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Full text of "Quelques poèmes"

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QUELQUES POËMBS 



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IL A àté Tiné DE CET OUVBAGB : 

Treize exemplaires Japon impérial, 

{dont trois hors commerce) numérotés 

de 1 àiO et de il à iS 

Vingt exemplaires vélin de Rives 

{dont cinq hors commerce) numérotés 

de U à 28 et de 29 k 33 

Huit cent quatre-vingts exemplaires ordinaires 

(dont quatre-vingts hors commerce) numérotés 

de 34 à 833 et de 834 à 9i3, 



N»221 



Copyright by G. Crès et C", 19f6 
Tous droits de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. 



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PRÉFACE 



Constantin Dmitrievitch Balmont naquit le 3 juin 
1867, dans la propriété de son père, dépendante du gou- 
vernement de Vladimir. De vieille noblesse, sa famille 
tire son origine d'Ecosse, comme celle d'un autre grand 
poète Russe, Michel Lermontoff. Il passa son enfance 
à la campagne, grandit en une de ces vastes gentil- 
hommières construites en bois, qui ont peu de res- 
semblance avec les châteaux de France. 

Ces vieilles demeures recelaient une atmosphère 
toute particulière, à la fois raffinée et patriarcale, un 
esprit d'oisiveté, de rêve, de tçndresse et de sensua- 
lité. Des élans dé bonté et de colères brutales alter- 
naient, se heurtaient, car le passé empiétait longtemps 
sur le présent, l'Orient se mêlait encore à l'Occident. 
La vie des maîtres ne se séparait pas de la vie des 



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12 PRÉFACE 

les énergies vitales de la Jeunesse. Ceux qui ne se 
contentaient ni des douteuses délices du retour, loin 
des villes et de la « civilisation pourrie», à la vie sainte 
du paysan, à la béatitude de la non-résistance au mal, 
prêches par Tolstoï, ni du carriérisme officiel, se dé- 
battaient parmi des recherches stériles d^une solution 
quelconque du : pourquoi la vie? question toujours 
présente dans une jeune âme Russe. Aussi, le nombre 
de suicides et de cas d^ aliénation mentale pendant ces 
tristes années, devint-il effrayant et incroyable. 

Balmont n'échappa pas au sort de sa génération : il 
connut la persécution, il connut le désespoir jusqu'à 
une tentative de suicide. La série noire commence en 
1884, alors qu'on l'accusa d'un « crime d'Etat », affilia- 
tion à un cercle révolutionnaire : pour quoi il est exclu 
du Gymnase. Il est cependant admis, après quelque 
temps, dans un Lycée d'une autre ville, mais contraint 
de vivre « comme dans une prison », dit-il dans une 
courte autobiographie, interné chez un de ces profes- 
seurs de l'époque plutôt policiers que pédagogues. 

« Je maudis le Gymnase de toutes mes forces », con- 
tinue le poète, de qui le système nerveux demeura 



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PRÉFACE 13 

ébranlé pour longtemps par le régime de cette insti- 
tution. 

En 1886, Balmont entre à l'Université de Moscou, à 
la Faculté de Droit. Mais les sciences juridiques ne 
rintéressent que médiocrement, et passe-t-il son temps 
à étudier la littérature Allemande et l'histoire de la 
Révolution Française. 

Puis, un an ainsi rempli, nouvelles persécutions. 

Cette fois, Balmont est accusé d'être l'un des orga- 
nisateurs d'un « désordre » universitaire, terme poli- 
cier qui englobait toutes manifestations tant soit peu 
bruyantes de la Jeunesse des hautes Écoles. Ces a dé- 
sordres » ou « émeutes » avaient pour point de départ, 
tantôt quelque mécontentement en matière de cours, 
tantôt l'interdiction aux élèves d'organiser une biblio- 
thèque ou — chose plus grave — un restaurant d'étu- 
diants. Sans pouvoir préciser la cause de V « émeute » 
dont on désigna Balmont comme l'un des promoteurs,il 
dut quitter l'Université de Moscou, et ne sortit de prison 
que pour l'exil dans sa province natale. Deux tentatives 
encore pour continuer les études universitaires, puis 
il s'adonne exclusivement aux études littéraires, philo- 
sophiques et historiques, étant son propre maître. 



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14 PRÉFACE 

Les débuts littéraires de Balmont ont été tout aussi 
malheureux et pénibles. Pendant quatre ou cinq ans, 
aucune revue n'accepta ni ses poèmes, ni ses articles. 
Son premier recueil de vers, édité à ses frais, n'eut 
aucun succès. Disonsque Balmont n'attache à ce volume 
aucune importance dans son évolution, le considérant 
comme assez médiocre. D'ailleurs, l'auteur Ta retiré 
de la circulation, et il est maintenant devenu introu- 
vable. Sa première traduction du norvégien (un livre 
de Henrik Jaeger sur Ibsen) a été brûlé par la Censure. 

Le succès n'est venu qu'avec ses traductions des 
œuvres de Shelley et d'Edgar Poe, et son second volume 
de poésie : Sous le Ciel du Nord, 

L'œuvre de Balmont est immense, sa puissance de 
travail gigantesque. 11 a étudié le Français, l'Anglais, 
Allemand, l'Espagnol, l'Italien, le Suédois, le Nor- 
végien et le Polonais, et, de toutes ces langues, il a 
publié de très belles et de très fidèles traductions 
d'œuvres importantes. Sa curiosité linguistique effleura 
aussi maintes langues orientales mortes et vivantes, le 
Sanscrit,le Javanais,le Géorgien,etc. L'étude des langues 
n'est pas un but pour lui, mais la possibilité de connaître 
leur littérature, ne gardant pas pour lui-même, d^ail- 



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PRÉFACB 15 

leurs, ces délices littéraires : toutes les fois qu'il entre- 
prend rétude d'une nouvelle langue étrangère, il dote 
son pays d'une série de traductions. 

Depuis 1905, Balmont habite Paris. Il est proscrit 
politique. Le retour en Russie lui est interdit, sous 
peine d'exil en Sibérie : son crime est la publication 
de certains articles écrits pendant la courte période 
révolutionnaire, quand avait été proclamée la liberté 
de presse, et d'un recueil de poèmes publié à l'Étran- 
ger : Chants du Vengeur, 

Ce n'est pas un sédentaire, avons-nous dit. Non seu- 
lement l'Europe, mais en 1904, il visite le Mexique, 
en 1910 l'Egypte, en 1911 il entreprend le tour du 
monde en s'arrêtant longuement en Australie, aux 
Indes, à Samoa, aux iles Fidji, etc. 

Cette vision cinématographique du Globe terrestre 
en l'espace de peu d'années, la confusion qui peut 
résulter de l'étude précipitée de tant de langues si 
diverses entre elles, la lecture aussi, d'un nombre très 
grand de livres en toutes langues tantôt purement lit- 
téraires, tantôt d'intérêt historique ou ethnographique, 
le labeur intense et le temps que pareille préparation 
demandait,n'ont nullement diminué ou adultéré l'œuvre 



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16 PBÉFACE 

maîtresse de Balmont, son Œuvre de poète. Cela tien- 
drait du miracle, si Ton n'est pas prévenu de la sin- 
gulière disposition d'esprit de Balmont de ne rien voir 
directement^ et si Ton ne découvre pas la qualité exclu- 
sivement Russe de son âme, qualité que nous attri- 
buons à rintensité de ses impressions d'enfance. Bal- 
mont, en vrai grand lyrique qu'il est, ne voit le monde 
extérieur qu'à travers sa vision intérieure en même 
temps intellectuelle et intuitive. 11 lit les contrées qu'il 
visite plus qu'il ne les regarde, il les rêve ensuite. 
Son érudition acquise par des lectures, n'est pas une 
érudition savante et pédante : c'est encore une source 
d'images et de concepts tout personnels, très intérieurs. 
Voilà pourquoi Balmont est resté poète avant tout, 
et poète Russe par excellence* 

Pour comprendre le rôle de Balmont dans la litté- 
rature Russe, le lecteur occidental doit se représenter 
des conditions politiques qui lui sont totalement étran- 
gères, qui ont créé une vie, un état moral de la société, 
à peine compréhensibles pour un citoyen de pays de- 
puis longtemps libres. 

Toute la littérature russe s'est naturellement ressen- 
tie de cette existence sociale particulière. 



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PRÉFACE 17 

Il sied d'abord de retenir ceci : la liberté de la presse 
n'a jamais existé en Russie, à aucun moment de son 
histoire, excepté durant les quelques mois de la révo- 
lution de 1905. 

La discussion de toutes les questions sociales ou po- 
litiques les plus vitales pour le pays, est interdite, ce- 
pendant qu'une élite, minime en comparaison de la 
masse énorme de la population, mais nombreuse dans 
la classe cultivée, sent la nécessité, considère comme 
un devoir d'exprimer ses opinions. De là une littéra- 
ture de prétextes, s'il est permis de s'exprimer ainsi. 
Le roman, la critique, la poésie même, sont des pré- 
textes pour avancer une idée politique, sociale ou phi- 
losophique. La littérature prend un pli de littérature 
à tendances. Les grands talents percent malgré tout, 
s'élèvent au-dessus de l'esprit utilitaire pour donner 
de la beauté, des œuvres d'art. Mais la direction géné- 
rale persiste, et s'accroît à mesure que les problèmes 
de la vie sociale. en Russie se compliquent. Il s'ensuit 
un bien et un mal. S'il est vrai que la littérature russe, 
par là, reste très près de la vie, exerce une énorme 
action et monte à une littérature d'idées chez les meil- 
leurs écrivains, — le mal est, que le Public, habitué à 

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18 PRÉFACE 

rechercher avant tout la tendance dans une œuvre 
d'art, trop entier et partant intransigeant comme tout 
homme et tout peuple jeunes, devient volontiers des- 
potique comme la censure elle-même. Et il exigera de 
Fauteur les tendances en vogue, les idées réputées pro- 
gressistes, — tout le reste étant àFindex. Cette recherche 
des idées avant toute chose, doit alors aller au mépris 
même de la forme. Un auteur assez connu ne prélen- 
dait-il point, en conversations privées, « qu'un livre 
n'étant pas une prostituée, il n'a pas besoin d'orne- 
ments ». 

Cet esprit utilitaire dont la poésie devait surtout se 
mal trouver, envahit la littérature russe dans la seconde 
moitié du xix® siècle qui, pour commencer, avait été, en 
superbe éclosion, l'époque du grand Pouchkine. Dans 
cette seconde période la Russie compte peu de poètes, 
— c'est le règne des grands romanciers: Tourguéneff, 
Tolstoï, Dostoïewsky. Deux seuls poètes d'une va- 
leur incontestable, à cette époque : Tutcheff et Fête, 
le premier passant inaperçu, l'autre vilipendé par la 
critique pour son manque de civisme. Cet autre était 
précisément le fin et l'élégant Fête, que TourguenelT 
qualifiait de « poète des poètes «.C'est le seul Nécras- 



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PRÉFACE 19 

soif qui alors connaît une grande renommée, non point 
grâce à ses dons poétiques, mais parce qu'il mettait 
le souci de propagande des idées démocratiques très 
au-dessus des préoccupations d'art. Le « chantre de 
la misère du peuple » voulait trop souvent son vers 
habile et sa sensibilité au service d'une cause déter- 
minée. 

Comme nous l'avons dit, au moment où Balmont 
commence sa carrière littéraire, la réaction gouverne- 
mentale est à son comble, la censure inexorable, — et 
les éléments d'opposition sont d'autant âpres à pour- 
suivre leurs buts : les lettres russes, proprement dites, 
se trouvent prises dans ce feu de barrage. Le roman- 
cier Tchékhoff, qui remplaçait la grande triade dont les 
voix se taisaient, par son pessimisme sans issue détrui- 
sait les dernières illusions, esquissant d'une main de 
maître l'avachissement général, en toutes les classes de 
la société... 

C'est dans cette atmosphère de cauchemar terne, 
morne, que retentit la voix de Balmont : « Soyons 
comme le Soleil I » 

Cette voix chantait l'exaltation de la Vie. Cette poé- 



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20 PRÉFACE 

sie affirmait qu'en plus, et peut être endehors des con- 
cepts de Justice et d*4itililé sociale et morale, des sen- 
timents de pitié pour l'humble, de bonté et de sacrifice^ 
il est de la Beauté, le rêve, Télan de Tâme humaine 
vers le supra-terrestre, les pressentiments d'un mystère 
insondable ! 

La mission du poète n'est pas de prêcher, proclamait 
cette voix, elle est de créer la Beauté, et ce disant. 
Balmont ramenait la poésie Russe aux sources de la 
Poésie et à la belle tradition de Pouchkine. 

« Soyons comme le Soleil »,dit le poète, — comme 
cette source de vie, voulons -nous comprendre de lui. 
Et la Vie, c'est toute la nature : elle englobe la joie 
avec la tristesse, le bonheur avec la souffrance, l'aima' 
ble comme l'horrible, la vie et la mort, la mort comme 
la survie. Notre grand lyrique vibre de toutes les vi- 
brations de la nature, et par là il dépasse la limite 
qu'on a l'habitude d'assigner au lyrisme. 

Il est presque superflu de dire que la beauté de la 
forme préoccupa constamment et admirablement Bal - 
mont. Mais il n'a pas seulement créé de beaux vers, il 
a recréé le vers russe. Ici nous emprunterons d'une 



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PRÉFACE 21 

notice de M. Volochine, un poète russe, son opinion 
sur le vers de Balmont : 

« Balmont trouve le vers Russe fatigué et figé. Il l'as- 
souplit et par lui il résonnera d'une manière nouvelle. 
IlTallume par des feux d'assonances intérieures, le fait 
chanter en carillons de cloches, en mélodie fuguée,le 
fleurit de rimes et de rythmes inconnus. Du chuchote- 
ment essouflé des lignes entrecoupées, il l'élargit jus- 
qu'au chant sonore d'une mélopée populaire. Son vers 
devient tantôt orchestre, tantôt clochettes d'argent, il 
se créa libre, brillant, capricieux, simple, maniéré, — 
comme la personnalité de Balmont, comme sa voix 
vivante. » 

Le vocabulaire de Balmont est riche naturellement, 
mais il Ta enrichi encore de néologismes osés, cepen- 
dant si conformes aux lois fondamentales de la langue 
maternelle, que loin d'étonner, ils paraissent familiers 
à l'oreille russe et n'arrêtent même pas l'attention. 
Nous pensons ne pas nous tromper de beaucoup, en 
disant que son action sur la langue littéraire Russe a 
été grande généralement. Sans être un maître en prose, 
comme il l'est en poésie, il contribua beaucoup aussi, 
à libérer la prose russe de la platitude dans laquelle 



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22 PRÉFACE 

elle tomba dans les dernières années du xix^ siècle. 
Quant à la Poésie elle prit sous son ascendant un 
essor inconnu dans les annales des lettres Russes. Des 
poètes se révélaient de tous côtés. En phalanges ser- 
rées la nouvelle génération marchait à la conquête du 
droit d'exprimer librement ses personnalités. Dans 
Tardeur de la lutte, qui n'est pas sans analogies avec 
les luttes des poètes de la période dite « Symboliste», 
en France, il exista, certes, des exagérations, des es- 
sais malheureux, mais aussi éclata Téclosion de talents 
de valeur incontestable. 

Maintenant, après presque trente ans d'une produc- 
tion littéraire énorme, Balmont est considéré par la 
totalité des critiques Russes, comme une des gloires 
de la littérature. Les historiens littéraires cherchent 
à le situer sous une rubrique, sous une de ces étiquettes 
chères aux théoriciens. 

Selon une habitude simpliste et malignement contrac- 
tée dès les débuts de Balmont, d*aucuns veulent le 
dire un « décadent ». Certains le considèrent comme 
chef de TEcole Symboliste russe, d'autres, et non des 
moindres, créent pour lui et pour la pléiade issue de 
lui, une dénomination spéciale 1 ce aéraient les « néo- 



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PRÉFACE 23 

romantiques du xx« siècle ». Et quelques critiques 
admiratifs, remontant le courant des choses, recher^ 
chent dans son œuvre le civisme et les tendances réa- 
listes, encore chers au grand public... 

Pour nous, Balmont n'est ni au-dessus, ni au-des- 
sous de toutes ces appellations : il en est à côté. Et 
si nous devions chercher parmi les innombrables ap^ 
préciations russes, un jugement qui correspondrait à 
notre propre opinion sur Balmont, nous répéterions 
volontiers les paroles du philosophe et poète Vladimir 
Solovieff, qui voici bien des années écrivait à Balmont 
lui-même : 

« Vous êtes un poète par la grâce de Dieu »... 

... Nous ne nous illusionnons pas sur l'impression 
que le public Français peut avoir de l'œuvre de 
Balmont représentée pai le présent petit recueil de 
ses poésies, choisies parmi les dix volumes de son 
œuvre poétique. Cette impression ne sera et ne peut 
être qu'incomplète : comme toute traduction, celle-ci 
ne rend que ce qu'elle peut rendre. Elle abolit, hélas I 
la sonorité incomparable du vers de Balmont, elle 
amoindrit parfois l'énergie de l'épithète ou souligne 



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24 PRÉFACB 

peut-être trop, grâce à la précision du Français, un 
certain vague destiné à suggérer plus qu'à dire... 
Notre préoccupation a été d'être absolument fidèles à 
la pensée du poète, à son sentiment et^ autant que pos- 
sible, à ses rythmes. 

Nous sommes heureux de pouvoir dire que cette 
traduction, lue par l'auteur, a mérité son approbation. 



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SOYONS COMME LE SOLEIL 



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SOYONS COMME LE SOLEIL 27 



SOYONS COMME LE SOLEIL 



Soyons comme le Soleil ! Oublions 
Qui nous mène sur la voie d'or. 
Souvenons-nous, avant tout, qu'éternellement vers 

autre chose, 
Vers le nouveau, le Fort, le Bien, le Mal, 
De geste éclatant nous nous emportons en un songe 

[somptueux 1 
Sans oubli ! implorons le non-Terrestre 
En notre vouloir terrestre... 



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28 QUELQUES POÈMES 

Comme le Soleil, jeune toujours^ 

Caressons les fleurs^ les fleurs qui flamboient, 

L'air transparent, eft tout ce qui est d'or 1 



Es-tu heureux ?... Sois deux fois plus heureux, 

Et sois rincamation du rêve soudain 1 

Ah I ne pas t'attarder dans l'immobile 1 

Plus loin, et loin I jusqu'à la limite sacrée. 

Plus loin nous attire le Terme fatidique : 

Dans rÉternité, où de nouvelles corolles s'allumeront. 



Soyons comme le Soleil, il est jeune I 
Et en cela s'atteste l'ordre de la Beauté. 



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LES ACCORDS 



21) 



LES ACCORDS 



En la beauté des musiques^ 

Ainsi qu'en Timmutabilité de miroirs, 

J'ai trouvé les contours des rêves 

Qui n'ont pas été révélés avant moi : 

Angoissés, et enliés 

Comme des plantes sous des pesanteurs de glace. 



Je leur ai donné le délice, 
La gloire de leur naissance ! 



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30 QUELQUES POÈMES 

J'ai détruit la glace sonore : 

Et, comme des hymnes qui ne sont pas entendus. 

Respirent les lotus somptueux 

Au-dessus du miroir des eaux. 



Ety dans les musiques muettes 

Et sur la neuve transparence, 

Des rêves, la ronde vivante 

Crée un monde nouveau, à demi raconté 

Mais qui va s'accordant avec tout l'Exprimé 

Dans la profondeur des eaux reflétantes. 



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PIERRE-ALATYR 31 
«^ 



PIERRE-ALATYR 



Sur la mer-Océane, 
Sur une île Bouyane, 
Géante parmi les pierres 
Est la pierre- Alatyr ! 

Blanche, elle brûle et irradie, 
Ardente, et qui ne peut froidir. 
Sa courbe est belle, — 
Elle bout, cette Pierre-Bouillant 1 



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32 QUELQUES POÈMES 

Elle brûle, cette Pierre-miracle 
Meilleure que l'émeraude. 
A tous instants vivante est-elle, 
Cette pierre de soleil ! 

Sous cette pierre se cèle 
Le rêve inassouvi. 
Hâte-toi vers elle, hâte-toi, 
Touche aux mystères des mers ! 

La mer devient large, et large... 

Sur la pierre-Alatyr 

Est assise, qui arde dans les rayons, 

La force de foudre — qui est l'Aurore., 

Elle est assise, la Donzelle-Belle, 

Et elle rit impassiblement. 

Les risettes de la Vierge 

Sont des aubes au-dessus de TEau. 



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PIERRE-ALATYR 33 

Mais que Tenvie Ten prenne, ^ 

Le rire sera d'une vie innombrable : 
Elle se mettra à rire — ainsi 
Qu'un éclair tout à coup s'éploie 1 

Sonore de plusenplus^ vient le rire chantant. 
Les nuages rougissent en incendies. 
Flammale est la Beauté 
Et transparent son voile... 

Sur la mer-Océane^ 
Sur une île-Bouyane 
J'aimais là cette Vierge, — 
J'y étais tel que son hôte. 

J'étais sur cette Pierre, — 
Et un charme me donne-t-elle, 
Elle, dans le feu vivant, 
Sur la Pierre de Soleil, 



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3i QUELQUES POÈMES 

Oh I le charme est puissant 
Que me donna la Vierge passionnée 1 
Je vais par Elle tout asservir, — 
Et, brûle, Feu, plus ardemment ! 

Celui-là qui rongera la Pierre, 
Lui, de mon charme pourra 
Eteindre les rayons... 
Brûle, ô Feu, brûle vite ! 

Mais, qui rongera la Pierre ? 
Mais, qui surmontera la flamme ? 
Salut I éclat des Jours, 
Et brûle, ô Feu, plus ardemment 1 




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DANS LES AMES SE RETROUVE TOUT 35 



DANS LES AMES SE RETROUVE TOUT 



Dans les âmes se retrouve tout ce qui est dans le 
Ciel, et maintes choses encore. 
Dans cette âme se créa la Parole préétablie !... 
Où donc? si ce n'est en elle 
Se levèrent les concepts en surgissement énorme ? 
Où seraient advenus, et la tendresse en chantante 

consolation. 
Et la conscience, luminaire dangereux et brûlant, 
Et les soudaines illuminations, et les éclats des feux divers ? 



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36 QUELQUES POÈMES 

Où? si ce n'est en elle, 

Où ? grondent les tempêtes de la pensée puissante 1 . . 
Non I le ciel n'est pas là, 
Dans le profond Espace hanté de cauchemar 
Où j'ai. créé, où je créerai encore 
Les étoiles à radier leur splendeur, 
Et qui, éternellement marchent par les mêmes voies, 
Signe enflammé de ma constance I 
Le Ciel est dans les intensités de mon âme. 
Là, au loin, à peine visible, — tout au fond... 
Il est merveilleux et de hagard émoi, de passer dans 

l'au-delà : 
J'ai peur de regarder dans l'abîme de l'âme, 
J'ai peur de sombrer dans ma propre profondeur ! 
Tout en elle est infiniment un : 
C'est à l'âme seulement que je chante les prières. 
Et je n'aime qu'un seul Illimité, 
Mon âme 1 



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LES NAVIRES MORTS 37 



LES NAVIRES MORTS 



Pris en remuements dans les glaces, dans Taccalmie 

des mers dorment 
Les squelettes muets des navires morts. 
Le vent à vol rapide qui toucha leurs voiles 
Et, en effroi, s'est enfui ! bondit aux cieux — 
Bondit I et n'ose pas de son haleine battre la terre, 
Pour n'avoir vu partout que la pâleur,le gel, et la mort !. 
Comme des sarcophages, les glaces à blocs lents 
En une longue multitude surgirent des eaux. 



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38 QUELQUES POÈMES 

La neige blanche se couche et tourbillonne au- 

dessus de la vague ^ 
Et emplit l'air d'une candeur mortelle. 
Le royaume de la Mort blanche n'a, nulle part, de limites. . . 
— Et,qu'êtes-vous venus chercher ici, ô Rejetésdes vagues? 
Squelettes muets des navires morts 1 



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LE JAUNE 39 



EXTRAIT DE LA « FATA MORGANA » 



LE JAUNE 

Si je demande à la raison : qu*est-elle, la couleur jaune ? 

Le cœur, aussitôt, chante la réponse : 

Je vois un cercle, un nimbe, line sphère, — 

Pas For, pas son éclat 1 

Non pas cette pénible chimère 

Qui devint matière 

De mon humiliation. 



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40 QUELQUES POÈMES 

Non I une autre gloire : 

Le Tournesol, fleur du Pérou 

Où Ton savait combien l'azur des yeux 

Est tendre, sous les rayons du soleil. 



UAUVE'PALE 

Une campanule à la lisière du bois, 
A sonneries perceptibles pour les fées, — 
La splendeur veloutée d'un rideau 
Auprès de mauves orchidées. 

En le dire d'une romance la couleur des lilas, — 
Jardin de rêve ! et, là, une feuille tombée, — 
Dans le contraste des couleurs, ombre et lumière, — 
Sur une tendre main, une améthyste... 



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LE BLANC 41 



LE BLANC 



Narcisse, l'extase de l'amour vers soi, 
Songes qui sont doux, jusqu'à la douleur 1 
Amour — à mourir, et au gouffre : 
La toute-puissance de la pure Blancheur. 

Narcisse, oubli de vie et de pitié I 
Désir, passion à tant d*ardeur 
Qu'en le blanc — en le blanc — naisse un éclate- 
ment de pourpre ! 
Oubli des sensations d'être ! 



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42 QUELQUES POÈMES 

Narcisse, vertige de suggestion, 
Amour en Tamour ! question et réponse, 
Enigme de Vie, reflet, 
Linceul nuptial : la couleur blanche. 



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l'angoisse des steppes 43 



L'ANGOISSE DES STEPPES 



Le son d'une zourna résonne, résonne, résonne, 
Le son des tiges, la stipe plumeuse, susurre, su- 
surre, susurre... 
Le croissant des Temps, en torpeur, brûle, et brûle? 
Un gémissement d'à travers les larmes s'accroît, 
s'accroît, s'accroît, — s'accroît. 



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44 QUELQUES POÈMES 

Le lointain des steppes n'est ni instant, ni heure, 

ni année : 
Le large des steppes, et, de vola, aucune^ aucune, 

aucune. 
Ténèbre des nuits^ et muette, muette, cette voûte 

d'étoiles... 

Immutabilité des jours : est latent un appel, — 

mais de qui î de qui ? de qui ? 



Mère et père, où sont-ils, où sont-ils — tous les 

miens ? 
Le rêve du printemps étincelait : vois qu'il dort, 

qu'il dort, il dort... 
Le lointain appelle, à le suivre, appelle, à le suivre, 

le suivre... 



Son de zourna qui résonne, résonne, résonne... 



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LA VILLE 45 



LA VILLE 



Que de portes dans une Ville I — Y avez-vous pensé ? 
Que de fenêtres, en la hauteur, se serpentent en 

lumière ! 
Que de monuments, lourds, sombres et inexorables^ 
Masses énormes, mais elles, qui n'ont qu'une porte, 

et aveugles. 
Multitude de choses eh amas, utiles — soi-disant — 

à la vie I 
Meurtre de Tâme de par la face des murs, de par 

les interpositions de fer. 



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46 QUELQUES POÈMES 

Etouffement du cœur sous rinclinaison sur nous 
D'amoncellements de pierres^ d'étages et d'étages: 
Cercueils sept fois étages... Tu passes par un cou- 
loir, la rue... 
Devant l'hostilité des portes, 
Ainsi qu'un voleur troublé, tu glisses, — 
Parce que tu es seul, — parce que les pierres res- 
pirent ! 
El les cœurs de derrière les portes se sont pétri- 
fiés, n'entendent pas. 
Si îa clef tourne dans la serrure — frappe — et, 

clairement, tu verras 
Combien .un visage peut être inaccessiblement 

indifférent !... 
Ecoute,commelespas se mettent à rire par le couloir: 
Ici vivent les bottes, — le regard est sans vie... 
Plutôt enferme-toi aussi, et respire la respiration 

de la Maison ! 
Désormais, de toi aussi, le mystère de la chambre 

sera connu : 



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LA VILLE 47 

Les murs rédigent des annales, et parlent de nœuds 

coulants... 

Les fenêtres, — ce sont les yeux des diables, — 

les fenêtres attendent la nuit, et ensorcellent I 



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LE POISSON DORÉ 49 



LE POISSON DORÉ 



Au château était un bal joyeux, — 
Les musiciens chantaient. 

Une brise, au jardin, balançait 
Une balançoire légère. 

Au château, en un doux délire 
Chantait^ chantait un violon I 
Au jardin, dans un étang, était 
Un poisson doré. 



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50 QUELQUES POÈMES 

Et SOUS la lune tournoyaient, 
Conune s'ils fussent ajourés. 

Par le printemps enivrés 
Les papillons nocturnes. 

L'étang balançait en soi, une étoile* 
Les herbes souples s'en allaient d'onduler. 
Et là, dans l'étang, passait en étincelles 
Un poisson doré. 

Bien que ne le vissent pas 
Les musiciens du bal, 
Du poisson doré, pourtant, et de lui seul 
Résonnait la musique. 

Dès que règne un silence 

Le poisson doré 
Jette sa lueur, et de nouveau se voit 
Un sourire parmi les hôtes. 



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LE POISSON DORÉ 51 

Et de nouveau, le violon sonne, 

La chanson retentit. 
L'Amour murmure dans les cœurs, 

Et le Printemps rit. 

Lé regard chuchote au regard ; m J'attends ! » 
Si lumineux et passagèrement. 
Parce que là, dans l'étang. 
Il est, le poisson doré... 




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COMME UN ESPAGNOL 53 



COMME UN ESPAGNOL 



Gomme un Espagnol, aveuglé de sa foi en Dieu et en 

l'amour, 
Ivre du sang rouge de soi-même c!; d'autrui. 
Je veux être le premier au monde, sur terre, sur mer, 
Je veux des fleurs pourpres, par moicrééps, partout ! 

Moi, né dans les gorges, sous la Sierra-Nevada, 
Où, seulement, criaient les milans derrière Ténormité 

des rocs, 
Je veux que devant moi s'ouvrent les forêts vierges, 
Qu'au-dessus du Pérou s'allument les cieux , de la rou- 
geur des incendies ! 



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Si QUELQUES POÈMES 

E t de rairain, de Tor, du baume, et des diamants et des 

rubis! 
Du sang giclé hors des poitrinesdes potentats vaincusl 
Et d'éclatantes pousses de corail vers la lumière qui 

s'étirent. 
Et les seules limites par moi trouvées : d'un cœur 

ardent, je les veux ! 

Et peut-être, après les années^ ayant compté mes do- 
maines, 
Je les éparpillerai moi-môme, je les disperserai com- 
me des fantômes!... 
Mais à l'heure d'avant le sommeil, d'entre les rochers 

où je suis né, à nouveau 
Je verrai le Soleil, le Soleil, le Soleil rouge comme le 

sang ! 



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DOUCEMENT... 55 

e , - -^^ ^^ ^ _ ^ 



DOUCEMENT... 



Doucement, très doucement, dépouillez de leurs 

vêtements les idoles d'hier. 

Trop longtemps tous les avez priées, n'oubliez pas 

la lumière passée. 
Chez les Grands dénimbés les paupières sont altières 

comme naguères. 
Et le créateur des chants prophétiques fut poète , 

et reste poète I 



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56 QUELQUES POÈMES 

Le vrai vainqueur sera d'une âme égale en présence 

du vaincu, 
Seuly lui sera arrogant, le lâche, et seul cruel, le 

sauvage. 
Dans le roulement des cris de combat sois de clair 

regard, sois serein : 
Alors, je te dirai que ty es un sage, et que tu es 

un roi 1 

Enfants du Soleil, n'oubliez pas la voix du frère qui 

s'éteint. 
J'aime votre matin, votre vaillance et vos rêves, 
Mais, vous aurez aussi votre instant de descente et 

de crépuscule : 

Dans rinstant premier, comme en Tinstant dernier, 

soyez, soyez comme les fleurs ! 

Fleurissez, défleurissez, — en multiples couleurs, 

en pleine volonté, 
Ouvrez toute richesse de vos jeunes forces cachées... 



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DOUCEMENT... 57 

Mais, dans répanouissement, n'oubliez pas que la 
mort çst belle, comme la vie, 
Et que royale est la grandeur des tombes qui re- 
froidissent. 



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LE POLE AUSTRAL DE LA LUNE 



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LE PÔLE AUSTRAL DE LA LUNE 61 



LE POLE AUSTRAL DE LA LUNE 



Le pôle austral de la Lune s'assoupit, il s'endormit 
entre 1q3 monts merveilleux 
Qui consternent par leurs formes régulières. 
C'est la Pensée enclose en octaves harmonieuses... 
Ces sommets vivent sans eau, dans une zone de 

rayons immobiles. 

Aveuglants, éclatants comme Tesprit, et qui tom- 
bent en étranges reflets 
Sur les vallées qui reposent au pied des massifs, 



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62 QUELQUES POÈMES 

Entre de morts cratères toujours lumineux, — 
Eternellement calmes, non touchés de la nuit, ne 

caressant aucun œil. 

Ces monts épouvantables luisent de la fixité d^une 

lumière éternelle 

Au-dessus de l'espace froid des songes inanimés... 

C'est la terreur du rêve, c'est la pensée des siècles, 

C'est la mystique vie de Beauté, Timpitoyable clarté 

où voit le Poète ! 



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PRÈS DE LA PIERRE 3LEUE 63 



PRÈS DE LA PIERRE BLEUE 



Près de la Pierre Bleue est le sable d'or, 
Le sable d'or que grena Teau. 

Eau bleue, transparente le jour. 

Et noire, et méchante, dans la ténèbre des nuits. 



Près de la Pierre Bleue est le sable d'or, 

Et tombe du ciel, une étoile, après une étoile... 



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iA V^WLfJCVS VOEJÊES 

L'Eau mnltîplîe et rrtrmTaille le sible. 

Et la Pierre est la meme^rt ioDgmt reste la mate- 



Taules les roules SMit IcMigiies à qui mardie 

Sur le sable grené, an long da dire Emlastiqae des eaux 

Et étemeDement le même il est, le saUe d'or. 
Près de la Pierre Ueue, au-dessus du Flot éteruel..* 



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LA pr.uiE 65 



LA PLUIE 



Dans un coin les souris musaient, furtives... 
Toute la maison se contint dans le sommeil. 
La pluie allait, et les gouttes tombant du. toit 
Coulaient au long des murs. 

La pluie allait, paresseuse et lente, 

Et battait le balancier... 

Et moi, Tâme très lasse. 

Je ne m'appartenais plus moi-même. 



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00 QUELQUES POÈMES 

Je n'étais plus que confluant avec ce somnolent, 
Avec ce lourd silence... 
Oublié, et de ma propre place frustré, 
J'étais, toute entière, la nocturne ténèbre. 

Alerte comme un fossoyeur, 
Avivant en moi la nuit noire, 
Dans le mur le scarabée-rongeur 
Insistait : « Tic-tac, — tic-tac »... 

Egalant les sons à des points, 

— Au point, cette origine des origines ! — 

D'un tout fin marteau 

Il tapait, tapait, il tapait. 

Et les atomes de la mélodie 

S'entrelaçant dans le silence, 

Tranquillement et sans colère : 

« Meurs 1 » — nie répétaient-ils, — « Meurs ! ». 



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LA PLUIE r 

Et mort, et sans haleine, 
D'une mort de cierges éteints, — 
J'écoutais, en une tristesse étrange, 
Cela, qui annonçait ! 

Et plus doucement. Quelqu'un, plus doucement 
Chuchotait de moi, quelque chose... 
Et du sombre toit, les gouttes 
Longuement, coulaient au long des murs. 



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PLANTES SOUS-MARINES 69 



PLANTES SOUS-MARINES 



Au tréfond de la mer les plantes sous-marines 
Étendent leur feuillage pale, 
Et elles s'allongent, et croissent comme des fantômes, 
Dans les silences de la morne ténèbre. 

Elles sont lasses du repos de la solitude, 
Le monde de la hauteur inconnue les attire. 
Elles veulent Tamour, les rayons, la tempête. 
Elles rêvent de fleurs qui seraient parfumées !... 



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70 QUELQUES POÈMES 

Mais il n'est pas de voie vers le pays de lutte et delumière. 

Et autour d'elles l'eau froide se tait. 

Et les requins de temps à autre passant, les outrepassent,. . 

Pas un trait de lumière, pas un son, rien d^ amène... 

Et d'en haut, l'ondulation des mers envoie 

Des cadavres s eulement, et des épaves de navires... 



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LES ROSEAUX 71 



LES ROSEAUX 



A rheure de minuit, en la touffeur des marais, 

A peine perceptibles, sans bruit frôlent-lent les roseaux. 

De quoi chuchottent-ils ? De quoi parlent-ils ? 
Pourquoi, parmi eux, de petits feux s'allument-ils? 



Ils étincellent, clignotent, — et ne sont plus... 
Et de nouveau scintille la lueur errante. 



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72 QUELQUES POÈMES 

A l'heure de minuit frôlent-lent les roseaux : 
Les crapeaux y nichent, les serpents y sifflent. 

Une Face moribonde frissonne dans le marais : 
Et c'est la Lune meurtrie, qui, tristement, s'affaissa. 

L'odeur de vase s'exhale, l'humidité rampe... 
La vase mouvante attirera, pressera, enlisera. 

— « Qui ? Pourquoi ?» — disent les roseaux. 
Pourquoi, parmi nous, s'allument les feux petits ? » 

Mais la Lune triste s'affaissa dans son silence. 

Elle ne sait pas. Elle descend, plus bas encore, sa face. 

Et, répétant le soupir de l'être qui périt, — 
Avec angoisse, sans bruit, frôlent-lent les roseaux. 



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LE CALME 73 



LE CALME 



A peine pâlissent du crépuscule tendre 

Les jaunes perles d'ambre. 

Partout, un calme caressant, — 

Les nénuphars dorment, et dorment les roseaux. 

La rivière assoupie 

Reflète lés nuages, 

La tranquille, la pâle couleur des cieux, — 

La tranquille, la sombre, la dormeuse forêt. 



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74 QUELQUES POÈMES 

Dans ce royaume de calme 

Flottent de doux songes, 

La nuit respire, remplaçant le jour, — 

Et tarde lombre, qui s'allège et s'atténue. 

En ces eaux d'en-haut 

Se voit le pâle croissant de lune. 

Les étoiles versent la paisible lumière, — 

Les yeux des anges regardent. 



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LE SILENCE LUNAIRE 75 



LE SILENCE LUNAIRE 



Dans la forêt le silence gagna sous l'apparition de 

la Lune, — 
Mais il semble qu'on entende sensiblement la vibra- 
tion d'une corde, 
Et la lumière impérieuse descend des hauteurs. 

Au-dessus de la forêt, quelle beauté endormie 1 
Combien nettement se distingue le mpindre trait. 
Et combien rapidement s'immobilise ce pin, et cet autre. 



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70 QUELQUES POÈMES 

Immuables sont les nuages blancs, — aériens... 
Reine aux froideurs de miroir, la rivière, — 
Et le lointain céleste est profond dans l'humide. 



Ininterrompue, la vibration de corde, — 
Inviolable, la sublimité du silence, — 
Inépuisables, les ^puissances de la Lune I 



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LES MAL-KÉS 



LES MAL-NÉS 



D'une amour amère je vous aime^ 6 pauvres avor- 
tons d'hommes^ 
Aveugles-nés, boiteux, bossus, 
O difformes esclaves, qui jamais n*avez connu la 

liberté, 
Barques brisées par la gaieté d'une vague I 

Et vous m'êtes chers, songe douloureux 

De la Mère cruelle, de la Nature sans pitié. 

Cactus tordus, jets de Jusquiames, 

Et des serpents et des sauriens la race repoussée I 



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78 QUELQUES POÈMES 

La peste et la lèpre, la ténèbre, le meurtre et le^Malheur, 
Sodome et Gomorrhe, villes aveugles, 
Espoirs de proie aux lèvres entr'ouvertes, — 



Oh ! n'avez- vous pas votre tour dans la prière !... 

Au nom de Dieu, toujours bienheureux, 

Je vous bénis : que le bonheur soit avec vous ! 



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LES TREIZE SŒURS 79 



LES TREIZE SŒURS 



Sœurs, Sœurs, vous, ô les Fièvres, 

De sous terre tourmenteuses émanations en chœur! 

Nous jouions à cache-cache par TEnfer ! 

C'est assez! En haut! Tête en avant! 

Il œuvrera avec ardeur, le chœur des Sœurs ! 

Nous allons refroidir, — algides, nous refroidirons. 
Et réchaufferons, et malaxerons ! 
Nous sommes vites, nous ne tarderons... 
Sœurs ! ô Sœurs ! En haut ! chez les hommes ! 
Et nous y sommes : commençons ! 



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80 QUELQUES POÈMES 

Nous agrippant, fortement, ô les Fièvres, 
Vite au jeu, à cache-cache, à nouveau : 
L'être humain est notre passe-temps. 
O les Sœurs, les Sœurs, à nos places! 
Toutes les treize, sus au hâbleur! 
Où est-il? Vit-il? — Nous commençons... 

Toi, Frissonîe, laisse-le 

Frissonner, s'il lui arrive d'être en prison. 

Toi, Flammore, prolonge sa douleur, 

Par le feu, brûle de la Terre la poussière qu'il est. 

Toi, Glacine, de telle sorte, en la froidure 
Pousse-le, qu'il appelle son cercueil ! 

Toi, Oppressante, souffle sur le sein. 

Couve-le d'un lourd de pierre, et toute, époumone-le tout! 



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LES TREIZE SŒURS 81 

Toi, Poitraille, sur la poitrine, 

Un peu, et encore un peu plus, demeure ! 

Toi, Sourdaude, crache sur lui. 
Pour qu'il n'entende rien, plus rien ! 

Toi, Courbatue, courbe-lui les os, 
Et qu'ils rendent un craquement. 

Toi, Gonflène, connais ton terme ; 
Que de toute sa bouffissure, il enfle ! 

Toi, Jaunisse, à ton tour ! 
Laisse-le, laisse-le prendre couleur. 

Toi, Torsionne, marche à sa suite, 

Et les menottes, et les petons, tortille-les donc I 

Toi, Visionnée, surgis en diable. 

Pour que des yeux disparaisse le sommeil. 



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82 QUELQUES POÈMES 

Toi, Siccate, — il est bas — 

Fais maintenant qu'il se dessèche. 

Toi, Putridie, ô Sœur des Sœurs I 
Toi, danse-lui : « Il est temps I » 

L'homme n'a pas de jugement... 

Oh I tenaces, et fortes, sont les Fièvres, 

Nous autres Sœurs qui sommes treize !... 
Sœurs I En bas I Notre heure est passée 1 



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POURQUOI 
IL N»EST PLUS DE PREUX 



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POURQUOI IL n'est PLUS DE PREUX EN RUSSIE 83 



POURQUOI IL N'EST. PLUS DE PREUX 
EN RUSSIE 



Ce ne sont pas les vents, qui accouraient dans le ciel ! 

Ce ne sont pas les nues, qui dans le ciel s'aheurtaient ! 

Nos Preux se préparaient au combat, 

Nos Preux combattaient l'ennemi. 

Et de toute la volonté de leur désir 

Us ont déployé l'impétueux brandissement I 

Ils foulèrent une armée innombrable. 

Ils occirent toute la force païenne... 

Et les Preux, alors, se mirent à se vanter. 

Déraisonnablement rire dans la victoire ! 



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86 QUELQUES POÈMES 

— <( Les épaules puissantes, offraient-ils, veulent 

encore lutter, 
Les chevaux vaillants ne sont pas las encore/ 
Et les glaives ne sont pas émoussés I 
Qu'on nous donne, dirent-ils, une Force qui n'est pas 

d'ici. 
Et nous exterminerons cette Force qui n'est pas 

d'ici, — 
Et combien, avec elle, nous nous aniuseronsi »... • 
Et, dès que de Tun d'eux, fut cette parole, 
Parurent deux Guerriers, 

Seulement deux, non point la masse d'hommes. 
Mais des guerriers, et non pas des parleurs 1 
Et ils proclamèrent : » Or, entrons en lutte, les 

Preux 1 
Vous êtes sept, nous sommes deux, — peu im- 
porte I »... 
Dans ce moment aveugle les Preux n'ont pas re- 
connu qui étaient les Guerriers ; 
S'alluma en leur poitrine le cœur ardent. 



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POURQUOI IL 'N*EST PLUS DE PREUX EN RUSSIE 87 

La soif de bataille est chaude dans le sang... 
Les yeux qui flambent, sur les guerriers un s'élançait 
Et les coupa en deux, d'un seul effort d'épaule : 
Us devinrent quatre, — tous les quatre vivantsl... 
S'élança un second, sur eux éprouva la dureté du 

glaive. 
Et les coupa en deux : ils devinrent huit, tous les 

huit vivants 1... 
S'élança le troisième, les yeux qui brûlent, 
Les coupa en deux par un coup de hardiesse : 
Ils devinrent deux fois plus, — ils s'avancent et 
tous s'avancent, tous vivants!... 
Alors, touslesPreux s'enlevèrent pour hacher cette 

armée. 
Ils ont brandi les glaives ; où était l'ennemi, il en 

est deux fois plus, 
Et qui s'approchent, et muets^ et menaçants. 
Et la puissance inconnue grandit et grandit 
Et s'avance sur les Preux, en attaque 1 
Et maintenant les Preux ne luttent pas autant 



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88 QUELQUES POÈMES - 

Que meurtrissent, de leurs sabots frappant^ les des 

triers vaillants... 
Mais la puissance inconnue grandit et grandit, 
Toujours avance, combattante, sur les Preux qui 

bataillent. 
Hors de soi-même sortent les forces neuves et me- 
naçantes, — fatales d'horreur !... 
Juste trois jours, trois heures, trois minutes, les 

Preux luttèrent. 
Leurs épaules puissantes ont assez travaillé^ 
Les glaives damasquinés se sont émoussés, 
Les chevaux se lassèrent dans leurs élans 1 
Les coups qu'ils ont rendus ont épuisé les Preux... 
Mais Tarmée inconnue grandit et grandit 
Et sur les Preux bataillant s'avance, — en attaque! 
Alors, prirent peur les Chevaucheurs puissants... 
Ils coururent vers les montagnes, 
Ils coururent vers les cavernes, vers les gorges où 
■la forêt inextricable se tient : 
Mais quand arrive un Preux à la montagne, il y reste 



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POURQUOI IL n'est PLUS DE PREUX EN RUSSIE 89 

Pétrifié. 

Et arrive un second, — et, pierre, il s'ajoute aux 

pierres. 

Et le troisième et tous les autres, s'en sont venus, 

étonnés, — et ils deviennent muets 1... 

Et depuis, il n'est plus de Preux en Russie. 
Et depuis, dans l'ombre des montagnes il en est 
peu qui osent s'aventurer : 
Etrange est le dessin de leurs rocs, et une lueur 

mystérieuse 
Au-dessus des gouffres, souvent blanchit... 



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AUX JOURS OBSCURS... 91 



AUX JOURS OBSCURS... 



Aux jours obscurs de Boris Godounov, 

Dans la brume du morne pays Russe 

Des hordes erraient sans toit, — 

Et dans les nuits, deux lunes montaient au ciel.,* 

Deux soleils se tenaient aux cieux des matins, 
Avec férocité couvant le monde qui dévale. 
Et un glapissement prolongé ; « Du pain! du pain ! 

du pain 1 » 
De la ténèbre des bois irruait jusqu'au Tsar. 



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02 QUELQUES POÈMES 

Dans les rues, les êtres squelettiques 
Broutaient avidement l'herbe maigre, 
Brutes et nus, — comme un bétail : 
Et les rêves s'accomplissaient en réalité. 

Alourdis de pourriture, les cercueils 

Aux vivants donnaient, fétide et infernale, une nourriture. 

Entre les dents des morts Ton trouvait du foin! 

Et devenait toute maison, un lugubre bouge... 

Les tempêtes et leurs tournements abattaient les tours. 
Et les cieux, dérobés de triples nues, 
Transparaissaient soudain d'une rouge lueur 
Et de batailles entre surnaturels guerriers ! 

Jamais vus, des oiseaux arrivaient. 

Les aigles planèrent sur Moscou. 

Aux carrefours, des vieillards,en silence,attêndaient, 

Qui hochaient leurs têtes chenues... 



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AUX JOURS OBSCURS... 93 

La Mort et la Haine rôdaient parmi Thumanité. 
Et la Terre tressaillit de la vue d'une comète. . 
Et dans ces jours, Dmitri se leva de sa tombe 
Pour incarner au corps d'Otrépiev, son esprit I 



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LE PAYS QUI SB TAIT 9d 



LE PAYS QUI SE TAIT 



Le Pays qui se tait, tout en blanc, tout blanc, — 
Comme une Fiancée couverte du voile 
Qui par Lui sera touché, par lui, admirant et hardi. 
Et qui apporte Tensoleillement des chauds pétales. 

Le Pays qui connaît le plus long hiver 

Et la prison résonnante des glaces qui étreignent, 

Où, il n'est pas de fin pour les feux et la fumée fondante, 

Où, si longtemps, entre elles s'entretiennent les étoiles... 



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9G QUELQUES POÈMES 

Pays, qui après les fastes de mai, 
Et à peine Tété lui donne-t-il un regard, dit déjà : 

€ Je dors, » — 
Grand Pays I malheureux, près du cœur, 
Toi, que, comme une mère, je plains et je chéris... 



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HYMNE AU FEU 



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HY5INE AU FEU 



99 



HYMNE AU FEU 



Feu qui purifie 1 
Feu fatidique. 
Beau, impérieux 
Vivant, et qui se luit 1 



De silence dans le scintillement du cierge aux églises ! 
De mille éclatements dans l'incendie ! 
Sourd aux supplications, — à multiples aspects ! 
Multicolore quand croulent les hautes murailles... 



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100 QUELQUES POÈMES 

Agile, et gai, et passionné. 

Si victorieusement beau 

Que lorsqu'il consume ce qui est à moi, 

Je ne puis pas ne pas voir sa beauté : 

beau Feu, je t'avais consacré tous mes rêves ! 

Tu te mues éternellement, 

Tu es autre partout. 

Tu es rouge, et fumeux. 

Dans le tourbillonnement du bûcher : 

Tu es tel qu'une fleur d'épouvante aux pétales de flammes, 

Tu es tel qu'une toison éclatante, qui se hérisse !... 

Tu brûles, dans les nues des tempêtes 

Violettes, fixement, — 

Parmi le grand bruit des tonnerres et le chant des pluies l 

Tu nais en l'incertitude des éclairs : 

Tantôt, qui surgissent en brisures, 

Tantôt, en une raie intacte, 

Tantôt ainsi qu'un globe qui s'entoure d'air irradié 1 . • . 



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HYMNE AU FEU 101 

Je ne me lasserai pas de te louer, 
soudain, ô terrible, ô insinuant I 
Pur toi, Ton réduit les métaux. 
Près de toi, Ton crée et Ton forge 
Beaucoup de faux sonores 
Pour faucher, — pour faucher 1 
Et beaucoup de bagues pour les doigts purs : 
Beaucoup de bagues pour enchaîner les vies, 
Pour qu'on les porte comme des chaînes durant de 

longues années, 
Et pour, de lèvres refroidies, le mot « aimer », 
Le répéter !... 

Feu omniprésent ! Je t'ai consacré tous mes rêves : 
Je suis comme toi I 

Oh ! tu éclaires, tu réchauffes, tu brûles, — 
Tu vis, tu vis I 

Dans les temps vieux, en Serpent tu venais maintes 

fois, 
Et tu enlevais les Fiancées de Tautel. 



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102 QUELQUES POÈMES 

Et aussi, hôte perGde et persuasif, souvent, dans lés 

vieux, temps, 
Tu consolas l'épouse d'autrui... 
brillant, ô br ûlant, ô violent d'ardeur ! 
Tuesbrillant co mmele diamant de douze couleurs, — 
Comme les yeux des chattes, caressants et féminins 

et qui attirent Tamour, 
Comme Textase de la glauque vague des Océans 
Dans rinstant qu'elle se brise ! — 
Comme une feuille du printemps sur quoi, une goutte 
de rosée tremble et oscille, — 
Comme le frémissement de rêve vert de la luciole, — 
Comme le scintillement des feux follets, — 
Comme l'extrémité des nuages allumés par la lu- 
mière du soir. 
Quand ils étendent leur deuil sur la face des jours 
brûlés, et qui s'éteignent!... 

Je me souviens, ô Feu ! 
Comme tu me brûlas, 



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HYMNE AU FEU 103 

Parmi les Sorcières qui frissonnaient des caresses de 

Toi. 
On nous tourmentait parce que nous avons pénétré 

le Mystère I 
On nous brûlait pour la joie du Sabbat de minuit : 
Mais, pour ceux qui ont vu ce que nous avions vu, 
Le Feu n'a pas d'épouvantes I 
Et je me souviens encore ! 

Oh ! je me souviens d'autre chose ; des édifices flam- 
bants 
Où se donnaient au Feu, volontairement, dans la nuit 

sourde, 
Entourés d'infidèles qui ne voient pas,les Fidèles,qui 

étaient nous I 
Et, aux sons des prières, avec des cris de transport 
Nous chantions nos louanges au Donneur des For- 
ces!... 
Je me souviens, ô Feul et dès lors je t'ai aimé! 

Je sais, ô Feu 1 



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104 QUELQUES POÈMES 

Qu'il est encore pour nous, un autre éclat de la lu- 
mière. 
Et qui brûle au regard des yeux à jamais éteints! 
Lui, il recèle la science subite. En lui sont la Terreur, 

et le délice, 
Devant la nouveauté incom mensurable des Espaces . . . 
Les Espaces? Qui, de Lui-même les a tirés! Et d'où? 

Et pourquoi? 
Qui les a revêtus d'ornements innombrablement 

étoUés? 
Je partirai pour avoir la réponse... 
âme de l'élément montant, qui t'élances dans les 

cieux, 
Je veux, que d'une lumière blanche et inextinguible 
S'allume pour moi — la MortI 



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l'eau 105 



L'EAU 



Eau, élément de volupté, 

Eau, transparence de nos pensées, — 

La profondeur des songes, rillimité du bonheur, 

Le bruit léger des heures qui courent I 

Parfois, immobile et silente, 
Parfois en vague impétueuse. 
Mais légère et libre toujours, — 
Amie éternelle de la Lune... 



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106 QUELQUES POÈMES 

Et, en union avec le Soleil créateur. 
Tantôt un bourdonnement, tantôt le clapotis. 
Tantôt — éclat miroitant des courants : 
Élément passionné et étrange, 
Ta voix est un baiser humide. 

En silence elle se tapit sous la terre. 
Dans la pénombre, de là, elle voit, en rêve, la Lu- 
mière et le Ciel, 
Et, douce, elle saura sourdre vers le Soleil, 
Elle assolidera les cavernes sculptées en images de 

villes... 
Elle s^est glacée, et sommeille au sommet du mont, 
Et soudain, du meuglement d'une bête, tressaille ! 
Elle s'en est réveillée , et elle s'élance en avalanche, — 
Et, en tourbillon, descend à rapidité de Malheur ! 
Insonore dans les puits, dans les lacs transparents. 
Muette en les regards humides et caressants. 
Mais qui, dans les cristaux de la neige recèle un 

bruissement 



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l'eau 107 

Et le bris sonore des glaces qui s'ouvrent I 
Se muant en neiges, s' emprisonnant en la douceur 

du silence, 

S'étendant en linceul immobile, et froid, et muet, 

Et qui, en son tomber en lents flocons, prend de la 

lune verte le scintillement^ — 

Au chaud printemps TEau redevient préexistante. 

Et elle joue en vague, 
Et elle court, et elle chante, — 
Et en éclats de blancheur 
Se délivre la glace qui nage ! 
La crue des eaux 
Monte par les prairies : 
Victorieusement, elle prendra tout, 
Elle couvrira tous les rivages ! 

Combien est largement libre, le jeu 

De la vague printanière par les champs !... 

Mais, ils ont chuchoté : « Il est temps I » 



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108 QUELQUES POÈMES 

Les songes qui s'en vont : 

Et de la profondeur de la rivière 

Les limites se sont réordonnées. 

Toutes les fleurs s'allument... 

Somptueuse est la fête du Printemps : 

Éh lui sont tressés les rayons 

Des sphères, — au plus loin ! 

Tout reprend son aspect éternel 

Et dort le plat miroir du lac, 

Et muet, est le lisse sommeil de la mare. 

Chants de l'infini des Jouissances, 

Chante la cascade immortelle... 

Les sources coulent le long des pentes... 



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LA TERRE 



10» 



LA TERRE 



La Terre enseigne à regarder profondément, — pro- 
fondément. 
Les yeux corporels sommeillent. Brille et veille un 

Œil invisible. 
S'effrayant, il regarde 
Le mystère terrestre . 
Cependant que la Terre dit : 



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110 QUELQUES POÈMES 

— « Sois allègre, — je suis dans Fallégressel 
Regarde devant toi ; 

Il est une voix dans le saltant aujourd'hui, ainsi 

qu'une voix dans l'obscur hier. 

Dans le lit cave du lac^le sous sol est argile, marne 

et terreau, 
Mais ce n'est là que la couche première : 
Là est le fond, et au-dessus de la profondeur la 

vague, après la vague. 
Écoute I II est temps. 
Sois jeune ! 



Tout sur la Terre est changement, — trait par trait, 

ajoute-toi... 
Brillent les pensées, 
Et la mémoire est vivante. 
Et sonores sont les mots. 
Les jours s'en vont, — 
Mais il est des îles I 



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LA TERRE 111 

Des mers bleues les plus grandes profondeurs, 
Près des îles, invariablement, gisent. 
Sois, par ton âme, 
Comme tous ceux 
Qui lient en unité la dualité. 
Les nuits et les jours, 
Les ténèbres et lés feux. 
Brillent les pensées. 
Et la mémoire est vivante : 
N'oublie pas les îles I.... 

En un désert sauvage, au-dessus de Tensevelisse- 

ment sourd des eaux^ 
Une douce oasis fleurit, et fleurit, 
D'un songe d'or 
Sa vie caresse ! 

L^Aujourd'hui, comme une fumée 
Deviendra un Hier : 
De Tesprit saint 
Sois jeune ! 
Il est temps I II est temps !.. » 



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114 QUELQUES POÈMES 

J'entends^ j^entends ta voix, Terre jeune I 
Tout m'est visible, et tout compréhensible : je suis 

ainsi que Toi. 
J'entends comme respirent les fleurs nocturnes, 
Je vois comme tressaille le brin d'herbe qui éclôt. 
Mais j'ai peur d'un vide soudain qui soit dans mon 

âme I 
A quoi me sert que l'un après l'autre des traits de 

vie surgissent ? 
Ce que j'aime, s'enfuit et se perd... 
Sonore est ta voix, ô jeune Terre ! 
Tu es multicolore pour éternellement ! 
Je vois tes nuances et les regards secrets. 
J'entends harmonieusement lefe chœurs des rythmes, 
La voix des rivières et souterraines et solaires, — 
Mais, j'ai peur ! parce que les dessins se déchirent, 
J'ai peur, ô Terre, — je suis un Homme ! 
A quoi me servent et les lacs, et la mer, et les monts ? 
Serai-je seul, éternellement, avec le rêve ?... 



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LA TERRE 113 

L^adolescent fait peur, lorsqu^il est chenu 1 

Qu'est-ce, qu'est-ce qui fait ce frôlement, là-bas, 
Qui est comme le bruissement des calmes eaux?... 
Qu'est-ce qui songe, à moitié endormi, 
Croit et chante ? 

Silence... Sérénité... 

Le monde est sous minuit. Tout se tait. 
L*âme de qui, de qui ? est entendue... 
Qu'est-ce, qui résonne, plein de vie ? 

C'est une voix, jeune éternellement, une voix. 
Elle est presque, presque sans paroles, 
Mais belle, mais sainte. 
Comme le principe de tous les principes. 

Une vague qui roule, — 

Mais pas la Mer... Profondément 

Respire la vie d'un autre songe. 

Sous la Lune elle est si vastement aise 1 



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114 QUELQUES POÈMES 

C'est un champ. La nuit regarde. 
Caressant est le regard étoile. 
Les doux épis chuchotent, 
Tous les épis chuchotent, 

Se redressent, chantent, — 
Se penchent pour le sommeil. 
Sève de vie. Labeur éternel. 
Avec douceur le grain frôle le grain. 



Qu'est-ce qui est plus loin ? Une théorie 
De troncs non vivants, mais vivants : 
Des grappes de fruits au-dessus de la terre, 
A nouveau, principe des principes. 

Sur de petits piquets 

Une tempête recelée, 

Rire sonore, et le vers sonore, 

Un moment d'oubli, — la Vigne ! 



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LA TERRE 115 



Une joie sereine du visage, — 
Les étoiles regardent, caressantes... 

Il mûrit, il s'apprête son vin, 

Le jaune, le rouge raisin 1 

Et Ton récoltera ces grappes. 
On les écrasera, on en extraira le sang. 
Le travail est gai. Les cœurs chantent. 
Dans la vie, à nouveau, vit l'Amour ! 

Grain victorieux, 
Grappes de fruits de TÊtre 1 
Il sera du vin blanc. 
Il sera un flot rouge I 

Une année s'écoulera après une année, 
La vie doit se précipiter. 
Mais Tépi ne passera pas. 
Mais les grappes vivront ! 



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116 QUELQUES POÈMES 

Les rêves ne finiront pas. 
Le Printemps reluira pour tous I 
Ainsi, la Litui^e de la Beauté 
Est, fut, et doit être ! 



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DERRIÈRE LE VERT BOCAGE 



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DERRIÈRE LE VERT BOCAGE 119 



DERRIÈRE LE VERT BOCAGE 



Derrière le vert bocage. 

Par monts et vallons 
Chantante, tristesse I tu me menais. 

Mais Ton doit croire que, deux fois, 

Pour la soif mordante 
La rivière n'exhale pas sa fraîcheur. 

Jadis ici, un puéril 
Turbulent j'étais. 
Dans la caresse des mots flutés... 



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120 QUELQUES POÈMES 

Mais la Jeunesse n'est qu'écho 
D'un rire lointain, 
N*est que résonnance de pas qui s'éloignent ! 

Du vert bocage 

Le nouveau feuillage 
Laisse tomber à Taurore, la rosée. 

Et la Jeunesse n'est qu'une barque 

Qui partit prestement 
En traçant dans Teau, une raie. 

Derrière le vert bocage, 

Avec rire et tintement 
S'envolèrent, durant la nuit, les clochetantes clochettes... 

La troïka ardente 

S'emporte gaiement 
Dans tous les bouts du très vaste monde !... 



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SUR l'eau 121 



SUR L'EAU 



De la nef y glissa la rame. 

Caressante, pâme la fratcheur. 

— « Cher, ô mon cher 1 » — Radieux 

Et doux, me voici sous le Regard fugitif. 



Le cygne a nagé vers la pénombre, 
Là-bas, alors qu'il blanchissait sous la lune. 
Les moires d'eau câlinent la rame. 
Le lys c&line Tonde. 



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m QUELQUES POÈMES 

Mon ouïe, sans que j'écoute, saisit 
Que balbutie Talme étendue, en seul miroir. 
— € Cher ! ô mon cher ! Je t'aime ! ».•. 
Minuit, de Thorizon regarde. 



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ÉPITRE ÉT01LÉE 123 



EPITRE ÉTOILÉE 



Je te donnerai une épître étoilée. 

De Tarc-en-ciel je ferai une route, 

Au-dessus de Tabime plein de tonnerres 

J'érigerai haut, ta demeure. 

Et les couchants amis des étoiles, 

Et les aurores emperlées 

Etendront leurs striures longues... 

Tu seras en un sommeil à mainte douceur. 

Aromatique comme les tendres muguets, 

Transparent comme une forêt feuillée. 



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124 QUELQUES POÈMES 

Roséeux comme un pré amène... 
Tu seras en le point d'unité et dans le chant. 
Nous serons dans Tinstant immortel, — 
Nos visages tournés vers le Sud. 




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LES CHARMES DE LA FÉE 



125 



LES CHARMES DE LA FEE 



Je marchais à travers la forêt. La forêt était sombre 

Et étrangement enchantée. 
Et moi, j'aimais je ne sais qui. 

Et moi, j'étais ému. 

Qui a rendu si tendres les nuages, 
Qu'ils sont tous en douceur de perles ? 
Et pourquoi le fleuve au ruisseau 
Chante-t-il : Serons-nous amis ? 



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126 QUELQUES POÈMES 

Et pourquoi tout soudain, le muguet 
A-t-il soupiré, tandis qu'il pâlit dans Therbe ? 
Et pourquoi si suave, le gazon ? — 
Oh ! je sais : c'est la Fée... 



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SŒUR DES ÉTOILES 127 



SOEUR DES ÉTOILES 



Elle était pâle, ainsi que les neiges stellaires. 
Elle était douce, ainsi que Tautomne dorée. 
A son cou vivait le scintil de perles, — 
Le rêve des jours demeurait en elle, comme la 
glace qui dort sans fondre. 

Et elle était, tantôt une jeune Sorcière, 
Et elle était, tantôt la vague qui ronge la rive, — 
Toujours seule avec elle-même, — pour chacun 

différente, 



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128 QUELQUES POÈMES 

Et chacun auprès d'elle oublie et l'ami et rennemi. 
Son sourire qui imperceptiblement glisse, 
Fait sur ses lèvres refléter des tendreurs d'aurore... 
L'on regarde : Est-tu avec elle ? On regarde : elle 

n'est plus la même. 

11 est ainsi des êtres formés de l'impondérable des 

nues... 
Ainsi, sous le vent se pâme le trémul de la feuille 

au printemps, 
Ainsi brûle la Voie Lactée que ne scrutera notre 

esprit. 



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l'azur 129 



L'AZUR 



J'ai rêvé, qu'avec toi j'entrais en l'Azur. 
C'était Tempire des étoiles, des violettes et de l'eau. 
Champs d'azur. Forêts... Nous étions deux. 
Une étoile, sans hâte, nous menait vers une étoile. 

Parmi les hautes montagnes de basalte bleu 
Il était, en profondeurs de sanctuaires, des cavernes 

fumantes. 
Une blanche fumée s'en échappait, qui de nouveau 

était en elles, — 
Et son écho transposait en mètres nos pensées. 



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130 QUELQUES POÈMES 

Le long des ruisseaux bleuissaient les myosotis, 
Dans les taillis de lilas 3'illuminait Tencens. 
Et les campanules, comme des tourelles-enfants. 
En luisant, versaient le son des cloches et vers 
l'azur des cieux, et vers nous. 

Et des oiseaux bleus, qui prédisaient les Temps, 
Volaient en cercle et berçaient les rêves, 
Et dans le cœur était chanté que voici la fin des 

tristesses, 

Et que je suis avec toi pour l'éternité, et que tu es, 

pour l'éternité, avec moi ! 



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CELUI QUI SE RÉVEILLE 131 

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CELUI QUI SE RÉVEILLE 



Ta voix résonna, tristement étouffée : 
Le cœur entend ainsi la cloche du voisin village. 
J'écoutai ce son, mais dans la somnolence, — 
Et d'un pas léger tu t'en allas de moi. 

Pas encore je ne comprenais pourquoi, ne sont plus 

avec moi 
Tes yeux calmes, qui recèlent la force des Mots. 
Et soudain, je me suis réveillé ! Et, en vague soDure, 
Dans mon âme ce fut une alarme, — le cri de toutes 

les cloches 1 



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132 QUELQUES POÈMES 

Au village de nuit renchantement était tranquille. 
Et c'était on pays enclos. Mais voici que les mers 

haussent leurs ondes. 
Et il semble que le monde entier, agité d'incendîe. 
Du rêve perdu me parle dans le tocsin 1 




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LE TOCSIN-FANTOME 



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LE TOCSIN FANTOHS 135 



LE TOCSIN-FANTOME 



Je suis esprit, je suis le Tocsin-fantôme 

Qui des spectres seuls est entendu ! 

Les maisons^ je le sens, sont en flammes, 

Et les hommes restent prostrés en labsence et Poubli. 

Le feu, lourd de fumée, rampe et vers eux se coule, 
Et je suis tout entier un ulul de détresse^ mais aphone I 
Bourdonne donc, ô Cloche 1 sonne à to^ute volée, 
Et sois un cri parmi l'obscurité diffuse. 



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136 QUELQUES POÈMES 

D'airs épais eUe rampe et serpente, la fumée : 
Comme une lourde bête va le charme nocturne. 
Et, ô quelle terreur pour moi, d'être muet 
Sous Téparre cuivré de l'Incendie I 



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RÉSIGNATION 



137 



RESIGNATION 



Vague sonore des conjonctures oubliées, 
Source chuchotante des Jours depuis longtemps 

muetSy 
Gémissement des souffrances apaisées, 
Lumière des feux éteints, — 
Je vous parle, dans Tombre des souvenirs : 
Avec vous, je respire et plus profondément et plus 

amplement ! 



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138 QUELQUES POÈMES 

Je vois les fleurs du jardin délaissé, 

Les tilleuls séculaires, les pins, les peupliers. 

Ici, il me faut pour toujours rester, 

Ici, aimables sont les champs I 

Au cœur parlent Tenceinte de Téglise 

Et la paisible terre du cimetière familial. 

Oh I ne t'adonne pas aux pensées inquiètes I 

Dors I L'agitation est mensongère, et brumeux, le lointain. 

Tu aimas tout, de ton cœur libre : 

Apprends à aimer ta tristesse, — 

L.es espoirs mourront en sonnerie de cloches, 

Et plus, tu ne regretteras ce qui fut vécu... 



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LA COURSE DES MINUTES 139 



LA COURSE DES MINUTES 



Vis-tu, près d'une Mer grise, tourbillonner les 

sables ? 

As-tu rôdé, par l'angoisse meurtri, sous une forêt 

sourde, le long d'une rivière ? 

Et écouté, environné du souffle des tourmentes, le 

poème fantomal du vent?... 

As-tu compté les bruits des bruissements, la course 

des minutes à l'heure de minuit ? 



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140 QUELQUES POÈMES 

Entendis-tu les vents en transport hurler à travers 

la cheminée? 
As-tu appris comme le cœur demande à s'enfuir, 

en ébranlant la destinée ? 
As-tu appris le sanglot de l'âme, les yeux clos, sans 

une larme? 
As-tu appris toute la torture de connaître la pen- 
sée, pour une dernière fois I 



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QUATRE CIERGES 



141 



QUATRE CIERGES 



J*ai rêvé de quatre cierges en d'antiques candélabres . . 
Pour les couler, les abeilles dorées bourdonnèrent 

au printemps, 
Elles volaient en été, attouchant tout l'épanouisse- 
ment des vallées, 
Et celaient dans la ruche, avec le miel, la cire 

décorée. 



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142 QUELQUES POÈMES 

Les hauts cierges étaient de diverses couleurs : 
L'azur, le vermeil, et le jaune et le blanc, telles 

étaient leurs couleurs. 
Le cierge bleu éclairait le Mai avec TÉté, 
Et pour le haut Soleil luisait la pourpre ardeur 1... 

Or, durant que je dormais, des araignées tissèrent 

leurs toiles. 
Et dans ses fumées lentes s'alluma le cierge jaune. 
Des nuages muets glissaient aux cieux, comme des 

glaçons, 
Et des rayons la caresse n'était pas chaude au visage. 

Et quand, encore, se fut éteint celui-ci, sur la cire 

blanc-neigeuse 
Naquit la quatrième flamme, le feu dernier. 
Et il me vint que, quelque part. Ton ajustait des 

planches de sapin, — 
Et blanc,tout blanc 1 apparut le Coursier annoncé 



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EST-CE ? 143 



EST-CE ? 



Est-ce la Mort? Ou le Sommeil? Ou le Bonheur? 
Retentissement immense d'un chant d'orgue. 
Le mystère des grands lacs d'impassibilité. 
Pâmoison continue, et le délice de Toubli. 

Les fenêtres colorées se troublent de gel. 

Et glacées, elles se lèvent en aérienne opacité. 

Cela fut-il? Mort? —Jeune?... 

Cela fut-il? Ou est-ce devenu un délice nouveau? 



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144 QUELQUES POÊHES 

Les couleurs flamboient en feux qui ne trompent pas. 
Des magies ont couvert le froid firmament. 
Le cœur est plein des sanglots de Torgue : 
Est-ce la Mort ? 




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DORS... 145 



DORS.. 



Des luminaires fumants les feux qui agonisent, 
Tremblants, et glissants, les derniers. — Dors ! 

Les lis qui se moirent, la route arrivée au but. 
Tout ce qui a été subi, les gouffres et leurs pé- 
rils. — Oublie ! 

Llnextricable est dénoué, réglé est le compte avec 

les humains. 
La prédiction du silence s'avance vers toi. — Ac - 

cepte 

10 



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14G QUELQUES POÈMES 

De la main assoupie prends, en Baguette sacrée, le 

haut cierge, 
Dans le mutisme du feu brûle les mots. — Tais- 
toi! 

Les lis splendides regardent en bas, de toutes leurs 

fleurs, 
Et attendent, en vénération, Theure qui s'arrête. 

— Prie! 

Ni chuchottement, ni murmure, les jours sont dans 

le passé transparent : 
La Nuit sans larmes, toute étoilée s'approche. — 

Regarde 1 




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l'instable 147 



L'INSTABLE 



Dans Taveugle, la grise opacité, il n'est que Tim- 
mensité sans normes, sans mesures. 
Sans corrélations, — un désert dejours non repérés, 
Une pente illimitée, l'incertitude des songes errants: 
Manque de voies, même de celles qui mènent au 

Péché ! 

Il n'est point de ligne droite, n'importe où Tœil 

s'égare. 
Pas d'arc de l'arc-en-ciel en la division de ses cou- 
leurs. 



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148 QUELQUES POÈMES 

Rien que l'espace^ ouvert et un, 

Et au long, et au large, — un courant sans rivages. 

Est-ce un courant ? Est-ce la mer? Qui, nettement» 

le pourrait discerner ? 
Chaque vague est une ombre, chaque visage n'est 

pas 1 
D'unité stable, point ! Et l'ouïe s'efforce en vain, 

de distinguer 
Ne serait-ce qu'une allusion dans le glouglou des 

bulles qui crèvent ! 

L'émeute gronde sans but, sans loi. 
Tout fond I Où naviguer ? Ou en avant ? Ou en 

arrière ? 
Oh ! si seulement, distinctement, s'élevait la barque 

de Caron I... 
Pas de nocher, pas même pour le sûr Enfer... 



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ET ILS NAVIGUAIENT. 



149 



ET ILS NAVIGUAIENT. 



Et ils naviguaient sans fin, sans fin 
Dans la ténèbre, mais si avides de lumière... 
Et une horreur soudaine envahit leurs cœurs 
Quand ils eurent une Réponse ! 



Une flamme, à leurs regards apparut 

Dans Tespace à pic de l'azur brumeux : 

Elle était belle, égale, tranquille, 

Mais ils étaient envahis de la terreur inattendue. 



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150 QUELQUES POÈMES 

Comme des ombres aveugles, les yeux fermés. 
Ils étaient assis et s'endormaient.. . 
Ils dormaient sans dormir et rêvaient d'une tempête, 
D'une sourde, d'une aveugle tempête. 

Les paupières closes tremblaient à peine, 

Mais la lumière leur était visible à travers les paupières. 

Et l'éternité s'écarta, menaçante et morte : 

Des rivières, des rivières en silence... 

Dans le giron des eaux noirement grandissantes 
Un incendie infini s'alluma. 

Mais les fantômes endormis naviguaient de l'avant 
Par une route droite et sans but. 

Et chacun, comme l'esprit sommeillant d 'un cadavre 

Oscillait dans la fumée éclatante, 

Et ils naviguaient sans fin, sans fin. 

Et ils accomplissaient leur route, — aveugles... 



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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 



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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 153 



ŒUVRES DE CONSTANTIN BALMONT 



POÉSIE 



Recueil de Poésies (Jaroslavle) (1890). 
Sous LE CIEL DU NoRD. — Élégies, Stances, Sonnets (1894). 
Dans l'Illimité. — Vers lyriques (1895). 
Sérénité. — Poèmes lyriques (1898). 
Les Édifices en flamme. — Expressions de Tâme mo- 
derne (1900). 
Soyons gomme le Soleil. — Livre de Symboles (1903). 



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154 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 

Rien que l'Amour. — Les sept nuances (1903). 

Liturgie de Beauté. — Hymnes des Eléments (1905). 

Contes de Fées (1905), 

Les Maléfices (1906). 

C H ANSONs DU Vengeur ( 1 906) . 

L'Oiseau de Feu (1907). 

Les Oiseaux dans l'air (1908). 

Le vert Verger (1909). 

La ronde des Temps (1909). 

Le Reflet des Aurores (1912). 

Le blanc Constructeur (1914). 

Poèmes du Frêne (1916). 



PROSE 



Les cimes des Montagnes (1904). 

Les Eparres blancs (1908). 

Fleurs DE Serpent. — Lettres de route du Mexique (1910). 

Les lumières de la Mer (1910). 

Le Pays d'Osiris. — Esquisses d'Egypte (1914). 



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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 155 



NOUVELLES 

Vassinka (1908). 
La Voie aérienne (1909). 
Un cri dans la nuit ( 1 909). 
La Jalousie (1910). 
LiVERPOOL (1910). 

TRADUCTIONS 

Shelley. — Œuvres complètes, avec Introduction (Tra- 
duction en vers). 

Edgar Poe. — Œuvres complètes, avec Introduction 
(Prose et poésie). 

Walt Witmann. — Avec Introduction (Traduction en 
vers). 

Oscar Wilde. — Ballade de la Geôle de Reading. — 
Salomé. 

Calderon. — Drames, traduction en vers, 3 volumes : 
Le purgatoire de Saint-Patrice. — La Vie est 
un songe. — La dévotion à la Croix. — Le Prince 
constant. — Aimer après la Mort. 



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156 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 

Marlow. — Histoire tragique du D*^ Faust. 

Slowatzki. — Trois drames : Balladina, Lilla Veneda, 
Helios-Ëolion (Traduction en vers, avec Intro- 
duction et notes). 

RASPao\«Trcu. — Poésies diverses. 

Hai-ptmaxx. — La Cloche engloutie. — Hannele. — Eisa. 

HstBEBG. — Drames : Le Balcon.— Tragédie de l'Amour. 

Ibsen. — Trois drames . 

K. Hamsun. — Divers Contes. 

T. -A. Hoffmann. — Le Chat-Mourre. 

Charles V.vn Lerberghb. — Les Flaireurs. — Poèmes. 

Maurice Maeterlinck. — L'Intruse. — Les Aveugles. 

Marcel Schwob. — Le li\'re de Monelle. 

Kromeunk. — Le sculpteur de Masques. 

HoRN. — Histoire de la Littérature Scandinave. 

Gaspari. — Histoire de la Littérature Italienne (2 vol>. 

MoiTTER. — Histoire de la Peinture (3 vol.) 

Jeger. — Livre sur Ibsen. 

AswAGDscHA. — Vie de Bouddha. 

Kalid.vsa. — Sakountala. 

Lk5 Appels de l'anfiquite (Traductions de poèmes sa- 
crés des peuples de TAntiquité, d'Orient et d'Ex- 
trême-Orient ^ 



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IKDEX BIBLIOGRAPHIQUE 167 

Les chansons populaires d'Espagne. 

Traduction de poésies diverses de : 
Rossetti, Coleridge, Wordsworth, Byron, Tenny- 
son, Goethe, Heine, Bachmann, Andersen, Lange, 
Baudelaire, Paul Fort, Slowalzki, Leopardi, 
Espronçeda, etc. 



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TABLE 



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TABLE 161 



TABLE 



Préface 9 

Soyons comme le Soleil 27 

Les accords 29 

Pierre- Alatyr 31 

Dans les âmes se retrouve tout • . . . • • 35 

Les navires morts* 37 

Extrait de la « Fata Morgana » : 

Le jaune. 39 

Mauve-pâle. 40 

Le Blanc 41 

L'angoisse des steppes • . . , 43 

La Ville 45 

Le poisson doré 49 

11 



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162 TABLE 

Comme un Espagnol. '53 

Doucement 55 

Le pôle austral de la lune • 61 

Près de la Pierre bleue 63 

La pluie 65 

Plantes sous-marines 69 

Les roseaux 71 

Le calme 73 

Le silence lunaire 75 

Les mal-nés 77 

►œurs 79 

l n'est plus de preux en Russie . . 85 

obscurs 91 

i se tait 95 

^eu. 99 

105 

............. 109 

vert bocage. 119 

121 

ée 123 

s de la Fée ......... 125 

Hoiles ,127 

129 



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TABLE 163 

Celui qui se réveille 131 

Le tocsin-fantôme 135 

Résignation . 137 

La course des minutes 139 

Quatre cierges 141 

Est-ce ? 143 

Dors , .... 145 

L'instable 147 

Et ils naviguaient 149 

Index bibliographique 153 




OCT 25^^21 



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MAYRNNBy IMPKIMBRIB GHARLBS COLIN 



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