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Full text of "Quelques mots sur l'ornithologie européenne de M. le Docteur Degland, et sur une critique de M. Charles Bonaparte, précédés d'un essai sur la définition des espèces et des races"

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QUELQUES MOTS 


L'ORNITHOLOGIE 


EUROPÉENNE 


De M. le Docteur DEGLAND, et sur une Critique 
de M, Charles BONAPARTE, 
PRÉCÉDÉS D'UN 


EXSAL SUR LA DÉFINITION DES ESPÈCES ET DES RACES, - 


PAR 


J-B. JAUBERT. 


MAIRSIEMUILIE , 
IMPRIMERIE A. CARNAUD, PASSAGE SAINT-FERRÉOL, 23. 


1851 


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ESSAI 


* SUR LA 


DÉFINITION DES ESPÈCES ET DES RACES. 


En passant en revue ces deux travaux de nos auteurs 
modernes sur l’Ornithologie Européenne , je n’avais qu’un but , 
celui de m’arrêter à quelques considérations propres à l’étude 
de cette science dans les provinces méridionales de la France , 
c’est-à-dire , à des connaissances locales qui pussent apporter 
quelques lumières dans des questions plus générales. En France 
surtout, on avait beaucoup fait, et c’est principalement à ce 
senre de petits travaux , exécutés sur divers points à la fois, 
que l’Ornithologie à dû les progrès notables qui ont marqué ces 
dernières années. Mais malgré tout le zèle, malgré tous les 
efforts tentés , il était évident qu'il y avait encore beaucoup à 
faire et la dernière publication du docteur Degland est venue 
nous en donner une nouvelle preuve. 


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Dans ce livre remarquable à tant de titres , se rencontraient 
bien des lacunes à côté de bien des erreurs. Les unes comme les 
autres n'étaient que la conséquence inévitable du manque de 
matériaux nécessaires à l'édification d’une œuvre complète, ainsi 
que nous le dit au reste l’auteur lui-même. 

Au sujet de ce livre, parut quelque temps après une critique 
de M. Ch. Bonaparte, critique un peu amère peut-être, dans la- 
quelle l’auteur expose ses griefs , et passe en revue les fautes 
de M. Degland. Mais s’il relève quelques-unes de ces erreurs , 
plus prudent ou mieux inspiré , il ne se prononce pas sur bien 
des questions douteuses et attend de nouvelles observations. 

Dans ce petit livre où la politique semble avoir pris une part 
un peu trop grande au milieu de questions qui sont loin d’avoir 
avec elle les moindres rapports , on est cependant obligé de re- 
connaître l’œuvre d’un homme qui s’est occupé à fond de cette 

science et qui a le droit de parler en maitre. On est, à ce titre , 
_ tout naturellement porté à excuser le quelque peu d’amertume 
que l’on rencontre parfois dans ses paroles. 

Quoiqu’instinctivement éloigné de l’idée de faire une préface 
et reculant devant une semblable entreprise, j'ai été conduit 
par la force des choses à la nécessité d'expliquer quelques-unes 
des raisons qui m'ont fait critiquer certains passages chez les 
auteurs que j'avais sous les yeux. Ce ne sera donc qu’à titre 
d'explication , et d’une manière sommaire que je toucherai 
ici à des questions qui ne sauraient y recevoir une solution 
convenable. 

Une chose m'avait surtout frappé dans la lecture de ces deux 
livres. Je ne parlerai pas de cette tendance funeste vers les di- 
visions à l'infini, dont M. Ch. Bonaparte semble avoir. pris à 
tâche de se faire le plus audacieux champion ; car il y a quelque 
chose de plus déplorable encore, c’est cette incertitude que 
l’on rencontre à chaque pas dans la question de l’espèce. Ces 
tendances qui désolent aujourd’hui toutes les branches des 


fl 


sciences naturelles, ne sont qu’une conséquence de l’incer- 
titude même , du vague, de l'infini qui règne dans l'esprit de 
ceux qui les professent. 

La philosophie de l’histoire naturelle est le dernier terme de 
la science ; on ne peut s'y élever que par l'observation des faits, 
mais il faut y atteindre , car sans elle , l'observation directe ne 
sera qu’une étude de détails , l’histoire naturelle qu’une science 
de mots. C’est dans les régions de cette philosophie que se trou- 
ve le seul criterium capable de guider et de soutenir les pas de 
l'observateur , pour quielle doit être en même temps le point de 
départ et le but de toute recherche. 

La plupart de nos auteurs modernes semblent fort peu se 
douter de la chose et quelque hardiesse qu’il y ait dans le re- 
proche que je leur fais ici, il n’en reste pas moins constant que 
c’est un reproche mérité; préférant rester dans un terre à terre 
continuel au milieu de leurs erreurs, se querellant sur des mots 
qui ne sont l'expression d'aucune idée bien arrêtée , ils appor- 
tent ainsi le trouble et la confusion dans les questions , je ne 
dirai pas les plus simples, mais dans lesquelles il serait si fa- 
cile de s'entendre. 

Au dessus de toute la science , plane une immense question , 
c’est celle de l’'Espèce. Pour arriver en histoire naturelle , à une 
étude convenable , il est évident qu’il faut avoir une idée bien 
arrêtée de ce qui est le point de départ de toute observation ; il faut 
avoir dé fini l'espèce. La chose n’est sans doute pas facile , puis- 
que l’école philosophique actuelle en est venue à nier existence 
de l'espèce pour ne voir dans la nature que des individus. 
L'espèce et le genre ne sont donc pour les représentants de 
cette idée que des divisions purement conventionnelles , trop 
incertaines , et c’est tout au plus si l’on peut se reposer sur la 
farnille pour satisfaire un certain besoin d'ordre qu'ils n’ont 
pas encore mé fout-à-fait. 


Je n'ai pas la prétention de réfuter iei une semblable doctrine 


es ue 

qui pèche justement par l'excès contraire de celui qu’elle re- 
proche aux autres. Ce qu'il y a de plus évident au milieu de ses 
actes , c’est le brevet d’impuissance qu’elle s’y donne à chaque 
instant. Toutes les clameurs de l’école finaliste dont M. de 
Blainville était le chef l'ont trouvée insensible, etle doute ef- 
frayant qu’elle faisait planer sur la science n’a point été aperçu. 
Que penser d’ailleurs d’une école qui ne voit dans les familles , 
dans les genres , dans les espèces que des divisions convention- 
nelles pour désigner des temps d’arrêt de développement , de 
simples évolutions dans le perfectionnement des individus? Que 
penser d’une philosophie dont un des plus savants interprètes , 
M. Serre , cite comme preuve de la non fixité de l'espèce, les 
diverses modifications que subit , par exemple, le test de la 
Lymnœæa ovalis, pour arriver à son état complet? C’est d’abord 
une Patelle , puis une Zestacelle , puis une Crépidule , puis 
une ÆAneile et enfin un Cabochon !..... Voilà donc cinq es- 
pèces de coquilles qui ne sont qu'un point d'arrêt permanent 
des cinq formes transitoires que parcourt dans son développe- 
ment la coquille de la Lymnæa ovalis. Malgré l’assertion de 
M. Serre, la chose reste encore à prouver , car les formes peu- 
vent être à peu près semblables, mais elles sont loin d’être 
identiques. Il ne me reste qu'à m’étonner d’une chose, c’est 
de n’avoir pas vu M. Serre , de la ressemblance de l’animalcule 
spermatique humain avec un têtard de crapaud , conclure aussi 
que l’homme n’est qu’un degré perfectionné de l’évolution d’un 
Batracien ; il aurait pu ajouter , comme preuve à l'appui, la 
trace de la fameuse queue des peuplades de l'Afrique centrale . 

Je crois inutile d’insister un instant de plus sur une doctrine 
qui s’appuie sur de semblables observations pour établir sa phi- 
losophie zoologique , et quelque autorité que présentent les 
noms de ceux qui en sont les plus ardents défenseurs , je ne 
crains pas de dire qu’elle ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête 
sérieusement. 


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La négation de l'espèce de la part de cette école , ne sera 
pour nous qu'une preuve de la difficulté d’une définition 
absolument exacte ; c’est-à-dire de l'impossibilité des régles 
générales en histoire naturelle. 

A côté de cette opinion si peu philosophique pour des gens 
qui ont décoré du nom d'Etcole philosaphique leur corps de 
doctrines, nous pourrions placer l'opinion de ceux qui croient 
à l'espèce , mais à sa variation incessante par suite des modi- 

ficateurs ambiants et du croisement des espèces congénères. 
Ces deux opinions n’en font qu'une, car les uns admettent 
comme signe d’une réalité douteuse, ce que les autres ne 
regardent que comme des signes conventionnels auxquels il est 
inutile d’avoir recours. 

En regard de cette école se présente naturellement l’école fi- 
naliste et l’opinion des naturalistes bibliques qui soutiennent 
l'éternité et l'inmmutabilité de l'espèce ; qui voient dans les 
êtres organisés une création faite d’un seul jet et se perpétuant 
sans altération depuis six mille ans. Qutre que les preuves géo- 
logiques ne sont pas toujours en leur faveur, ils ferment les 
yeux à ce qui se passe journellement autour d’eux ; ils se ren- 
ferment dans leurs opinions comme le cyclostome dans sa coquille 
en ayant soin de bien fermer la porte pour ne pas laisser entrer 
l'ennemi. 

Que conclure de tout cela ? Devons-nous être exclusifs , et ne 
voir dans la nature que la reproduction perpétuelle d’une créa- 
tion immuable ; ou bien tout expliquer par les modifications 
successives des êtres à l’aide des croisements et de l'influence 
des climats ; de sorte que , pour être logique, l’homme, ce plus 
grand perfectionnement de l'individu , devrait être le descendant 
d’un singe ou d’un crapaud? Ni l’une ni l’autre de ces deux 
opinions n’est acceptable parceque absolues dans leurs affirma- 
tions , elles ne laissent point de place à l'exception. Or, rien 


de moins philosophique que l'absolu , on l’a dit avant moi; dans 
à 


Es UNE 


toutes les théories humaines , le doute doit avoir sa part, et 
dans cette question plus peut-être que dans toute autre. ...... 


D slrrets ere + ehoietrithe sitio alert cotes jolee lai etote IC lele nie Price ets .. 


nos auteurs, sont la source évidente de contradictions et de 
querelles sans fin. Je n’oserai jamais supposer que ces messieurs 
ignorent toule l'importance d’une définition , jaime mieux croire 
que reconnaissant la difficulté de la chose , et reculant devant 
ses conséquences ils n’ont pas osé y toucher , aimant mieux de- 
meurer au milieu d’une confusion déplorable que poser les jalons 
d’une route nouvelle. Les définitions sont quelquefois compro- 
mettantes, surtout quand elles sont appliquées par les esprits à 
systèmes. C'est ce qui était arrivé à tous les hommes de génie 
qui avaient fait usage de cette arme ; on peut donc être excusa- 
ble de ne s'être pas cru à l'abri des malheurs de nos grands 
maitres. Aussi nos écoles modernes , l’une d’entr’elles surtout, 
sont-elles devenues d'une sobriété de définitions qui tient du 
prodige, puisqu'on est même allé jusqu’à nier l'existence des 
choses pour n’avoir pas la peine de les définir. 

Malgré toutes nos protestations de dévouement pour ce que 
nous appelons la méthode naturelle, nous ne pouvons chasser 
de notre esprit les tendances systématiques que l'on regarde ce- 
pendant comme le plus déplorable abus de l'intelligence. Si les 
systèmes n’ont pas tué les sciences , c’est que les sciences étaient 
immortelles ; mais combien de temps n’en ont-ils pas arrêté les 
progrès? Quel mal ne leur ont-ils pas fait avec le doute qu'ils 
traînaient après eux? De toutes ces sciences , la Médecine ne 
serait-elle pas celle qui pourrait le mieux en fournir la preuve? 
Chez elle, tous les systèmes ont eu leur vogue, mais les sys- 
ëmes n'existant que par l'absolu , ils n’y ont véen que ce qu'ils 
devaient y vivre. 

En histoire naturelle , la chose a été reconnue certes depuis 
longtemps; mais d'où vient alors qu'au milieu de tous Îles 


M 

efforts tentés pour arriver à une méthode naturelle se montrent 
toujours les mêmes tendances au système , c’est-à- dire à l’ex- 
elusiou de tout ce qui ne rentre pas dans les idées préconçues , 
à l'exclusion de l’exception au profit de la régle générale? C’est 
avec ce singulier esprit que nous voyons si souvent nos auteurs 
inventer des faits plutôt que de renoncer à leurs théories. C’est 
encore avec cet esprit que, tirant d’un fait toutes les conséquen- 
ces prétendues logiques , la définition de l'espèce n’est plus 
abordée qu’en tremblant, parceque cette simple définition se 
trouve renfermer tout une doctrine , tout un système de philo- 
sophie. Ce n’est aujourd’hui ni plus ni moins qu’une question de 
Déisme ou de Panthéisme , et l’on doit évidemment reculer de- 
vant une définition quand on n’a pas le courage d’embrasser 
ouvertement l’une ou l’autre de ces deux religions. 

Mais alors, il fallait être conséquent avec soi-même , et jeter 
au feu tous Îles livres ayant pour but la connaissance et la dis- 
tinetion des espèces. Or, il n’en a pas été ainsi, puisque c’est 
justement par un de ces livres que je suis amené à toucher à 
celte question. il semble même que le goût de l'étude des espèces 
soit plus prononcé depuis que l’on prèche à tue-tête leur non- 
existence. Je ne prétends pas que ce soit là la conséquence de 
semblables doctrines ; mais il n’en reste pas moins constant que 
l'étude de l'espèce est le point de départ de toutes les connais- 
sances naturelles ; que l’espèce doit exister et existe, parce que ce 
ne sont pas des individus séparés que l’on étudie, mais bien des 
êtres collectifs dans un seul type L’hérédité des caractères, quel- 
que incertains qu'ils soient, n’est pasune chose que l’on puisse 
nier; l’accouplement des individus semblables entr’eux , cons- 
titue bien une régle générale dont l’hybridation n’est que l’ex- 
ception bien rare. Eh bien ! quelle singulière passion du boule- 
versement ne faut-il pas avoir dans l'esprit pour venir ériger 
l’exceplion en thèse générale , et fermer les yeux à cette loi qui 
préside à la conservation des types, et dont tant d'exemples se 


7 ADS 


montrent yournellement à nous ! Cette loi repose évidemnnerit 
sur une régle générale, et la formuler, c’est encore définir 
l'espèce. 

Quelque difficile que fût cette définition , aux divers points de 
vue des diverses écoles , il n’était pas juste de la rejeter , car 
détruire n’a jamais été le moyen de rien simplifier. L'espèce 
regardée même comme simple division conventionnelle , 
puisqu'elle était chose nécessaire , ‘méritait une définition ; 
et la preuve, e’est l’impossibilité où sont les auteurs qui 
s’en occupent de s'entendre. La confusion qui règne partout 
entre le mot espèce et le mot race constitue un vice fon- 
damental qu'il faut détruire sous peine de le voir renverser 
de fond en comble la base sur laquelle reposent les doctrines 
de la plus sage philosophie. 

Qu'est-ce donc que Pespèce ? Qu'est-ce que la race ? 

Laissant de côté l’opinion de sa non-existence , on peut en- 
core diviser en deux groupes bien distincts, l’ensemble des 
idées qui se rattachent à létude de l’espèce. Pour les uns, elle 
a été : le produit de l’accouplement de deux individus 
semblables, se perpétuant avec les mêmes caractères. 
Mais, trop générale, cette définition servant de point de dé- 
part à la science, porta bientôt les fruits qu’elle contenait en 
germe. Certains esprits susceptibles furent alarmés des funestes 
conséquences qu’on en tirait chaque jour, et voulant mettre 
une digue à leur envahissement, l'espèce fut pour eux quelque 
chose de plus ; ce fut l’œuvre directe du créateur , se pro- 
duisant toujours avec les mêmes caractères, par l'accou- 
plement d'individus semblables ; mais dans cette définition 
comme dans l’autre, se montrèrent les mêmes excès, et sous 
le prétexte d’être conséquent, il fallut fermer les yeux à l'évi- 
dence , et refuser d'admettre toutes les exceptions , embarras 
éternel des règles générales, Un exemple viendra tout à l'heure 
complèter cette pensée. 


et 
_— À5 — 


(Quant à la race, pour en donner une bonne définition, if y 
avait deux choses à considérer, car on avait appliqué ce nom 
à deux produits bien différents : la variété produite par la seule 
influence du climat, fut une race; l'espèce humaine eut les 
siennes comme tant d’autres animaux domestiques. En état de 
liberté ces races furent communes aussi, et l’on donna le nom 
de variétés locales à ces produits des influences extérieures, 
dont le caractère propre, remarquons-le en passant, est de 
retourner au type aussitôt qu’on les replace dans les condi- 
tions premières. 

D'un autre côté, on a aussi donné le nom de races aux di- 
vers produits des croisements, réservant le nom de varietés 
simples aux diverses anomalies de livrée, effet accidentel d’une 
idissynerasie ; et celui de nu lets aux produits inféconds de 
deux espèces; je dis 2nféconds pour les mettre en opposition 
avec ceux qui jouissent de la faculté de procréer. 

Il est évident, et c’est un fait d'observation assez universelle- 
ment admis , que deux espèces différentes peuvent s’accoupler 
et produire des individus féconds à leur tour. À priorë, pour 
que le produit de deux espèces différentes füt doué de facultés 
procréatrices , il fallait au moins que ces deux espèces fussent 
très voisines, et que leurs caractères spécifiques eussent une 
grande analogie. C’est ce que l'observation est venue con- 
firmer. L’accouplement d’espèces trop éloignées est une chose 
d’abord souvent impossible , et en admettant même que dans 
certains cas de semblables rapprochements fussent féconds, le 
produit serait un monstre, et à ce titre, la nature ne souffrant 
pas qu’il se reproduisit, l'aurait d’avance condamné à une mort 
certaine. Quant au simple rapprochement fécond, nous savons 
que ce n’est pas seulement d'espèce à espèce qu'il peut avoir 
lieu , on l’a observé de genre à genre, ce qui tout en ne signi- 
fiant pas grand chose , puisque le genre est une division con- 
ventionnelle , indique cependant que ces espèces étaient encore 


LE 

assez éloignées par leurs caractères distinctifs, caractères sur 
la valeur respective desquels nous sommes sans criteriuri dans 
nos appréciations. 

Cependant n'a-t-on pas aussi prétendu que les produits qui 
se perpétuaient n'étaient que le résultat du simple croisement 
de deux races, c’est-à-dire de deux variétés de la même espèce, 
ayant subi des modifications climatériques? Cette objection 
n'était pas sérieuse, bien qu’elle constituàt une observation 
juste, puisqu'elle reposait sur la grande majorité des cas; 
mais de ce qu'il en était ordinairement ainsi, devait-on abso- 
lument conclure qu’il fallait que cela fût toujours? L'expérience 
s’est au reste chargée de donner un démenti formel en nous 
montrant des hydrides , produits d'espèces bien distinctes, qui 
se sont perpétués et sont devenus la souche de races nouvelles: 

Au reste, ces considérations jointes à l’aveu que ce n’est 
quexceptlonnellement que lhybride peut se reproduire, 
devraient, ce me semble , rassurer les consciences timorées à 
l'endroit de la mutation sans fin des espèces, et particuliè- 
rement au sujet de la valeur des opinions qui feraient de l’hom- 
me un crapaud perfectionné. 

Ainsi, avec la première définition de l'espèce, produits d'in- 
dividus semblables se présentant toujours avec les mémes 
caraclères, on sera obligé de donner ce nom à toutes les 
générations d'individus semblables , qui seront le résultat , soit 
d’une influence climatérique , comme chez l’homme, soit du 
croisement comme chez tant d'espèces domestiques et sauvages; 
sans même qu'il soit nécessaire de recourir à une observation 
de longue durée : cette définition est donc trop absolue. Avec 
la seconde qui regarde l'espèce comme une collection de types, 
œuvre directe du créateur, les choses et les mots reprendront 
leur valeur respective , et l'application de la définition à la chose 
définie , sera meilleure. Mais ici se montrent eependant encore 
les conséquences de la définition, conséquences , comme je 


— 10 — 


l’ai dit, si redoutables pour quelques-uns, qu'ils n’ont pas hésité 
à abolir la chose pour ne pas avoir à la définir. 

Dans une des dernières séances de l'Académie des sciences , 
M. Geoffroy Saint-Hilaire a présenté une nouvelle définition de 
l'espèce, qui sous le prétexte d’être plus en harmonie avec les 
besoins de la scionce, n’est que la substitution de la théorie 
d'une variabilité limitée à l'hypothèse de la fixité absolue. 
« L'espèce est, d’après lui, une collection ou une suite d'indi- 
« vidus caractérisés par un ensemble de traits distincüfs, dont 
« la transmission est naturelle, régulière et indéfinie dans 
« l’ordre actuel des choses. » La possibilité de distinction , ia 
transmission naturelle et régulière, la stabilité et la perma- 
nence égales à celles de l’état actuel du globe, sont done 
les trois éléments essentiels de cette définition de l’espèce. Ce 
qui revient à dire que la définition est acceptée, mais comme 
provisoire seulement ; que tout change ici-bas, et que Îles 
caractères de l’espèce doivent changer comme le reste. 

A cette théorie de la variabilité limitée, M. Geoffroy Saint- 
Hilaire fait correspondre en palaæwontologie une hypothèse, celle 
de la filiation. À chaque époque géologique , il y a eu extinc- 
{ion d’une partie des espèces, mais celles qui ont subsisté , 
ont subi des modifications qui ont pu acquérir la valeur et la 
permanence des caractères spécifiques. De telle sorte que toutes 
ces variétés venant constituer de nouvelles espèces, le créa- 
teur n'avait eu qu’à assister les bras croisés à toutes ces per- 
mutations. Demandez à M. Gcoffroy Saint-Hilaire s’il croit à 

une création première; il n’en voit pas la nécessité, car il sait 
que renvoyer la question ce ne serait pas la résoudre. Quant à 
la question de savoir d’où vient l'homme , il est évident qu'il 
n’a été qu'une modification de quelque chose, de n'importe 
quoi. L'auteur avoue d’ailleurs franchement qu'il a substitué 
cette doctrine à celle de la fixité, parceque celle-ci avait recours 
dans cette question à deux hypothèses, selon lui imadmissibles, 


— 16 — 


pour ne pas dire absurdes, celle de créations successives, el 
celle dite de translation... ... En dehors de tout jugement 
scientifique, c’est au moins ce que tout le monde appellera 
avoir le courage d’une opinion , pour en accepter les consé- 
quences. 

Essayons cependant de nous soustraire à l'absolu, si cela est 
possible, et considérons les mots au cœur même de la question 
qui est et sera longtemps le champ de bataille des deux camps 
opposés : Les espèces aujourd’hui vivantes à la surface du 
globe , sont-elles l’œuvre directe de la création, ow bien 
une simple mulation des espèces d'autrefvis ? 

À mesure que le globe se refroidissait, et que des modifica- 
lions atmosphériques en étaient la conséquence inévitable, appa- 
raissaient sur la terre des animaux d’un aspect tout nouveau, en 
rapport avec les milieux dans lesquels ils étaient destinés à vivre. 
Leur nombre était-il plus ou moins considérable ? Nous n’en 
savons rien ! Les débris fossiles, ces médailles des temps géo- 
logiques , nous montrent divers de ces animaux dont quelques- 
uns ont encore des analogues parmi les espèces vivantes; mais 
le nombre extrêmement petit de ces débris nouvellement dé- 
couverts , laisse le champ ouvert à l'hypothèse, en ne nous 
montrant pas les divers passages, les diverses évolutions des 
types primitifs, de sorte que nous devons en vouloir à ceux 
qui affirment d’une manière hypothétique que tous ces 
passages ont eu lieu, et que leurs traces se retrouveront indu- 
bitablement avec un peu de patience et un peu de temps. 

L'époque de la venue de l’homme sur la terre est toute ré- 
cente, comparée aux diverses apparitions des autres êtres ani- 
més; et une des meilleures preuves, est cette absence com- 
plète d’ossements humains dans les divers terrains. On est, 
donc obligé de reconnaître pour lui au moins l'intervention 
directe du créateur à une époque très rapprochée. De ce fait 
purement matériel on doit logiquement conclure que ce qui 


CE re 


s’est passé pour l’homme a aussi pu avoir lieu pour les ani- 
maux ; c’est-à-dire que le Créateur a bien pu former de toute 
pièce certains types nouveaux exactement comme il a formé le 
type humain. 

Si maintenant , considérant la question sous son autre point 
de vue, nous descendons dans l’examen des faits , nous conclu- 
rons de ce qui se passe aujourd'hui pour ce qui a pu avoir 
lieu autrefois. Le Nègre simplement au point de vue anatomi- 
que, diffère certes autant du Blanc que l'éléphant fossile par 
exemple, ou simplement enfoui dans les glaces polaires , dif- 
fère de note éléphant indien, Eh bien! puisque l’influence des 
climats actuels , peut produire de semblables modifications chez 
la dernière espèce créée, chez celle qui par son industrie résiste 
au climat mieux que toutes les autres , pourquoi ne pas admet- 
tre que les formidables modifications amosphériques , résultats 
des diverses révolutions du globe , n’ont pas pu exercer sur les 
espèces d'autrefois des influences bien autrement capables de 
les rendre méconnaissables ? Pourquoi certaines espèces actuel- 
les ne seraient-elles pas les héritières directes d’espèces étein- 
tes, c’est-à-dire des races au même titre que nos races hu- 
maines ? 

Il est certain que cétte question ne sera jamais vérifiée prati- 
quement, puisqu'on ne pourra jamais soustraire ces espèces à 
l'influence de la constitution atmosphérique telle qu’elle existe 
aujourd’hui, pour essayer de les ramener au type supposé pri- 
mitif. Les alarmes des idées déïstes à ce sujet, me paraissent 
peu fondées, puisque renvoyer la création au commencement 
du monde, ce n’est pas la nier ; surtout lorsqu'on reconnait de 
Justes limites aux mutations qui peuvent avoir eu lieu chez 
quelques-unes de ces espèces. 

Admettre comme possible, comme logique même cette muta- 
tion de quelques espèces par les causes atmosphériques ce n’est 
pas nier la disparition de quelques-unes d’entr’elles , non plus 


re] 


LU LES 
que l'intervention directe d’un Dieu pour la production nou- 
velle de certaines autres. Considérer quelques espèces vivantes 
comme races d'espèces éteintes, ce ne serait pas admettre 
l'impossible ; ce ne serait pas admettre, par exemple, qu'un 
ral ait jamais été la souche de nos chats modernes , pas plus 
que l’homme une simple évolution de l’orang. 

Si d’un autre côté, ignorants que nous sommes des ressour- 
ces de la Providence pour arriver à ses fins, nous voulions 
admettre que l’accouplement des espèces différentes ait pu con- 
tribuer à venir compliquer, dans certains cas, cette œuvre de 
la création, œuvre de mystère et de foi, il n’en resterait encore 
pas moins constant qu’un lion, par exemple , n’a jamais été 
le produit du rapprochement d’un cheval et d’un ours, pas 
plus que l’homme celui de l’accouplement d’un singe avec n’im- 
porte quoi... Pour les exceptions même, il est dans la nature 
des limites infranchissables. 


QUELQUES MOTS 


SUR 


L'ORNITHOLOGIE BUROPÉENNE 


AU POINT DE VUE DES ESPÈCES MÉRIDIONALES. 


Ordre Premier. — Accipitres. 


Sans me porter ici le défenseur de la division de cet 
ordre en Diurnes et Nocturnes, je dirai seulement 
que, mauvaise d'après M. Ch Bonaparte, cette division 
en vaut bien une autre. Généralement admise d’ail- 
leurs, elle sépare des oiseaux de mœurs et de formes 
_ si différentes qu’on ne peut la rejeter, sous peine de se 
trouver dans la nécessité d’avoir à lui substituer 
quelque chose de mieux. D'un autre côté, une des 
raisons qui plaident encore en sa faveur, c’est que les 
grandes divisions valent toujours mieux que les peutes. 


ROUE: 
Famille LD — Vulturidæ. 


Pour toucher à des questions d’un ordre aussi 
relevé que celles qui se rattachent à la physiologie des 
Vautours , il faut être au moins au courant de la 
science ! Ce reproche fait à M. Degland est-il bien 
mérité? Si M. Degland semble ne pas être au cou- 
rant de la science, sa conclusion au moins est sage. 
Que demander de plus ? 

De tout temps , l'étude des mœurs d'oiseaux aussi 
remarquables a été l'objet de recherches et de tra- 
vaux quiont mis hors de doute bien des questions. 
C'est ainsi qu'il est aujourd’hui reconnu que c’est à 
leur instinct d'abord, et ensuite à leur vue que les 
Vautours doivent la merveilleuse faculté qn'ils ont 
de reconnaître les lieux où ils trouveront une proie. 
Les anciens qui avaient fait du Vautour un présage 
de combats, avaient remarqué sa présence à la suite 
des grandes armées. Guidés par cet instinct, c’est. 
toujours sur les lieux où se trouvent réunies de gran- 
des quantités d'hommes ou d'animaux qu’on les voit 
apparaître ; c’est au mois de mai, par exemple, qu'ils 
arrivent dans la Camargue et dans la Crau , époque 
à laquelle commence la mortalité parmi les immenses 
troupeaux que l’on élève dans ces plaines. 

Il serait éminemment absurde de supposer avec 
Pline, valeant olfactu vultures, que c'est par leur 


MODE 


odorat que les Vautours sont guidés. Leur apparition 
_ à des époques fixes dans des localités où ils ne séjour- 
nent que peu de temps, n'est que l'effet d'un ins- 
tinct admirable qu'il est impossible d'expliquer et 
dont l'homme ne saurait connaitre la nature, Les ex- 
périences de Levaillant et d’Audubon sans laisser de 
doute à l'égard du sens qui guide ces oiseaux dans 
la recherche de leur proie, ne détruisent pas chez 
eux la subtilité du sens olfactif, auquel il faut cepen- 
dant reconnaître de justes limites. Réunis en nombre 
toujours considérable dans une localité , ils en explo- 
rent les environs, et lorsqu'une proie a été apercue 
par l’un d'eux, le mouvement quil exécute pour 
fondre sur elle, observé de proche en proche par 
toutes ces sentinelles, réunit bientôt toute la troupe 
sur un point où un instant auparavant on n'en aper- 
cevait pas un seul. 

Chez nous, du sommet des Alpines leur œil em- 
brasse toute l'étendue de cette immense solitude 
que nous appelons la Crau ou la Camargue, suivant 
qu'elle est en deçà ou -en delà du Rhône. De ce point 
d'observation rien ne peut leur échapper, et aussitôt 

qu'une proie leur est abandonnée, on les voit des- 
cendre en nombre quelquefois très considérable. C’est 
une remarque curieuse et intéressante à la fois , faite 
tous les jours par les habitants de cette localité, et quel- 
quelois aussi par les naturalistes qui vont à la recher- 
che de quelques-unes des espèces qui la fréquentent. 


— 92 


— J'aurais bien voulu que M. Ch. Bonaparte eût été 
moins bref quand il s’est écrié: Comment peut-on confon- 
dre le Chassefiente avec le Vautour-Griffon! Une sembla- 
ble exclamation méritait quelques développements. 
Qu'est-ce que le Chassefiente? Est-ce cet oiseau auquel 
Rüppell dans son Voyage en Afrique, pl. 32, donne le 
nom de Æolbü, et qu'il ne place pas, avec quelque raison, 
parmi les oiseaux d'Europe? Est-ce le Chassefiente de 
Levaillant ( Oiseau d’Afr. pl. 10 ), avec sa touffe de 
plumes faisant saillie au devant de la poitrine ; carac- 
tère qui le rapprocherait de l'Arrian, si l'Arrian ne 
les portait relevées le long du cou? Serait-ce enfin 
celui de Temminck dont la description se rapporte à 
l'adulte du Vautour-Griffon, ainsi que nous avons 
pu nous en convaincre par les changements successifs 
dans la livrée de quelques individus conservés vivants 
au Muséum de Marseille ?...... Je comprends le 
doute que l’on peut conserver au sujet d’un oiseau 
qui n'est pas exactement déterminé, et j'aurais été 
heureux, je l'avoue, de voir résoudre cette question 
par M. Ch. Bonaparte. 

Tous les ans nous tuons en Crau le Vauiour-Grif- 
fon jeune et adulte ; nous aurions certainement pu 
faire deux espèces de ces deux âges, si nous n'avions 
été précédemment édifiés par les divers passages 
obtenus en captivité. 

Ici pour la première fois M. Ch. Bonaparte confond 
l'espèce avec la race. .... S'il fait de son Gyps-fuluus 


EU JL 


et de son G. occidentalis deux races, je serai peut- 
être de son avis; maisje ne saurais l'approuver, s'il 
en faisait deux espèces. 

Ces milliers de Vautours-Griffons qui se donnent 
périodiquement rendez-veus chez nous, viennent peut- 
être de tous les points du globe , mais ils présentent 
à coup sûr tous les caractères sur lesquels semblent 
s'appuyer les auteurs pour en former deux espèces. 
J'ai eu d'Egypte des individus jeunes et adultes, 
identiques à ceux que nous tuons dans le Midi de 
la France. 

— Plus loin, M. Ch. Bonaparte nous dit avec le 
ton tranchant du maître que le Vultur Auricularis 
doit être rayé de la liste des oiseaux d'Europe. M. 
Ch. Bonaparte ne tient pas compte de la capture 
faite près de Salon et consignée dans le livre de 
M. Crespon. Sans avoir une confiance illimitée en 
M. Crespon , avant de nier un fait, on doit remonter 
à sa source; et si, dans ses divers passages à Mar- 
seille, M. Bonaparte avait songé à éclaircir ce point, 
il aurait vu entre les mains de M. Barthélemy, le 
sujet tué en Crau, et un autre individu vivant rap- 
porté d'Espagne. 

— Au sujet des Gypaîtes, M. Degland se refuse 
à admettre les deux races : G. barbatus et G. occi- 
dentalis. Ses répugnances sont , dit-il, fondées sur ce 
que toules les espèces peuvent offrir des d’fférences de 
taille selon les localités. Eh! mon Dieu, M. Degland, 


OT 


cela est évident, puisque c’est précisément cette im- 
fluence de la localité qui constitue une race ! N'hésitez 
done plus à admettre deux races si vous avez remar- 
qué ces différences entre les individus qui proviennent 
de ces deux localités. 


Famille II. — Faleonidæ. 


Je comprends ici la répugnance du Naturaliste et 
du Républicain pour la division des Falconidæ en 
nobles et ignobles. Je rejetterai cette division à un de 
ces deux titres au moins, tout en défendant cependant 
M. Degland contre l'accusation de n'avoir pas donné 
tête baissée dans ce dédale sans fin de divisions et de 
subdivisions contre lequel je ne saurais trop m'élever. 

En parlant de l'Aïgle Impérial (Aquila heliaca). 
M. Degland, pas plus que M. Ch. Bonaparte, ne fait 
mention d’une notice que publia M. Barthélemy au 
sein du Congrès scientifique Français (1846), et qu'ils 
ne connaissaient sans doute pas. Ce nom sous lequel 
M. Barthélemy fit connaître quelques individus jeunes 
pris en Provence, ne peut plus être conservé à cette 
espèce depuis que nous avons pu la comparer avec le 
véritable Aigle fmpérial qui nous était alors inconnu. 

Après la publication du livre de M. Degland, j'en- 
voyai à l’auteur undessin assez exact, représentantun 
individu qui fait partie de ma collection. Je dus lui 
annoncer aussi que nous comptions déjà de dix à 


ane | 
douze captures de cette espèce dans le Midi de la 
France;et je ne fus pas médiocrement étonné de recevoir 
quelque temps après, pour toute réponse, que mon 
Aigle n’était qu'une simple variété du Chrysaëtos.… 
Si M. Degland avait seulement tenu compte d’un nom- 
bre bien constaté de captures toutes identiques, 1l 
aurait été peut-être obligé pour être logique de regar- 
der cét oiseau au moins comme une race. Mais, si d’un 
autre côté, M. Degland était allé plus loin, et qu'il se 
füt arrêté à l'importance du principal caractère, c’est- 
à-dire des scapulaires blanches , je doute qu'il n’eût 
vu là qu’un simple Chrysaëtos. 

J'en fais appel à M. Ch. Bonaparte, et je lui deman- 
de si un caractère tel que celui de scapulaires blan- : 
ches, caractère qui se rencontre chez quelques espè- 
ces seulement , chez l'Ag. heliaca et V'Ag. pennata en 
Europe, et qui suffirait peut-être pour en former une 
section à part, comme le propose M. Barthélemy, je 
lui demande si ce caractère ne doit pas séparer à 
tout jamais cette espèce de l'Agq. chrysaëtos, duquel 
il diffère encore sous d'autres rapports non moins 
importants. Ajoutez à cela que M. Degland donne 
comme diagnose de l’Aigle royal : Jamais de blanc 
aux plumes scapulaires ! 

Conséquent donc avec moi-même, et m appuyant 
sur le témoignage de tous ceux qui ont pu voir cette 
espèce de près, je crois ne pas devoir la laisser un 
instant de plus inédite, et je proposerai pour elle le 


À 


2e, DB 
nom de celui qui le premier l’a fait connaître , de M. 
Barthélemy, mon ami et mon maitre, tout en lui 
conservant pour nom français, celui de la localité 
où jusqu'à ce jour nous l'avons rencontrée. 

Sa place qui serait d'après M. Barthélemy entre 
l’Aigle impérial et l'Aigle botté, doit être, si l’on ne 
veut rien changer à l'ordre établi, entre l'Aïgle im- 
périal et l’Aïgle royal dont il a les principaux carac- 
tères. 


Aigle Ste-Vicéoire — AQUILA BARTHELEMYI. 


Descriprion (1). — Mäle et femelle adultes. Livrée 
constamment la même et toujours foncée, semblable 
à celle l'Aquila Chrysaëlos; tête et parties supérieures 
du cou couvertes de plumes acuminées, d’un roux 
brun;premières scapulaires, c'est-à-dire les plus rap- 
prochées du corps, blanches , formant une épaulette 
de six à sept centimètres de long , sur trois ou quatre 
de large. Queue noirûtre, traversée de bandes irré- 
gulières d’un cendré brun ; bec couleur de corne ; 
cire, commissure du bee et doigts jaunes ; iris brun 
roux. 

Les jeunes, jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans, 
se distinguent par la coloration blanche de la moitié 
supérieure de la queue. Au nombre des premières 


(4) La description que je donne ici est celle d’un sujet que je pos- 
sède, âgé de 7 ans. 


LA; ge 


plumes qui apparaissent, se montrent déjà celles qui 
doivent former l'épaulette blanche. 

Cet Aigle plus trapu que l'Aïgle royal, présente 
des tarses et des pieds plus forts ; il y a quelque 
chose de lourd et de gêné dans sa démarche. Sa taille 
est à peu près la même que celle de l'espèce voisine 
qui varie au reste , comme on le sait, suivant l’âge et 
suivant les localités. Les œufs varient entr’eux par le 
plus ou moins de taches vineuses sur un fond gris- 
cendré. 

Osservarions.—Les deux premiers individus obser- 
vés par M. Barthélemy, avaient été tués près de Salon, 
en 1835 ou 1836. Quelques années plus tard, en 
4843, on apporta au Muséum d'histoire naturelle de 
Marseille deux jeunes Aiglons qui avaient été déni- 
chés dans les montagnes de Sainte-Victoire du côté 
d'Aix. Ils venaient de se recouvrir de leurs premières 
plumes, et déjà l'on reconnaissait parfaitement sur 
les scapulaires le caractère qui les distinguait de 
l’Aigle royal. 

La recommandation fut donnée l’année suivante 
de surveiller le couple et de s’emparer des œufs. Ce 
fut ainsi que pendant plusieurs années M. Barthélemy 
put se procurer soit les œufs , soit les petits; ce qui 
lui permit de faire sur cette nouvelle espèce, qu'il 
attribua pendant quelque temps à l’Aigle impérial 
Jeune, des observations pleines d'intérêt. Mais depuis 
que, par le changement de livrée , effet de l'âge, et 


STE 

par la connaissance du véritable Aigle impérial, il 
n'a plus été permis de les confondre, la nécessité d’en 
faire une nouvelle espèce s’est plus vivement fait 
sentir. 

Il n’est pas probable que nous ayons été les seuls 
à avoir rencontré cette belle espèce , mais la série 
seule des faits que je viens d'exposer a pu nous don- 
ner le droit de la regarder comme distincte. Cette 
courte description suffira,je l'espère, pour la signaler 
à l'attention des Ornithologistes, qui l’ont sans doute 
confondue jusqu'à ce jour avec l’Aïgle royal; et Je 
laisse à M. Barthélemy dans la publication qu'il se 
propose de faire prochainement touchant les espèces 
que renferme la collection du Muséum, le soin de la 
mieux décrire, et de compléter ce léger aperçu par 
ses propres observations. 

— Esrice 12. Haliætus leucocéphalus. Comme M. 
Degland, je ne saurais admettre que /’H. Albicilla 
puisse prendre en vieillissant la livrée du Leucocepha- 
lus adulte, dont il diffère encore assez dans le jeune 
àge ; mais comme MM. Schælegel et Ch. Bonaparte, 
je crois que les cas de capture rapportés par M. Nord- 
mann demandent à être vérifiés, et je ne saurais 
admettre comme Européenne et se rencontrant dans 
le Midi de ia Russie une espèce que nous recevons 
de l'Amérique du Nord.Au reste, jamais en Provence, 
où se rencontrent de passage tous les autres Aigles, 
nous n'avons rencontré celle espèce, non plus que 


DET A 1 SE 

1 Ag. heliaca. La véritable patrie de ce dernier sem- 
blerait être l'Egypte d'où M. Clot-Bey l’a souvent 
envoyé à divers Musées de l’Europe. 

— Espèce 21. Elanus furcatus. Cet oiseau se trou- 
vant dans le même cas que l'espèce précédente, je 
mettrais volontiers un point de doute après son nom. 

— Espèce 28. Misus major. I eut été difficile à 
l’auteur de la critique du livre de M. Degland de laisser 
passer une épithète aussi peu heureuse que celle de 
Major pour désigner un Misus inférieur en taille au 
Nisus Palumbarius. Mais, en revanche, j'approuve 
vivement le point de doute qui suit son nom, etJe 
me demande si réellement M. Degland a pu croire la 
tailleplus grande de cet oiseau, un caractère suffisant 
pour en faire une espèce ; en admettant qu'ici comme 
chez tous les oiseaux de proie, il y ait des individus 
plus grands que d’autres, ce caractère suffirait tout 
au plus, joint à des études de mœurs, pour faire une 
variété locale. Comment se fait-il donc qu'un carac- 
tère qui tout-à-l’heure, chez les Gypaëtes, n'était pas 
suffisant pour établir deux races, le soit ici pour faire 
une espèce ? 

— EsPèce 33. Falco sacer. Cette belle espèce 
admise aujourd’hui parmi les oiseaux d'Europe, habite 
les régions tempérées et méridiônales de l'Europe 
. Orientale ; nous l'avons eue à Marseille, provenant 
d'Egypte, où elle paraît être assez abondante. 
Le jeune, dont je possède un individu, ressemblerait 


DHEA 
un peu au jeune âge du Faucon-pèlerin, mais il s'en 
distingue par les teintes généralement plus fauves, 
par la disposition des taches en forme de fer de lance ; 
par sa moustache moins étendue ; enfin par sa taille. 
A A0RE J'aieu, venant d'Egypte aussi, deux sujets 
qui auraient pu se rapporter au Lanier ; mais l’un, 
adulte , en différait par la disposition des taches , et 
l'autre , jeune, par un doigt médian beaucoup plus 
allongé. J'ai vivement regretté de n'avoir pas vu 
donner la description de !Alphanet, du Musée de Leyde, 
qui aurait pu nous aider dans l'étude de ces individus. 

Esrèce 37. Falco Eleonoræ. Le Faucon Eléonore, 
que l'on n’avait jusqu’à ce jour rencontré qu'en Sar- 
daigne et en Italie, a été tué trois fois dans les environs 
de Marseille. L'un fait partie de la jolie collection de 
notre ami M. Arquier, un autre est au Musée dela ville, 
le troisième est entre des mains profanes. Tous trois 
différent considérablement des individus rapportés 
de Sardaigne, mais c’est peut-être à l’âge seul qu'est 
due cette différence, car celui que représente M. Ch. 
Bonaparte dans sa Faune Italienne, serait un passage 
entre les jeunes reçus de Sardaigne et ceux tués ici, 
dont la couleur plus sombre, passait presque au noir. 

J'ai vu aussi rayer avec plaisir du catalogue européen 
le F, Concolore , soit qu'il ait été confondu avec celui 
qui nous occupe, soit que sa description se rattacht 
à une espèce tout à fait étrangère. 


En 
Hasmille HEX. — Sérigide. 


Pour faire à M. Degland le reproche de n'avoir pas 
admis autant de genres qu'il y a d'espèces dans la 
famille des Strigidæ, il faudrait qu'il y eût quelque 
chose de certain, quelque chose de constant dans les 
indications que présentent les caractères sur lesquels 
on s'appuie pour établir les genres et les familles ; il 
faudrait qu'on püt limiter d’une manière fixe les 
caractères de la famille, ceux du genre, ceux de 
l'espèce. Âlors seulement on pourrait s'entendre , 
alors on pourrait avec raison accuser quelqu'un d’avoir 
manqué à la règle. Mais tant qu'il n’en sera pas ainsi, 
tant que les classifications dites naturelles, dépendront 
de la manière de voir de tels ou tels individus, on ne 
pourra faire à quelqu'un le reproche d’avoir un goût 
différent du sien, et de marcher dans une voie qu'il 
croit naturelle. Lui crier casse-cou ! ce serait peut- 
être l'arrêter sans lui montrer le danger. ...... 
Il est certain qu’on n’est pas obligé de faire autant de 
genres que d'espèces, pour être clair, surtout pour 
être compris. 

Que M. Ch. Bonaparte eut reproché à l'auteur 
l'ordre dans lequel il a placé ses Chouettes, rien de 
mieux, car si la méthode naturelle se refuse la plupart 
du temps à entrer dans nos cadres systématiques , 
elle n’empêchera jamais de placer les espèces les unes 
à la suite des autres, en observant autant que possible 


RES LE 
une subordination des caractères. Là peut bien exister 
une faute dans l'ouvrage de M. Degland, mais je ne 
saurais jamais trop louer une sage modération dans 
l'adoption de genres trop nombreux. 

Au milieu de sa critique, M. Ch. Bonaparte ne peut 
s'empêcher de convenir que M. Degland a fait le con- 
traire de ce que font bien des hommes, qu'il a mieux 
agi que parlé, et que sa détermination des espèces 
est parfaite. Cela prouve au moins que tout en n’admet- 
tant pas, ainsi que Temminck, tant de genres nou- 
veaux, l’auteur a parfaitement su apprécier lesrapports 
naturels et se passer de divisions inutiles. 

Cependant, la critique le poursuit encore dans les es- 
pèces, et mieux méritée, elle relève 1c1 plusieurs erreurs 
échappées à la plume de M. Degland. J’ajouterai seule- 
ment, au sujet de la Strix Flammea, que cet oiseau, 
quoique à peu près sédentaire en Europe, émigre 
cependant en automne des régions froides vers les 
régions tempérées. Mais il y a loin de là à l'opinion de 
M. Marcel de Serres qui en a fait dans son travail sur 
les Migrations, un oiseau cosmopolite. Si M. Marcel 
de Serres avait eu entre les mains quelques individus 
exotiques, il se serait assuré qu'il y avait non seule- 
ment diverses races, mais aussi diverses espèces, 
exactement comme chez la Bécasse qu’il place dans la 
même catégorie. 

ESPÈCE 68. — Cuculus americanus. Le Cuculus 
americanus , nous dit M. Ch. Bonaparte, n’est pas plus 


po 


DENCE tes 

un oiseau d'Europe qu'un véritable Coucou. La pre- 
mière de ces deux questions est douteuse en effet, et 
demande de nouvelles observations. Je ne puis donc 
m'empêcher de signaler ici les deux captures faites 
dans le Var par M. Arquier, d’un oiseau qni semble- 
rait être un jeune de l'espèce qui nous occupe. Mal- 
heureusement, les auteurs ne nous donnent pas la 
livrée du jeune âge. 

Au mois de septembre 1849, M. Arquier tua lui- 
même , à quelques jours d'intervalle et dans la même 
localité, deux Coucous, qui, par leur taille , ne dépas- 
saient pas la grosseur d’une petite grive; leur livrée 
était celle du jeune Coucou gris. La taille de ces deux 
oiseaux frappa notre jeune Ornithologiste qui s'em- 
pressa de les préparer et d'en orner sa collection. Nous 
avons pu les voir chez lui, et plus on les examine, 
plus le jugement que l’on aurait envie de porter reste 
incertain. Il serait en effet difficile de tirer une con- 
clusion quelconque de ce fait:le Coucou gris, si 
commun chez nous, ne s’est jamais présenté avec une 
taille aussi exigue. Les tarses dénudés, de couleur 
grise, plus longs et plus grèles qu'ils ne devraient 
l'être, sembleraient rapprocher cet oiseau du C. ame- 
ricanus. Je crois cependant prudent de laisser jusqu’à 
nouvel ordre tout jugement en suspens, et si J'ai 
signalé le fait, ce n’est que dans le but d’éveiller l’at- 
tention des Ornithologistes sur cette question. 

— Genre xix. Loæia. Le Loxia observé en Allemagne, 

ps) 


SRE 


et que Bremh a nommé Loæia rubrifasciata , est-il 


— GENRE xx. Pyrrhula. La remarque que fait M. 
Ch. Bonaparte au sujet de ce genre, est celle que 
nous fimes tous en lisant le livre de M. Degland. 
L'auteur a fait entrer dans ce genre, d’après la for- 
me seule du bec, les oiseaux les plus disparates, et 
qui étaient tout aussi bien dans le genre d’où il est 
allé les tirer. Les Serins principalement ne sauraient 
rester en pareille compagnie. Je regrette surtout 
d'avoir à faire ici à M. Degland le reproche contre 
lequel je le croyais en garde : avec un nombre de 
genres aussi considérable, M. Ch. Bonaparte eut été 
plus rationnel et plus méthodique, en établissant au 
moins deux ou trois sous-familles. 

— Esrèce 75. Pyrrhula Githaginea. Ce Bouvreuil 
commun à Malte, dans l'Italie méridionale, à Tunis, 
et surtout en Egypte, n'a plus été rencontré en Pro- 
vence depuis Pol. Roux, pas plus que le Dur-bec que 
cet auteur ne cite que sur le dire d'un chasseur digne 
de foi. Or, le chasseur digne de foi, est une espèce 
plus rare encore que le Bouvreuil-Githagine. 

— EsPrice 82. Chlorospiza incerta. M. Degland 
dans la dernière lettre qu’il m'adresse, confesse au 
sujet de cet oiseau, une erreur dans laquelle il aurait 
été conduit, dit-il, par la figure que donne Pol. 
Roux du Gros-bec incertain. Cette planche est cepen- 
dant irréprochable, elle représente une femelle ou 


RTE 
un mâle jeune. M. Degland avoue que l'oiseau qu'il a 
eu le 17 septembre 1849, n’était qu’une livrée d’au- 
tomne du P. Erythrina...... Après cet aveu, l'au- 
teur rendrait à cet oiseau sa place auprès de notre 
Verdier avec lequel il a la plus grande analogie. 

Cet oiseau dont les migrations sont régulières dans 
le Midi de la France, s’y présente tous les ans, mais 
en petit nombre; c'est au mois d'août et de septem- 
bre qu'il nous visite, ordinairement par paires. L'œuf 
que M. Bosonnier obtint d'une vieille femelle nourrie 
en cage, fait, rapporté par M. Ch. Bonaparte dans 
sa Fauna Italica, et faussement attribué par M. Gerbe 
au marquis Durazzo, était d’un gris bleuâtre sans 
aucune tache (Azzuro verdognolo senza macchiè) . 

— Espèce 84. Passer Italiæ. Est-ce une espèce, 
est-ce une race ? Combien n'a-t-on pas fait d'espèces 
avec des caractères bien moins importants !....... 
Cet oiseau moins commun chez nous qu'on a bien 
voulu le dire, nous visite quelquefois au mois d’oc- 
tobre. Le désir de le rencontrer m'a bien souvent fait 
acheter de jeunes moineaux ordinaires que je ne recon- 
naissais qu'après un long séjour en cage. Je n'ai ren- 
contré que deux fois le véritable Passer Italiæ. Quant 
au Gros-bec espagnol, depuis Pol. Roux, on ne l'a plus 
rencontré en Provence. 

Gexres xxvr et xxvur. Voici maintenant M. Ch. Bona- 
parte prenant M. Degland en flagrant délit d’ultrà 
subdivisions, au sujet des genres Cannabina et Linaria. 


= A0 — 


Ce n’est certes pas moi qui prendrai la défense de M. 
Degland ; mais avouons cependant que st l'auteur de 
ces deux genres, s’est mis ici une paille dans l'œil, 
M. Ch. Bonaparte en lui reprochant cet excès , aurait 
bien dù sentir au moins une poutre dans le sien. 

GENRE xxvur. Emberiza. En revanche, M. Degland, 
comme Temminck , ne fait qu'un genre de tous les 
Bruants. Les caractères qui distinguent ce genre de 
tous ceux de la famille des Fringilles leur sont pro- 
pres, et en cela l'auteur a raison. Les Bruants for- 
ment un genre naturel, susceptible tout au plus d’un 
ou deux groupes à l'usage particulier des savants. 
Mais M. Ch. Bonaparte ne pardonnera pas cela !... 
Je crains aussi que M. Barthélemy ne partage pas cette 
manière de voir, lui qui a banni de ce genre notre 
Emb. Pyrrhuloïdes pour en faire un Gros-bee, s'ap- 
puyant sur une prétendue absence du tubercule pa- 
latin. Michaëlles fut plus près de la vérité quand il le 
nomma mb. Intermedia, vu qu'il ne constatait qu'une 
simple race. 

Je crois cependant prudent de se tenir dans une 
juste réserve ; et sans adopter, au sujet de cet oiseau, 
sa réunion aux Emb. Schœniculus et Emb. Pyrrhu- 
loïdes (d'Italie), pour en faire une seule espèce et trois 
races, il serait certainement plus rationnel de voir dans 
ces deux derniers, qui ne se ressemblent que fort peu, 
deux espèces bien distinctes, tandis que l’Intermedia 
de Michaelles serait une race, ou peut-être un hybride. 


y e. 

Cet oiseau habite les marais de la Provence où il est 
sédentaire ; jamais il ne s’en écarte au mois d'octobre 
comme les autres Bruants pour venir se faire tuer par 
nos chasseurs, tandis qu'on rencontre quelquefois, 
très rarement , le Pyrrhuloïdes avec son énorme bec. 
Il resterait donc à savoir si cet /ntermedia est une race 
ou un hybride. Il faudrait, pour résoudre cette ques- 
tion, avoir étudié comment s'effectuent sur divers 
points les migrations du Schæniculus, et du Pyrrhuloi- 
des; et si le fait de deux ou trois captures de ce dernier 
dans une localité où a lieu tous les ans un passage 
assez abondant de Schæniculus, pouvait nous donner 
quelques indications, je serais lieureux en m'appuyant 
sur la similitude de notre climat avec celui d'Italie, de 
rapprocher ce fait de quelques autres déjà bien obser- 
vés, pour établir en principe cette loï qui préside à la 
formation des hybrides. 

Tout le monde sait avec qu'elle facilité l’homme est 
arrivé à obtenir, en domesticité , les variétés les plus 
extraordinaires par les rapprochements les plus 
monstrueux. Cette influence de l’homme sur des espè- 
ces qu'il avait soumises, et qu'il a pu modifier selon 
son gré, selon ses besoins, s'explique facilement quand 
on songe à toute la puissance de cet instinct de la repro- 
duction. Mais en même temps, 1l ne fallait rien moins 
qu'une volonté humaine, pour que l'animal surmontât 
sa répugnance naturelle, et violât la loi sur laquelle 
la nature a fait reposer la conservation de l'espèce. 


Pr NE 

On ne peut aujourd'hui mettre en doute la possibi- 
lité de semblables rapprochements chez les animaux 
en état de liberté; les faits ebservés sonttropnombreux, 
chez les oiseaux et chez les Mammifères. Cependant ce 
phénomène se comprend plutôt chez les premiers que 
chez ceux-ci. Les Mammifères vivent pour la plupart en 
troupes plus ou moins considérables, et ne quittent que 
très rarement les localités qui les ont vus naître. Les 
migrations qui ne s'effectuent que sous l'influence de 
causes exceptionnelles, sont, dans cette classe, fort 
rares, et toujours moins lointaines que celles des 
oiseaux et des poissons. Il est donc très probable que 
le moment du rût venu, tout Mammifère mâle rencontre 
une femelle de son espèce, pour se livrer en paix à l'acte 
de la reproduction. Mais il n’en sera pas de même 
pour les oiseaux que leurs mœurs et leur organisa- 
tion font se déplacer et entreprendre de fort longs 
voyages. Le but, le terme de ces voyages, dont le 
besoin se fait sentir chez toutesles espèces sans excep- 
tion, varie cependant chez chacune d'elles. Les unes 
s'arrêtent dans les climats tempérés, les autres pous- 
sent plus ou moins loin dans les climats extrêmes ; 
chaque espèce a pour ainsi dire une zône qui lui est 
propre , et qu’elle ne dépasse qu'accidentellement. 
Eh bien ! supposez ce fait, bien admissible d’ailleurs , 
d'un individu mâle égaré dans une localité où ne se 
rencontre aucun individu femelle de son espèce; ou 
bien d’un couple arrêté dans un pays qui, sans être le 


le lieu d'élection habituel de son espèce, lui convenait 
cependant pour la nidification; l’un des membres, 
par une cause quelconque, meurt ou disparaît, et 
l’autre se trouve seul en face de ce puissant instinct 
de la reproduction, dans toute sa brillante ardeur. 
Cette répugnance instinctive qui fait la distinction des 
espèces, qui en est la sauvegarde , se trouve vaincue, 
et le rapprochement a lieu avec un oiseau dont les 
rapports ne sont pas trop éloignés : 

L'Hybride en est le résultat. 

IL était évident à priori qu'il fallait pour que ce 
rapprochement eût lieu, que l'animal se trouvàt placé 
dans des conditions tout-à-fait exceptionnelles, et c'est 
aussi l'opinion que les faits sont venus confirmer. Tous 
les cas d'hybridation que j'ai pu observer, se sont 
montrés dans les mêmes conditions, c’est-à-dire entre 
deux espèces dont l’une était rare ou peu répandue, 
et l'autre commune. Voici d’ailleurs les faits tels qu'ils 
.se sont présentés, ils parlent plus haut que toutes les 
théories : 

4° Je possède un hybride entre le Bruant jaune et 
le Bruant couronne lactée. 

20 Tout le monde connaît le Merle azuréde Crespon 
qui est le produit d’un Werle bleu et d'un Merle de 
Roche, trouvé dans une localité où le merle de roche 
est fort commun (environs de Montpellier), tandis que 
le Merle bleu ne s’y montre qu'exceptionnellement. 

3° Le fameux Anas purpureo-viridis de Schinz, 


AU 
n'est-t-il pas un métis du Moschata originaire de la 
Guyanne et du Brésil, trouvé accidentellement en 
Europe, et de l’Anas Boschas (Canard sauvage) ? 

4° Le Canard dont je parle plus loin et dont nous 
comptons plusieurs captures, est un hybride du Milouin 
et du Nyroca. 

5° L’Aigle que j'ai décrit sous le nom d’Aigle de 
Sainte- Victoire, ne pourrait-il pas être un hybride ? 

6o Enfin le Bruant qui nous occupe et que j'ai trop 
longtemps abandonné, ce Bruant que Michaëlles 
nomma d’après ses caractères mixtes, /ntermedia, ne 
viendrait-il pas augmenter encore ce nombre d'exem- 
ples ? (1) 

Cette opinion sur la loi qui préside à la formation 
des hybrides, déduction logique en théorie , ne sera 
plus une simple hypothèse si les exemples que je cite 
à l'appui sont des faits bien étudiés. Une observation 
soutenue pourra seule , au reste, fournir les lumières 
nécessaires pour la solution d’un problème que je n’ai 
fait que toucher ici, laissant à d'autres le soin de 
mieux étudier ce qui se passe, et au temps celui de 
fournir de nouveaux matériaux. 

— Esrèce 103. Emb. Esclavonicus. M. Ch. Bonaparte 


(1) Je n'ai fait que citer ici quelques exemples où l’hybridation était 
évidente . mais il en est d’autres pour lesquels le degré de certitude 
est moindre ; je n'aurais pu les mettre en avant qu'avec hésitation, 
j'ai naturellement préféré les laisser de côté. 


Les Ph 2 

en rappelant que le certain: Emb. Bonaparti de Bar 

thélemy, n'était qu’une femelle de l’Emb. Pythiornus, 
aurait eu entièrement raison, si M. Barthélemy n'avait 
constaté avoir eu affaire à un jeune mâle. Nous devons 
en même temps regretter que ce sujet soit resté entre 
des mains profanes où il sera sans profit pour la science. 
Depuis lors, cet oiseau a été pris plusieurs fois en 
Provence, à divers âges, et j'ai cité précédemment un 
hybride fort remarquable, produit de cette espèce et 
d'un Bruant jaune. 

— Esrice 110. Emb. Fucata. C'est pour cette 
espècesurtout que fourmillent les erreurs desynonymie 
dans le livre qui nous occupe !..... Dans une de mes 
lettres, je soumis à M. Degland un dessin exact des 
jeunes auréoles que nous avons eu l'occasion de nous 
procurer à diverses époques, et dont nous avons pu 
observer tous les passages, toutes les livrées, en le 
priant d'effacer enfin du eatalogue Ornithologique ce 
malencontreux nom de Gavoué sous lequel on a décrit 
Jusqu'à ce jour un oiseau que personne n'avait revu 
depuis Buffon. D'après ce dessin, M. Degland reconnaît 
avec nous (1) que ce prétendu Gavoué n'était qu'un 
jeune du Bruant Auréole (Emb. Aureola). Mais tout en 
détruisant ce nom français, comme simple synonyme, 
l’auteur conserve l'oiseau qu'il a décrit sous le nom de 
Pepe ie. fucata) 2%: -. J'avais aussi envoyé à 


(1) C'est dans une lettre en réponse à la mienne que l’auteur fait 
cette correction. 


6 


LD 

M. Degland un Mitilène et un Rustique à l'appui de la 
synonymie telle que je lui proposais de la rétablir. 
Dans sa réponse, je l'ai vu avec plaisir revenir d’une 
partie deses erreurs, mais la synonymie, telle qu'il la 
comprend aujourd’hui, est encore loin de me satisfaire. 
Ilne m'a pas été cependant difficile de reconnaitre d’où 
provenait cette divergence d'opinions. M. Degland 
après mür examen, croit devoir conserver les quatre 
espèces, telles que les voici : 


B. Mitilène. — E. lesbia. Gm. Bp. 
B. Rustique.— E. rustica. Pall. 


B. Peint. — KE. fucata. Pall. provincialis Gm. 
B. Nain. — E. pusilla. Pall. Schl. Bp. 


Il est bien évident que si M. Degland conserve son 
E. Fucata, espèce originaire du Japon, et que M. Ch. 
Bonaparte n’admet qu'avec un point de doute, il est 
évident, dis-je, qu'il sera obligé de conserver à cet 
oiseau une synonymie quelconque, et cette synonymie 
est formée en partie aux dépens de l'E. lesbia. C'est 
ainsi qu'il est certain pour moi que la description 
si exacte de Temminck , Man. Ornith. 1re partie, 
page 817, et 3me partie, page 235, se rapporte au 
Bruant mitilène. Xl est non moins évident que la fig. 2 
de la pl. 6 de la Fauna lialica de Ch. Bp. représente 
encore le même oiseau puisqu'il a sur la tête cette raie 
rousse caractéristique, comme nous le montre la fig. 2 
de cette même planche reproduite par le marquis 
Durazzo dans sa Faune Lyqurienne. 


SR = 

Il me reste à conclure de là, avec M. Ch. Bonaparte, 
que l'Emb. fucata doit être rayé de la liste des oiseaux 
d'Europe. 

Je ne puis me prononcer au sujet de la 4me espèce 
Emb. Pusilla, queje ne!connais pas, et que M. Degland 
me dit être le Rustique en petit. Si c'est un Rustique en 
petit, l’auteur aurait pu mettre mieux qu’un point de 
doute après le synonyme qu'il lui donne : Emb. Du- 
razzi fig. À ? dont il a déjà fait un mitilène, et qui 
certes n'a jamais été un Emb. rustica. 

Il n'y a donc en réalité d’évidemment distinctes 
pour moi, que deux espèces : le Bruant Mitilène et le 
Bruant Rustique , avec une synonymie peut-être 
incomplète, car je n'avais pas entre les mains tous les 
auteurs à consulter. La voici cependant telle que mes 
moyens me permettent de l’établir : 


Bruant Mitilème. — IMBERIZA LESBIA (Gm.) 
Syxonvmie. — Mitilène de Provence; Buffon pl. 
color. 656, fig. 2.—Emb. lesbia; Gm. Bp. Temminck, 
man Ornith. Are partie p, 317, et 3m partie p. 235. 
—Emb. Durazzi ; Ch. Bp. Faune lital. pl. 6 fig. À et2. 
Durazzo, Faune ligur. fig. let 2. 


Bruant Rustique. — EMBERIZA RUSTICA (Pallas). 


Synonyme. — Emberiza rustica; Pallas , Keys et 
Blasi, Cu. Br.— Emberiza lesbia; Calvi. — Emberiza 
borealis ; Zetterst. 


En 


Foummiile VII. — Paridæ. 


M. Ch. Bonaparte aimerait assez le rapprochement 
des Roitelets avec les Parides; mais que faire, dit-il, 
des Pouillots et des genres intermédiaires de l'Asie cen- 
trale ? 

Les caractères sur lesquels s’est appuié M. Degland 
pour rapprocher les Roitelets des Mésanges sont natu- 
rels, et cette place convient mieux à cesoiseaux, qu'une 
remorque forcée à la suite des Bec-fins. Maintenant, si 
les Pouillots nous embarrassent , ce ne sera pas une 
raison pour ne pas effectuer ce rapprochement. Getie 
vérité reconnue ici, et jointe à tant d’autres exem- 
ples prouve une chose, c'est qu'il sera toujours impos- 
sible d'arriver à une méthode naturelle, telle que 
l'entendent nos auteurs ; que les espèces se refuseront 
toujours à entrer dans les petites divisions de leurs 
cadres systématiques ; qu’en ur mot, cette formule 
d'une :dmiration un peu enthousiaste, natura non 
facit saltus ! ne sera plus vraie, si l’on pousse trop 
loin, c'est-à-dire hors de ses limites naturelles, cette 
malheureuse nécessité des divisions. 


Famille VIII. — Corvidæ. 


Le rapprochement de cette famille de la précédente 
vient encore à l'appui de ce que je dis. Toutes les 
branches des sciences naturelles en sont aujourd'hui 


RQ VAN 
là; celà est triste sans doute, mais on peut se consoler 
en songeant que la chose a bien aussi son bon côté, 
puisqu'elle laissera toujours quelque chose à faire, et 
“quela recherche d’un problème insoluble, sera toujours 
un aliment nouveau à l'esprit remuant de nos futurs 
 classificateurs. 


Famille KE. — Hirundinidoæ. 


Lereproche d'avoir compris dans une même famille, 
les Caprimulgides, les Cypselides et les Hirundinides, 
est-il bien fondé ? M. Degland est-il plus blämable 
d'avoir rapproché les Engoulevents des Hirondelles, 
que M. Ch. Bonaparte d’avoir séparé les Martinets 
de ces dernières ? En d’autres termes, les raisons qui 
ont guidé M. Degland dans la réunion de ces trois 
genres en une seule famille, sont-elles.plus mauvaises 
que celles qui ont fait placer à M. Ch. Bonaparte les 
Engoulevents après les Chouettes, par celà seul que 
les unes comme les autres ont des mœurs nocturnes: 
lui qui rejetait plus haut la division des rapaces en 
Diurnes et Nocturnes ! Et ensuite, peut-on éloigner 
ainsi les Martinets des Hirondelles, pour aller les 
classer après les Engoulevents tout à côté des Chouettes? 
N'est-ce pas là ce qu’on peut appeler révolutionner la 
science ? ( Le mot n'est pas de moi!) 


— Après avoir rayé, avec juste raison, de notre 


ur 
catalogue européen l’Hirundo purpurea, après avoir 
adopté , peut-être à tort, l'Hirundo boissonneau de 
Temminck , M. Ch. Bonaparte nous indique enfin 
l’Abyssinie comme la véritable patrie de l’Æ. rufula 
qui nous visite quelquefois. Cette jolie espèce que 
nous n'avons jamais eu le bonheur de rencontrer à 
Marseille, se montrerait tous les ans dans le dépar- 
tement de Vaucluse, d'après les renseignements que 
vient de me donner M. Lunel, qui a été assez heu- 
reux pour s’en procurer un nid; les œufs étaient blancs. 
recouverts de très petits points rougeûtres , dont la 
réunion formait une zône au gros bout. 

— GExrg xzu. Caprimulqus. Il est inutile de dire 
que l'Engoulevent à queue étagée, ( C. climacurus), 
n’a jamais été observé en Provence. En revanche, 
depuis quelques années surtout, le C. ruficollis s'y 
montre assez fréquemment. La dernière capture fut 
faite par un charretier qui tua cet oiseau d’un coup 
de fouet au moment où il traversait la grande route, 
dans les environs de la ville. 

— Espèce 167. Muscicapa parva. Je dois faire 
observer que cet oiseau n’a été trouvé qu’une seule 
fois dans le Midi de la France. Le fait cité par M. P. 
Gervais et rapporté par M. Gerbe , fait allusion à 
la capture déjà connue qui eut lieu dans le jardin 
des plantes d'Avignon. 


MATE 
Fasmiile XKEV. — Alaudidæ. 


Si toutes les familles étaient aussi naturelles que 
celle-ci, la classification serait quelque chose, je ne 
dis pas de trop facile, mais de trop agréable. ..... 

Je ne vois pas pourquoi l’on se refuserait à admettre 
l'A. cantarella de Ch. Bonaparte ; mais simplement 
comme race!..... 

J'ai été tout aussi étonné que qui que ce soit de 
voir M. Degland ne pas seulement faire mention de 
l'Al. montana de M. Crespon. J'espérais que notre 
excellent ami l'abbé Caire aurait été plus communi- 
catif avec lui qu'avec moi; car mes nombreuses ques- 
tions au sujet de cette prétendue espèce, sont tou- 
jours restées sans réponse, et ce silence est encore 
aujourd’hui une énigme pour moi. 

J'ai cependant vu, dans la collection de M. Cres- 
pon l'individu qui a servi de type à l'auteur, et j'ai 
pu me convaincre, au premier coup-d'œil, que ce 
n’était qu'une simple variété noire, qu'un mélanisme 
accidentel de l’Al. arvensis. Si M. Caire, comme je 
le présume, n'a pas un nombre raisonnable d'indi- 
vidus semblables, il n’y a pas lieu à en faire même 
une race. Aussi, est-ce peut être par charité chré- 
tienne pour leur confrère de Nîmes , que M. Caire et 
M. Degland ont laissé dans l'oubli une faute dans le 
genre de celle dont s'était déjà rendu coupable l'au- 
teur du Merle azuré. 


ETS UE 

— L'AI. Isabellina doit être aussi fort commune en 
Egypte d'où nous en avons recu de nombreuses 
dépouilles. 

— Quant à l'A! Dupontii, que l'on cite comme 
se trouvant en Provence d’après Pol. Roux, il ne nous 
a jamais été donné de la rencontrer, et il est difficile 
d'admettre qu’un oïisedu aussi remarquable puisse 
passer inaperçu. Pol. Roux, qui n'aimait pas, à ce 
qu'il paraît, à se compromettre, ne cite cette espèce, 
comme toutes les espèces douteuses que sur des on 
dit; de telle sorte que la faute ne retombe en réalité 
que sur ceux qui ont cité après lui. 

— Esrice 189. Anthus Cervinus. Je ne suis pas iei 
de l'avis de MM. Schelæœgel et Nordmann au sujet du 
Pipi à gorge rousse. Je crois que le caractère seul 
de la livrée de printemps suffirait pour en faire une 
espèce bien distincte : au reste, cet oiseau , quoique 
rare, est tous les ans de passage chez nous; et je 
me le suis procuré à Montpellier, où M. Lunel s’est 
aussi procuré ses œufs, qui diffèrent beaucoup de 
ceux de l'Anthus pratensis. Quelqu'insignifiante que 
soit une description d'œufs , vu que les mots ne peu- 
vent que donner une bien faible idée de la chose, je 
dirai, pour faire comme les auteurs, que les œufs 
de cet oiseau sont plus allongés que ceux du Pipi des 
prés, qu'ils sont blancs et entièrement recouverts de 
points rougeûtres très rapprochés et comme effacés. 

Les puissants motifs qui font regarder cette espèce 


Ln0 = 
par M. Degland comme une simple variété locale , 
sont tout simplement l'opinion de M. Nordmann et 
celle de M. Schlægel. L'autorité de ces deux auteurs, 
doit être en effet une raison; mais, outre que ce n’est 
pas seulement par les teintes de la poitrine et de la 
gorge que cet oiseau diffère, il y a dans le fait de ses 
migrations et dans celui de sa reproduction dans dif- 
férentes localités, deux puissants motifs pour le regar- 
- der comme espèce distincte. En France, il est évident 
que sa reproduction estexceptionnelle, mais en Egypte 
elle paraît être assez commune, car M. le docteur 
Verdot en rapporta de nombreuses dépouilles en livrée 
de printemps (1). La Russie méridionale, l'Egypte, 
la France, voilà déjà trois points! La reproduction 
dans les deux premiers ne peut s'effectuer que sur une 
grande échelle. Qu'est-ce donc qu'une variété locale , 
qui se trouve et se reproduit un peu partout ? L’in- 
fluence de la localité ne peut s'exercer que dans un 
espace très restreint. Du moment où les individus sont 
ainsi répandus, les raisons qui pouvaient en faire une 
variété locale n'existent plus , car à la première ou à 
la seconde génération ils dôivent retourner au type. 
— EsPèce 196. Molacillu flava. C'est simplemert 
sous le nom de races que M. Degland réunit à la Prin- 
tanière les Berg. de Ray, Berg. à tête grise et Berg. 
Mélanocéphale. Si ma simple répugnance à ce sujet 


(1) Celui que j'ai eu entre les mains, dans cette livrée, avait été tué 
près de Siout le 16 juin 1839. 


—1 


— 50 — 

ne peut rien prouver , je suis cependant heureux de 
ne pas être seul de mon avis, et je continuerai à faire 
dela Berg. de Ray et de la Berg. Mélanocéphale deux 
espèces distinctes de la Printanière; l'une et l’autre se 
rencontrent dans le Midi de la France. Quant à la 
Berg à iête grise que je-ne connais pas, elle se mon- 
trerait quelquefois, m'a-t-on dit, aux Iles d'Hyères et 
à l'Ile Ste-Marguerite près de Cannes. 

— Genre L. Turdus. Je ne pourrai rien ajouter à 
ce que M. Degland appelle l'historique des espèces 
qui composent ce genre, si ce n'est la présence acci- 
dentelle et fort rare de quelques-unes d’entr’elles en 
Provence. Les Turdus atrogularis, T. Naumanni, T. 
Migratorius et T. Withei, ce dernier conforme à la 
description du sujet tué à Metz (1), ont été pris chacun 
d'eux une fois seulement; c’est au Musée de notre 
ville que sont déposés ces précieux oiseaux. Le T. 
Pallidus semblerait plus commun, on en compte cinq 
ou six captures à Marseille où dans ses environs. Celui 
que je possède dans ma collection fut pris vivant et 
vendu comme une femelle du Merle noir. 

Je ne parlerai pas du Merle azuré. En lisant sa des- 
cription, on serait tenté de croire que l’auteur n'en a 
fait une espèce que parcequ'il était convaincu que 
c'était un hybride. 


(1) J'ai été surpris de ne pas trouver comme signe distinctif de 
cette espèce , l’exiguité de sa queue, ce caractère est assez important 
pour ne pas le passer sous silence. 


M PE 
— EsPèce 211. Ixus obscurus. 


«Mœurs, habitudes, régime et propagation inconnus. » 


Cette lacune, jointe au désir de rendre hommage 


au savant modeste qu'une mort prématurée est venue 
arrêter au milieu de ses travaux, me fait un devoir 
de publier ici une de ces notes malheureusement trop 
rares, échappée au naufrage. Dans cette note écrite 
de sa main, le docteur Verdot donne quelques détails 
précieux sur cette espèce si peu connue. Je la trans- 
cris mot à mot. 


» 


« Son chant est varié et très agréable à entendre, 
il est analogue à celui du jeune Rossignol, mais plus 
fort quoique doux ; il prononce de temps en temps 
les syllabes suivantes, sur un ton souvent varié : 
hou-hu-hou-huou.— Cet oiseau se plait dans les 
lieux ombragés , au bord des ruisseaux, se tient 
toujours sur les arbres , et saute de branche en bran- 
che. Il chante très souvent pendant la journée , et 
son chant fait sa perte, car le Naturaliste l'entend 
de loin et va à sa poursuite. La première fois que 
ses chants frappèrent mon oreille, je crus entendre 
un jeune Rossignol s’essayant à ramager. Ces oiseaux 
sont, comme les Fauvettes, réunis dans les lieux hu- 
mides, au bord des eaux; leursailes arrondies comme 
chez les Fauvettes, ont aussi cette petite plume 
bâtarde qui se trouve directement sous la première 
penne.— Longueur totale 7 pouces 1 ou 2 lignes, 


» iris noir , ongles, pieds et bec noirs. J'en ai vu six 
» le 14 mars 1839, dans la campagne de M. Drowetty, 
» près Alexandrie, et j'ai eu le bonheur de les tuer 
» tous les six le même jour. La femelle est sensible- 
» ment moins noire que le mâle. Nourriture : vers, 
mouches et petits fruits. » 

Cette simple description fait regretter à tout jamais 
que la mort n'ait pas donné letemps à Verdot de publier 
ses longues recherches pendant dix années passées en 
Egypte. Sa belle collection que des héritiers insou- 
ciants ont laissée devenir en grande partie la proie des 
larves, renfermait de véritables richesses perdues 
pour la science. 

— Esrice 223. Erithacus Philomela. N'ayant ja- 
mais compris pourquoi l'on faisait du Philomèle et du 
Rossignol deux espèces, lorsqu'on refuse ce titre à tant 
d'autres oiseaux, j'en suis arrivé aujourd'hui à me 
demander si ma répugnance à les admettre, ne vien- 
drait pas de ce que le Philomèle m'est probablement 
inconnu La coloration des œufs serait certes bien peu 
de chose pour ceux qui ont pu voir un grand nombre 
d'œufs de Rossignols . 

En serait-il de même de la Rubiette de Caire, c'est- 
à-dire, cet oiseau constitue-t-il bien un espèce ? Jai 
au moins les œufs diffèrent ainsi que le plumage chez 
le mâle. Quoiqu'il en soit, c’est un de ces oiseaux qui 
demandent à être encore étudiés, et la science doit 
être heureuse de le voir entre les mains de l'observa- 


à 
ana. À 


teur consciencieux et plein de zèle dont il porte le 
nom. 

—_ Espèce 227.—Erithacus Calliope. Un magnifique 
mâle tué dans le Var en Août 1835, fait partie de la 
misérable petite collection de la bibliothèque de Dra- 
guignan , confiée à la négligence de je ne sais qui. 
Peut-être même à l'heure qu'il est, n’existe-t-il pas 
plurie sur plume de ce bel individu qui constitue avec 
celui que possède notre Musée les deux seules captures 
connues de cet oiseau , en France. 

— Esrice 210. Sylvia Melanocephalus. Ce Bec-fin 
sédentaire dans notre Département, niche dans nos jar- 
dins sur les arbrisseaux les plus touffus. Sa ponte est 
de quatre ou cinq œufs de forme oblongue; sur un 
fond gris verdâtre sont distribuées de nombreuses 
petites taches d’un roux olivâtre, quelque fois égale- 
ment dispersées, mais le plus souvent réunies en plus 
grand nombre vers le gros bout. Cet œuf sera tou- 
jours reconnaissable par sa forme plus allongée que 
celle des autres Bec-fins. 

Les jeunes avant la première mue, ne diffèrent 
presque pas des femelles adultes ; la commissure du 
bec est d’un jaune livide. 

— Esrèce 241. Sylvia Rüppelli. J'ajouterai à la 
description de cette espèce : iris jaune chez le mâle et 
la femelle au printemps. Pieds d’un brun clair chez le 
mâle , presque jaunes chez la femelle. La femelle, à 
celte époque , sans avoir la tête noire, présente cepen- 


A 2 AE 


dant une teinte très foncée surtout à la partie supé- 
rieure ; la gorge est blanche ; les parties inférieures 
d'un blane gris, sont nuancées de rose sur la poitrine. 
Le mâle jeune présente toujours plus ou moins de noir 
à la gorge. (1). 

— EsPrèce 255. Calamoherpe palestris. Disons au 
sujet de ce Bec-fin qui habite les hauteurs des Basses- 
Alpes, qu'il ne se trouve pas chez nous et encore 
moins dans la marécageuse Camargue. On peut être 
étonné de le voir cité par M. Crespon, mais l’auteur 
a eu soin de tout expliquer par ces mots : elle diffère 
peu de V’Effarvaite avec laquelle il est facile de la con- 
fondre. 

Je dois citer à propos de cet oiseau un fait assez sin- 
gulier : En 18#8, un garde-chasse , un peu ornitholo- 
giste, m'apporta à Montpellier un nid et un oiseau 
pris dans le voisinage des marais. Cet homme après 
avoir trouvé le nid, ne reconnaissant pas les œufs 
qu'il contenait, voulut aussi avoir la femelle; ce 
qui ne fut pas difficile. Je le vis arriver tout joyeux de 
sa trouvaille, et ilme montra les deux pièces. Les 
œufs au nombre de cinq, ressemblaient assez à 
ceux de la Locustelle, mais ils étaient presque ronds 
et d'une teinte plus jaune. L'oiseau qui était une 
femelle, ressemblait beaucoup au Bec-fin à poitrine 
jaune, mais il y avait dans les teintes des, parties 
supérieures, dans la queue et dans les tarses quelque 


(4) Notes du docteur Verdot. 


pi d 
chose de particulier qui m'intriguait.... Je ne savais 
que penser ; quand un jour, parcourant l'Ornithologie 
Provençale de Pol Roux, je fus frappé par la vue de 
la figure de son Bec-fin verderolle dans lequel je 
reconnus mon oiseau de Montpellier. Il serait impos- 
sible de donner un dessin plus exact de l'individu 
que j'ai entre les mains, et qui n'est évidemment pas 
le Bec-fin verderolle. Le cri de cet oiseau différait 
aussi, puisque, l'ayant entendu sans pouvoir se ren- 
dre compte d’où venait la voix, mon chassenr crut 
entendre une Mésange Rémiz. Reconnaissant cepen- 
dant que ce cri partait d’un buisson voisin , il laissa 
la femelle retourner à ses œufs et la tua presque 
dans son nid. Depuis lors toutes mes recherches ont 
été inutiles pour retrouver cet oiseau; mais la figure 
de la planche 227 de Pol. Roux, jointe à l'observa- 
tion des œufs qui ne peuvent se rapporter à aucune 
espèce voisine, sont deux raisons assez puissantes 
pour attirer l'attention sur un semblable fait. 

Je n’ai pas osé rapporter cette espèce à l'Hypolaïs 
ambigu, Hyp. Elaeica de Lindermayer et de Gerbe 
qui m'est entièrement inconnu, par cette raison que 
les œufs, tels que les décrit M. Gerbe, ne ressem- 


_blent en rien à ceux que j'ai entre les mains ; et aussi 


parceque je n'ai pas trouvé dans la synonymie de cet 
oiseau, la Verderolle de Pol. Roux ; ce qui ne signi- 
fierait pas grand chose , puisque cet oiseau n’a été 
placé par M. Degland dañs les synonymes d'aucune 
autre espèce. 


— 56 — 

Je laisse à nos auteurs le soin de méditer ce fait, 
et de résoudre une question pour laquelle mes moyens 
ont été insuffisants. 

Esrice 256 (bis) Syluia Celui. « De temps 1mmé- 
» morial Ja Sylvia Cetti fait résonner, pendant toute 
» l’année, de sa voix puissante les bords du Tibre, 
» etil n’est pas probable qu'elle s'éloigne jamais , 
» même en ces tristes conjonctures , des bords san- 
» glants du fleuve roi. » 

En d’autres termes, M. Ch. Bonaparte veut dire 
que la Sylvia Cetti est sédentaire dans la campagne 
derRome st Cela est possible, c'est même pro- 
bable; mais ce qu'il y a de non moins certain, c’est 
qu’elle est de passage en Provence et dans le Langue- 
doc où elle niche même ; mais elle nous quitte au 
mois de septembre, pour ne reparaître qu'avec les 
premiers beaux jours. 

— Esrèce 264. Cysticola Schænicola. J'ai vu, pro- 
venant du même nid, un œuf blanc, un œuf bleu, et 
un troisième d’un rose presque rouge. M. Ch. Bona- 
parte, si un semblable fait lui était tombé entre les 
mains , n'aurait pas manqué de faire à ce sujet quel- 
que allusion politique. ...... 

Esrèce 274. Merops persicus. Nous recevons fré- 
quemment cet oiseau d'Afrique. L'Egypte et le Sénégal 
nous envoient des individus qui présentent dans leur 
livrée des variétés de nuances qui ne sont nullement 
l'effet de l'âge. Ces variétés suffiraient bien pour en 


PER 


AQU 


Ve” 
jaire au moins deux races. Les individus tués dans 
l'Hérault, ainsi que ceux de la Faune Italienne de 
Ch. Bonaparte, se rapporteraient aux individus qui 
nous viennent d'Egypte. Ce serait donc de ce point 
que s’effectueraient les passages accidentels de cette 
elle espèce dans nos contrées méridionales. 


famille XXIV. — Columbitæ. 


Je crois que M. Degland à bien fait d'omettre les 
Columba Ferrago, C. Fusca et autres, par les mênies 
raisons qui font reléguer par M. Ch. Bonaparte la 
€. Migratoria dans la liste des ädjoncetions. 

Esrèce 297. Perdriæ petrosa. Je citerais bien le 
passage en Provence de la Perdrix Gambra, si je 
n'avais pas peur que l'individu rencontré par moi sur 
notre marché, et {tué d'un coup de feu, ne provint 
cependant de quelque basse-cour voisine. 

— Esrèce 301. Turniæ andalusicus. La présence 
rare, ilest vrai, mais bien constatée de cette espèce 
dans le Midi de la France, prouve sinon une migration 
régulière, au moins un déplacement accidentel. Sans 
trop ajouter foi au dire des chasseurs de la Crau qui 
prétendent que tous les ans, au mois de septembre, 
cet oiseau visite cette localité, ilne faut pas cependant 
nier son apparilion , j en connais pour mon compte 
quatre ou cinq captures. 

M. Degland ne nous dit rien des mœurs, des habi- 


tudes et de li nourriture de cette espèce que des 


observations toutes récentes tendraient à séparer des 
Gallinacés dont elle a cependant certains caractères. 
M. Barthélemy nous assure que son tube digestif 
serait celui d’un Echassier, et M. Levaillant lui aurait 
fait à ce sujet quelques confidences qui nous font 
attendre avec encore plus d’impatience la publication 
de cette Faune du Nord de l'Afrique que l'auteur vient 
de nous annoncer dans une petite brochure pleine 
d'intérêt, et dans laquelle cet oiseau aura tout naturel- 
lement sa place. | 


Famille XXX. — Charadrido. 


Sans être tout-à fait de l'avis de M. Ch. Bonaparte 
qui regarderait le genre Cursorius comme devant faire 
partie de cette famille, je ne puis qu'approuver ce qu'il 
dit plus loin de l'importance de certains caractères pour 
la :drvisron des” familles 70e Je crois en 
effet, dans ce cas-ci, plus rationnel de recourir 
comme caractère représentatif à la forme des ailes, 
plutôt qu'à la présence ou absence d'un pouce, inu- 
tile d’ailleurs, et à peine visible. Les Vanneaux avec 
leurs ailes amples et arrondies, les Pluviers à ailes 
étroites et pointues, à première rémige plus longue, 
oo AS forment deux groupes bien naturels 
ayant d’autres caractères non moins distinctifs. 

Quant à la Glaréole qui, jesuis obligé d'en convenir, 
mérite peut-être une famille à part, c'est rompre les 
affinités les plus naturelles que de l'intercaller entreles 


ROUES 
Pluviers et les Vanneaux. M. Degland aurait pu 
être plus heureux dans le choix d'une place. Mais 
n'est-ce pas là un de ces oiseaux faits pour dérouter 
tous les classificateurs ; on peut être excusable de 


ne savoir qu'en faire. 


— Esrèce 306. Pluvianus melanocephalus. Je ne 
comprends pas encore comment M. Degland a pu se 
laisser aller à une pareille pensée, que l'oiseau décrit 
par Crespon devait être un Pluvian mélanocéphale. 
Quelque peu de confiance que l’on ait en M. Crespon, 
il n'était pas permis de supposer que l’auteur ait décrit 
sous le nom de Vanneau une espèce à trois doigts ; 
qu'il ait rapporté au VW. Villoteau de l'expédition 
d'Egypte, une espèce que le même ouvrage repré- 
sente un peu plus loin. Il n’est pas plus permis de 
supposer que M. Crespon en donnant la mesure de son 
oiseau ait dit 32 centimètres au lieu de 22. Au reste, 
en lisant la description assez médiocre de cet oiseau 
dans la Faune méridionale, il est impossible de ne 
pas reconnaître le Vanellus Gregarius femelle. M. 
Crespon est excusable d’avoir confondu l'individu 
qu'il avait entre les mains avec le Vanneau Villa- 
leau, mais nous ne pardonnerons pas à M. Degland 
d'avoir apporté une pareille confusion dans cette 
question, etintroduit en Europe ce pauvre Trochilus 
d’Aristote, qui n’a pas songé à quitter les bords du 
Nil. 

J'ai vu plusieurs fois ce Varnneau , aujourd hui entre 


2. 

les mains de M. Doumet, maire de Cette, et plus 
heureux en cela que ceux qui sont obligés de s’en rap- 
porter à des descriptions, je n’ai jamais pu me mé- 
prendre sur son compte. Cet oiseau aurait été dessiné 
à Montpellier par M. P. Gervais, mais j'ai appris der- 
nièrement que cette figure était encore enfouie dans les 
cartons de la Faculté des sciences, où elle attend une 
publication. Il était donc nécessaire de ne pas laisser 
exister plus long-temps cette erreur, et de donner 
enfin au V. Gregarius, comme synonyme, Île W. 
Villototæi de Crespon. 

— EsPice 315. Charadrius Spinosus. Je puis à 
l'aide de quelques individus provenant d'Egypte, com- 
pléter la description de cette espèce dans ses divers 
âges : 

Les femelles adultes ont une livrée identique à celle 
du mâle, les teintes seules sont sensiblement moins 
foncées ; la taille est la même. 

Les jeunes ayant la première mue, même en sortant 
de l'œuf, présentent une livrée qui se rapproche beau- 
eoup de celle de l'adulte, cependant les couleurs sont 
moins nettement. tranchées, tout ce qui est blanc chez 
l'adulte est aussi d’un blanc pur chez le jeune, mais 
l'éclat des plumes noires est terni chez lui par la cou- 
leur grise de leur extrémité ; c'est ainsi que cette ligne 
noire de la gorge , l'abdomen et la tête sont d’une cou- 
jeur noirâtre entremèlée de gris sale. Cette dernière 
Surtout présente cette nuance à sa partie supérieure , 


ie yo] 


ppnes 
tandis qu'une bande d'un noir déjà profond limite 
l’occiput et remonte au dessus des yeux pour s'y con- 
fondre avec le reste. Le manteau, uniforme aussi chez 
l'adulte , est ici d’un gris douteux sali par des tetes 
jaunûtres : tarses et bec brunâtres , ce dernier noir à 
la pointe ; iris brun foncé. 
Cette espèce n’a jamais été rencontrée dans le midi 
de la France. 


Familles XX XI et XXXITI. Graidæ et Ardeidæ. 


N'est-ce pas à propos de ces deux familles que l'on 
aurait dû se tenir surtout en garde contre certaines éva- 
sions des ménageries et des jardins zoologiques. Une 
juste réserve ne saurait être blämable , car il est pru- 
dent et convenable de ne pas faire rire aux dépens de 
la science les directeurs de ces divers établissements. 

—Esrèce 348. Limosa Cinerea. Un maguifique indi- 
vidu de cette espèce tué dans les environs de Mont- 
pellier faisait partie de la belle collection de M. Lebrun. 
Bien reconnaissable à son bec retroussé et à ses tarses 
courts, le sujet dont je parle, devait être, autant que 
mes souvenirs peuvent me le rappeler, une livrée 

d'Automne , ou un jeune-âge. 

— GENRE XCIxX. Scolopaæ. Il ne pouvait pas man- 
quer de régner de l'obscurité et mème de la confusion 
dans un genre dont les espèces sont si peu connues, 
et si difficiles à bien déterminer. Il en sera fatalement 


Des 
ainsi, ant que l’on n'aura pas, non seulement étudié 
mais résolu la question de l'influence des climats sur 
les animaux, c'est-à-dire la question des migrations 
en même temps que celle des races. Le jour où par des 
études comparatives sur un grand nombre d'individus 
on sera arrivé à distinguer ce qui est espèce de ce 
qui est race, ce jour-là seulement l’Ornithologie sera 
en voie de progrès ; et l'on ne verra plus alors couron- 
ner des Mémoires qui auront leurs conclusions tirées de 
faits dont l'inexactitude aura été prouvée. 


Famille XXXVEI. Phœnicopteridoæ. 


J'ai de la peine à comprendre comment M. Degland 
qui convient que les Phænicoptères lient les Echassiers 
aux Palmipèdes, et qui reconnait que ces oiseaux sont 
piutôt des Palmipèdes que des Echassiers, je ne com- 
prends pas, dis-je, que M. Dezgland les ait /placés 
avant les Echassiers macrodactyles. Il était évident 
que si l’auteur craignait de placer un Palmipède à for- 
mes si élancées à côté de ses Mouettes, il n'avait qu’à 
ne pas intervertir l’ordre établi, et à placer en tête 
des Palmipèdes le cygne au long cou, dont les formes 
si gracieuses, tant qu'il est sur l'eau, rappéllert en 
quelque sorte les poëtiques conceptions de la Mytholo- 
gie à l'endroit des Sirènes. 

— Esrèce 391. Fulica cristata. La présence acei- 
dentelle de cette Foulque dans le Midi de la France 


one 


a été constatée par un très-petit nombre de captures. 
il n'y a done rien de régulier dans les migrations de 
cette espèce ; c’est encore un oiseau essentiellement 


erratique. (1) 


(1) Ge problème de l'Erratisme, généralement regardé comme inso- 
luble, se présente cependant à nous depuis assez longtemps et dans des 
conditions si différentes, qu'il a fallu mettre beaucoup de mauvaise volonté 
pour ne pas apercevoir au premier coup-d'œil quelles sont les causes 
auxquelles obéissent certaines espèces quand elles se déplacent acciden- 
tellement. Le problème est sans doute complexe , mais c’est précisément 
par la diversité des circonstances qu'il se trouve simplifié. L'observation 
des faits, tels qu’ils se présentent, nous a donné les indications néces- 
saires , et il ne devrait plus rien y avoir de mystérieux dans un phéno- 
mène que la nature nous dévoile chaque jour ; l'étude des mœurs de ces 
espèces Erratiques suffisait pour tout expliquer. 

C'est donc par l'observation seule des faits que je crois pouvoir étabur 
trois causes seulement à ce phénomène , dans lequel l'instinct des 
migrations, tel que nous le concevons, ne peut avoir aucune part. Ces 
causes les voici: 1° Causes atmosphériques; 2° Nourriture; 
3° Contagion de l’exemple. 

Les causes atmosphériques, et en première ligne les coups de vent, 
ne peuvent exercer une influence que sur les oiseaux essentiellement 
aquatiques, les grands voiliers ; c’est-à-dire sur les espèces esposées à 
Vaction continue des courants. C'est ainsi que l'Albatros, et tant d’autres, 
visitent quelquefois nos côtes de l'Océan Mais cette cause ne peut agir 
sur les espèces des autres ordres, car il leur serait trop facile de s'y 
soustraire en se reposant sur le sol ; nous savons ensuite que jamais, sur 
le continent, les vents n’ont la durée qu'ils ont en mer, ni une direction 
aussi constante. 

Comme exemples de l'influence de la seconde cause, je citerai presque 
tous les Insectivores et surtout le Martm Roselin. Il est aujourd'hui 
évident pour nous que c’est en se lançant à la poursuite des émigrations 
de sauterelles quecet oiseau nous arrive quelquefois en si grand nombre. 


sé dre Ti di til 


Cie 
Famille XXXIX. Laridæ. 


Notre Ornithologie Provençale au point de vue des 
oiseaux de mer, ne peut pas lutter avec celle des pro- 
vinces que baignent l'Océan ou les mers du Nord. En 
dehors d’un petit nombre d'espèces communes, ce n'est 
qu'exceptionnellement que nous rencontrons sur nos 
côtes certaines autres. Les coups de vent et les grands 
froids de l'hiver amènent quelquefois des individus 
égarés et presque toujours isolés. C’est ainsi que nous 
pouvons considérer comme nous visitant quelquefois : 


Lus Lauus LEs STERNA 
Marinus. Stolida. 
Fuscus. — Anglica. 

* Argentatus. — Caspia. - 


Glaucus. * Cantiaca. 


La troisième cause que j'appelle contagion de l'exemple , ne peut 
S’appliquer qu'aux espèces qui vivent en société. C’est au milieu de nuées 
de Foulques Macroules, que nous arrivera une Foulque caronculée. 
Le V. Keptuschka se montrera dans une troupe de V. Huppés. Pour 
expliquer le phénomène d'après cette cause, il faut admettre , pour les 
espèces , des centres d'évolution ; et plus on se rapprochera de ces cen- 
tres, plusla question de l’Erratisme sera simplifiée ; on comprendra dès 
lors fort bien que par des causes exceptionnelles un V. Keptuschka , par 
exemple, se mêle à la troupe d'une espèce voisine et à mœurs identiques ; 
puis , quand le moment du départ sera venu pour cette troupe, on com- 
prend encore que cet individu isolé suive l'exemple de ceux avec quil 
vivait et se laisse entraîner vers des régions où rien ne l'appelait , n’obéis- 
sant ainsi qu'à cet instinct de Ja sociabilité. Je crois donc m'être servi 
d'une expression juste en disant contagion de lexemp le. 


Canus. * Hirundo. 
— Tridactylus. * Minuta. 
— Gelastes. FT FISSIDESS 
* Melanocephalus. — Leucoptera. 
* Ridibundus. — Hybrida. (1) 
— Minutus. 


Famille XXK. — Procellariidæ. 


J'ai bien peur queles matelots et les coups de vents 
aient fait pour cette famille ce que font les jardins 
zoologiques pour tant d'autres. Lorsqu'on voit établir 
deux espèces d'Albatros parmi les oiseaux d'Europe, 
et que l’on songe avec quelle facilité certains déplace- 
ments peuvent avoir lieu, on ne doit pas être étonné 
de rencontrer sur les côtes de l'Océan, des espèces 
tout-à-fait étrangères à nos latitudes. C'est ainsi que 
l’on a tué dans le Var, en 1844, un Pétrel Damier qui 
fait aujourd’hui partie des collections de notre Musée. 
C'est encore ainsi que le Thalassidroma Leachuü, et le 
Thalas. Wilson ont été pris dans nos parages, le 
premier deux fois, le second une seule. De pareilles 
exceptions ne confirment point de règles. 

Les Canards , les Plongeons, les Grèbes et les Al- 
ques , qui ne sont que de passage en Provence, nous 


(1 ) Le signe ‘ indique les espèces communes chez nous, le signe 
— celles qui le sont moins, et enfin je n'ai désigné par aucun signe 


celles dont nous ne connaissons qu'une ou deux captures. 
q 


— 66 — 


visitent pendant l'hiver. C’est surtout durant les an- 
nées où les froids sont rigoureux, que nous voyons 
apparaître ces espèces en plus grand nombre. Cepen- 
dant la température ordinairement douce de notre 
climat, ne nous permet pas d'étudier d’une manière 
régulière les migrations de la plupart d’entr’elles , et 
celles qui nous fréquentent, ne présentent pas un 
grand intérêt. 

Je ne pourrai signaler qu'une espèce de Canard 
assez remarquable et que sa livrée m'a fait supposer 
être un hybride entre le Nyroca et le Milouin dont il 
présente alternativement les caractères. J'ai été éton- 
né de ne pas trouver dans les travaux que je viens de 
parcourir une simple mention d’un fait qui s’est déjà 
présenté plusieurs fois chez nous. J'ai constaté pour 
mon compte quatre captures identiques du même 
Canard dans le Midi de la France; le dernier individu 
tué fait partie de la collection de la ville. Il n’est pas 
probable que nous ayons été les seuls à observer cet 
oiseau , et il faut espérer que d’autres captures vien- 
dront se joindre à celles que nous connaissons déjà. 


Ma tâche est ici terminée; en prenant la plume je 
n'avais pas l'intention de faire un travail critique, car 
_e sentais trop bien qu'entre des mains inhabiles la 


critique était une arme dangereuse. J'ai cependant 
relevé ce que j'ai cru des erreurs ; et si je me suis 
quelquefois laissé aller à émettre mon opinion dans 
cette question si épineuse des classifications, je ne l'ai 
fait qu'à titre de préférence, eten m'appuyant pres- 
que toujours sur l'un ou sur l’autre des deux maîtres 
que je suivais pas à pas. On ne; pourra d’ailleurs 
m'en vouloir d’avoir une antipathie prononcée pour 
les divisions trop minutieuses, que je regarde comme 
bonnes seulement à éloigner de la science les mul- 
titudes , pour en faire l'apanage exclusif de quelques 
initiés. Que M. Ch. Bonaparte se le persuade bien, 
car c'est à lui que s'adresse ce reproche, il manque 
son but s’il croit par ce moyen populariser la science. 

En essayant de toucher dans ma préface aux plus 
hautes questions de la philosophie naturelle, je ne-l’ai 
fait que parceque j'étais convaincu que ce point de 
départ de toutes les classifications modernes est le vice 
fondamental de la méthode. Je n'étais certes pas à la 
hauteur d'une semblable question , aussi n’ai-je peut- 
être fait que la toucher au lieu de la résoudre; comme 
dans tout le corps de ce travail, au reste, je n'ai fait 
quesignaler les points que je crois dignes d’une atten- 
. tion sérieuse : le cadre que je m'étais imposé ne me 
permettait pas d’aller plus loin. Le principal objet de 
cette brochure est de jeter un peu de jour sur quel- 
ques-unes des questions qui se rattachent à notre 
Ornithologie locale. Mes recherches et mes prome- 


= 68 — 
nades dans le Midi de la France ont mis entre mes 
mains un certain nombre de faits que je suis trop heu- 
reux de livrer aujourd’hui à la science pour ne pas 
me résigner d'avance à tous les reproches que l'on 
pourra m'adresser au sujet de mon travail. Quelles 
que soient ses imperfections , puisse-t-il rencontrer 
auprès des hommes éminents à qui je l'adresse un peu 
de cette bienveillante indulgence que je réclame pour 
lui. L 


Marseille, 24 juin 1851. 


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QUELQUES MOTS 


L'ORNITHOLOGIE # 
| EUROPÉENNE | & 
De M. le Docteur DEGLAND, et sur une Critique 

de M. Charles BONAPARTE, 


PRÉCÉDÉS D'UN 


ASSALSUR LA DÉPINETION DE ESPÈCES ET DEN RACBS, 


MAUROIBIILILIR , 
IMPRIMERIE A. CARNAUD, PASSAGE SAINT-FERRÉOL, 93. 


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