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/>«,
QUELQUES POËMBS
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IL A àté Tiné DE CET OUVBAGB :
Treize exemplaires Japon impérial,
{dont trois hors commerce) numérotés
de 1 àiO et de il à iS
Vingt exemplaires vélin de Rives
{dont cinq hors commerce) numérotés
de U à 28 et de 29 k 33
Huit cent quatre-vingts exemplaires ordinaires
(dont quatre-vingts hors commerce) numérotés
de 34 à 833 et de 834 à 9i3,
N»221
Copyright by G. Crès et C", 19f6
Tous droits de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
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PRÉFACE
Constantin Dmitrievitch Balmont naquit le 3 juin
1867, dans la propriété de son père, dépendante du gou-
vernement de Vladimir. De vieille noblesse, sa famille
tire son origine d'Ecosse, comme celle d'un autre grand
poète Russe, Michel Lermontoff. Il passa son enfance
à la campagne, grandit en une de ces vastes gentil-
hommières construites en bois, qui ont peu de res-
semblance avec les châteaux de France.
Ces vieilles demeures recelaient une atmosphère
toute particulière, à la fois raffinée et patriarcale, un
esprit d'oisiveté, de rêve, de tçndresse et de sensua-
lité. Des élans dé bonté et de colères brutales alter-
naient, se heurtaient, car le passé empiétait longtemps
sur le présent, l'Orient se mêlait encore à l'Occident.
La vie des maîtres ne se séparait pas de la vie des
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12 PRÉFACE
les énergies vitales de la Jeunesse. Ceux qui ne se
contentaient ni des douteuses délices du retour, loin
des villes et de la « civilisation pourrie», à la vie sainte
du paysan, à la béatitude de la non-résistance au mal,
prêches par Tolstoï, ni du carriérisme officiel, se dé-
battaient parmi des recherches stériles d^une solution
quelconque du : pourquoi la vie? question toujours
présente dans une jeune âme Russe. Aussi, le nombre
de suicides et de cas d^ aliénation mentale pendant ces
tristes années, devint-il effrayant et incroyable.
Balmont n'échappa pas au sort de sa génération : il
connut la persécution, il connut le désespoir jusqu'à
une tentative de suicide. La série noire commence en
1884, alors qu'on l'accusa d'un « crime d'Etat », affilia-
tion à un cercle révolutionnaire : pour quoi il est exclu
du Gymnase. Il est cependant admis, après quelque
temps, dans un Lycée d'une autre ville, mais contraint
de vivre « comme dans une prison », dit-il dans une
courte autobiographie, interné chez un de ces profes-
seurs de l'époque plutôt policiers que pédagogues.
« Je maudis le Gymnase de toutes mes forces », con-
tinue le poète, de qui le système nerveux demeura
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PRÉFACE 13
ébranlé pour longtemps par le régime de cette insti-
tution.
En 1886, Balmont entre à l'Université de Moscou, à
la Faculté de Droit. Mais les sciences juridiques ne
rintéressent que médiocrement, et passe-t-il son temps
à étudier la littérature Allemande et l'histoire de la
Révolution Française.
Puis, un an ainsi rempli, nouvelles persécutions.
Cette fois, Balmont est accusé d'être l'un des orga-
nisateurs d'un « désordre » universitaire, terme poli-
cier qui englobait toutes manifestations tant soit peu
bruyantes de la Jeunesse des hautes Écoles. Ces a dé-
sordres » ou « émeutes » avaient pour point de départ,
tantôt quelque mécontentement en matière de cours,
tantôt l'interdiction aux élèves d'organiser une biblio-
thèque ou — chose plus grave — un restaurant d'étu-
diants. Sans pouvoir préciser la cause de V « émeute »
dont on désigna Balmont comme l'un des promoteurs,il
dut quitter l'Université de Moscou, et ne sortit de prison
que pour l'exil dans sa province natale. Deux tentatives
encore pour continuer les études universitaires, puis
il s'adonne exclusivement aux études littéraires, philo-
sophiques et historiques, étant son propre maître.
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14 PRÉFACE
Les débuts littéraires de Balmont ont été tout aussi
malheureux et pénibles. Pendant quatre ou cinq ans,
aucune revue n'accepta ni ses poèmes, ni ses articles.
Son premier recueil de vers, édité à ses frais, n'eut
aucun succès. Disonsque Balmont n'attache à ce volume
aucune importance dans son évolution, le considérant
comme assez médiocre. D'ailleurs, l'auteur Ta retiré
de la circulation, et il est maintenant devenu introu-
vable. Sa première traduction du norvégien (un livre
de Henrik Jaeger sur Ibsen) a été brûlé par la Censure.
Le succès n'est venu qu'avec ses traductions des
œuvres de Shelley et d'Edgar Poe, et son second volume
de poésie : Sous le Ciel du Nord,
L'œuvre de Balmont est immense, sa puissance de
travail gigantesque. 11 a étudié le Français, l'Anglais,
Allemand, l'Espagnol, l'Italien, le Suédois, le Nor-
végien et le Polonais, et, de toutes ces langues, il a
publié de très belles et de très fidèles traductions
d'œuvres importantes. Sa curiosité linguistique effleura
aussi maintes langues orientales mortes et vivantes, le
Sanscrit,le Javanais,le Géorgien,etc. L'étude des langues
n'est pas un but pour lui, mais la possibilité de connaître
leur littérature, ne gardant pas pour lui-même, d^ail-
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PRÉFACB 15
leurs, ces délices littéraires : toutes les fois qu'il entre-
prend rétude d'une nouvelle langue étrangère, il dote
son pays d'une série de traductions.
Depuis 1905, Balmont habite Paris. Il est proscrit
politique. Le retour en Russie lui est interdit, sous
peine d'exil en Sibérie : son crime est la publication
de certains articles écrits pendant la courte période
révolutionnaire, quand avait été proclamée la liberté
de presse, et d'un recueil de poèmes publié à l'Étran-
ger : Chants du Vengeur,
Ce n'est pas un sédentaire, avons-nous dit. Non seu-
lement l'Europe, mais en 1904, il visite le Mexique,
en 1910 l'Egypte, en 1911 il entreprend le tour du
monde en s'arrêtant longuement en Australie, aux
Indes, à Samoa, aux iles Fidji, etc.
Cette vision cinématographique du Globe terrestre
en l'espace de peu d'années, la confusion qui peut
résulter de l'étude précipitée de tant de langues si
diverses entre elles, la lecture aussi, d'un nombre très
grand de livres en toutes langues tantôt purement lit-
téraires, tantôt d'intérêt historique ou ethnographique,
le labeur intense et le temps que pareille préparation
demandait,n'ont nullement diminué ou adultéré l'œuvre
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16 PBÉFACE
maîtresse de Balmont, son Œuvre de poète. Cela tien-
drait du miracle, si Ton n'est pas prévenu de la sin-
gulière disposition d'esprit de Balmont de ne rien voir
directement^ et si Ton ne découvre pas la qualité exclu-
sivement Russe de son âme, qualité que nous attri-
buons à rintensité de ses impressions d'enfance. Bal-
mont, en vrai grand lyrique qu'il est, ne voit le monde
extérieur qu'à travers sa vision intérieure en même
temps intellectuelle et intuitive. 11 lit les contrées qu'il
visite plus qu'il ne les regarde, il les rêve ensuite.
Son érudition acquise par des lectures, n'est pas une
érudition savante et pédante : c'est encore une source
d'images et de concepts tout personnels, très intérieurs.
Voilà pourquoi Balmont est resté poète avant tout,
et poète Russe par excellence*
Pour comprendre le rôle de Balmont dans la litté-
rature Russe, le lecteur occidental doit se représenter
des conditions politiques qui lui sont totalement étran-
gères, qui ont créé une vie, un état moral de la société,
à peine compréhensibles pour un citoyen de pays de-
puis longtemps libres.
Toute la littérature russe s'est naturellement ressen-
tie de cette existence sociale particulière.
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PRÉFACE 17
Il sied d'abord de retenir ceci : la liberté de la presse
n'a jamais existé en Russie, à aucun moment de son
histoire, excepté durant les quelques mois de la révo-
lution de 1905.
La discussion de toutes les questions sociales ou po-
litiques les plus vitales pour le pays, est interdite, ce-
pendant qu'une élite, minime en comparaison de la
masse énorme de la population, mais nombreuse dans
la classe cultivée, sent la nécessité, considère comme
un devoir d'exprimer ses opinions. De là une littéra-
ture de prétextes, s'il est permis de s'exprimer ainsi.
Le roman, la critique, la poésie même, sont des pré-
textes pour avancer une idée politique, sociale ou phi-
losophique. La littérature prend un pli de littérature
à tendances. Les grands talents percent malgré tout,
s'élèvent au-dessus de l'esprit utilitaire pour donner
de la beauté, des œuvres d'art. Mais la direction géné-
rale persiste, et s'accroît à mesure que les problèmes
de la vie sociale. en Russie se compliquent. Il s'ensuit
un bien et un mal. S'il est vrai que la littérature russe,
par là, reste très près de la vie, exerce une énorme
action et monte à une littérature d'idées chez les meil-
leurs écrivains, — le mal est, que le Public, habitué à
2
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18 PRÉFACE
rechercher avant tout la tendance dans une œuvre
d'art, trop entier et partant intransigeant comme tout
homme et tout peuple jeunes, devient volontiers des-
potique comme la censure elle-même. Et il exigera de
Fauteur les tendances en vogue, les idées réputées pro-
gressistes, — tout le reste étant àFindex. Cette recherche
des idées avant toute chose, doit alors aller au mépris
même de la forme. Un auteur assez connu ne prélen-
dait-il point, en conversations privées, « qu'un livre
n'étant pas une prostituée, il n'a pas besoin d'orne-
ments ».
Cet esprit utilitaire dont la poésie devait surtout se
mal trouver, envahit la littérature russe dans la seconde
moitié du xix® siècle qui, pour commencer, avait été, en
superbe éclosion, l'époque du grand Pouchkine. Dans
cette seconde période la Russie compte peu de poètes,
— c'est le règne des grands romanciers: Tourguéneff,
Tolstoï, Dostoïewsky. Deux seuls poètes d'une va-
leur incontestable, à cette époque : Tutcheff et Fête,
le premier passant inaperçu, l'autre vilipendé par la
critique pour son manque de civisme. Cet autre était
précisément le fin et l'élégant Fête, que TourguenelT
qualifiait de « poète des poètes «.C'est le seul Nécras-
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PRÉFACE 19
soif qui alors connaît une grande renommée, non point
grâce à ses dons poétiques, mais parce qu'il mettait
le souci de propagande des idées démocratiques très
au-dessus des préoccupations d'art. Le « chantre de
la misère du peuple » voulait trop souvent son vers
habile et sa sensibilité au service d'une cause déter-
minée.
Comme nous l'avons dit, au moment où Balmont
commence sa carrière littéraire, la réaction gouverne-
mentale est à son comble, la censure inexorable, — et
les éléments d'opposition sont d'autant âpres à pour-
suivre leurs buts : les lettres russes, proprement dites,
se trouvent prises dans ce feu de barrage. Le roman-
cier Tchékhoff, qui remplaçait la grande triade dont les
voix se taisaient, par son pessimisme sans issue détrui-
sait les dernières illusions, esquissant d'une main de
maître l'avachissement général, en toutes les classes de
la société...
C'est dans cette atmosphère de cauchemar terne,
morne, que retentit la voix de Balmont : « Soyons
comme le Soleil I »
Cette voix chantait l'exaltation de la Vie. Cette poé-
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20 PRÉFACE
sie affirmait qu'en plus, et peut être endehors des con-
cepts de Justice et d*4itililé sociale et morale, des sen-
timents de pitié pour l'humble, de bonté et de sacrifice^
il est de la Beauté, le rêve, Télan de Tâme humaine
vers le supra-terrestre, les pressentiments d'un mystère
insondable !
La mission du poète n'est pas de prêcher, proclamait
cette voix, elle est de créer la Beauté, et ce disant.
Balmont ramenait la poésie Russe aux sources de la
Poésie et à la belle tradition de Pouchkine.
« Soyons comme le Soleil »,dit le poète, — comme
cette source de vie, voulons -nous comprendre de lui.
Et la Vie, c'est toute la nature : elle englobe la joie
avec la tristesse, le bonheur avec la souffrance, l'aima'
ble comme l'horrible, la vie et la mort, la mort comme
la survie. Notre grand lyrique vibre de toutes les vi-
brations de la nature, et par là il dépasse la limite
qu'on a l'habitude d'assigner au lyrisme.
Il est presque superflu de dire que la beauté de la
forme préoccupa constamment et admirablement Bal -
mont. Mais il n'a pas seulement créé de beaux vers, il
a recréé le vers russe. Ici nous emprunterons d'une
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PRÉFACE 21
notice de M. Volochine, un poète russe, son opinion
sur le vers de Balmont :
« Balmont trouve le vers Russe fatigué et figé. Il l'as-
souplit et par lui il résonnera d'une manière nouvelle.
IlTallume par des feux d'assonances intérieures, le fait
chanter en carillons de cloches, en mélodie fuguée,le
fleurit de rimes et de rythmes inconnus. Du chuchote-
ment essouflé des lignes entrecoupées, il l'élargit jus-
qu'au chant sonore d'une mélopée populaire. Son vers
devient tantôt orchestre, tantôt clochettes d'argent, il
se créa libre, brillant, capricieux, simple, maniéré, —
comme la personnalité de Balmont, comme sa voix
vivante. »
Le vocabulaire de Balmont est riche naturellement,
mais il Ta enrichi encore de néologismes osés, cepen-
dant si conformes aux lois fondamentales de la langue
maternelle, que loin d'étonner, ils paraissent familiers
à l'oreille russe et n'arrêtent même pas l'attention.
Nous pensons ne pas nous tromper de beaucoup, en
disant que son action sur la langue littéraire Russe a
été grande généralement. Sans être un maître en prose,
comme il l'est en poésie, il contribua beaucoup aussi,
à libérer la prose russe de la platitude dans laquelle
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22 PRÉFACE
elle tomba dans les dernières années du xix^ siècle.
Quant à la Poésie elle prit sous son ascendant un
essor inconnu dans les annales des lettres Russes. Des
poètes se révélaient de tous côtés. En phalanges ser-
rées la nouvelle génération marchait à la conquête du
droit d'exprimer librement ses personnalités. Dans
Tardeur de la lutte, qui n'est pas sans analogies avec
les luttes des poètes de la période dite « Symboliste»,
en France, il exista, certes, des exagérations, des es-
sais malheureux, mais aussi éclata Téclosion de talents
de valeur incontestable.
Maintenant, après presque trente ans d'une produc-
tion littéraire énorme, Balmont est considéré par la
totalité des critiques Russes, comme une des gloires
de la littérature. Les historiens littéraires cherchent
à le situer sous une rubrique, sous une de ces étiquettes
chères aux théoriciens.
Selon une habitude simpliste et malignement contrac-
tée dès les débuts de Balmont, d*aucuns veulent le
dire un « décadent ». Certains le considèrent comme
chef de TEcole Symboliste russe, d'autres, et non des
moindres, créent pour lui et pour la pléiade issue de
lui, une dénomination spéciale 1 ce aéraient les « néo-
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PRÉFACE 23
romantiques du xx« siècle ». Et quelques critiques
admiratifs, remontant le courant des choses, recher^
chent dans son œuvre le civisme et les tendances réa-
listes, encore chers au grand public...
Pour nous, Balmont n'est ni au-dessus, ni au-des-
sous de toutes ces appellations : il en est à côté. Et
si nous devions chercher parmi les innombrables ap^
préciations russes, un jugement qui correspondrait à
notre propre opinion sur Balmont, nous répéterions
volontiers les paroles du philosophe et poète Vladimir
Solovieff, qui voici bien des années écrivait à Balmont
lui-même :
« Vous êtes un poète par la grâce de Dieu »...
... Nous ne nous illusionnons pas sur l'impression
que le public Français peut avoir de l'œuvre de
Balmont représentée pai le présent petit recueil de
ses poésies, choisies parmi les dix volumes de son
œuvre poétique. Cette impression ne sera et ne peut
être qu'incomplète : comme toute traduction, celle-ci
ne rend que ce qu'elle peut rendre. Elle abolit, hélas I
la sonorité incomparable du vers de Balmont, elle
amoindrit parfois l'énergie de l'épithète ou souligne
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24 PRÉFACB
peut-être trop, grâce à la précision du Français, un
certain vague destiné à suggérer plus qu'à dire...
Notre préoccupation a été d'être absolument fidèles à
la pensée du poète, à son sentiment et^ autant que pos-
sible, à ses rythmes.
Nous sommes heureux de pouvoir dire que cette
traduction, lue par l'auteur, a mérité son approbation.
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SOYONS COMME LE SOLEIL
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SOYONS COMME LE SOLEIL 27
SOYONS COMME LE SOLEIL
Soyons comme le Soleil ! Oublions
Qui nous mène sur la voie d'or.
Souvenons-nous, avant tout, qu'éternellement vers
autre chose,
Vers le nouveau, le Fort, le Bien, le Mal,
De geste éclatant nous nous emportons en un songe
[somptueux 1
Sans oubli ! implorons le non-Terrestre
En notre vouloir terrestre...
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28 QUELQUES POÈMES
Comme le Soleil, jeune toujours^
Caressons les fleurs^ les fleurs qui flamboient,
L'air transparent, eft tout ce qui est d'or 1
Es-tu heureux ?... Sois deux fois plus heureux,
Et sois rincamation du rêve soudain 1
Ah I ne pas t'attarder dans l'immobile 1
Plus loin, et loin I jusqu'à la limite sacrée.
Plus loin nous attire le Terme fatidique :
Dans rÉternité, où de nouvelles corolles s'allumeront.
Soyons comme le Soleil, il est jeune I
Et en cela s'atteste l'ordre de la Beauté.
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LES ACCORDS
21)
LES ACCORDS
En la beauté des musiques^
Ainsi qu'en Timmutabilité de miroirs,
J'ai trouvé les contours des rêves
Qui n'ont pas été révélés avant moi :
Angoissés, et enliés
Comme des plantes sous des pesanteurs de glace.
Je leur ai donné le délice,
La gloire de leur naissance !
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30 QUELQUES POÈMES
J'ai détruit la glace sonore :
Et, comme des hymnes qui ne sont pas entendus.
Respirent les lotus somptueux
Au-dessus du miroir des eaux.
Ety dans les musiques muettes
Et sur la neuve transparence,
Des rêves, la ronde vivante
Crée un monde nouveau, à demi raconté
Mais qui va s'accordant avec tout l'Exprimé
Dans la profondeur des eaux reflétantes.
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PIERRE-ALATYR 31
«^
PIERRE-ALATYR
Sur la mer-Océane,
Sur une île Bouyane,
Géante parmi les pierres
Est la pierre- Alatyr !
Blanche, elle brûle et irradie,
Ardente, et qui ne peut froidir.
Sa courbe est belle, —
Elle bout, cette Pierre-Bouillant 1
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32 QUELQUES POÈMES
Elle brûle, cette Pierre-miracle
Meilleure que l'émeraude.
A tous instants vivante est-elle,
Cette pierre de soleil !
Sous cette pierre se cèle
Le rêve inassouvi.
Hâte-toi vers elle, hâte-toi,
Touche aux mystères des mers !
La mer devient large, et large...
Sur la pierre-Alatyr
Est assise, qui arde dans les rayons,
La force de foudre — qui est l'Aurore.,
Elle est assise, la Donzelle-Belle,
Et elle rit impassiblement.
Les risettes de la Vierge
Sont des aubes au-dessus de TEau.
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PIERRE-ALATYR 33
Mais que Tenvie Ten prenne, ^
Le rire sera d'une vie innombrable :
Elle se mettra à rire — ainsi
Qu'un éclair tout à coup s'éploie 1
Sonore de plusenplus^ vient le rire chantant.
Les nuages rougissent en incendies.
Flammale est la Beauté
Et transparent son voile...
Sur la mer-Océane^
Sur une île-Bouyane
J'aimais là cette Vierge, —
J'y étais tel que son hôte.
J'étais sur cette Pierre, —
Et un charme me donne-t-elle,
Elle, dans le feu vivant,
Sur la Pierre de Soleil,
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3i QUELQUES POÈMES
Oh I le charme est puissant
Que me donna la Vierge passionnée 1
Je vais par Elle tout asservir, —
Et, brûle, Feu, plus ardemment !
Celui-là qui rongera la Pierre,
Lui, de mon charme pourra
Eteindre les rayons...
Brûle, ô Feu, brûle vite !
Mais, qui rongera la Pierre ?
Mais, qui surmontera la flamme ?
Salut I éclat des Jours,
Et brûle, ô Feu, plus ardemment 1
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DANS LES AMES SE RETROUVE TOUT 35
DANS LES AMES SE RETROUVE TOUT
Dans les âmes se retrouve tout ce qui est dans le
Ciel, et maintes choses encore.
Dans cette âme se créa la Parole préétablie !...
Où donc? si ce n'est en elle
Se levèrent les concepts en surgissement énorme ?
Où seraient advenus, et la tendresse en chantante
consolation.
Et la conscience, luminaire dangereux et brûlant,
Et les soudaines illuminations, et les éclats des feux divers ?
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36 QUELQUES POÈMES
Où? si ce n'est en elle,
Où ? grondent les tempêtes de la pensée puissante 1 . .
Non I le ciel n'est pas là,
Dans le profond Espace hanté de cauchemar
Où j'ai. créé, où je créerai encore
Les étoiles à radier leur splendeur,
Et qui, éternellement marchent par les mêmes voies,
Signe enflammé de ma constance I
Le Ciel est dans les intensités de mon âme.
Là, au loin, à peine visible, — tout au fond...
Il est merveilleux et de hagard émoi, de passer dans
l'au-delà :
J'ai peur de regarder dans l'abîme de l'âme,
J'ai peur de sombrer dans ma propre profondeur !
Tout en elle est infiniment un :
C'est à l'âme seulement que je chante les prières.
Et je n'aime qu'un seul Illimité,
Mon âme 1
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LES NAVIRES MORTS 37
LES NAVIRES MORTS
Pris en remuements dans les glaces, dans Taccalmie
des mers dorment
Les squelettes muets des navires morts.
Le vent à vol rapide qui toucha leurs voiles
Et, en effroi, s'est enfui ! bondit aux cieux —
Bondit I et n'ose pas de son haleine battre la terre,
Pour n'avoir vu partout que la pâleur,le gel, et la mort !.
Comme des sarcophages, les glaces à blocs lents
En une longue multitude surgirent des eaux.
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38 QUELQUES POÈMES
La neige blanche se couche et tourbillonne au-
dessus de la vague ^
Et emplit l'air d'une candeur mortelle.
Le royaume de la Mort blanche n'a, nulle part, de limites. . .
— Et,qu'êtes-vous venus chercher ici, ô Rejetésdes vagues?
Squelettes muets des navires morts 1
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LE JAUNE 39
EXTRAIT DE LA « FATA MORGANA »
LE JAUNE
Si je demande à la raison : qu*est-elle, la couleur jaune ?
Le cœur, aussitôt, chante la réponse :
Je vois un cercle, un nimbe, line sphère, —
Pas For, pas son éclat 1
Non pas cette pénible chimère
Qui devint matière
De mon humiliation.
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40 QUELQUES POÈMES
Non I une autre gloire :
Le Tournesol, fleur du Pérou
Où Ton savait combien l'azur des yeux
Est tendre, sous les rayons du soleil.
UAUVE'PALE
Une campanule à la lisière du bois,
A sonneries perceptibles pour les fées, —
La splendeur veloutée d'un rideau
Auprès de mauves orchidées.
En le dire d'une romance la couleur des lilas, —
Jardin de rêve ! et, là, une feuille tombée, —
Dans le contraste des couleurs, ombre et lumière, —
Sur une tendre main, une améthyste...
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LE BLANC 41
LE BLANC
Narcisse, l'extase de l'amour vers soi,
Songes qui sont doux, jusqu'à la douleur 1
Amour — à mourir, et au gouffre :
La toute-puissance de la pure Blancheur.
Narcisse, oubli de vie et de pitié I
Désir, passion à tant d*ardeur
Qu'en le blanc — en le blanc — naisse un éclate-
ment de pourpre !
Oubli des sensations d'être !
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42 QUELQUES POÈMES
Narcisse, vertige de suggestion,
Amour en Tamour ! question et réponse,
Enigme de Vie, reflet,
Linceul nuptial : la couleur blanche.
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l'angoisse des steppes 43
L'ANGOISSE DES STEPPES
Le son d'une zourna résonne, résonne, résonne,
Le son des tiges, la stipe plumeuse, susurre, su-
surre, susurre...
Le croissant des Temps, en torpeur, brûle, et brûle?
Un gémissement d'à travers les larmes s'accroît,
s'accroît, s'accroît, — s'accroît.
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44 QUELQUES POÈMES
Le lointain des steppes n'est ni instant, ni heure,
ni année :
Le large des steppes, et, de vola, aucune^ aucune,
aucune.
Ténèbre des nuits^ et muette, muette, cette voûte
d'étoiles...
Immutabilité des jours : est latent un appel, —
mais de qui î de qui ? de qui ?
Mère et père, où sont-ils, où sont-ils — tous les
miens ?
Le rêve du printemps étincelait : vois qu'il dort,
qu'il dort, il dort...
Le lointain appelle, à le suivre, appelle, à le suivre,
le suivre...
Son de zourna qui résonne, résonne, résonne...
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LA VILLE 45
LA VILLE
Que de portes dans une Ville I — Y avez-vous pensé ?
Que de fenêtres, en la hauteur, se serpentent en
lumière !
Que de monuments, lourds, sombres et inexorables^
Masses énormes, mais elles, qui n'ont qu'une porte,
et aveugles.
Multitude de choses eh amas, utiles — soi-disant —
à la vie I
Meurtre de Tâme de par la face des murs, de par
les interpositions de fer.
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46 QUELQUES POÈMES
Etouffement du cœur sous rinclinaison sur nous
D'amoncellements de pierres^ d'étages et d'étages:
Cercueils sept fois étages... Tu passes par un cou-
loir, la rue...
Devant l'hostilité des portes,
Ainsi qu'un voleur troublé, tu glisses, —
Parce que tu es seul, — parce que les pierres res-
pirent !
El les cœurs de derrière les portes se sont pétri-
fiés, n'entendent pas.
Si îa clef tourne dans la serrure — frappe — et,
clairement, tu verras
Combien .un visage peut être inaccessiblement
indifférent !...
Ecoute,commelespas se mettent à rire par le couloir:
Ici vivent les bottes, — le regard est sans vie...
Plutôt enferme-toi aussi, et respire la respiration
de la Maison !
Désormais, de toi aussi, le mystère de la chambre
sera connu :
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LA VILLE 47
Les murs rédigent des annales, et parlent de nœuds
coulants...
Les fenêtres, — ce sont les yeux des diables, —
les fenêtres attendent la nuit, et ensorcellent I
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/
{
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LE POISSON DORÉ 49
LE POISSON DORÉ
Au château était un bal joyeux, —
Les musiciens chantaient.
Une brise, au jardin, balançait
Une balançoire légère.
Au château, en un doux délire
Chantait^ chantait un violon I
Au jardin, dans un étang, était
Un poisson doré.
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50 QUELQUES POÈMES
Et SOUS la lune tournoyaient,
Conune s'ils fussent ajourés.
Par le printemps enivrés
Les papillons nocturnes.
L'étang balançait en soi, une étoile*
Les herbes souples s'en allaient d'onduler.
Et là, dans l'étang, passait en étincelles
Un poisson doré.
Bien que ne le vissent pas
Les musiciens du bal,
Du poisson doré, pourtant, et de lui seul
Résonnait la musique.
Dès que règne un silence
Le poisson doré
Jette sa lueur, et de nouveau se voit
Un sourire parmi les hôtes.
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LE POISSON DORÉ 51
Et de nouveau, le violon sonne,
La chanson retentit.
L'Amour murmure dans les cœurs,
Et le Printemps rit.
Lé regard chuchote au regard ; m J'attends ! »
Si lumineux et passagèrement.
Parce que là, dans l'étang.
Il est, le poisson doré...
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COMME UN ESPAGNOL 53
COMME UN ESPAGNOL
Gomme un Espagnol, aveuglé de sa foi en Dieu et en
l'amour,
Ivre du sang rouge de soi-même c!; d'autrui.
Je veux être le premier au monde, sur terre, sur mer,
Je veux des fleurs pourpres, par moicrééps, partout !
Moi, né dans les gorges, sous la Sierra-Nevada,
Où, seulement, criaient les milans derrière Ténormité
des rocs,
Je veux que devant moi s'ouvrent les forêts vierges,
Qu'au-dessus du Pérou s'allument les cieux , de la rou-
geur des incendies !
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Si QUELQUES POÈMES
E t de rairain, de Tor, du baume, et des diamants et des
rubis!
Du sang giclé hors des poitrinesdes potentats vaincusl
Et d'éclatantes pousses de corail vers la lumière qui
s'étirent.
Et les seules limites par moi trouvées : d'un cœur
ardent, je les veux !
Et peut-être, après les années^ ayant compté mes do-
maines,
Je les éparpillerai moi-môme, je les disperserai com-
me des fantômes!...
Mais à l'heure d'avant le sommeil, d'entre les rochers
où je suis né, à nouveau
Je verrai le Soleil, le Soleil, le Soleil rouge comme le
sang !
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DOUCEMENT... 55
e , - -^^ ^^ ^ _ ^
DOUCEMENT...
Doucement, très doucement, dépouillez de leurs
vêtements les idoles d'hier.
Trop longtemps tous les avez priées, n'oubliez pas
la lumière passée.
Chez les Grands dénimbés les paupières sont altières
comme naguères.
Et le créateur des chants prophétiques fut poète ,
et reste poète I
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56 QUELQUES POÈMES
Le vrai vainqueur sera d'une âme égale en présence
du vaincu,
Seuly lui sera arrogant, le lâche, et seul cruel, le
sauvage.
Dans le roulement des cris de combat sois de clair
regard, sois serein :
Alors, je te dirai que ty es un sage, et que tu es
un roi 1
Enfants du Soleil, n'oubliez pas la voix du frère qui
s'éteint.
J'aime votre matin, votre vaillance et vos rêves,
Mais, vous aurez aussi votre instant de descente et
de crépuscule :
Dans rinstant premier, comme en Tinstant dernier,
soyez, soyez comme les fleurs !
Fleurissez, défleurissez, — en multiples couleurs,
en pleine volonté,
Ouvrez toute richesse de vos jeunes forces cachées...
Digitized by CjOOQIC ^
DOUCEMENT... 57
Mais, dans répanouissement, n'oubliez pas que la
mort çst belle, comme la vie,
Et que royale est la grandeur des tombes qui re-
froidissent.
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LE POLE AUSTRAL DE LA LUNE
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LE PÔLE AUSTRAL DE LA LUNE 61
LE POLE AUSTRAL DE LA LUNE
Le pôle austral de la Lune s'assoupit, il s'endormit
entre 1q3 monts merveilleux
Qui consternent par leurs formes régulières.
C'est la Pensée enclose en octaves harmonieuses...
Ces sommets vivent sans eau, dans une zone de
rayons immobiles.
Aveuglants, éclatants comme Tesprit, et qui tom-
bent en étranges reflets
Sur les vallées qui reposent au pied des massifs,
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62 QUELQUES POÈMES
Entre de morts cratères toujours lumineux, —
Eternellement calmes, non touchés de la nuit, ne
caressant aucun œil.
Ces monts épouvantables luisent de la fixité d^une
lumière éternelle
Au-dessus de l'espace froid des songes inanimés...
C'est la terreur du rêve, c'est la pensée des siècles,
C'est la mystique vie de Beauté, Timpitoyable clarté
où voit le Poète !
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PRÈS DE LA PIERRE 3LEUE 63
PRÈS DE LA PIERRE BLEUE
Près de la Pierre Bleue est le sable d'or,
Le sable d'or que grena Teau.
Eau bleue, transparente le jour.
Et noire, et méchante, dans la ténèbre des nuits.
Près de la Pierre Bleue est le sable d'or,
Et tombe du ciel, une étoile, après une étoile...
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iA V^WLfJCVS VOEJÊES
L'Eau mnltîplîe et rrtrmTaille le sible.
Et la Pierre est la meme^rt ioDgmt reste la mate-
Taules les roules SMit IcMigiies à qui mardie
Sur le sable grené, an long da dire Emlastiqae des eaux
Et étemeDement le même il est, le saUe d'or.
Près de la Pierre Ueue, au-dessus du Flot éteruel..*
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LA pr.uiE 65
LA PLUIE
Dans un coin les souris musaient, furtives...
Toute la maison se contint dans le sommeil.
La pluie allait, et les gouttes tombant du. toit
Coulaient au long des murs.
La pluie allait, paresseuse et lente,
Et battait le balancier...
Et moi, Tâme très lasse.
Je ne m'appartenais plus moi-même.
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00 QUELQUES POÈMES
Je n'étais plus que confluant avec ce somnolent,
Avec ce lourd silence...
Oublié, et de ma propre place frustré,
J'étais, toute entière, la nocturne ténèbre.
Alerte comme un fossoyeur,
Avivant en moi la nuit noire,
Dans le mur le scarabée-rongeur
Insistait : « Tic-tac, — tic-tac »...
Egalant les sons à des points,
— Au point, cette origine des origines ! —
D'un tout fin marteau
Il tapait, tapait, il tapait.
Et les atomes de la mélodie
S'entrelaçant dans le silence,
Tranquillement et sans colère :
« Meurs 1 » — nie répétaient-ils, — « Meurs ! ».
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LA PLUIE r
Et mort, et sans haleine,
D'une mort de cierges éteints, —
J'écoutais, en une tristesse étrange,
Cela, qui annonçait !
Et plus doucement. Quelqu'un, plus doucement
Chuchotait de moi, quelque chose...
Et du sombre toit, les gouttes
Longuement, coulaient au long des murs.
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PLANTES SOUS-MARINES 69
PLANTES SOUS-MARINES
Au tréfond de la mer les plantes sous-marines
Étendent leur feuillage pale,
Et elles s'allongent, et croissent comme des fantômes,
Dans les silences de la morne ténèbre.
Elles sont lasses du repos de la solitude,
Le monde de la hauteur inconnue les attire.
Elles veulent Tamour, les rayons, la tempête.
Elles rêvent de fleurs qui seraient parfumées !...
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70 QUELQUES POÈMES
Mais il n'est pas de voie vers le pays de lutte et delumière.
Et autour d'elles l'eau froide se tait.
Et les requins de temps à autre passant, les outrepassent,. .
Pas un trait de lumière, pas un son, rien d^ amène...
Et d'en haut, l'ondulation des mers envoie
Des cadavres s eulement, et des épaves de navires...
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LES ROSEAUX 71
LES ROSEAUX
A rheure de minuit, en la touffeur des marais,
A peine perceptibles, sans bruit frôlent-lent les roseaux.
De quoi chuchottent-ils ? De quoi parlent-ils ?
Pourquoi, parmi eux, de petits feux s'allument-ils?
Ils étincellent, clignotent, — et ne sont plus...
Et de nouveau scintille la lueur errante.
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72 QUELQUES POÈMES
A l'heure de minuit frôlent-lent les roseaux :
Les crapeaux y nichent, les serpents y sifflent.
Une Face moribonde frissonne dans le marais :
Et c'est la Lune meurtrie, qui, tristement, s'affaissa.
L'odeur de vase s'exhale, l'humidité rampe...
La vase mouvante attirera, pressera, enlisera.
— « Qui ? Pourquoi ?» — disent les roseaux.
Pourquoi, parmi nous, s'allument les feux petits ? »
Mais la Lune triste s'affaissa dans son silence.
Elle ne sait pas. Elle descend, plus bas encore, sa face.
Et, répétant le soupir de l'être qui périt, —
Avec angoisse, sans bruit, frôlent-lent les roseaux.
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LE CALME 73
LE CALME
A peine pâlissent du crépuscule tendre
Les jaunes perles d'ambre.
Partout, un calme caressant, —
Les nénuphars dorment, et dorment les roseaux.
La rivière assoupie
Reflète lés nuages,
La tranquille, la pâle couleur des cieux, —
La tranquille, la sombre, la dormeuse forêt.
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74 QUELQUES POÈMES
Dans ce royaume de calme
Flottent de doux songes,
La nuit respire, remplaçant le jour, —
Et tarde lombre, qui s'allège et s'atténue.
En ces eaux d'en-haut
Se voit le pâle croissant de lune.
Les étoiles versent la paisible lumière, —
Les yeux des anges regardent.
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LE SILENCE LUNAIRE 75
LE SILENCE LUNAIRE
Dans la forêt le silence gagna sous l'apparition de
la Lune, —
Mais il semble qu'on entende sensiblement la vibra-
tion d'une corde,
Et la lumière impérieuse descend des hauteurs.
Au-dessus de la forêt, quelle beauté endormie 1
Combien nettement se distingue le mpindre trait.
Et combien rapidement s'immobilise ce pin, et cet autre.
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70 QUELQUES POÈMES
Immuables sont les nuages blancs, — aériens...
Reine aux froideurs de miroir, la rivière, —
Et le lointain céleste est profond dans l'humide.
Ininterrompue, la vibration de corde, —
Inviolable, la sublimité du silence, —
Inépuisables, les ^puissances de la Lune I
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LES MAL-KÉS
LES MAL-NÉS
D'une amour amère je vous aime^ 6 pauvres avor-
tons d'hommes^
Aveugles-nés, boiteux, bossus,
O difformes esclaves, qui jamais n*avez connu la
liberté,
Barques brisées par la gaieté d'une vague I
Et vous m'êtes chers, songe douloureux
De la Mère cruelle, de la Nature sans pitié.
Cactus tordus, jets de Jusquiames,
Et des serpents et des sauriens la race repoussée I
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78 QUELQUES POÈMES
La peste et la lèpre, la ténèbre, le meurtre et le^Malheur,
Sodome et Gomorrhe, villes aveugles,
Espoirs de proie aux lèvres entr'ouvertes, —
Oh ! n'avez- vous pas votre tour dans la prière !...
Au nom de Dieu, toujours bienheureux,
Je vous bénis : que le bonheur soit avec vous !
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LES TREIZE SŒURS 79
LES TREIZE SŒURS
Sœurs, Sœurs, vous, ô les Fièvres,
De sous terre tourmenteuses émanations en chœur!
Nous jouions à cache-cache par TEnfer !
C'est assez! En haut! Tête en avant!
Il œuvrera avec ardeur, le chœur des Sœurs !
Nous allons refroidir, — algides, nous refroidirons.
Et réchaufferons, et malaxerons !
Nous sommes vites, nous ne tarderons...
Sœurs ! ô Sœurs ! En haut ! chez les hommes !
Et nous y sommes : commençons !
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80 QUELQUES POÈMES
Nous agrippant, fortement, ô les Fièvres,
Vite au jeu, à cache-cache, à nouveau :
L'être humain est notre passe-temps.
O les Sœurs, les Sœurs, à nos places!
Toutes les treize, sus au hâbleur!
Où est-il? Vit-il? — Nous commençons...
Toi, Frissonîe, laisse-le
Frissonner, s'il lui arrive d'être en prison.
Toi, Flammore, prolonge sa douleur,
Par le feu, brûle de la Terre la poussière qu'il est.
Toi, Glacine, de telle sorte, en la froidure
Pousse-le, qu'il appelle son cercueil !
Toi, Oppressante, souffle sur le sein.
Couve-le d'un lourd de pierre, et toute, époumone-le tout!
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LES TREIZE SŒURS 81
Toi, Poitraille, sur la poitrine,
Un peu, et encore un peu plus, demeure !
Toi, Sourdaude, crache sur lui.
Pour qu'il n'entende rien, plus rien !
Toi, Courbatue, courbe-lui les os,
Et qu'ils rendent un craquement.
Toi, Gonflène, connais ton terme ;
Que de toute sa bouffissure, il enfle !
Toi, Jaunisse, à ton tour !
Laisse-le, laisse-le prendre couleur.
Toi, Torsionne, marche à sa suite,
Et les menottes, et les petons, tortille-les donc I
Toi, Visionnée, surgis en diable.
Pour que des yeux disparaisse le sommeil.
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82 QUELQUES POÈMES
Toi, Siccate, — il est bas —
Fais maintenant qu'il se dessèche.
Toi, Putridie, ô Sœur des Sœurs I
Toi, danse-lui : « Il est temps I »
L'homme n'a pas de jugement...
Oh I tenaces, et fortes, sont les Fièvres,
Nous autres Sœurs qui sommes treize !...
Sœurs I En bas I Notre heure est passée 1
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POURQUOI
IL N»EST PLUS DE PREUX
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POURQUOI IL n'est PLUS DE PREUX EN RUSSIE 83
POURQUOI IL N'EST. PLUS DE PREUX
EN RUSSIE
Ce ne sont pas les vents, qui accouraient dans le ciel !
Ce ne sont pas les nues, qui dans le ciel s'aheurtaient !
Nos Preux se préparaient au combat,
Nos Preux combattaient l'ennemi.
Et de toute la volonté de leur désir
Us ont déployé l'impétueux brandissement I
Ils foulèrent une armée innombrable.
Ils occirent toute la force païenne...
Et les Preux, alors, se mirent à se vanter.
Déraisonnablement rire dans la victoire !
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86 QUELQUES POÈMES
— <( Les épaules puissantes, offraient-ils, veulent
encore lutter,
Les chevaux vaillants ne sont pas las encore/
Et les glaives ne sont pas émoussés I
Qu'on nous donne, dirent-ils, une Force qui n'est pas
d'ici.
Et nous exterminerons cette Force qui n'est pas
d'ici, —
Et combien, avec elle, nous nous aniuseronsi »... •
Et, dès que de Tun d'eux, fut cette parole,
Parurent deux Guerriers,
Seulement deux, non point la masse d'hommes.
Mais des guerriers, et non pas des parleurs 1
Et ils proclamèrent : » Or, entrons en lutte, les
Preux 1
Vous êtes sept, nous sommes deux, — peu im-
porte I »...
Dans ce moment aveugle les Preux n'ont pas re-
connu qui étaient les Guerriers ;
S'alluma en leur poitrine le cœur ardent.
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POURQUOI IL 'N*EST PLUS DE PREUX EN RUSSIE 87
La soif de bataille est chaude dans le sang...
Les yeux qui flambent, sur les guerriers un s'élançait
Et les coupa en deux, d'un seul effort d'épaule :
Us devinrent quatre, — tous les quatre vivantsl...
S'élança un second, sur eux éprouva la dureté du
glaive.
Et les coupa en deux : ils devinrent huit, tous les
huit vivants 1...
S'élança le troisième, les yeux qui brûlent,
Les coupa en deux par un coup de hardiesse :
Ils devinrent deux fois plus, — ils s'avancent et
tous s'avancent, tous vivants!...
Alors, touslesPreux s'enlevèrent pour hacher cette
armée.
Ils ont brandi les glaives ; où était l'ennemi, il en
est deux fois plus,
Et qui s'approchent, et muets^ et menaçants.
Et la puissance inconnue grandit et grandit
Et s'avance sur les Preux, en attaque 1
Et maintenant les Preux ne luttent pas autant
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88 QUELQUES POÈMES -
Que meurtrissent, de leurs sabots frappant^ les des
triers vaillants...
Mais la puissance inconnue grandit et grandit,
Toujours avance, combattante, sur les Preux qui
bataillent.
Hors de soi-même sortent les forces neuves et me-
naçantes, — fatales d'horreur !...
Juste trois jours, trois heures, trois minutes, les
Preux luttèrent.
Leurs épaules puissantes ont assez travaillé^
Les glaives damasquinés se sont émoussés,
Les chevaux se lassèrent dans leurs élans 1
Les coups qu'ils ont rendus ont épuisé les Preux...
Mais Tarmée inconnue grandit et grandit
Et sur les Preux bataillant s'avance, — en attaque!
Alors, prirent peur les Chevaucheurs puissants...
Ils coururent vers les montagnes,
Ils coururent vers les cavernes, vers les gorges où
■la forêt inextricable se tient :
Mais quand arrive un Preux à la montagne, il y reste
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POURQUOI IL n'est PLUS DE PREUX EN RUSSIE 89
Pétrifié.
Et arrive un second, — et, pierre, il s'ajoute aux
pierres.
Et le troisième et tous les autres, s'en sont venus,
étonnés, — et ils deviennent muets 1...
Et depuis, il n'est plus de Preux en Russie.
Et depuis, dans l'ombre des montagnes il en est
peu qui osent s'aventurer :
Etrange est le dessin de leurs rocs, et une lueur
mystérieuse
Au-dessus des gouffres, souvent blanchit...
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AUX JOURS OBSCURS... 91
AUX JOURS OBSCURS...
Aux jours obscurs de Boris Godounov,
Dans la brume du morne pays Russe
Des hordes erraient sans toit, —
Et dans les nuits, deux lunes montaient au ciel.,*
Deux soleils se tenaient aux cieux des matins,
Avec férocité couvant le monde qui dévale.
Et un glapissement prolongé ; « Du pain! du pain !
du pain 1 »
De la ténèbre des bois irruait jusqu'au Tsar.
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02 QUELQUES POÈMES
Dans les rues, les êtres squelettiques
Broutaient avidement l'herbe maigre,
Brutes et nus, — comme un bétail :
Et les rêves s'accomplissaient en réalité.
Alourdis de pourriture, les cercueils
Aux vivants donnaient, fétide et infernale, une nourriture.
Entre les dents des morts Ton trouvait du foin!
Et devenait toute maison, un lugubre bouge...
Les tempêtes et leurs tournements abattaient les tours.
Et les cieux, dérobés de triples nues,
Transparaissaient soudain d'une rouge lueur
Et de batailles entre surnaturels guerriers !
Jamais vus, des oiseaux arrivaient.
Les aigles planèrent sur Moscou.
Aux carrefours, des vieillards,en silence,attêndaient,
Qui hochaient leurs têtes chenues...
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AUX JOURS OBSCURS... 93
La Mort et la Haine rôdaient parmi Thumanité.
Et la Terre tressaillit de la vue d'une comète. .
Et dans ces jours, Dmitri se leva de sa tombe
Pour incarner au corps d'Otrépiev, son esprit I
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LE PAYS QUI SB TAIT 9d
LE PAYS QUI SE TAIT
Le Pays qui se tait, tout en blanc, tout blanc, —
Comme une Fiancée couverte du voile
Qui par Lui sera touché, par lui, admirant et hardi.
Et qui apporte Tensoleillement des chauds pétales.
Le Pays qui connaît le plus long hiver
Et la prison résonnante des glaces qui étreignent,
Où, il n'est pas de fin pour les feux et la fumée fondante,
Où, si longtemps, entre elles s'entretiennent les étoiles...
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9G QUELQUES POÈMES
Pays, qui après les fastes de mai,
Et à peine Tété lui donne-t-il un regard, dit déjà :
€ Je dors, » —
Grand Pays I malheureux, près du cœur,
Toi, que, comme une mère, je plains et je chéris...
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HYMNE AU FEU
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HY5INE AU FEU
99
HYMNE AU FEU
Feu qui purifie 1
Feu fatidique.
Beau, impérieux
Vivant, et qui se luit 1
De silence dans le scintillement du cierge aux églises !
De mille éclatements dans l'incendie !
Sourd aux supplications, — à multiples aspects !
Multicolore quand croulent les hautes murailles...
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100 QUELQUES POÈMES
Agile, et gai, et passionné.
Si victorieusement beau
Que lorsqu'il consume ce qui est à moi,
Je ne puis pas ne pas voir sa beauté :
beau Feu, je t'avais consacré tous mes rêves !
Tu te mues éternellement,
Tu es autre partout.
Tu es rouge, et fumeux.
Dans le tourbillonnement du bûcher :
Tu es tel qu'une fleur d'épouvante aux pétales de flammes,
Tu es tel qu'une toison éclatante, qui se hérisse !...
Tu brûles, dans les nues des tempêtes
Violettes, fixement, —
Parmi le grand bruit des tonnerres et le chant des pluies l
Tu nais en l'incertitude des éclairs :
Tantôt, qui surgissent en brisures,
Tantôt, en une raie intacte,
Tantôt ainsi qu'un globe qui s'entoure d'air irradié 1 . • .
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HYMNE AU FEU 101
Je ne me lasserai pas de te louer,
soudain, ô terrible, ô insinuant I
Pur toi, Ton réduit les métaux.
Près de toi, Ton crée et Ton forge
Beaucoup de faux sonores
Pour faucher, — pour faucher 1
Et beaucoup de bagues pour les doigts purs :
Beaucoup de bagues pour enchaîner les vies,
Pour qu'on les porte comme des chaînes durant de
longues années,
Et pour, de lèvres refroidies, le mot « aimer »,
Le répéter !...
Feu omniprésent ! Je t'ai consacré tous mes rêves :
Je suis comme toi I
Oh ! tu éclaires, tu réchauffes, tu brûles, —
Tu vis, tu vis I
Dans les temps vieux, en Serpent tu venais maintes
fois,
Et tu enlevais les Fiancées de Tautel.
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102 QUELQUES POÈMES
Et aussi, hôte perGde et persuasif, souvent, dans lés
vieux, temps,
Tu consolas l'épouse d'autrui...
brillant, ô br ûlant, ô violent d'ardeur !
Tuesbrillant co mmele diamant de douze couleurs, —
Comme les yeux des chattes, caressants et féminins
et qui attirent Tamour,
Comme Textase de la glauque vague des Océans
Dans rinstant qu'elle se brise ! —
Comme une feuille du printemps sur quoi, une goutte
de rosée tremble et oscille, —
Comme le frémissement de rêve vert de la luciole, —
Comme le scintillement des feux follets, —
Comme l'extrémité des nuages allumés par la lu-
mière du soir.
Quand ils étendent leur deuil sur la face des jours
brûlés, et qui s'éteignent!...
Je me souviens, ô Feu !
Comme tu me brûlas,
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HYMNE AU FEU 103
Parmi les Sorcières qui frissonnaient des caresses de
Toi.
On nous tourmentait parce que nous avons pénétré
le Mystère I
On nous brûlait pour la joie du Sabbat de minuit :
Mais, pour ceux qui ont vu ce que nous avions vu,
Le Feu n'a pas d'épouvantes I
Et je me souviens encore !
Oh ! je me souviens d'autre chose ; des édifices flam-
bants
Où se donnaient au Feu, volontairement, dans la nuit
sourde,
Entourés d'infidèles qui ne voient pas,les Fidèles,qui
étaient nous I
Et, aux sons des prières, avec des cris de transport
Nous chantions nos louanges au Donneur des For-
ces!...
Je me souviens, ô Feul et dès lors je t'ai aimé!
Je sais, ô Feu 1
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104 QUELQUES POÈMES
Qu'il est encore pour nous, un autre éclat de la lu-
mière.
Et qui brûle au regard des yeux à jamais éteints!
Lui, il recèle la science subite. En lui sont la Terreur,
et le délice,
Devant la nouveauté incom mensurable des Espaces . . .
Les Espaces? Qui, de Lui-même les a tirés! Et d'où?
Et pourquoi?
Qui les a revêtus d'ornements innombrablement
étoUés?
Je partirai pour avoir la réponse...
âme de l'élément montant, qui t'élances dans les
cieux,
Je veux, que d'une lumière blanche et inextinguible
S'allume pour moi — la MortI
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l'eau 105
L'EAU
Eau, élément de volupté,
Eau, transparence de nos pensées, —
La profondeur des songes, rillimité du bonheur,
Le bruit léger des heures qui courent I
Parfois, immobile et silente,
Parfois en vague impétueuse.
Mais légère et libre toujours, —
Amie éternelle de la Lune...
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106 QUELQUES POÈMES
Et, en union avec le Soleil créateur.
Tantôt un bourdonnement, tantôt le clapotis.
Tantôt — éclat miroitant des courants :
Élément passionné et étrange,
Ta voix est un baiser humide.
En silence elle se tapit sous la terre.
Dans la pénombre, de là, elle voit, en rêve, la Lu-
mière et le Ciel,
Et, douce, elle saura sourdre vers le Soleil,
Elle assolidera les cavernes sculptées en images de
villes...
Elle s^est glacée, et sommeille au sommet du mont,
Et soudain, du meuglement d'une bête, tressaille !
Elle s'en est réveillée , et elle s'élance en avalanche, —
Et, en tourbillon, descend à rapidité de Malheur !
Insonore dans les puits, dans les lacs transparents.
Muette en les regards humides et caressants.
Mais qui, dans les cristaux de la neige recèle un
bruissement
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l'eau 107
Et le bris sonore des glaces qui s'ouvrent I
Se muant en neiges, s' emprisonnant en la douceur
du silence,
S'étendant en linceul immobile, et froid, et muet,
Et qui, en son tomber en lents flocons, prend de la
lune verte le scintillement^ —
Au chaud printemps TEau redevient préexistante.
Et elle joue en vague,
Et elle court, et elle chante, —
Et en éclats de blancheur
Se délivre la glace qui nage !
La crue des eaux
Monte par les prairies :
Victorieusement, elle prendra tout,
Elle couvrira tous les rivages !
Combien est largement libre, le jeu
De la vague printanière par les champs !...
Mais, ils ont chuchoté : « Il est temps I »
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108 QUELQUES POÈMES
Les songes qui s'en vont :
Et de la profondeur de la rivière
Les limites se sont réordonnées.
Toutes les fleurs s'allument...
Somptueuse est la fête du Printemps :
Éh lui sont tressés les rayons
Des sphères, — au plus loin !
Tout reprend son aspect éternel
Et dort le plat miroir du lac,
Et muet, est le lisse sommeil de la mare.
Chants de l'infini des Jouissances,
Chante la cascade immortelle...
Les sources coulent le long des pentes...
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LA TERRE
10»
LA TERRE
La Terre enseigne à regarder profondément, — pro-
fondément.
Les yeux corporels sommeillent. Brille et veille un
Œil invisible.
S'effrayant, il regarde
Le mystère terrestre .
Cependant que la Terre dit :
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110 QUELQUES POÈMES
— « Sois allègre, — je suis dans Fallégressel
Regarde devant toi ;
Il est une voix dans le saltant aujourd'hui, ainsi
qu'une voix dans l'obscur hier.
Dans le lit cave du lac^le sous sol est argile, marne
et terreau,
Mais ce n'est là que la couche première :
Là est le fond, et au-dessus de la profondeur la
vague, après la vague.
Écoute I II est temps.
Sois jeune !
Tout sur la Terre est changement, — trait par trait,
ajoute-toi...
Brillent les pensées,
Et la mémoire est vivante.
Et sonores sont les mots.
Les jours s'en vont, —
Mais il est des îles I
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LA TERRE 111
Des mers bleues les plus grandes profondeurs,
Près des îles, invariablement, gisent.
Sois, par ton âme,
Comme tous ceux
Qui lient en unité la dualité.
Les nuits et les jours,
Les ténèbres et lés feux.
Brillent les pensées.
Et la mémoire est vivante :
N'oublie pas les îles I....
En un désert sauvage, au-dessus de Tensevelisse-
ment sourd des eaux^
Une douce oasis fleurit, et fleurit,
D'un songe d'or
Sa vie caresse !
L^Aujourd'hui, comme une fumée
Deviendra un Hier :
De Tesprit saint
Sois jeune !
Il est temps I II est temps !.. »
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114 QUELQUES POÈMES
J'entends^ j^entends ta voix, Terre jeune I
Tout m'est visible, et tout compréhensible : je suis
ainsi que Toi.
J'entends comme respirent les fleurs nocturnes,
Je vois comme tressaille le brin d'herbe qui éclôt.
Mais j'ai peur d'un vide soudain qui soit dans mon
âme I
A quoi me sert que l'un après l'autre des traits de
vie surgissent ?
Ce que j'aime, s'enfuit et se perd...
Sonore est ta voix, ô jeune Terre !
Tu es multicolore pour éternellement !
Je vois tes nuances et les regards secrets.
J'entends harmonieusement lefe chœurs des rythmes,
La voix des rivières et souterraines et solaires, —
Mais, j'ai peur ! parce que les dessins se déchirent,
J'ai peur, ô Terre, — je suis un Homme !
A quoi me servent et les lacs, et la mer, et les monts ?
Serai-je seul, éternellement, avec le rêve ?...
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LA TERRE 113
L^adolescent fait peur, lorsqu^il est chenu 1
Qu'est-ce, qu'est-ce qui fait ce frôlement, là-bas,
Qui est comme le bruissement des calmes eaux?...
Qu'est-ce qui songe, à moitié endormi,
Croit et chante ?
Silence... Sérénité...
Le monde est sous minuit. Tout se tait.
L*âme de qui, de qui ? est entendue...
Qu'est-ce, qui résonne, plein de vie ?
C'est une voix, jeune éternellement, une voix.
Elle est presque, presque sans paroles,
Mais belle, mais sainte.
Comme le principe de tous les principes.
Une vague qui roule, —
Mais pas la Mer... Profondément
Respire la vie d'un autre songe.
Sous la Lune elle est si vastement aise 1
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114 QUELQUES POÈMES
C'est un champ. La nuit regarde.
Caressant est le regard étoile.
Les doux épis chuchotent,
Tous les épis chuchotent,
Se redressent, chantent, —
Se penchent pour le sommeil.
Sève de vie. Labeur éternel.
Avec douceur le grain frôle le grain.
Qu'est-ce qui est plus loin ? Une théorie
De troncs non vivants, mais vivants :
Des grappes de fruits au-dessus de la terre,
A nouveau, principe des principes.
Sur de petits piquets
Une tempête recelée,
Rire sonore, et le vers sonore,
Un moment d'oubli, — la Vigne !
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LA TERRE 115
Une joie sereine du visage, —
Les étoiles regardent, caressantes...
Il mûrit, il s'apprête son vin,
Le jaune, le rouge raisin 1
Et Ton récoltera ces grappes.
On les écrasera, on en extraira le sang.
Le travail est gai. Les cœurs chantent.
Dans la vie, à nouveau, vit l'Amour !
Grain victorieux,
Grappes de fruits de TÊtre 1
Il sera du vin blanc.
Il sera un flot rouge I
Une année s'écoulera après une année,
La vie doit se précipiter.
Mais Tépi ne passera pas.
Mais les grappes vivront !
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116 QUELQUES POÈMES
Les rêves ne finiront pas.
Le Printemps reluira pour tous I
Ainsi, la Litui^e de la Beauté
Est, fut, et doit être !
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DERRIÈRE LE VERT BOCAGE
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DERRIÈRE LE VERT BOCAGE 119
DERRIÈRE LE VERT BOCAGE
Derrière le vert bocage.
Par monts et vallons
Chantante, tristesse I tu me menais.
Mais Ton doit croire que, deux fois,
Pour la soif mordante
La rivière n'exhale pas sa fraîcheur.
Jadis ici, un puéril
Turbulent j'étais.
Dans la caresse des mots flutés...
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120 QUELQUES POÈMES
Mais la Jeunesse n'est qu'écho
D'un rire lointain,
N*est que résonnance de pas qui s'éloignent !
Du vert bocage
Le nouveau feuillage
Laisse tomber à Taurore, la rosée.
Et la Jeunesse n'est qu'une barque
Qui partit prestement
En traçant dans Teau, une raie.
Derrière le vert bocage,
Avec rire et tintement
S'envolèrent, durant la nuit, les clochetantes clochettes...
La troïka ardente
S'emporte gaiement
Dans tous les bouts du très vaste monde !...
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SUR l'eau 121
SUR L'EAU
De la nef y glissa la rame.
Caressante, pâme la fratcheur.
— « Cher, ô mon cher 1 » — Radieux
Et doux, me voici sous le Regard fugitif.
Le cygne a nagé vers la pénombre,
Là-bas, alors qu'il blanchissait sous la lune.
Les moires d'eau câlinent la rame.
Le lys c&line Tonde.
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m QUELQUES POÈMES
Mon ouïe, sans que j'écoute, saisit
Que balbutie Talme étendue, en seul miroir.
— € Cher ! ô mon cher ! Je t'aime ! ».•.
Minuit, de Thorizon regarde.
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ÉPITRE ÉT01LÉE 123
EPITRE ÉTOILÉE
Je te donnerai une épître étoilée.
De Tarc-en-ciel je ferai une route,
Au-dessus de Tabime plein de tonnerres
J'érigerai haut, ta demeure.
Et les couchants amis des étoiles,
Et les aurores emperlées
Etendront leurs striures longues...
Tu seras en un sommeil à mainte douceur.
Aromatique comme les tendres muguets,
Transparent comme une forêt feuillée.
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124 QUELQUES POÈMES
Roséeux comme un pré amène...
Tu seras en le point d'unité et dans le chant.
Nous serons dans Tinstant immortel, —
Nos visages tournés vers le Sud.
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LES CHARMES DE LA FÉE
125
LES CHARMES DE LA FEE
Je marchais à travers la forêt. La forêt était sombre
Et étrangement enchantée.
Et moi, j'aimais je ne sais qui.
Et moi, j'étais ému.
Qui a rendu si tendres les nuages,
Qu'ils sont tous en douceur de perles ?
Et pourquoi le fleuve au ruisseau
Chante-t-il : Serons-nous amis ?
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126 QUELQUES POÈMES
Et pourquoi tout soudain, le muguet
A-t-il soupiré, tandis qu'il pâlit dans Therbe ?
Et pourquoi si suave, le gazon ? —
Oh ! je sais : c'est la Fée...
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SŒUR DES ÉTOILES 127
SOEUR DES ÉTOILES
Elle était pâle, ainsi que les neiges stellaires.
Elle était douce, ainsi que Tautomne dorée.
A son cou vivait le scintil de perles, —
Le rêve des jours demeurait en elle, comme la
glace qui dort sans fondre.
Et elle était, tantôt une jeune Sorcière,
Et elle était, tantôt la vague qui ronge la rive, —
Toujours seule avec elle-même, — pour chacun
différente,
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128 QUELQUES POÈMES
Et chacun auprès d'elle oublie et l'ami et rennemi.
Son sourire qui imperceptiblement glisse,
Fait sur ses lèvres refléter des tendreurs d'aurore...
L'on regarde : Est-tu avec elle ? On regarde : elle
n'est plus la même.
11 est ainsi des êtres formés de l'impondérable des
nues...
Ainsi, sous le vent se pâme le trémul de la feuille
au printemps,
Ainsi brûle la Voie Lactée que ne scrutera notre
esprit.
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l'azur 129
L'AZUR
J'ai rêvé, qu'avec toi j'entrais en l'Azur.
C'était Tempire des étoiles, des violettes et de l'eau.
Champs d'azur. Forêts... Nous étions deux.
Une étoile, sans hâte, nous menait vers une étoile.
Parmi les hautes montagnes de basalte bleu
Il était, en profondeurs de sanctuaires, des cavernes
fumantes.
Une blanche fumée s'en échappait, qui de nouveau
était en elles, —
Et son écho transposait en mètres nos pensées.
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130 QUELQUES POÈMES
Le long des ruisseaux bleuissaient les myosotis,
Dans les taillis de lilas 3'illuminait Tencens.
Et les campanules, comme des tourelles-enfants.
En luisant, versaient le son des cloches et vers
l'azur des cieux, et vers nous.
Et des oiseaux bleus, qui prédisaient les Temps,
Volaient en cercle et berçaient les rêves,
Et dans le cœur était chanté que voici la fin des
tristesses,
Et que je suis avec toi pour l'éternité, et que tu es,
pour l'éternité, avec moi !
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CELUI QUI SE RÉVEILLE 131
■ f^gpv ■ . i >^^ '
CELUI QUI SE RÉVEILLE
Ta voix résonna, tristement étouffée :
Le cœur entend ainsi la cloche du voisin village.
J'écoutai ce son, mais dans la somnolence, —
Et d'un pas léger tu t'en allas de moi.
Pas encore je ne comprenais pourquoi, ne sont plus
avec moi
Tes yeux calmes, qui recèlent la force des Mots.
Et soudain, je me suis réveillé ! Et, en vague soDure,
Dans mon âme ce fut une alarme, — le cri de toutes
les cloches 1
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132 QUELQUES POÈMES
Au village de nuit renchantement était tranquille.
Et c'était on pays enclos. Mais voici que les mers
haussent leurs ondes.
Et il semble que le monde entier, agité d'incendîe.
Du rêve perdu me parle dans le tocsin 1
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LE TOCSIN-FANTOME
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LE TOCSIN FANTOHS 135
LE TOCSIN-FANTOME
Je suis esprit, je suis le Tocsin-fantôme
Qui des spectres seuls est entendu !
Les maisons^ je le sens, sont en flammes,
Et les hommes restent prostrés en labsence et Poubli.
Le feu, lourd de fumée, rampe et vers eux se coule,
Et je suis tout entier un ulul de détresse^ mais aphone I
Bourdonne donc, ô Cloche 1 sonne à to^ute volée,
Et sois un cri parmi l'obscurité diffuse.
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136 QUELQUES POÈMES
D'airs épais eUe rampe et serpente, la fumée :
Comme une lourde bête va le charme nocturne.
Et, ô quelle terreur pour moi, d'être muet
Sous Téparre cuivré de l'Incendie I
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RÉSIGNATION
137
RESIGNATION
Vague sonore des conjonctures oubliées,
Source chuchotante des Jours depuis longtemps
muetSy
Gémissement des souffrances apaisées,
Lumière des feux éteints, —
Je vous parle, dans Tombre des souvenirs :
Avec vous, je respire et plus profondément et plus
amplement !
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138 QUELQUES POÈMES
Je vois les fleurs du jardin délaissé,
Les tilleuls séculaires, les pins, les peupliers.
Ici, il me faut pour toujours rester,
Ici, aimables sont les champs I
Au cœur parlent Tenceinte de Téglise
Et la paisible terre du cimetière familial.
Oh I ne t'adonne pas aux pensées inquiètes I
Dors I L'agitation est mensongère, et brumeux, le lointain.
Tu aimas tout, de ton cœur libre :
Apprends à aimer ta tristesse, —
L.es espoirs mourront en sonnerie de cloches,
Et plus, tu ne regretteras ce qui fut vécu...
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LA COURSE DES MINUTES 139
LA COURSE DES MINUTES
Vis-tu, près d'une Mer grise, tourbillonner les
sables ?
As-tu rôdé, par l'angoisse meurtri, sous une forêt
sourde, le long d'une rivière ?
Et écouté, environné du souffle des tourmentes, le
poème fantomal du vent?...
As-tu compté les bruits des bruissements, la course
des minutes à l'heure de minuit ?
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140 QUELQUES POÈMES
Entendis-tu les vents en transport hurler à travers
la cheminée?
As-tu appris comme le cœur demande à s'enfuir,
en ébranlant la destinée ?
As-tu appris le sanglot de l'âme, les yeux clos, sans
une larme?
As-tu appris toute la torture de connaître la pen-
sée, pour une dernière fois I
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QUATRE CIERGES
141
QUATRE CIERGES
J*ai rêvé de quatre cierges en d'antiques candélabres . .
Pour les couler, les abeilles dorées bourdonnèrent
au printemps,
Elles volaient en été, attouchant tout l'épanouisse-
ment des vallées,
Et celaient dans la ruche, avec le miel, la cire
décorée.
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142 QUELQUES POÈMES
Les hauts cierges étaient de diverses couleurs :
L'azur, le vermeil, et le jaune et le blanc, telles
étaient leurs couleurs.
Le cierge bleu éclairait le Mai avec TÉté,
Et pour le haut Soleil luisait la pourpre ardeur 1...
Or, durant que je dormais, des araignées tissèrent
leurs toiles.
Et dans ses fumées lentes s'alluma le cierge jaune.
Des nuages muets glissaient aux cieux, comme des
glaçons,
Et des rayons la caresse n'était pas chaude au visage.
Et quand, encore, se fut éteint celui-ci, sur la cire
blanc-neigeuse
Naquit la quatrième flamme, le feu dernier.
Et il me vint que, quelque part. Ton ajustait des
planches de sapin, —
Et blanc,tout blanc 1 apparut le Coursier annoncé
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EST-CE ? 143
EST-CE ?
Est-ce la Mort? Ou le Sommeil? Ou le Bonheur?
Retentissement immense d'un chant d'orgue.
Le mystère des grands lacs d'impassibilité.
Pâmoison continue, et le délice de Toubli.
Les fenêtres colorées se troublent de gel.
Et glacées, elles se lèvent en aérienne opacité.
Cela fut-il? Mort? —Jeune?...
Cela fut-il? Ou est-ce devenu un délice nouveau?
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144 QUELQUES POÊHES
Les couleurs flamboient en feux qui ne trompent pas.
Des magies ont couvert le froid firmament.
Le cœur est plein des sanglots de Torgue :
Est-ce la Mort ?
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DORS... 145
DORS..
Des luminaires fumants les feux qui agonisent,
Tremblants, et glissants, les derniers. — Dors !
Les lis qui se moirent, la route arrivée au but.
Tout ce qui a été subi, les gouffres et leurs pé-
rils. — Oublie !
Llnextricable est dénoué, réglé est le compte avec
les humains.
La prédiction du silence s'avance vers toi. — Ac -
cepte
10
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14G QUELQUES POÈMES
De la main assoupie prends, en Baguette sacrée, le
haut cierge,
Dans le mutisme du feu brûle les mots. — Tais-
toi!
Les lis splendides regardent en bas, de toutes leurs
fleurs,
Et attendent, en vénération, Theure qui s'arrête.
— Prie!
Ni chuchottement, ni murmure, les jours sont dans
le passé transparent :
La Nuit sans larmes, toute étoilée s'approche. —
Regarde 1
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l'instable 147
L'INSTABLE
Dans Taveugle, la grise opacité, il n'est que Tim-
mensité sans normes, sans mesures.
Sans corrélations, — un désert dejours non repérés,
Une pente illimitée, l'incertitude des songes errants:
Manque de voies, même de celles qui mènent au
Péché !
Il n'est point de ligne droite, n'importe où Tœil
s'égare.
Pas d'arc de l'arc-en-ciel en la division de ses cou-
leurs.
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148 QUELQUES POÈMES
Rien que l'espace^ ouvert et un,
Et au long, et au large, — un courant sans rivages.
Est-ce un courant ? Est-ce la mer? Qui, nettement»
le pourrait discerner ?
Chaque vague est une ombre, chaque visage n'est
pas 1
D'unité stable, point ! Et l'ouïe s'efforce en vain,
de distinguer
Ne serait-ce qu'une allusion dans le glouglou des
bulles qui crèvent !
L'émeute gronde sans but, sans loi.
Tout fond I Où naviguer ? Ou en avant ? Ou en
arrière ?
Oh ! si seulement, distinctement, s'élevait la barque
de Caron I...
Pas de nocher, pas même pour le sûr Enfer...
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ET ILS NAVIGUAIENT.
149
ET ILS NAVIGUAIENT.
Et ils naviguaient sans fin, sans fin
Dans la ténèbre, mais si avides de lumière...
Et une horreur soudaine envahit leurs cœurs
Quand ils eurent une Réponse !
Une flamme, à leurs regards apparut
Dans Tespace à pic de l'azur brumeux :
Elle était belle, égale, tranquille,
Mais ils étaient envahis de la terreur inattendue.
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150 QUELQUES POÈMES
Comme des ombres aveugles, les yeux fermés.
Ils étaient assis et s'endormaient.. .
Ils dormaient sans dormir et rêvaient d'une tempête,
D'une sourde, d'une aveugle tempête.
Les paupières closes tremblaient à peine,
Mais la lumière leur était visible à travers les paupières.
Et l'éternité s'écarta, menaçante et morte :
Des rivières, des rivières en silence...
Dans le giron des eaux noirement grandissantes
Un incendie infini s'alluma.
Mais les fantômes endormis naviguaient de l'avant
Par une route droite et sans but.
Et chacun, comme l'esprit sommeillant d 'un cadavre
Oscillait dans la fumée éclatante,
Et ils naviguaient sans fin, sans fin.
Et ils accomplissaient leur route, — aveugles...
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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 153
ŒUVRES DE CONSTANTIN BALMONT
POÉSIE
Recueil de Poésies (Jaroslavle) (1890).
Sous LE CIEL DU NoRD. — Élégies, Stances, Sonnets (1894).
Dans l'Illimité. — Vers lyriques (1895).
Sérénité. — Poèmes lyriques (1898).
Les Édifices en flamme. — Expressions de Tâme mo-
derne (1900).
Soyons gomme le Soleil. — Livre de Symboles (1903).
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154 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Rien que l'Amour. — Les sept nuances (1903).
Liturgie de Beauté. — Hymnes des Eléments (1905).
Contes de Fées (1905),
Les Maléfices (1906).
C H ANSONs DU Vengeur ( 1 906) .
L'Oiseau de Feu (1907).
Les Oiseaux dans l'air (1908).
Le vert Verger (1909).
La ronde des Temps (1909).
Le Reflet des Aurores (1912).
Le blanc Constructeur (1914).
Poèmes du Frêne (1916).
PROSE
Les cimes des Montagnes (1904).
Les Eparres blancs (1908).
Fleurs DE Serpent. — Lettres de route du Mexique (1910).
Les lumières de la Mer (1910).
Le Pays d'Osiris. — Esquisses d'Egypte (1914).
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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 155
NOUVELLES
Vassinka (1908).
La Voie aérienne (1909).
Un cri dans la nuit ( 1 909).
La Jalousie (1910).
LiVERPOOL (1910).
TRADUCTIONS
Shelley. — Œuvres complètes, avec Introduction (Tra-
duction en vers).
Edgar Poe. — Œuvres complètes, avec Introduction
(Prose et poésie).
Walt Witmann. — Avec Introduction (Traduction en
vers).
Oscar Wilde. — Ballade de la Geôle de Reading. —
Salomé.
Calderon. — Drames, traduction en vers, 3 volumes :
Le purgatoire de Saint-Patrice. — La Vie est
un songe. — La dévotion à la Croix. — Le Prince
constant. — Aimer après la Mort.
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156 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Marlow. — Histoire tragique du D*^ Faust.
Slowatzki. — Trois drames : Balladina, Lilla Veneda,
Helios-Ëolion (Traduction en vers, avec Intro-
duction et notes).
RASPao\«Trcu. — Poésies diverses.
Hai-ptmaxx. — La Cloche engloutie. — Hannele. — Eisa.
HstBEBG. — Drames : Le Balcon.— Tragédie de l'Amour.
Ibsen. — Trois drames .
K. Hamsun. — Divers Contes.
T. -A. Hoffmann. — Le Chat-Mourre.
Charles V.vn Lerberghb. — Les Flaireurs. — Poèmes.
Maurice Maeterlinck. — L'Intruse. — Les Aveugles.
Marcel Schwob. — Le li\'re de Monelle.
Kromeunk. — Le sculpteur de Masques.
HoRN. — Histoire de la Littérature Scandinave.
Gaspari. — Histoire de la Littérature Italienne (2 vol>.
MoiTTER. — Histoire de la Peinture (3 vol.)
Jeger. — Livre sur Ibsen.
AswAGDscHA. — Vie de Bouddha.
Kalid.vsa. — Sakountala.
Lk5 Appels de l'anfiquite (Traductions de poèmes sa-
crés des peuples de TAntiquité, d'Orient et d'Ex-
trême-Orient ^
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IKDEX BIBLIOGRAPHIQUE 167
Les chansons populaires d'Espagne.
Traduction de poésies diverses de :
Rossetti, Coleridge, Wordsworth, Byron, Tenny-
son, Goethe, Heine, Bachmann, Andersen, Lange,
Baudelaire, Paul Fort, Slowalzki, Leopardi,
Espronçeda, etc.
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TABLE
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TABLE 161
TABLE
Préface 9
Soyons comme le Soleil 27
Les accords 29
Pierre- Alatyr 31
Dans les âmes se retrouve tout • . . . • • 35
Les navires morts* 37
Extrait de la « Fata Morgana » :
Le jaune. 39
Mauve-pâle. 40
Le Blanc 41
L'angoisse des steppes • . . , 43
La Ville 45
Le poisson doré 49
11
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162 TABLE
Comme un Espagnol. '53
Doucement 55
Le pôle austral de la lune • 61
Près de la Pierre bleue 63
La pluie 65
Plantes sous-marines 69
Les roseaux 71
Le calme 73
Le silence lunaire 75
Les mal-nés 77
►œurs 79
l n'est plus de preux en Russie . . 85
obscurs 91
i se tait 95
^eu. 99
105
............. 109
vert bocage. 119
121
ée 123
s de la Fée ......... 125
Hoiles ,127
129
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TABLE 163
Celui qui se réveille 131
Le tocsin-fantôme 135
Résignation . 137
La course des minutes 139
Quatre cierges 141
Est-ce ? 143
Dors , .... 145
L'instable 147
Et ils naviguaient 149
Index bibliographique 153
OCT 25^^21
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s
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MAYRNNBy IMPKIMBRIB GHARLBS COLIN
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7
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UNIVERSITYOFMI
3901506303
P^-i
^d
-#
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DO NOT RENOVE
OR
MUTILATE GARD
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