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RAPPORT
L£ MACHINES ET
r*r?
PONCE
PARTIE
PARIS.
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RAPPORT
SUR
LES MACHINES ET OUTILS
EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTURES.
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RAPPORT fa^jf
SUR
LES MACHINES ET OUTILS
EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTURES,
FAIT
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A LA COMMISSION FRANÇAISE
DU JURY INTERNATIONAL
DE L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE-LONDRES
PAR M. LE G" PONCELET,
MEMBM M L'INSTITUT.
DEUXIÈME PARTIE
RELATIVE AUX MATIERES TEXTILES.
PARIS.
IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
M DCCC LVII.
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SECONDE PARTIE
COMT Un AIT
LES MACHINES ET OUTILS
»riciALSMIXT IMPLOTit
A LA FABRICATION DES MATIÈRES TEXTILES.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
■MTOlIQUlt 1T ClITlQtlIS,
PRINCIPALEMENT RELATIVES A LA FILATURE MECANIQUE DB LA LAINE
ET DU COTON.
Antiquité , propagation et progrès mécaniques des arts textiles. — Le rouet a
pédale et à bobine , considéré comme type des métiers continus à filer,
avec ou sans adjonction de cylindres étireurs et lamineurs : Paul-Louis,
Vaacanson, Arkwright et John Kajr, Ph. de Girard, Houldsworth. — Le
rouet à fuseau et les métiers discontinus ou à aiguillées alternatives :
Hargreaves, Crompton,' Kelly, Jough, Roberts. — Systèmes cardeurs et
peigneurS, boudineurs, rouleurs et Trotteurs, étireurs, mélangeurs, réu-
nisseurs ou alimentaires : Paul-Louis, Robert Peel, Arkwright, Edmand
Carlwright, Dobo, John Collier, Bodmer, Heibnann, etc. — MM. Hibbert
et Plaît, Sharp frères , Higgins , Mason et Collier, Stamm, Mercier,
RisUr, etc., à f Exposition universelle de Londres.
Nous voici enfin parvenus à ces immenses et fécondes bran-
ches d'industries qui datent, comme quelques autres déjà
mentionnées dans la première Partie, de l'origine même des
sociétés, c'est-à-dire de l'époque où l'homme, à demi sauvage,
à demi civilisé, cessa de se revêtir exclusivement de la peau
des animaux qu'il avait tués pour y substituer les produits ob-
tenus des fibres naturelles, filées et tissées de ses propres mains,
au moyen de procédés en apparence excessivement simples,
mais, au fond, tous fort ingénieux, et dont les heureuses
combinaisons mécaniques ou géométriques font aujourd'hui
encore l'objet de notre admiration. Ces bienfaisantes indus-
tries , dont le perfectionnement , le développement prodigieux,
constituent, à notre époque, le plus solide fondement de la
Tl* JURT. — 2* PARTIE. i
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2 VP JURY.
fortune et de la puissance des nations occidentales, ne sont,
comme on sait, qu'une imitation, une pure émanation des
similaires, antiques et splendides industries de l'Orient, taon
encore surpassées, égalées même pour la finesse dos plus
riches tissus, la beauté ,.la solidité des couleurs et l'art intelli-
gent avec lequel les plus fins débris des matières textiles son t
réunis et tordus en fils pour constituer la chaîne et la trame
des étoffes , par leurs croisements réciproques, variés à l'in-
fini, suivant des lois mathématiques ou artistiques. On sait
aussi que ces admirables industries, source principale et pri-
mitive de la richesse et de la civilisation dans llndo-Perse, n'y
sont entretenues depuis tant de siècles que par les forces
accumulées, la lente, pénible et incessante collaboration m*v-
nuelle d'une exubérante population d'esclaves et de parias ,
dont la patience, l'indolence et l'extrême sobriété, égalant la
misère, servent de prétexte ou, d'excuse à une insignifiante
rémunération, accordée, il est vrai, à un travail purement
machinal et dont la monotone répétition met rarement en
exercice les facultés de l'esprit et de l'imagination.
Ce sont pourtant ces mêmes fabrications, appuyées sur des
agents mécaniques relativement grossiers et imparfaits, tels
qu'en exigent le tors , l'étirage et l'enroulement régulier des fils
dans les antiques rouets ou fuseaux, leurs levées et abaisse-
ments périodiques dans la chaîne des métiers à tisser, le lancé
de la navette à bobine porte-trame, etc., ce sont, dis-je, ces
moyens primitifs et simples, mais ingénieusement combinés,
qui transmis, propagés lentement au travers des espaces et
des siècles, de l'Asie à l'Europe méridionale , puis du nord de
l'Europe aux Etats-Unis d'Amérique, sont venus, à des épo-
ques diverses, en chasser la barbarie et les ténèbres, y ré-
paqdre, avec le luxe oriental, l'aisance et le bien-être insépa-
rables de toute civilisation. Or, ces précieux avantages sont ici
d'autant plus dignes de l'intérêt des philosophes et delà solli-
citude des gouvernements , qu'ils sont obtenus par un travail
plus libre, moins énervant et fondé sur le rapide développe-
ment des procédés mécaniques ou automatiques, à leur tour,
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MACHINES ET OUTILS. 3
créés, propagés sous l'empire et l'énergique impulsion de»
idées morales ou scientifiques modernes, idées endormies
depuis tant de siècles dans l'Inde stationnaire ou dégénérée.
Toutefois , il ne faut pas se faire trop d'illusions à cet égard :
la multiplication des fruits du travail pour une même dé-
pense de temps ou de force motrice , la suppression , pour ainsi
dire, entière de la fatigue corporelle, enfin la simplification
graduelle, incessante, des organes de machines servant à la
production automatique de certaines combinaisons de mou-
vements propres à atteindre un but et des effets déterminés;
en d'autres termes , l'abaissement du prix de revient et l'accrois-
sement du bénéfice, telle est, si l'on en excepte les productions
de quelques génies rares, désintéressés et plus amoureux de re-
nommée que de fortune, telle est, il faut bien le reconnaître,
plus encore peut-être que pour les autres spécialités, la ten-
dance des esprits dans cette vaste et importante branche des
arts qui concerne la transformation des matières textiles et
leur appropriation aux besoins de la société; et c'est, à vrai
dire , qu'on me permette ici d'en faire la remarque , c'est dans
le perfectionnement, l'accroissement graduel, lent, mais in-
cessant et pour ainsi dire indéfini des découvertes, des idées
chimiques, physiques, mécaniques, géométriques ou mathé-
matiques, appliquées ou non à la satisfaction de nos besoins,
que réside la perfectibilité de la race humaine, plus encore
que dans le prétendu progrès des idées morales, philosophi-
ques et artistiques, dont l'antiquité nous a légué des exemples
ou des modèles non encore surpassés de nos jours. En un
mot, nous égalons à peine les anciens dans les productions
qui se rattachent à l'esprit et au jugement, au goût et à l'ima-
gination ; mais nous les surpassons de beaucoup en tout ce
qui touche à la multiplication , h la vulgarisation et à la re-
production rapide, économique, des objets de consommation
ou de jouissances matérielles, artistiques et intellectuelles.
On ne saurait se faire une idée exacte, consciencieuse et
tant soit peu rationnelle du progrès des idées mécaniques dans
une branche d'industrie quelconque, sans remonter aux élé-
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k VP JURY.
mente qui ont réellement servi de point de départ aux plus
récentes découvertes et qui en renferment, pour ainsi dire, le
germe, le principe, ou tout au moins le sentiment théorique»
Des noms de machines et d'inventeurs, des évaluations de
produits, des citationsmême de dates ou d'écrits, quelque exacte
qu'on les suppose, ne constitueront jamais l'histoire des pro-
grès mécaniques, comme on a pu déjà s'en apercevoir dans^
la première partie de ce Rapport. Cette observation est surtout
applicable à l'ensemble des mécanismes ou outils par lesquels
on est parvenu, dans ces derniers temps, à réduire en fils
plus ou moins déliés, les différentes matières textiles sans le
secours, pour ainsi dire, de l'intelligence humaine, et c'est
pourquoi je pense faire une chose utile en insistant un peu
sur ce point de vue spécial dans ces préliminaires.
Les transformations que l'on fait subir aux diverses matières
textiles consistent principalement, comme on sait: i° en pré-
parations préalables ou premières pour amener la matière brute
ou naturelle à l'état qui permet aux machines de la réduire
en fils de diverses formes et grosseurs; 2° dans les différents
genres de filatures en gros et en fin ; 3° dans le tissage des fils
en étoffes plus ou moins compliquées ou riches ; 4° enfin , dans
les apprêts divers que l'on fait subir à ces étofTes, tels que
blanchissage, décreusage, foulage ou feutrage , peignage, lus-
trage, calandrage, teinture , impression, etc. Les deuxième et
troisième transformations sont celles qui ont acquis le plus
de développement, de perfectionnement et de régularité au
point de vue automatique ou mécanique, parce que les ques-
tions diverses qu'elles présentent pouvaient être soumises, eu
quelque sorte , à l'empire de la géométrie et du calcul. Le dévi-
dage des cocons de soie, le teillage et le peignage du lin et du
chanvre , l'épuration, le lavage et le cardage de la laine , dû co-
ton, des étoupes, bourres, Mousses ou résidus divers, ceux nlêmes
des matières les plus belles et les plus fines, laissent encore à
désirer, malgré les progrès récents que ces branches de fabrica-
tion ont faits aupoint de vue mécanique. La raison en paraîtra
toute simple, si l'on réfléchit à la diversité de textures et de
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MACHINES ET OUTILS. ,5
qualités naturelles des filaments radimentaires de chaque
substance* à l'imperfection , à la grossièreté, pour ainsi dire,
des moyens mis en usage dans la production , la cueille ou la
récolte, ainsi qu'à la nécessité de faire intervenir dans leurs
préparations premières, des procédés chimiques ou physiques
de nature variable avec l'espèce, et qui permettent de les li-
vrer dans les conditions les plus favorables à l'action ultérieure
des machines et outils.
Cette observation s'étend d'ailleurs à toutes les fabrications
où la mécanique n'intervient que comme l'auxiliaire des ma-
nipulations, et qui, se trouvant soumises à diverses conditions
physiques étrangères, ne peuvent se ramener à des mouve-
ments ou solutions en quelque sorte géométriques.
Quoi qu'il en soit, il est incontestable qu'ici, mieux en-
core peut-être que dans les autres branches d'industrie , les
plus anciens procédés manuels de fabrication,' les plus anciens
outils, ont servi de point de départ et souvent de modèles aux
plus récentes découvertes ou aux plus parfaites machines que
nous possédions; de sorte qu'il est permis d'affirmer que les
ingénieuses et savantes solutions qu'on y admire avec tant de
raison sont aussi les plus anciennes et les plus importantes
sous le rapport du génie et de l'invention : la gloire des mo-
dernes ayant principalement consisté non à les copier ou
imiter servilement, mais bien , je le répète, à en-perfectionner,
à en multiplier les effets, à les automatiser, pour ainsi dire,
de plus en plus, de manière à épargner la fatigue et la main-
d'œuvre, tout en produisant une économie de temps et de
matières premières de plus en plus appréciable. U est, en
outre, résulté du perfectionnement progressif des procédés
mécaniques, que l'on est parvenu à un plus grand degré de
régularité , de symétrie et de perfection dans la qualité et la
forme des produits ; perfection à laquelle on n'avait , pour ainsi
dire, pas songé d'abord, que l'on ne s'était pas réellement pro-
posée pour but final , mais qui se trouve naturellement et plus
particulièrement limitée aux objets susceptibles d'une défi-
nition géométrique précise, en dehors desquels il serait peut-
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6 \T JURY.
être superflu , sinon puéril, de rechercher une rigoureuse imi-
tadon de la natuïe ou des œuvres plus spécialement réservées
au domaine des beaux-arts.
Les cardes plates à dents crochues et à manche dont se
servent aujourd'hui encore les matelassiers; les peignes et
serans à 'dents droites -et longues employés dans la prépara-
tion de la laine et du chanvre; le fuseau ou broche en fer à
crochet librement suspendue et pirouettant sous les doigts de
la fileuse pour tordre et renvider alternativement les 61s sous la
forme d'un double cône; le tour ou rouet à manivelle et grande
roue à cordon sans fin faisant tourner pareillement, à inter-
valles réguliers et dans des sens contraires, la broche horizon-
tale qui porte la laine ou le coton filés ; enfin le rouet commun
des fileuses de lin , à pédale , à broche conique percée d'un
œil au gros bout pour le passage du fil et traversant une bobine
en bois, munie à ses extrémités d'oreilles cylindriques, tour,
rouet au contraire essentiellement doué d'un mouvement con-
tinu : ces ingénieux outils, dis -je, le dernier surtout, d'une
date relativement moderne 1, sont des inventions dignes d'ad-
miration et d'une étude sérieuse, réfléchie, quoique beaucoup
trop négligée de nos jours.
Dans le rouet à pédale, en effet, qui constitue une ma-
chine véritable, dont nous avons déjà cité le volant régulateur
1 Nous avons vu, p. 10 (!"• Partie) , que certains auteurs allemands attri-
buent la découverte du rouet à filer le lin , tantôt à un ecclésiastique du pays ,
ce qui certes n'a rien qui répugne; tantôt à un séculier; et tel est, en eflet,
le témoignage affirmatif de Poppe [Geschichte der Technologie; Gœttingen>
i8o5, t. I**, p. 270), prétendant que cette invention a été faite, en i53o,
par un nommé Burgens, de Wattenmuttel , près Brunswick. Mais , je le redis
à dessein, comme on ne nous fait connaître ni les antécédents de chaque
découverte, ni les dispositions spéciales, caractéristiques et propres à en
préciser la valeur relative ou l'origine plausible, il devient permis de sup-
poser qu'il en est ici de ces prétentions absolues comme de celles qui con-
cernent l'invention de beaucoup d'autres importantes machines, dues au
progrès lent des arts mécaniques, et dont plusieurs pays s'attribuent à la
fois, mais à tort, et très-souvent par pure ignorance, le mérite à peu près
exclusif.
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MACHINES ET OUTILS. 7
et le mécanisme servant à transformer directement le mou-
vement oscillatoire de la pédale en un mouvement rotatif
continu de la broche et de la bobine , on remarque en outre,
d'une part , la disposition extrêmement ingénieuse du cordon
sans fin, à deux branches inégales ouà mouvement différentiel,
par laquelle des vitesses de 600 à 800 tours à la minute
sont transmises simultanément à la broche et h la bobine,
tout en maintenant entre ces vitesses absolues une différence
ou vitesse relative aussi petite que le réclament et le tirage
de la filasse hors de la quenouille et le très-lent enroulement
autour de la bobine du fil qui en résulte,- et dont la torsion
continuelle est, à son tour, réglée par la vitesse rotative même
de la broche à ailettes et épingliers ou crochets servant à diriger
rectangulairement ce même fil sur là bobine; d'autre part, .
le chariot à poupées verticales porte-broche, glissant horizon-
talement le long des jumelles supérieures de la petite machine,
et que conduit parallèlement, à l'instar de ce qui a été pra-
tiqué postérieurement dans de grands tours, une vis centrale
extrême, servant à régler la tension du cordon sans fin mo-
teur, d'après l'état hygrométrique de l'atmosphère et le gros-
sissement progressif de la bobine, grossissement qui tend à
produire ^tn surcroît correspondant du tirage du fil, en partie
corrigé cependant par le glissement relatif de ces mêmes cor-
dons sur leurs poulies motrices respectives.
Supposez, enfin, que le pied de la fileuse soit remplacé
par un moteur quelconque; que l'épinglier, l'ailette à crochets,
le soit aussi par un mécanisme qui permette au fil de s'en*
rouler d'un mouvement de va-et-vient spontané sur la bobine
devenue verticale ainsi que la broche , etc. ; que le rapport de la
vitesse de l'enroulement ou de l'étirage du fil à la torsion soit
rendu indépendant du grossissement delà bobine; qu'enfin,
les doigts de la fileuse , qui produisent et règlent l'étirage des
fibres dans la masse de la quenouille, soient remplacés.encore
py une succession de mécanismes rangeant ces fibres les unes
à côté des autres parallèlement, et les étirant de quantités
proportionnelles convenablement allongées ou tordues, et
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8 * vr JURY.
l'on aura une idée générale, sinon exacte et complète , des
conditions auxquelles devrait être assujettie une machine à
filer automate, et, par la répétition des mêmes effets appli-
quée à un nombre plus ou moins grand de fils ou de broches,
Tidée des métiers dits continu, banc à broches1, selon qu'il s'a-
git de fils très-fins ou de gros fils nommés mèches de prépara-
tion; machines fort analogues à celles qui existent aujourd'hui
dans toutes les grandes filatures, et telles, notamment, qu'il
1 Le banc à double rang de broches munies d'ailettes en fer à cheval , à
branches renversées , pleines ou creuses , pour le passage du gros fil de co-
ton, équilibrées sur elles-mêmes, tournant avec leurs broches et munies de
compresseurs à ressorts pour serrer le fil sur les bobines, etc., cette ma-
chine , aujourd'hui si parfaite et si compliquée , la dernière en quelque sorte
que la France ait empruntée à 1* Angleterre pour la filature du coton (1824 a
1826), diffère principalement, comme on sait, de la continue ordinaire
par l'application du cône différentiel à courroie sans fin et du tambour à
rouages planétaires ralentisseurs, dont l'ingénieuse conception, due à Henry
Houlds worth , de Manchester, a reçu depuis divers perfectionnements
ayant tous pour but d'assurer la régularité du tors et de l'enroulement du
fil sur les bobines; problème délicat dont (voyez la Section ci-après) Vau-
canson s'était aussi occupé, dès 1750, dans des moulins à tordre la soie, oà
pour la première fois on vit les broches à bobines des anciens moulins pié-
montais rangées les unes à côté des autres, dans des plans verticaux paral-
lèles; disposition beaucoup plus tard appliquée aux machines anglaises au-
tomates à tordre le cotdn, connues sous le nom de water-twist et de throstle
(continue). Ces dernières machines, attribuées originairement à Richard
Arkwright (1769), introduites en France dans l'intervalle de 1790 à 1795 par
Ch. Albert, au prix de cinq années de détention dans le château de Lan-
% castre, différaient principalement des anciens moulins à tordre par l'ad-
dition de deux ou plusieurs couples de petits cylindres lamineurs ou ali-
mentaires placés vers le haut du métier, parallèlement entre eux, mar-
chant de même sens en vertu du mécanisme à poulies de renvoi de la
machine, qui leur imprimait des vitesses croissantes d'un couple au suivant,
de façon que la mèche ou bande de coton , avant d'arriver aux broches tour-
nantes , se trouvait progressivement étirée , allongée sous des pressions va-
riables à volonté , au moyen de petites bascules à poids , etc. , déjà employées
dans la calandre de Vaucanson (Section III, chap. 1").
L'étirage automatique des fibres du coton et de la laine par cylindres
lamineurs qui remplacent ici la main de la fileuse et sont appliqués à de
longues mèches préalablement enroulées sur de grosses bobines de prépa-
ration, cet étirage constitue, en réalité, une grande et heureuse innovation
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MACHINES ET OUTILS. 9
en a été présenté à l'Exposition universelle de Londres , par
MM.Hibbert et Platt, Pair et Curtis, Higgins, Mason et Col-
lier, pour l'Angleterre, et par M. Stamm père, de la ville de
Thann (Haut-Rhin) ,pourlaFrance; machines plus particulière-
ment destinées au filage du coton, mais qui, sauf quelques
détails de construction ingénieux, n'offraient, pour ainsi dire,
rien qu'on ne connût déjà parfaitement avant leur arrivée à
cette Exposition, si ce n'est peut être la nouvelle disposition
désormais mise à profit dans toutes les machines à filer la laine et le coton ;
mais c'est par un sentiment de partialité vraiment inconcevable que Ton a
prétendu en ravir l'heureuse et féconde idée à Paul-Louis, filateur à South-
ampton, quoique étranger à l'Angleterre, et dont, en effet, la patente, du
34 juin 1738, est fort explicite à cet égard, pour en gratifier son associé
Wyatt, négociant à Londres, lequel na figuré que comme simple témoin
dans l'acte de délivrance (Histoire anglaise des manufactures de coton, par
IL Baines, p. 120 et suiv.). À la vérité, dans une patente subséquente du
29 juin 1758, dont le dessin est rapporté à la p. 139 de cette histoire, et où
ne figure plus le nom de Wyatt comme témoin, Paul-Louis semble avoir
renoncé à son principe d'étirage pour l'établissement d'une machine a
simples couples de grands rouleaux presseurs et porte-mèches alimentaires
mis en présence d'une série de longues broches verticales à ailettes ren-
versées, rangées circulairement autour d'un arbre commun moteur, égale-
ment vertical, et communiquant par engrenage la rotation aux divers rou-
leaux et bobines. Mais ce fait tendrait simplement à prouver, d'une part ,
la difficulté d'appliquer le 'principe des cylindres étireurs parallèles, à la
forme circulaire de la machine , empruntée aux moulins ronds du Piémont ou
de Derby pour forgansinage de la soie , les seuls qui en Angleterre mar-
chaient alors automatiquement, à manège ou à eau; d'autre part, l'igno-
rance où Ton était encore des moyens d'obtenir, automatiquement aussi , des
rubans continus à l'aide des cardes cylindriques à chapeaux renversés ou
inférieurs, dont Paul fut également le premier inventeur, comme le montre
sa deuxième patente du 3o août 1748, ayant principalement pour objet la
formation de bandes ou nappes continues, enroulées en spirales, sur de
grands et étroits rouleaux à rebords, d'après un système bientôt abandonné
par ses successeurs, mais auquel on est revenu dans ces derniens temps
avec un très-grand avantage.
« Que le principe de l'étirage aux cylindres ait été transmis à Arkwright
par l'horloger Kay, devenu son constructeur vers 1666 ou 1667; que ce
dernier l'ait reçu auparavant d'un autre intelligent mais infortuné filateur
du nom de Highs, ce n'est pas là ce qui importe, et il faut seulement consi-
dérer que quand Arkwright en indiqua, dans sa première patente de 1769,
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10 VI' JURY.
des broches à engrenages de M. Stamm et la suppression. en-
tière des ailettes à deux branches, opérée dans des continues
de MM. Sharp, d'après un principe émané de l'Amérique, et
selon lequel la mèche, en sortant de l'œil de la broche, s'en
écarte d'abord en vertu de l'action centrifuge , pour s'ei* rap-
procher et s'enrouler bientôt sur la bobine , où elle est ramenée
par un anneau poli tournant avec cette broche.
Pour arriver à d'aussi admirables et parfaits résultats, il a
fallu près d'un siècle de persévérants efforts et le concours
d'un grand jiombre d'intelligences d'élite, parmi lesquelles je
dois me borner ici à citer Paul-Louis, Vaucansoh, Richard
Arkwright et John Kay, Philippe de Girard, Henry Houlds-
vvorth,dont les titres à la priorité d'initiative ou d'invention
sont d'une authenticité à l'abri de toute contestation. Mais ,
comme on le sait, la difficulté pour atteindre ces mêmes ré-
sultats n'a pas tant consisté dans la savante combinaison des
rouages, que dans la conception même de procédés automa-
tiques propres à remplacer, dans chaque cas, l'action intel-
l'application au métier continu à manège, dont les quatre broches verti-
cales à ailettes et épingliers rangés en ligne droite, et mises en mouvement
par un tambour horizontal à courroie sans fin à laquelle, comme nous le
verrons dans la Section suivante, Vaucanson avait déjà tenté, pour un cas
analogue, de substituer la chaîne qui porte son nom, cette application était
devenue beaucoup moins difficile que pour la machine circulaire à qua- .
rante broches de Paul-Louis. Pourtant, il s'en faut que la petite machine
d' Arkwright fût née viable , comme l'attestent les épingliers mêmes adaptés
aux branches pendantes des ailettes ; il s'écoula encore bien des années avant
qu'elle pût rendre d'utiles services à la fabrication des fils de chaîne, forts,
auxquels elle était spécialement destinée; ce qui note absolument rien à
l'honneur que ce célèbre et richissime filateur s'est acquis en appropriant
de la manière la plus heureuse le principe des étirages par cylindres à di-
verses autres machines de préparation , tout au moins perfectionnées par lui,
et pour la première fois construites en métal dans les organes essentiels , par
John Kay, sous son énergique et persévérante impulsion; mais, comme on
le verra plus au long dans lune des Sections ci-après, le principe .décou-
vert par Paul-Louis n'était point, aussi facilement applicable à l'étirage de la
longue et rebelle filasse du chanvre ou du lin, et il a fallu à Philippe de
Girard d'autres efforts, d'autres inspirations, pour y réussir.
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MACHINES ET OUTILS. 11
ligente des mains de la fileuse employée à extraire, ranger,
choisir et démêler, en quelque sorte une à une , les fibres tex-
tiles dans la masse delà quenouille, ou ce qu'on nomme les
appareils alimentaires, tels que cylindres accouplés et étireurs,
bobines de préparation à gros fils, grands rouleaux délivreurs
et compresseurs à boudins continus, tables à toile sans fin
mouvante, peignes sans fin à serans multiples, également
mobiles, etc., etc.
Il s'en faut de beaucoup que James Hargreaves (ou Har-
graves) , dans sa patente de 1 770 , aiteu à vaincre de semblables
difficultés pour passer de l'antique rouet à un fuseau servant
à filer les courtes loquettes ou boudiqs de la laine et du co-
ton , par aiguillées alternatives, à la jenny actuellement en-
core employée en France dans quelques anciennes filatures
de laine cardée, où, connue sous le nom de jeannette depuis
1784 ou 1785, elle fut introduite en des formes légèrement
différentes par les nommés Martin, de Rouen , et Milne , mé-
canicien anglais, tous deux richement gratifiés par le ministre
Galonné. Il ne s'agissait, en quelque sorte, que de multiplier
les broches à crochet conduites par la grande roue à mani-
velle , en les rangeant parallèlement dans un plan vertical vis-
à-vis d'un autre rang pareil de grosses bobines alimentaires ,
susceptibles de tourner à frottement doux, sur leur siège im-
mobile, par la simple traction des mèches aboutissant paral-
lèlement aux broches respectives et serrées simultanément,
en des points dépendant à chaque reprise de la longueur
de l'aiguillée ou de l'étirage, par une tringle transversale à
pince cannelée, dirigée, soutenue par des guides horizontaux,
et que la fileuse manœuvre d'une main en avant et en ar-
rière, tandis que de l'autre /appliquée à la manivelle de la
roue motrice des poulies et tambours à cordons sans fin, elle
imprime un mouvement rapide aux fuseaux, tantôt en un
sens pour tordre et surtordre les fils pendant ou après l'éti-
rage, tantôt en sens inverse pour les renvider sur ces fuseaux,
après un décrochement favorisé par le rabat d'une seconde
tringle horizontale à bascule et pédale, etc.
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12 VT JURY.
L'histoire de la filature du coton en particulier est Jpop
connue et a été trop souvent reproduite , avec ses nombreuses
contradictions et obscurités, dans les ouvrages anglais ou
français, pour 'qu'il soit à propos d'indiquer ici comment de
la simple et primitive jenny on est passé à la mule-jenny de
Samuel Crompton (1779), où les broches, leurs tambçurs
moteurs à cordon sans un, la tringle à bascule de rabat ou
renvidement des fils, ont été placés sur un chariot à rails ho-
rizontaux, conduit, ainsi que la roue latérale et motrice, à
la main, en face des bobines alimentaires, désormais accom-
pagnées , suivies d'un large équipage horizontal de cylindres
lamineurs d'après le système du banc d'étirage àlanterne, précé-
demment perfectionné par Arkwright (1775); comment en-
suite la mule à deux fins ou double étirage à cylindres et cha-
riot, remplacée pour la laine cardée par la billy à pince
fixe, également à chariot, mais où, au lieu de bobines ali-
mentaires, on se sert d'une toile sans fin mobile et inclinée,
recevant des boudins rattachés, bout à bout et parallèlement,
par de jeunes enfants qui les enlèvent à la carde au fur et à
mesure de la production; comment, dis-je, ces dernières
machines, relativement simples encore et conduites à la
main, au moins partiellement, ont, de perfectionnements
en perfectionnements, abouti à ces magnifiques et colos-
sales renvideuses automates à simple ou à double chariot,
portant de quatre cents à huit cents et mille broches, qui
sont le triomphe de l'industrie britannique, et qu'on doit
principalement au génie inventif des William Kelly (1792),
des Maurice Jough (1825 à 1827) et des Richard Roberts
(i83o). On a vu , à l'Exposition de 1 85 1, le système de ce der-
nier, à double chariot placé de part et d'autre du mécanisme
automoteur, fonctionner avec une rare précision , grâce à la
parfaite exécution dont il était redevable à MM. Hibbert et
Platt, désireux de montrer au public l'ensemble des machines
usuelles à filer, tordre et tisser le coton ; ce qui parait aussi
avoir été le but de MM. Parr, Curtis et Madeley, tandis que
M. Macindoe faisait fonctionner une autre mule double et au-
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MACHINES ET OUTILS. 13
tomate, fort bruyante, à grand levier de bascule et de décro-
chement placé dans l'intervalle des deux chariots.
La France, qui jusqu'à présent n'a pas senti le besoin
d'adopter dans ses filatures d'aussi puissantes machines, et
qui s'est plus préoccupée du soin d'alléger, faciliter, régula-
riser le maniement des simples mule-jennys, surtout pour les
numéros élevés du coton et la filature des laines cardées , la
France a été, sous ce rapport, très-dignement représentée à
Londres par M. À. Mercier, de Louviers, non pas seulement
pour l'excellence de la construction , mais aussi pour la nou-
veauté des combinaisons qui tendent à assujettir la filature si
rebelle de ce genre de laine à une régularité et une précision ,
pour ainsi dire, mathématiques; but qui toutefois serait
impossible à atteindre sans un perfectionnement équivalent
des machines de préparation servant à convertir cette même
laine en rubans continus, exactement démêlés, dosés, échan-
tillonnés et sans tors appréciable.
Les anciennes machines nommées loups, diables, bat-
teurs, étaleurs et épluchews, cardes en gros ou en fin, ma-
chines que npus avons déjà citées à un autre point de vue,
malgré les importantes transformations qu'elles avaient su-
bies de longue date pour le coton , et dont on a pu acquérir
une idée par les collections anglaises d'abord citées, notamment
par celle de M. Mason , de Rochdale , relative à la laine cardée ;
ces différentes machinesT malgré même leur admirable exécu-
tion mécanique, ne sauraient, j'ose le dire, atteindre le but
sans entraîner à d'énormes déchets et à de fâcheuses altéra-
tions que nous cherchons à éviter à tout prix, en France, dans
le travail des laines et du coton , grâce à une tendance déjà
ancienne et qui commence à être appréciée même en Angle-
terre, comme le démontrent les hautes distinctions accordées
par le VI* Jury à l'ensemble des machines de M. Mercier et à
celle oà M. Risler jeune, /le Cernay, s'est principalement pro-
posé un système épurateur, cardeur et mélangeur à triple
entrée ou alimentation , pour la préparation économique et
rapide du coton, cette matière textile par excellence.
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14 vr JURY.
On ne concevrait guère le mérite et la portée de semblables
innovations, si, en revenant au plan <pie je me suis tracé
dans celte Introduction, je ne me hâtais de reprendre les
généralités qui m'ont servi de point de départ, et de jeteçun
rapide coup d'oeil sur l'histoire des principes ou des idées qui
ont dirigé les premiers inventeurs des machines de prépara-
tion, en m'attachant plus particulièrement à celles qui ont
exercé une influence directe et efficace sur la perfection même
du filage , machines en tête desquelles on doit placer la carde
automate à loquettes et boudins, dont jusqu'ici je n'ai dit
qu'un mot incidemment.
Le travail des plus anciennes cardes à manche , suspendues
ou non et oscillant au-dessus d'une table immobile, constitue,
au fond, le, type d'après lequel ont été établies les machines
rotatives modernes. Pour s'en rendre compte, il suffit de re-
marquer que, selon le sens parallèle du mouvement de la
carde mobile sur la carde fixe, les fibres, naturellement très-
courtes, de la laine et du coton sont ou étirées, dressées et distri-
buées également entre les deux cardes, ou complètement enle-
vées à l'une d'elles par l'autre, ou roulées entre les deux, sous
la forme cylindrique d'une courte loquette, d'un boudin rond
propre à subir par rattachement l'opération ultérieure du
filage. On conçoit même comment, en enroulant par bandes
égales et parallèles des cuirs armés de pareilles cardes au-
tour de rouleaux , de tambours horizontaux parfaitement cy-
lindriques, ainsi que l'avait tenté dès 1748 Paul -Louis, et
faisant tourner l'un vis-à-vis de l'autre, pour ainsi dire tan-
gentiellement, ces cylindres, nommés tantôt cardeurs, tantôt
alimentaires ou délivreurs, on a pu, selon l'inclinaison des
dents ou fils de fer, le sens et la différence des vitesses rela-
tives , tangentielles ou rotatoires , opérer (Tune manière con-
tinue l'étirage, le redressement parallèle des fibres primi-
tivement courbées, infléchies, entrelacées de mille manières;
dégarnir alternativement le plus gros des cylindres pour en
garnir l'autre, ou la succession des autres qui l'entourent
extérieurement, et finalement produire, tantôt au moyen
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MACHINES ET OUTILS. 15
d'un dernier cylindre à cannelures plus ou moins profondes, .
les mêmes loquettes dont il vient d'être parlé, tantôt à l'aide
d'un dernier cylindre délivreur, des nappes cylindriques con-
tinues, détachées au moyen d'un large peigne horizontal à
manivelles extrêmes , attribué par* les uns à un certain
Lees, par les autres à Ârkwright; peigne animé, tangentielle-
ment au dernier rouleau cardeur, d'un mouvement alternatif
vertical , qui en détache incessamment les fibres dans toute la
longueur, pour en former ensuite des nappes continues ou de
simples rubans, par leur passage au travers d'une sorte d'en-
tonnoir ou tuyère évasée en cuivre, suivie de cylindres com-
presseurs, puis finalement enroulées en hélice ou en spirale
autour d'un cylindre uni qui permet de les soumettre à un
nouveau cardâge en fin ou à des étirages successifs.
Ces diverses et ingénieuses opérations n'ont guère été mo-
difiées, quant au principe, depuis l'époque de 1779, où elles
enrichirent l'aïeul de Sir Robert Peel, auquel fut délivrée une
patente pour divers perfectionnements; elles furent aussi l'une
des sources principales de fortune de Richard Arkwright, qui
avait su d'ailleurs §e créer pour la filature du coton fin un
élément indispensable de succès dans les étirages , les dou-
blages ou réunissages multiples et répétés des premiers ru-
bans, par la machine nommée spécialement bano £ étirage à
lanterne, ou bidons verticaux tournants; machine dont l'ingé-
nieuse combinaison est l'un des plus solides titres de gloire
de ce célèbre manufacturier, puisque par là on parvenait
non-seulement à redresser, aligner de plus en plus les fibres,
mais aussi à en marier les inégalités de manière à transfor-
mer ces mêmes rubans , grâce à de légères torsions successives ,
dues à la rotation de plus en plus rapide des bidons sur eux-
mêmes , en une dernière bande ou en .une dernière mèche
arrondie et susceptible d'être immédiatement soumise à la
mule-jenny, etc., après avoir subi ainsi une série de dou-
blages et d'étirages fondée sur un principe de probabilité
justement apprécié par M. Ch. Dupin dans ses leçons du '
Conservatoire des arts et métiers , et qui soumet en quelque
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16 VP JURY.
sorte ici le hasard à la loi de l'uniformité et de la régularité
mathématique.
Avant cette admirable conception , qui depuis est devenue
la base fondamentale ae tout système de filature en fin auto-
matique, notamment des machines à doubler ou réunir, on
n'était point parvenu , en effet, à produire des fils de qualités
supérieures eu égard au manque de l'égalité, de l'homogé-
néité de texture des fibres ; le nombre des doublages et étirages
devant croître d'ailleurs avec l'élévation du numéro1 , de
sorte qu'il est tel fil 'de coton fin qui contient des fibres
naturelles provenant de plusieurs centaines de mille de ru-
bans primitifs. On a bien pu, dans ces derniers temps, rem-
placer les bancs d'étirage à lanterne et le système de doublage
dus à Arkwright par la méthode expéditive de l'ingénieur
Bodmer, de Zurich, dans laquelle la nappe en spirale qui
recouvre les premiers rouleaux alimentaires des cardes en
fia est immédiatement constituée d'un grand nombre d'é-
troits rubans (12 à i5), issus d'autant de petites cardes b'ou-
dineuses rangées les unes à côté des autres, au devant d'une
toile sans fin mobile, etc. ; mais le principe fécond de là mul-
tiplication et du mélange des rubans par doublages et éti-
rages successifs n'en est pas moins dû à Arkwright, et ii
se reproduit dans tous les genres de filages de matières tex-
tiles à filaments plus ou moins courts et entremêlés.
On peut même dire que c'est, au fond, ce principe qui a
dirigé, avant M. Bodmer, notre célèbre compatriote Philippe
de Girard dans ses peigneuses continues à rubaner les fibres
du lin et ou du chanvre 2, puis Josué Heilmann, dans ses pei-
gneuses à action alternative, appliquées aux fibres plus ou
1 Longueur sous un poids donné : en France, le nombre des kilomètres
de fil pour un kilogramme.
* Plus tard (1821), des machines fondées sur un principe analogue
furent appliquées au peignage de la laine longue par Laurent, le même,
je crois, qui travailla aux premières machines de Girard, ainsi que nous
le verrons dans la Section spécialement consacrée aux machines à filer le lin
et le chanvre. Les tentatives de Laurent furent ensuite poursuivies avec
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MACHINES ET OUTILS. 17
moins longues de la laine et du coton; machines dont les der-
nières ont pour caractère distinctif d'opérer le peignage par
petites mèches, alternativement pincées et détachées de la
masse alimentaire, puis déposées successivement sur un tam-
bour à rotation lente, pour en former, à 1 ordinaire , un ruban
continu purgé de la blousse. Celte idée vraiment originale ,
réalisée par l'honorable et généreux concours de M. Nicolas
Schlumberger, ne saurait, en effet, être contestée au célèbre
secrétaire de la Société industrielle de Mulhouse, à l'inventeur
peu fortuné de la machine à broder, malgré la grande mé-
daille accordée à ses compétiteurs Donisthorpe et C", ex-
posants de la VIe classe, à Londres, pour une peigneuse à levier
basculant, prenant, d'une part, la laine au système alimen-
taire à pince et seran droit détacheur, agissant d'une manière
alternative, et la déposant, (Tune autre, au moyen d'une
brosse, sur l'un des points de la circonférence- d'un grand
peigne circulaire horizontal tournant, à rangée d'aiguilles
concentriques et étagées, d'où la longue laine, le coeur, est con-
quelques succès, à Paris, par M. Lasgorseix (Etienne) , qui se fit délivrer,
le 5 mars 1828; un brevet {t. XXXVI, p. 188) pour des machines à filei
offrant plus d'un rapport avec- celles de Ph. de Girard, mais où Ton aper-
çoit une première application des tubes tournants, servant à former les bou-
dins sans torsjon sensible ou persistante, procédé importé d'Amérique en
Angleterre, en i8a5, par M. Dyer, de Boston, et au moyen duquel on se
proposait d'accélérer la préparation des grosses mèches à coton, en suppri-
mant en partie, sinon entièrement , les étirages à lanternes ou au banc à
broches: ces étirages, s'opérant en effet sous l'influence de la torsion, ont
{Inconvénient de fatiguer beaucoup la matière, dont les fibres, primitive-
ment élastiques, énervées ou rompues , sortent inégalement des fils sous la
forme de peluches, de duvets, malgré les soins qu'on ait pris dans le car-
dage ou le peignage. Ce grave inconvénient, qui se fait plus particulière-
ment apercevoir dans la laine courte ou naturellement frisée, explique
comment les cardes peigneuses ou sans chapeau, à subdivisions et tubes bo-
bineurs rotatifs, multiples, suivis d'un égal nombre de rouleaux cannelés
compresseurs qui assurent aux mèches la cohésion ou consistance conve-
nable; comment, dis-je, ces cardes ont été définitivement adoptées depois
i835, avec des perfectionnements essentiels, par MM. Mercier père et fils,
pour la filature de la laine cardée, si rebelle aux autres moyens connus de
roulage et d'étirage sans torsion des mèches de préparation.
VI* JTRT. — 2* PARTIE. 2
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18 VI* JURY.
tinuellement extraite par des cylindres étireurs ou étironneurs,
qui laissent la blousse dans le peigne, etc. : système bien
connu en France et dont, anciennement déjà (i8a5), John
Collier, de Paris, s'était servi dans une ingénieuse machine
attribuée à M. Godart, d'Amiens, perfectionnée encore de-
puis, mais, comme on sait, formée de deux grands peignes
circulaires à plans, l'un horizontal, l'autre incliné, qui, dans
leur rotation rapide et tangentielle , se disputent en quelque
sorte la longue laine par une action , centrifuge d'abord mise
en usage par Edmund Cartwright (1789 à 1792).
Au fait, malgré les perfectionnements incessants qu'avait
subis, jusqu'à l'apparition des célèbres ingénieurs que j'ai d'a-
bord cités, le peignage automatique des matières à fibres un
peu longues, on peut dire qu'il n'existait aucun moyen méca-
nique satisfaisant de suppléer le travail à la main , de sorte
que tout restait à découvrir, sauf le peigne à serans multiples,
dont les manipulations pour les laines longues, rendues si
délicates par l'intervention de l'électricité, de la chaleur et
de l'humidité atmosphérique, avaient reçu dès le commence-
ment de ce siècle, en France, d'appréciables mais insuffisants
perfectionnements, à cause de l'extrême lenteur, de la cherté
du travail confié à des ouvriers particulièrement intelligents
et exercés; travail dont l'habile ingénieur Dobo tenta, le pre-
mier chez nous (1816), de s'affranchir, en cherchant à éviter
la torsion permanente dans l'étirage et la formation ordinaire
des mèches ou boudins, et y substituant le roulage par frot-
tement, ce qui a été depuis imité par beaucoup d'autres, en
France ou ailleurs, non-seulement pour la laine, mais aussi
pour la préparation expéditive des fils de coton 1.
Quanta cette variété infinie de machines à doubler, tordre et
1 Le procédé dont le mécanicien Dobo s'était servi consiste principale-
ment dans l'emploi d'un appareil à planchettes glissantes , entre lesquelles
étaient roulés transversalement les boudins ou loquettes, par différents
moyens, qui furent sans doute l'origine du rouleau ou rota-jrottear, dont la
première importation d'Angleterre ou d'Amérique en l'rance est due, si je
ne me trompe, à M. Winslow, du Havre (1827, t. XXIV, p. 80 du Recueil des
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MACHINES ET OUTILS. 19
retordre les fils, à les dévider et bobiner, si généralement em-
ployées sous différents noms et différentes formes dans les
industries distinctes de la soie, du lin , de la laine et du coton ,
dans l'art du passementier, du cordier, etc. , leur ingénieuse
et admirable disposition repose sur des notions physiques ou
mécaniques beaucoup plus simples et mieux définies, puisque
la matière textile y a déjà reçu une forme régulière, en quel-
que sorte mathématique, qui la rapproche considérablement
de son état final, c'est-à-dire de fils à divers degrés de finesse
ou grosseur, auxquels il ne s'agit plus que de donner le der-
nier tors ou apprêt.
Dans le fil simple, en effet, les fibres rudimentaires, plus
ou moins courtes, sont déjà disposées par la torsion, si ce
n'est pour la soie longue ou grége, en spirales qui se recou-
vrent les unes les autres, autour d'un axe idéal commun, en
brevets) , et ne tarda pas à être perfectionnée , mise en usage par MM. Le-
maire, Choisy et Loyer, à Maromme et Montville , près de Rouen; pour* la
filature expéditive des cotons de bas numéros, sous la forme d'un gros rou-
leau à va-et-vient frotteur, posé transversalement sur un large cuir horizon-
tal, sans fin et mobile, qui soutient et entraîne longitudinalement les petites
mèches à coton parallèles, sollicitées, aux deux bouts, par des équipages
à cylindres lamineurs et étireurs, dispensant ainsi du banc à broches
et permettant de soumettre directement ce genre de fils aux mule-jennys.
Mais c'est surtout dans la filature des laines longues pour chaînes d'étoffe
que Tétirage sans torsion a exercé une véritable révolution , grâce aux ingé-
nieuses combinaisons du banc à doubles cuirs de buffle, animés de va-et-
vient en sens contraire, pour frotter et rouler les multiples boudins, simul-
tanément étires à leurs bouts , au moyen d'ingénieux systèmes, oscillants ou
à bascule , qui ont été notablement perfectionnés dans ces derniers temps
par M. Yilleminot, constructeur mécanicien à Reims, auquel on doit di-
verses autres combinaisons employées avec succès dans les machines à
préparer et filer les laines peignées.
C'est dans un but pareil encore que , pour ce système de fabrication , les
rubans, au sortir des entonnoirs fixes ou mobiles, tantôt, soumis à un jet
de vapeur, vont s'enrouler en zigzags autour d'un cylindre animé d'un va-et-
vient longîtunal tcut en tournant sur son axe, tantôt vont se déposer dans
des caisses prismatiques verticales, animées elles-mêmes d'un va-et-vient
homonlal , reetiligne , afin d'éviter la torsion que ces rubans éprouvent dans
le système ancien des bidons tournants, etc.
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20 , VI* JURY.
se pressant mutuellement de manière à faire naître entre elles
un frottement tangentiel qui, en somme, ne doit pas être sen-
siblement inférieur aux efforts extrêmes de tension qu'elles
peuvent subir dans les divers usages, afin de rendre impos-
sible leur glissement réciproque , abstraction faite de tout
moyen d'adhérence artificiel. Or, cette compression, fces frot-
tements réciproques qui croissent avec l'énergie de la tension
longitudinale aussi bien qu'avec la torsion et la roideur élas -
tique des brins rudimentaires , ne doivent pas non plus
excéder la ténacité, la résistance à la rupture de ceux-ci : sol-
licités incessamment, en effet, à' se redresser contre les effets
de la torsion générale, ils ne peuvent demeurer en faisceau
continu, sans que des forces spéciales, ou ce qu'on nomme
des couples de forces, égales et de sens contraire, ne les main*
tiennent unis aux différents points , de manière à en former
un ensemble continu et régulier, soit par un couple pareil de
forces extérieurement appliquées à ces bouts, soit par voie
d'adhérence naturelle ou artificielle des fibres, soumises à un
mode spécial de préparation.
En exceptant toujours les grèges, cela arrive nécessaire-
ment pour tous les fils simples ou de premier apprêt des-
tinés à la fabrication de fils plus forts ou de second apprêt,
tels que fils de chaîne et à coudre, organsins, ficelles, cordon-
nets, où on les accouple dans un certain ordre , deux à deux ,
trois à trois, etc., après les avoir tordus séparément et à nou-
veau dans le sens primitif; ce qui, dans leur juxtaposition,
leur donne une tendance naturelle à se dérouler isolément,
et, par suite, à s'enrouler les uns autour des autres, en hélices
serpentantes, de sens contraire à celui des fibres simples, jus-
qu'à ce qu'une exacte neutralisation de tous leurs couples
élastiques s'ensuive. Néanmoins, cette neutralisation ne sau-
rait être régulière et complète sans un excédant de tors donné
à l'ensemftle toujours en sens contraire du tors ou surlors
primitif, et c'est ce que la fileuse, comme on sait, obtient
d'une manière très-simple dans le rouet ordinaire, après avoir
dévidé les bobines humides du premier filage sur un asple
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MACHINES ET OUTILS. 21
ou dévidoir à quatre branches, pour en former autant dVcA*-
veaux, qui, entièrement secs et placés sur un deuxième dévi-
doir, sont, à leur tour, convertis en pelotes sphériques, hu-
mectées ensuite, et dont les bouts similaires réunis sont fina-
lement soumis à Faction du même rouet, afin de leur donner
le tors de stabilité dont il Vient d'être parlé.
Quant au degré de torsion qui convient à chaque nature
de fil simple, double, triple, etc., c'est évidemment une
question de pratique ou d'expérience, dans laquelle on aper-
çoit très-clairement que, pour donner aux hélices extérieurs
d'une même qualité de fils une inclinaison indépendante du
diamètre, ce qui paraît le plus convenable, le nombre des
révolutions par unité de longueur,%doit être réciproque à ce
diamètre ou à la racine carrée de l'aire de la section, c'est-à-
dire du ndmbre qui exprime le nufoéro du fil; règle , en effet,
'indiquée, expliquée par les auteurs, notamment par M. Jo-
seph Kœchlin , et qui semble assez généralement admise dans
la pratique des ateliers, précisément parce qu'elle suppose
que, sons les divers étirages ou préparations du fil, la torsion
n'aura dû exercer aucune influence directe pour rapprocher
ou écarter les fibres dans le sens perpendiculaire à leur épais-
seur, ou, ce qui revient au même, pour changer la densité du
fil. Cette règle montre d'ailleurs pourquoi, dans les numéros
les plus élevés, on se voit obligé d'imprimer aux broches ou
bobines jusqu'à 5 et 6 mille révolutions à la minute, par de*,
artifices non moins ingénieux d'ailleurs que variés, et sur les
plus importants desquels je ne manquerai pas de revenir par
la suite, aussi bien que sur les autres particularités ou inven-
tions qui intéressent spécialement les machines à filer, à tordre
ou à câbler en général.
Après ces diverses machines et leurs dérivées ou annexes
immédiates, telles que celles à doubler, à tresser, etc., qui
exigent une combinaison de mouvements, directs ou excen-
triques, produits par le jeu de crochets émérillons, de bo-
bines pivotant autour d'axes fixes ou voyageant, changeant
de place le long de gabarits, de rainures directrices ondulées,
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22 VF JURY.
serpentantes, croisées ou non croisées; après ces machines,
dis-je , vient naturellement la catégorie des métiers à fabri-
quer les tissus pleins ou à jours, unis ou figurés, c'est-à-dire
brochés et brodés; métiers dont le grand nombre et l'extrême
variété seraient capables â'effrayer l'imagination , si l'on n'en-
trevoyait, à priori, qu'ils se rattachent à quelques opérations
ou combinaisons de mouvement principales, très-simples, en
quelque sorte primitives, quoique par elles-mêmes extrême-
ment fécondes, et donnant lieu à une classe de problèmes
curieux et difficiles. Ces problèmes, en effet, comme la
marche du cavalier dans le jeu des échecs, appartiennent à
cette géométrie particulière que Leibnitz nommait géométrie
de situation; science qui n'est point encore faite ni même
tentée, dont a parié Carnot, mais qu'il ne faut pas confondre
avec la géométrie de position de cet illustre savant , ou avec ce
qu'il nommait la théorie des mouvements géométriques, non plus
qu'avec cette autre science appelée, abusivement peut-être,
dans ces dernières années, mécanique géométrique, théorie des
mécanismes , bien qu'on y fasse abstraction des causés ou forces :
car on s'y occupe encore des relations de mouvement ou d'es-
pace et de temps, étrangères à la géométrie de situation, ce
qui a fait, avec juste raison, appliquer par feu l'illustre Am-
père l'épithète de cinématique à cette même branche de
nos connaissances, qu'il ne serait guère plus exact de con-
fondre avec la technologie, et qui, envisagée spécialement sous
. le rapport de la génération, de la composition ou combinai-
son , de la transformation et de l'observation expérimentale
des mouvements divers,. a été pour la première fois, si je
ne me troçipe , professée publiquement à la faculté des
sciences de Paris (i838 à i848), afin de satisfaire au vœu
d'une amitié scientifique bien chère. Depuis, la cinématique
est devenue, comme on sait, l'objet de beaucoup d'ouvrages
intéressants, envisagés, à différents points de vue, et parmi les-
quels je citerai, avant tous, celui de l'honorable et savant
rapporteur anglais du VI* Jury.
Au surplus, je ne saurais me proposer ici d'embrasser l'his-
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MACHINES ET OUTILS. 23
toire du tissage mécanique en entier; je me bornerai à don-
ner, sous forme de Section finale comprenant les machines à
câbler, etc., le résumé rapide des idées et des inventions les
plus essentielles, afin de ne pas laisser ma tâche trop impar-
faite, à peu près comme je l'ai fait, dans ces préliminaires 9 à
l'égard même des machines à filer la laine et le coton , ma*
chines d'un intérêt tout spécial, et qui mériteraient bien que
nous leur consacrassions deux Sections entières et distinctes, si ,
je le répète, le sujet n'en avait pas aussi souvent été traité
au point de vue historique, et s'il n'était, en quelque sorte,
devenu aussi familier à toutes les personnes qui s'occupent
du progrès mécanique des arts textiles.
A l'égard des machines à préparer, filer et tordre plus par-
ticulièrement la soie, le lin ou le chanvre, dont je me suis
tout d'abord occupé à mon retour de Londres, c'est-à-dire en
i85i ou 1 852, je ne saurais me dispenser d'en faire l'objet
de deux Sections étendues et toutes spéciales; non pas seule-
ment parce que les matières textiles qu'elles servent à trans-
former sont abondamment fournies par notre sol, non pas
tant encore en raison de l'importance et de l'ancienneté de la
première ou de la nouveauté de la seconde, mais bien parce
qu'elles constituent en réalité, avec les machines à tisser .di-
versement les étoffes unies ou figurées, l'un des principaux
éléments de notre prospérité nationale et de nos titres incon-
testables à l'estime des autres peuples; tout comme la pro-
duction automatique même du coton, la préparation accé-
lérée et économique de la fonte et du fer, l'établissement et
le perfectionnement des premières et puissantes machines à
vapeur d'épuisement ou servant de moteurs, en quelque sorte
indépendants et universels à toutes les autres machines ou
agents mécaniques, enfin le perfectionnement, la multipli-
cation même des machines-outils, aujourd'hui si nécessaires
à la bonne et prompte exécution des arbres de couche, des
roues dentées et autres organes ou pièces d'ajustement en fer
et en fonte; ces productions, dis-je, ces créations immenses,
qui ont centuplé nos forces et transformé même notre indus-
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24 vr JURY.
trie mécanique, constituent, aux yeux de tous, l'honneur
éternel de la Grande-Bretagne.
Comme remarque générale enfin, j'ajouterai que, si le
filage de la grége ou^ longue soie exige des procédés tout par-
ticuliers et très-distincts de ceux qui concernent la laine,
le coton et même le lin ou le chanvre à fibres déjà passable-
ment allongées, il en est tout autrement des déchets de soies
nommés bourres, effiloches et frisons, puisque les premières,
h s plus courtes, sont traitées par la carde, etc., à la manière
des laines ou des cotons, tandis que les seconds, découpés
et peignés dans des machines à serans continus ou sans fin,
telles qu*en construit en France M. Nicolas Schlumbergerr
sont traitées absolument comme la filasse du chanvre et du
lin , d'après les méthodes déjà anciennes, mais perfectionnées,
comme on le verra, depuis leur découverte par Philippe de
Girard ; ce qui nous dispensera d'en faire le sujet d'un cha-
pitre à part, malgré toute l'importance que cette intéressante
branche de la filature a acquise dans ces derniers temps pour
la fabrication des étoffes de fantaisie, etc.
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MACHINES ET OUTILS. 25
I" SECTION.
MACHINES ET OUTILS
SERVANT À. FILER, MOULINER, DEVIDER LA SOIE GREGE OU LONGUE.
CHAPITRE r.
ÉTAT ANCIEN OU ANTÉRIEUR X l8l5.
S I". — Introduction des machines à filer les grèges en Europe. — Borghe-
sano Lneckesi, à Bologne; Pierre Benay et Colbert, en France; Thomas
Lombe, en Angleterre.
L'art de récolter et de travailler la soie nous vient incon-
testablement de l'Inde par la Perse, l'Asie Mineure, la Grèce,
l'Espagne, la Sicile et Naples, Bologne, Venise, Milan et le
Piémont, d'où il s'est propagé du xve au xvn* siècle à Tours,
Avignon, Nîmes, Lyon, pour de là se répandre plus tard en-
core, et peu après la révocation de l'édit de Nantes (i685) , en
Suisse , sur les bords du Rhin ,• en Autriche , à Berlin , à Derby,
à Londres (Spitalfield) , et*jusqu'en Suède et en Russie. Les
nombreux édits , lès encouragements de Louis XI , Charles VIII ,
Henri IV* et Louis XIV, avaient donné à l'industrie de la soie
en France une heureuse et durable impulsion ; mais, quoiqu'il
soit à peu près certain que le moulinage automatique de cette
précieuse matière ait été pratiqué avec succès dès le xiv* siècle
(1372), à Bologne, par un nommé Borghesano Lucchesi, si
l'on en croit le témoignage de Masini1, d'où il aurait été trans-
mis de proche en proche dans lout le nord de l'Italie et le
Comtat d'Avignon (i45o à 1692), néanmoins il n'existe, à
ma connaissance, aucun écrit qui puisse donner une idée
1 Masini , additions à l'ouvrage sur Bologne illustré. Voy. le livre italien
publié à Venise, en i$44, sous le titre: Il trattoreda seta, par le docteur
François Géra, ouvrage tiré seulement à 60 exemplaires, et dont je dois
la communication au savant sériciculteur M. Robinet, de Paris.
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26 VI- JURY.
précise de la nature des machines en usage à une époque con-
temporaine ou très-peu postérieure à celle de leur introduc-
tion en France. Encore moins m'a-t-il été possible de décou-
vrir le nom des premiers inventeurs, et de suivre les progrès,
les perfectionnements successifs que ces machines ont dû subir
avant d'arriver jusqu'à nous.
Les auteurs nous apprennent bien que le nommé Benay,
moulinier bolonais, fut attiré en France, vers 1670, sous le
ministère de Colbert, à la demande du conseil municipal
de la ville de Lyon , pour y créer une filature et un moulinage
perfectionnés de la soie et qu'après avoir formé à Fores,
près d'Auhenas, en Vivarais, un établissement modèle dont
les élèves répandirent ensuite la nouvelle méthode à Cho-
meraç, à Privas, etc., il mourut en 1690 sans postérité, pen-
sionné et ennobli en France, mais pendu en effigie par la
ville de Bologne, alors si jalouse de la possession de cette riche
branche d'industrie *, qu'elle a cependant depuis tant né-
gligée. Ces auteurs nous apprennent encore le nombre des
métiers, des balles de soie ouvrées ou non ouvrées, dans la
ville de Lyon, sous le grand Colbert; mais quelle était au
fond la constitution des machines à filer et à tordre la soie,
et doit-on supposer que ce sont les mêmes qui se trouvent
décrites dans les volumineux ouvrages français du dernier
siècle sous le nom de tour et de moalin du Piémont?
Nous savons, d'un autre côté2, que Thomas Lombe érigea le
premier, en 1719 selon M. Baines et en 1734 suivant le che-
1 Encyclopédie méthodique (t. II , p. 25 , Arts et manufactures) , article Soie,
par Roland de la Plâtière. Selon M. Grognier ( Recherches historiques et sta-
tistiques, etc. y particulièrement relatives à Lyon), Benay, attiré par les en-
couragements de Colbert, s'était établi, en 168 4, à Vineux, près Pelussin;
mais le moulinage existait à Neuville-1* Archevêque quelques années avant
(1670), sous la direction d'un sieur Lauze, qui travaillait aussi à la bolo-
naise. Quant à l'usine de Pierre Benay, elle serait aujourd'hui possédée par
M. Julien du Colombier, dont la famille l'exploite depuis environ un siècle.
* Dictionnaire universel de la géographie commerciale , par Peuchet, t. II,
p. 179. La patente de Thomas Lombe porte en réalité la date du 9 sep-
tembre 1718.
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MACHINES ET OUTILS. 27
valier Niciols', un moulin à organsiner la soie sur la rivière
de Derwent à Derby, d'après le modèle de ceux du Piémont,
dont il aurait rapporté les dessins au péril de sa vie ; mais
comment étaient disposés les 26 586 roues, les 97 7Â6 mou-
vements, etc., dont se composait ce moulin, qui valut à l'im-
portateur breveté une récompense de i4 000 livres sterling,
que lui décerna généreusement le parlement d'Angleterre pour
qu'il renonçât à ses droits d'importation ; mo ulin qui fut sans con-
tredit le type des* immenses factories anglaises à filer, retordre
la laine et le coton , sous le nom générique de water-frame ? Les
docteurs anglais Lardner et Ure, qui ont écrit sur l'industrie
de la soie, ne nous apprennent rien à ce sujet, et il y a même
lieu de croire que, à l'époque précitée, il s'en faut de beau-
coup que le moulinage de cette précieuse substance ait reçu
en Angleterre une extension comparable à celle que les vic-
times de la révocation de l'édit de Nantes imprimèrent dans
Spitalfield au tissage mécanique des étoffes de soie , dont les
fils organsins étaient . alors presque entièrement tirés de
France et d'Italie.
Dans cette absence absolue de documents, on doit admettre
que les anciennes machines, nommées aujourd'hui encore
toar, moalin du Piémont, et qu'ont décrites avec tant de soin
les encyclopédistes du xviii' siècle, représentent à peu près
l'état d'avancement où cette branche d'industrie était parvenue
au commencement de ce même siècle ou vers la fin du pré-
cédent. Dès lors , il devient intéressant de prendre pour point de
départ ces mêçnes machines , afin d'examiner les changements
et perfectionnements qu'elles ont successivement reçus et qui
n'ont peut-être pas toute l'importance qu'on leur suppose, du
moins sous le rapport du génie et de l'invention mécanique.
S IL — Toar piémontais modifié, perfectionné en France. -— Isnard, La-
rouvihe et Vancanson (1700 à 1750).
L'ancien tour du Piémont a, comme on sait, pour objet le
tirage de la soie des cocons, véritable dévidage opéré sous la
forme de fils qu'on nomme soie crue, soie grége, parce qu'elle
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28 VI* JURY.
n'a reçu aucun apprêt ou tors. Chacun de ces fils est formé
par la juxtaposition d'un plus ou moins grand nombre d'au-
tres fils ou brins naturels (baves) , sortis d'autant de cocons
unis entre eux par une sorte de gomme ou gluten (grès) qui
les enveloppe en forme de gaine, et que l'immersion de ces
cocons dans l'eau chaude d'une bassine inférieure plus ou
moins allongée sert à ramollir convenablement. Ces brins
réguliers, qu'il faut distinguer de ceux de l'enveloppe exté-
rieure enlevés au balai sous le nom de bourre, de frisons, ces
brins, d'une extrême longueur, d'abord isolés en sortant de
la bassine où nagent les cocons , vont se réunir dans l'ouver-
ture d'une filière en fer placée au-dessus de cette bassine, et
qui a aussi pour objet d'en exprimer partiellement le liquide
surabondant sous une compression réciproque qui les fait
adhérer entre eux jusqu'à un certain point, de manière à en
constituer, comme on l'a dit, du moins jusqu'au décreusage,
un seul fil grége , .nommé bout.
Au sortir de cette fi|ière et de son analogue, relative à un
second bout ou faisceau de brins placé à une certaine distance
horizontale du premier, les deux fils distincts, ainsi formés,
reçoivent au-dessus des filières, et l'un autour de l'autre, ce
qu'on nomme une croisure ou croisade, déterminée par un
plus ou moins grand nombre de tours en hélices, selon la
qualité, la finesse des cocons et la difficulté qu'on éprouve à
rapprocher, à faire adhérer les brins entre eux sous une forme
en quelque sorte arrondie, déterminée par une compression
symétrique, qui tend à refouler du centre à la circonférence,
du plein vers les vides, la matière liquide et gommeuse inter-
posée l : le tout ainsi qu'on le pratique encore de nos jours.
Bientôt ces deux bouts se séparent, se bifurquent, pour se
1 Cette manière de voir est conforme aux résultats des belles et curieuses
recherches expérimentales consignées par M. Robinet dans les Mémoires
de la Société centrale d'agriculture, année 1 84 3, et qui concernent les lois
d'après lesquelles la ténacité et la ductilité des soies grèges varient avec leur
titre ou le nombre des brins de cocons qui y entrent. Le singulier accroisse-
ment de ténacité que ce saVant professeur a observé dans les fils à 7 brins
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MACHINES ET OUTILS. 29
rendre, en arrière ou au-dessus de la~bassine, dans deux œil-
lères ouvertes ou boudes métalliques en tire-bouchons, nom-
mées barbins, fixées sur une tringle horizontale en bois, à mou-
vement alternatif, dont il sera parlé ci-après, et d'où les fils
s'échappent parallèlement, sous une direction plus ou moins
inclinée à l'horizon, pour envelopper finalement en zigzag,
et sous forme d'écheveaux distincts, un dévidoir à quatre
branches ou 1 ailles de bois minces, nommé gaindre, asple1,
dont Taxe horizontal était mû par une manivelle ou une pédale
que dirigeait avec douceur et une certaine vitesse une jeune
fille, apprentie tireuse, soumise au commandement de la
fileuse proprement dite, exclusivement occupée à surveiller le
tirage des cocons, le remplacement successif de ceux qui sont
.ou mieux qui vont être épuisés, par de nouveaux cocons dont
elle doit intercaler, jeter le bout parmi le faisceau des autres ,
enfin soigner la purge, le rattachement ou nouage des fils
cassés, plissés, doublés ou mariés, etc. Un engrenage d'angle,
entièrement construit en fçr ou en bois dur, placé à l'extré-
mité de l'axe opposée à la manivelle , communiquait, dans ces
anciens tours, le mouvement rotatoire du même arbre à un
second arbre rond , légèrement incliné à l'horizon , et qui, par
un nouveau rouage d'angle monté sur la traverse antérieure
do châssis fixe de la machine, faisait mouvoir horizontalement
un excentrique ou bouton de manivelle , adapté à l'une des
roues et servant à imprimer le mouvement de va-et-vient à la
tringle horizontale porte-barbins mentionnée ci-dessus , sorte
de bielle tournant et glissant par enfourchement, à l'un des
bouts, autour d'une cheville verticale fixée à la traverse supé-
rieure du bâti.
montre, en particulier, l'influence de l'arrangement symétrique de ces brins
autour (Tun noyau central qui rappelle l'âme dont se servent les cordiers pour
remplir le vide intérieur des plus gros câbles de la marine; et Ton peut éga-
lement comparer la croisure que Ton fait subir aux fils de soie grége à la mé-
thode ingénieuse et simple dont ils se servent pour comprimer et rapprocher
entre eux les fils de caret et les torons des mêmes câbles.
1 Expression évidemment tirée du mot allemand hasple, dévidoir.
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3© VI* JURY.
Le nombre des dents, très-fines et très-serrées; 'dont les
quatre roues d'angle ci-dessus sont munies était réglé, d'après
un édit du Piémont de 1724, de manière qu'un même fil ne
pût qu'au bout de 875 révolutions de l'asple se superposer
exactement à lui-même, et donner lieu à une sorte de cotture
ou vitrage qui deviendrait inévitable en l'absence de tout
croisement, ou si le nombre des tours compris dans l'intervalle
des coïncidences était insuffisant pour amener la parfaite des-
siccation des premiers spires du fil. Cet ingénieux dispositif,
rigoureusement prescrit par le règlement précité, mais trop
souvent violé dans les copies subséquentes du tour piémon-
lais, a évidemment pour objet l'imitation de la nature dans la
formation des cocons, au moyen de fils distribués en zigzags
par l'insecte au pourtour de l'enveloppe.
Telle est aussi, à peu près, la disposition du tour à filet* dé-
crit dans un ouvrage publié à Paris chez Joly, en i665, sous
le patronage du grand Golbert, par un nommé Isnard, qui,
d'ailleurs, ne nous a rien appris sur l'origine étrangère du tour
à tirer la soie, dont le dispositif principal et le perfectionne-
ment, d'après le témoignage même de l'illustre Vaucanson1,
ne sauraient être contestés aux Piémontais : ceux-ci ayant sub-
stitué le tirage double avec croisure au tirage ancien sur bo-
bines, à un seul fil plat, humide, et dont les brins étaient mal
unis entre eux, tout en remplaçant par un équipage de roues
dentées le système de poulies et de cordes sans fin qui ser-
vait jusque-là à imprimer le va-et-vient aux barbins dàtriba-
teurs. Ces heureuses innovations, en effet, doublaient les pro-
duits, tout en améliorant la .qualité des soies, dont les grèges
acquirent ainsi plus de rondeur.
D'un autre côté , l'époque déjà reculée à laquelle Isnard
écrivait son traité fait vivement regretter que cet auteur ne
nous ait rien appris des machines à dévider et à mouliner la
soie de cette même époque, malgré les promesses indiquées
dans le titre de l'ouvrage, dont, en réalité, l'objet principal
1 Mémoires de V Académie des sciences de Paris, 17^9*
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MACHINES ET OUTILS. 31
concerne la culture des mûriers et des vers à soie , sur laquelle
on a tant écrit depuis Olivier de Serres.
On voit, au surplus, d'après la description sommaire ci-
dessus, que le tour du Piémont, pas plus que le rouet à filer
ordinaire, ne jouissait de la propriété automatique, et que,
pour d'assez faibles résultats, il exigeait constamment la coo-
pération de deux personnes, sans compter qu'il présentait di-
vers défauts assez graves dont on a sans cesse, mais sans un
entier succès, cherché à le débarrasser depuis sa primitive in-
troduction en France, où pendant longtemps, et en vue de
simplifier le mécanisme, on a continué à se servir, pour la
transmission du mouvement de la manivelle à Fasple , de pou-
lies à gorge mues par des ficelles ou cordes à boyaux sans fin
qui, soumises aux émanations de la bassine à eau chaude et
aux variations atmosphériques, donnaient lieu à de fréquents
glissements de ces cordes sur les poulies , et , par suite , à des irré-
gularités dans le jeu du va-et-vient et dans l'enroulement même
des fils sur fasple.
Cet inconvénient, auquel Vaucanson avait cherché à porter
remède par une poulie de tension, lors d'un premier essai
de machine à tirer la soie, dont la date doit être antérieure à
17441» se rencontrait aussi dans un tour inventé par Larou-
vière, bonnetier du roi2, et qui fut vers cette époque, soumis à
l'Académie des sciences de Paris. Dans ce tour, fort imparfait
d'ailleurs, la vitesse de l'asple, simple ou double, mais d'un
assez faible diamètre, était quadruplée, sextuplée, par des pou-
lies de renvoi, et le mécanisme du va-et-vient avait également
subi des modifications plus ou moins heureuses, le tout en vue
d'activer le tirage de la soie des cocons, etc. Ce même tour, sou-
mis en 17^4 eti745, à Paris, à Montpellier et à Avignon, àdes
expériences comparatives a^ec ceux du Piémont, du Langue-
doc et celui de Vaucanson, donna effectivement un accroisse-
ment sensible de produits; mais il était compensé par des
1 Mémoires de V Académie dit sciences de 1749, p. n 1 -
* Essai sur de nouvelles découvertes, etc., Liège et Paris, 1770.
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32 \T JURY.
déchets et un ralentissement équivalents dans le dévidage ul-
térieur des écheyeaux , à moins que les cocons ne fussent d'une
qualité parfaite et la fileuse très-habile et très-attentive; cir-
constances exceptionnelles alors comme aujourd'hui, et qui
ne prouvaient rien en faveur du tour Larouvière.
Vaucanson, instruit par douze années d expériences et d'es-
sais appliqués à une centaine de tours à filer établis dans la
grande manufacture d'Aubenas, publia longtemps après, dans
les Mémoires de V Académie des sciences pour 1770 (p. 10*6) ,
une nouvelle notice, dans laquelle il préconise les avantages
économiques des grands établissements où les ateliers de tirage
des cocons sont réunis à ceux de moulinage et de dévidage
de la soie. Renonçant cette fois à transmettre par un cordon
sans fin le mouvement de la manivelle à l'asple, il se sert
d'une combinaison d'engrenages cylindriques en fer et à
petites dents, montés à l'extrémité de l'arbre moteur, pour
communiquer, par un excentrique à cheville ou bouton de
manivelle établi sur la dernière roue, un mouvement oscilla-
toire rapide à un levier coudé, dont l'extrémité de la longue
branche verticale est terminée, en forme de T, par une tringle
transversale munie des barbins de guide et voisine de la se-
conde croisare que Vaucanson fait subir aux deux fils du nou -
veau tour. Ce tour se distingue d'ailleurs des précédents et de
celui du Piémont par un mécanisme à manivelle fort ingé-
nieux, permettant à une fileuse inexpérimentée de régler à
volonté le nombre des enroulements des croisures par la ro-
tation sur lui-même d'un anneau vertical , muni de deux
œillères diamétralement opposées pour maintenir l'écartement
des bouts entre ces mêmes croisures, tordues en sens con-
traire, de manière à prolonger diâgonalement une sorte de
losange formé par les fils aboutissant à chacune des œillères ,
dont la droite de jonction occupe elle-même l'autre diagonale.
C'était là évidemment, eu égard à l'époque, une addition
précieuse au tour piémontais, bien qu'elle ait été abandonnée
depuis pour des motifs que nous ferons connaître ; mais on
n'en saurait dire précisément autant de la substitution des
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MACHINES ET OUTILS. 33
rouages plans aux rouages d'angle de ce tour, attendu que»
d'une part, s'il y avait simplification sous le rapport des diffi-
cultés d'exécution, alors assez graves, d'une autre, il arrivait
que la tringle du va-et-vient, le porte-barbins distributeur des
fils sur l'asple, mal soutenu à l'extrémité antérieure d'un long
manche mis en mouvement par un renvoi de bielles et de var-
lets, était soumis à des flexions et secousses transversales qui
tendaient à faire rompre les fils. Du moins, est-il naturel d'at-
tribuer en partie à .ces causes les critiques dirigées à diverses
époques contre l'ingénieux dispositif de Vaucanson , à la double
croisure duquel on a particulièrement reproché :
i° D'énerver considérablement la soie ;
2° D'être réglé par une transmission de cordons sans fin
qui laisse encore trop d'incertitudes dans le comptage du
nombre des croisures ou hélices et trop d'arbitraire aux
fileuses inexpérimentées.
Mais on est également autorisé à Groire que ces objections ,
déjà fort anciennes et toutes spécieuses qu'elles paraissent, ne
sont pas les plus graves, et que la suppression définitive de
la double croisure est principalement due à l'usage des tours
sans tourneuses et des moyens automatiques d'empêcher ce
qu'on nomme les mariages, sur lesquels nous reviendrons avec
détail dans le chapitre suivant, après que nous aurons par-
couru l'ensemble assez vaste des anciennes machines à filer, à
mouliner et dévider les soies grèges.
De l'aveu même des mécaniciens éclairés de notre époque,
la perfection , la régularité de ce genre de fils , dépendent bien
moins de la perfection du tour que de l'habileté et des soins
de la fileuse à marier convenablement entre eux les brins des
cocons, dont, comme on sait, la grosseur n'est pas la même
aux deux bouts; et c'est pourquoi, lorsqu'on en dévide les
flottes ou écheveaux sur des bobines cylindriques nommées
ordinairement roquets, le fil grége a besoin d'être purgé à nou-
veau de tous nœuds, bourillons, doublures, etc.; opération
qui ne peut se faire qu'à la main , du moins pour le rattache-
ment des fils, et exige de nouvelles attentions dont les récents
Tl* JURY. — 2* PARTIE. 3
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34 VI- JURY.
modes de filage ne sont nullement exempts. Après cette se-
conde opération ou dévidage à la main, la soie grége, ainsi
purgée, recevait d'ailleurs un premier apprêt ou tors à gauche
dans de grands moulins, qui servaient aussi à donner le
deuxième tors, en sens contraire, à la réunion de deux, trois
ou quatre fils pareils, enroulés préalablement sur de nouvelles
bobines cylindriques , dans un instrument particulier, nommé
doublier ou doubloir, où ces bobines étaient enfilées sur un
axe horizontal recevant un mouvement rotatoire rapide d'une
poulie et d'une corde sans fin passée sur la gorge d'une
grande roue à manivelle , tandis que les bobines à fils simples
étaient disposées en face, par rangées verticales, sur des axes
parallèles soutenus par des montants verticaux, etc.
S III.— Anciens moulins et dévidoirs automates du Piémont ,* principalement
d'après l'encyclopédiste Roland de la Piatière.
Je ne m'étendrai pas davantage sur les instruments à main
servant à dévider et à doubler les fils, auxquels on a fort peu
ajouté depuis leur adoption en France. Quant aux colossales
machines piémoii taises à mouliner diversement les grèges ou
organsins, machines à peine mentionnées dans les ouvrages
de notre époque , nous n'en dirons que ce qu'il faut pour faire
comprendre le but et la disposition principale des perfection-
nements qu'elles ont reçus de la part de Vaucanson et de ses
successeurs , en prenant pour base les descriptions que nous
en ont transmises les encyclopédistes du xviii* siècle1.
Les moulins ronds, dits de Piémont, employés aujourd'hui
encore dans quelques localités du Midi et à Tours même, ont
une forme cylindrique à base circulaire, qui leur donne l'ap-
parence d'une véritable cage à jours , de quatre à cinq mètres
de diamètre sur autant de hauteur, dont l'axe est occupé par
1 Voyez notamment le t. II de V Encyclopédie méthodique (Manufactures
et arts, 1784), où Roland de la Piatière décrit dans les plus grands détails
les moulins ronds, qu'il attribue entièrement aux Piémontais, quoiqu'ils aient
subi plusieurs perfectionnements essentiels depuis l'époque où Vaucanson
entreprit de les critiquer ou modifier.
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MACHINES ET OUTILS. 35
un arbre moteur vertical, mis en action par un autre arbre
horizontal situé à l'étage inférieur de l'édifice et qui fait mar-
cher plusieurs moulins pareils, dont, à leur tour, les arbres
verticaux prolongés vont, à l'étage supérieur, animer une
série de machines à dévider qui occupent, sur plusieurs rangs
adossés deux à deux, toute la longueur de ce dernier étage.
Les moulins eux-mêmes, mus tantôt à bras d'hommes ou par
manège dans les petits établissements, tantôt au moyen de
puissantes roues hydrauliques, dans les plus grands, sont di-
visés en plusieurs compartiments ou étages horizontaux, sé-
parés par des anneaux en bois destinés à supporter autant de
vargnes ou rangées circulaires de grosses bobines verticales
contenant le fil à tordre de droite à gauche pour le premier
apprêt, ou à retordre en plus ou moins grand nombre de
gauche à droite pour le deuxième apprêt.
Chacune de ces bobines repose, vers sa base, à frottement
dur, sur une portion conique (Tune broche verticale en fer
dont le pivot inférieur tourne sur une crapaudine en verre ou
en cuivre : cette bobine est surmontée d'une petite pièce de
bois arrondie en guise de chapeau, nommée coronnelle, très-
mobile autour de l'extrémité de la broche, et munie en des-
sous d'un anneau de plomb, sorte de lest, par lequel elle pèse
sur la tête de la bobine, où elle glisse généralement et d'un
mouvement relatif par l'effet du tirage extérieur du fil de soie
enroulé sur cette bobine. Ce même coronnelle porte une ai-
lette en fil de métal , pliée en S , couchée transversalement à
l'axe vertical de la broche et munie à ses extrémités supé-
rieure et inférieure, situées, l'une sur le prolongement de cet
axe où s'opère la torsion de la soie, l'autre vis-à-vis du ventre
de la bobine où se fait le déroulement du fil, de boucles en
tire-bouchons destinées à guider et maintenir ce fil dans un
état de tension suffisant pour l'empêcher de vriller ou se replier
sur lui-même au sortir de la bobine : celle-ci , dans la rota-
tion rapide à laquelle le coronnelle n'obéit que partiellement
et par simple frottement, abandonne peu à peu ce même fil,
attiré lentement vers le haut par d'autres rangées de grosses
3-
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36 VP JURY.
bobines horizontales nommées roqueïles ou par de longs guin-
dres à quatre lames, montés respectivement sur des axes ho-
rizontaux en fer, correspondant à autant de groupes distincts
de six fuseaux ou bobines inférieures. Les broches verticales
de celles-ci portent d'ailleurs, vers le bas, des renflements
arrondis, contre lesquels viennent frotter alternativement des
segments circulaires ou jantes de bois nommés strafins, garnis
de bandes de cuir tendu et recouvrant plusieurs couches de
draps; segments fixés aux extrémités d'autant de bras de l'arbre
vertical du moulin , où ils sont maintenus par une articulation
accompagnée de ressorts-repoussoirs, de contre-poids à poulie
de renvoi , qui les obligent à appuyer fortement contre le ren-
flement des broches.
A l'étage ou vargue inférieure du moulin , les strafins agissent
extérieurement pour faire tourner, de gauche. à droite, les bo-
bines chargées des fils destinés à recevoir le second tors ou
apprêt, et qui montent plus ou moins obliquement sur les
guindres horizontaux situés immédiatement au-dessus, pour
y former autant d'écheveaux (six) qu'il existe de fuseaux dans
la rangée inférieure eprresporidante. Dans les vargues ou com-
partiments du haut, destinés au premier apprêt, et dont les
strafins agissent intérieurement, ou de droite à gauche, sur
le ventre des fuseaux , les fils se rendent sur des roqueïles supé-
rieures, qui sont rangées également six par six, sur des axes
horizontaux situés, deux par deux, sur le prolongement les
uns des autres, et dont l'ensemble constitue, pour une même
vargue, un polygone régulier inscrit à la cage du moulin,
tout comme cela a lieu pour les axes horizontaux des couples
de guindres dont il a dVibord été parlé.
Ajoutons que ces divers axes , soutenus à leurs extrémités
par des coussinets fixés aux piliers correspondants du mou-
lin, sont, à l'extrémité commune à chaque couple, mis en
mouvement par un système d'engrenages en bois nommés
ponsonnelles, et dont la roue motrice verticale porte des chevilles
ou mentonnets en hérisson, que poussent alternativement et
transversalement des segments hélicoïdes rampants, nommés
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MACHINES ET OUTILS. 37
serpes: celles-ci, fixées aux extrémités des bras, concentri-
quement à l'arbre central ou moteur du moulin , représentant
autant de portions de vis à filet carré, dont Faction oblique
sous les chevilles saillantes du hérisson occasionnait un frotter
ment de glissement nécessairement très-rude.
Enfin, pour acquérir une notion à peu près complète du
moulin rond du Piémont, tel que le décrit Roland de la Pla-
tière dans YEncyclopédie méthodique, il est nécessaire d'ajouter
que les guindres, ou les rangées horizontales de roquelles qui
les remplacent dans les vargues supérieures, sont accompa-
gnés, en dessous, d'autant de barres de guide à barbins, paral-
lèles à leurs axes respectifs et animés d'un mouvement lent
de va-et-vient1, par lequel le fil est distribué en hélices sur son
écheveau ou sa bobine; mouvement produit par autant d'ex-
centriques circulaires qu'enveloppent des brides en fer à che-
val, fixées respectivement sur chacune des barres de guide,
tandis que les excentriques le sont à l'extrémité de l'un des
arbres tournants horizontaux de la ponsonelle adjacente.
Par ce dispositif, compliqué à cause de la double fonction
qu'il remplit et qui constitue véritablement, du moulin rond,
deux machines automates à retordre, très- distinctes, mais
dont la grossièreté primitive d'exécution en bois ne répond
peut-être pas au génie de l'invention, on parvenait à donner
à Ja fois un mouvement de 600 à 800 tours par minute aux
336 broches ou fuseaux dont les diverses vargues de ce mou-
lin étaient garnies. Pour en donner l'intelligence parfaite, il
resterait beaucoup de choses intéressantes à dire sur l'action
alternative et intermittente des strafins; sur le jeu non moins
1 L'application ingénieuse du va-et-vient au moulinage des soies est-elle
véritablement d'origine piémontaise , comme semble l'insinuer Roland de la
Piatière? C'est ce dont il est d'autant plus permis de douter que cet ancien
inspecteur des manufactures royales se montre fort peu disposé à reconnaître
le mérite des inventions de Vaucanson, et que le brevet pris en 1807 par
le sieur Àmaretti de Versuolo semble démontrer combien peu l'usage de cet
organe était alors familier aux constructeurs de moulins ronds en Italie, bien
qu'il fît partie intégrante du tour piémontais , comme on l'a vu.
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38 VI- JURY.
mystérieux, et inexpliqué dans les livres, du coron nelle à ai-
lettes, où rinertie, la force centrifuge, la résistance de l'air et
les frottements jouent un rôle nécessaire dans le déroulement
du fil des fuseaux et son enroulement sur les guindres ou les
roquelles; enfin , sur le rapport à établir entre les vitesses de
ce déroulement et de cet enroulement, ou entre les vitesses
rotatoires des axes respectifs, afin d'assurer aux fils, dans
chaque cas, le degré de tors convenable par unité de lon-
gueur, et que prescrivaient rigoureusement les règlements
piémontais de 1724, et, en France, ceux de 1737, déjà cités.
Il nous suffît ici d'avoir en quelque sorte constaté, pour le
point de vue historique, l'existence des organes les plus essen-
tiels et dont le mécanisme a été reproduit ou imité dans toutes
les machines ayant un but analogue.
Au surplus, le moulin double dont je viens de donner un
rapide aperçu n'est pas la seule machine automatique em-
pruntée à l'Italie, et je ne saurais passer sous silence le sys-
tème des dévidoirs automates qui, placés au dernier étage du
bâtiment, étaient mis en mouvement par des rouages d angle
fixés au plafond de cet étage, à l'extrémité supérieure du pro-
longement de chacun des arbres moteurs verticaux de l'étage
inférieur.
Ces dévidoirs, nommés tavelles, au nombre de soixante par
arbre moteur, sont très-étroits, très-légers, composés de quatre
bras et d'autant de lames mobiles portant les flottes de soie, et
tournant avec beaucoup de douceur et de liberté autour d'axes
en fer horizontaux garnis respectivement de noyaux en bois
où s'assemblent les bras de tavelles; noyaux dont le milieu,
creusé en forme de gorge, est embrassé avec un grand jeu
par un anneau métallique soutenant un petit poids destiné a
faire naître sur cette gorge un frottement qui sert de frein et
maintient les fils de soie légèrement tendus pendant le dévi-
dage des flottes, c'est-à-dire pendant que ces mêmes fils mon-
tent sur la rangée correspondante des roquelles ou bobines
horizontales établies à la partie supérieure des supports, après
avoir traversé, à l'ordinaire, les œillets ou barbins de guide
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MACHINES ET OUTILS. 39
d'un va-et-vient à excentrique , intermédiaire entre ces bobines
et les tavelles. Or, il y a cela ici de particulier que les roquelles,
nommées souvent roquets, ne sont pas mises directement en
mouvement par leurs axes horizontaux, mais bien par le frotte-
ment de disques circulaires et verticaux en bois, sur lesquels
elles reposent, en vertu de leur poids, par une partie coni-
quement arrondie et extérieure à leur gorge; dispositif adopté
depuis, comme on le verra , pour communiquer le mouvement
aux asples mêmes du toyr à tirer la soie. Ces disques d'ailleurs ,
montés par quinze, et à des intervalles convenables, sur des
axes horizontaux en fer, sont mis en action par uqe roue
d'engrenage latérale, qui reçoit, ainsi que ses analogues, le
mouvement d'un arbre moteur vertical aboutissant également
au plancher supérieur de l'étage, etc.
Ces immenses dévidoirs , montés sur des chevalets en nombre
égal à celui des tavelles, exigeaient, comme les moulins à or-
gansiner ou à tordre, très-peu de surveillants employés au
rattachement des fils; ils étaient si bien appropriés au but à
remplir qu'ils n'ont, pour ainsi dire, subi aucune modifica-
tion essentielle depuis le commencement du dernier siècle,
soit en France, soit même en Angleterre, où ils auraient con-
tinué à être exécutés en bois, tout au moins jusqu'en i83i, si
Ton en juge d'après l'ouvrage du docteur Lardner1. Mais on
n'en saurait dire autant de l'ancien moulin à organsiner du
Piémont, qui a subi dans l'un et l'autre pays, comme on le
verra plus tard , un changement , pour ainsi dire , radical , sinon
dans la solution mécanique, du moins dans le dispositif et
la forme principale.
S IV. — Perfectionnement des moulins à tordre la soie en France ; moulin
droit proposé par Vaacanson ; ses automates et son mémoire de 1751.
Les moulins simples de second apprêt, tels qu'il en existe
aujourd'hui même en France , moulins tantôt ronds ou circu-
1 Treatiu ofthe origine of the silk manufacture, extrait du Cabinet encyclo-
pêdiqme du même auteur, publié à Londres en i83 1 .
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40 V? JURY.
laires, tantôt allongés ou ovales, à base elliptique ou formée
par la rencontre de deux arcs de cercle convexes , sont évi-
demment une dérivation des moulins doubles du Piémont, si
toutefois ils ne les ont pas précédés pour certaines indus-
tries, car on chercherait vainement dans les écrits du dernier
siècle quelque chose de précis à cet égard, non plus que
sur les perfectionnements divers que leur application a reçus
chez nous, où ils portent le nom de moulins français; ce qui
semblerait indiquer une origine assez récente, contemporaine
peut-être des travaux de Vaucanson , dont il sera bientôt parlé.
Dans ces moulins simples, uniquement destinés au dernier
tors, le grand axe correspond, en plan* au guindre horizontal
unique, établi à la partie supérieure des supports de la ma-
chine, tandis que les bobines à broches verticales sont éta-
blies, vers le bas, sur un ou deux rangs étages en gradins ou
banquettes, où elles reçoivent le mouvement de courroies
sans fin , à rouleaux de tension , de renvoi ou de guide , qui em-
brassent extérieurement et en serpentant les parties renflées
des broches de chaque rang et vont se replier sur un gros
tambour dont l'arbre vertical commande, vers le haut, un
rouage d'angle à chevilles ou lanterne faisant marcher simul-
tanément Taxe du guindre unique dont est munie la machine,
ici privée du va-et-vient, que remplace simplement une barre
de guide à barbins ou œillères fixes.
Mais ces anciens appareils, où les bobines sont munies seule-
ment vers le bas d'un large rebord contenant le fil enroulé en
hélices à fusées coniques , et que termine au sommet un bouton
de retenue duquel ce même fil s'échappe dans la direction
de l'axe où la torsion s'opère, tandis que son dévidement est
aidé par l'action de la force centrifuge, ces appareils, dis-je,
paraissent, d'après Roland de la Platière \ avoir été plus spé-
cialement employés à donner le retors ou second tors aux
1 Encyclopédie méthodique, Manufactures, t II, article Retordage, pi. *»
3 et 4, rédigé trente ans au moins après l'époque où écrivait Vau-
canson.
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MACHINES ET OUTILS. 41
fils doubles de laine, de coton, de filoselle , destinés à la cou-
ture ou à former la chaîne de certaines étoffes, etc.
Dans un mémoire publié parmi ceux de Y Académie des
sciences pour 1761 (p. 121), Vaucanson adresse aux moulins
à organsiner de son temps, qui avaient, dit-il, jusqu'à 24 pieds
de diamètre et 160 broches ou fuseaux par vargue ou ran-
gée horizontale , divers reproches souvent cités, mais qu'il est
utile de résumer ici, parce qu'ils attestent, en effet, que ces
moulins n'étaient alors ni généralement doubles ni toujours
munis de va-et-vient, comme l'indique Y Encyclopédie, et que
réellement ils se subdivisaient en moulins distincts de premier
apprêt ou tors, mus par des strafins, et en moulins de deuxième
apprêt, mus par des cordes ou des courroies sans fin :
i° Les strafins et courroies n'agissent pas avec la continuité
qui serait indispensable pour imprimer aux broches, mal as-
sujetties sur leurs crapaudines ou épaulements et situées à des
distances inégales de l'arbre moteur, les vitesses rigoureuse-
ment uniformes réclamées par l'égalité du tors; 20 les fils
montant obliquement, et sous des angles divers, des fuseaux
aux guindres ou aux rangées de roquelles supérieures, don-
nent lieu forcément encore à des inégalités correspondantes
dans le tors; 3° l'excentrique du va-et-vient que comportent
les moulins de premier apprêt étant circulaire , il en résulte
des hélices irrégulières, une distribution inégale du fil sur
les roquelles, où il s'accumule principalement aux deux bouts,
ce qui constitue une nouvelle cause d'inégalité dans le tirage
et le tors des fils, cause à laquelle vient s'ajouter celle qui est
due au grossissement progressif des mêmes roquelles, puisque
en augmentant vers la fin de 7 environ l'étirage ou dévidage
des fuseaux, il diminue d'autant le tors proportionnel du fil;
4° la fixité des guindres du deuxième apprêt, dans le sens
longitudinal , et l'absence du va-et-vient , remplacé par une
barre à guides ou barbins immobile, font que le fil ne s'y dé-
veloppe que sur une très-petite largeur, s'y accumule irrégu-
lièrement en écheveaux pointus ou en talus, quand, selon
l'usage des grands établissements d'alors, on se dispense de
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42 VP JUUY.
les copier fréquemment , opération qui , exigeant qu'on les fasse
glisser le long des lames de guindres pour faire place à
de nouveaux écheveaux, est très-difficile sans savonnage»
dommageable même à cause de l'adhérence et du frottement
contractés par les fils sous l'influence d'une pression accu-
mulée, etc.; 5° enfin, la diversité de tors nécessaire aux fils
de différentes natures, et qui exige un changement corres-
pondant dans la vitesse rotatoire constante des roquelles ou
des guindres ren videurs, ne peut s'opérer dans les anciens
moulins qu'en changeant à la fois tous les engrenages ou
pon8onnelles dont ils tirent directement le mouvement; ce qui
occasionne une longue suspension de travail, etc.
Vaucanson affirme, dans le mémoire précité, être parvenu
à corriger tous ces défauts dans des moulins rectangulaires
ou à deux faces planes verticales et parallèles, distantes de
i5 pouces seulement et longues de 1 5 pieds, établis dès iy5o
dans la manufacture royale d'Aubenas, où l'on produisait
effectivement des organsins que Lyon aurait préférés même
à ceux du Piémont, d'après le témoignage des contemporains.
Malheureusement, notre célèbre compatriote, nommé associé
de l'Académie des sciences en 1 758, et qui n'avait pas dédaigné
auparavant (1738 et 17^8) de publier deux écrits contenant
la description des automates qui firent tant de bruit en Europe,
a cru devoir garder le silence sur la nature des mécanismes
qu'il avait mis en usage pour atteindre le but indiqué dans
son mémoire de 17&1, terminé par une invitation au gou-
vernement de Louis XV de rendre ses nouvelles découvertes
profitables à l'industrie, en supportant la première dépense
d'installation pour quelques-unes des manufactures d'organ-
sin déjà établies. La seule chose qui ressorte nettement tie ce
dernier écrit, c'est que, d'une part, Vaucanson substitue aux
courroies et aux strafins des anciens moulins, la chaîne sans
fin à maillons de fil de fer qui porte son nom, et pour laquelle
il avait imaginé, comme on l'a vu, une ingénieuse machine
servant à la fabriquer, pour ainsi dire, automatiquement et
avec une précision telle, qu'elle pût engrener, avec de petites
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MACHINES ET OUTILS. 43
roues, des molettes à dents, en corne ou en cuir fort, montées
sur les broches des fuseaux; d'autre part, c'est qu'il remplace
dans le nouveau moulin l'excentrique circulaire par un sec-
teur denté, agissant alternativement sur les branches d'une
crémaillère double, donnant un mouvement de va-et-vient,
ici uniforme, à la tige porte-barbins : système, au surplus,
déjà proposé en i588 par Ramelli1 pour faire mouvoir des
pompes doubles , mais qui , en raison des chocs , offre de bien
graves inconvénients, même dans le moulinage de la soie, et
que Vaucanson a bientôt remplacé par un excentrique en cœur,
poussant une tige à contre-poids de recul et roulettes de fric-
tion, dans le modèle dont il sera parlé ci-après.
Quant aux mécanismes par lesquels notre célèbre compa-
triote prétendait faire varier la vitesse des roquelles, à chacune
des circonvolutions ou couches cylindriques du (il sur leur
contour, en raison inverse du grossissement ou diamètre; chan-
ger à volonté le degré de tors par le déplacement d'un rouage
denté ; faire glisser, à l'aide d'une détente et de toute la largeur
des écheveaux, réduite à dix lignes, les barres de guide ou
porte-barbins servant à distribuer les (ils sur le guindre, après
un certain nombre de révolutions marquées par un compteur;
enfin suspendre complètement le jeu de la machine à l'aide
de ce compteur, qui sert aussi à avertir par une sonnerie quand
il devient nécessaire de remplacer les guindres pleins par
d'autres vides; à l'égard, dis-je, de ces divers mécanismes, le
mémoire de Vaucanson ne renferme aucune indication qui
mette sur la voie des moyens employés, et, pour s'en faire
une idée un peu nette, il est indispensable de recourir au
modèle en petit existant aujourd'hui encore au Conserva*
1 Le disent etariificiose machiné, in-folio, publié en français et en italien
à Paris, chez Fauteur, avec privilège. Ramelli fait un grand usage, dans la
première partie de son livre, de crémaillères accouplées ou non accouplées,
qu'il fait mouvoir souvent au moyen d*un arbre tournant muni de deux por-
tions de vis a filets dirigées en sens contraire, mais grâce auxquelles le choc
alternatif des secteurs est substitué aux frottements non moins rudes des
filets contre les mentonnets ou dents de la crémaillère.
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M VP JURY.
toi re des arts et métiers de Paris, modèle à la vérité mutilé
et qui attend une restauration, une description satisfaisantes,
dont il me parait digne au point de vue historique des pro-
grès accomplis dans la filature automatique.
S V. — Modèle du moulin droit de Vaucanson (1760 à 1770), tel qu'il
existe au Conservatoire des arts et métiers de Paris. — Vundermonde cl
Molard, successeurs de Vaucanson; MM. Borgnis et Alcan.
Ce modèle, qui provient de l'ancien magasin des machines
établi, vers 1775, dans le faubourg Saint -Antoine1 par les
soins de Vaucanson, auquel succédèrent plus tard Vander-
monde et Molard, était probablement destiné à répandre la
connaissance des nouveaux procédés de moulinage dans les
filatures et manufactures de soieries dont Vaucanson avait été,
sous Louis XV, l'inspecteur général avant Roland de la Pla-
tière. Il se compose de deux parties ou moulins distincts,
disposés parallèlement, ayant chacun deux étages à double
rang de fuseaux , mus par un même arbre de couche trans-
versal, établi à la partie supérieure des cadres ou châssis qui
constituent la grosse charpente, le bâti fixe delà machine, et
dont les extrémités sont armées de roues d'angle, à chevilles
de bois , faisant tourner les arbres verticaux en fer, qui sont
les véritables moteurs des deux moulins, destinés respective-
ment : l'un, au premier tors ou apprêt de la soie, qui est
muni à cet effet d'un double rang de roquelles horizontales
à chaque étage; l'autre, au deuxième apprêt, et dans lequel
les rangées de roquelles sont remplacées par des guindres ho-
rizontaux. Chacun de ces arbres moteurs porte de grandes
poulies horizontales, à gorge unie et cylindrique en bois,
placées vis-à-vis de chacune des doubles rangées de broches ou
fuseaux, qu'elles font tourner. simultanément, au moyen des
chaînes sans fin dont il a déjà été parlé, et que dirigent, à
l'extrémité opposée du métier, d'autres grandes poulies de
1 Rue de Charonne, dans un hôtel habité successivement par les acadé-
miciens cités dans le teite, et qui porte aujourd'hui encore le nom de Km-
canson (ci-devant hôtel de Mortayne).
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MACHINES ET OUTILS. 45
guide à vis de rappel, pour régulariser de loin en loin la
tension des chaînes, et, intermédiairement, de petits rouleaux
guides à rebords, précédés d'un dernier rouleau de tension
voisin de la poulie motrice. Ce dernier rouleau est fixé à l'ex-
trémité d'un levier horizontal que presse constamment un
ressort, dont la détente brusque, ainsi que celle de la chaîne,
s'opère par un encliquetage ingénieux , mais compliqué, formé
d'un verrou tournant, vertical, armé d'ailettes et de repous-
soirs à ressorts mis en action par un système de leviers hori-
zontaux, à contre-poids et à bascule, contre le dernier des-
quels vient presser, d'en haut, une tige verticale descendante,
au moment précis où le moulin attenant doit être arrêté pour
regarnir les fuseaux, rattacher les (ils rompus, etc.
Mais , comme il importe que le mouvement de l'arbre mo-
teur vertical de ce moulin puisse être suspendu aux mêmes
instants, la roue d'angle supérieure de cet arbre est rendue
folle à volonté, au moyen d'un embrayage à doubles griffes ou
tenons montés sur un manchon à gorge, mobile par glisse-
ment, qu'un ressort à boudin enveloppant l'arbre pousse
constamment contre la platine en cuivre dont l'épaulement
inférieur de la roue d'angle est muni; platine, à l'inverse,
percée de deux mortaises diamétralement opposées, d'où les
tenons ne se dégagent qu'à l'instant où l'on vient à lâcher un
levier, une bascule à contre-poids, embrassant la gorge du man-
chon; ce levier, dans sa chute, forçant le ressort à se replier
brusquement sur lui-même.
L'embrayage dont il s'agit est d'autant plus remarquable,
qu'il date d'une époque où la construction des machines était
encore peu avancée, et qu'il a été imité depuis dans son prin-
cipal moyen de solution ; mais, quel qu'en soit le mérite, l'exa-
men attentif que j'ai pu faire de celte partie du mécanisme
ne m'a cependant pas permis d'apercevoir, avec MM. Borgnis
et Àlcan1, comment le ressort à boudins, aussi bien que la
1 Traité complet de mécanique appliquée aux arts, t VII, 1820, p. 170;
Essai sur ïindastrie des matières textiles, 1847, P* 386 et 387.
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46 VT JURY.
détente élastique des rouleaux de tension des chaînes mo-
trices , pouvait devenir la source d'une régularisation quel-
conque du mouvement {les roquelles et des fuseaux dans le
moulin de premier apprêt , où , d'après les vues de Vaucanson ,
ils semblent servir uniquement à suspendre ce même mou-
vement, à volonté et simultanément, aux deux étages du mou-
lin, entre lesquels se trouve établie, par une transmission de
tringles, de varlets ou verroux tournants, une solidarité né-
cessaire quant aux moyens de détente et de débrayage.'
Ajoutons qu'il m'a pareillement été impossible d'aperce-
voir, dans aucune autre partie de ce moulin de premier tors
rien qui ressemble à un mécanisme propre à faire varier gra-
duellement la vitesse angulaire des roquelles pendant la marche
même de la machine, c'est-à-dire au fur et à mesure daren-
videment des fils sur leur contour, ici déterminé par lf oscilla-
tion lente qu'un excentrique ou came en cœar imprime , de
part et d'autre, aux roulettes dont sont munis les prolonge-
ments de deux côtés opposés d'un parallélogramme, articulé
et horizontal, qui transmet le mouvement de va-et-vient à un
autre système de tringles, de varlets également articulés, rappe-
lant le dispositif de l'ancienne machine de Marly, et mettant
finalement en jeu, à chaque étage, le châssis horizontal très-
léger et très-mobile qui porte, sur un double rang, les bar-
bins guides des fils. Rien enfin ne laisse même soupçonner,
dans le dispositif du modèle , l'intention nettement indiquée
au mémoire de Vaucanson , d'employer le va-et-vient à ralen-
tir, après chaque oscillation, le mouvement des roquelles par
l'un des ingénieux systèmes à crémaillères, à comptage, etc.,
aujourd'hui employés dans les filatures, et dont on aperçoit
seulement quelques traces dans le modèle du moulin de
deuxième tors , qui sera décrit ci-après. Aussi, j'aime mieux
supposer, ou que le modèle qui nous occupe ne contient en
réalité que les essais de solution qui ont précédé le mémoire
de 1751, ou que Vaucanson, instruit par une plus longue
expérience, aura, pour le premier apprêt de la soie, renoncé
à la rigoureuse égalisation du tors, si nécessaire quand il
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MACHINES ET OUTILS- 47
s'agit de gros fils, et qu'à une difficile et onéreuse per-
fection il aura préféré, comme cela se fait aujourd'hui en-
core pour l'organsin , la simplicité qui résulte soit de l'agran-
dissement du diamètre des roquelles et des bobines de fuseaux ,
soit de la réduction plus ou moins appréciable de l'épaisseur
des différentes couches de (il qui s'y enroulent ou s'en dé-
vident respectivement.
Quant au mécanisme ingénieux par lequel Vaucanson évite,
dans son modèle, le changement complet de rouages qui avait
lieu dans l'ancien moulin, et parvient à faire varier dans six
proportions différentes le degré de tors des fils, il se trouve
décrit avec beaucoup d'exactitude dans les ouvrages cités de
MM. Borgnis et Alcan, et il me suffira de rappeler qu'il con-
siste dans l'emploi d'une fusée à six roues dentées, décroissant
en diamètre de bas en haut, montée sur un deuxième arbre
carré vertical qui conduit par un engrenage inférieur l'arbre
moteur du moulin , et contre lequel cette fusée est maintenue
par des vis de pression à une hauteur qui permet à l'une
quelconque des six roues d'engrener avec un équipage d'autres
roues horizontales établi sur une plate -forme susceptible
d'être déplacée, au besoin, d'une petite quantité angulaire,
autour d'uQ troisième arbret vertical qui, par un dernier
rouage d'angle, donne l'impulsion aux deux rangées paral-
lèles et horizontales des roquelles supérieures.
Remarquons, enfin, que le moulin de premier apprêt qui
vient de nous occuper se trouve entièrement privé des or-
ganes à l'aide desquels il pourrait être spontanément réduit
au repos à des intervalles déterminés par le grossissement des
roquelles, tandis que ces organes existent, au contraire, dans
le moulin de deuxième apprêt, dont, à ce point de vue principa-
lement, il me reste à donner une idée, afin de compléter les
notions qui peuvent servir à faire connaître avec une certaine
précision l'état d'avancement où se trouvait vers le milieu
du siècle précédent la partie de la mécanique qui concerne
plus spécialement la composition ou les organes de .transmis-
sion des machines.
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48 VI- JURY.
En voyant, au surplus, le soin avec lequel Vaucanson a
traité, dans le second de ses modèles, tout ce qui est relatif au
mécanisme compteur servant à distribuer le fil, en écheveaux
distincts, sur les guindres, conformément à ce qui est an-
noncé dans le texte de son mémoire, on ne peut s'empêcher
de regretter que les auteurs déjà plusieurs fois cités se soient
abstenus d'en donner une description et des dessins, qui au-
jourd'hui même eussent été pleins d'intérêt pour les cons-
tructeurs de moulins à organsiner la soie. Que Ton me per-
mette donc de réparer ici, bien imparfaitement sans doute,
un oubli si préjudiciable à la renommée de l'inventeur et à
notre propre gloire nationale.
Rappelons tout d'abord que le système général du bâti, de
l'arbre moteur principal, des poulies, des chaînes de trans-
mission , de l'embrayage à griffes et des rouleaux de tension ,
à déclic, sont dans le second moulin, à très-peu de chose
près, tels que nous les avons déjà décrits pour le précédent.
Remarquons ensuite que la fusée des roues de rechange et
l'équipage à platine tournante, par lequel le mouvement est
transmis aux roquelles ou aux couples de guindres qui en tien-
nent lieu ici, sont remplacés par un dispositif beaucoup plus
simple , qu'on retrouve dans les machines anglaises à organ-
siner et dans le système de quadrature à roue de rechange des
tours à fileter. Mais ce qu'il importe surtout de remarquer,
c'est que le mécanisme du va-et-vient, l'excentrique en cœur,
est ici rattaché directement au mécanisme compteur qui fait
agir les détentes d'embrayage après un nombre déterminé
de révolutions des guindres, et sert intermédiairement, par
une ingénieuse combinaison de crémaillères dentées, à im-
primer au châssis porte-guides des fils, outre le mouvement
lent de va-et-vient que nécessite la formation régulière de
chacun des écheveaux, le mouvement progressif et intermit-
tent qui, à des intervalles réglés, oblige ces mêmes fils à
changer brusquement de place pour recommencer une nou-
velle rangée d'écheveaux sur les guindres , conformément à
ce qui est annoncé dans le mémoire de Vaucanson.
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MACHINES ET OUTILS. 49
Dans ce but, Tune des roues extrêmes par lesquelles les
arbres horizontaux et parallèles du couple de guindres prin-
cipal se commandent réciproquement, fait mouvoir un comp-
teur à vis sans fin, dont la roue verticale, à dents très-serrées,
conduit, avec beaucoup de douceur, l'arbre horizontal qui
porte l'excen trique en coeur agissant , à peu près comme dans
le premier modèle et de part et d'autre, contre les roulettes
inférieures d'un parallélogramme articulé, lequel, par une
transmission de tringles et de leviers situés au-dessous et dans
le même plan vertical, donne le mouvement de va-et-vient à
la tige horizontale de l'une des crémaillères dont il a déjà été
parlé : cette tige saisit, par enfourchement de l'un de ses
•crans, la partie saillante d'une lame de fer verticale fixée à
l'extrémité correspondante du châssis porte-barbins, que solli-
cite un contre-poids de recul suspendu k un cordon passant sur
une poulie de renvoi postérieure : l'axe horizontal de cette
poulie faisant système avec le levier articulé, vertical, qui
pousse directement la tige ou manche horizontal de la cré-
maillère, il en résulte un dispositif très-simple qui assure évi-
demment le va-et-vient du distributeur des fils, quelque soit
celui des crans de cette crémaillère qui se trouve engagé.
Pour concevoir d'ailleurs comment peut s'opérer le chan-
gement de cran qui produit le déplacement simultané des
guides et des écheveaux, il faut remarquer que la partie den-
tée et antérieure de la crémaillère forme, en dessous, un talus
dont les pleins peuvent glisser sur la lame d'arrêt du châssis
porte-barbins, lorsqu'elle vient à être soulevée par la tige ver-
ticale qu'une autre crémaillère ou segment denté, aussi ver-
tical , tournant autour d'un axe fixe , soutient et met en action ,
de loin en loin, à chacun des passages d'une came montée
sur l'arbre horizontal d'un nouveau compteur placé paral-
lèlement au-dessus du précédent, et dont il reçoit le mouve-
ment à l'aide d'une roue verticale étoilée sur laquelle agit, à
son tour, par échappement, une nouvelle came fixée à l'arbre
de ce dernier compteur. Il est évident, en effet, que, à chacun
des soulèvements de la crémaillère horizontale et inférieure,
Tl* JURY. — 2* PARTIE. 4
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50 VI- JURY.
le châssis porte-barbins, sollicité par son contre-poids, reculera
de tout l'intervalle plein ménagé entre les crans voisins et
correspondants de cette crémaillère, dont les talus sont pro-
portionnés aux degrés successifs d'élévation du segment denté-
supérieur. Mais ce n'est pas tout, ce segment ou secteur, à
mesure qu'il s'élève d'une dent sous l'action de sa came, com-
munique progressivement, et par le prolongement sensible-
ment horizontal du bras qui le supporte, un mouvement
successif d'abaissement à la tige verticale qui met en jeu „
comme on l'a vu pour le premier modèle, le système général
de désembrayage du manchon à griffe et des chaînes sans (in
motrices.
Maintenant, on doit comprendre aussi comment, à l'aide
de modifications, de simplifications même, faciles à saisir, le
mécanisme de comptage, dont les roues dentées, entièrement
métalliques, sont exécutées avec une précision très-remarquable
pour l'époque, pouvait également servir à suspendre sponta-
nément, à des intervalles réglés à l'avance, le mouvement
des roquelles et des fuseaux dans le moulin de premier ap-
prêt, et comment ce même compteur a pu mettre en action
la sonnerie d'éveil ou d'avertissement mentionnée dans le
mémoire de Vaucanson. D'un autre côté, comme on ne sau-
rait suspecter la véracité de ce grand mécanicien dans un
écrit lu en pleine Académie, publié immédiatement dans le
Mercure de France, et soumis ainsi au contrôle, à la critique
des contemporains, il faut bien admettre comme conséquence
que dans le moulin de premier apprêt, établi dès 1750 à
la manufacture d'Aubenas, il avait effectivement résolu le
problème qui consiste à faire varier la vitesse des roquelles
en raison inverse du grossissement de leur diamètre , quoiqu'il
n'en existe aucune trace patente dans le modèle dû Conserva-
toire clés arts et métiers de Paris ; de sorte qu'il est impossible
de lui refuser l'honneur d'avoir, le premier, ouvert la route
aux immenses perfectionnements dont le banc à broches et
les continues à filer le coton ont, comme on l'a vu (Intro-
duction générale) , été l'objet dans ces derniers temps.
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MACHINES ET OUTILS. 51
On comprendra mieux encore la portée des vues et la puis-
sance d'invention de Vaucanson, si nous faisons remarquer
dès à présent que l'on trouve dans ses anciens cartons, égale-
ment déposés au Conservatoire, un dessin à grande échelle
d'un engrenage à mouvement différentiel, dont les constructeurs
de machines ont depuis, comme on l'a vu encore, fait une utile
application à ce même banc à broches, et dont notre ingénieux
et regrettable M. Pecqueur a tiré un si bon parti pour la solu-
tion de savants problèmes concernant l'horlogerie pratique et
la science des machines1. Ce dessin, en effet, contient tous
les détails nécessaires à l'exécution d'un engrenage de ce
genre, composé de deux roues parallèles montées, d'une ma-
nière indépendante, sur un même arbre autour duquel elles
tournent librement, et qui engrènent de part et d'autre avec
un pignon monté à angle droit sur l'extrémité d'un bras fixé à
cet arbre, dont la vitesse , le mouvement angulaire peut être lié
à celui des deux roues, dans des proportions aussi petites et
aussi grandes qu'on le désire, par l'addition ou la soustraction
opérées en vertu du mouvement relatif des trois roues, etc.
Malheureusement, la partie supérieure du dessin ayant
été enlevée, il est impossible de deviner à quelle application
Vaucanson destinait son système d'engrenages différentiels,
nommés quelquefois roues planétaires; mais si Ton en juge
parie génie et la science dont sont empreintes ses diverses in-
ventions, notamment sa machine à tisser automate, dont nous
aurons à nous occuper dans une autre partie de ces recherches
historiques, on sera tenté de croire que cette application a
pu servir de type et de point de départ aux combinaisons
qu'on admire, ajustes titres, dans quelques machines mo-
1 Le mémoire adressé à ce sujet à f Académie des sciences par cet habile
mécanicien a été en 1818, de la part de l'illustre Prony, l'objet d'un rap-
port on ne peut plus favorable, et où la matière se trouve particulièrement
approfondie*. Depuis, les rouages planétaires ont attiré l'attention des indus-
triels et des savants, parmi lesquels je me contenterai de citer, dans l'ordre de
date, MM. Perrelet, Francceur et Wiilis, l'auteur déjà cité d'un Traité de
cwémvtiqae publié en anglais ( 1 8à 1 )*
à.
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52 VI# JURY.
dernes où Ton s'est proposé d'éviter la multiplication des
rouages et des frottements qui en résultent
S VI. — Critiques adressées aux machines de Vaucanson. — Roland de la
Platière, Villard, Rival, Gentet et Jes frères Juhié de la Sône.
Roland de la Platière, dont la portée d'esprit et les con-
naissances en mécanique n'étaient point fort étendues, mais
qui, en réalité, a rendu de grands services à l'industrie natio-
nale par la publication de ses traités encyclopédiques de 1760
et 1784, Roland de la Platière, disje, n'a guère cité les ma-
chines à ouvrer la soie, de Vaucanson et de ses imitateurs»
que pour les critiquer : il ne pensait pas que l'on pût faire
mieux que le Piémont, dont le moulin rond était générale-
ment en usage à l'époque où il écrivait (1784). Cet état de
choses, qui a continué bien longtemps encore, malgré les im-
menses progrès accomplis, même en France, dans les diverses
branches d'industries qui tiennent à la mécanique , cet état
de choses fâcheux a été attribué à diverses causes que je n'en-
treprendrai pas d'approfondir ici*, mais dont la principale doit
tenir non pas tant à l'influence exercée par les écrits de Ro-
land de la Platière qu'à l'isolement, à la dissémination même
où le filage et lemoulinage de la soie sont demeurés en France
bien plus encore qu'en Italie, dont les graùdes manufactures
avaient été prises pour modèles, par Vaucanson, dans le cé-
lèbre établissement d'Aubenas.
Selon Roland de la Platière lui-même, la chute de cet éta-
blissement fut bien moins due à l'imperfection des produits ,
que Lyon prisait au-dessus de ceux du Piémont, qu'à la cherté
du prix de revient , occasionné par l'achat et l'entretien des
machines, dont les parties essentielles, les chaînes motrices
notamment, tirées à grands frais de Paris, exigeaient de fré-
quentes réparations, qui, ne pouvant être opérées sur place»
forçaient à suspendre totalement ou à ralentir considérable-
ment la marche des fuseaux, etc. C'est au moins ce que l'on
peut conclure du rapprochement de divers passages contra-
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MACHINES ET OUTILS. 53
dictoires et diffus de ï Encyclopédie méthodique1, où cet ancien
inspecteur des manufactures, devenu depuis, comme on sait,
ministre sous la première Constituante, présente un parallèle
entre les machines de Vaucanson et celles que le sieur Villard
avait établies, en 1765, dans la manufacture d'organsin de
Salon (Bouches-du-Rhône), rivale de la filature d'Aubenas,
et dont il préfère, non sans quelques réticçnces et hésitations,
les procédés de filage et d'ouvraison , en se fondant sur des
motifs qui peuvent se résumer ainsi :
i° Dans le tour à dévider les cocons de Villard, on a fixé
invariablement à vingt-trois le nombre des hélices de la
double croisure empruntée à Vaucanson, au moyen d'un
mécanisme qui ne laisse rien d 'arbitraire à la fileuse, le nombre
impair des hélices ayant, aux yeux de l'inventeur, de grands
avantages pour diminuer, sinon supprimer, les mariages?
2° l'asple de ce tour a été remplacé par deux bobines où le fil
est rouie en zigzags, et qui, pleines, sont ensuite rangées
& par 4 en arrière , pour subir immédiatement un dévidage ou
un doublage, également en zigzags, sur de nouvelles bobines
mises en action par le même mécanisme, qui supprime ainsi
l'ancien dévidage automatique, etc.; 3° enfin, et ceci est ca-
pital , le moulin rond du Piémont est maintenu dans ses formes
et proportions essentielles, mais on y supprime les coronnelles,
que l'adhérence naturelle du fil sur les bobines ainsi préparées
suffit pour maintenir tendu, et l'on y remplace le renflement
des broches par des parties cylindriques, au contraire amin-
cies pour augmenter, doubler la vitesse des fuseaux, etc.
Les machines de Villard , encouragées par le Gouvernement ,
soumises en 1780 et 1781 à l'Académie royale des sciences3,
ayant été accueillies par elle et par le public avec des éloges
qui n'étaient pas sans réserves, surtout en ce qui concerne le
1 Manufactures et arts, t. II, article Soie, p. iS*j et 163, complément de
ce volume, p. 97, 103 et suiv.
* Voiries rapports de Vandermonde qui ont été l'objet d'une réclamation
«le l'auteur, dans laquelle il se plaint de l'intervention occulte de Vaucanson,
qu'il avait récusé comme commissaire.
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54 VI- JURY.
ralentissement produit dans le travail, sur le tour de cet in-
dustriel, par la purge que nécessite le dévidage simultané des
premières sur les secondes bobines, cela fit revenir Roland
de la Platière, qui ne les avait pas vues fonctionner, de la
prédilection qu'il avait d'abord montrée en leur faveur, et il
s'empressa, dans le Supplément à son Traité encylopédique de
la soie, imprimé vers 1786, de reconnaître la supériorité
des machines dues à un autre filateur célèbre, le sieur Rival,
Lyonnais, exécutées en grand et qui fonctionnaient aux yeux
du public, plusieurs années avant 1784» à Neuville-l'Arche-
véque, près de Lyon ; machines que, sur le rapport de Roland,
l'Administration fit transporter à ses frais, vers 1788, à la
Sône (enDauphiné), dans la manufactqre des sieurs Jubié *,
« bel établissement, dit Roland, où , ainsi qu'à Romans, dans
«la même province, furent autrefois déposés par l'Àdminis-
« tration, pour leurs essais et usages constants et publics, les
«premiers moulins de M. de Vaucanson, qu'elle avait fait
« exécuter à ses frais. »
Tout ce qu'il est possible de tirer des éloges, factums et
divagations de l'auteur du Traité encyclopédique sur la soie,
c'est que : i° les tours à filer du sieur Rival étaient placés, à
la suite les uns des autres, au nombre de quarante ou cin-
quante, quand on pouvait utiliser une chute d'eau, ou au
nombre de huit seulement, quand on se servait d'une grande
roue mue à bras d'homme, etc.; 2° c'est que chacun de ces
tours, dont le mouvement pouvait d'ailleurs être suspendu au
gré de la fileuse, au moyen iune cheville, était essentielle-
ment constitué de deux asples ou guindres distincts, k dou-
bles écheveaux, adossés et tournant en sens contraire, afin de
déterminer un double courant d'air qui facilitait la prompte
1 Ces industriels sont les mêmes qui obtinrent, en Tan x, du Jury de l'ex-
position nationale, une médaille d'or pour des soies filées et organsins pré-
férés par le commerce pour la fabrication des étoffes les plus belles, et dont
la supériorité , d'après le rapporteur, était due à l'emploi des machines de Fon-
canson. Voyez la p. a S du Rapport de 1 806 , où la médaille cf or fut continuée
à ces habiles manufacturiers.
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MACHINES ET OUTILS. 55
dessiccation de la soie; 3° c'est que les moulins à organsiner
à huit guindres, de ce même industriel, avaient une forme
rectangulaire, analogue à celle des moulins de Vaucanson, et
que, comme eux, ils se mouvaient au moyen de grandes
poulies dont les chaînes sans fin étaient construites par des
procédés mécaniques particuliers, plus simples, moins dis-
pendieux, que ceux de ce célèbre ingénieur; 4° enfin, c'est
que les équipages de roues dentées de rechange, les comp-
teurs à crémaillères et à détentes que nous avons décrits
d'après le modèle du Conservatoire des arts et métiers, étaient
ici simplement remplacés par un système composé d'une
hélice montée sur l'arbre moteur vertical du moulin, en guise
de serpe continue, engrenant dans une petite ponsonnelle avec
laquelle elle formait ainsi une véritable vis sans fin, qui com-
muniquait, à son tour, le mouvement aux arbres des guindres
par des roues de rechange; dispositif qui rappelle, comme
on voit, celui des moulins du Piémont, un peu simplifié et
amélioré, quoique présentant toujours en frottements une
déperdition énorme de travail moteur : au moyen de fuseaux
d'une forme particulière qu'il n'indique pas, on peut, dit
Roland, tout à la fois filer, doubler et tordre la soie avec la ré-
gularité, la précision qui doit résulter de ces différents apprêts.
Pour acquérir des notions exactes sur l'importance de ces
modifications apportées au moulin de Vaucanson et recon-
naître jusqu'à quel point elles ont pu exercer de l'influence
sur le moulinage dans notre pays, il serait nécessaire de re-
cueillir sur place et de comparer entre eux les vestiges qu'ont
laissés dans les manufactures anciennes encore existantes les
prétendus perfectionnements du sieur Rival, ainsi que les
idées premières de son illustre devancier, idées dont l'abandon ,
malgré les encouragements de l'Administration d'alors , ne me
parait pas suffisamment justifier la sentence rigoureuse portée
contre elles par Roland de la Platière, et reproduite depuis
par divers auteurs *, qui, oubliant le sort réservé dès le début
1 Voir r endroit cité de l'Encyclopédie: Appendice, p. 157, ainsi que le
«. VII, p. 1 59, de l'ouvrage de Borgnis.
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56 VP JURY.
aux inventions et aux inventeurs les plus favorisés, ont moins
ou égard peut-être aux progrès dont ces idées contenaient le
germe, et à l'état encore si peu avancé de la construction des
machines, qu'aux résultats matériels d'une application immé-
diate, journalière et économique. Voici cette sentence :
« Le peu d'empressement des entrepreneurs de manufac-
« tures à en faire usage semble prouver que Vaucanson a plus
« travaillé en mécanicien qui cherche à se faire admirer des
« savants qu'en artiste qui doit être utile aux fabriques. Si la
« perfection a été son but, il paraît n'avoir compté pour rien
«les dépenses, les retards, les longueurs, les réparations; ce
«n'est pas calculer au profit des arts. »
11 n'en est pas moins vrai que les idées soi-disant théo-
riques de Vaucanson , par cela même qu'elles tendaient à une
précision mathématique, alors si négligée et aujourd'hui encore
si désirable et si difficile à atteindre, ont imprimé à l'indus-
trie mécanique de la soie une impulsion , une direction dont
le midi de la France conserve aujourd'hui même le reconnais-
sant souvenir, et qui n'a pas été , comme on l'a vu par antici-
pation , sans influence sur les progrès ultérieurs et assez ré-
cents des autres branches de filature. On se tromperait étran-
gement, d'ailleurs , si l'on voulait faire consister uniquement ce
progrès dans le perfectionnement matériel de tel ou tel organe
d'une machine, dans la substitution même d'un organe à un
autre, équivalent quant au but : par exemple, si l'on faisait
consister le principal mérite des innovations de Vaucanson
dans la simple substitution de la chaîne qui porte son nom
aux courroies et cordons sains fin des moulins piémontais;
car cette chaîne, à cause des difficultés d'exécution ou d'ins-
lallation, à cause de la discontinuité même de son action sur
les petits pignons des broches, est à peu près généralement
abandonnée aujourd'hui, où, loin de songer à la remplacer
par de plus invariables ou de plus simples, telles que celles de
feu Galle, graveur de la monnaie de Paris, on en est revenu à
l'ancien mode de transmission dans presque toutes les ma-
chines à filer, et cçla malgré les vices que lui a justement
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MACHINES ET OUTILS. 57
reprochés Vaucanson; vices dont le plus grave est, sans con-
tredit, le glissement, les inégalités et variations de tension
des cordons et courroies, qui ne sauraient se racheter que
par un surcroît correspondant de pression et de frottement
snr les axes ou surfaces d'appui , joint à un ralentissement
nécessaire de la vitesse de rotation des broches ou fuseaux.
U n'en est pas moins vrai, d'autre part, que, nonobstant
les progrès de l'industrie* on cherche aujourd'hui encore à
remplacer ce système de transmission par des combinaisons
invariables d'engrenages métalliques , dont l'idée fondamen-
tale rentre bien dans le cercle de celles de Vaucanson , tandis
que Ton circonscrit de plus en plus l'usage des cordons et
courroies en cuir sans fin aux transmissions à de certaines dis-
tances entre arbres moteurs principaux ou secondaires; cour-
roies dont, compote on l'a vu à différentes occasions, les An-
glais ont appris à se servir dans les plus puissantes machines, '
grâce à l'heureux mécanisme de l'embrayage à griffes et à
poulies folles qui leur est dû.
Malgré l'étendue déjà consacrée à l'exposé historique des
travaux de notre grand mécanicien, je ne puis néanmoins
me dispenser de mentionner celle des critiques contempo-
raines adressées à son mémoire de 1751 qui a dû lui causer
ie plus de peine, parce que, sortant de la plume d'un par-
tisan sans réserve des moulins à ouvrer la soie, elle contenait
des reproches de plagiat peu mérités, mais qu'il crut devoir
réfuter de point en point dans une pièce transcrite entière-
ment de sa main, et qui se trouve déposée, sans date ni
nom d'auteur, dans les archives, d'ailleurs si regrettablement
incomplètes, du Conservatoire des arts et métiers.
La partie de cet écrit où l'on combattes objections adressées-
par Vaucanson à l'ancien moulinage des soies était facile à
réfuter, parce que l'auteur anonyme n'avait pas pris garde
qu'elles s'appliquaient principalement aux grandes filatures
d'organsin, dont les machines, véritablement automatiques,
fonctionnaient dès 1750, nuit et jour, dans le Piémont. Pour
ce qui est du plagiat dont Vaucanson se serait rendu coupable,
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58 Vr JURY.
il consisterait uniquement en ce qu'avant lui , ou à peu près
dans le même temps, un sieur Gentet, fabricant à Lyon, au»
rait déjà rangé les fuseaux sur deux lignes parallèles ; ce à
quoi cet académicien répond qu'il s'agit là de véritables arcs
de cercle convergents, dont les fuseaux sont mus par courroies;
que les frères Jubié, autres mouliniers, sont en droit de dis-
puter Vidée de ce dispositif au sieur Genlet; et que, dans tous les
cas, l'invention de moulins ovales ou elliptiques a déjà ancien-
nement été mise à profit par les bonnetiers fabricants de bas
de soie. Enfin , Vaucanson , après avoir insisté sur les défauts
occasionnés par le glissement des courroies et des strafins,
dans les moulins piémontais, finit par déclarer que, malgré
la suspension de l'établissement d'Aubenas, il n'en regardait
pas moins le succès de ses machines comme consommé.
Ceci, on le voit, éclaircit un point d'histoire que les auteurs
avaient laissé obscur, et prouve que les moulins ovales doubles,
aujourd'hui encore en usage, sont contemporains de Vaucan-
son et véritablement d'origine française, quelle que soit d'ail-
leurs la part que Rival ait prise plus tard à leur perfection-
nement ou modification; mais cela note rien au mérite des
idées de notre savant ingénieur : d'abord, parce qu'il est posi-
tif, d'après tout ce qui précède , que les frères Jubié les avaient
plus ou moins mises à profit dans leur établissement de la
Sône; ensuite, parce que l'ancien moulin elliptique des bon-
netiers, et celui même de Gentet, étaient dépourvus de tous
les moyens de précision que Vaucanson avait introduits dans
les siens. Cet ancien moulin à manivelle des bonnetiers, cons-
truit sur une petite échelle, et à douze fuseaux seulement,
avait d'ailleurs été perfectionné par les Anglais dès avant
l'année 1784, où. écrivait Roland de la Platière, moyennant
l'addition d'un comptage à sonnerie analogue à celui qu'avait
auparavant imaginé Vaucanson , mais d'une construction moins
délicate, répondant à la simplicité même du but et à la peti-
tesse de la machine, où l'on ne craignait pas la répétition de
rouages dentés en fer, disposés à l'une des extrémités de
l'ovale, dans des plans verticaux parallèles : cet instrument ne
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MACHINES ET OUTILS. 59
comportait, en effet, ni vis sans fin ni crémaillère à détente
ou à transposition cTécheveaux ; il servait uniquement à régler,
d'une manière invariable, le nombre de tours des fils sur cha-
cun des écheveaux fixes du guindre, muni néanmoins d'un
va-et-vient à simple bouton d'excentrique ou de manivelle.
À une époque où l'usage des bas de soie était si générale-
ment répandu , l'ovale offrait aux bonnetiers d'immenses avan-
tages, puisqu'il les empêchait de recourir aux grands moulins
à organsiner, dont le tors rigoureusement fixé et les. écheveaux
de fils non comptés étaient une source inévitable de discus-
sions et de fraudes très-préjudiciables au commerce des soieries ,
qu'on n'évitait et qu'on n'évile malheureusement encore au-
jourd'hui, dans l'ancien moulin à guindres, qu'au moyen de
nouveaux dévidages en flottes et à tours comptés , opérés avant
ou après la teinture des fils organsins.
Il n'est peut-être pas sans intérêt, non plus, de faire obser-
ver que les frères Jubié, mentionnés dans la réplique ci-dessus
de Vaucanson , sont les mêmes fabricants dont Roland de la
Platière, dans ses Additions à l'article Soierie (p. io4) , parle
avec éloges et comme ayant, vers 1787, soumis à l'essai un
nouveau tour du sieur Tabarin , sur lequel nous aurons à re-
venir. Or, d'après la déclaration de l'inspecteur des manufac-
tures du Dauphiné, ces fabricants continuaient à se servir des
mécaniques de Vaucanson , phrase qui n'a plus aucun trait à
Rival et peut simplement désigner, ou les tours à filer de cet
ingénieur, ou certaines additions et modifications apportées
aux anciens moulins à organsiner, qu'il serait aujourd'hui
d'autant plus impossible d'apprécier que, probablement, il
n'existe pas plus de traces à la Sône qu'à Aubenas même
des machines diverses dont Roland de la Platière et Vaucanson
ont prétendu parier.
5 VII. — Moulin à soie de Le Payen, de Metz (1767); éloges accordés à son
livre par Duhamel du Monceau. — L'intendant de Bernage et le maréchal
de Belle-hle. — Les anciens doubloirs, purgeoirs, dévidoirs et cantres.
Avant de terminer ce sujet, je signalerai à l'attention du
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60 VP JURY.
lecteur les efforts tentés vers 1760 par Le Payée, de Metz,
pour enlever à l'ancien moulin rond les vices et imperfections
graves qui lui avaient été reprochés par Vaucanson dans sod
célèbre mémoire de 1751. Cet industriel, qui dès lors avait
imprimé une heureuse impulsion à la culture du mûrier et à
Téducation des vers à soie dans le pays Messin , publia en
1767, c'est-à-dire quelques années avant l'époque où Roland
de la Platière écrivait dans l'Encyclopédie, un remarquable
traité sur l'ouvraison des soies1, qui mérita, à juste titre,
les éloges de l'ancienne Société royale des sciences de Metz et de
l'illustre secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences de
Paris, Duhamel du Monceau. Cet ouvrage, devenu fort rare
aujourd'hui et qui a dû exercer de l'influence sur les progrès
du moulinage des soies en France, contient les premières no-
tions théoriques et pratiques exactes qui aient été publiées,
depuis le mémoire cité de Vaucanson , sur cette branche im-
portante d'industrie, où nous sommes restés pendant si
longtemps inférieurs aux Piémontais, grâce peut-être aux
informes et obscures publications de Roland dans l'Encyclo-
pédie méthodique.
En effet, YEssai sur le moulinage contient des notions saines
sur les règles ou principes du tors des grèges en trame et or-
gansins , c'est-à-dire soit quant au premier, soit quant au se-
cond apprêt. Il montre, en s'appuyant de l'autorité de Réau-
mur, de Duhamel , etc. , que le tors n'ajoute ici rien à la force
des fils, au contraire; qu'il doit se réduire, quant aux grèges, à
ce qui est strictement nécessaire pour éviter leur emmêlage et
cotonnage dans l'opération du décreusement, de la teinture,
des dévidages et frottements divers qu'elles ont à subir; que
le tors du deuxième apprêt doit, conformément aune opinion
déjà émise par M. Geoffons , de la Société royale des sciences à
Lyon, être à très- peu près égal, quoique contraire, à celui
1 Essai sur les moulins à soie, etc. , suivi de cinq Mémoires relatifs à la soie
et à la culture du mûrier, par M. Le Payen, procureur du roi au bureau des
finances de la généralité de Metz et Alsace; à Metz, chez Joseph Antoine,
imprimeur.
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MACHINES ET OUTILS. 61
du premier; qu'enfin l'étude des moulins piémontais et des
meilleurs organsins semble démontrer que deux révolutions
des fils en hélices par ligne de longueur, ou 900 environ par
mètre, doivent suffire, tant au premier qu'au deuxième apprêt,
pour les usages les plus ordinaires : ce nombre pouvant des-
cendre à la moitié ou s'élever au double dans les cas extrêmes.
Les critiques et les observations très- judicieuses que con-
tient ce chapitre d'introduction étaient bien propres à dé-
truire les préjugés et l'obscurité répandus sur cette matière.
Ce que Le Payen ajoute dans les deux dernières parties de
l'ouvrage, pour les règles à suivre dans la disposition des di-
vers éléments du moulin qu'il propose de substituer à celui
du Piémont, ne mérite pas moins d'attention sous le rapport
de l'exactitude des principes et de la nature des combinai-
sons adoptées par l'auteur pour mettre son système à l'abri
des reproches adressés par Vaucanson aux moulins à cage
ronde, dont il réduit considérablement les dimensions en
diamètre ou en hauteur, et qu'il simplifie en se servant
exclusivement du système des guindres ordinairement réservés
au deuxième apprêt, et auxquels ne saurait s'appliquer le
reproche relatif à l'inégalité de tors occasionné par la petitesse
du diamètre des roquelles horizontales qui y sont employées.
L'auteur préfère d'ailleurs la répétition d'un même système,
simple, de petites machines rondes et indépendantes, dans les
ateliers de filature, à l'emploi d'une machine unique, de
grande dimension, sujette à de fréquents chômages et dont
le moulin piémontais offrait le fâcheux exemple.
Le nouveau système, rond ou ovale, de fauteur se trouvait
ainsi composé d'arcs de cercle d'un faible diamètre, 2 mètres
environ, à une ou deux vargues étagées, chacune de 76 fu-
seaux et de A guindres; le tout mis en mouvement par un
double système de cordes sans fin, dont les poulies motrices,
à gorges multiples et angulaires, formaient, aux extrémités
de la machine, deux doubles fusées coniques qui permettaient
de faire varier le tors avec la nature de la préparation. Ces
cordes ou cordonnets, d'environ 2 millimètres de diamètre,
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62 Vi# JURY.
en soie très-flexible, maintenus sur les gorges de poulies par
un système fort ingénieux, quoique compliqué, de chariots à
contre-poids de recul ou de tension , communiquaient simul-
tanément la vitesse rotatoire , dans des proportion» calculées
par Fauteur, aux axes des fuseaux, des guindres supérieurs,
du va-et- vient, ainsi que du compte-toars à sonnerie qui sur-
montait le moulin et qui avertissait de l'instant où les guindres
avaient accompli leur 2 400*"16 révolution, dont chacune of-
frait à peu près 1 mètre de développement.
L'ouvrage de Le Payen contient, d'ailleurs, une description
claire de l'ingénieux dispositif du coronnelle, dont l'invention,
si importante et si mal appréciée par les auteurs modernes,
remonte à une époque très-reculée, anté^eure peut-être à
l'introduction du moulinage des soies en Italie. Le dispositif
des bobines légèrement évidées au centre, celui des broches,
fuseaux qui les supportent, de leurs collets, pivots et crapau-
dînes en cuivre, est surtout remarquable par sa fixité, qui
ne lui permet plus d'osciller, de vibrer, sous l'influence des
1 iOO révolutions qu'il accomplit par minute, régulièrement
assurées, ajoute Le Payen , par le cordon moteur qui embrasse
la gorge angulaire de petites poulies à angle aigu en cuivre ,
exécutées avec beaucoup de précision et montées sur chacun
des axes de fuseaux, dont l'écartement a pu être réduit à la
moitié (o*\o8) de celui des anciens moulins, sans courir le
risque des glissements occasionnés par les inégalités de tension
et la largeur ordinaire des courroies.
Mais ce qu'il y a particulièrement de remarquable et pro-
bablement de neuf dans YEssai sar les moulins à soie, c'est le
système du châssis mobile porte-barbins ou distributeur des
fils sur les guindres, dont le va-et-vient, au lieu d'être mis en
action par bielle et manivelle comme dans l'ancien tour et
l'ancien dévidoir piémontais , ou par des crémaillères dou-
bles, par une came en cœur comme dans l'ingénieux moulin
de Vaucanson , reçoit ici un mouvement uniforme alternatif
d'une goupille verticale à roulette, conduite par une rainure
à deux arcs d'hélices dirigés en sens contraire et se rencon-
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MACHINES ET OUTILS. 63
irant, en deux points opposés, sur la surface d'un cylindre
horizontal en bois dur placé immédiatement au-dessous de
Taxe du châssis porte-guides, et qui reçoit un mouvement uni-
forme, très-lent, de la poulie à cordon sans fin qu'il porte à
une de ses extrémités. Le tracé et la théorie très-exacts de cet
organe , qui se trouvent ici exposés avec méthode et clarté ,
les règles et proportions prescrites en vue d atteindre le but
de la distribution régulière du fil sur les écheveaux, prou-
vent, ainsi que les autres parties de l'ouvrage, que l'auteur
n'a rien laissé au hasard, et qu7il avait appliqué et pratiqué
les méthodes qu'il préconise.
Tout cet ensemble de dispositifs constituait, on le voit,
pour l'époque, un progrès véritable dans l'art de construire
des machines à tordre ou mouliner les soies , quoiqu'on y
aperçoive encore l'emploi de l'engrenage d'angle à chevilles
et lanterne en bois comme point de départ moteur, ou trans-
mission première du mouvement; système antique mais impar-
fait, dont les modèles de Vaucanson étaient aussi entachés, et
qui aujourd'hui encore n'est point entièrement abandonné,
malgré l'irrégularité de vitesse à laquelle il donne forcément
lieu. En revanche , l'introduction des poulies à gorge et cordon-
nets de soie déliés, en quelque sorte sans résistance ni glis-
sement et accompagnés de moyens d'égaliser la tension , cons-
tituait un progrès véritable pour l'époque de 1767, où la
construction des grandes machines à filer était encore si peu
avancée même en Angleterre.
Beaucoup de personnes peuvent encore se souvenir que
M. Le Payen avait installé à Metz, dans l'établissement hy-
draulique dit de la haute Seille , un système de moulinage
automatique de la soie qui a longtemps fonctionné; que ses
exemples, ses enseignements sur la culture et la greffe des
mûriers, sur le ver à soie et sa graine, avaient été mis à profit
par d'autres propriétaires du pays Messin. On sait aussi que
l'état de prospérité où, à partir de 1754, s'y était élevée la pro-
duction de la soie , sous l'impulsion patriotique de cet esti-
mable citoyen, n'a cessé qu'après l'époque où l'hiver rigou-
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64 VT JURY.
reux de 1788 compromit entièrement la récolte des mûriers;
circonstance d'autant plus fâcheuse que la révolution politique
qui suivit de si près apporta de nouvelles et irrémédiables
entraves à la propagation de l'industrie précieuse de la soie
dans une contrée aussi favorablement disposée par la culture
étendue qui s'y fait de la vigne et des arbres à fruits, depuis
un temps immémorial. C'est ce qu'avait parfaitement compris ,
au surplus , le fondateur de l'ancienne Société royale des sciences
de Metz, le maréchal duc de Bclle-Isle , gouverneur de la pro-
vince, à qui elle avait dû ses premières plantations de mû-
riers vers 1734 ou 1735, et qu'imita, vingt ans après, un
autre bienfaiteur du pays, l'intendant de Bernage, qui ne se
contenta pas de délivrer gratuitement des plants de mûriet
aux cultivateurs, mais fit venir du midi de la France des
personnes habiles dans l'art de tirer la soie sur les tours > ma-
chines dont Le Payen avait aussi offert les premiers modèles.
Tout nous fait espérer qu'une industrie si belle, et si propre
à enrichir les habitants, n'est pas entièrement perdue pour le
département de la Moselle, et que les prochaines Expositions
des produits de l'industrie nationale viendront confirmer les
heureuses espérances qu'ont déjà fait naître celles de i844
et de 1849.
Avant de franchir l'époque de 1793, si désastreuse pour
la fabrication des soieries et des objets de luxe en général , il
nous reste 1 à mentionner :
i° Les tracanoirs et doubloirs, ayant respectivement pour
objet de dévider les fils sur de nouveaux roquels ou de les
réunir, par deux, par trois, en un seul, pour les soumettre
ensuite au premier ou deuxième apprêt, débarrassés des solu-
1 Nous n'avons rien dit du volumineux et néanmoins incomplet Traité
de Paulet, de Nîmes, sur tort da fabricant d'étoffes en soie, publié par ordre
de l'Académie des sciences de Paris dans les années 1773 et 1775, ouvrage
qui a dû aussi exercer sa part d'influence sur les progrès de cet art, mais qui
renferme peu ou point de choses sur le filage et l'ouvraison ; l'auteur y ayant
plutôt, d'ailleurs, en vue les outils ou instruments à main que les machines
proprement dites, surtout les machines automatiques.
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MACHINES ET OUTILS. 65
lions de continuité qui peuvent avoir échappé au premier
dévidage à la tavelle ou survenir dans l'opération du décreu-
sage des fils de soie, etc. Il me suffit ici de faire remarquer,
d'après Le Payèn (p. 171), que de telles machines, plus ou
moins analogues aux anciens dévidoirs automates à bancs de
tavelles et va-et-vient, étaient formées de montants et de ta-
blettes pour recevoir des rangées de girelles ou de bobines à
axes parallèles , portant les flottes ou les fils à dévider, à dou-
bler sur de nouveaux roquets, et qu'elles étaient, comme au-
jourd'hui, munies de purgeoirs en fourches, en lames de fer,
serrées par une vis transversale, et garnies intérieurement de
drap pour intercepter les bourillons , etc. ;
2° L'ancien rouet à main, à quatre guindres verticaux, dit
rouet de Lyon, dont on se servait autrefois pour dévider les
flottes de soie teintes sur de petites bobines allongées, verti-
cales, mais très-légères, nommées rockets, roquets ou roqaetins, et
dont les fils sont destinés à l'ourdissage de la chaîne des étoffes ;
3° Les contres , où les fils de ces mêmes bobines, montées
sur des axes horizontaux disposés par rangées régulières les
uns au-dessus des autres, dans un espèce de casier à mon-
tants verticaux, allaient se réunir sous -la forme d'un long
écheveau, en hélice, autour d'un grand guindre vertical tour-
nant à manivelle, et dont, par d'autres procédés non moins
ingénieux d'ourdissage, les fils sont de nouveau montés en
bappe régulière sur les ensouples cylindriques du métier à
tisser, dont ils traversent les ros ou peignes , etc.
Ces derniers instruments, en eux-mêmes fort simples, qui
se rattachent à l'art de tisser les étoffes en général , n'ont pas
subi de modifications bien essentielles de nos jours ; ils ne
rentrent pas d'ailleurs dans la classe des machines automates
que nous avons spécialement en vue , et c'est pourquoi , malgré
tout l'intérêt qu'ils offrent, je n'insisterai pas davantage ici.
Quant au rouet lyonnais, dont l'inventeur est inconnu, grâce
à l'ingratitude des contemporains *, quoiqu'il ait opéré une
1 Vandermonde, dans un Rapport à F Académie des sciences de Paris, lu
VI* JURT. — 2* PARTIE. 5
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66 VP JURY.
véritable révolution dans le dévidage des soies teintes, où
jusque-là tout se faisait sur un seul guindre conduit directe-
ment à la main, il doit me suffire de rappeler que, mû par
une pédale ou marche et muni d'un va-et-vient, il a bientôt été
remplacé par un mécanisme moins bruyant, plus doux, attri-
' bué à la Suisse , et dont les quatre guindres , à axes horizontaux
très-légers et à freins régulateurs de tension comme les ta-
velles des grands dévidoirs, fournissaient le fil à autant de
rochets ou roquets rangés sur des axes pareillement horizon-
taux, parallèles et recevant le mouvement rotatoire de cor-
dons passés sur une grande poulie à gorge mue par la pédale ,
tandis que des barres de guides ou des barbins distributeurs»
distincts pour chacun des fils de soie, recevaient séparément
le va-et-vient d'excentriques continus ou ondes en cœur ran-
gées sur un seul arbre horizontal et servant à imprimer à ces
mêmes barres le mouvement uniforme nécessaire à la dis-
tribution régulière des fils sur les bobines.
S VIII. — Époque de la République et de l'Empire ; régime des brevets.
— Tabarin, Poidebard et Dngcu, Belfy, Délègue et BcùUj, Gensoul, de
Lyon , RosUMaupas et Taiabot.
Nous voici arrivés à l'époque où la Convention nationale ,
éteignant dans son foyer le plus intense et brisant violemment
la résistance que lui opposaient les derniers vestiges des ju-
randes, des maîtrises et privilèges des corporations, coalisées
contre les utiles réformes de l'Assemblée constituante , créa, en
compensation de tant de machines ingénieuses détruites, de
tant de richesses perdues, la législation si féconde, mais en-
core si imparfaite, des brevets d'invention; les institutions, non
moins utiles dans leur but, du Conservatoire des arts et métiers,
du Comité consultatif des arts et manufactures, bientôt com-
plétées par celle des Expositions de l'industrie nationale. Ces
dans la séance du 3e mai 1 77a , en son nom et en celui de Vaucanson, parle
déjà du rouet à quatre guindres de Lyon avec de grands éloges et comme
d'une chose généralement en usage.
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MACHINES ET OUTILS. 67
institutions, sous l'égide puissante et les encouragements
splendides du Consulat et de l'Empire, revivifièrent, en la
perfectionnant 9 une industrie dont l'aisance et le luxe, fruits
de la paix, sont les premiers et indispensables éléments, et
qui est redevenue de nos jours l'une des principales, des plus
brillantes sources de prospérité dans notre pays. Ce n'est pas
que, au surplus, les habitudes sévères de la cour de Louis XVI
et la guerre d'Amérique n'aient , dès avant cette époque, porté
un coup funeste au commerce et à la fabrication des soieries
dans la riche cité de Lyon; car les métiers battants, qui s'y
étaient élevés à près de 18 000 dans la période de 1780 à
1788, furent réduits par cette seule cause à moins de 7 5oo
vers 1790, nombre que réduisit encore à près de moitié la
fatale catastrophe d'un siège fratricide où les passions poli-
tiques , surexcitées par des intérêts rivaux et étrangers à notre
pays, ont joué un si déplorable rôle, mais qui, d'après nos
plus véridiques écrivains, s'est relevé au chiffre de 12 000
sous l'Empire, de 20 000 à 27 000 (1827) squs la Restaura-
tion, et de ko 000 à ôo 000 dans les dernières années du
gouvernement de Louis-Philippe.
On est assez dans l'habitude de juger ainsi de la prospérité
d'une industrie d'après le nombre des machines qu'elle ali-
mente, comme aussi d'après le nombre de ses ouvriers «t
j accroissement même de la population des contrées manufac-
turières ou la production et le débit de chaque nature de
marchandise ouvrée; mais ce critérium, excellent au point de
vue politique et commercial, est impropre à faire préjuger les
perfectionnements et les progrès réels de chaque branche de
fabrication, bien qu'ils* constituent aujourd'hui l'élément le
plus puissant, le seul vraiment efficace et durable, de la supé-
riorité industrielle d'une nation sur ses rivales. La statistique *
des brevets d'invention fournirait peut-être, jusqu'à un cer-
tain point, une indication assez précise de ces progrès, si elle
n'était sujette à de graves méprises provenant de la concur-
rence que, dans les temps prospères, le charlatanisme, l'es-
prit de rivalité et de convoitise, apportent au vrai mérite privé
5.
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68 VP JURY.
de protecteurs et de juges suffisamment éclairés. Sans insister
ici sur de tels rapprochements , il doit suffire de faire remar-
quer, pour la spécialité qui nous occupe, que durant la
période de 1795 à 181 4, embrassant tout le Consulat et
l'Empire, il n'a été pris en France- que 7 brevets seulement,
quoique l'Italie fût alors enveloppée dans le même régime
de législation et de douanes; qu'il n'en fut délivré aucun de
i8i4 à 1820; mais que, à partir de cette dernière époque,
Je nombre s'en releva brusquement de 3 jusqu'à 8 ou 10 par
année, avec des intermittences également brusques corres-
pondant respectivement aux époques de 1822, 1827, 1^29i
i83i, i834» i84o, i844 et 1848. Le fait de la lacune ab-
solue entre 181 4 et 1820 est d'autant plus digne d'attention
qu'il correspond au rétablissement de la paix générale en
Europe, et que la même stérilité s'observe également dans la
délivrance des brevets anglais pour l'industrie de la soie, qui
ne prit son essor qu'à partir de l'année 1823, si remarquable,
à cet égard , dans l'un et dans l'autre pays.
Revenant donc à notre point de vue spécial, nous conti-
nuerons à étudier en eux-mêmes, et principalement sous le
rapport mécanique , les perfectionnements progressifs qu'a
reçus, depuis 1795 jusqu'en x8i4, l'art de filer, dévider et
mouliner ou tordre la soie.
Lie brevet de quinze ans pris en septembre 1796 (17 fruc-
tidor an iv), par Tabarin, pour le tour à filer dont il a été
ci-dessus parlé, ce brevet vint, en quelque sorte, inaugurer
la nouvelle ère de progrès et de prospérité en tout ce qui
touche à cette noble et riche industrie. Le dispositif du nou-
veau tour ne différait guère de celui de Vaucanson, à lunette
tournante et à double crokure, que par un mécanisme à pou-
lie et contre-poids servant k fixer invariablement le nombre
des hélices de la croisure. Quoiqu'il rappelât les tentatives
analogues de Villard, il jouit d'une grande vogue non-seule-
ment par des perfectionnements de détail, qui amenèrent
une économie réelle de main-d'œuvre et de surveillance, mais
aussi par la juste célébrité que l'auteur s'était antérieurement
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MACHINES ET OUTILS. 69
acquise dans la publication d'un mémoire estimé sur cette
importante matière 1.
Je mentionnerai simplement, comme souvenir historique
et parce qu'elle rappelle l'union de la France et de l'Italie,
la tentative faite en 1807 par un nommé Âmaretti, de Ver-
zuolo, en Piémont, pour améliorer le va-et-vient *de l'ancien
moulin rond, tentative dont un modèle en petit déposé à cette
époque au Conservatoire des arts et métiers ne saurait donner
une idée tant soit peu précise. Je citerai de même le brevet
pris en juin 181 3 par MM. Poidebard aîné et Dugas frères,
de Saint-Chamond , pour un perfectionnement dans l'ouvrai-
son de la soie ondée, qui intéresse assez peu les progrès
de la mécanique, mais mérite quelque attention en ce qu'il
marque le début d'industriels habiles dont les noms ont sou-
vent et honorablement été mentionnés depuis dans les Ex*
positions de l'industrie française. Quant au dévidoir à seize
guindres, pour lequel M. Bellyr de Lyon, s'est fait breveter
en avril 1 8 i3, nous lui devons une mention plus spéciale , tant à
cause du succès qu'il a obtenu dès cette époque, où il a rem-
placé économiquement et avantageusement l'ancien dévidoir
lyonnais ou suisse, à quatre guindres, employé aux flottes de
soie teintes, qu'en raison des simplifications et perfectionne-
ments importants que cet ingénieux mécanicien a appliqués à
sa première conception. 11 nous suffira de rappeler qu'il s'agit
d'une table circulaire horizontale, tournant, à la volonté de
la dévideuse, sur un pivot à axe vertical fixe, et qui, établie
à une certaine hauteur au-dessus du plancher d'appui, porte
les seize guindres et leurs roqu elles, mis en mouvement par
des transmissions de vis sans fin , de cordons, etc. , partant du
tambour, à gorges de poulies, qui enveloppe, sous forme de
1 Réflexions sur U tirage des soies en France, Paris, 1783. Ce mémoire,
devenu fort rare aujourd'hui, et la lettre citée des frères Jubié, dans ï Ency-
clopédie méthodique, ont, en effet, commencé la réputation de fauteur, qui
a joui jusqu'en 1811 du privilège exclusif de son brevet de 1796, tombé
dès lors dans le domaine public et qui, pendant de longues années encore,
a servi de guide à l'industrie.
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70 vr JURY.
fourreau ou de canon indépendant, le support vertical de la
table, autour duquel il est mis en mouvement par un rouage
inférieur dont l'arbre vertical de commande, placé en dehors
du pivot, porte un volant à trois bras, armés de lentilles, ser-
vant à régulariser l'action de la pédale à balancier, bielle et
manivelle, menée par la dévMeuse.
Cet équipage, assez compliqué, comme on voit, dans ses
détails et ses moyens de transmission, quoique cependant
très-mobile et très-léger, est muni d'un va-et-vient porte-bar-
bins, formé d'un anneau extérieur et concentrique à la table;
les guindres horizontaux , montés sur des châssis à bascules
dont les charnières sont fixées aux rebords de cette table,
peuvent, d'ailleurs, être abattus extérieurement et mis, quand
l'un des fils casse, sous la main de la dévideuse, qui fait pivo-
ter en conséquence tout le système pour atteindre , au besoin ,
un nouveau guindre, et ainsi de suite.
Le dévidoir tournant de Belly, exécuté en bois avec soin
et précision , a été accueilli avec d'autant plus de faveur qu'il
pouvait remplacer immédiatement l'ancien métier à quatre
guindres, et qu'il produisait deux tiers de plus d'ouvrage. Il
a été imité dans ses dispositions principales par MM. Mous-
set (i83i), Délègue et Bailly (i83a), qui y ont introduit des
modifications plus ou moins heureuses, consistant principale-
ment dans la réduction du nombre clés guindres de seize à
douze; ce qui a conduit Belly lui-même à apporter à son ap-
pareil des perfectionnements et des simplifications analogues,
décrits dans un brevet du 3 juillet i832, où l'on remarque
la suppression de l'arbre coudé extérieur à manivelle, la substi-
tution de roues dentées aux cordes sans fin, un dispositif nou-
veau du va-et-vient, etc. Mais, quels que soient le mérite de ce
perfectionnement et l'étendue actuelle de son application aux
ateliers fractionnés du tissage des soies, on ne peut le consi-
dérer que comme un simple moyen de transition et d'ache-
minement de l'ancien état de l'industrie, où tout se faisait à
la main, vers celui où, conformément aux idées de Vaucan-
son, la force de l'homme, si coûteuse et si variable dans son
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MACHINES ET OUTILS. 71
action, sera remplacée, autant que faire se pourra, par celle
des moteurs inanimés, agissant automatiquement, dans de
grandes factoreries soumises à une direction centrale, unique
et uniforme, en vue d'abaisser les frais généraux, etc.
En général, on peut dire que, dans la branche toute spé-
ciale du .travail des soies qui nous occupe, il tfe s'est produit,
dans l'intervalle de 1795 à 181 4, aucune autre tentative mé-
canique qui mérite d'être citée, et nous verrons cet état de
choses subsister longtemps encore dans notre pays, à cause,
sans doute, du bon marché relatif de la main-d'œuvre. Nous
n'avons pas d'ailleurs à nous préoccuper ici de la belle appli-
cation de la vapeur au tirage des cocons ou au chauffage des
bassines, introduite dès l'année i8o5 en France et en Italie
par le célèbre Gejasoul de Lyon x, méthode qu'il n'a cessé
depuis d'améliorer et d'étendre dans ses applications. Ce n'est
point non plus le lieu de parler de la transformation plus
importante encore que Jacquard et Berton ont fait subir,
vers la même époque, au métier à tisser les étoffes de soie,
ni, enfin, des perfectionnements si utiles du conditionnement
des soies dans la ville de Lyon, pour lequel M. Rost-Maupas
s'est fait breveter en 1800, et dont les procédés, remplacés
dans ces derniers temps par la méthode bien plus parfaite
de M. Talabot, n'ont guère moins exercé d'influence sur l'amé-
lioration économique des produits , dans cette période de ré-
novation ouverte sous tant d'heureux auspices. Nous devons
nous hâter d'aborder le chapitre qui concerne spécialement
les progrès mécaniques du filage et du moulinage de la soie
dans les années qui ont suivi le retour de la paix en Europe.
1 D'après le docteur Géra de Conegliano ( II trattore da seta, Venise , 1 84 4) ,
Ferdinand Gensoul aurait introduit, des i8o3, quelques modifications dans
le tour de Vaucanson : présentées à l'Académie de Nîmes, elles en auraient
reçu l'approbation; elles consistent principalement dans la multiplication du
nombre des croisements ou losanges du fil sur l'asple , pour hâter la dessicca-
tion. Ces modifications auraient fait d'ailleurs l'objet spécial d'un mémoire
de Gensoul, daté de la même époque (i8o3) , mais que, malheureusement,
je n'ai pas sous les yeux pour en apprécier le mérite au point de vue méca-
nique.
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72 VP JURY.
CHAPITRE II.
PERFECTIONNEMENTS DBS .MACHINES A FILER LA SOIE, A DATER DE t8l5r
PRINCIPALEMENT D'APRES LES BREVETS DÉLITÉES AUX AUTEURS.
S I", — Brevets délivrés en France et en Angleterre. — Tours de MM. Rodur*
Camille Béarnais, Pellet, Lacombe,' Bonnard et Barbier (i8i5ài8a4).
J'ai déjà fait observer ci-dessus que, dans les six premières
années de la Restauration, aucun brevet n'était venu signaler
les progrès mécaniques de la spécialité qui nous occupe, et
cela prouve une fois de plus que les changements, les com-
motions politiques, quelque favorables qu'on puisse les sup-
poser à certains points de vue, sont toujours nuisibles au
développement de l'activité industrielle. La' période de 1820
à i83o a été, au contraire, très-remarquable sous le rapport
des progrès de la préparation et du travail' des soies, puis-
qu'on a vu surgir plus de ko brevets d'invention , d'importa-
tion, de perfectionnement ou d'additions dans la simple ca-
tégorie des machines à filer et mouliner. Les années i8st3,
1824, 1825 et 1828 présentent d'autant plus d'intérêt à cet
égard, que les trois premières correspondent précisément
aussi à celles où les mécaniciens anglais ont, de leur côté,
fait le plus d efforts pour s'approprier et perfectionner cette
branche d'industrie. Mais, tandis que le nombre des brevets
continuait à se multiplier chez nous jusqu'à dépasser le
chiffre énorme de 90 pour l'intervalle compris entre i83o
et i848, il a été extrêmement restreint en Angleterre, où, en
consultant les tables des patentes publiées dans nos recueils
périodiques, il nous a été impossible d'en découvrir plus de
18 à 21 spécialement destinés à la filature de la soie, en y
comprenant même les patentes délivrées dans les années
1849, i85o et i85i : ce qui s'explique", d'un coté, par l'ab-
sence, pour ainsi dire absolue, du tirage des cocons dans cet
industrieux pays; de l'autre, par la circonstance que beaucoup
de patentes anglaises , non comprises parmi celles dont il s'agit r
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MACHINES ET OUTILS. 73
embrassent dans leur objet toute espèce de filatures des ma-
tières textiles. On ne saurait donc rien inférer de ce fait pour
ou contre l'infériorité d'un pays relativement à l'autre, d'au-
tant plus qu'un certain nombre de brevets d'importation ont
été pris en France par des ingénieurs anglais, et que la mul-
tiplicité des tentatives de perfectionnement faites dans notre
pays, si elle est due, jusqu'à un certain point, au développement
et à ia dissémination où s'y trouve l'industrie sétifère, tient aussi»
en majeure partie , au manque pour ainsi dire absolu de con-
trôle, à la faiblesse relative des droits prélevés chez nous sur
les brevets, ainsi qu'à une concurrence qui devient une véri-
table plaie et une fâcheuse entrave pour les progrès ultérieurs
de l'industrie, quand leur délivrance n'est pas suffisamment
motivée et appuyée de déclarations, d'indications ou de des-
criptions nettes et précises.
Pour se conduire dans ce labyrinthe de brevets, où chaque
auteur préconise son système de filature, fort souvent au dé-
triment de celui de ses prédécesseurs et sans rien y ajouter
de bien essentiel ou de bien éprouvé, il faudrait plus que le
fil d'Ariane, plus que du discernement, de la patience et de la
bonne volonté. C'est pourquoi je continuerai à suivre tout
simplement l'ordre historique dans l'exposé des faits princi-
paux et des idées les plus originales ou les plus fertiles, en
faisant observer par avance que, nonobstant le mérite d'un si
grand nombre de recherches pour amener à bien la prépara-
tion automatique des grèges et organsins, il s'en faut qu'elle
soit encore parvenue chez nous à l'état de perfection et, en
quelque sorte, de fixité que l'on remarque dans d'autres
branches de l'industrie manufacturière.
Les tentatives de ce genre faites en France dei82oài823
sont dues à des industriels qui, sans être précisément des
mécaniciens, ont néanmoins acquis un certain renom dans
le filage ou tirage des cocons au tour : parmi eux , je me bor-
nerai à citer MM. Rodier et Delaporte, Camille Beauvais et
Dugas, Pellet, à Saint Jean-du-Gard , Lacombe, à Alais, Bon-
nard, à Lyon, Barbier, à Montélimart, dont quelques-uns
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74 VI* JURY.
en étaient, pour ainsi dire, aux premiers essais des utiles et
ingénieux perfectionnements qu'ils ont fait subir aux diverses
préparations de la soie. La plupart de ces tentatives avaient
principalement pour but, d'ailleurs, la suppression des tour-
neuses, c'est-à-dire l'application d'un moteur ou menard unique
à une série d'asples, de tours à tirer les cocons, rangés sur
une même ligne horizontale, ainsi que Rival l'avait, comme
on l'a vu, déjà anciennement proposé et exécuté dans l'éta-
blissement des frères Jubié, à la Sône. A cet égard, je ne
crains pas d'affirmer que bien peu de ces tentatives , sauf celles
de MM. Bonnard et Barbier, offraient des perfectionnements
véritables, du moins au point de vue mécanique.
Le tour à filer de M. Bonnard1, notamment, est mû par une
machine à vapeur; le fil, à deux bouts et à simple croisure,
s'y rend directement de chaque couple de filière, sur des
asples à huit lames mobiles, dont les axes, comme dans
l'ancien dévidoir automate, sont séparément mis en mouve-
ment par le simple frottement ou roulement de roues sans
dents, montées sur un même arbre de couche horizontal en
fer que fait aller une courroie sans fin , à l'une de ses extré-
mités, dont l'autre reçoit le mécanisme de rouages dentés,
à bouton d'excentrique, qui imprime le mouvement de va-et-
vient à la tringle unique, porte-barbins distributeurs des fils
sur les asples que les fileuses peuvent attirer à elles, au besoin,
en faisant glisser respectivement les châssis qui en soutiennent
les axes, le long de coulisses horizontales.
Le même brevet contient aussi un essai pour filer et tordre
simultanément les cocons en trame, au moyen d'un double
rang de fuseaux inclinés mus par une chaîne sans fin à la
Vaucanson, etc. Les asples de ce dernier système de filage
sont d'ailleurs munis de ventilateurs à ailettes, pour sécher
promptement les flottes de soie, et l'ensemble des deux ma-
chines, bien disposé, annonce le mécanicien habile qui avait
déjà mérité d'être cité par les rapporteurs des jurys aux Ex-
1 T. XXV des Brevets expirés , p. *5i (février i3i3).'
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MACHINES ET OUTILS. 75
positions françaises de 1819 et de 182 3 pour ses tours à dé-
vider les cocons.
Quant à M. Barbier, de Montélimart, il s'est fait également
breveter en 1823 (t. XVI des Brevets expirés) , pour un système
de tours accouplés, qui, perfectionné depuis, a joui d'une
certaine célébrité et a obtenu les éloges de la Société d'encou-
ragement de Paris1 pour divers perfectionnements, dont les
principaux consistaient : i° à éviter les mariages, en supprimant
toute croisure des fils et la remplaçant par une torsion mo-
mentanée donnée à chacun d'eux , en lui faisant traverser une
filière munie extérieurement d'un tube conique garni de drap
et pivotant sur lui-même , système emprunté à d'autres genres
de filatures mais qui n'a poiot prévalu; 2° à monter l'axe de
chaque aéple sur un châssis tournant ou basculant, de façon
que la fileuse puisse amener à elle l'écheveau quand il s'agit
de renouer un fil, puis le remettre à sa place, au moyen de
la même béquille ou crosse à main qui a servi à rapprocher
l'asple, dont l'arbre était, comme dans le tour Bonnard et les
anciens dévidoirs, mû par simple roulement, etc.
S II. — Progrès remarquables du filage mécanique des soies à partir de 18a 4
et iSs5. — MM. Rodier, Chambon, Blanchon, TasUvin, Heatheoat, Poi-'
debard, etc.
Passant à l'année 182 4, sans m'arréter, d'ailleurs, aux ma-
chines à filer les cocons, doubler et tordre simultanément
les soies grèges, les trames, etc., importées en France2 par
M. Hallam (Thomas), qui sont de pures imitations des mé-
tiers anglais à filer le coton dits continus, et dans lesquelles
les bobines de préparation sont remplacées par des bassines à
eau chaude établies à la partie supérieure , etc. , j'accorderai
pour le moment un peu plus d'attention aux tours à filer
de MM. Rodier, de Nîmes ; Chambon, d'Alais; Blanchon, de
Chomerac, et J.-A.( Tastevin , d'Alais, qui se sont fait breveter
1 XXIV* année du Bulletin (i8a5), p. 316 et 217.
1 T. XXXIX, p. 4 00, des Brevets expirés { i5 juillet i83A).
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76 , VP JURY.
pendant le cours de la même année, et dans le même ordre
de date, pour des perfectionnements devenus, depuis, le point
de départ de beaucoup d'autres tentatives plus ou moins ana-
logues, entreprises en vue d'améliorer cette base véritable-
ment fondamentale de l'industrie de la soie , puisque de la
régularité en quelque sorte mathématique du fil dépend
essentiellement la perfection , la beauté même des tissus.
On remarquera, en effet, que jusqu'alors on avait bien su
éviter les défauts du vitrage ou de la collure des fils sur les
asples des tours à dévider les cocons, au moyen soit du va-et-
vient distributeur emprunté aux Piémontais et à Vaucanson,
soit d'un système convenable de dessiccation ou de ventilation
des mêmes fils ; que l'on était également parvenu , à l'aide de
la filière antérieure et de la simple ou de la double croisure
des fils , à donner aux faisceaux des brins élémentaires une cer-
taine cohésion d'ensemble, sous l'apparence d'un fil unique,
rond et suffisamment uni; qu'on était aussi parvenu, par di-
vers procédés mécaniques, à régler invariablement la croisure
la plus favorable à chaque nature de cocon, et à substituer
même un seul moteur à plusieurs, en un mot à supprimer
les tourneuses à pédales ou manivelles, pour toute une rangée
de tours. Mais de tels procédés ne pouvaient avoir de chances
de succès, au point de vue économique, qu'autant que l'on
fût parvenu à diminuer la fréquence des mariages produits
par la rupture de l'un des fils et son enroulement ou doublage
avec l'autre, qui avait lieu très -souvent sur plusieurs dizaines
ou centaines de mètres sans que la fileuse s'en aperçût 11
fallait aussi perfectionner les filières et les barbins au travers
desquels les fils passent sous certains angles, non sans amener
des tensions ou secousses qui tendent à les énerver. Il fallait
enfin découvrir des moyens prompts et efficaces d'arrêter sé-
parément chacun des asples accouplés en cas de rupture des
fils; de faire retrouver facilement sur cet asple et renouer les
bouts rompus; de couper automatiquement, sinon d'empê-
cher les mariages, et, surtout, de mettre obstacle à la forma-
tion des bouchons, bourillons, etc., qui réclame une attention
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MACHINES ET OUTILS. 77
continuelle de la part de la fileuse , et tient moins encore aux
imperfections du mécanisme des tours qu'aux vices inhérents
au battage préalable et à la structure même des cocons.
A Tégard de la fatigue que les procédés mécaniques font
subir aux fils dans leur passage au travers des filières, croi-
sures, guides ou barbins, on peut dire qu'elle croit avec leur
nombre, et que, pour ceux-ci comme pour celles-là, elle croît
aussi avec l'ouverture* de l'angle d'entrée et de sortie des fils,
angle d'où dépendent essentiellement la tension , la pression
et le frottement contre les parties solides, tandis que pour
les croisures c'est précisément l'inverse qui arrive aux angles
extrêmes, dont l'ouverture plus ou moins grande fixe le pas
des hélices et le resserrement mutuel d'où naît essentielle-
ment la fatigue : la difficulté, dans chaque cas, étant de dé-
couvrir la proportion la plus convenable de cette ouverture
et du nombre des croisements ou demi-hélices, qui ne saurait
évidemment influer que sur l'étendue où s'exerce la pression
réciproque des deux fils dans le dispositif ordinaire, sans glis-
sement ni frottement mutuels de ces fils l.
Toutes ces imperfections et ces difficultés du filage méca-
nique des soies expliquent d'ailleurs le mérite de la tentative
déjà mentionnée de M. Barbier pour supprimer la croisure,
activer le tirage et multiplier, sans trop de danger, les révolu-
tions de Fasple au moyen d'un embrayage qui permet à la
fileuse de suspendre, à volonté et brusquement, l'action de
l'arbre moteur sur cet asple par un mouvement de bascule de
celui-ci. Mais comme, depuis l'apparition des tours ingénieux
du mécanicien de Montélimart, les filateurs de grèges n'ont
pas cessé de s'occuper d'améliorer le système de la simple ou
1 On doit à M. le professeur Robinet, déjà cité, des recherches expéri-
mentales sur les circonstances diverses qui peuvent agir pour accroître ou
diminuer l'élasticité, la ductilité et la ténacité des fils de soie (Mémoire sur
la filature, etc. , Paris, 1 839 ) ; mais ces recherches , qui ont vivement provo-
qué l'attention des industriels sériciculteurs , auraient exercé plus d'influence
encore si elles avaient pu être reproduites, au gré de l'auteur, sur une plus
grande échelle et dans des conditions tout à fait pratiques.
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78 * VF JURY.
de la double croisure, nous devons admettre qu'elle porte en
elle des avantages qui en compensent les inconvénients, et
qu'il serait difficile de conserver au même degré en la sup-
primant entièrement, comme le voulait M. Barbier.
Quant aux apprêts variés, tels que tors, dévidages, mouli-
nages, etc., que l'on fait successivement subir aux grèges,
soit avant soit après la teinture, il est certain que, indépen-
damment de l'imperfection propre des différentes machines
auxquelles on était et on se croit encore obligé d'avoir recours,
ces apprêts tendent à énerver considérablement les fils par
une sorte d'étirage, à en ternir l'éclat naturel sous des mani-
pulations répétées, et à y introduire enfin une multitude de
nœuds, de barbes ou solutions de continuité, presque aussi
fâcheux que les doublures et mariages dont on s'est jusqu'ici
tant préoccupé.
Ces considérations préliminaires étaient indispensables,
d'une part, pour me faire pardonner des longueurs inévi-
tables dans l'exposé historique d'une branche d'industrie non
moins remarquable par la variété des procédés que par la
multiplicité ingénieuse des tâtonnements; d'une autre, pour
faire sentir, à priori, l'importance de modifications en appa-
rence fort légères, insignifiantes presque au point de vue mé-
canique, mais dont le détail était nécessaire pour en faciliter
l'intelligence au lecteur et en faire saisir le véritable mérite.
Revenons maintenant à i8a4 et aux brevets dont les au-
teurs ont été déjà mentionnés ci-dessus.
M. Rodier, de Nîmes *, place la fileuse entre la bassine et
Vaspïe, ce qui facilite singulièrement la surveillance du travail
ainsi que le rattachement des fils, qui doivent alors s'élever
verticalement, à partir de cette bassine, pour passer au-dessus
de la tête de l'ouvrière , désormais dispensée d'attirer à elle
l'asple, comme dans le tour de M. Bonnard et autres. Mais
cette heureuse combinaison, qui permet à la soie, tout en lui
conservant l'humidité indispensable dans son passage au tra-
1 T. XVII, p. 237, des Brevets expirés (mars 182 4).
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MACHINES ET OUTILS. 79
vers des filières, croisures et barbins, d'arriver pour ainsi
dire entièrement sèche sur les asples, est accompagnée, quant
aux moyens de transmission du moteur aux asples accouplés ,
d'une combinaison d'arbres verticaux et de rouages d'angles
aussi compliquée qu'onéreuse. En outre, M. Rodier propose
d'abattre les mariages en supprimant la croisure ordinaire et
la remplaçant par les enroulements fortement serrés de deux
fils de soie tendus par une cheville en guise d'archet, etc.; et,
malgré l'imperfection des moyens d'exécution mis en œuvre
par ce mécanicien , malgré la déchéance que son brevet a en-
courue en 1827, il devait être cité pour l'importance aujour-
d'hui accordée à la disposition ci-dessus de la fileuse, à
laquelle d'ailleurs je ne saurais assigner une plus ancienne ori-
gine. Enfin, nous verrons M. Rodier s'associer aux principales
découvertes relatives au filage des soies dans une succession
de brevets délivrés en 1826, i833, i845 et i846, mais dont
on me permettra, quant à présent, de laisser de côté l'exa-
men, qui obligerait d'interrompre trop longtemps la chaîne
des idées, ici presque toujours confondue avec l'ordre chro-
nologique même des faits.
M. Chambon (Louis-Uselite-Julien), d'Àlais, dont les tours
accouplés, à un seul menard ou arbre moteur *, sont peut-être
inférieurs à ceux de M. Bonnard sous le rapport de l'exécu-
tion et de la conception mécanique, se sert de poulies et de
cordons sans fin pour faire mouvoir séparément les asples,
dont les divers arbres en fer reposent, à l'une des extrémités,
sur un grand levier horizontal à pivot ou bascule qui, par
son abatage, permet à la fileuse de tendre à volonté la corde
de transmission, et de graduer ainsi, par un effet de glissement
sur les poulies, la vitesse de l'asple, muni d'ailleurs d'un/rsia
d * arrêt. Enfin, et c'est ici la combinaison la plus originale et la
plus importante de son système de filage, renonçant à la
double croisure, il emploie, sous le nom de purge-mariage,
un assemblage de fils de fer à barbins mobiles , disposés de
1 T. XXVUI, p. a44, des Brevets espirés (juillet i8s4).
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80 Vf JURY.
manière que quand l'un des fils de soie casse, l'autre, dans
sa détente, pousse une lame tranchante qui vient le couper
tout aussitôt.
Plus tard, dans un brevet d'avril i835, placé à la suite du
précédent, M. Chambon , ayant reconnu l'inconvénient de son
coupe-mariage, dont les fils de fer sont sujets à se rouiller
assez vite, y renonce entièrement et se contente de faire
passer les deux bouts de soie, après une première croisure à
hélices multipliées en conséquence, par deux barbins éloignés
entre eux de 33 centimètres, puis de faire opérer à ces fils un
nouveau mais simple croisement (un demi-tour ou tour et
demi) , qui, lors de là rupture de l'un d'eux, permet à l'autre
de s'écarter latéralement, de tomber en dehors des lames de
l'asple et de s'enrouler autour de son arbre en fer, dont le
diamètre est assez petit pour réduire à des proportions mi-
nimes le déchet de soie qui s'opère entre l'instant où l'ou-
vrière est avertie par la chute des cocons et celui où elle
coupe le fil resté intact, rattache les bouts, etc. Quels que
soient, au surplus, les inconvénients de ce procédé, il n'en a
pas moins obtenu , à cause de sa simplicité même , une préfé-
rence marquée sur d'autres combinaisons plus ou moins ingé-
nieuses et dont il sera bientôt parié.
Nous n'avons à citer ici M. Blanchon, de Chomerac, que
pour un système de tours sans tourneuses, mus séparément
par des cordes et poulies de renvoi, et munis de place-bouts,
de freins à 'arrêt à ressorts , formés de cuirs frottant contre le
noyau des asples, et que la fileuse, placée au delà de la bas-
sine, comme dans l'ancien système, met en action au moyen
de longues tringles à varlets et leviers à main basculants,
quand il devient nécessaire de rattacher les fils, etc.1. C'est, en
effet, seulement en 1 83 2 \ après MM. Chambon , Vernay, Tas-
tevin et autres, que ce mécanicien, qu'il ne faut pas con-
fondre avec M. Louis Blanchon, de Saint-Julien, près Privas,
1 T. XXVIII, p. a5 1, des Brevets expirés.
* T.XXXV,p.i58,îM.
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MACHINES ET OUTILS. 81
dont nous aurons à nous occuper plus tard, tenta d'appliquer
à ses tours sans tourneuses un coupe-mariage à fraises dentées
d'une nature assez compliquée, et qui, pour ce motif sans
doute, n'a pas obtenu la préférence sur ceux de ses prédé-
cesseurs, où Ton s'était également proposé de trancher le fil
automatiquement; opération très-difficile, pour ainsi dire im«
possible, même en y employant des lames de rasoirs, d'après
les curieuses, expériences dont M. Robinet a bien vOulu me
communiquer les résultats.
La réputation acquise par M. J.-A. Tastevin, d'Àlais, el
'le nombre des brevets d'invention ou d'addition qu'on lui
dpit permettent de le ranger parmi les mécaniciens les plus
ingénieux qui, depuis l'époque de 1824» se sont occupés des
progrès et du développement de la filature expéditive de la
soie dans notre pays. Son premier brevet, du mois d'octobre
de cette année1, doit être considéré comme une tentative re-
nouvelée de Villard, mais en elle-méùie fort remarquable,
de filer et mettre immédiatement sur bobines les fils ou bouts
de trois tours accouplés et rangés le long d'une même bassine
à eau froide ou tiède, mais dont les cocons auraient été préa-
lablement macérés dans une cuve à eau chaude, selon une
méthode déjà fort ancienne, perfectionnée en 1778 par Su-
chet, de i'Àrgentière, et qui a joui de quelque faveur en Italie
et en Espagne2. Chacun de ces bouts, après s'être échappé
d'une filière inférieure et élevé verticalement à une certaine hau-
teur en se reployant sur la gorge d'une petite tavelle horizontale
en fil de fer de 1 o à 1 4 centimètres de diamètre , sorte de poulie
de renvoi, d'où il descend pour former la croisure simple avec
la branche ascendante, chacun de ces bouts, dis-je, se replie
horizontalement sur une autre petite tavelle pour se rendre
de là, le long d'un tube séchear, sur la circonférence d'un tam-
bour dodécagone muni de drap, d'où il revient sur lui-même ,
1 T. XXIX, p. i45, du Recueil des brevets expirés,
9 II trattore da seta, par le) docteur Géra (Venise , 1 843), p. 3 a ; Bulletin de
la Société à* encouragement de Paris, XXIV* année , p. 4 1 .
▼i* jumi. — a* partie. 6
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82 VP JURY.
parallèlement à sa première direction , pour envelopper fina-
lement le roquet horizontal correspondant, qu'entraîne, par
simple frottement de roulement, un disque tournant sur lequel
son arbre repose, comme dans l'ancien dévidoir automate.
Pour rendre cette description à peu près complète, il suf-
fira d'ajouter, d'une part, que chacun des groupes de trois
roquets à rotation indépendante, relatif à une même bassine,
est précédé d'un va-et-vient ou porte-barbin oscillant, servant
à la distribution régulière du fil sur ces roquets , et disposé a
peu près comme dans le tour piémontais, sauf que l'excen-
trique à manivelle est ici remplacé par une goupille glissant
dans une rainure rentrante ou à double hélice, pratiquée sur
un cylindre tournant en bois dur et nommée quelquefois,
mais improprement, hélice de Vaucanson (p. 62 à 63) ; d'autre
part, et ceci montre le degré de confiance que M. Tastevin
avait, en 1824 , dans son système expéditif de filage, le tam-
bour dont il vient d'être parlé est précédé de purgeoirs à deux
branches de ressort, entre lesquelles passent les fils de soie, et
dont l'écartemçnt, réglé d'une manière ingénieuse par une
vis transversale, offre un perfectionnement.réel par rapport à
l'ancien purgeoir également à deux branches.
Mais ce qu'il y a de particulièrement remarquable dans le
filage à la tavelle de M. Tastevin , ce ne sont ni les purgeoirs
ni le va-et-vient, à rainure cylindrique dont il fait usage après
d'autres, mais bien son système de tube sécheur et de filage
à un seul bout croisé, replié un certain nombre de fois en
hélice sur lui-même. À la vérité, les Italiens avaient déjà an-
ciennement aussi employé le filage à un bout1, exempt par
lui-même de mariage; mais ils se servaient d'un dispositif où
le fil, enveloppant à plusieurs reprises de petits cylindres,
des rouleaux de renvoi fixes ou mobiles, devait se détériorer
d'une manière sensible, défaut qui n'a pas été corrigé entiè-
rement dans les appareils imaginés postérieurement au pre-
mier brevet de M. Tastevin par l'Anglais Heathcoat, dont il
1 Voyez l'ouvrage déjà cité du docteur Géra, p. 89.
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MACHINES ET OUTILS. 83
sera bientôt parlé. D'ailleurs est-il bien certain que le glisse-
ment relatif, le frottement réciproque des deux branches d'un
même fil, repliées un certain nombre de fois Tune autour de
l'autre, soit une chose très-favorable à la ténacité et surtout à
la régularité de texture des soies de diverses qualités?
D'après les idées émises par M. Tastevin dans le même bre-
vet de 1824, pour donner le premier tors ou apprêt au fil
fourni par son procédé , il ne s'agit que de monter les roquettes
qui le contiennent sur les broches verticales à ailettes d'un
moulin long ou ovale , à guindre supérieur, qui ne se distingue
de ceux jusque-là en usage que par l'emploi de transmissions
par tambours cylindriques , poulies de renvoi , cordes et cour-
roies sans fin, semblables à celles des filatures de la laine
et du coton : la proportion du tors ne variant d'ailleurs qu'en
raison du changement de diamètre d'une grande poulie mo-
trice à gorges multiples et graduées, cela n'implique nulle-
ment l'emploi des moyens ingénieux inventés par Vaucanson
pour opérer automatiquement la transposition et le comptage
des fils d'écheveaux sur les guindres, etc.
Quand il s'agit, au contraire, de soumettre les mêmes fils au
doublage et au tors inverse, de deuxième apprêt, par une seule
opération , de manière à en constituer de suite l'organsin, les
roquettes dont il vient d'être parlé sont enfilées par deux, par
trois, etc., sur autant de petites broches implantées verticale-
ment sur des plateaux ou disques circulaires tournants, mon-
tés à l'extrémité supérieure d'axes verticaux en fer, qui sont
.également mis en mouvement par des cordons sans fin à pou-
lies de renvoi.. Ces bobines, dépourvues de coronnelles, mais
surmontées d'ailettes en S , fixées à chaque broche pour diri-
ger le déroulement du fil , ne sont d'ailleurs retardées dans leur
rotation horizontale et relative autour de ces broches qu'en
raison du frottement exercé par leur base ou noix inférieure
sur le plateau tournant, en vertu de leur poids propre, que
tend à amoindrir la tension contraire de chacun des fils allant
se réunir, avec ses analogues du même plateau, dans une
filière centrale supérieure liée à son arbre, et d'où ils sont
6.
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84 VP JURY.
attirés de bas en haut par un guindre horizontal tournant,
qui reçoit les écheveaux après que leur ensemble a ainsi
subi le degré de tors réglé par le rapport des vitesses de rota-
tion de ce guindre et de ce plateau.
Il ne paraît pas que ce dernier mécanisme , qui renferme une
combinaison ingénieuse et nouvelle d'anciennes idées appli-
quées à d'autres industries, ait jamais été employé par M. Tas-
tevin , du moins en grand et sôus des conditions économiques
de succès, à la filature de la soie; maïs ce qu'il y a de positif,
c'est que dans ses brevets postérieurs d'addition et de perfec-
tionnement, pris en 1825, 1828 et 1829 ', ce mécanicien cesse
de se préoccuper du système général de filage , de doublage
et de moulinage qu'il avait d'abord proposé, pour se res-
treindre à des moyens qui tendent plus spécialement à l'amé-
lioration des tours à filer déjà existants. Ainsi, par exemple, .
dans le premier de ces brevets (décembre 1 8 2 5 ) , il propose
de filer la soie à quatre bouts, tirés d'autant de groupes égaux
de deux à huit cocons, contenus dans les compartiments voi-
sins d'une même bassine; de réunir ces fils deux à deux ou
en un seul, selon les cas; de faire passer chacun des fils
ainsi doublés sur un petit cylindre en bois tendre, en le fai-
sant revenir et croiser uq nombre suffisant de fois sur lui-
même, afin d'éviter tout mariage, puis de l'enrouler sur un
guindre ou sur une roquette, au gré du fileur.
Dans ses deux autres brevets, de 1828 et 1829, M. Tastevio
s'occupe exclusivement de l'ancien mode de filage à deux
bouts, dont il cherche à éviter le mariage en tranchant le fil,
tantôt au moyen d'un tourniquet ou bascule verticale à articu-
lation inférieure, dont la tête fourchue supporte les bouts
séparés et entiers de la croisure, de telle sorte que l'un ve-
nant à rompre, l'autre entraîne la bascule par un quart de
révolution sur elle-même, qui le. rejette, en dehors de l'asple,
sur des lames tranchantes; tantôt en faisant passer les deux
1 T. XXIX du Recueil des brevets expirés, p. i5i, l5a, i53 et i55,
faisant suite à celles des brevets déjà cités.
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MACHINES ET OUTILS. 85
fils, immédiatement après leur croisure, par des barbins éle-
vés au-dessus du va-etvient au moyen d'un anneau métallique
dont le diamètre horizontal surpasse la largeur de l'asple, et
sur lequel ils tendraient ainsi à glisser, à descendre latéralement
en se dégageant des barbins , s'ils n'y étaient retenus par le frot-
tement t la tension déviatrice dus à leur croisure antérieure,
et d'où résulte que, quand l'un des fils casse, l'autre, deve-
nant libre, est aussitôt rejeté en dehors de l'asple, etc.
En anticipant ainsi sur les années 1826 et suivantes, afin
de ne plus avoir à revenir sur les brevets de M. Tastevin , je
ferai observer que ses moyens, fort ingénieux, d'abattre les
mariages, s'ils sont antérieurs au dernier et plus simple de
ceux de M. Chambon > déjà cités , ne viennent néanmoins, dans
l'ordre de date, qu'immédiatement après les coupe-mariages
de MM. Vernay, Lacombe et Barrois, dont il sera parlé plus
loin, et auxquels, d'ailleurs, M. Tastevin ne parait sciemment
rien avoir emprunté. J'en dirai tout autant du filage à quatre
bouts de cet industriel, pour lequel l'ingénieur anglais John
Heathcoat, le célèbre inventeur du métier à tulle-bobin, a
pris en France un brevet d 'importation et de perfectionnement
en mai i8a5 *, c'est à-dirè plusieurs mois avant celui de
M. Tastevin, mais dont les procédés , bien qu'analogues quant
au but, en sont néanmoins très-distincts quant aux moyens
de solution et au dispositif' principal.
En effet, M. Heathcoat traite d'abord les fils par couple, à
Iamanière*ordinaire, avec simple croisure, d'où ces fils se bi-
furquent pour passer dans une paire de barbins fixes, puis dans
une œillère située sur la diagonale de la losange ainsi formée
et où ils se réunissent, pour n'en plus constituer qu'un seul ,
double, lequel, après. s'être croisé avec le fil également double
du couple voisin, s'en détache de nouveau et se rend, au tra-
vers des barbins du va-et-vient, sur les écheveaux respectifs de
1 T. XLII , p. a 1 et suiv. , du Recueil des brevets expirés : la patente
anglaise est do 1* février, mais l'auteur est revenu sor ce procédé de filage
le 6 juillet suivant.
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86 VI- JURY.
i'asple; à moins qu'on ne préfère les doubler ou les réunir à
leur tour en un seul avant de les faire arriver suf cet asple,
ce dont l'ouvrage publié à Paris en i836 par le docteur
Ure1 nous offre un exemple, d'autant plus remarquable que
l'auteur considère ce mode de filage de la soie comme d'un
usage assez général en France, sans rien nous apprendre
d'ailleurs sur son origine et la bonté des produits qu'il est sus-
ceptible de fournir.
Ce procédé de filage à quatre bouts , dont en réalité , comme
on le verra, il n'existe guère de traces aujourd'hui, et où l'on
semble vouloir imiter, de loin il est vrai, la méthode de dou-
blage des rubans de coton , est accompagné , dans le brevet cité
de M. Heathcoat, de dévidoirs doubles à supports en bois,
disposés à la manière ancienne, mais qui sont ici munis,
ainsi que le tour ci-dessus, de mécanismes d'horlogerie comp-
teurs, à vis sans fin et sonneries d'avertissement, servant à
régler à l'avance le nombre des tours de guindre ou d'asple;
combinaison dont l'auteur réclame la propriété, parce qu'il
ignorait sans doute que l'idée en était déjà fort ancienne en
France à l'époque de i8a5, où il s'y faisait breveter.
Enfin, il serait à peine nécessaire de mentionner un antre
projet de tour à dévider les cocons, par M. Heathcoat2, fondé,
comme celui de M. Hallam précédemment cité, sur le prin-
cipe des anciennes machines à filer le coton, s'il ne ten-
dait à démontrer combien peu les ingénieurs anglais et quel-
ques-uns de leurs imitateurs en France se formaient alors une
idée exacte des difficultés que présente en lui-même le dévi-
dage des cocons, et ce qui le distingue plus spécialement du
filage des matières discontinues, telles que la laine, le coton
et même le chanvre ou le lin.
Avant de quitter les projets de filage à un et à quatre bouts ,
1 Philosophie des manufactures, t. Pr, p. 396, chez Mathias, libraire. Voy.
aussi le Dictionnaire anglais des arts et manufactures de cet auteur; troisième
édition, i843, p. 1 io5.
' London Journal of arts , septembre 1825, supplément, p. 35 1, ou BaUetut
du sciences technologiques, par le baron de Férussac, 182&, t» VI, p. 1 1 1.
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MACHINES ET OUTILS. 87
il convient de mentionner le brevet délivré, à la date du
ai septembre i82Ô, à M. Cournier, moulinier à Saint-Romans
(Isère), pour un appareil qu'il nomme improprement lissoir,
et dans lequel le filage , à un bout, croisé sur lui-même comme
dans le système proposé en 1824 par M. Tastevin, s'effectue
par l'intermédiaire d'une ou de deux petites tavelles très-voi-
sines, placées l'une au-dessus de l'autre, contre un montant
vertical en bois, entre la bassine et l'asple du tour propre-
ment dit. Ce procédé, pouvant sans beaucoup de frais s'ap-
pliquer à tous les anciens dévidages de cocons , a été accueilli
avec d'autant plus de faveur en France, du moins celui de la
double tavelle, qu'en supprimant le mariage et s'adaptant au
filage à deux bouts par la répétition symétrique du couple de
tavelles, de part et d'autre d'un même montant, il ne chan-
geait, pour ainsi dire, rien aux habitudes acquises parles
fileuses et,les chefs d'ateliers. Quant au filage à une seule ta-
velle, on devine que celle du dessous devait se trouver rem-
placée par' un simple bouton de renvoi, que M. Cournier
construisait en verre, et au droit duquel les deux branches du
fil venaient se croiser un certain nombre de fois sur elles-
mêmes, pour de là s'échapper vers l'asple du tour, etc. Mais
il est faéile d'apercevoir que ce dernier dispositif était loin
d'offrir les avantages de celui de M. Tastevin , outre que l'au-
teur ne s'était nullement préoccupé de la nécessité de sécher
et de purger les fils.
Cette même année 1825 , l'une des plus fertiles en brevets
d'invention ou de perfectionnement, a vu :
i° M. Poidebard (Sébastien), de Lyon, si connu dans l'in-
dustrie des soies à cette époque, proposer divers moyens de
perfectionner le moulin ovale à organsiner ou tordre les
grèges, d'en activer le travail, ou, plus spécialement, d'accé-
lérer la vitesse des fuseaux, en appliquant, à cet effet, des
brides aux branches d'ailettes qui accompagnent les coron-
oelles, afin de les soustraire à Y action de la force centrifuge;
2° M. Lauret, de Ganges, présenter un système de tours
sans tourneuses, où l'on remarque principalement l'emploi
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88 VT JURY.
d'un va-et-vient à hélices rentrantes et d'an embrayage à cônes
de friction, déjà mis en usage par d'autres;
3° MM. Richard Badnall et Gibbon *, proposer un système
de dévidoirs à grande vitesse, indistinctement applicable à
la soie ou au coton , et dans lequel la tension des fils qui se
rendent des tavelles aux bobines horizontales est maintenue
constante au moyen de romaines, de bascules à poids servant
à régler le frottement et la pression des axes de ces bobines
sur les rouleaux ou disques conducteurs; système d'ailleurs
peu applicable aux fils grèges , et que ne justifie pas suffi-
samment peut-être l'idée de communiquer directement le
mouvement uniforme aux tavelles , etc. ;
4° M. Peyron, de Montélimart, en 182 5, offrir pareille-
ment des purgeoirs à cylindres tournants garnis de drap, à
queue de poisson fourchue, etc.
5° Enfin, M. Denizot, de Saint- Antoine, prétendre suppri-
mer les mariages en remplaçant la croisure ordinaire par le
simple frottement des fils contre les oreilles d'une poulie
garnie de drap, ce qu'il nommait strangulie-soie.
S III. — Nouvelles tentatives de perfectionnements appliquées au filage
et au moulinage des longues soies (1826 à i83o). — MM* Hipfrt,Rodier>
Rotch, Vernay, Rieu, Tardy, Lacombe et Batrois, Christian, Guillinj, etc.
Les dernières années de la Restauration témoignent, non
moins que les précédentes, des efforts, quelquefois heureux,
tentés en vue d'automatiser de plus en plus, si l'on peut
s'exprimer ainsi , les diverses branches de l'ouvraison des
soies, surtout si l'on considère que plusieurs des brevets
de MM. Chambon et Tastevin, déjà cités par anticipation,
appartiennent proprement à cette période.
Nous mentionnerons d'abord, mais seulement pour mé-
moire, les tours sans tourneuses. de MM. Hipert, de Montpel-
lier (1826), et Giraud, de Bagnols (1827), ****& que les dévi-
doirs et moyens d'arrêt des guindres "quand un fil casse, par
1 T. XL, p. 346, du Recueil des brevets expirés.
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MACHINES ET OUTILS. 89
M. Radier, mécanicien de Nîmes (1826), qui d'ailleurs se
sert de rouages d'horlogerie pour doubler et tordre simultané-
ment les fils de soie grége par un procédé analogue à celui de
M. Tastevin (brevet de 1824), sauf que les bobines, ici hori-
zontales, sont montées sur un arbre vertical qui les emporte
dans sa rotation rapide. Nous citerons pareillement le dévi-
dage à conducteur, muni d'un crochet tournant autour des
guindres, pour détacher continuellement le fil de l'écheveau,
par M. B. Rotch, de Londres ( 1827 ) ; le coupe-mariage de
M. Vernay, d'Àiais (août 1828), à détente soutenant deux
lames dentées verticales, qui s'abattent quand l'un des fils
casse; celui de M. Rieu, serrurier à Ànduze (1829), à
doubla tranchant et à bascule ; le trébuchet à deux barbins
que M. Crozel, de Chatte (Isère), a appliqué (182g) au dou-
blage des soies, et qui bascule quand l'un des fils casse;
enfin nous mentionnerons plus particulièrement encore les
filières en pierres dures d'onyx, sorte d'agates polies, que
M. Tardy, de Valence, a proposé, en i83o, de substituer aux
anciennes filières métalliques des tours à dévider les cocons,
et dont il n'a cessé depuis d'étendre ou de perfectionner le
travail et l'application aux divers moyens de purger, de guider
les soies, pour lesquels on employait auparavant les métaux
et le verre (voir son brevet de juin 1842, t. LXIV, p. 39; du
Recueil des brevets expirés).
J'ai avec intention passé sous silence dans cette énumé-
ration rapide, mais pour y revenir avec quelques détails, le
brevet pris en septembre 1828 l par MM. Lacombe et Barrois ,
dateurs de soie à Alais, dont les tours, accouplés à la Bon-
nard, offrent comme ceux de M. Rodier, de Nîmes, cette par-
ticularité, bien appréciée de nos jours, que, la fileuse se
trouvant placée entre la bassine et l'asple, il lui devient facile
d'éviter sinon de rompre les mariages, quand l'un des fils
casse; auquel cas, dans le système Lacombe et Barrois, un
va-et-vient ou navette oscillante rejette l'autre fil sur une
1 T. XXVI, p. a 56 , du Reeueil des brevets expirés.
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90 VI* JUttY.
œillère latérale ou sur l'arbre même de l'asple; à peu près
encore comme dans le dispositif déjà cité de M. Chambon ,
qui, en revendiquant à de justes titres la priorité de l'idée
originale des coupe-mariages, n'avait peut-être pas, ainsi qu'on
l'a vu, des droits aussi nettement établis sur celle qui con-
siste à rejeter au dehors de l'asple, le fil non rompu. D'ail-
leurs, MM. Lacombe etBarrois ont, dans un brevet d'août
i83ox, substitué à leur navette oscillante un dispositif d'un
tout autre genre, et qui consiste à faire passer respective-
ment les fils , après leur croisure , entre un couple de cylindres
de verre assez rapprochés pour arrêter, dans leur iatervalle,
les nœuds, doublures ou bourillons, et rompre aussitôt ces
mêmes fils, grâce au mordant que la matière vitrifiée a sur la
soie humide. Or, cet appareil , souvent cité avec éloge dans les
ouvrages de technologie , et imité même dans des brevets pos-
térieurs à i83o, où l'on a tenté d'y appliquer divers perfec-
tionnements, cet appareil n'en a pas moins depuis été aban-
donné par l'industrie, qui lui a préféré, comme on l'a vu
encore, le plus simple et dernier des dispositifs imaginés par
M. Louis Chambon.
Enfin, pour donner une idée à peu près complète des
cfForts tentés vers la même époque en vue de perfectionner,
d'améliorer tout à la fois, les diverses préparations des soies
grèges , il nous reste à jeter un coup d'oeil non moins rapide
sur les procédés mécaniques imaginés par MM. Christian,
Tezier, Crozel et Guilliny.
M. Christian (Gérard- Joseph), après avoir critiqué, dans
un brevet du 25 juin 1828 2, les procédés de filage jusque-là
usités, ainsi que la méthode de Heathcoat, pour filer à quatre
bouts eux-mêmes composés de plusieurs fils naturels de co-
cons; après avoir fait également remarquer la conicité, l'irré-
gularité de ces derniers fils et vanté la méthode anglaise par
étirage et doublage successifs du coton, M. Christian expose
1 T. XXIX, p. 370, du Recueil des brevets expirés.
1 T. XL1X, p. 299, du même ouvrage; publié en i843.
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MACHINES ET OUTILS. 91
les principes dune nouvelle filature de la soie, principes à la
découverte desquels il dit être parvenu le premier, par de
longues recherches, qui consistent à dévider les cocons sépa-
rément, au nombre de deux ou trois au plus, puis à doubler,
réunir par deux, les fils ainsi obtenus, en en renversant les
bouts, et opérant d'ailleurs le tirage avec une vitesse uni-
forme, quatre ou cinq fois plus lente que celle en usage, afin
d'éviter les plis et bouchons; le fil serré dans les croisades, arri-
vant , d'ailleurs , parfaitement sec et par sur le dévidoir. L'exposé
de ces principes, qui, selon le breveté, devaient mettre la fila-
ture de la soie au niveau de celle du coton , est suivi de la
description de nouvelles machines servant, d'une part, à dé-
vider les cocons et où le fil est séché sur une surface mé-
tallique chauffée à la vapeur; de l'autre, à doubler, tordre,
redoubler, retordre et mettre en écheveau , par une seule opé-
ration, ces mêmes fils; le tout mis en mouvement par l'action
de la vapeur et muni de comptages ou numérotages de titre.
Quoique la disposition générale de quelques-unes de ces
machines, exécutées en fer et en fonte, ne manque pas d'une
certaine élégance qui rappelle les métiers anglais de cette
époque à filer le coton, cela ne pouvait autoriser l'auteur à
comparer ses innovations à celles de Richard Arkwright : le
succès, en effet, n'a nullement répondu à l'énormité des en-
couragements ou des sacrifices dans l'application en grand du
nouveau système de filature à Argenteuil et à Avignon; en
outre, la tendance et le plan même du brevet, qui constitue
un véritable mémoire sur le sujet, semblent bien plutôt
rappeler un imitateur ou rival de Philippe de Girard qu'un
émule du célèbre filateur de Preston.
Il servirait, d'ailleurs, bien peu à l'histoire des progrès de
la filature des soies de rechercher les traces des tentatives de
tous genres faites par M. Christian pour propager en France
l'application d'un procédé dont l'emploi offrait, comme ceux
de tant d'autres novateurs, une apparence séduisante, et spé-
cieuse 4 il nous suffira de rappeler ici que dans un brevet
d'invention délivré postérieurement (novembre i832) à l'un
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92 vr JURY.
des fils de cet ancien directeur du Conservatoire des arts et
métiers de Paris1, il s'agit moins de parfaire ou perfectionner
le système de filature exposé si pompeusement dans celui de
1828, que d'offrir une nouvelle combinaison de métiers, en
fer et fonte, qui rappelle celle des machines à filer le lin et
le coton , à tel point que le va-et-vient y est employé à faire
mouvoir la planche de support des broches pour la distribu-
tion du fil sur les bobines, au lieu d'être appliqué simple-
ment à la tringle des barbins de guides , comme dans les an-
ciens moulins à tordre la soie; tringle beaucoup plus facile à
conduire, et qui n'offre, pour cette élastique substance, aucun
des inconvénients que comportent, à cause de leur faible
ténacité, les fils discontinus de la laine, du coton et même
du chanvre ou du lin. Cette remarque est, d'ailleurs, géné-
ralement applicable à tous les auteurs de brevets qui, pour
accélérer le travail, ont prétendu s'astreindre à une imita-
tion plus ou moins servile des métiers à filer ces dernières
matières, soit en France, soit même en Angleterre.
< A cet égard, le développement tout particulier que j'ai
donné à l'exposé des tentatives infructueuses de MM. Christian
père et fils m'autorise à glisser sur celles que M. Tezier, de
Sorgues, a faites également (mars i83o) pour convertir direc-
tement les fils de cocons en trame et organsin , enroulés autour
deroquelles, après leur passage sur des tuyaux chauffés à la
vapeur, etc. J'en agirai de même pour celles que M. Crozel, de
Chatte, dans le brevet déjà cité, a faites plus spécialement en
vue de perfectionner l'ancien moulin droit, tentatives dont
le point capital consiste simplement à remplacer la coron-
nelle par un barbin à une seule branche fixée au sommet de la
broche , etc. , afin d'élever à 3 000 par minute le nombre des
tours de fuseaux, qui ne pouvait, dit-il, être atteint précé-
demment à cause du soulèvement de cette coronnelle , produit
par l'action de la force centrifuge.
Quant à M. Guillini, dont le brevet d'août 182g appartient,
1 T. LXVI du Recueil des brevets expirés, p. 331.
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MACHINES ET OUTILS. 93
sinon quant au but, du moins quant à la date, à la période
qui nous occupe, on sait assez, par l'accueil et les encoura-
gements accordés dès l'origine à ses inventions1, les services
que promettait de rendre à l'industrie des soies, pour la pré-
server de la fraude des teinturiers nommée piquage d'once, son»
dévidoir par tours comptés, dit régulateur transposant, et dans
lequel les fils, au nombre de six, après s'être enroulés en
losanges sur le contour du guindre, en produisant ainsi au-
tant d'échevettes de 3 o'oo mètres juste de longueur, sont
• déplacés latéralement par un glissement du porte-barbin dis-
tributeur, dû au déplacement même de la roue à excentrique
autour de Taxe du compteur, déplacement qui se reproduit
deux fois, et donne ainsi lieu à deux nouveaux groupes d'éche-
veaux, indépendamment du premier.
Ce déplacement latéral du porte-barbins est d'ailleurs opéré
au moyen d'un équipage de roues dentées, constituant un
véritable compteur, placé à l'un des bouts d'un moulin ovale,
et agissant, après un nombre donné de révolutions du guindre,
sur une détente à échappement qui rappelle, l'ancienne solu-
tion du même problème vainement proposée , comme on l'a
vu, aux industriels, il y a près d'un siècle, par Vaucanson,
à la vérité sur une beaucoup plus grande échelle et avec des
combinaisons peut-être trop savantes pour l'époque. Mais ce
qui distingue plus particulièrement le dévidoir de M. Guillini,
c'est qu'il porte un mécanisme à l'aide duquel la machine
s'arrête dès qu'un fil de soie vient à casser; arrêt assez brus-
que, qui s'opère au moyen du basculement d'un levier à char-
nière incliné servant de support à chacun des barbins, mais
dont le poids, très-léger d'ailleurs , cessant d'être soutenu par
le fil de soie rompu , détermine le pivotement horizontal d'un
châssis à tringle qui , par une détente à ressort agissant , d'un
côté, sur une roue à rochet, d'un autre, sur le support d'un
levier horizontal à contre-poids suffisamment lourd, déler-
1 Bulletin de la Société & encouragement, t. XXXVI, 1837, p. a 4^, 25 1,
3i3.
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94 VI- JURY.
mine, à son tour, le débrayage de la roue motrice, par un der-
nier mécanisme d'échappement en lui-même fort ingénieux,
mais qui ne laisse pas que d'ajouter beaucoup à la compli-
cation, déjà si grande, du système.
S IV. — Rapide coup <Tœil sur les brevets délivrés depuis i83o pour le
perfectionnement du filage des cocons. — MM. Paget, Michel, de Saint-
Hippolyte, Geffrajr, Boarcier, etc. — Filage à la tavelle de M. MitifioL
Quelque imparfaite que soit cette revue des principales
tentatives faites avant i83o pour améliorer le système méca-
nique du filage et de l'ouvraison des soies grèges, je ne pourrais
la continuer pour les années suivantes sans dépasser de beau-
coup la limite où il devient possible de la rendre instructive,
supportable même à la lecture. Indépendamment, en effet,
du grand nombre des brevets par lesquels on a , dans l'inter-
valle de i83o à i85o, cherché à perfectionner les machines
à filer, mouliner et dévider la soie en France, il n'est que
trop certain que la plupart d'entre eux offrent, relativement
aux précédents, peu d'idées neuves ou originales, chaque
constructeur cherchant à se créer un système propre en ap-
portant quelques modifications, plus ou moins essentielles,
aux combinaisons adoptées par ses prédécesseurs ou concur-
rents; de sorte qu'il y aurait lieu de craindre que l'exubé-
rance même des brevets délivrés jusque dans ces dernières
années ne fût, comme nous l'avons déjà fait pressentir, bien
plutôt une preuve d'insuccès pratiques que de véritables pro-
grès mécaniques, si elle ne témoignait en même temps d'une
émulation dans les efforts, d'une énergie dans l'intention d'ar-
river au but, d'autant plus louables que sans elles un art,
une industrie quelconque ne sauraient jamais atteindre un
véritable degré de perfection et de prospérité commerciale.
Ou peut compter notamment, dans l'intervalle qui nous
occupe, jusqu'à 20 brevets pour le simple perfectionnement
du mécanisme des tours à dévider les cocons, tours construits
la plupart en bois et quelques-uns en fer et fonte, comme
le sont ceux de MM. Puget, d'Arpaillargues (i833), et Michel,
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MACHINES ET OUTILS. 95
de Saint-Hippolyte (i838), mais ayant pour tendance prin-
cipale d'affranchir le filage de l'intervention de la tourneuse
et , jusqu'à un certain point, de la fileuse, tout en accélérant le
travail par la vitesse de l'asple, portée au delà de 100 révolu-
tions à la minute, grâce aux perfectionnements de détail des
filières, barbins distributeurs, etc., accompagnés d'un sévère
triage et d'une préparation des, cocons propre à faciliter le
tirage et à réduire de plus en plus les déchets.
Nous voyons ici apparaître les noms déjà cités de MM. Blan-
chon, de Chomerac, Rodier, de Ganges ou d'Avignon, auxquels
viennent se joindre ceux de MM. Maynard, à Valréas1, De-
larbre, à Ganges, et de beaucoup d'autres mécaniciens ou fila-
teurs distingués, dont malheureusement il nous serait im-
possible d'apprécier le mérite mécanique ou industriel , faute
d'avoir vu fonctionner leurs machines.
Les tentatives failes particulièrement en vue d'éviter ou de
supprimer les mariages sont l'objet spécial de huit ou dix autres
brevets dus à MM. Ventouillac et Larnabé à Lavaur, Chambon
à Alais, Soubeyran à Saint-Jean-du-Gard, Gensoul à Bagnols2,
PeyotàLyon, etc. MM. Fabre, d'Avignon, Ferand, de Nyons,
Cazet, de Ganges, ont décrit, dans d'autres brevets d'une date
relativement récente (i84i, 1842, i844J, des instruments
formés de baguettes en verre, droites ou courbes, de verres
convexes et sphériques pour opérer la purge des bourillons par
leur rapprochement gradué au moyen d'une vis de rappel , etc.
1 Noos citons cet industriel , bien qu'on n ait point fait à son brevet d'oc-
tobre i84o l'honneur de l'insérer au t. LXXV du Recueil des brevets expirés
(voyez p. 489), parce que sa méthode défiler directement sur bobines sans
recourir au dévidage à la tavelle a obtenu, à l'Exposition de i844, des éloges
et une récompense qui le placent avec M. Blanchon, de Saint-Julien, au
premier rang des filateurs de soie.
1 T. XLVII1 du Recueil des brevets expirés, p. 334. H s'agit d'une espèce
de palonnier ou fléau en bascule, pivotant sur un point fixe au-dessus de la
bassine à eau chaude, et recevant à ses bouts les deux fils de soie dans des
crochets, etc. Ce brevet a été délivré, en février i838 , à M. Gensoul (Alexis-
Bruno), qui s'est aussi préoccupé des moyens d'.éviter le mélange des fils de
cocon.
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96 VP JURY.
MM. Carrière, de Ganges, etBérard, de Minnande, partant ,
d'une idée déjà ancienne, se sont également préoccupés des
moyens de purger les fils mêmes de cocons, en leur faisant
traverser séparément les fentes, parallèles ou convergentes,
d'une sorte de peigne métallique, fixé à vis, qui arrête les
bourillons à l'instant précis de leur passage et avant leur
arrivée à la filière.
D'autre part, MM. Durand frères et Menet Durand , dans
un brevet de juillet i836J, très-lumineux et où ils préconisent
le filage à la double tavelle, avec croisure à un bout, ont ap-
porté aux systèmes de leurs prédécesseurs, MM. Tastevin et
Cournier, quelques modifications essentielles consistant : i° à
remplacer les montants fixée de ce dernier filateur par un
équipage mobile qui permet d'incliner et rapprocher plus ou
moins le couple des petites tavelles -de la bassine inférieure,
afin d'entretenir, en temps sec, l'humidité des fils dans la
croisure et d'éviter la casse ; 2° à accélérer le filage à raison
de i5o tours de l'asple ou 4oo mètres de coulage des fils à la
minute ; 3° à appliquer trois asples et trois systèmes de tavelles ,
dont un, de relai , à une même bassine conduite par une fileuse
travaillant simplement à deux bouts, suivant l'ancienne mé-
thode, mais assistée d'une noueuse ou rattacheuse qui a la
faculté de se mouvoir le long d'un large couloir postérieur*
compris entre la bassine et l'asple , sur lequel on peut agir si-
multanément au moyen d'un lève-bouts et de freins à levier
articulé, etc.; k* enfin, à munir le devant des bassines de
filières à coulisses horizontales, afin de pouvoir en dégager la
surface au besoin.
- MM. Durand frères, de Grane (Drôme), ont aussi, dans
un brevet postérieur2, proposé de battre les cocons au moyen
d'une brosse tournant mécaniquement, afin de supprimer,
disent-ils, la main-d'œuvre fatigante et onéreuse du balai.
Enfin M. Geflray, à Montgeron (Seine-et-Oise) , et M. Bour-
1 T. XLV,* p. 108 , du Recueil des brevets expirés.
1 T. LU, p. 372 , du Recueil des brevets expirés, janvier i83g.
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MACHINES ET OUTILS. 97
cier, de Lyon , ont , à peu près dans le même temps (septembre
et octobre i838), imaginé des appareils à compter on régler
invariablement le nombre des tours de la croisure dès bouts
ou fils de soie; but qui, malgré tant de tentatives déjà faites
depuis Vaucanson et Villard, ne leur paraissait pas avoir été
atteint d'une manière satisfaisante, et n'a point empêché
d'autres industriels d'y revenir plus tard encore.
La période de i83o à i85o offre aussi de nouveaux essais
de dévider, doubler et tordre les fils de cocons en une seule
opération, dont la principale difficulté gît, comme on l'a vu,
dans le collage ou gommage naturel de ces fils. Ces essais, sur
lesquels il serait bien inutile d'insister ici, non plus que sur
quelques autres projets de filature par MM. Chasam et Imer,
d'Avignon (i836), Balay et Vignal.de Saint-Étienne (1837),
Vergniais de Lyon (1841)1, ces essais, dis-je, s'écartent telle-
ment, pour la plupart, des idées jusque-là sanctionnées par
l'expérience, que, malgré leur mérite comme conception
théorique, ils tendent bien plus à inspirer le doute que la
confiance dans l'utilité de leur application à l'industrie.
Nous devons néanmoins excepter M. F. Metifiot, à Loriol,
dont les grèges ont obtenu un succès remarquable à l'une des
Expositions françaises, et qui , dans un brevet de février 1839 2,
s'est préoccupé du séchage des fils soumis, en temps froid,
aux émanations des bassines dans les ateliers clos, où l'on file,
à la double tavelle, d'après- un système qui diffère de ceux
de MM. Cournier et Durand principalement en ce que ces
tavelles sont éloignées verticalement d'environ om,8o l'une de
l'autre, et que, par une disposition qui rappelle celle de
M. Tastevin, les fils qui en descendent vont s'enrouler sur des
roquets horizontaux après s'être séchés dans un long trajet,
accompli sous une vitesse assez lente pour permettre à une
seule fileuse de soigner à la fois quatre bouts ou roquets.
1 T. LXXVI , HVI et LIV du Recueil des brevets expirés, respecti-
vement.
* T. LU, p. 977, du Recueil des brevets expirés.
vi* jurt. — a* part». 7
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98 VT JURY.
Quant aux nombreuses tentatives faites en vue d'améliorer
le mécanisme des machines à doubler et à tordre ou mouliner
la soie, nous leur devons accorder un peu plus d'attention ,
tout en regrettant que tant d'ingénieuses conceptions, mises
en avant trop souvent en pure perte, aient laissé d'aussi
faibles traces dans l'industrie sétifère de notre pays, du moins
si loo en juge par les ouvrages imprimés sur la matière et
l'application limitée qu'elles ont reçue, même en Angleterre,
où l'on est d'ordinaire empressé d'accueillir les innovations
mécaniques vraiibent utiles.
S V. — Tentatives de perfectionnement du moulinage des soies, de i83o à
i85o. — MM. Coront, Cobbeit, Tranchai, Badnall, Chamhon, etc.
Parmi ces tentatives, je citerai avec quelque étendue, à
cause des idées remarquables, celles que renferme le brevet
très-clairement rédigé de M. Augustin Coront, qui a paru sous
la date de mars 18321 et a spécialement pour but le perfec-
tionnement du moulinage des soies. Les bobines, lestées de
plomb, y sont libres autour des broches ou fuseaux, surmon-
tés d'ailettes en S fixées à leur sommet; elles reposent sur une
planche inférieure, munie de velours ou de drap, qui leur
permet de céder sans trop d'effort ni relâchement à l'action
du tirage du fil; combinaison déjà tentée ailleurs, il est vrai,
et d'où il résulte que la vitesse des bobines se trouve naturelle-
ment ralentie par le frottement à mesure que le fil en sort uni-
formément tendu, pour s'enrouler sur les roquelles supé-
rieures, à rotation constante. Quant aux broches, elles sont ici
très-ingénieusement mises en action par deux petits cylindres
ou renflements fixés à leur partie inférieure , et qu'entraînent ,
aussi par frottement, deux disques, d'un plus fort diamètre,
montés sur un axe vertical parallèle, dont le noyau engrène
avec une courroie ou une chaîne sanà fin à la Vaucanson.
D'autre part, les roquelles horizontales supérieures, lestées
également de plomb , sont entraînées , en vertu du frottement dû
1 T. XXXV, p. a 7 1 , du Recueil des brevets expirés*
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MACHINES ET OUTILS. 99
à leur poids , par des rouleaux moteurs d'un plus fort diamètre ,
à .peu près comme dans les anciens dévidoirs à tavelle, sauf
-qu'ici, le roulement ayant Uea sur la soie des bobines, leurs axes
horizontaux se trouvent simultanément soulevés dans des
rainures verticales à mesure qu'elles s'emplissent , et de ma-
nière que la vitesse de tirage des fils, à leur circonférence déjà
garnie, reste constante et le tors égal aux divers instants, sans
qu'il soit nécessaire de recourir aux moyens délicats employés
dans la filature du coton pour faire varier la vitesse angu-
laire des bobines en raison inverse du grossissement de leur
diamètre, d'après le principe indiqué par Vaucanson dans son
célèbre mémoire de 1 7 5 1 .
M. Coront propose aussi, à l'instar d'un de ses devanciers,
M. Tastevin, d'armer chaque fuseau d'un disque qui, dans sa
rotation rapide produite par une chaîne à la Vaucanson, en-
traînerait à la fois deux bobines verticales, etc.
Mais la partie la plus originale de ses conceptions consiste
dans le remplacement du va-et-vient servant jusqu'alors à la
distribution uniforme du fil sur les roquelles, par un système
à bielle, dont le bouton ou mentonnet excentrique, au lieu
d'être mené par une roue ou manivelle ordinaire, est monté
latéralement sur une roue dentée elliptique, conduite par une
seconde roue pareille, tournant autour d'un axe horizontal
qui la traverse perpendiculairement en son centre, et qui
reste fixe, tandis que celui de la première roue, en quelque
sorte planétaire, a la liberté de glisser le long d'une petite
coulisse, sous l'influence d'un repoussoir à ressort qui main-
tient, aux divers instants, le contact ou engrènement réci-
proque des deux roues.
L'avantage d'un pareil système d'excentrique est de donner
des bobines naturellement convexes ou renflées vers le milieu,
en talus sur les bouts , et qui dispensent ainsi de l'usage des
rebords extrêmes. De plus, les spires du fil s'y recroisent en
losanges, de manière à se soutenir réciproquement, sur un
noyau plus ou moins concave, et à donner lieu à des vides
qui favorisent l'accès de l'air, le dévidage et la dessiccation des
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100 VI- JURY,
fils : c'est d'ailleurs là un résultat qu'on obtient sans difficulté
dans tous les systèmes de va-et-vient en donnant à la barre
commune des guides ou barbins distributeurs une accélé-
ration convenable par rapport à la vitesse de rotation des
roquelles, accélération qui, en vertu du rouage elliptique,
étant plus considérable vers les extrémités de la course qu'au
milieu, y produit les amincissements mentionnés.
Enfin, M. Coront, dans ce même brevet, qui remonte au
delà de vingt-deux ans, présente un moyen, déjà mentionné
ci-dessus, de doubler et tordre simultanément les fils de soie ,
en mettant les bobines sur un plateau tournant d'où ces fils
s'échappent, en convergeant, au travers d'une filière ou œil-
lère fixe, de laquelle, après avoir subi le tors convenable, ils
se rendent sur un guindre horizontal disposé de la façon
ordinaire. Cet industriel est d'ailleurs revenu, dans un brevet
de mai i835, sur quelques perfectionnements de détail des
moulins ovales et des barbins à ressort, que je me dispenserai
d'indiquer ici.
Ce serait également le lieu de dire un mot du système de
doublage et de moulinage des soies proposé par M. T. V. J.
Christian , si cela n'avait déjà été fait par anticipation , et si le
système de broches en fer à cheval et à alimentation d'huile
proposé par cet industriel offrait des particularités qui méri-
tassent d'être décrites ou mentionnées à cause de leur nou-
veauté ou de leur utilité.
Par le même motif, je ne citerai que pour mémoire le
système de broches horizontales et verticales, à ailettes en fer
à cheval, qui, décrit dans un brevet d'importation de i833
par M. Cobbett (John), de Londres1, rappelle les moyens
connus de régulariser la vitesse des bobines dans les métiers
continus à filer le coton ou le lin, par le frottement d'une
cordelle dont la tension est réglée à l'aide d'un levier à
poids; ce système, pour lequel, au surplus, l'auteur se pré-
tend patenté dès septembre 1820 en Angleterre, a été repro-
1 T. LXVI, p. 38 , du Recueil des brevets expirés.
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MACHINES ET OUTILS. 101
doit avec des modifications peu essentielles, dans un autre
brevet d'importation de i838, par M. Benjamin Rotch, de
Londres, déjà mentionné pour un autre objet.
On doit à M. Tranchât, mécanicien à Lyon (i833), le
même que nous avons cité pour une simplification du dévi-
doir Belly, un moyen assez iogénieux pour arrêter les roquets
des machines à doubler, etc. , quand un fil casse, à f aide d'une
bascule qui pèse sur le fil tendu, et dont le point de suspen-
sion est au-dessous du centre de gravité; moyen qui offre
quelque analogie avec celui précédemment employé dans le
régulateur transposant de Guilliny.
M. Badnall fils (Richard) , manufacturier en soie à Leek,
dont nous avons également cité les efforts pour perfectionner
le dévidage et le tordage des fils de soie en 182 5, et qui avait
pris en Angleterre, vers cette époque, un brevet dans lequel
se trouvent décrits des moyens pour doubler et tordre simul-
tanément les fils, en supprimant l'appareil à ailettes en S, y re-
vient néanmoins dans un brevet d'importation de juin i83a !,
en proposant de faire mouvoir par autant de roues dentées à
engrenage extérieur les couples de fuseaux, dont les fils doi-
vent, deux à deux, se réunir, après croisement, sur une ro-
quelle supérieure. D'ailleurs , ce système se trouve accompagné
de casse-fils ou mécanismes de débrayage et d'arrêt en cas de
rupture, ainsi que de xoues de rechange, servant à modifier
au besoin le tors, et dont les différentes combinaisons, si elles
n'offrent rien de bien neuf quant à la conception première,
se recommandent néanmoins par l'intelligence des dispositifs
qui annoncent un constructeur exercé. En effet, outre que
l'on avait déjà, comme on l'a vu, fait des tentatives plus ou
inoins analogues en France, M. Badnall avait été précédé,
même en Angleterre, par M. William Needham, de Lougnor,
dont la patente , délivrée en septembre 1 83o s, a pour objet une
machine à doubler et à tordre en même temps, munie d'un
1 T. XXXVIII, p. 368, du Recueil des brevets expirés.
* Repertory ef patent inventions, etc., t. 1, i83s , p. 60. .
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102 vr JURY.
casse-fils, mais conduite par des cordons sans fin et des poulies,
de renvoi à l'ancienne manière.
Je citerai également pour mémoire les tentatives du même
genre faites postérieurement par M. Vignal (Jacques), de
Saint-Étienne (i835 et i836), avec des bobines tantôt hori-
zontales, tantôt verticales; celles de MM. Vigezzi, Riva et Do-
ninelli, à Lyon (i835), Durand frères, à Grane (mars i84i),
Montégu , à Lyon (décembre 1 84 1) *, enfin Perinetti (Charles) ,
à Plaisance, qui toutes rappellent plus ou moins les tentatives
antérieures de MM. Tastevin, Rodier, Coront, Badnall, etc.
Néanmoins, il ne sera pas inutile de faire remarquer que
M. Montégu, conservant l'ancien moulin ovale, perfectionné
dans quelques détails relatifs à la disposition des fuseaux, .a
imaginé de faire passer la courroie motrice alternativement
d'un côté et de l'autre du renflement de ces fuseaux, dont
les uns, distribués par couples, portent les bobines de premier
apprêt, et les autres, intermédiaires à chacun de ces couples,
marchent en sens contraire, afin de donner le deuxième tors-
aux fils doubles, qui descendent d'une poulie supérieure à
gorge conique fortement évasée, où se sont élevés et réunis
les fils simples des fuseaux intermédiaires, etc.
Nous accorderons une mention plus particulière au brevet
délivré à Paris2 à M. Chambon (Louis- Jules), déjà cité pour
ses utiles inventions relatives au filage des cocons, et qui vient,
à son tour, exposer les perfectionnements qu'il a apportés aux
idées de MM. Coront et Tastevin sur le doublage et le mou-
linage des soies , dont il supprime les guiodres et les coronnelles
comme susceptibles d'occasionner la rupture des fils quand
on cherche à dépasser une certaine limite de vitesse. Dans ce
but , il propose : soit un jeu de bobines verticales, montées sur
des plateaux tournants, pour doubler et tordre simultanément
en premier apprêt les fils, qui de là se rendent sur des ro-
quelles dont les broches en fer, légèrement inclinées, portent ,
1 T. LXXH, p. 16a , du Recueil des brevets expirés.
1 T. XLV, p. 271 , du Recueil des brevets expirés (1 2 novembre i836).
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MACHINES ET OUTILS. 103
à une extrémité, de petits cônes en bois roulant sur des mo-
lettes motrices d'après un systènfe généralement adopté au-
jourcThui dans le» dévidages et doublages automatiques ; soit
an système de moulins de deuxième apprêt, dont les roquelles
supérieures sont directement conduites par le frottement de
leur soie contre des rouleaux à vitesse unifonne, tandis que les
bobines des fuseaux obtenues à la machine de premier apprêt
sont simplement coiffées de calottes à rebords, assez bien polies
et arrondies pour n'apporter aucun obstacle au déroulement
des fils attirés par les roquelles supérieures, qui, tenant lieu
ici des guindres en usage dans l'ancien moulin de second tors,
sont d'ailleurs précédées de chevilles en verre autour des-
quelles ces mêmes fils acquièrent le degré de tension néces-
saire pour leur parlait envidage. Quoiqu'il n'y ait là, au point
de vue mécanique, rien d'absolument neuf, peut-être, pour*
l'époque de i836, néanmoins les succès obtenus par M. l^ouis
Chambon aux Expositions de 1839 et de i844 s'accordent à
prouver que cet industriel a fait' faire des progrès réels à l'art
de mouliner les soies dans notre pays.
Enfin , je ne saurais me dispenser de citer ici encore le
brevet d'importation de M. Collier-Harter, de Manchester1,
où l'on se propose d'activer le travail des machines à dévider
la soie, en agrandissant le diamètre des couronnes qui con-
duisent, par simple roulement, les roquelles armées de volants
métalliques pour régulariser la vitesse et tenir lieu de l'an-
neau frein, à poids, que contenaient les plus anciens dévi-
doirs automates; la simple résistance de l'air devant suffire,
selon le breveté , pour faire éviter les dangers d'une trop grande
accélération ou des ruptures de fils qui, dans le nouveau dé-
vidoir, d'ailleurs, ne peuvent survenir sans faire mouvoir,
aussitôt un rochet d'arrêt ou de suspension de la pièce corres-
pondante de la machine.
Ce brevet, ainsi que quelques-uns des précédents et de ceux
qu'y ont ajoutés subséquemment divers autres ingénieurs na-
1 T. LXXVI, p. A82 1 du Recueil des brevets expirés, novembre i836.
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104 VrJURY.
tiooanx on étrangers1, en se fondant sur des moyens de solu-
tion plus ou moins analogues, ces brevets, dis-je , sembleraient
prouver qu'on en était encore, même longtemps après i836,
aux premiers expédients pour faire sortir le moulinage de la
soie des routes anciennement tracées. Mais, afin de rectifier
ce qu'une pareille opinion pourrait offrir de trop absolu , il
nous, faut laisser là l'histoire des inventions mécaniques ba-
sées sur la délivrance et l'étude des brevets, pour nous rap-
procher un peu plus des données fournies par la pratique
actuelle des ateliers, dont, en apparence, les règles et les pro-
cédés divers de fabrication ne sont pas toujours conformes
aux prescriptions de la théorie.
CHAPITRE III.
ÉTAT PBisERT BT COMPARÉ DB LA FILATURE MECAHIQUE DBS SOIES GRB4BS *.
Dans ce qui précède, j'ai indiqué ou fait pressentir, à l'oc-
casion , l'avenir réservé aux principales tentatives de perfec-
tionnements mécaniques consignés dans les brevets et écrits
divers. On a pu se convaincre que ce qui a manqué à l'indus-
trie sétifère, ce ne sont ni le génie ni le mérite théorique
des inventions, dont ja première initiative est, pour ainsi dire,
exclusivement due à des mécaniciens de notre pays. D nous
reste à voir jusqu'à quel point ces ingénieuses ressources ont
été mises à profit, sans trop nous en rapporter aux écrits sur
la matière, dont les auteurs se sont principalement renfer-
més dans le point de vue statistique et commercial, technolo-
gique si l'on veut, mais fort peu mécanique, outre qu'ils nous
laissent presque toujours ignore** le véritable état des choses
1 Voyex plus particulièrement l'extrait de la patente de M. W, Needham,
de Manchester, de mai i838, p. 89 du Repertoiy of patent inventions, nouvelle
série, t XI, i83q.
* En lisant ce chapitre, on ne devra pas oublier qu'il a été écrit immé-
diatement après un voyage entrepris spécialement dans ie midi de la France,
en juin i853.
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MACHINES ET OUTILS. 105
et le nom des auteurs ou promoteurs ' de chaque décou-
verte.
Est-il vrai, notamment, que le dévidage et le moulinage
des grèges et organsins soient demeurés chez nous, malgré tant
d'heureuses conceptions, dans une sorte d'infériorité relative
par rapport à ceux des Italiens et des Anglais? Les résultats
qui se sont produits aux diverses Expositions de l'industrie fran-
çaise depuis 1 8 1 g sembleraient démontrer le contraire ; et alors
comment expliquer la soi-disant négligence de nos filateurs
du Midi pour tout progrès mécanique? Voilà des questions
qui ne peuvent se résoudre sans voir de ses propres yeux,
sans consulter et comparer entre eux les témoignages des
hommes les plus versés dans la pratique du métier, si l'on
peut s'exprimer ainsi.
Aussi ai-je jugé indispensable, en l'absence de renseigne-
ments plus précis, de parcourir quelques-uns de nos départe-
ments méridionaux les plus renommés sous le rapport de la
production des soies, avant de hasarder une opinion quel-
conque sur cet important sujet. Je regrette, néanmoins, que
le temps et la force, sinon le bon vouloir, m'aient manqué
pour étendre jusqu'en Italie et en Angleterre le cercle de mes
visites ou pérégrinations, limitées, même pour le midi de la
France, à certaines localités des départements du Rhône, du
Gard et de l'Ardèche; départements que, si l'on eu juge par
la simple nomenclature des brevets d'invention, on doit, à de
justes titres, considérer comme le principal foyer des progrès
et des perfectionnements mécaniques dans cette branche si
importante d'industrie.
Pour procéder avec ordre, je m'occuperai d'abord exclusi-
vement des machines à dévider les cocons; puis je passerai à
celles qui servent proprement au tavellage, au tracanage, au
doublage et au- moulinage des grèges, plus particulièrement
désignées par les auteurs $ous la dénomination spéciale de
machines cTouvraùon.
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106 vr JURY.
S Ier.— Perfectionnements divers apportes en France et en Italie aux tours
à fifer les cocons : trembleurs et croiseurs mécaniques; filières, casse-
fils, distributeurs, etc. — MM. Michel, Roeck et Blanchon, Durand frères ,
Bourcier, Robinet, Régnier, Catlinetti, Coront, etc.
On a généralement abandonné, dans le midi de la France,
les anciens tours à manivelle ou à pédale, avec bâtis en bois,
sauf dans la campagne, où malheureusement le tirage des
cocons continue à se faire, avec force déchets, d'après l'an-
cienne méthode et malgré la concurrence des grands établis-
sements de filage mécanique, établis pour la plupart à la
proximité des villes, qui par elles-mêmes offrent des res-
sources variées sous le rapport de la construction des ma-
chines. Néanmoins, même dans ceux de ces établissements
où s'opère le triage préalable des bons et des mauvais cocons,
le filage à la main ou avec tourneuse, à un seul bout, est en-
core employé avec les soios et la lenteur que réclament ces
mauvais cocons , mais plus particulièrement ceux qu'on nomme
doupions, parce qu'ils renferment deux chrysalides à la fois.
MM. Michel à Saint-Hippoljte-du-Gard, Geoffray à Vienne
(Isère) , Louis Roeck à Lyon , Rey à Nîmes, Taylor à Marseille
et plusieurs autres mécaniciens habiles ont, depuis un assez
grand nombre d'années, établi des tours à tirer la soie montés
sur des bâtis en fer ou fonte, très-légers, néanmoins très-stables,
et d'un prix assez peu élevé pour les mettre à la portée des
petites industries. Le premier d'entre eux, breveté, ainsi qu'on
l'a vu, depuis i838, mentionné, récompensé honorablement
lors des Expositions de i844 et de 1849 » mais dont les débuts,
comme simple ouvrier mécanicien , datent en réalité de l'année
i83o, M. Michel, dis-je, en a construit par milliers pour la
France, l'Espagne, la Grèce et l'Italie; sa production n'est pas
moindre de 3oo à Aoo tours par année, grâce à leur admi-
rable exécution et aux perfectionnements divers qu'il y a
introduits, notamment à l'égard des moyens de régulariser,
modérer à volonté le mouvement de l'asple, de maintenir
les bassines à une température constante, etc. Ce dernier fait
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MACHINES ET OUTILS. 107
suffirait seul pour prouver, quant au filage mécanique des
cocons, notre supériorité sur les autres pays, si elle n'était
d'ailleurs attestée par la vogue que, dans ces derniers temps»
nos grèges et organsins ont acquise, indépendamment de la
qualité originelle des cocons, que les efforts réunis de nos
savants sériciculteurs ont aussi cherché à améliorer, sans
peut-être obtenir des succès comparables à ceux qu'on doit
aux progrès mécaniques l.
Dans les tours de M. Michel, comme dans ceux de ses
concurrents, les lames de l'asple à six branches sont, pour
ainsi dire, seules en bois, ainsi que les couronnes de la grande
et de la petite roue, qui communiquent le mouvement à cet
asple par simple roulement ou frottement; chez quelques
constructeurs, M. Roeck notamment, les couronnes, très-amin-
cies, sont elles-mêmes construites en fonte et recouvertes alors
de cuir pour augmenter l'adhérence. D'ailleurs, ces divers
tours, d'une forme simple et élégante, sont accouplés, rangés sur
une seule file et conduits par un seul arbre moteur, comme
dans l'ancien système Bonnard, dont quelques personnes re-
vendiquent, mais sans preuves suffisantes, la première appli-
cation en faveur de MM. Laporte , Pellet , de Saint-Jean-du-
Gard, Louis Buffoni, de Fossombrone (Italie), etc.9. Chaque
1 II est à craindre, eri effet, que les moyens artificiels mêmes employés
depuis an certain temps pour l'assainissement des magnaneries , trop délicats
peut-être pour des ouvriers ou surveillants mal éclairés, peu soucieux ou
trop confiants dans l'efficacité absolue des nouveaux procédés, n'aient été,
en majeure partie, la cause de l'invasion de certaines maladies et de la dé-
générescence ou abâtardissement des races originelles de vers à soie , jusque-
là si vivaces et si productives.
* Voyex notamment l'intéressant mémoire intitulé : Du commerce des
soies et soieries en France, par M. Léon de Teste; Avignon, i83o, p. 64. De
semblables assertions n'étant pas appuyées de dates précises ou de preuves
contemporaines à l'époque ou M. Bonnard soumettait, en 1819 et en i8a3,
ses méthodes de filer à l'appréciation du public industriel , me semblent
devoir être considérées à peu près comme non avenues; et c'est aussi pour
ce motif que je n'ai pas cru devoir mentionner les réclames ou témoignages
que le docteur Géra (v. page 5 2 ) apporte , dans son Tireur de soie, en faveur
de plusieurs de ses compatriotes italiens : Santorini, Milius, Galvani , etc.
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108 VP JURY.
fileuse, placée entre la bassine et l'asple suffisamment élevé
d'après le système Rodier, peut suspendre, à volonté, le mou-
vement de son tour, à deux écheveaux, au moyen d'un levier
à bascule qui, en soulevant le rouleau de friction ou de
commande de cet asple , le fait frotter contre la partie concave
d'un frein supérieur garni de cuir. Du moins, cette disposi-
tion , à laquelle M. Michel vient de substituer un débrayage
à détente, agissant comme modérateur pour régler à volonté
la vitesse de Fasple, eat-elle généralement employée avec de
légères variantes, qui consistent à manœuvrer le levier, tantôt
directement ou à la main, tantôt par le genou ou le pied,
mettant alors en jeu un système de renvoi, à tringles et bas-
cules, à peine apparent et aussi peu encombrant
La transmission par courroie et poulies fixes ou folles, le
rouage denté à excentrique qui donne le mouvement de va-
et-vient à la tringle horizontale des barbins distributeurs mu-
nis de verre, ces mécanismes que M. Michel a aussi cherché à
perfectionner en évitant les points morts, se trouvent, à l'or-
dinaire, établis à l'une des extrémités de chacune des rangées
de tours, dont le nombre des révolutions peut atteindre jusqu'à
120 par minute. Les filières en agate polie et à grande ouver-
ture, au lieu d'être établies sur coulisses horizontales , comme
l'ont proposé MM. Durand frères dans leur brevet de i836 ,
sont généralement accouplées aux extrémités antérieures des
deux branches d'une fourche horizontale en cuivre, qu'on
relève verticalement en la faisant pivoter autour d'une char-
nière fixée au rebord antérieur de chaque bassine, lorsqu'il
devient nécessaire de dégager entièrement la surface du
liquide où nagent les cocons. Cette même bassine, générale-
ment établie sur des pieds en fer, est formée de feuilles de
cuivre ou de tôle émaillée , et la vapeur à chauffer y arrive
par des jets distribués circulairement , etc.
Toutes ces dispositions, et quelques autres d'un moindre
intérêt peut-être, sont d'ailleurs exécutées avec la précision
désirable par les mécaniciens déjà cités, et je les ai vues»
pour la plupart, réalisées dans le bel établissement de M. Blan-
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MACHINES ET OUTILS. 109
chon, à Saint-Julien-en-Saînt-Alban , dateur à qui, si je ne
me trompe, on doit la première idée des filières à bascule,
aussi bien que celle de l'ingénieux appareil en fil de cuivre,
roulé en volute ou spirale, muni d'un barbin porte- bout en
verre, pour soutenir les fils à la "partie supérieure de la croi-
sure; appareil nommé trembleur, parce que, tout en cédant
aux à-coups du tirage, il sert, en effet, à imprimer aux co-
cons suspendus à chaque brin, dans la bassine, un sautille-
ment continuel très-favorable au dégagement de ce même
brin d'avec ceux qui adhèrent encore à la coque.
Il est presque inutile de faire remarquer que la croisure à
hélices multiples dont il s'agit, dirigée verticalement entre
chaque couple de porte -bouts et de filières, est suivie, dans
la partie horizontale comprise entre les trembleurs et les
porte-bouts voisins de l'asple, d'un croisement simple à tour
et demi des deux fils, d'après le système à la Chambon, où,
comme on l'a vu , l'un de ces fils venant à casser, l'autre s'abat
et s'enroule sur l'arbre en fer de l'asple, dont la fileuse sus-
pend aussitôt le mouvement, pour rompre le mariage, jeter
ou rattacher les bouts en le faisant tourner %n sens contraire.
Quant au mécanisme du trembleur, il convient de dire que
la construction en a été primitivement réalisée, perfectionnée
par le même M. Roeck, de Lyon, déjà mentionné, qui en a,
un peu trop peut-être, accru la sensibilité, et auquel on doit
également un croiseur mécanique permettant de donner une
rapidité surprenante, 200,*3oo et jusqu'à 4oo tours à la croi-
sure des deux fils; petit appareil enfermé dans une boîte de
cuivre , facilement applicable à tous les tours , et que cet habile
artiste s'est en quelque sorte approprié, en raison non-
seulement de ses efforts pour le perfectionner, mais aussi de
l'outillage et des divers procédés mécaniques qu'il a dû créer
pour en réduire déplus en plus le prix, en faciliter l'usage et
en accroître la durée.
La première idée d'un tel mécanisme date, comme on l'a
vu, de la fin du dernier siècle, mais il était alors inséparable
du tour; elle a souvent été reproduite depuis avec des per-
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110 VI- JURY.
fectionnements plus on moins appréciés par les filateurs de
grèges, qui lui reprocbaient précisément ce qu'on avait con-
sidéré d'abord comme une qualité essentielle, à savoir: de
régler fixement le nombre des croisures, qui, en réalité, doit
varier, sinon arbitrairement et au gré des fileuses inexpéri-
mentées, du moins avec la qualité des cocons et la nécessité
qu'il peut y avoir, dans certaines circonstances atmosphériques,
d'expulser plus ou moins, par la compression réciproque des
hélices, Peau que les fils de soie tendent à retenir fortement
en vertu de leur hygrométricité. C'est dans ce but aussi que
MM. Pétives et Bourcier, de Lyon, Gefiray, de Montgeron et
Robinet, de Paris, ont, vers 1839 ou *84o, imaginé et cons-
truit des croiseurs mécaniques ingénieux, à bottes indépen-
dantes, permettant de graduer entre certaines limites le
nombre des hélices, mais, si je ne me trompe, tous conduits
à la main. Quant aux croiseurs de M. Roeck, que l'ouvrière
met simplement en action par un abatage de levier adapté
à un mécanisme intérieur d'horlogerie, dont la détente à
ressort produit l'évolution spontanée et rapide des fils, ils
étaient primitivernent sujets à une assez prompte usure et à
des ratées qui les avaient fait accueillir avec non moins d'in-
différence que ceux de ses devanciers; et cela à tel point que,
aujourd'hui même, presque tous les croiseurs, en très-grand
nombre , que j'ai eu occasion d'apercevoir dans les ateliers de
filage se trouvaient, pour ainsi dire, délaissés, soit par ces
diverses causes, soit peut-être aussi parce que leur usage con-
trariait les habitudes invétérées des fileuses, qui préfèrent
s'en fier au coup d'oeil et à la surprenante agilité de doigts
qu'elles y apportent. Peut-être, enfin, l'usage général où Ton
est maintenant d'élever jusqu'à près de 4oo le nombre des
croisures d'hélices rend -il moins indispensable de l'arrêter
à une limite parfaitement fixe, dans des ateliers où le chef
peut exercer un facile contrôle en mesurant à l'œil l'étendue
même occupée par la croisure de chaque tour.
Quoi qu'il en soit, on ne peut qu'applaudir aux efforts
tentés en dernier lieu, soit eo France, soit en Italie, mais plus
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MACHINES ET OUTILS. 111
particulièrement par M. Roeck, de Lyon, pour livrer à l'in-
dustrie sétifôre un croiseur mécanique exempt de tous re-
proches, et qui puisse mettre les chefs d'atelier de nos grands
établissements à l'abri des caprices et de la négligence des
{lieuses inexpérimentées.
Nous adresserons les mêmes éloges aux compteurs de ce mé-
canicien, servant à déterminer le tors par mètre des fils or-
gansins, ainsi gu'à ses balances , dynamomètres ou sérimètres,
également applicables à l'ouvraison des soies, et qui, joints
aux autres appareils ou procédés de tirage perfectionnés par
M. Talabot, aux belles théories de M. Chevreul sur les effets
optiques présentés par les étoffes de soie, tendent de plus en plus
à imprimer à cette grande et nationale industrie le caractère
propre aux arts de précision. Mais je ne prétends ici fixer
l'attention que sur le sérimètre, au moyen duquel on peut
apprécier l'élasticité et la ténacité relatives des fils de soiç,
parce que cet ingénieux et élégant instrument, présenté, de
même que les précédents, par M. Roeck, à l'Exposition univer-
selle de Londres, y est en quelque sorte demeuré inaperçu,
quoiqu'il eût mérité,' à cause de sa belle exécution et de
son extrême importance , sinon une récompense de premier
ordre, du moins une mention particulière et très-honorable.
On sait que c'est à l'habile mécanicien de Paris Régnier
que l'on doit, déjà anciennement, les premiers appareils dyna-
mométriques de ce genre; mais c'est M. Robinet qui, en les
perfectionnant sous divers rapports, a plus particulière-
ment appelé l'attention sur les avantages du sérimètre, dans
ses leçons pratiques et ses ouvrages sur la filature de la soie,
publiés à partir de 1839; ouvrages qui renferment aussi pour
la première fois une sérieuse et savante appréciation de l'in-
fluence des divers procédés de filage sur les qualités phy-
siques de cette précieuse matière. Si le docteur Géra, à la
page 98 de son ouvrage souvent cité, a pu reprocher au séri-
mètre dé cet auteur son extrême délicatesse, qui ne permet
pas de l'appliquer au faisceau de plusieurs fils, et de donner
ainsi des indications qui, pour être certaines, avaient besoin
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112 VT JURY.
d'être répétées, afin de conduire à des moyennes exactes; si,
d'autre part, le but a été depuis mieux atteint par le méca-
nicien milanais Gatlinetti, dont l'instrument, monté sur co-
lonnes, est pourtant moins facile à transporter et à manœu-
vrer que celui établi en dernier lieu par M. Roeck, d'après
des idées qui se rapprochent beaucoup de celles de M. Robinet,
on ne saurait toutefois refuser à ce dernier le mérite d'une
initiative généreuse, qui s'est étendue à d'autres objets, et à
laquelle il est permis d'attribuer une utile influence sur les
progrès de l'industrie sétifère dans notre pays, non pas tant
peut-être à cause des leçons et des écrits de ce professeur,
qu'en raison des exemples et des indications pratiques qu'il
a offerts à cette même industrie.
Quant aux divers moyens ou procédés mécaniques proposés,
par M. Robinet-, et réalisés dès i838 dans le tour d'essai que
décrit son premier mémoire, tels que : mécanisme d'arrêt quand
un fil casse; va-et-vient distributeur conduit par un bouton
qui, en glissant dans une rainure ovale ou elliptique, produit
des fils croisés en losanges sur l'asple, mais que M. Geffray
de Montgeron avait, de son côté, réalisé une ou deux années
auparavant, il me serait impossible de porter un jugement
précis sur leur valeur pratique, ne les ayant vu appliquer et
fonctionner nulle part. Toutefois, cet appareil doit, à cause
des frottements et temps d'arrêt, être placé beaucoup au-des-
sous du distributeur à engrenage elliptique et à excentrique
pour lequel M. Coron t s'était fait breveter en 1 83 2, et qui,
d'après le docteur Géra1, aurait, probablement à une époque
postérieure, été appliqué à un modèle de tour à dévider les
cocons dont il servait à régler le va-et-vient; modèle qu'un
autre mécanicien français, nommé Armand, aurait fait voir
à diverses personnes lors de son passage par Turin.
Le problème qui se rattache à cette question , envisagée à
son point de vue général, et qui avait, comme on l'a vu,
préoccupé Vaucanson dès le milieu du siècle précédent, n'a
1 il trattore da seta, p. 74 et 99.
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MACHINES ET OUTILS. 113
que tardivement, à ce qu'il parait, d'après le même auteur
( 1826 et 1828) , attiré l'attention des ingénieurs italiens, dont
les solutions, trop exclusivement géométriques peut-être,
sont plus particulièrement relatives au tracé de la rainure
à double hélice ou en cœur sur la surface d'un cylindre en
bois dur; problème déjà résolu d'une manière satisfaisante
en 1767 par le Payen, de Metz. Nous verrons d'ailleurs bien-
tôt cette même question du va-et-vient se reproduire pour les
machines d'ouvraison, et nos industriels multiplier les essais
en vue d'atteindre la meilleure solution relative à chaque cas;
mais, auparavant, il convient de revenir à la spécialité des
machines à dévider les cocons, et de voir ce que sont devenus,
dans l'industrie sétifère, les divers autres projets mécaniques
de filage dont je me suis précédemment contenté, pour ainsi
dire, d'analyser les brevets.
SU. — De quelques grands établissements en France où Ton file, où l'on a
filé les cocons par des procédés divers. — MM. Téranbê, Ricard, Olivier
et Bonnet, Francezon, Edouard Chambon, Teissier-Ducros , Deydier et Goii-
mari, L. Bhnchon, etc. — Le tour LocateUi et le nouveau procédé de
filage de MM. Akan et Limet, à Paris.
Parmi les grands établissements de ce genre que j'ai eu
occasion de visiter, et où le tirage des cocons s'opère à peu de
chose près automatiquement, sur les tours en fer dits à la
Chambon, je citerai celui du docteur Téraube et le nouveau
procédé de filage de Pont-de-Charette, près d'Uzès, dont les
120 tours sont mus par une roue hydraulique à augets bien
entendue ; l'établissement de M. Ricard, à Peyre-Grosse, près
du Vigan, à 85 bassines ou tours conduits par une roue pa-
reille, de 7 mètres de diamètre, construite à Vienne dans les
ateliers de M. Geoflray, à qui Ton doit presque toutes celles,
en très-grand nombre, établies dans le pays, soit en bois, soit
en fer; celui de M. Olivier fils, à Àlais, dont l'atelier de
110 tours, allant par machine à vapeur, est dirigé par M. Bon-
net, qui , après avoir servi honorablement, sous Napoléon Ier,
comme brigadier de lanciers, est venu appliquer son esprit
VI* JURY. — a* PARTIE. 8
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114 vr JURY.
d'ordre et de discipline aux fonctions de contremaître, qu'il
remplit depuis fort longtemps avec un succès qui prouve
l'excellent parti que nos industriels pourraieot tirer de l'em-
ploi des anciens militaires. Enfin, je mentionnerai encore,
pour l'esprit d'ordre et de progrès qui y règne, les vastes
établissements à moteurs hydrauliques et à i4o bassines de
MM.Deydier frères , à Ucel , près Aubenas, associés de MM. Ga-
limard, de Vais, ainsi que ceux de M. Louis Blanchon, de
Saint- Julien, près de Privas, non moins remarquables par le
grandiose et le luxe des constructions que par le système
général des commandes et transmissions de mouvement, éta-
blies en fer ou fonte par l'habile M. Geoflray, de Vienne.
Ces divers établissements sont d'ailleurs accompagnés d'ate-
liers de moulinage également remarquables par leuç éten-
due, et dont j'aurai bientôt à faire connaître le système de
machines, au point de vue des progrès et des caractères géné-
raux qu'ils peuvent offrir. Dans tous, on file vite et bien, à
raison de 80 à 120 révolutions de l'asple à la minute, mais
sans renouer les bouts; ce qui offre de grands avantages, nop
pas seulement au point de vue économique du chauffage des
bassines à la vapeur et de la main-d'œuvre, puisqu'une seule
rattacheuse suffit à soigner le dévidage des flottes sur 20 ta-
velles, mais aussi pour la qualité propre des fils, qui en de-
viennent plus brillants, moins décheteux, en se détachant vive-
ment des cocons, dont l'inertie joue ici, comme résistance >
un rôle facile à apprécier.
Au surplus, les persévérants et remarquables efforts exer-
cés depuis 1820 ou 1824 par la plupart des industriels dont
nous avons analysé précédemment les brevets ont obtenu ,
quant à la supériorité des produits, assez de succès et de
retentissement aux époques contemporaines de nos Exposi-
tions nationales , pour me faire vivement regretter de n'avoir
pu étendre le cercle de mes visites à un plus grand nombre
des belles et vastes filatures de soie dont le midi de la France
est si richement pourvu. Il suffit, en m'appuyant de l'autorité
d'hommes aussi compétents et aussi éclairés que MM. Robi-
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MACHINES ET OUTILS. 115
net, de Paris, Jourdan, de Lyon, etc., aux lumières desquels
l'industrie sétifere est tant redevable, de pouvoir affirmer que
la majeure partie de ces établissements, contenant de 100 à
i4o et jusqu'à 160 bassines, filent avec une égale perfection,
d'après le système dit à la Chambon, tandis qu'un nombre
probablement bien moindre file ou filait naguère encore
(i843) à la tavelle, d'après des systèmes plus ou moins ana-
logues à ceux pour lesquels MM. Tastevin, Durand, Menet et
Mitifiot ont été brevetés en i834, i836 et 1839. Tels sont,
indépendamment des établissements de ces derniers industriels
à Saint -Vallier, Ànnonay et Loriol, ceux de MM. Delarbre,
Carrière, Coste et Gariot, à Ganges; Chartron, aussi à Saint-
Vallier; Duval, à Bourgental; Ernest Faure, à Saillans; Demi-
chaux, à Privas, etc., etc., qui, tous, occupent un rang très-
distingué parmi les filateurs de grèges et d'organsins. Enfin,
un nombre beaucoup plus restreint de fabricants : MM. Casi-
mir Chambon, à A lais; Meynard, à Valréas; Teissier-Ducros,
à Valleraugues, cités par le rapporteur du Jury de l'Exposi-
tion française de i8&4» filent ou ont filé avec une remar-
quable perfection, soit directement à un bout et sur bobine,
soit à quatre bouts, avec 20, 32 ou 48 cocons, selon des
méthodes qui doivent également offrir quelque analogie avec
celle de feu Tastevin et de John Heathcoat.
En visitant à Valleraugues, département du Gard, le
grand établissement fondé dès avant i8i5 par M. Teissier-
Ducros père, sur le système à la vapeur.de Gensoul, mais
dont les ateliers sont aujourd'hui dirigés avec non moins de
succès par ses fils, mon attention n'a malheureusement pas
été appelée sur le filage à quatre bouts de ces industriels , à
qui la Société d'encouragement de Paris1 avait elle-même
accordé, en mars i84i» la médaille d'or «pour la perfec-
1 ho* année du Bulletin, p. 95. Rapport de M. Calla sur les résultats do
concours, pour lequel la Société avait fondé un prix de 3 000 francs, pro-
rogé d'année en année, et qui a été porté à 6 000 francs en décembre 1847,
1 avoir été depuis renouvelé ou remporté.
8.
,
116 VP JURY.
« tion remarquable de leurs produits, déjà quatre fois récom-
« pensés, dit le rapporteur, aux Expositions de i8a3, 1827,
• i834, 183g,» et qui depuis l'ont été également à celles
de i844 et de 1849, couronnées finalement par l'Exposition
universelle de Londres, où MM. Teissier-Ducros ont obtenu la
médaille de prix. Toutefois , mes regrets de n'avoir pu observer
de près la méthode de filage à quatre bouts se trouvent bien
diminués, en réfléchissant qu'elle s'applique plus particuliè-
rement aux grèges d'un litre très-élevé, et, par conséquent,
peu en usage dans la fabrication des étoffes de soie.
Tai été plus heureux à l'égard du filage direct à la bobine ;
dans une excursion rapide faite à l'établissement hydrau-
lique de M** veuve Louis Chambon , au Martinet, près d'Àlais,
actuellement dirigé par M. Edouard Chambon , fils aine du
filateur ingénieux Louis Chambon , que j'ai tant de fois cité
pour ses utiles perfectionnements et inventions, j'ai pu voir
4o ouvrières filer à deux bouts, sans risques de mariages, et
selon la méthode qui porte son nom, si ce n'est que l'asple
est remplacé par une large bobine en bois, de 7 centimètres
de diamètre, montée sur une broche horizontale en fer ter-
minée, à l'une des extrémités, par un galet arrondi et poli,
qu'un grand anneau inférieur mène par simple frottement
ou roulement, et contre lequel elle est serrée au moyen d'un
écrou placé, à l'extrémité opposée de la bobine, sur une
partie filetée de la broche, elle-même susceptible d'être enlevée
avec la plus grande facilité, comme dans les anciens dévidoirs
automatiques. Mais ce qui distingue plus particulièrement ce
mode de filage de ceux proposés naguère par MM. Tastevin
et autres, c'est que les fils, bien loin d'être séchés dans leur
trajet , arrivent tout humides sur les bobines, où leurs spires
se colleraient inévitablement si on ne les soumettait sans dis-
continuité au moulinage, ou si on ne les laissait flotter dans
des baquets remplis d'eau froide, lorsqu'il devient impossible
d'en opérer de suite le dévidage à grande vitesse sur les ro-
quelles ordinaires, pour de là les soumettre au moulin de
premier apprêt, sans les faire passer à la tavelle, ni même
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MACHINES ET 0UÎ1LS. 117
an doublage, qui a lieu immédiatement sur le tour» en cas de
' besoin. Les grèges ainsi obtenues, et principalement destinées
aux fabricants de grenadine, ne pouvant être purgées à la
manière ordinaire, sont filées, avec le plus grand soin et
une certaine lenteur relative, au sortir de la bassine, quoique
les bobines accomplissent de 1 ooo à, 1 aoo révolutions à la
minute; les ouvrières d'ailleurs emploient toujours la croi-
sure à a5o ou 3oo hélices, pour lier et donner du nerf aux
brins dont se compose chaque fil , et Ton ne s'est nullement
aperçu que le flottage des bobines dans l'eau ait nui en rien à
la ténacité des fils, qui est toujours de 8 à 9 grammes par
cocon. D'ailleurs, il y avait plus de vingt ans, en i853, que,
dans les ateliers de M. Louis Ghambon , les guindres des mou-
lins de premier et de deuxième apprêt avaient été remplacés
par des bobines conduites avec la vitesse variable qui convient
à leur grossissement, par le frottement d'un disque moteur
sur lequel elles reposent dans toute leur longueur, en vertu
de leur poids. Enfin , il n'est pas inutile d'ajouter que , dans ce
même établissement, les bobines provenant du moulin de
deuxième apprêt sont mises en flottes à grande vitesse sur
des métiers munis de compteurs et formant des écheveaux
d'une longueur exactement déterminée.
C'est une question importante, et que les études théoriques
ou expérimentales de M. Robinet ne semblent pas avoir com-
plètement résolue, de savoir si, au point de vue de l'élasticité
et de la ténacité, il est plus avantageux de filer vite que len*
tement les cocons. On peut même dire que l'indécision et les
débats qui s'étaient produits dès l'époque de Villard subsis-
tent encore de nos jours, du moins pour quelques esprits,
malgré les incontestables succès obtenus par la méthode accé-
lérée et sans rattachement de bouts, qui s'est propagée jusque
dans la campagne, où le filage à la manivelle, généralement
remplacé par celui à la pédale, donne, par un travail très-
énervant pour la tourneuse, jusqu'à 60 révolutions d'asple à
la minute; ce qui suppose au dévidage même- des cocons une
vitesse d'au moins 2m,5o par seconde , qui s'élève à près du
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118 VT JURY.
double dans les tours à la mécanique, sous le bénéfice des
améliorations que nous avons fait connaître.
Parpri les établissements où l'on continue à dévider les
cocons avec une certaine lenteur, accompagnée de tous les
soins que réclament la purge et le nouage des fils, je citerai
celui de MM. Francezon frères, à Alais, dont les tours, bien
disposés et mis en action par une petite machine à vapeur,
ne font pourtant guère plus de 4o à 5o révolutions à la mi-
nute. Cet établissement est dirigé par ces industriels avec
une intelligence et un zèle dignes d'éloges, en même temps
qu'un autre établissement appartenant à M. Tastevin fils,
banquier de la même ville, qui, tout en héritant du génie
inventif de son père, a renoncé à exercer par lui-même la
profession si honorable de dateur de soie, à laquelle, néan-
moins, il n'a pas cessé de porter un intérêt très-actif; ce dont
j'ai eu la preuve dans une conférence qu'il a bien voulu m'ac-
corder pendant mon séjour à Lyon, conférence beaucoup
trop courte pour que j'aie pu mettre convenablement à profit
ses lumières et .son expérience. Il me suffira de dire que
M. Tastevin est, aujourd'hui même, un partisan zélé et con-
vaincu de la méthode du filage à vitesse modérée , mais dans
laquelle, en compensation, on multiplierait le nombre des
fils ou bouts pour une même ouvrière : chacun de ces bouts,
après son passage au travers d'une filière étroite et après s'être
croisé un nombre suffisant de fois sur lui-même, se rendrait
sur des bobines ou de petites tavelles horizontales, précédées
de purgeoirs, à peu près comme dans le premier système de
filage de M. Tastevin père. Un modèle, sur une assez grande
échelle, que j'ai eu occasion de voir lors de mon passage à
Alais, et dans lequel de petites bassines à eau chaude, mises
en communication directe, sont disposées drculairement sur
un grand plateau horizontal , mobile autour d'un arbre cen-
tral, à la volonté de la fileuse, etc.; ce modèle prouve qu'il ne
s'agissait pas là de conceptions, d'idées purement théoriques
ou systématiques.
Il serait bien difficile, au surplus, de prévoir le sort qui
itizad b>
MACHINES ET OUTILS. 119
peut être réservé aux méthodes dans lesquelles on file les
cocons avec une certaine lenteur, à un, deux ou un plus
grand nombre de bouts; mais, puisqu'elles ont eu tant de mal
à se généraliser chez nous et ailleurs, il faut bien croire
qu'elles sont assez peu avantageuses au point de vue écono-
mique, et qu'elles ne sauraient par elles-mêmes dispenser
entièrement de la purge aux tavellage et tracanage ultérieurs.
Le filage à quatre bouts, de l'ingénieur Heathcoat notam-
ment, que les Anglais Sawill Dawy et Henry Wansey ont tenté
d'introduire en Italie vers 1 8a 6, et pour lequel ils ont obtenu
un privilège dans les États autrichiens quelques années après,
cette méthode , déjà anciennement essayée par Vasco , à Milan ',
ne parait pas y avoir joui d'un remarquable succès. On en
peut dire tout autant du filage à un seul bout, pour lequel
M. Locatelli a imaginé un tour fort ingénieusement disposé
dans toutes ses parties et accueilli avec une grande faveur à
Milan et à Paris lors de son apparition, en 1 84 a. Ce tour,
à pédale, de petite dimension , et où l'on se propose de mettre
sous la main des fileuses de la campagne un instrument
d'une construction très-soignée, trop délicate peut-être, mais
qui les dispense, en quelque sorte, de toute habileté, a ob-
tenu, en i845, de notre Société d'encouragement2 une mé-
daille d'or, qui lui a été décernée à de justes titres, si, tout
en considérant le mérite des dispositions mécaniques et de
l'exécution matérielle, on remarque qu'il avait principale-
ment pour but de propager dans l'intérieur même des fa-
milles une industrie qui, de nos jours, tend de plus en plus
à se concentrer dans les grands ateliers, en dehors desquels,
il faut bien le répéter d'après Vaucanson et abstraction faite
de tout sentiment philanthropique» les progrès véritablement
économiques du filage des soies ne sauraient se réaliser, de
manière à soutenir une lutte sérieuse contre la concurrence
étrangère.
1 R trattore da sita, p. 90.
1 Voyez la description du tour Locatelli dans le Bulletin de cette Société ,
5a* année, p. 553.
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120 vr JURY.
Ce qui distingue plus particulièrement le tour Locatelli,
c'est le procédé ingénieux à l'aide duquel une ouvrière inex-
périmentée peut y jeter les bouts au moyen d'une filière, à
coquille, servant à recevoir les cocons ajoutés nouvellement
à la bassine; car pour le coupe -fil, qu'on ne s'attendrait pas
à rencontrer ici, pour le va-et-vient excentrique produisant
les croisements losanges du fil sur l'asple, ils n'offrent rien
d'absolument neuf, et l'on en peut dire à fortiori autant du
système de croisure, à un bout enroulé plusieurs fois sur
lui-même, déjà anciennement tenté par feu Tastevîn, mais
que, dans ses idées de pratique économique, il se gardait bien
de limiter au filage à ce seul bout.
Je n'ai pas cru pouvoir me dispenser de parler ici du tour
Locatelli, dont l'opinion s'est si vivement préoccupée en der-
nier lieu, et que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de voir, inactif
il est vrai1, dans l'atelier de MM. Alcan et Limet, à Paris, où
des tours accouplés du système généralement adopté de nos
jours, et conduits par d'habiles ouvrières du Midi, à la façon
expéditive que nous avons fait connaître, sont employés à dévi-
der, à l'eau tiède, des cocons qui en sont préalablement imbibés
jusqu'au centre, par la production d'une sorte de vide, et immé-
diatement cuits à la vapeur dans un sac de crin qu'on enlève,
au fur et à mesure du besoin , pour en distribuer les cocons
aux fileuses : procédé qui fait espérer un véritable perfection-
nement des anciennes méthodes italiennes, espagnoles ou
françaises, et dont il faudrait grandement féliciter leurs au-
teurs, s'ils parvenaient, en effet, à faciliter le tirage des plus
mauvais cocons, de ceux surtout que l'Asie nous envoie en
masse, comprimés, écrasés dans de grandes caisses, mais
dont, avec beaucoup de dextérité et de soin, nos habiles fila-
teurs du Midi sont, depuis un certain temps, parvenus à
tirer un excellent parti, comme aussi, en marchant sur les
traces de Poidebard père, ils ont. réussi à dévider et mouli-
1 Le principal inconvénient pratique du tour Locatelli consiste dans le
vitrage ou la collore des fils sur l'asple, trop voisin de la bassine d'eau,
chaude, collure qui rend le dévidage ultérieur des soies très-difficile.
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MACHINES ET OUTILS. 121
ner avec un incontestable succès, mais en les lavant à la
manière anglaise avec un savon approprié, les immenses et
sales flottes de grèges qui nous viennent de l'Orient tout
enfumées, et dont la dimension même (4 à 5 mètres) semble
attester qu'elles ont été obtenues, soit à la double tavelle, soit,
plus expéditivement encore, sur de grands asples conduits
à la manivelle au-dessus de réchauds allumés.
S III. — Ce qu'il est advenu, en France, des anciens moulins ronds et de
Vaucanson; leur remplacement par des moulins longs en arcs accouplés.
— Les filateurs Dtyâier père et fils, à Aubenas, Bonnet, à Jujurieux,
Gaîimard, i Vais; L. Chambon, Blanchon, etc.; les constructeurs méca-
niciens Rœck, Geoffroy, Fourniol, Veillon, Marron, etc.
Après tout ce qui vient d'être dit de l'opération normale
du filage mécanique des cocons, il doit rester bien peu
de doutes sur notre supériorité à cet égard; supériorité qui
date de plus de vingt ans, et que l'on doit, comme on l'a vu,
reporter en majeure partie aux persévérants, aux louables
efforts de MM. Teissier-Ducros, Louis Chambon et de leur
émule M. Blanchon , de Saint-Julien , si souvent cité , qui , tous ,
se sont empressés de répandre, par de libérales communica-
tions et d'jntiles enseignements, le fruit de leur expérience
acquise, réalisé d'ailleurs par des artistes aussi habiles que
MM. Michel, Rœck et Geoffray. Mais en est -il ainsi des pro-
cédés si variés qui ont pour objet fouvraison des soies, pro-
cédés auxquels nos modernes technologues reprochent d'être
restés dans un état fort voisin de la routine léguée par nos
anciens mouliniers? Voilà ce qu'il s'agit d'examiner, d'appro-
fondir même, avec un esprit entièrement dégagé, s'il se peut,
de toute prévention favorable, de tout préjugé national.
J'ai déjà fait remarquer qu'aujourd'hui, du moins dans le
midi de la France, il est bien peu de grands établissements
de . filage de cocons qui ne soient accompagnés d ateliers
de moulinage, où l'on double, tord les trames et organsins
sur une échelle souvent très-considérable. Or, il est vrai de
dire aussi que les machines de ce* ateliers, en quelque sorte
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122 VP JURY.
jetées dans le même moule, sont généralement exécutées en
bois par des menuisiers ou charpentiers mécaniciens répan-
dus çà et là dans le pays, et dont quelques-uns, bien que
constructeurs habiles de machines à vapeur, tels que M. Four-
niol, de Privas, et autres dans l'Ardèche, le Rhône, etc.,
continuent à suivre le système ancien , plus ou moins amé-
lioré dans les détails ou combinaisons accessoires, mais d'où
le fer et la fonte sont pour ainsi dire bannis, sinon presque
exclusivement, du moins réservés aux principales transmis-
sions de mouvements ou commandes. (Test ce dont j'ai pu
m'assurer par moi-même en visitant plusieurs établissements
dont les moulins étaient, ou en construction comme ceux
de MM. Nier et Laffont, à Coux, près Privas, ou récemment
remis à neuf, comme ceux de MM. Louis Blanchon, à Saint-
Julien, et Deydier frères, à Aubenas; établissements auxquels
il faudrait sans doute en joindre beaucoup d'autres, par
exemple, celui que M. Bonnet vient d'édifier à Jujurieux (Ain),
non loin de Lyon , et que j'ai d'autant plus le regret de n'avoir
pu visiterj qu'il réunit à la fois, dit-on, le filage, le moulinage
des grèges, au tissage mécanique des étoffes unies.
D'autre part, la grande dimension des machines en bois,
presque toujours accouplées sur un même arbre moteur, la
difficulté de leur transport et de leur montage, rendus déli-
cats et onéreux par la nature même des matériaux qui y en-
trent, enfin l'encombrement qui résulterait de leur installa-
tion dans les locaux réservés aux Expositions publiques; ces
motifs, indépendamment du dédain injuste qu'affectent pour
elles les admirateurs exclusifs du système de construction an-
glais, peuvent servir à expliquer pourquoi, jusqu'ici, il n'en
a été aperçu aucune trace dans les concours généraux ou par-
ticuliers relatifs à cette branche d'industrie, tapdis que Ton a
vu avec une juste raison l'élégant et très-économique tour en
fer de M. Michel, de Saint-Hippolyte-du-Gard, par exemple,
obtenir une récompense à l'Exposition française de i844,
et celui de M. Rœck, de Lyon, recevoir la faveur d'une exhi-
bition perpétuelle dans le bel établissement de la condition
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MACHINES ET OUTILS. 123
des soies de cette ville, où, à mon retour del'Àrdèche, j'ai pu
voir aui si un spécimen de filage d'après les nouveaux procé-
dés, sur quatre tours en fer de différents modèles, mais dont,
je dois le dire, les croiseurs mécaniques et les trembleurs
n'étaient point alors utilisés.
H faut donc bien se garder de juger à priori , et d'après de
tels critériums, notre système d'ouvraison des soies, auquel
il ne manque peut-être qu'un peu plus de hardiesse et de
concentration dans les ressources mécaniques, joint à un con-
cours mieux assuré, plus confiant, de la part des capitalistes
dont, en réalité, le Gard et l'Ardèche ne sont pas moins
pourvus que Saint-É tienne et Lyon. Ces conditions sont, en
effet, indispensables pour faire cesser une sorte d'état de fer-
mage et de travail à façon qui y subsiste encore, et pour
donner à une branche d'industrie où la matière première est
d'un prix si élevé le développement et la puissance d'initia-
tive que nous avons vu prendre depuis nombre d'années à
nos filatures de coton, de laine et de chanvre, grâce aux
Odier et Romans, de Wesserling, aux Nicolas Kœchlin, etc.,
qui, à l'exemple des chefs de factoreries anglaises, ont avec
tant de succès annexé à leurs ateliers de filage proprement
dits des ateliers de réparation, devenus bientôt d'excellents
modèles de construction mécanique, qui nous ont enfin per-
mis de soutenir la redoutable concurrence de l'Angleterre.
Cest notamment, par là et en ce seul point, si je puis
en juger par mes faibles connaissances en matières écono-
miques, que les mécaniciens et filateurs du midi de la France
montrent leur infériorité relative : car, j'en ai acquis des
preuves irrécusables, à l'égard du génie de l'invention et
de la beauté des produits, ils ne le cèdent à aucun autre, et
F époque n'est peut-être pas éloignée où, par une heureuse
accumulation de ressources mécaniques, la ville d'Alais no-
tamment, placée au centre d'un pays si richement doté en
soie, en fer et en houille, prendra le rang qui lui convient
parmi les grandes cités industrielles; du moins, si l'on en
juge d'après les récentes tentatives de MM. Veillon et Marron,
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124 Vf JURY.
artistes mécaniciens auxquels il ne manque que d'heureuses
circonstances pour munir complètement leurs ateliers des
ingénieux outils mécaniques qui économisent la main-d'œuvre
en perfectionnant le travail , outils sans lesquels ils tarderaient
peu à ressentir l'influence de la concurrence extérieure.
Avant d'examiner l'état actuel des machines d'ouvraison,
il m'importait beaucoup de rechercher s'il existait dans le
pays quelques traces de celles de Vaucanson, et je me suis,
à cet effet, transporté à l'ancienne manufacture royale d'Ucel,
près d'Aubenas, possédée, dirigée autrefois par M. Benoît-
Dey dier père, vieillard de quatre-vingt-neuf ans, contempo-
rain, par conséquent, du grand homme, et qui se rappelle
fort bien avoir vu fonctionner, avec toutes les qualités que
leur attribue le mémoire de 1 751, les moulins droits à chaîne,
à peu près tels qu'ils se trouvent décrits dans la première
partie de cette notice historique. Le changement de tors ou
de vitesse des roquelles supérieures s'y opérait, en effet, au
moyen d'une fusée à six roues de rechange, mues automati-
quement; l'appareil à guindre y était muni d'un compteur
et d'une sonnerie d'avertissement f>our la capiure des éche-
veaux, etc.; mais, conformément à ce qui a été avancé par
Roland de la Platière, on a dû renoncer à l'emploi de ces
ingénieuses combinaisons et de plusieurs autres, à cause de la
fréquence et de la difficulté des réparations. Enfin j'ai appris,
avec un vif sentiment de regret et de dépit, que les derniers
vestiges de ces machines avaient disparu dans les premières
années de l'Empire, malgré les réclamations de l'administra-
tion préfectorale, qui avait attribué à l'Etat des droits à leur
possession, en raison même de la participation que», sous
Louis XV, il avait pris à leur construction ou installation.
Je n'ai pas été plus heureux dans mes investigations rela-
tives aux anciens moulins ronds à la piémon taise; mais il est
notoire cependant qu'il en existe encore un assez grand nombre
à Saint-Paul -en- Jarret, près Bive-de-Gier, et aux environs,
malgré l'état industriel relativement avancé du pays. Quant
aux moulins construits à la Sône (Isère) par les frères Jubié,
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MACHINES ET OUTILS. 125
à une époque postérieure, sans doute, à celle où Vaucan-
son établissait ses machines à Aubenas, il y a tout lieu de
croire que, modifiés, améliorés sous l'inspiration et les con-
seils de cet inspecteur des manufactures, ils devaient assez
peu différer des moulins ovales, à double équipage, ou bâtis
en forme de oo , que nous possédons aujourd'hui , et qui
conservent encore le nom de Vaucanson , quoiqu'ils ne soient
véritablement que de simples imitations ou dérivations de ses
premières machines. Sans avoir visité les lieux, j'ai d'ailleurs
acquis la certitude que , dans l'état actuel des choses, les
moulins de la Sône ne diffèrent pas essentiellement de ceux
qu'il m'était loisible de visiter ailleurs, et dont il importe
d'autant plus de donner une idée que, portant le nom de
moulins français, on n'en rencontre aucune description dans les
traités de technologie, qui semblent, à plaisir, les avoir con-
fondus avec l'ancien moulin rond à trois ou quatre étages
de vargues, décrit dans la grande encyclopédie; de sorte que,
à la lecture de ces ouvrages, plus ou moins calqués sur ceux
des Anglais, on pourrait se persuader que l'industrie du mou-
linage est demeurée chez nous tout à fait stationnaire, ou
que même elle a rétrogradé.
Le moulin double dont il s'agit, et qui doit être considéré
comme le dernier mot, si je puis m'exprimer ainsi, des pro-
grès accomplis en France, se compose à peu près, comme on
l'a vu , de deux moulins ovales accouplés , placés bout à bout
et constitués, en projection horizontale, de quatre arcs de
cercle d'un assez grand rayon, se raccordant deux à deux à
leur point de croisement du milieu. Généralement parlant,
la cage en charpente de chêne, bien jointe et dressée, ren-
ferme quatre vargues de 384 fuseaux sur deux étages de hau-
teur, occupant, avec les rangs correspondants de roquelles
ou de guindres, un espace rectangulaire de 4 à 5 mètres de
longueur, om,8 à î mètre de largeur horizontale à la base et
3 à 4 mètres en hauteur : les broches ou fuseaux munis de
coronnelles, etc., tirés de Maubeuge, à pivot d'acier fin, tour-
nant sur crapaudine en bronze, en verre ou agate, et main-
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126 VT JURY.
tenus, près du collet, par des brides ou coquettes en bois bien
ajustées , sont ici mis en action par le frottement de larges cour-
roies sans fin, en cuir fort, qui passent, aux deux extrémités
du moulin, sur de grandes poulies boriion taies en fonte, à
profil convexe et sans rebords, les unes motrices, les autres
de simple renvoi, mais avec mécanisme de tension, comme
dans le moulin à chaîne de Vaucanson, sauf qu'ici les cour-
roies à branches croisées vers le milieu intérieur de la cage
passent sur d'autres poulies de renvoi en fonte, dont l'arbre
vertical, armé des lames en filets de vis continus emprun-
tées aux anciens moulins ronds, communique un mouvement
lent à la roue d'excentrique, au balancier et au châssis hori-
zontal oscillant des barbins distributeurs du fil sur les ro-
quelles ou les guindres qui surmontent séparément chacune
des vargues de fuseaux.
Quant à l'arbre vertical des poulies motrices situées à l'une >
des extrémités du moulin, il reçoit et transmet, par des équi-
pages de roues d'angle en fer, le mouvement de l'arbre de
couche principal, régnant sur toute la longueur de l'atelier,
aux arbres horizontaux parallèles des roquelles, etc. Sauf dans
quelques anciens moulins qui ne tarderont pas à disparaître,
ce système de transmission est, comme nous en avons déjà
fait la remarque, construit avec beaucoup de précision, en
fer et fonte, dans les ateliers de M. Geoflray, de Vienne,
d'après le système le plus moderne; c'est-à-dire que chaque
prise de mouvement sur l'arbre de couche est munie d'un mé-
canisme d'embrayage à griffes; que l'arbre de couche lui-même
reçoit de la principale roue motrice le maximum de vitesse
innérent à la nature des machines, selon le principe aujour-
d'hui généralement adopté , et , comme on l'a vu, primitivement
introduit par M. W. Fairbairn dans les factoreries anglaises;
qu'en un mot, le diamètre des arbres, poulies ou rouages
intermédiaires, entre le moteur et la résistance ou l'outil, est
réduit au minimum, en même temps que les efforts et la fa-
tigue. Mais il y a plus encore, dans l'établissement modèle
de M. Louis Blanchon, près Privas, et d'autres récemment
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MACHINES ET OUTILS. 127
construits par le même M. Geoffiray , le grand arbre de couche,
au lien de passer* comme autrefois, au-dessus des métiers,
d'où les coussinets laissaient souvent égoutter l'huile sur les
soies, cet arbre est solidement établi contre l'un des longs
côtés ou murs de l'atelier, duquel l'action motrice se commu-
nique souterrainement aux différentes machines distribuées
parallèlement entre elles et transversalement à l'axe de l'ate-
lier, je veux dire non -seulement aux moulins de tors, mais
aussi aux banques de dévidage, de doublage, etc., auxquelles
je reviendrai ci-après.
Afin d'abréger, j'ai à dessein confondu, dans la descrip-
tion précédente, les moulins à roquelles, servant au premier
apprêt, avec les moulins à guindres, spécialement consacrés
au deuxième; mais il est positif qu'ils constituent aujour-
d'hui des machines entièrement distinctes, ces derniers étant
exclusivement destinés à former les flottes livrées aux fabri-
cants de soieries, et étant dès lors généralement armés de
mécanismes compteurs à vis sans fin , à sonnerie ou simple
cadran, dont, il est vrai, on ne se sert ni généralement ni
constamment, si ce n'est dans les filatures de premier ordre.
U serait d'ailleurs inutile de se préoccuper ici des méca-
nismes par lesquels on aurait pu , d'après Vaucanson , effec-
tuer automatiquement la transposition des écheveaux sur les
guindres, suspendre le mouvement quand un fil casse ou
quand ces guindres se trouvent remplis, car on sait assez
quel a été le sort de l'ingénieuse et déjà ancienne solution
de Guilliny, même dans les villes manufacturières où l'on a
le plus intérêt à se servir, pour le tirage des soies , d'échevettes
à tours rigoureusement comptés, et qu'on préfère obtenir au
moyen de dévidoirs à main très-précis, mais fort peu expé-
ditiîs, en vue de se mettre complètement à l'abri des fraudes,
si graves en raison du haut prix de la matière.
En général, on n'exécute dans l'industrie que les opérations
qui se payent deniers comptants, et l'oubli que je viens de
signaler tient bien plus à l'indifférence des négociants ou fabri-
cants d'étoffes qu'à la négligence des filateurs. Ceci explique
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128 VI- JURY.
d ailleurs, sans trop l'excuser pourtant, l'abandon dans les
ateliers de certaines prescriptions théoriques, de certains ins-
truments ou procédés ingénieux, recommandés vivement par
les auteurs, encouragés, récompensés même par les Sociétés
industrielles, et cela indépendamment de toute tendance à
la routine des ouvriers, de toute cause d'ignorance ou de
mauvais vouloir de la part des chefs ou surveillants, trop
souvent, il est vrai, retranchés derrière le prétexte banal du
bas prix des mains-d'œuvre, mais dont, en réalité, l'énergie
n'est pas stimulée par l'appât d'un bénéfice assez certain ou
par l'aiguillon d'une concurrence assez vive.
Dans le cas présent des moulins à flottes comptées, il ne
peut plus être question de marcher la nuit en dehors de la
surveillance des chefs, comme cela se pratiquait du temps
de Vaucanson et se pratique encore dans quelques établisse-
ments arriérés, où on laisse, outre mesure, les fils s'accumu-
ler sur des guindres à un seul écheveau. Toujours présentes
pour le rattachement des fils rompus, les ouvrières arrêtent
par elles-mêmes la machine, et font la capiure des écheveaux
dès qu'ils sont remplis au degré marqué par le compteur ou
apprécié au simple coup d'œil; et, lorsque les fils ont été
convenablement noués et purgés dans les opérations anté-
rieures, ces interruptions sont assez peu répétées pour qu'une
même ouvrière, à l'aide de son échelle mobile, suspendue
entre deux moulins parallèles, puisse surveiller et soigner
plusieurs centaines de broches à la fois. Néanmoins les
moyens automatiques d'arrêter la machine dans cette double
circonstance n'ont point été omis par tous les filateurs, et
nous nous plaisons à citer encore, comme d'honorables excep-
tions, MM. Teissier-Ducros, Ghambon fils et Louis Blanchon ,
à qui l'on est redevable de plusieurs autres progrès réalisés
dans leurs établissements de moulinage.
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MACHINES ET OUTILS. 129
S IV. — Récentes améliontioiR apportées aux moulins français et autres
machines à ouvrer la soie par quelques-uns des filateurs-mouliniers pré-
cédemment cités, mais plus particulièrement par MM. Gaîimard, de Vais ;
Louis Blanchon, de Saint-Julien-en-Saint-Alban ; Loais Chambon, d'Àlais;
Geoffroy, de Vienne; Teusier-Dacros, Merle frères, etc.
Rappelons d'abord que, dans les ateliers récemment cons-
truits, les moulins à roquelles sont divisés en deux catégories,
dont Tune sert à donner le premier apprêt aux poils ou fils
de trame simples, et Vautre, le deuxième apprêt ou tors aux
organsins déjà doublés et destinés, à former la chaîne des
étoffes, etc. Dans ce genre de machines , il serait tout à fait
inutile d'employer des casse-fils, ou moyens automatiques d'ar-
rêter la machine quand un fil se rompt; car non-seulement les
ruptures sont peu fréquentes, mais encore elles n'ont que de
bien faibles inconvénients, puisque l'envidage sur la roquelle
s'arrête spontanément. Au contraire, l'agrandissement du dia-
mètre des bobines, par rapport à l'épaisseur de fil qui s'y
enroule , ne parait pas à nos plus habiles filateurs un moyen
en lui-même suffisant d'assurer la constance du tors par
mètre courant, dont, comme on l'a vu, Vaucanson avait éga-
lement cherché à combattre la diminution graduelle dans ses
moulins à roquelles, mais sans en préciser les moyens.
MM. Gaîimard, de Vais, entre autres, Louis Blanchon, de
Saint- Julien , et avant eux, comme on l'a vu aussi, M. Louis
Chambon, d'Alais (brevet de 18 36), se servent, pour atteindre
le but, du procédé très-simple qui consiste à faire tourner
les roquelles par le roulement ou contact immédiat de la soie
sur un cylindre moteur convenablement dressé et garni.
Mais ce procédé, dont les résultats avantageux ont été ap-
préciés par le commerce sans amener de notables bénéfices,
ne saurait, à cause des soubresauts et glissements relatifs des
roquelles sur le cylindre conducteur, être facilement appliqué
au cas où il s'agit de marcher à de grandes vitesses. Aussi
M. Louis Blanchon, réservant cette ingénieuse solution pour
le moulin à roquelles de second apprêt, comme l'avaient fait
▼1* JUHT. — 2* PARTIE. Q
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130 VI- JURY.
MM. Chambon père et fils, s'est-il servi, pour ceux du pre-
mier, d'un autre moyen plus sûr, mâts aussi plus dispendieux,
emprunté aux bancs à broches des filatures de coton, moyen
dont on a vu déjà d'ingénieuses applications dans ce qui pré-
cède, et qui consiste plus spécialement ici à placer sous la
chaise de support du moulin un couple de cônes alternes ou
de sens contraire, qui, enveloppés d'une courroie sans fin,
communiquent le mouvement du moteur aux roquelles, dans
une proportion variable avec la position de la courroie pous-
sée, parallèlement à elle-même, par une griffe que met con-
tinuellement en action une vis différentielle, etc. Ce système
a d'ailleurs été réalisé dès i85i avec beaucoup de succès, par
M. Geoflray, dans l'établissement de M. Blanchon, lequel en a
également dirigé l'application à' d'autres établissements des
environs de Privas.
. Lorsqu'il s'agit d'atteindre cette grande égalité de tors dans
l'une comme dans l'autre méthode, il faut non-seulement que
les moyens de transmission soient parfaits d'exécution méca-
nique, mais il faut aussi que les roquelles et les bobines des
fuseaux aient une forme plate ou cylindrique, sans bombe-
ment ni croisement de fils qui amèneraient des irrégulari-
tés dans le tirage, des à-coups inévitables dans l'envidement
rigoureusement uniforme' de ces fils; problème, je le répète,
physiquement insoluble, puisqu'il exigerait la suppression
absolue de tout ralentissement, temps d'arrêt ou points morts,
aux extrémités de chaque course; ce à quoi s'oppose tout au
moins l'inertie de la matière, mais dont on approche en allé-
gissant le plus possible l'équipage du porte-bar bins, et faisant
usage de la réaction, suffisamment énergique, de ressorts re-
poussoirs, comme l'a tenté en dernier lieu M. Blanchon.
Ces divers artifices peuvent suffire sans doute pour assu-
rer la régularité de marche des moulins à fuseaux coiffés de
coronnelles, tant que la vitesse ne dépasse pas une certaine
limite, qui, de 600 à 90a tours, au plus, à la minute qu'elle
était autrefois, s'élève : assez généralement aujourd'hui de
1 600 à 2 000, sans que la résistance de l'air ou la force
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MACHINES ET OUTILS. 151
centrifuge entraînent de trop fréquentes ruptures des fils ou
de trop graves irrégularités dans la marche des bobines, etc.
Ce résultat, principalement dû au perfectionnement des corn-
mandes ou transmissions de mouvement, ainsi qu'à une distribu-
tion plus régulière de la tension des courroies motrices autorir
des grandes poulies intérieures ou extérieures, elles-mêmes,
animées directement d'une notable vitesse dans les moulins en
arcs de cercle, accouplés; ce résultat, disje, ne suppose aucun
des artifices plus ou moins ingénieux par lesquels, d'après leurs
brevets, M. Rodier et d'autres mécaniciens habiles ont cherché
à augmenter la vitesse des fuseaux par des moyens qui con-
sistent principalement à préserver la coronnelle et son ailette
en S de toute vibration ou sautillement occasionnés par la
résistance de l'air et la force centrifuge; mais il est douteux
que l'accélération du mouvement puisse être poussée beau-
coup au delà de a 5oo tours à la minute tant que l'on con-
tinuera à se servir de cet ancien appareil, dont on a d'ailleurs
vainement cherché à augmenter la stabilité par le poids seul,
mais plus particulièrement encore tant qu'on prétendra im-
primer simultanément le mouvement rotatoire à un aussi
grand nombre de broches par de longues courroies, elles-
mêmes soumises à l'action inégale et appréciable de la force
centrifuge, dont l'énergie, croissait t comme le carré de la
vitesse, exige, pour être contre-balancée, un surcroit corres-
pondant de tension, de pression, et par conséquent de frot-
tement sur les axes ou points d'appui
Néanmoins, avant de renoncer aux anciens procédés, il y
aura à examiner si le bénéfice de l'accélération et de l'aug-
mentation de? produits ne sera pas accompagné d'une dimi-
nution trop sensible dans la qualité; car, pour ce qui est des
frais d'installation et d'achat de nouvelles machines, on sait
assez que, répartis sur un grand nombre d'années et de pro-
duits, ils sont largement compensés par. la réduction des dé-
penses d'entretien et les économies en force motrice bu en
main-d'œuvre. «
Nous n'avons rien à dire de bien essentiel sur les perfec-
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132 VI' JURY.
tionnemenU mécaniques apportés aux banés de tavelles, de
purgeoirs, de tracanoirs et doubloirs, aujourd'hui disposés,
comme on Ta dit, les uns derrière les autres, à la suite des
moulins, en rangées parallèles, séparées par des intervalles
d'environ un mètre pour la circulation des rattacheuses, et
qui, établis solidement sur des supports en charpente, ont,
dans les plus modernes ateliers, leur partie antérieure recou-
verte par des tables de marbre entretenues avec beaucoup de
propreté, pour recevoir temporairement les roquets garnis
de soie, tandis que leur partie postérieure, surmontée de
tablettes en forme de dressoirs , contient les mécanismes qui
servent à imprimer une rotation directe et rapide à la file su-
périeure de* roquelles horizontales où la soie s'envide par
un tirage exercé, au travers de purgeoirs, sur la rangée cor-
respondante des tavelles ou des bobines antérieures, dont, à
Tin verse, le dévidement doit être exempt de tdUt obstacle.
Peut-être est-il inutile d'ajouter que les roquelles supérieures
de tirage, dont il vient d'être parlé, montées sur autant de
* brochettes en bois et très-légères (sterlins), sont conduites,
comme autrefois, par leur simple roulement, sur des disques
verticaux solidaires autour d'un même arbre tournant hori-
zontal, et que précède la tringle parallèle du va-et-vient dis-
tributeur des fils; le tout mis en action par des excentriques
et équipages de roues dentées, placés au milieu ou à l'une
des extrémités de chaque banc où se trouve la prise de mou-
vement sur l'arbre moteur de commande, à peu près comme
dans les tours automates mêmes à dévider les cocons.
Lies tavelles, rendues plus légères, parfaitement centrées
ou équilibrées, et qu'on a tenté de construire au moyen de
tubes métalliques , vernis, évidés, etc., n'ont de particulier,
dans le système actuel d'ouvraison, que la suppression de
l'anneau à poids qui, en leur servant anciennement de frein
contre toute cause d'accélération , maintenait le fil constam-
ment tendu et l'empêchait de vriller; but qui n'est peut-être
pas aussi bien rempli aujourd'hui, malgré la grande unifor-
mité du mouvement imprimé aux roquelles et l'interposi-
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MACHINES ET OUTILS. 133
don d'un purgeoir à deux branches garnies de drap, de liège,
de cuir, etc., qui, suffisamment rapproché de l'échcveau, sert
aussi à régulariser la tension du fil.
Le système de tracanage ou de dévidage d'une bobine ho-
rizontale sur une autre , dans lequel on fait passer le fil de
soie au travers de deux et même de trois purgeoirs, varie
assez d'un atelier à l'autre; mais ce système, à purgeoirs mul-
tiples, semble une véritable superfétation à* quelques per-
sonnes, qui craignent de voir énerver la soie par un accrois-
sement de travail et de fatigue très-onéreux, tandis qu'il
serait, au contraire, d'une nécessité absolue aux yeux de
beaucoup d'autres, notamment des habiles filateurs de soie
souvent cités, et qui redoutent bien plus les malfaçons que
l'augmentation des mains-d'œuvre. La ténacité du fil de soie
étant comparable à celle du fil de fer, sa grande élasticité et
sa ductilité, dans une atmosphère suffisamment fraîche ou
humide, permettent, en effet, de lui faire subir, sans trop
d'inconvénient, ces manipulations répétées, pourvu que la
force de tirage ne dépasse jamais une certaine limite, que
l'expérience directe peut seule faire connaître, et qui varie
avec le nombre des fibres rudimentaires de chaque fil ou des
solutions de continuité qui s'y trouvent forcément répandues
. aux points où une nouvelle fibre vient en remplacer une an-
cienne dans le tirage des cocons : cette limite correspond
évidemment aux efforts ou allongements en deçà desquels on
ne risque.de rompre les fils que dans les parties les plus dé-
fectueuses ou les plus faibles; parties qu'il conviendrait peu
de conserver si elles devaient entraîner, dans les opérations
subséquentes, le tissage notamment, "des ruptures et, par con-
séquent, des interruptions de travail et des manques, bien
autrement fâcheuses que celles qui peuvent se produire dans
le moulinage opéré sur des fils isolés.
L'ensemble des connaissances expérimentales acquises sur
4es lois de la résistance des solides semble démontrer que
ai une charge, un effort de tirage compris entre le i/3 et le
x/b de la ténacité ou résistance absolue (moyennement ici de
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134 VI- JURY.
g kilogrammes par brio rudimentaire) , peut produire des
allongements permanents, et par conséquent un certain éti-
rage de la substance , il n'en résulte du moins aucune altéra-
tion de la force élastique, quand cette substance est à peu
près homogène ou sans défauts notables; et c'est, en effet,
dans de telles limites qu'on renferme ordinairement les
épreuves auxquelles on soumet les matériaux solides, pour
en vérifier la qualité et le bon emploi dans les arts. L'expé-
rience prouve aussi que l'action la plus énervante, la plus
dangereuse, que l'on puisse faire subir à un corps cylindrique*
à un fil quelconque, c'est de le fléchir, de le replier sur lui-
même sous des angles très-aigus; et voilà pourquoi, enfin, on
ne saurait approuver l'emploi exagéré de purgeoirs, dans les-
quels le fil de soie serait contourné un grand nombre de fois,
drculairement ou en hélices, autour de tiges métalliques
d'un très-petit diamètre, fussent -elles garnies de drap, de
velours ou de cuir très-doux.
D'autre part, si la véritable soie, la partie cornée et trans-
parente des fils grèges, est enveloppée d'une gomme otf glu-
ten écailleux, appelé grès, qui doit entièrement disparaître au
décreusage dans une solution savonneuse, quel risque peut-
on lui faire courir en la soumettant à des frottements plus ou
moins répétés, de manière à en débarrasser le fil, tout en
interceptant les bouchons, frisons, bourrillons, et abattant les
poils ou duvets quelconques, si nuisibles à la beauté des étoffes
unies1? Évidemment aucun, tant qu'on ne dépasse pas dé
sages limites, au delà desquelles l'altération des ressorts molé-
culaires risque de devenir permanente; ce qui oblige aussi à
1 II faut prendre garde, néanmoins, que les poils ou barbes provenant
d'un filage défectueux, dans lequel les extrémités des fibres élémentaires,
mal liées par la manière dont la fileuse jette les bouts, tendent à être re-
broussées, arrachées sur d assez grandes longueurs dans 1 opération du lis-
sage ou frottage à sec des fils; ce qui est un danger qu'on évite en partie, en
entretenant, au moyen de baquets d'eau placés sous les bancs de la tavelle,
une légère humidité, qui rend aussi les fils moins cassants et rappelle l'opé-
ration du recuit des métaux dans leur passage à la filière.
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MACHINES ET OUTILS. 135
ne pas trop perdre de vue* dans les opérations subséquentes
du moulinage et du dévidage, le retrait que, en vertu de son
élasticité et de son hygrométricité,la soie tend à éprouver par
' les effets de la tension , de la torsion et même de la chaleur
ou de l'humidité : d'où la nécessité de laisser aux principaux
organes de mouvement une certaine liberté de jeu et d'établir
entre eux une harmonie d'action qui, sauf pour les surtors,
ne sont point, au même degré, indispensables dans les ma-
chines à filer la laine, le coton, etc., matières dont les fibres
courtes sont susceptibles de glisser les unes sur les autres
sans rupture ou énervation dangereuse pour l'ensemble.
Au surplus, quand on voit MM. Teissier-Ducros, Cham-
bon, Blanchon et tant d'autres filateurs distingués en France
redoubler de soins et de sacrifices pour opérer la purge des
grèges, lorsque lteurs organsins sont cotés à de si hauts prix à
Lyon et à Saint-É tienne, il serait peu prudépt de détourner
notre industrie nationale d'une voie qui a produit, dans ces
derniers temps, de si heureux fruits; et c'est pourquoi, sans
rien affirmer dans une aussi épineuse question, à l'égard de
laquelle je sens toute mon incompétence, je me suis seule-
ment permis de rappeler quelques notions physiques ou mé-
caniques, vulgaires sans doute, mais dont trop souvent on est
tenté de méconnaître l'importance dans les jugements portés
sur l'état présent d'une industrie qui s'écarte en plus d'un
point de celles qui ont pour but la préparation et le filage
des antres substances à fibres plus ou moins courtes , ne se-
iiit-ce qu'en raison de la richesse des produits et du prix
élevé de la matière première; prix vis-à-vis duquel, je ne
crains pas de le redire, celui de l'ouvraison s'efface presque
entièrement et doit le céder en importance, à la considération
de l'épargne même, que, par d'intelligentes manipulations, }l
est possible de'faire sous le rapport de la qualité et de la quan-
tité des produits ouvrés.
Remarquons enfin que la purge et le lissage s'étendent
rarement à l'opération du doublage des fils qui ont déjà reçu
le premier tors ou apprêt au moulin , si ce n'est pour obliger
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136 VT JURY.
ces fils à conserver une parfaite égalité de tension dans ce
doublage, égalité sans laquelle le fil composé éprouverait, au
moulin du deuxième apprêt , de fréquentes ruptures ou des ac-
cidents nommés traveîlaget. Je rappellerai d'ailleurs qu'aujour-
d'hui comme autrefois, dans le doublage des fils de premier
apprêt, les roquets à dévider, d'environ 8 centimètres de dia-
mètre sur 11 centimetres.de longueur, sont placés debout et
immobiles, l'un près de l'autre, sur la saillie antérieure du
banc et coiffés d'un rebord bien arrondi en bois dur ou en
métal de bronze poli, d'après le système de l'Anglais Badnall,
pour favoriser le glissement des fils simples qui, attirés par les
roquelles supérieures, se réunissent au travers d'un barbin ap-
proprié et garni pour égaliser la tension, et de là s'envider en
arrière, à l'aide du va-et-vient ordinaire. Il ne faut pas oublier,
non plus, que le dévidage oblique des roquets debout s'opère
ici avec d'autant plus de facilité que le fil y a été croisé et
distribué avec une régularité parfaite, et sous une forme con-
vexe, dans l'opération antérieure du tracanage.
Qu'il me soit, à ce sujet, permis de témoigner ici le regret
de n'avoir vu employer dans aucun des établissements du
Midi l'ingénieux distributeur à rouages elliptiques pour lequel
M. Coron t s'est fait breveter en i83a , et qui a reçu ailleurs,
sous le nom de bobinage anglais, d'utiles applications, mais
dont, tout récemment, on a cherché chez nous à reproduire
les effets à l'aide d'un appareil économique composé de bielles
articulées en bois et de roues dentées en fer munies d'un
bouton d'excentrique. Ce système, dont il me serait difficile
de donner fine plus exacte idée, à cause de sa complication,
fonctionne notamment avec succès dans les grands ateliers de
'moulinage et de tissage de MM. Merle frères, près Vienne,
ainsi que dans plusieurs établissements du Gard et de l'Ar-
dèche , ou il est exécuté par les mêmes menuisiers mécaniciens
qui construisent les moulins français en charpente. Je n'ai pas
moins été surpris de voir que l'on ait généralement négligé,
dans nos établissements, les moyens par lesquels MM. Tas-
tevin, Guilliny et Tranchât avaient, depuis si longtemps, pro-
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MACHINES ET OUTILS. 137
posé d'éviter, dans les doubloirs, les accidents résultant de
l'inégalité de tension des fils, de leur rupture même; accidents
presque aussi fâcheux que les mariages dans le tour à dévider
les cocons, mais que M. Barois, d'Àlais, a su toutefois éviter
par un procédé aussi simple qu'ingénieux, consistant à croiser
deux fois les fils sur eux-mêmes, en leur faisant traverser la
fourche d'un purgeoir et un couple de barbins dont l'écarté-
ment est tel que, quand l'un des fils casse, l'autre tombe, etc.
Avant de terminer ce qui concerne notre système de filature
des grèges, il me reste à faire remarquer que, dans tous les
ateliers nouvellement construits, aucun, à ma connaissance
du moins , n'est établi à l'étage supérieur des édifices, spécia-
lement réservé à l'étalage des cocons : d'une part, les tours à
filer sont installés sur deux rangs dans de vastes salles géné-
ralement élevées au-dessus du terrain environnant et isolées
dans le pourtour extérieur, de manière à être parfaitement
éclairées, aérées et ventilées; d'une autre, les machines à dé-
vider, à tracaner, doubler et tordre sont établies dans des
salles de 6 à 7 mètres de hauteur, à température sensiblement
constante, suffisamment humides ou fraîches, et, à cette fin,
enfoncées de 3 à 4 mètres au-dessous du sol naturel, mais
sur entrevous en maçonnerie dont on conçoit parfaitement
le but : la hauteur de ces salles, non moins vastes que les pré-
cédentes, a pour principal objet, sans doute, d'y établir une
ventilation facile et très-suffisante par la partie supérieure
convenablement pourvue de fenêtres, de galeries servant à
exercer, comme du haut d'une tribune, une surveillance de
tous les instants , d'autant plus efficace qu'elle a lieu , de la part
du chef, pour ainsi dire à l'improviste.
Enfin, grâce à une très-longue expérience acquise dans
l'art du moulinage, on a aujourd'hui entièrement renoncé à
grouper les bancs de tavelles, de part et d'autre d'un arbre
central, à l'étage supérieur des moulins, selon l'antique usage
du Piémont, non plus qu'à les ranger, comme il en est en-
core des exemples dans des établissements à la vérité déjà
anciens, le long d'une espèce de balcon ou de galerie de bi-
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138 Vr JURY.
bliothèque régnant sur le pourtour supérieur de la salle des
moulins, où la soie, plongée dans un air sec, chaud et sou-
vent vicié par les émanations du bas, est exposée à de fré-
quentes ruptures et à une détérioration fâcheuse, indépen-
damment d'ailleurs des difficultés qu'entraînait avec elle une
pareille disposition de tavelles sous le rapport de la circu-
lation et de la surveillance des rattacheuses, qui d'ailleurs
suffisent généralement à vingt tavelles bien établies.
S V. — État comparé des machines d'ouvraison de la soie en France, en
Italie et en Angleterre. — MM. Michel, L. Chambon, L. Manchon, Gaii-
timy, Coront,Le Paym, etc., en France; MM. BadnaU, LiUu et Fairbairn,
Nêedham, Neville% etc., en Angleterre. — Les machines en fer on en bois :
le mécanicien Durand, de Paris; Vaacanson et D'Alembert ,"" Vandermonde
et Bossât, RennU père et Watt. — MM. Davenport, Frost, Diepers et
Graff à l'Exposition universelle de Londres.
De cet examen rapide et, je le sens, beaucoup trop super-
ficiel, il semble résulter que si notre industrie sétifère n'a
point encore atteint, dans ses procédés mécaniques, toute
la perfection et l'uniformité désirables; que si notamment, à
côté d'établissements très-avancés, il s'en rencontre d'autres,
fort considérables d'ailleurs, demeurés en arrière des progrès
accomplis, et qui, grâce à des circonstances locales ou com-
merciales favorables, prospèrent malgré des négligences im-
pardonnables et des tâtonnements ruineux ou peu rationnels,
néanmoins cette industrie n'est pas trop éloignée de l'époque
où elle acquerra» dans chaque spécialité, ce caractère de
fixité et d'universalité que l'on remarque notamment dans
les principales branches de la filature du coton; caractère
qui, pour les arts mécaniques, est, en effet, le signe le plus
certain des progrès accomplis.
Laissant toutefois en dehors les tentatives faites en vue de
tirer le meilleur parti possible des soies flottées et des cocons
qui nous arrivent du Levant salis ou meurtris, et pour les-
quels le dévidage à la double tavelle, le savonnage, etc., au-
raient peut-être besoin de perfectionnements, devenus la
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MACHINES ET OUTILS. 139
préoccupation essentielle de notre époque, grâce à l'insuffi-
sance de nos magnaneries nationales; laissant pareillement
de côté les procédés- abréviatifs pour filer directement à l'eau
tiède, à la vapeur, au vide, sur de petites tavelles ou de
larges bobines, en regagnant le temps perdu par une accélé-
ration dans le doublage et les moulinages subséquents, sys-
tème auquel les plus habiles, notamment M. Chambon fils,
paraissent successivement renoncer, au moins dans cette par-
tie de la France, TArdèche, dont on ne saurait contester la
supériorité; laissant, dis-je , de côté ces questions d'avenir, on
ne saurait disconvenir que les tours à la Chambon, tels que
les exécute, par exemple , M. Michel , de Saint-Hippolyte, et les
moulins longs, attribués à Vaucanson , en arcs de cercle accou-
plés et à deux vargues hautes, comme l'entendent RI. Louis
Blanchon et quelques autres mouliniers avancés, ne s'écartent
pas trop du point de perfection où leur usage pourra devenir
à peu près universel, non-seulement en Franoe, mais aussi dans
l'Italie, l'Espagne et l'Asie mineure , où, en effet, ce genre de
machines tend de plus en plus à se répandre et à se substi-
tuer aux anciennes et lourdes machines piémontaises, que
Ton ne construit plus guère même dans le Piémont et la Lom-
bardie, où on les laisse partout mourir de leur honorable vé-
tusté, pour les remplacer par de moins encombrantes, moins
coûteuses, plus légères et plus parfaites à tous égards.
En eflet, on peut compter que dans le Piémont, pays si
connu pour la grandeur des établissements l et la perfection
1 II n'est pas rare, aujourd'hui, de rencontrer dans ce riche pays, comme
le Milanais, des manufactures de 180 à aoo bassines et de so à 3o
mille broches ou fuseaux, marchant au moyen de moteurs hydrauliques
depuis plusieurs siècles, ou à vapeur depuis un assez grand nombre d'an-
ttées, et qui, par conséquent, ne méritent pas les reproches humanitaires
et passablement ridicules, mats déjà anciens il est vrai, farts par le très-peu
philosophe auteur de la Philosophie du manufactures, à l'occasion de quelques
vieilles machines isolées en bois, perdues dans les campagnes, ou de pauvres
paysans se servaient encore, en i836 , de roues à marches ou à cages d'écu-
reuils, qui auront sans doute disparu depuis lors, mais n'empêchent nul-
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140 vr JURY.
du filage ou de l'ouvraison des soies, presque tous les tours
et les moulins sont établis d'après le système français, tandis
qu'en Toscane, dans le Milanais, à Naples, en Sicile, pays
un peu moins avancés peut-être, il existait naguère 8 mou-
lins ronds sur 10 pour le premier apprêt et 1 sur 10 seule*
ment pour le deuxième; proportions qui ne tarderont pas à se
rapprocher de plus en plus de celle qu'on observe en France
ou dans le Piémont. #
Quant aux machines anglaises, en fer et en fonte, è ouvrer
les soies, malgré quelques tentatives isolées, il ne parait pas
qu'on ait jusqu'ici réussi, pas plus en Italie et à Naples même
que chez nous, à les substituer avec quelque succès à celles
dont il vient d'être parlé, et aux plus arriérées desquelles on
ne peut guère reprocher que de marcher encore avec une
certaine lenteur, de ne point être établies sur un plus vaste
ensemble ou échelle de fabrication , de ne point faire assez
usage, dans la machine à doubler notamment, de casse-fils et
tendeurs, de moyens de régulariser Tenvidage sur bobines et
d'égaliser la tension des fils conjugués, en évitant ainsi les
travellages au deuxième tors ou apprêt, dont les machines
devraient être constamment suivies ou accompagnées de comp-
teurs de tours ou de livraisons; compteurs qui ne manquent
pas certes en France, mais qui y seraient plus généralement
employés encore si le commerce l'exigeait et le payait, ou
s'il cessait d'exister des intermédiaires, actuellement obligés,
entre le fabricant d'étoffes et le filateur. Gomme on a dû s'en
apercevoir d'ailleurs, il ne serait pas nécessaire de recou-
rir aux machines anglaises, qui, au contraire, ont beaucoup
emprunté aux nôtres, ne serait-ce que l'ingénieux mécanisme
imaginé en i832 par M. Coron t pour enrouler, à l'aide d'en-
lement que les grandes manufactures de l'Italie n'aient servi autrefois de
modèles aux factoreries anglaises, notamment aux water-framt, etc. Il n'est
pas vrai non plus, ainsi que le démontre l'analyse précédente des breveta,
que les manufactures de soie en France soient redevables de la plupart de
leurs perfectionnements aux autres pays, l'Angleterre sans aucun doute»
etc., etc. (T. I, p. 38 k, 399, de l'édition française.)
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MACHINES ET OUTILS. 141
grenages elliptiques et excentriques, le fil eo zigzags croisé»
sur âes bobioes creuses d'abord, puis bientôt renflées.
Que de i83o à i838, époque où l'Angleterre s'empressa
plus particulièrement, selon le docteur Ure \ d'améliorer, de
réformer ses anciennes machines en bois , copiées du Piémont,
et jusque-là si peu perfectionnées ou profitables à l'industrie
delà Grande-Bretagne malgré des prohibitions absolues, que,
dis-je, MM. Lillie et Peter Fairbairn, de Leeds, célèbres cons-
tructeurs de machines à filer le coton, aient jugé convenable
de substituer le fer et la fonte au bois dans les machines à
filer la soie, en se rapprochant le plus possible du système
de construction dès lors suivi pour les métiers à filer continus,
il n'y a rien là qui doive surprendre, surtout si , en en faisant
application aux grèges, ces mécaniciens ont su mettre à profit
ce qu'il y avait de plus parfait à l'époque et de mieux appro-
prié aux qualités spéciales de la substance. Mais jusqu'à quel
point le but se trouve-t-il rempli dans les machines si fort pré-
conisées par le docteur Ure, d'abord en i836 , dans sa Philo-
sophie des manufactures, puis en i843, dans son Dictionnaire
anglais, plus tard traduit et imité chez nous? Jusqu'à quel
point surtout MM. Lillie et P. Fairbairn ont-ils réussi à sur-
passer nos propres machines à ouvrer la soie, je ne dis pas
sous le rapport de l'exécution matérielle, ce qui ne peut être
mis en question par personne; je ne dis pas non plus au point
de vue de la nouveauté des combinaisons mécaniques, qu'on
y chercherait vainement ; mais bien sous celui des avantages
pratiques et du perfectionnement de ces combinaisons, c'est-
à-dire de leur spéciale appropriation au but à remplir?
Voilà ce qu'il paraît difficile de décider ou de concéder à
priori, tout en accordant volontiers que, sauf un accroisse-
ment de gêne et de fatigue pour les rattacheuses, le double
rang de tavelles sur un même banc avec planche de garde
puisse amener une économie en espace et en rouages de trans-
mission ; qu'il en est ainsi également des continues droites à
• ' Dictionnaire anglais des arts et manufactures, p. 1 io5.
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142 Vf JURY.
faces verticales doubles , parallèles et à double étage de vargues ;
disposition imitée de celle qu'avait autrefois adoptée Vau-
canson , sauf que les fuseaux, munis d'ailettes à deux branches
renversées, y sont conduits par de longs tambours horizontaux
en zinc, ayant pour moteur un système d'engrenages à roues
de rechange pour le changement du tors, et faisant marcher
isolément des cordons sans fin passés dans les noix évidées
des broches, sujettes à des pressions, à des frottements, à des
glissements variables, par conséquent aussi à des inégalités de
vitesse; tout en accordant, si Ton veut encore, que 1 accélé-
ration dans le mouvement rotatoire des bobines ou fuseaux,
portée ici de 3 à A mille tours par minute, soit un avantage
réel sous- le rapport de l'accroissement même des produits
pour une dépense donnée de force motrice, de temps et de
frais généraux de fabrication. Il est évident, en effet, que ce
sont là des avantages très-précieux, trop rares peut-être dans
certaines de nos machines; mais, au fond et malgré toute leur
importance , ils ne suffisent pas pour trancher la question re-
lative à la qualité, à la supériorité, ni même, jusqu'à un cer-
tain point, au bon marché absolu ou comparé des produits,
c'est-à-dire , eu égard au prix, à la valeur effective de la mar-
chandise ouvrée.
Tout le monde sait, au surplus, que nos habiles rivaux, si
supérieurs au point de vue de leur immense commerce ma-
ritime, se contentent ici, comme ailleurs, de produits obtenus
en grande masse, il est vrai, mais généralement médiocres
et d'un facile débit, en s'adressant, à cet effet, plus particuliè-
rement aux soies de la Perse et de llnde, qu'ils soumettent,
comme cela a déjà été dit, à des opérations et savonnages gé-
latineux appropriés, tandis qu'ils s'adressent à l'Italie et à la
France pour les trames et organsins qui doivent entrer dans
la fabrication des tissus les plus beaux et les plus riches.
Je n'attribuerai pas, avec quelques personnes, les motifs
pour lesquels nos industrieux filateurs de soie et -ceux de
l'Italie ont constamment repoussé l'introduction des machines
anglaises dans leurs magnifiques ateliers, où rien certes n'est
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MÀCHBŒS ET OUTILS. 143
épargné, soit à la prétendue cherté de ces machines, soit à la
crainte de voir les belles soies du Midi entachées par les éma-
nations et oxydations qui s* exhalent dn fer ou de la fonte; je
les attribuerai encore moins à l'esprit de routine, à l'exiguïté
des locaux actuels, sinon en hauteur, du moins en dimensions
horizontales, ni aux habitudes acquises par les ouvrières mon*
tant sur les échelles, ni même à la nécessité d'aérer, ventiler,
rafraîchir d'une manière toute particulière, ces mêmes éta-
blissements ou ateliers ; je me contenterai de faire remarquer
qu'en vue^de réduire autant que possible le coût, des ma-
chines anglaises, notamment celles qui ont trait aux apprêts
du premier et du deuxième degré, on les a privées des plus
délicats organes qu'on aperçoit plus particulièrement dans les
bancs à broches modernes, pour assurer l'uniformité de l'en-
roulement et le tors des fils, tant recommandés aux mouliniers
de France par leur illustre maître Vaucanson. Enfin, il ne
faut pas oublier que les inégalités du tirage des fils entre les
roquelles supérieures, les ailettes et les fuseaux ou bobines
inférieures, que ne corrige peut-être pas assez dans lés ma-
chines de Fairbairn et Lillie une certaine liberté de jeu ou
d'action des ressorts élastiques; il ne faut pas oublier, disje,
que ces inégalités, si fâcheuses pour la beauté et l'uniformité
des apprêts, jointes à l'expéditif emploi , dans les opérations
précédentes, de purgeoirs en lames d'acier et en verre paral-
lèles, de frottoirs métalliques polis, etc., bien qu'ils ne se
reproduisent qu'une fois, à rencontre de ce qui arrive dans
nos propres machines, n'en doivent pas moins tendre à pro-
duire dans les fils des énervations, des ruptures, sources de
déchets que des mécanismes à bascule d'embrayage ou à cou-
page sauraient d'autant inoins prévenir que les nœuds répé-
tés sont très-nuisibles à la beauté des tissus, et obligent de
ralentir considérablement le jeu des tavelles et des bobines
d'enroulement.
En un mot, il est à supposer que les mécaniciens anglais,
si habiles dans l'emploi du fer et de la fonte , se sont trop hâtés ,
dans l'origine, d'arrêter, d'immobiliser, €n quelque sorte, leur
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144 VI- JURY.
système de construction des machines à mouliner la soie, et fl
sera prudent de procéder à la transformation de nos propres
machines d'ouvraison avec la lenteur et la maturité néces-
saires, comme on Ta fait pour le tour même à tirer les cocons.
Que si, d'ailleurs, ces diverses observations, celles surtout qui
sont relatives aux moulins à organsiner, n'étaient fondées en
principe, comment, je le répète, s'expliquer que les machines
ovales françaises, pour ainsi dire entièrement construites en
bois, se soient propagées, non pas seulement en France et en
Italie, mais bien, si je n'ai point été induit en erreur, dans
plusieurs des localités du midi de l'Angleterre?
A l'égard de la différence qui, indépendamment du bon
marché, peut exister entre une machine en bois et une en-
tièrement construite en fer et en fonte, je ne dis pas quant à la
charpente ou au bâti , dont l'établissement en matières rigides
est, sans aucun doute, avantageuse à la durée et à la stabilité,
mais bien quant aux rouages dentés et aux principaux organes
du mouvement, il ne sera peut-être pas inutile, au point de
vue historique, de rappeler ici la discussion très-vive qui, en
1776, s'est élevée dans le sein de l'Académie des sciences1
entre Vaucanson, ayant pour interprète l'illustre D'Alembert,
et Vandermonde , qui , dans un rapport sur lès moulins à
manège et à eau du mécanicien Durand , de Paris, avait forte-
ment approuvé la tentative d'introduire la fonte moulée dans
la construction des diverses roues d'engrenage, dont, à cette
époque même, ainsi qu'on l'a vu, l'usage commençait à se
propager dans les moulins et les filatures de l'Angleterre. Or,
tout en reconnaissant le mérite inhérent à la découverte du
mécanisme à déclic et à liberté de recul appliqué par l'ingé-
nieur Durand aux moulins à manège, pour permettre à l'a-
nimal de se reposer sans être entraîné par l'équipage de la
meule volante, Vaucanson, en donnant sans restrictions des
éloges à cette simple et ingénieuse combinaison , la même sans
doute qui a été mentionnée, sans nom d'auteur, à la p. 576 ,
1 Séances des 3, 5 et 17 juin 1776.
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MACHINES ET OUTILS. * 145
de la première Partie, Vaucanson, dis -je, fait de spécieuses
et graves réserves à l'égard du système de rouages en fer mis\
en œuvre par l'auteur, qu'il ne croit pas propre à atteindre
convenablement le but, faute de fonte appropriée et d'outils
mécaniques capables de tailler les dents de semblables pièces
avec la précision indispensable. A ce sujet, Vaucanson n'hé-
site pas à invoquer la vieille expérience qu'il avait acquise
dans l'établissement des machines à mouliner la soie1, où le
défaut absolu de flexibilité des organes du mouvement, aggravé
par les difficultés matérielles de l'exécution, l'avait toujours
contraint de revenir aux anciens engrenages en bois.
H est évident qu'aujourd'hui , avec nos machines-outils, nos
procédés de division ou de taille si rapides et si précis , mais
surtout grâce à l'emploi des dents en bois opposées à d'autres
en fonte douce, suivant le système de Rennie et de Watt,
on ne court pas à beaucoup près les mêmes risques, quoi-
qu'ils existent cependant encore à un degré assez prononcé
pour avoir motivé en beaucoup de cas, comme on en a eu
des exemples dans la première Partie (Sections I et IV), le
remplacement des engrenages par des courroies, même dans
de très-puissantes machines où tous les mouvements doivent
s'accomplir avec une uniformité , pour ainsi dire , parfaite. Car
on sait assez que Jes courroies, grâce à leur roideur, à leur
extrême tension, aux frottements et au jeu qu'elles font naître
sur les articulations ou appuis, sont loin d'offrir une supério-
rité d'avantages, au point de vue mécanique, sur des engre-
nages bien exécutés et à dentures suffisamment multipliées; ce
qui, joint à la propriété même que les engrenages possèdent,
1 U cite également l'exemple (Tune grande machine à filer le coton
établie dans le faubourg Saint-Antoine- à Paris, et dont les rouages en fer
forent avantageusement remplacés par d'autres entièrement en bois. Vau-
canson ajoute que les grandes roues sont préférables aux petites, et que,
clans les machines où les résistances sont divisibles, on doit, autant qu'il est
possible, diviser pareillement la puissance; ce qui n'est que relativement
exact en pratique ou en théorie, et s'éloigne d'ailleurs beaucoup du système
de construction généralement adopté de nos jours.
Yl* JOnt. — 2* PARTIE. 1 0
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14G Vr JURY.
de céder difficilement aux chocs et aux secousses accidentelles,
fait, suivant une précédente remarque sur laquelle j'aurai à
revenir d'une manière encore plus spéciale dans la Section
suivante, qu'on les a préférés, pour la conduite des broches
des machines à filer le coton, aux chaînes de Vaucanson et
aux cordonnets sans fin que Le Payen , de Metz , y avait subs-
titués dès 1765 ou 1766. Quant à appliquer directement les
engrenages aux broches des moulins à,organsiner, on ne sau-
rait jusqu'à présent y songer.
La facilité et l'empressement avec lesquels nous avons géné-
ralement admis ou imité, depuis 1784» les machines anglaises
en fer ou en fonte, mais plus particulièrement celles à filer le
coton, fussent- elles médiocrement bonnes, cette facilité qui
s'est fait remarquer tout aussi bien dans le midi que dans le
nord dé la France, prouve assez que si, malgré les encourage-
ments et les excitations des admirateurs exclusifs de l'industrie
britannique, nous n'avons pas suivi la même impulsion à
l'égard des machines à ouvrer les grèges, c'est qu'il existait,
pour s'abstenir, des motifs sérieux tenant aux qualités phy-
siques et toutes spéciales de la matière, tout à la fois continue,
tenace, extensible et contractile; motifs sur lesquels j'ai assez
insisté pour n'y point revenir. Je me bornerai donc à faire
observer ici que l'introduction définitive du fer et de la fonte
dans les machines à mouliner la soie réclamerait une exécu-
tion parfaite et l'adjonction de tous les artifices ou procédés
mécaniques qui peuvent servir à corriger les inconvénients
résultant du manque de ressorts, de la rigidité même des
différents organes de mouvements et de transmission de la
force motrice aux broches.
Quant aux tentatives faites, soit en France, soit en Angle-
terre , pour activer davantage encore le moulinage des grégesren
accomplissant simultanément les opérations du premier tors,
du doublage et du deuxième tors dans une même machine,
tentatives dont j'ai rendu un compte détaillé dans les derniers
paragraphes du chapitre II de cette Section , il ne semble pas
qu'elles aient obtenu aucun succès durable, malgré les sim-
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MACHINES ET OUTILS. 147
plifications et perfectionnements apportés à sa première ma-
chine par M. William Needham, de Manchester, dans une
autre nouvelle patente du 3i mai 18381, malgré même les
ingénieuses, sinon nouvelles, combinaisons adoptées par l'in*
génieur anglais Neville -Nash dans un brevet d'importation
en France du 28 mai de la même année, et qui a obtenu un
certain retentissement par les éloges et la récompense que la
Société d'encouragement de Paris lui a décernés en i84o,
sur le rapport de M. Calla fils *. En effet, il ne paraît pas que
depuis cette époque, où la machine de M. Neville était en
construction sur une fort grande échelle dans l'un des éta-
blissements de Turin, ce système de continues, à couple de
broches douées de mouvements excentriques avec ou sans
engrenages, et qui est proprement le reflet des idées émises par
MM.Tastevin, Guilliny, Coront, Badnall, etc., ait parfaitement
réussi; car il a, comme celui de M. Needham, le défaut
grave d'être, par la complication, la délicatesse des organes
essentiels , d'un maniement difficile et d'un prix relativement
élevé, outre qu'il repose sur des conditions théoriques peu
applicables à la nature particulière de la soie longue.
Enfin, il est à remarquer que , à l'Exposition de Londres de
i85i, la riche et complète collection de M. Davenport, de
Derby, en machines fonctionnant et destinées à montrer le
système douv raison des soies alors en usage en Angleterre; *
i(ue cette collection, où figure à profusion le bois poli d'aca-
jou, etc., ne contenait aucun des moyens mécaniques expé-
ditife mentionnés en dernier lieu, mais bien une succession
de bancs de tavelles, de purgeoirs, de doubloirs et de mou-
lins automates qui, sauf l'excellence de leur construction,
différaient assez peu du système de construction primitive-
ment adopté par MM. Lillie et Fairbairn , tel qu'il se trouve
décrit dans les ouvrages du docteur Ure, etc.
1 Elle a été publiée arec figures dans le Repertory of paient inventions,
t. XL, p. 89, sous le nom assez impropre de silk-worm, puisque, si je ne
me trompe, il ne s'agissait là nullement du filage ou tirage des cocons.
* T. XXXIV du Bulletin, p. 161, 3o3 et 4i8. '
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148 VP JURY.
Les quelques machines ou modèles qui ont valu à M, Frostr
de Macclesfield, la médaille de prix, également accordée à
M. Davenport, de Derby, présentaient seuls des modifications
essentielles, dont les unes concernent la réduction de l'espace
occupé par les tavelles, les purgeoirs, les broches et bobines;
les autres, une ingénieuse et simple disposition de machines
à doubler et à tordre en même temps les grèges. Dans cette
disposition, en effet, les fils simples sont respectivement en-
roulés sur des bobines verticales accouplées et dont les bro-
ches, surmontées à l'ordinaire d'une ailette à barbin , sont
mises simultanément en action par une bande sans fin agis-
sant sur la convexité de leurs noix; ces mêmes fils, toujours
isolés, communiquent, par un renvoi de poulies supérieures,
avec la circonférence d'une grosse roquelle d'enroulement , pré-
cédée d'un barbin réunisseur à va-et-vient, et reposant libre-
ment, en vertu de son poids, sur un rouleau moteur garni de
drçp et à rotation uniforme , d'après le principe d'égalisation
du tors dont il a souvent été parlé dans les chap. I et II de la
présente Section.
Toutefois, il est essentiel de remarquer ici, non-seulement
que l'égalité même de tension et de tirage est assurée dans les
deux fils soutenant, à cet effet, de petits poids librement sus-
pendus à leurs branches horizontales respectives, mais encore
que l'appareil est muni d'une bascule à contre-poids d'équi-
libre ou d'arrêt qui, par son basculement, suspend instanta-
nément la rotation du rouleau moteur, quand l'un des brins
horizontaux et supérieurs des fils, déjà tordus au sortir des
broches, venant à rompre, son petit poids de suspension
tombe brusquement sur l'une des branches de la bascule r
où il pèse aussi en cas de relâchement trop considérable de
ce fil, dû à un vrillage, à un embarras quelconque sur la
broche ou bobine de' déroulement correspondante. Cette
disposition , qui rappelle également quelques-unes de celles
dont nous nous sommes déjà précédemment occupés, a cela
d'avantageux d'ailleurs, qu'elle n'entraîne aucunement la sus-
pension entière de la machine, attendu que le rouleau mo~
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MACHINES ET OUTILS. 149
leur porte un rochet denté, à frein ou frottement réglé par
un ressort, muni de vis de pression; rochet contre les dents
•duquel s'opère le bùtement, en dessous, de la branche oppo-
sée de la bascule.
J'ai déjà fait observer, dans le cours de cette Section , qu'au-
cune machine française à mouliner la soie n'avait été of-
ferte à l'Exposition universelle de Londres ; j'ajouterai que
l'Italie elle-même, si riche en machines de cette espèce , a été
absente, et que l'Allemagne, seule, s'est trouvée représentée,
pour une machine à tracaner ou dévider les fils, par M. T.-H.
Diepers, de Grefeld, tandis que la Russie l'a été par M. H.
Graff, pour un appareil à filer directement, c'est-à-dire auto-
matiquement, les cocons à l'eau chaude; genre de machines
-qui a été aussi nouvellement tenté en Angleterre, mais proba-
blement sans chance sérieuse de succès pour les belles quali-
tés de grèges, dont avant tout, comme on l'a vu, il convient
«d'éviter le vitrage, la collure sur les asples, bobines ou can-
nettes ordinairement mis en usage dans cette espèce particu-
lière de filage ou dévidage des cocons.
Di'gitizedbyCj(
150 VP JURY.
1P SECTION.
MACHINES SERVANT A FILER,
PEIGMB, TI1LLBR LE LIN, LE CHANVRE ET LES SUBSTANCES
DE CONTEXTORE ANALOGUE '.
L'ordre logique et naturel semblerait exiger que nous com-
mençassions cette Section par l'exposé des principales décou-
vertes relatives au teillage et au peignage mécaniques du lin
et du chanvre, puisque ces opérations constituent le point de
départ nécessaire du filage proprement dit de ces substances;
mais» ainsi que j'en ai déjà fait la remarque générale, les ma-
chines de préparation sont précisément aussi celles qui ont
été les dernières à atteindre le degré de perfection réclamé
par les progrès incessants du filage et du tissage, et c'est pour-
quoi on ne devra pas être surpris que j'aie renvoyé à un der-
nier paragraphe ce qui concerne en particulier l'opération du
teillage, qui jusque dans ces derniers temps, en effet, était
presque entièrement exécutée à la main, avec des instruments
privés en quelque sorte de tout caractère automatique, tandis
que, pour ne pas trop interrompre l'enchaînement des idées
historiques, j'expose dans leur ordre de découverte les don-
nées relatives aux machines à peigner, dont le perfectionne-
ment a suivi de beaucoup plus près celui des machines à étirer
et tordre la filasse du lin et du chanvre, amenée à divers
degrés de finesse, mais qui de longtemps, néanmoins, ne
1 Cette portion du Rapport a été lue, au printemps de i85a , à la Com-
mission française de 1'Eiposition universelle de Londres; le manuscrit en
a été communiqué postérieurement à MM. les rapporteurs du Conseil d'État
et du Sénat, à l'occasion du projet de loi relatif à la récompense nationale-
décernée à la famille de Philippe de Girard : l'étendue, la variété et Tordre
des matières à traiter dans la première et la deuxième partie de ce Rapport
ayant retardé de plus de quatre ans la publication de Y ensemble, je crois
devoir déclarer que la Section relative aux machines à travailler le lin et le
chanvre, telle qu'elle se trouve imprimée ici jusqu'au chapitre IV, est en
tous points conforme au texte manuscrit lu et adopté en i 85 a.
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MACHINES ET OUTILS. 151
saurait par les machines atteindre la perfection que savent lui
donner à la main les habiles peigneurs de nos départements
du nord pour la préparation des fils destinés à la confection
des plus beaux tissus de batiste.
CHAPITRE 1".
ÉTAT DE LA FJLATÔEB MBCAMQUE DO UN ET DO CBANVHE AVANT ET JUSQU*À
' L'EPOQOE DE l8l5.
S I*. — Tentatives diverses et antérieures an concours ouvert par Napo-
léon F* en 1810 : conversion de la filasse en matières cotonneuses, par
MM. BerthoUet, Clays, Molard et Bauwens, d'une part, et par MM. Billion,
Bomien frères, Lebrun, etc., d'une autre. — Machines à filer le lin et les
étoupes, par MM. Demaurey, Delajontaine, W. Bobinson, Basby, Alphonse
Leroy, G. Munier, /. Madden et Patrick Onéal, etc., à Paris; opinion de
M. Bardd sur les produits de ces machines.
La France, séparée de ses colonies dès avant le commence-
ment de ce siècle, soumise depuis la rupture de la paix d'Amiens
à un blocus continental rigoureux, qui ne lui permettait de
recevoir du dehors qu'une bien faible portion du coton né*
cessaire à l'alimentation de ses manufactures et aux besoins
de ses populations; la France, qui possédait alors un système
de filature du coton relativement étendu et perfectionné \ a
1 Voyes le Rapport fait en l'an u (i8o3), an ministre de l'intérieur, par
le Jury du concours établi pour la construction des meilleures machines à
carder et à filer le coton , composé de MM. Bardel , Conté , Molard , Lancelvé ,
Corné et Bellangé; Rapport dans lequel sont mentionnés les efforts oui à
dater de 1784, où MM. Martin et Milne introduisirent chei nous, commo
on Ta vu , les premières mule-jennys, ont été faits successivement, d'abord ,
avant le concours, par MM. Décretot , Boyer-Fonfrede (sans doute C. Albert ),
Morgham et Massey, Pickfort, François et Lieven-Bauwens, afin de doter
le pays de la série entière des machines inventées ou perfectionnées en
Angleterre pour la filature du coton; puis, et plus spécialement en vue
de concourir an prix, par les mécaniciens Bramwells, Pohecheim, Milne,
Calla , enfin Lieven-Bauwens et James Farrar, dont les machines ont obtenu
la préférence sur celles de leurs concurrents. Dans le texte du Rapport,
inséré au t III, p. 137, du Bulletin de la Société d'encouragement, on lit
maîe-jenny et non pas mnll-jenny, comme on fa mal à propos écrit posté~
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152 VT JURY.
dû naturellement être l'une des premières à se jeter dans la
voie des tentatives pour approprier le système automatique
de cette filature à la transformation des longues fibres du lin,
du chanvre et de leurs étoupes en fils plus ou moins parfaits.
De là les essais de l'illustre Berthollet, de Clays, de Molard
et de Bauwens entrepris à Paris, dès Fan vm (1B00), pour
transformer ces matières textiles en produits analogues à ceux
que présente le coton l ; essais qui avaient été précédés et
furent suivis de beaucoup d'autres, où ces précieuses matières,
lacérées par petits bouts, maillées et réduites à l'état coton-
neux, étaient soumises à un véritable cardage, et présentées
ensuite aux machines à filer ordinaires, qui les transformaient
en fils grossiers du n* 10 ou 12 au plus, et dont les courts
éléments juxtaposés composaient un tout sans liaison néces-
saire, si ce n'est celle que lui donnaient le tors et le frotte-
ment mutuel des parties.
Tel était notamment l'objet des brevets accordés en 1799,
1807 et 1808 » à MM. Billion, Romieu frères et Lebrun, à
Paris, pour des procédés propres à donner au lin et au chanvre
l'apparence de la soie et du coton; procédés qui n'ont point
été ignorés dans la Grande-Bretagne, notamment en Ecosse,
où d'ailleurs on filait dans les plus bas numéros le lin et le
chanvre, à sec et dans toute la longueur, dès les dernières années
du xviii9 siècle; procédés enfin que les échantillons exposés
en dernier lieu par M. Claussen, à Londres, sembleraient de-
voir faire revivre avec tous les perfectionnements que com-
porte l'état actuel de l'industrie et de la science. Si, d'autre
part, on en croit une lettre de Cadix, datée du 12 janvier
1828 et insérée dans le Diario mercantil de Barcelone, on
aurait fait également en Espagne des tentatives pour filer mé-
caniquement le lin, les étoupes, et même les fibres du genêt,
préalablement réduites à un état de douceur, de flexibilité,
comparable à celui du coton , et permettant de les soumettre
rieurement, avec une orthographe qui, je crois devoir en faire ici la re-
marque plut explicite encore, n'est ni anglaise ni allemande.
1 Journal de î École polytechnique, II* cahier, an x, p. 319.
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MACHINES ET OUTILS. 153
au même mode de cardage, etc.; tentatives dont on avait vu
les résultats à l'Exposition espagnole de 1827, et qui, d'après
l'auteur, remonteraient, du moins pour les étoupes du lin,
aux années 1788 et 1794, où l'on aurait filé à Santiago du lin
si fin que chaque gros donnait 4oo varas, propres, ajoute-t-il,
à faire de la batiste.
M. Demaurey, d'Incarville près Louviers, si connu pour les
progrès qu'il a fait faire à la filature de la laine, est regardé
comme le premier qui, dès l'époque de 1797, ait entrepris
d'une manière sérieuse, en France, de composer un système
de machines propres à filer le lin; système que M. Delafon-
taine a mis en usage, en 1799, dans un établissement formé
à la Flèche, et dont les produits furent plus tard soumis à la
Société d'encouragement de Paris. Des brevets ont également
été pris en France dans les années 1798, 1801, i8o4, 1807
et 1808 par M. William Robinson et M™ Clarké, domiciliés à
Paris; par MM. Busby à Rouen, Alphonse Leroy à Paris,
Georges Munier à Versailles, John Madden et Patrick Onéal
à Paris, ayant tous le même but, la filature du lin ; et d'après •
le Rapport adressé au Gouvernement français, en novembre
1810, par MM. Monge, Joly de Bammeville, Bardel et Molard,
ce sont ces premières tentatives qui auraient donné à Napo-
léon Ier l'idée d'ouvrir le célèbre concours relatif à la filature
de cette matière par des procédés purement mécaniques, qui
devaient faire atteindre au fil de lin jusqu'au n° 4oo (4oo kilo-
mètres par kilogramme)'1 et le rendre propre, en un mot, à
1 Je rappellerai ici que le numérotage nommé métrique est généralement
adopté en France depuis la publication du programme du Concours pour
le grand prix de 1810 : le n° 10, dans ce système, correspondant très-
approximatif ement au n* 6 anglais, il devient facile d'opérer la conversion
pour chaque cas. Voici, au surplus, le texte de ce Rapport, tel qu'il se
trouve imprimé aux pages a 80 à a 83 du t. IX du Bulletin de la Société d'en-
couragement :
Programme relatif au prix d'un million de francs offert par le décret impérial
du 7 mai dernier à fauteur des meilleures machines à filer le lin,
• Art I". Le prix d'un million de francs offert par le décret du 7 mai
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154 VF JURY.
fabriquer un tissu égal eu finesse à celui de la mousseline
de coton; problème dont la solution, même en la restreignant
au plus bas numéro (170) admis par le programme, reste au-
« 1810 à Fauteur du meilleur système de machines propres à filer le lin
« sera accordé à celui qui sera parvenu à filer :
« 1* Des fils de lin pour chaîne et pour trame propres à faire un tissa
« égal en finesse à la mousseline fabriquée avec du fil de coton n* 4oo 000
• mètres au kilogramme , correspondant au n° 1 64 000 aunes à la livre , poids
« de mare : les procédés employés pour obtenir ces fils devront procurer
« une économie de huit dixièmes sur le pris de la filature à la main;
«2° Des fils de lin pour chaîne et pour trame propres à faire un tissa
« égal en finesse à une toile nommée percale, fabriquée avec du fil de coton
m* aa5 000 mètres au kilogramme, correspondant au n* 9a 000 aunes à
c la livre : les procédés employés pour obtenir ces fils devront procurer une
« économie des sept dixièmes sur le prix de la filature à la main;
« 3° Des fils de lin pour chaîne et pour trame propres à faire un tissu
€ égal en finesse à une toile fabriquée avec du fil de coton n* 1 70 000 mètres
« au kilogramme, correspondant au n* 70 000 aunes à la livre : les procédés
c employés pour obtenir ces fils devront procurer une économie des six
€ dixièmes sur le prix de la filature à la main. Dans les économies de main-
« d œuvre exigées par les conditions précédentes, sont comprises celles qu'oo
t pourra obtenir sur toutes les opérations préparatoires de la filature du lin.
c II. Si les conditions exigées par l'article précédent n'étaient pas toutes
«remplies, il serait accordé 5oo 000 francs à celui qui aura satisfait à la
« deuxième et à la troisième de ces conditions; et dans le cas où il n'y aurait
«que la troisième condition de remplie , le prix sera réduit à s5o 000 francs.
«III. Un jury composé de sept membres, dont quatre manufacturiers et
«trois versés dans les connaissances mécaniques, nommés par le ministre
c de l'intérieur, est chargé de l'examen de toutes les machines présentées
«au Concours, ainsi que de toutes les opérations nécessaires pour s'assurer
«de leurs effets, de la quantité et de la perfection de leurs produits. Le jury
« fera un rapport détaillé des résultats de son examen au ministre de fin-
«teneur.
«IV. Le Concours restera ouvert pendant trois ans, k partir du 7 mai
« dernier, et ne sera fermé que le 7 mai 1 8 1 3.
«V. Les concurrents devront faire parvenir, franc de port, leurs ma-
«chines au ministre de l'intérieur avant la fin du Concours; mais, avant
«Tenvoi des machines, ils pourront lui adresser les dessins avec mémoires
«explicatifs, ainsi que des échantillons de leurs produits, afin que le jury
« puisse faire connaître si elles sont susceptibles d'être présentées au Con-
«cours, et qu'en cas de négative les auteurs s'épargnent les frais de trans-
«port. Néanmoins, on admettra au Concours les machines que les auteurs
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MACHINES ET OUTILS. 155
jourd'hui encore à désirer, malgré l'état, relativement très*
avancé, de cette branche importante de l'industrie, soit en
Angleterre, soit en France.
Les procédés mis en usage aux époques précitées étaient
d'ailleurs extrêmement imparfaits, surtout quaqt aux pre-
miers étirages et à la formation des premiers rubans ou mèches»
tous produits à sec, en toute longueur des fibres, et qu'on ob-
tenait, dès lors comme aujourd'hui, par des laminages, éti-
rages et doublages successifs, fort analogues à ceux que l'on
faisait subir au coton.
Parmi ces procédés, on doit plus particulièrement distin-
guer : i° celui qui a été décrit dans le brevet d'importation
• jugeraient convenable de présenter, malgré l'avis contraire qu ils en au-
• raient reçu.
i VI. Les machines, pour être admises an Concours, devront être cons-
i truites en grand et en état de fonctionner de la même manière que si elles,
«devaient être employées à former un établissement de filature. À mesure
«de leur arrivée, le ministre de l'intérieur les fera placer au Conservatoire
«des arts et métiers, ou elles seront examinées immédiatement après le
« délai fixé par le Concours.
. «VU. Les concurrents feront connaître au jury tous les procédés qu'il»
«mettront eh usage, en prenant le lin en branches ou sortant du routoir
«jusqu'aux dernières opérations de la filature.
« VHI. Le système de machines qui aura satisfait complètement aux con-
« dirions esigées deviendra la propriété des manufactures françaises, du
« moment que le prix aura été décerné à son auteur, et les mécaniques qui
« composeront ce système appartiendront au Gouvernement.
• Arrêté à Paris, le g novembre 1810.
«£e Ministre de t intérieur, comte de V Empire,
« Signé Mowtalivbt. »
Soit le Rapport au ministre sur l'état de la filature mécanique du lin à
l'époque de 1810 par le jury dont Monge était le président; Rapport où l'on
mt figurer les noms de MM. Demaarey, Delafontaine fils , William Robinson »
Fallon et Cmting, M"* Clarke, MM. Busby, Alphonse Leroy fils, Georges*
Marner, John Modden et Patrick Onéal, tous établis en France, et dont les-
systèmes de filature, indiqués comme premières tentatives mécaniques dans
la voie du Concours, sont examinés plus explicitement dans le texte ci-
dessus. •
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156 VF JURY.
accordé à William Robinson en avril 1798, parce qu'il peut
donner une idée de l'état de la filature du lin et du chanvre
en Angleterre et en Ecosse à la fin du dernier siècle ; 2° ce-
lui d'Alphonse Leroy, également décrit dans un brevet du
20 mars 1807, parce qu'il a obtenu les éloges de la Société
d'encouragement de Paris (7* année du Bulletin, p. £7).
La méthode de ce dernier filateur se distingue de celle du
précédent par des idées plus nettes, une théorie plus avancée
des préparations que comporte la longue filasse du lin ou
du chanvre, non moins que par des perfectionnements très-
importants relatifs au mode d'étirages successifs des nappes,
bandes ou rubans de cette filasse.
Dans l'une et l'autre machine, la première bande, compo-
sée de poignées de lin rangées à la main, bout à bout et en
échelons, c'est-à-dire ventres contre pointes, dans une auge ou
sur une toile sans fin, horizontales, passe entre les cylindres
cannelés alimentaires, d'où elle est attirée sur un grand tam-
bour en bois, mobile autour d'un axe horizontal qui reçoit la
nappe de filasse à sa partie supérieure , où elle est maintenue
par des rouleaux de pression, et livrée ensuite, vers l'extrémité
opposée du diamètre, aux cylindres étireurs, etc. Mais, au lieu
que dans le système Robinson le tambour, parfaitement uni,
ne relient cette nappe que par les rouleaux de pression com-
pris entre les extrémités de son diamètre horizontal, ce même
tambour, dans le système de Leroy, est muni de petites lames
ou barrettes parallèles à l'axe et formant autant de peignes ou
sérans distribués, tant pleins que vides, autour de sa circon-
férence extérieure, qui servent à séparer, à aligner parallèle-
ment les fibres et à les entraîner par simple frottement, tout
en leur permettant de glisser etftre elles d'un mouvement re-
latif, et de céder ainsi graduellement à l'étirage postérieur
sans se rompre ou se désunir, les rouleaux de pression, fixés
aux circonférences de lanternes mobiles, et qui agissent vers
les extrémités de la nappe dans les intervalles vides des bar-
rettes, n'ayant ici d'autre objet que de maintenir la filasse
contre le tambour, sans trop l'y presser ou retenir.
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MACHINES ET OUTILS. 157
Cette dernière modification dans le système d'étirage semble
d'autant plus remarquable qu'elle est, comme nous le verrons
bientôt, l'origine, fort imparfaite sans doute, des procédés au-
jourd'hui en usage et dont on doit la principale découverte à
Philippe de Girard. Jusque-là, en effet, on n'était point par-
venu à empêcher les fibres courtes de se replier dans l'étirage
au travers des tambours, et de former ainsi des vrilles, nœuds
ou boutons très -nuisibles à la régularité des étirages posté-
rieurs et du filage en fin. Ajoutons que dans le brevet d'im-
portation de William Robinson on fait pressentir la nécessité,
mais pour le lin seulement, d'armer le gros tambour de pointes
d'acier sur toute sa surface, et de substituer aux rouleaux de
pression fixes des lanternes mobiles à fuseaux d'acier; remarque
qui a pu mettre Leroy sur la voie de perfectionnements en
eux-mêmes fort essentiels, et dont peut-être l'importateur Ro-
binson n'avait pas senti toute l'importance et l'utilité.
Noos n'insisterons pas, au surplus, sur les différences que
présentent les deux systèmes de filature, et qui sont relatives
soit à la manière de disposer les poignées de filasse sur la table
à étaler, sur l'auge ou la toile sans fin, qui servent à alimenter
les premiers cylindres, soit à la formation des rubans au moyen
de tuyères, etc., soit enfin à leur doublage et redoublage sur des
tambours rabaneurs pareils aux premiers, et dans lesquels
les sérans à barrettes, mis en usage par Leroy, offrent, d'une
machine à l'autre, des aiguilles de plus en plus courtes, fines
et resserrées. Ces différences, en effet, ne présentent rien de
bien essentiel, et qui ne soit analogue à ce que l'on pratique
pour la formation des premières mèches ou nappes de co-
ton, si ce n'est que, dans le système Robinson, le dernier
doublage ou étirage a lieu au moyen de broches à ailettes
donnant une mèche avec léger tors, tandis que, dans celui
de Leroy, la dernière préparation se rend, comme les précé-
dentes, dans une lanterne verticale, ou boîte cylindrique tour-
nante, en fer-blanc, qui lui donne le degré de tors, très-faible,
dont elle a besoin pour pouvoir être ensuite facilement sou-
mise an filage en fin continu.
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158 VI* JURY.
Quant aux métiers qui servent à ce dernier objet dans Ton
ou l'autre système, ils diffèrent en ce sens, que, dans celui de
Robinson, la mèche, déjà enroulée sur des bobines, reçoit
directement un dernier étirage et un dernier tors en fin, après
avoir passé sur trois systèmes de rouleaux étireurs ou lami-
neurs disposés dans le sens d'un plan légèrement incliné sur
la verticale, ce qui favorise l'étirage par l'action de la pesan-
teur; tandis que, dans celui de Leroy, les mèches, plates et
beaucoup plus grosses, passent préalablement au travers de
six couples de cylindres lamineurs ou étireurs, gradués quant
-à la pression et à la vitesse , mais entre lesquels se trouvent
interposées des auges curvilignes ou sortes de tuyères, pour
ramasser et guider la filasse; système dont la disposition ho-
rizontale rappelle, par son ensemble, celle des anciens bancs
d'étirage du coton , sauf que le défaut naturel d'adhérence des '
fibres lisses du lin et du chanvre est ici corrigé par l'interpo-
sition des rouleaux presseurs, plus ou moins multipliés entre
les deux extrêmes.
La complète similitude de ces deux procédés avec ceux qui
étaient dès lors en usage dans les continues nous dispense
d'insister sur l'emploi des leviers-bascules coudés et à contre-
poids servant à donner un mouvement vertical de va-et-vient
à la pièce horizontale qui supporte les bobines, par le moyen
de la came, en forme de cœur, due à Vaucanson, et agissant
sur une roulette fixée à l'extrémité de ces leviers; mais nous
devons faire remarquer que ce mécanisme n'est ici accompa-
gné d'aucun des moyens inventés plus tard pour propor-
tionner la vitesse de l'étirage et le tors à la vitesse relative
d enroulement du fil sur les bobines.
En m'étendant, comme je viens de le faire, sur les tentatives
de Robinson et de Leroy pour filer le lin et le chanvre, je
n'ai point eu seulement pour but de donner, au point de vue
mécanique, une idée sommaire de l'état de la question dans
les premières années de ce siècle, où le fil atteignait diffici-
lement le n° 20, même dans des essais pareils à ceux que les
Commissaires de la Société d'encouragement de Paris firent
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MACHINES ET OUTILS. 159
subir, en février 1808, aux continues de Leroy, munies de
24 bobines. J'ai aussi tâché de mettre le lecteur en mesure
déjuger par lui-même de l'importance des modifications que
les successeurs de cet industriel apportèrent à la filature du
lin, où, sauf le dévidage des bobines, qui était ici accom-
pagné de Tinjection continue d'un filet d'eau, toutes les opé-
rations paraissent s'être effectuées complètement à sec et
suivant la longueur naturelle des fibres; ce qui offrait des dif-
ficultés que l'on ne parvenait à vaincre que d'une manière
fort peu satisfaisante, et au détriment des produits, soit en
France , soit en Angleterre.
Constatons en outre que si, à l'époque dont il s'agit, la
question mécanique se trouvait peut-être un peu plus avancée
dans notre pays, en revanche, elle avait reçu dans la Grande-
Bretagne, principalement en Ecosse, une application manu-
facturière beaucoup plus étendue1, et qui, grâce à l'économie
de fabrication , aux progrès de l'outillage mécanique et de la
production de la force motrice par la vapeur, pouvait dès lors
faire pressentir l'essor que prendrait un jour cette branche
intéressante d'industrie, lorsque le perfectionnement de ses
procédés automatiques aurait permis d'atteindre des numéros
assez élevés pour satisfaire aux besoins de la consommation
des toiles fines, jusque-là entièrement fabriquées à la main.
Ne craignons pas d'ailleurs de le redire après tant d'autres,
le peu de succès des tentatives de ce genre faites en France
avant et même depuis 1810 ne doit pas uniquement être
altribué à de telles causes, et, sans mentionner la perturba-
tion occasionnée par notre grande révolution et ses suites, le
manque presque absolu de capitaux et de crédit et les faibles
encouragements dont ces mêmes tentatives ont été d'abord
l'objet de la part du Gouvernement et des hommes appelés
1 Nous voyons cependant, par un avis du Comité consultatif des arts et
manufactures en date de février 181 1, qu'il aurait existé dès lors en France
plus de 80 établissements où Ton filait, tant bien que mal sans doute, le
lia k sec et dans toute sa longueur, depuis le n* 1 a jusqu'au n* ao mé-
triques, au plus.
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160 vr JURY.
à juger de l'avenir de l'industrie y ont aussi contribué pour
une forte part, soit que Ton ait désespéré de résultats encore
imparfaits, soit que Ton ait craint les effets d'une aussi redou-
table perturbation dans les habitudes industrielles des cam-
pagnes; et cest précisément à ce point de vue que le décret
impérial de mai 1810 était un acte de pouvoir extrêmement
remarquable et grave, même aux yeux des économistes les
plus avancés de cette époque.
Pour se convaincre, en particulier, de la faible confiance
qu'avaient jusque-là inspirée chez nous les procédés méca-
niques en usage, il suffit de lire, dans le Bulletin de la Société
d'encouragement l, ce que M. Bardel pensait de la filature alors
existante des étoupes de lin et de chanvre, qui paraissaient
à l'estimable rapporteur tout au plus propres à produire des
miches à chandelles, incapables de jamais remplacer avec avan-
tage celles du coton , malgré l'infériorité relative du prix. Et
cependant on a vu, plus tard, nos voisins donner à ces mêmes
étoupes des apprêts qui les faisaient, à notre grand détriment,
rivaliser avec ceux des gros fils de lin et de chanvre fabriqués à
la main dans nos campagnes.
•
S II. — Premiers essais de filature mécanique du lin par Philippe de Girard,
au moyen de peignes mobiles à serons et de préparations à l'eau chaude
on alcaline. — Analyse rapide des brevets qui lui ont été délivrés dans
l'intervalle de 1 8 1 o à 1 8 1 5 ; avis du Comité consultatif des arts et manu-
factures concernant ces brevets.
Tel était, si je ne me trompe, l'état des choses à l'époque
de juillet 1810, où Philippe de Girard, ancien professeur de
physique et de chimie à l'école centrale de Marseille, inven-
teur et mécanicien par nature, déjà connu d'ailleurs par la
lampe hydrostatique qui porte son nom et par d'autres dé-
couvertes utiles, prit, collectivement avec ses frères, un pre-
mier brevet d'invention pour filer le lin et le chanvre par des
procédés mécaniques; brevet qui fut suivi, dans les années
1 7* année (1808), p. 168.
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MACHINES ET OUTILS. 161
subséquentes, d'une série, de certificats d'additions et de per-
fectionnements qui constituent un véritable traité sur la ma-
tière, et qui se trouvent mal à propos publiés sous la même
date, ou sans date précise, dans le Recueil des brevets expirés,
où ils ont subi des retranchements et déplacements que tous
les amis de la vérité et du progrès doivent déplorer, aujour-
d'hui que Ton sait à quoi s'en tenir sur la haute importance
<les procédés de filature mécanique inventés par Philippe de Gi-
rard. Quoi qu'il en soit, je résumerai ainsi scrupuleusement,
rapidement et sans commentaire, les principes qui, dans les
plus anciens de ces brevets ou certificats publiés avant 181 5 1,
se rattachent directement aux progrès ultérieurs du filage au-
tomatique du lin et du chanvre par machines.
Les fibres du lin et du chanvre sont composées d'éléments
agglutinés, ayant de quatre à dix centimètres do longueur au
plus. En les trempant, par petites poignées ou faisceaux, dans
une eau de lessive chaude, à laquelle on peut substituer l'eau
ordinaire pour les lins tendres, les lavant ensuite à l'eau froide,
leurs fibres élémentaires deviennent susceptibles de. glisser
les unes sur les autres sans se rompre à l'étirage, comme elles
le faisaient auparavant; et, par conséquent, rien ne s'oppose
à ce qu'on les soumette dans cet état, isolément ou sous la forme
d'un ruban continu, à l'action d'une machine à filer ordinaire
qui les amènera, dit l'auteur, dans une seule opération, à an
état de finesse quelconque. Les brevetés proposent, à ce sujet,
un nouveau porte-bobine, où l'ailette est remplacée par un
châssis vertical en fil de laiton , fermé, et qui permet de faire
varier, à volonté, la force de tirage du fil par la bobine, armée
pour cela d'une ou de deux plumes qui, en frappant l'air,
en retardent plus ou moins le mouvement, par rapport à
<celui du châssis extérieur mobile2, et empêchent ainsi la rup-
1 Collection des brevets expirés, t. XII, p. 1 14 à 136.
* Ce moyen, comme on sait, a été remplacé depuis par le frottage d'une
ficelle tendue à l'aide d'un petit poids ou plomb, et dont on fait varier, à
volonté, l'étendue de l'arc de glissement contre la gorge d'une poulie montée
sur le moyeu de la bobine. Quoique, dans des appareils plus parfaits en-
vi* jcrï. — a* partie. 1 1
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162 VI- JURY.
tare beaucoup trop fréquente des fils qui avait lieu sur les
métiers ordinaires.
On peut d'abord filer le lin à sec et en gros, le passer en-
suite dans la lessive et retirer, pourvu qu'il n'ait reçu préala-
blement qu'un tors très-léger. Ce dernier procédé est celui
auquel les brevetés paraissent ici accorder la préférence. Ils
proposent , comme premier moyen , de transformer progressive-
ment, et en {Procédant par doublage, etc., la filasse en rubans
de plus en plus unis , en se servant de tambours à hérisson
interposés entre les cylindres alimentaires et étireurs , à.peu
près comme le faisaient Robinson et Leroy, sauf à donner à
ces tambours des diamètres en rapport exact avec la longueur
naturelle des fibres; a convertir ensuite les rubans ou boudins,
ainsi obtenus à sec, en mèches ou gros fils des nM 10 à 4o;
à lessiver ensuite ces fils, puis à les soumettre à un dernier
étirage en fin, qui, affirment encore les brevetés, les amènera
sans grandes difficultés aux n" de 200 à 4oo kilomètres au
kilogramme 1v si on leur a préalablement enlevé la torsion
nécessitée par le lessivage.
Cette assertion n'est d'ailleurs appuyée que d'une expérience
en petit , faite sur un gros fil soumis au rouet à la main ordi-
naire, et auquel on a fait subir, après le lessivage, un allon-
gement égal à vingt-cinq fois sa longueur primitive. Le même
but, ajoutent les auteurs, peut aussi être atteint directement
à l'aide d'un métier décrit au brevet, et dont la partie supé-
rieure de droite sert à détordre la mèche déjà enroulée sur
une bobine horizontale emportée, avec son châssis, autour d'un
axe vertical et central , de manière à livrer cette mèche, ainsi
core, l'on ait su éviter en majeure partie le surcroit de résistance ou de
perte de travail moteur qui résulte de ces moyens régularisateurs, il n'en
est pas moins utile de faire observer que, d'après des renseignements qu'il
y a tout lieu de croire authentiques, les régulateurs à plomb auraient été
mis en usage dès l'année -181 3 dans les filatures établies par MM. Girard
frères à Paris.
1 C'étaient là, comme on Ta vu, les conditions exorbitantes du pro-
gramme du fameux prix d'un million; mais il faut se garder de prendre de
telles assertions à la lettre*
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MACHINES ET OUTILS. 163
détordue, aux cylindres fournisseurs qui la surmontent, mouiï-
14$ à ta manière ordinaire, et sur le plus gros desquels elle
s'enroule à la partie supérieure, pour de là descendre vertica-
lement entre les cylindres étireurs de la partie de gauche, qui
constitue le métier ordinaire à filer en fin , sur bobines verti-
cales à ailettes en 5, etc. : Philippe de Girard indique , en outre ,
un moyen forl ingénieux à l'aide duquel on pourrait étirer,
à sec et sans torsion permanente, les rubans ou mèches qui
n'auraient pas été soumis au lessivage; mais ce moyen offrant
des inconvénients que ne présente pas celui dont il sera parlé
un peu plus loin, et qui, plus simple, est fondé sur le même
principe, nous ne nous y arrêterons pas ici. Il me suffira de
faire remarquer que, aux époques de 1811 et de 1812, où
Philippe de Girard prenait son premier certificat d'additions , il
en était encore , en fait de machines , à de simples essais , et cela
explique suffisamment comment, dès lors, il insistait sur la
possibilité de filer en fin les gros fils lessivés, au moyen des
continues et des mule-jennys ordinaires.
Dans le deuxième certificat d'additions, relatif à la filature du
lin en gros et clont la demande est antérieure à février 1812,
Philippe de Girard , dans un préambule de quelques pages très-
remarquable1, met en complète lumière les vices des anciens
procédés d'étirage appliqués aux fibres longues , droites et
1 Ce préambule a été entièrement supprimé dans le certificat d'addi-
tions de la p. 1 26 du t. XII des Brevets expirés, publié en 1826, et il en est
ainsi du passage qui le termine, dans lequel fauteur fait sentir vivement la
haute importance du redressement et de retirage des fibres du lin au tra-
vers des peignes continus, qui suffiraient à eux seuls pour obtenir du fil
très-fin » si Y on n'y arrivait plus directement et plus sûrement encore par la
méthode du décollement des fibres élémentaires. Philippe de Girard, lors de
son retour en France en 1 844, a attribué , avec de justes raisons , à la suppres-
sion de ces passages et de quelques autres l'inconcevable et fâcheux oubli
dans lequel son système de filature était tombé parmi nous; car ce sont les
théories et les doctrines scientifiques qui peuvent convenablement éclairer
f application des procédés physiques ou mécaniques aux arts industriels. On
reconnaît d'ailleurs dans les idées et les travaux du savant professeur de
Marseille f origine des méthodes de Dobo et de ses successeurs pour étirer
la laine ou le coton sans leur faire subir aucune torsion sensible, méthodes
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164 VP JURY.
inégales du lin et du chanvre ; il expose ses idées théoriques
et expérimentales sur la formation des nœuds ou boutons dont
la présence, dans les premiers rubans, se maintient jusqu'aux
dernières opérations, où elle altère gravement la qualité des
fils les plus fins; il insiste, pour la première fois, sur la néces-
sité d'accompagner chacun des étirages que Ton fait subir aux
nappes , rubans et mèches de filasse, d'un peignage ou redres-
sement des fibres au travers de sérans mobiles , montés sur de
petites barres métalliques distinctes, en plomb ou étain, que
l'on fixe, soit sur les tambours déjà mentionnés ci-dessus,
soit sur des cuirs ou des chaînes sans fin, interposés entre les
cylindres fournisseurs et étireurs de chaque machine. Enfin il
observe que si la filasse s'engage facilement à son entrée
dans ces peignes, il n'en est pas ainsi à la sortie, et que
l'usage des rouleaux de pression ou des lanternes à fuseaux
mobiles placés aux extrémités ne prévient pas entièrement
cet inconvénient. C'est pourquoi il propose diverses combi-
naisons ayant pour but de faciliter l'expulsion de la filasse à
la sortie des peignes, dont les aiguilles sans coudes sont ici
légèrement inclinées sur les tambours pour faciliter la prise
et le dégagement de la filasse. Ces dispositifs, imités dans des
brevets postérieurs et longtemps mis en usage, consistent à
placer dans les intervalles libres des sérans et sous la filasse
de petites tringles ou traverses moitiés qui la soulèvent et la
détachent d'entre les peignes, dans le voisinage des rouleaux
étireurs , où elles éprouvent , avec les branches extrêmes et
coudées du fer k cheval qu'elles forment et qui les unit au
tambour ou à la nappe sans fin des sérans, un mouvement
de bascule, forcé, dans ce dernier cas, par leur direction
taogentielle, et déterminé, dans l'autre, par leur propre
poids et par des guides extérieurs fixes contre lesquels les
tringles élévatoires viennent glisser progressivement, et les
unes après les autres.
fondées, il est vrai, sur d'autres ingénieux moyens de solution. (Introduc-
tion générale, p. 18 et 19 de cette a* Partie.)
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MACHINES ET OUTILS. 165
Il est d'ailleurs digne de remarque que ce brevet, où Philippe
de Girard tentait, pour la première fois, de sortir des routes
battues par ses prédécesseurs, fut précisément celui que le
Comité consultatif des arts et manufactures repoussa à cause
de la similitude apparente du but avec les résultats qu'avaient
cherché à atteindre, pour le lin et la laine, Demaurey, Robin-
son, Alphonse Leroy et Ternaux; or cela prouve que les con-
temporains, quelque habiles qu'on les suppose, ne sont pas tou-
jours juges compétents de l'avenir réservé aux idées originales
en fait d'industrie. Aussi, dans une lettre datée du 12 avril
181a, Philippe de Girard repousse- t-il avec force et succès l'in-
culpation de plagiat quant aux additions de ses brevets rela-
tives à la substitution des peignes aux tambours étireurs ou cardes
sans fin, aux cylindres de pression dans les métiers à filer, etc.
Il fait observer, en outre, que l'absence de toute échelle dans
ses dessins est motivée par la nécessité de ne rien statuer à
l'avance sur les dimensions des aiguilles de sérans et les rap-
ports de vitesses des peignes et des cylindres étireurs, qu'il
n'avait pas entièrement fixés encore dans ses essais de filage
mécanique , et qui doivent varier essentiellement avec la fi-
nesse des produits et la nature de l'opération ou de la subs-
tance filamenteuse.
Cette lettre annonce néanmoins l'envoi incessant de dessins
complets de machines à l'échelle, accompagnés d'une nouvelle
demande de certificats de perfectionnements, que je n'ai pu
découvrir parmi les brevets imprimés , à moins qu'elle ne se
rapporte àla date du 20 avril i8i5, où le frère aîné dePhilippe
de Girard, François-Henri Joseph, obtint, en août suivant, un
troisième certificat d'addition et de perfectionnement , inséré, '
par mégarde sans doute, à la page 3i5 du tome XIX de la
Collection des brevets expirés, publié seulement en i83o; ce
qui offre malheureusement une lacune de deux années en*
tières, employées peut-être à fonder les établissements et asso-
ciations dont il sera bientôt parlé : cette lacune doit évidem-
ment être considérée comme une des circonstances les plus
fâcheuses de la vie industrielle de notre illustre ingénieur,
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166 . VP JURY.
puisqu'elle aurait, ainsi qu'on le verra également ci-après v
donné à d'autres le temps de lui enlever le fruit immédiat,
commercial, de ses utiles et originales découvertes. •
S II L — Analyse des brevets délivrés, en août 1 81 5, aux frères Girard pour
des machines à réunir, rubaoer et filer en gros les mèches de filasse.
— Premier établissement de filature du lin et du chanvre dans la rue de
Vendôme, à Paris : MM. Laurent, mécanicien, et Hcnriot, horloger; les
associés Vi her C, Lanthois et Cachard. — Établissement de la rue de Cha-
renton , dirigé par M. Constant Prévost.
Dans le certificat de 18 1 5 dont il s'agit, on voit, en premier
lieu , une série de dispositifs plus ou moins ingénieux pour
réunir, en les superposant ou juxtaposant par échelons, des
mèches de filasse rangées à la main dans de petites auges iso-
lées, garnies de sérans et dont les becs antérieurs aboutissent
à une coulisse commune qui fait incessamment arriver les ru-
bans, ainsi mélangés, aux cylindres lamineurs ou étireurs
d'une machine à 61er, qui ne diffère des anciennes continues
qu'en ce que les ailettes offrent, pour la première fois peut-
être, des branches creuses, équilibrées, et qui, en dirigeant
la mèche sur les bobines , la soustraient à l'action de Taû* et de
la force centrifuge.
Ce système de peignes mobiles et isolés, qui constitue une
véritable et ingénieuse machine à rubaner, dans ses moyens
automatiques, dispenserait, comme on voit, des fréquents dou-
blages et redoublages des rubans, ainsi que des bancs d'éti-
rage et des pots ou bidons tournants, encore employés de nos
jours. Ce système doit être considéré comme une première
tentative faite dans la voie qui a été suivie depuis par M.Bod-
mer, de Zurich, pour la filature du coton, et au sujet de la-
quelle notre Société d'encouragement a fondé un prix de mille
francs, à décerner en 18^9, pour Y introduction des couloirs et
des machines à réunir dans la filature du lin; prix qui jus-
qu'ici n'a point été décerné, malgré tout l'intérêt que sa solu-
tion comporte au point de vue pratique.
Les peignes d'étirage continus ou sans fin ont également
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MACHINES ET OUTILS. 167
reçu, dans le brevet de 181 5, des perfectionnements très-
essentiels : au lieu de monter les barrettes à sérans et à tringles
.élévatoires sur des cuirs ou des chaînes flexibles , elles sont ici
adaptées à des plaques métalliques articulées et formant une
chaîne sans fin, horizontale, dont la partie supérieure repose
sur des rouleaux de soutien intermédiaires entre les extrêmes
et de même diamètre; par conséquent, le système Girard ne
mérite pas, sous ce rapport, les reproches qui lui ont été de-
puis adressés par des ingénieurs, dont on ne saurait d'ailleurs
suspecter les lumières et les bonnes intentions1.
Je ferai observer, en outre, que ce système se trouve com-
posé de deux peignes continus, parallèles, montés sur les
mêmes rouleaux, et dont les nappes, après avoir traversé deux
couples de cylindres étireurs, se réunissent en une seule, au
moyen d'une tuyère' en cuivre poli et d'un rouleau presseur
ou lamineur, à peu près comme cela se pratique encore au-
jourd'hui , sauf que les commandes s'y faisaient principalement
par des chaînes à la Vaucanson, J'ajouterai enfin que les rou-
leaux presseurs, garnis de drap ou de parchemin, et qui servent
à aplatir les mèches en les étirant, sont ici munis de contre-
poids à bascule et de brosses cylindriques douées, en sens con-
traire, d'un mouvement très-rapide, par lequel elles rejettent
continuellement au dehors les brins qui embarrasseraient la
marche des rubans.
Dans le métier à filer en gros dont la disposition offre, sur
un même plan incliné, douze peignes continus ou sans fin ana-
logues au précédent et rangés parallèlement les uns à côté des
t l II n'est peut-être pas sans intérêt de faire observer que Philippe de Girard,
«n répondant à ces injustes reproches du fond de son exil , n'avait pas sous
ies jeux le tome XIX des Brevets expirés, où se trouvait le certificat d'addi-
tions mis au nom de son frère aîné , et dont il a continué jusqu'à la fin de
ses jours à ignorer l'existence, si Ton en juge par ses derniers écrits. Cela,
je puis le dire, a été, dans sa laborieuse carrière, une source d'amers regrets
et de pénibles soucis; car il en était venu à ne pouvoir citer que de vagues
souvenirs, lorsque par le fait, ainsi que nous le prouverons plus tard, on
lui empruntait jusqu'aux démonstrations, aux lettres de renvoi et aux dessins
de ses propres machines.
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168 VT JURY.
autres, les mèches se rendent, sans torsion permanente, des
rouleaux étireurs à de grosses bobines montées sur un même
arbre horizontal recevant , d'une rainure à hélice tracée d'après
le système de Le Payen , de Metz , un mouvement de va-et-vient
extrêmement lent, après avoir traversé de petits tubes à mouve-
ment de rotation très-rapide, et où la mèche se trouve tordue ea
entrant et détordue à la sortie, de manière à faire naître momen-
tanément entre les fibres le frottement, la liaison indispen-
sables à l'arrangement et au croisement régulier du fil sur
les grosses bobines de préparation.
Comme je l'ai déjà fait remarquer dans l'Introduction gé-
nérale, cette idée ingénieuse, qu'on trouve reproduite dans les>
machines américaines à filer le coton ou la laine *, consiste à
faire en sorte que la mèche, introduite vers l'axe du tube,
s'en écarte à une certaine distance pour y revenir ensuite,,
d'après le même principe que Philippe de Girard avait déjà
1 Indépendamment de la patente anglaise citée dans la note des p. 16
et 17 de l'Introduction à cette II* partie, M. Dyer (Joseph Che&seborough)*.
résidant alors à Manchester, s'en est fait délivrer deux autres, datées des
37 février i83o et 17 juillet i835, qui sans doute contenaient des per-
fectionnements divers de la machine américaine à tubes tournants, pour
lesquels M. T.-S. Ahel se fit également breveter en France en 1 834 , quelque*
années, par conséquent, après M. Lagorseix. Les rota-frotteurs, qui reposent
sur des idées analogues, ont aussi fait l'objet, en France, de divers brevet*
postérieurs à celui de M. Winslow, du Havre , et parmi lesquels il me suf-
fira de citer ceux de MM. Hellot, de Rouen (novembre i83a) , et Sentis,
de Reims (février i838).
Enfin, il ne me parait pas moins utile de faire observer que la première
idée du détordage momentané pendant l'étirage des mèches de laine ou de
coton doit être attribuée au savant et célèbre ingénieur cosmopolite James
White, qui dans un brevet français pris le 3 novembre i8o4 , en commun
avec M. Pobeckeim, à Paris (t. XVI, p. 56 et 69, des Brevets expirés), pro-
pose, à cet effet, divers procédés mécaniques ingénieux, mais compliqués
par l'emploi de roues dentées multiples. Cest aussi dans les additions à ce
brevet, si plein de conceptions originales, que l'on trouvera, je crois, la
première application des dentures obliques à la conduite des roues dan»
les machines à filer (ibid. p. 90) ; système aujourd'hui généralement adopté-
en France et en Angleterre , comme on sait.
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MACHINES ET OUTILS. 169
mis en usage dans un premier certificat d'additions, au moyen
de petits cadres ou châssis tournants.
Ici, comme dans le métier à filer en fin, les mèches de fi-
lasse sont étirées à l'état humide; mais, au lieu de recevoir
l'eau en quelque sorte goutte à goutte d'un conduit supérieur,
elles l'enlèvent aux cylindres étireurs ou fournisseurs, qui
plongent constamment dans de petites cuvettes disposées, à
cet effet, au-dessous de la machine. Enfin, dans ce même dis-
positif, les bobines, armées d'ailettes en 5, reposent, par du
drap, sur des noix arrondies, bombées en dessous ou dans la
partie frottante, et qui, recevant à leur gorge extérieure les
enroulements d'une corde sans fin. motrice, sont composées
de plusieurs secteurs susceptibles, au moyen de vis, d'être
plus ou moins écartés de Taxe de la broche, et d'en régler la
vitesse de rotation aji besoin; système qui offre de l'analogie
avec celui des poulies à expansion, très-employé de nos jours et
auquel il a peut-être servi de point de départ.
J'ai quelque peu insisté sur ces dernières machines, parce
que, selon toute probabilité, elles peuvent, à défaut d'autres
documents, donner une idée suffisamment précise de l'état où
Philippe de Girard avait amené la filaturedulin dans l'établisse-
ment qu'il fonda à Paris en 1 8 1 3 , rue de Vendôme , au Marais ,
et pour lequel il obtint, en février de la même année, une
licence impériale, motivée sur les services qu'il avait déjà ren-
dus aux arts mécaniques. Dès 1810, en effet, MM. Laurent,
mécanicien, et Henriot, habile horloger, à Paris, avaient
construit pour cet ingénieur deux petites machines de douze
broches chacune, auxquelles on soumettait de gros fils de lin
préparés au rouet ordinaire, lessivés ensuite, et qui étaient
convertis finalement en fils des n°* i5o à 200, comme l'in-
diquent les premiers brevets ou certificats d'additions.
Ces essais de fabrication, perfectionnés et développés dans
les années 1811 et 1812, constituent la base de l'établissement
de la rue de Vendôme, également dirigé parle mécanicien Lau-
rent, et pour lequel Philippe de Girard s'associa, en mai 181 3,
au nom de ses frères, avec diverses personnes ou capitalistes,
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170 VP JURY.
parmi lesquels je me contente de citer MM. Vibert, Lanthois
«t Cachard, parce que j'aurai à y revenir plus tard, et dont
les deux derniers représentaient les intérêts de bailleurs de
fonds qu'il serait inutile de nommer ici. Cette filature, érigée
sur le pied de deux à trois mille broches, fut, Tannée suivante»
visitée par l'ancien ministre de l'intérieur Chaptal, qui en pré-
senta les produits à l'Empereur, et rendit plus tard une hono-
rable et complète justice aux efforts de Philippe de Girard dans
son Histoire de V industrie française, publiée en 1824* C'est à
peu près en septembre 18 13 que les frères de Girard, déjà
inquiétés par des rivalités et des tracasseries qui ne tendaient
à rien moins qu'à éloigner l'inventeur de l'association, où, il
faut bien le dire, il se montrait plus préoccupé du perfectionne-
ment des machines que d'imprimer à l'ensemble une marche
régulière et productive; c'est, dis-je, à cette époque que les
frères Girard fondèrent rue de Charenton, à Paris, conjointe- .
ment avec M. Constant Prévost, aujourd'hui membre de l'Aca-
démie des sciences, un second établissement, qui commença
à fonctionner avec dix métiers continus, doubles ou adossés,
de 1 08 broches chacun, et formant , avec les machines prépara-
toires, deux assortiments complets qui devaient, consécutive-
ment, être portés au nombre de vingt-cinq, soit en tout 5o mé-
tiers de 5,4oo broches, et recevoir pour moteurs des bœafs ou
des chevaux attelés à des manèges. Les deux établissements
dont il vient d'être parlé étaient parvenus à filer, dans les nu*
méros de 20 à 4o ou 5o, des fils que recherchait le tissage
des toiles fines de Lille, et qui, retors, servaient aussi à la
•couture; mais ils ne purent résister aux terribles secousses
de i8U et de i8i5.
S IV. — Causes diverses auxquelles on peut attribuer l'insuccès de l'éta-
blissement de la filature mécanique du lin en France. — Àvortement du
Concours jtour le prix impérial de 1 million fondé en 1 8 1 o , et où figu-
rèrent uniquement les Américains Baldwin et Town, en i8i3.
Faut-il admettre, avec quelques personnes , que le manque
de capitaux ou de crédit, le défaut d'écoulement des produits
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MACHINES ET OUTILS. 171
et les malheurs mêmes de famille qui accablèrent MM. Girard
frères, conséquences nécessaires des événements politiques *,
fussent les seules causes de la ruine des filatures de la rue de
Vendôme et de la rue de C h are n ton; qu'en un mot, les pro-
cédés de fabrication y eussent atteint, au point de vue com-
mercial et industriel , le degré de perfection qui pouvait en
assurer dès lors la complète réussite, abstraction faite de
ces mêmes causes? Je suis loin de le croire.
En effet, s'il est vrai, et nous n'avons aucun motif d'en
douter, que le premier de ces établissements, celui de la rue
de Vendôme, employait, à lui seul, au delà de 200 ouvriers,
occupés, pour la plupart, à desservir les machines et. à les
mouvoir à force de bras, c'est-à-dire irrégulièrement, de ma-
nière à amener de fréquentes malfaçons et ruptures des fils,
ruptures que des manèges à bœufs ou à chevaux ne pouvaient
guère faire éviter dans l'établissement de la rue de Cha-
renton; s'il est vrai encore qu'on ne savait ou ne songeait
point alors à utiliser les étoupes; qu'on filait dans une très-
grande variété de numéros, en vue de satisfaire aux exigences
du commerce, exigences qui, en réalité, amenaient des chan-
gements continuels dans l'installation des métiers, dans les
rapports des vitesses de transmissions et d'étirages des mèches
ou rubans; s'il est bien avéré enfin que ces métiers et les
gros fils de préparation , lessivés à l'avance, ne pouvaient être
1 Ces industriels avaient engagé de vastes capitaux dans la saline de
Rasuenc, près de Martigues, et dans une fabrique de soude factice établie
au Point-du-Jour, près de Paris; Tune et l'autre furent ruinées par les dé-
crets impériaux relatifs à la mise en régie de ces matières. Les filatures des
rues de Vendôme et de Cbarenton , sur le succès desquelles la famille avait
fondé de belles espérances, ne firent qu'ajouter une nouvelle cause de ruine
aux précédentes, ou, du moins, elles ne purent retarder une catastrophe
dans laquelle les biens de la famille, et jusqu'au magasin de lampes fondé À
Paris par Pbilippe de Girard, durent s'engloutir, malgré les plus lourds sa-
crifices de la part de ses alliés et amis, malgré même les 90,000 francs de
marchandises entassées dans la filature de la rue de Vendôme. Comment
remédier, en effet, à une situation ou l'on était contraint de travailler,' de
produire, sans écoulement ni profits, tout en desservant des intérêts de
5o,ooo francs, dont les dettes allaient s'accumulant d'année en année?
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172 VP JURY.
débités par les métiers continus au fur et à mesure de leur
production, on concevra sans peine que les procédés de
Philippe de Girard, si remarquables d'ailleurs au point de vue
physique et mécanique, n'aient pu continuer à vivre au milieu
des autres éléments désastreux dont il a été parlé. Mais on
n'en sera pas pour cela autorisé à prétendre qu'ils n eussent
par eux-mêmes aucune chance d'avenir, et que des circons-
tances commerciales moios défavorables, une application
plus régulière et plus économique de la force motrice et des
mains-d'œuvre, une utilisation convenable enfin des ma-
tières premières, n'aient pu changer immédiatement en in-
calculables bénéfices, des pertes que plus tard on a eu le
grand tort d'attribuer à l'imperfection même des machines,
qui ne pouvaient en effet, et selon les nécessités du moment ,
être disposées à la fois pour satisfaire, dans les numéros
moyens, aux exigences du commerce, et dans les numéros
élevés, à celles du programme de prix déjà plusieurs fois
mentionné, mais sur les conditions duquel il nous faudra
ici de nouveau insister.
On a beaucoup reproché à Philippe de Girard de n'avoir pas
présenté ses machines à filer le lin au concours de mai 18 13
pour le grand prix fondé en faveur de la filature par méca-
nique de cette nationale substance. Les brevets de l'inventeur
et la visite de Chaptal à l'établissement de la rue de Ven-
dôme, certifiée par des témoins oculaires, d'autres attes-
tations non moins irrécusables, me dispensent de discuter une
objection aussi peu sérieuse, et il me suffira de rappeler que ,
dans les conditions rigoureuses du programme ], personne
1 Le décret impérial , promulgué le 1 2 mai 1810, accordait sans restriction
le prix à l'inventeur de la meilleure machine à filer le lin. Deux mois après ,
Philippe de Girard avait réclamé un brevet pour le procédé par décollement
des fibres, qui devait permettre d'arriver A un degré de finesse quelconque;
et ce fut seulement en novembre suivant que la commission ministériel! e ,
frappée peut-être de cette promptitude, rédigea son programme dans des
conditions à peu près impossibles à remplir, puisque le a* 4oo est aujour-
d'hui même sans emploi en Angleterre comme en France.
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MACHINES ET OUTILS. 173
n'avait acquis des droits suffisants, même au dernier des ac-
cessits; de sorte que Philippe de Girard, arrêté par des en-
traves de plus d'une espèce, n'avait qu'une chose à souhaiter,
c'est qu'un ajournement, facile à prévoir, lui permît de régu-
lariser et d'étendre, en les perfectionnant, ses premiers pro-
cédés. Cet ajournement eut lieu en effet, sur la demande de
quelques concurrents peu sérieux d'ailleurs, et le jury, natu-
rellement dissous parles événements de 18 1 4 , ne songea à se
réunir qu'en juin 181 5, au retour de l'Empereur de l'île
d'Elbe, où la situation ne s'était guère améliorée, et où il
ne put être donné suite à un examen sérieux d'un concours
pour lequel une seule machine fut effectivement présentée,
et que bientôt le Gouvernement de la Restauration , peu sou-
deux de continuer les traditions de l'Empire, se hâta de
mettre en complet oubli.
Avouons-le au surplus sans détour, la préoccupation trop
exclusive qu'avait fait naître le décret de mai 1810, ou plutôt
le programme dont il fut peu après accompagné, en faveur
des numéros les plus élevés des fils de lin, avait, malheureu-
sement peut-être et en raison des ^circonstances, imprimé
aux efforts des concurrents une direction qui , en leur faisant
négliger la fabrication des fils communs et ceux des étoupes,
ne contribua pas peu à la ruine des établissements fondés dans
des vues analogues à celles des frères Girard, de Paris. C'est,
en effet, à cette même préoccupation qu'il faut attribuer la
tentative assez peu heureuse faite aux Etats-Unis d'Amérique
pour filer directement le lin et le chanvre , c'est-à-dire sans
recourir aux continues alors en usage , au moyen d'un tube
à quenouille d'où . la filasse était extraite, pour ainsi dire,
brin à brin, par des pinces à coulisses et un doigté qui la
livrait à des rouleaux presseurs ou lamineurs, d'où elle pas-
sait aux bobines à ailettes, etc.
Dans ce système, pour lequel les sieurs Baldwin etTown
ont pris, le 10 décembre i8i3, un brevet d'importation en
France, et qui fut seul présenté au concours si souvent men-
tionné, on ne se proposait, comme on le voit, rien moins
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174 VI* JURY.
que d'imiter le travail des fileuses à la main. Or, ce système»
qui fit d'abord sensation et dont un mécanicien allemand
avait eu également l'idée à Vienne en Autriche, ne tint aucu-
nement ses promesses et fut bientôt, mais pour toujours sans
doute, mis en complet oubli.
Les causes d'insuccès, les malheurs dont il a été parlé au
sujet des inventions de Philippe de Girard, suffiraient, à eux
seuls, pour expliquer comment, tenté d'ailleurs par les offres
généreuses de l'Autriche, ce célèbre ingénieur consentit à s'ex-
patrier, en décembre 181 5, pour aller établir à Hirtenberg,
près de Vienne, sur une chute d'eau et dans des bâtiments ap-
propriés à cet effet par le Gouvernement impérial, un assor-
timent entier de machines empruntées à la filature de la rue
de Charentou , et composé de 5 métiers avec tous leurs ac-
cessoires. Mais les accusations odieuses adressées indirectement
à sa mémoire me font un devoir d'ajouter que sa situation ,
déjà si pénible, s'était aggravée encore de deux circonstances
fâcheuses , et sur lesquelles j'aurais tort de me taire.
D'une part, Philippe de Girard s'était, par un zèle patrio-
tique, occupé d'inventer et de construire, dei8i3 à i8i4, un
appareil à vapeur qui, imité plus tard par l'ingénieur anglais
Perkins, et soumis à des essais en présence d'une commission
d'artillerie dont faisaient partie le duc de Rovigo et le général
deGourgaud, devait servir à lancer 160 balles de fusil par
minute, lors de la défense prochaine de Paris; faible moyen»
sans doute, de se recommander auprès des Bourbons de la
. branche aînée et d'améliorer une situation pécuniaire déjà si
compromise. D'une autre part, les dettes que ses tentatives
incessantes d'inventions et de perfectionnements l'avaient fait
personnellement contracter le conduisirent temporairement
Sainte-Pélagie, d'où le retirèrent ses plus fidèles associés et
propres créanciers, pour une somme qui s'élevait à peine à
5,ooo francs; captivité dont le véritable motif n'était peut-être
pas étranger aux mêmes causes de rivalité qui portèrent, en
novembre 1 8 1 4 , d'autres de ses associés , Lanthois et Cachard,
à vendre au négociant Horace Hall, de Londres, pour une
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MACHINES ET OUTILS. 175
somme de 20,000 livres sterliûg, soit 5oo,ooo francs, les
dessins et procédés de Philippe de Girard, quils avaient ex-
torqués à M. Duserreau, ami de l'inventeur l.
Comment pourrait-on faire de l'expatriation douloureuse à
laquelle Philippe de Girard s'est condamné un motif sérieux de
reproche, quand on songe qu'il courait en France le risque
non-seulement de se voir enlever le fruit et jusqu'au mérite
de ses découvertes, mais aussi la liberté et la puissance d'ac-
tion dont tout homme d'invention et de génie a besoin pour
remplir ses engagements et parfaire ses œuvres. Là fuite et
l'exil volontaires seraient-ils donc plus compromettants pour
la gloire d'un nom et l'honneur d'un pays que le trafic hon
teux des idées, dont de malheureux inventeurs nous offrent
beaucoup trop d'exemples encore de nos jours? Était-il pré-
férable, en un mot, que Philippe de Girard, devançant des
associés infidèles, allât vendre furtivement en Angleterre les
droits de ses créanciers et jusqu'au nom de sa propre famille?
Notre illustre compatriote ne porta, en effet, ses découvertes
en Autriche que' pour conserver la faculté de les compléter et
d'en faire partager ensuite les fruits à son pays, qui malheu-
reusement n'en apprécia que bien tard le véritable mérite ,
et à ses fidèles associés qui, tels que l'honorable et savant
géologue M. Constant Prévost, demeurèrent jusqu'à la fin
ses amis et admirateurs zélés, malgré la ruine complète de
leurs premières et légitimes espérances.
1 Ceci est attesté par le témoignage désintéressé de M. Constant Prévost
et par le passage d'une lettre datée d'octobre 1836 où Philippe de Girard,
alors à Manchester, lui peint la douleur qu'il a éprouvée en retrouvant dans
la patente anglaise du 17 novembre 1814, délivrée au sieur Hall (Horace) ,
simple négociant (merchant), ses propres dessins et descriptions, que le
patenté déclare tenir d'un étranger qon résidant en Angleterre (a certain
Joràgner residing abroad) , et que l'auteur reconnaît pour être les mêmes
qu'A avait confiés à M. Duserreau peu avant cette époque.
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176 VF JURY.
CHAPITRE II.
ÉTAT DE LA FILATURE MECANIQUE DU LIE ET DO CHANTEE APRES l8l5.
S I". — Établissement de cette filature en Allemagne et en Pologne par
Philippe de Girard. — Les filatures de Hirtenberg et de Girardow: les
comtes de Montfort et de Lub'unskj. — MM. de Bévieres, Constant Prévost,
et rétablissement de la rue de Vaugirard, à Paris : expériences et rapport
de MM. Pajot, Descharmes, Régnier et Christian, successeur de Molard
au Conservatoire des arts et métiers.
Les causes essentielles, radicales même, de la ruine des
établissements formés par Philippe de Girard, à Paris, pour le
filage mécanique du chanvre et du lin , continuèrent à subsister
en Autriche comme en France; mais il s'en joignit d'autres
non moins fâcheuses , telles que l'incendie de l'établissement
de Hirtenberg, des inondations fréquentes, renchérissement
des matières premières, enfin l'avilissement du prix des fils
et tissus vers 1826, époque où l'Angleterre commençait une
redoutable lutte avec les producteurs des fils de lin sur le
continent. Ce n'étaient pas les faibles subventions annuelles
accordées par l'empereur d'Autriche à la filature modèle de Hir-
tenberg, ni même les 3oo,ooo francs engagés généreusement
en 1817 par le comte de Montfort (prince Jérôme Bonaparte)
dans cet établissement, qui pouvaient l'empêcher de dépérir,
bien qu'il fût dans des conditions relativement favorables sous
le rapport delà main-d'œuvre et delà force motrice; bien que
Philippe de Girard se soit préoccupé dès 1816, comme nous
le verrons bientôt , des machines à carder et à filer les étoupes ;
bien qu'enfin il ait fait, dès 1817, des tentatives non moins
remarquables, et sur lesquelles nous aurons également à re-
venir, pour créer des machines propres à battre et à peigner
la filasse du lin. L'allure languissante de la filature de Hir-
tenberg, malgré d'excellents produits employés dans les tis-
sages de M. Heitzmann, de Brana, en Moravie, le peu d'espoir,
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MACHINES ET OUTILS. . 177
sans doute, de relever ses affaires dans une entreprise qui
comptait au plus 26 machines à filer, de 1,080 broches; ces
circonstances doivent être mises au nombre des motifs qui en-
gagèrent notre célèbre compatriote à laisser la gestion de cette
affaire aux mains de son frère aîné, pour accepter en 182 5,
sous le titre d'ingénieur en chef des mines de Pologne et avec
toute réserve de ses droits de citoyen français, la mission de
fonder près de Varsovie, dans les terres du ministre des fi-
nances, comte de Lubieosky, un établissement où la filature
du lin par mécanique prit une grande extension , pour de là
se répandre en Silésie et en Saxe. La réussite de ce même éta-
blissement, dans un lieu qui devint bientôt une petite ville et
prit le nom de Girardow, doit être attribuée non nloins à la
puissance du capital engagé qu'à des circonstances commer-
ciales plus favorables et à des perfectionnements essentiels
dans les machines ou procédés de fabrication.
Je n'anticiperai pas davantage sur l'histoire des progrès de
la filature du lin et du chanvre à l'étranger, et sur la part im-
portante qu'y a prise Philippe de Girard ; j'examinerai et recher-
cherai auparavant ce qu'elleest devenue en France après i8i5,
afin de reconnaître, s'il se peut, jusqu'à quel point notre com-
patriote est passible du reproche, qui lui a été adressé dans
ces derniers temps, de n'avoir pas suffisamment fait parti-
ciper son pays au fruit de ses importantes découvertes.
Philippe de Girard, comme nous l'avons vu , avait laissé, en
181 5, un assortiment complet de machines à filer dans l'éta-
blissement de la rue de Gharenton , dirigé par M. Constant
Prévost, qui, après avoir traité avec M. Gombert fils, filateur
de retors à coudre à Paris, transporta l'établissement à Vau-
girard avant son départ de France pour Hirtenberg, où il alla,
en 1816, rejoindre l'inventeur. M. de Bévières, beau-père et
représentant des intérêts de M. Constant Prévost, d'ailleurs peu
au fait de la fabrication, fit, vers la fin de 1817, au ministre
de l'intérieur la proposition d'acquérir ces machines, au prix
de 16,000 francs, pour le compte du Gouvernement, qui, en
les faisant déposer au Conservatoire des arts et métiers, aurait
TI* JCHT. — 2* PARTIE. 1 7
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178 VF JURY.
fourni par là aux industriels français les moyens de mettre
à profit les inventions de Philippe de Girard.
L'examen de ces machines fut renvoyé à une commission
qui les soumit, dans rétablissement de la rue de Vaugirard»
à des essais pendant la journée entière du dimanche 25 jan-
vier 1818. Cette commission était composée de MM. Pajot,
Descharmes et Régnier, membres du Comité consultatif des
arts et manufactures, ainsi que de M. Christian, administra-
teur du Conservatoire des arts et métiers, où il avait, comme
on sait, succédé à Molard père, destitué au retour des Bour-
bons, et qui alors s'occupait aussi de moyens mécaniques
pour filer le lin, par des procédés qu'il est peut-être permis
de confondre avec ceux d'un certain Pelletier, de Paris, men-
tionné à la fin du Rapport comme ayant produit la seule
machine qui jusque-là ait donné des résultats assez satisfaisants
dans la filature des longues fibres du lin et du chanvre.
En lisant, de plus, dans ce Rapport que la machine du
sieur Pelletier avait été brevetée l'année précédente (26 dé-
cembre 1817) , et ayant recherché dans le tome XXV du Jle-
cueil des brevets expirés, publié dix-sept ans plus tard (i834)
par le même M. Christian, la description de cette machine r
j'ai été fort surpris de n'y trouver qu'une imitation grossière»
inintelligente, du peigne sans fin , à barrettes et tringles expul-
sives, de Philippe de Girard, appliqué spécialement à l'étirage
de la laine longue ; et, je l'avoue encore, j'ai été bien pénible-
ment affecté pour mon pays de l'idée, injuste peut-être, que
l'on avait voulu surprendre la religion du ministre, ou, tout
au moins, le prédisposer en faveur d'un projet qui ne le mé-
ritait à aucun titre, et qui a pu devenir ainsi la principale
cause du retard apporté à la propagation d'une aussi impor-
tante branche d'industrie1.
1 Je considère encore comme une erreur bien préjudiciable aux intérêts-
de notre industrie nationale la publication tardive , faite par M. Christian , du
brevet d'additions de Philippe de Girard , oui porte la date du a 4 août" 1 8 1 5 ,
a la p. 3i5 du t. XIX de la Collection officielle, publié seulement dans le
courant de Tannée i83o, et qui, d'après la loi, aurait dâ l'être, comme on
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MACHINES ET OUTILS.
179
Toutefois, la remarque qui termine ce Rapport n'a pas
moins que' les observations critiques du texte contribué à en
faire adopter cette conclusion peu favorable : qu'il n'y avait
pas lieu d'accueillir les propositions de M. de Bévières. Malheu-
reusement encore, ce même texte ne nous donne aucune idée
des machines et des procédés de filature mis en usage dans les
ateliers de la rue de Vaugirard, et nous devons nous borner à
en extraire ces courts et significatifs passages : • Les Commis-
saires ont suivi tous les travaux depuis l'étirage de la filasse
jusqu'à la conversion en fil du n° 4o.... Gomme simple re-
cherche mécanique, le moyen de convertir la filasse en ru-
ban est très-ingénieux et met sur la voie de bons résultats,
annoncés par M. de Bévières comme ayant été obtenus à
l'aide de machines singulièrement améliorées par les frères
Girard, à Vienne, en Autriche... Sous le rapport des produits,
le système laisse beaucoup à désirer : ils n'ont ni l'égalité ni
la solidité .des fils à la main , n'importe le numéro.... » Les
machines à étirer rompent les fibres, ce dont on s'aperçoit
au passage des rubans à la deuxième machine préparatoire;
s'ils restaient dans toute leur force ou longueur, on ne pourrait
plçs les étirer dans les machines en fin.... C'est ce qui est ar-
rivé pour le fil de chanvre.... La grande quantité d'eau em-
ployée dans la troisième machine préparatoire sera toujours
un obstacle à ce qu'elle soit mise en usage dans les manu-
factures régulières, et pour la malpropreté, les soins, l'en-
tretien, etc. » — Bref, il paraît aux commissaires surabon-
damment démontré que les intentions du Gouvernement ne
seraient nullement remplies s'il venait à offrir ces machines
comme modèles aux artistes.
Il serait aujourd'hui parfaitement inutile de discuter sé-
rieusement les critiques d'un rapport émanant d'hommes qui,
dès lors, ne pouvaient être considérés comme des juges bien
compétents et suffisamment désintéressés de l'avenir réservé
Ta vu, quatre années auparavant, dans le t. XII du même ouvrage, où se
trouvent d'ailleurs les autres brevets non moins importants de cet ingénieur
sur la filature du lin et du chanvre. ,
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180 VI- JURY.
aux nouvelles machines; je me contenterai de faire observer
que le dispositif nécessaire pour filer le lin ne potfvait nulle-
ment convenir au chanvre, comme semblent le croire les
commissaires, qui, en outre, n'ont pas suffisamment tenu
compte et de l'absence de l'inventeur, de celle de ses anciens
associés, contre -maîtres ou commanditaires, et du fâcheux
état dans lequel pouvait se trouver une fabrication et des mé-
tiers, principalement en charpente, qui depuis plusieurs an-
nées déjà avaient cessé de fonctionner utilement.
S IL — Perfectionnements apportés en 1817 par Philippe de -Girard à ses
premiers procédés mécaniques de cardage et de filage des étoupes :
MM. de Bévieres et le chevalier de Girard, de Chabrol et Christian. — Ce
que sont devenus depuis ces mêmes procédés et machines : MM. Laborde
et Saalnier, à Paris; Jacques, A Versailles; Hand-Wadel, en Suisse;
Moret, à Mouy ( Oise) , et M. Vibert, breveté, tous continuateurs de Philippe
de Girard, en France.
La malheureuse issue des tentatives de M. de Bévières, et la
mention faite, dans le Rapport du Comité consultatif des arts
et manufactures, des perfectionnements récemment apportés
par Philippe de Girard à ses premiers procédés de filature ,
conduisirent l'un de ses frères, ancien député au Corps légis-
latif, à réclamer, en mars 1818, au ministre de l'intérieur une
somme de 12,000 francs pour le mettre en mesure de faire
fonctionner, comme spécimen1, quelques-unes des machines
de la rue de Vaugirard, lorsqu'on y aurait apporté les per-
fectionnements annoncés, et dont le principal consistait dans
l'établissement des machines propres à carder et à filer les
1 II s'agissait, en réalité, de créer, sous les auspices du Gouvernement,
une filature modèle composée de deux métiers à filer en fin, de trois ma-
chines préparatoires et d'une machine à carder et à filer les étoupes. La -
machine à carder consistait en un bâti de am,6o de longueur, im,5o de haut
et om,4S de largeur, fermé de toutes parts et contenant deux tambours, l'un
de i",3o, l'autre de o",4i de diamètre, garnis de 80,000 aiguilles. Cet
établissement devait fonctionner pendant deux mois consécutifs au moyen
du faible crédit réclamé.
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MACHINES ET OUTILS. 181
étoupes, déjà mentionnées. Sur un nouveau Rapport de M. Chris-
tian, à qui les dessins furent communiqués, et malgré tout
l'intérêt qu'avait manifesté M. de Chabrol dans une visite per-
sonnelle faite à la rue de Vaugirard; malgré même la décla-
ration , assez peu explicite d'ailleurs, que l'exécution de ces per-
fectionnements ne peut qu'améliorer le système de filature de
M. de Girard, la somme fut réduite à 7,000 francs, avec la
condition, que je craindrais de qualifier ici, d'un prêt hypo-
thécaire sur des liens fonds, qui devait s'effectuer en juillet
1818, mais dont le chevalier de Girard ne voulut pas profiter
par des motifs qu'il n'est que trop aisé d'apprécier d'après tout
ce qui précède.
Ainsi furent repoussés de la France les machines et l'in-
venteur des nouveaux et ingénieux procédés de filature du
chanvre et du lin.
Quant aux perfectionnements dont il vient d'être parlé,
il y a tout lieu de les supposer identiques 1 à ceux que Ton
trouve décrits dans le troisième certificat d'addition relatif au
démêlage et au filage des éloupes2, et dont la demande par le
frère aîné de Philippe de Girard remonte au 9 juin 1818,
quoiqu'il n'ait été accordé que le 1 1 septembre suivant Nous
avons, de plus, acquis la certitude que le texte en est con-
forme à celui que ce dernier ingénieur avait adressé dès
1817 de Vienne, en Autriche ', et pour lequel il s'était égale-
ment fait breveter dans ce pays. Ces procédés, dit l'auteur,
peuvent être considérés comme une combinaison des procédés
précédemment décrits avec ceux qu'on emploie pour la filature
de la laine et du coton , mais disposés de manière à amener
toujours le nettoiement et le parallélisme graduel des fibres
sans en occasionner la rupture.
Pour atteindre ce but, ajoute Philippe de Girard, on soumet
les étoupes à un premier tambour muni de sérans à barrettes,
1 N'ayant point la patente anglaise sous les yeux, je ne saurais être plus
affirmatif ; mais l'identité résulte des rapprochements et des témoignages
qu'on trouTera mentionnés ci-après^
1 Page 1 3o du t. XII de la Collection imprimée des brevets.
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182 VP JURY.
avec traverses expuisives ou élévatoires, qui les reçoit, eu
nappes planes et minces, d'une toile alimentaire sans fin,
pour les livrer ensuite à un hérisson ou peigne continu armé
d'aiguilles sans coudes, et animé d'ua mouvement contraire,
beaucoup plus rapide que celui du tambour à traverses mo-
biles. On obtient ainsi, dit-il, une nouvelle nappe ou ruban de
filasse qu'on enlève ensuite au tambour, pour la repasser en
plusieurs fois, soit à la même machine, soit à d'autres sem-
blables dont les peignes sont de plus en plus fins et resserrés.
Ce procédé, comme on voit, diflère principalement de
celui du cardage ordinaire par l'emploi des sérans à tringles
expulsives, guidées ici, soit à l'aide d'anneaux oblongs, de
brides saillantes en fil de laiton, montés sur le tambour à sé-
rans , soit par des évidements de forme analogue pratiqués
dans de minces feuilles de tôle annulaires, fixées également
au tambour, et formant autant de cuulisses extérieures qui ne
leur laissent que la liberté de s'élever normalement à la sur-
face de ce tambour.
Dans l'étirage des rubans ainsi obtenus, comme dans la fila-
ture à sec et en gros des étoupes, Philippe de Girard substitue
également les tambours à tringles élévatoires aux peignes sans
fin mentionnés dans les précédents certificats de perfection-
nements, et qu'il réserve pour l'étirage des longues filasses du
lin et du chanvre. Au lieu du seul tube à la fois tordeur et
détordeur mentionné dans le brevet de i8i5, et qui donnait
lieu à de fréquentes ruptures , Philippe de Girard en emploie
deux, placés à la suite l'un de l'autre, et dont le premier, im-
mobile , sert à réunir les fibres après l'étirage , tandis que le se-
cond , animé d'un mouvement de rotation alternatif très-rapide
sur lui-même, sert à tordre les mèches, tantôt dans un sens,
tantôt en sens contraire ; ce qui suffit pour empêcher qu'elles ne
se mêlent sur les bobines horizontales, et éviter toute torsion
permanente dans l'étirage ultérieur des gros fils, aux métiers
en fin ; torsion dont l'entière suppression préoccupe aujour-
d'hui même, comme on l'a vu (Introduction générale), tous
les filateurs habiles de la laine et du coton.
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MACHINES ET OUTILS. 183
L'emploi de ces couples de tubes et la suppression des lan-
ternes à fuseaux servant à enfoncer la filasse sur les tambours
de ces premières machines sont d'ailleurs indiqués par Phi-
lippe de Girard pour la filature du lin comme pour celle des
étoupes, et il termine en décrivant le nouveau dispositif des sup-
ports de charpente en talus qu'il a adopté pour le métier en
fin, couronné ici par une cuvette à eau régnant dans toute sa
longueur, et qu'alimente une pompe commune d'où le liquide
s'écoule par autant de becs ou de mèches qu'il existe de cou-
ples de cylindres fournisseurs et étireurs; ces cylindres eux-
mêmes étant rapprochés les uns des autres, comme on l'a déjà
expliqué à l'occasion du Certificat d'additions et de. perfec-
tionnements de janvier 181 2.
Les dessins qui accompagnent cette description montrent
d'ailleurs que, à l'époque de 1817 ou 1818, Philippe de Gi-
rard n'en était plus à de simples essais» et que ses machines
avaient acquis un degré de perfection qui les rendait aptes à-
donner des résultats réguliers, utiles, et l'on en doit d'autant
plus vivement regretter que le ministère d'alors n'ait pas ac-
cueilli plus favorablement la demande du chevalier de Girard
et ne lui ait pas fourni les facilités et encouragements que l'on
a vu depuis, et même auparavant, accorder à d'autres tenta-
tives qui, à la vérité, n'avaient, besoro d'aucun nouvel effort
de génie de la part des importateurs pour prospérer ou en
faire jouir le pays. .;
Quoi qu'il en soit, les machines que notre Gouvernement
repoussa si malencontreusement furent achetées par le méca-
nicien Laborde, de Paris, qui déjà les avait fait fonctionner en
1817 et 1818. Dès 1820 aussi , M. Jacques , de Versailles , intro-
duisit dans sa filature, non sans quelque succès, les procédés et
les machines de Philippe de Girard. C'est encore vers la même
époque, ou peu après, que M. Saulnier, de Paris, construisit
pour la filature de Gamaches six assortiments de ces mêmes
machines, sans doute plus ou moins modifiées. Enfin, ce
dernier ingénieur aurait également fourni, vers 1822, dix-
huit machines de cette espèce à M. Hunel-Wadel, à Arau, en
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184 VT JURY.
Suisse, et, postérieurement, deux assortiments à M. Moret , de
Mouy (Oise). Mais les documents que j'ai sous les yeux ne me
permettent pas de suivre plus longtemps la destinée indus-
trielle et commerciale du système Girard en France, ni de
découvrir la nature des transformations qu'il aura pu y subir
successivement.
On voit seulement par le brevet que le sieur Vibert (Fran-
çois-Christophe), l'un des anciens associés de l'établissement
de la rue de Vendôme, prit en novembre 182 4 , sous le titre
spécieux d'invention et perfectionnement des procédés de Philippe
de Girard, on voit, dis-je, que ces procédés étaient assez peu
répandus et appréciés jusque-là, du moins dans notre pays,
puisque, après les avoir décrits à peu près tels qu'ils exis-
taient sans doute à l'époque dei8i4eti8i5, l'auteur y re-
nonce ensuite, pour ainsi dire, complètement. En effet, il nie
tout d'abord qu'on puisse autant rapprocher entre eux les cy-
lindres étireurs et fournisseurs que l'a supposé Philippe de Gi-
rard, et qu'il suffise de faire tremper les mèches ou rubans
dans une cuvette à eau chaude pour opérer le décollement des
fibres lors du filage en fin; ce résultat ne pouvant, suivant le
breveté, être atteint qu'à l'aide d'un véritable iécreusage des
préparations obtenues sur les métiers en gros. Or, en écar-
tant entre eux les cylindres dont il vient d'être parlé de
quantités variables d'après la longueur naturelle des fibres du
lin et du chanvre, l'auteur du nouveau brevet, M. Vibert, est
par là même contraint de renoncer à la disposition horizon-
tale de ces cylindres, etc. En définitive, cet industriel propose
un nouveau système de filature, où conservant aux fils toute
leur longueur et abandonnant les peignes d'étirage, à chaîne
sans fin , de Philippe de Girard , il leur substitue de grands
tambours à cardes, suivant l'ancien procédé plus spécialement
applicable à la préparation , au filage des étoupes du chanvre
et du lin, tambours munis, il est vrai, de sérans à barrettes
et tringles élévatoires, mais dépourvus des ingénieux dispo-
sitifs qui en rendaient l'usage facile ou possible dans les pre-
miers essais de notre illustre compatriote.
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MACHINES ET OUTILS. 185
S III. — Oubli et abandon des idées an Philippe de Girard en France; im-
portation, À partir de i835, des premières machines anglaises perfec-
tionnées d'après les procédés de ce savant ingénieur. — Brevets délivrés,
en France, à MM. Vautroyen et Rieff, John Suttil, Ch. SchUunberger et
Breidt. — MM. Horace Hall, Cachard et Lanthois, James Kay, Marshall,
Hites et Atkinson, en Angleterre.
Evidemment Fart avait rétrogradé en France, et le brevet
de M. Vibert, qui résumait, en les critiquant et dénaturant,
les idées primitives de Philippe de Girard, ce brevet et l'indif-
férence du Gouvernement n'ont pas peu contribué à discré-
diter les nouveaux procédés parmi les filateurs français, et
à les faire tomber même bientôt en complet oubli, comme
on peut le voir notamment par les brevets accordés en i$25
à MM. Vautroyen et Rieff, de Colmar, et en juin 1826 à
M. Suttil (John), de Londres, brevets où Ton parait ignorer
entièrement les procédés dont il s'agit. Le changement n'est
pas moins apparent dans le brevet i 'importation pris en mars
1828 par MM. Charles Schlumberger père et fils, devenus
depuis 1827, avec M. Breidt, propriétaires et directeurs de la
filature de Nogent-les-Vierges , près Clennont (Oise); filature
où Ton produisait, dit-on, dans les not de 10 à 3o, des fils
tissés ensuite sur i5o métiers automates du système Debergue,
fournissant journellement jusqu'à 4oo mètres de toile de cre-
tonne. On y voit, en effet, une continue de 16 broches, sur
un uni rang, avec bâti et engrenage en fonte, porter une
large tête d'étirage dont les deux couples de cylindres sont
écartés de toute la longueur des fibres, et dans lesquels la
longue filasse ne reçoit d'humidité que par l'intermédiaire
de l'un des rouleaux alimentaires, frottant contre une éponge
baignée dans l'eau d'une cuvette inférieure.
Ces exemples, les derniers surtout, démontrent que nos
filateurs tendaient de plus en plus à se rapprocher du sys-
tème anglais, qui alors était bien loin encore de la perfection
qu'on lui a vu atteindre depuis l'introduction des procédés
de notre compatriote dans les grands établissements de Leeds.
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]8ô VI* JURY.
C'est ce dont on peut se convaincre par l'ouvrage, à la vérité
informe, du praticien Andrew Gray, publié à Edimbourg en
1819, et où Ton voit le lin et le chanvre soumis à des pro-
cédés de filage et d'étirage qui rappellent ceux de William
Robinson, Busby et Leroy, si ce n'est qu'ils appartiennent à
un système de construction en fer ou fonte plus avancé, et
qu'on voit ici le mouvement des bobines ou l'enroulement
du fil sur leur gorge régularisé au moyen des petits poids à
friction dont j'ai précédemment parlé, et qui paraîtraient être
ainsi une idée anglaise déjà ancienne.
En m'arrétant davantage au contenu du livre d'À. Gray,
je craindrais de donner une idée fausse et par trop défavo-
rable de l'état de cette branche d'industrie en Angleterre. Car,
d'une part, nous savons par les déclarations publiques de Phi-
lippe de Girard, qui n'ont jamais été réfutées dans ce dernier
pays ni dans le nôtre, que la patente prise par Horace Hall
en septembre 181 4 ou mai 181 5 était la copie exacte des
mémoires descriptifs et dessins du système de filature de ce
célèbre ingénieur; d'une autre, on ne saurait admettre que
l'habile négociant anglais qui avait consenti1, comme on Ta vu,
à payer à un si haut prix le rapt de Cachard et Lanthois n'en
ait su tirer aucun parti dans une contrée où les moindres dé-
couvertes, les moindres perfectionnements, sont, je le répète,
immédiatement appréciés et mis à profit, et cela avec d'autant
plus de motifs, qu'il y a lieu de supposer qu'une portion, si
oe n'est la totalité des machines ou modèles qui constituaient
l'établissement de la rue de Vendôme, ont dû accompagnée
ou suivre de très -près l'envoi à Londres des dessins servant
d'appui à la patente de 181 5.
Philippe de Girard ne nous aurait rien appris, d'ailleurs, de
sa visite à Leeds en 1 826 , où il avait vu ses é tireuses continues
employées à la préparation du lin, qu'il nous en serait resté
une preuve d'autant plus convaincante peut-être, qu'il paraît
l'avoir complètement ignorée, et qu'elle ressort du témoignage
désintéressé d'un homme fort compétent, M. Motard jeune,
qui avait lui-même visité en 1819, c'est-à-dire sept ans au*
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MACHINES ET OUTILS. 187
paravant, rétablissement déjà très -vaste fondé par M. Mar-
shall père dans cette industrieuse cité, et demeuré, de nos
jours encore, l'un des plus importants, des plus célèbres de
la Grande-Bretagne.
Nous lisons, en effet, dans la 2a9 année du Bulletin de la
Société <T encouragement (1$ 2$ , p. 16) ', que cet établissement,
où Ton employait déjà une machine à vapeur de 100 chevaux,
s'était élevé sous la direction du Français Cachard, et qu'on
y filait les étoupes à peu près de la même manière que M. Zi-
belin l'avait fait en 1821 à Ingersheim, près Colmar, c'est-à-
dire en les cardant, en les soumettant à un étirage et à un
boudinage, pour de là les faire passer au métier qui file en
fin, par un mouvement continu. Or, bien que la note trop
courte de M. Molard nous laisse dans une ignorance à peu
près complète sur la véritable nature des procédés dont il
s'agit, on ne saurait néanmoins admettre que l'ancien associé
de Philippe de Girard ait négligé complètement les perfection-
nements si remarquables dont il s'était fait, quelques années
auparavant, l'importateur en Angleterre. On voit aussi qu'il
ne serait nullement nécessaire d'invoquer, avec quelques
auteurs, le voyage, vrai ou supposé, de M. Marshall père en
France et en Allemagne, vers 1824 ou 1825, pour être en
droit de revendiquer ces mêmes perfectionnements en faveur
de notre savant compatriote.
D'un autre côté, il résulte des mémoires, notes ou corres-
pondances de Philippe de Girard que lors de son voyage à
Leeds, au commencement de 1826, on filait, avec des béné-
fices immenses, dans l'établissement du même M. Marshall , où
plus de 3o,ooo broches étaient alors en activité, et dans ceux
de MM. Hives et Atkinson, qui n'en contenaient environ que
moitié, jusqu'à 45, 000 quintaux de lin par an, sans compter
ce qu'en produisaient un assez grand nombre d'autres fila-
tures moins considérables de la même ville; que M. Marshall ,
simple ouvrier en 181 5, devenu dès 1826 l'un des plus
1 Rapport sur des fis dtétoupês obtenus à h mécanique, par M. Zibelin*
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188 VT JURY.
riches particuliers de l'Angleterre, avait depuis longtemps
adopté ses propres machines préparatoires (celles de Philippe
de Girard, s'eotend) à peignes continus, mais que, faute d'y
joindre le procédé de décollement des fibres à l'eau chaude
ou alcaline, et de renoncer ainsi à les filer dans toute leur
longueur, cet industriel n'avait pas jusque-là dépassé les
nM i5 à 18 métriques, tandis qu'à Hirtenberg et dans la fila-
ture de M. Kraûz , à Schemnitz , dont les produits mis sous les
yeux de M. Marshall l'ont fort surpris, dit Philippe de Girard,
on atteignait facilement le n° 4o; qu'enfin, dans les établis-
sements de Leeds on filait avec un grand profit les étoupes
fines aussi bien que le lin , et les étoupes grossières dans les
nm de 4 à 12, susceptibles de produire encore de bonnes
toiles de ménage.
Philippe de Girard reconnaît avec franchise , dans ses écrits ,
que si ses procédés sont supérieurs à ceux des Anglais quant
à la finesse et à l'élévation du numéro , il est demeuré fort
en arrière sous le rapport du travail et de l'utilisation des
étoupes, ainsi que de la vitesse et du débit des machines à
filer de Hirtenberg, dont le cylindre moteur des broches ne
recevait guère plus de 3o révolutions à la minute, tandis
que les bobines elles-mêmes étaient tout au plus susceptibles
de produire 2,000 mètres de fil par jour dans le n° i5 mé-
trique et i,5oo mètres seulement dans le n° 3o, où l'on est
forcé de ralentir le mouvement des broches, bien qu'on doive
en multiplier le nombre des révolutions pour une longueur
donnée des fils.
Le hasard voulut que Philippe de Girard, qui était allé en
Angleterre dans le but patent d'y acheter des machines en fer
pour divers établissements de l'Allemagne et de la Pologne, s'y
trouvât justement à l'époque où le procédé de la filature en
fin par dissolution alcaline du gluten du lin et du chanvre
venait récemment de faire irruption dans le pays et y pro-
duisait la plus grande sensation, notamment à Leeds, où il
avait été publiquement soumis à l'expérience par M. James
Kay, filateur de coton à Preston, dans le Lancashire, qui
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MACHINES ET OUTILS. 189
Croyait s'en être assuré la possession par une patente prise
à la date de juillet 182 5.
Cette dernière circonstance conduisit notre compatriote à
adresser au journal th§ Manchester Guardian une lettre insérée
le 2 décembre 1826, et répétée ensuite dans d'autres jour-
naux anglais, par laquelle il réclamait ses droits de priorité à
cet égard, non moins qu'à l'invention des peignes d'étirage.
Or ces droits, fondés sur la patente même délivrée en 181 5
à H. Hall, n'ont été contestés par personne en Angleterre, pas
même par M. Kay ni M. Hall, qui furent ainsi considérés
comme entièrement déchus : guidés d'ailleurs par l'inventeur.
MM. Hives et Atkinson n'auraient pas tardé également à filer
le lin jusqu'au n° 38 et au delà; enfin , dans cette même lettre,
Philippe de Girard annoncera découverte, déjà ancienne, de
ses machines à peigner le lin, très-supérieures, selon lui, à celles
qui étaient alors employées à Leeds, et une autre machine à
former les premiers rubans , qui s'y faisaient encore à la main ;
machines pour lesquelles il offrait de donner tous les éclair-
cissements désirables, etc. 1.
Avant d'en venir à ses machines à peigner, desquelles seules
il n'a pas jusqu'ici été question, on me permettra de faire
observer que dans l'intervalle de 1814 à 1826, où MM. H.
Hall et James Kay prirent leurs patentes, il n'en a, à ma
connaissance3, été accordé aucune autre en Angleterre pour
la préparation ou le filage spécial du lin et du chanvre, et que
c'est seulement à dater de 1 83 3, où les filateurs de ce pays
1 La véracité de ces différents faits est non-seulement attestée par les
publications de la famille de Philippe de Girard, mais elle Test aussi par sa
correspondance inédite avec M. Constant Prévost pendant son séjour pro-
longé en Angleterre en 1826, correspondance que cet honorable académi-
cien a bien voulu me confier; elle Test enfin par le témoignage de M. Feray,
d'Essonne, célèbre filateur et constructeur dont j'ai eu déjà, dont j'aurai
encore l'occasion de parler, et qui a assisté Philippe de Girard dans ses
discussions et contestations avec les filateurs ou mécaniciens anglais.
* Je trouve seulement dans les tables des patentes anglaises que
M. Lang (J.) , filateur de lin à Greenock (Ecosse) , en a pris une, en sep*
tembre i83i, pour des machines propres à tailler, étirer et filer le lin ou
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190 Vf JURY.
commencèrent à répandre avec une certaine profusion leurs
produits sur le continent, que les ingénieurs anglais se firent
successivement breveter pour diverses améliorations apportées
aux machines de Philippe de Girard, qui leur vint lui-même
en aide dans ces tentatives de perfectionnements, comme nous
l'avons déjà vu et le verrons encore mieux ci-après. Toujours
est-il que les documents officiels nous manquent entière-
ment pour fixer le nom et la date précise du premier établis-
sement anglais où Ton commença à filer à l'eau chaude d après
le procédé actuel, et qu'il nous faut descendre à Tannée i83o,
et revenir même en France, pour y rencontrer des indications,
d'ailleurs très-insuffisantes, de ce procédé l.
Nous voyons en effet, dans le tome XXX des Brevets expi-
rés a, qu'il fut accordé à MM. Vn^i , Houdoy et John Leuty , de
Lille, un privilège de cinq ans pour l'importation d'un pro-
cédé et d'une machine propres à filer le lin aussi fin qu'on le
désire, lesquels consistent dans la parfaite immersion des mèches
dans un liquide à un degré de chaleur quelconque, et dans le
court étirage que Von peut donner au lin par ce moyen. Mais,
afin d'éviter le reproche de plagiat, les importateurs, qui ou-
ïe chanvre; mais, n'ayant pas cette patente sous les yeux, il m'est impos-
sible de -décider si les procédés de l'auteur ont ou non quelque analogie
avec ceux de Philippe de Girard. D'ailleurs, je n'ai vu nulle part le nom
de cet industriel cité parmi ceux des inventeurs des nouveaux procédés de
filature du lin et du chanvre.
1 Le brevet, déjà cité, pris en France par M. Suttil (John), de Londres,
en date du 3o juin i8s6, vient à l'appui de ce que nous avons dit, pour
prouver que non-seulement on ignorait généralement, dans les deux pays»
le procédé chimique du décollement des fibres à f époque précitée, mais
qu'aussi on y connaissait fort peu encore la méthode d'étirage au moyen
des peignes à chaîne sans fin ou continus, procédé et méthode dont l'in-
vention n'est plus aujourd'hui contestée à Philippe de Girard.
1 P. î îS, brevet déchu plus tard et portant la date du s 7 octobre i83o.
On voit par cet écrit que les auteurs ne connaissaient point alors le brevet
délivré à Philippe de Girard en 1 81 5 , brevet dont la publication n'eut lieu
en effet, comme on Ta vu précédemment, qu'en i83o, dans le t. XIX de la
Collection imprimée, et qui constitue véritablement le fond de la patente
illicitement vendue par Cachard à H. Hall.
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MACHINES ET OUTILS. 191
blient de nous faire connaître le nom du constructeur anglais,
ne manquent pas de reprocher aux frères Girard d'avoir pres-
crit , dans leurs' brevets , de mouiller les préparations à l'a-
vance, puisque Veau tiède suffit pour obtenir, sans, rupture, la
division des fibres tant cherchée; reproche absurde et en contra-
diction formelle d'ailleurs avec celui de Vibert, qui prétend,
comme on l'a vu , que l'eau chaude employée par Philippe de
Girard ne suffit pas pour décoller les fibres du lin , et que le
décreusage est absolument nécessaire. Reste à savoir si le pro-
cédé de l'eau chaude n'occasionne ou n'exige, en effet, aucune
rupture des brins, s'il ne donne lieu qu'à un simple glissement
relatif des fibres élémentaires, et si, en un mot, il s'applique
aussi bien à la longue et rude filasse du chanvre qu'à la
filasse plus courte du lin et des étoupes.
Quant au rapprochement des cylindres étireurs et fournis-
seurs sur deux plans en talus adossés, déjà mis en usage, comme
on l'a vu, dans les filatures de la rue de Gharenton, à Paris, et
de Hirtenberg en Autriche, il permet de rétrécir les têtes
d'étirage, de les construire entièrement en fonte de fer, de
doubler le nombre des broches, et de rapprocher ainsi de plus
en plus leur construction de celle des continues qui servaient
alors ^ filer le coton.
Quoi qu'il en soit, les causes qui avaient contraint Philippe
de Girard à quitter la France en 18 15 l'empêchèrent égale-
ment d'y rentrer à son retour d'Angleterre en 1826, et après
avoir traversé rapidement la Belgique, où il reçut la visite
d'une famille qui lui était tendrement affectionnée, il dut ren-
trer en Pologne, où sa correspondance avec d'anciens associés
le montre occupé du perfectionnement de ses premières ma-
chines à peigner, et formant des vœux stériles, de vains pro-
jets, pour étendre jusqu'à sa patrie les heureux résultats qu'il
avait déjà obtenus, et qu'elle avait, si cruellement pour son
amour-propre d'inventeur, méconnus, repoussés ou tout au
moins dédaignés.
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192 W JURY.
S IV. — Examen spécial des derniers perfectionnements apportés par Phi-
lippe de Girard aux machines à peigner, d'après ses brevets de 1819 et
i83a ; concours pour le prix institué par la Société d'encouragement de
Paris. .«— Infériorité des machines anglaises : brevets de MM. Deleourt et
Van de fVeigh, de Paris, Alexandre Kajr, de Londres. — Faibles récom-
penses accordées aux peigneuses de MM. de Girard, CL SMamberger et
David, de Lille (Nord).
Dès juin 1819, par conséquent longtemps avant son voyage
en Angleterre, noire infortuné compatriote avait, par l'entre-
mise de son frère aine (François-Henri Joseph), adressé au
Gouvernement français la demande d'un cinquième Certificat
d'additions à son brevet de 1810, ayant spécialement pour
objet le démêlage et le peignage des substances fibreuses en général ;
coton, Un, étoapes, laines, etc. Dans ce Certificat, délivré en
novembre 1 8 1 9 1, Philippe de Girard donne , en premier lieu ,
la description des machines à séries parallèles et détachées de
peignes mobiles, dilatables et accompagnés de tringles expulsives
pour les substances analogues aux étoupes.' Ces machines,
douées de mouvements alternatifs fort compliqués, et qui ont
servi depuis de point de départ à de plus simples, comme on
le verra ci-après, offrent déjà ce caractère essentiel que les
sérans à barrettes horizontales, montés sur des châssis ou
étriers oscillant de part et d'autre de la filasse suspendue ver-
ticalement à des rouleaux fournisseurs, à des pinces ou mor-
daches à mâchoires dentées, sont animés d'un double mou-
vement : l'un horizontal , qui permet à ces sérans de s'appro-
cher, de s'écarter alternativement de la nappe de filasse; l'autre
à peu près vertical, qui leur permet d'en diviser les fibres
longitudinalement ou en descendant, et d'en détacher, re-
pousser de proche en proche, vers la partie inférieure, les
étoupes saisies et entraînées bientôt par des rouleaux lami-
neurs ou étireurs, etc.
Viennent ensuite des machines à peignjer et à carder rotatives
ou continues, avec tringles expulsives, qui ont également servi
1 T. XII, p. 137, du Recueil des brevets expirés.
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MACHINES ET OUTILS. 193
de types, à la vérité imparfaits, à d'autres plus modernes, et
dans lesquelles, ainsi que pour les précédentes , les poignées
ou nappes de filasse , étalées entre des pinces qui se meuvent
horizontalement à la partie supérieure , les unes à la suite
des autres, le long d'une vis à écrous mobiles, ou de supports à
coulisses en fer, où les Conduit une chaîne à engrenage sans
fin , ces poignées , ces nappes de filasse verticalement suspen-
dues, sont soumises progressivement à Faction d'un tambour
horizontal à sérans, parallèle à cette coulisse, et dont les
aiguilles, légèrement recourbées pour retenir momentanément
les étoupes, sont de plus en jùus fines &t resserrées à mesure
que l'opération s'avance. La machine n'agissant d'ailleurs ici
que d'un seul côté de la filasse , il devient nécessaire de re-
tourner les pinces une à une à la main, etc.
Je n'insisterai pas non plus sur la machine à volant armé
de quatre barres horizontales à mouvement très-rapide et ser-
vant à battre, assouplir les poignées de filasse, suspendues
verticalement à des pinces mobiles, comme on l'a indiqué ci-
dessus , parce que ces machines ont été perfectionnées depuis
1819 par Philippe de Girard lui-même, et que leur principal
mérite consiste bien plus dans la simplicité ou la nouveauté
du principe que dans le mode même d'exécution.
Toutefois, il est utile de rappeler, au point de vue historique,
que Porthouse, breveté dès 180 5 en Angleterre pour une
colossale machine à peigner le lin et le chanvre par un mou-
vement rotatoire continu, avait déjà eu l'idée de suspendre
verticalement des poignées de filasse à des pinces placées à la
circonférence extérieure d'un plateau annulaire , susceptible de
prendre diverses positions autour d'un axe vertical, afin de pré-
senter successivement cette filasse à l'action de trois hérissons
ou tambours cylindriques munis de barrettes à sérans, tournant
rapidement sur autant d'axes horizontaux, emportés eux-mêmes
dans un mouvement général de rotation, autour d'un second
arbre vertical placé au centre de la machine !. Les hérissons
1 Voyex la description de ceUe machine au tome IV, p. 1 38 , du Bulletin
de la Société & encouragement.
ti* JcaT. — a* partie. ; 3
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m VI* JURY.
dont il s'agit offrent d'ailleurs , avec ceux mis en usage par
Philippe de Girard» cette analogie qu'ils portent des traverses
métalliques , mobiles dans des coulisses ou rainures pratiquées
sur de minces disques en tôle, servant de limite à chaque
tambour, et qui, sollicitées par leur poids et la force centri-
fuge, se rapprochent spontanément de l'axe vers la partie
supérieure, où se fait le peignage, et s'en éloignent dans la
partie inférieure, où elles détachent l'étoupe superposée, pour
la livrer à des cardes coniques , etc. J
La machine de Porthouae ayant eu , dès l'origine , un grand
retentissement en France et en Angleterre, il n'est pas impos-
sible que Philippe de Girard lui ait emprunté l'idée première
des pinces à mordaches et des traverses élévatoires ou èxpul-
sives, dont il a fait d'ailleurs des applications si différentes et
si ingénieuses dans les machines qui nous ont précédemment
occupés et celles dont il sera question ci-après.
En résumé, Philippe de Girard, dans les procédés de fila-
ture mis au jour et pratiqués par lui avant 1 8 1 9, a emprunté à
ses prédécesseurs l'idée, jusque-là grossière, des peignes à bar-
rettes montés sur un tambour pour l'étirage et le redressage à
secdçs longues fibres du lin et du chanvre ; celle des tringles
expulsives de l'étoupe et de la formation d'un premier boudin
par poignées échelonnées sur une auge, table à étaler ou toile
sans fin , aussi bien que l'idée première de la pince ou mor-
dache (hoïier) généralement en usage aujourd'hui pour serrer
les nappes minces de filasse que Ton veut soumettre directe-
ment au peignage mécanique.
En revanche, on doit à ce même ingénieur une machine à
réunir ou à rubaner, à la vérité ignorée ou abandonnée de
nos jours, malgré tout son mérite, mais dont les programmes
de notre Société- d'encouragement .tendaient à faire revivre
l'idée; les peigneuses, avec ou sans étirage, continues et à
chaîne sans fin , montées sur des rouleaux parallèles mobiles;
la suppression, des anciens rouleaux ou lanternes de pression
pour maintenir la filasse pendant l'étirage; divers procédés
pour détacher cette filasse des peignes à son entrée dans les
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MACHINES ET OUTILS. 195
cylindres étireurs, et dont le plus remarquable consiste dans
Temploi de brides en fil de laiton mobiles et de guides ou glis-
sières extérieures fixes, formant ressorts et servante soulever
tes tringles expulsives de cette filasse. Enfin on doit àPhilippe de
Girard de premières tentatives pour démêler, peigner le lin , le
chanvre et les étoupes au moyen d'étrîers et de bielles à serai»
parallèles , doués de mouvements alternatifs ascendants et des-
cendants , ou de tambours horizontaux à mouvements continus
plus ou moins rapides, munis de tringles expulsives ou dé-
gorgeoirs des étoupes; machines où Ton remarque surtout
l'ingénieux chemin à coulisse par lequel les poignées de fi-
lasse, suspendues verticalement aux pinces, sont continuelle-
ment et successivement soumises à Faction de serai» de plus
en plàs fins et resserrés1.
Mais ce serait être oublieux envers la mémoire de notre
illustre ingénieur que de ne pas rappeler une fois de plus ici
qu'il est l'inventeur de procédés servant à faire éviter les incon-
vénients attachés à la torsion préalable des mèches ou gros fils
lors de leur étirage en (ils fins, et dont le plus simple, nommé
bobinage à tubes, est aujourd'hui encore en usage dans la fila-
ture de la laine et du coton, sous le nom trop exclusif de,
méthode américaine; qu'on lui est aussi redevable de disposi-
tifs ingénieux pour ralentir à volonté la vitesse relative des
bobines ou l'étirage des fils à leur sortie des ailettes; qu'en-
fin on lui doit J'idée capitale de mouiller constamment les
mèches soumises à cet étirage, en lenr faisant envelopper la
partie supérieure de l'un des cylindres fournisseurs, ce qui
facilite le rapprochement des cylindres étireurs pour ainsi dire à
volonté, en permettant ainsi de doubler, dans un espace limité,
le nombre des broches et des bobines d'un même métier; idée
à laquelle il faut joindre celle, plus capitale encore, de sou-
mettre les mèches, la filasse elle-même, à l'action de l'eau
chaude ou alcaline, lorsqu'on veut arriver promptement aux
1 Voyez le quatrième certificat d'additions et de perfectionnement tu
brevet déjà cité, t. XII, p. 137 a 1 54, pi. 16.
*3.
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196 VT JURY.
numéros les plus élevés et sans recourir à une série d'étirage*
et de doublages par trop répétés.
Sans ddute, ces idées, ces inventions, n'avaient pas acquis,
sous le rappprt de l'exécution matérielle , le degré de perfec-
tion et de maturité qui en assure le succès manufacturier et
que prise, avant tout, le monde industriel ou commercial;
mais on n'en doit pas moins reconnaître que Philippe de Girard
avait posé, dans les importants mémoires ou brevets dont il
a doté la France de 1810 à 1819, les véritables bases de la
filature du lin et du chanvre par mécaniques.
Nous avoos vu , en 1826, Philippe de Girard communiquant
à MM. Marshall , Hives et Atkinson , de Leeds, ses procédés de
filature en fin et de peignage des longues fibres du lin par
machines. On ne connaissait guère alors, même en Angle-
terre, que des peigneuses mécaniques1, plus ou moins ana-
logues à celles qui avaient été employées jusque -là pour la
longue laine, et où des volants à quatre bras, armés de sérans
à aiguilles plus ou moins multipliées, attaquaient l'un après
l'autre les mèches suspendues à des pinces qui s'élevaient ou
s'abaissaient alternativement au passage de ces peignes, agis-
sant d'un seul côté des mèches, mais bientôt engorgés par les
Housses ou étoupes qu'il fallait enlever à la main, etc. Ces
peigneuses, comme nous l'apprend également M. de Girard,
exigeaient une succession de passages et de retournements du
lin dans des machines qui ne différaient les unes des autres
que par l'écartement et la grosseur décroissante des aiguilles ;
d'où des déchets et une main-d'œuvre énormes, qui faisaient
préférer le peignage à la main dans toutes les filatures de lin »
mais dont' étaient exemptes, en majeure partie du moins, les
peigneuses que cet ingénieur avait de plus en plus perfection-
nées dans les établissements de Hirtenberg et de Girardow.
Aussi, les célèbres filateurs de Leeds que j'ai souvent cités
s'empressèrent-ils, et j'en ai sous les yeux une preuve irrécu-
1 Sans doute les mêmes qui ont été perfectionnées depuis par MM. Ro>
fcertson, Peter, en Angleterre, et André Kœchlin, en France.
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MACHINES ET OUTILS. 197
•sable, datant de 1826, d'adopter la peigneuse double, verti-
cale, à chaîne sans fin et dégorgeoirs, de notre compatriote;
peigneuse qui aujourd'hui même, comme on le verra, per-
fectionnée en quelques points , est encore employée soit en
France, soit en Angleterre.
L'accueil fait dans ce dernier pays aux inventions de Philippe
de Girard et l'annonce du prix fondé en 1828 par la Société
d'encouragement de Paris pour le peignage mécanique du
lin, prix dont la valeur, fixée à 6,000 francs, fut doublée par
le Gouvernement en raison des difficultés et du peu d'avan-
cement de la question, ces circonstances, dis-je, engagèrent
plus que jamais notre compatriote à s'occuper du perfection-
nement de ses anciennes machines à peigner, et il en fit l'ob-
jet d'un nouveau brevet d'importation en France , pris en
novembre i832 au nom de son neveu (Henri-Frédéric de
Girard), officier d'état-major français, à qui il en avait trans-
mis la jouissance exclusive quelque temps auparavant.
En recourant d'ailleurs aux brevets accordés en 1829, en
France, à MM. Delcourt etWan de Weigh, de Paris, ainsi
qu'à M. Kay (Alexandre) , de Manchester, pour des machines
à peigner le lin et le chanvre \ on pourra juger de l'état d'im-
perfection et de complication dans .lequel se trouvait cette
partie de la filature peu avant l'époque où Philippe de Girard
songea à faire connaître ses dernières idées de perfectionne-
ment en France. Ces idées ont trop d'importance pour l'his-
toire de la filature en général, elles ont exercé en particulier
une trop grande influence sur les progrès du peignage méca-
nique du lin et du chanvre, pour que je puisse me dispenser
d'en donner une analyse sommaire, comme je l'ai fait pour
les autres inventions de Philippe de Girard, d'autant plus que
quelques-unes de ces idées pourraient aujourd'hui encore être
mises à profit par nos industriels.
Le brevet dont il s'agit donne, en premier lieu, la descrip-
tion d'une machine à dagxur, c'est-à-dire à battre ou fouetter
1 T. XXVII et XXX du Recaeil officiel des omets expirés.
I
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198 VP JURY.
la filasse , suspendue à des pinces mobiles sur une coulisse
horizontale supérieure, et dont le but est d'assouplir, de dé-
gager cette filasse des pailles et corps étrangers qu'elle ren-
ferme en sortant de l'opération du teillage. Glose de toutes
parts afin d'éviter les émanations de poussières si nuisibles à
la santé des ouvriers, elle est composée de deux larges châssis
trapézoîdes, armés de lames de fer ou battes tournant excen-
triquement et en sens contraire autour d'axes horizontaux
parallèles, et qui, dans leur croisement ou emboîtement réci-
proque, atteignent de part et d'autre les nappes de filasse
suspendues, comme on l'a dit, à des pinces placées à la suite
les unes des autres par un premier ouvrier sur une coulisse
supérieure horizontale, tandis qu'un deuxième ouvrier reporte
sur la coulisse analogue de la machine à peigner eps mêmes
pinces an fur et à mesure qu'elles arrivent à l'extrémité oppo-
sée de la machine à daguer. Les deux branches dont se com-
posent ces pinces, au lieu d'être simplement serrées, comme
d'habitude, par des vis qui précédemment occasionnaient des
pertes de temps énormes , pour placer du enlever la filasse
à chaque opération et retournement, ces branches sont ici
assemblées à charnières avec des coins ou clefs, mus par un
levier très-puissant qui les serre ou desserre à la fois et, pour
ainsi dire, instantanément.
Les anciennes peigneuses de Philippe de Girard, à mouve-
ments continus ou alternes, ont reçu également, dans le nou-
veau brevet, des modifications et perfectionnements très-
essentiels, fondés sur les principes suivants :
i° Elles doivent être doubles, de manière que les nappes
minces de filasse suspendues verticalement aux pinces 'supé-
rieures soient attaquées des deux côtés à la fois; 2° les sérans,
montés sur des barrettes horizontales parallèles et équidis-
tantes, doivent alterner de façon que les aiguilles de l'une
correspondent respectivement aux intervalles vides de l'autre;
3° ces aiguilles doivent aller continuellement en se resserrant
et augmentant de finesse, à partir du point d'entrée de la fi-
lasse jusqu'à la sortie des peignes par l'extrémité opposée;
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MACHINES ET OUTILS. 190
4° le peignage doit, autant que faire se peut, commencer Ver*
la pointe on le bas des mèches pour s avancer graduellement,
en ^approfondissant ver» leur partie la plus épaisse, ce qui
réclame , suivant la nature de la peigneuse, des procédés dif-
férents et dont il sera dit un mot ci-après, le but étant de
dégager progressivement et par parties les étoupes et d'éviter
la formation des nœuds ou boutons.
D'après ces vues rationnelles et expérimentales, appliquées
et énoncées nettement pour la première fois , si je ne me
trompe , par Philippe de Girard , le tambour à sérans du brevet
de 1818 devait être accompagné d'un second tambour à axe
horizontal parallèle au premier, et dans l'intervalle desquels
la filasse se mouvait comme on l'a déjà expliqué. Néanmoins,
fauteur indique ici, au lieu de ces tambours horizontaux,
trois couples de peigneuses verticales à chaînes sans fin, pla-
cées à la suite les' unes des autres et semblables à celles de ses
étireuses horizontales, mais opposées deux à deux parallèle-
ment, de manière à attaquer de chaque côté à la fois les
nappes de filasse suspendues à des pinces dirigées d'abord
par une glissière supérieure inclinée, et traînées ensuite, au
moyen d'une petite chaîne sans fin ordinaire, sur une cou-
lisse horizontale, d'où les reçoit un aide qui les place aussitôt
sur la coulisse supérieure de la machine à daguer, et ainsi
alternativement. Les étoupes, arrivées au bas des chaînes à sé-
rans, en sont d'ailleurs dégagées au moyen de tringles mo-
biles expulsives ou dégorgeoirs glissant sur des guides exté-
rieurs fixes, etc., pour s'enrouler finalement sur un tambour
horizontal, où 'elles forment trois nappes de degrés différents
de finesse, nappes que de petits enfants enlèvent au fur et à
mesure, à la main.
Cette peigneuse double, la même dont Philippe de Girard
avait, en i83a* communiqué la description et le dessin à
MM. Marshall, Hives et Àtkinson, n'est pourtant pas celle qu'il
recommande le plus spécialement dans son dernier brevet , où il
accorde, ainsi que dans ses écrits postérieurs, une préférence
marquée à la peigneuse à mouvement alternatif, où des ran-
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200 vr JURY.
gées de sérans parallèles, montés sur des barrettes horizon-
tales perpendiculaires à des tiges ou bielles verticales, forment
des sortes de râteaux mus, parallèlement et circuiairement,
au moyen d'axes coudés ou excentriques placés aux extrémités
supérieures et inférieures de ces bielles. On conçoit, en effet,
comment peut fonctionner un système composé de deux
peignes à râteaux semblables, placés, en face l'un de l'autre,
dans un même plan ou dans des plans verticaux parallèles,
comprenant entre eux les nappes de filasse suspendues à des
pinces supérieures , et dont les dents ou barrettes de l'un cor-
respondent, selon le principe ci-dessus, aux intervalles vides
de l'autre, sans que les bielles ou traverses verticales placées
aux extrémités opposées puissent se rencontrer dans leurs
mouvements.
On conçoit également comment une peigneuse formée de
deux ou même de trois équipages pareils, rangés dans un
plan vertical à la suite les uns des autres, et mus par des arbres
à deux ou plusieurs coudes de manivelles, peut remplir par-
faitement les conditions que l'inventeur s'est imposées dans
le brevet qui nous occupe, à savoir : « Que deux séries de
• peignes agissent alternativement sur la nappe de filasse, de
• manière que, dans leur mouvement circulaire commun, les
« peignes de chaque série s'avancent et se retirent successive-
« ment, en passant toujours entre les intervalles de ceux de
« l'autre série; les peignes qui pénètrent dans cette nappe, re-
« poussant les fibres en avant, empêchent ainsi, infailliblement,
• qu'il puisse en rester un seul brin dans ceux-là mêmes qui
• se retirent, t
Philippe de Girard indique ici un moyen ingénieux pour
arrêter spontanément la marche progressive des pinces sur la
coulisse horizontale supérieure par un débrayage à déclic et
à poulie folle , s'il arrivait que l'ouvrier oubliât d'enlever à
temps la dernière d'entre elles, au moment où elle échappe
à l'action des peignes. H remarque, en outre, que, au lieu de
les faire mouvoir horizontalement, on pourrait leur impri-
mer un mouvement d'abaissement et d'élévation vertical entre
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MACHINES ET OUTILS. 201
les séries opposées des peignes, dont la grosseur irait en di-
minuant du sommet à la base. Il critique les peigneuses an-
glaises, qui, pénétrant dans cette nappe vers le milieu , la par-
courent ensuite dans toute sa longueur, au lieu de l'attaquer,
comme les précédentes, par de petits coups, courts et répétés.
Enfin, il recommande de supprimer, vers le haut, un certain
nombre d'aiguilles dans les parties où le lin arrive sur la ma-
chine, d'en diminuer même la saillie progressivement à partir
du bas; les sérans inférieurs agissant ainsi $ur l'extrémité des
brins avant que la partie supérieure puisse en être atteinte,
•on évite tout engorgement de la partie moyenne : des motifs
analogues lui font prescrire de graduer la saillie des aiguilles,
vers la sortie des mèches , dans un ordre à peu près inverse
de celui qui a lieu à rentrée.
La dernière partie du brevet de Philippe de Girard est consa-
crée à la description de divers perfectionnements : i° de la ma-
chine à rubaner verticale , composée , comme on l'a vu , d'auges
à sérans, emboîtées par échelons, et dont les nappes de filasse
extérieurement pendantes, en se superposant graduellement
et régulièrement sous l'action des cylindres fournisseurs, per-
mettent d'abréger considérablement la succession des dou-
blages et étirages du système ordinaire, que néanmoins on
lui préfère encore, mais dont, comme on Ta vu, on com-
mence à se préoccuper sérieusement; 2° de ressorts régula-
teurs très-ingénieux, en cuivre mince, pour les bobines de
métiers à filer en fin, destinés à remplacer les ficelles frot-
tantes à balles de plomb, qui s'usent promptement lorsqu'on
travaille à l'eau froide ou chaude, et qui, prenant leur point
d'appui sur la plate-bande du va-et-vient servant à régler l'as-
cension des bobines, en ralentissent le mouvement relatif par
leur frottement contre une gorge inférieure, sans pouvoir être
jamais atteintes par le fil qui s'enroule sur ces bobines; 3° en-
fin, de nouvelles broches à ailettes renversées, dont le type
est dans l'ancien rouet à filer, et qui, traversant un tube en
cuivre, vertical, mobile sur lui-même, permettent de régler
le tirage avec facilité, et d'enlever, sans déplacement des ai-
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202 VP JURY.
leltes, les bobines qui reposent à frottement dur sur le som-
met conique des broches, dont le va-et-vient vertical'est réglé
d'ailleurs par une plate -bande inférieure supportant ici les
crapaudines et pivots de ces broches.
En terminant cette analyse rapide du brevet de i83a, je
crois devoir faire remarquer que les figures dont il est accom-
pagné sont dessinées avec une netteté et une précision de dé-
tails qui montrent que les idées de 1 auteur étaient dès lors
parfaitement arrêtées, et, je n'hésite pas à le dire, déjà même
pratiquement réalisées.
Philippe de Girard envoya, au commencement de i833, du -
fond de la Pologne; pour le concours de la Société d'encourage-
ment relatif au peigùage du lin , un modèle , aux trois quarts , de
sa dernière machine à mouvement oscillatoire ou excentrique,
à laquelle il crut devoir joindre sa machine à daguer, qu'il
considérait, non sam quelque raison, comme un complément
indispensable de la précédente, mais qui ne fut point mise
en expérience par la Commission du prix. Ce modèle, fonc-
tionnant, avait reçu , par suite de ruptures éprouvées dans une
longue route, des réparations préalables, assez importantes,
sous la direction de M. Decoster, jeune ouvrier fort intelligent,
employé dans les ateliers de M. Saulnier, ingénieur mécani-
cien de la Monnaie, et qui fut aussi chargé de suivre les ex-
périences faites, en présence des Commissaires de la Société,
concurremment sur ce modèle et deux autres machines à pei-
gner qui partagèrent avec lui les faibles récompenses accor-
dées dans la séance du a 4 décembre i833l, à savoir : d'une
part, la peigneuse de M. Schlumberger (Charles), de Paris,
consistant en un seul tambour horizontal à aiguilles obliques,
animé d'un mouvement rotatoire très-rapide, et précédé de
cylindres cannelés parallèles, auxquels une ou deux ouvrières
présentaient, directement et à plusieurs reprises, les poignées
de lin; d'autre part, la peigneuse continue à nappes verticales
1 T. XXXII, p. 43 1 à 44 1, dn Bulletin, rapport de M. Th. Olivier; le
nombre des concurrents étant de neuf, 6oo francs de récompense forent
accordés à MM. Schlumberger et de Girard, 3oo francs à M. David.
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MACHINES ET OUTILS. 20$
sans fin de M. David, de Lille, qui rappelait, dans ses dis-
positions essentielles, l'ancienne peigneuse double et analogue
de Philippe de Girard.
Ces différentes machines ne purent, en effet, satisfaire aux
conditions rigoureuses du programme; ce qui prouve seule-
ment qu'alors, comme aujourd'hui encore, le peignage méca-
nique, effectué dans toute la longueur des fibres, ne pouvait
remplacer d'une manière économique, et sous le rapport de
la bonté des produits, le sérançage à la main du chanvre
et du lin, du moins pour les finesses et qualités supérieures.
CHAPITRE ni.
PMMftis MMAKQCABL1S ACCOMPLIS Ht FRANCK DANS L'INTERVALLE
DBS ANNEES DE l83a A l845.
S F*. — Erreurs singulières commises en France, d'après le docteur anglais
Ure, an sujet de l'invention des machines à daguer, peigner, filer le lin
et le chanvre; comparaison des machines de Girard avec celles de
MM. Evans, JVordsworih, JVestley et Lawson, Marshall, Hhes, Atkin-
son, Peter Fairhaxrn, etc.
Pendant le temps même où Philippe de Girard adressait un
modèle de sa dernière peigneuse à la Société d'encouragement
de Paris, il prenait, sous le nom de M. Evans (Th.-N.), négo-
ciant à Birmingham, mais dont le frère était constructeur de
machines à Varsovie, une patente anglaise délivrée à Y En-
rolment office le io* janvier i833, et qui comprenait la pei-
gneuse oscillante, le batteur et la pince à charnière perfec-
tionnée, dont il a été parlé à propos du brevet français de
1 83 2. On peut prendre une idée exacte de ces machines dans
le Dictionnaire anglais des arts et manufactures d'Andrew Ure1,
Ou dans la reproduction plus ou moins complète qui en a été
laite à l'article Lin, p. 2290, du Dictionnaire français de
1 T. II, p. 393, 3" édition, i843.
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204 Vf JURY.
M. Laboulaye ( 1 847 ) « où ces machines , faussement attribuées
à Evans, sont décrites avec les lettres mêmes de renvoi et les
démonstrations du brevet de Philippe de Girard l.
Si, déplus, on confronte les 6g. 439, 44o, 44i et 442
(t. II, p. 4 98) du premier de ces ouvrages, ou de i436 à 1489
du second, relatives à l'étirage simultané de deux mèches de
lin parallèles, doublées ensuite ou réunies en un seul ruban
sous des cylindres lamineurs, comme cela se pratique encore
de nos jours, etc., en confrontant, dis-je, ces figures avec leurs
analogues du certificat d'additions délivré, en 181 5, au frère
aine de notre illustre ingénieur, on en reconnaîtra de même
la parfaite identité, à cela près encore du renversement des
dessins provenant du décalque qui en avait été fait sur les
originaux; et certes on ne pourra, une fois encore, se refuser
à admettre avec l'inventeur que la patente anglaise accordée
peu auparavant au négociant H. Hall, de Preston, ne fût de
tous points la reproduction illicite des dessins que lui avaient
frauduleusement vendus ses anciens associés Lanthois et
Cachard , de Paris.
Quant à la fig. 438 de l'ouvrage du docteur Ure, elle re-
présente la très-ancienne peigneuse de M. Ternaux, dans la-
quelle un tambour horizontal , muni d'aiguilles inclinées, vient,
par un mouvement de rotation très-rapide, agir sur une nappe
de filasse pendante, qui prend appui sur une plaque cylin-
drique à coulisse mobile.concentriquement au tambour; ma-
chine qui a été postérieurement doublée, selon les principes de
Philippe de Girard, en suspendant verticalement la nappe de
filasse à une pince qu'un ouvrier fait osciller lentement entre
1 L'auteur de l'article Lin, du Dictionnaire français sur la technologie, a eu
le tort grave de reproduire le texte d'Ure sans avertissement préalable : des
affirmations vagues et générales, des éloges même, imparfaitement mo-
tivés, donnés à. un homme tel que Philippe de Girard , mort à la peine , peu
connu quoique déjà glorifié, ne suffisent pas pour réhabiliter sa mémoire
aux yeux des esprits sévères ou prévenus, et bien moins encore pour le
venger des plagiats dont on s'est malheureusement rendu le complice, sans
doute fort involontaire.
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MACHINES ET OUTILS. 205
les deux tambours, de manière que le peignage se fasse alter-
nativement des deux côtés ou par retournement.
Une telle confusion de noms et de dates, de tels emprunts
et d'autres encore relatifs aux machines à peigner et à filer,
n'autorisaient guère, sans doute, ce simple et laconique préam-
bule aux articles cités de l'ouvrage d'Andrew Ure : « Les pre-
« miers résultats tolérables avec les machines à filer le lin
• paraissent avoir été obtenus par les frères Girard, à Paris,
«vers 1810; mais les Français n'ont jamais porté l'appareil à
«une grande perfection pratique. Les villes de Leeds, en
« Yorkshire, de Dundee, en Ecosse, et de Belfast, en Irlande,
• ont le mérite d'avoir amené le filage du lin par machines
« à un degré comparable à celui du coton. » Évidemment
M. Ure, d'un jugement en général hâtif, beaucoup trop ex-
clusif, et dont les erreurs, sans doute involontaires, ont été
ensuite si malheureusement traduites et commentées sur le
continent, ignorait complètement les brevets originaux de Phi-
lippe de Girard , les rapts dont il avait été la victime et les récla-
mations dont ses brevets avaient été l'objet même en Angle-
terre, etc.* Sans cela, on ne le verrait pas, en i843 et 1847,
hésiter autant à rendre justice à notre compatriote, copier
sans aucun scrupule ses propres dessins, ses propres démons-
trations, le dépouiller notamment, au profit de Kay, des
procédés de filature du lin par le décollement des fibres élé-
mentaires, enfin nier la perfection même des produits que
Girard avait mis dès 1826 sous les yeux de MM. Marshall,
Hives et Atkinson, à Leeds.
Toutefois, je suis loin, comme on l'a vu et comme on le
verra encore mieux ci-après , de méconnaître la supériorité
acquise depuis par l'Angleterre dans la production écono-
mique et industrielle des fils de lin; mais je me crois autorisé
à répéter, à cette occasion, que le succès des Anglais, en ce
genre comme en quelques autres, tient moins encore à leur
génie inventif qu'à l'esprit de suite et d'ordre qu'ils apportent
dans les entreprises manufacturières, au caractère de persévé-
rance généreuse, de prodigalité même, de leurs associations
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206 VP JURY.
financières envers les ingénieurs on constructeurs, et prin-
cipalement à la multiplicité de leurs ressources matérielles,
commerciales ou productives de tous genres. Pour s'en con-
vaincre une dernière fois , il suffit de se demander ce que serait
devenu Watt, l'immortel Watt, sans le financier et mécani-
cien constructeur Boulton, et, par contre, quel est le sort qui
eût été réservé aux inventions de Philippe de Girard s'il avait
pu en réaliser l'exécution au milieu des ateliers et des cités de la
riche Angleterre? Il ne faut pas oublier d'ailleurs que, pendant
près de vingt ans, l'établissement colossal de Soho lui-même
a failli maintes fois succomber sous le coup d'une infinité de
procès et d'odieuses tracasseries.
Mais l'examen que nous avons entrepris de l'utile ouvrage
du docteur Ure est trop important au point de vue historique
et critique, pour l'abandonner dès à présent, d'autant plus
qu'il portera désormais sur des données fort essentielles, et
sans lesquelles il me serait à peu près impossible de présenter
une idée précise des perfectionnements appliqués par les ar-
tistes anglais aux conceptions premières et tout à fait origi-
nales de notre ingénieur.
En jetant, en effet, un coup d'œil sur les fig. 444 et suiv.,
p. 5oo, du Dictionnaire de cet auteur, on se convaincra sans
difficulté que les changements apportés en i83a à l'étireuse à
chaîne sans fin de Philippe de Girard par M. Wordsworth , de
Leeds, n'ont pas, soit quant aux détails de construction, soit
quant aux idées d'ensemble, des avantages bien marqués sur
l'étireuse qui se trouve décrite dans les fig. i4 , i5 , eic.t de la
pi. 3i du t. XIX des Brevets français expirés. Dans cette der-
nière machine , comme on l'a vu , les tringles mobiles destinées
à soutenir et à détacher la filasse à son entrée et à sa sortie des
peignes, où sans cela elle serait entraînée circulairement par
les aiguilles, sont dirigées par des coulisses latérales qui, étant
fixes, offrent un grand frottement et ne corrigent pas entière-
ment les effets résultant de la divergence des aiguilles en ces
points extrêmes.
Dans l'étireuse de M. Wordsworth , on se sert d'un tout autre
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MACHINES ET OUTILS. 207
moyen : on agrandit en diamètre, les rouleaux d'entrée du
côté des fournisseurs, ce. qui diminue en partie le défaut de
parallélisme des aiguilles, et, au contraire, on diminue nota-
blement le diamètre du rouleau voisin des étireurs , ce qui aug-
mente leur divergence, tout en raccourcissant l'intervalle où
la mèche a besoin d'être guidée et soutenue; enfin, les sérans
(gills), au lieu d'être fixés à la chaîne sans fin, reçoivent, au
moyen de leviers articulés à talons glissant également sur «les
guides extérieurs, un mouvement de retraite ou d'avance au
travers de barrettes évidées formant autant de châssis métal*
liques fixés eux-mêmes à cette chaîne, et qui leur livrent pas-
sage quand elles doivent s'élever, saillir en soutenant la filasse,
ou s'abaisser et disparaître complètement lorsqu'elles sont
arrivées à une certaine distance des cylindres étireurs, près
desquels elles descendent verticalement sans érailler et en-
traîner, au même degré, ia nappe de filasse. Mais on voit
que ce dernier avantage se trouve racheté et plus que com-
pensé par le manque de direction et de soutien de ja portion
de cette nappe qui doit être saisie par les cylindres étireurs.
D'ailleurs, un tel système devait entraîner plus de sujétion,
de perte de temps et d'entretien, à cause de l'usure des articu-
lations multiples qui y entrent
Philippe de Girard nous apprend , d'autre part , dans l'un de
%es écrits, qu'il existait déjà en Silésie de ses étireuses à chaîne
sans fin , portant des barrettes à sérans articulés à bascule ,
d'une manière plus ou moins analogue, et l'on se rappelle
qu'il en avait lui-même proposé plusieurs de ce genre dans
les certificats d'additions à ses premiers brevets, où il pres-
crivait d'incliner légèrement les aiguilles sur la direction de la
chaîne sans fin , pour diminuer d'autant les effets de leur di-
vergence à l'entrée et à la sortie de la filasse. Il ne serait donc
pas juste de dire que le système de Wordsworth fût, en réa-
lité, supérieur à celui de Girard et constituât une idée abso-
lument neuve ou essentielle.
À fortiori, peut-on en dire autant d'une autre modification
que Ton a fait subir, antérieurement ou postérieurement, à
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208 VI* JURY.
]'étireuse à nappe sans fin horizontale de ce dernier ingénieur,
en contraignant les tringles élévatoires ou répulsives de la
filasse à suivre dans toute rétendue de leur course, où elles
soutiennent et dirigent les barrettes à sérans, des coulisses
fixes extérieures, tracées de la manière la plus convenable
vers les bouts , et le long desquelles elles glissent avec un frotte-
ment qui doit augmenter de beaucoup la dépense en force
motrice, et cela nonobstant les avantages offerts par ce dis-
positif sous le rapport de la suppression des rouleaux guides
ou des supports intermédiaires, de la diminution du diamètre
des rouleaux extrêmes, etc.
Malgré des dénégations contraires provenant de personnes
intéressées, mais étrangères à Philippe de Girard, la préémi-
nence des étireuses à chaînes de cet ingénieur ne saurait de
même être soutenue à l'égard du système remarquable pour
lequel MM. Westley et Lawson ont été patentés en Angleterre
en août i833. Dans ce système, en effet, les barrettes à sé-
rans, au lieu d'être directement conduites par une chaîne
sans fin, forment autant de pièces métalliques détachées,
munies à leurs parties inférieures de tenons ou appendices
verticaux légèrement obliques, qui, en s'engageant dans les
rainures hélicoïdes d'un premier couple de vis à filets carrés,
parallèles et horizontales, les font cheminer dans tout F in-
tervalle compris entre les cylindres fournisseurs ou étireurs ;
tandis qu'un autre couple de vis semblables, mais inverses,
placées au-dessous du précédent, sert à ramener les barrettes,
toujours parallèlement entre elles, vers les premiers de ces
cylindres , à la hauteur desquels elles sont élevées verticalemen t
au moyen de cames ou excentriques, de même aussi que
des cames les guident dans leur descente verticale, au voisi-
nage des cylindres étireurs, où les aiguilles des sérans, sans
cesser de demeurer équidistantes et verticales, abandonnent
la filasse dans un intervalle qui dès lors peut être de beau-
coup réduit, mais que les successeurs de Westley ont tâché
de réduire davantage encore.
La constance, l'opiniâtreté même qu'ils y ont mises, prou-
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MACHINES ET OUTILS. 209
vent que c'est bien là un des points les plus importants de
la préparation du lin ou de sa formation en longs rubans.
Sans doute, le système des peignes à vis (screw-gilh) occa-
sionne aussi de grands frottements; il est sujet à des incon-
vénients de plus d'une espèce; mais on n'en doit pas moins
supposer que, en raison même de sa précision mathéma-
tique, de sa simplicité et de sa solidité, il restera dans la
filature du liri» et du chanvre au même titre et aussi longtemps
que l'idée mère de Philippe de Girard, relative au redresse-
ment parallèle des fibres à l'aide d'une succession de sérans
équidistants, qui se meuvent eux-mêmes d'un mouvement
continu et parallèle; idée qui prend, comme on l'a vu encore,
«on origine dans l'ancien tambour à hérisson, dont ce grand
ingénieur a développé l'application avec une merveilleuse
sagacité dans la série entière de ses inventions, et sans la-
quelle on ne fût jamais parvenu peut-être à soumettre avec
la même perfection une matière aussi rebelle que la filasse
droite et inégale du lin et du chanvre aux opérations déli-
cates que nécessite la filature en fin.
Au surplus, en parcourant les pages du Dictionnaire du
docteur Ure qui viennent à la suite de celles que j'ai déjà
citées, on se convaincra facilement que, même vers l'époque
de sa publication (i843), le filage du liu sur les métiers en
gros et en fin ne contenait rien de véritablement neuf ou
qui ne fût indiqué déjà en principe dans les divers brevets de
Philippe de Girard : car on y voit figurer encore le va-et-vient
à excentrique de Vaucanson, pour régulariser l'enroulement
du fil sur les bobines; les transmissions par cordes et cour-
roies du tambour moteur aux broches, etc. Nous savons, au
contraire, de l'aveu même de notre savant ingénieur, que
led procédés anglais pour le cardage et le filage des étoupes
étaient de beaucoup supérieurs aux siens propres, et depuis
son séjour à Leeds, en 1826, jusqu'à l'époque où écrivait
Andrew Ure, ils n'avaient pu que s'améliorer encore. Quant
au procédé même de peignage du lin et du chanvre, la seule
addition qui nous est indiquée par l'ouvrage de cet auteur
VI* JURY. 2* PARTIE. I 4
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210 vr JURY.
concerne une machine de grande dimension, assez com-
pliquée, et par conséquent fort coûteuse, due au même
Wordswortb dont il a déjà été parlé, et qu'on peut considérer
comme une sorte d'émanation des idées de Girard combinées
avec celles de Porthouse, quoiqu'elle diffère, à certains égards,
des peigneuses réalisées par Fun et par l'autre de ces derniers
et éminents ingénieurs.
On y voit, en effet, deux tambours à séranAur barrettes
isolées, horizontaux et parallèles, terminés, aux bouts où la
filasse arrive, par des cônes munis de fortes aiguilles qui dé-
croissent et se resserrent graduellement en «liant vers l'extré-
mité opposée des tambours, dont les parties en regard sont
seules parcourues longitudinalement parla filasse, suspendue
à des pinces que soutient upe chaîne horizontale sans fin
supérieure, guidée par des poulies à gorge extrêmes et des
coulisses latérales placées vers le haut du bâti, au-dessus de
ces mêmes tambours, etc.
Mais ce qui distingue plus particulièrement cette combinai-
son de celles qui ont été adoptées par Philippede Girard, c'est
que, d'une part, les mèches de filasse, n'étant atteintes que
d'un seul côté à la fois, doivent subir un retournement, une
rotation spontanée autour de Taxe vertical de suspension des
pinces parvenues à certains points des cylindres; c'est que,
d'une autre, les étoupes, au lieu de tomber, en se détachant de
la partie inférieure des peignes, sur un plan incliné garni de
drap ou un tambour horizontal armé d'aiguilles qui les en-
traîne pêle-mêle avec les ordures, sont réellement enlevées aux
tambours peigneurs par des brosses cylindriques extérieures»
d'où les détachent ensuite des cardes parallèles, munies
d'un va-et-vient ou peigne oscillant qui les forme en nappes
plates, comme cela a lieu dans les cardes à coton et à laine.
Ces dernières dispositions se trouvent reproduites, d'ailleurs t
dans une autre peigneuse à nappes verticales sans fin, avec
coulisses inclinées, pour guider les pinces, les teneurs de fi-
lasse : cette peigneuse, seuleinent patentée en mai i838, porte
également le nom de M. Wordsworlh en Angleterre et en
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MACHINES ET OUTILS. 211
France» mais elle n'est, en réalité, qu'un simple perfection-
nement de celle dont Philippe de Girard se servait à Hir-
tenberg dès 1817, et qu'il avait transmise, comme on Ta
vu, à MM. Marshall, Hives et Atkinson par un acte daté du
3i décembre 1826.
Ces différentes machines à peigner, à rubaner ou à filer
furent ensuite et successivement perfectionnées, quant aux
détails d'exécution, par divers ingénieurs ou constructeurs
anglais, notamment par M. Peter Fairbairn, dont l'établisse-
ment à Leeds est incontestablement l'un des plus anciens, des
plus considérables et des plus renommés de toute l'Angle-
terre pour la construction des machines à* travailler le lin :
c'est à lui, en effet, que l'industrie est principalement re-
devable de ces belles machines dont les perfectionnements
divers et l'exécution matérielle ont contribué, non moins
que l'idée mère ou d'ensemble, à faire jouir la Graude-Bre-
tagne d'un succès commercial et industriel devenu, à dater
de i833, si rapide, qu'il a entraîné la ruine de la plupart des
filatures linières des autres pays.
S If. — Importation en France des machines anglaises à filer le lin et les
étoopes, à partir de i833, par MM. Feray, d'Essonne, Scrive, de Lille,
Vaison, cTAbbeville, Malo et Dixon, de Dunkerque, Decoster, de Paris, etc.
— Les constructeurs français Decoster, Nicolas Schlumberyer, André
Kœchlin, Debergne et Spréafico, David, de Lille, etc.
D'après ce qui précède, on ne saurait être surpris de voir .
nos ingénieurs et industriels chercher à s'approprier, dès
cette même année 1833, les procédés et les machines que
nous avions trop longtemps dédaignés ou négligés en France,
et qu'il leur fallut acquérir soit par un séjour plus ou moins
prolongé dans la Grande-Bretagne, soit au prix des plus grands
sacrifices pécuniaires, soit quelquefois, dit-on, au péril même
de leur liberté. C'est ce qui est arrivé notamment pour M. Feray
d'Essonne, l'élève et ami du célèbre ingénieur mécanicien
William Fairbairn, de Manchester, correspondant de l'Institut
de France, dont les beaux, les anciens ateliers de tissage mé-
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212 VP JURY.
canique pour le linge damassé étaient menacés, en effet, (Fane
ruine prochaine.
C'est ce qui a eu lien également pour les frères Scrive, de
Lille, si anciennement connus et appréciés , comme on Ta vu,
pour la fabrication mécanique des cardes, qui devint bientôt
l'origine d'utiles relations avec les ateliers de filature et de
construction de machinés de la Grande-Bretagne.
C'est enfin ce qui est arrivé pour M. Decoster, le jeune ou-
vrier mécanicien de Paris, que nous avons vu, en i833, diri-
ger les expériences sur la peigneuse oscillante de Philippe de
Girard, et qui, d'après ce qu'on a lu dans la première Partie
de ce travail, s'est élevé depuis son retour d'Angleterre, en
i835, au rang de nos meilleurs constructeurs de machines;
pour M. Vaison, fabricant de tapis de pied à Abbeville; pour
MM. Malo et Dixonr de Dunkerque, etc., etc.
Au grand préjudice du développement et du progrès de
- notre industrie nationale, les nouveaux établissements de fila-
ture demeurèrent à très-peu près fermés au public dans le
cours des premières années qui suivirent i835, sans que pour
cela on doive en faire un motif de reproches à leurs habiles
possesseurs, car, après avoir couru de semblables risques, il
leur était bien permis de suivre l'exemple de M. Marshall, de
Leeds, que l'on considère à juste titre comme le chef heu-
reux de la filature anglaise du lin et du chanvre; d'autant
que cet exemple est également suivi par la plupart des grands
industriels d'outrè-Manch,e. Combien ne devons-nous pas re-
gretter, nous autres Français, que l'homme de génie, notre
illustre compatriote, dont l'intérêt de la justice et de la vérité
nous a tant de fois fait citer le nom, ait été forcé de s'exiler
loin d'une patrie qui lui était demeurée si chère, et qu'il n'ait
pu guider nos industriels dans une voie où l'Angleterre s'est
si démesurément enrichie au détrintent des nations rivales,
grâce sans doute à son activité commerciale et industrielle, à
laquelle nous avons bien souvent accordé des éloges, mais grâce
surtout à son magnifique outillage mécanique, parvenu dès
i835, comme on l'a vu, à un état de perfection très-compa-
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MACHINES ET OUÏILS. 213
rable à celui que nous lui connaissons aujourd'hui, et dont
tendent néanmoins à nous rapprocher de plus en plus les
efforts persévérants de nos intelligents constructeurs ou mé-
caniciens artistes.
M. Decoster avait été adressé, au commencement de i834»
par la famille Girard à M. Evans , de Birmingham , pour l'aider
dans le montage d'une grande peigneuse verticale oscillante
que Philippe de Girard lui avait envoyée de Varsovie, et qui
devint le type de celles qui furent ensuite construites dans les
ateliers de MM. Roberts et Sharp , de Manchester, déjà célèbres
alors pour les ingénieux perfectionnements qu'ils avaient ap-
portés aux machines à filer le coton. Cette circonstance donna
à M. Decoster la facilité d'étudier sur place les procédés et
l'outillage des plus habiles industriels de l'Angleterre, et à son
retour en France, au commencement de i835, il éleva sous
le patronage de MM. Liénard et Giberton , gérants des filatures
de Pont-Remy et du Blanc, ces beaux ateliers de la rue Sta-
nislas, à Paris, dont la variété, la légèreté et la rigoureuse
précision des machines -outils sont devenues rapidement le
caractère distinctif.
Les peigneuses oscillantes, les étireuses à chaîne sans fin
exécutées par M. Decoster, avec quelques modifications dans
les détails, dès i835 ou i836, mais principalement d'après le
système et les idées de Philippe de Girard, eurent chez nous
un succès non moindre que celui obtenu en Angleterre par
MM. Evans, Sharp et Roberis, dont les peigneuses, directe-
ment introduites en France, firent concurrence à celles de
notre compatriote, grâce surtout à leur moindre prix de re-
vient. Les attestations de nos plus habiles filateurs de lin
prouvent de plus qu'à l'époque précitée, et jusqu'en i84a » les
peigneuses mécaniques de Girard étaient considérées comme
supérieures à toutes celles que Ton possédait alors dans l'un
ou dans l'autre pays, et qu'elles pouvaient suppléer avec avan-
tage, si ce n'est remplacer complètement, le peignage à la
main, notamment pour le chanvre et les lins forts de Russie,
de Bergues, etc., où elles rendaient jusqu'à 65 et 70 pour 100 :
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214 VT JURY.
ces avantages étant beaucoup moins prononcés d'ailleurs pour
les lins tendres et courts, ceci explique eu partie le* causes
pour lesquelles on n'obtint pas de meilleurs résultats dans les
expériences faites en i833, devant les Commissaires de la So-
ciété d'encouragement de Paris , au moyen du modèle adressé
de Varsovie par Philippe de Girard, et dont on peut aujour-
d'hui encore étudier le mécanisme au Conservatoire des arts
et métiers.
MM. Schlumberger (Nicolas) à Guebwiller, André Kœchlin
à Mulhouse, Debergue et Spréafico, à Paris, David, à Lille,
tous anciens constructeurs de machines à filer le coton, favo-
risés d'ailleurs par la loi anglaise qui interdisait la libre ex-
portation des machines , ne tardèrent pas à se lancer dans la
carrière où M. Décos ter s'était, le premier, aventuré sans, pour
ainsi dire, aucunes ressources en capital et en matières pre-
mières. M. Schlumberger surtout, qui, à l'instar des plus grands
constructeurs de l'Angleterre, avait pu de bonne heure réunir
à la fabrication des machines la filature complète du lin , im-
primai cette branche d'industrie, si malheureusement oblitérée
en France, une impulsion assez rapide et assez puissante pour
, être en mesure d'en présenter les excellents produits à l'Expo-
sition de 1839, où ses machines à filer le lin furent admirées
comme une véritable nouveauté, comme une heureuse impor-
tation de ce que le rapporteur lui-même supposait être des
inventions, des perfectionnements, dus aux habiles construc-
teurs de la Grande-Bretagne. Ces machines, dont le Rapport du
jury ne nous donne malheureusement aucune idée, parais-
sent avoir été construites sur le système perfectionné, et alors
tout récent, des étireuses à vis jumelles, dû à MM.Weslley et
Peter Fairbairn , système également adopté par MM. Debergue
et Spréafico dans leur exhibition de 1 83g, tandis que M. André
Kœchlin, de Mulhouse, avait accordé la préférence au sys-
tème à chaîne sans fin de Philippe de Girard, plus ou moins
modifié, comme on l'a vu, en Angleterre.
Il était temps en effet , si ce n'est même un peu tard, pour
nôtre pays de sortir d'un engourdissement fatal à sa renom-
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MACHINES ET OUTILS. 215
mée et à ses intérêts industriels, car déjà les procédés de fila-
ture anglaise commençaient à se répandre en Russie, en Bel-
gique et en Allemagne, dont l'Angleterre n'avait alors à re-
douter aucune rivalité sérieuse; mais il n'en fallut pas moins
quinze années entières d'efforts soutenus et un droit protec-
teur venu bien tardivement en i84a, trop tardivement sans
doute, pour réparer l'atteinte dont avait été frappée notre indus-
trie linièrc au point de vue commercial ou mécanique, et en-
core c'est à peine si nous possédons -aujourd'hui même (i852)
3oo,ooo broches, lorsque le royaume-uni de la Grande-Bre-
tagne en avait déjà plus d'un million en i84o K
S III. — Revendication de ses droits par PhiVppe de Girard et conclusions;
nouveau mais infructueux concours pour le peignage du lin , devant la
Société d'encouragement de Paris, en i84s. — Les peigneuses Decoster
et rVordsworth; les rapports de feu Théodore Olivier; récompenses tar-
dives-, mort de Philippe de Girard.
C'est au milieu de ces circonstances et de ces tentatives de
tous genres que Philippe de Girard adressa de Varsovie, où
le retenaient ses engagements, ses fonctions comme ingénieur
€n chef des mines de Pologne, une pétition au Gouverne-
ment français, datée du i5 mai i84o, et dans laquelle il re-
vendiquait pour son pays l'invention des procédés soi-disant
nouveaux de la filature du lin et du chanvre. Il s'appuyait,
pour cela, des faits exposés dans son mémoire au Roi de l'an-
née précédente, et qu'il accompagnait cette fois d'un projet
d'établissement national d'uqe grande filature modèle, des-
tinée à former, sous sa direction et celle d'autres professeurs,
des ouvriers et contre-maîtres habiles dans l'art de filer le
chanvre et le lin , et d'en perfectionner même les machines
1 On consultera avec intérêt à cet égard, comme en général pour toute
la partie commerciale et statistique, le remarquable et fort instructif Rap-
port du XIV* Jury, par notre très- regrettable collègue feu M. Legentil,
dont le travail n'avait point encore été lu dans le sein de la Commission
française à l'époque où j'écrivais ceci, puisé d'ailleurs à d'autres sources
peut-être moins authentiques au point de vue des chiures.
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216 VF JURY.
Ou procédés automatiques. Mais notre célèbre et savant com-
patriote ignorait l'état réel des choses en France; son patrio-
tique projet arrivait trop tard pour le pays, bien qu'il fût
alors accablé sous l'énorme tribut de 3o à 4o millions qu'il
payait annuellement et qu'il continua à payer jusqu'en i843
à la riche et puissante Angleterre, au très -grand préjudice
de nos manufactures et de nos pauvres fileuses des campagnes.
Une loi protectrice pouvait seule, comme on l'a vu, arrêter
instantanément d'aussi douloureuses pertes; mais ce n'était
pas évidemment un motif suffisant pour refuser alors mémo
les offres pressantes de Philippe de Girard.
L'insuccès de cette tentative ne le découragea pas néan-
moins; il fit présenter en i836 sa dernière peigneuse, telle
que la construisait alors M. Decoster, pour le prix fondé par
notre Société d'encouragement, qui depuis 1828 s'était vue
entraînée à proroger le Concours d'année en année; mais il
fut encore moins heureux cette fois qu'en i833, bien que la
machine dont il s'agit eût été la seule qui os4t affronter les
rigueurs du programme, devant lesquelles, suivant le rap-
porteur lui-même, auraient également échoué les meilleurs
systèmes connus. En effet, il ne s'agissait de rien moins que
d'obtenir, à la machine, un peighage des lins fins tout aussi
parfait, plus économique encore que celui exécuté à la main ,
et qui, en outre, n'exigeât ni dégrossissement ou redresse-
ment préalable des fibres, ni achèvement ou perfectionne-
ment ultérieur pour leur transformation mécanique en ru-
bans. Aussi ne saurait-on être surpris de voir que, dans les
expériences de i84a , l'essai comparatif fait dans les ateliers de
M. Feray, d'Essonne, sur la peigneuse de Wordsworth , im-
portée en France par cet habile industriel, n'ait pu égale-
ment obtenir grâce aux yeux des commissaires , qui ne firent
pas, d'ailleurs, assez attention que cette machine, à double
nappe de peignes sans fin, était, comme on Ta prouvé ci-
dessus, un simple perfectionnement de l'ancien et primitif
système de Philippe de Girard.
J'insiste sur ce point, parce que ce tardif et fâcheux échec
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MACHINES ET OUTILS. 217
fat pour l'inventeur du principe de la filature et du peignage
mécaniques du lin la source de chagrins d'autant plus amers
que le perfectionnement des machines à peigner l'avait oc-
cupé pendant près de trente années de sa laborieuse carrière,
qu'il était arrivé depuis fort longtemps à des résultats tout à
fait pratiques dans les établissements de Hirtcnberg et de Gi-
rardow, et que le jugement rigoureux de la Société d'encou-
ragement ne tendait à rien moins qu'à consommer la ruine
de ses espérances les plus chères, celles que lui avait fait con-
cevoir l'accueil précédemment accordé à ses inventions dans
la libérale et active Angleterre.
L'absence de Philippe de Girard, représenté par sa nièce,
MM de Vernède de Corneillan , qui avait succédé aux droits
de Henri de Girard, mort en i833, et par M. Decoster, qui
avait acquis de cette dame le privilège exclusif de construire
en France la nouvelle peigneuse, cette absence et de pénibles
discussions survenues entre l'inventeur et le constructeur doi-
vent être considérées comme d'autres causes non moins puis-
santes d'insuccès dans le jugement qui termina, en i8d2, le
Concours. Philippe de Girard n'a pas, eu effet, cessé, dès même
avant i84o, de réclamer contre les innovations et ce qu'il ap-
pelait les prétendus perfectionnements introduits , soit en France,
soit en Angleterre, dans l'économie et le principe constitutif
de sa dernière peigneuse, dont, comme on l'a vu, la machine
à daguer était le complément indispensable , tout en rendant
une entière et impartiale justice au mérite de l'exécution ma-
térielle de celle qu'on devait au talent mécanique de M. De-
coster1, et c'est à ce sujet qu'il adressa, en avril i84i< à la
Société d'encouragement une lettre imprimée qui contient
diverses remarques critiques ou historiques pleines d'intérêt
sous le rapport des progrès du peignage mécanique, mais sur
lesquelles il serait, je crois, inutile d'insister après l'analyse
1 Une antre peigneuse du même système , construite en Angleterre dans
les ateliers de MM. Sharp et Roberts, ne pnt arriver à temps pour l'ouver-
ture du concours en i836.
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-218 VP JURY.
scrupuleuse, bien que très-rapide, que j'ai déjà faite def di-
verses in veo lions de notre ingénieur.
On ne peut toutefois qu'être attristé de le voir, sur la fin
de ses jours, soutenir une pénible lutte, et être contraint de
«revendiquer un à un les principes constitutifs de ses dernières
inventions, et jusqu'aux ingénieux systèmes de construction
-dont il s'était servi pour les réaliser, jusqu'aux résultats avan-
tageux et irrécusables qu'il en avait obtenus dans sa propre
fabrication.
Personne aujourd'hui, par exemple, ne serait tenté, soit
en Angleterre, soit en France, de lui contester le principe du
double peignage, ou peignage simultané sur les faces opposées
des mèches de filasse; celui qui concerne le décroissement
régulier, en grosseur et espacement, des aiguilles ou des peignes,
4 partir du point d'entrée de cette filasse sur la machine. En-
core moins lui refuserait-on l'idée capitale de faire commen-
cer l'action de ces aiguilles à la pointe ou au bas des mèches
pour l'approfondir de plus en plus en remontant vers le mi-
lieu, de manière à terminer le peignage en une seule opéra-
tion, et sans retournement autre que celui qui consiste à ren-
verser la mèche, bout pour bout, dans les pinces; soit que,
d'ailleurs, on diminue graduellement la saillie des aiguilles à
partir de l'extrémité inférieure de chacun des porte-peignes;
soit qu'on écarte légèrement ceux-ci vers le haut, comme l'a
fait M. Decoster; soit qu'enfin on fasse osciller verticalement
les pinces ou teneurs de la filasse, de manière à engager
celle-ci progressivement entre les peignes. Le partage des
étoupes en plusieurs nappes de qualités ou finesses distinctes ,
le moyen de fermeture rapide des pinces, l'ingénieuse cou-
lisse horizontale ou à plan incliné qui les promène au-dessus
de la machine, sans temps d'arrêt et pour ainsi dire automa-
tiquement, et jusqu'au système des roues d'angle et de la vis
sans fin qui font mouvoir la chaîne de tirage de ces pinces1» ,
1 Philippe de Girard , qui avait , comme on en a déjà fait l'observation dans
4i ne précédente note, perdu de vue le brevet pris par son frère aine en
181 5, critique, dans tes notes imprimées, la substitution de la vis sans fin
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MACHINES ET OUTILS. 21»
jusqu'au coulage en une seule pièce, composée d'un alliage de
plomb, d'élain et d'antimoine, des barrettes ou supports d'ai-
guilles, autrefois chassées, rivées au marteau dans de minces
plaques de cuivre; toutes ces idées ou inventions relatées dans
les brevets de Philippe de Girard , comme on l'a vu , et qui ont
réduit la main-d'œuvre accessoire du peignage mécanique
dans le rapport de 5 à 1 au moins; beaucoup d'autres per-
fectionnements de détail encore mis à profit en Angleterre,
mais qu'il serait trop long de citer, sont autant d'utiles, de
précieuses découvertes dues au génie persévérant et à la
science éclairée des constructions de notre célèbre ingénieur,
à qui l'on ne sera guère tenté désormais de reprocher l'im-
perfection de ses œuvres ou son inintelligence en fait de mé-
canique pratique.
Quant au principe d'après lequel le peignage doit s'effec-
tuer par parties, à petits coups, dans l'étendue entière de la
mèche de filasse, au moyen de mouvements circulaires et
croisés de part et d'autre de cette mèche, bien qu'il soit au-
jourd'hui à peu près généralement abandonné à cause de sa
aux roues d'angle, faite par MM. Evans et Decoster, sans prendre garde
qu'il s'était lui-même servi de cette vis dans se* premières machines à pei-
gner, telles qu'elles sont décrites dans un certificat d'additions publié sous
la date de juillet 1810; dispositif auquel il reproche, avec raison, d'entraî-
ner une plus grande perte de travail en frottement. Au surplus, nous n'avons
point ici la prétention de répondre aux nombreuses et injustes critiques
adressées à Philippe de Girard dans des ouvrages (i84o et 1846) bien con-
uus, et qui ont, pour leur part, exercé dans le temps une assez fâcheuse
influence sur l'opinion publique; encore moins s'agit-il d'entreprendre une
biographie étrangère à la filature mécanique du lin , et qui fasse connaître
l'étendue et la portée de son esprit; il me suffira de rappeler qu'on lui doit
la première idée -de la machine à fabriquer les bois de fusils, une turbine
dite à tourbillon, très-curieuse, sans directrices, et pour laquelle il a été
breveté en France en i843, etc., ce^à quoi on me permettra d'ajouter que,
dans ses notes ou mémoires manuscrits, il montre une entente remarquable
des principes qui servent à régler les proportions et les rapports de vitesse
des différentes pièces des machines à filer, et qu'il a notamment expliqué
géométriquement la règle pratique, si bien mise depuis en lumière par
M. Joseph Kœchlin, concernant le rapport à établir entre les degrés de tors
des fils et leurs numéros.
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220 VF JURY.
complication , on ne doit pas moins lui accorder nne grande
valeur, parce qu'il a mis et peut mettre encore sur la voie
d'importantes améliorations dans l'art du peignage.
J'ai déjà signalé les causes générales qui ont fait échouer
la peigneuse oscillante dans les Concours ouverts par la So-
ciété d'encouragement; qu'il me soit permis, avant de termi-
ner, d'ajouter quelques réflexions ressortant des réclamations
mêmes publiées dans le temps par Philippe de Girard, et qui
puissent détruire à jamais le fâcheux effet des critiques et
des pénibles débats dont elles ont été l'origine ou le prétexte :
c'est que la peigneuse soumise au jugement de cette Société
n'était pas précisément celle qu'il avait conçue et exécutée en
Pologne; c'est qu'elle violait en quelques points les prin-
cipes qu'il s'était imposés à lui-même; c'est que, d'un autre
côté, il n'a jamais pu obtenir la rectification des changements
qu'on lui avait fait subir, et d'où il était résulté, très-involon-
tairement sans doute, la formation de nœuds, de boutons,
qu'on enlevait ensuite par un peignage à la main; c'est que,
enfin, la suppression de la machine à battre ou à daguer
devait entraîner, comme conséquence nécessaire, la production
d'étoupes pleines de pailles, d'ordures de «tous genres, et la
nécessité d'un redressement préalable de leurs fibres, dont,
fort mal à propos, on accusait les machines soumises à l'ex-
périence.
Le reproche adressé dans des écrits publics à Philippe de
Girard, de n'avoir pas convenablement proportionné la marche
ou la vitesse des cylindres cannelés délivrèurs des étoupes à
la vitesse des peignes, de manière à éviter le tiraillement
ou l'accumulation de ces étoupes au bas de la machine, ne
mérite guère d'être relevé : c'était là un de ces obstacles
qu'un monteur intelligent fait aisément disparaître. Le véri-
table et principal inconvénient de la peigneuse oscillante de
notre ingénieur, comme de toutes celles qu'il avait précé-
demment inventées, était sans contredit ce concours indis-
pensable de la machine à daguer, et dont il n'a été possible
de se passer que lorsque Wordsworth , adoptant l'ancienne
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MACHINES ET OUTILS. 221
peigneuse à nappes sans fin de Philippe de Girard, eut ima-
giné, comme on l'a vu, de rejeter en dehors ou latéralement
les étoupes au moyen de rouleaux à brosses délivreurs, etc.
Au surplus, si les critiques dirigées contre les machines de
Philippe de Girard ont été parfois mal fondées en principe,
en ce sens qu on n'y faisait pas suffisamment la part au génie
de l'invention, en revanche, et par une sorte de compensation
providentielle, on leur doit incontestablement d'avoir enfin
appelé l'attention si longtemps distraite, pour ne pas dire
hostile, de l'administration gouvernementale de notre pays
sur réminent mérite de notre savant compatriote, à qui l'on
cessa, en effet, de dénier désormais ostensiblement la décou-
verte des deux principes constitutifs de toute filature du lin :
retirage ou redressement parallèle des fibres et leur décollement
à Veau chaude; découvertes pour lesquelles notre laborieuse et
utile Société d'encouragement a, dans une mémorable séance
du mois d'août i842 *, accordé à l'auteur sa grande médaille
d'or, d'après une décision juste et loyale sans doute, mais
étrangère au but du Concours pour lequel elle avait antérieu-
rement fondé un prix très-important. Cette décision tardive,
trop vaguement, trop incomplètement motivée peut-être dans
l'exposé du Rapport, était, par cela même, impropre à dé-
truire de précédentes et fâcheuses impressions, quoiqu'elle
fût une protestation équitable en faveur des droits de la France
à une découverte que, du haut de la tribune des députés, on
avait, en termes vagues aussi, osé revendiquer exclusivement
pour les ingénieurs de la Grande-Bretagne.
D'après cela, on conçoit comment la généreuse initiative
dont il vient d'être parlé ne put, malgré tout le crédit dont
jouit la célèbre Société auprès de notre Gouvernement, faire
taire des préventions déjà bien anciennes, antérieures même à
1 8 1 8, où les machines de Philippe de Girard furent repoussées
1 Voy. t. XLI, p. 388, du Bulletin, le Rapport de feu Olivier, qui fut
aussi chargé, à l'Exposition de i844, des fonctions de rapporteur pour le
même objet, fonctions attribuées par erreur à M. Gambey dans un écrit
postérieur.
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222 VF JURY.
par l'administration française. Un examen approfondi de la
question, des preuves formelles, irrécusables, de la participa-
tion directe et efficace des associés de l'inventeur, de Girard lui-
même, aux prodigieux succès de la filature anglaise du chanvre
et du lin, eussent été indispensables pour détruire enfin toute
prévention et mettre dans leur véritable jour la nature et
Télendue des services que notre savant ingénieur avait ren-
dus à cette belle et vaste- branche d'industrie. Mais, au grand
regret des amis sincères de notre gloire et de notre prospérité
nationales, on a vu, lors du retour de Girard en France en
1 844, cet état de choses persister, malgré la déclaration con-
firmalive de Thonorable rapporteur du Jury de l'Exposition
de cette époque; malgré la nouvelle médaille d'or que lui
décerna ce jury; malgré, enfin, les nombreux et éclatants
témoignages d'intérêt, les attestations et pélitionnements des
hommes les plus éminents et les plus haut. placés dans la
science, l'industrie et même dans l'administration gouverne*
mentale de notre pays.
Philippe de Girard est mort en i845, dans sa 71* année»
c'est-à-dire un an après l'Exposition de 1 844, à un âge où depuis
longtemps l'bomme de génie aurait dû cesser de souffrir de
l'injustice, de la jalousie et de la prévention de ses contem-
porains, sans avoir pu obtenir du Gouvernement l'équitable
rémunération, la simple récompense honorifique des ser-
vices qu'il avait rendus, et qui eussent couronné dignement
pour la patrie uue carrière éteinte bientôt après dans un
état de découragement et d'amertume, dont les tristes effets
né pouvaient être effacés par le généreux dévouement des
hommes placés à la tête de l'industrie linière de la France 1.
Mais il n'est jamais trop tard pour la postérité et notre noble
pays de réparer un aussi cruel et inconcevable oubli, et c'est
dans cet espoir et par tous ces motifs que nous avons jugé
indispensable d'instruire, aussi à fond que le comportent
1 Ils se cotisèrent, comme on sait, en 1 84 5 pour assurer une pension
de 6tooo francs à l'inventeur de la filature mécanique du lin.
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MACHINES ET OUTILS. 223-
notre zèle et dos faibles lumières, un procès qui aurait peut-
être été longtemps encore à se vider, au point de vue tech-
nique et scientifique où nous nous sommes placés I.
CHAPITRE IV.
PROGrIs ACCOMPLIS, JUSQU'A L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE l85l,
DANS LES MACHINES A TRAVAILLE» LE LIN, LE CHANVRE, ETC.
S I". — Résumé concernant les découvertes et revendications de Philippe de
Girard; appréciation rapide des derniers perfectionnements apportés aux
machines à filer, d'après les écrits, les patentes ou brevets anglais et fran-
çais, etc. — MM. HoaUsworlh, Westley, Peter Fairbaim, JVordsworih ,
Lawson, Plammer, Higgins, en Angleterre; André Kœcklin, Nicolas
Schlumbergcr, Scrive, Décos ter, Giberlon, etc., en France.
L'étendue donnée à l'examen des progrès de la filature du .
lin et du chanvre, au. point de vue technique, avant Tannée
i845, est suffisamment justifiée par la haute importance
même du sujet et l'influence, toute spéciale, que cette bran-
che d'industrie a exercée et exercera de plus en plus sur le
développement de notre prospérité nationale. Cet examen me
parait démontrer d'une manière irrécusable que, si les ten-
tatives de soumettre à sec ces matières textiles aux machines
en usage dans la filature du coton ont eu lieu en Ecosse ou
à Dundee quelques années peut-être avant qu'elles ne le
fussent en France, en revanche elles ont reçu des perfection*
nements bien plus rapides dans ce dernier pays, où, stimulé
par d'impérieux besoins, on commença dès 1800 à traiter
ces mêmes matières par des procédés physico-chimiques, qui*
d'abord imparfaits, devinrent bientôt entre les mains de Phi-
lippe de Girard, grâce à une étude approfondie de la texture
de leurs fibres rudimentaires et des moyens mécaniques de
les soumettre à l'étirage, l'origine de la filature en fin, aujour-
1 Ceci, on doit le rappeler, était écrit plusieurs mois avant l'époque où
le Gouvernement de Napoléon III accordait aux héritiers de Philippe de-
Girard une pension viagère de 1 9,000 francs de rentes, à titre de récom-
pense nationale.
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224 VI* JURY.
d'hui encore en usage qnand il s'agit de dépasser les n" de
3o à ko métriques.
Il parait bien démontré, en outre, que ces mêmes procé-
dés par décollement et étirage des longues fibres du lin ou du
chanvre, qui suivirent l'inventeur dans son expatriation en
Allemagne, d'abord incompris et repoussés en France, furent,
à partir de i8i5, importés par des associés infidèles dans la
Grande-Bretagne, et bientôt accueillis avec faveur dans les
ateliers de la ville de Leeds, dont, sous la direction immé-
diate de l'un .de ces mêmes sociétaires et la propre impulsion
de Girard en 1826, ils ne tardèrent pas à développer et assu-
rer l'immense fortune à nos dépens.
Enfin cet examen semble confirmer dé point en point la
véracité des déclarations de l'inventeur, qui, au déclin d'une
vie agitée et laborieuse, ont pu paraître, aux yeux de quel-
ques personnes prévenues, de véritables vanteries, à savoir :
qu'avant i84o et même i844t les Anglais, sauf ce qui con-
cerne le cardage et la filature des étoupes, n'avaient apporté
aucuns changements essentiels aux principes et aux procédés
de filature que lui, Philippe de Girard, avait inventés ou per-
fectionnés successivement depuis 1810; en ce sens, toutefois,
que les procédés et les machines dont ils s'étaient servis jusque-
là, bien qu'améliorés quant au système de construction, *u
dispositif général et à quelques-uns des moyens de solution ,
ne fonctionnaient en réalité, d'une manière utile et avanta-
geuse, qu'en vertu de ces mêmes principes, vis-à-vis desquels,
en effet, desimpies perfectionnements et détails de construc-
tion, tout précieux qu'ils puissent être au point de vue indus-
triel ou commercial, ne sont que d'une importance relative
ou secondaire sous le rapport scientifique et historique du
progrès des idées mécaniques.
Dans cette revendication publique de ses droits, comme
l'ont montré les discussions précédentes, notre regrettable et
célèbre compatriote n'a pas compris divers moyens ingénieux
de disposer le système des bobines et des broches pour éviter,
dans la filature en gros, les fâcheux effets de la torsion des
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MACHINES ET OUTILS. 225
mèches; procédés d'où, j'en ai déjà fait à dessein plusieurs
fois la remarque, serait née la filature dite américaine, aujour-
d'hui encore en usage pour le filage de la laine et du coton.
H n'a pas non plus revendiqué l'idée, à mon sens très-ingé-
nieuse, de la machine à; rubaner et à réunir, les mèches de
filasse au moyen d'auges à sérans mobiles, idée peut-être jus-
qu'ici trop peu appréciée. Enfin, s'il n'a guère été plus affir-
matif à l'égard de ses ingénieux procédés de peignage du lin
et du chanvre, c'est qu'en effet il ignorait, même en i844>"
c'est-à-dire jusqu'à la veille de sa mort; le sort qui leur était
réservé en France et en Angleterre: les tristes vicissitudes
que sa dernière machine à peigner avait éprouvées devant la
Société d'encouragement de Paris n'étaient pas faites d'ail-
leurs pour le rassurer à cet égard , quoique les discussions pré-
cédentes nous autorisent à croire que les arts textiles ne lui
soient guère moins redevables pour l'heureuse initiative qu'il a
prise dans l'établissement des principes essentiels du peignage
mécanique et de ses plus importants organes.
Maintenant il nous resté à examiner quels sont les perfec-
tionnements et les changements que l'industrie linière a reçus
depuis l'année 1 84 5 jusqu'à l'époque de l'Exposition univer-
selle de Londres, en mai i85i.
Constatons tout d'abord que, à partir de l'année i833 ou
i834t le nombre des brevets pris en Angleterre et eu France
pour la filature du lin et du chanvre se multiplia de plus en
plus, et devint, dans les années suivantes, tellement considé-
rable, qu'il serait à peu près impossible d'en suivre avec quel-
que exactitude la marche et les développements, quand bien
même on en aurait le tableau exact et complet sous les yeux;
ce qui est bien loin d'être, puisque la plupart de ces brevets
ne sont point encore expirés, et n'ont pas dans les cata-
logues officiels une énonciation qui mette au moins à même
d'en saisir le but , le sens et la portée véritables. Cependant le
regret sera de beaucoup amoindri si l'on considère que, à
dater de cette même époque, ils n'avaient guère pour objet
que des modifications d'ajustements et de détails souvent très-
VI* JURY. — 2* PARTIE. 1 5
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226 VI* JURY.
insignifiantes au point de vue des progrès mécaniques; ces
brevets servant dès lors de simples annonces ou affiches
commerciales, multipliées à l'infini, par cela même qu'elles
reproduisent des idées déjà connûtes et n'exigent, pour ainsi
dire, aucun nouvel effort d'esprit ou d'invention.
Qu'on me permette, à ce sujet, de faire observer une der-
nière fois que si , sous le rapport des énoncés et titres de bre-
vets, les catalogues français offrent quelque avantage sur ceux
qui se publient en Angleterre et dont la généralité, le vague
est vraiment inimaginable, par contre ils ne sont pas, comme
les patentes anglaises, suivis de publications, d'extraits analy-
tiques qui font connaître, au moins abréviativement, l'objet
sur lequel porte essentiellement l'invention ou le perfectionne-
ment, dont la déclaration explicite, sous le nom de réclame
finale, est également transcrite dans le texte de la patente et
en forme la partie essentielle, celle que ¥ Enrôlaient- office
considère avec juste raison comme constituant le véritable
droit à cette patente. L'absence de cette déclaration se fait mal-
heureusement sentir dans tous nos brevets; elle y serait d'au-
tant plus nécessaire qu'elle deviendrait une indication précise»
une sorte de caveat pour les preneurs de nouveaux certificats,
et qu'elle servirait plus tard à la magistrature elle-même et
aux experts jurés de guide précieux dans la recherche, si
obscure, des droits et des titres de chaque inventeur.
A là vérité, notre administration, guidée par un esprit de
libéralisme et d'intérêt public à certains égards bien entendu,
laisse ou a laissé pendant longtemps prendre des copies et
des calques in extenso des mémoires et dessins qui doivent
accompagner chaque demande de brevet; mais alors il en
résulte le danger de voir les contrefacteurs s'emparer de l'idée
principale de l'invention, la modifier en quelques points, la
perfectionner comme on dit, et par là-même, fort souvent, la
tuer en germe et décourager à tout jamais l'auteur, devenu
tributaire du contrefacteur, quand il n'a pas le déplaisir de se
voir devancer dans les onéreuses démarches nécessaires pour
acquérir le droit d'exploitation à l'étranger, ou qu'il se trouve
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MACHINES ET OUTILS. 227
dépourvu des moyens de soutenir de fâcheux procès dans son
propre pays. Ne serait-il donc pas temps enfin de faire cesser
ce désordre, cette législation barbare qui étouffent, étreignent
trop souvent le vrai mérite, et répandent, comme à plaisir,
dans l'histoire de la science et dans les procédures une obscu-
rité dont l'ineptie et l'esprit de chicane ou de rapine font leur*
indigne profit au détriment des progrès de l'industrie et de la
prospérité nationale.
D'après ces considérations, pour lesquelles je demande
humblement excusé1, on doit s'attendre, dans ce qui suit, à
des aperçus assez vagues surles progrès mécaniques de la fila-
ture du lin et du chanvre dans ces derniers temps; et si Ton
considère qu'il s'agit tout au plus de simples modifications,
de simples perfectionnements apportés aux machines à filer,
on ne sera pas surpris que je me borne ici à ne citer, parmi
les nombreux brevetés ou patentés qui se sont fait enregistrer
. après i83g ou i84o, que ceux que l'on voit briller au premier
rang sous les noms, devenus célèbres, de MM. Houldsworth,
Westley, Peter Fairbairn, Wordsworth, Lawson, Plummer,
Claussen et Marsden, en Angleterre; André Kœchlin, Nicolas
Schlumberger, Scrive-Labbé, Decoster, David Lacroix, Gi-
berton et Heilmann , en France : noms auxquels il faudrait
ajouter la plupart de ceux que j'ai d'abord indiqués pour l'An-
gleterre, puisqu'on les retrouve également brevetés d'inven-
tion, d'importation ou de perfectionnements chez nous.
Quant aux modifications diverses introduites dans la cons-
titution des machines à filer le lin et le chanvre, nous devons,
par les mêmes motifs, nous restreindre aux plus importantes,
à celles que tous les constructeurs de machines et les- dhefs
d'établissements industriels se sont généralement empressée
d'adopter à l'époque actuelle.
Au premier rang, on doit compter les ingénieux perfec-
tionnements qu'on a fait subir depuis 182 4 aux bancs à
1 Je prie le lecteur, encore une fois, de ne point oublier que tout ceci
était écrit au printemps de 18 5a, «Tant les changements survenus depuis
dans la législation des brevets.
i5.
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228 VT JURY.
broches ou continues à mouvements différentiels; perfection-
nements par lesquels on est parvenu à régulariser, d'une
manière pour ainsi dire mathématique, l'étirage, le. tors ou
l'envidement des mèches et gros fils de préparation sur les
bobines; perfectionnements, d'ailleurs, qu'accompagnent au-
jourd'hui, de toute nécessité, les tables à étaler et les peignes
mobiles sans fin , dans le système de filature du lin et du
chanvre. Ces mêmes perfectionnements, d'abord appliqués à
la filature du coton et dont on trouvera un rapide historique
dans les Additions à ce chapitre, ne pouvaient se rencontrer
dans les brevets et procédés de filature de Philippe de Girard T
antérieurs de bien des années à la découverte des premiers bancs
à broches et continues à mouvements différentiels, quoique
déjà il ait revendiqué, dans son mémoire de 18 15 (t. XIX,
p. 3a8, S u), l'emploi d'un va-et-vient pour, l'enroulement
des mèches sur les bobines, et celui de broches à ailettes à
deux branches renversées, creuses et équilibrées, par les-
quelles ces mèches devaient passer, afin , dit-il , de les sous-
traire à l'action de l'air extérieur et de la force centrifuge; dis-
position aujourd'hui généralement admise, mais que l'auteur
présentait alors comme une véritable innovation.
Après les combinaisons mécaniques qui assurent avec une
rigoureuse précision les excursions et mouvements relatifs
des bobines et des broches des métiers à filer, au moyen de
crémaillères régulatrices à échappements alternatifs, de tam-
bours coniques à courroie sans fin glissante, de plateaux, de
cônes tournants à roulettes ou disques de friction, cheminant
du grand cercle vers le centre ou sommet, et remplacés bientôt
pardes rouages à mouvements différentiels , etc. ; après , dis je ,
ces remarquables combinaisons, viennent, les. modifications
heureuses que MM. Peter Fairbairn et Nicolas Sehiumberger
ont fait subir au banc d'étirage à vis directrices des peignes,
pour en solidifier, simplifier les diverses parties , et notamment
pour diminuer les intervalles par lesquels le ruban de filasse
arrive des cylindres fournisseurs à ces peignes ou de ceux-ci
aux cylindres étireurs; objet, comme je l'ai dit, de la plus
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MACHINES ET OUTILS. 229
haute importance pour éviter la déviation et le rebroussement
des fibres, source subséquente des barbes et boutons, dans le
filage en gros ou en fin.
Je citerai encore la substitution des commandes de broches
par engrenages à celle des chaînes, des cordes ou courroies,
employées jusqu'en i833, même dans les filatures de coton,
malgré les tentatives déjà anciennes de James White , substi-
tution dont il me serait actuellement impossible d'indiquer
le premier auteur, mais dont, à coup sûr, les principaux et
essentiels perfectionnements sont dus moins encore aux ingé-
nieurs ou constructeurs de la Grande-Bretagne, en général
peu soucieux de l'épargne sur la force motrice, qu'à ceux de
notre propre pays, en tête desquels paraissent s'être placés,
dans le Haut-Rhin, MM. Dollfus-Mieg, André Kœchlin, Jé-
rémie Risler, Saladin, Léopold Muller, etc., devancés peut-
*tre, mais sans succès bien constatés, par les constructeurs de
la Belgique, qui, les premiers aussi, auraient fait usage, en
i832\ de cônes ou poulies à expansion, dont l'idée mère,
comme on l'a vu, doit être attribuée à Philippe de Girard.
M. Muller notamment, l'habile constructeur de machines de fila-
tures à Thann , mentionné par anticipation au sujet des articles
de quincaillerie exposés à Londres en i85i 2, M. Muller est ar-
rivé l'un des derniers5 dans cette voie si importante du progrès
mécanique; mais, en s'occupanl principalement du perfection-
nement des broches et fuseaux à engrenages d'angle obliques t
pour les m'ule-jennys et les continues à tordre, il a su vaincre ,
je le répète, avec une remarquable simplicité de moyens, les
principales difficultés,- qui consistent dans les vibrations et la
suspension, en cas de rupture des fils, du mouvement rota-
1 Consultez, à ces divers sujets, la page 35a de l'ouvrage de M. Àlcan,
•et plus particulièrement, à la page 47a du tome XXXIX du Bulletin de la
Société £ encouragement, une notice historique sur le banc à broches par
M. Thierry, notice extraite du 59* Bulletin de la Société industrielle de
Mulhouse, et sur le contenu de laquelle nous aurons à revenir pluà tard.
1 Voyez les pages 86 et 87 de la première Partie.
• Brevet du 8 février 1848.
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230 VP JURY.
toire des broches ou fuseaux pendant la marche même de
leur roue d'angle motrice.
On sait combien la substitution des engrenages aux cordes
et courroies, déjà étendue dans ses applications aux machines
à filer la laine et le coton, est. favorable au point de vue de
la réduction des pertes de travail moteur et de l'extrême régu-
larité de la rotation des broches, que réclame aujourd'hui
la perfection du système différentiel de M. Houldsworth, où
aucun mouvement n'est livré au hasard. Les expériences
faites à Mulhouse par M. Klippe, et ailleurs, ont effective-
ment prouvé que la réduction du frottement pouvait s'élever
du tiers à la moitié de la valeur qu'il avait dans l'ancien sys-
tème ; et j'ai eu par moi-même l'occasion de constater expé-
rimentalement que ces avantages se reproduisent également
dans les mule-jennys, à engrenages obliques, fort bien cons-
truites par M. Brunot, de Rethel, d'après le très-simple et très-
ingénieux système de M. Léopold Muller. Enfin, et quoiqu'il
s'agisse ici plus particulièrement de machines à filer la laine
et le coton, on peut dire, d'une manière générale, que les
améliorations introduites dans de telles spécialités ne tarderont
guère à l'être dans toutes les autres; or c'est précisément là,
comme je crois en avoir déjà fait la remarque , ce qui rend
aujourd'hui si difficile, pour ne pas dire impossible, la dis-
cussion des titres de chaque constructeur aux inventions et
aux perfectionnements divers relatifs à l'établissement de
machines où l'esprit d'imitation, l'entraînement, le goût, la
mode même du jour, ne sont pas aussi étrangers qu'on pour-
rait être tenté de le croire à la rapide propagation des idées
et des progrès mécaniques.
De nouveaux essais ont eu lieu dans lesquels les engrenages
• coniques, tantôt droits selon le système de Rœmer ou deLahire,
tantôt obliques selon le système ingénieux de Hooke et de
White 1, ont été remplacés dans des continues en fin exposées
1 En citant, a dif erses occasions, l'ingénieux système des engrenages
obliques, généralement attribué en France à James White, de Manchester*
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MACHINES ET OUTILS. 231
en i85i, à Londres, au moyen de cônes à surface lisse agissant
par simple contact et garniture de caoutchouc. Mais, en raison
de f inégale usure des surfaces et de l'énorme pression sur les
axes nécessaire à l'engrènement relatif, on ignore encore ce
que produiront ces tentatives diverses de perfectionnement.
La disposition des broches et des bobines elle-même a subi
un grand nombre de changements ou perfectionnements de
détails, variables avec le. système adopté par chaque cons-
tructeur, mais dont aucun, jusqua présent, n'a obtenu une
préférence exclusive, et qu'il soit par conséquent à propos
de mentionner ici. Il suffira de constater, en général, que la
longueur de ces broches a été réduite et leur vitesse de plus
en plus augmentée; ce qui, d'après* une remarque déjà faite
à l'occasion des moulins à organsiner la soie, etc., est indis-
pensable pour donner le tors que réclament les fils de lin ou de
coton dans les numéros très-élevés, où, grâce aux divers per-
fectionnements ci-dessus, l'on a poussé jusqu'à 5,oop et même
6,000 le nombre des révolutions des bobines par minute,
sans trop donner lieu aux ruptures, vrillements et enroule-
je n avais passons les yeux la revendication très-explicite que, à la p. 53,
n* 68, de ses Principlee of mechanisrn (184 1) , M. Robert Willis en a faite
en faveur du D* Hooke, qui l'aurait produite devant la Société royale de
Londres en 1 666 , comme ayant pour but spécial de remplacer le glisse-
ment dans les engrenages par le roulement mutuel des surfaces obliques de
dents en contact La solution de James Wbite est, comme on sait, contem-
poraine de l'Exposition française de 1801; il l'aurait décrite ensuite dans ses
Ccnlwry of inventions (1822 ). Quant aux recherches de feu Olivier à ce sujet,
elles datent seulement de 1826, et 1 ont conduit à la machine à tailler les
dents qui: se voit au Conservatoire des arts et métiers de Paris, machine
mentionnée à la page 5i de la première Partie de ce travail comme ayant .
précédé celle de MM. Bréguet et Boquillon, en 1861. Mais il ne faut pas
confondre ces diverses solutions avec celle qui se rapporte au système des
engrenages à dentures obliques et croisées dont on se sert depuis quelque
temps dans les machines de Glatures, pour le cas particulier ou les axes des
deux roues, sans être convergents, passent néanmoins à une très-courte
distance l'un de l'autre; ce qui revient à substituer la considération des
byperboloîdes de révolution à celle des cônes droits. ordinaires, comme l'in-
dique M. Willis à l'art. 67, p. 52, de son ouvrage, sous le nom de Sfow
btvils, ou comme il fa (ait plus généralement encore à la page 35 , art 45.
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232 VI* JURY.
ment* des fils sur les broches, qui sont la conséquence des
vibrations et des variations de la vitesse relative imprimée à
ces broches et aux bobines. Enfin il n'est pas sans intérêt
d'ajouter, au point de vue historique, que le nombre des bo-
bines elles-mêmes et des broches a été augmenté sans em-
barras ni inconvénients quelconques du simple' au double
pour une étendue donnée des métiers en gros ou de prépara-
tion, dont, à cet effet, on a doublé les rangs pour une même
face, comme on en a vu un exemple à l'Exposition de Londres,
dans la collection des machines à filer le coton de M. John
Mason : de telles dispositions, réalisées par d'habiles construc-
teurs, offrent un avantage évident sous le rapport de l'économie
de%la construction, des frais de surveillance, etc.
On se rappelle les reproches adressés en 1818 par les com-
missaires du Gouvernement français aux procédés de filature
du lin de Girard , en raison de la masse d eàu qu'on y employait
et qui aujourd'hui est restée la même à peu près. Afin de
remédier autant qu'il est possible .aux inconvénients de la
projection de l'eau par les bobines, on a d'abord habillé les
rattacheuses de vêtements, de tabliers imperméables, aux-
quels on a depuis substitué, en avant de chaque rangée de
bobines, une planche en talus, de zinc ou de fer-blanc, qui
rejette la plus grande partie des eaux vers l'intérieur du mé-
tier, d'où elles s'écoulent par une gouttière ou rigole infé-
rieure. D'un autre côté, on a aussi perfectionné la table à
étaler servant à échelonner les poignées de lin soumises aux
rouleaux alimentaires des peignes étireurs; table qu'on a
munie d'un cuir sans fin dont le dispositif actuel est attribué
en Angleterre à M. Westley, lequel, selon Andrew lire, en
aurait le premier fait usage en 18 ! 9 à la filature de Hunslet,
près de Leeds, où il remplaça avantageusement, dit-il, l'ancien
système du pays, très-pénible pour les ouvriers, et dont les
services mêmes attestent la supériorité des procédés de fila-
ture du lin créés par Philippe de Girard longtemps avant cette
époque. Enfin, pour accroître la production, on a augmenté
l'épaisseur et la largeur des nappes de filasse présentées aux
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MACHINES ET OUTILS. 233
peignes étireurs, en même temps, comme on Fa vu, qu'on
augmentait, dans les machines à filer, le nombre, la vitesse
rotatoire des broches et des bobines, ainsi que la pression des
cylindres lamineurs ou étireurs, primitivement trop faibles
dans les machines de notre illustre ingénieur.
Quant aux modifications que Ton a fait subir aux procédés
de la filature du lin, afin d'éviter les inconvénients inhé-
rents à la torsion permanente des mèches dont cet ingénieur
s'est tant préoccupé, comme on l'a vu, je citerai tout d'abord
les tentatives par lesquelles M. Decoster se proposait, en i846,
d'étendre l'application du système des peignes à vis jumelles
au dernier étirage à sec des mèches ou gros fils; tentatives alors
accueillies avec faveur dans quelques écrits sur la matière,
mais qu'on ne rencontre guère aujourd'hui dans les établisse-
ments consacrés à la filature du lin et du chanvre l. <
D'autre part, on se le rappelle, pour atteindre ce même but,
qui ne tend à rien moins qu'à supprimer l'intermédiaire du
banc à broches , Philippe de Girard avait eu l'idée "de faire
passer la mèche de lin sortant des cylindres étireurs et du
peigne sans fin au travers de deux tubes dont le dernier servait
à la tordre et détordre alternativement, pour la livrer ensuite
à des bobines horizontales douées d'un mouvement de va-et-
vient par lequel elle s'enroulait en zigzags; système, je le re-
marque pour la dernière fois , imité bientôt dans les filatures de
laine et de coton. Or l'inventeur de l'étirage à vis , M. Westley,
a' eu dès avant i845, si l'on en croit le Supplément au dic-
tionnaire du docteur Ure , l'heureuse idée de substituer au
système à tube dont il s'agit une cuvette à eau froide, dans
laquelle la matière gommeuse qui unit les fibres élémentaires
du lin se ramollit légèrement; de faire passer ensuite la
mèche sur un f cylindre creux en fonte polie, chauffé par un
jet de vapeur, qui, en séchant les fibres, leur donne assez de
cohésion pour qu'elles puissent être enroulées en zigzags sur
1 Comme on le verra dans le chapitre relatif à la fabrication mécanique
îles cordages, M. Decoster a tiré un excellent parti de cette idée pour la
filature du fil de caret.
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234 VT JURY.
la bobine horizontale également mentionnée , et de là passer
au banc à broches à filer en fin. Mais comme la mèche risque-
rait de se déformer dans l'intervalle qui sépare la cuvette du
rouleau sécheur , et pourrait finir par adhérer à celui-ci si elle
s'y enroulait à la même place, la cuvette est suivie d'un couple
de cylindres lamineurs doués eux-mêmes d'un mouvement
de va-et-vient dans le sens de leurs axes parallèles.
Ce procédé, qui rappelle, à certains égards, ceux déjà em-
ployés au filage des laines longues, ou mieux encore au filage
à froid des cocons de soie sur les asples ou tavelles, ce pro-
cédé, s'il dispensait réellement de recourir au banc à broches
en gros, s'il donnait des bobines de préparation où les mèches,
sans torsion, ne pussent, dans leur croisement réciproque,
adhérer entre elles et mettre obstacle à leur étirage ou filage
en fin ultérieur; s'il pouvait effectivement, et sans ralentir par
trop la vitesse des bobines ou rouleaux d'envidement de ces
mèches, dispenser, pour les numéros élevés, de l'emploi de
l'eau à des températures aussi nuisibles à la santé des ouvriers ;
ce procédé, enfin, que l'on a vu fonctionner à l'Exposition
de Londres, et qui faisait partie de la belle collection de ma-
chines offerte aux regards du public par MM. Lawson , Samuel
et fils, ce procédé, dis-je, serait, à coup sûr, suivant l'expres-
sion du D* lire, l'une des plus précieuses conquêtes des facto-
reries anglaises dans le filage du lin et du chanvre.
Malheureusement son introduction dans ces mêmes facto*
reries, déjà tentée sur une vaste échelle, et, à ce qu'il paraît ,
sans grandes chances de réussite, par MM. A. Russel, à Kir-
laldy, est trop récente encore pour que l'opinion sur sa
valeur industrielle puisse , quant à présent, être complètement
fixée; et il se passera bien des années, sans doute, avant
qu'elle se soit assez répandue et fortifiée dans la Grande-
Bretagne pour, après l'avoir enrichie» nous revenir sur le
continent, mûrie et perfectionnée de manière à inspirer une
entière confiance à nos capitalistes. Remarquons toutefois
qu'un brevet de perfectionnement pris en novembre i84$
par M. Giberton de l'Indre, s'il n'est pas la simple reproduc-
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MACHINES ET OUTILS. 235*
tion des idées de M. Decoster, semblerait indiquer, par son
titre même, qu'on s'occupait également chez nous, vers cette
époque, d'une question qui tend à débarrasser la. filature du
lin , dans les numéros supérieurs à 3o ou &o kilomètres au kilo-
gramme, de l'un de ses plus graves inconvénients pratiques.
Quant au banc d'étirage à l'eau froide de MM. Lawson père
et fils, de Leeds, banc fonctionnant avec une excessive lenteur
sur des lins d'une très-belle qualité , il ne constituait qu'un bien
faible échantillon des machines, au nombre de 16, que ces-
habiles constructeurs exposaient à Londres, et qui formaient
pour le lin' et le chanvre le pendant de celles de MM. Hib-
bert et Platt pour le coton. Parmi ces machines , on distin-
guait, entre autres, une table à étaler, un étirage à double
reprise, des bancs à broches en fin, des continues opérant à
sec le filage dçs étoupes, etc. L'assorlimeût, également com-
plet, exposé par MM. Higgins et fils, de Manchester, composé
de machines à filer le long lin , toutes parfaitement construites ,
n'offraient aucun perfectionnement qu'il soit ici nécessaire de
citer exceptionnellement.
Enfin, parmi les machines, en très-grand nombre, appar-
tenant à la catégorie qui nous occupe, et où ne figuraient celles
d'aucun constructeur étranger à l'Angleterre, on remarquait
encore, à l'Exposition universelle, les modèles, également
fonctionnant, de machines à teiller, peigner, couper le lin et le-
chanvreî machines qu'il ne serait pas opportun de mentionner
dans ce paragraphe, mais sur lesquelles je ne manquerai pas
de revenir dans l'un des suivants.
S IL — Machines spécialement employées dans le peignage du chanvre, eut
lin et de leurs étoupés, vers l'époque de l'Exposition universelle de
Londres. — MM. Tajlor et Worâsworih, Marsden, Lawson, etc. ; MM. Plum-
wwr et Robert* , à NewcasUe ; Lacroix, à Rouen ; îkcoster, à Paris ; Marshall,.
PeUr Fairbairn, à Leeds; Robinson, Newton, etc. — MM. Lawson, Samaet
et fils à l'Exposition de Londres; MM. Schlumbcrger et Bourcart précé-
demment à celle de Paris, en 1849 « etc*
La préparation du lin et du chanvre par machines a sur-
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236 VP JURY.
tout préoccupé, dans ces derniers teipps, les ingénieurs et
constructeurs mécaniciens de la Grande-Bretagne. Parmi les
peigneuses encore en usage aujourd'hui (i85a) dans ce pays
et en France, on distingue plus particulièrement celle de
MM. Taylor et Wordsworth, à nappe verticale sans fin ou à
double cylindre, dite circulaire., avec plan incliné et coulisse
servant à guider les pinces ou preneurs de la filasse : ces ma-
chines sont principalement employées pour les lins courts ou
coupés, et nous en avons déjà donné une idée comme offrant
autant de perfectionnements de celles autrefois imaginées par
Philippe de Girard. Mais ce sont surtout les peigneuses cons-
truites dans l'un et l'autre système par M. Marsden, de Salford,
près Manchester, et pour lesquelles il s'est fait breveter en An-
gleterre et en France dans les années i848 et 1849, qui jouis-
sent en ce moment de la plus grande faveur, à cause de la
manière expéditive dont elles fonctionnent sans trop énerver,
endommager la filasse, ni par trop multiplier ou diviser les
étoupes, etc. .
On a pu prendre tin aperçu de ces diverses peigneuses dans
les belles collections de machines à travailler le lin exposées
à Londres , en 1 85 1 , par M. Lawson , d'une part , et , de l'autre,
par MM. Plummer.et Robérls, de Newcastle, qui ont intro-
duit de légères modifications dans un système attribué égale-
ment à M. Marsden, et contre lequel luttent d'ailleurs, non
sans quelque succès, en France, les peigneuses, un peu lourdes
ou lentes, de M. Lacroix, de Rouen.
Ajoutons à cette courte notice que lés principaux change-
ments ou améliorations apportés aux premières idées de Phi-
lippe de Girard consistent dans l'emploi d'un système de cou*
lisses ou de porte-pinces à mouvement de va-et-vient vertical et
horizontal, par crémaillère ou par châssis à bascule oscillant,
et servant à engager plus ou moins la filasse entre les nappes de
peignes, de manière à la faire passer progressivement des
aiguilles les plus grosses aux plus fines, etc., en imitant, en
quelque sorte, tous les mouvements que les séranceurs habiles
exécutent à la main, tout en disposant le système, comme
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MACHINES ET OUTILS. 237
cela a lieu particulièrement dans la machine à nappe sans fin
horizontale de sérans attribuée au même M. Maipden, de façon
que le retournement des pinces s'opère à la fin de chaque
course, ou de distance à autre,, d'une manière purement auto-
matique, etc.
On doit également à M. Plummer, l'un des exposants de
la VI0 classe à Londres, l'idée de garnir en gatta- percha les
pinces [holders) que. Philippe de .'Girard composait de. lames
de- bois dentelées, et qui avaient, à ce qu'il parait, le grave
inconvénient d'énerver les fibres du lin, malgré leur remar-
quable élasticité. Ici, d'ailleurs, les pinces sont formées de
deux brides droites en fonte de fer, emboîtées l'une dans
l'autre, pressées contre les fibres transversales et étalées du
lin , au moyen d'une vis centrale dont la manœuvre n'est
pas moins rapide que celle des coins à levier, dus à notre
compatriote, mais qui exige, de. la part des hommes de
manœuvre, une dépense, de force que' M. Dçcoster a su
habilement leur épargner par un. va-et-vient pressçur dont le
mouvement se trouve lié à celui de la machine même.
D'un autre côté, c'est encore à M. Plummer, comme le
montrera l'article teillage, que l'on doit de remplacer en partie
les aiguilles peu flexibles des peignes ou sérans par les brins
élastiques des poils de sanglier, des fanons de. baleine, etc.,
lesquels fatiguent beaucoup moins les fibres du lin et leur
donnent un lustre, un brillant qui a été admiré dans les
échantillons exposés par cet industriel.
H y a déjà bien longtemps, au surplus, qu'en désespoir
de cause, mais pour rendre le peignage à fond possible sans
trop de déchet, et pour faciliter même par le rapprochement
des têtes d'étirage le filage en fin ou à l'eau chaude du lin
ou du chanvre, tout comme pour effectuer le triage des qua-
lités diverses contenues dans les tiges ou fibres naturelles, on
en est venu à couper les mèches entières de ces fibres, telles
qu'elles sortent de l'opération du teillage, en deux ou trois
parties pour le lin, et jusqu'en cinq pour le chanvre, au
moyen d'un disque ou volant en fonte vertical armé d'épaisses
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-238 VI' JURY.
dents arrondies et obliques qui viennent agir non pas, comme
dans les anciennes machines à faux, pour trancher les fibres
sans déchirures, perpendiculairement à leur longueur, ce qui
leur était toute aptitude à se marier avec d'autres par les bouts
tranchés, mais bien pour les rompre inégalement au moyen
du choc, en les engageant entre deux couples de disques
lamineurs horizontaux placés parallèlement à chacun des
•côtés verticaux du volant coupeur à mentonnets obliques.
Cette innovation, peu favorable, certes, à la ténacité des
fils, et qui rappelle les anciennes et malheureuses tentatives
de Berthollet, Molard et Bawens, s'est introduite dans les
ateliers anglais à une époque qui paraît remonter au delà de
i83o, où déjà elle était devenue, pour ainsi dire, générale;
-elle a dû amener de nouvelles modifications ou appropria-
tions dans le système des machines à peigner, et c'est encore
•à MM. Marsden et Lawson, auxquels sont venus se joindre
bientôt les constructeurs anglais Lord et Brook, que ces modi-
fications sont principalement dues l.
Dans les machines dites excentriques, du premier de ces
constructeurs notamment, machines qui rappellent un peu
f ancien système anglais de Robertson ou Peters, les peignes
sont fixés à l'extrémité des bras articulés d'un volant mobile
autour d'un axe horizontal muni, à une extrémité, d'un excen-
trique circulaire à anneau tournant librement dans une gorge
fixe, pareille, et communiquant à ces petits bras porte-pinces,
d'après un système qui rappelle celui des roues à rames
articulées du bateau établi vers 1826 par M. Cochot, sur
la Seine, à Paris2, c'est-à-dire par des tiges ou bielles arti-
culées avec l'anneau, un mouvement de rotation sur eux-
mêmes, indépendamment de celui de leur transport circulaire
<et général , d'avance ou de recul , de manière à imiter la main
du séranceur sur la nappe de filasse suspendue verticalement
1 D'après ce qu'a bien voulu me communiquer M. Feray, d'Essonne,
M. Marshall, de Leeds, en aurait, de son côté, fait usage pour le lin dès
i8i5 ou 1896.
Bulletin de la Société à* encouragement, t XXXIII , p. 3» pi. 715.
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MACHINES ET OUTILS. . 239
entre les deux volants opposés de la machine; système qui,
d'un autre côté, rappelle aussi celui de la dernière peigneuse
de Philippe de Girard, mais est beaucoup plus compliqué
encore, et où les peignes sont, comme dans la plupart des
machines précédentes, débarrassés de leurs étoupes au moyen
de brosses montées sur un cylindre qui, dans sa rotation
constante, les transmet directement à un dernier tambour
garni de cardes, etc., selon encore le système de Philippe de
Girard et de Wordsworlh.
Ces dernières machines, dit-on , peignent le lin plus à fond,
mais sont plus coûteuses et marchent moins vite, et c'est
pourquoi on les réserve pour les numéros très- uns ou qui
exigent une grande perfection de peignage. Il existe un bon
nombre d'autres machines à peigner, connues sous les noms
de P. Fairbairn, Robrnson, Newton, etc.; mais elles ne se
distinguent de celles que nous avons déjà citées par aucune
idée vraiment originale , chaque constructeur ayant, pour ainsi
dire, la sienne propre, ainsi qu'on l'a déjà fait observer, et la
dernière venue étant presque toujours, sans molif bien plau-
sible, celle que l'on préfère. Or cette variété même suffirait
pour prouver, si d'ailleurs le témoignage des plus habiles fila-
teurs ne venait l'attester, que l'on est loin encore d'avoir
atteint le but de tout peignage mécanique du'lin et du chanvre,
soit pour la longue filasse, soit même pour la filasse courte ou
coupée en plusieurs parties.
Cela est si vrai que dans le premier cas, celui du filage en
toute longueur, on a presque toujours recours au sérançage
à la main , sans même en excepter les grands ateliers de fila-
ture, et que, dans le second cas, on s'en sert fort souvent aussi
pour terminer le peignage , dont les procédés mécaniques
auraient eu, à ce qu'on prétend, pour objet principal, du
moins en Angleterre et à l'origine, de soustraire ces mêmes
ateliers aux effets des mutineries ou du mauvais vouloir des
ouvriers. Mais il n'en est pas moins évident que la filature en
fin du 'lin ou du chanvre , quelque éloge qu'on prétende lui
donner au point de vue mécanique, est aujourd'hui encore
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240 . W JURY.
(i85a) demeurée dans un état d'infériorité relative incon-
testable par rapport à celle 'de la laine ou du coton , et ré-
clame par-là même le concours et les efforts des plus habiles
mécaniciens.
Des machines à peigner la longue filasse du lin et du
chanvre, nous. sommes naturellement. conduits aux machines
à carder et à filer les étoupes, dont jusqu'ici je n'ai, pour
ainsi dire, parlé qu'accidentellement, et qui offrent, comme
on le sait , avec lés machines précédantes cette analogie, qu'elles
ont aussi pour objet le redressement parallèle et, jusqu'à un
certain point, la subdivision des fibres échappées à la pré-
cédente action des aiguilles de sérans.
Dans les premiers essais de filature à sec du lin et du
chanvre faits en France et en Ecosse, on se servait, en effet,
sans modifications essentielles, des procédés de cardage rela-
tifs aux fibres courtes et sensiblement égales du coton , je veux
dire de tambours à aiguilles de cardes ployées et embouties
à la manière ordinaire, alors d'un assez faible diamètre, mais
tournant, en revanche, avec une très-grande rapidité pour acti-
ver la production ; ce qui donnait à la force centrifuge une
énorme prépondérance pour détacher, lancer au dehors les
fibres lisses et à peu près droites, que disputaient à ces tam-
bours d'autres cylindres alternativement fournisseurs et débour
reurs, travailleurs et délivreurs. On parvenait ainsi à briser,
lacérer en tous sens, les longs filaments du lin et du chanvre,
aies redresser peu à peu, puis à en former une. nappe plus
ou moins floconneuse, dont les fibres, enchevêtrées, repliées
entre les dents crochues des cardes, contenaient une infinité
de boutons ou nœuds que les cylindres cardeurs venaient enfin
rompre et lacérer à leur tour. C'est «là ce qui expliquent jus-
tifie, pour ainsi dire , le pronostic fâcheux de M. Bardel sur la
filature des étoupes, dans son rapport à la Société d'encoura-
gement précédemment cité.
De là aussi les tentatives de Philippe de Girard pour peigner,
redresser les étoupes au moyen de tambours à aiguilles droites
ou obliques, mais également inclinées sur ces tambours, mu-
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MACHINES ET OUTILS. 241
nis ou non de tringles expulsives, etc. Toutefois, la lenteur de
mouvement du tambour chargé de la filasse cardée; la diffi-
culté d'enlever à la main la nappe ainsi obtenue; la néces-
sité de lui faire subir une série d'opérations, semblables sur
des tambours à aiguilles de plus en plus fines et resserrées;
ces circonstances, dis je, suffisent évidemment pour expliquer
la faiblesse des résultats obtenus par cet ingénieur et le yice
radical inhérent à ses premières tentatives de fabrication :
car les fibres des étoupes une fois convenablement redressées
et alignées par nappes bien égales de largeur et d'épaisseur,
le reste des opérations du rubanaga et de l'étirage, dont il
a découvert le principe, n'offrait plus de difficultés bien
sérieuses pour la filature, grossière à laquelle on réservait, en
quelque sorte exclusivement, les étoupes et le chanvre jusque
dans ces derniers temps , même dans les ateliers modèles de
M. Marshall, à Leeds.
Comment donc s'est opérée cette remarquable et utile
transformation qui a permis de filer, de nos jours, les étoupes
dans des numéros relativement fort élevés? La chose est bien
simple : tout en conservant aux aiguilles du tambour cardeur
la forme rectiligne et légèrement oblique qui en constitue de
véritables peignes auxquels Jes aiguilles analogues des cy-
lindres travailleurs enlèvent les étoupes en les étirant suivant
une proportion dépendant de la différence des vitesses, on
a, de proche en proche, été conduit à agrandir de plus en
plus le diamètre de ce tambour, surtout pour les cardes dites
briseuses. Or, non-seulement cela a permis de distribuer sur
le pourtour entier de sa circonférence un plus grand nombre
de cylindres étireurs et délivreurs, partagés en deux ou trois
groupes produisant autant de qualités d'étoupes longues,
courtes ou moyennes, mais cela a encore permis de soustraire,
dans une notable proportion, la filasse distribuée le long de
ce pourtour à l'éparpillement dû à l'inertie de la matière ou
à la force centrifuge, tout en conservant la même vitesse tan-
gentîelle au travail des peignes cardeurs.
De là aussi la possibilité de redresser de plus en plus, dans
if jubt. — a* PART». 1 6
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242 VI* JURY.
le sens radial ou normal, les aiguilles du tambour cardeur;
tendance manifeste dans les récentes constructions, mais sur
l'opportunité de laquelle on discute encore. En d'autres termes,
l'agrandissement indéfini du diamètre permet de réduire
en même proportion la vitesse angulaire ou le nombre des
révolutions en un temps donné, et il rapproche d'autant les
tambours cardeurs des peigneuses à nappes sans fin et planes ,
tandis que les cylindres étireurs ou travailleurs , animés d'un
mouvement rotatoire plus rapide, tendent, en vertu même de
l'inertie, à rejeter avec une certaine énergie les fibres des
étoupes sur le grand tambour; ce qui n'offre aucun inconvé-
nient physique, tout au contraire.
Si l'on ajoute à toutes ces données que les tambours ont
reçu assez de largeur pour que plusieurs rubans d'étoupes,
correspondant à autant de bandes de cardes, viennent se dé-
poser respectivement dans des pots ou bidons, d'où ensuite
ils doivent être soumis à la carde en fin ou finisseuse de
moindre diamètre, après avoir été réunis ou juxtaposés par
groupes, dans une machine nommée doableuse, qui les trans-
forme en larges nappes autour d'un même rouleau; si, je le
répète, on considère avec soin tout cet ensemble d'ingénieuses
combinaisons, on concevra sans difficulté les avantages des
colossales cardes à étoupes que MM, Lawson, Samuel et fils,
patentés en i84i , sont venus offrir à l'admiration du public
dans l'Exposition universelle de Londres; machines aux-
quelles ne le cèdent en rien , si je suis bien informé, celles que
MM. Schlumberger et Bourcart avaient eux-mêmes présentées
au jury de l'Exposition française de i844* d'après le système
anglais généralement attribué au célèbre Peter Fairbairn , de
Leeds, déjà tant de fois cité, système dont il serait sans doute
bien difficile de désigner, comme pour divers autres procédés
mécaniques, le véritable et primitif inventeur, s'il en existe
un bien caractérisé, et s'il n'est pas arrivé ici encore que des
idées plus ou moins heureuses, mais congénères, et prove-
nant de sources distinctes, soient venues, pour ainsi dire,
se modifier réciproquement, se superposer en se corroborant
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MACHINES ET OUTILS. 243
les unes les autres. Ce qui paraît à peu près certain, c'est
que les perfectionnements successifs du cardage et du filage
des étoupes ont pris naissance principalement dans les ate-
liers de MM. Marshall père et fils, à Leeds, dont, comme on
Ta yu, ils ont contribué pour une forte part à assurer le
renom industriel et l'immense fortufle.
Est-ce là le dernier mot du cardage ou plutôt du peignage
des étoupes, et, en général, de toutes les matières textiles
plus ou moins courtes et mêlées? Je ne le pense pas: les pei-
gneuses diverses à cardes, à barrettes et sérans mobiles sans
fin, à tambours, etc., opérant à sec sur le lin et le chanvre,
donnent lieu , comme les machines mêmes à teiller ces ma-
tières encore brutes, à des émanations et poussières très-
nuisibles à la santé des ouvriers; ce qui oblige, malgré la
grande variété de leur forme et fonctionnement , à les reléguer,
pour ainsi dire pêle-mêle, dans des locaux séparés, entière-
ment fermés, vers le bas, très-élevés il est vrai, mais non
suffisamment aérés et éclairés par le haut; véritables cavernes
voûtées où il est comme impossible de respirer longtemps
sans danger, et où Ton n'a jusqu'ici rien tenté d'efficace, même
en Angleterre, si je ne me trompe, pour établir dans les
ateliers, et encore moins dans chaque machine considérée
isolément, des moyens de ventilation un peu puissants, et
tels cju'on en rencontre dans les machines à ouvrir, battre
et carder le coton; moyens dont le manque, ici absolu, est
bien autrement dangereux peut-être que la nécessité où se
trouvent d'autres ouvriers de vivre dans l'atmosphère h,umide
et chaude des ateliers de filage mécanique en fid du chanvre
et du lin.
Il est évident qu'un pareil état de choses ne saurait long-
temps subsister sans les plus graves préjudices, et sans pro-
voquer des réclamations universelles à cette époque de philo-
sophie philanthropique, progressive, sociale et humanitaire
où nous vivons.
Les machines à peigner le lin dur et le chanvre elles-
mêmes, d'un travail si grossier et si rude qu'elles entraînent
16*
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244 VT JURY.
ud déchet presque équivalent au poids de la matière utilisée,
attendent une réformation tout aussi radicale, et qui déjà se
fait sentir dans le démêlage et l'affinage des matières textiles
à fibres beaucoup plus courtes, telles que certaines bourres
de soie, les étoupes, la laine et le coton même, à longs et
courts brins mélangés. Je n'en veux pour preuves que les ré-
centes tentatives de MM. Schlumberger et Bourcart pour
approprier à ce même peignage l'admirable découverte d'un
autre de nos compatriotes, presque aussi malheureux et non
moins digne de regret que Philippe de Girard; je veux dire de
Josué Heilmann , l'ex-secrétaire et vice-président de la Société
industrielle de Mulhouse, dont j'ai déjà rapidement mentionné
quelques travaux , mais sur les plus importants desquels j'ai
cru devoir revenir d'une manière explicite dans une note spé-
ciale placée à la fin de ce chapitre, parce que, bien qu'ils con-
cernent de nouvelles machines à peigner, ils ne s'y rattachent
jusqu'ici néanmoins qu'indirectement et appartiennent encore
plus aux fibres courtes de la laine et du coton qu'à celles du
chanvre et du lin proprement dits.
S III. — Machines à teiller le chantre et le lin. — Tentatives anciennes
de BraUe, Molard et Curaudau, en France; de James Lee, Samuel HiU,
William Bandy, etc., en Angleterre. — Tentatives 'plus récentes de
MM. Christian père, André Delcourt, Lorillard, Laforest, Robinson*
Schenks, Bernard et Koch, etc., etc. — MM. Robert Plummer et Marshall
à l'Exposition universelle de Londres.
Malgré l'énorme étendue déjà acquise par cette seconde
Section relative à la filature du lin et du chanvre, je n'ai
jusqu'ici cependant encore rien dit, ou à peu près, qui ait
trait aux importantes machines dont on se sert pour donner
à ces matières textiles la première préparation, celle qui les
lûet en état d'être soumises directement aux procédés réguliers
du peignage mécanique dans les manufactures. Ge n'est en
effet, comme j'en ai déjà fait la remarque, que depuis les
derniers perfectionnements apportés à la filature en fin et la
grande extension qu'a reçue cette vaste branche de fabrication
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MACHINES ET OUTILS. 245
que Ton s'est occupé avec suite et persévérance des procédés
propres à suppléer la main de l'homme dans l'opération du
battage, du broyage ou teillage du lin et du chanvre; et l'on
sait assez que l'Angleterre fait en ce moment même, sous la
direction active et éclairée du prince Albert, les plus grands
efforts pour propager en Irlande non-seulement les méthodes
de bonne culture, mais encore l'usage des machines les plus
parfaites et les plus propres à atteindre prochainement le but
qui vient d'être indiqué.
Toutefois il a existé une époque, déjà loin de nous, où la
même ardeur, les mêmes préoccupations incessantes, ont fait
rechercher les moyens d'assouplir, de teiller, daguer le lin et le
chanvre à l'aide de machines dont la variété et la multiplicité
pourraient surprendre, si l'on ne songeait à la haute impor-
tance du but. Cette époque correspond précisément à celle où
les premiers essais de filer mécaniquement ces substances
rebelles devaient donner l'espoir d'arriver promptement à une
solution satisfaisante des autres parties du problème. C'est
aussi dans la même espérance que notre Société d'encourage-
ment proposa, en 1817, un prix pour la découverte de pro-
cédés mécaniques de teillage, mais en y ajoutant la condition
épineuse, et non jusqu'ici remplie, si je ne me trompe, rela-
tive à la complète suppression de l'insalubre et lente opéra-
tion du rouissage.
D'un autre côté, on se souvient encore que, dès 1789,
M. Bralle avait fait des tentatives de ce genre, dans lesquelles
le lin en tiges était soumis debout, dans une cuve nommée
roatoire, à l'action d'une eau bouillante alcaline qui en dis-
solvait rapidement l'espèce de colle résineuse servant à unir
l'écorce textile au noyau ou chènevotte l. On sait aussi que
M. Curaudau* tenta, un peu plus tard, d'exécuter la même
opération en recourant simplement à l'emploi de l'eau chauf-
fée par la vapeur; procédé que lès Anglais semblent vouloir
1 Bulletin de h Société et encouragement, t III, p. 46, et t. Y, p. 35 et 182.
* J6«f.t.V, p. 281.
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246 VI* JURY.
aujourd'hui reprendre, en y ajoutant des perfectionnements
qui manquaient sans doute à ceux de Bralle et de Curaudau,
puisqu'ils furent trouvés peu économiques et nuisibles, à
certains égards, à la qualité des produits : par exemple, sous
le rapport de la grande résistance exigée des toiles à voiles par
la marine, ainsi que de la souplesse réclamée des Gis em-
ployés à la fabrication des toiles les plus fines et de batiste.
Mais ce qu'il nous importe surtout ici de constater, c'est que
déjà, à cette époque, MM. Bralle et Molard s'étaient occupés
de remplacer le maillage et le braquage à la main du lin et du
chanvre par te broyage de la chènevotte, au moyen de cy-
lindres lamineurs cannelés, à, axes horizontaux parallèles et
accouplés, l'un au-dessus de l'autre, de manière à comprimer»
briser les fibres reployées entre les saillies et les rentrants des
cannelures. Ces broies mécaniques auraient d'ailleurs été
mises en usage dans le Jura peu après l'année 1790. On sait
aussi que longtemps auparavant on se servait en Italie , en
Bretagne, etc., de meules verticales tournantes pour rompre»
écraser les parties ligneuses du chanvre et en assbuplir l'en-
veloppe textile.
Les tentatives de Bralle et de Molard relatives au teillage
mécanique du lin et du chanvre ont été suivies, en 181 3, de
celles de l'Anglais James Lee1, auxquelles ont bientôt succédé,
vers 181 5, celles de Samuel Hill et de William Bundy 2, toutes
fondées sur le principe des cylindresou des cônes à cannelures
profondes, armés ou non de lames de fer, et qui ont la liberté
d'osciller, de se soulever, sous l'action de leur propre poids, de
ressorts ou de poids étrangers. Dans le système du dernier de ces
mécaniciens, les cannelures, alternativement courtes et longues»
offrent un assez grand jeu ,et les cylindres supérieurs corres-
pondent aux intervalles de ceux du dessous; enfin cette corn-
1 Bulletin de la Société à* encouragement, t. XIV, p. 286 ; description , t. XV»
p. 161, 174 et 176.
* Ibid. t. XVI, p. 161; description avec figures, t. XVII, p. 97. On
trouve aussi à la suite de cet article, p. io4 , la description d'un autre ins-
trument d'une simplicité rustique , par M. Bond, du Canada.
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MACHINES ET OUTILS. 247
binaison, nommée brisoire, est accompagnée d'une autre dite
finistoire ou affinoire, dans laquelle des planchettes verticales,
polies et arrondies, se meuvent, avec un certain jeu, dans les
intervalles vides des autres et servent, par le va-et-vient
qu'elles reçoivent d'une bielle à manivelle inférieure, à imi-
ter les effets mécaniques de l'ancienne broie rurale à lames
croisées et articulées. Mais ces machines étaient trop compli-
quées et trop coûteuses pour que l'usage pût s'en répandre
dans les campagnes.
Le retentissement qu'elles ont eu en Angleterre et en
France n'empêcha pas M. Christian de se livrer, en 1817, à
de nouveaux essais au Conservatoire des arts et métiers, essais
qui paraissent avoir eu pour point de départ un mémoire sur
le teillage du lin et du chanvre publié dans les actes de la So-
ciété de Florence de 1770 à 1771. Soutenu et encouragé par
le Gouvernement français, M. Christian parvint à mettre au
jour une broie mécanique, composée d'un premier couple de
cylindres cannelés alimentaires, rangés l'un au-dessus de l'autre
verticalement, et suivis bientôt d'un second couple de cylindres
pareils, qu'on pourrait nommer étireurs à cause de l'excédantde
leur vitesse sur celle des précédents, et peigneurs, attendu que
leurs cannelures, offrant d'ailleurs un grand jeu, étaient ar-
mées de lames de fer découpées en forme de dents de scie
et avaient pour but de déchirer, diviser les fibres textiles après
le brisement de la chènevotte ; fonction dont , sans doute, elles
s'acquittaient un peu au détrimentde la bonté et de la quantité
des produits *. Néanmoins, comme cette broie était d'une con-
texture fort simple et économique, elle se répandit prompte-
ment en France, en Allemagne et en Danemark; elle acquit
u$e certaine célébrité en Allemagne surtout, où, dans quelques
grands établissements, plusieurs machines de cette espèce,
placées à la suite les uns des autres, recevaient le mouvement
d'une même roue hydraulique.
Je mentionne pour mémoire seulement les broies méca-
1 Bulletin de h Société (f encouragement, i. XV, p. • 2 4 , et t XVIII , p. 1 66 •
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248 VT JURY.
niques de MM. Roggero, Perrin et Molard jeune, présentées
en 1819 au concours de la Société d'encouragement. Plus
tard encore, de 1825 à i8359 on a vu apparaître les broies
mécaniques de MM. André Delcourt, Lorillard et Barbon, qui
obtinrent en 1828 des récompenses de cette môme Société;
celles de M. Tissot et de M. Heyner, de Penig en Saxe, dont
la dernière est remarquable par le grand nombre des rouleaux
cannelés, lamineurs et à vis de pression supérieures, pré-
sentés comme des perfectionnements de la broie de M. Chris-
tian, à laquelle, en effet, on avait dans le temps assigné une
origine italienne, sans qu'elle en fût meilleure pour cela, et
propre à remplacer l'antique broie à levier. Enfin, je citerai
encore MM. Kay, Robinson, Westley et tant d'autres qui, en
Angleterre comme en France, se sont fait breveter depuis
i83o pour l'invention et le perfectionnement de machines
à teiller le lin et le chanvre sans rouissage, avec des succès
divers et toujours contestés.
Que sont devenues toutes ces machines, celle de M. Chris-
tian notamment, qui a fait tant de bruit vers 1818, et celle
de M. Laforest, dont je n'ai pas jusqu'ici parlé, parce que
je ne l'ai trouvée reproduite nulle part, et cela pour cause,
mais qui n'en a pas moins eu aussi un grand retentissement en
France? On le sait assez, et cela doit rendre bien circonspect
dans le jugement que l'on serait appelé à porter sur de nou-
velles broies mécaniques où l'on prétendrait éviter toute opé-
ration préalable de rouissage. Peut-être même devrait-on
renoncer à l'espoir de voir aucune machine de ce genre se
substituer aux rudes labeurs des habitants de la campagne,
si l'on considère la complication, la cherté de la plupart
d'entre elles, et la nécessité de leur appliquer des moteurs
inanimés, puissants, mais sans lesquels leurs avantages écono-
miques seraient à peu près nuls ou d'une trop faible impor-
tance au point de vue industriel et agricole. A cet égard, on
peut affirmer que les broies ou teilleuses les plus simples seront
toujours les meilleures, tant qu'on ne sera pas parvenu à con-
centrer davantage la culture et la préparation mécanique du
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MACHINES ET OUTILS. 249
chanvre el du lin , jusqu'ici beaucoup trop éparpillées dans
ups campagnes, en raison même de la diversité des besoins
locaux et de la rareté des sols appropriés.
On peut encore se demander, d'après les anciennes tenta-
tives de MM. Bralle, Curaudau et Molard, ce que deviendront
les procédés divers de rouissage et de teillage que deux. in-
génieurs français, MM. Bernard et Koch, ont dernièrement
établis, selon le système américain de Schenks, dans l'usine
irlandaise de M. Adam, de Belfast; procédés dont il n'a rien
paru à l'Exposition universelle de Londres, si ce n'est les gros
cylindres lamineurs, en fonte lisse et pleins, avec volant
extérieur, servant à égrener le lin , et qui se trouvent inscrits au
catalogue sous le nom de Richard Robin son, de Belfast, l'in-
venteur, à qui la Société de Dublin a accordé une médaille
d'or en i85o. On sait en effet que, jusqu'à une certaine
époque, les cultivateurs irlandais mettaient peu de soins à
récolter les graines du lin et du chanvre; de sorte que la
construction d'un instrument aussi simple et qui dépouille
aussi complètement le lin dans une seule passe, sans, pour
ainsi dire, en endommager la paille, devait être considérée
comme une acquisition des plus avantageuses pour les éta-
blissements où la méthode expéditive du rouissage de Schenks
était mise en usage.
M. Robert Plummer, de Newcastle, dont nous avons déjà
dit un mot au sujet des machines à peigner, est le seul qui
ait exposé, sous le n° 7A, des machines à broyer et à teiller
le lin ou le chanvre : l'une qui consiste dans un double rang
vertical et parallèle de cylindres cannelés en fonte, dont
trois pour la rangée postérieure et deux pour la rangée an-
térieure, entre lesquelles la paille du lin passe et repasse,
après avoir été introduite, au moyen d'un plan incliné ou
table à étaler supérieure , dans l'intervalle compris entre les
deux premiers rouleaux du haut de la rangée postérieure ;
ces rouleaux étant, ainsi que dans la machine de Lee, em-
boîtés extérieurement dans des portions d'auges, de coursières
courbes, qui servent à ramener spontanément la filasse entre
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250 VI* JURY.
tes deux cylindres du devant, d'où elle s'échappe ensuite,
guidée par une seconde table ou glissière inférieure : cela
permet de recommencer à plusieurs reprises l'opération du
macquage ; enfin des pédales placées- au bas de la machine
permettent de graduer à volonté la pression des cylindres
cannelés supérieurs sur ceux qui les supportent directement.
Cette machine, quoiqu'elle ne présente dans ses dispositions
essentielles rien d'absolument neuf, n'en paraît pas moins
destinée, par sa simplicité même, à rendre de réels services
aux établissements qui auraient à soumettre le teillage de
grandes masses de lin et de chanvre à l'action motrice d'un
manège, d'un cours d'eau ou de la vapeur.
L'autre système de machines à teiller (rotary dise scateking
mill) est composé d'un disque annulaire fixe et d'un autre
disque pareil mobile autour d'un axe qui lui est commun
avec le premier, emboîté comme lui dans un manchon fermé
de toutes parts à la partie supérieure, sauf près de l'entrée,
où les hommes de service présentent latéralement les poignées
de filasse déjà soumises à la broie mécanique ci-dessus, et
où elles reçoivent l'action successive de brosses, de sérans, dont
les disques sont armés dans un sens légèrement oblique aux
rayons. Cette machine, d'un grand diamètre, tout en fonte
et composée de trois systèmes de disques semblables à ceux
dont il vient d'être parlé, fonctionnait bruyamment à l'Ex-
position universelle de Londres, où elle a excité l'intérêt du
jury de la VI* classe, à cause du mérite et de la nouveauté de
ses dispositions, dont la plus importante, peut-être, consiste
dans la substitution d'une partie des aiguilles d'acier par des
soies, des poils de sanglier ou des fanons de baleine, ainsi
que je l'ai déjà indiqué au sujet des peigneuses oscillantes du
même constructeur.
4u surplus, il serait impossible d'apprécier dès à présent
l'importance et la portée industrielle de cette substitution
pour la préparation du lin et du chanvre, qui sortent en
effet très-lisses, brillants même, de la machine. Quant à sa
puissance productive, on en aura une idée si l'on admet,
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MACHINES ET OUTILS. 251
avec l'inventeur, que quatre ouvriers puissent, à l'aide d'une
machine à deux disques, teiller, sérancer jusqu'à 25o kilo-
grammes de paille par jour.
Enfin, j'ai vainement cherché à me procurer des rensei-
gnements précis sur les procédés mécaniques ou chimiques
par lesquels M. Marshall, de Leeds, serait parvenu à donner
l'apparence soyeuse aux fils de lin dont les échantillons ont
été si généralement admirés à l'Exposition de Londres, et à
convertir en fils non moins remarquables le chanvre de la
Chine (China-grass) , cette grande herbacée que quelques-uns
de nos fabricants inquiets ont jusqu'ici vainement tenté de
soumettre aux machines à filejr, en la découpant cependant
en petits bouts, etc. Mais, je n'hésite pas à le redire, ce sont là
desimpies essais, bien loin encore de la perfection qui per-
mettrait à une telle industrie de chasser des marchés euro-
péens la fibre lisse et fine de nos lins indigènes.
J'ignore également quel pourra être le résultat des ten-
tatives récentes faites en Angleterre pour assouplir les fibres
de l'écorce d'aloès et les soumettre au peignage dans des cou-
rants d'eau, au moyen de puissantes machines imaginées par
M. Simon et, et qui, dit-on, doivent être bientôt installées dans
l'île de Malaga, où pullule cette substance jusqu'ici générale-
ment réservée à la fabrication des cordages, etc. L'avenir seul
pourra nous éclairer à ce sujet; mais, en attendant, nos in-
dustriels intéressés et notre Gouvernement ne devront rien
épargner pour s'approprier la connaissance des nouveaux
-procédés et de leurs chances plus ou moins grandes de succès,
dont la complète réussite porterait un rude et déplorable
coup à l'une des branches les plus importantes de l'industrie
de nos campagnes.
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252 VP JURY,
ADDITIONS AU CHAPITRE IV.
SCB QUELQUES MACHINES MODERNES APPLICABLES A LA POIS AUX DIVERSES
BRANCHES DE FILATURES.
I. — • Addition tu S Ier, concernant le premier établissement du banc à
broches et des continues à mouvements différentiels. — Incertitudes à
ce sujet: f historien Baines et le ferblantier Green, de Maosfield; les
mécaniciens Cocher et Higgins, Eaton et Farey, Eaton ( rVUUam) ; MM. £*-
horde, Gingembre, Piket, etc., à Paris. — MM. Higgins et fils, Afaroit et
Collier, Stamm, du Haut-Rhin , à l'Exposition universelle de Londres.
J'ai déjà plusieurs fois, dans le cours de cette seconde Par*
tie ou de la précédente, cité le banc à broches à mouvements
différentiels comme Tune des plus belles applications du génie
mécanique à la filature des matières textiles; j'ai tâché d'en
faire saisir les intentions, les propriétés principales, ainsi
que les liens qui en rattachent la savante combinaison aux
anciennes idées de Vaucanson , relatives aux machines à tordre
ou mouliner la soie. Mais quoique j'aie répété, après tant
d'autres, que l'histoire de la filature de la laine et du coton
était assez connue de nos jours pour qu'il devînt à peu près
superflu de la reproduire ou commenter dans ce travail, ce
qui peut être vrai à certains points de vue plutôt industriels
que scientifiques ou mécaniques, j'avoue que, après y avoir
réfléchi un peu plus attentivement, à l'occasion des récentes
machines à filer le lin ou le chanvre, et en considérant d'ail-
leurs la fâcheuse obscurité qui règne dans les ouvrages con-
nus sur la naissance, les progrès mécaniques des diverses^
branches de filatures, et principalement sur la coordination
des idées qui en lient entre elles les admirables découvertes
en fait de machines, il m'a paru d'une haute importance phi-
losophique et d'une utilité, à vrai dire, générale de montrer,
par un exemple récent et célèbre, que l'histoire même de la
filature du coton restait encore à faire, du moins au point
de vue mécanique. Cette histoire, presque tout entière dans
les patentes et brevets d'invention, d'importation, d'addition
ou de perfectionnements, sera, je le répète, impossible à
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MACHINES ET OUTILS. 253
écrire avec la suite ou l'ensemble d'exposition nécessaires,
tant que les gouvernements étrangers ne se seront pas, à l'imita-
tion de celui de la France, décidés à en ouvrir généreusement
les arcanes, jusque-là si mystérieuses, par une publication
officielle, sans réserves ni mutilations; car, encore une fois,
Thistoire impartiale des progrès de 1 esprit humain ne saurait
exister que dans des écrits publics ou officiels, remontant à
une date contemporaine de celle des inventions, mais néan-
moins revêtus d'un caractère d'authenticité indépendant des
passions intéressées ou jalouses du moment.
A cet égard, ce serait une curieuse étude historique à faire
que de rechercher par quelles transformations successives
on est passé des anciennes continues à tordre simplement les
fils, déjà étirés dans les bancs à lanternes tournantes d'Ark-
wright, à ces puissantes machines de préparation (rowing-frame) ,
munies de broches à ailettes pendantes, nommées aujour-
d'hui hanct à broches (fly-frame) , dont on voit une si singulière
représentation à la page 102 de l'ouvrage anglais deBaines sur
Y Histoire des manufactures de coton (i835), mais dont, certes,
les colossales bobines n'étaient point, par rapport aux broches
munies de leurs ailettes en fer à cheval ou à deux branches,
douées du mouvement relatif indispensable à la rigoureuse
égalisation du tors.
Selon le même historien (p. 211), le nommé Green, fer-
blantier à Mansfield, aurait, le premier, eu l'idée de rendre
ces mouvements solidaires, dans la proportion qui convient
au tors et à l'enroulement du fil; mais, malheureusement,
Baines ne nous fait pas connaître les moyens employés pour
ce but par l'inventeur, sans doute le même qui, sous le nom
de John Green, prit, le 26 juin 1823, une patente unique, ins-
crite sous le n° 4807 du catalogue officiel anglais, et dont
l'énoncé, la désignation, sont, comme d'habitude, on ne peut
pas plus vagues à force de généralité.
D'autre part, selon Andrew Ure1, l'invention en serait duc
1 Dictionnaire anglais des arts et manufactures, p. 354 * 3e édil., i843.
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254 Vr JURY,
à MM. Cocker et Higgins, de Salford. Par erreurs d'impres-
sion sans doute, M. Alcan1 l'attribue à MM. Loeker et Highins 9
de Manchester; M. Thierry2, à MM. Cogher et Higgins, de
Manchester; enfin M. Armengaud aîné9, dans un intéressant
article sur le banc à tabès américain, l'attribue à MM. Cocker
et Higgins, constructeurs à Manchester; version qui s'accorde
également avec le texte de l'ouvrage publié en 1828, par
MM. Leblanc et Molard jeune, sur les machines de la filature
d'Ourscamp, près Compiègne (p. 63).
Je rapporte ici toutes ces variantes d'ouvrages bien connus
et justement estimés pour montrer une fois de plus, par un
exemple célèbre et dont les données sont si voisines de nous,
combien l'histoire même des inventions relatives à la filature
du coton est demeurée jusqu'ici incertaine, obscure, et aurait
besoin d'être enfin et conscieu sèment débrouillée, avant que
des erreurs involontaires ou intéressées s'y introduisent davan-
tage encore. Car si vous consultez le catalogue officiel des
patentes anglaises publié à Londres en i854 et i855, vous
n'y trouverez aucun des noms cités en dernier liett , sauf celui
de M. Higgins (William), de Salford, sous le n° 663g, pour
certains perfectionnements dans les machines à tordre les mèches
de préparation du. coton, du lin, de la soie, de la laine et autres
matières fibreuses , communiqués, dit le patenté, par un étran*
fjer non résidant et non désigné dans le certificat de délivrance,
qui porte, il est vrai, la date, relativement récente, du 7 juil-
let i834- S'agit-il ici de la substitution des engrenages aux
cordes et courroies anciennes, ou de quelques autres détails
essentiels de construction, tels que doublement des bobines 9
ressorts de compression des mèches, etc., dont on a vu de beaux
spécimens dans les* expositions de MM. Higgins et fils, J. Mason ,
Parr, Curtis, etc., à Londres? Voilà, à mon très-grand regret,
«e qu'il m'est impossible de décider pour le moment
1 Traité des matières textiles, p. s&3, 1847.
* Bulletin de la Société de Mulhouse, n* 57, ou de la Société d'encourage-
ment de Paris, t XXXIX , p. 47 2.
3 Publication industrielle, t II, p. 4 2 1.
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MACHINES ET OUTILS. 255
Pour quiconque est un peu au fait des habitudes de l'in-
dustrielle Angleterre, renoncé, le titre de patente, que je
viens de translater, semblerait effectivement prouver que
M. Higgins, associé ou non avec M. Cocker, est tout au plus'
un des premiers qui aient construit dans une certaine perfec-
tion le banc à broches à mouvement différentiel, et cela à
une époque que M. Thierry, dans l'article déjà cité, fait re-
monter, sans preuve indiquée, à Tannée 1821, c'est-à-dire à
une date antérieure de quelques années à celle de l'introduc-
tion même de ces machines en France par la Société indus-
trielle d'Ourscamp, dont le privilège, du 26 février 18241, fut
suivi de près (3 1 mars 182 A) par celui de M. C.-A. Gengembre2
pour une machine, également importée d'Angleterre, analogue
quant au but, très-distincte quant au système de solution ou
de construction , mais qui ne paraît pas avoir été aussi favo-
rablement accueillie par l'industrie.
Or, ces deux brevets et celui d'invention qu'avait pris en
novembre de la môme année M. Laborde, mécanicien dis-
tingué de Paris, pour un autre ingénieux dispositif du banc
à broches dont il sera plus tard parlé; ces brevets, dis-jc,
avaient été précédés, en France, d'un autre brevet d'importa-
tion par les Anglais Eaton et Farey, du 1 5 novembre 1823,
dont la machine, incomplètement décrite, quant aux des-
sins, à la page 339 'du tome XXXVIII du recueil déjà cité,
doit être considérée comme le type original, clair et précis
du banc à broches employé l'année suivante dans là filature
d'Ourscamp, et dont l'application s'est bientôt généralisée chez
nous, grâce à son ingénieuse et remarquable simplicité.
Dans les anciennes continues à tordre et filer en fin, dont
les bobines, très-petites, n'éprouvent que des variations de
grosseur assez faibles, et où de petits freins à poids régulateurs
suffisent pour en ralentir la vitesse, de loin en loin, à mesure
du grossissement, on se contentait d'imprimer à la planche
1 Recueil des brevets expirés, t. XXX, p. 4*
* /6«ltXXXIX,p.33i.
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256 VP JURY.
horizontale ou chariot en fonte qui porte ces bobines glissant
librement le long de leurs broches verticales à ailettes ren-
versées, et que des tambours horizontaux à courroies ou
cordons sans fin, etc., mettaient diversement en action, dans
ces anciennes machines, dis-je, on se contentait d'imprimer
au chariot porte-bobines un mouvement uniforme intermit-
tent, le même à toutes les périodes de grossissement ou de va-
et-vient de ces bobines, au moyen d'un système de bascules
transversales oscillantes, à cames ou ondes appropriées au but
à remplir, et qui rappelle les courbes en cœur de Vaucan-
son, appliquées, il est vrai, au système plus léger des tringles
à barbins du moulin droit à filer, tordre la soie; mais il en est
tout autrement dans les machines nommées primitivement
par MM. Eaton et Farey bobineuses pour la préparation des
Jils de coton en gros.
Dans ces dernières machines, en effet, on aperçoit, vers le
bas du bâti, un arbre de couche longitudinal, avec pignons
à rotation alternative, imprimant le va-et-vient au chariot ,-
par de petites crémaillères verticales extrêmes, au moyen
d'une roue ou lanterne à calandre, placée en dehors du bâti,
ouverte en un point pour le passage d'un autre petit pignon
à engrènement alternativement intérieur ou extérieur, et dont
l'arbre, très-court, parallèle au précédent, reçoit, malgré de
légères excursions transversales, le mouvement rotatoire con-
tinu, mais graduellement ralenti, d'un équipage de roues
d'angle, opposé à ce pignon et que conduit un dernier pignon
à dents allongées, dont l'arbre vertical , surmonté d'une rou-
lette de friction, constitue une combinaison, sur laquelle je
reviendrai bientôt, d'autant plus remarquable que Robertson
Buchanan la décrivait dans un ouvrage anglais publié il y a
plus de quarante ans1, et qu'elle* a, depuis, avantageusement
1 Practical essays on mill-worh, p. 137; Edimbourg, i8i4. Cet ouvrage,
aujourd'hui encore trop peu connu eu France, renferme une quantité
d'autres ingénieuses et très-anciennes combinaisons mécaniques, -parmi les-
quelles je citerai les poulies étagées et les cônes alternes à courroies sans
fin et mains conductrices transversales. A regard des applications qui ont été
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MACHINES ET OUTILS. 257
servi pour l'établissement d'ingénieux dynamomètres comp-
teurs du travail mécanique dans les machines.
Vers le haut du même banc à broches d'Ourscamp ou mieux
d'Eaton et Farey, on aperçoit l'arbre de couche principal
ou moteur, muni, à un bout, d'un volant régulateur et d'un
couple de poulies d embrayage ordinaire, à l'autre bout, de
l'équipage des roues dentées verticales qui conduisent unifor-
mément les arbres du système alimentaire, et, intermédiaire-
ment, de l'ingénieux appareil servant à donner aux bobines,
le long et autour des broches fixes, à leurs grandes poulies
motrices et au chariot horizontal qui les porte, un mouve-
ment progressivement et simultanément ralenti de quantités
proportionnelles au nombre des allées et venues ou des couches
de fil superposées sur les bobines.
D'une part, on voit à gauche un cône droit tronqué, à glis-
sement longitudinal sur cet arbre dont la rotation uniforme
l'entraîne et fait marcher une courroie sans fin à branches
verticales, conservant, malgré le glissement relatif, une posi-
tion sensiblement invariable, mais qui, recourbée à deux
reprises différentes sur un système de poulies de renvoi infé-
rieures, va donner à l'arbre vertical fixe des grandes poulies
horizontales ci-dessus, motrices des bobines et glissant à frot-
tement doux le long de cet arbre, une vitesse rotatoire dont
le ralentissement progressif dépend du rapprochement même
des branches verticales de la courroie, par rapport au sommet
du cône moteur ou régulateur.
D'une autre part, on aperçoit, à droite, un plateau ou disque
vertical tournant, monté également sur l'arbre de couche supé-
rieur, qui entraîne, dans sa rotation rapide, par pression nor-
male et frottement tangentiel, la roulette mentionnée plus
faîtes du plateau à roulettes, aux instruments dynamométriques et de
quadrature, j'y reviendrai dans Tune des notes ci-après, relative à f ap-
pareil analogue où le plateau est remplacé par un cône tournant sur
lui-même; appareil dont la première application paraîtrait due à M. La-
borde, ancien et très-habile mécanicien de Paris, comme on le verra encore
ci-après.
vi* juav. — 2* PARTIE, 1 7
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258 Vr JURY.
haut, susceptible en même temps de glisser dans le sens des
rayons du plateau, et dont le petit arbre vertical est, comme
on Ta vu, destiné à transmettre le mouvement continu au
pignon de la roue à calandre qui imprime le va-et-vient au
chariot , avec des vitesses également ralenties de quantités pro-
portionnelles au rapprochement de ce disque par rapport au
centre du plateau tournant.
Enfin, on voit encore, au-dessus et dans l'intervalle com-
pris entre ce plateau et le cône régulateur, le système parti-
culièrement remarquable de la crémaillère horizontale à faces
planes verticales, à contre-poids de recul, double denture et
cliquets alternes , que dégage l'un après l'autre une tige verti-
cale à couple de boutons inférieurs , poussés alternativement
par le chariot à la fin de chacune de ses excursions, de façon
à permettre le glissement du cliquet non dégagé sur le revers
en talus de sa propre dent, et, par conséquent, le recul même
de la crémaillère dans l'étendue d'un demi-cran.
Ce dernier et fort ingénieux système, comme on l'aperçoit,
rappelle encore celui dont il a été parlé à l'occasion des mou-
lins à organsiner de Vaucanson ; mais il a ici spécialement
pour but de provoquer, à la fin de chacune des courses du
chariot, la déviation graduelle d'un levier coudé à deux
branches, dont la plus courte, moyennement horizontale, sup-
porte le pivot de l'arbre vertical, à pignon inférieur allongé,
de la roulette ci-dessus, mobile par friction et ainsi progressi-
vement rapprochée du centre du plateau moteur, tandis que
la longue branche, à peu près verticale, agit par une griffe
horizontale pour déplacer le cône à courroie sans fin , le long
de son arbre, de quantités également proportionnelles au
nombre des alternatives du chariot porte -bobines ou des
couches cylindriques de coton précédemment enroulées; en
combinant, à cet effet, les avances simultanées de la roulette
et du cône régulateur ou les longueurs des deux branches du
levier coudé , de manière que la vitesse tangentielle ou de tirage
du fil par les bobines respectives, et qui tend à croître avec
la grosseur propre de ce fil, avec le diamètre ou le nombre des
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MACHINES ET OUTILS. 259
couches superposées, reste néanmoins invariable à tous les
instants, c'est-à-dire de manière qu'elle ne puisse s'accroître
qu'en vertu du changement même de cette grosseur, du degré
de tors ou des vitesses angulaires à imprimer proportionnelle-
ment, par l'arbre moteur, à toutes les parties de la machine,
au moyen d'une roue de rechange appropriée chaque fois au
but à remplir.
Remarquons, en outre , que c'est bien à tort qu'on reproche
à ce système la prétendue nécessité de régler, après coup ou
par tâtonnements, la distance. et la forme soi-disant variables
des dents sur la crémaillère régulatrice; cette difficulté n'exis-
terait, en efFet, qu'autant qu'on ne se fut pas suffisamment
précautionné contre le glissement de la courroie sans fin sur
le cône conducteur ou de la roulette de friction sur le plateau
qui l'entraîne latéralement; qu'on prétendrait s'écarter de la
forme habituelle, régulière et cylindrique des couches de fil
superposées sur les bobines, etc. Quant au cas où ces bobines,
sans rebords latéraux d'appui, devraient recevoir des couches
de largeurs inégales, en retraite les unes par rapport aux
autres, afin de constituer un noyau cylindrique terminé par
des troncs de cône, on a recours aujourd'hui, comme on le
sait bien, dans les bancs à broches mus exclusivement par
engrenages, à des moyens très-différents, très-précis, et qui
consistent principalement à faire varier, pour chaque couche
cylindrique distincte du fil , 1 étendue même des excursions
du chariot qui porte la bobine, et par conséquent l'intervalle
des tocs ou boutons qui servent à détacher, à chaque reprise,
les cliquets à ressorts repoussoirs de la crémaillère.
Les ingénieuses combinaisons décrites dans le brevet cité
d'Eaton et Farey, quoique aujourd'hui encore assez générale-
ment connues et employées dans les filatures, m'ont paru
mériter une mention toute spécial^ et explicite, non-seule-
ment à cause de l'originalité du principe et de l'analogie que,
à certains égards, ces mêmes combinaisons offrent avec les
anciennes solutions ou indications de Vaucanson, mais aussi
parce qu'en reportant exclusivement aux constructeurs Cocker
»7-
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260 VT JURY.
et Higgins, de Manchester, le mérite de l'invention, on paraît
avoir beaucoup trop négligé la part d'initiative qui peut plus
particulièrement appartenir à l'ingénieur Eaton (William),
de la même ville.
On le voit, en effet, dans une ancienne patente inscrite
le 18 juin 1818, se préoccuper déjà des moyens de perfec-
tionner les machines à 61er en gros la laine et le coton,
tandis que, peu d'années après (le a3 juillet 182 1), il se fait
délivrer en France un brevet d'importation *, rédigé à la
manière anglaise, mais remarquable par l'étendue et la nou-
veauté des moyens qu'on y propose pour donner automa-
tiquement certaines formes régulières aux fuseaux à broches
coniques des mule-jennys, en leur procurant, ainsi qu'aux
bobines et à la tringle distributrice ou de soutien des fils qui
s'y renvident, des mouvements appropriés, soit par des cônes
alternes à courroies sans fin ou vitesse graduellement chan-
geante, soit par des fusées, des tambours conducteurs à gé-
nératrices courbes convenablement tracées, tournant avec
leur arbre, mais susceptibles d'y glisser longitudinalement au
moyen de manchons latéraux à fourches, que dirigent des
crémaillères droites parallèles à cet arbre, conduites par des
pignons, des équipages de roues dentées et de vis sans fin, liés
au jeu même du chariot de la mule-jenny.
, Ainsi , par l'intermédiaire des tambours ou fusées dont le
bâti est muni aux deux bouts, un déplacement graduel et
variable, à volonté, est régulièrement transmis au système
soit de la tige destinée à conduire le distributeur des fils sur
les fuseaux, soit du levier horizontal pôrte-griffes, destiné à
faire glisser la courroie sans fin sur ses cônes alternes mçteurs,
et à imprimer simultanément aux fuseaux la vitesse accélérée
ou ralentie qui leur convient. A cet effet, la tige et le levier
dont il s'agit sont armés de galets ou roulettes de friction ,
pressant extérieurement, et normalement aux génératrices
courbes, les tambours à fusée directeurs qui leur correspondent
1 Recueil des brevets expirés, t. XXXIV, p. 69 à 1 27, p'. 1 5 à 30.
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MACHINES ET OUTILS. 261
respectivement et en produisent le déplacement latéral dans
des directions rectilignes invariables.
Toutefois, il ne faut pas confondre cette ingénieuse et
double combinaison , relative aux mule-jennys, avec celle où la
roulette de friction , agrandie, parcourrait la génératrice d'un
cône droit en tournant et glissant, parallèlement à cette géné-
ratrice, le long d'un arbre incliné qui, dans sa rotation par là
graduellement ralentie, serait destiné à conduire un équipage
de roues dentées au moyen d'une grande vis sans fin motrice
montée au bout de ce même arbre; système qui s'est vu
pour la première fois, si je ne me trompe, dans un fort ingé-
nieux banc à broches ou boudinerie à bobines commandées, posté-
rieur, il est vrai , à celui de MM. Eaton et Farey, mais dont la
principale et remarquable disposition , à cône régulateur ver-
tical, est due à l'habile mécanicien J.-B. Laborde, de Paris1,
1 Recueil des brevets expires, t. XIX , p. i 47 ; brevet du 2 3 septembre 1 82 h ,
singulièrement tronqué. Voy. aussi le Bulletin de la Société d'encouragement,
t. XXY, p. 36 1, dons lequel , au moins, on ne répète plus, d'après Andrew
Ure, que le banc à broches du système Eaton et Farey est dû à MM. Cocker
et Higgins. Quant à l'ingénieuse et originale combinaison du galet de friction
glissant le long des génératrices rectilignes d'un cône tournant sur son axe
de figure, et dont le mécanicien Laborde faisait usage dès 1824, elle repose
évidemment sur le même principe que le système à mouvement varié du pla-
teau menant une roulette de friction, employé dans le banc à broches d'Eaton
et Farey, et qui offre quelque analogie avec l'ancienne machine à manège ,
dont la barre à vis conduisait une meule debout pour l'écrasement des
matières sur une plate-forme horizontale.
D'autre part, on sait que la combinaison du cône à roulette de friction a
postérieurement (1827) été mise en usage par MM. Oppickhofer et Ernst,en
Suisse, pour l'établissement d'un ingénieux instrument compteur nommé
planimètre,tt ayant pour but spécial la quadrature des plans cadastrés; puis»,
qu'en France (1829) elle a également servi de base au dynamomètre par
torsion, compteur du travail des machines , dont l'idée est due à M. Corio-
lis, alors répétiteur à l'École polytechnique (BaUetin de la Société d'encoura-
gement, i, XXVIII, p. 477). La mesure du travail variable des forces repose,
en effet, sur une quadrature véritable, ou l'intensité de la puissance est
combinée, par multiplication, avec l'élément du chemin à chaque instant
parcouru dans sa direction propre.
Déjà aussi,' vers cette époque, j'avais, dans un but analogue, indiqué à
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262 VF JURY.
qui, d'une paît, remplace la crémaillère supérieure horizon-
tale à cliquets alternes par une roue à rochet avec crans in-
térieurs et extérieurs alternativement poussés par le chariot,
et, de l'autre, substitue également à la roue de calandte un
système de pignons agissant sur des crémaillères à deux
branches parallèles, pour donner le va-et-vient à la planche ou
chariot porte-bobines,
Les secousses résultant des changements brusques du mou-
vement à la fin et au commencement de chacune des alter-
natives du chariot, ces secousses jointes au glissement possible
de la roulette de friction sur le cône directeur, ont constitué,
sans aucun doute, les principales causes qui ont fait depuis
abandonner ce genre original de banc à broches, pour lui
plusieurs ingénieurs l'usage, très-simple, d'un plateau tournant de quantités
angulaires proportionnelles au chemin parcouru dans la direction d'une
puissance mesurée par un dynamomètre à lames de ressort droites, paral-
lèles, articulées aux deux bouts, et dont une branche serait liée à l'arbre
du plateau tournant, tandis que l'autre, soumise directement à l'action de
cette puissance et qui en mesure l'intensité par ses écarts ou distances au
centre, serait munie <Fun style destiné à tracer sur ce plateau des courbes
ondulées et excentriques, propres à fournir une trace continue de la loi
suivie par la force relativement au chemin parcouru, ou, en substituant
au style une roulette de friction dirigée dans un sens perpendiculaire aux
rayons, à donner numériquement la valeur du travail correspondant à un
intervalle quelconque, au moyen d'un appareil totalisateur ou de comptage
indiquant le nombre des révolutions de la roulette de friction, proportionnel
au travail môme développé par la puissance.
Ce dernier appareil , à plateau et disque tournant, réalisé d'abord avec
succès par M. Morin, ainsi que plusieurs autres d'un genre analogue, a, eu
dernier lieu, reçu dans son mécanisme compteur à rouages d'horlogerie
des simplifications et perfectionnements très-ingénieux, dus à M. Glaire,
l'habile artiste mécanicien déjà cité dans une note de la page 434 (I" Par-
tie), et dont les élégants modèles ont été admirés par tous les vrais con-
naisseurs & l'Exposition universelle de Londres. Pour l'histoire, jusqu'en
184.3, des dynamomètres à indications continues ou à comptage applicables
à l'agriculture et aux machines en général, voyez à la page 100, tome XLf,
du Bulletin de la Société d 'encouragement, le rapport de M. Lambel sur les
résultats d'un concours ouvert pour le perfectionnement de ce genre d'ins-
truments par cette même Société. Voyez aussi les pages 1 90, 191 et 3o4 du
Rapport anglais des jurys de {Exposition universelle de Londres.
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MACHINES ET OUTILS. 263
préférer celui d'Eaton et Farey, dont, à partir de 1824»
MM. Pihet, de Paris, construisirent un assez grand nombre en
France. Toutefois, la machine de M. Laborde était peut-être
moins désavantageuse que celle qu'avait importée quelques
mois auparavant, comme on Ta vu, le mécanicien Gen-
gembre, de la Monnaie de Paris, bien qu'on eût* conservé
dans cette dernière la roue à calandre, le cône fixe à courroie
glissante, etc.
D'un autre côté, on ne saurait douter que l'ingénieuse dis-
position du banc à broches décrite dans le brevet d'importa-
tion d'Eaton et Farey n'ait servi de point de départ à la solu-
tion plus simple, plus précise et moins sujette à frottements'
ou glissements relatifs, qu'on doit à l'ingénieur Henry Houlds-
worth, déjà si souvent cité, et dont la patente anglaise, du
16 janvier 1826 (n° 63 16), consiste principalement dans la
suppression du plateau tournant à roulette de friction et son
remplacement, sur l'arbre moteur principal, par un tambour
en trois parties et à rouages différentiels, dont la disposition,
fondée sur un principe dès lors bien connu , est clairement
décrite à la p. 223 du Journal of arts de janvier 1898.
De ces trois parties ou manchons d'égal diamètre dont
se compose l'appareil, l'une, celle de droite, solidaire avec
l'arbre moteur, porte extérieurement une grande poulie à
cordon sans fin, servant à transmettre la rotation uniforme
de cet arbre aux broches verticales du métier; l'autre, celle
de gauche, au contraire folle sur ce même arbre, porte éga-
lement, à sa surface cylindrique extérieure, la grande poulie
à gorge destinée à imprimer le mouvement rotatoire, gra-
duellement ralenti , aux bobines glissant le long de ces broches
fixes sur leurs sièges, ainsi qu'à leur poulie motrice horizon-
tale entraînée dans le va-et-vient vertical du chariot; enfin
la troisième partie, intermédiaire entre les deux précédentes
portant intérieurement des pignons d'angle sur leurs moyeux
ou canons respectifs, cette partie, folle sur l'arbre comme
celle de gauche, dentée extérieurement et ayant au dedans de
sa couronne en fonte un mentonnet en saillie avec pignon
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264 VP JURY.
d'angle de même diamètre que les précédents, mais suscep-
tible d'engrener de part et d'autre avec chacun d'eux; cette
troisième partie, dis-je, est destinée à transmettre du tambour
à poulie de droite à celui de gauche la vitesse angulaire de
l'arbre de couche principal, diminuée du double de la quan-
tité dont elle a tourné sur elle-même l , dans le sens propre
du tambour de droite, sous l'action d'un petit pignon cylin-
drique appliqué à 'sa denture extérieure, et dont l'arbre agit
1 Soh Vj la vitesse angulaire du tambour à poulie de droite ou de l'arbre
moteur principal, t>, la vitesse pareille de la roue intermédiaire ou, si 1 on
veut, le nombre de ses révolutions par minute, supposées effectuées dans
le senB propre de V, , enfin V't la vitesse angulaire communiquée à la roue
de gauche supposée folle sur son arbre , il est évident, à cause de légalité des
trois pignons d'angle intérieurs, que la vitesse rotatoire et relative du pignon
appartenant à la roue intermédiaire autour de son mentonnet sera V, — i»,.
Mais comme ce mentonnet lui-même est entraîné autour de l'arbre de
couche commun dans le sens propre de V, avec la même vitesse absolue t», ,
il doit paraître non moins évident que la roue folle de gauche tournera avec
une vitesse V, — »,, diminuée encore de •,, soit Vt — 2*|=V',, comme
Ta aussi démontré M. Alcan à l'endroit ci-après mentionné dans le texte.
On vérifiera aisément cette formule, qui sert de base à rétablissement
du banc à broches à engrenages différentiels, dans la supposition de v(«=o
ou »,naY,. Quant à l'hypothèse de t», = J V,, qui donne V't =o, et cor-
respond au cas où la roue de gauche ^folle sur f arbre de couche commun r
reste immobile malgré la rotation des deux autres, le résultat est peut-être
plus difficile à concevoir à priori, mais il n'en est pas moins par lui-même
extrêmement remarquable
Enfin , je ferai observer que c'est en se fondant sur des combinaisons de
cette espèce que feu Pecqueur, de regrettable mémoire, a imaginé, il y a
environ quinze ans , son ingénieuse romaine dynamométrique pour mesurer
expérimentalement et sans avoir recours au frein de Prony, connu depuis
1824 , le travail mécanique communiqué aux arbres de couche horizontaux
des machines, convenablement disposés à cet effet. En mentionnant, au
surplus, ce nouveau titre de Pecqueur à l'estime des ingénieurs, je crois
devoir ajouter à ce que j'ai déjà dit, à la page Si de cette II* Partie, des
rouages planétaires, épicycies ou différeutiels, que M. Willis, dans son
livre intitulé Principles of mechanism, publié à Londres en 1841 (voy.
p. 38 1) , en attribue la première idée ou application à l'Anglais Mudge, qui
aurait obtenu, avant même 1767, une représentation exacte du mouvement
lunaire au moyen d'un train à roues d'épicycles.
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MACHINES ET OUTILS. 265
aussi, par transmission de courroie, sur le système à calandre
du chariot porte-bobine.
A cet effet, le pignon dont il s'agit est monté sur l'arbre
horizontal d'un tambour conique, ici sans glissement relatif
et embrassé par les branches pendantes , à poids de tension
inférieur, d'une courroie sans fin dont le sommet passe sur
une poulie à gorge montée sur un autre petit arbre de couche
parallèle au précédent et commandé directement, au moyen
de roues dentées verticales, par l'arbre moteur principal,
arbre sur lequel cette poulie à gorge, munie d'un manchon à
fourche, est, dans son glissement latéral , soumise à l'action de
la crémaillère avec poids de recul dont il a été parié à l'occa-
sion du métier de MM. Eaton et Farey.
Les trois arbres horizontaux ou de couche, distincts, dont il
vient d'être parlé conservant une position fixe sur leurs sièges
ou coussinets, on comprend comment il est devenu facile de
passer de la combinaison adoptée primitivement par Houlds-
worth à celle où, postérieurement, on a substitué, dans les
diverses commandes des broches et bobines , les engrenages
en fonte aux courroies sans fin ; substitution dont on peut
voir un élégant et simple exemple aux p. a43 à a53 (pi. VIII)
du livre de M. Michel Âlcan, qui, suivant une habitude mal-
heureusement commune à presque tous les livres de techno-
logie ou même de mécanique appliquée, ne nous indique
ni le nom de l'auteur de ces utiles perfectionnements, ni les
sources auxquelles ont été puisés les descriptions ou rensei-
gnements divers, qu'il serait pourtant si intéressant, si utile
de connaître et de pouvoir contrôler.
B me suffira ici de faire remarquer qu'à l'époque de 1 84 7,
où ce professeur distingué écrivait, on n'avait probablement
point encore songé à donner aux couches successives du fil
enroulé sur les bobines la forme tronconique aujourd'hui
généralement adoptée dans les bancs à broches avec com-
presseurs élastiques, tels qu'il en a été exposé à Londres en
i85i, et parmi lesquels figurait avantageusement celui de
M. Stamm père, que j'ai déjà cité, avec MM. Mercier et Risler
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266 VT JURY.
(p. 7 à 8 de l'Introduction générale) , comme Fan des dignes
représentants de la France à l'Exposition de Londres. Je me
complais d'autant plus à rappeler les titres de cet artiste à
l'estime des membres du VI4 Jury; que son banc à broches,
tout en fer et en fonte, très -remarquable par la beauté, la
solidité de l'exécution , ne le cédait en rien à ceux des plus
babiles constructeurs de l'Angleterre, MM. Higgins et fils,
Mason et Collier, etc., relativement auxquels même il offrait,
dans les moyens de transmission par engrenages, des parti-
cularités et une précision d'ajustements ou de tracés qui ne
se laissaient point apercevoir au même degré, peut-être, dans
les bancs à broches de ses compétiteurs.
IL — Addition au S II, concernant les dernières machines à peigner les
matières textiles diverses, à fibres plus ou moins courtes et mélangées.
— Découvertes, brevets ou patentes do Josaé Heibnann, relatifs à ce
sujet. — MM. Schlambergeret Bourcart; MM. Marshall, Hives et Atkùuon,
cessionnaires, à Leeds, etc. — MM. Donisthorpe et Lister à l'Exposition
universelle de Londres et en France.
La découverte du nouveau principe de peignageet de
démêlage par portions limitées et successivement détachées
de la masse alimentaire, découverte dont j'ai déjà donné
une notion succincte dans les préliminaires de cette deuxième
Partie, mérite d'autant plus d'intérêt et d'attention que,
mal accueillie à l'origine, elle n'a , malgré l'appui éclairé et
puissant de MM. Schlumberger et Bourcart, obtenu, comme
celles mêmes de Philippe de Girard, de succès commercial vrai-
ment important qu'après avoir été appréciée à sa juste valeur
par les intelligents et entreprenants industriels de la Grande-
Bretagne; ce qui, certes, ne veut pas dire que la réalisation
mécanique n'en ait pu avoir lieu utilement en France sous le
patronage de la maison de Guebwiller, qui malheureusement
ne fut associée à la destinée de Josué Heilmann ou de la nou-
velle peigneuse qu'après la ruine de la filature de coton de ce
dernier et à jamais célèbre ingénieur, c'est-à-dire peu avant
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MACHINES ET OUTILS. 267
la fin d'une existence entièrement consacrée aux progrès de la
mécanique industrielle.
Comme Philippe de Girard en effet, Josué Heilman n, quoique
décoré en i838 pour ses ingénieuses machines à broder, à
métrer, à couper le velours, etc., mourut à la peine et s'étei-
gnit avant d'avoir pu jouir du prodigieux succès qu'a obtenu
dès i852, dans les deux pays, sa nouvelle et originale pei-
gneuse, destinée primitivement et plus spécialement à la pré-
paration, au démêlage des belles qualités de coton à longues
soies, mais qui ne tarda guère à être avantageusement appli-
quée aux longues laines , à la bourre de soie et aux étoupes
du chanvre et du lin , ainsi qu'on le verra dans le résumé
rapide des brevets et des patentes pris successivement par cet
ingénieur, soit en France, soit en Angleterre, et dans lesquels
sont consignées ses primitives idées ou tentatives de réalisation,
par conséquent aussi ses primitifs et véritables droits à l'in-
vention , sinon des machines telles qu'elles sont actuellement '
construites et perfectionnées, au moins du principe original
qui leur sert de base fondamentale à toutes.
La découverte de ce principe essentiel de peignage a été
consignée dans un brevet français du a5 septembre i845, re-
produit dans une patente prise en Angleterre le 25 février
i846, et dont on trouve un extrait dans le Reperiory of arts,
traduit en français à la p. 482 du t. VI du Journal des Usines
(mai 1847), recueil que publiait naguère à Paris M. Viollet,
ingénieur civil dont le dévouement aux progrès industriels
était bien digne d'encouragement pour les services qu'il ren-
dait en continuant l'utile et regrettable Bulletin technologique
de feu Férussac. Cette même découverte d'Heilmann futorigi- \
nairement provoquée , sur la proposition d'un prix de cent
mille francs faite en i843 par feu Bourcart, pour la machine
qui remplacerait avantageusement le battage et le peignage à
la main du coton de Géorgie à longue soie; mais Josué Heil-
mann, doué d'une ardeur infatigable, ne tarda pas à étendre
le champ du programme et de ses idées en les rendant appli-
cables au peignage et à la préparation des matières filamen-
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268 VF JURÏ.
teuses en général : laine, bourre de soie, éteupe, etc. Mort le
5 novembre i848, il ne put mettre la dernière main à une
œuvre déjà bien avancée , et il dut léguer à son fils Jean-
Jacques Heilmann , ainsi qu'à des amis éprouvés , le soin de
parfaire ses machines, qui contenaient en elles, comme on
le verra, un principe véritablement neuf et fécond.
Un modèle de machines à peigner la laine en état de fonc-
tionner , construit dans les beaux ateliers de M. Nicolas Schlum-
berger, à Guebwiller, avait été présenté, dans Tannée 1849, *
l'Exposition des produits de l'industrie française, sans attirer,
chose vraiment inexplicable, l'attention des membres du jury
de cette Exposition , où il demeura oublié, dit-on , dans un coin
obscur d'une immense salle encombrée de machines diverses.
Quelque chose d'analogue eut lieu quand , peu de mois après r
le même modèle fut présenté à une nouvelle et spéciale Expo-
sition provoquée à Londres par M. Sallandrouze de la Mor-
naix, sans aucun caractère officiel, et qui, par conséquent,
laissa moins de traces encore. Malgré ces circonstances regret-
tables et le silence absolu du Rapport du jury français de 1849,
publié en i85o, on ne saurait révoquer en doute la vérité des
déclarations de MM. Schlumberger et Bourcart à ce sujet, cer-
tifiées d'ailleurs par d'autres témoignages authentiques, tout
en déplorant que ces honorables industriels aient négligé de
mettre en plus complète lumière la peigneuse de leur ancien
associé en participation, probablement retenus par la crainte,
fort légitime d'ailleurs, de l'exposer trop hâtivement, et avant
sa réalisation parfaite, aux investigations des contrefacteurs.
On ne pourrait expliquer autrement, en effet, les motifs pour
lesquels ils se sont dispensés, en 1 85 1, de produire cette pei-
gneuse à l'Exposition universelle de Londres, où, par contre,
on a vu figurer avec éclat, dans les premiers moments,
celle de M. G.-E. Donisthorpe, adaptée spécialement au dé-
mêlage de la longue laine, comme on l'a déjà expliqué dans
les préliminaires de cette Partie, et dont, il faut ici le re-
dire et le prouver plus positivement encore, l'analogie de but,
de principe, est manifeste, si d'ailleurs elle diffère de celle
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MACHINES ET OUTILS. 269
île Josué Heilmann par les moyens d'exécution, de réalisation
mécanique.
H est vraiment triste de voir que ces tardives et bien inu-
tiles précautions des parties intéressées n'aient servi qu'à
enhardir les contrefacteurs et à priver la mémoire de notre
infortuné compatriote de l'impartiale justice qui, sans aucun
doute, lui eût été rendue par le jury international de Londres;
il est non moins pénible de* penser qu'une découverte qui a
fait tout récemment tant de bruit en Angleterre ait passé
comme inaperçue en France, où, si je ne me trompe, elle
n'a jusqu'ici (i85a) que fort peu attiré l'attention publique,
bien que l'établissement de Guebwiller eût déjà livré, à la fin
de i85i, plus de 200 peigneuses Heilmann à l'industrie de
notre pays, de l'Allemagne ou de l'Angleterre, en concurrence
avec la maison Lister et Olden, de Saint-Denis, près Paris,
dont M. Donisthorpe était le représentant à l'Exposition de
Londres; malgré encore le retentissement d'un immense et
épineux procès, soutenu en cette ville contre leurs adversaires
par les successeurs aux droits d'Heilmann, et gagné devant
l'honorable impartialité d'un tribunal anglais; enfin, bien
que MM. Lister et Olden pour la laine longue, les habiles
manufacturiers de Manchester pour le coton à longue soie,
MM. Marshall , Hives et Atkinson, de Leeds, pour les étoupes
du chanvre et du lin , se soient à l'envi approprié par d'hono-
rables et splendides rémunérations le droit d'exploiter dans
leur pays la découverte si remarquable, et jusque-là si peu
espérée, due au génie inventif de Josué Heilmann, mais qui
sans nul doute était, en i85i ou i852, loin encore d'avoir
atteint le degré de perfection réclamé par le peignage, des
matières un peu longues, telles que le lin, ie chanvre, les
déchets de soie et les étoupes, même coupés, comme cela se
pratique généralement, en morceaux assez courts pour le
filage en fin de ces diverses substances.
Toutefois, la vérité m'oblige à dire que l'échantillon d'é-
toupes peignées, d'apparence si soyeuse, que je possède entre
les mains, et qui aurait été obtenu d'une manière courante,
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270 Vf JURY.
donnait, dès cette même époque, l'espérance de voir bientôt
ce genre de peigneuses se substituer avec un immense profit
aux cardes actuellement en usage, du moins pour les qualités
tendres et fines de lins coupés, qui, ayant le plus besoin de
ménagements, ne peuvent devenir l'objet de moyens de pré-
paration aussi énergiques que ceux que Ton possédait jusque
dans ces derniers temps.
Les peigneuses décrites dans la patente Heilmann de i846
sont de deux espèces distinctes, quant au principe et aux
moyens de solution. La première est, à proprement parler,
une machine à préparer qui rappelle les tambours à barrettes
et à tringles expulsives , d'une action si lente, mis en usage pri-
mitivement par Philippe de Girard pour le démêlage et le pei-
gnagedes étoupes, tambours auxquels il avait substitué plus
tard, c'est-à-dire lors de son retour d'Angleterre, les machines
à carder qu'il avait vu employer dans les ateliers de filature
de M. Marshall père, à Leeds. Mais ce qui caractérise plus
particulièrement la nouvelle machine à préparer ces matières
fibreuses et la distingue des conceptions de Philippe de Girard ,
c'est que le tambour horizontal, à cardes preneuses, qui les
enlève à la toile alimentaire sans fin mais que Heilmann
nomme tambour de décharge, reçoit, par sa double rotation
autour de Taxe coudé qui le supporte, un mouvement de va-
et-vient très-rapide, en vertu duquel il s'approche alternative-
ment de la toile alimentaire et d'un deuxième tambour à bar-
rettes d'aiguilles et à tringles mobiles sur excentriques, servant
à saisir, guider la matière textile à l'entrée, et à l'expulser à
la sortie de ce dernier tambour, doué d'un mouvement rota-
toire assez lent, et d'où elle s'échappe ensuite en nappes ou
rubans, continus par les procédés ordinaires, après avoir ainsi
été progressivement étirée, redressée parallèlement et par
petits bouts, dans une certaine mesure, en toute son étendue.
N'ayant pas vu fonctionner cette machine à préparer de Josué
Heilmann, ni appris qu'elle ait jusqu'ici été mise en usage
dans les établissements de filature, je m'abstiendrai de porter
sur elle aucun jugement, quoiqu'on y reconnaisse, à pre-
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MACHINES ET OUTILS. 271
mière vue, un principe ingénieux, consistant déjà à redres-
ser, étirer les fibres par petites portions, à l'aide de mouve-
ments alternatifs ou discontinus. Or ce principe, cette inten-
tion, sont plus manifestes encore dans la peigneuse connue en
France et en Angleterre depuis 1849» et dont nous allons
maintenant nous occuper d'une manière spéciale; mais comme
on ne manquerait pas de se rappeler, au sujet du même
principe, que déjà il avait été mis à profit dans les peigneuses
oscillantes de Philippe de Girard, il est bon de faire obser-
ver, d'une part, qu'il s'agissait là de subdiviser et non de
redresser les longues fibres droites du lin et du chanvre;
d'une autre, qu'en attaquant ces fibres de chaque côté, par de
petits coups de peignes recroisés et alternatifs, au moyen de
mouvements excentriques ou circulaires, il en résultait l'in-
convénient, assez grave, que les filaments, entraînés dans ces
mouvements opposés, ne pouvaient se dégager facilement
d'entre les sérans et conservaient à l'intérieur de leur masse
une certaine quantité de boutons et d'étoupes, dont, comme
on J'a vu , il fallait ensuite les débarrasser à la main. Ici la
question et le mode d'opérer sont tout à fait différents ; ils n'ont,
pour ainsi dire, aucun rapport avec les anciens procédés de
Philippe de Girard.
En effet, voici en quels termes Josué Heilmann définit nette-
ment, dans sa patente anglaise de février 1846, le but de la
nouvelle machine : « combiner un mécanisme propre à peigner
«la laine, le coton et autres substances fibreuses, de façon
« que la matière, sortant de la machine à préparer, est intro-
« duite sous forme d'une nappe ou d'un ruban qui se trouve
« bientôt divisé, en sorte que les filaments sont peignés à chaque
« extrémité, et que les plus longs, séparés des courts, forment
« également un autre ruban , et ces deux rubans sortent enfin
« de la machine séparés et prêts à être étirés et filés en gros. »
Dans ce but, notre ingénieux et fécond mécanicien intro-
duit la nappe, le ruban de première préparation, dans une
longue coulisse en talus, dont la partie supérieure, munie de
barrettes à aiguilles, s'abaisse ou s'élève alternativement, par
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272 VI- JUKY.
ie mouvement même de la machine, et d'où elle est extraite
par portions finies relatives à la longueur naturelle ou moyenne
des plus longues fibres, vers l'autre extrémité de la coulisse,
à l'aide de petits cylindres étireurs à ressorts de recul , qui
s'approchent et s'écartent alternativement de cette dernière
extrémité, tout en roulant sur eux-mêmes.
Cet étirage s'opère non-seulement au travers des sérans de
la coulisse, mais aussi au travers d'un peigne droit à va-et-
vient normal aux fibres et placé en dehors de l'ouverture de
sortie ou postérieure. Mais, afin que l'étirage de la filasse ne
se prolonge pas au delà de la limite assignée par la longueur
des fibres, un butoir, perpendiculaire à la direction de la
coulisse et à base cannelée, vient presser le ruban alimentaire
contre le bord, en saillie, qui constitue le prolongement du
fond de cette coulisse; de sorte que, après l'arrachement de
la filasse produit par le mouvement de recul des cylindres
lamineurs ou étireurs, une partie de cette filasse reste pen-
dante sur le revers extrême dont il s'agit, et une autre portion
l'est également en avant des cylindres, dont le mouvement
de recul et celui de rotation sont suspendus durant un
intervalle, à la vérité, fort court, mais 'suffisant pour que
les mèches pendantes soient successivement peignées par les
aiguilles inclinées dont sont armés deux segments opposés
d'un tambour horizontal inférieur, animé d'un mouvement
rotatoire continu et rapide, en rapport avec le mouvement
intermittent des rouleaux lamineurs ou étireurs, avec celui de
la pince ou butoir ci-dessus mentionné, ainsi que du peigne
mobile placé à la sortie de la coulisse.
Bientôt, au segment peigneur à aiguilles en succède un
autre plein, uni, offrant la même saillie extérieure et sur le
contour duquel viennent s'appuyer les mèches de filasse et
l'un des rouleaux étireurs qui, dans leur rotation inverse,
arrachant, entraînant les deux bouts de mèches, les livrent,
superposés ou doublés, à un autre couple de forts cylindres
lamineurs suivis d'un entonnoir ou» tuyère réunisseuse, mais
placés un peu plus haut, en arrière, et fixes; leurs fonctions
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MACHINES ET OUTILS. 273
étant uniquement de convertir ces bouts de mèches tout pei-
gnés en un même ruban continu , disposé dans un pot ou bidon
placé en arrière de la machine , etc.
Toutefois, on ne saisirait pas bien le jeu de cette machine,
si je n'ajoutais que, en même temps que les petits cylindres
é tireurs, mobiles et antérieurs, atteignent les mèches déjà
peignées et pendantes, ils s'écartent de la surface du tam-
bour, sur lequel un secteur vide succède à un secteur plein ,
le butoir et le peigne, dès lors détachés, livrant un libre pas-
sage à la filasse contenue dans l'appareil alimentaire à sérans,
pour recommencer une nouvelle opération d'étirage, d'arra-
chage et de peignage, de laminage, réunissage ou doublage,
et ainsi de suite alternativement, tant que dure le mouvement,
lequel, communiqué à la machine entière au moyen d'un arbre
moteur horizontal placé vers le bas, se transmet aux diverses
parties par des engrenages et des leviers coudés oscillants, à
ressorts ou contre-poids de recul , dont l'action alternative est
déterminée par une excentrique ou onde placée également vers
la partie inférieure du bâti.
Enfin, je n'aurais encore donné qu'une idée fort. incom-
plète des multiples et principales fonctions de la peigneuse
Heilmann , si je n'ajoutais que le tambour à secteurs dépeignes
alternants est accompagné d'une brosse cylindrique tournante,
propre à le débarrasser de la bourre ou blousae qui l'engorge,
et dont, à son tour, cette brosse est débarrassée par un tam-
bour à cardes, muni d'un peigne tangentiel oscillant, etc.
La patente anglaise de i848 indique plusieurs variétés dans
le mode d'alimenter la machine, indépendamment de celle
que j'ai d'abord décrite, d'après l'extrait inséré à l'endroit cité
du Journal des usina; mais ce n'est pas en cela évidemment
que consiste le principe fondamental de la nouvelle peigneuse,
non plus que dans le mode de préparer les mèches ou rubans
qui doivent lui être présentés, mode auquel on a substitué,
pour la laine notamment, des procédés plus simples et suscep-
tibles de changer au gré du chef d'atelier, suivant la nature
des matières à travailler.
Yl# JURY.— *• PàftTIB. 1*8
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274 VTJURY.
La peigneuse d'Heilmann, telle que je viens de la décrire,
est à coup sûr en elle-même fort compliquée, grâce à la mul-
tiplicité des mouvements et des opérations qui s'y accom-
plissent On pourra bien, par la suite, lui en substituer de
plus productives ou de moins coûteuses; mais elle demeu-
rera, sans nul doute, le type de toutes celles où Ton se pro-
poserait un but analogue par des procédés plus ou moins
différents, à savoir : le peignage, soit en avant, soit en
arrière, de petites mèches ou portions successivement déta-
chées du ruban alimentaire, puis juxtaposées, réunies bout
à bout, en un nouveau ruban continu et débarrassé de sa
blousse, à l'aide d'un mécanisme à mouvement soutenu et
purement automatique, c'est-à-dire sans interruption forcée
de la machine ni temps d'arrêt quelconque, sans retourne-
ment plus ou moins fréquent de la matière textile, serrée à la
main, entre les mâchoires de pinces locomobiles se succé-
dant les unes aux autres, et qui laissaient tant à désirer dans
les anciennes peigneuses, malgré les perfectionnements qu'y
avaient apportés Philippe de Girard et ses successeurs»
Aussi, la machine que l'on a vue fonctionner dernièrement
à l'Exposition universelle de Londres sous le nom de
M. Donisthorpe, et qui a obtenu, malgré mes observations
ou réserves, la grande médaille de Conseil en l'absence de la
peigneuse Heilmann, ne saurait-elle être considérée comme
une œuvre originale et d'un mérite comparable à celui de
cette dernière machine, dont le brevet, la patente, sont anté-
rieurs d'au moins trois années aux patentes de l'ingénieur
anglais , qui se succédèrent à de courts intervalles (mai , juillet ,
novembre 18^9 et mars i85o), en se modifiant, se rappro-
chant sans cesse des idées de Heilmann , et dont les dernières
lui sont communes avec le sieur Lister, à qui l'on en doit
deux autres plus personnelles (i85i et i85a), suites ou per-
fectionnements des précédentes, pendant son association avec
le sieur Olden, que j'ai déjà cité comme chef d'un vaste
établissement modèle pour la préparation des longues laines
à Saint-Denis.
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MACHINES ET OUTILS. 275
Àfiu de se convaincre de l'identité, du moins quant au
principe, des peigneuses Heilmann et Donisthorpe, il suffit
de faire remarquer que la machine exposée par ce dernier
à Londres se compose de deux parties distinctes : Tune, déjà
anciennement connue en Angleterre et en France, dans la*
quelle on aperçoit une grande roue ou couronne horizontale
à rotation très-lente, contenant plusieurs rangées circulaires
de peignes ou d'aiguilles étagées en hauteur et en grosseur,
du centre à la circonférence; roue chargée, sur une portion
quelconque de son pourtour, de la laine déjà peignée, qui y
arrive continuellement en l'un de ses points, par petites por-
tions, au moyen de la seconde partie de la machine, mais
dont cette roue est délivrée au fur et à mesure par un couple
de cylindres parallèles étireurs qui lui enlèvent du dehors
les fibres longues, pour en former un ruban continu à la
manière ordinaire, tandis qu'un autre système débourreur
et à brosse cylindrique tournante, agissant un peu 'plus
loin mais intérieurement à la couronne de la grande roue,
débarrasse les sérans des courtes fibres ou blousses restées
entre les aiguilles, à peu près comme cela avait lieu dans
l'ancienne peigneuse de John Collier ou de Godait, en France ,
depuis perfectionnée par MM. Risler et Dixon, de Cernay,
mais dans laquelle la laine longue et la blousse étaient primi-
tivement enlevées à la main par de petits enfants.
L'autre partie de la machine Donisthorpe ou Lister, beau-
coup plus intéressante par sa nouveauté et sa ressemblance,
quant au but , avec celles de Heilmann, présente une table à
étaler suivie de rouleaux cannelés alimentaires, qui font arriver
la mèche, le ruban de laine, entre les aiguilles mobiles d'un
peigne à vis jumelle du système Westley, d'où ensuite ce
ruban est attiré et maintenu sur la partie supérieure, plane,
d'un cuir sans fin, au moyen d'un grand cylindre ou tambour,
également cannelé, roulant sur cette partie mobile, comme
on le verra ci-après; et glissant sur la large tête cylindrique
d'un levier ou secteur presque vertical, à contre-poids de re-
cul , susceptible d'osciller, de tourner d'une certaine quantité
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276 VP JURY.
autour d'un axe horizontal inférieur, de manière à entraîner»
dans ce léger déplacement, tout le cuir sans fin qui enveloppe
aussi, vers le bas du secteur, le contour extérieur d'un galet
concentrique à cet axe fixe et horizontal.
Supposant, en outre, le cylindre cannelé muni d'un butoir
radial repoussé du dedans au dehors par un ressort à boudin,
on verra sans difficulté que ce butoir, venant successivement,
et à des intervalles réglés par le jeu de la machine , pincer
la mèche en avant du cuir ou près du peigne à vis, dont la
marche progressive est dès lors suspendue , la fixera en ce
point même du cuir, et, par suite, l'arrachera du peigne en
vertu des mouvements simultanés du cylindre cannelé, du
butoir-pince et du cuir sans fin entraîné avec le levier oscil-
lant qui en soutient la tête ou partie plane élevée. Dès lors,
cette portion détachée de la mèche , déjà peignée en un sens
ainsi que toutes ses semblables, est bientôt aussi détachée du
cuir par la rotation simultanée du tambour cannelé et du
secteur oscillant, pour être ensuite saisie et enlevée au moyen
d'un autre levier ou bras à bascule , armé de deux larges brosses
tournantes, qui viennent la déposer alternativement sur le
grand peigne circulaire et horizontal à étironneuses men-
tionné ci-dessus, où elle est de nouveau peignée et séparée
de la blousse, etc.
Toute cette dernière partie, en -effet, est conforme à la pa-
tente de i85o, commune à MM. Donisthorpe et Lister; mais
elle se trouvait déjà bien simplifiée dans la machine exposée
à Londres en i85i et construite principalement d'après le
système de la patente délivrée à M. Lister dans le mois de
février de la même année : le secteur vertical de soutien du
cuir, la roue de pression remplissant la fonction de butoir,,
ainsi que le levier à brosse, y étaient notamment remplacés
par un simple levier à fourche oscillant, d'une disposition à
peu près verticale, et servant à enlever par portions succes-
sivement détachées la laine au système alimentaire, pour la
livrer ensuite à la roue horizontale à sérans, au moyen d'une
combinaison de leviers articulés, de pièces à mouvement
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MACHINES ET OUTILS. 277
excentrique ou de bascule assez difficile à décrire sans figure :
ce système, dont on peut voir d'ailleurs un intéressant modèle
exposé au Conservatoire des arts et métiers de la rue Saint*
Martin , à Paris, aura sans doute reçu depuis i85i, ainsi que
les machines mêmes de Josué Heilmann , de nouvelles simpli-
fications ou perfectionnements.
Mais en voilà assez pour, faire comprendre et reconnaître,
avec le tribunal de. Londres chargé d'établir la comparaison
entre les deux genres de peigneuses, que, si les combinai-
sons mécaniques sont en réalité très -différentes, le but et
le principe fondamental sont au contraire les mêmes, attendu
qu'il y a peignage, étirage ou arrachage en avant, à l'aide
d'une pince ou butoir mobile, étirage et peignage en sens con-
traire, par des cylindres étironneurs qui séparent la longue
laine de la blousse, etc. Aussi les jurés anglais, pensant avec
raison qu'une nouvelle idée, qu'un nouveau principe en fait
de machines-outils, sont en eux-mêmes plus importants que
leurs accessoires ou moyens de réalisation et que les perfec-
tionnements divers auxquels ils peuvent donner lieu ensuite ,
ont-ils accordé à la demande de M. Heilmann fils, continua-
teur intelligent de son père, un verdict entièrement favorable
contre M. Donisthorpe, exposant à Londres, et contre M. Lister,
propriétaire, dit-on, de la dernière peigneuse, dont, comme
on l'a vu, la date ne remonte pas au delà de l'année i85o.
Remarquons, en terminant, que si le dernier modèle de
la peigneuse Lister et Olden est plus simple, plus économique
dans sa constitution , plus accéléré ou productif dans ses ré-
sultats, en revanche, le redressage et le peignage des fibres
textiles y sont peut-être moins réguliers ou moins complets,
à préparation égale des matières premières. Moins originale
d'ailleurs, dans son allure mécanique, moins bien ramassée
et groupée enfin , cette peigneuse parait surtout devoir être
moins féconde dans ses applications possibles ou futures aux
matières textiles distinctes de la laine, notamment à celles
dont les fibres sont beaucoup plus longues ou moins faciles à
saisir et à redresser.
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278 W JURY.
Ta vouerai même, en toute humilité» ne pas bien apercevoir
à priori comment la machine de MM. Lister et Olden pourrait,
sans transformations notables» servir au démêlage et au re-
dressage des fibres roides et lisses des étoupes, des filasses
coupées du lin et du chanvre» ou de celles, plus flexibles
mais beaucoup plus lisses encore» des déchets de soie; tandis
que, moyennant un écartement convenable des têtes d'éti-
rage, etc., cela se conçoit assez facilement dans la machine de
Josué Heilmann, telle qu'elle a été perfectionnée en dernier
Keu par son fils, sous Jes auspices et les inspirations de
MM. Schlumberger, Nicolas et Henri, de Guebwiller. Ce serait
là évidemment un immense progrès accompli et un véritable
bienfait ajouté à tant d'autres dont l'industrie linière, la fila-
ture des cotons fins et celle de la bourre de soie , dans notre
pays, sont redevables à ces honorables et très-habiles cons-
tructeurs de machines.
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MACHINES ET OUTILS. 279
m* ET DERNIÈRE SECTION.
MACHINES SERVANT A UNIR
ENTRE BOX ET AVEC LES TISSUS LES FILS SIMPLES OU COMPOSES.
Les machines à retordre, commettre et tresser; les ma-
chines à ourdir et tisser les étoffes, pleines ou à jours, unies
ou brochées; les machines même à coudre et à broder les
tissus pleins, à fabriquer les filets de pèche, les bourses, etc. ; ces
différentes machines, ces métiers, ainsi que beaucoup. d'autres
moins importants, mais la plupart fort ingénieux, consti-
tuent le fond essentiel de cette Section, qui devrait com-
prendre également les outils ou instruments destinés à la
fabrication mécanique des objets de passementerie ou d'orne-
ments, ce luxe de nos ancêtres, aussi vieux que le monde
qu que l'art même de tisser les étoffes. H me faudrait une
année encore d'études et de recherches persévérantes, ajoutée
à celles qui se sont écoulées depuis la clôture de l'Exposition
universelle de Londres, pour être en mesure de présenter
d'une manière un peu rationnelle, et suivant l'ordre exact ou
naturel des idées, le tableau historique, même rapide, des
découvertes qui concernent ces intéressantes machines ou ins-
truments , c'est-à-dire avec l'étendue déjà accordée aux matières
de quelques-unes des précédentes Sections.
Non-seulement ces découvertes le méritent à cause de leur
importance pour le progrès des arts vestiaires et d'ameuble-
ment; mais, comme j'en ai déjà fait la remarque d'une manière
générale, elles réclameraient une étude aussi sérieuse que
réfléchie, en raison même de leur multiplicité, de leur com-
plication et du caractère de précision, en quelque sorte
absolu , géométrique, qui s'attache à leurs délicats produits ou
organes mécaniques et rentre plus particulièrement dans la
classe des combinaisons pour ainsi dire locales, où l'ordre,
l'arrangement, 1» répartition et la distribution systématique
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280 VF JURY.
des fils constituent en réalité le bat essentiel, abstraction
faite de la nature, de la qualité des matières, ainsi que de la
considération du temps, de la force et de la vitesse nécessaires
pour accomplir les différents mouvements avec l'exactitude et
la perfection désirables.
Obligé ici de me restreindre extraordinaire ment, au lieu
d'embrasser l'ensemble dei questions historiques ou tech-
niques qui se rapportent à chaque branche, je ne traiterai
que les plus importantes et en quelque sorte les plus utiles
par leur généralité d'application , sans même pouvoir toujours
indiquer aveé la suite et la clarté indispensables la marche
encore si obscure des idées ou inventions principales. Cette
remarque s'applique surtout à la partie du dernier chapitre
qui concerne les métiers à fabriquer les tissus à mailles ou
bouclés : je veux dire les bas, les tricots, les tulles, etc.
Je m'étendrai, au contraire, davantage sur les machines à
fabriquer les tissus unis ou figurés, dont l'histoire commence
à être un peu mieux connue, sinon approfondie, grâce aux
importantes études de mon savant ami et confrère à l'Acadé-
mie des sciences, M. le général Piobert.
A l'égard des machines à commettre, ou plus spécialement
à fabriquer les cordages divers de la marine et du commerce,
machines qui font l'objet du chapitre ci-après, j'y ai insisté
d'une manière toute particulière , parce qu'elles constituent
les premières dont je me sois occupé en i852, après celles
qui concernent la filature du lin et du chanvre, à la Section
desquelles elles appartiennent, sans contredit, plus encore
par la nature textile des matières qu'on y emploie que par
les principes, les doctrines scientifiques, ou philosophiques
comme le disent les Anglais, dont le système convenablement
entendu embrasse dans sa généralité l'ensemble des machines
à retordre, enlacer des fils simples ou composés et indéfinis,
suivant des formes hélicoïdes et sinusoïdes autour d'un axe,
d'un noyau commun, réel ou fictif, rectiligne ou curviligne;
machines qui, avec les cantres, les ourdissoirs, etc., consti-
tuent en quelque sorte le point de départ du tissage proprement
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MACHINES ET OUTILS. 281
dit, mais dont celles qui concernent l'art du cordier en par-
ticulier peuvent être, tout au moins, considérées comme un
utile et important spécimen.
CHAPITRE 1-.
MACHINES À RETORDRE , COMMETTRE ET TRESSER , PLUS SPÉCIALEMENT EMPLOYEES
DANS LA FABRICATION DES CORDAGES.
J'ai insisté à plusieurs reprises déjà, mais plus particuliè-
rement dans les chapitres qui concernent le moulinage de la
soie, sur les machines destinées à doubler, tordre et retordre
les fils. Ces machines se ressemblant à peu près toutes dans
les diverses branches de filature , et les moins anciennes d'entre
elles ayant considérablement emprunté à celles qui appar-
tiennent à l'industrie de la soie, il serait bien superflu d'en
reprendre l'historique à un point de vue plus général ou plus
spécial encore, malgré tout l'intérêt qu'il comporte, même
en se restreignant aux petites fabrications des fils retors, à
broder, k coudre, etc. Néanmoins , je ne puis m'empêcher de
présenter, à propos de ce dernier genre de fabrication , une
remarque qui me parait très-opportune : c'est que chez nous,
et principalement pour les retors, teints ou non, mais cons-
titués de matières textiles à fibres plus ou moins courtes et
au nombre desquelles on comprend même les différentes
bourres de soie, nos machines ne semblent pas encore avoir
atteint le degré de précision indispensable dans les mouve-
ments, l'exécution matérielle, mais surtout dans le manie-
ment, le gouvernement et les soins tout particuliers réclamés
par un genre de produits qui, pour être généralement re-
cherché, ne doit offrir, en quelque sorte, aucune imperfec-
tion physique ; caractère qui , si je ne me trompe et longtemps
déjà avant l'Exposition de Londres, distinguait éminemment
les retors anglais de diverses essences ou numéros, et les
faisait, même à prix supérieurs, préférer aux nôtres. Or, ce
fait est d'autant plus surprenant et regrettable que, d'après
les preuves irrécusables fapportées dans la première Section,
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282 VI* JURY.
nos organsins ou autres fils de soie retors à longs brins sont
notablement supérieurs à ceux que Ton avait jusqu'alors fabri-
qués en Angleterre.
Ici, il est vrai , il s'agit de matières de premier choix, des-
tinées à la fabrication des étoffes de luxe ou de haute qualité ,
desquelles les nœuds , les vrilles, les mariages, les bourillons,
les duvets et inégalités quelconques de grosseur ou de tors,
doivent être rigoureusement proscrits. Mais ces défauts ne
semblent guère moins préjudiciables à la couture, à la bro-
derie, à la dentellerie ou tuilerie, etc.; car, s'il ne s'agit plus
simplement de l'apparence ou du reflet des étoffes, les fils
n'en doivent pas moins résister à des efforts de traction , de
tension, énergiques ou fréquemment répétés, et jouir d'une
égalité de grosseur et de constitution qui leur permette de
traverser facilement les étoffes à la suite des crochets et
aiguilles, ou de former des réseaux réguliers, pour ainsi dire
mathématiques, et exempts, avant tout, de ces poils, boutons
ou éraillemenU divers qui trop souvent les défigurent, au
détriment de la beauté des tissus.
En vérité, quand on considère toutes ces causes d'imperfec-
tion des retors, quand on sait que d'ingénieux mais obscurs
artistes, en France, cherchent aujourd'hui encore à se jeter
dans des voies nouvelles pour en simplifier, en accélérer la
fabrication mécanique au point de vue même restreint de la
couture, quand enfin on sait que les Anglais fabriquent à bien
meilleur marché que nous, on est fort tenté, sans prétendre,
tant s'en faut, au titre de libre échangiste, de se demander si
les habiles tullistes de Calais, de Saint-Quentin, etc., n'ont
pas quelques droits de se plaindre au Gouvernement qu'on
n'ait point songé encore à stimuler le zèle et l'activité de nos
propres filateurs, soit par des encouragements spéciaux, soit
par un abaissement proportionnel et gradué du droit sur les
retors fins, à leur entrée en France.
Après ces courtes réflexions, que je prie de pardonner à
mon incompétence dans la question, réflexions qui auraient
mieux trouvé leur place peut- être *dans un chapitre moins
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MACHINES ET OUTILS. 283
exclusivement consacré à la fabrication des cordages, il ne me
reste plus , avant d'entrer en matière , qu'à m'excueer de m'être
ici, entraîné par l'importance du sujet, étendu sur la partie
historique relative au filage des gros fils de caret, qui entrent
comme éléments constitutifs dans tous les cordages de la ma-
rine marchande ou militaire, mais dont la fabrication à l'aide
de machines spéciales appartient en réalité à la Section pré-
cédente, tout autant par le système des opérations méca-
niques que par la nature des matières textiles.
S I*. — Des pins anciennes tentatives concernant la fabrication mécanique
' des cordages. — Lauriau, Prudhon , Do Perron, etc., en France ; Sorocold,
Belfour, d'Elseneur, en Danemark; Fothergill, Haddart, Chapman, etc.,
patentés en Angleterre dès la fin du dernier siècle. — Robert Faîton et
Nat. Cutling, brevetés en 1799, à Paris, pour des machines à rouages
planétaires ou épicycles servant au commettage des torons, etc.
Je n'ai pas la prétention d'entrer ici dans de longs détails
historiques et des discussions approfondies sur la fabrication
mécanique si intéressante des cordages; je me propose seule-
ment de présenter quelques données ou aperçus essentiels,
relatifs aux principales tentatives faites en vue de procurer
à cette fabrication le caractère automatique dont elle était en-
tièrement dépourvue à l'époque où le célèbre Duhamel écri-
vait l'Art da cordier, dans 4a grande Encyclopédie; caractère
dont, aujourd'hui même, elle jouit à un degré assez peu pro-
noncé pour laisser beaucoup à désirer encore.
L'une des plus anciennes tentatives de ce genre en France
se rapporte, je crois, à la machine à fabriquer les câbles, gre*
lins et autres gros cordages, par les sieurs Lauriau et Prudhon ;
machine sur laquelle MM. Duhamel, Courtivron et Vaucan-
son firent, le 19 avril 175a, un rapport assez peu favorable
à l'Académie des sciences, et dans laquelle une grande roue
dentée mettait en action sept pignons à crochets qui, tour-
nant sur eux-mêmes, servaient à tordre autant de torons, dis-
posés circulairement et non plus en ligne droite, comme
auparavant, etc. Il est toutefois digne de remarque que le
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284 Vr JURY.
principal reproche adressé par les commissaires à cette ma-
chine, accompagnée d'un cable à sept torons bien commis»
consistait dans sa trop grande complication ponr le service
des arsenaux maritimes, à moins qu'on n'y manque £ ouvriers.
On vit également, en 1 775, Du Perron , ingénieur des mines
français, proposer au Gouvernement un procédé pour filer
à la fois vingt-quatre fils de caret, dans six avenues conver-
geant en étoile vers un centre où existait la machine à ma-
nège qui devait imprimer le mouvement rotatoire simultané
aux tourniquets à crochets servant à tordre la filasse du lin
ou du chanvre, à mesure quelle était filée par les ouvriers,
reculant horizontalement dans toute la longueur du chantier.
Mais ce n'était pas là, à proprement parler, un procédé mé-
canique de fabrication du fil de caret, procédé qui ne devait
surgir que plus tard et après le perfectionnement même de la
filature du lin et du chanvre, comme on le verra dans l'un
des paragraphes ci-après. Encore moins de semblables pro-
cédés pouvaient-ils servir au commettage, à la réunion en un
seul faisceau d'hélices , d'un certain nombre de fils pour en
constituer une simple corde ou toron , ou d'un certain nombre
de torons pour en constituer des aussiires, grelins, etc.; com-
mettage dont, je le dis à regret, il faut rechercher les pre-
mières, les plus sérieuses tentatives mécaniques ailleurs que
dans notre pays *, où l'on ne songea à s'en occuper sérieuse-
ment qu'à une époque également très-rapprochée de nous.
1 H a été pris, notamment en Angleterre, dans le dernier siècle et au
commencement de celui-ci, un grand nombre de patentes relatives à la
fabrication des cordages, comme on peut le lire dans le Catalogue officiel
publié à Londres en i854. Dès 1703 , on voit un certain Georges Sorocold
s'en faire délivrer une pour des moyens propres à découper toute espèce de bots
ou de pierre et tordre toute espèce de cordes et de câbles par la force des che~
vaam ou de Veau; mais il s'agissait là, sans doute, de combinaisons méca-
niques dans le genre de celles employées postérieurement en France par
Lauriau , Prudbon et Du Perron. Les patentes délivrées en 1784* 1786 et
1793, aux Anglais Richard March, Benjamin Seymour et Edmond Cart-
wrigbt, appartenant à l'époque féconde des premières applications de la
vapeur à la filature automatique du coton, devaient, par là même, offrir
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MACHINES ET OUTILS. 285
À cet égard, BeJfour d'Elseneur, en Danemark, dont les
travaux dans ce pays doivent remonter à une date anté-
rieure même à celle du 1-6 mars 1793, où il prit en Angle-
terre la patente dont OHeilly nous a transmis les données
essentielles, dans ses précieuses Annales historiques, publiées
en français à Paris1, Belfour parait être, en 'effet, le premier
qui se soit préoccupé de donner aux brins ou fils de caret, sor-
tant de l'ourdissoir pour en former le toron, une régularité d'ar-
rangement, une égalité d,e tension sans lesquelles, au lieu de
résister simultanément aux violentes secousses qu'ils subissent
dans les câbles de manœuvres, ils ont une tendance à se rompre
les uns après les autres, sous des efforts qui suivent nécessaire-
ment une loi croissante à partir de l'instant où leur ensemble
reçoit l'application de la charge. Cette cause d'affaiblissement
est aujourd'hui trop bien connue, par l'exemple des ponts sus-
pendus sur câbles en fil de fer, pour qu'il soit' nécessaire de
démontrer l'importance du principe mis en avant par Belfour,
principe dont, au moins, il a cherché le premier à réaliser
l'application pratique.
d'autres combinaisons 00 éléments de succès; mais, à ma connaissance,
elles n'ont laissé aucune trace sérieuse et qui témoigne des progrès dont
elles auraient été l'origine pour la fabrication mécanique des cordages. H
en est tout autrement des patentes accordées dans les années suivantes aux
successeurs de Cartwrigbt, et plus spécialement à John-Daniel Belfour,
Richard Fothergill, Joseph Haddart, William Chapman, John Curr, etc.,
qui se succédèrent à de très-courts intervalles jusque vêts 1 8 1 o , et dont les
travaux eurent un certain retentissement en Europe, sans pour cela exercer
une influence immédiate sur le perfectionnement de notre propre fabrica-
tion, ainsi qu'on le verra dans le S II ci-après, où, à défaut des patentes
et écrits originaux antérieurs à cette époque, j'ai dû recourir aux ouvrages
publiés postérieurement en Angleterre et en France, pour acquérir une
idée un peu nette des conceptions mécaniques originales contenues dans
les plus importantes de ces patentes, afin de rétablir, s'il se peut, l'ordre
chronologique des faits ou inventions, sinon à priori, du moins au fur et à
mesure, ou selon que le sujet le comportait, mais en in arrêtant princi-
paleirient aux combinaisons qui ont pu exercer une influence réelle sur
Tétât présent de cette branche d'industrie, dont l'histoire a été singulière-
ment obscurcie par la rivalité des intérêts.
1 Annales des arts et manufactures, t. H, p. 68.
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286 Vr JURY.
La machine de cet industriel , spécialement destinée à fabri-
quer les cordages de la marine* se compose d'un grand châssis
ou casier vertical , en charpente , nommé cantre dans l'industrie
du tissage, portant une série de rangées de bobines étroites ou
dévidoirs , montés sur autant d'axes horizontaux parallèles com-
pris dans un même plan et destinés à recevoir les fils de caret
primitivement enroulés sur les tourets à branches croisées
ordinaires, puis renvidés simultanément sur les dévidoirs»
au moyen d'une manivelle qui leur communique à tous un
mouvement égal de rotation , en même temps qu'un mouve-
ment de va-et-vient, parallèle et longitudinal, est imprimé à
un châssis ou grillage antérieur dont les œillets livrent pas-
sage aux fils et, leur servant de guides, obligent ceux-ci à
s'enrouler avec une parfaite régularité, sur les gorges des
bobines. Lors. de la formation du toron, les fils de caret, par-
tant de ces bobines ou dévidoirs, vont s'attacher par l'autre
extrémité au crochet d'un très-fort tourniquet qui, par une
rotation rapide sur lui-même, doit donner à leur ensemble
la torsion nécessaire.
Mais auparavant les divers fils traversent im grillage ou
châssis mobile, nommé par l'auteur machine à séparer, et
qui remplace ici les supports à chevilles ordinaires des cor-
diers. Ces châssis sont formés de tiges verticales, ou sortes de
râteaux ouverts par le haut, et de tringles ou traverses en fer
horizontales destinées à supporter autant de rangées de fils,
qu'on place une à une, mais qu'on peut retirer, à volonté et
d'un seul coup, quand l'opération du commettage est termi-
née. L'objet de ces châssis est non-seulement de soutenir les
fils pendant leur tortillage commun, mais encore d'empêcher
qu'ils ne puissent s'emmêler; et, à cet effet, ils sont précédés,
à l'endroit même où le toron est soumis au commettage, d'une
sorte de tronc paraboloïdal en bois, armé, à sa plus grande
circonférence, de chevilles ou pointes, dans l'intervalle des-
quelles les fils de caret glissent le long de la surface couverte
et graissée de l'instrument nommé toupin, qui rappelle celui
jusque-là employé pour le commettage des grosses cordes* et
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MACHINES ET OUTILS. 287
qu'un ou deux hommes conduisent, en le soutenant et le
poussant , de manière à en maintenir la pointe à l'entrée du
toron» qui tend à le repousser continuellement vers le châssis
porte-bobine, c'est-à-dire au fur et à mesure que le tortille-
ment avance.
Toutes ces précautions seraient insuffisantes néanmoins
pour assurer la parfaite régularité du travail et l'égalité des
tensions, si Belfour n'avait en même temps armé l'axe des
bobines -dévidoirs de ressorts en acier, dont le frottement
sur leur face extérieure, réglé à volonté au moyen de vis de
pression, sert à empêcher ces bobines de dévider trop vite ou
trop lentement les fils, relativement au développement héli*
coïde naturel et inégal qu'ils reçoivent à l'intérieur et à la sur-
face externe du toron; c'est, en effet, ce qui arriverait si ces
bobines conservaient une entière liberté, indépendamment
des inconvénients résultant de l'emmêlage de fils inégalement
et insuffisamment tendus.
Par ce procédé très-simple, dans lequel le cantre, le casier
à bobines reste fixe, on économisait, d'après CReilly, une
quantité notable de matière dans la fabrication des cordages,
et l'on obtenait non-seulement plus de résistance, mais aussi
plus de compacité et moins de chance d'allongement, etc.;
c'est à tel point qu'un câble de douze pouces de circonférence
ainsi fabriqué aurait possédé autant de force qu'un autre de
quinze fabriqué à la manière ordinaire.
Je suis entré dans quelques détails sur ces premières ten-
tatives de Belfour pour améliorer la fabrication des cordages
de la marine, parce qu'on en aperçoit des traces manifestes
.dans les essais ultérieurs de perfectionnements dont j'aurai
plus loin à rendre compte. Mais on remarquera qu'il n'est
rien dit dans l'ouvrage d'O'Reilly du commettage réciproque
des torons pour en former les câbles ou aussières, commet-
tage qui, dans la méthode de Belfour, s'exécutait sans doute
d'après l'ancien procédé des cordiers. De plus, la méthode
dont il s'agit, malgré tout ce qu'elle contenait de neuf et d'in-
génieux, n'était qu'un acheminement, bien faible encore, vers
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288 VP JURY.
la solution complète du problème, du moins sous le rapport
dés procédés automatiques, c'est-à-dire exclusivement méca-
niques. Or ce but est précisément celui que William Chap-
man en Angleterre, dans ses patentes de 1797 et 1798, puis
Fulton et Cutting en France, dans un brevet de mai 1799,
se sont presque au même moment , comme on le voit, proposé
d'atteindre par des procédés. qui, nonobstant leur apparente
analogie, sont pourtant très-distincts quant aux moyens mé-
caniques de solution ou d'exécution.
D'après ce qui a été publié par CReilly dans le t X,
p. 67, des Annales des arts et manufactures, à la date du
3o messidor an x1, Chapman, de Newcastle-sur-Tyne, avait
présenté dans ses patentes diverses combinaisons mécaniques,
dont la première, et probablement la seule dès lors réalisée par
lui, consiste essentiellement dans le commettage simultané
des fils de caret en torons et des torons en grelins, aussières
ou cables; le commettage partiel des torons ayant lieu au
moyen d'autant de roues, de plateaux verticaux porte-bobines
1 Un extrait fort étendu de cet article se trouve inséré à la page i5o,
pi. 2 5 , du volume de Borgnis , publié en 1 8 1 8 et iotitulé : Des machines em-
ployées dans les constructions diverses; volume où Ton trouve aussi une indi-
cation succincte des premiers travaux de Belfour, relatifs à l'ourdissage des
fils de caret, et de John Curr, pour le perçage mécanique et la couture des
torons ou aussières servant à ia fabrication des cables plats, espèce de
courroies employées dans l'exploitation des mines et carrières, qui paraît
avoir également préoccupé, sept ans après (octobre i8o5), Joseph Hud-
dart, dont M. Borgnis décrit (p. i54, pi. i5) une des plus anciennes ma-
chines, ayant spécialement pour objet de commettre les torons dans un espace
circonscrit et par l'action motrice de la vapeur appliquée à l'arbre hori-
xontal postérieur d'un châssis en charpente à rouages internes, tournant
sur lui-même pour tordre le faisceau des fils de caret sortis d'une tuyère
cylindro-conique où ils viennent converger après avoir traversé une sorte
de crible ou passoire antérieure, etc., tandis que le toron, déjà formé ou
tordu, va s'enrouler progressivement sor un tambour transversal monté
sur ia partie postérieure du châssis tournant. Malheureusement, M. Borgnis
nous laisse ignorer et la date de la patente et la source à laquelle il a
puisé, source qui aurait pu nous éclairer sur l'antériorité des titras de
Huddart, relativement à ceux de Chapman, fulton et Cutting, aussi bien
que sur la filiation véritable de leurs idées ou inventions mécaniques.
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MACHINES ET OUTILS. 289
à fils de caret, montés séparément sur des arbres creux tour-
nants, où ces fils se rendent respectivement en convergeant,
rayonnant, de la circonférence ad centre, pour recevoir la
torsion commune, étant d'ailleurs resserrés, pendant leur
passage au travers de la partie centrale et évidée du plateau,
«ntre des taquets à ressorts de pression, d'où le toron, com-
primé et tordu sur lui-même, s'échappe ensuite vers une tuyère
cylindro- conique dont les rainures intérieures convergentes
dirigent les divers torons jusqu'au tube postérieur remplissant
la fonction d'un nouvel arbre creux, etc. Cet arbre, en effet,
est muni d'une roue dont la rotation procure à l'ensemble des
torons un torscommun ou commettage définitif, qui les cons-
titue, après leur échappée du tube tordeur, en une corde
unique allant se rendre en arrière, par une poulie de renvoi
fixe, sur un gros tambour enrouleur, à corde motrice sans fin
qui lie sa rotation à celle de cette même poulie , de manière à
former de l'ensemble un système de fabrication des cordages
véritablement automatique, mais qui ne parait pas néan-
moins avoir obtenu , même en Angleterre, un succès pratique
bien constaté.
On doit en dire à fortiori autant de quelques autres com-
binaisons ou projets de cette espèce mentionnés dans l'article
cité d'O'Reilly, relatif aux premières patentes de Chapman,
notamment de celui, assez vaguement conçu d'ailleurs, où il
s'agit d'une grande roue dentée horizontale et supérieure, en-
grenant dans douze pignons à arbres verticaux de torons, qui,
à leur tour, viennent se commettre trois par trois en quatre
différents cordages au moyen de quatre nouveaux arbres ver-
ticaux, etc.; disposition qui, sauf la puissance des moyens
mécaniques et la complexité étrange du but, semble emprun-
ter son idée principale à quelqu'une des petites et fort an-
ciennes machines de passementerie à fabriquer les lacets ou
cordons par un procédé purement automatique 1.
1 Voyez, an sujet de ces macbines, Y Addition placée à la fin du présent
chapitre.
vif jo*y. — *• partie. 1 9
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290 W JURY.
Je croîs, (Tailleurs, qu'H convient de distinguer soigneu-
sement de telles conceptions, malgré l'identité apparente du
but, de celles qui ont été présentées presque simultanément
dans leur brevet d'invention français du 18 mai 1799, déjà
précédemment cité ; par les Américains Robert Fui ton et Nat.
Cutting, résidant alors à Paris *, mais dont aucune ne me semble
devoir être considérée comme une simple importation des
idées américaines ou anglaises, pas plus, sans doute, que cela
n'est arrivé à l'égard des bateaux à vapeur, dont la découverte
n'est point aujourd'hui contestée à noise pays.
Dans ce brevet, l'ourdissoir à casier vertical et plan de
Belfour est remplacé par un porte-bobines , composé de quatre
disques annulaires, parallèles, également verticaux et inter-
rompus, vers la base, pour le passage du faisceau convergent
des fils de caret montés sur de larges et doubles bobines à
axes "horizontaux parallèles, que supportent les disques annu-
laires, et dont les couronnes voisines* sont enveloppées d'une
bande de cuir tendu, à l'une des extrémités, par un poids,
de manière à remplir la fonction d'un véritable frein lors du
dé vide ment des fils. Le point inférieur de convergence de ces
fils est déterminé par une ouverture cylindrique évasée en
forme d'entonnoir et pratiquée dans la pièce de charpente
l 'Recueil des brevets expirés, L V, p. 6*, pi, xi. On trouve aussi à la
date du 8 mai 1794, sous le nom de Robert Fulton, une patente anglaise
(n° 1988) où, au lieu de machines servant à la fabrication automatique des
cordages, il s'agit de moyens mécaniques entièrement nouveaux, dit Fau-
teur, pour élever les navires d'un niveau à un niveau supérieur. Or, il est
très-digne de remarque que Fulton ne s'est fait patenter ni en Angleterre
ni en France pour l'invention bien plus capitale des bateaux à vapeur.
A l'égard de l'ingénieuse disposition de la machine de Fulton et Cutting
à tordre les câbles ou torons au moyen de mouvements planétaires excen-
triques ou épicycles imprimés aux porte-bobines, il me serait, pour le mo-
ment, impossible d'en indiquer la primitive origine ailleurs que dans le
tour ou dans les mécanismes d'horlogerie à rouages différentiels» etc.; car
il est fort peu probable que ces ingénieurs aient pu mettre à profit les idées ,
encore si peu arrêtées comme on l'a vu, émises par William Ghapman
dans des patentes qui ont paru, pour ainsi dire, simultanément avec leur
brevet de 1799.
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MACHINES ET OUTILS. 291
qui supporte les disques et leurs bobines, ouverture d'où le
faisceau plus ou moins resserré des fils se rend verticalement
dans un appareil rotatoire qui lui donne le tors nécessaire
pou* en constituer un toron véritable.
Cet appareil lui-même est formé d'un châssis vertical rec-
tangulaire évidé, mooté sur un arbre, à pivot inférieur, dont
Taxe, prolongé, irait se confondre avec celui du toron avant
son entrée dans le châssis, et qui divise en parties égales les
longs côtés horizontaux de ce dernier, dont les deux autres
côtés portent Taxe carré d'une large bobine horizontale, le
long duquel elle peut glisser librement et à frottement doux,
en cédant à l'obliquité de l'aotion du toron , qui s'y enroule
en hélices après avoir traversé le côté supérieur du châssis
entre la gorge de deux galets fournisseurs qui l'y attirent gra-
duellement : le mouvement de ces galets est d'ailleurs en rap-
port avec celui de l'arbre carré de la bobine, par l'intermédiaire
de poulies de renvoi, de vis sans fin et.de roues d'engrenages
latérales, emportées dans la rotation générale du châssis, dont
l'arbre vertical moteur traverse librement et concentrique-
ment, vers le bas, une dernière roue dentée, une dernière
poulie, fixées au support inférieur et qoi donnent le mouve-
ment relatif à l'équipage dont il s'agit.
Si l'on a bien suivi cette rapide description c(p l'appareil à
fabriquer les torons, il ne sera pas difficile de se représenter
celui qui sert au commettage des cordes elles-mêmes, généra-
lement composées de trois ou quatre de ces torons, enlacés,
tordus, les uns autour des autres, en hélices, dans des sens
contraires à celui qui a produit la torsion des fils de caret sur
chacun d'eux, et d'où résulte, comme on Ta montré plus
généralement ailleurs, une tendance naturelle à s'enrouler
réciproquement. Il suffit, pour cela, d'imaginer que trois ou
quatre châssis verticaux, à bobines horizontales, chargées de
leurs torons au sortir des précédentes machines, soient em-
portés * dans un mouvement de rotation général, autour d'un
puissant arbre moteur vertical, tout en tournant sur eux-
mêmes, d'uq mouvement relatif produit par un système de
>9-
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292 VI' JURY.
roues dentées inférieures au châssis : l'une centrale , immo-
bile et concentrique à cet arbre, dont elle est indépendante;
les autres montées sur un fort anneau ou volant, faisant corps
avec ce même arbre et entraînées dans son mouvement rota-
ioire, de manière à constituer de l'ensemble, en quelque sorte,
un système planétaire dans lequel les châssis mobiles repré-
senteraient les satellites.
Si Ton imagine, en outre, que les bobines, entraînées avec
ces châssis, n'éprouvent ici aucun glissement longitudinal
dans le sens de leurs axes horizontaux, tandis que le con-
traire arrive pour les rouleaux fournisseurs placés au-dessus
du côté supérieur de ces châssis ; si l'on imagine enfin que les
torons, après s'être élevés verticalement jusqu'au niveau d'au-
tant de poulies de renvoi liées invariablement à l'arbre moteur,
viennent converger au sommet de cet arbre, en un point
occupé par un tube en entonnoir, où , en se resserrant les uns
contre les autres , ils reçoivent la torsion nécessaire pour de
là se rendre directement, mais par d'autres poulies de renvoi
supérieures, sur une dernière grande bobine horizontale,
autour de laquelle l'aussière, le câble s'envide en hélice; si l'on
a bien suivi, dis-je, cette combinaison ou transformation de
mouvements, on aura une idée à peu près complète des
deux machinas à commettre de Robert Fulton et Cutting, qui
ne diffèrent entre elles, du moins sous le rapport du méca-
nisme général, qu'en ce que dans l'une la bobine où s'en-
roule le câble est placée à la base du système, tandis que
dans l'autre elle est située à la partie supérieure, au-dessus
de l'axe moteur, et dans un châssis analogue aux précédents,
mais entièrement fixe.
B existe, en effet, entre ces deux machines, et à l'égard
du mode même de chaque fabrication , une différence capitale
qui a motivé celle dont on vient de parler : c'est que dans
le dispositif où le câble, tout fabriqué et ici à quatre torons,
va se rendre par un renvoi de poulies sur une bobine infé-
rieure , ce câble reçoit intérieurement une mèche centrale ou
âme destinée, d'après l'usage des cordiers, à garnir l'intervalle
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MACHINES ET OUTILS. 293
vide qui sans cela existerait entre ces mêmes torons aux-
quels il sert d'appui, et permettrait à l'eau de s'y introduire,
d'y séjourner même, au grand détriment de la conservation
des substances végétales qui les composent. Or, ce résultat est
obtenu au moyen d'un dernier châssis portant une bobine
horizontale garnie de la mèche en question, et qui, placé au
sommet de l'arbre moteur, tourne avec lui ainsi que les pou-
lies de renvoi des torons , tandis que la mèche traverse le côté
supérieur de ce châssis pour se rendre verticalement dans l'axe
du tube, où elle est attirée par ces mêmes torons, qui s'y réu-
nissent et s'y tordent incessamment sous une certaine force de
compression réciproque.
En examinant la précision relative, pour l'époque de 1799,
de l'ensemble et des détails que comportent les dessins joints
au brevet de Fui ton, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître
le double cachet, du génie de l'invention et d'une perfection
de procédés, de moyens mécaniques, qui se laissent rare-
ment apercevoir dans la description d'un simple projet non
encore suivi d'exécution matérielle. Malgré toutes mes infor-
mations néanmoins, il m'a été impossible de découvrir au-
cune trace de l'existence, en France, de semblables machines
à fabriquer les cordages, même longtemps après 1799, et
tout semble permettre de croire que si Fullon et Cutting n'en
avaient point apporté les dessins ou les modèles de l'Amérique
en Europe, ils avaient tout au moins soumis dans notre pays
leurs ingénieux projets à quelque expérience ou tentative de
réalisation préalable.
Quels que soient, au surplus, les frais et les difficultés
d'exécution en grand que de semblables machines aient dû
présenter alors, et bien qu'on puisse leur reprocher, quant à
la fabrication des gros cordages de la marine, des inconvé-
nients très-graves, mais sur lesquels il serait peu nécessaire
d'insister ici, on n'en doit pas moins être surpris de l'abandon
absolu dans lequel. étaient tombées chez nous, avant et long-
temps même après l'époque de 181 5, ces ingénieuses ten-
tatives pour commettre automatiquement les fils torons et
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294 VF JURY.
cordes diverses, aussi bien que celles de Chapman et de Hud-
dart, déjà mentionnées précédemment, et qui, accompagnées
de perfectionnements pratiques, m'obligeront à y revenir d'une
manière plus explicite encore dans le S H ci-après.
Toutefois, on a lieu d'être bien autrement surpris de voir
des technologues aussi distingués qu'Andrew Ure et ses tra-
ducteurs français, décrire et calquer dans leurs ouvrages,
comme ils l'ont fait pour les inventions de Philippe de Girard ,
la moins avantageuse peut-être des deux machines à commettre
ci-dessus, sans citer la date du brevet ni les noms des auteurs»
sans même nous apprendre si cette machine avait reçu quelque
part, soit en France, soit en Angleterre, une utile et sérieuse
application à l'industrie.
S II. — État et perfectionnements progressif* de la fabrication mécanique
des gros cordages, en France et en Angleterre, aux époques antérieures
à i85i. — Le maître cordier Duboul, de Bordeaux, et M. Molard, rap-
porteur de la Société d'encouragement de Paris. — Indications, princi-
palement d'après MM. Dapin (Charles), Ure, ChédevilU et de Mores,
relatives aux anciens travaux de MM. Loir et Hubert, en France; JVUUam
Chapman, Joseph Huddart et William Norvell, en Angleterre. — La ma-
chine à mouvements planétaires de M. Crawhall, de Newcastle, à l'Expo-
sition universelle de Londres.
Ce qui démontre le profond oubli où étaient restées en
France les inventions de Fulton, mais principalement celles
de Belfour, ce sont les éloges et les récompenses qui ont été
donnés tour à tour, en i8i3, i8i4» i8i5 et 1816, par trois
commissions maritimes, et en 1818 par la Société d'encou-
ragement de Paris, à M. Bernard Duboul , maître cordier à
Bordeaux , sans qu'on ait mentionné , à cette occasion, d'autres
procédés mécaniques que ceux qui se trouvent décrits dans
les traités de Duhamel, Réaumur, Musschenbroek, d autres
machines à tordre que celles qui furent publiées en 162 5
par Fanstas Varentias, ou par MM. Huddart et C", pour con-
fectionner des cordages avec des moyens réguliers plus ou
moins semblables à ceux de M. Duboul ; machines dont
quelques-unes, disait-on, étaient mises en jeu par des mo-
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. MACHINES ET OUTILS. 295
leurs hydrauliques ou à vapeur1. En redite, les procédés de
ce dernier étaient loin d'atteindre un tel but, quoiqu'ils
aient été trouvés par les commissaires très-supérieurs à ceux
alors en usage dans la corderie de l'arsenal maritime de
Rochefort. En effet, ils consistaient principalement à donner,
pendant l'opération du commettage , une égale et plus forte
tension aux fils de caret qui composent les torons et aux
torons qui composent les aussières, non pas seulement en
chargeant le carré ou traîneau ordinaire de retenue de poids
plus forts, mais en réglant sa marche par un palan d'arrière,
qui lui-même servait, en quelque sorte, à éprouver leur force
avant ou après le tortillement. Suivant le cordier Duboul, ce
tortillement s'opère d'autant plas facilement que les torons ont
été plus tordus, et il en résulte ainsi un allongement qui, ne se
reproduisant plas dans les manœuvres de navires, devient insenr
sible avant leur rupture.
D'un autre côté, le même fabricant donnant, par cet excès
de tension et d'allongement primitif, une plus grande étendue
effective aux fils de caret dans l'ourdissage , ainsi qu'aux torons
dans le commettage, il en résultait une certaine réduction
de matière et plus de légèreté , soi-disant h force égale des cordes
ou câbles; enfin, et cela est capital à notre point de vue, l'in-
venteur prétendait obtenir aussi une plus grande économie
de main-d'œuvre, une plus grande régularité de fabrication,
au moyen de ses machines, qui permettaient de tortiller à la
1 Rapport de M. C-P. Moiard à la Société d'encouragement de Paris,
17* année du Bulletin* 1" novembre 1818, p. 557. Au point de vue histo-
rique où je me suis placé dans cet ouvrage, je ne puis me dispenser d'en
faire ici la remarque, ce rapport est une copie presque textuelle du brevet
d'invention pris deux années auparavant par M. Duboul (a3 août 1816);
or ce brevet, publié à la page i4o de la Collection, mentionne les expé-
riences faites postérieurement à l'hôtel de Vaucanson, à Paris, en présence
des quatre commissions nommées par la Société d'encouragement, par le
Bureau consultatif des arts et manufactures, par le Ministre de la marine et
l'Académie des sciences, pour constater les effets des nouvelles machines,
dont, ce qui est plus regrettable encore, les dessins n'accompagnent ni le
brevet ni le rapport à la Société d'encouragement
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296 Vf JURY.
fois, et par les deux bouts, tous les torons d'un même cable,
puis de procéder aussitôt au commettage de ces torons en
aussières et grelins , sans les détendre un seul instant; ce qui
non-seulement épargnait le temps, disait- on, mais faisait,
en outre, éviter les inconvénients très -graves inhérents au
procédé ordinaire, où les torons, ourdis et commis à des
heures et à des jours différents, présentaient des inégalités
d'allongement et de tension fâcheuses même pour les fils de
caret préalablement goudronnés, inégalités dues aux variations
thermométriques et hygrométriques de l'atmosphère, et qui
nécessitaient un supplément de tortillage pour les torons les
plus allongés, etc.
Afin d'atteindre ce but, qui offre, à coup sûr, quelque chose
de séduisant au point de vue théorique, M. Duboul se servait
d'une grande roue dentée et de neuf pignons placés autour de
sa circonférence, portant autant de tourniquets à crochets
servant à ourdir simultanément les torons, dont on compo-
sait sans interruption trois aussières, et finalement le grelin.
Mais comme le brevet ni les rapports relatifs à ces machines
n'en disent davantage, si ce n'est qu'elles sont disposées pour
que le même moteur, le même nombre d'hommes (5o),
puissent suffire à toutes les opérations nécessitées par les plus
gros cordages, il est impossible d'en apprécier le mérite au point
de vue des autres combinaisons mécaniques qu'elles devaient
offrir pour atteindre le but indiqué , et l'on est obligé de s'en
tenir aux éloges donnés par le rapporteur à la machine, avec
laquelle on a pu confectionner en moins de deux heures, dit-
il, un câble de g pouces de circonférence, avec un tiers de
retrait au commettage, dans le jardin de l'hôtel de Vaucansou,
où s'étaient rendus, le là octobre 1818, les commissaires de
la Société d'encouragement, du Ministère de la marine et de
l'Académie des sciences, chargés de l'examiner et d'en rendre
un compte motivé.
Enfin , il est à remarquer que le rapport de M. Molard ne
fait aucune mention du serrurier-mécanicien de Paris Martin,
qui avant le cordier Duboul, en i8i3 ou i8i4, avait ob-
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MACHINES ET OUTILS. 297
tenu du Gouvernement une récompense de 5oo francs pour
une machine à commettre à la fois quatre torons, dont les
crochets pouvaient être mis séparément en action, avec des
vitesses égales ou inégales ou même de sens contraires, afin
de permettre d'égaliser les tensions en détordant, au besoin,
certains torons *.
Ce qui est advenu des machines et procédés de fabrication
du sieur Duboul, qui les aurait décrits dans yn Précis sur
l'art de la corderie,je n'en ai jusqu'ici rien appris ; mais ce qu'il
y a de positif, c'est qu'ils ne paraissent pas avoir été adoptas
par la marine militaire ou marchande, dont les procédés ac-
tuels, du moins, n'en gardent aucune trace. J'ajoute, pour
n'avoir plus à y revenir par la suite, que le sieur Margeon
fils, cofdier également établi à Bordeaux, et qui devait, par
conséquent, avoir eu connaissance des procédés de Duboul, a
été breveté en juin 1822 2 pour un long banc d'étirage des
torons, aussières, etc., qui n'offre de remarquable qu'une bonne
construction des quatre roues dentées et pignons d'angle ser-
vant à mettre en jeu les crochets à tordre, etc.
* L'inconvénient le plus grave des procédés de fabrication
usités en France jusqu'à l'époque de 1819, et dont n'étaient
point exempts, sans doute, ceux des cordiers Duboul et Mar-
geon, venait de ce qu'on était conduit à donner, dans l'our-
dissage, une égale longueur aux fils de caret, dont le fais-
ceau, tordu simultanément aux deux bouts, présentait une
inégalité de tension considérable en allant du centre , où elle
était nulle et en quelque sorte négative, puisque le fil s'y trou-
1 Bulletin de la Société d'encouragement, tome XIII, p. a3i à 23a, oc-
tobre 181 4.
1 BecueU des brevets expirés, t. XIV, p. 91. Je n'ai pas cité jusqu'ici un
autre brevet relatif à des machines à câbler et retordre, pris le 17 no-
vembre 1810, par le sienr Dussbrdet, cordier à Dreux, et imprimé à la
page 1 19 de la Collection officielle, parce qu'il ne s'agissait là que d'un équi-
page de roues dentées en fer et a manivelle extérieure servant à imprimer
la rotation à cinq tourniquets avec crochets à douille détachés, donnant la
torsion simultanée à autant de torons à commettre dans la méthode an-
cienne ou ordinaire.
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298 VP JURY.
vait souvent ridé, replié sur lui-même, de manière à y for-
mer une mèche ou âme véritable, jusqu'à la circonférence,
où les hélices étaient soumises à une tension très- voisine <ie
celle qui eût pu en occasionner la rupture immédiate. Ainsi
Ton avait entièrement négligé et les indications de Duhamel
à ce sujet, et les ingénieux procédés de Belfour, Fulton, etc.,
dont il a été précédemment parlé.
Si Ton s'en réfère à l'important ouvrage de M. A. L. Ché-
deville, sous-ingénieur de la marine \ M. Lair, inspecteur du
génie de cette arme, guidé par l'exemple des Américains et
des Danois, aurait, le premier, introduit en France, vers
1819, le tirage mécanique des torons au moyen d'une ma-
chine à chariot très-compliquée, servant à donner simulta-
nément la traction et le tors aux cables et torons; ce qui au-
rait ainsi amené une sorte de révolution dans nos corderies,
révolution que M. Hubert, directeur de l'arsenal maritime de
Rochefort, aurait ensuite réalisée et consolidée, en simpli-
fiant et perfectionnant le système Huddart, dont je tacherai de
donner ci-après une idée aussi précise que le comportent les
documents qu'il m'a été possible de consulter.
Il est juste, au surplus, de le reconnaître ici, c'est aux cé-
lèbres Voyages de M. Charles Dupin dans la Grande-Bretagne,
en 1816, 1817 et 1818, que l'on est principalement rede-
vable d'avoir appelé l'attention générale et celle du Gouver»
nement français sur la nécessité de modifier entièrement le
mode vicieux de fabrication jusque-là en usage dans nos arse-
naux maritimes, en mettant dans tout son jour la supériorité
des procédés du maître charpentier Chapman, à Newcastlç-
sur-Tyne, et du capitaine Huddart, à Islington, près de Londres,
dont le Gouvernement anglais avait retiré de si grands avan-
tages lors de la dernière guerre maritime. Ces procédés , que
le savant ingénieur eut l'occasion d'étudier à deux reprises
différentes dans les ateliers de Liverpool , où ils étaient pra-
1 Mémoire sur les travaux et les tarifs de maMtmumre des corderies des cmq
ports militaires de France (Paris, Imprimerie royale, 1841)» p. 49.
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MACHINES ET OUTILS. 299
tiques en grand et avec beaucoup de succès, sont d'ailleurs,
quanta la partie mécanique, fondés sur des principes ana-
logues à ceux de Belfour et de Fulton.
Postérieurement, ces mêmes procédés ont été décrits dans le
Dictionnaire technologique d'Andrew Ure \ où ils sont accom-
pagnés de dessins construits à une trop petite échelle pour
être facilement intelligibles, et dont malheureusement, comme
j'en ai précédemment fait la remarque, l'origine n'est pas
suffisamment indiquée par l'auteur, à cet égard , d'ailleurs ,
fort sujet à caution, ainsi qu'on a pu le voir déjà en divers
endroits de la précédente Section.
Parmi les inventions qui ont exercé le plus d'influence sur
le progrès de la fabrication des cordages en Angleterre, An-
drew lire cite celles de MM. Cartwright, Fothergill, Curr,
Ghapman, Huddart, Belfour et non Balfoar*, comme l'écrit
cet auteur, qui , en attribuant à tort, ce semble, aux procédés
de l'ingénieur danois une date contemporaine à celle des tra-
vaux analogues du capitaine Huddart , les considère comme
moins parfaits à certains égards, relatifs, non au système des
machines de Belfour dont il ne parle pas , mais à quelques
détails en réalité très-importants, sur la manière de grouper,
diriger les fils de caret pour la formation des torons, détails
qui auraient fait généralement préférer la méthode de Huddart
à celle de Belfour dans la marine anglaise. Andrew Ure s'ac-
corde d'ailleurs avec M. Charles Dupin pour attribuer au pre-
mier de ces ingénieurs la disposition, encore existante, de
1 Article Rope-making (3* édition, i8A3), p. 1070 et suivantes, où l'on
écrit, à la manière anglaise, Balfour au lieu de Belfour, nom véritablement
français et qu'on retrouve littéralement dans les divers volumes du Cata-
logue officiel des patentes anglaises, avec les prénoms de John- Daniel,
comme je l'ai précédemment indiqué, et suivis de l'épitliète de merchant of
town o/EUenare (ou Elseneur) in the KingdomofDenmark, sans désignation
<Fun emploi quelconque de machines antérieur A la patente prise en mai
1 798 par Belfour.
* Ce dernier nom se rapporte à celui d'un autre industriel anglais, Bal-
four Alexander, sans rapport avec le précédent, et dont la patente, datée
de i84o, est pareillement étrangère A la fabrication des cordages.
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300 * VI* JURY.
l'ourdissoir, du casier vertical à base polygonale ou en arc de
cercle, portant les rangées de bobines, dont les fils de caret
vont converger vers le tube réunisseur et compresseur déjà
indiqué dans le deuxième paragraphe ci-dessus, mais qui est
ici précédé d'une ou de plusieurs plaques en cuivre, percées de
trous, de filières que traversent les fils, sortes de passoires
dont la destination , analogue à celle des châssis grillagés de
Belfour, a pour objet de diriger, de soutenir ces fils et d'en
régulariser la distribution avant leur arrivée au tube. Ces pas-
soires, réduites à une ou deux, d'inégales grandeurs, quand
le fil de caret ddit être commis à froid ou à sec, sont, dans
la méthode de Huddart, au nombre de trois, lorsqu'il s'agit
d'opérer à chaud, en leur faisant, à cet effet, traverser une
chaudière de goudron qui occupe l'intervalle compris entre
les deux premières ou plus grandes d'entre elles; néanmoins
ce procédé ne paraît pas, jusqu'ici, avoir été adopté par la
marine militaire anglaise.
D'après Ure encore, l'ourdissoir dessert, dans le système
Huddart, trois tubes ou torons correspondant à autant d'émé-
rillons, de tourniquets à crochets, mis en mouvement par
une grande roue dentée, dont les trois pignons sont distribués
sur un arc ou croissant en fonte; le tout monté sur un cha-
riot à galets, roulant le long de rails en fer qu'une machine
à vapeur fait mouvoir dans l'étendue entière de l'atelier, au
moyen d'un câble sans fin et de retraite dont on règle à vo-
lonté la force de tirage et le retour à vide, en agissant par un
levier sur un double embrayage horizontal fixé au chariot,
qui permet de changer aussi, à volonté, le sens et la rapidité
du mouvement. Il est toutefois douteux que Huddart ait
amené, à l'époque de sa dernière patente ( i8o5) , le système
mécanique du commetlage, mais surtout le chariot à câble
sans fin , etc., à l'état de perfection où le Dr Ure nous le montre
en i843 , d'après les meilleures machines modernes exécutées
suivant les plans de Vinventeur. 11 paraît notamment exagérer
beaucoup lorsqu'il prodigue à l'ensemble des combinaisons
par lesquelles Huddart avait su proportionner mathématique -
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MACHINES ET OUTILS. 301
nient entre eux la pression mutuelle, la torsion et le* tirage
des fils ou torons pour la formation des aussières et des
câbles, lorsque, disons-nous, il prodigue à cet ensemble des
éloges tendant à le présenter comme l'an des plus nobles mo-
numents d'habileté mécanique qui aient apparu depuis les décou-
vertes de Watt relatives à la machine à vapeur, tout en con-
venant néanmoins .qu'une telle. révolution dans la fabrication
des cordages ne s'est point accomplie instantanément ni sans
de grandes dépenses et de puissantes oppositions, qui n'em-
pêchèrent nullement le système de se propager en Angleterre
après l'expiration des patentes de Hùddart \
1 Dtcdonary of arts, manufactures, etc., p. 1071. Le silence d'Andrew
Ure et de ses traducteurs français , relativement aux machines qui ont pu
être employées par Chapman, semblerait indiquer que les travaux de cet
ingénieur, malgré leur célébrité, n ont laissé aucune trace sérieuse en An-
gleterre, ou n'ont que faiblement contribué aux perfectionnements méca-
niques de fart du cordier. Cependant M. de Moras, ingénieur de marine
fort distingué, a bien voulu, postérieurement à l'année i85a, où ce cha-
pitre se trouvait déjà rédigé et lu en Commission, me donner communica-
tion d'un Rapport sur la fabrication des cordages présenté par lui , le 1 5 mars
1 85 1, au ministre de la marine, au sujet d'une réclamation de priorité de
M. £. Joly, cordier à Saint-Malo, breveté d'importation, en octobre 1841,
pour un] système de chariot à corde directrice sans fin mis en action par
une machine à vapeur. Cet important travail a singulièrement modifié mes
idées relativement aux droits de priorité du capitaine Huddart : M. de Moras,
en effet, y analyse l'ouvrage in-folio de William Chapman, publié à
Londres en 1808, que je ne connaissais pas, et qui semble prouver que,
dans sa patente prise en novembre 1798, l'auteur aurait déjà indiqué le
chariot à roues, cheminant le long d'une corde dormante ou à points fixes
extrêmes, faisant tourner les poulies à rouages du chariot, en procurant
ainsi une torsion rigoureusement uniforme, au toron, c'est-à-dire propor-
tionnelle à la longueur.
Toutefois, il restait alors à découvrir le système du câble moteur sans fin
ou à double branche mû par une machine à vapeur, aussi bien que le sys-
tème des poulies supérieures à rotation variable, pour le tirage égal des
torons, etc., et c'aurait été là l'objet de la patente prise, le 16 juillet 1799,
par W. Chapman et Edw. Chapman î le même système aurait été appliqué
par ces cordiers à Willington-sur-Tyne, où l'on se servait d'une machine
à vapeur de 8 chevaux, permettant de fabriquer en 14 heures un câble
de ai pouces, qui exigeait autrefois 200 heures de travail effectif, mais à
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302 VT JURY.
M. Hubert, en adoptant après M. Lair, pour l'arsenal de
Rocbefort, le chariot de tirage dont la substitution au traî-
neau ou carré ancien ne paraît pas devoir remonter jusqu'au
Danois Belfour, d'Elseneur, M. Hubert y a appliqué, en 182 1,
des modifications notables, qui se sont successivement, mais
trop lentement sans doute, répandues dans les autres corde-
ries de nos ports militaires, et dont j'ai pu admirer en 1825
par moi-même l'ingénieuse combinaison et tous les acces-
soires relatifs à l'ourdissage des fils de caret, etc. Au lieu d'être
entièrement construit en fer ou en fonte comme les machines
anglaises, ce chariot l'était principalement en bois; au lieu de
4 ou 6 roues, il n'en avait que 3 ; au lieu d'être dirigé par des
rails en fer et une machine à vapeur, il était conduit à bras
d'homme au moyen d'une cinquenelle, d'un câble unique,
fixé aux deux bouts, tendu daris la longueur entière de l'ate-
lier, et venant envelopper d'un tour la poulie supérieure mo-
trice des émérillons ou du crochet d'attache du toron à com-
mettre; le chariot lui-même étant tiré par un autre cable à
bout dormant passant autour d'une deuxième poulie soli-
daire avec la précédente, et dont la branche libre était solli-
licitée par les hommes de manœuvre, quelquefois au nombre
de quarante et au delà pour les gros câbles.
Néanmoins, ce n'est pas dans ces simplifications apportées
au système Huddart que consiste le mérite de M. Hubert,
bras d'hommes. Ce procédé, vraiment automatique et fort ingénieux, reve-
nant au fond à celui qui était employé en 18S1 dans les arsenaux de Brest,
Ae Toulon et de Rochefort, la réclamation du sieur Joly dut être repous-
sée; or il semble que Ton soit également autorisé à conclure , des remarques
contenues au Rapport de M. l'ingénieur de Moras, que c'est bien à tort
aussi qu'Ure attribue exclusivement l'invention du système à câble sans
fin moteur au capitaine Huddart, au détriment des droits peut-être anté-
rieurs de William Cfaapman. Mais, pour débattre et trancher une pareille
question , il faudrait avoir sous les yeux l'ensemble des nombreuses patentes
délivrées en Angleterre dans l'intervalle de 1792 h 1808 pour la fabrication
mécanique des cordages; époque de rivalités et de luttes d'autant plus re-
marquable, je le répète, que nos corderies maritimes ou autres y étaient
demeurées, pour ainsi dire , complètement indifférentes ou du moins étran-
gères paf suite des circonstances politiques.
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MACHINES ET OUTILS. 303
puisqu'il ne s'agissait là que de commettre les fils d'un seul
toron à chaque reprise, mais bien plutôt dans l'esprit, à la
fois savant et fertile, avec lequel nôtre célèbre ingénieur par-
venait à approprier des matériaux, des moyens relativement
grossiers ou imparfaits, à la rigoureuse précision du résultat
final et à l'économie de la force motrice.
C'est ainsi, par exemple, qu'il remplace l'énorme frottement
dû aux épaulements des émérillons par celui de billes rou-
lant dans une boîte à graisse et à platine, etc., disposition
reproduite beaucoup plus tard, comme une nouveauté, dans
une de nos Expositions quinquennales ( 1849) ; et c'est, ainsi
qu'on a pu s'en apercevoir déjà dans la première Partie, grâce
à ce même esprit calculateur et inventif, plus encore que par
les ressources financières et les encouragements de l'Admi-
nistration centrale, que M. Hubert était parvenu à introduire
dans l'arsenal maritime de Rochefort des améliorations qui
le faisaient rivaliser avec ceux de la riche Angleterre sous le
rapport des procédés mécaniques.
Ces améliorations, tardivement et partiellement adoptées
par nos autres arsenaux, consistaient principalement dans d'in-
génieuses et puissantes romaines dynamométriques à bascule
ou fléau munies d'un appareil à curseur, d'un treuil à fusée
d'enroulement pour mesurer la tension et l'allongement des
cordages d'essai , graduellement ou au moment de leur rupture
définitive1; dans d'utiles prescriptions expérimentales ou théo-
riques, servant à régler les quantités ou degrés de tors, de
raccourcissement et de tension relatifs à chaque espèce de
cordage; enfin dans de meilleures proportions des tuyères ou
tubes compresseurs à évasement servant au commettage des
fils de caret en torons de divers diamètres; proportions d'où
1 Ces ingénieuses romaines offrent un perfectionnement remarquable
de celles que Duhamel avait employées à ses belles expériences sur la ré-
sistance des cordages, mais dans lesquelles le curseur était manœuvré
directement par les ouvriers, non sans leur faire courir des dangers en cas
de rupture des cordes. Voyei notamment l'ouvrage de Borgnis, t. III,
p. 974, 1818, Machines employées dans les constructions diverses.
1
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304 Vr JURY.
devaient résulter non-seulement une égalité de tension et un
minimum de tors pour tous les fils, mais encore une dispo-
sition et une direction des hélices de chaque toron, telles
que, demeurant à la surface externe du cordage, presque
parallèle à son axe central, le frottement longitudinal , dans
les manœuvres de force, eût moins de prise pour en érailler,
user et rompre transversalement les fibres élémentaires.
On doit df ailleurs à l'ancien correspondant de l'Académie
des sciences de Paris des expériences précieuses faites, au
moyen de la romaine ci-dessus, sur la force comparée des
cordages de nouvelle et d'ancienne fabrication , composés des
mêmes fils de caret, commis en même nombre, etc. Repré-
sentons par n ce nombre, par F la force du nouveau cordage
et/ celle de l'ancien; on a
"=/(■-£)<
formule applicable aux cordes composées de plus de sept fils ,
puisqu au-dessous la force reste sensiblement invariable, et
dont les résultats s'accordent d'une manière satisfaisante,
quant à la loi de leur croissance, avec les nombres consignés
dans l'ouvrage de M. Dupin comme ayant été déduits d'expé-
riences faites en Angleterre sur les câbles fabriqués par le
procédé Huddart, sauf qu'ils indiquent une plus grande force
encore à égalité de grosseur l.
1 Toutes ces utiles indications, que je regrette de ne pouvoir ici déve-
lopper davantage, sont extraites des précieux documents manuscrits dont
M. Hubert a bien voulu me donner communication lors de mon séjour, en
septembre 182 5, à Rocbefort; indications, documents, qui, ainsi que beau-
coup d'autres relatifs au service de l'ingénieur maritime , n'ont peut-être pas
reçu, grâce à des rivalités jalouses, tout l'accueil et les encouragements
qu'ils eussent mérités a leur époque-, indications, enfin, que je comptais
mettre scrupuleusement à profit pour mes leçons de mécanique appliquée
à l'École de l'artillerie et du génie à Metz, conformément aux prescriptions
d'un programme que, à mon sens, on avait prétendu à tort rendre exclu-
sivement technique ou technologique, afin de ne pas trop empiéter sur le
système d'enseignement théorique du cours de machines qui se faisait alors
à l'École polytechnique.
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MACHINES ET OUTILS. 305
D'ailleurs, ce n'est pas seulement dans les corderies an-
glaises et françaises que les procédés du capitaine Huddart
se sont propagés; ils ont été également mis en. usage dans
d'autres contrées, comme on le voit par une notice de
M. Nottebohm, publiée dans les Mémoires de la Société d'en-
couragement de Berlin (année i84i), sur la corderie de
Wolgast, en Poméranie1, dont les machines, construites dans
les ateliers de M. Àlindsay, à Glasgow, offrent sous le rapport
de l'exécution différentes particularités remarquables, telles
que la nouvelle disposition de l'ourdissoir ou cantre, dans
lequel on remarque : le casier à bobines horizontales disposées
par rangées verticales, les unes à la suite des autres, suivant
deux directions horizontales parallèles; le bobinoir ou ma-
chine à renvider uniformément les fils de caret sur ces bo-
bines, au nombre de quatre pour chaque métier vertical, et où
l'enroulement de ces fils est dirigé par des tiges à œillères,
que met en mouvement un système de leviers, de vis sans fin
et de cames en cœur ou va-et-vient emprunté aux machines
de Vaucanson; enfin la disposition solide et puissante du cha-
riot de commettage des torons, mobile sur des rails en bois, et
qui, au lieu d'un simple croissant vertical en fonte, porte une
couronne tout entière, inunie de neuf émérillons, dont les six
d'en haut servent au commettage des aussières ou plus faibles
cordages, et les trois d'en bas, aux câbles du plus fort échan-
tillon en usage dans la marine marchande, etc.
Jusque-là, comme on voit, il s'agit principalement de ma-
chines à bras, à manège, etc., qui exigent l'intervention conti-
nuelle des ouvriers pour la fabrication des torons et aussières.
Mais on lit aussi dans le volume publié en. 1818 sur Y Archi-
tecture navale de V Angleterre, par M. Dupin , que le commettage
des torons se faisait à Greenock, fabrique établie par con-
cession du capitaine Huddart, dans un châssis rectangu-
laire tournant autour d'un axe médian horizontal, par lequel
1 Voyez l'extrait de ce mémoire dans le U XLIII (i844), p. 357, du
Bulletin delà Société d'encouragement de Paris.
VI* J€RT. — 7* PARTIE. lO
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306 Vf JURY.
arrivait le faisceau uniformément tordu des fils de caret,
qui, après avoir enveloppé d'un tour en hélice trois rouleaux
cylindriques horizontaux mobiles sur eux-mêmes, finissait
par envelopper un dernier rouleau ou touret mis en relation
de mouvement avec les deux précédents par un système de
rouages emportés dans la rotation commune du châssis. Cette
machine repose, comme on voit, sur la même idée que celle
proposée en 1 799 par Fulton pour la fabrication des simples
torons, mais elle offre des perfectionnements et des particu-
larités très-essentiels que le brevet de Fulton et Cutting ne
mentionne pas:. tel est, entre autres le moyen très-simple
d'éviter les inconvénients dus à l'accroissement de tirage qui
résulte de la superposition des différentes spires du toron sur
le dernier rouleau servant de bobine; moyen qui consiste
simplement à armer les couronnes extérieures de ce rouleau
de freins à ressorts qui lui permettent un glissement relatif
autour de son axe, lorsque l'effort de tirage dépasse la limite
assignée à l'avance par l'expérience acquise 1.
La machine à torons dont il s'agit n'étant point mentionnée
dans l'ouvrage d'Ure, publié en i843, il y a lieu de supposer
qu'on avait, dès avant cette époque, renoncé à son emploi
dans les corderies anglaises. Au contraire, ce technologue et
M. Charles Dupin s'accordant à citer l'une des machines
planétaires à commettre les câbles également décrites dans le
1 On reconnaît ici la machine dont j'ai donné, d'après Borgnis, une idée
sommaire dans la note de la page a 88 , mais sans donte perfectionnée, sim-
plifiée en quelques points, fait qui n'a rien de surprenant si elle lui est
postérieure, ce qu'il me serait impossible de décider; comme aussi je n'ose-
rais affirmer, quoique cela semble assez probable, que la machine Huddart
soit uo simple bien qu'important perfectionnement de celle de Fulton.
Seulement j'ajouterai à ce que j'en ai dit ci-dessus et dans la note précitée,
que les dessins transcrits par Borgnis comportent déjà des cylindres ou
rouleaux antérieurs pour régulariser la tension du toron à son arrivée dans
le châssis tournant, et, de plus, un troisième rouleau taillé en rainure
à hélice rentrante pour régulariser, d'après le système de Le Payen, les
enroulements du toron sur le rouet postérieur, au moyen d'une cheville
surmontée d'un curseur que traverse librement ce toron.
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MACHINES ET OUTILS. 307
brevet de Fulton, nous devons en conclure que cette ma-
chine, jusqu'ici peu ou point usitée en France, continuait à
l'être dans quelques-unes des corderies privées ou mar-
chandes de la Grande-Bretagne» où Ton tient peut-être moins
que chez nous à la perfection du travail, perfection natu-
rellement achetée aux dépens de l'économie ou du prix de
revient des matières fabriquées. Je dis corderies marchandes,
parce que le procédé dont il s'agit, applicable surtout aux
cordes d'un faible échantillon à trois torons, n'a pas non
plus été adopté dans la marine militaire de ce dernier pays,
où l'industrie privée a pris d'ailleurs assez de développement
pour permettre à l'Etat de recourir au système par entreprise
à l'égard d'un grand nombre d'articles de corderie.
Enfin je mentionnerai encore , d'après le Dictionnaire d'Ure,
parmi les perfectionnements ou développements qu'a reçus
chez nos voisins la fabrication économique des cordages
avant i844t la machine à commettre de William Norvell,
de Newcastle, patentée en mai i&33, et dans laquelle on se
propose d'opérer simultanément le commettage des fils en
torons et de ceux-ci en grelins à trois brins. Dans cette com-
binaison, au reste fort compliquée et fondée sur un prin-
cipe analogue aussi à celui des machines Fulton, de grands
châssis verticaux, tournant sur eux-mêmes et emportés dans
le mouvement rotatoire général du système autour de Faxc
central, portent chacun quatre rangées verticales de dix bobines,
d'où émanent autant de fils de caret, qui, se réunissant par
les moyens ordinaires en faisceaux convergents, au travers
d'un tube compresseur correspondant au sommet du châssis,
en sortent sous la forme d'un toron convenablement tordu
allant immédiatement se réunir avec ses similaires dans un
tube central unique placé vers le haut de l'arbre moteur,
où le câble reçoit la torsion et le tirage définitifs.
C'est d'ailleurs une machine de cette espèce, mais simpli»
fiée et perfectionnée quant aux détails de construction , que
l'on a vue exposée en i85 1 , à Londres, par M. J. Crawhall ,
de Newcastle-sur-Tyne, et que le Jury de la vi* classe a récom-
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308 VP JURY.
pensée d'une médaille de prix, quoiqu'elle fût la seule ma-
chine appartenant à la catégorie de celles qui ont pour but la
fabrication des cordages en grand. M. Willis , dans son rap-
port, malheureusement trop laconique pour les personnes qui
désirent s'éclairer sur les progrès de cette branche importante
d'industrie, nous apprend que les fils de caret employés
dans la machine Crawhall qu'on a vue fonctionner avec inter-
mittence au palais de Hyde-Park avaient été fabriqués par*
des moyens particuliers mais non exposés, et dont l'absence
doit inspirer d'autant plus de regrets que les procédés méca-
niques de fabrication du fil de caret en Angleterre sont
encore peu connus, et paraissent aujourd'hui même (1862)
dans un état d'infériorité relative qui aurait lieu de surprendre
si l'on ne songeait à la grossièreté des matières premières et
à l'économie des moyens mécaniques dont il est permis de se
servir pour la fabrication des forts cordages. A l'égard des petites
machines automates à tresser les cordons, drisses, lacets, etc.,
qui se rattachent à ce paragraphe, et qu'on a vues également
figurer à l'Exposition universelle de Londres, je renverrai à
V Addition qui termine ce chapitre.
S III. — De quelques machines spécialement employées au filage ou tirage
des fils de caret — Tentatives diverses de MM. Boickoz fils, Hubert, Nor-
vôtt, Debergue, Buchanan, Merîlé-Lefhre et Decoster. — Ensemble des-
machines de la corderie d'Ingouville , près du Havre.
J'ai déjà dit un mot, au commencement de ce chapitre, des
premières tentatives faites, en 1775, par Du Perron pour
fabriquer à la fois plusieurs fils de caret; procédés qui rap-
pellent les rouets composés, de Price et de Delfosse, men-
tionnés par Roland de la Platière et Borgnis (t. VU) , et où un
nombre plus ou moins grand de fileuses assises travaillaient,
à deux mains, des fils dont les rouets étaient mis en mouve-
ment par un moteur commun. Or il parait qu'il existe aujour-
d'hui encore en Angleterre des corderies où le filage méca-
nique des fils de caret s'opère, à deux mains, par des moyens
plus ou moins analogues à ceux que Buchanan avait essayés
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MACHINES ET OUTILS. 309
en Ecosse, et qui ont été brevetés depuis en France sous le
nom de M. E. Demarçay, mais sans grands succès, comme
nous le verrons bientôt, lorsque, au préalable, j'aurai indi-
qué les tentatives pareilles et beaucoup plus anciennes faites
dans notre pays.
En effet, nous voyons la Société d'encouragement de Paris,
dont Tinitiative a été si souvent utile aux progrès des arts,
proposer en 1816 un prix de i,5oo francs pour l'auteur de
la meilleure machine à fabriquer de la ficelle et du fil de caret,
de toute grosseur ou longueur, avec du chanvre sérancé; puis, en
1818, M. Tarbé, rapporteur du Concours1, déclarer tout
d'abord que Ton avait déjà cherché les moyens d'opérer cette
fabrication dans les demeures ordinaires des ouvriers cordiers,
mais sans que , sciemment , le problème eut jamais été résolu
d'une manière .satisfaisante. Dans, ce même Concours, d'ail-
leurs, un seul des quatre concurrents fut jugé digne du prix,
M. Boichoz fils, contrôleur des contributions à Mont-de-
Marsan, dont le modèle, perfectionné depuis, a été gravé et
décrit avec beaucoup de soin dans le Bulletin d'août 1822
(xxie année, p. 235). Cette machine rappelle par son dispo-
sitif principal celles à fabriquer les torons de Fulton et de
Huddart, de ce dernier surtout, dont je me suis précédemment
efforcé de donner une idée exacte, quoique beaucoup trop
sommaire sans doute.
Il s'agit encore d'un châssis rectangulaire mobile autour
d'un axe médian horizontal, et qui porte transversalement
une grosse bobine tournant sur elle-même au moyen d'une
vis sans fin latérale au châssis, et dont l'arbre reçoit un ro-
chet' à ressort de pression , pour limiter et régulariser le tirage
du fil , qui tend à croître avec le nombre des envidements
sur la bobine ; mais comme ce dispositif ne dispense nulle-
ment lefileur de régulariser par lui-même le degré de tors
nécessaire au fil, au fur et à mesure que la filasse sort de ses
mains, il n'offre guère d'autre avantage que celui qui résulte
1 Tome XVII du Bulletin, p. 373 et suiv.
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310 VP JCRV.
de la rédaction même de l'espace nécessité par la méthode
ancienne on ordinaire. Cette circonstance, jointe à la cherté»
à la complication du mécanisme, aura empêché que l'usage
s'en répandit dans les corderies, d'autant plus que la quantité
d'ouvrage produit en un temps donné reste la même que
dans l'ancien procédé. Évidemment, ce n'est pas là le but que
l'on doit chercher à remplir par l'introduction des machines
dans l'industrie manufacturière.
J'appliquerai des réflexions analogues au rouet à filer de
M. Hubert, que j'ai pu voir, en i8a5, à l'arsenal maritime de
Rochefort, et qui depuis a reçu de l'auteur des perfectionne-
ments essentiels, dont le principal consiste à faire passer la
filasse sortant de la main de l'ouvrier, et avant son tors par
la machine, au travers d'une petite boite remplie de goudron
liquide, d'où elle était dirigée horizontalement ensuite vers
un tube compresseur et alimentaire de la machine à tordre,
ici encore 'composée d'un châssis horizontal en fer, tournant
sur lui-même, etc. Le mémoire déjà cité de M. Chédeville,
où le rouet perfectionné de l'ingénieur Hubert est décrit et
dessiné avec beaucoup de soins, ne nous apprend pas si, en
i84i, cette machine, dont il fait un éloge justement mérité,
s'était répandue dans les autres corderies maritimes. Mais cela
est d'autant moins probable que, il faut bien le redire, l'éco-
nomie de la force motrice n'est point ici la question capitale,
et qu'il s'agit, en réalité, de suppléer la main intelligente de
l'homme par l'emploi de machines vraiment automatiques,
tout en réduisant l'espace et multipliant les moyens de pro-
duction par la répétition des' effets partiels.
C'est, je crois, à M. James Buchanan, consul de France
à Glasgow, qu'est due l'introduction dans notre pays des
premières machines destinées à convertir le chanvre en fil de
caret par des procédés continus, analogues à ceux qui sont
employés dans les filatures en gros du coton et du tint du
moins si l'on en juge d'après le brevet d'importation1 de cet
1 T. LXVII, p. 468, de la collection imprimée: brevet de dix ans, pris
le 18 mai i838.
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MACHINES ET OUTILS. 311
ingénieur pour an appareil appartenant à cette catégorie , et
qu'on a pu voir fonctionner pendant un certain temps dans
les ateliers de corderie de M. Merlié-Lefèvre, à Ingou ville , près
du Havre l. Ce procédé, qui rappelle celui de l'étirage à lanterne
dont se servait Arkwright pour donner le tors aux gros fils
de coton par un mouvement rotatoire très-rapide des bidons
verticaux, où le boudin s'enroulait en hélices régulières, ce
procédé, dis-je, est peut-être le même pour lequel l'ingénieur
W. Norvell, de Newcastle, avait été patenté à Londres en mai
i833; mais il a reçu depuis lors des perfectionnements fondés
sur les nouveaux procédés de filature du lin, à l'aide des peignes
à vis et du banc à broches, pour lesquels M. Debergue a pris
dernièrement un brevet d'importation en France.
Quant à- leur application à la fabrication des fils, des
modèles envoyés d'Angleterre en i85i ont, si je ne me
trompe, servi à construire dans les ateliers de M. Gouin , près
Paris, un certain nombre de ces machines qui fonctionnent
à présent même dans les arsenaux de Toulon, Brest ou Roche-
fort. Toutefois, il est juste de dire que M. Merlié-Lefèvre s'était
déjà servi auparavant de machines analogues, dans lesquelles
la filasse de chanvre ou d'aloès, peignée à la main sur une
grande longueur, sinon dans la longueur entière, était soumise
par rubans doublés, etc., au peigne à barrettes continu des
machines ordinaires, immédiatement étirée en rubans sur
deux métiers préparatoires, puis étirée à nouveau, tordue et
enroulée finalement, sous forme de caret, sur de grosses
bobines verticales animées d'un mouvement de va-et-vient
convepable, toujours d'après les procédés ordinaires.
1 Publication industrielle de M. Armengaud aine, t V, 18A7, P- 97^« On
trouvera dans cet important article , relatif à la fabrication mécanique de»
cordages, divers renseignements joints à des descriptions et à des planches
de machines qui pourront servir d'éclaircissement et de complément utile
a ce chapitre, écrit d'ailleurs dans d'autres vues, et pour lequel j'ai cher-
ché à mettre à profit mes plus récentes comme mes plus anciennes observa-
tions ou informations sur un sujet encore si peu élucidé au point de vue
historique et scientifique.
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312 VF JURY.
Ces métiers, portant douze broches, et que j'ai vus fonc-
tionner en 1862 d'une manière satisfaisante à Ingouville, près
du Havre , ont été construits par M. Decoster, à qui Ton de-
vait déjà, comme cela a été dit dans la précédente Section,
des tentatives pour filer le lin à sec, dans toute sa longueur,
sans recourir précisément à l'intermédiaire du banc à broches
en usage et à l'excédant de tors qu'il exige pour l'étirage des
mèches de préparation.
• En ce moment même (mars i853), notre ingénieux mé-
canicien s'occupe à apporter au métier de nouveaux per-
fectionnements destinés k le rendre plus profitable encore à
la fabrication du fil de caret, dont la régularité m'a semblé
laisser désormais bien peu à désirer, surtout après le passage
de ce fil au travers des bassines de goudron et des filières.
On y remarque plus particulièrement: i° les entonnoirs ou
tuyères, mobiles transversalement, destinés à réunir la nappe
de filasse sous le rouleau de pression et d'étirage postérieur
en bois dur; 2° le dédoublement des vis d'étirage entre les
bancs voisins de quatre broches, auxquels un seul couple de vis
suffit; 3° le renversement des ailettes à deux branches de ces
broches mues par autant de courroies sans fin embrassant
les gorges de poulies qui surmontent ces ailettes, etc.
C'est en majeure partie à la perfection avec laquelle
M. Merlié-Lefèvre est parvenu à fabriquer le fil de caret,
soit à la mécanique, soit à la main, dans l'établissement d'In-
gou ville, que l'on doit attribuer le succès que les gros câbles
de cet habile fabricant ont obtenu à l'Exposition universelle
de Londres, où ils ont été jugés dignes par le Jury de la
XIV* classe d'une médaille de prix bien méritée; car l'inéga-
lité de fabrication de tek fils entraîne inévitablement celle
des torons et des aussières, qui doivent être soumis à des
opérations mécaniques où la précision des formes rudi-
mentaires est absolument indispensable pour la perfection
de l'ensemble et la régularité de la fabrication. Mais le mérite
de cet habile cordier, dont les produits ont repoussé chez
nous depuis fort longtemps toute concurrence étrangère, ne
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MACHINES ET OUTILS. 313
consiste pas uniquement dans la belle exécution des fils de
caret; elle réside aussi dans la rigoureuse précision apportée
aux diverses autres branches de la fabrication mécanique des
cordages, où tous les mouvements sont imprimés par une
machine à vapeur d'une puissance de quinze chevaux, dont
l'action se propage dans toutes les parties d'un long bâtiment
à deux étages , au moyen d'une disposition fort ingénieuse de
cordes sans fin et de poulies de reùvoi à rouleaux et contre-
poids de tension, qui doit offrir une grande analogie avec
celles déjà anciennement employées en Angleterre d'après
Huddart et Chapman.
Les principales de ces machines ont été construites à
Paris, avec une grande habileté, par le même M. Decoster :
elles consistent, indépendamment des métiers à filer men-
tionnés ci-dessus, i° en bobinoirs et tourets mécaniques où
les fils de caret sont enroulés avec célérité et précision,
avant ou après leur passage au travers d'une cuve à goudron
dont la disposition n'est pas moins heureuse, en raison du
régulateur à vis qui sert à maintenir ces fils plus ou moins
enfoncés au-dessous du niveau superficiel du goudron, 2* en
une machine à chariot servant au tirage simultané de quatre
petits torons ou au simple tirage d'un gros toron, chariot
entièrement établi en fer et en fonte, dans un système ana-
logue à celui de M. Hubert, de Rochefort, mais qui, au lieu
d'être tiré par des chevaux ou à bras d'homme, est mû sur
des rails en fer au moyen de la machine à vapeur, comme
dans le système Huddart, décrit par Ure et dont il diffère
au surplus à divers égards , notamment en ce que les tubes
compresseurs et les passoires ou filières en calottes sphé-
riques que traversent les fils de caret sont établis sur un
chantier ou pilastre massif et inébranlable qui porte un mé-
canisme ingénieux et perfectionné, dont l'idée première,
due, si je ne me trompe, à M. Hubert, consiste à rappro-
cher entre eux, avec une précision pour ainsi dire mathéma-
tique, ces tubes et passoires, à la distance que réclame la
plus ou moins grande résistance à opposer au tirage du
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3 l'i YT JURY.
toron, par le fait de l'inclinaison des fils qui convergent de
toutes parts vers l'ouverture évasée de chaque tube; 3° enfin ,
en un puissant appareil pour commettre les gros cordages,
composé de deux machines semblables placées, à distance et
en regard Tune de l'autre, suivant un même axe, et dont
celle de gauche, établie sur une table à support en fonte iné-
branlable, sert à donner aux torons le degré de surtors né-
cessaire à leur assemblage ou commettage ultérieur, tandis
que l'autre, celle de droite, montée sur un traîneau ou carré,
mobile pour permettre le retrait dû à la torsion du cordage ,
d'ailleurs fortement chargé, mais dont le glissement sur les
rails, facilité par un mécanisme régulateur à bascule et à
frein agissant directement sur les roues, a pour objet unique
de donner, en sens contraire, à l'ensemble des torons amarrés
au crochet du tourniquet central, que met en mouvement
l'axe horizontal de cette seconde machine, le supplément de
tors indispensable, et dont il manquerait essentiellement par
suite du débandement des ressorts élastiques des fils de cha-
cun des torons constitutifs.
Il est presque inutile d'ajouter que les torons, avant de
s'enrouler les uns autour des autres en hélices, sont dirigés,
à l'ordinaire, par un toupin à rainures, établi sur un chariot
en bois qui porte auçsi de grosses bobines, dont l'une, posté-
rieure , est chargée de l'âme, qui , après avoir traversé l'axe du
toupin, lui sert de mèche centrale, et dont les quatre autres
reçoivent les cordelles servant également, après leur passage
oblique au travers du toupin , à garnir les intervalles libres et
extérieurs des torons Ae l'aussière ou à opérer ce qu'on
nomme son congréage.
Il importe au contraire beaucoup , pour l'intelligence des
procédés suivis par M. Merlié-Lefèvre , de faire observer que
le mécanisme du chantier ou support fixe et le traîneau ou
carré mobile de commettage portent chacun un double em-
brayage à roues d'angle et à griffes servant à faire tourner à
volonté les crochets d'attache des torons ou du câble, tantôt
dans un sens, tantôt en sens contraire, suivant les besoins
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MACHINES ET OUTILS. 315
du service; l'arbre en fer qui donne le mouvement à ces cro-
chets étant muni d'une poulie à gorge en fonte, sur laquelle
vient frotter un frein à levier ou manette, que l'on serre quand,
en suspendant la rotation des machines, on veut éviter les
effets de réaction élastique qui tendent à détordre l'aussière
ou ses torons.
C'est principalement pour cet appareil ingénieux et pour
l'ensemble de l'importante fabrication de la corderie havraise
que le Jury de l'Exposition française de 1849 ava^ accordé
à M. Merlié-Leftvre une médaille d'or, justifiée plus tard,'
comme on l'a vu, par la décision du Jury international de
Londres. Malgré ces honorables témoignages et l'incontestable
supériorité des résultats, l'appareil à câbler de M. Merlié-
Leftvre, mis en mouvement par la machine' à vapeur dont
il a d'abord été parlé, et qui n'exige que le secours de trois
hommes, dont un maître pour surveiller la marche du chariot
porte -toupin et deux pour resserrer les torons et cordelles
contre le noyau , l'âme ou mèche centrale du câble au sortir du
toupin, par une manœuvre bien connue (livarde) tenant ici
lieu du tube compresseur; malgré, dis-je, la supériorité de
cet appareil, et bien qu'un modèle en ait été déposé par l'au-
teur dans le musée naval du Louvre depuis l'époque de
mai i85o, il n'a point encore été adopté, il a même été re-
poussé par notre administration maritime , sur le rapport d'une
Commission qui lui reproche : i° de ne point être applicable
aux plus gros cordages de la marine militaire, ayant jusqu'à
om,66o de circonférence au lieu de o"\a5o seulement obtenus
à Iogou ville; 20 de n'offrir aucun moyen de régulariser, cor-
riger l'inégale tension des torons en cours d'assemblage , ainsi
qu'en présentent les chantiers des ports de Brest et de Toulon ;
3° enfin , que les roues et tambours de la machine fixe du
chantier et de la machine mobile du carré possèdent des
vitesses sensiblement égales, et que ne paraît pas devoir com-
porter l'inégalité de tension des torons placés en arrière et en
avant du toupin.
Dans l'ignorance où je suis (i853) de l'état de perfectionnc-
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316 Vl# JURY.
ment auquel est arrivée la fabrication mécanique des cor-
dages dans nos arsenaux maritimes, je ne me permettrai nul-
lement d'approfondir les motifs de ces reproches, et encore
moins de les combattre ou amoindrir, sauf peut-être celui
qui concerne la prétendue égalité des vitesses rotatoires ou de
torsion en avant et en arrière du chariot porte- toupin ; vitesses
qui dans la machine exécutée à Ingouville diffèrent , en réalité,
suivant la proportion qui paraît, dans chaque cas, devoir être
nécessaire. Je me contenterai de faire observer que les succès
obtenus par M. Merlié-Lefèvre tant en France qu'en Angleterre,
'ainsi que les dispositions simples et élégantes de rajustement
et de l'exécution de ses machines, telles qu'elles ont été dé-
crites dans l'ouvrage cité de M. Armengaud et que nous les
avons vues fonctionner avantageusement et régulièrement sur
place, mériteraient peut-être que l'Administration maritime
en ordonnât l'établissement complet dans l'un de ses arsenaux,
pour les soumettre à des essais suivis de fabrication et déci-
der, en définitive, sur l'opportunité de leur adoption dans les
autres ports ou arsenaux.
Exterminant cette importante matière, on me permettra
encore de faire remarquer, d'après tout ce qui précède, com-
bien la fabrication actuelle des cordages et l'ensemble des
machines ou procédés qu'elle présente sont, malgré des pro-
grès incontestables , loin cependant de l'état de perfectionne*
ment où ont été amenés depuis un certain temps ceux qui
se rapportent aux autres branches de filature des diverses ma-
tières textiles, du moins sous le rapport des mécanismes auto-
moteurs; car je ne vois pas que l'on ait jusqu'ici songé en
France, même dans les corderies du commerce, à fabriquer
économiquement les torons, encore moins les aussières et
grelins , parles procédés expéditifs d'abord proposés par Fui ton
et Cutting, puis adoptés, non il est vrai sans quelque restric-
tion, dans les établissements anglais de Greenock et de New-
castle ; circonstance qu'il est d'ailleurs tout aussi bien permis
d'attribuer aux proportions colossales, à la cherté du prix de
revient et aux dangers inhérents à l'emploi de semblables
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MACHINES ET OUTILS. 317
machines, qu'à l'imperfection relative même des résultats,
imperfection dont on peut juger d'après ceux obtenus, posté-
rieurement à Tannée 1824, dans des machines fondées sur
un principe analogue, dont j'ai donné une idée à l'occasion du
filage et du moulinage de la. soie, et qui essayées sans succès
notables, bien que dans des proportions incomparablement
plus faibles, ne pouvaient offrir, de la part de la force cen-
trifuge', aucun des inconvénients et des dangers qui sont à
redouter dans les puissantes machines à commettre simultané-
ment les torons et les cordages.
Additions concernant quelques machines spéciales à commettre et tresser.
— Machines à cordonnets exposées à Londres par MM. Van Mierlo,
Darfell, Judkins et Dorty. — Les anciens métiers à lacets et cordons
de MM. Perrault et Molard, perfectionnés par MM. Dogaet et Hervé-
Gauthier. — La machine à fabriquer les drisses de pavillon ou cordes
tressées, par M. Reech; les machines à recouvrir les fils métalliques et
à commettre les cordes mélangées, par MM. Comitli, Vegni, Flachier,
Sataresse, Leclerc, en France, et par MM. Newall, ExaU, A. Smith,
Wïlson, etc., en Angleterre.
Il a été exposé à Londres, en i85ï, quelques petites ma-
chines à fabriquer les lacets et les cordons, qu'il ne m'est pas
permis de passer entièrement sous silence, puisque certaines
d'entre elles ont été l'objet de récompenses ou de mentions
honorables de la part du VI* Jury. M. Van Mierlo, de Belgique,
et M. Darfell, de Prusse, notamment, en avaient exposé de
jolis modèles, qui cependant n'offraient, à l'égard de celles si
universellement et si anciennement connues chez nous, au-
cune particularité essentielle. Mais le Jury a plus spécialement
remarqué, et récompensé de la deuxième médaille, les ma-
chines à fabriquer, sans nœuds et automatiquement, les
cordons de lisses pour métier à tisser, par M. Judkins, de
Manchester, et par M. Dorey, du Havre : l'œil ou maillon en
verre que doit traverser le fil de chatne tendu ou mis en
place étant, dans le métier de ce dernier mécanicien, fixé
sur le cordon par le mécanisme même du métier, et la maille
en fils retors étant, dans l'autre , formée par le jeu de bobines
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318 VI* JURY.
qui, après s'être croisées, rétrogradent ensuite par an méca-
nisme analogue à celui du métier à lacet ordinaire.
L'ancien métier à lacet plat et tressé des passementiers,
dont l'usage est particulièrement répandu dans la ville de
Saint-Chamond , où il fait la base d'une importante fabrication,
remonte au moins au dernier siècle, si l'on en juge d'après
Y Encyclopédie et le modèle déposé, en 1785, au Conserva-
toire des arts et métiers de Paris sous le nom de Perrault
père et fils, fabricants de cette ville; mais cet ingénieux mé-
tier, qui a été en i83a et i834, de la part de MM. Doguet,
de Saint-Etienne, et de M.Hervé-Gauthier, de Saint-Chamond,
l'objet de brevets de perfectionnements sur lesquels je ne
saurais insister, pourrait bien encore être une simple imita-
lion ou modification d'un plus ancien instrument de passe-
menterie venu de l'Italie ou du Levant. Probablement, il en
est ainsi également du modèle de métier à cordonnet rond
déposé, sans date connue, sous le nom de Molard, dans les
galeries du même établissement, et qui diffère principale-
ment du précédent en ce que la marche circulaire et ser-
pentante des bobines y est rentrante ou continue dans un seul
sens, au lieu de s'y faire par un va-et-vient, à retour sur lui-
même, tout en accomplissant une série de recoupements
000000 en 8 couchés et conjugués entre eux, mais sans ren-
contre possible des bobines1, montées diversement sur des
1 Les deux modèles déposés au Conservatoire de la rue Saint-Martin, à
Paris, par les sieurs Molard et Perrault, et dont le plus ancien a été l'objet
d'un privilège spécial probablement perdu, ces modèles sont, comme tant
d'autres témoignages du génie inventif de nos pères, dans un état de déla-
brement d'autant plus fâcheux, «que, à ma connaissance du moins, il n'existe
aucune description satisfaisante des métiers à cordon ou lacet dans les
ouvrages de technologie, et que, par des perfectionnements divers appli-
qués au jeu multiple des poupées ou bobines, leur usage tend à se généra-
liser dans l'industrie des matières textiles, à laquelle ils offrent journelle-
ment de nouveaux et ingénieux moyens de solution. Cet état d'abandon
inconcevable des anciens modèles du Conservatoire des arts et métiers,
, ce dédain irréfléchi et aujourd'hui presque universel des vieilles choses,
juraient cessé, du moins en majeure partie, si , conformément au vœu émis
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MACHINES ET OUTILS. 319
broches verticales, très-courtes et pleines dans le métier à.
cordonnet de Molard, où elles sont comprises entre deux
platines horizontales qui leur servent de guidés ou supports;
très-allongées et creuses, au contraire, dans l'ancien métier
à lacet de Perrault, où elles comportent un ingénieux méca-
nisme à cliquet servant à régulariser la tension et le dévidage
des fils qui s'échappent dans l'un ou l'autre métier de leurs
sommets respectifs , pour de là s'enlacer, se croiser sous un
angle plus ou moins aigu, en formes de tresses tantôt plates
tantôt cylindriques, autour d'un noyau vide ou plein, fourni
alors par une grosse bobine placée dans le prolongement infé-
rieur de l'axe vertical du métier.
Dans le premier de ces modèles, sans doute le plus mo-
derne, les broches verticales des bobines cheminent, paral-
lèlement à elles-mêmes, le long de rainures serpentantes,
croisées à angle droit et ouvertes, de part en part, dans la
platine supérieure du métier, où ces broches sont lancées,
latéralement et de proche en proche, par des tiges ou cames
horizontales inférieures, montées respectivement sur les arbres
verticaux d'une couronne de roues dentées égales et tangentes,
disposées circulairement, concentriquement à l'arbre prin-
cipal de la machine, au-dessus d'un plateau-support inférieur,
et dont les rotations inverses, toutes solidaires entre eHes,
sont produites par un pignon moteur à arbre vertical, rouages
d'angle, manivelle, etc. Dans les plus anciennes machines du
modèle Perrault, l'impulsion est donnée aux longues broches
verticales du métier par un équipage analogue de roues mo-
trices solidaires et rentrantes, dont les arbres verticaux,
également fixes et à pivots inférieurs, portent à leurs extré-
mités respectives autant de couples de disques horizontaux ,
par une Commission que présidait M. Thénard sous le ministère Cunin-
Gridaine , et doot j'avais l'honneur de faire partie , ainsi que MM. de Busche ,
Pecquenr, Séguier, de Lamorinière, etc., le Gouvernement avait jugé à
propos de nommer d'anciens, intelligents et honorables chefs d ateliers
industriels comme démonstrateurs et conservateurs de chaque spécialité
distincte de modèles ou de machines.
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320 VI* JURY.
ronds, de même diamètre, en contact réciproque, comme
les roues dentées correspondantes , et constituant deux cou-
ronnes également concentriques à Taxe principal : Tune, re-
posant sur un plateau-support intermédiaire; l'autre, emboîtée
dans la platine supérieure, à cet effet découpée avec le jeu
nécessaire au passage des broches, et formant des rainures
serpentantes pareilles à celles dont il vient d'être parlé niais
croisées sous un çngle au contraire très-aigu; toutes deux
munies, à la circonférence de chacun de leurs disques, d'en-
coches demi-cylindriques correspondantes , propres à saisir et
guider de proche en proche la partie arrondie des broches,
qu'accompagnent d'ailleurs des tasseaux ou éclisses inférieures
servant à les guider, par couples, dans l'intervalle où, solli-
citées par l'action centrifuge, elles échapperaient à l'impulsion
de leurs disques moteurs.
Quel que soit le mérite de cette ingénieuse combinaison
mécanique, dont, je le répète, il m'est impossible d'indiquer
les premiers inventeurs, et qui a rendu tant de services à l'art
du passementier, il n'en est pas moins vrai de dire qu'elle
manque, dans le mouvement ou le jeu des bobines, de la
continuité, de la douceur qui caractérisent les plus parfaites
machines, quand bien même elles remplissent des fonctions
aussi délicates et exigeant aussi peu de dépenses en force
motrice que les métiers à cordons ou à lacets. Le bruit avec
lequel ces métiers fonctionnent suffit seul pour convaincre
qu'on ne pourrait, sans de graves inconvénients et des pertes
relativement considérables de travail moteur, les appliquer à
la fabrication en grand des cordes tressées , telles qu'on en
emploie dans la marine sous le nom de drisses de pavillon ou
à signaux, et qui, constituées de deux systèmes ou groupes
distincts, de quatre mèches ou faisceaux de fils de caret, vien-
nent se croiser sans torsion, en se recouvrant alternativement
sous forme de bandes, de tresses hélicoïdes cylindriques,, ici
sans âme ou noyau d'appui; ce qui leur donne une souplesse,
une flexibilité que ne possèdent point, à beaucoup près, les
cordes tordues, étirées et commises à l'ancienne manière,
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MACHINES ET OUTILS. 321
comme on sait, très-susceptibles de se gonfler à l'humidité
et de former des vrilles ou coques qui en rendent parfois la
manœuvre impossible autour des gorges de poulies.
La fabrication des drisses par procédés purement méca-
niques constituait, au point de vue de la combinaison et de la
réalisation matérielle du mouvement, un problème de ciné-
matique curieux et difficile, que M. Reech, savant ingé-
nieur et professeur à notre Ecole maritime, a entrepris de
résoudre, dès i834, à l'arsenal de Lorient, pour en substituer
l'important résultat à celui des petites machines de passemen-
terie jusque-là en usage dans la fabrication des drisses d'un
petit échantillon *, dont le tressage cylindrique s'opérait au
moyen d'une sorte de mouvement à chassé-croisé rentrant,
circulaire ou rotatif, de deux couples de quatre bobines, produit
par une combinaison de rouages appropriés à cet effet, mais
dont les produits manquaient, à plusieurs égards, des qua-
lités nécessaires, notamment sous le rapport de la consis-
tance et de la liaison réciproque du double faisceau de fils
enlacés sous la forme dune tresse cylindrique.
Dans ce but , M. Reech remplace les bobines voyageuses à
mouvements onduleux des anciens métiers à rainures croi-
sées par deux groupes distincts de k grosses bobines ou espolins
librement suspendus à leurs mèches ou fils respectifs, et ve-
nant s'appuyer diversement à la circonférence de deux disques
métalliques horizontaux: l'un, inférieur, à rotation douce sur
l'arbre central, mais à cliquet-butoir ou d'arrêt s'opposant au
recul et que les fils de suspension des 4 premiers ounnférieurs
espolins traversent en des points voisins de sa circonférence
extérieure, pour de là s'élever obliquement; l'autre, supérieur
et de moindre diamètre, portant 8 encoches adoucies, dont
k servent d'appui à ces mêmes fils composés et à ceux des
!x derniers espolins correspondant à l'intervalle des deux dis-
ques ou platines dont les fils de suspension vont se diriger
1 Voyez le mémoire déjà cité de M. Chédeville sur les corderies des
ports militaires, p. 99, fig. 39.
Tl* JDAT. — ï* PARTIE. 2 l
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322 VP JURY.
obliquement vers un tube réunitseur vertical et commun ,
répondant au sommet de l'arbre creux de la machine.
Ce dernier arbre, à son tour enveloppé d'un canon évidé,
tournant et glissant à frottement doux, porte le mécanisme
de quatre leviers à doubles articulations, sorte de bras que
terminent, vers le bas, des mains ou rouleaux-supports ser-
vant à détacher alternativement les fils de suspension de l'un
des systèmes d'espolins, des encoches de la platine supérieure,
pour les élever par-dessus le faisceau convergent des fils de
l'autre système, et vice versa, au moyen de l'abaissement, du
soulèvement alternatifs du manchon à roulette et levier de ma-
nœuvre, qui, surmontant le canon à coulisse de l'arbre cen-
tral t porte les articulations supérieures de l'équipage à leviers
et manettes dont il vient d'être parlé, lequel offre quelque
analogie avec le mécanisme à boules du régulateur à force
centrifuge. Ce canon ou fourreau supportant également les
points d'appui intermédiaires des leviers inférieurs, et recevant
d'ailleurs d'une bielle horizontale à manivelles extrêmes un
mouvement rotatoire alternatif, il en résulte naturellement
le transport circulaire, d'avance et de recul ou retour en
arrière, des deux systèmes de bobines espolins, tour à tour
soulevés, puis abaissés, de manière à produire l'enlacement
hélicoïde et réciproque des deux groupes distincts de 4 mèches
ou faisceaux de fils, vers le tube supérieur qui leur sert de
centre commun de convergence.
Pour un tour complet de la roue motrice extérieure et à
volant vertical, dont la manivelle à coulisse et bouton curseur
produit le soulèvement et l'abaissement alternatifs du four-
reau à manchon, roulette et levier de manœuvre ci-dessus,
l'arbre vertical de la roue d'angle à bielle horizontale supé-
rieure qui donne le mouvement oscillatoire à ce fourreau , et
par conséquent aux manettes, n'accomplissant qu'une demi-
révolution, il en résulte, conformément au mode -même de
distribution des fils ou espolins de chaque système, que l'ac-
tion des mains, après avoir opéré, par rotation, le double
transport d'avance et de recul ainsi que le soulèvement et
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MACHINES ET OUTILS. 323
rabaissement complet de l'un quelconque d entre eux, opère
immédiatement après celui de l'autre système, et ainsi de
suite alternativement et périodiquement pour chacune des
révolutions entières de l'arbre moteur à volant.
Enfin, les espolins alimentaires, dont le propre poids ou
des poids additionnels servent à maintenir la tension des fils
pendant la formation de la drisse, elle-même soumise à des
moyens aptes à régulariser le tirage, ces espolins, dis-je, sont
munis d'un ingénieux système à rochet ou cliquet d'arrêt
qui, vers la fin de leur ascension verticale, venant buter
contre le dessoui correspondant de la platine horizontale
d'appui des fils auxquels ils se trouvent respectivement sus-
pendus, leur permet d'obéir librement à la tension de ceux-
ci par une rotation, un déroulement momentanés, qui déli-
vrent des quantités de fils égales pour les quatre espolins d'un
même système, et dont l'étendue est réglée d'après l'intervalle
existant entre les butoirs des cliquets, etc.
J'ai cru devoir m'étendre un peu sur la machine à drisses
de M. Reech, bien qu'on lui reproche une grande lenteur de
travail, occasionnée par l'inertie des espolins dans leurs oscil-
lations transversales, lenteur qui d'ailleurs paraîtrait peu
propre à la faire adopter dans l'industrie comme machine
manufacturière ou économique; car elle constitue, par le fait»
un système de solution ou, si l'on veut, de transformation
de mouvement très-original, jusqu'ici peu répandu, mais
qui pourra recevoir par la suite d'utiles applications à d'au-
tres machines, indépendamment du caractère précieux qu'elle
offre, de fournir des drisses à tissu serré, JCune grande régu-
larité et d'une rondeur parfaite l.
Ce serait ici le cas de dire quelques mots touchant les plus
récentes machines à fabriquer les cordes plates, les câbles en
fils de fer, à noyau plein de chanvre, ou, inversement, le*
câbles, les cordes en chanvre avec interposition de fils de fer;
machines qu'ont précédées celles à recouvrir extérieurement
1 Page 101 du mémoire cité de M. Chédeville.
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324 VI- JURY.
les fils métalliques de fils pareils ou constitués diversement,
roulés en hélices serrées, par conséquent d'un pas excessive*
ment petit, et dont la fabrication par procédés mécaniques
est aussi ancienne que celle des instruments de musique à
cordes, etc.; soit que d'ailleurs la bobine porte-fil enveloppe,
se meuve circulairement autour du noyau immobile, soit
que, la bobine étant fixe, celui-ci tourne rapidement sur
lui-même, etc. Mais ces développements sur des machines
accessoires m'entraîneraient, sans utilité suffisante pour notre
but, bien au delà des limites que je me suis prescrites dans
cette dernière Section , et je dois me borner à rappeler en
peu de mots qu'on s'est plus particulièrement préoccupé,
depuis i84o, de la fabrication mécanique par machines des
câbles en fils de fer pour l'usage de la marine, des télégraphes
électriques, des chemins de fer et des mines.
M. Comitti, à Valenciennes, et M. Vigni, originaire de
Sienne, en Toscane1, se sont faits des premiers breveter en
France, pour cet important objet, en septembre et novembre
,i84o; mais ils avaient été devancés en Angleterre par M. Stir-
ling-Newall, de Dundee, dont la patente, datée du 7 août de
la même année, présente néanmoins le caractère d'une simple
importation, probablement d'origine allemande. Dans les an-
nées suivantes (i843 à 1849), des brevets ou patentes pour
cordes métalliques, mélangées ou non, ont été tour à tour
pris en Angleterre par le même M. Newall et par MM. Exall ,
Smith et Wilson. Antérieurement, en France, il en a été dé-
livré à MM. E. Flacbier, de Condrieu, Savaresse et Pleyel, de
Paris, pour des cordes harmoniques3; enfin M. Leclerc, d'An-
1 Bulletin de la Société à* encouragement, t. XLIII, p. 38, et Publication
industrielle de M. Armeogaud, t. V, p. s84«
1 Le brevet de M. Pleyel, inséré dans le t. XIII, p. 49, de la Collec-
tion imprimée , sous la date du 3 1 décembre 1 8 1 o , est antérieur à celui de
MM. Savaresse etC**, pris en mars 1837, et consigné au t. XXIII, p. i38,
de cette Collection ; mais je dois faire observer, d'après un autre article
inséré à la page 966 du Dictionnaire des arts et manufactures, et signé Ph.
Savaresse, que la fabrication des cordes d'instruments de musique aurait été
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MACHINES ET OUTILS. 325
gers, en a pris an pour des cordages mélangés, etc. Inutile
d'ajouter que les machines a fabriquer ces divers genres de
cordages doivent offrir la plus grande analogie avec celles
qui avaient été précédemment employées au commettage des
cordes ordinaires : on pourra , non sans quelque difficulté à
cause de l'imperfection des* dessins *, en prendre une idée
dans le dictionnaire américain d'Appleton, édité en i85i à
New- York par Oliver Byrne, t. II, p. 854, art. Wire covering
machine (machine à recouvrir le fil de fer) et Wire rope ma-
chinery (machine à fabriquer les cordes en fils métalliques).
Cette dernière machine, due à l'ingénieur anglais Andrew
Smith, de Saint- James, dont la patente, du 3i mai 1849, a
ci-dessus déjà été indiquée, offre des .combinaisons fort origi-
nales et d'autant plus remarquables que le mouvement des sept
bobines alimentaires à axes horizontaux, dont une centrale
pour le noyau , y est extrêmement doux et continu , attendu
qu'il s'accomplit sans l'intermédiaire des rouages dentés et
planétaires mis en œuvre dans la machine à commettre de
Fulton, imitée, comme on l'a vu, par MM. Norvell et Cravfrhall,
mais bien au moyen de mouvements excentriques ou à petites
manivelles, tels qu'on en emploie dans le système de dressage,
de polissage mécanique des grandes glaces par galets rôdeurs,
empruntés à la manufacture de Saint-Ildefonse, en Espagne 2 ;
seulement ici le transport général des bobines qui représentent
les rodoirs et sont montées sur une grande roue inférieure
tournante, au lieu d'être rectiligne alternatif, est circulaire
continu autour de l'axe central de la passoire ou du tube
réunisseur, etc.
introduite en France par un ouvrier napolitain du nom de Nicolas Savaresse,
qui monta une fabrique à Lyon vers Tan 1 766.
1 La description et les dessins doivent être extraits du tome LI du recueil
anglais intitulé : Méchantes magazine, p. 5 18, que je n'ai pas sous la main.
1 Voyez les pages 525 et suivantes de la l" partie.
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326 VP JURY.
CHAPITRE II.
MACHIKBS ET MÉTIERS EMPLOYES A LA FABRICATION DBS TISSUS PLBTKS
A CHAÎNES ET TRAMES CROISÉES RRCTAHGCLAIRSMBHT.
Les machines à tresser les lacets, les cordonnets et les
drisses, dont j'ai essayé de donner un aperçu historique dans
Y Addition qui termine le précédent chapitre1, pourraient,
à certains égards, être considérées comme appartenant à la
catégorie de celles qui doivent ici nous occuper; car elles ont
pour but un véritable tissage ou enlacement plein et serré de
deux faisceaux de fils distincts qui , au lieu de se croiser réa-
lignement et rectangulairement entre eux, se superposent
sous des angles obliques également invariables, mais dont les
lignes sinueuses, indéfinies, en serpentant de part et d'autre
d'un axe commun de symétrie, ne comportent aucun retour
brusque aux lisières ou limites latérales du tissu. Cet arran-
gement, qui dans les dispositions du métier à lacet plat pré-
sente des difficultés mécaniques d'une nature toute spéciale,
comme on l'a vu , a du moins l'avantage-, dont il jouit en
commun avec celui des retors et des cordages , de faire con-
courir, il est vrai par la déformation et le rétrécissement obligé
des tissus, toutes les fibres à l'action de la résistance contre
un* effort longitudinal de tirage; ce qui n'existe pas à beau-
coup près dans les tissus à réseaux rectangulaires, où les fils
de la chaîne résistent pour ainsi dire exclusivement à un pareil
effort, les fils de trame jouissant d'ailleurs de la propriété
précisément inverse 2.
1 Lorsque j'écrivais cet article, je n'avais pas en ma possession le catalogue
des patentes anglaises, où se trouvent enregistrés, sous les noms de John
Reepe ( 1 693 ) , Thomas Walford ( 1 7 48 et 1 77 7) , Georges Dundas ( 1 76 1), etc.,
divers projets ou machines ayant pour objet le tressage des sangles et des
fourreaux de fouets coniques, dont je ne saurais ici indiquer le système
de construction et l'analogie avec les métiers à tresser, de l'Encyclopédie mé-
thodique ou du Conservatoire des arts et métiers, destinés à la fabrication
automatique des cordons et lacets ordinaires de passementerie.
* Je ne puis, à ce sujet, m' empêcher de rappeler que M. Taylor (Phi-
lippe), iogénieur à Paris, s'est fait délivrer en août i83o un brevet d'im-
portation de quinze ans, déchu en i&35, ayant pour but an perfectionne-
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MACHINES ET OUTILS. 327
En revanche, les principales difficultés mécaniques ayant
disparu dans les métiers à fabriquer ces derniers tissus, on a
pu, sans trop d'inconvénients ou d'obstacles matériels, y mul-
tiplier en quelque sorte arbitrairement et de proche en proche
le nombre des fils de chaîne en agrandissant progressivement
la largeur des étoiles. Par suite de la régularité, de la simpli-
cité relative même des combinaisons, l'industrie humaine
s'est exercée dès la plus haute antiquité à leur faire produire,
par le croisement mutuel et la succession graduée des fils de
chaîne et de trame, des effets multiples, variés à l'infini et
que, en raison de l'obliquité des fils ou faisceaux de fils, il
serait comme impossible de réaliser sur les machines à tres-
ser actuelles; du moigs faudrait-il introduire dans leur mé-
canisme des complications extraordinaires, et qui, sous le
rapport de la beauté, de la richesse, de la solidité ou per-
manence de forme des tissus, n'offriraient aucune des com-
pensations qu'on retrouve dans d'autres genres précieux de
produits, par exemple, dans les tricots et les tulles, formés
de réseaux également sinueux, se recoupant sous des direc-
tions obliques mais dont l'assemblage et la liaison sont assurés
par d'ingénieux moyens, qui, malgré leur simplicité appa-
rente dans le travail à la main, continuent aujourd'hui en-
core' à exercer la patience des artistes , des mécaniciens cons-
tructeurs de métiers, occupés à imiter les produits de ce
travail, variés pour ainsi dire à l'infini par la puissance ins-
tinctive et réfléchie de l'homme appliquée à d'admirables et
délicats organes naturels.
ment dans la fabrication des toiles à voiles à rasage de la marine 9 par un tissage
oblique de la trame avec la chaîne ( t X£IX de U Collection imprimée,
*p. 38j). Le but, comme on le comprend bien, est d'éviter les effets du
tirage oblique des fils dans les voiles latines à coupe triangulaire, etc.
Quant au procédé mécanique, il consiste dans un métier imaginé en Angle-
terre, et qui diffère principalement du métier A marches ancien par la di-
rection biaise des rouleaux d'ensouple, du battant, etc., relativement A celle
des fils de chaîne; ce qui donne lieu à des difficultés d'installation et A des
tendances au dérangement de ces mêmes parties, dont il est également aisé
de se rendre compte A priori.
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328 Vf JURY.
I*7. — De quelques anciens métiers à tisser. — Passages de Virgile, de
Pline, d'Orûfe, etc., relatifs à ce sujet — Remarquables tentatives faites
autrefois par l'officier français de Gennes, par Vaacanson et le manufac-
turier anglais Gariside, de Manchester, pour fabriquer automatiquement
les toiles ou tissus unis à trame et chaîne tendue.
Que les anciens aient fabriqué leurs étoffes pleines sur des
métiers constitués d'une chaîne ou réunion de Gis parallèles
tendus horizontalement (basse lisse) ou verticalement (haute
lisse) entre des rouleaux ensouples, parallèles, montés aux ex-
trémités fixes du bâti, chaîne que la navette à fuseau porte-
trame, conduite, lancée à la main, traversait perpendiculaire-
ment et tour à tour dans les deux sgns, après l'écartement
angulaire préalable, alternatif et dans un ordre périodique ré-
gulier, de ces mêmes fils de chaîne ; que ces métiers primitifs
fussent en outre munis de battants ou peignes à dents formés
de lames minces de roseau , d'ivoire ou de métal rapprochées
les unes des autres parallèlement et de manière à isoler entre
eux les fils de la chaîne; que l'ouvrier se fût, en effet, servi
de ce peigne pour battre et serrer successivement la trame ou
duiie dans l'intervalle angulaire formé par le croisement»
Fécartement symétrique et alternatif des fils, de part et d'autre
du plan moyen de la chaîne tendue, figurant dans sa largeur
uniforme l'étoffe déjà ourdie mais non encore tissée; que
les peuples de l'antiquité, dis-je, aient connu le métier à bras
aujourd'hui encore généralement employé par les tisserands
de nos villes et de nos campagnes, mais qui bientôt pourra
cesser de l'être, cela ne saurait faire l'ombre d'un doute,
d'après les nombreux témoignages d'Homère, d'Ovide, de Vir-
gile, de Pline, d'Animien Marcellin, etc. i
Que, d'autre part, ces antiques métiers des tisserands» a
chaîne horizontale, comportassent des lisses à deux lames éga-
lement horizontales, parallèles et soutenant les groupes res-
pectifs de cordons verticaux porte-ma/ZZons ou œillères traversés,
à leur tour et en arrière du peigne ou battant, par les u»s
de chaîne destinés à être simultanément soulevés ou abais-
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MACHINES ET OUTILS. 329
ses a&n d'ouvrir à la navette l'espace angulaire mentionné
ci-dessus, sorte de coin dont le sommet, Tarête aiguë, formé
du croisement des mêmes fils , sert d'appui et bientôt de prison
au jet de trame, appelé proprement datte et ainsi resserré
entre deux croisements consécutifs sous le coup du battant;
que les anciens se soient servis des bâtons enverjares placés en
travers de la chaîne, au delà du peigne batteur et des lames
de lisses, pour en diviser, roidir les fils de manière à mainte-
nir leur parallélisme ou à empêcher leur mélange réciproque,
cela semble aussi résulter d'autres passages des mêmes au-
teurs, trop concis néanmoins et usant d'expressions trop peu
intelligibles pour pouvoir être convenablement traduits ou in-
terprétés dans notre laugue. Mais on n'y rencontre rien, si je
ne me trompe, qui ait trait aux ingénieux mécanismes par
lesquels on voit aujourd'hui nos tisserands faire mouvoir les
lames de lisses pour ouvrir, fermer et croiser alternativement
les fils de la chaîne sur la duite, je veux dire le fil de trame
lancé par la navette.
Ovide, qui, à ma connaissance, est de tous les auteurs la-
tins celui qui présente le plus de détails techniques relatifs à
l'art de tisser des anciens, dans le IV* livre de ses Métamor-
phoses, à propos du défi adressé par Arachné à la déesse Pal-
las, n'en fait aucune mention expresse, et ce que renferme à
cet égard la traduction en vers, d'ailleurs si remarquable, de
M. Desaintaoge, fort au courant de l'industrie lyonnaise., est
une pure hypothèse ou licence poétique, s'accordaot assez peu
d'ailleurs avec le* texte, qui, tout en indiquant Ta chaîne ten-
due entre deux ensouples, les enverjures, le peigne batteur,
la navette, etc.1, semble en effet se rapporter bien plutôt
1 Métamorphose 2* du livre VI, vers de 20 à a 5. M. Hedde, professeur
de tissage à Saint-Etienne , à qui l'on doit diverses brochures historiques
sur cet art, cite dans 1* une d'elles, imprimée en 1837, un passage d'Homère
incorrectement traduit par M°" Dacier, et qui prouve seulement aussi que
dès la plus haute antiquité on se servait des métiers à tapisserie de haute
lisse. Je crois peu nécessaire, d'ailleurs, de citer ici les rêveries que con-
tient l'ouvrage de l'ingénieur anglais Gilroy, dont j'aurai à parler par la
suite, sur l'art de tisser les étoffes façonnées ou à plusieurs rangs de lisses.
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330 VI- JURY.
au métier de tapisserie à sujets artistiques exécutés à l'aide
d'une broche conduite de proche en proche» à la main, au
travers des fils de la chaîne, qu'au simple métier à tisser les
étoffes croisées, figurées ou brochées, par le lancé propre-
ment dit d'une navette traversant d'un seul jet l'intervalle
ouvert à la duite.
Cependant l'existence des lices ou lisses dont parle Viigile1
suppose leur soulèvement et leur abaissement alternatif à
l'aide de procédés mécaniques plus ou moins analogues à celui
des armures diverses par lesquelles nos tisserands opèrent le dé-
1 Licia telm addere. Plu* loin on trouve cet autre vers : Argato conjmxper-
currit pectine tel**, qui a simplement trait au peigne ou ros batteur dont les
habitants de la campagne se servaient pour tisser les étoffes unies. Mais,
comme on le voit, rien dans ces vers ne peut faire soupçonner le mode
même de suspension et, à fortiori , de mouvement des lices et du peigne dont
il y est parlé. Quelques autres passages de Pline, d'Ammien Marcdlin,
cités par divers auteurs, notamment dans le Mémoire de Desmarest sur les
étoffes tirées des tombeaux de Saint-Germain-des-Prés ( t VII , 3* partie , p. 1 1 9,
des Mémoires de t Institut, Classe des sciences) , ces passages, dis-je, tendent
seulement à prouver que les Grecs d'Alexandrie et nos ancêtres les Gaulois
tissaient avec des métiers à plusieurs rangs de lisses, sans rien nous faire
connaître de précis sur la nature de ces métiers, dont les produits, les
étoffes plus ou moins riches, ne sauraient suffire pour donner une idée; car
il restera toujours à savoir par quels artifices s'opéraient la levée et rabaisse-
ment alternatifs de ces divers rangs de lisses.
Ce serait d'ailleurs chose parfaitement inutile pour notre objet que de
mentionner ici les plus simples des métiers chinois , précieusement montés
et collectionnés au Conservatoire des arts de Paris, ou encore ceux, tout
aussi ingénieux, employés par les sauvages de la mer du Sud à la confec-
tion des tissus étroits, sans armures ni pédales proprement dites. Mais il
n'en est pas tout à fait ainsi du métier à sangles, aujourd'hui même en
usage dans nos campagnes, et qui probablement correspond au premier
état du tissage des étoffes unies chez les habitants de la Gaule, puisque la
chaîne, tendue entre deux bâtons ensouples, l'un fixe, l'autre simplement
tiré par un contre-poids mobile , est alternativement ouverte par deux sys-
tèmes de mailles passées en guise d'étriers autour de chacun des pieds de
l'ouvrier, qui, bien qu'assis, agit comme dans la marche ordinaire, tout en
passant la trame de la main gauche et la serrant contre le tissu de la main
droite armée d'une lame ou latte à poignée, introduite, à chaque reprise,
dans l'angle ouvert de la chaîne.
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MACHINES ET OUTILS. 331
placement vertical et parallèle des différents couples de lames
horiiontales de lisses ou des rangées planes correspondantes
des fils de chaîne qui, en traversant leurs maillons respectifs,
viennent, par leur croisement près de l'étoffe déjà tissée ou
frappée, ouvrir à la navette les espaces angulaires dont il a
été parlé, et cela dans un ordre de succession dépendant de
la nature même du tissu à fabriquer par les entrelacements
périodiques et réciproques des fils de trame et de chaîne.
Dans l'art du tisserand en toile unie ou ordinaire,* le métier
à chaîne horizontale comporte, comme on sait, non-seule-
ment le battant, le châssis vertical porte-peigne ou roslt oscil-
lant, librement suspendu par sa base supérieure , et que
l'ouvrier manœuvre horizontalement à bras en agissant sur sa
traverse inférieure; mais ce métier, à simple armure ou har-
nais, comporte aussi des pédales ou marches horizontales agis-
sant par un systèiûe de bascules à cordes, tringles, leviers ou *
poulies de renvoi, muni quelquefois de contre-poids pour
faciliter le relèvement spontané des marches ou éviter la trop
grande tension des fils de la chaîne , dont les en sou pies extrêmes
doivent, à leur tour, offrir une certaine liberté de jeu ou de
rotation sous Faction de freins, de leviers à cbntre-poids, de
cordes de retenue, élastiques et remplissant jusqu'à un cer-
tain point la fonction de ressorts qui leur permettent de céder
à un excès de tension produit par un choc trop brusque du
battant ou la levée, l'abatage trop rapide des lames de lisses.
L'existence inévitable de ces secousses fait d'ailleurs com-
prendre combien il importe , lors de l'ourdissage et du mon-
tage du métier, de bien assurer le rigoureux parallélisme du
peigne, du châssis-battant et des ensouples, l'égalité de ten-
sion des divers fils de chaîne, celle de leur déroulement sur
l'ensoiiple postérieure et de l'enroulement simultané de l'étoffe
tissée sur l'ensouple de devant, munie d'un levier de ma-
nœuvre ou d'un rochetà cliquet, enfin la nécessité de s'op-
1 Ce mot abréviatif de roseau l'applique à l'ensemble des lames minces
qui servaient autrefois et servent encore à composer le peigne des métiers
a tisser les toiles ordinaires dans les campagnes.
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332 Vr JURY.
poser au tirage transversal du fil de trame à chaque coup de
navette, en maintenant l'écartement des fils de rives ou li:
sières par l'instrumenta griffes extrêmement léger, croisé en
crémaillère et nommé tantôt temploir, tantôt templet, tantôt
tempia, selon les localités ou l'usage des ateliers; instrument
que dans les métiers à bras on déplace parallèlement à
certains intervalles, de même qu on tourne les rouleaux en-
souples de loin en loin , afin d'éviter la trop grande incli-
naison du peigne batteur résultant de l'avancement du tissu
ou de la duite , mais surtout la trop grande ouverture de
l'angle formé par la levée ou l'écartement des fils de chaîne.
En considérant les ingénieuses combinaisons de ce dispo-
sitif fondamental, dont l'origine remonte sans nul doute, et
malgré l'absence de preuves directes, à une très-haute anti-
quité, on entrevoit a priori comment il est devenu possible,
non sans des difficultés extrêmes et de longs , de nombreux
tâtonnements, d'assujettir les divers organes du métier à tisser
à des mouvements purement automatiques, comme l'avait
tenté dès Tannée 1678 l'officier de marine français de Gennes
dans une machine de cette espèce qu'il soumit à l'Académie
des sciences de Paris , et qui comportait non-seulement des
cames fermées ou rentrantes, des courbes planes montées
excentriquement sur un arbre à manivelle et rotation con-
tinue, servant à faire mouvoir les deux équipages de lisses
horizontales à cordes et poulies solidaires, non-seulement un
battant à peigne oscillant muni d'un ressort de catapulte
dont la réaction était produite par un système de cordes
fortemeot tordues entre des appuis extrêmes, mais aussi un
mécanisme très -ingénieux de tiges en bois, porte-navettes,
doubles et opposées suivant une direction horizontale, à g"8"
sières rectilignes, contre -poids de recul et déclic daccroche-
ment analogue à celui de certaines sonnettes à tiraudes de
l'ancienne Ecole du génie à Mézières. Grâce à ce mécanisme,
en efFet, la navette était, par échanges, décrochements et
accrochements alternatifs, renvoyée de l'une à l'autre tige,
animées d'un va-et-vient nécessairement très-lent, départ et
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MACHINES ET OUTILS. 333
d'autre de la chaîne, dont elles traversaient successivement et
en sens opposés l'ouverture pour chaque duite.
Ce métier automate , imparfaitement, grossièrement décrit
dans le Journal des Savants de l'époque1, et d'où il a été
traduit dans les Transactions philosophiques de la Société royale
de Londres*, comportait, d'après l'auteur, des moyens égale-
ment automatiques pour enrouler, au fur et à mesure, la
toile sur l'ensouple du devant et arrêter à volonté l'un des
dix ou douze métiers dirigés par un petit nombre d'ouvriers
rattacheurs, et que, dans ses intentions, devait faire mar-
cher un moteur unique; car il n'est nullement certain que de
Gennes, dont la remarquable tentative obtint un certain re-
tentissement en Angleterre, ait réalisé cette dernière partie
du but qu'il s'était proposé d'atteindre : la solution pratique
et vraiment satisfaisante de cet épineux problème de méca-
nique devait se faire attendre pendant plus d'un siècle en-
core , malgré des études et des essais souvent répétés depuis
l'époque de 1678, où de Gennes avait commencé à s'en occu-
per, dans des circonstances , il est vrai , très-peu favorables
sous le rapport mécanique et industriel.
C'était là d'ailleurs, comme on voit, un trait de génie, où
l'on découvre sans peine l'origine des idées réalisées soixante-
sept ans plus tard par Vaucanson, grâce à des perfectionne-
ments dont le principal consistait : dans la substitution de
deux tubes creux en fer, mobiles sur chariots à roulettes, aux
tiges horizontales conductrices de la navette; dans l'applica-
tion de la vis sans fin à l'enroulement graduel de l'étoffe sur
l'ensouple du devant ; dans la régularisation de la tension lon-
gitudinale et transversale de la chaîne ou de l'étoffe, et dans
\m bon nombre d'autres ingénieuses combinaisons, dont on
peut aujourd'hui même étudier le détail sur le grand modèle ,
en bois existant au Conservatoire des arts et métiers de Paris,
1 Nouvelle machine pour faire de la toile sans Taide a* aucun ouvrier, pré-
sentée à f Académie royale par M. de Gennes, officier de la marine; cahier du
lundi 8 août mdclxxtiii, p. 317.
* Pnilosopkical transactions de 1678, J>. 1007.
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334 VT JURY.
où il avait pendant si longtemps été abandonné sans soins
et singulièrement mutilé , mais auquel on a joint d'autos
combinaisons ou additions dont l'ingénieur de Gennes etVau-
canson lui-même ne s'étaient point préoccupés à l'origine.
La plus ancienne partie de ce modèle, celle qui en cons-
titue la base principale ou fondamentale, a été mentionnée
avec de grands éloges dans un célèbre article du Mercmt it
France pour Tannée 1745 ^ article souvent reproduit dans
1 Numéro de novembre , p. 1 16 et suiv. Voici un extrait abrégé des pas-
sages essentiels de cet article :
• La machine consiste en un premier mobile en forme de cabestan, fai-
sant marcher plusieurs métiers à 1a fois et mû par une force quelconque.—
L'étoffe se roule elle-même è mesure qu'elle se fabrique; la chaîne est tou-
jours également tendue , etc. — L'auteur a trouvé le moyen de déterminer
la quantité de soie qu'il veut faire entrer dans une étoffe, en donnant pi»
ou moins de poids au battant, en tenant la chaîne plus on moins tendue
et en faisant donner plus ou moins de trame par des tours de manivelle. —
C'est par de semblables moyens qu'il fait dévider son étoffe plus ou moins
vite , selon que la trame est plus ou moins grosse et qu'elle est plof on
moins frappée. — Les lisières de l'étoffe fabriquée sur le nouveau métier
sont bien plus belles et bien plus parfaites que celles des étoffes ordinaires,
l'auteur ayant trouvé le moyen de supprimer une pièce, appelée ttmpU,
dont on se sert pour contenir l'étoffe dans sa largeur, mais qui gâte les
lisières par les trous que les pointes y font. — En cas de rupture et de
nouage des fils ou de changement de navette , on arrête le métier sur-le-
champ , en poussant un bouton placé à l'un des angles du bâti , sous la
main d'une jeune fille veillant à quatre de ces métiers. — Cet arrêt» d'an
mécanisme nouveau et fort ingénieux , suspend et redonne comme un éclair
tous les mouvements au métier auquel il appartient, sans troubler la marebe
des autres métiers ou du moteur général.— Un cheval peut faire marcher
trente de ces métiers, un homme en ferait aller six, et un enfant de doute
ans facilement un ; chaque métier produisant par jour tout autant d'étoffe
que le meilleur ouvrier. — L'auteur n'a encore travaillé (en novembre
1745) que pour des étoffes unies , taffetas , sergé , gros de Naples , satin , etc.;
mais on espère que bientôt après il rendra ses ouvriers habiles à fabriquer
les étoffés façonnées. >
Ces derniers passages indiquent que le métier, marchant automatique-
ment à raison , sans doute , de quarante ou cinquante coups au plus par
minute, ne fabriquait que des étoffes de soie unies; maison ne saurait en
conclure que Vaucanson s'en soit servi pour fabriquer d'une manière
également avantageuse et automatique les tissus façonnés, car fauteur de
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MACHINES ET OUTILS. 335
les ouvrages de technologie relatifs à l'art de tisser : dans ce
modèle , Vaucansoii se proposait exclusivement de fabriquer
les étoffes de soie unies, par des procédés purement automa-
tiques, puis subséquemment les étoffes façonnées, au moyen
des combinaisons additionnelles dont j'ai déjà parié, et sur
lesquelles je reviendrai bientôt, mais qu'il ne faut pas con-
fondre, comme on Ta fait quelquefois, avec le métier à tisser
automate ci-dessus, que l'auteur de l'article cité du Mercure
de France avait vu fonctionner si admirablement sous ses
yeux en 1745, et qui, malgré son extrême simplicité, parait
être resté sans application pratique immédiate, si ce n'est
l'article inséré au Mercure de France ne nous dit rien touchant les additions
<fu transformations capitales que le métier a dû subir à cet effet; et si»
comme le prétend la tradition , il est vrai que , dans son état primitif, il ait
été mis en action , ainsi que d'autres semblables , par un âne appliqué à
l'arbre d'un manège établi dans Tune des caves de l'ancien hôtel de la rue
de Cbaronne, il est non moins certain qu'il n'en existe aucune trace appa-
rente dans le modèle déposé au Conservatoire des arts et métiers, modèle
dont la description et le dessin se trouvent rapportés à la page 538, pi. 27»
du Traité sur Us arts textiles, par le professeur Michel Alcan. Dans ce mo-
dèle, en. effet , on voit une simple marche inférieure remplacer les cames ou
excentriques à ondes dont le métier primitif devait être pourvu, et dont
l'existence n'est plus ici accusée que par un arbre de couche longitudinal.
D'antre part, le mécanisme à déclic d'échappement de la navette et la na-
vette elle-même manquaient à l'époque de 1847, où l'ouvrage en question
a paru; de sorte qu'il est vrai de dire qu'aujourd'hui même on ne pos-
sède point encore de description parfaitement satisfaisante du premier
métier à tisser automate de Vaucanson. Pour être en mesure de la refaire
avec une rigoureuse exactitude, il faudrait consulter les vieilles archives du
Gouvernement, si toutefois il en existe ailleurs qu'au Conservatoire des arts
et métiers, ou il m'a seulement été possible, dans une visite faite en pré-
sence de M. Tresca, sous-directèur, de retrouver, en i85a , le dessin de la
navette et du mécanisme à déclic et ressort à boudin renfermé dans les tubes
porteurs ou conducteurs : ce dessin a d'ailleurs permis à M. Marin, très-
habile et intelligent artiste lyonnais dont j'aurai ci-après à citer les services
d'une manière plus explicite , de rétablir cette partie depuis si longtemps
égarée du métier à tisser de Vaucanson , malheureusement trop oublieux
d'une renommée que nous sommes aujourd'hui si fiers de revendiquer, et
pour laquelle la ville de Grenoble a, bien tardivement sans doute, songé
à élever une statue comme A l'un de ses plus illustres enfants.
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336 VP JURY.
peut-être en Angleterre, où, d'après Baines, l'historien des
manufactures de coton, il en aurait existé un grand nombre
dans rétablissement de tissage monté vers 1765 par Gartside
à Manchester, quoique sans avantage prononcé, attendu que
chaque métier devait être surveillé et dirigé séparément1.
Quant à notre pays, l'esprit des fabricants d'étoffes, comme
le témoignent l'abandon , l'oubli absolu des tentatives de de
Gennes et de Vaucanson* était loin alors d'être dirigé vers la
production économique des tissus, même les plus communs,
et cet état de choses a persisté longtemps encore après l'époque
où, grâce aux progrès incessants des filatures de soie, de
laine et de coton, on se décida enfin chez nous à imiter nos
industrieux voisins d'outre-Manche.
S II. — Perfectionnement et propagation du métier à tisser automatique-
ment les étoffes unies. — Edmund Cartwright, Robert Miller, Horrocks,
Thomas Johnson, Richard Roberts, Sharp et Roberts, etc., en Angleterre;
Biard, Despiau, Vigneron, Debergue, Risler, Josué Heilmann, etc., en
France. — Les navettes volantes de John Kay, de Despiau, etc. — Le casse-
trame du Lyonnais Gaigo et de Fasanini, etc. — MM. Smith, Chrickton,
Mason, Parker, etc., à l'Exposition universelle de Londres.
La lenteur du procédé mécanique imaginé par Vaucanson
pour la fabrication des étoffes unies ou à trame simple, la né-
, cessité , comme on vient de le voir, d'appliquer à chaque mé-
tier un ouvrier rattacheur, l'état arriéré du système de cons-
truction des machines en fer vers 1745, et principalement la
routine obstinée des tisseurs, furent les causes essentielles qui
sans nul doute empêchèrent le système d'être accueilli par
les industriels avec la faveur qu'il méritait comme première
tentative. L'auteur anglais précédemment cité2 considère le
1 Voyez l'ouvrage anglais ci-dessus de Baines, imprimé à Londres en
un volume et sans date, page 229.
* À la page 929 de Y Histoire des manufactures de coton, Baines rapporte
une lettre de Cartwright où ce célèbre mécanicien fait remonter sa décou-
verte à Tété de 1 784 , et nous apprend que c'est seulement dans sa patente
du 1** août 1787, et après des tentatives infructueuses, que , en adoptant
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MACHINES ET OUTILS. 337
révérend docteur Edmund Cartwright, le même qui inventa la
première machine automate à peigner la laine longue, comme
l'auteur du métier à tisser dont l'idée et le mécanisme se rap-
prochent le plus de ceux des systèmes actuellement en usage,
notamment des métiers qu'on a vus fonctionner en i85i,
dans la galerie des machines de Hyde-Park, à raison de 100 à
i5o coups par minute, s'arrêtant spontanément ou à la vo-
lonté du surveillant et pour ainsi dire instantanément, en cas
de rupture du fil de trame ou d'un obstacle, d'un accident
quelconque survenu à la navette , ici constituée d'une boîte
très-solide, armée à ses bouts de becs en fer arrondis glis-
sait sur les fils de la chaîne, et lancée violemment au tra-
vers des ouvertures alternatives de cette chaîne par le fouet
rapide et vif de deux leviers verticaux qui , sous l'impulsion
de fortes lanières en cuir manœuvrées par des cames, oscil-
lent de part et d'autre des extrémités à coulisses du battant»
monté sur un châssis à tourillons inférieurs, lui-même conduit ,
ainsi que ces leviers et les deux lames de lisses, par le sys-
cette fois la disposition du métier ordinaire des tisserands, il serait parvenu
à réaliser un mécanisme approchant plus ou moins de ceux' que Ton con-
naît, et dont la principale différence avec celui de Vaucanson consiste dans
le jeu de la navette et du châssis-battant, non plus suspendu vers le haut,
mais solidement établi sur des tourillons et coussinets supportés par les
traverses inférieures* du métier, entièrement construit en fer ou en fonte.
Toutefois , les admirables tentatives de Cartwright seraient devenues pour
lui , à la fin de ses jours , la source inévitable et assez ordinaire de misère
et de ruine , si le Parlement britannique ne lui avait généreusemenjt voté ,
en 1809, une récompense de 10,000 livres sterling (s5o,ooo francs).
Cependant il s'en faut de beaucoup qu'elle lui ait procuré l'existence hono-
rable et le repos auxquels ses utiles et laborieuses recherches mécaniques
lui donnaient droit. La tentative d'établissement d'un atelier de tissage mé-
canique faite en 1790 d'après le système de Cartwright, non loin de
Manchester, par MM. Grimshaw de Gorton, n'aurait eu d'ailleurs, selon
Baines, aucun succès; et ce serait, en effet, beaucoup plus tard, vers le
commencement de ce siècle, et par le concours des plus habiles construc-
teurs de la Grande-Bretagne, que Ton serait parvenu i appliquer fruc-
tueusement les métiers automates de cette espèce au tissage des calicots
unis, dont la fabrication commença dès lors à prendre une extension de
plus en plus considérable.
V1*JUBY. — 2* PARTIE. • 92
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338 VI* JURY.
tème des bras coudés à bielles de l'arbre moteur, muni <f un
yolatit et qui occupe tantôt le bas, tantôt le haut dû métier,
dans un sens parallèle à l'ensouple de la chaîne, tendue par
de forts contre-poids, mais soumise à d'ingénieux moyens de
régulariser l'enroulement de l'étoffe, etc.
Depuis les tentatives assez peu fructueuses d'Edmund Cart-
wright, cette admirable combinaison n'a pas cessé d'exercer
la patience et le génie inventif des plus habiles constructeurs
mécaniciens de la Grande-Bretagne^ parmi lesquels se distin-
guent principalement les Robert Miller, de Printfield (1796) ,
les Horrocks, de Stockport (i8o3 à 182 1) 1, les Thomas John-
son (i8o5, 1807 et i834), les Richard Robcrts (1822), et,
plus près de nous encore, MM. Sharp et Roberts, célèbres
constructeurs à Manchester, qui ont rendu tant de services à
l'industrie du tissage et de la filature en général.
Quelques heureux efforts ont été également tentés dans
cette voie chez nous, dès le commencement de ce siècle, par
lesBiard(i8o4), les Despiau (i8o5, 1819 et 1823), bientôt
suivis par les Vigneron , les Debergue, les Risler et Dixon, les
Josué Heilmann*, etc. Mais ces habiles constructeurs, dont
1 On trouvera les descriptions des anciens métiers de Miller et de Horrocks
dans l'ouvrage de~M. Borgnis (Confection des étoffes, p. 2o4 à si A) et dans
le Bulletin de la Société à* encouragement de Paris, t. XVII (1818), p. 8;
descriptions empruntées à la célèbre publication angfaise the Reperlorj of
arts, reproduite en France par les Annales des arts et manufactures de
O'Reilty (t I", ÏX, etc.). Voyez aussi dans le Bulletin cité (t. XXV. 1826,
p. il à 54 ) la description du métier à tisser de M. Debergue , précédée d'un
rapport et de considérations historiques fort intéressantes sur ce genre de
machines, par M. Molard jeune. Consultez enfin dans la même collection
(t. XXIX, p. 7 ) une notice, avec description, sur le métier anglais i tisser
nommé dandy-lobm, marchant à bras ou par manivelle, depuis introduit
en France par MM. Cal la pèr^ et fils, et qui avait momentanément servi,
vers 1816, aux fabricants de Manchester pour mettre un terme à la révolte
des aneiens ouvriers tisseurs, effrayés de la rapide propagation des nou-
velles machines; révolte qui, d'après les supputations de Baines (p. 235),
n'a pourtant point empêché le nombre des métiers automates de s'élever,
s'accroître dans la proportion de i4,ooo, qu'il était, Seulement vers 18*0
en Ecosse et en Angleterre, à 5 5, 000 environ dans Tannée 1829.
* Le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n* io5, nous apprend
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MACHINES ET OUTILS. 339
les tentatives mécaniques partielles répondaient à des besoins
économiques divers de l'industrie du pays,* n'ont pas & beau-
coup près atteint la rapidité ou, ce qui revient au même, le
(p. 445 et 446) que ce célèbre mécanicien , après avoir construit en i8s3,
en collaboration avec la maison Bisler et Dixon, des métiers mécaniques
pour tisser le calicot, en prenant pour point de départ les descriptions con-
tenues dans l'ouvrage de Borgnis, en établit vers i835 (p. 45a et 453)
d'autres destinés à la fabrication des étoffes de soie unies, florence et satin ,
pour une maison du Midi, dont cent vingt devaient fonctionner à Aviguon,
probablement pour la maison Thomas de cette ville, qui* bientôt dut opérer
pour son propre compte. Des métiers en fer de cette espèce, après avoir
fonctionné utilement pendant un grand nombre d années dans cette ville,
furent achetés par une autre maison de Ntmes , ou j'eus occasion de les
visiter en i853 , non sans regretter qu'un motif illusoire d'économie ou de-
bon marché ait fait consentir leur nouveau propriétaire à se servir de vieilles
machines si fort en arrière des pfogrè* dont l'Exposition universelle de
Londres venait d'offrir l'éclatant témoignage en i85i.
Je cite ces faits non-seulement pour montrer la participation directe de
Josué Heilmann à l'introduction en France des métiers automates à tisser,
mais encore pour prouver qu elle n'est point aussi récente qu'on pourrait le
croire, et qu'on s'en est depuis longtemps déjà occupé chez nous d'une
manière véritablement usuelle ou pratique; ce que sembleraient également
prouver les tentatives bien plus anciennes faites en 1 806 par MN^Que-
val, de Fécamp., pour le tissage des toiles à voiles, tentatives mentionnées
favorablement, mais seulement mentionnées, à la page 224 du tome IV
du Bulletin de la Société £ encouragement. Toutefois, je ne dois pas négliger
d'en foire ici la remarque, si dès 1826 il existait déjà dans la maison de
M. Isaac Kœcblin, à Willer, un atelier de s4o métiers mécaniques du «sys-
tème Heilmann employés au tissage des calicots, d'autre part, on pourrait
conclure de la note contenue à la page 53a de l'ouvrage de M. Aican qu'en
1847 une seiu>e m*ison en France, celle de M. Thomas, d'Avignon, avait
appliqué ce genre de métiers à la fabrication des tissus de soie unis, et une
seule maison, celle de M. Croutelle, à Reims, avait fait pareillement la
même tentative d'application pour la laine mérinos; application qui de-
puis quelques années tend à se propager dans un grand nombre d'autres
localités, où l'on se sert pour ainsi dire exclusivement de machines an-
glaises parvenues, il faut bien le répéter, à un degré de perfection, de
précision mécanique qu'il serait difficile de surpasser, sinon d'égaler
ailleurs. Quant au tissage du calicot, on peut admettre qu'il «n'existe, en
quelque sorte, aucun établissement en France où le travail à bras soit
encore maintenu. D'ailleurs, après avoir lu ce qui précède, on consultera
avec intérêt, dans le n* 1 4 .(1829), page 327, du Bulletin de la Société indus-
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340 VT JURY.
degré de perfection, de solidité et de précision dans 1 exécu-
tion matérielle qui fait le caractère incontesté des métiers à
tisser automates construits en Angleterre.
Néanmoins, je dois rappeler que les combinaisons aujour-
d'hui si complètement satisfaisantes pour le tissage des étoffes
unies ont dû être accompagnées ou précédées du perfectionne-
ment, de la découverte même, de plusieurs organes méca-
niques fort délicats, qui y entrent comme parties constitu-
tives, et cela indépendamment des progrès accomplis à partir
de 1820 dans le système général des constructions en fer et
en fonte au moyen des machines-outils, qui ont assuré à l'en-
semble et aux divers détails le caractère de précision, de du-
rée et de stabilité que comporte en elle-même la substitution
de ces métaux au bois dans toutes les parties qui n'exigent ni
flexibilité ni ressorts propres à amortir les effets destructeurs
de chocs , de secousses naturellement très-brusques.
Telle est notamment l'invention de la navette volante, attri-
buée à John Kay, de Bury, près Manchester (1738), qui dé-
laissé dans sa patrie, où cette invention ne fut guère utilisée
avant 1760, serait venu à Paris sans réussir davantage à l'y
propager1. Autrement, en effet, il serait difficile de s'expliquer
triette de Mulhouse, une Notice de M. Emile Dolfas sur les métiers i tisser du
Haut-Rhin, et dans le tome I" (1 843), page 364 , une autre Notice historique
sur les métiers mécaniques qui, se rapportant i une date postérieure, ont
été établis en France par MM. Meyer, Jourdain, Decoster, Fergusson et Bor-
nèque , Quemin et Henri Debergue enfin, dont le métier, décrit à la page 35 1
du même volume, se distingue plus particulièrement de ceux des autres
en ce que, destiné à tisser les toiles de lin et de chanvre, il est disposé de
façon à donner deux coups i la duite, comme dans les métiers servant au
tissage des toiles à voiles : on trouvera ce métier également décrit avec
ses perfectionnements successifs, de juin à août i84o, i la page a48 du
tome LI du Recueil des brevets expirés,
1 Baines, p. 1 16 et 117. On trouve, en effet, dans le catalogue officiel
anglais une patente du a 6 mai 1733, inscrite sous le nom de John Kay,
fabricant de cannes à Bury, pour une navette destinée à la fabrication des
plus larges tissus de laine. Ce Kay, qui s'intitule ingénieur dans une patente
du s4 juin 1738, où il est question de moulins à vent, -et qui en 174s
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MACHINES ET OUTILS. 341
comment un mécanisme aussi simple avait pu être mis par
les drapiers, à qui il était plus particulièrement profitable, en
un aussi complet oubli jusque vers les premières années de ce
siècle, c'est-à-dire à l'époque où MM. Ternaux, Richard Le-
noir, etc., mais surtout M. Despiau, par son métier à navette
automate1, cherchèrent à en faire revivre et multiplier l'usage
dans nos fabriques, où il avait cependant été réimporté et
jusqu'à un certain point répandu en 1788 par le nommé
John Macloud, originaire de Dublin et contre-maître distin-
gué de Manchester, qui fut chargé par l'administration d'alors
de se rendre dans les principales villes manufacturières fran-
çaises, d'où le nouveau mode de tissage se propagea, en peu
de temps dit-on, dans tout le royaume2.
Tels sont aussi les ingénieux mécanismes pour suspendre
brusquement le mouvement de la machine, soit en cas dacci- •
dents, d'arrêts survenus à la navette, soit en cas de rupture,
sinon d'un fil de chaîne, ce qui est comme impossible, puisque
cela exigerait l'emploi d'un nombre pour ainsi dire indéfini
de petites bascules à contre-poids et de rouleaux ou bobines
ensouples postérieurs, du moins d'un simple fil de trame, ce
qui est infiniment plus facile en faisant usage d'un élégant et
léger casse-fil, aujourd'hui constitué, dans les machines an-
glaises, d'une sorte de fourchette à bascule horizontale supé-
rieure, dont les oscillations, entretenues par la présence de
la navette et du fil de trame dans l'ouverture de la chaîne,
cessent, aussitôt que l'une ou l'autre vient à manquer, par
une action très-brusque sur le mécanisme d'embrayage de la
prit une dernière patente pour le tissage des rubans et autres étoffes étroites,
ne saurait être évidemment confondu avec l'horloger Kay, qui construisit
la première machine à filer d'Àrkwright, non plus qu'avec les mécaniciens
James et Johnson Kay, de Stockport, patentés en août i8o5 pour un métier
i tisser automate perfectionné et offrant de nouvelles combinaisons dont il
m'est impossible d'indiquer ici' la nature et la portée effectives.
1 Recueil des brevets expirés, t. V, p. 1 60 , brevet du 4 janvier i8o5.
1 Notice sur f importation de la navette volante en France, par M. Pajot-
Descharmes. Voy. l'Industriel de février 1827, p. 3 33.
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342 VI* JURY.
machine: combinaison bien connue d'ailleurs et employée
depuis assez de temps en France1.
* Tel est encore le mécanisme régulateur de la tension de la
chaîne ou de l'enroulement de l'étoffe sur son ensouple, le-
quel a été de la part d'un grand nombre de mécaniciens, en
France ou en Angleterre, l'objet de tentatives plus ou moins
heureuses, et dont les combinaisons fort délicates, à rouages
dentés, vis sans fin, etc. rappellent celles non moins re-
marquables qui ont été faites en vue de régulariser le tors et
l'enroulement des Gis dans le banc à broches; tentatives ayant
pour point de départ le métier automate de Vaucanson , qui
remonte, comme on l'a vu, à Tannée 174S, et dont le moyen
de solution repose sur l'idée extrêmement simple des rouleaux
freins intermédiaires, tendeurs de l'étoffe entre l'appui supé-
rieur ou poitrinière et l'ensouple inférieure. Toutefois, il ne
semble pas que jusqu'ici cette disposition ait été remplacée
par un mécanisme régulateur entièrement satisfaisant pour
certains tissus *, d'autant que, dans le métier de notre grand
1 Voyez, entre autres, le brevet d'invention délivré le 19 niai 1826 an
sieur Guigo (Charles), *à Lyon (t XXIII, p. 197, pi. 26, du Recueil des
brevets expirés), pour un métier mécanique tisseur à deux étages, avec ré-
gulateur à vis sans fin. Cependant je dois dire que la grossièreté d'exécution
de toutes les parties de la machine , établie en bois, ne répond qu'imparfai-
tement au mérite de ridée ou de l'intention, et le mécanicien Guigo a du s'as-
socier Tannée suivante à M. Fasanini , négociant à Lyon , pour des modifica-
tions essentielles appliquées au mécanisme général du métier, qu'il a (ait
suivre d'additions, de perfectionnements successifs plus ou moins ingé-
nieux, peut «être bien en partie importés d'Amérique ou d'Angleterre,
comme la machine même de Fasanini; ce que les brevetés n'indiquent
nullement dans leur texte eiplicatif , qui mérite cependant d'être consulté
au point de vue historique des idées (t. XXXVI, p. i35 à 145; brevet du
18 mai 1827, et additions des i3 mars 1828, i4 février et 4 décembre
1829, enfin 25 janvier i83i). L'ingénieur anglais Gilroy, dans son Art de
tisser (p* 356 i 374), ne cite pas, relativement aux casse-fils, des métiers
automates de date antérieure à 1 83 5, et la plupart des tentatives de ce
genre seraient dnes i dés constructeurs mécaniciens des États-Unis d'Amé-
rique, tels que MM. Amarra Stone, Oliver Burr, Horace Hendrick, A. Pot-
ter, etc., presque tous établis dans RLode-Lsland.
* A l'égard des régulateurs d'en souples, fauteur cité dans la précédente
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MACHINES ET OUTILS. 343
mécanicien , elle servait en même temps à maintenir spon-
tanément la largeur de l'étoffe entre ses deux lisières, sans
Térailler ou endommager comme le faisaient les anciens tem-
plets à crémaillère, et comme le font aujourd'hui encore
quelques templets cylindriques à mouvement régulateur,
armés aussi d'une couronne de pointes à chaque bout, etc.
Cest, je le répète, au concours de tous ces délicats et ingé-
nieux organes, autant qu'à la rigoureuse exécution méca-
nique des diverses parties, que les métiers à tisser anglais
dont MM. Smith , Kenworthy et Bullough , Chrichton , Mason,
Parker, Brown, etc., ont offert de si beaux modèles fonction-
nant à l'Exposition de Londres, doivent leur incontestable
supériorité sur les nôtres, et c'est après avoir enrichi de longue
date nos voisins d'outre-Mançhe qu'ils se sont fait admettre
chez nous dans ces derniers temps, d'une manière un peu
générale, pour les étoffes unies, soie, laine ou coton, en per-
mettant enfin à nos fabricants d'abaisser jusqu'à 60 et même
3o centimes le mètre courant de calicot commun, non toute-
note, M. Gilroy, prétend que leur première introduction en Angleterre date-
rait seulement de la patente délivrée le i3 septembre i838 i M. Edwin
Bottomley, de South- Crossland , mafs que, deux années auparavant, M. Phi-
lippe, constructeur mécanicien , rue de Cbâteau-Landon, à Paris, aurait déjà
établi des métiers à tisser munis de semblables appareils; ce qui est d'autant
plus admissible que depuis fort longtemps déjà on s* en était occupé en
France, comme on peut le voir, entre autres, soit par le régulateur de Du-
tilleu, déposé en 1808 au conservatoire de Lyon et exécuté par Estienne,
habile mécanicien de cette ville, soit par le brevet de perfectionnement
délivré le 8 février 181 5 au sieur Per relie fils, à Àncy, département du
Rhône (t. VIII, p. 1 17, du Recueil imprimé). Déjà aussi la Société deocou-'
rage m eut de Berlin avait fondé pour cet objet, en 1823, un prix qu'elle
décerna en 1824 à M. Haussig, pour un régulateur établi sur un principe
-analogue à celui. qu'avait employé Vaucanson (voyez la description de ce
régulateur à la page i5i du Ballrtin des sciences technologiques de M. de
Férussac, t II, année 182 h). Enfin, on pourra prendre une idée d'un
autre régulateur basé sur le principe du mouvement différentiel à la
page 3o8 du tome VII (i85i) de la Publication indastrirlle de M. Ânnen-
gaud, où se trouve décrit avec beaucoup de soin, et à grande échelle, le
système ingénieux de M. Victor Laurent, mécanicien manufacturier à
Plancher-les-Mines ( Haute-Saône ).
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344 VI- JURY.
fois sans substituer simultanément aux anciens bancs à broche
et d'étirage à bidons tournants les rota-frotteurs ou autres
procédés expéditifs et simples de fabrication particulière-
ment usités en Normandie, ainsi que nous l'avons vu dans
l'un des précédents chapitres.
Parmi les métiers à tisser automates qui ont fixé l'attention
du public et des membres du VI* Jury à Londres, celui de
MM. C-E. et C. Parker, de Dundee, en Ecosse l9 destiné à la
fabrication des toiles à voile, était sans contredit le plus
digne d'intérêt sous le rapport de la nouveauté et des nom-
breuses difficultés vaincues pour égaliser, régulariser la ten-
sion des fils de chaîne au moyen de romaines à curseurs
automates, servant à maintenir cette tension dans une sorte
d'état d'équilibre alternatif et variable à volonté, pendant la
marche même assez lente du métier, dont le sommier battant
a besoin d'une grande force d'inertie pour le serrage des
duites à chaque coup double.
«On sait quelle énorme fatigue supportent les toiles de
navires, exposées qu'elles sont à l'action variable et puissante
des vents; par cela même, elles exigent une grande égalité
de force et de fabrication. Il est non moins indispensable
que le tissu soit aussi serré que possible, afin d'éviter que la
pression du vent ne se réduise par son passage au travers des
vides. Enfin, le métier lui-même doit, par ces différents mo-
tifs, être construit avec la plus grande solidité; ce qui n'est
point au même degré indispensable pour les métiers à fabri-
quer les étoffes ordinaires.
« Le métier à tisser de MM. Parker se fait remarquer par
la simplicité avec laquelle le but se trouve rempli. La chaîne
1 MM. Parker, dans leur notice adressée aux Commissaires de l'Exposi-
tion de Londres, se disent patentés pour leur métier à tisser les toiles à
toiles (Paient malhematical power loomfor weaving navy sail-cloth and olker
htavy fabrics) ; mais on ne trouve dans le catalogue officiel des patentes
anglaises que le nom de M. Parker (Charles), inscrit sous le n° 8664 » à la
date du s s octobre 1 84o , pour un métier à tisser les toiles de lin , etc., sans
désignation spéciale.
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MACHINES ET OUTILS. 345
y est alimentée simultanément par quatre ensouples , ce qui
permet d'y tisser plusieurs pièces de toile successivement,
sans changement spécial. Les fils de chaîne passent collecti-
vement entre des rouleaux à la manière de Vaucanson, de
façon à en régulariser l'uniformité de passage près de la duite ,
quel que soit le diamètre variable des ensouples.
« L'ensouple du devant est mue par un train de roue con-
tinuellement poussé au moyen de deux poids attachés à des
leviers. Ces leviers agissent sur des roues à rochet fixées à un
arbre mis en relation par des rouages dentés avec l'ensouple
ci-dessus, et ces leviers sont soulevés alternativement par des
cames spirales, de manière que quand l'un est en action
pour tendre la toile, l'autre est relevé ou remonté et vice
versa. Chaque levier est muni d'une longue vis qui agit pour
déplacer le poids par sa propre rotation. Les choses sont dis-
posées de telle sorte que l'accroissement du levier compense
exactement celui du diamètre de l'ensouple, et qu'ainsi il en
résulte une forte et constante tension dans l'étendue entière
de la chaîne. »
Quant aux diverses et ingénieuses machines à tisser les
étoffes façonnées qui ont été présentées à l'Exposition uni-
verselle de Londres par des constructeurs de la Grande-
Bretagne et de quelques autres pays, on doit les considérer,
surtout celles qui concernent des procédés exclusivement
automatiques, comme des tentatives non encore suffisamment
justifiées par l'expérience, et incapables, à l'époque de i85i,
de rivaliser avec cette multitude de combinaisons ou de per-
fectionnements délicats que nous avons vus se succéder en
France, pour ainsi dire sans interruption, depuis le com-
mencement du siècle, et ayant pour objet également, mais
à des degrés divers, la diminution de la fatigue corporelle,
l'épargne du temps ainsi que la variété, la multiplicité des
reproductions ou des combinaisons du dessin, et, ce qui en
est la conséquence nécessaire, l'abaissement même du prix de
revient des plus riches, des plus brillants tissus.
Bornons-nous ici à quelques indications générales et rapides
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S4ft vr JURY.
propres seulement à fixer Tordre et la succession chronolo-
giques des principales idées ou inventions mécaniques dans
cette branche si importante de notre industrie nationale ; in-
ventions fort incomplètement représentées à l'Exposition uni-
verselle de Londres, comme toutes celles, à quelques excep-
tions près, qui ont rapport au travail mécanique des matières
textiles.
S IIT. — Des métiers à la marche ou à la tire servant à tisser les étoffes
figurées ou façonnées. — La petite tire chinoise et la grande tire lyon-
naise : Dangon, Garon, Basile Bouchon, Falcon et Fooccjuoiu — Les an-
ciens métiers à cylindres d'orgue, i cames, bascules de rabat et cassins,
des Régnier et des Paulet, de Nîmes; des Morton, de Kitmarnock en
Ecosse, etc.
Toutes les fois que le nombre des pédales servant à mou-
voir périodiquement et dans un ordre déterminé les lames
de lisses horizontales des métiers à tisser se multiplie de
manière à rendre la manœuvre trop lente ou trop pénible,
on a eu recours depuis des siècles, même pour les damassés
de Saxe en fil de chanvre ou de lin , aux procédés directs et
pénibles du système .de la tire, procédés qui consistent dans
la suspension isolée des maillons de lisses à l'extrémité infé-
rieure d'autant de fils verticaux tendus au-dessous de* la
chaîne par dç petits poids d'abaisseihent spontané, partagés
par groupes distincts, correspondant aux anciennes lames de
lisses, c'est-à-dire aux différentes armures de duites, aux abais-
sements ou soulèvements simultanés des fils horizontaux de
cette chaîne , ici nécessairement assez longs et extensibles par
eux-mêmes, ou par le déplacement élastique de fensouple,
pour se prêter à leur infléchissement sans rupture ni énerva-
tion. Ces mêmes groupes de fils verticaux, après leur passage
au travers des ouvertures d'une grille ou planche horizontale
d'arcade, forment autant de faisceaux entièrement distincts
convergeant, en effet, sous forme de voûtes, d'arceaux, vers
la partie supérieure, où , réunis par paquets, ils sont soulevés
alternativement et dans l'ordre voulu, tantôt directement du
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MACHINES ET OUTILS. \ 347
haut du bâti, comme dans les antiques métiers chinois a
trèp-petites laizes ou largeurs, ce qui n'exclut nullement rem-
ploi simultané d'un certain nombre de lisses à marches, plus
spécialement destinées à la formation du fond uni et servant
de corps ou de lien au tissu; tantôt par une manœuvre plus
habile, comme dans les métiers en usage à Lyon dès la fin
du xvi* siècle : ils sont réunis, assemblés en autant de nœuds
que soutiennent, à leurs sommets ou points de convergence
respectifs, de npuveaux fils ou cordons verticaux plus forts,
nommés cordes de rames, lesquels», après leur passage sur une
ou plusieurs rangées supérieures et obliques de poulies de
renvoi constituant le cassin , se replient horizontalement pour
aller s'enrouler à une certaine distance sur un cylindre exté-
rieur également horizontal, servant de treuil fixe, de simple
soutien ou moyen de bandage, aux mêmes cordes, manœu-
vrées de haut en bas, isolément ou par groupes successifs, à
l'aide de tiraudes verticales correspondant à peu près à leurs
milieux, et qui, d'après le principe de la funiculaire, rendaient
non-seulement la manœuvre individuelle des cordes de rame
relatives aux diverses armures ou faisceaux de lisses notable-
ment plus facile, mais aussi permettaient par cela même
de multiplier, en quelque sorte à volonté, le nombre des
faisceaux simultanément soulevés et appartenant à une même
duite, quelle qu'en fût la combinaison ou la variété, ce qui
facilitait singulièrement l'exécution des plus grands dessins
de façonnés, sans les embarras et la fatigue résultant "du ti-
rage ou soulèvement direct de plusieurs centaines de plombs
• de lisses, selon l'antique méthode chinoise.
On se servit en effet pendant bien longtemps , sous le nom
de petite tire et pour les dessins les moins compliqués , de ce
système, dont les cordons de manœuvre, passant au travers
d'une grille ou dernière planche horizontale extérieure au
métier et percée de trous arrondis , étaient armés en dessous
de boutons à main, disposés dans l'ordre précis de succes-
sion des armures et duites indiqué par un tableau ou dessin
quadrillé servant à lire, élire les cordons de tirage; ce quif
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348 Vr JURY.
indépendamment du tisseur, exigeait tout au moins un aide
ou tireur obéissant à son commandement. Bientôt aussi, les
dessins se compliquant et le nombre des maillons de lisses
allant en augmentant avec la largeur et la finesse de l'étoffe,
on améliora cette primitive, insuffisante et lente combinaison
en se servant de moyens beaucoup plus puissants, et faisant
aboutir les cordes verticales de manœuvre, nommées alors
simples et non plus cordes de lisage, à un second treuil d'en-
roulement fixe, mais inférieur au précédent : ces semples
étaient munis, à diverses hauteurs, de lacets ou lacs disposés
à l'avance et formés de groupes distincts ou paquets horizon-
taux de boucles, liés, à l'autre bout, au moyen de coulants,
à des cordes verticales postérieures ou gavaciniires fortement
tendues, rangées dans un ordre de succession propre à faci-
liter le choix ou le lisage des lacs, sur lesquels agissaient
successivement une, deux et quelquefois trois tireuses, en
mettant par là même à profit un second système funiculaire
qui servait à faciliter le tirage des cordes de rames ou le sou-
lèvement des plombs de lisses.
Ce système, organisé en 1606 par Dangon, dans la ville
de Lyon, sous le nom de grande tire, comportait, outre les
cordes de semples, un équipage de plusieurs marches soule-
vant des lames de lisses. Garon-y ajouta en 1717, pour allé-
ger la fatigue des tireurs de lacs, un treuil horizontal à levier
d'abatage et à rouleaux parallèles , dont lun tournant autour
de l'autre, et embrassant le paquet des cordes de rames cor-
respondantes, tendait à faciliter le tirage de ces cordes et
permettait de n'employer à leur manœuvre que la force d'un
seul tireur. **
C'est peu après, vers 1725, que Basile Bouchon aurait
imaginé de supprimer entièrement l'équipage extérieur des
cordes de semples, des lacs et gavacines, pour agir immédiate-
ment sur les cordes de rames, rendues de nouveau verticales
par un second système de poulies de renvoi formant avec le
premier un double cassin , et qui , rangées le long de la face
droite du bâti, étaient exclusivement employées au soulève-
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MACHINES ET OUTILS. 349
ment des fils de la chaîne. Dans ce but, une griffe ou lame
de fer biseautée en dessus, horizontale et manœuvrée par un
équipage de leviers à pédales, servait à abaisser avec force
les crochets inférieurs courbes dont étaient munies de longues
aiguilles en fer suspendues aux extrémités basses de ces cordes
respectives, après que le groupe d'entre elles répondant à une
certaine duite ou armure avait été écarté de sa direction ver-
ticale primitive au moyen d'un dispositif excessivement ingé-
nieux, constituant un véritable lisage, et composé d'un rang
horizontal d'aiguilles parallèles, munies de boucles ou œillets
ronds traversés par les tiges respectives à crochet, qu'elles en-
traînaient quand leurs extrémités horizontales , antérieures ou
extérieures au bâti du métier, venaient à être repoussées par
les cartons, d'abord libres sans doute, mais bientôt articulés
sous la forme d'une chaîne verticale à cordons flexibles, pas-
sant sur des rouleaux parallèles, etc. A fet effet, un homme
'dirigeait à la main ces cartons , au moyen de gros trous percés à
leurs extrémités verticales et de chevilles coniques de repère
en bois fixées aux montants du bâti, qui portait, en outre,
une planchette horizontale, mupie d'une série d'autres petits
trous ronds, rangés suivant une ligne elle-piême de niveau et
destinés à livrer un libre passage au surplus des aiguilles à bou-
cles dont il vient d'être parlé, mais demeurées immobiles ainsi
que les aiguilles à crochets correspondantes, par là même sous-
traites à l'action de leur griffe de soulèvement.
Cette combinaison est d'autant plus remarquable qu'elle
offre, dans le système de refoulement des aiguilles horizon-
tales par les cartons, une certaine analogie avec les formes
ordinaires de l'imprimerie typographique , dont les caractères ,
serrés entre eux et rangés dans un certain ordre, produisent
par le refoulement de leur relief l'impression désirée, va-
riable au gré du compositeur; la même analogie est bien plus
frappante encore dans les métiers à combinaisons d'armures
savantes et multiples en usage de nos jours, métiers où le
lisage et le perçage des cartons d'après les dessins quadrillés
et coloriés s'opèrent au moyen de machines et d'artifices non
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350 VT JURY:
moins ingénieux que les précédents ou ceux qui suivent, mais
, dont je regrette de n'avoir pas su rendre plus manifestes le
mérite et l'heureuse conception, à cause de la pauvreté, de
l'étrangeté de la langue des ateliers.
Quoique l'idée originale de Basile Bouchon ne comportât
qu'un simple rang d'aiguilles verticales à crochets mobiles,
guidées par des planches à collets ou ouvertures fixes, et par
conséquent aussi qu'un petit nombre de combinaisons cTar-
mures susceptibles de varier dans la longueur entière de la
bande articulée des cartons, ce n'en était pas moins un trait
de lumière pour tout esprit inventif; trait, en effet, mis de-
puis à profit dans une infinité de circonstances , trop souvent
et faussement d'ailleurs attribué au célèbre Jacquart, et que
Falcon, autre chef d'atelier de tissage bien connu à Lyon, ne
tarda pas (1728) à fairç suivre de la disposition de plusieurs
rangées horizon tales^cTaiguil les motrices se correspondant les
unes au-dessus des autres et susceptibles, comme la précé-
dente , de glisser le long des ouvertures cylindriques également
horizontales de deux planches à collets fixes et parallèles: ces
rangées multiples d'aiguilles horizontales se trouvaient, au
surplus, accompagnées de rangées parallèles correspondantes
de trous percés, mais interrompus, dans les cartons respec-
tifs, d'après un savant procédé de lecture du dessin des étoffes
et de découpage au poinçon des mêmes cartons. Un tel pro-
cédé honore, en effet, le génie de Falcon, qui ne cessa de
lé perfectionner jusqu'en 17A8, en même temps qu'il eut
l'heureuse et féconde idée de faire passer la chaîne flexible
des cartons, maintenus entre eux consécutivement à des inter-
valles d,e près d'un centimètre, sur deux prismes supérieurs
quadrangulaires, parallèles et horizontaux, à rotation très-
libre, attendu qu'ils étaient évidés et équilibrés; ces prismes,
en se servant réciproquement de moyen de renvoi par le
haut, supportaient, l'un , la branche descendante de la chaîne
voisine des aiguilles de manœuvre , l'autre , la branche ascen-
dante puisant ces cartons dans une seconde caisse ou magasin
contenant les cartons repliés, superposés en zigzags.
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MACHINES ET OUTILS. 351
Cette ingénieuse et très -simple manœuvre était d'autant
plus facile, plus précise, que les cartons ne pouvaient s'altérer
ni se déformer ici comme sur des cylindres ou corps arrondis,
et qu'ils comportaient, aux extrémités de chacune de leurs
faces , les mêmes trous à grosses chevilles coniques de repère
employés par Bouchon. Ce sont ces cartons qui, à quatre-
vingts ans d'intervalle, servirent de type à la combinaison
beaucoup plus connue du système Jacquart, et dont Vaucan-
son s était mal à propos écarté dans son modèle de métier à
tisser existant au Conservatoire des arts et métiers. Dans ce
•modèle, en effet, Vaucanson supprime la chaîne flexible des
cartons et la remplace par uu unique et gros cylindre circu-
laire à axe horizontal, placé à la partie supérieure du bâti,
percé de rangées parallèles de trous équidistants et recouvert
d'une feuille de papier épais elle-même percée de trous qui
correspondent un à un, et rigoureusement, aux précédents,
mais offrant des intervalles pleins dans les parties où le papier-
carton doit opérer le refoulement des aiguilles horizontales
motrices des tiges verticales à crochets : l'ingénieux et très-
simple appareil de ces crochets, du cylindre mobile sur cha-
riot horizontal, etc., constitue d'ailleurs l'addition au métier
à tisser automate déjà précédemment citée, et elle doit être
considérée comme l'un des plus beaux titres de notre grand
mécanicien à l'estime et à la reconnaissance de la postérité.
Remarquons, tout d'abord, que les aiguilles horizontales
motrices dont il s'agit, à plusieurs rangs parallèles équidis-
tants et étages, sont placées non plus, comme dans le métier
de Falcon, sur le côté droit et extérieur du' bâti, ce qui né-
cessitait l'emploi des cordes de rames et leur double cassin à
poulie de renvoi, mais bien directement au-dessus des cor-
dons verticaux de soutien des nœuds d'arcades et des lisses
correspondantes de la chaîne, ces cordons étant ici suspendus
à des tiges à doublés crochets analogues à ceux de Falcon,
quoique occupant une position renversée, crochets dont les
plus élevés, très-courts, très-ouverts, sont en effet soulevés par
des griffes ascendantes après leur repoussement latéral et
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352 VT JURY.
simultané par les aiguilles horizontales. Mais, grâce à une in-
génieuse disposition de la partie inférieure des mêmes tiges,
reployées en boucle à l'un des côtés et reposant par le bout
extérieur contre la planche à collets, horizontale fixe, des
cordes de rames que sollicitent les plombs ou lames de lisse,
ces tiges tendent naturellement à basculer ou à se maintenir
écartées de la direction verticale de la griffe correspondante,
dans l'état d'équilibre ou de repos naturel, griffe ou lame
biseautée à laquelle ces tiges ne peuvent être soumises qu'en
vertu du refoulement des aiguilles horizontales qu'elles tra-
versent respectivement.
Quant au cylindre à carton repoussoir, il est, je le ré-
pète, monté , dans cette seconde machine de Vaucanson, sur
un chariot à galets roulants, animé d'un va-et-vient horizontal
mis en action, ainsi que les griffes de soulèvement, par une
paire de marches que conduisent les pieds du tisseur dans le
modèle existant aujourd'hui au Conservatoire des arts et mé-
tiers, mais qui, à la rigueur, pourrait l'être, il est vrai avec
une extrême lenteur et beaucoup de précautions, par des
excentriques ou ondes faisant marcher en même temps le
mécanisme des cordons à poulies de renvoi, des leviers et
du balahcier à contre-poids de recul, etc., chargés du jeu- de
la, navette, de la chasse ou battant frappeur des duites, à
suspension supérieure, dont nous avons déjà précédemment
parlé, enfin, du cylindre même à trous d'aiguilles, dont la
rotation intermittente, très-petite, est, à chaque alternative
ou va-et-vient du chariot, naturellement produite par et
pendant le mouvement même de recul de celui-ci, au moyen
du mécanisme bien connu des scieries, composé d'un cliquet
postérieur à ressort repoussoir et d'un pied de biche anté-
rieur mobile autour d'un point fixe, qui, tout en agissant sur
les dents aiguës de la roue à rochet accolée au cylindre, sont
transportés avec celui-ci par le chariot 1.
En s'appuyant, dans ces derniers temps, sur un passage
de Paulet, de Nimes, où l'on réfute un article anonyme de
1 Voyez la planche 37, page 538, de l'ouvrage déjà cité de M. Àlcao.
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MACHINES ET OUTILS. 353
1 ancienne Encyclopédie (tome XV, 1 765 , p. 3oi), article dont
la critique plus que passionnée n'a pas peu contribué, sans
doute, à mettre les idées de Falcon et de Vaucanson en oubli
dans la ville de Lyon, Paulet a, bien à tort ce semble, con-
fondu le cylindre à repoussement d'aiguilles de ce dernier avec
celui d'une machine inventée par Régnier, maître tisseur à
Nîmes (1755), car cette machine avait simplement pour but
de faire marcher latéralement les leviers ou pédales des cordes
de semples et de rames des anciens métiers à petite tire , au
moyen de cames à crochets, de becs d'âne, de saillies et ren-
trants alternatifs , analogues à ceux des anciennes orgues de
Barbarie, dont on voit au Conservatoire des arts et métiers
un intéressant modèle, relativement moderne et applicable à
la fabrication des toiles damassées. Mais ce système particu-
lièrement connu en France et en Angleterre *, sous le nom
1 L'auteur du Traité anglais sur Vart de tisser, G. Gilroy, dont 1* autorité
est, comme on Ta vu déjà, fort discutable, attribue à Thomas Morton, de
Kilmarnock, en Ecosse, l'invention d'un métier à baril ou cylindre, con-
sistant en un tambour tournant, sur la surface duquel est reproduite en
relief l& figure, le dessin de l'étoffe, et qui, placé à la partie supérieure du
bâti, fait mouvoir le mécanisme des leviers et bascules à soulèvement de
lisses, au moyen de saillies, de crampons, etc. (voir p. 182). Mais
M. Gilroy, en citant le nom et la localité, oublie la date, sans nul doute
antérieure à celle du cylindre Jacquart, mais qu'on ne saurait faire remonter
au delà de la fin du dernier siècle, où ces métiers étaient bien connus en
France ; d'autant qu'on ne trouve dans la collection officielle des patentes
anglaises aucun inventeur du nom de Morton, nom qui s'applique proba-
blement à l'un des beurçjix importateurs du système en Ecosse. Cela doit
s'entendre également sans doute du mécanicien James Cross, de Paisley,
que le même auteur (p. 161) cite comme l'inventeur de la machine écos-
saise à harnais de bascules équilibrées (scotch counterpoise harness), et
qui, vers la fin du dernier siècle aussi, était employée à tisser le linge da-
massé, dont, chose surprenante et bien digne de l'attention de nos philo-
sophes économistes quand on songe aux progrès dès lors accomplis à Lyon ,
le Gouvernement français tenta vainement, en 1810, d'introduire la
fabrication dans notre pays , en faisant venir à grands frais de la province
de Brandebourg des machines et des ouvriers capables de tisser le linge
de Saxe. Ces machines demeurèrent en effet, même après 181 4» com-
plètement abandonnées au Conservatoire des arts de Paris, bien qu'elles
vi* iuai. — a- partie. a3
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354 VT JURY.
de cylindres à touches ou à orgues, est une dérivation tout
aussi évidente, peut-être plus prochaine encore, du tour à
rosettes , du moins , dans un grand nombre des applications
qui en ont été faites à la fabrication de certains tissus à
jours ou brochés dont nous aurons à nous occuper dans
d'autres chapitres.
Évidemment, ces primitifs, très-grossiers et bruyants méca-
nismes de lecture et de tire automatique, qui, d'après Paulet,
auraient subsisté jusqu'à la fin du dernier siècle, mais qu'on
a vus se reproduire plus ou moins perfectionnés en divers
pays et en diverses occasions en France , notamment par les
Maugis (1757), les Dardois (1766), les Paulet (1777), les
Perrin (1778), les Rivey (1779), etc.; évidemment, ces méca-
nismes ne sauraient être confondus avec l'ingénieux et élégant
cylindre repbusseur de Vaucanson, cylindre auquel on a
d'ailleurs, ajuste raison, reproché, ainsi qu'à toutes les ma-
chines analogues, de ne pouvoir, sans de très-grands diamètres
ou sans multiplier beaucoup le nombre de. ceux de rechange,
convenir aux étoffes à dessins de grande hauteur dans le sens
de la chaîne, aux châles riches par exemple, qui exigent
une multiplicité de duites à armures compliquées, à couleurs
changeantes, et dont trois rangs au plus d'aiguilles, suscep-
tibles d'être repoussés à la fois avec le degré de précision in-
dispensable, même pour un cylindre de très-fort diamètre,
ne sauraient, à cause du resserrement nécessaire des trous
eussent fonctionné temporairement à Versailles, par les soins de M. Ilolard,
dans les années antérieures. Ce fut, comme, on sait, seulement à dater de
1818 que M. Pelletier, de Saint-Quentin, s'occupa sérieusement de cette
fabrication, où il fut, quelques années après, suivi par MM. Dollé, de la
même ville; Feray, d'Essonne; Joly frères et Perrier, de Voiron (Isère);
Brunneel et Callemieu, Louis Philippe, de Lille, exposants en 1819,
i8s3 et i8s5 (BalUûn de la Société d encouragement, L XXVIII, p. i3a).
Enfin, comme on le sait encore, c'est à M. Feray que Ton doit l'introduc-
tion dans les ateliers d'Essonne des métiers à bernais d'Ecosse, perfec-
tionnés sans doute relativement à ceux de la Hollande et de la Saxe, pour
la confection mécanique du linge damassé, à laquelle on a bientôt appliqué
chei nous le cylindre Jacquart, également manœuvré à la- marche.
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MACHINES ET OUTILS. 355
et des aiguilles, reproduire à chaque coup les multiples com-
binaisons des levées ou abaissements des fils de la chaîne,
combinaisons auxquelles se prêtent, au contraire, si merveil-
leusement les rangées parallèles de trous, en nombre pour ainsi
dire arbitraire, des cartons percés de Falcon.
5 IV. — Données rapides concernant la découverte et 1 origine du métier
Jacquart1: sa première machine brevetée en 1801; sa visite au Conser-
vatoire des arts et métiers de Paris et son concours au prii de la Société
d'encouragement; ses prétendus mécomptes et ses succès posthumes. —
Perfectionnements essentiels dus au mécanicien Breton, de Lyon. —
Intervention particulière du fabricant Charles DépoaiUjr, de Lyon; son
apparition à l'Exposition française de 1819, ainsi que celle de MM. Ca-
mille Béarnais, Jacquart et Breton, de la même ville.
Jacquart, après. avoir cherché, comme tant d'autres, à
perfectionner les idées de Ponson (1775) et de Verzier (1790
à 1800) dans sa mécanique à huit marches et à poulies de
renvoi supérieures faisant mouvoir les cordes, les leviers et
lames de lisse à contre-poids de rabat, mécanique brevetée en
180 1 2 et dont, selon lui, il existait alors plus de quatre mille
modèles dans Lyon, la même qui lui valut, à l'Exposition du
Louvre de Tan ix, une modeste médaille de bronze, très-
suffisante récompense d'un système promptement abandonné,
quoi qu'en aient dit certains auteurs fort mal informés à cet
cgard; Jacquart , après avoir infructueusement tenté la cons-
truction d'un métier à fabriquer les filets de pèche au moyen
<le navettes multiples, métier breveté seulement en i8o55,
mais auquel la Société d'encouragement avait déjà accordé
un prix en i8ô4, en invitant l'auteur à se rendre à Paris,
aux frais de la Société, pour y faire fonctionner et y parfaire
1 On écrit aujourd'hui tantôt Jacquart avec an t, tantôt Jacquard avec
un d ; j'ai suivi l'orthographe d'abord adoptée dans les premiers Bulletins
de la Société 0? encouragement, vers le commencement de ce siècle.
* Collection imprimée, U IV, p. 6s.
* Ibidem, i. y lïl, p. *38.
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356 VF JURY.
sa machine sous les yeux de Molard père1; Jacquart, que ce
voyage, entrepris en i8o3, mit à même de visiter et' étudier
à loisir le métier de Vaucanson , jusqu'alors délaissé dans les
galeries du Conservatoire de Paris, faute d'interprètes intel-
ligents et suffisamment initiés aux idées théoriques ou pra-
tiques du tjssage des étoffes de soie façonnées 2 ; Jacquart
1 Bulletin, a* année (1801 et i8o3) , p. 109 et i65; sans description ni
aucune suite constatant le succès.
1 Voyez, à la page 193 du tome VII du Bulletin de la Société <T encourage-
ment, le Rapport de M. Barde I sur lo prix accordé à Jacquart pour son mé-
tier a tisser les étoffes de soie façonnées, Rapport suivi d'une description
verbale et où Ton montre très-bien que le nouveau métier est l'application
heureuse des conceptions originales dues à Vaucanson et à Falcon , mais
principalement de celles du premier, t Employés séparément , dit M. Barde),
• ces deux moyens concouraient au même but, mais ils ne l'atteignaient
«pas; réunis avec intelligence et avec des perfectionnements par M. Jac-
« quart, ils offrent un succès complet. Le métier où l'auteur a puisé ridée
« de cette réunion est celui de Vaucanson , déposé dans la salle du Conser-
vatoire de Paris, depuis longtemps en vue des artistes et fabricants. Le
« génie de M. Jacquart a saisi lo point utile et a su l'employer avec avantage;
«ce qui est une preuve évidente qu'une machine abandonnée peut faire naître
• des idées neuves, lorsque les regards du véritable artiste savent y découvrir ce
« qui est bon et le mettre à profit. — M. Jacquart a imaginé un moyen aussi
« simple qu'ingénieux pour la composition de ses cartons. Ses connaissances
«dans l'art de l'imprimerie l'ont mis à portée dé composer en caractères
« mobiles des planches à l'aide desquelles il imprime ces cartons et les dis-
«pose à recevoir les dessins. Par ce moyen, l'ouvrier d'une intelligence
« ordinaire peut lire toute sorte de dessins avec facilité et promptitude. «
Malheureusement la description du métier Jacquart, dont est suivi le
Rapport de M. Bardel, est insuffisante pour donner, au point de vue méca-
nique, une idée de l'état réel du système h l'époque d'août 1808, où le
prix de 3, 000 francs fut décerné sur le vu d'attestations émanées de la
chambre de commerce de Lyon et de plusieurs fabricants , le tout appuyé
de l'envoi d'une étoffe de soie à 3,8oo lacs- travaillée par un seul ouvrier
au moyen de deux pédales.
Enfin, chose plus regrettable encore, le Bulletin de la Société d'encoura-
gement ne renferme aucun dessin, aucune description des machines de
Jacquart, de Vaucanson, de Falcon, qui eussent permis d'en faire la com-
paraison exacte à toute époque , et le même reproche peut être adressé an
Rapport lu , dans la séance du 4 septembre 1826 , à l'Académie des sciences,
par M. Molard père, à propos des machines à tisser de M. Augustin Coront»
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MACHINES ET OUTILS. 357
enfin , après son retour à Lyon , eut l'heureuse et féconde pensée
d'adapter les cartons à nappes. pendantes de Falcon au tam-
bour à chariot de Vaucanson, qu'il suffisait en quelque sorte
d'équarrir ou de remplacer par un prisme rectangulaire ac-
complissant un quart entier, au lieu d'une petite fraction de
révolution, à chaque duite ou recul du chariot; modification
en- apparence très-facile, mais dont les premières combi-
naisons mécaniques ne paraissent pas cependant avoir été
parfaitement heureuses : le cylindre à chariot et les crochets
à aiguilles, mal soutenus ou dirigés, offraient, en effet, des
manques ou ratées tellement fréquentes, qu'elles faisaient le
désespoir des ouvriers tisseurs, fort peu intéressés d'ailleurs
à la suppression des tireurs de lacs, qui leur épargnaient la
fatigue, assez grande, de la manœuvre obligée des pédales du
nouveau métier.
Jacquart, peu ouvrier ou mécanicien de sa nature, dut
moulinier en soie du Midi , dont les ingénieuses inventions nous ont occu-
pés à une autre occasion.
Ce dernier Rapport, qu'on trouve imprimé à la page 279 du tome XXV
du Bulletin cité, et ou il est également fait mention des métiers de Falcon,
de Vaucanson et de Jacquart, ne contient aucune des indications histo-
riques qu'on eût été en droit d'attendre' de l'ancien élève de Vaucanson,
devenu plus tard Tun des directeurs du Conservatoire des arts et métiers :
on s'y contente simplement de dire que les métiers de M. Coront, d'une com-
binaison simple, faciles à exécuter et d'un entrelien peu dispendieux, sont
très-bien appropriés à leur objet; que le peigne y est porté par une espèce
de chariot mobile dans un plan horizontal ; que le lancé de la navette
dans les deux sens, produit par un mécanisme aussi simple qu'ingénieux,
présente l'avantage de ne pas frapper brusquement les taquets chasse-
navette, mais de les conduire par un mouvement uniformément accéléré,
à l'imitation de la main de l'ouvrier qui fait usage de la navette volante;
qu'enfin M. Coront a adapté à l'un de ses métiers la mécanique à la Jac-
quart produisant une étoffe façonnée par le foulage d'une seule marche
qui reçoit le mouvement de l'arbre moteur en même temps que toutes les
parties du métier.
Je ferai remarquer, au surplus, que M. Coront a pris, pour ses métiers
automates à tisser, divers brevets d'invention, de perfectionnement et d'ad-
ditions, qui ont été insérés aux pages 32 à do, tome XXXJ, du Recueil des
brevets expires , ancienne collection.
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358 VI* JURY.
recourir, vers 1806, à la coopération active et intelligente de
Breton pour amener sa mécanique à bien , de manière à lui
faire obtenir la récompense du Gouvernement et de la Société
d'encouragement en 1807 et 1808 1. D'après M. le général
Piobert, dont l'autorité ne saurait être contestée dans ces
sortes de matières, puisque, jeune encore, il eut, en 1808,
à expliquer et faire fonctionner le nouveau métier pour le
Conservatoire des arts à Lyon2, on devrait réellement au
1 Bulletin, t. VII, p. 189 et 193. Voyex aussi la page ao5 du tome Y,
séance du 1 1 mars 1 807, où Ton mentionne la pension de 3, 000 francs
que, sur l'invitation de l'Empereur, la ville de Lyon lui aurait primitive-
nient votée, outre la prime de 5o francs, pendant six tns, allouée à chacun
des métiers de son invention livrés aux fabriques. Cette prime, bientôt
improductive, et cette pension, réduite plus tard par la ville de Lyon à
i,5oo francs dans des circonstances di flic il es, permirent à Jacquart de
vivre dans la retraite et à la campagne; toutefois le titre qui s'y rattachait et
les honorables certificats délivrés par MM. Pernon et Beilanger, fabricant*
A Lyon et à Paris, ne purent, en 1807, décider la Société d'encouragement
à lui accorder le prix qu'elle avait fondé, des i8o5, pour le perfectionne-
ment des métiers à la tire, avant d'en avoir par elle-même examiné le
modèle. Seulement, en prorogeant ce prix, de 3 000 francs,, à l'année sui-
vante, la Société Ht à Jacquart, sur son montant, une avance de 3oo francs
destinée à la délivrance d'un brevet qui, pour cause, n'a jamais été ré-
clamé ni imprimé. Quant au modèle aujourd'hui existant dans le cabi-
net de la même Société, il appartiendrait à une époque postérieure d'au
moins sept années à 1808, d'après l'avis et l'examen déjuges compétent!,
très au fait des travaux du mécanicien Breton, dont il est fait mention
ci-après dans le texte.
1 M. Piobert a d'ailleurs publié des comptes rendus en i85o, dans le
tome XXXI de l'Académie des sciences, sur l'origine du métier Jacquart,
une intéressante notice dont le contenu est conforme, quant au fond, à
l'exposé du précédent paragraphe et de celui-ci, principalement établi
d'après les données du Rapport dont cet officier général a été chargé à
l'Exposition universelle de i855 par le Jury de là VII* classe (Tissage des
étoffes façonnées, i. î , p. 38o à 383).
Cet exposé est également d'accord, en beaucoup de points, avec la notice
intitulée : Les hommes providentiels, etc., publiée à Paris en 1 85 2 par M.Phi-
lippe Hedde, dont nous aurons plusieurs fois à citer les essais historiques.
Enfin M. Marin , de Lyon , professeur de théorie et de pratique pour la fa
bri cation des étoffes de soie, auteur d'un petit Traité relatif aux combinaisons
d'armure, parvenu en i844 a sa 3* édition, M. Marin, dis-je, depuis l'Expo-
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MACHINES Eï OUTILS. 359
mécanicien Breton le ressort à boudin servant à repousser les
aiguilles à leur position de repos; le placement, sur chacune
des quatre faces du prisme repoussoir, du cylindre, dont le
nom, fort impropre, rappelle la véritable origine ; les chevilles
coniques de repère jusque-là adaptées à la planche d'appui
fixe des aiguilles; Yélui ou boîte supérieure qui contient les
élastiques; le remplacement du chariot porte-cylindre par un
battant vertical ou balancier à demi-oscillation, librement
suspendu; enfin la presse à galets qui dirigent le battant par
leur action incessante sur des guides à double inflexion en
acier, adaptés aux jumelles ou montants extrêmes, tandis que
la presse elle-même, fixée à la caisse à griffes, monte et baisse
alternativement avec cellefci , sollicitée par son propre poids
ou par le refoulement de la marche, dont une simple corde
verticale transmet l'action au treuil supérieur d'enroulement
des courroies de suspension de cette même caisse ].
Ce dernier mécanisme, très-ingénieux, est d'autant plus
remarquable qu'il supprime l'équipage fort lourd des leviers,
des poulies de renvoi, des contre-poids, etc., précédemment
employé par Jacquart à la manœuvre des battants; équipage
déjà pourvu, sans nul doute, des cliquets à ressorts latéraux,
qui, adaptés aux montants fixes du métier d'après le système
de Vaucanson , font opérer au cylindre, et à chaque levée ou
retour du battant, un quart entier de révolution sur son axe
supérieur horizontal. Ajoutons que c'est en inventant, dès
1&12 , une machine à transporter le mode de Usage des des-
sins sur les cartons, et, vers 1816, en imaginant une ma-
sillon de Londres, exécuta, à l'échelle de i/3, une série d'intéressants
modèles de métiers à tisser, qui font connaître la marche progressive des
progrès accomplis dans cette branche d'industrie à partir de Dangon. Ces
modèles, d'abord admirés du public à l'Exposition universelle de Paris en
i855, ont été, sur la recommandation du Jury de la VU* classe, acquis
par I* Administration du Conservatoire des arts et métiers, où ils sont au-
jourd'hui déposés comme objets d'étude et d'enseignement
1 Brevet du 28 février i8i5, t. VIII de la Collection imprimée, p. i34 et
137, où Breton a pour la première fois pris possession de ces importantes
modifications, possession aujourd'hui beaucoup trop oubliée ou méconnue.
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360 VI' JURY.
chine à lire et percer ces mômes cartons d'après un système
perfectionné de celui de Falcon, que le mécanicien Breton
serait définitivement parvenu à donner au métier qui porte le
nom de Jacquart la précision, la facilité et la douceur de
fonctionnement qui le firent généralement adopter dans l'in-
dustrie manufacturière, en triomphant parla de l'opposition
que les ouvriers de Lyon avaient manifestée contre les im-
parfaits modèles primitivement livrés par l'inventeur.
Ces différents faits, dont l'exactitude ne saurait être mise
en doute, peuvent servir a expliquer comment, malgré l'offre
avantageuse de la Société d'encouragement dans sa séance de
mars 1807 *, sur la proposition chaleureuse d'un célèbre
fabricant de tissus à Paris, M. Bellanger, comment dis-je, Jac-
quart n'a jamais pris de brevet d'invention pour le métier qui
porte son nom, et comment, par une réserve attribuée à un
sentiment exclusif de modestie, il ne s'en est jamais non plus
déclaré positivement l'inventeur, quoique, à coup sûr, l'heu-
reuse inspiration qui le conduisit à réunir, à grouper les idées
de Falcon et de Vaucanson en un même métier, ait en soi uo
immense, un incontestable mérite d'application, et lui en
donnât certes le droit au même titre qu'à beaucoup d'autres
inventeurs célèbres, dont les noms sont devenus les types
populaires, mais souvent incomplètement justifiés, de toute
une branche d'industrie mécanique.
Ces mêmes faits expliquent aussi la source véritable des
déceptions qui ont accueilli les premières tentatives d'exé-
cution de Jacquart, dont les efforts, bien que peu fructueux
pour lui, n'en ont pas moins été, de la part du Gouverne-
ment, de la Société d'encouragement de Paris et de la ville de
Lyon, le motif de récompenses pécuniaires couronnées, à
l'Exposition française de 1819, par la décoration de la Légion
d'honneur et l'octroi de la médaille d'or, pendant que son
ancien collaborateur Breton recevait la simple médaille d'ar-
gent, pour, dit laconiquement le Rapporteur, « les perfection-
1 Bulletin, t V, p. ao5 et 206, déjà cité dans une note précédente.
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MACHINES ET OUTILS. 361
nements apportés aux métiers à tisser » dès lors glorieusement
baptisés du nom de Jacquart.
Le prix de 3,ooo francs alloué en août 1808 au nouveau
métier par la Société d'encouragement, non, il est vrai, sans
quelque hésitation et des ajournements justifiés par le manque
de renseignements directs, ce prix ne saurait, à coup sûr,
être mis au nombre des prétendues déceptions de l'inventeur,
qui , s'il ne sut pas comme d'autres en faire le pivot d'une
colossale fortune et fut au contraire quelque peu en butte à la
jalousie de rivaux intéressés, n'éprouva du moins jamais ces
avanies, ces chagrins devenus depuis, comme on sait, le pré-
texte d'une foule de contes ridicules, reproduits dans les
ouvrages anglais, et qui ont abouti à l'érection d'une statue
par ses concitoyens lyonnais, jadis, dit-on, si injustes à son
égard, et qui, de même que Jacquart, n'ont eu qu'un seul
tort, fort grave aux yeux de la postérité, celui de taire les
noms de Bouchon , de Falcon , de Vaucanson et de Breton ,
tout aussi inséparables du laborieux enfantement de l'admi-
rable métier à cylindre et à cartons tisseurs que ne le furent
ceux de Faust, de Schœffer et de Gutenberg pour leur coopé-
ration réciproque à la découverte mémorable de l'imprimerie
typographique, avec laquelle l'art de tisser mécaniquement
les étoffes présente, comme on a pu le voir en divers passages,
plus d'un trait de ressemblance.
Quant à la part d'illustration qui a été faite à M. Dépouilly,
célèbre fabricant de tissus à Lyon, puis à Paris, pour avoir
enfermé Jacquart dans un de ses ateliers pendant six mois
entiers (on ne dit pas l'époque), et l'avoir en quelque sorte
contraint à perfectionner son œuvre en produisant, à l'aide
d'ouvriers habiles, «une bonne mécanique que M. Charles
«Dépouilly eut encore grand'peine à faire adopter,» cette
part se rapporte probablement à l'application en grand et toute
spéciale que cet habile fabricant aura faite de la machine à la
production de certaines étoffes de fantaisie dues à sa propre
initiative1 , étoffes qui, en rivalisant avec celles de M. Camille
1 Cette manière de voir parait, en effet, conforme à f esprit du texte par
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362 VI' JURY.
Beau vais, autre célèbre manufacturier de Lyon, obtinrent
simultanément la médaille d'or à l'Exposition de 1819» sans
qu'on puisse dire et répéJer pour cela, dans le sens absolu et
d'après un propos posthume prêté à Jacquart recevant la
croix d'homeur à cette occasion : ■ Ce n'est pas moi qui l'ai
« méritée, mais bien M. Dépouilly, qui a fait réussir ma mé-
■ canique. » 9
Il importe, en effet, à l'histoire du progrès des arts méca-
niques de ne pas confondre, comme on le fait trop souvent
au détriment des inventeurs, les perfectionnements apportés
aux organes constitutifs mêmes d'une machine servant de type
primitif ou fondamental avec les applications plus ou moins
heureuses qu'il est possible d'en faire à diverses branches
d'industrie, quelque distinctes qu'elles paraissent à première
vue, par exemple, /à la production économique de certaines
variétés de tissus, fussent-ils nouveaux par la matière première,
l'usage, la forme, le dessin, etc. Ces applications, je le recon-
nais, peuvent constituer de véritables droits à des brevets
d'invention ou d'appropriation spéciales, sans supposer néces-
sairement de grandes difficultés mécaniques Vaincues, ni le
perfectionnement effectif de la machine qui sert à réaliser
les nouveaux produits, et c'est ainsi peut-être qu'on doit
interpréter le propos attribué à Jacquart; car il paraît bien,
d'après tout ce qui précède, que, longtemps même avant
l'Exposition de 1819, notre célèbre artiste était demeuré à
peu près étranger aux heureuses transformations, aux amé-
leqael le Rapport du Jury de 1819 (p. 5o et 3oi).a prétendu motiver les
médailles d'er décernées séparément à MM. Dépouilly ei C" pour la pro-
duction de nouvelles étoffes au moyen du métier dit à la Jacquart, qu'Ut
ont su perfectionner, et au mécanicien Jacquart lui-même pour le perfec-
tionnement, F invention des métiers à faire des couvertures façonnées, des
tapis de pied, des étoffes de crin, des tissus pour meubles, des cache-
mires, etc.; énumération qui semblerait indiquer qu'à l'époque précitée de
1819 Fauteur s'occupait, en effet, plus d'étendre les applications de sa
machine que de la modifier on améliorer dans ses éléments constitutifs,
comme l'avaient fait les mécaniciens Breton, SLoJa et d'autres.
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MACHINES ET OUTILS. . 363
liorations diverses qu'avait subies la machine qui porte au-
jourd'hui et si universellement son nom.
S V. — Propagation du métier Jacquart en Europe , et plus spécialement en
Angleterre, par MM. DépouiUjr, Stephen Wïlson et Claude Guillotte. —
Applications et perfectionnements divers par MM. Breton, Garnier, Beliy,
Skola, Michel, Marin, Àcklin, Afcynier, Bonelli. — MM. Barlow, Bonardel
et AckUn à l'Exposition universelle de Londres.
C'est, dit-on , à M. Dépouilly, le manufacturier dont il vient
d'être parlé, bien plus sans doute qu'à M. Stephen Wilson,
de Streatham (comté de Surrey), que l'Angleterre serait re-
devable (1822 à i&23) de l'importation de nombreux ou-
vriers, ainsi que des métiers Jacquart, qui fonctionnant déjà
près de Londres, au nombre de cinq à six mille, en 1826,
n'ont cessé de s'accroître d'année en année dans une progres-
sion bien faite pour alarmer notre industrie nationale, el
qu'explique naturellement l'expatriation volontaire du cons-
tructeur de métiers Claude Guillotte et d'une infinité d'autres
ouvriers lyonnais à la suite des malheureux événements de
i83i et i834; expatriation précédée, favorisée d'ailleurs par
la levée des prohibitions anglaises sur les soieries1.
Je n'ai point ici à examiner si, comme on l'affirme , notre
supériorité dans la fabrication des tissus riches tient essen-
tiellement à, la délicatesse, à l'universalité du goût national,
trop souvent, il est vrai, oblitéré par les caprices de la mode ,
ou si, comme le veut une célèbre et déjà ancienne enquête
parlementaire, elle se fonde plutôt sur le talent incontesté
de nos dessinateurs et metteurs en carte, dont l'industrie
anglaise a su de longue date , mais surtout dans ces derniers
1 L'ouvrage anglais de Gilroy (p. 485 et suiv.) contient d'intéressants
détails relatifs à l'introduction des métiers Jacquart à Spitalfield, où le
nombre s'en serait déjà élevé à 3o,ooo en i844« La patente octroyée à
Stephen Wilson le 8 mars 18 si, sous le n* 4543 , pour certains perfectionne-
ments dans les machines à tisser les étoffes figurées, porte en titre, sans dési-
gnation d'aucune personne, qu'indépendamment de ses propres décou-
vertes cette patente contient le résultat de communications faites à l'auteur
par des étrangers non résidant en Angleterre, et dont, à sa connaissance,
l'application toute récente n'avait jamais été laite dans le Royaume-Uni.
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364 VI- JURY.
temps , dit-on , s'approprier les travaux et la coopération im-
médiate. Je ne puis ni'empécher, à cette occasion, de re-
marquer qu'on a fait une part beaucoup trop étroite à l'initia-
tive et à l'esprit inventif, sinon de nos chefs de fabrique ou
d'ateliers, du moins de nos artistes mécaniciens, construc-
teurs et professeurs de théorie de fabrication. L'active et sûre
intelligence de ces hommes modestes, dont les services sont
trop souvent ignorés ou méconnus, est, en effet, occupée sans
relâche de la création de ressources, de combinaisons géomé-
triques ou mécaniques propres à simplifier et faciliter, dans
chaque cas, la production rapide, économique, des nouvelles
étoffes créées par la féconde initiative de nos dessinateurs.
Le succès et la réalisation matérielle des même* tissus. reposent
non moins encore, quoique dans un ordre différent de mé-
rite, sur l'esprit intelligent et exercé des plus humbles ou-
vriers tisseurs, sur leur sentiment instinctif et leur amour
raisonné de la perfection et du beau, résidant ici, je le redis
avec conviction , principalement dans la rigoureuse exécution
des formes géométriques du dessin , dans la précision même
du jeu des principaux organes du métier et dans la combi-
naison, eu quelque sorte arithmétique, par laquelle, à l'aide
d'armures variables pour chaque duite, on parvient à repro-
duire mécaniquement ces formes, ainsi que le mélange har-
monieux des couleurs, les reflets divers, etc., qui constituent
le caractère propre à chaque étoffe.
En un mot, il faut de tous points se garder d'assimiler la
participation de l'ouvrier lyonnais dans la production des
riches tissus de soie à celle d'un simple manœuvre accom-
plissant machinalement certains mouvements obligés et pé-
riodiques, comme semble l'indiquer celte ignoble et ridicule
épithète de canut appliquée autrefois à l'homme qui, possé-
dant et sachant seul faire jouer les métiers, mais privé de
capitaux et de relations commerciales, exécutait exclusive-
ment sur commande. Véritable fabricant, chef d'atelier et fort
souvent aussi père de famille, le succès obtenu est presque
toujours pour lui l'objet d'une satisfaction d'amour-propre
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MACHINES ET OUTILS. 365
national ou personnel, dont il faut soigneusement entretenir
le sentiment élevé par une instruction intellectuelle morale,
une hiérarchie et des encouragements qui permettent au plus
capable d'atteindre, par l'assiduité et le travail, à la maîtrise,
à l'indépendance sociale, à la fortune même, comme il arrive
dans nos armées patriotiques aux plus intrépides et intelli-
gents soldats.
Quant aux calamiteuses désertions , à la prompte divulga-
tion des procédés et inventions mécaniques dont on se plaint
tant de nos jours, -elles sont, ne l'oublions pas, le résultat
inévitable du rapide accroissement de la consommation et de
la richesse individuelles dans les divers pays ; accroissement
en lui-même bienfaisant sans doute, mais d'où naît aussi une
lutte qui, pour être pacifique, n'en est pas moins ardente et
exclusivement profitable aux plus avancés, aux plus féconds
chefs de fabrication dans chaque branche d'industrie; lutte
sans laquelle d'ailleurs cette branche, d'abord stationnaire ,
ne tarderait pas, sous de pénibles et stériles labeurs, à dé-
choir entièrement pour renaître et prospérer ailleurs, ainsi
que l'histoire ancienne ou moderne des arts textiles nous en
montre plus particulièrement des exemples.
Ces réflexions, fort étrangères en apparence au but de cet
écrit, tendent seulement à caractériser, plus que je ne l'avais
fait jusqu'à présent, la différence essentielle qui existe entre
nos travailleurs ou mécaniciens et ceux des autres contrées,
moins doués peut-être de cette vivacité de l'esprit, de cette
originalité de conception , aujourd'hui , comme jadis , si répan-
dues dans nos plus infimes ateliers, et qui font en quelque
sorte, de leurs modestes et trop souvent dédaignés labeurs,
la source la plus féconde et la plus puissante de succès contre
la concurrence étrangère. Mais, tout en cherchant à rassurer
nos industries manufacturières qui reposent sur les com-
binaisons mécaniques ou artistiques du tissage des étoffes
façonnées, je suis loin, on le comprend, de méconnaître le
mérite inhérent aux efforts rivaux qui ont pour but la pro-
duction économique et rapide.de ces mêmes tissus par des
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366 VT JURY.
procédés de moins en moins dépendants des facultés phy-
siques de l'homme.
À l'appui des considérations relatives à l'influence spécia-
lement exefcée chez nous par le progrès croissant des idées
mécaniques dans la fabrication des tissus façonnés, je me
contenterai de rappeler les ingénieuses combinaisons qui ont
surgi en France depuis l'époque de i8i5, où Breton don-
nait, en quelque sorte, sa dernière forme au métier Jac-
quart, en imaginant la presse-guide du balancier et le dédou-
blement du cylindre, de la griffe et des cartons , pour l'exécution
séparée du dessin et du fond; disposition qui, envisagée
comme moyen d'allégement, offre quelque analogie avec la
jacquart double* à deux marches et à deux chaînes latérales
de cartous, exposée en i85i à Londres par l'habile cons-
tructeur anglais M. Barlow , avant lequel d'ailleurs M. Gar-
nier, de Lyon, avait, en i84a, appliqué un cylindre sur le
derrière de la mécanique, pour faire mouvoir simultanément
deux jeux distincts de cartons. Déjà aussi le musée de La-
martinière, de la même ville, contenait un modèle de métier
pour lever et rabattre, à double action de griffes, dont la
réunion avec le précédent constitue en réalité celui de M. Bar-
low. Mais le métier à double cylindre et à double mécanisme
d'aiguilles de ce dernier, établi avec qpe rare précision et
donnant lieu à des facilités, à un accroissement de travail
surtout appréciés en Angleterre, on comprend comment le
Jury de la VI* classe s'est décidé à voter la médaille de Con-
seil à l'auteur, qui jouit d'ailleurs dans son pays d'une grande
estime comme constructeur de machines.
Le métier à tisser de MM. Taylor et fils, de Halifax, à
quatre cylindres et cartons d'aiguilles opérant simultanément,
se rapporte à la même catégorie de machines, quoique offrant
un moindre intérêt En général, les modifications ou perfec-
tionnements accessoires et multiples appliqués à la jacquart,
surtout en France , ont eu principalement pour but d'en varier
et simplifier l'application aux différents tissus façonnés; de
faciliter le lisage des dessins, le piquage et le perçage des car-
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MACHINES ET OUTILS. 367
tons, par des procédés appropriés à chaque cas et relatifs à
l'arrangement méthodique des fils t des armures, etc.1.
Plus particulièrement, ils ont eu pour but de réduire à des
proportions de moins «n moins appréciables la dépense rui-
neuse de cette multitude de cartons (3o à ào mille) autre-
fois en nombre presque égal à celui des lacs, armures ou
cluites : on a* su , entre autres , se débarrasser de ceux qui servent
au tissage de foad dans les étoffes à couleurs multiples par
des dispositions spéciales du mécanisme même du métier3;
mais, ce qui vaut mieux i encore, on a su habilement mettre à
profit les répétitions résultant de la symétrie même du dessin,
par un mode de plus en plus savant de Yempovtag* ou grou-
pement des fils d'arcade, de leur accouplement sur les divers
crochets à collets, du dédoublement des boucles d'aiguilles,
servant à déplacer deux crochets à la fois et à supprimer les
armures et lames de lisses accessoires, qui, dans certains bro-
chés ou façonnés, avaient principalement pour objet le tissage
des fonds unis et le liage systématique des brides de la trame,
détachée de la chaîne dans l'intervalle plus* ou moins large
des parties figurées ou brochées.
1 On doit à M. Belly, de Lyon, la première machine à lire, piqtier et
percer les cartons (brevet d'octobre 1816, t. IX, p. i5i, de là Collection
imprimée). M. Marin y adapta, en i 84 2, un clavier à touches opérant le
perçage au moyen du pied et non plus à la main : il parut à l'Exposition
française de i844, ainsi que ceux de MM. Trancbat fils, de Lyon, «t
Diondonnat, de Paris, qui s'étaient eux-mêmes rapprochés d'un système à
touches employé en Prusse, et dont MM. Booardel frères, de Berlin, ont
offert un spécimen à l'Exposition universelle de Londres en i85i. La ma-
chine de M. Tranchât, car il s*agit ici de véritables machines à lire, piquer
et percer, se trouve décrite avec tout le soin désirable dans la Publication
industrielle de M. Armengaud aine, t V, 1847, P« *°* et *°9* pi* 36.
Mais à ces machines à lire des dessins d'âne faible étendue en ont succédé
d'autres beaucoup plus puissantes, imitées de celles de Falcon, de Breton,
et susceptibles de percer simultanément un grand nombre de trous .dans des
cartons épais, au moyen d' emporte-pièces à leviers, bascules, etc.
* Brevet de M. Jourdan (Théophile), à Paris, délivré le 3o septembre
1819, pour un mécanisme ajouté à la jacquart (t. X, p. 996, de là Collec-
tion imprimée).
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368 VP JURY.
Cette ingénieuse combinaison d'empoutage a, comme on
sait, principalement occupé dans ces derniers temps M. Mey-
nier, l'un des artistes dessinateurs et mécaniciens qui ont
rendu le plus de services à la ville de Lyon, et dont les
remarquables inventions, sur lesquelles j'aurai à revenir,
d'abord mises à profit par la maison Godmard, Meynier, etc. ,
n'ont pas tardé aussi k l'être par celle, non ujoins recomman-
dable, de MM. Mathevon et Bouvard, de la même ville, qui,
dans leurs riches productions de tissus brochés, ont eu princi-
palement pour interprète M. Marin, le professeur de fabrica-
tion déjà cité dans une précédente note relative aux anciens
métiers à tisser de Dangon , de Bouchon , de Falcon , etc.
A ces perfectionnements , qui concernent spécialement l'em-
poutage ou distribution systématique des fils de suspension
des maillons de lisses, j'aurais à en ajouter quelques autres
touchant là disposition des griffes, des lames de soulèvement
simples ou multiples, basculant ou non, des cartons sans
fin pour répétitions du dessin dans la longueur de l'étoffe,
du déroulage descartons ordinaires au moyen d'un mécanisme
qui leur imprime, au besoin, une marche rétrograde pour
reproduire, à des intervalles très-courts et périodiquement,
les mêmes séries de levées ou abaissement des fils de chaîne
relatifs aux changements divers de couleur des trames qui,
bien qu'appartenant à une même duite , doivent être chassées
séparément dans les ouvertures correspondantes de la chaîne.
J'aurais encore à citer les tentatives faites en vue de substituer
aux anciens et onéreux cartons de simples feuilles de papier,
tantôt continues, minces, et alors comprises entre des plaques
de cuivre locomobiles, à trous resserrés comme, dans le mo-
dèle eiposé en i85i à Londres par M. Acklin, de Paris, et
qui, récompensé d'une médaille de prix par le VIe Jury,
rappelle les tentatives antérieures, moins parfaites néan-
moins, du Lyonnais Skola, le compétiteur de Breton1; tantôt,
comme Font aussi essayé en dernier lieu , M. Michel , breveté
Brevet de 1819, t. II, p. 37, de la Collection imprimée.
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MACHINES ET OUTILS. 369
en 1842 et son continuateur, M. Marin, aussi de Lyon, par
des papiers plus forts, mais communs et disposés de la ma*
nière ordinaire sur une chaîne à cordons, minces, compor-
tant alors une disposition de crochets à suspension de lisses,
munie de boucles à genouillères élastiques, dont les branches
recourbées sur elles-mêmes, suffisamment allongées, élastiques
et flexibles , leur permettent de céder à la moindre pression
exercée par le papier sur les aiguilles motrices horizontales
des crochets.
Enfin, on a encore essayé, depuis un certain temps, de
supprimer tout papier et carton au moyen de tambours circu-
laires analogues à celui de Vaucanson, dont nous avons vu déjà
les inconvénients , ou de toiles sans fin métalliques tournant sur
elles-mêmes ou cheminant par translation , et offrant tous une
sprte de carreaudage, de treillis à mailles serrées, diverse*
ment garnies de mastic, de couleur, pour figurer le cqpé-
vas du dessin par des pleins, des reliefs, qui dispensent de tout
Usage et perçage préalables, en servant à repousser directe-
ment les aiguilles à crochets dans la jacquart ordinaire l. Les
compartiments belge et français de l'Exposition de Londres
en possédaient effectivement des exemples assez peu satis-
faisants, et qui, par la grossièreté même des moyens ou
1 M. Pascal, de Paris, a le premier, à ce qu'il paraît, tenté des procédés
de cette espèce dans un métier présenté à l'Exposition française de i844,
tentative depuis imitée tout aussi infructueusement par beaucoup d'autres
moins habiles peut-être, et qui n'ont pas suffisamment tenu compte de
ia difficulté des applications et de la variété des besoins du tissage des
étoffes façonnées de grandes dimensions. Voyex, à ce sujet, les pages 458
et 600* du Traité de la fabrication des tissus, par P. Falcot, dessinateur et
professeur de théorie pratique, 2* édition, in- 4°, i85a. Je cite d'autant plus
volontiers cet ouvrage qu'il renferme sur la partie mécanique de l'art
du tissage des enseignements précieux qu'on chercherait vainement ail-
leurs, et qui n'ont, à mes yeux, qu'un seul tort, c'est d'être dépourvus,
comme tant d'autres an surplus, de la critique historique indispensable à
<raiconque veut se faire une opinion un peu nette sur la filiation , la suc-
cession naturelle et le progrès des idées ou des découvertes dans un art*
•dont M. Falcot fait d'ailleurs ressortir l'importance au point de vue du
perfectionnement des procédés mécaniques.
VI* JURY. — 2° PARTIE. . 24
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370 VP JURY.
des résultats, n'offraient d'ailleurs qu'une bien faible analogie
avec la tentative que le savant ingénieur Bonelli, de Turin,
dans son métier à tisser électrique, a tout récemment renou-
velée en y employant un cylindre métallique quadrillé et des
dispositions plus précises, mais aussi plus délicates et jus-
qu'ici malheureusement l sujettes à de trop fréquentes ratées
provenant du mode même, encore imparfait, de l'applica-
tion des courants induits à la production des effets dyna-
miques ou du mouvement continu dans les machines. La
levée directe des crochets de suspension des lisses a lieu ici,
en effet, par l'intermédiaire d'autant de bobines électro-
motrices dont le cylindre métallique en question sert à éta-
blir où interrompre instantanément le courant électrique,
par rabaissement d'aiguilles soumises à Faction d'un léger
mécanisme à leviers» articulés, que dirige l'ouvrier tisseur,,
ainsi dispensé de la manœuvre assez pénible des pédales à
soulèvement de griffes, etc.
La presque instantanéité avec laquelle les courants électri-
ques ont la faculté de transmettre l'action motrice aux plus
grandes distances, sans l'intermédiaire obligé de combinaisons
matérielles plus ou moins complexes, sera sans doute mise
à profit dans certaines machines , au moyen de dispositions
plus simples, plus directes et exemptes des inconvénients
qu'on remarque dans la plupart des applications tentées jus-
qu'à ce jour, sauf peut-être celles qui ont pour but la trans-
1 II ne peut être ici question, on le comprend parfaitement, que des
premières tentatives de M. Bonelli, dont, en effet, j'ai eu l'occasion de voir
fonctionner un petit modèle de métier à Paris, en 1 853 , si je ne me trompe.
Quant aux divers antres projets plus ou moins récents de machines à tisser
les étoffes façonnées, ce qui est arrivé à l'égard des innovations de
MM. Dhomme etRomagny, récompensés en i837 par la Société d'encoura-
gement (t. XXX VI» p. 3o8), et sur lesquelles M. Gilroy, à la page 454 de
son Traité du tissage, a porté un jugement si sévère, doit nous rendre fort
circonspects relativement à ce qui concerne une transformation aussi radicale
des anciens procédés de tissage, dus à la lente mais très-sûre et successive
coopération des artistes les pins ingénieux et les plus expérimentés dans
chaque pays et chaque siècle.
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MACHINES ET OUTILS. 371
mission , même à de très-grandes distances, du feu aux mines
ou des dépêches télégraphiques sous de trèsrfaibles actions
motrices effectives. Quant aux applications où Ion se pro-
pose de faire accomplir à l'électricité des effets dynamiques
dans des espaces rapprochés, et comme simples moyens d'em-
brayage ou de transmission de mouvements automatiques
propres à suppléer Faction de l'homme, des animaux, etc.,
elles ne semblent pas jusqu'ici destinées à remplacer utile-
ment, économiquement, les heureuses et fécondes combinai-
sons que nous connaissons, et dont les inconvénients prin-
cipaux, résidant dans l'inertie, le frottement, les résistances
et réactions diverses de la matière, ne les empêchent nulle-
ment de transmettre l'action avec des vitesses de ào à 60 kilo-
mètres par seconde pour les corps métalliques, sauf toujours
l'embarras des dimensions et l'encombrement des masses à
mouvoir, etc. Les ingénieuses tentatives par lesquelles depuis
M. Jacpbi, le célèbre physicien de Saint-Pétersbourg, on se
préoccupe des moyens de supplanter la puissante et écono-
mique action motrice de la vapeur d'eau, ne semblent pas
non plus devoir conduire utilement au but, tant qu'on ne
sera point parvenu à compenser la faible énergie naturelle
de l'électricité dynamique par un ralentissement graduel de
la vitesse relative du courant, ou, ce qui revient à peu près au
' même, par une accumulation , une concentration plus grande
de ce courant sur les corps doués de mouvements relatifs,
tout en évitant l'altération physique des organes de trans-
mission que produisent les étincelles de décharge, etc.; pro-
blème qui offre une certaine affinité avec celui où il s'agit
d'utiliser les grandes charges ou pressions et les grandes vi-
tesses des courants liquides et des fluides élastiques.
Au point de vue du perfectionnement mécanique des métiers
à tisser, les tentatives de M. Bonelli ne sauraient, d'après ces
courtes réflexions, du moins quant à présent, être considérées
comme un progrès véritable, et il reste toujours à savoir si
l'on né parviendra pas à découvrir quelque moyen de sup-
primer entièrement les cartons « dont on semblait à l'origine
a4.
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372 VT JURY.
si satisfait, et par conséquent de transmettre immédiatement
aux fils de suspension des maillons de lisses l'action motrice
et en quelque sorte élective des doigts du liseur, appliqués à
un clavier à touches qui lui permette de lire, de traduire
librement le canevas figuré et colorié sorti des mains du des-
sinateur ou compositeur. Or cela parait sinon impossible
physiquement, du moins extrêmement difficile, si Ton ré-
fléchit qu'il ne s'agit pas seulement ici de produire isolément
ou simultanément des effets comparables aux longues ou aux
brèves de la musique, mais qu'il faut aussi unir et lier entre
eux tous ces effets, je veux dire croiser des fils d'une longueur
indéfinie, de manière à constituer de leur ensemble un tissu
capable de résistance dans toutes les parties.
Quoique la même difficulté n'existe pas, à beaucoup près,
dans la composition des formes de l'imprimerie typogra-
phique, on sait que le problème mécanique qui la concerne,
et qui offre une singulière analogie avec le précédent, n'a pas
jusqu'ici reçu une solution pratique entièrement satisfaisante 1,
quoiqu'elle exige peut-être un moindre nombre de combinai-
sons délicates et précises que l'on n'en rencontre dans le
merveilleux clavier des antiques orgues d'églises ou des admi-
rables pianos de notre époque, clavier qui leur sert inévi-
tablement de point de départ à cause de la similitude remar-
quable du but à remplir.
Laissant là désormais ces chanceuses tentatives de perfec-
tionnement du métier à tisser les étoffes façonnées, d'une
réalisation fort lointaine sans doute, je continuerai à m'oc-
cuper exclusivement des applications utiles et variées qu'on a
pu faire jusqu'à présent des idées ou principes de Basile Bou-
chon, de Falcon, etc., à différents autres métiers déjà an-
ciennement employés ou plus récemment imaginés en vue
d'obtenir par des procédés économiques et rapides des tissus
1 Si je ne me trompe, M. Tremblot-Lacroix, à Paris, aurait, le premier,
fait la tentative d'une machine à composer les pages d'imprimerie, dans un
brevet délivré le 2 juin 1826 (Collection imprimée, t XXII, p. 175).
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MACHINES ET OUTILS. 373
façonnés d'une nature tout à fait spéciale, quoique toujours
à chaîne et trame croisées rectangulairement.
S VI. — Données historiques relatives aux métiers à chaînes et à navettes
multiples ou changeantes. — Introduction des métiers à la barre ou à la
zurichoise à Saint-Etienne et à Saint -Chamond; d'après M. Philippe
Hedde; les ruhaniers Dugas, Lascour et Flachat; l'horloger Aonser, le
mécanicien Bargein et M. Hippofyte Roy et, de Saint-Étienne. — Métiers
à clin, à scie', à crémaillère et à tringles pour rubans multiples, par
MM. Preynat, Peyre, Roche, etc. — Origine de la lanterne et des boîtes
à navettes changeantes : John et Robert Kay. — M. Smith à l'Exposi-
tion de Londres; MM. Louis, h Nîmes; Culhal et Banse, à Lyon; Peyrel,
Oudetj etc. à Saint-Étienne.
En même temps que des hommes de génie songeaient, en
divers pays, à simplifier les métiers à la tire ou à perfection-
ner les métiers automates à tisser les étoffes unies, d'autres
mécaniciens et artistes, non moins bien inspirés, se propo-
saient pour but de multiplier et diversifier les résultats déjà
obtenus par les anciens procédés de tissage, d'y adapter les
nouveaux éléments de succès mécaniques, ou d'en assujettir
de plus en plus les organes à des mouvements qui, dispen-
sant de recourir à l'intelligence ou à la force physique de
Thomme, permissent d'atteindre le but d'une manière plus
certaine, plus expéditive encore, et, par conséquent, plus
économique : tels sont notammeot les métiers à la barre, ser-
vant à fabriquer à la fois plusieurs rubans ou tissus étroits,
Mes métiers ou mécanismes à navettes et couleurs changeantes,
les battants brocheurs, les métiers à roque tins ensouples, à
chaîne double , triple , etc.
Les métiers à la barre, ainsi nommés parce qu'ils reçoivent
le mouvement d'une longue barre horizontale à main placée
en avant du métier, et à laquelle le rubanier imprime direc-
tement le va-et-vient que des bielles ou béquilles extérieures
inclinées transmettent, par articulations, aux prolongements
inférieurs d'un battant commun ainsi qu'à des disques ou vo-
lants à boutons de manivelles placés aux extrémités de l'arbre
de couche inférieur et horizontal servant à donner le mouve-
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574 VT JURY.
ment au surplus de la machine; ces métiers dont les fonc-
tions essentielles s'accomplissent d'une manière véritablement
automatique, puisque l'arbre de couche ci -dessus imprime
directement ou par engrenages une rotation continue et ra-
lentie à. un second arbre de couche muni de cames char-
gées, comme dans les métiers de l'officier de Gennes et de
Vaucanson , de faire mouvoir les pédales des lames de lisses
et armures diverses, pour ouvrir simultanément les diverses
chaînes isolées , parallèles et tendues , dans un même plan
horizontal, entre de petits rouleaux ensouples à contre-poids,
correspondant respectivement à autant de rubans, tantôt
unis, tantôt façonnés; ces métiers dont les navettes, établies
à coulisses dans la masse inférieure du battant balancier, re-
çoivent le va-et-vient d'une tringle à pignons et crémaillères,
nommée improprement scie, et que met brusquement en action
un autre système de tringle ou de cordons à cames et pou-
lies de renvoi, nommé également clin; les métiers à la barre,
dis-je, sont particulièrement dignes d'intérêt à cause de leur
origine déjà fort ancienne et étrangère à notre pays, comme
aussi parce que, jouissant du caractère automatique que je
viens de signaler, ils ont servi de point de départ à quelques
combinaisons ou tentatives modernes de métiers à plusieurs
navettes ou bandes d'étoffes étroites.
Selon M. Philippe Hedde, de Saint Etienne1, diverses ten-
1 Guide du fabricant de rubans, etc. petite brochure in-ia, de 24 pages,
publiée à Saint- Etienne en i845 (voy. p. 3 à 7). M. Hedde ne non» dit
pas où il a puisé ses documents historiques; c'est là une chose d'autant plus
regrettable qu'elle enlève beaucoup à l'autorité de ses affirmations. La grande
Encyclopédie, à l'article Ruban (1765), ne nous enseigne rien d'ailleurs
sur ce sujet : Roland de la Ratière, qui a rédigé l'article Ruban dans son
Encyclopédie, si peu méthodique (t. II, 1784 , Arts et manufactures) , après
avoir entrepris, en 1775 , un voyage sur les bords du Rhin pour étudier le
système de fabrication des rubans veloutés et du système de coupage qu'on
y employait, nous apprend que 5,ooo métiers étaient dès cette époque
employés à la fabrication des rubans brochés dans les environs des villes
de Baie et de Crevelt, dont 11 blâme particulièrement la dissimulation pour
tout ce qui a trait à ce genre intéressant d'industrie. H décrit ensuite, avec
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MACHINES ET OUTILS. 375
tatives auraient été faites, dans les années 1760, 1752, 1756
déjà , par les fabricants de rubans Dugas, Lascour et Flachat
pour introduire dans cette ville et à Saint-Chamond les mé-
tiers à la barre empruntés à la Suisse, et nommés depuis mé-
tiers à la zurichoise, sans que l'inventeur ou le lieu d'origine
en soient autrement indiqués par M. Hedde. On apprend
seulement dans l'écrit de cet ancien fabricant et professeur
de tifsage que, vers 1758, le sieur Lascour aurait attiré de
la Suisse l'horloger mécanicien Frédéric Aouser, du village
d'Aiche, près de Bâlei à l'aide- duquel il aurait élevé une
petite fabrique de trois métiers, bientôt capables de tisser
différents articles de rubans unis jusque-là obtenus sur des
métiers à une seule pièce à la main ou à la marche. Une prime
de 72 francs aurait été même accordée, en 1770, aux importa-
teurs des métiers à la barre par le Gouvernement français,
et depuis, à l'aide de perfectionnements successivement appli-
qués à ce genre de machines qui forment le pendant de celles
que l'industrieuse cité de Lyon avait su adapter aux larges
étoffes de soie ,' on parvint à tisser les rubans avec des rebords
dentelés, des fonds et des franges diversement façonnés, au
moyen de tambours, de cylindres garnis de toucher, figurant
en relief des dessins plus ou moins hauts et compliqués,
selon la grandeur du tambour et la nature, la richesse du
tissu. Enfin, le mécanisme à la Jacquart ou mieux à la Falcon
serait, en i8i5 déjà, venu couronner ces succès de l'indus-
trie rubanière sous les efforts de plusieurs ingénieurs, en
tête desquels M. Hedde place le fabricant Hippolyte Royet,
de Saint-Etienne, et un mécanicien inventif du nom de Bur-
les détails indispensables, le métier à navettes multiples dont j'ai essayé de
donner une rapide idée dans le texte ci-dessus; métier dont on retrouve un
extrait abrégé à la page 240, planche 33, du volume publié en 1820 par
M. Borgnis sur les machines à confectionner les étoffes, mais où Ton ou-
blie, ainsi que dans l'Encyclopédie, de nous apprendre la source à laquelle la
description avait été puisée, et, ce qui eût été plus intéressant encore, les
noms, le lieu, la date relatifs à rétablissement des métiers à rubans consi-
dérés comme type original et particulier. Voyez aussi la Publication indus-
trielle de M. Armengaud, t. VIII, p. 3oo.
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376 VI- JURY.
gein, qui aurait particulièrement contribué au perfectionne-
ment des métiers à tisser les rubans.
En consultant le catalogue des brevets délivrés en France,
on trouve, en effet, le nom de M. Hippolyte Royet, de Saint-
Etienne, inscrit pour un mécanisme destiné à faire basculer le
levier de la mécanique dite à la Jacquart et adapté au métier à
la zurichoise1; mais ce brevet d'invention , d'une durée de
cinq ans seulement, porte la date du 29 juin 1819, posté-
rieure de quatre années à celle indiquée par M. Hedde, et coïn-
cidant avec la date d un autre brevet, également d'invention2,
où le même mécanicien propose de remplacer les anciens
clins à axe coudé, qui dans leur demi-révolution chassaient
brusquement les navettes des métiers à la zurichoise d'une
coulisse du battant dans l'autre, en rompant souvent les fils de
chaîne des plus larges rubans , par un système de mouvants ou
cames fermées, mobiles entre les côtés de châssis verticaux
montés, à l'une des extrémités du battant, sur des conduc-
teurs ou tiges horizontales à coulisses et chariots -traîneaux
qui , munis d'échancrures, impriment aux crampons tournants
des navettes un mouvement accéléré progressif, continu et
très-doux, par lequel elles s'insinuent sans aucune secousse
dans les ouvertures de leurs chaînes respectives. 'Plus tard
encore (juin i83o), le même Hippolyte Royet s'occupait de
la production d'étoffes ou rubans façonnés et panachés, dont
le principe consiste spécialement dans l'emploi , alors nouveau
sans doute , d'une chaîne chinée ou imprimée pour des étoffes
diverses, pleines ou à jours9.
Le métier à la barre, ou plus spécialement le battant à
plusieurs navettes , dont le perfectionnement a tant occupé
les fabricants de Saint-Chamond et de Saint-Etienne dans
l'intervalle de 1818 à i83o, ne saurait évidemment être con-
sidéré comme une émanation directe des idées de de Gennes,
1 Collection imprimée, t. X, p. 2 83.
* B>iL, t. XIX, p. 54 à 6a.
3 lbid., t. XXX, p. 90 : il y porte le titre de brevet d'invention de cinq
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MACHINES ET OUTILS. 377
de Vaucanson , de Régnier ou autres ingénieurs et constructeurs
français de la première moitié du dernier siècle; car, outre
que les métiers à tisser les étoffes unies exclusivement ten-
daient à supprimer de fait l'intervention et jusqu'à la sur-
veillance de l'ouvrier, remplacé par un moteur quelconque
inanimé, ils ne comportaient qu'une seule navette, une seule
pièce d'étoffe assez large, il est vrai, mais présentant, à ces
divers égards, des difficultés de fabrication toutes spéciales et
qui n'avaient pas lieu évidemment dans les petits métiers
servant à tisser les étroits rubans d'alors. Les tringles conduc-
trices des navettes à crémaillères, à clins, etc., n'ont d'ailleurs
qu'une bien faible analogie avec les porte-navettes à cou-
lisses et à chariot des métiers de de Gennes ou de Vau-
canson; et tout en admettant, d'après l'opinion de M. Hedde
et de Y Encyclopédie méthodique, que le métier à la barre ou à
navettes multiples soit incontestablement d'origine suisse ou
allemande dans ses principales et ingénieuses combinaisons,
je rappellerai cependant que John Kay, de Bury, qui émigra,
comme on l'a vu, de l'Angleterre sur le continent vers le
milieu du xvne siècle, a offert le premier exemple d'un méca-
nisme de chasse-navette appliqué au battant même des larges
. métiers à tisser des drapiers, qu'il munit à cet effet latérale-
ment de coulisses spéciales , origine incontestable de celles des
battants automoteurs et, plus particulièrement, du battant à
navettes multiples des rubaniers, dont Kay lui-même aurait
bien pu , dans un voyage en Suisse , devenir le primitif et
véritable promoteur.
A l'égard des tiges à crémaillères ou à scie servant à impri-
mer par des .pignons le va-et-vient aux navettes, il serait
difficile de constater si, comme le prétendent MM. Fraisse
et Vallat, mécaniciens à Sain t-É tienne, dans un brevet assez
récent1, l'invention en remonterait seulement à l'année 1785
1 Ancien Recueil, t. XXVIII, p. ai3 : brevet du 10 novembre 1829,
déchu par ordonnance du 27 décembre i833, mais qui ne comporte que
de simples et insignifiants changements apportés au système à pignons et
crémaillères du chasse -navette généralement en usage à Saint -Chamond
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378 VP JURY.
et à un sieur Dellié, dont ces fabricants taisent d'ailleurs h
résidence et les titres à une modification sans doute impor-
tante, mais qu'il eût été indispensable de faire connaître dans
ses précédents, afin de donner quelque valeur à une assertion
qui semble avoir pour principal but de déprécier le mérite de
certains perfectionnements de détails dus à des rivaux.
Jusque-là, comme on voit, le battant à navettes multiples,
avec application ou non de la jacquart pour opérer les ouver-
tures successives de la chaîne dans le cas des rubans façonnés,
n'était, à moins de rechange à la main des navettes, guère
applicable qu'à des tissus d'une seule couleur et non brochés;
mais on tarda peu, en effet, à se préoccuper des moyens
d'adapter au battant des métiers à la barre des procédés ingé-
nieux qpi déjà avaient servi à opérer spontanément le chan-
gement de la navette ou de la couleur du fil de trame dans
les métiers à une seule chaîne et à une seule couleur de
duite sur la largeur entière du tissu. Or, d'après ce que nous
apprend également (p. 117) l'historien anglais des mannfac-
tares de coton, il faudrait rapporter la première idée de ces
mêmes procédés au mécanicien Robert Kay, fils de l'inven-
teur malheureux de la navette volante ou caribari à bouton de
tirage, dont il a été précédemment parlé : ce serait, du moins,
à cet autre Kay qu'on serait redevable, vers une époque que
Baines n'indique pas1, mais qui doit être postérieure à 1765»
et à Saint-Etienne, où il avait reçu déjà divers perfectionnements plus ou
moins ingénieux de la part de MM. Preynat, Peyre, Roche et Olagnon,
Fargëre, Sagnard, Revercbon, bientôt suivis de MM. Boivins, Becgier,
Daclin, etc. ; perfectionnements qui consistent principalement à faciliter le
jeu des navettes ou à en doubler le nombre, en les disposant, ainsi que les
rubans, par étages les uns au-dessus des autres, comme l'indiquent parti-
culièrement dans leur brevet de 1818 MM. Réverchbn père et fils, de
Saint-Etienne, imités dans un autre brevet d'octobre i83o par les sieurs
Pitiot et Gariot, fabricants d'étoffes de soie à Lyon. 11 serait peu nécessaire
sans doute de citer, à ce sujet, les brevets pris en 1817 et i8a5 par
MM. Démarque et Silvan pour des métiers à tisser quatre pièces d'étoffe à
la fois, au moyen de navettes mises en action par des marches, etc.
1 II n'existe aucune patente du nom de Robert Kay dam le Catalogue
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MACHINES ET OUTILS. 379.
de l'ingénieux mécanisme à lanterne tournante' où cage £ écu-
reuil latérale, porte-navettes de différentes couleurs, chargé
de présenter dans sa rotation intermittente, périodique et
élective, soumise à Faction de la marche et non plus à l'aide
d'un ouvrier servant, les navettes ou trames dont il s'agit,
chassées à caribari dans les coulisses extrêmes du battant,
mû à la manière ordinaire ou à bras.
Bientôt, sans doute, la cage d'écureuil à couleurs chan-
geantes, principalement employée à la fabrication des écossaises
à tissus rayés et croisés rectangulairement, aura été rem-
placée en France par la boite porte-navette à coulisse verti-
cale, placée également à l'une des extrémités du battant,
contre un montant du bâti et conduite automatiquement à
l'aide de mécanismes dérivant de l'idée originale des cartons à
trous et à chevilles de repère due à Basile Bouchon , méca-
nisme dont on a eu un remarquable exemple à l'Exposition
universelle de Londres, dans l'un des excellents métiers à
tisser de M. Smith, de Heywood, près Manchester. Ce métier
servait en effet à fabriquer du taffetas écossais à trois navettes
ou couleurs de trame , que , dans nos idées de perfection , peut-
être trop absolues, nous n'oserions soumettre à une action
aussi brusque, à cause des fâcheux effets qui peuvent résul-
ter, non de la casse des trames, ici admirablement prévue ou
empêchée , mais bien du tirage oblique des fils sur les navettes ,
dont les à-coups ou irrégularités quelconques de tension et de
frottage sur l'œillère ou barbin en saillie, déjà appliqué par
Vaucanson à sa navette automate, doivent nécessairement
amener d'autres irrégularités dans la constitution physique
même des étoffes de soie à fils plats et dont les reflets, le bril-
lant, constituent,. comme on sait, le principal mérite.
Le danger n'est point à beaucoup près aussi grand dans les
métiers *à nfain et à navettes de couleurs changeantes, dont on
se sert en France depuis fort longtemps pour tisser les écos-
officiel anglais, de sorte qu'il devient très-difficile de vérifier l'affirmation
de Baines relativement à l'origine de la lanterne tournante à changement
de couleurs.
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380 Vr JURY.
saises en soie ou en coton nommées spécialement rouennaises,
et dont M. Fromage, de Darnetal (Seine-Inférieure), a aussi
présenté à l'Exposition universelle de Londres un spécimen
avec battants à deux navettes seulement, ,que mettait en ac-
tion une chaîne sans fin munie de chevilles disposées d'après
Tordre même de succession assigné aux navettes ou couleurs
de rechange.
M. Louis (François) , à Nîmes, est, je crois, le premier qui,
en novembre 1827, ait employé la jacquart à faire mouvoir,
dans Tordre voulu par tedessin et automatiquement, des boîtes
à navettes changeantes, appliquées au métier ordinaire ou à
la marche1 ; car dans le«double système de battants à navettes
de rechange du nommé Antoine Culhat, mécanicien de Lyon,
breveté en mai 1816, Télévalion verticale de la boîte conte-
nant ces navettes s'opérait, non pas spontanément par le mé-
canisme de la marche, mais à la main au moyen de cordons
à rouleau supérieur de renvoi et suspension de cette boîte,
dont le système était accompagné d'une combinaison double
de chasse-navettes à leviers et à taquets latéraux assez gros-
sièrement établie et décrite 2. J'en dirai à peu près autant du
mécanisme applicable au battant ordinaire des étoffes de soie,
propre à déterminer le jeu des deux simples navettes, et qui
a été peu de temps après (3o septembre i83o) l'objet d'un
autre brevet d'invention délivré au sieur Banse (Théophile-
Joseph) , résidant à Lyon.
Si , d'autre part, on consentait à s'en rapporter au texte
d'un brevet d'importation pris en octobre 18283 par le sieur
Peyrel (Denis), mécanicien fabricant de velours à Saint-
Etienne, ce serait en Suisse encore que Ton aurait fait d'abord
au métier à la barre l'application de deux navettes de re-
change propres à la fabrication de plusieurs rubans brochés,
navettes que, d'après le principe de multiplicatioif déjà admis
à Saint-Etienne pour les rubans façonnés à une couleur, ce
1 Collection des brevets expirés, t. XXXVI, p. 346.
* IbuL, t. VIII, p. 387.
» m, t. xxviii, p. 15.
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MACHINES ET OUTILS. 381
mécanicien propose de porter à un nombre quelconque, en
ajoutant en avant, mais sur le battant même, un châssis ho-
rizontal porte-crampons avec boîtes à navettes changeantes,
multiples, superposées les unes aux autres et séparées par
des lamettes horizontales ; châssis auquel le mouvement ascen-
dant et descendant serait imprimé par un cylindre d'orgue
ou une mécanique jacquart, placé en dehors du battant,
mais dont malheureusement le dessin ne laisse pas deviner le
mode d'action. La seule chose qu'il a plu, en effet, à Fauteur
ou au graveur de nous faire entrevoir, c'est que les navettes,
appartenant à un même rang horizontal de boîtes ou de cases,
sont poussées latéralement par des clins à tourniquets, re-
courbés en avant de la masse inférieure du battant qui en
supporte les axes ou chevilles de pivotement fixes; c'est que
ces chevilles sont indépendantes du châssis mobile à boîtes de
navettes, dont le chapeau supérieur horizontal est surmonté
des crampons par lesquels le mécanisme du cylindre d'orgue
ou de la jacquart opère véritablement la manœuvre verticale
du châssis à chaque changement de couleurs; le cylindre
d'orgue lui-même ne pouvant, observe avec raison l'auteur,
être mis en usage qu'autant que le dessin ne comporterait
que go coups de hauteur.
Ce brevet d'importation fut suivi, en mai 1829 , d'un autre
brevet d'invention par MM. Oudet et Richard, de Saint-
Etienne1, où les boîtes à navettes sont montées sur la masse
ou traverse inférieure du battant, qui porte aussi le méca-
nisme moteur du chasse-navette, tandis que le déplacement
vertical simultané des boîtes est produit par une traverse ho-
rizontale supérieure à crampons, mobile sur coulisses entre
les montants ou épies du battant, par un système moteur
composé d'un arbre à came en colimaçon, avec tourniquet ou
compas à iquerre, recevant, ainsi que le chasse-navette, le
va-et-vient régulateur de la partie supérieure de ce battant.
Enfin, dans un dernier brevet2 soi-disant encore d'invention,
1 Collection imprimée, t. XXVIII, p. 8.
* IbiéL, même tome, p. ai 4.
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382 VP JURY.
du 8 novembre 1829, M. Roullet (Joseph), fabricant d'étoffes
façonnées k Lyon, propose de diviser le châssis porteJboîtes,
ici mobile sur rails le long des épées verticales du battant,
par de petits montants en nombre égal à celui des bottes qui
y sont respectivement adaptées, et dont le déplacement ver-
tical s'opérerait, simultanément avec le châssis , le long de. ces
épées latérales, surmontées d'un arbre horizontal à poulie et
chaîne de suspension, mises en relation avec la mécanique
jacquart ou falcon.
On remarquera que, dans ce dernier métier, à trois na-
vettes changeantes , destiné à la fabrication de quatre rubans
à bouquets brochés , d'un égal nombre (trois) de couleurs, le
battant est simplement mis en action par l'ouvrier au moyen
d'une poignée à main latérale, tandis que le chasse-navette à
longue tringle horizontale et à taquets était lui-même, sans
doute, poussé à la main par un ouvrier servant; ce que l'au-
teur ne dit pas, mais ce qui ferait sortir entièrement ce genre
de métiers de la classe si intéressante de ceux à la zurichoise
ou à la barre.
Ces derniers métiers, bien que conduits par l'ouvrier, tout
à la fois moteur et surveillant, appartiennent en effet, je lere-
dis ici à dessein, au système des machines à mouvements
automatiques, c'est-à-dire marchant par un seul ou premier
moteur : c'est à ce système que M. Reverchon fils aîné, de Saint-
Etienne, dans un brevet d'addition à celui obtenu en commun
avec son père en 1818 pour les métiers à rubans étages,
avait, peu de jours après M. Roullet (10 novembre 1839) V
tenté d'appliquer la véritable mécanique à balancier supérieur '
de Jacquart ou mieux de Breton pour opérer directement
le déplacement vertical des, porte-navettes brocheuses. Mais le
laconistQjÇ et le vague dans lesquels le texte et les dessins de
ce brevet d'addition sont rédigés ne permettent guère de
croire, malgré les assertions de l'auteur, que le but ail été
parfaitement atteint, et l'on se voit conduit à douter, que le
1 Collection imprimée, t. XXIX, p. 379.
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MACHINES ET OUTILS. 383
broché des rubans par navettes ou couleurs changeantes se
fût; même en 1829, opéré à Saint-Etienne d'une manière
vraiment automatique , c est-à-dire par le mécanisme propre
de l'ancien métier à la zurichoise, sans recourir à des procé-
dés'plus ou moins analogues à ceux dont il a déjà été parlé
précédemment
S VIL — Battants brocheurs employés à la fabrication des rubans et autres
tissu» façonnés, par MM. Maillé et Mémo, Prosper Meynier, Poucet et
Bowrquin, Seite et Gonon, Molinard, etc. — Métiers à espôlins et roque-
tins multiples pour les cachemires, tapis, velours, peluches, etc.:
MM. Deneirouse, Grégoire, Meynier, Hennecart, en France; MM. Wooà
et Eeed, en Angleterre. — Antiquité du velours : les Génois Tarquetà et
Narris, importateurs à Lyon, d'après M. Borgnis.
Non-seulement MM. Mallié et Mémo, fabricants d'étoffes
de soie à Lyon, dans un brevet de novembre 1827 *, avaient
déjà tenté de construire un battant à plusieurs navettes et chasse
à caribari destinés à la fabrication des rubans façonnés et spé-
cialement applicables aux métiers jacquart employés dans
la ville de Lyon, mais aussi M. Meynier (Prosper), l'habile
artiste déjà précédemment cité, inquiet de la concurrence que
son pays subissait pour les rubans brochés, se fit délivrer, en
juin 1828 2, un brevet d'invention ayant pour objet spécial
l'établissement d'un battant à navettes ou couleurs chan-
geantes dont l'ingénieux dispositif, fondé sur le principe des
' cartons jacquart ou falcon , opérait sur un petit arbre hori-
zontal monté à la partie supérieure du balancier ou battant,
et dont les poulies ou petites roues dentées faisaient mouvoir,
au moyen d'une chaîne de suspension, le châssis porte-boîtes,
1 Collection imprimée, t. XXV, p. 18. La combinaison dont il s'agit a été,
de la part de, MM. Chrétien et Sourd, autres fabricants de Lyon, l'objet de
perfectionnements décrits dans un brevet du a 8 novembre, 1819, où le
chasse -navette à caribari est mis directement en action par la marche,
sans le secours de la main , au moyen d une combinaison de rouages et d'ar-
mures assez compliquée (-ColUctbn imprimée, t, XXIX, p. 77).
• IW., t. XXXVII, p* 176. •
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384 VP JURY.
à peu près comme dans le système précédent, auquel il aura
probablement servi de type. Le brevet Meynier contient d'ail-
leurs sur la double tringle à anse ou poignée et crochet
chasse-navettes à rappel , sur leurs boîtes à coulisses ou com-
partiments , sur le perfectionnement même des navettes à rap-
pel ou réaction par ressorts de MM. Poncet et Bourquin, de
Lyon *, des détails ingénieux propres à régulariser, adoucir
le jeu des diverses parties , et qui montrent bien l'homme du
métier, déjà suffisamment expérimenté lors de son second
brevet- de mars 1829.
Quel que soit, au surplus, le mérite du battant brocheur de
M. Meynier, et bien qu'il ait rendu de grands 'services à l'in-
dustrie lyonnaise comme à celle de Saint-Etienne et de Saint-
Chamond, on n'en doit pas moins regretter que le texte et les
dessins de ces brevets aient été tronqués et rendus inintelli-
gibles en quelque sorte à plaisir, ce qui doit disculper jus-
qu'à un certain point ses imitateurs, au nombre desquels on
pourrait ranger M. Bourquin lui-même; ce mécanicien de Lyon
déjà mentionné, et dont le battant mécanique brocheur à trois
rubans s, quoique d'une disposition assez simple et ingénieuse,
ne semble pasf, sous le rapport des avantages pratiques, l'a voir
emporté sur ceux imaginés à une époque contemporaine
parles industriels de Saint-Etienne, dirigés, comme on la vu,
plus particulièrement vers les combinaisons exclusivement
mécaniques, et dont les tentatives persévérantes, quant à la
fabrication des rubans brochés à diverses couleurs, auront été
couronnées de succès, si Ton en juge par les métiers à cinq
1 La navette de M. Poncet est décrite dans le tome XXIII , p. 3o6" , de la
Collection des brevets, sous la date du 8 février 1 8*7 ; celle de M. Bourquin .
du 10 novembre de la même année , est décrite dans le tome XXV, p. 19 ;
mais toutes deux avaient été précédées de moyens peut-être moins heureux
de régulariser la tension du fil dans les navettes des plus anciens métiers à
tisser automates et de s'opposer aux effets du déroulement des cannettes
lors du mouvement de retour. Ajoutons qu'on doit à l'horloger Clerc, de
Lyon, une navette dite à rotation rétrograde, dont les brevets, datés de
1828 , sont imprimés dans les tomes XXVI à XX VIII de la même collection.
* Collection imprimée, t. XXVI, p. a6i : brevet du 17 février 1829.
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MACHINES ET OUTILS. 385
navettes de rechange inventés par le mécanicien Preynat, de
cette ville, et qu'on trouve décrits avec tout le soin désirable
à la page 1 58 du tome XXXI de la Collection imprimée, dans
an brevet daté du 16 septembre i,83o.
Qu'on me permette, à cette occasion, de remarquer que la
complication de pareils battants brocheurs, la précision et les
soins qu'ils exigent, ont dû en amoindrir, réduire notablement
le mérite aux yeux des fabricants un peu arriérés, à moins
qu'ils n'aient prétendu en limiter l'application à un certain
nombre de larges rubans façonnés et brochés. Cette considé-
ration a probablement motivé les nouvelles tentatives faites
dans un but analogue, en i84o, par MM. Seite et Gonon, à
Sain t-É tien ne, et par M. Molinard, à Paris, dont le battant bro-
cheur à crémaillère,, etc., offre également des complications
qui lui ont fait préférer depuis un certain temps le système
de construction adopté par MM. Martinet frères, mécaniciens
de cette dernière ville, et dont la description se trouve à la
p. 62 1 du Traité sur le tissage de M. P. Falcot.
Ces ingénieux procédés mécaniques, dans lesquels 1$ levée
ou l'abaissement des fils de chaîne s'opère toujours par le
moyen des cartons troués ou des tambours à touches pour les
façonnés ordinaires à grandes ou très-petites hauteurs de des-
sins, ces procédés ne pouvant s'appliquer qu'à des tissus d'une
seule couleur dans détendue entière de chaque duite, il me
resterait à mentionner les procédés par lesquels des fils de
trame diversement colorés et enroulés, tendus sur des canneltes
légères doutant de navettes espolins, à courses limitées et
distinctes, sont conduits à la main au travers et en dessus
des diverses portions isolées de la chaîne ou de la duite qu'il
s'agit de recouvrir de bouquets, de dessins brochés et colo-
riés. C'est notamment dans ce but, et en vue de faciliter, régu-
lariser le travail du tisseur pour les étoffes k dessins symétri-
quement répétés dans la largeur de l'étoffe, que M. Meynier,
associé, comme je l'ai dit, à M. Godmard, fabricant à Lyon»
a imaginé 1 un ingénieux instrument brocheur applicable aux
1 Le bref et d'invention de cinq ans délivré à ces industriels sous la
VI* JURT. — »* PARTIE. S 5
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386 W JURY.
divers battants en usage dans l'industrie lyonnaise : composé
d'une règle en cuivre d'une largeur égale à celle de l'étoffe,
il soutient deuji rangées parallèles et rapprochées de navettes
ou espolins inférieurs, dont le va-et-vient dans autant de
châssis à coulisses horizontales limitées est assuré, à des inter-
valles réglés à l'avance, par le jeu d'une tringle supérieure à
poignées, ou manettes, qu'accompagnent d'autres tiges à cram-
pons poussetirs, propres à produire sous la main de l'ouvrier
tisseur le jeu alternatif de translation , d'abaissement ou de
soulèvement réclamé par le dessin du broché et qui résultent
de petits plans inclinés servant également de guide aux
diverses navettes ou espolins.
Le battant brocheur mécanique des métiers à rubans et
l'instrument perfectionné que M. Meynier y a substitué pour
certains genres de dessins , si facilement applicables à cause
des intervalles réguliers, suffisamment larges, laissés entre les
diverses portions de chaînes à brocher et auxquelles corres-
pondent autant de petits peignes frappeurs, ces ingénieux
outils ne peuvent que difficilement s'adapter aux larges tissus à
figures ou couleurs perpétuellement changeantes, et dont les
navettes espolins ont besoin d'être directement conduites à la
main par l'ouvrier et son aide , quand le dessin se complique
et qu'on prétend éviter ou perdre dans la chaîne et le fond
sergé du tissu les longues brides qui s'aperçoivent à -l'envers
des brochés obtenus au simple lancé de la navette sur la
largeur entière de ce tissu. Mais c'est surtout dans les châles de
cachemire , façon de lin de , que, le nombre des espolins ou des
combinaisons dues aux changements de couleurs se multi-
pliant pour ainsi dire à l'infini dans chaque duite , on se voit
en quelque sorte obligé de renoncer à tout procédé mécanique;
dénomination de battant à espolins brocheurs porte la date dn 17 janvier
i838; l'instrument lui-même a reçu depuis lors des perfectionnements
divers et d'utiles applications mis à profit par l'industrie, et dont l'heu-
reuse combinaison, jointe à d'autres non moins remarquables déjà dues à
M. Meynier, ont valu à ce mécanicien et à son associé, M. Godmard, une
médaille d'or à l'Exposition française de i84g.
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MACHINES ET OUTILS. 387
la jacquarl, comme dans l'ingénieux système de fabrication
tenté par M. Deneirouse , à l'aide des papiers continus et percés
de M. Acklin , ne servant guère qu'à lever les fils de la chaîne
et de petits indicateurs propres à montrer à l'ouvrier tisseur
ou brocheur l'ordre successif des espolins qu'il doit employer
en chaque point ou portion limitée de la duite.
De là, ou le comprend, à l'antique et lent travail manuel
des tapis, tapisseries ou broderies à sujets d'imitation , il n'y a,
au point de vue mécanique, qu'un pas, il est vrai fort difficile
à franchir, et sur lequel je me garderai bien ici d'insister,
de même que je me vois à regret contraint de passer sous
silence diverses autres branches importantes de fabrication
relatives aux tapis d'usage, aux velours, ras ou frisés, unis ou
façonnés, aux moquettes bouclées, aux peluches, aux gazes,
etc., qui ont reçu dans tes derniers temps, quant aux procé-
dés mécaniques, des perfectionnements qu'il eût été si inté-
ressant d'étudier au point de vue historique où je me suis
placé dans ce chapitre, spécialement consacré aux machines
qui ont pour objet la fabrication des tissus pleins à chaîne
et trame croisées rectangulairement.
Je me bornerai brièvement à rappeler, afin de ne pas laisser
ma tâche par trop incomplète, que le tissage des velours, pour
ainsi dire contemporain de celui des étoffes unies ou façon-
nées 1 , consiste dans la combinaison d'une chaîne inférieure
1 «La fabrication du velours, dit M. Borgnis aux pages 33o à 33a du
€ volume relatif aux machines à confectionner les étoffes (i8ao), prospérait à
« Venise, à Gênes et dans quelques autres villes d'Italie avant d'être connue
« en France. Ce furent deux Génois, nommés Etienne Turquetti et Barthé-
ilemy Narris, qui importèrent cette branche d'industrie à Lyon, où ils
€ établirent une manufacture sous les auspices de François I", en Tan i536.
« — Le velours est une production asiatique, dont l'usage a été introduit à
€ Rome du temps des Empereurs ; les anciens Grecs ne l'auraient pas connu,
« et, dans le moyen âge, quelques fabriques furent établies à Gonstantinopie
«et dans d'autres villes de l'empire d'Orient. •
J'ignore la source à laquelle ces documents ont été puisés par l'hono-
rable professeur Borgnis, dont l'ouvrage, qui a rendu d'incontestables ser-
vices à la mécanique industrielle, en aurait rendu de bien plus appréciables
t5.
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388 VF JURY.
tendue entre ensouples ordinaires, avec une ou plusieurs
autres chaînes à fils lâches , de même couleur ou de couleurs
variées et distinctes, mais alors tendues séparément ou par
groupes de petites poulies, de petits rouleaux ensouples à
freins ou poids de tirage, nommés roquetins, et dont l'en-
semble constitue une sorte de cantre, d'ourdissoir postérieur;
je rappellerai' encore que ces derniers fils, correspondant à
des lames de lisses à armures diverses avec ou sans méca-
nique jacquart , en sont séparément levés ou abaissés pour le
passage soit de la trame ou navette , soit de petites tringles
en fer polies et reposant sur la chaîne fixe ; que ces tringles,
enveloppées extérieurement et vers le haut par les fils de
chaînes lâches pour la formation des boucles, sont, après un
certain nombre de coups du battant ou avancement du tra-
vail, progressivement retirées du tissu, soit à la main, soit
par procédés automatiques, comme dans quelques machines
modernes; qu'enfin pour les velours coupés, le sommet des
boucles est ordinairement, et avant le mouvement de retraite
des fers, tranché par de petits couteaux en acier adaptés à la
partie supérieure de ces fers, alors munis d'une coulisse
pour le passage de l'instrument ou rabot, elc.
C'est, comme on sait, à l'aide de combinaisons de cette
espèce que feu Grégoire, célèbre et jjeu fortuné mécanicien
de Nîmes, fabriquait en i8o5, dans l'hôtel de Vaucanson, à
Paris, des velours chinés imitant la peinture avec une per-
fection qui lui attira l'attention du Gouvernement et de la
Société d'encouragement de Paris1. C'est aussi à l'aide de cette
encore si, comme j'en ai déjà fait la remarque à diverses reprises dans le
I** volume de ce Rapport, il avait constamment indiqué aux artistes les
écrits originaux auxquels l'auteur avait puisé , et que rien ne saurait sup-
pléer d'une manière absolue dans ce genre de matières.
1 Bulletin, U IV, p. 1 44 à i48, où Ton apprend également que Grégoire
était l'inventeur d'un métier à tissas circulaires qui obtint la médaille de
bronze à l'Exposition de l'an ix (1801), et que l'on retrouve de nouveau
mentionné, mais sans description, à la p. 34 du t. XXI de ce Recueil, où,
par contre, on apprend que la fabrication de ce genre de tissu, ainsi que
celle des velours peints, fut loin d'assurer la fortune de Grégoire , pas
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MACHINES ET OUTILS. 389
combinaison que se fabriquèrent pour la première fois, à
Crevelt (Crefeld), les beaux rubans de velours de soie façon-
nés imités depuis avec tant d'art et de supériorité par les
tisseurs de la Suisse, de Sain t-É tienne, etc., et dont le perfec-
tionnement avait été dès 1807 l'objet d'un brevet d'invention
de quinze ans pris par M. Heydweiller, tisseur mécanicien
dans Crevelt même, qui faisait alors partie de l'Empire fran-
çais, et où, si je ne me trompe, se fabriqua aussi pour la
première fois la peluche de soie, sorte de velours coupé à
tissus ou poils longs et peu serré , qu'on parvint bientôt à
fabriquer par des procédés mécaniques plus parfaits et plus
expéditifs à Lyon et dans le département de la Moselle , en opé-
rant sur deux chaînes parallèles tendues à la fois, et en ima-
ginant de plus, comme l'a fait M. Prosper Meynier en i833,
d'ingénieux et très-simples moyens mécaniques de trancher
les poils au fur et à mesure de la fabrication l. C'est ainsi
enfin que M. Wood (William), à Wilton, comté de Wilts,
en Angleterre, grâce à de persévérantes études appliquées
dès i84o à la fabrication des tapis de velours frisés ou des
moquettes, est parvenu à tisser ce genre fort riche de pro-
duits par des procédés mécaniques très-expéditifs , dans les-
quels les tringles horizontales à boucles, soutenues par des
traverses ou châssis latéraux, étaient conduites automatique-
ment ainsi que les autres parties de la machine.
Les dispositions mécaniques à l'aide desquelles on parvient
pendant le tissage même à border diversement les rubans ou
galons veloutés et non veloutés, au moyen de fils de chaîne
extérieurs détachés du ruban et qui y demeurent ou non
incorporés après le tissage; ces dispositions mécaniques méri-
teraient d'autant plus d'intérêt qu'elles sont très-simples et
pins que d'autres ingénieuses inventions dont il sera parlé dans le cha-
pitre suivant, bien qu'elles aient été mises à profit par l'industrie française
et qu'elles aient valu à l'auteur, alors âgé de quatre-vingt-onze ans, une
modique pension de 800 francs , allouée par la Société d'encouragement
sur les fonds du legs Bapst (i844> t XLIII, p. 54o, du Bulletin). .
1 Brevet d'invention du i3 février i833 , t. XXXVI, p. 4i 4 , de la Collec-
tion imprimée.
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n'exigent aucun changement essentiel dans le principe du
tissage. Ainsi notamment les effiloches, les franges de bor-
dures, qui sont les simples prolongements des fils de trames
ou de duites avec anses on boucles libres à une extrémité,
s'obtiennent dans les galons à fonds étroits de passementerie
sans navettes traversières proprement dites, mais par le
simple jeu alternatif de tourniquets à équerre porte-trames,
remplissant, dans chacun des quarts de révolution et retours
qu'elles exécutent latéralement à la chaîne tendue, le rôle de
véritables espolins, d'une manière purement automatique et
avec une grande économie de temps. Cette combinaison, fort
anciennement connue en France, aura sans aucun doute
donné lieu aux machines à tisser les tapis veloutés ou mo-
quettes dont il a été parlé ci-dessus, ainsi qu'à cette belle et
curieuse machine exposée à Londres en i85i par MM. Reed
et C", de Derby, servant à tisser simultanément trente-quatre
galons étroits, à franges torses et bouclées.
A l'égard des métiers à tisser certaines étoffes légères telles
que les gazes diverses, métiers qui appartiennent à une in-
dustrie déjà si ancienne, ils n'offrent d'intérêt qu'autant que
leurs fils de chaînes, doubles et à ensouples séparées, l'une
fixe, l'autre mobile ou à tension lâche, présentent aux points
de leurs croisements avec la duite une liaison ou sorte de
bouclage, par des enroulements contraires du fil de chaîne
lâche autour du fil tendu , combinés avec le jet de la trame
et qui s'opposent au déplacement latéral et réciproque des Gis ,
formant d'ailleurs par leurs croisements respectifs un véritable
tissu à jours quadrillé, semblable au canevas de tapisserie. L'en-
lacement dont il s'agit constitue un véritable commettage dis-
continu dans chacun des couples de fils de chaîne; il ne peut
se faire qu'en rendant l'une, au moins, des ensouples ou des
lames de lisses mobile de gauche à droite ou inversement,
d'après des artifices qu'il me serait bien difficile d'expliquer
ici et que je ne trouve décrits nulle part avec la clarté indis-
pensable, mais qui, au fond, doivent avoir plus d'un rapport
avec les procédés mécaniques servant à fabriquer les tissus à
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MACHINES ET OUTILS. 391
réseaux, également composés de fils de trame et de chaîne
mobiles; je veux dire les tulles à mailles fixes, sortes de den-
telles dont j'essayerai de donner une idée dans les para-
graphes suivants, principalement consacrés aux machines
qui servent à imiter divers ouvrages fabriqués à la main , au
moyen de fuseaux, d'espolins ou d'aiguilles.
Pour le moment, il me suffit de rappeler que M. Henné-
cart, de Saint-Quentin, dont il a déjà été parlé (i" Partie t
p. 363 et 364) à l'occasion des bluteries qui lui ont mérité
une mention honorable de la part du Jury de la VIe classe à
Londres, s'est fait particulièrement remarquer à nos Exposi-
tions nationales de i83g, i844 et 1849, où il a obtenu la
médaille d'or pour l'excellente fabrication de gazes en soie
présentant jusqu'à 3, 200 ouvertures ou vides par centimètre
carré, soit de 7 à 8 mille fils de chaîne par duite d'environ
1 mètre de largeur; résultat qui explique comment M. Hen-
necart est parvenu à repousser toute concurrence étrangère
pour cet article relatif à la bluterie et comment, bien plus,
ses produits s'exportent jusqu'en Amérique.
CHAPITRE III.
MACHINES ET OUTILS SERVANT X IMITER, PAR PROCÈDES MECANIQUES, DIVERS
OUVRAGES OU TISSUS EXÉCUTES A LA MAIN, AU CROCHET, X L'AIGUILLE ET AU
PUSEAU.
Pour se rapprocher autant que possible de Tordre chrono-
logique des faits ou inventions de cette espèce, il convien-
drait de commencer par l'exposé des plus anciennes tenta-
tives concernant les métiers à tricots ou à simple fil de trame,
c'est-à-dire à mailles libres ou coulantes, unis ou brodés,
pleins ou à jours , obtenus sur le métier des bonnetiers diver-
sement modifié. De là on passerait aux machines qui , mu-
nies d'une chaîne avec ou sans trame, ont pour but spécial
l'imitation des tissus à jours proprement dits , tels que ré-
seaux de dentelle ou de tulle unis et brodés, à fils diversement
croisés, commis ou noués, et comprenant ainsi les métiers à
filets d'ornement ou de pèche. Enfin , dans une dernière caté-
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392 VI* JURY.
gorie ou rangerait la série très-intéressante des nouvelles
machines destinées à broder et à coudre diversement les tissus
déjà fabriqués par les procédés mécaniques qui précèdent,
machines dont l'apparition aux Expositions nationales de
l'industrie est toute récente et qui, par le jeu simultané ou
l'indépendance d'action des outils, constituent véritablement
une classe à part, très-remarquable par des difficultés méca-
niques toutes spéciales, et qu'on est loin encore d'avoir pu
vaincre au point de vue automatique.
Ainsi que j'en ai averti au commencement de la présente
Section, j'ai dû renoncer à cet ordre chronologique rigou-
reux, à ces développements étendus et techniques, qui eus*
sent jeté du jour et de l'intérêt sur un sujet non moins épi-
neux et obscur qu'il est important pour le progrès futur des
arts vestiaires ou d'ameublement; je me bornerai à en expo-
ser, d'une manière beaucoup trop étendue pour les uns , mais
trop sommaire, trop incomplète, pour les lecteurs compétents,
les principaux linéaments techniques, mécaniques et histo-
riques relatifs à chaque branche spéciale de fabrication, en
commençant par la classe des machines à broder et à coudre,
qui d'ailleurs se lie d'une manière intime à celle des mé-
tiers à tisser ordinaires, dont ces machines constituent, pour
la plupart, de simples additions destinées à opérer simulta-
némeat avec le battant et la navette, ainsi que nous en avons
déjà eu des exemples à propos des battants brocheurs.
Quant à celles de ces mêmes machines qui, parla nature
des organes, des mouvements accomplis ou des effets obte-
nus, se rattachent plus particulièrement aux métiers à tricot
ou à tulle, elles devront nécessairement être renvoyées aux
chapitres et paragraphes où j'essayerai de donner un aperçu
des principales inventions relatives à ces métiers, en suivant
l'ordre chronologique des faits autant que me le permettront
les documents épars, et généralement fort obscurs, que j'ai
pu consulter.
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MACHINES ET OUTILS. 393
SI". — Machines et mécanismes servant à broder ou à coudre automa-
tiquement les tissus pleins et unis. — Données historiques relatives aux
machines à plongeoirs, d'après MM. Philippe Hedde et John Murpfy :
les mécaniciens Grégoire, de Nîmes; Thimmomer, de Tarare; MM. Guilié
et Carrée, fabricants à Saint-Quentin; Boaré, à Lavergier (Aisne), etc.
— La brodeuse à chariot et pantographe de Josué HeUmann; ses
infortunes, d'après l'Anglais Gilroy ; tentatives qui Font précédée. — Ma-
chines diverses à broder, à piquer et à coudre, par John Carr, Stone et
Henderson. — MM. Barthélémy, ThimmonieretMagnin, Hazard, de Calais,
Gigon-Cavelier, de Metz, etc. en France; Walter Hant et Elias Howe, en
Amérique. — MM. Blodget, Judhins, Magnin et Croisât à l'Exposition
universelle de Londres.
Si je ne me trompe, ce qu'on appelle Iroderie consiste uni-
quement dans l'addition de certains ornements plus ou moins
riches et compliqués aux différents genres de tissus. À ce
point de vue, les brochés, festons et bordures ajoutés aux
tissus et rubans unis ou figurés par la chaîne ou par la trame
constitueraient des broderies; mais ce nom semble plus par-
ticulièrement réservé aux ornements formant relief, et qui
s'obtiennent indépendamment des combinaisons résultant du
mouvement des fils de chaîne ou de trame, comme il arrive
notamment dans les mécaniques servant à imiter les brode-
ries au crochet, au plumetis ou à l'aiguille, qui, traversant
de part en part le tissu et conduisant le fil de l'une à l'autre
face, forment, au moyen de brides, de flottés, de boucles,
de nœuds diversement enlacés ou croisés, le dessin qui doit
embellir la face nommée spécialement endroit
De ce genre sont plus particulièrement les anciennes lisses
de perles agissant sur des fils brodeurs, les châssis à aiguilles
nommés plongeoirs, et qui opèrent verticalement en avant du
battant ou peigne, c'est-à-dire pendant le tissage même de
l'étoffe, enfin la machine à doubles chariots horizontaux,
armés de pinces, qui se renvoient alternativement les ai-
guilles au travers de l'étoffe déjà tissée, tendue verticalement
entre des ensouples et des brides latérales en zigzags, telles
qu'on en voit dans les anciens métiers à broder à la main et
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394 VI- JURY.
an tambour; machine non moins délicate qu'ingénieuse, et
que j'ai déjà mentionnée par occasion , comme ayant valu à
Heilmann la décoration de la Légion d'honneur en i834,
ainsi que les éloges ou récompenses de diverses Sociétés, sans
pour cela le conduire à la fortune, si avare envers les vrais
inventeurs ou initiateurs.
D'après M. Hedde, la mécanique à châssis plongeoirs était
employée en Angleterre, notamment à Spitalfield, dès Tan-
née 1820, où cet artiste écrivain l'a vue appliquée à un mé-
tier pour taffetas uni à deux lisses et à deux marches seule-
ment, qui produisait un tissu façonné par les trames avec une
variété surprenante. Tout le mécanisme, adapté contre le bat-
tant et formé d'un cadre dans lequel une barre horizontale à
aiguilles percées en bas de trous que traversaient les fils de
trames accessoires, était susceptible de prendre un double
mouvement : l'un vertical de descente, par lequel les ai-
guilles et leurs fils pénétraient jusqu'au milieu de la chaîne
ouverte, où ils étaient saisis, enlacés par la trame de la na-
vette; l'autre horizontal, à va-et-vient réglé par un disque à
rosette repoussoir, monté sur l'arbre horizontal d'un rochet
à dents et cliquets à ressorts, placé vers l'extrémité de droite
du battant, du râteau porte-aiguilles, et que l'ouvrier faisait
tourner à la main d'un cran à chaque reprise ou coup de
la navette, de manière à faire varier la largeur des brides
sur les diverses parties à broder ou brocher; les dessins, déta-
chés entre eux , étant naturellement constitués de petits bou-
quets ou fleurs simples, identiques, mais répétés un certain
nombre de fois sur la largeur entière de l'étoffe par les diffé-
rentes aiguilles , dont les intervalles respectifs étaient ainsi
nécessairement fixes.
M. Hedde nous apprend encore que le centre de la fabri-
cation de ce genre de tissus existait àPaisley, en Ecosse; que
depuis elle avait été beaucoup perfectionnée en France,
notamment à Lyon , à Tarare et à Saint-Quentin , où elle
servait à produire la mousseline brodée imitant le plume tis;
que dès i83o, aidé du mécanicien Thimmonier, de Tarare,
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MACHINES ET OUTILS. 395
il avait essayé d'adapter le même procédé mécanique au bro-
ché des rubans, en y introduisant quelques, modifications dont
la principale consistait à placer le disque à rosette qui porte
le dessin dans la partie supérieure du battant, etc.; qu'enfin
John Murphy, de Glasgow, dans son Traité sur le tissage,
publié en 18211, avait décrit ce même procédé à l'article
lappets, genre de tissu où Ton aurait successivement employé
deux et trois râteaux à aiguilles mobiles verticalement, les
unes devant les autres, au moyen d'un équipage de bas-
cules à leviers solidaires avec le mécanisme du battant, tan-
dis que leurs barres horizontales supérieures étaient conduites
latéralement par un tambour à plusieurs rangs ou disques
à rosettes. M. Hedde, en présentant en faveur de l'industrie
nîmoise, dans son trop court écrit, une traduction de Mur-
phy, qui peut-être n'a pas toute la clarté désirable, ne nous
apprend rien d'ailleurs relativement au nom des inventeurs
ni à la date de l'invention, très-ancienne et exclusivement
applicable, ce semble, à des dessins simples et peu variés.
Quant à l'analogie de cette combinaison avec celle des mé-
tiers qui servent à fabriquer le tulle et la blonde brochés,
métiers dont M. Hedde attribue l'invention et le perfection-
nement au même Grégoire de Nîmes que j'ai déjà cité, ce
n'est point ici le lieu de s'en occuper, et je me contenterai
de faire remarquer que MM. Guillé et Carrée, fabricants de
tissus en coton à Saint-Quentin, ont pris, le i5 septembre
i83o2, un brevet d'invention de cinq ans pour un méca-
nisme dans lequel des plongeoirs, à botte surmontée d'un
couvercle à dents ou sorte de râteau pousseur d'une largeur
égale à celle de l'étoffe, contenaient, au lieu d'aiguilles ver-
ticales agissant directement sur des fils de trame colorés ou
non et tendus légèrement par un bout sur des roquetins en-
•
1 H m'a jusqu'ici été impossible de me procurer cet écrit, qui peut-être
nous aurait appris le uom du premier inventeur d'un procédé présentant
une grande affinité avec celui des métiers à tricots brodés, déjà fort ancien
et dont il sera question dans le paragraphe ci-après.
1 Collection imprimé*, t. XXXI, p. 189.
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396 \T JURY.
souples indépendants, une rangée de petits cylindres trans-
versaux creux d'où les fils brodeurs ne s'échappaient qu'avec
frottement, au travers d'un bouchon de liège, tandis que le
couvercle à râteau , déplacé latéralement d'une quantité égale
aux flottés à produire, faisait marcher d'autant les cylindres
au fond de leur boite. Toutefois cela n'arrivait que quand
l'instrument, combiné ou non avec d'autres parallèles, avait
été placé dans l'ouverture de la chaîne par une manœuvre
difficile à expliquer et à saisir, manœuvre qu'un ouvrier
habile répétait dans toute l'étendue de cette chaîne, c'est-à-
dire par des procédés manuels qui, tout en abrégeant le tra-
vail du brodeur, n'offrent qu'un bien faible intérêt au point
de vue mécanique et relativement au système des plongeoirs
à aiguilles décrit par John Murphy.
La même remarque est applicable également au contenu
des brevets délivrés, soit le ad mars 1 83 4, au sieur Bouré, de
Lavergier (Aisne), pour des plongeoirs doubles, triples ou
quadruples, soit le 3i mars i834 et le 27 février i835, an
sieur Châtelain, à Magny-la-Fosse (Aisne) , pour le tissage des
points à jour et des œillets ; brevets qui d'ailleurs ne ren-
ferment que de simples modifications ou perfectionnements
apportés au dispositif et au maniement de l'outil brodeur à
boîte et à cylindres porte-trames1.
La machine à broder de Heilmann , comme je l'ai déjà fait
pressentir, offre un tout autre caractère : elle opère sur des
tissus pleins, confectionnés, de nature variée, ayant jusqu'à
2B,5o de largeur, et qui sont entièrement traversés par la
rangée d'aiguilles horizontales, à deux pointes et œil central,
que se renvoient alternativement des barres à chariot et rou-
lettes, cheminant de part et d'autre de la pièce sur des rails
parallèles horizontaux; les aiguilles elles-mêmes, chargées de
fils à broder d'environ 1 mètre de longueur et à peu près flot-
tants, puisqu'ils ne sont soutenus que par une tringle hori-
zontale en fer montée à bascule, dans le genre de celles qui
1 Recueil des brevets expirés, t. XXXIX , p. 379, a8i et 3o4.
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MACHINES ET OUTILS. 397
soutiennent et guident l'enroulement des fils dans la mule-
jenny ; les aiguilles, dis-je, sont serrées séparément entre des
mâchoires prismatiques et triangulaires dont les parois supé-
rieures, à ressorts presseurs, s'ouvrent et se ferment périodi-
quement sous Faction de pédales solidaires que l'ouvrier fait
agir à chacun des passages de ces aiguilles au travers de l'étoffe,
quand la moitié environ de leur longueur y est engagée : les
chariots porte-pinces eux-mêmes sont mis successivement, et
non pas simultanément, en action au moyen de poulies à
chaînes et cordons de renvoi sans fin, également conduites
par l'ouvrier, agissant de la main gauche sur la manivelle
d'un équipage latéral de roues dentées motrices, etc.
Quant à l'étoffe tendue, elle est montée sur un cadre vertical
dont les traverses, supérieure et inférieure, portent les ensou-
ples horizontales munies de cliquets à ressorts, que l'ouvrier
doit également faire mouvoir à la main, après une série de
passées et repassées d'aiguilles relative à la hauteur des bou-
quets ou des fleurs d'une même rangée transversale , le nombre
de ces aiguilles, on le conçoit à priori, étant lui-même relatif
à l'intervalle, à la largeur uniforme et au nombre des bou-
quets compris dans la largeur entière de l'étoffe.
Enfin, et ceci constitue le point capital de la brodeuse de
Heilmann, celui qui a le plus émerveillé le public à l'Exposi-
tion française de i834, indépendamment des i3o aiguilles
et des 260 pinces qu'on voyait fonctionner à la fois sur deux
rangées horizontales dessus et dessous chaque chariot-sup-
port, l'étoffe tendue entre ses ensouples, ou plutôt le châssis
rectangulaire dont elles occupaient les traverses supérieure et
inférieure, recevait de l'autre main de l'ouvrier en tous sens,
mais dans un même plan vertical, les déplacements succes-
sifs inhérents à la contexture particulière et répétée des bou-
quets, au moyen d'un fort parallélogramme articulé ou pan-
tographe situé dans le plan même du châssis porte-ensouple,
et dont le style , fixé à une longue branche en talus et à poignée ,
suivait, sur un tableau vertical les divers linéaments et con-
tours d'un dessin tracé à l'avance, à une échelle sextuple de
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398 VT JURY.
celle des bouquets à broder, et marqué de traits ou sortes de
hachures droites figurant les flottés successifs du plumetis
de la broderie. Le châssis porte-ensouple , assez lourd et guidé
par l'un des angles supérieurs du pantographe, devant répé-
ter, reproduire fidèlement et avec une entière liberté toutes
les excursions ou allées et venues rectilignes des mêmes flottés»
l'inventeur n'a pu y parvenir qu'en maintenant l'équipage de
ce pantographe en équilibre par une combinaison de contre-
poids à bascules, de guides à tiges et coulisses inférieures
ou supérieures comportant, comme dans la machine carrée do
guillocheur (I19 partie, p. 487), deux mouvements rectangu-
laires parfaitement indépendants : l'un horizontal, soumis à
l'action du .sommet réducteur du pantographe; l'autre vertical ,
principalement favorisé par la réaction du contre-poids qui
tend à soulever des poulies à gorges montées aux extrémités
opposées des bascules et soutenant les guides horizontaux de
la traverse inférieure du châssis porte-étoffe, etc.
Le brevet de Josué Heilmann, qui porte la date du 9 mars
1829 et se trouve transcrit au tome LU, page 4o3, de la Col-
lection imprimée, avec un laconisme et des lacunes vraiment
déplorables, ne renfermant aucune trace de ces dernières
indications, cela permettrait de supposer qu'à cette époque
les idées de l'auteur n'étaient pas encore parfaitement arrêtées;
mais on doit aussi appréhender que ces lacunes ne provien-
nent du fait même du bureau chargé de la publication des
brevets expirés, ce que je n'ai pu jusqu'ici vérifier. A l'égard
des figures qui ont été données, en i843 et 1847. de cette
même machine dans les Dictionnaires anglais et français de
technologie, ce sont des calques bien insuffisants et singu-
lièrement tronqués de celles qui ont été insérées en i835 au
tome I" du Portefeuille du Conservatoire des arts et métiers de
Paris et dans le n° 38 du Bulletin de la Société industrielle de
Mulhouse, où le texte et les dessins, quoique améliorés, lais-
sent encore beaucoup à désirer. D'ailleurs, la machine à broder
que ces descriptions concernent présente quelques différences
essentielles avec celle du brevet original, brevet dont, j'en fais
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MACHINES ET OUTILS. 399
la remarque à dessein, le texte n'est point accompagné, dans
la Collection imprimée , d'autres demandes relatives à des per-
fectionnements ou additions ultérieurs, conformément à Tu-
sage pour ainsi dire invariable de tous les inventeurs soucieux
de donner une suite quelconque à l'exploitation de leurs pre-
mières inspirations.
On sait que les ateliers de M. André Kœchlin , de Mulhouse,
avaient déjà construit un bon nombre de ces machines à broder
pour la France, l'Allemagne et l'Angleterre lors de l'Exposi-
tion nationale de i844i époque où elles étaient tombées
dans le domaine public; mais on ne peut s'en expliquer la
publication anticipée dans les Recueils périodiques, et le
silence incompréhensible du Rapport du jury de la même
année, que par un caractère extrême de modestie, d'insou-
ciance philosophique et de désintéressement chez notre cé-
lèbre mécanicien, caractère commun à la plupart des inven-
teurs, mais d'autant plus rare, d'autant plus recommandable,
que même aujourd'hui l'homme de génie reste en oubli el
ne saurait réussir sans un peu de ce charlatanisme, de cet
esprit' d'intrigue qui entraînent le public, trop souvent igno-
rant et crédule.
Il répugne, en effet, d'attribuer ces circonstances à l'indif-
férence des Commissaires d'un jury français ou au découra-
gement éprouvé par Josué Heilmann en raison de l'insuccès
de son ingénieuse machine , des contrefaçons ou altérations
dont elle était l'objet en Angleterre , notamment de la part des
mécaniciens de Manchester , qui , au moyen de diverses réduc-
tions et simplifications, étaient parvenus à en tirer un parti
véritablement lucratif ou commercial; par exemple, en renon-
çant à toute idée de faire exécuter ses fonctions diverses par
un seul ouvrier copieur, simplement aidé de jeunes filles
tenues d'entretenir de fils les aiguilles à broder : ces jeunes
filles, en effet, peuvent très-bien être chargées, à tour de rôle,
de pousser à la main , le long de leurs rails horizontaux , les cha-
riots porte-pinces placés de part et d'autre du tambour vertical
de l'étoffe, sans en éprouver pour cela un surcroît appréciable
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400 VT JURY.
de fatigue. Cependant, quand le nombre des fleurs et des ai-
guilles se multiplie pour les larges étoffes, seul cas où il soit
vraiment avantageux d'employer la machine, le nombre des
ouvrières doit être augmenté, et c'est dans ces conditions prin-
cipalement qu'on s'en est servi depuis un certain temps à
Manchester, où elle a reçu d'utiles perfectionnements de la
part de M. Houldsworth , le célèbre inventeur du banc à bro-
ches à rouages différentiels.
L'inj ustice dont on a usé , soit en Angleterre, soit en France,
envers Josué Heilmann , parait avoir été sentie par l'auteur
anglais du Traité sur Vart da tissage, M. <j. Gilroy, qui, aux
p. 3o6 à 3a8, remarque que dès i844 il existait i5 bro-
deuses Heilmann à la manufacture de M. Louis Schvyabe, de
Manchester; brodeuses, dit-il, pour lesquelles il fut accordé
beaucoup de compliments à l'inventeur, sans aucun bénéfice,
attendu qu'il avait négligé de se munir en Angleterre d'une
patente, comme il s'est décidé, non sans de justes motifs et
mieux éclairé, à le faire un peu plus tard, en 18 46, au sujet
de la machine à peigner, dont j'ai donné la description à la
fin de la précédente Section. M. Gilroy nous apprend, en outre,
à cette occasion , une particularité intéressante et propre à
confirmer le jugement ci-dessus, relatif à l'inexactitude des
descriptions publiées dans les Dictionnaires technologiques d'arts
et manufactures, c'est que M. Heilmann lui-même avait pro-
testé contre les erreurs commises à la p. 437 du 1 1" de l'ou-
vrage du Dr Ure , erreurs involontaires ou non , mais naturel-
lement amenées, on le devine, par le désir d'abréger, sans se
donner le souci d'étudier et de comprendre.
Au surplus, on ne peut pas dire que Heilmann fût parti
d'une idée sans précédent ou entièrement personnelle; car il
parait que dès 1821 il existait une petite machine à broder
toute une rangée horizontale de fleurs dans une étoffe tendue
verticalement entre deux ensouples , au moyen d'autant d'ai-
guilles à crochets horizontales enfermées dans des tubes où,
soumises à l'action d'un ressort spiral-repoussoir, elles étaient
portées en avant et au travers du tissu par une châsse hori-
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MACHINES ET OUTILS. 401
Eontale commune, que conduisait et ramenait bientôt l'ou-
vrière, après que les* aiguilles de ces mêmes crochets se fussent
spontanément chargées, en arrière de l'étoffe, de la longueur
de fil nécessaire , fournie par une autre rangée de barbins ou
guide-fils qui, en tournant, les engageaient dans ces crochets
respectifs1. Néanmoins, il faut avouer qu'il y avait loin de ce
métier à broder au crochet à la colossale et si ingénieuse
machine de Heilmann, où, comme on l'a vu, des aiguilles
à double pointé , percées d'un œil ou chas au milieu , traver-
saient de part en part le tissu sans le retournement qui s'observe
dans la couture ordinaire avec l'aiguille à une seule pointe
et chas opposés.
Le métier brodeur anonyme dont il vient d'être parlé n'a
été probablement qu'une tentative sans succès bien constaté,
«t il en est à plus forte raison ainsi de la machine à coudre
pour laquelle les sieurs Stone et Henderson se sont fait bre-
veter en France, au commencement de ce siècle (i4 février
i8o4), sous le titre de nouveau principe de mécanique des-
tiné à remplacer la main-d'œuvre^; machine dans laquelle des
aiguilles à coudre ordinaires sont alternativement saisies et
reprises par des pinces ou tenailles animées d'un va-et-vient
horizontal de part et d'autre de l'étoffe. Cette conception
informe, par laquelle on prétendait imiter l'action des doigts
de la couseuse , doit être considérée comme la première où
l'on se soit proposé la confection des objets d'habillement,
puisque celle employée en 1798 par John Curr à la fabri-
cation des câbles plats, au moyen de cordes rondes réunies
sous forme de lanières, avait pour but unique de percer
transversalement l'ensemble de celles-ci, par des alênes
fixées aux extrémités de leviers croisés à charnière, de trous
propres à recevoir après coup la ficelle ou le fil métallique
1 Archives des découvertes et inventions, t VI, p. 334, recueil dont je dois
l'indication à l'obligeance de M. Le Clercq, de Paris. Malheureusement,
selon la constante et. détestable habitude des compilateurs, cet article ne
•contient aucun nom d'inventeur ni renseignements quelconques.
* Collection imprimée, U VIII, page 66.
VI* JURY. — 2* PARTIE. 26
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402 VI- JURY.
destiné à unir entre elles les cordes parallèles de chaque .
rangée1.
Quelle que soit l'imperfection relative de ces diverses ma-
chines, on ne saurait douter qu'elles n'aient servi de point de
départ à celles que nous connaissons aujourd'hui. Ainsi, par
exemple, la difficulté de faire marcher simultanément plu-
sieurs aiguilles à crochet horizontales aura conduit aux ma-
chines à broder au crochet avec une seule aiguille disposée
verticalement et perçant l'étoffe tendue et mobile dans le sens
horizontal; ce qui offrait assez de difficultés dès lors qu'on
s'imposait la condition de compenser le grand nombre des
aiguilles, opérant avec beaucoup de lenteur et des manques
ou accrocs inévitables, par l'accélération même du mouvement
ou la rapidité des oscillations verticales d'un crochet unique.
Mais il paraît bien que cette modification , toute simple qu'elle
paraisse, n'a point eu lieu avant l'époque de 1824 à i83o, où
un M. Barthélémy, que je ne saurais qualifier2, serait parvenu
à perfectionner assez la machine à piquer, à percer de trous
microscopiques , les dessins ou feuilles <]e papiers superposées,
pour lui faire produire jusqu'à deux cents points à la minute,
au moyen d'un porte-aiguille vertical jouant dans un tube ou
fourreau-guide, à l'aide d'un système de cordons et de pou-
lies de renvoi monté sur la bascule supérieure, à inclinaison
variable, d'une potence verticale contre laquelle était établie
1 L'instrument à tenailles et alênes de John Clurr a été l'objet d'une
patente prise en Angleterre le 17 novembre 1798, et qu'on trouve rappor-
tée par M. Borgnis à la page ad 5 du volume consacré aux machines employées
dans les constructions.
1 Dictionnaire des arts et manufactures, t. I f p. 1 127, où malheureuse-
ment on nous laisse ignorer la résidence et la spécialité de l'auteur, qui ne
parait pas avoir jugé à propos de prendre un brevet pour un mécanisme
aussi simple et ayant eu déjà de nombreux précédents. Cependant je lis
dans une note qu'à bien voulu me transmettre M. Le Clertq que M. Bar-
thélémy, menuisier à Nancy, fit exécuter une machine de cette espèce par
son frère, horloger» à qui serait dû, le rouet moteur, et que le mécanisme
en fut principalement perfectionné depuis par M. Robinot , de Paris , qui
en fit l'objet d'une fabrication courante très-économique.
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MACHINES ET OUTILS. 403
la chaise-support d'un rouet à pédale. motrice; machine qui,
après avoir reçu, sous le rapport de la précision r de la multi-
plication et du rapprochement des points, de nouveaux et
divers perfectionnements de la part d'artistes mécaniciens de
Paris très-habiles, a rendu et rend journellement encore de
très-grands services aux dessinateurs et ouvriers brodeurs.
La première des machines à broder au crochet- aiguille,
qui pouvait également servir à coudre , unir entre eux les tissus
pleins, en produisant d'ailleurs ce qu'on nomme le point de.
chaînette, cette machine est due à un mécanicien français,
M. Barthélémy Thimmonier1, d'Amplepuis près Tarare, alors
domicilié à Saint-Étienne; bientôt associé au sieur Ferrand,
bailleur de fonds, il se fit breveter, le 1 7 février 1 83o, pour une
machine à crochet et double pédale de cette espèce, laquelle
devint, la même année, la base d'une puissante association
fondée rue de Sèvres, à Paris, sous la raison Germain Petit
et C", mais ayant spécialement pour objet la confection des
habillements militaires. L'idée parut tomber avec cette société,
et ce ne fut que quinze ans après, en i845, que Thimmonier,
résidant de nouveau à Àmplepuis, fut encouragé par M. Ma-
gnin (Jean -Marie), alors avocat à Villefranche (Rhône), à
s'occuper du perfectionnement de sa machine; ce qui donna
lieu, en Angleterre, à la prise d'une patente au nom seul de
Magnin, datée du 9 février i848, et, en France, à un brevet
d'addition, du 5 juillet suivant, sous le nom commun de
Magnin et Thimmonier. Mais les circonstances peu favorables
de l'époque, et sans doute aussi quelques imperfections inhé-
rentes à la complication même de la machine, l'empêchèrent
de se répandre en Angleterre, où elle avait cependant fonc-
tionné publiquement à Y Institution royale de Londres, en
présence de l'illustre Faraday2; sans compter que déjà on
1 Ce Barthélémy est-il le même, que le précédent? Je l'ignore; mais, à
défaut de renseignements plus précis, on pourrait l'admettre.
1 Mining journal du 19 février 1848. J'emprunte aux écrits de M. Ma-
gnio même ces citations intéressantes relatives à la première machine à
coudre et broder au point de chaînette.
î6.
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404 VP JURY.
connaissait dans cette capitale quelques autres tentatives de •
machines à brodeisou à coudre, datant de i835 à i844, et
venues pour la plupart du dehors, de France sans doute.
Cest cette petite machine de Thimmonier, à laquelle
M. Magnin ajouta des perfectionrfements, objet d'un certifi-
cat d'addition du 4 juillet 1849, <P" depuis a été présentée
à l'Exposition universelle de Londres sous la dénomination
de couso-broieuse, destinée principalement à la lingerie et aux
étoffes les plus délicates, mais que le Rapport du Jury de la
VIe classe a oublié de mentionner en même temps que celles
produites par M. Rlodget, des États-Unis d'Amérique, et par
M. Judkins, de Manchester, dont les petites machines, spé-
cialement destinées à la couture, et comportant deux aiguilles
chargées séparément de fils, fonctionnaient avec une rapidité
remarquable sous les yeux du public, mais n'étaient plus,
comme la précédente, perdues dans l'immense confusion d'ob-
jets divers soumis à l'examen du Jury. Par un motif tout con-
traire, ce jury a pu donner quelque attention à une autre
machine française de M. Sénéchal, coutelier à Bellevue, près
Paris , qui , mue par une manivelle , servait à coudre , en points
de surjet, de graûds sacs de toile, au moyen d'un bras ou
levier articulé porte-aiguille à excursion extérieure et excen-
trique : déjà présentée par son auteur à l'Exposition française
de 1849 » cette dernière machine marchait d'ailleurs avec une
lenteur comparative, qu'expliquait seule la difficulté du but
à remplir, puisqu'il ne s'agissait de rien moins que d'imiter le.
véritable surjet et le doigté des ouvrières.
Le Jury de la VIe classe a également pu voir fonctionner la
petite machine à crochet vertical de M. Croisât, de Paris, ser-
vant à implanter, avec une rapidité extrême , de courts che-
veux dans le tissu mince des perruques; mais cette machine,
citée favorablement aux Expositions françaises de i834, i844
et 1849 > n'offre pas , à beaucoup près , dans le jeu des organes ,
les difficultés d'exécution, les complications inhérentes aux
machines ci-dessus à broder ou à coudre au crochet, et dans
lesquelles de longs fils de.trame, diversement enroulés sur de
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•MACHINES ET OUTILS. 405
petites bobines animées d'un mouvement horizontal en des-
sous de la table qui supporte le tissu , formaient une série de
boucles emboîtées les unes dans les autres, c'est-à-dire le point
de chaînette, bien connu par la facilité qu'on éprouve à le
défiler, en tirant le bout opposé à celui du départ, quand
il n'est point arrêté ou noué.
. On remarquera que la plupart des machines françaises au
point de chaînette, telles que celles de MM. Thimmonier,
d'Amplepuis (i83o); Hazard, de Calais (1837); Gigon-Cave-
lier, de Metz (i84i); Lescu.re, de Nancy (i84i à i846); Au-
bry1, de Paris (i844); Thimmonier et Magnin (i843 et i848);
Magnin (1849)» etc., on remarquera, dis-je, que ces délicates
et petites machines opèrent au moyen de l'aiguille à crochet
inférieure, animée d'un va-et-vient vertical au-dessus de la
table d'appui de l'étoffe, soutenant une potence à tube direc-
teur vertical fixe, qui dirige l'aiguille à laquelle le va-et-vient
est imprimé par un mécanisme à manivelle ou à pédale rappe-
lant celui des anciennes machines à piquer.
Quant aux machines d'origine véritablement américaine,
dont on fait remonter l'invention à i834 et à un mécanicien
du nom de WalterHunt, mais qui, en réalité, ne commen-
cèrent à fonctionner utilement qu'à dater de i846, où Elias
Howe prit la première patente américaine, ces machines, qui
ont fait irruption en France et en Angleterre à une époque
voisine de celle de l'Exposition universelle de Londres, se
rapprochent plus ou moin? de celle de M. Blodget, déjà citée,
opérant à deux fils, dont l'un, véritable trame, est conduit par
une navette à mouvement horizontal inférieur, l'autre, par une
aiguille verticale dont l'œil est placé non loin de la pointe et
qui, dans ses allées et retours, avec intermittence, forme une
1 Un M. Àubry (Louis), à Chaumont (Haute-Marne), avait déjà pris, le
28 février 1828, un brevet de perfectionnement de cinq ans pour une ma-
chine à piquer et coudre les gants ou autres objets en arrière-points, appelée
métier régulateur, parce qu'il ne s'agit, en effet, que d'un étau à lame den-
telée pour diriger l'aiguille ou la main de l'ouvrière, et non d'une machine
a mouvement automatique (t XXV, p. 70, de la Collection imprimée).
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406 VI- JURY.
succession de boucles que la navette traverse : ces boucles,
bientôt soulevées par l'aiguille de part en part de l'étoffe, y
laissent extérieurement une suite ou rangée de .longs points
interrompus, de faufilés, qui, en faisant agir Tune prèsde Fautre
deux aiguilles verticales pareilles, imitent, à s'y méprendre,
le point dit arrière, dont ils diffèrent au fond notablement
Néanmoins ce genre de couture présente plus de solidité que
celui à point de chaînette des machines françaises, lesquelles
deviennent aussi plus coûteuses, moins expéditives à cause
des complications du mécanisme, quand on prétend y donner
à l'étoffe un mouvement automatique pendant le jeu alternatif
de l'aiguille à crochet; ce qui n'a lieu d'ailleurs que pour les
machines spécialement destinées à produire des dessins régu»
liers de broderie à points de chaînette formant relief.
Je n'étendrai pas cette discussion à propos de la machine
à coudre exposée par M. Judkins dans le département anglais
de l'Exposition de Londres et dont l'origine est également amé-
ricaine; je passerai à fortiori sous silence diverses autres ma-
chines de cette espèce, dont quelques-unes ont été représen-
tées, tout au moins en principe, à l'Exposition universelle de
Paris, en i855, parmi celles de la VIIe classe; je dois me bor-
ner à renvoyer le lecteur à la partie du Rapport sur cette
dernière Exposition qui, rédigée par M. Willis, concerne
plus spécialement les machines à coudre et renferme sur
l'origine et les divers systèmes de ces ingénieux outils des
documents extrêmement précieux, .et auxquels ce qui précède
pourra servir de complément au point de vue historique.
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MACHINES ET OUTILi. 407
i
S II. — Constitution mécanique et origine des métiers à tricot ou à bas;
leur apparition simultanée en Angleterre et en France , sous Elisabeth
et Henri IV. — Efforts de génie que leur invention suppose; forme et
représentation des enlacements du fil des tricots, par Vandermonde et
Y Encyclopédie méthodique. — Admirable disposition des organes da métier ;
discussions et réflexions à ce sujet; la pratique et la théorie; les savants
et les hommes d'ateliers. — Manufacture de bas établie par Jean Hindret,
sousColbert, dans le château de Madrid, près Paris. — Nùnes, Rouen
et Nottinghanu — Propos attribué à maître François, apothicaire de
l'hôtel-Dieu de Paris ; pétition des bonnetiers de Londres à Olivier
Cromweli, et. autres écrits anglais, relativement modernes, tendant à
prouver 1* existence de William Lee ou Lea comme inventeur du métier
à bas. — Opinions de Savary, Diderot, Poppe, Blackner, etc.
Il existe entre les machines à tricot et celles qui nous ont
occupés en dernier lieu «une relation intime qui ne saurait
échapper à l'œil le moins observateur. En particulier, le point
de chaînette des brodeurs, exécuté au moyen d'un crochet à
main au travers d'un tissu plein, n'est, comme on l'a vu, en
effet, qu'une succession de plis , de boucles formées dans un
même fil et dont chacune emboîte la précédente extérieure-
ment. Cette combinaison est si simple et si généralement
connue, qu'il n'est jpoint de collégien, pour ainsi dire, qui
ne se soit amusé à faire et à défaire à la main une chaînette
formée d'une ficelle dont les boucles sont enfilées les unes au
bout des autres. Mais de là au tricot continu et rentrant qui
se fabrique au métier et constitue les bas ou autres tissus
maillés il y a un intervalle considérable à franchir, attendu
qu'il ne s'agit plus d'une chaînette isolée, mais Itfen d'une
série de rangées de chaînettes unies latéralement les unes
aux autres, quoique constituées d'un seul fil de trame replié,
enlacé une infinité de fois sur lui-même, dans la longueur
entière du tissu.
Le point de chaînette, employé de tout temps sans doute
à la confection de certains ornements ou cordons de passe-
menterie, n'a donc pu que bien difficilement conduire à la
fabrication des tricots à main , au moyen de deux ou de trois
aiguilles rentrantes et se croisant triangulairement; car, si Ton
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408 • VI- JURY.
y aperçoit clairement la formation du tissu par l'enlacement
successif de boucles les unes dans les autres, le mode d'après
lequel s'accomplit cette formation est tout différent: d'abord,
il a fallu, par un système de bouclage analogue à celui des
points de festons ou de bordures , rattacher le tricot aux ai-
guilles rectilignes qui servent d'outils à l'ouvrier ou de moyen
d'enlacer, en allant de la droite vers la gauche, le fil tendu
autour de l'index de la main droite, dans les boucles déjà
accrochées aux aiguilles, en faisant passer successivement ces
boucles ou mailles de l'aiguille fixe de gauche à l'aiguille tra-
vaillante de droite, c'est-à-dire en cueillant les unes après les
autres les mailles par une succession de mouvements pour
ainsi dire instinctifs des doigts et des deux mains, qu'on
essayerait vainement de décrire, et dont l'exécution rapide et
régulière dans les tricots unis a quelque chose de vraiment
merveilleux chez les ouvriers les mieux exercés. Qui n'a pas,
en effet, observé, aune époque, il est vrai, déjà loin de nous,
des femmes assises à leur comptoir, causant sans distraction
avec leurs pratiques, tout en tricotant dans leur journée,
machinalement et sans y jeter pour ainsi dire l'œil, un bas
entier de cent à cent cinquante mille mailles au moins, soit
trois à quatre mailles par seconde, en admettant seulement
un travail effectif ou continu de dix heures, à cause des inter-
ruptions causées par le service!
En considérant la promptitude, la facilité avec laquelle
s'accomplit la formation des mailles dans le tricotage à main
et la simplicité extrême des outils qu'on y emploie, on est
fort tenté d'en faire remonter l'origine à une époque non
moins reculée que celle du tissage même des étoffes à chaîne
et trame croisées; mais le manque, jusqu'ici, de preuves
certaines a fait considérer comme un fait positif que les pre-
miers tissus élastiques de cette espèce, les bas de soie notam-
ment, n'ont apparu comme objet de luxe que vers le com-
mencement du xvi* siècle, dans les cours de François I*et
de Henri II, où ils seraient venus du Midi, plus particulière-
ment de l'Espagne , sans doute par une transmission de l'indus-
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MACHINES ET OUTILS. 409
trie sarrasine, si fort avancée dans les siècles mêmes où
l'Europe était plongée dans les ténèbres de la barbarie. Mais
du tricot à main, dont Nîmes a bien pu hériter directement
de ses anciens envahisseurs , à l'invention du métier mécanique
que cette ville prétend disputer à Rouen et à Nottingham, il y
a un nouvel et immense intervalle à franchir. Car, si le hasard
ou plutôt le tâtonnement, l'exercice intelligent de l'art du
passementier, ont pu faire découvrir le jeu de deux ou trois
aiguilles à tricot exclusivement soumises à l'action des doigts de
l'ouvrière,, il n'en saurait être ainsi de la combinaison des
aiguilles fixes du niétier mécanique, en nombre illimité,
équidistantes et rangées parallèlement les unes à côté des
autres, dans un même plan ou sur une même ligne horizon-
tale. Soudées à leurs bouts postérieurs dans un prisme d'étain
ou de plomb, recourbées en dessus, à leurs bouts extérieurs
ou opposés, de manière à former de l'avant à l'arrière un
véritable crochet élastique et flexible dont l'extrémité effilée
puisse se perdre, se noyer dans une encoche ou châsse qu'elle
effleure en dessus, ces aiguilles doivent laisser aux différentes
rangées horizontales des plis ou des boucles, dont les croise-
ments successifs et réciproques constituent le tricot qui y est
suspendu, la liberté nécessaire pour passer alternativement et
progressivement du dessous des crochets en dessus, puis y
échapper entièrement en venant s'abattre, chaque fois, au-
devant (le leurs becs antérieurs, où se trouvent préalablement
engagés les plis à boucles, je veux dire les mailles de nou-
velle formation.
Entre ces deux dispositions ou modes de procéder, il y
avait un intervalle d'autant plus difficile à franchir, en effet,
qu'ils n'offraient aucune analogie apparente, et qu'il a fallu
une sagacité et un esprit d'observation tout particuliers pour
deviner, à l'inspection d'un tissu élastique et continu, formé
de mailles en quelque sorte agrafées une à une et bout à
bout, la constitution simple1, régulière et toute géométrique
1 En réalité , cette constitution se laisse assez bien apercevoir sur l'envers
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410 VI* JURY.
qui appartient aux différentes circonvolutions d'un seul fil de
trame replié de proche en proche sur lui-même, mais sur-
tout pour apercevoir comment ce fil, d'abord droit et couché
transversalement à la main, 'sans tension quelconque, sur la
branche postérieure des aiguilles horizontales ci-dessus, "puis
abaissé, infléchi entre leurs intervalles consécutifs, par la des-
cente successive de lames métalliques verticales et parallèles,
de platines très-minces à doubles échancrures ou becs anté-
rieurs arrondis, servant à saisir et repousser; au besoin, les
plis horizontalement; pour apercevoir, dis-je, comment ce fil,
ainsi replié suivant une ligne sinueuse, constituée en quelque
sorte d'une succession régulière et continue de chaînettes
appendues à ces mêmes aiguilles, pouvait, en se croisant avec
une autre ligne pareille, soutenant en arrière le tissu déjà
formé et dont les plis doivent passer par-dessus les précédents,
donner lieu à un enlacement de boucles ou de mailles, à un
tricot identique à celui des bas ordinaires, si ce n'est que, au
lieu de rentrer sur lui-même, ce tricot est ici duvert par les
extrémités et étendu en Jigne droite le long de la rangés hori-
zontale des aiguilles dont il vient d'être parlé.
A la rigueur, on comprend aisément, avec les auteurs qui
Font expliqué depuis Vandermonde et l1 Encyclopédie métho-
dique1, comment deux rangées pareilles de cordons à plis ou
. du tricot à bas, mais elle se manifeste mieux encore quand on vient à
défiler un pareil tricot par un bout et maille à maille; car l'élasticité natu-
relle de la matière ayant été énervée à la longue, il en résulte un fil
plissé, ondulé à peu près suivant la forme siuueuse que prend une chaîne
pesante et lâche, placée sur une rangée t de chevilles équidistantes et hori-
zontales, constituant une sorte de peigne ou de râteau, ainsi que je l'ai indi-
qué ci-après dans le texte.
1 Les Remarques de Vandermonde sur les problèmes de situations, où se
trouve cette explication, sont imprimées à la page 566 des Mémoires de
notre ancienne Académie des sciences pour 177&, époque vers laquelle on
s'occupait beaucoup, en dehors comme au dedans de cette illustre Société,
de toutes les questions qui se rattachent à la fabrication mécanique des
tissus maillés, ainsi qu'on le verra encore mieux par la suite. Après avoir
rappelé les* recherches du grand Euler sur la marche du cavalier dans le
jeu d'échecs \Mémoires de l Académie des sciences de Berlin pour 1759), la
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MACHUSES ET OUTILS. 411
arcs de chaînettes consécutifs, placées Tune devant l'autre,
peuvent donner lieu à un croisement ou à un boucle-
ment de mailles véritables, en faisant passer les sommets,
mais seulement les sommets, du cordon postérieur par-
dessus ceux de l'autre et des becs antérieurs d'aiguilles; c'est
même une expérience facile à tenter à la main et sans autre
appareil qu'un couple de peignes ou de râteaux servant à
recevoir et transporter les rangées pareilles de trame ou
cordons, dont le plissement pourrait être produit par une
troisième barre à râteau formée de platines à plomb. Sans
aucun doute, le premier inventeur du métier à bas a dû rai-
sonner et procéder ainsi; mais, bien qu on soit depuis revenu
à des combinaisons de ce genre pour éviter la complication et
atteindre des résultats différents ou purement accessoires, il.
n'en est pas moins évideçt que c'était là l'enfance de l'art,
procédant tour à tour et inévitablement dune conception
théorique en soi très-simple à une réalisation pratique plus ou
moins satisfaisante, puis de celle-ci à de nouvelles conceptions
moins imparfaites, mieux étudiées ou approfondies, et ainsi
de suite alternativement, jusqu'à ce qu'on parvienne à des
promesse de Leibnitz de publier un Calcul des situations, la notation de
Viète relative aux nombres généraux ou déterminés, Vanderroonde propose
un système de notation à indices antérieurs et postérieurs accompagnant la
lettre principale relative au fil dont la route, la marche au travers d'un
rectangle on d'un parallélipîpède quadrillé, subdivisé en petits carrés ou
cubes égaux, doit être représentée dans tous ses méandres, circonvolutions,
replis ou croisements successifs, au moyen de ce que l'auteur nomme les
nombres nombrants ou entiers, propres à représenter Tordre, le rang de
chacune des cases du réticule que le fil parcourt» Mais il faut avouer que
ce système de représentation ou de notation algébrique, donnant lieu à des
séries de termes indéfinies, ne paraît guère propre à atteindre le but avec
la simplicité désirable, comme on peut le voir par les exemples mêmes de la
chaînette et du tricot que Vaodermonde en apporte , et dans lesquels la posi-
tion des points essentiels de chaque boude est exclusivement représentée
ou définie, mais non la forme. Au surplus, comme l'observe ce savant acadé-
micien et ancien directeur du Conservatoire des arts et métiers, c l'ouvrier
« ne voit pas dans les tissus les rapports de grandeur, mais de situation ; ce
t qu'il voit, c'est l'ordre dans lequel sont entrelacés les £!*••
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412 VI- JURY,
résultats vraiment fructueux ou profitables à la société. Car,
quoi qu'en pense le vulgaire et même beaucoup de gens ca-
pables, personne, sur cette terre, n'a pu se glorifier d'être
parvenu d'un seul jet à la réalisation d'une combinaison
mécanique aussi complexe que celle du métier à bas, tel que
nous le connaissons depuis près de trois siècles écoulés.
En effet, après avoir imaginé la soudure à plomb, si ingé-
nieuse et si mathématiquement précise \ des aiguilles horizon-
tales dont il a été d'abord parlé; après avoir conçu le double
jeu de platines verticales, avec et sans plomb, pour abattre,
plisser le fil de trame ou en opérer ce qu'on nomme la cueille,
le caeillement, le caeillage et même le .cueillissage, il fallait
bien découvrir les crochets à châsses mobiles, non moins ingé-
nieux et précis, pour dispenser de recourir au peigne ou râteau
transposeur et abatteur ; il fallait aussi trouver la presse, cette
barre horizontale à bascule, contre-poids ou ressorts de réac-
tion , manœuvrée par une pédale et servant à fermer tempo-
rairement les crochets , pour faire passer le rang postérieur des
plis de suspension du tricot par-dessus leurs branches supé-
rieures, recouvrant la nouvelle rangée des boucles ou des
plis; il fallait d'ailleurs, et au préalable, imaginer des moyens
mécaniques très-simples pour opérer la descente verticale, non
pas simultanée, mais successive, quoique très-rapide, du pre-
mier rang de cette multitude de platines mobiles servant à
cueillir et former les plis de deux en deux aiguilles, en laissant
au fil de trame et à sa bobine alimentaire le temps de céder
à leur action sans rupture ni vrillement. Pour y parvenir, il a
fallu encore inventer l'ingénieux mécanisme des ondes d'échap-
pement des platines de rangs pairs , composées de leviers à tou-
rillons mobiles dans une rangée de chapes ou d'autres platines
verticales très-minces, fichées également dans une barre hori-
zontale à plomb, sorte de râteau établi à la partie supérieure
du métier, muni d'ailleurs aux extrémités respectives des
leviers, opposées aux platines à plis ou d'abatage, de lamettes
à ressort verticales en acfër, dont la pression et le frottement
contre ces extrémités, servant de frein aux leviers bascules r
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MACHINES ET OUTILS. 413
maintiennent ces dernières platines levées on à l'état de
repos, tandis qu'ils en permettent labatage quand sous Tac-
lion d'un curçeur ou chevalet à dos d'âne, glissant le long
d'une coulisse horizontale sous le tirage d'une corde à poulie
de renvoi, ces mêmes extrémités des leviers, progressivement
soulevées, arrivent à des epcoches ou inflexions pratiquées aux
lamettes ressorts, qui leur permettent d'échapper à toute pres-
sion ou frottement, de basculer sous leur propre poids et
celui des platines antérieures, dont la chute est accompagnée
d'un bruissement ou cliquetis rapide dû au débandement suc-
cessif de ces mêmes ressorts ou freins.
Cette combinaison des ondes à bascules était, à cpup sûr, une
conception heureuse; mais elle ne suffisait pas néanmoins
pour assurer le jeu régulier de la machine : il fallait, après
l'abaissement des premiers plis ou boucles d'une longueur
double de celle exigée par la formation des mailles définitives
du tissu , relever de la moitié de leur hauteur de chute la
rangée correspondante des platines, afin de dégager ces
mêmes plis et d'en partager la longueur entre leurs aiguilles
propres et les aiguilles voisines par l'abaissement, cette fois
général et simultané, de toutes les platines, y compris celles
à plomb, qui occupent les intervalles des précédentes, et
dont les chapes, solidaires entre elles, sont jusque-là demeu-
rées immobiles avec tout l'équipage supérieur du métier, sou-
tenu par de grands ressorts latéraux à contre-poids d'équilibre.
D'ailleurs l'ouvrier produit ici , à l'aide d'une pédale, l'abatage
de ces ressorts, sans s'inquiéter de leur relèvement spontané,
tandis qu'il abaisse les extrémités postérieures des leviers
à ondes en élevant les platines correspondantes à leur an-
cienne position, au moyen d'une tringle horizontale ou presse
secondaire d'un mécanisme très-simple soumis à l'impulsion
des doigts de l'ouvrier, qui immédiatement fait rétrograder le
chevalet curseur par le jeu alternatif de deux pédales appli-
quées à une corde enveloppant la partie supérieure d'une
grande poulie motrice, etc.
Enfin, pour que ce même et unique ouvrier, à l'aide des
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414 VT JURY.
becs crochus et des ventres antérieurs pratiqués à la rangée
entière des platines verticales de plissage censées abattues,
pût pousser ou faire glisser en avant et en arrière, mais Tune
après f autre , comme on Ta vu , soit la rangée nouvelle des plis
antérieurs sous les crochets d'aiguilles* soit la rangée posté-
rieure des plis du tricot par-dessus ces mêmes crochets, alors
fermés et soumis à l'action de la grande presse, il fallait encore
que l'équipage entier des platines ci-dessus, des ondes à bas-
cules, du chevalet curseur, etc. fût rendu mobile horizon-
talement, par l'application directe des mains aux poignées
latérales d'un chariot à roues cheminant librement sur des
rails parallèles.
Cette longue mais pourtant incomplète énumération des
ingénieux mécanismes qui constituent la plus ancienne des
machines à tricot, celle que la première Encyclopédie, im-
primée en 1 74 1 , sous la direction de d'Alembert et de Diderot,
décrivait si laborieusement en empruntant la plume anonyme
d'un homme du métier, qui n'en fait ressortir ni le mérite, ni
l'originalité, ni les intentions véritables, f cette longue et in-
complète énumération, dis-je, était en effet indispensable
pour faire apprécier à leur juste valeur les difficultés inhé-
rentes à la précise et délicate exécution de cette multitude
d'organes ou combinaisons mécaniques, ainsi que la sagacité,
la persévérance, la profondeur- même de conception qu'a dû
y apporter l'auteur unique que suppose la tradition popu-
laire, amie du merveilleux, et qui n'admet ici, comme dans
d'autres circonstances précédemment citées, ni l'intervention
de plusieurs hommes et à fortiori de plusieurs générations
d'hommes, ni une influence quelconque du milieu où ils ont
vécu, plus ou moins avancé dans les arts, ou, ce qui est tout
un, plus ou moins bien outillé, éclairé et civilisé.
À coup sûr, lé métier à bas est un chef-d'œuvre de préci-
sion mécanique supérieur k tout ce que le moyen âge nous a
légué en ce genre, si ce n'est la montre et l'horloge, qui sup-
posent une certaine connaissance des lois* astronomiques ou
de la mesure du temps. On ne saurait, à aucun titre, le corn-
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MACHINES ET OUTILS. 415
parer. aux automates tant admirés de nos ignorants et crédules
ancêtres, automates si complètement inutiles qu'ils ont tous
disparu, à l'inverse de l'humble métier à tricot, qui aujour-
d'hui même nous rend les plus grands services, mais que
bien des gens du mon&e, des. lettrés et des savants de profes-
sion dédaignent, malgré le génie qu'il suppose* malgré les
huit à dix mille mailles qu'il produit à la minute, malgré
même les avantages matériels qu'on en retire? D'où vient
la complète indifférence dés philosophes ou théoriciens pour
tout ce qu'on nomme improprement application ou pratique?
D'où vient le dénigrement non moins étrange des hommes
d'ateliers, des praticiens, contre toute théorie ou raisonnement
d'apparence scientifique? N'y a-t-il pas dans ces sentiments
de dédain inverses ou réciproques quelque chose d'aussi
injuste que de peu réfléchi ? Ou plutôt n'y aurait-il pas là sim-
plement orgueil, ignorance ou paresse de l'esprit, s'autorisa nt
des abus qu'on fait si souvent de l'expérience et de la théorie
exclusives, deux choses qu'on ne doit pas séparer, selon les
doctrines de Descartes et de. Bacon, surtout quand les résultats
s'en lient au bien-être général de la société et. à ses progrès?
Qu'importent, enfin, la langue, le milieu, le siècle dans les-
quels une œuvre d'art ou d'esprit a été conçue et accomplie,
s'il y règne, dans les détails comme dans l'ensemble , un ordre
parfait, une heureuse harmonie de mouvements, de pensées
ou de conceptions justes et profondes ?
Au surplus , en combattant ici un peu vivement de ridicules
et fâcheux préjugés, dont la source n'est pas difficile à décou-
vrir quand on sonde le cœur de l'homme, j'ai prétendu prin-
cipalement faire ressortir les doutes de mon esprit à l'égard
de la romanesque origine attribuée à une machine qu'on
suppose inspirée par des sentiments étrangers au besoin de
se rendre utile, de s'enrichir ou de se faire admirer. A ce
point de vue, il importe de constater d'une. manière générale
que, sauf des modifications ou améliorations de détails insi-
gnifiantes, l'équipage des ondes à ressort et de leur* platines,
nommé l'orne du métier, est, aussi bien que les plus impor-
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416 VT JURY.
tantes des autres parties du mécanisme, demeuré à peu près
tel que nous le voyons dans les métiers rectilignes et à bas
unis existant de nos jours. Cette constatation, après des siècles
écoulés , serait d autant plus glorieuse pour le premier inven-
teur ou initiateur, que le système de solution adopté s'écarte
davantage du mode ordinaire de fabrication des bas, et qu'il
se fût complètement égaré si, conformément à l'opinion de
certains philosophes peu mécaniciens de leur nature, il eût
tenté d'imiter servilement les mouvements compliqués et
excentriques qu'on observe dans le tricotage à la main et à
l'aide de longues aiguilles.
Je tiens également à le rappeler, à le constater ici, bien
qu'à regret et à la honte des siècles qui ont précédé le nôtre,
malgré l'extrême importance du métier à bas et la grandeur
de la révolution accomplie par son introduction dans l'indus-
trie manufacturière, tout ce qui concerne son origine et ses
premiers développements est demeuré dans une obscurité
profonde et a donné lieu aux contes ridicules déjà mention-
nés, mais que je me garderai de rapporter, avec d'autant plus
de motifs qu'ils ont été répétés mot pour mot en les appli-
quant à des pays et à des personnages différents. Néanmoins
je ne puis me dispenser, tout en laissant de côté cette partie
en quelque sorte populaire de la question ou des traditions,
d'exposer sur l'origine du métier à bas la version la plus
vraisemblable, et qui, les conciliant d'une manière suffisam-
ment rationnelle, parait avoir reçu l'assentiment unanime des
auteurs anglais et allemands.
William Lee ou Lea, que les uns font naître à Cal veston,
les autres à Woodborough, comté de Notlingham, devenu
ensuite magister du collège de John à Cambridge, aurait ima-
giné le métier à bas vers 1 58g , métier pour lequel il réclama
en vain la protection et les encouragements de la reine Elisa-
beth d'Angleterre. Attiré en France par les promesses de
Henri IV ou de Sully (1600 à 1610), il vint s'établir à Rouen
avec neuf ouvriers qu'il avait formés, et il y réussit à tel
point que la fabrication paraissait fixée en France, si la
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MACHINES ET OUTILS. 41
mort de ce monarque, ami et protecteur des arts, n'eût privé
l'inventeur de l'espoir d'obtenir prochainement les privilèges
qu'on lui avait promis et ne l'eût obligé à s'acheminer vers
Paris, où il mourut, dit la chronique, après avoir abandonné
à eux-mêmes ses ouvriers, qui seraient bientôt retournés en
Angleterre en y important leurs métiers 1.
1 Le titre le plus positif du magister Lea à l'invention du métier à bas
réside dans une pétition des bonnetiers de la ville de Londres adressée à
Olivier Cromwell pour l'obtention de privilèges exclusifs, et qui se trouve
rapportée, malheureusement sans date précise, à la fin de l'histoire anglaise
de Nottingham, publiée en 181 5 dans cette ville par John Blackner; ou-
vrage dont je dois la communication à l'obligeance éclairée de M. Edouard
Mallet, habile fabricant tulliste à Calais, dont le frère aîné a reçu, en
1 852 , la décoration de la Légion d'honneur pour la belle collection de pro-
duits manufacturés qui avait été offerte par leur maison a l'Exposition
universelle de Londres.
En tète de cette pétition a Cromwell , on lit textuellement : t II y a cin-
c quaote ans , un William Lea, de Calveston, comté de Nottingham , imagina ,
• lui et les siens, etc., » sans autre spécification de date ni de qualités; mais
Blackner fait observer que la charte de délivrance ne paraît pas avoir été
octroyée avant Tannée 1664, sous Charles II; par conséquent, huit années
après l'installation de la manufacture de Jean Hindret au château de Madrid,
dans le bois de Boulogne, près Paris; manufacture dont les succès auront
bien pu éveiller la jalousie des bonnetiers de Londres, quoique dans leur
pétition ils prétendent n'avoir rien à redouter de la concurrence des suc-
cesseurs ou apprentis formés par les ouvriers de f inventeur à Rouen , où
l'un d'entre eux vivait encore, selon la déclaration des pétitionnaires. Les
craintes qu'ils manifestent relativement a l'embauchage de leurs propres
apprentis par l'ambassadeur de Venise ne s'étendant nullement à d'autres
pays, on pourrait en conclure que dès lors la France n'avait rien' à em-
prunter a l'Angleterre. Je lis en effet dans un mémoire de M. Wilbem de
Viebahn , conseiller supérieur des finances en Prusse ( brochure de 64 pages,
imprimée à Berlin» en i846), que le métier à bas attribué à William Lea
fut introduit en Allemagne, vers 1689, par les réfugies français de la révo-
cation de l'édit de Nantes, dont quarante mille, comme ou sait, peuplèrent
les ateliers de Berlin et appartenaient en grande majorité à la ville de Metz.
Il est très-digne de remarque , d'ailleurs , que Nottingham , si célèbre aujour-
d'hui pour la %brication des bas et des tulles au métier, n'aurait, d'après
les indications rapportées par Blackner, possédé en 1641 que deux de ces
premiers métiers, dont le nombre, dans le siècle suivant, se serait élevé à
soixante-dix seulement.
VI* JORT. — ** PARTIE. «7
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418 VP JURY.
Ce récit, comme on voit, peut fort bien se concilier avec
celai de maître François, apothicaire à rhô tel -Dieu de Paris,
rapporté dans une lettre insérée au Journal économique de
1 757, c'est-à-dire plus de cent cinquante ans après l'événement
et cent onze années après l'époque où Colbert ayant fait venir
de Hollande Jean Hindret, l'installa au château de Madrid, dans
le bois de Boulogne, près Paris, où fut créée la première ma-
nufacture de bas au métier, travaillant d'abord exclusivement,
et avec un grand succès, la soie, mais qui plus tard (1666),
autorisée par privilège spécial, se servit de la laine, du coton
et du poil; ce qu'elle fit jusqu'à l'époque de sa dissolution,
en 1684. Le nouveau règlement de 1700, qui étendit le pri-
vilège de i665 à un nombre limité de villes de France, telles
que Paris, Rouen, Nantes, Lyon, Metz, etc. 1, ce règlement
maintenant la défense de porter hors du royaume aucun
métier, cela semble indiquer qu'à cette époque la France
était principalement en possession de ce genre de fabrication;
mais il s'agissait là peut-être de métiers comportant de
simples modifications ou perfectionnements que les ouvrages
contemporains ne nous font nullement connaître, et en l'ab-
sence desquels il devient comme impossible d'asseoir aucun
jugement certain.
A quoi servent d'ailleurs toutes ces discussions de prio-
1 Encyclopédie, in-folio, de Diderot et oVAlemberl, année 1751, art. Bas
au métier, p. 98 el 1 12. Cest a tort que, dans ce même article, Diderot,
après avoir cité divers écrits antérieurs et plus particulièrement le Diction-
naire universel du commerce, de ï inspecteur des manufactures Savary de
Brusloms, dictionnaire dont la a* édition date de 174 1, prétend que le nom
de f inventeur était également inconnu en Angleterre; cela prouve seule-
ment que Diderot n'avait consulté aucun dès ouvrages anglais qui avaient
traité la question avant f Encyclopédie, notamment l'histoire, en latin , de
Nottingham, publiée en 1751, et dont le tome IV, pages 90 et 3oi, men-
tionne la pétition des bonnetiers ée Londres, d'apparence très-véridique, mais
postérieure de cinquante à soixante ans à l'époque de la découverte attri-
buée a Willism Lea. D'après l'ouvrage allemand de Poppe ((jfsckickU, etc.),
la fable de l'inventeur soi-disant amoureux, commune à tant de pays, se
trouverait rapportée tout au long dans un ouvrage anglais antérieur au pré*
cèdent, et portant la date de 1733.
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MACHINES ET OUTILS. 419
rite, qui intéressent encore plus les vanités nationales que le
progrès réel des arts, la vérité historique et le culte dû aux
promoteurs de nos industries, si, comme j'en ai fait tant de
fois la remarque , elles ne sont appuyées de documents con-
temporains assez circonstanciés pour permettre de préciser la
date de la découverte, le nom des inventeurs ou perfection-
neurs, mais surtout le caractère de l'objet inventé ? Cela est
principalement indispensable à l'égard des métiers ou ma-
chines d'une nature complexe , à organes et fonctions mul-
tiples, parvenus depuis des siècles, comme celui qui nous
occupe, à un état relatif de perfection, fruit nécessaire de la
longue et incessante élaboration d'un seul ou de plusieurs :
ce métier, en effet, est d'autant plus remarquable qu'il a néces-
sité de grands efforts d'esprit, qu'il est le seul de son espèce,
et que sa véritable origine pourrait bien remonter à une époque
antérieure de beaucoup à celle qu'on assigne aux travaux de
William Lea ou du serrurier bas-normand révélé, sans nom,
par maître François, l'apothicaire de l'hôtel-Dieu de Paris,
mais qui, s'ils ne sont pas des mythes, pourraient bien aussi
n'être que de simples perfectionneurs, divulgateurs ou impor-
tateurs du métier à bas, comme le fut sans contredit, mais
sur une plus large échelle, Jean Hindret lui-même.
Laissant donc de. côté toute discussion ou description
approfondie de cette espèce, qui n'offrirait qu'un bien mé-
diocre intérêt à l'égard des applications ou modifications di-
verses qu'on a fait subir à l'invention capitale et primitive des
métiers à tricot ou à trame sans chaîne, contentons-nous
d'indiquer rapidement, d'après les rares documents authen-
tiques que l'on possède jusqu'à présent, la marche et la
nature des progrès accomplis dans cette branche toute spé-
ciale d'industrie mécanique.
*?•
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420 VT JURY.
S III. — Additions et perfectionnements apportés a l'ancien métier à bas
par les mécaniciens anglais et leurs imitateurs en France. — Origine des
mécaniques additionnelles servant à fabriquer les tricots à côtes et à jours
divers : les Anglais Jedediak Strutt, J. et T. Morris, T. Taylor, Josiak
Crâne, Richard Marck, etc. les bonnetiers et mécaniciens français Sar-
razin, Caillon, Rivey, Germain, Jolivet, etc. importateurs ou imitateurs
anciens des mécaniciens anglais. — L'Académie des sciences, le Conser-
vatoire des arts et métiers et le mécanicien Bastide, de Paris. — Les
métiers et tricots à mailles coulantes, à mailles fixes, à jours ou a réseaux
diversement brodés et façonnés, au moyen de roues a crans ou divisions
latérales, de cylindres à orgues ou de l'ancienne tire, — T. et J. Morris,
J. et W. Betts, T. et R. Frost, Taylor, Brotherston, en Angleterre ; Jolivet et
Cochet, Joardan, Bonnard, Legrand et Bernard, Coutan, Derussy, etc. en
France (1801 à 1812).
La France n'ayant aucune archive officielle antérieure à la
loi de janvier 1 79 1 « sur les brevets d'invention , on ne saurait,
de ce côté, s'attendre à une suite continue de révélations; mais
on peut être surpris que l'Angleterre, dont les institutions à
cet égard remontent à Jacques Ier ou au commencement du
xvne siècle, ne possède aucun titre officiel relatif au métier à
bas avant la patente délivrée le 19 avril 1768 à Jedediak
Strutt, mécanicien, et à William Wolatt, bonnetier à Black-
wali, comté de Derby, pour une addition spécialement des-
tinée à la fabrication des bas à côtes. Cela prouve évidemment
que ce genre de machines, ainsi qu'on Ta dit, n'avait jusque-là
subi aucune transformation essentielle.
La formation des côtes, dans le tricotage à la main, n'offre,
comme on sait, aucune difficulté particulière, et s'opère par
un simple renversement des mailles ou des boucles, qui se
croisent sous un aspect différent à l'envers et à l'endroit, où
elles forment une succession de saillies reciilignes et parallèles
à points de chaînette très- rapprochées entre elles, tandis
qu'à l'envers le tricot présente un emmaillage à serpente-
ments d'aspect entièrement uniforme. Dans le métier méca-
nique ordinaire, le renversement des mailles ne peut avoir
lieu que par des moyens tout particuliers, et dont un des plus
anciens et des plus expéditifs avant celui de Strutl , d'abord
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MACHINES ET OUTILS. 421
employé dans le Derby, consistait, selon Blackner (p. 219),
dans une barre de fer crénelée, dentelée, qu'on adaptait à la
grande presse servant à fermer les crochets d'aiguilles, et qui,
dans l'abatage, permettait d'opérer, non pas simultanément,
mais dans un ordre déterminé, la fermeture de certains cro-
chets en laissant ouverts tous les autres, de manière à obtenir
alternativement des reliefs et des plats formés de brides imi-
tant la broderie précédemment pratiquée , dans les bas au
métier, à l'aide d'artifices sur lesquels je reviendrai en peu de
mots ci-après.
Au fond, ce genre de tissu, nommé en Angleterre tack-
rïbs, au^si bien que le métier qui le produisait, et dont Black-
ner fait remonter l'ingénieuse invention à un Français réfugié
ou à un Irlandais de Dublin, vers 1756, n'ont qu'un rapport
assez éloigné avec le tricot ou le métier à côtes , le^ procédé
mécanique indiqué dans les patentes de Jedediah Strutt con-
sistant à adapter au-devant de l'ancien métier un châssis porte-
àiguilles, avec intervalles vides, aiguilles dont les crochets,
de sens contraire à ceux de ce métier, correspondaient à des
intervalles de même largeur, laissés également libres ou vides
d'aiguilles pour y exécuter les bandes à côtes ou à mailles
renversées. Ce châssis , presque vertical , articulé à sa partie
inférieure, recevait à la partie supérieure le rang interrompu
des aiguilles additionnelles, sur une barre à charnières ex-
trêmes, munie d'une poignée à main par laquelle l'ouvrier
donnait à ces aiguilles une position horizontale pour y opé-
rer alternativement le cueillage et la fermeture des crochets
au moyen d'une fausse presse, dit la patente, autre barre à
main vissée sur l'ancienne presse en correspondance avec la
barre à aiguilles mobiles, dont les extrémités à châsses et
crochets étaient soutenues en dessous par une lame de fer
fixe contre les effets de pression; le tout étant en outre accom-
pagné d'une dernière barre supérieure-, à platines d'abatage,
distincte de celles du métier et placée en avant, mais for-
mant système avec elles, autant qu'il est permis de le deviner
ou supposer d'après le dessin.
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422 VP JURY.
La patente de Strutt, d'un laconisme inconcevable et qui
aura été tronquée dans ses parties essentielles, suffit du moins
pour prouver que cet ingénieux mécanicien, associé vers 1768
aux travaux de Richard Arkwright 1v est bien l'inventeur de
la mécanique à bascule ou pivotante qui , placée en avant de
l'ancien métier à bas, est devenue comme le point de départ
obligé de toutes les modifications qu'ont subséquemment fait
subir au système de ce métier Jedediah Strutt lui-même
(1759) , puis les John et Thomas Morris ( 1764) , les Thomas
Tayior , les Porter et Josiah Crâne ( 1 769) , les Richard March
et William Horton (1771» 1776 et 1778), les Thomas Frost
(1781), etc., lesquels, dans des patentes qu'il eût été inté-
ressant de pouvoir étudier et approfondir au point de vue
historique, se sont tour à tour occupés d'ajouter des 'combi-
naisons nouvelles d'aiguilles et de platines mobiles à celles
déjà connues, de manière à permettre, sans transformations
essentielles, de pratiquer dans le tissu, pendant sa fabrication
même , des vides traversés ou non par des fils droits ou brides ,
des nœuds, des côtes imitant diversement la broderie des
tricots à jours, à fleurs, etc., que d'habiles ouvrières fabri-
quent à l'aide d'aiguilles plus oiï moins fortes, avec une dexté-
rité de doigts, une facilité vraiment surprenantes, c'est-à-
dire au moyen d'une succession de points, d'échappées et de
reprises de mailles ou de boucles, tantôt simples, tantôt mul-
tiples, mais constamment assujetties à une loi de nombres
prescrite à l'avance et susceptible d'une dictée ou écriture
conventionnelle , que les tricoteuses savent se transmettre les
unes aux autres, de manière à atteindre un but toujours
identique et conforme à un modèle donné.
Dans l'origine du métier à bas, les ornements à jours, les
côtes, etc., se fabriquaient probablement au moyen d'arti-
fices aussi lents que pénibles, et dans lesquels, comme le mon-
trent les diffuses explications de l'ancienne Encyclopédie, les
mains de l'ouvrier, armées de poinçons et de tiges à crochets
1 Baines, Histoire des manufactures de coton, p. i5i.
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MACHINES ET OUTILS. 423
tournants, reportaient les mailles d'une aiguille fixe à l'autre,
ou la retournaient en certains points du dessin , etp. Or, les
mécanismes additionnels dus aux patentés anglais que je viens
de citer ont eu principalement pour but de faciliter, sinon
de supprimer entièrement, ces mains-d'œuvre ou manipula-
tions; mais leur variété, la complexité des combinaisons et
surtout l'obscurité qui règne dans les descriptions sont telles
que, malgré la publication textuelle des patentes anglaises,
il deviendra bien difficile, même aux hommes du métier,
de faire la part exacte à chaque époque et à chaque auteur, de
manière à pouvoir, tout au moins, appliquer un nom et une
date aux conceptions les plus originales qui ont servi de
type à celles aujourd'hui en usage dans cette branche impor-
tante d'industrie. De l'examen rapide, et beaucoup trop super-
ficiel d'ailleurs, qu'il m'a été possible d'en faire, il semble
seulement résulter que les mécaniciens anglais ont devancé
les nôtres dans les modifications, les perfectionnements divers
que l'on a fait subir aux métiers à tricot, je veux dire à ceux
où le même fil de trame est soumis consécutivement à l'ac-
tion d'un ou de deux jeux d'aiguilles, les unes fixes comme
dans l'ancien système , les autres mobiles diversement par des
mécanismes additionnels.
Ainsi, il faudra renoncer à tout droit absolu de priorité
en faveur des mécaniciens français , tels que Sarrazin , Caillon ,
Rivey, Germain, Moisson, Jolivet, etc. qui, à Paris ou à
Lyon, s'essayèrent vers la fin du siècle dernier à fabriquer
sur l'ancien métier des tricots à côtes ou à jours imitant
plus ou moins bien le réseau des dentelles, etc., mais n'ap-
portèrent en réalité que des perfectionnements de détail
aux divers procédés mécaniques des bonnetiers anglais pour
en approprier le produit à nos goûts et à nos besoins1. Sar-
1 On peut, a ce sujet, consulter divers passages de l 'Encyclopédie métho-
dique (Arts et manufactures, 1. 1, 1785, p. 5 et 4.1) , où Roland de la Piatière
émet une opinion conforme et nous apprend que Marsh (sans doute Richard
March), bonnetier à Londres, gratifié par son gouvernement, inventa le
tricot a mailles nouées, de 1770 à 1775; que Caillou n*eut aucun succès
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424 VI- JURY.
razin , par exemple, né à Paris, mais mécanicien cosmopolite,
à qui plus tard on a, fort à tort, attribué en France l'inven-
tion du métier à côtes, a tout au plus imité ou perfectionné
ce métier vers 1766, c est-à-dire sept ans après la dernière
patente délivrée à Strutt; et ce qui prouve d'ailleurs la supé-
riorité des artistes anglais sur les nôtres à cet égard, c'est que,
avant et postérieurement même à 1780, le Gouvernement
faisait venir d'Angleterre des métiers pour fabriquer les bas à
dans sa tentative devant l'Académie; qu'au contraire le sieur Germain
réussit parfaitement a fabriquer les tricots a jours unis, brodés, guillo-
ebés , etc. ; que Jolivet et Sarraiin , bonnetiers à Lyon , apportèrent quelques
perfectionnements au métier a bas ordinaire; que le sieur Ganton, bonne-
tier a Paris, fut récompensé pour des perfectionnements d'un autre genre;
que Moisson, chanoine d'Uxès, tenta, en 1785, de supprimer les ondes;
qu'enfin le Gouvernement français fit venir d'Angleterre, vers 1 789 , de nou-
veaux métiers a côtes, principalement applicables à la laine et au coton,
mais sans beaucoup de succès ou de profit, bien que ces métiers fussent
employés à une fabrique établie à Paris en 1783, etc.
Roland de la Platière, comme on Ta vu particulièrement au sujet des
moulins à soie de Vaucanson, était, en sa qualité d'inspecteur des manu-
factures royales, parfois si tranchant et si exclusif, qu'il est difficile <f ac-
corder un entier crédit à ses opinions sur des choses qu'il n'avait pas alors
suffisamment étudiées sans doute, ou du moins qu'il n'a pas convenable-
ment décrites et spécifiées. Ainsi, par exemple, il eût été important de
savoir si les procédés mécaniques employés par March s'appliquaient au
métier à bas ordinaire, ou s'il s'agissait d'une machine tout à fait spéciale,
opérant avec une véritable chaîne , telle que parait en comporter le métier
à main décrit dans sa patente de juillet 1784, où il s'est même proposé
de fabriquer des filets de pêche et autres réseaux à mailles nouées, avec de
simples jeux d'aiguilles, sans platines à cueillir si je ne me trompe, ni
autres combinaisons étrangères à l'ancien métier a bas. Néanmoins, il se
peut que dans ses patentes de 1771 et 1778, antérieures à celles de Tho-
mas Taylor, mais dont je n'ai pas le texte sous la main, March ait appliqué
aux mécaniques accessoires déjà proposées avant loi par les Morris, les
Porter et les Josiah Crâne, de Nottingham, des perfectionnements qui,
adoptés en Angleterre et imités par Caiilon et Germain en France, aient
motivé les récompenses nationales dont parle Roland de la Platière à Teo-
droit cité de l'Encyclopédie méthodique. Au surplus, l'auteur, dans un Cha-
pitre supplémentaire du tome II des Arts et manufactures, publié en 1 790 ,
est revenu lui-même sur quelques-unes de ses assertions, en y ajoutant de
nouveaux faits, dont je renvoie l'analyse à une note subséquente.
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MACHINES ET OUTILS. 425
côtes en laine et coton , qui ne se répandirent au nord de
Paris guère avant Tannée 1789. Caillou, bonnetier à Lyon,
le premier qui en France ait tenté de fabriquer sur le métier
à bas des tricots à jours, à mailles doubles, nouées et parse-
mées de fleurs, « 'est pareillement qu'un simple importateur
des machines anglaises , comme le constate un Rapport de Vau-
canson et de Desmarest à l'ancienne Académie des sciences
(séance du i3 janvier 177g). Ce rapport mentionne, en effet,
un voyage que Caillon avait précédemment entrepris à Londres
en vue cfétudier, de perfectionner un métier dont on s'y ser-
vait déjà et qui consistait principalement dans l'application
à l'ancien métier à bas d'un tàteau à plomb coulé d'une
seule pièce, armé de vingt-quatre aiguilles sans têtes ou cro-
chets, monté sur le mécanisme de fer de ce métier, mais
offrant des intervalles vides, et dont lps aiguilles, susceptibles
par un déplacement .longitudinal à crémaillère horizontale
de couvrir les aiguilles fixes ou à crochets de la grande/o/itore,
permettaient, par un jeu facile des pieds et des mains, de
cueillir, accoupler diversement les mailles entre elles, bien
mieux, disent les Commissaires, de fabriquer des tricots
doubles; les mêmes, sans doute, qui furent peu après per-
fectionnés par le bonnetier Germain, de Paris, mais qu'il ne
faut pas confondre avec 'ceux que depuis on a nommés fricots
sans envers, tricots dont en réalité/ comme nous le verrons,
on s'est occupé beaucoup plus tard, vers les premières années
de ce siècle.
Le nom de l'inventeur- anglais imité par Caillon n'étant
point indiqué dans le Rapport de Desmarest, il est seulement
permis de soupçonner que la mécanique accessoire qu'il men-
tionne avait été empruntée à Thomas Taylor, dont la pa-
tente, de mai 1778, indique effectivement un châssis pliant *
adapté sur le devant de l'ancien métier à l'instar de celui de
Strutt qui sert à fabriquer les côtes, et comportant une
barre à aiguilles élargies, non loin de leurs bouts effilés, de
manière à pouvoir couvrir un ou deux des crochets d'aiguilles
fixes de la grande fonture : les 'allées et venues transversales
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426 VT JURY.
de cette barre munie de plombs à aiguilles isolément retenus
par des vis , y sont également produites par une portion de roue
dentée qui la fait marcher de droite ou de gauche, au moyen
d'une petite portion de crémaillère horizontale appliquée en
dessous de la même barre, dont les bouts effilés d'aiguilles
servaient aussi à transporter de l'un des crochets à l'autre les
plis ou mailles de la grande fonture, de manière à former à
volonté des pleins ou des jours dans le tissu.
Ce sont probablement ces mêmes mécaniques accessoires
que l'on voit figurer au Conservatoire des arts et métiers de
Paris, dans un assez fâcheux état de fonctionnement, sous
le nom d'un sieur Bastide, mécanicien très-habile de Paris , le
même sans doute qui , vers - 1 785 , fut chargé par l'Académie
des sciences de compléter son cabinet de modèles, renfer-
mant déjà, à ce qu'il parait, un certain nombre de métiers à
tricots ou à bas avec ou sans côtes1. ,
Quant au nommé Hammond , qui le premier, d'après un
conte populaire rapporté par l'Anglais Mac-Culloch2, aurait
fabriqué sur l'ancien métier à bas un tricot à mailles coulantes
1 Un autre Rapport fait en août 1 806 par Desmarest à la HP classe de l'Ins-
titut, sur un nouveau métier à fabriquer les bas à côtes dû à M. Bellemère,
semble en effet justifier cette supposition ; mais en attribuant la première
idée du métier de c*ette espèce à Sarrasin, de Lyon, cet académicien parait
confondre dans ses souvenirs la mécanique additionnelle de ce genre de
métiers avec celle de Caillou , sur laquelle, en effet, il avait fait un Rapport
approbatif, déjà cité, dans la séance de janvier 1779. À défaut de docu-
ments plus précis, il n est guère permis de prononcer affirmativement sur
l'origine des métiers propres au serrurier Bastide, et dont il paraît d'ailleurs
ne rester aucune trace dans les archives du Conservatoire de Paris, qui
depuis la chute du premier Empire a été soumis, par ignorance, indiffé-
rence ou autrement, à une sorte de vandalisme réformateur, dont je ne
manquerai pas de signaler au fur et à mesure les regrettables effets, et dont
un des plus fâcheux sans aucun doute, à l'égard des métiers encore subsis-
tants, est la disparition même des échantillons divers de tissus qui accom-
pagnaient autrefois chacun des modèles exposés. À l'égard du Rapport de
M. Desmarest, on le trouvera reproduit à la page 64 du tome V du Bulletin
de la Société à* encouragement.
1 Rapport de M. Aubry sur les tulles, broderies et dentelles, ressortant
du XIX* Jury de l'Exposition universelle de Londres.
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MACHINES ET OUTILS. 427
imitant soi-disant la dentelle, il suffit de remarquer qu'il
n existe dans le catalogue officiel anglais aucun patenté de ce
nom, et que la première patente où il soit question de jours
obtenus sur ce même métier par l'addition d'un second rang
d'aiguilles mobiles a été prise en commun, le 28 mars 1764,
par Thomas et John Morris d'une part, par John et William
Betts de l'autre, qui se sont livrés plus tard, et séparément, à
des perfectionnements indiqués dans d'autres patentes que je
n'ai point non plus sous la main, mais qui doivent avoir plus
ou moins d'affinité avec celle du Thomas Taylor déjà cité, et
mal à propos confondu avec un certain William Taylor, plus
anciennement constructeur de métiers à bas ordinaires dans
la ville même de Nottingham, mais dont la patente, datée de
juin 1765, ne comporte dans son énoncé rien qui ait trait
aux tricots à jours ou ornementés.
La première tentative de ce genre, d'ailleurs fort compli-
quée , parait en effet appartenir à Peter Brotherston , gentil-
homme écossais de la ville de Leith, qui, dans une patente de
juin 1774 , appliqua le système de la tire lyonnais au métier à
bas ordinaire, pour opérer le basculement des tondes et pla<-
tines à cueillir, suivant l'ordre réclamé par le dessin ou
l'échappement des mailles. Mais cette tentative n'aura eu pro-
bablement qu'un médiocre succès en Angleterre, à cause des
embarras causés par l'addition de la tire aux anciens métiers,
et l'on aura été conduit, vers 1781 et 1784, àpréférer les
combinaisons plus simples proposées par Thomas et Robert
Frost, dans lesquelles on se servait d'un cylindre d'orgue infé-
rieur, muni de dessins en relief pour repousser un système
de tiges glissantes et verticales, à sommets fourchus, servant à
soulever séparément le bec antérieur des aiguilles à crochets,
montées sur un rang de platinettes pivotant dans des plans
verticaux , mais dont il me serait impossible , à cause de l'obscu-
rité des textes, de donner une idée plus précise. Mon but
est ici seulement d'appeler l'attention sur une combinaison
qu'on a vue plus tard se reproduire dans les métiers à chaîne
et platinettes mobiles isolément, métiers sur lesquels je me
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propose de revenir d'une manière plus spéciale dans les para-
graphes du chapitre ci-après qui sont relatifs aux tricots à
réseaux et aux tulles brodés.
Dans celui-ci, comme dans le suivant, je dois me borner à
ce qui concerne les modifications , additions ou perfectionne-
ments divers qu'on a fait subir au métier à tricot proprement
dit, à simple trame bouclée et produisant par là même des
tissus essentiellement déformables et élastiques, d'après des
combinaisons employées jusqu'en 181 5 ou 1816 dans notre
pays , qui , dans l'intervalle agité de 1 790 à 1801 , s'était si mal-
heureusement laissé devancer par là Grande-Bretagne. Car le
métier pour lequel les bonnetiers Jolivet et Cochet, de Lyon,
prirent dès juillet 1791 un brevet d'invention, inséré à la
page 8g du lomc II de la Collection imprimée, et qui avait
pour but la fabrication des bas ondes, de tricots dentelles à
mailles fixes, à jours, etc., nulle part je crois définis, ce mé-
tier, malgré son utilité pratique et les incontestables services
qu'il a rendus à l'industrie nationale, ne peut être considéré
comme offrant un caractère spécial de nouveauté au point
de vue mécanique, puisque déjà, suivant le témoignage de
Roland de la Platière \ Jolivet s'était associé précédemment
à Sarrazin pour des perfectionnements analogues appliqués à
l'ancien métier à bas. Il s'agissait Jà, en effet, d'une méca-
nique additionnelle à jeu d'aiguilles interrompu, semblable
à celle du métier à côtes, mais dont les aiguilles à petits becs,
portant leur châsse ou creux en dessous, servaient non à
renverser certains groupes de mailles, mais à produire des
échappées de mailles, à former des brides ou filoches, accro-
chées diversement pour la production des jours et des par-
ties lisses ou brillantes du bas, le surplus de l'opération ne
consistant d'ailleurs. que dans des tours de main, dans des
artifices ou manœuvres diverses ressortant de la pratique
même du métier.
1 Supplément au tome II de l'Encyclopédie méthodique (Arts et manufac-
tures) , pages 60 et suivantes, dont on trouvera une analyse succincte dans
l'une des notes ci-après , ainsi que j'en ai précédemment averti.
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MACHINES ET OUTILS. 429
La preuve que, tout en créant un produit nouveau et fort
intéressant, MM. Jolivet et Cochet n'avaient nullement pré-
tendu innover en fait de mécanique, c'est qu'ils n'ont joint
aucun plan ou dessin descriptif à leur brevet.. La même
remarque doit être appliquée au brevet de perfectionnement
et d'addition que ces fabricants bonnetiers prirent, sous la
date du 28 avril 1799 *» ^ dans lequel ils se servent d'une
seconda fonture mobile ou barre antérieure additionnelle,
d'aiguilles à longues châsses, recoudes, becs et talons, pour
retenir et transporter les mailles, indépendamment de la
grande fonture fixe du métier, portant un double rang d'ai-
guilles superposées à châsses et crochets distincts, ou un
simple rang d'aiguilles à deux châsses ou crochets opposés,
et qu'une presse à deux lames diversement taillées servait à
fermer dans l'ordre exigé par la nature du tissu à jours; la
double maille fixe s'opérant ici par un croisement et une
répétition du jeu de la machine, que je n'essayerai pas de
décrire, et aux produits desquels on a mal à propos quelque-
fois donné le nom de tricots, de tulle à maille nouée, bien
que, coupés en divers sens, ils ne pussent aisément s'effiler,
et qu'ils résistassent jusqu'à un certain point au lavage.
Des réflexions analogues peuvent s'appliquer aux métiers
et procédés mécaniques employés par MM. Jourdan père. Qjt
fils, à Lyon (1802), Moor et Ârmitage, à Paris (180A),
fionnard père et fils, à Lyon (1806) *, Legrand et Bernard,
1 Ancienne Collection, t. V, p. 5i à 55; sans figures.
1 MM. Bonnard, dans leur brevet (t XIV, p. i53) ayant pour objet
l'imitation du tulle noué d'Angleterre, qui se distingue des précédents par
Temploi d*une ensouple distributrice des fils de chaîne, attribuent l'inven-
tion du métier à bas à mailles fixes à un sieur Josserand, sans doute de
Lyon, vers f année 1781 (voy. la p. i56), et le considèrent comme géné-
ralement en usage à l'époque de 1 806 ; mais il y a là quelque erreur de date
ou de nom, si fréquente dans les traditions d'ateliers. Cela prouve seule-
ment que le procédé mécanique de Jolivet et Cochet ne jouissait pas, même
dans la ville précitée, du caractère de nouveauté qu'on lui a attribué, et
qu'il dérivait plus ou moins directement de ceux des Anglais, déjà imités,
comme on Ta vu, par leurs prédécesseurs Caillou, Sarrasin, Germain et
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430 VP JURY.
à Paris (1808), Pierre Coutan (1808), Pouillot, Fayolle et
Hullin, à Paris (1809)* Louis et Louyet, de la même ville
(1810), Derassy, à Lyon (1811), etc., qui, les uns après les
autres, s'ingénièrent, avec plus ou moins de succès, à fabri-
quer des tricots à jours unis et façonnés nommés toile noué,
tricot de Berlin, tricot <ï abeille, toile d'araignée, etc. à l'imi-
tation des Anglais, dont les produits en ce genre inondaient
alors notre pays, malgré le blocus continental, précédé, je le
rappelle à dessein, d'un état de paix transitoire qu'ont pu
mettre à profit nos constructeurs de métiers, en bravant les
défenses plus que sévères de nos voisins.
D'après les motifs ci-dessus, il serait sans doute superflu
d'analyser les brevets, prétendus d'invention, délivrés aux
industriels français que je viens de citer, brevets manquant
la plupart, comme ceux de MM. Jolivet et Cochet, de dessins
descriptifs, ou qui n'offrent que l'application, plus ou moins
heureuse, d'organes mécaniques déjà connus à la production
de tissus nouveaux et variés. Cependant, je dois ici le faire
remarquer, les brevets de MM. Bernard et Legrand 1 , Pouillot,
Fayolle et Hullin 2 et quelques autres pris en noms collectifs
que je n'ai point cités 5, comportent une roue latérale de va-
riation pour le dessin, analogue à celle dont il a déjà été
parlé à l'occasion des machines à broder, et dont la couronne
est armée de vis servant à repousser d'une, de deux, de trois
largeurs d'aiguilles ou de mailles, l'équipage à coulisse hori-
zontale avec contre -poids ou ressorts de recul des châssis
supports de la mécanique accessoire, de manière à doubler
ou dédoubler les mailles, former les brides et échappées, les
Rivey, alors mis en oubli, mais dont .peut-être les métier» n'avaient jamais
fonctionné d'une manière entièrement satisfaisante ou commerciale.
1 Collection des brevets expirés, t. V, p. 43 (3i mars 1809).
* Ibid. p. 65, pi. 10 (2 juin 1809). Je ne connais pas de brevet fran-
çais antérieur où la roue à vis latérale pour varier les dessins ait été repré-
sentée; mais, bien qu'elle figure ici dans sa simplicité primitive, ce n'est
point un motif pour en attribuer la conception aux auteurs cités.
3 Brevets du 3o mars 181 1, t. VI, p. 1 £7, et du 1 3 juin suivant, t XIX,
p. 3o4.
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MACHINES ET OUTILS. 431
entoilages ou vide* alternatifs que réclame le dessin, en avan-
çant à chaque fois d'un cran la roue à vis, à cet effet munie
d'un rochet à déclic, etc. Mais nous verrons dans le- chapitre
suivant que cet ingénieux appareil est antérieur de beaucoup
à l'époque de 1809, où MM. Bernard, Legrand et autres s'en
servaient des premiers en France. Cela prouve tout au plus
que dans les premières années de ce siècle on avait sinon
rétrogradé, au moins perdu de vue l'usage qu'on pouvait en
faire dans la fabrication des tricots façonnés.
Je n'ai point non plus, dans ce qui précède, mentionné la
mécanique accessoire au métier à bas pour laquelle MM. Gillet
et Jourdant (Gabriel), de Bruxelles, ont pris, au mois d'oc-
tobre 1812 , un brevet d'invention de dix ans1, parce que cette
mécanique, qui comporte un cylindre d'orgue à repous-
sement d'aiguilles, adapté à la partie inférieure du métier à
bas, me semble une véritable importation anglaise d'une ma-
chine qui offre le perfectionnement des anciennes inventions
de Thomas et Robert Frost, dont j'ai précédemment parlé,
et qui ne paraissent pas s'être propagées en France; d'au-
tant que les descriptions contenues dans ce brevet étaient
vraiment insuffisantes pour en faire saisir le jeu et apprécier
l'utilité à une époque où, repoussant tout moyen de solution
analogue pour le tissage des façonnés, Jacquart et d'autres
tentaient, en France, de revenir aux anciennes idées de Falcon
et de Vaucanson.
1 Collection imprimée, t XIV, p. 169.
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432 VT JURY.
S IV. — Des métiers à bu automates ou tricoteurs français, droits et cir-
culaires. — Suppression des ondes par Moisson. — Mobilisation de la
grande fonture d'aiguilles; distributeur automate des ûls; roues à ailettes
cfabatage, à manivelles, cames, balanciers et leviers, servant à la fabri-
cation de tricots divers, par MM. Dautry et Viardot, MathU et Boitems,
BeUemere, Ckecrier, Aubert et Jeandeau, Favreaa et Tkiébatdt, etc. —
Métiers à roues mailleuses, presseuses, etc. par MM. Julien Leroy, An-
drienx, Braconnier, GUlet et Coquet, Donine et autres. — MM. Carter.
JVkitwortk, LaneaviUe, Clamssen, Jacquin et Bertkelot à l'Exposition uni-
verselle de Londres.
Avant de terminer ce qui concerne les métiers à tricots
proprement dits, il me reste à parler de* tentatives qui ont
été faites, principalement dans notre pays, pour faire subir à
ce genre ancien de machines des simplifications ou trans-
formations ayant pour objet essentiel, soit de diminuer la
fatigue corporelle des ouvriers, soit de faire fonctionner ces
machines d'une manière parfaitement continue et automa-
tique; ce qui est d'autant plus remarquable que, contre toute
prévision naturelle, on y avait fort peu songé en Angleterre,
le pays de la filature et du tissage mécanique par excellence,
du moins si Ton n'entend pas parier des machines à fabri-
quer, imiter les tissus à mailles, nommés tulles ou dentelles,
qui feront l'objet du chapitre ci-après, et dont la découverte,
les tentatives obstinées de perfectionnements, constituent
aussi l'une des principales gloires de ce pays dans l'appropria-
tion des matières textiles à nos besoins divers.
Malgré tout l'intérêt qu'elles comportent, je rappellerai
seulement pour mémoire : les tentatives déjà mentionnées
du chanoine Moisson, de la ville d'Uzès, en vue de supprimer
dans les métiers à bas l'équipage des ondes à platines, tenta-
tives auxquelles Chaptal et d'autres ont accordé des éloges,
mais dont on ignore , au fond , le véritable principe 1 ; les chan-
1 Le Supplément au tome II de l'Encyclopédie méthodique (Arts et i
factures) rapporte dans f Appendice, à l'article Bonneterie, page 60, un
extrait des papiers publics de mars et avril 1785, où on lit : «M. Moisson,
< chanoine d'Uxès (et non pas d'Alais, comme le dit Chaptal dans son ou-
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MACHINES ET OUTILS. 433
gements et perfectionnements divers apportés à l'ancien
métier à bas par MM. Dautry et Viardot (1802, 180A et
• vrage sur Y Industrie française) , a réduit le métier à bas i 16 livres pesant,
• 1 pied de baut, etc. Il opère comme les autres, quoiqu'on en ait supprimé
«les deux systèmes de platines et de pièces nombreuses qui contribuent à
• leur jeu, etc.» Roland de la Platière ajoute que, malgré les récompenses
accordées par le Gouvernement au nouveau métier, il ne s'agissait là encore
que d'espérances.
Plus loin, on lit que les métiers à côtes, venus d'Angleterre vers 1788
et comportant deux presses et deux rangées d'aiguilles , étaient plus simples,
plus expéditifs que la mécanique ajoutée par Sarrazin au métier à bas,
parce qu'on y avait supprimé, comme l'avait tenté M. Moisson, les ondes,
remplacées par deux systèmes de platinés distinctes à cueillir, jouant, pour
égaliser les mailles, par un double levier et une marche qui fonctionnaient
avec d'autant plus d'aisance, qu'on y avait supprimé aussi la double rangée
d'aiguilles et la double presse, etc.
Le même article additionnel de Y Encyclopédie mentionne aussi, parmi
les métiers que le Gouvernement avait fait venir d'Angleterre vers 1787 et
soumis au jugement de M. Desmarest, de l'Académie des sciences, un
métier déjà ancien, fabricant les tricots fourrés au moyen d'une mécanique
additionnelle, et des métiers à chaîne pour tricot, à mailles obliques, c£une
grande simplicité, parce qu'on n'y avait conservé de l'ancien métier que
les aiguilles et la presse, en y ajoutant un râteau pour déplacer les fils de
droite à gauche; mais, dit le rapporteur, le métier analogue du sieur Sar-
razin en approche beaucoup, s'il ne lui est préférable. A l'égard du métier
à maille jure ou arrêtée, venu également d'Angleterre, on avait, ajoute encore
Desmarest, à peu près l'équivalent dans les métiers Germain et Sarrazin,
où la manœuvre du râteau pour déplacer les mailles était plus facile,
plus précise et plus régulière, outre que les tricots offraient plus d'élasti-
cité et de souplesse.
Des modèles de ces divers métiers, parait-il d'après l'article assez diffus
que j'analyse, furent proposés ou envoyés, en mars 1787, à Lyon parti-
culièrement; mais on s'y prononça en faveur des métiers analogues de
Jolivet et de Sarrazin , dès lors fabricants bonnetiers de cette ville.
Enfin, je ferai encore remarquer que, au commencement du même
article, Roland de la Platière accorde de particuliers éloges à ces mêmes
fabricants, ainsi qu'aux sieurs Germain et Gantoo , de Paris, pour des sim-
plifications et perfectionnements qu'ils avaient apportés au métier à bas à
chaîne tendue; ce qui ne l'empêche pas <f ajouter immédiatement après que
le Gouvernement a accordé de spéciales récompenses aux sieurs Ganton et
Sarrazin, après s'être fait éclairer sur les inventions qui pouvaient leur
appartenir. Si Ton ne connaissait déjà Roland de la Platière, il y aurait
ti* Jtr?T. — a* rtitTiR. 58
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434 VI' JURY.
1 806 ) *; les métiers à tricots fourrés de MM. Mathis et Boiteux
(i8o4), imités de ceux des Anglais, mais bientôt tombés en
oubli et pour lesquels néanmoins le premier avait déjà obtenu
des encouragements pécuniaires du Gouvernement français eo
1792 et 1793; les métiers à bas et à côtes de M. Bellemère
(1806 ), combinaison de l'ancien métier attribué à Sarrazin,
de Lyon, et de certains métiers anglais à fonture d'aiguilles
mobiles et cueillage à bascule pour la première moitié des
plis; le métier à double balancier de M. Favreau (1806),
dans lequel fa grande barre à aiguilles est également rendue
mobile par un mouvement d'avance et de recul horizontal,
qui dispense de faire mouvoir l'équipage entier des plati-
nettes, etc.; un second métier, du même (1811), à l'aide du-
quel on peut fabriquer deux bas à la fois, par un simple
mouvement de manivelle appliqué à un équipage latéral de
roues dentées intérieur au métier et dont les arbres horizon-
taux sont munis de mentonnets ou cames; le métier de bas
à mailles fixes avec roue de division latérale pour les jour,
parChevrier, de Paris, qui, d'après le Rapport de MM. Molard
etBardel à la Société d'encouragement (1807), aurait le pre-
véritablement lieu d'être surpris du peu d'éclaircissements contenus dans
ce long article, relativement aux métiers à chaîne anglais et français, sur
lesquels il plane aujourd'hui même une sorte de mystère , comme on le
verra dans le Chapitre ci-après.
1 On remarque aujourd'hui dans Tune des galeries du Conservatoire des
arts et métiers un très -petit métier en fer à tricot circulaire, suspendu à
une verge supérieure, et qui porte, sans date ni indication d'origine , 1«
nom du mécanicien Dautry. Mais quelle que fût l'habileté de cet artiste,
appartenant à la ville de Paris, on ne saurait lui attribuer la première idée
de ce genre de métier, pour lequel, ainsi qu'on le verra ci-après, M. An-
drieux, également de Paris, a été le premier breveté. Outre que, à ma
connaissance, Dautry n'a jamais été breveté, on sait par ce qui en a été dit
au tome Iw, page 33 , au tome IV, page a 55 9 et au tome VII , page s36, du
Bulletin de la Société d'encouragement, qu'il s'était principalement occupé, de
i8o3 à 1808, de faire subir au métier à bas rectiligoe des transformations
à la vérité ingénieuses, mais qui, je crois, n'ont laissé aucune trace utile,
et parmi lesquelles se faisait surtout remarquer la disposition verticale de
divers équipages placés les uns au-dessus des autres sur deux tiges de fer
très-fortes, solidement établies, etc.
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MACHINES ET OUTILS. 435
mier introduit en France la fabrication mécanique des bas
à mailles fixes, coloriés et façonnés, sur un métier pour le-
quel il se fit breveter le 5 novembre 1812 1; enfin les deux
métiers d'Etienne Favreau servant à fabriquer les tricots sans
envers (1820 et i8a3)2, au moyen d'un double jeu d'ai-
guilles à crochets simples, ou d'un seul rang d'aiguilles à
crochets doubles , fonctionnant au moyen d'un peigne à dents
ou pointes simples pour assurer le passage alternatif des mailles
d'un système de crochets à l'autre, sans aucun doute par imi-
tation du retournement de chaque rang de mailles dans le
tricotage à la main, et probablement aussi de ce qui avait
été pratiqué déjà dans les anciens métiers à bas français, où
le mécanisme des ondes était supprimé et remplacé par des
combinaisons diverses.
Je n'ai pas mentionné, dans* cette énumération rapide, la
tentative faite en 18205 par M. Cochet (Joseph-Marie), bon*
netier à Lyon , pour l'application d'un arbre inférieur à cames
et manivelle au métier à tricot, dit à la Jolivet et à la Sar-
razin; métier dont, comme on l'a vu, la barre à aiguilles ou
de la grande fonture est mobile de l'arrière à l'avant, au lieu
d'être fixe, ainsi que dans les anciens métiers à bas : car non-
seulement cette application, fort grossièrement indiquée dans
le brevet, est de beaucoup postérieure à celle des mécaniciens
Àubert et Favreau; non-seulement elle est accompagnée du
prompt usé des crochets d'aiguilles glissant contre l'arête
aiguë de la barre à presser; mais encore elle n'offre, au point
de vue mécanique, aucune particularité qui la distingue d'une
manière essentielle, d'autant qu'on n'y aperçoit nullement le
1 Ancienne Collection imprimée, t. VII, p. i38, pi. 9.
* Le tome XIX, page 57, planche 189, et le tome XXIII, page 3,
planche 2 56, du Bulletin de la Société cC encouragement contiennent la des-
cription, par M. Hoyeau, de ces derniers métiers de l'honorable Favreau,
mécanicien de Paris, dont le début date de 1773, et qui, victime, comme
Grégoire, de Nîmes, d'une active et infatigable imagination, reçut, à l'âge
de quatre-vingt-douze ans seulement une pension annuelle de 800 francs.,
également prélevée snr la fondation Bapst.
3 Brevets imprimés, t. XXI, p. 95, pi. ih.
38.
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436 VI- JURY.
mécanisme à l'aide duquel se fait la distribution et la cueille
du fil sur les aiguilles.
J'ignore absolument quelles traces ont laissées dans l'indus-
trie ces divers métiers ou machines, qui, en vue d'établir
contre les fabricants anglais une lutte alors devenue impos-
sible par l'oubli des anciennes traditions, ont si vivement
préoccupé, au commencement de ce siècle, la r?* classe de
l'Institut de France, à laquelle MM. Coulomb, Perrier et Des-
marest servaient d'interprètes ou de rapporteurs, puis subsé-
quemment la Société d'encouragement, dont les Bulletins con-
temporains ne contiennent malheureusement pas tous les
éclaircissements ou indications historiques nécessaires pour
caractériser la valeur et la nouveauté de chaque combinaison.
A l'exception de celles du métier à manivelle de Favreau et
du métier à maille fixe de Chevrier, aucune, à ma connais-
sance, de ces combinaisons n'a en effet été, de la part de
leurs auteurs, l'objet de brevets d'invention ou de perfec-
tionnement; ce qui semblerait bien indiquer que la plupart
des procédés mécaniques dont il s'agit étaient depuis plus
ou moins de temps tombés dans le domaine public, et ne
concernaient que de simples applications ou modifications de
procédés déjà bien connus et répandus dans les ateliers.
A l'égard du système à manivelle appliqué par le mécani-
cien Favreau à l'ancien métier à bas , il comportait une com-
binaison de pièces nombreuses, compliquées, et dont la plus
intéressante par sa nouveauté consistait dans le mode d'ap-
provisionnement et de distribution automatique du fil sur les
aiguilles , au moyen d'un chevalet curseur à tube de suspen-.
sion offrant, dans ses allées et venues alternatives, une cer-
taine analogie avec le mécanisme de l'ancien chevalet à chute
de platines, déjà imité, dans un but semblable, parMM.Moor
et Armitage, de Paris. Par des perfectionnements apportés au
métier à bas ordinaire et moyennant diverses combinaisons ou
jeux d'aiguilles , de peignes à râteaux empruntés aux machines
anglaises, ces derniers artistes prétendaient imiter le réseau de
dentelle à l'aide d'une succession d'opérations qui n'offraient
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MACHINES ET OUTILS. 437
d'ailleurs aucun des caractères automatiques présentés par le
métier à rotation continue dont il vient d'être parlé, et pour
lequel , en effet , il a été délivré , le 8 mars 1 8o5, à MM. Etienne
Favreau et Louis Thiébault aîné, de Paris, un brevet d'inven-
tion de quinze ans 1, véritable point de départ du métier à
deux bas également cité, le même enfin qui, après avoir été
favorablement accueilli en 1811 par l'Institut pour ses utiles
perfectionnements, fut déposé au Conservatoire des arts et
métiers, où, si je ne me trompe, il existe encore, mais sans
nom d'auteur.
A la vérité, Favreau avait été devancé, pour la production
d'un métier à tricot automate et à manivelle, par le mécani-
cien Aubert, de Lyon, qui obtint une médaille d'or et 6,000 fr.
de récompense à l'Exposition nationale de l'an x (i8o3);
mais ce dernier métier, bien qu'il ait fortement excité l'atten-
tion du public, n'accomplissait, dit-on, que quatre mouve-
ments au lieu de douze, et ne produisait que du tricot à chaîne ,
dont il ne saurait être ici encore question2.
1 Collection imprimée, t VIII, p. 1 4a , pi. 2 1 . Le métier i distributeur de
fils de MM. Moor et Armitage est décrit à la page 162 du tome III du même
recueil, et porte la date du 21 février i8o4; mais il n'a que des rapports
fort éloignés avec celui du mécanicien Favreau.
' Bulletin de la Société d'encouragement, t. Pr, p. 33, et t. VIII (1809),
p. 237. On y lit seulement que le métier de M. Aubert, déposé au Con-
servatoire de Paris, comportait trois barres mobiles : Tune, à aiguilles hori-
zontales, servant à recevoir les fils; l'autre, à platines verticales munies de
crochets pour l'abatage, etc.; la troisième, à platinettes verticales percées,
pour recevoir les fils de la chaîne, et animée, comme la seconde, d'un
déplacement alternatif et latéral réglé par une roue de divisions i vis; ces
déplacements , ainsi que celui d'avance et de recul alternatifs de la barre à
aiguilles, étant produits par trois leviers oscillant sous l'action de cames
adaptées à l'arbre inférieur d'une manivelle. C'est ce système que l'auteur
a perfectionné en 1809, et pour lequel il a pris, en 1819 seulement, un
brevet de cinq ans, publié au tome XI, page 292, de la Collection impri*
mée, dont les descriptions purement verbales sont insuffisantes, .d'ailleurs,
pour faire apprécier le mérite et le caractère de nouveauté du métier, par
rapport aux plus anciens de la même espèce.
Toutefois, cette observation ne porte que sur la disposition particulière
du mécanisme articulé des différentes barres, et nullement sur l'antériorité
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438 Vr JURY.
Tandis que le jury de Tan x décernait une médaille d'or
au métier du mécanicien Aubert, de Lyon, il n accordait
qu'une simple mention honorable au métier à bas de M. Jean-
deau, de Liancourt, également remarqué du public1 pour le
caractère original «de solidité et de simplicité des divers méca-
nismes, dont les fonctions, si elles ne s'accomplissaient point
d'une manière continue et automatique , offraient néanmoins
des particularités essentielles, mises depuis à profit dans
d'autres machines ou tricoteurs continus. Dans ce dernier mé-
tier, breveté en mars (i8o3)2, le système ancien des platines
à ondes destinées à cueillir, à plisser le fil par leurs chutes
successives, se trouvait remplacé par un ingénieux équipage à
chariot, poussé à la main le long d'une coulisse en cuivre,
placée au-dessus de la rangée horizontale d'aiguilles à crochets
ordinaires et portant de petites roues à ailettes obliques qui,
dans leur rotation alternative, l'une pendant l'allée, l'autre pen-
dant le retour du chariot, servaient à abaisser progressivement
le fil jeté à la main sur le corps des aiguilles , tout en les fai-
sant glisser latéralement sous les crochets, que fermait, à la
fin de chaque course, une presse à platines d'un caractère
tout particulier.
Tel est en effet, si je ne me trompe , avec le système à mani-
velle et à tube distributeur de Favreau, le point de départ d'une
succession de machines à tricots que, à partir du métier droit
d'application qu'on aurait faîte du mouvement continu ou automatique aux
métiers à tricot en général ; car il est incontestable que les Anglais nous ont
précédés à cet égard comme à tant d'autres, ainsi qu'on peut s'en con-
vaincre par la patente délivrée en 1 791, sous le n° i8so, à William Dawson,
fabricant d'aiguilles à Nottingham, poufi, une machine à chaîne et à cintre
marchant aussi par la rotation imprimée à une manivelle établie sur un
arbre coudé supérieur, et avant pour objet la production de tricots à jour
de dénominations diverses, sans en excepter même les tulles, les bas, la
dentelle, également énumérés, selon la constante habitude des patentés
anglais» qui craignent toujours d'omettre quelque application possible ou
impossible de leurs découvertes.
1 Bulletin de la Société a* encouragement, t. XXXIII, article déjà cité.
* Collection imprimée, t. II, p. aoo.
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MACHINES ET OUTILS. 439
de l'horloger Julien Leroy, de Paris (1808), qui l'appela trico-
teur français l , nous avons vu surgir en France ; machines
toutes fondées sur l'ingénieux principe des roues mailUuses,
presseuses, etc., dont, un peu plus tard (i8i5, 1819 et 1821),
M. Ândrieux, autre habile mécanicien de Paris, fit l'heureuse
application à un tricoteur circulaire sans fin, marchant par ma-
nivelle autour de l'arbre central de la machine2, perfection-
née encore, dans ses organes ou dispositions fondamentales,
par un grand nombre d'autres mécaniciens français, très-
habiles, au nombre desquels se distinguent principalement
MM. Braconnier (i834)> Gillet et Coquet (i845), Donine
(i846), Berthelot ( i85o), appartenant presque tous à la ville
de Troyes, si célèbre pour la fabrication de la bonneterie, et
où l'on est parvenu , grâce aux derniers perfectionnements de
M. Jacquin et d'autres, à faire produire au métier circulaire,
par le moyen d'une roue de presse à dents ou platinettes mo-
biles, des ornements ou dessins divers sur les tricots jusque-
là obtenus par dés dispositions plus simples s.
Malheureusement, comme on sait, ce genre de fabrication
des tricots en nappes cylindriques et continues a l'inconvé-
nient de ne pouvoir s'accommoder à la plupart des usages
1 Collection imprimée, t. X, p. 209.
5 Ibid. t. XX, p. 300, pi. 12, et t. XIX, p. 3i, dont les planches 10
et 11 sont spécialement relatives a la fabrication de certains tissus de
laine au moyen d'un métier pour lequel M. Andrieux, il faut le dire,
avait été devancé par MM. Pinet, Demenon, Fabre et Pontus, à Paris f
qui prirent en commun, le 93 octobre 1818, pour un tricoteur français,
un brevet de perfectionnement tenu secret pendant quinze années, et of-
frant, en effet, un grand nombre de perfectionnements ingénieux et très-
importants. (Voyez le tome XXVII, page 84, planche 1 4, de la Collection
des brevets expirés.)
3 Pour les développements indispensables, et que mérite certainement
l'importance de plus en plus appréciable de cette nouvelle branche d'in-
dustrie mécanique relative aux arts textiles, je renverrai à l'excellent et
consciencieux article historique inséré par M. Armengaud aîné aux pages 3g3
à 43 1 du tome VII (i85i) de sa Publication industrielle, où se trouvent par-
ticulièrement décrits les«iétiers à tricot circulaire récents de MM. Fouquet
et Motte, Jacquin et Berthelot, de Troyes.
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440 Vf JURY.
vestiaires sans exiger un découpage et des remmaillages où
coosages ultérieurs , défavorables à la solidité comme à l'élasti-
cité du tissu , et qu'on m rencontre pas au même degré dans les
bas obtenus sur le métier droit à ondes et platines ordinaires,
où les rétrécissements, les renversements de mailles, s'opèrent
avec une très-grande facilité et sans rien changer, pour ainsi
dire, au mode ordinaire de fabrication. Ce fait suffit seul pour
expliquer comment, malgré l'état de perfection des nouvelles
machines, les fabricants de bas en particulier s'en tiennent
généralement encore à cet ancien et admirable métier, d'ail-
leurs si fatigant pour l'ouvrier, si nuisible à sa santé par
l'exercice continuel des muscles pectoraux , employés à faire
avancer et reculer alternativement l'équipage à chariot des
platines à ondes, etc. On conçoit aussi comment ces mêmes
fabricants ont constamment résisté à se servir des remarquables
combinaisons présentées, anciennement déjà, par les Jean-
deau, les Viardot, les Bellemère, les Favreau, etc. , qui, il faut
bien le dire, ne présentaient, au point de vue économique de
la fabrication des bas, aucun des avantages que les bonnetiers
trouvent aujourd'hui dans l'emploi des métiers circulaires
pour la fabrication d'objets moins compliqués de forme, tels
que bonnets, jupons, gilets, camisoles, caleçons, etc.
L'Exposition universelle de Londres contenait un certain
nombre de machines intéressantes appartenant à la catégorie
qui nous occupe, parmi lesquelles le VIe Jury a plus particu-
lièrement distingué : celles de MM, Carver père et fils, de
Nottingham, dans le système ancien ou ordinaire, mais d'une
construction et d'un fini vraiment remarquables; une petite
machine de MM. Whitworth, de Manchester, servant à tricoter
la laine d après un principe originaire d'Amérique, et qui
consiste dans l'emploi d'un arbre moteur à manivelle, muni
de cames fermées qui donnent le mouvement à autant de
petitçs bielles exécutant une à une les mailles du tricot. Cest,
comme le fait remarquer M. Willis dans son Rapport sur l'Ex-
position de Londres, un spécimen de Habileté des construc-
teurs anglais , et qui n'avait pour pendant que le petit métier
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MACHINES ET OUTILS. 441
à tricoter les bourses présenté par M. Laneuville, de Paris,
dans le compartiment des machines françaises.
Les deux métiers à tricot circulaire exposés par M. Claussen,
de Londres, et les trois métiers semblables de M. Jacquin, de
Troyes, tous établis sur le principe des roues tournantes à
cueillir et abattre, ont particulièrement attiré l'attention du
Jury par le fini de l'exécution et l'identité pour ainsi dire abso-
lue de la constructiod.
La machine à tricot circulaire et cannettes verticales alimen-
taires exposée par M. Berthelot, de la même ville de Troyes,
se distinguait des précédentes par un caractère particulier de
solidité, des combinaisons toutes spéciales dans la disposition
horizontale du mécanisme; la mailleuse ordinaire étant ici
remplacée pat1 une couronne mobile, concentrique à Taxe,
ondulée en dessus et opérant le plissage et le cueillage du fil
au fur et à mesure de la distribution , par l'abaissement de
platines qui le poussent et le maintiennent sous les becs jus-
qu'après le passage de la roue presseuse, c'est-à-dire jusqu'à
l'instant où la maille du tricot vient à s'abattre sur la maille
nouvelle ou inférieure. Cette disposition caractéristique per-
met d'ailleurs d'employer sans préparation particulière les
fils de lin et de soie, de faire usage de roues de presse à
dentures interrompues pour varier les dessins à volonté, et
notamment de serrer et desserrer, aussi à volonté, les plis et
les aiguilles, chose difficile dans les machines précédentes.
Enfin M. Jouve, de Molenbeck (Brabant), présentait, parmi
une variété dkutres machines sans rapport direct avec celles
qui ressortent du VIe Jury, un petit métier circulaire pour
la fabrication des tricots en laine et coton, disposé, si je ne
me trompe, d'après le système pour lequel ce mécanicien
s'est fait breveter à Bruxelles, en novembre 1842, sous le titre
de métier tricoteur multiple }.
En terminant , je crois devoir faire remarquer que les mé-
tiers à tricot circulaire, malgré le caractère automatique et
1 Ârmengaud, Publication industrielle, t VII, p. 4o3.
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442 VT JURY.
de production à bon marché qu'ils présentent, n'avaient pas,
jusqu'à l'Exposition universelle de Londres, obtenu beaucoup
de crédit en Angleterre. Or, il ne parait pas qu'il doive en
être ainsi à l'avenir, si l'on en juge par la tentative d'impor-
tation faite à propos de cette Exposition par M. Claussen
(Peter), 'lui-même auteur de quelques combinaisons de ce
genre dont il me serait impossible ici d'apprécier le mérite
absolu, mais qui ne semblent pas suffire pour justifier l'octroi
d'une médaMIe équivalente à celle de MM. Jacquin et Berthe-
lot , s'appliquant à une machine également construite à Troyes,
ce dont on avait .prévenu les membres du VI* Jury, qui,
malgré cet avis , passèrent outre , par le motif, alors difficile à
contrôler, que l'invention du métier à tricot circulaire, d'ori-
gine véritablement anglaise, serait due au célèbre ingénieur
Brunel, de Chelsea. Il suffit, en effet, de consulter le titre
de la patente délivrée le i5 mars 1816 à ce même ingénieur
pour s'assurer du contraire, car on y lit que la machine, déjà
connue sous le nom de tricoteur, appartient à un étranger non
résidant en Angleterre (certain foreigner residing abroad) ; ce qui
ne peut s'appliquer évidemment qu'à M. Andrieux de Paris,
dont, comme on l'a vu, le tricoteur sans fin circulaire, breveté
dès l'année 181 5, contient les premiers éléments de solution
de ce genre, si Ton en excepte toutefois l'ingénieuse lanterne
maiïleuse de l'horloger Leroy,, antérieure de sept années, et,
qui, bien que s appliquant au métier à bas rectiligne , doit être
considérée comme renfermant l'idée première et vraiment
originale du système. *
CHAPITRE IV.
MACHINES ET MÉTIERS X CHAINE, SPÉCIALEMENT DESTINES X LA FA^RICATJO*
DES TISSUS RÉTICULES, NOUES OU DIVERSEMENT ORNES, TELS QUE FILETS.
TULLES ET DENTELLES.
L'histoire des machines de cette espèce est fort obscure,
comme on a déjà pu s'en apercevoir dans ce qui précède :
aussi nai-je pas la prétention de la débrouiller complètement
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MACHINES ET OUTILS. 443
et comme elle le mériterait au 'point de vue technique ou
théorique; non que je ne sente toute l'importance d'une in-
dustrie dont les produits se comptent par centaines de mil-
lions, mais bien, ainsi que j'en ai averti au commencement
de cette Section , faute de temps et de documents assez précis
pour permettre de faire la part exacte de chaque inventeur.
Car, pour ce qui est des brevets, patentes et autres écrits
technologiques relatifs à cette intéressante partie de la fabri-
cation des tissus, ils sont multipliés dans une proportion qui
a de quoi fatiguer l'attention et la patience la plus robuste,
à cause surtout de l'absence de toutes définitions, de l'inco-
hérence des idées et des nombreux plagiats ou manques de
bonne foi qu'on y rencontre.
Ainsi, par exemple, vous ne trouverez nulle part, si ce
n'est chez les patentés ou brevetés du premier mérite sous
le rapport des idées et de l'invention , l'indication exacte du
point, de .la combinaison des fils ou de la nature du réseau
qu'il s'agit de fabriquer dans chaque machine, dont la des-
cription est elle-même presque toujours insuffisante ou tron-
quée volontairement en ses parties les plus essentielles. C'est
ce dont, au surplus, je me suis plaint souvent déjà au sujet
des machines à tricots simples ou à mailles coulantes diver-
sement agrafées et accrochées, qui ont principalement fait
l'objet des précédents paragraphes.
Les mots talle noué, blonde, dentelle, notamment, sont em-
ployés à tout propos dans cette branche d'industrie méca-
nique, sans qu'on puisse savoir le genre réel des produits et
des mouvements que doivent accomplir les organes princi-
paux, les outils véritables de la machine. Le mot talle, en
particulier, a été mis en avant dans l'ancienne Encyclopédie
comme indiquant une sorte de dentelle qui ne se distinguait
probablement de la dentelle proprement dite que par la lar-
geur inusitée des bandes du tissu , et parce que les mailles
hexagonales, fabriquées par des moyens rapides et particu-
liers, n'y offraient pas la même solidité ni la même compli-
cation de travail que dans la dentelle aux fuseaux à main; le
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444 VP JURY.
principal caractère de celle-ci, si je ne me trompe, consis-
tant dans le comme ttage ou le tressage serré des 6k, le Ion;
des différents côtés de l'hexagone, du carré ou du losange
qu'ils forment entre eux. Tout ce qu'on appelle tulle ou den-
telle en dehors de cette définition est un véritable non-sens,
sinon une supercherie ou fausse imitation de ce genre pré-
cieux de tissu , supercherie dont on a pendant trop longtemps
prétendu abuser le public lors des premières tentatives de
fabrication mécanique de ces produits en coton; le propre do
vrai tulle et de la vraie dentelle étant, il faut bien le redire,
d'être exactement commis ou tressé, de ne point se défiler
au lessivage, de présenter un certain relief à la main, sans
pour cela offrir de nœuds véritables, ainsi que cela a lieu
dans les réseaux d'ornement appelés filets.
Quant à ce qu'on nomme simplement blonde, on sait qu'il
ne s'agit que d'un tissu à réseau beaucoup plus léger et délicat
que le tulle, en fil de soie écrue, blanche o* noire, rarement
moulinée ou tordue, quoiqu'à réseaux réguliers, imitant plus
ou moins bien ceux de la dentelle, mais dont la qualité prin-
cipale est l'extrême légèreté et la grâce particulière des orne-
ments ou façons accessoires.
S I*. — Des machines à fabriquer les Glels d'ornement et de pèche— An-
ciens mécaniciens qui s'en sont occupés : Hichard Marck, Peter Broéen-
ton, Horion et Ross, Barber, etc. en Angleterre; Jaeqnart et Baron, «
France. — Apparition de la machine de ce dernier à l'Exposition natio-
nale de 1806; prix proposé par la Société d'encouragement en iSosel
décerné, en i85i, au mécanicien Pecqnear; ses métiers à main et auto*
mates perfectionnés par M. Zambeaux.
Je rappellerai d'abord les tentatives de Richard March, en
1784» pour fabriquer, sur des métiers à marches et à ma-
nettes ou poignées faisant mouvoir des barres à aiguilles et à
crochets, des tissus à réseaux noués imitant la dentelle, le
filet, etc., tissus dont il serait bien difficile de se faire une
idée exacte d'après les descriptions contenues dans la patente
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MACHINES ET OUTILS. 445
de cet auteur, si Ton ne savait par Roland de la Platière *
que déjà à cette époque ou fabriquait, à la navette ou espèce
de broche chargée de fils et à cet effet fendue aux extrémi-
tés, des filets quadrillés fort analogues à ceux des pécheurs,
et susceptibles de broderies, d'ornements divers ajoutés après
coup à l'aiguille. Mais le principal mérite de ces filets con-
sistait, alors comme aujourd'hui, dans l'extrême solidité et
la régularité, sinon dans la finesse et le resserrement des
mailles, réservées au réseau de la dentelle à fils multiples
mais simplement commis, tordus entre eux. Ce resserre-
ment, en effet, ne pourrait guère se concilier avec la lenteur
d'une fabrication exécutée maille à maille, avec un seul fil de
trame, non plus simplement replié, enlacé diversement sur
•lui-même à l'aide de longues aiguilles , comme dans le métier
à tricot, mais bien rattaché de proche en proche, à chacune
des mailles ou brides diagonales de la portion de réseau
déjà exécutée, par un double nœud résultant du passage de la
broche tenue de la main droite au travers de cette maille
et d'une large boucle formée dans le fil de trame et ayant
pour appui le pouce de la main gauche, qui sert également
à presser, maintenir contre l'index et tendre le surplus de la
maille ou bride dont il s'agit.
L'art de fabriquer les filets de pêche remonte, comme celui
des tissus à chaine et trame croisées, à la plus haute antiquité :
cette industrie, en effet, à été dans tous les temps l'objet
de l'incessante préoccupation des populations maritimes au
milieu des loisirs de l'hiver; industrie dont on a vainement
jusqu'ici tenté de leur ravir le monopole ou la production éco-
nomique à l'aide de machines, soit en Angleterre, ou les Peter
Brotherston (1774), les William Horion et Ross (1778), les
Robert Barber (179a) , les Robert Brown (180a) , les Edward
Newton (1847), etc.,2 se firent, dans ce but, délivrer successi-
1 Encyclopédie méthodique (Arts et manufactures), 1. 1, p. 246 (1785).
1 Je ne cifC ces noms que d'après le catalogue officiel des patentes
récemment publié en Angleterre.
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446 VP JURY.
veinent des patentes, dont quelques-unes avaient aussi pour
objet la fabrication des filets à petites mailles; soit en France,
où la Société d'encouragement fonda en Tan x (1802)* c'est-
à-dire à l'origine même de sa création *, un prix de 1,000 francs
pour la découverte d'un pareil métier, prix bien minime eu
égard à la difficulté mécanique à vaincre, et qui fut décerné
à Jacquart, de Lyon, en l'an xn (i8o4), non sans quelques
réserves ou restrictions 3, sur le vu d'un modèle qui ne fonc-
tionnait pas d'une manière entièrement satisfaisante, mais
que l'auteur s'était, comme on Ta dit précédemment, engagé
à perfectionner pendant son séjour à Paris.
Malheureusement, les choses en restèrent là; la Société
considéra le problème comme résolu théoriquement, tout en
reconnaissant que le procédé manuel, d'une surabondante
complication , était encore dans l'enfance. Au lieu de dore le
concours et d'encourager Jacquart à prendre un brevet pour
cet informe métier, ce qu'il fit réellement en septembre 1 8o53t
mais d'une manière obscure et très-imparfaite, il fallait dou-
bler, tripler le prix pour les années suivantes; de cette ma-
nière, l'ingénieux métier de Buron, le mécanicien de Bourg-
theroulde (Eure), qui obtint la médaille d'or à l'Exposition
de 1806, serait venu fortifier d'un degré de plus le sentiment
de reconnaissance dû à l'initiative de la célèbre Société.
Comment il advint que le métier à filet de pêche dont le
Jury de l'Exposition de 1806 déclarait que « en soi très-simple,
t il pouvait faire une rangée de 1 2 nœuds en 1 2 secondes; qu'il
t en ferait davantage en augmentant la largeur des filets; qu'il
« s'appliquerait à toutes les largeurs de mailles et ^ toutes les
«grosseurs de fils; qu'il neiigeait de la part de l'ouvrier
« qu'un petit nombre de mouvements faciles, donnant le véri-
■ table nœud de filet; qu'enfin il pouvait procurer une grande
«économie de main-d'œuvre4; » comment, dis-je, il advint
1 Bulletin de la Société £ encouragement, t. Iw, p. 5 et 5 a.
1 iftid.«3* année, p. 109 et i65 (1" édition).
* Collection des brevets expirés, t VIII, p. 2 38 , pi. 20. *
4 Voyez le rapport de M. Costaz, page 1 43 , publié en 1806 et dont on
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MACHINES ET OUTILS. 447
que cette machine de Duron, déposée dans les galeries du
Conservatoire des arts et métiers, ainsi qu'un autre modèle
de plus grande dimension , tous deux payés et gratifiés par
le Gouvernement, aient été mutilés et soient aujourd'hui hors
d'état de fonctionner ainsi qu'ils le faisaient autrefois, je
l'ignore complètement et le regrette d'autant plus, avec tous
les amis éclairés de la science et de l'industrie mécanique,
que l'un d'eux fut complètement restauré par feu Pecqueur,
à une époque déjà fort ancienne, il est vrai, mais qu'il me
serait impossible de préciser, et que cette restauration, digne
extrait se trouve transcrit à la page 249 du tome V du Bulletin de la Société
à* encouragement, où le sentiment énoncé ci-après, relativement à l'opportu-
nité qu'il y aurait eu de prolonger le concours , est conforme à l'opinion
émise à trente -deux ans d'intervalle par cet éminent et célèbre homme
d'État, rapporteur de l'Exposition de 1806, et qui, dans la séance du 28 mars
i838 de la même Société (t. XXXVII, p. 191), proposa de publier, tout
au moins, la machine de Buron par la voie du Bulletin. Mais, j'ai le regret
de le dire, sur l'observation que divers artistes s'étaient également occupés
de semblables machines, et que l'habile mécanicien Pecqueur avait pré-
senté à l'Exposition de i834 un autre métier à fabriquer le filet de pèche,
bien que sans analogie de moyens mécaniques avec celui de Buron et
encore moins avec celui de Jacquart, il ne fut donné aucune suite à cette
proposition du baron Gostaz.
Un pareil dédain des anciens procédés ou tentatives mécaniques suscep-
tibles d'offrir d'utiles enseignements aux générations actuelles ou futures,
ce dédain, aujourd'hui presque universel, suffit pour expliquer comment
la machine de Buron est, ainsi que tant d'autres, demeurée à peu près
incomprise et abandonnée. Cependant je dois rappeler que, onze années
après le rejet de la proposition Gostaz, Y honorable et savant M. Jomard, de
l'Institut de France, étant venu , à son tour, appeler l'attention de la Société
d'encouragement sur notre infériorité à l'égard de la fabrication -des filets
à réseaux noués, et le préjudice qui en résultait pour nos grandes pêcheries
maritimes, un nouveau programme fut publié, avec l'annonce d'un prix de
3,ooo francs (l XXXIV, i845, p. 220, 3o6 et 3o8). Mais déjà Pecqueur
avait pris son premier brevet d'invention pour les filets de passementerie ,
et le concours, successivement prorogé de deux en deux années, n'a pro-
duit, à ma connaissance, d'autres résultats que ceux déjà obtenus par les
remarquables travaux de cet ingénieur, mentionnés dans le texte ci-dessus,
et auxquels, de guerre lasse sans doute, la Société a accordé en 1861 le
prix de 3,ooo francs, qu'il eût fallu tout aussitôt doubler encore, afin d'ar-
river à des résultats véritablement pratiques et d'une application générale.
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448 VP JURY.
d'an aussi intelligent et savant mécanicien, le conduisit, en
1839, à prendre un brevet d'invention pour un petit métier
à filets de passementerie ou de nouveauté établi d'après un
tout autre principe, et sur lequel une ouvrière habile pou-
vait faire de six fois à dix fois plus d'ouvrage qu'en travaillant
à la manière ordinaire.
Dans ce petit métier, on se servait , comme dans ceux de
Jacquart et de Buron, d'une chaîne et d'ensouples qui, au
lieu d'être absolument fixes et horizontales, offraient, dans un
plan vertical, une suspension à châssis légèrement mobile,
ainsi que tous les mécanismes qui en dépendent. Au lieu de
navettes alternativement montantes et descendantes, portées
par des boîtes à chariot horizontales, comme dans le métier
Jacquart, ou de bobines verticales chargées de fils de trame
servant au nouage des boucles et des fils de chaîne tirés par
les crochets d'un tourniquet, à va-et-vient horizontal, qui, si
je ne me trompe, s'aperçoit encore dans les métiers Buron,
M. Pecqueur employait des navettes antérieures en talus, con-
duites d'une façon toute particulière au travers des boucles
formées et retenues par une rangée de crochets émérillons
tournant à crémaillère et pignons sous la main de l'ouvrier,
appliquée à la poignée d'une boîte ou traverse horizontale
antérieure suspendue au bas des tiges verticales d'unç bascule
à contre-poids d'équilibre, analogue à celle qui, soumise à
l'action d'une pédale, sert à suspendre l'équipage même de la
chaîne, dont, à son tour, la partie inférieure est saisie par une
barre à crans ou crochets vers le point où se forme simulta-
nément la rangée des nœuds, etc. 1.
Plus tard, en juin 1849 et jusqu'en septembre i85i, c'est-
à-dire peu de temps avant sa mort, Pecqueur s'était occupé
de la construction d'une machine à fabriquer les grands filets
de pèche par des mouvements purement automatiques, fort
lents d'ailleurs, et accomplis au moyen de cames fermées,
1 Ancienne Collection des brevets expirés, t. LXXXVI, p. 507 à 517,
pi. 3o.
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MACHINES ET OUTILS. 449
agissant sur des leviers, des bascules inférieure ou supérieure
à contre-poids, et faisant aussi marcher la rangée horizontale
d'éinérillons tordeurs ou boudeurs, les crochets-peignes et
noueurs, enfin les navettes, inclinées sur une bascule infé-
rieure pivotante, dont le passage au travers des boucles forme
et serre la rangée correspondante de nœuds, les mailles allant,
au fur et à mesure de la fabrication, s'enrouler sur une en-
souple à contre-poids située au-dessus mais en arrière du point
où le travail s'exécute, taudis que les fils de la chaîne, tendus
dans un plan incliné à l'horizon, se déroulent d'une autre
ensouple plus élevée, plus reculée encore vers la partie pos-
térieure du métier, etc.
Je n'insisterai pas davantage sur la remarquable et origi-
nale'constitution de cette grande et automatique machine,
fondée, comme celles de Jacquart et de Buron, sur le prin-
cipe d'une double chaîne ; principe nouveau , je crois , en 1 802
et 1806, où ce genre de machines apparut chez nous. Je ren-
verrai aux consciencieuse et lumineuses descriptions que
Pecqueur a données de sa propre machine dans un brevet
avec additions qu'il a pris en France l les 1er juin 1849 et 6 sep-
tembre i85i, brevet' reproduit, à la date du 3o août 1849,
dans une patente délivrée en Angleterre, où la machine dé
notre regrettable compatriote a été immédiatement appréciée
et utilisée, tandis qu'elle est à peine connue dans sa patrie,
si ce n'est par la description succincte qui en a été donnée
dans le Mechanics magazine de mars i85o.
Je ferai pourtant remarquer que M. Zambeaux, neveu de
Pecqueur et constructeur mécanicien à Saint-Denis, près Pa-
ris, y a apporté récemment quelques modifications, dont la
'principale consiste dans l'emploi de navettes à tendeurs de
ficelle, qui, étant enroulée sur cinquante mètres de Ion-
1 Tome XV, pages su à 221, planche 20, de la nouvelle Collection,
imprimée sous le régime de la loi de i844. Je ferai observer à regret, au
sujet de cette Collection, que les dessins d ensemble et même de détails y
sont gravés avec une parcimonie et à une échelle de réduction qui les rendcn l
à peu près inintelligibles, sinon tout à fait inutiles.
VI* JDRT. — 2* PARTIE. 29
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450 Vr JURY.
gueur, dispense désormais d'arrêter le métier toutes les deux
ou trois minutes, comme cela avait lieu auparavant.
En terminant ce qui concerne ce genre particulier de
machines , qui a d'ailleurs fait en France l'objet de beaucoup
d'autres tentatives plus ou moins récentes mais jusqu'ici assezr
peu fructueuses, je ferai observer que les filets fabriqués avec
une double chaîne d'ensoupies et de navettes, s'ils comportent
le véritable nœud des filets de pèche, s'ils offrent à certains
égards la même solidité, sauf sur les lisières et les points de
raccord, ne leur sont néanmoins pas identiques par cela
même que, au lieu d'un simple fil de trame à circuits indé-
finis, ils^comportent un nombre de fils longitudinaux ou
transversaux à peu près égal à celui des mailles; de sorte
qu'on ne peut pas dire que, à cet égard du moins, le pro-
blème soit parfaitement résolu au point de vue rigoureux ou
mathématique, ce qui d'ailleurs intéresse assez peu l'indus-
trie, outre qu'il s'en faut de beaucoup encore qu'il le soit par
machine d'une manière suffisamment économique ou com-
merciale. Par conséquent, il n'y a pas lieu non plus de s'api-
toyer, quant à présent, sur le sort des populations mari-
times adonnées k ce genre de fabrication toute manuelle, et
qui leur fait éviter de si longs chômages.
S II. — Des métiers lyonnais à chaîne, servant à fabriquer les tulles à
mailles fixes, brochés, brodés, etc. — Origine des mécaniques à pUti-
nettes percées ou barbins conducteurs des fils de chaîne : Jedediak Stratt
et Richard March, en Angleterre; Canton > J olive t. Cochet et Pemxjr,
Aubert, en France. — Mobilité et flexibilité des platinettes brodeuses :
Robert et Thomas Frost, en Angleterre; MM. Grégoire, à Mimes, Calas et
Debmpnh, George, à Lyon, y appliquent la jacquart — Perfectionne-
ment capital du système des platinettes flexibles, à Lyon, par MM. Des- *
combes, Degàbriel, Manigot, Gabion, etc. — Métiers à cantrès ou can~
nettes, par MM. Ducis, Cusset, etc.
C'est, je crois, à tort que le catalogue officiel des patentes
anglaises fait remonter à 1774 et au gentilhomme écossais
Brotherston, déjà plusieurs fois cité, l'invention du premier
métier à fabriquer les tissus à mailles fixes ou nouées; car il
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MACHINES ET OUTILS. 451
ne s'agissait là, comme on Ta vu dans un autre endroit (p. 427),
que d'un moyen de broder ou brocher, à l'aide d'aiguilles à
plongeoirs, ctes tricots obtenus sur le métier à bas ordinaire.
Quant à la fabrication des tissus à jours, tels que le tulle à
maille fixe imitant, d'une manière plus ou moins satisfai-
sante, le réseau de dentelle, elle ne pouvait se passer facile-
ment de l'usage d'une chaîne , et l'on a vu , par quelques
notes ou passages du $ III du précédent chapitre, combien
cette combinaison a exercé la patience et le génie de nos an-
cêtres, marchant sur les traces des mécaniciens anglais, à da-
ter d'une époque postérieure de très-peu à celle de 1759, où
Jedediah Strutt imaginait la mécanique additionnelle des bas
à côtes, je veux dire depuis l'année 1 778, où Richard March *,
pour la première fois, eut l'idée d'adapter en avant de l'an-
cien métier à bas, de Derby, une barre horizontale à plomb,
munie de platinettes verticales percées de troué en leurs som-
mets, pour recevoir isolément les fils d'une chaîne à ensouple
inférieure, guidés, soutenus intermédiairement par des ba-
guettes de fer horizontale*, et auxquels cette barre, à coulisse
ou glissante, servait à imprimer de gauche à droite, et vice
versa, certains déplacements qui permettaient de combiner
diversement ces fils avec le fil de trame, tout en les soumet-
tant aux platines à plis ou d'abatage ordinaire.
Comme on l'a vu encore, on ne tarda guère, spécialement
en France, à supprimer entièrement, sinon la grande fonture
horizontale d'aiguilles à châsses et crochets, du moins l'équi-
page des ondes à bascules, remplacé par d'autres combinai-
sons d'un jeu plus direct ou plus simple; mais, je dois en
renouveler ici la remarque, il ne paraît pas que l'on soit par-
venu ainsi, même en doublant la rangée des platinettes per-
cées ou des barres glissantes qui les portent, à produire autre
chose que du tulle briqueté à mailles coulantes ou diverse-
ment unies entre elles par doublement et dédoublement suc-
1 Voyez sa laconique patente du 16 mars *i 778, publiée à Londres en
18S6 et où Ton apprend que March, bonnetier, résidait alors à Temple-
Bar (comté de Middlesex).
*9-
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452 Vf JURY.
cessifs des Gis, on par leur croisement et décroisement alter-
natifs produisant des tors en sens contraires, les seuls que
des eosouples fixes puissent comporter. Ces mailles imitaient
ainsi plus ou moins bien le vrai réseau de dentelles à fils
commis, tordus deux à deux et l'un autour de l'autre, tou-
jours dans le même sens, mais de manière à marcher dia-
gonalement dans la largeur entière du tissu ou entre ses
deux lisières; ce qui est impossible dans le précédent sys-
tème, qui, en revanche, offre de très-grandes facilités pour
la production des dessins riches et Variés.
Les fabricants ou mécaniciens français qui ont obtenu,
dans les premières années de ce siècle, des brevets pour la
fabrication des tulles à mailles fixes ne se sont jamais expli-
qués franchement à cet égard, et tout ce qu'on aperçoit, par
exemple, dans le brevet de dix ans accordé en commun à
MM. Jolivet, Cochet et Perrany père, à Lyon *, qui, des pre-
miers, fabriquèrent couramment du tulle à la chaîne en
France, en reprenant les travaux du bonnetier Canton, de
Besançon, dont Roland nous a conservé, en 1790, la trace
confuse aux endroits déjà cités de Y Encyclopédie méthodique;
tout ce qu'on aperçoit, disje, nettement dans ce brevet, c'est
que le métier dont se servaient les auteurs comportait, en
effet, une mécanique à trois barres de platinettes porte-chaîne,
mobiles verticalement et horizontalement par des procédés
non décrits, et ayant pour but de produire des tissus diverse-
ment croisés et brochés, mais dont le texte n'indique pas da-
vantage le caractère ou la constitution effective.
Cette mécanique, dans laquelle l'une des trois barres, des-
tinée au broché, ne portait qu'un certain nombre d'aiguilles
percées, et déjà sans doute accompagnée latéralement d'une
roue à vis de division pour diriger les excursions horizontales
de chacune des barres, cette mécanique servait très-proba-
blement encore à fabriquer du tulle briqueté, c'est-à-dire à
1 Collection, t. VIII, p. 344 : brevet d'invention du 17 avril 1810, «tu»
planches.
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MACHINES ET OUTILS. -453
rangées parallèles et transversales de rectangles alternés, d'une
longueur double de la hauteur, mais qui, après la fabrication,
tiré dans le sens des lisières, prenait la forme hexagonale,
résultant de l'infléchissement transversal des longs côtés, solli-
cités de part et d'autre, en leurs milieux, par les petits côtés
dés rangées attenantes à celle dont ce rectangle faisait partie :
les côtés dont il s'agit étant en effet précisément le double
des petits, et ceux-ci, dirigés dans le sens des lisières ou de la
chaîne, étant composés de deux fils, ils pouvaient être tantôt
simplement juxtaposés et accrochés aux fils de trame pour
constituer les tulles à mailles coulantes dont j'ai parlé, tan-
tôt réellement tordus l'un autour de l'autre, à une ou deux
reprises pour constituer les tulles à mailles fixes, par le jeu
tournant ou détournant des deux premières barres porte-fils
manœuvrées l'une après l'autre , tandis que les longs côtés
du réseau demeuraient simplement formés des fils précédents
croisés avec le fil de trame. Au surplus, il serait bien difficile
de donner aucune notion exacte sur la marche et le croise-
ment des fils, que les auteurs n'ont jamais représentés dans
leurs brevets avant ou même après l'époque où MM. Jolivet,
Cochet et Perrany prenaient le leur, en 1810.
C'est probablement à des combinaisons de ce genre que se
rapportaient les tentatives du mécanicien Aubert, dont il a
été parlé dans le précédent chapitre, et celles de quelques
autres artistes lyonnais qui tous ont ajouté au métier des
roues de divisions latérales armées de vis à une, deux ou
trois couronnes, c'est-à-dire plus ou moins composées, selon
la nature du dessin , précisément comme nous avons vu qu'il
en avait été d'abord appliqué à des métiers à tricots d'une
espèce bien différente. D'ailleurs, le peu que je viens de dire
sur la constitution du tulle obtenu par de pareils procédés suffit
pour prouver que ce genre de produits ne saurait, pour la soli-
dité et la façon , être comparé avec celui des dentellières; ce
qui ne Fa point empêché d'obtenir une très-grande vogue dans
le temps, et de pouvoir lutter avantageusement contre les
tulles anglais, fabriqués par des procédés mécaniques plus
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454 VI- JURY,
parfaits. Celte vogue, on le pressent, doit être attribuée aux
ingénieuses combinaisons par lesquelles on était parvenu en
France à les orner, pendant la fabrication même , de dessins
ou broderies d'un goût très-apprécié du public, notamment
en remplaçant , dans les métiers à chaîne dont il vient d'être
parlé, la troisième barre, servant à exécuter les façons, par
une autre également établie sur le devant des aiguilles à cro-
chets de la grande fonture, mais dont les platines percées
furent rendues isolément mobiles dans des sièges en forme
de râteaux, c est-à-dire susceptibles de glisser ou tourner dans
leur boite à compartiments et cloisons verticales fixées à cette
troisième barre, Ja plus basse, de manière à permettre aux
becs antérieurs et percés des platinettes, porte-fils brodeurs,
de s'élever et de s'abaisser alternativement sous le jeu de bas-
cules analogues à celles des ondes ordinaires, en imprimant
ainsi à ces fils brodeurs, quelquefois montés sur des fuseaux on
roquets ensouples , le mouvement qui convient au dessin , c'est-
à-dire leur échappée ou reprise par les crochets d'aiguilles;
mouvement que détermine un renvoi de pièces solides ou
flexibles soumis au mécanisme latéral d'une jacquart ordi-
naire, tout en conservant à cette même troisième barre la
faculté de glisser transversalement, sans qu'il soit désormais
nécessaire de la mouvoir dans le sens vertical , comme cela
avait lieu notamment dans le métier à tulle des sieurs Jolivet,
Cochet et Perrany, précédemment cités.
L'idée de rendre mobiles isolément les platinettes percées
pour guider les fils de chaîne' divers est, on le comprend
parfaitement, un fait capital, puisqu'elle tendait à supprimer
les mouvements d'ascension ou de basculement répétés de la
barre à broder; bien qu'elle offre une certaine analogie avec
le procédé mécanique déjà employé par les patentés anglais
Robert et Thomas Frost ( 1784) , dans leur métier à cylindre
d'orgue servant à fabriquer simplement Içs tricots à jours et
ornés, elle n'en doit pas moins être considérée, en tant qu'elle
se trouvait ici appliquée à des métiers sans trame et à chaînes
multiples , comme une conception vraiment originale, tonte
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MACHINES ET OUTILS. 455
française par les ingénieuseà combinaisons mécaniques qui
ont servi à la réaliser et à en varier à l'infini les avantages ou
les profits.
L'histoire des commencements de cette découverte , ainsi •
que celle de tant d'autres bien moins voisines de nous , offre
beaucoup d'incertitudes, et se trouve particulièrement obs-
curcie par cette circonstance que Grégoire, de Nîmes , le véri-
table inventeur ou promoteur selon l'opinion générale, même
à Lyon, a été devancé par MM. Calas et Delompnès, fabri-
cants d'étoffes de soie dans cette ville, qui, en effet, prirent
pour l'application de la jacquart à un métier de tulle à
chaîne, dès le 6 août 1824* un brevet d'invention et de per-
fectionnement de cinq ans1, tandis que le brevet pareil dé-
livré au malheureux Grégoire porte seulement la date du
1er décembre 1826 2, en offrant d'ailleurs , par la franchise et
la netteté des explications, le caractère propre à une primi-
tive et déjà ancienne combinaison, dans laquelle les plati-
nettes porte-fils brodeurs glissent, dans leur boîte verticale,
sous un véritable système de' bascule mis en action par les
crochets et cordes d'arcades à contre -poids de la jacquart;
système d'abord adopté avec quelques variantes par MM. Ca-
las et Delompnès (fig. iw du brevet de 1824), mais auquel
ils ont bientôt substitué celui d'aiguilles à platinettes vérita-
blement flexibles sous la pression de petits doigts, également
à leviers et ressorts à boudins de recul, mais d'un tirage plus
direct par* les cordons de la jacquart. Bientôt, à cette com-
binaison qui procurait aux fils brodeurs un mouvement ver-
tical de hausse ou de baisse, indépendamment du va-et-vient
de la barre à platinettes, on en substitua d'autres où le tirage,
1 Ancienne Collection, t. XIX, p. 167, pi. a 5. Ce brevet est accompagné
d'additions ou de perfectionnements datés des 6 août 1834, 10 novembre
1824 et 9 mars 182 5, qui comprennent aussi des changements apportés
au mécanisme même de la jacquart.
* Ibid. t. XXII, p. 243, pi. 20. Ce brevet a été pris en commun par
MM. Grégoire aîné «t Lombard jeune, de Nîmes, qui probablement aura
servi de principal rédacteur.
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456 VP JURY.
appliqué à des platinettes à doubles rangs et supports de
barres, beaucoup plus allongées et flexibles, avait L'eu par
des cordons agissant transversalement aux platinettes, d'après
un ingéqieux système qui a finalement prévalu , et qui a reçu
des modifications essentielles, consistant principalement à
transporter les fils brodeurs de droite et de gauche, de ma-
nière à les croiser avec leurs voisins ou avec ceux des autres
chaînes. destinées à former les propres mailles du tissu.
Si l'on s'en rapporte à la tradition déjà mentionnée, Gré-
goire, en effet, se serait occupé dès i8i5ài8i7 d'appliquer
la jacquart au métier à tulle de chaîne, en rendant les pla-
tinettes mobiles, et il aurait importé à Lyon vers 1820 un
métier de ce système, perfectionné peu après dans cette ville
par Galas et Delompnès, puis par l'ingénieux mécanicien Co-
chet, dont j'ai déjà parlé comme ayant remplacé le système
ancien des marches, etc., par un arbre à cames et manivelle.
Il est d'ailleurs, assure-t-on , de notoriété publique à Lyon que
M. Gubian, habile contre-maître d'atelier dans cette ville,
aurait le premier, en 1837, ajouté au métier à la chaîne un
second corps ou rang de platinettes flexibles semblable au précé-
dent; que, en 1839, M. Degabriel *, breveté, aurait, àson tour,
1 Le brevet délivré à cet ingénieux artiste en i83q a été, devant les
tribunaux de Lyon, l'occasion de procès où la question des métiers à tulle
brodé sur chaîne a plus que jamais été embrouillée, comme on peut le voir
par deux mémoires ou factums in-4* très-étendus publiés A Lyon en i84i
et i84a par les sieurs Manigot* Robert, Perret et leur avtcat, plaidant
contre M. Degabriel, qui en réalité, dans ses brevets d'invention et de
perfectionnements, avait été on ne peut pas moins explicite.
Des deux côtés, on insiste extraordinairement sur le fait de multiplica-
tion du nombre des platinettes, porté au double de celui des aiguilles à cro-
chets du métier, en les plaçante cet effet sur deux rangs, l'un au-dessous
de l'autre. L'avantage de cette multiplication est en lui-même évident, puis-
qu'elle permet de doubler le nombre des Gis brodeurs ou la richesse du
tissu ; mais on s'est expliqué le moins possible sur la disposition relative •
sur la forme et sur le jeu croisé des mêmes platinettes, sous faction des
cordons de tirage, dont les enlacements et les contours par rapport aux pla-
tinettes coudées ou A leurs sièges constituent véritablement toute la diffi-
culté et le mérite de l'invention. C'est, en effet, sur ce point délicat qu'ont
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MACHINES ET OUTILS. 457
eu la hardiesse de doubler ces corps accouplés, en les portant à
quatre; qu enfin l'un et l'autre système furent, de la part du
même artiste, M. Gubian, vers 18 43, l'objet de nouveaux
perfectionnements, où les platinettes devinrent absolument
indépendantes les unes des autres, et non plus par groupes
séparés, comme cela aurait d'abord^u lieu dans les systèmes à
double ou à quadruple corps de Descombes etDegabriel, etc.
En réalité, ces dernières innovations Relatives à quatre rangs
de platinettes flexibles , tout en témoignant de l'heureux esprit
inventif et d'émulation qui règne dans la ville de Lyon et lui
permet de repousser la concurrence étrangère , ne paraissent
pas avoir .obtenu la iqême vogue que les précédentes relatives
au double corps de platinettes, et, comme j'en ai déjà fait la
remarque à d'autres occasions, il convient ici encore de ne
pas attacher une importance absolue aux traditions locales,
quand elles ne sont pas corroborées par des documents con-
temporains et authentiques.
Je n'ai rien dit, dans ce qui précède, d'un autre projet du
sieur George (Antoine), fabricant de tricot à Lyon, dont le
brevet, du 3 février 1825 *, pris intermédiairemént à ceux de
MM. Grégoire, Calas et Delompnès, est plus particulièrement
consacré à l'explication d'une mécanique à cylindre jacquart
ou prisme quadrangulaire percé de trous placé au-dessous
de l'ancien métier à tulle-tricot uni, et servant à soulever
directement de petits cylindres verticaux en plomb glissant
porté les perfectionnements ultérieurs de M. Manigot lui-même, dans un
brevet de 1 84 1, si je ne me trompe, et ceux de MM. Descombes, Degabriel
et Gubian, qui, après plusieurs années d'efforts seulement, sont parvenus,
dit-on, à une complète réussite, en donnant pour s^ge aux platinettes
flexibles et courbées latéralement d'autres platines rigides, montées sur la
narre à plomb et portant en avant un grand oeil elliptique contre lequel
s appuient extérieurement, de part et d'autre, les platinettes porte-Bis, et
dont les bords opposés de l'ovale sont traversés par les cordonnets de la
jacquart perpendiculairement A ces dernières platinettes, qu'elles con-
tournent en s'y appuyant et les forçant à s'infléebir de droite ou de gauche
par le jeu des cordonnets ou de leur élasticité propre.
1 Brevets expirés, t. XX , p. 27, pi. 4.
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458 VF JURY.
an travers d'une planche supérieure horizontale, de manière
à mettre en action dans leur chute les becs crochus de pla-
tinettes flexibles , par l'intermédiaire d'une double série de
cordons à tirage oblique, etc. Si je ne me trompe, ce métier,
qui comporte, ainsi que ses devanciers, une roue à vis de divi-
sions équidistantes et po#sède une marche particulière pour
les manœuvres du cylindre jacquart, n'a pas prévalu sur les
précédents, bien plus fpmplets et dont il ne diffère d'ailleurs
que par une disposition particulière du mécanisme moteur
des platinettes , se rapprochant beaucoup de celle qu'avaient
employée primitivement Robert et Thomas Frost dans leur
métier à cylindre d'orgue , imité, comme on l'a vu, en 181a,
par MM. Gillet et Jourdant, de Bruxelles, pour un métier à
simple trame ou tricot ordinaire.
Au sujet des métiers à chaînes servant à fabriquer fe tulle
broché, qui ont eu autrefois une si grande vogue à Lyon, je
ferai observer qu'il est impossible d'y produire des dessins à
grands contours ou enlacements de fils, et par conséquent
à grande excursion de platinettes, sans que ces fils n'émanent
d'autant de' roquetins ou fuseaux susceptibles de se prêter
facilement à l'action du tirage des platinettes, tout en conser-
vant un état de tension qui les empêche de vriller ou de se
marier réciproquement Or, c'est à quoi Grégoire arrivait
dans le brevet précité, au moyen d'un système de cantre auto-
matique subordonné à l'action de la marche qui sert à faire
mouvoir la mécanique à la Jacquart ; et c'est précisément par
cette ingénieuse combinaison que le métier de cet ancien
et ingénieux artiste se distingue de celui de MM. Calas et
Delompnès, où l'on n'aperçoit que des ensouples ordinaires
appliquées à chacun des corps ou barres à plomb et plati-
nettes porte-fils, mobiles latéralement
Le système des cantres à fuseaux roquetins munis de res-
sorts à freins, de contre-poids de tension, ce système déjà
anciennement appliqué, comme on l'a vu, aux métiers à
tisser le velours et au commettage des torons, a été depuis
spécialisé dans son application au métier à tulle avec chaîne
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MACHINES ET OUTILS. 459
par M. Ducis, de Lyon, qui, si je suis bien informé, a pris
dans ce but, en 1842, un brevet suivi d'additions et de per-
fectionnements, sur lesquels il m'est impossible d'insister, 'si
ce n'est pour rappeler que les bobines à cannettes surchar-
gées et frottantes sont, afin de pouvoir faire varier au besoin
la tension des fils de chaîne, rangées dans un phn diversement
incliné sur le devant du métier, dont j'ai vu un très-beau
modèle fonctionnant dans l'atelier de M. Cusset, habile tulliste
charnier de la Croix-Rousse, à Lyon, qui y a apporté quelques
perfectionnements au moyen desquels il exécute facilement,
sur le tissu uni du tulle mat, des pleins maillés ou damassés
aussi variés qu'étendus et chargés de soie.
J'en resterai là pour les métiers à tulle lyonnais sur chaîne,
que je n'ai trouvé décrits nulle part, quoiqu'ils aient permis
à la France de lutter pendant si longtemps contre l'industrie
similaire du Royaume-Uni. Ces métiers, aujourd'hui encore
employés à la fabrication des dentelles d imitation, sont,
dit-on, susceptibles de notables perfectionnements, que les
récents essais de M. Descombes font déjà pressentir, et dont
nos tulles, à chaînes simples ou multiples, ont besoin pour
pouvoir désormais lutter avantageusement avec ceux qu'on
obtient sur les métiers à bobines multiples, plus spéciale-
ment connus sous le nom de métiers à talle-hobin, auxquels je
me propose de donner une attention particulière quand j'aurai
indiqué, en peu de mots, les plus anciennes des tentatives
qui ont été faites par nos voisins, vers la fin du dernier siècle
ou le commencement de celui-ci , pour perfectionner l'appli-
cation des métiers à chaîne et trame proprement dits à la
fabrication du tulle à mailles fixes.
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460 VI' JURY.
S III. — Revue rapide des plus anciennes patentes anglaises relatives à la
fabrication du tnlle sur des métiers à chaîne et ensouple (ckain-lact,
warp jrame, etc.) : Richard March, William. Dawson, Samuel Caliwcll et
John Heaihcote, Robert et John Brown. — Ancien métier Vandyke. — Ori-
gine de la bobine à chariot ou navette dans les métiers servant à fabriquer,
imiter la dentajle et autres réseaux noués : le professeur Letarc et le
géomètre Laplace, les mécaniciens Jacquart el Baron, en France; l'histo-
rien Blackner et les tullistes Charles Lacj, John Lindlrj, John Brm*n et
John Hcathcoal, en Angleterre.
L'obscurité, le désordre même qui régnent dans les plus
anciennes patentes anglaises, qui s'adressent principalement
aux hommes du métier, sans spécification de la nature des
produits, du jeu et de l'objet des organes constituant le fond
de chacune des demandes de privilège; toutes ces circon-
stances regrettables, qui se laissent également apercevoir dans
les brevets français, et qu'explique en partie la grande com-
plication des métiers employés à la fabrication des tulles
noués, me privent de la satisfaction de pouvoir donner un
aperçu tant soit peu exact de l'origine et de la constitution
des anciennes machines spécialement nommées warp framt
en Angleterre, et qui servent à fabriquer le tulle à chaîne
(chain-lace) , mais dont je dois renoncer même à faire con-
naître le véritable but et les intentions par les motifs déjà
déduits, notamment faute d'indications précises, de dessins
ou d'échantillons quelconques.
Je me bornerai donc à dire que c'est bien dans la patente
de Richard March, du mois de juillet 1784* que l'on ren-
contre pour la première fois le mot de chain-lace, appliqué à
un réseau obtenu sur un métier à aiguilles et crochets ma-
nœuvres à la main ou à l'aide de pédales, entre deux chaises
de charpente en forme de trapèze, et dont le véritable objet,
sans doute, était de s'affranchir entièrement du mécanisme
des métiers à bas, but, intention qu'on entrevoit plus aisément
dans sa patente, déjà citée, de mars 1778, où l'application
d'une chaîne à la mécanique basculante de Derby, je veux
dire de Strutt, est bien manifeste. Ce dernier système, ensuite
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MACHINES ET OUTILS. 461
perfectionné par les deux Frost, est, comme on Ta va égale-
ment, le point de dépari véritable des machines françaises,
fondées sur la combinaison , l'addition d'une chaîne à la trame
de l'ancien métier à bas.
Quand et comment les mécaniciens anglais se sont affran-
chis complètement et pour la première fois de l'usage des
ondes à platines crochues servant à la cueille des fils de
trame, il m'est impossible de le dire. Qu'est-ce, au fond, que
la machine à rotation immédiate ou mouvements automa-
tiques, décrite dans la patente déjà citée de William Dawson
(1791)? Qu'est-ce encore que l'ancien métier à cantre ou ro-
quetins (warpframe), généralement connu en Angleterre sous
le nom de Vandykeframe, et auquel Samuel Caldwell et John
Heathcote, principal auteur1, appliquent, dans leur patente
d'octobre i8o4 , un porte -aiguilles à crochets ou barbins
conducteurs des fils de chaîne verticaux et enroulés sur une
ensouple inférieure avec interposition de diverses couches ou
nappes de flanelle, pour empêcher par leur élasticité la trop
fréquente rupture des fils dans leur passage au travers des
barbins et de peignes séparateurs montés sur une couple de
barres horizontales en avant du métier, dont cinq pédales et
des poignées à main servaient à mouvoir les divers organes ?
Qu'étaient-ce, d'autre part, que les métiers décrits dans les
patentes de 1802 et i8o4 d'un fabricant de tulle de Notting-
ham désigné sous le nom de Robert Brown, et qui appli-
quait au même métier Vandyke une mécanique à double barre,
analogue à celle dont il vient d'être parlé , en caractérisant ce
genre de machine par l'épithète anglaise de knitting frame , qui
semblerait se rapporter à un certain métier à tricot qu'un
mécanicien du nom de Vandyke, Hollandais ou Flamand,
aurait importé dans le comté de Leicester à une époque déjà
1 Técris, selon la patente, Ileathcoie, et non pas Heathcoat, dont le nom
se retrouve dans d autres patentes de métiers à tulle qni nous occuperont
plus loin, mais dont Fauteur, résidant en 1808 à Longborough, comté de
Leicester, ne parait pas devoir être confondu avec le précédent, monteur
de semblables métiers à Hatbern, dans le même comté. *
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462 VI* JURY.
fort ancienne, contemporaine peut-être de celle où Jean Hin-
dret créait la manufacture du bois de Boulogne, sous le mi-
nistre Colber t , ou mieux encore , contemporaine de celle qu'on
assigne à la découverte même de William ,Lea, dont, comme
on Ta vu, l'histoire n'est point à beaucoup près entièrement
débarrassée d'obscurité et de doute?
Pour éclaircif ce dernier fait, il faudrait pouvoir consulter
les vieilles archives de cette mystérieuse Hollande ou des
Flandres, qui, on se le rappelle aussi, précédèrent la France
et l'Angleterre dans l'art perfectionné du tissage des draps,
des velours, des tapis, de la gaze nouée, etc.; industries dont
ces contrées furent pour ainsi dire dépouillées une à une par
les encouragements prodigués du dehors à leurs silencieux
mais intelligents artistes , manquant de privilèges analogues à
ceux octroyés par les gouvernements d'Elisabeth et de Crom-
well, en Angleterre, de Henri IV et des premières années du
règne de Louis XIV, en France ; privilèges dont malheureuse-
ment on n'a conservé aucune trace certaine chez nous avant
Tannée 1791, tandis que l'enregistrement officiel des patentes
anglaises remonte au 16 mars de l'année 1617.
A ceux qui, d'ailleurs, se demanderaient à quoi bon de pa-
reilles études historiques sur des machines et des procédés
aujourd'hui remplacés incontestablement par de plus parfaits;
à ces indifférents qui se prétendent les vrais philosophes, je
répondrai, simplement et une fois de plus, aûn que justice
soit rendue sur la terre à la mémoire de ces modestes créa-
teurs et trop souvent martyrs de nos jouissances matérielles;
comme, sans aucun doute, elle leur sera plus glorieusement
encore octroyée dans une vie meilleure et rémunératrice de
tout bien procuré aux hommes.
Enfin, entraîné comme malgré moi dans ce labyrinthe
obscur de patentes anglaises que ne consulteront jamais les
désœuvrés ou élus de la fortune, je dirai même les privilé-
giés de l'industrie manufacturière, j'ajouterai à tout ce qui
précède un dernier exemple concernant les anciens métiers
warp ou à chaîne, employés chez nos voisins pour fabriquer
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MACHINES ET OUTILS. 463
les tulles noués; exemple d'autant plus remarquable qu'il
renferme tléjà le plus important élément de succès des ma-
chines modernes, de celles précisément qui tendent à se
substituer aux machines lyonnaises à double ou quadruple
corps. Je veux ici parler, en effet, du métier à chaîne et à
ensouples multiples, marchant au moyen de pédales et de
barres à poignées latérales, dont la patente a été délivrée le
2 à avril 1811 à un autre Brown (John), manufacturier à
New-Radford, près Nottipgham, pour une machine spécia-
lement destinée à produire un tulle noué [hobbin-lace or twist
net) ressemblant à la dentelle de France ou du Bucking-
hamshire, dentelle, comme on sait, fabriquée à la main et
au fuseau espolin, sur l'antique métier à carreau* où l'ou-
vrière n'a uniquement, pour guider ses yeux, que des dessins
quadrillés et implantés d'épingles ou d'aiguilles au fur et à
•mesure de l'avancement du réseau.
Cette machine, comme le dit John Brown, se dislingue
des précédentes en ce qu'elle est destinée à la fabrication si-
multanée de vingt-trois bandes étroites et verticales de den-
telle, s'enroulant, à la partie inférieure, sur une grande en-
souple horizontale après sa sortie de l'équipage des pièces tra-
vaillantes, que surmonte un autre équipage de leviers courbes
croisés, oscillants, faisant marcher en dessous une roue à
déclic et minute pour régulariser les évolutions intermittentes
des pièces principales, celle de l'ensouple ci-dessus comprise.
A chacune des bandes de .dentelle correspond d'ailleurs, en
haut du métier, une rangée horizontale d'autres petits cy-
lindres ensouples, à contre-poids de tension, et d'où émanent
des faisceaux divergents de fils qui alimentent ces bandes
respectives après s'être reployés verticalement au travers de
peignes diviseurs ou distributeurs, à aiguilles fourchues, poin-
tues, ou à platinettes percées: les unes et les autres, montées
par groupes distincts, sur des barres à plomb animées de va-
et-vient dans le sens latéral ou parallèle au métier, servent à
effectuer le croisement de leurs fils avec ceux de navettes à
bobines verticales, très-minces, à traîneaux ou chariots glis-
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464 VP JURY.
saut sur des sièges parallèles entre eux , perpendiculaires au
plan vertical moyen de la chaîne. Mais John Brown ne
s'explique ni clairement ni franchement sur le jeu et la dis-
position de ce dernier système, parce qu'en effet il n'en est
point le premier inventeur, comme le montrera ci-après la
discussion des titres ou patentes concernant l'origine de cette
découverte, qui a exercé une influence si capitale sur la
prospérité de Nottingham et de quelques villes françaises,
devenues de bonne heure ses rivales.
Si, d'ailleurs, j'ai insisté tout d'abord sur la patente de
John Brown , c'est qu'elle forme comme la transition naturelle
des anciens métiers à chaînes anglais avec les nouveaux, où
désormais les ensouples servant à enrouler le tissu au for et
à mesure de sa formation sont constamment placées à la
partie supérieure de la machine, au-dessus des pièces travail-
lantes, qui elles-mêmes surmontent toujours les ensouples
de la chaîne ou» des diverses chaînes, d'après un système qui
paraît incontestablement dû à John Heathcoat, de Tiverton,
en tant qu'il permet de faire converger tous les fils vers le
point où doit, en quelque sorte, se concentrer le travail de
formation du réseau régulier, uniforme et sans aucune espèce
d'ornement, dont la fabrication mécanique fut d'abord tentée
par ce célèbre mécanicien, plus tard devenu le bienfaiteur de
son pays, je veux dire du Nottinghamshire, la patrie des Wa-
kefield , des Àrkwright et de tant d autres, hommes célèbres
ou illustres. ,
L'idée d employer de minces bobines verticales porte-
trame, en guise de navettes, a été attribuée en Angleterre
à diverses personnes, parmi lesquelles on a constamment cité
Heathcoat et John Brown. Néanmoins Blackner, l'historien
de Nottingham, qui écrivait en 181 5, prétend faire remonter
cette même idée à l'année 1799, où John Lindley, depuis
fabricant de tulle-bobin dans cette ville, l'aurait communiquée
à son oncle Charles Lacy, alors soi-disant associé à Heath-
coat, etc.; mais ce sont là encore des propos d'ateliers, sans
doute fort hasardés et qui méritent, ce semble, d'autant
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MACHINES ET OUTILS. 465
moins de croyance que, d'un côté, Heathcoat fut sans parte-
naire dans ses nombreuses patentes; d'un autre, que Lindley
et Lacy, associés en 1816 pour une. patente de machine
à tulle dont j'aurai aussi bientôt à parler, mentionnent très-
explicitement les droits de Heatbcoat et de Brown à toute
priorité, du moins en Angleterre.
Le soin particulier que Blackner prend pour faire remonter
la découverte de la bobine porte-trame à 1799, bobine dont
il aurait déjà en i8o3 vu un modèle construit par un cer-
tain Hood, montré à divers mécaniciens, et qui aurait servi
à confectionner un petit échantillon de dentelle, etc.; tout
cela semblerait indiquer que la bobine qui fit dans l'ori-
gine tant de bruit à Nottingham, et qui devint sans doute la
principale cause du procès intenté par John Brown aux nom-
més Moore et C", contre lesquels, selon Blackner, il revendi-
quait aussi l'usage d'instruments circulaires, à mouvements pla-
nétaires ou rentrants, par lesquels l'ouvrier devenait capable de
faire traverser diagonalement aux bobines un nombre illimité
de mailles, avec V avantage de donner des lisières à ces mailles;
tout cela, dis-je, semble moins un plaidoyer en faveur de
tel ou tel individu anglais qu'une information historique,
d'intérêt tout national, tendant peut-être à faire oublier sinon
l'informe métier à filets de pêche et à navettes multiples de
Jacquart, du moins celui où Buron, récompensé d'une mé-
daille d'or à l'Exposition française de 1806, s'était déjà servi
d'une rangée de bobines verticales porte-trame à va-et-vient
horizontal pour traverser directement, et non diagonalement
je le reconnais, les boucles des mêmes filets et y pratiquer des
nœuds véritables. Quoique l'emploi de telles bobines soit très-
distinct, au fond, de celui des minces bobines servant à fa-
briquer le tulle dans les machines anglaises , il n'en est pas
moins évident que la première de ces idées, qui n'a pas non
plus manqué de retentissement en Europe, a très-bien pu
réveiller l'autre. *
Mais pour établir à cet égard l'antériorité des artistes fran-
çais sur ceux de l'Angleterre, seuls capables, à cette époque,
Tl* jcm. — a* partie. 3o
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466 VP JURY.
de mener à bonne et commerciale fin une entreprise de cette
espèce, grâce aux éléments de succès ou de vogue que la fabri-
cation des machines, mais particulièrement celle des tulles
à réseaux de dentelles, possédait dès le commencement de
ce siècle dans la riche cité de Nottingham; pour établir cette
antériorité, du moins comme principe, il suffit de se repor-
ter à la séance du 20 janvier 1776 de l'ancienne Académie
des sciences de Paris, dans laquelle Laplace, devenu le grand
géomètre que nous connaissons, présenta pour un sieur Le-
turc, professeur à l'Ecole militaire de la même ville, un mé-
tier à faire le réseau de dentelle; puis à l'extrait du procès-
verbal de la séance du vendredi 29 mars de la même année, où
MM. de Vaucanson, de Montigny, Vandermonde et Laplace1,
rapporteur, accordèrent leur approbation entière au métier
de Leturc et le1 recommandèrent au Gouvernement dans
leurs conclusions, après avoir donné du mécanisme même
de ce métier une description verbale très-propre à convaincre
que l'application de bobines légères et mobiles à la fabrica-
tion du vrai réseau de dentelle est, en effet, une conception
française déjà ancienne, réalisée dans une machine fonction-
nant au moyen de 700 bobines minces, à rainures profondes,
chargées de fils de trame à petits poids de tirage pour régu-
lariser, égaliser la tension , et enfilées sur des rangées corres-
pondantes de pointes horizontales parallèles, au nombre de
i,4oo, garnissant sept traverses intermédiaires et horizon-
tales du métier, dont trois mobiles de droite et de gauche, au
moyen d'un levier et d'une bascule à contre-poids, qui sert à
les faire avancer, accrocher, lâcher alternativement, etc.
1 Gomme tout ce qui se rattache à ce nom immortel ne peut qu'intéresser
notre génération et celles qui la suivront, j'ai cru devoir consigner, à la fin
de ce paragraphe, l'extrait textuel des séances précitées de l'ancienne Aca-
démie où il est question des métiers à dentelle du professeur Leturc, en
rappelant ici que Laplace, originaire d'un village voisin de la ville de Caeo,
où l'on s'occupe de temps immémorial à fabriquer la dentelle, fut d'abord
élève et professeur à l'École militaire de Beaumont , puis à celle de Paris, où
lui avait succédé le même Leturc dont je viens de parler, peut-être aussi
grâce à la toute-puissante influence de cTAlembert
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MACHINES ET OUTILS. 467
« Ce sont, dit l'illustre Rapporteur, ces différents mouvements
qui permettent aux bobines chargées de leurs fils de passer
les unes devant les autres et de faire enlacer et croiser ces
.fils. » Mais les explications qu'il ajoute ensuite pour faire con-
cevoir les fonctions diverses du métier capable de produire
l'ouvrage de quinze ouvrières ne suffisent pas, je crois, à
défaut de figures, pour en donner une idée précise; et tout ce
que l'on aperçoit distinctement, c'est que le mécanisme, dis-
posé pour le jeu des bobines substituées aux fuseaux à main
de la dentellière, ne comportait nullement le double système
de fils de trame et de chaîne à ensouple qui se remarque
constamment dans les derniers métiers anglais, mais que
contenaient déjà, comme on l'a vu, ceux à filets de pêche
de Jacquart ou de Buron.
Ajoutons que les tentatives diverses et subséquentes du
professeur Leturc furent déposées successivement à l'ancien
Magasin des machines et au Conservatoire des arts et métiers ,
où elles existaient encore en 1812, puisque feu Molard les cite
comme ayant servi de type, en 1786, au métier de tricot sur
chaîne, à peignes et fonture d'aiguilles, sans ondes, du cha-
noine Moisson, aussi bien qu'à divers autres métiers1 dont
j'ai déjà parié, mais où l'idée des bobines avait, à ce qu'il
semble, entièrement disparu; idée demeurée ainsi sans fruit
pour les progrès de notre industrie, longtemps engagée dans
une route, sinon fausse ou stérile, du moins assez peu profi-
table à notre prospérité nationale.
Addition relative au métier imaginé en 1776 par le professeur Leturc, et
servant à fabriquer mécaniquement la dentelle au moyen de bobines
diversement mobiles.
Extrait du procès-verbal de la séance da samedi 20 janvier 1776
de l'ancienne Académie des sciences.
« M. deLaplace a présenté pour M. Leturc, professeur à l'École
1 Bulletin de la Société £ encouragement, janvier 1 8 1 s , t. XI , p. 1 à 3.
3o*
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468 VF JURY.
militaire, un métier à faire du réseau. MM. de Montigny, de
Vaucanson , Vandermonde et de Laplace ont été chargés de
l'examiner. »
Extrait du procès-verbal du vendredi 27 mars 1776.
« MM. de Montigny, de Vaucanson , Vandermonde et de La-
place ont fait le rapport suivant du métier à fond de dentelle
de M. Leturc:
« Nous, commissaires nommés par l'Académie, MM. de Vau-
canson, de Montigny, Vandermonde et moi, avons examiné
un métier propre à faire différents réseaux de dentelle, par
M. Leturc, professeur de fortification à l'École royale mili-
taire.
« M. Leturc s'occupe depuis longtemps de ce métier. Il y a
cinq ans environ qu'il en fit un très-petit qui remplissait assez
bien son objet. Ce premier essai le conduisit à la construction
d'un second métier beaucoup plus parfait que le premier et
qui en différait autant que cela est possible en partant du
même principe. Enfin , le second métier, susceptible encore
d'être perfectionné, lui fit naître l'idée de celui que nous allons
décrire et qui, par sa simplicité et par la facilité de l'em-
ployer, nous parait mériter la préférence sur les deux pre-
miers.
« Ce m'étier forme un parallélogramme de quatre montants
en bois et de plusieurs traverses qui servent à fixer les points
d'appui de ses mouvements. Aux traverses du haut sont fixés:
i° les ressorts qui accrochent et soutiennent les calibres sur
lesquels se forment les rangées de mailles; a° six battants
servant à placer, au moyen d'autant de grandes lames, les ca-
libres dans les ressorts et à serrer en même temps les rangées
de points; 3° deux cylindres mobiles qui, en se rabattant
vers le centre des fils, servent à les rassembler après que les
battants ont placé le calibre dans les ressorts. Un seul calibre
sert pour une rangée de mailles et le réseau se forme autour,
de la même manière que le filet autour de son moule. M. Le-
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MACHINES ET OUTILS. 469
turc avait imaginé de substituer au calibre un peigne com-
posé d'autant de dents que la dentelle avait de mailles , de sorte
que la dentelle se trouvait tendue et fabriquée dans sa lar-
geur. Chaque maille se formait autour d'une dent du peigne;
lorsque la rangée était ainsi formée sur le peigne, on la faisait
passer aune place supérieure, et il était sur-le-champ rem-
placé par un peigne qui n'avait point servi et qui se trouvait
dans un magasin dans lequel le peigne qui venait de sortir
rentrait par le côté opposé. Quoique le mécanisme avec lequel
M. Leturc opérait cette circulation continuelle de peignes soit
très-ingénieux, l'usage des calibres nous parait cependant plus
commode et plus simple.
«Les sept traverses du milieu du métier, dont trois sont
mobiles, sont garnies de i,4oo pointes horizontales et paral-
lèles, sur lesquelles s'enfilent 700 bobines chargées de fils et
de contre-poids de plomb qui servent non-seulement à tenir
le fil dans sa forme, le réseau toujours tendu, mais aussi à
le laisser dévider à mesure qu'on l'emploie, et à le faire reve-
nir de lui-même sur les bobines lorsqu'elles avancent d'une
ou de plusieurs places vers le milieu de l'ouvrage. Les contre-
poids dont 'nous venons de parler sont composés de deux
plombs, un gros et un petit, attachés chacun à l'extrémité de
la bobine. Cette* rainure est angulaire et assez profonde pour
que durant le jeu de la machine le fil qui soutient les plombs
ne puisse en sortir. Les trois traverses mobiles ont un mou-
vement de droite et de gauche , par le moyen d'un bras de
levier qui sert à les faire avancer, d'une bascule qui sert
à les accrocher ou à les lâcher et d'un contre-poids qui les
remet dans leur situation ordinaire. Ce sont ces différents
mouvements qui permettent aux bobines chargées de leurs
fils de passer les unes devant les autres et de faire enlacer et
croiser les fils. Les six traverses plus basses soutiennent les
charnières des bascules qui chassent les bobines d'une pointe
à l'autre et les barres horizontales qui donnent et qui cdmmu-
niquent les mouvements aux bascules des six métiers à la
fois.
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470 VT JURY.
« Aux quatre montants du métier sont fixés six châssis, dont
trois sont contigus de chaque côté; ils sont armés, dans leur
partie supérieure , de petites fourches de fer qui embrassent
les branches et servent à les contenir et à les pousser daos un
même plan. Ces petites fourches sont espacées de deux en deux
ou de quatre en quatre branches, pour agir selon que le point
l'exige. Enfin deux autres châssis horizontaux servent à rame-
ner les bobines des six métiers des traverses mobiles sur les
faces.
«Douze touches, mues en pressant verticalement dessus,
communiquent aux métiers tous les mouvements. Une de ces
touches sert à avancer les trois traverses mouvantes, qui
portent à une, deux ou trois places différentes sections des
bobines.
« Une autre décroche ces trois traverses et les ramène à
différentes places, dont l'ouvrière se rend maîtresse en sou-
tenant d'une main par les contre-poids la touche précédente.
« Six autres touches servent à mouvoir les bobines de six
métiers, selon l'ordre qu'exige le point, et cela par les six
châssis qui poussent les bascules.
« Une autre communique aux dernières bobines un mouve-
ment particulier pour faire le réseau uni de la dentelle.
« Une sert à faire mouvoir les battants au moyen d'une
corde qui traverse verticalement le métier et dont une extré-
mité, après avoir passé sur deux poulies de renvoi, est atta-
chée à l'arbre qui soutient les battants.
« Une autre touche rabat deux cylindres qui serrent les fils,
et chacun d'eux se remet à sa place par un contre-poids. 0*
sont également tirés par des cordes, ainsi que les battants. La
dernière touche, enfin, soulève un mentonnët fixé à un axe
mobile de la longueur du métier, et aux extrémités de cet
axe s'élève un bras de levier servant à pousser les deux chas-
sis qui ramènent les bobines sur les traverses immobiles.
« La machine que nous venons de décrire renferme six
métiers; mais il nous parait que cette multiplicité en rend
le jeu moins précis et plus difficile. Nous pensons qu'en la
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MACHINES ET OUTILS. 471
réduisant à deux ou trois métiers au plus, et donnant plus
de justesse aux différentes pièces qui la composent, ce qui est
d'une facile exécution, on parviendra à la rendre d'un grand
usage dans le commerce. Cette machine peut exécuter tous les
points de dentelle, soit que les fils s'enlacent de deux en deux
ou de quatre en quatre; avantage que n'ont point les ma-
chines déjà connues, dans l'état où elles ont été. présentées.
On peut faire par son moyen douze ou quinze fois plus d'ou-
vrage dans le même temps que par les procédés manuels, et
cet ouvrage est très-régulier, comme l'Académie peut s'en
assurer par les échantillons qu'elle a sous les yeux, quoique
travaillés à un métier très-imparfait dans son exécution ; d'ail-
leurs, les moyens que M. Leturc emploie sont aussi simples
qu'ingénieux.
« Nous croyons donc que cette machine mérite l'approbation
et les éloges de l'Académie, et qu'à cause de la grande utilité
dont elle peut être dans le commerce, son auteur mérite
d'être encouragé par le ministère. »
S IV. — Examen spécial des plus anciennes patentes anglaises relatives à
l'invention des métiers à talle-bobin, imitant le vrai réseau de dentelle.
— Première et infructueuse tentativepar John Heathcoat, deLongborough,
en 1808. — Sa seconde, obscure et fondamentale patente de 1809, °^
se trouvent indiqués des grilles circulaires deguideàplatinettes interrom-
pues, des navettes à double circulation et le principe de convergence
centrale ou supérieure de tous les fils, etc. — Erreurs d'Andrew Ure
et d'autres à ce sujet : Morley, Mart et Clark, Leaver, Stevenson, Broie/,
Hervey, etc. — Définition du vrai réseau de dentelle , par Charles S'doester,
de Derby, dans une patente envisagée comme défi ou provocation.
J'admettrai volontiers, avec tous les auteurs anglais et
selon l'avis de Brunel même, que le célèbre mécanicien et
manufacturier John Heathcoat, de Longborough (comté de
Leicester), depuis établi à Tiverlon, etc., réussit le premier,
entre tous, à fabriquer mécaniquement un tulle ressemblant
à notre dentelle au fuseau (nearfy ressembling french lace),
comme l'énonce très-explicitement sa première patente du
là juillet 1808; j'admets, avec moins d'hésitation encore,
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472 VI* JURY.
que nul n'a autant contribué, par une longue persévérance, à
fonder l'industrie tullière dans son pays ; mais ce serait une
erreur de croire que cette première patente contint rien qui
eût rapport au jeu des bobines, dont je n'ai jusqu'à présent
donné qu une imparfaite idée.
Entièrement construit en bois, sur un plan vertical où le
tissu, composé d'une étroite bande de tulle, enveloppait vers
le baut un petit rouleau ensouple, tandis que les fils de chaîne
verticaux se déroulaient, au fur et à mesure, d'un autre cy-
lindre beaucoup plus large placé horizontalement en dessous
du principal mécanisme, le métier décrit dans cette première
patente de Heathcoat fonctionnait avec une extrême lenteur
et à la main , mettant en action un double rang de longs fu-
seaux ou navettes enfermés dans des tubes creux à pignons
et doubles crémaillères motrices, disposés, sur le plateau ver-
tical et annulaire de la machine, circulairement, concentri-
quement au point supérieur, où se formait le réseau de den-
telle, c'est-à-dire à l'extrémité basse de la petite bande de
tulle, verticalement suspendue à son ensouple horizontale, et
dont un point de l'axe vertical servait de centre de conver-
gence à ces fuseaux-navettes, à leurs guides ainsi qu'au double
faisceau des Gis de trame et de chaîne, dont une moitié émer-
geait verticalement de l'ensouple inférieure du bâti.
Ce peu de mots, auxquels il me serait, par les causes si
souvent indiquées, impossible de rien ajouter de plus précis,
de peur de donner une fausse idée de la manière dont fau-
teur parvenait à croiser à plusieurs reprises ou commettre
de proche en proche les fils de chaîne par ceux des fuseaux,
marchant diagonalement d'un bord au bord opposé du métier
ou du tissu, comme cela a lieu dans la fabrication même de
la dentelle, ce peu de mots, dis-je, doit suffire pour prouver,
que Heathcoat avait, dès 1 808 , senti l'importance de faire con-
verger le faisceau entier des fils travailleurs vers le point élevé
où ils se forment en mailles et réseau, afin d'en maintenir,
égaliser la longueur et la tension au travers des peignes supé-
rieurs, pareillement concentriques et circulaires, mais dont la
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MACHINES ET OUTILS. 473
patente ne laisse pas apercevoir bien clairement le jeu et la
disposition fondamentale.
Quant à la largeur extraordinaire donnée ici à la partie
inférieure du métier, je veux dire au rouleau ensouple de la
chaîne et au plateau vertical en couronne qui porte les cré-
maillères à pignons et les longues navettes ou fuseaux à tubes
creux directeurs, on comprend parfaitement qu elle était la
conséquence nécessaire de la grosseur même de ces organes
convergents et primitifs du système. De plus, on s'explique
qu'une disposition pareille ne pouvait comporter qu'un bien
petit nombre de bandes étroites de deutelle ou de métiers
accouplés, groupés les uns à côté des autres, dans une direc-
tion rectiligne horizontale; mais on ne saurait y méconnaître
les premiers efforts d'un homme de génie pour sortir des
routes battues par ses prédécesseurs.
Dans sa seconde patente du 20 mars 180g, ayant spécia-
lement pour objet la fabrication du tulle-bobin (bobbine-lace),
Heathcoat commence par déclarer en tête du long, respec-
tueux et formaliste protocole d'usage en Angleterre, qu'il est
le premier et vrai inventeur de la machine dont il va donner
la description en six grandes planches, et qu'il a, dit- il, sou-
mise à des expériences répétées pour en constater la pro-
duction et les avantages particuliers. Quoiqu'il soit comme
impossible de suivre la pensée fondamentale de l'auteur au
travers des incohérentes et minutieuses descriptions de la pa-
tente , il est aisé de reconnaître qu'il a ici entièrement aban-
donné son premier système de solution , bien qu'il y parle
encore de tubes creux servant à diriger les fils de l'ensouple
inférieure dans le plan vertical moyen du métier, disposé à
la manière ordinaire, c'est-à-dire horizontalement sur des
chaises et supports extrêmes en charpente, surmontés à leur
tour d'un bâti en fer et en fonte destiné à recevoir l'en-
souple supérieure du tissu , ainsi que l'équipage des barres à
aiguilles ou à pointes, qui servent à la cueille, au serrage ou
renlrage des mailles, dont le système n'est pas suffisamment
indiqué dans la patente; les fonctions diverses du nouveau
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474 VF JURY.
métier ^accomplissant d'ailleurs au moyen de barres hori-
zontales, de bascules à leviers et de poignées à main, enfin
de marches ou pédales situées les unes vers le haut, les autres
vers le bas du métier.
Ce que Ton devine plutôt encore qu'on ne l'aperçoit expli-
citement dans la même patente, c'est que les fils de chaîne
ou d'ensouple inférieure, de même que leurs tubes conduc-
teurs , dont il a déjà été parlé comme occupant le plan vertical
moyen du métier, c'est, dis-je, que ces fils, au lieu de con-
verger de toutes parts et latéralement vers le point de for-
mation des mailles du tissu, ainsi que cela avait lieu dans
la première patente de Heathcoat, cheminent, s'élèvent à peu
près verticalement au travers du vide rectangulaire et hori-
zontal qui occupe, à une hauteur intermédiaire, un espace
nommé aujourd'hui le fossé, vide de part et d'autre duquel
la nouvelle patente place symétriquement deux couples de
barres aplomb, droites, horizontales et parallèles au fossé,
munies de platines perpendiculaires ou transversales, eu
nombre égal à celui des mailles du réseau pour chaque barre.
Découpées circulairement vers le haut, ces platines servent
d'appui et de guide à de minces chariots ou traîneaux sur-
montés de bobines verticales porte-trame, reposant ici sur des
tourillons et marchant par couple, Tune derrière l'autre, dans
chacune des coulisses ou rainures formées par les rangées de
platines, qui, se correspondant exactement à raison de vingt
par pouce des deux côtés du fossé, permettent aux navettes
et à leurs fils de trame de traverser les intervalles demeu-
rés alors libres entre les fils de chaîne correspondants, fils
qui doivent constituer, respectivement et par couples, les
côtés verticaux mêmes des mailles du tissu.
Quoique le texte de la patente, qui semble s'adresser exclu-
sivement aux hommes du métier parfaitement au courant déjà
de l'usage des navettes ou chariots à bobines, ne s'explique
pas nettement sur la manière de faire croiser et circuler dia-
gonalement les fils de trame autour de ceux de la chaîne,
cependant on y indique très -explicitement que les quatre
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MACHINES ET OUTILS. 475
barres à platines de guide ci -dessus sont disposées sur une
portion de cylindre circulaire horizontal dont Taxe corres-
pond au point même de formation des mailles , toujours afin
d'égaliser la longueur et la tension des fils de trame ou de
bobines. Le texte ajoute aussi que chacun des couples de ces
barres, antérieures ou postérieures au fossé, est monté sur
des sièges fixes extrêmes, munis de collets où les barres an-
térieures peuvent glisser horizontalement et parallèlement à
ce fossé, de manière à avancer sur la droite ou sur la gauche,
exactement d'un espace ou porte, vis-à-vis des rainures cor-
respondantes des platines à barres fixes postérieures. On ne.
saurait donc se refuser à reconnaître , malgré les hésitations
et les lacunes de ce texte, qu'il n'y ait là une indication suf-
fisante, sinon parfaitement lucide, du système des grilles ou
peignes circulaires (circular combs), aujourd'hui encore en
usage dans les métiers à tulle-bobin , si ce n'est que ces grilles,
ces peignes conducteurs des chariots à bobines traversières,
sont formés de deux parties seulement, placées en regard
l'une de l'autre de chacun des côtés du fossé transversal, et
non plus subdivisées respectivement en deux portions à rangs
de platines isolées, comme le veut Heathcoat dans la patente
de 1 809 qui nous occupe.
Quant à la manière dont s'accomplissait, soit le glissement
longitudinal des barres à platines de grilles, soit le glisse-
ment transversal et circulaire des bobines à navettes ou traî-
neaux minces, ici armés d'encoches aux deux bouts pour les
saisir et pousser simultanément au moyen de lames de fer
longitudinales, Heathcoat ne s'en explique pas clairement, et
l'on doit seulement admettre, d'après ses descriptions, fort
vagues pour quiconque n'a pas vu ce primitif métier, que les
déplacements dont il s'agit s'opéraient, directement ou à la
main, par l'intermédiaire' de leviers à poignées, etc. c'est-à-
dire par des procédés analogues à ceux que les Strutt, les
Frost, les March, etc. avaient déjà mis en usage dans des
métiers à tricot ou à chaîne d'une tout autre espèce.
Enfin , je dois prévenir qu'on ne rencontrera pas d'indica-
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476 VI* JURY,
tions ou d'explications plus satisfaisantes dans la troisième
patente de John Heathcoat, du 29 mars 181 3, postérieure de
deux années à celle de John Brown , dont il a été parlé à la
fin du précédent paragraphe. Cette troisième patente, en
effet, a uniquement pour objet quelques perfectionnements
de détails, relatifs à la substitution du fer au bois dans les
organes essentiels de la machine , où Ton fait intervenir des
contre-poids, des ressorts k boudins de recul, etc. Heathcoat
y insiste principalement sur un instrument particulier, espèce
de tourniquet détaché, si je ne me trompe, du mécanisme du
métier, qu'il nomme turn-again, et dont iJ se sert pour retour-
ner les navettes parvenues à la fin de leurs courses latérales
et contraires, près de Tune ou de l'autre des lisières du tissa:
là les bobines et leurs fils de trame doivent, en effet, reve-
nir pour croiser diagonalemcnt et symétriquement les fils de
chaîne, en vertu même des déplacements longitudinaux,
alternatifs, de droite à gauche et de gauche à droite, douoés.
sur la largeur d'une porte, au couple de grilles ou de barres
à grille situé sur le devant du métier.
Tout cela d'ailleurs est exposé dans un texte où les chiffres
de renvoi aux figures de cette troisième patente et de celle
de 1809 sont écrits en toutes lettres, et dans un désordre qui
semble calculé en vue de déguiser la pensée fondamentale
du système, ou ce que je nommerai sa théorie; de manière à
dépister les imitateurs ou contrefacteurs, sinon à masquer
les emprunts que l'auteur aurait pu faire à quelqu'un de ses
rivaux ou prédécesseurs peu connus; car nulle part Heathcoat
ne se dit positivement l'inventeur des navettes à bobines ou
des barres à platines, des grilles conductrices, qui en sont
l'accompagnement indispensable.
Est-il vrai notamment, comme le prétend l'auteur do Dic-
tionnaire anglais des arts et manufactures (p. 733) , lequel, avec
raison, place Heathcoat1 et Brown en tête des inventeurs et
1 Le docteur Ure écrit Heathcoate, et non Heathcoat avec tons les cata-
logues anglais ou français de patentes et de brevets : cette faute a été
reproduite par d'autres avec des altérations d'orthographe nouvelles.
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MACHINES ET OUTILS. 477
constructeurs de métiers à tulle-bobin (bobbin-net), est-il vrai
qu'un certain Morley, de Derby, sans autre qualification, se
serait, avant tous (1811), servi à Nottingham de grilles con-
ductrices des navettes , mais à platines ou tiges droites (straight
boll), dont le métier, à petite jauge ou largeur, aurait été
mieux combiné, plus simple et plus facile à mouvoir que
ceux jusque-là tentés?
Andrew Ure ne prétend-il pas aussi que, Tannée d'après
(1812), le même Morley se serait servi de grilles circulaires
(circular boit) , sans s'assurer le fruit de ses inventions par
aucun privilège, tant étaient grands sa modestie et son désin-
téressement? Mais outre que 1811 et 1812 n'ont pas précédé
1809, outre qu'on sait à quoi s'en tenir à l'égard de l'abné-
gation et du désintéressement des industriels anglais, il faut
encore observer que ce Morley, de Derby, est le même sans
doute qui, le 9 mars 1824, sous le prénom de William, se
fit délivrer une patente pour un métier'à tulle, muni d'une
double barre plate à loquets [double locker), servant à tirer,
pousser les navettes de part et d'autre du fossé de passage des
fils de chaîne; ce qui semble être en contradiction formelle
avec les sentiments qu'Ure prête , ainsi que les auteurs qui
l'ont répété, à l'industriel dont il s'agit1.
Des observations critiques, tout aussi fondées en principe,
peuvent également s'appliquer à ce que le même technologue
énonce des sieurs Mart (Samuel) et Clark (James), de Notting-
ham, qui, dès 1812 encore, auraient inventé la machine à
pousseurs (pusher machine), et d'un soi-disant John Leaver
qui, vers la même époque, aurait mis en avant la machine à
levier» lever machine, conjointement avec un nommé Turton,
1 C'est pourtant an fait remarquable que les patentes des i5 mars 18 ad
et 9 janvier 1828, indiquées dans les catalogues anglais sous le nom de
William Morley, fabricant de tulle à Nottingham , n'ont jamais été enregis-
trées d'une manière régulière dans le bureau ou office d'enrôlement des
patentes d'invention ; ce qui peut être attribué à différentes causes , mais
non, je crois, à celles qu'Ure indique, puisque 1811 ou 1813 a précédé
1824 au moins de douze ans.
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478 VP JURY.
tous deux de New-Radford , près Nottingham , etc. Ce sont là,
je le répète et comme on le verra encore mieux pins tard,
autant de propos, de vanteries intéressés, tels qu'il en sort,
au bout d'un certain temps, des lieux de fabrication, oà les
souvenirs s'effacent, s'altèrent avec une facilité et une corn*
plaisance dont il est difficile de se faire une idée exacte quand
on ne les a pas suffisamment examinés.
Toutefois, cette légèreté de propos, permise aux contre-
maîtres et chefs d'ateliers, qui ont rarement le loisir de re-
courir aux sources originales ou qui n'ont sous la main que
des écrits mensongers sur l'histoire de chaque machine, cette
légèreté est vraiment injustifiable dans un livre d'apparence
aussi sérieuse que celui du docteur Ure, mais où , par le fait,
les erreurs de dates, de noms, etc., abondent comme à plaisir
et offrent des contradictions étranges avec les assertions conte-
nues dans d'autres écrits puisés à des sources analogues,
mais dérivés d'autres ateliers, d'autres intérêts ou d'autres
prétentions rivales.
C'est ainsi, par exemple, que dans un article historique
sans nom d'auteur inséré à la p. 379 du t. XXIX du Bulletin de
la Société d'encouragement de Paris, on néglige complètement
les noms d'inventeurs que je viens de citer d'après Ure, pour
y substituer ceux des Stevenson, des Braley, des Hervey, etc.,
parmi lesquels cependant on place, mais à un rang beaucoup
trop reculé, ceux de Lacy et de Lindley, pour la part impor-
tante qu'ont prise dans l'établissement des métiers à tulle-
bobin ces ingénieux mécaniciens, dont, chose plus surpre-
nante encore, les titres sont entièrement passés sous silence
dans le Dictionnaire des arts et manufactures, malgré le reten-
tissement qu'obtinrent leurs travaux, d'après l'histoire contem-
poraine de Nottingham par Blackner.
Le silence absolu gardé par Ure sur l'origine des idées rela-
tives au jeu des bobines traversières, décrites dans la patente
de 180g de Heathcoat, ce silence est d'autant plus regrettable
que personne, en Angleterre ou en France, ne s'est expliqué
nettement à cet égard, et qu'il s'est écoulé, dei8i3ài8i6,
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MACHINES ET OUTILS. 479
un. intervalle de plus de trois années sans qu'il ait été déli-
vré dans le Royaume -Uni aucune autre patente relative à la
fabrication du tulle-bobin , si ce n'est le a a juin 181 5, à l'ingé-
nieur Charles Silvester, de Derby, pour des perfectionne-,
ments relatifs à la texture particulière delà dentelle à mailles
hexagonales [bobbin-lace) , dont l'auteur propose de commettre,
tordre entre eux les doubles fils, sur tous les côtés à la fois,
par des procédés sans doute purement manuels ou à fuseaux
ordinaires. Ces procédés n'étant point exposés dans la patente,
ils n'ont pu contribuer directement aux progrès ultérieurs
des idées mécaniques; mais ils auront servi comme d'avertisse-
ment au public et de défi, de leçon, aux fabricants de tulle
sur métier, dont les produits en fil de coton, quoique jusque-
là imparfaitement commis, menaçaient cependant dès i8i5
le travail à 1^ main d'une concurrence extrêmement dange-
reuse, même en Angleterre, où d'ailleurs il se fabriquait
ainsi assez peu de dentelle, à cause du prix élevé de la main-
d'œuvre et de la concurrence étrangère; concurrence devenue,
depuis près d'un demi-siècle, le prétexte de droits prohibitifs
et le principal point de mire des industrieux fabricants ou
mécaniciens de Nottingham.
S V. — Suite de l'examen des plus anciennes patentes anglaises relatives
aux métiers à tulle-bobin. — Système automatique de Charles Lacy et de
John Lindley, à grilles circulaires fixes, à navettes traversières perfec-
tionnées et roquets «nsouples de chaîne circulante (1816). — Nouvelle
patente délivrée à John Heathcoat, en 1816, pour un métier à main et à
marches, fabriquant et brodant simultanément le tulle-bobin, au moyen
de barres latérales de guide, de roues à crans et à rosettes.
C'est peu après le silencieux intervalle écoulé entre les
années 181 3 et 1816 que Charles Lacy, de Nottingham, et
John Lindley, de Longborough, tous deux fabricants de
tulle, prirent en commun leur patente, datée seulement du
3o septembre 1816, pour des mécanismes (machinery) appli-
cables aux métiers à tulle uni, façon de Buckingham, déjà
en usage; la première, sans contredit, des patentes anglaises
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<i30 VI* JURY.
relatives aux métiers où le but , la nature des produits, la cons-
titution et le jeu des principaux organes soient, sinon très-
clairement, du moins consciencieusement, décrits et exposés,
en un mémoire de trente pages, grand in-8°, accompagné de
dix planches du plus grand format, mémoire qui offre tous
les caractères de la loyauté et de la franchise.
Le tulle dont il est question, parfaitement défini etfigaré,
présente, comme la dentelle de Lille, d'Arras, etc., des mailles
hexagonales, dont quatre côtés seulement sont formés par le
commettage à un tour et demi des fils respectifs de la chaîne
avec ceux de la trame ou des bobines, les deux autres côtés
étant formés de ces derniers fils simplement croisés et mar-
chant diagonalemcnt d'une lisière à l'autre du tissu. Or, cela
a lieu ici, non comme le proposait Heathcoat dans sa pa-
tente de 1809, en faisant avancer ou reculer simultanément
d'un cran ou d'une porte, tantôt de droite à gauche, tantôt
de gauche à droite, la grille de guide antérieure des chariots
de bobines après le passage de celle-ci au travers des fils verti-
caux de la chaîne, mais bien en laissant constamment immo-
biles ces grilles ou peignes , composés d'une double rangée de
lames circulaires opposées entre elles de part et d'autre du
fossé qui livre un libre passage à ces mêmes fils, et consti-
tuées chacune, noo plus de deux, mais d'une seule pièce ou
rang de platines montées, coulées sur une barre à plomb
extrême ou extérieure parallèle au fossé; modification qui
pourrait tout au plus être considérée comme un perfectionne-
ment des idées de Heathcoat, et qu'Andrew Ure, ainsi qu'on
l'a vu, a gratuitement attribuée à Morley, de Derby.
En revanche et à l'inverse, Lacy et Lindley , dans leur ma-
chine, mobilisaient les ensouples inférieures et horizontales
des fils de chaîne, établies non plus sur un rouleau unique
mobile transversalement, comme cela paraît avoir été tenté
ou pratiqué même par d'autres auparavant pour de très*
étroites bandes de tulle , mais bien sur de petits rouleaux à
châssis verticaux, avec suspension de ressorts à boudins,
distribués le long d'une coulisse horizontale à branches parai -
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MACHINES ET OUTILS. 481
lèles rentrantes et raccordée par des demi-cercles aux deux
bouts, permettant aux roquets ensouples de contourner ces
bopts arrondis et <Je revenir sur eux-mêmes, à la manière des '
fuseaux de métiers à lacets, pour former les bords extérieurs,
les lisières du tissu. Là, comme je l'ai dit, les fils d ensouples,
glissant sur leurs guides parallèles et horizontaux, doivent,
après avoir jnarcbé diagonalement d'un bord à l'autre de la
pièce, être commis, tortillés à deux tours et demi, avec ceux
des navettes ou bobines extrêmes de l'une et l'autre grille,
pour retourner ensuite sur leurs pas diagonalement et symé-
triquement à leurs courses ou directions premières, mais en
suivant le revers ou guide opposé du fossé.
Cette singulière disposition du métier à tulle n'a , je crois,
nulle part, été maintenue, et l'on est revenu promptement à
l'idée de faire cheminer les bobines elles-mêmes, diagonale-
ment, d'une porte à l'autre, en déplaçant alternativement,
de gauche à droite et de droite à gauche, les barres à plomb
qui supportent chaque rangée antérieure ou postérieure des
grilles ou guides circulaires des navettes. Le précédent mémoire
de Lacy et Lindley n'en jette pas moins un certain jour sur
l'état primitif des métiers à tulle-bobin , métiers auxquels ces
ingénieurs paraissent, au surplus, avoir ajouté d'assez nom-
breux et utiles perfectionnements de détail, pour servir de type
à des tentatives plus modernes et que, par ce motif, je crois
devoir rapidement énumérer.
Telles sont, en particulier, les importantes modifications
apportées aux bobines minces en cuivre, à gorge de poulies et
freins de tension à ressorts, accouplées l'une derrière l'autre,
sur des navettes ou chariots glissants, très-distincts de ceux
queBrown et Heathcoat mentionnaient dans leurs patentes,
et que Lacy et Lindey allongent, amincissent, de manière à en
placer vingt dans l'épaisseur d'un pouce anglais, sans mettre
obstacle au passage réciproque des fils entre leurs parois voi-
sines; ce qui est un fait capital, plus difficile à réaliser
qu'on ne pourrait se l'imaginer à première vue, puisque,
notamment, les bobines, dont l'épaisseur atteignait à peine
VI* JORY. — 2* PARTIE. 3 1
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482 VT JURY.
dès lors un millimètre , devaient être composées de trois pièces
minces exactement planes et rivées entre elles contre la ron-
delle du centre qui leur sert d'appui ou noyau.
Telle est encore l'ingénieuse, très-simple et solide disposition
des grilles circulaires de guide dont j'ai d'abord parlé , mais qui
sont ici, pour la première fois je pense, précédées, eo des-
sous, d'un double rang de peignes horizontaux, opposés de
part et d'autre du fossé ou plan moyen du métier, et dont
les aiguilles, montées sur des barres à plomb horizontales et
parallèles, les unes à simples pointes, les autres fourchues,
servent à séparer entre eux et déplacer les fils des roquets en-
souples, dont la double rangée est animée, le long de leurs
barres horizontales d'appui inférieur, de glissements latéraux
en sens* contraires, sans se nuire ou se mélanger réciproque-
ment. D'ailleurs, par une combinaison aussi difficile à expli-
quer qu'à saisir, les fils de chaque rangée reçoivent de leurs
couples de peignes opposés, simultanément et séparément,
dans le sens longitudinal ou des barres d'appui, un mouve-
ment alternatif d'avance et de recul équivalent à la largeur
même d'une porte ou maille, et d'où résulte leur croisement
répété, leur commettage réciproque avec les fils correspon-
dants des bobines, ici simplement traversières de l'une à l'autre
grilles conservant, je le répète, une position fixe.
Tek sont aussi les loquets ou crampons à lames minces,
alternativement tireurs et pousseurs des navettes, lesquels de
part et d'autre, quoiqu'un peu au-dessus des grilles circulaires,
impriment aux bobines leur va-et-vient simultané, au travers
des fils de chaîne à roquets mobiles par intermittence : ces
loquets à bascules tournant sur deux barres horizontales, pa-
rallèles et extérieures au métier, reçoivent eux-mêmes l'action
due au cheminement circulaire ou cylindrique de ces barres
autour de l'axe horizontal supérieur où s'opère le rentrage, le
resserrement des mailles, et qui est aussi l'axe central commun
desi deux systèmes de platines circulaires servant de guide
aux navettes.
Enfin , et c'est là le point capital de la patente de Lacy et
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MACHINES ET OUTILS. 483
Lindley, leur métier à tulle comporte immédiatement au-
dessous de l'ensouple supérieure du tissu, c'est-à-dire au point,
à l'axe même de convergence des fils de chaîne et de trame,
deux barres à pointes ou peignes munis d'aiguilles horizontales
opposées, dont les extrémités s'engagent de part et d'autre,
mais alternativement, entre les mailles hexagonales déjà ébau-
chées par lé croisement réciproque des (ils, mailles non en-
core rapprochées ou resserrées contre le tissu. Ces barres à
pointes, également conduites par le mécanisme du métier,
éprouvent en effet, après avoir traversé horizontalement
la rangée des mailles jointives, un relèvement vertical pro-
duisant le cueillage ou rentrage dont il s'agit, bientôt suivi
d'un mouvement horizontal de recul servant à dégager les
mailles rentrées, recul auquel succède immédiatement un
nouvel abaissement vertical , et ainsi de suite alternativement,
sur chacun des côtés du plan vertical moyen du métier ou du
réseau; ce qui, disent les auteurs, avait lieu jusque-là par des
mouvements transversaux obliques de chaque peigne, forcé-
ment accompagnés de glissements, déraillements très-dom-
mageables à la constitution délicate d'un tissu dont le prin-
cipal mérite, en effet, réside moins encore dans une extrême
finesse que dans la force, la régularité et la perfection, pour
ainsi dire mathématiques , des mailles.
Il ne parait pas, au surplus, que, avant cette patente de
Lacy et Lindley, Heathcoat ni aucun autre aient, sinon tenté,
du moins réussi à faire marcher d'une manière entièrement
automatique et continue les métiers à tulle véritablement
noué ou commis (twùted), même dans le genre simple dont
il vient d'être parlé. Or, on y parvient ici à l'aide d'un arbre
de couche inférieur ou principal, faisant marcher latéralement
un arbre vertical à manchon et levier d'embrayage chargé,
vers le haut, d'un certain nombre de fonctions non indiquées
sur les dessins; tandis que l'arbre de couche horizontal met
directement en action une roue à six cames en étoiles iné-
galement espacées, agissant surde£ galets roulants fixés à
des leviers moteurs ou directeurs, véritables pédales qui, par
3i.
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484 VT JURY.
des tringles à bascules supérieures, servent à imprimer aux
divers organes du métier, munis de contre-poids ou de res-
sort à recul, les mouvements d'allée et de venue, verticaux,
horizontaux ou rotatifs, qui conviennent à leurs fodctions
multiples, si délicates, si précises, et auxquelles, par ce motif,
des cames à chocs paraissaient assez peu appropriées.
L'exemple plein de franchise donné par Lacy et Lindley
n'a pas tardé à être suivi par Heathcoat dans sa quatrième
patente, du 1" novembre 1816, postérieure, par conséquent,
de deux mois à celle de ces ingénieux mécaniciens, et con-
tenant vingt-quatre pages de texte et trois énormes planches
où l'auteur, celte fois, expose avec précision et méthode les
particularités qui distinguent ses métiers à tulle, mais sans
s'expliquer plus nettement sur ses droits à la priorité. A cet
égard, il se contente de renvoyer à sa patente de 1809 pour
ce qui concerne les principaux organes servant, au moyen
des pieds et des mains, à l'ouvrier placé sur une sellette hori-
zontale, à fabriquer le même tulle-bobin hexagctaal, façon
Buckinghamshire , indiqué dans les patentes de Lacy et Lindley,
sans paraître, quant au fond, prétendre apporter aucunes mo-
difications essentielles à ses précédents procédés mécaniques
de fabrication, en ce qui concerne le jeu des bobines, etc.
Toutefois, dans sa dernière patente, Heathcoat ajoute à sa
machine de nouveaux organes propres à exécuter simultané-
ment sur le réseau uni et régulier du tissu des dessins ou
sortes de guipures, qu'il nomme gimp, clolhworkr en enlaçant,
à cet effet, horizontalement, verticalement et diagonalement,
parmi les anciens, d'autres fils montés sur de petites ensouples
inférieures à contre-poids de tension , distinctes de la grande
ensouple et auxquelles correspondent verticalement d'autres
tubes, d'autres cloisons ou barres de guide horizontales, en
talus sur la largeur et convergeant de toutes parts vers le
fossé ou plan médian du métier, où les fils brodeurs [gimp
thread) , saisis par les extrémités supérieures des peignes qui
surmontent ces barres respectives à oscillations. longitudi-
nales» viennent se marier, se croiser avec ceux des bobines et
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MACHINES ET OUTILS. 485
des fils de la chaîne ordinaire, ceux-ci étant eux-mêmes dirigés
par deux autres barres antérieures, horizontales et parallèles
aux précédentes.
Le déplaceméht longitudinal (shogg, shoggin) dont il s'agit
est d'ailleurs imprimé à ces différentes barres ou lames de
guide minces, dans Tordre et l'étendue d'excursion que ré-
clament le dessin, le nombre et la succession des croisements
de fils sur les côtés divers du réseau régulier, par le moyen de
véritables barres de fer rondes, traversant des renforts réser-
vés à l'extrémité des lames de guide, et dont les prolonge-
ments extérieurs au métier, glissant horizontalement entre des
collets, sont conduits par un équipage de roues dentées laté-
ral, faisant marcher, d'une part, des roues denlivjsion à crans
et déclics d'arrêt, d'une autre, des roues à rosettes, selon le
principe du tour à guillocher; c'est-à-dire d'après des combi-
naisons, quelquefois mais improprement nommées moulins,
déjà bien connues et dont j'ai souvent parlé à l'occasion des
métiers à brocher ou broder les tissus divers.
Quant aux particularités qui concernent spécialement le
métier à tulle uni, et pour lesquelles Heathcoat semble, sans
le dire positivement , renoncer à tout privilège exclusif dans la
première partie de sa patente, elles consistent toujours dans
l'emploi de navettes à bobines verticales, glissant par couples
le long des intervalles vides de grilles circulaires, divisés en
quatre portions distinctes, correspondant à autant de barres
à plombs-supports, dont deux postérieures, comme on l'a vu,
entièrement fixes et placées en arrière du fossé de passage des
fils de chaîne ou de broderies, et deux, en avant du même
vide, susceptibles de glisser longitudinalement sur leur siège
commun , au moyen d'un levier à poignée et à ressort de re-
cul, qui permet aux grilles correspondantes un déplacement
simultané à gauche ou à droite de deux espaces ou portées, à
raison de vingt au pouce , de manière à entraîner tantôt le rang
simple, tantôt le rang double des navettes qui y seraient enga-
gées avant ou après leur passage au travers des fils de chaîne
et de broderie, etc.; ce qui établit une très-grande différence
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486 VP JURY.
entre le système de Heathcoat et celui de Lindley et Lacy,
où les grilles circulaires de guide des navettes restaient complè-
tement immobiles pendant qu on faisait, à l'inverse, ainsi que
je l'ai d'abord expliqué, marcher les roquet* ensouples, non
probablement sans qu'il en résultât de très-grandes difficultés
pour la manœuvre latérale de leurs fils, etc.
Si, outre ce qui précède, on imagine dans l'ancien métier
Heathcoat les barres à plomb des grilles surmontées respec-
tivement de quatre lames parallèles basculantes et horizon-
tales, servant à pousser ou tirer alternativement les navettes,
dont deux antérieures et deux postérieures, les unes nommées
fechters bars, agissant en dehors des grilles circulaires, les
autres, shifting ban, agissant à l'intérieur, vers l'intervalle qui
sépare les portions accouplées des mêmes grilles; en imagi-
nant, en outre, que ce système de grilles et de pousseurs ou
tireurs, si compliqué et dont Heathcoat n'avait rien dit dans
ses premières patentes, soit mis en action par des leviers à
main et des bascules à pédale, d'une manœuvre successive et
naturellement lente autant que pénible; en considérant fina-
lement que la cueille, le rentrage des mailles du tissu près
de l'ensouple supérieure se fait au moyen de peignes pivo-
tants, à aiguilles droites, par conséquent d'inclinaison va-
riable, et dont les barres à plomb soient successivement, et
directement aussi, manœuvrées par les mêmes leviers, à poi-
gnées et bascules à pédales, déjà mentionnés dans les pre-
mières patentes de l'auteur, on comprendra beaucoup mieux
encore l'excessive lenteur et les incertitudes d'un pareil mode
ou procédé de fabrication, qui, en revanche, produisait à la
fois un très-grand nombre de mailles (600 à 800) dans une
même pièce de tulle ou une rangée verticale de petites bandes
étroites de dentelles, fabriquées simultanément aussi, dans la
largeur horizontale du métier.
D'autre part, si l'on veut bien se rappeler les difficultés inhé-
rentes aux métiers à circulation de bobines quant à la forma-
tion des lisières aux extrémités des grilles, exigeant le retour-
nement des navettes au moyen de mécanismes spéciaux, dont
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MACHINES ET OUTILS. 487
Heathcoat cherche ici à simplifier un peu la manœuvre en la
rattachant au jeu même <Jes barres à crampons extérieurs,
etc. , on restera convaincu que le métier de ce célèbre ingé-
nieur, bien que renfermant en lui-même les principaux élé-
ments de solution, non -seulement laissait beaucoup à faire
aux successeurs, sous le rapport de la facilité du jeu et de la
simplicité des organes, mais aussi que Lacy et Lindley ont
rendu de réels services au point de vue mécanique en tentant
d'ouvrir une route plus expéditive, également originale, d'a-
bord suivie sans aucun doute par l'industrie, mais depuis
abandonnée à cause des inconvénients inhérents à la mobilité
des ensouples de chaîne. Celle mobilité, en effet, ne pouvait
se concilier avec l'application des dessins de broderie, tandis
que la chose , comme on l'a vu , devenait très-facile dans le sys-
tème des barres de guide latérales, appliquées aux fils de
chaîne ou d'ensouples, et des navettes circulantes appliquées
aux fils de trame ou de traverse, système adopté par leur
compétiteur et prédécesseur Heathcoat, qui d'ailleurs, et sans
aucun doute, aura, comme Àrkwright, su mettre habilement à
profit les simplifications et perfectionnements de détails que
ses divers rivaux introduisirent dans ce même système, pro-
tégé jusqu'en 1824 par un privilège exclusif, du moins à
l'égard des dispositions fondamentales.
S VI. — Exposé succinct des principaux changements ou perfectionne-
ments apportés aux métiers à tulle-bobin, a partir de 1816. — John
Heailicoat, breveté, domicilié en France (1830) et y établissant ses deux
systèmes de métiers à fabriquer le tulle uni ou brodé. — Arrivée anté-
rieure du mécanicien Catts en France (1817); son association avec
MM. Thomassin, Corbitt et Blaks, a Douai; leur procès avec les Anglais
Bonnington, Webster et Clarke, de Calais; ferte du brevet d'importation
de Catts et de toute indication relative aux machines importées. — La
Constituante et les anciens Parlements anglais. — MM. ChaaveUJoaa et
John Leavers, au Grand-Couronne, près Rouen; le vrai Levers (John),
fabricant patenté pour des métiers à tulle, en Angleterre.
Au nombre des perfectionnements divers qu'ont subis les
premiers métiers à tulle-bobin, je citerai succinctement et
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48$ VI- JURY.
sans remonter aux sources : i° le système mécanique de ser-
rage ou rentrage supérieur, à l'aide des barres à pointes croi-
sées, basculantes et soulevantes, dû à Lacy et Lindley; 2e la
réduction à deux des grilles circulaires et de leurs barres à
plomb, Tune antérieure, mobile latéralement d'une porte,
l'autre postérieure, fixe dans le propre système de Heathcoat,
mais rendue ensuite mobile comme la première pour accroître
et faciliter les combinaisons; 3° l'emploi de chasses ou pousse-
navettes de plus en plus simples, à mouvements alternatifs,
fixés à l'extrémité de pièces pivotantes dbnjuguées entre elles
ou agissant isolément de part et d'autre du plan vertical et cen-
tral du métier, les unes au-dessus des grilles circulaires (pashert)
extérieures aux navettes, les autres en dessous, véritables lo-
quets tournants (lockers) , entraînant les becs arrondis ou sail-
lies extrêmes, réservés à la partie inférieure des navettes; 4e la
substitution à ces derniers systèmes des rouleaux ou secteurs
dentés (roller locker), à crémaillères cylindriques, et dont le
mécanisme, plus simple, s'accommodait beaucoup mieux aux
fonctions automatiques des récents et ingénieux métiers
connus sous le nom de Levers, métiers dont il sera question
plus loin , et dans lesquels on a religieusement conservé le
système opposé des peignes rentreurs ou serreurs de Lacy et
Lindley, qui remplissent véritablement ici la fonction dnpeijnt
batteur des métiers à tisser; 5° l'amincissement des barres hori-
zontales de guide ou de tirage latéral des fils tisseurs et bro-
deurs [guid bars), barres déjà employées par Heathcoat, mais
ici munies de trous ou de crochets porte-fils (catch bars), &
auxquelles on a joint d'autres simplifications ou combinaisons
de moulins, de roues à crans et à rosettes pour varier les
dessins, etc. •
Quelques-uns de ces importants perfectionnements s'aper-
çoivent déjà dans le brevet pris en France le 8 mai 1820 par
l'infatigable John Heathcoat même, alors établi à Tiverton,
dans le Devonshire , mais faisant élection de domicile à Paris ,
1 Ancienne Collection des brevets expirés, t. XXXII, p. 1 79 A aî5, pi- *9»
3o, 3i, 3a, 33 et 34.
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MACHINES ET OUTILS. 489
puis subséquemment, dit-on, à Saint-Quentin (1827), où il
établit une fabrique de tulle-bobin , en concurrence avec celles
des riches cités manufacturières de Rouen (le Grand-Cou-
ronne), de Calais, de Douai, de Lyon, etc. Ce brevet, com-
prenant 45 pages in-4° et 6 planches à très-petite échelle,
remplit; en effet, une lacune importante qui se remarque de
1816 à 1824 dans les patentes anglaises appartenant à cette
catégorie de machines : une analyse exacte de son contenu
serait très-propre à donner une idée de l'état où se trouvait
vers 1820 cette admirable industrie, au point de vue des
dispositions mécaniques.
L'espace et le temps me faisant également défaut, je me
bornerai à rappeler que l'intéressant mémoire de Heathcoat,
très-clairement rédigé en français, a tout à la fois pour objet
les métiers à main et à marche, destinés à la fabrication du
tulle -bobin, et les métiers rotatifs, c'est-à-dire marchant
par des moyens purement automatiques; tous destinés à pro-
duire sur le réseau uni du tulle divers dessins par les mêmes
barres de guide horizontales, les mêmes roues excentriques,
cames et rosettes, déjà mentionnées dans la patente de l'au-
teur de 1816, mais qu'on retrouve ici grandement perfec-
tionnées, simplifiées, allégées, etc.
J'insisterai plus particulièrement sur ce fait, cité par le
célèbre ingénieur de Tiverton dans les préliminaires du bre-
vet en question, qu'un constructeur anglais, du nom de Cutts,
l'avait précédé en France dans l'établissement de machines
de cette espèce, mais n'offrant de ressemblance avec les siennes
qu'à l'égard des principes ou des organes qui agissent immé-
diatement sur les fils pour les croiser, les tortiller récipro-
quement et diagonalemen t. Cette citation, sans commentaires,
nous met, en effet, sur la voie des circonstances qui ont
accompagné l'importation des machines anglaises dans notre
pays, à une époque très-voisine de celle du rétablissement
général de la paix en Europe.
Sans aucun doute, le mécanicien Cutts dont parle Heath-
coat est le même qui, le i5 novembre 1817, s'associa avec
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490 VT JURY,
MM. Thomassin, Corbitt et Blaks, de Douai, pour la prise
d'un brevet d'importation de dix ans concernant une méca-
nique à l'aide de laquelle on peut fabriquer les luttes de fils de lin,
de coton et points de dentelle de toute largeur; brevet dont la de-
mande d'inscription, sinon le dépôt à la préfecture du dépar-
tement du Nord, remonte, le croirait-on, au i4 août 1816,
c'est-à-dire à une époque antérieure de quinze mois à sa déli-
vrance. Ce brevet, chose plus surprenante et plus regrettable
encore, bien que catalogué, n'a jamais été publié en France1;
il a même disparu complètement des archives du ministère
du commerce, par des causes aujourd'hui difficiles à apprécier,
mais qui témoignent hautement de la négligence des impor-
tateurs, et peut-être aussi de l'indifférence de l' Administration
d'alors pour l'expédition de semblables affaires, d'autant plus
importantes cependant qu'elles sont parfois l'origine de pro-
cès ruineux, scandaleux même, plaides devant des tribunaux
généralement incompétents, par des avocats souvent distraits
et peu mécaniciens, assistés d'experts non toujours suffisam-
ment éclairés ou désintéressés.
C'est ce qui est arrivé notoirement à l'égard du brevet cité
de Cutts et consorts, attaqué en déchéance, le 6 avril 1818,
devant le tribunal de Douai, par les Anglais Bonnington,
Webster et Glarke, qui dès avril 1817 avaient introduit a
Calais un métier à tulle-bobin ou chaîne traversière (travent
warp) fonctionnant, mais dont la constitution parait entièrement
inconnue, quoique la sentence arbitrale du tribunal de Douai»
confirmée en janvier 1820 par celle du tribunal d'appel de
Boulogne, ait, à tort ou à raison, confondu la machine à tulle
[pusher) de Bonnington, Webster, etc., avec celle de Cutti:
ce dernier, d'après la citation de Heathcoat, devant être cou-
sidéré non plus comme un simple importateur, imitateur ou
copiste des métiers alors existants en Angleterre, où d'ailleurs
1 Un modèle de la machine, assure-t-on , aurait été déposé Yen la mfa»
époque, par M. Thomassin, à la Collection des arts et métiers de P*1*»
qui, je crois, n'en conserve aucune trace.
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MACHINES ET OUTILS. 491
il ne fut jamais patenté, mais bien comme un véritable méca-
nicien, sinon inventeur, du moins perfectionneur de quelque
système à mouvement rotatif ou, continu.
La demande du brevet de Gutts remontant au mois d'août
1816, antérieur par conséquent aux dernières patentes de
Lacy, Lindley et Heathcoat, semblerait en fournir la preuve,
et Ton conçoit combien la perte de semblables documents, ou
la négligence qu'on met à les faire rentrer aux archives et à en
ordonner, hâter la publication , est fâcheuse au point de vue du
développement des industries mécaniques ou manufacturières.
Car, selon le vœu formel de la loi de 1 79 1 , constitutive des bre-
vets, cette publication ne doit pas être profitable seulement aux
intérêts d'une ville ou d'un département, mais bien à la France
et pour ainsi dire à l'humanité tout entière, d'après un senti-
ment de philanthropie universelle digne de notre première
Assemblée constituante, et dont le royaume-uni de la Grande-
Bretagne vient un peu tardivement de se faire l'interprète
en i85i, après avoir pris, il est vrai, il y a tantôt deux siècles
et demi écoulés, l'initiative d'un enregistrement des patentes
anglaises, légal et officiel sans doute, à la rigueur même suffi-
sant pour garantir les droits des inventeurs dans ce royaume,
mais jusque-là demeuré sans profits appréciables pour les
autres pays, puisque les recueils périodiques anglais, d'ailleurs
très-estimables au point de vue historique, n'en contenaient
que des résumés insuffisants et trop souvent rédigés en vue
de spéculations de librairie ou commerciales.
Renonçant malgré moi, et par la force des choses, à une
enquête et à des éclaircissements historiques qu'il serait si
facile de poursuivre sur place, en sortant du vague des idées
où se complaisent malheureusement les rapporteurs, rédac-
teurs d'articles ou historiens intéressés des industries méca-
niques, je me bornerai à une indication succincte des prin-
cipales phases qu'a subies chez nous l'introduction des métiers
anglais à fabriquer le tulle-bobin.
D'abord je citerai un certain M. ChauvelJoua, du Grand-
Couronne, près Rouen, mentionné avec de grands éloges par
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492 - VP JURY.
notre Société d'encouragement ! pour avoir établi, avec F aide
d'ouvriers et d'un très-habile fabricant de tulle venu d'An-
gleterre, mais dont le non» n'est point indiqué, deux pre-
miers métiers, fonctionnant dès septembre 1821t. et particu-
lièrement destinés à la production des tulles en coton, unis on
brodés à la main; puis deux autres métiers propres à confec-
tionner les tulles mechelin et le picot, les plus chers de tous,
dit-on, sans pareillement indiquer la nature et l'origine de
ces métiers, etc.; le rédacteur de l'article se contentant d'a-
vertir qu'ils employaient des fils du numéro 190 , à deux hovU,
provenant de filatures françaises, et qu'ils étaient beaucoup plus
compliqués, plus coûteux que les métiers français à tulle de
soie ; ce qui nous renseigne fort peu, comme on voit, sorte
particularités mécaniques des mêmes métiers, qu'il impor-
terait surtout de connaître pour apprécier l'état où se trouvait
alors une aussi importante branche d'industrie mécanique
chez nos voisins.
Ces métiers, dont on fait un si grand éloge, ont-ils simple-
ment été construits en Angleterre d'après l'un des deux sys-
tèmes décrits dans le brevet pris en France par John HeauV
coal le 8 mai 1820, ou bien auraient-ils été établis dans on
système propre au manufacturier anglais dont l'article
précité a tu le nom, et qui, présenté comme effectivement
capable d'y réussir, aurait prétendu échapper aux effets de fa
loi qui protégeait les découvertes de Heathcoat jusqu'en
France? Voilà ce qu'il ne m'est pas permis encore de décider,
dans l'impossibilité où je suis d'ouvrir une enquête rigou-
reuse à Rouen ou au Grand-Couronne.
Le constructeur, le monteur anonyme de ces métiers an-
glais serait-il, enfin, le même que le mécanicien Leaveis
(John) établi dans cette dernière localité, et qui, associé à un
sieur Erckmann, de Rouen, aurait pris, un peu tardivement
peut-être (16 juin i835), un brevet d'importation de cinq
ans, déchu par ordonnance royale du 25 mars i838*, etren-
1 Bulletin, t. XX (18a 1), p. a54, séance du 3 octobre 1821.
* Brevets expirés, t. XXXVI, p. *55, pi. a8.
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MACHINES ET OUTILS. 493
fermant la description écourtée de perfectionnements apportés
aux métiers à tulle-bobin en vue de fabriquer mécanique-
ment un certain tulle à maille de blonde en soie, etc.? C'est
fort possible; mais alors qu'on m'explique comment tant de
gens habiles, et qu'on devrait croire parfaitement informés,
ont confondu ce Leavers , récemment décédé , dit-on , au Grand-
Couronne, et dont le nom ne figure sur aucun catalogue de
patentes anglaises, avec un autre mécanicien de Nottingham
beaucoup plus fécond, et à juste titre très-célèbre, du nom*
de John Levers, lequel, en mars et décembre 1828, juin
i83o et février i835, prit, comme inventeur, en Angleterre
et, en septembre 1829, comme importateur en France, plu-
sieurs patentes ou brevets ayant pour principal caractère de
grandes simplifications apportées à la partie automatique du
mécanisme des métiers à doubles grilles circulaires mobiles
de Heathcoat. Déjà, en effet, à compter de 1824 1 où expirait
en Angleterre la patente délivrée en 1809 à ce dernier ingé-
nieur, de nombreux compétiteurs s'étaient à l'envi empressés
de solliciter une série d'autres patentes pour des perfectionne-
ments plus ou moins heureux, plus ou moins importants,
spécialement appropriés à la fabrication de certaines pièces
de tulle, qui ne se distinguaient guère entre elles que par
l'addition d'ornements d'un genre' particulier et jusque-là fort
restreints, tels que picots, pois, mouches, etc. Car, si je ne
me trompe, malgré les heureuses découvertes de Heathcoat,
on avait imparfaitement réussi avant i83o à imiter les bro-
deries à la main et à l'aiguille sur le tulle uni fabriqué dans
ce genre de métier, ou adaptées, après coup, aux plus fins et
plus riches tissus, sous le nom d'applications <T Angleterre et de
Bruxelles.
On n'était, je crois, guère plus en mesure d'imiter les mais
et entoilages de fleurs avant l'époque de i835 à i838, où, en
multipliant, allégissant, supprimant même entièrement cer-
taines barres de guide des fils , à trous ou crochets , que rem-
plaçaient de simples cordons, on parvint à les faire mouvoir
dans un ordre arbitraire ou électif, au moyen de cylindres.
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494 VF JURY,
de prismes, de chaînes à plaques trouées d'un genre plus ou
moins analogue à ceux qu'on devait à Falcon, àVaucanson
ou à Jacquart.
S VIL — Éclaircissements concernant les travaux mécaniques des célèbres
ingénieurs John Levers, William Crofts, John Heathcoal, etc. * propu
d'écrits erronés divers. — La notice de M. Armengaud sur les métiers
A talle-bobin » a propos de celui de M. Keenan, de Paris. — MM. Dnfer,
• Wright, Hind et Joardan, CkampaUUr, etc. auteurs supposés de Tsppii*
cation des cartons jacquart aux métiers k tulie-bobin. — MM Birà»,
Bail et Dannicliff, Sewell, Barton, Hudson et Bottom, représentant les
fabricants anglais de métiers à tulle, a l'Exposition de Londres; M. Mv-
tin, de Saint-Pierre-lez-Calais, représentant ceux de la France.
La confusion qui s'est introduite dans la classification
des différents systèmes de métiers à tulle, dans la dénomi-
nation de chaque genre de produits et dans la désignation
des principaux inventeurs ou auteurs de perfectionnements,
enfin la multiplicité même des brevets ou patentes, accordés
fort souvent à de très-insignifiants, à de très-minimes détails
ou changements apportés aux précédentes machines, cette
confusion, cette obscurité, parfois calculées et volontaires, ne
sont pas propres à encourager l'étude de cette branche, pour-
tant si importante, des industries de luxe; d'autant que les
mots pusher, roller, catch bar, combs bar, circulaires, etc. mal
à propos francisés et appliqués à des organes prétendus nou-
veaux, mais qui datent, en réalité, du commencement de ce
siècle, ont souvent, par leur sens mal interprété ou défini.
induit en erreur les personnes les mieux éclairées, commeon
peut le voir notamment à l'article déjà cité du XXIXe volume
(p. a 09) du Bulletin de la Société d'encouragement, dans leDiction-
naire anglais du docteur Ure (p. 733), enfin dans le bizarre
Traité anglais sur Tort du tissage, par Gilroy, qui , tout en répé-
tant quelques-unes des erreurs d'Ure relatives à Morley et
au prétendu John Leavers (ici de New-Radford) , fait le plus
grand éloge de William Crofts, comme inventeur des doubles
loquets tournants (double lochers) , propres à conduire en des*
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MACHINES ET OUTILS. 495
sous les traîneaux ou chariots, munis, à cet effet, d'oreilles ou
crochets à leurs extrémités inférieures J.
1 Voyez les pages 275 à 288 de l'ouvrage cité de Gilroy, qui confond
toutes les dates ou plutôt n'eu cite aucune. Comme le montre le catalogue
des patentes anglaises, William Crofts, d'abord établi à Lenton, près de
Nottinghani, n'est apparu que dans l'intervalle de i832 à i846, où il se
trouve vingt fois inscrit sur la liste des patentés, pour des perfectionne-
ments divers apportés aux métiers à tulle-bobin , dont on trouvera les pre-
miers décrits aux pages 22 et 28, planche 2, du London journal of arts
(vol. VIII, conjoinêd séries, i836). Dans ces patentes, des 2 3 février et
18 décembre i832, William Crofts cite également le principe des grilles
circulaires, attribué, dit-il, à Morley par le commerce; enfin on rencontre
aussi, dans une note de la page 23 de ce recueil, le nom de Levers appliqué
à une catégorie particulière de machines où les lisières du tulle étaient
exécutées avec une grande perfection.
Je ne cite pas un autre extrait des patentes de Crofts (p. s65 à 294,
pi. 9 et 10, même volume) où ce constructeur de machines décrit, avec
un soin tout particulier, les perfectionnements divers qu'il a apportés au
métier Levers, à rouleaux dentelés et porte-bobines a crémaillère, pour y
fabriquer par procédés automatiques certains tulles-bobins, ornés ou figurés
diversement, à l'aide de barres de guide et de roues a crans, à guillocbis
latérales; combinaisons, on se le rappelle, déjà appliquées au métier à tulle
par Héathcoat, et nommées improprement moulins, en France.
Enfin on trouvera à la page 99 , planche 3 , du même volume un article
relatif à l'application de rouleaux dentés ou crénelés (jluttd roUers) au
mouvement des chariots à bobines, par John Levers (et non Leavers,
comme le veut Gilroy aux pages citées de son ouvrage), effectivement cons-
tructeur de machines à New-Radford, comté de Nottingham : ces rouleaux
sont décrits /dans une patente du 27 février i835, qu'avaient précédée,
comme on l'a vu, deux autres patentes, des 3 mars et 18 décembre 1828,
du même John Levers, alors domicilié à Nottingham. D'un autre côté, ces
dernières patentes, dont on trouve également des extraits fort écourtés à
la page i85, planche 8, et page 261, planche 10, du tome V du Mécha-
ntes magazine, concernent positivement une machine où la traversée des
bobines s'effectue par des oscillations transversales imprimées à un secteur
et à des rouleaux dentés conduits, ainsi que les barres a pointes de ren-
trage des mailles, au moyen de bielles verticales à leviers horizontaux,
poussées par les grandes excentriques triangulaires et arrondies d'un arbre
de couche inférieur.
Au surplus, Levers se servant lui-même et sans avertissement préalable,
dans la seconde de ces patentes, des épithètes de Levers machine, Levers
principle, on comprend comment la confusion dont il a été parlé a pu s'in-
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496 VT JURY.
C'est plus particulièrement au docteur Ure qu'on doit attri-
buer la confusion qui s'est introduite dans l'histoire du métier
à tulle -bobin relativement à l'existence en Angleterre de ce
John, ici Leaver, à qui il accorde, vers 1812 , comme on Fa
vu, la découverte de la machine à leviers (lever machine) , ai
voulant ainsi, sans nul doute, distinguer le nom de l'inventeur
de celui de l'objet inventé; erreur trop répandue aujourd'hui,
et contre laquelle M. Àrmengaud atné a su se prémunir dans
le tome Mil (p. 355) de son intéressante Publication industrielle,
où l'on trouve pour la première fois, si je ne me trompe, une
intelligente et claire notice sur les métiers anglais à tulle-bobi d.
à l'occasion d'une machine de ce genre qui, employée par
M. Keenan , négociant manufacturier à Paris !t a spécialement
traduire dans des ouvrages de technologie anglais aussi peu sérieux qae
ceux d'Andrew Ure et de Gilroy, qui, sans doute, n'avaient pour se con-
duire que les insuffisants écrits que je viens de citer, et dans lesquels, chest
à noter au point de vue historique, John Levers (p. a64) fait également
remontera Dawson les roues à crans ou moulins qui servent à donner laté-
ralement le va-et-vient aux barres de guide des fils de chaîne et aux barres
à grilles des chariots de bobines.
1 On trouve dans le tome LXVI, page 67, planche 7, de la Collection, des
brevets expirés, sous le nom de Keenan (James), alors domicilié à Caen, on
brevet d'invention où, en citant les métiers prétendus Leavers, à dix pointes
ptro5 millimètres seulement, on a pour principal but de perfectionner ces
métiers, en immobilisant les deux barres à grilles, supprimant les tourni-
quets de lisières (turn-again) , doublant le nombre des fils ôTensouples et des
barres de guide à crochets (catch bars)% afin d'imiter la dentelle de Ma-
lices par le tulle-tresse (plat-net) \ tout cela au moyen de roues à crans on
rosettes convenablement taillées et appropriées. Ce même brevet d'inven-
tion, daté du a 8 septembre 1 84 2 , me semble, au surplus, offrir une grande
analogie de but ou d'intention avec celui, antérieur (a3 avril i84a), da
sieur Kirk (Daniel), également domicilié à Gaen, pour des perfectionne-
ments appliqués au métier Warp ou Mechlin, sans doute quelque aocien
métier anglais à chaîne non autrement désigné, mais où Ton se propose
pareillement de fabriquer une sorte de valencienms ou tulle en bandes, à
laide d'autres moulins, d'autres roues à crans différemment taillées, etc.,
mais qui , à cela près , ne paraissent offrir rien de particulier ( Collection an-
cienne des brevets, t. LV, p. 276).
On trouvera enfin, à la page 3g3 de ce dernier volume, un brevet
d'importation de i5 ans pris, le 17 décembre 1829, par le sieur Newton
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MACHINES ET OUTILS. 497
pour objet la fabrication du tulle à réseau quadrillé , tressé
et à jours de formes diverses, obtenus par l'application d'une
jacquart, qui, au lieu d'être établie latéralement et à hauteur
d'appui , selon l'usage aujourd'hui assez général en France
et en Angleterre, est disposée verticalement au-dessus de la
machine marchant par rotation , au moyen de cames, d'ondes
continues et de différentes formes, telles qu'en avaient, 'd'ail-
leurs, déjà mis en usage, en 1820, Heathcoat et, en 1828,
John Levers; le nouveau métier comportant au surplus, vers
la partie inférieure, un double cantre, muni de cannettes
portant les fils de chaîne directement soumis à l'action des
cordes d'arcades et de3 crochets de la jacquart, occupant,
comme je l'ai dit, le haut du métier.
En renvoyant à l'excellente publication de M. Armengaud
pour quelques développements ou renseignements historiques
qui peuvent' éclairer l'état présent de cette branche d'industrie
(William), de Londres, qui propose un nouveau système rotatif applicable
au métier fondé sur le principe soi-disant encore de Leavers; mais ici ce nom
erroné* parait bien introduit par le fait même de la personne chargée de
l'impression des brevets déjà expirés. Car, ou je me trompe grossièrement,
ou ce brevet est la traduction plus ou moins écourtée de la patente anglaise
de Levers, la même qui a paru; presque mot pour mot et avec de certaines
additions, à la page 379 du tome XXIX , déjà cité, du Bulletin de la Société
d encouragement, un mois, chose digne de remarque, avant son enregistre-
ment aux archives des brevets. Au surplus, on y voit encore apparaître
(p. 395) les roues à la Dawson, pour donner latéralement l'impulsion aux
barres de guide; et ce mécanicien est le même, sans nul doute, qui, sous
le prénom de William, se fit délivrer la patente du 16 juillet 1791, dont
j'ai déjà parlé, pour un métier à tulle noué, tordu, imitant la dentelle
au fuseau, dès lors nommé bobbin-lace, bien que ce métier, comme on l'a
vu, ne renferme, au fond, rien qui ait rapport au système postérieur des
- navettes à bobines traversiëres de Heathcoat
En insistant autant que je le fais ici et que je l'ai déjà fait dans le texte
ou la note précédente sur les particularités historiques qui concernent le
métier Levers, j'ai prétendu me justifier d'un excès de sévérité envers les
écrivains technologues, les patentés ou brevetés et les industriels plus on
moins bien renseignés, plus en moins intéressés à obscurcir la vérité, en
confondant les noms, les lieux ou les dates, mais surtout en exaltant les
plagiaires et les copistes au détriment des vrais inventeurs.
Y!* JCRT. — 2* PARTIE. 3 2
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498 Vr JURY.
mécanique dans notre propre pays, je dois pourtant faire
observer que les rapprochements établis entre les machines
lyonnaises et celles que Ton doit particulièrement à la cité
de Nottingham ou mieux à Heatbcoat (et non Heûthcoaà), de
Tiverton, ne sont pas entièrement fondés en principe, rajou-
terai que l'auteur parait aussi à tort supposer que les travaux do
véritable Levers .sont antérieurs à ceux du même Heatkoat,
son prédécesseur de près de vingt années. J'exprimerai enfin
le regret que M. Àrmengaud, en fouillant plus avant dans les
archives des brevets français ou des patentes anglaises, n'ait
pas jugé à propos de nous donner quelques éclaircissements
sur la première application des cartons troués aux métiers à
tulle-bobin , que certaines personnes veulent absolument attri-
buer à M. Draper (Samuel), mécanicien dont le nom figure,
il est vrai, plusieurs fois sur le catalogue des patentes anglaises
(i834, i835, 1837 et i84o) pour des inventions relatives à
l'ornementation de ce genre de tulle , mais non pas , ce semble,
pour des additions proprement dites aux machines; ce qne,
d'habitude, les titres inscrits au catalogue officiel des patentes
anglaises ne manquent guère de spécifier d'une manière plus
ou moins explicite.
Quant au nom de M. Wright, également mis en avant par
quelques personnes pour l'initiative dans cette application par-
ticulière de la jacquart, je ne l'aperçois nulle part sur la liste
des patentes relatives aux métiers à tulle-bobin ; mais je ne sau-
rais en dire autant de deux autres industriels dont les noms
ont été souvent mentionnés à ce sujet, soit en Angleterre, soit
en France. D'une part, M. Jourdan (Th.), de Cambrai, a pris,
le 20 juillet i838, dans notre pays un brevet fort laconique,
écourté peut-être à l'impression *, et offrant tous les caractères
d'un simple projet, non encore exécuté ou mûri dans ses di-
verses parties, mais où l'on remarque cependant un prisme
troué ou cylindre jacquart placé' horizontalement au bout de
la machine et agissant sur les chariots à bobines par Tinter-
1 Ancienne Collection, t. L, p. 2 4 8.
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MACftINES ET OUTILS. m
médiaire d'un système de leviers coudés et à bascule, dont
l'exposition est tout à fait insuffisante.
D'autre part, dans des brevets d'importation de quinze ans
du 27 mai 1,835 et du 2$ septembre 18361, par conséquent
antérieurs de beaucoup au précédent, et qui joignent au
caractère de la véracité et de l'originalité celui de l'expé-
rience, M. Hind (John) , de Nottingham, a présenté un système
complet de cylindre jacquart intérieur à la machine, déter-
minant pareillement, au moyen de leviers et de bascules mis
diversement en action par des arbres à cames, la marche des
chariots à bobines , ici à doubles rangs placés l'un au-dessus
de l'autre, et celle des barres à cueillir, à pointes, à crochets
guides, etc., principalement disposés (dit l'auteur) d'après le
système attribué à Morley dans l'industrie, sauf, sans doute,
que Ton n'y employait pas un double équipage de grilles cir-
culaires et de bobines étagées les unes au-dessus des autres
en vue d'augmenter le nombre des rangées verticales de fils,
d'une catégorie nouvelle, que Hind2 nomme fils à lacets ou
additionnels, et qu'il destine spécialement à la broderie des
tulles unis ou façonnés. Resterait à examiner quels sont les
améliorations ou changements divers apportés depuis i835
ou i836 à ces mêmes idées, qui paraissent tout aussi pra-
tiques qu'originales ; mais c'est là une tâche longue et épi-
neuse que je me garderai bien d'entreprendre.
Qu'il suffise ici de remarquer que l'idée de substituer des
cartons troués et repousseurs aux moulins à crans, aux ro-
settes, aux cylindres d'orgues, etc. dans les métiers à tulle-
bobin , ne saurait par elle-même constituer aucun mérite ou
1 Ancienne Collection, t. LXXIV, p. 137 à 1 64, pi. 4, 5 et 6.
1 Les brevets d'importation et d'addition de M. Hind, écrits avec beau-
coup de clarté et de franchise, composent 28 pages de texte et 3 planches
gravées ; mais cela ne suffit pas pour convaincre que cet industriel soit
l'auteur original des perfectionnements qui s'y trouvent indiqués , attendu %
d'une part, qu'ils portent le titre d'importation et non simplement d'inven-
tion, et, d'une autre, qu'on ne trouve dans les catalogues anglais aucune
patente sous le nom de John Hind pour des métiers à tulle.
3a.
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500 VI' JURY.
privilège spécial, pas plus à M. Hind qu'à MM. Galas et De-
lompnès, qu'à M. Grégoire de Nîmes ou à d'autres; toute la
difficulté consistant dans le mode même de solution, de réali-
sation ou d'application de cette idée à chaque cas spécial,
pour si simple et si profitable qu'elle paraisse au premier
aperçu. A cet égard, les droits de M. Hind sont d'autant plus
incontestables, que, privilégiés en Angleterre comme eo
France, ils ont été cédés par lui dans ce dernier pays à
MM. Cfiampallier, Pearson l et Needham, qui les exploitèrent,
dit-on, fructueusement dans Saint-Pierre-lez-Calais à partir
de i836 ou i838, c'est-à-dire l'année même où M. Jourdan.de
Cambrai, prenait en France le brevet d'invention dont il a
été ci-dessus parlé.
Toutefois, il ne faut pas oublier que, dans ces applications
diverses de la jacquart au tulle -bobin, on s'est, d'après
l'exemplç des fabricants lyonnais, entièrement affranchi de
la difficulté inhérente à la marche diagonale et tournante des
fils de trame ou de bobines, ainsi qu'à quelques autres parti-
cularités de la fabrication du vrai réseau de dentelle, en
' immobilisant, à cet efFet, les deux grilles et en se con tentant de
croiser, commettre les fils de deux en deux ou de trois en
trois au plus, de manière néanmoins à lier entre elles tontes
les parties du réseau quadrillé. Ce système, dans lequel les
bobines porte-trame ne sont plus que simplement traversières
de part et d'autre du fossé, rappelle en quelques points celui
de Lacy et Lindley, sauf encore qu'il n'y a plus d'ensouples
mobiles d'une lisière à l'autre du tissu, et qu'on se sert
1 M. Pearson' (Frédéric), à Calais, est lui-même 1 auteur d'un lww*
d'importation, du 8 juin 1840, pour l'application du métier à tdle-bobin
à l'imitation de la vaUnciennes , jnr un système Jacquart différent de celui
de M. Hind, et dont le prisme repousseur à balancier agit du dehors
directement sur des lames horizontales minces dont les becs inférieurs sont
conduits par des mentonnets liés à un système articulé spécial ; les eitré*
jtiUés intérieures, ou opposées au prisme, des mêmes lames ayaot simp*
<n(Mtt pour objet de produire l'écart ou Téchappéo de certains fils vert-
«aux d une ensouple dont le nombre des fils de chaîne est doublé pour les
* ntoilagea- (ancienne Collection, L LXXIII, p. 29, pi. 5).
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MACHINES ET OUTILS. 501
avec Heathcoat, de barres de guide horizontales, de roues à-
craqs et à rosettes diversement tracées, roues auxquelles
MM. Hind, Pearson, Ghampaliier, Jourdan, etc., ont joint,
d'après l'exemple anglais, le mécanisme à cylindre jacquart
pour produire le déplacement transversal ou latéral des fils
de chaîne ou ensouples dans la confection des tulles en coton
imitant plus ou moins bien les malines, les yalenciennes, etc.,
mais variés à l'infini , selon le goût et les caprices de la mode
conciliables avec l'extrême bon marché.
D'après l'étendue involontairement accordée à la discus-
sion des titres des inventeurs du métier à tulle, on ne doit
pas s'attendre à ce que j'entre ici dans de nouveaux détails au
sujet des admirables machines automatiques présentées en
i85i, à l'Exposition de Londres, par MM. Birkin, patenté,
d'une part, Bail et Dunnicliff, de l'autre, enfin par M. Sewell,
l'un des membres du VI* Jury, qui, aux mêmes titres que ses
compétiteurs m et aussi comme fabricant patenté, aurait mérité
une médaille de iw classe, s'il n'avait dû se récuser, en sa
qualité de juge. Je me bornerai à rappeler succinctement que
toutes ces machines, admirablement exécutées eri fer, fonc-
tionnaient constamment et régulièrement sous les yeux du
public; que celle de M. Birkin , à un rang de bobines et cons-
truite d'après le système Levers, avec application d'une jac-
quart simple à l'un des bouts, était employée à la fabrication
simultanée de 3o à ào bandes de tulle brodé; que celle de
M. Sewell , à double rang de bobines, d'après le système des
rouleaux dentés à double loquet de Crofts, était employée à
la fabrication du tulle uni de Bruxelles; qu'enfin le métier
de MM. Bail, Dunnicliff et C" constituait un métier de tulle
à chaîne, dans le genre de ceax de la ville de Lyon , marchant
avec une grande douceur, pour fabriquer de la blonde ou
tulle de soie ordinaire.
En citant encore, avec le rapporteur anglais du VIe Jury,
les machines à flamber et apprêter le tulle, par MM. Burton ,
Hudson et Bottom, je saisirai l'occasion de rappeler que le
sieur Martin, de Calais, à qui le même Jury a accordé une
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502 VT JURY.
médaille de a* classe, pour un mécanisme servant à subs-
tituer le papier continu aux cartons- chaînes de Jacquart,
appartient à double titre à l'industrie qui nous occupe, eu
raison des services qu'il rend journellement à Saint-Pierre-lez-
Calais dans la délicate construction des grands métiers à tulle.
Car cette industrieuse annexe, ce faubourg, pour mieux dire,
de Tune de nos plus intéressantes viUes maritimes, où se
concentrent, en très-majeure partie, les 600 ou 700 métiers
quelquefois exclusivement attribués à la ville même de Ca-
lais, s'est posé depuis nombre d'années comme riVal de la
riche cité de Nottingham, à laquelle il ne lui reste plus rien
à envier au point de vue mécanique, si ce n'est peut-être
sous le rapport de ces merveilleuses bobines dont l'épaisseur
a été réduite, pour ainsi dire, À celle d'une mince feuille de
papier, et qui du diamètre d'une ancienne pièce de 5 francs,
qu'elles avaient encore en 18a 5, lorsque Heathcoat s'occupait
à en perfectionner la fabrication1, ont aujourd'hui acquis uo
diamètre presque double, de manière à contenir par-là même
un développement au moins quadruple du ûl de coton, exces-
sivement fin , qui s'y enroule et s'y superpose en une infinité
de spires, après avoir été enlevé aux bobinettes étagéçs d'un
ingénieux cantre à chariot.
Remarquons d'ailleurs, en terminant, que les machines à
bandes multiples en imitation de dentelle ornée, mais d'une
combinaison déjà fort ancienne, exposées à Londres par
M. Birkin comme un véritable progrès, et qui y furent réelle-
1 London journal of arts, juillet 1 8 a 5 , p. 17. Cest à des bobines de cette
espèce que M. Biwer, de Paris, avait, en 18a A, appliqué de très-ingénieux
procédés de fabrication , ou les rivets qui maintiennent réunis les disques
eicessivement minces de la bobine ou poulie contre la plaque constituant
le fond ou la gorge avaient été complètement supprimés, non, il est vrai,
sans rencontrer dans l'eiécution des difficultés devenues invincibles quand
on fut parvenu, dans les métiers Levers, à porter jusqu'à près de moitié en
plus le diamètre de ces mêmes bobines. Pour la confection de ces bobines,
fondues dans une seule pièce de cuivre laminé, M. Biwer avait mis en
usage un système d'outils a laminoir conique, dont on lira avec intérêt la
description à la page 687 du tome L du Bulletin de la Société à* encouratjm
,
MACHINES ET OUTILS. 503
ment admirées comme telles par bien des personnes, ne pou-
vaient rien apprendre à nos industriels sur les récentes tenta-
tives fiâtes à Nottingham pour parvenir mécaniquement à en-
tourer les dessins de broderies sur tulle d'un gros fil, jusque-là
encore appliqué, après coup, à la main.. Ces procédés inté-
ressants furent, en effet, soigneusement cachés à nos artistes et
ouvriers visiteurs, qui ne trouvèrent que fort peu à emprunter
à l'Exposition anglaise, si Ton en juge d'après les merveilleux
produits, en imitation de valenciennes ou tulle à tresse, pré-
sentés à cette même Exposition par MM. Mallet frères, de
Calais; produits qu'ils avaient obtenus de l'application de la
jacquart à des métiers portant, non plus 3,ooo , mais
4,8oo bobines, non plus 3,ooo fils de chaîne, mais 9,600, à
la vérité en plusieurs rangées verticales; métiers à l'aide des-
quels ils purent exécuter des entoilages sur des bandes de
tulle à mailles quadrillées, d'une finesse et d'une précision
vraiment hors de toute comparaison avec les produits simi-
laires de l'Exposition anglaise.
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504 * VT JURY. .
, RÉCOMPENSES
ACCORDÉE* AUX EXPOSANTS DE LA Tl* CLASSE A L'EXPOSITIOM UHIYEESELU
DE LOHDBES K
MEDAILLES DU CONSEIL.
Bablow ( A. ) .* RoyaemerUni. . Métier jacqoart à double action.
Cail tt Cu Freace Appareil à caira les airops dans le vide.
Dice(D.) Étata-Uais. . . . Oetils et pi-eaam tant frottetnenf.
DoaiSTBOtre ( G.-C. ) . . . . Royaame-Uni. . Machine à peigner la laine.
Doxtii ( B. ) et Cu Royaume-Uni. . Machine à fabriquer le papier.
Faibbaibx ( W. ) et fila. . . Royaume-Uni. . Machine à river et moulin à Me*.
Hboemabb (C. ) Prutae Appareil à cuire les tiropa dana le vide. ■
Hbbbabb (G. ) France Machine a fabriquer le chocolat.
Hibbbbt, Platt et fila. . . Royaume-Uni. . Machine à préparer et filer le coton.
Hick ( B. ) et file Royaame-Uni. . Rouages , machine radiale et forge portative.
Kivrr (F. ) Presse Cylindres laminears en acier.
Lawiom ( S. ) et fila. Royaume-Uni. . Machine à préparer et filer le chanvre.
Majob (J.) Royaume-Uni.. Machine pour le coton et la laine.
M aodslat fila et Fiel». . . Royaume-Uni. . Preeae à coin monétaire.
Mbbcibb (A.*)etC** France Machine à préparer et filer la laine.
Nasmytb ( J. ) Royaume-Uni. . Marteaux à pilons et à vapeur.
P Alita (C.-E. ) et C1*. . . Royaume-Uni. . .Métier à tiseer les toOea à voiles.
Pobtifbx et Wooo Royaame-Uni . . Appareil à cuire lot tiropa dana le vide.
Rbid (T.-S. ) et Cu Royaume-Uni. . Métier a tieser lea frangea.
Biaisa (G.-A.) France. Epurateur pour le coton.
Suai» frères et O* Royaome-Uni. . Machinea-ootila et de filature.
Ublbobb (H.) Pruaae. Presto à coin.
Wbitwobtb ( J. ) et Cu. . Royaume-Uni. . Machinea-outils , mesureur, tricoteur.
# MÉDAILLES DE PRIX.
Ackxib France.. ...... Sohatitution du papier aux certona jacaasrt.
Abobbo (J.-lf . ) Royaume-Uni. . Machine à fabriquer lot cigarettes.
Bail , Dvbbicuftb et G1*. Royaume-Uni . . Machine à fabriquer le tulle a chatae.
BABABOwaKi ( J. -J, ) France Presse a imprimer et compter lea billets es ci**
mina de fer, etc.
Bbbbt ( B. ) et fils Royaame-Uni. . Divenea machinée à fabriquer le» tricot».
Bbbtbblot ( N. ) France Machine a tricoU circulairee.
Bbssbbbb ( H. ) Royaume-Uni. . Machine centrifuge à aéparer la mélasse.
Bibcb { J. ) . . Royaome-Uni . . Machine à fabriquer lea meneaux de croisses.
Braira ( R. ) Royaume-Uni . . Machine à faire le tulle , avec jaeqntrt.
Black ( J. ) Royaume-Uni. . Machine à plier.
Bt-ODotT ( S.-C. ) Royaame-Uni . . Machine a coudre.
Bolamo ( A. ) France Pétritaear mécanique.
. Boxabdbl frères Pruaae, Métier jacquart et machine a percer las etrUet.
Bobib frères France Machine à fabriquer les briques creuses.
Bbbwbb(C. et W.) Royaume-Uni.. Rouleau et toile métallique pour pape***-
' Cette liste est empruntée au rapport anglais de M. Willis. •
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Ciltiit(F.-A.)
Cnuacn et GoDDii»
ClAUSSIl (P.)
CftAWIALL(J.)
ClICMTOI (D.)
Cmrèo(M-)
Dambty(A.)
Daitoot, I|aii.l am> et Loct.
Dabi» (H.)
Datikpokt (J.-P.)
Di Biiaviet (?•
Dila Rui etC*
Dooy(J.-F.)
S*BLB(T.-K.)«tGii....
Fut jeune
Fmo«T(J.)
Fu*mss(W.)
Gamba (Les héritiers de). .
Gaafoitb (W.-J.)
Hamaii (A.)
H mono, Pcllbi* et Jobi-
SOW
HaBAIIO-CocKI*
Haym*(W. ).....<
Hioonsctfils a.
BoLTiArrrat tt Cu
HOAJIBT et KbbWOBTBT. . .
HtCK
Hog (J.-B.)
IlOIAM (H.)
Jacoci«(J.-J.) K
Joaiswu (R.) et frères...
Jrouu (C.-T.)
Kbbwobtby «t Bullouob.
Lacboix et filt
Lawbbxcb(J.)
Liombaidt ( J.-E. )..:...
Lswis (F.) et fils
Lowblx. (Atelier de ma-
chines à ) ,
Mablotb , Aucorr et
SiTmie
Mabbscial ( J.)
Miboodb frèree.
Mobbt (C.)
Muia (W.)
Nirui et fil».
Nicolas (P.)
Pabb, Cubtis et Mao élit.
Fs*BY(Jobn)
Purmiii (R.)
Pm§to»(F.)
Pkossbb et Hablit
MACHINES ET OUTILS. 505
Royaume-Uni. . Débourreur et épure tour pour coton.
Royaume-Uni.. Machine à ,cooper, imprimer et préparer les
cartee et billets do chemins de fer, etc.
Royaume-Uni. . Métier à tricot circulaire.
Royaume-Uni. . Machine a fabriquer les cdrdes.
Royanme-Uni. • Nouvel embrayage pour les matière à tisser.
Toscane Peignes on ros à tisser.
Royanme-Uni . . Petit tour à mandrin automate.
France Rouleaux cannelés de filature.
Suisse. Presse à découper les aignifles de montre.
Royaume.Uni . . Machines diverses a travailler la soie.
Roysume-Uni.. Rce ou peignes fabriquée par maehino.
Royaume-Uni . . Machine à plier et coller les enveloppes.
France. Machiee a fabriquer les cordons de lisse.
Etats-Unis .... Cardeuse pour le drop.
France Machine a faire les dons.
Royaume-Uni. . Machine nouvelle a préparer le fil de soie,
Royeume-Uni . . Machines pour travailler le bois.
Australie. Cylindre jacquart.
Royanme-Uni , . Machine a river, a vapeur.
Prusse........ Tour mécanique.
Royaume-Uni . . Machine a fabriquer les types d'imprimerie.
France Peignes et serons.
Etats-Unis. . . . Régulateur des réunisseuses poor coton.
Royaume-Uni . . Machine à préparer et filer le coton et le lin.
Royanme-Uni . . Tour à pédale d'amateur, avec appareil et outils.
Royaume-Uni*. Machine « parer et dresser, et embrayage pour
métiers a tisser.
France'. ...... Appareil complet de féculerie.
France x. Presse à découper et nouer les agrafes.
Royaume-Uni. . Machine verticale s imprimer, d'Applegath.
France Machine à tricot circulaire.
Royaume-Uni. . Banc à étirer le fil de fer.
Royaume-Uni . . Nouvelle machine à fabriquer lea cordons de lisse.
r.oyaome-Uni . . Casse-fil poor métier à tisser.
France Machine à fouler les drape.
Royaume-Uni. . Réfrigérant distributeur, etc.
Prusse Machine a fondra les types.
Royaume-Uni. . Machine a toiller les dents de roues et fuseaux
de filature.
Étsts-Unis. . . . Tour mécanique et métier à tisser.
t
Royaume-Uni. . Machine centrifuge a lavor et a sécher.
France ....... Machine a hacher la viande.
France. Cardes diverses.
Etats-Unis. . . . Machine à tailler les pierres , d'Eastman.
Royaume-Uni. . Petit tous et outils divers.
Royaume-Uni. . Presse pour imprimer les lettres.
Fraoce Machine a graver les cylindres.
Royaume-Uni. . Veriélé de machines a carder, filer le coton » rea-
videase au tomate triple, machines-outils.
Royaume-Uni.. Peigne à laiae.
Royaume-Uni.. Mechine a spader, tailler le lia , etc.
Royaume-Uni. . Fuseaux et ailettes.
Royanme-Uni. . Scie à découper lea bois d'ornement.
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506
Rasmos et Mat
Rumro (A.)
ROMIMM etRfMftXL.....
Roewieetfik
Rtmi(W.)
Simnu jeaae * .
Sciiinu et Lbobaib. . .
S«Wmai«(J.)
Saura frères
Simau, Hiu. et Srm.
Swti(M.)
Smm , Beaoock et Ta*-
VI' JURY.
Socnhé as Pacnts. . . .
St amm «iCh.
Stam(C)
STlWAaT(D.-Y.)etC*\
BoyaaMe-Uai..
Roy*aase-Uai..
RoyaBase-Cat..
Fraoee,
Royaaaso-Uai. •
F rue*
France
Freace.
Fmmim
Royaaae>Uai..
Roywi Uai. .
Reyasuae>Uai.#
WPV«
France. .
Étate-Uaie . .". .
Royaaaae-Uai..
Presse spéciale ai
Maehiaa poar coaper «i ooflatleaaManiaa
Monta a vapear pov la cerna* à eaa
Toile mètalKono pour papeterie.
Petite ■arhian à forger.
Machiae à fltur, profilât les bats.
Toadeaee hèlieoîda.
Maehiaa à forger.
Cardes drrereaa.
Toer à chariot aatoenatc.
M «lia» a tieeer divan.
Tatmb (J.)..
Tatmw (W.).
Royaa
Royan
i-Uai. .
►Uni..
Taoaus(H.) Presse.
Tuas» (W.-L. ) Royeasao-Uai. .
Tovauxoi (C.) • Fraace.
Taovrn frères Belgique
Vamau, MpnuToi at
Elwill. Fraaca.
Wiiriir ( W. ) at O*. . . . Roysosae-Uai. .
Wilsoi (G.) • Royeame-Uai.,
Wooawar ( J.-P. ) États-Uai». . • .
Tonr aotoiaate , snachines à parcar at 1 pW.
Machiae a bobines poar filar as fia.
Base è brochas à doubla coAprasnee.
Machina à relie* loa livres.
Msehiae a fehriqaar las momUa pov taym »
fonte.
Serançpirs.
Maehiaa à fabriqncr dea abat-jonr» \
riqoes as papier plias*'.
Tondease hélicoid*.
Modèle de braaaario.
Maehiaa a repiqaor loa annales de suai*.
Toadeoee , fieiaoease.
Maehiaa à fabriçjaar le pépier.
Moalio à blé.
Maehiaa à coaper lo cartoa et le papier.
Maehiaa è plaâar. raboter, raiaar la boa.
FIN DE LA IT PARTIE.
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DES
NOMS D'AUTEURS, INVENTEURS, MÉCANICIENS,
EXPOSANTS, ETC.1.
PREMIÈRE PARTIE.
Acbajq», de Berlin. — Presses à betterave», — Machines s faire les cardes, p.~9« , g5 ,
p. 116. * 07, 445.
Aftonxo, do Mexique. — Machine a fabriquer Aitiq, de Paris. — Tritureurs et temiseurs ,
lee cigarettes, p. 44a. p. 996.
Aitkbx et StbiIm — Moulins, p. 3ao ; — loco- Applboatb. — Presses typographiques, p. a 1 3 .
notion des blés, p. 35o. Aacbuisdb. — 'Grues a. grappins, p. 110.
Alaosbt.— Presses typographiques, p. a5a<356. Aristide. — Presse typographique , p. s5 1 .
Albert (Charles). — Moulins, p. 4o3. Auwuon. — Application de la fonte aux
Albsbt (A.-C. ) , de Péris. — Scies sans fin , machinée, p. 3.
p. 553. Abhikoau» aîné. — Citations diverses, p. 3o,
Amssajwbi. — Découpage de l'ivoire en pis- 45 , 5o , 367 , etc.
<raes,p. 895. àtkim. — Modèles de martinets, p. a5; —
Aixiot. — Hydro-cztraeteor, p. i3i. ontils d'acier, p. €17.
Abtbsbt. — Tamis pour le tabac, p. 437. Avbbt-Ouvibb. — Laminoir, p. i3 , 70.
ABniDBB-DoBAa». — Movlin à vent ; — presse Aven, de Paris.— Bocard vaporisateur, p. a85.
typographique, p. a3i. Avobb et Pbllxtibb. — Machine à broyer le
Abu» Warrantas , Sbabp, Dysb, Elus, etc. chocolat, p. 39a.
B
Baabxb , de Munich. — Machines soufflantes, 496-498; — tourà portrait, p. 5o5 ; —burin
p. io« an diamant noir, p. 5ia.
Babbabb. — Gravure mécanique , p. 494. Babbos et Dbcostxb. — Machine à sculpter,
■ Baillt. — Meules, p. 37a. p. 609.
Bajbbs. — Histoire des manufactures de coton, Babbows.— Machine a doncir les glaces, p. 5a5.
oiUtiona, p. 181 , 166, 170. Bass (Georges) et Elus. — Tondeuse, p. 445.
Babaiowskt. — Presses à découper, muni- Batb (John), de Londres. — Machinée gra-
roter, etc. p. aa6. ver, p. 494-498.
Babbibb. — Sciage des pierres, p. 519. Bavcbbt-Vbbubbb. —Machine a régler le pa-
Babbib. — Dessin géométrique , p. 495 , 875. pier, p. aa6.
Babbbb. — Scieries , p. 61 4. Bavdat. — Machine à fabriquer les parquet» ,
Babbatts et Bobtbt, de Paris. — Moulins, p. 607.
p. 4ia. Baibbt. — Moulage des pâtes, p. 378.
Babbbbb. — Machines à graver, p. 488-489, Bavwbws frères. — Scieries , p. 877.
1 Cette table est due au soins de M. Ginestou , employé a la Société d'encouragement.
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508
TABLE
Biorou. — Blutoir, p. 386.
BéeuiuiT. — Monture , citation , p. 3© 4.
Bm. — Sécheur méeenique , p. 44».
BxLAtexn. — Moulins, p. 3*4.
Béxinon.— Citations, p. i4a, a 83, 3i3, 337,
378,536,54i.
But (Thomas), de Mosuey. — Impression
des tissus, p. i5a. *
Bill ( WiHism). — Laminoir» et impressions,
P« »7» 98 1 161 et 96a.
Beu. «t Slatxb. — Machin* à iaaprimar laa
tiwna,p. i43.
Bbxot 01 la Diomi. — Scieries, p. 579.
Beroist , de Saint-Denis. — Moulina, p. 3ao.
Bshout , l'ingénieur. — Mouture , citations ,
p. 3i6, 35t, 867.
BnoitT tt Fbarçois , da Troyee. — Press**
lithographique* , p. 196 «t 199.
Bihh.it (T.). — Praaaa typographique ,
p. ai5, *i8.
BiRTiiii (Samnal). — Machina à travailler
le bote, p. ig,544-55s.
Bbbbxuou. — Machine* a préparer laa paaos,
p. 446.
Bbrobbob. — Tonra, p. 478, 487, 5oo.
Bimtv et Gbbybxick. — Fahrieation do pa-
pier, p. i35.
BuTiora (Ferdinand). — Horlogerie, p. a, 6.
Btsmn-Duauussois. — Pétrisseur mece-
niqac, p. 879.
BBaaimi. — Machine 4 écraser, p. ta8{
— hydro-extracteur, p. i3i.
Dbs&oh (Jacques). — Tonra, p. 473-477;
—aciérie, p. 535.
Bbsaoxt. — Hydro-extracteur, p. i3i.
Billivgslbt. — Alésotrs, p. ao , Sa.
Bines ( John ) '. — Machinée à travailler le boi»,
p. 6i4.
Bixbt. — Machine* à travailler le bois, p. 61a.
Blacemabb. — Bluterie, p. 386.
Blaicbai», d'Amérique. — Machin* a aenlp-
teri p. 5a 1.
Boilbau. — Scierie* , p. 566, 583.
Bolaxd. — Pétrisseur mécanique, p. 379.
Boivalit père, d'Amiena. — Machine pour
l'impression de* tiaana, p. i49t »63.
Boxvallbt , de Paria. — Imprweion d'étoffes
d* laine, p. i5o.
Bobgjiis, l'anteor. — Citation*, p. 8, 18,
ao, )4o.
Bomi frère* , de Perl*. — Machine* a fabri-
quer lea briques creuses, p. S71.
Bottier. — Machines à couper le papier*
p. 455.
Boucns , de Soiaaons. — Machin* à fabriquer
lea capsulée de fusils, p. 99.
Boirenu fila. — Preaw filière, p. *6s.
Bovcaox. — Moulina, p. 38a.
Boociottb. — Épuretour dea blés, p 356.
Bovgvxbsav. — Hache-peiBe , p. 4oa , 445.
Booqusbo. — Machine a percer la Joute, p. 1».
Boobbox. — Marteau pilon, p. 45.
Boubdox et Htmn au. — f.aminoifs^roTesn,
p. 3oo.
Borr , de Genève. — Machine à estaavpsr,
p. 80.
Bbadbvbt (John). — Rouleaux mpriaesn,
p. 167.
Bbaslbt, de Wakefield. — Mechine 1 ttùt
les briques, p. 878.
Bramai (Joseph). — Poliaaoin, slèmn,
tours, p. 19, aaj — presse hydrashese,
p. 4o , 68 et iao< — a. copier, p. ai5; —
machine* 1 imprimer, p. i54; — àtakifea?
1* papier, p. i35 ; — à raboter, p. 55©.
BrarsovUb. — Sécheur mécanique, a. 44t.
Beboubt et Boqoillox. — Machine a h3k
les engrenages, p. 5i.
Bbbitiavpt , de Caasel. — Alésoirs, p. te.
Bbbt. — Machine a. pulvériser, p. aS6.
BnrwsTKB , de Rouen. — Moulins, p. 37s.
Biiot (Nicolaa). — Balancier pour les usa-
naies » p* 70 ; — virole brisée , p. 7 1.
BussBT. — Presse lithographique, p. îfl,
199. ao4.
Brocuaus , de Leipaick. — Machines a ioaii*
lea caractère* d'imprimeirie , p. a6o.
Broerdor , de Londres. — Filières, p. 18.
BROvnr et Maitb. — Scierie mécanique, p. 5tf-
Bruuer ou Brucbrr (Antoine). — Lstniaein»
p. i3, 71.
Brurbl. — Machine e fabriquer le chassant,
p. 466 { — à travailler le bois, p. 5*7*
55a ; — scies circulaires , p. 553-557.
Bruxrt et Cocbot, de Paris. — Sderiti,
p. 567.
BurrsBT. — Machinée à fabriquer les cket,
p. 99.
Buqubt (Charles), de Senlis. — Méat**,
p. 33o-336.
Burdrr. — Machines à fabriquer le 1er, p. 4L
Bvbettb , de Paris. — Coupe-reetnes , p. 448;
— machines a riper, p. 463.
Bures et John Gilbert. — Press* tvpsgrt-
phique, p: aa§.
Boa», de Shrevftbury. — Fahricabe* *•
tuyaux en plomb , p. a64*
Bvrrrl. — Machinée a travailler le boU.
p. 616.
Bvmbi. — Presse lithographique, p. i*4>
Bvbtoi. — Machine a fabriquer lea cyKadrtt
gravé*, p. a 68.
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ALPHABETIQUE.
509
Cababis, à Bordeaux. — Meules, p. 371.
Caii tt Dbbosbb. — Presses monétaires,
p. 76 ; — laminoirs pour cannes a sucre ,
appareils a cuire les sirops dans le vide, etc.,
p. îaft.
Cajixox. — Machines a fabriquer le for, p. 7 ;
— à. dresser, p. 38; — 4 broyer, p. ao,i.
Calla père et fils. — Tonrs universels , p. 33;
->- machines-outils, p. 57-62 ; — à fabriquer
des cardée, p. 96 ; — moulins, p. 191, 3a3;
— scieries, p. 57a.
Callob père et fils. — Machines à fabriquer
le papier, p. 46 1.
Camus. — Tracé des engrensges, p. a.
Caxsox , à Annonay. — Fabrication du papier,
p. i36.
Canomost et Duibau. — Presses typogra-
phiquea, p. aÔ7.
Capplb-Millbb (Jsmes). — Machines a im-
primer les tissus, p. 189.
Caidai (Jérôme). — Tours, p, 477.
G abbz, de Toul. — Pantographe, p. 507.
Cabiulioé. — Machine a doucir les glacée,
p. 5ao-63a.
Cabov et Laubsbbau. — Machine à essorer,
p. iSo.
Cabpbxtibb et Stbvbws. — Machinée à par-
queta, p. 609.
Casai. — Machine carrée, p. 473.
Cabt. — Scieriee de placages, p. 586*
Cabtibb. — Tsmis-bîoleau , p. 365 ; — ma-
chine a travailler le bois, p. 607 ; — tarare,
p. 354 { — épureteur des bléa , p. 356.
Cartiib et Amsboaud aîné*. — Moulina,
p. 3ai, 369.
Castulb. —Machine à fabriquer les briques,
p. «74 ; — four, p. «77.
Cabaus et Cornue. — Presses hydrauliques ,
p. 119.
Castaibo. — Machines monétaires , p. 70.
Castmai et Moibt. — Machine à dégrossir la
pierre , p. 5a 1 .
Cayauxb fils. — Scierie , p. 577.
CatB. — Machines a planer, p. 39 , 57 ; — à
forer, à percer, etc., p. 49-5 a.
Cbu.ii* et Bbixot. — Machinée pour cap-
sules de guerre, p. 99.
Cessait (Ds). — Machine à receper lee pi-
lou, p. 107, 54a.
Cdamoabbibb et Cobbbob. — Moutare , p. 87s .
Chavpios atné. — Machine à fabriquer lee
briques, p. 37a.
Cbampt père. — Tembonrs broyeurs a gobilles,
p. a86.
Cbapells. — Presses hydrauliques, p. isa.
Ciapuis. — Mechine à imprimer aur étoffée ,
p. 181.
Cbaumbtts, de Paris. — Impression des
étoffes, p. i56, 171.
Ciaussbbot jeune. — Hachoir, p. 449.
Cbktsxibb. — Machine a fabriquer les clous,
p. 99-
Caevoi.OT et Dbxostbb. — Machines à façon-
ner les pierres, p. 5i6.
Cbopitbl , de Paria. — Cylindres laminears ,
* p. 3, la , i4* a6i.
Cboumabot. — Balancier, p. a5g.
Cbrutuw et Gossbt. — Moulina, p. 37a.
Cbubch (W.), de Boston. — Machines à
fondre lee caractères d'imprimerie, p, a 60.
Cbubch et Godakd. — Pressée à découper, nu-
méroter, etc. , p. aa6 et 390.
Cl Ain et Huau. — Outile à vapeur, p. 45.
Claibault. — Tours , p. 473.
Clabk ( Edwin ) . — Presse hydraulique , p. 4o .
Clavib. — Compteura dynamométriques , etc.,
p. 434.
Clbmbbt , a Londres. — Machines a dresser,
p. 35-37.
Curai, a Paris. — Presse lithogrephique ,
p. 198.
Clubs. — Presse lithographique, p. ao5.
Cltmbb et Duos. — Presses typographiques,
p. ao9, aa5.
Coatb. — Machinée à fabriquer les -bobines,
p. 6i5.
Cociot. — Scieries , p. 567*570. '
CocanAW. — Scieries, p. 5ao,'6i4.
Cocxsbiix. — Marteeu à cingler les loupes ,
p. a4.
Coma. — Machinée è faire lee cardes,
p. 96.
Collabt. — Machine a guillocher et à graver,
p. 488.
Colla». — Machine à graver, p. 490 , 495 ;
— à reproduction , p. 5oa ; — tour à por-
trait , p. 5o4-5o5 ; — machine de réduc-
tion, p. 5o8.
Çolob, à Paris» — Laminoirs, p. i5.
Cobtamib. — Tour a portrait, p. 5o3.
Coure et Gallbt. — Machine à graver les
plana, p. 489.
Cobtt. — Distributeur des bléa, p. 357.
Coitzbb (Alexandre). — Machine a repro-
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510
TABLE
duire les lutin, p. 5o8; — machine à
sculpter, p. 6e§.
Cobbabt. — Leviers, p. 10S.
Cobcobab. — Mouline, p. 384*
Cobdibb, de Béai*». — Presse hydraulique,
p. 117.
Counn. — Scieries de placages , p. 599.
Couiu , d'Amérique. — Machine à fabriquer
le* tuyaux eo plomb, p. 968.
Coimâoi. — Tarare, p. 854; — moules,
p. 871.
Cobt et Pvmxiu. — Fabrication do fer,
p. 11, i4.
Covlavx frère», — Scie», p. 88 j — mouline,
p. 4o5. ^
Coulomb et Cari. — Appareil» pou bâtir sous
, l'eau, p. 108.
Cotrmam, — Meules, p. 5s a.
Coutaobb.— Machine à débiter le bois, p. 467.
Coûtas. — Sciage é\a* panel , p. 5t{.
C«wm et inuun. — Près** ttaspn»
pJujue, p. »i5, 919, sai, 999, >34>
Cowsladb et Lovbjot. — Près»» tjeapi-
phique, p. aa5.
Coi. — Machine u préparer lei peau, p.**.
CmisriL-DiiLiMB. — Prêtée hydreaUeetpar
le* palpas de bottaruYce , p. 110.
Cbosoto*. — Cylindres secbeurs, p. ity
Cboblbt et Htwabd. — Machine* à (aWifsr
lea tuyaux em plomb , p. aS5.
CréaiBivs , d'Alexandrie.— Machine» s* fcs*
roues dentées , pompée , etc. p, io3.
CTBSiruos. — Erection mecaaicM •» •>
loojiea, p. 104.
Cuipt. — Machine à febriquer lai brise*.
p. 973.
Ctrriai (veuve), de Florence. —Pop»
poex la aoie , p. 90.
Dabubt. — Machine à fabriqner lei dont,
p. ^9.
Daiiw. — Monlina et brûloirs à eefé , p. 44 >•
D<ou (Jobn). — Machine a rouleaux im-
primée» , p. 1 79.
Damt fils. — Meule* , p. 870.
Daxdot, Miillabd, Lucr et C*\ de Mau-
beuge. — Quincaillerie et outils de filature,
p. 86 à 90.
Daxvbav. — Crible, p. 386.
Dabblat. — Moulins, p. 3e3, 869, 378;
— rarVaîehiaeeur de* farine* , p. 368.
Dabbt. — Alésoirs , p. ao.
Dabj> et Camus fils. — Meules, p. 384*
Dabbt. — Machine à broyer, p. 99s.
Dabbal, Bossut et Pian*. — Système d'ate-
lier de construction , p. 7.
Dabtiovbs. — Machine à doucir les glanas,
p. 5s6.
Davbabbl. — Machine a couper lea vignettes ;
— tamisoirs, p. 4*6.
Dansai et Middlbtob. — Délieseuse, p. 457.
David. — Tarare , p. 354.
Davilui». — Tambours1 a gobilles, p. 986.
Davis (William). — Hachoirs, p. 453.
Dbbavmb, de Belgique. — Meules, p. 3*1 ; —
moulins, p. 889.
Dxbovbbbt. — Machinée à capsules , p. 99.
Dscostbb, de Paris. — Machinée à planer, p. 3g;
— machine», outil* de toute* dimension*,
p. 57,6s; — presses centrifugée, p. i3i.
Deobabd, de ManeiUs. — Laminoirs, p. i5;
— machines a faire les cardes, p. 95 ; — è
fabriqner les dons , p. 98 ; — '
p. 446 ; — machines a préparer k» pB*«
p. 466; — e diviser le noie , p. 467*
Dblaubb. — Tours, p. 3a, i7^t #T'*~
engrenage, p. *55.
DbbtbuBb. — Mouture , p. 379.
Dsnaaimt.— Hachoirs pour** toiae,^1'
4o3.
Dbbbbbmbsul. — Coloriage meeaaif** *•
carte*, p. 190, 196.
Dbbosbb et Cail. — Appereils poar UfcB*
cation du ancre, p. 196; — F** €IB,B*
foge.p. 181.
DsnaixY (Charles). — Presse* à bmsJs?w
caractère* d'imprimerie, p. 960.
Dxsbhbx. — Presses typographique», •• ^
Dbsobm b ati ( Paulin ) . — Tours , p. h , «>5 ;
— élans, p. toi.
Dbstbicbxs. — Moulina l poster t P- &*
Dbvogub. — Machine à retaper •**» *mt
Dbtxblbix , de Londres. — Machine» * W*
quer les tuyaux de drainage , p. '7°' *"
tours, p. 483.
Diex, de Philedelpbie. — Pramuf l **
friction ou roulement, p. 83.
Didot ( Ambroise, Firmin et Henry).- TU*
graphie et presse typogrephiaut, p- "?•
918, 993, 933; — clichage, p. »*°* .
Didot Saimt-Lbobb*. — Machine * &?*■*
le papier, p. i33, i36; — f***1* *
caractère*, p. 959.
Dobo. — Butoirs à ressort, p. 377» '**'
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ALPHABÉTIQUE.
Domvs (Charles). — Machine» k ealandrer,
p. i43, 1771 — tomn, p. 474.
Douuvus et Goitabj>.— Toiles peinte*, p. 16s.
Dohsh el Bacojt.— Impression do papier con-
tinu , p. i4a ; — prêtée» typographiques ,
p. ai4» 117, 119, aag; — machinée a
découper le pépier, p. >35 , 455.
Doolittli. — . Machine à brique», p. 37a.
Doux t. — Fehricetion de briques, p. %<]*.
Douglas. — Outils pour tondre tes drape,
p. 901 — moulins è noix, p. 4 08.
Dot aux. — Ventilateur», p. 368.
Durs t. — Van mécanique , p. 348.
Dmox, graveur a Parie. — Laminoira, ma-
chinée monétaire* , p. 6 , »3 , 7 1 .
Duiaoca. — Machinée k riper, p. 4i5.
DccoacLOis. — "Fabrication dee tuyaux en
plomh , p. 867.
Dueajiu» ov Mobckau. — Appareils ponr con-
server lee blés, p. 3€o.
511
Dvmxut. — Machine à fabriquer les aooiien ,
p. 488.
Dufitxat. — Tonr k portrait , p. 507.
Dorai, de Pari». — Machine à
p. 100.
Durur, de Meta. — Lithographie , p. aoi.
Duquxt et om Coun.it. — MooKna panémort»,
p. 309.
Duquxt et Foxuiax. — Scierie», p. 5i8.
Du*aud père. et file. — Moulina, p. 4o3.
Dut Ami. — Preeeee typographiques, p. «37,
.a53.v
Dura.. — Machine à reproduire, copier le»
statue» , p. 5o8.
Dur al. — Machine à préparer mécaniquement
lea peaux, p. 486.
Dm. — Machine k fahriquer mécaniquement
le» cardée, p. 95.
E
entions , k Saint-Denis. — Impression des
tissus, p. i55, 163-171, 174* 177.
Ecx et Chahoaubtii. — Moulin», p. 3a a ,
369.
Ecxasut, k Gotha. — Hachoir, p. 453.
EnwAxns. — Aléooirs, p. ai ; — laminoira,
p. 871 — scieries, p. 1.7a, 3a a.
Elbrzix Babtbu. — Machine à ouvrir le» baies
du coton , p. 464*
Eioilmaub. — Presses lithographiques, p. 190,
196, 199, aoo.
EiiAio et Ernest Mina. — Gravure pani-
conogrsphiqne , p. aoa.
Evahs (Oliver), — Machines A concasser les
pierres , p. «88 ; — locomoteur, épuraleur
et rafraichisecur des hlée , p. 35o , 355, 367 ;
— emharillement des fsrines , p. 374 { —
fouloir à farine, 437 ; — machine k ouvrir
les haies du coton , p. 461.
EvAns et Elucot. — Mouture américaine et
moulins, p. 3i6, 319, 34ii
Étxqui d'Elt. — Scierie hydraulique, p. 533.
Faix» AUX. — Machine a river, p. ho , 46 ; —
transmissions, p. 3a 4 { — - roues hydrau-
lique», p. 4a ; — moulins a blé tout en fer,
p. 35o et 385.
Faxivoll. — Machine k façonner le bois,
p. 606. #
Faicot, de Paria. — Monlin k tan , p. 4 1 o ; —
machine k tailler lee engrenages) , p. 5i .
Faust et Scioxrrn. — Typographie , p. aoâ.
Fatutbi. — Machine k dérouler le bois,
p. 593.
F atolls , de Paria. — Laminoirs, p. 17, ae.
Fixât, d'Essonne. — Moulins, p. 867, 370,
87a ; — distributeur et rafreichisseur des
Mes, p. 358,367.
Finai.. — Hydro-extracteur, p. 181.
Fiscxn, de Hartford. — Typographie,
p. «09.
Flaciat. — Leviers compresseurs, p. 44.
Flsssslli , d'Amiens. — Machine pour im-
primer lee tissus, p. 149.
Foicus père et fils. — Appareils k extraire le
sacre, p. 117.
Focq ( Nicolas j , de Mauheuge. — Machine k
fahriquer le» cylindre», p. 4 » 7, 8 1 — ma-
chine à raboter, p. 5a.
Foxtaxa. — Leviere, p. io3.
FoTHsaoïLL (William). — Cylindre» impri-
meurs, p. i54, 166.
Fousnaniixx. — Presses lithographiques,
p. i34 , ao5.
Fouxibtxo*. — Tusbine, p. 4a.
Fox, de Derby. — Toore parallèles, p. 39; —
mschines à dresser, p. 35.
Futurs, de Mets. — Machines à scier et dé-
couper le bois, p. 587.
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512
TABLE
Fut. -r- Machine à fabriquer laa clous , p. 98,
98.
Fceiax. — Estampages, p. 74.
Fcuiu. — Machines à travail!* U Wu.
p. 6i3.
G
Gaillaba. — Meulea, p. 38».
Gaaxb , griww a Paris. — Nouvelles chaînes ,
p.»». «75.
Gallois (de). — Fabrication anglaise do far,
P •"•
Gallob at Dotoar. — Moulins à vent, p. 309.
Gallowat. — Tours, p. 676.
G vllowt at Bowbubb. — Presse hydraulique,
p. 117.
Gui au. — Machine a fabriquer la papier,
p. i34.
Gabral. — Rouleaux typographiques, p. «17.
Gabai». — Machines à dérouler la boia,
p. 601.
G abdbbb. — Coupe-racine at hachoirs, p. 40»,
45*.
GAaroara. — Machina à river, p. 47.
Gavbacx para at fila. — Preeees typographi-
ques, p. aïo, «36, a43.
G at-Lomac. — Torréfaction daa tabaee, p. 438.
G ta Diana. — Scierie da placage, p. 586.
Gbïidbbibx. — Moatnra, p. 87a.
Gbbobmbbb. — Gravure et fabrication daa bil-
leta de banque, p. 166, a6i î «— machines
monétaires, p. 71, 7a ; — presses hydrau-
liques, p. 116.
Gbmcsubbb et JoLicLàai. — Machina a fabri-
quer la chaussure , p. 486.
Gbrssaxb (Db). — Moulins à papier, p. 4o6,
459 { — machine a couper las chiffons,
p. 46a.
Gbbtbb atné\ — Minoterie , p. 33 1 .
GéaotBT. — Travail daa marbres, p. $12.
Giixot. — Paniconograpbia , p. aoa.
Gibabj» (Philippe db). — Appareils pour con-
server lea blés, p. 36i| — machine à fabri-
quer laa bois de fusils, p. 809.
Gibavb. — Blutoirs , p. 364.
Graoroor. — Preeees typographie , p. m,
a33, a35, a4a.
Glatbt frétée. — Machines a tafflar laineu.
p. 83, 5a i — iB^chineàtafflsrlaibaai
p. 101.
Go oaraor. — Machina à imprimtr sbt *sfc .
p. 181.
Goobawt. — Machinée à travailler h Isa,
p. 609.
Goldbbbbbc. — Moulin à caJS, p. 4a5.
Gosmb. — Meules , p. S70.
Gobsbux. — Citation , p. 875.
GoTTOar. — Moulin philoaephiqaa, p. »{&.
Gbabdisab. — Tours, p. 48a.
Gbabt et Bancs. — Machine à faanqee*1
pites, p. 878.
Gbattsb b'Avbbt. — Tarare , p. 341.
Gbat (Andrew). — Moulins, p. ii». *»*'
319, 338.
Gbat et Gmoobt. — Machina à ferar, p. Ni.
Gbbbx.— Machine a préparer las peraitp.W*-
Gbboobt. — Moulina , cHation , p. 34»-
Garte (Thomas at J.). — RoaUaax iap
meurs, p. 176; — presse Utbog»»P1'P'
p. ao4-
Gbbtsbix. — Fabrication du tabac, p. «*
Gbimpb.— Gravure des papiers tûnbfa»•^»,*
485 { — rouleaux imprimears, p. ***î-"
machine à sculpter, p. 509. i_I
Gbvat. — Fabrication des wyaax a» *■■*•
p. a67.
Gvéaix-DoBoimG. — Sciene, p. *7**
Gvbvib. — Meulea , p. 38a.
Gcimuna. — Leviers eompresssais, p. t>
Guillotib (Antoine-Louis) et Sawr.-
vention de la guillotine , p. 445*
GuTBRBBBe et ses aasociés. — P**1* W^
phique, p. i45, ao5.
H
HACM-BotmoBOia. — Plaquée at ruban» de Hallbttb, d'Arraa. — Piassnj byi<liH*
cardes , p. 89.
Hacxj. —Machine * façonner le bois, p. 565.
Haocb. — Machines monétaires , p. 74 ; —
a fabriquer les tuyaux en plomb , p. »65.
H Ait, de Dartford. — Machine à dresser laa
glaces, p. 5a6.
p. 117, 119.
Hallibbs (Db). — Mouture, p- *7>'
Haurl. — Moulin a vent , p. 34°. .
Hamiltox. — Sciage des petits l*«. P* '
Habon , de Lille. — Meulea, p. M»'
Habbixc-Cocrbb. — Peignes coati**, f-r"
Digitized by VjOOQlC
ALPHABÉTIQUE.
iUmDino, PtTLLïi» et JonVgov* — Machina à
fondre 1m caractère* d'imprimerie , p. a6o.
fl abmld.— RoiInoi typographiques, p. «17.
IIattbxbim. — Machin* a fabriquer lea
briqoee,p. 971, 375.
Hacssmaiw frèree. — Rouleaux imprimeur* ,
p. 107-168.
Haweix*. — Machina servant à reproduire laa
bustes , p. 5o8.
HiiDais. — Machinai à imprimer, p. 161 ,
16a , i65.
IIbwbkcabt. — Blutoirs , p. 364 * 386.
Hxbha*. — Fonderie de caractère* d'imprimé-
rie, p. aôg.
Humai v. — Travail daa piarraa dora*,
p» 61a.
HiBrrx , da Mets. — Yentilatcnra à percussion,
p. 363.
Hbitsi», da Paria.— » Machina à imprimer laa
étoffée et le papier, p. 181.
Hithuimotor. — Machinée à dresser, p. 33.
Hic» et fila. — Machinée à forer, p. 35; —
preaaea hydrauliques , p. 4o , 5a , isS.
Hirdi.it. — Toar aatomete, p. 48a.
Hibsci. — Presse* typographiques, p. a3a.
Hodoktjisoh et Faibbaibx. — Résistance dea
tôles tiiitê , p. 43.
IIob (R. ). — Preaaea typographique*, p. 937.
IIopwaii. — Maehine* à imprimer les étoffes,
p. 157, 171, ai3; — à fondre les caractères,
p. a6o ; — épuralaur dea blée, p. 35g.
Hoixaorr. —Monture , p. 37a ; — fabrication
dn tabac, p. 4ai; — tamis, p. 4ag.
Houi. — Presse typographique, p. aa5.
Holtxappbx. — Toura , p. 475 , 483.
Hoo» ( Jean-Harper). — Hachoir, p. 409.
Hooki. — Presse hydraulique, p. 68 ; — ma-
chine a fendre, p. 48a.
Horuieov et Cou. — Pressée typographiques,
p. a*5.
513
HooDOUAio et CoiBtui. — Machinée à débiter
le bois , p. 608.
HotriiT. — Moulins, p. 38a; — machina a
émonder, p. 386. ,
Howiix (John). — Machiné à forer, p. 54 1.
Hotai. — Hachoir, p. 4oa ; — machine à fa-
briquer les agrafée, p. 96; — machine a
doncir les glaces , p. 697.
Huait (Henri). — Conservation dea blé*,
p. 36a.
Hoiiit. -«-Machines à curer, p. 107 ; —mar-
tinets , p. 998 ;— machine a broyer, p. 399 ;
— machinée a travailler lea bois, p. 56 1.
Hvmit (Anglais). — Épurateur dea Mes,
p. 356.
Hoc» , de Paris. — Bluterie, p. 366 , 386.
Htri , de Paria. — Machine à faire les çgrafes ,
p. 9a.
H trente et fils. — Meulea, p. 38a.
HvtuiMix et DocoMMtm. — Machinée a impri-
mer lea tissus , p. 1 78.
Htmrixix-CoixiTZ. — Presse à imprimer les
tissus, p. i84*
Hvxot père. — Toura , p. 478 ; — machine a
foudre, p. 48a.
Hvlot fila et Buaiiox. — Tour de réduction
pour lea médaillée, p. 5oo-5oa.
Humbbbt, dea Voagea. — Machinée a forer,
p. Si.
Humbbbt, capitaine. — Capsulée de guerre ,
p. 100.
Humblot- Coure. — Rapporteor, p. aga; —
rectification a son sujet , p. 565.
Hoit. — Blutoir, p. 386.
Hotitii. — Machine à tailler le pierre , p. 5ao«
Huiiav et MiciALOi. — Meules, p. 37a.
Hvbwooo , CioeauiA et Aoavs. — Mouture ,
p. 383.
H on m. — Brunissoirs et scie* pour lea pierres
fines, p. 5ia.
laiiTSOx. — > Machines a graver, p. 484.
Ixoiam. — Prease typogrephique, p. aaa.
Ibiaid , de Strasbourg. — Pressoirs à double
fond, p. n5, 1*9.
JiVAri et PoiciLiT. — Laminoirs, p. i5, a4.
Jaft père et fils. — Estampage, p. 74; —
fabrireiion dea clous , p. 98 ; — marteaux-
pilons , p. 8a ; — outils divers, p. 3a.
J Avale. — Appareil de suspension de* elochea ,
p. toa ; — pressoirs , p. 1 1 3.
VI* JURY. — 2# PARTIE.
Johisoi , d'Amérique. — Machine à fondre lea
caractères , p. a 69 ;— moulin a café , p. 4o5
Jovabo , a Losèro. — Meulee, p. 3n.
Jovbdaw. — Maehine servant à imprimer
étoffes, p. 181.
33
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514
TABLE
Kat ( John). — Hcriefer-mecanicieo , p. 3.
Kbah-Fitmbiau». — Vii de réglage, p. i5.
Kmf. — MwliM «l brulofrs loti, p. Hi.
Kibslst. — Machine servant a fabriquer \m
briques, p. 271.
Kibkwoop. — Presse ssrvaat à imprimer les
.Umm, p. i83.
Kustns , de Paris. — Msaaiserie , p. 676.
Kxbcbt. — Machines à graver, p. 199, * 36.
(Baron os). — Van
(Jmb). — Impression des teia,
Iiomv
p. 33a.
Kcïtcaus
p. 16t.
Koxbio (Frédéric) , de Saxe. — Praam typt-
graphiques, p. ai4, a so, 197, «43.
Kbaksbb at C4*. — Fabrication dta tanax ai
plomb, p. s66.
Kbvfp. — Laminoirs ssi aâsr, p. a5.
IiâliWM «I Gbbxisb. — Seiaga dsa pierres ,
p. 519.
Labbllt. — Machine à receper les pilots aoas
r«*o, p. 543.
Laboblatb (Ch. ). — Fonderie mécanique dis
caractères , p. 160.
LacatX'Laplaohi et Simbob. — Fabrication
dm tabac, p. 4a 5-4» 4 •
Lacobbamibb et Gbabjbab. — Tours, p. 3s ,
47>> 478, 484 1 487, 5oo.
Lacboix , de Rouen. — Presse lithographique ,
p. ao4.
LAOAiotfsTi. — Crémaillère à levier, p. 81 ; —
levier à cliquet, p. 106, n4, 809.
Laoootti et Lambby. — Fabrication des toysux
en plomb, p. 364-366.
Lalabbb. — Fabrication du papier, p. 458.
Lalovbt-Puissabt. — Emboutissage des men-
taux, p. 75.
Lakobiiibbb (Dm) et Maiiotti. — Machines
1 dresser et à planer, p. 88 , 5o , 58 , 6a ; —
mécanisme a burins , p. 88 ; — banc a dres-
ser les tables de fonte , p. 53o ; — presse
lithographique, p. 197.
Lahottb. — Moulins, p. 38i.
Labcbt (Colonel db). — Machine à dérouler
les bois, p. 895.
Laxdau. — Meules, p. 387.
Labot et Lswis. — Broches de filatures, p. 87.
Labocbb et Mobbibb. — Machine a fabriquer
les dot», p. 99.
Lassbbo*. — Sécheor mécanique, p. 44 M
— tarare, p. 354 1 — épurateur des blés,
p. 356.
Lastbtbib (Db) et Ebcklvabx. — Lithogra-
phie et typographie, p. 191, 317.
Law. — Moulins à café, p. 44 1.
Lxabbrwbbtb. — Machine (fabriquer des
clous » p. 69 , 98.
Lxblaic. — Machines a fabriquer les tùm
de cardée , p. 96.
Lbcbibb. — Découpage des bois, p. 467.
Lxb ( William ). — Métier a fabriquer les su,
p. 97-
LirirsK. — Machines a imprimer les bans,
p. 163 , 174, 177; — scierie de plactfi,
p. 57i.
LBrxABc. — Moulins , p. 3oo ; — mecaiae>»
rogner, p. 445.
Lbgbt. — Machines à planer, p. 5i.
Lbcbabd. —Tarare, p. 354 i — meules, p. 3M-
LiUTXHScnwirDEB. — Fabrication da papâar,
p. i36, 180.
Lbistbiscbibidbb et Nonor. — Repia**f
des meules , p. 384*
Lbjbuxb. — Moulins, p. 4o5.
Lb Lieras st Gédéon Dotal. — Msesissi»
tailler les fusées de montre , p. 6.
Lbmaîtbb. — Machine a river, p. 47.
Limbe st. — Pétrisseur mécsnique , p. 379-
Lbuibb père et fils. — Fabrication des dont,
p. 9*.
Lbmoibb. — Machine à broyer les eodsui,
p. 397; — monture, p. 37s.
Lbmoblb. — Machine à faire les tajtax ai
plomb, p. s 63.
Lbbobbiabt. — Presse typographique, p. iff-
Lbbsbicbx. — Mécanisme S barios, p. #•
Lbobabd bb Vibci. — Tours , p. 47* • «77-
Lbon rabot. — Machine à toodre les csrtf
tères, p. a6o.
Lbpibb et Edwards. —Scierie, p. 519.
Lbscobb. — Moulins, p. 38i.
Lbspimassb. — Boulangerie, p. 37 4<
Lbstbb. — Hachoirs, p. 4oa.
Lbtvbc. •— Machine a forer, p. 56s.
Lbtaboox. — Machina a préparer les pat»»
p. 466.
Digitized by V»OOQ IC
ALPHABÉTIQUE.
Lbyisqvb et Gou.it. — Machine à sécher 1m
tissos, p. i3o.
Lrwi« ti John Coluib. — Machin* à dresser
et à fendre , p. Sa , 35 , 5a | — tondeuse* »
p. 90, 456.
515
Lillt. — Machina a ouvrir la eoion t p. 465.
LrraxoT para. — Machina a fabriquer 1m cap.
aulaa de fuail t p. 99.
Lockxtt. — Cylindre» imprimera» p. 167.
M
Macmooubt et Fobtaibb. — Appareil* de eA-
reté,p. 435.
Maobob (Rér. P.). — Toura, p. 48 1.
Maillot fila.— Machine a fabriquer les dons,
p. 99.
Maibit. — Prease lithographique, p. 193.
Maumbt. — Moulin», p. 33o, 333, 335.
Mabby et Wilsoi. — Machines à forer, p. t3,
3i| — moulina, p. 417» 4t9i — fabrica-
tion du tabac , p. 437.
Maxlotb. — Hydro-extracteur, p. i3i.
Mabmbtillb, de — Machines à fabri-
quer les tonneaux, a dresser le* planchas ,
p. 606, 579; — aciéries» p. 579.
Mausill. — Marhine a fabriquer la chaus-
sure, p. 466.
Maxtislu. — Blotoirs, p. 364*
Mabcblub-Leobabo. — Imprimerie polyama-
type, p. a59.
Mahioii. — Presses typographiques, p. a 39,
a5f.
Mauottb. — Machines a planer, p. 39 , 61 ;
— mécanisme a burins , p. 88.
Mabits. — Maebines a forer les canons et
tourner les métaux, p. ai, aa.
Mabt. — Machines à dépoter, p. 108.
Màssiqdot. — Machinée à rogner, p. 455.
Massb el Cour. — Broches pour filatures,
p. 87.
Matoslay. — Equipage à chariot , p. ao , a 1 ;
— grues, p. 39; — machines-outils, p. 35,
4i, 5a ; — machines a imprimer les tissus,
* p. i54i — moulins, p. 319; — locomotion
des blés, p. 35o{ — scieries, p. 356.
Mavdslat fils et Fibld. — Presse a action
continue, p. 81, 84 i — presse* hydrau-
liques, p. 119.
Maxilirb. — Machine a écraser le* cannée à
sucre, p. ia8.
Miam. — Moulina a papier, p. 458.
Mkavpiav. — Epuration des blés , p. 356.
Mum et Aouu. — Machinée à triturer,
p. 195.
Miaiuéx. — Impression des tissus et lithogra-
phie; — rapporta, p. i5o, 199.
Msbxesiw. — Tour à guillocher, p. 479.
Miami oi GiArnisTADiR. — Machine mo«
nétaire, p. 80; —hachoirs à tabac, p. 4 18.
Miaitii et Coobtiii. — Moulin , p. 363.
Michels. — Tareras, p. 354 f — séeheur mé-
canique, p. 44 1.
Miodutoip et G AULTira-LAovioiiBV— Pressée
typographiques , p. a38.
Miodlitoi. — Machines a fabriquer le pa-
pier, p. i35; — presses typographiques,
p. aaa.
M10101. — Tréfilerie , p. a8.
Milita ou Mtlbs. — Moulin , p. 3o5. .
Mtitor. — Machinée 1 triturer le quarts et
. le kaolin, p. 396.
Miiault. — Scierie , p. 578»
Mibobdb. — Rubans de cardes , p. 89.
Mitiiioati. — Moulins, p. 3o5.
Mirriiin. — Presse lithographique , p. 191.
Moissob-Dbvaux. — Machine a fabriquer les
tuyaux eu plomb, p. a66, a68.
Molabj). — Machine à broyer, p. 3911 —
aciérie, p. 538.
Moigix. — Sciea, p. 88, 58a.
Morii. — Machine à rogner, p. 455.
MoRTCiAiMORT. — Meules , p. 38a.
MoHTOOLri» (Joseph). — Presses hydrau-
liques, p. lai.
Mouav et Sbouib. — Machine a sculpter,
p. 5i4.
Moibl. — Machines à forer, p. 54 1.
Moest et Bslidob. — Scierie, p. 5 18.
Mobiv. — Presses a foin, p. îaa.
Moblit. — Machine a broyer lee plitro,
p. 289.
Modcbbl. — Tréfilage, p. 37.
Movcbot et Mobbt. — Pétrisseur mécanique ,
p. 379.
Mocb.it. — Scierie, p. 566.
Moxox. — Toura, p. 4?5.
Mullbb. — Broches pour filatures , p. 86 ; —
mouture, p. 3ag.
Mvbdock. — Machine a forer la pierre,
p. 5i3.
33.
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516
TABLE
N
Namim. — Presses typographiques, p. sas,
p. sâs t — machine à fabriquer lee balles
•a plomb, p. s6s.
Nasbutb (Jsmes). — Machines à raboter, à
fendr*, p. 3s , 3$ ; — aletotn, p. Sa ; —
twt , p. 8o, 3» | — pilon à vspeer, p. 46.
N tSMiTB ai Gaaxbll. — Madones à dresser,
p. 35.
N»rin. — Citations; acitriaa, p. 53g < —
meules, p. 3i3, 3i5.
N at loi. — Hachoir, p. 4oi.
N cessa. — Machines a graver, p. 4go*
Ncwtoi , do Londres. — Improtaioa dot pa-
pier» de tenture, p. 180; —met\af
p. 37s.
Nicbviixb el Hmn, do Meta. — Moatiai,
p. Sas ; — edoriee , p. 874 ; — operataur
dos bise, p. 353.
Niciouoi (William). — Impression dm lav
•va, p. i46, i53, i5ê, 171, «11,119.
Nuxes , do Havre. — Machines a eeramr w
cannes a encra, p. isft.
NOBMAIO. — Machinée typographiques, p. 1Î7,
»4o, a5o.
Nossitbb. — Machines à préparer le» pem.
p. 465.
0
OesRXABrr. — Toitm pointée, p. 160. Ohxaum) Cbiu». — Sdes circulaires, p. MJ-
Ulivibb. — Machine à tailler le» engrenages, Or»! , le sommer mécanicien. — MosBs»,
p. 5i. , p. 4o4.
CLitibb, Clbmwt et Bvbbtti. — Prootm 1
betteraves, p. 116, i»4>
P.ciiam. — Machine à (aire la» plancher*,
p. 60g.
Palmes. — Hachoirs, p. 4oa.
Papavoihb et Cmatbl. — Machine I fabriquer
le» rnhene de carde» , p. g3.
Pape, a Paria. — Machinée à travailler le
bois, p. 591.
Pauadis. — Dietriboteur dm blés, p. 358.
P absous. — Moulins, p. 383.
Pasqbibb. — Fabrication du tabae, p. 4s3.
Paxtoi. — Machiom à travailler le bois,
p. 6i4.
Picastii. — Monlin à noix , p. 38o.
PécLiT. — Secheur mécanique, p. 44 » •
Pecqokub. — Engrenage», etc., p. 33, 47 4 ; —
presses pour le» betteraves , p. is5 s — ma-
chine a fendre les coin , p. 466.
Pbi.litibb. — Monlin», p. 199.
Pbbtzolot. — Machine à eesorer les étoffes ,
p. i3o.
) ' r. ni c a ( Constantin ) . — Machines-outils, p. 5-
7 ; — battage des monnaies, p. 83 \— presses
hydrauliques, p. 116.
Péaix , à Paris. — Scierie a, rnban , p. 610.
Pan:». — Presses typographiques, p. «891 —
— secheur, p. s4o.
Pbbbibs. — Machinée i graver, p. 166, 485;
— machines à fabriquer lee don», p. 98;
— clichés, p. 361.
Pbbbadlt. — Mécanisme ponr déplacer lu
corps, p. io3 ; — moulin» ( p. 3o6; —
main mécanique, p. 434.
Pbbbbavx do l'Orne. — Instruments à Use*
et diviser, p. 490.
Pbbboxbt. — Pulvérisation du dment, p. stfl
— machine à travailler la pierre, p. 5i3{
— à reeeper sous l'eau , p. 54s.
Pbbbot. — Machines à imprimer les tissât (
p. 186 , 190 , soa , so4.
Pbbsbtal. — Mechioo i Uiller le» Kaw»,
p. 10t.
Pbbsos. — Impression dos tissus, citation» •
p. 159, 161 , i63, 177.
Pbtib et Gauobt. — Marteaux i vapeur, p. 45.
Pbtit. — Meules, p. 37s , 38a>
PtrrtT Jbai et Maioib. — Mschine 4 doser
les glaces, p. 6a6.
PBTtT-PtBBBB. — Machines 4 graver, a re-
fendre, à tailler le» limes, p. 3s, 101, 4oo.
Pbtoo. — Scierie , p. 587 ; — machiae 1
débiter le bois, p. 607.
PnJLirrt (Eogino). — Machine» 4 fsbriftsr
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ALPHABETIQUE.
515
la rouet de voilai*, p. 579; — scierie,
p. 579 , 584*
Pxiurrx et BiuwDOir. — Machine à couper
le bob f p. 466.
Picakp. — Moulin» a noix, p. 4ia.
Pitor. — Machine à découper le boie en
feuilles, p. 595.
Pictbt, de Génère. — T ypogrephie , p. 318 ,
s3o.
Piobaxt. — Moulins, p. 3*9.
Pibbt. — Mtchinee-ouiilt , p. a3, 38,, 46,
49» 57, ia*.
Pixixn. — Preetee typographique , p. a3a.
Piobibt et Takdt. — Fabrication dee cap-
sulée de fusil , p. 99.
Pumrxx. — Tours, citations, p. 3s, 475,
47«.
Poixcxlkt et Lmhah>. — Machinée à broyer,
p. 391.
Pou sot. — Gtation , genon , leviers articules ,
p. 66.
Poxcm.it, à Liège. — Scies , leminoirs » p. 8 8 »
559.
Pobcxt neveu. — Mortaiseuse, p. S 10.
Poanrxx et Woon. — Appareil* pour l'extrac-
tion du ancre, p. 1*6.
Pools. — Machine à préparer les peaux ,
p. 465.
Potxxat. — Tour à portrait , p. 5oî»
Pottii. — Fabrication des briques, p. «7».
Poofabt, Amauaii et John Coixin. — Ton-
deosee, p. 90, 455.
Pboxt (m). — Vis différentielles, p. tat.
Pxoeaxx et Hadlxt. — Machine à découper ie
bob, p. 6i5..
Pxisxxx. — Machine * tourner la pierre,
p. 5i3.
QuillT. — Presse lithographique, p. 198.
R
Rahxlli. — Scierie, p. 537; -
p. 68.
Rausdix. — Machina à dirber, p. 491.
Raxxbll et Saoxdbbj. — Machina à acier la
. pierre , p. 5 io , 6i5 ; — tnyaux de poterie ,
p. 970.
Raxoxkt et Viav. — Fabrication do papier,
p. i36.
Raxyxs. — Machine à dresser les glacer,
p. 5*9.
RAtrAH.. — Machine à découper le bob,
p. 600.
Rawlb, de Rouen. — Secheur ponr étoffes»
p. 137 1 — machines à imprimer les tissus ,
p. i58, 173, 178, i84.
Rawlissox et Ch. Tatlok. — Machine à
broyer, p. 994*
Ratmoxd. — Machine à découper le bob,
p. 468.
Rxad (Jceeph). — Machine à fabriquer les
cloue, p. 98.
Rxonixi et Albixt. — Moulins , p. 377.
Rboxt. — Manutention du plomb, p. 16.
Rxicxxxxcxxx. — Moulage de tuyaux de po-
terie, p. 969.
RnviAiT, de Strasbourg. — Moulina , p. 379,
38i.
Rnoro et Waxxxx dk la Rus. — Machine à
faire des enveloppes, p. 454.
Rxxxix père, de Londres. — P. 3 et 19.
Rkxxib (G.).— Citation», p. 38, 5a, 1074 —
moulins, p. 819; — épureteur dee blée,
p. 35o.
Rbtxdoxskt. — Presses monétaires, p. 310
Rstillox, de Mâcon. — Pressoir, p. n4.
Riby-Lbcomtb. — Meules, p. 37s.
Ricbabj» (Johnson). — Machine à tréfiUr,
p. 98.
Rikoxx. — Fabrication do papier, p. i33.
Rislkb père. — Machines à imprimer le»
éloffee, p. ]57, 171, 177.
Robbbt (Lonis), à Essonne, inventeur de la
machine à- fabriquer le pépier continu,
p. i34. -
Robxxt (R.), de Menchester. — Estampage
mécanique des miteux , p. a6a.
Robixsox et Rosskll. — Leminoirs, p. 138.
RocBKJAQUXLBix (Dx La). — Bateaux à va-
peur, p. 5o.
Rocxox (L'abbé'). — Art monétaire, p. 71.
Roosb. — Meules, p. 36a.
Roovrx (M. et G.). — Machines à fsconner
le bob, p. 563.
Rootnx et Galla. — Scierie, p. 579.
Rolax» nx la Platisbx. — CiUtiona; —
fabrication dee ètoSes, p. i48 , i5i , i54 ,
i56, 161.
RoLxr» et Ssixie. — Presse centrifuge, p. 1 3 1 .
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518
TABLE
Rolland (Eoginc). — Fabrication des tahace,
p. 4*7 i — hachoir, p. 45 1. — Torréfac-
teur «t embariUeer, p. 487 » 438.
Bollit. — Machina à fabriquer les pâtes,
p. 1781 — sécheur mécanique, p. 44l.
Root. — Machina à riper, p. 4»5.
Rota. — Moulina , p. 385.
RoTca. — Hydro-extracteur, p. i3i.
Roussblbt. — Presses typographique», p. tZ-j,
989, «49.
Rooaim «t Bbibsbt. — Praaaaa Uihogn-
phiques,p. 194» »9«.
Roswao . — Tissus métslliqace , p. 89 ; — Ht-
toira, p. 346.
Rroui. — Systems de transmission «t âm-
tanx», p. 43 1 , 433.
Rtb-bb. — Machina à estamper et à forger,
p. 81, 84.
Saiiy-Ahais (Dm ) . — Machina à fabriquer laa
briques, p. 373.
SAnrri-pBivn. — Apparaila da sûreté, p. 435.
Salohob ni CAVa. — Tour», p. 477 l —
aciarie, p. 587.
Sabibwsei. — Moulina, p. 38i.
Sabtobius , da Coiogna. — Praaaaa typogra-
phiques, p. 939.
Saulbibb. — Machina à diviser, p. 33; — à
fabriquer laa cardas, p. 96; — à broyer,
p. 99a ; — à préparer les peau , p. 466.
Savtmqil , à Fécamp. — Machinée à raboter,
rainer les boia, p. 6o5 , 618.
Savtaoe. — Sciage daa pierrea, p. 5o8; —
machina à reproduira las atatnaa , p. 5o8.
Sawdob. — Hachoira, p. 4os.
Scbbikbb pire. — Paotographe, p. 509.
Scbblicbt. — Preaaa lithographique, p. 198.
Scbmbbbbb at Rtdbb. — Marteso-ptlon , p. 81,
84; — machinas à forger, p. «84.
ScnsinsB , an Crensot. — Machina à river ,
application da la vapeur anx outils, p. 44,
4».
Sciutsbbbacb. — Fabrication dn ancre, p. 1 16.
Scbivb frères , da Lille. — Plaquai at rubans
da cardée, p. 88; — machines à cardas,
p. 96.
Sbouib, aculptenr, p. 5i5.
•Sbluovb. — Presses typographiques, p. *3i,
343; — machine a fabriquer les pAtes,
p. t78.
SswxrxLOBB (Âloys). — Pressa lithographi-
que, p. 191.
Sbtbio , de Londres. — Hydro-extracteur,
p. i3o.
•ii'ir et Robbbts. — Mortaiseuses , p. 3a;
— machinea-outila , p. 65.
awooo. — Prease lithographique, p. ao4.
Skaw. — Machine à régler le papier ,
p. ai6.
Surmu. — Fabrication de* fils de hûtm,
p. 98.
SnBBTra (William). — Impression des tiens,
p. i45.
Shobb. — Blutoir, p. 386.
SrBBBB pire. — Tuyaux en plomb ? p. 966.
Sigl. — Presses typographiquee , p. «56.
Silbbbhabb, à Strasbourg. — Cylindres ia-
primeura, p. 179.
Simou (Jules). — Fabrication des tuyaux ai
plomb, p. 964.
StMTAX. — Mécanique à tonnellerie, p. 579.
Seibbbb. — Machine à découper le bois, p. 600.
Smart. — Machines à travailler le bois, p. 543.
Smxatob. — Application de la fonte aex en-
chines, p. 3, 11 ; — aléeoirs, p. ao.
Saura (J.). — Presses typographiques, p. 9J1,
943.
Sbowmb. — Hachoirs , p. 409 , 445.
SoBers , Cababb at Chaptelaibb. — Moches,
p. 379.
Sobbl. — Pyroatat, p. 44i.
Sôbbbsbb. — Machina pour composer las typai
d'imprimerie, p. 996.
Sfbab et Jacbsob. — Scies circulaires, p. 81.
6i7.
Spillbb , de Ghelsea. — Pressée bydrauhqaai»
p. 190.
Skbbxii , de Yienne. — Impression des pt-
piers de tenture, p. 180, 181. *
Stabbopb ( Lord ). — Presses typographiouei,
p. 908, 909, 911, 991.
Staboeb (John). — Alésoire, p. 90.
Stbpbbbsob. — Presse hydraulique , p. 4*
Stbbliboitb. — Machine à préparer les ptssX,
p. 446.
Stoltz , de Paris. — Machines à fabriquer h»
dons, p. 93, 98.
Soaboi. — Plume géométrique, p. 46s.
Svut (Henri). —Machine A fendre, p. 48».
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ALPHABÉTIQUE.
519
Taîllbmahp tt Hulot. — Machine à diviser
et à fendre les roots , p. 6.
Tabbx. — Fondent mécanique de» caractères,
p. 369.
Tabdy et Blabchbt. — Fabrication dot cap-
sulée de fusil , p. 99.
Tatlob ( J. ). — Presse monétaire , p. 81 ? —
boutons dorés , p. 74.
Tbbraux £rères. — Macbine a débiter le bob ,
p. 467.
Tbbbassbs dbs Billobs. — Conservation des
blés , p. 36o.
Tbstb-Latbbdbt. — Moulin a bras, p. 38i.
Tbvbbbs (Jean-Martin). — Tours, p. 479*
Tbilobibb. — Pompe à compression,
p. 114.
Thomas, a Caen. — Scies circulaires, p. 571.
Thomas ( Alfred ) . — Machines à imprimer sur
étoffes, p. 181.
Tbobrbubb. — Presses monétaires, p. 77» 84 ;
— presses typographiques, p. 310, i33,
335, 337.
Tbouabd et Gibaooox. —.Scierie à rubans,
p. 610.
Toms, Bailbt et Cu. — Meules, p. 38s.
Tootal. — Moulins, p. 384.
Touaillox et Mauzaixb aîné. — Appareil à
repiquer les meules , p. 90 ; — moulins ,
p. 383.
Toobxaxt et Rabiovbt. — Machinée à dresser
les glaces , p. 533. %
Touboudb. — Scieries de placage, p. 568, 610.
Tbaix. — Meules aériféree, p. 87a.
Tbamois. — Élévatoura de graine , p. 349 * — -
mouture, p. 373.
Tbbmois. — Machine à dresser les planches ,
p. 608.
Tbigbb. — Procédés pour refouler l'eau, p . 1 07 .
Tuourn. — Outils pour tondre lee draps»
p. 9°-
Tuixocm (John et James). — Sciage des pierres,
p.5i9.
Tvbbbll , de Londres. — Machines à tracer
les parallèles-, p. 490.
U
Ubxbobb (Heinrich). — Presses monétaires,
p. 77, 83, 310.
Ulmbb (W.). — Presse typographique, p. as5.
Ubb (Docteur). — Citations et critiques
diverses, p. i34» 187, i53, 166, 170»
175, 31*4 t 333.
Utscbxbiobb. — Art céramique, p. 3961 —
travail des pierres dures, p. 5ia.
Vacbob, de Lyon. — Trieur et distributeur
des blés, p. 357, 388.
ValCoubt. — Presses à foin, p. 13 1 ; — ha-
choir,^. 45o.
Vallbbt. — Conservation des blés, p. 468;
— machine à découper le bois , p. 466.
"Vaixod (Joseph). — Rafraîchiaseur des ft-
rines , p. 368.
Vaxoobthxm. — Hydro-extracteur, p. i3i.
Yablst , de Thionville. — Emboutissage pour
objets en fer beltn, p. 76.
' Vabocquib. — Appareils de sûreté, p. 435.
Yabbau , Miodlxtox et Elwbia. — Machines
à fabriquer et à découper le papier, p. i35 •
455.
Vavcaxsox. — Machine a fabriquer les chaînes
d'engrenage, p. 91; — calandres, 189,
i43, i53, 174 f >77; — mécanismes pour
l'enroulement régulier des fils, p. 16, 38.
Vauquiux. — Machine à préparer les peaux ,
p. 465.
Vavtillibbs. — Scie circulaire, p. 54s.
Vbbitb et Moissbt. — Appareil pour imprimer
sur étoffes, p. 181.
Vitbuvb. — Moulins, p. 3o5, 3io.
W
Wajtb. — Machine à fabriquer la chaussure ,
p. 466.
Walmbcx.
p. 88.
— Mécanismes à plusieure burins»
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520
TABLE
Wiuu et Ta nos. — Alcsoire, p. sot —
aaachine a imprimer les ttMu, p. i5s.
Wixua, de Puis. — Travail dm pierres fines,
p. 5is.
Waltos. — Rubaaa de eerdoe , p. 9S.
Wabbusob (Adam). — Machine à imprimer
sur étoffes, p. 159.
WABBsn-RsvtBS. — Machine a préparer las
peau , p. 466.
WaataoTOB , 4a Bristol. — Manivelle a bielle,
p. i5.
Watt. — Machines a vapeur, p. 5 , 11, 80,
44. 77 f — menais el manivelle à bielle,
p. i5; — Presse a copier, p. îs5{ — ma-
chine i reproduire les boates , p. 507.
Watt et Bosxtoi , à Soho. — Alésoirs,p. soi
— machines mouétairce , p. 6,71, 7$ \ —
moulin d* Albion, p. Il 9.
, WiLBoa— MonKn à noix» p. (07.
Waixa et Tbohmob.— Presses typographiques,
p. s 09 ) — machine à dresser les douves de
tonneau, p. 6i4<
Wbstbbbarh , à Meta. — Estampage, p. 74.
Wistivp et Mibdlbtoi. — Moulins, p. 36«.
Whishaw. — Fabrication dm tuyau, de drai-
nage, p. s 70.
Wbjtb. — Machiae a graver, p. 1S7; — *
fabriquer lm don», p,/j-i tuBar h
eogrenagee, p. <5i.
WnrrwoaTH , de Manchester. — Tean, »b-
nensm,etc., p. 54-09, 63, 65, M si an.
Wujubsoi. — Fabrication daferiscv&â>
cannelé , p. 1 6 ; — aiesoirs , p. 10.
Wiuaa ( John ). — Rouleau eschean poari<
papier, p. i37.
Wiusa ( Le Rér. Robert). — Ctais*.
p. 454, 475, 48o, 483, 55i.
Wilsoi. — Machine à eonper le papier, ». 4Si-
Wnca (Robert). — Pressm rypetTipaism.
p. si3.
Wits et Bues. — Machina à calaadrer, p. i&
Woisab». — Citation» , p. 35s , 5;3.
WooMvmr. — Machine à raboter b las,
p. 6i3.
Woolf. — Aleeoir, p. 3i ; — mouhe*» p. Jif.
Wbicbt (Georges). — Machina à acier la
pierre, p. Si 3.
Wtl»b et Ribob. — Pressm à reelenu ia-
primonrs, p. i56,
WnwT». — Machine à sculpter, p. *U
Ztnn. — Fabrication da papier, p. i33{ — impressions dm papiers de tenture t p. îflî
papiers de sûreté, p. sa6.
SECONDE PARTIE.
Abil (T.-S.). — Machina 1 tubes, américaine,
ponr filer le coton , p. 168.
Acbub. — Substitution dn papier tu cartons
Jaequart, p. 366.
Albbbt (Cb.). — Introduction en France dm
machines k filer le coton , p. 8.
Aloab (Michel). — Citation» diverses, p. a54,
a64,s65f 339,35s.
Alcai et LmiT. — Filage dm cocons, p. iso.
Aubsat. — Machine* à fabriquer lm cordages,
p. 3o5.
Amabbtti 01 Vbbsvolo. — Moulina a soie ,
p. 37, 69.
Abdbibyi.— Métier a tricot cirtalairs,p.#'
439, 44s.
Aovsbb ( Frédéric). — Métiers à tinurk*^
bana.p. 375.
Abkwbmbt (Richard). — Machine» à «• b
coton , p. 9, 10, ta, i5 et 16.
Abmabo. — Tour à filer lm ceaens, p. »»»•
Abbbboabb. — Ciutiou, p. s54. 3»w3,*r
343,441,495,497.
Avbbbt. — Métiers à tricots, p. 4*7» "* ~
Métier de tnUe à chaîne , p. 453.
Atjbbt. — Machine à piquer si <***'
p. 4o5.
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ALPHABÉTIQUE.
521
B
Bai»* au. (Richard). — Monlinage des soies,
p. 101.
Badxau. (Richard) et Gibbox. — Dévidoir» ,
p. 88.
Baixbs. — Citations, p. a53, 336 , 338.
B*u»vnx al Towx. — Filatare directe Ju lin ,
p. 178.
Bai.1. et Dvxxicurr. — Métier do tulle à chaîne,
p. 5oo.
Baxsb (ThéophileJoseph). — Battant da mé-
tier» à tisser, p. 38o. •
Baabiix. — Tour» à filer lat cocons» p. 78,
75.77-
Rabdbl. — Citations, p. 160, 356.
Baxlow. — Jacquart double, p. 366.
Bakou. — Moolinage des soies, p. 137.
B a ut ni lut et Robixot. — Machine à piquer
les dessins, p. 40a.
Bautibb. — Métiers à bas, p. 496.
Battu**.— *Convereion de le filasse en Matières
cotonneuses, p. i5a.
Bhautais (Casaille) et Douas. — Machines l
filer la soie, p. 73 , 36*.
Bbltoui. — Fabrication de cordages, p. a 85-
3 00.
BiixiMàu. — Métiers à bas, p. 436, 434*
Bill». — Dévidoirs, p. 69, 70. — Machine à
lire, piquer, etc., les cartons Jacquart,
p. 867.
Bsbat et Couibt. — Motdinage de la soie,
p. a6.
BikoIt-Ditoibb père. — Monlinage des soies,
p. ia4.
Bbbabd. — Filage de cocons, p. 96.
Biinisi. — Chasse-navette, p. 378.
Bimabo et Koce.— Teillsge da lia, p. 949.
Bextublot. — Métier à tricot circulaire,
p. 439,441» 44a.
Bbbthollbt. — Préparation de la filsaae,
p. 16a.
Brrn (John et William). — Métier à baa,
p. 4a7.
Biàbb. — Métier à tisser, p. 338.
Buuoa. — Préparation de la filasse, p. i5a.
Bmux. — Exposent de métiers à toile, à
Londres, p. 600, 6oa.
Blacbxeb. — Citations, p. 4» 7» 4a 1, 465.
Blaxcbjox ( Looia) . —Filage de la soie, p. 80»
6i» 108, 109, n4» 137, isq, i3o, 139.
Blarcbox 01 Cbobbbac. — Machine à filer la
soie , p. 75 , 80.
Blopcbt. — Machinée à broder, p. 4o4.
Bodhki. — Système bondiaenr, p. 16, 166.
Boicaox fils. — Machine à fabriquer la ficelle ,
p. 309.
Boit». — Chasse-navette , p. 378.
Boxaadbl frère*. — Perçage des cartons Jac-
qnart, p. 367.
Box*. — Instrnaàants pour tailler le lin,
p. a46.
Boxilu. — Métier à tisser électriqae ,
p. 37o.
Bokxaxa, à Lyon. — Tout à filer la soie,
p. 73.
BoxRAan père et fils. — Métiers a tricot,
p. 4*9-
Boxxxt. — Monlinage dee soies» p. lai.
BoxfiBxaAXO-LucntsJ.— Monlinage da la soie,
p. a5.
Bobgxis. — Citations, p. a88, 3o6, 875,
387.
Bottomlit (Edwin). — Régulateur d'ensoo-
pies, p. 343.
Bovcnoi (Basile). — Métiers à la tire; certona
à trous et chevillée , p. 348 , 35o , 379.
Bovbcabt. — Fondstion d'an prix pour uoe
machine 1 peigner le coton , p. 367.
Boubcabt et ScHLVMBxmoBK. — Filage et pei-
gnage,p. a4a» a44, 367.
Bovbcibb. — Filage des cocons, p. 97.
Bottai. — Machine à broder, p. 896.
Bovbqvix. — Navette à rappel et battant bro-
cheur, p. 384.
Bbacovribb. — Métier à tricot, p. 439.
Bbalbt. — Métier à tulle-bobin, p. 478.
Bballb et Mollabd. — Teillage du lin,
p. 45.
Bbbtor. — .Perfectionnements du métier Jac-
quart, p. 359, 36o, 366.
BxoTaamaToa ( Peter). — Métier à baa» p. 4a 7 ;
— k fileta de pêche et à maillas , p. 445 et
45o.
Bxovrx (John). — Métier è tisser, p. 343; —
à toile noué , p. 463 , 465 , 476.
Bbowx (Robert). — Machine à fileta de pèche
et à mailles, p. 445, 46 1.
Bbuxbl. — Métier à tricot circulaire, p. 44a.
Bxubxsbi. et Caixbhisv. — Etoffée façonnée»»
p. 354.
Bxuxot et Mollxx. — 'MaUjcnnye à engre-
nages, p. a3o.
Bdcxaxax. — Filage des fila de caret, p..3o8,
3io.
Bous* (William). — Teillage du lin, p. a46.
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522
Bvmbiw. — Métier à tieter
p. 376.
Bvmiis. — Ronct, p. 6.
TABLE
Ut rabens , Boboi. — Métier a filets Je pfcbt, p. Ufi-
448, 466.
Bout. — Filature Je Un t p. i53.
Cailloi. — Métiers à tricota, p. 4a3-4t5.
Calas et DtLoaraàt. — Application de la
jaequart au métier à telle a chaîne , p. 455-
456.
Galla porc tl fil». — Importation des métiers
anglais à tisser, p. 638.
CAimiiu. — Purge dee £1$ de cocona, p. 96.
Gabtwbmbt (Edmund) . — Fabrication des cor-
dages , p. s64 < — méfier à ttaser, p. 667.
Cabtbb père et fil*. — Machine à tricot», p. 44o.
Gatubbtti. — Sérimetre, p. 11a.
Caibt. — Filage des coeone, p. 96.
Cbambob (Caaimir).— - Filage des cocons, p,i 16.
Cbahbob (Louia). — Filage d«a cocona et mou-
linaga de la note, p. 76, 79, 90, 109, 116,
116, 117, 1*9.
CaiMnu.ii» , Pbabsov et Niidiaji. — Mé-
tiert à taUe-bobin , p. 600.
Cura ai (William). — Fabrication dae eot-
daget, p. $85, 188, 994, 198, 3oi.
Cbaotal-Joua et LbaTbbs. — Métiers 1 tulle-
bobin,p. 491» 496.
CatniTiu.1. — Citations, p. 196, 810.
Cbbtbbui.. — Citation relative aux tient de
eoie, p. 111.
Cbbvbibb. — Métier à baa , p. 434-466.
Cbbbtibb et Sovmo. — Battant à navettes,
p. 565.
CaucBTOir. — Métier à tiater, p. 343.
Cbbistuh. — Brevets, p. 178, 1811 — teil-
lage du lin , p. a 46 , t48.
Cbbi8tiav (GérardJoscph). — Filage dea co-
cona, p. 909a { — monlinage des toiee,
p. 100.
Clabx (Jamea). — Métier à toile -bobin,
p. 477-
Claussex. — Machine à filer le lin , p. i5a,
937;— métiers à tricot circulaires p. 44 1.
Glats. — Préparation da la filasse, p. i5i.
Clbbb.— Navette a rotation rétrograde, p. 384*
Cobibtt (John). — Monlinage dee soies, p. 100.
Côcbbt et Joutbt.— Métier a bas, p-iil-
43o, 435.
Cocbot. — Mécaniaanc articulé 1 euatirien,
p. 938.
CocBnn et Hiecne,— Banc 4 brèches p-sSl-
961.
Colubb ( John ). — Peignasse , p. 976.
Colubb-Habtb*. — Dévidoir* f. îel.
Comm.— Câblée méuQianes, p. $«4.
Connais*. — Fabrication de cereai huas*
niques,~p. 3s 4.
COBSTABT-PBiTOtT Ot GlBAB». — FtttBWei
lin, p. 170, 175, 177, 169.
CoBiout. — Dynamotnétrc à rotattea, p. ili
Cobobt (Augustin). — Moolinagt éai ans.
, p.96àic^;->toaràfilerlescecaM,p.uit
•—bobinage anglaia, p. i36, i4o, ii>>"
— machinée a tiaaor, p. 356.
Covbbibb. — «Filage dee eoceas A saknti
p. 87.
Coûtas ( Pierre ). — Tricots 1 jeu», p. i)*-
Cbawbau.. — Machines à (abriaaer Iss ct>
degee, p. 607.
Cbofts (WUUam). — Métiers à tanVW».
p. 49S.
Cboisat. — Machina a garnir les psoef»*,
p. 4o4.
Cbomstok (Samnel). — MoU-jenay, p. »•
Cboss (James). — Machine à tisssrkttsp
damassé, p. 353.
CaouTBLLK. — MétieratiasarleslaiBcs.s.Sr
Gbosbl. — Machine h filer la sois, p. &*• *»•
CulBat. — Double système de battante 1 »
vettee, p. 38o.
CumAUDBAir. — Tefllage dn Kn, p. a45.
Cran (John). — Fabrication des eâskeph»»
p. a85, a88; — machine 1 coaers.p»'
4oa.
Cesser.— Métier de tulle a centre*, f-$*
Oarrê , TnoMAttiB , etc. — Ia^crUuse *i
métier a tnlle-bobin en France, p. it>
D
Dacliv. — Chasse-navette, p. 878.
Daboov. — Métiers à grande tire, p. 548.
Dabbois. — Métier à tiseer, p. 354.
Dabitbu,. — Machine à fabriquer lei c«e»>
note, p. 817.
Davtbt et ViABOOT. — Métiers à bas, p. *&
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ALPHABÉTIQUE.
Davbmpobt.— Machine* d'ouvraison des soies,
p.i47.
D* vn>. — Peigneuse de lin , p. ao3, s 1 4.
Davib-Lacboix. — Mechinc à filer la lia,
p. 997.
Dawsob (William).— Métiers à tricoU, p. 438;
— de tulle à chaîne, p. 46i; — rones à crans
on moulins, p. 495.
Dbbibovb. — Peignée à vis et banc a broches,
p. 3n j — métier k tisser, p. 336, 34o.
Diinoim et Srasirico. — Machine à filer le
lin, p. ai4.
Dbcosth.— Construction de machine» à filer,
p. aia-aiS, a33, 337; — filatore du fil
de caret, p. 3ia et 3i3.
Dicoam et Savlbibb. — Peignenses, p. aoa.
Dsgabbibl. — Mltier à toile brodé* , p. 457.
DixAroaTArti. — Machine à filer le lin,
p. i53.
Dblabbbb. — .Filage des cocons , p. 95.
Dblcovbt (André). — Teillage dn lin, p. a 48.
Dblcoubt et Vax bb Wbiob. — Peignenses ,
p. 197.
Daiiani et Baiixt. — DeVidoir, p. 70.
Dbhabçat. — FiUge des fil» de caret , p. 3o8.
Dbiiabqui et Sutai. — Métiers a tisser plu-
sieurs pièces d'étoffes à la fois, p. 378.
Dbmaubby. — Machines a filer le lin, p. i53.
Dkihbovsi. — Métiers l fabriquer lu chiles
de cachemire, p. 387.
Dshîxot. — Maehines à filer la soie , p. 88.
DirotriLLT (Charles). — Propagation dn mé-
tier Jacquart; p. 36 1, 363.
Debussy. — Tricots a jours , p. 43o,
DlSAnrrAJiaB. — Trsdnction d'Ovide, p. 399.
Dbscombbs. — Métier à tulle brodé, p. 457,
459.
Dbsbiabbst et Vaucabsob. — Rapports, p. 4a5,
4&6, 433.
DisriAV. — Métier à tisser, navette volante ,
p. 338, 34 1.
523
DiTDin et Gauvau. — Filage des cocons et
monlinage des soies, p. n4» 199.
DaoaniB et Romaobt. — Métier à tisser las
étoffes fecoanéee, p. 870.
Duhot. — Citation» de l'Encydopédi» ,
p. 4i8.
Durais. — Machine à dévider, p. 149.
Dioitoobbat. — Perçage des cartons Jacquart,
p. 387.
Docoxt. — Métier a fabriquer des lacets,
p. 3 18.
Doué. — Métier à tisser le linge damassa*,
p. 3Ô4.
Dollfus-Miio. — Banc à brochée, p. 999.
Dobestbobpb. — Peignenses, p. 17, t68.
269, 974-977»
Dobby. — Motor à fabriquer les cordons de
lisses, p. 317.
DotrixB. — Métier à tricots, p. 439.
Dubovl (Bernard). — Fabrication des cor-
dages, p. 394 a 397.
Dvcis. — Application des centres an métier à
tulle , p. 459.
Dugas. — Métiers à la barre , p. 375.
DvaUMBL. — Fabricalion des cordages, p. 194»
3o3.
Dumas (Georges). — Machines à tresser,
p. 3*6.
Du Pbrbom. — Fabrication des fils de caret , '
p. a84.
Dvpib (Charles). — Citations, p. 998, 199,
3o4 , 3o5 * 3o6.
Dubahd. — Constructeur ancien d'engrenages
en fonte, p. i44.
Dubabd frères. — Filage des cocons, p. 96;
— filière», p. 108.
Dussobbbt. — Machine à câbler, p. 297.
Dotïllto et Étibbub. — Régulateur d'en-
souples, p. 343.
Dtbb (Joseph ). — Machin» l filer le lin et le
coton, p. 168.
E
Eatoi et Fabbt. — Bene a broches , p. s55- Exall. — Fsbrication des corde» métalliques ,
a65. F- 3»4\
Elias Howb. — Machine à coudre , p. 4o5.
Evais (Th.). — Machines à peigner le lin,
p. 903» 9l3.
FAimBAiM (Peur). — Filature de lin, p.an, Falcou.— Métier* 1» tire et lecture dn dessia
914,997. des étoffes, p. 35o, 35i.
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524
TABLE
Falcot. — Tissage , citations , p. 369, 385.
Fabosbe. — Cnaase-navette, p. 378.
Fatbbau (Etienne). — Métiers à bae allant
par BBanivcUe, p. 434-438.
F atolls «4 Hnui. — TriooU façonnée,
p. 43o.
Pebabb, à llyone. — Filage des eotona ,
p. 98.
Fbbat, à Essonne. — Machinas à filer la lin ,
p. su, si6; — métier a tisser, p. 354*
Flacbibb (E.). — Fabrication da cordas har-
. nsouiquos, p. 3*4.
Fournirai» — Monlias à sois* p. 11s.
Fovqubt et Morra. — Métier à tricot , p. 489.
Fotbbboill (Richard). — Fabrication des cor-
dages, p. a 85.
FlAISSI, V ALLAT St DSLLIB. — MéttOlifl-
bans, p. 378.
F» abcisob frères. — FSags des escont, s. 1 iS
Fbabçoi* , apothieaire. — Cttanem, s. iu
, et 419.
Fbabçoi s ( Loua) . — Applictbea et h j«
qnart ans boitas a navettes eaaaptsîe.
p. 38©.
Fbobuoi. — Métier à navette* chiagwto.
p. 38o.
FnosT, de Macdeefield. — Madân» tV
vraiaon dee aoieev p. i48.
Fiost (Thosnna et Robert). -Matins il*
p. 4»a,4»7, 43i, 454,458, 4Ci.
Fvltos et Cuttuo. — Fabriestioa se »
dages, p. a88 à 898, S08, ht-
Giimiap , de Vais. — Monlinage des soies ,
p. 199.
Gaitoi. — Métier 1 bas à chaîne tendue,
p. 433.
Gaabiis. — Perfectionnement dn méfier Jac-
quart, p. 366.
Gabob. — Métier a grande tire pour les étoffes
façonnée* , p. 348.
Gabtsidb. — Établissement de tiaaage, p. 336.
Gstfiat. — Filage des soies, p. 97, no,
lia.
Gbioimmb (C.-A.).— Banc à broches, p.*55,
a63.
Giiibs (Ds). — Métier antoamaU, p. 38a
et 333.
Gbisovl , a Lyon. — Application de la vapeur
an tirage des coeone. p. 71.
Gbisovl , a Bagnols. — Gonpe-snariage, p. 95.
Giitit, à Lyon. — Moolina à soie , p. 58.
Gsorroa». — Tors des soies, p. 60.
Gboptiat. — Construction ds moulins à soie,
p. 116, 1*7, i3o»
Giba (IV). — Filature delà soio, ciutiona,
p. 111 et 119.
Gemmai». — Métiers à bas, p. 4*3-4*5,
433.
Gibbbtow. — Filature dn lin, p. 197 , a 34.
Gicoi-Catblibb. — Machine a broder, p. 4o5.
Giu.it etCoQVBT. — Métier à tricoU, p. 489.
Gillbt et Jotoabt. — Métien à a*»i
tricota, p. 43i, 458.
Gilbot. — Tiaaage 1 citations, p. S*».Wl
363 , 870 , 4oo , 494 , 4»5*
Gibab» ( Philippe ne ). — Machin» i ?**
et i filer le lin, p. 16, 1*7» »*•»*
'199-993.
Gibaud. — Tours a soie, p. 88.
Godait et John Colum. —
laine, p. 18, 975.
Giafp (H.). — Appareil »*•**»•»*
p. U9.
Gbat ( Andrew ). — Cautions , p. »W.
Gbbbx. — Banc a broches, p. »&•
Gbiooibè, do Nîmes. — Métier * «**'
p. 388 ; — métier ponr taUe 1 «^ns» *
çonné, p. 395, 455; - appfo*tt»*B
jacquert, p. 456-468-
Giimsbaw m Gobto*. — Tiaaage sWt*nf''
p. 3Î7 .
Gubiai.— Métier à chaîne et doabl» cerj»,»
pomr telle, p. 456 et 457* ■
Guioo (Charles) et Fasaiw. - *■* '
tisser, p. 34s. ,,
GoiLii et C abb1. — Machin* à kraaV» f W
Gvilubt. — Dévidoir, p. 9s » 9$* , ,
Gvillottb (Claude). — Piopag»»»* *
jacqaart à Londres , p. ?63.
H
H ali. (Horace). — Contrefaçon dès mechines Hahhoid. — Tricot-denteHs, P* l*ï . ^
de Ph. de Girard, p. i74, 186 , 189, *o4. Habobbatbs (Jamee). — lavsati** *
Halls* (Thomas). — Machines à filer la jenny on jeannette, p. 11. ^
soie , p. 75 , 86. • Haussio. — Régulateur d'enieepl*» p- 3P*
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ALPHABETIQUE.
525
Hazabd. — Machin» à point de chaînette,
p. 4©5.
'Hbatbcoat (John). — Filage de la *oi« ,
p. 85 et 86 ; — introduction des bobine*
dan* le métier a toile, p. 464 et 465 { —
métier k tulle-bobin, iN et *• patente,
p. 471-478; 3* et 4* patente, p. 48o,
483-487; son brevet «n France, p. 488,
493 » 497*
1 1 kathcotb ( John ) et C albwsll ( Samuel) . —
Perfectionnement* du méfier k toile Van-
dyke, p. 46i.
Iîeddb (Philippe). — Citation*, p. 3*9, 358,
374-877, 394 et 895.
ITeiLHAm (Josué). — P*igneu**,p. 16, 3*7,
2 44 , *66-*78; — métier* a tinter, p. 338
et 3391 — machine a. broder, p. 894» 896-
4 00.
IIbllot. — Bota-frotteurs , p. 168.
Hsbbbcabt. — Fabricant de gase* a bluter,
p. 391.
IIsxbiôt. — Machine à filer le lio , p. 169.
llsKTé-Gurrain. — Machin* à fabriquer le*
lacet*,, p. 3i8.
Hebtbt. — Me'tier a tulle-bobin, p. 478.
Hbtdwbillsb. — Fabrication de velours,
p. 389.
Hetibb (de Saxe). — Teillag* du lin,
p. *48.
HibbbKT et Platt. — Machin** à filer 1* co-
ton , p. 9 , *35.
Hiooib* et fil*. — Machine* à filer le coton
et le lio , p. 9 , *35.
Hill (Samuel). — Twllage do lin, p. a 46.
Hibd (John). — Application d* 1* jacquart
•u me'tier k tulle-bobin, p. 499-00 >•
Hiidbbt (Jean). — Fabrication de* bac,
p. 4*8 et 419*
Hifbbt. — Tours «an* tourneuses, p. 86.
Hitbs et Atuisom. — Filatar* do lin,
p. 187.
Hoon. — Bobine porte-trame , p. 465.
Hookb. — Engrenage* obliques, p. *3o, *3t.
Hobbock*. — Me'tier a ti**er, p.. 338.
Hobtok (William) et Roc*. — Machin* k
filet» de pèche, p. 445.
Houu>awoBTB. — Banc a broche* à mouve-
ment* différentiel», p. 8, *3o, a 63; — fila-
ture du lin , p. 1*7 ; — machine a broder,
p. 4oo.
Hdbrit. — Rouet k filer le caret, p. 3io,
3i3; — fabrication des cordages, p. 996,
3oi et 3o4.
Huddabt. — Fabrication des cordages, p. *85,
*88, 994, *98-3oa, 3o5,3i3.
Hvibl-Wadbl. — Machine à filer le lin (sy$^
Urne Girard), p. i83. *
Issau. — Tour k filer la «oie , p. 3o.
J acobi. — Première application de l'électricité
au machines, p. 371.
Jacqoabt. — Métier à filets de p*ch«, p. 355,
446, 465 1 — métier k tisser, p. 35o-
36o.
JicqvB*. — Machine* a filer le lin , p. i83.
Jacqcib. — Métier* à tricot* circulaires,
• p. 43o-44*.
Jcabbèav. — Métier k bas, p. 438.
Jolitbt. — Métier à bu, p. 4*3, 4*4 »
4*8.
Jolitbt, Cocbbt *t Pbbbakt père. — Fabri-
cation de* tulles à mailles fixée, p. 45a-
454.
Jolt, k Saint-Malo. — Fabrication de* cor-
dages, p. Soi.
Jolt frère* et £bbkb, — Métier* k ti**er,
p. 354.
JocaBBABD. — Métier à maille* fixe*, p. 4*9.
Joubban ( Théophile ). — Réduction de* car-
tons dana 1* jacquart , p. 867 ; — applica-
tion de la jacquart au métier k tulle-bobin ,
p. 498 , 5oo.
Jovbdab père et fil*. — Métier k mailles fixes,
p. 4*9.
Jodtb. — Métier * tricot* , p. {s}i.
Jobib* frères. — Moulins k soie, p. 68 , 59 ,
1*5.
Joobibs. — Machine à fabrique* le* cordon*
de lisses, p. 8171 — machin* k coudre,
p. 4o4 , 4o6.
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526
TABLE
K
&Ut (Alexandre). <— Machines & peigner le
lin, p. 197.
bUt (James). — -Filetare du Ka, p. 188 «t
189 ; — teillage du lia , p. s48.
bUt (John). — CkiiM navette , p. 34o, S77.
Kat (Robert). » Lanterne à navette» chan-
geantes pour métiers a tisser , p. 379.
Kxbxab. — Métier» à taUe-bobia , p. 496.
InwoiriT et Bcuovoa. — Méfiera à tisser
anglais f p. 343.
Km (Déniai). — Métier Warp peur tafit
Valeadeaaes, p. 496.
Kxirr*. — Expérience ear le €rettesMBt se
engrenegee dn banc à broches, p. aie.
KoacBwi (André). — Machines à fier k b,
p. si, 914,997; — benei boches, p. t)$;
— brodeuse Heilmann , p. 399.
Koecbux (iieae). — Tieetge de» cekert»,
p. 339.
KlAfis. — Filature da lia , p. 188.
Lamui. — Machines à filer le lin, p. i83;
— bane a brochée, p. i55, 957, 961, 963.
Lacombb et Babbois. — Tours à soie secou-
pie», p. 89 , 90.
Lacboix, de Rouen. — Peigneaeee à lia,
p. *38.
Laroaser. — Teillage du lin , p. 948.
Lan. — Fabrication dee cordages, p. 998,
3o9.
Laneutills. — Métiers a tricot, p. 44 1.
Laïc (J.). — Machines a tailler , étirer et filer
le lin, p. 189.
LarLACB. — Rapport à l' Académie des eciencee
snr le métier à tulle de Lelurc, p. 466-
A71.
Laboutibbb. — Toar à tirer la soie , p. 3i .
Lascoub et Flacbat. — Métiere a la barre,
p. 375.
Lasoobsbix (Etienne). — Machines a filer le
lin, p. 17.
Lavbbbt. — Machine s filer le lin, p. 16,
169; — métier à tisser, p. 343.
Lavbbt, de Gangee. — Tours k filer la soie >
P-87-
Lacbi au et Pbudbox. — Mechine à fabriquer
les cordages, p. s83.
Lauib. — Moulinage de le soie, p. s6.
Lawsox (Samuel et fils). — Filature du lin ,
p. 997 , 934 , 935 ; — peigneuse , p. s36 1
— cardée à étonpee , p. 94s.
Lbatkb ou Lxatbbb (John) , en France, con-
fondu avec le constructeur anglais du métier
à lulle-bobin, p. 477 1 49a » 497.
Lbbbux. — Préparation du lin , p. i5a.
Lbclbbc. — Fabrication de cordages mélangés,
p. 3s5.
Lbm ou Lia (William). — Invention du mé-
tier à bas, p. 4i8, 417.
Lu (James). — TetUsge da ha, p. itf,
s49.
Lies, — Peigne à manivelles, p. i5.
Lmbabd et Bbbxabb. — Métier à tris*.
p. 4 ••9-431 •
Lbhaxbx , Choisi et Lotbb. — Syslnuei»-
leur» etfrottcars, p. 19.
L« Patbv, de MeU. — Machines i Sk h sw
— citations , p. 60-6 5.
Lbbot ( Alphonse ) . — Filature de lia, p. t&
1 56-i 5g.
Lbbot (Julien). — Tricoteur frases», p. &
44s.
Lbscttbb. —Machines crochet, p.|o5.
Lbtubc.— Métier à Jentohe. p. 4«M*S-
47>.
Lbvbbs (John). — Constroctios de ■&»»
tulle-bobin en Angleterre , p. 4*9-497-
Liiaix et Faibbaibx. — Machine* i &» »
soie, p. i4i, i43.
Libdlbt (John) et Ch. Lacî.— Métier àta^
bobin , p. 464 et 465 , 47&-48o.
Listbb et Olobs. — Peigneuse a laine losg*
p. 169, 974-978.
Locatbu.1. — Tour à filer les cocos», p. W»
190.
Lombb (Thomas). — Moulin pott a «"'
p. 97.
Lobd et Bxoox. — Machines à peigner » ^
p. 938.
Lobilliabd et Babbov. — TeiHage 4» »
p. 948.
Louis (Philippe), de Lille.— Tissag»dab»r
damassé, p. 354* .
Louis et Loutbt. — Tricots s jour» , P« <*
Lubibxskt (comte de) , protecteur os F**
Girard, p. 177.
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ALPHABETIQUE.
527
M
Màcudos. — Mule-jenny double, p. 19.
Macxoto (Jobs).— Métier à tisser, p. 34 1.
Mabdkx (John) tt Osxal (Patrick). — Filature
du lin , p. i53.
Mali.it frères, de Calait..— Fabrication dn
tolle-bobin , p. 5oa .
MiLuielMiMo — Battant i navettes, p. 383.
Malo et Dicksoh. — Macbioe a filer le lin ,
p. 31e.
Marigot. — Perfectionnement do système des
platAettes flexibles dans le routier a tnlle,
p. 457.
MabCh (Richard). — Macbines a fabriquer les
cordages, p. a84; — métiers a tricots,
p. 4as-4s4, 45i * — à filets, p. 444 ; —
à toile sur chaîne , p. 46o.
MaB6box. — Fabrication de cordages, p. 197.
Maux , de Lyon. — Restauration du métier
Vaacawson , p. 335 ; — modèle de métiers a
tisser 9 p. 358 ; — tissus brochés , p. 368 ; —
perçage des cartons Jacquart , p. 367 \ —
substitution du papier fort aux cartons Jsc-
, quart p p. 36$.
Mabadev. — Peigneuses pour le lin, p. 227,
i36, a38.
Mabsball. — Filature du lin, p. 187, aia ;
— filage des étonpes , p. s4i, a 43 ; — teil-
Isgs do lin , p. a5o.
Mabsball, Hitii et àt ira soi. — Peigneuses,
p. a6g.
Mait (Samuel). — Machine à ponsseurs pour
letulle-bobin, p. 477.
Mabtix, de Calais. — Substitution do papier au
carton Jacquart, p. Soi.
Martix, de Paris. — Fabrication des cordages,
p. 897.
Martin , de» Rouen , et Mil*. — Importation
de \n jeannette en France, p. 11.
Mabthbt. — Métiers a battant brocheur,
p. 385.
Maso* (John). — Cerdeuse, p. i3 ; — macbines
a filer le coton , p. a3a ; — métier à tisser
anglais , p. 343.
Maso* et Collier. — Machine à filer le coton,
P- 9.
Matreyox et Bovtakd. — Tissas riches bro-
chés, p. 368*.
Matois et Boiteux. — Métiers i tricots, p. 434*
Matois. — Métiers à tisser i la lire, p. 354.
Mayiabb, à Valréas. — Filage de la soie,
p. o5.
Minciii, ! LoHtiers. — Fabrication de ma-
chines à filer la laine cardée, p. i3.
Mercier père et fils. — Cardes peigneuses,
p. 17.
Mercier et Rislii. —Banc a broches, p. a 65
et a66.
Mbblb frères. — MouRnage de la soie, p. 1 36.
Mbelib-Lsfbtbx. — Fabrication des cordages,
p. 3u-3i6.
Mbtifiot. — Filage des cocons à la tavelle ,
P-97-
Mbyxixb. — Empontage, p. 368 ; — battant
brocheur, p. 383 et 384 ; — machine à cou-
per des velours , p. 389.
Hnini et Godhakd. — Métier a tissu bro-
cheur, p. 385 et 386.
Micbil , de Saiut-Hippolyte. — Toors en fer à
filer les cocons, p. 95, 106-108, ia3,
189.
Millbb-Robebt. — Métier a tisser, p. 338.
Moisson (Le chanoine). — Métier a bas sans
ondes, p. 4a3, 4s4, 43a, 433, 467.
Molabd pire. — Préparation de là filasse,
p. 1 5a i — métier à cordonnets, p. 3 1 8, 3 1 9 ;
— citations diverses, p. 178,395,396,356,
357, 467.
Molabd jeune. — Sa visite aux ateliers de fila-
tare de M. Marshall a Leeds , p. 186 et 187.
Moliiakd. — Métier a tisser, p. 385.
Moxtegv, a Lyon. — Moulinage des soies,
p. 10a. •
Mortfobt (Le comte de). — Ses oneoursge-
ments envers Ph. de Girard, p. 176.
Moor et Abhitagx. — Métiers a tricot, p. 439,
436, 437.
Moxas (De). — Citations, p. Soi et 3os.
Morxt. — Macbines à filer le lin, p. 184.
Mon», Claie, etc. — Dynamomètres, p. a 6a.
Moblet, — constructeur de métiers a tulle-
bobin , p. 477, 48o, 494t 498.
Moeeis (John et Thomas). — Métiers i bas,
p. 4aa, 4a7.
Mobtox (Thomas). — Métier à tisser a cy-
lindre d'orgues, p. 353.
Moossxt. — Dévidoir, p. 70.
Mooob. — Train & rouea d'épicycles , p. s64.
Muli.ee (Léopold). — Mnle-jenny a engre-
nages, p. 339.
MtmixB (Georges). — Filature du lin, p. i53.
Mobpbt (ïobn). — Citations , p. 395 et 396.
Mtraox. — Macbines a filer la soie, p. is3.
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528
TABLE
N
IfllNtl (William). — Monlinage des scies,
p. 101, i47>
Nsvilli (NmIi) .«— Moalinsfe de* soies, p. 1 47 .
Nbwtob (Edward). — Machine à fileta de pé-
cha, p. 446.
Im et Laffost. — Monlinage ses sein,
p.iss.
Homwmu. (WOliam). — Machina a coréa-e,
p. 307, 3u.
0
Ou-ibb ai BoniT. — Pilaga daa cocons,
'. p. u3.
Oppiceiot» al Ebbst.— Planimetre, p. »8i.
O'IUiiXT. — Citations, p. s85, «87, «88.
Ooobt ai Ricmab». — Métier a nawttefcaai-
géantes, p. 38 1.
Otob, — Passage relatif aa tissage, g. 3»*
Pabeeb. — Métier a tiaaar laa toile» à voiles ,
p. 343 et 344.
Paeb al Coma. — Machine a filer la coton ,
p. 9-
Pascal. — Suppression daa cartons dans la
métier Jacquart , p. 369.
Paul (Louie). — Invention da l'étirage at du
cardaga mécanique da la laine on d« eoloa ,
p. i4.
Pavlit, da Ntmaa. — Citations, p. 35af 354.
Piaisoi (Frédéric). — Métier a tnlla Valen-
ciennee , p. 5oo.
PscQtnrca. — Rouages planétaires, p. 5i; *—
dynamomètre , p. a64 ; — métier à fileta da
pacha at da peeeementerio, p. 447*449*
Piu.it. — Machines a filar la soie , p. 73.
FftLLrrna. — Machinas à filar la lia, p. 178;
— tissage da linge damassé » pi 354.
PiniBTTi (Charles). — Monlinage des soies,
p. 10a.
Pibiavlt pare et fila. — Métier à fabriquer
les lacets, p. 3i8 et 319.
PiaaixLi fils. — Régulateur d'enaonples,
p. 343.
Paamia. — Métiers à tisser, p. 354.
Petites et Botnciii. — - Filage des cocons ,
p. 110.
Pitot, da Lyoa. — Filage dascocoat. ». fÂ
Parai. — Métiera a la barra , p. 378.
Piybel (Deaia). — Métiers à Uhansi-an
navettre, p. 38o.
Pitboi. — Pnrgaoira daa coeone, p. 81*
Paiurri. — Métiera à tiaaar, p. 343.
Pu et, Dimoi , Fasse et Poires. - Tn-
cotear français, p. 43g.
Piobbbt. — Gitationa, p. 180, 353.
PutTBl. — Fabrication daa cardai fcara»-
niques, p. 3*4.
Pmjmmsb et Robbbts. — Filature ea fa.
p. «27, a36, a37, 149.
Poussas» atné et Dosas frères. — Ms*»»
d'ouvraisan des soies , p. 89.
Poiobbabo (Sébastian). — Moalia • »«-
p. 87.
Pobcbt. — Navette à rappel , p. 38J.
Poisox. — Métiera à tiaaar, p. 355.
Pobtii et Csams (Joaisb). — Métier» '*&>
p. 4*a,4*4.
Posthoosb. — Machins a peigaer b «1
p. 193 et 104.
PoviLLOT. — Tricota façonnés, p. !-*•
Pbctbat. — Métier à mbana, p. 3?8' ***
Psistmiu». — Métier à tiaaar, p. 338.
Pusit. — Tours à soie , p. 94*
Quêtai.. — Tissage du toiles a voiles, p. 339.
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ALPHABETIQUE.
529
R
Rambx.li. — Crémaillère double , p. 43.
Rbbch. — Machine à drieset de pavillon,
p. 3îï-3a3.
Rbbd et CIa. — Machine a fabriquer les gelons ,
p. 390.
Rebpk (John). — Machine a tresser, p. 3a6.
Rbgbibb , à Nîmes. — Métisr à tisser , p. 353'.
Rbobixb, à Paris. — Sérimitre, p. 111.
Rbtbbcbob atné. — Métier à navettes chan-
géantes, p. 378 » 38s.
Rica**» — Filage des cocons, p. 1 13.
Ricbabd-Robbbts. — Renvidease automate,
p. 1a ; — métier i tisser, 338.
Ribtt , à Ànduse. — Coupe-mariage , p. 89.
Rislbb (Jérémie). — Banc à broches, p. asg.
Rislbb jeune. — Système épuraleur du coton,
p. i3.
Rislbb et Dixoh. — Peigneuse et métier a
tisser, p. 375 , 388 , 38$.
Rital. — Tours à filer la soie , p. 54 et 55.
Ritbt. — Métier à tisser, p. 354 ; — métier
à bas, p. 4a3.
Robbbt-Babbbb. — Machine à filets dépêche,
p. 445.
* Robbbts et Siubp. — Peigoeuses, p. si 3.
Robxbtsob-Bucbabab. — Citations, p. «56
et a57-
Robiibt. — Soies grèges, p. s8, 81; —
filage des cocons, p. 110, lia; — séri-
mètre, p. 111 ; — citations, p. 117.
Robibsob (W.). — Filature du lin , p. i53,
i56, 157, i58; — teillage, p. s 48 et
349.
Rocbb et Olacsom. — Méfier à rnbaas,
p. 378.
Rodibb, de Nîmee. — Tour à filer la soie,
p. 73 , 75 , 78 , 79 ; — dévidoirs , p. i3i ;
— moulinsge des soies , p. i3i.
Robck (Louis). — Tours à filer les cocons,
p. 108 à 111, i*3; — sérimitre, p. 111.
Rogcbbo. — Tcillege du lin , p. a 48.
Rolabd Di la PlatiIbb. — Citations , p. 34 ,
37,40,52-59, ia4,374,4a3, 43a-434-
Robiibv frères. — Préparation du lin, p. i5a.
Rost-M auras. — Conditionnement des soies,
pt7i.
Rotcb , de Londres. — Dévidoir et moulioage
des soies, .p. 89, 101.
Rovu.BT (Joseph). — Métier à navettes chan-
geantes, p. 38a.
Rotbt (Hippolyte). — Métiers à tisser les
rubans , p. 375 et 876.
Russsl (A.). — Filature du lin , p. a34.
Sabbabd. — Métiers a rubans, p. 878.
Salabib. — Banc ï broches, p. 339.
Sabbazib. — Métiers à tricots, p. 4a3, 4a4 >
4a6,4a8,433,434.
Saulbibb , de Paris. — Machines a filer le lin,
p. i83.
Savabbsbb. — Fabrication des cordes harmo-
niques, p. 3a4.
Sitrit, Dawt et Wabsbt (Henry). — Filage
des cocons, p. 119.
SCBLVBBBBGBB (Chsrlcs) et BbBIOT. — Fila-
toredu lin, p. i85.
Scblbmbbbobb (Nicolas). — Mschines a filer
le lin, p. ai4» 3*7, aa8.
ScHumsBBOKR et Bovbcabt. — Peigneusesv
p. aoa , a68.
ScBivs , de Lille. — Construction de machines
à filer le lin, p. aia.
ScBivB-LABBé. — Filature du lin , p. a a 7%
Szitb et Gobob. — Battant brocheur, p. 385.
SbiÎcbal. — Machine à coudre, p. 4o4*
Yl* JURY. — 2* PARTIE.
Sbbtis, de Reims. — Rola-frotteurs , p. 168.
Sbvtbll. — Métier à tulle-bobin, p. 5oi.
Sbthovb (Benjamin). — Fabrication des cor-
dages, p. a84.
Sbabp et Robbbts. — Métiers à tisser, p. 338.
Siltbstbb (Charles). — Fabrication de la
dentelle, p. 479*
Simobbt. — Préparation des fibres d*alocB ,
p. a5i.
Skola. — Perfectionnements du métier Jae-
quart , p. 36a , 368.
Smitb , à Heywood. — Métier à tisser exposé à
Londres , p. #79.
Smitb ( Andrew) . — Fabrication des cordes
métalliques, p. 3a4>
Sobocolo (Georges). — Fabrication mécanique
des cordages, p. a84.
Soobbtbab. — Filage des cocons, p. 95.
Stamb père. — Machine à filer le coton , p. 9 5
— banc a broches , p. a 65.
34
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550
TABLE
SrxrxBX Wiuoi. — Importateur du métier Stoxb «I HtxDKXSox. — Machine à cnèt,
Jaequart «a Angleterre, p. 565.
Stxtiisos. — Métier a tullc-bobtn, p. 478.
Srmjub-NiWAU.. — MmUm à cibles mé-
talliques, p. 5*4-
STOCKroftT. — Métier à tisser, p. 558.
p. loi.
Str6tt (Jedcdiah). — MMtr & bas, p. ase-
4s4,45i.
Suttix, a Londres. — Fûatawa dn Ha , p. iK*
IfO.
Taxas». — Tour i filer la soie, p. 59. 88.
Talaxot. — Conditionnement des soies , p. 7 1 \
— tirage des cocons , p. 1 1 1 .
Taxbt. — Filières des ton» i cocon» , p. 89.
Tastutïm (J.-À.). — Machines à filer U soi*
grége, p. 01-55.
Taxtxvix fils. — Filage des cocons, p. 118,
iso.
Tatlox (Philippe). — Fabrication des toiles
a voiles, p. 5»6 et SS7.
T at loi (Tbornae et William). — Métiers à
bas, p. 4ss, 4s5, 437.
Tatloi et fils. — Métiers à tisser, exposes à
Londres en i85i, p. 586.
Tatlox et Woedswoxth.— Petgaemeee, p. s56.
Tbissixx-Ducxos. — Filego des cocons, p. u5
et 116.
Tbbaoxb. — Filsge des eoeons , p. 1 18.
TginAVX. — Peigacase, p. soi*
Txiisa , a Sorgues. — Filage de* eoeons, p. ai.
TusnsT. — Citation relative i Ferigiec ds
benc à broches , p. «54 et *55.
Tanoxmst (Barthélémy). — Machins ike-
der, p. 4o5 et 4o4. 4
Tiomas , d* Avignon. — Métier* ea 1er à tauar
la soie , p. 559.
Tbobas (Johnson) . — Métier à tisser, p. 531.
TissoT. — Tefllage do lin , p. a 48.
Tbascb at, à Lyon. — MooJuage des ssiei.
p. 101.
Traxcbat fils.— Perçage des coûtons Jaofsvt,
p. 567.
Tumblot-Lacbotx. —Machine a cosapeaarlai
peges d'Imprimerie , p. 87s.
TtrtQosrn (Etienne) otNAXBis { BartheVsrjj.
— Métiers serrent à fabriquer las veloen,
p. 587.
U
Cas (Andrew). <— Citations et critiques raie- — i la fabrication des cordages, p. sai»
tires : an filage de la soie, p. 86, i4i; — S9cV5i5; — i la brodeuse de HiJaisa,
a 1s filstere do lin , p. soS-so6 , s 09 , s5s- p. 4oo; — an métier à talle-bobin , p. kjt-
a54; — an banc a broches, p. s64» s6i, «78,480.
Vaisox. — Machines a filer le lin , p. sis.
Vabdkuiomdi. — Discassion sur les eagreneges
en fonte ,-p. i44 ; — problèmes de situations,
p. iio et 4n.
Vahdtis. — Antenr inconnu d'nn métier a
tricot sur chaîne, p. 46i. s
Vas Mixsxo. — Maehines à fabriquer les cor-
donnets, p. S 17.
Vasco, a Milan. — Filage des cocons, p. 119.
Vaucamsox. — Tonrs à tirer la soie, p. 8, 5i '
et 5a ; — moulins a organainer, p. «1-61 1 —
critique dÎTenes sur les moulins droits et en
arcs , p. fis -69 ; — établissements d'Aube-
naa et de la SAao, p. ia4 et is5| — son
opinion sur les engrenages en bais et sa
fonte, p. i44 et i45; — métiers à use»,
p. 555-556, 551-554» 356.
Vautaoyxx et Rixrx. » Machines a fis» »
lin , p. i85.
Ykitouillac et Laxxaxx. — Filage des cecaxf.
p. 96.
Vxbjut, d'Alais. — Coupa-mariage, p. 89.
Vixbxt (Fraaçois*Christophe). — Feried**-
nements des procédés Girard , p. i84 » itët
191.
Vixxat, Laxtbois et Cacxabd. — Aasoaatiea
avec Philippe de Girard, p. 170» iW
et 187.
Digitizedby VjOOQlC
ALPHABETIQUE.
531
Viciiii , Rita et Doxibblli. — Moolinage de*
soies, p. 10a.
Vioral (Jacques). — Mooiinage des soies,
p. 10a.
Vigkbbob. — Méfier à tisser, p. 338.
Villaid. — Tour a dévider les cocons, p. 53.
Villbmiiot. — Rota-frottenr, etc. pour le
filage des laines, p. 19.
Vibgilb. — Citation relative au anciens «en-
tiers à tisser, p. 33o.
VftAV, HerooT et Lbmty (John). — Maehine
et proches pour filer le lin , p. 190.
W
WAiroKD (Thomas). —Machines a 1
p. 3a6.
Waltbb-Hubt. — Machine à coudre, p. 4o5.
"Wbstlby. — Filature et teillage dn lin, p. 397,
a3a, a33, *hj.
Wbstlbt et Lawsob. — Elireusss 1 chaînée,
p. 908, ai3.
AVhitb (James). — Engrensgee he'licoides,
p. 239, a3i.
WniTB (Jamca) et Pobbcbbim. — Machine a
filer sans torsion permanente, p. 168.
AVaiTWomTB. — Machine a tricoter automate ,
p. 44o.
WtLLis (Robert). — Citations, p. a3o, a64v
3o8,44o. •
Wilsox. — Fabrication des cordes métalliques»
p. 3a4.
Wibslow, du Havre. — Rota-frotteor, p. 168.
Wolatt (William). — Métier * bas, p» 4»o.
Wooo (William). — Fabrication mécanique
des velours frises on moquettes « p. 889.
Wobdswobti , a Leeds. — Elirenses à chaîne
pour le lin , p. ao8 et i 07 ; — machines à
peigner et a filer le lin , p. aïo, ai6, aao,
aai, aa7«
£a»bbabx. — Métier a filets, p. 449.
Zibbmb. — Filage dee tonnes, p. 187.
34.
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TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES.
Composition du VI* Jury 1
Avant-propos Ibid.
PREMIÈRE PARTIE.
MACHINES ET OUTILS PRINCIPALEMENT EMPLOYES
A LA FABRICATION DBS MATIERES NON TEXTILES.
I" SECTION. — MACHINES BT OUTILS SERVANT X PREPARER ET TRA-
VAILLER LES MÉTAUX EN GRAND, PRINCIPALEMENT LE FER.. . . 1
Chapitre J". — État ancien, précédant Tannée 18 15 Ibid.
S I". — Influence de l'horlogerie et de ses moyens géomé-
triques de précision. — Introduction du fer et de l'outillage
mécanique dans la construction des grandes machines. —
Comas et Ferdinand Berthoud, John Kay et Ârkwright, Smea-
ton et Rennie Ibid.
S II. — Premières tentatives concernant le travail mécanique du
fer appliqué aux machines. — Nicolas Focq, Chopitel et Cail-
lon, Watt et Boaîton, Rennie, Woolf, Maadslay, Stephenson. 4
S III. — Transformation des anciens procédés mécaniques de
fabrication et de préparation du fer en grand. — Smeaton,
Wilkinson, Walker," Henry Cort et Purnell, Roebuck, Bra-
mah, Watt et Boalton • 9
S IV. — Historique relatif aux anciennes machines à laminer,
rogner et fendre les métaux en feuilles ou en verges. —
Aubry Olivier, Chopitel, Jean-Pierre Droz, Jamain et Poncelet,
Colon et Degrand, Wilkinson, W. Bell et Fayolie ; . . . i3
S V. — Anciennes machines à dresser, tourner et aléser les
métaux. — Samuel Bentham, Bramah', BiUingsley, MM. Bou-
qaero et Maritx 19
Chapitre II. — Introduction des machines anglaises dans les
forges et les ateliers du continent , au retour de la paix géné-
rale . . * 22
OQM
534 TABLE GÉNÉRALE
P»get.
S F*. — Indications historiques , principalement relatives à Tétat
des ateliers de construction et des grandes forges vers i8a5.
— MM. Dufand, de Gallois. Boigues, Frhrjeûn, de Wendel,
Manby et Wilson , Edwards, Colla pert , Saulnier, HaUttte, etc. s 2
S IL — Perfectionnement de l'outillage mécanique des ateliers
de construction, dans f intervalle de 1820 à i83o. —
MM. Fox, de Derby, Woolf et Edwards, Lewis, Nasmitk,
Sharp et Robert*, etc. Colla pire, Saulnier et Glaxet. 29
Chapitre III. — Développement et progrès des applications et
du travail mécanique du fer, à partir de i83o 34
S Iw. — - Agrandissement de f outillage des ateliers de construc-
tion et, plus spécialement, des grandes machines à planer
les métaux. — MM. B. Hick, Clément, Fox, Nasmith, etc. en
Angleterre; de Lamoriniere, Mariette, Cave, Decoster, en
France ... 1. [bid.
S II. — Perfectionnement des divers agents et moyens méca-
niques employés dans les grands ateliers de construction et
de fabrication. — MM. Maudslaj, Benjamin Hick, E, Clark
et W. Fairbairn $9
S III. — Nouveaux progrès accomplis dans la construction des
machines à laminer et forger le fer. — MM. H. Burdtn,
DevertU, Cave, Bourdon, J. Nasmith, Schneider, Mertian,
Petin et Gandtt, Flachat, etc > 43
S TV. — Derniers perfectionnements des machines à river. —
MM. Schneider, Lemattre, Fairbairn et Garforth 46
Chapitre IV. — État actuel des grands outillages mécaniques. 45
S I**. — Concours relatif à la description des machines-outils
en France. — MM. Pihet, Cave, Laborde, Saulnier, Mallette,
Colla, Stehelin, André Kœchlin, Meyer, etc ïbiL
S II. — 'Tribut apporté à ce concours par les ingénieurs anglais.
— MM. Rennie, Nasmith, Maudslay, Fox, Lewis, Hick,
Sharp et Roberts, etc. , Si
S III. — Spécialité dans la fabrication des machines-outils en
Angleterre. — MM. Whitworth, Sharp, Shanks, etc 54
S IV. — Spécialité dans la fabrication des machines-outils en
France. — MM. Colla, Decoster, Hugueni* et Ducomman,
. Mesmer, etc 5y
S V. — Des machines-outils exposées en i85i à Londres. —
MM. Whitworth, Sharp, Benjamin Hick, Shanks, etc ,6i
II* SECTION. — MACHINES ET OUTILS EMPLOYES DANS LES INDUSTRIES
DIVERSES 6&
Chapitre I". — Machines servant à estamper, emboutir et dé-
couper à froid les petites pièces métalliques 67
S lv. — Marteaux, moutons, balanciers, employés dans les
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DES MATIERES. 535
Paps.
atelier» monétaires et autres. — Aubry-OUvier, Nicolas Briot,
Castaing, Jean-Pierre Droz, Watt et Boulton, Gengembre,
Fughre, Westermann, etc. 67
S If. — Presses monétaires continues, à levier, rotules, etc.
petites machines à forger. — MM. Uhlhorn, ThonneUer,
Taylor, Maudslayjils, Ryder et Schmerber. 77
Chapitre IL *— Instruments et outils divers; petites machines
servant à les fabriquer automatiquement ; 86
S Iw. — Pièces détachées de machines, exposées à Londres.
— MM. Dandoy, Maillard, Léopold Maller, Spear et Jackson,
Serbe, Hache-Bourgeois, Miroude, etc Ibid,
S IL — Machines servant a fabriquer, à froid et automatique-
ment, les maillons, agrafes, clous, cardes et capsules métal-
liques.— Vaucanson et Galle; MM. Hue, Frey et Stoltz, Pa-
pavoine et Châtel, exposants à Londres ; 91
S III. — * Données historiques relatives aux machines auto-
mates à fabriquer les cardes. — MM. Amos Whittmore et
Dyer, de Boston, Parr et Cartis, Wallon, en Angleterre;.
Ellis etDegrand, Scrive, Colla, Saalnier jeune, Hoyaa, etc.,
en France ^ 94
S IV. — Données historiques relatives aux machines automates
à fabriquer les clous, les capsules, etc. — Jacob Perkins,
Joseph Read et James White, en Amérique et en Angleterre;
Degrand, Learenwerth, Daguet, Lémire et Japy, Deboubert,
Bouché et Livelot, Tardy et Piobert, Humbert et Dupré, Petit-
Pierre, Perceval et Glavet, en France 97
Chapitre III. — Machines servant à déplacer, à comprimer les
corps, etc. de manière à en réduire le volume, à en extraire
les liquides ou à en rapprocher les parties primitivement
désunies ,. . • 10a
S I". — Coup d*œil rapide sur les machines d'équilibre, de
force et de propulsion des anciens ou des modernes. —
Ciésiphon, Ctésibius, Archimede et Vitruve, chez les anciens;
Foniana, Corbari et Perrault, Vauban et Gribeauval, dîArcy,
Antoni, Lambert, Robins et Hutton, Perronet, de Cessait,
Smeaton, Rennie, Coulomb, Brunel, etc. chez les modernes.. Ibid.
S IL — Anciens pressoirs à vis, à simple ou à double effet —
MM. Jaunez, de Metz; ReviUon, de Mâcon; Isnard, de Stras-
bourg , et Achard, de Berlin. 111
S III. — Des presses hydrauliques appliquées à l'extraction des
jus ou liquides et à la réduction du volume des corps forte- '
ment compressibles. — MM. HaUette; Cordier, de Béziers;
Cazalis et Cordier, de Saint-Quentin; Crespel-DeUisse, Cha-
pelle, Pihet et Thilorier, en France; MM. Galbwy et Bow-
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536 TABLE GÉNÉRALE
mann, Maudslay et Field, de Londres; Joël Spdler, de
Cbelsea, en Angleterre 117
$ IV. — Des presses continues rotatives, spécialement destinées
à l'extraction des sucs et des liquides. — MM. Olivier, Clément
et Burette, Fouacke, Robùuon et Rassell, etc. Nilhu, Mûie-
line et Bessemer. . . I isi
S V. — Presses centrifuges à essorer, dites hydro-extracteurs.
— MM. Pentzoldt, Caron, Loabereaa, DerosM et Cail, Rolkfs,
Decoster, etc. en France; MM. Seyrig, Manlove et AUtot,
Bessemer, Rotck, Finzel, etc. en Angleterre. u$
Chapitre IV.— Machines à laver, essorer, battre, fouler, feutrer
les étoffes et fabriquer le papier i33
S unique. — Courtes indications relatives à l'objet de ce cha-
pitre, et, plus spécialement, aux machines à fabriquer le
papier. — MM. Robert et Didot (Saint-Léger), Fourdrinier,
Donkin et Bramah, Leistenschneider, Zuber et Eieder, Corso*,
Ranglet, etc IbH
III* SECTION. — MACHINES X CALANDRE* , IMPRIMER ET MOULER PAR
COMPRESSION . . . . I#
Chapitre V*% — Presses à rouleaux servant a f apprêt et à l'im-
pression des étoffes, du papier, etc. (principalement avant
i8i5) W
S I". — Rapide coup d'oeil sur les divers genres de presses, et,
plus spécialement, sur les presses à calandrer. — Pauki,
de Nîmes; Vaucanson, Andrew Gray, et M. CL Dolifos, de
Mulhouse i&
JS IL — Anciennes machines à cylindres, servant à l'impression
continue des longs tissus. — Roland de la Pladère et Bon-
valet, W. et Th. Bell, Slater, fValker et Tajlor, William
Nicholson, etc ii8
S III. — Premiers perfectionnements, en France, des presses
automates à rouleaux imprimeurs. — Ébingre, CkaamtUe et
Hoffmann, Lefevre et Obêrkampf, Risler et Rawle *55
Chapitre II. — Perfectionnement des machines à imprimer en
couleur les étoffes , les papiers , etc. à partir de 1 8 1 4 ou 1 8 1 5. îfô
S Ier. — Perfectionnement de la fabrication et de la gravure
des cylindres en cuivre par procédés mécaniques. — Joseph
Perkins et Lockett, Dros et Gengembre, Wkite, Haassmann,
Bradbary et Burton JW
S II. — Perfectionnements divers apportés aux machines à rou-
leaux imprimeurs simples ou multiples. — MM. Rawle et
Ure, Silbermann, Risler, Huguenin et John Dalton, de Mottram. 169
S III. — Presses continues sur papiers de tenture ou tissus,
avec brosses, couleurs ombrées, compartiments, etc. —
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DES MATIERES. 537
MM. SpœrUn et Zuber, Rieder, W, Newton, Hertzik, Léon
Godefroy, Alfred Thomas, etc 179
S IV. — Des presses à planches planes et a action intermittente ,
mais progressive, pour l'impression des tissus. — MM. Kirk-
wood, Walt et Despouilly; Perrot, de' Rouen, et Miller, de
Manchester i83
S V. — Des presses lithographiques. — Aloys Senefelder et Mit-
terer; MM. de Lasteyrie et Engelmann, Routsin et Brisset,
Derenémesnil, ScheUcht, Cloué, Quinet, de Lamorin&re, Be-
noist et François, Perrot, etc 1 oy
Chapitre III. — Des presses typographiques 2o5
S Ier. — Des presses à bras ou à platine , anciennes et modernes.
— Gutenberg, Faust et Schœffer; lord Stanhope, Clymer et
Wells; MM. Frapié, Giroudot, ThonneUer et autres en
France Ibid.
S II. — Aperçu historique concernant l'invention et le perfec-
tionnement des presses mécaniques continues, à cylindres
rotatifs, dans l'intervalle de 1790 à 181 5. — William Ni-
eholson, Donkin et Bacon, Frédérick-Kœnig et Bauer, Cowper
et Âpplegath, en Angleterre 211
S III. — Des diverses machines typographiques exposées, en
i85i, à Londres.. — MM. Middlelon, Napier et Waterlow,
Cowper, Holm, Hopkinson et Copet Clymer et Dixon, etc
dans la partie anglaise ; MM. Baranowsky, Bauchet-Verlinde ,
Sôrensen, dans les autres parties : 221
S IV. — Perfectionnements divers accomplis ou tentés dans la
construction des presses typographiques accélérées, a partir
de 1820. — MM. Kœnig et Bauer, en Allemagne; Hoe, à
New-York; James Smith, Cowper et Applegath, Church, etc.
en Angleterre; SeUigue et Amédée Durand, ThonneUer, Gi-
roudot, Gaveaax, Rousselet et Normand, Dutarlre et Mari-
noni, en France 227
S V. — Principalement consacré à l'exposé des progrès accom-
plis dans la construction des petites machines à labeurs,
illustrés, etc., avec preneurs à brosses ou à pinces. — MM. J.
Smith, Rousselet, Normand, Dutartre, Alauzet, Capiomont, etc.,
en France; Kœnig et Bauer, Sigl et Reichenbach, en Alle-
magne. . . : 242
Chapitre V. — Machines à mouler par compression, à tritorar
et à pétrir 259
S 1**. — Presses servant à mouler les types et clichés d'impri-
merie, les coins monétaires, les balles de fusil, etc. —
MM. Didot, Herhan, Marcellin-Legrand, Ckoumara, Tarbé,
Laboulajre et Derriey, en France; MM. Hoffmann, Brockhaus
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538 TABLE GÉNÉRALE
et Leonhardt, en Allemagne ; William Churck et Johnson, en
Amérique; Harding, PalUin et Johnson, etc., à Londres 3%
S IL — Presses diverses servant a mouler les tuyaux en plomb,
par compression. — MM. Lenoble, Lagoutte, Simon et Lam-
bry, Hague, Moisson -Dev aux , Daconcîois et Gruat, en
France; MM. Borr, de Sbrewsbury; Crosley et Hrward, de
Londres; Sieber, de Milan, et Cornell, aux États-Unis d'A-
mérique s63
S III. — Machines h mouler les tuyaux de drainage et les
briques creuses. — MM. JV. Edwards, J.-G. Dtycrlti*,
Whishaxc, Reichenecker, Borie frères, Rondell et Saanden.. . 1G9
S IV.— -Machines automates a fabriquer les tuiles et les briques
pleines. — MM. Hattenberg, Kinsley, Doolilde, Bradlty.
Cundy et Candie 371
S V. — Appareils divers pour le moulage , la trituration et le
pétrissage des pâtes. — MM. Grant et Bruce, en Angleterre;
Baudry, Selligae, Rollet, Lembert, Besnier-Duchaussois et
Boland, en France • 277
IV* SECTION. — MACHINES À DIVISER ÇT SEPARER LES CORPS BU PARTIES
PLUS OC MOINS FINES OU DE FORME DONNÉE 281
Chapitre I**. — Machines diverses à concasser, triturer, pulvé-
riser iSi
S I". — Moulins à pilons, à tonneaux, à gobilles, à cylindres
cannelés broyeurs et con casseurs. — Bébdor, Baadtr et
Hachette; MM. Ryder et Schmerber, Aager, Champy, DavilUer,
Bret et Oliver Evans IkH
S IL — Meules debout, cylindres et cônes tournants on osefl-
iants, roulants ou traînants, conduits à bras, à manège, etc.
— Les Égyptiens et les Romains; Perronet, Lepere et MorleU
MM. Molard, Poincelet et Legrand, Humblot-Conté , Amger,
Pelletier, Albert et Martin iSS
S III. — Perfectionnements et progrès accomplis dans la cons-
truction des machines à molettes, à galets traînants, tour-
nants, etc. pour la préparation des couleurs et autres pâtes
fines. — MM. Gottorp, Rawlison, Minton et Ch. Taylar, en
Angleterre; Antiq, Menier et Adrien, Saint- Amans, Hubert,
Pelletier, Bourdon, Hermann, etc. en France aoi
Chapitre IL — Des moulins à blé ou à farine 3o*
S I". — Procédés mécaniques dé mouture chez les Grecs et
les Romains : moulins à bras, à manège, à eau et à vent
— Myles ou Mileta, Mithridate, de Pont , Pilumnus et Pison,
Vitrave et Perraufr, Lagarouste, Gallon et Dnbost. /**•
S IL — Formes, proportions et mode d'action des meules
antiques ou modernes. — Bélidor, Oliver Evans, Andrew
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DES MATIERES. 539
Pagts.
Gray, Olynthus Gregory, Lambert, Montgolfier, Coulomb,
Navier, etc 3io
S III. — Principaux organes mécaniques des grands moulins à
Hé ou à farine. — Watt et Boulton, Bennie, Woolf, Mouds-
lay, etc., en Angleterre; Aitken et Steele, Eck et Chamgar-
nier, Feray, d'Essonne , et Calla fils, Cartier et A rmengaud, etc.
en France 319
Chapitrb III. — Appareils accessoires et procédés mécaniques
divers employés dans les moulins à farine 327
S Ier. — Des anciens systèmes de mouture ( 1 6 1 6 à 1775) et de
leurs accessoires mécaniques. — Muller, de Leipsick; Pi-
geaut et Baquet, de Senlis, Malisset, de Paris, BeguiUet,
Genyer, V*' Détours, Knopperf, etc Ibid.
S IL — Systèmes anciens de mouture, anglais et américains,
comparés aux nôtres sous le rapport des appareils et méca-
nismes accessoires. — Andrew Gray, Olynthus Gregory et
Hamel, en Angleterre; Oliver Evans et Thomas EUicott, en
Amérique; Baquet, Dransy et Gravier, d'Annet, en France. 33S
Chapitre IV. — Progrès divers accomplis, en France ou à l'é-
tranger, dans le système automatique de la grande et de la
petite mouture 349
S I". — Introduction et perfectionnement des procédés anglais
et américains de locomotion et d'épuration des blés. —
MM. Tramois, Bennie, Fairbairn, Maadslay, Aitkin et Steele,
de Nicéoille, Corrige, Cartier, David, Lasseron, etc Ibid,
S II. — Perfectionnement, en France, des appareils a trier,
distribuer et conserver les blés. — MM. Vachon, Conty,
Feray, Cartier, Giraudon, etc. Duhamel, Terrasses des BUlons,
Dârtigae, Vallery, Philippe de Girard et H. Haart, de Cam-
brai 357
S III. — Perfectionnements des appareils à bluter, transporter,
rafraîchir et conserver les farines. — MM. Hennecart, Man-
vielle et François Giraud, Cartier, Huch, Feray, Darblay,
Cortège, Gosme, Damy, Cabanes, Train, % etc 363
S IV. — Tentatives diverses de perfectionnements appliqués
aux petits moulins à bras, à manège, etc. leur apparition à
l'Exposition de Londres au milieu d'objets similaires. —
Bélidor et Coulomb, C. Albert et Begnier, Lescure, Teste-
Laverdet, Saniewski, Pecantin, BeinharJt, Bouchon, Mes-
mer et Cartier, Legrand> Dard, Toaaillon et Maazaize, Huck
et Hennecart, de France; Houyet et Danneau,de Belgique;
Landau, d'Allemagne ; Boss, d'Amérique ; Corcoran, Westrup
et W. Fairbairn, Ihirwood, Crosskitt et Adams, Hunt, Bed-
ford et Blackmore, de la Grande-Bretagne 375
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540 TABLE GÉNÉRALE
V* SECTION. — MACHINES OPERANT #LA DIVISION DES CORPS ET LA
SEPARATION DES PARTIES, SPÉCIALEMENT A L'AIDE D*OUTïLS
COUPANTS, DÉCHIRANTS, DENTELES, ETC. 38$
Chapitre I*r. — Machines à couteaux d'origine relativement an-
cienne . • 38a
S I*. — Considérations générales, historiques, philosophiques
et théoriques sur les outils simples ou combinés appartenant
à cette classe. — Antiquité et perfection comparée des
outils à main : les tarières et la charrue, les sondes et les
scies. — - Insuffisance de la théorie. — Vaucanson et le mé-
canicien Ckarck; MM. Garnier, Mulot, Degousée et KUd;
MM. Sir-Henry et CKarrvtre père, en France; Satignj, Pkilp
et Coxeter, en Angleterre iW.
S II. — Anciennes machines à hacher, pulvériser le tabac,
le poivre, le café, etc. — DeparcUas et Andrew Graj;
MM. Boaguereau, à la Rochelle, Hojaa, à Paris, Saylor,
Snowden, Gardner, etc. en Angleterre; Lejeune, Coulons,
Johnson et Goldemherg, en France 3$S
S III. — Hachoirs et moulins à noix ou à cloche, servant spé-
cialement au découpage et à la pulvérisation du tan. —
Borgnis et James Weldon; MM. Douglas, Hook et Farce t,
Picard, Barratu et Bouvet Ao6
Chapitre IL — Machines et outils spécialement consacrés à la
fabrication du tabac dans les manufactures impériales de
France 4i3
S Ier. — Principaux perfectionnements introduits dans la pré-
paration mécanique du tabac en France, avant l'époque de
i83o. — Anciens moulins à trictrac; machines a râper de
Rooy et Dubroca; les mécaniciens anglais Manbjr, fVilson et
Holcroft, à la Manufacture impériale de Paris. Rià>
S II. — Réformes mécaniques apportées aux manufactures de
tabacs, en France, à partir de i83o. — MM. Holcroft, Radier
et Edwards. — Réformes administratives capitales. —
MM. Pasquier, Lacave-Laplagne, vicomte Siméou et Gré'
terin 4n
S III. — Perfectionnements divers apportés, depuis 1840, au
système automatique des tamisoirs et des moulins à tabac,
ainsi qu'à leur mode intérieur continu de .transmission, de
locomotion et d'alimentation. — MM. Daubanel, Ambert,
Radier, E. Rolland, Mesmer, de Graffenstaden , etc. 4sS
S IV. — Système spécial de transmission par courroies; éléva-
teurs et descendeurs a tire-sacs, à freins ou butoirs; moyens
de sûreté divers employés dans les manufactures de tabac
ou autres. — Claude Perrault et Dobo; MM. Radier et Eugène
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DES MATIERES. 541
PagM.
Rolland, Machecoart, Fontaine, Sainte -Preuve, Warroc~
quié, etc 43 1
S V. — Perfectionnements des embarilleurs à pilons, des tor-
réfacteurs, pyro-régulateurs et sécheurs mécaniques, appli-
cables à l'industrie en général, et, plus particulièrement,
aux manufactures impériales de tabacs. — Oliver Evans,
Gay-Lussac, Manby et Wïlson; l'ingénieur E. Rolland et le
contrôleur Girard; MM. Sorel, Péclet, Michels, Behrr, Brait'
soaliè, RoUet et Lasseron, en Belgique ou en France;
MM. Law, Dakin, Collier, Adorno, à l'Exposition universelle
de Londres 436
Chapitre III. — Macbines diverses à découper, lacérer, ouvrir,
apprêter les matières végétales ou animales, les tissus, etc. 44a
S I". — Sur l'origine des bacboirs mécaniques à lames obliques ,
coupant et sciant en glissant, employés à divers usages dans
l'agriculture ou l'industrie manufacturière. — Gaillotin,
Antoine Louis et Smidt; MM. Francis Snowden et Bouguereau,
G. Bass, de Boston, Ellis et Dr grand, à Marseille.. . . s. . . . Ibiil.
S II. — Des bacboirs à volant et à couteaux, droits ou courbes,
servant à découper les racines , les légumes et la viande. —
MM. Burette, Chaussenot, de Valcourt, Rolland, Girard et
Fouet,' en France; Gardner et W. Davis, en Angleterre;
Eckardt, en Allemagne s 448
S III. — Macbines à découper le papier, les^ enveloppes de
lettres, les chiffons, etc.; tondeuses pour les draps, délis-
' seuses , affileuses et raffîneuses des pâtes à papier. — MM. Ré-
mond et Warren de La Rue; Donkin, Warall, Middleton et ~" !
Elwell, Wilson, Bottier, etc. à l'Exposition universelle de
Londres; MM. Verdat et Legrand, Massiauot, Lefranc,Mo-
nin, Daubrée et Abraham Poupart, en France. — Les an-
ciennes papeteries de Serdam et de Langlée; l'astronome
Lalande et les encyclopédistes hollandais Zyl, Natrus, Polly
et Vaarer; les ingénieurs ou constructeurs' Genssane, [Mean
et Destriches 454
S IV. — Machines à râper les fruits , les légumes /les os et les
bois de teinture; à découper, apprêter, ouvrir les cuirs, les
baies de coton, etc. — MM. Burette, Lilly, Oliver Evans,
Vauquelin, Pools, Nossiter et Pecqueur, Green, [Datai, Beren-
dorf, etc. Brunel, Gengembre et Jolichere; enfln MM. Du-
merey, Waite et Mansell, à l'Exposition de Londres; les
frères Ternaux et MM. Vallery, Raymond, etc. précédem-
ment, en France , 463
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542 TABLE GÉNÉRALE
VI* SECTION. — MACHINES ET INSTRUMENTS SEAT ART A TRAVAILLEE,
DIVISER, FAÇONNER SOUS DES FORMES DIVERSES ET PROCHES LA
PIERRE, LE BOIS ET LES CORPS ANALOGUES *6f
Chapitre I**. — Sur les tours et les machines à équipages mo-
biles, porte-outils ou objets, servant à arrondir, profiler,
guillocher, diviser, graver et sculpter les corps de natures
diverses 470
S V. — Notions générales relatif es à ce sujet et aux principaux
auteurs ou écrits qui en ont traité scientifiquement ou pra-
tiquement, — Léonard de Vinci et Jacques Besson; Salomon
de Caus; Descartes, Pascal et Roberval; BernoulU, etc. de
Lakirt, de Lacondwninc et Clairaalt ; Suardi, Lanz et de Bé~
tancourt; les tourneurs ou auteurs Moxon, Oldjield et Hollz-
appfel, tn Angleterre; Plumier, Halot, Bergeron et Paulin
Désormeaux, en France IbU.
S II. — Des plus anciens tours simples ou composés, à ovales
et excentriques, a rosettes ou couronnes, pour guillocher, et
principalement du tour à portraits servant à copier, réduire
les médailles, et des tours à vis et à roues de rechange. —
Vitruve, Léonard de Vinci, Jacques Besson, Salomon de Cous,
Jérôme Cardan; Breitkopfet Teubers,en Allemagne; Merklein,
le P. Magnan, Grandjean, Halot père, en France; Hoohe,
Hindley, Henry Sully et Ramsden, en Angleterre 676
S III. — De quelques tours et instruments modernes servant à
guillocher, buriner, graver et diviser; plus spécialement des
machines destinées à la reproduction imprimée des mé-
dailles de la numismatique! — MM. Holtzappfel et DeyerUin,
Ibbetson, Perkins, Turrell, Bote et Babhage, en Angleterre;
Collart, Conté et GaUet, Collas, Barrere, Perreau*, en France. . 483
S IV. — Perfectionnement du tour à portraits; machines à
sculpter, etc. — Hulotjils et Bergeron; MM. Poterat, Conta-
min et Dupeyrat, Collas et Barrhre, James Watt et Hawkins,
en France ou en Angleterre; M. Blanchard, en Amérique;
MM. Sauvage, Collas et Barbedienne, Dutel et Contzen, Pà*-
lippe de Girard, Grimpé, Barros et Decoster, en France. . . . S99
Chapitre II. — Machines spécialement destinées à travailler et
façonner les corps ou solides de nature minérale Su
S I". — Tournage, forage et sculptage des pierres, des mar-
bres, etc. ches les anciens et les modernes. — Perrontt et
Puiseux, Vtzschneider, Wallin et Hutin; MM. Géruzet et
Colin, Moreau et Seguin, Chevolot, Decoster, etc., en France;
Georges Wright, Murdock, etc. en Angleterre. ft&
S II. — Machines à scier, dresser, tailler, user et polir diver-
sement les pierres, les cristaux et autres corps durs. — Jla-
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DES MATIERES. 543
P«ges.
melli, Duquet et Fonsjean , Moret et Bétidor; MM. Lépine,
Barbier, Coutan, Sauvage, etc., en France; Brown et Morve,
J. Talloch, etc., en Angleterre ; Randell et Saanders , Hanler,
Eastman, Morey et Cochran , à l'Exposition universelle de
Londres. 517
S III. — Machines à molettes et à chariot spécialement em-
ployées à dresser et doucir les grandes glaces et les miroirs.
— MM. Barrows et Hall, deDartford, en Angleterre; 2>ar-
Hgues, Petit- Jean et Mangin, Hoyaa et Chevalier, Ramez,
Pihet et Carillion, Tournant et Radiguet, en France.. . . . . • 5a 2
Chapitre III. — Machines spécialement employées à travailler et
façonner géométriquement les hois avant IVpoque de 1820. 533
S F*. — * Premier établissement des grandes scieries hydrau-
liques à lames verticales en Europe. — L'évéque a* Ely, Jacques
Besson, Ramelli, Salomon de Cous, Bélidôr et Navier, etc.. . [bid.
S II. — Données historiques relatives à rétablissement ancien
de diverses machines a scier, forer, raboter, façonner les
bois de poulie , etc. en France et principalement en Angle-
terre. — Gray et Gregory, Morel et J. Howel; Labelly, Devo-
glie, Perronel, de Cessart et Vauvilliers; Taylor, de Southamp-
ton, Samuel Bentham et Joseph Bramah; C.-A. Albert, à
Paris , enfin Brunel et Maudslay, Bevan et Swart, à Londres. 54 1
S III. — Où en [était en France, vers i8i5, le travail méca-
nique et, plus spécialement, le sciage et le rabotage des
bois. — WQA.Ségard, à Metz; Hubert, à Rochefort; Touroude,
Roguin frères, Cochot, Hacks, à Paris, çtc 558
Chapitre IV. — Progrès divers accomplis en France, à partir
de 1820, dans rétablissement des machines à travailler le
bois 571
S Iw. — Anciens ateliers des mines d'Anzin, de la Gare, à
Paris, de M. Nicévilre, à Metz, plus spécialement sons le
rapport du perfectionnement des grandes scieries méca-
niques.— MM. Edwards, de Chaillot; Roguin et CaUa père,
à Paris; de Nicéville et Hcrder, à Metz; KUspis, a Paris, et
Galloway, à Londres Ibid.
S II. — Résultats du concours ouvert, en 1826 , par la Société
d'encouragement de Paris, pour le perfectionnement des
scieries à lames droites ou circulaires. — MM. Bauwens et
Guérin-Dubourg, Joseph Mimait et Belot de la Digne, de Nicé-
ville, à Metz ; MM. Eugène Philippe, à Paris , et de Manneville,
à Troussebourg , près Honfleur. ' 577
S III. — De quelques modifications ou perfectionnements ap-
portés aux scieries, simultanément ou postérieurement au
précédent concours. — M. Mongin, fabricant de scies, à
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544 TABLE GENERALE
Ptg».
Paris; MM. Orlando Child, Philippe, MariolU, Guillaume,
Girauàon, Peyod, Gendarme et Qart 58s
5 IV. — Machines a scier, trancher, dérouler les bois en
feuilles minces, pour ainsi dire sans aucune perte. —
MM. Frenfc,de Mets; Picot, de Châlons-sur-Marne ; Pape,
Faxeryer, Alessandri, Joseph Skinner, h Paris, Saint-Péters-
bourg et New- York; F. Garand, à Rosoy-sur-Serre et à
Paris, etc 58?
6 V. — Aperçu * rapide sur l'état actuel de perfectionnement
des machines d'ateliers de menuiserie et de charpenterie
mécaniques. — MM. de Manneville, près de Hon fleur, et
SautreuU, h Fécamp; Stevens, Packham, Carpentier, à Abbe-
ville, à Eu et à Gamaches; MM. Paawell, Houdouard et
Corbran, à Rouen ; Fanzvoll, Cartier, Baudot, Thouard et
Giraudon, Périn, etc. à Paris 6o5
S VI. — Machines anglaises , américaines et françaises consa-
crées au travail du bois spécialement , à l'Exposition univer-
selle de Londres. — MM. Walker, fVood, Ingram, Irwimg, eto,
en Angleterre ; J. Bennock, Hinman, Kagler, Barlow , etc. aux
Etats-Unis d'Amérique ; MM. Woodbury, Fumets , We Ils et
Thompson, John Birch, Barker, Cochran, Prosser et Hadley,
CoaU, Wynants, SautreuU, etc. exposants à Hyde-Park 6i>
seconde Partie.
MACHINES ET OUTILS SPECIALEMENT EMPLOYES
A LA FABRICATION ©ES MATIERES TEXTILES.
Considérations générales, historiques et critiques, principalement
relatives à la filature mécanique de la laine et du coton *
Antiquité , propagation et progrès mécaniques des arts textiles. — Le
rouet à pédale et à bobine , considéré comme type des métiers con-
tinus à filer, avec ou sans adjonction de cylindres étireurs et lami-
neurs : Paul-Louis, Vaacanson, Arkwright et John Kay, Philippe de
Girard, Houldsworth. — Le rouet à fuseau et les métiers discontinus
ou à aiguillées alternatives : Hargreaves, Crompton, Kelly, Jougk,
Roberts, — Systèmes cardeurs et peigneurs, boudineurs, rouleurs
et frotteurs, étireurs, mélangeurs, réunisseurs ou alimentaires:
Paul-Louis, Robert Peel, Arkwright, Edmund Cartwright, Dobo,Joh*
Collier, Bodmer, Heilmann, etc. — MM. Hibbert et Plan, Sharp
frères, Higgins, Mason et Collier, Stamm, Mercier, Risler, etc. a
l'Exposition universelle de Londres, iW»
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DES MATIERES. . 545
Pagei.
I" SECTION. — MACHINES ET OUTILS SERVANT À FILEE, MOULINEE,
DEVIDER LA SOIE. GRECE OU LONGUE a5
Chapitre F'. — État ancien ou antérieur à 181 5 Ibid.
S I". — Introduction des machines à filer les grèges en Europe.
— Borghesano Lucchesi, à Bologne ; Pierre Benay et Colbert,
en France; Thomas Lombe, en Angleterre Ibid.
S IL — Tour piémontais modifié, perfectionné en France. —
Isnarâ, Laroavière et Vaucanson (1700 à 1750) 37
S III.— Anciens moulins et dévidoirs automates du Piémont,
principalement d'après 1* encyclopédiste Roland de la Platière. 34
S IV. — Perfectionnement des moulins à tordre la soie en
France; moulin droit proposé par Vaucanson; ses automates
et son mémoire de 1 7S 1 39
S V. — Modèle du moulin droit de Vaucanson (1760 à 1770),
tel qu'il existe au Conservatoire des arts et métiers de Paris.
— Vandermonde et Molard, successeurs de Vaucanson;
MM. Borgnis et Alcans 44
5 VI. — Critiques adressées aux machines de Vaucanson. —
Roland de la Platûre, Villard, Rival, Gentet et les frères
Jabié, de la Sône ' 5a
S VIL — Moulin à soie de Le Payen, de Metz (1767); éloges
accordés à son livre par Duhamel du Monceau. — L'inten-
dant de Bernage et le mare' chai de Belle-hle. — Les anciens
doubloirs, purgeoirs, dévidoirs et cantres 59
S VIII. — Époque de la République et de l'Empire; régime
des brevets. — Tabarin, Poidebard et Dagas, Belly, Délègue
et BaiUy, Gensoul, de Lyon , Rost-Maupas et Talabot 66
Chapitre IL — Perfectionnements des machines à filer la soie,
à dater de 181 5 , principalement d'après les brevets délivrés
aux auteurs ^ 72
S ltr. — Brevets délivrés en France et en Angleterre. — Tours
de MM. Rodier, Camille Beauvaù, Pellet, Lacombe, Bonnard
et£ar&/er(i8i5à 182*) Ibid.
S II. — Progrès remarquables du filage mécanique des soies a
partir de 1824 et 182 5. — MM. Rodier, Chambon, Blanchon,
Tastevin, Heatheoat* Poidebard, etc 75
S III. — Nouvelles tentatives de perfectionnements appliquées
au filage et au moulin âge des longues soies ( 1826 à i83o).
— MM. Hipert, Rodier, Rotch, Vernay, Rieu, Tariy, Lacombe
et Barrois, Christian, GaiUiny, etc 88
S IV. — Rapide coup d'œil sur les brevets délivrés depuis
1 83o pour le perfectionnement du filage des cocons. —
MM. Puget, Michel, de Saint -Hippolyte, Geffray, Bour-
cier, etc. — Filage a la tavelle de M. Mitifiol 9.4
VI* JURY. — 2* PARTIE. 3 S
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546 TABLE GÉNÉRALE
p.g«.
SV. — Tentatives de perfectionnement en moulage des soies,
' de i83o à i85o.— MM. Coront, Cobbett, Tranchai, Bâd*aU,
Ckambon, etc 98
Chapitre HI. — Étal présent et comparé de la filature méca-
nique des soies grèges • 10I
SI*. — Perfectionnement* divers apportés en France et en
Italie aux tours à filer les cocons : tresnUeurs et croiseurs
mécaniques; filières, caste-fils, distributeurs, etc. —
Mil. Michel, Roock et BianckoK, Durand frères, Boarctrr.
Robinet, Béankr, Cadinetù, Coroet, etc 106
S IL — De quelques grands établissements en France où Ton
file, où Ton a filé les cocons par des procédés divers. —
MM. Tiraube, Ricard, OU»ier et Bonnet, Frmmctxon, Edouard
Cksmbon, Teissier-Ducrot, Deydier et GoMmard, L. Bks-
ckm, etc. — Le tour LocaioUi et le nouveau procédé de
filage de MM. ifcae et Lmet, à Paris "'
S III. — Ce qu il est advenu, en France, des anciens moulins
rends et de Vanoanaon; leur remplacement par des moulins
longs en arcs accouplés. — Les fitateurs Deydier père et &h*
à Aubenas, Bonnet, à Jujurieux, Galimard, à Vais; L Glasi-
bon, Blemckon, etc. les constructeurs mécaniciens Roxk,
Geoffroy, Fomrniol, VeiUon, Mmron, etc nl
S IV. — Récentes améliorations apportées aux moulins fran-
çais et autres machine* à ouvrer la soie parquekroes-uns do
filateura-mouliniers précédemment cités, mais plus particu-
lièrement par MM. GaUmard, de Vais; Louis Btanchon, de
SainWulien-en-SaintrAman; L&o'u Chmmbon, d'AJais; Geof-
froy, de Vienne; TeieeUr-Ducros, Merle frères, etc lV
S V. — État comparé des machines d'ouvraison de la soie en
France, en Italie et en Angleterre. — MM. Michel, L Char-
bon, L. Btanchon, GutUinv, Coront, Le Payen, «*• en
France; MM. BadnaU, L'Aie et Fairbcùrn, Needhm, {&•
viOe, etc. en Angleterre. — Les machines en fer ou eu bou :
le mécanicien Durand, de Paris; Vanoanson et (fiW**»
Vandermonde et Bossât, Rennie père et Watt. — MM* &£
venoort, Frost, Diepers et Graff à l'Exposition universelle de
Londres •
il- SECTION. — MACHINES SERV ANT X PILBR , PEIGNER , TEILLEl I* Lll »
LE CHANVRE ET LES SUBSTANCES DE CONTEXTURB SNALOffCB"
Chapitre I". — État de là filature mécanique du lin st *»
chanvre avant et jusqu'à l'époque de i8i5
S Iw. — Tentatives diverses et antérieures au concours ouvert
par Napoléon V en 1810 : conversion de la filasse en m*'
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5i
' DES MATIERES. 547
p«g~.
titres cotonneuses, par MM. Berlhollet, Clmys, Molard et
Baawens, d'une part, et par MM. Billion, Romien frères,
Lebrun, etc. d'une antre. — Machines à filer le lin et les
étoupes, par MM. Demaurey, Delafontaine , fV. Robinson,
Busby, Alphonse Leroy, G.' Manier, J. Madden et Patrick
Onéal, etc. à Paris; opinion de M. Barde/ sur les produits
de ces machines i5i
S II. — Premiers essais de filature mécanique du lin par Phi-
lippe de Girard, au moyen de peignes mobiles à sérans et de
préparations à f eau chaude ou alcaline. — Analyse rapide
des brevets qui loi ont été délivrés dans l'intervalle de 1810
à 1 8 1 5 : avis du Comité consultatif des arts et manufactures
concernant ces brevets 1 60
S III. — Analyse des brevets délivrés , en août 1 8 1 5, aux frères
Girard pour des machines à réunir, rubaner et filer en gros
les mèches de filasse. — Premier établissement de filature
du lin et du chanvre dans la rue de Vendôme, a Paris :
MM. Laurent, mécanicien , et Henriot, horloger; les associés
Fiaerl, Lanihois et Cachard. — Établissement de la rue de
» Charenton T dirigé par M. Constant Prévost » 1 66
S IV. — Causes diverses auxquelles on peut attribuer f insuccès
de l'établissement de la filature mécanique d\i lin en France.
— Avortement du Concours pour le prix impérial de 1 million
fondé en 1 8 1 o , et où figurèrent uniquement les Américains
Baldwin et town, en i8i3 1 70
Chapitre II. — Etat de la filature mécanique du lin et du
chanvre après 181 5 176
S Ier. — Etablissement de cette filature en Allemagno et en
Pologne par Philippe de Girard. — Les filatures de Hirten-
berg et de Girardow : les comtes de Montfort et de Lubiensky.
— MM. de BbÀkres, Constant Prévost, et rétablissement de
la rue de Vaugirard, à Paris: expériences et rapport de
MM. Pajot, Descharmes, Régnier et Christian, successeur de
Molard au Conservatoire des arts et métiers : . . Ibid.
S II. — Perfectionnements apportés en 1817 Par Pbilîppe de
Girard A ses premiers procédés mécaniques de cardage et de
filage des étoupes ; MM. de Bév'ùres et le chevalier de Gi-
rard, de Chabrol et Christian. — Ce que sont devenus depuis
ces mêmes procédés et machines : MM. Laborde et Saulnier,
à Paris; Jacques, à Versailles; Hanel-Wadel, en Suisse;
Moret, à Mouy (Oise) , et M. VibertB breveté, tous continua-
teurs de Philippe de Girurd, en France 1 80
S III. — Oubli et abandon des idées de Philippe de Girard en
France; importation, à partir de i$35, des premières ma-
35.
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5W TABLE GÉNÉRALE
Pages.
chines anglaises perfectionnées d'après les procédés de ce
savant ingénieur. — Brevets délivrés, en France, à MM. Vaa-
Iroyen et Ritff» John Suttil, Ch. Schlamberger et Breidt. —
MM. Horace Hall, Cachardel Lanthois , James Kay, Marshall,
Hives et Atkinson, en Angleterre 1 85
S IV. — Examen spécial des derniers perfectionnements ap-
portés par Philippe de Girard aui machines A peigner,
d'après ses brevets de 1819 et 1 83a; concours pour le prix
institué par la Société d'encouragement de Paris. — Infé-
riorité des machines anglaises : brevets de MM. Deleourt et
Van de Weigh, de Paris, Alexandre Kay, de Londres. —
Faibles récompenses accordées aux peigneuses de MM. de
Girard, Çh. Schlamberger et David, de Lille (Nord) 193
Chapitre III. — Progrès remarquables accomplis en France
dans l'intervalle des années i83a à i8d5 io3
S Tr. — Erreurs singulières commises en France, d'après le
docteur anglais Urt, au sujet de l'invention des machines à
daguer, peigner, filer le lin et le chanvre; comparaison des
machines de Girard avec celles de MM. Evans, JVordsworth,
fVestley et I<awson, Marshall, Hives, Atkinson, Peter Fair-
bairn, etc Ibid.
S II. — Importation en France des machines anglaises à filer
le lin et les étoupes, à partir de i833, par MM. Feray,
d'Essonne, Scrive, de Lille, Foison > d'Abbeville, Malo et
Ôixon, de Dunkerque, Decoster, de Paris, etc. — Les cons-
tructeurs français Decoster, Nicolas Schlamberyer, André
Kœchlin. Debergue et Spréafico, David, de Lille , etc 211
S III. — Revendication de ses droits par Philippe de Girard et
conclusions; nouveau mais infructueux concours pour le
peignage du lin, devant la Société d'encouragement de
Paris, en i8As. — Les peigneuses Decoster et rVordsworth ;
les rapports de feu Théodore Olivier; récompenses tardives;
mort de Philippe de Girard . a 1 5
Chapitre IV. — Progrès accomplis, jusqu'à l'Exposition univer-
selle de i85i, dans les machines à travailler le lin, te
chanvre, etc, a*3
S I". — Résumé concernant les découvertes et revendications
de Philippe de Girard; appréciation rapide des derniers per-
fectionnements apportés aux machines à filer, d'après les
écrits, les patentes ou brevets anglais et français, etc. —
MM. HouldswortH, Wesûey, Peter Fairbairn, rVordsworth,
iAiwson, Plammer, Higgins, en Angleterre; André Kœchlin,
Nicolas Schlnmbcrger, Scrive, Decoster, Giberlon, etc. en
France Ibid.
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DES MATIERES. 549
Pages.
S II. — Machines spécialement employées daus le peiguage du
chaivre , du lin et de leurs étoupes , vers l'époque de l'Ex-
position universelle de Londres. — MM. Taylor et Words-
worth, Marsden, Lawson , etc. MM. Plummer et Roberts, à
Newcastle; Lacroix, à Rouen; Decoster, à Paris; Marshall,
Peter Fairbaim,h Leeds; Robinson, Newton, etc. — MM. Law-
son, Samuel et fils à l'Exposition de Londres; MM. Schlum-
berger et Bourcart précédemment à celle de Paris, en
i84g,etc... 235
S III. — Machines à teiller te chanvre et le lin. — Tentatives
anciennes de Bralle, Molard et Caraudau, en France; de
James Lee, Samuel Mil, William Bandy, etc. en Angleterre.
— Tentatives plus récentes de MM. Christian père, André
Dilcoart, Lorillard, Laforest, Robinson, Schenks, Bernard et
Koch, etc. etc. — MM. Robert Plummer et Marshall à l'Ex-
position universelle de Londres a44
additions ad chapitre IV. — Sur quelques machines modernes
applicables à la fois aux diverses branches de filatures a5a
I. — Addition au S I", concernant le premier établissement du
banc à broches et ùes continues à mouvements différentiels.
— Incertitudes à ce sujet : l'historien Baines et le ferblantier
Green, de Mansfield; les mécaniciens Cocker et Higgins,
Eaton et Farey, Eaton ( William) ; MM. Laborde, Gengembre,
Pihet, etc., à Paris. — MM. Higgins et fils, Mason et Collier,
Stamm, du Haut-Rhin , à l'Exposition universelle de Londres. Ibid,
II. — Addition au S II, concernant les dernières machines à
peigner les matières textiles diverses, à fibres plus ou moins
courtes et mélangées. — Découvertes, brevets ou patentes
de Josué Heilmann, relatifs à ce sujet. — MM. Schlumberger '
et Bourcart; MM. Marshall, Hives etAtkinson, cessionnaires,
à Leeds, etc. — MM. Donisthorpe et Lister à l'Exposition
universelle de Londres et en France 266
III- ET DERNIÈRE SECTION. — machines servant X onir entre
EUX ET AVEC LES TISSUS LES FILS SIMPLES OU COMPOSES 279
Chapitre I". — - Machines à retordre, commettre et tresser, plus
spécialement employées dans la fabrication des cordages. . 281
S F*. — Des plus anciennes tentatives concernant la fabrication
mécanique des cordages. — Lauriaa, Pradhon, Da Per-
ron, etc., en France; Sorocold, Belfour, d'Elseneur, en Dane-
mark; Fothergili, Haddart, Chapman, etc. patentés en An-
gleterre dès la fin du dernier siècle. — Robert Fulton et
Nat. Cutting. brevetés en 1799, à Paris, pour des machines
à rouages planétaires ou epieyeles servant au commettage
des torons , etc -. 283
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550 TABLE GÉNÉRALE
**
S 11. — État et perfectionnements progressifs de la fabrication
mécanique des gros cordages, en France et en Angleterre,
aux époques antérieures à i85i. — Le maître cordier Du-
bout, de Bordeaux, et M. Molard, rapporteur de la Société
d'encouragement de Paris. — Indications, principalement
d'après MM. Dapin (Charles), Vre, ChédeviUe et deMoras,
relatives aux anciens travaux de MM. Loir et Hubert, en
France; William Chapman, Joseph, Haddart et William Nar-
vell, en Angleterre. — La machine à mouvements planétaires
de M. Crawhall, de Newcastle, a l'Exposition universelle de
Londres. soi
S III. — De quelques machines spécialement employées eu
filage ou tirage des fils de caret. — Tentatives diverses de
MM. Boiohoz fils, Hubert, Norvell* Debergne, Buchanan,
MerUé-Lsfevre et Decoster. — Ensemble des machines de la
corderie d'Ingouville, près du Havre 3o&
Additions concernant quelques machines spéciales à com-
mettre et tresser. — Machines A cordonnets exposées à
Londres par MM. Van Mierlo, Darfell, Judkins et Dorey. —
Les anciens métiers à lacets et cordons de MM. Perrault et
Molard, perfectionnés par MM. Doguet et Hervé-Gauthier. —
La machine à fabriquer les drisses de pavillon ou cordes
tressées, par M. Reech; les machines à recouvrir les fils
métalliques et à commettre les cordes mélangées, par
MM. Comitd, Vegni, Flachier, Saaaresse, Leclerc, en, France,
et par MM. Newall, ExaU, À. Smith, Wûson, etc^ en Angle-
terre 317
Chapitre IL — Machines et métiers employés à la fabrication des
tissus pleins à chaînes et trames croisées rectangulairement 3a6
5 Ier. — De quelques anciens métiers à tisser. — Passages de
Virgile, de Pline, d'Ovide, etc., relatifs à ce sujet — Remar-
quables tentatives faites autrefois par l'officier français de
Gennes, par Vaueanson et le manufacturier anglais Gatiside,
de Manchester, pour fabriquer automatiquement les toiles
ou tissus unis à trame et chaîne tendue 3s8
S II. — r Perfectionnement et propagation du métier à tisser
automatiquement les étoffes unies. — Çdmund Cartwright,
Robert Miller, Horrochs, Thomas Johnson, Richard Roberts,
Sharp et Roberts, etc. en Angleterre ; Biard, Despiaa, Vigneron,
Debergue, Rister, Josué Heilmann, etc. en France. — Les
navettes volantes de John Kay, de Despiaa, etc. - — Le casse-
trame du Lyonnais Guigo et de Fasanin^ etc. — MM. Smith,
Chricklon, Maton, Parker, etc. a l'Exposition universelle de
Londres. 336
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DES MATIERES. 551
S III. — Des métiers à la marche ou à la tire servant à tisser
les étoffes figurées ou façonnées. — La petite tire chinoise
et la grande tire lyonnaise : Dangon, Garon, Basile Bouchon,
Falcon et Vaucanson. — Les anciens métiers à cylindres
d'orgue, à cames, bascules de rabat et cassins, des Régnier
et des Poulet, de Nîmes, des Motion, de Kilmarnock, en
Ecosse, etc 346
S I V . — Données rapides concernant la découverte et l'origine
du métier Jacquart : sa première machine brevetée en j 801;
sa visite au Conservatoire des arts et métiers de Paris et son
concours au prix de la Société d'encouragement; ses pré-
tendus mécomptes et ses succès posthumes. «-Perfectionne-
ments essentiels dus an mécanicien Breton, de Lyon. —
Intervention particulière du fabricant Charles Dépouilly, de
Lyon ; son apparition à l'Exposition française de 1 8 1 9 , ainsi
que celle de MM. Camille Béarnais, Jacquart et Breton, de
la même ville , 355
S V. — Propagation du métier Jacquart en Europe , et plus
«spécialement en Angleterre, par MM. Dépouilljr, Stephen
JVdsou et Claude GuiUotte. — Applications et perfectionne-
ments divers par MM. Breton, Gurnier, Belly,Skola, Michel,
Marin, Acklin, Meynier, BoneUL — MM. Barlow, Bonardel et
AckliK à l'Exposition universelle de Londres. 363
S VL — Données historiques relatives aux métiers à chaînes .
et à navettes multiples ou changeantes. — Introduction des
métiers à la barre ou à la surichoise à Saint-Étienne et à
Saint-Cbamoni, d'après M. Philippe Hedde : les rubaniers
Dague, Lascour et Fkchat; l'horloger Aouser, le mécanicien
Burgein et M. Hippolyte Boyet, de Saint-Étienne. — Métiers
a clin, à scie, à crémaillère et à tringles pour rubans mul-
tiples, par MM. Preynat, Peyre, Roéhe, etc. — Origine
de la lanterne et des boites à uavettes changeantes : John et
Robert Kay; M. Smith à l'Exposition de Londres; MM. Louis,
à Nîmes; Culhat et Bank, à Lyon; Peyrel, Oadet, etc., à
Saint-Étienne 373
S VIL — Battants brocheurs employés à la fabrication des ru-
bans et autres tissus façonnés, par MM. Molli*' et Mémo,
Prosper Meynier, Poncet et Bourquin, SeiCè et Conon, Moli-
nard, etc. — Métiers à espolins et roquetins multiples pour
les cachemires, tapis, velours, peluches, etc. MM. Denei-
rouse, Grégoire, Meynier, Hennecart, en France; MM. Wooà
et Reed, en Angleterre. — Antiquité du velours : les Génois
Turquetti et Narris, importateurs à Lyon , d'après M. Borgnis. 383
Chapitre III. — Machines et outils servant à imiter, par procé-
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552 TABLE GÉNÉRALE
dés mécaniques, divers ouvrages ou tissus exécutés à la
main , au crochet, à 1* aiguille et au fuseau 391
S 1". — Machines et mécanismes servant à broder ou à coudre
automatiquement les tissus pleins et unis. — Données histo-
riques relatives aux machines à plongeoir, d'après MM- Pki-
lippe Hedde et John Murphy : les mécaniciens Grégoire, de
. Nîmes; Thimmonier, de Tarare; MM. Gailléet Carrée, fabri-
cants à Saint-Quentin ; Bouré, à Lavergier (Aisne), etc. —
La brodeuse à chariot et pantographe de Josué Heilmami; 1
8 ses infortunes, d'après l'Anglais Gilroy ; tentatives qui Ton t
précédée.— Machines diverses à broder, à piquer et à coudre
par John Carr, Stone et Henderson. — MM. Barthélémy, Thim-
monier et Magnin, Hazard, de Calais, Gigon-CaveUer, de
Mets, etc. en France; WalterHunt et Elias Howe, en Amé-
rique.— MM. Blodget, Judkins, Magnin et Croisât à l'Expo-
sition universelle de Londres 3g3
S IL — Constitution mécanique et origine des métiers à tricot
ou à bas; leur apparition simultanée en Angleterre et en
France, sous Elisabeth et Henri IV. — Efforts de génie que
leur invention suppose ; forme et représentation des enlace-
ments du Gl des tricots , par Vanàermonde et Y Encyclopédie
méthodique. — Admirable disposition des organes du métier;
discussions et réflexions à ce sujet; la pratique et la théorie;
les savants et les hommes d'ateliers. — Manufacture de bas
établie par Jean Hindret, sous Colbert, dans le château de
Madrid , près Paris. — Nîmes , Rouen et Pfottingham, — Propos
attribué à maître François, apothicaire de l'hôtel-Dieu de
Paris; pétition des bonnetiers de Londres à Olivier Crom- i
weil, et autres écrits anglais, relativement modernes, ten-
dant à prouver l'existence d'un William Lee ou Lea comme
inventeur du métier à bas. — Opinions de Savary, Diderot, .
Poppe, Blackner, etc 407
S III. — Additions et perfectionnements apportés à 1 ancien
métier à bas par les mécaniciens anglais et leurs imitateurs
en France. — Origine des mécaniques additionnelles servant
à fabriquer les tricots à côtes .et à jours divers : les Anglais
Jedediah Strait, J. et T. Morris, T. Taylor, Josiak Crâne, \
Richard tfarch, etc. les bonnetiers et mécaniciens français !
Sarrazin, CaiUon, R'wey, Germain, Jolivet, etc. importateurs
ou imitateurs anciens des mécaniciens anglais. — L'Acadé-
mie des sciences , le Conservatoire des arts et métiers et le
mécanicien Bastide, de Paris. — Les métiers et tricots à
mailles coulantes, -à mailles fixes, à jours ou à réseaux diver-
sement brodés et façonnés, au moyen de roues à crans ou
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DES MATIERES. 553
divisions latérales, de cylindres à orgue ou de 1 ancienne
tire. — T. et J. jlforrw, J. et W. Betts, T. et R. Frost,
Tayhr, Brotherston, en Angleterre; Jolivet et Cochet, Jour-
dan, Bonnard, Legrand et Bernard, Coûtait, Derussy, etc. en
France (1801 à 1812) 4ao
S IV. — Des métiers à bas automates ou tricoteurs français,
droits et circulaires. — Suppression des ondes par Moisson.
-—Mobilisation de la grande fonlure d'aiguilles; distribu-
teur automate des fils; roues à ailettes d'abatage, à mani-
velles, cames, balanciers et leviers, servant à la fabrication
de tricots divers, par MM. Dautry et Viardot, Mathis et Boi-
teux, Bellemkre^ Chevrier, Auberi etJandeau, Favreaa, et ThU-
bault, etc. — Métiers à roues mailleuses, presseuses , etc. par
MM. Julien Leroy, Jindrieux, braconnier, Gillet et Coquet, Do*
nine, et autres. — MM. Carter, rVhittoorth, laneuviUe, Clans-
sen ,Jacqain et Berthebt a l'Exposition universelle de Londres. 43s
Chapitre IV. — Machines et métiers à chaîne, spécialement
destinés à la fabrication des tissus réticulés, noués ou diver-
sement ornés, tels que filets, tulles et dentelles 44 t
S V. — Des machines à fabriquer les filets d'ornement et de
pêche. — Anciens mécaniciens qui s'en sont occupés :
Richard March, Peter Brotherston, Horion et Ross, Bar-
ber, etc., en Angleterre; Jacqaart et Baron, en France. —
Apparition de la machine de ce dernier à l'Exposition na-
tionale de 1806; prix proposé par la Société d'encourage-
ment en 1802 et décerné, en i85i, au mécanicien Pec-
ouear; ses métiers à main et automates perfectionnés par
M. Zambeaax 444
S II. — Des métiers lyonnais à chaîne, servant à fabriquer les
tulles à mailles fixes, brochés, brodés, etc. — Origine des
mécaniques à platinettes percées ou barbins conducteurs
des fils de chaîne ; Jedediah Slratt et Richard March, en
Angleterre; Ganlon, Jolivet, Cochet et Perrany, Aubert, en
France. — Mobilité et flexibilité dès platinettes brodeuses :
Robert et Thomas Frost, en Angleterre; MM. Grégoire, a
Nîmes, Calas et Delompnès, George, à Lyon, y appliquent
la jacquart. — Perfectionnement capital du système des
platinettes flexibles, à Lyon, par MM. Descombes, Degabriel,
Manlgot, Dabian, etc. — Métiers à cantres ou can nettes, par
MM. Ducis, Cusset, etc. 45o <
S III. — Revue rapide des plus anciennes patentes anglaises
relatives à la fabrication du tulle sûr des métiers à chaîne
et ensouple (chain-lace, warp frame, etc.) : Richard March,
William Dawson, Samuel Caldwell et John Heathcote, Robert
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55*
TABLE GÉNÉRALE
N*
et John Brown. — Ancien métier Vanâyke. — Origine de ia
bobine à chariot on navette dans les métiers servant à fabri-
quer, imiter la dentelle et antres réseaux noués : le profes-
seur Letnrc et le géomètre Lapiace, les mécaniciens Jacqaart
et Baron, en France; l'historien Blackner et les taliistes
Charles Laey, John Lindlty, John Broun et John Heathcoat,
en Angleterre 46o
Addition relative an métier imaginé en 1 776 par le profes-
seur Leturc, et servant à fabriquer mécaniquement la den-
telle au moyen de bobines diversement mobiles. 467
S IV. — Exameu spécial des plus anciennes patentes anglaises
relatives à l'invention des métiers à tnlle-bobin, imitant le
vrai réseau de dentelle. — Première et infructueuse tenta-
tive par John Heathcoat, de Longborough, en 1808. — Sa
seconde, obscure et fondamentale patente de 1809, ou M
trouvent indiqués des grilles circulaires de guide à plati-
nottes interrompues, 4es navettes à double circulation et le
principe de convergence centrale ou supérieure de tous les
fils, etc. — Erreurs d'Andrew Ure et d'autres à ce sujet :
Morley, Mort et Clark, Louer, Stevenson , Bralejr, Hervejr, etc.
— Définition du vrai réseau de dentelle , par Charles SUces-
ter, de Derby, dans une patente envisagée comme défi ou
provocation 47 ■
S V. — Suite de l'examen des pins anciennes patentes anglaises
relatives aux métiers à tutle-bobin. — Système automatique
de Charles Lacy et de John Lindley, h grilles circulaires
fixes, à navettes traversières perfectionnées et roquets en-
souples de ebaine circulante (1816). — Nouvelle patente
délivrée à John Heathcoat, en 1816, pour un métier à main
et à marches , fabriquant et brodant simultanément le tulle-
bobin, au moyen de barres latérales de guide, de roues à
crans et à rosettes 479
S VI. — Exposé succinct des principaux changements ou per-
fectionnements apportés aux métiers à tulle-bobin, à partir
de 1816. — John Heathcoat, breveté, domicilié en France
(1 820) et y établissant ses deux systèmes de métiers h fabri-
quer le tulle uni ou brodé. — Arrivée antérieure du méca-
nicien Cuits en France (1817); sonessociation avec MM. Tko-
massin, Corhitt et Blahs, à Douai; leur procès avec les
Anglais Bonningion, Webster et Clarke, de Calais; perte du
brevet d'importation de Catts et de toute indication relative
aux machines importées, -r- La Constituante et les anciens
Parlements anglais. — MM. Chauvel-Joua et John Leavers, an
Gnmd-Couronne, près Rouen; le vrai Levers (Jean), fabri-
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DES MATIERES. 555
P«gM.
cant, patenté dès i8a8, pour ses métiers à tulle, en Angle-
terre 487
S VII. — Éclaircissements concernant les travaux mécaniques
des célèbres ingénieurs John Levers, William Crofls, John
Heathcoat, etc., à propos d'écrits erronés divers. — La no-
tice de M. Armengaud sur les métiers à tuile-bobin , a propos
de celui de M. Éeenan, de Paris. — MM. Draper, Wright,
Hind et Jourdan, ChampaUier, etc. auteurs supposés de l'ap-
plication des cartons jacquart aux métiers à tuile-bobin. —
MM. Birkin, Bail et Dunnicliff, Setoell, Barton, Hudson et
Bottom, représentant les fabricants anglais de métiers à
tulle, à l'Exposition de Londres ; M. Martin, de Saint-Pi erre-
lez-Calais, représentant ceux de la France 494
Récompenses accordées aux exposants de la VI* classe à l'Exposition
universelle de Londres - 5o4
Table alphabétique des noms d'auteurs, inventeurs, mécaniciens,
exposants, etc. première partie S07
Seconde partie 5ao
FIN DE LA TABLE GENERALE DES MATIERES.
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