux, dont Jacob prit la garde
pendant vingt ans. Gen.. xxxi, 38. .Mais Laban ne vivait
pas en nomade; il avait une maison, Gen., xxxix, 13,
probablement avec des terres alentour, ce qui n'empê-
chait pas de conduire les troupeaux jusqu'à trois jours
de marche, Gen., xxx, 36. dans des endroits dont
l'usage restait libre à tous.
3° Quelques siècles plus tard, les Israélites furent
transportés dans ce même pays. Pendant que leurs
terres de Palestine étaient attribuées a des colons
étrangers, eux-mêmes occupèrent celles qu'on leur
assigna en pays chaldéen. II Reg., xvn, 6, 24. La
propriété ne leur fut ni interdite, ni inaccessible.
Voir Captivité, t. n, col. 234, 235, 239. Aussi Jérémie,
xxix, 4, pouvait-il dire aux exilés : <• Bâtissez des
maisons et habitez-les, plantez des jardins et rnangez-en
les fruits. (
III. Chez les Égyptiens. — 1" En Egypte, comme en
Babylonie, une grande partie du territoire était la
propriété- des temples liiudore de Sicile. I, 21, 71!, dit
que le tiers du pays appartenait aux prêtres. Son affir-
mation a été reconnue conforme à la réalité. Le roi et
mneurs se chargeaient d'arrêter l'extension de
ces biens en mettant la main de temps en temps sur
les revenus des dieux. Il était de principe que, mise à
part la propriété des dieux, le sol entier appartenait
751
PROPRIETE
752
au pharaon. Mais celui-ci avait à faire de nombreuses
largesses à ses favoris el aux seigneurs héréditaires.
Son domaine immédiat ne s'étendait pratiquement que
-m la moitié du pays : ce domaine se rétrécissait quand
les concessions devenaient trop nombreuses, el il se
reconsl il uait quand de grands liefs lui faisaient retour par
ation ou par quelque autre voie. Le pharaon exploi-
tait directement une petite partie de ce domaine au
nue., h de ses esclaves royaux : le reste était confié à des
fonctionnaires qui payaient unereilevanceannuelle. Les
ni droil qu'à l'usufruit de leurs fiefs,
dont la propriété appartenait au pharaon. Cela ne les
■ liait pas de s'y comporter en maîtres absolus
el de les administrer pour leur compte personnel,
soit directement, soit par des fermiers. Quelques
181. Boi ne égyptienne.
■ - Mariette, Monuments divers, pi. 17 n.
cultivateurs libres réussissaient è acheter des domaines
sur les territoires concédés par le pharaon, et dont, par
île, celui-ci restait toujours propriétaire. Ces
cultivateurs pouvaient d'ailleurs, sans nulle opposition,
h. m seulement l'aire valoir leur domaine, mais encore
le léguer, le donner, le vendre ou en acheter de nou-
■ ni i r cela une taxe personnelle el
rbnci i . I.i I ilie.iii.ms apportées frequem-
menl à la configuration du terrain par les inondations
du Nil obligeaient à reviser continuelle al le cadastre
et à limiter exactement chaque propriété par une ligne
181), poi tant souvent le nom du proprié-
I avec la date du dernier bi i nage I f Mas-
ne, t. i. p. 283, ±u'<. 303, 328 La
constitution de la propi » pie tenait à la nature
ne' lu sol produ leur, [ci toui I lent il'i Nil, el les
'erre , ions, ) ■ nous servir
dune expression d'Hérodote, n, ô. sont un véri
présent du fleuve. Toutefois, pour répandre ses bienfaits
sur l'Egypte, le Nil avait besoin d'une main puissante
qui lui creusât des canaux et qui pût diriger ses eaux
fécondantes; la distribution des eaux du Meuve exigeait
le concours de la puissance publique et de l'autorité
souveraine; il fallait que le pouvoir des gouvernements
intervint, et la nécessité de celte intervention dut
changer en quelque sorte et modifier les droits de la
propriété foncière. oMichaud, Correspondance d'Orient,
Taris, t. vin. 1835, p. 64.
•> .losepli connaissait bien la situation, quand il
prolita de la famine pour reconstituer le domaine royal.
Il commença par vendre du blé aux Égyptiens, Gen.,
XLI, 56, puis, après leur argent, il recul en paie ni
buis troupeaux. Gen., xi.vn. 13-17. La famine se pro-
longeant, les Égyptiens eux-mêmes offrirent leurs
terres et se firent serfs du pharaon, afin d'obtenir du
blé pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint
ainsi la propriété du pharaon, à l'exception des terres
des prêtres, c'est-à-dire des temples, qui étaient inalié-
nables. Les Égyptiens continuèrent naturellement à
occuper et à cultiver leurs champs, quoique passés
dans le domaine royal; mais Joseph leur imposa une
redevance d'un cinquième sur leurs récolles. Gen.,
xi. vu. 18-26. Ordinairement, l'impôt montait à un
dixième, Cf. Revue des deux mondes, lô février 1875,
p. 815; Maspero, Histoire ancienne, t. t. p. A'M. 331,
La mesure imposée par Joseph équivalait à une éléva-
tion d'impôt, justifiée par les circonstances. Cependant,
grâce à lui, le pharaon était devenu le seulpropriél lire
du pays, mis à part les dieux dont les propriétés fon-
cières durent être respectées. I. 'auteur de la Gem
xi. vu. '2u\ dit que la loi imposée par Joseph était encore
en vigueur de son temps, lié roi loti', n. 108, 109, attribue
i Sésostris le creusement des canaux égyptiens , | le
partage des terres entre tous les habitante, moyennant
le paiement d'un-' certaine redi vance sur le revenu.
On sait que le nom de Sésostris, Sésoustouri, est un
sobriquet désignant Ramsès II. et que la I
attribuait à ce prince bien des travaux et des exploits
qui remontaient à ses prédécesseurs. Toujours est-il que,
pour faire le partage des terres, il fallait que Ramsès II
ou un pharaon plus ancien les eut en sa possession i
qui confirme le récit de la bible sur l'administration
de Joseph. Ce partage n'empêcha pas Ramsès III de
se donner comme le propriétaire du sol de l'Kg\pte.
Cf. Grand Papyrus Hari'is. l 'lus tard, d'après Diodore
.le Sicile, i. 73, le lorritoiiv était ilhise en trois pari-,
celle des prêtres, celle du pharaon et celle des .soldais.
Cf, Hérodote, il. 168. I n 31 unie . dans les anciens temps
comme aujourd'hui, il importail peu à l'Égyptien d'être
propriétaire OU locataire du sol. Toute la question se
résumait pour lui à pouvoir le cultiver, a sauvegard i
sa récolte contre les déprédations et à en abandonne!
le i s possible aux collecteurs d'impôts. Cf. Vigou-
roux. La Bible et les découvertes modernes, 6 édit.,
t. n. p. 165-189.
IV. Chez les Israélites. - lia législation mosaïque
commence par consacrer le principe même de la pro-
priété, en rappelant le droit naturel qui défend de dé-
rober, et en interdisant mime 'le convoiter la maison,
les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appar-
tient. Kxod.. xx. lô. 17. Cette convoitise est prohibe, en
tant qu'elle prend le caractère d'un acheminement a
l'appropriation illégitime du bien du prochain. La loi
protège la propriété dans les différentes circonstances
où elle peut être menacée. \ oir Borni s, i. i. col. Is.Yi ;
Dette, t. il, col. 1393; Dommage, t. n. col. 1182; Ot
rnoi vi -, t. iv. coi. ! T-j: ; , Vol.
-J" Le Seigneur, en vertu de -ou droil souverain,
Lev., wv. i!. donne à son peiqde le pays des Chana-
ii. .n-. pour qu'il en occupe les villes el les maisons,
lient., xix, 1. Il en prescrit le partage suivant certaines
753
PROPRIETE
754
règles. A chaque tribu, à chaque famille est attribué un
lot inaliénable. Ce lot devait primitivement se tirer au
sort et être proportionné au nombre des membres de
la famille. Num., xxxm, 54. Des précautions étaient
prises pour que ce lot ne sortit ni de la tribu, ni de la
famille, voir GoËL, t. III, col. 260; HÉRITAGE, t. m,
col. 010, cl pour^|u'en cas d'aliénation il revint à la fa-
mille au moins à l'année jubilaire. Voir Jubilaire
(Année), t. m, col. 175'2. Cette disposition s'appliquait
même au champ voué à .Téhovah et faisant partie d'un
patrimoine. Lev., xxvn, 22-25. Aux lévites étaient attri-
buées des villes spéciales et des pâturages autour de ces
villes. Num., xxxv, 2-5. Il est à croire qu'il en était de
même dans les autres villes, autour desquelles la cam-
pagne, sur une étendue variable, était réservée aux
habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce
terrain était probablement morcelé à proximité de la
ville ou du village; il restait, à une certaine distance,
propriété indivise. Le sol se trouvait ainsi loti à peu
prés comme du temps des Chananéens : autour des
villes et des villages, des terrains attribués à chaque
famille comme jardins ou champs destinés à la culture;
au delà, un territoire plus ou inoins étendu servant en
commun au pâturage; enlin, entre ces territoires appar-
tenant aux villes ou aux villages, des espaces libres,
incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait.
L'existence d'un territoire indivis ou communal autour
des villages parait supposée par quelques textes. Mi-
ellée, H. 5. dit au faux prophète : «Tu n'auras personne
qui étende chez toi le cordeau sur une part d'héritage
dans l'assemblée de Jéhovah. » Jérémie, xxxvn, 11,
sort de Jérusalem pour aller au pays de Benjamin, afin
de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-être
s'agit-il dans les deux cas d'un terrain communal, qu'on
divisait en portions tirées au sort chaque année parles
familles du village. A cet usage se rapporterait l'allusion
faite par le Psalmiste :
Jéhovah est la part de mon héritage et de ma coupe;
("est toi qui m'assures mon lot.
Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse,
Oui, un splendide héritage m'est échu.
Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. BuM, La société israélite d'après
l'A. T., trad. de Cintré. Paris, 1904, p. 94-95. En tous
cas, la propriété devenait collective, au moins quant à
l'usage, durant l'année sabbatique. Exod., xxm, 11;
Lev., xxv, 0, 7. A la même idée de propriété commune
se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix,9; xxm.
22, Deut., xxtv, 19, de grapillage, Lev., xix, lit;
Deut., xxiv, 21, et celui d'entrer dans un champ ou
dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou
des épis. Deut., xxm. 24-25.
3» La propriété privée n'en était pas moins solidement
constituée. Elle pouvait comprendre d'autres possessions
que celles qui constituaient le domaine patrimonial.
Lev., xxvn, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la pro-
priété de la montagne d'Hébron, à condition d'en
chasser les Énacim. Jos., xiv. 11-1 i. Après avoir donné
à sa 611e Axa un domaine peu arrosé, il lui en accorda
un autre qui possédait des sources d'eau. Jud.. i. Il, 15.
Par la culture de leurs terres, l'élevage de leurs trou-
peaux et l'extension de leurs domaines sur des terri-
toires inoccupés, certains Israélites de vinrent très riches,
tels Nabal, I Reg.,xxv, 2; Berzellaï, IIReg., xix,32, etc.
Les rois eurent naturellement des propriétés fort éten-
dues. II Reg., ix, 7. David possédait des champs, des
vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en
différents endroits du pays, avec des préposés chargés
de faire valoir tous ces biens. I Par., xxvn, 25-31. Sa-
lomon faisait administrer les siens par douze intendants,
assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun
d'eux pourvoyait pendant un mois à l'entretien du roi
et de sa maison. III Reg., IV, 7. Josaphat possédait de
grands biens dans les différentes villes de Juda. Il Par.,
XVII, 13. D'autres, comme Acbab, ne craignaient pas
de recourir au crime pour agrandir leur domaine.
III Reg., xxi, 15, 16. Les gros propriétaires Israélites
sont désignés sous le nom de gibbôrê ha-hayll, les
« grands en force », nâv 5-jva7ov \ayfii, patentes et di-
vites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents
d'argent (8500000 fr.) versés au roi d'Assyrie, Manahem
imposa de cinquante sicles d'argent (141 fr. 50) les
propriétaires du royaume. IV Reg., 19, 20. Il en fallut
donc 60000 pour fournir la contribution. Pour qu'un
si grand nombre de propriétaires notables existât en
Israël, la propriété foncière devait être assez morcelée.
En Juda, il y avait une tendance abusive à étendre les
propriétés. Isaïe, v, !>, le constate en ces termes :
Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison,
Qui joignent champ à champ,
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace,
Et qu'ils habitent seuls au milieu du pays.
Cf. Mich., il, 2. Cet accaparement ne pouvait guère se
produire qu'au mépris de la loi sur l'inaliénabilité des
béritages familiaux. Il avait pour effet de détruire cette
égalité que la loi avait établie, de créer de grandes pro-
priétés foncières et, par la même, de réduire à l'indi-
gence et d'éliminer peu à peu les petites gens, ceux qui
font la force d'une nation. Aussi le prophète ajoutait-il
que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passées
aux mains de quelques propriétaires, n'auraient bientôt
plus d'habitants. Is., v, 9.
4° L'Israélite tenait pourtant avec une singulière
énergie à son domaine familial. Ou aimait à habiter en
sécurité « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg.,
iv, 25, c'est-à-dire dans sa propre maison et sous les
ombrages de son propre jardin. Micbée, iv, i, promet-
tait la même chose pour l'époque île la restauration
spirituelle. Le vieux Berzellaï, invité par David à le
suivre à Jérusalem, préférait s'en retourner dans sa
ville pour y mourir près du sépulcre de son père et de
sa mère. II Reg., xix, 37. Quand Acbab offrit à Naboth
d'acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure,
celui-ci lui répondit sans hésiter ; « <Jue Jéhovah me
garde de donner l'héritage de mes pères ! » III Reg. xxi,
3. Le châtiment annoncé par Elie à Acbab et à Jézabel,
après le meurtre de Naboth, se rapportait à deux crimes :
« N'as-tu pas tué et pris un héritage? » III Reg., xxi,
19. Le verbe hébreu yâras signifie « prendre un bien
héréditaire ». Septante: lxÀï]povdu.ïi<jaç, « tu as hérité, »
tu as pris un bien d'héritage. Sous les patriarches,
l'héritage pouvait passer à un esclave, quand le maître
demeurait sans postérité. Gen., xv, 2, 3. Plus tard,
l'esclave intelligent arrivait à recevoir une part dans
l'héritage. Prov., xvn, 2. Mais le cas ne devait pas se
produire assez fréquemment pour modifier sensible-
ment l'assiette de la propriété. L'Israélite pouvait pour-
tant vouer à Jéhovah sa maison ou son champ, lesquels
devenaient propriétés des prêtres, si on ne les rachetait
pas. Le\., xxvn, 14-21. Sur la vente des maisons, voir
Maison, t. îv, col. 590.
.V flans sa description idéale de la nouvelle Terre
Sainte, Ézéchiel fournit de curieux renseignements, en
s'inspirant de l'état de choses antérieur, pour le consa-
crer ou pour le corriger. Tout d'abord, le pays est par-
tagé et tiré au sort. Le prophète prévoit troi?. grandes
parts. La première part est pour Jéhovah : son sanctuaire
y est élevé, et le reste du territoire est occupé par les
lévites. Une seconde part est attribuée à la maison
d'Israël et une troisième au prince. Mais ce dernier
devra se contenter de son lot et ne plus empiélei sur
celui du peuple. Ci ra son do ine, sa possession
en Israël, et nies princes n'opprimeront plus mon
peuple et ils laisseront le pays à la maison d'Israël. »
Ezech., xlv, 1-8. A meilleur droit que les dieux
/. .<
PROPRIKTi:
756
d'Egypte, Jéhovah était considéré comme le souverain
propriétaire du sol. Ps. xxiv (xxm), 1,2. Israël rendait
nommage à son droit en payant les red inces exigées,
dîmes, prémices elc. Le prince pouvait faire des dons,
à condition de les prendre sur son propre domaine,
sans expulser personne de -.1 propriété, el avec cette
que le don revenait au domaine royal à l'année
jubiliaire si d'autres que les fils du roi en avaient
1 zech.,XLVl, 16-18. Nul du peuple ne coin ail
donc le péril d'être dépouillé de son bien, comme
l'avait été Nabot h. Chaque tribu doit avoir une part
<l" territoire, et ce territoire forme une bande
allant do la mer à la vallée du Jourdain. Dans chaque
tribu, uni portion est attribuée non seulement à
l'Israélite, mais aussi au gêr, à l'étranger i|in vil au
milieu d'Israël en respectant ses lois. Ezech., xi.vu. 13,
li. -21. 23. La capitale est comme une réduction de
tout b' pav-. Il y a là encore la part des lévites, la part
du prince et celle dos habitants, pris d'ailleurs dans
toutes les tribus. La \ille n'est pas isolée; elle a une
banlieue composée de champs et de pâturages. Les
artisan- s'\ livrent à la culture et pourvoient ainsi à la
subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans
la ville. Ezech., xi.vnt, 8-ii. On le voit, c'est pour le
fond l'organisation antérieure, mais idéalisée et visant
;i me' égalité sociale qui n'a pas été réalisée.
i'> Au retour de la captivité, les Israélites trouvèrent
les anciennes propriétés occupées ou à l'abandon.
Asse2 peu nombreux eux-mêmes, victimes de calamités
• 1 de vexations multiples, ils eurent peine à vivre de
leurs bions et beaucoup îles moins aisés en furent
réduits • 1 Qgager leur .noir et à vendre leurs enfants
comme esclaves. Il Esd., v, 1-13. Néhémie parvint à
i momentanément la situation. La prospérité
matérielle ne parait guère avoir repris que sous la
domination des Ptolémées.
Y. A l 'i poqi k évanci liqi e. — 1" Du temps de Notre-
Seigneur, la propriété no reposait plus sur les mê s
qu'aux époques antérieures a la captivité. Les
tribus étaient plus c loins confondues e! souks les
généalogies > a gardaient fidèlement b- souvenir. De
plu-, beaucoup d'étrangers s'étaient établis en Palestine
el possédaient. Aussi, quand il fait quelque allusion
à la propriété, le Sauveur ne s'en occupe-t-il qu'au point
de vue moral ou ne la constate-t-il quecommeun fait.
Il parle du petit propriétaire, qui -nue dans son
champ, Matth., xm, i, 21. 31, et du grand propriétaire,
qui a de nombreux esclaves, Matth., xvin, 23; Luc, xn.
37 ; xvii. 7, qui possède de riches exploitations agri-
Matth., xx. I; xxi 33; Luc. xvi. 1, qui amasse
d'abondantes récoltes, Luc, xn, 17. il l'ait valoir sa
fortune. Matth., xxv, 11; Luc. xix. Li. Il menti le,
in ippi cier sa conduite, celui qui réalise tout son
avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu'un
i' ;soi Matth., xm. 1 i. Le père du prodigue,
Luc. xv, 12, ri Joseph d'Arimathie suni dos riches,
Matth., xxvii, 57. Le mauvais riche est condamné, mm
pour sa richesse, mais pour le marnais usage qu'il en
.' fait. Luc. xvi. 19, Le Sauveur rappelle le commande-
ment qui protège l.i propriété légitime contre b' roi,
Matth., xix. 18, mais il se mot furt au-dessus de toute
question d'intérêt temporel. Lui-même n'a pas la pro-
pri ité don gîte, Matth., vin, 20; Luc. ix. 58; ,l refuse
me question d'héritage, Luc. xn, 1 i,
ente les i i< i a le un obstable à l'i nti ée
dans le royaume di Dieu. Matth., xm. -22; xix, 23. A
ni tout le royaume de
Dieu et sa justice, Matth., n, 23; Luc. xn, 31, ri i
qui veulent d rparfai ll< de renon-
proprii té, Matth., xix, 21. I Notre-
li i en l'état la question de la propriété.
L suppose formellement • i légitimité, mais il
donne i I ■ libei té humaine le soin de la répartir et de
l'utiliser. Il demande seulement aux plus aisés de
s'intéresser à leurs frères pauvres, et à tous ses disci-
ples de faire passer en première ligne les biens spiri-
tuels.
2» Après la Pentecôte, les chrétiens de Jérusalem
établirent entre eux la communauté des biens, i Tous
ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient
boit ru commun. Ils vendaient leurs terres et leurs
biens, et ils en partageaient le prix entre Ions, selon
les besoins de chacun. » Ad., Il, 44, 15 Trois mille
Juifs environ s'étaient convertis à la parole de saint
Pierre, àct., n. il. Parmi eux se trouvaient bon nom-
bre de pauvres, de Juif-, arrivés de l'étranger etde pro-
sélytes sans grandes ressources. D'autre part, ceux qui
demeuraient attachés au judaïsme se montraient fort
peu sympathiques à ceux de leur famille qui embras-
saient la foi nouvelle. Il était donc convenable que,
parmi 1rs convertis, les plus riches vinssent en aide
aux moins fortunés. Leurs revenus ne suffisant pas à
cette oeuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens
pour en utiliser le prix. Rien ne s'opposait à la vente
et à l'achat des terrains. Naguère le sanhédrin avait
acheté auprès de Jérusalem le champ d'un potier, avec
les trente deniers de Judas. Matth., XXVII, 7: cf. xm,
li. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches
faisaient grand acte de charité-; en mémo temps, ils se
dégageaient de toute attache terrestre el se rendaient
libres pour le service de l'apostolat, connue il arriva
pour Barnabe. Act., iv, 37, Quand la chrétienté de
Jérusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de
communauté fraternelle, a Nul n'appelait sien ce qu'il
possédait, mais tout était commun entre eux... Il n'y
avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui possé-
daient dos terres el des maisons 1rs vendaient et en
apportaient le prix aux pieds des Apôtres; on le dis-
tribuail ensuite à chacun, selon ses besoins. » Act., tv.
32. 31. 3.",. Les choses se passaient ainsi sous la seule
action de la grâce divine; on ne voit nulle part queles
chefs <\'' l'Église naissante aient imposé on ren
menl si désintéressé. I. Esprit du Seigneur portait 1rs
fidèles à mettre en pratique ci- que le Sauveur avait
présenté comme un conseil de perfection, Matth., xix.
21. el nullement connue une condition nécessaire à la
vie chrétienne. L'épisode d'Ananie etSaphire le prouve
surabondamment. Ces deux chrétiens avaient vendu
une propriété pour en apporter le prix aux Apôtres, en
se réservant cependant une partie du produit de la
vente. Sainl Pierre leur reprocha de mentir an Saint-
I.'sprit en retenant quelque chose du prix de leur
champ et il dit à Ananie : Ne pouvais-tu pas, sans le
vendre, en rester possesseur? El après l'avoir vendu.
n'étais-tu pas maître de l'argent? « \rt.. v. 1. Il suit de
là que les nouveaux fidèles n'élai. il obligés ni île ven-
dre leurs propriétés, ni d'en donner le prix à la eom-
munauté. La faute d'Ananie ei de Saphire consista donc
surtout dans nue dissimulation accompagnée d'orgueil
ri de défiance rnvers la Pro i!- voulurent se
procurer, aux vriix de I I glise, la gl lire de tout aban-
donner au bien commun, comme le faisaient leurs
frères; mais en secret ils tinrent à garder en partie le
bénéfice vie leur vente, comme si Dieu n'était pas là
pour leur assurer le nécessaire. Plusieurs Pères, SB
référant -ans doute à Lev., xxvii, 16-21, supposent que
l offrande totale des biens résultait d'une promes
d'un vieu qu'il était criminel de ne pas accomplir inté-
gralement. Cf. S. Jérôme, Episl. cxxx, t. xxn.
col. 1118; s. Augustin, Serai, cxlviii, 2. i. xxxvm.
col. 799; s. Grégoire, Epist. i. .".i. t. i.xxvh, col
3° A cette mène' époque vivaient à part, sur le borf
de la mer Morte etdans l'oasis d'Engaddi, les esséniens,
ment séparés du reste de la société juive l n
leurs lois fondamentales était la communauh di - biensi
Pour faire partie de leur association, il fallait mettre
757
PROPRIÉTÉ — PROSÉLYTE
758
son patrimoine à la disposition de tous, ne rien con-
server en propre, ne rien vendre et ne rien acheter au
sein de la communauté, vivre dans la pauvreté en rece-
vant d'une caisse commune ce qui était strictement
nécessaire pour la nourriture, le vêtement, les soins en
cas de maladie, verser à cette caisse le produit de son
travail, ne rien emporter en voyage, etc. Cf. Josèphe,
Bell, jml., II, vin, 3, 4, 8, 9; Philon, Qimd omnis
probits liber. 12, 13, édit. Mangey, t. n, p. 137, 45S,
032, 633. Les écrivains du .Nouveau Testament ne
l'ont aucune mention des esséniens et les laissent can-
tonnés dans leur orgueilleux et stérile particularisme.
Les pharisiens les avaient en horreur, à cause de leur
prétention à être des Juifs parfaits. Ils disaient à pro-
pos de leur communisme : « Celui qui dit : le mien est
à toi et le tien est à moi, est un niais. » Pirké abotli
v, li. Les doctrines singulières des esséniens, leur fidé-
lité servile à la loi, leur éloignement systématique du
Temple, l'étrangeté de leur manière de vivre ne per-
mettlent pas de dire que les premiers chrétiens aient
voulu les imiter. Ceux-ci avaient pour se guider les
exemples de la vie menée en commun par les Apôtres,
les exemples et les conseils du Sauveur; et si le divin
Maître voulut mener une vie qui, au regard des hiens
de ce monde, avait quelque analogie avec celle des essé-
niens, il ne lui était pas nécessaire de recourir à eux
pour en avoir l'inspiration. L'esprit et la pratique du
détachement et de la charité fraternelle résultaient,
comme une conséquence toute naturelle, des ensei-
gnements qu'il apportait au monde. D'ailleurs celte vie
d'obéissance et de pauvreté en commun n'était pas
totalement étrangère aux anciens Israélites; elle avait
dû être la vie de ces « lils de prophètes » qui se grou-
paient autour de Samuel, d'Élie, d'Klisée et d'autres
pieux personnages. I Reg., x, 10; III Reg.. XX, 35;
IV Reg., n. 3; iv, 38, etc.
4° Le système inauguré par l'Église de Jérusalem ne
pouvait être que transitoire. Les esséniens excitaient
l'admiration du peuple par leur pauvreté volontaire et
leur charité. Il était lion de montrer que la doctrine
nouvelle avait la puissance de faire pratiquer ces
grandes vertus par tous ses adhérents. .Mais vint le
jour où toutes les propriétés furent vendues et où il
devint fort difficile d'entretenir une société nombreuse,
incapable de se suffire par son seul travail et n'ayant
rien à espérer de ses anciens coreligionnaires. Quand
saint Paul vint à Jérusalem après ses premières mis-
sions, les trois apôtres qui se trouvaient alors dans la
capitale durent le prier de se souvenir des pauvres.
Gai., il, 10. Il fut lidèle à cette recommandation. Voir
AUMÔNE,. t. i. col. 1251. L'expérience montrait qu'au
point de vue de la propriété, la pratique du con-
seil ne pouvait devenir la règle générale parmi les
chrétiens.
ô° Les Apôtres, dans leurs Ëpitres, ne disent rien
qui ait trait directement à la propriété. Saint Jacques,
qui avait sous les yeux le contraste existant entre
les pauvres de son église chrétienne et les riches pro-
priétaires du judaïsme sadducéen, maudit ces derniers
et les compare à la victime qui se repaît encore le jour
où on va l'égorger. Jacob., v, 1-6. Saint Paul recom-
mande de ne pas attacher son cœur à ce que l'on pos-
sède. I Cor., vu, 30. Il veut que les ministres de Dieu,
qui possèdent tout dans l'ordre spirituel, II Cor.. VI,
10, se contentent, pour toute propriété, de ce qui est
indispensable à la nourriture et au vêtement. I Tina., VI,
8. Dans le cours de ses missions, l'Apôtre fut mis en
rapport avec des personnes qui disposaient de pro-
priétés considérai. les, Priscille et Aquila. qui entre-
tenaient une communauté chrétienne dans leur maison,
à Corintlic, I Cor., xvi. 19, et à Ruine, Hum.. XVI, 5, Phi-
lémon, auquel il demande l'hospitalité, Philem., 22, etc.
Des patriciens de Rome ne lardèrent pas à suivre les
exemples de ces premiers chrétiens et à mettre à la dis-
position de leurs frères dans la foi leurs maisons, pour
y célébrer leur culte, leurs domaines ruraux, pour y
creuser leurs sépultures. 11. Lesètre.
PROSÉLYTE (Septante : 7rpo<ri)Xyro5; Vulgate :
proselytus), étranger qui adhère plus ou moins com-
plètement à la religion juive.
I. Dans l'Ancien Testament. — Le mot 7tpoor,XuToç
est particulier au grec de l'Ancien Testament et ne se
trouve pas chez les classiques. Dans la Genèse, xi.vii,
9, Aquila traduit mâgûr,t -■'■joui' à l'étranger ». r/ji^x:
y.: rcapotxû, peregrinatio, par irpo<nr)X-jTeu(jiç. Dans
l'Exode, xii. lu. ],.s Septante traduisent gêr,<t étranger »,
par itpooiôXuTo;, colonus. Dans Ézéchiel, xiv, 7, les mots
hag-gêr âSér :i>igùr beysrâ'êl, » l'étranger qui réside
en Israël », sont rendus dans les Septante par jcpo<r»)).ilTOi
ot rcpo<n]Xu7£uovT£ç iv rw 'I^porr/, et dans la Vulgate partie
proselytis quicumque advena fuerit in Israël, « qui-
conque des étrangers se sera établi en Israël. » Le
I mot prosélyte est encore employé pour désigner les
j étrangers, gèrim, qui habitent parmi les Israélites,
I Par., xxil, 2; II Par., il. 17; XXX, 25; Tob., I, 8 (7).
En somme, dans les versions de l'Ancien Testament,
ce mot signifie simplement t étranger ».
II. A l'époque du Nouveau Testament. — 1" Signifi-
cation du mot. — Notre-Seigneur accuse les scribes et
les pharisiens de courir les mers et la terre pour faire
un prosélyte qu'ils conduisent ensuite à la perdition.
Matth., xxill, 15. Le mot ne signifie plus seulement
« étranger »; car alors la remarque du Sauveur ne se
comprendrait pas. Il s'agit d'un étranger conquis à la
croyance et à la pratique religieuse des Israélites. A la
Pentecôte, l'écrivain sacré signale la présence à Jéru-
salem d'« hommes pieux de toutes les nations », tant
juifs que proséljtes. Act., n, 5, 11. Ici encore les pro-
sélytes sont autre chose que de simples étrangers.
D'autres noms éclairent la signification du précédent.
Des étrangers sont appelés ço6oûp.6vot -a-i Beôv, timentes
Deuni, les « craignant Dieu ■>. Act., x, 2, 22; xm, 16,
26; ire6éu.svoi tô* Ôsov, colentes Deum, les « servant
Dieu », Act., xvi. 14; xvill.7, ou simplement seôopieyo!,
colentes, Act.. xm. 50; XVII, 1. 17. et une fois <rE6ôp.£voi
TcpoorjXuTO!, colentes advf.nse,<t étrangers servant » Dieu.
Act., xm, 43. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV. vu, 2. Ces
noms différents désignent les gèrim ou « étrangers »
»qui ont adhéré de quelque façon à la religion juive.
Dans la Mïschna, le mot gêr, traduit par jtpoarjXuToç,
dans les versions, prend souvent ce sens spécial d'étran-
ger converti. Cf. Bikkurim, i, 4, 5; Schekalim, i, 3,
6; vu, 6, etc. De gêr, les talmudistes ont même tiré
le verbe nitgayyêr, « se convertir ». Cf. Pea, iv,6;
Cltalla, m, 6; Pesachim, vm, 8, etc. Comme en
araméen gêr devient giyyorâ', les Septante ont créé le
mot ystiipaç, Lxod., XII, 19; Is., xiv, 1, pour désigner
les réunions d'étrangers qui se joignent aux Israélites.
Ainsi, les deux mots gêr et npooyiXuTo; ont perdu, dans
la littérature juive, leur sens primitif pour en prendre
un autre plus spécial. Philon, De monarch., i, 7. édit,
.Mangey. t. n, p. 219, définit les jipooT,Xur<n)ç onrô toû
7ipoffeXï)Xv8évat xaivij xa\ pO.oGio) noXitet'a, « de ce qu ils
s'approchent d'un genre de vie nouvelle dans laquelle
on aime Dieu. » Dans l'Évangile de Nicodème, 2, il
est dit : « Que sont les prosélytes'.' On lui dit : Ce sont
ceux qui sont nés enfants des Hellènes et maintenant
sont devenus Juifs. » Les Pères parient des prosélytes
dans le même sen^; ainsi saint Justin. Dial.cum Tryph.,
■ï.'i, 122, t. VI, col. 525, 560, qui emploie le terne' yr,o~
p»; pour désigner la réunion des prosélytes; ~.iint [ré-
née, Adv. lueres., III, XXI, I, t. vu. col. 946, qui appelle
Théodotion et Aquila des i Juifs prosélytes »; Tertul-
lieii, Adv. jud., 1. t. n, col. 597, etc. Philon emploie
parfois, comme synonymes de ;rpocrqX-jToc, les mots
7. Y)
PROSELYTK
760
£zr,)-jTo:. qu'on retrouve dans les Septante. Job, xx, 26,
È-/.AVT'/;; et ï~r~/-*:.
2° La propagande juive. — I. Les Juifs ne jouis-
saient pas d'une grande faveur dans l'ancien inonde
-romain. Les écrivains classiques les traitent sou-
vent avec mépris, haine et injustice. Cf. Tacite. Wst.,
v. 1,5,8; Plutarque, Sympos., iv, 5; Juvénal, Sot., vi,
160; xiv, 97,98,103-106; Ainmien Marcellin, xxn, .">. etc.
D'autre part les Juifs, par leur particularisme outré,
leur antipathie pour les étrangers, le caractère de leur
■ loi: nu' el de leur morale, si surprenants pour des païens,
-•■ ml liaient destinés à rester confinés dans leur isole-
ment. Mais l.i Providence avait ici très manifestement
des vues en contradiction avec les prévisions humaines.
Les prosélytes juifs devaient fournir à la propagande
chrétienne des âmes toutes préparées. La loi mosaïque
devenait ainsi le vestibule de l'Evangile, non seulement
par son action préparatoire à la rédemption et au règne
messianique, mais encore par une inlluence directe
sur les âmes des Juifs et sur celles que conquéraient
les Juifs. C'en fui assez pour que ce peuple longtemps
jaloux de ses prérogatives, qu'il tenait pour incommu-
nicables, travaillât à y associer des étrangers, et pour
que ces derniers, malgré leurs préjugés contre une
religion d'assez mauvais renom parmi eux. se missent
à l'étudier et à l'embrasser en grand nombre. Il y a là
un phénomème dont les explications naturelles ne suf-
fisent pas à rendre compte d'une manière adéquate. —
2. A vrai dire, cette adoptiondes étrangers dans le sein
d'Israël, inaugurée à la sortie d'Egypte, Exod.. xit, 38,
n'avait ensuite pris quelque développement que dans
les pays de l'exil, où le contact immédiat des Juifs per-
mettait de mieux apprécier leur religion. Tob.. I, 7;
Es th., vin. 17. Mais la propagande ne devint vraiment
active et systématique que dans l'empire romain. Notre-
Seigneur constate ce zèle, parfois exclusif el funeste
dans ses résultats. Matth., xxni, 15. Saint Paul l'attri-
bue à la conviction qu'avail le Juif d'être « le guide des
avi i les, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres,
le docteur des ignorants, le maître des enfants, ayant
dans la Loi la règle de la science el de la vériti
il lui reproche de ne pas | sser son zèle jusqu'à
s'instruire lui même. |;,,m . n. 19-21. — 2. La propa-
i tnde eul tant de succès, dans le monde gréco romain,
que seuls, parmi les adeptes des cultes orientaux, ceux
du culte d'Isis el de Mithra remportaient sur ceux du
judaïsme. Josèphe, Vont. Apion., n, 10, constate que
les Juifs étaienl plus éloignés des Crées par la distance
que par les idées, el que beaucoup d'entre ces derniers
avaient adhéré au judaïsme, bien que Ions n'y eussent
pas persévéré. Il ajoute, Cont. Apion., il, 39: o Depuis
ti nips beaucoup désirent s'associer à noire ma-
nière de servir Dieu. Il n'j a pas de ville grecque ou
barbare, pas de nation chez laquelle ne se soit intro-
duite la coutume de célébrer le septième jour, que
nous passons dans le repos, el où l'on n'observe les
jeûnes, les allumages de lampes el les abstinences de
mets qui nous s,, ut défendus. On s'efforce d'imiter
mutuelle entente, notre libéralité, notre applica-
tion auj métiers, notre patience dans les tourments que
nous endurons pour nos lois. Des témoignages ana-
logues sonl fournis par Tertullien, Ad. nation., i, 13,
t. i, col. 579; Sénèque, dans s. Augustin, De civ. Dei,
vi, II. t. xi. i, col, 192; Dion Cassius, xxxvn, 17. Les
lytes étaienl en nombre à \u :he, cf. Josèphe,
Bell.jud., Vil, m, 3; à Intioche de Pisidie, Act., xill,
"'■ 26, ilonique, Act., xvn. i ; i \
Act., xvn, 17. el .i Rome. Cl. Horace, Sat., I. >\. 68 72;
pist. xcv; Perse, v, 179-183; Ovide, De art.
Ile, i, 3; \. 18; Juvénal, Sat.,xrv,
■ "■ i taii ni plus nombreuses el
P'USeï .., . , | Jejudai-lne.
Act., xiii. 50; xvn, i. Certains Juifs faisaient profession
de les initier à la connaissance et à la pratique de la
loi mosaïque. Cf. Josèphe, Ant.jud., XVIII. m, 5. A
Damas, la majorité des femmes étaient prosélytes. Cf.
Josèphe, Bell, jud., II, XX. 2. A Rome, des femmes
célèbres, comme Fulvie, pratiquaient le judaïsme, et
d'autres, comme Poppée, femme de Néron, lui étaient
favorables. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m. 5: XX, vm,
II. Non contents de s'affilier au judaïsme, de nobles-
étrangers venaient faire acte de religion à Jérusalem
même, comme le ministre de la reine Candaee. Act., vin,
27, et la reine Hélène d'Adiabène, qui se lit construire
un palais dans la Ville sainte et se montra si généreuse
envers les Juifs dans des circonstances difficiles. Cf.
Josèphe i Ant.jud., XX. ii-iv.
3° Causes du succès de cette propagande. — l.Dieu
favorisait, sans nul doute, une œuvre dont la réalisation
rentrait dans ses plans; mais il la laissait s'exécuter
par des moyens humains. De leur cédé, les Juifs avaient
été saisis par un zèle véritable pour la propagation de
leurs idées religieuses. Plus leurs adhérents devenaient
nombreux dans les villes étrangères, plus leurinlluence
se consolidait. Les hommes vraiment sincères et reli-
gieux y voyaient un gain pour la cause de la vérité et
aussi pour la gloire de leur nation, Luc. n, 32; les
autres regardaient cette extension comme un achemi-
nement vers cette conquête du u le et celte domina-
tion universelle sur les peuples, que les prophéties
semblaient promellre à Israël. Dans ce but, on employait
dis moyens divers. Pour convertir les Iduméens et en-
suite les [turéens, Jean Hyrean et Aristobule leur don-
nèrent à choisir entre la mort, l'exil ou la circoncision,
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, ix. 3; xi. ::. Parfois, des
fanatiques imposaient la circoncision par violence. Cf.
Josèphe, Vil., ■!'■). D'autres faisaient de la propagande
par des moyens on [mur des motifs peu avouai les. Cf.
Josèphe. Int. jud., XVIII. m, 5. Les procédés employés
étaienl le plus souvent de loute antre nature-, mais les
instances ne faisaient jamais défaut pour déterminer
une adhésion. lie là le mot d'Horace, Sat., I. iv, 142 :
Veluti te Judsei, cogemus in hanc cor irbam,
nous te forcerons, comme font les Juifs à prendre
rang dans cette foule. » — 2. La doctrine israélite exer-
çait une forte attraction sur les esprits sérieux qui,
fatigués des hontes du paganisme el des pauvretés in-
tellectuelles du scepticisme, cherchaient une base solide
à la croyance, un appui à l'espérance d'un avenir meil-
leur et une satisfaction à la fois digne et positive au
besoin de Dieu qui torture le cœur humain. Les
.'unes ainsi disposées apprenaienl que les Juifs possé-
daient des traditions merveilleuses el des données in-
comparables sur les questions qui intéressent la vie de
I âme : qu'ils avaient en main des livres sacrés du plut
haut intérêt; que ces livres sacrés, sur le désir
d'un Ptolémée d'Egypte, avaient été traduits en
pour être mis à la portée de tous les penseurs du monde
gréco-romain ; que ces livres étaient interprétés par des
docteurs compétents el que plusieurs d'entre ces der-
niers, formés dans les célèbres écoles d'Alexandrie,
cherchaient à montrer que ce qu'il v avail de meilleur
et de plusélevé chez les grands philosophes delà Grèce
ne différai! guère de l'enseignement que professaient
les livres juifs. En fallait-il davantage pour pousser
beaucoup d'âmes à une élude qui promettait de leur
donner satisfaction? L'expérience leur en montrait
d'ailleurs l'à-propos. —3. Les motifs qui déterminaient
les prosélytes n'avaiénl pas toujours la iné noblesse.
Ceux du temps d'Esther, vin. 17. désiraient surtout,
sans doute, échapper à des représailles ou partagei la
laveur dont jouissaient alors les Juifs. Les élrang rs
transportés en Samarie pendant la captivité ne devin-
rent juifs que par peur. IV lieg.. xvn, 26-29. D'autn
l époque romaine, tendaient surtout à partager les pri-
es accordés aux Juifs par l'autorité, l'exemption
761
PROSELYTi:
762
du service militaire, par exemple. Cf. Josèphe. Anl.
jutl., XIV. x, 13. Ceu\ qui voulaient profiter de l'in-
fluence, du crédit, de l'assistance des Juifs dans une
ville, embrassaient te judaïsme. On en faisait autant en
vue d'un mariage, cf. Josèphe. A ut. jud., XVI, vu, 6,
ou d'intérêts qui n'avaient rien de religieux. Toutefois
le nombre de ceux qui devenaient prosélytes sans vraie
conviction se tenait dans des limites relativement res-
treintes, à raison des sarcasmes dont les Juifs étaient
l'objet de la part de la populace païenne, cf. Horace.
Sat., I, iv, 142; .Martial, VI, 29, 31, 81; xi. 95; xn, 37,
et des mesures sévères que le gouvernement prenait
contre eux de temps à autre. Cf. Tacite, Ann., Il, 85;
Suétone, Claud., 25; ûomit., 12. — 4. Tout en tenant
compte des abus qui se produisirent naturellement, il
est juste de reconnaître le succès de la propagande
juive, le zèle qui portait des scribes et des pharisiens
à traverser les mers et à parcourir la terre pour y tra-
vailler. Mat th., xxiii, 15, et aussi le réel dévouement
des nouveaux prosélytes qui adhéraient à une doctrine
élevée, sans doute, mais qui en même temps s'assujettis-
saient à des pratiques assez onéreuses. Il est à regretter
cependant que les missionnaires juifs aient trop sou-
vent communiqué à leurs prosélytes l'esprit d'orgueil
et de formalisme qui les caractérisait eux-mèrnes, de
manière à faire de leurs nouveaux disciples, ainsi que
Notre-Seigneur le leur reproche, « des (ils de géhenne,
deux fois plus qu'eux-mêmes. » Même convertis au
christianisme, ces prosélytes seront pour l'Église nais-
sante une cause de grandes difficultés. Voir Jcdaïsants,
t. m, col. 1778.
4° Les prosélytes juifs. — 1. Ainsi qu'il fallait s'y
attendre, il y avait parmi ces prosélytes des convertis
inconstants, comme l'avoue Josèphe, Cont. Api/m., n,
10, et d'autres qui n'acceptaient la loi juive qu'en par-
tie. C'est à eux que saint Paul écrivait : « Je déclare
encore une fois à tout homme qui se fait circoncire,
qu'il est tenu d'accepter la loi tout entière. » Gai., v. 3.
Cependant, on passait outre quelquefois. Ainsi, quand
Izate, fils d'Hélène et roi d'Adiabène, voulut se faire
circoncire pour devenir juif parfait, sa mère s'y opposa,
pour ne pas causer de troubles dans le royaume: mais
un marchand juif, du nom d'Ananias, déclara au roi
« qu'on pouvait parfaitement servir la divinité sans la
circoncision, pourvu qu'on fût résolu à adopter les
antiques coutumes des Juifs, qui importaient bien
davantage que la circoncision ». Josèphe, Ant. jud.,
MX. n. 't. Un autre Juif, nommé Kléazar, meilleur
interprète de la Loi, donna ensuite une décision con-
traire à lzate, qui se lit circoncire. Il n'en est pas
moins à penser que beaucoup partageaient les idées
d'Ananias. Ils croyaient au Dieu unique, dont aucune
représentation n'était permise; ils l'honoraient, fré-
quentaient les synagogues et observaient la loi mo-
saïque, mais en se bornant aux points principaux. Ce
sont ces hommes que l'on désignait sous le nom de
ueSÔuevoi ou foëo'JU,evo( -bv 8cdv, colenles ou timentes
Deum, « ceux qui servent » ou « craignent Dieu ».
Act., xiii. 13; x, 2, etc. Les anciennes inscriptions
latines enregistrent de temps en temps quelque me-
tuens ou observateur des coutumes juives. Cf. Corp.
insc. lat., t. v, I, 88; t. vi. 29759, 29760, 29763; t. vin,
4321, etc. — 2. Or, ces hommes vivant à la juive ne
sont pas de véritables prosélytes. On les appelle ordi-
nairement géré lius-sa'ar, « prosélytes de la porte •>,
tandis que fis autres sont nommés géré has-çédéq,
« prosélytes de justice ». Mais l'identification des
« hommes craignant Dieu » et des « prosélytes de la
i ' est arbitraire; la Mischna ne la connaît pas.
Celle-ci dislingue seulement entre le gêr, l'étranger
proprement dit, et le gêr lôsdb, l'étranger colon, qui
habite au milieu du peuple d'Israël. Le gcr has-Saar
ne serait pas autre chose que ce dernier, l'étranger
qui habite dans les portes ou le pays d'Israël, la porte
étant prise souvent pour la ville elle-même. Dent., xn _
12; xi\,27; III Reg., VIII, 37, etc. Voir Porte, col. 518.
Cet étranger devait se soumettre aux lois imposées à
tous les hommes qui n'étaient pas juifs, c'est-à-dire à
ce que l'on appelait les sept commandements des lils
de Xoé concernant : 1° l'obéissance aux juges; 2° le
blasphème; 3» le culte des idoles; 4» l'impureté; 5° le-
meurtre; 6«le vol ; 7» la chair avec le sani:. Gen., i\, i.
Cf. Sanliedrin, 56 li. Il va de soi que, depuis la con-
quête romaine surtout, les Grecs, Romains et autres
étrangers établis en Palestine se mettaient fort peu en
peine d'observer ces sept lois noachiques, de telle fa-
çon qu'aucune différence pratique ne subsistait plus-
entre l'étranger vivant au milieu des juifs et l'étranger
résidant hors de Palestine. Les noms de gêr, de gêr (ôsâb
et de gêr Itas-sa'ar ne représentaient donc plus des
situations différentes. — 3. Les hommes a craignant >
ou « servant Dieu » sont ainsi en dehors des deux
autres classes. Corneille, par exemple, « religieux et
craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, faisait beau
coup d'aumônes au peuple et priait Dieu sans cesse. ,t
Act., x, 2. Mais il n'était pas circoncis; saint Pierre
| craignait de se commettre avec quelqu'un qui n'appar-
tenait pas au judaïsme, Act., x, 10-16, et les fidèles
s'étonnèrent beaucoup que le Saint-Esprit descendit
sur des gentils. Act., x, 45; xi, 3. Les hommes tels que
Corneille n'étaient pas regardés comme juifs, parce-
qu'ils n'avaient pas reçu la circoncision; et cependant,
par leurs croyances et leurs pratiques, ils étaient aussi
proches des Juifs sincèrement pieux qu'éloignés du
commun des païens. Les convertis de cette espèce
s'étaient multipliés autour des juiveries officielles, et
l'appoint qu'ils fournirent au christianisme naissant
dépassa probablement celui qui lui vint des Juifs propre-
ment dits. Ce judaïsme incomplet ne comptait pas .. u x
yeux des Juifs de stricte observance, comme le montre
l'appréciation des judéo-chrétiens de Jérusalem au su-
jet du baptême de Corneille. Beaucoup s'en conten-
taient cependant, n'attachant qu'une importance secon-
daire au rite de la circoncision, qui, d'ailleurs, les
décelait et leur attirait des sarcasmes dans les thermes
publics. Voir Circoncision, t. n, col. 778. Aussi est-il
probable que, parmi les Juifs de la dispersion, la pro-
pagande religieuse n'obtenait pas toujours tout son
effet; beaucoup se décidaient à vivre a la juive; les
vrais prosélytes allant jusqu'à recevoir la circoncision
étaient beaucoup moins nombreux. On le conclut des
mentions fréquentes qui sont faites dans les Actes des
hommes « craignant Dieu ». Il n'y a donc pas de valeur
à attacher à la division des prosélytes adoptée par cer-
tains auteurs, qui distinguent les prosélytes « de la
porte » et les prosélytes « de justice ». Les luifs ne
reconnaissaient d'autres prosélytes que ces derniers..
Depuis la conquête grecque, la Palestine ne comptait
plus guère de prosélytes « de la porte ». ou étrangers
soumis aux lois noachiques. Quant aux hommes
« craignant Dieu », sans aller jusqu'à l'adoption com-
plète de la loi mosaïque, ils avaient une religion bien
supérieure à celle des prosélytes « de la porte »,
anciens ou nouveaux.
5° Obligations et droits des prosélytes. — 1. Pour
devenir prosélyte de justice, c'est-à-dire prosélyte com-
plet et véritable, cf. Matth., m, 15, il fallait tout d'abord
se soumettre à trois conditions, la circoncision, le
baptême ou ablution conférant la pureté légale et un
sacrifice. Les femmes se contentaient des deux dernières
conditions. Cf. Kerilliolli. 81 a; Yebamoth, 46a; Pe-
sachim, vm, 8; Eduyoth,v, 2; etc. La circoncision
incorporait le gentil au peuple juif, l'ablution le puri-
fiait selon la loi lévitique et le sacrifice expiait ses
péchés, après la destruction du Temple, la troisième
condition devint naturellement impossible à rempli]-.
763
PROSÉLYTE
PROSTERNE. M EXT
764
— 2. Les prosélytes devaient se conformer à toute la loi
mosaïque et acquitter toutes les redevances sacrées.
Cf. Gai., v, .'!. Bikkurim, i. i; Schekalim, i, 3, 0: Pea,
iv. fi; Clialla, m. 6, etc. Cependant il- n'étaient tenus
à ces redevances que pour les biens acquis postérieure-
ment à leur conversion. t'A'. Pea, iv, 6; Challa, m, 6;
Chullin, x, i. Les frères nés avant la conversion de
leur mère n'étaient pas obligés au lévirat. Cf. Yeba-
moth, xi, 2. Aux tilles nées avant la conversion de
leur mère ne s'appliquait pas non plus la loi du Deu-
téronome, xxu, 13-21. Cf. Kethuboth, IV, 3. Les jeunes
tilles prosélytes ne pouvaient épouser un prêtre; les
filles de prosélytes ne le pouvaient que si elles descen-
daient d'un côté d'ancêtres israélites, à la dixième gé-
nération au plus Cf. Yebdmoth, VI, 5; Kidduschin,
iv. 7; Bikkurim, i. 5. Les jeunes lilles prosélytes pou-
vaient épouser ceux que le Deutéronome. xxm, 1, 2,
interdit aux juives de prendre pour époux. Cf. Yeba-
molh, vin, 2. Klles n'avaient pas le bénéfice de la loi
de l'Exode, XXI, 22. Cf. Baba kamma, v. i. Elles
étaient cependant obligées par celle des Nombres, v, II-
28. Cf. Êduyoth, v, (i. —3. En principe, les prosélytes
étaient assimilés aux Juifs de naissance; en réalité, il
subsistait entre les uns el les autres une distinction
notable. Au prosélyte, en effet, manquait toujours la
descendance d'ancêtres juifs. « Quand un prosélyte
apporte ses prémices, il ne récite pas la confession
indiquée lient., xxvi. 3, parce qu'il ne peut pas dire :
Que tu as juré' de nous donner. Si sa mère était israé-
lite, il peut réciter la confession. Si le prosélyte prie
à part, il doit dire : Dieu des pères d'Israël. S'il prie
dans la synagogue, il doil dire : Dieu de vos pères. Si
sa mère était israélite, il doit dire: Dieu de nos pères. »
Bikkurim, I, i. Il y avait là comme une ligne de il -
marcation que le prosélyte ne pouvait franchir et qui
lui rappelait sans cesse son origine. D'ailleurs le rang
qu'il devait occuper dans la société juive lui était ainsi
assigné : « Le prêtre a le pas sur le lévite, le lévite sur
l'Israélite, l'Israélite sur le bâtard, le bâtard sur le
nalhinéen, le nathinéen sur le prosélyte, le prosélyte
sur l'esclave affranchi. » Horayoth, m, 8.
ir Les interdictions. — D'après la loi du Deutéro-
■i xxm. 2. 3. il était interdit de recevoir dans
assemblée de Jéhovah, c'est-à-dire dans la socii !'■ des
Israélites, même à la dixième génération, par consé-
quent à jamais, comme l'explique le texte, le manizer,
l'Ammonite el le Moabite. Voir Mamzer, col. t>37. un
ne pouvait donc recevoir de prosélytes ayant cette ori-
gine. Mais, avec le temps, il devint impossible de
remonter 1res haui dans la généalogie des étrangers
qui demandaienl a faire profession de judaïsme, Aussi
les docteurs se montrèrent-ils faciles sur ce point,
pour la raison que les Ammonites et les Moabites visés
par la Loi n'existaient plus depuis longtemps. Cf. Ya-
dayim, iv, i. Les Iduméens et les Egyptiens pouvaient
être reçus a la troisième génération. Deut., xxm, 7. S.
Vers l'époque évangélique, celle troisième génération
datait île fort loin. Il ne subsistait donc aucune
difficulté pour recevoir au prosélytisme ceux de ces
nations qui le sollicitaient, Cf. Josèphe, .1»'. /m/..
NUI. ix, I; xi, 3; xv, i. 7, '.i. Pratiquement, la porte
était ouverti i tous; les conditions imposées étaient
par elle lues ;|,si7 oUé|VUSeS pmil' qu'un U 6
pas de celui qui les acceptait volontairement des ga-
ranties trop difficiles a fournir. Le prosélytisme juif
put .lune ainsi se donner libre carrière, et préparer
inconsciemment a l'Évangile de dévoués disciples et
un certain ibi • <l adversaires acharnés,
Voir Slevogt, De proselytis Judœorum, léna, 1631,
■■i dans i golini, riiesaurus, i \\n. p. 841; Millier,
iselytis, dans le mé volu l'Ugolini; Wâhner,
DeEbrteorum proselytis, Gœtlingue, 1743; Dan/. Cura
Judœi , , , .. ,,,/ Mali . xxm,
15, dans Nov. Test, ex Talmude illustratum de Meu-
seben, 1736, p. 649-676; Lûbkert, Die Proselylen der
Juden, dans Stud. und Krit., 1835, p. 681-700; Weill,
Le prosélytisme chez les Juifs selon la llible el le
Tahmtd, Strasbourg, 1880; Friedlaender, La propa-
gande religieuse des Juifs grecs avant l'ère chré-
tienne, dans la Bévue des études juives, t. xxx. 1895,
p. 161-181; et surtout Sch tirer, Geschichte des fi'tdis-
chen \'ulkes im Zeil. J.-C, Leipzig, t. in. 1898, p. 102-
135, qui donne tous les textes et toutes les références
sur le sujet. II. LesÊtbe.
PROSTERNEMENT, attitude qu'on prend en se
mettant à genoux devant quelqu'un et en inclinant la
tète vers le sol. — En prenant cette posture, on témoigne
qu'on se fait humble et petit devant celui auquel on
veut rendre hommage, qu'on remercie ou dont on
attend quelque faveur. Les hommes se prosternent en
diverses circonstances : — !" Devant Dieu. Ainsi font
Eliézer, Gen., xxiv. 52: Moïse, pendant quarante jours
et quarante nuits, Deut., ix, 18; Tobie et sa famille,
pendant trois heures, Tob., xn. 22; Judith et les Israélites
ses compatriotes, Judith, vu. i; ix, 1 ; x, 1. 20; les
Machabées, II Mach., x, i, une fois pendant trois jours.
II Mach., xim, 12. Le Psalmiste invite son peuple à se
prosterner devant Jéhovah pour l'adorer. Ps. xcv (xciv),
6, et il annonce que les nations se prosterneront devant
lui. Ps. lxviii (i.xvn), 31; i.xxu (i.xxi), 9. Le Sauveur
182. — Serviteurs je --i. in. devant leur maître.
D'après Champollion-Figeac, VÉgyple ancienne, dans
l'Univers pittoresque, de Didot, 18:ï9, pi. 38.
se prosterna trois fois devant son Père pendant son
agonie. Matth., xxvi, 39; Marc.,xiv, 35. Les vingt-quatre
vieillards sont prosternés devant le trône de Dieu dans
le ciel. Apoc, in. lu. — 2 Devant les idoles. La Loi
défendait de se prosterner devint des. images taillées.
I.ev., xxvi, l. C'esi ce que faisaient les idolâtres. Is.,
\i iv, |9; xlvi, ii. Voir t. i, lig. 36, col. 234. Naaman
était obligé, par son service auprès du roi de Syrie,
de se prosterner devant le dieu Remmon. IV Eleg.,
v, 18. A Babylone, on se prosterne pour adorer la
statue de Nabuchodonosor. Dan., m. il. lu. 15. —
:; Devant les anges. Loi se prosternait le visage contre
leice pour accueillir les anges qui le visitent à Sodome.
Gen., xix; I. — 1' Devant le roi. On moi se prosterner
devant David Abigaïl, I lie,.. \\\. 23, Miphibuse lli.
Il Reg., ix, 8, et Seméi, il Reg., xix. 18. Estber se
prosterna devant AssuéruS. Es th., Mil. i!. Les subalternes
n'approchaient d'un roi qu'en rampant eu en se proster-
nant. Voir t. II, flg. 541, col. 1637. Sur l'obélisque de Sal-
manasar II. on voit Jéhu prosterné devant le roi assyrien.
Voit-t. i, fig. 37, col. 235. -5° Devant un grand. Joseph
\iilt en SOU.e le- gei'bes de ses frères se prosterne r
devant la sienne, le soleil, la lune et onze étoiles se
prosterner devant lui. et son père se demande si les
parents et les frères de Joseph auront a se prosterni ■
de même. Gen., xxxvn, 7. 9, lu. ('.est pourtant ce qui
arriva plu- tard. Gen., xmi, 6. En Egypte, on se pros-
ternait ainsi devant un dignitaire (fig. 182). Joseph i
765
PROSTERNEMENT — PROSTITUTION
766
son tour, se prosterne devant son père. Gen.. xlviii, 12.
Achior se prosterne devant Judith, xm, 30. Plus tard,
le centurion Corneille se prosterne devant saint Pierre,
Act., x. 25, et le geôlier de Philippes devant Paul et
Silas. Act., xvi, 29. — 6° Devant celui qu'on sollicite.
11 faut se prosterner devant celui pour lequel on a
répondu, alin d'être délivré delà caution. Prov., vi, 3.
On se prosterne devant le créancier pour obtenir remise
de la (iette. Maltli., xvrn, 26, 29. Abraham se prosterne
devant le peuple d'ilébron alin d'obtenir qu'on lui vende
la caverne de Macpelah. Gen., xxiii, 7. — Devant Jésus-
Christ. Les Mages se prosternent pour l'adorer. Matlh.,
il, 11. Saint Jean-Baptiste se reconnaît indigne de se
prosterner devant lui pour détacher les cordons de ses
sandales. Marc, i, 7. Devant lui se prosternent ceux
qui demandent une faveur, le chef de la synagogue,
Marc, v,22; l'hémorrhoïsse, Marc, v, 33; Luc, vin, 17;
la Cbananéenne, Marc, vu, 25; le père du possédé,
Matth., xvii, 14; le lépreux, Luc, v, 12; le démoniaque,
Luc, vin, 28, et ceux qui veulent adorer et témoigner
leur reconnaissance, Pierre, après la pêche miracu-
leuse, Luc, v, 8, et l'aveugle-né après sa guérison.
Joa.. ix, 38. II. Lesëtre.
PROSTITUTION [hébreu : zenût,zenûnîm, laznûl;
Septante : icip
Vulgate : fornicalio, prostitutio),
genre dévie dans lequel on s'abandonne et on provoque
à l'impudicilé.
I. En Egypte et en Chanaan. — 1" Le climat égyp-
tien et le caractère sensuel du culte rendu à une mul-
titude dedieux et de déesses ne pouvaient que favoriser
l'immoralité sur les bords du Nil. La Bible cite les
exemples du pharaon contemporain d'Abraham, Gen.,
XII, 15, 16, et de la femme de Puliph.ir, Gen., xxxix,
7-12. dont la honteuse entreprise se trouve reproduite
dans le conte des deux frères. Cf. Maspero, Les Contes
populaires de l'Egypte ancienne, Paris, 3e' édit., p. 6.
On sait quelles coutumes incestueuses présidaient aux
mariages égyptiens. Voir Inceste, t. m, col. 865. Hé-
rodote, il. 18, 60, 64, parle de l'immoralité' qui régnait
en Egypte; mais il déclare que la prostitution ne s'y
pratiquait pas dans les lieux sacrés, comme cela se
faisait dans la plupart des autres pays. Cependant,
dans les temples des dieux mâles, un véritable harem
de femmes fournissait à la divinité des épouses, des
concubines, des servantes, des musiciennes et des dan-
seuses. Dans les temples des déesses, les femmes occu-
paient les premiers postes. Cf. Erman, Aegypten und
âgyptisches Leben, Tubingue, 1887, p. 399-401.
2° Chez les Cbananéens, le culte d'Astarthé comportait
partout la prostitution. Voir ASTAnniÉ, t. i, col. 1187.
Non seulement des femmes, mais aussi des hommes
exerçaient ce commerce infâme. Cf. Eusébe, Vit.
Constant., m, 55, t. XX, col. 1120. Ce sont ces derniers
que le Deutéronome, xxiu, 18, désigne sous le nom de
kelàbim, « chiens ». Les pires impudicités se com-
mettaienten l'honneur de la déesse, à Byhlos.à Aphéca,
dans le Liban, voir t. i, col. 734, etdans toute la Syrie,
d'où son culte se propagea ensuite dans le monde grec.
Cf. Lucien, De dea Si/ra; Dœllinger, Paganisme et
judaïsme, trad. .1. de P., Bruxelles. 1858, I. Il, p. 241-
244; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6e édit.. t. ni, p. 84-92. On trouve dans la Genèse les
traces de l'influence exercée sur les mœurs des habi-
tants par les exemples qui venaient des temples chana-
néens. A Sodome, ce sont tous les hommes de la ville,
des enfants aux vieillards, qui se livrent au vice infâme
et attirent sur eux la vengeance divine. Gen., xi.x, 4-9;
Il Pet., il, 7. L'odieux inceste des deux filles de Lot avec
leur père indique jusqu'à quel point le sens inoral était
oblitéré', même chez des femmes appartenant à la fa-
mille d'Abraham. Gen., xix, 30-38. Un peu plus tard, on
voitThamar, belle-fille de Juda, jouer le rôle de prostituée
auprès de son beau -père. Elle s'assied au bord du che-
min et se voile le visage. A ce signe, Juda la prend
pour ce qu'elle n'est pas, fait marché avec elle et con-
vient de lui payer un chevreau. Celle-ci demande des
gages qui lui sont accordés, et c'est à ces marques que
Juda reconnaît ensuite celle à qui il s'est si facilement
abandonné. L'acte qu'il s'est permis ne semble pas lui
causer beaucoup de honte, car il en parle à un ami
qu'il charge de porter le chevreau convenu. Il n'en
songe pas moins à faire brûler Thamar, quand on lui
dit que celle-ci s'est livrée à la prostitution. Gen.,
xxxviii, 14-25. La peine portée contre Thamar ne visait
pourtant pas la prostitution elle-même, mais la préva-
rication que Juda, en tant que chef de famille, avait à
reprocher à la femme veuve d'un de ses lils et promise
à un autre. La courtisane Rahab avait sa maison à Jé-
richo. Jos., h, 1. Samson alla chez une autre courti-
sane dans la ville philistine de Gaza. Jud., XVI, I.
II. La LÉGISLATION MOSAÏQUE. — 1" Moïse devait pré-
munir les Hébreux contre les dangers qu'ils courraient
dans la terre de Chanaan, au point de vue des mœurs.
Aussi commence-t-il en ces termes les articles de sa
législation du mariage : « Vous ne ferez pas ce qui se
fait dans le pays d'Egypte où vous avez habité, et vous
ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Chanaan où
je vous conduis. » Lev., xvill, 3. Puis il défend le ma-
riage entre frère et soeur, usité en Egypte, Lev., xvm, 9,
les unions incestueuses et les actes contre nature que
se permettaient les Chananéens, et parfois aussi les
Égyptiens. Lev., xvm, 22, 23; xx, 16; cf. Hérodote, il,
46. Ces abominations ont souillé le pays, ont rendu ses
habitants dignes d'être chassés, et attireraient sur
l'Israélite la peine du retranchement. Lev., xvm, 24-30;
xx, 23. Il dit ensuite formellement : « Ne profane pas
ta lille en la prostituant, de peur que le pays ne se livre
à la prostitution et ne se remplisse de crimes. » Lev.,
xix, 29. Aucune pénalité n'est pourtant assignée contre
les coupables. Quand il s'agit de la fille d'un prêtre, il
en est autrement; à cause du déshonneur qui rejaillit
sur son père, la coupable est livrée au feu. Lev., xxi, 9.
La défense de la prostitution est répétée avec plus d'in-
sistance et de détail dans le Deutéronome, xxm, 17, 18;
« Il n'y aura pas de prostituée [qedê'sâh, Tiopvy;, meee-
trix) parmi les filles d'Israël, et il n'y aura pas de
prostitué (qddès, itopvejwv, scorlator) parmi les fils
d'Israël. Tu n'apporteras pas dans la maison dejéhovah,
ton Dieu, le salaire d'une prostituée [zônâh, Trôpvïj,
proslibulum), ni le salaire d'un chien (kéléb, xûuv,
canis) pour l'accomplissement d'un vœu; car l'un et
l'autre sont en abomination à Jéhovah, ton Dieu. 9 Les
prostitués sont désignés par les mots qâdês, qedê'sâh,
« consacré, saint », qui étaient probablement en usage
dans la langue d'un pays où la prostitution passaitpour
une fonction sacrée. Les Grecs donnaient aux mêmes
individus le nom de IspôSoiAot, « serviteurs sacrés i>,
hiérodules. Le mot kéléb, « chien », désigne ici le
qâdêi. Dans l'Apocalypse, xxii, 15, les chiens sont éga-
lement des impudiques. Parmi les fonctionnaires des
temples phéniciens, l'inscription de Larnaca signale des
kalabu, qui sont vraisemblablement les prostitués,
scorta virilia, comme ont traduit les éditeurs du Corp.
inscr. sentit., t. i, p. 92-99. Cf. Lagrange, Études sur
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 220. Le chevreau
promis par Juda à Thamar, Gen., XXXVIII, 17, était un
de ces salaires de la prostitution qu'il n'eût pas été per-
mis d'offrir en sacrifice.
2» Non contente d'interdire directement la prostitu-
tion, la loi la poursuivait encore dans ses moyens et
dans ses effets. Il était défendu à l'homme et à la femme
de prendre les habits l'un de l'autre. Dent., xxn, 5. Ce
changement de costume favorisait les pires désordres;
souvent, dans les temples idolàtriques, les hommes et
surtout les prostitués s'affublaient de costumes fémi-
767
PROSTITUTION
76S
nins. Cf. Macrobe, Saturnal., m. 8. Un prêtre ne \ ■
vait épouser une zonâlt xorluni) ni une fyàld-
lâh i,^-;r,/wu.£v. Lev., xm, 7, li. Ces
deux terme i la courtisane. \ oir Courtisane,
t. u, col. 1091. D'après Josèphe, Anl. jud., IV, vin, 23,
la défense d ép iusi r une prostituée s'étendait à tout
Israélite Enfin, la descendance delà prostitution ne
entrer dans la société Israélite. Deut.,
XXHI, 2. Cejtexte qui se rapporte au mamzer, voir
Mamzer, t. iv, col. 637, comprend aussi très vraisem-
,i. ni le fruil de la prostitution.
III. La prostitution en Israël. — La Loi la con-
damne sévèrement, mais ses prescriptions ne furent
pas toujours observées. — 1° Dès le désert, les filles
de Moab entraînèrent des Israélites à la débauche et
à l'idolâtrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent
punis de mort, l'n Hébreu osa amener avec lui une
Madianite jusque sous les jeux de ses frères. Phi-
nées les perça tous fis deux de la lance dans la qub-
bâh, x<x|uvoç, lupanar. Le mot hébreu qui, par
l'arabe a donné » alcôve •>, a dans la Mischna le sens
que lui assigne la Vulgate. C'est un rendez-vous de
prostitution. Num., xxv. 1-9. Sous les Juges, .lephté est
le fils d'une courtisane; chassé plus lard de la maison
paternelle., comme i fils d'une autre femme », il Jn'en
devient pas moins chef du peuple. Jud., xi, I, 2, 11.
Samson se rend chez une prostituée de Gaza. Jud.,
xvi. 1. A Gabaa de Benjamin, les habitants veulent re-
nouveler sur un lévite le crime de Sodome, abusent
de sa concubine et la font mourir. Jud., xix, 22-26.
Les lils du grand-prêtre Héli commettent le mal avec
les femmes qui servent à l'entrée du Tabernacle.
1 Reg., ii,22, 25.
■2 Des prostituées étaient tolérées, peut-être à Jéru-
salem même, du temps de Salomon. lieux d'entre elles,
des zônût, stojivat, meretricex, furent admises au tribu-
ii. d dece roi et provoquèrent son fameux jugement au
sujel de leur enfant. III Reg., m, 16. Sous le roi lio-
lioain, des prostituées se répandent dans le pa\> de
Juda il les anciennes abominations chananéennes se
rej ' duisent.IU Reg., xiv,2i. Asa, pelil-fils deRoboam,
fait disparaître les prostituées du paj~s.HI Reg., xv,12.
.Mais il en demeure encore, et son lils Josapbat achève
de les supprimer, III Reg., xxn, 17. Le roi Manassé
installe dans le Temple même l'idole d'Astarthé,
IV Reg., xxi, 7, et avec l'idole s'introduisent naturelle-
ment les hiérodules qui forment le cortège obligé de la
déesse. Ces femmes habitaient des maisons qu'on leur
avait bâties dans l'enceinte sacrée et elles s'occupaient
à lisser des lentes pour la déesse, -lonas chasse les
prostituées et démolit leurs maisons. IV Reg., xxin.7.
Le règne de Manassé fut la seule période durant
laquelle la prostitution prit un caractère officiel et pé-
nétra dans le Temple même comme élément constitutif
d un culte Idolàtrique. Il est doue inexact et souverai-
nement injuste d'affir v. contrairement à tous les
textes, qu'elle servail en partie à payer les fiais du
culte .i Jérusalem. Le Deutéronome, xxxm, 18, interdit
formellement toute offrande souillée par une pareille
origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes
nés, t. IV, p. 506-516.
:'." Les li\ res historiques ne font qu'une allusion à ce
passait dans le royaume d'Israël. Quand le ca-
davre du i'"i Achab lui ramené à Samarie, on lava le
char ensanglanté 'i"i l'avait porté dans une piscine où
baignèrent, III Reg., xxn, ,"18. La
Vulgate ne parle pas de prostituées, zonôt, et les Sep-
tante li n par des porcs, J;:. Il est présu-
mable que dans le i i ni la prostitution
axait pris beaucoup plus de développement que dans
celui de Juda i Ile sui\ail naturellement le progri - de
l'idolâtrie. De plus elle hem. ni des exemples et des
encouragements en Phénicie ci en Syrie, oii le culte
des Astarthés avait à son service des foules d'hommes
et de femmes voués à tous les genres d'impudicité.
Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27; Movers, Die Phôni-
zip.r, Berlin. 1841, t. i, p. G77-GS1 . Jébu reproche pu-
bliquement à Jézabel, la Sidonienne, ses prostitutions
et ses sortilèges. IV Ré."., ix, 22.
i" Si les historiens fournissent peu de renseigne-
ments sur la prostitution parmi les Israélites, les
autres écrivains sacrés reviennent assez, fréquemment
sur ce sujet. Dans les Proverbes, v. 20; VI, 24; vu, 5,
la prostituée est appelée « étrangère ». nokriyâh,
iXXoTpia, aliéna, extranea. Le parallélisme ne permet
pas de s'y tromper :
La prostituée (zônâh) est une fosse profonde,
Et l'étrangère (nokriyâh) un puits étroit. Prov., XXI [I, 27.
Il en faut conclure que, très souvent du moins,
citaient des étrangères, des Syriennes, des Phéni-
ciennes, qui se livraient à ce vice en Palestine, où l'on
avait lort de tolérer leur présence. Néanmoins des filles
d'Israël se laissaient aussi pervertir, comme l'indiquent
clairement les prophètes. De vives exhortations sont
adressées dans le livre des Proverbes à ceux qui
seraient tentés de succomber à la provocation des sé-
ductrices. Prov., v, 3-6, 20; vi, it-iG; vu, 5-23; xxn,
14; xxni, 27-35, etc. L'auteur de l'Ecclésiastique, ix,
3-9; xix, 2, 3; xxvi, 8-P2. etc., s'exprime de même,
.lob, xxxi, I, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour
n'être pas séduit. Amos, n. 7, dit qu'en Israël le pi i
et le lils vont vers la même tille, profanant ainsi le
nom de Dieu aux yeux des étrangers. Osée revient sans
cesse sur les allusions à la prostitution, à laquelle il
compare l'idolâtrie d'Israël comme à une chose fami-
lière. 11 déclare que Dieu ne punira pas les filles et le-
femmes de leurs adultères et de leurs prostitutions, car
les hommes eux-mêmes vont à l'écart avec les pros-
tituées et sacrifient .née les courtisanes. Dès qu'ils ont
fini de boire, ils se livrent a la prostitution. » Ose., IV,
13,14,18. [saie, m, 9, appelle Jérusalem une Sodome;
on y coniiiiel le mal en plein jour, suis se cacher, .lé-
rémie, v, 7, montre les hommes de Jérusalem allant par
troupes dans la maison de la prostituée, et il les com-
pare à des animaux. Ezéchiel, xi ni, 7, 9, rappelle les
prostitutions dont le Temple a été le théâtre, probable-
ment à l'époque de Manassé'. De ces textes il faut con-
clure que la prostitution exerçait de grands ravages
parmi les Israélites, surtout dans le royaume du nord,
où la loi religieuse n'était plus capable de la réfréner,
et dans les villes, comme Jérusalem, où se donnaient
rendez-vous un grand nombre d'étrangères cl où l'im-
piété des rois et des grands favorisait souvent la
propagation du mal. U ne s'ensuit nullement toutefois
que la masse de la nation ait été atteinte, spécialement
en Juda. La loi morale et les prescriptions mosaïques
gardaient encore assez, de vigueur pour tenir la gêné
ralité des Israélites éloignée des excès auxquels se
livraient buis voisins. C'était un déshonneur, pour une
fille de Juda, de devenir une prostituée. Ain., Ml, 17.
IV. Descriptions bibliques. — Pour inspirer plus
grande horreur du vice, les auteurs sacrés ne reculent
pas 'levant des descriptions lies réalistes. L'histoire de
Thamar et de Juda en est un premier exemple. Cen..
XXXVMI. 14-26. L'auteur des proverbes. VU, 10-23,
montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison,
dans la rue. sur les place-, a toiis les angles, abordant
sa victime, lui vantant les chai nies de sa demeure, la
sécurité de la rencontre.
D'autres fois, la provocatrice s'assied devant chaque
poteau. Eccli., XXVI, lô. Elle se construit un gdb, un
lieu élevé' et visible, oïxi)|ia Tiopvixov, lupanar, elle ..
lait un râniâh, un tertre, ïy.Ijiu.x, prostibulum ; il J i i
a un à chaque Cl four, et là se multiplient les pros-
iitiiiiniis. Bzech., xvi, 24, ib. Non contente d'attendre
"769
PROSTITUTION
770
et de provoquer, la courtisane chante et s'accompagne
d'instruments pour attirer l'attention. Eccli.. i.\, 4.
Isaïe, xxiii, 16, parle de la chanson de la courtisane.
Elle a des paroles doucereuses, comme le miel et
l'huile, Prov., v, 3 ; vi, 24, la démarche agitée, Prov., vu,
11, 12, un visage effronté, Prov.. vu, 11, 13; ,1er., ni,
3, une mise qui la fait reconnaître. Prov., vu, 10. 11
lui faut son salaire, Ezech,, xvi, 33, son pain et son
eau, sa laine et son lin, son huile et sa boisson. Ose.,
il, 5; cf. ix, 1 ; Mich., i, 7. Pour elle, on se réduit à
•un morceau de pain, Prov., vi, 26; on dissipe son
bien. Prov., xxix, 3. Cependant ce salaire était sou-
vent mesquin. Joël, m, 3, dit que les ennemis d'Israël
donnaient un enfant pour le salaire d'une courtisane,
c'est-à-dire le vendaient à vil prix. L'auteur de Job,
xxxvi, 14, ajoute un Irait au tableau, en disant que les
pécheurs endurcis meurent dans leur jeunesse et
voient leur vie se ilétrir comme celle des qedêSim,
effeminati, les hommes qui font métier d'impudicité.
Les Septante traduisent ici à tort le mot hébreu par
« anges ».
V. En Babvlonie. — 1° Toutes les monstruosités
que comportaient le culte d'AsIarthé en Chanaan se
retrouvent en Babylonie dans le culte d'Istar. Les
temples babyloniens ont leurs courtisanes sacrées,
leurs qadiStu ou hiérodules, leurs istaritu ou « con-
sacrées à Istar », leurs harimtu ou prostituées. Héro-
dote, i, 199, exagère probablement quand il prétend
que toute femme était obligée de s'offrir une fois dans
sa vie au temple de la déesse. Cf. Strabon, vin, 378;
xii, 559; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 639, 640,
676. liais tous les temples babyloniens avaient leurs
bandes d'hommes et de femmes qui abusaient et lais-
saient abuser d'eux-mêmes. Érech était comme la capi-
tale de la prostitution en ce pays. Voir Arach, t. i,
col. 868. Une inscription cunéiforme caractérise ainsi
cette ville : a Érech, la demeure d'Anou et d'Istar, la
ville des filles, des courtisanes et des prostituées,
auxquelles Istar vend et livre l'homme; ...eunuques...
dont Istar, pour effrayer les gens, a changé la virilité
en hermaphroditisme, porteurs d'épées, de rasoirs, de
stilets et de silex... » Cf. Jensen, Mythe d'Iura, col. il,
I. 5-12, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schra-
der, t. vi, p. 62. Ces instruments servaient aux inci-
sions et aux mutilations que s'imposaient les serviteurs
•de la déesse. Voir Eunuque, t. n, col. 2044; Incisions,
4. m, col. S69. La prostitution babylonienne, partie
intégrante du culte des idoles, est signalée par Jérémie
dans sa lettre aux captifs israélites. Bar., vi, 42-44.
Hérodote, i, 199, mentionne la couronne que portaient
les prostituées. La farine qu'elles brûlent rappelle le
kavvàn, gâteau offert aux Astarthés, Jer., vu, 18; xliv,
19, et sert d'encens à la déesse. La prostitution ne se
confinait pas dans les enceintes sacrées; aucun frein
n'arrêtait son débordement. Quand les Perses occupèrent
le pays, ils ne tentèrent vraisemblablement pas, maigri'
la pureté relative de leur culte, d'opposer une digue à
l'immoralité de la race conquise. D'ailleurs la faveur
avec laquelle ils considéraient, à l'exemple des Égyp-
tiens, les unions les plus incestueuses, (cf. Darmstetter,
Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. i, p. 126-134), les dispo-
sait peu à corriger l'immoralité des autres.
2° Ouand Sargon eut déporté en Assyrie les habitants
de Samarie, il envoya pour les remplacer des colons
tirés de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Émath et de
Bépharvaïm. Ces colons établirent leurs divinités par-
ticulières dans les anciens hauts-lieux des Samaritains.
« Les gens de Babylone firent Sochoth-Benolh [sukkôf
bel ôt), ceux de Cutha firent Nergal, ceux d'Émath
firent Asima, etc. » IV Reg., xvn, 30. Les mots sukkùt
benôt, à s'en tenir à la transcription massorétique,
signifient « tentes des filles ». De ces simples mots
-ainsi compris, on a tiré cette conclusion qu'il existait
DICT. DE LA BIBLE.
chez les Israélites une fête, que les colons de Babylone
auraient adoptée, et dans laquelle les filles se tenaient
sous des lentes pour des prostitutions sacrées.
Cf. .1. Soury, Revue des deux mondes, avril 1876,
p. 599-600. liais il est de toute évidence que, dans le
texte des Rois, l'énumération ne comprend que des
noms de divinités. Il faut donc que Sukkùt Benôt ait
un sens analogue à celui des autres noms. Déjà Gese-
nius, Thésaurus, p. 952, se rendant compte que le sens
obvie n'était pas le véritable, proposait de lire sukkôt
banôt, • tentes sur les hauteurs •>. Mais on reconnaît
aujourd'hui qu'il y a ici un nom de divinité assyrienne.
Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterb . , p. 566. Sukkôfbenol
serait une transcription hébraïque, peut-être altérée à
dessein, du nom de la déesse assyrienne appelée Zir-
banit. Zarpanit ou Sarpanit, « celle qui donne la pos-
térité », la même qui est appelée Mylitta par Héro-
dote, I, 131, 199. Cf. Halévy, dans la Revue critique,
19 déc. 1881, p. 483, note; Vigoureux, La Bible et les
découvertes modernes, t. m, p. 575-577; t. iv, p. 509-
511. Toutefois l'hébreu m;c, que les versions tradui-
sent ordinairement par « tentes », est dans Amos, v,
26, le nom d'une divinité assyro-babylonienne, Sakkut,
qu'on a trouvé joint au nom d'une autre divinité, Kaï-
van, dans une incantation. Cf. Revue biblique, 1901,
p. 358. Ce sont deux divinités sidérales. Il est fort pro-
bable que le Sakkut nommé dans Amos est aussi le
dieu qu'honoraient les Babyloniens de Samarie. En
toute hypothèse, il ne peut être question de « tentes de
filles » érigées en vue de prostitutions sacrées, à
l'exemple de ce qui se serait fait dans le pays. Les
textes ne permettent pas cette interprétation, et il est
incontestable qu'en Palestine la prostitution ne fut
jamais qu'au service des cultes idolàtriques.
VI. Prostitution et idolâtrie. — 1° La Sagesse,
xiv, 23-27, déclare que •< le culte des viles idoles est
le principe, la cause et la fin de tout mal »; et parmi
les manifestations du mal, elle signale les mystères
clandestins, les débauches effrénées de rites étranges,
l'impudeur dans la vie et dans les mariages, les crimes
contre nature. Saint Paul constate aussi que les pré-
tendus sages du paganisme, pour avoir substitué l'ado-
ration de la créature à celle du Créateur, ontété livrés
à l'impureté et en sont arrivés à <i déshonorer entre
eux leurs propres corps. » Rom., i, 24, — 2° Mais la
relation de cause à effet entre l'idolâtrie et la prostitu-
tion n'est pas la seule qui existe. Les auteurs sacrés y
ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en
effet, la nation israélite appartient à .léhovah; quand
elle se détourne de lui pour se livrer aux faux dieux,
elle se rend donc coupable de fornication, voir Forni-
cation, t. n, col. 2316, et de prostitution. Ainsi Moïse
défend aux Israélites d'entrer en contact avec les Cha-
nanéens, de peur qu'ils n'en viennent à se prostituer à
leurs dieux. Exod., xxxiv, 15, 16. Dans le Pentateuque
et les plus anciens livres, le culte des idoles et des faux
dieux est habituellement appelé une prostitution.
Lev., xvn, 7; xx, 5, 6; Deut., xxxi, 16; ,Iud., n, 17.
vin, 33, etc. Plus tard, toute la prophétie d'Osée roule
sur l'idée de l'idolâtrie d'Israël représentée sous la
forme d'une prostitution. « Va, prends une femme de
prostitution et des enfants de prostitution, carie pays ne
fait que se prostituer en abandonnant léhovah. »Ose.,l,
2; cf. n, 2, 5; iv, 12-14; v, 3; vi, 10; ix, 1, lu. Jérémie
emploie la même image pour décrire l'idolâtrie de Juda.
et celle d'Israël. Jer., m, 1-8. Ézéchiel, xvi, 17; xxm,
30, se sert d'expressions identiques. — 3° Les auteurs
sacrés qualifient aussi de prostitution les relations du
peuple de Dieu avec les nations idolâtres dans l'appui
desquelles il met sa confiance. Israël s'est prostitué' aux
nations. Ose., vm,9. Jérusalem surtout s'est prostituée
à l'Egypte et à l'Assyrie. Ezech., xvi, 25-3i; xxm, 8,
27, 30. — 4° Enfin la conduite même de certaines na-
V. - 25
771
IT.OSTITUTION
772
lions idolâtres esl assimilée à la prostitution. Ainsi
l'yr se prostitue à toutes les nations de la terre,
[s., xxiil, 17. Ninive esl châtiée «à cause du grand
nombre de prostitutions, de la prostituée pleine d'at-
traits, de l'habile magicienne, qui vendait les nations
par ses prostitutions el 1rs peuples par ses enchante-
ments. Nah., m. 'i
VII. Dans i.e monde gréco-romain. — De la Syrie el
il I Phénicie, l'usage de la prostitution avait aisément
. n Asie-Mineure, en Grèce el en Italie. Dans l'île
deChypre régnail une immoralité analogue à celle de la
Babylonie Cf. Hérodote, i. 199. En Phrygie el en Bi-
thynie, le culte de Cybèle comportait l'orgieet la pros-
titution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, con-
fondue avec Artémis par les Grecs. La déesse avait à
C ana un temple qui abritait six mille hiérodules,
hommes el femmes. Anaïtis en comptait autant à
Sinus, et /jus trois mille à Venasa. Cf. Dôllinger,
Paganisme et Tudaïsme, t. n, p. 169-173. En pays grec,
les prostitutions sacrées n'étaient point en usage, si ce
n'est peut-être à Corinthe el à Éryx, en Sicile. Cf. Jus-
tin, xvm, 5 ; Strabon, vi, 2; Lagrange, Études sur 1rs
religions sémitiques, p. 145. Voir Corinthe, t. II,
col. 4175. Mais l'impudicité trouvait des excitations per-
manente dans les exemples des dieux, dans les fêles
célébrées en leur 1 neur et dans les mille facilités
qu'une vie voluptueuse pouvait se ménager dans le
monde antique el sous des climats qui la favorisaient.
Cf. Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, t. ni, p. 265-
272; de Champagny, Les Césars, Paris, 1870, t. m,
p. 303-306. A Rome, la prostitution avait pris, sous les
premiers empereurs, un tel développement, que les
courtisanes seules étaient considérées; pour attirer
l'attention, les plus nobles matrones en venaient à se
faire courtisanes, au point que Tibère même se crut
obligé de réprimer ce honteux désordre. Cf. Suétone.,
Vib., 35; Tacite, Annal., n, 85; xtv, 16; xv, 37, etc.
Des courtisanes syriennes, du plus bas étage, se ren-
daient dans la capitale, où on les connaissait sous
le nom A'ambubaiee, «joueuses «le flûte, «parce qu'elles
attiraient l'attention à l'aide de cet instrument. Cf. Ho-
race, Sat., I, 2, I ; Suétone, Ner., 27; Pétrone,
Sot., i.xxvi, 13. — La Palestine ne fut pas à l'abri
de la contagion. Le progrès de la prostitution > sui-
\it l'introduction des nneurs grecques, maison pre-
nant lesformes de la corruption asiatique. Par l'ordre
d'Antiochus Épiphane, i le Temple Tut rempli d'orgies
et de débauches par des (ientils dissolus et des cour
tisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes
dans les saints parvis. » Il Macli., VI, 4. Dans un autre
passage, Il Mach., iv, 12, il est dit, d'après la Vulgate,
quejason établi! un gymnase et exposa les jeunes gens
dans les lieux infâmes, in lupanaribus. Il > a dans le
texte 6rec : J7ib jréraerov îjyev, a il les mena sous le
chapeau », c'est-à-dire il les conduisit aux exercices
de la palestre ] r lesquels on se coiffait du niTauo;,
chapeau à larges bords. Voir t. n, col. 829.
VIII . A L'ÉPOQUl ÉVANGÉLIQUE. 1" 1 1 est plusieurs
fois question de prostituées dans l'Évangile. C'est avec
elles que le lils prodigue dissipa son bien. Luc, x\ , 30.
La femme qui se présenta chez Simon le pharisien,
el qui était Marie-Madeleine, esl qualifiée de < péche-
resse dans la ville », atiaç-cMi, peccalrix. Luc, vu,
9 Ce 1er adoui i désigne une fem de mœurs
es. Les Juifs talmudistes ont bâti lont un roman
'"' '■" •' pte, pour diffamer, à son occasion, la mère
du Sauveur. Voir i. tv, col. sus, 810. Les courtisanes,
n<pvai, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du
royaume de Dieu, si elles font pénitence. Il en e: l qui
i n à la prédication de Jean Baptiste el onl rail
l" ""' «ce. Elles précèdent, icpoûvouoi, lesprêtresel les
as dans le royaume de Dieu, c'est-a dire qu'elles j
entrent plus rapidement el plus sûrement les
orgueilleux du sanhédrin, Matth., xxi, 31, 32. Le Sau-
veur en donne l'assurance à Marie-Madeleine, Luc, vit,
50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient
entendu les exhortations du précurseur. — Mans une
discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche
de ne pas faire les œuvres d'Abraham, dont ils se pré-
tendent les lils. neiis de faire les œuvres d'un autre
père, c'est-à-dire de montrer par leur conduite qu'ils
descendent d'un autre père, le diable. Ils lui répondent :
a .Vous ne sommes pas nés de la prostitution, êx iropr
veîocc, ex fornicatione ; nous n'avons qu'un père, qui
est Dieu. » Joa., vin, il. Ils abandonnent la paternité
d'Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont
compris l'allusion et ont été' piqués au vif.
2° Au cours de leurs prédications évan^éliqnes, les
Apôtres eurent à réprimer la prostitution, qu'ils ren-
contrèrent à chaque pas sur leur chemin. Par leur
décret de Jérusalem, ils proscrivent rigoureusement ce
qu'ils appellent 7topvïia, fornicatio. Act., xv, 20, 29;
xxi, 25. Le mot gœc désigne toute liaison en dehors du
mariage, non seulement quand elle est passagère, mais
encore et surtout quand le vice devient une profession
comme dans la prostitution. On sait que, pour les
païens, c'était là une chose qui parfois revêtait un
caractère religieux et qui, en tous cas. demeurait indif-
férente el licite. Cf. Térence, Adelph., i. 2, 21; Cicé-
ron, l'ro Ctrlio, 20; Horace. .Sa(., i, 2, 31, etc. Quel-
ques auteurs pensent que le mot itopvefo désigne les
unions contractées dans des conditions de consangui-
nité ou d'affinité prohibées par le Lévitique, xvm. 7-
18. Ces unions sont indiquées par l'expression gallôf
ërvdh, •< découvrir la nudité », qui se retrouve Sanhé-
drin, 56 b, pour formuler un précepte noaebile. anté-
rieur au Lévitique. 11 est difficile d'admettre que les
Vpôtres n'aient eu en vue que des unions prohibées
par une législation dont les Gentils ne pouvaient avoir
connaissance. Ils doivent donc viser bien plutôt la for-
nication en général, telle que les idolâtres la prati-
quaient sans grand scrupule. Cf. [Cnabenbauer, Aciui
Apost., Paris, 1899, p. 266-267; Coppieters, Le décret
des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 4S. Pour
la simple prohibition de certains mariages, cf. Cor-
nely, Prxor Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121;
l'rat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 70. —
Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si déplorables
exemples, saint Paul rappelle que les membres du
chrétien sont les membres du Christ, que son Corps
esl le temple du Saint-Esprit, et qu'il y aurait crime
et honte à faire de ers membres ceux d'une prostituée.
et de ce corps un même corps avec le sien. I Cor., vi.
15-19. Seront d'ailleurs exclus du royaume de Dieu,
entre autres criminels. TTOpvoi, fornicarii, les fornira-
teurs; yioiyol, adulteri, les adultères; u.a).axo(, molles,
1rs n n m s, les elléminés qui servent à la débauche d'il!
triiiiiriils passifs; àpaevoxoërai, masculorum conat-
bi tores, ceux qui se livrent au vice contre nature
châtié à Sud. ; ■îiuV.otâ'rpai, idolis servientes, cens
qui rendent un culte aux idoles, particulièrement sous
forme de prostitution sacrée, telle qu'on la pratiquait
dans le temple d'Aphrodite à Corinthe. I Cor., vi, 9.
lo. Tous les excès qu'entraîne la prostitution sont
ainsi stigmatisés. Mais les séductions du mal étaient
terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux
chrétiens se laissaient entraîner. En leur écrivant une
seconde l'ois. l'Apôtre craint d'avoir à pleurer sur ceux
qui n'ont pas fait pénitence après avoir succombé ■<
L'cUa6apo-(a, ïmniunditia, l'impureté en général, la
,. fornicalio,ll\ prostitution, el YiveYyzia, im/in-
dicitia, la dissolution des nneurs dans ce qu'elle a de
plus grossier. Il Cor., xii, 21. Aux Tbessalonicien .
dont la ville était un bru de plaisir el de dépravation,
cf. Lucien, .4 sin., 16, saint Paul rappelle l'oblij n
de fuir la prostitution el SCS conséquences. I Thess., iv.
773
PROSTITUTION
PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA RIRLE 774
3. A Timothée, évéque de cette ville d'Éphèse dans
laquelle le culte de Diane attirait les courtisanes et les
débauchés, il ordonne de condamner, au nom de
l'Évangile, les -op-.o; et les àptrevoxoiTat, ceux qui
vivent dans la prostitution et les vices contre nature.
ITim.,1, 10. Aux Éphésiens eux-mêmes, il recommande
de ne plus se conduire comme les païens, qui. < ayant
perdu tout sens, se sont livrés aux désordres, à toute
espèce d'impureté, avec une ardeur insatiable. » Eph., iv,
1749. Cf. 1 Pet., iv. 3.
3" Enfin, dans l'Apocalypse, n, 11. 20-21, saint Jean
signale la prostitution à Pergame et à Thyatire. Il
décrit la ruine de la cité du mal, de Babylone, ttj;
-éfv.-ç -rtc u.i-;i'ir,;, meretricis magnas, « la grande
prostituée, qui a abreuvé les nations du vin de sa
furieuse impudicité. a Apoc. XIV, 8; XVII, 1, 2, 4;
xvm. 3, 9; xix. 2. Il annopce le châtiment qui est ré-
servé aux impudiques, la seconde mort. Apoc, xxi, 8.
Il exclut à jamais de la cité bienheureuse les chiens et
les débauchés, en compagnie des idolâtres, par consé-
quent tous ceux qui vivent dans ies hontes de la pros-
titution et des vices qu'abritent les temples des faux
dieux. Apoc, xxii, 15. 11. Lesètre.
PROTÉVANGILE (premier évangile), nom donné
1" à la première prophétie messianique. Gen., ni, 13,
annonçant que le Sauveur futur, de la race de la femme
écrasera la tête du serpent tentateur (voir Marie 2,
t. iv. col. 77S i ; 2° à un Évangile primitif supposé
par divers critiques pour rendre compte des ressem-
blances des Évangiles synoptiques (voir ÉVANGILES,
t. m, col. 2091); 3° à un Évangile apocryphe dit
de saint Jacques. Voir ÉVANGILES apocryphes, t. Il,
col. 2115.
PROTOCANONIQUES (LIVRES), livres de l'É-
criture dont l'autorité n'a été l'objet d'aucune contesta-
tion. Voir Canon, t. n, col. 137.
PROUE i-rec : icpûpa; Vulgate : prora). avant d'un
navire. Voir Navire, t. iv, col. 1513. Quand le navire
qui portait saint Paul fut poussé par la tempête
vers l'île de Malle, les marins, craignant d'être portés
sur les récifs au milieu de la nuit, jetèrent quatre ancres
de la poupe, alin d'arrêler la marche du navire. Puis,
pour échapper eux-mêmes au danger, ils mirent une
chaloupe à Ilot du coté de la proue, sous prétexte d'y
jeter une autre ancre. C'est de ce coté, en etfet, qu'ils
comptaient trouver un rivage. Quand le jour fut venu,
on coupa les amarres des ancres et on échoua le navire
sur une plage. La proue s'enfonça dans le sable et
y resta fixée, tandis que la poupe se disloquait
sous la violence des vagues. Act.. xxvii, 29, 30, 41.
C'est à la proue qu'on sculptait les ligures symboliques
qui servaient d'enseigne au navire. Voir Castors, t. n.
col. 312. H. Lesètre.
PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
Leur histoire n'est connue exactement que depuis peu
de temps seulement. Leurs manuscrits ont été long-
temps confondus avec ceux des traductions bibliques
faites dans le dialecte des vallées vaudoises. Cf. Ri-
chard .Simon. Nouvelle* observations sur le tel' et
Ici versions du Nouveau Testament, IIe partie, c n,
in-4», Paris, 1695, p. 141-142 ; J. Le Long, Bibliotlieca
sacra, in-l". Paris, 1723. t. I, p. 308-369. Ed. Reuss
a distingué le premier les versions albigeoises ou ca-
thares en provençal des traductions vaudoises. Frag-
ments littéraires et critiques relatifs à l'histoire île la
Bible française, dans la Revue de théologie de Stras-
bourg, 1852, l. v. p. 321-349; 1853. t. vi. p. 65-96.
liepuis lors, on a découvert et étudié des manuscrits
nouveaux, on a confronté les textes, et de cette compa-
raison Samuel Berger et Paul Meyer ont tiré des
conclusions scientiliques, que nous exposerons
brièvement.
1° La plus ancienne traduction provençale a été re-
trouvée dans un manuscrit unique du XIIe siècle, conser-
vé' à Londres au British Muséum, Harleian 2928,
fol. 187 v». Il comprend cinq chapitres de l'Évangile de
saint Jean. xm. 1-xvn, 26, dont le texte provençal est
précédé de cette rubrique latine : Incipit serino Domi-
iii nostri Jhesu Chrisli quem fecit in cena sua quan-
I du pedes lavit discipulis suis. Il a été copié à Limoges,
peut-être à l'abbaye Saint-Martial. Le texte est un
morceau liturgique et on n'a pas de raison de penser
qu'il ait fait partie d'une version plus étendue. 11 est
de la même époque que le manuscrit, par conséquent
du xne siècle. Il a été publié par Fr. Michel, par
C. Hofmann, Gelehrte Anzeigen der kônigl. b,< >,■,■>■ .
Akademie der Wissenschaften, juillet 1858, par Paul
Meyer. Recueil d'anciens textes bas-latins, provençaux
el français, Paris, 1871, t. i, p. 32-39, et par K. Bartsch,
C lires tomathie provençale, i' édit., Elberfeid, 1880,
col. 9-18.
2» Environ cent ans plus tard, au xme siècle, on
fit une version provençale de tout le Nouveau Testa-
ment. Elle existe dans un seul manuscrit d'une écri-
ture méridionale paraissant de la fin du xme siècle
(1250-1280), à la bibliothèque du Palais des arts a
Lyon, n»36. lia été apporté de Nimes à Lyon en 1815,
et donné à la ville de Lyon par J.-.l. Trélis. Le texte
présente deux lacunes notables, provenant de la perte
de quelques feuillets : les passages, Luc, xxi, 38-xxm,
13; Rom., vu, 8 6-vm, 28, manquent. La version pro-
vençale est suivie d'un rituel qu'Edouard Cunitz a
reconnu le premier pour le rituel cathare ou albigeois,
contenant la liturgie du consolament : Ein katharisches
Ritual, dans les Beitrùge far den theol. Wissenschaf-
(en.Iéna, IS52. t. iv. p. 1-S8. Il a été réédité par M. Léon
Clédat avec le Nouveau Testament, in-8°, Paris. 1888
(le texte en a été transcrit en caractères ordinaires cl
traduit en français dans l'Introduction, p. ix-xxvi), et
spécialement : Vieux provençal. I. Rituel provençal,
manuscrit 36de la bibliothèque municipale du palais
Saint-Pierre, à Lyon, in-8", Lyon, 1890. Les citations
du Nouveau Testament de ce rituel appartiennent à la
version provençale, dont le texte précède, quoiqu'elles
n'en soient pas extraites textuellement. Éd. Reuss,
loc. cit., avait péremptoirement démontré, par la com-
paraison avec les textes vaudois, que cette version
n'avait rien de vaudois, et qu'elle avait été la traduction
officielle des cathares ou albigeois. Samuel Berger. Les
Bibles provençales et vaudoises, dans la Romania, Pa-
ris, 1889, t. xvm, p. 354 sq., a constaté que la version
provençale du manuscrit de Lyon avait été faite sur
un texte latin de la Vulgate tout à fait caractéristique
et usité dans le Languedoc pendant la première moitié
du xme siècle. Cf. son Histoire de la Vulgate pendant
les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 72-
S2. Elle y correspond de tous points pour le fond
(aussi bien que les corrections marginales) et lui res-
semble même dans ses formes extérieures, et en par-
ticulier pour la division en chapitres. Bien plus,
comme un certain nombre de passages, tant du début
de la plupart des livres que de quelques endroits du
texte, sont restés en latin sans traduction, il faut en
conclure que le copiste transcrivait la version proven-
çale interlinéaire d'un manuscrit latin glosé. Non
seulement il a copié' parfois, par inadvertance sans
doute, le texte latin, mais l'ordre des mots vulgaires
est presque exactement celui du texte original. Cette
copie semble avoir été prise directement sur le manus-
crit lalin glosé, car, si elle n'est pas un manuscrit
d'auteur, elle n'est pas très éloignée du manuscrit de
l'auteur. AI. Paul Meyer, dans la Romania, loc. cri..
775
PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE
776
p, ij:!-12tj. par une étude comparée de la langue de
version, a di terminé la région à laquelle appar-
tenaient l'auteur el le copiste du manuscrit. Toutes les
particularités linguistiques se retrouvent à l'époque
indiquée, dans les documents qui proviennent du pays
i ' —pondant au département actuel de l'Aude et
même, (joui- plus «le précision, à la partie orientale de
ce département. Des fac-similés du manuscrit oui été
reproduits par \V. S. Gilly, The romaunt Version of
llie Gospel according lo St. John, Londres, 1848,
p. i.vii : par Reuss, loc. cit. ; dans le Recueil des fac-si-
à l'usage de l'École 'les chartes, pi. 129. W. Foers-
ter a édité l'Évangile selon saint Jean, dans la Revue
des langues romanes, 2" série, 1878, t. v, p. 105 sq.
M. Léon Clédal a publié une reproduction photolitho-
graphique du manuscrit entier : Le Nouveau Testa-
ment ha/luit au xill' siècle eu langue •provençale,
dans la Bibliothèque de la faculté 'les lettres de Lyon,
Paris, 1888, t. iv. Cette version provençale a exercé,
nous le verrons, nue limmI.- influence, directement ou
par ses dérivés, sur les versions vaudoises, catalanes et
italiennes du Nouveau Testament.
3° Un autre état de cette traduction provençale du
Nouveau Testament a été conservé dans le manuscrit
français 2425 qui provient de Peiresc. Il est malheureu-
sement mutilé en plusieurs endroits, et l'Évangile de
saint .Matthieu est perdu tout entier. L'écriture est de-
là première moitié du xiv siècle. D'autre part, le texte
lui-même est abrégé. Il a été écourté soit pour éviter
des répétitions, soit par recherche de la brièveté. Au
lieu de donner la traduction complète du texte, l'auteur
n'en fait souvent qu'un résumé; parfois cependant, il
a ajouté quelques mots de paraphrase. La version est
donc plutôt libre que littérale, el en beaucoup d'en-
droits, elle est très négligée. D'ailleurs, la copie est
souvent défectueuse. Or, elle ressemble en bien des
points à celle du manuscrit de Lyon. La division en
chapitres est en grande partie identique à celle de ce
manuscrit. Le texte lui-même est si ressemblant que
vraisemblablement on ne se trouve pas en présence de
deux traductions différentes ; les contresens sont les
m mes. Les divergences se ramènent à peu prés à une
traduction plus littérale de quelques mots; la diversité
de l'ordre des mots et de la disposition des phrases
provient de ce que la version interlinéaire du manuscrit
de Lyon suit l'ordre du texte latin, tandis que celle du
manuscrit de Paris a remis les phrases sur ses pieds.
La communauté d'origine admise, le manuscrit «le Lyon
représenterait la première édition; celui de Paris en
sérail le redressement, et le texte provençal primitif
aurait Simplement été transcrit dans un langage plus
moderne et, au jugement du transcripteur, plus con-
for ni latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit.,
cette transcription a été faite dans le dialecte de la
Provence, et plu-- probablement du sud ou c\u sud-est
de cette province. Au point de vue doctrinal, cette ver.
sion est neutre, comme la précédente. La copie semble
avoir été faite pour l'usage d'un catholique, qui y
liNail les évangiles el les .pitres des dimanches et des
fêtes. Un grand nombre d'index, dus à plusieurs
et qui paraissent remonter au xv siècle, in-
diquent en quelles mains ce manuscrit a passe. Ils at-
tirent l'attention sur des textes de morale et sur des
qui ont un rapporl direct avec l'enseignement
p cial des Vaudois, et ils semblent être le résumé de
la prédication d'un g barde i el le témoignage de sa
carrière errante et persécutée, s. Bel ei iotrf..
.-374.
le texte de l'Évangile de suint Jean a été publié en
entier par Gilly, mnt Version of the Gospel
ding to St. John, Londn s, 1848, el par .1. Wollen-
ainl Jean en oieua provençal
' te du Collège royal français de Berlin), 1868.
P. Meyer a reproduit Joa., XIII, dans Recueil d'anciens
le.cles bas-latins, pro vent aux et français, Paris, 1874,
t. t. p. 3-2-39. J. Wollenberg avait publié déjà l'Epitre
aux Ëphésiens, dans VArchiv fur dus Sludium der
neueren Sprachen, 18IÎ-2, t. xxxvm, p. 75 sq., et Karl
Bartsch en a extrait Éph., i, 1-23, pour l'insérer dans
sa Chreslomathie provençale, i" édit., Elberfeld, 1888,
col. 331-332.
Ces textes provençaux du Nouveau Testament ont
exercé une inlluence notable sur les versions vau-
doises, qui ont avec eux un grand nombre de points
communs. Les divergences ne permettent pas d ad
mettre la communauté d'origine; mais la dépendance
de celles-ci relativement à ceux-là est certaine. S. Ber-
ger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont indue aussi, comme les
versions vaudoises elles-mêmes, sur la première traduc-
tion italienne des Épitres de saint Paul, îles Épitres catho-
liques et de l'Apocalypse. S. Berger, 'La Bible italienne
au moyen âge, dans la Romania, 1891, t. xxiv, p. ïô.
47, 50. Voir Italiennes (Versions), t. m. col. 1020- 102 1.
Ils ont même influé sur une Bible allemande, repré-
sentée par les manuscrits de Tepl et de Freiberg
(xive siècle) et par dix-huit éditions imprimées. Son
texte se rattache surtout au manuscrit de Lyon; mais
certaines de ses leçons ne se retrouvent que dans le
manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. Il
faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous
les veux un original intermédiaire entre les différentes
versions. Voir la bibliographie du sujet, citée t. i,
col. 370, et les articles de la Revue historique, janvier
1886, t. xxx, p. 107; septembre 1886, t. xxxn, p. 184,
el 1891, t. xlv, p. 148 (les deux premiers ont été repro-
duits avec additions dans le Bulletin de la Société
d'histoire vaudeise, n° 3, décembre 1887).
4° Une version toute nouvelle du Nouveau Testa-
ment a été découverte plus récemment encore dans
deux manuscrits. Le premier, qui n'en confient qu'un
fragment, a été trouve' par M. Mireur, archiviste du
Var, dans les archives de Puget, où il servait de cou-
verture à un registre de comptes. C'est un débris
de deux feuillets, dont l'écriture est du milieu du
xive siècle environ. Le texte reproduit est Mat th.,
xwiii. 8-Marc, i, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet
précédent se sonf imprimées à l'envers sur le suivant
et ont fourni Matth., xxvi. 1-4, 17-21. M. P. Meyer a
édité ce texte et l'a étudié. Fragment cTune version
provençale inconnue du Nouveau Testament, dans la
Romania, t. xvm, p. 130-'i38. Celle version est bien
plus libre d'allures que la précédente; elle ne suit pas
littéralement le lexte latin, et elle vise à être claire et
intelligible pour tous, parfois même en forçant un peu
le sens. Tous les mois el toutes les locutions sont de
bonne langue populaire, el on ne trouve pas de termi s
latins passés en provençal, La traduction ne parait pas
notablement plus ancienne que le manuscrit : elle serait
donc de la première moitié du xiv siècle. Les n
de l'ancienne déclinaison sont tombées en désuétude,
el elles ne semblent pas être des corrections du copiste.
La langue appartient à la partie méridionale de la
Provence, en sorte que la version est du même pays
que le manuscrit qui la contient.
Samuel Berger a étudié plus tard un manuscrit nou-
veau, qui reproduit la plus grande partie des Évangiles,
à la suite d'un s livre de (lenèse », dont il sera parlé
plus loin. C'est le manuscrit français 6261 de la Biblio-
thèque nationale de Paris. Écrit au w siècle, il a
appartenu à Jean de Chastel, évêque de Carcassonne
; 1475), et au célèbre Tristan l'Ermite. Chaque Évan-
gile e>t précédé de son argument. La division en para-
graphes, à peu près semblable à celle des manuscrits
de la version précédente, semble indiquer que la tra-
duction est antérieure, sinon au milieu, du moins a la
fin du XIIIe siècle. Le lexte latin, sur lequel elle a été
777
PROVENÇALES (VERSIONS;
PROVERBES (LIVRE DES)
778
faite, n'a presque rien du texle languedocien; c'est, à
peu de chose prés, celui qui a été en usae,e dans toute
la France depuis le IX" siècle jusqu'au milieu du xiif.
La version est libre, souvent abrégée, parfois paraphra-
sée ou accompagnée de gloses. Elle est, à certains en-
droits, la même que celle du fragment du l'uget.
L'origine commune, au moins partielle, des deux textes
est évidente. Le fragment est plus ancien et plus
rapproché, a certains égards, de l'original. Celte tra-
duction a certainement été en partie l'original de la
plus ancienne des versions catalanes des Évangiles,
qui se trouve dans le manuscrit de Peiresc, Bibliothèque
nationale, fonds espagnol, 2-4, du XVe siècle. Voir t. u,
col. 316. Il y a ressemblance en certains passages, et
identité en beaucoup d'autres. Certains indices pour-
raient faire croire que cette version provençale est
d'origine cathare. Elle parle des « bons hommes » et
des ce parfaits ». Moins littérale que la précédente, elle
est bien supérieure au point de vue du goût, et elle est
faite pour le peuple. Certains contresens, dont quel-
ques-uns sont peut-être le fait des copistes, nous
apprennent comment l'auteur entendait l'original. Le
texte n'en a pas encore été publié. S. Berger. Nouvelles
recherches sur les Bibles provençales et catalanes,
dans la Bomania, 1890, t. xix.p. 535-548. La traduction
toscane des Evangiles, du xmc siècle, a été faite, à cer-
tains endroits, sous l'inlluence d'un texte provençal,
parent de celui qui avait été traduit en catalan, mais
plus ancien et plus rapproché de la source commune
de tous les textes provençaux. S. Berger, La Bille ita-
lienne au moyen âge, dans la Bomania, 1894, t. sxm,
p. 3032.
5" Le « livre de Genèse », que contient le manus-
crit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes,
qui complète l'histoire sainte par des légendes évangé-
liques. 11 parait être du xive siècle. Il est conservé
aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque de Sainte-
Geneviève à Paris. Af 4, fol. 79, du xive siècle.
M. Bartsch l'a reproduit, Chrestomathie provençale,
4- édit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a été
traduit en catalan. La version catalane, conservée dans
les manuscrits: Bibliothèque nationale de Paris, esp. 46.
du xv« siècle; Barcelone, daté de 1451, a été publiée
par M. Y. Amer, Genesi de Scriptura, Barcelone,
1873. Le même livre a été traduit en béarnais. V. Les-
pey et P.Ravmond, Bécits d'Itist. sainte, 2 vol., Pau,
1876, 1877.
6» Les livres historiques de l'Ancien Testament ont
enlin été traduits en provençal au XVe siècle. L? texte
en a été conservé dans un seul manuscrit du XVe siècle,
à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds français 2426.
Aux feuillets 152 et 366, il y a une signature qui pourrai'
bien être celle du copiste et qu'on peut lire « Johannes
Convel » ou 6 Conveli ». Quelques parties en ont été
éditées par M. .1. Wollenberg, dans l'Archiv fur das
Studium iler neueren Sprat-lien, à savoir: l'histoire de
Susanne, 1860, t. xxvm, p. 85-88; Esther, 1861, t. xxx,
p. 159-169; Tobie, 1862, t. xxxn, p. 337-352. Elle a été
pour une partie traduite littéralement sur une Bible
historiale française, dont il existe trois manuscrits
plus ou moins complets : Bibliothèque de l'Arsenal à
Paris, manuscrit 52 1 1, du milieu du xnr siècle; Biblio-
thèque nationale, nouvelles acquisitions françaises, 1 104,
de la seconde moitié du xin0 siècle; fonds français
6447, copié entre le xme et le xive siècle. Voir t. Il,
col. 2353-2354. Cette version a les caractères de son
original français, qui est une compilation et une œuvre
mêlée due à plusieurs traducteurs. S. Berger. Nou-
velles recherches, etc., p. 518-557. Elle a été faite peut-
être pour servir de complément au Nouveau Testament
provençal.
La littérature provençale n'a jamais produit une
Bible complète. E. Mangenut.
PROVERBES (LIVRE DES), un des livres sa-
pientiaux de l'Ancien Testament.
I. TITRES du LIVRE. — Ce livre a pour titre dans la
Bible hébraïque les premiers mots du texle Mislê
Selômôh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages
juifs plus récents, il est assez souvent désigné par le
seul mot Afis7ê ; dans le Talmud également on le trouve
aussi mentionné sous le titre de séfér hokmdh, « livre
de la sagesse », Tosephot in Baba balhra, 14. — Dans
les Septante il est intitulé Elapottifai ou Ilocpotijua;
So(>w|j.ûvto;. — La Vulgate, au titre de Liber Prover-
biorum, ajoute : quem Hebrsei Misle appellant. —
L'antiquité chrétienne indique assez souvent les cita-
tions empruntées à ce livre par ces seuls mots : Salo-
mon a dit; cependant on le rencontre encore désigné,
explicitement ou implicitement par le terme de lo;;*
ou ~i.ij-J.-x SaXoi[j.wvToç, Sapienlia Salonionis, S. Justin,
Ailv. Tryph., 129, t. vi, col. 771: Méliton de Sardes,
cité dans Eusèbe, //. E., îv, 26, t. xx, col. 397; Clé-
ment d'Alexandrie, L'œilag., II, 2, t. VIII, col. 421; Ori-
gène. In Gen., hom. xiv, t. xn, col. 237; S. Cyprien.
Testim. adv. Jud., m. 56. t. IV. col. 761; r, tccivocpeto;
ryj-j-x, S. Clément, / Cm-., i.vn, 3, édit. Gebhart et llar-
nack, 1876, p. 9i. Eusèbe nous apprend que cette épi-
thète était en usage parmi les auteurs ecclésiastiques du
IIe siècle, H. E., IV, 36, t. xx, col. 397. — Dans la litur-
gie, l'Eglise le désigne, ainsi que les autres livres sapien-
tiaux, sous le titre général de « Livre de la Sagesse ».
II. Place du livre DANS LA BiEi.iî. — Le livre des
Proverbes, dans la Bible hébraïque, fait partie des
Hagiographes, et, par suite, il se trouve placé après la
Loi et les Prophètes, le plus ordinairement à la suite
des Psaumes et de Job; dans la Vulgate comme dansles
Septante, il est placé à la suite de Job et des Psaumes.
III. CANONICITÉ du livre. — Le livre des Proverbes
fait partie des protocanoniques; il a toujours été con-
sidéré comme livre canonique par les Juifs et par
l'Église chrétienne. Dans les écrits du Nouveau Tes-
tament, les passages de ce livre qui y sont cités
sont rapportés avec les formules ordinairement em-
ployées pour les citations scripturaires. Dans l'Épitre
aux Romains, XII, 19-20, une citation des Proverbes,
xxv, 21-22, est jointe à une autre du Deutéro-
nome, xxxn, 25, et toutes les deux sont introduites
avec la formule « car il est écrit ». Voir aussi II Cor.,
v.m. 21, et Prov., m, 4; lleb., XII, 5-6, et Prov., m, 11-
12: .lac, iv, 6; I Pet. V, 5, et Prov., m, 31: I Pet., IV,
18. et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxn,
8 (Septante); Héh., xn, 13, et Prov., iv, 26 (Septante).
Quelques anciens rabbins juifs soulevèrent des diffi-
cultés relativement à la canonicité des Proverbes, mais
ils visaient l'usage public du livre et non pas son auto-
rité religieuse. Elles consistèrent principalement dans
les contradictions que l'on pensait trouver entre ces
deux passages, XXVI, 4, et XXVI, 5, ainsi que dans les
descriptions de vu, 7-20, jugées inconvenantes comme
trop réalistes et trop suggestives; celte question fut en-
core soulevée au synode de Jamnia (vers 100 après
J.-C). Une distinction mit fin à la première difficulté
en rapportant XXVI, i. aux choses de la terre et XXVI, 5,
aux choses religieuses. Quant aux descriptions du
chap. vu. elles furent interprétées d'une manière allé-
gorique. Après cette date, aucun doute n'est plus signalé'
sur ce livre dans le milieu juif. — Parmi les chrétiens,
le second concile général de Constantinople (553),
Labbe, Conc, t. v, col. 451, condamna la doctrine
de Théodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est
vrai, que Salomon était l'auteur de ce livre, fait en
vue de l'utilité d'autrui, mais prétendait qu'il l'avait
composé de lui-même, parce que pour ce travail
il n'avait pas été favorisé, disait-il, des dons de pro-
phétie. — Dans les temps modernes, cette attaque
fut reprise par le juif B. Spinoza. Traciatus tlicologico-
779
PROVERBES (LIVRE DES'
780
polit., H, et par .1. le Clore. Sentiments de quelques
théologiens de Hollande sur l'histoire critiq
V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne
pouvaient comprendre que «-le Saint-Esprit eût inspiré
des choses aussi simples que celles qu'on rencontre
en plusieurs passages de ce livre et que des paysans
sans instruction apprennent et connaissent sans le
secours d'aucune révélation. 9 Raisonnement absolu-
ment taux, parce qu'il confond la révélation et l'ins-
piration et donne comme critère de l'inspiration d'un
livre son contenu, et qui, s'il était poussé' logique-
ment, aboutirait, comme le remarquait justement
I;. Simon, Réponse aux sentiments de quelques tlu:"-
, de Hollande, c. xm, Botterdam, 1686, p. 138,
à la négation de l'inspiration d'un lion nombre d'autres
livres île la Bible.
IV. Le sens du mut Proverbes. — Misai, dont
>.rbe est la traduction, vient de la racine -r-,
- T
qui répond à l'idée de comparaison, de similitude,
d'où parabole, sentence. Kautzsch, dans The sacreil
Books of the Old Testant. : Tlie Book of Proverbs,
l, t\. p. '■■•!. préfère, pour fixer ce sens, recourir à un
rapprochement avec l'assyrien mislu, qui veut dire
« moitié », confirmé par l'arabe SlX-o=. dont la signi-
fication revient à ceci : 8 brisé en deux » ou a divise''
par le milieu ». Pour lui, l'idée première de mâsâl ne
donc point celle de similitude, au moins d'une
façon directe, mais impliquerait immédiatement l'idée
de stiques poétiques, c'est-à-dire de membres paral-
lèles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot
' est traduit ainsi : c proverbe parabole, se dit
de sentences disposées en parallélisme. » On peut dire.
en général, que mâSâl signifie tout d'abord similitude,
comparaison, et ensuite, similitude exprimée sous forme
de parallélisme, avec diverses nuances de sens. En
dehors du livre des Proverbes ou il esl employé 6 fois
i. 1, 6; X,l; xxv. I : xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois
dans l'Ancien Testament. Il signifie : dicton populaire.
I Sam., xxiv, 14; Ezech., xn, 22; oracles prophétiques
Balaam), Nuro., xxmetxxiv; énigmes, Ezech., xxi,
V XXIV, 3; chant où domine l'ironie, Is., xiv. 'i ;
Mich.. Il, l; objet de risée, Dent., xxvui, 37; II Par., vu,
20, mais on peut retrouver dans ces diverses accep-
tons une signification commune : celle d'une compo-
sition littéraire plus ou moins longue, en langage ligu-
re el suivant le rythme poétique, basée sur un rappro-
chement ou nue comparaison. Mais il y a encore une
autre acception du mot mâsâl qui le rapproche du
mut •.""!•"; des Crées, celle de maximes, de sentences,
(primées sous la forme poétique et avant une portée
murale, et c'est le sens qui Convient à ce mot dans le
livre îles Proverbes.
\. Objet du livre des Proverbes. — Ce recueil est,
avant tout, le livre île la Sagesse, el on a vu Comment
les Pères lui ont donné' ce litre. Cette désignation
convient excellemment au contenu de ce livre, car,
dans tout son ensemble, c'est la Sagesse qu'on \ entend,
soil que. personnifiée, elle instruise directement elle-
même, suit qu'elle communique aux hommes ses
ne ni- par s les sage- . ses représentants.
Mais ce livre n'est poinl une œuvre abstraite, un re-
cueil de considérations Ihéologiques sur la sagesse,
un livre pratique el l'enseigne ut qui y est
donné, les préceptes el les leçons qu'un \ trouve, pré-
igesse ou en son nom. convergent tous
an même bul el donnent ainsi sa véritable unité
teil -le -entences : rendre meilleur l'homme qui
suivra i le rendant participant de la sa-
L objet .lu livre di - Proverbes, c i si donc, ainsi
que l'exprime le prologue du livre I, 1-C>, l'enseigne-
ment ii.'im. ■ p.u e pour rendre l'homme sage.
Qu'est-ce donc que la sagesse? qu'est ce qu'un
Dans la Bible, le nom de sage sert à désigner diverses
catégories de personnages, mais si variées que puissent
être les conditions sociales dans lesquelles ils sont
placés, ou la nationalité à laquelle ils appartiennent. un&
idée commune se retrouve toujours dans cette appella-
tion; celle d'une science plus parfaite. C'est ainsi
que dans l'Exode Dieu déclare avoir rempli de sagesse,
d'intelligence et de savoir Béséléel et Ooliab pour qu'ils
puissent exécuter ses prescriptions relativement à la
construction du Tabernacle. Exod., xxxi,3-6; xwv. 31,
31. Iliram, a l'habilité de qui Salomon fait appel lors de
la construction du Temple, est mentionné' lui aussi
comme « rempli de sagesse, d' intelligence e! de savoir
pour faire toutes sortes d'ouvrages d'airain, g I Reg.,
vu, 11. Au témoignage de Jérémie, xuv. 7, et d'Abdias,
8, les Édomites étaient réputés pour leur sagesse, et.
quand il s'agira de faire ressortir l'excellence de la sa-
gesse de Salomon. l'historien sacré dira qu'il .< était
plus sage... qu'K.tlian l'Ezrahite, qu'lléman. Chalcol et
Dorda, les fils deMàhol. >< I Reg., iv,30-31. Et la sagesse
de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclamée
dans le jugement qu'il rend entre les deux mères qui
viennent le consulter, I Reg., m, 28, que lorsqu'il ré-
pond aux questions de la reine de Saba el résout ses
difficultés, 1 Reg., x, 3, 6, ou qu'il prononce de nom-
breuses maximes. I Reg., tv, 32, 31.
Si l'on examine maintenant les diverses acceptions
du mot hnkmdlt, ordinairement traduit par Sagesse,
on verra qu'une large part y est faite au côté intellec-
tuel et qu'il implique une science plus parfaite en
celui qui possède celte sagesse. Kl celte connaissance
supérieure n'est point restreinte dans son objet, elle
est toujours susceptible de perfection, elle comprend
tout aussi bien les choses divines. que les choses hu-
maines et elle embrasse les vérilés pratiques et mo-
rales tout autant que bs vérités spéculatives, si elle
comprend la connaissance de la nature et des choses
de la nature, elle comprend également la science de la
pratique de la vie. et à ce litre elle est. a-t-on pu dire, le
principe du savoir vivre comme du savoir faire dans
l'homme qui la possède. Autant qu'elle se trouve en
l'homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie,
consiste donc dans la science de Dieu, de l'univers
et de la vie.
Mais celle sagesse ou celte science éminente que
l'on peut rencontrer dans l'homme et qui le rend
supérieur à celui qui ne la possède point, ne vient pas
de lui. il la reçoil de l'extérieur, el. en dernière ana-
lyse de Dieu même en qui elle réside essentiellement^
mais qui peut en communiquer quelque chose aux
nommes, en sorte que ceux qui la posséderont seront
des bénéficiaires d'un don divin.
Si l'on se sert de ces réflexions pour apprécier les
maximes que renferme le recueil des Proverbes, en
peut reconnaître que ce livre constitue un manuel
théorique el pratique de coniluile morale, il a pour bot
d'amener celui qui en suil les enseignements a une
science plus parfaite el au perfectionnement de s-,
propre vie. ce qui constituera sa véritable sagesse.
Les Pères entendaient ainsi le but cl l'objet de ce
livre quand, avec saint Basile, ils définissaient la sa-
gesse de ee recueil « une science île- choses divines et
humaines..., non pas tant spéculatives que pratiques.
de nature à conduire l'homme à la pratique de tontes
les vertus et par là-même te mettre en mesure d'attein-
dre au bonheur parfait, t lu princip. Proverb.,
l vu. 3, t. sxxi, col. 389.
A plusieurs reprises, surtout dans les premiers cha-
pitres, ceux à qui s'adresse la Sagesse sont désignés
par le nom de n lils t, mais on se tromperait sur la
portée de ce terme si on ne voulait y voir que l'indica-
tion d'un âge peu avancé, il désigne, avant lout Ceux
qui désirent mener une vie meilleure et ne font que
781
PROVERRES (LIVRE DESï
782
commencer. La sagesse prend à leur égard l'attitude
du maître qui instruit et forme un disciple.
VI. Divisions du livre des Proverbes. — Il renferme
8 sections : — 1°, I, I-ix, 18. Une série de discours
moraux qui paraissent destinés à servir d'introduction
aux Proverbes proprement dits et qui ont pour titre :
Parabolx Salomonis, Proverbes de Salomon, i, 1. —
2° x, 1-xxn, 16. L'ne grande collection de sentences
portant le même titre que les maximes de la section
précédente : Paraboles Salomonis, x. 1. Ce titre man-
que dans les Septante. — 3" xxn, 17-xxiv. 22. Un
recueil de pensées qui sont données comme « paroles
des sages », xxn, 17. — i" xxiv, 23-34. Quelques pensées
également attribuées à des sages, xxiv, 23. — 5° xxv,
1-xxix, 27. Nouvelle collection de proverbes attribués à
Salomon. mais réunis seulement au temps d'Ézéchias,
xxv, 1. — 6° XXX. Recueil de maximes intitulé : Pa-
roles d'Agur, xxxi, 1. — 7 «xxxi, 1-9. Quelques réflexions
de la mère du roi Lamuel. xxxi, 1. —8" xxxi, 10-31.
Poème alphabétique, sans titre, contenant le portrait
de la femme forte.
VII. Origine des différentes parties du livre. —
Sept de ces sections portent donc le nom de person-
nages déterminés : Trois sont attribuées à Salomon :
1. 2. 5; deux le sont à des auteurs autres que Salomon
et dont les noms sont indiqués : 6, 7; deux à des au-
teurs désignés seulement par le titre de « sares ». 3,4.
On peut donc distinguer deux groupements dansle livre
des Proverbes : les sections attribuées à Salomon et
celles qui ne portent pas son nom. Cette distinction est
aujourd'hui généralement admise.
/. ORIGINE SALOXONIENNE DES PRESIËIiE, DEUXIÈME
i:i cinquième sections. —Il s'agit ici de l'origine des
trois principales sections du livre, celles qui renferment
le nom de Salomon dans leurs titres respectifs i, 1 : x,
1; xxv, 1. — l" Preuves. — Les auteurs anciens et la
plupart des anteurs modernes catholiques reconnaît
dans ces sections une œuvre vraiment salomonienne.
.M. Vigouroux, Manuel biblique, t. Il, 12= édit., 1906,
p. 482; Cornely. Introd. specialis. t. n. Paris, 1887.
p. 143 sq.; Card. Meignan, Salomon, Paris, 1890,
p. 328. La thèse est ainsi exposée : Salomon a composé
un très grand nombre de maximes gnomiques. toutes
ne nous sont pas parvenues, mais il en existe au
moins deux recueils qui furent faits à deux reprises
différentes. A ces sentences ainsi choisies on a ajouté
des maximes provenant de divers auteurs, et de l'en-
semble est résulté le livre des Proverbes que nous
possédons.
La preuve principale de l'origine salomonienne des
trois grandes sections du livre repose sur la tradition
qui les attribue à Salomon. Les Pères et les auteurs
ecclésiastiques, héritiers en cela des docteurs juifs, sont
unanimes à reconnaître ce livre comme une œuvre
vraiment salomonienne. Leur témoignage s'appuie sur
les titres de ces trois sections, titres qui sont très an-
ciens et antérieurs aux Septante. II est vrai que la ver-
sion grecque et la Peschitto n'ont point de titre, au
début de la deuxième section, x, I.rnais quelle que soit
l'explication de cette omission, on peut dire que le
titre i, 1. devait, sans doute, servir à désigner tout le
contenu i, I-xxn, 16. Et même le titre général, i, 1-6,
ne peut avoir toute sa portée que s'il désigne les sen-
tences de la deuxième section tout autant que les
exhortations morales de la première. — Le troisième
livre des Rois, iv, 29-32, nous apprend expressément
que Salomon, doué par Dieu d'une sagesse particulière.
prononça trois mille maximes. » Le terme hébreu
traduit par maximes est précisémenl ce mot mdSdl
que l'on retrouve dans les titres du livre des Proverbes,
i, 1; x, 1 ; xxv, 1.
L'histoire de Salomon nous atteste encore que le
règne de ce prince fut, dans son ensemble, une période
de tranquillité, durant laquelle la civilisation pénétra
de plus en plus dans la société israélite, entraînant
avec elle l'abondance des richesses, la puissance, le
luxe et de nombreux abus. Elle nous permet de suppo-
ser à cette époque, sinon dans toutes les villes.au moins
à Jérusalem, par suite des exemples de Salomon et de
sa cour, un cadre de vie sociale analogue à celui que
supposent certaines descriptions des chap. wx. On pour-
rait même signaler quelques rapprochements assez
significatifs: c'est ainsi, par exemple, que l'abondance
de parfums et d'aromates, que les tapis d'Egypte, que
les lointains voyages, qui sont mentionnés, vu, 16-19,
s'accorderaient bien avec ce que nous savons du luxe
et du commerce d'Israël à l'époque de Salomon.
III Reg., ix, 20-28: x, 2, 10, 14-15, 25.
2° Objections contre l'authenticité îles Proverbes. —
L'authenticité salomonienne des sections 1, 2, 5, nVst
pas admise par tous les auteurs modernes. Pour beau-
coup de critiques, le livre des Proverbes n'est qu'une
compilation de petites collections de sentences qui
ont existé d'abord indépendantes les unes des autres,
car elles sont et d'époques et d'auteurs différents.
Plusieurs des sections du livre actuel renfermeraient
mémo des sous-sections, aux caractères particuliers
assez accentués pour qu'on pût considérer les sections
actuelles comme étant elles-mêmes des résultantes de
collections moins étendues: notamment. x-xv et xvi-xxn,
16, dans la 2e section, et xxv-xxvn et xxvm-xxix, dans
la 5e section. Les caractéristiques de ces sous-sections
se reconnaîtraient en particulier : aux répétitions de
proverbes identiques, à l'emploi presque exclusif de tel
genre de parallélismes, à la préférence pour certaines
idées et à la manière de les apprécier. Toy. Pro-
verbs, dans The internat, critical Comment., 1899,
p. xix sq.
Des dates sont proposées par ces auteurs, soit pour
la composition, soit pour la compilation de ces sections
et l'on peut constater une progression constante depuis
une vingtaine d'années dans l'abaissement de ces dates
par rapport à l'histoire d'Israël. Les critiques les plus
récents ne recherchent même plus s'il y a des maxi-
mes qui peuvent être de Salomon, mais ils voient
uniquement en lui l'initiateur du genre gnomique
en Israël comme David l'avait été de la poésie lyrique.
Frz. Delitzsch, Das Salom. Spruchbuch, 1873, p. 25,
n'hésitait que pour les chap. 1-ix qu'il plaçait à l'époque
de Josaphat; Cheyne, Job and Solomon, 1883, p. 1S3,
affirme qu'on ne peut reconnaître l'authenticité sa-
lomonienne du livre, mais qu'il y a des proverbes
remontant au IXe siècle. Loisy, Les Proverbes de Salo-
mon, 1889, p. 32, reconnaît que des sentences de Salo-
mon avaient pu être conservées par la tradition orale,
chez les sages; et que la partie du recueil qui paraissait
la plus ancienne et qui reproduisait sans doute le plus
exactementle fond etla forme des pensées authentiques
de Salomon était la collection faite à l'époque d'Ezé-
chias; pour Bickell, Krit. Bearbeitung der Proverbien,
1891, la partie la plus ancienne du livre consiste dans
la collection faite au temps d'Ézéchias; laquelle ne de-
vait comprendre que xxv. 11-xxvii. 22; les discours sur
la sagesse, I-IX, pourraient remonter au temps de Jé-
rémie ; Driver, Introduction (o the Lilerat.of the Old
Test-, 7' édit., 1898, p. 407, considère comme histori-
que l'a donnée de Prov., xxv. 1, et y voit la preuve qu'au
temps d'Ézéchias les Proverbes qui suivent ce titre
étaient regardés comme anciens; il ne conclut pas
cependant à l'authenticité salomonienne de toute la
section, mais seulement à l'existence certaine d'un
noyau de proverbes salomoniens dans la ô' comme dans
la 3e section, sans qu'on puisse en déterminer i xacle-
ment l'étendue; i-ix serait de peu antérieur à l'exil.
Nowack, Kurzgef. exegetisches Handbuch, 1883, et
Kuenen, Histor.-crit. onderzoek, 1865. partagent ;i p u
783
PROA ERBES (LIVRE DES)
78 i
même sentiment cl placent la composition de ce
livre avant l'i il. â partir du vm siècle, sauf peut-être
en ce qui concerne les chap. xxx-xxxt; mais pour
. Philos, mot' et relig. desHéb., 1878, p. 151 sq.,
,,n ne peut sa -oii i e qu il y a de Salomon dans le livre
des Proverbes, dont la partie la plus ancienne est la
collection faite au vm« siècle au temps d'Ézéchias.
Avec les auteurs plus récents, les conclusions sont
assez différentes; pour Wildel r. Die Sprûche, dans
Kurzer Hand-Commenlar de Marti, 1807, adoptant
les conclusions de Cornill, Einleitung, i- édit., tout
le livre des Proverbes est post-exilien et nullement
antérieur au iv siècle; pour ["rankenberg, /'"' >'/" '"' ''"'•
dans le Hand-Commenlar de Nowaclt, 1898, et pour
li>. op. cit., p. xxx, el art. Proverbs, dans VEncyc.
Bibl.,t.m, 1902, col. 3917, les deux grandes sections x-
xxu, lti, et xxv-xxix, proviennent de milieux dillérents,
mais ne sont pas antérieures au i\" siècle, la lie section
I-IX, appartient au milieu du IIIe siècle. I.. Gautier,
Introduction à l'Ane. Tes!., Lausanne, 1906. t. n.
p, 89-90, tout en admettant la possibilité d'une collection
de Proverbes faite au temps d'Ézéchias, ne voit aucune
preuve permettant d'affirmer qu'ils nous auraient été
conservés; e1 bien que le style ne s'oppose pas à une
composition du vr siècle, il place au iv« la composition
de notre livre des Proverbes.
Certains auteurs ont même modifié leur propre sen-
timent sur ce sujet : ainsi Xov.ack dans son Commen-
taire, 1883, plaçait les Proverbes avant l'exil; dans l'art.
Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142,
tout le contenu du livre lui semble post-exilien; Cheyne
dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissait que
non seulement les grandes sections du livre étaient pré-
exiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient
raisonnablement pas être placés après l'exil, et dans
Jewish religions Life after the Exile, 1898, p. 128, il dé-
clare qu'une littérature de la sagesse a pu exister avant
l'exil, mais qu'il est impossible de dire dans quelle
sure il y a relation entre cette ancienne littérature
plus on moins hypothétique el les œuvres des sages
post-exiliens conservées dans nos livres sapientiaux
actuels; Knenen, dans la l1" édit., 18(i.">. tic sou Ilislur.-
crit. Onderzoek, soutenait la composition pré-exilienne
du livre des Proverbes; dans la 2e édit,, 1893, S 97,
note I"), il prétend que placer à l'époque contempo-
raine des prophètes l'ensemble des idées morales
religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait
un véritable anachronisme.
Quant à l'usage du nom de Salomon il s'expliquerait
par ce fait que de bonne heure on songea à utiliser la
réputation de sagesse que la tradition lui avait con-
servée, en plaçant sous son nom et en couvrant de son
patronage des recueils de sentences provenant d'au-
teurs dont le nom n'était point connu. Les meilleurs
témoignages de la haute antiquité de cette réputation
de Salomon se trouvent et dans le titre de XXV, 1, qui
repose sur une base historique el dans la mention des
l'rov. comme leuvro île Salomon par l'auteur de l'Lccli..
xi.vii, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de
cette réputation traditionnelle, ces critiques récusent,
au poinl de vue historique, la valeur des titres salo-
moniens i, 1 ; x, I ; xxv, 1, pour eux ils n'ont pas plus
de valeur que les titres des Psaumes pour en détermi-
ner les auteurs. Le témoignage du livre des Rois, même
considéré comme document strictement historique el
non comme l'expression d'un sentiment traditionnel,
n'autoriserait pas à conclure que les maximes con-
tenues dans le livre îles Proverbes sont une sélection
■ lis oiKtn sentences dont il fait mention. Bien plus
même la nature des sentences telle qu'elle est expliquée.
m Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutôt
que leur objet n'était pas le même que celui des sen-
des Proverbes.
Les principaux arguments présentés par ces auteurs
peuvent se résumer ainsi. Au point de vue religieux —
c'est, à rencontre de ce qui est constaté chez tous les
auteurs pré-exiliens, l'absence de toute polémique
contre le polythéisme : le monothéisme est supposé
admis par tous sans aucune difficulté; — c'est l'absence
de celte préoccupation nationale dans l'emploi des
expressions religieuses telle qu'on la constatait avant
l'exil ; sans doute Dieu est bien encore désigné sous le
vocable particulier {'•-') qui le caractérisait durant la
période pré-exilienne, mais on ne rencontre jamais
l'expression si fréquente chez les prophètes, de « Dieu
d'Israël », Toy. Proverbs, p. xxi, el de toute allusion à
la tendance des Israélites à se porter vers leurs sanc-
tuaires les plus vénérés comme le leur reprochaient
souvent les prophètes; — c est encore l'élévation de
pensée sur la divinité', en particulier sur la sagesse
divine (vm) qui suppose, dit-on, un milieu religieux
plus cultivé que n'était Israél avant la captivité (milieu
grec) Toy, Proverfis, p. xxu; Cheyne, op. eil. ; (milieu
persan) Knenen, op. cit., Baudissin, Die alll.
Sprûch., 1893; enfin ce sont des réminiscences du
Deutéronome qui ne permettent pas de reporter les-
maximes qui les renferment à une date antérieure
à la réforme de Josias.
Au point de vue social, les Proverbes supposent cons-
tamment des habitudes et un état de choses qui n'exis-
tèrent pas en Israël avant la captivité ou même avant
le début de la période grecque; — dans la famille, la'
monogamie comme règle générale et la place impor-
tante occupée par la femme ; par exemple : X. 1 ; xv. "20;
xix, 14, et surtout xxxi, 10-21; — dans les habitudes
sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite)
spécialement mentionnés dans i-ix. Toy, art, Pro-
verbs [Book), dans Encyc. Bibl., t. m, col. 3itl.'t;
Nowack, dans Hastings, Dicl. of the Bible, art. Pro-
verbs, t. iv, p. 1 i I.
Enfin, au point de vue littéraire, la plupart des
auteurs cités pensent que ce recueil ne saurait appar-
tenir aux grandes époques de la littérature hébraïque.
Toutes ces raisons sont loin d'être décisives et ne
constituent pas des preuves péremptoires de la data
relativement récente de ce livre, surtout de sa date
post-exilienne.
Il est à remarquer que tous ne récusent pas indis-
tinctement la valeur des litres saloinoniens, notam-
ment XXV, 1. Si Baudissin, u/i. cil., p. Il, déclare que
la mention de o roi de Juda » dans ce titre est une
preme qu'il fut écrit alors que depuis longtemps il n'y.
avait plus de roi de Juda, par contre Driver, "p. cit.,
p. 107, soutient qu'il n'y a pas lieu de mettre en ques-
tion la valeur de celte donnée. < J < - même Loisy, qui,
(op. cit., p. 32 el dans le compte rendu du Commentaire
de Toy, lier. ,111, si. et de LUI. relui., 1900, p. 381
déclare « qu'il n'est pas démontré que la mention des
hommes s d'Ézéchias », Prov., xxv. 1. comme auteurs
de cette seconde collection, n'ait aucune valeur tradi-
tionnelle ».
Comparer les Proverbes avec les écrits prophétiques
au point de vue religieux et s'appuyer sur l'absence de
polémique contre le polythéisme dans les Proverbes
pour en fixer la date tardive, c'est méconnaître l'objet
complètement différent de ces divers écrits el la diffé-
rence d'action el de ministère pour les prophètes et
pour les sages.
La prédication comme les écrits des prophètes
devaient prémunir les Israélites contre leur tendance
naturelle à matérialiser les données de l'enseignement
religieux el prévenir le danger d'aboutir à un syn-
crétisme religieux sous l'influence des civilisations
étrangères; les Proverbes s'adressaient aux Israélites
fidèles au monothéisme, el leur enseignaient la meil-
leure manière de vivre une vie moralement bonne.
785
PROVERBES (LIVRE DES)
78(r
On peut cependant établir des rapprochements
entre les données îles écrits prophétiques et les Pro-
verbes : l'élévation de la pensée religieuse de ceux-ci,
dit-on, dépasse de beaucoup le milieu religieux ordi-
naire antérieur à l'exil, mais n'y a-t-il pas certains
passages hien authentiques d'Amos, d'Osée. d'Isaïe qui
dépassent, et notablement, les données religieuses de
nombreux passages de l'Ecclésiastique, ou de certains
psaumes sûrement post-exiliens? Et précisément en ce
qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapproche-
ment de date avec l'Ecclésiastique n'est peut-être pas
aussi favorable qu'ils le veillent bien prétendre aux
conclusions de ceux qui le soutiennent. La différence
assez sensible qui sépare les données « sapientiales »
des Proverbes de celles de l'Ecclésiastique réclame
un laps de temps plus long qu'ils ne le reconnaissent
et un milieu religieux sensiblement différent. Dans les
Proverbes la Sagesse conserve son caractère universel
et on ne la rencontre pas encore s'identiliant avec l'en-
seignement et la pratique de la Loi, ainsi qu'on le
constate dans Eccli., xxiv. Loisy, Les Proverbes de
Salomoit, p. '27.
L'absence de toute préoccupation rituelle dans l'en-
semble des conseils de la Sagesse destiné à faire l'édu-
cation d'un juste, telle qu'on la constate dans le livre
des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication
sérieuse d'ancienneté pour ce livre, spécialement pour
des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cul-
tuelles sont particulièrement indicatrices de 1 époque
post-exilienne et que le culte du second Temple a eu
nne nécessaire répercussion sur toute la littérature bi-
blique du ve et du iv* siècle.
Nowack, dans Dicl. of the Bible, art. Proverbs,
t. iv. p. 142, signale un certain nombre d'exemples pour
montrer dans les Proverbes et dans les écrits prophé-
tiques le même ton dans la louange de l'humilité et les
.avertissements contre l'orgueil i Prov., \i,2;xiv,29:xv, 1,
4, 18, etc.; Is., H, 11 j Ain., vi, 8; Ose., vu, 11); le même
cœur pour dénoncer la conduite de ceux qui oppriment
le pauvre et pour insister sur la sollicitude à laquelle
celui-ci a droit, Prov., xiv, 31 ; xvn, 5; xvm, 23, et Ain.,
iv, 1 ; Ose., v, 10, et l'on ne voit pas qu'il y ait cet ana-
chronisme dont parlait Kuenen. op. cil., $ 'J7, note 15.
Plusieurs descriptions des chap. i-ix semblent bien
supposer'dans le milieu social qu'elles visent, ces raffi-
nements de luxe dont la civilisation grecque a fourni de
nombreux exemples, mais, indépendamment que cette
remarque n'atteindrait en délinitive que les neuf pre-
miers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu'elle
ne s'impose pas nécessairement, car on peut trouver
des situations sociales analogues, en Israël, dans la
période pré-exilienne : par exemple, dans les reproches
que les prophètes du vme siècle adressaient aux femmes
de leur temps; les prophètes du Xord (Amos et Osée)
à celles de Sainarie; Isaïe à celles de Jérusalem ; com-
parer en particulier Is.. [Il, 16-23. et Prov., VII, 11 sq.,
et ne pourrait-on pas encore alléguer à ces auteurs
Gen., xxvm?
La loi, il est vrai, permettait l'usage de la polygamie,
mais on y trouvait surtout une grande facilité pour la
répudiation de l'épouse, et en fait, en dehors des rois
et des grands, la monogamie était pratiquée parle plus
grand nombre des familles Israélites, bien des siècles
avant la lin de l'ère juive. Loisy, Les Proverbes de
Salomon, p. 26.
Les réminiscences du Deutéronome constatées dans
les Proverbes, ainsi que la portée sociale de quelques
sentences, comme xxn, 28. peuvent tout particulière-
ment être alléguées contre ceux qui veulent placer
après l'exil la composition de tous les Proverbes.
Quant au vocabulaire du livre, il est assez diflicile
de s'en servir comme d'un argument bien rigoureux
pour lixer ia date de sa composition, et en fait, la plu-
part des auteurs le reconnaissent et par suite ne s'en
servent que connue d'un argument purement négatif.
Cela est particulièrement vrai des deux grandes sec-
tions 2 et 5.
II. PARTIES DU LIVRE KOlf ATTRIBUÉES l SALOMON.
— Troisième section, xxn. 17-xxiv, 22. — L'introduc-
tion, xxn. 17-21, commence par ces mots : Prête
l'oreille et écoute les paroles des sages, que la Vulgate
a traduits littéralement de l'hébreu. Les Septante pré-
sentent une variante : Aôyoïç aù?ù>-i jrap<x6ceMiï iôv
où? xoci i/.ojE È|iov Xôfov. Bickell, Carmina Vet. Tes/.,
p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, complètent le premier
stique hébreu avec i;),w Xôyov des Septante en suppléant
le mot idtïx't. Que cette correction soit admise ou non,
cette section doit être considérée comme distincte de
celle qui la précède; plusieurs raisons motivent cette
conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont
habituellement des maximes plus développées, 4 vers et
même plus; — l'autorité dans le ton, il est exhortatif
et prohibitif, le 'al hébreu prohibitif (correspondant à
la particule ne des Latins) se rencontre 17 fois dans
ce petit recueil alors qu'on ne le trouve que 2 fois dans
les 12 chapitres précédents; — la détermination du dis-
ciple, l'auteur s'y occupe de l'éducation d'un disciple en
particulier, de là la fréquence de l'expression « mon
61s . 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section,
et une fois seulement dans la précédente fxt\. 27); —
la nature des maximes, très pratiques sur quelques
sujets bien déterminés. — Le mot « sages » (xxn, 16)
peut donc marquer une distinction d'auteur entre la
2e et la 3' section, ce qui est confirmé par l'énoncé
du titre de la 4e section : « cela aussi vient des sages,
car cette remarque ne peut se justifier que si les
auteurs de la 3e comme de la 4e section sont distincts
de celui à qui la 2* section a été attribuée. Il faut noter
cependant que des auteurs comme Cornely, op. cit.,
p. 147-148, ne trouvent point de raisons suffisantes
pour rejeter l'origine salomonienne de la 3e section,
comme de la 4e.
Quatrième secliou, xxiv, 23, 34. — L'hébreu, xxiv,
23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient
des sages. » Le '-, I, placé devant le mot hâkâmïm,
« sages, » étant interprété dans ce passage comme le h
auctoris, fréquemment employé en ce sens dans les
titres des Psaumes. Les anciennes versions n'ont pas
ainsi compris ce passage : les Septante : zx-j-x 8è Xéyia
ijxîv to7.; (J030Ï:; la Peschitlo et le Targum traduisent
de même; la Vulgate seulement, Hœc quoque sapien-
tibus; si l'on adoptait ce sens, il faudrait conclure que
ce passage ne renferme aucune indication d'auteur,
qu'il désigne seulement un enseignement destiné à
ceux qui aspirent à la sagessse. Cf. Cornely, Introdu-
ctio specialis,t. Il, 2= part., p. 118. Cette interprétation
n'est pas motivée et parait peu vraisemblable, car « ce
ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce
genre. » M. Vigoureux, Man. bibl., t. ri, p. 490.
Quels furent ces sages à qui le contenu de la troi-
sième et de la quatrième section est attribué, à quelle
époque ont-ils vécu et dans quel milieu se sont-ils
trouvés? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut
répondre d'une façon satisfaisante.
Pourexpliquer le fait de répétitions assez nombreuses
entre plusieurs passages de ces deux petits recueils et
les deux grandes sections 1 et 2, surtout la première,
par exemple, xxn. 26, et VI, etc.; xxtv. 1, et III, 31,
tout particulièrement la description du paresseux, xxiv,
33-34, et vi, 10-11. M. Lesétiv, Le livre îles Proverbes,.
1879. préf., p. 21, conclut que ces auteurs ont du s'ins-
pirer de Salomon ou puiser à une source comnn
Sixième secliou. xxx. — Le titre hébreu porte:
« Paroles d'Agur, lils de Yàqéh. »ll est suivi du mot
s1--;-, ham^niaèsâ' , susceptible de diverses interpréta-
tions : on peut le traduire par ['oracle ou le discours,
787
PROVERBES (LIVRE DES)
788
mais il peut êlre aussi considéré comme un nom de
lieu: de Massa ou le Maièaïte. C'est le sens leplus
ordinairement adopté par les auteurs modernes.
Frankenberg, Die Sprûche, 1898; L. Gautier, op. cil.,
p. 95; Cornely, op. cit., p. 148. La Peschito et le Targum
ont conserve'' exactement les noins propres. Les Sep-
tante ne les ont pas reconnus et ont traduit ce passage :
a Mon fils, crains mes paroles, et en les recevant, lais
pénitence. Saint Jérôme, inlluencé peut-être par les
explications de quelques rabbins, y a trouvé des noms
symboliques de David et de Saloinon. Agur (celui qui
assemble) serait à considérer comme un qualificatif
personnel désignant Salomon rassemblant le peuple
pour l'instruire, Yâqéh (celui qui répand) serait une
allusion à David faisant connaître ou répandant la \é-
rité, de là : Verba Congregantis, filii Vomentis. Voir
Agur, t. i, col. 288-289. Agur et Yâqéh doivent être
pris comme noms propres, ce sentiment communément
admis par les auteurs modernes, était déjà soutenu
par 11. Calmet, Préf. des Prov., Bossuet, Proverbes,
préf., Cornélius a Lapide, Comm. in Inc.: 11. Bayne,
qui s'exprimait ainsi : Nam quum nomen viri et
nomen palris ponantur, scripluram noins hominem
aliquem insinuare voluisse credendum est, ut ornitlam
vehementer durant esse metaphoram vocari Salomo-
netn filium Vomentis. Comm., Paris, 1555, in in,-.
Si à l'époque où ce chapitre fut ajouté au recueil des
Proverbes, il avait été considéré comme salomonien
on l'aurait placé, sans titre, à la suite d'une collection
attribuée explicitement à Salomon.
Septième section, xxxi, 1-9. — Le texte hébreu,
porte : « Paroles du roi Lamuel, sentence mi oracle
(ici le mol maisa' semble plutôt se rattacher à ce qui
suit et a un sens plus précis cl plus certain que dans
xxx, I), ilnni l'instruisit sa mère. Ainsi saint Jérôme
dans la Vulgate. — Les Septante (Oî lux,'. Xôyot etp»)VTat
ii-', ®cpv : ces paroles de moi uni clé dites par Dieu)
n'ont pas vu qu'il s'agissait d'un nom propre. Un cer-
tain nombre d'auteurs modernes voient cependant dans
Maiàa' un nom de pays comme dans \\x, 1. Cornely,
op. cit., p. 1 19.
Mu ignore ce qu'étail ce roi Lamuel. l'n certain
nombre d'interprètes catholiques ont vu dans ce nom
un pscudoin nie. .M. Vigoui \. np. cit., p. l'.li ; cl 'au Ires,
un roi d'Israël, peut-être Ézéchias (Grotius), Salomon
(card. Meignan, op. cit.); Lamuel (réservé à Dieu, consa-
cré a Dieu), serait ainsi l'équivalenl de yedulâh [Vul-
gate : Amabilis Domino), nom donné à Salomon par
Nathan. Il Reg., xti, 25. Aucune des identifications pro-
posées n'esl justifiée d'une manière satisfaisante,
Huitième section, xxxi, 10-31, la seule qui ne ren-
ferme aucune indication comme titre; les auteurs an-
ciens l'attribuaient à Salomon, comme le reste du livre,
1 la place qu'ell :cupe à la lin du recueil, à la
suite de deux sections donl les auteurs sont nommé-
liienl désignes seinlilo s'opposer a celle attribution. —
L'origine salomonienne des sections 3, i,ti, 7, 8,
est admise par le plus grand nombre des ailleurs mo-
dernes.
///. DAT1 m LA FORME ICTUELLB m LIVRE DES
proverbes. ■ La date de coin posi i ion des différentes
[ui le constituenl ne fixe pas. par là même, la
daie du livre des Proverbes dans l'étal définitif dans
lequel nous le possédons. Pour ions les auteurs, en
effet, ce livre est le résultat d'un assemblage — sélec-
tion ou collection. C'esl un recueil qui a été' formé de
sentences qui exislaienl déjà avant d'être groupées en-
semble. Mais tous ne s accordent pas sur l'époque el les
conditions dans lesquelles ce recueil a été formé, même
'c qui admettent l'origine sale nienne des Pro-
poui les uns. le recueil actuel ne saurait être
i ne à l'exil, pour d'autres H remonterait au
vin» siècle.
D. Calmet s'exprime ainsi : « De tout ce détail il
parait que les Proverbes, tels que nous les avons, seul
une compilation des sentences ou autres ouvrages de
Salomon, faites en divers temps et par différentes per-
sonnes, et rassemblées en un corps par Esdras ou par
ceux qui revirent les Livres sacrés après la captivité de
Babylone et qui les mirent en l'état où nous les avons. .
lit il ajoute qu'une des preuves les plu- évidentes que
ce livre est un assemblage fait par différentes per-
sonnes, se trouve dans la répétition d'un assez grand
nombre de versets, « ce qui ne serait pas arrivé' si une
seule personne eût travaillé à cette compilation. »
Cornely, op. cit., p. I&1-152, qui admet la date d'Ézé-
chias pour la formation du recueil, i-xxix. hésite re-
lativement à l'addition de xxx-xxxi qui complète le
livre actuel des Proverbes, mais en tout cas il ne voit
pas de raisons sérieuses pour l'attribuer à une date
postérieure au temps d'Esdras.
Mais le plus grand nombre parmi ces auteurs font
remonter au vin" siècle la formation définitive de ce
recueil. Les « hommes d'Ezéchias », xxv. 1, auraient
trouvé déjà réunis les chap. î-xxiv. résultat d'une col-
lection faite à la fin du règne de Salomon ou peu de
temps après. Cornely, op. lit., p. 151; Vigoureux, op.
cit., p. 485, etc. « Dans sa forme présente, le livre des
Proverbes est du temps d'Ezéchias, i conclut M. Vigou-
reux, faisant sienne l'affirmation de 11. Reusch, Bible
polyglotte, t. IV, 1903. p. .'ii't. D'après le card. Meignan,
tSalomon, p. 329, le recueil officiel n'aurait d'abord con-
tenu que ce que Salomon avait dicté ou écrit, puis au-
tour de ce noyau se seraient successivement ajoutés
d'autres proverbes salomoniens. n depuis Salomon jus-
qu'au temps d'Ezéchias et peut-être au delà. "
Pour la plupart des critiques contemporains, les re-
cherches relatives à la fixation de la date du recueil
définitif se trouvent circonscrites à un laps de temps
relativement court par le l'ail de la claie tardive qu'ils
adoptent pour la composition même des sentences, l'n
point leur pai. lit définitivement acquis, c'est que la
formation du livre tel que nous l'avons ne saurait re-
monter aune période antérieure à la captivité, ('criai us.
tout en reconnaissant que plusieurs des collections
particulières qui composent le livre actuel ont pu être
formées avant l'exil, ne pensent pas pouvoir admettre
celle même date pour la formation définitive du recueil.
Loisy, Les Proverbes, p. 'M-',\'.\ ; Bickell, Wiener Zeit-
schrift fur die Kunde des Morgenlandes, 1891; Driver,
op. cit., p. loti. Kuenen. op. cit., 2e édit., §97, p. 14-20.
reconnaît que quelques proverbes peuvent être pré-
exiliens, mais il prétend que toutes les collections sont
post-exiliennes et que la rédaction de l'ensemble dit
livre est à placer entre 350-300. La question ne se pose
même plus pour ceux qui ne reconn tissent qu'une
origine post-exilienne à tous l.s proverbes i Wildeboer,
Toy): pour ces derniers, le ti mps écoulé -ntre la com-
position des sentences el la formation du recueil esl
ne me assez court: selon Wildeboer il faudrait placer
au iv et an ni" siècle le tra\ til de composition et de
c pilation.
Entre ces auteurs les divergences Boni particulière-
ment accentuées en ce qui concerne la plus cm moins
-ranilc ancienneté îles diverses collections particulières
dont la réunion a formé le livre actuel des Proverbes.
En 1862 Hooykas, Geschiedenis der beoefening van de
Wijsheid onder de Bebreën, prétendait que la plus
ancienne de ces collections correspo m lai i aux chap.I-IXi
par contre, les critiques contemporains sont à peu
près unanimes à considérer cette même section comme
la dernière en date pour la composition motion plus
parfaite de la sagesse et forme littéraire plus développés
que dans le reste du livre) el pour la compilation géné-
rale du recueil; elle aurait été ajoutée aux deux grandes
sections, 2 el •">, pour leur servir d'introduction.
789
PROVERBES (LIVRE DES)
790
Laquelle de ces deux dernières sections serait la plus
ancienne'.' Les uns (Davidson, Loisy, Bickell), utilisant
la donnée chronologique de XXV, considèrent xxv-xxix
comme le plus ancien recueil de proverbes; d'autres
(Delitzsch. Ewald, Driver, Kautzsch), considérant plutôt
la place respective de ces sections dans le recueil défi-
nitif, regardent x-xxn, 16, comme la plus ancienne
collection. Quelques-uns parmi les auteurs les plus ré-
cents (Franckenberg, Nowack), tout en estimant qu'au
point de vue des pensées, xxv-xxix (et spécialement xxv-
xxvn), renferment les plus anciens proverbes, pensent
néanmoins que comme compilation cette section serait
postérieure à la 2e ix-.xxii, 16).
Les proverbes qui constituent ces deux sections, pro-
venant de milieux différents, auraient d'abord été réunis
en deux groupements absolument distincts et auraient
ainsi existé indépendamment l'un de l'autre vers le
milieu du IVe siècle, tous les deux portant le même
titre Proverbes de Salomon. Vers cette même époque
(Nowack), ou vers la lin de ce même siècle (Toy), ils
auraient été réunis ensemble, mais comme dès ce mo-
ment le premier groupement (x-xxn, 16), était déjà
pourvu des deux petites sections, xxn-17. xxiv, 22, et
xxiv, 23-34, on ne toucha point à ces appendices et l'on
ajouta xxv-xxix à la suite de xxiv, 31, en maintenant
dans xxv. 1, le nom de Salomon comme il était déjà
dans x, 1 ; et c'est ainsi que fut constituée la plus
grande partie du livre x-x.xix.
Le recueil fut complété par les chap. i-ix, qui devaient
servir d'introduction générale à tout l'ensemble formé
par les précédentes collections, alors même qu'il n'au-
rait pas été composé précisément dans ce but. La date
de cette addition varie selon les auteurs car elle dépend
de 1 époque admise pour la composilion même de cette
section; en effet, ils admettent généralement que l'ad-
dition suivit de près la composition, si même elle ne
fut pas l'œuvre du même auteur. Davidson, Cornill,
Wildeboer. La fixation de cette date dépend de l'in-
fluence principale que l'on croit reconnaître dans ces
pages : influence persane (Cheyne, Sentit, studies, 1897);
inlluence grecque (Franckenberg, Wildeboer, Stade);
ou seulement trace des créations baggadiques de la lit-
térature rabbinique à la lin de l'ère persane (Baudissin).
Sidon Friedkender, Griech. Phil. im ait. Test., 1901,
p. 20, citant Clément d'Alexandrie, Strom., I, v,
t. vin, col. 717, la femme étrangère (il, 16 sq.), dont le
pieux Israélite doit si soigneusement se défier, serait la
culture grecque, tt,v "EXXevixïiv useïoîtav. Et par suite,
si le recueil est complet au début de la 2e moitié du
IV siècle pour Kautzsch, Kuenen; pour d'autres, Xovvack,
Franckenberg, Wildeboer, Toy, on ne trouvera point le
recueil i-xxix avant la 2e moitié du IIIe siècle. Enfin,
avec certains de ces auteurs, Franckenberg, Toy, il faut
descendre jusqu'au ne siècle pour trouver le livre actuel
absolument complet avec l'addition de xxx-xxxi, c'est-à-
dire à l'époque de Ben-Sira (200-180) et peu de temps
avant la traduction grecque du livre des Proverbes.
Ces assertions contradictoires et arbitraires ne peu-
vent modifier le sentiment des auteurs catholiques qui
soutiennent l'authenticité des sections salomoniennes,
en s'appuyant sur les titres, Prov., i, 1; x, I. x\\. 1,
sur certaines descriptions de leur contenu et sur le
témoignage de la tradition.
VIII. Forme littéraire du livre des Proverbes. —
/. RYTHME. — Par son contenu le livre des Proverbes
appartient à la série des didactiques; par sa forme, aux
livres poétiques. Les règles de la poésie hébraïque y
sont constamment observées et se manifestent par un
parallélisme très régulier. Les vers seraient uniformé-
ment de sept syllabes d'après Bickell, Carminâ Veteris
Teslamenli melrice, p. 121 ; ils seraient de trois, quatre
et très rarement de cinq accents, d'après le système de
Grimme, « et il faut s'attendre à voir changer le mètre
à chaque sentence nouvelle. » Mètres ri Strophes,
dans la Revue biblique, 1900. p. 405. Toy, Proverbs,
p. ix-x, reconnaît également cette même mesure ri
désigne les stiques des Proverbes par l'appellation de
binaire, ternaire ou quaternaire selon qu'ils comptent
2, 3 ou 4 accents. Cf. N. Schlœgl, Études métriques ri
critiquessur le livre des Proverbes, c. i, dans la Revue
biblique, 1900, p. 518-525.
La strophe, sous différentes formes, se rencontre dans
toutes les sections du livre, à l'exception de la 2e, car
elle n'est pas entièrement absente de la 5e, bien que
celle-ci renferme surtout des distiques. Toy, The Book
uf Prov., p. îx ; Bickell, Kritische Bearbeitung der
Proverbien, dans la Wiener Zeilschr. fur die Kunde
îles Morgenlandes, 1891, où il établit l'existence de
strophes de quatre vers chacune dans tous les poèmes de
la première section.
Toutes les pièces qui composent ce livre n'ont pi
même longueur, on trouve dans Frz. Delitzsch, Dus S,i-
lom. Spruchb., p. 7-17, le relevé des différentes formes
de sentences constatées dans notre livre. La plus fré-
quemment employée, c'est le simple distique, soit anti-
thétique, x, 1, 20; xi, F; xin, 24; soit synonymique.
n, 3, 8, 11 ; soit synthétique, n, 13; xin, 14; soit para-
bolique. Ce dernier renferme une comparaison, expri-
mée ou spus-entendue par le simple rapprochement de
l'énoncé de deux idées, empruntées à la connaissance
de quelque phénomène naturel, x, 26; xxv, 14, ou à un
incident de la vie quotidienne domestique ou sociale,
xxv, 17, et qui sert à faire mieux ressortir la pensée
morale que le sage veut apprendre à son disciple. C'est
sous cette forme que se trouve pleinement réalisée la
première notion du mâsàl. D'autres fois une mèn
maxime dépasse les limites du simple distique et la pen-
sée qu'elle renferme s'y trouve développée pendant i,
6, 8 vers et même davantage, III, 11-12; x.xm, 19-21 ; VI,
12-15; xxni, 29-35.
A côté de cette catégorie de proverbes ainsi déve-
loppés il convient de signaler soit des groupements de
distiques ainsi placés parce que chacun d'eux renfer-
mait une même expression ou avait trait à un même
objet, par exemple au roi, xvi, 12-15, soit des séries
de vers à indication numérique. Dans ces derniers,
l'auteur indique dès le premier distique la somme
totale des sujets dont il va parler, mais le fait de telle
sorte que le nombre répété dans le 2« stique renferme
une unité de plus que dans le 1", ainsi xxx, 21-22 :
Trois choses troublent la terre
Eî il en est quatre qu'elle ne peut supporter.
Enfin on y rencontre un poème alphabétique très
régulier.
Toutes ces espèces de proverbes ne sont pas dispo-
sées sur un plan uniforme et ne se rencontrent point
également dans les diverses sections du livre : I™ sec-
tion, i ix. Dans l'ensemble, ce sont des discours mo-
raux formant de petits poèmes plus ou moins développés,
m, 1-10; iv, 1-9; vu, 6-23, ordinairement en strophes
de 4 vers i Bickell); les pensées détachées sont rares,
m, 29, 30. On y trouve un proverbe numérique (vi, 16-
19) et l'usage du parallélisme synonymique y est à peu
prés exclusif. - IIe section, x-.xxn, 16: uniquement
des distiques; dans x-xv presque exclusivement anti-
thétiques, sans que cependant l'antithèse soit toujours
aussi uniformément accentuée; dans xvi-xxn, 16, sur-
tout synonymique el synthétique; peu d'antithèses,
xviii, 23. — IIP section, xxn, 17-xxiv, 22; au débul
exhortation morale de 10 vers analogue à celles de la
1" section; quelques distiques, mais surtout des tétras-
tiques, plusieurs sentences de 5, 6, 7 et 8 stiques et
même un petit poème de 16 stiques d'après Toy et
Kautzsch, de 18 d'après Bickell. Le texte massorétique
compte 17 stiques : Toy et Kautzsch pensent qu'il y a un
791
l'IioVEUBES (LIVHK DES
792
stique à retrancher, Bickell eroil plutôt qu'il faudrait en
jouter un. Ordinairement parallélisme synonymique
entre les stiqnes, parfois même entre les distiques d'un
quatrain. — IVe section, xxiv, 23-31, la plus courte et
la plus variée con rythme: un distique, un tristique,
nu tétrastique, un décastique; sauf 2 exceptions, paral-
lélisme synonymique. — V'' section. xxv-x\ix, au point
de ii' lu rythme on peut la diviser en deux : — xxv-
\xvii: usage prédominant mais non pas exclusif du
il on y trouve plusieurs distiques et tétras-
tiques, un pentastique, un hexastique ainsi que 2 petits
poèmes, l'un de 8, l'autre de 10 stiques. Parallélisme
parabolique et synthétique; les antithèses y sont très
rares; — xxviii-xxix : emploi exclusif du distique et
pre que dans une é^alo proportion parallélisme anti-
thétique et parabolique. — VIe section, x\x; quelques
distiques isolés, mais ordinairement chaque sentence
renferme plusieurs distiques; c'est dans cette partie du
livre que s.- rencontrent (en dehors de vi, 16-19) les
proverbes numériques dans lesquels on ne trouve point
de parallélisme au point île vue de la pensée. En
dehors de o senti uns. parallélisme synonymique. —
VII section, xxxi. [-9. Elle renferme 3 sentences de 4,
8, 4 vers : parallélisme synonymique. — VIIIe section,
XXXI, lO-.'îl : poème alphabétique de 22 distiques, paral-
lélisme synonymique.
ll.STYLBEi Mi, [dulairb. — i'Style. —Le caractère
particulier du genre gnomique rend assez difficile la
c pa raison entre le style des Proverbes et celui des
autres livres de l'Ancien Testament, la plus grande par-
tie de Ce recueil se composant de simples maximes dans
lesquelles une pensée déjà bien concise est exprimée
sous i forme elliptique dans un seul distique. Cepi n-
ilant, la variété des c paraisons, le choix des images,
la régularité de la forme rythmique, l'allure si vive de
l'exprossi la psychologie m pénétrante de certains
tableaux, revêlenl d un cachet spécial les pages mêmes
du livre OÙ les pensées sont le moins (tendues, et leur
donnent un coloris tout particulier. Dans les proverbes
pi développés, tout spécialement dans les exhor-
tations de la l" section, c atissi dans les portraits
esquissés à travers les autres sections, on trouve des
passages dignes des plus beaux jours de la littérature
hébraïque.
2° Vocabulaire. —Il n'est poinl surprenant que ce re-
cueil renfer en cuire des expressions plus spéciales
aux livres sapientianx, un certain nombre de mots que
l'on ne rencontre pas ailleurs dans la Bible hébraïque
OU du moins que très rarement. La raison en est au su-
jet lui-même el à celle fori le littérature qui demande
une plus -rande précision dans l'eu ;é des pensées.
On peut signaler quelques locutions qui ne se ren-
contrent que dans ce livre ou liii'ii s'y trouvent avec un
irticulier qu'elles n'ont pas ailleurs.
Ne se trouvent que dans les Proverbes : nnb, cou-
ronne, i, 9, tv, 9. '-ns, hélas! ah! (que la Vulgate a
traduil : Cujus patri uas? xxm, 29; — le verbe nnb,
employé uniquement au lliihp. o'DnbriD, morceatta
friands, xvih, 8 (le j^. se retrouve identiquement répété
x.xvi, '22. ]isa —--, dans le sens de entrailles, pris
au ligure, xviu, 8; w. 27. 30 xxvi. 22). — -•'- -•, assu-
nt, xi, 21; xvi, 5. - am »msn, pommes d'or, xxv,
11.
Expressions rues rencontrées plus pariiculièreinent
dans les Proverbes : Dt»n yv. arbre de vie, 1 fois Gen.,
m, 24; et 1 fois Prov., m, 18; xi, 30; xm, 12; xv, i
— -T.. ville, I lois. Job, \\1\. 7; i fois dans Prov.,
vin, 3; ix, 3, 14; xi, 11 (Brown, Driver). - =•-•::,
avec le sens de choses magnifiques, ne se rencontre
que dans Prov. vm, 6. musi, santé, ne se rencontre
que dans Prov. ni. s et indique une forme aramaïsan te.
- -z, fils, xxxi, 2 ii i araméen.
Cependanl les aramaïsmes i i le livre ne ren-
ferme point d'expression persane ou grecque. ïoy,
op. cit., p. xxxi. Driver, op. cit., p. 403-404, donne une
liste des principales locutions particulières au livre des
Proverbes, au moins pour la 2e section.
IX. Texte et versions du livre iu:s Proverbes. —
.•li Texte. — Le texte hébreu de ce livre a subi quelques
altérations par suite de la facilité qu'il y avait à chan-
ger la suite des sentences en les transcrivant, à modi-
fier une locution dans l'énoncé d'une maxime difficile
à lire, le contexte ne pouvant pas, dans ces cas, servir
à indiquer sûrement quelle était la vraie lecture du
passage; le l'ail qu'il n'était point du nombre des
Kelubim lus dans les synagogues eut peut-être
pour résultai de le faire traiter avec moins de soin que
d'autres livres. Par contre, Toy, Proverbs, p. xxxi-xxxn.
prétend que ce livre dut à cette situation de n'être
point l'objet de retouches ou de modifications sous
l'influence d'idées théologiques.
Les altérations de ce texte peuvent être constatées par
le contrôle des anciennes versions, par les moyens de
critique que fournissent les règles poétiques et aussi,
pour les plus notables transpositions, parles caractères
particuliers de chaque section. C'est ainsi que plusieurs
critiques voient une transposition dans la description
du festin de la Sagesse, Prov.,ix, 1-12; et rapportent les
v. 7-ltl, à la 2e section x-xxn, lti. Bickell, Carmina
V. T. metrice, p. 129; ïoy, op. cit., p. 192.
Le texte actuel du livre, renferme également un cer-
tain nombre de sentences répétées. Elles se présentent
sous différenles formes, les unes smil aliso] -i il
identiques dans l'expression, vi, 10-11. et xxiv. 33-34,
d'autres comportent une légère modification sur un
mot ou ileux du mdSâl répété xvi, 2, et xxi, 2, d'autres
enfin sont identiques pour, la pensée el nullement dans
its qui l'expriment, xi, 15, et xxu, 26. Les cas les
plus difficiles à justifier sont ceux où il y a identité
absolue dans les mois ; cl les critiques modernes se
servent assez souvent de cette constatation pOUl
(dure à la pluralité d'auteurs et à une formation indé-
pendante des dillen nie sections où 011 les rencontre;
ainsi entre autres Nowack, art. Prowerb», dans Dict. of
(/ie Bible, t. tv,p. 140; Cornill, Einleitung, p. 225; Toy,
op. cit., p. vu. Il importe cependant de remarquer qu'il
y a des répétitions de distiques entièrement identiques
dans une même section, xiv, 12, el XVI, 25; \. I. et xv.
20. six, 5, el xix, 9.
B) Versions. — 1" La plus ancienne des versions que
nous possédons du livre (les Proverbes est la version
grecque des Septante; on la trouve dans les princi-
paux manuscrits oncianx B, n. A (quelques fragments
dans C) cl dans de ibreus manuscrits cursifs. On
admet communément que ce livre faisait partie des
Uagiograph.es déjà traduits en grec el que l'auteur du
prologue de l'Ecclésiastique désigne par les mois TJ
'/o'.-a rûv fteô) ■(.)■/; celle traduction serait donc antérieurs
à 1M2 d aurait probablement été faite vers le milieu du
h siècle avant J.-C. Baumgartner, Élude critique sur
l'état iin texte du Livre des Proverbes, p. 8. Il es
auteurs cependanl qui la placent vers la fin du II' siècle,
Toy, Proverbs, p. xxxn; art. Proverbs, dans Encyc.
col. 3907.
Cette traduction est plus libre que littérale et c'est
l'idée du texte original qui a été exprimée plutôt que le
mot n'a été exactement rendu. Frankenberg pense que
le traducteur n'était point 1res familier avec la langue
héhraiq I que d'ailleurs il n'aurait poinl été soucieux
de l'exactitude lot. 'raie, pana' qu'il n'entreprenait pas
tant cet le Ira duel ion pour l'usage de ses coreligionnaires
que pour des païens instruits à qui il voulait faire
connaître les enseigi ents moraux de la littérature
gnomique d'Israël. Celle préoccupation el ce but expli-
queraient la pureté' relative du grec de celte version
et certaines réminiscences classiqui s (également constat-
793
PROVERBES (LIVRE DES)
794
tées par Baumgartner), op. cil., p. 9. Indépendamment
même de ces circonstances, il était à peu prés impossible
.au traducteur grée de rendre littéralement les mots d'un
mâsàl dont l'expression portait si fortement accusée
l'empreinte du cachet sémitique; et alors, tantét un
verbe, tantôt un qualificatif, tantôt une périphrase
devaient être ajoutés avant que la formule hébraïque
devint intelligible à (les esprits grecs.
Les dill'érences entre le texte massorétique et la ver-
sion grecque des Proverbes ne consistent pas unique-
ment dans des manières différentes de rendre une pen-
sée. 11 y a, entre les deux, d'autres divergences plus
notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent
que cette traduction a du être faite sur un manuscrit
hébreu différent du texte massorétique qui nous est
parvenu (Vigouroux, Baumgartner, ïoy, etc.). Il y a des
■changements dans la composition même de distiques
qui de synthétiques sont devenus antithétiques; il y a
omission de plusieurs passages contenus dans le texte
hébreu et l'on ne voit aucune raison pouvant légitimer
cette disparition; il y a surtout des additions de pas-
sages assez nombreux, provenant plus probablement
d'un texte hébreu plutôt que d'un original grec i Vigou-
roux, Baumgartner, Toyi; on y constate encore des
changements relativement à la distribution des chapitres
à partir de il. Ainsi, après xxiv,22. de l'hébreu le grec
intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9,
après xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31.
La version grecque représentant un texte hébreu plus
ancien que le texte massorétique constituerait un
excellent moyen de critique littéraire du texte hébreu
reçu, si les particularités de sa composition et les modi-
fications qu'elle a subies avant et après les recensions
il u ni" siècle, n'avaient un peu diminué sa valeur cri-
tique, bien qu'elle soil encore assez notable.
•2» La version sahidique, éditée par Ciasca, qui com-
prend une grande partie des Proverbes, pourrait être
très utile pour la reconstitution du texte ancien des
Septante, en tant que cette version a été faite avant les
recensions et dans la suite n'en a subi qu'assez peu
l'influence, Hivernât, Versions coptes, dans la Revue bi-
blique, 1896, p. 427-433, 540-509 ; 1897, p. 48-71. - Pen-
dant longtemps, la Pescbitto avait été considérée comme
dépendant du Targum des Proverbes et indépendante
des Septante, ce sentiment est maintenant complètement
abandonné. R. Duval, Littérature syriaque, 3e édit.,
1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito
relativement aux Septante a été particulièrement étu-
diée par H. Pinkuss, Die syriselie Ûbersetzung der
Prov. texlkritisch untersucht, dans la Zeitschr. />" die
alltest. nissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222.
3° La date de composition de la Peschito, en ce qui
concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre
n'étant point de ceux dont la traduction s'imposât en
premier lieu : les uns comme Pi. Duval, op. cit., p. 31,
ne font terminer l'ensemble de la traduction qu'au
IVe siècle, tandis que d'autres, avec Baumgartner,
op. cit., p. 14, ne descendraient pas au delà du milieu
du il" siècle. La traduction aurait été' faite sur un ma-
nuscrit hébreu à peu près identique au texte massoré-
tique. puis plus tard revision de cette traduction d'après
les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33; au vil" siècle,
au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de
Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14; à rencontre de
cette opinion celle de Frankenberg, qui prétend que
l'influence du grec remonte au traducteur; tout en sui-
vant l'hébreu pour le fond il se serait inspiré en même
temps de l'œuvre des Septante. Comme par ailleurs la
traduction syriaque a une allure assez libre, qu'elle
paraphrase en certains passages, ces diverses particu-
larités diminuent sa valeur critique.
4° Le Targum des Proverbes suit de très près la
Peschito et en dépend. Dalhe, De ratione consensus
oersionis chald. et syr. Prov. Salom.; R. Duval, Lit-
térature syriaque, p. 32. Les passages où il s'en écarte
proviennent probablement d'une revision faite d'après
le texte massorétique. On ignore sa date, il peut être
très ancien; la défense de mettre par écrit les ex-
plications targumiques, si longtemps en [vigueur, ne
s'appliquant qu'aux livres bibliques lus dans la syna-
gogue.
V l.a traduction des Proverbes dans la Vulgate latine
est l'œuvre de saint Jérôme; elle fut faite très rapide-
ment, en même temps que celle de l'Ecclésiaste et du
Cantique. Voir Ecclésiaste, t. n, col. 1543-1557, et Can-
tique des Cantiques, t. n. col. 185-199. D'une façon
générale elle suit assez fidèlement le texte massorétique
sur lequel elle a été faite. Elle porte cependant îles
traces de l'inlluence des Septanle, probablement par
l'intermédiaire de l'ancienne version latine, très bien
connue de saint Jérôme, Baumgartner, op. cit., p. 10;
Toy, Proverbs, p. xxxiv; Frankenberg pense plutôt
que les emprunts aux Septante constatés dans la Vul-
gate seraient postérieurs à saint Jérôme et l'œuvre de
copistes qui ont voulu compléter la version hiérony-
mienne avec l'aide de l'ancienne version latine faite
sur le grec; de fait la comparaison entre la Vulgate
Clémentine et le Codex Amialinus, de la fin du vue siècle,
voir Amiatinus (Codex), t. i, col. 480, semble favoriser
cette opinion. La Vulgate renferme donc la plus grande
partie des additions des Proverbes qu'on trouve dans
les Septanle, mais elle en contient aussi un certain
nombre qui lui sont propres.
X. Comparaison avec les autres livres saimentiai x.
— Le livre des Proverbes est ordinairement rapproché
des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des res-
semblances pour le fond comme pour la forme. — 1° Au
point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines ex-
pressions dont l'usage est assez fréquent dans ces livres
comme se rapportant plus particulièrement à leur objet
spécial : les mots exprimant le commandement, la loi.
l'instruction, la connaissance de la vérité, la sagesse.
Toy, Proverbs, p. xxiv, a dressé une liste comparative
de ces expressions, telles qu'on les rencontre dans les
Proverbes, Job et l'Ecclésiastique.
2» La composition littéraire de ces livres se signale
par une constante fidélité à garder les lois du parallé-
lisme. Le rapprochement est plus particulièrement re-
marquable avec l'Ecclésiastique (voir Ecclésiastique,
t. n, plus spécialement col. 1543-1557) et dans l'un et
l'autre se trouve la même préoccupation d'apporter une
grande variété' dans l'emploi de cette règle fondamentale
de la poésie hébraïque. Le simple distique est cependant
plus fréquent dans les Proverbes que dans l'Ecclésias-
tique, et les ebap. i-ix, malgré une certaine unité cons-
tatée dans les discours et les exhortations de la Sagesse,
ne présentent point ce caractère d'unité que revêt
1' « Éloge des anciens » dans Eccli., xliv-xi.ix.
3° Quant à l'objet du livre, les Proverbes se rappro-
chent également beaucoup plus de l'Ecclésiastique que
des autres livres sapientiaux. L'étude de la Sagesse four-
nit la note caractéristique de ces deux ouvrages comme
elle donne une certaine unité à tout l'ensemble de leur
contenu : son origine divine (Prov., vm; Eccli., xxivl,
et surtout ses conseils pratiques pour l'instruction des
hommes. L'un et l'autre livre constituent un manuel
pratique pour l'instruction et la formation de ceux qui
veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L'en-
semble- des vérités religieuses qu'ils renferment sur
Dieu, sur la rétribution, sur la conduite de l'homme et
sa dépendance vis-à-vis de Dieu, sont envisagées au même
point de vue; à noter cependant la perspective na-
tionale constatée dans Eccli., xxiv, (pion ne trouve point
dans les Proverbes. Il y a aussi grande analogie dans la
description de la vie sociale que nous révèlent les Pro-
verbes et l'Ecclésiastique.
795
PROVERBES (LIVRE DES
796
XI. Analyse du livre des Proverbes. — Il est
impossible de donner une analyse bien serrée du con-
tenu de ce livre ou d'indiquer la suite de toutes les
s renfermées dans ce recueil, du moins dans
toutes les parties qui le composent.
/ section, i, 1-ix. 18. — i, 1-6. Introduction géné-
rale indiquant le litre, le but et l'importance de l'ou-
vrage. — i, 7-ix. 18. De petits discours moraux et
quelques distiques isolés dans lesquels la Sagesse, di-
nt ou par l'intermédiaire du Sage, parle à son
disciple qu'elle appelle n mon fils ». Ils forment comme
une grande introduction préliminaire au recueil de ma-
ximes proprement dites qui commencera avec le chap. x.
Tout le contenu de cette section se ramène à un même
uliji't : l'excellence de la Sagesse, de là, des exbortations
sans cesse renouvelées d'étudier et de pratiquer la Sa-
gesse.
II' section, x. 1-xxii. 16. —C'est une longue série des
pensées morales présentées dans de simples distiques.
Dans cette section, on rencontre parfois des groupe-
ments de vers présentant une certaine affinité de pen-
sées, "ii simplement contenant chacun un même mot
important, mais un classement logique n'a point présidé
à la formation de ce recueil. On a pourtant essayé de
trouver un classement méthodique pour grouper tous
ces proverbes sans obtenir un résultat tout à t'ait satis-
faisant. Zôckler a proposé un tableau de ce genre; il a
été utilisé par Lesètre, Le livre des Proverbes, p. 29-
31. Toutes les sentences de cette section considèrent
l'homme dans diverses situations de la vie humaine où
il peut se rencontrer, avec des devoirs sociaux, moraux
et religieux. — On pourrait peut-être reconnaître que
dans x-xv, où le parallélisme est antithétique on insiste
plus spécialement sur les contrastes qui existent entre
les heureux effets de la justice pratiquée et les châti-
ments réservés au mal; — que dans xvi. l-.xxn. 1(1.
avec le parallélisme synonymique et antithétique on
exhorte plus spécialement à la pratique du bien par la
perspective du bonheur des justes et du malheureux sort
de l'impie.
111* section, xxn, 17-xxiv, 22 : Exhortations morales
du même genre que celles de la I" section : c'est un
corps de maximes proposées par le Sage à son disciple
connue dans i-x. — XXII, 17-21 : Le disciple est invile à
garder soigneusement l'enseignemenl du Sage. — xxn,
22-xxm, 1S : Divers conseils entremêlés de formules
dans lesquelles les exhortations sont présentées avec
une insistance particulière; elles concernent tout spé-
cialement la conduite à tenir a l'égard du prochain con-
sidéré sons divers aspects de la vie sociale : pauvres,
riches, grands, enfants, orphelins, etc. — 19-35. Caté-
gories d'individus â éviter plus spécialement : ceux qui
ad ni au vin et les femmes de mauvaise vie. —
xxiv, 1-14: Avantages et bienfaits delà Sagesse pour qui
l.i possède, les devoirs qu'elle crée à l'égard d'autrui.
15-22 : Vivre dans la paix et ne causer de mal à per-
sonne m au juste, ni même à ses ennemis.
IV' section, xxiv, 23-34. — Divers conseils du Sage:
rapports avec le prochain, -2 'i - -J ; ) : attitude de justii i
arité qu'il faut prendre à son égard. — 30-34 : Évi-
ter la paresse en constatant ses tristes effets.
V* section, xxv, 1-xxix, 27. — Ce son i îles maximes
d'ordre général concernant des devoirs sociaux, mais
il > a aussi de nombi ses sentences de conduite pra-
tique dans l'ordre privé el domestique. On peut > dis-
tinguer 2 parties assez nettement distinctes au point de
vue du style el delà nature despensées : — xxv-xxvu,qui
minent par un petil poème mu- l'agriculture : les
distiques n'j sonl pas exclusivement usités el la valeur
psychologique 'les maximes qui s'\ trouvent est parti-
menl remarquable : xxvm-xxix, exclusivement
istiques : sentences i 'aies avec moins de vie
dans l'expression que dans les chap. précédents
VI' section, xxx, forme un tout distinct du reste du
livre, en général les penséesy ont une certaine étendue.
— 1. Titre. 2-4. Paroles d'Agur; faiblesse de l'intelligence
humaine en face des œuvres de Dieu, qui est connu
par la révélation de lui-même. —5-6. Exbortations à la
confiance en Dieu. — 7-9. Une prière pour demander à
Dieu la loyauté de caractère et une situation qui ne
l'expose pas à être tenté par les extrêmes de la fortune.
— 10-33. Diverses maximes : descriptions de qualités ou
île caractères, sous forme de proverbes numériques,
avec prédominance du nombre 4.
VIP section, xxxi. 1-9. — Maximes de la mère du roi
Lamuel. genre homilétique; contre la fréquentation
des femmes et l'intempérance; exhortation à la justice
et au secours des faibles.
VIII' section, xxxi, 10-31. — Éloge de la femme forte
ou description de quelques-unes des qualités que doit
posséder l'épouse parfaite, considérée plus spécialement
dans la direction et le soin des affaires de la vie do-
mestique.
XII. Doctrine du livre des Proverbes. — /. géné-
nALIl'ÉS. — 1.11 ne faut point chercher dans le contenu de
ce livre un exposé systématique ni un traité théorique
où seraient classées et étudiées les différentes catégories
de devoirs qui incombent à tous les hommes, même
aux Israélites en particulier, mais bien plutôt une invi-
tation à la pratique de la morale en vue de rendre la
vie morale meilleure. — 2. La vie humaine est consi-
dérée dans ces maximes sous son aspect extérieur,
comme une collection d'actes moraux, conformes ou
non à la loi. et c'est en parlant de cette conformité
comme norme que les hommes sont divisés en deux
catégories dont les. caractères paraissent absolument
fixés : b-s bons ei les méchants, les sages et les in-
sensés. — 3. La vie humaine y est envisagée tout par-
ticulièrement comme une discipline à réaliser, de là
l'importance et la place prépondérante données à l'ins-
truction.à l'éducation et à la loi. Par loi. dans l'ensem-
ble du livre, on indique tout aussi bien les préceptes
de la bu naturelle que ceux de la loi positive. — i. Bien
qu'à plusieurs reprises on \ parle îles devoirs sociaux
de l'homme el que toujours l'homme \ soit considéré
comme faisant partie d'une collectivité sociale, domes-
tique OU nationale, néanmoins c'est avant tout à l'indi-
vidu qu'on s'adresse dans cet enseignement. Le bien
général résultera île la mise en pratique des conseils de
la sagesse par ceux qui voudront bien être ses disciples,
mais il ne sera poinl l'objet immédiat de cette instruc-
tion. De là le côté si forte nt individualiste que pré-
senteront un grand nombre de proverbes. — 5. L'exis-
tence du mal physique el moral j est parfaitement
reconnue, mais on n'y rencontre poinl une préoccupa-
tion quelconque d'indiquer ou de solutionner quel-
ques-uns des problèmes que cette constatation peut
présenter i l 'esprit; on indique seulement la possibi-
lité et le devoir d'éviter la violation de la loi (mal moral)
en l'observant fidèlement el la possibilité d'écarter le
mal physique en méritanl les faveurs de Dieu.
/;. dibd. — 1. La doctrine monothéiste est absolue
dans toutes les parties du livre; comme dans les autres
livres de la Bible affirmée et toujours présupposés
sans aucune préoccupation de démonstration : l'idolâ-
trie n'est pas mentionnée, Dieu y est souvent désigné
sous son nom de .léhovah. — 2. Dieu esl éternel, rien
n'existait encore de tout l'univers el il était déjà vin,
22 26 : indépendant du monde, c'esl lui qui esl le créa-
teur de tout ce qui existe, ni. 19-20; libre de créer, il
esl lui-même la cause finale de son .envie, ivi, i iVul-
gate). —3. Le livre ne renferme point de données pn
sur la nature divine, néanmoins les sections de \ n.
22 sq.. sur la sagesse personnifiée, fournissent un ap-
port tout nouveau et important sur cel objet. I. I. at-
tention est surtout attirée sur les attributs de Dieu en
7! »7
PROVERBES (LIVRE DES:
798
tant qu'ils se manifestent dans ses relations avec les
hommes; — a) Sa science parfaite qui lui permet de
suivre continuellement les actions et les intentions des
hommes : cause d'effroi pour le pécheur, source de
consolation pour le juste, v, 21: xv. 3, 11. xxiv, 12. —
fc) Une paissante infinie dans l'exécution de tous ses
desseins, irrésistible dans son action même sur les
actes de l'homme tout en respectant sa liberté xvi, 4, 9;
six, 21; xx, 21; xxi, 1. — c) Sa justice absolue, mise
tout particulièrement en relief, soit qu'on le considère
comme le principe de toute justice, xvi, 11, et ne pou-
vant supporter la moindre injustice, xt, 1, soit qu'on
envisage son activité par laquelle il se révèle toujours
essentiellement juste : en appréciant chaque action
selon sa valeur morale, 111,32,35; xn, 2; en se consti-
tuant le protecteur des faibles contre ceux qui pou-
vaient abuser de leur force à leur égard, xxn, 23; en
poursuivant le pécheur et en rétablissant par le châti-
ment l'équilibre moral ébranlé par sa faute, xv, 25;
xvi, 5; en récompensant le juste dont il est le défenseur,
m, 5, 10. — d) Sa providence, soit au sens philosophi-
que du mot, on la constate s'exerçant dans le monde
par une action incessante à l'égard de l'homme comme
par rapport aux nations, xvi, 4; VIII, 15-16; soit au
sens de protection spéciale, il est la source du bonheur
pour quiconque se confie en lui, spécialement pour le
juste, xvf, 20; xvm, lO.etpour ceux qui sont faibles et
abandonnés: orphelins, veuves, etc., xv, 25; xxm, 10-
II. — e) Sa bonté qui se manifeste même quand il
châtie celui qu'il aime, ni, 12.
lu. L'HOMME. — A) Sa constitution. — a) Consti-
tution p/ii/sique. — L'homme se compose d'un corps et
d'une àme. Lame [néfêS] est le principe de la vie phy-
sique et morale; le siège de la pensée et des passions,
xxm, 7; xi, 25. Souvent c'est le cœur qui est donné
comme agent de la connaissance, xv, 14; xvi, 1, tandis
que la vie effective de l'âme est manifestée par le tres-
saillement des entrailles, xxm, 16. — b\ Constitution
morale : il est un être libre qui a des commandements
à observer et qu'il peut ne pas garder ; tout le livre
suppose celle liberté; de là la constatation de sa res-
ponsabilité et la note caractéristique de l'insensé : il a
méconnu les conseils de la sagesse, i, 24. — c) Dépen-
dance de Dieu, dans sa vie corporelle : membres, con-
servation de la vie. etc., xx, 12; dans sa vie morale :
décisions, conseils, etc., xvi, 9; xix, 21; dans son
bonheur, x, 22. — d) Destinée. Les Proverbes ensei-
gnent que tout n'est pas fini pour l'homme avec la vie
présente, ils connaissent et affirment la doctrine de la
survivance, mais ils en parlent peu et leurs expressions
sont assez indéterminées. Ce qu'ils nous rappellent à
ce sujet, c'est que tous les morls descendent au ùe'ol,
rendez-vous universel de tous les hommes où la vie
csl transformée en une sorte de léthargie, goufi're pro-
fond situé dans les parties inférieures de la terre, i. 12;
ii. 15, séjour immense dont la science parfaite de Dieu
peut seule avoir une connaissance complète, xv. 11.
Il\ L'homme dans sa vie morale. — 1° Morale gé.
nérale. — 1. C'est Dieu qui est le principe et le fon-
dement absolu de toute la morale, xvi, 11; xx, 24,
connue de l'homme par la parole même de Dieu ou
par des intermédiaires : parents, sages. — 2. L'idéal
moral, c'est l'acquisition de la Sagesse qui consiste
dans la crainte de Dieu, c'est-à-dire la haine du mal et
la poursuite de la sainteté, i, 7; vin. 13. — 3. L'obser-
vation de la loi morale est obligatoire pour l'homme,
il en est le sujet et il y a mal moral pour lui à agir
autrement, xiv. 21; xvi, 17, et il n'aura même sa véri-
table valeur d'homme que dans la mesure où il s'y
montrera fidèle; d'ailleurs la sagesse est accessible à
quiconque la recherche, elle s'offre à qui veut la
trouver, I, 20, VIII, 1 sq. ; ix. 3 sq. ; — 4. La
méthode morale à employer (ou les dispositions inté-
rieures requises) pour l'acquisition de la Sagesse con-
siste dans une recherche sincère accompagnée de
beaucoup d'oubli de soi-même et de détachement, il.
3 sq., iv. 7-8; vu, 4; d'humilité et de défiance de
soi-même, m, 517; d'application à la pratique de la
justice avec tendance constante à la perfection, xx, 9.
— 5. La vie morale ne consiste pas dans des obser-
vances purement extérieures, même excellentes comme
les sacrifices, xxi, 3, mais dans la crainte de Dieu, la
pratique de toutes les vertus et l'accomplissement des
diverses prescriptions concernant Dieu, le prochain
ou soi-même. C'est une vie spéciale qui réclame mê
des actions plus qu'ordinaires, par exemple, les préve-
nances à l'égard des ennemis, xxiv. 17, et où le fond
essentiel, c'est l'intention, xvi, 30; xxi, 27. Elle com-
porte une grande maîtrise de soi. manifestée surtout
au moment des difficultés, i\. -23. — 0. La sanction de
cette vie morale se manifeste ordinairement dans la
vie présente et peut être envisagée avec ou sans une
intervention immédiate de Dieu. Dans le premier cas,
comme récompense, c'est en particulier l'amitié de
Dieu, l'intimité avec lui puisqu'il « communique ses
secrets aux cœurs droits », m, 32; vin, 17, 35''; xn, 2a,
c'est la santé et l'abondance des biens, ni, 8, 10; c'est
la prolongation des jours et la descente au se'ôl re-
tardée le plus longtemps possible, x, 27; c'est le bon-
heur et la stabilité dans le bonheur assurés par Dieu,
m, 331' : xix, 23; — le châtiment se présente dans des
conditions analogues, m. 33'; c'est l'arrivée subite de
la ruine pour l'homme méchant, vi, 15, c'est le nombre
de ses années abrégé, c'est à la (leur de l'âge qu'il
descend ausëol, x, 27; si une affliction transitoire peut
atteindre le juste, il s'en relève, il n'en est pas ainsi
de l'impie, xxiv. 16. Sans mention de l'intervention
immédiate de Dieu; c'est la paix et le bonheur accom-
pagnant ordinairement la vertu, i. 33; n, 7; vm, 35»,
quant au péché, il se punit lui-même, car souvent
l'homme est puni par où il a péché, i, 19, 32, v, 22. —
Un autre genre de sanction souvent exprimée est celle
qui récompense ou châtie l'homme dans sa postérité,
les enfants du juste participant aux bénédictions dont
il avait bénéficié, tandis que le pécheur fait partager à
ses descendants la malédiction qu'il avait attirée sur
lui, xm. 22; xx. 7. — Les proverbes mentionnent,
bien qu'un peu obscurément, une relation entre la vie
présente et les conditions de la vie future envisagée
comme sanclion, xi, 4: cf. xu, 28.
2" Morale spéciale. — a) Devoirs envers Dieu. Les
principaux sentiments qui doivent animer l'homme
dans ses rapports avec Dieu sont : la crainte, entendue
spécialement comme exprimant l'idée de religion, i, 7,
la confiance, m, 4, la délicatesse de conscience qui ne
présume pas trop facilement de sa perfection, xx, 9;
xxviii, 14. Ces dispositions se manifestent par une
fidèle obéissance à toutes les prescriptions de Dieu,
m, 9-10; xix, 18, qui n'a de valeur que si elle est
accompagnée de la justice intérieure, xxi, 3. 27.
b) Devoirs envers le prochain. — Ils sont prescrits par
Dieu et fondés sur la nature des choses. Les prin-
cipaux devoirs sur lesquels on insist.- spécialement
sont tout d'abord : la justice ion y revient très souvent
dans le livre) dans les transactions commerciales, XI, 1 ;
xx, 10, 23, dans les jugements, xvn. 15. 23. aussi bien
que dans le respect du bien d'autrui. XXII, 28: xxm.
10; — la charité dans ses différentes formes : aimer et
secourir les déshérités de la fortune, car Dieu a fait
le pauvre comme le riche et il veut qu'on aime les
pauvres; ainsi, donner aux pauvres c'est prêtera Dieu.
xiv, 31; six, 17; xxn, 20; — s'intéresser à ceux qui
ignorent la Sagesse en les instruisant, xv. 7; xv. 23;
— surtout en oubliant et en pardonnant les injures
xix. 11, car c'est à Dieu seul de faire justice, xx, 23,
ne pas même se contenter de ne se point réjouir du
799
PROVERBES (LIVRE DES)
800
malheur d'autrui. même s il ost notre ennemi, xxiv,
17. mais encore lui faire du bien.
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger,
S'il a soif, donne-lui de l'eau à boire, xxv. 21.
, Devoii s en me. — I l'une façon générale,
■c'est d'un côté, des efforts incessants vers le bien et
l'acquisition de la Sagesse, et de l'autre une applica-
tion continuelle à fuir le mal. Quelques vertus plus
particulièrement recommandées dont les caractères se
ramènent aisément à ces deux idées; modération et
activité : l'humilité, m, 5, 7; xxvn, 2; la chasteté, il,
16; vi. 24-29; la tempérance. xx. I ; xxm. 1-3; le déla-
chement des richesses, xxm, 4-5; la modération et la
maîtrise de soi, xvi, 32; la droiture dans les actions,
il. 15; iv, 26; l'amour et la pratique du travail. VI, 6-
II; x, 4-5. — Quelques vices et défauts plus spéciale-
ment signalés ; l'orgueil, vi, 17; l'impiété manifestée
dans les dispositions défectueuses de celui qui offre
un sacrifice, XV, 8, ou qui fait des vœux précipités, xx.
25; le faux témoignage, la calomnie, la médisance, xix.
9, 28; x. 18; xvm. S; l'humeur querelleuse et la colère,
xn, 16; xvn, 19; l'impureté ion y insiste spécialement
dans les cliap. v et vin; le mensonge et l'hypocrisie,
XII, 19: SIX, 22: l'intempérance et la paresse signalées
avec une insistance particulière, xxm. 29-35; xxiv, 30-
34: xxvi, 13-16.
d) Dans l'ensemble de ces prescriptions, il en est
quelques-unes qui peuvent provenir de l'expérience,
personnelle ou acquise des anciens, ce sont surtout
celles où l'intérêt immédiat du sujet parait en cause,
i m' l'est par exemple le conseil d'éviter la femme
adultère pour ne pas s'exposer à la vengeance du mari
courroucé, vi. 32-35; mais il en est d'autres qui ne
peuvent provenir de la même origine, car ils ne con-
sistent pas uniquement dans le tait d'une modification
ayant pour but d'en faire disparaître les principales
imperfections, mais bien dans une transformation ra-
dicale qui ne peut avoir que l'Esprit de Dieu comme
principe, ainsi les conseils de chasteté par rapport à
i courtisane, là où il n'y a plus les inconvénients
signalés à propos de l'adultère, v, 20: VI, 24; ainsi les
conseils concernant l'attitude à garder vis-à-vis du
pauvre, quand la tendance naturelle porte l'homme
fortuné i abuser de sa situation par rapport aux des-
hérités de la fortune si ses intérêts l'y engagent, sur-
tout vis-à-vis de l'ennemi quand la vengeance parait
si naturelle au cœur de l'homme, xix, 17; xxv. 21.
C'est par une lidélité ponctuelle et continuelle que
l'homme deviendra juste, car si la sagesse est la con-
naissance des règles de l'activité humaine telle que
Dieu veut qu'elle l'exerce, la justice consiste dans la
mise en pratique des règles et des prescriptions élabo-
iiu proposées par la Sagesse. Les Proverbes insis-
tent beaucoup pour montrer que cette sagesse n'est
pas innée en nous et que d'ailleurs l'homme se fait
très aisément illusion sur ses intérêts même les plus
immédiats, xvi, 25, de là, l'impérieuse nécessité de
l'éducation pour former le juste qui doit se constituer
le disciple de ceux qui sont les intermédiaires de Dieu
pour lui faire connaître la Sagesse.
iv. i..\ i amii.i.i ■■:. — Plusieurs points sur ce sujet sont
l ■ 1 1 1 ^ particulièrement intéressants à noter. — 1. Im-
portance de l'épouse vertueuse dans l'intérêt de la
maison, Ml, i; xiv. 1». aussi l'homme ne saurait-il
apporter trop de si lan: le choix de celle qui devra
être -;i compagne, xvm, 22, Le portrait de la femme
forte, xxxi, 10-31, énumère avec complaisano
services que le mari peut attendre d'uneépouse
hoisie, en même temps qu'il indique quelles
qualités sérieuses il I.hiI rechercher pour que ce choix
âge el éclairé; une épouse de ce genre doit être
considérée comme un don de Dieu, Xix, li; — par
contraste, le Sage ne manque pas de rappeler fréquem-
ment quels maux peut attirer sur une maison l'épouse
dépourvue de ces qualités. Il, 16-18: xn, i; xiv. !'•. —
2. Le premier devoir du mari c'est la fidélité conjugale,
aussi lui est-il recommandé, avec une insistance signi-
ficative, de se garder avec soin de toute relation cou-
pable avec la femme étrangère et corrompue, en même
temps qu'on lui rappelle toute la gravité de l'adultère,
v, 15-23; vi, 25. 29, 32-33. - 3. Parmi les devoirs des
parents, l'éducation des enfants attire tout particuliè-
rement l'attention du Sage, il reconnaît l'autorité du
. père et de la mère en cette matière et indique le res-
pect et l'obéissance que les enfants doivent également
à l'un et à l'autre, i, 8; vi, 20; il signale toute l'impor-
tance, xxii, 6. 15; xxix. 17. et les principaux caractères
de cette éducation, insistant spécialement sur la fer-
meté qu'on doit y employer, xm, 21; xxiv. 13 non
toutefois sans recommander de tenir compte des ten-
dances particulières de l'enfant, xxn. 11: c'est d'ailleurs
l'intérêt des parents, car la conduite de leurs enfants,
résultat de l'éducation reçue, leur sera une cause de
bonbeur ou de malheur, x, I ; XVII, 25; xxm, 24-25. —
i. L'enfant doit montrer une lie- grande docilité à
l'égard de ses parents; il leur doit un égal respect qui
ne diminue nullement avec l'âge. VI, 20: xxm. 22; il
trouvera le bonheur dans celle attitude, IV, 10, tandis
que les menaces s'accumulent contre le Mis insensé et
indocile, xix. 26; xx. 20; xxx. 17.
i . i.a SAGESSE. — 1» D'une façon générale, science par-
laite, propre à Dieu et communiquée par lui aux
hommes; elle se présente sous différents aspects. —
a) Une conception humaine de la sagesse, dont les traits
caractéristiques sont : une certaine habileté, i. 5; une
grande facilité de discernement, i, i.li; une prudence
pratique ou n expérience » qui donne la science de la vie,
m, 2: xiv. 8. — b) Une conception religieuse, considérée
i une distincte de l'habileté naturelle et impliquant la
crainte de Dieu. i. 7, l'amour de Dieu, l'accomplisse-
ment du culte el l'exécution de la loi. m. 9, et comme
telle, source de bénédictions divines et principe de
l'acquisition el de la pratique de la vertu et faisant de
celui qui la possède a l'homme juste t, vin, 13: xxx, 3.
— L'acquisition de la sagesse par l'homme est donnée
comme une chose ardue, elle lui serait presque impos-
sible, si elle ne s'offrait elle-même à qui la recherche, vin.
13; ix, 3, et si en définitive elle n'était communiquée
par Dieu soit indirectement par des intermédiaires]
soit surtout directement comme un don que lui seul
peut faire, car elle est plus que la simple totalité de
r i expérience [personnelle et des anciens); s." pos-
session est vraiment un duo de Dieu, il, li. — e) Con-
ception d'une sagesse absolue et universelle ; — elle
nous est montrée comme s'adressant à tous, i. 20-33 ;
vin, 2,3; ix, 3; elle se trouve dans l'ordre général d"
monde qui la manifeste, m, 19-20; on lai i encore
dans le gouvernement politique de l'humanité, vu.
15-16. — (') La Sagesse considérée en elle-même.— et) Son
origine; elle vient de Dieu dès l'éternité et avant
toutes choses. VIII, 22-2:'.. — v Sa nature; I ° attribut
de Dieu, en qui elle réside, qui la possède éternelle*
ment et dont elle fait les délices, m. 19; vin, 22-31. —
2- hypostase : son activité coopératrice dans la création,
.ni- 2H; son amour pour les hommes, elle leur sert de
médiatrice auprès de Dieu, VIII, 31, c'est-à-dire qu'elle
-e présente avec les trois caractères suivants : nature
transcendante, personnification nettement accentuéi la
tradition catholique y voit une personnalité réelle et
distincte!, possibilité et désir de se communiquer aux
hommes, que le progrés de la révélation accentuera île
plus en plus et qui trouveront leur exposition compi te
dans le prologue du IV' Évangile. Voir dans .1. Corluy,
La Sagesse dans l'Ane. Test. {Congr. scient, des cath.,
1888, t. i, p. 61-91), un tableau comparatif des don
SOI
PROVERBES (LIVRE DES) — PROVIDENCE
802
de saint Jean, i, et des Proverbes, vm, ainsi que de l'Ecclé-
siastique, xxiv, et de la Sagesse, vu-vin). — La liturgie
catholique fait une application particulière de vm,
22-31, à la très sainte Vierge.
XIII. Bibliographie pf.s Proverbes. — /. texte bt
versions ANClEli ves. — ' R. Grey, The Boni: of Proverbs
divided according lo the mètre, mith Notes, Londres,
1738; 'J. A. Dathe, Prolusio de ralione consensus vers,
chald, el syriacie Prov. Salom., Leipzig. 1764, étude
publiée par Rosenmûller, dans Opuscula ad crisin el
interpretationem V. T. spectantia, 181 4; 'L. Vogel.
Observât, crit., addition à Vers, integ. Prov. Salom.,
de A. Schultens, Halle, 1769; ' J. G. .laeger, Observatioues,
in Prov. Salom., versionem Alexand., Leipzig, 1788;
'.1. G. Dahler, Animadversiones in cap. i-xxiv vers.
grascie Prov. Salom., Strasbourg. 17S6 ; ' V. de Lagarde,
Anmerkungen zur griecliisrheu Uebersetzung der Pro-
verbien., 1863; 'S. Baer, Liber l'roverbiorum (texte
massorétique), avec préface de Frz. Delitzsch, Leipzig,
1880; ' J. Dyserinck, Krilische Scholiën bij de vertaling
ran lie! bock der Spreuken, Leyde, 1883; '11. Grâtz,
Exegetische Sludien :u dcn Salom. Sprûchen, dans
Monatsschrif.t fur Gesch. und Wissenschaft, des Juden-
thums, 1S81, p. -289, 337, 414. 433; et notes critiques
sur les chap. i-xxn, dans Emendationes, Breslau,
1893, p. 30; '11. Oort, Spreuken i-ix, dans Theol.
tijdschrift, Leyde, 1885, p. 379; 'A. J. Baumgartner.
Étude critique sur l'état du le.rle du livre des Pro-
verbes d'après les principales traductions anciennes,
Leipzig, 1890; '11. P.Chajes; Proverbia-Sludien zu der
sogenannten Salomonischen Sammlung, c. x-xxm, 16,
Berlin, 1899; ' E. Kautzsch, The Book of Proverbs, dans
Tlie sacred Books of the Old Test., édit. par P. llaupt,
Leipzig, 1901; "G. Wildeljoer, De Tijdbepaling van het
Boek der Spreuken dans Verslagen en Mededeelingen
der konink. Akad. van Wetenschappen, Amsterdam,
1899, p. 233.
;/. COMMENTAIRES. — Outre ceux qui ont été déjà
nommés dans le cours de l'article : ' H. Deutsch, Die
Sprûche Salomo's nach der Au/jassung im Talmud
und Midrasch dargestellt und krilisch untersucht,
1885; S. Ilippolyte, In Proverbia (fragments), t. x,
col. 615-628; Origene, E!ç -rà; ïtapo'|jua; Xa'/.op.u>v'o;
(fragments), t. xm, col. 17-34; S. Basile, llom. xn, In
Principium Proverb., t. xxxr, col. 385-424; Bidyme
d'Alexandrie, fragments d'un comment, sur les Pro-
verbes, t. xxxix, col. 1621-1646; Procope de Gaza, 'Ep|iv)-
VEtot si; -x; 7t»poip.ca;, t. lxxxvii, l™parl., col. 1221-1544;
Supplément, t. lxxxvii, 2e part., col. 1779-1800 ; Salonius,
évéque de Vienne. In Parabolas Salomonis expositio
mystica, t. lui, col. 967-994; Bède, Super parabolas
Salomonis allegorica expositio, t. xci, col. 937-1010, suivi
du De muliere forti libellas, col. 1040-1052, également
suivi de In Prov. Salom. allegoricse interprelationis
fragmenta fcliap. vu, xxx, xxxi, xxvn. col. 1050-1060;
R. Maur, Expositio in Prov. Soi., t. exi, col. 679-792;
U. llolkotb, Prselect. in lib. Sap., 1481; in Proverbia,
Paris, 1515; S. Munster, Prov. Salom. juxta heb. ve-
ritalem translata et adnotat. illustrata, Bàle, 1525;
Cajetan, Parabolx Sal, ad verilatem ebra'uam casti-
galx et enarratse, Lyon, 1545; .1. Arboreus, Comm. in
Prov. Sal., Paris, 1549; R. Bayne, Comm. in Prov.
Sal., Paris, 1555; Cornel. Jansenius, de Gand, l'ara-
phrasis et adnolationes in Prov. Sal., Louvain, 1569,
•I. Mercerus, Comm. in Salomonis Proverbia, Genève,
1573; Th. Cartvvrïght, Comm. succincti et dilucidi in
Prov. Salom., Leyde, 1617; Fr. de Salazar. Expositio in
Prov. Salom., tam litteralis quant moralis et alle-
go.ïca, 2 in-f», Paris, 1619-1621; Bobl, Elhica sacra,
sive comment, super Prov. Salom., publié par G. Witz-
leben, Rostock, 1640; J.Maldonat, Scholia in Psalmos,
Proverbia, etc., Paris, 1643; A. Agellius, Comment, in
Proverbia, Paris, 1611; Vérone, 1649; Coin. Jansenius
D1CT. DE LA BIBLE.
d'Vpres, Analecta in Prov., Louvain, 1644; M. Geier.
Proverbia regum sapienlissimi Salomonis cum cura
enucleala, Leipzig, 1653, 1688, 1725; Bossuet, Libri
Salom. Prov., Éccl., Paris, 1693; ' C. B. Micbaelis,
.Vote Ùberiores in Prov. Salom., dans Annotât, uber.
in Hàgiogr. V. Test, libros, Halle, 1720; "A. Schultens,
Proverb. Salomonis versionem intégrant ad Hebrœum
fontem expressit atque commenlarium adjecit,Uége,
1< 48; ' L. Nagel, Die Spniehwiirter Salomon's itm-
schrieben, Leipzig, 1767; M. F, llirts, Vollstàndigere
Erklàrung der Sprûche Salomons, Iéna, 1768; ,1. D. Mi-
cbaelis, Uebersetzung der Sprûche und des Predigers
Salomons mit Anmerkungen fur Ungelehrte, Gœtlin-
gue, 1778; 'J.C. Dœderlein, Sprûche Salomon's. h'en
ûberselzt mit kurten erlâutemden Anmerkungen,
âltdorf, 1778, 1782, 1786; ' B. Hodgson, The Proverbs
ofSal. trauslaled front the Hebrew with notes, Oxford,
1788; 'C. L. Zie^ler, Neue Uebersetzung der Denk-
sprûche Sal. un Geisl der Parallèle», mit einer volls-
lândigen Einleilung, philologischen Erlàuterungen
und praklischen Anmerkungen, Leipzig, 1791;
" C. G. llenslers, Erlàuterungen des ersten Bûches
Samuels und der Salom. Denltsprûche, Hambourg et
Kiel,1796; 'G. Holdens, Atlempt towards an improved
translation of the Prov. of Salom. from the original
Hebreiu; with noies critical ami explanalory, and a
preliminary dissert., Londres, 1819; ' C. Umbreit, Phi-
lolo g. -krilisch und philosoph. Commentai- uber die
Sprûche Sal., Heidelberg, 1826; ' Maurer, Comment.
gram. crilic. in Proverbia, 1841; ' R. Noyés, New
translation of tlie Prov.. 1846; ' E. Bertheau, Die.
Sprûche Salomo's, Leipzig, 1847, revu par W. Nowaefc,
Leipzig, 1883; 'M, Stuart, Comm. on the Book of
Prov., 1852; ' F. Hitzig, Die Sprûche Salomo's ûber-
set:t und ausgelegl, Zurich, 1858; ' <». Znekler, Comm.
:u der Sprûche Salom., Leipzig, 1866: ' H. F. Mùhlau,
De proverbiorum qux dicunlur Aguri el Lemuelis
origine atque indole, Leipzig, 1869; A. Rohling, Das
Salom. Spruchbucli ùberselzl und erklârt, Mayence,
1879; ' L. Strack, Die Sprûche Salomo's, Xordlingue,
1888, 2» édit., 1899; G. Frankenberg, Die Spritche,
Gœttingue, 1898. J. Marie.
2. PROVERBES (livre DES), apocryphe. Voir
Apocryphes (Livres), 3, t. i, col. 772.
PROVIDENCE (grec : npo-ioix; Vulgate : provi- .
dentia), action par laquelle Dieu veille sur ses créatures.
— L'idée de Providence est une idée abstraite et phi-
losophique, qui était familière aux Grecs. Cf. Hérodote.
m, 108; Sophocle, Œd. Col., 1180; Euripide, Phen.,
640; Xénophon, Memor., i, 4, 6, etc. Elle ne passa
que tardivement chez les Latins. Cf. Sénèque, Quiest.
nat., il, 45; Quintilien, I, x, 7; xn, 19, etc. Le livre
grec de la Sagesse est le seul livre inspiré où elle soit
exprimée. L'auteur dit, en parlant du vaisseau qui (lotte
sur les eaux : « O Père, c'est votre Providence qui le
gouverne. » Sap., xiv, 3. Il représente ailleurs les
Egyptiens, pendant la plaie des ténèbres, « fuyant eux-
mêmes votre incessante P.-ovidence. » Sap., xvn, 2. —
Les Hébreux avaient à un haut degré l'idée de la Pro-
vidence, mais ils ne possédaient pas dans leur langue
de mot spécial pour l'exprimer. Ils ne se représentaient
l'action vigilante de Dieu que sous une forme concrète.
Jéhovah est le Dieu de l'univers, mais en même temps
leur Dieu particulier, qui prend soin d'eux, les bénit
et les protège. Exod.. xix, 5-6; xxm, 20-33; Deut.,
xxvil, 1-68, etc. Plusieurs Psaumes sont de véritables
hymnes à la Providence. Ps. IV, VIII, xxm (xxil), xxvn
(XXVI), XI. VI (XL\).; LXV (LXIV), CIV (CIIl), CVII (CVl), CXIII
(exil), cxxi (cxx), etc. D'autres célèbrent l'action de la
Providence à travers l'histoire d'Israël. Ps. lxxviii
d.xxvii), cv (civ); evi (cv). Ces mêmes idées sont expri-
V. - 26
803
PROVIDENCE
PSALTERION
804
rnées sous Néhémie. II Esd.. îx, 6, 31. Dans le Nouveau
Testament, la Providence est présentée comme le
Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et
«ur les méchants, Matth., v, 45. et qui prend soin île
toutes ses créatures. Matth.. VI, 25-3i. — La Vulgate
emploie le mot providentiel dans plusieurs passages où
il est question seulement de prévision divine, Judith,
ix, 5; xi, 16; de prévoyance. Toh.. ix, 2; Sap., VI, 17;
ix. 14; de connaissance, Eccle.. v, 5, ou de gouverne-
ment. II Mach., iv, G; Aet.. XXIV, 2.
H. Lesètre.
PRUDENCE (hébreu : (ebûnàh; Septante : oilve<nç,
ypov^aiç; Vulgate : prudeiilia), vertu qui aide à choisir
ce qu'il y a de meilleur et de plus sage, pour y confor-
mer sa conduite. — Dans la Sainte Ecriture, la pru-
dence se confond fréquemment avec l'intelligence et la
sagesse; c'est souvent en ce sens qu'il faut entendre le
mot dans les versions. Les philosophes platoniciens
faisaient de la prudence l'une des quatre vertus cardi-
nales; le livre de la Sagesse, vin, 7, se réfère à cette
classification. — La prudence vient de Dieu, Prov.. n.
6; Bar., m. H. en face duquel il n'y a en réalité ni
sagesse ni prudence, Prov., xxi, 30, les qualités hu-
maines étant insignifiantes auprès de ses perfections.
Ceux qui ont cherché la vraie prudence en dehors de
Dieu ne l'ont pas trouv'c. Bar., ni, 23. Heureux qui a
acquis la prudence, Prov.. m, 13; qui vit selon la pru-
dence aura le bonheur. Prov., xix, S. La prudence est
aussi le fruit des années. Job. xii, 12. Elle apprend à
veiller sur ses paroles, Prov., x, 19, et à ne pas attirer
sottement l'attention sur soi. Eccli., xxi, 23 (20). Elle
aide la femme à trouver un mari. Eccli., xxu, 4.
L'homme prudent vaut mieux que l'homme robuste.
Sap., vi, I. Il plaît aux grands, Eccli., xx, 29 (26), est
recherché dans les assemblées. Eccli., xxi, 20 (17), et,
même esclave, sait s'imposer aux hommes libres. Eccli.,
x. 28 (24). — Notre-Seigneur recommande à ses dis-
ciples d'être prudents comme des serpents. Matth., n.
16. Voir SERPENT. Il fait l'éloge du serviteur prudent,
toujours à son devoir, Matth., xxiv. 15; Luc. xn, i2. et
des vierges prudentes, attentives à la venue de l'époux.
Matth., xxv, 2, i, 9. Il remarque que les Mis du siècle
eut beaucoup plus de prudence, dans leurs affaires
temporelles, que les fils de lumière dans leurs intérêts
spirituels. Luc., xvi, 18. Il remercie son Père de n'avoir
pas réservé sa révélation aux sages et aux prudents.
Matth., XI, 25: Luc. x. 21. Le Sauveur fut lui-même,
pendant toute sa vie, un admirable exemple de pru-
dence. Il la fit spécialement remarquer dans sa réserve
à manifester sa divinité. Il défendait à ceux qui en
avaient quelque idée, pendant sa vie publique, de dire
ce qu'ils savaient ou ce qu'ils avaient vu, afin d'empê-
cher des manifestations et des oppositions qui auraient
mis obstacle à son ministère évangélique. Il ne s'expliqua
publiquement à ce sujet que dans les derniers jours de
sa vie. alors qui' ses déclarations devaient hâter un dé-
nouement, dont il avait lui-même fixé l'heure. Cf. Lepin.
./e.wis Messie et Fils de Dieu. Paris, 1905, p. 365-372.
— Saint Pierre demande aux fidèles de se montrer
prudents et sobres, afin de vaquer à la prière. I Pet..
iv. 7. H. Lesètre.
PSALTERION, PSALTÉRIUM (chai. l'en : ,„■-
sanferïn, pesanlerïn; Septante : pxXt^piov), instrument
île musique, composé d'une table d'harmonie plaie, en
forme de trapèze allongé, portant un jeu de cordes
tendu horizontalement. Les Septante ont traduit nébc'l
par ixi-.r^wi exceptionnellement; la Vulgate presque
toujours par psalterium. Kinnûr esl rendu <|/alT»jpiov
dans les Septante, Ps. xi.vni. 5; exux, 3; Ezech., \xvi,
13; par psalterium, Vulgate, Ps. xivm. 5; cxlix, 3.
I. Nom. — ij/aXtijptov, d'après -on i rymologie, if/âXXw,
t tendre les cordes , 'I/a).(i6 . percussion 'les doigts
sur les cordes ». Voir Van Lennep, Etymologicum
imguse grsecx, Utrecht, 1808, p. 851. Comparer mizmôr
de zâmar, voir Musique, t. in, col. 1137, qui désigne
tout instrumenta cordes joué par percussion manuelle.
Gevaert, Histoire et théorie de la musique dans l'an-
tiquité, Gand, 1875-1881, t. n, p. 213. Ce nom com-
prendrait par conséquent les harpes, lyres, cithares,
samhuques, et même les instruments à manches. 11 est
à remarquer que Varron et Athénée appellent le nable
un psaltérion droit, orthopsalliunx, •!/a)ïr,piov opOiov,
Deipnos., 1. IV, p. 183, par opposition sans doule aux
instruments de forme plaie, comme le psaltérion pro-
prement dit.— Cette signification générique justifierait
en quelque manière les auteurs des anciennes ver-ions
grecques et les commentateurs ecclésiastiques latins et
grecs, jusqu'aux lexicographes de la renaissance, d'avoir
traduit par iaXttjpiov, psalterium, l'hébreu nébël et
même le nom de la harpe, kinnor. Ezech., xxvi, 13.
Cependant il est préférable d'admettre que par celle
interprétation, ils nous ont représenté, au lieu de
l'instrument hébreu, l'instrument grec en usage â
Alexandrie sous la domination hellénique et qui avail
remplacé à cette époque les anciens types d'instruments
orientaux. Telle est aussi la valeur à donner aux textes
des Pères, qui différenciaient la cithare du psaltérion
par cette particularité, que la première a sa caisse
sonore à la base; l'autre au contraire, à la partie supé-
rieure. S. Basile: ibaXTqp'.oy zr,-i ^yo-Jvav Byva[juv It roâ
ïvwOev systv. In Ps. XXXII, t. xxix, col. 328. Le Bre-
viarium in Psalmos, publié dans les œuvres de sainl
Jérôme, In Ps. exux, t. xxvi, col. 1266 : Psalterium
similitwlinnm habel citharx sed non est cilhara...
Cilhara deorsum percutilur, cselerum psalterium sur-
sum percutilur. S. Augustin : Psalterium de saperiori
parte habel testudinem, illud'scilicel tympanum esl
concavum lignum, eut chordse innilentes résonant.
Enarral. in Ps. XIII, t. xxxvi, col. 499. Voir col. 280,
671-672, 9110. 1961. Cassio.lore : l'snllerium esl. ni
Hieronymus ait, in modum A literie formait ligni su-
nora concavitas obesum vent rem in superioribus
habens. Prsef. in Psalt.,c. iv, t. i.xx, col. 15; S. Isidore
de Séville, Etymol., m, 22. t. i.xxxii. col. 168; Bède le
Vénérable, Tnterpretalio Psalterii, t. xcui, col. 1099.
L'assimilation que ces auteurs font du psaltérion au
nable provient de la version des Septante. Les dix cordes
du psaltérion sont une erreur prise des textes où il
esl en réalité question du nable à dix cordes. Voir NA-
BLE, t. iv, col. 1432. Le rapprochement entre la forme
de l'instrument et celle du délia grec, A, loin d'être
exclusivement propre au psaltérion, figurerait plus
exactement les harpes antiques, et lout spécialement le
trigone. Voir Harpe, t. m, col. i:'i. lu somme, ces
textes, où les auteurs s'inspirent d'un instrument de
musique, fort éloigné' de l'antiquité biblique el même
de la tradition hellénique, ne nous fournissent pas .le
renseignements suffisants pour une identification. !.. si
à l'aide des monuments anciens, rapprochés des Ivp.s
encore en usage chez les Orientaux, que nous polirions
connaître le psaltérion antique.
il. Description du psaltérion antique. — Le troi-
sième musicien du bas-relief de Koyoundjik, lig. 382,
t. IV, col. 1353, porte un instrument (lig. 183) dont la
forme rappelle le i/am'in ou le sanlir des modernes
Orientaux. Cette représentation montre en effet une
caisse plaie, pourvue d'ouïes, avec un jeu de coi. le-
tendu horizontalement. La caisse esl bombée à la partie
inférieure et se porte à plat devant la poitrine. Les
cordes au nombre de dix, si la sculpture esl exacte, dé-
crivent une courbe, comme si elles étaient placées sur
un rebord arrondi et tendues par des poids, t'es coi
étaient peut-être de métal, voir Botta, Monument de
Ninive, l. i, pi. 62. et doublées pour augmenter la réson-
nance, comme dans les instruments plus modernes. Les
805
PSALTÉRION
806
instruments de celte forme diffèrent de la liarpe en ce
que les cordes ainsi disposées sont accessibles sur une
seule face, tandis que dans la liarpe elles peuvent être
touchées sur deux cùtés par les deux mains. Ils diffèrent
d'autre part des instruments à manche en ce que les
cordes, bien qu'elles aient la même disposition, sont en
nombre nécessairement restreint dans ceux-ci, par suite
du manque d'espace.
Comme les autres instruments originaires d'Orient,
le psallérion, adopté par les Hellènes (lig. 184), retourna
en Asie à la suite des conquêtes d'Alexandre; mais il y
revint perfectionné et sous un nom grec. Nous n'avons
pas le nom hébreu de l'ancien type asiatique qui devint
le !/x'/t/,v.'jv. On ne le trouve en effet que dans l'énu-
183. — Musiciens de Suse.
D'îiprès Place, Ninive et l'Assyrie, pi. 58.
mération des instruments babyloniens de Nabuchodo-
nosor, et sous la transcription jniMDs, pesanterin,
Dan., m, 7, ou jnnJDS, pesanterin, Dan., m, 5, 10, 15.
où le changement de consonne, ( pour n. n'est qu'une
particularité dialectale et où le groupe final J> repré-
sente la terminaison grecque iov plus complètement
exprimée dans la transcription syriaque, a^ A \ /v> Q
pesa^erôn. Toutefois les grammairiens ont traité ï'tiûî,
pesanterin, comme un pluriel et consacré la forme du
singulier ^r:cr, pesant êr. Du même mot grec les Arabes
ont fait postérieurement le mot -*k-U*j, santir, autre-
ment pisaniir, santour.el les Syriens modernes samtur.
Le santir arabe et son dérivé le qanûn affectent une
disposition pareille à celle de l'instrument babylonien,
mais sans doute moins primitive. Le premier, dont le
nom rappelle directement le psaltérion grec, se com-
pose d'une table d'harmonie en forme de trapèze ou de
triangle tronqué, portant trente-six cordes de métal
retenues à une extrémité par des attaches et à l'autre
par des chevilles pour régler l'accord. Ces cordes, mises
à l'unisson deux à deux, fournissent dix-huit notes.
Le qanûn, ^y^i, xaviôv, « règle, type ». offrant par
ordre les toniques de chacun des modes arabes, est le
développement plus complet du psaltérion. Il a de
soixante-six à soixante-quinze cordes, accordées trois
par trois, et vingt-deux, vingt-trois ou vingt-cinq notes.
F.n Algérie, on ne lui donne parfois que soixante-trois
cordes et vingt et une notes. La table de l'instrument
est pourvue de sillets en os. à charnière, pouvant se
lever pour régler l'accord et distinguer certaines tona-
lités. Les cordes sont en boyau, la caisse, en bois de
noyer, a 3 mètres de long sur 0,40 de large et 0,05 de
haut. Les cordes des notes élevées sont plus mine. - i I
plus courtes, et la série tout entière va en augmentant
de longueur jusqu'aux notes graves. On accorde à partir
de la corde basse (ré-2 substitué à l'ut par les musiciens
turcs1 et par succession de notes (non pas par quintes),
la deuxième corde sur le premier sillet, la troisième
sur le second et ainsi de suite. Le tvpe ancien du
qanûn est, suivant Al Farabi, le djank ou sank. Land,
18i. — Psaltérion grec, d'après quelques archéologues.
Bamneister, Denkmâler Oer klassischen Altertums, t. m,
p. 1345, fig. 1G09. Peinture du jardin Farnèse.
Recherches sur l'histoire de la gamme arabe, Levde.
1884, p. 52. 74.
Le joueur ne marche pas comme le musicien baby-
lonien ; assis à terre ou sur un tabouret bas, et les
jambes croisées à la manière orientale, il porte l'instru-
ment sur ses genoux écartés et l'appuie contre sa poi-
trine pour avoir les deux mains libres. Il touche les
cordes au moyen de deux petits plectres, mizdrab, de
corne, de baleine ou de becs de plume, fixés dans des
anneaux portés au pouce et au médius de chaque main.
Le son du qanûn est fort, vibrant, avec une résonnance
étouffée dans les notes graves, ie santir, aux cordes de
métal, est plus aigu et rappelle la mandoline. Le joueur
oriental manie son instrument avec vivacité, en répé-
tant rapidement les notes, suivant un procédé cher de
tout temps aux exécutants orientaux. Voir Fontanes,
Les Egypte», Paris. 1882, p. 356-357. Le qanûn a sup-
planté le santir dans presque tout l'Orient. Sauf à Mos-
soul, Bagdad, Damas, les musiciens des villes l'aban-
donnent aux exécutants populaires. Le qanûn de Da-
mas est très grand, il a cent sept cordes quadruples,
sauf la dernièrequi est triple, et donne vingt-septnotes.
Enfin les Persans ont gardé pour la musique de chambre
le santir, qu'ils appellent ceintour. Il a soixante-douze
cordes en cuivre jaune, que l'on touche avec des
baguettes d'os ou de métal appelées mezrabe. Advielle,
La musique dur. les Persans eu 1885, Paris, 1885,
p. 12-13.
807
PSALTÉRION — PSAUMES (LIVRE DES)
808
De l'Orient, le psaltérion, qui avait passe à Rome
SOUS les empereurs, revint en Occident après les croi-
sades. On l'appela psaltère, salière, de son nom
biblique. Les sculpteurs le mirent parfois aux mains
.du roi David. L'instrument oriental resta en vogue pen-
dant tout le moyen âge. On en perfectionna successi-
vement la qualité, le mécanisme, on en augmenta les
dimensions. Le Cymbel hongrois en est une dérivation.
Finalement l'adjonction de marteaux fixes dépendant
d'un clavier lit de l'ancien instrument le piano mo-
derne. Mais le psaltérion subsiste de nos jours sous la
forme de la Zither allemande. J. Parisot.
1. PSAUMES (LIVRE DES), recueil de chants sa-
crés des Hébreux. Les livres historiques et prophétiques
de la bible en renferment un certain nombre; mais la
plus grande partie de leurs chants religieux forme un
recueil spécial désigné en hébreu sous le nom de ISO
z-'-~t , Sèfér tehillim , V xi ~. > y.'r, . Psalteritmi, en grec et
en latin. La désignation hébraïque est transcrite Dtpap
0:/.'/.£:u, (J£6Xoç 'Va/')">v dans le Canon origénien en tète
du Commentaire d'Origène sur le Ps. i, t. xil, col. 1084,
et « Sephar thallim, quod interpretatur Voiimen
IIv.mmiium » dans S. Jérôme Prsef. ad Sophronium
in Ps., t. xxviii, col. 11-21. Dans le Prologus galeatus,
t. xxviii, col. 553, le même Père l'appelle du nom de
linvitl, et ajoute : quem quinque incisionibus et uno
Psalmorum volumine comprehendunt. La désignation
du même livre est abrégée dans les références juives
sous les formes nop, r?n, (illim et (iili.
I. Place des Psaumes dans i.a Bible. — Ce livre se
trouve communément dans la Bible hébraïque masso-
rétique en tête des Ketubim ou Hagiographes, la troi-
sième partie du recueil ; saint Jérôme, dans son Epist. ad
Paulinum, t. xxn. col. 547, le place de même; mais il
n'en a pas toujours été ainsi ; dans le Prologus galeatus,
l. XXVIII, col. 555, il le fait précéder de Job; la liste tal-
mudique du traité Baba balltra le fait précéder de
Idilh : les manuscrits hébraïques espagnols, des Chroni-
ques ou Paralipoménes. Quant au mot mnémotechnique
r.x, désignant par abréviation les livres poétiques selon
lesHébreux, Job, Proverbes, Psaumes, il donne préci-
sément h' renversement de l'ordre des manuscrits
d'Allemagne, suivi par l'édition imprimée actuelle. Les
Septante placent le Psautier dans la seconde partie de
la Bible, en tête des livres sapientiaux, mais là encore
on ne trouve pas d'uniformité : VAlexandrinus, par
exemple, le rejette, avec les autres livres sapientiaux,
après les prophètes, dans la troisième partie. La vulgate
Clémentine le place au contraire dans la seconde partie
après .lob. L'habitude des auteurs du Nouveau Testa-
ment de citer la Bible sous la formule in Moysi, pro-
phétie et psalmis, Luc, xxiv, 41. permet de conclure
que de leur temps ce livre était placé comme dans la
Bible massorétique, en tête de la troisième partie.
II. DIVISION DES l'-.vi mes EN CINQ livres. — Le Psautier
se subdivise en cinq livres, terminés chacun par une
doxologie indépendante du Psaume final, sauf pour
le i i n dernier : xi., li ; i.xxi. 18-20; i.xxxvm, 53, et
dans l'hébreu par une indication massorétique. Saint
Jérôme dit dans son Epist. ad Sophronium, t. xxviii,
col. 1123 : Nos ttebrceorum auctoritatem secuti et ma-
xime Apostolorum gui sou/ht in Novo Testamento
Psalmorum librum nominant, union volumen asserL
Mais parlant a\er plus de précision dans son Epist.
xxvi ad Marcellam, l. xxn. col. 431, il dit : lu
quinque volumina Psalterium apud Hebreeos divisum
est; également Epist. < ri, t. xxn, col. 1168, et dans le
Prolog, galeat., t. xxviii. col. 553 : quinque inci-
sionibus. La plupart des Pères anciens mentionnent
celle division du Psautier.
Le recueil total se subdivise en 150 morceaux, d'après
l'hébreu actuel, le grec et la Vulgate : mais les anciens
manuscrits hébreux n'étaient pas tous d'accord, certains
n'en comptant que 149 ou même 147. La séparation des
Psaumes n'étant pas indiquée dans les anciens textes
hébreux, comme en témoigne encore Origène. et un
bon nombre de Psaumes n'ayant pas de titre, les cou-
pures ont étépraliquées quelquefois très arbitrairement,
de sorte que, tout en arrivant au même total, l'hébreu
d'une part, et les Septante et la Vulgate d'autre part,
donnent des numérotations un peu différentes; l'accord
se maintient de i à vin ; ix de l'hébreu forme ix et x dans
les versions; xi a cxm de l'hébreu correspond à x-cxn
des versions; cxivetcxvde l'hébreu à cxm des versions ;
cxvi de l'hébreu à exiv etcxvdes versions; cxvn àCXLVl
de l'hébreu à cxvi-cxlv des versions; cxi.vn de l'hébreu
donne CXLVI et c.xlvii des versions; enfin l'accord est
rétabli de cxlviii à cl. Kn général donc l'hébreu l'em-
porte d'une unité sur les versions. La critique textuelle
permet de constater que les coupures sont fautives en
nombre de cas; on a souvent, dans l'original comme
dans les versions, joint des fragments qu'il fallait séparer,
par exemple cxliii, 1-11 et 1-2-15; on a plus rarement
séparé des fragments qui auraient dû être réunis, par
exemplexi.i etxLit. Lesauteurs ecclésiastiques, appuyés
sur certains manuscrits et sur les variantes des Actes,
xm, 33, ont souvent cité le Ps. n : Quare fremuerunt
gentes, avec la référence êv npiû-rto 4i/.u.m. Origène,
Fragm. in Psalm., t. xn, col. 1100; S. Hilaire, In
Psalm., t. ix, col. 2(52, 264.
III. Noms des divers Psaumes. — Les Psaumes
portent des noms différents, qui indiquent différents
genres poétiques : celui du recueil entier est ÏSéfér te-
liillini, bien rendu parsaint Jérôme, Liber hymnorum,
exactement « Livre des louanges (de Dieu) ? : le Ps. cxi.v
(CXLivi est cependant le seul qui porte un pareil titre.
(ehillâh, xhi'jizjaudatin ;m\ titre plus ancien nous est
donné pour une portion du recueil dans LXXI,20, {efillôj ' .
orationes; les Septante et la Vulgate ont dû lire trliil-
lof, car ils traduisent laudes [David /ilii Jesse); exac-
tement, « prières »'; le nom le plus courant est -r~-~,
mizmôr, ■bzl.tj.6;, psalmus, c'est-à-dire : chant destiné à
être accompagné par les instruments, ou simple poème
lyrique : de là vient le tenue tya).tffii<rt, psalterium,
détourné de sa signification première t d'instrument
à cordes », pour signifier tout le recueil, le Psautier.
Kn hébreu 57 Psaumes ont le titre de mizmôr, mais il
y en a davantage dans les versions. On trouve aussi le
titre de tv.-, sir, iu[ia, û>8iî, canticum, hymnus, qui
veut dire citant, xvil, Xl.iv et XI v, souvent préposé (5 l'ois-
on postposé (8 fois) au terme mi:môr, et traduit alors
canticum psalmi ou psalmus cantici, mais apparem-
ment simple doublet provenant des variantes île diffé-
rents manuscrits ; à noter en outre spécialement la série
des Sîrê ham-ma'àUf, canticum graduum, jiyx tûv
àva6a8u,fi>v ou ivaëiTswv, « cantique graduel ou cantique
des montées » (du pèlerinage liturgique à Jérusalem), de
CXIX-CXXXIII. Les titres désignent en outre 13 maskil,
'-•"-, terme traduit en grec par les Septante trôveeic
et par Aquila iitKrrrJiiuv, par la Vulgate intellectus et
intelligentia, parsaint. brome crutlilin, dans le sens du
verset psallite sapienter, psaumes de forme artistique,
beaucoup ayant des strophes et des refrains; 6 miktam,
ZTZ-, en grec avnXoypafia, dans la Vulgate tituli in-
T : *
scriptio, la plupart munis d'une indication de mélodie,
de l'air sur lequel il les faut exécuter; enfin I w,
p:ï, le Psaume vu. traduit par les Septante simple-
T '
ment •ix'iit.o;, par Symmaque et Aquila xyior.txx, àyvo.'i.
par la Vulgate psalmus et par saint Jérôme ignoralit ,
sorte d'ode irrégulière analogue au dithyrambe avec vifs
changements de rythme et de pensée. Voir tous ces
noms. Il est à remarquer que la valeur précise de ces
809
PSAUMES (LIVRE DES)
810
termes techniques s'est vite perdue, on ne les rencontre
plus guère dans le cinquième livre, et les Septante ne
savent plus les traduire; les Pères de l'Église leur don-
nent des sens mystiques. Au point de vue de la forme,
et abstraction faite des appellations anciennes, il faut
distinguer les Psaumes à simple parallélisme, les
Psaumes'avec strophes, ceux avec refrain, et les Psaumes
alphabétiques avec ou sans strophes.
IV. Origine et date des Psaumes. — 1» Collections
successives des Psaumes. — L'origine (auteur et date)
des Psaumes est assez difficile à préciser dès qu'on sort
des opinions extrêmes, attribuant l'une tous les Psaumes
à David, l'autre les renvoyant tous à l'époque qui suit
le retour de la captivité. Théodoret, Preefat. in Ps.,
t. lxxx, col. 862, se décide pour l'attribution générale des
Psaumes à David; cette opinion, ajoute-t-il, est celle de
la majorité des auteurs ecclésiastiques : mais Origène
et toute son école sont d'avis différent; et c'est leur opi-
nion qu'exprime saint Jérôme, Epist. ad Sophron.,
t. xxviii, col. 1123 : Psalmos omnes eorum testaniur
auctorum qui penunlw in titulis, David scilicet,
Asaph et Idithun, filiorum Cove, Eman Ezrahitse,
Moisi et Salomonis et reliquorum quorum Ezras uno
volumine comprehendit (opéra). — D'autre part les
additions évidentes datant de la captivité, telles que les
deux derniers versets du Miserere et d'autres ana-
logues, montrent bien que les Psaumes qui les ont
reçues étaient d'origine notablement antérieure, et
s'opposent à la composition récente du Psautier. La
division du Psautier en cinq livres nous donne une
chronologie approximative des Psaumes, pourvu qu'on
n'oublie pas d'aulre part que, pour des raisons di-
verses, les Hébreux ont pu insérer dans un recueil
ancien un Psaume ou un fragment plus récent, ou
inversement ajouter à une collection récente un poème
plus ancien. — I. Le premier livre et une portion du
second semblent avoir formé le noyau primitif : les
Psaumes y sont, par leur titre, attribués à David, ont
généralement un caractère élégiaque ou méditatif per-
sonnel et non pas national, et trouvent une conclusion
toute naturelle dans Vexplicit ou note finale du Ps. lxxi,
20 : Defecerunt laudes David filii Jesse. Ce groupe
n'est cependant pas d'une homogénéité parfaite, il ren-
ferme des Psaumes davidiques en deux recensions,
jéhoviste et élohiste, tels que xm et lu, xxxix et
lxx, et même un groupe lévitique xli-xi.ix ; les Psau-
mes î et ii sans nom d'auteur semblent aussi avoir été
mis plus tard en tète du Psautier en guise de préface.
— 2. Un second recueil a été superposé au premier,
d'origine lévitique, formant le livre troisième : une
tranche lévitique xli-xlix a même pénétré dans le livre
deuxième, probablement par interversion des manus-
crits; ce second recueil est nettement défini par les
attributions d'auteurs, xi.i-xlviii les fils de Coré; xlix et
1.XXU-LXXXII Asaph; lxxxiii-i.xxxviii les lils de Coré;
par le choix des sujets généralement nationaux, cultuels
ou dogmatiques, et par le st\ le plus soigné, avec plus
de recherches d'ornemenls poétiques, strophes et re-
frains, indications techniques et musicales. — Dans ces
deux recueils composés des trois premiers livres, tout
ce qui a trait à la captivité parait sous forme d'antienne
additionnelle, la royauté davidique avec sa perpétuité,
l'inviolabilité du temple et de la cité sainte y sont
nettement inculquées, par conséquent la composition en
est antérieure à la première destruction de Jérusalem
et à la captivité de Nabuchodonosor. — 3. Au contraire
les quatrième et cinquième livres donnent l'impression
d'une composition ou d'une compilation plus tardive :
les allusions à la captivité paraissent non plus sous la
forme d'additions, mais comme partie intégrante ou
même sujet principal des Psaumes : le style en est
aussi très différent, on y rencontre de ces longues
énumérations ou des répétitions multiples, alignées
souvent en groupe ternaire comme dans le cantique final
de l'Ecclésiastique dans le texte hébreu, dans la Sagesse,
dans le cantique deutérocanonique de Daniel ; les indica-
tions techniques et musicales y font très communément
défaut, la plupart des Psaumes sont anonymes, et lès
emprunts aux plus anciens y sont fréquents; la langue
est plus teintée d'aramaïsme, ki pour k, pronom suf-
fixe de la 2e personne du féminin singulier, w pour
Tas, pronom relatif : beaucoup ne sont que des com-
positions doxologiquesà l'usage du culte public et privé,
nourries de souvenirs historiques anciens, mais sans
allusion aux événements contemporains. On y distingue
même plusieurs petits recueils particuliers, les Hallel,
le recueil des cantiques du pèlerinage ou Psaumes gra-
duels, le Ps. cxviii, recueil de strophes à la louange de
la loi divine, et les séries d' Alléluia; l'ensemble forrnan
un groupe plus considérable que les autres livres a été
partagé en deux par une doxologie finale apposée à la
lin du Ps. cv; et l'on a oblenu ainsi cinq sections du
Psautier, analogues aux cinq sections du Pentateuque
et disposées à peu près dans leur ordre chronologique.
L'origine du recueil remonte donc aux plus hautes
époques delà monarchie juive, les plus beaux morceaux
lévitiques étant de la période littéraire d'Ezécbias, l'exil
et le retour correspondant au quatrième livre, le reste
s'espaçant durant deux ou trois siècles postérieurs.
2" Psaumes dits Machabéens. — Certains Psaumes
descendent-ils jusqu'à l'époque des Macbabées? La
plupart des auteurs modernes l'admettent volontiers;
et le contexte de Psaumes tels que xliii, LXXII1,
lxxviii, lxxxii, semble leur donner raison. Toutefois
il faut se garder de trop presser la conséquence, car
en somme l'histoire juive dans ses détails nous est peu
connue; les livres historiques de la Bible ne procé-
dant que par extraits incomplets ou par référence à
des ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, il nous
est impossible de dire si les faits narrés par les Psal-
mistes sont ceux de la persécution d'Antiocbus Épi-
phane, ou ne datent pas d'une autre époque, si les
invasions égyptiennes, assyriennes et babyloniennes
n'ont pas amené de grands massacres; nos renseigne-
ments historiques sur la période pré-exilienne tiennent
en quelques pages, ceux de la période post-exilienne
sont plus défectueux encore.
En outre, Henan a fait valoir contre les Psaumes
machabéens des raisons qui ne manquent pas de soli-
dité et que Davidson a repris dans le Dictionary of the
Bible de Hastings, t. iv, p. 152-153, contre les exagéra-
tions évidentes de llitzig, Olshausen et Cheyne : « (Des
poèmes machabéens) subsistent-ils dans le recueil actuel
des Psaumes? C'est un des points sur lesquels il est le
plus difficile de se prononcer : l'âme d'Israël n'était pas
changée, mais sa langue était changée, et nous croyons
que des prières composées au temps d'Antiocbus ne
seraient pas si difficiles à discerner des prières clas-
siques plus anciennes ; le siècle n'était pas littéraire, la
langue était plate et abaissée... » Il ajoute en note :
« Les Ps. xliv, i.xxiv, i.xxix, lxxxiii surtout conviennent
parfaitement à ce temps : mais après tout rien ne
s'oppose à ce qu'ils soient plus anciens, les 'anavîm
(fidèles) s'étant souvent trouvés dans des situations
analogues. Ces Psaumes sont de la plus belle langue
classique, du style le plus relevé, souvent pleins d'obs-
curités et de fautes de copistes. Or, la langue à l'époque
des Macbabées était extrêmement abaissée, et le
génie poétique perdu, le style est plat, prolixe à la
façon araméenne, n'offrant jamais aucune difficulté
quand l'auteur ne fait pas exprès de contourner sa
pensée... Le Psautier de Salomon, peu postérieur aux
Machabéens, a-t-il jamais pu être confondu avec les
Psaumes davidiques?... Le Psaume qui parait, le plus
machabaïque, le Ps. i.xxiv, est cité dans le premier
livre des Macbabées, vu, 16-17, comme un vieux texte
811
PSAUMES (LIVRE DES]
812
prophétique. » Histoire d'Israël, t. iv. p. 316-317.
Driver, An introduction to the Littérature of the
0. T., Edimbourg, 1838, p. 388, bien qu'un peu moins
afiîrmatif, fait des constatations analogues. On peut
ajouter à ces raisons littéraires que les idées des rétri-
butions ultra-terrestres et messianiques sont en tels
progrés dans les Psaumes de Salomon qu'on ne peut
supposer qu'ils soient de la même époque que les
Psaumes canoniques. Quant à l'acrostiche Simon (Ma-
chabée) obtenu par les initiales du Psaume cix, 1 b, 2,
3, 4, suivant les indications de G. Bickell, il est pour
le moins fort arbitraire et n'est nullement établi.
Il semble donc que nous n'avons guère de Psaumes
postérieurs au m • siècle avant J.-C. La traduction des
Septante, dont le Psautier est absolument homogène,
est déjà utilisée par I Mach., vil, 16; l'original hébreu
est déjà employé Ps. ctv, 1-15; xcv; cv, 1, 47-48, par
! rédacteur des l'aralipomènes avec la doxologie finale
du IVe livre, en transportant ce verset du sens original
optatif, à une application à un passé historique, I Par.,
xvi, 8-36; or les Psaumes présentés comme les plus
certainement macbabéens sont antérieurs à cette doxo-
logie finale.
V. Auteurs des Psaumes. — La plupart des Psaumes
— presque invariablement ceux des trois premiers
livres, au contraire exceptionnellement ceux des deux
derniers — portent en tête un nom d'auteur, David
(73), Asaph (12), les descendants de Coré [(11), Salo-
mon (2), Héman (1), Éthan-Idithun (4), Moïse (1); la
formule fréquente dans la Vulgate. ipsi David, doit
être considérée comme un génitif, et n'est que la tra-
duction de l'hébreu le-David, en grec, to-j AaêiS, ipsius
David; l'hébreu laisse 50 Psaumes orphelins, c'est-à-
dire sans nom d'auteur; les versions n'en ont qu'un
nombre moindre, la Vulgate n'en compte que 3,">, car
elles ont mis des auteurs à de simples fragments indû-
ment séparés de leur contexte, cf. xtu, attribué à David,
quoique formant la troisième strophe du Ps. xi.i des (ils
de Coré. — Le l'ait qu'un bon nombre sont restés ano-
i i i -. montre que les copistes n'ont pas donné des noms
d'une façon arbitraire; une seconde observation, le
style caractéristique de certains auteurs retrouvé d'une
manière courante dans la plupart des morceaux qui
leur sont attribués, par exemple le sl\le élevé'- et
souvent enllé des Psaumes d'Asaph, la perfection litté-
raire et poétique de ceux des fils de Coré, montre qu'il
faut tenir compte de ces indications. Beaucoup sont
originales ou du moins ont été placées très ancienne-
ment d'après des renseignements traditionnels ; il y
avait même d.-s traditions divergentes, que l'on a re-
CUI illies Simultanément dans certains exemplaires;
ainsi s'expliquent les indications contradictoires trou-
vées surtout dans les versions grecques et latines, par
exemple, cxxxvi, attribué à David et à Jérémie. Cer-
tains de ces noms doivent aussi être considérés plutôt
comme familiaux que comme individuels, ce sonl des
noms de tribu ou d'école; ainsi Coré et Asaph sont-ils
appliqués à des époques 1res différentes, au temps des
luttes de Sennachérib el d'Ézéchias, et à celui de la
conquête de la Palestine par Xahtichodonosor,
Ps. i. XXXII, XI. m, XXVIII, d une part el d'autre pari xi.i.
mu. i.xxn. i xxix. i, xxxiv. Dans les cas douteux, le
critique peut essayer, par les indices tirés du style, les
renseignements historiques contenus dans le Psaume,
les analogies de doctrine avec telle ou telle autre partie
de la Bible, de préciser la date de la composition.
I David. — Le roi David est le plus célèbre des
I salmistes et c'est pourquoi on a donné souvent son
nom à la collection entière. L'absence de préoccupa-
tions politiques, la forme plaintive el élégiaque, le ton
de pieuse mysticité don grand nombre de Psaumes
attribués à David, en opposition avec le caractère de ce
prince tel qu il parali se dégager des livres des Rois ou
des Paralipomènes, sont les raisons qu'on allègue à
rencontre de la composition davidique; mais il faut se
rappeler que l'énergie, la vaillance, et même la dureté
à la guerre des Orientaux n'empêchent pas chez eux
un sentiment de soumission, d'humilité, de confiance
plus ou moins mystique vis-à-vis de la divinité : vis-à-vis
de leurs dieux, les prières ou psaumes d'Assurbanipal
et d'Asarhaddon ont également un ton plaintif des
plus accentués qui forme grand contraste avec le récit
qu'ils font ailleurs de leurs exploits. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 405 ;
Knudtzon, Assyrische Gebele an den Sonnengolt fi'tr
Slaal, p. 72-82; Lb. Schrader, Keilinschriften und
Gesehichlsfo/scliung, p. 519; Records of the Past,
new ser., p. xi-xiii. Il faut en oulre se rappeler que
nous n'avons des Psaumes qu'une rédaction liturgique,
par conséquent parfois généralisée ou adaptée à des cir-
constances différentes, et nullement l'édition originale :
par exemple le Psaume ix et x de l'hébreu, îx des
Septante et de la Vulgate, en strophes alphabétiques
dans la rédaction primitive, a été amalgamé avec un
autre, d'un rythme différent et non alphabétique, à peu
près par moitié : on conçoit que le caractère primitif
ait dû en souffrir, bien qu'on ait retenu le titre de
Psaume de David. Tout le monde reconnaît que les
deux versets ajoutés au Miserere en changent notable-
ment le caractère moral et historique, la finale suppo-
sant la destruction de Jérusalem et le grand prix
attaché par Dieu aux sacrifices liturgiques, tandis que
la fin primitive donne une impression différente. Le
Ps. cxliii Benediclus attribué par le titre à David,
abrégé du Ps. xvn, peut avoir un noyau davidique,
que l'addition des V. 12-15 transporte dans des condi-
tions historiques toutes différentes. Sous des réserves
analogues, si les deux premiers livres du Psautier
n'avaient pas un noyau vraiment davidique, on ne com-
prendrait pas pourquoi, à une date très ancienne, on y
aurait donné la finale : g (Ici) finissent les prières de David,
fils d'Isa']', » Ps. i.xxi, 18-19; que du recueil ainsi dé-
limité ou de tout autre analogue le rédacteur du ch. xxn
de II Reg. eut extrait le Ps. XVII comme document final,
suivi de ses novissima verba, ch. XXIII, de slyle sem-
blable à celui de beaucoup de Psaumes davidiques. et
l'eût nommé lui-même egregius psaltes Israël, en hé-
breu : « aimable par les chants d'Israël. » Le rédacteur
du régne de David dans les Paralipomènes I Par., xvi,
8-36, lui attribue' de même les Ps. civ, xcv, cv : tandis
que le prophète Amos, vi, 5, dit des habitants de Sa-
marie el de Jérusalem : sicut David pulaverwit te
liabere vasa canlivi, ou plus exactement d'après l'hé-
breu : sicut David excogitanl sihi vasa cantici; 1rs
deux élégies conservées de lui sur la mort de Saiil el de
Jonathas et sur celle d'Aimer ne suffisent pas à justifier
toutes ces appréciations : la réputation littéraire de
Salomon n'a pas suffi à lui l'aire attribuer plus de deux
Psaumes, bien que les rédacteurs des Rois et des Para-
lipomèines aient grandement glorifié son œuvre reli-
gieuse.
Ewald concluait, d'après le critérium 1res subjectif
du goût, de l'originalité, de la vivacité' et du coloris,
de la dignité' et de la noblesse des sentiments exprimés,
à l'origine davidique des Ps. m, iv, vu, XI, xv (xiv),
xvin (xvn),xix (XVIII), 1" partie, xxiv (xxin),xxix ixxviii),
xxxu i xxxn, ci (c) et d'un bon nombre de fragments.
Cette liste n'est pas définitive; d'autant moins que cer-
tains de es Psaumes ou fragments davidiques sont ré-
pétés, ou abrégés, on développés, dans d'autres parties
> 1 1 1 Psautier. Renan estime ancienne el davidique par
exemple la strophe i.x-i.ix, 8 (14), répétée dans Ié
Ps, i vin icviii. Nôldeke tient pour authentique I ■
Ps. xvin xvn) abrégé dans cxxxi : or, la longueur
extrême du premier Psaume, la description du secours
de Dieu sous l'allégorie d'une théophanie accompagnée
813
PSAUMES (LIVRE DES)
814
de tempête et de tremblement de terre, sembleraient
plutôt faire incliner à un jugement contraire : is il
ajoute, sans qu'on puisse vraiment le contredire :
. Connaissons-nous donc si exaclement le style de
David? Est-ce qu'un chant de fête, composé peut-être
par un vieillard, doit reproduire le stjle concis et
simple d'une œuvre de jeunesse comme l'élégie sur
Saù! et Jonathan? > Th. Nôldeke, Histoire littéraire de
l'A. T., trad. II. Derenbourg et .1. Soury, Paris, 1873,
p. 185-186; Driver, op. cit., p. 379. 385. Enfin il est
certain que le culte se développa en même temps que
la royauté, sous David et Salomon, et aussi sous l'in-
fluence extérieure égyptienne et phénicienne, peut-être
aussi dès lors assyrienne ou babylonienne; il dut donc
y avoir des chants religieux analogues à ceux de l'Egypte
et de l'Assyrie, et il n'est pas vraisemblable qu'on les
ait laissés de coté plus tard.
Il faut reconnaître par contre que ces traditions an-
ciennes de l'époque davidique ont pu occasionner plus
d'une attribution arbitraire, et même évidemment
erronée : par exemple les manuscrits utilisés par les
Septante ont attribué, comme d'ailleurs aussi la Vul-
gate, une composition davidique au Ps. xlii, Judica me,
qui n'est qu'une strophe détachée du Ps. précédent non
davidique; cf. aussi Ps. cxxxvn, Super flumina Baby-
lonis. Inversement le Ps. cxxiv, Kisi quia Dominas eral
in nobis, porte dans l'hébreu une attribution davidique,
que les Septante et la Vulgate ont justement laissée de
côté, apparemment pour nous montrer ce qu'il fallait
faire en présence du caractère si évidemment post-
exilien d'un tel morceau ou de tout autre analogue.
2° Les fils de Coré. — La série attribuée aux « Fils de
Coré o comprend 11 Psaumes en deux groupes xi.i ixi.m
(avec xlii (xi.ni); xnv (xi.in) jusqu'à xlviii (xux), puis
lxxxiii (i.xxxiv) jusqu'à lxxxvii (i.xxxvm) à l'exception
de L.xxxv (i.xxxvi) ; ce sont les plus beaux morceaux du
Psautier, distingués par leur simplicité, leur délica-
tesse, leur forme à la fois étudiée et parfaite au point
de vue poétique, d'une strophique liés régulière et
avec emploi fréquent et heureux du refrain : au point
de vue des sentiments on y distingue un grand amour
du Temple et de la cité sainte. La tradition rattachait
l'origine de celle famille au Coré du désert; leur acti-
vité littéraire fut marquante durant la période d'Ézé-
chias et jusqu'après le retour de la captivité, comme le
montrent les allusions historiques de leurs Psaumes :
leurs idées théologiques ou messianiques sont ana-
logues à celles d'Isaïe : voir par exemple Ps. i.xxxvi
(lxxxvii) et Isaïe, xix, 19-25; leurs fonctions dans le
Temple sont indiquées dans les livres historiques
depuis David jusqu'à la restauration d'Israël, gardiens
des portes du temple, I Par., ix, 19; xxvi, 1-19; puis
Chantres. II Par., xx, 19.
3 Asaph. — Douze Psaumes portent l'indication
a Asaph » et sont par conséquent aussi de l'école lévi-
tique : xi.ix II.) et lxxii (lxxiii) jusqu'à lxxxii (LXXXIII).
Sous ce nom comme sous le précédent se cache une
famille de lévite- dont l'activité littéraire s'espace sur
plusieurs siècles : par exemple lxxxii (lxxxiii) appartient
à l'époque de la lutte contre l'Assjrie; lxxiii (lxxiv) et
lxxviii (lxxix) à l'invasion babylonienne; ce sont tou-
jours des Psaumes nationaux, et non personnels : le
style, moins parfait que ceux des Fils de Coré, est
communément d'une grande autorité et d'une grande
véhémence, qui approche souvent du sublime, mais qui
aussi le dépasse quelquefois; ils renferment beaucoup
d'allusions à l'histoire et aux vieux souvenirs d'Israël,
et d'imitations des allégories des prophètes : voir par
exemple la belle allégorie de la vigne i.xxix d.xxx). Leur
langue recherchée a été souvent mal traduite par les
Septante et la Vulgate. Voir Asaph, t. I, col. 1056.
4» Kllian. — Éthan, auteur du Psaume lxxxviii
(i.xxxix), est peut-être par une faute de transcription ou
de lecture de Valepli initial, le même qu'Idithun auteur
de xxxviii (xxxix), lxi ii.xiii, i.xxvi (i.xxvii . Voir ces
noms. Ces Psaumes sont par conséquent aussi d'origine
lévitique, et très beaux; voir par exemple LXXXVIII
ii.xxxix) élégie messianique sur la dynastie de David,
en en séparant les v. 6-19, qui forment un Psaume diffé-
rent et fort beau, également inséré dans le premier.
5° Salomon, Moïse, Psaumes anonymes. — Salomon
est donné comme auteur des Psaumes lxxi (lxxii) et
cxxvi (cxxvn) : celte dernière attribution est plus que
contestable. Le Psaume de la vieillesse lxxxix (xc) est
attribué à Moïse, mais saint Augustin, In Ps. LXXXIX,
t. xxxvn, col. 1141, en disait déjà ; Non enim credendum
est ab ipso omnino Moyse islum Psalmum fuisse con-
scriptum, et il en donne pour raison que s'il eut eu cette
origine, on l'eût joint au Pentateuque. Saint Jérôme,
E/,ist. i xi. ad Cijprianum, t. xxn, col. 1167, admet
l'origine mosaïque de ce Psaume et des dix suivants, où
il est cependant parlé de choses bien postérieures et
même de Samuel. Ps. cxvin, 6. Les versions ajoutent
encore des noms d'auteurs à quelques Psaumes; mais ces
additions sont généralement fortarbitraires.il reste plu-
sieurs Psaumes anonymes, comme on l'a vu plus haut.
Ouelques-uns des plus beaux du Psautier sont compris
dans cette catégorie, tels que cm-civ, tableau de la créa-
tion, et cvi-cvn, action de grâces pour le retour de la
captivité; la plupart se trouvent dans les deux derniers
livres du recueil.
VI. Indications historiques, liturgiques et techni-
ques des titres. — 1» Indications historiques. — Les
litres ajoutent quelquefois au nom de l'auteur des indi-
cations de circonstances historiques. Elles semblent
n'être plusieurs fois que des conjectures du recenseur;
le contenu ne les justifie pas toujours; un mot a quel-
quefois suffi pour qu'on rattachât tout un Psaume ;> la
vie de David. Par exemple Ps. ni. quand David fuyait
devant Absalom son fils; vu, à l'occasion des paroles
de Chusi le Benjamite; xxxnnxxxiv). quand David
contrefit l'insensé en présence d'Abimélech; li(lii),
quand Doëg l'Iduméen vint dire à Saiil que David
était chez Achiméleeh; LUI (nv) quand les Ziphéens
vinrent dire à Saiil : « David est caché parmi nous; » i.v
1 1 \i '. quand les Philistins le saisirent à Geth ; lix(lx), à
l'occasion de la guerre contre les Syriens de Mésopota-
mie et de Soba, etc. Dans ce dernier cas, par exemple,
il est question des Philistins, des lduméens comme
encore à vaincre, et nullement des Syriens; dans le
Psaume i.xn (Lxiii).la mention repose sur le f. 2, in terra
déserta et invia et inaquosa, qui est lui-même vraisem-
blablement pour sicttt terra... inaquosa, sic in sancto ap-
parut tibi, « comme o étant à r< sfiluer au lieu de t dans ».
2° Indications liturgiques. — D'autres additions sont
des indications liturgiques remontant à l'emploi des
Psaumes dans le Temple, dans le culte public ou dans
le culte privé : xxixixxxi pour la dédicace du Temple;
xci(xcn) pour le jour du sabbat; de cxix(cxx) jusqu'à
i:\xxiiii i:\xxiv) cantique des montées ou du pèlerinage
à Jérusalem, canticum graduum ; xxxvm(xxxviii) et
lxix(lxx) pour la commémoraison (des bienfaits), in
rememoralionem ; cxixfc), pour (le sacrifice d') action
de grâces, in confessione. Les Septante et la Vulgate en
ont d'autres encore ; xcv, pour li reconstruction du
Temple après la captivité, quando domus sedi/icabatur
post captivitatem; xcu, quando fundata est terra;
xxxvn, de sabbato;xxiu le lendemain du sabbat, prima
die sabbati; xi.vn. secundo sabbati, le second jour de
la semaine; XCU, quarla sabbati. le quatrième jour;
xen, in die onle sabbalum, quando fundata est terra,
la veille du sabbat, le jour où fut achevée (la création)
de la terre. Les Septante, la Vulgate et aussi le Sy-
riaque contiennent également des indications de cir-
constances historiques ou une seconde série de noms
d'auteurs inconnus à l'hébreu actuel, et généralement
815
PSAUMES (LIVRE DES)
S16
peu soutenues par le contexte : Septante, {Psalnms
David) filiorum Jonadab et priorum captivorum :
cxxxvi, de David et de Jérémie; lxiv, Jeremiœ et E:e-
chielis populo transmigralionis, cum inciperenl exire:
Cxi, reversionis Aggœi et tachante-, en tète du Beatus
vir qui na aucun rapport à la sortie d'exil; cxxv, Can-
licum ad Assyrios, qui semble au contraire une note
marginale bien appropriée; xxvi, David priusquam
liniretur; xxvm. ■Ix'iu.'t; -m Ajoiô ÈËoSt'o'j anr;irfi, in
consummalione tabernaculi, etc.
3° Indications techniques. — Ils contiennent encore
des indications techniques, poétiques ou musicales;
par exemple l'espèce particulière de chaque Psaume :
mizmôr, sir, maskil, miktam, èiggâyôn, {efillâltj
sir yedidôf. Voir col. 808.
Quant à la mélodie ou air connu indiqué, nous
trouvons les formules suivantes : alnivt labbén, iyitip
ïmv xpuaptuv to'j l'io-j, pro occullis Filii, c'est-à-dire
sur l'air alinût labben (peut-être : la pâle mort),
Ps. IX ; 'al 'ayyélét has-èahar, ijtèp iîj; i;-0r,lîwç tî,;
É<i)6ivr,;, pro susceptione matutina, sur l'air; « la biche
de l'aurore »; Ps. xxi(xxn), al-yùnat 'êléni rehôqîm,
i-'i^ toO Xao*j to-j ir.'t rc5v àyitav [AE{jiaxpv(i{ilvou, pro
papule qui asanctis longe faclusest, sur l'air : " colombe
des lointains térébintlies »; Ps. lv(lvi), 'al-tashrt,
>j~r, 5ia?9EÎpi); "<' disperdas, sur l'air : g ne détruis pas »,
Ps. i.vi(i.vii) jusqu'à lviii(lix); 'al-sûsan 'êdùf, toï;
à).Xotu6T)ao|iévoi; ïxt,pro iis gui immuiabuntur [adhuc),
sur l'air : « lis, témoin de... » Ps. i.ix(i.x). ou encore avec
variante iôiannim xi.iyixi.v), i.xvnid.xixi. lxxix(lxxx).
Il faut y ajouter quelques autres indications qui ont un
sens vraisemblablement analogue, 'aL-'âldnwt, ùirèp
Tfi>v xpvfiwv, pro areauis, c'est-à-dire super puellarum
(vocem ou modulum), sur (l'air) :« Jeunes filles...» ou
■• pour voix de jeunes filles, de soprani , Ps. xi.v (xi .vu :
'al-gi[(i(, -jtùç. t<ôv Yr-iôri, pro torcularibus, « sur la
Géthéenne », sur la (lyre ou le tonj de Geth, ville phi-
listine où résida David durant la persécution de Saûl,
ps. i.xxx iiw.vn et Lxxxm uxxxivi; 'alrmahâlaf,
ÛTtèp Maeié6, pro maelelh, sur un air ou un instru-
ment de musique dont on ignore la nature, peut-
être la flûte qui guide le chœur, ce qui s'accorde assez
bien avec la traduction d'Aquila, Itiî -/opst'-c, et de saint
Jérôme (su)per chorum ; Ps. i.iiiuii letl.xxxviu i.xxxvinl,
voir Maeleth, t. iv, col. 537; be-negimit, èv '|/a).u,oïç,
sans doule pour èv •ia'/Tr,pioî; : Vulgale : in carmini-
6t<s;saint Jérôme : inpsalmis, sur les « psaltérions»,sur
les« instruments à cordes »,Ps. îv; 'él han-nehilôf, Sep-
tante -JTiJf Tr,.- x).ijpovo|j.o'jirî|{, Vulgate : pro ea i/uœ hue-
reditatem consequitw, saint Jérôme: super hsereditati-
bus, c'est-à-dire « sur les flûtes », Ps. v; voir ces mots, 'al-
hai-êeniinit/VTikQirft oYOoirçç, pro oc tara, c'est-à-dire pour
• la lyre à huit cordes » ion peut-être a à l'octave » si l'on
admet pour les anciens orientaux une échelle musicale
semblable à la nôtre), Ps. vi, Enfin la plupart de ces
indications ou rubriques sont adressées à un lévite ou
officiant dont le nom hébreu est menasseah, terme rendu
par les Septante : \'.l: -.'■, «Xoç, par la Vulgate, In fineni,
parsaint Jérôme : Victori, et qui doit être traduit par « Au
maître de chœur i - Voir Cm i m - chantres, t. h, col. 645.
On a remarqué que tous ces termes techniques étaient
déjà devenus inusités lors delà rédaction desdeux der-
nierslivresdu Psautier; il furent même totalement in-
i pris des Septante, qui les traduisirent en les décom-
posant OU en les remplaçant par des termes de pronon-
ciation semblable unis de sens très différent, pris dans
le Vocabulaire qui leur était familier; de sorte que les
premiers interprètes des Psaumes et les Pères de
e, ne trouvant dans ces titres que des mots in-
compréhensibles, abandonnèrent le sens littéral pour
chercher îles explications allégoriques plus ou moins
3, telles que l'explication (le saint \mhroise : '
., v. c. il, t. xv, col. 1649 : Pro oclava enim (
rnulti inscribuntur Psalnii... spei nostrm oetara per-
feclio est :... oclava sumnia virlulirmest. Tous les autres
termesanaloguessont expliqués de même, en y cherchant
des sens dogmatiques, mystiques ou moraux. Origène
voyait dans les titres des Psaumes o la clef pour en pé-
nétrer le sens. » mais il avouait ensuite que « les clefs
avaient été mélangées et qu'il était devenu fort difficile
de retrouver celle qui donnait entrée dans chacun des
Psaumes, g lu Ps. 1, n. 3, t. XII, col. 1080. D'après l'ana-
lyse que nous en avons donnée, ce sont des indications
littéraires, poétiques, musicales et liturgiques, de date
suffisamment ancienne mais qui méritent vérification;
on peut les comparer aux rubriques du bréviaire et
du missel. Saint Thomas d'Aquin, In Psalm. l /. Opéra
omn., Parme, 1863, t. xiv. p. 163, reconnaît qu'elles ne
remontent pas aux auteurs des Psaumes : Sciendum
est quod lituli ab Esdra facti tunt. Par conséquent on
ne peut les considérer comme nécessairement inspirées.
L'Eglise ne les a jamais regardées comme faisant partie
intégrante des Psaumes; dom Calmet, Sur les litres des
Psaumes, dans le Commentaire littéral, Psaumes, L i,
p.xxxiv. 1713; Noél Alexandre, Histoire de l'Ane, 'tes-
tament, diss. XXIV, a. I. q. I. ont nié leur inspiration.
Certains d'entre ces titres ont même été ajoutés aux
Septante par une main chrétienne, pour passer de là
dans la Vulgate, et même dans l'Éthiopien, comme
Ps. lxv, 'ia'/;j.'jç iva<nid£i.>?, Psalmus Resurrectionis ;
enfin la Pescbito les a généralement rejetés et remplacés
par des indications chrétiennes: ainsi en tète du Ps. cix,
Dixil Dominus. nous lisons : De solio Donnai deque
oirtute ejus gloriosa : et proplielia de Cltristo et ri-
ctoria de hoste.
VII. Caractère des Psaumes; leur si périorité par
RAPPORT AUX CHANTS RELIUIEI X DES AUTRES PEUPLES
ORIENTAUX. — Le Psautier est évidemment un recueil
d'hymnes, d.' prières, de méditation- et même île com-
positions didactiques, histoire, dogme, prophétie, mo-
rale; il appartient à la poésie lyrique, et les Psaumes
hébreux peuvent être comparés, quoique infiniment su-
périeurs quant au fond et généralement aussi quant à
la forme, aux psaune.- assyriens ou babyloniens, con-
servés dans les textes cunéiformes: aux chants religieux
de l'Egypte, papyrus ou monuments; aux Gâthàs de
I Avesla el aux Védas de la littérature sanscrite. Bien
que les sections ou coupures pratiquées entre les Psau-
mes ne soient pas toutes certaine-, les titres maintenus
dans le texte nous montrent que la plupart sont des
poèmes de peu d'étendue — à part le Ps. cxvni (( xix qui
est plutôt un recueil de maximes de morale religieuse,
groupées en strophes alphabétiques — les uns servant
à la récitation et au culte publics, les autres à la lec-
ture ou récitation privée : les uns étaient destinés à louer
Dieu dans le Temple, dans les assemblées religieuses,
comme le Confitemiui Domino, les autres à la prière
privée tels que le Miserere mei; d'autres aux cérémo-
nies religieuses, tels que l' K.i urga I Drus. Ps. i.xvin;
d'autres à l'instruction d'Israël, comme les Conftlemini,
civ et cv lev et evi); beaucoup devaient leur origine à
un événement particulier et se récitaient dans des cir-
constances analogues.
D'autres instruisaient Israël de son passé et de l'ave-
nir que lui prédisaient les prophètes : il y a en outre
un grand nombre de Psaume- de caractère individuel.
relatifs à toute sorte d'épreuves, maladie, persécution,
calomnies, vieillesse, etc. C'est une exagération évi-
dente que celle de le us- qui voit partout des Psaumes
nationaux. OÙ Israël esl toujours caché sous la per-
sonnification du Psalmiste; bien qu'il soit suivi par la
plupart des critiques contemporains, tels que liiibin.
Cheyne, Smend, il suffit de s'en tenir au texte de
Psj s tels que in. iv, VI, el même xxi xxtt ou autres
semblables pour se persuader du contraire, l'auteur >
parlant de circonstances personnelles qu'on ne peut
817
PSAUMES (LIVRE DES)
SIS
évidemment appliquer à Israël, son « père», sa « mère », sa
« naissance », son « vêtement », etc. ; il v a cependant cer-
tains Psaumes primitivement individuels qui sont deve-
nus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple ac-
commodation, soit même grâce à des changements ou
des modifications pratiquées dans le texte primitif : le
Ps. ix(x)enestun exemple caractéristique.
VIII. Forme poétique des Psaumes. — Leur carac-
tère poétique, non seulement quant au fond, mais en-
core quant à la forme, est absolument évident, et si
les Psautiers du temps d'Origène ont pratiqué la
scriptio continua, source de mauvaises lectures et de
fausses coupures fréquentes, à l'origine et pour la psal-
modie primitive, la séparation des vers et des strophes
a dû être conservée, comme elle l'était dans la poé-
sie assyrienne et les papyrus égyptiens. Les déplace-
ments du selah, Sii'JuXas, qui indique la strophique
dans beaucoup de Psaumes, et qui a été parfois copié
un vers trop haut ou un vers trop bas, ne peut avoir
d'autre origine qu'un texte hébreu où les vers étaient
séparés ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs
anciens ont tâché de reconstituer la disposition primi-
tive. Le parallélisme qui constitue l'essence de la
poésie hébraïque rendait cette reconstitution relative-
ment facile. Voir Poésie hébraïque, t. m, col. 4811.
11 y a cependant dans les Psaumes des endroits dont
la tonne poétique est très peu accentuée, et où le pa-
rallélisme est peu régulier, tels que le Ps. i; d'autres
où le.s copistes lui ont fait subir des altérations en
supprimant ou en ajoutant un membre, comnie Ps. VIII,
•> 6. c. ; enlin certains Psaumes ont été composés en
rythme ternaire, et l'habitude de mettre deux membres
du parallélisme par verset, les a rendus totalement
méconnaissables, comme xcu (xcin) où il faut rétablir
ainsi les versets ■
Etenini Grmavît orbem terrœ...
Parala sedes tua ex tune,
A sœculo tu es.
Elevaverunt flumina, Domine,
Elevaverunt flumina vocem suam,
Elevaverunt flumina fluctus suos ;
A vocibus aquarum multarum
Mîrabiles elationes maris.
Mirabilis in utlis Dominus;
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis,
Domum tiiam decet snnetitudo, Domine,
In lungitudinem dierum.
Le parallélisme sous ses différentes formes, synony-
mique, antithétique, synthétique, produit naturelle-
ment en hébreu l'égalité du nombre des mots et par
conséquent un rythme facilement perceptible. Sur le
vers hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 490.
Mais il faut noter que dans les Psaumes la régularité du
vers est loin d'être constante et absolue : parce que les
règles n'en étaient pas peut-être exactement fixées, bien
connues ou bien observées, et parce que les copistes
ne nous ont pas toujours conservé fidèlement le texte.
Cf. Ps. xviii (xvnl, xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam.
Reg., xx, 2-51, et I Par., .xvi, 8-36. Bien qu'entre ces
passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut
constater néanmoins qu'elles n'ont qu'une influence fort
restreinte au point de vue rythmique et de la poésie. D'ail-
leurs on ne peu t guère supposer dans les Psaumes des al-
térations prosodiques très nombreuses ni très graves du-
rant la période ou le Psautier demeura partie intégrante
de la liturgie juive, ou élément principal des chants
d'Israël : par conséquent toute théorie sur la poésie
hébraïque qui suppose trop d'altérations et exige de
trop fréquents remaniements du texte doit être consi-
dérée comme suspecte.
Le caractère lyrique des Psaumes, l'usage où l'on
était de les chanter couramment, amène à supposer
dans un grand nombre l'existence de strophes : il en
est cependant où l'on ne découvre aucune strophique,
tels le Psaume moral exil (exi), Bealns vir, les Psaumes
historiques cxi(cx), Confitebor, i.xxvui (lxxvii), Atten-
due, papule meus. D'autres ont plutôt des divisions
logiques que des strophes proprement dites, l'égalité
des fragments n'étant que très approximative; mais
dans le plus grand nombre on découvre une stro-
phique très intentionnelle, reconnaissable au déve-
loppement égal attribué à chaque pensée du Psaume,
souvent même celte strophique est accusée par do
indications spéciales, Palphabétisme en tète de chaque
strophe ou de chaque vers, le nom de .lébovah, placé
dans chaque premier vers, ou au contraire le terme
technique sélah,5ià'\,a\y.a (voir Sélah), ou la présence
d'un refrain à fa fin de chaque strophe.
La division la plus simple, et probablement la plus
ancienne, est le partage du Psaume en deux parties,
la strophe et 1' 'antistrophe, sorte de parallélisme qui
oppose non pas vers à vers ou membre à membre,
mais tableau à tableau dans un même poème : ainsi
le Ps. i donne successivement le sort du juste et celui
du méchant; le Ps. xvi (xv) le choix de Jéhovah comme
Dieu unique, puis les heureuses conséquences de ce
choix; le Ps. xix (xvm) la lumière physique, puis la
lumière morale; le Ps. xxn (xxi) la souffrance du Ser-
viteur de Jéhovah, puis l'action de grâce pour sa déli-
vrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et
l'antistrophe pousse même à juxtaposer et à réunir
totalement quelquefois deux Psaumes primitivement
distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes
royaux xx ixixi et xxi (xx), Exaudial le Dominus et
Domine in virtute tua; on réunit dans l'hébreu i xv
(i:\ivi Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propter
quùd locutus sum. Et même dans les Psaumes d'un."
strophique plus étudiée, on maintient la division géné-
rale en deux parties, Ps. xix (xvtll), C:eli enarranl glo-
riamDei; xi.v (xliv), Eruclarit cor meuni. Avec ou
sans celte division binaire très fréquente, on trouve
souvent des strophes moins longues et plus nom-
breuses de différents modèles, quelquefois avec de
légères différences de longueur dont la responsabilité
incombe à l'auteur primitif ou bien au copiste ; il est
évident par exemple que le Ps. n, Quare fremuerunt
fjentes, se subdivise en quatre strophes d'une égalité'
approximative : révolte des nations, réponse de Jéhovah,
consécration du Messie, conclusion du Palmiste; au
contraire le Ps. m, Domine, quid multiplicali sunt,
se divise naturellement en quatre strophes égales mar-
quées en hébreu et en grec par les termes sélah et
otï'!>a).y.a. La strophe la plus ordinaire se compose de
quatre membre parallèles deux à deux : Ps. XXIv(xxm),
A et B; xxxm (xxxii), cxiv(cxiii) In exila jusqu'à Non
nobis, etc. On trouve moins fréquemment la strophe de
huit membres parallèles : Ps. xvm (xvil) xxxn ix.xxi),
etc. La strophe de seize membres est d'un emploi très
rare à cause de sa longueur : voirPs. exix (cxvm) qui
est plutôt un recueil de maximes sur la loi de Dieu en-
chaînées par ordre alphabétique qu'un Psaume véri-
table. — Le rythme ternaire a donné naissance à la
petile strophe de trois membres : Ps. xcm (xcu), et
cxxxvi (cxxxv) à la strophe de six membres; Ps. xxn
(xxi); xlvi (xlv); Ps. cxv b, Kon iwois; Domine, non
nobis. dans Vin a du; cxvm (CXVIl), etc.; enfin à la
strophe de douze membres, dont le modèle le plus
achevé est le Ps. cxxxix (cxxxvm), Domine, probasti
me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une
strophe de dixmembres parallèles : Ps. cxxxii n:\x\r.
Memenln Domine David.
Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destinés
au chant public, font usage du refrain, flans 'es cas
les plus simples il parait seulement au commencement
étala lin du Psaume, et alors c'est plutôt une sorte de
cadre donné au poème qu'un refrain véritable, Ps. VIII;
«10
PSAUMES (LIVRE DES)
820
• :i 1 1 iciij, i iv (cm); souvent le refrain est répété régu-
lièrement après chaque strophe : Ps. xlii (xli) en y
joignant le suivant qui en donne la dernière strophe;
xi. vi (xlv) en rétablissant le refrain supprimé après le v.
4, Dominus virtulum nobiscum; susce/Hoi' noster Deus
Jacob; xi.ix (XLVIIl) liomo cuni in honore esset non
intellexit; cvn (evi) refrain modilié après chaque
strophe : clamaverunt ail Dominuni... Con/iteantur
Domino misericordiœ ejns...; cxvi b (Credidi), rota
mea reddani... etc. Dans le seul Psaume cxxxvi
(cxxxv) le refrain quoniam in seternum misericordise
ejus est actuellement répété après chaque vers :
comparer cxvm (cxvn) qui se chantait peut-être de
même. Le même verset servait de répons el était repris
par tout le chœur dans les solennités religieuses.
I Par., xvi, il ; I Esd., m, II.
Enfin un certain nombre de Psaumes rentrent dans la
catégorie des poèmes alphabétiques. Voir Alphabétiques
I Psaumes), t. i, col. 410. Dans ce cas chaque vers,
chaque strophe ou chaque distique, commence successi-
vement par chacune des lettres de l'alphabet : ce genre
d'acrostiche, que la poésie dédaigne chez nous, esl
hautement prisé au contraire par les poètes arabes
ou syriaques, qui recherchent en ce genre les plus
extraordinaires complications. Voir R. Duval, An-
cienne littérature syriaque, p. 26-28, On serait porté à
attribuer aux Psaumes alphabétiques une date récente :
mais la présence de ces poèmes dans Nahum et les
Lamentations prouve qu'ils étaient goûtés même des
anciens Hébreux. On pourrait supposer aussi que les
Psalmistes s'en servent pour grouper des versets qui
n'ont pas entre eux d'enchaînement logique bien étroit :
cette ex pli ea lion esl admissible pour le Ileali in i maculai'
in via, CXIX (cxvm) el d'autres semblables; mais les
Lamentations el le début de Nahum ne manquent pas
d'unité el n'avaient pas besoin de ce lien factice : dans
certains cas il brise même la suite logique ou la chro-
nologie, comme dans le Ps. exi (<:x) où il bouleverse la
série régulière des événements de la sortie d'Egypte
et du s'ionr au désert. Saint Jérôme l'avait déjà signalé,
Epist. \\\u,l l'util, im, t. xxii, col. 442; suivant le goût
île son temps il voit à chaque lettre une raison mys-
tique ou allégorique qu'il explique dans Epist. a.v.v,
t. xxn, col. 443. Harre s'en est servi pour les études de
la poésie hébraïque, comme le rapporte Lowlh, Dr sucra
poesi ttebrœorum, édit. Rosenmûller, 1821, p. 39, 365,
629; el Koester pour l'étude des strophes hébraïques
Die Slropken und der Parallelismus der hebrâischen
Poésie, dans Studien und Kritiken, 1831, p. 10. — Dans
le Ps. tx-x, Vulgate, ix de l'hébreu, chaque strophe de
deux vers ou quatre membres commence successive-
ment par une des lettres de l'alphabet hébreu, mais
les strophes manquantes onl été remplacées par d'autres
non alphabétiques : t, n, r, 0,5,0,7, s, St. Les Ps. xxv
(xxiv) et XXXIV (xxxiiii sont semblables, une lettre par
vers, avec addition au poème d'une anlienne non alpha-
bétique relative aux épreuves d'Israël ; Ps. XXXVII (XXXVl)
une lettre tons les deux vers; exi (ex) et c.xn (exi) une
lettre pour chaque hémistiche; exix (cxvm), chaque lettre
répétée huit loisen tête des huit vers de chaque strophe:
noter en outre que dans chaque strophe la loi de Dieu
esl désignée par huil termes synonymes, que chaque
strophe ri me dans un ordre différenl ; enfin Ps. cxlv
(cxi.iv), une lettre par vers. Les irrégularités qui se
remarquent — à pari l'interversion de v et r qui est
m' ie ■ el se 'rencontre déjà dans les Lamentations —
sonl de date postérieure, et proviennent d'altérations,
de suppressions el d'additions au texte : à noter la perte
du : dans le ps. i:\i.x texte hébreu, alors que le verset
correspondant esl conserve dans les Septante, la Vul-
gate el le syriaque. D'autres Psaumes ont un alphabé-
lisme incomplet, le premier mot y commence par aleph
et le dernier Co lelice ou finit par thav, peut-être
pour indiquer que le poème est complet et qu'il n'y a
rien à y ajouter, qu'il comprend depuis la première
lettre jusqu'à la dernière; tels sont i, v, i.xx (i.xixi,
lxxix (lxxviii); cxii (exi) commence aussi par asré et
finit par lobed comme le Ps. i.
Il faut enfin noter comme derniers ornements acces-
soires la rime, assonance, nwnorime: lu, rime propre-
ment dite; cxxi (cxx) assonance en a, cxxtv icxxni) as-
sonance en nu; c:\xxn (cxxxn: cxi.ni (CXXLII); — le
rythme graduel ou gradation qui prend la finale d'un
vers pour en faire le commencement du vers ou de l'hé-
mistiche suivant, dont on trouve un modèle dans [saïe,
xxvt, 1-9. et une imitation dans le début du IV* Evangile;
Exemple : Ps. cxv {Xon nobis Domine).
ncquando dicant gentes :
ubi est Deus eorum?
Deus autem noster in celo...
Benedicti vos a Domino
Qui fecit cxlum et ter,
Cxlum cxli Domino,
Terram autem dédit tiliis hominum.
Cette construction avait pour résultat de faciliter la
mémoire : aussi la retrouve-t-on fréquemment dans les
Psaumes de caractère'populaire, spécialement les Can-
tiques du pèlerinage i:xx-cxxxiv, nommés psaumes
graduels, ranlirum graduum, sir liant-nia'alôl . Les
,,-n.r de mots, formant dans la poétique orientale [un
ornement très recherché, se retrouvent naturellement
aussi dans les Psaumes; par exemple : ire'ù ve-iràû,
ridebunt (multi) el timebunt, xi. (xxxix), lui un, S;
r, ,1,1, uni (junti) et timebunt, xi. (xxxix), 18; 'atii 'ani,
miser (sum) ego, i.xix n.xvmi, 30; i.xx (lxix), G, etc.
Voir Jeux de mois, t. m, col. 1523.
IX. CoNTENl ET IIUCTR1XE liES PSAUMES. — /. -
DES PSAUMES. — Il est impossible de donner une clas-
sification logique des Psaumes, un seul touchant sou-
vent à des sujets fort divers, ainsi le Ps. i nous donne le
suri du juste el celui de l'impie; xix (xvm) la lumière
matérielle et la loi de Dieu ; xxiv ixxiin portrait du juste
etcérémonie religieuse xxxiu ixx.xui invitation à louer
Hi mi, sa justice, sa puissance créatrice, châtiment des
nations, triomphe final du juste; i.xxxix (i.xxxvm)
promesses de Dieu à David, puissance infinie de Dieu,
sa fidélité à son peuple, promesses de perpétuité à la
race davidique, ses abaissements, prière en sa faveur.
Ouoi qu'il en soit Dieu, son infinité, sa puissance, sa
justice, sa miséricorde, en face de l'homme, sa dépen-
dance, sa faiblesse, ses fautes, ses épreuves, son besoin
du secours divin, les dons divins qu'il a reçus et ceux
qu'il réclame, tout cela forme le sujet général du Psau-
tier, soit comme contemplation, soit comme louange,
soil dans un but de prière, et presque toujours sous la
for d'un entretien personnel du psalmiste avec Dieu
ou sous la forme d'un hymne liturgique. TLn ne tenant
compte que de l'élément principal de chaque Psaume,
on peut s'arrêter à la classification suivante :
1" Psaumes dogmatiques ; Dieu créateur : vin. créa-
tion abrégée ilicn., 1); tableau développé, civ Jcill);
xix (xvm A); chaque créature doit louer Dieu cxi.vm ;
beautédes différentes œuvres de Dieu, xxvin(xxvn), orage
(à comparer avec xvm ixvil), 8-17); grandeur du créa
leur, XCII1 (XCIl); omniscien.v el immensité divines,
i:.XXXIX (CXXXVIH); néant des idoles OU des faux dieux,
I vvvi (LXXX), cxv6 (CXIV); CXXXV (CXXXIV); sa bonté- el
sa miséricorde, il (l), CIII ou): CXXX (r.xxix); CXLV
(CXI IV |.
2° Psaumes moraux : la loi de Dieu, xix ixvmM,
CXIX ic:xvm); portrait du juste, xv (XIV); XXIV ixxun;
i.xn (i.xi); CXll (CXl); l'impie, xii (XI), M\ ixun: xi.ix
(xi.vm) (mauvais riche); lviii (LVll) el i.xxxii ixxxii
mauvais juge); LU (1.1) (calomniateur); L (xlix) jhypo-
crite); sanctions divines, i. xc:u (xci), sxxvil (xxxvi),
i.wiii ii.xxiii; xiv (Xiin = i.iii il. in. i.xxxi (LXXX).
821
PSAUMES (LIVRE DES)
822
3° Psaumes historiques : Lxvin i lxvii), lxxvii (lxxvj .
LXXVIII (lxxvii), cxv (CXTV), CXI (ex), cxxxv, (cxxxiv),
cxxxvi (cxxxv) (sortie d'Egypte, désert, conquête de
Palestine); période des Juges, c:v (civ), evi (cv); davi-
dique, i.x (uxi, cvm (cvm; période assyrienne, xi.iv
(XI.IIl), LXXXIII (l.XXXIl), XLYI (XI.V), XLV1II (XLVIl), LXXVI
i.uvi; période babylonienne, i.xxiv (lxxiih, i.xxix
(lxxviii), i.xxx (lxxix); exil, cxxxvu (cxxxvi); retour,
i.xxxv (lxxxiv), cvii (cvi). cxxvi (cxxv).
4° Psaumes relatifs à .Jérusalem au Temple : xxvi
(XXVl), XI.II (XLI), XLtIl (XLIl). XLVIII (XLVtl), I.XXX1U
(i.xxxini, i. xxxvii (lxxxvi), cxxn (cxxi), cxxxn (cxxxi) ;
cérémonies religieuses : xxiv (xxm l>), i.xvm (lxvii),
cxvm (cxvn), cxvi, b (cxv).
5° Psaumes royaux : xx (xix), xxi (xx), ci (c), cxxxm
(cxxxvu b); messianiques, i.xxxix (lxxxviii); promesse:
cxxxn (cxxxi); son règne universel, II, i.xxn (lxxi),
ex icix); sa gloire xlv (xliv); le Serviteur de Jébovab
souffrant, lxxxviii ilxxxvii), xxm ixxi) ; le règne de Jébo-
vab sur les nations, xlvii (xlvi), lxvii (lxvi), xcxvi
(xcxv), CXLIX, etc.
6° Psaumes personnels : contre ennemis et persécu-
teurs m, v. vu. xm (xn), xiv (xiii) etc.; pardon du pécbé,
Ll il,', exxx (cxxtx), etc.; la souffrance suite du pécbé,
vi. xxxvin (xxxvii), xli (xl). en (ci) ; la vieillesse, xxxtx
(xxxtiii), xc (lxxxix); confiance en Dieu, xvi (xv), xxin
(XXII), CXXI (cxx), xci (xc), CXII (CXI).
//. doitmxe lies psaumes. — La doctrine générale
des Psaumes est l'abrégé de toute la Cible, sous la
forme la plus imagée et la plus brillante. Les Psal-
rnistes nous donnent, dans leurs chants, une image
grandiose du monde et du créateur, naturellement
sous des images proportionnées à la capacité intellec-
tuelle et aux formes du langage des Hébreux. Le monde
est comme une vaste demeure bâtie par Jéhovah, créa-
teur, ordonnateur du chaos primitif, sorte d'océan im-
mense et ténébreux. Les restes de cet océan entourent
encore le monde actuel, c'est le grand fleuve, la merdes
confins du monde jusqu'où le Messie devra étendre son
règne; la terre s'élève par dessus, et ses plus hautes
montagnes soutiennent le firmament qui sépare le ciel
du monde visible. Au ciel, Dieu trône éternellement sur
sa montagne sainte, entouré de la milice des armées
célestes, et de là il gouverne le monde matériel et le
monde humain. Au dessus du firmament sont accumu-
lés, prêts à exécuter ses ordres, les trésors des eaux, de
la neige, de la grêle, des foudres et des tempêtes. Au
firmament se balancent ou se meuvent les astres, les
étoiles, la lune, le soleil qui forment une seconde armée
céleste : c'est dans ces deux sens que Jébovab s'appelle
le Dieu des armées, Dominas Deus Sabaoth, Deus
virlutum, Deus exercituum ; tous ces termes ont le
même sens. — Quand Jébovab vient juger les hom-
mes, c'est-à-dire sanctionner 'ses lois par des récom-
penses et des châtiments, ou soutenir ses fidèles et
anéantir les méchants, il est représenté descendant
sur son char, traîné par les chérubins, lançant la foudre
autour de lui, caché derrière un voile de nuées, faisant
entendre sa voix qui est le tonnerre, faisant trembler
la terre et desséchant les abîmes. Le monde aune troi-
sième partie, la terre des morts, le seôl, sortede grand
tombeau souterrain où les défunts viennent successive-
menlprendre place : c'est l'abime de la nuit, du silence,
et de l'oubli : Jéhovah n'y est pas loué. Les Psaumes les
plus anciens ne sont guère plus explicites sur cette exis-
tence ultra-terrestre et n'y distinguent pas le sort du
juste de celui de l'impie. Dans ces descriptions, il n'est
pas toujours facile de discerner le sens du fond d'avec
ce qui est simple formule poétique et pure métaphore,
ou bien allusion aux croyances de l'Orient ancien : les
Babyloniens, les Égyptiens employaient souvent un
langage analogue; la science du temps avait groupé sous
cette série d'images l'ensemble des phénomènes observés
par elle : les termes mêmes du dictionnaire hébreu ren-
fermaient des mots qui faisaient allusion à ces opinions,
le tonnerre ou la voix de Jébovab, les armées célestes
ou les étoiles, etc. Les Psalmistes hébreux devaient
parler comme leurs contemporains.
Mais le contraste est frappant quand de la forme, on
passe au fond : sans langue philosophique, sans raison-
nements métaphysiques, ils nous donnent une telle
idée de Jéhovah que nulle part nous ne trouvons une
notion de Dieu plus élevée ni plus exacte : tandis que
les dieux des nations sont des vanités, des abominations
dépourvues de sentiment, d'intelligence et de vie, Jého-
vah est le créateur et le maître de tous les êtres célestes
et terrestres : tout change et passe, seul Jéhovah est
immuable : sa pensée pénètre l'avenir comme le passé
et le présent; son regard voit partout, jusqu'au fond des
abîmes et des ténèbres : nul ne peut fuir sa présence :
où qu'on soit, sa main nous soutient. Sa puissance est
telle que la création et ses merveilles ne lui ont coûté
qu'un mot : c'est lui qui conserve à tout la vie et l'exis-
tence, s'il détourne sa face, tout rentre dans le néant;
sa justice est incorruptible, et rien n'y échappe : la
sainteté est sa nature, son essence : seule sa miséricorde
et sa bonté la surpassent, le pardon habite avec lui,
et il aime les enfants des hommes ; sans doute il a une
allection paternelle pour Israël, mais il veut aussi le
bien de tous les peuples de la terre, il prend soin d'eux
dès maintenant, et il les amènera tous un jour à recon-
naître sa royauté. Il aime l'homme et il prend soin de
lui, il l'a fait à son image et comme le Dieu visible
de la terre.
La loi qu'il a donnée à Israël est une lumière qui ré-
conforte l'âme, par ses enseignements et par ses pré-
ceptes : les sacrifices qu'il exige ne sont pas son aliment
à lui, il n'a besoin de rien, rien ne lui manque ; les
pratiques rituelles doivent surtout être accompagnées de
justice, de rectitude morale, de confiance en Jébovab :
il aime mieux le cœur repentant que les holocaustes;
les sacrifices lui sont insupportables quand ils sont
accompagnés de l'homicide, de l'oppression des faibles,
du déni de justice aux opprimés : quant aux sacrifices
offerts aux idoles, surtout le sacrifice humain des cultes
chananéens et phéniciens, ils souillent la terre, Jébovab
les abhorre, et doit les punir.
A la vérité le Psalmiste rend ces idées relevées par
toute sorte d'anthropomorphismes, mais cela tient aux
nécessités mêmes de la langue hébraïque : d'ailleurs, ils
sont très bien choisis pour nous donner une haute idée
de Jéhovah tout en nous rapprochant de lui ; Jéhovah est
notre salut, notre bouclier, notre citadelle, notre rocher,
tous termes du reste adoucis par les Septante et IaYul-
gate; il trône dans les cieux et la terre est l'escabeau
de ses pieds : ses yeux toujours ouverts sondent les cœurs
des hommes, sa main les soutient, ses ailes les cou-
vrent de leur ombre tutélaire, son bras châtie les impies,
ses Mèches les transpercent, sa colère les anéantit.
Plusieurs points de la doctrine des Psaumes exigent
cependant des éclaircissements spéciaux : 1° Immor-
talité de l'âme. — La Providence, la justice de Dieu,
son amour du bien et sa haine du mal soulèvent dans le
Psautier le même problème que dans le livre de Job : le
pécheur est souvent heureux, et le juste dans l'épreuve :
l'auteur l'explique par la doctrine des rétributions ter-
restres": puis il suggère des moyens de justifier la provi-
dence divine : tout cela est passager, et le juste et le pé-
cheur finissent toujours par obtenir le traitement auquel
ils ont droit, en eux-mêmes et dans leur descendance :
telle est la solution commune. A d'autres endroits, le
psalmiste va plus loin et trouve une solution plus
haute : Dieu seul est une récompense suffisante, le
juste sera toujours avec Dieu, dont la main le conduira
et l'introduira dans la gloire, Dieu sera son partage à
jamais, lxxiii (lxxh). 23-26; xvi (xvj, 10-11, assure
823
PSAUMES (LIVRE DES)
SU
que le juste ne demeurera pas dans le ie'ôl, qu'il vivra
devant la face de Jéhovah y trouvant plénitude de joie
et des délices éternelles; xvii (xvi), li-15. exprime le
même espoir presque dans les mêmes termes; le juste
se trouve plus heureux que le méchant, rassasié de ri-
chesses, comblé d'enfants et de petits-enfants: xi ix
(xi.yimi. lô. représente les impies conduits au seul par
la mort qui sera leur berger : tandis que le juste sera ra-
cheté par Jéhovah de l'étreinte du seul, et que Jéhovah
lt- prendra avec lui. C'est l'acheminement à la croyance
à l'immortalité de l'âme, sinon déjà une pleine pro-
fession de cet article de foi, mis par l'Évangile seul
dans toute sa lumière. Les Psaumes VI, xxx (xxix),
xxxix (xxxviii), i.xxwiii ii.xxxvii). sont moins précis :
ils nous représentent le se'ôl comme la terre de l'oubli,
de l'éternel silence et de l'éternelle nuit que la pensée
et la louange de Jéhovah n'interrompent jamais, sorte
d'état, non d'anéantissement total, mais d'effacement et
de semi-inconscience, analogue aux croyances baby-
loniennes, mais dont les mythes babyloniens eux-mêmes,
tels que la descente d'Istar aux enfers, nous montrent
qu'on ne doit pas prendre toutes les expressions au
pied de la lettre, pas plus qu'il ne faudrait le faire dans
1rs t.xirs hébreux. Quand nous-mêmes nous disons
d'un mourant qu'il a cessé de vivre, qu'il n'est plus.
nous sommes loin de faire une profession de foi maté-
rialiste; il n'en faut pas voir davantage dans les formules
des Psaumes : el amplius non ero : « (donne-moi un
peu de repos) avant que je cesse d'être (parmi les vi-
vants). » sans préjudice à l'existence subséquente, dont
les seules conditions d'eux connues, n'avaient à leurs
regards et avant toute révélation plus précise, rien de
particulièrement attrayant. Présentement bien des
croyants, persuadés cependant de la vie future, parlent
encore il'- la sorte.
2° Psaumes imprécatoires : xviii (xvn), 38-40;
xxxv (xxxiv), i.n h ii, i.ix (i.vm); i.xix (i.xviu), 3-29;
i w .vin). 6-20; cxxxyil (cxxxvi), 7-9. — I.a justice de
liieu.dont le principe tient si fort à cœur aux Psalmis-
te», s'i xerce sur les nations comme sur les individus :
par conséquent, les nations idolâtres ne peuvenl pré-
valoir définitivement contre Israël croyant el fidèle à
Dieu : Effunde iram tuant in génies qwe tenon nove
runt ' l's. i XXXVIII, 6; bien plus les ennemis d'Israël sont
aussi les ennemis de Dieu même, puisqu'Israël est seul à
connaître et louer le vrai Dieu : leur ruine ou leur châ-
timent est donc certain à ses yeux. Ceci n'est pas
seulement une certitude de foi, c'est aussi un objet de
désir de la part d'une partie des Psalmistes, désir
d'autant plus grand que plus grand est leur amour
pour Jéhovah et son règne. C'est ce désir qui fait le
fond des l'-a h mes dits imprécatoires, dont la plupart sont
non des Psaumes individuels, mais des Psaumes natio-
naux: Israël est sûr que Dieu triomphera de ses ennemis;
ce jour de Jéhovah, le Psalmiste l'appelle de tous ses
vœux, dans lesquels se mêlent à la fois l'amour de
Jéhovah et le sentiment national. Quant aux formules
que révèlent ces sentiments et à ce qu'elles paraissent
avoir d'exagéré el de cruel, il ne faut pas oublier que
le style de ces morceaux esl poétique OU même prophé-
tique, e i si l'hyperbole qui lui donne sa couleur, sa
vivacité et sa chaleur, el le sens réel en doit être
beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntés
au vocabulaire couranl de l'époque, et aussi aux ter-
ribles droits de la guerre d'alors : ceux-là seuls s'en
étonnentqui ignorent com ni les vainqueurs anciens
traitaient leurs vaincus, se faisant même gloire de'
leur cruauté, c< le on peut le voir dans les Annales
des fois d'Assyrie, en particulier d'Assurnasirpal et
d'Assurbanipal. Dans le Super flumina Babylonis,
le Psalmiste, sous une forme optalive dictée par sa
conviction du triomphe final par son amour pour le régne
de Dieu el par son attachement à sa patrie, la Jérusalem
terrestre, ne fait que dépeindre d'une manière poétique
comment on traitait trop souvent les villes prises d'as-
saut; on traitera Eabylone comme celle-ci a traité la
ville sainte : ami comme il est de la justice, Jéhovah
ne doit pas vouloir moins! Les mêmes principes d'ex-
plication doivent prévaloir dans les Psaumes certaine-
ment individuels : le véritable Israélite se considère
comme le représentant du vrai Dieu, de la justice et de
la religion sur la terre : il est sur de son triomphe final,
et il le décrit sous une forme oplative ou prophétique :
ses ennemis lui en veulent parce qu'il est le serviteur
de Jéhovah, et à ce titre il est sûr que Dieu prendra
en main sa défense, qu'il réduira à néant les projets
de ses ennemis, qu'il châtiera tous leurs crimes. Ici.
de plus, nous devons rappeler que les sentiments de
charité que la loi chrétienne nous oblige d'avoir pour
nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant
pour ceux qui nous persécutent, sont d'origine exclusi-
vement évangélique : là aussi, comme dans la question
de la vie future. l'Évangile a mis dans noire foi et notre
conscience des données nouvelles; c'est en cela que
consiste le principal progrès de la révélation morale.
3" Psaume* messianiques. — Ils tiennent une place
particulièrement importante dans la collection : il en
faut distinguer deux espèces, les uns nationaux, les
autres personnels. Le but final des deux espèces est le
même, c'est d'annoncer et de préparer le règne de Dieu,
sur les nations inlidèles jusqu'aux extrémités du monde :
les Psalmistes saluent bien souvent, spécialement de
xc (Lxxxrx)à i.i (ci), cet avenir messianique. « Les idoles
seront renversées et les dieux du monde, c'est-à-dire
ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu
il vbraham, ils deviendront des citoyens de Jérusalem ; »
termes et idées analogues à Isaie xix et toute la se-
conde partie du même prophète; outre ce groupe, on
les rencontre encore dans des Psaumes isnlés tels que
xi. vu (Xi. vu. xevii (xevi), i.xvmi (lxvh), 29-36, etc.
Mais la diversité commence ou l'on étudie l'instru-
ment de cette conversion du monde; dans certains
Psaumes on ne mentionne qu'Israël en général, c'esl
Israël qui soumettra les nations, enchaînera leurs
princes, et chantera la gloire de Jéhovah il's. CXUX);
c'est donc une formule de messianisme ethnique, un
royaume des Saillis, analogue à celui des Visions de
Pani.d, vu. 17-18, 25-27. D'autres Psaumes sont plus
précis. Il y est question d'un personnage particulier.
d'un roi qui étendra partout le culte de Jéhovah, qui
fera cesser l'injustice, qui donnera au momie la paix,
dont la puissance sera partout reconnue; on en fait dif-
férents portraits, les un- le représentent surtout comme
un conquérant, d'autres accentuent davantage sa mis-
sion religieuse, l'iniquité et la violence disparaîtront à
son avènement, il sera d'une façon particulière Mis de
Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les
Psaumes comme dans les prophètes; l's. u, ex (cix);
[.XXII II. XXI) on y joinl des annonces île prospérité tem-
porelle qu'il faut, également comme dans les prophètes,
[saîe, xi. 6-9, prendre au sens allégorique ; lxxh (lxxi),
16-18; cxxxn (cxxxi), 14-16; cxlh (cxliii), 12-15. lu
trait particulier du Messi< qui ressort de plusieurs pas-
sages, c'est que l'établissement du royaume de Dieu sur
la terre sera le résultat de ses souffrances; l'humilia-
tion et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies
de sa glorification, amèneront le m le a croire à cette
puissance de Jéhovah; en certains endroits, commi
dans [saîe, lui, ei dans le Psaume xxii, le caractère
individuel de la victime, de ses souffrances el de cette
délivrance esl précisé; et la fidélité de la peinture du
sacrifice de la Croix a frappé tous les lecteurs.au point
que les Évangélistes n'ont pas manqué de la souligner,
que le Chris! lui-même sur la croix a voulu montrer
celte prophétie réalisée dans sa personne. Voir l
Christ, prophéties, t. m. col. 1433.
825
PSAUMES (LIVRE DES)
826
Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il
faut évidemment les préciser par les textes prophé-
tiques parallèles : les Psaumes n'ont pas de cadre his-
torique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque
aucune lumière : c'est alors l'analogie des Écritures,
et l'ensemble de la révélation messianique qui doivent
servir de guide et de lumière : toutes les pensées
d'Israël, tous les battements de son cceur ont leur ré-
percussion dans le Psautier, de même que ses épreuves
et ses triomphes, en un mot toute son histoire, sa re-
ligion, sa morale, ses croyances de tout ordre : natu-
rellement aussi ses espérances et les grandes annonces
des prophètes doivent y trouver leur écho; il est donc
très logique d'éclaircir les uns par les autres; et
quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment
clairs, ou indiscutablement datés, comme c'est souvent
le cas, les textes correspondants des prophètes nous
donnent un commentaire à la fois littéraire, chronolo-
gique et exégétique sur lequel on peut s'appuyer en
toute sécurité. On ne peut nier le caractère messiani-
que des Psaumes que si l'on nie également l'existence
de toute prophétie messianique dans la Ilible. Cepen-
dant il faut bien se garder de traiter comme vraiment
messianiques certains passages détachés ordinairement
de leur contexte et expliqués indépendamment du
reste du Psaume : ce sont alors des accommodations
plus ou moins ingénieuses, mais qui n'ont pas de va-
leur rigoureusement exégétique ou théologique. Quel-
ques Pères de l'Église, pour l'instruction des fidèles,
ont appliqué à Noire-Seigneur la plupart des Psaumes,
comme on le voit dans le commentaire de saint Au-
gustin; saint Jean Chrysostome, bien que plus attaché
au sens littéral, le fait aussi quelquefois et cherche
même à s'en justifier par le style général des prophé-
ties. In l'salm. i a r//, t. i.v, col. 336.
Les Pères ne faisaient en cela que suivre l'usage des
Juifs qui avaient alors coutume d'appliquer à la venue
du Messie bien des textes qui n'ont pas d'application
directe à Jésus-Christ, mais dont on pouvait se servir
à leur égard comme d'arguments ad hom'tnein ou
connue moyen d'édifier les chrétiens.
X. Texte des Psaumes. - I» Texte hébreu. — Tel
que nous le connaissons par l'hébreu actuel et les ver-
sions anciennes, le texte des Psaumes n'est pas tou-
jours correct : les versions ou de simples conjectures
permettent de le corriger en certains endroits, mais le
plus grand nombre des altérations échappe à toute re-
touche. Comme plus ancien témoin du lexte, nous avons
la traduction grecque dite des Septante, deux siècles
environ avant Jésus-Christ; nous avons au IIe siècle les
versions grecques citées dans les Héxaples d'Origène,
principalement Aquila, Théodotion et Syminaque, mal-
heureusement nous n'en possédons que quelques frag-
ments; enfin vers le commencement du v siècle,
nous trouvons la traduction de saint Jérôme adressée
ad Sophronium ou Psautier secundum veritatem he-
br.aicam. Quant au texte hébreu actuel dit massorétique,
il se présente à nous avec fort peu de variantes, mais il
bénéficie d'une unité factice, les éditeurs juifs ayant
supprimé impitoyablement toutes les divergences des
manuscrits. On peut ajouter à cette liste les citations du
psautier dans le Nouveau Testament ; seulement la
plupart sont faites non d'après l'hébreu mais d'après
les Septante, et très souvent sans l'exactitude verbale
absolue que réclamerait la critique; enfin la version
syriaque, faite sur le lexle hébreu mais avec des leçons
ou des retouches dans le sens des Septante, et dont
l'origine est incertaine; les Targum et le Talmud ont
peu aidé la critique textuelle.
On peut constater que le texte dont saint Jérôme s'est
servi pour sa traduction était substantiellement identi-
que au notre, bien qu'il offrit quelques divergences
accidentelles : par exemple Ps. ex (Cix), 3, au lieu du
tecum principium des Septante et de laVulgate, il traduit
populi tut spontanei, ce qui correspond à l'hébreu actuel
'ammekd neddbôt dont i\ a lu le premier mot 'ammêyka,
le pluriel pour le singulier : au lieu de liaderêy, in splen-
doribus, de l'hébreu et des versions, il a lu harerêy, in
montibus; avant ex utero il intercale ke, quasi (de
vulva); au lieu de misl.iar, aurora, lucifer,'û lit izrah,
orielw, -pour le reste il le lit comme l'hébreu actuel, de
sorte qu'il traduit tout le verset : populi lui spontanei
erunt in die forlitudinis tuœ in montibus sanctis : quasi
de mira orielur libi ros adolescentise tuas, conformé-
ment à l'hébreu actuel, au lieu de la traduction des
Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die
virtutis tuse in splendoribus sanctorum, ex utero ante
luciferum genui te; Ps. iv. 3, au lieu de usquequo gravi
corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit à peu près
comme notre texte hébreu : Usquequo inclyti mei igno-
miniose, avec la légère différence de kebôdi pour kabe-
dot;Ps. xi (x), 1, il lit contre l'hébreu et suivant les
Septante et la Vulgate : (Transmigra in) montent ùt
[avis), Itar kemô sippôr pour harkém sippôr; Ps. xvi
(xv), 10 : (Non dabis) sanctum luum (videra corrup-
tionem), ce qui parait du reste la leçon primitive de
l'hébreu que les massorètes n'ont pas rejeté totalement,
au lieu de sanetos tuos, hasidka pour Ijasidèka; Ps.
xix-xvm, 14, il lit avec l'hébreu, mizzedim, a superbis
au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la
Vulgate; Ps. xxn (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt
.(pedes meos et manus meas) au lieu de fodienles (pe-
des meos\, kaani pour ka'arê ou ka'ari, sicut leo ;
xxix (xxvm), 6, il lit avec l'hébreu Sariun, le mont Si-
non, au lieu de yeSûrûn, dilectum des Septante et de
la Vulgate; xlix (xlviii), 13, il lit avec l'hébreu lin,
commorabitur, contre les Septante et la Vulgate bin,
intellexit, etc. De même pour les séparations et les ti-
tres des Psaumes, S. Jérôme confirme l'hébreu masso-
rétique; par exemple xliii (xlii) il omet avec raison
l'attribution psalmus David puisque c'est une strophe
séparée du Psaume précédent.des Fils de Coré : dans le
Cod. Amialinus on trouve même rétablie la suscription
filiis Cltore; de même encore contre les Septante et la
Vulgate, et en suivant l'hébreu il supprime au cxxxvn
(cxxxvi), le Super flumina Iiabylonis le titre étrange
Psalmus David, Jeremise. On doit donc conclure que
depuis saint Jérôme le texte des Psaumes n'a guère subi
d'altération.
La même conclusion s'impose quand on compare
l'hébreu actuel avec les traducteurs grecs du n« siècle
cités dans les Héxaples d'Origène : par exemple iv, 3,
ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint
Jérôme et l'hébreu massorétique, oi evSoÇoî (aou ou t|
2d$a (iou; iv, 8, iitô xatpo-j, a tempore, pour a fruclu
(frwmenti) ; xi-x, 1, ilslisentcependantavec les Septante,
la Vulgate et saint Jérôme (transmigra in montent), w;
7CE-stvév, ut avis, la leçon massorétique étant une faute
évidente; xix (xvm), 14, à;ro tùiv uitepriçâvcov, a superbis
avec saint Jérôme et le texte actuel; xxix (xxvm), 6.
lepiwv ou Sapiwv, le mont Sinon, au lieu de dilectum
(quemadmodum 'filius unicornium), etc. Voir Field,
Origenis Hexapl., 1875, I. H, p. 90, ill, 102, 115, 129 :
CX(cix),3, ex utero aurorse, aoi ôpôuo? uaiôioT/j-cô; ao\i
ou t| vedtrjç oou, tibi ros juventutis tuœ au lieu de npô
iwoçôpo-j lyè-nr^i m, ex utero ante luciferum genui
le des Septante et de la Vulgate. Ibid., p. 266. En som-
me les traductions du IIe siècle sont presque toujours
favorables au texte massorétique : du reste on sait que
saint Jérôme, qui lui est favorable également, n'a guère
fait que suivre presque partout Aquila, le premier de
ces traducteurs, à qui il ne trouve à reprocher que sa
littéralité exagérée et son manque de goût. On peut dire
d'une façon générale que le Psautier hébreu était au
temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu'il est au-
jourd'hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de
827
PSAUMES (LIVRE DES)
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ses citations du Psautier étant prises aux S. 'plante, il
n'y a guère de conclusion spéciale ;'i en déduire.
Le Psautier est un des livres de l'Ancien Testament le
plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs: mais
c'est aussi un de ceux dont le texte a reçu le plus grand
nombre d'altérations : les travaux critiques d'Origéne,
loin de lui conserver sa pureté primitive, ont souvent
même contribué à augmenter la confusion, car on a
parfois substitué aux Septante, ou même on leur a su-
perposé les différentes traductions grecques des Hexa-
ples, supprimant les signes diacritiques, astérisques et
obèles, et mélangeant dans une même plirase des ver-
sions différentes : ainsi au début de xxn (xxi) nous li-
sons à <9;b;, 6 Qîo; \i.'i-j, rcpoff/e; (loi, traduit dans la Vul-
gate exactement : Deus Deus meus,respice in me :orce
sont deux traductions juxtaposées des mêmes mots hé-
breux : 'Êli 'Êli, qu'on peut entendre Deus meus, Deux
meus, ou bien in tue, in me (sous entendu respice).
Dans l'Évangile, Notre-Seigneur le cite selon l'hébreu et
la traduction qui y est jointe omet le respice in me des
Septante. Eusèbe, In Psalm., t. xxm, col. 204, fait aussi
remarquer que rcpoaye; ;joi n'a pas d'équivalent dans
l'hébreu. Saint Jérôme avait soigneusement indiqué ces
signes critiques dans son Psautier exOrigenis llexaplis
ou gallican ; mais là aussi les copistes les supprimèrent
comme il s'en plaint souvent, par exemple Episl., CVT
55, t. xxn, col. 857 : Quse signa <lum per SCriplorum
Hegligentiam a plerisque quasi super/lua relinquun-
tur, magnus in legendo error exorilur. Toute cette
lettre de saint Jérôme est pleine de remarques critiques
analogues qui s'appliquent aussi bien au Psautier grec
qu'au latin. Au Ps. cxxxn (cxxxi), i, on lit un doublet
d'origine analogue : toïç fD.ecpipoi; y.o'j vuirTayuàv '•»'■
iviita'jffiv toï; ■/.paxi.tf'itç \>.ov, (si dedero) somnum ocidis
meis, et palpebris meis dormi tationeni, la seconde
partie étant une deuxième traduction des mêmes mots
hébreux empruntée à Théodotion. Mans le même Psaume
nous lisons, v. 15, tïjv X'^pav (aùif,; eùXoytôv ivkoyffitû)
riilnam (ejtts benedicam benedicam), qui est une alté-
rai i. n subséquente pour tt|v fir,pav : « lin enim uns/ri
legunl viduam ejtts benedicens benedicam. ..in hebrœo
habel Seda idesl cibaria ejus. » S. Jérôme, Qwest, he-
braic. in Gen., xi.v, 21, I. xxm, col. 1000.
Mais les altérations les plus nombreuses et les plus
profondes sont antérieures à la traduction grecque : les
scribes d'alors transcrivaient les textes hébreux, et le
Psautier particulièrement, avec des négligences qui
contrastent vivement avec le soin dont leurs succes-
seurs commencèrent à faire preuve après 1ère chré-
tienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vul-
gate), qui est alphabétique, on n'a conservé que la moitié
ilrs strophes primitives, les autres appartiennent à une
composition différente et sans alphabétisme : lesautres
Psaumes alphabétiques sont copiés plus exactement,
mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d'un
verset linalnon alphabétique. Le début du Psaume vin
est évidem ni altéré de même que le v. 3, lema'au
sorarêka lehaibif ôyeb u-mitnaqêm, propter inimi-
cos ut deslruas inimicum et uliurem; le texte du
P mine xviii (xvn) est fort différent de la reproduction
qui en est donnée dans II Sain. (Keg., xxil), où le texte
semble meilleur; le Ps, \xiv (xxm) a une linale v. 7-10
étrangère au sujet, le portraitdu juste; la linale de xxxix
(xxxvin) parait écourtée: xi.ii-xi.i et xi.in-xui sont sépa
rés sans raison; xi. vi (xi.v) a perdu son premii r refrain
après \. 1; i ii i (lu) et xiv (xiii) identiques offrent des
«triantes multiples; i.x (lu) et cviii (cvn) dans leur
partie identique présentent des variantes nombreuses;
i.xxx (LXXIX.) a perdu son troisième refrain; i.xxxvm
i.xvwnj a perdu sa conclusion; CVIII (CVII) offre des
variantes inattendues de i.x et i.vm qu'il copie; les deux
parties de i \vi, séparées dans les Septante et la Vul-
gate. sonl réunies à tort dans l'hébreu, etc. Grœtz a
raison de dire que le Psautier, précisément à cause de
son caractère populaire, est l'un des livres les plus
altérés de la Bible, Kritischer Kommentar r» den
Psalmen, ISreslau, 1882, t. i, p. 115; mais il exagère
outre mesurequand il ajoute que o 1res peu de Psaumes
sont demeurés totalement intacts, tandis que beaucoup
fourmillent de tant de fautes qu'il sont devenus tota-
lement incompréhensibles, o Les altérations qu'a su-
ides le texte des Psaumes sont d'ailleurs sans impor-
tance grave au point de vue doctrinal. Elles intéressent
surtout les critiques et l'on en trouve d'analogues
dans tous les livres anciens qui ont été fréquemment
transcrits.
2° Traduction des Septante. — Quant à la version grec-
que dite des Septante, elle a été faîte au deuxième siè-
cle avant Jésus-Christ, en un temps où l'hébreu était
un peu moins altéré que le texte massorétique, maison
il avait déjà perdu en très grande partie son intégrité
primitive. En outre, les interprètes à qui l'on doit la
version des Psaumes sont de beaucoup inférieurs aux
traducteurs du Penlateuque; ils connaissent l'hébreu
vulgaire de leur temps, fortement aramaïsé, mais pa-
raissent fort peu au courant de la langue littéraire clas-
sique; ils distinguent rarement entre les différentes
significations d'un mot; et dans les passages difficiles,
fréquents dans les Psaumes à cause de leur caractère
poétique, ils se contentent de traduire isolément chaque
tenue hébreu par un mot grec, sans se préoccuper du
sens, ou de l'absence de sens, qui en peut résulter
pour l'ensemble. Les relations des mots entre eus,
quand elles sont exprimées en hébreu, le sont souvenl
par des particules fort différentes îles conjonctions ou
prépositions grecques par lesquelles ils essaient de les
traduire, le vav conjonctif hébreu par exemple, aignifianl
à lui seul suivant les cas, et, mais, ou, alors, au contraire,
parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque
toujours parxa't, qui donne un sens fort différent; enfin
le verbe hébreu exprime la modalité, certaine et incer-
taine, absolue ou conditionnée, el nullement la division
du temps, présent, passé ou futur; or, ilsonl rendu pres-
que invariablement la modalité certaine par le passé,
l'incertaine par le futur. Il l'aul ajouter que le texte hé-
breu alors n'était pas ponctué de voyelles, que les mois
n'y étaient pas séparés, non plus que les phrases ni les
Psaumes eux-mêmes. S'ils n'ont pas commis plus
d'erreurs, il faut l'attribuer à une certaine connais-
sance traditionnelle qui leur restait de la signification
des Psaumes et de leur emploi dans le [culte judaïque.
l.'esl à eux que l'on doil faire remonter la responsa-
bilité des nombreux passages étranges que renier la
Vulgate.
3° Traduction latine des Psaumes ilans la Vulgate.
— la version latine en effet esl une traduction très
littérale des Septante; sa forme primitive nous est
connue par les citations des Pères èl quelques rares
manuscrits; outre les particularités de la lingua cn-
slica qu'elle partage avec tous les textes bibliques anté-
rieurs aux travaux de saint Jérôme, elle a les qualités i !
les défauts de la version grecque du Psautier : texte
hébreu plus ancien que la recension massorétique, ei
multiples imperfections des premiers traducteurs, aux-
quelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de co-
pistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de
base au premier travail de saint Jérôme pendanl SOU
séjour à Rome sous le pape saint Damase; il fut l'ait
vraisemblable nt sur Yllala. qu'il revit, non sur l'hé-
breu, mais sur la Kotvifj OU Vulgale grecque : ce fui une
revision partielle et hâtive : l'sallcruou Kom.v dudum
positusernendaram... ;et juxta Septuaginta interprt
1rs cursim,... magna ex parle, dit-il lui-même; il
ajoute que le texte ainsi expurgé' fut bientôt altéré de
nouveau : Scriptorutn vitio déprava tum, puisque aidi-
quum crrnrem, quam nnram cmendalionem valere.
8-29
PSAUMES (LIVRE DES
830
Praef. in Psallerium sec. Septuaginla edii., t. xxix,
col. 117-118. Ce premier travail forme le Psalle-
rium romanum, employé autrefois à Rome jusqu'à
saint Pie V. maintenu dans le Missel et dans une partie
du Bréviaire, ainsi que dans l'office capitulaire de
Saint-Pierre de Rome; saint Jérôme en décrit le prin-
cipal caractère, ubicumque sensus idem est (non dans
l'hébreu mais dans le grec), velerum interpretum con
suetudinem mulare noluimus, nenimia novitate lec-
toris studium terrerenius. Epist. evi, t. xxn, col. ^ii,
et plus loin : nos antiquam interpretdtioneni sequentes,
quod non nocebat, mulare noluimus. Il lit ce pre-
mier travail vers 384. Voir Jérôme, t. m, col. 1307. De
retour à Béthléhem, entre 386-391 selon le P. Van den
Gheyn. ibid., sa première édition étant déjà fort corrom-
pue, il en entreprit une seconde, où il prit pour texte
l'édition hexaplaire des Septante, avec astérisques et
obèles, les premiers destinés à indiquer ce que les
Septante omettaient de l'hébreu el dont lui-même em-
prunta la traduction à Théodotion. les autres signalant
au contraire ce qu'ils \ avaient ajouté : saint Jérôme
dit lui-même qu'il avait fait celte seconde traduction
< avec beaucoup de soin, » Epist. ad Sophro>i., t. XXVIII,
col. 1126; il l'appelle» une version nouvelle » dansl' Epist.
ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 838; c'était donc
un travail critique où l'on pouvait voir d'un seul coup
d'œil la version des Septante et sa comparaison avec le
texte hébreu dans les passages qu'elle avait en plus ou
en moins : il n'y manquait que la retouche des en-
droits où les Septante avaient traduit d'une façon in-
suffisante ou inexacte. Malheureusement la transcrip-
tion de tous ces signes critiques exigeait trop de soins;
et malgré les prières réitérées du saint docteur, on les
omit dans la plupart des mauuscrits, de sorte qu'on
cessa de distinguer ce qui venait des Septante, ou de
Théodotion, ou qui était surajouté au texte hébreu.
Dans cet état, et avec les altérations encore subies de-
puis elle constitua le Psallerium gallicanum qui est
celui de l'édition officielle de la Vulgate et du Bréviaire,
et dont le nom rappelle sa diffusion rapide dans les
églises de France et de Germanie : dom Martianay re-
niai' |ue en effet que la plupart des manuscrits du Psau-
tier avec astérisques et obèles proviennent de France,
et que l'Italie n'en a conservé que très peu, t. xxvill,
col. 66. Saint Jérôme ne dit pas qui l'engagea dans sa
première retouche; il composa la seconde à la prière
de sainte Pauleet d'Eustochinm ; enfin, sur les instances
de Sophronius, il donna une troisième traduction.
4° Traduction nouvelle de saint Jérôme. — Elle fut
faite exclusivement sur le texte hébreu vers 390-391, en
tout cas avant la lettre à Domnion. t. xxvm, col.53-5i. Il
donne les raisons de celte nouvelle traduction dans sa
lettre à Sophronius, t. xxvill, col. 1 l"2i : la nécessité de
donner à la controverse contre les Juifs une base solide,
ceux-ci rejetant les prophéties tirées des Septante comme
ne rendant pas l'original hébreu : ensuite la science
des Écritures qui n'est véritable que si elle est établie
sur les originaux. Autant que nous en pouvons juger
par le peu de fragments qui nous en restent, Aquila lui
servit surtout de guide pour le sens de l'original;
quant à la forme, il s'éloigna le moins possible des tra-
ductions connues jusqu'alors. Dans celte dernière
œuvre, il s'écarte quelquefois de la version qu'il avait
cru devoir donner de l'hébreu dans d'autres ouvrages;
ainsi Ps. H, il traduit adorate pure au lieu de apprelien-
dile disciplinant des autres versions et de adorate ji-
lium comme lui-même avait traduit précédemment; il
répond même aux critiques que ce changement avait
excitées, dans son Apologie contre Rufin, i, 19, t. xxm,
col. 413; en cela il s'accommode encore à la traduction
d'Aquila qui lisait y.ï-x^Or^x-i IvO.e-xtm;, ou à Symmaque
noo7/.v//:,aïTe xa6apw; ; de même dans le titre du Psaume
xxn, il traduit d'après la plupart des manuscrits : pro
cerva malulina, tandis que dans le commentaire d'Osée,
1. II. t. xxv. col. 867, il veut qu'on lise pro cervo ma-
tutino, qu'il applique au Christ. Le nom du maître de
chœur, menasseah, est souvent traduit par viclori, tan-
disque dans le commentaire sur Daniel, Prsefat., t. xxv,
col. 492, il le rend par pro Victoria ; Ps. xi,v. il rendeic
domibus eburneis, ce qu'il traduit de templo denlium
dans son Epist., i xv ad Principiam, t. xxn, col. 633;
Ps. i.vi, il traduit pone lacrymam meam in conspecln
luo, bien qu'il traduise ailleurs le même mot no'd par
outre, ce qui est exact; Ps. i.xtll. il traduit sitivit te,
bien qu'il prétende qu'il faille traduire titi dans I'Épl-
tre xxxv. ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 851);
Ps. xci, 1, Saddai est traduit in umbraculo Domini,
tandis que le même mot est rendu Deum sublime»!
dans Ezéchiel et robuslum el sufficientem ad omuia
dans VEpisl., xxv, ad Marcellam, t. xxn, col. 129;
Ps. Cil, 7, il traduit quasi bubo, et dans VEpisl.
ad Sunniam et Fretelam, t. xxit, col. 859, quasi no-
cluo ; Ps. civ, il traduit pelra refugium hericiis, et dans
la même lettre refugium cuniculi. — D'une façon
plus générale on doit lui reprocher d'admettre trop
facilement et trop universellement l'intégrité absolue du
texte hébreu, de V/iebraica veritas, ainsi qu'il s'exprime
après Origène et Eusèbe : de la sorte il essaie de donner
un sens à des passages altérés qui en sont dépourvus,
comme Ps. vin. 3; exu, 5-7; il traduit dans les titres
canticum psalmi ou psalmus cantici, les deux appel-
lations cantique, psaume, juxtaposées comme variantes
et entre lesquelles il faut seulement choisir: il se
montre trop attaché aux traductions de ses devanciers,
surtout du juif Aquila, rendant comme lui les termes
techniques d'une façon étrange, miktam, ode, par
i David) humble el parfait, sélah, pause après les stro-
phes, par toujours, joint à la phrase précédente; beau-
coup de noms propres sont traités comme noms com-
muns, et rendant la phrase inintelligible : tels dans le
Ps. LXvin, Saddai, nom divin, Basan, montagne, deve-
nus robuslissimus et pinguis; il faut enfin lui reprocher
trop de servilité dans la traduction des modes du
verbe hébreu, qu'il fait trop régulièrement correspondre
au prétérit ou au futur latins, et trop d'uniformité dans
celle des particules : ainsi Ps. ex, il traduit -.percussit in
die furoris sui reges, judicabit in genlibus, implecil
valles, perculiel caput in terra milita; or c'est une
description dont tous les verbes devraient être au
même temps; Ps. cxvi il traduit : credidi propice
quod locutus sum, au lieu de confîdebam etiain quando
diiebam, etc. Toutefois ces critiques de détail ne doi-
vent pas faire méconnaître la valeur de cette version
du Psautier : elle est au contraire ce qu'il v a de plus
parlait comme traduction dans l'œuvre du saint doc-
teur, et même les commentateurs protestants comme
Delitzsch en font le plus juste éloge : ils en ont même
donné plusieurs éditions critiques, telles que celle de
P. de Lagarde, Leipzig, 1874, et celle de Tischendorf,
Baer et Frz. Delitzsch. Leipzig, 1874. On la trouve au^si
dans les éditions des œuvres de saint Jérôme. Voir le
tableau col. 831-832.
XI. Casokicité. — Le Psautier est l'un des livres
bibliques dont la canonicilé est la plus facile à établir :
ou plus exactement, elle n'a jamais été contestée, hor-
mis par les sectes qui ont nié la divinité- de l'Ancien
Testament, gnostiques ou manichéens. Les Psaumes
sont cités, exactement comme lesautres textes bibliques,
dans I Machabées. iv, 24: vu. 16; dans II Machabées '
on rappelle qu'ils eurent place dans la bibliothèque
sacrée de Néhémie, II, 13. Dans le prologue de l'Ecclé-
siastique, ils sont évidemment compris dans les for-
mules générales qui désignent les hagiographes ou troi-
sième partie de la Bible hébraïque, ti Xoiità tûv pi8).s(ov,
.t sont explicitement désignés dans le précis historique
qui forme la seconde partie de ce livre, xi.vn. 8-11. Le
831 PSAUMES (LIVRE DES) 832
TABLEAU COMPARÉ DU PS. IV DANS LES REVISIONS ET TRADUCTION DE SAINT JÉRÔME
PSALTERIUM ROMANUM.
1 .M U PSAI MUS DAVID . CAHTU UM.
i .mu invocaiem te, exaudisti me, Deus
justifia: meœ :
in tribulatione dilatasti mihi.
Mi ierere mibi, Domine, etexaudi ora-
Uonem meam.
Filii bonainum, usquequo gravi corde?
utquid diligitis vanitatem, et quae-
ritis mendacium?
DIAPSALMA.
Scitote quoniam magnificavit Dorninus
sanctum suura :
Dorninus exaudiet me, dum clama-
vero ad eum.
Iraseimihi, et nolite peccare :
qua dicitîs in cordibus vestris, el
in cubUibus vestris corapungimini.
Dl M'SAl.MA.
Sacriticate sacrificium justitîse,
et sperate in Domino.
Multi diennl: quïs oslendit nobis bona?
signatum est super nos lumen vultue
lui, Domine.
i ii disti Isetitiam in corde meo :
a tempore frumenti, vini et olei sui
multijilieati sunt.
In pace in idipsum obdormiam et rc-
quiescam :
quoniam tu Domine singulariter in
spe constituisti me.
PSALTERIUM GALLICANUM.
IN F.NBU, IN CARMINinuS, FSALMUS !>.«
Cum invocarem, exaudivit ine Deus
justitiaï i j i » ■ : * • :
in tribulatione dilatasti mihi.
Miserere mei : etexaudi orationem me
[a m
Filii hominum, usquequo gravi corde?
£r ut quid X diligitis vanitatem, ■== et J
(]ii.:'i'itis mendacium?
Dl IPSALMA.
tH Et J sci'.ote quoniam mirificavit Do-
minus sanctum suum :
Dorninus exaudiet -3 nie % cum cla-
mavero ad eum.
Jrascimini et nolite peccare :
\r quœ + dicitîs in cordibus vestris,
in cubilibus vestris compungimini.
DIAPSALMA.
s icrih ate saci ilivum justiti -•:.
et sperate in Domino :
multi dicunt : quis ostendit nobis bona ?
Signatum est super nos lumen vultus lui.
Domine.
dedisti la-titiam in corde meo.
A fructu fruinenli et vini -^- et olei J soi :
multiplicati sont
In pace in idipsam, dormiam et requies-
cam :
Quoniam tu. Domine, singulariter in spe
constituisti me.
PSALTERIUM Jl'XTA
HEBRAIl AM VERITATEM.
TORl [X PSALHIS, CAKTICUJJ DAVID.
in\ ocantem me exaudi me, Deus justitiœ
niea-.
in tribulatione dilatasti mihi :
Miserere mei: et exaudi orationem ineam.
Filii viri, usquequo inclyti mei îgnorni-
niuse
diligitis vanitatem quaerentes menda-
cium 7
SEMPER
Et cugnoscite quoniam mirabilem reddi-
dit Dorninus sanctum suum,
Dorninus exaudiet cum clamavero ad
OUI II.
Irasciinini et nolite peecare,
loquimini in cordibus vestris super
cubilia vestra et tacete.
SEMPER.
Sacriticate sacriûcium jusiiri;i-
et lidite in Domino.
Multi dicunt : quîsoslendil nobis bonum ?
leva super nos lucem vultui tuï, Do-
mine.
Dedisli ketitiam in corde meu
a tempore Erumentum et vinum eoi mu
multiplicata "sunt,
In pace simul requiescam el dormiam,
quia tu. Domine, specialiler securum
habitare fecisti me.
I
La première colonne comprend le Ps. IV d'après la première recension hier on 3 mienne ; la seconde le même psaume avec
les astérisques et obèles : les astérisques indiquent les passages que Théodotion avait déjà ajoutés aux Septante, et qui étaient
dan-, l'hébreu sans être dans leur version; saint Jérôme les lui emprunte et les traduit : par exemple Et scitote. Les obèles
marquent au contraire les mots qui n'ont pas d'équivalent dans l'hébreu, tels que utquid, et olei, etc., el qu'il veut faire
con idérer comme non existants. Son texte de la seconde colonne correspond assez généralement au texte officiel de
Vulgate, avec cette notable différence qu'on en a éliminé les astérisques et les obèles dont il écrivait : Qua diligenter emen-
davi, cum cura et diligentia transcribantur. Notet sibi unusqutsque veljacentem tineam vel signa nui mu tia : idest vel
obelos, vel astericos. Aussi cette suppression des signes critiques donne-t-elle parfois un sens tout opposé .1 celui qu'avait en
vue le traducteur. — La troisième est celle du Psalterium ad Sopkronium ou juxta tiebraicam veritatem, où il faut
remarquer la traduction des versets : Filii viri, loquimini in cordibus, leva super nos, a tempore [quo] frumentum, etc.
qui -"Ht très exactement rendus. Toutefois les termes techniques ne sont pas exactement traduits, le maître de chœur par
victori, pause par semper. Sain! Jérôme a emprunté ces traductions au Juif Aquila.
Il livre des Rois (Samuel), xx, 2-31, avait déjà cité comme
davidique le Psaume wui, en ajoutant, xxi, 2, que
0 l'Esprit de Jéhovah avait parlé par (lui] et que sa parole
étail sur [ses] lèvres; » 1 Par., xvi, 8-36, fait aussi au
Psautier un long emprunt, mais sans formuler aucune
appréciation sur sa canonicité ; il témoigne seule-
ment qu'ils servaient aux usages lilurejqm -s, il l'ai,,
vil, <>, \\i\, :iO : voir de même I Ksil.. m, 10, el 11 Esd.,
XII, ï~*. Les Psaumes ne suscitèrent jamais chez les
Juifs les doutes qui parurent au sujet du Cantique, de
l'Kcclésiaste, elc. (Juant au Nouveau Testament, il ne
lui que continuer la tradition juive : il cite souvent le
Psautier comme portion de l'Écriture et fait même du
nom des Psaumes une désignation pour tous les hagio-
graphes: in prophetis et psalmis, Luc, xxiv, 44; outre
les références générales il en est de spéciales pour.Notre-
Seigneur, Lue., w, \-i ; les Apôtres, saint Pierre, Act., i,
20; \tii, 33; saiul Jean, 11, 17; saint Paul, Rom.,
tu, 13-18; llek, 1, 5 -11, '.' etc. ; elles forment plus de
la moitié îles citations de l'Ancien Testament par le
Nouveau.
Aussi figurent-ils dans tous les canons, môme les plus
exclusifs, de l'antiquité : Meliton de Sardes, Origène,
Athanase; ils se trouvent dans lous les Pères, cités ou
commentés; ils forment le livre de l'Aucun Testament
qu'on rencontre le plus fré [uemment, el vie beaucoup,
dans les manuscrits : ils se trouvent dans toutes les listes
conciliaires et versions officielles <Ie l'Orient, de l'Église
grecque et de L'Église latine.
(juant aux attaque dont ils ont été L'objet, elles ve-
naient de L'erreur générale des- gnostiques ou des mani-
chéens qui attribuaient L'Ancien Testament en entier an
mauvais principe, créateur de la matière : c'est pourquoi
ce livre fut rejeté par eux el les nicolaites. Philastre,
H aères., t. xti, col. 1199, 1259. Théodore de Mopsueste
l'ut condamne, non parce qu'il les rejetait, mais parce
qu'il avait exagéré, au sujet de quelques Psaumes, le
littéralisme historique tloni il faisait profession dans
l'explication de l'Écriture, spécialement îles Ps. xxit
(xxij et xly 1x1 vil : Codicem in prophetiam Psalmorum
conscripsil, omnes de l>t>utn/,> prsedicliones abnegan-
tem... Judaicte impietatis viaticum. Mansi, Gollect.
concil., 17b\i, t. ix, 212-213. Cf. Patr, gr.t t. i.xvi.
col. 30, 32, 111-112, (ili.î. C'est pourquoi il fut con-
damne par le I Ve Concile de Constanlinople.
Quant aux Psaumes que Paul de Samosate remplaça
par des cantiques à sa louante personnelle, Ce pour
quoi il fut condamné par Le concile d'Antioche, c'étaient
833
PSAUMES (LIVRE DES)
83 i
des compositions liturgiques récentes, et non le Psau-
tier biblique. Eusèbe, //. i'., vil, 30, I. xx. col. 71:!.
Dans les deux derniers documents conciliaires où l'on
affirme la canonicité de ce livre, il faut noter la diffé-
rence des désignations : le concile de Florence l'avait
désigné sous le titre de Psalterium Davidis; le Con-
cile de Trente, reproduisant le même décret, changea
ces termes en Psalterium davidicum pour éviter de
paraître enseigner l'origine exclusivement davidique du
Psautier, tandis qu'il ne voulait qu'attester sa canoni-
cité. Theiner, Acla conc. Tridentini, t. i, p. "il sq.
XII. Usage des Psaumes dans l'Église chrétienne.
— Pour les chrétiens, le fait indubitable que les
Psaumes ont été souvent récités par le Christ donne à
ce recueil une autorité et un attrait tout particuliers :
dans sa passion il répète le Deus Deus meus, quare de-
reliquisli nie ? et In nianus tuas commendo spiritum
meum, comme des textes absolument familiers, et pres-
que les seules paroles qu'il ait prononcées alors. Dans
sa vie mortelle, bien que l'Évangile n'en dise rien, il dut
souvent réciter les Psaumes à la synagogue, au temple,
aux fêtes juives, aux pèlerinages à Jérusalem : la narration
de la Cène nous atteste qu'il y dit YBallel de la Pique.
11 s'en sert également dans 6a prédication : le Beali
mites quoniam i}>si possidebunt terrant, est l'abrégé du
Psaume XXXVII ixxxvi); le Dixit Dominas lui sert pour
enseigner sa libation divine; le Lapident quem reproba-
verunt xdificantes, pour expliquer l'aveuglement des
Juifs; le Benedictus qui venit in noniine Domini est ap-
pliqué par Jésus au retour final des Juifs; le Ex ore in-
fanlittttt et lactentium perfecisti laudem estappliquéà
son entrée triomphale dans le Tempje. Ce livre, outre
l'inspiration qui lui est commune avec tous les livres
de l'Écriture, a donc eu le privilège d'être la prière I
même du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout [
imprégné des sentiments mêmes de Jésus : il n'y a que
l'Oraison dominicale à quoi on puisse te comparer.
On comprend que l'Eglise ait toujours cherché à s'unir
aux pensées et aux affections du Fils de Dieu, en re- j
prenant le Psautier comme sa principale prière. Elle
ne faisait du reste que continuer les usages de la Sy- i
nagogue. Voir Hali.el, t. ni, col. 401. Saint Paul l'y
engage instamment dans deux textes parallèles ; Loquen-
tes vobismelipsis ia psalmis et hymnis et canticis \
spiritualibus, caillantes et psallentes m cordibus ve-
stris Domino, Eph., v, 19; Commonentes vosmetipsos
psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratta
cantantes in cordibus vestris l>eo. Col., m, 16. Les i
psalmi idiotici ou de composition nouvelle et chré-
tienne, s'y ajoutent peu à peu sans les supplanter, ce
sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint |
Paul, et il semble même qu'on en retrouve des rest> -
dans ses propres Épitres. 1 Tim., m, 16. Terlullien, De
anima, ix, t. n, col. 660, rapporte qu'une visionnaire de
son temps dont la mention revient plusieurs fois dans
ses écrits, avait des extases en correspondance avec les
différentes parties de l'office public, selon que Scripturœ
leguntur, psalmi cantintur, allocutiones proferunlur
aut petitiones delegantur. On constate que le peuple
prit peu à peu une place, mais généralement modérée,
à cette récitation, comme autrefois chez les Juifs où il
répondait : Quoniam in œtermtm niisericordia ejus;
les séries de Psaumes étaient interrompues par quel-
que oraison, ou par quelque antienne ou doxologie
dite en chœur par l'assistance : dans certaines Églises
comme Alexandrie et Rome, c'était une récitation plutôt
qu'un chant; ailleurs c'était un chant véritable. De
même la fréquence des versets redits en chœur était
différente : soit après plusieurs Psaumes, soit après
chaque Psaume, soit même après quelques versets.
Saint Basile emploie le terme de kvti<J/3XXsiv i > > r, > o i : .
« psalmodier en deux chœurs, o Epist., ccvn, t. xxxn.
col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie ana-
DICT. DE LA BIBLE.
logue à Milan. Notre office romain a conservé la trace
de ces trois récitations. L'alternance proprement dite,
par deux chœurs qui lisent successivement tous les
versets du Psaume, introduite d'abord en Syrie, passa
de là dans les églises d'Egypte, de Palestine, ;i \ntioche.
.' Césarée, puis à Constantinople et en Occident, en
commençant par Milan, au temps de saint Ambroise.
Voir Batiffol, Histoire du Bréviaire mutant, 1893,
I'. .\ 23; Bâumer, Histoire du Lieertaire, trad. liiron.
1905, t. i, p. 1-2, 52, 170-178, etc.; (Bacuez,) Du saint-
Paris. 1872, p. 89-109.
Outre la récitation liturgique, l'Église, surtout dans
les siècles passés, a toujours grandement estimé, con-
seillé et pratiqué la récitation privée des Psaumes,
divins par leur origine, sanctifiés par l'usage qu en
ont fait les saints de l'Ancien et .lu Nouveau Testament,
et surtout Jésus-Christ. Les lettres de saint Jérôme
nous montrent l'usage qu'on en faisait de son temps ;
dans son Eloge de sainte Paule, t. xxn, col. 891-896. on
voit combien les paroles de ce livre lui étaient fami-
lières; elle s'en servait contre ses ennemis, ou pour
s'exciter à la patience, pour se consoler dans la tristesse,
pour se résigner à la perte des siens, pour exciter ses
désirs du ciel; « elle désira même d'apprendre l'hébreu,
ajoute-t-il; et elle vint tellement à bout de son dessein
qu'elle chantait les Psaumes en hébreu, et le parlait
sans y rien mêler de la prononciation latine ; ce que nous
voyons faire à sa sainte fille Eustochium. « Dans une
lettre de sainte Paule à Marcelle, t. xxn, col. 191. elle
écrit elle-même qu'« à Bethléhemil n'y a que le chant
des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur gui-
dant sa charrue chante Alléluia, le moissonneur tempère
le poids du jour et la chaleur par léchant des Psaumes;
le vigneron en taillant la vigne a toujours à la bouche
quelque passage de David. » Saint Jérôme, écrivant à
La 'la, Epist., evi, t. xxn, col. 871, 876, pour l'éducation
de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre
aucune chanson profane, mais seulement à chanter les
Psaumes; » il veut ensuite que ■ au lieu de perles et
de riches habits, elle recherche surtout les livres sacrés,
non pas les mieux enluminés, mais les plus corrects et
les plus capables de fortifier la foi; qu'elle commence
par apprendre le Psautier, qu'elle prenne plaisir à le
chanter. » Ecrivant à Gaudentius sur l'éducation à
donner à Pacatule, il conseille de même : - Quand elle
sera parvenue à sa septième année, qu'elle apprenne le
Psautier par cœur. Epist., i.xxii. t. xxn, col. 1098. Saint
Ambroise, à la même époque, écrit « qu'un homme
sensé aurait honte de terminer sa journée sans la réci-
tation de quelque Psaume; ■> qu'a l'église, « alors
qu'il est si difficile d'obtenir le silence pendant qu'on
lit les leçons ou que l'orateur essaye de parler, dès
qu'on lit le Psaume, cela suffit à faire faire le silence ;
la psalmodie réunit les âmes divisées, réconcilie dans la
discorde, apaise le ressentiment des offenses... On
éprouve autant de joie à le chanter qu'on gagne de
science à l'apprendre. » S. Ambroise, In Psalnt. i,
t. XIV, col. 9-25. Ce chant des Psaumes à Milan avait
produit une profonde impression sur saint Augustin
qui parait même se reprocher le plaisir qu'il prenait a
entendre les mélodies ambrosiennes. Confess., IX, VI-
vn ; X, xxxui, t. xxxn. col. 769-770, 800. Son peuple
d'Hippone était si familier avec le texte sacré qu'il ne
voulut pas corriger les fautes de latin de la version
africaine, et qu'il laissait chanter dans le Psaume cxxxn-
cxxxi ; Super ipsum autem floriet (pour efflorebit)
sancti/icatiomea. De doctr. cliristiana, xiu, t. xxxiv,
col. 45. L'Église orientale les avait en égale estime et
en faisait le même usage : le texte cité de saint Ambroise
est pris presque textuellement à saint Basile, liomil. in
Ps. i, t. xxix, col. 212, qui ajoute : « Les plus indolents,
c'est-à-dire le grand nombre, ne retiennent même pas
un verset des prophètes ou des Epitres; mais pour les
V. - 27
835
PSAUMES (LIVRE DES
836
Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu'en pu-
blic... Et quel enseignement n'y puisons-nous pas.' l'éclat
de la force, la perfection de la justice, la gravité de la
tempérance, la plénitude de la prudence, la manière de
faire pénitence, la juste mesure de la patience, en un
mot toute sorte de biens! Là se trouve une théologie
parfaite, là les prophéties de l'Incarnation, la menace
du jugement, l'espérance de la résurrection, la crainte
du supplice, les promesses de la gloire, la révélation
des mystères; tout cela se trouve dans le Psautier
comme dans un grand et riche trésor. » Théodoret
s'exprime d'une façon presque identique dans la Pré-
face de son Commentaire, t. lxxx, col. 857.
XIII. Beauté des psaumes. — Sur ce fond tout divin
fourni par l'inspiration, les auteurs du Psautier ont jeté
leur empreinte personnelle, en le colorant des pensées et
des sentiments les plus variés, les plus grandioses, les
plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-à-
vis de Dieu, de son temple, de sa cité sainte, de sa loi.
de sa création tout entière, du peuple croyant, des na-
tions infidèles, des destinées du monde ou des néces-
de "l'existence personnelle. A la vérité la langui'
hébraïque manque de nuances et de précision, elle n'a
pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les
Psaumes n'y perdent guère, ils y prennent plutôt un
caractère d'universalité et de grandeur hiératique d'où
esl banni tout ce qui est trop personnel et trop étroit,
trop étudié ou trop mesquin : leur rythme poétique,
grâce au parallélisme, à la strophe ou au refrain, est
facilement traduisihle en nos langues; et leur grandeur
un peu abstraite permet à chacun de se les appliquer.
Rien n'estbeau, dansaucune poésie, comme les Psaumes
messianiques: Quarefremuerunt génies ;Deusjudicium
tuUm régi da; Misericordias Do mini; Dixit Dominas;
rien n'est grandiose, recueilli, coloré et varié' comme
tes tableaux delà création dans Domine Do m in us noster;
l'.œli enarrant; Benedic anima mea Domino; comme
li peinture de la tempête dans le Diligam te el Afferte
Domino : rien n'est sublime C( ne la description des
attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea];
1 i Domine probasti me. Aucun sanctuaire vénéré, aucune
des cités du monde antique n'ont été aimés, (liantes.
glorifiés et pleures connue Jérusalem et son temple dans
hs Psaumes religieux, triomphants, prophétiques ou
élégiaques des lils de Coré et d'Asaph. Le groupe des
cantiques graduels (Psaumes du pèlerinage hiérosoly-
mitain) est plein de vie, de fraîcheur, de naïveté, d'en-
thousiasme; il donne les leçons de la foi la plus sublime
et de la morale la plus pure dans une langue simple,
aniline et populaire. Aucune littérature n'a rien qui
égale l" sentimenl de confusion, de repentir, de con-
fiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la
pénitence, surtout du Miserere et du De profundis.
Aucune histoire n'a été décrite comme celle d'Israël
dans les trois Psaumes Confitemini, VExtirgat, Vin
exilti Israël; nulle religion, nulle philosophie n'a été'
exposée, développée, méditée et surtout exaltée el aimée
COI e la loi de Jéhovah dans les Psaumes moraux
i, cxix(cxvin). Aussi saint Jérôme pouvait-il écrire dans
sa Prmf. m Chronic, Euseb., t. xxvn, col. 36 : Quid
Psallerio canorius, quod in morem nostri Flacci
et Grssci Pindari nunc iambocurrit, mine alcaïco per-
sont ii ' L'impression de beauté el de perfection ne
fuit que s'accroître si l'on met en face des Psaumes
hébreux les chants religieux dos autres peuples. Védas.
;, textes 'égyptiens, psaumes assyriens et babylo-
niens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le
plus de nu. Psaumes; mais malgré' des coïncidences
partielles, ils en demeurent encore séparés de toute la
distance de l'humain au divin.
XIV. Lies PSAUMES ET LA RÉCITATION DU BRÉVIAIRE. —
La récitation du Bréviaire crée pour ceux qui y sont
obligés, une véritable nécessité de faire une étude spé-
ciale du Psautier, non seulement abstraite et purement
scientifique, mais encore au point de vue spécial de la
prière. Il est incontestable que cette étude doit être
basée sur le sens littéral des Psaumes, sur celui que
le Saint-Esprit, leur auteur, avait en vue, et non pas
sur les accommodations plus ou moins arbitraires par
lesquelles on s'évite la peine de pénétrer jusqu'au sens
véritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans
son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave,
s'il s'appliquait aux ecclésiastiques, qu'il ne t'était
adressé aux fidèles qu'il instruisait : Vosi/ni ab infanlia
ad extremam usque seneclutem Psalmum hune médi-
tantes, nihil aliud i/nain verba lenetis, i/uid aliud
facitis nisi quod thesauro absconso nssidelis, el obsi-
gnalam crumenam circumfertist In Ps. r.xi., t. i.v,
col. 127. Ce serait négliger une portion obligatoire et
principale de la science ecclésiastique, se priver du
vrai moyen de dire pieusement le saint office el re-
noncer à une véritable jouissance spirituelle non
moins qu'intellectuelle. Il faut donc, principalement
pour le nombre relativement restreint des Psaumes de
récitation fréquente, s'appliquer à en saisir le sens
général, en bien préciser le sujet, à voir surtout l'en-
chaînement des idées, souvent indiqué par la division
slrophique, sans vouloir néanmoins que dans la réci-
tation l'esprit s'attache à tous les détails, ni même
exiger que dans l'étude préalable il en approfondisse
d'abord toutes les obscurités. Il ne faut pas quitter ee
sens littéral dans la récitation des Psaumes théologiques,
messianiques ou moraux du Bréviaire. Les premiers
nous dépeignent Dieu, ses attributs, la création, son
gouvernement du monde, sa justice, sa miséricorde et
finalement sa royauté établie sur toute création; les
secondes décrivent les gloires du Messie, ses souffrances,
son empire sur les nations et nous servent à nous unir
à la prière qu'il fait lui-même à son Pore : Postula a
me, et John libi génies hxredilalem luam. Ps. u, 8.
('.'est l'accomplissement de sa loi en nous et dans les
autres que nous devons demander dans les Psaumes
moraux, tels que i, xvm (xix), el surtout cxwn (CXIïJ,
dont chaque verset est comme la répétition des de-
mandes du Pater , adveniat regnum tuum, fiai voluntas
tua. Les Psaumes relatifs à Jérusalem, à sa beauté, à
ses épreuves, à ses triomphes, aux destinées glorieuses
que Dieu lui réserve, sont des chants prophétiques qui
ont bien plus en vue l'Église et la Jérusalem céleste que
celle de la terre, comme on le voit dans i.xxxvi (lxxxvii),
i \\i iXXMi, cxi.YII, et autres. Les Psaumes historiques,
outre leur sens propre déjà suffisant à remplir l'esprit
des pensées de la puissance, de la bonté- et de la justice
de Dieu dans la conduite d'Israël, ont en outre un sens
figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul
el de toute l'Écriture : Hier omn'm in figura conlinge-
t'inil Mis. 1 Cor.. X, II. C'est ainsi que le Psaume CX
(Ah relatif à la sortie l'Egypte, aux prodiges du désert,
à la pro Igation de la loi. à la prise de possession de
la Palestine est appliqué par les Pères à la conversion
des nations, à leur évangélisation, aux biens ipirituels
■ le I Église, à la patrie céleste; ou peut (lire i|ii
est l'interprétation générale dans saint Augustin, Enar-
rationes in Psalm., t. x.xxvn, col. 67-1966. Enfin les
Psaumes personnels sont rédiges de telle sorte que leur
texte, loin d'être particulier à David, à Asaph ou aux
autres Psalmistes. trouve une application facile a la vie
intime de chacun des lecteurs, comme déjà on en voit
la remarque dans saint Athanase, Epis t. ad Mon film..
t. xxvn, col. lit : Hoc sibi proprium el admiran
habet quod eliam uniuscujutque animi moins eorum-
que niutationes et catligaliones m se descripta et
expressa contineat... singulis in rébus quisque repe-
net divina cantica ad nos noslrosque motus »no-
mumque temperationes accommodala. Les Psaumes
de la pénitence, ceux de recours à Dieu au milieu des
837
PSAUMES (LIVRE DES) ■ PSAUMES APOCRYPHES
838
adversités, de la maladie, de la vieillesse, des ennemis,
des calomniateurs, conviennent merveilleusement à
l'Église, et à chaque âme chrétienne au milieu de ses
épreuves intérieures et extérieures, péchés, tentations,
misères de toute espèce. On trouvera le développement
de ces indications 'générales dans Bacuez, Du Saint-
Office, 1872, p. 101-109; Vigoureux, Manuel biblique,
1895, t. Il, p. 358-363; Bossuet. Explication du Psautier;
dom Martianay, Les Psaumes de David et les Canti-
ques de l'Église, 1705 ; Wolter, Psallile sapienler, 1883 ;
Ad. Schulle, Die Psalmen des Breviers, 1907.
XV. Bibliographie. — Une bibliographie des com-
mentaires du Psautier absolument complète serait d'une
longueur démesurée et sans utilité : nous nous borne-
rons à mentionner les principaux, et pour l'époque des
Pères d'après l'ordre de la patrologie de ïligne. —
I" S. llippolyte. In Psahnos fragmenta, t. x, col. 606-
616, 71 1-724 ; Origène, Selecla in Psalmos, t. xn,
col. 1013-1685; Homiliœ in Ps. xxxvi-xxxviua Ru/ino
translata: et excerpla e calenis, t. su, col. 1319-1410;
t. xvil, col. 105-149; ce sont les restes de ses TÔgiot,
ayjcù.ia et des 6u,iMat sur les Psaumes; y joindre pour
le texte et sa critique Field, Origenis fieœaplorum quse
supersunt, t. Il, p. 83-305. Eusèbe et Théodoret chez
les Grecs, saint Hilaire et saint Ambroise chez les la-
lius, lui ont beaucoup emprunté, c'est ce qui explique
les coïncidences verbales qu'on remarque entre eux.
Eusèbe de Césarée, Commanlarii in Psalmos, t. xxui.
col. 65-1396; t. xxiv, col. 9-76; commentaire utile et
nullement influencé par les idées un peu ariennes de
l'auteur; S. Athanase, Epist. ad Marcellinitm, t. XXVII,
col. 11-46; Exégèses in Psalmos, t. xxvn, col. 55-546;
De tilulis Psalmorum t. xxvn, col. 645-1344; l'une
et l'autre d'authenticité douteuse; Fragments, t. xxvn,
col. 547-590; S. Basile. Homiliœ in Psalmos, t. xxix,
col. 209-494; Pseudo-Basile, t. xxx, col. 72-117; Apolli-
naire de Laodicée. Explication métrique des Psaumes
(fragments), t. xxxn, col. 1313-1537; S. Didyme
d'Alexandrie, Explication des Psaumes (fragments),
t. xxxix, col. 1155-1615; Astérius d'Amasa, Homélies
sur les Psaumes v-vil, t. xi., col. 389-4-77; S. Grégoire
de Xysse, Sur le titre des Psaumes, t. xliv, 431-608;
Explication du Psaume VI (fragment), ibid., col. 608-
615; S. Jean Chrysostome, Exposilio Psalmorum (in-
complet), long, moral, mais aussi littéral et intéres-
sant, t. I.v, col. 35-528; fragments douteux, t. I.v,
col. 527-784; Théodore de Mopsuesle. Fragments, t. i.xm,
col. 641-696; (voir aussi Batiffol, Lillér. grecque, 1897,
p. 297); S. Cyrille d'Alexandrie, Interpret. Psalmo-
rum (incomplet), t. i.xix, col. 699-1274; Théodoret,
Interprétatif Psalm., t. lxxx, col. 857-1998 (le plus
utile parmi les Grecs, avec S. Jean Chrysostome) ; Euthy-
mius de Zigabène, Comment., t. cxxvm, col. 41-1326
(formé d'extraits). — Pères latins : S. Hilaire de Poi-
tiers, Traclalus su/ter Psalmos : c'est Origène abrégé,
traduit et expurgé, t. ix, col. 231-908; S. Ambroise,
Enarraliones in xil Psalmos (xxxv-xl, mil, xi.v. xlvh,
xi.vin, lxi) et Exposilio in Psalmum CXVIII, t. xiv.
col. 921-1526; oratoire et moral plus qu'exégétique;
S. Jérôme, Liber Psalmorum juxta hebraicam verita-
tem, traduction soignée sur l'héhreu, t. xxvm, col. 1123-
1210; Excerpla de Psalterio ou Enchiridion beaii Hie-
ronymi in Psalmos, publié par D. Morin sous le titre :
Sancti Hieroni/mi, qui deperdili hactenus pulabantur,
commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895; Epistolse,
t. xxn, col. 433, 441, 837; Breviarium in Psalmos (non
authentique, mais formé d'extraits de saint Jérôme et au-
tres); t. xxvi, col. 821-1300, trop allégorique; S. Augus-
tin, Enarraliones in 'Psalmos, t. xxxvn, col. 67-1966
(commentaire moral et pieux ; tout y est appliqué au
Christ et à lame chrétienne ; il est abrégé dans S. Pros-
per d'Aquitaine, Exposilio in Psalmos c-CL, t. u,
col. 277-426); Cassiodore. Exposilio in Psalterium,
t. i.xx, col. 9-1056; et un inconnu placé parmi les œu-
vres de Rulin, /// i \w Davidis Psalmos commenta-
ntes, t. xxi, col. 641-960.
2" Le moyen âge ne lit que compiler les Pères,
quelques-uns en y ajoutant des raisonnements et une
forme scolastique : on peut citer Bède, Richard de
saint Victor, Pierre Lombard, saint Thomas d'Aquin,
saint Bonaventure, Denys le Chartreux ; Nicolas de Lyre
et Paul de Burgos emploient des sources rabbiniques,
l'un dans ses Pcstillœ, l'autre dans ses Additiones édi-
tées avec la Biblia Maxima cum glossadu moyen âge; on
y retrouve assez confusément les opinions de Raschi de
Troyes, Aben-Ezra et David Ivimchi. Sur les commen-
taires des Juirs médiévaux, voir Frz. Belitzsch, Kom
mentar itber den Psalter, Einleitung, 1873, t. i. p. 41,
ou la traduction anglaise, 1895, t. i, p. 55-57.
3» Auteurs modernes : M. A. Flaminius : In librum
Psalmorum brevis exposilio, 1515; Jansenius Ganda-
vensis. Paraphrasis in omîtes Psalmos Davidicos, 1614;
Génébrard, Commentarius in Psalmos, 15S2 (dans
Migne, Cursus Complétas S. Sacrée, t. xiv-xv); Agelli,
Commentarius in Psalmos, 1611; Bellarmin, Expla-
nalio in Psalmos, 1611 ; Simon de Muis, Commentarius
in omîtes Psalmos cum versione nova, 1630; Bossuet,
Liber Psalmorum, 1690; Notse ni Psalmos cum disser-
latione in libr. Psalmorum, Lyon, 1691 : Supplenda in
Psalmos, Paris, 1693; Bellenger, Liber Psalmorum
cum nolis, 1629; Reinke, Die Messianischen Psalmen,
ls.57 1858; Scheg, Die Psalmen, 1857; Rohling Die
Psalmen, 1871 ; Thalhofer, Erklârung der Psalmen,
Ratisbonne, 1880; Wolter, Psallile Sapienler, 1883;
Bickell, Der Psalter, 1884; Van Steenkiste, Commenta-
rius in librum Psalmorum, 1870; Patrizi, Cenlo Salmi
tradotli e commenlati, 1875; Minocchi, 1 Salmi tra-
duit! dal tesloebraicii, 1895, 1902; H. Laurens, Job et les
Psaumes, 1839; de la Jugie, Les Psaumes d'après l'hé-
breu, 1863; Mabire, Les Psaumes traduits en français
sur le texte hébreu 1868; Le Ilir. Les Psaumes traduits
de l'hébreu en lalin avec la Vulgate en regard, Paris,
1876; Lesêlre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883; Fil-
lion, Les Psaumes commentés selon la Vulgate et
l'hébreu, 1893; Crampon, Le livre des Psaumes, tra-
duction sur la Vulgate avec sommaire cl notes, 18S9;
Flument, Les Psaumes traduits en français sur le
texte hébreu, 1898; Boulleret, Les Psaumes selon la
Vulgate, leur véritable sens littéral, Paris, 1902; M.-B.
d'Eyragues, Les Psaumes traduits de l'hébreu, Paris,
1904; E. Pannier, Les Psaumes d'après l'hébreu en
double traduction, Lille, 1908. — Hétérodoxes : ' Ro-
senmûller, Scholia in Psalmos, 1821-1823; 'de Wette,
Commenlar itber die Psalmen, 4e édit., 1836; "Hitzig,
die Psalmen, 1863-1865; ' Hengstenberg, Commenlar
itber die Psalmen, 2e édit., 1815-1852; ' Ewald, Poel.
Bûcher des A. B., t. u, 2' édit., 18S6; "Hupfeld-Riehm,
Die Psalmen, 4» édit., 1867-71 : ' Hupfeld-Nowack, 188S;
' Graetz, Kritischer Kommenlar :u den Psalmen, 1882-
1883; 'Frz. Delitzsch, Commentai' itber den Psalter,
1859-60; 5e édit., 1894 ; Delitzsch-Bolton, traduction an-
glaise revisée, 1895; ' Duhm, Die Psalmen erkl&rl, 1899,
dans le Hantl-Commeitlardc Marti; 'Perowne, TheBook
of Psalms, 1878; ' Cheyne, The Booh of Psalms, 1888.
E. Pannier.
2. PSAUMES APOCRYPHES. Indépendamment des
« Psaumes de Salomon » (col. 840), on connaît quel-
ques Psaumes apocryphes, peu importants. — Leur
forme extérieure est en gros celle des Psaumes cano-
niques. Les pensées sont pour la plupart littéralement
extraites des écrits, poéliques et autres, de l'Ancien
Testament. Le plus connu de ces Psaumes est celui
qu'on trouve dans les Septante, à la lin du Psautier,
sous le chiffre eu. D'après son titre, il aurait été
composé par David, en souvenir de son combat avec
Goliath; il est désigné en propres termes, dans
839
PSAUMES APOCRYPHES — PSAUMES DE SALOMON
S40
ce même titre, comme étant o en dehors du nombre »
canonique de [50. C'est une composition pseudépigra-
phique, qui a pour base les récits de I Reg., xvi, 1-13,
et xvn, 1-51. Saint Jérôme l'a traduit en latin, comme
les autres Psaumes-. Voir Pialterium jvxta Hebrseos
Hieronymi, édit. de Lagarde, 1874, p. 151-152; F. Vi-
gouroux. \la)i,<el biblique, t. n, 12« édit., p. 476. Le
traduit en français, d'après la version syriaque
publiée par M. Wright; elle contient quelques variantes
intéressantes.
1. J'étais le plus jeune parmi mes Frères
Et un jeune homme dans la maison de mon père.
2. Je faisais paître le troupeau de mon père ;
Et je trouvais un lion et un loup.
Et je les tuais et les mellais en pièces.
3. Mes mains firent une flûte.
Et mes doigts fabriquèrent une liarpe.
4. Qui me montrera mon Seigneur'.'
Lui, mon Seigneur, est devenu mon Dieu.
h. Il m'a envoyé son ange,
El ii m'a pris derrière le troupeau de mon père.
Et il m'a oint avec l'huile d'onction.
6. Mes frères, eux, beaux et grands,
Le Seigneur ne s'est pas complu en eux.
7. El je sortis à la rencontre du Philistin,
Et il me maudit par ses idoles.
8. Mais je tirai son ëpée et je coupai sa tète,
Et j'enlevai l'opprobre des fils d'Israël.
En ISS". M. William Wright, a publié dans les
Proceedings nf the Society of Biblicnl Archeolcgy,
l. IX, Londres, p. 2Ô6-2G6, en syriaque et en anglais,
sans noies ni commentaires, cinq Psaumes apo-
cryphe*, découverts par lui dans un manuscrit sy-
riaque qui appartient actuellement à la bibliothèque
de l'Université île Cambridge. A pari le premier, qui
reproduit le Ps. eu, ces poèmes étaient inédits
jusqu'ici. Le manuscrit dont ils font partie contient
un traité de théologie composé par un évêque nommé
K lie. qui vivait \ers l'an 920 de notre ère. Voir Asse-
mani, Bibliolheca orientalis, l. ni. 1™ part., p. 258-
259. Ce manuscrit ne remonte guère au delà de 1700.
(In trouve aussi les cinq Psaumes dans un autre ma-
nuscrit du même ouvrage, daté de l'an 1703, conservé
à la bibliothèque du Vatican. Les titres qui les précé-
dent en attribuent trois a David, y compris le premier
d'entre eux, qui correspond au Ps. CLi; un autre est
attribué à Èzéchias; un autre est sans nom d'auteur.
Le second a pour titre : « Prière d'Ézéchias, lorsque
ses ennemis l'entouraient; » ce qui fait évidemmenl
allusion à la situation décrite IV Reg., xvm, 13-xi.x,
37, et 1s., xxxvi, I xxxvn, 38. — Le troisième mor-
ceau de la petite collection syriaque publiée par
M. Wright mériterait une attention spéciale. Il est
intitulé : <i Lorsque le peuple reçut de Cyrus la per-
mission de renlrer dans la patrie. » Quoique l'auteur
parle à la première personne du singulier, c'esl moins
en son n personnel qu'en celui de loute la nation
théocratique qu'il présente a Dieu sa prière et sa re-
connaissance anticipée. Voir W. Baethgen, Die l'sal-
nien ûbersetzt und erklârl, Goettingue, 1892, p. iv et
xi.. C'est le plu* long de tous; il a vingt versets. — Du
quatrième, il est dit qu'il fui o prononcé' par David,
n il lut!. lit avec le lion el le loup qui ravissaient
une brebis de son troupeau. » Il n'est pas sans
quelque couleur locale :
1. (i Dieu, G Dieu, \ iens i mon si urs.
sauve-moi :
Délh re m n ■ e l'égoi jeur.
'l. Irai-je dans Le - i des ris par la gueule du lion?
i mi Le I uj ci nvni'.i-i-ii «le confusion?
3. N ' i ilr tendu des embûches au
i) Dupeau de mon i ère,
Et mi- 'i ■ .m .i.- mon père?
détruire ma
'i. Vie pitié, Seigneur, et sauve ton saint de la destruction
Afin qu'il puisse racontei tes louanges dans tous les temps
Et qu'il puisse louer ton grand nom,
5. Lorsque tu l'auras délivre des mains (lu lion destructeur et
lilu loup furieux,
Et lorsque tu auras délivré ma captivité des mains des
[bètes fauves.
G. Vite, ô mon Seigneur, envoie devant moi un sauveur,
Et tire-moi de la fosse béante qui m'emprisonne dans 9es
[profondeurs.
Le cinquième Psaume fut e prononcé par David
lorsqu'il rendit grâces à Dieu, qui l'avait délivré du lion
et du loup, après qu'il les eut tués l'un et l'autre. " Il
a également six versets, g Toutes les nations sont in-
vitées à louer Dieu de celle délivrance.
Personne ne s'est prononcé, que nous sachions. sur
l'origine de ces cinq Psaumes. Le premier, ou cli* des
Seplante, est assez ancien. Les quatre autres pour-
raient bien appartenir à la même époque. .Mais les do
cumenls l'ont défaut, de sorte qu'on ne saurait se pro-
noncer avec certitude à ce sujet.
.1. A. l'ahricius a publié depuis longtemps déjà, en
latin, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli,
2 édit., Hambourg, 1822, t. I, p. 21-2G. deux pré-
tendus « Psaumes d'Adam et d'Eve, i Ces deux pièces
ne méritent guère d'attirer l'attention. Connue le dit
Fabricius, loc. cit., p. 21, c'est un franciscain portugais,
nommé Amodéus, né en 1474, qui les mit par écrit
à la suite d'une révélation qui les lui aurait fait con-
naître. Le premier aurait élé composé par Adam, après
la création d'Eve. C'esl un développement assez peu
poétique de Gen., n, 20h-24; on y annonce indirecte-
ment la naissance du Messie : l'ilius ex maire sine
I (ihe orielur. — Le second Psaume, qui est censé avoir
été composé après la chule de nos premiers parents,
contient sept strophes assez étendues, qui sont allri-
buées, la première à Adam, la seconde à Eve, la troi-
sième, la quatrième el la cinquième à Adam, la sixième
et la septième a K\e. Il exprime les gémissements, les
sentiments de contrition, la demande de pardon d'Adam
et d'Eve après leur péché. Chaque strophe ci lenci
par les mots : Adonai, Domine Ueus, secundum ma-
gnant misericordiam tuant miserere met.
L. FlLLION.
3. PSAUMES Dï SALOMON, livre apocryphe. -
[.Histoire etnature de ce recueil. — Ondésigne par
ce litre i'IV/W: XoXou.£>vto;) une petite collection
pseudépigraphique, qui se compose de dix-huil
poèmes rédigés sous la forme des anciens psaumes, et
qui compte parmi les meilleurs el les plus intéressants
des écrits apocryphes de l'Ancien Testament.
I» Transmission et éditions principales. — L'anti-
quité chrétienne mentionne 1res rarement ce psautier.
Non* ne possédons même .i son sujet aucune citation
patristique bien nette. Lactance, De divin, instil., iv,
12. t. vi, col. 'i 7 '. » . signale un lexio emprunté, dit il, à
la « 10" ode île Salomon, ornais qui n'a rien de commun
avec le contenu de nos dix-huit psaumes, quoiqu'il
semble supposer leur existence. Pins lard, il esl ques-
tion de ce recueil d'une manière directe dans plusieurs
lisles du canon chrétien de l'Ancien Testament. On le
i.iiili' tantôt parmi les Anlilegomena, avec les livres ,i, s
Machabées, la Sagesse de Salomon, l'Ecclésiastique,
Judith, Tobie, etc. — c'est le cas pour la Synopsis |du
pseililo-Alhanase, I. XXVIII, col. 150, el pour la Slicho-
mélrie île Xiri phore, cf. Kicephori opuscula, éd. de
Béer, Leipzig, 1888, p. 13',, et T. Zahn, Gescliichte de»
neutestamenll. Kanons, t. II, p. 200 — tantôt parmi
les apocryphes proprement dits, avec le livre d'HénOCh,
Le Testament des douze patriarches, les apocalypses de
Moïse et d'Esdras, etc. Il est encore cité par deux
ailleurs byzantins du xn,? siècle. Zonaras et T. Balsa-
mon. Voir Beverngius, Pandectse canonum, Oxford,
1672, t. i. p. 181, 'i'. Zahn, loc. cil., I. Il, p. 288-289.
8il
PSAUMES DE SALOMON
842
Au moyen âge, il n'est plus question des Psaumes
de Salomon, et ils avaient depuis longtemps disparu.
lorsqu'ils furent publiés à Lyon, en 1626, d'après un
manuscrit de la bibliothèque de Vienne (Autriche), par
le jésuite J.-L. de la Cerda, comme appendice à son
ouvrage intitulé Adversaria sucra, in-4». Voir 0. von
Gebhardt, dans Texte und Untersuchungen, t. xiii,
fasc. 2, p. 1-8.
il ne faut pas confondre ces psaumes avec les cinq
o odes de Salomon o que l'auteur de l'écrit gnostique
PislisSophia a incorporées à son livre; elles en diffèrent
essentiellement, Voir Migne, Dictionnaire des Apo-
cry)>lws, t. i, col. 955-108; Munter, Odœ gnoslicse. Salo-
moni tributm, Havnia?, 1812; A. llarnack, Texte und
Untersuchungen, t. vu, fasc. 2, 1891, p. 35-49; Ryle e1
James, Psalms of the Pharisees,p. xxm-xxvn, 155-161.
Pendant très longtemps, on se contenta de l'édition
princeps, fort imparfaite, publiée par le P. de la Cerda.
Celle de J. A. Fabricius, imprimée en 1713 dans le
Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, in-8<>,l.i,
p. 914-999, n'en est guère que la reproduction tant soit
peu modifiée. La première édition scientifique fut celle
de A. Ililgenfeld, dans la Zeitschrift fur wissenschafl-
liche Théologie, 1S6S, p. 13H68, et dans le Messias
Judseorum, in-8», Leipzig, 18(39. p. 1-38; niais elle
n'avait pareillement pour base que le manuscrit de
Vienne, corrigé d'après des conjectures plus ou moins
heureuses. Il en estde même des deux suivantes, pré' pa-
rées l'uneparun savant catholique, Ephrem Geiger, Der
Psaller Salomo's herausgegeben und erklârt, in-8",
Augsbourg, 1871, l'autre parle DrFrilzsche, Libriapocry-
pln Veteris Testamenti grstee, in-8". Leipzig, 1871. p. 569-
589. Une sixième édition, par M. B. Pick, fut insérée
dans la Presbyterian Revieio, 1883, p. 775-812. Celle
de MM. 11. E. Ryle et M. R. James. H'imoi 2o).0[1(5vto;,
Psalms of the Pharisees, commonly called tlie Psalms
of Solomon, in-8°, Cambridge, 1891, réalise de sérieux
progrès, car ces savants purent collationner des
manuscrits nouvellement découverts. Vint ensuite celle
du D1 H. B. Swete, dans l'ouvrage OUI Testament in
Greek according to the Septuagint, in- 12, t. m, Cam-
bridge, 1894; 2« édit., IS99. p. 765-787. La plus récente
et la meilleure de toutes est celle d'O. von Gebhardt,
qui a pu consulter des rnanuscrils plus nombreux en-
core, découverts au mont Albos el ailleurs; elle a paru
dans les Texte und Untersuchungen zur Geschichte
der altchristlichen Lileralur, t. xm. fasc. 2, in-8°,
Leipzig, 1895, sous ce titre : Die Psalmen Salomo's :um
ersten Maie mit der Benulzung der Alhoshandschrif-
ten und des Codex Casanatensis herausgegeben.
2° Forme extérieure. — La forme de ces poèmes est
celle des Psaumes canoniques qu'ils imitent très osten-
siblement sous le rapport des pensées, du style, de la
marche générale, du genre poétique. Ils font de fréquents
emprunts à l'Ancien Testament, dont on entend sans
cesse l'écho en les lisant. Ils sont très simples pour la
plupart et dépourvus d'originalité, d'élévation poétique,
bien qu'ils renferment quelques beaux passages. Voir
en particulier les psaumes n, îv, vm, xi, xvn et xvm.
Chacun d'eux a son unité, son plan bien déterminé. Le
parallélisme des membres, ce trait essentiel de la poésie
hébraïque, y apparaît avec toutes ses nuances; mais il
manque habituellement d'art et de distinction. — A part
le 1". les Psaumes de Salomon sont munis, comme
ceux du Psautier canonique, d'une petite inscription,
qui en désigne l'auteur prétendu, T<fi Io),io|tùv; le
sujet. « sur Jérusalem, contre la langue de ceux qui
sont opposés à la loi, » etc.; la nature, « psaume »,
« parmi les hymnes », « dithyrambe ». On trouve
aussi, xvu, 31, et xvm. 10, l'expression 8(ai|/ot).u.a, qui,
dans les Septante, représente l'hébreu sèlal* et qui
parait supposer un emploi liturgique des Psaumes
qu'elle accompagne.
II. Sujet. — Le sujet traité par ces poèmes a aussi
une grande analogie, dans son ensemble, avec celui
des psaumes et des cantiques de l'Ancien Testament.
Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le sommaire de
quelques-uns d'entre eux : i, Les péchés et le châti-
ment de Jérusalem; m. Contraste entre les justes et
les pécheurs; iv, Description et dénonciation de ceux
qui cherchent à plaire aux hommes; x, Les avantages
de l'affliction; xi, La future restauration d'Israël. Mais
il a beaucoup moins d'ampleur, puisque les psaumes
de Salomon sont si peu nombreux et qu'ils furent
composés, on le dira bientôt, en vue d'une situation
très particulière. Ils reviennent souvent sur les humi-
liations inlligées au peuple juif, d'abord par un parti
national puissant, anti-théocratique, puis par un en-
vahisseur étranger qui a profané la capitale et le
temple, et ils présentent ces humiliations, ces souf-
frances, comme autant de châtiments que les JuiTs
avaient -mérités par leurs fautes. Sous ce rapport, ce
petit psautier rappelle les psaumes canoniques de
l'époque chaldéenne, qui décrivent les peines analogues
endurées par Israël. A ce thème douloureux est ratta-
ché l'éloge perpétuel de la justice divine, et aussi
l'ardent désir de voir luire des jours meilleurs, et sur-
tout de voir apparaître bientôt le libérateur promis, le
Messie. Voir Wittichen, Die Idée îles Reiches Golles,
in-8", 1872, p. 155-160.
Le portrait que les psaumes xvu et xvm tracent du
rédempteur si impatiemment attendu a pour type les
oracles messianiques de l'Ancien Testament. Il est re-
marquable en maint endroit, et dépasse tout ce que
la littérature apocryphe contient en ce sens. Cf. A. Bous-
set, Die jùdisclie Apokalyptik, in-8", Berlin, 1903,
p. 12-13; H. Monnier, La Mission historique de Jésus,
in-8», Paris, 1906, p. 20-21. Le Christ, le Xpitmi; Kûptoç,
comme il est nommé à deux reprises, xvu, 36, et xvm.
8, cf. Luc, II, 11, appartiendra à la race de David; il
exercera lui-même la royauté, non-seulement sur les
Juifs, mais aussi sur les païens, qu'il soumettra a son
sceptre très puissant. 11 viendra à l'époque tixée par
Dieu, xvu, 23, à la suite de grandes épreuves subies
parla nation choisie, qu'il délivrera et purifiera de ses
péchés. 11 rétablira les douze tribus d'Israël et rendra à
Jérusalem sa gloire antique, matériellement et spiri-
tuellement, xvu, 26-29. Il régnera par la sainteté et la
justice, par la sagesse et par la puissance. Néanmoins,
dans ces psaumes comme au livre d'Hénoch. le Messie
ne semble pas être autre chose qu'un délégué de Dieu,
bien qu'il porte lui-même le titre de « Seigneur ». Il y
a donc une différence étonnante entre ce Christ et celui
des Évangiles, qui, d'ailleurs, sauve les hommes avant
tout par ses souffrances et par sa mort. — Relativement
à Dieu, nos psaumes enseignent le plus pur mono-
théisme. Par rapport à la vie future, leur doctrine ne
s'écarte pas non plus de l'Ancien Testament : les justes
seront à jamais récompensés ; les méchants subiront
une damnation sans fin.
Il existe une ressemblance frappante, assez souvent
littérale, entre le Ps. xi de Salomon et le chap. v de
la prophétie de Baruch. Plusieurs critiques protestants,
entre autres MM. Ryle et James, The Psaller of the
Pharisees, p. lxxii-i.xxvii. et le Dr Sehiirer, Gesch. des
jûdisch. Volkes, 3«édit.,t. m, p. 15i, en ont conclu que
celui qu'ils nomment le pseudo-Baruch aurait connu et
utilisé notre recueil. C'est le contraire qui aurait plu-
tôt eu lieu, puisque le livre de Baruch est authen-
tique et contemporain des oracles de Jérémie. Voir Ba-
ruch, t. i, col. 1475; E. Geiger, Der Psalter Salomo's,
p. 137. D'ailleurs, la ressemblance en question est de
telle nature, qu'elle peut s'expliquer fort bien aussi par
une source commune, c'est-à-dire quelque prière litur-
gique déjà en usage à l'époque de Baruch.
III. Date de la composition. — Elle était, il y a cin-
843
PSAUMES DE SALOMON
844
quante ans, l'objet de discussions 1res \ives. — l^D'assez
nombreuses critiques, à la suite du Dr 11. Ewald,
Geschichte des Volkes Israël, in-8°, t. iv, 3« édit.j
p. 392, attribuaient aui psaumes de Salomon une date
assez reculée, celle du règne d'Àntioehus Èpiphane
(175-164 avant J.-C), et plus spécialement celle de la
prise de Jérusalem par ce prince (170 avant J.-C.)-
Naguère encore, le lir W. Frankenberg essayait de faire
revivre ce sentiment dans l'ouvrage Die Dalierung
der Psalmen Salomo's, in-8», Giessen, 1896. Comme
preuves, ces savants allèguent en particulier les pas-
sages i, 8; n, 3; vin. 12-14, où il est parlé de la profa-
nation du temple et de l'autel. Mais c'est à plusieurs
reprises que des profanations de ce genre eurent lieu,
à des époques très diverses, et rien n'indique que l'au-
teur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se ratta-
chent à la persécution d'Antioehus Épipliane. Tout au
contraire, il affirme que l'oppresseur sacrilège d'Israël
était venu des extrémités de l'Occident, vu. 26, taudis
qu'Antioctius venait seulement de la Syrie pour atta-
quer les Juifs.
2» D'autres, notamment Frz. Delitzsch, Commentai-
ùber den Psalter, in-8", t. n, Leipzig. 1860. p. 381, et
T. ki-iin, Geschichte Jesu von Nazara, t. i. p. 243, retar-
daient la composition de ces poèmes jusqu'à l'époque
d'Hérode I.- Grand (40 avant J.-C. - 1 après J.-C), éga-
lement sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince
serait « l'homme étranger » qui s'éleva contre la dynas-
tie alors régnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c'est
là une erreur manifeste d'interprétation, car <■ l'homme
étranger ne diffère pas en réalité de l'envahisseur en-
nemi qui s'empara de Jérusalem el emmena captifs des
Juift nombreux, XVII, 14; cequi ne fut nullement lecas
pour Hérode.
3° L'historien juif 11. Grà'tz, Geschichte der Juden,
2' édit.. in-8", Leipzig, I. [Il, p. 439, est allé encore
plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon
aurait eu une origine chrétienne, et en lui assignanl
comme date la lin du premier Siècle de notre ère; mais
il a abandonné son opinion dans une édition subsé-
quente. On ne trouve pas, dans ce recueil, le pins léger
détail qui trahisse la main d'un chrétien.
1 (in admet très généralement aujourd'hui que Ces
dix-huit poèmes furent composés \ers l'époque de la
conquête de Jérusalem par Pompée, en lil! avant J.-C;
quelques-uns peut-être avant celle claie, quelques
autres certainement un peu plus tard, de sorte que les
années so in avant notre ère peuvent servir de date
une. En effet, les psaumes de Salomon, surtout
les psaumes 11, VIII, XVII, supposent la situation sui-
vante : Les Juifs sont gouvernés par des rois qui
n'appartiennent pas a la race de David, XVII, 5-8, mais
à une famille d'usurpateurs qui se sont emparés de la
couronne, et sous l'administration desquels toute la
nation est tombée dans le péché, xvii, 7-8, '21-J-J. Le
Seigneur renversera ces mauvais primes; contre eux
s est levé un envahisseur étranger, qui, conduit par
Dieu, est arrivé des extrémités de la terre, déclarant
la guerre à Jérusalem et à la Dation entière, xvn. 8-9.
Les Chefs du peuple seilll allés ;iu devant de lui et II],
ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu'il y est
entré- ci ie dans sa propre maison, vin, 15-20. Après
s'être installé dans la cité, il a massacré de nombreux
habitants, choisis parmi les plus distingués, el il a
renversé les remparts au moyen du bélier. Cf. n. I,
20; vin, 21 -Ji. L'autel du Seigneur n'a pas été épargné,
n, 2. En grand nombre aussi, d'autres citoyens ont été
emmenés captifs dans l'Occident, el les princes ont su In
d'odieux outrages. Cf. n. 6; vin, 24; xvn, 13-14. .Mais
finalement, le « dragon » qui avail humilié Jérusalem
•"' péri lui-même, 'gé pn de t itagnes d Egypte,
on cadavre a été pi ivé d'une sépulture
honorable, n, 29-31. Or, il est évidenl que ces diffé-
rentes circonstances se rapportent à la conquête de
Jérusalem par Pompée, puisa sa mort (48 avant J.-C).
« Les princes qui s'étaient arrogé la royauté en Israël
et s'étaient emparés du trône de David sont les llas-
monéens, qui. depuis Aristobule Ier. portaient le titre
de rois... L'homme étranger, qui frappe avec force,
que Dieu a amené de l'extrémité de la terre, c'esl
Pompée. Les princes qui vont au devant de lui sont
Aristobule II et Ilyrcan II. Les partisans de ce dernier
ouvrirent les portes de la ville à Pompée, qui s'empara
ensuite par la force du reste de la ville, où le parti
d'Aristobule s'était retranché. Tous les autres détails,
la violation du temple par les envahisseurs, le massacre
des citoyens les plus distingués, la déportation des
prisonniers en Occident, et aussi des princes pour
qu'ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces
détails correspondent à l'histoire, i telle qu'elle nous
est racontée par les anciens historiens. Schûrer, Ge-
schichte des Volkes Israël, 3e édit., t. m, p. 152, Le
transport des prisonniers en Occident, xvn, 11. est
une circonstance décisive en cet endroit, car, indé-
pendamment de la conquête de Jérusalem par Titus,
de laquelle il ne saurait être question ici, ce trait ne
convient à aucune autre victoire que celle de Pompée.
S'il restait encore quelque doute, il disparait dés qu'on
lit les détails relatifs à la mort du conquérant, tant ils
correspondent à la lettre avec ce que les anciens au-
teurs nous racontent de la lin tragique de Pompée,
Cf. Plutarque, Pompée, i.xxx, l-l2; Tacite, llisl.. v, 0;
Slrahon. XVI, n, 40; Dion Cassius, xxxvii), 13-16;
xlh, 3-8. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., I, vi-xix;
Ant. jud., XIV, ni-iv; Orose, Hist. Eccl., vi, 6,
t. XXXI, col. 1004-1U06. En somme, les Psaumes de
Salomon appartiennent à la dernière période de l'his-
toire de l'ancienne théocratie.
IV. Esprit religieux m; ces psaumes. — Il con-
firme ce que nous venons de dire au sujet de l'époque
de leur composition. Il ne diffère pas de l'esprit légal,
de l'esprit pharisaïque, tel qu'il esl si bien décrit dans
nos évangiles ; aussi, plusieurs des savants qui s. àonl
occupés de ce petit psautier, entre autres MM. liyle
el .lames, l'ont-ils nommé .1^17 justement 1 le psautier
des pharisiens. » Voir col. 841. L'ne très grande impor-
tance y est attachée aux œuvres légales; c'est d'elles
que nos psaumes font dépendre la résurrection pour
la vie éternelle ou l'éternelle condamnation. La Sixato-
o-vvr, TipoirayaiTo)/, c'esl -à-dire l'accomplissement inté-
gral, non pas précisément de la loi divine, mais sur-
tout des prescriptions pharisaïques, \ apparaît comme
le comble de la vertu. Cf. m, 16; IX, 9; XIV, I. etc.
Les psaumes de Salomon doivent donc avoir été com-
posés dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors
de toutes ses forces contre le part: sadducéen. Ces
cantiques insistent fréquemment sur le contraste qui
existe entre les hommes pieux el les impies, les justes
el les pécheurs. .Mais ces dénominations sonl prises
surtout par le dehors : les hommes pieux sonl eux
qui pratiquent les observances pharisaïques ; par contre,
les impies ne diffèrent pas des Sadducéens. — On voil
par ces détails que les Psaumes de Salomon sont d'une
grande utilité- pour nous faire connaître le judaïs
de l'époque à laquelle ils appartiennent, avec ses senti
ments religieux, son idéal politique et historique.
Y. Auteur. — Le P. de la Cerda, qui admettait
l'authenticité du titre général, 0 Psaumes de Salomon 0,
el des titres spéciaux placés en tête de la plupart de
ces dix-huit cantiques, u de Salomon », etc., croyait
que Salomon était réellement l'auteur de noire collec-
tion. Mais cette opinion, condamnée, nous venons de
le voir, par le contenu même des poème-, fut réfutée
île bonne heure et ne trouva dès lors aucun défenseur
sérieux. Cf. Iluet, Detnonstr. evangel., iv; Neumann,
De PsaUerio Salomonis, Wittemberg Hi.s7. Aucun dé-
845
PSAUMES DE SALOMON
PTOLEMEE
846
lail, en effet, ne contient la plus petite allusion au roi
Salomon. Peut-être est-ce le passage III Reg., iv, 32.
qui a suggéré le litre « Psaumes de Salomon », ajouté,
non par l'auteur lui-même, mais plus tard, sans qu'on
puisse dire à quelle époque.
On ne peut désigner l'auteur que d'une manière
générale et approximative. Il était Juif, et appartenait
au parti pharisaïque, comme le montre sa vive polé-
mique contre les Sadducéens, qui sont pour lui les
« pécheurs » et les « transgresseurs » par excellence,
tandis que les Pharisiens sont les « justes » et les
« saints ». Ces derniers ont actuellement le dessous;
leurs adversaires sont au pouvoir, riches et puissants.
L'auteur devait habiter la Palestine, comme le prou-
vera ce que nous dirons de la langue primitive du
livre; peut-être résidait-il à Jérusalem. Son œuvre
donne de lui une idée favorable; c'était un homme
pieux et humble. —On a parlé quelquefois de plusieurs
auteurs distincts pour le recueil; mais cela ne parait
pas vraisemblable, tant il y a d'unité dans le style,
l'esprit et les pensées.
VI. La langue primitive. — On ne possède aujour-
d'hui les Psaumes de Salomon qu'en grec. Auraient-ils
été composés dans cet idiome? C'est ce qu'a pensé
l'évêque d'Avranches, Huet, loc. cil. D'autres encore
l'ont fait à sa suite, spécialement le Dr Hilgenfeld, qui
leur attribue l'Egypte comme lieu d'origine. Mais il est,
aujourd'hui, à peu près seul de son avis, car c'est
presque à l'unanimité que les critiques déclarent qu'on
doit regarder l'hébreu, ou tout au moins l'araméen, et
non pas le grec, comme la langue originale. Le grec
actuel n'est donc qu'une traduction faite de très bonne
heure, ou pour les Juifs dispersés, ou pour les chré-
tiens, qui ne tardèrent pas à prendre goût à ces
psaumes. A l'appui de ce fait, on allègue plusieurs
preuves, « avec une entière certitude, » dit le Dr Kit tel,
dans Kautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen
des Allen Testant., 1 -ri bourg, 1899, t. Il, p. 129. La pre-
mière, qui est aussi la meilleure, consiste dans un
coloris hébraïque très sensible. Le texte grec est telle-
ment « maladroit », Reuss, Gescli. der heiligen Schrif-
ten tirs A. T., 1881, p. 052, que l'hébreu apparaît pour
ainsi dire à travers. Les temps des verbes, en parti-
culier, ont été souvent mal rendus; parfois, dans un
seul et même passage, on trouve de curieux exemples
de crlte confusion. Cf. ni, 8-10; xvn, 8-12, etc. Il faut
recourir à l'hypothèse d'un texte hébreu primitif pour
expliquer ces difficultés. Voir Rjle et James, loc. cit.,
p. i.xxvh-lxxxvh. 11 n'est donc pas possible de dire
que nous avons ici de simples hébraïsmes, comme
dans la traduction des Septante. En second lieu, nous
avons vu que ces Psaumes avaient très probablement
une destination liturgique ; or, ce fait suppose aussi que
1 hébreu était la langue originale.
VII. BIBLIOGRAPHIE. — Indépendamment des ouvra-
ges cités ci-dessus, voir G. .lanonski, Disserlalio de
psalterio Salomouis, Wittemberg, 1687; Migne, Dic-
tionnaire des apocryphes, t. i, Paris, 1856, col. 939-
956; .1. Langen, Dos Judenlhum in Palàstina zur Zeit
Chrisli, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 64-70;
A. Carrière, De Psalterio Salomonis, in-8", Strasbourg.
1870; A. Hilgenfeld, Die Psalmen Salomo's deutsclt
ûbersetzt und au f s neueuntersucht, dans la Zeitschrift
fur wissenschaftliche Théologie, 1871, p. 343-418;
M. Vernes, Histoire des Idées messianiques, in-8°, Pa-
ris, 1874, p. 121-135;.!. YVellhausen, Die Pharisâerund
die Sadducàer, in-8», Greifsvvalden, 1871, p. 112-164;
J. Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, in-8»,
Toulouse, 1887; B. Stade, Geschichte des Yolkes Israël,
in-8", Berlin, 1888, t. n, p. 148-456; 0. Zôekler, Die Apo-
kryphen des Alleu Teslamcnls, in-8', Munich, 1891,
p. 105-420 ; AV. J. Deane. Pseudepigrapha, in-S», Londres,
1891 ; E. Jacquier. Les Psaumes de Salomon, dans l'Uni-
versité catholique, Lyon, 1893, p. xu, 91-131,251-275;
Frankenberg, Die Datierung der Psalmen Salomo's,
ein Beilrag zur jûdischen Geschichte, in-8", Giessen,
1S96; Lévi, Les dix-huit Bénédictions et les Psaumes
de Salomon, dans la Revue des Éludes juives, t. XXXII,
Paris, 1S96, p. 161-178; W. Baldensperger, Die mes-
sianisch-apokalyptischen Hoffnungen des Judentums.
3e édit., Strasbourg, 1903, in-8», p. 33-36; E. Kautzsch,
Die Apokryphen und Pseudepigraphen des AltenTes-
taments... ûbersetzt und herausgeg eben, gr. in-8», Fri-
bourg-en-Brisgau, 1900, p. 127-118. L. Fillion.
PTOLÉMAÏDE (IIto^cu:), ville de Palestine,
nommée primitivement Aecho et plus tard Saint-Jean
d'Acre. Elle reçut le nom de Ptolémaïde quand elle
tomba en la possession de Ptolémée II Philadelphe,
roi d'Egypte, et elle figure sous ce nom dans l'histoire
des Maciiabées, I Mach.. v, 15, 22, 55; x, 1, 39, 56, 57,
58, 60; xi, 22, 2, 4; xu, 45, 48; xm, 12; Il Mach.,
xiii, 21, 25, et dans l'histoire de saint Paul. Act.. xxi,
7. Voir Accho, t. i, col. 108.
PTOLÉMAÏDtENS igrec ; oi T\icjUu.ynX;: Vulgate :
Ptolemenses), habitants de Ptolémaïde. I Mach., xu, 48;
II Mach., xm, 25. Voir Ptolémaïde.
PTOLÉMÉE (grec : n-oXeu,oaoç ; Vulgate ; Ptole-
mseits), nom de plusieurs rois d'Egypte et de quatre au-
tres personnages dans l'Écriture. Le nom grec signifie
« belliqueux ». de ir-ôXEjio;, pour 7céXeu.oç, « guerre ». On
le trouve déjà dans l'Iliade, iv, 228. Voir W. Pape,
Worterbuch der gi ieehischen Eigennamen, 3L' édit..
t. n, p. 1271. Il devint surtout célèbre à partir d'Alexan-
dre le Grand, lorsqu'un de ses généraux, Ptolémée, lils
de Lagus, eut fondé la dynastie à laquelle on a donné
son nom.
1» Dynastie. — Les Ptolémées ou Lagides ont régné
en Egypte depuis la mort d'Alexandre le Grand jusqu'à
la mort de Cléopàtre VI (323-30 avant J.-C), où ce
royaume devint province impériale romaine.
TARLEAL' CHRONOLOGIQUE HE LA DYNASTIE lus LAGIDES
Ptolémée I" Soter, satrape
Ptolémée I" Soter, roi
Ptolémée II Philadelphe.
Ptolémée III Évergète I"
Ptolé e IV Philo] .G. . -
PI i née V Épiphane
Ptolémée VI Philométor
Ptolémée VII Évergète II
Ptolémée VIII Eupator -Mort en
Ptolémée IX Néos Philopator .... Mort en
Ptolémée X Philométor Soter II (Lathyros) . .
Ptolémée XI Alexandre I" Philométor . . . .
Ptolémée X Soter II restauré
Ptolémée XII Alexandre II
Ptolémée XIII Philopator H Philadelphe Néi -
Dionysos (Aulètès)
Bérénice IV
Ptolémée XIII restauré
Cléopàtre VI Philopator
Ptolémée XIV Philopator
Ptolémée XV Philopator
Ptolémée XVI (César Philopator Philomi toi i. .
L'Egypte devient province impériale sous Au-
guste
Avant J.-C.
323-305
305-285
285-247
247-222
222-20 'i
204-181
1S1-14G
170-117
1 if.
130
116-108
[08-88
88-80
80 f?)
Sl-a8
58-55
55-51
51-30
51-47
17-44
44-30
30
2- Bibliographie des Lagides. — J. Vaillant, Hisloria
Ptolemseorum JEgypti regum ad /idem numismalum
accommodata, Amsterdam, 1701; I. J. Champollion-
Figeac, Annales des Lagides, 2 in-8", Paris. 1819-1820;
A.-.I. Letronne, Recherches pour servir à l'h stoire de
l'Egypte pendant lu domination des Grecs et des Ro-
mains, in-8°, Paris, 1823; s. Sharpe, History ofEgypt
underthe Ptolemiesand the Romans, 25 édit., Londres,
PTOLÉMÉE Ie' SOTER — PTOLÉMÉE II PHILADELPHE
847
1852; H. St. Poole. The Ptolemies Kings of Egypt
[Catalogue of the Greek Coinsofthe BHtish Muséum),
in-8», Londres, 1SS2; Max L. Strack, Die Dynastie der
Ptolemâet; in-8", Berlin, IS'.IT: .1. X. Svoronos, Ta
Nvkvict ro3 KpÔTOu; tûv riTO>.EU.ai«v, 3 parties en
1 in-f", Athènes, 1904; Paul M. Meyer, Bas Heerwesen
der Plolemâer vnd Borner in Aegypten,in-8f>, Leipzig,
1900; .1. I'- Mahaffy, The Empire of the Ptolemies,
in-16, Londres, 1895; Ed., .4 Bistory of Egi/pt under
the Ptolemies (t. iv de l'Bislory of Egypt de Flinders
, in-16, Londres. 1899; E. H. Bevan, The Bouse
,,f Seleucus, 2 in-8", Londres, 1902; E. W. Budge,
Bistory of Egypt front the end of the neolilhic perlod
h. Un- death of Cleopatra, t. vil et vm,in-16, Londres,
KIOI ; A. Bouché Leclèrq, Histoire des Lagides,^ in-8»,
Paris, 1903-1904; L. Niese, Geschichte der griechischen
moi makedonischen Staaten seit der Schlaclit bei
Chaeronea, 3 in-8», Gotha, 1893-1903.
F. Vicotnorx.
1. PTOLÉMÉE l" SOTER, roi d'Egypte, n'est pas
nommé par son nom dans l'Écriture, mais Daniel pré-
dit son avènement flig. 186). Il était né vers 367 et.
848
- Monnaie de Plolémée i ' Soter.
Trie de Ptolémée Soter, à droite. Devant le nez une contre-marque.
ii. nTOÀEMAIor UAEIAEQï. Aigle debout sur un foudre, à
gauche; dans le champ, à gauche, un monogramme.
quoiqu'il passât pour fils de Lagus, Macédonien de hunne
naissance, on le croyait fils de Philippe, roi de Macé-
doine, et d'Arsinoé. Q. Curce, IV. vm. 22; Pausanias, I
vi. 2. Il jouit d'une grande faveur auprès d'Alexandre le
( ii .nul et il se distingua par sa bravoure et par son habi-
leté militaire, dans la campagne de l'Inde en particulier.
Arrien, Anab., [V, Ji. 25, 29; \. 13, 23, 24; VI, ô. Il;
Q. Curce, VIII. x, 21 ; xm, 13-27; xiv, 15; IX, v, 21. Après
la mort d'Alexandre, il réussit à se faire donner le gou-
vernement de l'Egypte et chercha aussitôt à a établir
solidement son pouvoir (323).
Il gouverna au nom de Philippe Arrhidée, frère idiot
d Alexandre le (ira ml, el d'Alexandre IV, fils d'Alexandre
le Grand ilig. 187), de 323 a 310 avant .I.-C, et au nom
d'Alexandre IV seul de 316 à 311; il fut indépendant de 31 I
à 305, mais sans prendre le titre de roi, ce qu'il ne fil
qu'en 305. Daniel avait prédit, xi. 3 i. qu'il serait un de
(aux qui recevraient une part de l'empire d'Alexandre,
quand cet empire serait divisé aux quatre vents du ciel.
« Le roi du sud | c'est ainsi qu'est désigné le roi d'Egypte)
deviendra fort, mais un de ses princes , Seleucus) sera
fort aussi et celui-ci (Seleucus; deviendra plus fort
que lui (Ptolémée I"r) et il aura la domination. » xi, 5.
Ptolémée avait été en guerre avec Antigone, dit le
« . un îles généraux d'Alexandre, au sujet de la
possession de la Sx rie et de la Phénicie dont il s'était
rendu maille en 320, après avoir réussi a s'emparer de
la plus grande partie de l'Asie. Une grande bataille
navale avait été livrée entre les troupes des deux
rivaux dans les eaux de Salamine en Cypre. Les Égyp-
tiens avaient été complètement battus (306). Antigone,
lier de sa victoire, prit à cette occasion le titre dé roi.
Ptolémée, malgré sa défaite, se sentait encore fort; il
l'imita et se déclara roi à son loue (305 . Une tentative
d'invasion de l'Egypte par Antigone échoua. — Quelques
années auparavant, en 316. un autre général d'Alexandre,
Seleucus, satrape de Babylone, traqué' par Antigone,
s'était réfugié en Égvpte auprès de Ptolémée. Profi-
tant de circonstances favorables. Seleucus avait repris,
en 322, sa satrapie de
Babylone, et son retour,
d'après l'opinion com-
mune, marque le com-
mencement de l'ère des
Séleueides (I" octo-
bre 312). En 302. Se-
leucus se ligua avec
Plolémée et quelques
autres contre Antigone.
Ce dernier lut vaincu
et tué à la bataille
d'Ipsus (301). Ptolémée
n'avait pas pris part à
la bataille. Aussi les
coalisés ne lui rendi-
rent-ils ni Cypre ni la
Phénicie, et la Coelésy-
i ie fut attribuée a Se-
leucus, qui fonda aussi-
tôt Antiocbe (300) et en
fit sa capitale. Strabon,
xvi. i-5; Appien, Syr.,
57. Seleucus fut alors
« plus fort » que Pto-
I 'triée. Celui-ci réussit
a reprendre Cypre en
295, mais la Phénicie
et la Cœlésyrie avec la
Judée restèrent à Seleu-
cus. En 284, Ptolémée
abdiqua en faveur de
son plus jeune fils, Pto-
lémée II Piladelphe, et
il mourut environ deux
ans après (283).
Dans une de ses ex-
péditions en Syrie, à
unodateimvi'laine. niais
probablement vers 320,
Ptolémée avait mis à
profit le repos imposé
aux Juifs le jour du
sabbat pour s'emparer
de Jérusalem. Josèphe,
Cont. Apion., i. 21 ;
.■1»/. jud., XII. i. 1. Il
traita d'ailleurs avec bienveillance les Juifs qu'il em-
mena captifs à Alexandrie el leur accorda dans sa
capitale des privilèges avantageux qui v attirèrent
volontairement un nombre croissant d'enfants d'Israël.
F. VlGOUROI x.
2. PTOLÉMÉE II PHILADELPHE (284-247), le plus
jeune fils de Ptolémée I ' et sou siieeesseur 1,11g. 188),
avait été proclamé' roi par son père deux ans avant sa
mort, afin de lui assurer ainsi sa succession. Sous son
règne, la lutte recommença entre l'Egypte el la Syrie,
par suite des intrigues de Magas, demi-frère de Pto-
léiiiée II par sa mère Bérénice et roi de Cyrène, avec
Antiochus l" Soter. son beau père. Apres plusieurs
anii"es de guerre entre la Syrie el l'Egypte, une partie
des possessions d'Antioehus II Théos, pelit-lils de
Seleucus 1" Xiealor, étaient tombées entre les mains
de! I gyptiens, et le roi de Svric avait été' obligé de
faire la paix avec Ptolémée II et d'épouser sa tille
Bérénice, en répudiant sa femme et sieur Laodice et
en s'engageant à laisser le trône, non aux enfants qu'il
187. — Statue colossale gréce-
égyptieniie d'Alexandre IV à
Karnak, D'après Vkilialïy, dans
Pétrie, Uistory of Egypt, t. iv.
849
PTOLÉMÉE II PIIILADELPHE - ■ PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE
850
avait eus de Laodice, mais à ceux qui naîtraient de
Bérénice. « Ptolémée Philadelphie, dit saint Jérôme,
lu Dan., xi. 6, t. xxv, col. 560, voulant après plusieurs
années mettre lin à une guerre importune donna en
mariage sa fille Bérénice à Antiochus II iTliéos), qui
de sa première femme Laodice avait deux fils, Séleu-
cus qui fut surnommé Callinicus, et un autre Antiochus.
(Son père) la conduisit jusqu'à Péluse et lui donna
pour dot une grande quantité d'or et d'argent, ce qui
le fit appeler yspvopôpoç, c'est à dire dotalis, « qui dote 9.
Antiochus déclara qu'il faisait partager son royaume a
Bérénice, et que Laodice n'avait plus que le rang de
concubine, mais longtemps après, cédant à son amour
pour Laodice, il la ramena dans le palais royal avec
188. — Monnaie de Ptolémi e 11 l'hilatlelphe.
AAEA4QN. Tètes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée II
et d'Axsinoé. Derrière la tète du roi, un monogramme. —
r% 0E2N. Tètes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée I"
Soter et de Bérénice. Derrière la tète du roi, un fer de lance.
ses enfants. Celle-ci, redoutant l'esprit versatile de
son mari et craignant qu'il ne reprit Bérénice, le lit
empoisonner par ses serviteurs; Icadion et Gennée,
princes d'Antioche, mirent à mort par ses ordres
Bérénice et le lils qu'elle avait eu d'Antiochus, et elle
établit roi son lils aine Séleucus Callinicus à la place
de son père. Voir ANTIOCHUS II. t. I, col. G87. A
l'époque du meurtre de Bérénice, son père était mort.
Ptolémée II avait conservé les pays que lui avait
laissés le traité de paix, la Phénicie et la Cœlésyrie.
C'est sous son règne que fut commencée, d'après la
tradition, la version grecque de l'Ancien Testament par
les Septante. Voir Septante. I". Vigouroux.
3. PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE, lils aine de Ptolémée II,
lui succéda sur le trône li^. 189). Il était frère de
18J. — Monnaie de Ptolémée III Evergète.
Buste de Ptolémée III Èvergète, radié, à droite. — n. nTOAE-
MAIOr BASIAEÇS. Corne d'abondance radiée. Au bas dans le
champ AI.
Bérénice, la victime de Laodice. Il voulut venger le
meurtre de sa sœur et envahit la Syrie à la tète d'une
puissante armée. « Il sorlira un rejeton (Ptolémée III)
de ses racines (de Ptolémée II), dit Daniel, xi, 7-9, il
ira avec une grande armée, il entrera dans les places
fortes du roi du nord (Antiochus II) et il en disposera
à son gré et il se rendra puissant. Il enlèvera même et
transportera en Egypte leurs dieux et leurs statues
(nesikèliém), leurs objets précieux d'or et d'argent et
pendant plusieurs années il sera plus fort que le roi
du nord. Et celui-ci marchera plus tard contre le roi
du midi (en Egypte), mais il reviendra dans son pays
(en Syrie). »
s Apres le meurtre de Bérénice, dit saint Jérôme,
In Dan., xi. 7-9, t. xxv, col. 5G0, son père Ptolémée
Philadelphe étant mort en Égvpte, son frère appelé aussi
Ptolémée et surnommé Èvergète lui avait succédé, troi-
sième, dans son royaume, rejeton de sa racine... Il s'en
alla avec une grande armée et il entra dans la province
du roi du nord, c'est-à-dire de Séleucus, surnommé
Callinicus, qui régnait en Syrie avec sa mère Laodice,
et il les maltraita et il s'empara de force de la Syrie, de
la Cilicie et des pays situés au delà du haut Euphrate
et de l'Asie presque entière. Mais axant appris qu'une
sédition .venait d'éclater en Egypte (cf. Justin, xxvn,
1,9), il ravagea le royaume de Séleucus et emporta
quarante mille talents d'argent, des vases précieux,
en même temps que les statues des dieux, au nombre
190. — Antiochus 111 le Grand, roi de Syrie. Musée du Louvre.
de deux mille cinq cents, parmi lesquels se trouvai! le
butin que Cambyse, après la prise de l'Egypte, avait
emporté chez les Perses. »
L'inscription d'Adulis, conservée par Cosmas Indico-
pleuste, Pair, gr., t. i.xvm, eol. 103-104; Corpus in-
script, grssc, n. 5127, donne des détails analogues sur
les résultais de la campagne de Ptolémée III en Syrie :
« Le grand roi Ptolémée... s'élant rendu maître de
tout le pays en deçà de l'Euphrate, et de la Cilicie, et
de la Pamphylie et de l'Ionie et de l'Ilellespont et de
la Tbrace..., franchit l'Luphrate, et avant soumis la
Mésopotamie et la Babylonie et la Susiane et la Perse
et la Médie et tout le reste jusqu'à la Bactriane, et avant
recherché tous les objets sacrés emportés d'Egypte par
les Perses et les ayant rapportés en Egypte avec tous
les autres trésors provenant de ces lieux, il expédia
des troupes parleslleuves creusés de mainsd'homme... 1
Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. 1. p. "26 1 -
262. C'est en reconnaissance du recouvrement des
objets sacrés qu'avait emportés Cambyse que les Egyp-
tiens donnèrent à Ptolémée III le surnom d'Evergète,
0 le Bienfaisant ». S. Jérôme, ibid. Cf. le décret de
Canope, dans Bouché-Leclercq, ibid., p. 267-272; texle
851
PTOLÉMÉE III EVERGETE
PTOLEMEE V EPIPHANE
852
erec dans Mahaffy, The Empire of ihe Plolemies,
1893, p. 227-239.
Après le retour de Ptolémée en Egypte, Séleucus
parvint à reprendre une partie des provinces qu'il avait
perdues, pendant que son ennemi restait a quel-
ques années loin du roi du nord » Dan., xi, 8 (texte
hébreu). Séleucus s'enhardit alors à tenter de repren-
dre la Cœlésyrie. « Le roi du nord, dit Daniel, XI, 9
texte hébreu), marchera contre le royaume du roi du
midi (l'Egypte), mais (il sera défait et) retournera dans
son royaume, n Séleucus fut complètement battu el
obligé de se retirer à Antioche. Justin, xxvn, 2, 5. Son
frère Antioclms Hiérax se lit alors proclamer roi en
Asie Mineure, et Ptolémée III, sans poursuivre son
succès, laissa les deux frères se faire la guerre entre
eux, se contentant pour son compte de travailler à
faire lleurir la paix dans son royaume. Il se montra
bienveillant envers les Juifs et lit offrir des sacrifices
dans le temple de Jérusalem. Josèpbe, Cont. Apion.,
il, .">. Cf. Ant. jud., XII, iv. Il mourut en 221 et sa mort
offrit à AntiochusIII(lig. 190), qui venait de monter sur
li trône de Syrie une occasion favorable pour attaquer
l'Egypte dés le commencement du règne de Ptolémée IV.
C'est peut-être sous le règne de ce roi que le petit-
fils de l'auteur de l'Ecclésiastique, étant allé en Egypte,
comme il nous l'apprend lui-même dans le Prologue
de ce livre, traduisit en grec le livre de son grand-
père Ben Sirach. Comme il y a deux rois d'Egypte
qui ont été surnommes Évergète, Ptolémée III et Pto-
lémée VII. ilil aussi Physcon, frère de Ptolémée Phi-
lométor, les commentateurs placent le voyage du tra-
ducteur, les uns sous Ptolémée III, les autres sous
Ptolémée VII. F. Vigouroux.
4. PTOLÉMÉE IV PHILOPATOR, roi d'Egypte, lils
aîné et successeur de Ptolémée III Évergète (222-204),
fut un priue.- eCfém.iné el dégradé, qui déploya 'cepen-
dant une certaine énergie en quelques circonstances
(fig. 191). Les principaux événements de son règne el
[91. — Monnaie de Ptolémée IV Philopator.
de Ptolémée IV, à droite, diadème. — iî. nTOAEMAlOï
■m vodatpOï. Aigle debout sur un foudre ù droite; devant lui,
un monogramme.
ses guerres avec la Syrie sont décrits dans Daniel, xi,
10-12. Voir A xi nu. m s III, I. i, cul. 688-689. Il remporta
sur Anliuclius à Raphia une grande victoire qui le
remit en possession de la Cœlésyrie. Ce fui à relie
n>n qu'il put aller à Jérusalem. D'après le troi-
sième livre des Machabées, Ptolémée IV offrit des pré-
sents au vrai Dieu, mais il voulut entrer, malgré le
grand-prétre, dans le Saint des Saints. À cette nouvelle,
toute la ville se souleva, et le roi, frappé d'une terreur
miraculeuse, fui emporté évanoui par ses gardes, lie
retour à Alexandrie, irrite de ce qui était arrive'., il
voulut forcer les Juifs de la ville à honorer ses dieux.
SOUS peine dehe eei'a^es pa,' les éléphants dans l'Ilip-
ime de la ville. Au lieu d'écraser les Juifs, les
tournèrent contre les soldais du roi,
qui s'empressa de révoquer ses ordres. III Mach.,i-vii.
e parle du massacre de soixante mille Juifs par
ce prince. Le revit du troisième livre des Machabées
ne saurait être pris à la lettre, mais il doit avoir un
certain fond de vérité, puisque Josèpbe, Cont. Apion.,
n. û. atteste que les Juifs célébraient une fête en sou-
venir de ces événements. Voir Machabées (Livres apo-
cryphes des), t. iv, col. 499. Ptolémée IV passa les
dernières années de sa vie dans l'oisiveté, occupé' seu-
lement à satisfaire les plus basses et les plus honteuses
passions. Il mourut en 204. Justin, xxx, 2; S. Jérôme,
In Dan., xi, 13, t. xxv, col. 562. F. VIGOUROUX.
5. PTOLÉMÉE V EPIPHANE. roi d'Egypte, fils unique
de Ptolémée IV (204-181 1 (fig. 192). Il n'avait que quatre
192. — Monnaie (le Ptolémée V Épij.hane.
Buste de Ptolémée V, adroite, diadème et radié; derrière le eue
un fer de lance. — fi). QTOAEMAIOÏ BALIAEQS. Corne d'abi n"
dance. Dans le ebamp, deux astres et un monogramme.
ou cinq ans quand il succéda à son père. Antioclms III
voulut profiter de cette circonstance pour se venger de
l'échec que lui avaient inlligé les Égyptiens. Il fut d'abord
victorieux, Dan., xi, Lf-15, mais l'intervention des Ro-
193. Ptolémée V Êpiphane, en habits sacerdotaux, oflraot de
n 'us aux dieux. D'après K. A. \V. lludge, A llislory of
Egypt, t. vin, 1902, p. 19.
mains l'arrêta au milieu de ses victoires. Voir Antio-
i.iii s. m. t. i, cul. 689-690. Le roi de Svrie lit la paix
avec Ptolémée V et lui donna en mariage sa fille Cléo-
pàtre, Dan.. XI, 17, qui reçut en dot la Palestine el les
miles provinces conquises sur l'Egypte. Josèplici
853
PTOLEMEE V EPIPHA.XE
PTOLEMEE VI PIIILOM ETOR
s:, i
Anl. jud., XII, iv, !; Polybe, xvm. 51. Anlioclms
avait compté sur elle pour exercer son inlluence sur le
roi d'Egypte. Ses calculs furent déjoués. Cléopàtre prit
le parti de son mari contre son père et l'encouragi a à
rester fidèle aux Romains dont l'alliance paralysait
toutes les entreprises de la Syrie contre lui. Les pro-
vinces contestées restèrent néanmoins sous la domina-
tion d'Antiochus III jusqu'à sa mort 1 1 S>7 > - l'Iolémée V
préparait une expédition pour les reprendre sur le
nouveau roi de Syrie. Séleucus IV Philopator, lorsqu'il
périt par le poison, d'après plusieurs historiens,
cf. S. Jérôme, In Dan., xi. -20, t. xxv, col. 565, laissant
la mémoire d'un prince impopulaire, indolent et
vicieux. La célèbre inscription trilingue connue sous
le nom de Pierre de Rosette, découverte en 1799 par un
officier français pendant l'expédition d'Egypte, et con-
servée aujourd'hui au British Muséum à Londres, qui
a donné à Cliampollion la clef de l'écriture hiérogly-
phique, fut gravée en l'honneur de Ptolémée V pour
célébrer la fête de son intronisation à Memphis et
ordonner qu'une statue lui serait dressée dans tous les
temples du pays (lig. 193). F. ViGOUROUX.
6. PTOLEMEE VI PHILOMÉTOR, loi d'Egypte
(lig. 191i, succéda à son père, étant encore en bas âge
194. — Monnaie île Ptolémée VI Philométor.
Tête diadémée de Ptolémée Philométor, adroite. — iî. BASIAEQ^
rjTOAEMUOr •l'iAOMHTOPOS 6E0V. Aigle debout, à gauche,
sur un foudre et portant un épi. !>ans le champ, lettre et mo-
nogramme.
(181-146). II pouvait avoir environ six an- Sa mère
Cléopàtre gouverna le royaume en son nom et vécut
en paix jusqu'à sa mort avec la S\rie dont elle était
originaire (173). Mais à peine eut-elle fermé les yeux
que l'eunuque Eulaeus et l'affranchi syrien Lena?us
qui exercèrent le pouvoir au nom du jeune Ptolé-
mée VI. cherchèrent à reconquérir la Cœlésyrie et la
Judée. Polybe, xxvn. 19: Diodore de Sicile, xxx, 2;
195. — Monnaie de Ptolémée VU.Physcon Évergète II.
Tête de Jupiter Ammon, à droite. — h.iiaiiai i.'l il rOAEMAIOV
EVEPTETOï". Aigle debout à droite sur un foudre et portant
un bâton. Dans le champ *.
16. Antiochus IV Epiphane était alors devenu roi de
Syrie. Voir Antiocius IV, t. i. col. 693. Il se hâta
d'attaquer l'r.gypte avant que les Égyptiens eussent
achevé leurs préparatifs, 11 Mach.. IV, il: cf. I Mach.,
i, 17, et il les défit entre Péluse et le mont Casius , 171 ).
Le jeune Ptolémée tomba entre ses mains. Dan., xi,
2'2; S. Jérôme, 1» Dan., xi. 22, t. xxv. col. 566; Po-
lybe, xxviii, 7. 16; Diodore de Sicile, XXX. iv, I et 2,
on ne sait de quelle manier.'. Antiochus devenait par
là même maître de l'Egypte; il se rendit à Memphis et
s'y fit proclamer roi. Mais la population d'Alexandrie
refusa de le reconnaître comme tel; elle conféra la
dignité royale au frère cadet de Philométor qui prit le
litre d'Évergète et est connu sous le nom de Ptolémée
Physcon Évergète II ilig. 195).
Cet événement fournit au roi de Syrie un prétexte
pour marcher contre Alexandrie, soi-disant pour réta-
blir Philométor sur le trône. Il assiégea la ville, mais
sans succès, et il se détermina quelque temps après à
retourner en Syrie, en laissant une forte garnison à
Péluse. Quand il se fut éloigné, Philométor s'entendit
avec son frère et sa sœur Cléopàtre (fig. 196) qu'il avait
196. — Monnaie de Cléopàtre II.
Tète de Cléopàtre II, en Isis, avec de longues tresses attachées
par des épis, à droite. — S. nTOAEMAlor BAEIAEQE. Aigle
aux ailes éployées, sur un foudre, à gauche. — Elle épousa
successivement ses deux frères.
épousée et ils convinrent de régner conjointement
lig. 197). Polybe, XXXIX. vin. i; Tite Live, xlv, 11.
tlet accord ramena Antiochus en Egypte. Au commence-
ment du printemps 168, il se mit en route, et envoya
sa Hotte en Cypre; l'île lui fut livrée par la trahison de
Ptolémée Macron. II Mach.,x. 13. Lui-même se dirigea
vers la vallée du Xil. Philométor envoya des ambassa-
I.i7. — Ptolémée VI, son frère Ptolémée Vil
et leur sœur Cléopàtre, rois I ' deDeir-el-Medinéh-
D'après Mahaffy, dans Pétrie, t. IV, p. 170.
deurs au-devant de lui à Rbinocolure. Le roi syrien for-
mula de nouvelles demandes : la possession de Cypre,
celle de la bouche pélusiaque du Xil avec Péluse. etc.
Comme les rois égyptiens ne lui donnèrent pas de
réponse au temps qu'il avait fixé, il marcha contre
Alexandrie par Memphis. Près de six mois s'étaient
écoulés depuis son départ de Syrie quand il arriva
près de la capitale des Lagides. Un coup de théâtre
85.
PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR — PTOLEMEE (DE SYRIE)
856
mit fin à sa marche victorieuse. L'envoyé de Rome,
l'opilius Lœnas, l'arrêta à Kleusis près d'Alexandrie et,
renfermant dans un cercle qu'il traça autour de lui,
l'obligea à promettre de retourner immédiatement en
Syrie, ce qu'il lit (juin 168). 11 dut aussi retirer sa
llotte de Cypre. Polybe, xxix, 27; Tite Live, XLV, xi,
8-xii, 8; Diodore; xwi. 2; Velléius Paterculus, i, 10;
Appien, Syr., 66; Justin, XXX IV. ni, 1-4; Valère Maxime,
vi. :î. En quittant l'Egypte, Antiochus IV s'arrêta à Jé-
rusalem el se vengea aux dépens des Juifs des humilia-
tions qu'il venait de subir de la part des Romains.
Ptolémée Philomitor, au contraire, se montra bien-
veillant pour les Juifs de ses Etats et c'est sous son
règne qu'Onias IV éleva dans le nome d'Arabie, à Léon-
topolis. prés d'Iléliopolis (vers 154), un temple rival
■198. — Portrait de Ptolémée VI, .i Kern- bo.
D'après MahalTy, dans Pétrie, t. iv, p. 180.
île celui de Jérusali m. Josèphe, Ant. jud., XIII, m, I .
Les commentateurs placent communément sous le
règne île rti.léinée l'Iiilométor le voyage de Dosithée
qui apporta en Egypte la lettre des phurim, c'est-à-dire
probablement la traduction du livre d'Esther en grec.
Voir ClÉOPÀTRE 2, t. II, col. 805; DOSITHÉE, t. II,
col. 1494.
Apres la morl ignominieuse d'Antiochus Épiphane,
Ptolémée VI eul à combattre contre son propre frère
qui était devenu roi.de la Cyrénaïque, mais voulait s'em-
parer en plus de l'Ile de Cypre. Il arrêta son ambition
et songea alors à la Syrie. Pendant le règne du jeune
Antiochus Eupator, il semble avoir pris parti pour Phi-
lippe le Phrygien (voir col. 266) contre le régent du
royaume séleucide, Lysias. Cf. il Mach., ix, 29. Lorsque
Démétrius I"1 eut fait périr Eupator, le roi d'Egypte prit
d'abord parti pour Alexandre Balas, le rival de liémé-
trius. en haine de ci dernier qui avait essayé de s'ein-
parer de Cypre. Alexandre Balas battit el tua Démé-
trius l". Philométor s entendit alors avec le vainqueur
et lui donna sa [fille Cléopàlre en mariage à Ptotémaîde
(150). I Mach., x, 51-58. Mais il cherchait par là à faire
valoir ses droits sur la Syrie. Cf. I Mach., XI, 1, 10. Il
eut à se plaindre d'Alexandre, qui attenta à sa vie,
cf. I Mach., xi, 10, ce qui le fit tourner en faveur de
Démétrius II, le compétiteur d'Alexandre Râlas; il
enleva sa fille Cléopàtre à Alexandre et la donna à son
rival (147). La Svrie fut soumise en peu de temps par
le roi d'Egypte et il fut couronné roi d'Asie à Antioche.
I Mach., xi, 13. Mahaffy, The Empire ofthe l'iolemies,
1895, p. 300. Alexandre lit de vaines tentatives pour
recouvrer le royaume; il fut battu par les armées réu-
nies de Philopator et de Nicator el périt peu après en
Arabie. Voir Démétrius 11 Nicator, t. n, col. 1362.
Ptolémée VI devait le suivre de près dans la tombe 1 145).
Ci ieveinent blessé à la tète dans la bataille, les méde-
cins essayèrent de le trépaner. mais il mourut pendant
l'opération, la 36' année de son règne. Tile Lue, Eptsl.,
lu. Cf. Josèphe, Aiil.jud., XIII, iv, 8.
Ptolémée Philométor (lig. 198) est, avec son frère Pto-
lémée VII Physcon. le dernier roi d'Egypte nommé
dans les Saintes Écritures. F. VlGOUROUX.
7. PTOLÉMÉE VII PHYSCON ÉVERGÈTE II, roi
d'Egypte ( 170-1 17). Ptolémée Physcon (fig. 195 est men-
tionné I Mach., xv, 16, comme le destinataire d'une
lettre qui lui fut adressée de la pari des Romains par
le consul Lucius en faveur des Juifs. Voir l.t eus, t. IV,
col. i09. C'est peut-être aussi de lui qu'il est question
dans le Prologue de l'Ecclésiastique. Voir plus haut,
col. 851. Sur son règne, voir Ptolémée VI.
F. Vient r.otx.
8. ptolémée, fils de Dorymine. I .Mach., ni, 38 (et
dans le t ex le grec de 11 Mach., iv, i5); cl. Polybe, v.til.
On l'identifie communément avec le Ptolémée qui est
surnommé Maeron [Macer, dans la Vulgate), Voir t. IV,
col. 470. Il Mach., \, 12. Celle identification n'est pas
sans souffrir quelques difficultés. D'après Athénée, vi.
p. 246, le Ptolémée qui fut gouverneur de Cypre pendant
la minorité de Ptolémée Philométor el qu'on confond
avec le Ptol'émée de 1 Mach.. ni. :!,s. étail fils d'Agésarque
et non de Dorymine. Si Athén le il e le véritable nom
de son père et si ce nom el celui de Dorymine ne dési-
éé,ii pas un même personnage, Ptolémée fils d'Agé-
sarque est alors le Ptolémée Maeron de II Mach., X. 12.
et distinct du Ptolémée de 1 Mach., m. 38, mais il esl
possible que Hors mine el Agésarque soie ni une seule et
même personne. Cf. I Mach., ni, 38 et 11 Mach., x, 13.
Ptolémée surnommé Maeron, mégalopolitain d'origine,
fut gouverneur de l'Ile de Cypre au nom de Ptolémée
Philométor encore mineur, et il remplit d'abord fidèle-
ment ses fonctions. Polybe, xxvn, 12. Mais la lutte étail
vive à celle époque entre les Séleucides el les Lagides,
et les sujets des uns et des antres passe n ni quelquefois
du camp égyptien lu camp syrien et réciproquement.
Après avoir servi le roi d'Egypte, le gouverneur de Cypre
se mit au service d'Antiochus IV Épiphane il devint son
favori el en recul le gouvernement de la Phénicie et
de la Cœlésyrie. II Mach.. vin, 8; n, 11-12. Ptoli
(fils de Dorymine) profita de son crédit auprès du roi
pour protéger le grand-prêtre juif usurpateur Menélas
II. IV, col. 964), qui avait acheté son concours à prix
d'argent. Il Mach., iv, 15-50. Il fut un des fauteurs de
la persécution syrienne contre les Juifs. II Mach., vi, 8.
(La Vulgate et plusieurs m; serils grecs, comme le
texte de l'édition romaine des Septante, portent i lea
l'Iiiléiiiécs g au pluriel, mais la vraie leçon parait bien
être « Ptolémée d fils de Dorymine, au singulier.
0. Ir. Fritzsche, Kwzgefasstes exegetisches Handbueh
tu denApocryphen, iv, I.ief.,1857, p. 1 1 II 12.) Lorsque
Judas Machabée eul remporté ses premières victoires
contre les Syriens, Lysias choisit pour combattre
les Juifs Ptolémée fils de Dorymine, avec fx'icanor et
Gorgias. 1 Mach.. ni. 38. Ils furent battus par les Juifs
857
PTOLEMEE — PUBLICAINS
858
(108), mais nous ne savons rien de particulier sur la
conduite de Ptolémée dans cette guerre. Il parait seule-
ment avoir compris l'inutilité de la violence contre
Israël. Nous apprenons par II Mach.. x, 13, qu'à
l'avènement du roi mineur Antiochus Eupator au trône
d'Anlioche, Ptolémée (Macron) était animé de senti-
ments conciliants à l'égard des Juifs. Ce fut la cause de
sa chute. Ses ennemis en prolifèrent pour le perdre : on
l'accusa de trahison et ne pouvant supporter sa disgrâce,
il s'empoisonna. « Ptolémée, surnommé Macron, dit
le texte grec, avait été le premier à ohserver la justice
envers les Juifs à cause des violences qu'ils avaient
subies et s'était ell'orcé de gouverner pacifiquement.
Mais pour cela même il fut accusé par des amis (du roi)
auprès d'Eupaloret comme il s'entendait partout appeler
traître, parce qu'il avait abandonné Cypre que Philo-
métor lui avait confiée et qu'il était passé (dans le parti)
d'Antiochus Épiphane, n'ayant plus qu'un pouvoir sans
honneur, il perdit courage et prenant du poison, il
s'ôta la vie. » F. ViGoi'rtoux.
9. PTOLÉMÉE, fils d'Ahobi, gendre de Simon Ma-
chabée. Il était fort riche et avait reçu le gouvernement
de Jéricho et de son territoire. Il conçut le projet de
devenir maître de la Judée et pour le réaliser, ayant
reçu son beau-père dans la petite forteresse de Doch
(t. il, col. 1454), il le mil traîtreusement à mort avec
ses deux fils Mathathias et Judas, à la fin d'un grand
festin. Un troisième fils de Simon, Jean, surnommé
Hyrcan (t. ni, col. 1154), n'avait pas accompagné son
père à Jéricho et se trouvait alors à Gazara (Gazer,
t. m, col. 126). Son beau-frère expédia des émissaires
dans cette ville pour le mettre à mort, mais heureuse-
ment prévenu à temps de la mort de son père et de ses
frères et du danger qui le menaçait, Jean fit saisir et
exécuter ses assassins à leur arrivée. Pendant ce temps,
Ptolémée demandait des secours au roi de Syrie, pour
prendre possession de la Judée et essayait de se rendre
maître de Jérusalem. 1 Mach., xvi, 14-22. L'auteur de
1 Mach. ne nous apprend plus rien sur cet ambi-
tieux, mais Josèpbe, Ant. /ml., XIII. vil, 4; vin, 1,
ajoute que Jean Hyrcan alla l'assiéger dans sa forteresse
de Doch, d'où Ptolémée s'échappa finalement pendant
l'année sabbatique, et ^.' réfugia auprès de Zenon Coti-
las, prince (rupavveûovToe) de Philadelphie. Cf. Bell, jud.,
I, il, 3-4. Contrairement au récit de I Mach., Josèphe
suppose que Ptolémée avait conservé ses deux beaux-
frères comme otages, ainsi que leur mère, et qu'il se
servit de sa belle-mère, qu'il exposait aux coups des
assaillants, pour ralentir les attaques de Jean Hyrcan;
il explique ainsi les longueurs du siège. L'auteur sacre
ne parle point de la mère de Jean et il raconte que
ses frères avaient été tués en même temps que leur
père, comme on l'a vu plus haut, et non après que le
siège eut été levé, comme le dit le récit de Josèpbe,
qui ne fait d'ailleurs jouer aucun rôle dans le siège à
Mathathias et à Judas, ce qui confirme indirectement le
récit des Machabées, qui est seul exactement historique.
F. VlGOtlROUX.
PUBERTÉ, âge auquel le jeune homme ou la jeune
fille deviennent aptes à la vie conjugale. — Cet âge
vient plus tôt dans les pays chauds que dans les autres.
Chez les Juifs, il était fixé à treize ans et un jour
pour les garçons, à douze ans et un jour pour les
filles. Si alors les signes de la puberté étaient constatés,
on déclarait les jeunes gens gedolim et gedolôt, c'est-à-
dire « grands, majeurs ». S'il en était autrement, ils
pouvaient rester mineurs jusqu'à dix-neuf ans et onze
mois; mais c'est seulement à trente-cinq ans et un jour
qu'on les déclarait, s'il y avait lieu, impropres au ma-
riage. Cf. Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741.
p. 5111, 520. On se mariait, en général, à un âge très
jeune. Le jeune homme nubile était appelé cléni.
v£iv:'a;. adolescent. C'est le nom qui est attribué au
j'eune David, 1 Reg., xvn. 56, et au jeune page de
Jonathas. I Reg., xx, 22. Sur la jeune fille nubile, voir
Ai.u.ui, t. i, col. 391, 392. - Il est plusieurs fois parlé
delà « femme de la jeunesse ». èset ne'ûrîm. Prov..
Il, 1"; v, 18; Ezech.. xxm, 3, 8, 21 ; Jo., i, 18; Mal., n.
14, etc. Les Septante traduisent par yuvy) vcôtriro;, et la
Vulgate ordinairement par u.cor pubertalis, « femme
de la puberté », expression exacte quant au fond, car
il ^agit ici de la première union, de celle qui a élé
contractée par les époux à un âge encore tendre, dès
qu'ils ont élé nubiles. — Dans le Lévitique, xix, 20, la
Vulgate appelle simplement nubilis, « en âge d'être
mariée », une esclave neliërefei le'iS, « fiancée à un
homme », SiojtE<puXaYJi.évY] àvépwirti), « réservée à un
homme ». ' ||. Lesèthe.
PUBLiCAINS (grec : zà.„r,xi; Vulgate : publicani),
nom qui sert à désigner, soit dans la littérature classi-
que, soit dans les trois premiers évangiles, avec la nuance
importante qui sera indiquée plus bas, ceux qui levaient
les divers genres d'impôts chez les Romains. Le nom
grec vient de téXoç, « impôt, taxe »; le nom latin dé-
rive du mot publicum, employé comme synonyme de
vectigal, ou dans le sens de trésor public, l'ite-Live,
xx.xn, 7, parce que les sommes perçues par les agents
en question étaient versées dans le trésor de l'État.
1° Les publicains en général. — A Rome, sous l'em-
pire comme au temps de la république, la perception
dis impôts ne se faisait pas au moyen d'une adminis-
tration spéciale, à la solde et sous le contrôle direct de
l'Etat, mais au moyen d'une mise à ferme, qui trou-
vait de nombreux candidats, car l'opération permettait
presque infailliblement d'obtenir de gros bénéfices.
Voir Impôts, t. ni, col. 851-853. Les publicani étaient
donc ceux qui affermaient le droit de lever, dans une
région déterminée, la totalité des impôts, ou du moins
telle ou telle catégorie spéciale d'impositions, par
exemple, la taxe de pacage, scriplura, la dime, decuma,
les droits de douane, porloria, etc. Publicani...
ilicunlur gui publica recligalia liabenl conducla.
Digest., xxxix, 4. La somme à verser dans la caisse
publique étant considérable, il fallait être très riche
pour prendre les impôts à bail; aussi les publicani
appartenaient-ils généralement à l'ordre des chevaliers
Le fermage avait lieu parla voie des enchères publiques,
au profit de celui qui oflrait le prix le plus élevé.
Souvent, un seul capitaliste était incapable de verser
la somme requise; on formait alors des sociétés vecti-
galiennes, societates publicanorum, Dige.it., xvn, 2;
Cicéron, Pro Sextio, iv, 32, dont les membres, au mo-
ment où l'on partageait les bénéfices, recevaient une
quote-part proportionnée à leur cotisation. Ces sociétés
étaient présidées à Rome par un magister; en province,
par un pro magister. Cicéron, Ad Div., xm, 9; Ad
Allie, v, 15; Ïite-Live, xxm, 48-59. La durée du fer-
mage élail de cinq ans au temps de l'empire, et l'exé-
cution du contrat commençait le 15 mars. — On com-
prend sans peine que ce système de perception des im-
pôts était très vicieux en lui-même, et ouvert aux plus
criants abus. Aussi ne manqua-t-il pas de porter ses
fruits : la vexation, le vol, la fraude, les brutalités de
tout genre. L'État y avait un grand avantage, puisqu'il
évitait ainsi les frais de perception ; mais, par contre,
les contribuables étaient livrés à l'arbitraire d'une levée
d'impôts non réglée par la loi, et organisée unique-
ment dans l'intérêt des adjudicataires. Cf. Tile Live,
XLV, xviii, 4. Les publicani devaient tout naturel-
lement songer à lever sur les particuliers des sommes
supérieures à celles qu'ils s'étaient eux-mêmes engagés
à payer, car ils étaient personnellement responsables
des contributions qui ne rentraient pas, et tenus de les
acquitter à leurs propres dépens.
859
PUBLICAINS
860
Ce sont ces fermiers généraux qui recevaient à pro-
prement parler le titre de publicani. Ils avaient sous
leurs ordres un nombre considérable d'agents infé-
rieurs, nommés en latin portitores, e.cactores, qui
exerçaient à peu prés les fonctions de nos douaniers.
et qui étaient attachés à des stations déterminées : sur
les ponts, aux carrefours des routes, à la porte des
villes, près des lieux de débarquement. Cf. Matth., ix,
1, 9. Ces sous-agents, qui traitaient directement avec
les contribuables, n'imitaient que trop la conduite
odieuse et tout spécialement les concussions de leurs
cbefs. d'autant mieux que leur recrutement avait lieu
dans de mauvaises conditions, et que, ayant souvent
une part des prolits dans les perceptions, ils ne crai-
gnaient pas de surtaxer les objets soumis à la douane.
Aussi le sentiment populaire leur était-il partout dé-
favorable; on se plaignait d'eux de tous côtés. Cf. Vi-
gest., xxxix, 4. D'après Stobée, Serrn., a, 34, les
portitores étaient comme les ours et les loups de la
société humaine; cf. Tbéocrite, Char.. 7. La locution
nâvTs; tsàmvou irivTs; iprca.YE;, « Tous les publicains
sont des voleurs », était devenue de bonne heure pro-
verbiale. Cicéron, dans une lettre à son frère, Ad
Quint., I, I, 11, avoue que le public se plaignait moins
encore des portoria, quoique si lourds, que des în-
iurix portitorum. Il dit ailleurs, De Offic, l, 42,
que la profession de publicain était la pire de toutes.
Et il n'y avait pratiquement aucun recours contre leurs
procédés vexatoires, car, dans les provinces surtout,
les autorités romaines, qui auraient dû réprimer les
abus, étaient souvent de connivence avec les publicains
pour dépouiller le publie, sous le prétexte de perce-
voir les impôts. Voir Tacite, Ann., xm, 50.
■!■■ Les publicains dans les Évangiles. —Remarquons
d'abord qu'à l'époque de Notre-Seigneur la Palestine
dépendait de trois juridictions différentes au point de
vue politique, et par conséquent sous le rapport des
impôts. La Judée et ta Samarie étaient sous la domi-
nation directe de Itouie et étaient gouvernées par le
procurateur romain; la Galilée et la Pérée apparte-
naient à Hérode Antipas; la Trachonitide, l'Abilène et
l'Iturée, à son frère Philippe. Cf. Luc, m, 1. En Judée
et eu Samarie, les impôts étaient donc levés pour le
compte de Rome; dans les autres districts, pour celui
des deux tétrarques. Sur ces divers territoires, il \ avait
de r breux collecteurs d'impôts. Des deux publicains
qui sont mentionnés nommément dans l'Évangile, l'un,
Lévi ou l'apôtre saint Matthieu, dont le bureau était à
Caphamaûm, ptès du port. Matth., îx, 1, 9, levait la
taxe au nom d'Ilérode Antipas; l'autre. Zacbée, à Jé-
richo, Lue., xix, au nom du gouverneur romain.
La mention fréquente des publicains par les Evangé-
I isit-. indique quelle grande place cette catégorie
d'hommes tenait dans la vie sociale delà Palestine.
Dans le Nouveau Testament, les synoptiques sont seuls
à les mentionner, encore ne parlent-ils pas des publi-
ent ti proprement dits, e'osl-à dire des entrepreneurs
raux, mais des simples portitores, auxquels la
V'nlgate donne improprement le nom de 1 publicains
le grec les nomme toujours re).tôvai. Il existe tout au
plus une exception à celte règle : Luc, XIX, 2, Zachée
immé ip-/iTe).(ivr,î, Vulgale, pvinceps publicano-
ruiii, et il est fort possible qu'il ail été lui-même adju-
dicataire des impôts pour tout le district de Jéricho.
Cette ville, en effet, était une station importante de
dou s, à cause du grand commerce de baume dont
elle était le centre.
Dans les Evangiles aussi, on trouve plusieurs allu-
sions aux extorsions injustes et à la violence des
publicains. Jean-Baptiste, interrogé par quelques-uns
d'enli iix sur li manière dont ils devaient faire péni-
leur répondit : o Ne faites rien de plus que ce
qui \otis a été prescrit, Luc, ni. 13, c'est-à-dire : n'exi-
gez rien au delà de la taxe légitime. Zacbée, prenant en
face de Jésus de généreuses résolutions, promet, s'il a
fait tort à quelqu'un, de restituer au quadruple.
Luc. xix. S. Dans ce second texte, l'équivalent grec de
defraudavi de la Vulgate est avxoçavTsïv, extorquer de
l'argent au moyen de fausses accusations. Les porti-
tores recouraient donc au chantage, accusant à faux
les gens d'avoir fraudé, pour obtenir d'eux des sommes
plus considérables. Leur conduite est surtout stigma-
tisée, dans les Évangiles synoptiques, par la manière
perpétuelle dont le peuple les associait soit aux pé-
cheurs en général, cf. Matth., ix, 10, II ; XI, 19 ; Marc,
il. 15-16; Luc, v. 30; vu, 29-30; xv. I; xvm, 11, etc..
soit en particulier aux femmes publiques, Matth,, xxi,
31-32, et aux païens, Matth., xvm, 17, c'est-à-dire aux
êtres les plus odieux d'après les principes israélites.
C'est que, dans les divers districts de la Palestine,
les collecteurs subalternes des impôts étaient le plus
souvent Juifs eux-mêmes. Cf. Matth., ix, 9; Luc, ut,
12 et xix. 2; .losèphe, Anl ,\l. xiv, 4. Or, spécialement
en Judée, ce fait les rendait doublement méprisables
aux yeux de leurs compatriotes, parce qu'ils avaient,
par leurs fonctions mêmes, indépendamment de leur
rapacité, le tort impardonnable de servir d'instruments
aux Romains, les puissants ennemis de la cause Ihéo-
cratique. On les regardait donc, non seulement connue
des hommes avides, qui songeaient avant tout à leurs
intérêts personnels, mais aussi comme des traîtres et
des renégats sous le rapport politique et religieux. En
effet, à ce dernier point de vue, plus d'un Israélite
se posait au fond de sa conscience, lorsqu'il s'agissait
de se mettre en règle avec les publicains, cette ques-
tion qui fut adressée un jour à X.-S. Jésus-Christ,
Matth., xxii, 17 : « Est-il permis de payer le tribut
à César? » Le payer, n'était-ce pas substituer une
royauté païenne à celle du Seigneur? Les publicains
étaient donc particulièrement abhorrés en Palestine,
comme on le voit par les écrits lalmudiques. On les
bannissait impitoyablement de la société .les gens hon-
nêtes. Luc, vu. 31; on regardait comme une chose in-
convenante de manger et de boire avec eux. Matth.,
ix. 11; Marc, II, 16; Luc. v, 30; ils n'avaient pas le
droit d'être juges ou témoins dans les procès. Les
rabbins allaient jusqu'à affirmer que le repentir, et par
conséquent le salut îles publicains, sont impossibles,
Baba Kama, 9i b; ils les rangeaient p:irmi les voleurs
et les assassins. Nedar., m, 'i, I. Les publicains étaient
donc excommuniés de l'ait. Cf. Lightfoot, Opéra omnia,
l'trecbt, 1599, t. il, p. 295 296, 31 i, 502-503, 555. Leur
famille était regardée comme déshonorée. Il était in-
terdit d'accepter leurs aumônes et même de changer
de la monnaie chez eux. leur argent étant souvent le
produit du vol. Baba Kama, 10, I. Au conlraire, il
était permis de les tromper le plus possible; par
exemple, en déclarant que les objets soumis à la douane
étaient destinés au Temple, en faisant passer un es-
clave pour un lils, etc. Le Talmuil ne se montre indul-
gent à leur égard que lorsqu'ils diminuaient les taxes
pour leurs compatriotes. Sanhedr., 25, 2. Ainsi traites
en parias, les publicains n'axaient d'autre ressource
que de s'associer étroitement entre eux ou à d'autres
parias, et c'est précisément pour ce motif qu'ils sont si
fréquemment rapprochés des pécheurs dans les Évan-
giles. On ne pouvait les fréquenter sans se compro-
mettre; aussi les Pharisiens ne pardonnaient-ils pas a
Jésus-Christ les relations qu'il avait avec eux et les
sentiments de bienveillance qu'il leur témoignait.
Cf. Matth., îx, 10-11; xi, 19; Marc, H, 15-10; Luc. v.
29-30; vu, 34; w, I : xix, 1-10. Bien plus, Jésus lui-
même, maigri' sa bonté pour les pécheurs, employait
parfois envers les publicains le langage sévère de ses
compatriotes. Cf. Matth.. xvm, 17; xxi, 31-32, etc. La
conversion de plusieurs d'entre eux. comme on le voit
861
PUBLICAIXS — PUDENS
862
par celles de Lévi et de Zachée, fut sincère et géné-
reuse. Cf. Malth., i\. 9-13; Marc, II, 14-17; Luc., v.
-7-3-J ; xviii, 13-14; xtx, 2-10. Jésus avait une grande
influence sur beaucoup d'entre eux.
3" Bibliographie. — Struckmann, De porlitoribus in
Noeo Testamento obviis, Lenigo, 1750; C. G. Millier,
De reXûvaiç et ifiap-roXotç, Géra, 1779; Salkowski, ijux-
stiones de jure socielatis prsecipue publicanorum,
in-8 . Regiomonti Borussi, 1859; G. Friedlânder, Dar-
slellungen aus der Sillengeschichle Roms in der Zeit
von August bis zum Ausgang der Antonine, in-8°.
Leipzig, 1S65-1867, t. h, p. 25-27, G. Humbert, Les
douanes et les octrois chez les Romains, in-8», Tou-
louse, 1867, extrait du Recueil de l'Académie de lé-
gislature: J. Marquardt, Rômische Slaatsverwaltung,
Berlin, 1876, t. n, p. 261-209; du même auteur.
De l'organisation financière chez les Romains,
trad. franc, du t. x de T. Mommsen et J. Marquardt,
Manuel des antiquités romaines, in-8", Paris, 1888,
p. 379-38 i : L. Ilerzfeld, Handelsgeschichle der Juden
des Alterlhums, in-S», 1865, p. 160-165; A. G. Dietricli,
Reitrâge zur Kenntniss des rômiscli. Steuerpâchter-
systems, in-8», Leipzig, 1877, p. 5-10; Id., Die rechtliche
Nalur der Societas publicanorum, in-8», Meissen, 1889 ;
Edersheim, Tlie Life and Times of Jésus the Messiah,
in-8», Londres, 1883, t. i, p. 545-518; Vigie. Les douanes
dans l'empire romain, in-8", Montpellier, 1884, p. 157-
168; F. Thibault. Les douanes chez les Romains, in-S".
Paris, 1888; P. Allard, Les publicains et l'organisa-
tion dans l'ancienne Rome, dans la Réforme sociale,
février 1889. L. Fillion.
PUBLIUS igrec : nô-Àioc, forme grécisée du latin
Publias', « premier », wpûTo;, de l'Ile de Malte (voir
PREMIER, col. 602). à l'époque où saint Paul y aborda
après son naufrage. Il gouvernait l'île en qualité de
légat du proconsul de Sicile. Il possédait des terres à
l'endroit où furent jetés les naufragés: il fit bon accueil
à l'Apôtre et à ses compagnons et lui donna l'hospitalité
pendant trois jours. Saint Paul l'en récompensa; il gué-
rit son père qui était au lit malade de la fièvre et de la
dysenterie, en priant pour lui et en lui imposant les
mains. Act., xxvm, 6-8. Dieu lui accorda à lui-même une
grâce plus grande encore, le don de la foi. D'après la
tradition, Publius devint évèque d'Athènes après saint
Denis l'Aréopagite et reçut la couronne du martyre.
S. Jérôme, De vir. M., 19, t. xxm, col. 037; Acta
sanctorum, januariit. n, édit. Palmé, p. 792.
PUCE (hébreu : paroS, le pursu'u assyrien; Sep-
tante : iJrjXXoc; Vulgate ipulex), insecte diptère et suceur,
- Pulejc irritans (grossi de 2<J diamètres).
composé de douze segments cornés, dont la tète est ar-
mée de petites scies et d'un suçoir aigu, et dont les
longues pattes, surtout celles de derrière, sont confor-
mées pour permettre à l'animal des bonds extraordi-
naires pour sa taille (fig. 199). La puce femelle pond de
huit à douze œufs qu'elle dépose dans la poussière,
dans les fentes des boiseries ou des meubles ou dans
des linges malpropres. De ces œufs sortent de petites
I irves, qui se changent en nymphes, puis en puces par-
faites. Cette transformation demande de vingt à Irente
jours. La chaleur et la malpropreté sont des conditions
favorables à la multiplication de l'insecte. Le pulex wri-
lans s'attaque à l'homme; il y a d'autres espèces par-
ticulières pour les chiens, les chats, les poules, les
pigeons, etc. — Les puces trouvent en Orient tout ce
qu'il faut pour faire prospérer leur race. Tous les
voyageurs se plaignent amèrement du supplice qu'elles
leur font endurer. Cf. de Saulcy. Voyage autour de la
mer Morte, Paris, 1853. t. H, p. 463; lady Gordon.
Lettres d'Egypte, trad. Ross. Paris, 1869. p. 33; Le
Camus, Voyage aux pays bibliques, t. n. p. 170.
Aucun n'échappe à leur atteinte et les habitants de la
Palestine, ordinairement si patients, ne peuvent se
défendre de manifester leur irritation contre cet in-
secte. Parfois les Bédouins sont obligés de capituler
devant les puces et de s'en aller camper ailleurs; mais
malheur au voyageur qui s'arrête à leur ancienne place,
même s'ils l'ont quittée depuis un mois! Des myriades
de puces sortent de la poussière et s'acharnent après
lui. Cf. Tristram, The natural history of the Bible.
Londres. 1889, p. 305; Wood, Bible animais. Loinlr -
1884, p. 638. — Après avoir épargné Saiil qui le pour-
suivait injustement, David lui dit : « Qui poursuis-tu.'
Un chien mort, une puce! » I Beg., xxiv, 14. Un peu
plus tard, dans une occasion analogue, il dit encore:
« Le roi d'Israël s'est mis en marche pour chercher
une puce! » I Beg., xxvi. 20. David parlait ainsi par
hyperbole; il se comparait à un insecte insignifiant,
indigne d'occuper l'attention d'un roi. — Un certain
nombre d'Israélites portèrent le nom de par'os, puce
I Ksd., II, 3; vm. 3; x. 25: Il lïsd., m. 25: vil. S; x,
15. Voir Pharos, col. 218
II. Lesètre
PUDENS (grec : IIo-JSyj;), chrétien de Borne, dont
l'apôtre saint Paul envoie les salutations à Timothée avec
les salutations d'Eubulus, Linus, Claudia et des au-
tres frères. II Tim., jv. 21.
Le nom de Pudens est un cognomen assez fréquent
chez les anciens Romains; et il fut porté par deux
consuls du IIe siècle, c'est-à-dire « Arvrius Pudens » de
l'an 105 et « Servilius Pudens » de l'an 166. On 1
trouve aussi chez un personnage de la gens Pomponi
adopté par un Flavien (P. Flavio Pudenti Pomponiano),
Renier, Inscriptions de l'Afrique, n. 1521, et dans la
gensOctavia. '.'. Oclacio FI. Pudenti, ibid., n. 381 c ; . ||
y a aussi un L. Cassius Pudens militaire et un G. Vale-
rius Pudens et d'autres encore comme on peut le voir
dans les recueils épigraphiques. Corp. inscrip. lai.,
t. m, n. 3543, cf. aussi Willmans, Exempta Inscrip-
tionum lalinaru-m, etc. Le nom de Pudens fut aussi
un nom servile qu'on trouve porté par des affranchis.
Ainsi pour en citer un exemple on trouve en Espagne
un Pudens affranchi de l'empereur Nerva. Corp. insc.
lat., t. il, n. 956.
On voit par là que le Pudens rappelé par saint Paul
dans sa lettre envoyée de Rome à Timothée a pu être
à la rigueur, soit un humble esclave chrétien, soit un
affranchi, soit aussi un personnage distingué et appar-
tenant à une gens. Le plus probable, c'est qu'il a été
un personnage d'une certaine distinction comme pou-
vait être aussi une femme distinguée, Claudia, rappelée
dans la même lettre et qui porte un nom de la plus
haute aristocratie romaine. On peut donc identifier
notre personnage avec un Pudens qui. d'après un an-
cienne traditien. aurait reçu chez lui l'apôtre saint
Pierre à Borne pendant sa première venue dans la
capitale de l'empire et qui aurait été baptisé par l'apô-
tre même. On dit qu'il était fils d'un Punicus et d'une
Priscille et qu'il fut le père des deux célèbres vierges
chrétiennes l'tidentienne et Praxède.
803
TUDENS
864
On parle de ce Pudens dans les Actes des saintes
Pudentienne et Praxède, mais on n'y dit rien de sa
noblesse ni de sa dignité sénatoriale. Acta sanctortim,
maii t. IV, p. 299; Baronius, Annales, ad ann. 159;
Fiorenl, Martyrol., p. 701 sq.?Le récit du Liber pon-
tificalis dans la biographie du pape Pie Ier. à ce sujet
est une interpolation d'après Mgr Duchesne, Liber pon-
tifical is, t. ij p. 1331. Cependant Adon, dans son martyro-
loge, appelle sainte Pudentienne illushissinii generis.
Adon, MartyroL. 19 mai.
Dans ces documents, quoique apocryphes, il va cer-
tainement un fond de vérité historique, comme J. B. De
Rossi l'a aussi reconnu, Bull, d'arch. crisliana, 1867,
p. 3. Mais on ne peut pas accepter tout ce qu'ont
imaginé à ce suj<'t, d'abord Bianchini et Fcbeo et,
depuis, plusieurs autres qui ont fait des confusions in-
croyables. Bianchini soupçonne que Pudens était de la
gens Cornelia et de famille sénatoriale, et la chose est
possible; mais on est arrivé après jusqu'à dire qu'il
était le même personnage que le centurion Corneille
baptisé par saint Pierre en Palestine et on lui a attri-
bué aussi des inscriptions qui sont certainement fausses.
De Rossi ne partagea jamais ces opinionsqui néanmoins
lui ont été attribuées. Bull, di arch.crist., 1880, p. 53.
Enfin il y a un auteur qui a cru reconnaître le Pudens
de saint Paul dans un personnage nommé sur une
inscription de la Grande-Bretagne et en a fait un fils
de Pomponia Graecina (!) Mais, ces rêveries ont été
justement réfutées par Hùbner, Corp. iuscr. lui., vil,
p. 19. et dans le Blieinisches Muséum, t. \iv, 1859,
p. 358.
Voici ce que l'on peut établir à cet égard. Il est sur
qu'il y a eu à Rome de nobles matrones qui ont porté
les noms de Pudenliana el île Pudentilla réunis aux
noms de famille des Comelii et des ASmilii. l'e Rossi,
Borna sotlerranea, t. i, p. 312. Il est certain que, au
commencement du me siècle, demeurait à Rome sur
l'Aventin, près de l'endroit où on bâtit après l'église de
sainte Prisque. un personnage appelé '.'. Marins Pu-
dens Cornelianus, qui était originairement de la gens
Cornelia, adopté après dans la gens Flavia, et qui
devait se nommer Cornélius Pudens. Un de ses des-
cendants fut probablement ce AI. Marias Pudens,
dont le nom est marqué' sur quelques briques. Ma-
rini, lscrizioni doliari, 15-2, (3. Ce Cornélius Pudens
demeurait sur l'Aventin tout près de l'endroit où l'on
reconnaissait au moyen âge la maison d'Aquila et de
Prisque (église de Sainte-Prisque) ; et on sait que ces
deux célèbres personnages nommés par saint Paul
dans sa lettre aux Romains, eurent leur sépulture dans
le cimetière de Priscille sur la voie Salaria, cimetière
qui prit le nom de la mère il>- Pudens, le maitre de la
maison sur le virus patricius (aujourd'hui Sainte-
Pudentienne) el qui fut enseveli aussi dans le même
cimetière. Cette circonstance ne peut pas être attri-
buée au hasard; mais elle nous autorise à supposer
qu'il y eut des relations entre les deux maisons chré-
tiennes de l'Aventin et du viens patricius et que le
centre où ces souvenirs se réunissaient, était le cime-
tière de Priscille sur la voie Salaria. ,1.-1). lie Rossi
retrouva dans le cimetière île Priscille une inscription
d'un PUDENS FELIX et il lit remarquer que ce co-
gnomen Félix peut bien l'aire penser à un « Cornélius ».
p, scelle délia B. V. Maria, p. 17. On peut donc
tirer la conclusion que très probablement le Pudens
nommé par saint Paul était le fondateur du cimetière
de Priscille et qu'il pouvait très bien être un Cornélius
Pudens.
Ce rapprochement nous oblige de dire un mot sur
imetière de la voie Salaria dent l'histoire
et la t i été éclairée d'une lumière inatten-
due par les études de mon maître J.-B. De Rossi et
après aussi par les miennes.
Il est maintenant certain que ce cimetière est le
plus ancien de tous les autres cimetières chrétiens de
Rome et que ses monuments peuvent remonter jusqu'à
l'âge apostolique. A la suite des nouvelles fouilles, mon
maitre a pu démontrer que le célèbre cimetière de la
voie Salaria avait été fondé par la noble famille des
Aeilii Glabriones dont un membre. Manius Aeilius
Glabrio, consul de l'an 91. fut mis à mort par ordre
de Domitien à cause de sa profession de foi chrétienne.
Bull, d'arch. cris t., 1888-1889. p. 3-4. Il y retrouva
des inscriptions qui mettent en rapport les Aeilii avec
quelques nobles femmes qui portent le nom de l'ri-
scilla et il en a tiré la conclusion que le Pudens de la
légende de sainte Pudentienne élait lié de parenté avec
la famille même des Aeilii et qu'il fut le fondateur de
vénérable cimetière, le plus ancien de tous, où il
fut enseveli et où furent déposées aussi ses Mlles Puden-
tienne et Praxède.
Priscille, la mère de Pudens, pouvait être aussi
de la gens Acilia; et en effet on trouve dans le nom
de cette famille le eognomen « Priscus ». Dans le
musée du Vatican on voit l'inscription d'un Aeilius
Priscus.
Après de longues recherches sur le cimetière de la
voie Salaria, je suis parvenu à démontrer que dans le
cimetière de Priscille on vénérait le grand souvenir de
la première prédication de saint Pierre et de la fonda-
tion de l'Église romaine; et qu'on y doit reconnaître
le célèbre cimetière Ostrien où l'Apôtre aurait admi-
nistré le baptême, c'est-à-dire le cœmeterium ail
nymphas appelé aussi cœmeterium faillis S. Pelri.
1 D voir les preuves développées dans plusieurs articles
publiés par moi dans le Nuovo Bulleltino di archeologia
crisliana, 1901-1908. La célèbre indication du cata-
logue de Monza du VIe siècle, sedes ubi prias sertie
sanclus Pelrus, doit être considérée comme une indi-
cation topographique et être attribuée au cimetière de
Priscille. Nuovo Bulleltino, 1908, n. 1-2.
Or cette identification a une grande importance pour
la question du Pudens de la légende; elle nous con-
tinue que, dans cette légende, il y a un fond de vérité
quand on met saint Pierre et sa première venue à Rome
en relation avec un personnage qui avait été le fonda-
teur d'un cimetière creusé' dans un endroit de la ban-
lieue romaine où l'apôtre avait inauguré son épiscopat
dans la capitale de l'empire.
Le cimetière de Priscille peut être appelé aussi le
cimetière de Pudens car il y avait là son tombeau de
famille. D'après les dernières fouilles on pourrait
reconnaître ce monument dans la région du cimetière
qui est près de l'entrée actuelle et dans les environs de
la chambre sépulcrale que l'on appelle la n chapelle
grecque ■•. Mais le monument le plus important de ce
cimetière, et qui t ^fermait, poui ainsi dire, tous ses
grands souvenirs, était labasiliq établie à la surface
du sol dans la maison même de campagne des Aeilii
Glabriones qui a pu être 1res bien la maison de cam-
pagne de Pudens. Celte basilique (ou il y avait les tom-
beaux de sept papes) fut retrouvée et rebâtie par mon
initiative aux frais de la commission d'archéologie
sacrée, l'an 1907. Voir iVuovo Bulleltino di arch. cris t.,
1908 n. 1-2. Après le cimetière de la voie Salaria, un
autre souvenir de Pudens était le litulu» Pudenlis,
c'esl à dire la im.um.h même habitée par lui à l'intérieur
di la ville où est aujourd'hui l'église de Sainte-Puden-
tienne. Les documents qui nous fournissent des indi-
cations sur l'origine de l'église de Sainle-Pudentienne
sonl les récits dits de Pasteur et de Timothéi
lettres de Pie 1" à Juste de Vienne, et le Liber ponli
Les deux premières classes sent apocryphes
mais neiis avens plusieurs motifs de penser qu'elles
contiennent un fond de vérité, coi i j'ai déjà dit.
D'après ces documents, il y avait la primitivement la
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