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Full text of "Rapport sur les machines et outils employés dans les manufactures"

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RAPPORT 
L£       MACHINES  ET 

r*r? 

PONCE 

PARTIE 


PARIS. 

IUMEIUË    ÏMPËI 


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RAPPORT 

SUR 

LES  MACHINES  ET  OUTILS 

EMPLOYÉS  DANS  LES   MANUFACTURES. 


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RAPPORT     fa^jf 


SUR 

LES  MACHINES  ET  OUTILS 

EMPLOYÉS  DANS  LES  MANUFACTURES, 

FAIT 

ê 

A  LA  COMMISSION  FRANÇAISE 

DU  JURY  INTERNATIONAL 

DE    L'EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE-LONDRES 

PAR  M.  LE  G"  PONCELET, 

MEMBM  M  L'INSTITUT. 

DEUXIÈME    PARTIE 

RELATIVE  AUX  MATIERES  TEXTILES. 


PARIS. 
IMPRIMERIE   IMPÉRIALE. 


M  DCCC  LVII. 


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SECONDE  PARTIE 

COMT Un  AIT 

LES  MACHINES  ET  OUTILS 

»riciALSMIXT  IMPLOTit 

A  LA  FABRICATION  DES  MATIÈRES  TEXTILES. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES, 

■MTOlIQUlt  1T   ClITlQtlIS, 

PRINCIPALEMENT  RELATIVES  A  LA  FILATURE  MECANIQUE  DB  LA  LAINE 
ET  DU  COTON. 


Antiquité ,  propagation  et  progrès  mécaniques  des  arts  textiles. — Le  rouet  a 
pédale  et  à  bobine ,  considéré  comme  type  des  métiers  continus  à  filer, 
avec  ou  sans  adjonction  de  cylindres  étireurs  et  lamineurs  :  Paul-Louis, 
Vaacanson,  Arkwright  et  John  Kajr,  Ph.  de  Girard,  Houldsworth.  —  Le 
rouet  à  fuseau  et  les  métiers  discontinus  ou  à  aiguillées  alternatives  : 
Hargreaves,  Crompton,'  Kelly,  Jough,  Roberts.  —  Systèmes  cardeurs  et 
peigneurS,  boudineurs,  rouleurs  et  Trotteurs,  étireurs,  mélangeurs,  réu- 
nisseurs  ou  alimentaires  :  Paul-Louis,  Robert  Peel,  Arkwright,  Edmand 
Carlwright,  Dobo,  John  Collier,  Bodmer,  Heibnann,  etc.  —  MM.  Hibbert 
et  Plaît,  Sharp  frères  ,  Higgins ,  Mason  et  Collier,  Stamm,  Mercier, 
RisUr,  etc.,  à  f Exposition  universelle  de  Londres. 

Nous  voici  enfin  parvenus  à  ces  immenses  et  fécondes  bran- 
ches d'industries  qui  datent,  comme  quelques  autres  déjà 
mentionnées  dans  la  première  Partie,  de  l'origine  même  des 
sociétés,  c'est-à-dire  de  l'époque  où  l'homme,  à  demi  sauvage, 
à  demi  civilisé,  cessa  de  se  revêtir  exclusivement  de  la  peau 
des  animaux  qu'il  avait  tués  pour  y  substituer  les  produits  ob- 
tenus des  fibres  naturelles,  filées  et  tissées  de  ses  propres  mains, 
au  moyen  de  procédés  en  apparence  excessivement  simples, 
mais,  au  fond,  tous  fort  ingénieux,  et  dont  les  heureuses 
combinaisons  mécaniques  ou  géométriques  font  aujourd'hui 
encore  l'objet  de  notre  admiration.  Ces  bienfaisantes  indus- 
tries ,  dont  le  perfectionnement ,  le  développement  prodigieux, 
constituent,  à  notre  époque,  le  plus  solide  fondement  de  la 

Tl*  JURT.  —  2*  PARTIE.  i 


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2  VP  JURY. 

fortune  et  de  la  puissance  des  nations  occidentales,  ne  sont, 
comme  on  sait,  qu'une  imitation,  une  pure  émanation  des 
similaires,  antiques  et  splendides  industries  de  l'Orient,  taon 
encore  surpassées,  égalées  même  pour  la  finesse  dos  plus 
riches  tissus,  la  beauté  ,.la  solidité  des  couleurs  et  l'art  intelli- 
gent avec  lequel  les  plus  fins  débris  des  matières  textiles  son  t 
réunis  et  tordus  en  fils  pour  constituer  la  chaîne  et  la  trame 
des  étoffes ,  par  leurs  croisements  réciproques,  variés  à  l'in- 
fini,  suivant  des  lois  mathématiques  ou  artistiques.  On  sait 
aussi  que  ces  admirables  industries,  source  principale  et  pri- 
mitive de  la  richesse  et  de  la  civilisation  dans  llndo-Perse,  n'y 
sont  entretenues  depuis  tant  de  siècles  que  par  les  forces 
accumulées,  la  lente,  pénible  et  incessante  collaboration  m*v- 
nuelle  d'une  exubérante  population  d'esclaves  et  de  parias , 
dont  la  patience,  l'indolence  et  l'extrême  sobriété,  égalant  la 
misère,  servent  de  prétexte  ou, d'excuse  à  une  insignifiante 
rémunération,  accordée,  il  est  vrai,  à  un  travail  purement 
machinal  et  dont  la  monotone  répétition  met  rarement  en 
exercice  les  facultés  de  l'esprit  et  de  l'imagination. 

Ce  sont  pourtant  ces  mêmes  fabrications,  appuyées  sur  des 
agents  mécaniques  relativement  grossiers  et  imparfaits,  tels 
qu'en  exigent  le  tors ,  l'étirage  et  l'enroulement  régulier  des  fils 
dans  les  antiques  rouets  ou  fuseaux,  leurs  levées  et  abaisse- 
ments périodiques  dans  la  chaîne  des  métiers  à  tisser,  le  lancé 
de  la  navette  à  bobine  porte-trame,  etc.,  ce  sont,  dis-je,  ces 
moyens  primitifs  et  simples,  mais  ingénieusement  combinés, 
qui  transmis,  propagés  lentement  au  travers  des  espaces  et 
des  siècles,  de  l'Asie  à  l'Europe  méridionale ,  puis  du  nord  de 
l'Europe  aux  Etats-Unis  d'Amérique,  sont  venus,  à  des  épo- 
ques diverses,  en  chasser  la  barbarie  et  les  ténèbres,  y  ré- 
paqdre,  avec  le  luxe  oriental,  l'aisance  et  le  bien-être  insépa- 
rables de  toute  civilisation.  Or,  ces  précieux  avantages  sont  ici 
d'autant  plus  dignes  de  l'intérêt  des  philosophes  et  delà  solli- 
citude des  gouvernements ,  qu'ils  sont  obtenus  par  un  travail 
plus  libre,  moins  énervant  et  fondé  sur  le  rapide  développe- 
ment des  procédés  mécaniques  ou  automatiques,  à  leur  tour, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  3 

créés,  propagés  sous  l'empire  et  l'énergique  impulsion  de» 
idées  morales  ou  scientifiques  modernes,  idées  endormies 
depuis  tant  de  siècles  dans  l'Inde  stationnaire  ou  dégénérée. 

Toutefois ,  il  ne  faut  pas  se  faire  trop  d'illusions  à  cet  égard  : 
la  multiplication  des  fruits  du  travail  pour  une  même  dé- 
pense de  temps  ou  de  force  motrice ,  la  suppression ,  pour  ainsi 
dire,  entière  de  la  fatigue  corporelle,  enfin  la  simplification 
graduelle,  incessante,  des  organes  de  machines  servant  à  la 
production  automatique  de  certaines  combinaisons  de  mou- 
vements propres  à  atteindre  un  but  et  des  effets  déterminés; 
en  d'autres  termes ,  l'abaissement  du  prix  de  revient  et  l'accrois- 
sement du  bénéfice,  telle  est,  si  l'on  en  excepte  les  productions 
de  quelques  génies  rares,  désintéressés  et  plus  amoureux  de  re- 
nommée que  de  fortune,  telle  est,  il  faut  bien  le  reconnaître, 
plus  encore  peut-être  que  pour  les  autres  spécialités,  la  ten- 
dance des  esprits  dans  cette  vaste  et  importante  branche  des 
arts  qui  concerne  la  transformation  des  matières  textiles  et 
leur  appropriation  aux  besoins  de  la  société;  et  c'est,  à  vrai 
dire ,  qu'on  me  permette  ici  d'en  faire  la  remarque ,  c'est  dans 
le  perfectionnement,  l'accroissement  graduel,  lent,  mais  in- 
cessant et  pour  ainsi  dire  indéfini  des  découvertes,  des  idées 
chimiques,  physiques,  mécaniques,  géométriques  ou  mathé- 
matiques, appliquées  ou  non  à  la  satisfaction  de  nos  besoins, 
que  réside  la  perfectibilité  de  la  race  humaine,  plus  encore 
que  dans  le  prétendu  progrès  des  idées  morales,  philosophi- 
ques et  artistiques,  dont  l'antiquité  nous  a  légué  des  exemples 
ou  des  modèles  non  encore  surpassés  de  nos  jours.  En  un 
mot,  nous  égalons  à  peine  les  anciens  dans  les  productions 
qui  se  rattachent  à  l'esprit  et  au  jugement,  au  goût  et  à  l'ima- 
gination ;  mais  nous  les  surpassons  de  beaucoup  en  tout  ce 
qui  touche  à  la  multiplication ,  h  la  vulgarisation  et  à  la  re- 
production rapide,  économique,  des  objets  de  consommation 
ou  de  jouissances  matérielles,  artistiques  et  intellectuelles. 

On  ne  saurait  se  faire  une  idée  exacte,  consciencieuse  et 
tant  soit  peu  rationnelle  du  progrès  des  idées  mécaniques  dans 
une  branche  d'industrie  quelconque,  sans  remonter  aux  élé- 


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k  VP  JURY. 

mente  qui  ont  réellement  servi  de  point  de  départ  aux  plus 
récentes  découvertes  et  qui  en  renferment,  pour  ainsi  dire,  le 
germe,  le  principe,  ou  tout  au  moins  le  sentiment  théorique» 
Des  noms  de  machines  et  d'inventeurs,  des  évaluations  de 
produits,  des  citationsmême  de  dates  ou  d'écrits,  quelque  exacte 
qu'on  les  suppose,  ne  constitueront  jamais  l'histoire  des  pro- 
grès mécaniques,  comme  on  a  pu  déjà  s'en  apercevoir  dans^ 
la  première  partie  de  ce  Rapport.  Cette  observation  est  surtout 
applicable  à  l'ensemble  des  mécanismes  ou  outils  par  lesquels 
on  est  parvenu,  dans  ces  derniers  temps,  à  réduire  en  fils 
plus  ou  moins  déliés,  les  différentes  matières  textiles  sans  le 
secours,  pour  ainsi  dire,  de  l'intelligence  humaine,  et  c'est 
pourquoi  je  pense  faire  une  chose  utile  en  insistant  un  peu 
sur  ce  point  de  vue  spécial  dans  ces  préliminaires. 

Les  transformations  que  l'on  fait  subir  aux  diverses  matières 
textiles  consistent  principalement,  comme  on  sait:  i°  en  pré- 
parations préalables  ou  premières  pour  amener  la  matière  brute 
ou  naturelle  à  l'état  qui  permet  aux  machines  de  la  réduire 
en  fils  de  diverses  formes  et  grosseurs;  2°  dans  les  différents 
genres  de  filatures  en  gros  et  en  fin  ;  3°  dans  le  tissage  des  fils 
en  étoffes  plus  ou  moins  compliquées  ou  riches  ;  4°  enfin ,  dans 
les  apprêts  divers  que  l'on  fait  subir  à  ces  étofTes,  tels  que 
blanchissage,  décreusage,  foulage  ou  feutrage ,  peignage,  lus- 
trage, calandrage,  teinture ,  impression,  etc.  Les  deuxième  et 
troisième  transformations  sont  celles  qui  ont  acquis  le  plus 
de  développement,  de  perfectionnement  et  de  régularité  au 
point  de  vue  automatique  ou  mécanique,  parce  que  les  ques- 
tions diverses  qu'elles  présentent  pouvaient  être  soumises,  eu 
quelque  sorte ,  à  l'empire  de  la  géométrie  et  du  calcul.  Le  dévi- 
dage des  cocons  de  soie,  le  teillage  et  le  peignage  du  lin  et  du 
chanvre ,  l'épuration,  le  lavage  et  le  cardage  de  la  laine ,  dû  co- 
ton, des étoupes,  bourres, Mousses  ou  résidus  divers,  ceux  nlêmes 
des  matières  les  plus  belles  et  les  plus  fines,  laissent  encore  à 
désirer,  malgré  les  progrès  récents  que  ces  branches  de  fabrica- 
tion ont  faits  aupoint  de  vue  mécanique.  La  raison  en  paraîtra 
toute  simple,  si  l'on  réfléchit  à  la  diversité  de  textures  et  de 


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MACHINES  ET  OUTILS.  ,5 

qualités  naturelles  des  filaments  radimentaires  de  chaque 
substance*  à  l'imperfection ,  à  la  grossièreté,  pour  ainsi  dire, 
des  moyens  mis  en  usage  dans  la  production ,  la  cueille  ou  la 
récolte,  ainsi  qu'à  la  nécessité  de  faire  intervenir  dans  leurs 
préparations  premières,  des  procédés  chimiques  ou  physiques 
de  nature  variable  avec  l'espèce,  et  qui  permettent  de  les  li- 
vrer dans  les  conditions  les  plus  favorables  à  l'action  ultérieure 
des  machines  et  outils. 

Cette  observation  s'étend  d'ailleurs  à  toutes  les  fabrications 
où  la  mécanique  n'intervient  que  comme  l'auxiliaire  des  ma- 
nipulations, et  qui,  se  trouvant  soumises  à  diverses  conditions 
physiques  étrangères,  ne  peuvent  se  ramener  à  des  mouve- 
ments ou  solutions  en  quelque  sorte  géométriques. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  incontestable  qu'ici,  mieux  en- 
core peut-être  que  dans  les  autres  branches  d'industrie ,  les 
plus  anciens  procédés  manuels  de  fabrication,'  les  plus  anciens 
outils,  ont  servi  de  point  de  départ  et  souvent  de  modèles  aux 
plus  récentes  découvertes  ou  aux  plus  parfaites  machines  que 
nous  possédions;  de  sorte  qu'il  est  permis  d'affirmer  que  les 
ingénieuses  et  savantes  solutions  qu'on  y  admire  avec  tant  de 
raison  sont  aussi  les  plus  anciennes  et  les  plus  importantes 
sous  le  rapport  du  génie  et  de  l'invention  :  la  gloire  des  mo- 
dernes ayant  principalement  consisté  non  à  les  copier  ou 
imiter  servilement,  mais  bien ,  je  le  répète,  à  en-perfectionner, 
à  en  multiplier  les  effets,  à  les  automatiser,  pour  ainsi  dire, 
de  plus  en  plus,  de  manière  à  épargner  la  fatigue  et  la  main- 
d'œuvre,  tout  en  produisant  une  économie  de  temps  et  de 
matières  premières  de  plus  en  plus  appréciable.  U  est,  en 
outre,  résulté  du  perfectionnement  progressif  des  procédés 
mécaniques,  que  l'on  est  parvenu  à  un  plus  grand  degré  de 
régularité ,  de  symétrie  et  de  perfection  dans  la  qualité  et  la 
forme  des  produits  ;  perfection  à  laquelle  on  n'avait ,  pour  ainsi 
dire,  pas  songé  d'abord,  que  l'on  ne  s'était  pas  réellement  pro- 
posée pour  but  final ,  mais  qui  se  trouve  naturellement  et  plus 
particulièrement  limitée  aux  objets  susceptibles  d'une  défi- 
nition géométrique  précise,  en  dehors  desquels  il  serait  peut- 


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6  \T  JURY. 

être  superflu ,  sinon  puéril,  de  rechercher  une  rigoureuse  imi- 
tadon  de  la  natuïe  ou  des  œuvres  plus  spécialement  réservées 
au  domaine  des  beaux-arts. 

Les  cardes  plates  à  dents  crochues  et  à  manche  dont  se 
servent  aujourd'hui  encore  les  matelassiers;  les  peignes  et 
serans  à 'dents  droites  -et  longues  employés  dans  la  prépara- 
tion de  la  laine  et  du  chanvre;  le  fuseau  ou  broche  en  fer  à 
crochet  librement  suspendue  et  pirouettant  sous  les  doigts  de 
la  fileuse  pour  tordre  et  renvider  alternativement  les  61s  sous  la 
forme  d'un  double  cône;  le  tour  ou  rouet  à  manivelle  et  grande 
roue  à  cordon  sans  fin  faisant  tourner  pareillement,  à  inter- 
valles réguliers  et  dans  des  sens  contraires,  la  broche  horizon- 
tale qui  porte  la  laine  ou  le  coton  filés  ;  enfin  le  rouet  commun 
des  fileuses  de  lin ,  à  pédale ,  à  broche  conique  percée  d'un 
œil  au  gros  bout  pour  le  passage  du  fil  et  traversant  une  bobine 
en  bois,  munie  à  ses  extrémités  d'oreilles  cylindriques,  tour, 
rouet  au  contraire  essentiellement  doué  d'un  mouvement  con- 
tinu :  ces  ingénieux  outils,  dis -je,  le  dernier  surtout,  d'une 
date  relativement  moderne 1,  sont  des  inventions  dignes  d'ad- 
miration et  d'une  étude  sérieuse,  réfléchie,  quoique  beaucoup 
trop  négligée  de  nos  jours. 

Dans  le  rouet  à  pédale,  en  effet,  qui  constitue  une  ma- 
chine véritable,  dont  nous  avons  déjà  cité  le  volant  régulateur 


1  Nous  avons  vu,  p.  10  (!"•  Partie) ,  que  certains  auteurs  allemands  attri- 
buent la  découverte  du  rouet  à  filer  le  lin ,  tantôt  à  un  ecclésiastique  du  pays , 
ce  qui  certes  n'a  rien  qui  répugne;  tantôt  à  un  séculier;  et  tel  est,  en  eflet, 
le  témoignage  affirmatif  de  Poppe  [Geschichte  der  Technologie;  Gœttingen> 
i8o5,  t.  I**,  p.  270),  prétendant  que  cette  invention  a  été  faite,  en  i53o, 
par  un  nommé  Burgens,  de  Wattenmuttel ,  près  Brunswick.  Mais ,  je  le  redis 
à  dessein,  comme  on  ne  nous  fait  connaître  ni  les  antécédents  de  chaque 
découverte,  ni  les  dispositions  spéciales,  caractéristiques  et  propres  à  en 
préciser  la  valeur  relative  ou  l'origine  plausible,  il  devient  permis  de  sup- 
poser qu'il  en  est  ici  de  ces  prétentions  absolues  comme  de  celles  qui  con- 
cernent l'invention  de  beaucoup  d'autres  importantes  machines,  dues  au 
progrès  lent  des  arts  mécaniques,  et  dont  plusieurs  pays  s'attribuent  à  la 
fois,  mais  à  tort,  et  très-souvent  par  pure  ignorance,  le  mérite  à  peu  près 
exclusif. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  7 

et  le  mécanisme  servant  à  transformer  directement  le  mou- 
vement oscillatoire  de  la  pédale  en  un  mouvement  rotatif 
continu  de  la  broche  et  de  la  bobine ,  on  remarque  en  outre, 
d'une  part ,  la  disposition  extrêmement  ingénieuse  du  cordon 
sans  fin,  à  deux  branches  inégales  ouà  mouvement  différentiel, 
par  laquelle  des  vitesses  de  600  à  800  tours  à  la  minute 
sont  transmises  simultanément  à  la  broche  et  h  la  bobine, 
tout  en  maintenant  entre  ces  vitesses  absolues  une  différence 
ou  vitesse  relative  aussi  petite  que  le  réclament  et  le  tirage 
de  la  filasse  hors  de  la  quenouille  et  le  très-lent  enroulement 
autour  de  la  bobine  du  fil  qui  en  résulte,-  et  dont  la  torsion 
continuelle  est,  à  son  tour,  réglée  par  la  vitesse  rotative  même 
de  la  broche  à  ailettes  et  épingliers  ou  crochets  servant  à  diriger 
rectangulairement  ce  même  fil  sur  là  bobine;  d'autre  part, . 
le  chariot  à  poupées  verticales  porte-broche,  glissant  horizon- 
talement le  long  des  jumelles  supérieures  de  la  petite  machine, 
et  que  conduit  parallèlement,  à  l'instar  de  ce  qui  a  été  pra- 
tiqué postérieurement  dans  de  grands  tours,  une  vis  centrale 
extrême,  servant  à  régler  la  tension  du  cordon  sans  fin  mo- 
teur, d'après  l'état  hygrométrique  de  l'atmosphère  et  le  gros- 
sissement progressif  de  la  bobine,  grossissement  qui  tend  à 
produire  ^tn  surcroît  correspondant  du  tirage  du  fil,  en  partie 
corrigé  cependant  par  le  glissement  relatif  de  ces  mêmes  cor- 
dons  sur  leurs  poulies  motrices  respectives. 

Supposez,  enfin,  que  le  pied  de  la  fileuse  soit  remplacé 
par  un  moteur  quelconque;  que  l'épinglier,  l'ailette  à  crochets, 
le  soit  aussi  par  un  mécanisme  qui  permette  au  fil  de  s'en* 
rouler  d'un  mouvement  de  va-et-vient  spontané  sur  la  bobine 
devenue  verticale  ainsi  que  la  broche ,  etc.  ;  que  le  rapport  de  la 
vitesse  de  l'enroulement  ou  de  l'étirage  du  fil  à  la  torsion  soit 
rendu  indépendant  du  grossissement  delà  bobine;  qu'enfin, 
les  doigts  de  la  fileuse ,  qui  produisent  et  règlent  l'étirage  des 
fibres  dans  la  masse  de  la  quenouille,  soient  remplacés.encore 
py  une  succession  de  mécanismes  rangeant  ces  fibres  les  unes 
à  côté  des  autres  parallèlement,  et  les  étirant  de  quantités 
proportionnelles  convenablement  allongées  ou  tordues,  et 


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8       *  vr  JURY. 

l'on  aura  une  idée  générale,  sinon  exacte  et  complète ,  des 
conditions  auxquelles  devrait  être  assujettie  une  machine  à 
filer  automate,  et,  par  la  répétition  des  mêmes  effets  appli- 
quée à  un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  fils  ou  de  broches, 
Tidée  des  métiers  dits  continu,  banc  à  broches1,  selon  qu'il  s'a- 
git de  fils  très-fins  ou  de  gros  fils  nommés  mèches  de  prépara- 
tion; machines  fort  analogues  à  celles  qui  existent  aujourd'hui 
dans  toutes  les  grandes  filatures,  et  telles,  notamment,  qu'il 

1  Le  banc  à  double  rang  de  broches  munies  d'ailettes  en  fer  à  cheval ,  à 
branches  renversées ,  pleines  ou  creuses ,  pour  le  passage  du  gros  fil  de  co- 
ton, équilibrées  sur  elles-mêmes,  tournant  avec  leurs  broches  et  munies  de 
compresseurs  à  ressorts  pour  serrer  le  fil  sur  les  bobines,  etc.,  cette  ma- 
chine ,  aujourd'hui  si  parfaite  et  si  compliquée ,  la  dernière  en  quelque  sorte 
que  la  France  ait  empruntée  à  1* Angleterre  pour  la  filature  du  coton  (1824  a 
1826),  diffère  principalement,  comme  on  sait,  de  la  continue  ordinaire 
par  l'application  du  cône  différentiel  à  courroie  sans  fin  et  du  tambour  à 
rouages  planétaires  ralentisseurs,  dont  l'ingénieuse  conception,  due  à  Henry 
Houlds worth ,  de  Manchester,  a  reçu  depuis  divers  perfectionnements 
ayant  tous  pour  but  d'assurer  la  régularité  du  tors  et  de  l'enroulement  du 
fil  sur  les  bobines;  problème  délicat  dont  (voyez  la  Section  ci-après)  Vau- 
canson  s'était  aussi  occupé,  dès  1750,  dans  des  moulins  à  tordre  la  soie,  oà 
pour  la  première  fois  on  vit  les  broches  à  bobines  des  anciens  moulins  pié- 
montais  rangées  les  unes  à  côté  des  autres,  dans  des  plans  verticaux  paral- 
lèles; disposition  beaucoup  plus  tard  appliquée  aux  machines  anglaises  au- 
tomates à  tordre  le  cotdn,  connues  sous  le  nom  de  water-twist  et  de  throstle 
(continue).  Ces  dernières  machines,  attribuées  originairement  à  Richard 
Arkwright  (1769),  introduites  en  France  dans  l'intervalle  de  1790  à  1795  par 
Ch.  Albert,  au  prix  de  cinq  années  de  détention  dans  le  château  de  Lan- 
% castre,  différaient  principalement  des  anciens  moulins  à  tordre  par  l'ad- 
dition de  deux  ou  plusieurs  couples  de  petits  cylindres  lamineurs  ou  ali- 
mentaires placés  vers  le  haut  du  métier,  parallèlement  entre  eux,  mar- 
chant de  même  sens  en  vertu  du  mécanisme  à  poulies  de  renvoi  de  la 
machine,  qui  leur  imprimait  des  vitesses  croissantes  d'un  couple  au  suivant, 
de  façon  que  la  mèche  ou  bande  de  coton ,  avant  d'arriver  aux  broches  tour- 
nantes ,  se  trouvait  progressivement  étirée ,  allongée  sous  des  pressions  va- 
riables à  volonté ,  au  moyen  de  petites  bascules  à  poids ,  etc. ,  déjà  employées 
dans  la  calandre  de  Vaucanson  (Section  III,  chap.  1"). 

L'étirage  automatique  des  fibres  du  coton  et  de  la  laine  par  cylindres 
lamineurs  qui  remplacent  ici  la  main  de  la  fileuse  et  sont  appliqués  à  de 
longues  mèches  préalablement  enroulées  sur  de  grosses  bobines  de  prépa- 
ration, cet  étirage  constitue,  en  réalité,  une  grande  et  heureuse  innovation 


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MACHINES  ET  OUTILS.  9 

en  a  été  présenté  à  l'Exposition  universelle  de  Londres ,  par 
MM.Hibbert  et  Platt,  Pair  et  Curtis,  Higgins,  Mason  et  Col- 
lier, pour  l'Angleterre,  et  par  M.  Stamm  père,  de  la  ville  de 
Thann  (Haut-Rhin)  ,pourlaFrance;  machines  plus  particulière- 
ment destinées  au  filage  du  coton,  mais  qui,  sauf  quelques 
détails  de  construction  ingénieux,  n'offraient,  pour  ainsi  dire, 
rien  qu'on  ne  connût  déjà  parfaitement  avant  leur  arrivée  à 
cette  Exposition,  si  ce  n'est  peut  être  la  nouvelle  disposition 

désormais  mise  à  profit  dans  toutes  les  machines  à  filer  la  laine  et  le  coton  ; 
mais  c'est  par  un  sentiment  de  partialité  vraiment  inconcevable  que  Ton  a 
prétendu  en  ravir  l'heureuse  et  féconde  idée  à  Paul-Louis,  filateur  à  South- 
ampton,  quoique  étranger  à  l'Angleterre,  et  dont,  en  effet,  la  patente,  du 
34  juin  1738,  est  fort  explicite  à  cet  égard,  pour  en  gratifier  son  associé 
Wyatt,  négociant  à  Londres,  lequel  na  figuré  que  comme  simple  témoin 
dans  l'acte  de  délivrance  (Histoire  anglaise  des  manufactures  de  coton,  par 
IL  Baines,  p.  120  et  suiv.).  À  la  vérité,  dans  une  patente  subséquente  du 
29  juin  1758,  dont  le  dessin  est  rapporté  à  la  p.  139  de  cette  histoire,  et  où 
ne  figure  plus  le  nom  de  Wyatt  comme  témoin,  Paul-Louis  semble  avoir 
renoncé  à  son  principe  d'étirage  pour  l'établissement  d'une  machine  a 
simples  couples  de  grands  rouleaux  presseurs  et  porte-mèches  alimentaires 
mis  en  présence  d'une  série  de  longues  broches  verticales  à  ailettes  ren- 
versées, rangées  circulairement  autour  d'un  arbre  commun  moteur,  égale- 
ment vertical,  et  communiquant  par  engrenage  la  rotation  aux  divers  rou- 
leaux et  bobines.  Mais  ce  fait  tendrait  simplement  à  prouver,  d'une  part , 
la  difficulté  d'appliquer  le 'principe  des  cylindres  étireurs  parallèles,  à  la 
forme  circulaire  de  la  machine ,  empruntée  aux  moulins  ronds  du  Piémont  ou 
de  Derby  pour  forgansinage  de  la  soie ,  les  seuls  qui  en  Angleterre  mar- 
chaient alors  automatiquement,  à  manège  ou  à  eau;  d'autre  part,  l'igno- 
rance où  Ton  était  encore  des  moyens  d'obtenir,  automatiquement  aussi ,  des 
rubans  continus  à  l'aide  des  cardes  cylindriques  à  chapeaux  renversés  ou 
inférieurs,  dont  Paul  fut  également  le  premier  inventeur,  comme  le  montre 
sa  deuxième  patente  du  3o  août  1748,  ayant  principalement  pour  objet  la 
formation  de  bandes  ou  nappes  continues,  enroulées  en  spirales,  sur  de 
grands  et  étroits  rouleaux  à  rebords,  d'après  un  système  bientôt  abandonné 
par  ses  successeurs,  mais  auquel  on  est  revenu  dans  ces  derniens  temps 
avec  un  très-grand  avantage. 

«  Que  le  principe  de  l'étirage  aux  cylindres  ait  été  transmis  à  Arkwright 
par  l'horloger  Kay,  devenu  son  constructeur  vers  1666  ou  1667;  que  ce 
dernier  l'ait  reçu  auparavant  d'un  autre  intelligent  mais  infortuné  filateur 
du  nom  de  Highs,  ce  n'est  pas  là  ce  qui  importe,  et  il  faut  seulement  consi- 
dérer que  quand  Arkwright  en  indiqua,  dans  sa  première  patente  de  1769, 


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10  VI'  JURY. 

des  broches  à  engrenages  de  M.  Stamm  et  la  suppression. en- 
tière des  ailettes  à  deux  branches,  opérée  dans  des  continues 
de  MM.  Sharp,  d'après  un  principe  émané  de  l'Amérique,  et 
selon  lequel  la  mèche,  en  sortant  de  l'œil  de  la  broche,  s'en 
écarte  d'abord  en  vertu  de  l'action  centrifuge ,  pour  s'ei*  rap- 
procher et  s'enrouler  bientôt  sur  la  bobine ,  où  elle  est  ramenée 
par  un  anneau  poli  tournant  avec  cette  broche. 

Pour  arriver  à  d'aussi  admirables  et  parfaits  résultats,  il  a 
fallu  près  d'un  siècle  de  persévérants  efforts  et  le  concours 
d'un  grand  jiombre  d'intelligences  d'élite,  parmi  lesquelles  je 
dois  me  borner  ici  à  citer  Paul-Louis,  Vaucansoh,  Richard 
Arkwright  et  John  Kay,  Philippe  de  Girard,  Henry  Houlds- 
vvorth,dont  les  titres  à  la  priorité  d'initiative  ou  d'invention 
sont  d'une  authenticité  à  l'abri  de  toute  contestation.  Mais , 
comme  on  le  sait,  la  difficulté  pour  atteindre  ces  mêmes  ré- 
sultats n'a  pas  tant  consisté  dans  la  savante  combinaison  des 
rouages,  que  dans  la  conception  même  de  procédés  automa- 
tiques propres  à  remplacer,  dans  chaque  cas,  l'action  intel- 


l'application  au  métier  continu  à  manège,  dont  les  quatre  broches  verti- 
cales à  ailettes  et  épingliers  rangés  en  ligne  droite,  et  mises  en  mouvement 
par  un  tambour  horizontal  à  courroie  sans  fin  à  laquelle,  comme  nous  le 
verrons  dans  la  Section  suivante,  Vaucanson  avait  déjà  tenté,  pour  un  cas 
analogue,  de  substituer  la  chaîne  qui  porte  son  nom,  cette  application  était 
devenue  beaucoup  moins  difficile  que  pour  la  machine  circulaire  à  qua- . 
rante  broches  de  Paul-Louis.  Pourtant,  il  s'en  faut  que  la  petite  machine 
d' Arkwright  fût  née  viable ,  comme  l'attestent  les  épingliers  mêmes  adaptés 
aux  branches  pendantes  des  ailettes  ;  il  s'écoula  encore  bien  des  années  avant 
qu'elle  pût  rendre  d'utiles  services  à  la  fabrication  des  fils  de  chaîne,  forts, 
auxquels  elle  était  spécialement  destinée;  ce  qui  note  absolument  rien  à 
l'honneur  que  ce  célèbre  et  richissime  filateur  s'est  acquis  en  appropriant 
de  la  manière  la  plus  heureuse  le  principe  des  étirages  par  cylindres  à  di- 
verses autres  machines  de  préparation ,  tout  au  moins  perfectionnées  par  lui, 
et  pour  la  première  fois  construites  en  métal  dans  les  organes  essentiels ,  par 
John  Kay,  sous  son  énergique  et  persévérante  impulsion;  mais,  comme  on 
le  verra  plus  au  long  dans  lune  des  Sections  ci-après,  le  principe  .décou- 
vert par  Paul-Louis  n'était  point,  aussi  facilement  applicable  à  l'étirage  de  la 
longue  et  rebelle  filasse  du  chanvre  ou  du  lin,  et  il  a  fallu  à  Philippe  de 
Girard  d'autres  efforts,  d'autres  inspirations,  pour  y  réussir. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  11 

ligente  des  mains  de  la  fileuse  employée  à  extraire,  ranger, 
choisir  et  démêler,  en  quelque  sorte  une  à  une ,  les  fibres  tex- 
tiles dans  la  masse  delà  quenouille,  ou  ce  qu'on  nomme  les 
appareils  alimentaires,  tels  que  cylindres  accouplés  et  étireurs, 
bobines  de  préparation  à  gros  fils,  grands  rouleaux  délivreurs 
et  compresseurs  à  boudins  continus,  tables  à  toile  sans  fin 
mouvante,  peignes  sans  fin  à  serans  multiples,  également 
mobiles,  etc.,  etc. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  James  Hargreaves  (ou  Har- 
graves) ,  dans  sa  patente  de  1 770 ,  aiteu  à  vaincre  de  semblables 
difficultés  pour  passer  de  l'antique  rouet  à  un  fuseau  servant 
à  filer  les  courtes  loquettes  ou  boudiqs  de  la  laine  et  du  co- 
ton ,  par  aiguillées  alternatives,  à  la  jenny  actuellement  en- 
core employée  en  France  dans  quelques  anciennes  filatures 
de  laine  cardée,  où,  connue  sous  le  nom  de  jeannette  depuis 
1784  ou  1785,  elle  fut  introduite  en  des  formes  légèrement 
différentes  par  les  nommés  Martin,  de  Rouen ,  et  Milne ,  mé- 
canicien anglais,  tous  deux  richement  gratifiés  par  le  ministre 
Galonné.  Il  ne  s'agissait,  en  quelque  sorte,  que  de  multiplier 
les  broches  à  crochet  conduites  par  la  grande  roue  à  mani- 
velle ,  en  les  rangeant  parallèlement  dans  un  plan  vertical  vis- 
à-vis  d'un  autre  rang  pareil  de  grosses  bobines  alimentaires , 
susceptibles  de  tourner  à  frottement  doux,  sur  leur  siège  im- 
mobile, par  la  simple  traction  des  mèches  aboutissant  paral- 
lèlement aux  broches  respectives  et  serrées  simultanément, 
en  des  points  dépendant  à  chaque  reprise  de  la  longueur 
de  l'aiguillée  ou  de  l'étirage,  par  une  tringle  transversale  à 
pince  cannelée,  dirigée,  soutenue  par  des  guides  horizontaux, 
et  que  la  fileuse  manœuvre  d'une  main  en  avant  et  en  ar- 
rière, tandis  que  de  l'autre /appliquée  à  la  manivelle  de  la 
roue  motrice  des  poulies  et  tambours  à  cordons  sans  fin,  elle 
imprime  un  mouvement  rapide  aux  fuseaux,  tantôt  en  un 
sens  pour  tordre  et  surtordre  les  fils  pendant  ou  après  l'éti- 
rage, tantôt  en  sens  inverse  pour  les  renvider  sur  ces  fuseaux, 
après  un  décrochement  favorisé  par  le  rabat  d'une  seconde 
tringle  horizontale  à  bascule  et  pédale,  etc. 


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12  VT  JURY. 

L'histoire  de  la  filature  du  coton  en  particulier  est  Jpop 
connue  et  a  été  trop  souvent  reproduite ,  avec  ses  nombreuses 
contradictions  et  obscurités,  dans  les  ouvrages  anglais  ou 
français,  pour 'qu'il  soit  à  propos  d'indiquer  ici  comment  de 
la  simple  et  primitive  jenny  on  est  passé  à  la  mule-jenny  de 
Samuel  Crompton  (1779),  où  les  broches,  leurs  tambçurs 
moteurs  à  cordon  sans  un,  la  tringle  à  bascule  de  rabat  ou 
renvidement  des  fils,  ont  été  placés  sur  un  chariot  à  rails  ho- 
rizontaux, conduit,  ainsi  que  la  roue  latérale  et  motrice,  à 
la  main,  en  face  des  bobines  alimentaires,  désormais  accom- 
pagnées ,  suivies  d'un  large  équipage  horizontal  de  cylindres 
lamineurs  d'après  le  système  du  banc  d'étirage  àlanterne,  précé- 
demment perfectionné  par  Arkwright  (1775);  comment  en- 
suite la  mule  à  deux  fins  ou  double  étirage  à  cylindres  et  cha- 
riot, remplacée  pour  la  laine  cardée  par  la  billy  à  pince 
fixe,  également  à  chariot,  mais  où,  au  lieu  de  bobines  ali- 
mentaires, on  se  sert  d'une  toile  sans  fin  mobile  et  inclinée, 
recevant  des  boudins  rattachés,  bout  à  bout  et  parallèlement, 
par  de  jeunes  enfants  qui  les  enlèvent  à  la  carde  au  fur  et  à 
mesure  de  la  production;  comment,  dis-je,  ces  dernières 
machines,  relativement  simples  encore  et  conduites  à  la 
main,  au  moins  partiellement,  ont,  de  perfectionnements 
en  perfectionnements,  abouti  à  ces  magnifiques  et  colos- 
sales renvideuses  automates  à  simple  ou  à  double  chariot, 
portant  de  quatre  cents  à  huit  cents  et  mille  broches,  qui 
sont  le  triomphe  de  l'industrie  britannique,  et  qu'on  doit 
principalement  au  génie  inventif  des  William  Kelly  (1792), 
des  Maurice  Jough  (1825  à  1827)  et  des  Richard  Roberts 
(i83o).  On  a  vu ,  à  l'Exposition  de  1 85 1,  le  système  de  ce  der- 
nier, à  double  chariot  placé  de  part  et  d'autre  du  mécanisme 
automoteur,  fonctionner  avec  une  rare  précision ,  grâce  à  la 
parfaite  exécution  dont  il  était  redevable  à  MM.  Hibbert  et 
Platt,  désireux  de  montrer  au  public  l'ensemble  des  machines 
usuelles  à  filer,  tordre  et  tisser  le  coton  ;  ce  qui  parait  aussi 
avoir  été  le  but  de  MM.  Parr,  Curtis  et  Madeley,  tandis  que 
M.  Macindoe  faisait  fonctionner  une  autre  mule  double  et  au- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  13 

tomate,  fort  bruyante,  à  grand  levier  de  bascule  et  de  décro- 
chement placé  dans  l'intervalle  des  deux  chariots. 

La  France,  qui  jusqu'à  présent  n'a  pas  senti  le  besoin 
d'adopter  dans  ses  filatures  d'aussi  puissantes  machines,  et 
qui  s'est  plus  préoccupée  du  soin  d'alléger,  faciliter,  régula- 
riser le  maniement  des  simples  mule-jennys,  surtout  pour  les 
numéros  élevés  du  coton  et  la  filature  des  laines  cardées ,  la 
France  a  été,  sous  ce  rapport,  très-dignement  représentée  à 
Londres  par  M.  À.  Mercier,  de  Louviers,  non  pas  seulement 
pour  l'excellence  de  la  construction ,  mais  aussi  pour  la  nou- 
veauté des  combinaisons  qui  tendent  à  assujettir  la  filature  si 
rebelle  de  ce  genre  de  laine  à  une  régularité  et  une  précision , 
pour  ainsi  dire,  mathématiques;  but  qui  toutefois  serait 
impossible  à  atteindre  sans  un  perfectionnement  équivalent 
des  machines  de  préparation  servant  à  convertir  cette  même 
laine  en  rubans  continus,  exactement  démêlés,  dosés,  échan- 
tillonnés et  sans  tors  appréciable. 

Les  anciennes  machines  nommées  loups,  diables,  bat- 
teurs, étaleurs  et  épluchews,  cardes  en  gros  ou  en  fin,  ma- 
chines que  npus  avons  déjà  citées  à  un  autre  point  de  vue, 
malgré  les  importantes  transformations  qu'elles  avaient  su- 
bies de  longue  date  pour  le  coton ,  et  dont  on  a  pu  acquérir 
une  idée  par  les  collections  anglaises  d'abord  citées,  notamment 
par  celle  de  M.  Mason ,  de  Rochdale ,  relative  à  la  laine  cardée  ; 
ces  différentes  machinesT  malgré  même  leur  admirable  exécu- 
tion mécanique,  ne  sauraient,  j'ose  le  dire,  atteindre  le  but 
sans  entraîner  à  d'énormes  déchets  et  à  de  fâcheuses  altéra- 
tions que  nous  cherchons  à  éviter  à  tout  prix,  en  France,  dans 
le  travail  des  laines  et  du  coton ,  grâce  à  une  tendance  déjà 
ancienne  et  qui  commence  à  être  appréciée  même  en  Angle- 
terre, comme  le  démontrent  les  hautes  distinctions  accordées 
par  le  VI*  Jury  à  l'ensemble  des  machines  de  M.  Mercier  et  à 
celle  oà  M.  Risler  jeune, /le  Cernay,  s'est  principalement  pro- 
posé un  système  épurateur,  cardeur  et  mélangeur  à  triple 
entrée  ou  alimentation ,  pour  la  préparation  économique  et 
rapide  du  coton,  cette  matière  textile  par  excellence. 


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14  vr  JURY. 

On  ne  concevrait  guère  le  mérite  et  la  portée  de  semblables 
innovations,  si,  en  revenant  au  plan  <pie  je  me  suis  tracé 
dans  celte  Introduction,  je  ne  me  hâtais  de  reprendre  les 
généralités  qui  m'ont  servi  de  point  de  départ,  et  de  jeteçun 
rapide  coup  d'oeil  sur  l'histoire  des  principes  ou  des  idées  qui 
ont  dirigé  les  premiers  inventeurs  des  machines  de  prépara- 
tion, en  m'attachant  plus  particulièrement  à  celles  qui  ont 
exercé  une  influence  directe  et  efficace  sur  la  perfection  même 
du  filage ,  machines  en  tête  desquelles  on  doit  placer  la  carde 
automate  à  loquettes  et  boudins,  dont  jusqu'ici  je  n'ai  dit 
qu'un  mot  incidemment. 

Le  travail  des  plus  anciennes  cardes  à  manche ,  suspendues 
ou  non  et  oscillant  au-dessus  d'une  table  immobile,  constitue, 
au  fond,  le, type  d'après  lequel  ont  été  établies  les  machines 
rotatives  modernes.  Pour  s'en  rendre  compte,  il  suffit  de  re- 
marquer que,  selon  le  sens  parallèle  du  mouvement  de  la 
carde  mobile  sur  la  carde  fixe,  les  fibres,  naturellement  très- 
courtes,  de  la  laine  et  du  coton  sont  ou  étirées,  dressées  et  distri- 
buées également  entre  les  deux  cardes,  ou  complètement  enle- 
vées à  l'une  d'elles  par  l'autre,  ou  roulées  entre  les  deux,  sous 
la  forme  cylindrique  d'une  courte  loquette,  d'un  boudin  rond 
propre  à  subir  par  rattachement  l'opération  ultérieure  du 
filage.  On  conçoit  même  comment,  en  enroulant  par  bandes 
égales  et  parallèles  des  cuirs  armés  de  pareilles  cardes  au- 
tour de  rouleaux ,  de  tambours  horizontaux  parfaitement  cy- 
lindriques, ainsi  que  l'avait  tenté  dès  1748  Paul -Louis,  et 
faisant  tourner  l'un  vis-à-vis  de  l'autre,  pour  ainsi  dire  tan- 
gentiellement,  ces  cylindres,  nommés  tantôt  cardeurs,  tantôt 
alimentaires  ou  délivreurs,  on  a  pu,  selon  l'inclinaison  des 
dents  ou  fils  de  fer,  le  sens  et  la  différence  des  vitesses  rela- 
tives ,  tangentielles  ou  rotatoires ,  opérer  (Tune  manière  con- 
tinue l'étirage,  le  redressement  parallèle  des  fibres  primi- 
tivement courbées,  infléchies,  entrelacées  de  mille  manières; 
dégarnir  alternativement  le  plus  gros  des  cylindres  pour  en 
garnir  l'autre,  ou  la  succession  des  autres  qui  l'entourent 
extérieurement,  et  finalement  produire,  tantôt  au  moyen 


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MACHINES  ET  OUTILS.  15 

d'un  dernier  cylindre  à  cannelures  plus  ou  moins  profondes, . 
les  mêmes  loquettes  dont  il  vient  d'être  parlé,  tantôt  à  l'aide 
d'un  dernier  cylindre  délivreur,  des  nappes  cylindriques  con- 
tinues, détachées  au  moyen  d'un  large  peigne  horizontal  à 
manivelles  extrêmes ,  attribué  par*  les  uns  à  un  certain 
Lees,  par  les  autres  à  Ârkwright;  peigne  animé,  tangentielle- 
ment  au  dernier  rouleau  cardeur,  d'un  mouvement  alternatif 
vertical ,  qui  en  détache  incessamment  les  fibres  dans  toute  la 
longueur,  pour  en  former  ensuite  des  nappes  continues  ou  de 
simples  rubans,  par  leur  passage  au  travers  d'une  sorte  d'en- 
tonnoir ou  tuyère  évasée  en  cuivre,  suivie  de  cylindres  com- 
presseurs, puis  finalement  enroulées  en  hélice  ou  en  spirale 
autour  d'un  cylindre  uni  qui  permet  de  les  soumettre  à  un 
nouveau  cardâge  en  fin  ou  à  des  étirages  successifs. 

Ces  diverses  et  ingénieuses  opérations  n'ont  guère  été  mo- 
difiées, quant  au  principe,  depuis  l'époque  de  1779,  où  elles 
enrichirent  l'aïeul  de  Sir  Robert  Peel,  auquel  fut  délivrée  une 
patente  pour  divers  perfectionnements;  elles  furent  aussi  l'une 
des  sources  principales  de  fortune  de  Richard  Arkwright,  qui 
avait  su  d'ailleurs  §e  créer  pour  la  filature  du  coton  fin  un 
élément  indispensable  de  succès  dans  les  étirages ,  les  dou- 
blages ou  réunissages  multiples  et  répétés  des  premiers  ru- 
bans, par  la  machine  nommée  spécialement  bano  £  étirage  à 
lanterne, ou  bidons  verticaux  tournants;  machine  dont  l'ingé- 
nieuse combinaison  est  l'un  des  plus  solides  titres  de  gloire 
de  ce  célèbre  manufacturier,  puisque  par  là  on  parvenait 
non-seulement  à  redresser,  aligner  de  plus  en  plus  les  fibres, 
mais  aussi  à  en  marier  les  inégalités  de  manière  à  transfor- 
mer ces  mêmes  rubans ,  grâce  à  de  légères  torsions  successives , 
dues  à  la  rotation  de  plus  en  plus  rapide  des  bidons  sur  eux- 
mêmes  ,  en  une  dernière  bande  ou  en  .une  dernière  mèche 
arrondie  et  susceptible  d'être  immédiatement  soumise  à  la 
mule-jenny,  etc.,  après  avoir  subi  ainsi  une  série  de  dou- 
blages et  d'étirages  fondée  sur  un  principe  de  probabilité 
justement  apprécié  par  M.  Ch.  Dupin  dans  ses  leçons  du  ' 
Conservatoire  des  arts  et  métiers ,  et  qui  soumet  en  quelque 


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16  VP  JURY. 

sorte  ici  le  hasard  à  la  loi  de  l'uniformité  et  de  la  régularité 
mathématique. 

Avant  cette  admirable  conception ,  qui  depuis  est  devenue 
la  base  fondamentale  ae  tout  système  de  filature  en  fin  auto- 
matique, notamment  des  machines  à  doubler  ou  réunir,  on 
n'était  point  parvenu ,  en  effet,  à  produire  des  fils  de  qualités 
supérieures  eu  égard  au  manque  de  l'égalité,  de  l'homogé- 
néité de  texture  des  fibres  ;  le  nombre  des  doublages  et  étirages 
devant  croître  d'ailleurs  avec  l'élévation  du  numéro1 ,  de 
sorte  qu'il  est  tel  fil 'de  coton  fin  qui  contient  des  fibres 
naturelles  provenant  de  plusieurs  centaines  de  mille  de  ru- 
bans primitifs.  On  a  bien  pu,  dans  ces  derniers  temps,  rem- 
placer les  bancs  d'étirage  à  lanterne  et  le  système  de  doublage 
dus  à  Arkwright  par  la  méthode  expéditive  de  l'ingénieur 
Bodmer,  de  Zurich,  dans  laquelle  la  nappe  en  spirale  qui 
recouvre  les  premiers  rouleaux  alimentaires  des  cardes  en 
fia  est  immédiatement  constituée  d'un  grand  nombre  d'é- 
troits rubans  (12  à  i5),  issus  d'autant  de  petites  cardes  b'ou- 
dineuses  rangées  les  unes  à  côté  des  autres,  au  devant  d'une 
toile  sans  fin  mobile,  etc.  ;  mais  le  principe  fécond  de  là  mul- 
tiplication et  du  mélange  des  rubans  par  doublages  et  éti- 
rages successifs  n'en  est  pas  moins  dû  à  Arkwright,  et  ii 
se  reproduit  dans  tous  les  genres  de  filages  de  matières  tex- 
tiles à  filaments  plus  ou  moins  courts  et  entremêlés. 

On  peut  même  dire  que  c'est,  au  fond,  ce  principe  qui  a 
dirigé,  avant  M.  Bodmer,  notre  célèbre  compatriote  Philippe 
de  Girard  dans  ses  peigneuses  continues  à  rubaner  les  fibres 
du  lin  et  ou  du  chanvre  2,  puis  Josué  Heilmann,  dans  ses  pei- 
gneuses à  action  alternative,  appliquées  aux  fibres  plus  ou 

1  Longueur  sous  un  poids  donné  :  en  France,  le  nombre  des  kilomètres 
de  fil  pour  un  kilogramme. 

*  Plus  tard  (1821),  des  machines  fondées  sur  un  principe  analogue 
furent  appliquées  au  peignage  de  la  laine  longue  par  Laurent,  le  même, 
je  crois,  qui  travailla  aux  premières  machines  de  Girard,  ainsi  que  nous 
le  verrons  dans  la  Section  spécialement  consacrée  aux  machines  à  filer  le  lin 
et  le  chanvre.  Les  tentatives  de  Laurent  furent  ensuite  poursuivies  avec 


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MACHINES  ET  OUTILS.  17 

moins  longues  de  la  laine  et  du  coton;  machines  dont  les  der- 
nières ont  pour  caractère  distinctif  d'opérer  le  peignage  par 
petites  mèches,  alternativement  pincées  et  détachées  de  la 
masse  alimentaire,  puis  déposées  successivement  sur  un  tam- 
bour à  rotation  lente,  pour  en  former,  à  1  ordinaire ,  un  ruban 
continu  purgé  de  la  blousse.  Celte  idée  vraiment  originale , 
réalisée  par  l'honorable  et  généreux  concours  de  M.  Nicolas 
Schlumberger,  ne  saurait,  en  effet,  être  contestée  au  célèbre 
secrétaire  de  la  Société  industrielle  de  Mulhouse,  à  l'inventeur 
peu  fortuné  de  la  machine  à  broder,  malgré  la  grande  mé- 
daille accordée  à  ses  compétiteurs  Donisthorpe  et  C",  ex- 
posants de  la  VIe  classe,  à  Londres,  pour  une  peigneuse  à  levier 
basculant,  prenant,  d'une  part,  la  laine  au  système  alimen- 
taire à  pince  et  seran  droit  détacheur,  agissant  d'une  manière 
alternative,  et  la  déposant,  (Tune  autre,  au  moyen  d'une 
brosse,  sur  l'un  des  points  de  la  circonférence-  d'un  grand 
peigne  circulaire  horizontal  tournant,  à  rangée  d'aiguilles 
concentriques  et  étagées,  d'où  la  longue  laine,  le  coeur,  est  con- 

quelques  succès,  à  Paris,  par  M.  Lasgorseix  (Etienne) ,  qui  se  fit  délivrer, 
le  5  mars  1828;  un  brevet  {t.  XXXVI,  p.  188)  pour  des  machines  à  filei 
offrant  plus  d'un  rapport  avec- celles  de  Ph.  de  Girard,  mais  où  Ton  aper- 
çoit une  première  application  des  tubes  tournants,  servant  à  former  les  bou- 
dins sans  torsjon  sensible  ou  persistante,  procédé  importé  d'Amérique  en 
Angleterre,  en  i8a5,  par  M.  Dyer,  de  Boston,  et  au  moyen  duquel  on  se 
proposait  d'accélérer  la  préparation  des  grosses  mèches  à  coton,  en  suppri- 
mant en  partie,  sinon  entièrement ,  les  étirages  à  lanternes  ou  au  banc  à 
broches:  ces  étirages,  s'opérant  en  effet  sous  l'influence  de  la  torsion,  ont 
{Inconvénient  de  fatiguer  beaucoup  la  matière,  dont  les  fibres,  primitive- 
ment élastiques,  énervées  ou  rompues ,  sortent  inégalement  des  fils  sous  la 
forme  de  peluches,  de  duvets,  malgré  les  soins  qu'on  ait  pris  dans  le  car- 
dage  ou  le  peignage.  Ce  grave  inconvénient,  qui  se  fait  plus  particulière- 
ment apercevoir  dans  la  laine  courte  ou  naturellement  frisée,  explique 
comment  les  cardes  peigneuses  ou  sans  chapeau,  à  subdivisions  et  tubes  bo- 
bineurs  rotatifs,  multiples,  suivis  d'un  égal  nombre  de  rouleaux  cannelés 
compresseurs  qui  assurent  aux  mèches  la  cohésion  ou  consistance  conve- 
nable; comment,  dis-je,  ces  cardes  ont  été  définitivement  adoptées  depois 
i835,  avec  des  perfectionnements  essentiels,  par  MM.  Mercier  père  et  fils, 
pour  la  filature  de  la  laine  cardée,  si  rebelle  aux  autres  moyens  connus  de 
roulage  et  d'étirage  sans  torsion  des  mèches  de  préparation. 

VI*  JTRT.  —  2*  PARTIE.  2 


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18  VI*  JURY. 

tinuellement  extraite  par  des  cylindres  étireurs  ou  étironneurs, 
qui  laissent  la  blousse  dans  le  peigne,  etc.  :  système  bien 
connu  en  France  et  dont,  anciennement  déjà  (i8a5),  John 
Collier,  de  Paris,  s'était  servi  dans  une  ingénieuse  machine 
attribuée  à  M.  Godart,  d'Amiens,  perfectionnée  encore  de- 
puis, mais,  comme  on  sait,  formée  de  deux  grands  peignes 
circulaires  à  plans,  l'un  horizontal,  l'autre  incliné,  qui,  dans 
leur  rotation  rapide  et  tangentielle ,  se  disputent  en  quelque 
sorte  la  longue  laine  par  une  action ,  centrifuge  d'abord  mise 
en  usage  par  Edmund  Cartwright  (1789  à  1792). 

Au  fait,  malgré  les  perfectionnements  incessants  qu'avait 
subis,  jusqu'à  l'apparition  des  célèbres  ingénieurs  que  j'ai  d'a- 
bord cités,  le  peignage  automatique  des  matières  à  fibres  un 
peu  longues,  on  peut  dire  qu'il  n'existait  aucun  moyen  méca- 
nique satisfaisant  de  suppléer  le  travail  à  la  main ,  de  sorte 
que  tout  restait  à  découvrir,  sauf  le  peigne  à  serans  multiples, 
dont  les  manipulations  pour  les  laines  longues,  rendues  si 
délicates  par  l'intervention  de  l'électricité,  de  la  chaleur  et 
de  l'humidité  atmosphérique,  avaient  reçu  dès  le  commence- 
ment de  ce  siècle,  en  France,  d'appréciables  mais  insuffisants 
perfectionnements,  à  cause  de  l'extrême  lenteur,  de  la  cherté 
du  travail  confié  à  des  ouvriers  particulièrement  intelligents 
et  exercés;  travail  dont  l'habile  ingénieur  Dobo  tenta,  le  pre- 
mier chez  nous  (1816),  de  s'affranchir,  en  cherchant  à  éviter 
la  torsion  permanente  dans  l'étirage  et  la  formation  ordinaire 
des  mèches  ou  boudins,  et  y  substituant  le  roulage  par  frot- 
tement, ce  qui  a  été  depuis  imité  par  beaucoup  d'autres,  en 
France  ou  ailleurs,  non-seulement  pour  la  laine,  mais  aussi 
pour  la  préparation  expéditive  des  fils  de  coton 1. 

Quanta  cette  variété  infinie  de  machines  à  doubler,  tordre  et 

1  Le  procédé  dont  le  mécanicien  Dobo  s'était  servi  consiste  principale- 
ment dans  l'emploi  d'un  appareil  à  planchettes  glissantes ,  entre  lesquelles 
étaient  roulés  transversalement  les  boudins  ou  loquettes,  par  différents 
moyens,  qui  furent  sans  doute  l'origine  du  rouleau  ou  rota-jrottear,  dont  la 
première  importation  d'Angleterre  ou  d'Amérique  en  l'rance  est  due,  si  je 
ne  me  trompe,  à  M.  Winslow,  du  Havre  (1827,  t.  XXIV,  p.  80  du  Recueil  des 


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MACHINES  ET  OUTILS.  19 

retordre  les  fils,  à  les  dévider  et  bobiner,  si  généralement  em- 
ployées sous  différents  noms  et  différentes  formes  dans  les 
industries  distinctes  de  la  soie,  du  lin ,  de  la  laine  et  du  coton , 
dans  l'art  du  passementier,  du  cordier,  etc. ,  leur  ingénieuse 
et  admirable  disposition  repose  sur  des  notions  physiques  ou 
mécaniques  beaucoup  plus  simples  et  mieux  définies,  puisque 
la  matière  textile  y  a  déjà  reçu  une  forme  régulière,  en  quel- 
que sorte  mathématique,  qui  la  rapproche  considérablement 
de  son  état  final,  c'est-à-dire  de  fils  à  divers  degrés  de  finesse 
ou  grosseur,  auxquels  il  ne  s'agit  plus  que  de  donner  le  der- 
nier tors  ou  apprêt. 

Dans  le  fil  simple,  en  effet,  les  fibres  rudimentaires,  plus 
ou  moins  courtes,  sont  déjà  disposées  par  la  torsion,  si  ce 
n'est  pour  la  soie  longue  ou  grége,  en  spirales  qui  se  recou- 
vrent les  unes  les  autres,  autour  d'un  axe  idéal  commun,  en 


brevets) ,  et  ne  tarda  pas  à  être  perfectionnée ,  mise  en  usage  par  MM.  Le- 
maire,  Choisy  et  Loyer,  à  Maromme  et  Montville ,  près  de  Rouen;  pour* la 
filature  expéditive  des  cotons  de  bas  numéros,  sous  la  forme  d'un  gros  rou- 
leau à  va-et-vient  frotteur,  posé  transversalement  sur  un  large  cuir  horizon- 
tal, sans  fin  et  mobile,  qui  soutient  et  entraîne  longitudinalement  les  petites 
mèches  à  coton  parallèles,  sollicitées,  aux  deux  bouts,  par  des  équipages 
à  cylindres  lamineurs  et  étireurs,  dispensant  ainsi  du  banc  à  broches 
et  permettant  de  soumettre  directement  ce  genre  de  fils  aux  mule-jennys. 
Mais  c'est  surtout  dans  la  filature  des  laines  longues  pour  chaînes  d'étoffe 
que  Tétirage  sans  torsion  a  exercé  une  véritable  révolution ,  grâce  aux  ingé- 
nieuses combinaisons  du  banc  à  doubles  cuirs  de  buffle,  animés  de  va-et- 
vient  en  sens  contraire,  pour  frotter  et  rouler  les  multiples  boudins,  simul- 
tanément étires  à  leurs  bouts ,  au  moyen  d'ingénieux  systèmes,  oscillants  ou 
à  bascule ,  qui  ont  été  notablement  perfectionnés  dans  ces  derniers  temps 
par  M.  Yilleminot,  constructeur  mécanicien  à  Reims,  auquel  on  doit  di- 
verses autres  combinaisons  employées  avec  succès  dans  les  machines  à 
préparer  et  filer  les  laines  peignées. 

C'est  dans  un  but  pareil  encore  que ,  pour  ce  système  de  fabrication ,  les 
rubans,  au  sortir  des  entonnoirs  fixes  ou  mobiles,  tantôt,  soumis  à  un  jet 
de  vapeur,  vont  s'enrouler  en  zigzags  autour  d'un  cylindre  animé  d'un  va-et- 
vient  longîtunal  tcut  en  tournant  sur  son  axe,  tantôt  vont  se  déposer  dans 
des  caisses  prismatiques  verticales,  animées  elles-mêmes  d'un  va-et-vient 
homonlal ,  reetiligne ,  afin  d'éviter  la  torsion  que  ces  rubans  éprouvent  dans 
le  système  ancien  des  bidons  tournants,  etc. 


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20 ,  VI*  JURY. 

se  pressant  mutuellement  de  manière  à  faire  naître  entre  elles 
un  frottement  tangentiel  qui,  en  somme,  ne  doit  pas  être  sen- 
siblement inférieur  aux  efforts  extrêmes  de  tension  qu'elles 
peuvent  subir  dans  les  divers  usages,  afin  de  rendre  impos- 
sible leur  glissement  réciproque ,  abstraction  faite  de  tout 
moyen  d'adhérence  artificiel.  Or,  cette  compression,  fces  frot- 
tements réciproques  qui  croissent  avec  l'énergie  de  la  tension 
longitudinale  aussi  bien  qu'avec  la  torsion  et  la  roideur  élas  - 
tique  des  brins  rudimentaires ,  ne  doivent  pas  non  plus 
excéder  la  ténacité,  la  résistance  à  la  rupture  de  ceux-ci  :  sol- 
licités incessamment,  en  effet,  à' se  redresser  contre  les  effets 
de  la  torsion  générale,  ils  ne  peuvent  demeurer  en  faisceau 
continu,  sans  que  des  forces  spéciales,  ou  ce  qu'on  nomme 
des  couples  de  forces,  égales  et  de  sens  contraire,  ne  les  main* 
tiennent  unis  aux  différents  points ,  de  manière  à  en  former 
un  ensemble  continu  et  régulier,  soit  par  un  couple  pareil  de 
forces  extérieurement  appliquées  à  ces  bouts,  soit  par  voie 
d'adhérence  naturelle  ou  artificielle  des  fibres,  soumises  à  un 
mode  spécial  de  préparation. 

En  exceptant  toujours  les  grèges,  cela  arrive  nécessaire- 
ment pour  tous  les  fils  simples  ou  de  premier  apprêt  des- 
tinés à  la  fabrication  de  fils  plus  forts  ou  de  second  apprêt, 
tels  que  fils  de  chaîne  et  à  coudre,  organsins,  ficelles,  cordon- 
nets, où  on  les  accouple  dans  un  certain  ordre ,  deux  à  deux , 
trois  à  trois,  etc.,  après  les  avoir  tordus  séparément  et  à  nou- 
veau dans  le  sens  primitif;  ce  qui,  dans  leur  juxtaposition, 
leur  donne  une  tendance  naturelle  à  se  dérouler  isolément, 
et,  par  suite,  à  s'enrouler  les  uns  autour  des  autres,  en  hélices 
serpentantes,  de  sens  contraire  à  celui  des  fibres  simples,  jus- 
qu'à ce  qu'une  exacte  neutralisation  de  tous  leurs  couples 
élastiques  s'ensuive.  Néanmoins,  cette  neutralisation  ne  sau- 
rait être  régulière  et  complète  sans  un  excédant  de  tors  donné 
à  l'ensemftle  toujours  en  sens  contraire  du  tors  ou  surlors 
primitif,  et  c'est  ce  que  la  fileuse,  comme  on  sait,  obtient 
d'une  manière  très-simple  dans  le  rouet  ordinaire,  après  avoir 
dévidé  les  bobines  humides  du  premier  filage  sur  un  asple 


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MACHINES  ET  OUTILS.  21 

ou  dévidoir  à  quatre  branches,  pour  en  former  autant  dVcA*- 
veaux,  qui,  entièrement  secs  et  placés  sur  un  deuxième  dévi- 
doir, sont,  à  leur  tour,  convertis  en  pelotes  sphériques,  hu- 
mectées ensuite,  et  dont  les  bouts  similaires  réunis  sont  fina- 
lement soumis  à  Faction  du  même  rouet,  afin  de  leur  donner 
le  tors  de  stabilité  dont  il  Vient  d'être  parlé. 

Quant  au  degré  de  torsion  qui  convient  à  chaque  nature 
de  fil  simple,  double,  triple,  etc.,  c'est  évidemment  une 
question  de  pratique  ou  d'expérience,  dans  laquelle  on  aper- 
çoit très-clairement  que,  pour  donner  aux  hélices  extérieurs 
d'une  même  qualité  de  fils  une  inclinaison  indépendante  du 
diamètre,  ce  qui  paraît  le  plus  convenable,  le  nombre  des 
révolutions  par  unité  de  longueur,%doit  être  réciproque  à  ce 
diamètre  ou  à  la  racine  carrée  de  l'aire  de  la  section,  c'est-à- 
dire  du  ndmbre  qui  exprime  le  nufoéro  du  fil;  règle ,  en  effet, 
'indiquée,  expliquée  par  les  auteurs,  notamment  par  M.  Jo- 
seph Kœchlin ,  et  qui  semble  assez  généralement  admise  dans 
la  pratique  des  ateliers,  précisément  parce  qu'elle  suppose 
que,  sons  les  divers  étirages  ou  préparations  du  fil,  la  torsion 
n'aura  dû  exercer  aucune  influence  directe  pour  rapprocher 
ou  écarter  les  fibres  dans  le  sens  perpendiculaire  à  leur  épais- 
seur, ou,  ce  qui  revient  au  même,  pour  changer  la  densité  du 
fil.  Cette  règle  montre  d'ailleurs  pourquoi,  dans  les  numéros 
les  plus  élevés,  on  se  voit  obligé  d'imprimer  aux  broches  ou 
bobines  jusqu'à  5  et  6  mille  révolutions  à  la  minute,  par  de*, 
artifices  non  moins  ingénieux  d'ailleurs  que  variés,  et  sur  les 
plus  importants  desquels  je  ne  manquerai  pas  de  revenir  par 
la  suite,  aussi  bien  que  sur  les  autres  particularités  ou  inven- 
tions qui  intéressent  spécialement  les  machines  à  filer,  à  tordre 
ou  à  câbler  en  général. 

Après  ces  diverses  machines  et  leurs  dérivées  ou  annexes 
immédiates,  telles  que  celles  à  doubler,  à  tresser,  etc.,  qui 
exigent  une  combinaison  de  mouvements,  directs  ou  excen- 
triques, produits  par  le  jeu  de  crochets  émérillons,  de  bo- 
bines pivotant  autour  d'axes  fixes  ou  voyageant,  changeant 
de  place  le  long  de  gabarits,  de  rainures  directrices  ondulées, 


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22  VF  JURY. 

serpentantes,  croisées  ou  non  croisées;  après  ces  machines, 
dis-je ,  vient  naturellement  la  catégorie  des  métiers  à  fabri- 
quer les  tissus  pleins  ou  à  jours,  unis  ou  figurés,  c'est-à-dire 
brochés  et  brodés;  métiers  dont  le  grand  nombre  et  l'extrême 
variété  seraient  capables  â'effrayer  l'imagination ,  si  l'on  n'en- 
trevoyait, à  priori,  qu'ils  se  rattachent  à  quelques  opérations 
ou  combinaisons  de  mouvement  principales,  très-simples,  en 
quelque  sorte  primitives,  quoique  par  elles-mêmes  extrême- 
ment fécondes,  et  donnant  lieu  à  une  classe  de  problèmes 
curieux  et  difficiles.  Ces  problèmes,  en  effet,   comme  la 
marche  du  cavalier  dans  le  jeu  des  échecs,  appartiennent  à 
cette  géométrie  particulière  que  Leibnitz  nommait  géométrie 
de  situation;  science  qui  n'est  point  encore  faite  ni  même 
tentée,  dont  a  parié  Carnot,  mais  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  la  géométrie  de  position  de  cet  illustre  savant ,  ou  avec  ce 
qu'il  nommait  la  théorie  des  mouvements  géométriques,  non  plus 
qu'avec  cette  autre  science  appelée,  abusivement  peut-être, 
dans  ces  dernières  années,  mécanique  géométrique,  théorie  des 
mécanismes ,  bien  qu'on  y  fasse  abstraction  des  causés  ou  forces  : 
car  on  s'y  occupe  encore  des  relations  de  mouvement  ou  d'es- 
pace et  de  temps,  étrangères  à  la  géométrie  de  situation,  ce 
qui  a  fait,  avec  juste  raison,  appliquer  par  feu  l'illustre  Am- 
père l'épithète   de   cinématique   à   cette  même  branche  de 
nos  connaissances,  qu'il  ne  serait  guère  plus  exact  de  con- 
fondre avec  la  technologie,  et  qui,  envisagée  spécialement  sous 
.  le  rapport  de  la  génération,  de  la  composition  ou  combinai- 
son ,  de  la  transformation  et  de  l'observation  expérimentale 
des  mouvements  divers,. a  été  pour  la  première  fois,  si  je 
ne  me  troçipe ,  professée   publiquement  à  la  faculté   des 
sciences  de  Paris  (i838  à  i848),  afin  de  satisfaire  au  vœu 
d'une  amitié  scientifique  bien  chère.  Depuis,  la  cinématique 
est  devenue,  comme  on  sait,  l'objet  de  beaucoup  d'ouvrages 
intéressants,  envisagés, à  différents  points  de  vue,  et  parmi  les- 
quels je  citerai,  avant  tous,  celui  de  l'honorable  et  savant 
rapporteur  anglais  du  VI*  Jury. 

Au  surplus,  je  ne  saurais  me  proposer  ici  d'embrasser  l'his- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  23 

toire  du  tissage  mécanique  en  entier;  je  me  bornerai  à  don- 
ner, sous  forme  de  Section  finale  comprenant  les  machines  à 
câbler,  etc.,  le  résumé  rapide  des  idées  et  des  inventions  les 
plus  essentielles,  afin  de  ne  pas  laisser  ma  tâche  trop  impar- 
faite, à  peu  près  comme  je  l'ai  fait,  dans  ces  préliminaires  9  à 
l'égard  même  des  machines  à  filer  la  laine  et  le  coton ,  ma* 
chines  d'un  intérêt  tout  spécial,  et  qui  mériteraient  bien  que 
nous  leur  consacrassions  deux  Sections  entières  et  distinctes,  si , 
je  le  répète,  le  sujet  n'en  avait  pas  aussi  souvent  été  traité 
au  point  de  vue  historique,  et  s'il  n'était,  en  quelque  sorte, 
devenu  aussi  familier  à  toutes  les  personnes  qui  s'occupent 
du  progrès  mécanique  des  arts  textiles. 

A  l'égard  des  machines  à  préparer,  filer  et  tordre  plus  par- 
ticulièrement la  soie,  le  lin  ou  le  chanvre,  dont  je  me  suis 
tout  d'abord  occupé  à  mon  retour  de  Londres,  c'est-à-dire  en 
i85i  ou  1 852,  je  ne  saurais  me  dispenser  d'en  faire  l'objet 
de  deux  Sections  étendues  et  toutes  spéciales;  non  pas  seule- 
ment parce  que  les  matières  textiles  qu'elles  servent  à  trans- 
former sont  abondamment  fournies  par  notre  sol,  non  pas 
tant  encore  en  raison  de  l'importance  et  de  l'ancienneté  de  la 
première  ou  de  la  nouveauté  de  la  seconde,  mais  bien  parce 
qu'elles  constituent  en  réalité,  avec  les  machines  à  tisser  .di- 
versement les  étoffes  unies  ou  figurées,  l'un  des  principaux 
éléments  de  notre  prospérité  nationale  et  de  nos  titres  incon- 
testables à  l'estime  des  autres  peuples;  tout  comme  la  pro- 
duction automatique  même  du  coton,  la  préparation  accé- 
lérée et  économique  de  la  fonte  et  du  fer,  l'établissement  et 
le  perfectionnement  des  premières  et  puissantes  machines  à 
vapeur  d'épuisement  ou  servant  de  moteurs,  en  quelque  sorte 
indépendants  et  universels  à  toutes  les  autres  machines  ou 
agents  mécaniques,  enfin  le  perfectionnement,  la  multipli- 
cation même  des  machines-outils,  aujourd'hui  si  nécessaires 
à  la  bonne  et  prompte  exécution  des  arbres  de  couche,  des 
roues  dentées  et  autres  organes  ou  pièces  d'ajustement  en  fer 
et  en  fonte;  ces  productions,  dis-je,  ces  créations  immenses, 
qui  ont  centuplé  nos  forces  et  transformé  même  notre  indus- 


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24  vr  JURY. 

trie  mécanique,  constituent,  aux  yeux  de  tous,  l'honneur 

éternel  de  la  Grande-Bretagne. 

Comme  remarque  générale  enfin,  j'ajouterai  que,  si  le 
filage  de  la  grége  ou^ longue  soie  exige  des  procédés  tout  par- 
ticuliers et  très-distincts  de  ceux  qui  concernent  la  laine, 
le  coton  et  même  le  lin  ou  le  chanvre  à  fibres  déjà  passable- 
ment  allongées,  il  en  est  tout  autrement  des  déchets  de  soies 
nommés  bourres,  effiloches  et  frisons,  puisque  les  premières, 
h  s  plus  courtes,  sont  traitées  par  la  carde,  etc.,  à  la  manière 
des  laines  ou  des  cotons,  tandis  que  les  seconds,  découpés 
et  peignés  dans  des  machines  à  serans  continus  ou  sans  fin, 
telles  qu*en  construit  en  France  M.  Nicolas  Schlumbergerr 
sont  traitées  absolument  comme  la  filasse  du  chanvre  et  du 
lin ,  d'après  les  méthodes  déjà  anciennes,  mais  perfectionnées, 
comme  on  le  verra,  depuis  leur  découverte  par  Philippe  de 
Girard  ;  ce  qui  nous  dispensera  d'en  faire  le  sujet  d'un  cha- 
pitre à  part,  malgré  toute  l'importance  que  cette  intéressante 
branche  de  la  filature  a  acquise  dans  ces  derniers  temps  pour 
la  fabrication  des  étoffes  de  fantaisie,  etc. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  25 

I"  SECTION. 

MACHINES  ET  OUTILS 

SERVANT  À.  FILER,  MOULINER,  DEVIDER  LA  SOIE  GREGE  OU  LONGUE. 


CHAPITRE  r. 

ÉTAT  ANCIEN   OU   ANTÉRIEUR  X    l8l5. 

S  I".  —  Introduction  des  machines  à  filer  les  grèges  en  Europe.  —  Borghe- 
sano  Lneckesi,  à  Bologne;  Pierre  Benay  et  Colbert,  en  France;  Thomas 
Lombe,  en  Angleterre. 

L'art  de  récolter  et  de  travailler  la  soie  nous  vient  incon- 
testablement de  l'Inde  par  la  Perse,  l'Asie  Mineure,  la  Grèce, 
l'Espagne,  la  Sicile  et  Naples,  Bologne,  Venise,  Milan  et  le 
Piémont,  d'où  il  s'est  propagé  du  xve  au  xvn*  siècle  à  Tours, 
Avignon,  Nîmes,  Lyon,  pour  de  là  se  répandre  plus  tard  en- 
core, et  peu  après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  (i685) ,  en 
Suisse ,  sur  les  bords  du  Rhin  ,•  en  Autriche ,  à  Berlin ,  à  Derby, 
à  Londres  (Spitalfield) ,  et*jusqu'en  Suède  et  en  Russie.  Les 
nombreux  édits ,  lès  encouragements  de  Louis  XI ,  Charles  VIII , 
Henri  IV*  et  Louis  XIV,  avaient  donné  à  l'industrie  de  la  soie 
en  France  une  heureuse  et  durable  impulsion  ;  mais,  quoiqu'il 
soit  à  peu  près  certain  que  le  moulinage  automatique  de  cette 
précieuse  matière  ait  été  pratiqué  avec  succès  dès  le  xiv*  siècle 
(1372),  à  Bologne,  par  un  nommé  Borghesano  Lucchesi,  si 
l'on  en  croit  le  témoignage  de  Masini1,  d'où  il  aurait  été  trans- 
mis de  proche  en  proche  dans  lout  le  nord  de  l'Italie  et  le 
Comtat  d'Avignon  (i45o  à  1692),  néanmoins  il  n'existe,  à 
ma  connaissance,  aucun  écrit  qui  puisse  donner  une  idée 

1  Masini ,  additions  à  l'ouvrage  sur  Bologne  illustré.  Voy.  le  livre  italien 
publié  à  Venise,  en  i$44,  sous  le  titre:  Il  trattoreda  seta,  par  le  docteur 
François  Géra,  ouvrage  tiré  seulement  à  60  exemplaires,  et  dont  je  dois 
la  communication  au  savant  sériciculteur  M.  Robinet,  de  Paris. 


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26  VI- JURY. 

précise  de  la  nature  des  machines  en  usage  à  une  époque  con- 
temporaine ou  très-peu  postérieure  à  celle  de  leur  introduc- 
tion en  France.  Encore  moins  m'a-t-il  été  possible  de  décou- 
vrir le  nom  des  premiers  inventeurs,  et  de  suivre  les  progrès, 
les  perfectionnements  successifs  que  ces  machines  ont  dû  subir 
avant  d'arriver  jusqu'à  nous. 

Les  auteurs  nous  apprennent  bien  que  le  nommé  Benay, 
moulinier  bolonais,  fut  attiré  en  France,  vers  1670,  sous  le 
ministère  de  Colbert,  à  la  demande  du  conseil  municipal 
de  la  ville  de  Lyon ,  pour  y  créer  une  filature  et  un  moulinage 
perfectionnés  de  la  soie  et  qu'après  avoir  formé  à  Fores, 
près  d'Auhenas,  en  Vivarais,  un  établissement  modèle  dont 
les  élèves  répandirent  ensuite  la  nouvelle  méthode  à  Cho- 
meraç,  à  Privas,  etc.,  il  mourut  en  1690  sans  postérité,  pen- 
sionné et  ennobli  en  France,  mais  pendu  en  effigie  par  la 
ville  de  Bologne,  alors  si  jalouse  de  la  possession  de  cette  riche 
branche  d'industrie  *,  qu'elle  a  cependant  depuis  tant  né- 
gligée. Ces  auteurs  nous  apprennent  encore  le  nombre  des 
métiers,  des  balles  de  soie  ouvrées  ou  non  ouvrées,  dans  la 
ville  de  Lyon,  sous  le  grand  Colbert;  mais  quelle  était  au 
fond  la  constitution  des  machines  à  filer  et  à  tordre  la  soie, 
et  doit-on  supposer  que  ce  sont  les  mêmes  qui  se  trouvent 
décrites  dans  les  volumineux  ouvrages  français  du  dernier 
siècle  sous  le  nom  de  tour  et  de  moalin  du  Piémont? 

Nous  savons,  d'un  autre  côté2,  que  Thomas  Lombe  érigea  le 
premier,  en  1719  selon  M.  Baines  et  en  1734  suivant  le  che- 

1  Encyclopédie  méthodique  (t.  II ,  p.  25 ,  Arts  et  manufactures) ,  article  Soie, 
par  Roland  de  la  Plâtière.  Selon  M.  Grognier  (  Recherches  historiques  et  sta- 
tistiques, etc. y  particulièrement  relatives  à  Lyon),  Benay,  attiré  par  les  en- 
couragements de  Colbert,  s'était  établi,  en  168 4,  à  Vineux,  près  Pelussin; 
mais  le  moulinage  existait  à  Neuville-1*  Archevêque  quelques  années  avant 
(1670),  sous  la  direction  d'un  sieur  Lauze,  qui  travaillait  aussi  à  la  bolo- 
naise. Quant  à  l'usine  de  Pierre  Benay,  elle  serait  aujourd'hui  possédée  par 
M.  Julien  du  Colombier,  dont  la  famille  l'exploite  depuis  environ  un  siècle. 

*  Dictionnaire  universel  de  la  géographie  commerciale ,  par  Peuchet,  t.  II, 
p.  179.  La  patente  de  Thomas  Lombe  porte  en  réalité  la  date  du  9  sep- 
tembre 1718. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  27 

valier  Niciols',  un  moulin  à  organsiner  la  soie  sur  la  rivière 
de  Derwent  à  Derby,  d'après  le  modèle  de  ceux  du  Piémont, 
dont  il  aurait  rapporté  les  dessins  au  péril  de  sa  vie  ;  mais 
comment  étaient  disposés  les  26  586  roues,  les  97  7Â6  mou- 
vements, etc.,  dont  se  composait  ce  moulin,  qui  valut  à  l'im- 
portateur breveté  une  récompense  de  i4  000  livres  sterling, 
que  lui  décerna  généreusement  le  parlement  d'Angleterre  pour 
qu'il  renonçât  à  ses  droits  d'importation  ;  mo  ulin  qui  fut  sans  con- 
tredit le  type  des*  immenses  factories  anglaises  à  filer,  retordre 
la  laine  et  le  coton ,  sous  le  nom  générique  de  water-frame  ?  Les 
docteurs  anglais  Lardner  et  Ure,  qui  ont  écrit  sur  l'industrie 
de  la  soie,  ne  nous  apprennent  rien  à  ce  sujet,  et  il  y  a  même 
lieu  de  croire  que,  à  l'époque  précitée,  il  s'en  faut  de  beau- 
coup que  le  moulinage  de  cette  précieuse  substance  ait  reçu 
en  Angleterre  une  extension  comparable  à  celle  que  les  vic- 
times de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  imprimèrent  dans 
Spitalfield  au  tissage  mécanique  des  étoffes  de  soie ,  dont  les 
fils  organsins  étaient .  alors  presque  entièrement  tirés  de 
France  et  d'Italie. 

Dans  cette  absence  absolue  de  documents,  on  doit  admettre 
que  les  anciennes  machines,  nommées  aujourd'hui  encore 
toar,  moalin  du  Piémont,  et  qu'ont  décrites  avec  tant  de  soin 
les  encyclopédistes  du  xviii'  siècle,  représentent  à  peu  près 
l'état  d'avancement  où  cette  branche  d'industrie  était  parvenue 
au  commencement  de  ce  même  siècle  ou  vers  la  fin  du  pré- 
cédent. Dès  lors ,  il  devient  intéressant  de  prendre  pour  point  de 
départ  ces  mêçnes  machines ,  afin  d'examiner  les  changements 
et  perfectionnements  qu'elles  ont  successivement  reçus  et  qui 
n'ont  peut-être  pas  toute  l'importance  qu'on  leur  suppose,  du 
moins  sous  le  rapport  du  génie  et  de  l'invention  mécanique. 

S  IL  —  Toar  piémontais  modifié,  perfectionné  en  France.  -—  Isnard,  La- 
rouvihe  et  Vancanson  (1700  à  1750). 

L'ancien  tour  du  Piémont  a,  comme  on  sait,  pour  objet  le 
tirage  de  la  soie  des  cocons,  véritable  dévidage  opéré  sous  la 
forme  de  fils  qu'on  nomme  soie  crue,  soie  grége,  parce  qu'elle 


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28  VI*  JURY. 

n'a  reçu  aucun  apprêt  ou  tors.  Chacun  de  ces  fils  est  formé 
par  la  juxtaposition  d'un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'au- 
tres fils  ou  brins  naturels  (baves) ,  sortis  d'autant  de  cocons 
unis  entre  eux  par  une  sorte  de  gomme  ou  gluten  (grès)  qui 
les  enveloppe  en  forme  de  gaine,  et  que  l'immersion  de  ces 
cocons  dans  l'eau  chaude  d'une  bassine  inférieure  plus  ou 
moins  allongée  sert  à  ramollir  convenablement.  Ces  brins 
réguliers,  qu'il  faut  distinguer  de  ceux  de  l'enveloppe  exté- 
rieure enlevés  au  balai  sous  le  nom  de  bourre,  de  frisons,  ces 
brins,  d'une  extrême  longueur,  d'abord  isolés  en  sortant  de 
la  bassine  où  nagent  les  cocons ,  vont  se  réunir  dans  l'ouver- 
ture d'une  filière  en  fer  placée  au-dessus  de  cette  bassine,  et 
qui  a  aussi  pour  objet  d'en  exprimer  partiellement  le  liquide 
surabondant  sous  une  compression  réciproque  qui  les  fait 
adhérer  entre  eux  jusqu'à  un  certain  point,  de  manière  à  en 
constituer,  comme  on  l'a  dit,  du  moins  jusqu'au  décreusage, 
un  seul  fil  grége ,  .nommé  bout. 

Au  sortir  de  cette  fi|ière  et  de  son  analogue,  relative  à  un 
second  bout  ou  faisceau  de  brins  placé  à  une  certaine  distance 
horizontale  du  premier,  les  deux  fils  distincts,  ainsi  formés, 
reçoivent  au-dessus  des  filières,  et  l'un  autour  de  l'autre,  ce 
qu'on  nomme  une  croisure  ou  croisade,  déterminée  par  un 
plus  ou  moins  grand  nombre  de  tours  en  hélices,  selon  la 
qualité,  la  finesse  des  cocons  et  la  difficulté  qu'on  éprouve  à 
rapprocher,  à  faire  adhérer  les  brins  entre  eux  sous  une  forme 
en  quelque  sorte  arrondie,  déterminée  par  une  compression 
symétrique,  qui  tend  à  refouler  du  centre  à  la  circonférence, 
du  plein  vers  les  vides,  la  matière  liquide  et  gommeuse  inter- 
posée l  :  le  tout  ainsi  qu'on  le  pratique  encore  de  nos  jours. 

Bientôt  ces  deux  bouts  se  séparent,  se  bifurquent,  pour  se 

1  Cette  manière  de  voir  est  conforme  aux  résultats  des  belles  et  curieuses 
recherches  expérimentales  consignées  par  M.  Robinet  dans  les  Mémoires 
de  la  Société  centrale  d'agriculture,  année  1 84 3,  et  qui  concernent  les  lois 
d'après  lesquelles  la  ténacité  et  la  ductilité  des  soies  grèges  varient  avec  leur 
titre  ou  le  nombre  des  brins  de  cocons  qui  y  entrent.  Le  singulier  accroisse- 
ment de  ténacité  que  ce  saVant  professeur  a  observé  dans  les  fils  à  7  brins 


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MACHINES  ET  OUTILS.  29 

rendre,  en  arrière  ou  au-dessus  de  la~bassine,  dans  deux  œil- 
lères ouvertes  ou  boudes  métalliques  en  tire-bouchons,  nom- 
mées barbins,  fixées  sur  une  tringle  horizontale  en  bois,  à  mou- 
vement alternatif,  dont  il  sera  parlé  ci-après,  et  d'où  les  fils 
s'échappent  parallèlement,  sous  une  direction  plus  ou  moins 
inclinée  à  l'horizon,  pour  envelopper  finalement  en  zigzag, 
et  sous  forme  d'écheveaux  distincts,  un  dévidoir  à  quatre 
branches  ou  1  ailles  de  bois  minces,  nommé  gaindre,  asple1, 
dont  Taxe  horizontal  était  mû  par  une  manivelle  ou  une  pédale 
que  dirigeait  avec  douceur  et  une  certaine  vitesse  une  jeune 
fille,  apprentie  tireuse,  soumise  au  commandement  de  la 
fileuse  proprement  dite,  exclusivement  occupée  à  surveiller  le 
tirage  des  cocons,  le  remplacement  successif  de  ceux  qui  sont 
.ou  mieux  qui  vont  être  épuisés,  par  de  nouveaux  cocons  dont 
elle  doit  intercaler,  jeter  le  bout  parmi  le  faisceau  des  autres , 
enfin  soigner  la  purge,  le  rattachement  ou  nouage  des  fils 
cassés,  plissés,  doublés  ou  mariés,  etc.  Un  engrenage  d'angle, 
entièrement  construit  en  fçr  ou  en  bois  dur,  placé  à  l'extré- 
mité de  l'axe  opposée  à  la  manivelle ,  communiquait,  dans  ces 
anciens  tours,  le  mouvement  rotatoire  du  même  arbre  à  un 
second  arbre  rond ,  légèrement  incliné  à  l'horizon ,  et  qui,  par 
un  nouveau  rouage  d'angle  monté  sur  la  traverse  antérieure 
do  châssis  fixe  de  la  machine, faisait  mouvoir  horizontalement 
un  excentrique  ou  bouton  de  manivelle ,  adapté  à  l'une  des 
roues  et  servant  à  imprimer  le  mouvement  de  va-et-vient  à  la 
tringle  horizontale  porte-barbins  mentionnée  ci-dessus ,  sorte 
de  bielle  tournant  et  glissant  par  enfourchement,  à  l'un  des 
bouts,  autour  d'une  cheville  verticale  fixée  à  la  traverse  supé- 
rieure du  bâti. 

montre,  en  particulier,  l'influence  de  l'arrangement  symétrique  de  ces  brins 
autour  (Tun  noyau  central  qui  rappelle  l'âme  dont  se  servent  les  cordiers  pour 
remplir  le  vide  intérieur  des  plus  gros  câbles  de  la  marine;  et  Ton  peut  éga- 
lement comparer  la  croisure  que  Ton  fait  subir  aux  fils  de  soie  grége  à  la  mé- 
thode ingénieuse  et  simple  dont  ils  se  servent  pour  comprimer  et  rapprocher 
entre  eux  les  fils  de  caret  et  les  torons  des  mêmes  câbles. 

1  Expression  évidemment  tirée  du  mot  allemand  hasple,  dévidoir. 


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3©  VI*  JURY. 

Le  nombre  des  dents,  très-fines  et  très-serrées;  'dont  les 
quatre  roues  d'angle  ci-dessus  sont  munies  était  réglé,  d'après 
un  édit  du  Piémont  de  1724,  de  manière  qu'un  même  fil  ne 
pût  qu'au  bout  de  875  révolutions  de  l'asple  se  superposer 
exactement  à  lui-même,  et  donner  lieu  à  une  sorte  de  cotture 
ou  vitrage  qui  deviendrait  inévitable  en  l'absence  de  tout 
croisement,  ou  si  le  nombre  des  tours  compris  dans  l'intervalle 
des  coïncidences  était  insuffisant  pour  amener  la  parfaite  des- 
siccation des  premiers  spires  du  fil.  Cet  ingénieux  dispositif, 
rigoureusement  prescrit  par  le  règlement  précité,  mais  trop 
souvent  violé  dans  les  copies  subséquentes  du  tour  piémon- 
lais,  a  évidemment  pour  objet  l'imitation  de  la  nature  dans  la 
formation  des  cocons,  au  moyen  de  fils  distribués  en  zigzags 
par  l'insecte  au  pourtour  de  l'enveloppe. 

Telle  est  aussi,  à  peu  près,  la  disposition  du  tour  à  filet*  dé- 
crit dans  un  ouvrage  publié  à  Paris  chez  Joly,  en  i665,  sous 
le  patronage  du  grand  Golbert,  par  un  nommé  Isnard,  qui, 
d'ailleurs,  ne  nous  a  rien  appris  sur  l'origine  étrangère  du  tour 
à  tirer  la  soie,  dont  le  dispositif  principal  et  le  perfectionne- 
ment, d'après  le  témoignage  même  de  l'illustre  Vaucanson1, 
ne  sauraient  être  contestés  aux  Piémontais  :  ceux-ci  ayant  sub- 
stitué le  tirage  double  avec  croisure  au  tirage  ancien  sur  bo- 
bines, à  un  seul  fil  plat,  humide,  et  dont  les  brins  étaient  mal 
unis  entre  eux,  tout  en  remplaçant  par  un  équipage  de  roues 
dentées  le  système  de  poulies  et  de  cordes  sans  fin  qui  ser- 
vait jusque-là  à  imprimer  le  va-et-vient  aux  barbins  dàtriba- 
teurs.  Ces  heureuses  innovations,  en  effet,  doublaient  les  pro- 
duits, tout  en  améliorant  la  .qualité  des  soies,  dont  les  grèges 
acquirent  ainsi  plus  de  rondeur. 

D'un  autre  côté ,  l'époque  déjà  reculée  à  laquelle  Isnard 
écrivait  son  traité  fait  vivement  regretter  que  cet  auteur  ne 
nous  ait  rien  appris  des  machines  à  dévider  et  à  mouliner  la 
soie  de  cette  même  époque,  malgré  les  promesses  indiquées 
dans  le  titre  de  l'ouvrage,  dont,  en  réalité,  l'objet  principal 

1  Mémoires  de  V Académie  des  sciences  de  Paris,  17^9* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  31 

concerne  la  culture  des  mûriers  et  des  vers  à  soie ,  sur  laquelle 
on  a  tant  écrit  depuis  Olivier  de  Serres. 

On  voit,  au  surplus,  d'après  la  description  sommaire  ci- 
dessus,  que  le  tour  du  Piémont,  pas  plus  que  le  rouet  à  filer 
ordinaire,  ne  jouissait  de  la  propriété  automatique,  et  que, 
pour  d'assez  faibles  résultats,  il  exigeait  constamment  la  coo- 
pération de  deux  personnes,  sans  compter  qu'il  présentait  di- 
vers défauts  assez  graves  dont  on  a  sans  cesse,  mais  sans  un 
entier  succès,  cherché  à  le  débarrasser  depuis  sa  primitive  in- 
troduction en  France,  où  pendant  longtemps,  et  en  vue  de 
simplifier  le  mécanisme,  on  a  continué  à  se  servir,  pour  la 
transmission  du  mouvement  de  la  manivelle  à  Fasple ,  de  pou- 
lies à  gorge  mues  par  des  ficelles  ou  cordes  à  boyaux  sans  fin 
qui,  soumises  aux  émanations  de  la  bassine  à  eau  chaude  et 
aux  variations  atmosphériques,  donnaient  lieu  à  de  fréquents 
glissements  de  ces  cordes  sur  les  poulies ,  et ,  par  suite ,  à  des  irré- 
gularités dans  le  jeu  du  va-et-vient  et  dans  l'enroulement  même 
des  fils  sur  fasple. 

Cet  inconvénient,  auquel  Vaucanson  avait  cherché  à  porter 
remède  par  une  poulie  de  tension,  lors  d'un  premier  essai 
de  machine  à  tirer  la  soie,  dont  la  date  doit  être  antérieure  à 
17441»  se  rencontrait  aussi  dans  un  tour  inventé  par  Larou- 
vière,  bonnetier  du  roi2,  et  qui  fut  vers  cette  époque,  soumis  à 
l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Dans  ce  tour,  fort  imparfait 
d'ailleurs,  la  vitesse  de  l'asple,  simple  ou  double,  mais  d'un 
assez  faible  diamètre,  était  quadruplée,  sextuplée,  par  des  pou- 
lies  de  renvoi,  et  le  mécanisme  du  va-et-vient  avait  également 
subi  des  modifications  plus  ou  moins  heureuses,  le  tout  en  vue 
d'activer  le  tirage  de  la  soie  des  cocons,  etc. Ce  même  tour,  sou- 
mis en  17^4  eti745,  à  Paris,  à  Montpellier  et  à  Avignon,  àdes 
expériences  comparatives  a^ec  ceux  du  Piémont,  du  Langue- 
doc et  celui  de  Vaucanson,  donna  effectivement  un  accroisse- 
ment sensible  de  produits;  mais  il  était  compensé  par  des 

1  Mémoires  de  V Académie  dit  sciences  de  1749,  p.  n  1  - 

*  Essai  sur  de  nouvelles  découvertes,  etc.,  Liège  et  Paris,  1770. 


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32  \T  JURY. 

déchets  et  un  ralentissement  équivalents  dans  le  dévidage  ul- 
térieur des  écheyeaux ,  à  moins  que  les  cocons  ne  fussent  d'une 
qualité  parfaite  et  la  fileuse  très-habile  et  très-attentive;  cir- 
constances exceptionnelles  alors  comme  aujourd'hui,  et  qui 
ne  prouvaient  rien  en  faveur  du  tour  Larouvière. 

Vaucanson,  instruit  par  douze  années  d  expériences  et  d'es- 
sais appliqués  à  une  centaine  de  tours  à  filer  établis  dans  la 
grande  manufacture  d'Aubenas,  publia  longtemps  après,  dans 
les  Mémoires  de  V Académie  des  sciences  pour  1770  (p.  10*6) , 
une  nouvelle  notice,  dans  laquelle  il  préconise  les  avantages 
économiques  des  grands  établissements  où  les  ateliers  de  tirage 
des  cocons  sont  réunis  à  ceux  de  moulinage  et  de  dévidage 
de  la  soie.  Renonçant  cette  fois  à  transmettre  par  un  cordon 
sans  fin  le  mouvement  de  la  manivelle  à  l'asple,  il  se  sert 
d'une  combinaison  d'engrenages  cylindriques  en  fer  et  à 
petites  dents,  montés  à  l'extrémité  de  l'arbre  moteur,  pour 
communiquer,  par  un  excentrique  à  cheville  ou  bouton  de 
manivelle  établi  sur  la  dernière  roue,  un  mouvement  oscilla- 
toire rapide  à  un  levier  coudé,  dont  l'extrémité  de  la  longue 
branche  verticale  est  terminée,  en  forme  de  T,  par  une  tringle 
transversale  munie  des  barbins  de  guide  et  voisine  de  la  se- 
conde croisare  que  Vaucanson  fait  subir  aux  deux  fils  du  nou  - 
veau  tour.  Ce  tour  se  distingue  d'ailleurs  des  précédents  et  de 
celui  du  Piémont  par  un  mécanisme  à  manivelle  fort  ingé- 
nieux, permettant  à  une  fileuse  inexpérimentée  de  régler  à 
volonté  le  nombre  des  enroulements  des  croisures  par  la  ro- 
tation sur  lui-même  d'un  anneau  vertical ,  muni  de  deux 
œillères  diamétralement  opposées  pour  maintenir  l'écartement 
des  bouts  entre  ces  mêmes  croisures,  tordues  en  sens  con- 
traire, de  manière  à  prolonger  diâgonalement  une  sorte  de 
losange  formé  par  les  fils  aboutissant  à  chacune  des  œillères , 
dont  la  droite  de  jonction  occupe  elle-même  l'autre  diagonale. 

C'était  là  évidemment,  eu  égard  à  l'époque,  une  addition 
précieuse  au  tour  piémontais,  bien  qu'elle  ait  été  abandonnée 
depuis  pour  des  motifs  que  nous  ferons  connaître  ;  mais  on 
n'en  saurait  dire  précisément  autant  de  la  substitution  des 


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MACHINES  ET  OUTILS.  33 

rouages  plans  aux  rouages  d'angle  de  ce  tour,  attendu  que» 
d'une  part,  s'il  y  avait  simplification  sous  le  rapport  des  diffi- 
cultés d'exécution,  alors  assez  graves,  d'une  autre,  il  arrivait 
que  la  tringle  du  va-et-vient,  le  porte-barbins  distributeur  des 
fils  sur  l'asple,  mal  soutenu  à  l'extrémité  antérieure  d'un  long 
manche  mis  en  mouvement  par  un  renvoi  de  bielles  et  de  var- 
lets,  était  soumis  à  des  flexions  et  secousses  transversales  qui 
tendaient  à  faire  rompre  les  fils.  Du  moins,  est-il  naturel  d'at- 
tribuer en  partie  à  .ces  causes  les  critiques  dirigées  à  diverses 
époques  contre  l'ingénieux  dispositif  de  Vaucanson ,  à  la  double 
croisure  duquel  on  a  particulièrement  reproché  : 

i°  D'énerver  considérablement  la  soie  ; 

2°  D'être  réglé  par  une  transmission  de  cordons  sans  fin 
qui  laisse  encore  trop  d'incertitudes  dans  le  comptage  du 
nombre  des  croisures  ou  hélices  et  trop  d'arbitraire  aux 
fileuses  inexpérimentées. 

Mais  on  est  également  autorisé  à  Groire  que  ces  objections , 
déjà  fort  anciennes  et  toutes  spécieuses  qu'elles  paraissent,  ne 
sont  pas  les  plus  graves,  et  que  la  suppression  définitive  de 
la  double  croisure  est  principalement  due  à  l'usage  des  tours 
sans  tourneuses  et  des  moyens  automatiques  d'empêcher  ce 
qu'on  nomme  les  mariages,  sur  lesquels  nous  reviendrons  avec 
détail  dans  le  chapitre  suivant,  après  que  nous  aurons  par- 
couru l'ensemble  assez  vaste  des  anciennes  machines  à  filer,  à 
mouliner  et  dévider  les  soies  grèges. 

De  l'aveu  même  des  mécaniciens  éclairés  de  notre  époque, 
la  perfection ,  la  régularité  de  ce  genre  de  fils ,  dépendent  bien 
moins  de  la  perfection  du  tour  que  de  l'habileté  et  des  soins 
de  la  fileuse  à  marier  convenablement  entre  eux  les  brins  des 
cocons,  dont,  comme  on  sait,  la  grosseur  n'est  pas  la  même 
aux  deux  bouts;  et  c'est  pourquoi,  lorsqu'on  en  dévide  les 
flottes  ou  écheveaux  sur  des  bobines  cylindriques  nommées 
ordinairement  roquets,  le  fil  grége  a  besoin  d'être  purgé  à  nou- 
veau de  tous  nœuds,  bourillons,  doublures,  etc.;  opération 
qui  ne  peut  se  faire  qu'à  la  main ,  du  moins  pour  le  rattache- 
ment des  fils,  et  exige  de  nouvelles  attentions  dont  les  récents 

Tl*  JURY.  —  2*  PARTIE.  3 


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34  VI-  JURY. 

modes  de  filage  ne  sont  nullement  exempts.  Après  cette  se- 
conde opération  ou  dévidage  à  la  main,  la  soie  grége,  ainsi 
purgée,  recevait  d'ailleurs  un  premier  apprêt  ou  tors  à  gauche 
dans  de  grands  moulins,  qui  servaient  aussi  à  donner  le 
deuxième  tors,  en  sens  contraire,  à  la  réunion  de  deux,  trois 
ou  quatre  fils  pareils,  enroulés  préalablement  sur  de  nouvelles 
bobines  cylindriques ,  dans  un  instrument  particulier,  nommé 
doublier  ou  doubloir,  où  ces  bobines  étaient  enfilées  sur  un 
axe  horizontal  recevant  un  mouvement  rotatoire  rapide  d'une 
poulie  et  d'une  corde  sans  fin  passée  sur  la  gorge  d'une 
grande  roue  à  manivelle ,  tandis  que  les  bobines  à  fils  simples 
étaient  disposées  en  face,  par  rangées  verticales,  sur  des  axes 
parallèles  soutenus  par  des  montants  verticaux,  etc. 

S  III.— Anciens  moulins  et  dévidoirs  automates  du  Piémont  ,*  principalement 
d'après  l'encyclopédiste  Roland  de  la  Piatière. 

Je  ne  m'étendrai  pas  davantage  sur  les  instruments  à  main 
servant  à  dévider  et  à  doubler  les  fils,  auxquels  on  a  fort  peu 
ajouté  depuis  leur  adoption  en  France.  Quant  aux  colossales 
machines  piémoii taises  à  mouliner  diversement  les  grèges  ou 
organsins,  machines  à  peine  mentionnées  dans  les  ouvrages 
de  notre  époque ,  nous  n'en  dirons  que  ce  qu'il  faut  pour  faire 
comprendre  le  but  et  la  disposition  principale  des  perfection- 
nements qu'elles  ont  reçus  de  la  part  de  Vaucanson  et  de  ses 
successeurs ,  en  prenant  pour  base  les  descriptions  que  nous 
en  ont  transmises  les  encyclopédistes  du  xviii*  siècle1. 

Les  moulins  ronds,  dits  de  Piémont,  employés  aujourd'hui 
encore  dans  quelques  localités  du  Midi  et  à  Tours  même,  ont 
une  forme  cylindrique  à  base  circulaire,  qui  leur  donne  l'ap- 
parence d'une  véritable  cage  à  jours ,  de  quatre  à  cinq  mètres 
de  diamètre  sur  autant  de  hauteur,  dont  l'axe  est  occupé  par 

1  Voyez  notamment  le  t.  II  de  V Encyclopédie  méthodique  (Manufactures 
et  arts,  1784),  où  Roland  de  la  Piatière  décrit  dans  les  plus  grands  détails 
les  moulins  ronds,  qu'il  attribue  entièrement  aux  Piémontais,  quoiqu'ils  aient 
subi  plusieurs  perfectionnements  essentiels  depuis  l'époque  où  Vaucanson 
entreprit  de  les  critiquer  ou  modifier. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  35 

un  arbre  moteur  vertical,  mis  en  action  par  un  autre  arbre 
horizontal  situé  à  l'étage  inférieur  de  l'édifice  et  qui  fait  mar- 
cher plusieurs  moulins  pareils,  dont,  à  leur  tour,  les  arbres 
verticaux  prolongés  vont,  à  l'étage  supérieur,  animer  une 
série  de  machines  à  dévider  qui  occupent,  sur  plusieurs  rangs 
adossés  deux  à  deux,  toute  la  longueur  de  ce  dernier  étage. 
Les  moulins  eux-mêmes,  mus  tantôt  à  bras  d'hommes  ou  par 
manège  dans  les  petits  établissements,  tantôt  au  moyen  de 
puissantes  roues  hydrauliques,  dans  les  plus  grands,  sont  di- 
visés en  plusieurs  compartiments  ou  étages  horizontaux,  sé- 
parés par  des  anneaux  en  bois  destinés  à  supporter  autant  de 
vargnes  ou  rangées  circulaires  de  grosses  bobines  verticales 
contenant  le  fil  à  tordre  de  droite  à  gauche  pour  le  premier 
apprêt,  ou  à  retordre  en  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
gauche  à  droite  pour  le  deuxième  apprêt. 

Chacune  de  ces  bobines  repose,  vers  sa  base,  à  frottement 
dur,  sur  une  portion  conique  (Tune  broche  verticale  en  fer 
dont  le  pivot  inférieur  tourne  sur  une  crapaudine  en  verre  ou 
en  cuivre  :  cette  bobine  est  surmontée  d'une  petite  pièce  de 
bois  arrondie  en  guise  de  chapeau,  nommée  coronnelle,  très- 
mobile  autour  de  l'extrémité  de  la  broche,  et  munie  en  des- 
sous d'un  anneau  de  plomb,  sorte  de  lest,  par  lequel  elle  pèse 
sur  la  tête  de  la  bobine,  où  elle  glisse  généralement  et  d'un 
mouvement  relatif  par  l'effet  du  tirage  extérieur  du  fil  de  soie 
enroulé  sur  cette  bobine.  Ce  même  coronnelle  porte  une  ai- 
lette en  fil  de  métal ,  pliée  en  S ,  couchée  transversalement  à 
l'axe  vertical  de  la  broche  et  munie  à  ses  extrémités  supé- 
rieure et  inférieure,  situées,  l'une  sur  le  prolongement  de  cet 
axe  où  s'opère  la  torsion  de  la  soie,  l'autre  vis-à-vis  du  ventre 
de  la  bobine  où  se  fait  le  déroulement  du  fil,  de  boucles  en 
tire-bouchons  destinées  à  guider  et  maintenir  ce  fil  dans  un 
état  de  tension  suffisant  pour  l'empêcher  de  vriller  ou  se  replier 
sur  lui-même  au  sortir  de  la  bobine  :  celle-ci ,  dans  la  rota- 
tion rapide  à  laquelle  le  coronnelle  n'obéit  que  partiellement 
et  par  simple  frottement,  abandonne  peu  à  peu  ce  même  fil, 
attiré  lentement  vers  le  haut  par  d'autres  rangées  de  grosses 

3- 


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36  VP  JURY. 

bobines  horizontales  nommées  roqueïles  ou  par  de  longs  guin- 
dres  à  quatre  lames,  montés  respectivement  sur  des  axes  ho- 
rizontaux en  fer,  correspondant  à  autant  de  groupes  distincts 
de  six  fuseaux  ou  bobines  inférieures.  Les  broches  verticales 
de  celles-ci  portent  d'ailleurs,  vers  le  bas,  des  renflements 
arrondis,  contre  lesquels  viennent  frotter  alternativement  des 
segments  circulaires  ou  jantes  de  bois  nommés  strafins,  garnis 
de  bandes  de  cuir  tendu  et  recouvrant  plusieurs  couches  de 
draps;  segments  fixés  aux  extrémités  d'autant  de  bras  de  l'arbre 
vertical  du  moulin ,  où  ils  sont  maintenus  par  une  articulation 
accompagnée  de  ressorts-repoussoirs,  de  contre-poids  à  poulie 
de  renvoi ,  qui  les  obligent  à  appuyer  fortement  contre  le  ren- 
flement des  broches. 

A  l'étage  ou  vargue  inférieure  du  moulin ,  les  strafins  agissent 
extérieurement  pour  faire  tourner,  de  gauche. à  droite,  les  bo- 
bines chargées  des  fils  destinés  à  recevoir  le  second  tors  ou 
apprêt,  et  qui  montent  plus  ou  moins  obliquement  sur  les 
guindres  horizontaux  situés  immédiatement  au-dessus,  pour 
y  former  autant  d'écheveaux  (six)  qu'il  existe  de  fuseaux  dans 
la  rangée  inférieure  eprresporidante.  Dans  les  vargues  ou  com- 
partiments du  haut,  destinés  au  premier  apprêt,  et  dont  les 
strafins  agissent  intérieurement,  ou  de  droite  à  gauche,  sur 
le  ventre  des  fuseaux ,  les  fils  se  rendent  sur  des  roqueïles  supé- 
rieures, qui  sont  rangées  également  six  par  six,  sur  des  axes 
horizontaux  situés,  deux  par  deux,  sur  le  prolongement  les 
uns  des  autres,  et  dont  l'ensemble  constitue,  pour  une  même 
vargue,  un  polygone  régulier  inscrit  à  la  cage  du  moulin, 
tout  comme  cela  a  lieu  pour  les  axes  horizontaux  des  couples 
de  guindres  dont  il  a  dVibord  été  parlé. 

Ajoutons  que  ces  divers  axes ,  soutenus  à  leurs  extrémités 
par  des  coussinets  fixés  aux  piliers  correspondants  du  mou- 
lin, sont,  à  l'extrémité  commune  à  chaque  couple,  mis  en 
mouvement  par  un  système  d'engrenages  en  bois  nommés 
ponsonnelles,  et  dont  la  roue  motrice  verticale  porte  des  chevilles 
ou  mentonnets  en  hérisson,  que  poussent  alternativement  et 
transversalement  des  segments  hélicoïdes  rampants,  nommés 


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MACHINES  ET  OUTILS.  37 

serpes:  celles-ci,  fixées  aux  extrémités  des  bras,  concentri- 
quement  à  l'arbre  central  ou  moteur  du  moulin ,  représentant 
autant  de  portions  de  vis  à  filet  carré,  dont  Faction  oblique 
sous  les  chevilles  saillantes  du  hérisson  occasionnait  un  frotter 
ment  de  glissement  nécessairement  très-rude. 

Enfin,  pour  acquérir  une  notion  à  peu  près  complète  du 
moulin  rond  du  Piémont,  tel  que  le  décrit  Roland  de  la  Pla- 
tière  dans  YEncyclopédie  méthodique,  il  est  nécessaire  d'ajouter 
que  les  guindres,  ou  les  rangées  horizontales  de  roquelles  qui 
les  remplacent  dans  les  vargues  supérieures,  sont  accompa- 
gnés, en  dessous,  d'autant  de  barres  de  guide  à  barbins,  paral- 
lèles à  leurs  axes  respectifs  et  animés  d'un  mouvement  lent 
de  va-et-vient1,  par  lequel  le  fil  est  distribué  en  hélices  sur  son 
écheveau  ou  sa  bobine;  mouvement  produit  par  autant  d'ex- 
centriques circulaires  qu'enveloppent  des  brides  en  fer  à  che- 
val, fixées  respectivement  sur  chacune  des  barres  de  guide, 
tandis  que  les  excentriques  le  sont  à  l'extrémité  de  l'un  des 
arbres  tournants  horizontaux  de  la  ponsonelle  adjacente. 

Par  ce  dispositif,  compliqué  à  cause  de  la  double  fonction 
qu'il  remplit  et  qui  constitue  véritablement,  du  moulin  rond, 
deux  machines  automates  à  retordre,  très- distinctes,  mais 
dont  la  grossièreté  primitive  d'exécution  en  bois  ne  répond 
peut-être  pas  au  génie  de  l'invention,  on  parvenait  à  donner 
à  Ja  fois  un  mouvement  de  600  à  800  tours  par  minute  aux 
336  broches  ou  fuseaux  dont  les  diverses  vargues  de  ce  mou- 
lin étaient  garnies.  Pour  en  donner  l'intelligence  parfaite,  il 
resterait  beaucoup  de  choses  intéressantes  à  dire  sur  l'action 
alternative  et  intermittente  des  strafins;  sur  le  jeu  non  moins 

1  L'application  ingénieuse  du  va-et-vient  au  moulinage  des  soies  est-elle 
véritablement  d'origine  piémontaise ,  comme  semble  l'insinuer  Roland  de  la 
Piatière?  C'est  ce  dont  il  est  d'autant  plus  permis  de  douter  que  cet  ancien 
inspecteur  des  manufactures  royales  se  montre  fort  peu  disposé  à  reconnaître 
le  mérite  des  inventions  de  Vaucanson,  et  que  le  brevet  pris  en  1807  par 
le  sieur  Àmaretti  de  Versuolo  semble  démontrer  combien  peu  l'usage  de  cet 
organe  était  alors  familier  aux  constructeurs  de  moulins  ronds  en  Italie,  bien 
qu'il  fît  partie  intégrante  du  tour  piémontais ,  comme  on  l'a  vu. 


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38  VI-  JURY. 

mystérieux,  et  inexpliqué  dans  les  livres,  du  coron nelle  à  ai- 
lettes, où  rinertie,  la  force  centrifuge,  la  résistance  de  l'air  et 
les  frottements  jouent  un  rôle  nécessaire  dans  le  déroulement 
du  fil  des  fuseaux  et  son  enroulement  sur  les  guindres  ou  les 
roquelles;  enfin ,  sur  le  rapport  à  établir  entre  les  vitesses  de 
ce  déroulement  et  de  cet  enroulement,  ou  entre  les  vitesses 
rotatoires  des  axes  respectifs,  afin  d'assurer  aux  fils,  dans 
chaque  cas,  le  degré  de  tors  convenable  par  unité  de  lon- 
gueur, et  que  prescrivaient  rigoureusement  les  règlements 
piémontais  de  1724,  et,  en  France,  ceux  de  1737,  déjà  cités. 
Il  nous  suffît  ici  d'avoir  en  quelque  sorte  constaté,  pour  le 
point  de  vue  historique,  l'existence  des  organes  les  plus  essen- 
tiels et  dont  le  mécanisme  a  été  reproduit  ou  imité  dans  toutes 
les  machines  ayant  un  but  analogue. 

Au  surplus,  le  moulin  double  dont  je  viens  de  donner  un 
rapide  aperçu  n'est  pas  la  seule  machine  automatique  em- 
pruntée à  l'Italie,  et  je  ne  saurais  passer  sous  silence  le  sys- 
tème des  dévidoirs  automates  qui,  placés  au  dernier  étage  du 
bâtiment,  étaient  mis  en  mouvement  par  des  rouages  d angle 
fixés  au  plafond  de  cet  étage,  à  l'extrémité  supérieure  du  pro- 
longement de  chacun  des  arbres  moteurs  verticaux  de  l'étage 
inférieur. 

Ces  dévidoirs,  nommés  tavelles,  au  nombre  de  soixante  par 
arbre  moteur,  sont  très-étroits,  très-légers,  composés  de  quatre 
bras  et  d'autant  de  lames  mobiles  portant  les  flottes  de  soie,  et 
tournant  avec  beaucoup  de  douceur  et  de  liberté  autour  d'axes 
en  fer  horizontaux  garnis  respectivement  de  noyaux  en  bois 
où  s'assemblent  les  bras  de  tavelles;  noyaux  dont  le  milieu, 
creusé  en  forme  de  gorge,  est  embrassé  avec  un  grand  jeu 
par  un  anneau  métallique  soutenant  un  petit  poids  destiné  a 
faire  naître  sur  cette  gorge  un  frottement  qui  sert  de  frein  et 
maintient  les  fils  de  soie  légèrement  tendus  pendant  le  dévi- 
dage des  flottes,  c'est-à-dire  pendant  que  ces  mêmes  fils  mon- 
tent sur  la  rangée  correspondante  des  roquelles  ou  bobines 
horizontales  établies  à  la  partie  supérieure  des  supports,  après 
avoir  traversé,  à  l'ordinaire,  les  œillets  ou  barbins  de  guide 


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MACHINES  ET  OUTILS.  39 

d'un  va-et-vient  à  excentrique ,  intermédiaire  entre  ces  bobines 
et  les  tavelles.  Or,  il  y  a  cela  ici  de  particulier  que  les  roquelles, 
nommées  souvent  roquets,  ne  sont  pas  mises  directement  en 
mouvement  par  leurs  axes  horizontaux,  mais  bien  par  le  frotte- 
ment de  disques  circulaires  et  verticaux  en  bois,  sur  lesquels 
elles  reposent,  en  vertu  de  leur  poids,  par  une  partie  coni- 
quement  arrondie  et  extérieure  à  leur  gorge;  dispositif  adopté 
depuis,  comme  on  le  verra ,  pour  communiquer  le  mouvement 
aux  asples  mêmes  du  toyr  à  tirer  la  soie.  Ces  disques  d'ailleurs , 
montés  par  quinze,  et  à  des  intervalles  convenables,  sur  des 
axes  horizontaux  en  fer,  sont  mis  en  action  par  uqe  roue 
d'engrenage  latérale,  qui  reçoit,  ainsi  que  ses  analogues,  le 
mouvement  d'un  arbre  moteur  vertical  aboutissant  également 
au  plancher  supérieur  de  l'étage,  etc. 

Ces  immenses  dévidoirs ,  montés  sur  des  chevalets  en  nombre 
égal  à  celui  des  tavelles,  exigeaient,  comme  les  moulins  à  or- 
gansiner  ou  à  tordre,  très-peu  de  surveillants  employés  au 
rattachement  des  fils;  ils  étaient  si  bien  appropriés  au  but  à 
remplir  qu'ils  n'ont,  pour  ainsi  dire,  subi  aucune  modifica- 
tion essentielle  depuis  le  commencement  du  dernier  siècle, 
soit  en  France,  soit  même  en  Angleterre,  où  ils  auraient  con- 
tinué à  être  exécutés  en  bois,  tout  au  moins  jusqu'en  i83i,  si 
Ton  en  juge  d'après  l'ouvrage  du  docteur  Lardner1.  Mais  on 
n'en  saurait  dire  autant  de  l'ancien  moulin  à  organsiner  du 
Piémont,  qui  a  subi  dans  l'un  et  l'autre  pays,  comme  on  le 
verra  plus  tard ,  un  changement ,  pour  ainsi  dire ,  radical ,  sinon 
dans  la  solution  mécanique,  du  moins  dans  le  dispositif  et 
la  forme  principale. 

S  IV.  —  Perfectionnement  des  moulins  à  tordre  la  soie  en  France  ;  moulin 
droit  proposé  par  Vaacanson  ;  ses  automates  et  son  mémoire  de  1751. 

Les  moulins  simples  de  second  apprêt,  tels  qu'il  en  existe 
aujourd'hui  même  en  France ,  moulins  tantôt  ronds  ou  circu- 


1   Treatiu  ofthe  origine  of  the  silk  manufacture,  extrait  du  Cabinet  encyclo- 
pêdiqme  du  même  auteur,  publié  à  Londres  en  i83 1 . 


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40  V?  JURY. 

laires,  tantôt  allongés  ou  ovales,  à  base  elliptique  ou  formée 
par  la  rencontre  de  deux  arcs  de  cercle  convexes ,  sont  évi- 
demment une  dérivation  des  moulins  doubles  du  Piémont,  si 
toutefois  ils  ne  les  ont  pas  précédés  pour  certaines  indus- 
tries, car  on  chercherait  vainement  dans  les  écrits  du  dernier 
siècle  quelque  chose  de  précis  à  cet  égard,  non  plus  que 
sur  les  perfectionnements  divers  que  leur  application  a  reçus 
chez  nous,  où  ils  portent  le  nom  de  moulins  français;  ce  qui 
semblerait  indiquer  une  origine  assez  récente,  contemporaine 
peut-être  des  travaux  de  Vaucanson ,  dont  il  sera  bientôt  parlé. 
Dans  ces  moulins  simples,  uniquement  destinés  au  dernier 
tors,  le  grand  axe  correspond,  en  plan*  au  guindre  horizontal 
unique,  établi  à  la  partie  supérieure  des  supports  de  la  ma- 
chine, tandis  que  les  bobines  à  broches  verticales  sont  éta- 
blies, vers  le  bas,  sur  un  ou  deux  rangs  étages  en  gradins  ou 
banquettes,  où  elles  reçoivent  le  mouvement  de  courroies 
sans  fin ,  à  rouleaux  de  tension ,  de  renvoi  ou  de  guide ,  qui  em- 
brassent extérieurement  et  en  serpentant  les  parties  renflées 
des  broches  de  chaque  rang  et  vont  se  replier  sur  un  gros 
tambour  dont  l'arbre  vertical  commande,  vers  le  haut,  un 
rouage  d'angle  à  chevilles  ou  lanterne  faisant  marcher  simul- 
tanément Taxe  du  guindre  unique  dont  est  munie  la  machine, 
ici  privée  du  va-et-vient,  que  remplace  simplement  une  barre 
de  guide  à  barbins  ou  œillères  fixes. 

Mais  ces  anciens  appareils,  où  les  bobines  sont  munies  seule- 
ment vers  le  bas  d'un  large  rebord  contenant  le  fil  enroulé  en 
hélices  à  fusées  coniques ,  et  que  termine  au  sommet  un  bouton 
de  retenue  duquel  ce  même  fil  s'échappe  dans  la  direction 
de  l'axe  où  la  torsion  s'opère,  tandis  que  son  dévidement  est 
aidé  par  l'action  de  la  force  centrifuge,  ces  appareils,  dis-je, 
paraissent,  d'après  Roland  de  la  Platière  \  avoir  été  plus  spé- 
cialement employés  à  donner  le  retors  ou  second  tors  aux 

1  Encyclopédie  méthodique,  Manufactures,  t  II,  article  Retordage,  pi.  *» 
3  et  4,  rédigé  trente  ans  au  moins  après  l'époque  où  écrivait  Vau- 
canson. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  41 

fils  doubles  de  laine,  de  coton,  de  filoselle ,  destinés  à  la  cou- 
ture ou  à  former  la  chaîne  de  certaines  étoffes,  etc. 

Dans  un  mémoire  publié  parmi  ceux  de  Y  Académie  des 
sciences  pour  1761  (p.  121),  Vaucanson  adresse  aux  moulins 
à  organsiner  de  son  temps,  qui  avaient,  dit-il,  jusqu'à  24  pieds 
de  diamètre  et  160  broches  ou  fuseaux  par  vargue  ou  ran- 
gée horizontale ,  divers  reproches  souvent  cités,  mais  qu'il  est 
utile  de  résumer  ici,  parce  qu'ils  attestent,  en  effet,  que  ces 
moulins  n'étaient  alors  ni  généralement  doubles  ni  toujours 
munis  de  va-et-vient,  comme  l'indique  Y  Encyclopédie,  et  que 
réellement  ils  se  subdivisaient  en  moulins  distincts  de  premier 
apprêt  ou  tors,  mus  par  des  strafins,  et  en  moulins  de  deuxième 
apprêt,  mus  par  des  cordes  ou  des  courroies  sans  fin  : 

i°  Les  strafins  et  courroies  n'agissent  pas  avec  la  continuité 
qui  serait  indispensable  pour  imprimer  aux  broches,  mal  as- 
sujetties sur  leurs  crapaudines  ou  épaulements  et  situées  à  des 
distances  inégales  de  l'arbre  moteur,  les  vitesses  rigoureuse- 
ment uniformes  réclamées  par  l'égalité  du  tors;  20  les  fils 
montant  obliquement,  et  sous  des  angles  divers,  des  fuseaux 
aux  guindres  ou  aux  rangées  de  roquelles  supérieures,  don- 
nent lieu  forcément  encore  à  des  inégalités  correspondantes 
dans  le  tors;  3°  l'excentrique  du  va-et-vient  que  comportent 
les  moulins  de  premier  apprêt  étant  circulaire ,  il  en  résulte 
des  hélices  irrégulières,  une  distribution  inégale  du  fil  sur 
les  roquelles,  où  il  s'accumule  principalement  aux  deux  bouts, 
ce  qui  constitue  une  nouvelle  cause  d'inégalité  dans  le  tirage 
et  le  tors  des  fils,  cause  à  laquelle  vient  s'ajouter  celle  qui  est 
due  au  grossissement  progressif  des  mêmes  roquelles,  puisque 
en  augmentant  vers  la  fin  de  7  environ  l'étirage  ou  dévidage 
des  fuseaux,  il  diminue  d'autant  le  tors  proportionnel  du  fil; 
4°  la  fixité  des  guindres  du  deuxième  apprêt,  dans  le  sens 
longitudinal ,  et  l'absence  du  va-et-vient ,  remplacé  par  une 
barre  à  guides  ou  barbins  immobile,  font  que  le  fil  ne  s'y  dé- 
veloppe que  sur  une  très-petite  largeur,  s'y  accumule  irrégu- 
lièrement en  écheveaux  pointus  ou  en  talus,  quand,  selon 
l'usage  des  grands  établissements  d'alors,  on  se  dispense  de 


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42  VP  JUUY. 

les  copier  fréquemment ,  opération  qui ,  exigeant  qu'on  les  fasse 
glisser  le  long  des  lames  de  guindres  pour  faire  place  à 
de  nouveaux  écheveaux,  est  très-difficile  sans  savonnage» 
dommageable  même  à  cause  de  l'adhérence  et  du  frottement 
contractés  par  les  fils  sous  l'influence  d'une  pression  accu- 
mulée, etc.;  5°  enfin,  la  diversité  de  tors  nécessaire  aux  fils 
de  différentes  natures,  et  qui  exige  un  changement  corres- 
pondant dans  la  vitesse  rotatoire  constante  des  roquelles  ou 
des  guindres  ren videurs,  ne  peut  s'opérer  dans  les  anciens 
moulins  qu'en  changeant  à  la  fois  tous  les  engrenages  ou 
pon8onnelles  dont  ils  tirent  directement  le  mouvement;  ce  qui 
occasionne  une  longue  suspension  de  travail,  etc. 

Vaucanson  affirme,  dans  le  mémoire  précité,  être  parvenu 
à  corriger  tous  ces  défauts  dans  des  moulins  rectangulaires 
ou  à  deux  faces  planes  verticales  et  parallèles,  distantes  de 
i5  pouces  seulement  et  longues  de  1 5 pieds,  établis  dès  iy5o 
dans  la  manufacture  royale  d'Aubenas,  où  l'on  produisait 
effectivement  des  organsins  que  Lyon  aurait  préférés  même 
à  ceux  du  Piémont,  d'après  le  témoignage  des  contemporains. 
Malheureusement,  notre  célèbre  compatriote,  nommé  associé 
de  l'Académie  des  sciences  en  1 758,  et  qui  n'avait  pas  dédaigné 
auparavant  (1738  et  17^8)  de  publier  deux  écrits  contenant 
la  description  des  automates  qui  firent  tant  de  bruit  en  Europe, 
a  cru  devoir  garder  le  silence  sur  la  nature  des  mécanismes 
qu'il  avait  mis  en  usage  pour  atteindre  le  but  indiqué  dans 
son  mémoire  de  17&1,  terminé  par  une  invitation  au  gou- 
vernement de  Louis  XV  de  rendre  ses  nouvelles  découvertes 
profitables  à  l'industrie,  en  supportant  la  première  dépense 
d'installation  pour  quelques-unes  des  manufactures  d'organ- 
sin déjà  établies.  La  seule  chose  qui  ressorte  nettement  tie  ce 
dernier  écrit,  c'est  que,  d'une  part,  Vaucanson  substitue  aux 
courroies  et  aux  strafins  des  anciens  moulins,  la  chaîne  sans 
fin  à  maillons  de  fil  de  fer  qui  porte  son  nom,  et  pour  laquelle 
il  avait  imaginé,  comme  on  l'a  vu,  une  ingénieuse  machine 
servant  à  la  fabriquer,  pour  ainsi  dire,  automatiquement  et 
avec  une  précision  telle,  qu'elle  pût  engrener,  avec  de  petites 


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MACHINES  ET  OUTILS.  43 

roues,  des  molettes  à  dents,  en  corne  ou  en  cuir  fort,  montées 
sur  les  broches  des  fuseaux;  d'autre  part,  c'est  qu'il  remplace 
dans  le  nouveau  moulin  l'excentrique  circulaire  par  un  sec- 
teur denté,  agissant  alternativement  sur  les  branches  d'une 
crémaillère  double,  donnant  un  mouvement  de  va-et-vient, 
ici  uniforme,  à  la  tige  porte-barbins  :  système,  au  surplus, 
déjà  proposé  en  i588  par  Ramelli1  pour  faire  mouvoir  des 
pompes  doubles ,  mais  qui ,  en  raison  des  chocs ,  offre  de  bien 
graves  inconvénients,  même  dans  le  moulinage  de  la  soie,  et 
que  Vaucanson  a  bientôt  remplacé  par  un  excentrique  en  cœur, 
poussant  une  tige  à  contre-poids  de  recul  et  roulettes  de  fric- 
tion, dans  le  modèle  dont  il  sera  parlé  ci-après. 

Quant  aux  mécanismes  par  lesquels  notre  célèbre  compa- 
triote prétendait  faire  varier  la  vitesse  des  roquelles,  à  chacune 
des  circonvolutions  ou  couches  cylindriques  du  (il  sur  leur 
contour,  en  raison  inverse  du  grossissement  ou  diamètre;  chan- 
ger à  volonté  le  degré  de  tors  par  le  déplacement  d'un  rouage 
denté  ;  faire  glisser,  à  l'aide  d'une  détente  et  de  toute  la  largeur 
des  écheveaux,  réduite  à  dix  lignes,  les  barres  de  guide  ou 
porte-barbins  servant  à  distribuer  les  (ils  sur  le  guindre,  après 
un  certain  nombre  de  révolutions  marquées  par  un  compteur; 
enfin  suspendre  complètement  le  jeu  de  la  machine  à  l'aide 
de  ce  compteur,  qui  sert  aussi  à  avertir  par  une  sonnerie  quand 
il  devient  nécessaire  de  remplacer  les  guindres  pleins  par 
d'autres  vides;  à  l'égard,  dis-je,  de  ces  divers  mécanismes,  le 
mémoire  de  Vaucanson  ne  renferme  aucune  indication  qui 
mette  sur  la  voie  des  moyens  employés,  et,  pour  s'en  faire 
une  idée  un  peu  nette,  il  est  indispensable  de  recourir  au 
modèle  en  petit  existant  aujourd'hui  encore  au  Conserva* 

1  Le  disent  etariificiose  machiné,  in-folio,  publié  en  français  et  en  italien 
à  Paris,  chez  Fauteur,  avec  privilège.  Ramelli  fait  un  grand  usage,  dans  la 
première  partie  de  son  livre,  de  crémaillères  accouplées  ou  non  accouplées, 
qu'il  fait  mouvoir  souvent  au  moyen  d*un  arbre  tournant  muni  de  deux  por- 
tions de  vis  a  filets  dirigées  en  sens  contraire,  mais  grâce  auxquelles  le  choc 
alternatif  des  secteurs  est  substitué  aux  frottements  non  moins  rudes  des 
filets  contre  les  mentonnets  ou  dents  de  la  crémaillère. 


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M  VP  JURY. 

toi  re  des  arts  et  métiers  de  Paris,  modèle  à  la  vérité  mutilé 
et  qui  attend  une  restauration,  une  description  satisfaisantes, 
dont  il  me  parait  digne  au  point  de  vue  historique  des  pro- 
grès accomplis  dans  la  filature  automatique. 

S  V.  —  Modèle  du  moulin  droit  de  Vaucanson  (1760  à  1770),  tel  qu'il 
existe  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  Paris.  —  Vundermonde  cl 
Molard,  successeurs  de  Vaucanson;  MM.  Borgnis  et  Alcan. 

Ce  modèle,  qui  provient  de  l'ancien  magasin  des  machines 
établi,  vers  1775,  dans  le  faubourg  Saint -Antoine1  par  les 
soins  de  Vaucanson,  auquel  succédèrent  plus  tard  Vander- 
monde et  Molard,  était  probablement  destiné  à  répandre  la 
connaissance  des  nouveaux  procédés  de  moulinage  dans  les 
filatures  et  manufactures  de  soieries  dont  Vaucanson  avait  été, 
sous  Louis  XV,  l'inspecteur  général  avant  Roland  de  la  Pla- 
tière.  Il  se  compose  de  deux  parties  ou  moulins  distincts, 
disposés  parallèlement,  ayant  chacun  deux  étages  à  double 
rang  de  fuseaux ,  mus  par  un  même  arbre  de  couche  trans- 
versal, établi  à  la  partie  supérieure  des  cadres  ou  châssis  qui 
constituent  la  grosse  charpente,  le  bâti  fixe  delà  machine,  et 
dont  les  extrémités  sont  armées  de  roues  d'angle,  à  chevilles 
de  bois ,  faisant  tourner  les  arbres  verticaux  en  fer,  qui  sont 
les  véritables  moteurs  des  deux  moulins,  destinés  respective- 
ment :  l'un,  au  premier  tors  ou  apprêt  de  la  soie,  qui  est 
muni  à  cet  effet  d'un  double  rang  de  roquelles  horizontales 
à  chaque  étage;  l'autre,  au  deuxième  apprêt,  et  dans  lequel 
les  rangées  de  roquelles  sont  remplacées  par  des  guindres  ho- 
rizontaux. Chacun  de  ces  arbres  moteurs  porte  de  grandes 
poulies  horizontales,  à  gorge  unie  et  cylindrique  en  bois, 
placées  vis-à-vis  de  chacune  des  doubles  rangées  de  broches  ou 
fuseaux,  qu'elles  font  tourner. simultanément,  au  moyen  des 
chaînes  sans  fin  dont  il  a  déjà  été  parlé,  et  que  dirigent,  à 
l'extrémité  opposée  du  métier,  d'autres  grandes  poulies  de 

1  Rue  de  Charonne,  dans  un  hôtel  habité  successivement  par  les  acadé- 
miciens cités  dans  le  teite,  et  qui  porte  aujourd'hui  encore  le  nom  de  Km- 
canson  (ci-devant  hôtel  de  Mortayne). 


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MACHINES  ET  OUTILS.  45 

guide  à  vis  de  rappel,  pour  régulariser  de  loin  en  loin  la 
tension  des  chaînes,  et,  intermédiairement,  de  petits  rouleaux 
guides  à  rebords,  précédés  d'un  dernier  rouleau  de  tension 
voisin  de  la  poulie  motrice.  Ce  dernier  rouleau  est  fixé  à  l'ex- 
trémité d'un  levier  horizontal  que  presse  constamment  un 
ressort,  dont  la  détente  brusque,  ainsi  que  celle  de  la  chaîne, 
s'opère  par  un  encliquetage  ingénieux ,  mais  compliqué,  formé 
d'un  verrou  tournant,  vertical,  armé  d'ailettes  et  de  repous- 
soirs à  ressorts  mis  en  action  par  un  système  de  leviers  hori- 
zontaux, à  contre-poids  et  à  bascule,  contre  le  dernier  des- 
quels vient  presser,  d'en  haut,  une  tige  verticale  descendante, 
au  moment  précis  où  le  moulin  attenant  doit  être  arrêté  pour 
regarnir  les  fuseaux,  rattacher  les  (ils  rompus,  etc. 

Mais ,  comme  il  importe  que  le  mouvement  de  l'arbre  mo- 
teur vertical  de  ce  moulin  puisse  être  suspendu  aux  mêmes 
instants,  la  roue  d'angle  supérieure  de  cet  arbre  est  rendue 
folle  à  volonté,  au  moyen  d'un  embrayage  à  doubles  griffes  ou 
tenons  montés  sur  un  manchon  à  gorge,  mobile  par  glisse- 
ment, qu'un  ressort  à  boudin  enveloppant  l'arbre  pousse 
constamment  contre  la  platine  en  cuivre  dont  l'épaulement 
inférieur  de  la  roue  d'angle  est  muni;  platine,  à  l'inverse, 
percée  de  deux  mortaises  diamétralement  opposées,  d'où  les 
tenons  ne  se  dégagent  qu'à  l'instant  où  l'on  vient  à  lâcher  un 
levier,  une  bascule  à  contre-poids,  embrassant  la  gorge  du  man- 
chon; ce  levier,  dans  sa  chute,  forçant  le  ressort  à  se  replier 
brusquement  sur  lui-même. 

L'embrayage  dont  il  s'agit  est  d'autant  plus  remarquable, 
qu'il  date  d'une  époque  où  la  construction  des  machines  était 
encore  peu  avancée,  et  qu'il  a  été  imité  depuis  dans  son  prin- 
cipal moyen  de  solution  ;  mais,  quel  qu'en  soit  le  mérite,  l'exa- 
men attentif  que  j'ai  pu  faire  de  celte  partie  du  mécanisme 
ne  m'a  cependant  pas  permis  d'apercevoir,  avec  MM.  Borgnis 
et  Àlcan1,  comment  le  ressort  à  boudins,  aussi  bien  que  la 

1  Traité  complet  de  mécanique  appliquée  aux  arts,  t  VII,  1820,  p.  170; 
Essai  sur  ïindastrie  des  matières  textiles,  1847,  P*  386  et  387. 


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46  VT  JURY. 

détente  élastique  des  rouleaux  de  tension  des  chaînes  mo- 
trices ,  pouvait  devenir  la  source  d'une  régularisation  quel- 
conque du  mouvement  {les  roquelles  et  des  fuseaux  dans  le 
moulin  de  premier  apprêt ,  où ,  d'après  les  vues  de  Vaucanson , 
ils  semblent  servir  uniquement  à  suspendre  ce  même  mou- 
vement, à  volonté  et  simultanément,  aux  deux  étages  du  mou- 
lin, entre  lesquels  se  trouve  établie,  par  une  transmission  de 
tringles,  de  varlets  ou  verroux  tournants,  une  solidarité  né- 
cessaire quant  aux  moyens  de  détente  et  de  débrayage.' 

Ajoutons  qu'il  m'a  pareillement  été  impossible  d'aperce- 
voir, dans  aucune  autre  partie  de  ce  moulin  de  premier  tors 
rien  qui  ressemble  à  un  mécanisme  propre  à  faire  varier  gra- 
duellement la  vitesse  angulaire  des  roquelles  pendant  la  marche 
même  de  la  machine,  c'est-à-dire  au  fur  et  à  mesure  daren- 
videment  des  fils  sur  leur  contour,  ici  déterminé  par  lf oscilla- 
tion lente  qu'un  excentrique  ou  came  en  cœar  imprime ,  de 
part  et  d'autre,  aux  roulettes  dont  sont  munis  les  prolonge- 
ments de  deux  côtés  opposés  d'un  parallélogramme,  articulé 
et  horizontal,  qui  transmet  le  mouvement  de  va-et-vient  à  un 
autre  système  de  tringles,  de  varlets  également  articulés,  rappe- 
lant le  dispositif  de  l'ancienne  machine  de  Marly,  et  mettant 
finalement  en  jeu,  à  chaque  étage,  le  châssis  horizontal  très- 
léger  et  très-mobile  qui  porte,  sur  un  double  rang,  les  bar- 
bins  guides  des  fils.  Rien  enfin  ne  laisse  même  soupçonner, 
dans  le  dispositif  du  modèle ,  l'intention  nettement  indiquée 
au  mémoire  de  Vaucanson ,  d'employer  le  va-et-vient  à  ralen- 
tir, après  chaque  oscillation,  le  mouvement  des  roquelles  par 
l'un  des  ingénieux  systèmes  à  crémaillères,  à  comptage,  etc., 
aujourd'hui  employés  dans  les  filatures,  et  dont  on  aperçoit 
seulement  quelques  traces  dans  le  modèle  du  moulin  de 
deuxième  tors ,  qui  sera  décrit  ci-après.  Aussi,  j'aime  mieux 
supposer,  ou  que  le  modèle  qui  nous  occupe  ne  contient  en 
réalité  que  les  essais  de  solution  qui  ont  précédé  le  mémoire 
de  1751,  ou  que  Vaucanson,  instruit  par  une  plus  longue 
expérience,  aura,  pour  le  premier  apprêt  de  la  soie,  renoncé 
à  la  rigoureuse  égalisation  du  tors,  si  nécessaire  quand  il 


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MACHINES  ET  OUTILS-  47 

s'agit  de  gros  fils,  et  qu'à  une  difficile  et  onéreuse  per- 
fection il  aura  préféré,  comme  cela  se  fait  aujourd'hui  en- 
core pour  l'organsin ,  la  simplicité  qui  résulte  soit  de  l'agran- 
dissement du  diamètre  des  roquelles  et  des  bobines  de  fuseaux , 
soit  de  la  réduction  plus  ou  moins  appréciable  de  l'épaisseur 
des  différentes  couches  de  (il  qui  s'y  enroulent  ou  s'en  dé- 
vident respectivement. 

Quant  au  mécanisme  ingénieux  par  lequel  Vaucanson  évite, 
dans  son  modèle,  le  changement  complet  de  rouages  qui  avait 
lieu  dans  l'ancien  moulin,  et  parvient  à  faire  varier  dans  six 
proportions  différentes  le  degré  de  tors  des  fils,  il  se  trouve 
décrit  avec  beaucoup  d'exactitude  dans  les  ouvrages  cités  de 
MM.  Borgnis  et  Alcan,  et  il  me  suffira  de  rappeler  qu'il  con- 
siste dans  l'emploi  d'une  fusée  à  six  roues  dentées,  décroissant 
en  diamètre  de  bas  en  haut,  montée  sur  un  deuxième  arbre 
carré  vertical  qui  conduit  par  un  engrenage  inférieur  l'arbre 
moteur  du  moulin ,  et  contre  lequel  cette  fusée  est  maintenue 
par  des  vis  de  pression  à  une  hauteur  qui  permet  à  l'une 
quelconque  des  six  roues  d'engrener  avec  un  équipage  d'autres 
roues  horizontales  établi  sur  une  plate -forme  susceptible 
d'être  déplacée,  au  besoin,  d'une  petite  quantité  angulaire, 
autour  d'uQ  troisième  arbret  vertical  qui,  par  un  dernier 
rouage  d'angle,  donne  l'impulsion  aux  deux  rangées  paral- 
lèles et  horizontales  des  roquelles  supérieures. 

Remarquons,  enfin,  que  le  moulin  de  premier  apprêt  qui 
vient  de  nous  occuper  se  trouve  entièrement  privé  des  or- 
ganes à  l'aide  desquels  il  pourrait  être  spontanément  réduit 
au  repos  à  des  intervalles  déterminés  par  le  grossissement  des 
roquelles,  tandis  que  ces  organes  existent,  au  contraire,  dans 
le  moulin  de  deuxième  apprêt,  dont,  à  ce  point  de  vue  principa- 
lement, il  me  reste  à  donner  une  idée,  afin  de  compléter  les 
notions  qui  peuvent  servir  à  faire  connaître  avec  une  certaine 
précision  l'état  d'avancement  où  se  trouvait  vers  le  milieu 
du  siècle  précédent  la  partie  de  la  mécanique  qui  concerne 
plus  spécialement  la  composition  ou  les  organes  de  .transmis- 
sion des  machines. 


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48  VI-  JURY. 

En  voyant,  au  surplus,  le  soin  avec  lequel  Vaucanson  a 
traité,  dans  le  second  de  ses  modèles,  tout  ce  qui  est  relatif  au 
mécanisme  compteur  servant  à  distribuer  le  fil,  en  écheveaux 
distincts,  sur  les  guindres,  conformément  à  ce  qui  est  an- 
noncé dans  le  texte  de  son  mémoire,  on  ne  peut  s'empêcher 
de  regretter  que  les  auteurs  déjà  plusieurs  fois  cités  se  soient 
abstenus  d'en  donner  une  description  et  des  dessins,  qui  au- 
jourd'hui même  eussent  été  pleins  d'intérêt  pour  les  cons- 
tructeurs de  moulins  à  organsiner  la  soie.  Que  Ton  me  per- 
mette donc  de  réparer  ici,  bien  imparfaitement  sans  doute, 
un  oubli  si  préjudiciable  à  la  renommée  de  l'inventeur  et  à 
notre  propre  gloire  nationale. 

Rappelons  tout  d'abord  que  le  système  général  du  bâti,  de 
l'arbre  moteur  principal,  des  poulies,  des  chaînes  de  trans- 
mission ,  de  l'embrayage  à  griffes  et  des  rouleaux  de  tension , 
à  déclic,  sont  dans  le  second  moulin,  à  très-peu  de  chose 
près,  tels  que  nous  les  avons  déjà  décrits  pour  le  précédent. 
Remarquons  ensuite  que  la  fusée  des  roues  de  rechange  et 
l'équipage  à  platine  tournante,  par  lequel  le  mouvement  est 
transmis  aux  roquelles  ou  aux  couples  de  guindres  qui  en  tien- 
nent lieu  ici,  sont  remplacés  par  un  dispositif  beaucoup  plus 
simple ,  qu'on  retrouve  dans  les  machines  anglaises  à  organ- 
siner et  dans  le  système  de  quadrature  à  roue  de  rechange  des 
tours  à  fileter.  Mais  ce  qu'il  importe  surtout  de  remarquer, 
c'est  que  le  mécanisme  du  va-et-vient,  l'excentrique  en  cœur, 
est  ici  rattaché  directement  au  mécanisme  compteur  qui  fait 
agir  les  détentes  d'embrayage  après  un  nombre  déterminé 
de  révolutions  des  guindres,  et  sert  intermédiairement,  par 
une  ingénieuse  combinaison  de  crémaillères  dentées,  à  im- 
primer au  châssis  porte-guides  des  fils,  outre  le  mouvement 
lent  de  va-et-vient  que  nécessite  la  formation  régulière  de 
chacun  des  écheveaux,  le  mouvement  progressif  et  intermit- 
tent qui,  à  des  intervalles  réglés,  oblige  ces  mêmes  fils  à 
changer  brusquement  de  place  pour  recommencer  une  nou- 
velle rangée  d'écheveaux  sur  les  guindres ,  conformément  à 
ce  qui  est  annoncé  dans  le  mémoire  de  Vaucanson. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  49 

Dans  ce  but,  Tune  des  roues  extrêmes  par  lesquelles  les 
arbres  horizontaux  et  parallèles  du  couple  de  guindres  prin- 
cipal se  commandent  réciproquement,  fait  mouvoir  un  comp- 
teur à  vis  sans  fin,  dont  la  roue  verticale,  à  dents  très-serrées, 
conduit,  avec  beaucoup  de  douceur,  l'arbre  horizontal  qui 
porte  l'excen trique  en  coeur  agissant ,  à  peu  près  comme  dans 
le  premier  modèle  et  de  part  et  d'autre,  contre  les  roulettes 
inférieures  d'un  parallélogramme  articulé,  lequel,  par  une 
transmission  de  tringles  et  de  leviers  situés  au-dessous  et  dans 
le  même  plan  vertical,  donne  le  mouvement  de  va-et-vient  à 
la  tige  horizontale  de  l'une  des  crémaillères  dont  il  a  déjà  été 
parlé  :  cette  tige  saisit,  par  enfourchement  de  l'un  de  ses 
•crans,  la  partie  saillante  d'une  lame  de  fer  verticale  fixée  à 
l'extrémité  correspondante  du  châssis  porte-barbins,  que  solli- 
cite un  contre-poids  de  recul  suspendu  k  un  cordon  passant  sur 
une  poulie  de  renvoi  postérieure  :  l'axe  horizontal  de  cette 
poulie  faisant  système  avec  le  levier  articulé,  vertical,  qui 
pousse  directement  la  tige  ou  manche  horizontal  de  la  cré- 
maillère, il  en  résulte  un  dispositif  très-simple  qui  assure  évi- 
demment le  va-et-vient  du  distributeur  des  fils,  quelque  soit 
celui  des  crans  de  cette  crémaillère  qui  se  trouve  engagé. 

Pour  concevoir  d'ailleurs  comment  peut  s'opérer  le  chan- 
gement de  cran  qui  produit  le  déplacement  simultané  des 
guides  et  des  écheveaux,  il  faut  remarquer  que  la  partie  den- 
tée et  antérieure  de  la  crémaillère  forme,  en  dessous,  un  talus 
dont  les  pleins  peuvent  glisser  sur  la  lame  d'arrêt  du  châssis 
porte-barbins,  lorsqu'elle  vient  à  être  soulevée  par  la  tige  ver- 
ticale qu'une  autre  crémaillère  ou  segment  denté,  aussi  ver- 
tical ,  tournant  autour  d'un  axe  fixe ,  soutient  et  met  en  action , 
de  loin  en  loin,  à  chacun  des  passages  d'une  came  montée 
sur  l'arbre  horizontal  d'un  nouveau  compteur  placé  paral- 
lèlement au-dessus  du  précédent,  et  dont  il  reçoit  le  mouve- 
ment à  l'aide  d'une  roue  verticale  étoilée  sur  laquelle  agit,  à 
son  tour,  par  échappement,  une  nouvelle  came  fixée  à  l'arbre 
de  ce  dernier  compteur.  Il  est  évident,  en  effet,  que,  à  chacun 
des  soulèvements  de  la  crémaillère  horizontale  et  inférieure, 

Tl*  JURY.  —  2*  PARTIE.  4 


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50  VI-  JURY. 

le  châssis porte-barbins,  sollicité  par  son  contre-poids,  reculera 
de  tout  l'intervalle  plein  ménagé  entre  les  crans  voisins  et 
correspondants  de  cette  crémaillère,  dont  les  talus  sont  pro- 
portionnés aux  degrés  successifs  d'élévation  du  segment  denté- 
supérieur.  Mais  ce  n'est  pas  tout,  ce  segment  ou  secteur,  à 
mesure  qu'il  s'élève  d'une  dent  sous  l'action  de  sa  came,  com- 
munique progressivement,  et  par  le  prolongement  sensible- 
ment horizontal  du  bras  qui  le  supporte,  un  mouvement 
successif  d'abaissement  à  la  tige  verticale  qui  met  en  jeu  „ 
comme  on  l'a  vu  pour  le  premier  modèle,  le  système  général 
de  désembrayage  du  manchon  à  griffe  et  des  chaînes  sans  (in 
motrices. 

Maintenant,  on  doit  comprendre  aussi  comment,  à  l'aide 
de  modifications,  de  simplifications  même,  faciles  à  saisir,  le 
mécanisme  de  comptage,  dont  les  roues  dentées,  entièrement 
métalliques,  sont  exécutées  avec  une  précision  très-remarquable 
pour  l'époque,  pouvait  également  servir  à  suspendre  sponta- 
nément, à  des  intervalles  réglés  à  l'avance,  le  mouvement 
des  roquelles  et  des  fuseaux  dans  le  moulin  de  premier  ap- 
prêt, et  comment  ce  même  compteur  a  pu  mettre  en  action 
la  sonnerie  d'éveil  ou  d'avertissement  mentionnée  dans  le 
mémoire  de  Vaucanson.  D'un  autre  côté,  comme  on  ne  sau- 
rait suspecter  la  véracité  de  ce  grand  mécanicien  dans  un 
écrit  lu  en  pleine  Académie,  publié  immédiatement  dans  le 
Mercure  de  France,  et  soumis  ainsi  au  contrôle,  à  la  critique 
des  contemporains,  il  faut  bien  admettre  comme  conséquence 
que  dans  le  moulin  de  premier  apprêt,  établi  dès  1750  à 
la  manufacture  d'Aubenas,  il  avait  effectivement  résolu  le 
problème  qui  consiste  à  faire  varier  la  vitesse  des  roquelles 
en  raison  inverse  du  grossissement  de  leur  diamètre ,  quoiqu'il 
n'en  existe  aucune  trace  patente  dans  le  modèle  dû  Conserva- 
toire clés  arts  et  métiers  de  Paris  ;  de  sorte  qu'il  est  impossible 
de  lui  refuser  l'honneur  d'avoir,  le  premier,  ouvert  la  route 
aux  immenses  perfectionnements  dont  le  banc  à  broches  et 
les  continues  à  filer  le  coton  ont,  comme  on  l'a  vu  (Intro- 
duction générale) ,  été  l'objet  dans  ces  derniers  temps. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  51 

On  comprendra  mieux  encore  la  portée  des  vues  et  la  puis- 
sance d'invention  de  Vaucanson,  si  nous  faisons  remarquer 
dès  à  présent  que  l'on  trouve  dans  ses  anciens  cartons,  égale- 
ment déposés  au  Conservatoire,  un  dessin  à  grande  échelle 
d'un  engrenage  à  mouvement  différentiel,  dont  les  constructeurs 
de  machines  ont  depuis,  comme  on  l'a  vu  encore,  fait  une  utile 
application  à  ce  même  banc  à  broches,  et  dont  notre  ingénieux 
et  regrettable  M.  Pecqueur  a  tiré  un  si  bon  parti  pour  la  solu- 
tion de  savants  problèmes  concernant  l'horlogerie  pratique  et 
la  science  des  machines1.  Ce  dessin,  en  effet,  contient  tous 
les  détails  nécessaires  à  l'exécution  d'un  engrenage  de  ce 
genre,  composé  de  deux  roues  parallèles  montées,  d'une  ma- 
nière indépendante,  sur  un  même  arbre  autour  duquel  elles 
tournent  librement,  et  qui  engrènent  de  part  et  d'autre  avec 
un  pignon  monté  à  angle  droit  sur  l'extrémité  d'un  bras  fixé  à 
cet  arbre,  dont  la  vitesse ,  le  mouvement  angulaire  peut  être  lié 
à  celui  des  deux  roues,  dans  des  proportions  aussi  petites  et 
aussi  grandes  qu'on  le  désire,  par  l'addition  ou  la  soustraction 
opérées  en  vertu  du  mouvement  relatif  des  trois  roues,  etc. 

Malheureusement,  la  partie  supérieure  du  dessin  ayant 
été  enlevée,  il  est  impossible  de  deviner  à  quelle  application 
Vaucanson  destinait  son  système  d'engrenages  différentiels, 
nommés  quelquefois  roues  planétaires;  mais  si  Ton  en  juge 
parie  génie  et  la  science  dont  sont  empreintes  ses  diverses  in- 
ventions, notamment  sa  machine  à  tisser  automate,  dont  nous 
aurons  à  nous  occuper  dans  une  autre  partie  de  ces  recherches 
historiques,  on  sera  tenté  de  croire  que  cette  application  a 
pu  servir  de  type  et  de  point  de  départ  aux  combinaisons 
qu'on  admire,  ajustes  titres,  dans  quelques  machines  mo- 

1  Le  mémoire  adressé  à  ce  sujet  à  f  Académie  des  sciences  par  cet  habile 
mécanicien  a  été  en  1818,  de  la  part  de  l'illustre  Prony,  l'objet  d'un  rap- 
port on  ne  peut  plus  favorable,  et  où  la  matière  se  trouve  particulièrement 
approfondie*.  Depuis,  les  rouages  planétaires  ont  attiré  l'attention  des  indus- 
triels et  des  savants,  parmi  lesquels  je  me  contenterai  de  citer,  dans  l'ordre  de 
date,  MM.  Perrelet,  Francceur  et  Wiilis,  l'auteur  déjà  cité  d'un  Traité  de 
cwémvtiqae  publié  en  anglais  (  1 8à  1  )* 

à. 


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52  VI#  JURY. 

dernes  où  Ton  s'est  proposé  d'éviter  la  multiplication  des 

rouages  et  des  frottements  qui  en  résultent 

S  VI. — Critiques  adressées  aux  machines  de  Vaucanson.  —  Roland  de  la 
Platière,  Villard,  Rival,  Gentet  et  Jes  frères  Juhié  de  la  Sône. 

Roland  de  la  Platière,  dont  la  portée  d'esprit  et  les  con- 
naissances en  mécanique  n'étaient  point  fort  étendues,  mais 
qui,  en  réalité,  a  rendu  de  grands  services  à  l'industrie  natio- 
nale par  la  publication  de  ses  traités  encyclopédiques  de  1760 
et  1784,  Roland  de  la  Platière,  disje,  n'a  guère  cité  les  ma- 
chines à  ouvrer  la  soie,  de  Vaucanson  et  de  ses  imitateurs» 
que  pour  les  critiquer  :  il  ne  pensait  pas  que  l'on  pût  faire 
mieux  que  le  Piémont,  dont  le  moulin  rond  était  générale- 
ment en  usage  à  l'époque  où  il  écrivait  (1784).  Cet  état  de 
choses,  qui  a  continué  bien  longtemps  encore,  malgré  les  im- 
menses progrès  accomplis,  même  en  France,  dans  les  diverses 
branches  d'industries  qui  tiennent  à  la  mécanique ,  cet  état 
de  choses  fâcheux  a  été  attribué  à  diverses  causes  que  je  n'en- 
treprendrai pas  d'approfondir  ici*,  mais  dont  la  principale  doit 
tenir  non  pas  tant  à  l'influence  exercée  par  les  écrits  de  Ro- 
land de  la  Platière  qu'à  l'isolement,  à  la  dissémination  même 
où  le  filage  et  lemoulinage  de  la  soie  sont  demeurés  en  France 
bien  plus  encore  qu'en  Italie,  dont  les  graùdes manufactures 
avaient  été  prises  pour  modèles,  par  Vaucanson,  dans  le  cé- 
lèbre établissement  d'Aubenas. 

Selon  Roland  de  la  Platière  lui-même,  la  chute  de  cet  éta- 
blissement fut  bien  moins  due  à  l'imperfection  des  produits , 
que  Lyon  prisait  au-dessus  de  ceux  du  Piémont,  qu'à  la  cherté 
du  prix  de  revient ,  occasionné  par  l'achat  et  l'entretien  des 
machines,  dont  les  parties  essentielles,  les  chaînes  motrices 
notamment,  tirées  à  grands  frais  de  Paris,  exigeaient  de  fré- 
quentes réparations,  qui,  ne  pouvant  être  opérées  sur  place» 
forçaient  à  suspendre  totalement  ou  à  ralentir  considérable- 
ment la  marche  des  fuseaux,  etc.  C'est  au  moins  ce  que  l'on 
peut  conclure  du  rapprochement  de  divers  passages  contra- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  53 

dictoires  et  diffus  de  ï Encyclopédie  méthodique1,  où  cet  ancien 
inspecteur  des  manufactures,  devenu  depuis,  comme  on  sait, 
ministre  sous  la  première  Constituante,  présente  un  parallèle 
entre  les  machines  de  Vaucanson  et  celles  que  le  sieur  Villard 
avait  établies,  en  1765,  dans  la  manufacture  d'organsin  de 
Salon  (Bouches-du-Rhône),  rivale  de  la  filature  d'Aubenas, 
et  dont  il  préfère,  non  sans  quelques  réticçnces  et  hésitations, 
les  procédés  de  filage  et  d'ouvraison ,  en  se  fondant  sur  des 
motifs  qui  peuvent  se  résumer  ainsi  : 

i°  Dans  le  tour  à  dévider  les  cocons  de  Villard,  on  a  fixé 
invariablement  à  vingt-trois  le  nombre  des  hélices  de  la 
double  croisure  empruntée  à  Vaucanson,  au  moyen  d'un 
mécanisme  qui  ne  laisse  rien  d 'arbitraire  à  la  fileuse,  le  nombre 
impair  des  hélices  ayant,  aux  yeux  de  l'inventeur,  de  grands 
avantages  pour  diminuer,  sinon  supprimer,  les  mariages? 
2°  l'asple  de  ce  tour  a  été  remplacé  par  deux  bobines  où  le  fil 
est  rouie  en  zigzags,  et  qui,  pleines,  sont  ensuite  rangées 
&  par  4  en  arrière ,  pour  subir  immédiatement  un  dévidage  ou 
un  doublage,  également  en  zigzags,  sur  de  nouvelles  bobines 
mises  en  action  par  le  même  mécanisme,  qui  supprime  ainsi 
l'ancien  dévidage  automatique,  etc.;  3°  enfin,  et  ceci  est  ca- 
pital ,  le  moulin  rond  du  Piémont  est  maintenu  dans  ses  formes 
et  proportions  essentielles,  mais  on  y  supprime  les  coronnelles, 
que  l'adhérence  naturelle  du  fil  sur  les  bobines  ainsi  préparées 
suffit  pour  maintenir  tendu,  et  l'on  y  remplace  le  renflement 
des  broches  par  des  parties  cylindriques,  au  contraire  amin- 
cies pour  augmenter,  doubler  la  vitesse  des  fuseaux,  etc. 

Les  machines  de  Villard ,  encouragées  par  le  Gouvernement , 
soumises  en  1780  et  1781  à  l'Académie  royale  des  sciences3, 
ayant  été  accueillies  par  elle  et  par  le  public  avec  des  éloges 
qui  n'étaient  pas  sans  réserves,  surtout  en  ce  qui  concerne  le 

1  Manufactures  et  arts,  t.  II,  article  Soie,  p.  iS*j  et  163,  complément  de 
ce  volume,  p.  97,  103  et  suiv. 

*  Voiries  rapports  de  Vandermonde  qui  ont  été  l'objet  d'une  réclamation 
«le  l'auteur,  dans  laquelle  il  se  plaint  de  l'intervention  occulte  de  Vaucanson, 
qu'il  avait  récusé  comme  commissaire. 


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54  VI-  JURY. 

ralentissement  produit  dans  le  travail,  sur  le  tour  de  cet  in- 
dustriel,  par  la  purge  que  nécessite  le  dévidage  simultané  des 
premières  sur  les  secondes  bobines,  cela  fit  revenir  Roland 
de  la  Platière,  qui  ne  les  avait  pas  vues  fonctionner,  de  la 
prédilection  qu'il  avait  d'abord  montrée  en  leur  faveur,  et  il 
s'empressa,  dans  le  Supplément  à  son  Traité  encylopédique  de 
la  soie,  imprimé  vers  1786,  de  reconnaître  la  supériorité 
des  machines  dues  à  un  autre  filateur  célèbre,  le  sieur  Rival, 
Lyonnais,  exécutées  en  grand  et  qui  fonctionnaient  aux  yeux 
du  public,  plusieurs  années  avant  1784»  à  Neuville-l'Arche- 
véque,  près  de  Lyon  ;  machines  que,  sur  le  rapport  de  Roland, 
l'Administration  fit  transporter  à  ses  frais,  vers  1788,  à  la 
Sône  (enDauphiné),  dans  la  manufactqre  des  sieurs  Jubié  *, 
«  bel  établissement,  dit  Roland,  où ,  ainsi  qu'à  Romans,  dans 
«la  même  province,  furent  autrefois  déposés  par  l'Àdminis- 
«  tration,  pour  leurs  essais  et  usages  constants  et  publics,  les 
«premiers  moulins  de  M.  de  Vaucanson,  qu'elle  avait  fait 
«  exécuter  à  ses  frais.  » 

Tout  ce  qu'il  est  possible  de  tirer  des  éloges,  factums  et 
divagations  de  l'auteur  du  Traité  encyclopédique  sur  la  soie, 
c'est  que  :  i°  les  tours  à  filer  du  sieur  Rival  étaient  placés,  à 
la  suite  les  uns  des  autres,  au  nombre  de  quarante  ou  cin- 
quante, quand  on  pouvait  utiliser  une  chute  d'eau,  ou  au 
nombre  de  huit  seulement,  quand  on  se  servait  d'une  grande 
roue  mue  à  bras  d'homme,  etc.;  2°  c'est  que  chacun  de  ces 
tours,  dont  le  mouvement  pouvait  d'ailleurs  être  suspendu  au 
gré  de  la  fileuse,  au  moyen  iune  cheville,  était  essentielle- 
ment constitué  de  deux  asples  ou  guindres  distincts,  k  dou- 
bles écheveaux,  adossés  et  tournant  en  sens  contraire,  afin  de 
déterminer  un  double  courant  d'air  qui  facilitait  la  prompte 

1  Ces  industriels  sont  les  mêmes  qui  obtinrent,  en  Tan  x,  du  Jury  de  l'ex- 
position nationale,  une  médaille  d'or  pour  des  soies  filées  et  organsins  pré- 
férés par  le  commerce  pour  la  fabrication  des  étoffes  les  plus  belles,  et  dont 
la  supériorité ,  d'après  le  rapporteur,  était  due  à  l'emploi  des  machines  de  Fon- 
canson.  Voyez  la  p.  a  S  du  Rapport  de  1 806 ,  où  la  médaille  cf  or  fut  continuée 
à  ces  habiles  manufacturiers. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  55 

dessiccation  de  la  soie;  3°  c'est  que  les  moulins  à  organsiner 
à  huit  guindres,  de  ce  même  industriel,  avaient  une  forme 
rectangulaire,  analogue  à  celle  des  moulins  de  Vaucanson,  et 
que,  comme  eux,  ils  se  mouvaient  au  moyen  de  grandes 
poulies  dont  les  chaînes  sans  fin  étaient  construites  par  des 
procédés  mécaniques  particuliers,  plus  simples,  moins  dis- 
pendieux, que  ceux  de  ce  célèbre  ingénieur;  4°  enfin,  c'est 
que  les  équipages  de  roues  dentées  de  rechange,  les  comp- 
teurs à  crémaillères  et  à  détentes  que  nous  avons  décrits 
d'après  le  modèle  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  étaient 
ici  simplement  remplacés  par  un  système  composé  d'une 
hélice  montée  sur  l'arbre  moteur  vertical  du  moulin,  en  guise 
de  serpe  continue,  engrenant  dans  une  petite  ponsonnelle  avec 
laquelle  elle  formait  ainsi  une  véritable  vis  sans  fin,  qui  com- 
muniquait, à  son  tour,  le  mouvement  aux  arbres  des  guindres 
par  des  roues  de  rechange;  dispositif  qui  rappelle,  comme 
on  voit,  celui  des  moulins  du  Piémont,  un  peu  simplifié  et 
amélioré,  quoique  présentant  toujours  en  frottements  une 
déperdition  énorme  de  travail  moteur  :  au  moyen  de  fuseaux 
d'une  forme  particulière  qu'il  n'indique  pas,  on  peut,  dit 
Roland,  tout  à  la  fois  filer,  doubler  et  tordre  la  soie  avec  la  ré- 
gularité, la  précision  qui  doit  résulter  de  ces  différents  apprêts. 

Pour  acquérir  des  notions  exactes  sur  l'importance  de  ces 
modifications  apportées  au  moulin  de  Vaucanson  et  recon- 
naître jusqu'à  quel  point  elles  ont  pu  exercer  de  l'influence 
sur  le  moulinage  dans  notre  pays,  il  serait  nécessaire  de  re- 
cueillir sur  place  et  de  comparer  entre  eux  les  vestiges  qu'ont 
laissés  dans  les  manufactures  anciennes  encore  existantes  les 
prétendus  perfectionnements  du  sieur  Rival,  ainsi  que  les 
idées  premières  de  son  illustre  devancier,  idées  dont  l'abandon , 
malgré  les  encouragements  de  l'Administration  d'alors ,  ne  me 
parait  pas  suffisamment  justifier  la  sentence  rigoureuse  portée 
contre  elles  par  Roland  de  la  Platière,  et  reproduite  depuis 
par  divers  auteurs  *,  qui,  oubliant  le  sort  réservé  dès  le  début 

1  Voir  r endroit  cité  de  l'Encyclopédie:  Appendice,  p.  157,  ainsi  que  le 
«.  VII,  p.  1 59,  de  l'ouvrage  de  Borgnis. 


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56  VP  JURY. 

aux  inventions  et  aux  inventeurs  les  plus  favorisés,  ont  moins 
ou  égard  peut-être  aux  progrès  dont  ces  idées  contenaient  le 
germe,  et  à  l'état  encore  si  peu  avancé  de  la  construction  des 
machines,  qu'aux  résultats  matériels  d'une  application  immé- 
diate, journalière  et  économique.  Voici  cette  sentence  : 

«  Le  peu  d'empressement  des  entrepreneurs  de  manufac- 
«  tures  à  en  faire  usage  semble  prouver  que  Vaucanson  a  plus 
«  travaillé  en  mécanicien  qui  cherche  à  se  faire  admirer  des 
«  savants  qu'en  artiste  qui  doit  être  utile  aux  fabriques.  Si  la 
«  perfection  a  été  son  but,  il  paraît  n'avoir  compté  pour  rien 
«les  dépenses,  les  retards,  les  longueurs,  les  réparations;  ce 
«n'est pas  calculer  au  profit  des  arts.  » 

11  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  idées  soi-disant  théo- 
riques de  Vaucanson ,  par  cela  même  qu'elles  tendaient  à  une 
précision  mathématique,  alors  si  négligée  et  aujourd'hui  encore 
si  désirable  et  si  difficile  à  atteindre,  ont  imprimé  à  l'indus- 
trie mécanique  de  la  soie  une  impulsion ,  une  direction  dont 
le  midi  de  la  France  conserve  aujourd'hui  même  le  reconnais- 
sant souvenir,  et  qui  n'a  pas  été ,  comme  on  l'a  vu  par  antici- 
pation ,  sans  influence  sur  les  progrès  ultérieurs  et  assez  ré- 
cents des  autres  branches  de  filature.  On  se  tromperait  étran- 
gement, d'ailleurs ,  si  l'on  voulait  faire  consister  uniquement  ce 
progrès  dans  le  perfectionnement  matériel  de  tel  ou  tel  organe 
d'une  machine,  dans  la  substitution  même  d'un  organe  à  un 
autre,  équivalent  quant  au  but  :  par  exemple,  si  l'on  faisait 
consister  le  principal  mérite  des  innovations  de  Vaucanson 
dans  la  simple  substitution  de  la  chaîne  qui  porte  son  nom 
aux  courroies  et  cordons  sains  fin  des  moulins  piémontais; 
car  cette  chaîne,  à  cause  des  difficultés  d'exécution  ou  d'ins- 
lallation,  à  cause  de  la  discontinuité  même  de  son  action  sur 
les  petits  pignons  des  broches,  est  à  peu  près  généralement 
abandonnée  aujourd'hui,  où,  loin  de  songer  à  la  remplacer 
par  de  plus  invariables  ou  de  plus  simples,  telles  que  celles  de 
feu  Galle,  graveur  de  la  monnaie  de  Paris,  on  en  est  revenu  à 
l'ancien  mode  de  transmission  dans  presque  toutes  les  ma- 
chines à  filer,  et  cçla  malgré  les  vices  que  lui  a  justement 


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MACHINES  ET  OUTILS.  57 

reprochés  Vaucanson;  vices  dont  le  plus  grave  est,  sans  con- 
tredit, le  glissement,  les  inégalités  et  variations  de  tension 
des  cordons  et  courroies,  qui  ne  sauraient  se  racheter  que 
par  un  surcroît  correspondant  de  pression  et  de  frottement 
snr  les  axes  ou  surfaces  d'appui ,  joint  à  un  ralentissement 
nécessaire  de  la  vitesse  de  rotation  des  broches  ou  fuseaux. 

U  n'en  est  pas  moins  vrai,  d'autre  part,  que,  nonobstant 
les  progrès  de  l'industrie*  on  cherche  aujourd'hui  encore  à 
remplacer  ce  système  de  transmission  par  des  combinaisons 
invariables  d'engrenages  métalliques ,  dont  l'idée  fondamen- 
tale rentre  bien  dans  le  cercle  de  celles  de  Vaucanson ,  tandis 
que  Ton  circonscrit  de  plus  en  plus  l'usage  des  cordons  et 
courroies  en  cuir  sans  fin  aux  transmissions  à  de  certaines  dis- 
tances entre  arbres  moteurs  principaux  ou  secondaires;  cour- 
roies dont,  compote  on  l'a  vu  à  différentes  occasions,  les  An- 
glais ont  appris  à  se  servir  dans  les  plus  puissantes  machines,  ' 
grâce  à  l'heureux  mécanisme  de  l'embrayage  à  griffes  et  à 
poulies  folles  qui  leur  est  dû. 

Malgré  l'étendue  déjà  consacrée  à  l'exposé  historique  des 
travaux  de  notre  grand  mécanicien,  je  ne  puis  néanmoins 
me  dispenser  de  mentionner  celle  des  critiques  contempo- 
raines adressées  à  son  mémoire  de  1751  qui  a  dû  lui  causer 
ie  plus  de  peine,  parce  que,  sortant  de  la  plume  d'un  par- 
tisan sans  réserve  des  moulins  à  ouvrer  la  soie,  elle  contenait 
des  reproches  de  plagiat  peu  mérités,  mais  qu'il  crut  devoir 
réfuter  de  point  en  point  dans  une  pièce  transcrite  entière- 
ment de  sa  main,  et  qui  se  trouve  déposée,  sans  date  ni 
nom  d'auteur,  dans  les  archives,  d'ailleurs  si  regrettablement 
incomplètes,  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers. 

La  partie  de  cet  écrit  où  l'on  combattes  objections  adressées- 
par  Vaucanson  à  l'ancien  moulinage  des  soies  était  facile  à 
réfuter,  parce  que  l'auteur  anonyme  n'avait  pas  pris  garde 
qu'elles  s'appliquaient  principalement  aux  grandes  filatures 
d'organsin,  dont  les  machines,  véritablement  automatiques, 
fonctionnaient  dès  1750,  nuit  et  jour,  dans  le  Piémont.  Pour 
ce  qui  est  du  plagiat  dont  Vaucanson  se  serait  rendu  coupable, 


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58  Vr  JURY. 

il  consisterait  uniquement  en  ce  qu'avant  lui ,  ou  à  peu  près 
dans  le  même  temps,  un  sieur  Gentet,  fabricant  à  Lyon,  au» 
rait  déjà  rangé  les  fuseaux  sur  deux  lignes  parallèles  ;  ce  à 
quoi  cet  académicien  répond  qu'il  s'agit  là  de  véritables  arcs 
de  cercle  convergents,  dont  les  fuseaux  sont  mus  par  courroies; 
que  les  frères  Jubié,  autres  mouliniers,  sont  en  droit  de  dis- 
puter Vidée  de  ce  dispositif  au  sieur  Genlet;  et  que,  dans  tous  les 
cas,  l'invention  de  moulins  ovales  ou  elliptiques  a  déjà  ancien- 
nement été  mise  à  profit  par  les  bonnetiers  fabricants  de  bas 
de  soie.  Enfin ,  Vaucanson ,  après  avoir  insisté  sur  les  défauts 
occasionnés  par  le  glissement  des  courroies  et  des  strafins, 
dans  les  moulins  piémontais,  finit  par  déclarer  que,  malgré 
la  suspension  de  l'établissement  d'Aubenas,  il  n'en  regardait 
pas  moins  le  succès  de  ses  machines  comme  consommé. 

Ceci,  on  le  voit,  éclaircit  un  point  d'histoire  que  les  auteurs 
avaient  laissé  obscur,  et  prouve  que  les  moulins  ovales  doubles, 
aujourd'hui  encore  en  usage,  sont  contemporains  de  Vaucan- 
son et  véritablement  d'origine  française,  quelle  que  soit  d'ail- 
leurs la  part  que  Rival  ait  prise  plus  tard  à  leur  perfection- 
nement ou  modification;  mais  cela  note  rien  au  mérite  des 
idées  de  notre  savant  ingénieur  :  d'abord,  parce  qu'il  est  posi- 
tif, d'après  tout  ce  qui  précède ,  que  les  frères  Jubié  les  avaient 
plus  ou  moins  mises  à  profit  dans  leur  établissement  de  la 
Sône;  ensuite,  parce  que  l'ancien  moulin  elliptique  des  bon- 
netiers, et  celui  même  de  Gentet,  étaient  dépourvus  de  tous 
les  moyens  de  précision  que  Vaucanson  avait  introduits  dans 
les  siens.  Cet  ancien  moulin  à  manivelle  des  bonnetiers,  cons- 
truit sur  une  petite  échelle,  et  à  douze  fuseaux  seulement, 
avait  d'ailleurs  été  perfectionné  par  les  Anglais  dès  avant 
l'année  1784,  où.  écrivait  Roland  de  la  Platière,  moyennant 
l'addition  d'un  comptage  à  sonnerie  analogue  à  celui  qu'avait 
auparavant  imaginé  Vaucanson ,  mais  d'une  construction  moins 
délicate,  répondant  à  la  simplicité  même  du  but  et  à  la  peti- 
tesse de  la  machine,  où  l'on  ne  craignait  pas  la  répétition  de 
rouages  dentés  en  fer,  disposés  à  l'une  des  extrémités  de 
l'ovale,  dans  des  plans  verticaux  parallèles  :  cet  instrument  ne 


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MACHINES  ET  OUTILS.  59 

comportait,  en  effet,  ni  vis  sans  fin  ni  crémaillère  à  détente 
ou  à  transposition  cTécheveaux  ;  il  servait  uniquement  à  régler, 
d'une  manière  invariable,  le  nombre  de  tours  des  fils  sur  cha- 
cun des  écheveaux  fixes  du  guindre,  muni  néanmoins  d'un 
va-et-vient  à  simple  bouton  d'excentrique  ou  de  manivelle. 

À  une  époque  où  l'usage  des  bas  de  soie  était  si  générale- 
ment répandu ,  l'ovale  offrait  aux  bonnetiers  d'immenses  avan- 
tages, puisqu'il  les  empêchait  de  recourir  aux  grands  moulins 
à  organsiner,  dont  le  tors  rigoureusement  fixé  et  les.  écheveaux 
de  fils  non  comptés  étaient  une  source  inévitable  de  discus- 
sions et  de  fraudes  très-préjudiciables  au  commerce  des  soieries , 
qu'on  n'évitait  et  qu'on  n'évile  malheureusement  encore  au- 
jourd'hui, dans  l'ancien  moulin  à  guindres,  qu'au  moyen  de 
nouveaux  dévidages  en  flottes  et  à  tours  comptés ,  opérés  avant 
ou  après  la  teinture  des  fils  organsins. 

Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt,  non  plus,  de  faire  obser- 
ver que  les  frères  Jubié,  mentionnés  dans  la  réplique  ci-dessus 
de  Vaucanson ,  sont  les  mêmes  fabricants  dont  Roland  de  la 
Platière,  dans  ses  Additions  à  l'article  Soierie  (p.  io4) ,  parle 
avec  éloges  et  comme  ayant,  vers  1787,  soumis  à  l'essai  un 
nouveau  tour  du  sieur  Tabarin ,  sur  lequel  nous  aurons  à  re- 
venir. Or,  d'après  la  déclaration  de  l'inspecteur  des  manufac- 
tures du  Dauphiné,  ces  fabricants  continuaient  à  se  servir  des 
mécaniques  de  Vaucanson ,  phrase  qui  n'a  plus  aucun  trait  à 
Rival  et  peut  simplement  désigner,  ou  les  tours  à  filer  de  cet 
ingénieur,  ou  certaines  additions  et  modifications  apportées 
aux  anciens  moulins  à  organsiner,  qu'il  serait  aujourd'hui 
d'autant  plus  impossible  d'apprécier  que,  probablement,  il 
n'existe  pas  plus  de  traces  à  la  Sône  qu'à  Aubenas  même 
des  machines  diverses  dont  Roland  de  la  Platière  et  Vaucanson 
ont  prétendu  parier. 

5  VII. —  Moulin  à  soie  de  Le  Payen,  de  Metz  (1767);  éloges  accordés  à  son 
livre  par  Duhamel  du  Monceau. — L'intendant  de  Bernage  et  le  maréchal 
de  Belle-hle.  —  Les  anciens  doubloirs,  purgeoirs,  dévidoirs  et  cantres. 

Avant  de  terminer  ce  sujet,  je  signalerai  à  l'attention  du 


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60  VP  JURY. 

lecteur  les  efforts  tentés  vers  1760  par  Le  Payée,  de  Metz, 
pour  enlever  à  l'ancien  moulin  rond  les  vices  et  imperfections 
graves  qui  lui  avaient  été  reprochés  par  Vaucanson  dans  sod 
célèbre  mémoire  de  1751.  Cet  industriel,  qui  dès  lors  avait 
imprimé  une  heureuse  impulsion  à  la  culture  du  mûrier  et  à 
Téducation  des  vers  à  soie  dans  le  pays  Messin ,  publia  en 
1767,  c'est-à-dire  quelques  années  avant  l'époque  où  Roland 
de  la  Platière  écrivait  dans  l'Encyclopédie,  un  remarquable 
traité  sur  l'ouvraison  des  soies1,  qui  mérita,  à  juste  titre, 
les  éloges  de  l'ancienne  Société  royale  des  sciences  de  Metz  et  de 
l'illustre  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris,  Duhamel  du  Monceau.  Cet  ouvrage,  devenu  fort  rare 
aujourd'hui  et  qui  a  dû  exercer  de  l'influence  sur  les  progrès 
du  moulinage  des  soies  en  France,  contient  les  premières  no- 
tions théoriques  et  pratiques  exactes  qui  aient  été  publiées, 
depuis  le  mémoire  cité  de  Vaucanson ,  sur  cette  branche  im- 
portante d'industrie,  où  nous  sommes  restés  pendant  si 
longtemps  inférieurs  aux  Piémontais,  grâce  peut-être  aux 
informes  et  obscures  publications  de  Roland  dans  l'Encyclo- 
pédie méthodique. 

En  effet,  YEssai  sur  le  moulinage  contient  des  notions  saines 
sur  les  règles  ou  principes  du  tors  des  grèges  en  trame  et  or- 
gansins ,  c'est-à-dire  soit  quant  au  premier,  soit  quant  au  se- 
cond apprêt.  Il  montre,  en  s'appuyant  de  l'autorité  de  Réau- 
mur,  de  Duhamel ,  etc. ,  que  le  tors  n'ajoute  ici  rien  à  la  force 
des  fils,  au  contraire;  qu'il  doit  se  réduire,  quant  aux  grèges,  à 
ce  qui  est  strictement  nécessaire  pour  éviter  leur  emmêlage  et 
cotonnage  dans  l'opération  du  décreusement,  de  la  teinture, 
des  dévidages  et  frottements  divers  qu'elles  ont  à  subir;  que 
le  tors  du  deuxième  apprêt  doit,  conformément  aune  opinion 
déjà  émise  par  M.  Geoffons ,  de  la  Société  royale  des  sciences  à 
Lyon,  être  à  très- peu  près  égal,  quoique  contraire,  à  celui 

1  Essai  sur  les  moulins  à  soie,  etc. ,  suivi  de  cinq  Mémoires  relatifs  à  la  soie 
et  à  la  culture  du  mûrier,  par  M.  Le  Payen,  procureur  du  roi  au  bureau  des 
finances  de  la  généralité  de  Metz  et  Alsace;  à  Metz,  chez  Joseph  Antoine, 
imprimeur. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  61 

du  premier;  qu'enfin  l'étude  des  moulins  piémontais  et  des 
meilleurs  organsins  semble  démontrer  que  deux  révolutions 
des  fils  en  hélices  par  ligne  de  longueur,  ou  900  environ  par 
mètre,  doivent  suffire,  tant  au  premier  qu'au  deuxième  apprêt, 
pour  les  usages  les  plus  ordinaires  :  ce  nombre  pouvant  des- 
cendre à  la  moitié  ou  s'élever  au  double  dans  les  cas  extrêmes. 

Les  critiques  et  les  observations  très- judicieuses  que  con- 
tient ce  chapitre  d'introduction  étaient  bien  propres  à  dé- 
truire les  préjugés  et  l'obscurité  répandus  sur  cette  matière. 
Ce  que  Le  Payen  ajoute  dans  les  deux  dernières  parties  de 
l'ouvrage,  pour  les  règles  à  suivre  dans  la  disposition  des  di- 
vers éléments  du  moulin  qu'il  propose  de  substituer  à  celui 
du  Piémont,  ne  mérite  pas  moins  d'attention  sous  le  rapport 
de  l'exactitude  des  principes  et  de  la  nature  des  combinai- 
sons adoptées  par  l'auteur  pour  mettre  son  système  à  l'abri 
des  reproches  adressés  par  Vaucanson  aux  moulins  à  cage 
ronde,  dont  il  réduit  considérablement  les  dimensions  en 
diamètre  ou  en  hauteur,  et  qu'il  simplifie  en  se  servant 
exclusivement  du  système  des  guindres  ordinairement  réservés 
au  deuxième  apprêt,  et  auxquels  ne  saurait  s'appliquer  le 
reproche  relatif  à  l'inégalité  de  tors  occasionné  par  la  petitesse 
du  diamètre  des  roquelles  horizontales  qui  y  sont  employées. 
L'auteur  préfère  d'ailleurs  la  répétition  d'un  même  système, 
simple,  de  petites  machines  rondes  et  indépendantes,  dans  les 
ateliers  de  filature,  à  l'emploi  d'une  machine  unique,  de 
grande  dimension,  sujette  à  de  fréquents  chômages  et  dont 
le  moulin  piémontais  offrait  le  fâcheux  exemple. 

Le  nouveau  système,  rond  ou  ovale,  de  fauteur  se  trouvait 
ainsi  composé  d'arcs  de  cercle  d'un  faible  diamètre,  2  mètres 
environ,  à  une  ou  deux  vargues  étagées,  chacune  de  76  fu- 
seaux et  de  A  guindres;  le  tout  mis  en  mouvement  par  un 
double  système  de  cordes  sans  fin,  dont  les  poulies  motrices, 
à  gorges  multiples  et  angulaires,  formaient,  aux  extrémités 
de  la  machine,  deux  doubles  fusées  coniques  qui  permettaient 
de  faire  varier  le  tors  avec  la  nature  de  la  préparation.  Ces 
cordes  ou  cordonnets,  d'environ  2  millimètres  de  diamètre, 


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62  Vi#  JURY. 

en  soie  très-flexible,  maintenus  sur  les  gorges  de  poulies  par 
un  système  fort  ingénieux,  quoique  compliqué,  de  chariots  à 
contre-poids  de  recul  ou  de  tension ,  communiquaient  simul- 
tanément la  vitesse  rotatoire ,  dans  des  proportion»  calculées 
par  Fauteur,  aux  axes  des  fuseaux,  des  guindres  supérieurs, 
du  va-et- vient,  ainsi  que  du  compte-toars  à  sonnerie  qui  sur- 
montait le  moulin  et  qui  avertissait  de  l'instant  où  les  guindres 
avaient  accompli  leur  2  400*"16  révolution,  dont  chacune  of- 
frait à  peu  près  1  mètre  de  développement. 

L'ouvrage  de  Le  Payen  contient,  d'ailleurs,  une  description 
claire  de  l'ingénieux  dispositif  du  coronnelle,  dont  l'invention, 
si  importante  et  si  mal  appréciée  par  les  auteurs  modernes, 
remonte  à  une  époque  très-reculée,  anté^eure  peut-être  à 
l'introduction  du  moulinage  des  soies  en  Italie.  Le  dispositif 
des  bobines  légèrement  évidées  au  centre,  celui  des  broches, 
fuseaux  qui  les  supportent,  de  leurs  collets,  pivots  et  crapau- 
dînes  en  cuivre,  est  surtout  remarquable  par  sa  fixité,  qui 
ne  lui  permet  plus  d'osciller,  de  vibrer,  sous  l'influence  des 
1  iOO  révolutions  qu'il  accomplit  par  minute,  régulièrement 
assurées,  ajoute  Le  Payen ,  par  le  cordon  moteur  qui  embrasse 
la  gorge  angulaire  de  petites  poulies  à  angle  aigu  en  cuivre , 
exécutées  avec  beaucoup  de  précision  et  montées  sur  chacun 
des  axes  de  fuseaux,  dont  l'écartement  a  pu  être  réduit  à  la 
moitié  (o*\o8)  de  celui  des  anciens  moulins,  sans  courir  le 
risque  des  glissements  occasionnés  par  les  inégalités  de  tension 
et  la  largeur  ordinaire  des  courroies. 

Mais  ce  qu'il  y  a  particulièrement  de  remarquable  et  pro- 
bablement de  neuf  dans  YEssai  sar  les  moulins  à  soie,  c'est  le 
système  du  châssis  mobile  porte-barbins  ou  distributeur  des 
fils  sur  les  guindres,  dont  le  va-et-vient,  au  lieu  d'être  mis  en 
action  par  bielle  et  manivelle  comme  dans  l'ancien  tour  et 
l'ancien  dévidoir  piémontais ,  ou  par  des  crémaillères  dou- 
bles, par  une  came  en  cœur  comme  dans  l'ingénieux  moulin 
de  Vaucanson ,  reçoit  ici  un  mouvement  uniforme  alternatif 
d'une  goupille  verticale  à  roulette,  conduite  par  une  rainure 
à  deux  arcs  d'hélices  dirigés  en  sens  contraire  et  se  rencon- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  63 

irant,  en  deux  points  opposés,  sur  la  surface  d'un  cylindre 
horizontal  en  bois  dur  placé  immédiatement  au-dessous  de 
Taxe  du  châssis  porte-guides,  et  qui  reçoit  un  mouvement  uni- 
forme, très-lent,  de  la  poulie  à  cordon  sans  fin  qu'il  porte  à 
une  de  ses  extrémités.  Le  tracé  et  la  théorie  très-exacts  de  cet 
organe ,  qui  se  trouvent  ici  exposés  avec  méthode  et  clarté , 
les  règles  et  proportions  prescrites  en  vue  d  atteindre  le  but 
de  la  distribution  régulière  du  fil  sur  les  écheveaux,  prou- 
vent, ainsi  que  les  autres  parties  de  l'ouvrage,  que  l'auteur 
n'a  rien  laissé  au  hasard,  et  qu7il  avait  appliqué  et  pratiqué 
les  méthodes  qu'il  préconise. 

Tout  cet  ensemble  de  dispositifs  constituait,  on  le  voit, 
pour  l'époque,  un  progrès  véritable  dans  l'art  de  construire 
des  machines  à  tordre  ou  mouliner  les  soies ,  quoiqu'on  y 
aperçoive  encore  l'emploi  de  l'engrenage  d'angle  à  chevilles 
et  lanterne  en  bois  comme  point  de  départ  moteur,  ou  trans- 
mission première  du  mouvement;  système  antique  mais  impar- 
fait, dont  les  modèles  de  Vaucanson  étaient  aussi  entachés,  et 
qui  aujourd'hui  encore  n'est  point  entièrement  abandonné, 
malgré  l'irrégularité  de  vitesse  à  laquelle  il  donne  forcément 
lieu.  En  revanche ,  l'introduction  des  poulies  à  gorge  et  cordon- 
nets de  soie  déliés,  en  quelque  sorte  sans  résistance  ni  glis- 
sement et  accompagnés  de  moyens  d'égaliser  la  tension ,  cons- 
tituait un  progrès  véritable  pour  l'époque  de  1767,  où  la 
construction  des  grandes  machines  à  filer  était  encore  si  peu 
avancée  même  en  Angleterre. 

Beaucoup  de  personnes  peuvent  encore  se  souvenir  que 
M.  Le  Payen  avait  installé  à  Metz,  dans  l'établissement  hy- 
draulique dit  de  la  haute  Seille ,  un  système  de  moulinage 
automatique  de  la  soie  qui  a  longtemps  fonctionné;  que  ses 
exemples,  ses  enseignements  sur  la  culture  et  la  greffe  des 
mûriers,  sur  le  ver  à  soie  et  sa  graine,  avaient  été  mis  à  profit 
par  d'autres  propriétaires  du  pays  Messin.  On  sait  aussi  que 
l'état  de  prospérité  où,  à  partir  de  1754,  s'y  était  élevée  la  pro- 
duction de  la  soie ,  sous  l'impulsion  patriotique  de  cet  esti- 
mable citoyen,  n'a  cessé  qu'après  l'époque  où  l'hiver  rigou- 


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64  VT  JURY. 

reux  de  1788  compromit  entièrement  la  récolte  des  mûriers; 
circonstance  d'autant  plus  fâcheuse  que  la  révolution  politique 
qui  suivit  de  si  près  apporta  de  nouvelles  et  irrémédiables 
entraves  à  la  propagation  de  l'industrie  précieuse  de  la  soie 
dans  une  contrée  aussi  favorablement  disposée  par  la  culture 
étendue  qui  s'y  fait  de  la  vigne  et  des  arbres  à  fruits,  depuis 
un  temps  immémorial.  C'est  ce  qu'avait  parfaitement  compris , 
au  surplus ,  le  fondateur  de  l'ancienne  Société  royale  des  sciences 
de  Metz,  le  maréchal  duc  de  Bclle-Isle ,  gouverneur  de  la  pro- 
vince, à  qui  elle  avait  dû  ses  premières  plantations  de  mû- 
riers vers  1734  ou  1735,  et  qu'imita,  vingt  ans  après,  un 
autre  bienfaiteur  du  pays,  l'intendant  de  Bernage,  qui  ne  se 
contenta  pas  de  délivrer  gratuitement  des  plants  de  mûriet 
aux  cultivateurs,  mais  fit  venir  du  midi  de  la  France  des 
personnes  habiles  dans  l'art  de  tirer  la  soie  sur  les  tours  >  ma- 
chines dont  Le  Payen  avait  aussi  offert  les  premiers  modèles. 
Tout  nous  fait  espérer  qu'une  industrie  si  belle,  et  si  propre 
à  enrichir  les  habitants,  n'est  pas  entièrement  perdue  pour  le 
département  de  la  Moselle,  et  que  les  prochaines  Expositions 
des  produits  de  l'industrie  nationale  viendront  confirmer  les 
heureuses  espérances  qu'ont  déjà  fait  naître  celles  de  i844 
et  de  1849. 

Avant  de  franchir  l'époque  de  1793,  si  désastreuse  pour 
la  fabrication  des  soieries  et  des  objets  de  luxe  en  général ,  il 
nous  reste 1  à  mentionner  : 

i°  Les  tracanoirs  et  doubloirs,  ayant  respectivement  pour 
objet  de  dévider  les  fils  sur  de  nouveaux  roquels  ou  de  les 
réunir,  par  deux,  par  trois,  en  un  seul,  pour  les  soumettre 
ensuite  au  premier  ou  deuxième  apprêt,  débarrassés  des  solu- 

1  Nous  n'avons  rien  dit  du  volumineux  et  néanmoins  incomplet  Traité 
de  Paulet,  de  Nîmes,  sur  tort  da  fabricant  d'étoffes  en  soie,  publié  par  ordre 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  dans  les  années  1773  et  1775,  ouvrage 
qui  a  dû  aussi  exercer  sa  part  d'influence  sur  les  progrès  de  cet  art,  mais  qui 
renferme  peu  ou  point  de  choses  sur  le  filage  et  l'ouvraison  ;  l'auteur  y  ayant 
plutôt,  d'ailleurs,  en  vue  les  outils  ou  instruments  à  main  que  les  machines 
proprement  dites,  surtout  les  machines  automatiques. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  65 

lions  de  continuité  qui  peuvent  avoir  échappé  au  premier 
dévidage  à  la  tavelle  ou  survenir  dans  l'opération  du  décreu- 
sage des  fils  de  soie,  etc.  Il  me  suffit  ici  de  faire  remarquer, 
d'après  Le  Payèn  (p.  171),  que  de  telles  machines,  plus  ou 
moins  analogues  aux  anciens  dévidoirs  automates  à  bancs  de 
tavelles  et  va-et-vient,  étaient  formées  de  montants  et  de  ta- 
blettes pour  recevoir  des  rangées  de  girelles  ou  de  bobines  à 
axes  parallèles ,  portant  les  flottes  ou  les  fils  à  dévider,  à  dou- 
bler sur  de  nouveaux  roquets,  et  qu'elles  étaient,  comme  au- 
jourd'hui, munies  de  purgeoirs  en  fourches,  en  lames  de  fer, 
serrées  par  une  vis  transversale,  et  garnies  intérieurement  de 
drap  pour  intercepter  les  bourillons ,  etc.  ; 

2°  L'ancien  rouet  à  main,  à  quatre  guindres  verticaux,  dit 
rouet  de  Lyon,  dont  on  se  servait  autrefois  pour  dévider  les 
flottes  de  soie  teintes  sur  de  petites  bobines  allongées,  verti- 
cales, mais  très-légères,  nommées  rockets,  roquets  ou  roqaetins,  et 
dont  les  fils  sont  destinés  à  l'ourdissage  de  la  chaîne  des  étoffes  ; 

3°  Les  contres ,  où  les  fils  de  ces  mêmes  bobines,  montées 
sur  des  axes  horizontaux  disposés  par  rangées  régulières  les 
uns  au-dessus  des  autres,  dans  un  espèce  de  casier  à  mon- 
tants verticaux,  allaient  se  réunir  sous -la  forme  d'un  long 
écheveau,  en  hélice,  autour  d'un  grand  guindre  vertical  tour- 
nant à  manivelle,  et  dont,  par  d'autres  procédés  non  moins 
ingénieux  d'ourdissage,  les  fils  sont  de  nouveau  montés  en 
bappe  régulière  sur  les  ensouples  cylindriques  du  métier  à 
tisser,  dont  ils  traversent  les  ros  ou  peignes ,  etc. 

Ces  derniers  instruments,  en  eux-mêmes  fort  simples,  qui 
se  rattachent  à  l'art  de  tisser  les  étoffes  en  général ,  n'ont  pas 
subi  de  modifications  bien  essentielles  de  nos  jours  ;  ils  ne 
rentrent  pas  d'ailleurs  dans  la  classe  des  machines  automates 
que  nous  avons  spécialement  en  vue ,  et  c'est  pourquoi ,  malgré 
tout  l'intérêt  qu'ils  offrent,  je  n'insisterai  pas  davantage  ici. 
Quant  au  rouet  lyonnais,  dont  l'inventeur  est  inconnu,  grâce 
à  l'ingratitude  des  contemporains  *,  quoiqu'il  ait  opéré  une 

1  Vandermonde,  dans  un  Rapport  à  F  Académie  des  sciences  de  Paris,  lu 

VI*  JURT. —  2*  PARTIE.  5 


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66  VP  JURY. 

véritable  révolution  dans  le  dévidage  des  soies  teintes,  où 
jusque-là  tout  se  faisait  sur  un  seul  guindre  conduit  directe- 
ment à  la  main,  il  doit  me  suffire  de  rappeler  que,  mû  par 
une  pédale  ou  marche  et  muni  d'un  va-et-vient,  il  a  bientôt  été 
remplacé  par  un  mécanisme  moins  bruyant,  plus  doux,  attri- 
'  bué  à  la  Suisse ,  et  dont  les  quatre  guindres ,  à  axes  horizontaux 
très-légers  et  à  freins  régulateurs  de  tension  comme  les  ta- 
velles des  grands  dévidoirs,  fournissaient  le  fil  à  autant  de 
rochets  ou  roquets  rangés  sur  des  axes  pareillement  horizon- 
taux, parallèles  et  recevant  le  mouvement  rotatoire  de  cor- 
dons passés  sur  une  grande  poulie  à  gorge  mue  par  la  pédale , 
tandis  que  des  barres  de  guides  ou  des  barbins  distributeurs» 
distincts  pour  chacun  des  fils  de  soie,  recevaient  séparément 
le  va-et-vient  d'excentriques  continus  ou  ondes  en  cœur  ran- 
gées sur  un  seul  arbre  horizontal  et  servant  à  imprimer  à  ces 
mêmes  barres  le  mouvement  uniforme  nécessaire  à  la  dis- 
tribution régulière  des  fils  sur  les  bobines. 

S  VIII.  —  Époque  de  la  République  et  de  l'Empire  ;  régime  des  brevets. 
—  Tabarin,  Poidebard  et  Dngcu,  Belfy,  Délègue  et  BcùUj,  Gensoul,  de 
Lyon ,  RosUMaupas  et  Taiabot. 

Nous  voici  arrivés  à  l'époque  où  la  Convention  nationale , 
éteignant  dans  son  foyer  le  plus  intense  et  brisant  violemment 
la  résistance  que  lui  opposaient  les  derniers  vestiges  des  ju- 
randes, des  maîtrises  et  privilèges  des  corporations,  coalisées 
contre  les  utiles  réformes  de  l'Assemblée  constituante ,  créa,  en 
compensation  de  tant  de  machines  ingénieuses  détruites,  de 
tant  de  richesses  perdues,  la  législation  si  féconde,  mais  en- 
core si  imparfaite,  des  brevets  d'invention;  les  institutions,  non 
moins  utiles  dans  leur  but,  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers, 
du  Comité  consultatif  des  arts  et  manufactures,  bientôt  com- 
plétées par  celle  des  Expositions  de  l'industrie  nationale.  Ces 

dans  la  séance  du  3e  mai  1 77a ,  en  son  nom  et  en  celui  de  Vaucanson,  parle 
déjà  du  rouet  à  quatre  guindres  de  Lyon  avec  de  grands  éloges  et  comme 
d'une  chose  généralement  en  usage. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  67 

institutions,  sous  l'égide  puissante  et  les  encouragements 
splendides  du  Consulat  et  de  l'Empire,  revivifièrent,  en  la 
perfectionnant  9  une  industrie  dont  l'aisance  et  le  luxe,  fruits 
de  la  paix,  sont  les  premiers  et  indispensables  éléments,  et 
qui  est  redevenue  de  nos  jours  l'une  des  principales,  des  plus 
brillantes  sources  de  prospérité  dans  notre  pays.  Ce  n'est  pas 
que,  au  surplus,  les  habitudes  sévères  de  la  cour  de  Louis  XVI 
et  la  guerre  d'Amérique  n'aient ,  dès  avant  cette  époque,  porté 
un  coup  funeste  au  commerce  et  à  la  fabrication  des  soieries 
dans  la  riche  cité  de  Lyon;  car  les  métiers  battants,  qui  s'y 
étaient  élevés  à  près  de  18  000  dans  la  période  de  1780  à 
1788,  furent  réduits  par  cette  seule  cause  à  moins  de  7  5oo 
vers  1790,  nombre  que  réduisit  encore  à  près  de  moitié  la 
fatale  catastrophe  d'un  siège  fratricide  où  les  passions  poli- 
tiques ,  surexcitées  par  des  intérêts  rivaux  et  étrangers  à  notre 
pays,  ont  joué  un  si  déplorable  rôle,  mais  qui,  d'après  nos 
plus  véridiques  écrivains,  s'est  relevé  au  chiffre  de  12  000 
sous  l'Empire,  de  20  000  à  27  000  (1827)  squs  la  Restaura- 
tion, et  de  ko  000  à  ôo  000  dans  les  dernières  années  du 
gouvernement  de  Louis-Philippe. 

On  est  assez  dans  l'habitude  de  juger  ainsi  de  la  prospérité 
d'une  industrie  d'après  le  nombre  des  machines  qu'elle  ali- 
mente, comme  aussi  d'après  le  nombre  de  ses  ouvriers  «t 
j  accroissement  même  de  la  population  des  contrées  manufac- 
turières ou  la  production  et  le  débit  de  chaque  nature  de 
marchandise  ouvrée;  mais  ce  critérium,  excellent  au  point  de 
vue  politique  et  commercial,  est  impropre  à  faire  préjuger  les 
perfectionnements  et  les  progrès  réels  de  chaque  branche  de 
fabrication,  bien  qu'ils*  constituent  aujourd'hui  l'élément  le 
plus  puissant,  le  seul  vraiment  efficace  et  durable,  de  la  supé- 
riorité industrielle  d'une  nation  sur  ses  rivales.  La  statistique  * 
des  brevets  d'invention  fournirait  peut-être,  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  une  indication  assez  précise  de  ces  progrès,  si  elle 
n'était  sujette  à  de  graves  méprises  provenant  de  la  concur- 
rence que,  dans  les  temps  prospères,  le  charlatanisme,  l'es- 
prit de  rivalité  et  de  convoitise,  apportent  au  vrai  mérite  privé 

5. 


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68  VP  JURY. 

de  protecteurs  et  de  juges  suffisamment  éclairés.  Sans  insister 
ici  sur  de  tels  rapprochements ,  il  doit  suffire  de  faire  remar- 
quer, pour  la  spécialité  qui  nous  occupe,  que  durant  la 
période  de  1795  à  181 4,  embrassant  tout  le  Consulat  et 
l'Empire,  il  n'a  été  pris  en  France- que  7  brevets  seulement, 
quoique  l'Italie  fût  alors  enveloppée  dans  le  même  régime 
de  législation  et  de  douanes;  qu'il  n'en  fut  délivré  aucun  de 
i8i4  à  1820;  mais  que,  à  partir  de  cette  dernière  époque, 
Je  nombre  s'en  releva  brusquement  de  3  jusqu'à  8  ou  10  par 
année,  avec  des  intermittences  également  brusques  corres- 
pondant respectivement  aux  époques  de  1822,  1827,  1^29i 
i83i,  i834»  i84o,  i844  et  1848.  Le  fait  de  la  lacune  ab- 
solue entre  181 4  et  1820  est  d'autant  plus  digne  d'attention 
qu'il  correspond  au  rétablissement  de  la  paix  générale  en 
Europe,  et  que  la  même  stérilité  s'observe  également  dans  la 
délivrance  des  brevets  anglais  pour  l'industrie  de  la  soie,  qui 
ne  prit  son  essor  qu'à  partir  de  l'année  1823,  si  remarquable, 
à  cet  égard ,  dans  l'un  et  dans  l'autre  pays. 

Revenant  donc  à  notre  point  de  vue  spécial,  nous  conti- 
nuerons à  étudier  en  eux-mêmes,  et  principalement  sous  le 
rapport  mécanique ,  les  perfectionnements  progressifs  qu'a 
reçus,  depuis  1795  jusqu'en  x8i4,  l'art  de  filer,  dévider  et 
mouliner  ou  tordre  la  soie. 

Lie  brevet  de  quinze  ans  pris  en  septembre  1796  (17  fruc- 
tidor an  iv),  par  Tabarin,  pour  le  tour  à  filer  dont  il  a  été 
ci-dessus  parlé,  ce  brevet  vint,  en  quelque  sorte,  inaugurer 
la  nouvelle  ère  de  progrès  et  de  prospérité  en  tout  ce  qui 
touche  à  cette  noble  et  riche  industrie.  Le  dispositif  du  nou- 
veau tour  ne  différait  guère  de  celui  de  Vaucanson,  à  lunette 
tournante  et  à  double  crokure,  que  par  un  mécanisme  à  pou- 
lie et  contre-poids  servant  k  fixer  invariablement  le  nombre 
des  hélices  de  la  croisure.  Quoiqu'il  rappelât  les  tentatives 
analogues  de  Villard,  il  jouit  d'une  grande  vogue  non-seule- 
ment  par  des  perfectionnements  de  détail,  qui  amenèrent 
une  économie  réelle  de  main-d'œuvre  et  de  surveillance,  mais 
aussi  par  la  juste  célébrité  que  l'auteur  s'était  antérieurement 


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MACHINES  ET  OUTILS.  69 

acquise  dans  la  publication  d'un  mémoire  estimé  sur  cette 
importante  matière 1. 

Je  mentionnerai  simplement,  comme  souvenir  historique 
et  parce  qu'elle  rappelle  l'union  de  la  France  et  de  l'Italie, 
la  tentative  faite  en  1807  par  un  nommé  Âmaretti,  de  Ver- 
zuolo,  en  Piémont,  pour  améliorer  le  va-et-vient *de  l'ancien 
moulin  rond,  tentative  dont  un  modèle  en  petit  déposé  à  cette 
époque  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  ne  saurait  donner 
une  idée  tant  soit  peu  précise.  Je  citerai  de  même  le  brevet 
pris  en  juin  181 3  par  MM.  Poidebard  aîné  et  Dugas  frères, 
de  Saint-Chamond ,  pour  un  perfectionnement  dans  l'ouvrai- 
son  de  la  soie  ondée,  qui  intéresse  assez  peu  les  progrès 
de  la  mécanique,  mais  mérite  quelque  attention  en  ce  qu'il 
marque  le  début  d'industriels  habiles  dont  les  noms  ont  sou- 
vent et  honorablement  été  mentionnés  depuis  dans  les  Ex* 
positions  de  l'industrie  française.  Quant  au  dévidoir  à  seize 
guindres,  pour  lequel  M.  Bellyr  de  Lyon,  s'est  fait  breveter 
en  avril  1 8  i3,  nous  lui  devons  une  mention  plus  spéciale ,  tant  à 
cause  du  succès  qu'il  a  obtenu  dès  cette  époque,  où  il  a  rem- 
placé économiquement  et  avantageusement  l'ancien  dévidoir 
lyonnais  ou  suisse,  à  quatre  guindres,  employé  aux  flottes  de 
soie  teintes,  qu'en  raison  des  simplifications  et  perfectionne- 
ments importants  que  cet  ingénieux  mécanicien  a  appliqués  à 
sa  première  conception.  11  nous  suffira  de  rappeler  qu'il  s'agit 
d'une  table  circulaire  horizontale,  tournant,  à  la  volonté  de 
la  dévideuse,  sur  un  pivot  à  axe  vertical  fixe,  et  qui,  établie 
à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du  plancher  d'appui,  porte 
les  seize  guindres  et  leurs  roqu elles,  mis  en  mouvement  par 
des  transmissions  de  vis  sans  fin ,  de  cordons,  etc. ,  partant  du 
tambour,  à  gorges  de  poulies,  qui  enveloppe,  sous  forme  de 

1  Réflexions  sur  U  tirage  des  soies  en  France,  Paris,  1783.  Ce  mémoire, 
devenu  fort  rare  aujourd'hui,  et  la  lettre  citée  des  frères  Jubié,  dans  ï Ency- 
clopédie méthodique,  ont,  en  effet,  commencé  la  réputation  de  fauteur,  qui 
a  joui  jusqu'en  1811  du  privilège  exclusif  de  son  brevet  de  1796,  tombé 
dès  lors  dans  le  domaine  public  et  qui,  pendant  de  longues  années  encore, 
a  servi  de  guide  à  l'industrie. 


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70  vr  JURY. 

fourreau  ou  de  canon  indépendant,  le  support  vertical  de  la 
table,  autour  duquel  il  est  mis  en  mouvement  par  un  rouage 
inférieur  dont  l'arbre  vertical  de  commande,  placé  en  dehors 
du  pivot,  porte  un  volant  à  trois  bras,  armés  de  lentilles,  ser- 
vant à  régulariser  l'action  de  la  pédale  à  balancier,  bielle  et 
manivelle,  menée  par  la  dévMeuse. 

Cet  équipage,  assez  compliqué,  comme  on  voit,  dans  ses 
détails  et  ses  moyens  de  transmission,  quoique  cependant 
très-mobile  et  très-léger,  est  muni  d'un  va-et-vient  porte-bar- 
bins,  formé  d'un  anneau  extérieur  et  concentrique  à  la  table; 
les  guindres  horizontaux ,  montés  sur  des  châssis  à  bascules 
dont  les  charnières  sont  fixées  aux  rebords  de  cette  table, 
peuvent,  d'ailleurs,  être  abattus  extérieurement  et  mis,  quand 
l'un  des  fils  casse,  sous  la  main  de  la  dévideuse,  qui  fait  pivo- 
ter en  conséquence  tout  le  système  pour  atteindre ,  au  besoin , 
un  nouveau  guindre,  et  ainsi  de  suite. 

Le  dévidoir  tournant  de  Belly,  exécuté  en  bois  avec  soin 
et  précision ,  a  été  accueilli  avec  d'autant  plus  de  faveur  qu'il 
pouvait  remplacer  immédiatement  l'ancien  métier  à  quatre 
guindres,  et  qu'il  produisait  deux  tiers  de  plus  d'ouvrage.  Il 
a  été  imité  dans  ses  dispositions  principales  par  MM.  Mous- 
set  (i83i),  Délègue  et  Bailly  (i83a),  qui  y  ont  introduit  des 
modifications  plus  ou  moins  heureuses,  consistant  principale- 
ment dans  la  réduction  du  nombre  clés  guindres  de  seize  à 
douze;  ce  qui  a  conduit  Belly  lui-même  à  apporter  à  son  ap- 
pareil des  perfectionnements  et  des  simplifications  analogues, 
décrits  dans  un  brevet  du  3  juillet  i832,  où  l'on  remarque 
la  suppression  de  l'arbre  coudé  extérieur  à  manivelle,  la  substi- 
tution de  roues  dentées  aux  cordes  sans  fin,  un  dispositif  nou- 
veau du  va-et-vient,  etc.  Mais,  quels  que  soient  le  mérite  de  ce 
perfectionnement  et  l'étendue  actuelle  de  son  application  aux 
ateliers  fractionnés  du  tissage  des  soies,  on  ne  peut  le  consi- 
dérer que  comme  un  simple  moyen  de  transition  et  d'ache- 
minement de  l'ancien  état  de  l'industrie,  où  tout  se  faisait  à 
la  main,  vers  celui  où,  conformément  aux  idées  de  Vaucan- 
son,  la  force  de  l'homme,  si  coûteuse  et  si  variable  dans  son 


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MACHINES  ET  OUTILS.  71 

action,  sera  remplacée,  autant  que  faire  se  pourra,  par  celle 
des  moteurs  inanimés,  agissant  automatiquement,  dans  de 
grandes  factoreries  soumises  à  une  direction  centrale,  unique 
et  uniforme,  en  vue  d'abaisser  les  frais  généraux,  etc. 

En  général,  on  peut  dire  que,  dans  la  branche  toute  spé- 
ciale du  .travail  des  soies  qui  nous  occupe,  il  tfe  s'est  produit, 
dans  l'intervalle  de  1795  à  181 4,  aucune  autre  tentative  mé- 
canique qui  mérite  d'être  citée,  et  nous  verrons  cet  état  de 
choses  subsister  longtemps  encore  dans  notre  pays,  à  cause, 
sans  doute,  du  bon  marché  relatif  de  la  main-d'œuvre.  Nous 
n'avons  pas  d'ailleurs  à  nous  préoccuper  ici  de  la  belle  appli- 
cation de  la  vapeur  au  tirage  des  cocons  ou  au  chauffage  des 
bassines,  introduite  dès  l'année  i8o5  en  France  et  en  Italie 
par  le  célèbre  Gejasoul  de  Lyon  x,  méthode  qu'il  n'a  cessé 
depuis  d'améliorer  et  d'étendre  dans  ses  applications.  Ce  n'est 
point  non  plus  le  lieu  de  parler  de  la  transformation  plus 
importante  encore  que  Jacquard  et  Berton  ont  fait  subir, 
vers  la  même  époque,  au  métier  à  tisser  les  étoffes  de  soie, 
ni,  enfin,  des  perfectionnements  si  utiles  du  conditionnement 
des  soies  dans  la  ville  de  Lyon,  pour  lequel  M.  Rost-Maupas 
s'est  fait  breveter  en  1800,  et  dont  les  procédés,  remplacés 
dans  ces  derniers  temps  par  la  méthode  bien  plus  parfaite 
de  M.  Talabot,  n'ont  guère  moins  exercé  d'influence  sur  l'amé- 
lioration économique  des  produits ,  dans  cette  période  de  ré- 
novation ouverte  sous  tant  d'heureux  auspices.  Nous  devons 
nous  hâter  d'aborder  le  chapitre  qui  concerne  spécialement 
les  progrès  mécaniques  du  filage  et  du  moulinage  de  la  soie 
dans  les  années  qui  ont  suivi  le  retour  de  la  paix  en  Europe. 

1  D'après  le  docteur  Géra  de  Conegliano  (  II  trattore  da  seta,  Venise ,  1 84  4) , 
Ferdinand  Gensoul  aurait  introduit,  des  i8o3,  quelques  modifications  dans 
le  tour  de  Vaucanson  :  présentées  à  l'Académie  de  Nîmes,  elles  en  auraient 
reçu  l'approbation;  elles  consistent  principalement  dans  la  multiplication  du 
nombre  des  croisements  ou  losanges  du  fil  sur  l'asple ,  pour  hâter  la  dessicca- 
tion. Ces  modifications  auraient  fait  d'ailleurs  l'objet  spécial  d'un  mémoire 
de  Gensoul,  daté  de  la  même  époque  (i8o3) ,  mais  que,  malheureusement, 
je  n'ai  pas  sous  les  yeux  pour  en  apprécier  le  mérite  au  point  de  vue  méca- 
nique. 


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72  VP  JURY. 


CHAPITRE  II. 


PERFECTIONNEMENTS  DBS  .MACHINES  A  FILER  LA  SOIE,   A  DATER  DE  t8l5r 
PRINCIPALEMENT  D'APRES  LES  BREVETS  DÉLITÉES  AUX  AUTEURS. 


S  I",  —  Brevets  délivrés  en  France  et  en  Angleterre.  —  Tours  de  MM.  Rodur* 
Camille  Béarnais,  Pellet,  Lacombe,'  Bonnard  et  Barbier  (i8i5ài8a4). 

J'ai  déjà  fait  observer  ci-dessus  que,  dans  les  six  premières 
années  de  la  Restauration,  aucun  brevet  n'était  venu  signaler 
les  progrès  mécaniques  de  la  spécialité  qui  nous  occupe,  et 
cela  prouve  une  fois  de  plus  que  les  changements,  les  com- 
motions politiques,  quelque  favorables  qu'on  puisse  les  sup- 
poser à  certains  points  de  vue,  sont  toujours  nuisibles  au 
développement  de  l'activité  industrielle.  La' période  de  1820 
à  i83o  a  été,  au  contraire,  très-remarquable  sous  le  rapport 
des  progrès  de  la  préparation  et  du  travail' des  soies,  puis- 
qu'on a  vu  surgir  plus  de  ko  brevets  d'invention ,  d'importa- 
tion, de  perfectionnement  ou  d'additions  dans  la  simple  ca- 
tégorie des  machines  à  filer  et  mouliner.  Les  années  i8st3, 
1824,  1825  et  1828  présentent  d'autant  plus  d'intérêt  à  cet 
égard,  que  les  trois  premières  correspondent  précisément 
aussi  à  celles  où  les  mécaniciens  anglais  ont,  de  leur  côté, 
fait  le  plus  d  efforts  pour  s'approprier  et  perfectionner  cette 
branche  d'industrie.  Mais,  tandis  que  le  nombre  des  brevets 
continuait  à  se  multiplier  chez  nous  jusqu'à  dépasser  le 
chiffre  énorme  de  90  pour  l'intervalle  compris  entre  i83o 
et  i848,  il  a  été  extrêmement  restreint  en  Angleterre,  où,  en 
consultant  les  tables  des  patentes  publiées  dans  nos  recueils 
périodiques,  il  nous  a  été  impossible  d'en  découvrir  plus  de 
18  à  21  spécialement  destinés  à  la  filature  de  la  soie,  en  y 
comprenant  même  les  patentes  délivrées  dans  les  années 
1849,  i85o  et  i85i  :  ce  qui  s'explique",  d'un  coté,  par  l'ab- 
sence, pour  ainsi  dire  absolue,  du  tirage  des  cocons  dans  cet 
industrieux  pays;  de  l'autre,  par  la  circonstance  que  beaucoup 
de  patentes  anglaises ,  non  comprises  parmi  celles  dont  il  s'agit  r 


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MACHINES  ET  OUTILS.  73 

embrassent  dans  leur  objet  toute  espèce  de  filatures  des  ma- 
tières textiles.  On  ne  saurait  donc  rien  inférer  de  ce  fait  pour 
ou  contre  l'infériorité  d'un  pays  relativement  à  l'autre,  d'au- 
tant plus  qu'un  certain  nombre  de  brevets  d'importation  ont 
été  pris  en  France  par  des  ingénieurs  anglais,  et  que  la  mul- 
tiplicité des  tentatives  de  perfectionnement  faites  dans  notre 
pays,  si  elle  est  due,  jusqu'à  un  certain  point,  au  développement 
et  à  ia  dissémination  où  s'y  trouve  l'industrie  sétifère,  tient  aussi» 
en  majeure  partie ,  au  manque  pour  ainsi  dire  absolu  de  con- 
trôle, à  la  faiblesse  relative  des  droits  prélevés  chez  nous  sur 
les  brevets,  ainsi  qu'à  une  concurrence  qui  devient  une  véri- 
table plaie  et  une  fâcheuse  entrave  pour  les  progrès  ultérieurs 
de  l'industrie,  quand  leur  délivrance  n'est  pas  suffisamment 
motivée  et  appuyée  de  déclarations,  d'indications  ou  de  des- 
criptions nettes  et  précises. 

Pour  se  conduire  dans  ce  labyrinthe  de  brevets,  où  chaque 
auteur  préconise  son  système  de  filature,  fort  souvent  au  dé- 
triment de  celui  de  ses  prédécesseurs  et  sans  rien  y  ajouter 
de  bien  essentiel  ou  de  bien  éprouvé,  il  faudrait  plus  que  le 
fil  d'Ariane,  plus  que  du  discernement,  de  la  patience  et  de  la 
bonne  volonté.  C'est  pourquoi  je  continuerai  à  suivre  tout 
simplement  l'ordre  historique  dans  l'exposé  des  faits  princi- 
paux et  des  idées  les  plus  originales  ou  les  plus  fertiles,  en 
faisant  observer  par  avance  que,  nonobstant  le  mérite  d'un  si 
grand  nombre  de  recherches  pour  amener  à  bien  la  prépara- 
tion automatique  des  grèges  et  organsins,  il  s'en  faut  qu'elle 
soit  encore  parvenue  chez  nous  à  l'état  de  perfection  et,  en 
quelque  sorte,  de  fixité  que  l'on  remarque  dans  d'autres 
branches  de  l'industrie  manufacturière. 

Les  tentatives  de  ce  genre  faites  en  France  dei82oài823 
sont  dues  à  des  industriels  qui,  sans  être  précisément  des 
mécaniciens,  ont  néanmoins  acquis  un  certain  renom  dans 
le  filage  ou  tirage  des  cocons  au  tour  :  parmi  eux ,  je  me  bor- 
nerai à  citer  MM.  Rodier  et  Delaporte,  Camille  Beauvais  et 
Dugas,  Pellet,  à  Saint Jean-du-Gard ,  Lacombe,  à  Alais,  Bon- 
nard,  à  Lyon,  Barbier,  à  Montélimart,  dont  quelques-uns 


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74  VI*  JURY. 

en  étaient,  pour  ainsi  dire,  aux  premiers  essais  des  utiles  et 
ingénieux  perfectionnements  qu'ils  ont  fait  subir  aux  diverses 
préparations  de  la  soie.  La  plupart  de  ces  tentatives  avaient 
principalement  pour  but,  d'ailleurs,  la  suppression  des  tour- 
neuses, c'est-à-dire  l'application  d'un  moteur  ou  menard  unique 
à  une  série  d'asples,  de  tours  à  tirer  les  cocons,  rangés  sur 
une  même  ligne  horizontale,  ainsi  que  Rival  l'avait,  comme 
on  l'a  vu,  déjà  anciennement  proposé  et  exécuté  dans  l'éta- 
blissement des  frères  Jubié,  à  la  Sône.  A  cet  égard,  je  ne 
crains  pas  d'affirmer  que  bien  peu  de  ces  tentatives ,  sauf  celles 
de  MM.  Bonnard  et  Barbier,  offraient  des  perfectionnements 
véritables,  du  moins  au  point  de  vue  mécanique. 

Le  tour  à  filer  de  M.  Bonnard1,  notamment,  est  mû  par  une 
machine  à  vapeur;  le  fil,  à  deux  bouts  et  à  simple  croisure, 
s'y  rend  directement  de  chaque  couple  de  filière,  sur  des 
asples  à  huit  lames  mobiles,  dont  les  axes,  comme  dans 
l'ancien  dévidoir  automate,  sont  séparément  mis  en  mouve- 
ment par  le  simple  frottement  ou  roulement  de  roues  sans 
dents,  montées  sur  un  même  arbre  de  couche  horizontal  en 
fer  que  fait  aller  une  courroie  sans  fin ,  à  l'une  de  ses  extré- 
mités, dont  l'autre  reçoit  le  mécanisme  de  rouages  dentés, 
à  bouton  d'excentrique,  qui  imprime  le  mouvement  de  va-et- 
vient  à  la  tringle  unique,  porte-barbins  distributeurs  des  fils 
sur  les  asples  que  les  fileuses  peuvent  attirer  à  elles,  au  besoin, 
en  faisant  glisser  respectivement  les  châssis  qui  en  soutiennent 
les  axes,  le  long  de  coulisses  horizontales. 

Le  même  brevet  contient  aussi  un  essai  pour  filer  et  tordre 
simultanément  les  cocons  en  trame,  au  moyen  d'un  double 
rang  de  fuseaux  inclinés  mus  par  une  chaîne  sans  fin  à  la 
Vaucanson,  etc.  Les  asples  de  ce  dernier  système  de  filage 
sont  d'ailleurs  munis  de  ventilateurs  à  ailettes,  pour  sécher 
promptement  les  flottes  de  soie,  et  l'ensemble  des  deux  ma- 
chines, bien  disposé,  annonce  le  mécanicien  habile  qui  avait 
déjà  mérité  d'être  cité  par  les  rapporteurs  des  jurys  aux  Ex- 

1  T.  XXV  des  Brevets  expirés ,  p.  *5i  (février  i3i3).' 


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MACHINES  ET  OUTILS.  75 

positions  françaises  de  1819  et  de  182 3  pour  ses  tours  à  dé- 
vider les  cocons. 

Quant  à  M.  Barbier,  de  Montélimart,  il  s'est  fait  également 
breveter  en  1823  (t.  XVI  des  Brevets  expirés) ,  pour  un  système 
de  tours  accouplés,  qui,  perfectionné  depuis,  a  joui  d'une 
certaine  célébrité  et  a  obtenu  les  éloges  de  la  Société  d'encou- 
ragement de  Paris1  pour  divers  perfectionnements,  dont  les 
principaux  consistaient  :  i°  à  éviter  les  mariages,  en  supprimant 
toute  croisure  des  fils  et  la  remplaçant  par  une  torsion  mo- 
mentanée donnée  à  chacun  d'eux ,  en  lui  faisant  traverser  une 
filière  munie  extérieurement  d'un  tube  conique  garni  de  drap 
et  pivotant  sur  lui-même ,  système  emprunté  à  d'autres  genres 
de  filatures  mais  qui  n'a  poiot  prévalu;  2°  à  monter  l'axe  de 
chaque  aéple  sur  un  châssis  tournant  ou  basculant,  de  façon 
que  la  fileuse  puisse  amener  à  elle  l'écheveau  quand  il  s'agit 
de  renouer  un  fil,  puis  le  remettre  à  sa  place,  au  moyen  de 
la  même  béquille  ou  crosse  à  main  qui  a  servi  à  rapprocher 
l'asple,  dont  l'arbre  était,  comme  dans  le  tour  Bonnard  et  les 
anciens  dévidoirs,  mû  par  simple  roulement,  etc. 

S II.  —  Progrès  remarquables  du  filage  mécanique  des  soies  à  partir  de  18a  4 
et  iSs5.  —  MM.  Rodier,  Chambon,  Blanchon,  TasUvin,  Heatheoat,  Poi-' 
debard,  etc. 

Passant  à  l'année  182 4,  sans  m'arréter,  d'ailleurs,  aux  ma- 
chines à  filer  les  cocons,  doubler  et  tordre  simultanément 
les  soies  grèges,  les  trames,  etc.,  importées  en  France2  par 
M.  Hallam  (Thomas),  qui  sont  de  pures  imitations  des  mé- 
tiers anglais  à  filer  le  coton  dits  continus,  et  dans  lesquelles 
les  bobines  de  préparation  sont  remplacées  par  des  bassines  à 
eau  chaude  établies  à  la  partie  supérieure ,  etc. ,  j'accorderai 
pour  le  moment  un  peu  plus  d'attention  aux  tours  à  filer 
de  MM.  Rodier,  de  Nîmes  ;  Chambon,  d'Alais;  Blanchon,  de 
Chomerac,  et  J.-A.(  Tastevin ,  d'Alais,  qui  se  sont  fait  breveter 

1  XXIV*  année  du  Bulletin  (i8a5),  p.  316  et  217. 

1  T.  XXXIX, p.  4  00,  des  Brevets  expirés  { i5  juillet  i83A). 


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76  ,  VP  JURY. 

pendant  le  cours  de  la  même  année,  et  dans  le  même  ordre 
de  date,  pour  des  perfectionnements  devenus,  depuis,  le  point 
de  départ  de  beaucoup  d'autres  tentatives  plus  ou  moins  ana- 
logues, entreprises  en  vue  d'améliorer  cette  base  véritable- 
ment fondamentale  de  l'industrie  de  la  soie ,  puisque  de  la 
régularité  en  quelque  sorte  mathématique  du  fil  dépend 
essentiellement  la  perfection ,  la  beauté  même  des  tissus. 

On  remarquera,  en  effet,  que  jusqu'alors  on  avait  bien  su 
éviter  les  défauts  du  vitrage  ou  de  la  collure  des  fils  sur  les 
asples  des  tours  à  dévider  les  cocons,  au  moyen  soit  du  va-et- 
vient  distributeur  emprunté  aux  Piémontais  et  à  Vaucanson, 
soit  d'un  système  convenable  de  dessiccation  ou  de  ventilation 
des  mêmes  fils  ;  que  l'on  était  également  parvenu ,  à  l'aide  de 
la  filière  antérieure  et  de  la  simple  ou  de  la  double  croisure 
des  fils ,  à  donner  aux  faisceaux  des  brins  élémentaires  une  cer- 
taine cohésion  d'ensemble,  sous  l'apparence  d'un  fil  unique, 
rond  et  suffisamment  uni;  qu'on  était  aussi  parvenu,  par  di- 
vers procédés  mécaniques,  à  régler  invariablement  la  croisure 
la  plus  favorable  à  chaque  nature  de  cocon,  et  à  substituer 
même  un  seul  moteur  à  plusieurs,  en  un  mot  à  supprimer 
les  tourneuses  à  pédales  ou  manivelles,  pour  toute  une  rangée 
de  tours.  Mais  de  tels  procédés  ne  pouvaient  avoir  de  chances 
de  succès,  au  point  de  vue  économique,  qu'autant  que  l'on 
fût  parvenu  à  diminuer  la  fréquence  des  mariages  produits 
par  la  rupture  de  l'un  des  fils  et  son  enroulement  ou  doublage 
avec  l'autre,  qui  avait  lieu  très -souvent  sur  plusieurs  dizaines 
ou  centaines  de  mètres  sans  que  la  fileuse  s'en  aperçût  11 
fallait  aussi  perfectionner  les  filières  et  les  barbins  au  travers 
desquels  les  fils  passent  sous  certains  angles,  non  sans  amener 
des  tensions  ou  secousses  qui  tendent  à  les  énerver.  Il  fallait 
enfin  découvrir  des  moyens  prompts  et  efficaces  d'arrêter  sé- 
parément chacun  des  asples  accouplés  en  cas  de  rupture  des 
fils;  de  faire  retrouver  facilement  sur  cet  asple  et  renouer  les 
bouts  rompus;  de  couper  automatiquement,  sinon  d'empê- 
cher les  mariages,  et,  surtout,  de  mettre  obstacle  à  la  forma- 
tion des  bouchons,  bourillons,  etc.,  qui  réclame  une  attention 


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MACHINES  ET  OUTILS.  77 

continuelle  de  la  part  de  la  fileuse ,  et  tient  moins  encore  aux 
imperfections  du  mécanisme  des  tours  qu'aux  vices  inhérents 
au  battage  préalable  et  à  la  structure  même  des  cocons. 

A  Tégard  de  la  fatigue  que  les  procédés  mécaniques  font 
subir  aux  fils  dans  leur  passage  au  travers  des  filières,  croi- 
sures,  guides  ou  barbins,  on  peut  dire  qu'elle  croit  avec  leur 
nombre,  et  que,  pour  ceux-ci  comme  pour  celles-là,  elle  croît 
aussi  avec  l'ouverture* de  l'angle  d'entrée  et  de  sortie  des  fils, 
angle  d'où  dépendent  essentiellement  la  tension ,  la  pression 
et  le  frottement  contre  les  parties  solides,  tandis  que  pour 
les  croisures  c'est  précisément  l'inverse  qui  arrive  aux  angles 
extrêmes,  dont  l'ouverture  plus  ou  moins  grande  fixe  le  pas 
des  hélices  et  le  resserrement  mutuel  d'où  naît  essentielle- 
ment la  fatigue  :  la  difficulté,  dans  chaque  cas,  étant  de  dé- 
couvrir la  proportion  la  plus  convenable  de  cette  ouverture 
et  du  nombre  des  croisements  ou  demi-hélices,  qui  ne  saurait 
évidemment  influer  que  sur  l'étendue  où  s'exerce  la  pression 
réciproque  des  deux  fils  dans  le  dispositif  ordinaire,  sans  glis- 
sement ni  frottement  mutuels  de  ces  fils l. 

Toutes  ces  imperfections  et  ces  difficultés  du  filage  méca- 
nique des  soies  expliquent  d'ailleurs  le  mérite  de  la  tentative 
déjà  mentionnée  de  M.  Barbier  pour  supprimer  la  croisure, 
activer  le  tirage  et  multiplier,  sans  trop  de  danger,  les  révolu- 
tions de  Fasple  au  moyen  d'un  embrayage  qui  permet  à  la 
fileuse  de  suspendre,  à  volonté  et  brusquement,  l'action  de 
l'arbre  moteur  sur  cet  asple  par  un  mouvement  de  bascule  de 
celui-ci.  Mais  comme,  depuis  l'apparition  des  tours  ingénieux 
du  mécanicien  de  Montélimart,  les  filateurs  de  grèges  n'ont 
pas  cessé  de  s'occuper  d'améliorer  le  système  de  la  simple  ou 

1  On  doit  à  M.  le  professeur  Robinet,  déjà  cité,  des  recherches  expéri- 
mentales sur  les  circonstances  diverses  qui  peuvent  agir  pour  accroître  ou 
diminuer  l'élasticité,  la  ductilité  et  la  ténacité  des  fils  de  soie  (Mémoire  sur 
la  filature,  etc. ,  Paris,  1 839  )  ;  mais  ces  recherches ,  qui  ont  vivement  provo- 
qué l'attention  des  industriels  sériciculteurs ,  auraient  exercé  plus  d'influence 
encore  si  elles  avaient  pu  être  reproduites,  au  gré  de  l'auteur,  sur  une  plus 
grande  échelle  et  dans  des  conditions  tout  à  fait  pratiques. 


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78  *  VF  JURY. 

de  la  double  croisure,  nous  devons  admettre  qu'elle  porte  en 
elle  des  avantages  qui  en  compensent  les  inconvénients,  et 
qu'il  serait  difficile  de  conserver  au  même  degré  en  la  sup- 
primant entièrement,  comme  le  voulait  M.  Barbier. 

Quant  aux  apprêts  variés,  tels  que  tors,  dévidages,  mouli- 
nages,  etc.,  que  l'on  fait  successivement  subir  aux  grèges, 
soit  avant  soit  après  la  teinture,  il  est  certain  que,  indépen- 
damment de  l'imperfection  propre  des  différentes  machines 
auxquelles  on  était  et  on  se  croit  encore  obligé  d'avoir  recours, 
ces  apprêts  tendent  à  énerver  considérablement  les  fils  par 
une  sorte  d'étirage,  à  en  ternir  l'éclat  naturel  sous  des  mani- 
pulations répétées,  et  à  y  introduire  enfin  une  multitude  de 
nœuds,  de  barbes  ou  solutions  de  continuité,  presque  aussi 
fâcheux  que  les  doublures  et  mariages  dont  on  s'est  jusqu'ici 
tant  préoccupé. 

Ces  considérations  préliminaires  étaient  indispensables, 
d'une  part,  pour  me  faire  pardonner  des  longueurs  inévi- 
tables dans  l'exposé  historique  d'une  branche  d'industrie  non 
moins  remarquable  par  la  variété  des  procédés  que  par  la 
multiplicité  ingénieuse  des  tâtonnements;  d'une  autre,  pour 
faire  sentir,  à  priori,  l'importance  de  modifications  en  appa- 
rence fort  légères,  insignifiantes  presque  au  point  de  vue  mé- 
canique, mais  dont  le  détail  était  nécessaire  pour  en  faciliter 
l'intelligence  au  lecteur  et  en  faire  saisir  le  véritable  mérite. 

Revenons  maintenant  à  i8a4  et  aux  brevets  dont  les  au- 
teurs ont  été  déjà  mentionnés  ci-dessus. 

M.  Rodier,  de  Nîmes  *,  place  la  fileuse  entre  la  bassine  et 
Vaspïe,  ce  qui  facilite  singulièrement  la  surveillance  du  travail 
ainsi  que  le  rattachement  des  fils,  qui  doivent  alors  s'élever 
verticalement,  à  partir  de  cette  bassine,  pour  passer  au-dessus 
de  la  tête  de  l'ouvrière ,  désormais  dispensée  d'attirer  à  elle 
l'asple,  comme  dans  le  tour  de  M.  Bonnard  et  autres.  Mais 
cette  heureuse  combinaison,  qui  permet  à  la  soie,  tout  en  lui 
conservant  l'humidité  indispensable  dans  son  passage  au  tra- 

1  T.  XVII,  p.  237,  des  Brevets  expirés  (mars  182 4). 


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MACHINES  ET  OUTILS.  79 

vers  des  filières,  croisures  et  barbins,  d'arriver  pour  ainsi 
dire  entièrement  sèche  sur  les  asples,  est  accompagnée,  quant 
aux  moyens  de  transmission  du  moteur  aux  asples  accouplés , 
d'une  combinaison  d'arbres  verticaux  et  de  rouages  d'angles 
aussi  compliquée  qu'onéreuse.  En  outre,  M.  Rodier  propose 
d'abattre  les  mariages  en  supprimant  la  croisure  ordinaire  et 
la  remplaçant  par  les  enroulements  fortement  serrés  de  deux 
fils  de  soie  tendus  par  une  cheville  en  guise  d'archet,  etc.;  et, 
malgré  l'imperfection  des  moyens  d'exécution  mis  en  œuvre 
par  ce  mécanicien ,  malgré  la  déchéance  que  son  brevet  a  en- 
courue en  1827,  il  devait  être  cité  pour  l'importance  aujour- 
d'hui accordée  à  la  disposition  ci-dessus  de  la  fileuse,  à 
laquelle  d'ailleurs  je  ne  saurais  assigner  une  plus  ancienne  ori- 
gine. Enfin,  nous  verrons  M.  Rodier  s'associer  aux  principales 
découvertes  relatives  au  filage  des  soies  dans  une  succession 
de  brevets  délivrés  en  1826,  i833,  i845  et  i846,  mais  dont 
on  me  permettra,  quant  à  présent,  de  laisser  de  côté  l'exa- 
men, qui  obligerait  d'interrompre  trop  longtemps  la  chaîne 
des  idées,  ici  presque  toujours  confondue  avec  l'ordre  chro- 
nologique même  des  faits. 

M.  Chambon  (Louis-Uselite-Julien),  d'Àlais,  dont  les  tours 
accouplés,  à  un  seul  menard  ou  arbre  moteur  *,  sont  peut-être 
inférieurs  à  ceux  de  M.  Bonnard  sous  le  rapport  de  l'exécu- 
tion et  de  la  conception  mécanique,  se  sert  de  poulies  et  de 
cordons  sans  fin  pour  faire  mouvoir  séparément  les  asples, 
dont  les  divers  arbres  en  fer  reposent,  à  l'une  des  extrémités, 
sur  un  grand  levier  horizontal  à  pivot  ou  bascule  qui,  par 
son  abatage,  permet  à  la  fileuse  de  tendre  à  volonté  la  corde 
de  transmission,  et  de  graduer  ainsi,  par  un  effet  de  glissement 
sur  les  poulies,  la  vitesse  de  l'asple,  muni  d'ailleurs  d'un/rsia 
d *  arrêt.  Enfin,  et  c'est  ici  la  combinaison  la  plus  originale  et  la 
plus  importante  de  son  système  de  filage,  renonçant  à  la 
double  croisure,  il  emploie,  sous  le  nom  de  purge-mariage, 
un  assemblage  de  fils  de  fer  à  barbins  mobiles ,  disposés  de 

1  T.  XXVUI,  p.  a44,  des  Brevets  espirés  (juillet  i8s4). 


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80  Vf  JURY. 

manière  que  quand  l'un  des  fils  de  soie  casse,  l'autre,  dans 
sa  détente,  pousse  une  lame  tranchante  qui  vient  le  couper 
tout  aussitôt. 

Plus  tard,  dans  un  brevet  d'avril  i835,  placé  à  la  suite  du 
précédent,  M.  Chambon ,  ayant  reconnu  l'inconvénient  de  son 
coupe-mariage,  dont  les  fils  de  fer  sont  sujets  à  se  rouiller 
assez  vite,  y  renonce  entièrement  et  se  contente  de  faire 
passer  les  deux  bouts  de  soie,  après  une  première  croisure  à 
hélices  multipliées  en  conséquence,  par  deux  barbins  éloignés 
entre  eux  de  33  centimètres,  puis  de  faire  opérer  à  ces  fils  un 
nouveau  mais  simple  croisement  (un  demi-tour  ou  tour  et 
demi) ,  qui,  lors  de  là  rupture  de  l'un  d'eux,  permet  à  l'autre 
de  s'écarter  latéralement,  de  tomber  en  dehors  des  lames  de 
l'asple  et  de  s'enrouler  autour  de  son  arbre  en  fer,  dont  le 
diamètre  est  assez  petit  pour  réduire  à  des  proportions  mi- 
nimes le  déchet  de  soie  qui  s'opère  entre  l'instant  où  l'ou- 
vrière est  avertie  par  la  chute  des  cocons  et  celui  où  elle 
coupe  le  fil  resté  intact,  rattache  les  bouts,  etc.  Quels  que 
soient,  au  surplus,  les  inconvénients  de  ce  procédé,  il  n'en  a 
pas  moins  obtenu ,  à  cause  de  sa  simplicité  même ,  une  préfé- 
rence marquée  sur  d'autres  combinaisons  plus  ou  moins  ingé- 
nieuses et  dont  il  sera  bientôt  parié. 

Nous  n'avons  à  citer  ici  M.  Blanchon,  de  Chomerac,  que 
pour  un  système  de  tours  sans  tourneuses,  mus  séparément 
par  des  cordes  et  poulies  de  renvoi,  et  munis  de  place-bouts, 
de  freins  à 'arrêt  à  ressorts ,  formés  de  cuirs  frottant  contre  le 
noyau  des  asples,  et  que  la  fileuse,  placée  au  delà  de  la  bas- 
sine, comme  dans  l'ancien  système,  met  en  action  au  moyen 
de  longues  tringles  à  varlets  et  leviers  à  main  basculants, 
quand  il  devient  nécessaire  de  rattacher  les  fils,  etc.1.  C'est,  en 
effet,  seulement  en  1 83 2  \  après  MM.  Chambon ,  Vernay,  Tas- 
tevin  et  autres,  que  ce  mécanicien,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  M.  Louis  Blanchon,  de  Saint-Julien,  près  Privas, 


1  T.  XXVIII,  p.  a5 1,  des  Brevets  expirés. 
*  T.XXXV,p.i58,îM. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  81 

dont  nous  aurons  à  nous  occuper  plus  tard,  tenta  d'appliquer 
à  ses  tours  sans  tourneuses  un  coupe-mariage  à  fraises  dentées 
d'une  nature  assez  compliquée,  et  qui,  pour  ce  motif  sans 
doute,  n'a  pas  obtenu  la  préférence  sur  ceux  de  ses  prédé- 
cesseurs, où  Ton  s'était  également  proposé  de  trancher  le  fil 
automatiquement;  opération  très-difficile,  pour  ainsi  dire  im« 
possible,  même  en  y  employant  des  lames  de  rasoirs,  d'après 
les  curieuses,  expériences  dont  M.  Robinet  a  bien  vOulu  me 
communiquer  les  résultats. 

La  réputation  acquise  par  M.  J.-A.  Tastevin,  d'Àlais,  el 
'le  nombre  des  brevets  d'invention  ou  d'addition  qu'on  lui 
dpit  permettent  de  le  ranger  parmi  les  mécaniciens  les  plus 
ingénieux  qui,  depuis  l'époque  de  1824»  se  sont  occupés  des 
progrès  et  du  développement  de  la  filature  expéditive  de  la 
soie  dans  notre  pays.  Son  premier  brevet,  du  mois  d'octobre 
de  cette  année1,  doit  être  considéré  comme  une  tentative  re- 
nouvelée de  Villard,  mais  en  elle-méùie  fort  remarquable, 
de  filer  et  mettre  immédiatement  sur  bobines  les  fils  ou  bouts 
de  trois  tours  accouplés  et  rangés  le  long  d'une  même  bassine 
à  eau  froide  ou  tiède,  mais  dont  les  cocons  auraient  été  préa- 
lablement macérés  dans  une  cuve  à  eau  chaude,  selon  une 
méthode  déjà  fort  ancienne,  perfectionnée  en  1778  par  Su- 
chet,  de  i'Àrgentière,  et  qui  a  joui  de  quelque  faveur  en  Italie 
et  en  Espagne2.  Chacun  de  ces  bouts,  après  s'être  échappé 
d'une  filière  inférieure  et  élevé  verticalement  à  une  certaine  hau- 
teur en  se  reployant  sur  la  gorge  d'une  petite  tavelle  horizontale 
en  fil  de  fer  de  1  o  à  1 4  centimètres  de  diamètre ,  sorte  de  poulie 
de  renvoi,  d'où  il  descend  pour  former  la  croisure  simple  avec 
la  branche  ascendante,  chacun  de  ces  bouts,  dis-je,  se  replie 
horizontalement  sur  une  autre  petite  tavelle  pour  se  rendre 
de  là,  le  long  d'un  tube  séchear,  sur  la  circonférence  d'un  tam- 
bour dodécagone  muni  de  drap,  d'où  il  revient  sur  lui-même , 

1  T.  XXIX,  p.  i45,  du  Recueil  des  brevets  expirés, 
9  II trattore  da  seta,  par  le)  docteur  Géra  (Venise ,  1 843),  p.  3  a  ;  Bulletin  de 
la  Société  à* encouragement  de  Paris,  XXIV*  année ,  p.  4 1 . 

▼i*  jumi.  —  a*  partie.  6 


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82  VP  JURY. 

parallèlement  à  sa  première  direction ,  pour  envelopper  fina- 
lement le  roquet  horizontal  correspondant,  qu'entraîne,  par 
simple  frottement  de  roulement,  un  disque  tournant  sur  lequel 
son  arbre  repose,  comme  dans  l'ancien  dévidoir  automate. 

Pour  rendre  cette  description  à  peu  près  complète,  il  suf- 
fira d'ajouter,  d'une  part,  que  chacun  des  groupes  de  trois 
roquets  à  rotation  indépendante,  relatif  à  une  même  bassine, 
est  précédé  d'un  va-et-vient  ou  porte-barbin  oscillant,  servant 
à  la  distribution  régulière  du  fil  sur  ces  roquets ,  et  disposé  a 
peu  près  comme  dans  le  tour  piémontais,  sauf  que  l'excen- 
trique à  manivelle  est  ici  remplacé  par  une  goupille  glissant 
dans  une  rainure  rentrante  ou  à  double  hélice,  pratiquée  sur 
un  cylindre  tournant  en  bois  dur  et  nommée  quelquefois, 
mais  improprement,  hélice  de  Vaucanson  (p.  62  à  63)  ;  d'autre 
part,  et  ceci  montre  le  degré  de  confiance  que  M.  Tastevin 
avait,  en  1824 ,  dans  son  système  expéditif  de  filage,  le  tam- 
bour dont  il  vient  d'être  parlé  est  précédé  de  purgeoirs  à  deux 
branches  de  ressort,  entre  lesquelles  passent  les  fils  de  soie,  et 
dont  l'écartemçnt,  réglé  d'une  manière  ingénieuse  par  une 
vis  transversale,  offre  un  perfectionnement.réel  par  rapport  à 
l'ancien  purgeoir  également  à  deux  branches. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  particulièrement  remarquable  dans  le 
filage  à  la  tavelle  de  M.  Tastevin ,  ce  ne  sont  ni  les  purgeoirs 
ni  le  va-et-vient,  à  rainure  cylindrique  dont  il  fait  usage  après 
d'autres,  mais  bien  son  système  de  tube  sécheur  et  de  filage 
à  un  seul  bout  croisé,  replié  un  certain  nombre  de  fois  en 
hélice  sur  lui-même.  À  la  vérité,  les  Italiens  avaient  déjà  an- 
ciennement aussi  employé  le  filage  à  un  bout1,  exempt  par 
lui-même  de  mariage;  mais  ils  se  servaient  d'un  dispositif  où 
le  fil,  enveloppant  à  plusieurs  reprises  de  petits  cylindres, 
des  rouleaux  de  renvoi  fixes  ou  mobiles,  devait  se  détériorer 
d'une  manière  sensible,  défaut  qui  n'a  pas  été  corrigé  entiè- 
rement dans  les  appareils  imaginés  postérieurement  au  pre- 
mier brevet  de  M.  Tastevin  par  l'Anglais  Heathcoat,  dont  il 

1  Voyez  l'ouvrage  déjà  cité  du  docteur  Géra,  p.  89. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  83 

sera  bientôt  parlé.  D'ailleurs  est-il  bien  certain  que  le  glisse- 
ment relatif,  le  frottement  réciproque  des  deux  branches  d'un 
même  fil,  repliées  un  certain  nombre  de  fois  Tune  autour  de 
l'autre,  soit  une  chose  très-favorable  à  la  ténacité  et  surtout  à 
la  régularité  de  texture  des  soies  de  diverses  qualités? 

D'après  les  idées  émises  par  M.  Tastevin  dans  le  même  bre- 
vet de  1824,  pour  donner  le  premier  tors  ou  apprêt  au  fil 
fourni  par  son  procédé ,  il  ne  s'agit  que  de  monter  les  roquettes 
qui  le  contiennent  sur  les  broches  verticales  à  ailettes  d'un 
moulin  long  ou  ovale ,  à  guindre  supérieur,  qui  ne  se  distingue 
de  ceux  jusque-là  en  usage  que  par  l'emploi  de  transmissions 
par  tambours  cylindriques ,  poulies  de  renvoi ,  cordes  et  cour- 
roies sans  fin,  semblables  à  celles  des  filatures  de  la  laine 
et  du  coton  :  la  proportion  du  tors  ne  variant  d'ailleurs  qu'en 
raison  du  changement  de  diamètre  d'une  grande  poulie  mo- 
trice à  gorges  multiples  et  graduées,  cela  n'implique  nulle- 
ment l'emploi  des  moyens  ingénieux  inventés  par  Vaucanson 
pour  opérer  automatiquement  la  transposition  et  le  comptage 
des  fils  d'écheveaux  sur  les  guindres,  etc. 

Quand  il  s'agit,  au  contraire,  de  soumettre  les  mêmes  fils  au 
doublage  et  au  tors  inverse,  de  deuxième  apprêt,  par  une  seule 
opération ,  de  manière  à  en  constituer  de  suite  l'organsin,  les 
roquettes  dont  il  vient  d'être  parlé  sont  enfilées  par  deux,  par 
trois,  etc.,  sur  autant  de  petites  broches  implantées  verticale- 
ment sur  des  plateaux  ou  disques  circulaires  tournants,  mon- 
tés à  l'extrémité  supérieure  d'axes  verticaux  en  fer,  qui  sont 
.également  mis  en  mouvement  par  des  cordons  sans  fin  à  pou- 
lies de  renvoi.. Ces  bobines,  dépourvues  de  coronnelles,  mais 
surmontées  d'ailettes  en  S ,  fixées  à  chaque  broche  pour  diri- 
ger le  déroulement  du  fil ,  ne  sont  d'ailleurs  retardées  dans  leur 
rotation  horizontale  et  relative  autour  de  ces  broches  qu'en 
raison  du  frottement  exercé  par  leur  base  ou  noix  inférieure 
sur  le  plateau  tournant,  en  vertu  de  leur  poids  propre,  que 
tend  à  amoindrir  la  tension  contraire  de  chacun  des  fils  allant 
se  réunir,  avec  ses  analogues  du  même  plateau,  dans  une 
filière  centrale  supérieure  liée  à  son  arbre,  et  d'où  ils  sont 

6. 


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84  VP  JURY. 

attirés  de  bas  en  haut  par  un  guindre  horizontal  tournant, 
qui  reçoit  les  écheveaux  après  que  leur  ensemble  a  ainsi 
subi  le  degré  de  tors  réglé  par  le  rapport  des  vitesses  de  rota- 
tion de  ce  guindre  et  de  ce  plateau. 

Il  ne  paraît  pas  que  ce  dernier  mécanisme ,  qui  renferme  une 
combinaison  ingénieuse  et  nouvelle  d'anciennes  idées  appli- 
quées à  d'autres  industries,  ait  jamais  été  employé  par  M.  Tas- 
tevin ,  du  moins  en  grand  et  sôus  des  conditions  économiques 
de  succès,  à  la  filature  de  la  soie;  maïs  ce  qu'il  y  a  de  positif, 
c'est  que  dans  ses  brevets  postérieurs  d'addition  et  de  perfec- 
tionnement, pris  en  1825,  1828  et  1829  ',  ce  mécanicien  cesse 
de  se  préoccuper  du  système  général  de  filage ,  de  doublage 
et  de  moulinage  qu'il  avait  d'abord  proposé,  pour  se  res- 
treindre à  des  moyens  qui  tendent  plus  spécialement  à  l'amé- 
lioration des  tours  à  filer  déjà  existants.  Ainsi,  par  exemple, . 
dans  le  premier  de  ces  brevets  (décembre  1 8 2 5 ) ,  il  propose 
de  filer  la  soie  à  quatre  bouts,  tirés  d'autant  de  groupes  égaux 
de  deux  à  huit  cocons,  contenus  dans  les  compartiments  voi- 
sins d'une  même  bassine;  de  réunir  ces  fils  deux  à  deux  ou 
en  un  seul,  selon  les  cas;  de  faire  passer  chacun  des  fils 
ainsi  doublés  sur  un  petit  cylindre  en  bois  tendre,  en  le  fai- 
sant revenir  et  croiser  uq  nombre  suffisant  de  fois  sur  lui- 
même,  afin  d'éviter  tout  mariage,  puis  de  l'enrouler  sur  un 
guindre  ou  sur  une  roquette,  au  gré  du  fileur. 

Dans  ses  deux  autres  brevets,  de  1828  et  1829,  M.  Tastevio 
s'occupe  exclusivement  de  l'ancien  mode  de  filage  à  deux 
bouts,  dont  il  cherche  à  éviter  le  mariage  en  tranchant  le  fil, 
tantôt  au  moyen  d'un  tourniquet  ou  bascule  verticale  à  articu- 
lation inférieure,  dont  la  tête  fourchue  supporte  les  bouts 
séparés  et  entiers  de  la  croisure,  de  telle  sorte  que  l'un  ve- 
nant à  rompre,  l'autre  entraîne  la  bascule  par  un  quart  de 
révolution  sur  elle-même,  qui  le. rejette,  en  dehors  de  l'asple, 
sur  des  lames  tranchantes;  tantôt  en  faisant  passer  les  deux 


1  T.  XXIX  du  Recueil  des  brevets  expirés,  p.  i5i,  l5a,  i53  et   i55, 
faisant  suite  à  celles  des  brevets  déjà  cités. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  85 

fils,  immédiatement  après  leur  croisure,  par  des  barbins  éle- 
vés au-dessus  du  va-etvient  au  moyen  d'un  anneau  métallique 
dont  le  diamètre  horizontal  surpasse  la  largeur  de  l'asple,  et 
sur  lequel  ils  tendraient  ainsi  à  glisser,  à  descendre  latéralement 
en  se  dégageant  des  barbins ,  s'ils  n'y  étaient  retenus  par  le  frot- 
tement t  la  tension  déviatrice  dus  à  leur  croisure  antérieure, 
et  d'où  résulte  que,  quand  l'un  des  fils  casse,  l'autre,  deve- 
nant libre,  est  aussitôt  rejeté  en  dehors  de  l'asple,  etc. 

En  anticipant  ainsi  sur  les  années  1826  et  suivantes,  afin 
de  ne  plus  avoir  à  revenir  sur  les  brevets  de  M.  Tastevin ,  je 
ferai  observer  que  ses  moyens,  fort  ingénieux,  d'abattre  les 
mariages,  s'ils  sont  antérieurs  au  dernier  et  plus  simple  de 
ceux  de  M.  Chambon  >  déjà  cités ,  ne  viennent  néanmoins,  dans 
l'ordre  de  date,  qu'immédiatement  après  les  coupe-mariages 
de  MM.  Vernay,  Lacombe  et  Barrois,  dont  il  sera  parlé  plus 
loin,  et  auxquels,  d'ailleurs,  M.  Tastevin  ne  parait  sciemment 
rien  avoir  emprunté.  J'en  dirai  tout  autant  du  filage  à  quatre 
bouts  de  cet  industriel,  pour  lequel  l'ingénieur  anglais  John 
Heathcoat,  le  célèbre  inventeur  du  métier  à  tulle-bobin,  a 
pris  en  France  un  brevet  d 'importation  et  de  perfectionnement 
en  mai  i8a5  *,  c'est  à-dirè  plusieurs  mois  avant  celui  de 
M.  Tastevin,  mais  dont  les  procédés ,  bien  qu'analogues  quant 
au  but,  en  sont  néanmoins  très-distincts  quant  aux  moyens 
de  solution  et  au  dispositif' principal. 

En  effet,  M.  Heathcoat  traite  d'abord  les  fils  par  couple,  à 
Iamanière*ordinaire,  avec  simple  croisure,  d'où  ces  fils  se  bi- 
furquent pour  passer  dans  une  paire  de  barbins  fixes,  puis  dans 
une  œillère  située  sur  la  diagonale  de  la  losange  ainsi  formée 
et  où  ils  se  réunissent,  pour  n'en  plus  constituer  qu'un  seul , 
double,  lequel,  après. s'être  croisé  avec  le  fil  également  double 
du  couple  voisin,  s'en  détache  de  nouveau  et  se  rend,  au  tra- 
vers des  barbins  du  va-et-vient,  sur  les  écheveaux  respectifs  de 


1  T.  XLII ,  p.  a  1  et  suiv. ,  du  Recueil  des  brevets  expirés  :  la  patente 
anglaise  est  do  1*  février,  mais  l'auteur  est  revenu  sor  ce  procédé  de  filage 
le  6  juillet  suivant. 


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86  VI-  JURY. 

i'asple;  à  moins  qu'on  ne  préfère  les  doubler  ou  les  réunir  à 
leur  tour  en  un  seul  avant  de  les  faire  arriver  suf  cet  asple, 
ce  dont  l'ouvrage  publié  à  Paris  en  i836  par  le  docteur 
Ure1  nous  offre  un  exemple,  d'autant  plus  remarquable  que 
l'auteur  considère  ce  mode  de  filage  de  la  soie  comme  d'un 
usage  assez  général  en  France,  sans  rien  nous  apprendre 
d'ailleurs  sur  son  origine  et  la  bonté  des  produits  qu'il  est  sus- 
ceptible de  fournir. 

Ce  procédé  de  filage  à  quatre  bouts ,  dont  en  réalité ,  comme 
on  le  verra,  il  n'existe  guère  de  traces  aujourd'hui,  et  où  l'on 
semble  vouloir  imiter,  de  loin  il  est  vrai,  la  méthode  de  dou- 
blage des  rubans  de  coton ,  est  accompagné ,  dans  le  brevet  cité 
de  M.  Heathcoat,  de  dévidoirs  doubles  à  supports  en  bois, 
disposés  à  la  manière  ancienne,  mais  qui  sont  ici  munis, 
ainsi  que  le  tour  ci-dessus,  de  mécanismes  d'horlogerie  comp- 
teurs, à  vis  sans  fin  et  sonneries  d'avertissement,  servant  à 
régler  à  l'avance  le  nombre  des  tours  de  guindre  ou  d'asple; 
combinaison  dont  l'auteur  réclame  la  propriété,  parce  qu'il 
ignorait  sans  doute  que  l'idée  en  était  déjà  fort  ancienne  en 
France  à  l'époque  de  i8a5,  où  il  s'y  faisait  breveter. 

Enfin,  il  serait  à  peine  nécessaire  de  mentionner  un  antre 
projet  de  tour  à  dévider  les  cocons,  par  M.  Heathcoat2,  fondé, 
comme  celui  de  M.  Hallam  précédemment  cité,  sur  le  prin- 
cipe des  anciennes  machines  à  filer  le  coton,  s'il  ne  ten- 
dait à  démontrer  combien  peu  les  ingénieurs  anglais  et  quel- 
ques-uns de  leurs  imitateurs  en  France  se  formaient  alors  une 
idée  exacte  des  difficultés  que  présente  en  lui-même  le  dévi- 
dage des  cocons,  et  ce  qui  le  distingue  plus  spécialement  du 
filage  des  matières  discontinues,  telles  que  la  laine,  le  coton 
et  même  le  chanvre  ou  le  lin. 

Avant  de  quitter  les  projets  de  filage  à  un  et  à  quatre  bouts  , 

1  Philosophie  des  manufactures,  t.  Pr,  p.  396,  chez  Mathias,  libraire.  Voy. 
aussi  le  Dictionnaire  anglais  des  arts  et  manufactures  de  cet  auteur;  troisième 
édition,  i843,  p.  1  io5. 

'  London  Journal  of  arts ,  septembre  1825,  supplément,  p.  35 1,  ou  BaUetut 
du  sciences  technologiques,  par  le  baron  de  Férussac,  182&,  t»  VI,  p.  1 1 1. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  87 

il  convient  de  mentionner  le  brevet  délivré,  à  la  date  du 
ai  septembre  i82Ô,  à  M.  Cournier,  moulinier  à  Saint-Romans 
(Isère),  pour  un  appareil  qu'il  nomme  improprement  lissoir, 
et  dans  lequel  le  filage ,  à  un  bout,  croisé  sur  lui-même  comme 
dans  le  système  proposé  en  1824  par  M.  Tastevin,  s'effectue 
par  l'intermédiaire  d'une  ou  de  deux  petites  tavelles  très-voi- 
sines, placées  l'une  au-dessus  de  l'autre,  contre  un  montant 
vertical  en  bois,  entre  la  bassine  et  l'asple  du  tour  propre- 
ment dit.  Ce  procédé,  pouvant  sans  beaucoup  de  frais  s'ap- 
pliquer à  tous  les  anciens  dévidages  de  cocons ,  a  été  accueilli 
avec  d'autant  plus  de  faveur  en  France,  du  moins  celui  de  la 
double  tavelle,  qu'en  supprimant  le  mariage  et  s'adaptant  au 
filage  à  deux  bouts  par  la  répétition  symétrique  du  couple  de 
tavelles,  de  part  et  d'autre  d'un  même  montant,  il  ne  chan- 
geait, pour  ainsi  dire,  rien  aux  habitudes  acquises  parles 
fileuses  et,les  chefs  d'ateliers.  Quant  au  filage  à  une  seule  ta- 
velle, on  devine  que  celle  du  dessous  devait  se  trouver  rem- 
placée par' un  simple  bouton  de  renvoi,  que  M.  Cournier 
construisait  en  verre,  et  au  droit  duquel  les  deux  branches  du 
fil  venaient  se  croiser  un  certain  nombre  de  fois  sur  elles- 
mêmes,  pour  de  là  s'échapper  vers  l'asple  du  tour,  etc.  Mais 
il  est  faéile  d'apercevoir  que  ce  dernier  dispositif  était  loin 
d'offrir  les  avantages  de  celui  de  M.  Tastevin ,  outre  que  l'au- 
teur ne  s'était  nullement  préoccupé  de  la  nécessité  de  sécher 
et  de  purger  les  fils. 

Cette  même  année  1825 ,  l'une  des  plus  fertiles  en  brevets 
d'invention  ou  de  perfectionnement,  a  vu  : 

i°  M.  Poidebard  (Sébastien),  de  Lyon,  si  connu  dans  l'in- 
dustrie des  soies  à  cette  époque,  proposer  divers  moyens  de 
perfectionner  le  moulin  ovale  à  organsiner  ou  tordre  les 
grèges,  d'en  activer  le  travail,  ou,  plus  spécialement,  d'accé- 
lérer la  vitesse  des  fuseaux,  en  appliquant,  à  cet  effet,  des 
brides  aux  branches  d'ailettes  qui  accompagnent  les  coron- 
oelles,  afin  de  les  soustraire  à  Y  action  de  la  force  centrifuge; 

2°  M.  Lauret,  de  Ganges,  présenter  un  système  de  tours 
sans  tourneuses,  où  l'on  remarque  principalement  l'emploi 


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88  VT  JURY. 

d'un  va-et-vient  à  hélices  rentrantes  et  d'an  embrayage  à  cônes 
de  friction,  déjà  mis  en  usage  par  d'autres; 

3°  MM.  Richard  Badnall  et  Gibbon  *,  proposer  un  système 
de  dévidoirs  à  grande  vitesse,  indistinctement  applicable  à 
la  soie  ou  au  coton ,  et  dans  lequel  la  tension  des  fils  qui  se 
rendent  des  tavelles  aux  bobines  horizontales  est  maintenue 
constante  au  moyen  de  romaines,  de  bascules  à  poids  servant 
à  régler  le  frottement  et  la  pression  des  axes  de  ces  bobines 
sur  les  rouleaux  ou  disques  conducteurs;  système  d'ailleurs 
peu  applicable  aux  fils  grèges ,  et  que  ne  justifie  pas  suffi- 
samment peut-être  l'idée  de  communiquer  directement  le 
mouvement  uniforme  aux  tavelles ,  etc.  ; 

4°  M.  Peyron,  de  Montélimart,  en  182 5,  offrir  pareille- 
ment des  purgeoirs  à  cylindres  tournants  garnis  de  drap,  à 
queue  de  poisson  fourchue,  etc. 

5°  Enfin,  M.  Denizot,  de  Saint- Antoine,  prétendre  suppri- 
mer les  mariages  en  remplaçant  la  croisure  ordinaire  par  le 
simple  frottement  des  fils  contre  les  oreilles  d'une  poulie 
garnie  de  drap,  ce  qu'il  nommait  strangulie-soie. 

S  III.  —  Nouvelles  tentatives  de  perfectionnements  appliquées  au  filage 
et  au  moulinage  des  longues  soies  (1826  à  i83o). — MM*  Hipfrt,Rodier> 
Rotch,  Vernay,  Rieu,  Tardy,  Lacombe  et  Batrois,  Christian,  Guillinj,  etc. 

Les  dernières  années  de  la  Restauration  témoignent,  non 
moins  que  les  précédentes,  des  efforts,  quelquefois  heureux, 
tentés  en  vue  d'automatiser  de  plus  en  plus,  si  l'on  peut 
s'exprimer  ainsi ,  les  diverses  branches  de  l'ouvraison  des 
soies,  surtout  si  l'on  considère  que  plusieurs  des  brevets 
de  MM.  Chambon  et  Tastevin,  déjà  cités  par  anticipation, 
appartiennent  proprement  à  cette  période. 

Nous  mentionnerons  d'abord,  mais  seulement  pour  mé- 
moire, les  tours  sans  tourneuses. de  MM.  Hipert,  de  Montpel- 
lier (1826),  et  Giraud,  de  Bagnols  (1827),  ****&  que  les  dévi- 
doirs et  moyens  d'arrêt  des  guindres "quand  un  fil  casse,  par 

1  T.  XL,  p.  346,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  89 

M.  Radier,  mécanicien  de  Nîmes  (1826),  qui  d'ailleurs  se 
sert  de  rouages  d'horlogerie  pour  doubler  et  tordre  simultané- 
ment les  fils  de  soie  grége  par  un  procédé  analogue  à  celui  de 
M.  Tastevin  (brevet  de  1824),  sauf  que  les  bobines,  ici  hori- 
zontales, sont  montées  sur  un  arbre  vertical  qui  les  emporte 
dans  sa  rotation  rapide.  Nous  citerons  pareillement  le  dévi- 
dage à  conducteur,  muni  d'un  crochet  tournant  autour  des 
guindres,  pour  détacher  continuellement  le  fil  de  l'écheveau, 
par  M.  B.  Rotch,  de  Londres  (  1827  )  ;  le  coupe-mariage  de 
M.  Vernay,  d'Àiais  (août  1828),  à  détente  soutenant  deux 
lames  dentées  verticales,  qui  s'abattent  quand  l'un  des  fils 
casse;  celui  de  M.  Rieu,  serrurier  à  Ànduze  (1829),  à 
doubla  tranchant  et  à  bascule  ;  le  trébuchet  à  deux  barbins 
que  M.  Crozel,  de  Chatte  (Isère),  a  appliqué  (182g)  au  dou- 
blage des  soies,  et  qui  bascule  quand  l'un  des  fils  casse; 
enfin  nous  mentionnerons  plus  particulièrement  encore  les 
filières  en  pierres  dures  d'onyx,  sorte  d'agates  polies,  que 
M.  Tardy,  de  Valence,  a  proposé,  en  i83o,  de  substituer  aux 
anciennes  filières  métalliques  des  tours  à  dévider  les  cocons, 
et  dont  il  n'a  cessé  depuis  d'étendre  ou  de  perfectionner  le 
travail  et  l'application  aux  divers  moyens  de  purger,  de  guider 
les  soies,  pour  lesquels  on  employait  auparavant  les  métaux 
et  le  verre  (voir  son  brevet  de  juin  1842,  t.  LXIV,  p.  39;  du 
Recueil  des  brevets  expirés). 

J'ai  avec  intention  passé  sous  silence  dans  cette  énumé- 
ration  rapide,  mais  pour  y  revenir  avec  quelques  détails,  le 
brevet  pris  en  septembre  1828 l  par  MM.  Lacombe  et  Barrois , 
dateurs  de  soie  à  Alais,  dont  les  tours,  accouplés  à  la  Bon- 
nard,  offrent  comme  ceux  de  M.  Rodier,  de  Nîmes,  cette  par- 
ticularité, bien  appréciée  de  nos  jours,  que,  la  fileuse  se 
trouvant  placée  entre  la  bassine  et  l'asple,  il  lui  devient  facile 
d'éviter  sinon  de  rompre  les  mariages,  quand  l'un  des  fils 
casse;  auquel  cas,  dans  le  système  Lacombe  et  Barrois,  un 
va-et-vient  ou  navette  oscillante  rejette  l'autre  fil  sur  une 

1  T.  XXVI,  p.  a 56 ,  du  Reeueil  des  brevets  expirés. 


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90  VI*  JUttY. 

œillère  latérale  ou  sur  l'arbre  même  de  l'asple;  à  peu  près 
encore  comme  dans  le  dispositif  déjà  cité  de  M.  Chambon , 
qui,  en  revendiquant  à  de  justes  titres  la  priorité  de  l'idée 
originale  des  coupe-mariages,  n'avait  peut-être  pas,  ainsi  qu'on 
l'a  vu,  des  droits  aussi  nettement  établis  sur  celle  qui  con- 
siste à  rejeter  au  dehors  de  l'asple,  le  fil  non  rompu.  D'ail- 
leurs, MM.  Lacombe  etBarrois  ont,  dans  un  brevet  d'août 
i83ox,  substitué  à  leur  navette  oscillante  un  dispositif  d'un 
tout  autre  genre,  et  qui  consiste  à  faire  passer  respective- 
ment les  fils ,  après  leur  croisure ,  entre  un  couple  de  cylindres 
de  verre  assez  rapprochés  pour  arrêter,  dans  leur  iatervalle, 
les  nœuds,  doublures  ou  bourillons,  et  rompre  aussitôt  ces 
mêmes  fils,  grâce  au  mordant  que  la  matière  vitrifiée  a  sur  la 
soie  humide.  Or,  cet  appareil ,  souvent  cité  avec  éloge  dans  les 
ouvrages  de  technologie ,  et  imité  même  dans  des  brevets  pos- 
térieurs à  i83o,  où  l'on  a  tenté  d'y  appliquer  divers  perfec- 
tionnements, cet  appareil  n'en  a  pas  moins  depuis  été  aban- 
donné par  l'industrie,  qui  lui  a  préféré,  comme  on  l'a  vu 
encore,  le  plus  simple  et  dernier  des  dispositifs  imaginés  par 
M.  Louis  Chambon. 

Enfin,  pour  donner  une  idée  à  peu  près  complète  des 
cfForts  tentés  vers  la  même  époque  en  vue  de  perfectionner, 
d'améliorer  tout  à  la  fois,  les  diverses  préparations  des  soies 
grèges ,  il  nous  reste  à  jeter  un  coup  d'oeil  non  moins  rapide 
sur  les  procédés  mécaniques  imaginés  par  MM.  Christian, 
Tezier,  Crozel  et  Guilliny. 

M.  Christian  (Gérard- Joseph),  après  avoir  critiqué,  dans 
un  brevet  du  25  juin  1828  2,  les  procédés  de  filage  jusque-là 
usités,  ainsi  que  la  méthode  de  Heathcoat,  pour  filer  à  quatre 
bouts  eux-mêmes  composés  de  plusieurs  fils  naturels  de  co- 
cons; après  avoir  fait  également  remarquer  la  conicité,  l'irré- 
gularité de  ces  derniers  fils  et  vanté  la  méthode  anglaise  par 
étirage  et  doublage  successifs  du  coton,  M.  Christian  expose 

1  T.  XXIX,  p.  370,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 

1  T.  XL1X,  p.  299,  du  même  ouvrage;  publié  en  i843. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  91 

les  principes  dune  nouvelle  filature  de  la  soie,  principes  à  la 
découverte  desquels  il  dit  être  parvenu  le  premier,  par  de 
longues  recherches,  qui  consistent  à  dévider  les  cocons  sépa- 
rément, au  nombre  de  deux  ou  trois  au  plus,  puis  à  doubler, 
réunir  par  deux,  les  fils  ainsi  obtenus,  en  en  renversant  les 
bouts,  et  opérant  d'ailleurs  le  tirage  avec  une  vitesse  uni- 
forme, quatre  ou  cinq  fois  plus  lente  que  celle  en  usage,  afin 
d'éviter  les  plis  et  bouchons;  le  fil  serré  dans  les  croisades,  arri- 
vant ,  d'ailleurs ,  parfaitement  sec  et  par  sur  le  dévidoir.  L'exposé 
de  ces  principes,  qui,  selon  le  breveté,  devaient  mettre  la  fila- 
ture de  la  soie  au  niveau  de  celle  du  coton ,  est  suivi  de  la 
description  de  nouvelles  machines  servant,  d'une  part,  à  dé- 
vider les  cocons  et  où  le  fil  est  séché  sur  une  surface  mé- 
tallique chauffée  à  la  vapeur;  de  l'autre,  à  doubler,  tordre, 
redoubler,  retordre  et  mettre  en  écheveau ,  par  une  seule  opé- 
ration, ces  mêmes  fils;  le  tout  mis  en  mouvement  par  l'action 
de  la  vapeur  et  muni  de  comptages  ou  numérotages  de  titre. 

Quoique  la  disposition  générale  de  quelques-unes  de  ces 
machines,  exécutées  en  fer  et  en  fonte,  ne  manque  pas  d'une 
certaine  élégance  qui  rappelle  les  métiers  anglais  de  cette 
époque  à  filer  le  coton,  cela  ne  pouvait  autoriser  l'auteur  à 
comparer  ses  innovations  à  celles  de  Richard  Arkwright  :  le 
succès,  en  effet,  n'a  nullement  répondu  à  l'énormité  des  en- 
couragements ou  des  sacrifices  dans  l'application  en  grand  du 
nouveau  système  de  filature  à  Argenteuil  et  à  Avignon;  en 
outre,  la  tendance  et  le  plan  même  du  brevet,  qui  constitue 
un  véritable  mémoire  sur  le  sujet,  semblent  bien  plutôt 
rappeler  un  imitateur  ou  rival  de  Philippe  de  Girard  qu'un 
émule  du  célèbre  filateur  de  Preston. 

Il  servirait,  d'ailleurs,  bien  peu  à  l'histoire  des  progrès  de 
la  filature  des  soies  de  rechercher  les  traces  des  tentatives  de 
tous  genres  faites  par  M.  Christian  pour  propager  en  France 
l'application  d'un  procédé  dont  l'emploi  offrait,  comme  ceux 
de  tant  d'autres  novateurs,  une  apparence  séduisante,  et  spé- 
cieuse 4  il  nous  suffira  de  rappeler  ici  que  dans  un  brevet 
d'invention  délivré  postérieurement  (novembre  i832)  à  l'un 


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92  vr  JURY. 

des  fils  de  cet  ancien  directeur  du  Conservatoire  des  arts  et 
métiers  de  Paris1,  il  s'agit  moins  de  parfaire  ou  perfectionner 
le  système  de  filature  exposé  si  pompeusement  dans  celui  de 

1828,  que  d'offrir  une  nouvelle  combinaison  de  métiers,  en 
fer  et  fonte,  qui  rappelle  celle  des  machines  à  filer  le  lin  et 
le  coton ,  à  tel  point  que  le  va-et-vient  y  est  employé  à  faire 
mouvoir  la  planche  de  support  des  broches  pour  la  distribu- 
tion du  fil  sur  les  bobines,  au  lieu  d'être  appliqué  simple- 
ment à  la  tringle  des  barbins  de  guides ,  comme  dans  les  an- 
ciens moulins  à  tordre  la  soie;  tringle  beaucoup  plus  facile  à 
conduire,  et  qui  n'offre,  pour  cette  élastique  substance,  aucun 
des  inconvénients  que  comportent,  à  cause  de  leur  faible 
ténacité,  les  fils  discontinus  de  la  laine,  du  coton  et  même 
du  chanvre  ou  du  lin.  Cette  remarque  est,  d'ailleurs,  géné- 
ralement applicable  à  tous  les  auteurs  de  brevets  qui,  pour 
accélérer  le  travail,  ont  prétendu  s'astreindre  à  une  imita- 
tion plus  ou  moins  servile  des  métiers  à  filer  ces  dernières 
matières,  soit  en  France,  soit  même  en  Angleterre. 

<  A  cet  égard,  le  développement  tout  particulier  que  j'ai 
donné  à  l'exposé  des  tentatives  infructueuses  de  MM.  Christian 
père  et  fils  m'autorise  à  glisser  sur  celles  que  M.  Tezier,  de 
Sorgues,  a  faites  également  (mars  i83o)  pour  convertir  direc- 
tement les  fils  de  cocons  en  trame  et  organsin ,  enroulés  autour 
deroquelles,  après  leur  passage  sur  des  tuyaux  chauffés  à  la 
vapeur,  etc.  J'en  agirai  de  même  pour  celles  que  M.  Crozel,  de 
Chatte,  dans  le  brevet  déjà  cité,  a  faites  plus  spécialement  en 
vue  de  perfectionner  l'ancien  moulin  droit,  tentatives  dont 
le  point  capital  consiste  simplement  à  remplacer  la  coron- 
nelle  par  un  barbin  à  une  seule  branche  fixée  au  sommet  de  la 
broche ,  etc. ,  afin  d'élever  à  3  000  par  minute  le  nombre  des 
tours  de  fuseaux,  qui  ne  pouvait,  dit-il,  être  atteint  précé- 
demment à  cause  du  soulèvement  de  cette  coronnelle ,  produit 
par  l'action  de  la  force  centrifuge. 

Quant  à  M.  Guillini,  dont  le  brevet  d'août  182g  appartient, 

1  T.  LXVI  du  Recueil  des  brevets  expirés,  p.  331. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  93 

sinon  quant  au  but,  du  moins  quant  à  la  date,  à  la  période 
qui  nous  occupe,  on  sait  assez,  par  l'accueil  et  les  encoura- 
gements accordés  dès  l'origine  à  ses  inventions1,  les  services 
que  promettait  de  rendre  à  l'industrie  des  soies,  pour  la  pré- 
server de  la  fraude  des  teinturiers  nommée  piquage  d'once,  son» 
dévidoir  par  tours  comptés,  dit  régulateur  transposant,  et  dans 
lequel  les  fils,  au  nombre  de  six,  après  s'être  enroulés  en 
losanges  sur  le  contour  du  guindre,  en  produisant  ainsi  au- 
tant d'échevettes  de  3  o'oo  mètres  juste  de  longueur,  sont 
•  déplacés  latéralement  par  un  glissement  du  porte-barbin  dis- 
tributeur,  dû  au  déplacement  même  de  la  roue  à  excentrique 
autour  de  Taxe  du  compteur,  déplacement  qui  se  reproduit 
deux  fois,  et  donne  ainsi  lieu  à  deux  nouveaux  groupes  d'éche- 
veaux,  indépendamment  du  premier. 

Ce  déplacement  latéral  du  porte-barbins  est  d'ailleurs  opéré 
au  moyen  d'un  équipage  de  roues  dentées,  constituant  un 
véritable  compteur,  placé  à  l'un  des  bouts  d'un  moulin  ovale, 
et  agissant,  après  un  nombre  donné  de  révolutions  du  guindre, 
sur  une  détente  à  échappement  qui  rappelle,  l'ancienne  solu- 
tion du  même  problème  vainement  proposée ,  comme  on  l'a 
vu,  aux  industriels,  il  y  a  près  d'un  siècle,  par  Vaucanson, 
à  la  vérité  sur  une  beaucoup  plus  grande  échelle  et  avec  des 
combinaisons  peut-être  trop  savantes  pour  l'époque.  Mais  ce 
qui  distingue  plus  particulièrement  le  dévidoir  de  M.  Guillini, 
c'est  qu'il  porte  un  mécanisme  à  l'aide  duquel  la  machine 
s'arrête  dès  qu'un  fil  de  soie  vient  à  casser;  arrêt  assez  brus- 
que, qui  s'opère  au  moyen  du  basculement  d'un  levier  à  char- 
nière incliné  servant  de  support  à  chacun  des  barbins,  mais 
dont  le  poids,  très-léger  d'ailleurs ,  cessant  d'être  soutenu  par 
le  fil  de  soie  rompu ,  détermine  le  pivotement  horizontal  d'un 
châssis  à  tringle  qui ,  par  une  détente  à  ressort  agissant ,  d'un 
côté,  sur  une  roue  à  rochet,  d'un  autre,  sur  le  support  d'un 
levier  horizontal  à  contre-poids  suffisamment  lourd,  déler- 


1  Bulletin  de  la  Société  &  encouragement,  t.  XXXVI,  1837,  p.  a  4^,  25 1, 
3i3. 


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94  VI-  JURY. 

mine,  à  son  tour,  le  débrayage  de  la  roue  motrice,  par  un  der- 
nier mécanisme  d'échappement  en  lui-même  fort  ingénieux, 
mais  qui  ne  laisse  pas  que  d'ajouter  beaucoup  à  la  compli- 
cation, déjà  si  grande,  du  système. 

S  IV.  —  Rapide  coup  <Tœil  sur  les  brevets  délivrés  depuis  i83o  pour  le 
perfectionnement  du  filage  des  cocons.  —  MM.  Paget,  Michel,  de  Saint- 
Hippolyte,  Geffrajr,  Boarcier,  etc.  — Filage  à  la  tavelle  de  M.  MitifioL 

Quelque  imparfaite  que  soit  cette  revue  des  principales 
tentatives  faites  avant  i83o  pour  améliorer  le  système  méca- 
nique du  filage  et  de  l'ouvraison  des  soies  grèges,  je  ne  pourrais 
la  continuer  pour  les  années  suivantes  sans  dépasser  de  beau- 
coup la  limite  où  il  devient  possible  de  la  rendre  instructive, 
supportable  même  à  la  lecture.  Indépendamment,  en  effet, 
du  grand  nombre  des  brevets  par  lesquels  on  a ,  dans  l'inter- 
valle de  i83o  à  i85o,  cherché  à  perfectionner  les  machines 
à  filer,  mouliner  et  dévider  la  soie  en  France,  il  n'est  que 
trop  certain  que  la  plupart  d'entre  eux  offrent,  relativement 
aux  précédents,  peu  d'idées  neuves  ou  originales,  chaque 
constructeur  cherchant  à  se  créer  un  système  propre  en  ap- 
portant quelques  modifications,  plus  ou  moins  essentielles, 
aux  combinaisons  adoptées  par  ses  prédécesseurs  ou  concur- 
rents; de  sorte  qu'il  y  aurait  lieu  de  craindre  que  l'exubé- 
rance même  des  brevets  délivrés  jusque  dans  ces  dernières 
années  ne  fût,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  pressentir,  bien 
plutôt  une  preuve  d'insuccès  pratiques  que  de  véritables  pro- 
grès mécaniques,  si  elle  ne  témoignait  en  même  temps  d'une 
émulation  dans  les  efforts,  d'une  énergie  dans  l'intention  d'ar- 
river au  but,  d'autant  plus  louables  que  sans  elles  un  art, 
une  industrie  quelconque  ne  sauraient  jamais  atteindre  un 
véritable  degré  de  perfection  et  de  prospérité  commerciale. 

Ou  peut  compter  notamment,  dans  l'intervalle  qui  nous 
occupe,  jusqu'à  20  brevets  pour  le  simple  perfectionnement 
du  mécanisme  des  tours  à  dévider  les  cocons,  tours  construits 
la  plupart  en  bois  et  quelques-uns  en  fer  et  fonte,  comme 
le  sont  ceux  de  MM.  Puget,  d'Arpaillargues  (i833),  et  Michel, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  95 

de  Saint-Hippolyte  (i838),  mais  ayant  pour  tendance  prin- 
cipale d'affranchir  le  filage  de  l'intervention  de  la  tourneuse 
et ,  jusqu'à  un  certain  point,  de  la  fileuse,  tout  en  accélérant  le 
travail  par  la  vitesse  de  l'asple,  portée  au  delà  de  100  révolu- 
tions à  la  minute,  grâce  aux  perfectionnements  de  détail  des 
filières,  barbins  distributeurs,  etc.,  accompagnés  d'un  sévère 
triage  et  d'une  préparation  des,  cocons  propre  à  faciliter  le 
tirage  et  à  réduire  de  plus  en  plus  les  déchets. 

Nous  voyons  ici  apparaître  les  noms  déjà  cités  de  MM.  Blan- 
chon,  de  Chomerac,  Rodier,  de  Ganges  ou  d'Avignon,  auxquels 
viennent  se  joindre  ceux  de  MM.  Maynard,  à  Valréas1,  De- 
larbre,  à  Ganges,  et  de  beaucoup  d'autres  mécaniciens  ou  fila- 
teurs  distingués,  dont  malheureusement  il  nous  serait  im- 
possible d'apprécier  le  mérite  mécanique  ou  industriel ,  faute 
d'avoir  vu  fonctionner  leurs  machines. 

Les  tentatives  failes  particulièrement  en  vue  d'éviter  ou  de 
supprimer  les  mariages  sont  l'objet  spécial  de  huit  ou  dix  autres 
brevets  dus  à  MM.  Ventouillac  et  Larnabé  à  Lavaur,  Chambon 
à  Alais,  Soubeyran  à  Saint-Jean-du-Gard,  Gensoul  à  Bagnols2, 
PeyotàLyon,  etc.  MM.  Fabre,  d'Avignon,  Ferand,  de  Nyons, 
Cazet,  de  Ganges,  ont  décrit,  dans  d'autres  brevets  d'une  date 
relativement  récente  (i84i,  1842,  i844J,  des  instruments 
formés  de  baguettes  en  verre,  droites  ou  courbes,  de  verres 
convexes  et  sphériques  pour  opérer  la  purge  des  bourillons  par 
leur  rapprochement  gradué  au  moyen  d'une  vis  de  rappel ,  etc. 

1  Noos  citons  cet  industriel ,  bien  qu'on  n  ait  point  fait  à  son  brevet  d'oc- 
tobre i84o  l'honneur  de  l'insérer  au  t.  LXXV  du  Recueil  des  brevets  expirés 
(voyez  p.  489),  parce  que  sa  méthode  défiler  directement  sur  bobines  sans 
recourir  au  dévidage  à  la  tavelle  a  obtenu,  à  l'Exposition  de  i844,  des  éloges 
et  une  récompense  qui  le  placent  avec  M.  Blanchon,  de  Saint-Julien,  au 
premier  rang  des  filateurs  de  soie. 

1  T.  XLVII1  du  Recueil  des  brevets  expirés,  p.  334.  H  s'agit  d'une  espèce 
de  palonnier  ou  fléau  en  bascule,  pivotant  sur  un  point  fixe  au-dessus  de  la 
bassine  à  eau  chaude,  et  recevant  à  ses  bouts  les  deux  fils  de  soie  dans  des 
crochets,  etc.  Ce  brevet  a  été  délivré,  en  février  i838 ,  à  M.  Gensoul  (Alexis- 
Bruno),  qui  s'est  aussi  préoccupé  des  moyens  d'.éviter  le  mélange  des  fils  de 
cocon. 


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96  VP  JURY. 

MM.  Carrière,  de  Ganges,  etBérard,  de  Minnande,  partant , 
d'une  idée  déjà  ancienne,  se  sont  également  préoccupés  des 
moyens  de  purger  les  fils  mêmes  de  cocons,  en  leur  faisant 
traverser  séparément  les  fentes,  parallèles  ou  convergentes, 
d'une  sorte  de  peigne  métallique,  fixé  à  vis,  qui  arrête  les 
bourillons  à  l'instant  précis  de  leur  passage  et  avant  leur 
arrivée  à  la  filière. 

D'autre  part,  MM.  Durand  frères  et  Menet  Durand ,  dans 
un  brevet  de  juillet  i836J,  très-lumineux  et  où  ils  préconisent 
le  filage  à  la  double  tavelle,  avec  croisure  à  un  bout,  ont  ap- 
porté aux  systèmes  de  leurs  prédécesseurs,  MM.  Tastevin  et 
Cournier,  quelques  modifications  essentielles  consistant  :  i°  à 
remplacer  les  montants  fixée  de  ce  dernier  filateur  par  un 
équipage  mobile  qui  permet  d'incliner  et  rapprocher  plus  ou 
moins  le  couple  des  petites  tavelles  -de  la  bassine  inférieure, 
afin  d'entretenir,  en  temps  sec,  l'humidité  des  fils  dans  la 
croisure  et  d'éviter  la  casse  ;  2°  à  accélérer  le  filage  à  raison 
de  i5o  tours  de  l'asple  ou  4oo  mètres  de  coulage  des  fils  à  la 
minute  ;  3°  à  appliquer  trois  asples  et  trois  systèmes  de  tavelles , 
dont  un,  de  relai ,  à  une  même  bassine  conduite  par  une  fileuse 
travaillant  simplement  à  deux  bouts,  suivant  l'ancienne  mé- 
thode, mais  assistée  d'une  noueuse  ou  rattacheuse  qui  a  la 
faculté  de  se  mouvoir  le  long  d'un  large  couloir  postérieur* 
compris  entre  la  bassine  et  l'asple ,  sur  lequel  on  peut  agir  si- 
multanément au  moyen  d'un  lève-bouts  et  de  freins  à  levier 
articulé,  etc.;  k*  enfin,  à  munir  le  devant  des  bassines  de 
filières  à  coulisses  horizontales,  afin  de  pouvoir  en  dégager  la 
surface  au  besoin. 

-  MM.  Durand  frères,  de  Grane  (Drôme),  ont  aussi,  dans 
un  brevet  postérieur2,  proposé  de  battre  les  cocons  au  moyen 
d'une  brosse  tournant  mécaniquement,  afin  de  supprimer, 
disent-ils,  la  main-d'œuvre  fatigante  et  onéreuse  du  balai. 

Enfin  M.  Geflray,  à  Montgeron  (Seine-et-Oise) ,  et  M.  Bour- 

1  T.  XLV,*  p.  108 ,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 

1  T.  LU,  p.  372 ,  du  Recueil  des  brevets  expirés,  janvier  i83g. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  97 

cier,  de  Lyon ,  ont ,  à  peu  près  dans  le  même  temps  (septembre 
et  octobre  i838),  imaginé  des  appareils  à  compter  on  régler 
invariablement  le  nombre  des  tours  de  la  croisure  dès  bouts 
ou  fils  de  soie;  but  qui,  malgré  tant  de  tentatives  déjà  faites 
depuis  Vaucanson  et  Villard,  ne  leur  paraissait  pas  avoir  été 
atteint  d'une  manière  satisfaisante,  et  n'a  point  empêché 
d'autres  industriels  d'y  revenir  plus  tard  encore. 

La  période  de  i83o  à  i85o  offre  aussi  de  nouveaux  essais 
de  dévider,  doubler  et  tordre  les  fils  de  cocons  en  une  seule 
opération,  dont  la  principale  difficulté  gît,  comme  on  l'a  vu, 
dans  le  collage  ou  gommage  naturel  de  ces  fils.  Ces  essais,  sur 
lesquels  il  serait  bien  inutile  d'insister  ici,  non  plus  que  sur 
quelques  autres  projets  de  filature  par  MM.  Chasam  et  Imer, 
d'Avignon  (i836),  Balay  et  Vignal.de  Saint-Étienne  (1837), 
Vergniais  de  Lyon  (1841)1,  ces  essais,  dis-je,  s'écartent  telle- 
ment, pour  la  plupart,  des  idées  jusque-là  sanctionnées  par 
l'expérience,  que,  malgré  leur  mérite  comme  conception 
théorique,  ils  tendent  bien  plus  à  inspirer  le  doute  que  la 
confiance  dans  l'utilité  de  leur  application  à  l'industrie. 

Nous  devons  néanmoins  excepter  M.  F.  Metifiot,  à  Loriol, 
dont  les  grèges  ont  obtenu  un  succès  remarquable  à  l'une  des 
Expositions  françaises,  et  qui ,  dans  un  brevet  de  février  1839  2, 
s'est  préoccupé  du  séchage  des  fils  soumis,  en  temps  froid, 
aux  émanations  des  bassines  dans  les  ateliers  clos,  où  l'on  file, 
à  la  double  tavelle,  d'après- un  système  qui  diffère  de  ceux 
de  MM.  Cournier  et  Durand  principalement  en  ce  que  ces 
tavelles  sont  éloignées  verticalement  d'environ  om,8o  l'une  de 
l'autre,  et  que,  par  une  disposition  qui  rappelle  celle  de 
M.  Tastevin,  les  fils  qui  en  descendent  vont  s'enrouler  sur  des 
roquets  horizontaux  après  s'être  séchés  dans  un  long  trajet, 
accompli  sous  une  vitesse  assez  lente  pour  permettre  à  une 
seule  fileuse  de  soigner  à  la  fois  quatre  bouts  ou  roquets. 

1  T.  LXXVI ,  HVI  et  LIV  du  Recueil  des  brevets  expirés,  respecti- 
vement. 

*  T.  LU,  p.  977,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 

vi*  jurt.  —  a*  part».  7 


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98  VT  JURY. 

Quant  aux  nombreuses  tentatives  faites  en  vue  d'améliorer 
le  mécanisme  des  machines  à  doubler  et  à  tordre  ou  mouliner 
la  soie,  nous  leur  devons  accorder  un  peu  plus  d'attention , 
tout  en  regrettant  que  tant  d'ingénieuses  conceptions,  mises 
en  avant  trop  souvent  en  pure  perte,  aient  laissé  d'aussi 
faibles  traces  dans  l'industrie  sétifère  de  notre  pays,  du  moins 
si  loo  en  juge  par  les  ouvrages  imprimés  sur  la  matière  et 
l'application  limitée  qu'elles  ont  reçue,  même  en  Angleterre, 
où  l'on  est  d'ordinaire  empressé  d'accueillir  les  innovations 
mécaniques  vraiibent  utiles. 

S  V.  —  Tentatives  de  perfectionnement  du  moulinage  des  soies,  de  i83o  à 
i85o.  —  MM.  Coront,  Cobbeit,  Tranchai,  Badnall,  Chamhon,  etc. 

Parmi  ces  tentatives,  je  citerai  avec  quelque  étendue,  à 
cause  des  idées  remarquables,  celles  que  renferme  le  brevet 
très-clairement  rédigé  de  M.  Augustin  Coront,  qui  a  paru  sous 
la  date  de  mars  18321  et  a  spécialement  pour  but  le  perfec- 
tionnement du  moulinage  des  soies.  Les  bobines,  lestées  de 
plomb,  y  sont  libres  autour  des  broches  ou  fuseaux,  surmon- 
tés d'ailettes  en  S  fixées  à  leur  sommet;  elles  reposent  sur  une 
planche  inférieure,  munie  de  velours  ou  de  drap,  qui  leur 
permet  de  céder  sans  trop  d'effort  ni  relâchement  à  l'action 
du  tirage  du  fil;  combinaison  déjà  tentée  ailleurs,  il  est  vrai, 
et  d'où  il  résulte  que  la  vitesse  des  bobines  se  trouve  naturelle- 
ment ralentie  par  le  frottement  à  mesure  que  le  fil  en  sort  uni- 
formément tendu,  pour  s'enrouler  sur  les  roquelles  supé- 
rieures, à  rotation  constante.  Quant  aux  broches,  elles  sont  ici 
très-ingénieusement  mises  en  action  par  deux  petits  cylindres 
ou  renflements  fixés  à  leur  partie  inférieure ,  et  qu'entraînent , 
aussi  par  frottement,  deux  disques,  d'un  plus  fort  diamètre, 
montés  sur  un  axe  vertical  parallèle,  dont  le  noyau  engrène 
avec  une  courroie  ou  une  chaîne  sanà  fin  à  la  Vaucanson. 

D'autre  part,  les  roquelles  horizontales  supérieures,  lestées 
également  de  plomb ,  sont  entraînées ,  en  vertu  du  frottement  dû 

1  T.  XXXV,  p.  a  7 1 ,  du  Recueil  des  brevets  expirés* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  99 

à  leur  poids ,  par  des  rouleaux  moteurs  d'un  plus  fort  diamètre , 
à  .peu  près  comme  dans  les  anciens  dévidoirs  à  tavelle,  sauf 
-qu'ici,  le  roulement  ayant  Uea  sur  la  soie  des  bobines,  leurs  axes 
horizontaux  se  trouvent  simultanément  soulevés  dans  des 
rainures  verticales  à  mesure  qu'elles  s'emplissent ,  et  de  ma- 
nière que  la  vitesse  de  tirage  des  fils,  à  leur  circonférence  déjà 
garnie,  reste  constante  et  le  tors  égal  aux  divers  instants,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  de  recourir  aux  moyens  délicats  employés 
dans  la  filature  du  coton  pour  faire  varier  la  vitesse  angu- 
laire des  bobines  en  raison  inverse  du  grossissement  de  leur 
diamètre,  d'après  le  principe  indiqué  par  Vaucanson  dans  son 
célèbre  mémoire  de  1 7  5 1 . 

M.  Coront  propose  aussi,  à  l'instar  d'un  de  ses  devanciers, 
M.  Tastevin,  d'armer  chaque  fuseau  d'un  disque  qui,  dans  sa 
rotation  rapide  produite  par  une  chaîne  à  la  Vaucanson,  en- 
traînerait à  la  fois  deux  bobines  verticales,  etc. 

Mais  la  partie  la  plus  originale  de  ses  conceptions  consiste 
dans  le  remplacement  du  va-et-vient  servant  jusqu'alors  à  la 
distribution  uniforme  du  fil  sur  les  roquelles,  par  un  système 
à  bielle,  dont  le  bouton  ou  mentonnet  excentrique,  au  lieu 
d'être  mené  par  une  roue  ou  manivelle  ordinaire,  est  monté 
latéralement  sur  une  roue  dentée  elliptique,  conduite  par  une 
seconde  roue  pareille,  tournant  autour  d'un  axe  horizontal 
qui  la  traverse  perpendiculairement  en  son  centre,  et  qui 
reste  fixe,  tandis  que  celui  de  la  première  roue,  en  quelque 
sorte  planétaire,  a  la  liberté  de  glisser  le  long  d'une  petite 
coulisse,  sous  l'influence  d'un  repoussoir  à  ressort  qui  main- 
tient, aux  divers  instants,  le  contact  ou  engrènement  réci- 
proque des  deux  roues. 

L'avantage  d'un  pareil  système  d'excentrique  est  de  donner 
des  bobines  naturellement  convexes  ou  renflées  vers  le  milieu, 
en  talus  sur  les  bouts ,  et  qui  dispensent  ainsi  de  l'usage  des 
rebords  extrêmes.  De  plus,  les  spires  du  fil  s'y  recroisent  en 
losanges,  de  manière  à  se  soutenir  réciproquement,  sur  un 
noyau  plus  ou  moins  concave,  et  à  donner  lieu  à  des  vides 
qui  favorisent  l'accès  de  l'air,  le  dévidage  et  la  dessiccation  des 


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100  VI-  JURY, 

fils  :  c'est  d'ailleurs  là  un  résultat  qu'on  obtient  sans  difficulté 
dans  tous  les  systèmes  de  va-et-vient  en  donnant  à  la  barre 
commune  des  guides  ou  barbins  distributeurs  une  accélé- 
ration convenable  par  rapport  à  la  vitesse  de  rotation  des 
roquelles,  accélération  qui,  en  vertu  du  rouage  elliptique, 
étant  plus  considérable  vers  les  extrémités  de  la  course  qu'au 
milieu,  y  produit  les  amincissements  mentionnés. 

Enfin,  M.  Coront,  dans  ce  même  brevet,  qui  remonte  au 
delà  de  vingt-deux  ans,  présente  un  moyen,  déjà  mentionné 
ci-dessus,  de  doubler  et  tordre  simultanément  les  fils  de  soie , 
en  mettant  les  bobines  sur  un  plateau  tournant  d'où  ces  fils 
s'échappent,  en  convergeant,  au  travers  d'une  filière  ou  œil- 
lère fixe,  de  laquelle,  après  avoir  subi  le  tors  convenable,  ils 
se  rendent  sur  un  guindre  horizontal  disposé  de  la  façon 
ordinaire.  Cet  industriel  est  d'ailleurs  revenu,  dans  un  brevet 
de  mai  i835,  sur  quelques  perfectionnements  de  détail  des 
moulins  ovales  et  des  barbins  à  ressort,  que  je  me  dispenserai 
d'indiquer  ici. 

Ce  serait  également  le  lieu  de  dire  un  mot  du  système  de 
doublage  et  de  moulinage  des  soies  proposé  par  M.  T.  V.  J. 
Christian ,  si  cela  n'avait  déjà  été  fait  par  anticipation ,  et  si  le 
système  de  broches  en  fer  à  cheval  et  à  alimentation  d'huile 
proposé  par  cet  industriel  offrait  des  particularités  qui  méri- 
tassent d'être  décrites  ou  mentionnées  à  cause  de  leur  nou- 
veauté ou  de  leur  utilité. 

Par  le  même  motif,  je  ne  citerai  que  pour  mémoire  le 
système  de  broches  horizontales  et  verticales,  à  ailettes  en  fer 
à  cheval,  qui,  décrit  dans  un  brevet  d'importation  de  i833 
par  M.  Cobbett  (John),  de  Londres1,  rappelle  les  moyens 
connus  de  régulariser  la  vitesse  des  bobines  dans  les  métiers 
continus  à  filer  le  coton  ou  le  lin,  par  le  frottement  d'une 
cordelle  dont  la  tension  est  réglée  à  l'aide  d'un  levier  à 
poids;  ce  système,  pour  lequel,  au  surplus,  l'auteur  se  pré- 
tend patenté  dès  septembre  1820  en  Angleterre,  a  été  repro- 

1  T.  LXVI,  p.  38 ,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  101 

doit  avec  des  modifications  peu  essentielles,  dans  un  autre 
brevet  d'importation  de  i838,  par  M.  Benjamin  Rotch,  de 
Londres,  déjà  mentionné  pour  un  autre  objet. 

On  doit  à  M.  Tranchât,  mécanicien  à  Lyon  (i833),  le 
même  que  nous  avons  cité  pour  une  simplification  du  dévi- 
doir Belly,  un  moyen  assez  iogénieux  pour  arrêter  les  roquets 
des  machines  à  doubler,  etc. ,  quand  un  fil  casse,  à  f  aide  d'une 
bascule  qui  pèse  sur  le  fil  tendu,  et  dont  le  point  de  suspen- 
sion est  au-dessous  du  centre  de  gravité;  moyen  qui  offre 
quelque  analogie  avec  celui  précédemment  employé  dans  le 
régulateur  transposant  de  Guilliny. 

M.  Badnall  fils  (Richard) ,  manufacturier  en  soie  à  Leek, 
dont  nous  avons  également  cité  les  efforts  pour  perfectionner 
le  dévidage  et  le  tordage  des  fils  de  soie  en  182 5,  et  qui  avait 
pris  en  Angleterre,  vers  cette  époque,  un  brevet  dans  lequel 
se  trouvent  décrits  des  moyens  pour  doubler  et  tordre  simul- 
tanément les  fils,  en  supprimant  l'appareil  à  ailettes  en  S,  y  re- 
vient néanmoins  dans  un  brevet  d'importation  de  juin  i83a !, 
en  proposant  de  faire  mouvoir  par  autant  de  roues  dentées  à 
engrenage  extérieur  les  couples  de  fuseaux,  dont  les  fils  doi- 
vent, deux  à  deux,  se  réunir,  après  croisement,  sur  une  ro- 
quelle  supérieure.  D'ailleurs ,  ce  système  se  trouve  accompagné 
de  casse-fils  ou  mécanismes  de  débrayage  et  d'arrêt  en  cas  de 
rupture,  ainsi  que  de  xoues  de  rechange,  servant  à  modifier 
au  besoin  le  tors,  et  dont  les  différentes  combinaisons,  si  elles 
n'offrent  rien  de  bien  neuf  quant  à  la  conception  première, 
se  recommandent  néanmoins  par  l'intelligence  des  dispositifs 
qui  annoncent  un  constructeur  exercé.  En  effet,  outre  que 
l'on  avait  déjà,  comme  on  l'a  vu,  fait  des  tentatives  plus  ou 
inoins  analogues  en  France,  M.  Badnall  avait  été  précédé, 
même  en  Angleterre,  par  M.  William  Needham,  de  Lougnor, 
dont  la  patente ,  délivrée  en  septembre  1 83o  s,  a  pour  objet  une 
machine  à  doubler  et  à  tordre  en  même  temps,  munie  d'un 

1  T.  XXXVIII,  p.  368,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 
*  Repertory  ef  patent  inventions,  etc.,  t. 1,  i83s ,  p.  60.  . 


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102  vr  JURY. 

casse-fils,  mais  conduite  par  des  cordons  sans  fin  et  des  poulies, 
de  renvoi  à  l'ancienne  manière. 

Je  citerai  également  pour  mémoire  les  tentatives  du  même 
genre  faites  postérieurement  par  M.  Vignal  (Jacques),  de 
Saint-Étienne  (i835  et  i836),  avec  des  bobines  tantôt  hori- 
zontales, tantôt  verticales;  celles  de  MM.  Vigezzi,  Riva  et  Do- 
ninelli,  à  Lyon  (i835),  Durand  frères,  à  Grane  (mars  i84i), 
Montégu ,  à  Lyon  (décembre  1 84 1)  *,  enfin  Perinetti  (Charles) , 
à  Plaisance,  qui  toutes  rappellent  plus  ou  moins  les  tentatives 
antérieures  de  MM.  Tastevin,  Rodier,  Coront,  Badnall,  etc. 
Néanmoins,  il  ne  sera  pas  inutile  de  faire  remarquer  que 
M.  Montégu,  conservant  l'ancien  moulin  ovale,  perfectionné 
dans  quelques  détails  relatifs  à  la  disposition  des  fuseaux,  .a 
imaginé  de  faire  passer  la  courroie  motrice  alternativement 
d'un  côté  et  de  l'autre  du  renflement  de  ces  fuseaux,  dont 
les  uns,  distribués  par  couples,  portent  les  bobines  de  premier 
apprêt,  et  les  autres,  intermédiaires  à  chacun  de  ces  couples, 
marchent  en  sens  contraire,  afin  de  donner  le  deuxième  tors- 
aux  fils  doubles,  qui  descendent  d'une  poulie  supérieure  à 
gorge  conique  fortement  évasée,  où  se  sont  élevés  et  réunis 
les  fils  simples  des  fuseaux  intermédiaires,  etc. 

Nous  accorderons  une  mention  plus  particulière  au  brevet 
délivré  à  Paris2  à  M.  Chambon  (Louis- Jules),  déjà  cité  pour 
ses  utiles  inventions  relatives  au  filage  des  cocons,  et  qui  vient, 
à  son  tour,  exposer  les  perfectionnements  qu'il  a  apportés  aux 
idées  de  MM.  Coront  et  Tastevin  sur  le  doublage  et  le  mou- 
linage  des  soies ,  dont  il  supprime  les  guiodres  et  les  coronnelles 
comme  susceptibles  d'occasionner  la  rupture  des  fils  quand 
on  cherche  à  dépasser  une  certaine  limite  de  vitesse.  Dans  ce 
but ,  il  propose  :  soit  un  jeu  de  bobines  verticales,  montées  sur 
des  plateaux  tournants,  pour  doubler  et  tordre  simultanément 
en  premier  apprêt  les  fils,  qui  de  là  se  rendent  sur  des  ro- 
quelles  dont  les  broches  en  fer,  légèrement  inclinées,  portent , 

1  T.  LXXH,  p.  16a ,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 

1  T.  XLV,  p.  271 ,  du  Recueil  des  brevets  expirés  (1 2  novembre  i836). 


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MACHINES  ET  OUTILS.  103 

à  une  extrémité,  de  petits  cônes  en  bois  roulant  sur  des  mo- 
lettes motrices  d'après  un  systènfe  généralement  adopté  au- 
jourcThui  dans  le»  dévidages  et  doublages  automatiques  ;  soit 
an  système  de  moulins  de  deuxième  apprêt,  dont  les  roquelles 
supérieures  sont  directement  conduites  par  le  frottement  de 
leur  soie  contre  des  rouleaux  à  vitesse  unifonne,  tandis  que  les 
bobines  des  fuseaux  obtenues  à  la  machine  de  premier  apprêt 
sont  simplement  coiffées  de  calottes  à  rebords,  assez  bien  polies 
et  arrondies  pour  n'apporter  aucun  obstacle  au  déroulement 
des  fils  attirés  par  les  roquelles  supérieures,  qui,  tenant  lieu 
ici  des  guindres  en  usage  dans  l'ancien  moulin  de  second  tors, 
sont  d'ailleurs  précédées  de  chevilles  en  verre  autour  des- 
quelles ces  mêmes  fils  acquièrent  le  degré  de  tension  néces- 
saire pour  leur  parlait  envidage.  Quoiqu'il  n'y  ait  là,  au  point 
de  vue  mécanique,  rien  d'absolument  neuf,  peut-être,  pour* 
l'époque  de  i836,  néanmoins  les  succès  obtenus  par  M.  l^ouis 
Chambon  aux  Expositions  de  1839  et  de  i844  s'accordent  à 
prouver  que  cet  industriel  a  fait' faire  des  progrès  réels  à  l'art 
de  mouliner  les  soies  dans  notre  pays. 

Enfin ,  je  ne  saurais  me  dispenser  de  citer  ici  encore  le 
brevet  d'importation  de  M.  Collier-Harter,  de  Manchester1, 
où  l'on  se  propose  d'activer  le  travail  des  machines  à  dévider 
la  soie,  en  agrandissant  le  diamètre  des  couronnes  qui  con- 
duisent, par  simple  roulement,  les  roquelles  armées  de  volants 
métalliques  pour  régulariser  la  vitesse  et  tenir  lieu  de  l'an- 
neau frein,  à  poids,  que  contenaient  les  plus  anciens  dévi- 
doirs automates;  la  simple  résistance  de  l'air  devant  suffire, 
selon  le  breveté ,  pour  faire  éviter  les  dangers  d'une  trop  grande 
accélération  ou  des  ruptures  de  fils  qui,  dans  le  nouveau  dé- 
vidoir, d'ailleurs,  ne  peuvent  survenir  sans  faire  mouvoir, 
aussitôt  un  rochet  d'arrêt  ou  de  suspension  de  la  pièce  corres- 
pondante de  la  machine. 

Ce  brevet,  ainsi  que  quelques-uns  des  précédents  et  de  ceux 
qu'y  ont  ajoutés  subséquemment  divers  autres  ingénieurs  na- 

1  T.  LXXVI,  p.  A82 1  du  Recueil  des  brevets  expirés,  novembre  i836. 


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104  VrJURY. 

tiooanx  on  étrangers1,  en  se  fondant  sur  des  moyens  de  solu- 
tion plus  ou  moins  analogues,  ces  brevets,  dis-je ,  sembleraient 
prouver  qu'on  en  était  encore,  même  longtemps  après  i836, 
aux  premiers  expédients  pour  faire  sortir  le  moulinage  de  la 
soie  des  routes  anciennement  tracées.  Mais,  afin  de  rectifier 
ce  qu'une  pareille  opinion  pourrait  offrir  de  trop  absolu  ,  il 
nous,  faut  laisser  là  l'histoire  des  inventions  mécaniques  ba- 
sées sur  la  délivrance  et  l'étude  des  brevets,  pour  nous  rap- 
procher un  peu  plus  des  données  fournies  par  la  pratique 
actuelle  des  ateliers,  dont,  en  apparence,  les  règles  et  les  pro- 
cédés divers  de  fabrication  ne  sont  pas  toujours  conformes 
aux  prescriptions  de  la  théorie. 

CHAPITRE  III. 

ÉTAT  PBisERT  BT  COMPARÉ  DB  LA  FILATURE  MECAHIQUE  DBS  SOIES  GRB4BS  *. 

Dans  ce  qui  précède,  j'ai  indiqué  ou  fait  pressentir,  à  l'oc- 
casion ,  l'avenir  réservé  aux  principales  tentatives  de  perfec- 
tionnements mécaniques  consignés  dans  les  brevets  et  écrits 
divers.  On  a  pu  se  convaincre  que  ce  qui  a  manqué  à  l'indus- 
trie sétifère,  ce  ne  sont  ni  le  génie  ni  le  mérite  théorique 
des  inventions,  dont  ja  première  initiative  est,  pour  ainsi  dire, 
exclusivement  due  à  des  mécaniciens  de  notre  pays.  D  nous 
reste  à  voir  jusqu'à  quel  point  ces  ingénieuses  ressources  ont 
été  mises  à  profit,  sans  trop  nous  en  rapporter  aux  écrits  sur 
la  matière,  dont  les  auteurs  se  sont  principalement  renfer- 
més dans  le  point  de  vue  statistique  et  commercial,  technolo- 
gique si  l'on  veut,  mais  fort  peu  mécanique,  outre  qu'ils  nous 
laissent  presque  toujours  ignore**  le  véritable  état  des  choses 

1  Voyex  plus  particulièrement  l'extrait  de  la  patente  de  M.  W,  Needham, 
de  Manchester,  de  mai  i838,  p.  89  du  Repertoiy  of  patent  inventions,  nouvelle 
série,  t  XI,  i83q. 

*  En  lisant  ce  chapitre,  on  ne  devra  pas  oublier  qu'il  a  été  écrit  immé- 
diatement après  un  voyage  entrepris  spécialement  dans  ie  midi  de  la  France, 
en  juin  i853. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  105 

et  le  nom  des  auteurs  ou  promoteurs  '  de  chaque  décou- 
verte. 

Est-il  vrai,  notamment,  que  le  dévidage  et  le  moulinage 
des  grèges  et  organsins  soient  demeurés  chez  nous,  malgré  tant 
d'heureuses  conceptions,  dans  une  sorte  d'infériorité  relative 
par  rapport  à  ceux  des  Italiens  et  des  Anglais?  Les  résultats 
qui  se  sont  produits  aux  diverses  Expositions  de  l'industrie  fran- 
çaise depuis  1 8 1  g  sembleraient  démontrer  le  contraire  ;  et  alors 
comment  expliquer  la  soi-disant  négligence  de  nos  filateurs 
du  Midi  pour  tout  progrès  mécanique?  Voilà  des  questions 
qui  ne  peuvent  se  résoudre  sans  voir  de  ses  propres  yeux, 
sans  consulter  et  comparer  entre  eux  les  témoignages  des 
hommes  les  plus  versés  dans  la  pratique  du  métier,  si  l'on 
peut  s'exprimer  ainsi. 

Aussi  ai-je  jugé  indispensable,  en  l'absence  de  renseigne- 
ments plus  précis,  de  parcourir  quelques-uns  de  nos  départe- 
ments méridionaux  les  plus  renommés  sous  le  rapport  de  la 
production  des  soies,  avant  de  hasarder  une  opinion  quel- 
conque sur  cet  important  sujet.  Je  regrette,  néanmoins,  que 
le  temps  et  la  force,  sinon  le  bon  vouloir,  m'aient  manqué 
pour  étendre  jusqu'en  Italie  et  en  Angleterre  le  cercle  de  mes 
visites  ou  pérégrinations,  limitées,  même  pour  le  midi  de  la 
France,  à  certaines  localités  des  départements  du  Rhône,  du 
Gard  et  de  l'Ardèche;  départements  que,  si  l'on  eu  juge  par 
la  simple  nomenclature  des  brevets  d'invention,  on  doit,  à  de 
justes  titres,  considérer  comme  le  principal  foyer  des  progrès 
et  des  perfectionnements  mécaniques  dans  cette  branche  si 
importante  d'industrie. 

Pour  procéder  avec  ordre,  je  m'occuperai  d'abord  exclusi- 
vement des  machines  à  dévider  les  cocons;  puis  je  passerai  à 
celles  qui  servent  proprement  au  tavellage,  au  tracanage,  au 
doublage  et  au- moulinage  des  grèges,  plus  particulièrement 
désignées  par  les  auteurs  $ous  la  dénomination  spéciale  de 
machines  cTouvraùon. 


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106  vr  JURY. 

S  Ier.—  Perfectionnements  divers  apportes  en  France  et  en  Italie  aux  tours 
à  fifer  les  cocons  :  trembleurs  et  croiseurs  mécaniques;  filières,  casse- 
fils,  distributeurs,  etc.  —  MM.  Michel,  Roeck  et  Blanchon,  Durand  frères , 
Bourcier,  Robinet,  Régnier,  Catlinetti,  Coront,  etc. 

On  a  généralement  abandonné,  dans  le  midi  de  la  France, 
les  anciens  tours  à  manivelle  ou  à  pédale,  avec  bâtis  en  bois, 
sauf  dans  la  campagne,  où  malheureusement  le  tirage  des 
cocons  continue  à  se  faire,  avec  force  déchets,  d'après  l'an- 
cienne méthode  et  malgré  la  concurrence  des  grands  établis- 
sements de  filage  mécanique,  établis  pour  la  plupart  à  la 
proximité  des  villes,  qui  par  elles-mêmes  offrent  des  res- 
sources variées  sous  le  rapport  de  la  construction  des  ma- 
chines. Néanmoins,  même  dans  ceux  de  ces  établissements 
où  s'opère  le  triage  préalable  des  bons  et  des  mauvais  cocons, 
le  filage  à  la  main  ou  avec  tourneuse,  à  un  seul  bout,  est  en- 
core employé  avec  les  soios  et  la  lenteur  que  réclament  ces 
mauvais  cocons ,  mais  plus  particulièrement  ceux  qu'on  nomme 
doupions,  parce  qu'ils  renferment  deux  chrysalides  à  la  fois. 

MM.  Michel  à  Saint-Hippoljte-du-Gard,  Geoffray  à  Vienne 
(Isère) ,  Louis  Roeck  à  Lyon ,  Rey  à  Nîmes,  Taylor  à  Marseille 
et  plusieurs  autres  mécaniciens  habiles  ont,  depuis  un  assez 
grand  nombre  d'années,  établi  des  tours  à  tirer  la  soie  montés 
sur  des  bâtis  en  fer  ou  fonte,  très-légers,  néanmoins  très-stables, 
et  d'un  prix  assez  peu  élevé  pour  les  mettre  à  la  portée  des 
petites  industries.  Le  premier  d'entre  eux,  breveté,  ainsi  qu'on 
l'a  vu,  depuis  i838,  mentionné,  récompensé  honorablement 
lors  des  Expositions  de  i844  et  de  1849  »  mais  dont  les  débuts, 
comme  simple  ouvrier  mécanicien ,  datent  en  réalité  de  l'année 
i83o,  M.  Michel,  dis-je,  en  a  construit  par  milliers  pour  la 
France,  l'Espagne,  la  Grèce  et  l'Italie;  sa  production  n'est  pas 
moindre  de  3oo  à  Aoo  tours  par  année,  grâce  à  leur  admi- 
rable exécution  et  aux  perfectionnements  divers  qu'il  y  a 
introduits,  notamment  à  l'égard  des  moyens  de  régulariser, 
modérer  à  volonté  le  mouvement  de  l'asple,  de  maintenir 
les  bassines  à  une  température  constante,  etc.  Ce  dernier  fait 


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MACHINES  ET  OUTILS.  107 

suffirait  seul  pour  prouver,  quant  au  filage  mécanique  des 
cocons,  notre  supériorité  sur  les  autres  pays,  si  elle  n'était 
d'ailleurs  attestée  par  la  vogue  que,  dans  ces  derniers  temps» 
nos  grèges  et  organsins  ont  acquise,  indépendamment  de  la 
qualité  originelle  des  cocons,  que  les  efforts  réunis  de  nos 
savants  sériciculteurs  ont  aussi  cherché  à  améliorer,  sans 
peut-être  obtenir  des  succès  comparables  à  ceux  qu'on  doit 
aux  progrès  mécaniques  l. 

Dans  les  tours  de  M.  Michel,  comme  dans  ceux  de  ses 
concurrents,  les  lames  de  l'asple  à  six  branches  sont,  pour 
ainsi  dire,  seules  en  bois,  ainsi  que  les  couronnes  de  la  grande 
et  de  la  petite  roue,  qui  communiquent  le  mouvement  à  cet 
asple  par  simple  roulement  ou  frottement;  chez  quelques 
constructeurs,  M.  Roeck  notamment,  les  couronnes,  très-amin- 
cies,  sont  elles-mêmes  construites  en  fonte  et  recouvertes  alors 
de  cuir  pour  augmenter  l'adhérence.  D'ailleurs,  ces  divers 
tours,  d'une  forme  simple  et  élégante,  sont  accouplés,  rangés  sur 
une  seule  file  et  conduits  par  un  seul  arbre  moteur,  comme 
dans  l'ancien  système  Bonnard,  dont  quelques  personnes  re- 
vendiquent, mais  sans  preuves  suffisantes,  la  première  appli- 
cation en  faveur  de  MM.  Laporte ,  Pellet ,  de  Saint-Jean-du- 
Gard,  Louis  Buffoni,  de  Fossombrone  (Italie),  etc.9.  Chaque 

1  II  est  à  craindre,  eri  effet,  que  les  moyens  artificiels  mêmes  employés 
depuis  an  certain  temps  pour  l'assainissement  des  magnaneries ,  trop  délicats 
peut-être  pour  des  ouvriers  ou  surveillants  mal  éclairés,  peu  soucieux  ou 
trop  confiants  dans  l'efficacité  absolue  des  nouveaux  procédés,  n'aient  été, 
en  majeure  partie,  la  cause  de  l'invasion  de  certaines  maladies  et  de  la  dé- 
générescence ou  abâtardissement  des  races  originelles  de  vers  à  soie ,  jusque- 
là  si  vivaces  et  si  productives. 

*  Voyex  notamment  l'intéressant  mémoire  intitulé  :  Du  commerce  des 
soies  et  soieries  en  France,  par  M.  Léon  de  Teste;  Avignon,  i83o,  p.  64.  De 
semblables  assertions  n'étant  pas  appuyées  de  dates  précises  ou  de  preuves 
contemporaines  à  l'époque  ou  M.  Bonnard  soumettait,  en  1819  et  en  i8a3, 
ses  méthodes  de  filer  à  l'appréciation  du  public  industriel ,  me  semblent 
devoir  être  considérées  à  peu  près  comme  non  avenues;  et  c'est  aussi  pour 
ce  motif  que  je  n'ai  pas  cru  devoir  mentionner  les  réclames  ou  témoignages 
que  le  docteur  Géra  (v.  page  5  2  )  apporte ,  dans  son  Tireur  de  soie,  en  faveur 
de  plusieurs  de  ses  compatriotes  italiens  :  Santorini,  Milius,  Galvani ,  etc. 


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108  VP  JURY. 

fileuse,  placée  entre  la  bassine  et  l'asple  suffisamment  élevé 
d'après  le  système  Rodier,  peut  suspendre,  à  volonté,  le  mou- 
vement de  son  tour,  à  deux  écheveaux,  au  moyen  d'un  levier 
à  bascule  qui,  en  soulevant  le  rouleau  de  friction  ou  de 
commande  de  cet  asple ,  le  fait  frotter  contre  la  partie  concave 
d'un  frein  supérieur  garni  de  cuir.  Du  moins,  cette  disposi- 
tion ,  à  laquelle  M.  Michel  vient  de  substituer  un  débrayage 
à  détente,  agissant  comme  modérateur  pour  régler  à  volonté 
la  vitesse  de  Fasple,  eat-elle  généralement  employée  avec  de 
légères  variantes,  qui  consistent  à  manœuvrer  le  levier,  tantôt 
directement  ou  à  la  main,  tantôt  par  le  genou  ou  le  pied, 
mettant  alors  en  jeu  un  système  de  renvoi,  à  tringles  et  bas- 
cules, à  peine  apparent  et  aussi  peu  encombrant 

La  transmission  par  courroie  et  poulies  fixes  ou  folles,  le 
rouage  denté  à  excentrique  qui  donne  le  mouvement  de  va- 
et-vient  à  la  tringle  horizontale  des  barbins  distributeurs  mu- 
nis de  verre,  ces  mécanismes  que  M.  Michel  a  aussi  cherché  à 
perfectionner  en  évitant  les  points  morts,  se  trouvent,  à  l'or- 
dinaire, établis  à  l'une  des  extrémités  de  chacune  des  rangées 
de  tours,  dont  le  nombre  des  révolutions  peut  atteindre  jusqu'à 
120  par  minute.  Les  filières  en  agate  polie  et  à  grande  ouver- 
ture, au  lieu  d'être  établies  sur  coulisses  horizontales ,  comme 
l'ont  proposé  MM.  Durand  frères  dans  leur  brevet  de  i836 , 
sont  généralement  accouplées  aux  extrémités  antérieures  des 
deux  branches  d'une  fourche  horizontale  en  cuivre,  qu'on 
relève  verticalement  en  la  faisant  pivoter  autour  d'une  char- 
nière fixée  au  rebord  antérieur  de  chaque  bassine,  lorsqu'il 
devient  nécessaire  de  dégager  entièrement  la  surface  du 
liquide  où  nagent  les  cocons.  Cette  même  bassine,  générale- 
ment établie  sur  des  pieds  en  fer,  est  formée  de  feuilles  de 
cuivre  ou  de  tôle  émaillée ,  et  la  vapeur  à  chauffer  y  arrive 
par  des  jets  distribués  circulairement ,  etc. 

Toutes  ces  dispositions,  et  quelques  autres  d'un  moindre 
intérêt  peut-être,  sont  d'ailleurs  exécutées  avec  la  précision 
désirable  par  les  mécaniciens  déjà  cités,  et  je  les  ai  vues» 
pour  la  plupart,  réalisées  dans  le  bel  établissement  de  M.  Blan- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  109 

chon,  à  Saint-Julien-en-Saînt-Alban ,  dateur  à  qui,  si  je  ne 
me  trompe,  on  doit  la  première  idée  des  filières  à  bascule, 
aussi  bien  que  celle  de  l'ingénieux  appareil  en  fil  de  cuivre, 
roulé  en  volute  ou  spirale,  muni  d'un  barbin  porte- bout  en 
verre,  pour  soutenir  les  fils  à  la  "partie  supérieure  de  la  croi- 
sure;  appareil  nommé  trembleur,  parce  que,  tout  en  cédant 
aux  à-coups  du  tirage,  il  sert,  en  effet,  à  imprimer  aux  co- 
cons suspendus  à  chaque  brin,  dans  la  bassine,  un  sautille- 
ment continuel  très-favorable  au  dégagement  de  ce  même 
brin  d'avec  ceux  qui  adhèrent  encore  à  la  coque. 

Il  est  presque  inutile  de  faire  remarquer  que  la  croisure  à 
hélices  multiples  dont  il  s'agit,  dirigée  verticalement  entre 
chaque  couple  de  porte -bouts  et  de  filières,  est  suivie,  dans 
la  partie  horizontale  comprise  entre  les  trembleurs  et  les 
porte-bouts  voisins  de  l'asple,  d'un  croisement  simple  à  tour 
et  demi  des  deux  fils,  d'après  le  système  à  la  Chambon,  où, 
comme  on  l'a  vu ,  l'un  de  ces  fils  venant  à  casser,  l'autre  s'abat 
et  s'enroule  sur  l'arbre  en  fer  de  l'asple,  dont  la  fileuse  sus- 
pend aussitôt  le  mouvement,  pour  rompre  le  mariage,  jeter 
ou  rattacher  les  bouts  en  le  faisant  tourner  %n  sens  contraire. 

Quant  au  mécanisme  du  trembleur,  il  convient  de  dire  que 
la  construction  en  a  été  primitivement  réalisée,  perfectionnée 
par  le  même  M.  Roeck,  de  Lyon,  déjà  mentionné,  qui  en  a, 
un  peu  trop  peut-être,  accru  la  sensibilité,  et  auquel  on  doit 
également  un  croiseur  mécanique  permettant  de  donner  une 
rapidité  surprenante,  200,*3oo  et  jusqu'à  4oo  tours  à  la  croi- 
sure des  deux  fils;  petit  appareil  enfermé  dans  une  boîte  de 
cuivre ,  facilement  applicable  à  tous  les  tours ,  et  que  cet  habile 
artiste  s'est  en  quelque  sorte  approprié,  en  raison  non- 
seulement  de  ses  efforts  pour  le  perfectionner,  mais  aussi  de 
l'outillage  et  des  divers  procédés  mécaniques  qu'il  a  dû  créer 
pour  en  réduire  déplus  en  plus  le  prix,  en  faciliter  l'usage  et 
en  accroître  la  durée. 

La  première  idée  d'un  tel  mécanisme  date,  comme  on  l'a 
vu,  de  la  fin  du  dernier  siècle,  mais  il  était  alors  inséparable 
du  tour;  elle  a  souvent  été  reproduite  depuis  avec  des  per- 


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110  VI-  JURY. 

fectionnements  plus  on  moins  appréciés  par  les  filateurs  de 
grèges,  qui  lui  reprocbaient  précisément  ce  qu'on  avait  con- 
sidéré d'abord  comme  une  qualité  essentielle,  à  savoir:  de 
régler  fixement  le  nombre  des  croisures,  qui,  en  réalité,  doit 
varier,  sinon  arbitrairement  et  au  gré  des  fileuses  inexpéri- 
mentées, du  moins  avec  la  qualité  des  cocons  et  la  nécessité 
qu'il  peut  y  avoir,  dans  certaines  circonstances  atmosphériques, 
d'expulser  plus  ou  moins,  par  la  compression  réciproque  des 
hélices,  Peau  que  les  fils  de  soie  tendent  à  retenir  fortement 
en  vertu  de  leur  hygrométricité.  C'est  dans  ce  but  aussi  que 
MM.  Pétives  et  Bourcier,  de  Lyon,  Gefiray,  de  Montgeron  et 
Robinet,  de  Paris,  ont,  vers  1839  ou  *84o,  imaginé  et  cons- 
truit des  croiseurs  mécaniques  ingénieux,  à  bottes  indépen- 
dantes, permettant  de  graduer  entre  certaines  limites  le 
nombre  des  hélices,  mais,  si  je  ne  me  trompe,  tous  conduits 
à  la  main.  Quant  aux  croiseurs  de  M.  Roeck,  que  l'ouvrière 
met  simplement  en  action  par  un  abatage  de  levier  adapté 
à  un  mécanisme  intérieur  d'horlogerie,  dont  la  détente  à 
ressort  produit  l'évolution  spontanée  et  rapide  des  fils,  ils 
étaient  primitivernent  sujets  à  une  assez  prompte  usure  et  à 
des  ratées  qui  les  avaient  fait  accueillir  avec  non  moins  d'in- 
différence que  ceux  de  ses  devanciers;  et  cela  à  tel  point  que, 
aujourd'hui  même,  presque  tous  les  croiseurs,  en  très-grand 
nombre ,  que  j'ai  eu  occasion  d'apercevoir  dans  les  ateliers  de 
filage  se  trouvaient,  pour  ainsi  dire,  délaissés,  soit  par  ces 
diverses  causes,  soit  peut-être  aussi  parce  que  leur  usage  con- 
trariait les  habitudes  invétérées  des  fileuses,  qui  préfèrent 
s'en  fier  au  coup  d'oeil  et  à  la  surprenante  agilité  de  doigts 
qu'elles  y  apportent.  Peut-être,  enfin,  l'usage  général  où  Ton 
est  maintenant  d'élever  jusqu'à  près  de  4oo  le  nombre  des 
croisures  d'hélices  rend -il  moins  indispensable  de  l'arrêter 
à  une  limite  parfaitement  fixe,  dans  des  ateliers  où  le  chef 
peut  exercer  un  facile  contrôle  en  mesurant  à  l'œil  l'étendue 
même  occupée  par  la  croisure  de  chaque  tour. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  qu'applaudir  aux  efforts 
tentés  en  dernier  lieu,  soit  eo  France,  soit  en  Italie,  mais  plus 


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MACHINES  ET  OUTILS.  111 

particulièrement  par  M.  Roeck,  de  Lyon,  pour  livrer  à  l'in- 
dustrie sétifôre  un  croiseur  mécanique  exempt  de  tous  re- 
proches, et  qui  puisse  mettre  les  chefs  d'atelier  de  nos  grands 
établissements  à  l'abri  des  caprices  et  de  la  négligence  des 
{lieuses  inexpérimentées. 

Nous  adresserons  les  mêmes  éloges  aux  compteurs  de  ce  mé- 
canicien, servant  à  déterminer  le  tors  par  mètre  des  fils  or- 
gansins, ainsi  gu'à  ses  balances ,  dynamomètres  ou  sérimètres, 
également  applicables  à  l'ouvraison  des  soies,  et  qui,  joints 
aux  autres  appareils  ou  procédés  de  tirage  perfectionnés  par 
M.  Talabot,  aux  belles  théories  de  M.  Chevreul  sur  les  effets 
optiques  présentés  par  les  étoffes  de  soie,  tendent  de  plus  en  plus 
à  imprimer  à  cette  grande  et  nationale  industrie  le  caractère 
propre  aux  arts  de  précision.  Mais  je  ne  prétends  ici  fixer 
l'attention  que  sur  le  sérimètre,  au  moyen  duquel  on  peut 
apprécier  l'élasticité  et  la  ténacité  relatives  des  fils  de  soiç, 
parce  que  cet  ingénieux  et  élégant  instrument,  présenté,  de 
même  que  les  précédents,  par  M.  Roeck,  à  l'Exposition  univer- 
selle de  Londres,  y  est  en  quelque  sorte  demeuré  inaperçu, 
quoiqu'il  eût  mérité,'  à  cause  de  sa  belle  exécution  et  de 
son  extrême  importance ,  sinon  une  récompense  de  premier 
ordre,  du  moins  une  mention  particulière  et  très-honorable. 

On  sait  que  c'est  à  l'habile  mécanicien  de  Paris  Régnier 
que  l'on  doit,  déjà  anciennement,  les  premiers  appareils  dyna- 
mométriques de  ce  genre;  mais  c'est  M.  Robinet  qui,  en  les 
perfectionnant  sous  divers  rapports,  a  plus  particulière- 
ment appelé  l'attention  sur  les  avantages  du  sérimètre,  dans 
ses  leçons  pratiques  et  ses  ouvrages  sur  la  filature  de  la  soie, 
publiés  à  partir  de  1839;  ouvrages  qui  renferment  aussi  pour 
la  première  fois  une  sérieuse  et  savante  appréciation  de  l'in- 
fluence des  divers  procédés  de  filage  sur  les  qualités  phy- 
siques de  cette  précieuse  matière.  Si  le  docteur  Géra,  à  la 
page  98  de  son  ouvrage  souvent  cité,  a  pu  reprocher  au  séri- 
mètre dé  cet  auteur  son  extrême  délicatesse,  qui  ne  permet 
pas  de  l'appliquer  au  faisceau  de  plusieurs  fils,  et  de  donner 
ainsi  des  indications  qui,  pour  être  certaines,  avaient  besoin 


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112  VT  JURY. 

d'être  répétées,  afin  de  conduire  à  des  moyennes  exactes;  si, 
d'autre  part,  le  but  a  été  depuis  mieux  atteint  par  le  méca- 
nicien milanais  Gatlinetti,  dont  l'instrument,  monté  sur  co- 
lonnes, est  pourtant  moins  facile  à  transporter  et  à  manœu- 
vrer que  celui  établi  en  dernier  lieu  par  M.  Roeck,  d'après 
des  idées  qui  se  rapprochent  beaucoup  de  celles  de  M.  Robinet, 
on  ne  saurait  toutefois  refuser  à  ce  dernier  le  mérite  d'une 
initiative  généreuse,  qui  s'est  étendue  à  d'autres  objets,  et  à 
laquelle  il  est  permis  d'attribuer  une  utile  influence  sur  les 
progrès  de  l'industrie  sétifère  dans  notre  pays,  non  pas  tant 
peut-être  à  cause  des  leçons  et  des  écrits  de  ce  professeur, 
qu'en  raison  des  exemples  et  des  indications  pratiques  qu'il 
a  offerts  à  cette  même  industrie. 

Quant  aux  divers  moyens  ou  procédés  mécaniques  proposés, 
par  M.  Robinet-,  et  réalisés  dès  i838  dans  le  tour  d'essai  que 
décrit  son  premier  mémoire,  tels  que  :  mécanisme  d'arrêt  quand 
un  fil  casse;  va-et-vient  distributeur  conduit  par  un  bouton 
qui,  en  glissant  dans  une  rainure  ovale  ou  elliptique,  produit 
des  fils  croisés  en  losanges  sur  l'asple,  mais  que  M.  Geffray 
de  Montgeron  avait,  de  son  côté,  réalisé  une  ou  deux  années 
auparavant,  il  me  serait  impossible  de  porter  un  jugement 
précis  sur  leur  valeur  pratique,  ne  les  ayant  vu  appliquer  et 
fonctionner  nulle  part.  Toutefois,  cet  appareil  doit,  à  cause 
des  frottements  et  temps  d'arrêt,  être  placé  beaucoup  au-des- 
sous du  distributeur  à  engrenage  elliptique  et  à  excentrique 
pour  lequel  M.  Coron t  s'était  fait  breveter  en  1 83 2,  et  qui, 
d'après  le  docteur  Géra1,  aurait,  probablement  à  une  époque 
postérieure,  été  appliqué  à  un  modèle  de  tour  à  dévider  les 
cocons  dont  il  servait  à  régler  le  va-et-vient;  modèle  qu'un 
autre  mécanicien  français,  nommé  Armand,  aurait  fait  voir 
à  diverses  personnes  lors  de  son  passage  par  Turin. 

Le  problème  qui  se  rattache  à  cette  question ,  envisagée  à 
son  point  de  vue  général,  et  qui  avait,  comme  on  l'a  vu, 
préoccupé  Vaucanson  dès  le  milieu  du  siècle  précédent,  n'a 

1  il  trattore  da  seta,  p.  74  et  99. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  113 

que  tardivement,  à  ce  qu'il  parait,  d'après  le  même  auteur 
(  1826  et  1828) ,  attiré  l'attention  des  ingénieurs  italiens,  dont 
les  solutions,  trop  exclusivement  géométriques  peut-être, 
sont  plus  particulièrement  relatives  au  tracé  de  la  rainure 
à  double  hélice  ou  en  cœur  sur  la  surface  d'un  cylindre  en 
bois  dur;  problème  déjà  résolu  d'une  manière  satisfaisante 
en  1767  par  le  Payen,  de  Metz.  Nous  verrons  d'ailleurs  bien- 
tôt cette  même  question  du  va-et-vient  se  reproduire  pour  les 
machines  d'ouvraison,  et  nos  industriels  multiplier  les  essais 
en  vue  d'atteindre  la  meilleure  solution  relative  à  chaque  cas; 
mais,  auparavant,  il  convient  de  revenir  à  la  spécialité  des 
machines  à  dévider  les  cocons,  et  de  voir  ce  que  sont  devenus, 
dans  l'industrie  sétifère,  les  divers  autres  projets  mécaniques 
de  filage  dont  je  me  suis  précédemment  contenté,  pour  ainsi 
dire,  d'analyser  les  brevets. 

SU. — De  quelques  grands  établissements  en  France  où  Ton  file,  où  l'on  a 
filé  les  cocons  par  des  procédés  divers.  —  MM.  Téranbê,  Ricard,  Olivier 
et  Bonnet,  Francezon,  Edouard  Chambon,  Teissier-Ducros ,  Deydier  et  Goii- 
mari,  L.  Bhnchon,  etc.  —  Le  tour  LocateUi  et  le  nouveau  procédé  de 
filage  de  MM.  Akan  et  Limet,  à  Paris. 

Parmi  les  grands  établissements  de  ce  genre  que  j'ai  eu 
occasion  de  visiter,  et  où  le  tirage  des  cocons  s'opère  à  peu  de 
chose  près  automatiquement,  sur  les  tours  en  fer  dits  à  la 
Chambon,  je  citerai  celui  du  docteur  Téraube  et  le  nouveau 
procédé  de  filage  de  Pont-de-Charette,  près  d'Uzès,  dont  les 
120  tours  sont  mus  par  une  roue  hydraulique  à  augets  bien 
entendue  ;  l'établissement  de  M.  Ricard,  à  Peyre-Grosse,  près 
du  Vigan,  à  85  bassines  ou  tours  conduits  par  une  roue  pa- 
reille, de  7  mètres  de  diamètre,  construite  à  Vienne  dans  les 
ateliers  de  M.  Geoflray,  à  qui  Ton  doit  presque  toutes  celles, 
en  très-grand  nombre,  établies  dans  le  pays,  soit  en  bois,  soit 
en  fer;  celui  de  M.  Olivier  fils,  à  Àlais,  dont  l'atelier  de 
110  tours,  allant  par  machine  à  vapeur,  est  dirigé  par  M.  Bon- 
net, qui ,  après  avoir  servi  honorablement,  sous  Napoléon  Ier, 
comme  brigadier  de  lanciers,  est  venu  appliquer  son  esprit 

VI*  JURY. —  a*  PARTIE.  8 


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114  vr  JURY. 

d'ordre  et  de  discipline  aux  fonctions  de  contremaître,  qu'il 
remplit  depuis  fort  longtemps  avec  un  succès  qui  prouve 
l'excellent  parti  que  nos  industriels  pourraieot  tirer  de  l'em- 
ploi des  anciens  militaires.  Enfin,  je  mentionnerai  encore, 
pour  l'esprit  d'ordre  et  de  progrès  qui  y  règne,  les  vastes 
établissements  à  moteurs  hydrauliques  et  à  i4o  bassines  de 
MM.Deydier  frères ,  à  Ucel ,  près  Aubenas,  associés  de  MM.  Ga- 
limard,  de  Vais,  ainsi  que  ceux  de  M.  Louis  Blanchon,  de 
Saint- Julien,  près  de  Privas,  non  moins  remarquables  par  le 
grandiose  et  le  luxe  des  constructions  que  par  le  système 
général  des  commandes  et  transmissions  de  mouvement,  éta- 
blies en  fer  ou  fonte  par  l'habile  M.  Geoflray,  de  Vienne. 

Ces  divers  établissements  sont  d'ailleurs  accompagnés  d'ate- 
liers de  moulinage  également  remarquables  par  leuç  éten- 
due, et  dont  j'aurai  bientôt  à  faire  connaître  le  système  de 
machines,  au  point  de  vue  des  progrès  et  des  caractères  géné- 
raux qu'ils  peuvent  offrir.  Dans  tous,  on  file  vite  et  bien,  à 
raison  de  80  à  120  révolutions  de  l'asple  à  la  minute,  mais 
sans  renouer  les  bouts;  ce  qui  offre  de  grands  avantages,  nop 
pas  seulement  au  point  de  vue  économique  du  chauffage  des 
bassines  à  la  vapeur  et  de  la  main-d'œuvre,  puisqu'une  seule 
rattacheuse  suffit  à  soigner  le  dévidage  des  flottes  sur  20  ta- 
velles, mais  aussi  pour  la  qualité  propre  des  fils,  qui  en  de- 
viennent plus  brillants,  moins  décheteux,  en  se  détachant  vive- 
ment des  cocons,  dont  l'inertie  joue  ici,  comme  résistance > 
un  rôle  facile  à  apprécier. 

Au  surplus,  les  persévérants  et  remarquables  efforts  exer- 
cés depuis  1820  ou  1824  par  la  plupart  des  industriels  dont 
nous  avons  analysé  précédemment  les  brevets  ont  obtenu , 
quant  à  la  supériorité  des  produits,  assez  de  succès  et  de 
retentissement  aux  époques  contemporaines  de  nos  Exposi- 
tions nationales ,  pour  me  faire  vivement  regretter  de  n'avoir 
pu  étendre  le  cercle  de  mes  visites  à  un  plus  grand  nombre 
des  belles  et  vastes  filatures  de  soie  dont  le  midi  de  la  France 
est  si  richement  pourvu.  Il  suffit,  en  m'appuyant  de  l'autorité 
d'hommes  aussi  compétents  et  aussi  éclairés  que  MM.  Robi- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  115 

net,  de  Paris,  Jourdan,  de  Lyon,  etc.,  aux  lumières  desquels 
l'industrie  sétifere  est  tant  redevable,  de  pouvoir  affirmer  que 
la  majeure  partie  de  ces  établissements,  contenant  de  100  à 
i4o  et  jusqu'à  160  bassines,  filent  avec  une  égale  perfection, 
d'après  le  système  dit  à  la  Chambon,  tandis  qu'un  nombre 
probablement  bien  moindre  file  ou  filait  naguère  encore 
(i843)  à  la  tavelle,  d'après  des  systèmes  plus  ou  moins  ana- 
logues à  ceux  pour  lesquels  MM.  Tastevin,  Durand,  Menet  et 
Mitifiot  ont  été  brevetés  en  i834,  i836  et  1839.  Tels  sont, 
indépendamment  des  établissements  de  ces  derniers  industriels 
à  Saint -Vallier,  Ànnonay  et  Loriol,  ceux  de  MM.  Delarbre, 
Carrière,  Coste  et  Gariot,  à  Ganges;  Chartron,  aussi  à  Saint- 
Vallier;  Duval,  à  Bourgental;  Ernest  Faure,  à  Saillans;  Demi- 
chaux,  à  Privas,  etc.,  etc.,  qui,  tous,  occupent  un  rang  très- 
distingué  parmi  les  filateurs  de  grèges  et  d'organsins.  Enfin, 
un  nombre  beaucoup  plus  restreint  de  fabricants  :  MM.  Casi- 
mir Chambon,  à  A  lais;  Meynard,  à  Valréas;  Teissier-Ducros, 
à  Valleraugues,  cités  par  le  rapporteur  du  Jury  de  l'Exposi- 
tion française  de  i8&4»  filent  ou  ont  filé  avec  une  remar- 
quable perfection,  soit  directement  à  un  bout  et  sur  bobine, 
soit  à  quatre  bouts,  avec  20,  32  ou  48  cocons,  selon  des 
méthodes  qui  doivent  également  offrir  quelque  analogie  avec 
celle  de  feu  Tastevin  et  de  John  Heathcoat. 

En  visitant  à  Valleraugues,  département  du  Gard,  le 
grand  établissement  fondé  dès  avant  i8i5  par  M.  Teissier- 
Ducros  père,  sur  le  système  à  la  vapeur.de  Gensoul,  mais 
dont  les  ateliers  sont  aujourd'hui  dirigés  avec  non  moins  de 
succès  par  ses  fils,  mon  attention  n'a  malheureusement  pas 
été  appelée  sur  le  filage  à  quatre  bouts  de  ces  industriels ,  à 
qui  la  Société  d'encouragement  de  Paris1  avait  elle-même 
accordé,  en  mars  i84i»  la  médaille  d'or  «pour  la  perfec- 


1  ho*  année  du  Bulletin,  p.  95.  Rapport  de  M.  Calla  sur  les  résultats  do 
concours,  pour  lequel  la  Société  avait  fondé  un  prix  de  3  000  francs,  pro- 
rogé d'année  en  année,  et  qui  a  été  porté  à  6  000  francs  en  décembre  1847, 
1  avoir  été  depuis  renouvelé  ou  remporté. 

8. 


, 


116  VP  JURY. 

«  tion  remarquable  de  leurs  produits,  déjà  quatre  fois  récom- 
«  pensés,  dit  le  rapporteur,  aux  Expositions  de  i8a3,  1827, 
•  i834,  183g,»  et  qui  depuis  l'ont  été  également  à  celles 
de  i844  et  de  1849,  couronnées  finalement  par  l'Exposition 
universelle  de  Londres,  où  MM.  Teissier-Ducros  ont  obtenu  la 
médaille  de  prix.  Toutefois ,  mes  regrets  de  n'avoir  pu  observer 
de  près  la  méthode  de  filage  à  quatre  bouts  se  trouvent  bien 
diminués,  en  réfléchissant  qu'elle  s'applique  plus  particuliè- 
rement aux  grèges  d'un  litre  très-élevé,  et,  par  conséquent, 
peu  en  usage  dans  la  fabrication  des  étoffes  de  soie. 

Tai  été  plus  heureux  à  l'égard  du  filage  direct  à  la  bobine  ; 
dans  une  excursion  rapide  faite  à  l'établissement  hydrau- 
lique de  M** veuve  Louis  Chambon ,  au  Martinet,  près  d'Àlais, 
actuellement  dirigé  par  M.  Edouard  Chambon ,  fils  aine  du 
filateur  ingénieux  Louis  Chambon ,  que  j'ai  tant  de  fois  cité 
pour  ses  utiles  perfectionnements  et  inventions,  j'ai  pu  voir 
4o  ouvrières  filer  à  deux  bouts,  sans  risques  de  mariages,  et 
selon  la  méthode  qui  porte  son  nom,  si  ce  n'est  que  l'asple 
est  remplacé  par  une  large  bobine  en  bois,  de  7  centimètres 
de  diamètre,  montée  sur  une  broche  horizontale  en  fer  ter- 
minée, à  l'une  des  extrémités,  par  un  galet  arrondi  et  poli, 
qu'un  grand  anneau  inférieur  mène  par  simple  frottement 
ou  roulement,  et  contre  lequel  elle  est  serrée  au  moyen  d'un 
écrou  placé,  à  l'extrémité  opposée  de  la  bobine,  sur  une 
partie  filetée  de  la  broche,  elle-même  susceptible  d'être  enlevée 
avec  la  plus  grande  facilité,  comme  dans  les  anciens  dévidoirs 
automatiques.  Mais  ce  qui  distingue  plus  particulièrement  ce 
mode  de  filage  de  ceux  proposés  naguère  par  MM.  Tastevin 
et  autres,  c'est  que  les  fils,  bien  loin  d'être  séchés  dans  leur 
trajet ,  arrivent  tout  humides  sur  les  bobines,  où  leurs  spires 
se  colleraient  inévitablement  si  on  ne  les  soumettait  sans  dis- 
continuité au  moulinage,  ou  si  on  ne  les  laissait  flotter  dans 
des  baquets  remplis  d'eau  froide,  lorsqu'il  devient  impossible 
d'en  opérer  de  suite  le  dévidage  à  grande  vitesse  sur  les  ro- 
quelles  ordinaires,  pour  de  là  les  soumettre  au  moulin  de 
premier  apprêt,  sans  les  faire  passer  à  la  tavelle,  ni  même 


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MACHINES  ET  0UÎ1LS.  117 

an  doublage,  qui  a  lieu  immédiatement  sur  le  tour»  en  cas  de 
'  besoin.  Les  grèges  ainsi  obtenues,  et  principalement  destinées 
aux  fabricants  de  grenadine,  ne  pouvant  être  purgées  à  la 
manière  ordinaire,  sont  filées,  avec  le  plus  grand  soin  et 
une  certaine  lenteur  relative,  au  sortir  de  la  bassine,  quoique 
les  bobines  accomplissent  de  1  ooo  à,  1  aoo  révolutions  à  la 
minute;  les  ouvrières  d'ailleurs  emploient  toujours  la  croi- 
sure  à  a5o  ou  3oo  hélices,  pour  lier  et  donner  du  nerf  aux 
brins  dont  se  compose  chaque  fil ,  et  Ton  ne  s'est  nullement 
aperçu  que  le  flottage  des  bobines  dans  l'eau  ait  nui  en  rien  à 
la  ténacité  des  fils,  qui  est  toujours  de  8  à  9  grammes  par 
cocon.  D'ailleurs,  il  y  avait  plus  de  vingt  ans,  en  i853,  que, 
dans  les  ateliers  de  M.  Louis  Ghambon ,  les  guindres  des  mou- 
lins de  premier  et  de  deuxième  apprêt  avaient  été  remplacés 
par  des  bobines  conduites  avec  la  vitesse  variable  qui  convient 
à  leur  grossissement,  par  le  frottement  d'un  disque  moteur 
sur  lequel  elles  reposent  dans  toute  leur  longueur,  en  vertu 
de  leur  poids.  Enfin ,  il  n'est  pas  inutile  d'ajouter  que ,  dans  ce 
même  établissement,  les  bobines  provenant  du  moulin  de 
deuxième  apprêt  sont  mises  en  flottes  à  grande  vitesse  sur 
des  métiers  munis  de  compteurs  et  formant  des  écheveaux 
d'une  longueur  exactement  déterminée. 

C'est  une  question  importante,  et  que  les  études  théoriques 
ou  expérimentales  de  M.  Robinet  ne  semblent  pas  avoir  com- 
plètement résolue,  de  savoir  si,  au  point  de  vue  de  l'élasticité 
et  de  la  ténacité,  il  est  plus  avantageux  de  filer  vite  que  len* 
tement  les  cocons.  On  peut  même  dire  que  l'indécision  et  les 
débats  qui  s'étaient  produits  dès  l'époque  de  Villard  subsis- 
tent encore  de  nos  jours,  du  moins  pour  quelques  esprits, 
malgré  les  incontestables  succès  obtenus  par  la  méthode  accé- 
lérée et  sans  rattachement  de  bouts,  qui  s'est  propagée  jusque 
dans  la  campagne,  où  le  filage  à  la  manivelle,  généralement 
remplacé  par  celui  à  la  pédale,  donne,  par  un  travail  très- 
énervant  pour  la  tourneuse,  jusqu'à  60  révolutions  d'asple  à 
la  minute;  ce  qui  suppose  au  dévidage  même- des  cocons  une 
vitesse  d'au  moins  2m,5o  par  seconde ,  qui  s'élève  à  près  du 


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118  VT  JURY. 

double  dans  les  tours  à  la  mécanique,  sous  le  bénéfice  des 
améliorations  que  nous  avons  fait  connaître. 

Parpri  les  établissements  où  l'on  continue  à  dévider  les 
cocons  avec  une  certaine  lenteur,  accompagnée  de  tous  les 
soins  que  réclament  la  purge  et  le  nouage  des  fils,  je  citerai 
celui  de  MM.  Francezon  frères,  à  Alais,  dont  les  tours,  bien 
disposés  et  mis  en  action  par  une  petite  machine  à  vapeur, 
ne  font  pourtant  guère  plus  de  4o  à  5o  révolutions  à  la  mi- 
nute. Cet  établissement  est  dirigé  par  ces  industriels  avec 
une  intelligence  et  un  zèle  dignes  d'éloges,  en  même  temps 
qu'un  autre  établissement  appartenant  à  M.  Tastevin  fils, 
banquier  de  la  même  ville,  qui,  tout  en  héritant  du  génie 
inventif  de  son  père,  a  renoncé  à  exercer  par  lui-même  la 
profession  si  honorable  de  dateur  de  soie,  à  laquelle,  néan- 
moins, il  n'a  pas  cessé  de  porter  un  intérêt  très-actif;  ce  dont 
j'ai  eu  la  preuve  dans  une  conférence  qu'il  a  bien  voulu  m'ac- 
corder  pendant  mon  séjour  à  Lyon,  conférence  beaucoup 
trop  courte  pour  que  j'aie  pu  mettre  convenablement  à  profit 
ses  lumières  et  .son  expérience.  Il  me  suffira  de  dire  que 
M.  Tastevin  est,  aujourd'hui  même,  un  partisan  zélé  et  con- 
vaincu de  la  méthode  du  filage  à  vitesse  modérée ,  mais  dans 
laquelle,  en  compensation,  on  multiplierait  le  nombre  des 
fils  ou  bouts  pour  une  même  ouvrière  :  chacun  de  ces  bouts, 
après  son  passage  au  travers  d'une  filière  étroite  et  après  s'être 
croisé  un  nombre  suffisant  de  fois  sur  lui-même,  se  rendrait 
sur  des  bobines  ou  de  petites  tavelles  horizontales,  précédées 
de  purgeoirs,  à  peu  près  comme  dans  le  premier  système  de 
filage  de  M.  Tastevin  père.  Un  modèle,  sur  une  assez  grande 
échelle,  que  j'ai  eu  occasion  de  voir  lors  de  mon  passage  à 
Alais,  et  dans  lequel  de  petites  bassines  à  eau  chaude,  mises 
en  communication  directe,  sont  disposées  drculairement  sur 
un  grand  plateau  horizontal ,  mobile  autour  d'un  arbre  cen- 
tral, à  la  volonté  de  la  fileuse,  etc.;  ce  modèle  prouve  qu'il  ne 
s'agissait  pas  là  de  conceptions,  d'idées  purement  théoriques 
ou  systématiques. 

Il  serait  bien  difficile,  au  surplus,  de  prévoir  le  sort  qui 


itizad  b> 


MACHINES  ET  OUTILS.  119 

peut  être  réservé  aux  méthodes  dans  lesquelles  on  file  les 
cocons  avec  une  certaine  lenteur,  à  un,  deux  ou  un  plus 
grand  nombre  de  bouts;  mais,  puisqu'elles  ont  eu  tant  de  mal 
à  se  généraliser  chez  nous  et  ailleurs,  il  faut  bien  croire 
qu'elles  sont  assez  peu  avantageuses  au  point  de  vue  écono- 
mique, et  qu'elles  ne  sauraient  par  elles-mêmes  dispenser 
entièrement  de  la  purge  aux  tavellage  et  tracanage  ultérieurs. 
Le  filage  à  quatre  bouts,  de  l'ingénieur  Heathcoat  notam- 
ment, que  les  Anglais  Sawill  Dawy  et  Henry  Wansey  ont  tenté 
d'introduire  en  Italie  vers  1 8a 6,  et  pour  lequel  ils  ont  obtenu 
un  privilège  dans  les  États  autrichiens  quelques  années  après, 
cette  méthode ,  déjà  anciennement  essayée  par  Vasco ,  à  Milan  ', 
ne  parait  pas  y  avoir  joui  d'un  remarquable  succès.  On  en 
peut  dire  tout  autant  du  filage  à  un  seul  bout,  pour  lequel 
M.  Locatelli  a  imaginé  un  tour  fort  ingénieusement  disposé 
dans  toutes  ses  parties  et  accueilli  avec  une  grande  faveur  à 
Milan  et  à  Paris  lors  de  son  apparition,  en  1 84 a.  Ce  tour, 
à  pédale,  de  petite  dimension ,  et  où  l'on  se  propose  de  mettre 
sous  la  main  des  fileuses  de  la  campagne  un  instrument 
d'une  construction  très-soignée,  trop  délicate  peut-être,  mais 
qui  les  dispense,  en  quelque  sorte,  de  toute  habileté,  a  ob- 
tenu, en  i845,  de  notre  Société  d'encouragement2  une  mé- 
daille d'or,  qui  lui  a  été  décernée  à  de  justes  titres,  si,  tout 
en  considérant  le  mérite  des  dispositions  mécaniques  et  de 
l'exécution  matérielle,  on  remarque  qu'il  avait  principale- 
ment pour  but  de  propager  dans  l'intérieur  même  des  fa- 
milles une  industrie  qui,  de  nos  jours,  tend  de  plus  en  plus 
à  se  concentrer  dans  les  grands  ateliers,  en  dehors  desquels, 
il  faut  bien  le  répéter  d'après  Vaucanson  et  abstraction  faite 
de  tout  sentiment  philanthropique»  les  progrès  véritablement 
économiques  du  filage  des  soies  ne  sauraient  se  réaliser,  de 
manière  à  soutenir  une  lutte  sérieuse  contre  la  concurrence 
étrangère. 

1  R  trattore  da  sita,  p.  90. 

1  Voyez  la  description  du  tour  Locatelli  dans  le  Bulletin  de  cette  Société , 
5a*  année,  p.  553. 


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120  vr  JURY. 

Ce  qui  distingue  plus  particulièrement  le  tour  Locatelli, 
c'est  le  procédé  ingénieux  à  l'aide  duquel  une  ouvrière  inex- 
périmentée peut  y  jeter  les  bouts  au  moyen  d'une  filière,  à 
coquille,  servant  à  recevoir  les  cocons  ajoutés  nouvellement 
à  la  bassine;  car  pour  le  coupe -fil,  qu'on  ne  s'attendrait  pas 
à  rencontrer  ici,  pour  le  va-et-vient  excentrique  produisant 
les  croisements  losanges  du  fil  sur  l'asple,  ils  n'offrent  rien 
d'absolument  neuf,  et  l'on  en  peut  dire  à  fortiori  autant  du 
système  de  croisure,  à  un  bout  enroulé  plusieurs  fois  sur 
lui-même,  déjà  anciennement  tenté  par  feu  Tastevîn,  mais 
que,  dans  ses  idées  de  pratique  économique,  il  se  gardait  bien 
de  limiter  au  filage  à  ce  seul  bout. 

Je  n'ai  pas  cru  pouvoir  me  dispenser  de  parler  ici  du  tour 
Locatelli,  dont  l'opinion  s'est  si  vivement  préoccupée  en  der- 
nier lieu,  et  que  j'ai  eu  d'ailleurs  l'occasion  de  voir,  inactif 
il  est  vrai1,  dans  l'atelier  de  MM.  Alcan  et  Limet,  à  Paris,  où 
des  tours  accouplés  du  système  généralement  adopté  de  nos 
jours,  et  conduits  par  d'habiles  ouvrières  du  Midi,  à  la  façon 
expéditive  que  nous  avons  fait  connaître,  sont  employés  à  dévi- 
der, à  l'eau  tiède,  des  cocons  qui  en  sont  préalablement  imbibés 
jusqu'au  centre,  par  la  production  d'une  sorte  de  vide,  et  immé- 
diatement cuits  à  la  vapeur  dans  un  sac  de  crin  qu'on  enlève, 
au  fur  et  à  mesure  du  besoin ,  pour  en  distribuer  les  cocons 
aux  fileuses  :  procédé  qui  fait  espérer  un  véritable  perfection- 
nement des  anciennes  méthodes  italiennes,  espagnoles  ou 
françaises,  et  dont  il  faudrait  grandement  féliciter  leurs  au- 
teurs, s'ils  parvenaient,  en  effet,  à  faciliter  le  tirage  des  plus 
mauvais  cocons,  de  ceux  surtout  que  l'Asie  nous  envoie  en 
masse,  comprimés,  écrasés  dans  de  grandes  caisses,  mais 
dont,  avec  beaucoup  de  dextérité  et  de  soin,  nos  habiles  fila- 
teurs  du  Midi  sont,  depuis  un  certain  temps,  parvenus  à 
tirer  un  excellent  parti,  comme  aussi,  en  marchant  sur  les 
traces  de  Poidebard  père,  ils  ont. réussi  à  dévider  et  mouli- 

1  Le  principal  inconvénient  pratique  du  tour  Locatelli  consiste  dans  le 
vitrage  ou  la  collore  des  fils  sur  l'asple,  trop  voisin  de  la  bassine  d'eau, 
chaude,  collure  qui  rend  le  dévidage  ultérieur  des  soies  très-difficile. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  121 

ner  avec  un  incontestable  succès,  mais  en  les  lavant  à  la 
manière  anglaise  avec  un  savon  approprié,  les  immenses  et 
sales  flottes  de  grèges  qui  nous  viennent  de  l'Orient  tout 
enfumées,  et  dont  la  dimension  même  (4  à  5  mètres)  semble 
attester  qu'elles  ont  été  obtenues,  soit  à  la  double  tavelle,  soit, 
plus  expéditivement  encore,  sur  de  grands  asples  conduits 
à  la  manivelle  au-dessus  de  réchauds  allumés. 

S  III.  —  Ce  qu'il  est  advenu,  en  France,  des  anciens  moulins  ronds  et  de 
Vaucanson;  leur  remplacement  par  des  moulins  longs  en  arcs  accouplés. 
—  Les  filateurs  Dtyâier  père  et  fils,  à  Aubenas,  Bonnet,  à  Jujurieux, 
Gaîimard,  i  Vais;  L.  Chambon,  Blanchon,  etc.;  les  constructeurs  méca- 
niciens Rœck,  Geoffroy,  Fourniol,  Veillon,  Marron,  etc. 

Après  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  de  l'opération  normale 
du  filage  mécanique  des  cocons,  il  doit  rester  bien  peu 
de  doutes  sur  notre  supériorité  à  cet  égard;  supériorité  qui 
date  de  plus  de  vingt  ans,  et  que  l'on  doit,  comme  on  l'a  vu, 
reporter  en  majeure  partie  aux  persévérants,  aux  louables 
efforts  de  MM.  Teissier-Ducros,  Louis  Chambon  et  de  leur 
émule  M.  Blanchon ,  de  Saint-Julien ,  si  souvent  cité ,  qui ,  tous , 
se  sont  empressés  de  répandre,  par  de  libérales  communica- 
tions et  d'jntiles  enseignements,  le  fruit  de  leur  expérience 
acquise,  réalisé  d'ailleurs  par  des  artistes  aussi  habiles  que 
MM.  Michel,  Rœck  et  Geoffray.  Mais  en  est -il  ainsi  des  pro- 
cédés si  variés  qui  ont  pour  objet  fouvraison  des  soies,  pro- 
cédés auxquels  nos  modernes  technologues  reprochent  d'être 
restés  dans  un  état  fort  voisin  de  la  routine  léguée  par  nos 
anciens  mouliniers?  Voilà  ce  qu'il  s'agit  d'examiner,  d'appro- 
fondir même,  avec  un  esprit  entièrement  dégagé,  s'il  se  peut, 
de  toute  prévention  favorable,  de  tout  préjugé  national. 

J'ai  déjà  fait  remarquer  qu'aujourd'hui,  du  moins  dans  le 
midi  de  la  France,  il  est  bien  peu  de  grands  établissements 
de .  filage  de  cocons  qui  ne  soient  accompagnés  d  ateliers 
de  moulinage,  où  l'on  double,  tord  les  trames  et  organsins 
sur  une  échelle  souvent  très-considérable.  Or,  il  est  vrai  de 
dire  aussi  que  les  machines  de  ce*  ateliers,  en  quelque  sorte 


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122  VP  JURY. 

jetées  dans  le  même  moule,  sont  généralement  exécutées  en 
bois  par  des  menuisiers  ou  charpentiers  mécaniciens  répan- 
dus çà  et  là  dans  le  pays,  et  dont  quelques-uns,  bien  que 
constructeurs  habiles  de  machines  à  vapeur,  tels  que  M.  Four- 
niol,  de  Privas,  et  autres  dans  l'Ardèche,  le  Rhône,  etc., 
continuent  à  suivre  le  système  ancien ,  plus  ou  moins  amé- 
lioré dans  les  détails  ou  combinaisons  accessoires,  mais  d'où 
le  fer  et  la  fonte  sont  pour  ainsi  dire  bannis,  sinon  presque 
exclusivement,  du  moins  réservés  aux  principales  transmis- 
sions de  mouvements  ou  commandes.  (Test  ce  dont  j'ai  pu 
m'assurer  par  moi-même  en  visitant  plusieurs  établissements 
dont  les  moulins  étaient,  ou  en  construction  comme  ceux 
de  MM.  Nier  et  Laffont,  à  Coux,  près  Privas,  ou  récemment 
remis  à  neuf,  comme  ceux  de  MM.  Louis  Blanchon,  à  Saint- 
Julien,  et  Deydier  frères,  à  Aubenas;  établissements  auxquels 
il  faudrait  sans  doute  en  joindre  beaucoup  d'autres,  par 
exemple,  celui  que  M.  Bonnet  vient  d'édifier  à  Jujurieux  (Ain), 
non  loin  de  Lyon ,  et  que  j'ai  d'autant  plus  le  regret  de  n'avoir 
pu  visiterj  qu'il  réunit  à  la  fois,  dit-on,  le  filage,  le  moulinage 
des  grèges,  au  tissage  mécanique  des  étoffes  unies. 

D'autre  part,  la  grande  dimension  des  machines  en  bois, 
presque  toujours  accouplées  sur  un  même  arbre  moteur,  la 
difficulté  de  leur  transport  et  de  leur  montage,  rendus  déli- 
cats et  onéreux  par  la  nature  même  des  matériaux  qui  y  en- 
trent, enfin  l'encombrement  qui  résulterait  de  leur  installa- 
tion dans  les  locaux  réservés  aux  Expositions  publiques;  ces 
motifs,  indépendamment  du  dédain  injuste  qu'affectent  pour 
elles  les  admirateurs  exclusifs  du  système  de  construction  an- 
glais, peuvent  servir  à  expliquer  pourquoi,  jusqu'ici,  il  n'en 
a  été  aperçu  aucune  trace  dans  les  concours  généraux  ou  par- 
ticuliers relatifs  à  cette  branche  d'industrie,  tapdis  que  Ton  a 
vu  avec  une  juste  raison  l'élégant  et  très-économique  tour  en 
fer  de  M.  Michel,  de  Saint-Hippolyte-du-Gard,  par  exemple, 
obtenir  une  récompense  à  l'Exposition  française  de  i844, 
et  celui  de  M.  Rœck,  de  Lyon,  recevoir  la  faveur  d'une  exhi- 
bition perpétuelle  dans  le  bel  établissement  de  la  condition 


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MACHINES  ET  OUTILS.  123 

des  soies  de  cette  ville,  où,  à  mon  retour  del'Àrdèche,  j'ai  pu 
voir  aui si  un  spécimen  de  filage  d'après  les  nouveaux  procé- 
dés, sur  quatre  tours  en  fer  de  différents  modèles,  mais  dont, 
je  dois  le  dire,  les  croiseurs  mécaniques  et  les  trembleurs 
n'étaient  point  alors  utilisés. 

H  faut  donc  bien  se  garder  de  juger  à  priori ,  et  d'après  de 
tels  critériums,  notre  système  d'ouvraison  des  soies,  auquel 
il  ne  manque  peut-être  qu'un  peu  plus  de  hardiesse  et  de 
concentration  dans  les  ressources  mécaniques,  joint  à  un  con- 
cours  mieux  assuré,  plus  confiant,  de  la  part  des  capitalistes 
dont,  en  réalité,  le  Gard  et  l'Ardèche  ne  sont  pas  moins 
pourvus  que  Saint-É tienne  et  Lyon.  Ces  conditions  sont,  en 
effet,  indispensables  pour  faire  cesser  une  sorte  d'état  de  fer- 
mage et  de  travail  à  façon  qui  y  subsiste  encore,  et  pour 
donner  à  une  branche  d'industrie  où  la  matière  première  est 
d'un  prix  si  élevé  le  développement  et  la  puissance  d'initia- 
tive que  nous  avons  vu  prendre  depuis  nombre  d'années  à 
nos  filatures  de  coton,  de  laine  et  de  chanvre,  grâce  aux 
Odier  et  Romans,  de  Wesserling,  aux  Nicolas  Kœchlin,  etc., 
qui,  à  l'exemple  des  chefs  de  factoreries  anglaises,  ont  avec 
tant  de  succès  annexé  à  leurs  ateliers  de  filage  proprement 
dits  des  ateliers  de  réparation,  devenus  bientôt  d'excellents 
modèles  de  construction  mécanique,  qui  nous  ont  enfin  per- 
mis de  soutenir  la  redoutable  concurrence  de  l'Angleterre. 

Cest  notamment,  par  là  et  en  ce  seul  point,  si  je  puis 
en  juger  par  mes  faibles  connaissances  en  matières  écono- 
miques, que  les  mécaniciens  et  filateurs  du  midi  de  la  France 
montrent  leur  infériorité  relative  :  car,  j'en  ai  acquis  des 
preuves  irrécusables,  à  l'égard  du  génie  de  l'invention  et 
de  la  beauté  des  produits,  ils  ne  le  cèdent  à  aucun  autre,  et 
F  époque  n'est  peut-être  pas  éloignée  où,  par  une  heureuse 
accumulation  de  ressources  mécaniques,  la  ville  d'Alais  no- 
tamment, placée  au  centre  d'un  pays  si  richement  doté  en 
soie,  en  fer  et  en  houille,  prendra  le  rang  qui  lui  convient 
parmi  les  grandes  cités  industrielles;  du  moins,  si  l'on  en 
juge  d'après  les  récentes  tentatives  de  MM.  Veillon  et  Marron, 


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124  Vf  JURY. 

artistes  mécaniciens  auxquels  il  ne  manque  que  d'heureuses 
circonstances  pour  munir  complètement  leurs  ateliers  des 
ingénieux  outils  mécaniques  qui  économisent  la  main-d'œuvre 
en  perfectionnant  le  travail ,  outils  sans  lesquels  ils  tarderaient 
peu  à  ressentir  l'influence  de  la  concurrence  extérieure. 

Avant  d'examiner  l'état  actuel  des  machines  d'ouvraison, 
il  m'importait  beaucoup  de  rechercher  s'il  existait  dans  le 
pays  quelques  traces  de  celles  de  Vaucanson,  et  je  me  suis, 
à  cet  effet,  transporté  à  l'ancienne  manufacture  royale  d'Ucel, 
près  d'Aubenas,  possédée,  dirigée  autrefois  par  M.  Benoît- 
Dey  dier  père,  vieillard  de  quatre-vingt-neuf  ans,  contempo- 
rain, par  conséquent,  du  grand  homme,  et  qui  se  rappelle 
fort  bien  avoir  vu  fonctionner,  avec  toutes  les  qualités  que 
leur  attribue  le  mémoire  de  1 751,  les  moulins  droits  à  chaîne, 
à  peu  près  tels  qu'ils  se  trouvent  décrits  dans  la  première 
partie  de  cette  notice  historique.  Le  changement  de  tors  ou 
de  vitesse  des  roquelles  supérieures  s'y  opérait,  en  effet,  au 
moyen  d'une  fusée  à  six  roues  de  rechange,  mues  automati- 
quement; l'appareil  à  guindre  y  était  muni  d'un  compteur 
et  d'une  sonnerie  d'avertissement  f>our  la  capiure  des  éche- 
veaux,  etc.;  mais,  conformément  à  ce  qui  a  été  avancé  par 
Roland  de  la  Platière,  on  a  dû  renoncer  à  l'emploi  de  ces 
ingénieuses  combinaisons  et  de  plusieurs  autres,  à  cause  de  la 
fréquence  et  de  la  difficulté  des  réparations.  Enfin  j'ai  appris, 
avec  un  vif  sentiment  de  regret  et  de  dépit,  que  les  derniers 
vestiges  de  ces  machines  avaient  disparu  dans  les  premières 
années  de  l'Empire,  malgré  les  réclamations  de  l'administra- 
tion préfectorale,  qui  avait  attribué  à  l'Etat  des  droits  à  leur 
possession,  en  raison  même  de  la  participation  que»,  sous 
Louis  XV,  il  avait  pris  à  leur  construction  ou  installation. 

Je  n'ai  pas  été  plus  heureux  dans  mes  investigations  rela- 
tives aux  anciens  moulins  ronds  à  la  piémon taise;  mais  il  est 
notoire  cependant  qu'il  en  existe  encore  un  assez  grand  nombre 
à  Saint-Paul -en- Jarret,  près  Bive-de-Gier,  et  aux  environs, 
malgré  l'état  industriel  relativement  avancé  du  pays.  Quant 
aux  moulins  construits  à  la  Sône  (Isère)  par  les  frères  Jubié, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  125 

à  une  époque  postérieure,  sans  doute,  à  celle  où  Vaucan- 
son  établissait  ses  machines  à  Aubenas,  il  y  a  tout  lieu  de 
croire  que,  modifiés,  améliorés  sous  l'inspiration  et  les  con- 
seils de  cet  inspecteur  des  manufactures,  ils  devaient  assez 
peu  différer  des  moulins  ovales,  à  double  équipage,  ou  bâtis 
en  forme  de  oo ,  que  nous  possédons  aujourd'hui ,  et  qui 
conservent  encore  le  nom  de  Vaucanson ,  quoiqu'ils  ne  soient 
véritablement  que  de  simples  imitations  ou  dérivations  de  ses 
premières  machines.  Sans  avoir  visité  les  lieux,  j'ai  d'ailleurs 
acquis  la  certitude  que ,  dans  l'état  actuel  des  choses,  les 
moulins  de  la  Sône  ne  diffèrent  pas  essentiellement  de  ceux 
qu'il  m'était  loisible  de  visiter  ailleurs,  et  dont  il  importe 
d'autant  plus  de  donner  une  idée  que,  portant  le  nom  de 
moulins  français,  on  n'en  rencontre  aucune  description  dans  les 
traités  de  technologie,  qui  semblent,  à  plaisir,  les  avoir  con- 
fondus avec  l'ancien  moulin  rond  à  trois  ou  quatre  étages 
de  vargues,  décrit  dans  la  grande  encyclopédie;  de  sorte  que, 
à  la  lecture  de  ces  ouvrages,  plus  ou  moins  calqués  sur  ceux 
des  Anglais,  on  pourrait  se  persuader  que  l'industrie  du  mou- 
linage  est  demeurée  chez  nous  tout  à  fait  stationnaire,  ou 
que  même  elle  a  rétrogradé. 

Le  moulin  double  dont  il  s'agit,  et  qui  doit  être  considéré 
comme  le  dernier  mot,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  des  pro- 
grès accomplis  en  France,  se  compose  à  peu  près,  comme  on 
l'a  vu ,  de  deux  moulins  ovales  accouplés ,  placés  bout  à  bout 
et  constitués,  en  projection  horizontale,  de  quatre  arcs  de 
cercle  d'un  assez  grand  rayon,  se  raccordant  deux  à  deux  à 
leur  point  de  croisement  du  milieu.  Généralement  parlant, 
la  cage  en  charpente  de  chêne,  bien  jointe  et  dressée,  ren- 
ferme quatre  vargues  de  384  fuseaux  sur  deux  étages  de  hau- 
teur, occupant,  avec  les  rangs  correspondants  de  roquelles 
ou  de  guindres,  un  espace  rectangulaire  de  4  à  5  mètres  de 
longueur,  om,8  à  î  mètre  de  largeur  horizontale  à  la  base  et 
3  à  4  mètres  en  hauteur  :  les  broches  ou  fuseaux  munis  de 
coronnelles,  etc.,  tirés  de  Maubeuge,  à  pivot  d'acier  fin,  tour- 
nant sur  crapaudine  en  bronze,  en  verre  ou  agate,  et  main- 


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126  VT  JURY. 

tenus,  près  du  collet,  par  des  brides  ou  coquettes  en  bois  bien 
ajustées ,  sont  ici  mis  en  action  par  le  frottement  de  larges  cour- 
roies sans  fin,  en  cuir  fort,  qui  passent,  aux  deux  extrémités 
du  moulin,  sur  de  grandes  poulies  boriion taies  en  fonte,  à 
profil  convexe  et  sans  rebords,  les  unes  motrices,  les  autres 
de  simple  renvoi,  mais  avec  mécanisme  de  tension,  comme 
dans  le  moulin  à  chaîne  de  Vaucanson,  sauf  qu'ici  les  cour- 
roies à  branches  croisées  vers  le  milieu  intérieur  de  la  cage 
passent  sur  d'autres  poulies  de  renvoi  en  fonte,  dont  l'arbre 
vertical,  armé  des  lames  en  filets  de  vis  continus  emprun- 
tées aux  anciens  moulins  ronds,  communique  un  mouvement 
lent  à  la  roue  d'excentrique,  au  balancier  et  au  châssis  hori- 
zontal oscillant  des  barbins  distributeurs  du  fil  sur  les  ro- 
quelles  ou  les  guindres  qui  surmontent  séparément  chacune 
des  vargues  de  fuseaux. 

Quant  à  l'arbre  vertical  des  poulies  motrices  situées  à  l'une  > 
des  extrémités  du  moulin,  il  reçoit  et  transmet,  par  des  équi- 
pages de  roues  d'angle  en  fer,  le  mouvement  de  l'arbre  de 
couche  principal,  régnant  sur  toute  la  longueur  de  l'atelier, 
aux  arbres  horizontaux  parallèles  des  roquelles,  etc.  Sauf  dans 
quelques  anciens  moulins  qui  ne  tarderont  pas  à  disparaître, 
ce  système  de  transmission  est,  comme  nous  en  avons  déjà 
fait  la  remarque,  construit  avec  beaucoup  de  précision,  en 
fer  et  fonte,  dans  les  ateliers  de  M.  Geoflray,  de  Vienne, 
d'après  le  système  le  plus  moderne;  c'est-à-dire  que  chaque 
prise  de  mouvement  sur  l'arbre  de  couche  est  munie  d'un  mé- 
canisme d'embrayage  à  griffes;  que  l'arbre  de  couche  lui-même 
reçoit  de  la  principale  roue  motrice  le  maximum  de  vitesse 
innérent  à  la  nature  des  machines,  selon  le  principe  aujour- 
d'hui généralement  adopté ,  et ,  comme  on  l'a  vu,  primitivement 
introduit  par  M.  W.  Fairbairn  dans  les  factoreries  anglaises; 
qu'en  un  mot,  le  diamètre  des  arbres,  poulies  ou  rouages 
intermédiaires,  entre  le  moteur  et  la  résistance  ou  l'outil,  est 
réduit  au  minimum,  en  même  temps  que  les  efforts  et  la  fa- 
tigue. Mais  il  y  a  plus  encore,  dans  l'établissement  modèle 
de  M.  Louis  Blanchon,  près  Privas,  et  d'autres  récemment 


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MACHINES  ET  OUTILS.  127 

construits  par  le  même  M.  Geoffiray ,  le  grand  arbre  de  couche, 
au  lien  de  passer*  comme  autrefois,  au-dessus  des  métiers, 
d'où  les  coussinets  laissaient  souvent  égoutter  l'huile  sur  les 
soies,  cet  arbre  est  solidement  établi  contre  l'un  des  longs 
côtés  ou  murs  de  l'atelier,  duquel  l'action  motrice  se  commu- 
nique souterrainement  aux  différentes  machines  distribuées 
parallèlement  entre  elles  et  transversalement  à  l'axe  de  l'ate- 
lier, je  veux  dire  non -seulement  aux  moulins  de  tors,  mais 
aussi  aux  banques  de  dévidage,  de  doublage,  etc.,  auxquelles 
je  reviendrai  ci-après. 

Afin  d'abréger,  j'ai  à  dessein  confondu,  dans  la  descrip- 
tion précédente,  les  moulins  à  roquelles,  servant  au  premier 
apprêt,  avec  les  moulins  à  guindres,  spécialement  consacrés 
au  deuxième;  mais  il  est  positif  qu'ils  constituent  aujour- 
d'hui des  machines  entièrement  distinctes,  ces  derniers  étant 
exclusivement  destinés  à  former  les  flottes  livrées  aux  fabri- 
cants de  soieries,  et  étant  dès  lors  généralement  armés  de 
mécanismes  compteurs  à  vis  sans  fin ,  à  sonnerie  ou  simple 
cadran,  dont,  il  est  vrai,  on  ne  se  sert  ni  généralement  ni 
constamment,  si  ce  n'est  dans  les  filatures  de  premier  ordre. 
U  serait  d'ailleurs  inutile  de  se  préoccuper  ici  des  méca- 
nismes par  lesquels  on  aurait  pu ,  d'après  Vaucanson ,  effec- 
tuer automatiquement  la  transposition  des  écheveaux  sur  les 
guindres,  suspendre  le  mouvement  quand  un  fil  casse  ou 
quand  ces  guindres  se  trouvent  remplis,  car  on  sait  assez 
quel  a  été  le  sort  de  l'ingénieuse  et  déjà  ancienne  solution 
de  Guilliny,  même  dans  les  villes  manufacturières  où  l'on  a 
le  plus  intérêt  à  se  servir,  pour  le  tirage  des  soies ,  d'échevettes 
à  tours  rigoureusement  comptés,  et  qu'on  préfère  obtenir  au 
moyen  de  dévidoirs  à  main  très-précis,  mais  fort  peu  expé- 
ditiîs,  en  vue  de  se  mettre  complètement  à  l'abri  des  fraudes, 
si  graves  en  raison  du  haut  prix  de  la  matière. 

En  général,  on  n'exécute  dans  l'industrie  que  les  opérations 
qui  se  payent  deniers  comptants,  et  l'oubli  que  je  viens  de 
signaler  tient  bien  plus  à  l'indifférence  des  négociants  ou  fabri- 
cants d'étoffes  qu'à  la  négligence  des  filateurs.  Ceci  explique 


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128  VI-  JURY. 

d ailleurs,  sans  trop  l'excuser  pourtant,  l'abandon  dans  les 
ateliers  de  certaines  prescriptions  théoriques,  de  certains  ins- 
truments ou  procédés  ingénieux,  recommandés  vivement  par 
les  auteurs,  encouragés,  récompensés  même  par  les  Sociétés 
industrielles,  et  cela  indépendamment  de  toute  tendance  à 
la  routine  des  ouvriers,  de  toute  cause  d'ignorance  ou  de 
mauvais  vouloir  de  la  part  des  chefs  ou  surveillants,  trop 
souvent,  il  est  vrai,  retranchés  derrière  le  prétexte  banal  du 
bas  prix  des  mains-d'œuvre,  mais  dont,  en  réalité,  l'énergie 
n'est  pas  stimulée  par  l'appât  d'un  bénéfice  assez  certain  ou 
par  l'aiguillon  d'une  concurrence  assez  vive. 

Dans  le  cas  présent  des  moulins  à  flottes  comptées,  il  ne 
peut  plus  être  question  de  marcher  la  nuit  en  dehors  de  la 
surveillance  des  chefs,  comme  cela  se  pratiquait  du  temps 
de  Vaucanson  et  se  pratique  encore  dans  quelques  établisse- 
ments arriérés,  où  on  laisse,  outre  mesure,  les  fils  s'accumu- 
ler sur  des  guindres  à  un  seul  écheveau.  Toujours  présentes 
pour  le  rattachement  des  fils  rompus,  les  ouvrières  arrêtent 
par  elles-mêmes  la  machine,  et  font  la  capiure  des  écheveaux 
dès  qu'ils  sont  remplis  au  degré  marqué  par  le  compteur  ou 
apprécié  au  simple  coup  d'œil;  et,  lorsque  les  fils  ont  été 
convenablement  noués  et  purgés  dans  les  opérations  anté- 
rieures, ces  interruptions  sont  assez  peu  répétées  pour  qu'une 
même  ouvrière,  à  l'aide  de  son  échelle  mobile,  suspendue 
entre  deux  moulins  parallèles,  puisse  surveiller  et  soigner 
plusieurs  centaines  de  broches  à  la  fois.  Néanmoins  les 
moyens  automatiques  d'arrêter  la  machine  dans  cette  double 
circonstance  n'ont  point  été  omis  par  tous  les  filateurs,  et 
nous  nous  plaisons  à  citer  encore,  comme  d'honorables  excep- 
tions, MM.  Teissier-Ducros,  Ghambon  fils  et  Louis  Blanchon , 
à  qui  l'on  est  redevable  de  plusieurs  autres  progrès  réalisés 
dans  leurs  établissements  de  moulinage. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  129 

S  IV.  —  Récentes  améliontioiR  apportées  aux  moulins  français  et  autres 
machines  à  ouvrer  la  soie  par  quelques-uns  des  filateurs-mouliniers  pré- 
cédemment cités,  mais  plus  particulièrement  par  MM.  Gaîimard,  de  Vais  ; 
Louis  Blanchon,  de  Saint-Julien-en-Saint-Alban  ;  Loais  Chambon,  d'Àlais; 
Geoffroy,  de  Vienne;  Teusier-Dacros,  Merle  frères,  etc. 

Rappelons  d'abord  que,  dans  les  ateliers  récemment  cons- 
truits, les  moulins  à  roquelles  sont  divisés  en  deux  catégories, 
dont  Tune  sert  à  donner  le  premier  apprêt  aux  poils  ou  fils 
de  trame  simples,  et  Vautre,  le  deuxième  apprêt  ou  tors  aux 
organsins  déjà  doublés  et  destinés,  à  former  la  chaîne  des 
étoffes,  etc.  Dans  ce  genre  de  machines ,  il  serait  tout  à  fait 
inutile  d'employer  des  casse-fils,  ou  moyens  automatiques  d'ar- 
rêter la  machine  quand  un  fil  se  rompt;  car  non-seulement  les 
ruptures  sont  peu  fréquentes,  mais  encore  elles  n'ont  que  de 
bien  faibles  inconvénients,  puisque  l'envidage  sur  la  roquelle 
s'arrête  spontanément.  Au  contraire,  l'agrandissement  du  dia- 
mètre des  bobines,  par  rapport  à  l'épaisseur  de  fil  qui  s'y 
enroule ,  ne  parait  pas  à  nos  plus  habiles  filateurs  un  moyen 
en  lui-même  suffisant  d'assurer  la  constance  du  tors  par 
mètre  courant,  dont,  comme  on  l'a  vu,  Vaucanson  avait  éga- 
lement cherché  à  combattre  la  diminution  graduelle  dans  ses 
moulins  à  roquelles,  mais  sans  en  préciser  les  moyens. 
MM.  Gaîimard,  de  Vais,  entre  autres,  Louis  Blanchon,  de 
Saint- Julien ,  et  avant  eux,  comme  on  l'a  vu  aussi,  M.  Louis 
Chambon,  d'Alais  (brevet  de  18 36),  se  servent,  pour  atteindre 
le  but,  du  procédé  très-simple  qui  consiste  à  faire  tourner 
les  roquelles  par  le  roulement  ou  contact  immédiat  de  la  soie 
sur  un  cylindre  moteur  convenablement  dressé  et  garni. 

Mais  ce  procédé,  dont  les  résultats  avantageux  ont  été  ap- 
préciés par  le  commerce  sans  amener  de  notables  bénéfices, 
ne  saurait,  à  cause  des  soubresauts  et  glissements  relatifs  des 
roquelles  sur  le  cylindre  conducteur,  être  facilement  appliqué 
au  cas  où  il  s'agit  de  marcher  à  de  grandes  vitesses.  Aussi 
M.  Louis  Blanchon,  réservant  cette  ingénieuse  solution  pour 
le  moulin  à  roquelles  de  second  apprêt,  comme  l'avaient  fait 

▼1*  JUHT.  —  2*  PARTIE.  Q 


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130  VI-  JURY. 

MM.  Chambon  père  et  fils,  s'est-il  servi,  pour  ceux  du  pre- 
mier, d'un  autre  moyen  plus  sûr,  mâts  aussi  plus  dispendieux, 
emprunté  aux  bancs  à  broches  des  filatures  de  coton,  moyen 
dont  on  a  vu  déjà  d'ingénieuses  applications  dans  ce  qui  pré- 
cède, et  qui  consiste  plus  spécialement  ici  à  placer  sous  la 
chaise  de  support  du  moulin  un  couple  de  cônes  alternes  ou 
de  sens  contraire,  qui,  enveloppés  d'une  courroie  sans  fin, 
communiquent  le  mouvement  du  moteur  aux  roquelles,  dans 
une  proportion  variable  avec  la  position  de  la  courroie  pous- 
sée, parallèlement  à  elle-même,  par  une  griffe  que  met  con- 
tinuellement en  action  une  vis  différentielle,  etc.  Ce  système 
a  d'ailleurs  été  réalisé  dès  i85i  avec  beaucoup  de  succès,  par 
M.  Geoflray,  dans  l'établissement  de  M.  Blanchon,  lequel  en  a 
également  dirigé  l'application  à'  d'autres  établissements  des 
environs  de  Privas. 

.  Lorsqu'il  s'agit  d'atteindre  cette  grande  égalité  de  tors  dans 
l'une  comme  dans  l'autre  méthode,  il  faut  non-seulement  que 
les  moyens  de  transmission  soient  parfaits  d'exécution  méca- 
nique, mais  il  faut  aussi  que  les  roquelles  et  les  bobines  des 
fuseaux  aient  une  forme  plate  ou  cylindrique,  sans  bombe- 
ment ni  croisement  de  fils  qui  amèneraient  des  irrégulari- 
tés dans  le  tirage,  des  à-coups  inévitables  dans  l'envidement 
rigoureusement  uniforme' de  ces  fils;  problème,  je  le  répète, 
physiquement  insoluble,  puisqu'il  exigerait  la  suppression 
absolue  de  tout  ralentissement,  temps  d'arrêt  ou  points  morts, 
aux  extrémités  de  chaque  course;  ce  à  quoi  s'oppose  tout  au 
moins  l'inertie  de  la  matière,  mais  dont  on  approche  en  allé- 
gissant  le  plus  possible  l'équipage  du  porte-bar bins,  et  faisant 
usage  de  la  réaction,  suffisamment  énergique,  de  ressorts  re- 
poussoirs, comme  l'a  tenté  en  dernier  lieu  M.  Blanchon. 

Ces  divers  artifices  peuvent  suffire  sans  doute  pour  assu- 
rer la  régularité  de  marche  des  moulins  à  fuseaux  coiffés  de 
coronnelles,  tant  que  la  vitesse  ne  dépasse  pas  une  certaine 
limite,  qui,  de  600  à  90a tours,  au  plus,  à  la  minute  qu'elle 
était  autrefois,  s'élève  :  assez  généralement  aujourd'hui  de 
1  600  à  2  000,  sans  que  la  résistance  de  l'air  ou  la  force 


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MACHINES  ET  OUTILS.  151 

centrifuge  entraînent  de  trop  fréquentes  ruptures  des  fils  ou 
de  trop  graves  irrégularités  dans  la  marche  des  bobines,  etc. 
Ce  résultat,  principalement  dû  au  perfectionnement  des  corn- 
mandes  ou  transmissions  de  mouvement,  ainsi  qu'à  une  distribu- 
tion plus  régulière  de  la  tension  des  courroies  motrices  autorir 
des  grandes  poulies  intérieures  ou  extérieures,  elles-mêmes, 
animées  directement  d'une  notable  vitesse  dans  les  moulins  en 
arcs  de  cercle,  accouplés;  ce  résultat,  disje,  ne  suppose  aucun 
des  artifices  plus  ou  moins  ingénieux  par  lesquels,  d'après  leurs 
brevets,  M.  Rodier  et  d'autres  mécaniciens  habiles  ont  cherché 
à  augmenter  la  vitesse  des  fuseaux  par  des  moyens  qui  con- 
sistent principalement  à  préserver  la  coronnelle  et  son  ailette 
en  S  de  toute  vibration  ou  sautillement  occasionnés  par  la 
résistance  de  l'air  et  la  force  centrifuge;  mais  il  est  douteux 
que  l'accélération  du  mouvement  puisse  être  poussée  beau- 
coup au  delà  de  a  5oo  tours  à  la  minute  tant  que  l'on  con- 
tinuera à  se  servir  de  cet  ancien  appareil,  dont  on  a  d'ailleurs 
vainement  cherché  à  augmenter  la  stabilité  par  le  poids  seul, 
mais  plus  particulièrement  encore  tant  qu'on  prétendra  im- 
primer simultanément  le  mouvement  rotatoire  à  un  aussi 
grand  nombre  de  broches  par  de  longues  courroies,  elles- 
mêmes  soumises  à  l'action  inégale  et  appréciable  de  la  force 
centrifuge,  dont  l'énergie,  croissait t  comme  le  carré  de  la 
vitesse,  exige,  pour  être  contre-balancée,  un  surcroit  corres- 
pondant de  tension,  de  pression,  et  par  conséquent  de  frot- 
tement sur  les  axes  ou  points  d'appui 

Néanmoins,  avant  de  renoncer  aux  anciens  procédés,  il  y 
aura  à  examiner  si  le  bénéfice  de  l'accélération  et  de  l'aug- 
mentation de?  produits  ne  sera  pas  accompagné  d'une  dimi- 
nution trop  sensible  dans  la  qualité;  car,  pour  ce  qui  est  des 
frais  d'installation  et  d'achat  de  nouvelles  machines,  on  sait 
assez  que,  répartis  sur  un  grand  nombre  d'années  et  de  pro- 
duits, ils  sont  largement  compensés  par.  la  réduction  des  dé- 
penses d'entretien  et  les  économies  en  force  motrice  bu  en 
main-d'œuvre.     « 

Nous  n'avons  rien  à  dire  de  bien  essentiel  sur  les  perfec- 


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132  VI' JURY. 

tionnemenU  mécaniques  apportés  aux  banés  de  tavelles,  de 
purgeoirs,  de  tracanoirs  et  doubloirs,  aujourd'hui  disposés, 
comme  on  Ta  dit,  les  uns  derrière  les  autres,  à  la  suite  des 
moulins,  en  rangées  parallèles,  séparées  par  des  intervalles 
d'environ  un  mètre  pour  la  circulation  des  rattacheuses,  et 
qui,  établis  solidement  sur  des  supports  en  charpente,  ont, 
dans  les  plus  modernes  ateliers,  leur  partie  antérieure  recou- 
verte par  des  tables  de  marbre  entretenues  avec  beaucoup  de 
propreté,  pour  recevoir  temporairement  les  roquets  garnis 
de  soie,  tandis  que  leur  partie  postérieure,  surmontée  de 
tablettes  en  forme  de  dressoirs ,  contient  les  mécanismes  qui 
servent  à  imprimer  une  rotation  directe  et  rapide  à  la  file  su- 
périeure de*  roquelles  horizontales  où  la  soie  s'envide  par 
un  tirage  exercé,  au  travers  de  purgeoirs,  sur  la  rangée  cor- 
respondante des  tavelles  ou  des  bobines  antérieures,  dont,  à 
Tin  verse,  le  dévidement  doit  être  exempt  de  tdUt  obstacle. 
Peut-être  est-il  inutile  d'ajouter  que  les  roquelles  supérieures 
de  tirage,  dont  il  vient  d'être  parlé,  montées  sur  autant  de 
*  brochettes  en  bois  et  très-légères  (sterlins),  sont  conduites, 
comme  autrefois,  par  leur  simple  roulement,  sur  des  disques 
verticaux  solidaires  autour  d'un  même  arbre  tournant  hori- 
zontal, et  que  précède  la  tringle  parallèle  du  va-et-vient  dis- 
tributeur des  fils;  le  tout  mis  en  action  par  des  excentriques 
et  équipages  de  roues  dentées,  placés  au  milieu  ou  à  l'une 
des  extrémités  de  chaque  banc  où  se  trouve  la  prise  de  mou- 
vement sur  l'arbre  moteur  de  commande,  à  peu  près  comme 
dans  les  tours  automates  mêmes  à  dévider  les  cocons. 

Lies  tavelles,  rendues  plus  légères,  parfaitement  centrées 
ou  équilibrées,  et  qu'on  a  tenté  de  construire  au  moyen  de 
tubes  métalliques ,  vernis,  évidés,  etc.,  n'ont  de  particulier, 
dans  le  système  actuel  d'ouvraison,  que  la  suppression  de 
l'anneau  à  poids  qui,  en  leur  servant  anciennement  de  frein 
contre  toute  cause  d'accélération ,  maintenait  le  fil  constam- 
ment tendu  et  l'empêchait  de  vriller;  but  qui  n'est  peut-être 
pas  aussi  bien  rempli  aujourd'hui,  malgré  la  grande  unifor- 
mité du  mouvement  imprimé  aux  roquelles  et  l'interposi- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  133 

don  d'un  purgeoir  à  deux  branches  garnies  de  drap,  de  liège, 
de  cuir,  etc.,  qui,  suffisamment  rapproché  de  l'échcveau,  sert 
aussi  à  régulariser  la  tension  du  fil. 

Le  système  de  tracanage  ou  de  dévidage  d'une  bobine  ho- 
rizontale sur  une  autre ,  dans  lequel  on  fait  passer  le  fil  de 
soie  au  travers  de  deux  et  même  de  trois  purgeoirs,  varie 
assez  d'un  atelier  à  l'autre;  mais  ce  système,  à  purgeoirs  mul- 
tiples, semble  une  véritable  superfétation  à*  quelques  per- 
sonnes, qui  craignent  de  voir  énerver  la  soie  par  un  accrois- 
sement de  travail  et  de  fatigue  très-onéreux,  tandis  qu'il 
serait,  au  contraire,  d'une  nécessité  absolue  aux  yeux  de 
beaucoup  d'autres,  notamment  des  habiles  filateurs  de  soie 
souvent  cités,  et  qui  redoutent  bien  plus  les  malfaçons  que 
l'augmentation  des  mains-d'œuvre.  La  ténacité  du  fil  de  soie 
étant  comparable  à  celle  du  fil  de  fer,  sa  grande  élasticité  et 
sa  ductilité,  dans  une  atmosphère  suffisamment  fraîche  ou 
humide,  permettent,  en  effet,  de  lui  faire  subir,  sans  trop 
d'inconvénient,  ces  manipulations  répétées,  pourvu  que  la 
force  de  tirage  ne  dépasse  jamais  une  certaine  limite,  que 
l'expérience  directe  peut  seule  faire  connaître,  et  qui  varie 
avec  le  nombre  des  fibres  rudimentaires  de  chaque  fil  ou  des 
solutions  de  continuité  qui  s'y  trouvent  forcément  répandues 
.  aux  points  où  une  nouvelle  fibre  vient  en  remplacer  une  an- 
cienne dans  le  tirage  des  cocons  :  cette  limite  correspond 
évidemment  aux  efforts  ou  allongements  en  deçà  desquels  on 
ne  risque.de  rompre  les  fils  que  dans  les  parties  les  plus  dé- 
fectueuses ou  les  plus  faibles;  parties  qu'il  conviendrait  peu 
de  conserver  si  elles  devaient  entraîner,  dans  les  opérations 
subséquentes,  le  tissage  notamment, "des  ruptures  et,  par  con- 
séquent, des  interruptions  de  travail  et  des  manques,  bien 
autrement  fâcheuses  que  celles  qui  peuvent  se  produire  dans 
le  moulinage  opéré  sur  des  fils  isolés. 

L'ensemble  des  connaissances  expérimentales  acquises  sur 
4es  lois  de  la  résistance  des  solides  semble  démontrer  que 
ai  une  charge,  un  effort  de  tirage  compris  entre  le  i/3  et  le 
x/b  de  la  ténacité  ou  résistance  absolue  (moyennement  ici  de 


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134  VI-  JURY. 

g  kilogrammes  par  brio  rudimentaire) ,  peut  produire  des 
allongements  permanents,  et  par  conséquent  un  certain  éti- 
rage de  la  substance ,  il  n'en  résulte  du  moins  aucune  altéra- 
tion de  la  force  élastique,  quand  cette  substance  est  à  peu 
près  homogène  ou  sans  défauts  notables;  et  c'est,  en  effet, 
dans  de  telles  limites  qu'on  renferme  ordinairement  les 
épreuves  auxquelles  on  soumet  les  matériaux  solides,  pour 
en  vérifier  la  qualité  et  le  bon  emploi  dans  les  arts.  L'expé- 
rience prouve  aussi  que  l'action  la  plus  énervante,  la  plus 
dangereuse,  que  l'on  puisse  faire  subir  à  un  corps  cylindrique* 
à  un  fil  quelconque,  c'est  de  le  fléchir,  de  le  replier  sur  lui- 
même  sous  des  angles  très-aigus;  et  voilà  pourquoi,  enfin,  on 
ne  saurait  approuver  l'emploi  exagéré  de  purgeoirs,  dans  les- 
quels le  fil  de  soie  serait  contourné  un  grand  nombre  de  fois, 
drculairement  ou  en  hélices,  autour  de  tiges  métalliques 
d'un  très-petit  diamètre,  fussent -elles  garnies  de  drap,  de 
velours  ou  de  cuir  très-doux. 

D'autre  part,  si  la  véritable  soie,  la  partie  cornée  et  trans- 
parente des  fils  grèges,  est  enveloppée  d'une  gomme  otf  glu- 
ten écailleux,  appelé  grès,  qui  doit  entièrement  disparaître  au 
décreusage  dans  une  solution  savonneuse,  quel  risque  peut- 
on  lui  faire  courir  en  la  soumettant  à  des  frottements  plus  ou 
moins  répétés,  de  manière  à  en  débarrasser  le  fil,  tout  en 
interceptant  les  bouchons,  frisons,  bourrillons,  et  abattant  les 
poils  ou  duvets  quelconques,  si  nuisibles  à  la  beauté  des  étoffes 
unies1?  Évidemment  aucun,  tant  qu'on  ne  dépasse  pas  dé 
sages  limites,  au  delà  desquelles  l'altération  des  ressorts  molé- 
culaires risque  de  devenir  permanente;  ce  qui  oblige  aussi  à 


1  II  faut  prendre  garde,  néanmoins,  que  les  poils  ou  barbes  provenant 
d'un  filage  défectueux,  dans  lequel  les  extrémités  des  fibres  élémentaires, 
mal  liées  par  la  manière  dont  la  fileuse  jette  les  bouts,  tendent  à  être  re- 
broussées, arrachées  sur  d  assez  grandes  longueurs  dans  1  opération  du  lis- 
sage ou  frottage  à  sec  des  fils;  ce  qui  est  un  danger  qu'on  évite  en  partie,  en 
entretenant,  au  moyen  de  baquets  d'eau  placés  sous  les  bancs  de  la  tavelle, 
une  légère  humidité,  qui  rend  aussi  les  fils  moins  cassants  et  rappelle  l'opé- 
ration du  recuit  des  métaux  dans  leur  passage  à  la  filière. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  135 

ne  pas  trop  perdre  de  vue*  dans  les  opérations  subséquentes 
du  moulinage  et  du  dévidage,  le  retrait  que,  en  vertu  de  son 
élasticité  et  de  son  hygrométricité,la  soie  tend  à  éprouver  par 
'  les  effets  de  la  tension ,  de  la  torsion  et  même  de  la  chaleur 
ou  de  l'humidité  :  d'où  la  nécessité  de  laisser  aux  principaux 
organes  de  mouvement  une  certaine  liberté  de  jeu  et  d'établir 
entre  eux  une  harmonie  d'action  qui,  sauf  pour  les  surtors, 
ne  sont  point,  au  même  degré,  indispensables  dans  les  ma- 
chines à  filer  la  laine,  le  coton,  etc.,  matières  dont  les  fibres 
courtes  sont  susceptibles  de  glisser  les  unes  sur  les  autres 
sans  rupture  ou  énervation  dangereuse  pour  l'ensemble. 

Au  surplus,  quand  on  voit  MM.  Teissier-Ducros,  Cham- 
bon,  Blanchon  et  tant  d'autres  filateurs  distingués  en  France 
redoubler  de  soins  et  de  sacrifices  pour  opérer  la  purge  des 
grèges,  lorsque  lteurs  organsins  sont  cotés  à  de  si  hauts  prix  à 
Lyon  et  à  Saint-É  tienne,  il  serait  peu  prudépt  de  détourner 
notre  industrie  nationale  d'une  voie  qui  a  produit,  dans  ces 
derniers  temps,  de  si  heureux  fruits;  et  c'est  pourquoi,  sans 
rien  affirmer  dans  une  aussi  épineuse  question,  à  l'égard  de 
laquelle  je  sens  toute  mon  incompétence,  je  me  suis  seule- 
ment permis  de  rappeler  quelques  notions  physiques  ou  mé- 
caniques, vulgaires  sans  doute,  mais  dont  trop  souvent  on  est 
tenté  de  méconnaître  l'importance  dans  les  jugements  portés 
sur  l'état  présent  d'une  industrie  qui  s'écarte  en  plus  d'un 
point  de  celles  qui  ont  pour  but  la  préparation  et  le  filage 
des  antres  substances  à  fibres  plus  ou  moins  courtes ,  ne  se- 
iiit-ce  qu'en  raison  de  la  richesse  des  produits  et  du  prix 
élevé  de  la  matière  première;  prix  vis-à-vis  duquel,  je  ne 
crains  pas  de  le  redire,  celui  de  l'ouvraison  s'efface  presque 
entièrement  et  doit  le  céder  en  importance,  à  la  considération 
de  l'épargne  même,  que,  par  d'intelligentes  manipulations,  }l 
est  possible  de'faire  sous  le  rapport  de  la  qualité  et  de  la  quan- 
tité des  produits  ouvrés. 

Remarquons  enfin  que  la  purge  et  le  lissage  s'étendent 
rarement  à  l'opération  du  doublage  des  fils  qui  ont  déjà  reçu 
le  premier  tors  ou  apprêt  au  moulin ,  si  ce  n'est  pour  obliger 


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136  VT  JURY. 

ces  fils  à  conserver  une  parfaite  égalité  de  tension  dans  ce 
doublage,  égalité  sans  laquelle  le  fil  composé  éprouverait,  au 
moulin  du  deuxième  apprêt ,  de  fréquentes  ruptures  ou  des  ac- 
cidents nommés  traveîlaget.  Je  rappellerai  d'ailleurs  qu'aujour- 
d'hui comme  autrefois,  dans  le  doublage  des  fils  de  premier 
apprêt,  les  roquets  à  dévider,  d'environ  8  centimètres  de  dia- 
mètre sur  11  centimetres.de  longueur,  sont  placés  debout  et 
immobiles,  l'un  près  de  l'autre,  sur  la  saillie  antérieure  du 
banc  et  coiffés  d'un  rebord  bien  arrondi  en  bois  dur  ou  en 
métal  de  bronze  poli,  d'après  le  système  de  l'Anglais  Badnall, 
pour  favoriser  le  glissement  des  fils  simples  qui,  attirés  par  les 
roquelles  supérieures,  se  réunissent  au  travers  d'un  barbin  ap- 
proprié et  garni  pour  égaliser  la  tension,  et  de  là  s'envider  en 
arrière,  à  l'aide  du  va-et-vient  ordinaire.  Il  ne  faut  pas  oublier, 
non  plus,  que  le  dévidage  oblique  des  roquets  debout  s'opère 
ici  avec  d'autant  plus  de  facilité  que  le  fil  y  a  été  croisé  et 
distribué  avec  une  régularité  parfaite,  et  sous  une  forme  con- 
vexe, dans  l'opération  antérieure  du  tracanage. 

Qu'il  me  soit,  à  ce  sujet,  permis  de  témoigner  ici  le  regret 
de  n'avoir  vu  employer  dans  aucun  des  établissements  du 
Midi  l'ingénieux  distributeur  à  rouages  elliptiques  pour  lequel 
M.  Coron t  s'est  fait  breveter  en  i83a  ,  et  qui  a  reçu  ailleurs, 
sous  le  nom  de  bobinage  anglais,  d'utiles  applications,  mais 
dont,  tout  récemment,  on  a  cherché  chez  nous  à  reproduire 
les  effets  à  l'aide  d'un  appareil  économique  composé  de  bielles 
articulées  en  bois  et  de  roues  dentées  en  fer  munies  d'un 
bouton  d'excentrique.  Ce  système,  dont  il  me  serait  difficile 
de  donner  fine  plus  exacte  idée,  à  cause  de  sa  complication, 
fonctionne  notamment  avec  succès  dans  les  grands  ateliers  de 
'moulinage  et  de  tissage  de  MM.  Merle  frères,  près  Vienne, 
ainsi  que  dans  plusieurs  établissements  du  Gard  et  de  l'Ar- 
dèche ,  ou  il  est  exécuté  par  les  mêmes  menuisiers  mécaniciens 
qui  construisent  les  moulins  français  en  charpente.  Je  n'ai  pas 
moins  été  surpris  de  voir  que  l'on  ait  généralement  négligé, 
dans  nos  établissements,  les  moyens  par  lesquels  MM.  Tas- 
tevin,  Guilliny  et  Tranchât  avaient,  depuis  si  longtemps,  pro- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  137 

posé  d'éviter,  dans  les  doubloirs,  les  accidents  résultant  de 
l'inégalité  de  tension  des  fils, de  leur  rupture  même;  accidents 
presque  aussi  fâcheux  que  les  mariages  dans  le  tour  à  dévider 
les  cocons,  mais  que  M.  Barois,  d'Àlais,  a  su  toutefois  éviter 
par  un  procédé  aussi  simple  qu'ingénieux,  consistant  à  croiser 
deux  fois  les  fils  sur  eux-mêmes,  en  leur  faisant  traverser  la 
fourche  d'un  purgeoir  et  un  couple  de  barbins  dont  l'écarté- 
ment  est  tel  que,  quand  l'un  des  fils  casse,  l'autre  tombe,  etc. 

Avant  de  terminer  ce  qui  concerne  notre  système  de  filature 
des  grèges,  il  me  reste  à  faire  remarquer  que,  dans  tous  les 
ateliers  nouvellement  construits,  aucun,  à  ma  connaissance 
du  moins ,  n'est  établi  à  l'étage  supérieur  des  édifices,  spécia- 
lement réservé  à  l'étalage  des  cocons  :  d'une  part,  les  tours  à 
filer  sont  installés  sur  deux  rangs  dans  de  vastes  salles  géné- 
ralement élevées  au-dessus  du  terrain  environnant  et  isolées 
dans  le  pourtour  extérieur,  de  manière  à  être  parfaitement 
éclairées,  aérées  et  ventilées;  d'une  autre,  les  machines  à  dé- 
vider, à  tracaner,  doubler  et  tordre  sont  établies  dans  des 
salles  de  6  à  7  mètres  de  hauteur,  à  température  sensiblement 
constante,  suffisamment  humides  ou  fraîches,  et,  à  cette  fin, 
enfoncées  de  3  à  4  mètres  au-dessous  du  sol  naturel,  mais 
sur  entrevous  en  maçonnerie  dont  on  conçoit  parfaitement 
le  but  :  la  hauteur  de  ces  salles,  non  moins  vastes  que  les  pré- 
cédentes, a  pour  principal  objet,  sans  doute,  d'y  établir  une 
ventilation  facile  et  très-suffisante  par  la  partie  supérieure 
convenablement  pourvue  de  fenêtres,  de  galeries  servant  à 
exercer,  comme  du  haut  d'une  tribune,  une  surveillance  de 
tous  les  instants ,  d'autant  plus  efficace  qu'elle  a  lieu ,  de  la  part 
du  chef,  pour  ainsi  dire  à  l'improviste. 

Enfin,  grâce  à  une  très-longue  expérience  acquise  dans 
l'art  du  moulinage,  on  a  aujourd'hui  entièrement  renoncé  à 
grouper  les  bancs  de  tavelles,  de  part  et  d'autre  d'un  arbre 
central,  à  l'étage  supérieur  des  moulins,  selon  l'antique  usage 
du  Piémont,  non  plus  qu'à  les  ranger,  comme  il  en  est  en- 
core des  exemples  dans  des  établissements  à  la  vérité  déjà 
anciens,  le  long  d'une  espèce  de  balcon  ou  de  galerie  de  bi- 


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138  Vr  JURY. 

bliothèque  régnant  sur  le  pourtour  supérieur  de  la  salle  des 
moulins,  où  la  soie,  plongée  dans  un  air  sec,  chaud  et  sou- 
vent vicié  par  les  émanations  du  bas,  est  exposée  à  de  fré- 
quentes ruptures  et  à  une  détérioration  fâcheuse,  indépen- 
damment d'ailleurs  des  difficultés  qu'entraînait  avec  elle  une 
pareille  disposition  de  tavelles  sous  le  rapport  de  la  circu- 
lation et  de  la  surveillance  des  rattacheuses,  qui  d'ailleurs 
suffisent  généralement  à  vingt  tavelles  bien  établies. 

S  V.  —  État  comparé  des  machines  d'ouvraison  de  la  soie  en  France,  en 
Italie  et  en  Angleterre.  —  MM.  Michel,  L.  Chambon,  L.  Manchon,  Gaii- 
timy,  Coront,Le  Paym,  etc.,  en  France;  MM.  BadnaU,  LiUu  et  Fairbairn, 
Nêedham,  Neville%  etc.,  en  Angleterre. — Les  machines  en  fer  on  en  bois  : 
le  mécanicien  Durand,  de  Paris;  Vaacanson  et  D'Alembert ,""  Vandermonde 
et  Bossât,  RennU  père  et  Watt.  —  MM.  Davenport,  Frost,  Diepers  et 
Graff  à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

De  cet  examen  rapide  et,  je  le  sens,  beaucoup  trop  super- 
ficiel, il  semble  résulter  que  si  notre  industrie  sétifère  n'a 
point  encore  atteint,  dans  ses  procédés  mécaniques,  toute 
la  perfection  et  l'uniformité  désirables;  que  si  notamment,  à 
côté  d'établissements  très-avancés,  il  s'en  rencontre  d'autres, 
fort  considérables  d'ailleurs,  demeurés  en  arrière  des  progrès 
accomplis,  et  qui,  grâce  à  des  circonstances  locales  ou  com- 
merciales favorables,  prospèrent  malgré  des  négligences  im- 
pardonnables et  des  tâtonnements  ruineux  ou  peu  rationnels, 
néanmoins  cette  industrie  n'est  pas  trop  éloignée  de  l'époque 
où  elle  acquerra»  dans  chaque  spécialité,  ce  caractère  de 
fixité  et  d'universalité  que  l'on  remarque  notamment  dans 
les  principales  branches  de  la  filature  du  coton;  caractère 
qui,  pour  les  arts  mécaniques,  est,  en  effet,  le  signe  le  plus 
certain  des  progrès  accomplis. 

Laissant  toutefois  en  dehors  les  tentatives  faites  en  vue  de 
tirer  le  meilleur  parti  possible  des  soies  flottées  et  des  cocons 
qui  nous  arrivent  du  Levant  salis  ou  meurtris,  et  pour  les- 
quels le  dévidage  à  la  double  tavelle,  le  savonnage,  etc.,  au- 
raient peut-être  besoin  de  perfectionnements,  devenus  la 


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MACHINES  ET  OUTILS.  139 

préoccupation  essentielle  de  notre  époque,  grâce  à  l'insuffi- 
sance de  nos  magnaneries  nationales;  laissant  pareillement 
de  côté  les  procédés-  abréviatifs  pour  filer  directement  à  l'eau 
tiède,  à  la  vapeur,  au  vide,  sur  de  petites  tavelles  ou  de 
larges  bobines,  en  regagnant  le  temps  perdu  par  une  accélé- 
ration dans  le  doublage  et  les  moulinages  subséquents,  sys- 
tème auquel  les  plus  habiles,  notamment  M.  Chambon  fils, 
paraissent  successivement  renoncer,  au  moins  dans  cette  par- 
tie de  la  France,  TArdèche,  dont  on  ne  saurait  contester  la 
supériorité;  laissant,  dis-je ,  de  côté  ces  questions  d'avenir,  on 
ne  saurait  disconvenir  que  les  tours  à  la  Chambon,  tels  que 
les  exécute,  par  exemple ,  M.  Michel ,  de  Saint-Hippolyte,  et  les 
moulins  longs,  attribués  à  Vaucanson ,  en  arcs  de  cercle  accou- 
plés et  à  deux  vargues  hautes,  comme  l'entendent  RI.  Louis 
Blanchon  et  quelques  autres  mouliniers  avancés,  ne  s'écartent 
pas  trop  du  point  de  perfection  où  leur  usage  pourra  devenir 
à  peu  près  universel,  non-seulement  en  Franoe,  mais  aussi  dans 
l'Italie,  l'Espagne  et  l'Asie  mineure ,  où,  en  effet,  ce  genre  de 
machines  tend  de  plus  en  plus  à  se  répandre  et  à  se  substi- 
tuer aux  anciennes  et  lourdes  machines  piémontaises,  que 
Ton  ne  construit  plus  guère  même  dans  le  Piémont  et  la  Lom- 
bardie,  où  on  les  laisse  partout  mourir  de  leur  honorable  vé- 
tusté, pour  les  remplacer  par  de  moins  encombrantes,  moins 
coûteuses,  plus  légères  et  plus  parfaites  à  tous  égards. 

En  eflet,  on  peut  compter  que  dans  le  Piémont,  pays  si 
connu  pour  la  grandeur  des  établissements l  et  la  perfection 


1  II  n'est  pas  rare,  aujourd'hui,  de  rencontrer  dans  ce  riche  pays,  comme 
le  Milanais,  des  manufactures  de  180  à  aoo  bassines  et  de  so  à  3o 
mille  broches  ou  fuseaux,  marchant  au  moyen  de  moteurs  hydrauliques 
depuis  plusieurs  siècles,  ou  à  vapeur  depuis  un  assez  grand  nombre  d'an- 
ttées,  et  qui,  par  conséquent,  ne  méritent  pas  les  reproches  humanitaires 
et  passablement  ridicules,  mats  déjà  anciens  il  est  vrai,  farts  par  le  très-peu 
philosophe  auteur  de  la  Philosophie  du  manufactures,  à  l'occasion  de  quelques 
vieilles  machines  isolées  en  bois,  perdues  dans  les  campagnes,  ou  de  pauvres 
paysans  se  servaient  encore,  en  i836 ,  de  roues  à  marches  ou  à  cages  d'écu- 
reuils, qui  auront  sans  doute  disparu  depuis  lors,  mais  n'empêchent  nul- 


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140  vr  JURY. 

du  filage  ou  de  l'ouvraison  des  soies,  presque  tous  les  tours 
et  les  moulins  sont  établis  d'après  le  système  français,  tandis 
qu'en  Toscane,  dans  le  Milanais,  à  Naples,  en  Sicile,  pays 
un  peu  moins  avancés  peut-être,  il  existait  naguère  8  mou- 
lins ronds  sur  10  pour  le  premier  apprêt  et  1  sur  10  seule* 
ment  pour  le  deuxième;  proportions  qui  ne  tarderont  pas  à  se 
rapprocher  de  plus  en  plus  de  celle  qu'on  observe  en  France 
ou  dans  le  Piémont.  # 

Quant  aux  machines  anglaises,  en  fer  et  en  fonte,  è  ouvrer 
les  soies,  malgré  quelques  tentatives  isolées,  il  ne  parait  pas 
qu'on  ait  jusqu'ici  réussi,  pas  plus  en  Italie  et  à  Naples  même 
que  chez  nous,  à  les  substituer  avec  quelque  succès  à  celles 
dont  il  vient  d'être  parlé,  et  aux  plus  arriérées  desquelles  on 
ne  peut  guère  reprocher  que  de  marcher  encore  avec  une 
certaine  lenteur,  de  ne  point  être  établies  sur  un  plus  vaste 
ensemble  ou  échelle  de  fabrication ,  de  ne  point  faire  assez 
usage,  dans  la  machine  à  doubler  notamment,  de  casse-fils  et 
tendeurs,  de  moyens  de  régulariser  Tenvidage  sur  bobines  et 
d'égaliser  la  tension  des  fils  conjugués,  en  évitant  ainsi  les 
travellages  au  deuxième  tors  ou  apprêt,  dont  les  machines 
devraient  être  constamment  suivies  ou  accompagnées  de  comp- 
teurs de  tours  ou  de  livraisons;  compteurs  qui  ne  manquent 
pas  certes  en  France,  mais  qui  y  seraient  plus  généralement 
employés  encore  si  le  commerce  l'exigeait  et  le  payait,  ou 
s'il  cessait  d'exister  des  intermédiaires,  actuellement  obligés, 
entre  le  fabricant  d'étoffes  et  le  filateur.  Gomme  on  a  dû  s'en 
apercevoir  d'ailleurs,  il  ne  serait  pas  nécessaire  de  recou- 
rir aux  machines  anglaises,  qui,  au  contraire,  ont  beaucoup 
emprunté  aux  nôtres,  ne  serait-ce  que  l'ingénieux  mécanisme 
imaginé  en  i832  par  M.  Coron t  pour  enrouler,  à  l'aide  d'en- 

lement  que  les  grandes  manufactures  de  l'Italie  n'aient  servi  autrefois  de 
modèles  aux  factoreries  anglaises,  notamment  aux  water-framt,  etc.  Il  n'est 
pas  vrai  non  plus,  ainsi  que  le  démontre  l'analyse  précédente  des  breveta, 
que  les  manufactures  de  soie  en  France  soient  redevables  de  la  plupart  de 
leurs  perfectionnements  aux  autres  pays,  l'Angleterre  sans  aucun  doute» 
etc.,  etc.  (T.  I,  p.  38 k,  399,  de  l'édition  française.) 


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MACHINES  ET  OUTILS.  141 

grenages  elliptiques  et  excentriques,  le  fil  eo  zigzags  croisé» 
sur  âes  bobioes  creuses  d'abord,  puis  bientôt  renflées. 

Que  de  i83o  à  i838,  époque  où  l'Angleterre  s'empressa 
plus  particulièrement,  selon  le  docteur  Ure  \  d'améliorer,  de 
réformer  ses  anciennes  machines  en  bois ,  copiées  du  Piémont, 
et  jusque-là  si  peu  perfectionnées  ou  profitables  à  l'industrie 
delà  Grande-Bretagne  malgré  des  prohibitions  absolues,  que, 
dis-je,  MM.  Lillie  et  Peter  Fairbairn,  de  Leeds,  célèbres  cons- 
tructeurs de  machines  à  filer  le  coton,  aient  jugé  convenable 
de  substituer  le  fer  et  la  fonte  au  bois  dans  les  machines  à 
filer  la  soie,  en  se  rapprochant  le  plus  possible  du  système 
de  construction  dès  lors  suivi  pour  les  métiers  à  filer  continus, 
il  n'y  a  rien  là  qui  doive  surprendre,  surtout  si ,  en  en  faisant 
application  aux  grèges,  ces  mécaniciens  ont  su  mettre  à  profit 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  parfait  à  l'époque  et  de  mieux  appro- 
prié aux  qualités  spéciales  de  la  substance.  Mais  jusqu'à  quel 
point  le  but  se  trouve-t-il  rempli  dans  les  machines  si  fort  pré- 
conisées par  le  docteur  Ure,  d'abord  en  i836 ,  dans  sa  Philo- 
sophie des  manufactures,  puis  en  i843,  dans  son  Dictionnaire 
anglais,  plus  tard  traduit  et  imité  chez  nous?  Jusqu'à  quel 
point  surtout  MM.  Lillie  et  P.  Fairbairn  ont-ils  réussi  à  sur- 
passer nos  propres  machines  à  ouvrer  la  soie,  je  ne  dis  pas 
sous  le  rapport  de  l'exécution  matérielle,  ce  qui  ne  peut  être 
mis  en  question  par  personne;  je  ne  dis  pas  non  plus  au  point 
de  vue  de  la  nouveauté  des  combinaisons  mécaniques,  qu'on 
y  chercherait  vainement  ;  mais  bien  sous  celui  des  avantages 
pratiques  et  du  perfectionnement  de  ces  combinaisons,  c'est- 
à-dire  de  leur  spéciale  appropriation  au  but  à  remplir? 

Voilà  ce  qu'il  paraît  difficile  de  décider  ou  de  concéder  à 
priori,  tout  en  accordant  volontiers  que,  sauf  un  accroisse- 
ment de  gêne  et  de  fatigue  pour  les  rattacheuses,  le  double 
rang  de  tavelles  sur  un  même  banc  avec  planche  de  garde 
puisse  amener  une  économie  en  espace  et  en  rouages  de  trans- 
mission ;  qu'il  en  est  ainsi  également  des  continues  droites  à 

•    '  Dictionnaire  anglais  des  arts  et  manufactures,  p.  1  io5. 


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142  Vf  JURY. 

faces  verticales  doubles ,  parallèles  et  à  double  étage  de  vargues  ; 
disposition  imitée  de  celle  qu'avait  autrefois  adoptée  Vau- 
canson ,  sauf  que  les  fuseaux,  munis  d'ailettes  à  deux  branches 
renversées,  y  sont  conduits  par  de  longs  tambours  horizontaux 
en  zinc,  ayant  pour  moteur  un  système  d'engrenages  à  roues 
de  rechange  pour  le  changement  du  tors,  et  faisant  marcher 
isolément  des  cordons  sans  fin  passés  dans  les  noix  évidées 
des  broches,  sujettes  à  des  pressions,  à  des  frottements,  à  des 
glissements  variables,  par  conséquent  aussi  à  des  inégalités  de 
vitesse;  tout  en  accordant,  si  Ton  veut  encore,  que  1  accélé- 
ration dans  le  mouvement  rotatoire  des  bobines  ou  fuseaux, 
portée  ici  de  3  à  A  mille  tours  par  minute,  soit  un  avantage 
réel  sous-  le  rapport  de  l'accroissement  même  des  produits 
pour  une  dépense  donnée  de  force  motrice,  de  temps  et  de 
frais  généraux  de  fabrication.  Il  est  évident,  en  effet,  que  ce 
sont  là  des  avantages  très-précieux,  trop  rares  peut-être  dans 
certaines  de  nos  machines;  mais,  au  fond  et  malgré  toute  leur 
importance ,  ils  ne  suffisent  pas  pour  trancher  la  question  re- 
lative à  la  qualité,  à  la  supériorité,  ni  même,  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  au  bon  marché  absolu  ou  comparé  des  produits, 
c'est-à-dire ,  eu  égard  au  prix,  à  la  valeur  effective  de  la  mar- 
chandise ouvrée. 

Tout  le  monde  sait,  au  surplus,  que  nos  habiles  rivaux,  si 
supérieurs  au  point  de  vue  de  leur  immense  commerce  ma- 
ritime, se  contentent  ici,  comme  ailleurs,  de  produits  obtenus 
en  grande  masse,  il  est  vrai,  mais  généralement  médiocres 
et  d'un  facile  débit,  en  s'adressant,  à  cet  effet,  plus  particuliè- 
rement aux  soies  de  la  Perse  et  de  llnde,  qu'ils  soumettent, 
comme  cela  a  déjà  été  dit,  à  des  opérations  et  savonnages  gé- 
latineux appropriés,  tandis  qu'ils  s'adressent  à  l'Italie  et  à  la 
France  pour  les  trames  et  organsins  qui  doivent  entrer  dans 
la  fabrication  des  tissus  les  plus  beaux  et  les  plus  riches. 

Je  n'attribuerai  pas,  avec  quelques  personnes,  les  motifs 
pour  lesquels  nos  industrieux  filateurs  de  soie  et  -ceux  de 
l'Italie  ont  constamment  repoussé  l'introduction  des  machines 
anglaises  dans  leurs  magnifiques  ateliers,  où  rien  certes  n'est 


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MÀCHBŒS  ET  OUTILS.  143 

épargné,  soit  à  la  prétendue  cherté  de  ces  machines,  soit  à  la 
crainte  de  voir  les  belles  soies  du  Midi  entachées  par  les  éma- 
nations et  oxydations  qui  s* exhalent  dn  fer  ou  de  la  fonte;  je 
les  attribuerai  encore  moins  à  l'esprit  de  routine,  à  l'exiguïté 
des  locaux  actuels,  sinon  en  hauteur,  du  moins  en  dimensions 
horizontales,  ni  aux  habitudes  acquises  par  les  ouvrières  mon* 
tant  sur  les  échelles,  ni  même  à  la  nécessité  d'aérer,  ventiler, 
rafraîchir  d'une  manière  toute  particulière,  ces  mêmes  éta- 
blissements ou  ateliers  ;  je  me  contenterai  de  faire  remarquer 
qu'en  vue^de  réduire  autant  que  possible  le  coût,  des  ma- 
chines anglaises,  notamment  celles  qui  ont  trait  aux  apprêts 
du  premier  et  du  deuxième  degré,  on  les  a  privées  des  plus 
délicats  organes  qu'on  aperçoit  plus  particulièrement  dans  les 
bancs  à  broches  modernes,  pour  assurer  l'uniformité  de  l'en- 
roulement et  le  tors  des  fils,  tant  recommandés  aux  mouliniers 
de  France  par  leur  illustre  maître  Vaucanson.  Enfin,  il  ne 
faut  pas  oublier  que  les  inégalités  du  tirage  des  fils  entre  les 
roquelles  supérieures,  les  ailettes  et  les  fuseaux  ou  bobines 
inférieures,  que  ne  corrige  peut-être  pas  assez  dans  lés  ma- 
chines de  Fairbairn  et  Lillie  une  certaine  liberté  de  jeu  ou 
d'action  des  ressorts  élastiques;  il  ne  faut  pas  oublier,  disje, 
que  ces  inégalités,  si  fâcheuses  pour  la  beauté  et  l'uniformité 
des  apprêts,  jointes  à  l'expéditif  emploi ,  dans  les  opérations 
précédentes,  de  purgeoirs  en  lames  d'acier  et  en  verre  paral- 
lèles, de  frottoirs  métalliques  polis,  etc.,  bien  qu'ils  ne  se 
reproduisent  qu'une  fois,  à  rencontre  de  ce  qui  arrive  dans 
nos  propres  machines,  n'en  doivent  pas  moins  tendre  à  pro- 
duire dans  les  fils  des  énervations,  des  ruptures,  sources  de 
déchets  que  des  mécanismes  à  bascule  d'embrayage  ou  à  cou- 
page sauraient  d'autant  inoins  prévenir  que  les  nœuds  répé- 
tés sont  très-nuisibles  à  la  beauté  des  tissus,  et  obligent  de 
ralentir  considérablement  le  jeu  des  tavelles  et  des  bobines 
d'enroulement. 

En  un  mot,  il  est  à  supposer  que  les  mécaniciens  anglais, 
si  habiles  dans  l'emploi  du  fer  et  de  la  fonte ,  se  sont  trop  hâtés , 
dans  l'origine,  d'arrêter,  d'immobiliser,  €n  quelque  sorte,  leur 


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144  VI-  JURY. 

système  de  construction  des  machines  à  mouliner  la  soie,  et  fl 
sera  prudent  de  procéder  à  la  transformation  de  nos  propres 
machines  d'ouvraison  avec  la  lenteur  et  la  maturité  néces- 
saires, comme  on  Ta  fait  pour  le  tour  même  à  tirer  les  cocons. 
Que  si,  d'ailleurs,  ces  diverses  observations,  celles  surtout  qui 
sont  relatives  aux  moulins  à  organsiner,  n'étaient  fondées  en 
principe,  comment,  je  le  répète,  s'expliquer  que  les  machines 
ovales  françaises,  pour  ainsi  dire  entièrement  construites  en 
bois,  se  soient  propagées,  non  pas  seulement  en  France  et  en 
Italie,  mais  bien,  si  je  n'ai  point  été  induit  en  erreur,  dans 
plusieurs  des  localités  du  midi  de  l'Angleterre? 

A  l'égard  de  la  différence  qui,  indépendamment  du  bon 
marché,  peut  exister  entre  une  machine  en  bois  et  une  en- 
tièrement construite  en  fer  et  en  fonte,  je  ne  dis  pas  quant  à  la 
charpente  ou  au  bâti ,  dont  l'établissement  en  matières  rigides 
est,  sans  aucun  doute,  avantageuse  à  la  durée  et  à  la  stabilité, 
mais  bien  quant  aux  rouages  dentés  et  aux  principaux  organes 
du  mouvement,  il  ne  sera  peut-être  pas  inutile,  au  point  de 
vue  historique,  de  rappeler  ici  la  discussion  très-vive  qui,  en 
1776,  s'est  élevée  dans  le  sein  de  l'Académie  des  sciences1 
entre  Vaucanson,  ayant  pour  interprète  l'illustre  D'Alembert, 
et  Vandermonde ,  qui ,  dans  un  rapport  sur  lès  moulins  à 
manège  et  à  eau  du  mécanicien  Durand ,  de  Paris,  avait  forte- 
ment approuvé  la  tentative  d'introduire  la  fonte  moulée  dans 
la  construction  des  diverses  roues  d'engrenage,  dont,  à  cette 
époque  même,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  l'usage  commençait  à  se 
propager  dans  les  moulins  et  les  filatures  de  l'Angleterre.  Or, 
tout  en  reconnaissant  le  mérite  inhérent  à  la  découverte  du 
mécanisme  à  déclic  et  à  liberté  de  recul  appliqué  par  l'ingé- 
nieur Durand  aux  moulins  à  manège,  pour  permettre  à  l'a- 
nimal de  se  reposer  sans  être  entraîné  par  l'équipage  de  la 
meule  volante,  Vaucanson,  en  donnant  sans  restrictions  des 
éloges  à  cette  simple  et  ingénieuse  combinaison ,  la  même  sans 
doute  qui  a  été  mentionnée,  sans  nom  d'auteur,  à  la  p.  576 , 

1  Séances  des  3,  5  et  17  juin  1776. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  *  145 

de  la  première  Partie,  Vaucanson,  dis -je,  fait  de  spécieuses 
et  graves  réserves  à  l'égard  du  système  de  rouages  en  fer  mis\ 
en  œuvre  par  l'auteur,  qu'il  ne  croit  pas  propre  à  atteindre 
convenablement  le  but,  faute  de  fonte  appropriée  et  d'outils 
mécaniques  capables  de  tailler  les  dents  de  semblables  pièces 
avec  la  précision  indispensable.  A  ce  sujet,  Vaucanson  n'hé- 
site pas  à  invoquer  la  vieille  expérience  qu'il  avait  acquise 
dans  l'établissement  des  machines  à  mouliner  la  soie1,  où  le 
défaut  absolu  de  flexibilité  des  organes  du  mouvement,  aggravé 
par  les  difficultés  matérielles  de  l'exécution,  l'avait  toujours 
contraint  de  revenir  aux  anciens  engrenages  en  bois. 

H  est  évident  qu'aujourd'hui ,  avec  nos  machines-outils,  nos 
procédés  de  division  ou  de  taille  si  rapides  et  si  précis ,  mais 
surtout  grâce  à  l'emploi  des  dents  en  bois  opposées  à  d'autres 
en  fonte  douce,  suivant  le  système  de  Rennie  et  de  Watt, 
on  ne  court  pas  à  beaucoup  près  les  mêmes  risques,  quoi- 
qu'ils existent  cependant  encore  à  un  degré  assez  prononcé 
pour  avoir  motivé  en  beaucoup  de  cas,  comme  on  en  a  eu 
des  exemples  dans  la  première  Partie  (Sections  I  et  IV),  le 
remplacement  des  engrenages  par  des  courroies,  même  dans 
de  très-puissantes  machines  où  tous  les  mouvements  doivent 
s'accomplir  avec  une  uniformité ,  pour  ainsi  dire ,  parfaite.  Car 
on  sait  assez  que  Jes  courroies,  grâce  à  leur  roideur,  à  leur 
extrême  tension,  aux  frottements  et  au  jeu  qu'elles  font  naître 
sur  les  articulations  ou  appuis,  sont  loin  d'offrir  une  supério- 
rité d'avantages,  au  point  de  vue  mécanique,  sur  des  engre- 
nages bien  exécutés  et  à  dentures  suffisamment  multipliées;  ce 
qui,  joint  à  la  propriété  même  que  les  engrenages  possèdent, 

1  U  cite  également  l'exemple  (Tune  grande  machine  à  filer  le  coton 
établie  dans  le  faubourg  Saint-Antoine- à  Paris,  et  dont  les  rouages  en  fer 
forent  avantageusement  remplacés  par  d'autres  entièrement  en  bois.  Vau- 
canson ajoute  que  les  grandes  roues  sont  préférables  aux  petites,  et  que, 
clans  les  machines  où  les  résistances  sont  divisibles,  on  doit,  autant  qu'il  est 
possible,  diviser  pareillement  la  puissance;  ce  qui  n'est  que  relativement 
exact  en  pratique  ou  en  théorie,  et  s'éloigne  d'ailleurs  beaucoup  du  système 
de  construction  généralement  adopté  de  nos  jours. 

Yl*  JOnt.  —  2*  PARTIE.  1 0 


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14G  Vr  JURY. 

de  céder  difficilement  aux  chocs  et  aux  secousses  accidentelles, 
fait,  suivant  une  précédente  remarque  sur  laquelle  j'aurai  à 
revenir  d'une  manière  encore  plus  spéciale  dans  la  Section 
suivante,  qu'on  les  a  préférés,  pour  la  conduite  des  broches 
des  machines  à  filer  le  coton,  aux  chaînes  de  Vaucanson  et 
aux  cordonnets  sans  fin  que  Le  Payen ,  de  Metz ,  y  avait  subs- 
titués dès  1765  ou  1766.  Quant  à  appliquer  directement  les 
engrenages  aux  broches  des  moulins  à,organsiner,  on  ne  sau- 
rait jusqu'à  présent  y  songer. 

La  facilité  et  l'empressement  avec  lesquels  nous  avons  géné- 
ralement admis  ou  imité,  depuis  1784»  les  machines  anglaises 
en  fer  ou  en  fonte,  mais  plus  particulièrement  celles  à  filer  le 
coton,  fussent- elles  médiocrement  bonnes,  cette  facilité  qui 
s'est  fait  remarquer  tout  aussi  bien  dans  le  midi  que  dans  le 
nord  dé  la  France,  prouve  assez  que  si,  malgré  les  encourage- 
ments et  les  excitations  des  admirateurs  exclusifs  de  l'industrie 
britannique,  nous  n'avons  pas  suivi  la  même  impulsion  à 
l'égard  des  machines  à  ouvrer  les  grèges,  c'est  qu'il  existait, 
pour  s'abstenir,  des  motifs  sérieux  tenant  aux  qualités  phy- 
siques et  toutes  spéciales  de  la  matière,  tout  à  la  fois  continue, 
tenace,  extensible  et  contractile;  motifs  sur  lesquels  j'ai  assez 
insisté  pour  n'y  point  revenir.  Je  me  bornerai  donc  à  faire 
observer  ici  que  l'introduction  définitive  du  fer  et  de  la  fonte 
dans  les  machines  à  mouliner  la  soie  réclamerait  une  exécu- 
tion parfaite  et  l'adjonction  de  tous  les  artifices  ou  procédés 
mécaniques  qui  peuvent  servir  à  corriger  les  inconvénients 
résultant  du  manque  de  ressorts,  de  la  rigidité  même  des 
différents  organes  de  mouvements  et  de  transmission  de  la 
force  motrice  aux  broches. 

Quant  aux  tentatives  faites,  soit  en  France,  soit  en  Angle- 
terre ,  pour  activer  davantage  encore  le  moulinage  des  grégesren 
accomplissant  simultanément  les  opérations  du  premier  tors, 
du  doublage  et  du  deuxième  tors  dans  une  même  machine, 
tentatives  dont  j'ai  rendu  un  compte  détaillé  dans  les  derniers 
paragraphes  du  chapitre  II  de  cette  Section ,  il  ne  semble  pas 
qu'elles  aient  obtenu  aucun  succès  durable,  malgré  les  sim- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  147 

plifications  et  perfectionnements  apportés  à  sa  première  ma- 
chine par  M.  William  Needham,  de  Manchester,  dans  une 
autre  nouvelle  patente  du  3i  mai  18381,  malgré  même  les 
ingénieuses,  sinon  nouvelles,  combinaisons  adoptées  par  l'in* 
génieur  anglais  Neville -Nash  dans  un  brevet  d'importation 
en  France  du  28  mai  de  la  même  année,  et  qui  a  obtenu  un 
certain  retentissement  par  les  éloges  et  la  récompense  que  la 
Société  d'encouragement  de  Paris  lui  a  décernés  en  i84o, 
sur  le  rapport  de  M.  Calla  fils  *.  En  effet,  il  ne  paraît  pas  que 
depuis  cette  époque,  où  la  machine  de  M.  Neville  était  en 
construction  sur  une  fort  grande  échelle  dans  l'un  des  éta- 
blissements de  Turin,  ce  système  de  continues,  à  couple  de 
broches  douées  de  mouvements  excentriques  avec  ou  sans 
engrenages,  et  qui  est  proprement  le  reflet  des  idées  émises  par 
MM.Tastevin,  Guilliny,  Coront,  Badnall,  etc.,  ait  parfaitement 
réussi;  car  il  a,  comme  celui  de  M.  Needham,  le  défaut 
grave  d'être,  par  la  complication,  la  délicatesse  des  organes 
essentiels ,  d'un  maniement  difficile  et  d'un  prix  relativement 
élevé,  outre  qu'il  repose  sur  des  conditions  théoriques  peu 
applicables  à  la  nature  particulière  de  la  soie  longue. 

Enfin,  il  est  à  remarquer  que ,  à  l'Exposition  de  Londres  de 
i85i,  la  riche  et  complète  collection  de  M.  Davenport,  de 
Derby,  en  machines  fonctionnant  et  destinées  à  montrer  le 
système  douv  raison  des  soies  alors  en  usage  en  Angleterre;  * 
i(ue  cette  collection,  où  figure  à  profusion  le  bois  poli  d'aca- 
jou, etc.,  ne  contenait  aucun  des  moyens  mécaniques  expé- 
ditife  mentionnés  en  dernier  lieu,  mais  bien  une  succession 
de  bancs  de  tavelles,  de  purgeoirs,  de  doubloirs  et  de  mou- 
lins automates  qui,  sauf  l'excellence  de  leur  construction, 
différaient  assez  peu  du  système  de  construction  primitive- 
ment adopté  par  MM.  Lillie  et  Fairbairn ,  tel  qu'il  se  trouve 
décrit  dans  les  ouvrages  du  docteur  Ure,  etc. 

1  Elle  a  été  publiée  arec  figures  dans  le  Repertory  of  paient  inventions, 
t.  XL,  p.  89,  sous  le  nom  assez  impropre  de  silk-worm,  puisque,  si  je  ne 
me  trompe,  il  ne  s'agissait  là  nullement  du  filage  ou  tirage  des  cocons. 

*  T.  XXXIV  du  Bulletin,  p.  161,  3o3  et  4i8.    ' 


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148  VP  JURY. 

Les  quelques  machines  ou  modèles  qui  ont  valu  à  M,  Frostr 
de  Macclesfield,  la  médaille  de  prix,  également  accordée  à 
M.  Davenport,  de  Derby,  présentaient  seuls  des  modifications 
essentielles,  dont  les  unes  concernent  la  réduction  de  l'espace 
occupé  par  les  tavelles,  les  purgeoirs,  les  broches  et  bobines; 
les  autres,  une  ingénieuse  et  simple  disposition  de  machines 
à  doubler  et  à  tordre  en  même  temps  les  grèges.  Dans  cette 
disposition,  en  effet,  les  fils  simples  sont  respectivement  en- 
roulés sur  des  bobines  verticales  accouplées  et  dont  les  bro- 
ches, surmontées  à  l'ordinaire  d'une  ailette  à  barbin ,  sont 
mises  simultanément  en  action  par  une  bande  sans  fin  agis- 
sant sur  la  convexité  de  leurs  noix;  ces  mêmes  fils,  toujours 
isolés,  communiquent,  par  un  renvoi  de  poulies  supérieures, 
avec  la  circonférence  d'une  grosse  roquelle  d'enroulement ,  pré- 
cédée d'un  barbin  réunisseur  à  va-et-vient,  et  reposant  libre- 
ment, en  vertu  de  son  poids,  sur  un  rouleau  moteur  garni  de 
drçp  et  à  rotation  uniforme ,  d'après  le  principe  d'égalisation 
du  tors  dont  il  a  souvent  été  parlé  dans  les  chap.  I  et  II  de  la 
présente  Section. 

Toutefois,  il  est  essentiel  de  remarquer  ici,  non-seulement 
que  l'égalité  même  de  tension  et  de  tirage  est  assurée  dans  les 
deux  fils  soutenant,  à  cet  effet,  de  petits  poids  librement  sus- 
pendus à  leurs  branches  horizontales  respectives,  mais  encore 
que  l'appareil  est  muni  d'une  bascule  à  contre-poids  d'équi- 
libre ou  d'arrêt  qui,  par  son  basculement,  suspend  instanta- 
nément la  rotation  du  rouleau  moteur,  quand  l'un  des  brins 
horizontaux  et  supérieurs  des  fils,  déjà  tordus  au  sortir  des 
broches,  venant  à  rompre,  son  petit  poids  de  suspension 
tombe  brusquement  sur  l'une  des  branches  de  la  bascule  r 
où  il  pèse  aussi  en  cas  de  relâchement  trop  considérable  de 
ce  fil,  dû  à  un  vrillage,  à  un  embarras  quelconque  sur  la 
broche  ou  bobine  de'  déroulement  correspondante.  Cette 
disposition ,  qui  rappelle  également  quelques-unes  de  celles 
dont  nous  nous  sommes  déjà  précédemment  occupés,  a  cela 
d'avantageux  d'ailleurs,  qu'elle  n'entraîne  aucunement  la  sus- 
pension entière  de  la  machine,  attendu  que  le  rouleau  mo~ 


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MACHINES  ET  OUTILS.  149 

leur  porte  un  rochet  denté,  à  frein  ou  frottement  réglé  par 
un  ressort,  muni  de  vis  de  pression;  rochet  contre  les  dents 
•duquel  s'opère  le  bùtement,  en  dessous,  de  la  branche  oppo- 
sée de  la  bascule. 

J'ai  déjà  fait  observer,  dans  le  cours  de  cette  Section ,  qu'au- 
cune machine  française  à  mouliner  la  soie  n'avait  été  of- 
ferte à  l'Exposition  universelle  de  Londres  ;  j'ajouterai  que 
l'Italie  elle-même,  si  riche  en  machines  de  cette  espèce ,  a  été 
absente,  et  que  l'Allemagne,  seule,  s'est  trouvée  représentée, 
pour  une  machine  à  tracaner  ou  dévider  les  fils,  par  M.  T.-H. 
Diepers,  de  Grefeld,  tandis  que  la  Russie  l'a  été  par  M.  H. 
Graff,  pour  un  appareil  à  filer  directement,  c'est-à-dire  auto- 
matiquement, les  cocons  à  l'eau  chaude;  genre  de  machines 
-qui  a  été  aussi  nouvellement  tenté  en  Angleterre,  mais  proba- 
blement sans  chance  sérieuse  de  succès  pour  les  belles  quali- 
tés de  grèges,  dont  avant  tout,  comme  on  l'a  vu,  il  convient 
«d'éviter  le  vitrage,  la  collure  sur  les  asples,  bobines  ou  can- 
nettes  ordinairement  mis  en  usage  dans  cette  espèce  particu- 
lière de  filage  ou  dévidage  des  cocons. 


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150  VP  JURY. 

1P  SECTION. 
MACHINES  SERVANT  A  FILER, 

PEIGMB,  TI1LLBR  LE  LIN,  LE  CHANVRE  ET  LES  SUBSTANCES 
DE  CONTEXTORE  ANALOGUE  '. 

L'ordre  logique  et  naturel  semblerait  exiger  que  nous  com- 
mençassions cette  Section  par  l'exposé  des  principales  décou- 
vertes relatives  au  teillage  et  au  peignage  mécaniques  du  lin 
et  du  chanvre,  puisque  ces  opérations  constituent  le  point  de 
départ  nécessaire  du  filage  proprement  dit  de  ces  substances; 
mais»  ainsi  que  j'en  ai  déjà  fait  la  remarque  générale,  les  ma- 
chines de  préparation  sont  précisément  aussi  celles  qui  ont 
été  les  dernières  à  atteindre  le  degré  de  perfection  réclamé 
par  les  progrès  incessants  du  filage  et  du  tissage,  et  c'est  pour- 
quoi on  ne  devra  pas  être  surpris  que  j'aie  renvoyé  à  un  der- 
nier paragraphe  ce  qui  concerne  en  particulier  l'opération  du 
teillage,  qui  jusque  dans  ces  derniers  temps,  en  effet,  était 
presque  entièrement  exécutée  à  la  main,  avec  des  instruments 
privés  en  quelque  sorte  de  tout  caractère  automatique,  tandis 
que,  pour  ne  pas  trop  interrompre  l'enchaînement  des  idées 
historiques,  j'expose  dans  leur  ordre  de  découverte  les  don- 
nées relatives  aux  machines  à  peigner,  dont  le  perfectionne- 
ment a  suivi  de  beaucoup  plus  près  celui  des  machines  à  étirer 
et  tordre  la  filasse  du  lin  et  du  chanvre,  amenée  à  divers 
degrés  de  finesse,  mais  qui  de  longtemps,  néanmoins,  ne 

1  Cette  portion  du  Rapport  a  été  lue,  au  printemps  de  i85a ,  à  la  Com- 
mission française  de  1'Eiposition  universelle  de  Londres;  le  manuscrit  en 
a  été  communiqué  postérieurement  à  MM.  les  rapporteurs  du  Conseil  d'État 
et  du  Sénat,  à  l'occasion  du  projet  de  loi  relatif  à  la  récompense  nationale- 
décernée  à  la  famille  de  Philippe  de  Girard  :  l'étendue,  la  variété  et  Tordre 
des  matières  à  traiter  dans  la  première  et  la  deuxième  partie  de  ce  Rapport 
ayant  retardé  de  plus  de  quatre  ans  la  publication  de  Y  ensemble,  je  crois 
devoir  déclarer  que  la  Section  relative  aux  machines  à  travailler  le  lin  et  le 
chanvre,  telle  qu'elle  se  trouve  imprimée  ici  jusqu'au  chapitre  IV,  est  en 
tous  points  conforme  au  texte  manuscrit  lu  et  adopté  en  i 85  a. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  151 

saurait  par  les  machines  atteindre  la  perfection  que  savent  lui 
donner  à  la  main  les  habiles  peigneurs  de  nos  départements 
du  nord  pour  la  préparation  des  fils  destinés  à  la  confection 
des  plus  beaux  tissus  de  batiste. 

CHAPITRE  1". 

ÉTAT  DE  LA  FJLATÔEB  MBCAMQUE  DO  UN  ET  DO  CBANVHE  AVANT  ET  JUSQU*À 
'  L'EPOQOE  DE  l8l5. 


S  I*.  —  Tentatives  diverses  et  antérieures  an  concours  ouvert  par  Napo- 
léon F*  en  1810  :  conversion  de  la  filasse  en  matières  cotonneuses,  par 
MM.  BerthoUet,  Clays,  Molard  et  Bauwens,  d'une  part,  et  par  MM.  Billion, 
Bomien  frères,  Lebrun,  etc.,  d'une  autre.  —  Machines  à  filer  le  lin  et  les 
étoupes,  par  MM.  Demaurey,  Delajontaine,  W.  Bobinson,  Basby,  Alphonse 
Leroy,  G.  Munier,  /.  Madden  et  Patrick  Onéal,  etc.,  à  Paris;  opinion  de 
M.  Bardd  sur  les  produits  de  ces  machines. 

La  France,  séparée  de  ses  colonies  dès  avant  le  commence- 
ment de  ce  siècle,  soumise  depuis  la  rupture  de  la  paix  d'Amiens 
à  un  blocus  continental  rigoureux,  qui  ne  lui  permettait  de 
recevoir  du  dehors  qu'une  bien  faible  portion  du  coton  né* 
cessaire  à  l'alimentation  de  ses  manufactures  et  aux  besoins 
de  ses  populations;  la  France,  qui  possédait  alors  un  système 
de  filature  du  coton  relativement  étendu  et  perfectionné  \  a 

1  Voyes  le  Rapport  fait  en  l'an  u  (i8o3),  an  ministre  de  l'intérieur,  par 
le  Jury  du  concours  établi  pour  la  construction  des  meilleures  machines  à 
carder  et  à  filer  le  coton ,  composé  de  MM.  Bardel ,  Conté ,  Molard ,  Lancelvé , 
Corné  et  Bellangé;  Rapport  dans  lequel  sont  mentionnés  les  efforts  oui  à 
dater  de  1784,  où  MM.  Martin  et  Milne  introduisirent  chei  nous,  commo 
on  Ta  vu ,  les  premières  mule-jennys,  ont  été  faits  successivement,  d'abord , 
avant  le  concours,  par  MM.  Décretot ,  Boyer-Fonfrede  (sans  doute  C.  Albert  ), 
Morgham  et  Massey,  Pickfort,  François  et  Lieven-Bauwens,  afin  de  doter 
le  pays  de  la  série  entière  des  machines  inventées  ou  perfectionnées  en 
Angleterre  pour  la  filature  du  coton;  puis,  et  plus  spécialement  en  vue 
de  concourir  an  prix,  par  les  mécaniciens  Bramwells,  Pohecheim,  Milne, 
Calla ,  enfin  Lieven-Bauwens  et  James  Farrar,  dont  les  machines  ont  obtenu 
la  préférence  sur  celles  de  leurs  concurrents.  Dans  le  texte  du  Rapport, 
inséré  au  t  III,  p.  137,  du  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement,  on  lit 
maîe-jenny  et  non  pas  mnll-jenny,  comme  on  fa  mal  à  propos  écrit  posté~ 


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152  VT  JURY. 

dû  naturellement  être  l'une  des  premières  à  se  jeter  dans  la 
voie  des  tentatives  pour  approprier  le  système  automatique 
de  cette  filature  à  la  transformation  des  longues  fibres  du  lin, 
du  chanvre  et  de  leurs  étoupes  en  fils  plus  ou  moins  parfaits. 
De  là  les  essais  de  l'illustre  Berthollet,  de  Clays,  de  Molard 
et  de  Bauwens  entrepris  à  Paris,  dès  Fan  vm  (1B00),  pour 
transformer  ces  matières  textiles  en  produits  analogues  à  ceux 
que  présente  le  coton l  ;  essais  qui  avaient  été  précédés  et 
furent  suivis  de  beaucoup  d'autres,  où  ces  précieuses  matières, 
lacérées  par  petits  bouts,  maillées  et  réduites  à  l'état  coton- 
neux, étaient  soumises  à  un  véritable  cardage,  et  présentées 
ensuite  aux  machines  à  filer  ordinaires,  qui  les  transformaient 
en  fils  grossiers  du  n*  10  ou  12  au  plus,  et  dont  les  courts 
éléments  juxtaposés  composaient  un  tout  sans  liaison  néces- 
saire, si  ce  n'est  celle  que  lui  donnaient  le  tors  et  le  frotte- 
ment mutuel  des  parties. 

Tel  était  notamment  l'objet  des  brevets  accordés  en  1799, 
1807  et  1808 »  à  MM.  Billion,  Romieu  frères  et  Lebrun,  à 
Paris,  pour  des  procédés  propres  à  donner  au  lin  et  au  chanvre 
l'apparence  de  la  soie  et  du  coton;  procédés  qui  n'ont  point 
été  ignorés  dans  la  Grande-Bretagne,  notamment  en  Ecosse, 
où  d'ailleurs  on  filait  dans  les  plus  bas  numéros  le  lin  et  le 
chanvre,  à  sec  et  dans  toute  la  longueur,  dès  les  dernières  années 
du  xviii9  siècle;  procédés  enfin  que  les  échantillons  exposés 
en  dernier  lieu  par  M.  Claussen,  à  Londres,  sembleraient  de- 
voir faire  revivre  avec  tous  les  perfectionnements  que  com- 
porte l'état  actuel  de  l'industrie  et  de  la  science.  Si,  d'autre 
part,  on  en  croit  une  lettre  de  Cadix,  datée  du  12  janvier 
1828  et  insérée  dans  le  Diario  mercantil  de  Barcelone,  on 
aurait  fait  également  en  Espagne  des  tentatives  pour  filer  mé- 
caniquement le  lin,  les  étoupes,  et  même  les  fibres  du  genêt, 
préalablement  réduites  à  un  état  de  douceur,  de  flexibilité, 
comparable  à  celui  du  coton ,  et  permettant  de  les  soumettre 

rieurement,  avec  une  orthographe  qui,  je  crois  devoir  en  faire  ici  la  re- 
marque plut  explicite  encore,  n'est  ni  anglaise  ni  allemande. 
1  Journal  de  î École  polytechnique,  II*  cahier,  an  x,  p.  319. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  153 

au  même  mode  de  cardage,  etc.;  tentatives  dont  on  avait  vu 
les  résultats  à  l'Exposition  espagnole  de  1827,  et  qui,  d'après 
l'auteur,  remonteraient,  du  moins  pour  les  étoupes  du  lin, 
aux  années  1788  et  1794,  où  l'on  aurait  filé  à  Santiago  du  lin 
si  fin  que  chaque  gros  donnait  4oo  varas,  propres,  ajoute-t-il, 
à  faire  de  la  batiste. 

M.  Demaurey,  d'Incarville  près  Louviers,  si  connu  pour  les 
progrès  qu'il  a  fait  faire  à  la  filature  de  la  laine,  est  regardé 
comme  le  premier  qui,  dès  l'époque  de  1797,  ait  entrepris 
d'une  manière  sérieuse,  en  France,  de  composer  un  système 
de  machines  propres  à  filer  le  lin;  système  que  M.  Delafon- 
taine  a  mis  en  usage,  en  1799,  dans  un  établissement  formé 
à  la  Flèche,  et  dont  les  produits  furent  plus  tard  soumis  à  la 
Société  d'encouragement  de  Paris.  Des  brevets  ont  également 
été  pris  en  France  dans  les  années  1798,  1801,  i8o4,  1807 
et  1808  par  M.  William  Robinson  et  M™  Clarké,  domiciliés  à 
Paris;  par  MM.  Busby  à  Rouen,  Alphonse  Leroy  à  Paris, 
Georges  Munier  à  Versailles,  John  Madden  et  Patrick  Onéal 
à  Paris,  ayant  tous  le  même  but,  la  filature  du  lin  ;  et  d'après  • 
le  Rapport  adressé  au  Gouvernement  français,  en  novembre 
1810,  par  MM.  Monge,  Joly  de  Bammeville,  Bardel  et  Molard, 
ce  sont  ces  premières  tentatives  qui  auraient  donné  à  Napo- 
léon Ier  l'idée  d'ouvrir  le  célèbre  concours  relatif  à  la  filature 
de  cette  matière  par  des  procédés  purement  mécaniques,  qui 
devaient  faire  atteindre  au  fil  de  lin  jusqu'au  n°  4oo  (4oo  kilo- 
mètres par  kilogramme)'1  et  le  rendre  propre,  en  un  mot,  à 

1  Je  rappellerai  ici  que  le  numérotage  nommé  métrique  est  généralement 
adopté  en  France  depuis  la  publication  du  programme  du  Concours  pour 
le  grand  prix  de  1810  :  le  n°  10,  dans  ce  système,  correspondant  très- 
approximatif  ement  au  n*  6  anglais,  il  devient  facile  d'opérer  la  conversion 
pour  chaque  cas.  Voici,  au  surplus,  le  texte  de  ce  Rapport,  tel  qu'il  se 
trouve  imprimé  aux  pages  a  80  à  a  83  du  t.  IX  du  Bulletin  de  la  Société  d'en- 
couragement : 

Programme  relatif  au  prix  d'un  million  de  francs  offert  par  le  décret  impérial 
du  7  mai  dernier  à  fauteur  des  meilleures  machines  à  filer  le  lin, 

•  Art  I".  Le  prix  d'un  million  de  francs  offert  par  le  décret  du  7  mai 


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154  VF  JURY. 

fabriquer  un  tissu  égal  eu  finesse  à  celui  de  la  mousseline 
de  coton;  problème  dont  la  solution,  même  en  la  restreignant 
au  plus  bas  numéro  (170)  admis  par  le  programme,  reste  au- 

«  1810  à  Fauteur  du  meilleur  système  de  machines  propres  à  filer  le  lin 
«  sera  accordé  à  celui  qui  sera  parvenu  à  filer  : 

«  1*  Des  fils  de  lin  pour  chaîne  et  pour  trame  propres  à  faire  un  tissa 
«  égal  en  finesse  à  la  mousseline  fabriquée  avec  du  fil  de  coton  n*  4oo  000 
•  mètres  au  kilogramme ,  correspondant  au  n°  1 64  000  aunes  à  la  livre ,  poids 
«  de  mare  :  les  procédés  employés  pour  obtenir  ces  fils  devront  procurer 
«  une  économie  de  huit  dixièmes  sur  le  pris  de  la  filature  à  la  main; 

«2°  Des  fils  de  lin  pour  chaîne  et  pour  trame  propres  à  faire  un  tissa 
«  égal  en  finesse  à  une  toile  nommée  percale,  fabriquée  avec  du  fil  de  coton 
m*  aa5  000  mètres  au  kilogramme,  correspondant  au  n*  9a  000  aunes  à 
c  la  livre  :  les  procédés  employés  pour  obtenir  ces  fils  devront  procurer  une 
«  économie  des  sept  dixièmes  sur  le  prix  de  la  filature  à  la  main; 

«  3°  Des  fils  de  lin  pour  chaîne  et  pour  trame  propres  à  faire  un  tissu 
€  égal  en  finesse  à  une  toile  fabriquée  avec  du  fil  de  coton  n*  1 70  000  mètres 
«  au  kilogramme,  correspondant  au  n*  70  000  aunes  à  la  livre  :  les  procédés 
c  employés  pour  obtenir  ces  fils  devront  procurer  une  économie  des  six 
€  dixièmes  sur  le  prix  de  la  filature  à  la  main.  Dans  les  économies  de  main- 
«  d  œuvre  exigées  par  les  conditions  précédentes,  sont  comprises  celles  qu'oo 
t  pourra  obtenir  sur  toutes  les  opérations  préparatoires  de  la  filature  du  lin. 

c  II.  Si  les  conditions  exigées  par  l'article  précédent  n'étaient  pas  toutes 
«remplies,  il  serait  accordé  5oo  000  francs  à  celui  qui  aura  satisfait  à  la 
«  deuxième  et  à  la  troisième  de  ces  conditions;  et  dans  le  cas  où  il  n'y  aurait 
«que  la  troisième  condition  de  remplie ,  le  prix  sera  réduit  à  s5o  000  francs. 

«III.  Un  jury  composé  de  sept  membres,  dont  quatre  manufacturiers  et 
«trois  versés  dans  les  connaissances  mécaniques,  nommés  par  le  ministre 
c  de  l'intérieur,  est  chargé  de  l'examen  de  toutes  les  machines  présentées 
«au  Concours,  ainsi  que  de  toutes  les  opérations  nécessaires  pour  s'assurer 
«de  leurs  effets,  de  la  quantité  et  de  la  perfection  de  leurs  produits.  Le  jury 
«  fera  un  rapport  détaillé  des  résultats  de  son  examen  au  ministre  de  fin- 
«teneur. 

«IV.  Le  Concours  restera  ouvert  pendant  trois  ans,  k  partir  du  7  mai 
«  dernier,  et  ne  sera  fermé  que  le  7  mai  1 8 1 3. 

«V.  Les  concurrents  devront  faire  parvenir,  franc  de  port,  leurs  ma- 
«chines  au  ministre  de  l'intérieur  avant  la  fin  du  Concours;  mais,  avant 
«Tenvoi  des  machines,  ils  pourront  lui  adresser  les  dessins  avec  mémoires 
«explicatifs,  ainsi  que  des  échantillons  de  leurs  produits,  afin  que  le  jury 
«  puisse  faire  connaître  si  elles  sont  susceptibles  d'être  présentées  au  Con- 
«cours,  et  qu'en  cas  de  négative  les  auteurs  s'épargnent  les  frais  de  trans- 
«port.  Néanmoins,  on  admettra  au  Concours  les  machines  que  les  auteurs 


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MACHINES  ET  OUTILS.  155 

jourd'hui  encore  à  désirer,  malgré  l'état,  relativement  très* 
avancé,  de  cette  branche  importante  de  l'industrie,  soit  en 
Angleterre,  soit  en  France. 

Les  procédés  mis  en  usage  aux  époques  précitées  étaient 
d'ailleurs  extrêmement  imparfaits,  surtout  quaqt  aux  pre- 
miers étirages  et  à  la  formation  des  premiers  rubans  ou  mèches» 
tous  produits  à  sec,  en  toute  longueur  des  fibres,  et  qu'on  ob- 
tenait, dès  lors  comme  aujourd'hui,  par  des  laminages,  éti- 
rages et  doublages  successifs,  fort  analogues  à  ceux  que  l'on 
faisait  subir  au  coton. 

Parmi  ces  procédés,  on  doit  plus  particulièrement  distin- 
guer :  i°  celui  qui  a  été  décrit  dans  le  brevet  d'importation 

•  jugeraient  convenable  de  présenter,  malgré  l'avis  contraire  qu  ils  en  au- 

•  raient  reçu. 

i  VI.  Les  machines,  pour  être  admises  an  Concours,  devront  être  cons- 
i  truites  en  grand  et  en  état  de  fonctionner  de  la  même  manière  que  si  elles, 
«devaient  être  employées  à  former  un  établissement  de  filature.  À  mesure 
«de  leur  arrivée,  le  ministre  de  l'intérieur  les  fera  placer  au  Conservatoire 
«des  arts  et  métiers,  ou  elles  seront  examinées  immédiatement  après  le 
«  délai  fixé  par  le  Concours. 

.  «VU.  Les  concurrents  feront  connaître  au  jury  tous  les  procédés  qu'il» 
«mettront  eh  usage,  en  prenant  le  lin  en  branches  ou  sortant  du  routoir 
«jusqu'aux  dernières  opérations  de  la  filature. 

«  VHI.  Le  système  de  machines  qui  aura  satisfait  complètement  aux  con- 
«  dirions  esigées  deviendra  la  propriété  des  manufactures  françaises,  du 
«  moment  que  le  prix  aura  été  décerné  à  son  auteur,  et  les  mécaniques  qui 
«  composeront  ce  système  appartiendront  au  Gouvernement. 

•  Arrêté  à  Paris,  le  g  novembre  1810. 

«£e  Ministre  de  t  intérieur,  comte  de  V Empire, 
«  Signé  Mowtalivbt.  » 

Soit  le  Rapport  au  ministre  sur  l'état  de  la  filature  mécanique  du  lin  à 
l'époque  de  1810  par  le  jury  dont  Monge  était  le  président;  Rapport  où  l'on 
mt  figurer  les  noms  de  MM.  Demaarey,  Delafontaine  fils ,  William  Robinson  » 
Fallon  et  Cmting,  M"*  Clarke,  MM.  Busby,  Alphonse  Leroy  fils,  Georges* 
Marner,  John  Modden  et  Patrick  Onéal,  tous  établis  en  France,  et  dont  les- 
systèmes  de  filature,  indiqués  comme  premières  tentatives  mécaniques  dans 
la  voie  du  Concours,  sont  examinés  plus  explicitement  dans  le  texte  ci- 
dessus.  • 


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156  VF  JURY. 

accordé  à  William  Robinson  en  avril  1798,  parce  qu'il  peut 
donner  une  idée  de  l'état  de  la  filature  du  lin  et  du  chanvre 
en  Angleterre  et  en  Ecosse  à  la  fin  du  dernier  siècle  ;  2°  ce- 
lui d'Alphonse  Leroy,  également  décrit  dans  un  brevet  du 
20  mars  1807,  parce  qu'il  a  obtenu  les  éloges  de  la  Société 
d'encouragement  de  Paris  (7*  année  du  Bulletin,  p.  £7). 

La  méthode  de  ce  dernier  filateur  se  distingue  de  celle  du 
précédent  par  des  idées  plus  nettes,  une  théorie  plus  avancée 
des  préparations  que  comporte  la  longue  filasse  du  lin  ou 
du  chanvre,  non  moins  que  par  des  perfectionnements  très- 
importants  relatifs  au  mode  d'étirages  successifs  des  nappes, 
bandes  ou  rubans  de  cette  filasse. 

Dans  l'une  et  l'autre  machine,  la  première  bande,  compo- 
sée de  poignées  de  lin  rangées  à  la  main,  bout  à  bout  et  en 
échelons,  c'est-à-dire  ventres  contre  pointes,  dans  une  auge  ou 
sur  une  toile  sans  fin,  horizontales,  passe  entre  les  cylindres 
cannelés  alimentaires,  d'où  elle  est  attirée  sur  un  grand  tam- 
bour en  bois,  mobile  autour  d'un  axe  horizontal  qui  reçoit  la 
nappe  de  filasse  à  sa  partie  supérieure ,  où  elle  est  maintenue 
par  des  rouleaux  de  pression,  et  livrée  ensuite,  vers  l'extrémité 
opposée  du  diamètre,  aux  cylindres  étireurs,  etc.  Mais,  au  lieu 
que  dans  le  système  Robinson  le  tambour,  parfaitement  uni, 
ne  relient  cette  nappe  que  par  les  rouleaux  de  pression  com- 
pris entre  les  extrémités  de  son  diamètre  horizontal,  ce  même 
tambour,  dans  le  système  de  Leroy,  est  muni  de  petites  lames 
ou  barrettes  parallèles  à  l'axe  et  formant  autant  de  peignes  ou 
sérans  distribués,  tant  pleins  que  vides,  autour  de  sa  circon- 
férence extérieure,  qui  servent  à  séparer,  à  aligner  parallèle- 
ment les  fibres  et  à  les  entraîner  par  simple  frottement,  tout 
en  leur  permettant  de  glisser  etftre  elles  d'un  mouvement  re- 
latif, et  de  céder  ainsi  graduellement  à  l'étirage  postérieur 
sans  se  rompre  ou  se  désunir,  les  rouleaux  de  pression,  fixés 
aux  circonférences  de  lanternes  mobiles,  et  qui  agissent  vers 
les  extrémités  de  la  nappe  dans  les  intervalles  vides  des  bar- 
rettes, n'ayant  ici  d'autre  objet  que  de  maintenir  la  filasse 
contre  le  tambour,  sans  trop  l'y  presser  ou  retenir. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  157 

Cette  dernière  modification  dans  le  système  d'étirage  semble 
d'autant  plus  remarquable  qu'elle  est,  comme  nous  le  verrons 
bientôt,  l'origine,  fort  imparfaite  sans  doute,  des  procédés  au- 
jourd'hui en  usage  et  dont  on  doit  la  principale  découverte  à 
Philippe  de  Girard.  Jusque-là,  en  effet,  on  n'était  point  par- 
venu à  empêcher  les  fibres  courtes  de  se  replier  dans  l'étirage 
au  travers  des  tambours,  et  de  former  ainsi  des  vrilles,  nœuds 
ou  boutons  très -nuisibles  à  la  régularité  des  étirages  posté- 
rieurs et  du  filage  en  fin.  Ajoutons  que  dans  le  brevet  d'im- 
portation de  William  Robinson  on  fait  pressentir  la  nécessité, 
mais  pour  le  lin  seulement,  d'armer  le  gros  tambour  de  pointes 
d'acier  sur  toute  sa  surface,  et  de  substituer  aux  rouleaux  de 
pression  fixes  des  lanternes  mobiles  à  fuseaux  d'acier;  remarque 
qui  a  pu  mettre  Leroy  sur  la  voie  de  perfectionnements  en 
eux-mêmes  fort  essentiels,  et  dont  peut-être  l'importateur  Ro- 
binson n'avait  pas  senti  toute  l'importance  et  l'utilité. 

Noos  n'insisterons  pas,  au  surplus,  sur  les  différences  que 
présentent  les  deux  systèmes  de  filature,  et  qui  sont  relatives 
soit  à  la  manière  de  disposer  les  poignées  de  filasse  sur  la  table 
à  étaler,  sur  l'auge  ou  la  toile  sans  fin,  qui  servent  à  alimenter 
les  premiers  cylindres,  soit  à  la  formation  des  rubans  au  moyen 
de  tuyères,  etc.,  soit  enfin  à  leur  doublage  et  redoublage  sur  des 
tambours  rabaneurs  pareils  aux  premiers,  et  dans  lesquels 
les  sérans  à  barrettes,  mis  en  usage  par  Leroy,  offrent,  d'une 
machine  à  l'autre,  des  aiguilles  de  plus  en  plus  courtes,  fines 
et  resserrées.  Ces  différences,  en  effet,  ne  présentent  rien  de 
bien  essentiel,  et  qui  ne  soit  analogue  à  ce  que  l'on  pratique 
pour  la  formation  des  premières  mèches  ou  nappes  de  co- 
ton, si  ce  n'est  que,  dans  le  système  Robinson,  le  dernier 
doublage  ou  étirage  a  lieu  au  moyen  de  broches  à  ailettes 
donnant  une  mèche  avec  léger  tors,  tandis  que,  dans  celui 
de  Leroy,  la  dernière  préparation  se  rend,  comme  les  précé- 
dentes, dans  une  lanterne  verticale,  ou  boîte  cylindrique  tour- 
nante, en  fer-blanc,  qui  lui  donne  le  degré  de  tors,  très-faible, 
dont  elle  a  besoin  pour  pouvoir  être  ensuite  facilement  sou- 
mise an  filage  en  fin  continu. 


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158  VI*  JURY. 

Quant  aux  métiers  qui  servent  à  ce  dernier  objet  dans  Ton 
ou  l'autre  système,  ils  diffèrent  en  ce  sens,  que,  dans  celui  de 
Robinson,  la  mèche,  déjà  enroulée  sur  des  bobines,  reçoit 
directement  un  dernier  étirage  et  un  dernier  tors  en  fin,  après 
avoir  passé  sur  trois  systèmes  de  rouleaux  étireurs  ou  lami- 
neurs disposés  dans  le  sens  d'un  plan  légèrement  incliné  sur 
la  verticale,  ce  qui  favorise  l'étirage  par  l'action  de  la  pesan- 
teur; tandis  que,  dans  celui  de  Leroy,  les  mèches,  plates  et 
beaucoup  plus  grosses,  passent  préalablement  au  travers  de 
six  couples  de  cylindres  lamineurs  ou  étireurs,  gradués  quant 
-à  la  pression  et  à  la  vitesse ,  mais  entre  lesquels  se  trouvent 
interposées  des  auges  curvilignes  ou  sortes  de  tuyères,  pour 
ramasser  et  guider  la  filasse;  système  dont  la  disposition  ho- 
rizontale rappelle,  par  son  ensemble,  celle  des  anciens  bancs 
d'étirage  du  coton ,  sauf  que  le  défaut  naturel  d'adhérence  des  ' 
fibres  lisses  du  lin  et  du  chanvre  est  ici  corrigé  par  l'interpo- 
sition des  rouleaux  presseurs,  plus  ou  moins  multipliés  entre 
les  deux  extrêmes. 

La  complète  similitude  de  ces  deux  procédés  avec  ceux  qui 
étaient  dès  lors  en  usage  dans  les  continues  nous  dispense 
d'insister  sur  l'emploi  des  leviers-bascules  coudés  et  à  contre- 
poids servant  à  donner  un  mouvement  vertical  de  va-et-vient 
à  la  pièce  horizontale  qui  supporte  les  bobines,  par  le  moyen 
de  la  came,  en  forme  de  cœur,  due  à  Vaucanson,  et  agissant 
sur  une  roulette  fixée  à  l'extrémité  de  ces  leviers;  mais  nous 
devons  faire  remarquer  que  ce  mécanisme  n'est  ici  accompa- 
gné d'aucun  des  moyens  inventés  plus  tard  pour  propor- 
tionner la  vitesse  de  l'étirage  et  le  tors  à  la  vitesse  relative 
d  enroulement  du  fil  sur  les  bobines. 

En  m'étendant,  comme  je  viens  de  le  faire,  sur  les  tentatives 
de  Robinson  et  de  Leroy  pour  filer  le  lin  et  le  chanvre,  je 
n'ai  point  eu  seulement  pour  but  de  donner,  au  point  de  vue 
mécanique,  une  idée  sommaire  de  l'état  de  la  question  dans 
les  premières  années  de  ce  siècle,  où  le  fil  atteignait  diffici- 
lement le  n°  20,  même  dans  des  essais  pareils  à  ceux  que  les 
Commissaires  de  la  Société  d'encouragement  de  Paris  firent 


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MACHINES  ET  OUTILS.  159 

subir,  en  février  1808,  aux  continues  de  Leroy,  munies  de 
24  bobines.  J'ai  aussi  tâché  de  mettre  le  lecteur  en  mesure 
déjuger  par  lui-même  de  l'importance  des  modifications  que 
les  successeurs  de  cet  industriel  apportèrent  à  la  filature  du 
lin,  où,  sauf  le  dévidage  des  bobines,  qui  était  ici  accom- 
pagné de  Tinjection  continue  d'un  filet  d'eau,  toutes  les  opé- 
rations paraissent  s'être  effectuées  complètement  à  sec  et 
suivant  la  longueur  naturelle  des  fibres;  ce  qui  offrait  des  dif- 
ficultés que  l'on  ne  parvenait  à  vaincre  que  d'une  manière 
fort  peu  satisfaisante,  et  au  détriment  des  produits,  soit  en 
France ,  soit  en  Angleterre. 

Constatons  en  outre  que  si,  à  l'époque  dont  il  s'agit,  la 
question  mécanique  se  trouvait  peut-être  un  peu  plus  avancée 
dans  notre  pays,  en  revanche,  elle  avait  reçu  dans  la  Grande- 
Bretagne,  principalement  en  Ecosse,  une  application  manu- 
facturière beaucoup  plus  étendue1,  et  qui,  grâce  à  l'économie 
de  fabrication ,  aux  progrès  de  l'outillage  mécanique  et  de  la 
production  de  la  force  motrice  par  la  vapeur,  pouvait  dès  lors 
faire  pressentir  l'essor  que  prendrait  un  jour  cette  branche 
intéressante  d'industrie,  lorsque  le  perfectionnement  de  ses 
procédés  automatiques  aurait  permis  d'atteindre  des  numéros 
assez  élevés  pour  satisfaire  aux  besoins  de  la  consommation 
des  toiles  fines,  jusque-là  entièrement  fabriquées  à  la  main. 

Ne  craignons  pas  d'ailleurs  de  le  redire  après  tant  d'autres, 
le  peu  de  succès  des  tentatives  de  ce  genre  faites  en  France 
avant  et  même  depuis  1810  ne  doit  pas  uniquement  être 
altribué  à  de  telles  causes,  et,  sans  mentionner  la  perturba- 
tion occasionnée  par  notre  grande  révolution  et  ses  suites,  le 
manque  presque  absolu  de  capitaux  et  de  crédit  et  les  faibles 
encouragements  dont  ces  mêmes  tentatives  ont  été  d'abord 
l'objet  de  la  part  du  Gouvernement  et  des  hommes  appelés 

1  Nous  voyons  cependant,  par  un  avis  du  Comité  consultatif  des  arts  et 
manufactures  en  date  de  février  181 1,  qu'il  aurait  existé  dès  lors  en  France 
plus  de  80  établissements  où  Ton  filait,  tant  bien  que  mal  sans  doute,  le 
lia  k  sec  et  dans  toute  sa  longueur,  depuis  le  n*  1  a  jusqu'au  n*  ao  mé- 
triques, au  plus. 


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160  vr  JURY. 

à  juger  de  l'avenir  de  l'industrie  y  ont  aussi  contribué  pour 
une  forte  part,  soit  que  Ton  ait  désespéré  de  résultats  encore 
imparfaits,  soit  que  Ton  ait  craint  les  effets  d'une  aussi  redou- 
table perturbation  dans  les  habitudes  industrielles  des  cam- 
pagnes; et  cest  précisément  à  ce  point  de  vue  que  le  décret 
impérial  de  mai  1810  était  un  acte  de  pouvoir  extrêmement 
remarquable  et  grave,  même  aux  yeux  des  économistes  les 
plus  avancés  de  cette  époque. 

Pour  se  convaincre,  en  particulier,  de  la  faible  confiance 
qu'avaient  jusque-là  inspirée  chez  nous  les  procédés  méca- 
niques en  usage,  il  suffit  de  lire,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
d'encouragement l,  ce  que  M.  Bardel  pensait  de  la  filature  alors 
existante  des  étoupes  de  lin  et  de  chanvre,  qui  paraissaient 
à  l'estimable  rapporteur  tout  au  plus  propres  à  produire  des 
miches  à  chandelles,  incapables  de  jamais  remplacer  avec  avan- 
tage celles  du  coton ,  malgré  l'infériorité  relative  du  prix.  Et 
cependant  on  a  vu,  plus  tard,  nos  voisins  donner  à  ces  mêmes 
étoupes  des  apprêts  qui  les  faisaient,  à  notre  grand  détriment, 
rivaliser  avec  ceux  des  gros  fils  de  lin  et  de  chanvre  fabriqués  à 
la  main  dans  nos  campagnes. 
• 

S  II.  —  Premiers  essais  de  filature  mécanique  du  lin  par  Philippe  de  Girard, 
au  moyen  de  peignes  mobiles  à  serons  et  de  préparations  à  l'eau  chaude 
on  alcaline.  —  Analyse  rapide  des  brevets  qui  lui  ont  été  délivrés  dans 
l'intervalle  de  1 8 1  o  à  1 8 1 5  ;  avis  du  Comité  consultatif  des  arts  et  manu- 
factures concernant  ces  brevets. 

Tel  était,  si  je  ne  me  trompe,  l'état  des  choses  à  l'époque 
de  juillet  1810,  où  Philippe  de  Girard,  ancien  professeur  de 
physique  et  de  chimie  à  l'école  centrale  de  Marseille,  inven- 
teur et  mécanicien  par  nature,  déjà  connu  d'ailleurs  par  la 
lampe  hydrostatique  qui  porte  son  nom  et  par  d'autres  dé- 
couvertes utiles,  prit,  collectivement  avec  ses  frères,  un  pre- 
mier brevet  d'invention  pour  filer  le  lin  et  le  chanvre  par  des 
procédés  mécaniques;  brevet  qui  fut  suivi,  dans  les  années 

1  7*  année  (1808),  p.  168. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  161 

subséquentes,  d'une  série,  de  certificats  d'additions  et  de  per- 
fectionnements qui  constituent  un  véritable  traité  sur  la  ma- 
tière, et  qui  se  trouvent  mal  à  propos  publiés  sous  la  même 
date,  ou  sans  date  précise,  dans  le  Recueil  des  brevets  expirés, 
où  ils  ont  subi  des  retranchements  et  déplacements  que  tous 
les  amis  de  la  vérité  et  du  progrès  doivent  déplorer,  aujour- 
d'hui que  Ton  sait  à  quoi  s'en  tenir  sur  la  haute  importance 
<les  procédés  de  filature  mécanique  inventés  par  Philippe  de  Gi- 
rard. Quoi  qu'il  en  soit,  je  résumerai  ainsi  scrupuleusement, 
rapidement  et  sans  commentaire,  les  principes  qui,  dans  les 
plus  anciens  de  ces  brevets  ou  certificats  publiés  avant  181 5 1, 
se  rattachent  directement  aux  progrès  ultérieurs  du  filage  au- 
tomatique du  lin  et  du  chanvre  par  machines. 

Les  fibres  du  lin  et  du  chanvre  sont  composées  d'éléments 
agglutinés,  ayant  de  quatre  à  dix  centimètres  do  longueur  au 
plus.  En  les  trempant,  par  petites  poignées  ou  faisceaux,  dans 
une  eau  de  lessive  chaude,  à  laquelle  on  peut  substituer  l'eau 
ordinaire  pour  les  lins  tendres,  les  lavant  ensuite  à  l'eau  froide, 
leurs  fibres  élémentaires  deviennent  susceptibles  de.  glisser 
les  unes  sur  les  autres  sans  se  rompre  à  l'étirage,  comme  elles 
le  faisaient  auparavant;  et,  par  conséquent,  rien  ne  s'oppose 
à  ce  qu'on  les  soumette  dans  cet  état,  isolément  ou  sous  la  forme 
d'un  ruban  continu,  à  l'action  d'une  machine  à  filer  ordinaire 
qui  les  amènera,  dit  l'auteur,  dans  une  seule  opération,  à  an 
état  de  finesse  quelconque.  Les  brevetés  proposent,  à  ce  sujet, 
un  nouveau  porte-bobine,  où  l'ailette  est  remplacée  par  un 
châssis  vertical  en  fil  de  laiton ,  fermé,  et  qui  permet  de  faire 
varier,  à  volonté,  la  force  de  tirage  du  fil  par  la  bobine,  armée 
pour  cela  d'une  ou  de  deux  plumes  qui,  en  frappant  l'air, 
en  retardent  plus  ou  moins  le  mouvement,  par  rapport  à 
<celui  du  châssis  extérieur  mobile2,  et  empêchent  ainsi  la  rup- 

1  Collection  des  brevets  expirés,  t.  XII,  p.  1 14  à  136. 

*  Ce  moyen,  comme  on  sait,  a  été  remplacé  depuis  par  le  frottage  d'une 
ficelle  tendue  à  l'aide  d'un  petit  poids  ou  plomb,  et  dont  on  fait  varier,  à 
volonté,  l'étendue  de  l'arc  de  glissement  contre  la  gorge  d'une  poulie  montée 
sur  le  moyeu  de  la  bobine.  Quoique,  dans  des  appareils  plus  parfaits  en- 
vi* jcrï.  —  a*  partie.  1 1 


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162  VI-  JURY. 

tare  beaucoup  trop  fréquente  des  fils  qui  avait  lieu  sur  les 
métiers  ordinaires. 

On  peut  d'abord  filer  le  lin  à  sec  et  en  gros,  le  passer  en- 
suite dans  la  lessive  et  retirer,  pourvu  qu'il  n'ait  reçu  préala- 
blement qu'un  tors  très-léger.  Ce  dernier  procédé  est  celui 
auquel  les  brevetés  paraissent  ici  accorder  la  préférence.  Ils 
proposent ,  comme  premier  moyen ,  de  transformer  progressive- 
ment, et  en  {Procédant  par  doublage,  etc.,  la  filasse  en  rubans 
de  plus  en  plus  unis ,  en  se  servant  de  tambours  à  hérisson 
interposés  entre  les  cylindres  alimentaires  et  étireurs  ,  à.peu 
près  comme  le  faisaient  Robinson  et  Leroy,  sauf  à  donner  à 
ces  tambours  des  diamètres  en  rapport  exact  avec  la  longueur 
naturelle  des  fibres;  a  convertir  ensuite  les  rubans  ou  boudins, 
ainsi  obtenus  à  sec,  en  mèches  ou  gros  fils  des  nM  10  à  4o; 
à  lessiver  ensuite  ces  fils,  puis  à  les  soumettre  à  un  dernier 
étirage  en  fin,  qui,  affirment  encore  les  brevetés,  les  amènera 
sans  grandes  difficultés  aux  n"  de  200  à  4oo  kilomètres  au 
kilogramme  1v  si  on  leur  a  préalablement  enlevé  la  torsion 
nécessitée  par  le  lessivage. 

Cette  assertion  n'est  d'ailleurs  appuyée  que  d'une  expérience 
en  petit ,  faite  sur  un  gros  fil  soumis  au  rouet  à  la  main  ordi- 
naire, et  auquel  on  a  fait  subir,  après  le  lessivage,  un  allon- 
gement égal  à  vingt-cinq  fois  sa  longueur  primitive.  Le  même 
but,  ajoutent  les  auteurs,  peut  aussi  être  atteint  directement 
à  l'aide  d'un  métier  décrit  au  brevet,  et  dont  la  partie  supé- 
rieure de  droite  sert  à  détordre  la  mèche  déjà  enroulée  sur 
une  bobine  horizontale  emportée,  avec  son  châssis,  autour  d'un 
axe  vertical  et  central ,  de  manière  à  livrer  cette  mèche,  ainsi 

core,  l'on  ait  su  éviter  en  majeure  partie  le  surcroit  de  résistance  ou  de 
perte  de  travail  moteur  qui  résulte  de  ces  moyens  régularisateurs,  il  n'en 
est  pas  moins  utile  de  faire  observer  que,  d'après  des  renseignements  qu'il 
y  a  tout  lieu  de  croire  authentiques,  les  régulateurs  à  plomb  auraient  été 
mis  en  usage  dès  l'année  -181 3  dans  les  filatures  établies  par  MM.  Girard 
frères  à  Paris. 

1  C'étaient  là,  comme  on  Ta  vu,  les  conditions  exorbitantes  du  pro- 
gramme du  fameux  prix  d'un  million;  mais  il  faut  se  garder  de  prendre  de 
telles  assertions  à  la  lettre* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  163 

détordue,  aux  cylindres  fournisseurs  qui  la  surmontent,  mouiï- 
14$  à  ta  manière  ordinaire,  et  sur  le  plus  gros  desquels  elle 
s'enroule  à  la  partie  supérieure,  pour  de  là  descendre  vertica- 
lement entre  les  cylindres  étireurs  de  la  partie  de  gauche,  qui 
constitue  le  métier  ordinaire  à  filer  en  fin ,  sur  bobines  verti- 
cales à  ailettes  en  5,  etc.  :  Philippe  de  Girard  indique ,  en  outre  , 
un  moyen  forl  ingénieux  à  l'aide  duquel  on  pourrait  étirer, 
à  sec  et  sans  torsion  permanente,  les  rubans  ou  mèches  qui 
n'auraient  pas  été  soumis  au  lessivage;  mais  ce  moyen  offrant 
des  inconvénients  que  ne  présente  pas  celui  dont  il  sera  parlé 
un  peu  plus  loin,  et  qui,  plus  simple,  est  fondé  sur  le  même 
principe,  nous  ne  nous  y  arrêterons  pas  ici.  Il  me  suffira  de 
faire  remarquer  que,  aux  époques  de  1811  et  de  1812,  où 
Philippe  de  Girard  prenait  son  premier  certificat  d'additions ,  il 
en  était  encore ,  en  fait  de  machines ,  à  de  simples  essais ,  et  cela 
explique  suffisamment  comment,  dès  lors,  il  insistait  sur  la 
possibilité  de  filer  en  fin  les  gros  fils  lessivés,  au  moyen  des 
continues  et  des  mule-jennys  ordinaires. 

Dans  le  deuxième  certificat  d'additions,  relatif  à  la  filature  du 
lin  en  gros  et  clont  la  demande  est  antérieure  à  février  1812, 
Philippe  de  Girard ,  dans  un  préambule  de  quelques  pages  très- 
remarquable1,  met  en  complète  lumière  les  vices  des  anciens 
procédés  d'étirage  appliqués  aux  fibres  longues ,  droites  et 

1  Ce  préambule  a  été  entièrement  supprimé  dans  le  certificat  d'addi- 
tions de  la  p.  1 26  du  t.  XII  des  Brevets  expirés,  publié  en  1826,  et  il  en  est 
ainsi  du  passage  qui  le  termine,  dans  lequel  fauteur  fait  sentir  vivement  la 
haute  importance  du  redressement  et  de  retirage  des  fibres  du  lin  au  tra- 
vers des  peignes  continus,  qui  suffiraient  à  eux  seuls  pour  obtenir  du  fil 
très-fin »  si  Y  on  n'y  arrivait  plus  directement  et  plus  sûrement  encore  par  la 
méthode  du  décollement  des  fibres  élémentaires.  Philippe  de  Girard,  lors  de 
son  retour  en  France  en  1 844,  a  attribué ,  avec  de  justes  raisons ,  à  la  suppres- 
sion de  ces  passages  et  de  quelques  autres  l'inconcevable  et  fâcheux  oubli 
dans  lequel  son  système  de  filature  était  tombé  parmi  nous;  car  ce  sont  les 
théories  et  les  doctrines  scientifiques  qui  peuvent  convenablement  éclairer 
f  application  des  procédés  physiques  ou  mécaniques  aux  arts  industriels.  On 
reconnaît  d'ailleurs  dans  les  idées  et  les  travaux  du  savant  professeur  de 
Marseille  f  origine  des  méthodes  de  Dobo  et  de  ses  successeurs  pour  étirer 
la  laine  ou  le  coton  sans  leur  faire  subir  aucune  torsion  sensible,  méthodes 


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164  VP  JURY. 

inégales  du  lin  et  du  chanvre  ;  il  expose  ses  idées  théoriques 
et  expérimentales  sur  la  formation  des  nœuds  ou  boutons  dont 
la  présence,  dans  les  premiers  rubans,  se  maintient  jusqu'aux 
dernières  opérations,  où  elle  altère  gravement  la  qualité  des 
fils  les  plus  fins;  il  insiste, pour  la  première  fois,  sur  la  néces- 
sité d'accompagner  chacun  des  étirages  que  Ton  fait  subir  aux 
nappes ,  rubans  et  mèches  de  filasse,  d'un  peignage  ou  redres- 
sement des  fibres  au  travers  de  sérans  mobiles ,  montés  sur  de 
petites  barres  métalliques  distinctes,  en  plomb  ou  étain,  que 
l'on  fixe,  soit  sur  les  tambours  déjà  mentionnés  ci-dessus, 
soit  sur  des  cuirs  ou  des  chaînes  sans  fin,  interposés  entre  les 
cylindres  fournisseurs  et  étireurs  de  chaque  machine.  Enfin  il 
observe  que  si  la  filasse  s'engage  facilement  à  son  entrée 
dans  ces  peignes,  il  n'en  est  pas  ainsi  à  la  sortie,  et  que 
l'usage  des  rouleaux  de  pression  ou  des  lanternes  à  fuseaux 
mobiles  placés  aux  extrémités  ne  prévient  pas  entièrement 
cet  inconvénient.  C'est  pourquoi  il  propose  diverses  combi- 
naisons ayant  pour  but  de  faciliter  l'expulsion  de  la  filasse  à 
la  sortie  des  peignes,  dont  les  aiguilles  sans  coudes  sont  ici 
légèrement  inclinées  sur  les  tambours  pour  faciliter  la  prise 
et  le  dégagement  de  la  filasse.  Ces  dispositifs,  imités  dans  des 
brevets  postérieurs  et  longtemps  mis  en  usage,  consistent  à 
placer  dans  les  intervalles  libres  des  sérans  et  sous  la  filasse 
de  petites  tringles  ou  traverses  moitiés  qui  la  soulèvent  et  la 
détachent  d'entre  les  peignes,  dans  le  voisinage  des  rouleaux 
étireurs ,  où  elles  éprouvent ,  avec  les  branches  extrêmes  et 
coudées  du  fer  k  cheval  qu'elles  forment  et  qui  les  unit  au 
tambour  ou  à  la  nappe  sans  fin  des  sérans,  un  mouvement 
de  bascule,  forcé,  dans  ce  dernier  cas,  par  leur  direction 
taogentielle,  et  déterminé,  dans  l'autre,  par  leur  propre 
poids  et  par  des  guides  extérieurs  fixes  contre  lesquels  les 
tringles  élévatoires  viennent  glisser  progressivement,  et  les 
unes  après  les  autres. 

fondées,  il  est  vrai,  sur  d'autres  ingénieux  moyens  de  solution.  (Introduc- 
tion générale,  p.  18  et  19  de  cette  a*  Partie.) 


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MACHINES  ET  OUTILS.  165 

Il  est  d'ailleurs  digne  de  remarque  que  ce  brevet,  où  Philippe 
de  Girard  tentait,  pour  la  première  fois,  de  sortir  des  routes 
battues  par  ses  prédécesseurs,  fut  précisément  celui  que  le 
Comité  consultatif  des  arts  et  manufactures  repoussa  à  cause 
de  la  similitude  apparente  du  but  avec  les  résultats  qu'avaient 
cherché  à  atteindre,  pour  le  lin  et  la  laine,  Demaurey,  Robin- 
son,  Alphonse  Leroy  et  Ternaux;  or  cela  prouve  que  les  con- 
temporains, quelque  habiles  qu'on  les  suppose,  ne  sont  pas  tou- 
jours juges  compétents  de  l'avenir  réservé  aux  idées  originales 
en  fait  d'industrie.  Aussi,  dans  une  lettre  datée  du  12  avril 
181a,  Philippe  de  Girard  repousse- t-il  avec  force  et  succès  l'in- 
culpation de  plagiat  quant  aux  additions  de  ses  brevets  rela- 
tives à  la  substitution  des  peignes  aux  tambours  étireurs  ou  cardes 
sans  fin,  aux  cylindres  de  pression  dans  les  métiers  à  filer,  etc. 
Il  fait  observer,  en  outre,  que  l'absence  de  toute  échelle  dans 
ses  dessins  est  motivée  par  la  nécessité  de  ne  rien  statuer  à 
l'avance  sur  les  dimensions  des  aiguilles  de  sérans  et  les  rap- 
ports de  vitesses  des  peignes  et  des  cylindres  étireurs,  qu'il 
n'avait  pas  entièrement  fixés  encore  dans  ses  essais  de  filage 
mécanique ,  et  qui  doivent  varier  essentiellement  avec  la  fi- 
nesse des  produits  et  la  nature  de  l'opération  ou  de  la  subs- 
tance filamenteuse. 

Cette  lettre  annonce  néanmoins  l'envoi  incessant  de  dessins 
complets  de  machines  à  l'échelle,  accompagnés  d'une  nouvelle 
demande  de  certificats  de  perfectionnements,  que  je  n'ai  pu 
découvrir  parmi  les  brevets  imprimés ,  à  moins  qu'elle  ne  se 
rapporte  àla  date  du  20  avril  i8i5,  où  le  frère  aîné  dePhilippe 
de  Girard,  François-Henri  Joseph,  obtint,  en  août  suivant,  un 
troisième  certificat  d'addition  et  de  perfectionnement ,  inséré,  ' 
par  mégarde  sans  doute,  à  la  page  3i5  du  tome  XIX  de  la 
Collection  des  brevets  expirés,  publié  seulement  en  i83o;  ce 
qui  offre  malheureusement  une  lacune  de  deux  années  en* 
tières,  employées  peut-être  à  fonder  les  établissements  et  asso- 
ciations dont  il  sera  bientôt  parlé  :  cette  lacune  doit  évidem- 
ment être  considérée  comme  une  des  circonstances  les  plus 
fâcheuses  de  la  vie  industrielle  de  notre  illustre  ingénieur, 


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166     .  VP  JURY. 

puisqu'elle  aurait,  ainsi  qu'on  le  verra  également  ci-après v 
donné  à  d'autres  le  temps  de  lui  enlever  le  fruit  immédiat, 
commercial,  de  ses  utiles  et  originales  découvertes.  • 

S  II L  —  Analyse  des  brevets  délivrés,  en  août  1 81 5,  aux  frères  Girard  pour 
des  machines  à  réunir,  rubaoer  et  filer  en  gros  les  mèches  de  filasse. 
—  Premier  établissement  de  filature  du  lin  et  du  chanvre  dans  la  rue  de 
Vendôme,  à  Paris  :  MM.  Laurent,  mécanicien,  et  Hcnriot,  horloger;  les 
associés  Vi her C,  Lanthois  et  Cachard.  —  Établissement  de  la  rue  de  Cha- 
renton ,  dirigé  par  M.  Constant  Prévost. 

Dans  le  certificat  de  18 1 5  dont  il  s'agit,  on  voit,  en  premier 
lieu ,  une  série  de  dispositifs  plus  ou  moins  ingénieux  pour 
réunir,  en  les  superposant  ou  juxtaposant  par  échelons,  des 
mèches  de  filasse  rangées  à  la  main  dans  de  petites  auges  iso- 
lées, garnies  de  sérans  et  dont  les  becs  antérieurs  aboutissent 
à  une  coulisse  commune  qui  fait  incessamment  arriver  les  ru- 
bans, ainsi  mélangés,  aux  cylindres  lamineurs  ou  étireurs 
d'une  machine  à  61er,  qui  ne  diffère  des  anciennes  continues 
qu'en  ce  que  les  ailettes  offrent,  pour  la  première  fois  peut- 
être,  des  branches  creuses,  équilibrées,  et  qui,  en  dirigeant 
la  mèche  sur  les  bobines ,  la  soustraient  à  l'action  de  Taû*  et  de 
la  force  centrifuge. 

Ce  système  de  peignes  mobiles  et  isolés,  qui  constitue  une 
véritable  et  ingénieuse  machine  à  rubaner,  dans  ses  moyens 
automatiques,  dispenserait,  comme  on  voit,  des  fréquents  dou- 
blages et  redoublages  des  rubans,  ainsi  que  des  bancs  d'éti- 
rage et  des  pots  ou  bidons  tournants,  encore  employés  de  nos 
jours.  Ce  système  doit  être  considéré  comme  une  première 
tentative  faite  dans  la  voie  qui  a  été  suivie  depuis  par  M.Bod- 
mer,  de  Zurich,  pour  la  filature  du  coton,  et  au  sujet  de  la- 
quelle notre  Société  d'encouragement  a  fondé  un  prix  de  mille 
francs,  à  décerner  en  18^9,  pour  Y  introduction  des  couloirs  et 
des  machines  à  réunir  dans  la  filature  du  lin;  prix  qui  jus- 
qu'ici n'a  point  été  décerné,  malgré  tout  l'intérêt  que  sa  solu- 
tion comporte  au  point  de  vue  pratique. 

Les  peignes  d'étirage  continus  ou  sans  fin  ont  également 


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MACHINES  ET  OUTILS.  167 

reçu,  dans  le  brevet  de  181 5,  des  perfectionnements  très- 
essentiels  :  au  lieu  de  monter  les  barrettes  à  sérans  et  à  tringles 
.élévatoires  sur  des  cuirs  ou  des  chaînes  flexibles ,  elles  sont  ici 
adaptées  à  des  plaques  métalliques  articulées  et  formant  une 
chaîne  sans  fin,  horizontale,  dont  la  partie  supérieure  repose 
sur  des  rouleaux  de  soutien  intermédiaires  entre  les  extrêmes 
et  de  même  diamètre;  par  conséquent,  le  système  Girard  ne 
mérite  pas,  sous  ce  rapport,  les  reproches  qui  lui  ont  été  de- 
puis adressés  par  des  ingénieurs,  dont  on  ne  saurait  d'ailleurs 
suspecter  les  lumières  et  les  bonnes  intentions1. 

Je  ferai  observer,  en  outre,  que  ce  système  se  trouve  com- 
posé de  deux  peignes  continus,  parallèles,  montés  sur  les 
mêmes  rouleaux,  et  dont  les  nappes,  après  avoir  traversé  deux 
couples  de  cylindres  étireurs,  se  réunissent  en  une  seule,  au 
moyen  d'une  tuyère' en  cuivre  poli  et  d'un  rouleau  presseur 
ou  lamineur,  à  peu  près  comme  cela  se  pratique  encore  au- 
jourd'hui ,  sauf  que  les  commandes  s'y  faisaient  principalement 
par  des  chaînes  à  la  Vaucanson,  J'ajouterai  enfin  que  les  rou- 
leaux presseurs,  garnis  de  drap  ou  de  parchemin,  et  qui  servent 
à  aplatir  les  mèches  en  les  étirant,  sont  ici  munis  de  contre- 
poids à  bascule  et  de  brosses  cylindriques  douées,  en  sens  con- 
traire, d'un  mouvement  très-rapide,  par  lequel  elles  rejettent 
continuellement  au  dehors  les  brins  qui  embarrasseraient  la 
marche  des  rubans. 

Dans  le  métier  à  filer  en  gros  dont  la  disposition  offre,  sur 
un  même  plan  incliné,  douze  peignes  continus  ou  sans  fin  ana- 
logues au  précédent  et  rangés  parallèlement  les  uns  à  côté  des 

t  l  II  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  faire  observer  que  Philippe  de  Girard, 
«n  répondant  à  ces  injustes  reproches  du  fond  de  son  exil ,  n'avait  pas  sous 
ies  jeux  le  tome  XIX  des  Brevets  expirés,  où  se  trouvait  le  certificat  d'addi- 
tions mis  au  nom  de  son  frère  aîné ,  et  dont  il  a  continué  jusqu'à  la  fin  de 
ses  jours  à  ignorer  l'existence,  si  Ton  en  juge  par  ses  derniers  écrits.  Cela, 
je  puis  le  dire,  a  été,  dans  sa  laborieuse  carrière,  une  source  d'amers  regrets 
et  de  pénibles  soucis;  car  il  en  était  venu  à  ne  pouvoir  citer  que  de  vagues 
souvenirs,  lorsque  par  le  fait,  ainsi  que  nous  le  prouverons  plus  tard,  on 
lui  empruntait  jusqu'aux  démonstrations,  aux  lettres  de  renvoi  et  aux  dessins 
de  ses  propres  machines. 


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168  VT  JURY. 

autres,  les  mèches  se  rendent,  sans  torsion  permanente,  des 
rouleaux  étireurs  à  de  grosses  bobines  montées  sur  un  même 
arbre  horizontal  recevant ,  d'une  rainure  à  hélice  tracée  d'après 
le  système  de  Le  Payen ,  de  Metz ,  un  mouvement  de  va-et-vient 
extrêmement  lent,  après  avoir  traversé  de  petits  tubes  à  mouve- 
ment de  rotation  très-rapide,  et  où  la  mèche  se  trouve  tordue  ea 
entrant  et  détordue  à  la  sortie,  de  manière  à  faire  naître  momen- 
tanément entre  les  fibres  le  frottement,  la  liaison  indispen- 
sables à  l'arrangement  et  au  croisement  régulier  du  fil  sur 
les  grosses  bobines  de  préparation. 

Comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer  dans  l'Introduction  gé- 
nérale, cette  idée  ingénieuse,  qu'on  trouve  reproduite  dans  les> 
machines  américaines  à  filer  le  coton  ou  la  laine  *,  consiste  à 
faire  en  sorte  que  la  mèche,  introduite  vers  l'axe  du  tube, 
s'en  écarte  à  une  certaine  distance  pour  y  revenir  ensuite,, 
d'après  le  même  principe  que  Philippe  de  Girard  avait  déjà 


1  Indépendamment  de  la  patente  anglaise  citée  dans  la  note  des  p.  16 
et  17  de  l'Introduction  à  cette  II*  partie,  M.  Dyer  (Joseph  Che&seborough)*. 
résidant  alors  à  Manchester,  s'en  est  fait  délivrer  deux  autres,  datées  des 
37  février  i83o  et  17  juillet  i835,  qui  sans  doute  contenaient  des  per- 
fectionnements divers  de  la  machine  américaine  à  tubes  tournants,  pour 
lesquels  M.  T.-S.  Ahel  se  fit  également  breveter  en  France  en  1 834 ,  quelque* 
années,  par  conséquent,  après  M.  Lagorseix.  Les  rota-frotteurs,  qui  reposent 
sur  des  idées  analogues,  ont  aussi  fait  l'objet,  en  France,  de  divers  brevet* 
postérieurs  à  celui  de  M.  Winslow,  du  Havre ,  et  parmi  lesquels  il  me  suf- 
fira de  citer  ceux  de  MM.  Hellot,  de  Rouen  (novembre  i83a) ,  et  Sentis, 
de  Reims  (février  i838). 

Enfin,  il  ne  me  parait  pas  moins  utile  de  faire  observer  que  la  première 
idée  du  détordage  momentané  pendant  l'étirage  des  mèches  de  laine  ou  de 
coton  doit  être  attribuée  au  savant  et  célèbre  ingénieur  cosmopolite  James 
White,  qui  dans  un  brevet  français  pris  le  3  novembre  i8o4 ,  en  commun 
avec  M.  Pobeckeim,  à  Paris  (t.  XVI,  p.  56  et  69,  des  Brevets  expirés),  pro- 
pose, à  cet  effet,  divers  procédés  mécaniques  ingénieux,  mais  compliqués 
par  l'emploi  de  roues  dentées  multiples.  Cest  aussi  dans  les  additions  à  ce 
brevet,  si  plein  de  conceptions  originales,  que  l'on  trouvera,  je  crois,  la 
première  application  des  dentures  obliques  à  la  conduite  des  roues  dan» 
les  machines  à  filer  (ibid.  p.  90)  ;  système  aujourd'hui  généralement  adopté- 
en  France  et  en  Angleterre ,  comme  on  sait. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  169 

mis  en  usage  dans  un  premier  certificat  d'additions,  au  moyen 
de  petits  cadres  ou  châssis  tournants. 

Ici,  comme  dans  le  métier  à  filer  en  fin,  les  mèches  de  fi- 
lasse sont  étirées  à  l'état  humide;  mais,  au  lieu  de  recevoir 
l'eau  en  quelque  sorte  goutte  à  goutte  d'un  conduit  supérieur, 
elles  l'enlèvent  aux  cylindres  étireurs  ou  fournisseurs,  qui 
plongent  constamment  dans  de  petites  cuvettes  disposées,  à 
cet  effet,  au-dessous  de  la  machine.  Enfin,  dans  ce  même  dis- 
positif, les  bobines,  armées  d'ailettes  en  5,  reposent,  par  du 
drap,  sur  des  noix  arrondies,  bombées  en  dessous  ou  dans  la 
partie  frottante,  et  qui,  recevant  à  leur  gorge  extérieure  les 
enroulements  d'une  corde  sans  fin. motrice,  sont  composées 
de  plusieurs  secteurs  susceptibles,  au  moyen  de  vis,  d'être 
plus  ou  moins  écartés  de  Taxe  de  la  broche,  et  d'en  régler  la 
vitesse  de  rotation  aji  besoin;  système  qui  offre  de  l'analogie 
avec  celui  des  poulies  à  expansion,  très-employé  de  nos  jours  et 
auquel  il  a  peut-être  servi  de  point  de  départ. 

J'ai  quelque  peu  insisté  sur  ces  dernières  machines,  parce 
que,  selon  toute  probabilité,  elles  peuvent,  à  défaut  d'autres 
documents,  donner  une  idée  suffisamment  précise  de  l'état  où 
Philippe  de  Girard  avait  amené  la  filaturedulin  dans  l'établisse- 
ment qu'il  fonda  à  Paris  en  1 8 1 3 ,  rue  de  Vendôme ,  au  Marais , 
et  pour  lequel  il  obtint,  en  février  de  la  même  année,  une 
licence  impériale,  motivée  sur  les  services  qu'il  avait  déjà  ren- 
dus  aux  arts  mécaniques.  Dès  1810,  en  effet,  MM.  Laurent, 
mécanicien,  et  Henriot,  habile  horloger,  à  Paris,  avaient 
construit  pour  cet  ingénieur  deux  petites  machines  de  douze 
broches  chacune,  auxquelles  on  soumettait  de  gros  fils  de  lin 
préparés  au  rouet  ordinaire,  lessivés  ensuite,  et  qui  étaient 
convertis  finalement  en  fils  des  n°*  i5o  à  200,  comme  l'in- 
diquent les  premiers  brevets  ou  certificats  d'additions. 

Ces  essais  de  fabrication,  perfectionnés  et  développés  dans 
les  années  1811  et  1812,  constituent  la  base  de  l'établissement 
de  la  rue  de  Vendôme,  également  dirigé  parle  mécanicien  Lau- 
rent, et  pour  lequel  Philippe  de  Girard  s'associa,  en  mai  181 3, 
au  nom  de  ses  frères,  avec  diverses  personnes  ou  capitalistes, 


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170  VP  JURY. 

parmi  lesquels  je  me  contente  de  citer  MM.  Vibert,  Lanthois 
«t  Cachard,  parce  que  j'aurai  à  y  revenir  plus  tard,  et  dont 
les  deux  derniers  représentaient  les  intérêts  de  bailleurs  de 
fonds  qu'il  serait  inutile  de  nommer  ici.  Cette  filature,  érigée 
sur  le  pied  de  deux  à  trois  mille  broches,  fut,  Tannée  suivante» 
visitée  par  l'ancien  ministre  de  l'intérieur  Chaptal,  qui  en  pré- 
senta les  produits  à  l'Empereur,  et  rendit  plus  tard  une  hono- 
rable et  complète  justice  aux  efforts  de  Philippe  de  Girard  dans 
son  Histoire  de  V industrie  française,  publiée  en  1824*  C'est  à 
peu  près  en  septembre  18 13  que  les  frères  de  Girard,  déjà 
inquiétés  par  des  rivalités  et  des  tracasseries  qui  ne  tendaient 
à  rien  moins  qu'à  éloigner  l'inventeur  de  l'association,  où,  il 
faut  bien  le  dire,  il  se  montrait  plus  préoccupé  du  perfectionne- 
ment des  machines  que  d'imprimer  à  l'ensemble  une  marche 
régulière  et  productive;  c'est,  dis-je,  à  cette  époque  que  les 
frères  Girard  fondèrent  rue  de  Charenton,  à  Paris,  conjointe-  . 
ment  avec  M.  Constant  Prévost,  aujourd'hui  membre  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  un  second  établissement,  qui  commença 
à  fonctionner  avec  dix  métiers  continus,  doubles  ou  adossés, 
de  1 08  broches  chacun,  et  formant ,  avec  les  machines  prépara- 
toires, deux  assortiments  complets  qui  devaient,  consécutive- 
ment, être  portés  au  nombre  de  vingt-cinq,  soit  en  tout  5o  mé- 
tiers de  5,4oo  broches,  et  recevoir  pour  moteurs  des  bœafs  ou 
des  chevaux  attelés  à  des  manèges.  Les  deux  établissements 
dont  il  vient  d'être  parlé  étaient  parvenus  à  filer,  dans  les  nu* 
méros  de  20  à  4o  ou  5o,  des  fils  que  recherchait  le  tissage 
des  toiles  fines  de  Lille,  et  qui,  retors,  servaient  aussi  à  la 
•couture;  mais  ils  ne  purent  résister  aux  terribles  secousses 
de  i8U  et  de  i8i5. 

S  IV.  —  Causes  diverses  auxquelles  on  peut  attribuer  l'insuccès  de  l'éta- 
blissement de  la  filature  mécanique  du  lin  en  France.  —  Àvortement  du 
Concours  jtour  le  prix  impérial  de  1  million  fondé  en  1 8 1  o ,  et  où  figu- 
rèrent uniquement  les  Américains  Baldwin  et  Town,  en  i8i3. 

Faut-il  admettre,  avec  quelques  personnes ,  que  le  manque 
de  capitaux  ou  de  crédit,  le  défaut  d'écoulement  des  produits 


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MACHINES  ET  OUTILS.  171 

et  les  malheurs  mêmes  de  famille  qui  accablèrent  MM.  Girard 
frères,  conséquences  nécessaires  des  événements  politiques  *, 
fussent  les  seules  causes  de  la  ruine  des  filatures  de  la  rue  de 
Vendôme  et  de  la  rue  de  C  h  are  n  ton;  qu'en  un  mot,  les  pro- 
cédés de  fabrication  y  eussent  atteint,  au  point  de  vue  com- 
mercial et  industriel ,  le  degré  de  perfection  qui  pouvait  en 
assurer  dès  lors  la  complète  réussite,  abstraction  faite  de 
ces  mêmes  causes?  Je  suis  loin  de  le  croire. 

En  effet,  s'il  est  vrai,  et  nous  n'avons  aucun  motif  d'en 
douter,  que  le  premier  de  ces  établissements,  celui  de  la  rue 
de  Vendôme,  employait,  à  lui  seul,  au  delà  de  200  ouvriers, 
occupés,  pour  la  plupart,  à  desservir  les  machines  et.  à  les 
mouvoir  à  force  de  bras,  c'est-à-dire  irrégulièrement,  de  ma- 
nière à  amener  de  fréquentes  malfaçons  et  ruptures  des  fils, 
ruptures  que  des  manèges  à  bœufs  ou  à  chevaux  ne  pouvaient 
guère  faire  éviter  dans  l'établissement  de  la  rue  de  Cha- 
renton;  s'il  est  vrai  encore  qu'on  ne  savait  ou  ne  songeait 
point  alors  à  utiliser  les  étoupes;  qu'on  filait  dans  une  très- 
grande  variété  de  numéros,  en  vue  de  satisfaire  aux  exigences 
du  commerce,  exigences  qui,  en  réalité,  amenaient  des  chan- 
gements continuels  dans  l'installation  des  métiers,  dans  les 
rapports  des  vitesses  de  transmissions  et  d'étirages  des  mèches 
ou  rubans;  s'il  est  bien  avéré  enfin  que  ces  métiers  et  les 
gros  fils  de  préparation ,  lessivés  à  l'avance,  ne  pouvaient  être 

1  Ces  industriels  avaient  engagé  de  vastes  capitaux  dans  la  saline  de 
Rasuenc,  près  de  Martigues,  et  dans  une  fabrique  de  soude  factice  établie 
au  Point-du-Jour,  près  de  Paris;  Tune  et  l'autre  furent  ruinées  par  les  dé- 
crets impériaux  relatifs  à  la  mise  en  régie  de  ces  matières.  Les  filatures  des 
rues  de  Vendôme  et  de  Cbarenton ,  sur  le  succès  desquelles  la  famille  avait 
fondé  de  belles  espérances,  ne  firent  qu'ajouter  une  nouvelle  cause  de  ruine 
aux  précédentes,  ou,  du  moins,  elles  ne  purent  retarder  une  catastrophe 
dans  laquelle  les  biens  de  la  famille,  et  jusqu'au  magasin  de  lampes  fondé  À 
Paris  par  Pbilippe  de  Girard,  durent  s'engloutir,  malgré  les  plus  lourds  sa- 
crifices de  la  part  de  ses  alliés  et  amis,  malgré  même  les  90,000  francs  de 
marchandises  entassées  dans  la  filature  de  la  rue  de  Vendôme.  Comment 
remédier,  en  effet,  à  une  situation  ou  l'on  était  contraint  de  travailler,'  de 
produire,  sans  écoulement  ni  profits,  tout  en  desservant  des  intérêts  de 
5o,ooo  francs,  dont  les  dettes  allaient  s'accumulant  d'année  en  année? 


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172  VP  JURY. 

débités  par  les  métiers  continus  au  fur  et  à  mesure  de  leur 
production,  on  concevra  sans  peine  que  les  procédés  de 
Philippe  de  Girard,  si  remarquables  d'ailleurs  au  point  de  vue 
physique  et  mécanique,  n'aient  pu  continuer  à  vivre  au  milieu 
des  autres  éléments  désastreux  dont  il  a  été  parlé.  Mais  on 
n'en  sera  pas  pour  cela  autorisé  à  prétendre  qu'ils  n  eussent 
par  eux-mêmes  aucune  chance  d'avenir,  et  que  des  circons- 
tances commerciales  moios  défavorables,  une  application 
plus  régulière  et  plus  économique  de  la  force  motrice  et  des 
mains-d'œuvre,  une  utilisation  convenable  enfin  des  ma- 
tières premières,  n'aient  pu  changer  immédiatement  en  in- 
calculables bénéfices,  des  pertes  que  plus  tard  on  a  eu  le 
grand  tort  d'attribuer  à  l'imperfection  même  des  machines, 
qui  ne  pouvaient  en  effet,  et  selon  les  nécessités  du  moment , 
être  disposées  à  la  fois  pour  satisfaire,  dans  les  numéros 
moyens,  aux  exigences  du  commerce,  et  dans  les  numéros 
élevés,  à  celles  du  programme  de  prix  déjà  plusieurs  fois 
mentionné,  mais  sur  les  conditions  duquel  il  nous  faudra 
ici  de  nouveau  insister. 

On  a  beaucoup  reproché  à  Philippe  de  Girard  de  n'avoir  pas 
présenté  ses  machines  à  filer  le  lin  au  concours  de  mai  18 13 
pour  le  grand  prix  fondé  en  faveur  de  la  filature  par  méca- 
nique de  cette  nationale  substance.  Les  brevets  de  l'inventeur 
et  la  visite  de  Chaptal  à  l'établissement  de  la  rue  de  Ven- 
dôme, certifiée  par  des  témoins  oculaires,  d'autres  attes- 
tations non  moins  irrécusables,  me  dispensent  de  discuter  une 
objection  aussi  peu  sérieuse,  et  il  me  suffira  de  rappeler  que , 
dans  les  conditions  rigoureuses  du  programme  ],  personne 


1  Le  décret  impérial ,  promulgué  le  1 2  mai  1810,  accordait  sans  restriction 
le  prix  à  l'inventeur  de  la  meilleure  machine  à  filer  le  lin.  Deux  mois  après , 
Philippe  de  Girard  avait  réclamé  un  brevet  pour  le  procédé  par  décollement 
des  fibres,  qui  devait  permettre  d'arriver  A  un  degré  de  finesse  quelconque; 
et  ce  fut  seulement  en  novembre  suivant  que  la  commission  ministériel! e  , 
frappée  peut-être  de  cette  promptitude,  rédigea  son  programme  dans  des 
conditions  à  peu  près  impossibles  à  remplir,  puisque  le  a*  4oo  est  aujour- 
d'hui même  sans  emploi  en  Angleterre  comme  en  France. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  173 

n'avait  acquis  des  droits  suffisants,  même  au  dernier  des  ac- 
cessits; de  sorte  que  Philippe  de  Girard,  arrêté  par  des  en- 
traves de  plus  d'une  espèce,  n'avait  qu'une  chose  à  souhaiter, 
c'est  qu'un  ajournement,  facile  à  prévoir,  lui  permît  de  régu- 
lariser et  d'étendre,  en  les  perfectionnant,  ses  premiers  pro- 
cédés. Cet  ajournement  eut  lieu  en  effet,  sur  la  demande  de 
quelques  concurrents  peu  sérieux  d'ailleurs,  et  le  jury,  natu- 
rellement dissous  parles  événements  de  18 1 4 ,  ne  songea  à  se 
réunir  qu'en  juin  181 5,  au  retour  de  l'Empereur  de  l'île 
d'Elbe,  où  la  situation  ne  s'était  guère  améliorée,  et  où  il 
ne  put  être  donné  suite  à  un  examen  sérieux  d'un  concours 
pour  lequel  une  seule  machine  fut  effectivement  présentée, 
et  que  bientôt  le  Gouvernement  de  la  Restauration ,  peu  sou- 
deux  de  continuer  les  traditions  de  l'Empire,  se  hâta  de 
mettre  en  complet  oubli. 

Avouons-le  au  surplus  sans  détour,  la  préoccupation  trop 
exclusive  qu'avait  fait  naître  le  décret  de  mai  1810,  ou  plutôt 
le  programme  dont  il  fut  peu  après  accompagné,  en  faveur 
des  numéros  les  plus  élevés  des  fils  de  lin,  avait,  malheureu- 
sement peut-être  et  en  raison  des  ^circonstances,  imprimé 
aux  efforts  des  concurrents  une  direction  qui ,  en  leur  faisant 
négliger  la  fabrication  des  fils  communs  et  ceux  des  étoupes, 
ne  contribua  pas  peu  à  la  ruine  des  établissements  fondés  dans 
des  vues  analogues  à  celles  des  frères  Girard,  de  Paris.  C'est, 
en  effet,  à  cette  même  préoccupation  qu'il  faut  attribuer  la 
tentative  assez  peu  heureuse  faite  aux  Etats-Unis  d'Amérique 
pour  filer  directement  le  lin  et  le  chanvre ,  c'est-à-dire  sans 
recourir  aux  continues  alors  en  usage ,  au  moyen  d'un  tube 
à  quenouille  d'où .  la  filasse  était  extraite,  pour  ainsi  dire, 
brin  à  brin,  par  des  pinces  à  coulisses  et  un  doigté  qui  la 
livrait  à  des  rouleaux  presseurs  ou  lamineurs,  d'où  elle  pas- 
sait aux  bobines  à  ailettes,  etc. 

Dans  ce  système,  pour  lequel  les  sieurs  Baldwin  etTown 
ont  pris,  le  10  décembre  i8i3,  un  brevet  d'importation  en 
France,  et  qui  fut  seul  présenté  au  concours  si  souvent  men- 
tionné, on  ne  se  proposait,  comme  on  le  voit,  rien  moins 


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174  VI*  JURY. 

que  d'imiter  le  travail  des  fileuses  à  la  main.  Or,  ce  système» 
qui  fit  d'abord  sensation  et  dont  un  mécanicien  allemand 
avait  eu  également  l'idée  à  Vienne  en  Autriche,  ne  tint  aucu- 
nement ses  promesses  et  fut  bientôt,  mais  pour  toujours  sans 
doute,  mis  en  complet  oubli. 

Les  causes  d'insuccès,  les  malheurs  dont  il  a  été  parlé  au 
sujet  des  inventions  de  Philippe  de  Girard,  suffiraient,  à  eux 
seuls,  pour  expliquer  comment,  tenté  d'ailleurs  par  les  offres 
généreuses  de  l'Autriche,  ce  célèbre  ingénieur  consentit  à  s'ex- 
patrier, en  décembre  181 5,  pour  aller  établir  à  Hirtenberg, 
près  de  Vienne,  sur  une  chute  d'eau  et  dans  des  bâtiments  ap- 
propriés à  cet  effet  par  le  Gouvernement  impérial,  un  assor- 
timent entier  de  machines  empruntées  à  la  filature  de  la  rue 
de  Charentou ,  et  composé  de  5  métiers  avec  tous  leurs  ac- 
cessoires. Mais  les  accusations  odieuses  adressées  indirectement 
à  sa  mémoire  me  font  un  devoir  d'ajouter  que  sa  situation , 
déjà  si  pénible,  s'était  aggravée  encore  de  deux  circonstances 
fâcheuses ,  et  sur  lesquelles  j'aurais  tort  de  me  taire. 

D'une  part,  Philippe  de  Girard  s'était,  par  un  zèle  patrio- 
tique, occupé  d'inventer  et  de  construire,  dei8i3  à  i8i4,  un 
appareil  à  vapeur  qui,  imité  plus  tard  par  l'ingénieur  anglais 
Perkins,  et  soumis  à  des  essais  en  présence  d'une  commission 
d'artillerie  dont  faisaient  partie  le  duc  de  Rovigo  et  le  général 
deGourgaud,  devait  servir  à  lancer  160  balles  de  fusil  par 
minute,  lors  de  la  défense  prochaine  de  Paris;  faible  moyen» 
sans  doute,  de  se  recommander  auprès  des  Bourbons  de  la 
.  branche  aînée  et  d'améliorer  une  situation  pécuniaire  déjà  si 
compromise.  D'une  autre  part,  les  dettes  que  ses  tentatives 
incessantes  d'inventions  et  de  perfectionnements  l'avaient  fait 
personnellement  contracter  le  conduisirent  temporairement 

Sainte-Pélagie,  d'où  le  retirèrent  ses  plus  fidèles  associés  et 
propres  créanciers,  pour  une  somme  qui  s'élevait  à  peine  à 
5,ooo  francs;  captivité  dont  le  véritable  motif  n'était  peut-être 
pas  étranger  aux  mêmes  causes  de  rivalité  qui  portèrent,  en 
novembre  1 8 1 4 ,  d'autres  de  ses  associés ,  Lanthois  et  Cachard, 
à  vendre  au  négociant  Horace  Hall,  de  Londres,  pour  une 


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MACHINES  ET  OUTILS.  175 

somme  de  20,000  livres  sterliûg,  soit  5oo,ooo  francs,  les 
dessins  et  procédés  de  Philippe  de  Girard,  quils  avaient  ex- 
torqués à  M.  Duserreau,  ami  de  l'inventeur l. 

Comment  pourrait-on  faire  de  l'expatriation  douloureuse  à 
laquelle  Philippe  de  Girard  s'est  condamné  un  motif  sérieux  de 
reproche,  quand  on  songe  qu'il  courait  en  France  le  risque 
non-seulement  de  se  voir  enlever  le  fruit  et  jusqu'au  mérite 
de  ses  découvertes,  mais  aussi  la  liberté  et  la  puissance  d'ac- 
tion dont  tout  homme  d'invention  et  de  génie  a  besoin  pour 
remplir  ses  engagements  et  parfaire  ses  œuvres.  Là  fuite  et 
l'exil  volontaires  seraient-ils  donc  plus  compromettants  pour 
la  gloire  d'un  nom  et  l'honneur  d'un  pays  que  le  trafic  hon 
teux  des  idées,  dont  de  malheureux  inventeurs  nous  offrent 
beaucoup  trop  d'exemples  encore  de  nos  jours?  Était-il  pré- 
férable, en  un  mot,  que  Philippe  de  Girard,  devançant  des 
associés  infidèles,  allât  vendre  furtivement  en  Angleterre  les 
droits  de  ses  créanciers  et  jusqu'au  nom  de  sa  propre  famille? 
Notre  illustre  compatriote  ne  porta,  en  effet,  ses  découvertes 
en  Autriche  que'  pour  conserver  la  faculté  de  les  compléter  et 
d'en  faire  partager  ensuite  les  fruits  à  son  pays,  qui  malheu- 
reusement n'en  apprécia  que  bien  tard  le  véritable  mérite  , 
et  à  ses  fidèles  associés  qui,  tels  que  l'honorable  et  savant 
géologue  M.  Constant  Prévost,  demeurèrent  jusqu'à  la  fin 
ses  amis  et  admirateurs  zélés,  malgré  la  ruine  complète  de 
leurs  premières  et  légitimes  espérances. 


1  Ceci  est  attesté  par  le  témoignage  désintéressé  de  M.  Constant  Prévost 
et  par  le  passage  d'une  lettre  datée  d'octobre  1836  où  Philippe  de  Girard, 
alors  à  Manchester,  lui  peint  la  douleur  qu'il  a  éprouvée  en  retrouvant  dans 
la  patente  anglaise  du  17  novembre  1814,  délivrée  au  sieur  Hall  (Horace) , 
simple  négociant  (merchant),  ses  propres  dessins  et  descriptions,  que  le 
patenté  déclare  tenir  d'un  étranger  qon  résidant  en  Angleterre  (a  certain 
Joràgner  residing  abroad) ,  et  que  l'auteur  reconnaît  pour  être  les  mêmes 
qu'A  avait  confiés  à  M.  Duserreau  peu  avant  cette  époque. 


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176  VF  JURY. 

CHAPITRE  II. 

ÉTAT  DE  LA  FILATURE  MECANIQUE  DU  LIE  ET  DO  CHANTEE  APRES  l8l5. 


S  I".  —  Établissement  de  cette  filature  en  Allemagne  et  en  Pologne  par 
Philippe  de  Girard.  —  Les  filatures  de  Hirtenberg  et  de  Girardow:  les 
comtes  de  Montfort  et  de  Lub'unskj.  —  MM.  de  Bévieres,  Constant  Prévost, 
et  rétablissement  de  la  rue  de  Vaugirard,  à  Paris  :  expériences  et  rapport 
de  MM.  Pajot,  Descharmes,  Régnier  et  Christian,  successeur  de  Molard 
au  Conservatoire  des  arts  et  métiers. 

Les  causes  essentielles,  radicales  même,  de  la  ruine  des 
établissements  formés  par  Philippe  de  Girard,  à  Paris,  pour  le 
filage  mécanique  du  chanvre  et  du  lin ,  continuèrent  à  subsister 
en  Autriche  comme  en  France;  mais  il  s'en  joignit  d'autres 
non  moins  fâcheuses ,  telles  que  l'incendie  de  l'établissement 
de  Hirtenberg,  des  inondations  fréquentes,  renchérissement 
des  matières  premières,  enfin  l'avilissement  du  prix  des  fils 
et  tissus  vers  1826,  époque  où  l'Angleterre  commençait  une 
redoutable  lutte  avec  les  producteurs  des  fils  de  lin  sur  le 
continent.  Ce  n'étaient  pas  les  faibles  subventions  annuelles 
accordées  par  l'empereur  d'Autriche  à  la  filature  modèle  de  Hir- 
tenberg, ni  même  les  3oo,ooo  francs  engagés  généreusement 
en  1817  par  le  comte  de  Montfort  (prince  Jérôme  Bonaparte) 
dans  cet  établissement,  qui  pouvaient  l'empêcher  de  dépérir, 
bien  qu'il  fût  dans  des  conditions  relativement  favorables  sous 
le  rapport  delà  main-d'œuvre  et  delà  force  motrice;  bien  que 
Philippe  de  Girard  se  soit  préoccupé  dès  1816,  comme  nous 
le  verrons  bientôt ,  des  machines  à  carder  et  à  filer  les  étoupes  ; 
bien  qu'enfin  il  ait  fait,  dès  1817,  des  tentatives  non  moins 
remarquables,  et  sur  lesquelles  nous  aurons  également  à  re- 
venir, pour  créer  des  machines  propres  à  battre  et  à  peigner 
la  filasse  du  lin.  L'allure  languissante  de  la  filature  de  Hir- 
tenberg, malgré  d'excellents  produits  employés  dans  les  tis- 
sages de  M.  Heitzmann,  de  Brana,  en  Moravie,  le  peu  d'espoir, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  .  177 

sans  doute,  de  relever  ses  affaires  dans  une  entreprise  qui 
comptait  au  plus  26  machines  à  filer,  de  1,080  broches;  ces 
circonstances  doivent  être  mises  au  nombre  des  motifs  qui  en- 
gagèrent notre  célèbre  compatriote  à  laisser  la  gestion  de  cette 
affaire  aux  mains  de  son  frère  aîné,  pour  accepter  en  182 5, 
sous  le  titre  d'ingénieur  en  chef  des  mines  de  Pologne  et  avec 
toute  réserve  de  ses  droits  de  citoyen  français,  la  mission  de 
fonder  près  de  Varsovie,  dans  les  terres  du  ministre  des  fi- 
nances, comte  de  Lubieosky,  un  établissement  où  la  filature 
du  lin  par  mécanique  prit  une  grande  extension ,  pour  de  là 
se  répandre  en  Silésie  et  en  Saxe.  La  réussite  de  ce  même  éta- 
blissement, dans  un  lieu  qui  devint  bientôt  une  petite  ville  et 
prit  le  nom  de  Girardow,  doit  être  attribuée  non  nloins  à  la 
puissance  du  capital  engagé  qu'à  des  circonstances  commer- 
ciales plus  favorables  et  à  des  perfectionnements  essentiels 
dans  les  machines  ou  procédés  de  fabrication. 

Je  n'anticiperai  pas  davantage  sur  l'histoire  des  progrès  de 
la  filature  du  lin  et  du  chanvre  à  l'étranger,  et  sur  la  part  im- 
portante qu'y  a  prise  Philippe  de  Girard  ;  j'examinerai  et  recher- 
cherai auparavant  ce  qu'elleest  devenue  en  France  après  i8i5, 
afin  de  reconnaître,  s'il  se  peut,  jusqu'à  quel  point  notre  com- 
patriote est  passible  du  reproche,  qui  lui  a  été  adressé  dans 
ces  derniers  temps,  de  n'avoir  pas  suffisamment  fait  parti- 
ciper son  pays  au  fruit  de  ses  importantes  découvertes. 

Philippe  de  Girard,  comme  nous  l'avons  vu ,  avait  laissé,  en 
181 5,  un  assortiment  complet  de  machines  à  filer  dans  l'éta- 
blissement de  la  rue  de  Gharenton ,  dirigé  par  M.  Constant 
Prévost,  qui,  après  avoir  traité  avec  M.  Gombert  fils,  filateur 
de  retors  à  coudre  à  Paris,  transporta  l'établissement  à  Vau- 
girard  avant  son  départ  de  France  pour  Hirtenberg,  où  il  alla, 
en  1816,  rejoindre  l'inventeur.  M.  de  Bévières,  beau-père  et 
représentant  des  intérêts  de  M.  Constant  Prévost,  d'ailleurs  peu 
au  fait  de  la  fabrication,  fit,  vers  la  fin  de  1817,  au  ministre 
de  l'intérieur  la  proposition  d'acquérir  ces  machines,  au  prix 
de  16,000  francs,  pour  le  compte  du  Gouvernement,  qui,  en 
les  faisant  déposer  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  aurait 

TI*  JCHT.  —  2*  PARTIE.  1  7 


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178  VF  JURY. 

fourni  par  là  aux  industriels  français  les  moyens  de  mettre 
à  profit  les  inventions  de  Philippe  de  Girard. 

L'examen  de  ces  machines  fut  renvoyé  à  une  commission 
qui  les  soumit,  dans  rétablissement  de  la  rue  de  Vaugirard» 
à  des  essais  pendant  la  journée  entière  du  dimanche  25  jan- 
vier 1818.  Cette  commission  était  composée  de  MM.  Pajot, 
Descharmes  et  Régnier,  membres  du  Comité  consultatif  des 
arts  et  manufactures,  ainsi  que  de  M.  Christian,  administra- 
teur du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  où  il  avait,  comme 
on  sait,  succédé  à  Molard  père,  destitué  au  retour  des  Bour- 
bons, et  qui  alors  s'occupait  aussi  de  moyens  mécaniques 
pour  filer  le  lin,  par  des  procédés  qu'il  est  peut-être  permis 
de  confondre  avec  ceux  d'un  certain  Pelletier,  de  Paris,  men- 
tionné à  la  fin  du  Rapport  comme  ayant  produit  la  seule 
machine  qui  jusque-là  ait  donné  des  résultats  assez  satisfaisants 
dans  la  filature  des  longues  fibres  du  lin  et  du  chanvre. 

En  lisant,  de  plus,  dans  ce  Rapport  que  la  machine  du 
sieur  Pelletier  avait  été  brevetée  l'année  précédente  (26  dé- 
cembre 1817) ,  et  ayant  recherché  dans  le  tome  XXV  du  Jle- 
cueil  des  brevets  expirés,  publié  dix-sept  ans  plus  tard  (i834) 
par  le  même  M.  Christian,  la  description  de  cette  machine r 
j'ai  été  fort  surpris  de  n'y  trouver  qu'une  imitation  grossière» 
inintelligente,  du  peigne  sans  fin ,  à  barrettes  et  tringles  expul- 
sives,  de  Philippe  de  Girard,  appliqué  spécialement  à  l'étirage 
de  la  laine  longue  ;  et,  je  l'avoue  encore,  j'ai  été  bien  pénible- 
ment affecté  pour  mon  pays  de  l'idée,  injuste  peut-être,  que 
l'on  avait  voulu  surprendre  la  religion  du  ministre,  ou,  tout 
au  moins,  le  prédisposer  en  faveur  d'un  projet  qui  ne  le  mé- 
ritait à  aucun  titre,  et  qui  a  pu  devenir  ainsi  la  principale 
cause  du  retard  apporté  à  la  propagation  d'une  aussi  impor- 
tante branche  d'industrie1. 

1  Je  considère  encore  comme  une  erreur  bien  préjudiciable  aux  intérêts- 
de  notre  industrie  nationale  la  publication  tardive ,  faite  par  M.  Christian ,  du 
brevet  d'additions  de  Philippe  de  Girard ,  oui  porte  la  date  du  a 4  août"  1 8 1 5 , 
a  la  p.  3i5  du  t.  XIX  de  la  Collection  officielle,  publié  seulement  dans  le 
courant  de  Tannée  i83o,  et  qui,  d'après  la  loi,  aurait  dâ  l'être,  comme  on 


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MACHINES  ET  OUTILS. 


179 


Toutefois,  la  remarque  qui  termine  ce  Rapport  n'a  pas 
moins  que' les  observations  critiques  du  texte  contribué  à  en 
faire  adopter  cette  conclusion  peu  favorable  :  qu'il  n'y  avait 
pas  lieu  d'accueillir  les  propositions  de  M.  de  Bévières.  Malheu- 
reusement encore,  ce  même  texte  ne  nous  donne  aucune  idée 
des  machines  et  des  procédés  de  filature  mis  en  usage  dans  les 
ateliers  de  la  rue  de  Vaugirard,  et  nous  devons  nous  borner  à 
en  extraire  ces  courts  et  significatifs  passages  :  •  Les  Commis- 
saires ont  suivi  tous  les  travaux  depuis  l'étirage  de  la  filasse 
jusqu'à  la  conversion  en  fil  du  n°  4o....  Gomme  simple  re- 
cherche mécanique,  le  moyen  de  convertir  la  filasse  en  ru- 
ban est  très-ingénieux  et  met  sur  la  voie  de  bons  résultats, 
annoncés  par  M.  de  Bévières  comme  ayant  été  obtenus  à 
l'aide  de  machines  singulièrement  améliorées  par  les  frères 
Girard,  à  Vienne,  en  Autriche...  Sous  le  rapport  des  produits, 
le  système  laisse  beaucoup  à  désirer  :  ils  n'ont  ni  l'égalité  ni 
la  solidité  .des  fils  à  la  main ,  n'importe  le  numéro....  »  Les 
machines  à  étirer  rompent  les  fibres,  ce  dont  on  s'aperçoit 
au  passage  des  rubans  à  la  deuxième  machine  préparatoire; 
s'ils  restaient  dans  toute  leur  force  ou  longueur,  on  ne  pourrait 
plçs  les  étirer  dans  les  machines  en  fin....  C'est  ce  qui  est  ar- 
rivé pour  le  fil  de  chanvre....  La  grande  quantité  d'eau  em- 
ployée dans  la  troisième  machine  préparatoire  sera  toujours 
un  obstacle  à  ce  qu'elle  soit  mise  en  usage  dans  les  manu- 
factures régulières,  et  pour  la  malpropreté,  les  soins,  l'en- 
tretien, etc.  »  —  Bref,  il  paraît  aux  commissaires  surabon- 
damment démontré  que  les  intentions  du  Gouvernement  ne 
seraient  nullement  remplies  s'il  venait  à  offrir  ces  machines 
comme  modèles  aux  artistes. 

Il  serait  aujourd'hui  parfaitement  inutile  de  discuter  sé- 
rieusement les  critiques  d'un  rapport  émanant  d'hommes  qui, 
dès  lors,  ne  pouvaient  être  considérés  comme  des  juges  bien 
compétents  et  suffisamment  désintéressés  de  l'avenir  réservé 

Ta  vu,  quatre  années  auparavant,  dans  le  t.  XII  du  même  ouvrage,  où  se 
trouvent  d'ailleurs  les  autres  brevets  non  moins  importants  de  cet  ingénieur 
sur  la  filature  du  lin  et  du  chanvre. , 


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180  VI-  JURY. 

aux  nouvelles  machines;  je  me  contenterai  de  faire  observer 
que  le  dispositif  nécessaire  pour  filer  le  lin  ne  potfvait  nulle- 
ment convenir  au  chanvre,  comme  semblent  le  croire  les 
commissaires,  qui,  en  outre,  n'ont  pas  suffisamment  tenu 
compte  et  de  l'absence  de  l'inventeur,  de  celle  de  ses  anciens 
associés,  contre -maîtres  ou  commanditaires,  et  du  fâcheux 
état  dans  lequel  pouvait  se  trouver  une  fabrication  et  des  mé- 
tiers, principalement  en  charpente,  qui  depuis  plusieurs  an- 
nées déjà  avaient  cessé  de  fonctionner  utilement. 

S  IL  —  Perfectionnements  apportés  en  1817  par  Philippe  de -Girard  à  ses 
premiers  procédés  mécaniques  de  cardage  et  de  filage  des  étoupes  : 
MM.  de  Bévieres  et  le  chevalier  de  Girard,  de  Chabrol  et  Christian.  —  Ce 
que  sont  devenus  depuis  ces  mêmes  procédés  et  machines  :  MM.  Laborde 
et  Saalnier,  à  Paris;  Jacques,  A  Versailles;  Hand-Wadel,  en  Suisse; 
Moret,  à  Mouy  (  Oise) ,  et  M.  Vibert,  breveté,  tous  continuateurs  de  Philippe 
de  Girard,  en  France. 

La  malheureuse  issue  des  tentatives  de  M.  de  Bévières,  et  la 
mention  faite,  dans  le  Rapport  du  Comité  consultatif  des  arts 
et  manufactures,  des  perfectionnements  récemment  apportés 
par  Philippe  de  Girard  à  ses  premiers  procédés  de  filature , 
conduisirent  l'un  de  ses  frères,  ancien  député  au  Corps  légis- 
latif,  à  réclamer,  en  mars  1818,  au  ministre  de  l'intérieur  une 
somme  de  12,000  francs  pour  le  mettre  en  mesure  de  faire 
fonctionner,  comme  spécimen1,  quelques-unes  des  machines 
de  la  rue  de  Vaugirard,  lorsqu'on  y  aurait  apporté  les  per- 
fectionnements annoncés,  et  dont  le  principal  consistait  dans 
l'établissement  des  machines  propres  à  carder  et  à  filer  les 


1  II  s'agissait,  en  réalité,  de  créer,  sous  les  auspices  du  Gouvernement, 
une  filature  modèle  composée  de  deux  métiers  à  filer  en  fin,  de  trois  ma- 
chines préparatoires  et  d'une  machine  à  carder  et  à  filer  les  étoupes.  La  - 
machine  à  carder  consistait  en  un  bâti  de  am,6o  de  longueur,  im,5o  de  haut 
et  om,4S  de  largeur,  fermé  de  toutes  parts  et  contenant  deux  tambours,  l'un 
de  i",3o,  l'autre  de  o",4i  de  diamètre,  garnis  de  80,000  aiguilles.  Cet 
établissement  devait  fonctionner  pendant  deux  mois  consécutifs  au  moyen 
du  faible  crédit  réclamé. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  181 

étoupes,  déjà  mentionnées.  Sur  un  nouveau  Rapport  de  M.  Chris- 
tian, à  qui  les  dessins  furent  communiqués,  et  malgré  tout 
l'intérêt  qu'avait  manifesté  M.  de  Chabrol  dans  une  visite  per- 
sonnelle faite  à  la  rue  de  Vaugirard;  malgré  même  la  décla- 
ration ,  assez  peu  explicite  d'ailleurs,  que  l'exécution  de  ces  per- 
fectionnements ne  peut  qu'améliorer  le  système  de  filature  de 
M.  de  Girard,  la  somme  fut  réduite  à  7,000  francs,  avec  la 
condition,  que  je  craindrais  de  qualifier  ici,  d'un  prêt  hypo- 
thécaire sur  des  liens  fonds,  qui  devait  s'effectuer  en  juillet 
1818,  mais  dont  le  chevalier  de  Girard  ne  voulut  pas  profiter 
par  des  motifs  qu'il  n'est  que  trop  aisé  d'apprécier  d'après  tout 
ce  qui  précède. 

Ainsi  furent  repoussés  de  la  France  les  machines  et  l'in- 
venteur des  nouveaux  et  ingénieux  procédés  de  filature  du 
chanvre  et  du  lin. 

Quant  aux  perfectionnements  dont  il  vient  d'être  parlé, 
il  y  a  tout  lieu  de  les  supposer  identiques 1  à  ceux  que  Ton 
trouve  décrits  dans  le  troisième  certificat  d'addition  relatif  au 
démêlage  et  au  filage  des  éloupes2,  et  dont  la  demande  par  le 
frère  aîné  de  Philippe  de  Girard  remonte  au  9  juin  1818, 
quoiqu'il  n'ait  été  accordé  que  le  1 1  septembre  suivant  Nous 
avons,  de  plus,  acquis  la  certitude  que  le  texte  en  est  con- 
forme à  celui  que  ce  dernier  ingénieur  avait  adressé  dès 
1817  de  Vienne,  en  Autriche  ',  et  pour  lequel  il  s'était  égale- 
ment fait  breveter  dans  ce  pays.  Ces  procédés,  dit  l'auteur, 
peuvent  être  considérés  comme  une  combinaison  des  procédés 
précédemment  décrits  avec  ceux  qu'on  emploie  pour  la  filature 
de  la  laine  et  du  coton ,  mais  disposés  de  manière  à  amener 
toujours  le  nettoiement  et  le  parallélisme  graduel  des  fibres 
sans  en  occasionner  la  rupture. 

Pour  atteindre  ce  but,  ajoute  Philippe  de  Girard,  on  soumet 
les  étoupes  à  un  premier  tambour  muni  de  sérans  à  barrettes, 

1  N'ayant  point  la  patente  anglaise  sous  les  yeux,  je  ne  saurais  être  plus 
affirmatif  ;  mais  l'identité  résulte  des  rapprochements  et  des  témoignages 
qu'on  trouTera  mentionnés  ci-après^ 

1  Page  1 3o  du  t.  XII  de  la  Collection  imprimée  des  brevets. 


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182  VP  JURY. 

avec  traverses  expuisives  ou  élévatoires,  qui  les  reçoit,  eu 
nappes  planes  et  minces,  d'une  toile  alimentaire  sans  fin, 
pour  les  livrer  ensuite  à  un  hérisson  ou  peigne  continu  armé 
d'aiguilles  sans  coudes,  et  animé  d'ua  mouvement  contraire, 
beaucoup  plus  rapide  que  celui  du  tambour  à  traverses  mo- 
biles. On  obtient  ainsi,  dit-il,  une  nouvelle  nappe  ou  ruban  de 
filasse  qu'on  enlève  ensuite  au  tambour,  pour  la  repasser  en 
plusieurs  fois,  soit  à  la  même  machine,  soit  à  d'autres  sem- 
blables dont  les  peignes  sont  de  plus  en  plus  fins  et  resserrés. 

Ce  procédé,  comme  on  voit,  diflère  principalement  de 
celui  du  cardage  ordinaire  par  l'emploi  des  sérans  à  tringles 
expulsives,  guidées  ici,  soit  à  l'aide  d'anneaux  oblongs,  de 
brides  saillantes  en  fil  de  laiton,  montés  sur  le  tambour  à  sé- 
rans ,  soit  par  des  évidements  de  forme  analogue  pratiqués 
dans  de  minces  feuilles  de  tôle  annulaires,  fixées  également 
au  tambour,  et  formant  autant  de  cuulisses  extérieures  qui  ne 
leur  laissent  que  la  liberté  de  s'élever  normalement  à  la  sur- 
face de  ce  tambour. 

Dans  l'étirage  des  rubans  ainsi  obtenus,  comme  dans  la  fila- 
ture à  sec  et  en  gros  des  étoupes,  Philippe  de  Girard  substitue 
également  les  tambours  à  tringles  élévatoires  aux  peignes  sans 
fin  mentionnés  dans  les  précédents  certificats  de  perfection- 
nements, et  qu'il  réserve  pour  l'étirage  des  longues  filasses  du 
lin  et  du  chanvre.  Au  lieu  du  seul  tube  à  la  fois  tordeur  et 
détordeur  mentionné  dans  le  brevet  de  i8i5,  et  qui  donnait 
lieu  à  de  fréquentes  ruptures ,  Philippe  de  Girard  en  emploie 
deux,  placés  à  la  suite  l'un  de  l'autre,  et  dont  le  premier,  im- 
mobile ,  sert  à  réunir  les  fibres  après  l'étirage ,  tandis  que  le  se- 
cond ,  animé  d'un  mouvement  de  rotation  alternatif  très-rapide 
sur  lui-même,  sert  à  tordre  les  mèches,  tantôt  dans  un  sens, 
tantôt  en  sens  contraire  ;  ce  qui  suffit  pour  empêcher  qu'elles  ne 
se  mêlent  sur  les  bobines  horizontales,  et  éviter  toute  torsion 
permanente  dans  l'étirage  ultérieur  des  gros  fils,  aux  métiers 
en  fin  ;  torsion  dont  l'entière  suppression  préoccupe  aujour- 
d'hui même,  comme  on  l'a  vu  (Introduction  générale),  tous 
les  filateurs  habiles  de  la  laine  et  du  coton. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  183 

L'emploi  de  ces  couples  de  tubes  et  la  suppression  des  lan- 
ternes à  fuseaux  servant  à  enfoncer  la  filasse  sur  les  tambours 
de  ces  premières  machines  sont  d'ailleurs  indiqués  par  Phi- 
lippe de  Girard  pour  la  filature  du  lin  comme  pour  celle  des 
étoupes,  et  il  termine  en  décrivant  le  nouveau  dispositif  des  sup- 
ports de  charpente  en  talus  qu'il  a  adopté  pour  le  métier  en 
fin,  couronné  ici  par  une  cuvette  à  eau  régnant  dans  toute  sa 
longueur,  et  qu'alimente  une  pompe  commune  d'où  le  liquide 
s'écoule  par  autant  de  becs  ou  de  mèches  qu'il  existe  de  cou- 
ples de  cylindres  fournisseurs  et  étireurs;  ces  cylindres  eux- 
mêmes  étant  rapprochés  les  uns  des  autres,  comme  on  l'a  déjà 
expliqué  à  l'occasion  du  Certificat  d'additions  et  de.  perfec- 
tionnements de  janvier  181 2. 

Les  dessins  qui  accompagnent  cette  description  montrent 
d'ailleurs  que,  à  l'époque  de  1817  ou  1818,  Philippe  de  Gi- 
rard n'en  était  plus  à  de  simples  essais»  et  que  ses  machines 
avaient  acquis  un  degré  de  perfection  qui  les  rendait  aptes  à- 
donner  des  résultats  réguliers,  utiles,  et  l'on  en  doit  d'autant 
plus  vivement  regretter  que  le  ministère  d'alors  n'ait  pas  ac- 
cueilli plus  favorablement  la  demande  du  chevalier  de  Girard 
et  ne  lui  ait  pas  fourni  les  facilités  et  encouragements  que  l'on 
a  vu  depuis,  et  même  auparavant,  accorder  à  d'autres  tenta- 
tives qui,  à  la  vérité,  n'avaient, besoro  d'aucun  nouvel  effort 
de  génie  de  la  part  des  importateurs  pour  prospérer  ou  en 
faire  jouir  le  pays.  .; 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  machines  que  notre  Gouvernement 
repoussa  si  malencontreusement  furent  achetées  par  le  méca- 
nicien Laborde,  de  Paris,  qui  déjà  les  avait  fait  fonctionner  en 
1817  et  1818.  Dès  1820  aussi ,  M.  Jacques ,  de  Versailles ,  intro- 
duisit dans  sa  filature,  non  sans  quelque  succès,  les  procédés  et 
les  machines  de  Philippe  de  Girard.  C'est  encore  vers  la  même 
époque,  ou  peu  après,  que  M.  Saulnier,  de  Paris,  construisit 
pour  la  filature  de  Gamaches  six  assortiments  de  ces  mêmes 
machines,  sans  doute  plus  ou  moins  modifiées.  Enfin,  ce 
dernier  ingénieur  aurait  également  fourni,  vers  1822,  dix- 
huit  machines  de  cette  espèce  à  M.  Hunel-Wadel,  à  Arau,  en 


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184  VT  JURY. 

Suisse,  et,  postérieurement,  deux  assortiments  à  M.  Moret ,  de 
Mouy  (Oise).  Mais  les  documents  que  j'ai  sous  les  yeux  ne  me 
permettent  pas  de  suivre  plus  longtemps  la  destinée  indus- 
trielle et  commerciale  du  système  Girard  en  France,  ni  de 
découvrir  la  nature  des  transformations  qu'il  aura  pu  y  subir 
successivement. 

On  voit  seulement  par  le  brevet  que  le  sieur  Vibert  (Fran- 
çois-Christophe), l'un  des  anciens  associés  de  l'établissement 
de  la  rue  de  Vendôme,  prit  en  novembre  182 4 ,  sous  le  titre 
spécieux  d'invention  et  perfectionnement  des  procédés  de  Philippe 
de  Girard,  on  voit,  dis-je,  que  ces  procédés  étaient  assez  peu 
répandus  et  appréciés  jusque-là,  du  moins  dans  notre  pays, 
puisque,  après  les  avoir  décrits  à  peu  près  tels  qu'ils  exis- 
taient sans  doute  à  l'époque  dei8i4eti8i5,  l'auteur  y  re- 
nonce ensuite,  pour  ainsi  dire,  complètement.  En  effet,  il  nie 
tout  d'abord  qu'on  puisse  autant  rapprocher  entre  eux  les  cy- 
lindres étireurs  et  fournisseurs  que  l'a  supposé  Philippe  de  Gi- 
rard, et  qu'il  suffise  de  faire  tremper  les  mèches  ou  rubans 
dans  une  cuvette  à  eau  chaude  pour  opérer  le  décollement  des 
fibres  lors  du  filage  en  fin;  ce  résultat  ne  pouvant,  suivant  le 
breveté,  être  atteint  qu'à  l'aide  d'un  véritable  iécreusage  des 
préparations  obtenues  sur  les  métiers  en  gros.  Or,  en  écar- 
tant entre  eux  les  cylindres  dont  il  vient  d'être   parlé  de 
quantités  variables  d'après  la  longueur  naturelle  des  fibres  du 
lin  et  du  chanvre,  l'auteur  du  nouveau  brevet,  M.  Vibert,  est 
par  là  même  contraint  de  renoncer  à  la  disposition  horizon- 
tale de  ces  cylindres,  etc.  En  définitive,  cet  industriel  propose 
un  nouveau  système  de  filature,  où  conservant  aux  fils  toute 
leur  longueur  et  abandonnant  les  peignes  d'étirage,  à  chaîne 
sans  fin ,  de  Philippe  de  Girard ,  il  leur  substitue  de  grands 
tambours  à  cardes,  suivant  l'ancien  procédé  plus  spécialement 
applicable  à  la  préparation ,  au  filage  des  étoupes  du  chanvre 
et  du  lin,  tambours  munis,  il  est  vrai,  de  sérans  à  barrettes 
et  tringles  élévatoires,  mais  dépourvus  des  ingénieux  dispo- 
sitifs qui  en  rendaient  l'usage  facile  ou  possible  dans  les  pre- 
miers essais  de  notre  illustre  compatriote. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  185 

S  III.  —  Oubli  et  abandon  des  idées  an  Philippe  de  Girard  en  France;  im- 
portation, À  partir  de  i835,  des  premières  machines  anglaises  perfec- 
tionnées d'après  les  procédés  de  ce  savant  ingénieur.  —  Brevets  délivrés, 
en  France,  à  MM.  Vautroyen  et  Rieff,  John  Suttil,  Ch.  SchUunberger  et 
Breidt.  —  MM.  Horace  Hall,  Cachard  et  Lanthois,  James  Kay,  Marshall, 
Hites  et  Atkinson,  en  Angleterre. 

Evidemment  Fart  avait  rétrogradé  en  France,  et  le  brevet 
de  M.  Vibert,  qui  résumait,  en  les  critiquant  et  dénaturant, 
les  idées  primitives  de  Philippe  de  Girard,  ce  brevet  et  l'indif- 
férence du  Gouvernement  n'ont  pas  peu  contribué  à  discré- 
diter les  nouveaux  procédés  parmi  les  filateurs  français,  et 
à  les  faire  tomber  même  bientôt  en  complet  oubli,  comme 
on  peut  le  voir  notamment  par  les  brevets  accordés  en  i$25 
à  MM.  Vautroyen  et  Rieff,  de  Colmar,  et  en  juin  1826  à 
M.  Suttil  (John),  de  Londres,  brevets  où  Ton  parait  ignorer 
entièrement  les  procédés  dont  il  s'agit.  Le  changement  n'est 
pas  moins  apparent  dans  le  brevet  i 'importation  pris  en  mars 
1828  par  MM.  Charles  Schlumberger  père  et  fils,  devenus 
depuis  1827,  avec  M.  Breidt,  propriétaires  et  directeurs  de  la 
filature  de  Nogent-les-Vierges ,  près  Clennont  (Oise);  filature 
où  Ton  produisait,  dit-on,  dans  les  not  de  10  à  3o,  des  fils 
tissés  ensuite  sur  i5o  métiers  automates  du  système  Debergue, 
fournissant  journellement  jusqu'à  4oo  mètres  de  toile  de  cre- 
tonne. On  y  voit,  en  effet,  une  continue  de  16  broches,  sur 
un  uni  rang,  avec  bâti  et  engrenage  en  fonte,  porter  une 
large  tête  d'étirage  dont  les  deux  couples  de  cylindres  sont 
écartés  de  toute  la  longueur  des  fibres,  et  dans  lesquels  la 
longue  filasse  ne  reçoit  d'humidité  que  par  l'intermédiaire 
de  l'un  des  rouleaux  alimentaires,  frottant  contre  une  éponge 
baignée  dans  l'eau  d'une  cuvette  inférieure. 

Ces  exemples,  les  derniers  surtout,  démontrent  que  nos 
filateurs  tendaient  de  plus  en  plus  à  se  rapprocher  du  sys- 
tème anglais,  qui  alors  était  bien  loin  encore  de  la  perfection 
qu'on  lui  a  vu  atteindre  depuis  l'introduction  des  procédés 
de  notre  compatriote  dans  les  grands  établissements  de  Leeds. 


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]8ô  VI*  JURY. 

C'est  ce  dont  on  peut  se  convaincre  par  l'ouvrage,  à  la  vérité 
informe,  du  praticien  Andrew  Gray,  publié  à  Edimbourg  en 
1819,  et  où  Ton  voit  le  lin  et  le  chanvre  soumis  à  des  pro- 
cédés de  filage  et  d'étirage  qui  rappellent  ceux  de  William 
Robinson,  Busby  et  Leroy,  si  ce  n'est  qu'ils  appartiennent  à 
un  système  de  construction  en  fer  ou  fonte  plus  avancé,  et 
qu'on  voit  ici  le  mouvement  des  bobines  ou  l'enroulement 
du  fil  sur  leur  gorge  régularisé  au  moyen  des  petits  poids  à 
friction  dont  j'ai  précédemment  parlé,  et  qui  paraîtraient  être 
ainsi  une  idée  anglaise  déjà  ancienne. 

En  m'arrétant  davantage  au  contenu  du  livre  d'À.  Gray, 
je  craindrais  de  donner  une  idée  fausse  et  par  trop  défavo- 
rable de  l'état  de  cette  branche  d'industrie  en  Angleterre.  Car, 
d'une  part,  nous  savons  par  les  déclarations  publiques  de  Phi- 
lippe de  Girard,  qui  n'ont  jamais  été  réfutées  dans  ce  dernier 
pays  ni  dans  le  nôtre,  que  la  patente  prise  par  Horace  Hall 
en  septembre  181 4  ou  mai  181 5  était  la  copie  exacte  des 
mémoires  descriptifs  et  dessins  du  système  de  filature  de  ce 
célèbre  ingénieur;  d'une  autre,  on  ne  saurait  admettre  que 
l'habile  négociant  anglais  qui  avait  consenti1,  comme  on  Ta  vu, 
à  payer  à  un  si  haut  prix  le  rapt  de  Cachard  et  Lanthois  n'en 
ait  su  tirer  aucun  parti  dans  une  contrée  où  les  moindres  dé- 
couvertes, les  moindres  perfectionnements,  sont,  je  le  répète, 
immédiatement  appréciés  et  mis  à  profit,  et  cela  avec  d'autant 
plus  de  motifs,  qu'il  y  a  lieu  de  supposer  qu'une  portion,  si 
oe  n'est  la  totalité  des  machines  ou  modèles  qui  constituaient 
l'établissement  de  la  rue  de  Vendôme,  ont  dû  accompagnée 
ou  suivre  de  très -près  l'envoi  à  Londres  des  dessins  servant 
d'appui  à  la  patente  de  181 5. 

Philippe  de  Girard  ne  nous  aurait  rien  appris,  d'ailleurs,  de 
sa  visite  à  Leeds  en  1 826 ,  où  il  avait  vu  ses  é tireuses  continues 
employées  à  la  préparation  du  lin,  qu'il  nous  en  serait  resté 
une  preuve  d'autant  plus  convaincante  peut-être,  qu'il  paraît 
l'avoir  complètement  ignorée,  et  qu'elle  ressort  du  témoignage 
désintéressé  d'un  homme  fort  compétent,  M.  Motard  jeune, 
qui  avait  lui-même  visité  en  1819,  c'est-à-dire  sept  ans  au* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  187 

paravant,  rétablissement  déjà  très -vaste  fondé  par  M.  Mar- 
shall père  dans  cette  industrieuse  cité,  et  demeuré,  de  nos 
jours  encore,  l'un  des  plus  importants,  des  plus  célèbres  de 
la  Grande-Bretagne. 

Nous  lisons,  en  effet,  dans  la  2a9  année  du  Bulletin  de  la 
Société <T encouragement  (1$ 2$ ,  p.  16)  ',  que  cet  établissement, 
où  Ton  employait  déjà  une  machine  à  vapeur  de  100  chevaux, 
s'était  élevé  sous  la  direction  du  Français  Cachard,  et  qu'on 
y  filait  les  étoupes  à  peu  près  de  la  même  manière  que  M.  Zi- 
belin  l'avait  fait  en  1821  à  Ingersheim,  près  Colmar,  c'est-à- 
dire  en  les  cardant,  en  les  soumettant  à  un  étirage  et  à  un 
boudinage,  pour  de  là  les  faire  passer  au  métier  qui  file  en 
fin,  par  un  mouvement  continu.  Or,  bien  que  la  note  trop 
courte  de  M.  Molard  nous  laisse  dans  une  ignorance  à  peu 
près  complète  sur  la  véritable  nature  des  procédés  dont  il 
s'agit,  on  ne  saurait  néanmoins  admettre  que  l'ancien  associé 
de  Philippe  de  Girard  ait  négligé  complètement  les  perfection- 
nements si  remarquables  dont  il  s'était  fait,  quelques  années 
auparavant,  l'importateur  en  Angleterre.  On  voit  aussi  qu'il 
ne  serait  nullement  nécessaire  d'invoquer,  avec  quelques 
auteurs,  le  voyage,  vrai  ou  supposé,  de  M.  Marshall  père  en 
France  et  en  Allemagne,  vers  1824  ou  1825,  pour  être  en 
droit  de  revendiquer  ces  mêmes  perfectionnements  en  faveur 
de  notre  savant  compatriote. 

D'un  autre  côté,  il  résulte  des  mémoires,  notes  ou  corres- 
pondances de  Philippe  de  Girard  que  lors  de  son  voyage  à 
Leeds,  au  commencement  de  1826,  on  filait,  avec  des  béné- 
fices immenses,  dans  l'établissement  du  même  M.  Marshall ,  où 
plus  de  3o,ooo  broches  étaient  alors  en  activité,  et  dans  ceux 
de  MM.  Hives  et  Atkinson,  qui  n'en  contenaient  environ  que 
moitié,  jusqu'à  45, 000  quintaux  de  lin  par  an,  sans  compter 
ce  qu'en  produisaient  un  assez  grand  nombre  d'autres  fila- 
tures moins  considérables  de  la  même  ville;  que  M.  Marshall , 
simple  ouvrier  en  181 5,  devenu  dès   1826  l'un  des  plus 

1  Rapport  sur  des  fis  dtétoupês  obtenus  à  h  mécanique,  par  M.  Zibelin* 


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188  VT  JURY. 

riches  particuliers  de  l'Angleterre,  avait  depuis  longtemps 
adopté  ses  propres  machines  préparatoires  (celles  de  Philippe 
de  Girard,  s'eotend)  à  peignes  continus,  mais  que,  faute  d'y 
joindre  le  procédé  de  décollement  des  fibres  à  l'eau  chaude 
ou  alcaline,  et  de  renoncer  ainsi  à  les  filer  dans  toute  leur 
longueur,  cet  industriel  n'avait  pas  jusque-là  dépassé  les 
nM  i5  à  18  métriques,  tandis  qu'à  Hirtenberg  et  dans  la  fila- 
ture de  M.  Kraûz ,  à  Schemnitz ,  dont  les  produits  mis  sous  les 
yeux  de  M.  Marshall  l'ont  fort  surpris,  dit  Philippe  de  Girard, 
on  atteignait  facilement  le  n°  4o;  qu'enfin,  dans  les  établis- 
sements de  Leeds  on  filait  avec  un  grand  profit  les  étoupes 
fines  aussi  bien  que  le  lin ,  et  les  étoupes  grossières  dans  les 
nm  de  4  à  12,  susceptibles  de  produire  encore  de  bonnes 
toiles  de  ménage. 

Philippe  de  Girard  reconnaît  avec  franchise ,  dans  ses  écrits , 
que  si  ses  procédés  sont  supérieurs  à  ceux  des  Anglais  quant 
à  la  finesse  et  à  l'élévation  du  numéro ,  il  est  demeuré  fort 
en  arrière  sous  le  rapport  du  travail  et  de  l'utilisation  des 
étoupes,  ainsi  que  de  la  vitesse  et  du  débit  des  machines  à 
filer  de  Hirtenberg,  dont  le  cylindre  moteur  des  broches  ne 
recevait  guère  plus  de  3o  révolutions  à  la  minute,  tandis 
que  les  bobines  elles-mêmes  étaient  tout  au  plus  susceptibles 
de  produire  2,000  mètres  de  fil  par  jour  dans  le  n°  i5  mé- 
trique et  i,5oo  mètres  seulement  dans  le  n°  3o,  où  l'on  est 
forcé  de  ralentir  le  mouvement  des  broches,  bien  qu'on  doive 
en  multiplier  le  nombre  des  révolutions  pour  une  longueur 
donnée  des  fils. 

Le  hasard  voulut  que  Philippe  de  Girard,  qui  était  allé  en 
Angleterre  dans  le  but  patent  d'y  acheter  des  machines  en  fer 
pour  divers  établissements  de  l'Allemagne  et  de  la  Pologne,  s'y 
trouvât  justement  à  l'époque  où  le  procédé  de  la  filature  en 
fin  par  dissolution  alcaline  du  gluten  du  lin  et  du  chanvre 
venait  récemment  de  faire  irruption  dans  le  pays  et  y  pro- 
duisait la  plus  grande  sensation,  notamment  à  Leeds,  où  il 
avait  été  publiquement  soumis  à  l'expérience  par  M.  James 
Kay,  filateur  de  coton  à  Preston,  dans  le  Lancashire,  qui 


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MACHINES  ET  OUTILS.  189 

Croyait  s'en  être  assuré  la  possession  par  une  patente  prise 
à  la  date  de  juillet  182  5. 

Cette  dernière  circonstance  conduisit  notre  compatriote  à 
adresser  au  journal  th§  Manchester  Guardian  une  lettre  insérée 
le  2  décembre  1826,  et  répétée  ensuite  dans  d'autres  jour- 
naux anglais,  par  laquelle  il  réclamait  ses  droits  de  priorité  à 
cet  égard,  non  moins  qu'à  l'invention  des  peignes  d'étirage. 
Or  ces  droits,  fondés  sur  la  patente  même  délivrée  en  181 5 
à  H.  Hall,  n'ont  été  contestés  par  personne  en  Angleterre,  pas 
même  par  M.  Kay  ni  M.  Hall,  qui  furent  ainsi  considérés 
comme  entièrement  déchus  :  guidés  d'ailleurs  par  l'inventeur. 
MM.  Hives  et  Atkinson  n'auraient  pas  tardé  également  à  filer 
le  lin  jusqu'au  n°  38  et  au  delà;  enfin ,  dans  cette  même  lettre, 
Philippe  de  Girard  annoncera  découverte,  déjà  ancienne,  de 
ses  machines  à  peigner  le  lin,  très-supérieures,  selon  lui,  à  celles 
qui  étaient  alors  employées  à  Leeds,  et  une  autre  machine  à 
former  les  premiers  rubans ,  qui  s'y  faisaient  encore  à  la  main  ; 
machines  pour  lesquelles  il  offrait  de  donner  tous  les  éclair- 
cissements désirables,  etc. 1. 

Avant  d'en  venir  à  ses  machines  à  peigner,  desquelles  seules 
il  n'a  pas  jusqu'ici  été  question,  on  me  permettra  de  faire 
observer  que  dans  l'intervalle  de  1814  à  1826,  où  MM.  H. 
Hall  et  James  Kay  prirent  leurs  patentes,  il  n'en  a,  à  ma 
connaissance3,  été  accordé  aucune  autre  en  Angleterre  pour 
la  préparation  ou  le  filage  spécial  du  lin  et  du  chanvre,  et  que 
c'est  seulement  à  dater  de  1 83 3,  où  les  filateurs  de  ce  pays 

1  La  véracité  de  ces  différents  faits  est  non-seulement  attestée  par  les 
publications  de  la  famille  de  Philippe  de  Girard,  mais  elle  Test  aussi  par  sa 
correspondance  inédite  avec  M.  Constant  Prévost  pendant  son  séjour  pro- 
longé en  Angleterre  en  1826,  correspondance  que  cet  honorable  académi- 
cien a  bien  voulu  me  confier;  elle  Test  enfin  par  le  témoignage  de  M.  Feray, 
d'Essonne,  célèbre  filateur  et  constructeur  dont  j'ai  eu  déjà,  dont  j'aurai 
encore  l'occasion  de  parler,  et  qui  a  assisté  Philippe  de  Girard  dans  ses 
discussions  et  contestations  avec  les  filateurs  ou  mécaniciens  anglais. 

*  Je  trouve  seulement  dans  les  tables  des  patentes  anglaises  que 
M.  Lang  (J.) ,  filateur  de  lin  à  Greenock  (Ecosse) ,  en  a  pris  une,  en  sep* 
tembre  i83i,  pour  des  machines  propres  à  tailler,  étirer  et  filer  le  lin  ou 


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190  Vf  JURY. 

commencèrent  à  répandre  avec  une  certaine  profusion  leurs 
produits  sur  le  continent,  que  les  ingénieurs  anglais  se  firent 
successivement  breveter  pour  diverses  améliorations  apportées 
aux  machines  de  Philippe  de  Girard,  qui  leur  vint  lui-même 
en  aide  dans  ces  tentatives  de  perfectionnements,  comme  nous 
l'avons  déjà  vu  et  le  verrons  encore  mieux  ci-après.  Toujours 
est-il  que  les  documents  officiels  nous  manquent  entière- 
ment pour  fixer  le  nom  et  la  date  précise  du  premier  établis- 
sement anglais  où  Ton  commença  à  filer  à  l'eau  chaude  d  après 
le  procédé  actuel,  et  qu'il  nous  faut  descendre  à  Tannée  i83o, 
et  revenir  même  en  France,  pour  y  rencontrer  des  indications, 
d'ailleurs  très-insuffisantes,  de  ce  procédé l. 

Nous  voyons  en  effet,  dans  le  tome  XXX  des  Brevets  expi- 
rés a,  qu'il  fut  accordé  à  MM.  Vn^i ,  Houdoy  et  John  Leuty ,  de 
Lille,  un  privilège  de  cinq  ans  pour  l'importation  d'un  pro- 
cédé et  d'une  machine  propres  à  filer  le  lin  aussi  fin  qu'on  le 
désire,  lesquels  consistent  dans  la  parfaite  immersion  des  mèches 
dans  un  liquide  à  un  degré  de  chaleur  quelconque,  et  dans  le 
court  étirage  que  Von  peut  donner  au  lin  par  ce  moyen.  Mais, 
afin  d'éviter  le  reproche  de  plagiat,  les  importateurs,  qui  ou- 
ïe chanvre;  mais,  n'ayant  pas  cette  patente  sous  les  yeux,  il  m'est  impos- 
sible de  -décider  si  les  procédés  de  l'auteur  ont  ou  non  quelque  analogie 
avec  ceux  de  Philippe  de  Girard.  D'ailleurs,  je  n'ai  vu  nulle  part  le  nom 
de  cet  industriel  cité  parmi  ceux  des  inventeurs  des  nouveaux  procédés  de 
filature  du  lin  et  du  chanvre. 

1  Le  brevet,  déjà  cité,  pris  en  France  par  M.  Suttil  (John),  de  Londres, 
en  date  du  3o  juin  i8s6,  vient  à  l'appui  de  ce  que  nous  avons  dit,  pour 
prouver  que  non-seulement  on  ignorait  généralement,  dans  les  deux  pays» 
le  procédé  chimique  du  décollement  des  fibres  à  f époque  précitée,  mais 
qu'aussi  on  y  connaissait  fort  peu  encore  la  méthode  d'étirage  au  moyen 
des  peignes  à  chaîne  sans  fin  ou  continus,  procédé  et  méthode  dont  l'in- 
vention n'est  plus  aujourd'hui  contestée  à  Philippe  de  Girard. 

1  P.  î  îS,  brevet  déchu  plus  tard  et  portant  la  date  du  s 7  octobre  i83o. 
On  voit  par  cet  écrit  que  les  auteurs  ne  connaissaient  point  alors  le  brevet 
délivré  à  Philippe  de  Girard  en  1 81 5 ,  brevet  dont  la  publication  n'eut  lieu 
en  effet,  comme  on  Ta  vu  précédemment,  qu'en  i83o,  dans  le  t.  XIX  de  la 
Collection  imprimée,  et  qui  constitue  véritablement  le  fond  de  la  patente 
illicitement  vendue  par  Cachard  à  H.  Hall. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  191 

blient  de  nous  faire  connaître  le  nom  du  constructeur  anglais, 
ne  manquent  pas  de  reprocher  aux  frères  Girard  d'avoir  pres- 
crit ,  dans  leurs'  brevets ,  de  mouiller  les  préparations  à  l'a- 
vance, puisque  Veau  tiède  suffit  pour  obtenir,  sans,  rupture,  la 
division  des  fibres  tant  cherchée;  reproche  absurde  et  en  contra- 
diction formelle  d'ailleurs  avec  celui  de  Vibert,  qui  prétend, 
comme  on  l'a  vu ,  que  l'eau  chaude  employée  par  Philippe  de 
Girard  ne  suffit  pas  pour  décoller  les  fibres  du  lin ,  et  que  le 
décreusage  est  absolument  nécessaire.  Reste  à  savoir  si  le  pro- 
cédé de  l'eau  chaude  n'occasionne  ou  n'exige,  en  effet,  aucune 
rupture  des  brins,  s'il  ne  donne  lieu  qu'à  un  simple  glissement 
relatif  des  fibres  élémentaires,  et  si,  en  un  mot,  il  s'applique 
aussi  bien  à  la  longue  et  rude  filasse  du  chanvre  qu'à  la 
filasse  plus  courte  du  lin  et  des  étoupes. 

Quant  au  rapprochement  des  cylindres  étireurs  et  fournis- 
seurs sur  deux  plans  en  talus  adossés,  déjà  mis  en  usage,  comme 
on  l'a  vu,  dans  les  filatures  de  la  rue  de  Gharenton,  à  Paris,  et 
de  Hirtenberg  en  Autriche,  il  permet  de  rétrécir  les  têtes 
d'étirage,  de  les  construire  entièrement  en  fonte  de  fer,  de 
doubler  le  nombre  des  broches,  et  de  rapprocher  ainsi  de  plus 
en  plus  leur  construction  de  celle  des  continues  qui  servaient 
alors  ^  filer  le  coton. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  causes  qui  avaient  contraint  Philippe 
de  Girard  à  quitter  la  France  en  18 15  l'empêchèrent  égale- 
ment d'y  rentrer  à  son  retour  d'Angleterre  en  1826,  et  après 
avoir  traversé  rapidement  la  Belgique,  où  il  reçut  la  visite 
d'une  famille  qui  lui  était  tendrement  affectionnée,  il  dut  ren- 
trer en  Pologne,  où  sa  correspondance  avec  d'anciens  associés 
le  montre  occupé  du  perfectionnement  de  ses  premières  ma- 
chines à  peigner,  et  formant  des  vœux  stériles,  de  vains  pro- 
jets, pour  étendre  jusqu'à  sa  patrie  les  heureux  résultats  qu'il 
avait  déjà  obtenus,  et  qu'elle  avait,  si  cruellement  pour  son 
amour-propre  d'inventeur,  méconnus,  repoussés  ou  tout  au 
moins  dédaignés. 


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192  W  JURY. 

S  IV.  —  Examen  spécial  des  derniers  perfectionnements  apportés  par  Phi- 
lippe de  Girard  aux  machines  à  peigner,  d'après  ses  brevets  de  1819  et 
i83a  ;  concours  pour  le  prix  institué  par  la  Société  d'encouragement  de 
Paris. .«—  Infériorité  des  machines  anglaises  :  brevets  de  MM.  Deleourt  et 
Van  de  fVeigh,  de  Paris,  Alexandre  Kajr,  de  Londres.  —  Faibles  récom- 
penses accordées  aux  peigneuses  de  MM.  de  Girard,  CL  SMamberger  et 
David,  de  Lille  (Nord). 

Dès  juin  1819,  par  conséquent  longtemps  avant  son  voyage 
en  Angleterre,  noire  infortuné  compatriote  avait,  par  l'entre- 
mise de  son  frère  aine  (François-Henri Joseph),  adressé  au 
Gouvernement  français  la  demande  d'un  cinquième  Certificat 
d'additions  à  son  brevet  de  1810,  ayant  spécialement  pour 
objet  le  démêlage  et  le  peignage  des  substances  fibreuses  en  général  ; 
coton,  Un,  étoapes,  laines,  etc.  Dans  ce  Certificat,  délivré  en 
novembre  1 8 1 9 1,  Philippe  de  Girard  donne ,  en  premier  lieu , 
la  description  des  machines  à  séries  parallèles  et  détachées  de 
peignes  mobiles,  dilatables  et  accompagnés  de  tringles  expulsives 
pour  les  substances  analogues  aux  étoupes.'  Ces  machines, 
douées  de  mouvements  alternatifs  fort  compliqués,  et  qui  ont 
servi  depuis  de  point  de  départ  à  de  plus  simples,  comme  on 
le  verra  ci-après,  offrent  déjà  ce  caractère  essentiel  que  les 
sérans  à  barrettes  horizontales,  montés  sur  des  châssis  ou 
étriers  oscillant  de  part  et  d'autre  de  la  filasse  suspendue  ver- 
ticalement à  des  rouleaux  fournisseurs,  à  des  pinces  ou  mor- 
daches  à  mâchoires  dentées,  sont  animés  d'un  double  mou- 
vement :  l'un  horizontal ,  qui  permet  à  ces  sérans  de  s'appro- 
cher, de  s'écarter  alternativement  de  la  nappe  de  filasse;  l'autre 
à  peu  près  vertical,  qui  leur  permet  d'en  diviser  les  fibres 
longitudinalement  ou  en  descendant,  et  d'en  détacher,  re- 
pousser de  proche  en  proche,  vers  la  partie  inférieure,  les 
étoupes  saisies  et  entraînées  bientôt  par  des  rouleaux  lami- 
neurs ou  étireurs,  etc. 

Viennent  ensuite  des  machines  à  peignjer  et  à  carder  rotatives 
ou  continues,  avec  tringles  expulsives,  qui  ont  également  servi 

1  T.  XII,  p.  137,  du  Recueil  des  brevets  expirés. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  193 

de  types,  à  la  vérité  imparfaits,  à  d'autres  plus  modernes,  et 
dans  lesquelles,  ainsi  que  pour  les  précédentes ,  les  poignées 
ou  nappes  de  filasse ,  étalées  entre  des  pinces  qui  se  meuvent 
horizontalement  à  la  partie  supérieure ,  les  unes  à  la  suite 
des  autres,  le  long  d'une  vis  à  écrous  mobiles,  ou  de  supports  à 
coulisses  en  fer,  où  les  Conduit  une  chaîne  à  engrenage  sans 
fin ,  ces  poignées ,  ces  nappes  de  filasse  verticalement  suspen- 
dues, sont  soumises  progressivement  à  Faction  d'un  tambour 
horizontal  à  sérans,  parallèle  à  cette  coulisse,  et  dont  les 
aiguilles,  légèrement  recourbées  pour  retenir  momentanément 
les  étoupes,  sont  de  plus  en  jùus  fines  &t  resserrées  à  mesure 
que  l'opération  s'avance.  La  machine  n'agissant  d'ailleurs  ici 
que  d'un  seul  côté  de  la  filasse ,  il  devient  nécessaire  de  re- 
tourner les  pinces  une  à  une  à  la  main,  etc. 

Je  n'insisterai  pas  non  plus  sur  la  machine  à  volant  armé 
de  quatre  barres  horizontales  à  mouvement  très-rapide  et  ser- 
vant à  battre,  assouplir  les  poignées  de  filasse,  suspendues 
verticalement  à  des  pinces  mobiles,  comme  on  l'a  indiqué  ci- 
dessus  ,  parce  que  ces  machines  ont  été  perfectionnées  depuis 
1819  par  Philippe  de  Girard  lui-même,  et  que  leur  principal 
mérite  consiste  bien  plus  dans  la  simplicité  ou  la  nouveauté 
du  principe  que  dans  le  mode  même  d'exécution. 

Toutefois,  il  est  utile  de  rappeler,  au  point  de  vue  historique, 
que  Porthouse,  breveté  dès  180  5  en  Angleterre  pour  une 
colossale  machine  à  peigner  le  lin  et  le  chanvre  par  un  mou- 
vement rotatoire  continu,  avait  déjà  eu  l'idée  de  suspendre 
verticalement  des  poignées  de  filasse  à  des  pinces  placées  à  la 
circonférence  extérieure  d'un  plateau  annulaire ,  susceptible  de 
prendre  diverses  positions  autour  d'un  axe  vertical,  afin  de  pré- 
senter successivement  cette  filasse  à  l'action  de  trois  hérissons 
ou  tambours  cylindriques  munis  de  barrettes  à  sérans,  tournant 
rapidement  sur  autant  d'axes  horizontaux,  emportés  eux-mêmes 
dans  un  mouvement  général  de  rotation,  autour  d'un  second 
arbre  vertical  placé  au  centre  de  la  machine !.  Les  hérissons 

1  Voyex  la  description  de  ceUe  machine  au  tome  IV,  p.  1 38 ,  du  Bulletin 
de  la  Société  &  encouragement. 

ti*  JcaT.  —  a*  partie.  ;  3 


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m  VI*  JURY. 

dont  il  s'agit  offrent  d'ailleurs ,  avec  ceux  mis  en  usage  par 
Philippe  de  Girard»  cette  analogie  qu'ils  portent  des  traverses 
métalliques ,  mobiles  dans  des  coulisses  ou  rainures  pratiquées 
sur  de  minces  disques  en  tôle,  servant  de  limite  à  chaque 
tambour,  et  qui,  sollicitées  par  leur  poids  et  la  force  centri- 
fuge, se  rapprochent  spontanément  de  l'axe  vers  la  partie 
supérieure,  où  se  fait  le  peignage,  et  s'en  éloignent  dans  la 
partie  inférieure,  où  elles  détachent  l'étoupe  superposée,  pour 
la  livrer  à  des  cardes  coniques ,  etc.  J 

La  machine  de  Porthouae  ayant  eu ,  dès  l'origine ,  un  grand 
retentissement  en  France  et  en  Angleterre,  il  n'est  pas  impos- 
sible que  Philippe  de  Girard  lui  ait  emprunté  l'idée  première 
des  pinces  à  mordaches  et  des  traverses  élévatoires  ou  èxpul- 
sives,  dont  il  a  fait  d'ailleurs  des  applications  si  différentes  et 
si  ingénieuses  dans  les  machines  qui  nous  ont  précédemment 
occupés  et  celles  dont  il  sera  question  ci-après. 

En  résumé,  Philippe  de  Girard,  dans  les  procédés  de  fila- 
ture mis  au  jour  et  pratiqués  par  lui  avant  1 8 1 9,  a  emprunté  à 
ses  prédécesseurs  l'idée,  jusque-là  grossière,  des  peignes  à  bar- 
rettes montés  sur  un  tambour  pour  l'étirage  et  le  redressage  à 
secdçs  longues  fibres  du  lin  et  du  chanvre  ;  celle  des  tringles 
expulsives  de  l'étoupe  et  de  la  formation  d'un  premier  boudin 
par  poignées  échelonnées  sur  une  auge,  table  à  étaler  ou  toile 
sans  fin ,  aussi  bien  que  l'idée  première  de  la  pince  ou  mor- 
dache  (hoïier)  généralement  en  usage  aujourd'hui  pour  serrer 
les  nappes  minces  de  filasse  que  Ton  veut  soumettre  directe- 
ment au  peignage  mécanique. 

En  revanche,  on  doit  à  ce  même  ingénieur  une  machine  à 
réunir  ou  à  rubaner,  à  la  vérité  ignorée  ou  abandonnée  de 
nos  jours,  malgré  tout  son  mérite,  mais  dont  les  programmes 
de  notre  Société-  d'encouragement  .tendaient  à  faire  revivre 
l'idée;  les  peigneuses,  avec  ou  sans  étirage,  continues  et  à 
chaîne  sans  fin ,  montées  sur  des  rouleaux  parallèles  mobiles; 
la  suppression,  des  anciens  rouleaux  ou  lanternes  de  pression 
pour  maintenir  la  filasse  pendant  l'étirage;  divers  procédés 
pour  détacher  cette  filasse  des  peignes  à  son  entrée  dans  les 


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MACHINES  ET  OUTILS.  195 

cylindres  étireurs,  et  dont  le  plus  remarquable  consiste  dans 
Temploi  de  brides  en  fil  de  laiton  mobiles  et  de  guides  ou  glis- 
sières extérieures  fixes,  formant  ressorts  et  servante  soulever 
tes  tringles  expulsives  de  cette  filasse.  Enfin  on  doit  àPhilippe  de 
Girard  de  premières  tentatives  pour  démêler,  peigner  le  lin ,  le 
chanvre  et  les  étoupes  au  moyen  d'étrîers  et  de  bielles  à  serai» 
parallèles ,  doués  de  mouvements  alternatifs  ascendants  et  des- 
cendants ,  ou  de  tambours  horizontaux  à  mouvements  continus 
plus  ou  moins  rapides,  munis  de  tringles  expulsives  ou  dé- 
gorgeoirs des  étoupes;  machines  où  Ton  remarque  surtout 
l'ingénieux  chemin  à  coulisse  par  lequel  les  poignées  de  fi- 
lasse, suspendues  verticalement  aux  pinces,  sont  continuelle- 
ment et  successivement  soumises  à  Faction  de  serai»  de  plus 
en  plàs  fins  et  resserrés1. 

Mais  ce  serait  être  oublieux  envers  la  mémoire  de  notre 
illustre  ingénieur  que  de  ne  pas  rappeler  une  fois  de  plus  ici 
qu'il  est  l'inventeur  de  procédés  servant  à  faire  éviter  les  incon- 
vénients attachés  à  la  torsion  préalable  des  mèches  ou  gros  fils 
lors  de  leur  étirage  en  (ils  fins,  et  dont  le  plus  simple,  nommé 
bobinage  à  tubes,  est  aujourd'hui  encore  en  usage  dans  la  fila- 
ture de  la  laine  et  du  coton,  sous  le  nom  trop  exclusif  de, 
méthode  américaine;  qu'on  lui  est  aussi  redevable  de  disposi- 
tifs ingénieux  pour  ralentir  à  volonté  la  vitesse  relative  des 
bobines  ou  l'étirage  des  fils  à  leur  sortie  des  ailettes;  qu'en- 
fin on  lui  doit  J'idée  capitale  de  mouiller  constamment  les 
mèches  soumises  à  cet  étirage,  en  lenr  faisant  envelopper  la 
partie  supérieure  de  l'un  des  cylindres  fournisseurs,  ce  qui 
facilite  le  rapprochement  des  cylindres  étireurs  pour  ainsi  dire  à 
volonté,  en  permettant  ainsi  de  doubler,  dans  un  espace  limité, 
le  nombre  des  broches  et  des  bobines  d'un  même  métier;  idée 
à  laquelle  il  faut  joindre  celle,  plus  capitale  encore,  de  sou- 
mettre les  mèches,  la  filasse  elle-même,  à  l'action  de  l'eau 
chaude  ou  alcaline,  lorsqu'on  veut  arriver  promptement  aux 

1  Voyez  le  quatrième  certificat  d'additions  et  de  perfectionnement  tu 
brevet  déjà  cité,  t.  XII,  p.  137  a  1 54,  pi.  16. 

*3. 


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196  VT  JURY. 

numéros  les  plus  élevés  et  sans  recourir  à  une  série  d'étirage* 

et  de  doublages  par  trop  répétés. 

Sans  ddute,  ces  idées,  ces  inventions,  n'avaient  pas  acquis, 
sous  le  rappprt  de  l'exécution  matérielle ,  le  degré  de  perfec- 
tion et  de  maturité  qui  en  assure  le  succès  manufacturier  et 
que  prise,  avant  tout,  le  monde  industriel  ou  commercial; 
mais  on  n'en  doit  pas  moins  reconnaître  que  Philippe  de  Girard 
avait  posé,  dans  les  importants  mémoires  ou  brevets  dont  il 
a  doté  la  France  de  1810  à  1819,  les  véritables  bases  de  la 
filature  du  lin  et  du  chanvre  par  mécaniques. 

Nous  avoos  vu ,  en  1826,  Philippe  de  Girard  communiquant 
à  MM.  Marshall ,  Hives  et  Atkinson ,  de  Leeds,  ses  procédés  de 
filature  en  fin  et  de  peignage  des  longues  fibres  du  lin  par 
machines.  On  ne  connaissait  guère  alors,  même  en  Angle- 
terre, que  des  peigneuses  mécaniques1,  plus  ou  moins  ana- 
logues à  celles  qui  avaient  été  employées  jusque -là  pour  la 
longue  laine,  et  où  des  volants  à  quatre  bras,  armés  de  sérans 
à  aiguilles  plus  ou  moins  multipliées,  attaquaient  l'un  après 
l'autre  les  mèches  suspendues  à  des  pinces  qui  s'élevaient  ou 
s'abaissaient  alternativement  au  passage  de  ces  peignes,  agis- 
sant d'un  seul  côté  des  mèches,  mais  bientôt  engorgés  par  les 
Housses  ou  étoupes  qu'il  fallait  enlever  à  la  main,  etc.  Ces 
peigneuses,  comme  nous  l'apprend  également  M.  de  Girard, 
exigeaient  une  succession  de  passages  et  de  retournements  du 
lin  dans  des  machines  qui  ne  différaient  les  unes  des  autres 
que  par  l'écartement  et  la  grosseur  décroissante  des  aiguilles  ; 
d'où  des  déchets  et  une  main-d'œuvre  énormes,  qui  faisaient 
préférer  le  peignage  à  la  main  dans  toutes  les  filatures  de  lin  » 
mais  dont'  étaient  exemptes,  en  majeure  partie  du  moins,  les 
peigneuses  que  cet  ingénieur  avait  de  plus  en  plus  perfection- 
nées dans  les  établissements  de  Hirtenberg  et  de  Girardow. 
Aussi,  les  célèbres  filateurs  de  Leeds  que  j'ai  souvent  cités 
s'empressèrent-ils,  et  j'en  ai  sous  les  yeux  une  preuve  irrécu- 


1  Sans  doute  les  mêmes  qui  ont  été  perfectionnées  depuis  par  MM.  Ro> 
fcertson,  Peter,  en  Angleterre,  et  André  Kœchlin,  en  France. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  197 

•sable,  datant  de  1826,  d'adopter  la  peigneuse  double,  verti- 
cale, à  chaîne  sans  fin  et  dégorgeoirs,  de  notre  compatriote; 
peigneuse  qui  aujourd'hui  même,  comme  on  le  verra,  per- 
fectionnée en  quelques  points ,  est  encore  employée  soit  en 
France,  soit  en  Angleterre. 

L'accueil  fait  dans  ce  dernier  pays  aux  inventions  de  Philippe 
de  Girard  et  l'annonce  du  prix  fondé  en  1828  par  la  Société 
d'encouragement  de  Paris  pour  le  peignage  mécanique  du 
lin,  prix  dont  la  valeur,  fixée  à  6,000  francs,  fut  doublée  par 
le  Gouvernement  en  raison  des  difficultés  et  du  peu  d'avan- 
cement de  la  question,  ces  circonstances,  dis-je,  engagèrent 
plus  que  jamais  notre  compatriote  à  s'occuper  du  perfection- 
nement de  ses  anciennes  machines  à  peigner,  et  il  en  fit  l'ob- 
jet d'un  nouveau  brevet  d'importation  en  France ,  pris  en 
novembre  i832  au  nom  de  son  neveu  (Henri-Frédéric  de 
Girard),  officier  d'état-major  français,  à  qui  il  en  avait  trans- 
mis la  jouissance  exclusive  quelque  temps  auparavant. 

En  recourant  d'ailleurs  aux  brevets  accordés  en  1829,  en 
France,  à  MM.  Delcourt  etWan  de  Weigh,  de  Paris,  ainsi 
qu'à  M.  Kay  (Alexandre) ,  de  Manchester,  pour  des  machines 
à  peigner  le  lin  et  le  chanvre  \  on  pourra  juger  de  l'état  d'im- 
perfection et  de  complication  dans  .lequel  se  trouvait  cette 
partie  de  la  filature  peu  avant  l'époque  où  Philippe  de  Girard 
songea  à  faire  connaître  ses  dernières  idées  de  perfectionne- 
ment en  France.  Ces  idées  ont  trop  d'importance  pour  l'his- 
toire de  la  filature  en  général,  elles  ont  exercé  en  particulier 
une  trop  grande  influence  sur  les  progrès  du  peignage  méca- 
nique du  lin  et  du  chanvre,  pour  que  je  puisse  me  dispenser 
d'en  donner  une  analyse  sommaire,  comme  je  l'ai  fait  pour 
les  autres  inventions  de  Philippe  de  Girard,  d'autant  plus  que 
quelques-unes  de  ces  idées  pourraient  aujourd'hui  encore  être 
mises  à  profit  par  nos  industriels. 

Le  brevet  dont  il  s'agit  donne,  en  premier  lieu,  la  descrip- 
tion d'une  machine  à  dagxur,  c'est-à-dire  à  battre  ou  fouetter 

1  T.  XXVII  et  XXX  du  Recaeil  officiel  des  omets  expirés. 


I 


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198  VP  JURY. 

la  filasse ,  suspendue  à  des  pinces  mobiles  sur  une  coulisse 
horizontale  supérieure,  et  dont  le  but  est  d'assouplir,  de  dé- 
gager cette  filasse  des  pailles  et  corps  étrangers  qu'elle  ren- 
ferme en  sortant  de  l'opération  du  teillage.  Glose  de  toutes 
parts  afin  d'éviter  les  émanations  de  poussières  si  nuisibles  à 
la  santé  des  ouvriers,  elle  est  composée  de  deux  larges  châssis 
trapézoîdes,  armés  de  lames  de  fer  ou  battes  tournant  excen- 
triquement  et  en  sens  contraire  autour  d'axes  horizontaux 
parallèles,  et  qui,  dans  leur  croisement  ou  emboîtement  réci- 
proque, atteignent  de  part  et  d'autre  les  nappes  de  filasse 
suspendues,  comme  on  l'a  dit,  à  des  pinces  placées  à  la  suite 
les  unes  des  autres  par  un  premier  ouvrier  sur  une  coulisse 
supérieure  horizontale,  tandis  qu'un  deuxième  ouvrier  reporte 
sur  la  coulisse  analogue  de  la  machine  à  peigner  eps  mêmes 
pinces  an  fur  et  à  mesure  qu'elles  arrivent  à  l'extrémité  oppo- 
sée de  la  machine  à  daguer.  Les  deux  branches  dont  se  com- 
posent ces  pinces,  au  lieu  d'être  simplement  serrées,  comme 
d'habitude,  par  des  vis  qui  précédemment  occasionnaient  des 
pertes  de  temps  énormes ,  pour  placer  du  enlever  la  filasse 
à  chaque  opération  et  retournement,  ces  branches  sont  ici 
assemblées  à  charnières  avec  des  coins  ou  clefs,  mus  par  un 
levier  très-puissant  qui  les  serre  ou  desserre  à  la  fois  et,  pour 
ainsi  dire,  instantanément. 

Les  anciennes  peigneuses  de  Philippe  de  Girard,  à  mouve- 
ments continus  ou  alternes,  ont  reçu  également,  dans  le  nou- 
veau brevet,  des  modifications  et  perfectionnements  très- 
essentiels,  fondés  sur  les  principes  suivants  : 

i°  Elles  doivent  être  doubles,  de  manière  que  les  nappes 
minces  de  filasse  suspendues  verticalement  aux  pinces  'supé- 
rieures soient  attaquées  des  deux  côtés  à  la  fois;  2°  les  sérans, 
montés  sur  des  barrettes  horizontales  parallèles  et  équidis- 
tantes,  doivent  alterner  de  façon  que  les  aiguilles  de  l'une 
correspondent  respectivement  aux  intervalles  vides  de  l'autre; 
3°  ces  aiguilles  doivent  aller  continuellement  en  se  resserrant 
et  augmentant  de  finesse,  à  partir  du  point  d'entrée  de  la  fi- 
lasse jusqu'à  la  sortie  des  peignes  par  l'extrémité  opposée; 


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MACHINES  ET  OUTILS.  190 

4°  le  peignage  doit,  autant  que  faire  se  peut,  commencer  Ver* 
la  pointe  on  le  bas  des  mèches  pour  s  avancer  graduellement, 
en  ^approfondissant  ver»  leur  partie  la  plus  épaisse,  ce  qui 
réclame ,  suivant  la  nature  de  la  peigneuse,  des  procédés  dif- 
férents et  dont  il  sera  dit  un  mot  ci-après,  le  but  étant  de 
dégager  progressivement  et  par  parties  les  étoupes  et  d'éviter 
la  formation  des  nœuds  ou  boutons. 

D'après  ces  vues  rationnelles  et  expérimentales,  appliquées 
et  énoncées  nettement  pour  la  première  fois ,  si  je  ne  me 
trompe ,  par  Philippe  de  Girard ,  le  tambour  à  sérans  du  brevet 
de  1818  devait  être  accompagné  d'un  second  tambour  à  axe 
horizontal  parallèle  au  premier,  et  dans  l'intervalle  desquels 
la  filasse  se  mouvait  comme  on  l'a  déjà  expliqué.  Néanmoins, 
fauteur  indique  ici,  au  lieu  de  ces  tambours  horizontaux, 
trois  couples  de  peigneuses  verticales  à  chaînes  sans  fin,  pla- 
cées à  la  suite  les' unes  des  autres  et  semblables  à  celles  de  ses 
étireuses  horizontales,  mais  opposées  deux  à  deux  parallèle- 
ment, de  manière  à  attaquer  de  chaque  côté  à  la  fois  les 
nappes  de  filasse  suspendues  à  des  pinces  dirigées  d'abord 
par  une  glissière  supérieure  inclinée,  et  traînées  ensuite,  au 
moyen  d'une  petite  chaîne  sans  fin  ordinaire,  sur  une  cou- 
lisse horizontale,  d'où  les  reçoit  un  aide  qui  les  place  aussitôt 
sur  la  coulisse  supérieure  de  la  machine  à  daguer,  et  ainsi 
alternativement.  Les  étoupes,  arrivées  au  bas  des  chaînes  à  sé- 
rans, en  sont  d'ailleurs  dégagées  au  moyen  de  tringles  mo- 
biles expulsives  ou  dégorgeoirs  glissant  sur  des  guides  exté- 
rieurs fixes,  etc.,  pour  s'enrouler  finalement  sur  un  tambour 
horizontal,  où 'elles  forment  trois  nappes  de  degrés  différents 
de  finesse,  nappes  que  de  petits  enfants  enlèvent  au  fur  et  à 
mesure,  à  la  main. 

Cette  peigneuse  double,  la  même  dont  Philippe  de  Girard 
avait,  en  i83a*  communiqué  la  description  et  le  dessin  à 
MM.  Marshall,  Hives  et  Àtkinson,  n'est  pourtant  pas  celle  qu'il 
recommande  le  plus  spécialement  dans  son  dernier  brevet ,  où  il 
accorde,  ainsi  que  dans  ses  écrits  postérieurs,  une  préférence 
marquée  à  la  peigneuse  à  mouvement  alternatif,  où  des  ran- 


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200  vr  JURY. 

gées  de  sérans  parallèles,  montés  sur  des  barrettes  horizon- 
tales perpendiculaires  à  des  tiges  ou  bielles  verticales,  forment 
des  sortes  de  râteaux  mus,  parallèlement  et  circuiairement, 
au  moyen  d'axes  coudés  ou  excentriques  placés  aux  extrémités 
supérieures  et  inférieures  de  ces  bielles.  On  conçoit,  en  effet, 
comment  peut  fonctionner  un  système  composé  de  deux 
peignes  à  râteaux  semblables,  placés,  en  face  l'un  de  l'autre, 
dans  un  même  plan  ou  dans  des  plans  verticaux  parallèles, 
comprenant  entre  eux  les  nappes  de  filasse  suspendues  à  des 
pinces  supérieures ,  et  dont  les  dents  ou  barrettes  de  l'un  cor- 
respondent, selon  le  principe  ci-dessus,  aux  intervalles  vides 
de  l'autre,  sans  que  les  bielles  ou  traverses  verticales  placées 
aux  extrémités  opposées  puissent  se  rencontrer  dans  leurs 
mouvements. 

On  conçoit  également  comment  une  peigneuse  formée  de 
deux  ou  même  de  trois  équipages  pareils,  rangés  dans  un 
plan  vertical  à  la  suite  les  uns  des  autres,  et  mus  par  des  arbres 
à  deux  ou  plusieurs  coudes  de  manivelles,  peut  remplir  par- 
faitement les  conditions  que  l'inventeur  s'est  imposées  dans 
le  brevet  qui  nous  occupe,  à  savoir  :  «  Que  deux  séries  de 

•  peignes  agissent  alternativement  sur  la  nappe  de  filasse,  de 

•  manière  que,  dans  leur  mouvement  circulaire  commun,  les 
«  peignes  de  chaque  série  s'avancent  et  se  retirent  successive- 
«  ment,  en  passant  toujours  entre  les  intervalles  de  ceux  de 
«  l'autre  série;  les  peignes  qui  pénètrent  dans  cette  nappe,  re- 
«  poussant  les  fibres  en  avant,  empêchent  ainsi,  infailliblement, 

•  qu'il  puisse  en  rester  un  seul  brin  dans  ceux-là  mêmes  qui 

•  se  retirent,  t 

Philippe  de  Girard  indique  ici  un  moyen  ingénieux  pour 
arrêter  spontanément  la  marche  progressive  des  pinces  sur  la 
coulisse  horizontale  supérieure  par  un  débrayage  à  déclic  et 
à  poulie  folle ,  s'il  arrivait  que  l'ouvrier  oubliât  d'enlever  à 
temps  la  dernière  d'entre  elles,  au  moment  où  elle  échappe 
à  l'action  des  peignes.  H  remarque,  en  outre,  que,  au  lieu  de 
les  faire  mouvoir  horizontalement,  on  pourrait  leur  impri- 
mer un  mouvement  d'abaissement  et  d'élévation  vertical  entre 


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MACHINES  ET  OUTILS.  201 

les  séries  opposées  des  peignes,  dont  la  grosseur  irait  en  di- 
minuant du  sommet  à  la  base.  Il  critique  les  peigneuses  an- 
glaises, qui,  pénétrant  dans  cette  nappe  vers  le  milieu ,  la  par- 
courent ensuite  dans  toute  sa  longueur,  au  lieu  de  l'attaquer, 
comme  les  précédentes,  par  de  petits  coups,  courts  et  répétés. 
Enfin,  il  recommande  de  supprimer,  vers  le  haut,  un  certain 
nombre  d'aiguilles  dans  les  parties  où  le  lin  arrive  sur  la  ma- 
chine, d'en  diminuer  même  la  saillie  progressivement  à  partir 
du  bas;  les  sérans  inférieurs  agissant  ainsi  $ur  l'extrémité  des 
brins  avant  que  la  partie  supérieure  puisse  en  être  atteinte, 
•on  évite  tout  engorgement  de  la  partie  moyenne  :  des  motifs 
analogues  lui  font  prescrire  de  graduer  la  saillie  des  aiguilles, 
vers  la  sortie  des  mèches ,  dans  un  ordre  à  peu  près  inverse 
de  celui  qui  a  lieu  à  rentrée. 

La  dernière  partie  du  brevet  de  Philippe  de  Girard  est  consa- 
crée à  la  description  de  divers  perfectionnements  :  i°  de  la  ma- 
chine à  rubaner  verticale ,  composée ,  comme  on  l'a  vu ,  d'auges 
à  sérans,  emboîtées  par  échelons,  et  dont  les  nappes  de  filasse 
extérieurement  pendantes,  en  se  superposant  graduellement 
et  régulièrement  sous  l'action  des  cylindres  fournisseurs,  per- 
mettent d'abréger  considérablement  la  succession  des  dou- 
blages et  étirages  du  système  ordinaire,  que  néanmoins  on 
lui  préfère  encore,  mais  dont,  comme  on  Ta  vu,  on  com- 
mence à  se  préoccuper  sérieusement;  2°  de  ressorts  régula- 
teurs très-ingénieux,  en  cuivre  mince,  pour  les  bobines  de 
métiers  à  filer  en  fin,  destinés  à  remplacer  les  ficelles  frot- 
tantes à  balles  de  plomb,  qui  s'usent  promptement  lorsqu'on 
travaille  à  l'eau  froide  ou  chaude,  et  qui,  prenant  leur  point 
d'appui  sur  la  plate-bande  du  va-et-vient  servant  à  régler  l'as- 
cension des  bobines,  en  ralentissent  le  mouvement  relatif  par 
leur  frottement  contre  une  gorge  inférieure,  sans  pouvoir  être 
jamais  atteintes  par  le  fil  qui  s'enroule  sur  ces  bobines;  3°  en- 
fin, de  nouvelles  broches  à  ailettes  renversées,  dont  le  type 
est  dans  l'ancien  rouet  à  filer,  et  qui,  traversant  un  tube  en 
cuivre,  vertical,  mobile  sur  lui-même,  permettent  de  régler 
le  tirage  avec  facilité,  et  d'enlever,  sans  déplacement  des  ai- 


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202  VP  JURY. 

leltes,  les  bobines  qui  reposent  à  frottement  dur  sur  le  som- 
met conique  des  broches,  dont  le  va-et-vient  vertical'est  réglé 
d'ailleurs  par  une  plate -bande  inférieure  supportant  ici  les 
crapaudines  et  pivots  de  ces  broches. 

En  terminant  cette  analyse  rapide  du  brevet  de  i83a,  je 
crois  devoir  faire  remarquer  que  les  figures  dont  il  est  accom- 
pagné sont  dessinées  avec  une  netteté  et  une  précision  de  dé- 
tails qui  montrent  que  les  idées  de  1  auteur  étaient  dès  lors 
parfaitement  arrêtées,  et,  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  déjà  même 
pratiquement  réalisées. 

Philippe  de  Girard  envoya,  au  commencement  de  i833,  du  - 
fond  de  la  Pologne;  pour  le  concours  de  la  Société  d'encourage- 
ment relatif  au  peigùage  du  lin ,  un  modèle ,  aux  trois  quarts ,  de 
sa  dernière  machine  à  mouvement  oscillatoire  ou  excentrique, 
à  laquelle  il  crut  devoir  joindre  sa  machine  à  daguer,  qu'il 
considérait,  non  sam  quelque  raison,  comme  un  complément 
indispensable  de  la  précédente,  mais  qui  ne  fut  point  mise 
en  expérience  par  la  Commission  du  prix.  Ce  modèle,  fonc- 
tionnant, avait  reçu ,  par  suite  de  ruptures  éprouvées  dans  une 
longue  route,  des  réparations  préalables,  assez  importantes, 
sous  la  direction  de  M.  Decoster,  jeune  ouvrier  fort  intelligent, 
employé  dans  les  ateliers  de  M.  Saulnier,  ingénieur  mécani- 
cien de  la  Monnaie,  et  qui  fut  aussi  chargé  de  suivre  les  ex- 
périences faites,  en  présence  des  Commissaires  de  la  Société, 
concurremment  sur  ce  modèle  et  deux  autres  machines  à  pei- 
gner qui  partagèrent  avec  lui  les  faibles  récompenses  accor- 
dées dans  la  séance  du  a 4  décembre  i833l,  à  savoir  :  d'une 
part,  la  peigneuse  de  M.  Schlumberger  (Charles),  de  Paris, 
consistant  en  un  seul  tambour  horizontal  à  aiguilles  obliques, 
animé  d'un  mouvement  rotatoire  très-rapide,  et  précédé  de 
cylindres  cannelés  parallèles,  auxquels  une  ou  deux  ouvrières 
présentaient,  directement  et  à  plusieurs  reprises,  les  poignées 
de  lin;  d'autre  part,  la  peigneuse  continue  à  nappes  verticales 

1  T.  XXXII,  p.  43 1  à  44 1,  dn  Bulletin,  rapport  de  M.  Th.  Olivier;  le 
nombre  des  concurrents  étant  de  neuf,  6oo  francs  de  récompense  forent 
accordés  à  MM.  Schlumberger  et  de  Girard,  3oo  francs  à  M.  David. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  20$ 

sans  fin  de  M.  David,  de  Lille,  qui  rappelait,  dans  ses  dis- 
positions essentielles,  l'ancienne  peigneuse  double  et  analogue 
de  Philippe  de  Girard. 

Ces  différentes  machines  ne  purent,  en  effet,  satisfaire  aux 
conditions  rigoureuses  du  programme;  ce  qui  prouve  seule- 
ment qu'alors,  comme  aujourd'hui  encore,  le  peignage  méca- 
nique, effectué  dans  toute  la  longueur  des  fibres,  ne  pouvait 
remplacer  d'une  manière  économique,  et  sous  le  rapport  de 
la  bonté  des  produits,  le  sérançage  à  la  main  du  chanvre 
et  du  lin,  du  moins  pour  les  finesses  et  qualités  supérieures. 

CHAPITRE  ni. 

PMMftis  MMAKQCABL1S  ACCOMPLIS  Ht  FRANCK  DANS  L'INTERVALLE 
DBS  ANNEES  DE  l83a  A  l845. 


S  F*. — Erreurs  singulières  commises  en  France,  d'après  le  docteur  anglais 
Ure,  an  sujet  de  l'invention  des  machines  à  daguer,  peigner,  filer  le  lin 
et  le  chanvre;  comparaison  des  machines  de  Girard  avec  celles  de 
MM.  Evans,  JVordsworih,  JVestley  et  Lawson,  Marshall,  Hhes,  Atkin- 
son,  Peter  Fairhaxrn,  etc. 

Pendant  le  temps  même  où  Philippe  de  Girard  adressait  un 
modèle  de  sa  dernière  peigneuse  à  la  Société  d'encouragement 
de  Paris,  il  prenait,  sous  le  nom  de  M.  Evans  (Th.-N.),  négo- 
ciant à  Birmingham,  mais  dont  le  frère  était  constructeur  de 
machines  à  Varsovie,  une  patente  anglaise  délivrée  à  Y  En- 
rolment  office  le  io*  janvier  i833,  et  qui  comprenait  la  pei- 
gneuse oscillante,  le  batteur  et  la  pince  à  charnière  perfec- 
tionnée, dont  il  a  été  parlé  à  propos  du  brevet  français  de 
1 83  2.  On  peut  prendre  une  idée  exacte  de  ces  machines  dans 
le  Dictionnaire  anglais  des  arts  et  manufactures  d'Andrew  Ure1, 
Ou  dans  la  reproduction  plus  ou  moins  complète  qui  en  a  été 
laite  à  l'article  Lin,  p.  2290,  du  Dictionnaire  français  de 

1  T.  II,  p.  393,  3"  édition,  i843. 


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204  Vf  JURY. 

M.  Laboulaye  (  1 847  )  «  où  ces  machines ,  faussement  attribuées 
à  Evans,  sont  décrites  avec  les  lettres  mêmes  de  renvoi  et  les 
démonstrations  du  brevet  de  Philippe  de  Girard  l. 

Si,  déplus,  on  confronte  les  6g.  439,  44o,  44i  et  442 
(t.  II,  p.  4  98)  du  premier  de  ces  ouvrages,  ou  de  i436  à  1489 
du  second,  relatives  à  l'étirage  simultané  de  deux  mèches  de 
lin  parallèles,  doublées  ensuite  ou  réunies  en  un  seul  ruban 
sous  des  cylindres  lamineurs,  comme  cela  se  pratique  encore 
de  nos  jours,  etc.,  en  confrontant,  dis-je,  ces  figures  avec  leurs 
analogues  du  certificat  d'additions  délivré,  en  181 5,  au  frère 
aine  de  notre  illustre  ingénieur,  on  en  reconnaîtra  de  même 
la  parfaite  identité,  à  cela  près  encore  du  renversement  des 
dessins  provenant  du  décalque  qui  en  avait  été  fait  sur  les 
originaux;  et  certes  on  ne  pourra,  une  fois  encore, se  refuser 
à  admettre  avec  l'inventeur  que  la  patente  anglaise  accordée 
peu  auparavant  au  négociant  H.  Hall,  de  Preston,  ne  fût  de 
tous  points  la  reproduction  illicite  des  dessins  que  lui  avaient 
frauduleusement  vendus  ses  anciens  associés  Lanthois  et 
Cachard ,  de  Paris. 

Quant  à  la  fig.  438  de  l'ouvrage  du  docteur  Ure,  elle  re- 
présente la  très-ancienne  peigneuse  de  M.  Ternaux,  dans  la- 
quelle un  tambour  horizontal ,  muni  d'aiguilles  inclinées,  vient, 
par  un  mouvement  de  rotation  très-rapide,  agir  sur  une  nappe 
de  filasse  pendante,  qui  prend  appui  sur  une  plaque  cylin- 
drique à  coulisse  mobile.concentriquement  au  tambour;  ma- 
chine qui  a  été  postérieurement  doublée,  selon  les  principes  de 
Philippe  de  Girard,  en  suspendant  verticalement  la  nappe  de 
filasse  à  une  pince  qu'un  ouvrier  fait  osciller  lentement  entre 

1  L'auteur  de  l'article  Lin,  du  Dictionnaire  français  sur  la  technologie,  a  eu 
le  tort  grave  de  reproduire  le  texte  d'Ure  sans  avertissement  préalable  :  des 
affirmations  vagues  et  générales,  des  éloges  même,  imparfaitement  mo- 
tivés, donnés  à.  un  homme  tel  que  Philippe  de  Girard ,  mort  à  la  peine ,  peu 
connu  quoique  déjà  glorifié,  ne  suffisent  pas  pour  réhabiliter  sa  mémoire 
aux  yeux  des  esprits  sévères  ou  prévenus,  et  bien  moins  encore  pour  le 
venger  des  plagiats  dont  on  s'est  malheureusement  rendu  le  complice,  sans 
doute  fort  involontaire. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  205 

les  deux  tambours,  de  manière  que  le  peignage  se  fasse  alter- 
nativement des  deux  côtés  ou  par  retournement. 

Une  telle  confusion  de  noms  et  de  dates,  de  tels  emprunts 
et  d'autres  encore  relatifs  aux  machines  à  peigner  et  à  filer, 
n'autorisaient  guère,  sans  doute,  ce  simple  et  laconique  préam- 
bule aux  articles  cités  de  l'ouvrage  d'Andrew  Ure  :  «  Les  pre- 
«  miers  résultats  tolérables  avec  les  machines  à  filer  le  lin 

•  paraissent  avoir  été  obtenus  par  les  frères  Girard,  à  Paris, 
«vers  1810;  mais  les  Français  n'ont  jamais  porté  l'appareil  à 
«une  grande  perfection  pratique.  Les  villes  de  Leeds,  en 
«  Yorkshire,  de  Dundee,  en  Ecosse,  et  de  Belfast,  en  Irlande, 

•  ont  le  mérite  d'avoir  amené  le  filage  du  lin  par  machines 
«  à  un  degré  comparable  à  celui  du  coton.  »  Évidemment 
M.  Ure,  d'un  jugement  en  général  hâtif,  beaucoup  trop  ex- 
clusif, et  dont  les  erreurs,  sans  doute  involontaires,  ont  été 
ensuite  si  malheureusement  traduites  et  commentées  sur  le 
continent,  ignorait  complètement  les  brevets  originaux  de  Phi- 
lippe de  Girard ,  les  rapts  dont  il  avait  été  la  victime  et  les  récla- 
mations dont  ses  brevets  avaient  été  l'objet  même  en  Angle- 
terre, etc.* Sans  cela,  on  ne  le  verrait  pas,  en  i843  et  1847, 
hésiter  autant  à  rendre  justice  à  notre  compatriote,  copier 
sans  aucun  scrupule  ses  propres  dessins,  ses  propres  démons- 
trations, le  dépouiller  notamment,  au  profit  de  Kay,  des 
procédés  de  filature  du  lin  par  le  décollement  des  fibres  élé- 
mentaires, enfin  nier  la  perfection  même  des  produits  que 
Girard  avait  mis  dès  1826  sous  les  yeux  de  MM.  Marshall, 
Hives  et  Atkinson,  à  Leeds. 

Toutefois,  je  suis  loin,  comme  on  l'a  vu  et  comme  on  le 
verra  encore  mieux  ci-après ,  de  méconnaître  la  supériorité 
acquise  depuis  par  l'Angleterre  dans  la  production  écono- 
mique et  industrielle  des  fils  de  lin;  mais  je  me  crois  autorisé 
à  répéter,  à  cette  occasion,  que  le  succès  des  Anglais,  en  ce 
genre  comme  en  quelques  autres,  tient  moins  encore  à  leur 
génie  inventif  qu'à  l'esprit  de  suite  et  d'ordre  qu'ils  apportent 
dans  les  entreprises  manufacturières,  au  caractère  de  persévé- 
rance généreuse,  de  prodigalité  même,  de  leurs  associations 


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206  VP  JURY. 

financières  envers  les  ingénieurs  on  constructeurs,  et  prin- 
cipalement à  la  multiplicité  de  leurs  ressources  matérielles, 
commerciales  ou  productives  de  tous  genres.  Pour  s'en  con- 
vaincre une  dernière  fois ,  il  suffit  de  se  demander  ce  que  serait 
devenu  Watt,  l'immortel  Watt,  sans  le  financier  et  mécani- 
cien constructeur  Boulton,  et,  par  contre,  quel  est  le  sort  qui 
eût  été  réservé  aux  inventions  de  Philippe  de  Girard  s'il  avait 
pu  en  réaliser  l'exécution  au  milieu  des  ateliers  et  des  cités  de  la 
riche  Angleterre?  Il  ne  faut  pas  oublier  d'ailleurs  que,  pendant 
près  de  vingt  ans,  l'établissement  colossal  de  Soho  lui-même 
a  failli  maintes  fois  succomber  sous  le  coup  d'une  infinité  de 
procès  et  d'odieuses  tracasseries. 

Mais  l'examen  que  nous  avons  entrepris  de  l'utile  ouvrage 
du  docteur  Ure  est  trop  important  au  point  de  vue  historique 
et  critique,  pour  l'abandonner  dès  à  présent,  d'autant  plus 
qu'il  portera  désormais  sur  des  données  fort  essentielles,  et 
sans  lesquelles  il  me  serait  à  peu  près  impossible  de  présenter 
une  idée  précise  des  perfectionnements  appliqués  par  les  ar- 
tistes anglais  aux  conceptions  premières  et  tout  à  fait  origi- 
nales de  notre  ingénieur. 

En  jetant,  en  effet,  un  coup  d'œil  sur  les  fig.  444  et  suiv., 
p.  5oo,  du  Dictionnaire  de  cet  auteur,  on  se  convaincra  sans 
difficulté  que  les  changements  apportés  en  i83a  à  l'étireuse  à 
chaîne  sans  fin  de  Philippe  de  Girard  par  M.  Wordsworth ,  de 
Leeds,  n'ont  pas,  soit  quant  aux  détails  de  construction,  soit 
quant  aux  idées  d'ensemble,  des  avantages  bien  marqués  sur 
l'étireuse  qui  se  trouve  décrite  dans  les  fig.  i4 ,  i5 ,  eic.t  de  la 
pi.  3i  du  t.  XIX  des  Brevets  français  expirés.  Dans  cette  der- 
nière machine ,  comme  on  l'a  vu ,  les  tringles  mobiles  destinées 
à  soutenir  et  à  détacher  la  filasse  à  son  entrée  et  à  sa  sortie  des 
peignes,  où  sans  cela  elle  serait  entraînée  circulairement  par 
les  aiguilles,  sont  dirigées  par  des  coulisses  latérales  qui,  étant 
fixes,  offrent  un  grand  frottement  et  ne  corrigent  pas  entière- 
ment les  effets  résultant  de  la  divergence  des  aiguilles  en  ces 
points  extrêmes. 

Dans  l'étireuse  de  M.  Wordsworth ,  on  se  sert  d'un  tout  autre 


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MACHINES  ET  OUTILS.  207 

moyen  :  on  agrandit  en  diamètre,  les  rouleaux  d'entrée  du 
côté  des  fournisseurs,  ce. qui  diminue  en  partie  le  défaut  de 
parallélisme  des  aiguilles,  et,  au  contraire,  on  diminue  nota- 
blement le  diamètre  du  rouleau  voisin  des  étireurs ,  ce  qui  aug- 
mente leur  divergence,  tout  en  raccourcissant  l'intervalle  où 
la  mèche  a  besoin  d'être  guidée  et  soutenue;  enfin,  les  sérans 
(gills),  au  lieu  d'être  fixés  à  la  chaîne  sans  fin,  reçoivent,  au 
moyen  de  leviers  articulés  à  talons  glissant  également  sur  «les 
guides  extérieurs,  un  mouvement  de  retraite  ou  d'avance  au 
travers  de  barrettes  évidées  formant  autant  de  châssis  métal* 
liques  fixés  eux-mêmes  à  cette  chaîne,  et  qui  leur  livrent  pas- 
sage quand  elles  doivent  s'élever,  saillir  en  soutenant  la  filasse, 
ou  s'abaisser  et  disparaître  complètement  lorsqu'elles  sont 
arrivées  à  une  certaine  distance  des  cylindres  étireurs,  près 
desquels  elles  descendent  verticalement  sans  érailler  et  en- 
traîner, au  même  degré,  ia  nappe  de  filasse.  Mais  on  voit 
que  ce  dernier  avantage  se  trouve  racheté  et  plus  que  com- 
pensé par  le  manque  de  direction  et  de  soutien  de  ja  portion 
de  cette  nappe  qui  doit  être  saisie  par  les  cylindres  étireurs. 
D'ailleurs,  un  tel  système  devait  entraîner  plus  de  sujétion, 
de  perte  de  temps  et  d'entretien,  à  cause  de  l'usure  des  articu- 
lations multiples  qui  y  entrent 

Philippe  de  Girard  nous  apprend ,  d'autre  part ,  dans  l'un  de 
%es  écrits,  qu'il  existait  déjà  en  Silésie  de  ses  étireuses  à  chaîne 
sans  fin ,  portant  des  barrettes  à  sérans  articulés  à  bascule , 
d'une  manière  plus  ou  moins  analogue,  et  l'on  se  rappelle 
qu'il  en  avait  lui-même  proposé  plusieurs  de  ce  genre  dans 
les  certificats  d'additions  à  ses  premiers  brevets,  où  il  pres- 
crivait d'incliner  légèrement  les  aiguilles  sur  la  direction  de  la 
chaîne  sans  fin ,  pour  diminuer  d'autant  les  effets  de  leur  di- 
vergence à  l'entrée  et  à  la  sortie  de  la  filasse.  Il  ne  serait  donc 
pas  juste  de  dire  que  le  système  de  Wordsworth  fût,  en  réa- 
lité, supérieur  à  celui  de  Girard  et  constituât  une  idée  abso- 
lument neuve  ou  essentielle. 

À  fortiori,  peut-on  en  dire  autant  d'une  autre  modification 
que  Ton  a  fait  subir,  antérieurement  ou  postérieurement,  à 


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208  VI*  JURY. 

]'étireuse  à  nappe  sans  fin  horizontale  de  ce  dernier  ingénieur, 
en  contraignant  les  tringles  élévatoires  ou  répulsives  de  la 
filasse  à  suivre  dans  toute  rétendue  de  leur  course,  où  elles 
soutiennent  et  dirigent  les  barrettes  à  sérans,  des  coulisses 
fixes  extérieures,  tracées  de  la  manière  la  plus  convenable 
vers  les  bouts ,  et  le  long  desquelles  elles  glissent  avec  un  frotte- 
ment qui  doit  augmenter  de  beaucoup  la  dépense  en  force 
motrice,  et  cela  nonobstant  les  avantages  offerts  par  ce  dis- 
positif sous  le  rapport  de  la  suppression  des  rouleaux  guides 
ou  des  supports  intermédiaires,  de  la  diminution  du  diamètre 
des  rouleaux  extrêmes,  etc. 

Malgré  des  dénégations  contraires  provenant  de  personnes 
intéressées,  mais  étrangères  à  Philippe  de  Girard,  la  préémi- 
nence des  étireuses  à  chaînes  de  cet  ingénieur  ne  saurait  de 
même  être  soutenue  à  l'égard  du  système  remarquable  pour 
lequel  MM.  Westley  et  Lawson  ont  été  patentés  en  Angleterre 
en  août  i833.  Dans  ce  système,  en  effet,  les  barrettes  à  sé- 
rans, au  lieu  d'être  directement  conduites  par  une  chaîne 
sans  fin,  forment  autant  de  pièces  métalliques  détachées, 
munies  à  leurs  parties  inférieures  de  tenons  ou  appendices 
verticaux  légèrement  obliques,  qui,  en  s'engageant  dans  les 
rainures  hélicoïdes  d'un  premier  couple  de  vis  à  filets  carrés, 
parallèles  et  horizontales,  les  font  cheminer  dans  tout  F in- 
tervalle compris  entre  les  cylindres  fournisseurs  ou  étireurs  ; 
tandis  qu'un  autre  couple  de  vis  semblables,  mais  inverses, 
placées  au-dessous  du  précédent,  sert  à  ramener  les  barrettes, 
toujours  parallèlement  entre  elles,  vers  les  premiers  de  ces 
cylindres ,  à  la  hauteur  desquels  elles  sont  élevées  verticalemen  t 
au  moyen  de  cames  ou  excentriques,  de  même  aussi  que 
des  cames  les  guident  dans  leur  descente  verticale,  au  voisi- 
nage des  cylindres  étireurs,  où  les  aiguilles  des  sérans,  sans 
cesser  de  demeurer  équidistantes  et  verticales,  abandonnent 
la  filasse  dans  un  intervalle  qui  dès  lors  peut  être  de  beau- 
coup réduit,  mais  que  les  successeurs  de  Westley  ont  tâché 
de  réduire  davantage  encore. 

La  constance,  l'opiniâtreté  même  qu'ils  y  ont  mises,  prou- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  209 

vent  que  c'est  bien  là  un  des  points  les  plus  importants  de 
la  préparation  du  lin  ou  de  sa  formation  en  longs  rubans. 
Sans  doute,  le  système  des  peignes  à  vis  (screw-gilh)  occa- 
sionne aussi  de  grands  frottements;  il  est  sujet  à  des  incon- 
vénients de  plus  d'une  espèce;  mais  on  n'en  doit  pas  moins 
supposer  que,  en  raison  même  de  sa  précision  mathéma- 
tique, de  sa  simplicité  et  de  sa  solidité,  il  restera  dans  la 
filature  du  liri» et  du  chanvre  au  même  titre  et  aussi  longtemps 
que  l'idée  mère  de  Philippe  de  Girard,  relative  au  redresse- 
ment parallèle  des  fibres  à  l'aide  d'une  succession  de  sérans 
équidistants,  qui  se  meuvent  eux-mêmes  d'un  mouvement 
continu  et  parallèle;  idée  qui  prend,  comme  on  l'a  vu  encore, 
«on  origine  dans  l'ancien  tambour  à  hérisson,  dont  ce  grand 
ingénieur  a  développé  l'application  avec  une  merveilleuse 
sagacité  dans  la  série  entière  de  ses  inventions,  et  sans  la- 
quelle on  ne  fût  jamais  parvenu  peut-être  à  soumettre  avec 
la  même  perfection  une  matière  aussi  rebelle  que  la  filasse 
droite  et  inégale  du  lin  et  du  chanvre  aux  opérations  déli- 
cates que  nécessite  la  filature  en  fin. 

Au  surplus,  en  parcourant  les  pages  du  Dictionnaire  du 
docteur  Ure  qui  viennent  à  la  suite  de  celles  que  j'ai  déjà 
citées,  on  se  convaincra  facilement  que,  même  vers  l'époque 
de  sa  publication  (i843),  le  filage  du  liu  sur  les  métiers  en 
gros  et  en  fin  ne  contenait  rien  de  véritablement  neuf  ou 
qui  ne  fût  indiqué  déjà  en  principe  dans  les  divers  brevets  de 
Philippe  de  Girard  :  car  on  y  voit  figurer  encore  le  va-et-vient 
à  excentrique  de  Vaucanson,  pour  régulariser  l'enroulement 
du  fil  sur  les  bobines;  les  transmissions  par  cordes  et  cour- 
roies du  tambour  moteur  aux  broches,  etc.  Nous  savons,  au 
contraire,  de  l'aveu  même  de  notre  savant  ingénieur,  que 
led  procédés  anglais  pour  le  cardage  et  le  filage  des  étoupes 
étaient  de  beaucoup  supérieurs  aux  siens  propres,  et  depuis 
son  séjour  à  Leeds,  en  1826,  jusqu'à  l'époque  où  écrivait 
Andrew  Ure,  ils  n'avaient  pu  que  s'améliorer  encore.  Quant 
au  procédé  même  de  peignage  du  lin  et  du  chanvre,  la  seule 
addition  qui  nous  est  indiquée  par  l'ouvrage  de  cet  auteur 

VI*  JURY. 2*  PARTIE.  I  4 


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210  vr  JURY. 

concerne  une  machine  de  grande  dimension,  assez  com- 
pliquée, et  par  conséquent  fort  coûteuse,  due  au  même 
Wordswortb  dont  il  a  déjà  été  parlé,  et  qu'on  peut  considérer 
comme  une  sorte  d'émanation  des  idées  de  Girard  combinées 
avec  celles  de  Porthouse,  quoiqu'elle  diffère,  à  certains  égards, 
des  peigneuses  réalisées  par  Fun  et  par  l'autre  de  ces  derniers 
et  éminents  ingénieurs. 

On  y  voit,  en  effet,  deux  tambours  à  séranAur  barrettes 
isolées,  horizontaux  et  parallèles,  terminés,  aux  bouts  où  la 
filasse  arrive,  par  des  cônes  munis  de  fortes  aiguilles  qui  dé- 
croissent et  se  resserrent  graduellement  en  «liant  vers  l'extré- 
mité opposée  des  tambours,  dont  les  parties  en  regard  sont 
seules  parcourues  longitudinalement  parla  filasse,  suspendue 
à  des  pinces  que  soutient  upe  chaîne  horizontale  sans  fin 
supérieure,  guidée  par  des  poulies  à  gorge  extrêmes  et  des 
coulisses  latérales  placées  vers  le  haut  du  bâti,  au-dessus  de 
ces  mêmes  tambours,  etc. 

Mais  ce  qui  distingue  plus  particulièrement  cette  combinai- 
son de  celles  qui  ont  été  adoptées  par  Philippede  Girard,  c'est 
que,  d'une  part,  les  mèches  de  filasse,  n'étant  atteintes  que 
d'un  seul  côté  à  la  fois,  doivent  subir  un  retournement,  une 
rotation  spontanée  autour  de  Taxe  vertical  de  suspension  des 
pinces  parvenues  à  certains  points  des  cylindres;  c'est  que, 
d'une  autre,  les  étoupes,  au  lieu  de  tomber,  en  se  détachant  de 
la  partie  inférieure  des  peignes,  sur  un  plan  incliné  garni  de 
drap  ou  un  tambour  horizontal  armé  d'aiguilles  qui  les  en- 
traîne pêle-mêle  avec  les  ordures,  sont  réellement  enlevées  aux 
tambours  peigneurs  par  des  brosses  cylindriques  extérieures» 
d'où  les  détachent  ensuite  des  cardes  parallèles,  munies 
d'un  va-et-vient  ou  peigne  oscillant  qui  les  forme  en  nappes 
plates,  comme  cela  a  lieu  dans  les  cardes  à  coton  et  à  laine. 
Ces  dernières  dispositions  se  trouvent  reproduites,  d'ailleurs  t 
dans  une  autre  peigneuse  à  nappes  verticales  sans  fin,  avec 
coulisses  inclinées,  pour  guider  les  pinces,  les  teneurs  de  fi- 
lasse :  cette  peigneuse,  seuleinent  patentée  en  mai  i838,  porte 
également  le  nom  de  M.  Wordsworlh  en  Angleterre  et  en 


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MACHINES  ET  OUTILS.  211 

France»  mais  elle  n'est,  en  réalité,  qu'un  simple  perfection- 
nement de  celle  dont  Philippe  de  Girard  se  servait  à  Hir- 
tenberg  dès  1817,  et  qu'il  avait  transmise,  comme  on  Ta 
vu,  à  MM.  Marshall,  Hives  et  Atkinson  par  un  acte  daté  du 
3i  décembre  1826. 

Ces  différentes  machines  à  peigner,  à  rubaner  ou  à  filer 
furent  ensuite  et  successivement  perfectionnées,  quant  aux 
détails  d'exécution,  par  divers  ingénieurs  ou  constructeurs 
anglais,  notamment  par  M.  Peter  Fairbairn,  dont  l'établisse- 
ment à  Leeds  est  incontestablement  l'un  des  plus  anciens,  des 
plus  considérables  et  des  plus  renommés  de  toute  l'Angle- 
terre pour  la  construction  des  machines  à*  travailler  le  lin  : 
c'est  à  lui,  en  effet,  que  l'industrie  est  principalement  re- 
devable de  ces  belles  machines  dont  les  perfectionnements 
divers  et  l'exécution  matérielle  ont  contribué,  non  moins 
que  l'idée  mère  ou  d'ensemble,  à  faire  jouir  la  Graude-Bre- 
tagne  d'un  succès  commercial  et  industriel  devenu,  à  dater 
de  i833,  si  rapide,  qu'il  a  entraîné  la  ruine  de  la  plupart  des 
filatures  linières  des  autres  pays. 

S  If.  —  Importation  en  France  des  machines  anglaises  à  filer  le  lin  et  les 
étoopes,  à  partir  de  i833,  par  MM.  Feray,  d'Essonne,  Scrive,  de  Lille, 
Vaison,  cTAbbeville,  Malo  et  Dixon,  de  Dunkerque,  Decoster,  de  Paris,  etc. 
—  Les  constructeurs  français  Decoster,  Nicolas  Schlumberyer,  André 
Kœchlin,  Debergne  et  Spréafico,  David,  de  Lille,  etc. 

D'après  ce  qui  précède,  on  ne  saurait  être  surpris  de  voir  . 
nos  ingénieurs  et  industriels  chercher  à  s'approprier,  dès 
cette  même  année  1833,  les  procédés  et  les  machines  que 
nous  avions  trop  longtemps  dédaignés  ou  négligés  en  France, 
et  qu'il  leur  fallut  acquérir  soit  par  un  séjour  plus  ou  moins 
prolongé  dans  la  Grande-Bretagne,  soit  au  prix  des  plus  grands 
sacrifices  pécuniaires,  soit  quelquefois,  dit-on,  au  péril  même 
de  leur  liberté.  C'est  ce  qui  est  arrivé  notamment  pour  M.  Feray 
d'Essonne,  l'élève  et  ami  du  célèbre  ingénieur  mécanicien 
William  Fairbairn,  de  Manchester,  correspondant  de  l'Institut 
de  France,  dont  les  beaux,  les  anciens  ateliers  de  tissage  mé- 


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212  VP  JURY. 

canique  pour  le  linge  damassé  étaient  menacés,  en  effet,  (Fane 
ruine  prochaine. 

C'est  ce  qui  a  eu  lien  également  pour  les  frères  Scrive,  de 
Lille,  si  anciennement  connus  et  appréciés ,  comme  on  Ta  vu, 
pour  la  fabrication  mécanique  des  cardes,  qui  devint  bientôt 
l'origine  d'utiles  relations  avec  les  ateliers  de  filature  et  de 
construction  de  machinés  de  la  Grande-Bretagne. 

C'est  enfin  ce  qui  est  arrivé  pour  M.  Decoster,  le  jeune  ou- 
vrier mécanicien  de  Paris,  que  nous  avons  vu,  en  i833,  diri- 
ger les  expériences  sur  la  peigneuse  oscillante  de  Philippe  de 
Girard,  et  qui,  d'après  ce  qu'on  a  lu  dans  la  première  Partie 
de  ce  travail,  s'est  élevé  depuis  son  retour  d'Angleterre,  en 
i835,  au  rang  de  nos  meilleurs  constructeurs  de  machines; 
pour  M.  Vaison,  fabricant  de  tapis  de  pied  à  Abbeville;  pour 
MM.  Malo  et  Dixonr  de  Dunkerque,  etc.,  etc. 

Au  grand  préjudice  du  développement  et  du  progrès  de 
-  notre  industrie  nationale,  les  nouveaux  établissements  de  fila- 
ture demeurèrent  à  très-peu  près  fermés  au  public  dans  le 
cours  des  premières  années  qui  suivirent  i835,  sans  que  pour 
cela  on  doive  en  faire  un  motif  de  reproches  à  leurs  habiles 
possesseurs,  car,  après  avoir  couru  de  semblables  risques,  il 
leur  était  bien  permis  de  suivre  l'exemple  de  M.  Marshall,  de 
Leeds,  que  l'on  considère  à  juste  titre  comme  le  chef  heu- 
reux de  la  filature  anglaise  du  lin  et  du  chanvre;  d'autant 
que  cet  exemple  est  également  suivi  par  la  plupart  des  grands 
industriels  d'outrè-Manch,e.  Combien  ne  devons-nous  pas  re- 
gretter, nous  autres  Français,  que  l'homme  de  génie,  notre 
illustre  compatriote,  dont  l'intérêt  de  la  justice  et  de  la  vérité 
nous  a  tant  de  fois  fait  citer  le  nom,  ait  été  forcé  de  s'exiler 
loin  d'une  patrie  qui  lui  était  demeurée  si  chère,  et  qu'il  n'ait 
pu  guider  nos  industriels  dans  une  voie  où  l'Angleterre  s'est 
si  démesurément  enrichie  au  détrintent  des  nations  rivales, 
grâce  sans  doute  à  son  activité  commerciale  et  industrielle,  à 
laquelle  nous  avons  bien  souvent  accordé  des  éloges,  mais  grâce 
surtout  à  son  magnifique  outillage  mécanique,  parvenu  dès 
i835,  comme  on  l'a  vu,  à  un  état  de  perfection  très-compa- 


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MACHINES  ET  OUÏILS.  213 

rable  à  celui  que  nous  lui  connaissons  aujourd'hui,  et  dont 
tendent  néanmoins  à  nous  rapprocher  de  plus  en  plus  les 
efforts  persévérants  de  nos  intelligents  constructeurs  ou  mé- 
caniciens artistes. 

M.  Decoster  avait  été  adressé,  au  commencement  de  i834» 
par  la  famille  Girard  à  M.  Evans ,  de  Birmingham ,  pour  l'aider 
dans  le  montage  d'une  grande  peigneuse  verticale  oscillante 
que  Philippe  de  Girard  lui  avait  envoyée  de  Varsovie,  et  qui 
devint  le  type  de  celles  qui  furent  ensuite  construites  dans  les 
ateliers  de  MM.  Roberts  et  Sharp ,  de  Manchester,  déjà  célèbres 
alors  pour  les  ingénieux  perfectionnements  qu'ils  avaient  ap- 
portés aux  machines  à  filer  le  coton.  Cette  circonstance  donna 
à  M.  Decoster  la  facilité  d'étudier  sur  place  les  procédés  et 
l'outillage  des  plus  habiles  industriels  de  l'Angleterre,  et  à  son 
retour  en  France,  au  commencement  de  i835,  il  éleva  sous 
le  patronage  de  MM.  Liénard  et  Giberton ,  gérants  des  filatures 
de  Pont-Remy  et  du  Blanc,  ces  beaux  ateliers  de  la  rue  Sta- 
nislas, à  Paris,  dont  la  variété,  la  légèreté  et  la  rigoureuse 
précision  des  machines -outils  sont  devenues  rapidement  le 
caractère  distinctif. 

Les  peigneuses  oscillantes,  les  étireuses  à  chaîne  sans  fin 
exécutées  par  M.  Decoster,  avec  quelques  modifications  dans 
les  détails,  dès  i835  ou  i836,  mais  principalement  d'après  le 
système  et  les  idées  de  Philippe  de  Girard,  eurent  chez  nous 
un  succès  non  moindre  que  celui  obtenu  en  Angleterre  par 
MM.  Evans,  Sharp  et  Roberis,  dont  les  peigneuses,  directe- 
ment introduites  en  France,  firent  concurrence  à  celles  de 
notre  compatriote,  grâce  surtout  à  leur  moindre  prix  de  re- 
vient. Les  attestations  de  nos  plus  habiles  filateurs  de  lin 
prouvent  de  plus  qu'à  l'époque  précitée,  et  jusqu'en  i84a  »  les 
peigneuses  mécaniques  de  Girard  étaient  considérées  comme 
supérieures  à  toutes  celles  que  Ton  possédait  alors  dans  l'un 
ou  dans  l'autre  pays,  et  qu'elles  pouvaient  suppléer  avec  avan- 
tage, si  ce  n'est  remplacer  complètement,  le  peignage  à  la 
main,  notamment  pour  le  chanvre  et  les  lins  forts  de  Russie, 
de  Bergues,  etc.,  où  elles  rendaient  jusqu'à  65  et  70  pour  100  : 


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214  VT  JURY. 

ces  avantages  étant  beaucoup  moins  prononcés  d'ailleurs  pour 
les  lins  tendres  et  courts,  ceci  explique  eu  partie  le*  causes 
pour  lesquelles  on  n'obtint  pas  de  meilleurs  résultats  dans  les 
expériences  faites  en  i833,  devant  les  Commissaires  de  la  So- 
ciété d'encouragement  de  Paris ,  au  moyen  du  modèle  adressé 
de  Varsovie  par  Philippe  de  Girard,  et  dont  on  peut  aujour- 
d'hui encore  étudier  le  mécanisme  au  Conservatoire  des  arts 
et  métiers. 

MM.  Schlumberger  (Nicolas)  à  Guebwiller,  André  Kœchlin 
à  Mulhouse,  Debergue  et  Spréafico,  à  Paris,  David,  à  Lille, 
tous  anciens  constructeurs  de  machines  à  filer  le  coton,  favo- 
risés d'ailleurs  par  la  loi  anglaise  qui  interdisait  la  libre  ex- 
portation des  machines ,  ne  tardèrent  pas  à  se  lancer  dans  la 
carrière  où  M.  Décos  ter  s'était,  le  premier,  aventuré  sans,  pour 
ainsi  dire,  aucunes  ressources  en  capital  et  en  matières  pre- 
mières. M.  Schlumberger  surtout,  qui,  à  l'instar  des  plus  grands 
constructeurs  de  l'Angleterre,  avait  pu  de  bonne  heure  réunir 
à  la  fabrication  des  machines  la  filature  complète  du  lin ,  im- 
primai cette  branche  d'industrie,  si  malheureusement  oblitérée 
en  France,  une  impulsion  assez  rapide  et  assez  puissante  pour 
,  être  en  mesure  d'en  présenter  les  excellents  produits  à  l'Expo- 
sition de  1839,  où  ses  machines  à  filer  le  lin  furent  admirées 
comme  une  véritable  nouveauté,  comme  une  heureuse  impor- 
tation de  ce  que  le  rapporteur  lui-même  supposait  être  des 
inventions,  des  perfectionnements,  dus  aux  habiles  construc- 
teurs de  la  Grande-Bretagne.  Ces  machines,  dont  le  Rapport  du 
jury  ne  nous  donne  malheureusement  aucune  idée,  parais- 
sent avoir  été  construites  sur  le  système  perfectionné,  et  alors 
tout  récent,  des  étireuses  à  vis  jumelles,  dû  à  MM.Weslley  et 
Peter  Fairbairn ,  système  également  adopté  par  MM.  Debergue 
et  Spréafico  dans  leur  exhibition  de  1 83g,  tandis  que  M.  André 
Kœchlin,  de  Mulhouse,  avait  accordé  la  préférence  au  sys- 
tème à  chaîne  sans  fin  de  Philippe  de  Girard,  plus  ou  moins 
modifié,  comme  on  l'a  vu,  en  Angleterre. 

Il  était  temps  en  effet ,  si  ce  n'est  même  un  peu  tard,  pour 
nôtre  pays  de  sortir  d'un  engourdissement  fatal  à  sa  renom- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  215 

mée  et  à  ses  intérêts  industriels,  car  déjà  les  procédés  de  fila- 
ture anglaise  commençaient  à  se  répandre  en  Russie,  en  Bel- 
gique et  en  Allemagne,  dont  l'Angleterre  n'avait  alors  à  re- 
douter aucune  rivalité  sérieuse;  mais  il  n'en  fallut  pas  moins 
quinze  années  entières  d'efforts  soutenus  et  un  droit  protec- 
teur venu  bien  tardivement  en  i84a,  trop  tardivement  sans 
doute,  pour  réparer  l'atteinte  dont  avait  été  frappée  notre  indus- 
trie linièrc  au  point  de  vue  commercial  ou  mécanique,  et  en- 
core c'est  à  peine  si  nous  possédons -aujourd'hui  même  (i852) 
3oo,ooo  broches,  lorsque  le  royaume-uni  de  la  Grande-Bre- 
tagne en  avait  déjà  plus  d'un  million  en  i84o  K 

S  III.  —  Revendication  de  ses  droits  par  PhiVppe  de  Girard  et  conclusions; 
nouveau  mais  infructueux  concours  pour  le  peignage  du  lin ,  devant  la 
Société  d'encouragement  de  Paris,  en  i84s.  —  Les  peigneuses  Decoster 
et  rVordsworth;  les  rapports  de  feu  Théodore  Olivier;  récompenses  tar- 
dives-, mort  de  Philippe  de  Girard. 

C'est  au  milieu  de  ces  circonstances  et  de  ces  tentatives  de 
tous  genres  que  Philippe  de  Girard  adressa  de  Varsovie,  où 
le  retenaient  ses  engagements,  ses  fonctions  comme  ingénieur 
€n  chef  des  mines  de  Pologne,  une  pétition  au  Gouverne- 
ment français,  datée  du  i5  mai  i84o,  et  dans  laquelle  il  re- 
vendiquait pour  son  pays  l'invention  des  procédés  soi-disant 
nouveaux  de  la  filature  du  lin  et  du  chanvre.  Il  s'appuyait, 
pour  cela,  des  faits  exposés  dans  son  mémoire  au  Roi  de  l'an- 
née précédente,  et  qu'il  accompagnait  cette  fois  d'un  projet 
d'établissement  national  d'uqe  grande  filature  modèle,  des- 
tinée à  former,  sous  sa  direction  et  celle  d'autres  professeurs, 
des  ouvriers  et  contre-maîtres  habiles  dans  l'art  de  filer  le 
chanvre  et  le  lin ,  et  d'en  perfectionner  même  les  machines 

1  On  consultera  avec  intérêt  à  cet  égard,  comme  en  général  pour  toute 
la  partie  commerciale  et  statistique,  le  remarquable  et  fort  instructif  Rap- 
port du  XIV*  Jury,  par  notre  très- regrettable  collègue  feu  M.  Legentil, 
dont  le  travail  n'avait  point  encore  été  lu  dans  le  sein  de  la  Commission 
française  à  l'époque  où  j'écrivais  ceci,  puisé  d'ailleurs  à  d'autres  sources 
peut-être  moins  authentiques  au  point  de  vue  des  chiures. 


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216  VF  JURY. 

Ou  procédés  automatiques.  Mais  notre  célèbre  et  savant  com- 
patriote ignorait  l'état  réel  des  choses  en  France;  son  patrio- 
tique projet  arrivait  trop  tard  pour  le  pays,  bien  qu'il  fût 
alors  accablé  sous  l'énorme  tribut  de  3o  à  4o  millions  qu'il 
payait  annuellement  et  qu'il  continua  à  payer  jusqu'en  i843 
à  la  riche  et  puissante  Angleterre,  au  très -grand  préjudice 
de  nos  manufactures  et  de  nos  pauvres  fileuses  des  campagnes. 
Une  loi  protectrice  pouvait  seule,  comme  on  l'a  vu,  arrêter 
instantanément  d'aussi  douloureuses  pertes;  mais  ce  n'était 
pas  évidemment  un  motif  suffisant  pour  refuser  alors  mémo 
les  offres  pressantes  de  Philippe  de  Girard. 

L'insuccès  de  cette  tentative  ne  le  découragea  pas  néan- 
moins; il  fit  présenter  en  i836  sa  dernière  peigneuse,  telle 
que  la  construisait  alors  M.  Decoster,  pour  le  prix  fondé  par 
notre  Société  d'encouragement,  qui  depuis  1828  s'était  vue 
entraînée  à  proroger  le  Concours  d'année  en  année;  mais  il 
fut  encore  moins  heureux  cette  fois  qu'en  i833,  bien  que  la 
machine  dont  il  s'agit  eût  été  la  seule  qui  os4t  affronter  les 
rigueurs  du  programme,  devant  lesquelles,  suivant  le  rap- 
porteur lui-même,  auraient  également  échoué  les  meilleurs 
systèmes  connus.  En  effet,  il  ne  s'agissait  de  rien  moins  que 
d'obtenir,  à  la  machine,  un  peighage  des  lins  fins  tout  aussi 
parfait,  plus  économique  encore  que  celui  exécuté  à  la  main , 
et  qui,  en  outre,  n'exigeât  ni  dégrossissement  ou  redresse- 
ment préalable  des  fibres,  ni  achèvement  ou  perfectionne- 
ment ultérieur  pour  leur  transformation  mécanique  en  ru- 
bans. Aussi  ne  saurait-on  être  surpris  de  voir  que,  dans  les 
expériences  de  i84a ,  l'essai  comparatif  fait  dans  les  ateliers  de 
M.  Feray,  d'Essonne,  sur  la  peigneuse  de  Wordsworth ,  im- 
portée en  France  par  cet  habile  industriel,  n'ait  pu  égale- 
ment  obtenir  grâce  aux  yeux  des  commissaires ,  qui  ne  firent 
pas,  d'ailleurs,  assez  attention  que  cette  machine,  à  double 
nappe  de  peignes  sans  fin,  était,  comme  on  Ta  prouvé  ci- 
dessus,  un  simple  perfectionnement  de  l'ancien  et  primitif 
système  de  Philippe  de  Girard. 

J'insiste  sur  ce  point,  parce  que  ce  tardif  et  fâcheux  échec 


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MACHINES  ET  OUTILS.  217 

fat  pour  l'inventeur  du  principe  de  la  filature  et  du  peignage 
mécaniques  du  lin  la  source  de  chagrins  d'autant  plus  amers 
que  le  perfectionnement  des  machines  à  peigner  l'avait  oc- 
cupé pendant  près  de  trente  années  de  sa  laborieuse  carrière, 
qu'il  était  arrivé  depuis  fort  longtemps  à  des  résultats  tout  à 
fait  pratiques  dans  les  établissements  de  Hirtcnberg  et  de  Gi- 
rardow,  et  que  le  jugement  rigoureux  de  la  Société  d'encou- 
ragement ne  tendait  à  rien  moins  qu'à  consommer  la  ruine 
de  ses  espérances  les  plus  chères,  celles  que  lui  avait  fait  con- 
cevoir l'accueil  précédemment  accordé  à  ses  inventions  dans 
la  libérale  et  active  Angleterre. 

L'absence  de  Philippe  de  Girard,  représenté  par  sa  nièce, 
MM  de  Vernède  de  Corneillan ,  qui  avait  succédé  aux  droits 
de  Henri  de  Girard,  mort  en  i833,  et  par  M.  Decoster,  qui 
avait  acquis  de  cette  dame  le  privilège  exclusif  de  construire 
en  France  la  nouvelle  peigneuse,  cette  absence  et  de  pénibles 
discussions  survenues  entre  l'inventeur  et  le  constructeur  doi- 
vent être  considérées  comme  d'autres  causes  non  moins  puis- 
santes d'insuccès  dans  le  jugement  qui  termina,  en  i8d2,  le 
Concours.  Philippe  de  Girard  n'a  pas,  eu  effet,  cessé,  dès  même 
avant  i84o,  de  réclamer  contre  les  innovations  et  ce  qu'il  ap- 
pelait les  prétendus  perfectionnements  introduits ,  soit  en  France, 
soit  en  Angleterre,  dans  l'économie  et  le  principe  constitutif 
de  sa  dernière  peigneuse,  dont,  comme  on  l'a  vu,  la  machine 
à  daguer  était  le  complément  indispensable ,  tout  en  rendant 
une  entière  et  impartiale  justice  au  mérite  de  l'exécution  ma- 
térielle de  celle  qu'on  devait  au  talent  mécanique  de  M.  De- 
coster1, et  c'est  à  ce  sujet  qu'il  adressa,  en  avril  i84i<  à  la 
Société  d'encouragement  une  lettre  imprimée  qui  contient 
diverses  remarques  critiques  ou  historiques  pleines  d'intérêt 
sous  le  rapport  des  progrès  du  peignage  mécanique,  mais  sur 
lesquelles  il  serait,  je  crois,  inutile  d'insister  après  l'analyse 


1  Une  antre  peigneuse  du  même  système ,  construite  en  Angleterre  dans 
les  ateliers  de  MM.  Sharp  et  Roberts,  ne  pnt  arriver  à  temps  pour  l'ouver- 
ture du  concours  en  i836. 


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-218  VP  JURY. 

scrupuleuse,  bien  que  très-rapide,  que  j'ai  déjà  faite  def  di- 
verses in veo lions  de  notre  ingénieur. 

On  ne  peut  toutefois  qu'être  attristé  de  le  voir,  sur  la  fin 
de  ses  jours,  soutenir  une  pénible  lutte,  et  être  contraint  de 
«revendiquer  un  à  un  les  principes  constitutifs  de  ses  dernières 
inventions,  et  jusqu'aux  ingénieux  systèmes  de  construction 
-dont  il  s'était  servi  pour  les  réaliser,  jusqu'aux  résultats  avan- 
tageux et  irrécusables  qu'il  en  avait  obtenus  dans  sa  propre 
fabrication. 

Personne  aujourd'hui,  par  exemple,  ne  serait  tenté,  soit 
en  Angleterre,  soit  en  France,  de  lui  contester  le  principe  du 
double  peignage,  ou  peignage  simultané  sur  les  faces  opposées 
des  mèches  de  filasse;  celui  qui  concerne  le  décroissement 
régulier,  en  grosseur  et  espacement,  des  aiguilles  ou  des  peignes, 
4  partir  du  point  d'entrée  de  cette  filasse  sur  la  machine.  En- 
core moins  lui  refuserait-on  l'idée  capitale  de  faire  commen- 
cer l'action  de  ces  aiguilles  à  la  pointe  ou  au  bas  des  mèches 
pour  l'approfondir  de  plus  en  plus  en  remontant  vers  le  mi- 
lieu, de  manière  à  terminer  le  peignage  en  une  seule  opéra- 
tion, et  sans  retournement  autre  que  celui  qui  consiste  à  ren- 
verser la  mèche,  bout  pour  bout,  dans  les  pinces;  soit  que, 
d'ailleurs,  on  diminue  graduellement  la  saillie  des  aiguilles  à 
partir  de  l'extrémité  inférieure  de  chacun  des  porte-peignes; 
soit  qu'on  écarte  légèrement  ceux-ci  vers  le  haut,  comme  l'a 
fait  M.  Decoster;  soit  qu'enfin  on  fasse  osciller  verticalement 
les  pinces  ou  teneurs  de  la  filasse,  de  manière  à  engager 
celle-ci  progressivement  entre  les  peignes.  Le  partage  des 
étoupes  en  plusieurs  nappes  de  qualités  ou  finesses  distinctes  , 
le  moyen  de  fermeture  rapide  des  pinces,  l'ingénieuse  cou- 
lisse horizontale  ou  à  plan  incliné  qui  les  promène  au-dessus 
de  la  machine,  sans  temps  d'arrêt  et  pour  ainsi  dire  automa- 
tiquement, et  jusqu'au  système  des  roues  d'angle  et  de  la  vis 
sans  fin  qui  font  mouvoir  la  chaîne  de  tirage  de  ces  pinces1»  , 

1  Philippe  de  Girard ,  qui  avait ,  comme  on  en  a  déjà  fait  l'observation  dans 
4i ne  précédente  note,  perdu  de  vue  le  brevet  pris  par  son  frère  aine  en 
181 5,  critique,  dans  tes  notes  imprimées,  la  substitution  de  la  vis  sans  fin 


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MACHINES  ET  OUTILS.  21» 

jusqu'au  coulage  en  une  seule  pièce,  composée  d'un  alliage  de 
plomb,  d'élain  et  d'antimoine,  des  barrettes  ou  supports  d'ai- 
guilles, autrefois  chassées,  rivées  au  marteau  dans  de  minces 
plaques  de  cuivre;  toutes  ces  idées  ou  inventions  relatées  dans 
les  brevets  de  Philippe  de  Girard ,  comme  on  l'a  vu ,  et  qui  ont 
réduit  la  main-d'œuvre  accessoire  du  peignage  mécanique 
dans  le  rapport  de  5  à  1  au  moins;  beaucoup  d'autres  per- 
fectionnements de  détail  encore  mis  à  profit  en  Angleterre, 
mais  qu'il  serait  trop  long  de  citer,  sont  autant  d'utiles,  de 
précieuses  découvertes  dues  au  génie  persévérant  et  à  la 
science  éclairée  des  constructions  de  notre  célèbre  ingénieur, 
à  qui  l'on  ne  sera  guère  tenté  désormais  de  reprocher  l'im- 
perfection de  ses  œuvres  ou  son  inintelligence  en  fait  de  mé- 
canique pratique. 

Quant  au  principe  d'après  lequel  le  peignage  doit  s'effec- 
tuer par  parties,  à  petits  coups,  dans  l'étendue  entière  de  la 
mèche  de  filasse,  au  moyen  de  mouvements  circulaires  et 
croisés  de  part  et  d'autre  de  cette  mèche,  bien  qu'il  soit  au- 
jourd'hui à  peu  près  généralement  abandonné  à  cause  de  sa 

aux  roues  d'angle,  faite  par  MM.  Evans  et  Decoster,  sans  prendre  garde 
qu'il  s'était  lui-même  servi  de  cette  vis  dans  se*  premières  machines  à  pei- 
gner, telles  qu'elles  sont  décrites  dans  un  certificat  d'additions  publié  sous 
la  date  de  juillet  1810;  dispositif  auquel  il  reproche,  avec  raison,  d'entraî- 
ner une  plus  grande  perte  de  travail  en  frottement.  Au  surplus,  nous  n'avons 
point  ici  la  prétention  de  répondre  aux  nombreuses  et  injustes  critiques 
adressées  à  Philippe  de  Girard  dans  des  ouvrages  (i84o  et  1846)  bien  con- 
uus,  et  qui  ont,  pour  leur  part,  exercé  dans  le  temps  une  assez  fâcheuse 
influence  sur  l'opinion  publique;  encore  moins  s'agit-il  d'entreprendre  une 
biographie  étrangère  à  la  filature  mécanique  du  lin ,  et  qui  fasse  connaître 
l'étendue  et  la  portée  de  son  esprit;  il  me  suffira  de  rappeler  qu'on  lui  doit 
la  première  idée -de  la  machine  à  fabriquer  les  bois  de  fusils,  une  turbine 
dite  à  tourbillon,  très-curieuse,  sans  directrices,  et  pour  laquelle  il  a  été 
breveté  en  France  en  i843,  etc.,  ce^à  quoi  on  me  permettra  d'ajouter  que, 
dans  ses  notes  ou  mémoires  manuscrits,  il  montre  une  entente  remarquable 
des  principes  qui  servent  à  régler  les  proportions  et  les  rapports  de  vitesse 
des  différentes  pièces  des  machines  à  filer,  et  qu'il  a  notamment  expliqué 
géométriquement  la  règle  pratique,  si  bien  mise  depuis  en  lumière  par 
M.  Joseph  Kœchlin,  concernant  le  rapport  à  établir  entre  les  degrés  de  tors 
des  fils  et  leurs  numéros. 


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220  VF  JURY. 

complication ,  on  ne  doit  pas  moins  lui  accorder  nne  grande 
valeur,  parce  qu'il  a  mis  et  peut  mettre  encore  sur  la  voie 
d'importantes  améliorations  dans  l'art  du  peignage. 

J'ai  déjà  signalé  les  causes  générales  qui  ont  fait  échouer 
la  peigneuse  oscillante  dans  les  Concours  ouverts  par  la  So- 
ciété d'encouragement;  qu'il  me  soit  permis,  avant  de  termi- 
ner, d'ajouter  quelques  réflexions  ressortant  des  réclamations 
mêmes  publiées  dans  le  temps  par  Philippe  de  Girard,  et  qui 
puissent  détruire  à  jamais  le  fâcheux  effet  des  critiques  et 
des  pénibles  débats  dont  elles  ont  été  l'origine  ou  le  prétexte  : 
c'est  que  la  peigneuse  soumise  au  jugement  de  cette  Société 
n'était  pas  précisément  celle  qu'il  avait  conçue  et  exécutée  en 
Pologne;  c'est  qu'elle  violait  en  quelques  points  les  prin- 
cipes qu'il  s'était  imposés  à  lui-même;  c'est  que,  d'un  autre 
côté,  il  n'a  jamais  pu  obtenir  la  rectification  des  changements 
qu'on  lui  avait  fait  subir,  et  d'où  il  était  résulté,  très-involon- 
tairement sans  doute,  la  formation  de  nœuds,  de  boutons, 
qu'on  enlevait  ensuite  par  un  peignage  à  la  main;  c'est  que, 
enfin,  la  suppression  de  la  machine  à  battre  ou  à  daguer 
devait  entraîner,  comme  conséquence  nécessaire,  la  production 
d'étoupes  pleines  de  pailles,  d'ordures  de  «tous  genres,  et  la 
nécessité  d'un  redressement  préalable  de  leurs  fibres,  dont, 
fort  mal  à  propos,  on  accusait  les  machines  soumises  à  l'ex- 
périence. 

Le  reproche  adressé  dans  des  écrits  publics  à  Philippe  de 
Girard,  de  n'avoir  pas  convenablement  proportionné  la  marche 
ou  la  vitesse  des  cylindres  cannelés  délivrèurs  des  étoupes  à 
la  vitesse  des  peignes,  de  manière  à  éviter  le  tiraillement 
ou  l'accumulation  de  ces  étoupes  au  bas  de  la  machine,  ne 
mérite  guère  d'être  relevé  :  c'était  là  un  de  ces  obstacles 
qu'un  monteur  intelligent  fait  aisément  disparaître.  Le  véri- 
table et  principal  inconvénient  de  la  peigneuse  oscillante  de 
notre  ingénieur,  comme  de  toutes  celles  qu'il  avait  précé- 
demment inventées,  était  sans  contredit  ce  concours  indis- 
pensable de  la  machine  à  daguer,  et  dont  il  n'a  été  possible 
de  se  passer  que  lorsque  Wordsworth ,  adoptant  l'ancienne 


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MACHINES  ET  OUTILS.  221 

peigneuse  à  nappes  sans  fin  de  Philippe  de  Girard,  eut  ima- 
giné, comme  on  l'a  vu,  de  rejeter  en  dehors  ou  latéralement 
les  étoupes  au  moyen  de  rouleaux  à  brosses  délivreurs,  etc. 

Au  surplus,  si  les  critiques  dirigées  contre  les  machines  de 
Philippe  de  Girard  ont  été  parfois  mal  fondées  en  principe, 
en  ce  sens  qu  on  n'y  faisait  pas  suffisamment  la  part  au  génie 
de  l'invention,  en  revanche,  et  par  une  sorte  de  compensation 
providentielle,  on  leur  doit  incontestablement  d'avoir  enfin 
appelé  l'attention  si  longtemps  distraite,  pour  ne  pas  dire 
hostile,  de  l'administration  gouvernementale  de  notre  pays 
sur  réminent  mérite  de  notre  savant  compatriote,  à  qui  l'on 
cessa,  en  effet,  de  dénier  désormais  ostensiblement  la  décou- 
verte des  deux  principes  constitutifs  de  toute  filature  du  lin  : 
retirage  ou  redressement  parallèle  des  fibres  et  leur  décollement 
à  Veau  chaude;  découvertes  pour  lesquelles  notre  laborieuse  et 
utile  Société  d'encouragement  a,  dans  une  mémorable  séance 
du  mois  d'août  i842  *,  accordé  à  l'auteur  sa  grande  médaille 
d'or,  d'après  une  décision  juste  et  loyale  sans  doute,  mais 
étrangère  au  but  du  Concours  pour  lequel  elle  avait  antérieu- 
rement fondé  un  prix  très-important.  Cette  décision  tardive, 
trop  vaguement,  trop  incomplètement  motivée  peut-être  dans 
l'exposé  du  Rapport,  était,  par  cela  même,  impropre  à  dé- 
truire de  précédentes  et  fâcheuses  impressions,  quoiqu'elle 
fût  une  protestation  équitable  en  faveur  des  droits  de  la  France 
à  une  découverte  que,  du  haut  de  la  tribune  des  députés,  on 
avait,  en  termes  vagues  aussi,  osé  revendiquer  exclusivement 
pour  les  ingénieurs  de  la  Grande-Bretagne. 

D'après  cela,  on  conçoit  comment  la  généreuse  initiative 
dont  il  vient  d'être  parlé  ne  put,  malgré  tout  le  crédit  dont 
jouit  la  célèbre  Société  auprès  de  notre  Gouvernement,  faire 
taire  des  préventions  déjà  bien  anciennes,  antérieures  même  à 
1 8 1 8,  où  les  machines  de  Philippe  de  Girard  furent  repoussées 

1  Voy.  t.  XLI,  p.  388,  du  Bulletin,  le  Rapport  de  feu  Olivier,  qui  fut 
aussi  chargé,  à  l'Exposition  de  i844,  des  fonctions  de  rapporteur  pour  le 
même  objet,  fonctions  attribuées  par  erreur  à  M.  Gambey  dans  un  écrit 
postérieur. 


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222  VF  JURY. 

par  l'administration  française.  Un  examen  approfondi  de  la 
question,  des  preuves  formelles,  irrécusables,  de  la  participa- 
tion directe  et  efficace  des  associés  de  l'inventeur,  de  Girard  lui- 
même,  aux  prodigieux  succès  de  la  filature  anglaise  du  chanvre 
et  du  lin,  eussent  été  indispensables  pour  détruire  enfin  toute 
prévention  et  mettre  dans  leur  véritable  jour  la  nature  et 
Télendue  des  services  que  notre  savant  ingénieur  avait  ren- 
dus à  cette  belle  et  vaste- branche  d'industrie.  Mais,  au  grand 
regret  des  amis  sincères  de  notre  gloire  et  de  notre  prospérité 
nationales,  on  a  vu,  lors  du  retour  de  Girard  en  France  en 
1 844,  cet  état  de  choses  persister,  malgré  la  déclaration  con- 
firmalive  de  Thonorable  rapporteur  du  Jury  de  l'Exposition 
de  cette  époque;  malgré  la  nouvelle  médaille  d'or  que  lui 
décerna  ce  jury;  malgré,  enfin,  les  nombreux  et  éclatants 
témoignages  d'intérêt,  les  attestations  et  pélitionnements  des 
hommes  les  plus  éminents  et  les  plus  haut. placés  dans  la 
science,  l'industrie  et  même  dans  l'administration  gouverne* 
mentale  de  notre  pays. 

Philippe  de  Girard  est  mort  en  i845,  dans  sa  71*  année» 
c'est-à-dire  un  an  après  l'Exposition  de  1 844,  à  un  âge  où  depuis 
longtemps  l'bomme  de  génie  aurait  dû  cesser  de  souffrir  de 
l'injustice,  de  la  jalousie  et  de  la  prévention  de  ses  contem- 
porains, sans  avoir  pu  obtenir  du  Gouvernement  l'équitable 
rémunération,  la  simple  récompense  honorifique  des  ser- 
vices qu'il  avait  rendus,  et  qui  eussent  couronné  dignement 
pour  la  patrie  uue  carrière  éteinte  bientôt  après  dans  un 
état  de  découragement  et  d'amertume,  dont  les  tristes  effets 
né  pouvaient  être  effacés  par  le  généreux  dévouement  des 
hommes  placés  à  la  tête  de  l'industrie  linière  de  la  France  1. 
Mais  il  n'est  jamais  trop  tard  pour  la  postérité  et  notre  noble 
pays  de  réparer  un  aussi  cruel  et  inconcevable  oubli,  et  c'est 
dans  cet  espoir  et  par  tous  ces  motifs  que  nous  avons  jugé 
indispensable  d'instruire,  aussi  à  fond  que  le  comportent 


1  Ils  se  cotisèrent,  comme  on  sait,  en  1 84 5  pour  assurer  une  pension 
de  6tooo  francs  à  l'inventeur  de  la  filature  mécanique  du  lin. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  223- 

notre  zèle  et  dos  faibles  lumières,  un  procès  qui  aurait  peut- 
être  été  longtemps  encore  à  se  vider,  au  point  de  vue  tech- 
nique et  scientifique  où  nous  nous  sommes  placés  I. 

CHAPITRE  IV. 

PROGrIs  ACCOMPLIS,  JUSQU'A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  l85l, 
DANS  LES  MACHINES  A  TRAVAILLE»  LE  LIN,  LE  CHANVRE,  ETC. 


S  I". — Résumé  concernant  les  découvertes  et  revendications  de  Philippe  de 
Girard;  appréciation  rapide  des  derniers  perfectionnements  apportés  aux 
machines  à  filer,  d'après  les  écrits,  les  patentes  ou  brevets  anglais  et  fran- 
çais, etc.  —  MM.  HoaUsworlh,  Westley,  Peter  Fairbaim,  JVordsworih , 
Lawson,  Plammer,  Higgins,  en  Angleterre;  André  Kœcklin,  Nicolas 
Schlumbergcr,  Scrive,  Décos  ter,  Giberlon,  etc.,  en  France. 

L'étendue  donnée  à  l'examen  des  progrès  de  la  filature  du  . 
lin  et  du  chanvre,  au. point  de  vue  technique,  avant  Tannée 
i845,  est  suffisamment  justifiée  par  la  haute  importance 
même  du  sujet  et  l'influence,  toute  spéciale,  que  cette  bran- 
che d'industrie  a  exercée  et  exercera  de  plus  en  plus  sur  le 
développement  de  notre  prospérité  nationale.  Cet  examen  me 
parait  démontrer  d'une  manière  irrécusable  que,  si  les  ten- 
tatives de  soumettre  à  sec  ces  matières  textiles  aux  machines 
en  usage  dans  la  filature  du  coton  ont  eu  lieu  en  Ecosse  ou 
à  Dundee  quelques  années  peut-être  avant  qu'elles  ne  le 
fussent  en  France,  en  revanche  elles  ont  reçu  des  perfection* 
nements  bien  plus  rapides  dans  ce  dernier  pays,  où,  stimulé 
par  d'impérieux  besoins,  on  commença  dès  1800  à  traiter 
ces  mêmes  matières  par  des  procédés  physico-chimiques,  qui* 
d'abord  imparfaits,  devinrent  bientôt  entre  les  mains  de  Phi- 
lippe de  Girard,  grâce  à  une  étude  approfondie  de  la  texture 
de  leurs  fibres  rudimentaires  et  des  moyens  mécaniques  de 
les  soumettre  à  l'étirage,  l'origine  de  la  filature  en  fin,  aujour- 

1  Ceci,  on  doit  le  rappeler,  était  écrit  plusieurs  mois  avant  l'époque  où 
le  Gouvernement  de  Napoléon  III  accordait  aux  héritiers  de  Philippe  de- 
Girard  une  pension  viagère  de  1 9,000  francs  de  rentes,  à  titre  de  récom- 
pense nationale. 


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224  VI*  JURY. 

d'hui  encore  en  usage  qnand  il  s'agit  de  dépasser  les  n"  de 
3o  à  ko  métriques. 

Il  parait  bien  démontré,  en  outre,  que  ces  mêmes  procé- 
dés par  décollement  et  étirage  des  longues  fibres  du  lin  ou  du 
chanvre,  qui  suivirent  l'inventeur  dans  son  expatriation  en 
Allemagne,  d'abord  incompris  et  repoussés  en  France,  furent, 
à  partir  de  i8i5,  importés  par  des  associés  infidèles  dans  la 
Grande-Bretagne,  et  bientôt  accueillis  avec  faveur  dans  les 
ateliers  de  la  ville  de  Leeds,  dont,  sous  la  direction  immé- 
diate de  l'un  .de  ces  mêmes  sociétaires  et  la  propre  impulsion 
de  Girard  en  1826,  ils  ne  tardèrent  pas  à  développer  et  assu- 
rer l'immense  fortune  à  nos  dépens. 

Enfin  cet  examen  semble  confirmer  dé  point  en  point  la 
véracité  des  déclarations  de  l'inventeur,  qui,  au  déclin  d'une 
vie  agitée  et  laborieuse,  ont  pu  paraître,  aux  yeux  de  quel- 
ques personnes  prévenues,  de  véritables  vanteries,  à  savoir  : 
qu'avant  i84o  et  même  i844t  les  Anglais,  sauf  ce  qui  con- 
cerne le  cardage  et  la  filature  des  étoupes,  n'avaient  apporté 
aucuns  changements  essentiels  aux  principes  et  aux  procédés 
de  filature  que  lui,  Philippe  de  Girard,  avait  inventés  ou  per- 
fectionnés successivement  depuis  1810;  en  ce  sens,  toutefois, 
que  les  procédés  et  les  machines  dont  ils  s'étaient  servis  jusque- 
là,  bien  qu'améliorés  quant  au  système  de  construction,  *u 
dispositif  général  et  à  quelques-uns  des  moyens  de  solution , 
ne  fonctionnaient  en  réalité,  d'une  manière  utile  et  avanta- 
geuse, qu'en  vertu  de  ces  mêmes  principes,  vis-à-vis  desquels, 
en  effet,  desimpies  perfectionnements  et  détails  de  construc- 
tion, tout  précieux  qu'ils  puissent  être  au  point  de  vue  indus- 
triel ou  commercial,  ne  sont  que  d'une  importance  relative 
ou  secondaire  sous  le  rapport  scientifique  et  historique  du 
progrès  des  idées  mécaniques. 

Dans  cette  revendication  publique  de  ses  droits,  comme 
l'ont  montré  les  discussions  précédentes,  notre  regrettable  et 
célèbre  compatriote  n'a  pas  compris  divers  moyens  ingénieux 
de  disposer  le  système  des  bobines  et  des  broches  pour  éviter, 
dans  la  filature  en  gros,  les  fâcheux  effets  de  la  torsion  des 


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MACHINES  ET  OUTILS.  225 

mèches;  procédés  d'où,  j'en  ai  déjà  fait  à  dessein  plusieurs 
fois  la  remarque,  serait  née  la  filature  dite  américaine,  aujour- 
d'hui encore  en  usage  pour  le  filage  de  la  laine  et  du  coton. 
H  n'a  pas  non  plus  revendiqué  l'idée,  à  mon  sens  très-ingé- 
nieuse, de  la  machine  à;  rubaner  et  à  réunir,  les  mèches  de 
filasse  au  moyen  d'auges  à  sérans  mobiles,  idée  peut-être  jus- 
qu'ici trop  peu  appréciée.  Enfin,  s'il  n'a  guère  été  plus  affir- 
matif  à  l'égard  de  ses  ingénieux  procédés  de  peignage  du  lin 
et  du  chanvre,  c'est  qu'en  effet  il  ignorait,  même  en  i844>" 
c'est-à-dire  jusqu'à  la  veille  de  sa  mort;  le  sort  qui  leur  était 
réservé  en  France  et  en  Angleterre:  les  tristes  vicissitudes 
que  sa  dernière  machine  à  peigner  avait  éprouvées  devant  la 
Société  d'encouragement  de  Paris  n'étaient  pas  faites  d'ail- 
leurs pour  le  rassurer  à  cet  égard ,  quoique  les  discussions  pré- 
cédentes nous  autorisent  à  croire  que  les  arts  textiles  ne  lui 
soient  guère  moins  redevables  pour  l'heureuse  initiative  qu'il  a 
prise  dans  l'établissement  des  principes  essentiels  du  peignage 
mécanique  et  de  ses  plus  importants  organes. 

Maintenant  il  nous  resté  à  examiner  quels  sont  les  perfec- 
tionnements et  les  changements  que  l'industrie  linière  a  reçus 
depuis  l'année  1 84 5  jusqu'à  l'époque  de  l'Exposition  univer- 
selle de  Londres,  en  mai  i85i. 

Constatons  tout  d'abord  que,  à  partir  de  l'année  i833  ou 
i834t  le  nombre  des  brevets  pris  en  Angleterre  et  eu  France 
pour  la  filature  du  lin  et  du  chanvre  se  multiplia  de  plus  en 
plus,  et  devint,  dans  les  années  suivantes,  tellement  considé- 
rable, qu'il  serait  à  peu  près  impossible  d'en  suivre  avec  quel- 
que exactitude  la  marche  et  les  développements,  quand  bien 
même  on  en  aurait  le  tableau  exact  et  complet  sous  les  yeux; 
ce  qui  est  bien  loin  d'être,  puisque  la  plupart  de  ces  brevets 
ne  sont  point  encore  expirés,  et  n'ont  pas  dans  les  cata- 
logues officiels  une  énonciation  qui  mette  au  moins  à  même 
d'en  saisir  le  but ,  le  sens  et  la  portée  véritables.  Cependant  le 
regret  sera  de  beaucoup  amoindri  si  l'on  considère  que,  à 
dater  de  cette  même  époque,  ils  n'avaient  guère  pour  objet 
que  des  modifications  d'ajustements  et  de  détails  souvent  très- 

VI*  JURY.  —  2*  PARTIE.  1 5 


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226  VI*  JURY. 

insignifiantes  au  point  de  vue  des  progrès  mécaniques;  ces 
brevets  servant  dès  lors  de  simples  annonces  ou  affiches 
commerciales,  multipliées  à  l'infini,  par  cela  même  qu'elles 
reproduisent  des  idées  déjà  connûtes  et  n'exigent,  pour  ainsi 
dire,  aucun  nouvel  effort  d'esprit  ou  d'invention. 

Qu'on  me  permette,  à  ce  sujet,  de  faire  observer  une  der- 
nière fois  que  si ,  sous  le  rapport  des  énoncés  et  titres  de  bre- 
vets, les  catalogues  français  offrent  quelque  avantage  sur  ceux 
qui  se  publient  en  Angleterre  et  dont  la  généralité,  le  vague 
est  vraiment  inimaginable,  par  contre  ils  ne  sont  pas,  comme 
les  patentes  anglaises,  suivis  de  publications,  d'extraits  analy- 
tiques qui  font  connaître,  au  moins  abréviativement,  l'objet 
sur  lequel  porte  essentiellement  l'invention  ou  le  perfectionne- 
ment, dont  la  déclaration  explicite,  sous  le  nom  de  réclame 
finale,  est  également  transcrite  dans  le  texte  de  la  patente  et 
en  forme  la  partie  essentielle,  celle  que  ¥  Enrôlaient- office 
considère  avec  juste  raison  comme  constituant  le  véritable 
droit  à  cette  patente.  L'absence  de  cette  déclaration  se  fait  mal- 
heureusement sentir  dans  tous  nos  brevets;  elle  y  serait  d'au- 
tant plus  nécessaire  qu'elle  deviendrait  une  indication  précise» 
une  sorte  de  caveat  pour  les  preneurs  de  nouveaux  certificats, 
et  qu'elle  servirait  plus  tard  à  la  magistrature  elle-même  et 
aux  experts  jurés  de  guide  précieux  dans  la  recherche,  si 
obscure,  des  droits  et  des  titres  de  chaque  inventeur. 

A  là  vérité,  notre  administration,  guidée  par  un  esprit  de 
libéralisme  et  d'intérêt  public  à  certains  égards  bien  entendu, 
laisse  ou  a  laissé  pendant  longtemps  prendre  des  copies  et 
des  calques  in  extenso  des  mémoires  et  dessins  qui  doivent 
accompagner  chaque  demande  de  brevet;  mais  alors  il  en 
résulte  le  danger  de  voir  les  contrefacteurs  s'emparer  de  l'idée 
principale  de  l'invention,  la  modifier  en  quelques  points,  la 
perfectionner  comme  on  dit,  et  par  là-même,  fort  souvent,  la 
tuer  en  germe  et  décourager  à  tout  jamais  l'auteur,  devenu 
tributaire  du  contrefacteur,  quand  il  n'a  pas  le  déplaisir  de  se 
voir  devancer  dans  les  onéreuses  démarches  nécessaires  pour 
acquérir  le  droit  d'exploitation  à  l'étranger,  ou  qu'il  se  trouve 


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MACHINES  ET  OUTILS.  227 

dépourvu  des  moyens  de  soutenir  de  fâcheux  procès  dans  son 
propre  pays.  Ne  serait-il  donc  pas  temps  enfin  de  faire  cesser 
ce  désordre,  cette  législation  barbare  qui  étouffent,  étreignent 
trop  souvent  le  vrai  mérite,  et  répandent,  comme  à  plaisir, 
dans  l'histoire  de  la  science  et  dans  les  procédures  une  obscu- 
rité dont  l'ineptie  et  l'esprit  de  chicane  ou  de  rapine  font  leur* 
indigne  profit  au  détriment  des  progrès  de  l'industrie  et  de  la 
prospérité  nationale. 

D'après  ces  considérations,  pour  lesquelles  je  demande 
humblement  excusé1,  on  doit  s'attendre,  dans  ce  qui  suit,  à 
des  aperçus  assez  vagues  surles  progrès  mécaniques  de  la  fila- 
ture du  lin  et  du  chanvre  dans  ces  derniers  temps;  et  si  Ton 
considère  qu'il  s'agit  tout  au  plus  de  simples  modifications, 
de  simples  perfectionnements  apportés  aux  machines  à  filer, 
on  ne  sera  pas  surpris  que  je  me  borne  ici  à  ne  citer,  parmi 
les  nombreux  brevetés  ou  patentés  qui  se  sont  fait  enregistrer 
.  après  i83g  ou  i84o,  que  ceux  que  l'on  voit  briller  au  premier 
rang  sous  les  noms,  devenus  célèbres,  de  MM.  Houldsworth, 
Westley,  Peter  Fairbairn,  Wordsworth,  Lawson,  Plummer, 
Claussen  et  Marsden,  en  Angleterre;  André  Kœchlin,  Nicolas 
Schlumberger,  Scrive-Labbé,  Decoster,  David  Lacroix,  Gi- 
berton  et  Heilmann ,  en  France  :  noms  auxquels  il  faudrait 
ajouter  la  plupart  de  ceux  que  j'ai  d'abord  indiqués  pour  l'An- 
gleterre, puisqu'on  les  retrouve  également  brevetés  d'inven- 
tion, d'importation  ou  de  perfectionnements  chez  nous. 

Quant  aux  modifications  diverses  introduites  dans  la  cons- 
titution des  machines  à  filer  le  lin  et  le  chanvre,  nous  devons, 
par  les  mêmes  motifs,  nous  restreindre  aux  plus  importantes, 
à  celles  que  tous  les  constructeurs  de  machines  et  les-  dhefs 
d'établissements  industriels  se  sont  généralement  empressée 
d'adopter  à  l'époque  actuelle. 

Au  premier  rang,  on  doit  compter  les  ingénieux  perfec- 
tionnements qu'on  a  fait  subir  depuis  182 4  aux  bancs  à 

1  Je  prie  le  lecteur,  encore  une  fois,  de  ne  point  oublier  que  tout  ceci 
était  écrit  au  printemps  de  18 5a,  «Tant  les  changements  survenus  depuis 
dans  la  législation  des  brevets. 

i5. 


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228  VT  JURY. 

broches  ou  continues  à  mouvements  différentiels;  perfection- 
nements par  lesquels  on  est  parvenu  à  régulariser,  d'une 
manière  pour  ainsi  dire  mathématique,  l'étirage,  le.  tors  ou 
l'envidement  des  mèches  et  gros  fils  de  préparation  sur  les 
bobines;  perfectionnements,  d'ailleurs,  qu'accompagnent  au- 
jourd'hui, de  toute  nécessité,  les  tables  à  étaler  et  les  peignes 
mobiles  sans  fin ,  dans  le  système  de  filature  du  lin  et  du 
chanvre.  Ces  mêmes  perfectionnements,  d'abord  appliqués  à 
la  filature  du  coton  et  dont  on  trouvera  un  rapide  historique 
dans  les  Additions  à  ce  chapitre,  ne  pouvaient  se  rencontrer 
dans  les  brevets  et  procédés  de  filature  de  Philippe  de  Girard  T 
antérieurs  de  bien  des  années  à  la  découverte  des  premiers  bancs 
à  broches  et  continues  à  mouvements  différentiels,  quoique 
déjà  il  ait  revendiqué,  dans  son  mémoire  de  18 15  (t.  XIX, 
p.  3a8,  S  u),  l'emploi  d'un  va-et-vient  pour,  l'enroulement 
des  mèches  sur  les  bobines,  et  celui  de  broches  à  ailettes  à 
deux  branches  renversées,  creuses  et  équilibrées,  par  les- 
quelles ces  mèches  devaient  passer,  afin ,  dit-il ,  de  les  sous- 
traire à  l'action  de  l'air  extérieur  et  de  la  force  centrifuge;  dis- 
position aujourd'hui  généralement  admise,  mais  que  l'auteur 
présentait  alors  comme  une  véritable  innovation. 

Après  les  combinaisons  mécaniques  qui  assurent  avec  une 
rigoureuse  précision  les  excursions  et  mouvements  relatifs 
des  bobines  et  des  broches  des  métiers  à  filer,  au  moyen  de 
crémaillères  régulatrices  à  échappements  alternatifs,  de  tam- 
bours coniques  à  courroie  sans  fin  glissante,  de  plateaux,  de 
cônes  tournants  à  roulettes  ou  disques  de  friction,  cheminant 
du  grand  cercle  vers  le  centre  ou  sommet,  et  remplacés  bientôt 
pardes  rouages  à  mouvements  différentiels ,  etc.  ;  après ,  dis  je , 
ces  remarquables  combinaisons,  viennent,  les. modifications 
heureuses  que  MM.  Peter  Fairbairn  et  Nicolas  Sehiumberger 
ont  fait  subir  au  banc  d'étirage  à  vis  directrices  des  peignes, 
pour  en  solidifier,  simplifier  les  diverses  parties ,  et  notamment 
pour  diminuer  les  intervalles  par  lesquels  le  ruban  de  filasse 
arrive  des  cylindres  fournisseurs  à  ces  peignes  ou  de  ceux-ci 
aux  cylindres  étireurs;  objet,  comme  je  l'ai  dit,  de  la  plus 


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MACHINES  ET  OUTILS.  229 

haute  importance  pour  éviter  la  déviation  et  le  rebroussement 
des  fibres,  source  subséquente  des  barbes  et  boutons,  dans  le 
filage  en  gros  ou  en  fin. 

Je  citerai  encore  la  substitution  des  commandes  de  broches 
par  engrenages  à  celle  des  chaînes,  des  cordes  ou  courroies, 
employées  jusqu'en  i833,  même  dans  les  filatures  de  coton, 
malgré  les  tentatives  déjà  anciennes  de  James  White ,  substi- 
tution dont  il  me  serait  actuellement  impossible  d'indiquer 
le  premier  auteur,  mais  dont,  à  coup  sûr,  les  principaux  et 
essentiels  perfectionnements  sont  dus  moins  encore  aux  ingé- 
nieurs ou  constructeurs  de  la  Grande-Bretagne,  en  général 
peu  soucieux  de  l'épargne  sur  la  force  motrice,  qu'à  ceux  de 
notre  propre  pays,  en  tête  desquels  paraissent  s'être  placés, 
dans  le  Haut-Rhin,  MM.  Dollfus-Mieg,  André  Kœchlin,  Jé- 
rémie  Risler,  Saladin,  Léopold  Muller,  etc.,  devancés  peut- 
*tre,  mais  sans  succès  bien  constatés,  par  les  constructeurs  de 
la  Belgique,  qui,  les  premiers  aussi,  auraient  fait  usage,  en 
i832\  de  cônes  ou  poulies  à  expansion,  dont  l'idée  mère, 
comme  on  l'a  vu,  doit  être  attribuée  à  Philippe  de  Girard. 
M.  Muller  notamment,  l'habile  constructeur  de  machines  de  fila- 
tures à  Thann ,  mentionné  par  anticipation  au  sujet  des  articles 
de  quincaillerie  exposés  à  Londres  en  i85i 2,  M.  Muller  est  ar- 
rivé l'un  des  derniers5  dans  cette  voie  si  importante  du  progrès 
mécanique;  mais,  en  s'occupanl  principalement  du  perfection- 
nement des  broches  et  fuseaux  à  engrenages  d'angle  obliques  t 
pour  les  m'ule-jennys  et  les  continues  à  tordre,  il  a  su  vaincre , 
je  le  répète,  avec  une  remarquable  simplicité  de  moyens,  les 
principales  difficultés,- qui  consistent  dans  les  vibrations  et  la 
suspension,  en  cas  de  rupture  des  fils,  du  mouvement  rota- 

1  Consultez,  à  ces  divers  sujets,  la  page  35a  de  l'ouvrage  de  M.  Àlcan, 
•et  plus  particulièrement,  à  la  page  47a  du  tome  XXXIX  du  Bulletin  de  la 
Société  £  encouragement,  une  notice  historique  sur  le  banc  à  broches  par 
M.  Thierry,  notice  extraite  du  59*  Bulletin  de  la  Société  industrielle  de 
Mulhouse,  et  sur  le  contenu  de  laquelle  nous  aurons  à  revenir  pluà  tard. 

1  Voyez  les  pages  86  et  87  de  la  première  Partie. 

•  Brevet  du  8  février  1848. 


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230  VP  JURY. 

toire  des  broches  ou  fuseaux  pendant  la  marche  même  de 
leur  roue  d'angle  motrice. 

On  sait  combien  la  substitution  des  engrenages  aux  cordes 
et  courroies,  déjà  étendue  dans  ses  applications  aux  machines 
à  filer  la  laine  et  le  coton,  est. favorable  au  point  de  vue  de 
la  réduction  des  pertes  de  travail  moteur  et  de  l'extrême  régu- 
larité de  la  rotation  des  broches,  que  réclame  aujourd'hui 
la  perfection  du  système  différentiel  de  M.  Houldsworth,  où 
aucun  mouvement  n'est  livré  au  hasard.  Les  expériences 
faites  à  Mulhouse  par  M.  Klippe,  et  ailleurs,  ont  effective- 
ment prouvé  que  la  réduction  du  frottement  pouvait  s'élever 
du  tiers  à  la  moitié  de  la  valeur  qu'il  avait  dans  l'ancien  sys- 
tème ;  et  j'ai  eu  par  moi-même  l'occasion  de  constater  expé- 
rimentalement que  ces  avantages  se  reproduisent  également 
dans  les  mule-jennys,  à  engrenages  obliques,  fort  bien  cons- 
truites par  M.  Brunot,  de  Rethel,  d'après  le  très-simple  et  très- 
ingénieux  système  de  M.  Léopold  Muller.  Enfin,  et  quoiqu'il 
s'agisse  ici  plus  particulièrement  de  machines  à  filer  la  laine 
et  le  coton,  on  peut  dire,  d'une  manière  générale,  que  les 
améliorations  introduites  dans  de  telles  spécialités  ne  tarderont 
guère  à  l'être  dans  toutes  les  autres;  or  c'est  précisément  là, 
comme  je  crois  en  avoir  déjà  fait  la  remarque ,  ce  qui  rend 
aujourd'hui  si  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  la  dis- 
cussion des  titres  de  chaque  constructeur  aux  inventions  et 
aux  perfectionnements  divers  relatifs  à  l'établissement  de 
machines  où  l'esprit  d'imitation,  l'entraînement,  le  goût,  la 
mode  même  du  jour,  ne  sont  pas  aussi  étrangers  qu'on  pour- 
rait être  tenté  de  le  croire  à  la  rapide  propagation  des  idées 
et  des  progrès  mécaniques. 

De  nouveaux  essais  ont  eu  lieu  dans  lesquels  les  engrenages 

•  coniques,  tantôt  droits  selon  le  système  de  Rœmer  ou  deLahire, 

tantôt  obliques  selon  le  système  ingénieux  de  Hooke  et  de 

White 1,  ont  été  remplacés  dans  des  continues  en  fin  exposées 

1  En  citant,  a  dif erses  occasions,  l'ingénieux  système  des  engrenages 
obliques,  généralement  attribué  en  France  à  James  White,  de  Manchester* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  231 

en  i85i,  à  Londres,  au  moyen  de  cônes  à  surface  lisse  agissant 
par  simple  contact  et  garniture  de  caoutchouc. Mais,  en  raison 
de  f  inégale  usure  des  surfaces  et  de  l'énorme  pression  sur  les 
axes  nécessaire  à  l'engrènement  relatif,  on  ignore  encore  ce 
que  produiront  ces  tentatives  diverses  de  perfectionnement. 
La  disposition  des  broches  et  des  bobines  elle-même  a  subi 
un  grand  nombre  de  changements  ou  perfectionnements  de 
détails,  variables  avec  le.  système  adopté  par  chaque  cons- 
tructeur, mais  dont  aucun,  jusqua  présent,  n'a  obtenu  une 
préférence  exclusive,  et  qu'il  soit  par  conséquent  à  propos 
de  mentionner  ici.  Il  suffira  de  constater,  en  général,  que  la 
longueur  de  ces  broches  a  été  réduite  et  leur  vitesse  de  plus 
en  plus  augmentée;  ce  qui,  d'après* une  remarque  déjà  faite 
à  l'occasion  des  moulins  à  organsiner  la  soie,  etc.,  est  indis- 
pensable pour  donner  le  tors  que  réclament  les  fils  de  lin  ou  de 
coton  dans  les  numéros  très-élevés,  où,  grâce  aux  divers  per- 
fectionnements ci-dessus,  l'on  a  poussé  jusqu'à  5,oop  et  même 
6,000  le  nombre  des  révolutions  des  bobines  par  minute, 
sans  trop  donner  lieu  aux  ruptures,  vrillements  et  enroule- 

je  n avais  passons  les  yeux  la  revendication  très-explicite  que,  à  la  p.  53, 
n*  68,  de  ses  Principlee  of  mechanisrn  (184 1) ,  M.  Robert  Willis  en  a  faite 
en  faveur  du  D*  Hooke,  qui  l'aurait  produite  devant  la  Société  royale  de 
Londres  en  1 666 ,  comme  ayant  pour  but  spécial  de  remplacer  le  glisse- 
ment dans  les  engrenages  par  le  roulement  mutuel  des  surfaces  obliques  de 
dents  en  contact  La  solution  de  James  Wbite  est,  comme  on  sait,  contem- 
poraine de  l'Exposition  française  de  1801;  il  l'aurait  décrite  ensuite  dans  ses 
Ccnlwry  of inventions  (1822  ).  Quant  aux  recherches  de  feu  Olivier  à  ce  sujet, 
elles  datent  seulement  de  1826,  et  1  ont  conduit  à  la  machine  à  tailler  les 
dents  qui:  se  voit  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  Paris,  machine 
mentionnée  à  la  page  5i  de  la  première  Partie  de  ce  travail  comme  ayant . 
précédé  celle  de  MM.  Bréguet  et  Boquillon,  en  1861.  Mais  il  ne  faut  pas 
confondre  ces  diverses  solutions  avec  celle  qui  se  rapporte  au  système  des 
engrenages  à  dentures  obliques  et  croisées  dont  on  se  sert  depuis  quelque 
temps  dans  les  machines  de  Glatures,  pour  le  cas  particulier  ou  les  axes  des 
deux  roues,  sans  être  convergents,  passent  néanmoins  à  une  très-courte 
distance  l'un  de  l'autre;  ce  qui  revient  à  substituer  la  considération  des 
byperboloîdes  de  révolution  à  celle  des  cônes  droits. ordinaires,  comme  l'in- 
dique M.  Willis  à  l'art.  67,  p.  52,  de  son  ouvrage,  sous  le  nom  de  Sfow 
btvils,  ou  comme  il  fa  (ait  plus  généralement  encore  à  la  page  35 ,  art  45. 


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232  VI*  JURY. 

ment*  des  fils  sur  les  broches,  qui  sont  la  conséquence  des 
vibrations  et  des  variations  de  la  vitesse  relative  imprimée  à 
ces  broches  et  aux  bobines.  Enfin  il  n'est  pas  sans  intérêt 
d'ajouter,  au  point  de  vue  historique,  que  le  nombre  des  bo- 
bines elles-mêmes  et  des  broches  a  été  augmenté  sans  em- 
barras ni  inconvénients  quelconques  du  simple'  au  double 
pour  une  étendue  donnée  des  métiers  en  gros  ou  de  prépara- 
tion, dont,  à  cet  effet,  on  a  doublé  les  rangs  pour  une  même 
face,  comme  on  en  a  vu  un  exemple  à  l'Exposition  de  Londres, 
dans  la  collection  des  machines  à  filer  le  coton  de  M.  John 
Mason  :  de  telles  dispositions,  réalisées  par  d'habiles  construc- 
teurs, offrent  un  avantage  évident  sous  le  rapport  de  l'économie 
de%la  construction,  des  frais  de  surveillance,  etc. 

On  se  rappelle  les  reproches  adressés  en  1818  par  les  com- 
missaires du  Gouvernement  français  aux  procédés  de  filature 
du  lin  de  Girard ,  en  raison  de  la  masse  d  eàu  qu'on  y  employait 
et  qui  aujourd'hui  est  restée  la  même  à  peu  près.  Afin  de 
remédier  autant  qu'il  est  possible  .aux  inconvénients  de  la 
projection  de  l'eau  par  les  bobines,  on  a  d'abord  habillé  les 
rattacheuses  de  vêtements,  de  tabliers  imperméables,  aux- 
quels on  a  depuis  substitué,  en  avant  de  chaque  rangée  de 
bobines,  une  planche  en  talus,  de  zinc  ou  de  fer-blanc,  qui 
rejette  la  plus  grande  partie  des  eaux  vers  l'intérieur  du  mé- 
tier, d'où  elles  s'écoulent  par  une  gouttière  ou  rigole  infé- 
rieure. D'un  autre  côté,  on  a  aussi  perfectionné  la  table  à 
étaler  servant  à  échelonner  les  poignées  de  lin  soumises  aux 
rouleaux  alimentaires  des  peignes  étireurs;  table  qu'on  a 
munie  d'un  cuir  sans  fin  dont  le  dispositif  actuel  est  attribué 
en  Angleterre  à  M.  Westley,  lequel,  selon  Andrew  lire,  en 
aurait  le  premier  fait  usage  en  18  !  9  à  la  filature  de  Hunslet, 
près  de  Leeds,  où  il  remplaça  avantageusement,  dit-il,  l'ancien 
système  du  pays,  très-pénible  pour  les  ouvriers,  et  dont  les 
services  mêmes  attestent  la  supériorité  des  procédés  de  fila- 
ture du  lin  créés  par  Philippe  de  Girard  longtemps  avant  cette 
époque.  Enfin,  pour  accroître  la  production,  on  a  augmenté 
l'épaisseur  et  la  largeur  des  nappes  de  filasse  présentées  aux 


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MACHINES  ET  OUTILS.  233 

peignes  étireurs,  en  même  temps,  comme  on  Fa  vu,  qu'on 
augmentait,  dans  les  machines  à  filer,  le  nombre,  la  vitesse 
rotatoire  des  broches  et  des  bobines,  ainsi  que  la  pression  des 
cylindres  lamineurs  ou  étireurs,  primitivement  trop  faibles 
dans  les  machines  de  notre  illustre  ingénieur. 

Quant  aux  modifications  que  Ton  a  fait  subir  aux  procédés 
de  la  filature  du  lin,  afin  d'éviter  les  inconvénients  inhé- 
rents à  la  torsion  permanente  des  mèches  dont  cet  ingénieur 
s'est  tant  préoccupé,  comme  on  l'a  vu,  je  citerai  tout  d'abord 
les  tentatives  par  lesquelles  M.  Decoster  se  proposait,  en  i846, 
d'étendre  l'application  du  système  des  peignes  à  vis  jumelles 
au  dernier  étirage  à  sec  des  mèches  ou  gros  fils;  tentatives  alors 
accueillies  avec  faveur  dans  quelques  écrits  sur  la  matière, 
mais  qu'on  ne  rencontre  guère  aujourd'hui  dans  les  établisse- 
ments consacrés  à  la  filature  du  lin  et  du  chanvre l.  < 

D'autre  part,  on  se  le  rappelle,  pour  atteindre  ce  même  but, 
qui  ne  tend  à  rien  moins  qu'à  supprimer  l'intermédiaire  du 
banc  à  broches ,  Philippe  de  Girard  avait  eu  l'idée  "de  faire 
passer  la  mèche  de  lin  sortant  des  cylindres  étireurs  et  du 
peigne  sans  fin  au  travers  de  deux  tubes  dont  le  dernier  servait 
à  la  tordre  et  détordre  alternativement,  pour  la  livrer  ensuite 
à  des  bobines  horizontales  douées  d'un  mouvement  de  va-et- 
vient  par  lequel  elle  s'enroulait  en  zigzags;  système,  je  le  re- 
marque pour  la  dernière  fois ,  imité  bientôt  dans  les  filatures  de 
laine  et  de  coton.  Or  l'inventeur  de  l'étirage  à  vis ,  M.  Westley, 
a' eu  dès  avant  i845,  si  l'on  en  croit  le  Supplément  au  dic- 
tionnaire du  docteur  Ure ,  l'heureuse  idée  de  substituer  au 
système  à  tube  dont  il  s'agit  une  cuvette  à  eau  froide,  dans 
laquelle  la  matière  gommeuse  qui  unit  les  fibres  élémentaires 
du  lin  se  ramollit  légèrement;  de  faire  passer  ensuite  la 
mèche  sur  un f cylindre  creux  en  fonte  polie,  chauffé  par  un 
jet  de  vapeur,  qui,  en  séchant  les  fibres,  leur  donne  assez  de 
cohésion  pour  qu'elles  puissent  être  enroulées  en  zigzags  sur 

1  Comme  on  le  verra  dans  le  chapitre  relatif  à  la  fabrication  mécanique 
îles  cordages,  M.  Decoster  a  tiré  un  excellent  parti  de  cette  idée  pour  la 
filature  du  fil  de  caret. 


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234  VT  JURY. 

la  bobine  horizontale  également  mentionnée ,  et  de  là  passer 
au  banc  à  broches  à  filer  en  fin.  Mais  comme  la  mèche  risque- 
rait de  se  déformer  dans  l'intervalle  qui  sépare  la  cuvette  du 
rouleau  sécheur ,  et  pourrait  finir  par  adhérer  à  celui-ci  si  elle 
s'y  enroulait  à  la  même  place,  la  cuvette  est  suivie  d'un  couple 
de  cylindres  lamineurs  doués  eux-mêmes  d'un  mouvement 
de  va-et-vient  dans  le  sens  de  leurs  axes  parallèles. 

Ce  procédé,  qui  rappelle,  à  certains  égards,  ceux  déjà  em- 
ployés au  filage  des  laines  longues,  ou  mieux  encore  au  filage 
à  froid  des  cocons  de  soie  sur  les  asples  ou  tavelles,  ce  pro- 
cédé, s'il  dispensait  réellement  de  recourir  au  banc  à  broches 
en  gros,  s'il  donnait  des  bobines  de  préparation  où  les  mèches, 
sans  torsion,  ne  pussent,  dans  leur  croisement  réciproque, 
adhérer  entre  elles  et  mettre  obstacle  à  leur  étirage  ou  filage 
en  fin  ultérieur;  s'il  pouvait  effectivement,  et  sans  ralentir  par 
trop  la  vitesse  des  bobines  ou  rouleaux  d'envidement  de  ces 
mèches,  dispenser,  pour  les  numéros  élevés,  de  l'emploi  de 
l'eau  à  des  températures  aussi  nuisibles  à  la  santé  des  ouvriers  ; 
ce  procédé,  enfin,  que  l'on  a  vu  fonctionner  à  l'Exposition 
de  Londres,  et  qui  faisait  partie  de  la  belle  collection  de  ma- 
chines offerte  aux  regards  du  public  par  MM.  Lawson ,  Samuel 
et  fils,  ce  procédé,  dis-je,  serait,  à  coup  sûr,  suivant  l'expres- 
sion du  D*  lire,  l'une  des  plus  précieuses  conquêtes  des  facto- 
reries anglaises  dans  le  filage  du  lin  et  du  chanvre. 

Malheureusement  son  introduction  dans  ces  mêmes  facto* 
reries,  déjà  tentée  sur  une  vaste  échelle,  et,  à  ce  qu'il  paraît , 
sans  grandes  chances  de  réussite,  par  MM.  A.  Russel,  à  Kir- 
laldy,  est  trop  récente  encore  pour  que  l'opinion  sur  sa 
valeur  industrielle  puisse ,  quant  à  présent,  être  complètement 
fixée;  et  il  se  passera  bien  des  années,  sans  doute,  avant 
qu'elle  se  soit  assez  répandue  et  fortifiée  dans  la  Grande- 
Bretagne  pour,  après  l'avoir  enrichie»  nous  revenir  sur  le 
continent,  mûrie  et  perfectionnée  de  manière  à  inspirer  une 
entière  confiance  à  nos  capitalistes.  Remarquons  toutefois 
qu'un  brevet  de  perfectionnement  pris  en  novembre  i84$ 
par  M.  Giberton  de  l'Indre,  s'il  n'est  pas  la  simple  reproduc- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  235* 

tion  des  idées  de  M.  Decoster,  semblerait  indiquer,  par  son 
titre  même,  qu'on  s'occupait  également  chez  nous,  vers  cette 
époque,  d'une  question  qui  tend  à  débarrasser  la. filature  du 
lin ,  dans  les  numéros  supérieurs  à  3o  ou  &o  kilomètres  au  kilo- 
gramme, de  l'un  de  ses  plus  graves  inconvénients  pratiques. 

Quant  au  banc  d'étirage  à  l'eau  froide  de  MM.  Lawson  père 
et  fils,  de  Leeds,  banc  fonctionnant  avec  une  excessive  lenteur 
sur  des  lins  d'une  très-belle  qualité ,  il  ne  constituait  qu'un  bien 
faible  échantillon  des  machines,  au  nombre  de  16,  que  ces- 
habiles  constructeurs  exposaient  à  Londres,  et  qui  formaient 
pour  le  lin'  et  le  chanvre  le  pendant  de  celles  de  MM.  Hib- 
bert  et  Platt  pour  le  coton.  Parmi  ces  machines ,  on  distin- 
guait, entre  autres,  une  table  à  étaler,  un  étirage  à  double 
reprise,  des  bancs  à  broches  en  fin,  des  continues  opérant  à 
sec  le  filage  dçs  étoupes,  etc.  L'assorlimeût,  également  com- 
plet, exposé  par  MM.  Higgins  et  fils,  de  Manchester,  composé 
de  machines  à  filer  le  long  lin ,  toutes  parfaitement  construites , 
n'offraient  aucun  perfectionnement  qu'il  soit  ici  nécessaire  de 
citer  exceptionnellement. 

Enfin,  parmi  les  machines,  en  très-grand  nombre,  appar- 
tenant à  la  catégorie  qui  nous  occupe,  et  où  ne  figuraient  celles 
d'aucun  constructeur  étranger  à  l'Angleterre,  on  remarquait 
encore,  à  l'Exposition  universelle,  les  modèles,  également 
fonctionnant,  de  machines  à  teiller,  peigner,  couper  le  lin  et  le- 
chanvreî  machines  qu'il  ne  serait  pas  opportun  de  mentionner 
dans  ce  paragraphe,  mais  sur  lesquelles  je  ne  manquerai  pas 
de  revenir  dans  l'un  des  suivants. 


S  IL — Machines  spécialement  employées  dans  le  peignage  du  chanvre,  eut 
lin  et  de  leurs  étoupés,  vers  l'époque  de  l'Exposition  universelle  de 
Londres. — MM.  Tajlor  et  Worâsworih,  Marsden,  Lawson,  etc.  ;  MM.  Plum- 
wwr  et  Robert* , à  NewcasUe  ;  Lacroix,  à  Rouen  ;  îkcoster,  à  Paris  ;  Marshall,. 
PeUr  Fairbairn,  à  Leeds;  Robinson,  Newton,  etc. —  MM.  Lawson,  Samaet 
et  fils  à  l'Exposition  de  Londres;  MM.  Schlumbcrger  et  Bourcart  précé- 
demment à  celle  de  Paris,  en  1849 «  etc* 

La  préparation  du  lin  et  du  chanvre  par  machines  a  sur- 


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236  VP  JURY. 

tout  préoccupé,  dans  ces  derniers  teipps,  les  ingénieurs  et 
constructeurs  mécaniciens  de  la  Grande-Bretagne.  Parmi  les 
peigneuses  encore  en  usage  aujourd'hui  (i85a)  dans  ce  pays 
et  en  France,  on  distingue  plus  particulièrement  celle  de 
MM.  Taylor  et  Wordsworth,  à  nappe  verticale  sans  fin  ou  à 
double  cylindre,  dite  circulaire.,  avec  plan  incliné  et  coulisse 
servant  à  guider  les  pinces  ou  preneurs  de  la  filasse  :  ces  ma- 
chines sont  principalement  employées  pour  les  lins  courts  ou 
coupés,  et  nous  en  avons  déjà  donné  une  idée  comme  offrant 
autant  de  perfectionnements  de  celles  autrefois  imaginées  par 
Philippe  de  Girard.  Mais  ce  sont  surtout  les  peigneuses  cons- 
truites dans  l'un  et  l'autre  système  par  M.  Marsden,  de  Salford, 
près  Manchester,  et  pour  lesquelles  il  s'est  fait  breveter  en  An- 
gleterre et  en  France  dans  les  années  i848  et  1849,  qui  jouis- 
sent en  ce  moment  de  la  plus  grande  faveur,  à  cause  de  la 
manière  expéditive  dont  elles  fonctionnent  sans  trop  énerver, 
endommager  la  filasse,  ni  par  trop  multiplier  ou  diviser  les 
étoupes,  etc.  .  

On  a  pu  prendre  tin  aperçu  de  ces  diverses  peigneuses  dans 
les  belles  collections  de  machines  à  travailler  le  lin  exposées 
à  Londres ,  en  1 85 1 ,  par  M.  Lawson ,  d'une  part ,  et ,  de  l'autre, 
par  MM.  Plummer.et  Robérls,  de  Newcastle,  qui  ont  intro- 
duit de  légères  modifications  dans  un  système  attribué  égale- 
ment à  M.  Marsden,  et  contre  lequel  luttent  d'ailleurs,  non 
sans  quelque  succès,  en  France,  les  peigneuses, un  peu  lourdes 
ou  lentes,  de  M.  Lacroix,  de  Rouen. 

Ajoutons  à  cette  courte  notice  que  lés  principaux  change- 
ments ou  améliorations  apportés  aux  premières  idées  de  Phi- 
lippe de  Girard  consistent  dans  l'emploi  d'un  système  de  cou* 
lisses  ou  de  porte-pinces  à  mouvement  de  va-et-vient  vertical  et 
horizontal,  par  crémaillère  ou  par  châssis  à  bascule  oscillant, 
et  servant  à  engager  plus  ou  moins  la  filasse  entre  les  nappes  de 
peignes,  de  manière  à  la  faire  passer  progressivement  des 
aiguilles  les  plus  grosses  aux  plus  fines,  etc.,  en  imitant,  en 
quelque  sorte,  tous  les  mouvements  que  les  séranceurs  habiles 
exécutent  à  la  main,  tout  en  disposant  le  système,  comme 


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MACHINES  ET  OUTILS.  237 

cela  a  lieu  particulièrement  dans  la  machine  à  nappe  sans  fin 
horizontale  de  sérans  attribuée  au  même  M.  Maipden,  de  façon 
que  le  retournement  des  pinces  s'opère  à  la  fin  de  chaque 
course,  ou  de  distance  à  autre,,  d'une  manière  purement  auto- 
matique, etc. 

On  doit  également  à  M.  Plummer,  l'un  des  exposants  de 
la  VI0  classe  à  Londres,  l'idée  de  garnir  en  gatta- percha  les 
pinces  [holders)  que.  Philippe  de  .'Girard  composait  de.  lames 
de-  bois  dentelées,  et  qui  avaient,  à  ce  qu'il  parait,  le  grave 
inconvénient  d'énerver  les  fibres  du  lin,  malgré  leur  remar- 
quable élasticité.  Ici,  d'ailleurs,  les  pinces  sont  formées  de 
deux  brides  droites  en  fonte  de  fer,  emboîtées  l'une  dans 
l'autre,  pressées  contre  les  fibres  transversales  et  étalées  du 
lin ,  au  moyen  d'une  vis  centrale  dont  la  manœuvre  n'est 
pas  moins  rapide  que  celle  des  coins  à  levier,  dus  à  notre 
compatriote,  mais  qui  exige,  de.  la  part  des  hommes  de 
manœuvre,  une  dépense,  de  force  que'  M.  Dçcoster  a  su 
habilement  leur  épargner  par  un.  va-et-vient  pressçur  dont  le 
mouvement  se  trouve  lié  à  celui  de  la  machine  même. 

D'un  autre  côté,  c'est  encore  à  M.  Plummer,  comme  le 
montrera  l'article  teillage,  que  l'on  doit  de  remplacer  en  partie 
les  aiguilles  peu  flexibles  des  peignes  ou  sérans  par  les  brins 
élastiques  des  poils  de  sanglier,  des  fanons  de.  baleine,  etc., 
lesquels  fatiguent  beaucoup  moins  les  fibres  du  lin  et  leur 
donnent  un  lustre,  un  brillant  qui  a  été  admiré  dans  les 
échantillons  exposés  par  cet  industriel. 

H  y  a  déjà  bien  longtemps,  au  surplus,  qu'en  désespoir 
de  cause,  mais  pour  rendre  le  peignage  à  fond  possible  sans 
trop  de  déchet,  et  pour  faciliter  même  par  le  rapprochement 
des  têtes  d'étirage  le  filage  en  fin  ou  à  l'eau  chaude  du  lin 
ou  du  chanvre,  tout  comme  pour  effectuer  le  triage  des  qua- 
lités diverses  contenues  dans  les  tiges  ou  fibres  naturelles,  on 
en  est  venu  à  couper  les  mèches  entières  de  ces  fibres,  telles 
qu'elles  sortent  de  l'opération  du  teillage,  en  deux  ou  trois 
parties  pour  le  lin,  et  jusqu'en  cinq  pour  le  chanvre,  au 
moyen  d'un  disque  ou  volant  en  fonte  vertical  armé  d'épaisses 


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-238  VI'  JURY. 

dents  arrondies  et  obliques  qui  viennent  agir  non  pas,  comme 
dans  les  anciennes  machines  à  faux,  pour  trancher  les  fibres 
sans  déchirures,  perpendiculairement  à  leur  longueur,  ce  qui 
leur  était  toute  aptitude  à  se  marier  avec  d'autres  par  les  bouts 
tranchés,  mais  bien  pour  les  rompre  inégalement  au  moyen 
du  choc,  en  les  engageant  entre  deux  couples  de  disques 
lamineurs  horizontaux  placés  parallèlement  à  chacun  des 
•côtés  verticaux  du  volant  coupeur  à  mentonnets  obliques. 

Cette  innovation,  peu  favorable,  certes,  à  la  ténacité  des 
fils,  et  qui  rappelle  les  anciennes  et  malheureuses  tentatives 
de  Berthollet,  Molard  et  Bawens,  s'est  introduite  dans  les 
ateliers  anglais  à  une  époque  qui  paraît  remonter  au  delà  de 
i83o,  où  déjà  elle  était  devenue,  pour  ainsi  dire,  générale; 
-elle  a  dû  amener  de  nouvelles  modifications  ou  appropria- 
tions dans  le  système  des  machines  à  peigner,  et  c'est  encore 
•à  MM.  Marsden  et  Lawson,  auxquels  sont  venus  se  joindre 
bientôt  les  constructeurs  anglais  Lord  et  Brook,  que  ces  modi- 
fications sont  principalement  dues l. 

Dans  les  machines  dites  excentriques,  du  premier  de  ces 
constructeurs  notamment,  machines  qui  rappellent  un  peu 
f  ancien  système  anglais  de  Robertson  ou  Peters,  les  peignes 
sont  fixés  à  l'extrémité  des  bras  articulés  d'un  volant  mobile 
autour  d'un  axe  horizontal  muni,  à  une  extrémité,  d'un  excen- 
trique circulaire  à  anneau  tournant  librement  dans  une  gorge 
fixe,  pareille,  et  communiquant  à  ces  petits  bras  porte-pinces, 
d'après  un  système  qui  rappelle  celui  des  roues  à  rames 
articulées  du  bateau  établi  vers  1826  par  M.  Cochot,  sur 
la  Seine,  à  Paris2,  c'est-à-dire  par  des  tiges  ou  bielles  arti- 
culées avec  l'anneau,  un  mouvement  de  rotation  sur  eux- 
mêmes,  indépendamment  de  celui  de  leur  transport  circulaire 
<et  général ,  d'avance  ou  de  recul ,  de  manière  à  imiter  la  main 
du  séranceur  sur  la  nappe  de  filasse  suspendue  verticalement 

1  D'après  ce  qu'a  bien  voulu  me  communiquer  M.  Feray,  d'Essonne, 
M.  Marshall,  de  Leeds,  en  aurait,  de  son  côté,  fait  usage  pour  le  lin  dès 
i8i5  ou  1896. 

Bulletin  de  la  Société  à* encouragement,  t  XXXIII ,  p.  3»  pi.  715. 


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MACHINES  ET  OUTILS.         .  239 

entre  les  deux  volants  opposés  de  la  machine;  système  qui, 
d'un  autre  côté,  rappelle  aussi  celui  de  la  dernière  peigneuse 
de  Philippe  de  Girard,  mais  est  beaucoup  plus  compliqué 
encore,  et  où  les  peignes  sont,  comme  dans  la  plupart  des 
machines  précédentes,  débarrassés  de  leurs  étoupes  au  moyen 
de  brosses  montées  sur  un  cylindre  qui,  dans  sa  rotation 
constante,  les  transmet  directement  à  un  dernier  tambour 
garni  de  cardes,  etc.,  selon  encore  le  système  de  Philippe  de 
Girard  et  de  Wordsworlh. 

Ces  dernières  machines,  dit-on ,  peignent  le  lin  plus  à  fond, 
mais  sont  plus  coûteuses  et  marchent  moins  vite,  et  c'est 
pourquoi  on  les  réserve  pour  les  numéros  très- uns  ou  qui 
exigent  une  grande  perfection  de  peignage.  Il  existe  un  bon 
nombre  d'autres  machines  à  peigner,  connues  sous  les  noms 
de  P.  Fairbairn,  Robrnson,  Newton,  etc.;  mais  elles  ne  se 
distinguent  de  celles  que  nous  avons  déjà  citées  par  aucune 
idée  vraiment  originale ,  chaque  constructeur  ayant,  pour  ainsi 
dire,  la  sienne  propre,  ainsi  qu'on  l'a  déjà  fait  observer,  et  la 
dernière  venue  étant  presque  toujours,  sans  molif  bien  plau- 
sible, celle  que  l'on  préfère.  Or  cette  variété  même  suffirait 
pour  prouver,  si  d'ailleurs  le  témoignage  des  plus  habiles  fila- 
teurs  ne  venait  l'attester,  que  l'on  est  loin  encore  d'avoir 
atteint  le  but  de  tout  peignage  mécanique  du'lin  et  du  chanvre, 
soit  pour  la  longue  filasse,  soit  même  pour  la  filasse  courte  ou 
coupée  en  plusieurs  parties. 

Cela  est  si  vrai  que  dans  le  premier  cas,  celui  du  filage  en 
toute  longueur,  on  a  presque  toujours  recours  au  sérançage 
à  la  main ,  sans  même  en  excepter  les  grands  ateliers  de  fila- 
ture, et  que,  dans  le  second  cas,  on  s'en  sert  fort  souvent  aussi 
pour  terminer  le  peignage ,  dont  les  procédés  mécaniques 
auraient  eu,  à  ce  qu'on  prétend,  pour  objet  principal,  du 
moins  en  Angleterre  et  à  l'origine,  de  soustraire  ces  mêmes 
ateliers  aux  effets  des  mutineries  ou  du  mauvais  vouloir  des 
ouvriers.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  évident  que  la  filature  en 
fin  du  'lin  ou  du  chanvre ,  quelque  éloge  qu'on  prétende  lui 
donner  au  point  de  vue  mécanique,  est  aujourd'hui  encore 


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240  .  W  JURY. 

(i85a)  demeurée  dans  un  état  d'infériorité  relative  incon- 
testable par  rapport  à  celle  'de  la  laine  ou  du  coton ,  et  ré- 
clame par-là  même  le  concours  et  les  efforts  des  plus  habiles 
mécaniciens. 

Des  machines  à  peigner  la  longue  filasse  du  lin  et  du 
chanvre,  nous. sommes  naturellement. conduits  aux  machines 
à  carder  et  à  filer  les  étoupes,  dont  jusqu'ici  je  n'ai,  pour 
ainsi  dire,  parlé  qu'accidentellement,  et  qui  offrent,  comme 
on  le  sait ,  avec  lés  machines  précédantes  cette  analogie,  qu'elles 
ont  aussi  pour  objet  le  redressement  parallèle  et,  jusqu'à  un 
certain  point,  la  subdivision  des  fibres  échappées  à  la  pré- 
cédente action  des  aiguilles  de  sérans. 

Dans  les  premiers  essais  de  filature  à  sec  du  lin  et  du 
chanvre  faits  en  France  et  en  Ecosse,  on  se  servait,  en  effet, 
sans  modifications  essentielles,  des  procédés  de  cardage  rela- 
tifs aux  fibres  courtes  et  sensiblement  égales  du  coton ,  je  veux 
dire  de  tambours  à  aiguilles  de  cardes  ployées  et  embouties 
à  la  manière  ordinaire,  alors  d'un  assez  faible  diamètre,  mais 
tournant,  en  revanche,  avec  une  très-grande  rapidité  pour  acti- 
ver la  production  ;  ce  qui  donnait  à  la  force  centrifuge  une 
énorme  prépondérance  pour  détacher,  lancer  au  dehors  les 
fibres  lisses  et  à  peu  près  droites,  que  disputaient  à  ces  tam- 
bours d'autres  cylindres  alternativement  fournisseurs  et débour 
reurs,  travailleurs  et  délivreurs.  On  parvenait  ainsi  à  briser, 
lacérer  en  tous  sens,  les  longs  filaments  du  lin  et  du  chanvre, 
aies  redresser  peu  à  peu,  puis  à  en  former  une. nappe  plus 
ou  moins  floconneuse,  dont  les  fibres,  enchevêtrées,  repliées 
entre  les  dents  crochues  des  cardes,  contenaient  une  infinité 
de  boutons  ou  nœuds  que  les  cylindres  cardeurs  venaient  enfin 
rompre  et  lacérer  à  leur  tour.  C'est  «là  ce  qui  expliquent  jus- 
tifie, pour  ainsi  dire ,  le  pronostic  fâcheux  de  M.  Bardel  sur  la 
filature  des  étoupes,  dans  son  rapport  à  la  Société  d'encoura- 
gement précédemment  cité. 

De  là  aussi  les  tentatives  de  Philippe  de  Girard  pour  peigner, 
redresser  les  étoupes  au  moyen  de  tambours  à  aiguilles  droites 
ou  obliques,  mais  également  inclinées  sur  ces  tambours,  mu- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  241 

nis  ou  non  de  tringles  expulsives,  etc.  Toutefois,  la  lenteur  de 
mouvement  du  tambour  chargé  de  la  filasse  cardée;  la  diffi- 
culté d'enlever  à  la  main  la  nappe  ainsi  obtenue;  la  néces- 
sité de  lui  faire  subir  une  série  d'opérations,  semblables  sur 
des  tambours  à  aiguilles  de  plus  en  plus  fines  et  resserrées; 
ces  circonstances,  dis  je,  suffisent  évidemment  pour  expliquer 
la  faiblesse  des  résultats  obtenus  par  cet  ingénieur  et  le  yice 
radical  inhérent  à  ses  premières  tentatives  de  fabrication  : 
car  les  fibres  des  étoupes  une  fois  convenablement  redressées 
et  alignées  par  nappes  bien  égales  de  largeur  et  d'épaisseur, 
le  reste  des  opérations  du  rubanaga  et  de  l'étirage,  dont  il 
a  découvert  le  principe,  n'offrait  plus  de  difficultés  bien 
sérieuses  pour  la  filature,  grossière  à  laquelle  on  réservait,  en 
quelque  sorte  exclusivement,  les  étoupes  et  le  chanvre  jusque 
dans  ces  derniers  temps ,  même  dans  les  ateliers  modèles  de 
M.  Marshall,  à  Leeds. 

Comment  donc  s'est  opérée  cette  remarquable  et  utile 
transformation  qui  a  permis  de  filer,  de  nos  jours,  les  étoupes 
dans  des  numéros  relativement  fort  élevés?  La  chose  est  bien 
simple  :  tout  en  conservant  aux  aiguilles  du  tambour  cardeur 
la  forme  rectiligne  et  légèrement  oblique  qui  en  constitue  de 
véritables  peignes  auxquels  Jes  aiguilles  analogues  des  cy- 
lindres travailleurs  enlèvent  les  étoupes  en  les  étirant  suivant 
une  proportion  dépendant  de  la  différence  des  vitesses,  on 
a,  de  proche  en  proche,  été  conduit  à  agrandir  de  plus  en 
plus  le  diamètre  de  ce  tambour,  surtout  pour  les  cardes  dites 
briseuses.  Or,  non-seulement  cela  a  permis  de  distribuer  sur 
le  pourtour  entier  de  sa  circonférence  un  plus  grand  nombre 
de  cylindres  étireurs  et  délivreurs,  partagés  en  deux  ou  trois 
groupes  produisant  autant  de  qualités  d'étoupes  longues, 
courtes  ou  moyennes,  mais  cela  a  encore  permis  de  soustraire, 
dans  une  notable  proportion,  la  filasse  distribuée  le  long  de 
ce  pourtour  à  l'éparpillement  dû  à  l'inertie  de  la  matière  ou 
à  la  force  centrifuge,  tout  en  conservant  la  même  vitesse  tan- 
gentîelle  au  travail  des  peignes  cardeurs. 

De  là  aussi  la  possibilité  de  redresser  de  plus  en  plus,  dans 
if  jubt. — a*  PART».  1 6 


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242  VI*  JURY. 

le  sens  radial  ou  normal,  les  aiguilles  du  tambour  cardeur; 
tendance  manifeste  dans  les  récentes  constructions,  mais  sur 
l'opportunité  de  laquelle  on  discute  encore.  En  d'autres  termes, 
l'agrandissement  indéfini  du  diamètre  permet  de  réduire 
en  même  proportion  la  vitesse  angulaire  ou  le  nombre  des 
révolutions  en  un  temps  donné,  et  il  rapproche  d'autant  les 
tambours  cardeurs  des  peigneuses  à  nappes  sans  fin  et  planes , 
tandis  que  les  cylindres  étireurs  ou  travailleurs ,  animés  d'un 
mouvement  rotatoire  plus  rapide,  tendent,  en  vertu  même  de 
l'inertie,  à  rejeter  avec  une  certaine  énergie  les  fibres  des 
étoupes  sur  le  grand  tambour;  ce  qui  n'offre  aucun  inconvé- 
nient physique,  tout  au  contraire. 

Si  l'on  ajoute  à  toutes  ces  données  que  les  tambours  ont 
reçu  assez  de  largeur  pour  que  plusieurs  rubans  d'étoupes, 
correspondant  à  autant  de  bandes  de  cardes,  viennent  se  dé- 
poser respectivement  dans  des  pots  ou  bidons,  d'où  ensuite 
ils  doivent  être  soumis  à  la  carde  en  fin  ou  finisseuse  de 
moindre  diamètre,  après  avoir  été  réunis  ou  juxtaposés  par 
groupes,  dans  une  machine  nommée  doableuse,  qui  les  trans- 
forme en  larges  nappes  autour  d'un  même  rouleau;  si,  je  le 
répète,  on  considère  avec  soin  tout  cet  ensemble  d'ingénieuses 
combinaisons,  on  concevra  sans  difficulté  les  avantages  des 
colossales  cardes  à  étoupes  que  MM,  Lawson,  Samuel  et  fils, 
patentés  en  i84i ,  sont  venus  offrir  à  l'admiration  du  public 
dans  l'Exposition  universelle  de  Londres;  machines  aux- 
quelles ne  le  cèdent  en  rien ,  si  je  suis  bien  informé,  celles  que 
MM.  Schlumberger  et  Bourcart  avaient  eux-mêmes  présentées 
au  jury  de  l'Exposition  française  de  i844*  d'après  le  système 
anglais  généralement  attribué  au  célèbre  Peter  Fairbairn ,  de 
Leeds,  déjà  tant  de  fois  cité,  système  dont  il  serait  sans  doute 
bien  difficile  de  désigner,  comme  pour  divers  autres  procédés 
mécaniques,  le  véritable  et  primitif  inventeur,  s'il  en  existe 
un  bien  caractérisé,  et  s'il  n'est  pas  arrivé  ici  encore  que  des 
idées  plus  ou  moins  heureuses,  mais  congénères,  et  prove- 
nant de  sources  distinctes,  soient  venues,  pour  ainsi  dire, 
se  modifier  réciproquement,  se  superposer  en  se  corroborant 


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MACHINES  ET  OUTILS.  243 

les  unes  les  autres.  Ce  qui  paraît  à  peu  près  certain,  c'est 
que  les  perfectionnements  successifs  du  cardage  et  du  filage 
des  étoupes  ont  pris  naissance  principalement  dans  les  ate- 
liers de  MM.  Marshall  père  et  fils,  à  Leeds,  dont,  comme  on 
Ta  yu,  ils  ont  contribué  pour  une  forte  part  à  assurer  le 
renom  industriel  et  l'immense  fortufle. 

Est-ce  là  le  dernier  mot  du  cardage  ou  plutôt  du  peignage 
des  étoupes,  et,  en  général,  de  toutes  les  matières  textiles 
plus  ou  moins  courtes  et  mêlées?  Je  ne  le  pense  pas:  les  pei- 
gneuses  diverses  à  cardes,  à  barrettes  et  sérans  mobiles  sans 
fin,  à  tambours,  etc.,  opérant  à  sec  sur  le  lin  et  le  chanvre, 
donnent  lieu ,  comme  les  machines  mêmes  à  teiller  ces  ma- 
tières encore  brutes,  à  des  émanations  et  poussières  très- 
nuisibles  à  la  santé  des  ouvriers;  ce  qui  oblige,  malgré  la 
grande  variété  de  leur  forme  et  fonctionnement ,  à  les  reléguer, 
pour  ainsi  dire  pêle-mêle,  dans  des  locaux  séparés,  entière- 
ment fermés,  vers  le  bas,  très-élevés  il  est  vrai,  mais  non 
suffisamment  aérés  et  éclairés  par  le  haut;  véritables  cavernes 
voûtées  où  il  est  comme  impossible  de  respirer  longtemps 
sans  danger,  et  où  Ton  n'a  jusqu'ici  rien  tenté  d'efficace,  même 
en  Angleterre,  si  je  ne  me  trompe,  pour  établir  dans  les 
ateliers,  et  encore  moins  dans  chaque  machine  considérée 
isolément,  des  moyens  de  ventilation  un  peu  puissants,  et 
tels  cju'on  en  rencontre  dans  les  machines  à  ouvrir,  battre 
et  carder  le  coton;  moyens  dont  le  manque,  ici  absolu,  est 
bien  autrement  dangereux  peut-être  que  la  nécessité  où  se 
trouvent  d'autres  ouvriers  de  vivre  dans  l'atmosphère  h,umide 
et  chaude  des  ateliers  de  filage  mécanique  en  fid  du  chanvre 
et  du  lin. 

Il  est  évident  qu'un  pareil  état  de  choses  ne  saurait  long- 
temps subsister  sans  les  plus  graves  préjudices,  et  sans  pro- 
voquer des  réclamations  universelles  à  cette  époque  de  philo- 
sophie philanthropique,  progressive,  sociale  et  humanitaire 
où  nous  vivons. 

Les  machines  à  peigner  le  lin  dur  et  le  chanvre  elles- 
mêmes,  d'un  travail  si  grossier  et  si  rude  qu'elles  entraînent 

16* 


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244  VT  JURY. 

ud  déchet  presque  équivalent  au  poids  de  la  matière  utilisée, 
attendent  une  réformation  tout  aussi  radicale,  et  qui  déjà  se 
fait  sentir  dans  le  démêlage  et  l'affinage  des  matières  textiles 
à  fibres  beaucoup  plus  courtes,  telles  que  certaines  bourres 
de  soie,  les  étoupes,  la  laine  et  le  coton  même,  à  longs  et 
courts  brins  mélangés.  Je  n'en  veux  pour  preuves  que  les  ré- 
centes tentatives  de  MM.  Schlumberger  et  Bourcart  pour 
approprier  à  ce  même  peignage  l'admirable  découverte  d'un 
autre  de  nos  compatriotes,  presque  aussi  malheureux  et  non 
moins  digne  de  regret  que  Philippe  de  Girard;  je  veux  dire  de 
Josué  Heilmann ,  l'ex-secrétaire  et  vice-président  de  la  Société 
industrielle  de  Mulhouse,  dont  j'ai  déjà  rapidement  mentionné 
quelques  travaux ,  mais  sur  les  plus  importants  desquels  j'ai 
cru  devoir  revenir  d'une  manière  explicite  dans  une  note  spé- 
ciale placée  à  la  fin  de  ce  chapitre,  parce  que,  bien  qu'ils  con- 
cernent de  nouvelles  machines  à  peigner,  ils  ne  s'y  rattachent 
jusqu'ici  néanmoins  qu'indirectement  et  appartiennent  encore 
plus  aux  fibres  courtes  de  la  laine  et  du  coton  qu'à  celles  du 
chanvre  et  du  lin  proprement  dits. 

S  III.  —  Machines  à  teiller  le  chantre  et  le  lin.  —  Tentatives  anciennes 
de  BraUe,  Molard  et  Curaudau,  en  France;  de  James  Lee,  Samuel  HiU, 
William  Bandy,  etc.,  en  Angleterre.  —  Tentatives  'plus  récentes  de 
MM.  Christian  père,  André  Delcourt,  Lorillard,  Laforest,  Robinson* 
Schenks,  Bernard  et  Koch,  etc.,  etc.  —  MM.  Robert  Plummer  et  Marshall 
à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

Malgré  l'énorme  étendue  déjà  acquise  par  cette  seconde 
Section  relative  à  la  filature  du  lin  et  du  chanvre,  je  n'ai 
jusqu'ici  cependant  encore  rien  dit,  ou  à  peu  près,  qui  ait 
trait  aux  importantes  machines  dont  on  se  sert  pour  donner 
à  ces  matières  textiles  la  première  préparation,  celle  qui  les 
lûet  en  état  d'être  soumises  directement  aux  procédés  réguliers 
du  peignage  mécanique  dans  les  manufactures.  Ge  n'est  en 
effet,  comme  j'en  ai  déjà  fait  la  remarque,  que  depuis  les 
derniers  perfectionnements  apportés  à  la  filature  en  fin  et  la 
grande  extension  qu'a  reçue  cette  vaste  branche  de  fabrication 


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MACHINES  ET  OUTILS.  245 

que  Ton  s'est  occupé  avec  suite  et  persévérance  des  procédés 
propres  à  suppléer  la  main  de  l'homme  dans  l'opération  du 
battage,  du  broyage  ou  teillage  du  lin  et  du  chanvre;  et  l'on 
sait  assez  que  l'Angleterre  fait  en  ce  moment  même,  sous  la 
direction  active  et  éclairée  du  prince  Albert,  les  plus  grands 
efforts  pour  propager  en  Irlande  non-seulement  les  méthodes 
de  bonne  culture,  mais  encore  l'usage  des  machines  les  plus 
parfaites  et  les  plus  propres  à  atteindre  prochainement  le  but 
qui  vient  d'être  indiqué. 

Toutefois  il  a  existé  une  époque,  déjà  loin  de  nous,  où  la 
même  ardeur,  les  mêmes  préoccupations  incessantes,  ont  fait 
rechercher  les  moyens  d'assouplir,  de  teiller,  daguer  le  lin  et  le 
chanvre  à  l'aide  de  machines  dont  la  variété  et  la  multiplicité 
pourraient  surprendre,  si  l'on  ne  songeait  à  la  haute  impor- 
tance du  but.  Cette  époque  correspond  précisément  à  celle  où 
les  premiers  essais  de  filer  mécaniquement  ces  substances 
rebelles  devaient  donner  l'espoir  d'arriver  promptement  à  une 
solution  satisfaisante  des  autres  parties  du  problème.  C'est 
aussi  dans  la  même  espérance  que  notre  Société  d'encourage- 
ment proposa,  en  1817,  un  prix  pour  la  découverte  de  pro- 
cédés mécaniques  de  teillage,  mais  en  y  ajoutant  la  condition 
épineuse,  et  non  jusqu'ici  remplie,  si  je  ne  me  trompe,  rela- 
tive à  la  complète  suppression  de  l'insalubre  et  lente  opéra- 
tion du  rouissage. 

D'un  autre  côté,  on  se  souvient  encore  que,  dès  1789, 
M.  Bralle  avait  fait  des  tentatives  de  ce  genre,  dans  lesquelles 
le  lin  en  tiges  était  soumis  debout,  dans  une  cuve  nommée 
roatoire,  à  l'action  d'une  eau  bouillante  alcaline  qui  en  dis- 
solvait rapidement  l'espèce  de  colle  résineuse  servant  à  unir 
l'écorce  textile  au  noyau  ou  chènevotte l.  On  sait  aussi  que 
M.  Curaudau*  tenta,  un  peu  plus  tard,  d'exécuter  la  même 
opération  en  recourant  simplement  à  l'emploi  de  l'eau  chauf- 
fée par  la  vapeur;  procédé  que  lès  Anglais  semblent  vouloir 

1  Bulletin  de  h  Société  et  encouragement,  t  III,  p.  46,  et  t.  Y,  p.  35  et  182. 
*  J6«f.t.V,  p.  281. 


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246  VI*  JURY. 

aujourd'hui  reprendre,  en  y  ajoutant  des  perfectionnements 
qui  manquaient  sans  doute  à  ceux  de  Bralle  et  de  Curaudau, 
puisqu'ils  furent  trouvés  peu  économiques  et  nuisibles,  à 
certains  égards,  à  la  qualité  des  produits  :  par  exemple,  sous 
le  rapport  de  la  grande  résistance  exigée  des  toiles  à  voiles  par 
la  marine,  ainsi  que  de  la  souplesse  réclamée  des  Gis  em- 
ployés à  la  fabrication  des  toiles  les  plus  fines  et  de  batiste. 
Mais  ce  qu'il  nous  importe  surtout  ici  de  constater,  c'est  que 
déjà,  à  cette  époque,  MM.  Bralle  et  Molard  s'étaient  occupés 
de  remplacer  le  maillage  et  le  braquage  à  la  main  du  lin  et  du 
chanvre  par  te  broyage  de  la  chènevotte,  au  moyen  de  cy- 
lindres lamineurs  cannelés,  à,  axes  horizontaux  parallèles  et 
accouplés,  l'un  au-dessus  de  l'autre,  de  manière  à  comprimer» 
briser  les  fibres  reployées  entre  les  saillies  et  les  rentrants  des 
cannelures.  Ces  broies  mécaniques  auraient  d'ailleurs  été 
mises  en  usage  dans  le  Jura  peu  après  l'année  1790.  On  sait 
aussi  que  longtemps  auparavant  on  se  servait  en  Italie ,  en 
Bretagne,  etc.,  de  meules  verticales  tournantes  pour  rompre» 
écraser  les  parties  ligneuses  du  chanvre  et  en  assbuplir  l'en- 
veloppe textile. 

Les  tentatives  de  Bralle  et  de  Molard  relatives  au  teillage 
mécanique  du  lin  et  du  chanvre  ont  été  suivies,  en  181 3,  de 
celles  de  l'Anglais  James  Lee1,  auxquelles  ont  bientôt  succédé, 
vers  181 5,  celles  de  Samuel  Hill  et  de  William  Bundy  2,  toutes 
fondées  sur  le  principe  des  cylindresou  des  cônes  à  cannelures 
profondes,  armés  ou  non  de  lames  de  fer,  et  qui  ont  la  liberté 
d'osciller,  de  se  soulever,  sous  l'action  de  leur  propre  poids,  de 
ressorts  ou  de  poids  étrangers.  Dans  le  système  du  dernier  de  ces 
mécaniciens,  les  cannelures,  alternativement  courtes  et  longues» 
offrent  un  assez  grand  jeu  ,et  les  cylindres  supérieurs  corres- 
pondent aux  intervalles  de  ceux  du  dessous;  enfin  cette  corn- 

1  Bulletin  de  la  Société  à*  encouragement,  t.  XIV,  p.  286  ;  description ,  t.  XV» 
p.  161,  174  et  176. 

*  Ibid.  t.  XVI,  p.  161;  description  avec  figures,  t.  XVII,  p.  97.  On 
trouve  aussi  à  la  suite  de  cet  article,  p.  io4 ,  la  description  d'un  autre  ins- 
trument d'une  simplicité  rustique ,  par  M.  Bond,  du  Canada. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  247 

binaison,  nommée  brisoire,  est  accompagnée  d'une  autre  dite 
finistoire  ou  affinoire,  dans  laquelle  des  planchettes  verticales, 
polies  et  arrondies,  se  meuvent,  avec  un  certain  jeu,  dans  les 
intervalles  vides  des  autres  et  servent,  par  le  va-et-vient 
qu'elles  reçoivent  d'une  bielle  à  manivelle  inférieure,  à  imi- 
ter les  effets  mécaniques  de  l'ancienne  broie  rurale  à  lames 
croisées  et  articulées.  Mais  ces  machines  étaient  trop  compli- 
quées et  trop  coûteuses  pour  que  l'usage  pût  s'en  répandre 
dans  les  campagnes. 

Le  retentissement  qu'elles  ont  eu  en  Angleterre  et  en 
France  n'empêcha  pas  M.  Christian  de  se  livrer,  en  1817,  à 
de  nouveaux  essais  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  essais 
qui  paraissent  avoir  eu  pour  point  de  départ  un  mémoire  sur 
le  teillage  du  lin  et  du  chanvre  publié  dans  les  actes  de  la  So- 
ciété de  Florence  de  1770  à  1771.  Soutenu  et  encouragé  par 
le  Gouvernement  français,  M.  Christian  parvint  à  mettre  au 
jour  une  broie  mécanique,  composée  d'un  premier  couple  de 
cylindres  cannelés  alimentaires,  rangés  l'un  au-dessus  de  l'autre 
verticalement,  et  suivis  bientôt  d'un  second  couple  de  cylindres 
pareils,  qu'on  pourrait  nommer  étireurs  à  cause  de  l'excédantde 
leur  vitesse  sur  celle  des  précédents,  et  peigneurs,  attendu  que 
leurs  cannelures,  offrant  d'ailleurs  un  grand  jeu,  étaient  ar- 
mées de  lames  de  fer  découpées  en  forme  de  dents  de  scie 
et  avaient  pour  but  de  déchirer,  diviser  les  fibres  textiles  après 
le  brisement  de  la  chènevotte  ;  fonction  dont ,  sans  doute,  elles 
s'acquittaient  un  peu  au  détrimentde  la  bonté  et  de  la  quantité 
des  produits  *.  Néanmoins,  comme  cette  broie  était  d'une con- 
texture  fort  simple  et  économique,  elle  se  répandit  prompte- 
ment  en  France,  en  Allemagne  et  en  Danemark;  elle  acquit 
u$e  certaine  célébrité  en  Allemagne  surtout,  où,  dans  quelques 
grands  établissements,  plusieurs  machines  de  cette  espèce, 
placées  à  la  suite  les  uns  des  autres,  recevaient  le  mouvement 
d'une  même  roue  hydraulique. 

Je  mentionne  pour  mémoire  seulement  les  broies  méca- 

1  Bulletin  de  h  Société  (f encouragement,  i.  XV,  p.  •  2  4 ,  et  t  XVIII ,  p.  1 66  • 


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248  VT  JURY. 

niques  de  MM.  Roggero,  Perrin  et  Molard  jeune,  présentées 
en  1819  au  concours  de  la  Société  d'encouragement.  Plus 
tard  encore,  de  1825  à  i8359  on  a  vu  apparaître  les  broies 
mécaniques  de  MM.  André  Delcourt,  Lorillard  et  Barbon, qui 
obtinrent  en  1828  des  récompenses  de  cette  môme  Société; 
celles  de  M.  Tissot  et  de  M.  Heyner,  de  Penig  en  Saxe,  dont 
la  dernière  est  remarquable  par  le  grand  nombre  des  rouleaux 
cannelés,  lamineurs  et  à  vis  de  pression  supérieures,  pré- 
sentés comme  des  perfectionnements  de  la  broie  de  M.  Chris- 
tian, à  laquelle,  en  effet,  on  avait  dans  le  temps  assigné  une 
origine  italienne,  sans  qu'elle  en  fût  meilleure  pour  cela,  et 
propre  à  remplacer  l'antique  broie  à  levier.  Enfin,  je  citerai 
encore  MM.  Kay,  Robinson,  Westley  et  tant  d'autres  qui,  en 
Angleterre  comme  en  France,  se  sont  fait  breveter  depuis 
i83o  pour  l'invention  et  le  perfectionnement  de  machines 
à  teiller  le  lin  et  le  chanvre  sans  rouissage,  avec  des  succès 
divers  et  toujours  contestés. 

Que  sont  devenues  toutes  ces  machines,  celle  de  M.  Chris- 
tian notamment,  qui  a  fait  tant  de  bruit  vers  1818,  et  celle 
de  M.  Laforest,  dont  je  n'ai  pas  jusqu'ici  parlé,  parce  que 
je  ne  l'ai  trouvée  reproduite  nulle  part,  et  cela  pour  cause, 
mais  qui  n'en  a  pas  moins  eu  aussi  un  grand  retentissement  en 
France?  On  le  sait  assez,  et  cela  doit  rendre  bien  circonspect 
dans  le  jugement  que  l'on  serait  appelé  à  porter  sur  de  nou- 
velles broies  mécaniques  où  l'on  prétendrait  éviter  toute  opé- 
ration préalable  de  rouissage.  Peut-être  même  devrait-on 
renoncer  à  l'espoir  de  voir  aucune  machine  de  ce  genre  se 
substituer  aux  rudes  labeurs  des  habitants  de  la  campagne, 
si  l'on  considère  la  complication,  la  cherté  de  la  plupart 
d'entre  elles,  et  la  nécessité  de  leur  appliquer  des  moteurs 
inanimés,  puissants,  mais  sans  lesquels  leurs  avantages  écono- 
miques seraient  à  peu  près  nuls  ou  d'une  trop  faible  impor- 
tance au  point  de  vue  industriel  et  agricole.  A  cet  égard,  on 
peut  affirmer  que  les  broies  ou  teilleuses  les  plus  simples  seront 
toujours  les  meilleures,  tant  qu'on  ne  sera  pas  parvenu  à  con- 
centrer davantage  la  culture  et  la  préparation  mécanique  du 


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MACHINES  ET  OUTILS.  249 

chanvre  el  du  lin ,  jusqu'ici  beaucoup  trop  éparpillées  dans 
ups  campagnes,  en  raison  même  de  la  diversité  des  besoins 
locaux  et  de  la  rareté  des  sols  appropriés. 

On  peut  encore  se  demander,  d'après  les  anciennes  tenta- 
tives de  MM.  Bralle,  Curaudau  et  Molard,  ce  que  deviendront 
les  procédés  divers  de  rouissage  et  de  teillage  que  deux. in- 
génieurs français,  MM.  Bernard  et  Koch,  ont  dernièrement 
établis,  selon  le  système  américain  de  Schenks,  dans  l'usine 
irlandaise  de  M.  Adam,  de  Belfast;  procédés  dont  il  n'a  rien 
paru  à  l'Exposition  universelle  de  Londres,  si  ce  n'est  les  gros 
cylindres  lamineurs,  en  fonte  lisse  et  pleins,  avec  volant 
extérieur,  servant  à  égrener  le  lin ,  et  qui  se  trouvent  inscrits  au 
catalogue  sous  le  nom  de  Richard  Robin  son,  de  Belfast,  l'in- 
venteur, à  qui  la  Société  de  Dublin  a  accordé  une  médaille 
d'or  en  i85o.  On  sait  en  effet  que,  jusqu'à  une  certaine 
époque,  les  cultivateurs  irlandais  mettaient  peu  de  soins  à 
récolter  les  graines  du  lin  et  du  chanvre;  de  sorte  que  la 
construction  d'un  instrument  aussi  simple  et  qui  dépouille 
aussi  complètement  le  lin  dans  une  seule  passe,  sans,  pour 
ainsi  dire,  en  endommager  la  paille,  devait  être  considérée 
comme  une  acquisition  des  plus  avantageuses  pour  les  éta- 
blissements où  la  méthode  expéditive  du  rouissage  de  Schenks 
était  mise  en  usage. 

M.  Robert  Plummer,  de  Newcastle,  dont  nous  avons  déjà 
dit  un  mot  au  sujet  des  machines  à  peigner,  est  le  seul  qui 
ait  exposé,  sous  le  n°  7A,  des  machines  à  broyer  et  à  teiller 
le  lin  ou  le  chanvre  :  l'une  qui  consiste  dans  un  double  rang 
vertical  et  parallèle  de  cylindres  cannelés  en  fonte,  dont 
trois  pour  la  rangée  postérieure  et  deux  pour  la  rangée  an- 
térieure, entre  lesquelles  la  paille  du  lin  passe  et  repasse, 
après  avoir  été  introduite,  au  moyen  d'un  plan  incliné  ou 
table  à  étaler  supérieure ,  dans  l'intervalle  compris  entre  les 
deux  premiers  rouleaux  du  haut  de  la  rangée  postérieure  ; 
ces  rouleaux  étant,  ainsi  que  dans  la  machine  de  Lee,  em- 
boîtés extérieurement  dans  des  portions  d'auges,  de  coursières 
courbes,  qui  servent  à  ramener  spontanément  la  filasse  entre 


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250  VI*  JURY. 

tes  deux  cylindres  du  devant,  d'où  elle  s'échappe  ensuite, 
guidée  par  une  seconde  table  ou  glissière  inférieure  :  cela 
permet  de  recommencer  à  plusieurs  reprises  l'opération  du 
macquage  ;  enfin  des  pédales  placées-  au  bas  de  la  machine 
permettent  de  graduer  à  volonté  la  pression  des  cylindres 
cannelés  supérieurs  sur  ceux  qui  les  supportent  directement. 
Cette  machine,  quoiqu'elle  ne  présente  dans  ses  dispositions 
essentielles  rien  d'absolument  neuf,  n'en  paraît  pas  moins 
destinée,  par  sa  simplicité  même,  à  rendre  de  réels  services 
aux  établissements  qui  auraient  à  soumettre  le  teillage  de 
grandes  masses  de  lin  et  de  chanvre  à  l'action  motrice  d'un 
manège,  d'un  cours  d'eau  ou  de  la  vapeur. 

L'autre  système  de  machines  à  teiller  (rotary  dise  scateking 
mill)  est  composé  d'un  disque  annulaire  fixe  et  d'un  autre 
disque  pareil  mobile  autour  d'un  axe  qui  lui  est  commun 
avec  le  premier,  emboîté  comme  lui  dans  un  manchon  fermé 
de  toutes  parts  à  la  partie  supérieure,  sauf  près  de  l'entrée, 
où  les  hommes  de  service  présentent  latéralement  les  poignées 
de  filasse  déjà  soumises  à  la  broie  mécanique  ci-dessus,  et 
où  elles  reçoivent  l'action  successive  de  brosses,  de  sérans,  dont 
les  disques  sont  armés  dans  un  sens  légèrement  oblique  aux 
rayons.  Cette  machine,  d'un  grand  diamètre,  tout  en  fonte 
et  composée  de  trois  systèmes  de  disques  semblables  à  ceux 
dont  il  vient  d'être  parlé,  fonctionnait  bruyamment  à  l'Ex- 
position universelle  de  Londres,  où  elle  a  excité  l'intérêt  du 
jury  de  la  VI*  classe,  à  cause  du  mérite  et  de  la  nouveauté  de 
ses  dispositions,  dont  la  plus  importante,  peut-être,  consiste 
dans  la  substitution  d'une  partie  des  aiguilles  d'acier  par  des 
soies,  des  poils  de  sanglier  ou  des  fanons  de  baleine,  ainsi 
que  je  l'ai  déjà  indiqué  au  sujet  des  peigneuses  oscillantes  du 
même  constructeur. 

4u  surplus,  il  serait  impossible  d'apprécier  dès  à  présent 
l'importance  et  la  portée  industrielle  de  cette  substitution 
pour  la  préparation  du  lin  et  du  chanvre,  qui  sortent  en 
effet  très-lisses,  brillants  même,  de  la  machine.  Quant  à  sa 
puissance  productive,  on  en  aura  une  idée  si  l'on  admet, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  251 

avec  l'inventeur,  que  quatre  ouvriers  puissent,  à  l'aide  d'une 
machine  à  deux  disques,  teiller,  sérancer  jusqu'à  25o  kilo- 
grammes de  paille  par  jour. 

Enfin,  j'ai  vainement  cherché  à  me  procurer  des  rensei- 
gnements précis  sur  les  procédés  mécaniques  ou  chimiques 
par  lesquels  M.  Marshall,  de  Leeds,  serait  parvenu  à  donner 
l'apparence  soyeuse  aux  fils  de  lin  dont  les  échantillons  ont 
été  si  généralement  admirés  à  l'Exposition  de  Londres,  et  à 
convertir  en  fils  non  moins  remarquables  le  chanvre  de  la 
Chine  (China-grass) ,  cette  grande  herbacée  que  quelques-uns 
de  nos  fabricants  inquiets  ont  jusqu'ici  vainement  tenté  de 
soumettre  aux  machines  à  filejr,  en  la  découpant  cependant 
en  petits  bouts,  etc.  Mais,  je  n'hésite  pas  à  le  redire,  ce  sont  là 
desimpies  essais,  bien  loin  encore  de  la  perfection  qui  per- 
mettrait à  une  telle  industrie  de  chasser  des  marchés  euro- 
péens la  fibre  lisse  et  fine  de  nos  lins  indigènes. 

J'ignore  également  quel  pourra  être  le  résultat  des  ten- 
tatives récentes  faites  en  Angleterre  pour  assouplir  les  fibres 
de  l'écorce  d'aloès  et  les  soumettre  au  peignage  dans  des  cou- 
rants d'eau,  au  moyen  de  puissantes  machines  imaginées  par 
M.  Simon  et,  et  qui,  dit-on,  doivent  être  bientôt  installées  dans 
l'île  de  Malaga,  où  pullule  cette  substance  jusqu'ici  générale- 
ment réservée  à  la  fabrication  des  cordages,  etc.  L'avenir  seul 
pourra  nous  éclairer  à  ce  sujet;  mais,  en  attendant,  nos  in- 
dustriels intéressés  et  notre  Gouvernement  ne  devront  rien 
épargner  pour  s'approprier  la  connaissance  des  nouveaux 
-procédés  et  de  leurs  chances  plus  ou  moins  grandes  de  succès, 
dont  la  complète  réussite  porterait  un  rude  et  déplorable 
coup  à  l'une  des  branches  les  plus  importantes  de  l'industrie 
de  nos  campagnes. 


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252  VP  JURY, 

ADDITIONS  AU  CHAPITRE  IV. 

SCB  QUELQUES  MACHINES  MODERNES  APPLICABLES  A  LA  POIS  AUX  DIVERSES 
BRANCHES  DE  FILATURES. 

I.  — •  Addition  tu  S  Ier,  concernant  le  premier  établissement  du  banc  à 
broches  et  des  continues  à  mouvements  différentiels.  —  Incertitudes  à 
ce  sujet:  f  historien  Baines  et  le  ferblantier  Green,  de  Maosfield;  les 
mécaniciens  Cocher  et  Higgins,  Eaton  et  Farey,  Eaton  (  rVUUam)  ;  MM.  £*- 
horde,  Gingembre,  Piket,  etc.,  à  Paris.  —  MM.  Higgins  et  fils,  Afaroit  et 
Collier,  Stamm,  du  Haut-Rhin ,  à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

J'ai  déjà  plusieurs  fois,  dans  le  cours  de  cette  seconde  Par* 
tie  ou  de  la  précédente,  cité  le  banc  à  broches  à  mouvements 
différentiels  comme  Tune  des  plus  belles  applications  du  génie 
mécanique  à  la  filature  des  matières  textiles;  j'ai  tâché  d'en 
faire  saisir  les  intentions,  les  propriétés  principales,  ainsi 
que  les  liens  qui  en  rattachent  la  savante  combinaison  aux 
anciennes  idées  de  Vaucanson ,  relatives  aux  machines  à  tordre 
ou  mouliner  la  soie.  Mais  quoique  j'aie  répété,  après  tant 
d'autres,  que  l'histoire  de  la  filature  de  la  laine  et  du  coton 
était  assez  connue  de  nos  jours  pour  qu'il  devînt  à  peu  près 
superflu  de  la  reproduire  ou  commenter  dans  ce  travail,  ce 
qui  peut  être  vrai  à  certains  points  de  vue  plutôt  industriels 
que  scientifiques  ou  mécaniques,  j'avoue  que,  après  y  avoir 
réfléchi  un  peu  plus  attentivement,  à  l'occasion  des  récentes 
machines  à  filer  le  lin  ou  le  chanvre,  et  en  considérant  d'ail- 
leurs la  fâcheuse  obscurité  qui  règne  dans  les  ouvrages  con- 
nus sur  la  naissance,  les  progrès  mécaniques  des  diverses^ 
branches  de  filatures,  et  principalement  sur  la  coordination 
des  idées  qui  en  lient  entre  elles  les  admirables  découvertes 
en  fait  de  machines,  il  m'a  paru  d'une  haute  importance  phi- 
losophique et  d'une  utilité,  à  vrai  dire,  générale  de  montrer, 
par  un  exemple  récent  et  célèbre,  que  l'histoire  même  de  la 
filature  du  coton  restait  encore  à  faire,  du  moins  au  point 
de  vue  mécanique.  Cette  histoire,  presque  tout  entière  dans 
les  patentes  et  brevets  d'invention,  d'importation,  d'addition 
ou  de  perfectionnements,  sera,  je  le  répète,  impossible  à 


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MACHINES  ET  OUTILS.  253 

écrire  avec  la  suite  ou  l'ensemble  d'exposition  nécessaires, 
tant  que  les  gouvernements  étrangers  ne  se  seront  pas,  à  l'imita- 
tion de  celui  de  la  France,  décidés  à  en  ouvrir  généreusement 
les  arcanes,  jusque-là  si  mystérieuses,  par  une  publication 
officielle,  sans  réserves  ni  mutilations;  car,  encore  une  fois, 
Thistoire  impartiale  des  progrès  de  1  esprit  humain  ne  saurait 
exister  que  dans  des  écrits  publics  ou  officiels,  remontant  à 
une  date  contemporaine  de  celle  des  inventions,  mais  néan- 
moins revêtus  d'un  caractère  d'authenticité  indépendant  des 
passions  intéressées  ou  jalouses  du  moment. 

A  cet  égard,  ce  serait  une  curieuse  étude  historique  à  faire 
que  de  rechercher  par  quelles  transformations  successives 
on  est  passé  des  anciennes  continues  à  tordre  simplement  les 
fils,  déjà  étirés  dans  les  bancs  à  lanternes  tournantes  d'Ark- 
wright,  à  ces  puissantes  machines  de  préparation  (rowing-frame) , 
munies  de  broches  à  ailettes  pendantes,  nommées  aujour- 
d'hui hanct  à  broches  (fly-frame) ,  dont  on  voit  une  si  singulière 
représentation  à  la  page  102  de  l'ouvrage  anglais  deBaines  sur 
Y  Histoire  des  manufactures  de  coton  (i835),  mais  dont,  certes, 
les  colossales  bobines  n'étaient  point,  par  rapport  aux  broches 
munies  de  leurs  ailettes  en  fer  à  cheval  ou  à  deux  branches, 
douées  du  mouvement  relatif  indispensable  à  la  rigoureuse 
égalisation  du  tors. 

Selon  le  même  historien  (p.  211),  le  nommé  Green,  fer- 
blantier à  Mansfield,  aurait,  le  premier,  eu  l'idée  de  rendre 
ces  mouvements  solidaires,  dans  la  proportion  qui  convient 
au  tors  et  à  l'enroulement  du  fil;  mais,  malheureusement, 
Baines  ne  nous  fait  pas  connaître  les  moyens  employés  pour 
ce  but  par  l'inventeur,  sans  doute  le  même  qui,  sous  le  nom 
de  John  Green,  prit,  le  26  juin  1823,  une  patente  unique,  ins- 
crite sous  le  n°  4807  du  catalogue  officiel  anglais,  et  dont 
l'énoncé,  la  désignation,  sont,  comme  d'habitude,  on  ne  peut 
pas  plus  vagues  à  force  de  généralité. 

D'autre  part,  selon  Andrew  Ure1,  l'invention  en  serait  duc 

1  Dictionnaire  anglais  des  arts  et  manufactures,  p.  354  *  3e  édil.,  i843. 


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254  Vr  JURY, 

à  MM.  Cocker  et  Higgins,  de  Salford.  Par  erreurs  d'impres- 
sion sans  doute,  M.  Alcan1  l'attribue  à  MM.  Loeker  et  Highins  9 
de  Manchester;  M.  Thierry2,  à  MM.  Cogher  et  Higgins,  de 
Manchester;  enfin  M.  Armengaud  aîné9,  dans  un  intéressant 
article  sur  le  banc  à  tabès  américain,  l'attribue  à  MM.  Cocker 
et  Higgins,  constructeurs  à  Manchester;  version  qui  s'accorde 
également  avec  le  texte  de  l'ouvrage  publié  en  1828,  par 
MM.  Leblanc  et  Molard  jeune,  sur  les  machines  de  la  filature 
d'Ourscamp,  près  Compiègne  (p.  63). 

Je  rapporte  ici  toutes  ces  variantes  d'ouvrages  bien  connus 
et  justement  estimés  pour  montrer  une  fois  de  plus,  par  un 
exemple  célèbre  et  dont  les  données  sont  si  voisines  de  nous, 
combien  l'histoire  même  des  inventions  relatives  à  la  filature 
du  coton  est  demeurée  jusqu'ici  incertaine,  obscure,  et  aurait 
besoin  d'être  enfin  et  conscieu  sèment  débrouillée,  avant  que 
des  erreurs  involontaires  ou  intéressées  s'y  introduisent  davan- 
tage encore.  Car  si  vous  consultez  le  catalogue  officiel  des 
patentes  anglaises  publié  à  Londres  en  i854  et  i855,  vous 
n'y  trouverez  aucun  des  noms  cités  en  dernier  liett ,  sauf  celui 
de  M.  Higgins  (William),  de  Salford,  sous  le  n°  663g,  pour 
certains  perfectionnements  dans  les  machines  à  tordre  les  mèches 
de  préparation  du.  coton,  du  lin,  de  la  soie,  de  la  laine  et  autres 
matières  fibreuses ,  communiqués,  dit  le  patenté,  par  un  étran* 
fjer  non  résidant  et  non  désigné  dans  le  certificat  de  délivrance, 
qui  porte,  il  est  vrai,  la  date,  relativement  récente,  du  7  juil- 
let i834-  S'agit-il  ici  de  la  substitution  des  engrenages  aux 
cordes  et  courroies  anciennes,  ou  de  quelques  autres  détails 
essentiels  de  construction,  tels  que  doublement  des  bobines 9 
ressorts  de  compression  des  mèches,  etc.,  dont  on  a  vu  de  beaux 
spécimens  dans  les*  expositions  de  MM.  Higgins  et  fils,  J.  Mason , 
Parr,  Curtis,  etc.,  à  Londres?  Voilà,  à  mon  très-grand  regret, 
«e  qu'il  m'est  impossible  de  décider  pour  le  moment 

1  Traité  des  matières  textiles,  p.  s&3,  1847. 

*  Bulletin  de  la  Société  de  Mulhouse,  n*  57,  ou  de  la  Société  d'encourage- 
ment de  Paris,  t  XXXIX ,  p.  47  2. 

3  Publication  industrielle,  t  II,  p.  4  2 1. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  255 

Pour  quiconque  est  un  peu  au  fait  des  habitudes  de  l'in- 
dustrielle Angleterre,  renoncé,  le  titre  de  patente,  que  je 
viens  de  translater,  semblerait  effectivement  prouver  que 
M.  Higgins,  associé  ou  non  avec  M.  Cocker,  est  tout  au  plus' 
un  des  premiers  qui  aient  construit  dans  une  certaine  perfec- 
tion le  banc  à  broches  à  mouvement  différentiel,  et  cela  à 
une  époque  que  M.  Thierry,  dans  l'article  déjà  cité,  fait  re- 
monter, sans  preuve  indiquée,  à  Tannée  1821,  c'est-à-dire  à 
une  date  antérieure  de  quelques  années  à  celle  de  l'introduc- 
tion même  de  ces  machines  en  France  par  la  Société  indus- 
trielle d'Ourscamp,  dont  le  privilège,  du  26  février  18241,  fut 
suivi  de  près  (3 1  mars  182  A)  par  celui  de  M.  C.-A.  Gengembre2 
pour  une  machine,  également  importée  d'Angleterre,  analogue 
quant  au  but,  très-distincte  quant  au  système  de  solution  ou 
de  construction ,  mais  qui  ne  paraît  pas  avoir  été  aussi  favo- 
rablement accueillie  par  l'industrie. 

Or,  ces  deux  brevets  et  celui  d'invention  qu'avait  pris  en 
novembre  de  la  môme  année  M.  Laborde,  mécanicien  dis- 
tingué de  Paris,  pour  un  autre  ingénieux  dispositif  du  banc 
à  broches  dont  il  sera  plus  tard  parlé;  ces  brevets,  dis-jc, 
avaient  été  précédés,  en  France,  d'un  autre  brevet  d'importa- 
tion par  les  Anglais  Eaton  et  Farey,  du  1 5  novembre  1823, 
dont  la  machine,  incomplètement  décrite,  quant  aux  des- 
sins, à  la  page  339 'du  tome  XXXVIII  du  recueil  déjà  cité, 
doit  être  considérée  comme  le  type  original,  clair  et  précis 
du  banc  à  broches  employé  l'année  suivante  dans  là  filature 
d'Ourscamp,  et  dont  l'application  s'est  bientôt  généralisée  chez 
nous,  grâce  à  son  ingénieuse  et  remarquable  simplicité. 

Dans  les  anciennes  continues  à  tordre  et  filer  en  fin,  dont 
les  bobines,  très-petites,  n'éprouvent  que  des  variations  de 
grosseur  assez  faibles,  et  où  de  petits  freins  à  poids  régulateurs 
suffisent  pour  en  ralentir  la  vitesse,  de  loin  en  loin,  à  mesure 
du  grossissement,  on  se  contentait  d'imprimer  à  la  planche 

1  Recueil  des  brevets  expirés,  t.  XXX,  p.  4* 
*  /6«ltXXXIX,p.33i. 


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256  VP  JURY. 

horizontale  ou  chariot  en  fonte  qui  porte  ces  bobines  glissant 
librement  le  long  de  leurs  broches  verticales  à  ailettes  ren- 
versées, et  que  des  tambours  horizontaux  à  courroies  ou 
cordons  sans  fin,  etc.,  mettaient  diversement  en  action,  dans 
ces  anciennes  machines,  dis-je,  on  se  contentait  d'imprimer 
au  chariot  porte-bobines  un  mouvement  uniforme  intermit- 
tent, le  même  à  toutes  les  périodes  de  grossissement  ou  de  va- 
et-vient  de  ces  bobines,  au  moyen  d'un  système  de  bascules 
transversales  oscillantes,  à  cames  ou  ondes  appropriées  au  but 
à  remplir,  et  qui  rappelle  les  courbes  en  cœur  de  Vaucan- 
son,  appliquées,  il  est  vrai,  au  système  plus  léger  des  tringles 
à  barbins  du  moulin  droit  à  filer,  tordre  la  soie;  mais  il  en  est 
tout  autrement  dans  les  machines  nommées  primitivement 
par  MM.  Eaton  et  Farey  bobineuses  pour  la  préparation  des 
Jils  de  coton  en  gros. 

Dans  ces  dernières  machines,  en  effet,  on  aperçoit,  vers  le 
bas  du  bâti,  un  arbre  de  couche  longitudinal,  avec  pignons 
à  rotation  alternative,  imprimant  le  va-et-vient  au  chariot ,- 
par  de  petites  crémaillères  verticales  extrêmes,  au  moyen 
d'une  roue  ou  lanterne  à  calandre,  placée  en  dehors  du  bâti, 
ouverte  en  un  point  pour  le  passage  d'un  autre  petit  pignon 
à  engrènement  alternativement  intérieur  ou  extérieur,  et  dont 
l'arbre,  très-court,  parallèle  au  précédent,  reçoit,  malgré  de 
légères  excursions  transversales,  le  mouvement  rotatoire  con- 
tinu, mais  graduellement  ralenti,  d'un  équipage  de  roues 
d'angle,  opposé  à  ce  pignon  et  que  conduit  un  dernier  pignon 
à  dents  allongées,  dont  l'arbre  vertical ,  surmonté  d'une  rou- 
lette de  friction,  constitue  une  combinaison,  sur  laquelle  je 
reviendrai  bientôt,  d'autant  plus  remarquable  que  Robertson 
Buchanan  la  décrivait  dans  un  ouvrage  anglais  publié  il  y  a 
plus  de  quarante  ans1,  et  qu'elle*  a,  depuis,  avantageusement 

1  Practical  essays  on  mill-worh,  p.  137;  Edimbourg,  i8i4.  Cet  ouvrage, 
aujourd'hui  encore  trop  peu  connu  eu  France,  renferme  une  quantité 
d'autres  ingénieuses  et  très-anciennes  combinaisons  mécaniques, -parmi  les- 
quelles je  citerai  les  poulies  étagées  et  les  cônes  alternes  à  courroies  sans 
fin  et  mains  conductrices  transversales.  A  regard  des  applications  qui  ont  été 


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MACHINES  ET  OUTILS.  257 

servi  pour  l'établissement  d'ingénieux  dynamomètres  comp- 
teurs du  travail  mécanique  dans  les  machines. 

Vers  le  haut  du  même  banc  à  broches  d'Ourscamp  ou  mieux 
d'Eaton  et  Farey,  on  aperçoit  l'arbre  de  couche  principal 
ou  moteur,  muni,  à  un  bout,  d'un  volant  régulateur  et  d'un 
couple  de  poulies  d embrayage  ordinaire,  à  l'autre  bout,  de 
l'équipage  des  roues  dentées  verticales  qui  conduisent  unifor- 
mément les  arbres  du  système  alimentaire,  et,  intermédiaire- 
ment,  de  l'ingénieux  appareil  servant  à  donner  aux  bobines, 
le  long  et  autour  des  broches  fixes,  à  leurs  grandes  poulies 
motrices  et  au  chariot  horizontal  qui  les  porte,  un  mouve- 
ment progressivement  et  simultanément  ralenti  de  quantités 
proportionnelles  au  nombre  des  allées  et  venues  ou  des  couches 
de  fil  superposées  sur  les  bobines. 

D'une  part,  on  voit  à  gauche  un  cône  droit  tronqué,  à  glis- 
sement longitudinal  sur  cet  arbre  dont  la  rotation  uniforme 
l'entraîne  et  fait  marcher  une  courroie  sans  fin  à  branches 
verticales,  conservant,  malgré  le  glissement  relatif,  une  posi- 
tion sensiblement  invariable,  mais  qui,  recourbée  à  deux 
reprises  différentes  sur  un  système  de  poulies  de  renvoi  infé- 
rieures, va  donner  à  l'arbre  vertical  fixe  des  grandes  poulies 
horizontales  ci-dessus,  motrices  des  bobines  et  glissant  à  frot- 
tement doux  le  long  de  cet  arbre,  une  vitesse  rotatoire  dont 
le  ralentissement  progressif  dépend  du  rapprochement  même 
des  branches  verticales  de  la  courroie,  par  rapport  au  sommet 
du  cône  moteur  ou  régulateur. 

D'une  autre  part,  on  aperçoit,  à  droite,  un  plateau  ou  disque 
vertical  tournant,  monté  également  sur  l'arbre  de  couche  supé- 
rieur, qui  entraîne,  dans  sa  rotation  rapide,  par  pression  nor- 
male et  frottement  tangentiel,  la  roulette  mentionnée  plus 

faîtes  du  plateau  à  roulettes,  aux  instruments  dynamométriques  et  de 
quadrature,  j'y  reviendrai  dans  Tune  des  notes  ci-après,  relative  à  f ap- 
pareil analogue  où  le  plateau  est  remplacé  par  un  cône  tournant  sur 
lui-même;  appareil  dont  la  première  application  paraîtrait  due  à  M.  La- 
borde,  ancien  et  très-habile  mécanicien  de  Paris,  comme  on  le  verra  encore 
ci-après. 

vi*  juav.  —  2*  PARTIE,  1 7 


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258  Vr  JURY. 

haut,  susceptible  en  même  temps  de  glisser  dans  le  sens  des 
rayons  du  plateau,  et  dont  le  petit  arbre  vertical  est,  comme 
on  Ta  vu,  destiné  à  transmettre  le  mouvement  continu  au 
pignon  de  la  roue  à  calandre  qui  imprime  le  va-et-vient  au 
chariot ,  avec  des  vitesses  également  ralenties  de  quantités  pro- 
portionnelles au  rapprochement  de  ce  disque  par  rapport  au 
centre  du  plateau  tournant. 

Enfin,  on  voit  encore,  au-dessus  et  dans  l'intervalle  com- 
pris entre  ce  plateau  et  le  cône  régulateur,  le  système  parti- 
culièrement remarquable  de  la  crémaillère  horizontale  à  faces 
planes  verticales,  à  contre-poids  de  recul,  double  denture  et 
cliquets  alternes ,  que  dégage  l'un  après  l'autre  une  tige  verti- 
cale à  couple  de  boutons  inférieurs ,  poussés  alternativement 
par  le  chariot  à  la  fin  de  chacune  de  ses  excursions,  de  façon 
à  permettre  le  glissement  du  cliquet  non  dégagé  sur  le  revers 
en  talus  de  sa  propre  dent,  et,  par  conséquent,  le  recul  même 
de  la  crémaillère  dans  l'étendue  d'un  demi-cran. 

Ce  dernier  et  fort  ingénieux  système,  comme  on  l'aperçoit, 
rappelle  encore  celui  dont  il  a  été  parlé  à  l'occasion  des  mou- 
lins à  organsiner  de  Vaucanson  ;  mais  il  a  ici  spécialement 
pour  but  de  provoquer,  à  la  fin  de  chacune  des  courses  du 
chariot,  la  déviation  graduelle  d'un  levier  coudé  à  deux 
branches,  dont  la  plus  courte,  moyennement  horizontale,  sup- 
porte le  pivot  de  l'arbre  vertical,  à  pignon  inférieur  allongé, 
de  la  roulette  ci-dessus,  mobile  par  friction  et  ainsi  progressi- 
vement rapprochée  du  centre  du  plateau  moteur,  tandis  que 
la  longue  branche,  à  peu  près  verticale,  agit  par  une  griffe 
horizontale  pour  déplacer  le  cône  à  courroie  sans  fin ,  le  long 
de  son  arbre,  de  quantités  également  proportionnelles  au 
nombre  des  alternatives  du  chariot  porte -bobines  ou  des 
couches  cylindriques  de  coton  précédemment  enroulées;  en 
combinant,  à  cet  effet,  les  avances  simultanées  de  la  roulette 
et  du  cône  régulateur  ou  les  longueurs  des  deux  branches  du 
levier  coudé ,  de  manière  que  la  vitesse  tangentielle  ou  de  tirage 
du  fil  par  les  bobines  respectives,  et  qui  tend  à  croître  avec 
la  grosseur  propre  de  ce  fil,  avec  le  diamètre  ou  le  nombre  des 


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MACHINES  ET  OUTILS.  259 

couches  superposées,  reste  néanmoins  invariable  à  tous  les 
instants,  c'est-à-dire  de  manière  qu'elle  ne  puisse  s'accroître 
qu'en  vertu  du  changement  même  de  cette  grosseur,  du  degré 
de  tors  ou  des  vitesses  angulaires  à  imprimer  proportionnelle- 
ment, par  l'arbre  moteur,  à  toutes  les  parties  de  la  machine, 
au  moyen  d'une  roue  de  rechange  appropriée  chaque  fois  au 
but  à  remplir. 

Remarquons,  en  outre ,  que  c'est  bien  à  tort  qu'on  reproche 
à  ce  système  la  prétendue  nécessité  de  régler,  après  coup  ou 
par  tâtonnements,  la  distance. et  la  forme  soi-disant  variables 
des  dents  sur  la  crémaillère  régulatrice;  cette  difficulté  n'exis- 
terait, en  efFet,  qu'autant  qu'on  ne  se  fut  pas  suffisamment 
précautionné  contre  le  glissement  de  la  courroie  sans  fin  sur 
le  cône  conducteur  ou  de  la  roulette  de  friction  sur  le  plateau 
qui  l'entraîne  latéralement;  qu'on  prétendrait  s'écarter  de  la 
forme  habituelle,  régulière  et  cylindrique  des  couches  de  fil 
superposées  sur  les  bobines,  etc.  Quant  au  cas  où  ces  bobines, 
sans  rebords  latéraux  d'appui,  devraient  recevoir  des  couches 
de  largeurs  inégales,  en  retraite  les  unes  par  rapport  aux 
autres,  afin  de  constituer  un  noyau  cylindrique  terminé  par 
des  troncs  de  cône,  on  a  recours  aujourd'hui,  comme  on  le 
sait  bien,  dans  les  bancs  à  broches  mus  exclusivement  par 
engrenages,  à  des  moyens  très-différents,  très-précis,  et  qui 
consistent  principalement  à  faire  varier,  pour  chaque  couche 
cylindrique  distincte  du  fil ,  1  étendue  même  des  excursions 
du  chariot  qui  porte  la  bobine,  et  par  conséquent  l'intervalle 
des  tocs  ou  boutons  qui  servent  à  détacher,  à  chaque  reprise, 
les  cliquets  à  ressorts  repoussoirs  de  la  crémaillère. 

Les  ingénieuses  combinaisons  décrites  dans  le  brevet  cité 
d'Eaton  et  Farey,  quoique  aujourd'hui  encore  assez  générale- 
ment connues  et  employées  dans  les  filatures,  m'ont  paru 
mériter  une  mention  toute  spécial^  et  explicite,  non-seule- 
ment à  cause  de  l'originalité  du  principe  et  de  l'analogie  que, 
à  certains  égards,  ces  mêmes  combinaisons  offrent  avec  les 
anciennes  solutions  ou  indications  de  Vaucanson,  mais  aussi 
parce  qu'en  reportant  exclusivement  aux  constructeurs  Cocker 

»7- 


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260  VT  JURY. 

et  Higgins,  de  Manchester,  le  mérite  de  l'invention,  on  paraît 
avoir  beaucoup  trop  négligé  la  part  d'initiative  qui  peut  plus 
particulièrement  appartenir  à  l'ingénieur  Eaton  (William), 
de  la  même  ville. 

On  le  voit,  en  effet,  dans  une  ancienne  patente  inscrite 
le  18  juin  1818,  se  préoccuper  déjà  des  moyens  de  perfec- 
tionner les  machines  à  61er  en  gros  la  laine  et  le  coton, 
tandis  que,  peu  d'années  après  (le  a3  juillet  182 1),  il  se  fait 
délivrer  en  France  un  brevet  d'importation  *,  rédigé  à  la 
manière  anglaise,  mais  remarquable  par  l'étendue  et  la  nou- 
veauté des  moyens  qu'on  y  propose  pour  donner  automa- 
tiquement certaines  formes  régulières  aux  fuseaux  à  broches 
coniques  des  mule-jennys,  en  leur  procurant,  ainsi  qu'aux 
bobines  et  à  la  tringle  distributrice  ou  de  soutien  des  fils  qui 
s'y  renvident,  des  mouvements  appropriés,  soit  par  des  cônes 
alternes  à  courroies  sans  fin  ou  vitesse  graduellement  chan- 
geante, soit  par  des  fusées,  des  tambours  conducteurs  à  gé- 
nératrices courbes  convenablement  tracées,  tournant  avec 
leur  arbre,  mais  susceptibles  d'y  glisser  longitudinalement  au 
moyen  de  manchons  latéraux  à  fourches,  que  dirigent  des 
crémaillères  droites  parallèles  à  cet  arbre,  conduites  par  des 
pignons,  des  équipages  de  roues  dentées  et  de  vis  sans  fin,  liés 
au  jeu  même  du  chariot  de  la  mule-jenny. 

,  Ainsi ,  par  l'intermédiaire  des  tambours  ou  fusées  dont  le 
bâti  est  muni  aux  deux  bouts,  un  déplacement  graduel  et 
variable,  à  volonté,  est  régulièrement  transmis  au  système 
soit  de  la  tige  destinée  à  conduire  le  distributeur  des  fils  sur 
les  fuseaux,  soit  du  levier  horizontal  pôrte-griffes,  destiné  à 
faire  glisser  la  courroie  sans  fin  sur  ses  cônes  alternes  mçteurs, 
et  à  imprimer  simultanément  aux  fuseaux  la  vitesse  accélérée 
ou  ralentie  qui  leur  convient.  A  cet  effet,  la  tige  et  le  levier 
dont  il  s'agit  sont  armés  de  galets  ou  roulettes  de  friction , 
pressant  extérieurement,  et  normalement  aux  génératrices 
courbes,  les  tambours  à  fusée  directeurs  qui  leur  correspondent 

1  Recueil  des  brevets  expirés,  t.  XXXIV,  p.  69  à  1 27,  p'.  1 5  à  30. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  261 

respectivement  et  en  produisent  le  déplacement  latéral  dans 
des  directions  rectilignes  invariables. 

Toutefois,  il  ne  faut  pas  confondre  cette  ingénieuse  et 
double  combinaison ,  relative  aux  mule-jennys,  avec  celle  où  la 
roulette  de  friction ,  agrandie,  parcourrait  la  génératrice  d'un 
cône  droit  en  tournant  et  glissant,  parallèlement  à  cette  géné- 
ratrice, le  long  d'un  arbre  incliné  qui,  dans  sa  rotation  par  là 
graduellement  ralentie,  serait  destiné  à  conduire  un  équipage 
de  roues  dentées  au  moyen  d'une  grande  vis  sans  fin  motrice 
montée  au  bout  de  ce  même  arbre;  système  qui  s'est  vu 
pour  la  première  fois,  si  je  ne  me  trompe,  dans  un  fort  ingé- 
nieux banc  à  broches  ou  boudinerie  à  bobines  commandées,  posté- 
rieur, il  est  vrai ,  à  celui  de  MM.  Eaton  et  Farey,  mais  dont  la 
principale  et  remarquable  disposition ,  à  cône  régulateur  ver- 
tical, est  due  à  l'habile  mécanicien  J.-B.  Laborde,  de  Paris1, 

1  Recueil  des  brevets  expires,  t.  XIX ,  p.  i  47  ;  brevet  du  2  3  septembre  1 82 h , 
singulièrement  tronqué.  Voy.  aussi  le  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement, 
t.  XXY,  p.  36 1,  dons  lequel ,  au  moins,  on  ne  répète  plus,  d'après  Andrew 
Ure,  que  le  banc  à  broches  du  système  Eaton  et  Farey  est  dû  à  MM.  Cocker 
et  Higgins.  Quant  à  l'ingénieuse  et  originale  combinaison  du  galet  de  friction 
glissant  le  long  des  génératrices  rectilignes  d'un  cône  tournant  sur  son  axe 
de  figure,  et  dont  le  mécanicien  Laborde  faisait  usage  dès  1824,  elle  repose 
évidemment  sur  le  même  principe  que  le  système  à  mouvement  varié  du  pla- 
teau menant  une  roulette  de  friction,  employé  dans  le  banc  à  broches  d'Eaton 
et  Farey,  et  qui  offre  quelque  analogie  avec  l'ancienne  machine  à  manège , 
dont  la  barre  à  vis  conduisait  une  meule  debout  pour  l'écrasement  des 
matières  sur  une  plate-forme  horizontale. 

D'autre  part,  on  sait  que  la  combinaison  du  cône  à  roulette  de  friction  a 
postérieurement  (1827)  été  mise  en  usage  par  MM.  Oppickhofer  et  Ernst,en 
Suisse,  pour  l'établissement  d'un  ingénieux  instrument  compteur  nommé 
planimètre,tt  ayant  pour  but  spécial  la  quadrature  des  plans  cadastrés;  puis», 
qu'en  France  (1829)  elle  a  également  servi  de  base  au  dynamomètre  par 
torsion,  compteur  du  travail  des  machines ,  dont  l'idée  est  due  à  M.  Corio- 
lis,  alors  répétiteur  à  l'École  polytechnique  (BaUetin  de  la  Société  d'encoura- 
gement, i,  XXVIII,  p.  477).  La  mesure  du  travail  variable  des  forces  repose, 
en  effet,  sur  une  quadrature  véritable,  ou  l'intensité  de  la  puissance  est 
combinée,  par  multiplication,  avec  l'élément  du  chemin  à  chaque  instant 
parcouru  dans  sa  direction  propre. 

Déjà  aussi,'  vers  cette  époque,  j'avais,  dans  un  but  analogue,  indiqué  à 


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262  VF  JURY. 

qui,  d'une  paît,  remplace  la  crémaillère  supérieure  horizon- 
tale à  cliquets  alternes  par  une  roue  à  rochet  avec  crans  in- 
térieurs et  extérieurs  alternativement  poussés  par  le  chariot, 
et,  de  l'autre,  substitue  également  à  la  roue  de  calandte  un 
système  de  pignons  agissant  sur  des  crémaillères  à  deux 
branches  parallèles,  pour  donner  le  va-et-vient  à  la  planche  ou 
chariot  porte-bobines, 

Les  secousses  résultant  des  changements  brusques  du  mou- 
vement à  la  fin  et  au  commencement  de  chacune  des  alter- 
natives du  chariot,  ces  secousses  jointes  au  glissement  possible 
de  la  roulette  de  friction  sur  le  cône  directeur,  ont  constitué, 
sans  aucun  doute,  les  principales  causes  qui  ont  fait  depuis 
abandonner  ce  genre  original  de  banc  à  broches,  pour  lui 

plusieurs  ingénieurs  l'usage,  très-simple,  d'un  plateau  tournant  de  quantités 
angulaires  proportionnelles  au  chemin  parcouru  dans  la  direction  d'une 
puissance  mesurée  par  un  dynamomètre  à  lames  de  ressort  droites,  paral- 
lèles, articulées  aux  deux  bouts,  et  dont  une  branche  serait  liée  à  l'arbre 
du  plateau  tournant,  tandis  que  l'autre,  soumise  directement  à  l'action  de 
cette  puissance  et  qui  en  mesure  l'intensité  par  ses  écarts  ou  distances  au 
centre,  serait  munie  <Fun  style  destiné  à  tracer  sur  ce  plateau  des  courbes 
ondulées  et  excentriques,  propres  à  fournir  une  trace  continue  de  la  loi 
suivie  par  la  force  relativement  au  chemin  parcouru,  ou,  en  substituant 
au  style  une  roulette  de  friction  dirigée  dans  un  sens  perpendiculaire  aux 
rayons,  à  donner  numériquement  la  valeur  du  travail  correspondant  à  un 
intervalle  quelconque,  au  moyen  d'un  appareil  totalisateur  ou  de  comptage 
indiquant  le  nombre  des  révolutions  de  la  roulette  de  friction,  proportionnel 
au  travail  môme  développé  par  la  puissance. 

Ce  dernier  appareil ,  à  plateau  et  disque  tournant,  réalisé  d'abord  avec 
succès  par  M.  Morin,  ainsi  que  plusieurs  autres  d'un  genre  analogue,  a,  eu 
dernier  lieu,  reçu  dans  son  mécanisme  compteur  à  rouages  d'horlogerie 
des  simplifications  et  perfectionnements  très-ingénieux,  dus  à  M.  Glaire, 
l'habile  artiste  mécanicien  déjà  cité  dans  une  note  de  la  page  434  (I"  Par- 
tie), et  dont  les  élégants  modèles  ont  été  admirés  par  tous  les  vrais  con- 
naisseurs &  l'Exposition  universelle  de  Londres.  Pour  l'histoire,  jusqu'en 
184.3,  des  dynamomètres  à  indications  continues  ou  à  comptage  applicables 
à  l'agriculture  et  aux  machines  en  général,  voyez  à  la  page  100,  tome  XLf, 
du  Bulletin  de  la  Société  d 'encouragement,  le  rapport  de  M.  Lambel  sur  les 
résultats  d'un  concours  ouvert  pour  le  perfectionnement  de  ce  genre  d'ins- 
truments par  cette  même  Société.  Voyez  aussi  les  pages  1 90, 191  et  3o4  du 
Rapport  anglais  des  jurys  de  {Exposition  universelle  de  Londres. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  263 

préférer  celui  d'Eaton  et  Farey,  dont,  à  partir  de  1824» 
MM.  Pihet,  de  Paris,  construisirent  un  assez  grand  nombre  en 
France.  Toutefois,  la  machine  de  M.  Laborde  était  peut-être 
moins  désavantageuse  que  celle  qu'avait  importée  quelques 
mois  auparavant,  comme  on  Ta  vu,  le  mécanicien  Gen- 
gembre,  de  la  Monnaie  de  Paris,  bien  qu'on  eût* conservé 
dans  cette  dernière  la  roue  à  calandre,  le  cône  fixe  à  courroie 
glissante,  etc. 

D'un  autre  côté,  on  ne  saurait  douter  que  l'ingénieuse  dis- 
position du  banc  à  broches  décrite  dans  le  brevet  d'importa- 
tion d'Eaton  et  Farey  n'ait  servi  de  point  de  départ  à  la  solu- 
tion plus  simple,  plus  précise  et  moins  sujette  à  frottements' 
ou  glissements  relatifs,  qu'on  doit  à  l'ingénieur  Henry  Houlds- 
worth,  déjà  si  souvent  cité,  et  dont  la  patente  anglaise,  du 
16  janvier  1826  (n°  63 16),  consiste  principalement  dans  la 
suppression  du  plateau  tournant  à  roulette  de  friction  et  son 
remplacement,  sur  l'arbre  moteur  principal,  par  un  tambour 
en  trois  parties  et  à  rouages  différentiels,  dont  la  disposition, 
fondée  sur  un  principe  dès  lors  bien  connu ,  est  clairement 
décrite  à  la  p.  223  du  Journal  of  arts  de  janvier  1898. 

De  ces  trois  parties  ou  manchons  d'égal  diamètre  dont 
se  compose  l'appareil,  l'une,  celle  de  droite,  solidaire  avec 
l'arbre  moteur,  porte  extérieurement  une  grande  poulie  à 
cordon  sans  fin,  servant  à  transmettre  la  rotation  uniforme 
de  cet  arbre  aux  broches  verticales  du  métier;  l'autre,  celle 
de  gauche,  au  contraire  folle  sur  ce  même  arbre,  porte  éga- 
lement, à  sa  surface  cylindrique  extérieure,  la  grande  poulie 
à  gorge  destinée  à  imprimer  le  mouvement  rotatoire,  gra- 
duellement ralenti ,  aux  bobines  glissant  le  long  de  ces  broches 
fixes  sur  leurs  sièges,  ainsi  qu'à  leur  poulie  motrice  horizon- 
tale entraînée  dans  le  va-et-vient  vertical  du  chariot;  enfin 
la  troisième  partie,  intermédiaire  entre  les  deux  précédentes 
portant  intérieurement  des  pignons  d'angle  sur  leurs  moyeux 
ou  canons  respectifs,  cette  partie,  folle  sur  l'arbre  comme 
celle  de  gauche,  dentée  extérieurement  et  ayant  au  dedans  de 
sa  couronne  en  fonte  un  mentonnet  en  saillie  avec  pignon 


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264  VP  JURY. 

d'angle  de  même  diamètre  que  les  précédents,  mais  suscep- 
tible d'engrener  de  part  et  d'autre  avec  chacun  d'eux;  cette 
troisième  partie,  dis-je,  est  destinée  à  transmettre  du  tambour 
à  poulie  de  droite  à  celui  de  gauche  la  vitesse  angulaire  de 
l'arbre  de  couche  principal,  diminuée  du  double  de  la  quan- 
tité dont  elle  a  tourné  sur  elle-même l ,  dans  le  sens  propre 
du  tambour  de  droite,  sous  l'action  d'un  petit  pignon  cylin- 
drique appliqué  à  'sa  denture  extérieure,  et  dont  l'arbre  agit 


1  Soh  Vj  la  vitesse  angulaire  du  tambour  à  poulie  de  droite  ou  de  l'arbre 
moteur  principal,  t>,  la  vitesse  pareille  de  la  roue  intermédiaire  ou,  si  1  on 
veut,  le  nombre  de  ses  révolutions  par  minute,  supposées  effectuées  dans 
le  senB  propre  de  V, ,  enfin  V't  la  vitesse  angulaire  communiquée  à  la  roue 
de  gauche  supposée  folle  sur  son  arbre ,  il  est  évident,  à  cause  de  légalité  des 
trois  pignons  d'angle  intérieurs,  que  la  vitesse  rotatoire  et  relative  du  pignon 
appartenant  à  la  roue  intermédiaire  autour  de  son  mentonnet  sera  V,  —  i»,. 
Mais  comme  ce  mentonnet  lui-même  est  entraîné  autour  de  l'arbre  de 
couche  commun  dans  le  sens  propre  de  V,  avec  la  même  vitesse  absolue  t», , 
il  doit  paraître  non  moins  évident  que  la  roue  folle  de  gauche  tournera  avec 
une  vitesse  V, — »,,  diminuée  encore  de  •,,  soit  Vt  —  2*|=V',,  comme 
Ta  aussi  démontré  M.  Alcan  à  l'endroit  ci-après  mentionné  dans  le  texte. 

On  vérifiera  aisément  cette  formule,  qui  sert  de  base  à  rétablissement 
du  banc  à  broches  à  engrenages  différentiels,  dans  la  supposition  de  v(«=o 
ou  »,naY,.  Quant  à  l'hypothèse  de  t»,  =  J  V,,  qui  donne  V't  =o,  et  cor- 
respond au  cas  où  la  roue  de  gauche  ^folle  sur  f  arbre  de  couche  commun  r 
reste  immobile  malgré  la  rotation  des  deux  autres,  le  résultat  est  peut-être 
plus  difficile  à  concevoir  à  priori,  mais  il  n'en  est  pas  moins  par  lui-même 
extrêmement  remarquable 

Enfin ,  je  ferai  observer  que  c'est  en  se  fondant  sur  des  combinaisons  de 
cette  espèce  que  feu  Pecqueur,  de  regrettable  mémoire,  a  imaginé,  il  y  a 
environ  quinze  ans ,  son  ingénieuse  romaine  dynamométrique  pour  mesurer 
expérimentalement  et  sans  avoir  recours  au  frein  de  Prony,  connu  depuis 
1824 ,  le  travail  mécanique  communiqué  aux  arbres  de  couche  horizontaux 
des  machines,  convenablement  disposés  à  cet  effet.  En  mentionnant,  au 
surplus,  ce  nouveau  titre  de  Pecqueur  à  l'estime  des  ingénieurs,  je  crois 
devoir  ajouter  à  ce  que  j'ai  déjà  dit,  à  la  page  Si  de  cette  II*  Partie,  des 
rouages  planétaires,  épicycies  ou  différeutiels,  que  M.  Willis,  dans  son 
livre  intitulé  Principles  of  mechanism,  publié  à  Londres  en  1841  (voy. 
p.  38 1) ,  en  attribue  la  première  idée  ou  application  à  l'Anglais  Mudge,  qui 
aurait  obtenu,  avant  même  1767,  une  représentation  exacte  du  mouvement 
lunaire  au  moyen  d'un  train  à  roues  d'épicycles. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  265 

aussi,  par  transmission  de  courroie,  sur  le  système  à  calandre 
du  chariot  porte-bobine. 

A  cet  effet,  le  pignon  dont  il  s'agit  est  monté  sur  l'arbre 
horizontal  d'un  tambour  conique,  ici  sans  glissement  relatif 
et  embrassé  par  les  branches  pendantes ,  à  poids  de  tension 
inférieur,  d'une  courroie  sans  fin  dont  le  sommet  passe  sur 
une  poulie  à  gorge  montée  sur  un  autre  petit  arbre  de  couche 
parallèle  au  précédent  et  commandé  directement,  au  moyen 
de  roues  dentées  verticales,  par  l'arbre  moteur  principal, 
arbre  sur  lequel  cette  poulie  à  gorge,  munie  d'un  manchon  à 
fourche,  est,  dans  son  glissement  latéral ,  soumise  à  l'action  de 
la  crémaillère  avec  poids  de  recul  dont  il  a  été  parié  à  l'occa- 
sion du  métier  de  MM.  Eaton  et  Farey. 

Les  trois  arbres  horizontaux  ou  de  couche,  distincts,  dont  il 
vient  d'être  parlé  conservant  une  position  fixe  sur  leurs  sièges 
ou  coussinets,  on  comprend  comment  il  est  devenu  facile  de 
passer  de  la  combinaison  adoptée  primitivement  par  Houlds- 
worth  à  celle  où,  postérieurement,  on  a  substitué,  dans  les 
diverses  commandes  des  broches  et  bobines ,  les  engrenages 
en  fonte  aux  courroies  sans  fin  ;  substitution  dont  on  peut 
voir  un  élégant  et  simple  exemple  aux  p.  a43  à  a53  (pi.  VIII) 
du  livre  de  M.  Michel  Âlcan,  qui,  suivant  une  habitude  mal- 
heureusement commune  à  presque  tous  les  livres  de  techno- 
logie ou  même  de  mécanique  appliquée,  ne  nous  indique 
ni  le  nom  de  l'auteur  de  ces  utiles  perfectionnements,  ni  les 
sources  auxquelles  ont  été  puisés  les  descriptions  ou  rensei- 
gnements divers,  qu'il  serait  pourtant  si  intéressant,  si  utile 
de  connaître  et  de  pouvoir  contrôler. 

B  me  suffira  ici  de  faire  remarquer  qu'à  l'époque  de  1 84  7, 
où  ce  professeur  distingué  écrivait,  on  n'avait  probablement 
point  encore  songé  à  donner  aux  couches  successives  du  fil 
enroulé  sur  les  bobines  la  forme  tronconique  aujourd'hui 
généralement  adoptée  dans  les  bancs  à  broches  avec  com- 
presseurs élastiques,  tels  qu'il  en  a  été  exposé  à  Londres  en 
i85i,  et  parmi  lesquels  figurait  avantageusement  celui  de 
M.  Stamm  père,  que  j'ai  déjà  cité,  avec  MM.  Mercier  et  Risler 


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266  VT  JURY. 

(p.  7  à  8  de  l'Introduction  générale) ,  comme  Fan  des  dignes 
représentants  de  la  France  à  l'Exposition  de  Londres.  Je  me 
complais  d'autant  plus  à  rappeler  les  titres  de  cet  artiste  à 
l'estime  des  membres  du  VI4  Jury;  que  son  banc  à  broches, 
tout  en  fer  et  en  fonte,  très -remarquable  par  la  beauté,  la 
solidité  de  l'exécution ,  ne  le  cédait  en  rien  à  ceux  des  plus 
babiles  constructeurs  de  l'Angleterre,  MM.  Higgins  et  fils, 
Mason  et  Collier,  etc.,  relativement  auxquels  même  il  offrait, 
dans  les  moyens  de  transmission  par  engrenages,  des  parti- 
cularités et  une  précision  d'ajustements  ou  de  tracés  qui  ne 
se  laissaient  point  apercevoir  au  même  degré,  peut-être,  dans 
les  bancs  à  broches  de  ses  compétiteurs. 


IL  —  Addition  au  S  II,  concernant  les  dernières  machines  à  peigner  les 
matières  textiles  diverses,  à  fibres  plus  ou  moins  courtes  et  mélangées. 
—  Découvertes,  brevets  ou  patentes  do  Josaé  Heibnann,  relatifs  à  ce 
sujet. —  MM.  Schlambergeret  Bourcart;  MM.  Marshall,  Hives  et  Atkùuon, 
cessionnaires,  à  Leeds,  etc.  —  MM.  Donisthorpe  et  Lister  à  l'Exposition 
universelle  de  Londres  et  en  France. 

La  découverte  du  nouveau  principe  de  peignageet  de 
démêlage  par  portions  limitées  et  successivement  détachées 
de  la  masse  alimentaire,  découverte  dont  j'ai  déjà  donné 
une  notion  succincte  dans  les  préliminaires  de  cette  deuxième 
Partie,  mérite  d'autant  plus  d'intérêt  et  d'attention  que, 
mal  accueillie  à  l'origine,  elle  n'a ,  malgré  l'appui  éclairé  et 
puissant  de  MM.  Schlumberger  et  Bourcart,  obtenu,  comme 
celles  mêmes  de  Philippe  de  Girard,  de  succès  commercial  vrai- 
ment important  qu'après  avoir  été  appréciée  à  sa  juste  valeur 
par  les  intelligents  et  entreprenants  industriels  de  la  Grande- 
Bretagne;  ce  qui,  certes,  ne  veut  pas  dire  que  la  réalisation 
mécanique  n'en  ait  pu  avoir  lieu  utilement  en  France  sous  le 
patronage  de  la  maison  de  Guebwiller,  qui  malheureusement 
ne  fut  associée  à  la  destinée  de  Josué  Heilmann  ou  de  la  nou- 
velle peigneuse  qu'après  la  ruine  de  la  filature  de  coton  de  ce 
dernier  et  à  jamais  célèbre  ingénieur,  c'est-à-dire  peu  avant 


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MACHINES  ET  OUTILS.  267 

la  fin  d'une  existence  entièrement  consacrée  aux  progrès  de  la 
mécanique  industrielle. 

Comme  Philippe  de  Girard  en  effet,  Josué  Heilman  n,  quoique 
décoré  en  i838  pour  ses  ingénieuses  machines  à  broder,  à 
métrer,  à  couper  le  velours,  etc.,  mourut  à  la  peine  et  s'étei- 
gnit avant  d'avoir  pu  jouir  du  prodigieux  succès  qu'a  obtenu 
dès  i852,  dans  les  deux  pays,  sa  nouvelle  et  originale  pei- 
gneuse,  destinée  primitivement  et  plus  spécialement  à  la  pré- 
paration, au  démêlage  des  belles  qualités  de  coton  à  longues 
soies,  mais  qui  ne  tarda  guère  à  être  avantageusement  appli- 
quée aux  longues  laines ,  à  la  bourre  de  soie  et  aux  étoupes 
du  chanvre  et  du  lin ,  ainsi  qu'on  le  verra  dans  le  résumé 
rapide  des  brevets  et  des  patentes  pris  successivement  par  cet 
ingénieur,  soit  en  France,  soit  en  Angleterre,  et  dans  lesquels 
sont  consignées  ses  primitives  idées  ou  tentatives  de  réalisation, 
par  conséquent  aussi  ses  primitifs  et  véritables  droits  à  l'in- 
vention ,  sinon  des  machines  telles  qu'elles  sont  actuellement  ' 
construites  et  perfectionnées,  au  moins  du  principe  original 
qui  leur  sert  de  base  fondamentale  à  toutes. 

La  découverte  de  ce  principe  essentiel  de  peignage  a  été 
consignée  dans  un  brevet  français  du  a5  septembre  i845,  re- 
produit dans  une  patente  prise  en  Angleterre  le  25  février 
i846,  et  dont  on  trouve  un  extrait  dans  le  Reperiory  of  arts, 
traduit  en  français  à  la  p.  482  du  t.  VI  du  Journal  des  Usines 
(mai  1847),  recueil  que  publiait  naguère  à  Paris  M.  Viollet, 
ingénieur  civil  dont  le  dévouement  aux  progrès  industriels 
était  bien  digne  d'encouragement  pour  les  services  qu'il  ren- 
dait en  continuant  l'utile  et  regrettable  Bulletin  technologique 
de  feu  Férussac.  Cette  même  découverte  d'Heilmann  futorigi-  \ 
nairement  provoquée ,  sur  la  proposition  d'un  prix  de  cent 
mille  francs  faite  en  i843  par  feu  Bourcart,  pour  la  machine 
qui  remplacerait  avantageusement  le  battage  et  le  peignage  à 
la  main  du  coton  de  Géorgie  à  longue  soie;  mais  Josué  Heil- 
mann,  doué  d'une  ardeur  infatigable,  ne  tarda  pas  à  étendre 
le  champ  du  programme  et  de  ses  idées  en  les  rendant  appli- 
cables au  peignage  et  à  la  préparation  des  matières  filamen- 


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268  VF  JURÏ. 

teuses  en  général  :  laine,  bourre  de  soie,  éteupe,  etc.  Mort  le 
5  novembre  i848,  il  ne  put  mettre  la  dernière  main  à  une 
œuvre  déjà  bien  avancée ,  et  il  dut  léguer  à  son  fils  Jean- 
Jacques  Heilmann ,  ainsi  qu'à  des  amis  éprouvés ,  le  soin  de 
parfaire  ses  machines,  qui  contenaient  en  elles,  comme  on 
le  verra,  un  principe  véritablement  neuf  et  fécond. 

Un  modèle  de  machines  à  peigner  la  laine  en  état  de  fonc- 
tionner ,  construit  dans  les  beaux  ateliers  de  M.  Nicolas  Schlum- 
berger,  à  Guebwiller,  avait  été  présenté,  dans  Tannée  1849,  * 
l'Exposition  des  produits  de  l'industrie  française,  sans  attirer, 
chose  vraiment  inexplicable,  l'attention  des  membres  du  jury 
de  cette  Exposition ,  où  il  demeura  oublié,  dit-on ,  dans  un  coin 
obscur  d'une  immense  salle  encombrée  de  machines  diverses. 
Quelque  chose  d'analogue  eut  lieu  quand ,  peu  de  mois  après  r 
le  même  modèle  fut  présenté  à  une  nouvelle  et  spéciale  Expo- 
sition provoquée  à  Londres  par  M.  Sallandrouze  de  la  Mor- 
naix,  sans  aucun  caractère  officiel,  et  qui,  par  conséquent, 
laissa  moins  de  traces  encore.  Malgré  ces  circonstances  regret- 
tables et  le  silence  absolu  du  Rapport  du  jury  français  de  1849, 
publié  en  i85o,  on  ne  saurait  révoquer  en  doute  la  vérité  des 
déclarations  de  MM.  Schlumberger  et  Bourcart  à  ce  sujet,  cer- 
tifiées d'ailleurs  par  d'autres  témoignages  authentiques,  tout 
en  déplorant  que  ces  honorables  industriels  aient  négligé  de 
mettre  en  plus  complète  lumière  la  peigneuse  de  leur  ancien 
associé  en  participation,  probablement  retenus  par  la  crainte, 
fort  légitime  d'ailleurs,  de  l'exposer  trop  hâtivement,  et  avant 
sa  réalisation  parfaite,  aux  investigations  des  contrefacteurs. 
On  ne  pourrait  expliquer  autrement,  en  effet,  les  motifs  pour 
lesquels  ils  se  sont  dispensés,  en  1 85 1,  de  produire  cette  pei- 
gneuse à  l'Exposition  universelle  de  Londres,  où,  par  contre, 
on  a  vu  figurer  avec  éclat,  dans  les  premiers  moments, 
celle  de  M.  G.-E.  Donisthorpe,  adaptée  spécialement  au  dé- 
mêlage de  la  longue  laine,  comme  on  l'a  déjà  expliqué  dans 
les  préliminaires  de  cette  Partie,  et  dont,  il  faut  ici  le  re- 
dire et  le  prouver  plus  positivement  encore,  l'analogie  de  but, 
de  principe,  est  manifeste,  si  d'ailleurs  elle  diffère  de  celle 


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MACHINES  ET  OUTILS.  269 

île  Josué  Heilmann  par  les  moyens  d'exécution,  de  réalisation 
mécanique. 

H  est  vraiment  triste  de  voir  que  ces  tardives  et  bien  inu- 
tiles précautions  des  parties  intéressées  n'aient  servi  qu'à 
enhardir  les  contrefacteurs  et  à  priver  la  mémoire  de  notre 
infortuné  compatriote  de  l'impartiale  justice  qui,  sans  aucun 
doute,  lui  eût  été  rendue  par  le  jury  international  de  Londres; 
il  est  non  moins  pénible  de* penser  qu'une  découverte  qui  a 
fait  tout  récemment  tant  de  bruit  en  Angleterre  ait  passé 
comme  inaperçue  en  France,  où,  si  je  ne  me  trompe,  elle 
n'a  jusqu'ici  (i85a)  que  fort  peu  attiré  l'attention  publique, 
bien  que  l'établissement  de  Guebwiller  eût  déjà  livré,  à  la  fin 
de  i85i,  plus  de  200  peigneuses  Heilmann  à  l'industrie  de 
notre  pays,  de  l'Allemagne  ou  de  l'Angleterre,  en  concurrence 
avec  la  maison  Lister  et  Olden,  de  Saint-Denis,  près  Paris, 
dont  M.  Donisthorpe  était  le  représentant  à  l'Exposition  de 
Londres;  malgré  encore  le  retentissement  d'un  immense  et 
épineux  procès,  soutenu  en  cette  ville  contre  leurs  adversaires 
par  les  successeurs  aux  droits  d'Heilmann,  et  gagné  devant 
l'honorable  impartialité  d'un  tribunal  anglais;  enfin,  bien 
que  MM.  Lister  et  Olden  pour  la  laine  longue,  les  habiles 
manufacturiers  de  Manchester  pour  le  coton  à  longue  soie, 
MM.  Marshall ,  Hives  et  Atkinson,  de  Leeds,  pour  les  étoupes 
du  chanvre  et  du  lin ,  se  soient  à  l'envi  approprié  par  d'hono- 
rables et  splendides  rémunérations  le  droit  d'exploiter  dans 
leur  pays  la  découverte  si  remarquable,  et  jusque-là  si  peu 
espérée,  due  au  génie  inventif  de  Josué  Heilmann,  mais  qui 
sans  nul  doute  était,  en  i85i  ou  i852,  loin  encore  d'avoir 
atteint  le  degré  de  perfection  réclamé  par  le  peignage,  des 
matières  un  peu  longues,  telles  que  le  lin,  ie  chanvre,  les 
déchets  de  soie  et  les  étoupes,  même  coupés,  comme  cela  se 
pratique  généralement,  en  morceaux  assez  courts  pour  le 
filage  en  fin  de  ces  diverses  substances. 

Toutefois,  la  vérité  m'oblige  à  dire  que  l'échantillon  d'é- 
toupes  peignées,  d'apparence  si  soyeuse,  que  je  possède  entre 
les  mains,  et  qui  aurait  été  obtenu  d'une  manière  courante, 


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270  Vf  JURY. 

donnait,  dès  cette  même  époque,  l'espérance  de  voir  bientôt 
ce  genre  de  peigneuses  se  substituer  avec  un  immense  profit 
aux  cardes  actuellement  en  usage,  du  moins  pour  les  qualités 
tendres  et  fines  de  lins  coupés,  qui,  ayant  le  plus  besoin  de 
ménagements,  ne  peuvent  devenir  l'objet  de  moyens  de  pré- 
paration aussi  énergiques  que  ceux  que  Ton  possédait  jusque 
dans  ces  derniers  temps. 

Les  peigneuses  décrites  dans  la  patente  Heilmann  de  i846 
sont  de  deux  espèces  distinctes,  quant  au  principe  et  aux 
moyens  de  solution.  La  première  est,  à  proprement  parler, 
une  machine  à  préparer  qui  rappelle  les  tambours  à  barrettes 
et  à  tringles  expulsives ,  d'une  action  si  lente,  mis  en  usage  pri- 
mitivement par  Philippe  de  Girard  pour  le  démêlage  et  le  pei- 
gnagedes  étoupes,  tambours  auxquels  il  avait  substitué  plus 
tard,  c'est-à-dire  lors  de  son  retour  d'Angleterre,  les  machines 
à  carder  qu'il  avait  vu  employer  dans  les  ateliers  de  filature 
de  M.  Marshall  père,  à  Leeds.  Mais  ce  qui  caractérise  plus 
particulièrement  la  nouvelle  machine  à  préparer  ces  matières 
fibreuses  et  la  distingue  des  conceptions  de  Philippe  de  Girard , 
c'est  que  le  tambour  horizontal,  à  cardes  preneuses,  qui  les 
enlève  à  la  toile  alimentaire  sans  fin  mais  que  Heilmann 
nomme  tambour  de  décharge,  reçoit,  par  sa  double  rotation 
autour  de  Taxe  coudé  qui  le  supporte,  un  mouvement  de  va- 
et-vient  très-rapide,  en  vertu  duquel  il  s'approche  alternative- 
ment de  la  toile  alimentaire  et  d'un  deuxième  tambour  à  bar- 
rettes d'aiguilles  et  à  tringles  mobiles  sur  excentriques,  servant 
à  saisir,  guider  la  matière  textile  à  l'entrée,  et  à  l'expulser  à 
la  sortie  de  ce  dernier  tambour,  doué  d'un  mouvement  rota- 
toire  assez  lent,  et  d'où  elle  s'échappe  ensuite  en  nappes  ou 
rubans,  continus  par  les  procédés  ordinaires,  après  avoir  ainsi 
été  progressivement  étirée,  redressée  parallèlement  et  par 
petits  bouts,  dans  une  certaine  mesure,  en  toute  son  étendue. 

N'ayant  pas  vu  fonctionner  cette  machine  à  préparer  de  Josué 
Heilmann,  ni  appris  qu'elle  ait  jusqu'ici  été  mise  en  usage 
dans  les  établissements  de  filature,  je  m'abstiendrai  de  porter 
sur  elle  aucun  jugement,  quoiqu'on  y  reconnaisse,  à  pre- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  271 

mière  vue,  un  principe  ingénieux,  consistant  déjà  à  redres- 
ser, étirer  les  fibres  par  petites  portions,  à  l'aide  de  mouve- 
ments alternatifs  ou  discontinus.  Or  ce  principe,  cette  inten- 
tion, sont  plus  manifestes  encore  dans  la  peigneuse  connue  en 
France  et  en  Angleterre  depuis  1849»  et  dont  nous  allons 
maintenant  nous  occuper  d'une  manière  spéciale;  mais  comme 
on  ne  manquerait  pas  de  se  rappeler,  au  sujet  du  même 
principe,  que  déjà  il  avait  été  mis  à  profit  dans  les  peigneuses 
oscillantes  de  Philippe  de  Girard,  il  est  bon  de  faire  obser- 
ver, d'une  part,  qu'il  s'agissait  là  de  subdiviser  et  non  de 
redresser  les  longues  fibres  droites  du  lin  et  du  chanvre; 
d'une  autre,  qu'en  attaquant  ces  fibres  de  chaque  côté,  par  de 
petits  coups  de  peignes  recroisés  et  alternatifs,  au  moyen  de 
mouvements  excentriques  ou  circulaires,  il  en  résultait  l'in- 
convénient, assez  grave,  que  les  filaments,  entraînés  dans  ces 
mouvements  opposés,  ne  pouvaient  se  dégager  facilement 
d'entre  les  sérans  et  conservaient  à  l'intérieur  de  leur  masse 
une  certaine  quantité  de  boutons  et  d'étoupes,  dont,  comme 
on  J'a  vu ,  il  fallait  ensuite  les  débarrasser  à  la  main.  Ici  la 
question  et  le  mode  d'opérer  sont  tout  à  fait  différents  ;  ils  n'ont, 
pour  ainsi  dire,  aucun  rapport  avec  les  anciens  procédés  de 
Philippe  de  Girard. 

En  effet,  voici  en  quels  termes  Josué  Heilmann  définit  nette- 
ment, dans  sa  patente  anglaise  de  février  1846,  le  but  de  la 
nouvelle  machine  :  «  combiner  un  mécanisme  propre  à  peigner 
«la  laine,  le  coton  et  autres  substances  fibreuses,  de  façon 
«  que  la  matière,  sortant  de  la  machine  à  préparer,  est  intro- 
«  duite  sous  forme  d'une  nappe  ou  d'un  ruban  qui  se  trouve 
«  bientôt  divisé,  en  sorte  que  les  filaments  sont  peignés  à  chaque 
«  extrémité,  et  que  les  plus  longs,  séparés  des  courts,  forment 
«  également  un  autre  ruban ,  et  ces  deux  rubans  sortent  enfin 
«  de  la  machine  séparés  et  prêts  à  être  étirés  et  filés  en  gros.  » 

Dans  ce  but,  notre  ingénieux  et  fécond  mécanicien  intro- 
duit la  nappe,  le  ruban  de  première  préparation,  dans  une 
longue  coulisse  en  talus,  dont  la  partie  supérieure,  munie  de 
barrettes  à  aiguilles,  s'abaisse  ou  s'élève  alternativement,  par 


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272  VI-  JUKY. 

ie  mouvement  même  de  la  machine,  et  d'où  elle  est  extraite 
par  portions  finies  relatives  à  la  longueur  naturelle  ou  moyenne 
des  plus  longues  fibres,  vers  l'autre  extrémité  de  la  coulisse, 
à  l'aide  de  petits  cylindres  étireurs  à  ressorts  de  recul ,  qui 
s'approchent  et  s'écartent  alternativement  de  cette  dernière 
extrémité,  tout  en  roulant  sur  eux-mêmes. 

Cet  étirage  s'opère  non-seulement  au  travers  des  sérans  de 
la  coulisse,  mais  aussi  au  travers  d'un  peigne  droit  à  va-et- 
vient  normal  aux  fibres  et  placé  en  dehors  de  l'ouverture  de 
sortie  ou  postérieure.  Mais,  afin  que  l'étirage  de  la  filasse  ne 
se  prolonge  pas  au  delà  de  la  limite  assignée  par  la  longueur 
des  fibres,  un  butoir,  perpendiculaire  à  la  direction  de  la 
coulisse  et  à  base  cannelée,  vient  presser  le  ruban  alimentaire 
contre  le  bord,  en  saillie,  qui  constitue  le  prolongement  du 
fond  de  cette  coulisse;  de  sorte  que,  après  l'arrachement  de 
la  filasse  produit  par  le  mouvement  de  recul  des  cylindres 
lamineurs  ou  étireurs,  une  partie  de  cette  filasse  reste  pen- 
dante sur  le  revers  extrême  dont  il  s'agit,  et  une  autre  portion 
l'est  également  en  avant  des  cylindres,  dont  le  mouvement 
de  recul  et  celui  de  rotation   sont  suspendus  durant  un 
intervalle,  à  la  vérité,  fort  court,  mais  'suffisant  pour  que 
les  mèches  pendantes  soient  successivement  peignées  par  les 
aiguilles  inclinées  dont  sont  armés  deux  segments  opposés 
d'un  tambour  horizontal  inférieur,  animé  d'un  mouvement 
rotatoire  continu  et  rapide,  en  rapport  avec  le  mouvement 
intermittent  des  rouleaux  lamineurs  ou  étireurs,  avec  celui  de 
la  pince  ou  butoir  ci-dessus  mentionné,  ainsi  que  du  peigne 
mobile  placé  à  la  sortie  de  la  coulisse. 

Bientôt,  au  segment  peigneur  à  aiguilles  en  succède  un 
autre  plein,  uni,  offrant  la  même  saillie  extérieure  et  sur  le 
contour  duquel  viennent  s'appuyer  les  mèches  de  filasse  et 
l'un  des  rouleaux  étireurs  qui,  dans  leur  rotation  inverse, 
arrachant,  entraînant  les  deux  bouts  de  mèches,  les  livrent, 
superposés  ou  doublés,  à  un  autre  couple  de  forts  cylindres 
lamineurs  suivis  d'un  entonnoir  ou» tuyère  réunisseuse,  mais 
placés  un  peu  plus  haut,  en  arrière,  et  fixes;  leurs  fonctions 


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MACHINES  ET  OUTILS.  273 

étant  uniquement  de  convertir  ces  bouts  de  mèches  tout  pei- 
gnés en  un  même  ruban  continu ,  disposé  dans  un  pot  ou  bidon 
placé  en  arrière  de  la  machine ,  etc. 

Toutefois,  on  ne  saisirait  pas  bien  le  jeu  de  cette  machine, 
si  je  n'ajoutais  que,  en  même  temps  que  les  petits  cylindres 
é tireurs,  mobiles  et  antérieurs,  atteignent  les  mèches  déjà 
peignées  et  pendantes,  ils  s'écartent  de  la  surface  du  tam- 
bour, sur  lequel  un  secteur  vide  succède  à  un  secteur  plein , 
le  butoir  et  le  peigne,  dès  lors  détachés,  livrant  un  libre  pas- 
sage à  la  filasse  contenue  dans  l'appareil  alimentaire  à  sérans, 
pour  recommencer  une  nouvelle  opération  d'étirage,  d'arra- 
chage et  de  peignage,  de  laminage,  réunissage  ou  doublage, 
et  ainsi  de  suite  alternativement,  tant  que  dure  le  mouvement, 
lequel,  communiqué  à  la  machine  entière  au  moyen  d'un  arbre 
moteur  horizontal  placé  vers  le  bas,  se  transmet  aux  diverses 
parties  par  des  engrenages  et  des  leviers  coudés  oscillants,  à 
ressorts  ou  contre-poids  de  recul ,  dont  l'action  alternative  est 
déterminée  par  une  excentrique  ou  onde  placée  également  vers 
la  partie  inférieure  du  bâti. 

Enfin,  je  n'aurais  encore  donné  qu'une  idée  fort. incom- 
plète des  multiples  et  principales  fonctions  de  la  peigneuse 
Heilmann ,  si  je  n'ajoutais  que  le  tambour  à  secteurs  dépeignes 
alternants  est  accompagné  d'une  brosse  cylindrique  tournante, 
propre  à  le  débarrasser  de  la  bourre  ou  blousae  qui  l'engorge, 
et  dont,  à  son  tour,  cette  brosse  est  débarrassée  par  un  tam- 
bour à  cardes,  muni  d'un  peigne  tangentiel  oscillant,  etc. 

La  patente  anglaise  de  i848  indique  plusieurs  variétés  dans 
le  mode  d'alimenter  la  machine,  indépendamment  de  celle 
que  j'ai  d'abord  décrite,  d'après  l'extrait  inséré  à  l'endroit  cité 
du  Journal  des  usina;  mais  ce  n'est  pas  en  cela  évidemment 
que  consiste  le  principe  fondamental  de  la  nouvelle  peigneuse, 
non  plus  que  dans  le  mode  de  préparer  les  mèches  ou  rubans 
qui  doivent  lui  être  présentés,  mode  auquel  on  a  substitué, 
pour  la  laine  notamment,  des  procédés  plus  simples  et  suscep- 
tibles de  changer  au  gré  du  chef  d'atelier,  suivant  la  nature 
des  matières  à  travailler. 

Yl#  JURY.—  *•  PàftTIB.  1*8 


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274  VTJURY. 

La  peigneuse  d'Heilmann,  telle  que  je  viens  de  la  décrire, 
est  à  coup  sûr  en  elle-même  fort  compliquée,  grâce  à  la  mul- 
tiplicité des  mouvements  et  des  opérations  qui  s'y  accom- 
plissent On  pourra  bien,  par  la  suite,  lui  en  substituer  de 
plus  productives  ou  de  moins  coûteuses;  mais  elle  demeu- 
rera, sans  nul  doute,  le  type  de  toutes  celles  où  Ton  se  pro- 
poserait un  but  analogue  par  des  procédés  plus  ou  moins 
différents,  à  savoir  :  le  peignage,  soit  en  avant,  soit  en 
arrière,  de  petites  mèches  ou  portions  successivement  déta- 
chées du  ruban  alimentaire,  puis  juxtaposées,  réunies  bout 
à  bout,  en  un  nouveau  ruban  continu  et  débarrassé  de  sa 
blousse,  à  l'aide  d'un  mécanisme  à  mouvement  soutenu  et 
purement  automatique,  c'est-à-dire  sans  interruption  forcée 
de  la  machine  ni  temps  d'arrêt  quelconque,  sans  retourne- 
ment plus  ou  moins  fréquent  de  la  matière  textile,  serrée  à  la 
main,  entre  les  mâchoires  de  pinces  locomobiles  se  succé- 
dant les  unes  aux  autres,  et  qui  laissaient  tant  à  désirer  dans 
les  anciennes  peigneuses,  malgré  les  perfectionnements  qu'y 
avaient  apportés  Philippe  de  Girard  et  ses  successeurs» 

Aussi,  la  machine  que  l'on  a  vue  fonctionner  dernièrement 
à  l'Exposition  universelle  de  Londres  sous  le  nom  de 
M.  Donisthorpe,  et  qui  a  obtenu,  malgré  mes  observations 
ou  réserves,  la  grande  médaille  de  Conseil  en  l'absence  de  la 
peigneuse  Heilmann,  ne  saurait-elle  être  considérée  comme 
une  œuvre  originale  et  d'un  mérite  comparable  à  celui  de 
cette  dernière  machine,  dont  le  brevet,  la  patente,  sont  anté- 
rieurs d'au  moins  trois  années  aux  patentes  de  l'ingénieur 
anglais ,  qui  se  succédèrent  à  de  courts  intervalles  (mai ,  juillet , 
novembre  18^9  et  mars  i85o),  en  se  modifiant,  se  rappro- 
chant sans  cesse  des  idées  de  Heilmann ,  et  dont  les  dernières 
lui  sont  communes  avec  le  sieur  Lister,  à  qui  l'on  en  doit 
deux  autres  plus  personnelles  (i85i  et  i85a),  suites  ou  per- 
fectionnements des  précédentes,  pendant  son  association  avec 
le  sieur  Olden,  que  j'ai  déjà  cité  comme  chef  d'un  vaste 
établissement  modèle  pour  la  préparation  des  longues  laines 
à  Saint-Denis. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  275 

Àfiu  de  se  convaincre  de  l'identité,  du  moins  quant  au 
principe,  des  peigneuses  Heilmann  et  Donisthorpe,  il  suffit 
de  faire  remarquer  que  la  machine  exposée  par  ce  dernier 
à  Londres  se  compose  de  deux  parties  distinctes  :  Tune,  déjà 
anciennement  connue  en  Angleterre  et  en  France,  dans  la* 
quelle  on  aperçoit  une  grande  roue  ou  couronne  horizontale 
à  rotation  très-lente,  contenant  plusieurs  rangées  circulaires 
de  peignes  ou  d'aiguilles  étagées  en  hauteur  et  en  grosseur, 
du  centre  à  la  circonférence;  roue  chargée,  sur  une  portion 
quelconque  de  son  pourtour,  de  la  laine  déjà  peignée,  qui  y 
arrive  continuellement  en  l'un  de  ses  points,  par  petites  por- 
tions, au  moyen  de  la  seconde  partie  de  la  machine,  mais 
dont  cette  roue  est  délivrée  au  fur  et  à  mesure  par  un  couple 
de  cylindres  parallèles  étireurs  qui  lui  enlèvent  du  dehors 
les  fibres  longues,  pour  en  former  un  ruban  continu  à  la 
manière  ordinaire,  tandis  qu'un  autre  système  débourreur 
et  à  brosse  cylindrique  tournante,  agissant  un  peu 'plus 
loin  mais  intérieurement  à  la  couronne  de  la  grande  roue, 
débarrasse  les  sérans  des  courtes  fibres  ou  blousses  restées 
entre  les  aiguilles,  à  peu  près  comme  cela  avait  lieu  dans 
l'ancienne  peigneuse  de  John  Collier  ou  de  Godait,  en  France , 
depuis  perfectionnée  par  MM.  Risler  et  Dixon,  de  Cernay, 
mais  dans  laquelle  la  laine  longue  et  la  blousse  étaient  primi- 
tivement enlevées  à  la  main  par  de  petits  enfants. 

L'autre  partie  de  la  machine  Donisthorpe  ou  Lister,  beau- 
coup plus  intéressante  par  sa  nouveauté  et  sa  ressemblance, 
quant  au  but ,  avec  celles  de  Heilmann,  présente  une  table  à 
étaler  suivie  de  rouleaux  cannelés  alimentaires,  qui  font  arriver 
la  mèche,  le  ruban  de  laine,  entre  les  aiguilles  mobiles  d'un 
peigne  à  vis  jumelle  du  système  Westley,  d'où  ensuite  ce 
ruban  est  attiré  et  maintenu  sur  la  partie  supérieure,  plane, 
d'un  cuir  sans  fin,  au  moyen  d'un  grand  cylindre  ou  tambour, 
également  cannelé,  roulant  sur  cette  partie  mobile,  comme 
on  le  verra  ci-après;  et  glissant  sur  la  large  tête  cylindrique 
d'un  levier  ou  secteur  presque  vertical,  à  contre-poids  de  re- 
cul ,  susceptible  d'osciller,  de  tourner  d'une  certaine  quantité 


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276  VP  JURY. 

autour  d'un  axe  horizontal  inférieur,  de  manière  à  entraîner» 
dans  ce  léger  déplacement,  tout  le  cuir  sans  fin  qui  enveloppe 
aussi,  vers  le  bas  du  secteur,  le  contour  extérieur  d'un  galet 
concentrique  à  cet  axe  fixe  et  horizontal. 

Supposant,  en  outre,  le  cylindre  cannelé  muni  d'un  butoir 
radial  repoussé  du  dedans  au  dehors  par  un  ressort  à  boudin, 
on  verra  sans  difficulté  que  ce  butoir,  venant  successivement, 
et  à  des  intervalles  réglés  par  le  jeu  de  la  machine ,  pincer 
la  mèche  en  avant  du  cuir  ou  près  du  peigne  à  vis,  dont  la 
marche  progressive  est  dès  lors  suspendue ,  la  fixera  en  ce 
point  même  du  cuir,  et,  par  suite,  l'arrachera  du  peigne  en 
vertu  des  mouvements  simultanés  du  cylindre  cannelé,  du 
butoir-pince  et  du  cuir  sans  fin  entraîné  avec  le  levier  oscil- 
lant qui  en  soutient  la  tête  ou  partie  plane  élevée.  Dès  lors, 
cette  portion  détachée  de  la  mèche ,  déjà  peignée  en  un  sens 
ainsi  que  toutes  ses  semblables,  est  bientôt  aussi  détachée  du 
cuir  par  la  rotation  simultanée  du  tambour  cannelé  et  du 
secteur  oscillant,  pour  être  ensuite  saisie  et  enlevée  au  moyen 
d'un  autre  levier  ou  bras  à  bascule ,  armé  de  deux  larges  brosses 
tournantes,  qui  viennent  la  déposer  alternativement  sur  le 
grand  peigne  circulaire  et  horizontal  à  étironneuses  men- 
tionné ci-dessus,  où  elle  est  de  nouveau  peignée  et  séparée 
de  la  blousse,  etc. 

Toute  cette  dernière  partie,  en  -effet,  est  conforme  à  la  pa- 
tente de  i85o,  commune  à  MM.  Donisthorpe  et  Lister;  mais 
elle  se  trouvait  déjà  bien  simplifiée  dans  la  machine  exposée 
à  Londres  en  i85i  et  construite  principalement  d'après  le 
système  de  la  patente  délivrée  à  M.  Lister  dans  le  mois  de 
février  de  la  même  année  :  le  secteur  vertical  de  soutien  du 
cuir,  la  roue  de  pression  remplissant  la  fonction  de  butoir,, 
ainsi  que  le  levier  à  brosse,  y  étaient  notamment  remplacés 
par  un  simple  levier  à  fourche  oscillant,  d'une  disposition  à 
peu  près  verticale,  et  servant  à  enlever  par  portions  succes- 
sivement détachées  la  laine  au  système  alimentaire,  pour  la 
livrer  ensuite  à  la  roue  horizontale  à  sérans,  au  moyen  d'une 
combinaison  de  leviers  articulés,  de  pièces  à  mouvement 


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MACHINES  ET  OUTILS.  277 

excentrique  ou  de  bascule  assez  difficile  à  décrire  sans  figure  : 
ce  système,  dont  on  peut  voir  d'ailleurs  un  intéressant  modèle 
exposé  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  la  rue  Saint* 
Martin ,  à  Paris,  aura  sans  doute  reçu  depuis  i85i,  ainsi  que 
les  machines  mêmes  de  Josué  Heilmann ,  de  nouvelles  simpli- 
fications ou  perfectionnements. 

Mais  en  voilà  assez  pour,  faire  comprendre  et  reconnaître, 
avec  le  tribunal  de.  Londres  chargé  d'établir  la  comparaison 
entre  les  deux  genres  de  peigneuses,  que,  si  les  combinai- 
sons mécaniques  sont  en  réalité  très -différentes,  le  but  et 
le  principe  fondamental  sont  au  contraire  les  mêmes,  attendu 
qu'il  y  a  peignage,  étirage  ou  arrachage  en  avant,  à  l'aide 
d'une  pince  ou  butoir  mobile,  étirage  et  peignage  en  sens  con- 
traire, par  des  cylindres  étironneurs  qui  séparent  la  longue 
laine  de  la  blousse,  etc.  Aussi  les  jurés  anglais,  pensant  avec 
raison  qu'une  nouvelle  idée,  qu'un  nouveau  principe  en  fait 
de  machines-outils,  sont  en  eux-mêmes  plus  importants  que 
leurs  accessoires  ou  moyens  de  réalisation  et  que  les  perfec- 
tionnements divers  auxquels  ils  peuvent  donner  lieu  ensuite , 
ont-ils  accordé  à  la  demande  de  M.  Heilmann  fils,  continua- 
teur intelligent  de  son  père,  un  verdict  entièrement  favorable 
contre  M.  Donisthorpe,  exposant  à  Londres,  et  contre  M.  Lister, 
propriétaire,  dit-on,  de  la  dernière  peigneuse,  dont,  comme 
on  l'a  vu,  la  date  ne  remonte  pas  au  delà  de  l'année  i85o. 

Remarquons,  en  terminant,  que  si  le  dernier  modèle  de 
la  peigneuse  Lister  et  Olden  est  plus  simple,  plus  économique 
dans  sa  constitution ,  plus  accéléré  ou  productif  dans  ses  ré- 
sultats, en  revanche,  le  redressage  et  le  peignage  des  fibres 
textiles  y  sont  peut-être  moins  réguliers  ou  moins  complets, 
à  préparation  égale  des  matières  premières.  Moins  originale 
d'ailleurs,  dans  son  allure  mécanique,  moins  bien  ramassée 
et  groupée  enfin ,  cette  peigneuse  parait  surtout  devoir  être 
moins  féconde  dans  ses  applications  possibles  ou  futures  aux 
matières  textiles  distinctes  de  la  laine,  notamment  à  celles 
dont  les  fibres  sont  beaucoup  plus  longues  ou  moins  faciles  à 
saisir  et  à  redresser. 


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278  W  JURY. 

Ta  vouerai  même,  en  toute  humilité»  ne  pas  bien  apercevoir 
à  priori  comment  la  machine  de  MM.  Lister  et  Olden  pourrait, 
sans  transformations  notables»  servir  au  démêlage  et  au  re- 
dressage des  fibres  roides  et  lisses  des  étoupes,  des  filasses 
coupées  du  lin  et  du  chanvre»  ou  de  celles,  plus  flexibles 
mais  beaucoup  plus  lisses  encore»  des  déchets  de  soie;  tandis 
que,  moyennant  un  écartement  convenable  des  têtes  d'éti- 
rage, etc.,  cela  se  conçoit  assez  facilement  dans  la  machine  de 
Josué  Heilmann,  telle  qu'elle  a  été  perfectionnée  en  dernier 
Keu  par  son  fils,  sous  Jes  auspices  et  les  inspirations  de 
MM.  Schlumberger,  Nicolas  et  Henri,  de  Guebwiller.  Ce  serait 
là  évidemment  un  immense  progrès  accompli  et  un  véritable 
bienfait  ajouté  à  tant  d'autres  dont  l'industrie  linière,  la  fila- 
ture des  cotons  fins  et  celle  de  la  bourre  de  soie ,  dans  notre 
pays,  sont  redevables  à  ces  honorables  et  très-habiles  cons- 
tructeurs de  machines. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  279 

m*  ET  DERNIÈRE  SECTION. 

MACHINES  SERVANT  A  UNIR 

ENTRE  BOX  ET  AVEC  LES  TISSUS  LES  FILS  SIMPLES  OU  COMPOSES. 

Les  machines  à  retordre,  commettre  et  tresser;  les  ma- 
chines à  ourdir  et  tisser  les  étoffes,  pleines  ou  à  jours,  unies 
ou  brochées;  les  machines  même  à  coudre  et  à  broder  les 
tissus  pleins,  à  fabriquer  les  filets  de  pèche,  les  bourses,  etc.  ;  ces 
différentes  machines,  ces  métiers,  ainsi  que  beaucoup. d'autres 
moins  importants,  mais  la  plupart  fort  ingénieux,  consti- 
tuent le  fond  essentiel  de  cette  Section,  qui  devrait  com- 
prendre également  les  outils  ou  instruments  destinés  à  la 
fabrication  mécanique  des  objets  de  passementerie  ou  d'orne- 
ments,  ce  luxe  de  nos  ancêtres,  aussi  vieux  que  le  monde 
qu  que  l'art  même  de  tisser  les  étoffes.  H  me  faudrait  une 
année  encore  d'études  et  de  recherches  persévérantes,  ajoutée 
à  celles  qui  se  sont  écoulées  depuis  la  clôture  de  l'Exposition 
universelle  de  Londres,  pour  être  en  mesure  de  présenter 
d'une  manière  un  peu  rationnelle,  et  suivant  l'ordre  exact  ou 
naturel  des  idées,  le  tableau  historique,  même  rapide,  des 
découvertes  qui  concernent  ces  intéressantes  machines  ou  ins- 
truments ,  c'est-à-dire  avec  l'étendue  déjà  accordée  aux  matières 
de  quelques-unes  des  précédentes  Sections. 

Non-seulement  ces  découvertes  le  méritent  à  cause  de  leur 
importance  pour  le  progrès  des  arts  vestiaires  et  d'ameuble- 
ment; mais,  comme  j'en  ai  déjà  fait  la  remarque  d'une  manière 
générale,  elles  réclameraient  une  étude  aussi  sérieuse  que 
réfléchie,  en  raison  même  de  leur  multiplicité,  de  leur  com- 
plication et  du  caractère  de  précision,  en  quelque  sorte 
absolu ,  géométrique,  qui  s'attache  à  leurs  délicats  produits  ou 
organes  mécaniques  et  rentre  plus  particulièrement  dans  la 
classe  des  combinaisons  pour  ainsi  dire  locales,  où  l'ordre, 
l'arrangement,  1»  répartition  et  la  distribution  systématique 


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280  VF  JURY. 

des  fils  constituent  en  réalité  le  bat  essentiel,  abstraction 
faite  de  la  nature,  de  la  qualité  des  matières,  ainsi  que  de  la 
considération  du  temps,  de  la  force  et  de  la  vitesse  nécessaires 
pour  accomplir  les  différents  mouvements  avec  l'exactitude  et 
la  perfection  désirables. 

Obligé  ici  de  me  restreindre  extraordinaire  ment,  au  lieu 
d'embrasser  l'ensemble  dei  questions  historiques  ou  tech- 
niques qui  se  rapportent  à  chaque  branche,  je  ne  traiterai 
que  les  plus  importantes  et  en  quelque  sorte  les  plus  utiles 
par  leur  généralité  d'application ,  sans  même  pouvoir  toujours 
indiquer  aveé  la  suite  et  la  clarté  indispensables  la  marche 
encore  si  obscure  des  idées  ou  inventions  principales.  Cette 
remarque  s'applique  surtout  à  la  partie  du  dernier  chapitre 
qui  concerne  les  métiers  à  fabriquer  les  tissus  à  mailles  ou 
bouclés  :  je  veux  dire  les  bas,  les  tricots,  les  tulles,  etc. 

Je  m'étendrai,  au  contraire,  davantage  sur  les  machines  à 
fabriquer  les  tissus  unis  ou  figurés,  dont  l'histoire  commence 
à  être  un  peu  mieux  connue,  sinon  approfondie,  grâce  aux 
importantes  études  de  mon  savant  ami  et  confrère  à  l'Acadé- 
mie des  sciences,  M.  le  général  Piobert. 

A  l'égard  des  machines  à  commettre,  ou  plus  spécialement 
à  fabriquer  les  cordages  divers  de  la  marine  et  du  commerce, 
machines  qui  font  l'objet  du  chapitre  ci-après,  j'y  ai  insisté 
d'une  manière  toute  particulière ,  parce  qu'elles  constituent 
les  premières  dont  je  me  sois  occupé  en  i852,  après  celles 
qui  concernent  la  filature  du  lin  et  du  chanvre,  à  la  Section 
desquelles  elles  appartiennent,  sans  contredit,  plus  encore 
par  la  nature  textile  des  matières  qu'on  y  emploie  que  par 
les  principes,  les  doctrines  scientifiques,  ou  philosophiques 
comme  le  disent  les  Anglais,  dont  le  système  convenablement 
entendu  embrasse  dans  sa  généralité  l'ensemble  des  machines 
à  retordre,  enlacer  des  fils  simples  ou  composés  et  indéfinis, 
suivant  des  formes  hélicoïdes  et  sinusoïdes  autour  d'un  axe, 
d'un  noyau  commun,  réel  ou  fictif,  rectiligne  ou  curviligne; 
machines  qui,  avec  les  cantres,  les  ourdissoirs,  etc.,  consti- 
tuent en  quelque  sorte  le  point  de  départ  du  tissage  proprement 


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MACHINES  ET  OUTILS.  281 

dit,  mais  dont  celles  qui  concernent  l'art  du  cordier  en  par- 
ticulier peuvent  être,  tout  au  moins,  considérées  comme  un 
utile  et  important  spécimen. 

CHAPITRE  1-. 

MACHINES  À  RETORDRE ,  COMMETTRE  ET  TRESSER ,  PLUS  SPÉCIALEMENT  EMPLOYEES 
DANS  LA  FABRICATION  DES  CORDAGES. 

J'ai  insisté  à  plusieurs  reprises  déjà,  mais  plus  particuliè- 
rement dans  les  chapitres  qui  concernent  le  moulinage  de  la 
soie,  sur  les  machines  destinées  à  doubler,  tordre  et  retordre 
les  fils.  Ces  machines  se  ressemblant  à  peu  près  toutes  dans 
les  diverses  branches  de  filature ,  et  les  moins  anciennes  d'entre 
elles  ayant  considérablement  emprunté  à  celles  qui  appar- 
tiennent à  l'industrie  de  la  soie,  il  serait  bien  superflu  d'en 
reprendre  l'historique  à  un  point  de  vue  plus  général  ou  plus 
spécial  encore,  malgré  tout  l'intérêt  qu'il  comporte,  même 
en  se  restreignant  aux  petites  fabrications  des  fils  retors,  à 
broder,  k  coudre,  etc.  Néanmoins ,  je  ne  puis  m'empêcher  de 
présenter,  à  propos  de  ce  dernier  genre  de  fabrication ,  une 
remarque  qui  me  parait  très-opportune  :  c'est  que  chez  nous, 
et  principalement  pour  les  retors,  teints  ou  non,  mais  cons- 
titués de  matières  textiles  à  fibres  plus  ou  moins  courtes  et 
au  nombre  desquelles  on  comprend  même  les  différentes 
bourres  de  soie,  nos  machines  ne  semblent  pas  encore  avoir 
atteint  le  degré  de  précision  indispensable  dans  les  mouve- 
ments, l'exécution  matérielle,  mais  surtout  dans  le  manie- 
ment, le  gouvernement  et  les  soins  tout  particuliers  réclamés 
par  un  genre  de  produits  qui,  pour  être  généralement  re- 
cherché, ne  doit  offrir,  en  quelque  sorte,  aucune  imperfec- 
tion physique  ;  caractère  qui ,  si  je  ne  me  trompe  et  longtemps 
déjà  avant  l'Exposition  de  Londres,  distinguait  éminemment 
les  retors  anglais  de  diverses  essences  ou  numéros,  et  les 
faisait,  même  à  prix  supérieurs,  préférer  aux  nôtres.  Or,  ce 
fait  est  d'autant  plus  surprenant  et  regrettable  que,  d'après 
les  preuves  irrécusables  fapportées  dans  la  première  Section, 


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282  VI*  JURY. 

nos  organsins  ou  autres  fils  de  soie  retors  à  longs  brins  sont 
notablement  supérieurs  à  ceux  que  Ton  avait  jusqu'alors  fabri- 
qués en  Angleterre. 

Ici,  il  est  vrai ,  il  s'agit  de  matières  de  premier  choix,  des- 
tinées à  la  fabrication  des  étoffes  de  luxe  ou  de  haute  qualité , 
desquelles  les  nœuds ,  les  vrilles,  les  mariages,  les  bourillons, 
les  duvets  et  inégalités  quelconques  de  grosseur  ou  de  tors, 
doivent  être  rigoureusement  proscrits.  Mais  ces  défauts  ne 
semblent  guère  moins  préjudiciables  à  la  couture,  à  la  bro- 
derie, à  la  dentellerie  ou  tuilerie,  etc.;  car,  s'il  ne  s'agit  plus 
simplement  de  l'apparence  ou  du  reflet  des  étoffes,  les  fils 
n'en  doivent  pas  moins  résister  à  des  efforts  de  traction ,  de 
tension,  énergiques  ou  fréquemment  répétés,  et  jouir  d'une 
égalité  de  grosseur  et  de  constitution  qui  leur  permette  de 
traverser  facilement  les  étoffes  à  la  suite  des  crochets  et 
aiguilles,  ou  de  former  des  réseaux  réguliers,  pour  ainsi  dire 
mathématiques,  et  exempts,  avant  tout,  de  ces  poils,  boutons 
ou  éraillemenU  divers  qui  trop  souvent  les  défigurent,  au 
détriment  de  la  beauté  des  tissus. 

En  vérité,  quand  on  considère  toutes  ces  causes  d'imperfec- 
tion des  retors,  quand  on  sait  que  d'ingénieux  mais  obscurs 
artistes,  en  France,  cherchent  aujourd'hui  encore  à  se  jeter 
dans  des  voies  nouvelles  pour  en  simplifier,  en  accélérer  la 
fabrication  mécanique  au  point  de  vue  même  restreint  de  la 
couture,  quand  enfin  on  sait  que  les  Anglais  fabriquent  à  bien 
meilleur  marché  que  nous,  on  est  fort  tenté,  sans  prétendre, 
tant  s'en  faut,  au  titre  de  libre  échangiste,  de  se  demander  si 
les  habiles  tullistes  de  Calais,  de  Saint-Quentin,  etc.,  n'ont 
pas  quelques  droits  de  se  plaindre  au  Gouvernement  qu'on 
n'ait  point  songé  encore  à  stimuler  le  zèle  et  l'activité  de  nos 
propres  filateurs,  soit  par  des  encouragements  spéciaux,  soit 
par  un  abaissement  proportionnel  et  gradué  du  droit  sur  les 
retors  fins,  à  leur  entrée  en  France. 

Après  ces  courtes  réflexions,  que  je  prie  de  pardonner  à 
mon  incompétence  dans  la  question,  réflexions  qui  auraient 
mieux  trouvé  leur  place  peut- être *dans  un  chapitre  moins 


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MACHINES  ET  OUTILS.  283 

exclusivement  consacré  à  la  fabrication  des  cordages,  il  ne  me 
reste  plus ,  avant  d'entrer  en  matière ,  qu'à  m'excueer  de  m'être 
ici,  entraîné  par  l'importance  du  sujet,  étendu  sur  la  partie 
historique  relative  au  filage  des  gros  fils  de  caret,  qui  entrent 
comme  éléments  constitutifs  dans  tous  les  cordages  de  la  ma- 
rine marchande  ou  militaire,  mais  dont  la  fabrication  à  l'aide 
de  machines  spéciales  appartient  en  réalité  à  la  Section  pré- 
cédente, tout  autant  par  le  système  des  opérations  méca- 
niques que  par  la  nature  des  matières  textiles. 

S  I*.  —  Des  pins  anciennes  tentatives  concernant  la  fabrication  mécanique 
'  des  cordages. — Lauriau,  Prudhon ,  Do  Perron,  etc.,  en  France  ;  Sorocold, 
Belfour,  d'Elseneur,  en  Danemark;  Fothergill,  Haddart,  Chapman,  etc., 
patentés  en  Angleterre  dès  la  fin  du  dernier  siècle.  —  Robert  Faîton  et 
Nat.  Cutling,  brevetés  en  1799,  à  Paris,  pour  des  machines  à  rouages 
planétaires  ou  épicycles  servant  au  commettage  des  torons,  etc. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  d'entrer  ici  dans  de  longs  détails 
historiques  et  des  discussions  approfondies  sur  la  fabrication 
mécanique  si  intéressante  des  cordages;  je  me  propose  seule- 
ment de  présenter  quelques  données  ou  aperçus  essentiels, 
relatifs  aux  principales  tentatives  faites  en  vue  de  procurer 
à  cette  fabrication  le  caractère  automatique  dont  elle  était  en- 
tièrement dépourvue  à  l'époque  où  le  célèbre  Duhamel  écri- 
vait l'Art  da  cordier,  dans  4a  grande  Encyclopédie;  caractère 
dont,  aujourd'hui  même,  elle  jouit  à  un  degré  assez  peu  pro- 
noncé pour  laisser  beaucoup  à  désirer  encore. 

L'une  des  plus  anciennes  tentatives  de  ce  genre  en  France 
se  rapporte,  je  crois,  à  la  machine  à  fabriquer  les  câbles,  gre* 
lins  et  autres  gros  cordages,  par  les  sieurs  Lauriau  et  Prudhon  ; 
machine  sur  laquelle  MM.  Duhamel,  Courtivron  et  Vaucan- 
son  firent,  le  19  avril  175a,  un  rapport  assez  peu  favorable 
à  l'Académie  des  sciences,  et  dans  laquelle  une  grande  roue 
dentée  mettait  en  action  sept  pignons  à  crochets  qui,  tour- 
nant sur  eux-mêmes,  servaient  à  tordre  autant  de  torons,  dis- 
posés circulairement  et  non  plus  en  ligne  droite,  comme 
auparavant,  etc.  Il  est  toutefois  digne  de  remarque  que  le 


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284  Vr  JURY. 

principal  reproche  adressé  par  les  commissaires  à  cette  ma- 
chine, accompagnée  d'un  cable  à  sept  torons  bien  commis» 
consistait  dans  sa  trop  grande  complication  ponr  le  service 
des  arsenaux  maritimes,  à  moins  qu'on  n'y  manque  £  ouvriers. 

On  vit  également,  en  1 775,  Du  Perron ,  ingénieur  des  mines 
français,  proposer  au  Gouvernement  un  procédé  pour  filer 
à  la  fois  vingt-quatre  fils  de  caret,  dans  six  avenues  conver- 
geant en  étoile  vers  un  centre  où  existait  la  machine  à  ma- 
nège qui  devait  imprimer  le  mouvement  rotatoire  simultané 
aux  tourniquets  à  crochets  servant  à  tordre  la  filasse  du  lin 
ou  du  chanvre,  à  mesure  quelle  était  filée  par  les  ouvriers, 
reculant  horizontalement  dans  toute  la  longueur  du  chantier. 

Mais  ce  n'était  pas  là,  à  proprement  parler,  un  procédé  mé- 
canique de  fabrication  du  fil  de  caret,  procédé  qui  ne  devait 
surgir  que  plus  tard  et  après  le  perfectionnement  même  de  la 
filature  du  lin  et  du  chanvre,  comme  on  le  verra  dans  l'un 
des  paragraphes  ci-après.  Encore  moins  de  semblables  pro- 
cédés pouvaient-ils  servir  au  commettage,  à  la  réunion  en  un 
seul  faisceau  d'hélices ,  d'un  certain  nombre  de  fils  pour  en 
constituer  une  simple  corde  ou  toron ,  ou  d'un  certain  nombre 
de  torons  pour  en  constituer  des  aussiires,  grelins,  etc.;  com- 
mettage dont,  je  le  dis  à  regret,  il  faut  rechercher  les  pre- 
mières, les  plus  sérieuses  tentatives  mécaniques  ailleurs  que 
dans  notre  pays  *,  où  l'on  ne  songea  à  s'en  occuper  sérieuse- 
ment qu'à  une  époque  également  très-rapprochée  de  nous. 

1  H  a  été  pris,  notamment  en  Angleterre,  dans  le  dernier  siècle  et  au 
commencement  de  celui-ci,  un  grand  nombre  de  patentes  relatives  à  la 
fabrication  des  cordages,  comme  on  peut  le  lire  dans  le  Catalogue  officiel 
publié  à  Londres  en  i854.  Dès  1703 ,  on  voit  un  certain  Georges  Sorocold 
s'en  faire  délivrer  une  pour  des  moyens  propres  à  découper  toute  espèce  de  bots 
ou  de  pierre  et  tordre  toute  espèce  de  cordes  et  de  câbles  par  la  force  des  che~ 
vaam  ou  de  Veau;  mais  il  s'agissait  là,  sans  doute,  de  combinaisons  méca- 
niques dans  le  genre  de  celles  employées  postérieurement  en  France  par 
Lauriau ,  Prudbon  et  Du  Perron.  Les  patentes  délivrées  en  1784*  1786  et 
1793,  aux  Anglais  Richard  March,  Benjamin  Seymour  et  Edmond  Cart- 
wrigbt,  appartenant  à  l'époque  féconde  des  premières  applications  de  la 
vapeur  à  la  filature  automatique  du  coton,  devaient,  par  là  même,  offrir 


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MACHINES  ET  OUTILS.  285 

À  cet  égard,  BeJfour  d'Elseneur,  en  Danemark,  dont  les 
travaux  dans  ce  pays  doivent  remonter  à  une  date  anté- 
rieure même  à  celle  du  1-6  mars  1793,  où  il  prit  en  Angle- 
terre la  patente  dont  OHeilly  nous  a  transmis  les  données 
essentielles,  dans  ses  précieuses  Annales  historiques,  publiées 
en  français  à  Paris1,  Belfour  parait  être,  en 'effet,  le  premier 
qui  se  soit  préoccupé  de  donner  aux  brins  ou  fils  de  caret,  sor- 
tant de  l'ourdissoir  pour  en  former  le  toron,  une  régularité  d'ar- 
rangement, une  égalité  d,e  tension  sans  lesquelles,  au  lieu  de 
résister  simultanément  aux  violentes  secousses  qu'ils  subissent 
dans  les  câbles  de  manœuvres,  ils  ont  une  tendance  à  se  rompre 
les  uns  après  les  autres,  sous  des  efforts  qui  suivent  nécessaire- 
ment une  loi  croissante  à  partir  de  l'instant  où  leur  ensemble 
reçoit  l'application  de  la  charge.  Cette  cause  d'affaiblissement 
est  aujourd'hui  trop  bien  connue,  par  l'exemple  des  ponts  sus- 
pendus sur  câbles  en  fil  de  fer,  pour  qu'il  soit'  nécessaire  de 
démontrer  l'importance  du  principe  mis  en  avant  par  Belfour, 
principe  dont,  au  moins,  il  a  cherché  le  premier  à  réaliser 
l'application  pratique. 

d'autres  combinaisons  00  éléments  de  succès;  mais,  à  ma  connaissance, 
elles  n'ont  laissé  aucune  trace  sérieuse  et  qui  témoigne  des  progrès  dont 
elles  auraient  été  l'origine  pour  la  fabrication  mécanique  des  cordages.  H 
en  est  tout  autrement  des  patentes  accordées  dans  les  années  suivantes  aux 
successeurs  de  Cartwrigbt,  et  plus  spécialement  à  John-Daniel  Belfour, 
Richard  Fothergill,  Joseph  Haddart,  William  Chapman,  John  Curr,  etc., 
qui  se  succédèrent  à  de  très-courts  intervalles  jusque  vêts  1 8 1  o ,  et  dont  les 
travaux  eurent  un  certain  retentissement  en  Europe,  sans  pour  cela  exercer 
une  influence  immédiate  sur  le  perfectionnement  de  notre  propre  fabrica- 
tion, ainsi  qu'on  le  verra  dans  le  S  II  ci-après,  où,  à  défaut  des  patentes 
et  écrits  originaux  antérieurs  à  cette  époque,  j'ai  dû  recourir  aux  ouvrages 
publiés  postérieurement  en  Angleterre  et  en  France,  pour  acquérir  une 
idée  un  peu  nette  des  conceptions  mécaniques  originales  contenues  dans 
les  plus  importantes  de  ces  patentes,  afin  de  rétablir,  s'il  se  peut,  l'ordre 
chronologique  des  faits  ou  inventions,  sinon  à  priori,  du  moins  au  fur  et  à 
mesure,  ou  selon  que  le  sujet  le  comportait,  mais  en  in  arrêtant  princi- 
paleirient  aux  combinaisons  qui  ont  pu  exercer  une  influence  réelle  sur 
Tétât  présent  de  cette  branche  d'industrie,  dont  l'histoire  a  été  singulière- 
ment obscurcie  par  la  rivalité  des  intérêts. 
1  Annales  des  arts  et  manufactures,  t.  H,  p.  68. 


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286  Vr  JURY. 

La  machine  de  cet  industriel ,  spécialement  destinée  à  fabri- 
quer les  cordages  de  la  marine*  se  compose  d'un  grand  châssis 
ou  casier  vertical ,  en  charpente ,  nommé  cantre  dans  l'industrie 
du  tissage,  portant  une  série  de  rangées  de  bobines  étroites  ou 
dévidoirs ,  montés  sur  autant  d'axes  horizontaux  parallèles  com- 
pris dans  un  même  plan  et  destinés  à  recevoir  les  fils  de  caret 
primitivement  enroulés  sur  les  tourets  à  branches  croisées 
ordinaires,  puis  renvidés  simultanément  sur  les  dévidoirs» 
au  moyen  d'une  manivelle  qui  leur  communique  à  tous  un 
mouvement  égal  de  rotation ,  en  même  temps  qu'un  mouve- 
ment de  va-et-vient,  parallèle  et  longitudinal,  est  imprimé  à 
un  châssis  ou  grillage  antérieur  dont  les  œillets  livrent  pas- 
sage aux  fils  et,  leur  servant  de  guides,  obligent  ceux-ci  à 
s'enrouler  avec  une  parfaite  régularité,  sur  les  gorges  des 
bobines.  Lors. de  la  formation  du  toron,  les  fils  de  caret,  par- 
tant de  ces  bobines  ou  dévidoirs,  vont  s'attacher  par  l'autre 
extrémité  au  crochet  d'un  très-fort  tourniquet  qui,  par  une 
rotation  rapide  sur  lui-même,  doit  donner  à  leur  ensemble 
la  torsion  nécessaire. 

Mais  auparavant  les  divers  fils  traversent  im  grillage  ou 
châssis  mobile,  nommé  par  l'auteur  machine  à  séparer,  et 
qui  remplace  ici  les  supports  à  chevilles  ordinaires  des  cor- 
diers.  Ces  châssis  sont  formés  de  tiges  verticales,  ou  sortes  de 
râteaux  ouverts  par  le  haut,  et  de  tringles  ou  traverses  en  fer 
horizontales  destinées  à  supporter  autant  de  rangées  de  fils, 
qu'on  place  une  à  une,  mais  qu'on  peut  retirer,  à  volonté  et 
d'un  seul  coup,  quand  l'opération  du  commettage  est  termi- 
née. L'objet  de  ces  châssis  est  non-seulement  de  soutenir  les 
fils  pendant  leur  tortillage  commun,  mais  encore  d'empêcher 
qu'ils  ne  puissent  s'emmêler;  et,  à  cet  effet,  ils  sont  précédés, 
à  l'endroit  même  où  le  toron  est  soumis  au  commettage,  d'une 
sorte  de  tronc  paraboloïdal  en  bois,  armé,  à  sa  plus  grande 
circonférence,  de  chevilles  ou  pointes,  dans  l'intervalle  des- 
quelles les  fils  de  caret  glissent  le  long  de  la  surface  couverte 
et  graissée  de  l'instrument  nommé  toupin,  qui  rappelle  celui 
jusque-là  employé  pour  le  commettage  des  grosses  cordes*  et 


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MACHINES  ET  OUTILS.  287 

qu'un  ou  deux  hommes  conduisent,  en  le  soutenant  et  le 
poussant ,  de  manière  à  en  maintenir  la  pointe  à  l'entrée  du 
toron»  qui  tend  à  le  repousser  continuellement  vers  le  châssis 
porte-bobine,  c'est-à-dire  au  fur  et  à  mesure  que  le  tortille- 
ment avance. 

Toutes  ces  précautions  seraient  insuffisantes  néanmoins 
pour  assurer  la  parfaite  régularité  du  travail  et  l'égalité  des 
tensions,  si  Belfour  n'avait  en  même  temps  armé  l'axe  des 
bobines -dévidoirs  de  ressorts  en  acier,  dont  le  frottement 
sur  leur  face  extérieure,  réglé  à  volonté  au  moyen  de  vis  de 
pression,  sert  à  empêcher  ces  bobines  de  dévider  trop  vite  ou 
trop  lentement  les  fils,  relativement  au  développement  héli* 
coïde  naturel  et  inégal  qu'ils  reçoivent  à  l'intérieur  et  à  la  sur- 
face externe  du  toron;  c'est,  en  effet,  ce  qui  arriverait  si  ces 
bobines  conservaient  une  entière  liberté,  indépendamment 
des  inconvénients  résultant  de  l'emmêlage  de  fils  inégalement 
et  insuffisamment  tendus. 

Par  ce  procédé  très-simple,  dans  lequel  le  cantre,  le  casier 
à  bobines  reste  fixe,  on  économisait,  d'après  CReilly,  une 
quantité  notable  de  matière  dans  la  fabrication  des  cordages, 
et  l'on  obtenait  non-seulement  plus  de  résistance,  mais  aussi 
plus  de  compacité  et  moins  de  chance  d'allongement,  etc.; 
c'est  à  tel  point  qu'un  câble  de  douze  pouces  de  circonférence 
ainsi  fabriqué  aurait  possédé  autant  de  force  qu'un  autre  de 
quinze  fabriqué  à  la  manière  ordinaire. 

Je  suis  entré  dans  quelques  détails  sur  ces  premières  ten- 
tatives de  Belfour  pour  améliorer  la  fabrication  des  cordages 
de  la  marine,  parce  qu'on  en  aperçoit  des  traces  manifestes 
.dans  les  essais  ultérieurs  de  perfectionnements  dont  j'aurai 
plus  loin  à  rendre  compte.  Mais  on  remarquera  qu'il  n'est 
rien  dit  dans  l'ouvrage  d'O'Reilly  du  commettage  réciproque 
des  torons  pour  en  former  les  câbles  ou  aussières,  commet- 
tage qui,  dans  la  méthode  de  Belfour,  s'exécutait  sans  doute 
d'après  l'ancien  procédé  des  cordiers.  De  plus,  la  méthode 
dont  il  s'agit,  malgré  tout  ce  qu'elle  contenait  de  neuf  et  d'in- 
génieux, n'était  qu'un  acheminement,  bien  faible  encore,  vers 


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288  VP  JURY. 

la  solution  complète  du  problème,  du  moins  sous  le  rapport 
dés  procédés  automatiques,  c'est-à-dire  exclusivement  méca- 
niques. Or  ce  but  est  précisément  celui  que  William  Chap- 
man  en  Angleterre,  dans  ses  patentes  de  1797  et  1798,  puis 
Fulton  et  Cutting  en  France,  dans  un  brevet  de  mai  1799, 
se  sont  presque  au  même  moment ,  comme  on  le  voit,  proposé 
d'atteindre  par  des  procédés. qui,  nonobstant  leur  apparente 
analogie,  sont  pourtant  très-distincts  quant  aux  moyens  mé- 
caniques de  solution  ou  d'exécution. 

D'après  ce  qui  a  été  publié  par  CReilly  dans  le  t  X, 
p.  67,  des  Annales  des  arts  et  manufactures,  à  la  date  du 
3o  messidor  an  x1,  Chapman,  de  Newcastle-sur-Tyne,  avait 
présenté  dans  ses  patentes  diverses  combinaisons  mécaniques, 
dont  la  première,  et  probablement  la  seule  dès  lors  réalisée  par 
lui,  consiste  essentiellement  dans  le  commettage  simultané 
des  fils  de  caret  en  torons  et  des  torons  en  grelins,  aussières 
ou  cables;  le  commettage  partiel  des  torons  ayant  lieu  au 
moyen  d'autant  de  roues,  de  plateaux  verticaux  porte-bobines 

1  Un  extrait  fort  étendu  de  cet  article  se  trouve  inséré  à  la  page  i5o, 
pi.  2 5 ,  du  volume  de  Borgnis ,  publié  en  1 8 1 8  et  iotitulé  :  Des  machines  em- 
ployées dans  les  constructions  diverses;  volume  où  Ton  trouve  aussi  une  indi- 
cation succincte  des  premiers  travaux  de  Belfour,  relatifs  à  l'ourdissage  des 
fils  de  caret,  et  de  John  Curr,  pour  le  perçage  mécanique  et  la  couture  des 
torons  ou  aussières  servant  à  ia  fabrication  des  cables  plats,  espèce  de 
courroies  employées  dans  l'exploitation  des  mines  et  carrières,  qui  paraît 
avoir  également  préoccupé,  sept  ans  après  (octobre  i8o5),  Joseph  Hud- 
dart,  dont  M.  Borgnis  décrit  (p.  i54,  pi.  i5)  une  des  plus  anciennes  ma- 
chines, ayant  spécialement  pour  objet  de  commettre  les  torons  dans  un  espace 
circonscrit  et  par  l'action  motrice  de  la  vapeur  appliquée  à  l'arbre  hori- 
xontal  postérieur  d'un  châssis  en  charpente  à  rouages  internes,  tournant 
sur  lui-même  pour  tordre  le  faisceau  des  fils  de  caret  sortis  d'une  tuyère 
cylindro-conique  où  ils  viennent  converger  après  avoir  traversé  une  sorte 
de  crible  ou  passoire  antérieure,  etc.,  tandis  que  le  toron,  déjà  formé  ou 
tordu,  va  s'enrouler  progressivement  sor  un  tambour  transversal  monté 
sur  ia  partie  postérieure  du  châssis  tournant.  Malheureusement,  M.  Borgnis 
nous  laisse  ignorer  et  la  date  de  la  patente  et  la  source  à  laquelle  il  a 
puisé,  source  qui  aurait  pu  nous  éclairer  sur  l'antériorité  des  titras  de 
Huddart,  relativement  à  ceux  de  Chapman,  fulton  et  Cutting,  aussi  bien 
que  sur  la  filiation  véritable  de  leurs  idées  ou  inventions  mécaniques. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  289 

à  fils  de  caret,  montés  séparément  sur  des  arbres  creux  tour- 
nants, où  ces  fils  se  rendent  respectivement  en  convergeant, 
rayonnant,  de  la  circonférence  ad  centre,  pour  recevoir  la 
torsion  commune,  étant  d'ailleurs  resserrés,  pendant  leur 
passage  au  travers  de  la  partie  centrale  et  évidée  du  plateau, 
«ntre  des  taquets  à  ressorts  de  pression,  d'où  le  toron,  com- 
primé et  tordu  sur  lui-même,  s'échappe  ensuite  vers  une  tuyère 
cylindro-  conique  dont  les  rainures  intérieures  convergentes 
dirigent  les  divers  torons  jusqu'au  tube  postérieur  remplissant 
la  fonction  d'un  nouvel  arbre  creux,  etc.  Cet  arbre,  en  effet, 
est  muni  d'une  roue  dont  la  rotation  procure  à  l'ensemble  des 
torons  un  torscommun  ou  commettage  définitif,  qui  les  cons- 
titue, après  leur  échappée  du  tube  tordeur,  en  une  corde 
unique  allant  se  rendre  en  arrière,  par  une  poulie  de  renvoi 
fixe,  sur  un  gros  tambour  enrouleur, à  corde  motrice  sans  fin 
qui  lie  sa  rotation  à  celle  de  cette  même  poulie ,  de  manière  à 
former  de  l'ensemble  un  système  de  fabrication  des  cordages 
véritablement  automatique,  mais  qui  ne  parait  pas  néan- 
moins avoir  obtenu ,  même  en  Angleterre,  un  succès  pratique 
bien  constaté. 

On  doit  en  dire  à  fortiori  autant  de  quelques  autres  com- 
binaisons ou  projets  de  cette  espèce  mentionnés  dans  l'article 
cité  d'O'Reilly,  relatif  aux  premières  patentes  de  Chapman, 
notamment  de  celui,  assez  vaguement  conçu  d'ailleurs,  où  il 
s'agit  d'une  grande  roue  dentée  horizontale  et  supérieure,  en- 
grenant dans  douze  pignons  à  arbres  verticaux  de  torons,  qui, 
à  leur  tour,  viennent  se  commettre  trois  par  trois  en  quatre 
différents  cordages  au  moyen  de  quatre  nouveaux  arbres  ver- 
ticaux, etc.;  disposition  qui,  sauf  la  puissance  des  moyens 
mécaniques  et  la  complexité  étrange  du  but,  semble  emprun- 
ter son  idée  principale  à  quelqu'une  des  petites  et  fort  an- 
ciennes machines  de  passementerie  à  fabriquer  les  lacets  ou 
cordons  par  un  procédé  purement  automatique 1. 

1  Voyez,  an  sujet  de  ces  macbines,  Y  Addition  placée  à  la  fin  du  présent 
chapitre. 

vif  jo*y.  —  *•  partie.  1 9 


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290  W  JURY. 

Je  croîs,  (Tailleurs,  qu'H  convient  de  distinguer  soigneu- 
sement de  telles  conceptions,  malgré  l'identité  apparente  du 
but,  de  celles  qui  ont  été  présentées  presque  simultanément 
dans  leur  brevet  d'invention  français  du  18  mai  1799,  déjà 
précédemment  cité  ;  par  les  Américains  Robert  Fui  ton  et  Nat. 
Cutting,  résidant  alors  à  Paris  *,  mais  dont  aucune  ne  me  semble 
devoir  être  considérée  comme  une  simple  importation  des 
idées  américaines  ou  anglaises,  pas  plus,  sans  doute,  que  cela 
n'est  arrivé  à  l'égard  des  bateaux  à  vapeur,  dont  la  découverte 
n'est  point  aujourd'hui  contestée  à  noise  pays. 

Dans  ce  brevet,  l'ourdissoir  à  casier  vertical  et  plan  de 
Belfour  est  remplacé  par  un  porte-bobines ,  composé  de  quatre 
disques  annulaires,  parallèles,  également  verticaux  et  inter- 
rompus, vers  la  base,  pour  le  passage  du  faisceau  convergent 
des  fils  de  caret  montés  sur  de  larges  et  doubles  bobines  à 
axes  "horizontaux  parallèles,  que  supportent  les  disques  annu- 
laires, et  dont  les  couronnes  voisines*  sont  enveloppées  d'une 
bande  de  cuir  tendu,  à  l'une  des  extrémités,  par  un  poids, 
de  manière  à  remplir  la  fonction  d'un  véritable  frein  lors  du 
dé  vide  ment  des  fils.  Le  point  inférieur  de  convergence  de  ces 
fils  est  déterminé  par  une  ouverture  cylindrique  évasée  en 
forme  d'entonnoir  et  pratiquée  dans  la  pièce  de  charpente 

l 'Recueil  des  brevets  expirés,  L  V,  p.  6*,  pi,  xi.  On  trouve  aussi  à  la 
date  du  8  mai  1794,  sous  le  nom  de  Robert  Fulton,  une  patente  anglaise 
(n°  1988)  où,  au  lieu  de  machines  servant  à  la  fabrication  automatique  des 
cordages,  il  s'agit  de  moyens  mécaniques  entièrement  nouveaux,  dit  Fau- 
teur, pour  élever  les  navires  d'un  niveau  à  un  niveau  supérieur.  Or,  il  est 
très-digne  de  remarque  que  Fulton  ne  s'est  fait  patenter  ni  en  Angleterre 
ni  en  France  pour  l'invention  bien  plus  capitale  des  bateaux  à  vapeur. 

A  l'égard  de  l'ingénieuse  disposition  de  la  machine  de  Fulton  et  Cutting 
à  tordre  les  câbles  ou  torons  au  moyen  de  mouvements  planétaires  excen- 
triques ou  épicycles  imprimés  aux  porte-bobines,  il  me  serait,  pour  le  mo- 
ment, impossible  d'en  indiquer  la  primitive  origine  ailleurs  que  dans  le 
tour  ou  dans  les  mécanismes  d'horlogerie  à  rouages  différentiels»  etc.;  car 
il  est  fort  peu  probable  que  ces  ingénieurs  aient  pu  mettre  à  profit  les  idées , 
encore  si  peu  arrêtées  comme  on  l'a  vu,  émises  par  William  Ghapman 
dans  des  patentes  qui  ont  paru,  pour  ainsi  dire,  simultanément  avec  leur 
brevet  de  1799. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  291 

qui  supporte  les  disques  et  leurs  bobines,  ouverture  d'où  le 
faisceau  plus  ou  moins  resserré  des  fils  se  rend  verticalement 
dans  un  appareil  rotatoire  qui  lui  donne  le  tors  nécessaire 
pou*  en  constituer  un  toron  véritable. 

Cet  appareil  lui-même  est  formé  d'un  châssis  vertical  rec- 
tangulaire évidé,  mooté  sur  un  arbre,  à  pivot  inférieur,  dont 
Taxe,  prolongé,  irait  se  confondre  avec  celui  du  toron  avant 
son  entrée  dans  le  châssis,  et  qui  divise  en  parties  égales  les 
longs  côtés  horizontaux  de  ce  dernier,  dont  les  deux  autres 
côtés  portent  Taxe  carré  d'une  large  bobine  horizontale,  le 
long  duquel  elle  peut  glisser  librement  et  à  frottement  doux, 
en  cédant  à  l'obliquité  de  l'aotion  du  toron ,  qui  s'y  enroule 
en  hélices  après  avoir  traversé  le  côté  supérieur  du  châssis 
entre  la  gorge  de  deux  galets  fournisseurs  qui  l'y  attirent  gra- 
duellement :  le  mouvement  de  ces  galets  est  d'ailleurs  en  rap- 
port avec  celui  de  l'arbre  carré  de  la  bobine,  par  l'intermédiaire 
de  poulies  de  renvoi,  de  vis  sans  fin  et.de  roues  d'engrenages 
latérales,  emportées  dans  la  rotation  générale  du  châssis,  dont 
l'arbre  vertical  moteur  traverse  librement  et  concentrique- 
ment,  vers  le  bas,  une  dernière  roue  dentée,  une  dernière 
poulie,  fixées  au  support  inférieur  et  qoi  donnent  le  mouve- 
ment relatif  à  l'équipage  dont  il  s'agit. 

Si  l'on  a  bien  suivi  cette  rapide  description  c(p  l'appareil  à 
fabriquer  les  torons,  il  ne  sera  pas  difficile  de  se  représenter 
celui  qui  sert  au  commettage  des  cordes  elles-mêmes,  généra- 
lement composées  de  trois  ou  quatre  de  ces  torons,  enlacés, 
tordus,  les  uns  autour  des  autres,  en  hélices,  dans  des  sens 
contraires  à  celui  qui  a  produit  la  torsion  des  fils  de  caret  sur 
chacun  d'eux,  et  d'où  résulte,  comme  on  Ta  montré  plus 
généralement  ailleurs,  une  tendance  naturelle  à  s'enrouler 
réciproquement.  Il  suffit,  pour  cela,  d'imaginer  que  trois  ou 
quatre  châssis  verticaux,  à  bobines  horizontales,  chargées  de 
leurs  torons  au  sortir  des  précédentes  machines,  soient  em- 
portés *  dans  un  mouvement  de  rotation  général,  autour  d'un 
puissant  arbre  moteur  vertical,  tout  en  tournant  sur  eux- 
mêmes,  d'uq  mouvement  relatif  produit  par  un  système  de 

>9- 


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292  VI'  JURY. 

roues  dentées  inférieures  au  châssis  :  l'une  centrale ,  immo- 
bile et  concentrique  à  cet  arbre,  dont  elle  est  indépendante; 
les  autres  montées  sur  un  fort  anneau  ou  volant,  faisant  corps 
avec  ce  même  arbre  et  entraînées  dans  son  mouvement  rota- 
ioire,  de  manière  à  constituer  de  l'ensemble,  en  quelque  sorte, 
un  système  planétaire  dans  lequel  les  châssis  mobiles  repré- 
senteraient les  satellites. 

Si  Ton  imagine,  en  outre,  que  les  bobines,  entraînées  avec 
ces  châssis,  n'éprouvent  ici  aucun  glissement  longitudinal 
dans  le  sens  de  leurs  axes  horizontaux,  tandis  que  le  con- 
traire arrive  pour  les  rouleaux  fournisseurs  placés  au-dessus 
du  côté  supérieur  de  ces  châssis  ;  si  l'on  imagine  enfin  que  les 
torons,  après  s'être  élevés  verticalement  jusqu'au  niveau  d'au- 
tant de  poulies  de  renvoi  liées  invariablement  à  l'arbre  moteur, 
viennent  converger  au  sommet  de  cet  arbre,  en  un  point 
occupé  par  un  tube  en  entonnoir,  où ,  en  se  resserrant  les  uns 
contre  les  autres ,  ils  reçoivent  la  torsion  nécessaire  pour  de 
là  se  rendre  directement,  mais  par  d'autres  poulies  de  renvoi 
supérieures,  sur  une  dernière  grande  bobine  horizontale, 
autour  de  laquelle  l'aussière,  le  câble  s'envide  en  hélice;  si  l'on 
a  bien  suivi,  dis-je,  cette  combinaison  ou  transformation  de 
mouvements,  on  aura  une  idée  à  peu  près  complète  des 
deux  machinas  à  commettre  de  Robert  Fulton  et  Cutting,  qui 
ne  diffèrent  entre  elles,  du  moins  sous  le  rapport  du  méca- 
nisme général,  qu'en  ce  que  dans  l'une  la  bobine  où  s'en- 
roule le  câble  est  placée  à  la  base  du  système,  tandis  que 
dans  l'autre  elle  est  située  à  la  partie  supérieure,  au-dessus 
de  l'axe  moteur,  et  dans  un  châssis  analogue  aux  précédents, 
mais  entièrement  fixe. 

B  existe,  en  effet,  entre  ces  deux  machines,  et  à  l'égard 
du  mode  même  de  chaque  fabrication ,  une  différence  capitale 
qui  a  motivé  celle  dont  on  vient  de  parler  :  c'est  que  dans 
le  dispositif  où  le  câble,  tout  fabriqué  et  ici  à  quatre  torons, 
va  se  rendre  par  un  renvoi  de  poulies  sur  une  bobine  infé- 
rieure ,  ce  câble  reçoit  intérieurement  une  mèche  centrale  ou 
âme  destinée,  d'après  l'usage  des  cordiers,  à  garnir  l'intervalle 


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MACHINES  ET  OUTILS.  293 

vide  qui  sans  cela  existerait  entre  ces  mêmes  torons  aux- 
quels il  sert  d'appui,  et  permettrait  à  l'eau  de  s'y  introduire, 
d'y  séjourner  même,  au  grand  détriment  de  la  conservation 
des  substances  végétales  qui  les  composent.  Or,  ce  résultat  est 
obtenu  au  moyen  d'un  dernier  châssis  portant  une  bobine 
horizontale  garnie  de  la  mèche  en  question,  et  qui,  placé  au 
sommet  de  l'arbre  moteur,  tourne  avec  lui  ainsi  que  les  pou- 
lies de  renvoi  des  torons ,  tandis  que  la  mèche  traverse  le  côté 
supérieur  de  ce  châssis  pour  se  rendre  verticalement  dans  l'axe 
du  tube,  où  elle  est  attirée  par  ces  mêmes  torons,  qui  s'y  réu- 
nissent et  s'y  tordent  incessamment  sous  une  certaine  force  de 
compression  réciproque. 

En  examinant  la  précision  relative,  pour  l'époque  de  1799, 
de  l'ensemble  et  des  détails  que  comportent  les  dessins  joints 
au  brevet  de  Fui  ton,  on  ne  peut  s'empêcher  d'y  reconnaître 
le  double  cachet,  du  génie  de  l'invention  et  d'une  perfection 
de  procédés,  de  moyens  mécaniques,  qui  se  laissent  rare- 
ment apercevoir  dans  la  description  d'un  simple  projet  non 
encore  suivi  d'exécution  matérielle.  Malgré  toutes  mes  infor- 
mations néanmoins,  il  m'a  été  impossible  de  découvrir  au- 
cune trace  de  l'existence,  en  France,  de  semblables  machines 
à  fabriquer  les  cordages,  même  longtemps  après  1799,  et 
tout  semble  permettre  de  croire  que  si  Fullon  et  Cutting  n'en 
avaient  point  apporté  les  dessins  ou  les  modèles  de  l'Amérique 
en  Europe,  ils  avaient  tout  au  moins  soumis  dans  notre  pays 
leurs  ingénieux  projets  à  quelque  expérience  ou  tentative  de 
réalisation  préalable. 

Quels  que  soient,  au  surplus,  les  frais  et  les  difficultés 
d'exécution  en  grand  que  de  semblables  machines  aient  dû 
présenter  alors,  et  bien  qu'on  puisse  leur  reprocher,  quant  à 
la  fabrication  des  gros  cordages  de  la  marine,  des  inconvé- 
nients très-graves,  mais  sur  lesquels  il  serait  peu  nécessaire 
d'insister  ici,  on  n'en  doit  pas  moins  être  surpris  de  l'abandon 
absolu  dans  lequel. étaient  tombées  chez  nous,  avant  et  long- 
temps même  après  l'époque  de  181 5,  ces  ingénieuses  ten- 
tatives pour  commettre  automatiquement  les  fils  torons  et 


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294  VF  JURY. 

cordes  diverses,  aussi  bien  que  celles  de  Chapman  et  de  Hud- 
dart, déjà  mentionnées  précédemment,  et  qui,  accompagnées 
de  perfectionnements  pratiques,  m'obligeront  à  y  revenir  d'une 
manière  plus  explicite  encore  dans  le  S  H  ci-après. 

Toutefois,  on  a  lieu  d'être  bien  autrement  surpris  de  voir 
des  technologues  aussi  distingués  qu'Andrew  Ure  et  ses  tra- 
ducteurs français,  décrire  et  calquer  dans  leurs  ouvrages, 
comme  ils  l'ont  fait  pour  les  inventions  de  Philippe  de  Girard , 
la  moins  avantageuse  peut-être  des  deux  machines  à  commettre 
ci-dessus,  sans  citer  la  date  du  brevet  ni  les  noms  des  auteurs» 
sans  même  nous  apprendre  si  cette  machine  avait  reçu  quelque 
part,  soit  en  France,  soit  en  Angleterre,  une  utile  et  sérieuse 
application  à  l'industrie. 

S  II.  —  État  et  perfectionnements  progressif*  de  la  fabrication  mécanique 
des  gros  cordages,  en  France  et  en  Angleterre,  aux  époques  antérieures 
à  i85i.  —  Le  maître  cordier  Duboul,  de  Bordeaux,  et  M.  Molard,  rap- 
porteur de  la  Société  d'encouragement  de  Paris.  —  Indications,  princi- 
palement d'après  MM.  Dapin  (Charles),  Ure,  ChédevilU  et  de  Mores, 
relatives  aux  anciens  travaux  de  MM.  Loir  et  Hubert,  en  France;  JVUUam 
Chapman,  Joseph  Huddart  et  William  Norvell,  en  Angleterre.  —  La  ma- 
chine à  mouvements  planétaires  de  M.  Crawhall,  de  Newcastle,  à  l'Expo- 
sition universelle  de  Londres. 

Ce  qui  démontre  le  profond  oubli  où  étaient  restées  en 
France  les  inventions  de  Fulton,  mais  principalement  celles 
de  Belfour,  ce  sont  les  éloges  et  les  récompenses  qui  ont  été 
donnés  tour  à  tour,  en  i8i3,  i8i4»  i8i5  et  1816,  par  trois 
commissions  maritimes,  et  en  1818  par  la  Société  d'encou- 
ragement de  Paris,  à  M.  Bernard  Duboul ,  maître  cordier  à 
Bordeaux ,  sans  qu'on  ait  mentionné ,  à  cette  occasion,  d'autres 
procédés  mécaniques  que  ceux  qui  se  trouvent  décrits  dans 
les  traités  de  Duhamel,  Réaumur,  Musschenbroek,  d autres 
machines  à  tordre  que  celles  qui  furent  publiées  en  162 5 
par  Fanstas  Varentias,  ou  par  MM.  Huddart  et  C",  pour  con- 
fectionner des  cordages  avec  des  moyens  réguliers  plus  ou 
moins  semblables  à  ceux  de  M.  Duboul  ;  machines  dont 
quelques-unes,  disait-on,  étaient  mises  en  jeu  par  des  mo- 


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.    MACHINES  ET  OUTILS.  295 

leurs  hydrauliques  ou  à  vapeur1.  En  redite,  les  procédés  de 
ce  dernier  étaient  loin  d'atteindre  un  tel  but,  quoiqu'ils 
aient  été  trouvés  par  les  commissaires  très-supérieurs  à  ceux 
alors  en  usage  dans  la  corderie  de  l'arsenal  maritime  de 
Rochefort.  En  effet,  ils  consistaient  principalement  à  donner, 
pendant  l'opération  du  commettage ,  une  égale  et  plus  forte 
tension  aux  fils  de  caret  qui  composent  les  torons  et  aux 
torons  qui  composent  les  aussières,  non  pas  seulement  en 
chargeant  le  carré  ou  traîneau  ordinaire  de  retenue  de  poids 
plus  forts,  mais  en  réglant  sa  marche  par  un  palan  d'arrière, 
qui  lui-même  servait,  en  quelque  sorte,  à  éprouver  leur  force 
avant  ou  après  le  tortillement.  Suivant  le  cordier  Duboul,  ce 
tortillement  s'opère  d'autant  plas  facilement  que  les  torons  ont 
été  plus  tordus,  et  il  en  résulte  ainsi  un  allongement  qui,  ne  se 
reproduisant  plas  dans  les  manœuvres  de  navires,  devient  insenr 
sible  avant  leur  rupture. 

D'un  autre  côté,  le  même  fabricant  donnant,  par  cet  excès 
de  tension  et  d'allongement  primitif,  une  plus  grande  étendue 
effective  aux  fils  de  caret  dans  l'ourdissage ,  ainsi  qu'aux  torons 
dans  le  commettage,  il  en  résultait  une  certaine  réduction 
de  matière  et  plus  de  légèreté ,  soi-disant  h  force  égale  des  cordes 
ou  câbles;  enfin,  et  cela  est  capital  à  notre  point  de  vue,  l'in- 
venteur prétendait  obtenir  aussi  une  plus  grande  économie 
de  main-d'œuvre,  une  plus  grande  régularité  de  fabrication, 
au  moyen  de  ses  machines,  qui  permettaient  de  tortiller  à  la 

1  Rapport  de  M.  C-P.  Moiard  à  la  Société  d'encouragement  de  Paris, 
17*  année  du  Bulletin*  1"  novembre  1818,  p.  557.  Au  point  de  vue  histo- 
rique où  je  me  suis  placé  dans  cet  ouvrage,  je  ne  puis  me  dispenser  d'en 
faire  ici  la  remarque,  ce  rapport  est  une  copie  presque  textuelle  du  brevet 
d'invention  pris  deux  années  auparavant  par  M.  Duboul  (a3  août  1816); 
or  ce  brevet,  publié  à  la  page  i4o  de  la  Collection,  mentionne  les  expé- 
riences faites  postérieurement  à  l'hôtel  de  Vaucanson,  à  Paris,  en  présence 
des  quatre  commissions  nommées  par  la  Société  d'encouragement,  par  le 
Bureau  consultatif  des  arts  et  manufactures,  par  le  Ministre  de  la  marine  et 
l'Académie  des  sciences,  pour  constater  les  effets  des  nouvelles  machines, 
dont,  ce  qui  est  plus  regrettable  encore,  les  dessins  n'accompagnent  ni  le 
brevet  ni  le  rapport  à  la  Société  d'encouragement 


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296  Vf  JURY. 

fois,  et  par  les  deux  bouts,  tous  les  torons  d'un  même  cable, 
puis  de  procéder  aussitôt  au  commettage  de  ces  torons  en 
aussières  et  grelins ,  sans  les  détendre  un  seul  instant;  ce  qui 
non-seulement  épargnait  le  temps,  disait- on,  mais  faisait, 
en  outre,  éviter  les  inconvénients  très -graves  inhérents  au 
procédé  ordinaire,  où  les  torons,  ourdis  et  commis  à  des 
heures  et  à  des  jours  différents,  présentaient  des  inégalités 
d'allongement  et  de  tension  fâcheuses  même  pour  les  fils  de 
caret  préalablement  goudronnés,  inégalités  dues  aux  variations 
thermométriques  et  hygrométriques  de  l'atmosphère,  et  qui 
nécessitaient  un  supplément  de  tortillage  pour  les  torons  les 
plus  allongés,  etc. 

Afin  d'atteindre  ce  but,  qui  offre,  à  coup  sûr,  quelque  chose 
de  séduisant  au  point  de  vue  théorique,  M.  Duboul  se  servait 
d'une  grande  roue  dentée  et  de  neuf  pignons  placés  autour  de 
sa  circonférence,  portant  autant  de  tourniquets  à  crochets 
servant  à  ourdir  simultanément  les  torons,  dont  on  compo- 
sait sans  interruption  trois  aussières,  et  finalement  le  grelin. 
Mais  comme  le  brevet  ni  les  rapports  relatifs  à  ces  machines 
n'en  disent  davantage,  si  ce  n'est  qu'elles  sont  disposées  pour 
que  le  même  moteur,  le  même  nombre  d'hommes  (5o), 
puissent  suffire  à  toutes  les  opérations  nécessitées  par  les  plus 
gros  cordages,  il  est  impossible  d'en  apprécier  le  mérite  au  point 
de  vue  des  autres  combinaisons  mécaniques  qu'elles  devaient 
offrir  pour  atteindre  le  but  indiqué ,  et  l'on  est  obligé  de  s'en 
tenir  aux  éloges  donnés  par  le  rapporteur  à  la  machine,  avec 
laquelle  on  a  pu  confectionner  en  moins  de  deux  heures,  dit- 
il,  un  câble  de  g  pouces  de  circonférence,  avec  un  tiers  de 
retrait  au  commettage,  dans  le  jardin  de  l'hôtel  de  Vaucansou, 
où  s'étaient  rendus,  le  là  octobre  1818,  les  commissaires  de 
la  Société  d'encouragement,  du  Ministère  de  la  marine  et  de 
l'Académie  des  sciences,  chargés  de  l'examiner  et  d'en  rendre 
un  compte  motivé. 

Enfin ,  il  est  à  remarquer  que  le  rapport  de  M.  Molard  ne 
fait  aucune  mention  du  serrurier-mécanicien  de  Paris  Martin, 
qui  avant  le  cordier  Duboul,  en  i8i3  ou  i8i4,  avait  ob- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  297 

tenu  du  Gouvernement  une  récompense  de  5oo  francs  pour 
une  machine  à  commettre  à  la  fois  quatre  torons,  dont  les 
crochets  pouvaient  être  mis  séparément  en  action,  avec  des 
vitesses  égales  ou  inégales  ou  même  de  sens  contraires,  afin 
de  permettre  d'égaliser  les  tensions  en  détordant,  au  besoin, 
certains  torons  *. 

Ce  qui  est  advenu  des  machines  et  procédés  de  fabrication 
du  sieur  Duboul,  qui  les  aurait  décrits  dans  yn  Précis  sur 
l'art  de  la  corderie,je  n'en  ai  jusqu'ici  rien  appris  ;  mais  ce  qu'il 
y  a  de  positif,  c'est  qu'ils  ne  paraissent  pas  avoir  été  adoptas 
par  la  marine  militaire  ou  marchande,  dont  les  procédés  ac- 
tuels, du  moins,  n'en  gardent  aucune  trace.  J'ajoute,  pour 
n'avoir  plus  à  y  revenir  par  la  suite,  que  le  sieur  Margeon 
fils,  cofdier  également  établi  à  Bordeaux,  et  qui  devait,  par 
conséquent,  avoir  eu  connaissance  des  procédés  de  Duboul,  a 
été  breveté  en  juin  1822  2  pour  un  long  banc  d'étirage  des 
torons,  aussières,  etc.,  qui  n'offre  de  remarquable  qu'une  bonne 
construction  des  quatre  roues  dentées  et  pignons  d'angle  ser- 
vant à  mettre  en  jeu  les  crochets  à  tordre,  etc. 

*  L'inconvénient  le  plus  grave  des  procédés  de  fabrication 
usités  en  France  jusqu'à  l'époque  de  1819,  et  dont  n'étaient 
point  exempts,  sans  doute,  ceux  des  cordiers  Duboul  et  Mar- 
geon, venait  de  ce  qu'on  était  conduit  à  donner,  dans  l'our- 
dissage, une  égale  longueur  aux  fils  de  caret,  dont  le  fais- 
ceau, tordu  simultanément  aux  deux  bouts,  présentait  une 
inégalité  de  tension  considérable  en  allant  du  centre ,  où  elle 
était  nulle  et  en  quelque  sorte  négative,  puisque  le  fil  s'y  trou- 

1  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement,  tome  XIII,  p.  a3i  à  23a,  oc- 
tobre 181 4. 

1  BecueU  des  brevets  expirés,  t.  XIV,  p.  91.  Je  n'ai  pas  cité  jusqu'ici  un 
autre  brevet  relatif  à  des  machines  à  câbler  et  retordre,  pris  le  17  no- 
vembre 1810,  par  le  sienr  Dussbrdet,  cordier  à  Dreux,  et  imprimé  à  la 
page  1 19  de  la  Collection  officielle,  parce  qu'il  ne  s'agissait  là  que  d'un  équi- 
page de  roues  dentées  en  fer  et  a  manivelle  extérieure  servant  à  imprimer 
la  rotation  à  cinq  tourniquets  avec  crochets  à  douille  détachés,  donnant  la 
torsion  simultanée  à  autant  de  torons  à  commettre  dans  la  méthode  an- 
cienne ou  ordinaire. 


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298  VP  JURY. 

vait  souvent  ridé,  replié  sur  lui-même,  de  manière  à  y  for- 
mer une  mèche  ou  âme  véritable,  jusqu'à  la  circonférence, 
où  les  hélices  étaient  soumises  à  une  tension  très- voisine  <ie 
celle  qui  eût  pu  en  occasionner  la  rupture  immédiate.  Ainsi 
Ton  avait  entièrement  négligé  et  les  indications  de  Duhamel 
à  ce  sujet,  et  les  ingénieux  procédés  de  Belfour,  Fulton,  etc., 
dont  il  a  été  précédemment  parlé. 

Si  Ton  s'en  réfère  à  l'important  ouvrage  de  M.  A.  L.  Ché- 
deville,  sous-ingénieur  de  la  marine  \  M.  Lair,  inspecteur  du 
génie  de  cette  arme,  guidé  par  l'exemple  des  Américains  et 
des  Danois,  aurait,  le  premier,  introduit  en  France,  vers 
1819,  le  tirage  mécanique  des  torons  au  moyen  d'une  ma- 
chine à  chariot  très-compliquée,  servant  à  donner  simulta- 
nément la  traction  et  le  tors  aux  cables  et  torons;  ce  qui  au- 
rait ainsi  amené  une  sorte  de  révolution  dans  nos  corderies, 
révolution  que  M.  Hubert,  directeur  de  l'arsenal  maritime  de 
Rochefort,  aurait  ensuite  réalisée  et  consolidée,  en  simpli- 
fiant et  perfectionnant  le  système  Huddart,  dont  je  tacherai  de 
donner  ci-après  une  idée  aussi  précise  que  le  comportent  les 
documents  qu'il  m'a  été  possible  de  consulter. 

Il  est  juste,  au  surplus,  de  le  reconnaître  ici,  c'est  aux  cé- 
lèbres Voyages  de  M.  Charles  Dupin  dans  la  Grande-Bretagne, 
en  1816,  1817  et  1818,  que  l'on  est  principalement  rede- 
vable d'avoir  appelé  l'attention  générale  et  celle  du  Gouver» 
nement  français  sur  la  nécessité  de  modifier  entièrement  le 
mode  vicieux  de  fabrication  jusque-là  en  usage  dans  nos  arse- 
naux maritimes,  en  mettant  dans  tout  son  jour  la  supériorité 
des  procédés  du  maître  charpentier  Chapman,  à  Newcastlç- 
sur-Tyne,  et  du  capitaine  Huddart,  à  Islington,  près  de  Londres, 
dont  le  Gouvernement  anglais  avait  retiré  de  si  grands  avan- 
tages lors  de  la  dernière  guerre  maritime.  Ces  procédés ,  que 
le  savant  ingénieur  eut  l'occasion  d'étudier  à  deux  reprises 
différentes  dans  les  ateliers  de  Liverpool ,  où  ils  étaient  pra- 

1  Mémoire  sur  les  travaux  et  les  tarifs  de  maMtmumre  des  corderies  des  cmq 
ports  militaires  de  France  (Paris,  Imprimerie  royale,  1841)»  p.  49. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  299 

tiques  en  grand  et  avec  beaucoup  de  succès,  sont  d'ailleurs, 
quanta  la  partie  mécanique,  fondés  sur  des  principes  ana- 
logues à  ceux  de  Belfour  et  de  Fulton. 

Postérieurement,  ces  mêmes  procédés  ont  été  décrits  dans  le 
Dictionnaire  technologique  d'Andrew  Ure  \  où  ils  sont  accom- 
pagnés de  dessins  construits  à  une  trop  petite  échelle  pour 
être  facilement  intelligibles,  et  dont  malheureusement,  comme 
j'en  ai  précédemment  fait  la  remarque,  l'origine  n'est  pas 
suffisamment  indiquée  par  l'auteur,  à  cet  égard ,  d'ailleurs , 
fort  sujet  à  caution,  ainsi  qu'on  a  pu  le  voir  déjà  en  divers 
endroits  de  la  précédente  Section. 

Parmi  les  inventions  qui  ont  exercé  le  plus  d'influence  sur 
le  progrès  de  la  fabrication  des  cordages  en  Angleterre,  An- 
drew lire  cite  celles  de  MM.  Cartwright,  Fothergill,  Curr, 
Ghapman,  Huddart,  Belfour  et  non  Balfoar*,  comme  l'écrit 
cet  auteur,  qui ,  en  attribuant  à  tort,  ce  semble,  aux  procédés 
de  l'ingénieur  danois  une  date  contemporaine  à  celle  des  tra- 
vaux analogues  du  capitaine  Huddart ,  les  considère  comme 
moins  parfaits  à  certains  égards,  relatifs,  non  au  système  des 
machines  de  Belfour  dont  il  ne  parle  pas ,  mais  à  quelques 
détails  en  réalité  très-importants,  sur  la  manière  de  grouper, 
diriger  les  fils  de  caret  pour  la  formation  des  torons,  détails 
qui  auraient  fait  généralement  préférer  la  méthode  de  Huddart 
à  celle  de  Belfour  dans  la  marine  anglaise.  Andrew  Ure  s'ac- 
corde d'ailleurs  avec  M.  Charles  Dupin  pour  attribuer  au  pre- 
mier de  ces  ingénieurs  la  disposition,  encore  existante,  de 

1  Article  Rope-making  (3*  édition,  i8A3),  p.  1070  et  suivantes,  où  l'on 
écrit,  à  la  manière  anglaise,  Balfour  au  lieu  de  Belfour,  nom  véritablement 
français  et  qu'on  retrouve  littéralement  dans  les  divers  volumes  du  Cata- 
logue officiel  des  patentes  anglaises,  avec  les  prénoms  de  John- Daniel, 
comme  je  l'ai  précédemment  indiqué,  et  suivis  de  l'épitliète  de  merchant  of 
town  o/EUenare  (ou  Elseneur)  in  the  KingdomofDenmark,  sans  désignation 
<Fun  emploi  quelconque  de  machines  antérieur  A  la  patente  prise  en  mai 
1 798  par  Belfour. 

*  Ce  dernier  nom  se  rapporte  à  celui  d'un  autre  industriel  anglais,  Bal- 
four  Alexander,  sans  rapport  avec  le  précédent,  et  dont  la  patente,  datée 
de  i84o,  est  pareillement  étrangère  A  la  fabrication  des  cordages. 


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300  *    VI*  JURY. 

l'ourdissoir,  du  casier  vertical  à  base  polygonale  ou  en  arc  de 
cercle,  portant  les  rangées  de  bobines,  dont  les  fils  de  caret 
vont  converger  vers  le  tube  réunisseur  et  compresseur  déjà 
indiqué  dans  le  deuxième  paragraphe  ci-dessus,  mais  qui  est 
ici  précédé  d'une  ou  de  plusieurs  plaques  en  cuivre,  percées  de 
trous,  de  filières  que  traversent  les  fils,  sortes  de  passoires 
dont  la  destination ,  analogue  à  celle  des  châssis  grillagés  de 
Belfour,  a  pour  objet  de  diriger,  de  soutenir  ces  fils  et  d'en 
régulariser  la  distribution  avant  leur  arrivée  au  tube.  Ces  pas- 
soires, réduites  à  une  ou  deux,  d'inégales  grandeurs,  quand 
le  fil  de  caret  ddit  être  commis  à  froid  ou  à  sec,  sont,  dans 
la  méthode  de  Huddart,  au  nombre  de  trois,  lorsqu'il  s'agit 
d'opérer  à  chaud,  en  leur  faisant,  à  cet  effet,  traverser  une 
chaudière  de  goudron  qui  occupe  l'intervalle  compris  entre 
les  deux  premières  ou  plus  grandes  d'entre  elles;  néanmoins 
ce  procédé  ne  paraît  pas,  jusqu'ici,  avoir  été  adopté  par  la 
marine  militaire  anglaise. 

D'après  Ure  encore,  l'ourdissoir  dessert,  dans  le  système 
Huddart,  trois  tubes  ou  torons  correspondant  à  autant  d'émé- 
rillons,  de  tourniquets  à  crochets,  mis  en  mouvement  par 
une  grande  roue  dentée,  dont  les  trois  pignons  sont  distribués 
sur  un  arc  ou  croissant  en  fonte;  le  tout  monté  sur  un  cha- 
riot à  galets,  roulant  le  long  de  rails  en  fer  qu'une  machine 
à  vapeur  fait  mouvoir  dans  l'étendue  entière  de  l'atelier,  au 
moyen  d'un  câble  sans  fin  et  de  retraite  dont  on  règle  à  vo- 
lonté la  force  de  tirage  et  le  retour  à  vide,  en  agissant  par  un 
levier  sur  un  double  embrayage  horizontal  fixé  au  chariot, 
qui  permet  de  changer  aussi,  à  volonté,  le  sens  et  la  rapidité 
du  mouvement.  Il  est  toutefois  douteux  que  Huddart  ait 
amené,  à  l'époque  de  sa  dernière  patente  (  i8o5) ,  le  système 
mécanique  du  commetlage,  mais  surtout  le  chariot  à  câble 
sans  fin ,  etc.,  à  l'état  de  perfection  où  le  Dr  Ure  nous  le  montre 
en  i843 ,  d'après  les  meilleures  machines  modernes  exécutées 
suivant  les  plans  de  Vinventeur.  11  paraît  notamment  exagérer 
beaucoup  lorsqu'il  prodigue  à  l'ensemble  des  combinaisons 
par  lesquelles  Huddart  avait  su  proportionner  mathématique - 


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MACHINES  ET  OUTILS.  301 

nient  entre  eux  la  pression  mutuelle,  la  torsion  et  le* tirage 
des  fils  ou  torons  pour  la  formation  des  aussières  et  des 
câbles,  lorsque,  disons-nous,  il  prodigue  à  cet  ensemble  des 
éloges  tendant  à  le  présenter  comme  l'an  des  plus  nobles  mo- 
numents d'habileté  mécanique  qui  aient  apparu  depuis  les  décou- 
vertes de  Watt  relatives  à  la  machine  à  vapeur,  tout  en  con- 
venant néanmoins  .qu'une  telle. révolution  dans  la  fabrication 
des  cordages  ne  s'est  point  accomplie  instantanément  ni  sans 
de  grandes  dépenses  et  de  puissantes  oppositions,  qui  n'em- 
pêchèrent nullement  le  système  de  se  propager  en  Angleterre 
après  l'expiration  des  patentes  de  Hùddart  \ 

1  Dtcdonary  of  arts,  manufactures,  etc.,  p.  1071.  Le  silence  d'Andrew 
Ure  et  de  ses  traducteurs  français ,  relativement  aux  machines  qui  ont  pu 
être  employées  par  Chapman,  semblerait  indiquer  que  les  travaux  de  cet 
ingénieur,  malgré  leur  célébrité,  n  ont  laissé  aucune  trace  sérieuse  en  An- 
gleterre, ou  n'ont  que  faiblement  contribué  aux  perfectionnements  méca- 
niques de  fart  du  cordier.  Cependant  M.  de  Moras,  ingénieur  de  marine 
fort  distingué,  a  bien  voulu,  postérieurement  à  l'année  i85a,  où  ce  cha- 
pitre se  trouvait  déjà  rédigé  et  lu  en  Commission,  me  donner  communica- 
tion d'un  Rapport  sur  la  fabrication  des  cordages  présenté  par  lui ,  le  1 5  mars 
1 85 1,  au  ministre  de  la  marine,  au  sujet  d'une  réclamation  de  priorité  de 
M.  £.  Joly,  cordier  à  Saint-Malo,  breveté  d'importation,  en  octobre  1841, 
pour  un]  système  de  chariot  à  corde  directrice  sans  fin  mis  en  action  par 
une  machine  à  vapeur.  Cet  important  travail  a  singulièrement  modifié  mes 
idées  relativement  aux  droits  de  priorité  du  capitaine  Huddart  :  M.  de  Moras, 
en  effet,  y  analyse  l'ouvrage  in-folio  de  William  Chapman,  publié  à 
Londres  en  1808,  que  je  ne  connaissais  pas,  et  qui  semble  prouver  que, 
dans  sa  patente  prise  en  novembre  1798,  l'auteur  aurait  déjà  indiqué  le 
chariot  à  roues,  cheminant  le  long  d'une  corde  dormante  ou  à  points  fixes 
extrêmes,  faisant  tourner  les  poulies  à  rouages  du  chariot,  en  procurant 
ainsi  une  torsion  rigoureusement  uniforme,  au  toron,  c'est-à-dire  propor- 
tionnelle à  la  longueur. 

Toutefois,  il  restait  alors  à  découvrir  le  système  du  câble  moteur  sans  fin 
ou  à  double  branche  mû  par  une  machine  à  vapeur,  aussi  bien  que  le  sys- 
tème des  poulies  supérieures  à  rotation  variable,  pour  le  tirage  égal  des 
torons,  etc.,  et  c'aurait  été  là  l'objet  de  la  patente  prise,  le  16  juillet  1799, 
par  W.  Chapman  et  Edw.  Chapman  î  le  même  système  aurait  été  appliqué 
par  ces  cordiers  à  Willington-sur-Tyne,  où  l'on  se  servait  d'une  machine 
à  vapeur  de  8  chevaux,  permettant  de  fabriquer  en  14  heures  un  câble 
de  ai  pouces,  qui  exigeait  autrefois  200  heures  de  travail  effectif,  mais  à 


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302  VT  JURY. 

M.  Hubert,  en  adoptant  après  M.  Lair,  pour  l'arsenal  de 
Rocbefort,  le  chariot  de  tirage  dont  la  substitution  au  traî- 
neau ou  carré  ancien  ne  paraît  pas  devoir  remonter  jusqu'au 
Danois  Belfour,  d'Elseneur,  M.  Hubert  y  a  appliqué,  en  182 1, 
des  modifications  notables,  qui  se  sont  successivement,  mais 
trop  lentement  sans  doute,  répandues  dans  les  autres  corde- 
ries  de  nos  ports  militaires,  et  dont  j'ai  pu  admirer  en  1825 
par  moi-même  l'ingénieuse  combinaison  et  tous  les  acces- 
soires relatifs  à  l'ourdissage  des  fils  de  caret,  etc.  Au  lieu  d'être 
entièrement  construit  en  fer  ou  en  fonte  comme  les  machines 
anglaises,  ce  chariot  l'était  principalement  en  bois;  au  lieu  de 
4  ou  6  roues,  il  n'en  avait  que  3  ;  au  lieu  d'être  dirigé  par  des 
rails  en  fer  et  une  machine  à  vapeur,  il  était  conduit  à  bras 
d'homme  au  moyen  d'une  cinquenelle,  d'un  câble  unique, 
fixé  aux  deux  bouts,  tendu  daris  la  longueur  entière  de  l'ate- 
lier, et  venant  envelopper  d'un  tour  la  poulie  supérieure  mo- 
trice des  émérillons  ou  du  crochet  d'attache  du  toron  à  com- 
mettre; le  chariot  lui-même  étant  tiré  par  un  autre  cable  à 
bout  dormant  passant  autour  d'une  deuxième  poulie  soli- 
daire avec  la  précédente,  et  dont  la  branche  libre  était  solli- 
licitée  par  les  hommes  de  manœuvre,  quelquefois  au  nombre 
de  quarante  et  au  delà  pour  les  gros  câbles. 

Néanmoins,  ce  n'est  pas  dans  ces  simplifications  apportées 
au  système  Huddart  que  consiste  le  mérite  de  M.  Hubert, 

bras  d'hommes.  Ce  procédé,  vraiment  automatique  et  fort  ingénieux,  reve- 
nant au  fond  à  celui  qui  était  employé  en  18S1  dans  les  arsenaux  de  Brest, 
Ae  Toulon  et  de  Rochefort,  la  réclamation  du  sieur  Joly  dut  être  repous- 
sée; or  il  semble  que  Ton  soit  également  autorisé  à  conclure ,  des  remarques 
contenues  au  Rapport  de  M.  l'ingénieur  de  Moras,  que  c'est  bien  à  tort 
aussi  qu'Ure  attribue  exclusivement  l'invention  du  système  à  câble  sans 
fin  moteur  au  capitaine  Huddart,  au  détriment  des  droits  peut-être  anté- 
rieurs de  William  Cfaapman.  Mais,  pour  débattre  et  trancher  une  pareille 
question ,  il  faudrait  avoir  sous  les  yeux  l'ensemble  des  nombreuses  patentes 
délivrées  en  Angleterre  dans  l'intervalle  de  1792  h  1808  pour  la  fabrication 
mécanique  des  cordages;  époque  de  rivalités  et  de  luttes  d'autant  plus  re- 
marquable, je  le  répète,  que  nos  corderies  maritimes  ou  autres  y  étaient 
demeurées,  pour  ainsi  dire ,  complètement  indifférentes  ou  du  moins  étran- 
gères paf  suite  des  circonstances  politiques. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  303 

puisqu'il  ne  s'agissait  là  que  de  commettre  les  fils  d'un  seul 
toron  à  chaque  reprise,  mais  bien  plutôt  dans  l'esprit,  à  la 
fois  savant  et  fertile,  avec  lequel  nôtre  célèbre  ingénieur  par- 
venait à  approprier  des  matériaux,  des  moyens  relativement 
grossiers  ou  imparfaits,  à  la  rigoureuse  précision  du  résultat 
final  et  à  l'économie  de  la  force  motrice. 

C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'il  remplace  l'énorme  frottement 
dû  aux  épaulements  des  émérillons  par  celui  de  billes  rou- 
lant dans  une  boîte  à  graisse  et  à  platine,  etc.,  disposition 
reproduite  beaucoup  plus  tard,  comme  une  nouveauté,  dans 
une  de  nos  Expositions  quinquennales  (  1849)  ;  et  c'est,  ainsi 
qu'on  a  pu  s'en  apercevoir  déjà  dans  la  première  Partie,  grâce 
à  ce  même  esprit  calculateur  et  inventif,  plus  encore  que  par 
les  ressources  financières  et  les  encouragements  de  l'Admi- 
nistration centrale,  que  M.  Hubert  était  parvenu  à  introduire 
dans  l'arsenal  maritime  de  Rochefort  des  améliorations  qui 
le  faisaient  rivaliser  avec  ceux  de  la  riche  Angleterre  sous  le 
rapport  des  procédés  mécaniques. 

Ces  améliorations,  tardivement  et  partiellement  adoptées 
par  nos  autres  arsenaux,  consistaient  principalement  dans  d'in- 
génieuses et  puissantes  romaines  dynamométriques  à  bascule 
ou  fléau  munies  d'un  appareil  à  curseur,  d'un  treuil  à  fusée 
d'enroulement  pour  mesurer  la  tension  et  l'allongement  des 
cordages  d'essai ,  graduellement  ou  au  moment  de  leur  rupture 
définitive1;  dans  d'utiles  prescriptions  expérimentales  ou  théo- 
riques, servant  à  régler  les  quantités  ou  degrés  de  tors,  de 
raccourcissement  et  de  tension  relatifs  à  chaque  espèce  de 
cordage;  enfin  dans  de  meilleures  proportions  des  tuyères  ou 
tubes  compresseurs  à  évasement  servant  au  commettage  des 
fils  de  caret  en  torons  de  divers  diamètres;  proportions  d'où 

1  Ces  ingénieuses  romaines  offrent  un  perfectionnement  remarquable 
de  celles  que  Duhamel  avait  employées  à  ses  belles  expériences  sur  la  ré- 
sistance des  cordages,  mais  dans  lesquelles  le  curseur  était  manœuvré 
directement  par  les  ouvriers,  non  sans  leur  faire  courir  des  dangers  en  cas 
de  rupture  des  cordes.  Voyei  notamment  l'ouvrage  de  Borgnis,  t.  III, 
p.  974,  1818,  Machines  employées  dans  les  constructions  diverses. 
1 


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304  Vr  JURY. 

devaient  résulter  non-seulement  une  égalité  de  tension  et  un 
minimum  de  tors  pour  tous  les  fils,  mais  encore  une  dispo- 
sition et  une  direction  des  hélices  de  chaque  toron,  telles 
que,  demeurant  à  la  surface  externe  du  cordage,  presque 
parallèle  à  son  axe  central,  le  frottement  longitudinal ,  dans 
les  manœuvres  de  force,  eût  moins  de  prise  pour  en  érailler, 
user  et  rompre  transversalement  les  fibres  élémentaires. 

On  doit  df ailleurs  à  l'ancien  correspondant  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris  des  expériences  précieuses  faites,  au 
moyen  de  la  romaine  ci-dessus,  sur  la  force  comparée  des 
cordages  de  nouvelle  et  d'ancienne  fabrication ,  composés  des 
mêmes  fils  de  caret,  commis  en  même  nombre,  etc.  Repré- 
sentons par  n  ce  nombre,  par  F  la  force  du  nouveau  cordage 
et/ celle  de  l'ancien;  on  a 


"=/(■-£)< 


formule  applicable  aux  cordes  composées  de  plus  de  sept  fils , 
puisqu au-dessous  la  force  reste  sensiblement  invariable,  et 
dont  les  résultats  s'accordent  d'une  manière  satisfaisante, 
quant  à  la  loi  de  leur  croissance,  avec  les  nombres  consignés 
dans  l'ouvrage  de  M.  Dupin  comme  ayant  été  déduits  d'expé- 
riences faites  en  Angleterre  sur  les  câbles  fabriqués  par  le 
procédé  Huddart,  sauf  qu'ils  indiquent  une  plus  grande  force 
encore  à  égalité  de  grosseur l. 

1  Toutes  ces  utiles  indications,  que  je  regrette  de  ne  pouvoir  ici  déve- 
lopper davantage,  sont  extraites  des  précieux  documents  manuscrits  dont 
M.  Hubert  a  bien  voulu  me  donner  communication  lors  de  mon  séjour,  en 
septembre  182 5,  à  Rocbefort;  indications,  documents,  qui,  ainsi  que  beau- 
coup d'autres  relatifs  au  service  de  l'ingénieur  maritime ,  n'ont  peut-être  pas 
reçu,  grâce  à  des  rivalités  jalouses,  tout  l'accueil  et  les  encouragements 
qu'ils  eussent  mérités  a  leur  époque-,  indications,  enfin,  que  je  comptais 
mettre  scrupuleusement  à  profit  pour  mes  leçons  de  mécanique  appliquée 
à  l'École  de  l'artillerie  et  du  génie  à  Metz,  conformément  aux  prescriptions 
d'un  programme  que,  à  mon  sens,  on  avait  prétendu  à  tort  rendre  exclu- 
sivement technique  ou  technologique,  afin  de  ne  pas  trop  empiéter  sur  le 
système  d'enseignement  théorique  du  cours  de  machines  qui  se  faisait  alors 
à  l'École  polytechnique. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  305 

D'ailleurs,  ce  n'est  pas  seulement  dans  les  corderies  an- 
glaises et  françaises  que  les  procédés  du  capitaine  Huddart 
se  sont  propagés;  ils  ont  été  également  mis  en.  usage  dans 
d'autres  contrées,  comme  on  le  voit  par  une  notice  de 
M.  Nottebohm,  publiée  dans  les  Mémoires  de  la  Société  d'en- 
couragement de  Berlin  (année  i84i),  sur  la  corderie  de 
Wolgast,  en  Poméranie1,  dont  les  machines,  construites  dans 
les  ateliers  de  M.  Àlindsay,  à  Glasgow,  offrent  sous  le  rapport 
de  l'exécution  différentes  particularités  remarquables,  telles 
que  la  nouvelle  disposition  de  l'ourdissoir  ou  cantre,  dans 
lequel  on  remarque  :  le  casier  à  bobines  horizontales  disposées 
par  rangées  verticales,  les  unes  à  la  suite  des  autres,  suivant 
deux  directions  horizontales  parallèles;  le  bobinoir  ou  ma- 
chine à  renvider  uniformément  les  fils  de  caret  sur  ces  bo- 
bines, au  nombre  de  quatre  pour  chaque  métier  vertical,  et  où 
l'enroulement  de  ces  fils  est  dirigé  par  des  tiges  à  œillères, 
que  met  en  mouvement  un  système  de  leviers,  de  vis  sans  fin 
et  de  cames  en  cœur  ou  va-et-vient  emprunté  aux  machines 
de  Vaucanson;  enfin  la  disposition  solide  et  puissante  du  cha- 
riot de  commettage  des  torons,  mobile  sur  des  rails  en  bois,  et 
qui,  au  lieu  d'un  simple  croissant  vertical  en  fonte,  porte  une 
couronne  tout  entière,  inunie  de  neuf  émérillons,  dont  les  six 
d'en  haut  servent  au  commettage  des  aussières  ou  plus  faibles 
cordages,  et  les  trois  d'en  bas,  aux  câbles  du  plus  fort  échan- 
tillon en  usage  dans  la  marine  marchande,  etc. 

Jusque-là,  comme  on  voit,  il  s'agit  principalement  de  ma- 
chines à  bras,  à  manège,  etc.,  qui  exigent  l'intervention  conti- 
nuelle des  ouvriers  pour  la  fabrication  des  torons  et  aussières. 
Mais  on  lit  aussi  dans  le  volume  publié  en.  1818  sur  Y  Archi- 
tecture navale  de  V Angleterre,  par  M.  Dupin ,  que  le  commettage 
des  torons  se  faisait  à  Greenock,  fabrique  établie  par  con- 
cession du  capitaine  Huddart,  dans  un  châssis  rectangu- 
laire tournant  autour  d'un  axe  médian  horizontal,  par  lequel 

1  Voyez  l'extrait  de  ce  mémoire  dans  le  U  XLIII  (i844),  p.  357,  du 
Bulletin  delà  Société  d'encouragement  de  Paris. 

VI*  J€RT. —  7*  PARTIE.  lO 


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306  Vf  JURY. 

arrivait  le  faisceau  uniformément  tordu  des  fils  de  caret, 
qui,  après  avoir  enveloppé  d'un  tour  en  hélice  trois  rouleaux 
cylindriques  horizontaux  mobiles  sur  eux-mêmes,  finissait 
par  envelopper  un  dernier  rouleau  ou  touret  mis  en  relation 
de  mouvement  avec  les  deux  précédents  par  un  système  de 
rouages  emportés  dans  la  rotation  commune  du  châssis.  Cette 
machine  repose,  comme  on  voit,  sur  la  même  idée  que  celle 
proposée  en  1 799  par  Fulton  pour  la  fabrication  des  simples 
torons,  mais  elle  offre  des  perfectionnements  et  des  particu- 
larités très-essentiels  que  le  brevet  de  Fulton  et  Cutting  ne 
mentionne  pas:. tel  est,  entre  autres  le  moyen  très-simple 
d'éviter  les  inconvénients  dus  à  l'accroissement  de  tirage  qui 
résulte  de  la  superposition  des  différentes  spires  du  toron  sur 
le  dernier  rouleau  servant  de  bobine;  moyen  qui  consiste 
simplement  à  armer  les  couronnes  extérieures  de  ce  rouleau 
de  freins  à  ressorts  qui  lui  permettent  un  glissement  relatif 
autour  de  son  axe,  lorsque  l'effort  de  tirage  dépasse  la  limite 
assignée  à  l'avance  par  l'expérience  acquise 1. 

La  machine  à  torons  dont  il  s'agit  n'étant  point  mentionnée 
dans  l'ouvrage  d'Ure,  publié  en  i843,  il  y  a  lieu  de  supposer 
qu'on  avait,  dès  avant  cette  époque,  renoncé  à  son  emploi 
dans  les  corderies  anglaises.  Au  contraire,  ce  technologue  et 
M.  Charles  Dupin  s'accordant  à  citer  l'une  des  machines 
planétaires  à  commettre  les  câbles  également  décrites  dans  le 

1  On  reconnaît  ici  la  machine  dont  j'ai  donné,  d'après  Borgnis,  une  idée 
sommaire  dans  la  note  de  la  page  a 88 ,  mais  sans  donte  perfectionnée,  sim- 
plifiée en  quelques  points,  fait  qui  n'a  rien  de  surprenant  si  elle  lui  est 
postérieure,  ce  qu'il  me  serait  impossible  de  décider;  comme  aussi  je  n'ose- 
rais affirmer,  quoique  cela  semble  assez  probable,  que  la  machine  Huddart 
soit  uo  simple  bien  qu'important  perfectionnement  de  celle  de  Fulton. 
Seulement  j'ajouterai  à  ce  que  j'en  ai  dit  ci-dessus  et  dans  la  note  précitée, 
que  les  dessins  transcrits  par  Borgnis  comportent  déjà  des  cylindres  ou 
rouleaux  antérieurs  pour  régulariser  la  tension  du  toron  à  son  arrivée  dans 
le  châssis  tournant,  et,  de  plus,  un  troisième  rouleau  taillé  en  rainure 
à  hélice  rentrante  pour  régulariser,  d'après  le  système  de  Le  Payen,  les 
enroulements  du  toron  sur  le  rouet  postérieur,  au  moyen  d'une  cheville 
surmontée  d'un  curseur  que  traverse  librement  ce  toron. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  307 

brevet  de  Fulton,  nous  devons  en  conclure  que  cette  ma- 
chine, jusqu'ici  peu  ou  point  usitée  en  France,  continuait  à 
l'être  dans  quelques-unes  des  corderies  privées  ou  mar- 
chandes de  la  Grande-Bretagne»  où  Ton  tient  peut-être  moins 
que  chez  nous  à  la  perfection  du  travail,  perfection  natu- 
rellement achetée  aux  dépens  de  l'économie  ou  du  prix  de 
revient  des  matières  fabriquées.  Je  dis  corderies  marchandes, 
parce  que  le  procédé  dont  il  s'agit,  applicable  surtout  aux 
cordes  d'un  faible  échantillon  à  trois  torons,  n'a  pas  non 
plus  été  adopté  dans  la  marine  militaire  de  ce  dernier  pays, 
où  l'industrie  privée  a  pris  d'ailleurs  assez  de  développement 
pour  permettre  à  l'Etat  de  recourir  au  système  par  entreprise 
à  l'égard  d'un  grand  nombre  d'articles  de  corderie. 

Enfin  je  mentionnerai  encore ,  d'après  le  Dictionnaire  d'Ure, 
parmi  les  perfectionnements  ou  développements  qu'a  reçus 
chez  nos  voisins  la  fabrication  économique  des  cordages 
avant  i844t  la  machine  à  commettre  de  William  Norvell, 
de  Newcastle,  patentée  en  mai  i&33,  et  dans  laquelle  on  se 
propose  d'opérer  simultanément  le  commettage  des  fils  en 
torons  et  de  ceux-ci  en  grelins  à  trois  brins.  Dans  cette  com- 
binaison, au  reste  fort  compliquée  et  fondée  sur  un  prin- 
cipe analogue  aussi  à  celui  des  machines  Fulton,  de  grands 
châssis  verticaux,  tournant  sur  eux-mêmes  et  emportés  dans 
le  mouvement  rotatoire  général  du  système  autour  de  Faxc 
central,  portent  chacun  quatre  rangées  verticales  de  dix  bobines, 
d'où  émanent  autant  de  fils  de  caret,  qui,  se  réunissant  par 
les  moyens  ordinaires  en  faisceaux  convergents,  au  travers 
d'un  tube  compresseur  correspondant  au  sommet  du  châssis, 
en  sortent  sous  la  forme  d'un  toron  convenablement  tordu 
allant  immédiatement  se  réunir  avec  ses  similaires  dans  un 
tube  central  unique  placé  vers  le  haut  de  l'arbre  moteur, 
où  le  câble  reçoit  la  torsion  et  le  tirage  définitifs. 

C'est  d'ailleurs  une  machine  de  cette  espèce,  mais  simpli» 
fiée  et  perfectionnée  quant  aux  détails  de  construction ,  que 
l'on  a  vue  exposée  en  i85 1 ,  à  Londres,  par  M.  J.  Crawhall , 
de  Newcastle-sur-Tyne,  et  que  le  Jury  de  la  vi*  classe  a  récom- 


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308  VP  JURY. 

pensée  d'une  médaille  de  prix,  quoiqu'elle  fût  la  seule  ma- 
chine appartenant  à  la  catégorie  de  celles  qui  ont  pour  but  la 
fabrication  des  cordages  en  grand.  M.  Willis ,  dans  son  rap- 
port, malheureusement  trop  laconique  pour  les  personnes  qui 
désirent  s'éclairer  sur  les  progrès  de  cette  branche  importante 
d'industrie,  nous  apprend  que  les  fils  de  caret  employés 
dans  la  machine  Crawhall  qu'on  a  vue  fonctionner  avec  inter- 
mittence au  palais  de  Hyde-Park  avaient  été  fabriqués  par* 
des  moyens  particuliers  mais  non  exposés,  et  dont  l'absence 
doit  inspirer  d'autant  plus  de  regrets  que  les  procédés  méca- 
niques de  fabrication  du  fil  de  caret  en  Angleterre  sont 
encore  peu  connus,  et  paraissent  aujourd'hui  même  (1862) 
dans  un  état  d'infériorité  relative  qui  aurait  lieu  de  surprendre 
si  l'on  ne  songeait  à  la  grossièreté  des  matières  premières  et 
à  l'économie  des  moyens  mécaniques  dont  il  est  permis  de  se 
servir  pour  la  fabrication  des  forts  cordages.  A  l'égard  des  petites 
machines  automates  à  tresser  les  cordons,  drisses,  lacets,  etc., 
qui  se  rattachent  à  ce  paragraphe,  et  qu'on  a  vues  également 
figurer  à  l'Exposition  universelle  de  Londres,  je  renverrai  à 
V Addition  qui  termine  ce  chapitre. 

S  III.  —  De  quelques  machines  spécialement  employées  au  filage  ou  tirage 
des  fils  de  caret — Tentatives  diverses  de  MM.  Boickoz  fils,  Hubert,  Nor- 
vôtt,  Debergue,  Buchanan,  Merîlé-Lefhre  et  Decoster.  —  Ensemble  des- 
machines de  la  corderie  d'Ingouville ,  près  du  Havre. 

J'ai  déjà  dit  un  mot,  au  commencement  de  ce  chapitre,  des 
premières  tentatives  faites,  en  1775,  par  Du  Perron  pour 
fabriquer  à  la  fois  plusieurs  fils  de  caret;  procédés  qui  rap- 
pellent les  rouets  composés,  de  Price  et  de  Delfosse,  men- 
tionnés par  Roland  de  la Platière  et  Borgnis  (t.  VU) ,  et  où  un 
nombre  plus  ou  moins  grand  de  fileuses  assises  travaillaient, 
à  deux  mains,  des  fils  dont  les  rouets  étaient  mis  en  mouve- 
ment par  un  moteur  commun.  Or  il  parait  qu'il  existe  aujour- 
d'hui encore  en  Angleterre  des  corderies  où  le  filage  méca- 
nique des  fils  de  caret  s'opère,  à  deux  mains,  par  des  moyens 
plus  ou  moins  analogues  à  ceux  que  Buchanan  avait  essayés 


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MACHINES  ET  OUTILS.  309 

en  Ecosse,  et  qui  ont  été  brevetés  depuis  en  France  sous  le 
nom  de  M.  E.  Demarçay,  mais  sans  grands  succès,  comme 
nous  le  verrons  bientôt,  lorsque,  au  préalable,  j'aurai  indi- 
qué les  tentatives  pareilles  et  beaucoup  plus  anciennes  faites 
dans  notre  pays. 

En  effet,  nous  voyons  la  Société  d'encouragement  de  Paris, 
dont  Tinitiative  a  été  si  souvent  utile  aux  progrès  des  arts, 
proposer  en  1816  un  prix  de  i,5oo  francs  pour  l'auteur  de 
la  meilleure  machine  à  fabriquer  de  la  ficelle  et  du  fil  de  caret, 
de  toute  grosseur  ou  longueur,  avec  du  chanvre  sérancé;  puis,  en 
1818,  M.  Tarbé,  rapporteur  du  Concours1,  déclarer  tout 
d'abord  que  Ton  avait  déjà  cherché  les  moyens  d'opérer  cette 
fabrication  dans  les  demeures  ordinaires  des  ouvriers  cordiers, 
mais  sans  que ,  sciemment ,  le  problème  eut  jamais  été  résolu 
d'une  manière  .satisfaisante.  Dans,  ce  même  Concours,  d'ail- 
leurs, un  seul  des  quatre  concurrents  fut  jugé  digne  du  prix, 
M.  Boichoz  fils,  contrôleur  des  contributions  à  Mont-de- 
Marsan,  dont  le  modèle,  perfectionné  depuis,  a  été  gravé  et 
décrit  avec  beaucoup  de  soin  dans  le  Bulletin  d'août  1822 
(xxie  année,  p.  235).  Cette  machine  rappelle  par  son  dispo- 
sitif principal  celles  à  fabriquer  les  torons  de  Fulton  et  de 
Huddart,  de  ce  dernier  surtout,  dont  je  me  suis  précédemment 
efforcé  de  donner  une  idée  exacte,  quoique  beaucoup  trop 
sommaire  sans  doute. 

Il  s'agit  encore  d'un  châssis  rectangulaire  mobile  autour 
d'un  axe  médian  horizontal,  et  qui  porte  transversalement 
une  grosse  bobine  tournant  sur  elle-même  au  moyen  d'une 
vis  sans  fin  latérale  au  châssis,  et  dont  l'arbre  reçoit  un  ro- 
chet'  à  ressort  de  pression ,  pour  limiter  et  régulariser  le  tirage 
du  fil ,  qui  tend  à  croître  avec  le  nombre  des  envidements 
sur  la  bobine  ;  mais  comme  ce  dispositif  ne  dispense  nulle- 
ment lefileur  de  régulariser  par  lui-même  le  degré  de  tors 
nécessaire  au  fil,  au  fur  et  à  mesure  que  la  filasse  sort  de  ses 
mains,  il  n'offre  guère  d'autre  avantage  que  celui  qui  résulte 

1  Tome  XVII  du  Bulletin,  p.  373  et  suiv. 


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310  VP  JCRV. 

de  la  rédaction  même  de  l'espace  nécessité  par  la  méthode 
ancienne  on  ordinaire.  Cette  circonstance,  jointe  à  la  cherté» 
à  la  complication  du  mécanisme,  aura  empêché  que  l'usage 
s'en  répandit  dans  les  corderies,  d'autant  plus  que  la  quantité 
d'ouvrage  produit  en  un  temps  donné  reste  la  même  que 
dans  l'ancien  procédé.  Évidemment,  ce  n'est  pas  là  le  but  que 
l'on  doit  chercher  à  remplir  par  l'introduction  des  machines 
dans  l'industrie  manufacturière. 

J'appliquerai  des  réflexions  analogues  au  rouet  à  filer  de 
M.  Hubert,  que  j'ai  pu  voir,  en  i8a5,  à  l'arsenal  maritime  de 
Rochefort,  et  qui  depuis  a  reçu  de  l'auteur  des  perfectionne- 
ments essentiels,  dont  le  principal  consiste  à  faire  passer  la 
filasse  sortant  de  la  main  de  l'ouvrier,  et  avant  son  tors  par 
la  machine,  au  travers  d'une  petite  boite  remplie  de  goudron 
liquide,  d'où  elle  était  dirigée  horizontalement  ensuite  vers 
un  tube  compresseur  et  alimentaire  de  la  machine  à  tordre, 
ici  encore  'composée  d'un  châssis  horizontal  en  fer,  tournant 
sur  lui-même,  etc.  Le  mémoire  déjà  cité  de  M.  Chédeville, 
où  le  rouet  perfectionné  de  l'ingénieur  Hubert  est  décrit  et 
dessiné  avec  beaucoup  de  soins,  ne  nous  apprend  pas  si,  en 
i84i,  cette  machine,  dont  il  fait  un  éloge  justement  mérité, 
s'était  répandue  dans  les  autres  corderies  maritimes.  Mais  cela 
est  d'autant  moins  probable  que,  il  faut  bien  le  redire,  l'éco- 
nomie de  la  force  motrice  n'est  point  ici  la  question  capitale, 
et  qu'il  s'agit,  en  réalité,  de  suppléer  la  main  intelligente  de 
l'homme  par  l'emploi  de  machines  vraiment  automatiques, 
tout  en  réduisant  l'espace  et  multipliant  les  moyens  de  pro- 
duction par  la  répétition  des'  effets  partiels. 

C'est,  je  crois,  à  M.  James  Buchanan,  consul  de  France 
à  Glasgow,  qu'est  due  l'introduction  dans  notre  pays  des 
premières  machines  destinées  à  convertir  le  chanvre  en  fil  de 
caret  par  des  procédés  continus,  analogues  à  ceux  qui  sont 
employés  dans  les  filatures  en  gros  du  coton  et  du  tint  du 
moins  si  l'on  en  juge  d'après  le  brevet  d'importation1  de  cet 

1  T.  LXVII,  p.  468,  de  la  collection  imprimée:  brevet  de  dix  ans, pris 
le  18  mai  i838. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  311 

ingénieur  pour  an  appareil  appartenant  à  cette  catégorie ,  et 
qu'on  a  pu  voir  fonctionner  pendant  un  certain  temps  dans 
les  ateliers  de  corderie  de  M.  Merlié-Lefèvre,  à  Ingou ville ,  près 
du  Havre l.  Ce  procédé,  qui  rappelle  celui  de  l'étirage  à  lanterne 
dont  se  servait  Arkwright  pour  donner  le  tors  aux  gros  fils 
de  coton  par  un  mouvement  rotatoire  très-rapide  des  bidons 
verticaux,  où  le  boudin  s'enroulait  en  hélices  régulières,  ce 
procédé,  dis-je,  est  peut-être  le  même  pour  lequel  l'ingénieur 
W.  Norvell,  de  Newcastle,  avait  été  patenté  à  Londres  en  mai 
i833;  mais  il  a  reçu  depuis  lors  des  perfectionnements  fondés 
sur  les  nouveaux  procédés  de  filature  du  lin,  à  l'aide  des  peignes 
à  vis  et  du  banc  à  broches,  pour  lesquels  M.  Debergue  a  pris 
dernièrement  un  brevet  d'importation  en  France. 

Quant  à- leur  application  à  la  fabrication  des  fils,  des 
modèles  envoyés  d'Angleterre  en  i85i  ont,  si  je  ne  me 
trompe,  servi  à  construire  dans  les  ateliers  de  M.  Gouin ,  près 
Paris,  un  certain  nombre  de  ces  machines  qui  fonctionnent 
à  présent  même  dans  les  arsenaux  de  Toulon,  Brest  ou  Roche- 
fort.  Toutefois,  il  est  juste  de  dire  que  M.  Merlié-Lefèvre  s'était 
déjà  servi  auparavant  de  machines  analogues,  dans  lesquelles 
la  filasse  de  chanvre  ou  d'aloès,  peignée  à  la  main  sur  une 
grande  longueur,  sinon  dans  la  longueur  entière,  était  soumise 
par  rubans  doublés,  etc.,  au  peigne  à  barrettes  continu  des 
machines  ordinaires,  immédiatement  étirée  en  rubans  sur 
deux  métiers  préparatoires,  puis  étirée  à  nouveau,  tordue  et 
enroulée  finalement,  sous  forme  de  caret,  sur  de  grosses 
bobines  verticales  animées  d'un  mouvement  de  va-et-vient 
convepable,  toujours  d'après  les  procédés  ordinaires. 


1  Publication  industrielle  de  M.  Armengaud  aine,  t  V,  18A7,  P-  97^«  On 
trouvera  dans  cet  important  article ,  relatif  à  la  fabrication  mécanique  de» 
cordages,  divers  renseignements  joints  à  des  descriptions  et  à  des  planches 
de  machines  qui  pourront  servir  d'éclaircissement  et  de  complément  utile 
a  ce  chapitre,  écrit  d'ailleurs  dans  d'autres  vues,  et  pour  lequel  j'ai  cher- 
ché à  mettre  à  profit  mes  plus  récentes  comme  mes  plus  anciennes  observa- 
tions ou  informations  sur  un  sujet  encore  si  peu  élucidé  au  point  de  vue 
historique  et  scientifique. 


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312  VF  JURY. 

Ces  métiers,  portant  douze  broches,  et  que  j'ai  vus  fonc- 
tionner en  1862  d'une  manière  satisfaisante  à  Ingouville,  près 
du  Havre ,  ont  été  construits  par  M.  Decoster,  à  qui  Ton  de- 
vait déjà,  comme  cela  a  été  dit  dans  la  précédente  Section, 
des  tentatives  pour  filer  le  lin  à  sec,  dans  toute  sa  longueur, 
sans  recourir  précisément  à  l'intermédiaire  du  banc  à  broches 
en  usage  et  à  l'excédant  de  tors  qu'il  exige  pour  l'étirage  des 
mèches  de  préparation. 

•  En  ce  moment  même  (mars  i853),  notre  ingénieux  mé- 
canicien s'occupe  à  apporter  au  métier  de  nouveaux  per- 
fectionnements destinés  k  le  rendre  plus  profitable  encore  à 
la  fabrication  du  fil  de  caret,  dont  la  régularité  m'a  semblé 
laisser  désormais  bien  peu  à  désirer,  surtout  après  le  passage 
de  ce  fil  au  travers  des  bassines  de  goudron  et  des  filières. 
On  y  remarque  plus  particulièrement:  i°  les  entonnoirs  ou 
tuyères,  mobiles  transversalement,  destinés  à  réunir  la  nappe 
de  filasse  sous  le  rouleau  de  pression  et  d'étirage  postérieur 
en  bois  dur;  2°  le  dédoublement  des  vis  d'étirage  entre  les 
bancs  voisins  de  quatre  broches,  auxquels  un  seul  couple  de  vis 
suffit;  3°  le  renversement  des  ailettes  à  deux  branches  de  ces 
broches  mues  par  autant  de  courroies  sans  fin  embrassant 
les  gorges  de  poulies  qui  surmontent  ces  ailettes,  etc. 

C'est  en  majeure  partie  à  la  perfection  avec  laquelle 
M.  Merlié-Lefèvre  est  parvenu  à  fabriquer  le  fil  de  caret, 
soit  à  la  mécanique,  soit  à  la  main,  dans  l'établissement  d'In- 
gou ville,  que  l'on  doit  attribuer  le  succès  que  les  gros  câbles 
de  cet  habile  fabricant  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle 
de  Londres,  où  ils  ont  été  jugés  dignes  par  le  Jury  de  la 
XIV*  classe  d'une  médaille  de  prix  bien  méritée;  car  l'inéga- 
lité de  fabrication  de  tek  fils  entraîne  inévitablement  celle 
des  torons  et  des  aussières,  qui  doivent  être  soumis  à  des 
opérations  mécaniques  où  la  précision  des  formes  rudi- 
mentaires  est  absolument  indispensable  pour  la  perfection 
de  l'ensemble  et  la  régularité  de  la  fabrication.  Mais  le  mérite 
de  cet  habile  cordier,  dont  les  produits  ont  repoussé  chez 
nous  depuis  fort  longtemps  toute  concurrence  étrangère,  ne 


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MACHINES  ET  OUTILS.  313 

consiste  pas  uniquement  dans  la  belle  exécution  des  fils  de 
caret;  elle  réside  aussi  dans  la  rigoureuse  précision  apportée 
aux  diverses  autres  branches  de  la  fabrication  mécanique  des 
cordages,  où  tous  les  mouvements  sont  imprimés  par  une 
machine  à  vapeur  d'une  puissance  de  quinze  chevaux,  dont 
l'action  se  propage  dans  toutes  les  parties  d'un  long  bâtiment 
à  deux  étages ,  au  moyen  d'une  disposition  fort  ingénieuse  de 
cordes  sans  fin  et  de  poulies  de  reùvoi  à  rouleaux  et  contre- 
poids de  tension,  qui  doit  offrir  une  grande  analogie  avec 
celles  déjà  anciennement  employées  en  Angleterre  d'après 
Huddart  et  Chapman. 

Les  principales  de  ces  machines  ont  été  construites  à 
Paris,  avec  une  grande  habileté,  par  le  même  M.  Decoster  : 
elles  consistent,  indépendamment  des  métiers  à  filer  men- 
tionnés ci-dessus,  i°  en  bobinoirs  et  tourets  mécaniques  où 
les  fils  de  caret  sont  enroulés  avec  célérité  et  précision, 
avant  ou  après  leur  passage  au  travers  d'une  cuve  à  goudron 
dont  la  disposition  n'est  pas  moins  heureuse,  en  raison  du 
régulateur  à  vis  qui  sert  à  maintenir  ces  fils  plus  ou  moins 
enfoncés  au-dessous  du  niveau  superficiel  du  goudron,  2*  en 
une  machine  à  chariot  servant  au  tirage  simultané  de  quatre 
petits  torons  ou  au  simple  tirage  d'un  gros  toron,  chariot 
entièrement  établi  en  fer  et  en  fonte,  dans  un  système  ana- 
logue à  celui  de  M.  Hubert,  de  Rochefort,  mais  qui,  au  lieu 
d'être  tiré  par  des  chevaux  ou  à  bras  d'homme,  est  mû  sur 
des  rails  en  fer  au  moyen  de  la  machine  à  vapeur,  comme 
dans  le  système  Huddart,  décrit  par  Ure  et  dont  il  diffère 
au  surplus  à  divers  égards ,  notamment  en  ce  que  les  tubes 
compresseurs  et  les  passoires  ou  filières  en  calottes  sphé- 
riques  que  traversent  les  fils  de  caret  sont  établis  sur  un 
chantier  ou  pilastre  massif  et  inébranlable  qui  porte  un  mé- 
canisme ingénieux  et  perfectionné,  dont  l'idée  première, 
due,  si  je  ne  me  trompe,  à  M.  Hubert,  consiste  à  rappro- 
cher entre  eux,  avec  une  précision  pour  ainsi  dire  mathéma- 
tique, ces  tubes  et  passoires,  à  la  distance  que  réclame  la 
plus  ou  moins  grande  résistance  à  opposer  au  tirage  du 


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3  l'i  YT  JURY. 

toron,  par  le  fait  de  l'inclinaison  des  fils  qui  convergent  de 
toutes  parts  vers  l'ouverture  évasée  de  chaque  tube;  3°  enfin , 
en  un  puissant  appareil  pour  commettre  les  gros  cordages, 
composé  de  deux  machines  semblables  placées,  à  distance  et 
en  regard  Tune  de  l'autre,  suivant  un  même  axe,  et  dont 
celle  de  gauche,  établie  sur  une  table  à  support  en  fonte  iné- 
branlable, sert  à  donner  aux  torons  le  degré  de  surtors  né- 
cessaire à  leur  assemblage  ou  commettage  ultérieur,  tandis 
que  l'autre,  celle  de  droite,  montée  sur  un  traîneau  ou  carré, 
mobile  pour  permettre  le  retrait  dû  à  la  torsion  du  cordage , 
d'ailleurs  fortement  chargé,  mais  dont  le  glissement  sur  les 
rails,  facilité  par  un  mécanisme  régulateur  à  bascule  et  à 
frein  agissant  directement  sur  les  roues,  a  pour  objet  unique 
de  donner,  en  sens  contraire,  à  l'ensemble  des  torons  amarrés 
au  crochet  du  tourniquet  central,  que  met  en  mouvement 
l'axe  horizontal  de  cette  seconde  machine,  le  supplément  de 
tors  indispensable,  et  dont  il  manquerait  essentiellement  par 
suite  du  débandement  des  ressorts  élastiques  des  fils  de  cha- 
cun des  torons  constitutifs. 

Il  est  presque  inutile  d'ajouter  que  les  torons,  avant  de 
s'enrouler  les  uns  autour  des  autres  en  hélices,  sont  dirigés, 
à  l'ordinaire,  par  un  toupin  à  rainures,  établi  sur  un  chariot 
en  bois  qui  porte  auçsi  de  grosses  bobines,  dont  l'une,  posté- 
rieure ,  est  chargée  de  l'âme,  qui ,  après  avoir  traversé  l'axe  du 
toupin,  lui  sert  de  mèche  centrale,  et  dont  les  quatre  autres 
reçoivent  les  cordelles  servant  également,  après  leur  passage 
oblique  au  travers  du  toupin ,  à  garnir  les  intervalles  libres  et 
extérieurs  des  torons  Ae  l'aussière  ou  à  opérer  ce  qu'on 
nomme  son  congréage. 

Il  importe  au  contraire  beaucoup ,  pour  l'intelligence  des 
procédés  suivis  par  M.  Merlié-Lefèvre ,  de  faire  observer  que 
le  mécanisme  du  chantier  ou  support  fixe  et  le  traîneau  ou 
carré  mobile  de  commettage  portent  chacun  un  double  em- 
brayage à  roues  d'angle  et  à  griffes  servant  à  faire  tourner  à 
volonté  les  crochets  d'attache  des  torons  ou  du  câble,  tantôt 
dans  un  sens,  tantôt  en  sens  contraire,  suivant  les  besoins 


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MACHINES  ET  OUTILS.  315 

du  service;  l'arbre  en  fer  qui  donne  le  mouvement  à  ces  cro- 
chets étant  muni  d'une  poulie  à  gorge  en  fonte,  sur  laquelle 
vient  frotter  un  frein  à  levier  ou  manette,  que  l'on  serre  quand, 
en  suspendant  la  rotation  des  machines,  on  veut  éviter  les 
effets  de  réaction  élastique  qui  tendent  à  détordre  l'aussière 
ou  ses  torons. 

C'est  principalement  pour  cet  appareil  ingénieux  et  pour 
l'ensemble  de  l'importante  fabrication  de  la  corderie  havraise 
que  le  Jury  de  l'Exposition  française  de  1849  ava^  accordé 
à  M.  Merlié-Leftvre  une  médaille  d'or,  justifiée  plus  tard,' 
comme  on  l'a  vu,  par  la  décision  du  Jury  international  de 
Londres.  Malgré  ces  honorables  témoignages  et  l'incontestable 
supériorité  des  résultats,  l'appareil  à  câbler  de  M.  Merlié- 
Leftvre,  mis  en  mouvement  par  la  machine' à  vapeur  dont 
il  a  d'abord  été  parlé,  et  qui  n'exige  que  le  secours  de  trois 
hommes,  dont  un  maître  pour  surveiller  la  marche  du  chariot 
porte -toupin  et  deux  pour  resserrer  les  torons  et  cordelles 
contre  le  noyau ,  l'âme  ou  mèche  centrale  du  câble  au  sortir  du 
toupin,  par  une  manœuvre  bien  connue  (livarde)  tenant  ici 
lieu  du  tube  compresseur;  malgré,  dis-je,  la  supériorité  de 
cet  appareil,  et  bien  qu'un  modèle  en  ait  été  déposé  par  l'au- 
teur dans  le  musée  naval  du  Louvre  depuis  l'époque  de 
mai  i85o,  il  n'a  point  encore  été  adopté,  il  a  même  été  re- 
poussé par  notre  administration  maritime ,  sur  le  rapport  d'une 
Commission  qui  lui  reproche  :  i°  de  ne  point  être  applicable 
aux  plus  gros  cordages  de  la  marine  militaire,  ayant  jusqu'à 
om,66o  de  circonférence  au  lieu  de  o"\a5o  seulement  obtenus 
à  Iogou ville;  20  de  n'offrir  aucun  moyen  de  régulariser,  cor- 
riger l'inégale  tension  des  torons  en  cours  d'assemblage ,  ainsi 
qu'en  présentent  les  chantiers  des  ports  de  Brest  et  de  Toulon  ; 
3°  enfin ,  que  les  roues  et  tambours  de  la  machine  fixe  du 
chantier  et  de  la  machine  mobile  du  carré  possèdent  des 
vitesses  sensiblement  égales,  et  que  ne  paraît  pas  devoir  com- 
porter l'inégalité  de  tension  des  torons  placés  en  arrière  et  en 
avant  du  toupin. 

Dans  l'ignorance  où  je  suis  (i853)  de  l'état  de  perfectionnc- 


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316  Vl#  JURY. 

ment  auquel  est  arrivée  la  fabrication  mécanique  des  cor- 
dages dans  nos  arsenaux  maritimes,  je  ne  me  permettrai  nul- 
lement d'approfondir  les  motifs  de  ces  reproches,  et  encore 
moins  de  les  combattre  ou  amoindrir,  sauf  peut-être  celui 
qui  concerne  la  prétendue  égalité  des  vitesses  rotatoires  ou  de 
torsion  en  avant  et  en  arrière  du  chariot  porte- toupin  ;  vitesses 
qui  dans  la  machine  exécutée  à  Ingouville  diffèrent ,  en  réalité, 
suivant  la  proportion  qui  paraît,  dans  chaque  cas,  devoir  être 
nécessaire.  Je  me  contenterai  de  faire  observer  que  les  succès 
obtenus  par  M.  Merlié-Lefèvre  tant  en  France  qu'en  Angleterre, 
'ainsi  que  les  dispositions  simples  et  élégantes  de  rajustement 
et  de  l'exécution  de  ses  machines,  telles  qu'elles  ont  été  dé- 
crites dans  l'ouvrage  cité  de  M.  Armengaud  et  que  nous  les 
avons  vues  fonctionner  avantageusement  et  régulièrement  sur 
place,  mériteraient  peut-être  que  l'Administration  maritime 
en  ordonnât  l'établissement  complet  dans  l'un  de  ses  arsenaux, 
pour  les  soumettre  à  des  essais  suivis  de  fabrication  et  déci- 
der, en  définitive,  sur  l'opportunité  de  leur  adoption  dans  les 
autres  ports  ou  arsenaux. 

Exterminant  cette  importante  matière,  on  me  permettra 
encore  de  faire  remarquer,  d'après  tout  ce  qui  précède,  com- 
bien la  fabrication  actuelle  des  cordages  et  l'ensemble  des 
machines  ou  procédés  qu'elle  présente  sont,  malgré  des  pro- 
grès incontestables ,  loin  cependant  de  l'état  de  perfectionne* 
ment  où  ont  été  amenés  depuis  un  certain  temps  ceux  qui 
se  rapportent  aux  autres  branches  de  filature  des  diverses  ma- 
tières textiles,  du  moins  sous  le  rapport  des  mécanismes  auto- 
moteurs; car  je  ne  vois  pas  que  l'on  ait  jusqu'ici  songé  en 
France,  même  dans  les  corderies  du  commerce,  à  fabriquer 
économiquement  les  torons,  encore  moins  les  aussières  et 
grelins ,  parles  procédés  expéditifs  d'abord  proposés  par  Fui  ton 
et  Cutting,  puis  adoptés,  non  il  est  vrai  sans  quelque  restric- 
tion, dans  les  établissements  anglais  de  Greenock  et  de  New- 
castle  ;  circonstance  qu'il  est  d'ailleurs  tout  aussi  bien  permis 
d'attribuer  aux  proportions  colossales,  à  la  cherté  du  prix  de 
revient  et  aux  dangers  inhérents  à  l'emploi  de  semblables 


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MACHINES  ET  OUTILS.  317 

machines,  qu'à  l'imperfection  relative  même  des  résultats, 
imperfection  dont  on  peut  juger  d'après  ceux  obtenus,  posté- 
rieurement à  Tannée  1824,  dans  des  machines  fondées  sur 
un  principe  analogue,  dont  j'ai  donné  une  idée  à  l'occasion  du 
filage  et  du  moulinage  de  la. soie,  et  qui  essayées  sans  succès 
notables,  bien  que  dans  des  proportions  incomparablement 
plus  faibles,  ne  pouvaient  offrir,  de  la  part  de  la  force  cen- 
trifuge', aucun  des  inconvénients  et  des  dangers  qui  sont  à 
redouter  dans  les  puissantes  machines  à  commettre  simultané- 
ment les  torons  et  les  cordages. 

Additions  concernant  quelques  machines  spéciales  à  commettre  et  tresser. 
—  Machines  à  cordonnets  exposées  à  Londres  par  MM.  Van  Mierlo, 
Darfell,  Judkins  et  Dorty.  —  Les  anciens  métiers  à  lacets  et  cordons 
de  MM.  Perrault  et  Molard,  perfectionnés  par  MM.  Dogaet  et  Hervé- 
Gauthier.  —  La  machine  à  fabriquer  les  drisses  de  pavillon  ou  cordes 
tressées,  par  M.  Reech;  les  machines  à  recouvrir  les  fils  métalliques  et 
à  commettre  les  cordes  mélangées,  par  MM.  Comitli,  Vegni,  Flachier, 
Sataresse,  Leclerc,  en  France,  et  par  MM.  Newall,  ExaU,  A.  Smith, 
Wïlson,  etc.,  en  Angleterre. 

Il  a  été  exposé  à  Londres,  en  i85ï,  quelques  petites  ma- 
chines à  fabriquer  les  lacets  et  les  cordons,  qu'il  ne  m'est  pas 
permis  de  passer  entièrement  sous  silence,  puisque  certaines 
d'entre  elles  ont  été  l'objet  de  récompenses  ou  de  mentions 
honorables  de  la  part  du  VI*  Jury.  M.  Van  Mierlo,  de  Belgique, 
et  M.  Darfell,  de  Prusse,  notamment,  en  avaient  exposé  de 
jolis  modèles,  qui  cependant  n'offraient,  à  l'égard  de  celles  si 
universellement  et  si  anciennement  connues  chez  nous,  au- 
cune particularité  essentielle.  Mais  le  Jury  a  plus  spécialement 
remarqué,  et  récompensé  de  la  deuxième  médaille,  les  ma- 
chines à  fabriquer,  sans  nœuds  et  automatiquement,  les 
cordons  de  lisses  pour  métier  à  tisser,  par  M.  Judkins,  de 
Manchester,  et  par  M.  Dorey,  du  Havre  :  l'œil  ou  maillon  en 
verre  que  doit  traverser  le  fil  de  chatne  tendu  ou  mis  en 
place  étant,  dans  le  métier  de  ce  dernier  mécanicien,  fixé 
sur  le  cordon  par  le  mécanisme  même  du  métier,  et  la  maille 
en  fils  retors  étant,  dans  l'autre ,  formée  par  le  jeu  de  bobines 


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318  VI*  JURY. 

qui,  après  s'être  croisées,  rétrogradent  ensuite  par  an  méca- 
nisme analogue  à  celui  du  métier  à  lacet  ordinaire. 

L'ancien  métier  à  lacet  plat  et  tressé  des  passementiers, 
dont  l'usage  est  particulièrement  répandu  dans  la  ville  de 
Saint-Chamond ,  où  il  fait  la  base  d'une  importante  fabrication, 
remonte  au  moins  au  dernier  siècle,  si  l'on  en  juge  d'après 
Y  Encyclopédie  et  le  modèle  déposé,  en  1785,  au  Conserva- 
toire des  arts  et  métiers  de  Paris  sous  le  nom  de  Perrault 
père  et  fils,  fabricants  de  cette  ville;  mais  cet  ingénieux  mé- 
tier, qui  a  été  en  i83a  et  i834,  de  la  part  de  MM.  Doguet, 
de  Saint-Etienne,  et  de  M.Hervé-Gauthier,  de  Saint-Chamond, 
l'objet  de  brevets  de  perfectionnements  sur  lesquels  je  ne 
saurais  insister,  pourrait  bien  encore  être  une  simple  imita- 
lion  ou  modification  d'un  plus  ancien  instrument  de  passe- 
menterie venu  de  l'Italie  ou  du  Levant.  Probablement,  il  en 
est  ainsi  également  du  modèle  de  métier  à  cordonnet  rond 
déposé,  sans  date  connue,  sous  le  nom  de  Molard,  dans  les 
galeries  du  même  établissement,  et  qui  diffère  principale- 
ment du  précédent  en  ce  que  la  marche  circulaire  et  ser- 
pentante des  bobines  y  est  rentrante  ou  continue  dans  un  seul 
sens,  au  lieu  de  s'y  faire  par  un  va-et-vient,  à  retour  sur  lui- 
même,  tout  en  accomplissant  une  série  de  recoupements 
000000  en  8  couchés  et  conjugués  entre  eux,  mais  sans  ren- 
contre possible  des  bobines1,  montées  diversement  sur  des 

1  Les  deux  modèles  déposés  au  Conservatoire  de  la  rue  Saint-Martin,  à 
Paris,  par  les  sieurs  Molard  et  Perrault,  et  dont  le  plus  ancien  a  été  l'objet 
d'un  privilège  spécial  probablement  perdu,  ces  modèles  sont,  comme  tant 
d'autres  témoignages  du  génie  inventif  de  nos  pères,  dans  un  état  de  déla- 
brement d'autant  plus  fâcheux,  «que,  à  ma  connaissance  du  moins,  il  n'existe 
aucune  description  satisfaisante  des  métiers  à  cordon  ou  lacet  dans  les 
ouvrages  de  technologie,  et  que,  par  des  perfectionnements  divers  appli- 
qués au  jeu  multiple  des  poupées  ou  bobines,  leur  usage  tend  à  se  généra- 
liser dans  l'industrie  des  matières  textiles,  à  laquelle  ils  offrent  journelle- 
ment de  nouveaux  et  ingénieux  moyens  de  solution.  Cet  état  d'abandon 
inconcevable  des  anciens  modèles  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers, 
,  ce  dédain  irréfléchi  et  aujourd'hui  presque  universel  des  vieilles  choses, 
juraient  cessé,  du  moins  en  majeure  partie,  si ,  conformément  au  vœu  émis 


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MACHINES  ET  OUTILS.  319 

broches  verticales,  très-courtes  et  pleines  dans  le  métier  à. 
cordonnet  de  Molard,  où  elles  sont  comprises  entre  deux 
platines  horizontales  qui  leur  servent  de  guidés  ou  supports; 
très-allongées  et  creuses,  au  contraire,  dans  l'ancien  métier 
à  lacet  de  Perrault,  où  elles  comportent  un  ingénieux  méca- 
nisme à  cliquet  servant  à  régulariser  la  tension  et  le  dévidage 
des  fils  qui  s'échappent  dans  l'un  ou  l'autre  métier  de  leurs 
sommets  respectifs ,  pour  de  là  s'enlacer,  se  croiser  sous  un 
angle  plus  ou  moins  aigu,  en  formes  de  tresses  tantôt  plates 
tantôt  cylindriques,  autour  d'un  noyau  vide  ou  plein,  fourni 
alors  par  une  grosse  bobine  placée  dans  le  prolongement  infé- 
rieur de  l'axe  vertical  du  métier. 

Dans  le  premier  de  ces  modèles,  sans  doute  le  plus  mo- 
derne, les  broches  verticales  des  bobines  cheminent,  paral- 
lèlement à  elles-mêmes,  le  long  de  rainures  serpentantes, 
croisées  à  angle  droit  et  ouvertes,  de  part  en  part,  dans  la 
platine  supérieure  du  métier,  où  ces  broches  sont  lancées, 
latéralement  et  de  proche  en  proche,  par  des  tiges  ou  cames 
horizontales  inférieures,  montées  respectivement  sur  les  arbres 
verticaux  d'une  couronne  de  roues  dentées  égales  et  tangentes, 
disposées  circulairement,  concentriquement  à  l'arbre  prin- 
cipal de  la  machine,  au-dessus  d'un  plateau-support  inférieur, 
et  dont  les  rotations  inverses,  toutes  solidaires  entre  eHes, 
sont  produites  par  un  pignon  moteur  à  arbre  vertical,  rouages 
d'angle,  manivelle,  etc.  Dans  les  plus  anciennes  machines  du 
modèle  Perrault,  l'impulsion  est  donnée  aux  longues  broches 
verticales  du  métier  par  un  équipage  analogue  de  roues  mo- 
trices solidaires  et  rentrantes,  dont  les  arbres  verticaux, 
également  fixes  et  à  pivots  inférieurs,  portent  à  leurs  extré- 
mités respectives  autant  de  couples  de  disques  horizontaux , 

par  une  Commission  que  présidait  M.  Thénard  sous  le  ministère  Cunin- 
Gridaine ,  et  doot  j'avais  l'honneur  de  faire  partie ,  ainsi  que  MM.  de  Busche , 
Pecquenr,  Séguier,  de  Lamorinière,  etc.,  le  Gouvernement  avait  jugé  à 
propos  de  nommer  d'anciens,  intelligents  et  honorables  chefs  d ateliers 
industriels  comme  démonstrateurs  et  conservateurs  de  chaque  spécialité 
distincte  de  modèles  ou  de  machines. 


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320  VI*  JURY. 

ronds,  de  même  diamètre,  en  contact  réciproque,  comme 
les  roues  dentées  correspondantes ,  et  constituant  deux  cou- 
ronnes également  concentriques  à  Taxe  principal  :  Tune,  re- 
posant sur  un  plateau-support  intermédiaire;  l'autre,  emboîtée 
dans  la  platine  supérieure,  à  cet  effet  découpée  avec  le  jeu 
nécessaire  au  passage  des  broches,  et  formant  des  rainures 
serpentantes  pareilles  à  celles  dont  il  vient  d'être  parlé  niais 
croisées  sous  un  çngle  au  contraire  très-aigu;  toutes  deux 
munies,  à  la  circonférence  de  chacun  de  leurs  disques,  d'en- 
coches demi-cylindriques  correspondantes ,  propres  à  saisir  et 
guider  de  proche  en  proche  la  partie  arrondie  des  broches, 
qu'accompagnent  d'ailleurs  des  tasseaux  ou  éclisses  inférieures 
servant  à  les  guider,  par  couples,  dans  l'intervalle  où,  solli- 
citées par  l'action  centrifuge,  elles  échapperaient  à  l'impulsion 
de  leurs  disques  moteurs. 

Quel  que  soit  le  mérite  de  cette  ingénieuse  combinaison 
mécanique,  dont,  je  le  répète,  il  m'est  impossible  d'indiquer 
les  premiers  inventeurs,  et  qui  a  rendu  tant  de  services  à  l'art 
du  passementier,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  de  dire  qu'elle 
manque,  dans  le  mouvement  ou  le  jeu  des  bobines,  de  la 
continuité,  de  la  douceur  qui  caractérisent  les  plus  parfaites 
machines,  quand  bien  même  elles  remplissent  des  fonctions 
aussi  délicates  et  exigeant  aussi  peu  de  dépenses  en  force 
motrice  que  les  métiers  à  cordons  ou  à  lacets.  Le  bruit  avec 
lequel  ces  métiers  fonctionnent  suffit  seul  pour  convaincre 
qu'on  ne  pourrait,  sans  de  graves  inconvénients  et  des  pertes 
relativement  considérables  de  travail  moteur,  les  appliquer  à 
la  fabrication  en  grand  des  cordes  tressées ,  telles  qu'on  en 
emploie  dans  la  marine  sous  le  nom  de  drisses  de  pavillon  ou 
à  signaux,  et  qui,  constituées  de  deux  systèmes  ou  groupes 
distincts,  de  quatre  mèches  ou  faisceaux  de  fils  de  caret,  vien- 
nent se  croiser  sans  torsion,  en  se  recouvrant  alternativement 
sous  forme  de  bandes,  de  tresses  hélicoïdes  cylindriques,, ici 
sans  âme  ou  noyau  d'appui;  ce  qui  leur  donne  une  souplesse, 
une  flexibilité  que  ne  possèdent  point,  à  beaucoup  près,  les 
cordes  tordues,  étirées  et  commises  à  l'ancienne  manière, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  321 

comme  on  sait,  très-susceptibles  de  se  gonfler  à  l'humidité 
et  de  former  des  vrilles  ou  coques  qui  en  rendent  parfois  la 
manœuvre  impossible  autour  des  gorges  de  poulies. 

La  fabrication  des  drisses  par  procédés  purement  méca- 
niques constituait,  au  point  de  vue  de  la  combinaison  et  de  la 
réalisation  matérielle  du  mouvement,  un  problème  de  ciné- 
matique curieux  et  difficile,  que  M.  Reech,  savant  ingé- 
nieur et  professeur  à  notre  Ecole  maritime,  a  entrepris  de 
résoudre,  dès  i834,  à  l'arsenal  de  Lorient,  pour  en  substituer 
l'important  résultat  à  celui  des  petites  machines  de  passemen- 
terie jusque-là  en  usage  dans  la  fabrication  des  drisses  d'un 
petit  échantillon  *,  dont  le  tressage  cylindrique  s'opérait  au 
moyen  d'une  sorte  de  mouvement  à  chassé-croisé  rentrant, 
circulaire  ou  rotatif,  de  deux  couples  de  quatre  bobines,  produit 
par  une  combinaison  de  rouages  appropriés  à  cet  effet,  mais 
dont  les  produits  manquaient,  à  plusieurs  égards,  des  qua- 
lités nécessaires,  notamment  sous  le  rapport  de  la  consis- 
tance et  de  la  liaison  réciproque  du  double  faisceau  de  fils 
enlacés  sous  la  forme  dune  tresse  cylindrique. 

Dans  ce  but ,  M.  Reech  remplace  les  bobines  voyageuses  à 
mouvements  onduleux  des  anciens  métiers  à  rainures  croi- 
sées par  deux  groupes  distincts  de  k  grosses  bobines  ou  espolins 
librement  suspendus  à  leurs  mèches  ou  fils  respectifs,  et  ve- 
nant s'appuyer  diversement  à  la  circonférence  de  deux  disques 
métalliques  horizontaux:  l'un,  inférieur,  à  rotation  douce  sur 
l'arbre  central,  mais  à  cliquet-butoir  ou  d'arrêt  s'opposant  au 
recul  et  que  les  fils  de  suspension  des  4  premiers  ounnférieurs 
espolins  traversent  en  des  points  voisins  de  sa  circonférence 
extérieure,  pour  de  là  s'élever  obliquement;  l'autre,  supérieur 
et  de  moindre  diamètre,  portant  8  encoches  adoucies,  dont 
k  servent  d'appui  à  ces  mêmes  fils  composés  et  à  ceux  des 
!x  derniers  espolins  correspondant  à  l'intervalle  des  deux  dis- 
ques ou  platines  dont  les  fils  de  suspension  vont  se  diriger 

1  Voyez  le  mémoire  déjà  cité  de  M.  Chédeville  sur  les  corderies  des 
ports  militaires,  p.  99,  fig.  39. 

Tl*  JDAT.  —  ï*  PARTIE.  2  l 


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322  VP  JURY. 

obliquement  vers  un  tube  réunitseur  vertical  et  commun , 
répondant  au  sommet  de  l'arbre  creux  de  la  machine. 

Ce  dernier  arbre,  à  son  tour  enveloppé  d'un  canon  évidé, 
tournant  et  glissant  à  frottement  doux,  porte  le  mécanisme 
de  quatre  leviers  à  doubles  articulations,  sorte  de  bras  que 
terminent,  vers  le  bas,  des  mains  ou  rouleaux-supports  ser- 
vant à  détacher  alternativement  les  fils  de  suspension  de  l'un 
des  systèmes  d'espolins,  des  encoches  de  la  platine  supérieure, 
pour  les  élever  par-dessus  le  faisceau  convergent  des  fils  de 
l'autre  système,  et  vice  versa,  au  moyen  de  l'abaissement,  du 
soulèvement  alternatifs  du  manchon  à  roulette  et  levier  de  ma- 
nœuvre, qui,  surmontant  le  canon  à  coulisse  de  l'arbre  cen- 
tral t  porte  les  articulations  supérieures  de  l'équipage  à  leviers 
et  manettes  dont  il  vient  d'être  parlé,  lequel  offre  quelque 
analogie  avec  le  mécanisme  à  boules  du  régulateur  à  force 
centrifuge.  Ce  canon  ou  fourreau  supportant  également  les 
points  d'appui  intermédiaires  des  leviers  inférieurs,  et  recevant 
d'ailleurs  d'une  bielle  horizontale  à  manivelles  extrêmes  un 
mouvement  rotatoire  alternatif,  il  en  résulte  naturellement 
le  transport  circulaire,  d'avance  et  de  recul  ou  retour  en 
arrière,  des  deux  systèmes  de  bobines  espolins,  tour  à  tour 
soulevés,  puis  abaissés,  de  manière  à  produire  l'enlacement 
hélicoïde  et  réciproque  des  deux  groupes  distincts  de  4  mèches 
ou  faisceaux  de  fils,  vers  le  tube  supérieur  qui  leur  sert  de 
centre  commun  de  convergence. 

Pour  un  tour  complet  de  la  roue  motrice  extérieure  et  à 
volant  vertical,  dont  la  manivelle  à  coulisse  et  bouton  curseur 
produit  le  soulèvement  et  l'abaissement  alternatifs  du  four- 
reau à  manchon,  roulette  et  levier  de  manœuvre  ci-dessus, 
l'arbre  vertical  de  la  roue  d'angle  à  bielle  horizontale  supé- 
rieure qui  donne  le  mouvement  oscillatoire  à  ce  fourreau ,  et 
par  conséquent  aux  manettes,  n'accomplissant  qu'une  demi- 
révolution,  il  en  résulte,  conformément  au  mode -même  de 
distribution  des  fils  ou  espolins  de  chaque  système,  que  l'ac- 
tion des  mains,  après  avoir  opéré,  par  rotation,  le  double 
transport  d'avance  et  de  recul  ainsi  que  le  soulèvement  et 


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MACHINES  ET  OUTILS.  323 

rabaissement  complet  de  l'un  quelconque  d entre  eux,  opère 
immédiatement  après  celui  de  l'autre  système,  et  ainsi  de 
suite  alternativement  et  périodiquement  pour  chacune  des 
révolutions  entières  de  l'arbre  moteur  à  volant. 

Enfin,  les  espolins  alimentaires,  dont  le  propre  poids  ou 
des  poids  additionnels  servent  à  maintenir  la  tension  des  fils 
pendant  la  formation  de  la  drisse,  elle-même  soumise  à  des 
moyens  aptes  à  régulariser  le  tirage,  ces  espolins,  dis-je,  sont 
munis  d'un  ingénieux  système  à  rochet  ou  cliquet  d'arrêt 
qui,  vers  la  fin  de  leur  ascension  verticale,  venant  buter 
contre  le  dessoui  correspondant  de  la  platine  horizontale 
d'appui  des  fils  auxquels  ils  se  trouvent  respectivement  sus- 
pendus, leur  permet  d'obéir  librement  à  la  tension  de  ceux- 
ci  par  une  rotation,  un  déroulement  momentanés,  qui  déli- 
vrent des  quantités  de  fils  égales  pour  les  quatre  espolins  d'un 
même  système,  et  dont  l'étendue  est  réglée  d'après  l'intervalle 
existant  entre  les  butoirs  des  cliquets,  etc. 

J'ai  cru  devoir  m'étendre  un  peu  sur  la  machine  à  drisses 
de  M.  Reech,  bien  qu'on  lui  reproche  une  grande  lenteur  de 
travail,  occasionnée  par  l'inertie  des  espolins  dans  leurs  oscil- 
lations transversales,  lenteur  qui  d'ailleurs  paraîtrait  peu 
propre  à  la  faire  adopter  dans  l'industrie  comme  machine 
manufacturière  ou  économique;  car  elle  constitue,  par  le  fait» 
un  système  de  solution  ou,  si  l'on  veut,  de  transformation 
de  mouvement  très-original,  jusqu'ici  peu  répandu,  mais 
qui  pourra  recevoir  par  la  suite  d'utiles  applications  à  d'au- 
tres machines,  indépendamment  du  caractère  précieux  qu'elle 
offre,  de  fournir  des  drisses  à  tissu  serré,  JCune  grande  régu- 
larité et  d'une  rondeur  parfaite  l. 

Ce  serait  ici  le  cas  de  dire  quelques  mots  touchant  les  plus 
récentes  machines  à  fabriquer  les  cordes  plates,  les  câbles  en 
fils  de  fer,  à  noyau  plein  de  chanvre,  ou,  inversement,  le* 
câbles,  les  cordes  en  chanvre  avec  interposition  de  fils  de  fer; 
machines  qu'ont  précédées  celles  à  recouvrir  extérieurement 

1  Page  101  du  mémoire  cité  de  M.  Chédeville. 


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324  VI-  JURY. 

les  fils  métalliques  de  fils  pareils  ou  constitués  diversement, 
roulés  en  hélices  serrées,  par  conséquent  d'un  pas  excessive* 
ment  petit,  et  dont  la  fabrication  par  procédés  mécaniques 
est  aussi  ancienne  que  celle  des  instruments  de  musique  à 
cordes,  etc.;  soit  que  d'ailleurs  la  bobine  porte-fil  enveloppe, 
se  meuve  circulairement  autour  du  noyau  immobile,  soit 
que,  la  bobine  étant  fixe,  celui-ci  tourne  rapidement  sur 
lui-même,  etc.  Mais  ces  développements  sur  des  machines 
accessoires  m'entraîneraient,  sans  utilité  suffisante  pour  notre 
but,  bien  au  delà  des  limites  que  je  me  suis  prescrites  dans 
cette  dernière  Section ,  et  je  dois  me  borner  à  rappeler  en 
peu  de  mots  qu'on  s'est  plus  particulièrement  préoccupé, 
depuis  i84o,  de  la  fabrication  mécanique  par  machines  des 
câbles  en  fils  de  fer  pour  l'usage  de  la  marine,  des  télégraphes 
électriques,  des  chemins  de  fer  et  des  mines. 

M.  Comitti,  à  Valenciennes,  et  M.  Vigni,  originaire  de 
Sienne,  en  Toscane1,  se  sont  faits  des  premiers  breveter  en 
France,  pour  cet  important  objet,  en  septembre  et  novembre 
,i84o;  mais  ils  avaient  été  devancés  en  Angleterre  par  M.  Stir- 
ling-Newall,  de  Dundee,  dont  la  patente,  datée  du  7  août  de 
la  même  année,  présente  néanmoins  le  caractère  d'une  simple 
importation,  probablement  d'origine  allemande.  Dans  les  an- 
nées suivantes  (i843  à  1849),  des  brevets  ou  patentes  pour 
cordes  métalliques,  mélangées  ou  non,  ont  été  tour  à  tour 
pris  en  Angleterre  par  le  même  M.  Newall  et  par  MM.  Exall , 
Smith  et  Wilson.  Antérieurement,  en  France,  il  en  a  été  dé- 
livré à  MM.  E.  Flacbier,  de  Condrieu,  Savaresse  et  Pleyel,  de 
Paris,  pour  des  cordes  harmoniques3;  enfin  M.  Leclerc,  d'An- 

1  Bulletin  de  la  Société  à* encouragement,  t.  XLIII,  p.  38,  et  Publication 
industrielle  de  M.  Armeogaud,  t.  V,  p.  s84« 

1  Le  brevet  de  M.  Pleyel,  inséré  dans  le  t.  XIII,  p.  49,  de  la  Collec- 
tion imprimée ,  sous  la  date  du  3 1  décembre  1 8 1  o ,  est  antérieur  à  celui  de 
MM.  Savaresse  etC**,  pris  en  mars  1837,  et  consigné  au  t.  XXIII,  p.  i38, 
de  cette  Collection  ;  mais  je  dois  faire  observer,  d'après  un  autre  article 
inséré  à  la  page  966  du  Dictionnaire  des  arts  et  manufactures,  et  signé  Ph. 
Savaresse,  que  la  fabrication  des  cordes  d'instruments  de  musique  aurait  été 


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MACHINES  ET  OUTILS.  325 

gers,  en  a  pris  an  pour  des  cordages  mélangés,  etc.  Inutile 
d'ajouter  que  les  machines  a  fabriquer  ces  divers  genres  de 
cordages  doivent  offrir  la  plus  grande  analogie  avec  celles 
qui  avaient  été  précédemment  employées  au  commettage  des 
cordes  ordinaires  :  on  pourra ,  non  sans  quelque  difficulté  à 
cause  de  l'imperfection  des* dessins  *,  en  prendre  une  idée 
dans  le  dictionnaire  américain  d'Appleton,  édité  en  i85i  à 
New- York  par  Oliver  Byrne,  t.  II,  p.  854,  art.  Wire  covering 
machine  (machine  à  recouvrir  le  fil  de  fer)  et  Wire  rope  ma- 
chinery  (machine  à  fabriquer  les  cordes  en  fils  métalliques). 
Cette  dernière  machine,  due  à  l'ingénieur  anglais  Andrew 
Smith,  de  Saint- James,  dont  la  patente,  du  3i  mai  1849,  a 
ci-dessus  déjà  été  indiquée,  offre  des  .combinaisons  fort  origi- 
nales et  d'autant  plus  remarquables  que  le  mouvement  des  sept 
bobines  alimentaires  à  axes  horizontaux,  dont  une  centrale 
pour  le  noyau ,  y  est  extrêmement  doux  et  continu ,  attendu 
qu'il  s'accomplit  sans  l'intermédiaire  des  rouages  dentés  et 
planétaires  mis  en  œuvre  dans  la  machine  à  commettre  de 
Fulton,  imitée,  comme  on  l'a  vu,  par  MM.  Norvell  et  Cravfrhall, 
mais  bien  au  moyen  de  mouvements  excentriques  ou  à  petites 
manivelles,  tels  qu'on  en  emploie  dans  le  système  de  dressage, 
de  polissage  mécanique  des  grandes  glaces  par  galets  rôdeurs, 
empruntés  à  la  manufacture  de  Saint-Ildefonse,  en  Espagne  2  ; 
seulement  ici  le  transport  général  des  bobines  qui  représentent 
les  rodoirs  et  sont  montées  sur  une  grande  roue  inférieure 
tournante,  au  lieu  d'être  rectiligne  alternatif,  est  circulaire 
continu  autour  de  l'axe  central  de  la  passoire  ou  du  tube 
réunisseur,  etc. 

introduite  en  France  par  un  ouvrier  napolitain  du  nom  de  Nicolas  Savaresse, 
qui  monta  une  fabrique  à  Lyon  vers  Tan  1 766. 

1  La  description  et  les  dessins  doivent  être  extraits  du  tome  LI  du  recueil 
anglais  intitulé  :  Méchantes  magazine,  p.  5 18,  que  je  n'ai  pas  sous  la  main. 

1  Voyez  les  pages  525  et  suivantes  de  la  l"  partie. 


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326  VP  JURY. 

CHAPITRE  II. 

MACHIKBS  ET  MÉTIERS  EMPLOYES  A  LA  FABRICATION  DBS  TISSUS  PLBTKS 
A  CHAÎNES  ET  TRAMES  CROISÉES  RRCTAHGCLAIRSMBHT. 

Les  machines  à  tresser  les  lacets,  les  cordonnets  et  les 
drisses,  dont  j'ai  essayé  de  donner  un  aperçu  historique  dans 
Y  Addition  qui  termine  le  précédent  chapitre1,  pourraient, 
à  certains  égards,  être  considérées  comme  appartenant  à  la 
catégorie  de  celles  qui  doivent  ici  nous  occuper;  car  elles  ont 
pour  but  un  véritable  tissage  ou  enlacement  plein  et  serré  de 
deux  faisceaux  de  fils  distincts  qui ,  au  lieu  de  se  croiser  réa- 
lignement et  rectangulairement  entre  eux,  se  superposent 
sous  des  angles  obliques  également  invariables,  mais  dont  les 
lignes  sinueuses,  indéfinies,  en  serpentant  de  part  et  d'autre 
d'un  axe  commun  de  symétrie,  ne  comportent  aucun  retour 
brusque  aux  lisières  ou  limites  latérales  du  tissu.  Cet  arran- 
gement, qui  dans  les  dispositions  du  métier  à  lacet  plat  pré- 
sente des  difficultés  mécaniques  d'une  nature  toute  spéciale, 
comme  on  l'a  vu ,  a  du  moins  l'avantage-,  dont  il  jouit  en 
commun  avec  celui  des  retors  et  des  cordages ,  de  faire  con- 
courir, il  est  vrai  par  la  déformation  et  le  rétrécissement  obligé 
des  tissus,  toutes  les  fibres  à  l'action  de  la  résistance  contre 
un* effort  longitudinal  de  tirage;  ce  qui  n'existe  pas  à  beau- 
coup près  dans  les  tissus  à  réseaux  rectangulaires,  où  les  fils 
de  la  chaîne  résistent  pour  ainsi  dire  exclusivement  à  un  pareil 
effort,  les  fils  de  trame  jouissant  d'ailleurs  de  la  propriété 
précisément  inverse  2. 

1  Lorsque  j'écrivais  cet  article,  je  n'avais  pas  en  ma  possession  le  catalogue 
des  patentes  anglaises,  où  se  trouvent  enregistrés,  sous  les  noms  de  John 
Reepe  (  1 693  ) ,  Thomas  Walford  (  1 7  48  et  1 77  7) ,  Georges  Dundas  (  1 76 1),  etc., 
divers  projets  ou  machines  ayant  pour  objet  le  tressage  des  sangles  et  des 
fourreaux  de  fouets  coniques,  dont  je  ne  saurais  ici  indiquer  le  système 
de  construction  et  l'analogie  avec  les  métiers  à  tresser,  de  l'Encyclopédie  mé- 
thodique ou  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  destinés  à  la  fabrication 
automatique  des  cordons  et  lacets  ordinaires  de  passementerie. 

*  Je  ne  puis,  à  ce  sujet,  m' empêcher  de  rappeler  que  M.  Taylor  (Phi- 
lippe), iogénieur  à  Paris,  s'est  fait  délivrer  en  août  i83o  un  brevet  d'im- 
portation de  quinze  ans,  déchu  en  i&35,  ayant  pour  but  an  perfectionne- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  327 

En  revanche,  les  principales  difficultés  mécaniques  ayant 
disparu  dans  les  métiers  à  fabriquer  ces  derniers  tissus,  on  a 
pu,  sans  trop  d'inconvénients  ou  d'obstacles  matériels,  y  mul- 
tiplier en  quelque  sorte  arbitrairement  et  de  proche  en  proche 
le  nombre  des  fils  de  chaîne  en  agrandissant  progressivement 
la  largeur  des  étoiles.  Par  suite  de  la  régularité,  de  la  simpli- 
cité relative  même  des  combinaisons,  l'industrie  humaine 
s'est  exercée  dès  la  plus  haute  antiquité  à  leur  faire  produire, 
par  le  croisement  mutuel  et  la  succession  graduée  des  fils  de 
chaîne  et  de  trame,  des  effets  multiples,  variés  à  l'infini  et 
que,  en  raison  de  l'obliquité  des  fils  ou  faisceaux  de  fils,  il 
serait  comme  impossible  de  réaliser  sur  les  machines  à  tres- 
ser actuelles;  du  moigs  faudrait-il  introduire  dans  leur  mé- 
canisme des  complications  extraordinaires,  et  qui,  sous  le 
rapport  de  la  beauté,  de  la  richesse,  de  la  solidité  ou  per- 
manence de  forme  des  tissus,  n'offriraient  aucune  des  com- 
pensations qu'on  retrouve  dans  d'autres  genres  précieux  de 
produits,  par  exemple,  dans  les  tricots  et  les  tulles,  formés 
de  réseaux  également  sinueux,  se  recoupant  sous  des  direc- 
tions obliques  mais  dont  l'assemblage  et  la  liaison  sont  assurés 
par  d'ingénieux  moyens,  qui,  malgré  leur  simplicité  appa- 
rente dans  le  travail  à  la  main,  continuent  aujourd'hui  en- 
core' à  exercer  la  patience  des  artistes ,  des  mécaniciens  cons- 
tructeurs de  métiers,  occupés  à  imiter  les  produits  de  ce 
travail,  variés  pour  ainsi  dire  à  l'infini  par  la  puissance  ins- 
tinctive et  réfléchie  de  l'homme  appliquée  à  d'admirables  et 
délicats  organes  naturels. 

ment  dans  la  fabrication  des  toiles  à  voiles  à  rasage  de  la  marine 9  par  un  tissage 
oblique  de  la  trame  avec  la  chaîne  (  t  X£IX  de  U  Collection  imprimée, 
*p.  38j).  Le  but,  comme  on  le  comprend  bien,  est  d'éviter  les  effets  du 
tirage  oblique  des  fils  dans  les  voiles  latines  à  coupe  triangulaire,  etc. 
Quant  au  procédé  mécanique,  il  consiste  dans  un  métier  imaginé  en  Angle- 
terre, et  qui  diffère  principalement  du  métier  A  marches  ancien  par  la  di- 
rection biaise  des  rouleaux  d'ensouple,  du  battant,  etc.,  relativement  A  celle 
des  fils  de  chaîne;  ce  qui  donne  lieu  à  des  difficultés  d'installation  et  A  des 
tendances  au  dérangement  de  ces  mêmes  parties,  dont  il  est  également  aisé 
de  se  rendre  compte  A  priori. 


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328  Vf  JURY. 

I*7.  —  De  quelques  anciens  métiers  à  tisser.  —  Passages  de  Virgile,  de 
Pline,  d'Orûfe,  etc.,  relatifs  à  ce  sujet  —  Remarquables  tentatives  faites 
autrefois  par  l'officier  français  de  Gennes,  par  Vaacanson  et  le  manufac- 
turier anglais  Gariside,  de  Manchester,  pour  fabriquer  automatiquement 
les  toiles  ou  tissus  unis  à  trame  et  chaîne  tendue. 

Que  les  anciens  aient  fabriqué  leurs  étoffes  pleines  sur  des 
métiers  constitués  d'une  chaîne  ou  réunion  de  Gis  parallèles 
tendus  horizontalement  (basse  lisse)  ou  verticalement  (haute 
lisse)  entre  des  rouleaux  ensouples,  parallèles,  montés  aux  ex- 
trémités fixes  du  bâti,  chaîne  que  la  navette  à  fuseau  porte- 
trame,  conduite,  lancée  à  la  main,  traversait  perpendiculaire- 
ment et  tour  à  tour  dans  les  deux  sgns,  après  l'écartement 
angulaire  préalable,  alternatif  et  dans  un  ordre  périodique  ré- 
gulier, de  ces  mêmes  fils  de  chaîne  ;  que  ces  métiers  primitifs 
fussent  en  outre  munis  de  battants  ou  peignes  à  dents  formés 
de  lames  minces  de  roseau ,  d'ivoire  ou  de  métal  rapprochées 
les  unes  des  autres  parallèlement  et  de  manière  à  isoler  entre 
eux  les  fils  de  la  chaîne;  que  l'ouvrier  se  fût,  en  effet,  servi 
de  ce  peigne  pour  battre  et  serrer  successivement  la  trame  ou 
duiie  dans  l'intervalle  angulaire  formé  par  le  croisement» 
Fécartement  symétrique  et  alternatif  des  fils,  de  part  et  d'autre 
du  plan  moyen  de  la  chaîne  tendue,  figurant  dans  sa  largeur 
uniforme  l'étoffe  déjà  ourdie  mais  non  encore  tissée;  que 
les  peuples  de  l'antiquité,  dis-je,  aient  connu  le  métier  à  bras 
aujourd'hui  encore  généralement  employé  par  les  tisserands 
de  nos  villes  et  de  nos  campagnes,  mais  qui  bientôt  pourra 
cesser  de  l'être,  cela  ne  saurait  faire  l'ombre  d'un  doute, 
d'après  les  nombreux  témoignages  d'Homère,  d'Ovide,  de  Vir- 
gile, de  Pline,  d'Animien  Marcellin,  etc.  i 

Que,  d'autre  part,  ces  antiques  métiers  des  tisserands»  a 
chaîne  horizontale,  comportassent  des  lisses  à  deux  lames  éga- 
lement horizontales,  parallèles  et  soutenant  les  groupes  res- 
pectifs de  cordons  verticaux  porte-ma/ZZons  ou  œillères  traversés, 
à  leur  tour  et  en  arrière  du  peigne  ou  battant,  par  les  u»s 
de  chaîne  destinés  à  être  simultanément  soulevés  ou  abais- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  329 

ses  a&n  d'ouvrir  à  la  navette  l'espace  angulaire  mentionné 
ci-dessus,  sorte  de  coin  dont  le  sommet,  Tarête  aiguë,  formé 
du  croisement  des  mêmes  fils ,  sert  d'appui  et  bientôt  de  prison 
au  jet  de  trame,  appelé  proprement  datte  et  ainsi  resserré 
entre  deux  croisements  consécutifs  sous  le  coup  du  battant; 
que  les  anciens  se  soient  servis  des  bâtons  enverjares  placés  en 
travers  de  la  chaîne,  au  delà  du  peigne  batteur  et  des  lames 
de  lisses,  pour  en  diviser,  roidir  les  fils  de  manière  à  mainte- 
nir leur  parallélisme  ou  à  empêcher  leur  mélange  réciproque, 
cela  semble  aussi  résulter  d'autres  passages  des  mêmes  au- 
teurs, trop  concis  néanmoins  et  usant  d'expressions  trop  peu 
intelligibles  pour  pouvoir  être  convenablement  traduits  ou  in- 
terprétés dans  notre  laugue.  Mais  on  n'y  rencontre  rien,  si  je 
ne  me  trompe,  qui  ait  trait  aux  ingénieux  mécanismes  par 
lesquels  on  voit  aujourd'hui  nos  tisserands  faire  mouvoir  les 
lames  de  lisses  pour  ouvrir,  fermer  et  croiser  alternativement 
les  fils  de  la  chaîne  sur  la  duite,  je  veux  dire  le  fil  de  trame 
lancé  par  la  navette. 

Ovide,  qui,  à  ma  connaissance,  est  de  tous  les  auteurs  la- 
tins celui  qui  présente  le  plus  de  détails  techniques  relatifs  à 
l'art  de  tisser  des  anciens,  dans  le  IV*  livre  de  ses  Métamor- 
phoses, à  propos  du  défi  adressé  par  Arachné  à  la  déesse  Pal- 
las,  n'en  fait  aucune  mention  expresse,  et  ce  que  renferme  à 
cet  égard  la  traduction  en  vers,  d'ailleurs  si  remarquable,  de 
M.  Desaintaoge,  fort  au  courant  de  l'industrie  lyonnaise.,  est 
une  pure  hypothèse  ou  licence  poétique,  s'accordaot  assez  peu 
d'ailleurs  avec  le*  texte,  qui,  tout  en  indiquant  Ta  chaîne  ten- 
due entre  deux  ensouples,  les  enverjures,  le  peigne  batteur, 
la  navette,  etc.1,  semble  en  effet  se  rapporter  bien  plutôt 

1  Métamorphose  2*  du  livre  VI,  vers  de  20  à  a  5.  M.  Hedde,  professeur 
de  tissage  à  Saint-Etienne ,  à  qui  l'on  doit  diverses  brochures  historiques 
sur  cet  art,  cite  dans  1* une  d'elles,  imprimée  en  1837,  un  passage  d'Homère 
incorrectement  traduit  par  M°"  Dacier,  et  qui  prouve  seulement  aussi  que 
dès  la  plus  haute  antiquité  on  se  servait  des  métiers  à  tapisserie  de  haute 
lisse.  Je  crois  peu  nécessaire,  d'ailleurs,  de  citer  ici  les  rêveries  que  con- 
tient l'ouvrage  de  l'ingénieur  anglais  Gilroy,  dont  j'aurai  à  parler  par  la 
suite,  sur  l'art  de  tisser  les  étoffes  façonnées  ou  à  plusieurs  rangs  de  lisses. 


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330  VI-  JURY. 

au  métier  de  tapisserie  à  sujets  artistiques  exécutés  à  l'aide 
d'une  broche  conduite  de  proche  en  proche»  à  la  main,  au 
travers  des  fils  de  la  chaîne,  qu'au  simple  métier  à  tisser  les 
étoffes  croisées,  figurées  ou  brochées,  par  le  lancé  propre- 
ment dit  d'une  navette  traversant  d'un  seul  jet  l'intervalle 
ouvert  à  la  duite. 

Cependant  l'existence  des  lices  ou  lisses  dont  parle  Viigile1 
suppose  leur  soulèvement  et  leur  abaissement  alternatif  à 
l'aide  de  procédés  mécaniques  plus  ou  moins  analogues  à  celui 
des  armures  diverses  par  lesquelles  nos  tisserands  opèrent  le  dé- 

1  Licia  telm  addere.  Plu*  loin  on  trouve  cet  autre  vers  :  Argato  conjmxper- 
currit  pectine  tel**,  qui  a  simplement  trait  au  peigne  ou  ros  batteur  dont  les 
habitants  de  la  campagne  se  servaient  pour  tisser  les  étoffes  unies.  Mais, 
comme  on  le  voit,  rien  dans  ces  vers  ne  peut  faire  soupçonner  le  mode 
même  de  suspension  et,  à  fortiori ,  de  mouvement  des  lices  et  du  peigne  dont 
il  y  est  parlé.  Quelques  autres  passages  de  Pline,  d'Ammien  Marcdlin, 
cités  par  divers  auteurs,  notamment  dans  le  Mémoire  de  Desmarest  sur  les 
étoffes  tirées  des  tombeaux  de  Saint-Germain-des-Prés  ( t  VII ,  3*  partie ,  p.  1 1 9, 
des  Mémoires  de  t Institut,  Classe  des  sciences) ,  ces  passages,  dis-je,  tendent 
seulement  à  prouver  que  les  Grecs  d'Alexandrie  et  nos  ancêtres  les  Gaulois 
tissaient  avec  des  métiers  à  plusieurs  rangs  de  lisses,  sans  rien  nous  faire 
connaître  de  précis  sur  la  nature  de  ces  métiers,  dont  les  produits,  les 
étoffes  plus  ou  moins  riches,  ne  sauraient  suffire  pour  donner  une  idée;  car 
il  restera  toujours  à  savoir  par  quels  artifices  s'opéraient  la  levée  et  rabaisse- 
ment alternatifs  de  ces  divers  rangs  de  lisses. 

Ce  serait  d'ailleurs  chose  parfaitement  inutile  pour  notre  objet  que  de 
mentionner  ici  les  plus  simples  des  métiers  chinois ,  précieusement  montés 
et  collectionnés  au  Conservatoire  des  arts  de  Paris,  ou  encore  ceux,  tout 
aussi  ingénieux,  employés  par  les  sauvages  de  la  mer  du  Sud  à  la  confec- 
tion des  tissus  étroits,  sans  armures  ni  pédales  proprement  dites.  Mais  il 
n'en  est  pas  tout  à  fait  ainsi  du  métier  à  sangles,  aujourd'hui  même  en 
usage  dans  nos  campagnes,  et  qui  probablement  correspond  au  premier 
état  du  tissage  des  étoffes  unies  chez  les  habitants  de  la  Gaule,  puisque  la 
chaîne,  tendue  entre  deux  bâtons  ensouples,  l'un  fixe,  l'autre  simplement 
tiré  par  un  contre-poids  mobile ,  est  alternativement  ouverte  par  deux  sys- 
tèmes de  mailles  passées  en  guise  d'étriers  autour  de  chacun  des  pieds  de 
l'ouvrier,  qui,  bien  qu'assis,  agit  comme  dans  la  marche  ordinaire,  tout  en 
passant  la  trame  de  la  main  gauche  et  la  serrant  contre  le  tissu  de  la  main 
droite  armée  d'une  lame  ou  latte  à  poignée,  introduite,  à  chaque  reprise, 
dans  l'angle  ouvert  de  la  chaîne. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  331 

placement  vertical  et  parallèle  des  différents  couples  de  lames 
horiiontales  de  lisses  ou  des  rangées  planes  correspondantes 
des  fils  de  chaîne  qui,  en  traversant  leurs  maillons  respectifs, 
viennent,  par  leur  croisement  près  de  l'étoffe  déjà  tissée  ou 
frappée,  ouvrir  à  la  navette  les  espaces  angulaires  dont  il  a 
été  parlé,  et  cela  dans  un  ordre  de  succession  dépendant  de 
la  nature  même  du  tissu  à  fabriquer  par  les  entrelacements 
périodiques  et  réciproques  des  fils  de  trame  et  de  chaîne. 

Dans  l'art  du  tisserand  en  toile  unie  ou  ordinaire,*  le  métier 
à  chaîne  horizontale  comporte,  comme  on  sait,  non-seule- 
ment le  battant,  le  châssis  vertical  porte-peigne  ou  roslt  oscil- 
lant, librement  suspendu  par  sa  base  supérieure ,  et  que 
l'ouvrier  manœuvre  horizontalement  à  bras  en  agissant  sur  sa 
traverse  inférieure;  mais  ce  métier,  à  simple  armure  ou  har- 
nais, comporte  aussi  des  pédales  ou  marches  horizontales  agis- 
sant par  un  systèiûe  de  bascules  à  cordes,  tringles,  leviers  ou  * 
poulies  de  renvoi,  muni  quelquefois  de  contre-poids  pour 
faciliter  le  relèvement  spontané  des  marches  ou  éviter  la  trop 
grande  tension  des  fils  de  la  chaîne ,  dont  les  en  sou  pies  extrêmes 
doivent,  à  leur  tour,  offrir  une  certaine  liberté  de  jeu  ou  de 
rotation  sous  Faction  de  freins,  de  leviers  à  cbntre-poids,  de 
cordes  de  retenue,  élastiques  et  remplissant  jusqu'à  un  cer- 
tain point  la  fonction  de  ressorts  qui  leur  permettent  de  céder 
à  un  excès  de  tension  produit  par  un  choc  trop  brusque  du 
battant  ou  la  levée,  l'abatage  trop  rapide  des  lames  de  lisses. 
L'existence  inévitable  de  ces  secousses  fait  d'ailleurs  com- 
prendre combien  il  importe ,  lors  de  l'ourdissage  et  du  mon- 
tage du  métier,  de  bien  assurer  le  rigoureux  parallélisme  du 
peigne,  du  châssis-battant  et  des  ensouples,  l'égalité  de  ten- 
sion des  divers  fils  de  chaîne,  celle  de  leur  déroulement  sur 
l'ensoiiple  postérieure  et  de  l'enroulement  simultané  de  l'étoffe 
tissée  sur  l'ensouple  de  devant,  munie  d'un  levier  de  ma- 
nœuvre ou  d'un  rochetà  cliquet,  enfin  la  nécessité  de  s'op- 

1  Ce  mot  abréviatif  de  roseau  l'applique  à  l'ensemble  des  lames  minces 
qui  servaient  autrefois  et  servent  encore  à  composer  le  peigne  des  métiers 
a  tisser  les  toiles  ordinaires  dans  les  campagnes. 


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332  Vr  JURY. 

poser  au  tirage  transversal  du  fil  de  trame  à  chaque  coup  de 
navette,  en  maintenant  l'écartement  des  fils  de  rives  ou  li: 
sières  par  l'instrumenta  griffes  extrêmement  léger,  croisé  en 
crémaillère  et  nommé  tantôt  temploir,  tantôt  templet,  tantôt 
tempia,  selon  les  localités  ou  l'usage  des  ateliers;  instrument 
que  dans  les  métiers  à  bras  on  déplace  parallèlement  à 
certains  intervalles,  de  même  qu  on  tourne  les  rouleaux  en- 
souples  de  loin  en  loin ,  afin  d'éviter  la  trop  grande  incli- 
naison du  peigne  batteur  résultant  de  l'avancement  du  tissu 
ou  de  la  duite ,  mais  surtout  la  trop  grande  ouverture  de 
l'angle  formé  par  la  levée  ou  l'écartement  des  fils  de  chaîne. 
En  considérant  les  ingénieuses  combinaisons  de  ce  dispo- 
sitif fondamental,  dont  l'origine  remonte  sans  nul  doute,  et 
malgré  l'absence  de  preuves  directes,  à  une  très-haute  anti- 
quité, on  entrevoit  a  priori  comment  il  est  devenu  possible, 
non  sans  des  difficultés  extrêmes  et  de  longs ,  de  nombreux 
tâtonnements,  d'assujettir  les  divers  organes  du  métier  à  tisser 
à  des  mouvements  purement  automatiques,  comme  l'avait 
tenté  dès  Tannée  1678  l'officier  de  marine  français  de  Gennes 
dans  une  machine  de  cette  espèce  qu'il  soumit  à  l'Académie 
des  sciences  de  Paris ,  et  qui  comportait  non-seulement  des 
cames  fermées  ou  rentrantes,  des  courbes  planes  montées 
excentriquement  sur  un  arbre  à  manivelle  et  rotation  con- 
tinue, servant  à  faire  mouvoir  les  deux  équipages  de  lisses 
horizontales  à  cordes  et  poulies  solidaires,  non-seulement  un 
battant  à  peigne  oscillant  muni  d'un  ressort  de  catapulte 
dont  la  réaction  était  produite  par  un  système  de  cordes 
fortemeot  tordues  entre  des  appuis  extrêmes,  mais  aussi  un 
mécanisme  très -ingénieux  de  tiges  en  bois,  porte-navettes, 
doubles  et  opposées  suivant  une  direction  horizontale,  à  g"8" 
sières  rectilignes,  contre -poids  de  recul  et  déclic  daccroche- 
ment  analogue  à  celui  de  certaines  sonnettes  à  tiraudes  de 
l'ancienne  Ecole  du  génie  à  Mézières.  Grâce  à  ce  mécanisme, 
en  efFet,  la  navette  était,  par  échanges,  décrochements  et 
accrochements  alternatifs,  renvoyée  de  l'une  à  l'autre  tige, 
animées  d'un  va-et-vient  nécessairement  très-lent,  départ  et 


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MACHINES  ET  OUTILS.  333 

d'autre  de  la  chaîne,  dont  elles  traversaient  successivement  et 
en  sens  opposés  l'ouverture  pour  chaque  duite. 

Ce  métier  automate ,  imparfaitement,  grossièrement  décrit 
dans  le  Journal  des  Savants  de  l'époque1,  et  d'où  il  a  été 
traduit  dans  les  Transactions  philosophiques  de  la  Société  royale 
de  Londres*,  comportait,  d'après  l'auteur,  des  moyens  égale- 
ment automatiques  pour  enrouler,  au  fur  et  à  mesure,  la 
toile  sur  l'ensouple  du  devant  et  arrêter  à  volonté  l'un  des 
dix  ou  douze  métiers  dirigés  par  un  petit  nombre  d'ouvriers 
rattacheurs,  et  que,  dans  ses  intentions,  devait  faire  mar- 
cher un  moteur  unique;  car  il  n'est  nullement  certain  que  de 
Gennes,  dont  la  remarquable  tentative  obtint  un  certain  re- 
tentissement en  Angleterre,  ait  réalisé  cette  dernière  partie 
du  but  qu'il  s'était  proposé  d'atteindre  :  la  solution  pratique 
et  vraiment  satisfaisante  de  cet  épineux  problème  de  méca- 
nique devait  se  faire  attendre  pendant  plus  d'un  siècle  en- 
core ,  malgré  des  études  et  des  essais  souvent  répétés  depuis 
l'époque  de  1678,  où  de  Gennes  avait  commencé  à  s'en  occu- 
per, dans  des  circonstances ,  il  est  vrai ,  très-peu  favorables 
sous  le  rapport  mécanique  et  industriel. 

C'était  là  d'ailleurs,  comme  on  voit,  un  trait  de  génie,  où 
l'on  découvre  sans  peine  l'origine  des  idées  réalisées  soixante- 
sept  ans  plus  tard  par  Vaucanson,  grâce  à  des  perfectionne- 
ments dont  le  principal  consistait  :  dans  la  substitution  de 
deux  tubes  creux  en  fer,  mobiles  sur  chariots  à  roulettes,  aux 
tiges  horizontales  conductrices  de  la  navette;  dans  l'applica- 
tion de  la  vis  sans  fin  à  l'enroulement  graduel  de  l'étoffe  sur 
l'ensouple  du  devant  ;  dans  la  régularisation  de  la  tension  lon- 
gitudinale et  transversale  de  la  chaîne  ou  de  l'étoffe,  et  dans 
\m  bon  nombre  d'autres  ingénieuses  combinaisons,  dont  on 
peut  aujourd'hui  même  étudier  le  détail  sur  le  grand  modèle , 
en  bois  existant  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  Paris, 

1  Nouvelle  machine  pour  faire  de  la  toile  sans  Taide  a* aucun  ouvrier,  pré- 
sentée à  f  Académie  royale  par  M.  de  Gennes,  officier  de  la  marine;  cahier  du 
lundi  8  août  mdclxxtiii,  p.  317. 

*  Pnilosopkical  transactions  de  1678,  J>.  1007. 


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334  VT  JURY. 

où  il  avait  pendant  si  longtemps  été  abandonné  sans  soins 
et  singulièrement  mutilé ,  mais  auquel  on  a  joint  d'autos 
combinaisons  ou  additions  dont  l'ingénieur  de  Gennes  etVau- 
canson  lui-même  ne  s'étaient  point  préoccupés  à  l'origine. 

La  plus  ancienne  partie  de  ce  modèle,  celle  qui  en  cons- 
titue la  base  principale  ou  fondamentale,  a  été  mentionnée 
avec  de  grands  éloges  dans  un  célèbre  article  du  Mercmt  it 
France  pour  Tannée  1745  ^  article  souvent  reproduit  dans 

1  Numéro  de  novembre ,  p.  1 16  et  suiv.  Voici  un  extrait  abrégé  des  pas- 
sages essentiels  de  cet  article  : 

•  La  machine  consiste  en  un  premier  mobile  en  forme  de  cabestan,  fai- 
sant marcher  plusieurs  métiers  à  1a  fois  et  mû  par  une  force  quelconque.— 
L'étoffe  se  roule  elle-même  è  mesure  qu'elle  se  fabrique;  la  chaîne  est  tou- 
jours également  tendue ,  etc.  —  L'auteur  a  trouvé  le  moyen  de  déterminer 
la  quantité  de  soie  qu'il  veut  faire  entrer  dans  une  étoffe,  en  donnant  pi» 
ou  moins  de  poids  au  battant,  en  tenant  la  chaîne  plus  on  moins  tendue 
et  en  faisant  donner  plus  ou  moins  de  trame  par  des  tours  de  manivelle.  — 
C'est  par  de  semblables  moyens  qu'il  fait  dévider  son  étoffe  plus  ou  moins 
vite ,  selon  que  la  trame  est  plus  ou  moins  grosse  et  qu'elle  est  plof  on 
moins  frappée.  —  Les  lisières  de  l'étoffe  fabriquée  sur  le  nouveau  métier 
sont  bien  plus  belles  et  bien  plus  parfaites  que  celles  des  étoffes  ordinaires, 
l'auteur  ayant  trouvé  le  moyen  de  supprimer  une  pièce,  appelée  ttmpU, 
dont  on  se  sert  pour  contenir  l'étoffe  dans  sa  largeur,  mais  qui  gâte  les 
lisières  par  les  trous  que  les  pointes  y  font.  —  En  cas  de  rupture  et  de 
nouage  des  fils  ou  de  changement  de  navette ,  on  arrête  le  métier  sur-le- 
champ  ,  en  poussant  un  bouton  placé  à  l'un  des  angles  du  bâti ,  sous  la 
main  d'une  jeune  fille  veillant  à  quatre  de  ces  métiers.  —  Cet  arrêt»  d'an 
mécanisme  nouveau  et  fort  ingénieux ,  suspend  et  redonne  comme  un  éclair 
tous  les  mouvements  au  métier  auquel  il  appartient,  sans  troubler  la  marebe 
des  autres  métiers  ou  du  moteur  général.— Un  cheval  peut  faire  marcher 
trente  de  ces  métiers,  un  homme  en  ferait  aller  six,  et  un  enfant  de  doute 
ans  facilement  un  ;  chaque  métier  produisant  par  jour  tout  autant  d'étoffe 
que  le  meilleur  ouvrier.  —  L'auteur  n'a  encore  travaillé  (en  novembre 
1745)  que  pour  des  étoffes  unies ,  taffetas ,  sergé ,  gros  de  Naples ,  satin ,  etc.; 
mais  on  espère  que  bientôt  après  il  rendra  ses  ouvriers  habiles  à  fabriquer 
les  étoffés  façonnées.  > 

Ces  derniers  passages  indiquent  que  le  métier,  marchant  automatique- 
ment à  raison ,  sans  doute ,  de  quarante  ou  cinquante  coups  au  plus  par 
minute,  ne  fabriquait  que  des  étoffes  de  soie  unies;  maison  ne  saurait  en 
conclure  que  Vaucanson  s'en  soit  servi  pour  fabriquer  d'une  manière 
également  avantageuse  et  automatique  les  tissus  façonnés,  car  fauteur  de 


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MACHINES  ET  OUTILS.  335 

les  ouvrages  de  technologie  relatifs  à  l'art  de  tisser  :  dans  ce 
modèle ,  Vaucansoii  se  proposait  exclusivement  de  fabriquer 
les  étoffes  de  soie  unies,  par  des  procédés  purement  automa- 
tiques, puis  subséquemment  les  étoffes  façonnées,  au  moyen 
des  combinaisons  additionnelles  dont  j'ai  déjà  parié,  et  sur 
lesquelles  je  reviendrai  bientôt,  mais  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre, comme  on  Ta  fait  quelquefois,  avec  le  métier  à  tisser 
automate  ci-dessus,  que  l'auteur  de  l'article  cité  du  Mercure 
de  France  avait  vu  fonctionner  si  admirablement  sous  ses 
yeux  en  1745,  et  qui,  malgré  son  extrême  simplicité,  parait 
être  resté  sans  application  pratique  immédiate,  si  ce  n'est 

l'article  inséré  au  Mercure  de  France  ne  nous  dit  rien  touchant  les  additions 
<fu  transformations  capitales  que  le  métier  a  dû  subir  à  cet  effet;  et  si» 
comme  le  prétend  la  tradition ,  il  est  vrai  que ,  dans  son  état  primitif,  il  ait 
été  mis  en  action ,  ainsi  que  d'autres  semblables ,  par  un  âne  appliqué  à 
l'arbre  d'un  manège  établi  dans  Tune  des  caves  de  l'ancien  hôtel  de  la  rue 
de  Cbaronne,  il  est  non  moins  certain  qu'il  n'en  existe  aucune  trace  appa- 
rente dans  le  modèle  déposé  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  modèle 
dont  la  description  et  le  dessin  se  trouvent  rapportés  à  la  page  538,  pi.  27» 
du  Traité  sur  Us  arts  textiles,  par  le  professeur  Michel  Alcan.  Dans  ce  mo- 
dèle, en.  effet ,  on  voit  une  simple  marche  inférieure  remplacer  les  cames  ou 
excentriques  à  ondes  dont  le  métier  primitif  devait  être  pourvu,  et  dont 
l'existence  n'est  plus  ici  accusée  que  par  un  arbre  de  couche  longitudinal. 
D'antre  part,  le  mécanisme  à  déclic  d'échappement  de  la  navette  et  la  na- 
vette elle-même  manquaient  à  l'époque  de  1847,  où  l'ouvrage  en  question 
a  paru;  de  sorte  qu'il  est  vrai  de  dire  qu'aujourd'hui  même  on  ne  pos- 
sède point  encore  de  description  parfaitement  satisfaisante  du  premier 
métier  à  tisser  automate  de  Vaucanson.  Pour  être  en  mesure  de  la  refaire 
avec  une  rigoureuse  exactitude,  il  faudrait  consulter  les  vieilles  archives  du 
Gouvernement,  si  toutefois  il  en  existe  ailleurs  qu'au  Conservatoire  des  arts 
et  métiers,  ou  il  m'a  seulement  été  possible,  dans  une  visite  faite  en  pré- 
sence de  M.  Tresca,  sous-directèur,  de  retrouver,  en  i85a ,  le  dessin  de  la 
navette  et  du  mécanisme  à  déclic  et  ressort  à  boudin  renfermé  dans  les  tubes 
porteurs  ou  conducteurs  :  ce  dessin  a  d'ailleurs  permis  à  M.  Marin,  très- 
habile  et  intelligent  artiste  lyonnais  dont  j'aurai  ci-après  à  citer  les  services 
d'une  manière  plus  explicite ,  de  rétablir  cette  partie  depuis  si  longtemps 
égarée  du  métier  à  tisser  de  Vaucanson ,  malheureusement  trop  oublieux 
d'une  renommée  que  nous  sommes  aujourd'hui  si  fiers  de  revendiquer,  et 
pour  laquelle  la  ville  de  Grenoble  a,  bien  tardivement  sans  doute,  songé 
à  élever  une  statue  comme  A  l'un  de  ses  plus  illustres  enfants. 


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336  VP  JURY. 

peut-être  en  Angleterre,  où,  d'après  Baines,  l'historien  des 
manufactures  de  coton,  il  en  aurait  existé  un  grand  nombre 
dans  rétablissement  de  tissage  monté  vers  1765  par  Gartside 
à  Manchester,  quoique  sans  avantage  prononcé,  attendu  que 
chaque  métier  devait  être  surveillé  et  dirigé  séparément1. 
Quant  à  notre  pays,  l'esprit  des  fabricants  d'étoffes,  comme 
le  témoignent  l'abandon ,  l'oubli  absolu  des  tentatives  de  de 
Gennes  et  de  Vaucanson*  était  loin  alors  d'être  dirigé  vers  la 
production  économique  des  tissus,  même  les  plus  communs, 
et  cet  état  de  choses  a  persisté  longtemps  encore  après  l'époque 
où,  grâce  aux  progrès  incessants  des  filatures  de  soie,  de 
laine  et  de  coton,  on  se  décida  enfin  chez  nous  à  imiter  nos 
industrieux  voisins  d'outre-Manche. 


S  II.  —  Perfectionnement  et  propagation  du  métier  à  tisser  automatique- 
ment les  étoffes  unies.  —  Edmund  Cartwright,  Robert  Miller,  Horrocks, 
Thomas  Johnson,  Richard  Roberts,  Sharp  et  Roberts,  etc.,  en  Angleterre; 
Biard,  Despiau,  Vigneron,  Debergue,  Risler,  Josué  Heilmann,  etc.,  en 
France.  — Les  navettes  volantes  de  John  Kay,  de  Despiau,  etc.  —  Le  casse- 
trame  du  Lyonnais  Gaigo  et  de  Fasanini,  etc.  —  MM.  Smith,  Chrickton, 
Mason,  Parker,  etc.,  à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

La  lenteur  du  procédé  mécanique  imaginé  par  Vaucanson 
pour  la  fabrication  des  étoffes  unies  ou  à  trame  simple,  la  né- 
,  cessité ,  comme  on  vient  de  le  voir,  d'appliquer  à  chaque  mé- 
tier un  ouvrier  rattacheur,  l'état  arriéré  du  système  de  cons- 
truction des  machines  en  fer  vers  1745,  et  principalement  la 
routine  obstinée  des  tisseurs,  furent  les  causes  essentielles  qui 
sans  nul  doute  empêchèrent  le  système  d'être  accueilli  par 
les  industriels  avec  la  faveur  qu'il  méritait  comme  première 
tentative.  L'auteur  anglais  précédemment  cité2  considère  le 

1  Voyez  l'ouvrage  anglais  ci-dessus  de  Baines,  imprimé  à  Londres  en 
un  volume  et  sans  date,  page  229. 

*  À  la  page  929  de  Y  Histoire  des  manufactures  de  coton,  Baines  rapporte 
une  lettre  de  Cartwright  où  ce  célèbre  mécanicien  fait  remonter  sa  décou- 
verte à  Tété  de  1 784  ,  et  nous  apprend  que  c'est  seulement  dans  sa  patente 
du  1**  août  1787,  et  après  des  tentatives  infructueuses,  que ,  en  adoptant 


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MACHINES  ET  OUTILS.  337 

révérend  docteur  Edmund  Cartwright,  le  même  qui  inventa  la 
première  machine  automate  à  peigner  la  laine  longue,  comme 
l'auteur  du  métier  à  tisser  dont  l'idée  et  le  mécanisme  se  rap- 
prochent le  plus  de  ceux  des  systèmes  actuellement  en  usage, 
notamment  des  métiers  qu'on  a  vus  fonctionner  en  i85i, 
dans  la  galerie  des  machines  de  Hyde-Park,  à  raison  de  100  à 
i5o  coups  par  minute,  s'arrêtant  spontanément  ou  à  la  vo- 
lonté du  surveillant  et  pour  ainsi  dire  instantanément,  en  cas 
de  rupture  du  fil  de  trame  ou  d'un  obstacle,  d'un  accident 
quelconque  survenu  à  la  navette ,  ici  constituée  d'une  boîte 
très-solide,  armée  à  ses  bouts  de  becs  en  fer  arrondis  glis- 
sait sur  les  fils  de  la  chaîne,  et  lancée  violemment  au  tra- 
vers des  ouvertures  alternatives  de  cette  chaîne  par  le  fouet 
rapide  et  vif  de  deux  leviers  verticaux  qui ,  sous  l'impulsion 
de  fortes  lanières  en  cuir  manœuvrées  par  des  cames,  oscil- 
lent de  part  et  d'autre  des  extrémités  à  coulisses  du  battant» 
monté  sur  un  châssis  à  tourillons  inférieurs,  lui-même  conduit , 
ainsi  que  ces  leviers  et  les  deux  lames  de  lisses,  par  le  sys- 

cette  fois  la  disposition  du  métier  ordinaire  des  tisserands,  il  serait  parvenu 
à  réaliser  un  mécanisme  approchant  plus  ou  moins  de  ceux' que  Ton  con- 
naît, et  dont  la  principale  différence  avec  celui  de  Vaucanson  consiste  dans 
le  jeu  de  la  navette  et  du  châssis-battant,  non  plus  suspendu  vers  le  haut, 
mais  solidement  établi  sur  des  tourillons  et  coussinets  supportés  par  les 
traverses  inférieures*  du  métier,  entièrement  construit  en  fer  ou  en  fonte. 
Toutefois ,  les  admirables  tentatives  de  Cartwright  seraient  devenues  pour 
lui ,  à  la  fin  de  ses  jours ,  la  source  inévitable  et  assez  ordinaire  de  misère 
et  de  ruine ,  si  le  Parlement  britannique  ne  lui  avait  généreusemenjt  voté , 
en  1809,  une  récompense  de  10,000  livres  sterling  (s5o,ooo  francs). 
Cependant  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'elle  lui  ait  procuré  l'existence  hono- 
rable et  le  repos  auxquels  ses  utiles  et  laborieuses  recherches  mécaniques 
lui  donnaient  droit.  La  tentative  d'établissement  d'un  atelier  de  tissage  mé- 
canique faite  en  1790  d'après  le  système  de  Cartwright,  non  loin  de 
Manchester,  par  MM.  Grimshaw  de  Gorton,  n'aurait  eu  d'ailleurs,  selon 
Baines,  aucun  succès;  et  ce  serait,  en  effet,  beaucoup  plus  tard,  vers  le 
commencement  de  ce  siècle,  et  par  le  concours  des  plus  habiles  construc- 
teurs de  la  Grande-Bretagne,  que  Ton  serait  parvenu  i  appliquer  fruc- 
tueusement les  métiers  automates  de  cette  espèce  au  tissage  des  calicots 
unis,  dont  la  fabrication  commença  dès  lors  à  prendre  une  extension  de 
plus  en  plus  considérable. 

V1*JUBY. —  2*  PARTIE.  •    92 


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338  VI*  JURY. 

tème  des  bras  coudés  à  bielles  de  l'arbre  moteur,  muni  <f  un 
yolatit  et  qui  occupe  tantôt  le  bas,  tantôt  le  haut  dû  métier, 
dans  un  sens  parallèle  à  l'ensouple  de  la  chaîne,  tendue  par 
de  forts  contre-poids,  mais  soumise  à  d'ingénieux  moyens  de 
régulariser  l'enroulement  de  l'étoffe,  etc. 

Depuis  les  tentatives  assez  peu  fructueuses  d'Edmund  Cart- 
wright,  cette  admirable  combinaison  n'a  pas  cessé  d'exercer 
la  patience  et  le  génie  inventif  des  plus  habiles  constructeurs 
mécaniciens  de  la  Grande-Bretagne^  parmi  lesquels  se  distin- 
guent principalement  les  Robert  Miller,  de  Printfield  (1796) , 
les  Horrocks,  de  Stockport  (i8o3  à  182 1) 1,  les  Thomas  John- 
son (i8o5,  1807  et  i834),  les  Richard  Robcrts  (1822),  et, 
plus  près  de  nous  encore,  MM.  Sharp  et  Roberts,  célèbres 
constructeurs  à  Manchester,  qui  ont  rendu  tant  de  services  à 
l'industrie  du  tissage  et  de  la  filature  en  général. 

Quelques  heureux  efforts  ont  été  également  tentés  dans 
cette  voie  chez  nous,  dès  le  commencement  de  ce  siècle,  par 
lesBiard(i8o4),  les  Despiau  (i8o5,  1819  et  1823),  bientôt 
suivis  par  les  Vigneron ,  les  Debergue,  les  Risler  et  Dixon,  les 
Josué  Heilmann*,  etc.  Mais  ces  habiles  constructeurs,  dont 

1  On  trouvera  les  descriptions  des  anciens  métiers  de  Miller  et  de  Horrocks 
dans  l'ouvrage  de~M.  Borgnis  (Confection  des  étoffes,  p.  2o4  à  si  A)  et  dans 
le  Bulletin  de  la  Société  à* encouragement  de  Paris,  t.  XVII  (1818),  p.  8; 
descriptions  empruntées  à  la  célèbre  publication  angfaise  the  Reperlorj  of 
arts,  reproduite  en  France  par  les  Annales  des  arts  et  manufactures  de 
O'Reilty  (t  I",  ÏX,  etc.).  Voyez  aussi  dans  le  Bulletin  cité  (t.  XXV.  1826, 
p.  il  à  54  )  la  description  du  métier  à  tisser  de  M.  Debergue ,  précédée  d'un 
rapport  et  de  considérations  historiques  fort  intéressantes  sur  ce  genre  de 
machines,  par  M.  Molard  jeune.  Consultez  enfin  dans  la  même  collection 
(t.  XXIX,  p.  7  )  une  notice,  avec  description,  sur  le  métier  anglais  i  tisser 
nommé  dandy-lobm,  marchant  à  bras  ou  par  manivelle,  depuis  introduit 
en  France  par  MM.  Cal  la  pèr^  et  fils,  et  qui  avait  momentanément  servi, 
vers  1816,  aux  fabricants  de  Manchester  pour  mettre  un  terme  à  la  révolte 
des  aneiens  ouvriers  tisseurs,  effrayés  de  la  rapide  propagation  des  nou- 
velles machines;  révolte  qui,  d'après  les  supputations  de  Baines  (p.  235), 
n'a  pourtant  point  empêché  le  nombre  des  métiers  automates  de  s'élever, 
s'accroître  dans  la  proportion  de  i4,ooo,  qu'il  était,  Seulement  vers  18*0 
en  Ecosse  et  en  Angleterre,  à  5 5, 000  environ  dans  Tannée  1829. 

*  Le  Bulletin  de  la  Société  industrielle  de  Mulhouse,  n*  io5,  nous  apprend 


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MACHINES  ET  OUTILS.  339 

les  tentatives  mécaniques  partielles  répondaient  à  des  besoins 
économiques  divers  de  l'industrie  du  pays,*  n'ont  pas  &  beau- 
coup près  atteint  la  rapidité  ou,  ce  qui  revient  au  même,  le 

(p.  445  et  446)  que  ce  célèbre  mécanicien ,  après  avoir  construit  en  i8s3, 
en  collaboration  avec  la  maison  Bisler  et  Dixon,  des  métiers  mécaniques 
pour  tisser  le  calicot,  en  prenant  pour  point  de  départ  les  descriptions  con- 
tenues dans  l'ouvrage  de  Borgnis,  en  établit  vers  i835  (p.  45a  et  453) 
d'autres  destinés  à  la  fabrication  des  étoffes  de  soie  unies,  florence  et  satin , 
pour  une  maison  du  Midi,  dont  cent  vingt  devaient  fonctionner  à  Aviguon, 
probablement  pour  la  maison  Thomas  de  cette  ville,  qui* bientôt  dut  opérer 
pour  son  propre  compte.  Des  métiers  en  fer  de  cette  espèce,  après  avoir 
fonctionné  utilement  pendant  un  grand  nombre  d années  dans  cette  ville, 
furent  achetés  par  une  autre  maison  de  Ntmes ,  ou  j'eus  occasion  de  les 
visiter  en  i853 ,  non  sans  regretter  qu'un  motif  illusoire  d'économie  ou  de- 
bon  marché  ait  fait  consentir  leur  nouveau  propriétaire  à  se  servir  de  vieilles 
machines  si  fort  en  arrière  des  pfogrè*  dont  l'Exposition  universelle  de 
Londres  venait  d'offrir  l'éclatant  témoignage  en  i85i. 

Je  cite  ces  faits  non-seulement  pour  montrer  la  participation  directe  de 
Josué  Heilmann  à  l'introduction  en  France  des  métiers  automates  à  tisser, 
mais  encore  pour  prouver  qu  elle  n'est  point  aussi  récente  qu'on  pourrait  le 
croire,  et  qu'on  s'en  est  depuis  longtemps  déjà  occupé  chez  nous  d'une 
manière  véritablement  usuelle  ou  pratique;  ce  que  sembleraient  également 
prouver  les  tentatives  bien  plus  anciennes  faites  en  1 806  par  MN^Que- 
val,  de  Fécamp.,  pour  le  tissage  des  toiles  à  voiles,  tentatives  mentionnées 
favorablement,  mais  seulement  mentionnées,  à  la  page  224  du  tome  IV 
du  Bulletin  de  la  Société  £  encouragement.  Toutefois,  je  ne  dois  pas  négliger 
d'en  foire  ici  la  remarque,  si  dès  1826  il  existait  déjà  dans  la  maison  de 
M.  Isaac  Kœcblin,  à  Willer,  un  atelier  de  s4o  métiers  mécaniques  du  «sys- 
tème Heilmann  employés  au  tissage  des  calicots,  d'autre  part,  on  pourrait 
conclure  de  la  note  contenue  à  la  page  53a  de  l'ouvrage  de  M.  Aican  qu'en 
1847  une  seiu>e  m*ison  en  France,  celle  de  M.  Thomas,  d'Avignon,  avait 
appliqué  ce  genre  de  métiers  à  la  fabrication  des  tissus  de  soie  unis,  et  une 
seule  maison,  celle  de  M.  Croutelle,  à  Reims,  avait  fait  pareillement  la 
même  tentative  d'application  pour  la  laine  mérinos;  application  qui  de- 
puis quelques  années  tend  à  se  propager  dans  un  grand  nombre  d'autres 
localités,  où  l'on  se  sert  pour  ainsi  dire  exclusivement  de  machines  an- 
glaises parvenues,  il  faut  bien  le  répéter,  à  un  degré  de  perfection,  de 
précision  mécanique  qu'il  serait  difficile  de  surpasser,  sinon  d'égaler 
ailleurs.  Quant  au  tissage  du  calicot,  on  peut  admettre  qu'il  «n'existe,  en 
quelque  sorte,  aucun  établissement  en  France  où  le  travail  à  bras  soit 
encore  maintenu.  D'ailleurs,  après  avoir  lu  ce  qui  précède,  on  consultera 
avec  intérêt,  dans  le  n*  1 4 .(1829),  page  327,  du  Bulletin  de  la  Société  indus- 


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340  VT  JURY. 

degré  de  perfection,  de  solidité  et  de  précision  dans  1  exécu- 
tion matérielle  qui  fait  le  caractère  incontesté  des  métiers  à 
tisser  automates  construits  en  Angleterre. 

Néanmoins,  je  dois  rappeler  que  les  combinaisons  aujour- 
d'hui si  complètement  satisfaisantes  pour  le  tissage  des  étoffes 
unies  ont  dû  être  accompagnées  ou  précédées  du  perfectionne- 
ment, de  la  découverte  même,  de  plusieurs  organes  méca- 
niques fort  délicats,  qui  y  entrent  comme  parties  constitu- 
tives, et  cela  indépendamment  des  progrès  accomplis  à  partir 
de  1820  dans  le  système  général  des  constructions  en  fer  et 
en  fonte  au  moyen  des  machines-outils,  qui  ont  assuré  à  l'en- 
semble et  aux  divers  détails  le  caractère  de  précision,  de  du- 
rée et  de  stabilité  que  comporte  en  elle-même  la  substitution 
de  ces  métaux  au  bois  dans  toutes  les  parties  qui  n'exigent  ni 
flexibilité  ni  ressorts  propres  à  amortir  les  effets  destructeurs 
de  chocs ,  de  secousses  naturellement  très-brusques. 

Telle  est  notamment  l'invention  de  la  navette  volante,  attri- 
buée à  John  Kay,  de  Bury,  près  Manchester  (1738),  qui  dé- 
laissé dans  sa  patrie,  où  cette  invention  ne  fut  guère  utilisée 
avant  1760,  serait  venu  à  Paris  sans  réussir  davantage  à  l'y 
propager1.  Autrement,  en  effet,  il  serait  difficile  de  s'expliquer 


triette  de  Mulhouse,  une  Notice  de  M.  Emile  Dolfas  sur  les  métiers  i  tisser  du 
Haut-Rhin,  et  dans  le  tome  I"  (1 843),  page  364 ,  une  autre  Notice  historique 
sur  les  métiers  mécaniques  qui,  se  rapportant  i  une  date  postérieure,  ont 
été  établis  en  France  par  MM.  Meyer,  Jourdain,  Decoster,  Fergusson  et  Bor- 
nèque ,  Quemin  et  Henri  Debergue  enfin,  dont  le  métier, décrit  à  la  page  35 1 
du  même  volume,  se  distingue  plus  particulièrement  de  ceux  des  autres 
en  ce  que,  destiné  à  tisser  les  toiles  de  lin  et  de  chanvre,  il  est  disposé  de 
façon  à  donner  deux  coups  i  la  duite,  comme  dans  les  métiers  servant  au 
tissage  des  toiles  à  voiles  :  on  trouvera  ce  métier  également  décrit  avec 
ses  perfectionnements  successifs,  de  juin  à  août  i84o,  i  la  page  a48  du 
tome  LI  du  Recueil  des  brevets  expirés, 

1  Baines,  p.  1 16  et  117.  On  trouve,  en  effet,  dans  le  catalogue  officiel 
anglais  une  patente  du  a 6  mai  1733,  inscrite  sous  le  nom  de  John  Kay, 
fabricant  de  cannes  à  Bury,  pour  une  navette  destinée  à  la  fabrication  des 
plus  larges  tissus  de  laine.  Ce  Kay,  qui  s'intitule  ingénieur  dans  une  patente 
du  s4  juin  1738,  où  il  est  question  de  moulins  à  vent,  -et  qui  en  174s 


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MACHINES  ET  OUTILS.  341 

comment  un  mécanisme  aussi  simple  avait  pu  être  mis  par 
les  drapiers,  à  qui  il  était  plus  particulièrement  profitable,  en 
un  aussi  complet  oubli  jusque  vers  les  premières  années  de  ce 
siècle,  c'est-à-dire  à  l'époque  où  MM.  Ternaux,  Richard  Le- 
noir,  etc.,  mais  surtout  M.  Despiau,  par  son  métier  à  navette 
automate1,  cherchèrent  à  en  faire  revivre  et  multiplier  l'usage 
dans  nos  fabriques,  où  il  avait  cependant  été  réimporté  et 
jusqu'à  un  certain  point  répandu  en  1788  par  le  nommé 
John  Macloud,  originaire  de  Dublin  et  contre-maître  distin- 
gué de  Manchester,  qui  fut  chargé  par  l'administration  d'alors 
de  se  rendre  dans  les  principales  villes  manufacturières  fran- 
çaises, d'où  le  nouveau  mode  de  tissage  se  propagea,  en  peu 
de  temps  dit-on,  dans  tout  le  royaume2. 

Tels  sont  aussi  les  ingénieux  mécanismes  pour  suspendre 
brusquement  le  mouvement  de  la  machine,  soit  en  cas  dacci-  • 
dents,  d'arrêts  survenus  à  la  navette,  soit  en  cas  de  rupture, 
sinon  d'un  fil  de  chaîne,  ce  qui  est  comme  impossible,  puisque 
cela  exigerait  l'emploi  d'un  nombre  pour  ainsi  dire  indéfini 
de  petites  bascules  à  contre-poids  et  de  rouleaux  ou  bobines 
ensouples  postérieurs,  du  moins  d'un  simple  fil  de  trame,  ce 
qui  est  infiniment  plus  facile  en  faisant  usage  d'un  élégant  et 
léger  casse-fil,  aujourd'hui  constitué,  dans  les  machines  an- 
glaises, d'une  sorte  de  fourchette  à  bascule  horizontale  supé- 
rieure, dont  les  oscillations,  entretenues  par  la  présence  de 
la  navette  et  du  fil  de  trame  dans  l'ouverture  de  la  chaîne, 
cessent,  aussitôt  que  l'une  ou  l'autre  vient  à  manquer,  par 
une  action  très-brusque  sur  le  mécanisme  d'embrayage  de  la 


prit  une  dernière  patente  pour  le  tissage  des  rubans  et  autres  étoffes  étroites, 
ne  saurait  être  évidemment  confondu  avec  l'horloger  Kay,  qui  construisit 
la  première  machine  à  filer  d'Àrkwright,  non  plus  qu'avec  les  mécaniciens 
James  et  Johnson  Kay,  de  Stockport,  patentés  en  août  i8o5  pour  un  métier 
i  tisser  automate  perfectionné  et  offrant  de  nouvelles  combinaisons  dont  il 
m'est  impossible  d'indiquer  ici' la  nature  et  la  portée  effectives. 

1  Recueil  des  brevets  expirés,  t.  V,  p.  1 60 ,  brevet  du  4  janvier  i8o5. 

1  Notice  sur  f  importation  de  la  navette  volante  en  France,  par  M.  Pajot- 
Descharmes.  Voy.  l'Industriel  de  février  1827,  p.  3 33. 


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342  VI*  JURY. 

machine:  combinaison  bien  connue  d'ailleurs  et  employée 
depuis  assez  de  temps  en  France1. 

*  Tel  est  encore  le  mécanisme  régulateur  de  la  tension  de  la 
chaîne  ou  de  l'enroulement  de  l'étoffe  sur  son  ensouple,  le- 
quel a  été  de  la  part  d'un  grand  nombre  de  mécaniciens,  en 
France  ou  en  Angleterre,  l'objet  de  tentatives  plus  ou  moins 
heureuses,  et  dont  les  combinaisons  fort  délicates,  à  rouages 
dentés,  vis  sans  fin,  etc.  rappellent  celles  non  moins  re- 
marquables qui  ont  été  faites  en  vue  de  régulariser  le  tors  et 
l'enroulement  des  Gis  dans  le  banc  à  broches;  tentatives  ayant 
pour  point  de  départ  le  métier  automate  de  Vaucanson ,  qui 
remonte,  comme  on  l'a  vu,  à  Tannée  174S,  et  dont  le  moyen 
de  solution  repose  sur  l'idée  extrêmement  simple  des  rouleaux 
freins  intermédiaires,  tendeurs  de  l'étoffe  entre  l'appui  supé- 
rieur ou  poitrinière  et  l'ensouple  inférieure.  Toutefois,  il  ne 
semble  pas  que  jusqu'ici  cette  disposition  ait  été  remplacée 
par  un  mécanisme  régulateur  entièrement  satisfaisant  pour 
certains  tissus *,  d'autant  que,  dans  le  métier  de  notre  grand 

1  Voyez,  entre  autres,  le  brevet  d'invention  délivré  le  19  niai  1826  an 
sieur  Guigo  (Charles),  *à  Lyon  (t  XXIII,  p.  197,  pi.  26,  du  Recueil  des 
brevets  expirés),  pour  un  métier  mécanique  tisseur  à  deux  étages,  avec  ré- 
gulateur à  vis  sans  fin.  Cependant  je  dois  dire  que  la  grossièreté  d'exécution 
de  toutes  les  parties  de  la  machine ,  établie  en  bois,  ne  répond  qu'imparfai- 
tement au  mérite  de  ridée  ou  de  l'intention,  et  le  mécanicien  Guigo  a  du  s'as- 
socier Tannée  suivante  à  M.  Fasanini ,  négociant  à  Lyon ,  pour  des  modifica- 
tions essentielles  appliquées  au  mécanisme  général  du  métier,  qu'il  a  (ait 
suivre  d'additions,  de  perfectionnements  successifs  plus  ou  moins  ingé- 
nieux, peut  «être  bien  en  partie  importés  d'Amérique  ou  d'Angleterre, 
comme  la  machine  même  de  Fasanini;  ce  que  les  brevetés  n'indiquent 
nullement  dans  leur  texte  eiplicatif ,  qui  mérite  cependant  d'être  consulté 
au  point  de  vue  historique  des  idées  (t.  XXXVI,  p.  i35  à  145;  brevet  du 
18  mai  1827,  et  additions  des  i3  mars  1828,  i4  février  et  4  décembre 
1829,  enfin  25  janvier  i83i).  L'ingénieur  anglais  Gilroy,  dans  son  Art  de 
tisser  (p*  356  i  374),  ne  cite  pas,  relativement  aux  casse-fils,  des  métiers 
automates  de  date  antérieure  à  1 83 5,  et  la  plupart  des  tentatives  de  ce 
genre  seraient  dnes  i  dés  constructeurs  mécaniciens  des  États-Unis  d'Amé- 
rique, tels  que  MM.  Amarra  Stone,  Oliver  Burr,  Horace  Hendrick,  A.  Pot- 
ter,  etc.,  presque  tous  établis  dans  RLode-Lsland. 

*  A  l'égard  des  régulateurs  d'en  souples,  fauteur  cité  dans  la  précédente 


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MACHINES  ET  OUTILS.  343 

mécanicien ,  elle  servait  en  même  temps  à  maintenir  spon- 
tanément la  largeur  de  l'étoffe  entre  ses  deux  lisières,  sans 
Térailler  ou  endommager  comme  le  faisaient  les  anciens  tem- 
plets  à  crémaillère,  et  comme  le  font  aujourd'hui  encore 
quelques  templets  cylindriques  à  mouvement  régulateur, 
armés  aussi  d'une  couronne  de  pointes  à  chaque  bout,  etc. 

Cest,  je  le  répète,  au  concours  de  tous  ces  délicats  et  ingé- 
nieux organes,  autant  qu'à  la  rigoureuse  exécution  méca- 
nique des  diverses  parties,  que  les  métiers  à  tisser  anglais 
dont  MM.  Smith ,  Kenworthy  et  Bullough ,  Chrichton ,  Mason, 
Parker,  Brown,  etc.,  ont  offert  de  si  beaux  modèles  fonction- 
nant à  l'Exposition  de  Londres,  doivent  leur  incontestable 
supériorité  sur  les  nôtres,  et  c'est  après  avoir  enrichi  de  longue 
date  nos  voisins  d'outre-Mançhe  qu'ils  se  sont  fait  admettre 
chez  nous  dans  ces  derniers  temps,  d'une  manière  un  peu 
générale,  pour  les  étoffes  unies,  soie,  laine  ou  coton,  en  per- 
mettant enfin  à  nos  fabricants  d'abaisser  jusqu'à  60  et  même 
3o  centimes  le  mètre  courant  de  calicot  commun,  non  toute- 
note,  M.  Gilroy,  prétend  que  leur  première  introduction  en  Angleterre  date- 
rait seulement  de  la  patente  délivrée  le  i3  septembre  i838  i  M.  Edwin 
Bottomley,  de  South- Crossland ,  mafs  que,  deux  années  auparavant,  M.  Phi- 
lippe, constructeur  mécanicien ,  rue  de  Cbâteau-Landon,  à  Paris,  aurait  déjà 
établi  des  métiers  à  tisser  munis  de  semblables  appareils;  ce  qui  est  d'autant 
plus  admissible  que  depuis  fort  longtemps  déjà  on  s* en  était  occupé  en 
France,  comme  on  peut  le  voir,  entre  autres,  soit  par  le  régulateur  de  Du- 
tilleu,  déposé  en  1808  au  conservatoire  de  Lyon  et  exécuté  par  Estienne, 
habile  mécanicien  de  cette  ville,  soit  par  le  brevet  de  perfectionnement 
délivré  le  8  février  181 5  au  sieur  Per relie  fils,  à  Àncy,  département  du 
Rhône  (t.  VIII,  p.  1 17,  du  Recueil  imprimé).  Déjà  aussi  la  Société  deocou-' 
rage  m  eut  de  Berlin  avait  fondé  pour  cet  objet,  en  1823,  un  prix  qu'elle 
décerna  en  1824  à  M.  Haussig,  pour  un  régulateur  établi  sur  un  principe 
-analogue  à  celui. qu'avait  employé  Vaucanson  (voyez  la  description  de  ce 
régulateur  à  la  page  i5i  du  Ballrtin  des  sciences  technologiques  de  M.  de 
Férussac,  t  II,  année  182 h).  Enfin,  on  pourra  prendre  une  idée  d'un 
autre  régulateur  basé  sur  le  principe  du  mouvement  différentiel  à  la 
page  3o8  du  tome  VII  (i85i)  de  la  Publication  indastrirlle  de  M.  Ânnen- 
gaud,  où  se  trouve  décrit  avec  beaucoup  de  soin,  et  à  grande  échelle,  le 
système  ingénieux  de  M.  Victor  Laurent,  mécanicien  manufacturier  à 
Plancher-les-Mines  (  Haute-Saône  ). 


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344  VI-  JURY. 

fois  sans  substituer  simultanément  aux  anciens  bancs  à  broche 
et  d'étirage  à  bidons  tournants  les  rota-frotteurs  ou  autres 
procédés  expéditifs  et  simples  de  fabrication  particulière- 
ment usités  en  Normandie,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans 
l'un  des  précédents  chapitres. 

Parmi  les  métiers  à  tisser  automates  qui  ont  fixé  l'attention 
du  public  et  des  membres  du  VI*  Jury  à  Londres,  celui  de 
MM.  C-E.  et  C.  Parker,  de  Dundee,  en  Ecosse  l9  destiné  à  la 
fabrication  des  toiles  à  voile,  était  sans  contredit  le  plus 
digne  d'intérêt  sous  le  rapport  de  la  nouveauté  et  des  nom- 
breuses difficultés  vaincues  pour  égaliser,  régulariser  la  ten- 
sion des  fils  de  chaîne  au  moyen  de  romaines  à  curseurs 
automates,  servant  à  maintenir  cette  tension  dans  une  sorte 
d'état  d'équilibre  alternatif  et  variable  à  volonté,  pendant  la 
marche  même  assez  lente  du  métier,  dont  le  sommier  battant 
a  besoin  d'une  grande  force  d'inertie  pour  le  serrage  des 
duites  à  chaque  coup  double. 

«On  sait  quelle  énorme  fatigue  supportent  les  toiles  de 
navires,  exposées  qu'elles  sont  à  l'action  variable  et  puissante 
des  vents;  par  cela  même,  elles  exigent  une  grande  égalité 
de  force  et  de  fabrication.  Il  est  non  moins  indispensable 
que  le  tissu  soit  aussi  serré  que  possible,  afin  d'éviter  que  la 
pression  du  vent  ne  se  réduise  par  son  passage  au  travers  des 
vides.  Enfin,  le  métier  lui-même  doit,  par  ces  différents  mo- 
tifs, être  construit  avec  la  plus  grande  solidité;  ce  qui  n'est 
point  au  même  degré  indispensable  pour  les  métiers  à  fabri- 
quer les  étoffes  ordinaires. 

«  Le  métier  à  tisser  de  MM.  Parker  se  fait  remarquer  par 
la  simplicité  avec  laquelle  le  but  se  trouve  rempli.  La  chaîne 

1  MM.  Parker,  dans  leur  notice  adressée  aux  Commissaires  de  l'Exposi- 
tion de  Londres,  se  disent  patentés  pour  leur  métier  à  tisser  les  toiles  à 
toiles  (Paient  malhematical  power  loomfor  weaving  navy  sail-cloth  and  olker 
htavy  fabrics)  ;  mais  on  ne  trouve  dans  le  catalogue  officiel  des  patentes 
anglaises  que  le  nom  de  M.  Parker  (Charles),  inscrit  sous  le  n°  8664  »  à  la 
date  du  s  s  octobre  1 84o ,  pour  un  métier  à  tisser  les  toiles  de  lin ,  etc.,  sans 
désignation  spéciale. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  345 

y  est  alimentée  simultanément  par  quatre  ensouples ,  ce  qui 
permet  d'y  tisser  plusieurs  pièces  de  toile  successivement, 
sans  changement  spécial.  Les  fils  de  chaîne  passent  collecti- 
vement entre  des  rouleaux  à  la  manière  de  Vaucanson,  de 
façon  à  en  régulariser  l'uniformité  de  passage  près  de  la  duite , 
quel  que  soit  le  diamètre  variable  des  ensouples. 

«  L'ensouple  du  devant  est  mue  par  un  train  de  roue  con- 
tinuellement poussé  au  moyen  de  deux  poids  attachés  à  des 
leviers.  Ces  leviers  agissent  sur  des  roues  à  rochet  fixées  à  un 
arbre  mis  en  relation  par  des  rouages  dentés  avec  l'ensouple 
ci-dessus,  et  ces  leviers  sont  soulevés  alternativement  par  des 
cames  spirales,  de  manière  que  quand  l'un  est  en  action 
pour  tendre  la  toile,  l'autre  est  relevé  ou  remonté  et  vice 
versa.  Chaque  levier  est  muni  d'une  longue  vis  qui  agit  pour 
déplacer  le  poids  par  sa  propre  rotation.  Les  choses  sont  dis- 
posées de  telle  sorte  que  l'accroissement  du  levier  compense 
exactement  celui  du  diamètre  de  l'ensouple,  et  qu'ainsi  il  en 
résulte  une  forte  et  constante  tension  dans  l'étendue  entière 
de  la  chaîne.  » 

Quant  aux  diverses  et  ingénieuses  machines  à  tisser  les 
étoffes  façonnées  qui  ont  été  présentées  à  l'Exposition  uni- 
verselle de  Londres  par  des  constructeurs  de  la  Grande- 
Bretagne  et  de  quelques  autres  pays,  on  doit  les  considérer, 
surtout  celles  qui  concernent  des  procédés  exclusivement 
automatiques,  comme  des  tentatives  non  encore  suffisamment 
justifiées  par  l'expérience,  et  incapables,  à  l'époque  de  i85i, 
de  rivaliser  avec  cette  multitude  de  combinaisons  ou  de  per- 
fectionnements délicats  que  nous  avons  vus  se  succéder  en 
France,  pour  ainsi  dire  sans  interruption,  depuis  le  com- 
mencement du  siècle,  et  ayant  pour  objet  également,  mais 
à  des  degrés  divers,  la  diminution  de  la  fatigue  corporelle, 
l'épargne  du  temps  ainsi  que  la  variété,  la  multiplicité  des 
reproductions  ou  des  combinaisons  du  dessin,  et,  ce  qui  en 
est  la  conséquence  nécessaire,  l'abaissement  même  du  prix  de 
revient  des  plus  riches,  des  plus  brillants  tissus. 

Bornons-nous  ici  à  quelques  indications  générales  et  rapides 


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S4ft  vr  JURY. 

propres  seulement  à  fixer  Tordre  et  la  succession  chronolo- 
giques des  principales  idées  ou  inventions  mécaniques  dans 
cette  branche  si  importante  de  notre  industrie  nationale  ;  in- 
ventions fort  incomplètement  représentées  à  l'Exposition  uni- 
verselle de  Londres,  comme  toutes  celles,  à  quelques  excep- 
tions près,  qui  ont  rapport  au  travail  mécanique  des  matières 
textiles. 

S  IIT.  —  Des  métiers  à  la  marche  ou  à  la  tire  servant  à  tisser  les  étoffes 
figurées  ou  façonnées.  —  La  petite  tire  chinoise  et  la  grande  tire  lyon- 
naise :  Dangon,  Garon,  Basile  Bouchon,  Falcon  et  Fooccjuoiu  —  Les  an- 
ciens métiers  à  cylindres  d'orgue,  i  cames,  bascules  de  rabat  et  cassins, 
des  Régnier  et  des  Paulet,  de  Nîmes;  des  Morton,  de  Kitmarnock  en 
Ecosse,  etc. 

Toutes  les  fois  que  le  nombre  des  pédales  servant  à  mou- 
voir périodiquement  et  dans  un  ordre  déterminé  les  lames 
de  lisses  horizontales  des  métiers  à  tisser  se  multiplie  de 
manière  à  rendre  la  manœuvre  trop  lente  ou  trop  pénible, 
on  a  eu  recours  depuis  des  siècles,  même  pour  les  damassés 
de  Saxe  en  fil  de  chanvre  ou  de  lin ,  aux  procédés  directs  et 
pénibles  du  système  .de  la  tire,  procédés  qui  consistent  dans 
la  suspension  isolée  des  maillons  de  lisses  à  l'extrémité  infé- 
rieure d'autant  de  fils  verticaux  tendus  au-dessous  de* la 
chaîne  par  dç  petits  poids  d'abaisseihent  spontané,  partagés 
par  groupes  distincts,  correspondant  aux  anciennes  lames  de 
lisses,  c'est-à-dire  aux  différentes  armures  de  duites,  aux  abais- 
sements ou  soulèvements  simultanés  des  fils  horizontaux  de 
cette  chaîne ,  ici  nécessairement  assez  longs  et  extensibles  par 
eux-mêmes,  ou  par  le  déplacement  élastique  de  fensouple, 
pour  se  prêter  à  leur  infléchissement  sans  rupture  ni  énerva- 
tion.  Ces  mêmes  groupes  de  fils  verticaux,  après  leur  passage 
au  travers  des  ouvertures  d'une  grille  ou  planche  horizontale 
d'arcade,  forment  autant  de  faisceaux  entièrement  distincts 
convergeant,  en  effet,  sous  forme  de  voûtes,  d'arceaux,  vers 
la  partie  supérieure,  où ,  réunis  par  paquets,  ils  sont  soulevés 
alternativement  et  dans  l'ordre  voulu,  tantôt  directement  du 


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MACHINES  ET  OUTILS.      \  347 

haut  du  bâti,  comme  dans  les  antiques  métiers  chinois  a 
trèp-petites  laizes  ou  largeurs,  ce  qui  n'exclut  nullement  rem- 
ploi simultané  d'un  certain  nombre  de  lisses  à  marches,  plus 
spécialement  destinées  à  la  formation  du  fond  uni  et  servant 
de  corps  ou  de  lien  au  tissu;  tantôt  par  une  manœuvre  plus 
habile,  comme  dans  les  métiers  en  usage  à  Lyon  dès  la  fin 
du  xvi*  siècle  :  ils  sont  réunis,  assemblés  en  autant  de  nœuds 
que  soutiennent,  à  leurs  sommets  ou  points  de  convergence 
respectifs,  de  npuveaux  fils  ou  cordons  verticaux  plus  forts, 
nommés  cordes  de  rames,  lesquels»,  après  leur  passage  sur  une 
ou  plusieurs  rangées  supérieures  et  obliques  de  poulies  de 
renvoi  constituant  le  cassin ,  se  replient  horizontalement  pour 
aller  s'enrouler  à  une  certaine  distance  sur  un  cylindre  exté- 
rieur également  horizontal,  servant  de  treuil  fixe,  de  simple 
soutien  ou  moyen  de  bandage,  aux  mêmes  cordes,  manœu- 
vrées  de  haut  en  bas,  isolément  ou  par  groupes  successifs,  à 
l'aide  de  tiraudes  verticales  correspondant  à  peu  près  à  leurs 
milieux,  et  qui,  d'après  le  principe  de  la  funiculaire,  rendaient 
non-seulement  la  manœuvre  individuelle  des  cordes  de  rame 
relatives  aux  diverses  armures  ou  faisceaux  de  lisses  notable- 
ment plus  facile,  mais  aussi  permettaient  par  cela  même 
de  multiplier,  en  quelque  sorte  à  volonté,  le  nombre  des 
faisceaux  simultanément  soulevés  et  appartenant  à  une  même 
duite,  quelle  qu'en  fût  la  combinaison  ou  la  variété,  ce  qui 
facilitait  singulièrement  l'exécution  des  plus  grands  dessins 
de  façonnés,  sans  les  embarras  et  la  fatigue  résultant  "du  ti- 
rage ou  soulèvement  direct  de  plusieurs  centaines  de  plombs 
•  de  lisses,  selon  l'antique  méthode  chinoise. 

On  se  servit  en  effet  pendant  bien  longtemps ,  sous  le  nom 
de  petite  tire  et  pour  les  dessins  les  moins  compliqués ,  de  ce 
système,  dont  les  cordons  de  manœuvre,  passant  au  travers 
d'une  grille  ou  dernière  planche  horizontale  extérieure  au 
métier  et  percée  de  trous  arrondis ,  étaient  armés  en  dessous 
de  boutons  à  main,  disposés  dans  l'ordre  précis  de  succes- 
sion des  armures  et  duites  indiqué  par  un  tableau  ou  dessin 
quadrillé  servant  à  lire,  élire  les  cordons  de  tirage;  ce  quif 


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348  Vr  JURY. 

indépendamment  du  tisseur,  exigeait  tout  au  moins  un  aide 
ou  tireur  obéissant  à  son  commandement.  Bientôt  aussi,  les 
dessins  se  compliquant  et  le  nombre  des  maillons  de  lisses 
allant  en  augmentant  avec  la  largeur  et  la  finesse  de  l'étoffe, 
on  améliora  cette  primitive,  insuffisante  et  lente  combinaison 
en  se  servant  de  moyens  beaucoup  plus  puissants,  et  faisant 
aboutir  les  cordes  verticales  de  manœuvre,  nommées  alors 
simples  et  non  plus  cordes  de  lisage,  à  un  second  treuil  d'en- 
roulement fixe,  mais  inférieur  au  précédent  :  ces  semples 
étaient  munis,  à  diverses  hauteurs,  de  lacets  ou  lacs  disposés 
à  l'avance  et  formés  de  groupes  distincts  ou  paquets  horizon- 
taux de  boucles,  liés,  à  l'autre  bout,  au  moyen  de  coulants, 
à  des  cordes  verticales  postérieures  ou  gavaciniires  fortement 
tendues,  rangées  dans  un  ordre  de  succession  propre  à  faci- 
liter le  choix  ou  le  lisage  des  lacs,  sur  lesquels  agissaient 
successivement  une,  deux  et  quelquefois  trois  tireuses,  en 
mettant  par  là  même  à  profit  un  second  système  funiculaire 
qui  servait  à  faciliter  le  tirage  des  cordes  de  rames  ou  le  sou- 
lèvement des  plombs  de  lisses. 

Ce  système,  organisé  en  1606  par  Dangon,  dans  la  ville 
de  Lyon,  sous  le  nom  de  grande  tire,  comportait,  outre  les 
cordes  de  semples,  un  équipage  de  plusieurs  marches  soule- 
vant des  lames  de  lisses.  Garon-y  ajouta  en  1717,  pour  allé- 
ger la  fatigue  des  tireurs  de  lacs,  un  treuil  horizontal  à  levier 
d'abatage  et  à  rouleaux  parallèles ,  dont  lun  tournant  autour 
de  l'autre,  et  embrassant  le  paquet  des  cordes  de  rames  cor- 
respondantes, tendait  à  faciliter  le  tirage  de  ces  cordes  et 
permettait  de  n'employer  à  leur  manœuvre  que  la  force  d'un 
seul  tireur.  ** 

C'est  peu  après,  vers  1725,  que  Basile  Bouchon  aurait 
imaginé  de  supprimer  entièrement  l'équipage  extérieur  des 
cordes  de  semples,  des  lacs  et  gavacines,  pour  agir  immédiate- 
ment sur  les  cordes  de  rames,  rendues  de  nouveau  verticales 
par  un  second  système  de  poulies  de  renvoi  formant  avec  le 
premier  un  double  cassin ,  et  qui ,  rangées  le  long  de  la  face 
droite  du  bâti,  étaient  exclusivement  employées  au  soulève- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  349 

ment  des  fils  de  la  chaîne.  Dans  ce  but,  une  griffe  ou  lame 
de  fer  biseautée  en  dessus,  horizontale  et  manœuvrée  par  un 
équipage  de  leviers  à  pédales,  servait  à  abaisser  avec  force 
les  crochets  inférieurs  courbes  dont  étaient  munies  de  longues 
aiguilles  en  fer  suspendues  aux  extrémités  basses  de  ces  cordes 
respectives,  après  que  le  groupe  d'entre  elles  répondant  à  une 
certaine  duite  ou  armure  avait  été  écarté  de  sa  direction  ver- 
ticale primitive  au  moyen  d'un  dispositif  excessivement  ingé- 
nieux, constituant  un  véritable  lisage,  et  composé  d'un  rang 
horizontal  d'aiguilles  parallèles,  munies  de  boucles  ou  œillets 
ronds  traversés  par  les  tiges  respectives  à  crochet,  qu'elles  en- 
traînaient quand  leurs  extrémités  horizontales ,  antérieures  ou 
extérieures  au  bâti  du  métier,  venaient  à  être  repoussées  par 
les  cartons,  d'abord  libres  sans  doute,  mais  bientôt  articulés 
sous  la  forme  d'une  chaîne  verticale  à  cordons  flexibles,  pas- 
sant sur  des  rouleaux  parallèles,  etc.  A  fet  effet,  un  homme 
'dirigeait  à  la  main  ces  cartons ,  au  moyen  de  gros  trous  percés  à 
leurs  extrémités  verticales  et  de  chevilles  coniques  de  repère 
en  bois  fixées  aux  montants  du  bâti,  qui  portait,  en  outre, 
une  planchette  horizontale,  mupie  d'une  série  d'autres  petits 
trous  ronds,  rangés  suivant  une  ligne  elle-piême  de  niveau  et 
destinés  à  livrer  un  libre  passage  au  surplus  des  aiguilles  à  bou- 
cles dont  il  vient  d'être  parlé,  mais  demeurées  immobiles  ainsi 
que  les  aiguilles  à  crochets  correspondantes,  par  là  même  sous- 
traites à  l'action  de  leur  griffe  de  soulèvement. 

Cette  combinaison  est  d'autant  plus  remarquable  qu'elle 
offre,  dans  le  système  de  refoulement  des  aiguilles  horizon- 
tales par  les  cartons,  une  certaine  analogie  avec  les  formes 
ordinaires  de  l'imprimerie  typographique ,  dont  les  caractères , 
serrés  entre  eux  et  rangés  dans  un  certain  ordre,  produisent 
par  le  refoulement  de  leur  relief  l'impression  désirée,  va- 
riable au  gré  du  compositeur;  la  même  analogie  est  bien  plus 
frappante  encore  dans  les  métiers  à  combinaisons  d'armures 
savantes  et  multiples  en  usage  de  nos  jours,  métiers  où  le 
lisage  et  le  perçage  des  cartons  d'après  les  dessins  quadrillés 
et  coloriés  s'opèrent  au  moyen  de  machines  et  d'artifices  non 


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350  VT  JURY: 

moins  ingénieux  que  les  précédents  ou  ceux  qui  suivent,  mais 
,  dont  je  regrette  de  n'avoir  pas  su  rendre  plus  manifestes  le 
mérite  et  l'heureuse  conception,  à  cause  de  la  pauvreté,  de 
l'étrangeté  de  la  langue  des  ateliers. 

Quoique  l'idée  originale  de  Basile  Bouchon  ne  comportât 
qu'un  simple  rang  d'aiguilles  verticales  à  crochets  mobiles, 
guidées  par  des  planches  à  collets  ou  ouvertures  fixes,  et  par 
conséquent  aussi  qu'un  petit  nombre  de  combinaisons  cTar- 
mures  susceptibles  de  varier  dans  la  longueur  entière  de  la 
bande  articulée  des  cartons,  ce  n'en  était  pas  moins  un  trait 
de  lumière  pour  tout  esprit  inventif;  trait,  en  effet,  mis  de- 
puis à  profit  dans  une  infinité  de  circonstances ,  trop  souvent 
et  faussement  d'ailleurs  attribué  au  célèbre  Jacquart,  et  que 
Falcon,  autre  chef  d'atelier  de  tissage  bien  connu  à  Lyon,  ne 
tarda  pas  (1728)  à  fairç  suivre  de  la  disposition  de  plusieurs 
rangées  horizon  tales^cTaiguil  les  motrices  se  correspondant  les 
unes  au-dessus  des  autres  et  susceptibles,  comme  la  précé- 
dente ,  de  glisser  le  long  des  ouvertures  cylindriques  également 
horizontales  de  deux  planches  à  collets  fixes  et  parallèles:  ces 
rangées  multiples  d'aiguilles  horizontales  se  trouvaient,  au 
surplus,  accompagnées  de  rangées  parallèles  correspondantes 
de  trous  percés,  mais  interrompus,  dans  les  cartons  respec- 
tifs, d'après  un  savant  procédé  de  lecture  du  dessin  des  étoffes 
et  de  découpage  au  poinçon  des  mêmes  cartons.  Un  tel  pro- 
cédé honore,  en  effet,  le  génie  de  Falcon,  qui  ne  cessa  de 
lé  perfectionner  jusqu'en  17A8,  en  même  temps  qu'il  eut 
l'heureuse  et  féconde  idée  de  faire  passer  la  chaîne  flexible 
des  cartons,  maintenus  entre  eux  consécutivement  à  des  inter- 
valles d,e  près  d'un  centimètre,  sur  deux  prismes  supérieurs 
quadrangulaires,  parallèles  et  horizontaux,  à  rotation  très- 
libre,  attendu  qu'ils  étaient  évidés  et  équilibrés;  ces  prismes, 
en  se  servant  réciproquement  de  moyen  de  renvoi  par  le 
haut,  supportaient,  l'un ,  la  branche  descendante  de  la  chaîne 
voisine  des  aiguilles  de  manœuvre ,  l'autre ,  la  branche  ascen- 
dante puisant  ces  cartons  dans  une  seconde  caisse  ou  magasin 
contenant  les  cartons  repliés,  superposés  en  zigzags. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  351 

Cette  ingénieuse  et  très -simple  manœuvre  était  d'autant 
plus  facile,  plus  précise,  que  les  cartons  ne  pouvaient  s'altérer 
ni  se  déformer  ici  comme  sur  des  cylindres  ou  corps  arrondis, 
et  qu'ils  comportaient,  aux  extrémités  de  chacune  de  leurs 
faces ,  les  mêmes  trous  à  grosses  chevilles  coniques  de  repère 
employés  par  Bouchon.  Ce  sont  ces  cartons  qui,  à  quatre- 
vingts  ans  d'intervalle,  servirent  de  type  à  la  combinaison 
beaucoup  plus  connue  du  système  Jacquart,  et  dont  Vaucan- 
son  s  était  mal  à  propos  écarté  dans  son  modèle  de  métier  à 
tisser  existant  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers.  Dans  ce 
•modèle,  en  effet,  Vaucanson  supprime  la  chaîne  flexible  des 
cartons  et  la  remplace  par  uu  unique  et  gros  cylindre  circu- 
laire à  axe  horizontal,  placé  à  la  partie  supérieure  du  bâti, 
percé  de  rangées  parallèles  de  trous  équidistants  et  recouvert 
d'une  feuille  de  papier  épais  elle-même  percée  de  trous  qui 
correspondent  un  à  un,  et  rigoureusement,  aux  précédents, 
mais  offrant  des  intervalles  pleins  dans  les  parties  où  le  papier- 
carton  doit  opérer  le  refoulement  des  aiguilles  horizontales 
motrices  des  tiges  verticales  à  crochets  :  l'ingénieux  et  très- 
simple  appareil  de  ces  crochets,  du  cylindre  mobile  sur  cha- 
riot horizontal,  etc.,  constitue  d'ailleurs  l'addition  au  métier 
à  tisser  automate  déjà  précédemment  citée,  et  elle  doit  être 
considérée  comme  l'un  des  plus  beaux  titres  de  notre  grand 
mécanicien  à  l'estime  et  à  la  reconnaissance  de  la  postérité. 

Remarquons,  tout  d'abord,  que  les  aiguilles  horizontales 
motrices  dont  il  s'agit,  à  plusieurs  rangs  parallèles  équidis- 
tants et  étages,  sont  placées  non  plus,  comme  dans  le  métier 
de  Falcon,  sur  le  côté  droit  et  extérieur  du'  bâti,  ce  qui  né- 
cessitait l'emploi  des  cordes  de  rames  et  leur  double  cassin  à 
poulie  de  renvoi,  mais  bien  directement  au-dessus  des  cor- 
dons verticaux  de  soutien  des  nœuds  d'arcades  et  des  lisses 
correspondantes  de  la  chaîne,  ces  cordons  étant  ici  suspendus 
à  des  tiges  à  doublés  crochets  analogues  à  ceux  de  Falcon, 
quoique  occupant  une  position  renversée,  crochets  dont  les 
plus  élevés,  très-courts,  très-ouverts,  sont  en  effet  soulevés  par 
des  griffes  ascendantes  après  leur  repoussement  latéral   et 


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352  VT  JURY. 

simultané  par  les  aiguilles  horizontales.  Mais,  grâce  à  une  in- 
génieuse disposition  de  la  partie  inférieure  des  mêmes  tiges, 
reployées  en  boucle  à  l'un  des  côtés  et  reposant  par  le  bout 
extérieur  contre  la  planche  à  collets,  horizontale  fixe,  des 
cordes  de  rames  que  sollicitent  les  plombs  ou  lames  de  lisse, 
ces  tiges  tendent  naturellement  à  basculer  ou  à  se  maintenir 
écartées  de  la  direction  verticale  de  la  griffe  correspondante, 
dans  l'état  d'équilibre  ou  de  repos  naturel,  griffe  ou  lame 
biseautée  à  laquelle  ces  tiges  ne  peuvent  être  soumises  qu'en 
vertu  du  refoulement  des  aiguilles  horizontales  qu'elles  tra- 
versent respectivement. 

Quant  au  cylindre  à  carton  repoussoir,  il  est,  je  le  ré- 
pète, monté ,  dans  cette  seconde  machine  de  Vaucanson,  sur 
un  chariot  à  galets  roulants,  animé  d'un  va-et-vient  horizontal 
mis  en  action,  ainsi  que  les  griffes  de  soulèvement,  par  une 
paire  de  marches  que  conduisent  les  pieds  du  tisseur  dans  le 
modèle  existant  aujourd'hui  au  Conservatoire  des  arts  et  mé- 
tiers, mais  qui,  à  la  rigueur,  pourrait  l'être,  il  est  vrai  avec 
une  extrême  lenteur  et  beaucoup  de  précautions,  par  des 
excentriques  ou  ondes  faisant  marcher  en  même  temps  le 
mécanisme  des  cordons  à  poulies  de  renvoi,  des  leviers  et 
du  balahcier  à  contre-poids  de  recul,  etc.,  chargés  du  jeu- de 
la,  navette,  de  la  chasse  ou  battant  frappeur  des  duites,  à 
suspension  supérieure,  dont  nous  avons  déjà  précédemment 
parlé,  enfin,  du  cylindre  même  à  trous  d'aiguilles,  dont  la 
rotation  intermittente,  très-petite,  est,  à  chaque  alternative 
ou  va-et-vient  du  chariot,  naturellement  produite  par  et 
pendant  le  mouvement  même  de  recul  de  celui-ci,  au  moyen 
du  mécanisme  bien  connu  des  scieries,  composé  d'un  cliquet 
postérieur  à  ressort  repoussoir  et  d'un  pied  de  biche  anté- 
rieur mobile  autour  d'un  point  fixe,  qui,  tout  en  agissant  sur 
les  dents  aiguës  de  la  roue  à  rochet  accolée  au  cylindre,  sont 
transportés  avec  celui-ci  par  le  chariot 1. 

En  s'appuyant,  dans  ces  derniers  temps,  sur  un  passage 
de  Paulet,  de  Nimes,  où  l'on  réfute  un  article  anonyme  de 

1  Voyez  la  planche  37,  page  538,  de  l'ouvrage  déjà  cité  de  M.  Àlcao. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  353 

1  ancienne  Encyclopédie  (tome  XV,  1 765 ,  p.  3oi),  article  dont 
la  critique  plus  que  passionnée  n'a  pas  peu  contribué,  sans 
doute,  à  mettre  les  idées  de  Falcon  et  de  Vaucanson  en  oubli 
dans  la  ville  de  Lyon,  Paulet  a,  bien  à  tort  ce  semble,  con- 
fondu le  cylindre  à  repoussement  d'aiguilles  de  ce  dernier  avec 
celui  d'une  machine  inventée  par  Régnier,  maître  tisseur  à 
Nîmes  (1755),  car  cette  machine  avait  simplement  pour  but 
de  faire  marcher  latéralement  les  leviers  ou  pédales  des  cordes 
de  semples  et  de  rames  des  anciens  métiers  à  petite  tire ,  au 
moyen  de  cames  à  crochets,  de  becs  d'âne,  de  saillies  et  ren- 
trants alternatifs ,  analogues  à  ceux  des  anciennes  orgues  de 
Barbarie,  dont  on  voit  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers 
un  intéressant  modèle,  relativement  moderne  et  applicable  à 
la  fabrication  des  toiles  damassées.  Mais  ce  système  particu- 
lièrement connu  en  France  et  en  Angleterre *,  sous  le  nom 

1  L'auteur  du  Traité  anglais  sur  Vart  de  tisser,  G.  Gilroy,  dont  1* autorité 
est,  comme  on  Ta  vu  déjà,  fort  discutable,  attribue  à  Thomas  Morton,  de 
Kilmarnock,  en  Ecosse,  l'invention  d'un  métier  à  baril  ou  cylindre,  con- 
sistant en  un  tambour  tournant,  sur  la  surface  duquel  est  reproduite  en 
relief  l&  figure,  le  dessin  de  l'étoffe,  et  qui,  placé  à  la  partie  supérieure  du 
bâti,  fait  mouvoir  le  mécanisme  des  leviers  et  bascules  à  soulèvement  de 
lisses,  au  moyen  de  saillies,  de  crampons,  etc.  (voir  p.  182).  Mais 
M.  Gilroy,  en  citant  le  nom  et  la  localité,  oublie  la  date,  sans  nul  doute 
antérieure  à  celle  du  cylindre  Jacquart,  mais  qu'on  ne  saurait  faire  remonter 
au  delà  de  la  fin  du  dernier  siècle,  où  ces  métiers  étaient  bien  connus  en 
France  ;  d'autant  qu'on  ne  trouve  dans  la  collection  officielle  des  patentes 
anglaises  aucun  inventeur  du  nom  de  Morton,  nom  qui  s'applique  proba- 
blement à  l'un  des  beurçjix  importateurs  du  système  en  Ecosse.  Cela  doit 
s'entendre  également  sans  doute  du  mécanicien  James  Cross,  de  Paisley, 
que  le  même  auteur  (p.  161)  cite  comme  l'inventeur  de  la  machine  écos- 
saise à  harnais  de  bascules  équilibrées  (scotch  counterpoise  harness),  et 
qui,  vers  la  fin  du  dernier  siècle  aussi,  était  employée  à  tisser  le  linge  da- 
massé, dont,  chose  surprenante  et  bien  digne  de  l'attention  de  nos  philo- 
sophes économistes  quand  on  songe  aux  progrès  dès  lors  accomplis  à  Lyon , 
le  Gouvernement  français  tenta  vainement,  en  1810,  d'introduire  la 
fabrication  dans  notre  pays ,  en  faisant  venir  à  grands  frais  de  la  province 
de  Brandebourg  des  machines  et  des  ouvriers  capables  de  tisser  le  linge 
de  Saxe.  Ces  machines  demeurèrent  en  effet,  même  après  181 4»  com- 
plètement abandonnées  au  Conservatoire  des  arts  de  Paris,  bien  qu'elles 

vi*  iuai.  —  a-  partie.  a3 


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354  VT  JURY. 

de  cylindres  à  touches  ou  à  orgues,  est  une  dérivation  tout 
aussi  évidente,  peut-être  plus  prochaine  encore,  du  tour  à 
rosettes ,  du  moins ,  dans  un  grand  nombre  des  applications 
qui  en  ont  été  faites  à  la  fabrication  de  certains  tissus  à 
jours  ou  brochés  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  dans 
d'autres  chapitres. 

Évidemment,  ces  primitifs,  très-grossiers  et  bruyants  méca- 
nismes de  lecture  et  de  tire  automatique,  qui,  d'après  Paulet, 
auraient  subsisté  jusqu'à  la  fin  du  dernier  siècle,  mais  qu'on 
a  vus  se  reproduire  plus  ou  moins  perfectionnés  en  divers 
pays  et  en  diverses  occasions  en  France ,  notamment  par  les 
Maugis  (1757),  les  Dardois  (1766),  les  Paulet  (1777),  les 
Perrin  (1778),  les  Rivey  (1779),  etc.;  évidemment,  ces  méca- 
nismes ne  sauraient  être  confondus  avec  l'ingénieux  et  élégant 
cylindre  repbusseur  de  Vaucanson,  cylindre  auquel  on  a 
d'ailleurs,  ajuste  raison,  reproché,  ainsi  qu'à  toutes  les  ma- 
chines analogues,  de  ne  pouvoir,  sans  de  très-grands  diamètres 
ou  sans  multiplier  beaucoup  le  nombre  de. ceux  de  rechange, 
convenir  aux  étoffes  à  dessins  de  grande  hauteur  dans  le  sens 
de  la  chaîne,  aux  châles  riches  par  exemple,  qui  exigent 
une  multiplicité  de  duites  à  armures  compliquées,  à  couleurs 
changeantes,  et  dont  trois  rangs  au  plus  d'aiguilles,  suscep- 
tibles d'être  repoussés  à  la  fois  avec  le  degré  de  précision  in- 
dispensable, même  pour  un  cylindre  de  très-fort  diamètre, 
ne  sauraient,  à  cause  du  resserrement  nécessaire  des  trous 

eussent  fonctionné  temporairement  à  Versailles,  par  les  soins  de  M.  Ilolard, 
dans  les  années  antérieures.  Ce  fut,  comme,  on  sait,  seulement  à  dater  de 
1818  que  M.  Pelletier,  de  Saint-Quentin,  s'occupa  sérieusement  de  cette 
fabrication,  où  il  fut,  quelques  années  après,  suivi  par  MM.  Dollé,  de  la 
même  ville;  Feray,  d'Essonne;  Joly  frères  et  Perrier,  de  Voiron  (Isère); 
Brunneel  et  Callemieu,  Louis  Philippe,  de  Lille,  exposants  en  1819, 
i8s3  et  i8s5  (BalUûn  de  la  Société  d encouragement,  L  XXVIII,  p.  i3a). 
Enfin,  comme  on  le  sait  encore,  c'est  à  M.  Feray  que  Ton  doit  l'introduc- 
tion dans  les  ateliers  d'Essonne  des  métiers  à  bernais  d'Ecosse,  perfec- 
tionnés sans  doute  relativement  à  ceux  de  la  Hollande  et  de  la  Saxe,  pour 
la  confection  mécanique  du  linge  damassé,  à  laquelle  on  a  bientôt  appliqué 
chei  nous  le  cylindre  Jacquart,  également  manœuvré  à  la- marche. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  355 

et  des  aiguilles,  reproduire  à  chaque  coup  les  multiples  com- 
binaisons des  levées  ou  abaissements  des  fils  de  la  chaîne, 
combinaisons  auxquelles  se  prêtent,  au  contraire,  si  merveil- 
leusement les  rangées  parallèles  de  trous,  en  nombre  pour  ainsi 
dire  arbitraire,  des  cartons  percés  de  Falcon. 


5  IV.  —  Données  rapides  concernant  la  découverte  et  1  origine  du  métier 
Jacquart1:  sa  première  machine  brevetée  en  1801;  sa  visite  au  Conser- 
vatoire des  arts  et  métiers  de  Paris  et  son  concours  au  prii  de  la  Société 
d'encouragement;  ses  prétendus  mécomptes  et  ses  succès  posthumes. — 
Perfectionnements  essentiels  dus  au  mécanicien  Breton,  de  Lyon.  — 
Intervention  particulière  du  fabricant  Charles  DépoaiUjr,  de  Lyon;  son 
apparition  à  l'Exposition  française  de  1819,  ainsi  que  celle  de  MM.  Ca- 
mille Béarnais,  Jacquart  et  Breton,  de  la  même  ville. 

Jacquart,  après. avoir  cherché,  comme  tant  d'autres,  à 
perfectionner  les  idées  de  Ponson  (1775)  et  de  Verzier  (1790 
à  1800)  dans  sa  mécanique  à  huit  marches  et  à  poulies  de 
renvoi  supérieures  faisant  mouvoir  les  cordes,  les  leviers  et 
lames  de  lisse  à  contre-poids  de  rabat,  mécanique  brevetée  en 
180 1 2  et  dont,  selon  lui,  il  existait  alors  plus  de  quatre  mille 
modèles  dans  Lyon,  la  même  qui  lui  valut,  à  l'Exposition  du 
Louvre  de  Tan  ix,  une  modeste  médaille  de  bronze,  très- 
suffisante  récompense  d'un  système  promptement  abandonné, 
quoi  qu'en  aient  dit  certains  auteurs  fort  mal  informés  à  cet 
cgard;  Jacquart ,  après  avoir  infructueusement  tenté  la  cons- 
truction d'un  métier  à  fabriquer  les  filets  de  pèche  au  moyen 
<le  navettes  multiples,  métier  breveté  seulement  en  i8o55, 
mais  auquel  la  Société  d'encouragement  avait  déjà  accordé 
un  prix  en  i8ô4,  en  invitant  l'auteur  à  se  rendre  à  Paris, 
aux  frais  de  la  Société,  pour  y  faire  fonctionner  et  y  parfaire 

1  On  écrit  aujourd'hui  tantôt  Jacquart  avec  an  t,  tantôt  Jacquard  avec 
un  d ;  j'ai  suivi  l'orthographe  d'abord  adoptée  dans  les  premiers  Bulletins 
de  la  Société  0? encouragement,  vers  le  commencement  de  ce  siècle. 

*  Collection  imprimée,  U  IV,  p.  6s. 

*  Ibidem,  i.  y lïl,  p.  *38. 


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356  VF  JURY. 

sa  machine  sous  les  yeux  de  Molard  père1;  Jacquart,  que  ce 
voyage,  entrepris  en  i8o3,  mit  à  même  de  visiter  et'  étudier 
à  loisir  le  métier  de  Vaucanson ,  jusqu'alors  délaissé  dans  les 
galeries  du  Conservatoire  de  Paris,  faute  d'interprètes  intel- 
ligents et  suffisamment  initiés  aux  idées  théoriques  ou  pra- 
tiques du  tjssage  des  étoffes  de  soie  façonnées  2  ;  Jacquart 

1  Bulletin,  a*  année  (1801  et  i8o3) ,  p.  109  et  i65;  sans  description  ni 
aucune  suite  constatant  le  succès. 

1  Voyez,  à  la  page  193  du  tome  VII  du  Bulletin  de  la  Société  <T encourage- 
ment, le  Rapport  de  M.  Barde I  sur  lo  prix  accordé  à  Jacquart  pour  son  mé- 
tier a  tisser  les  étoffes  de  soie  façonnées,  Rapport  suivi  d'une  description 
verbale  et  où  Ton  montre  très-bien  que  le  nouveau  métier  est  l'application 
heureuse  des  conceptions  originales  dues  à  Vaucanson  et  à  Falcon ,  mais 
principalement  de  celles  du  premier,  t  Employés  séparément ,  dit  M.  Barde), 

•  ces  deux  moyens  concouraient  au  même  but,  mais  ils  ne  l'atteignaient 
«pas;  réunis  avec  intelligence  et  avec  des  perfectionnements  par  M.  Jac- 
«  quart,  ils  offrent  un  succès  complet.  Le  métier  où  l'auteur  a  puisé  ridée 
«  de  cette  réunion  est  celui  de  Vaucanson ,  déposé  dans  la  salle  du  Conser- 
vatoire de  Paris,  depuis  longtemps  en  vue  des  artistes  et  fabricants.  Le 
«  génie  de  M.  Jacquart  a  saisi  lo  point  utile  et  a  su  l'employer  avec  avantage; 
«ce  qui  est  une  preuve  évidente  qu'une  machine  abandonnée  peut  faire  naître 

•  des  idées  neuves,  lorsque  les  regards  du  véritable  artiste  savent  y  découvrir  ce 
«  qui  est  bon  et  le  mettre  à  profit.  —  M.  Jacquart  a  imaginé  un  moyen  aussi 
«  simple  qu'ingénieux  pour  la  composition  de  ses  cartons.  Ses  connaissances 
«dans  l'art  de  l'imprimerie  l'ont  mis  à  portée  dé  composer  en  caractères 
«  mobiles  des  planches  à  l'aide  desquelles  il  imprime  ces  cartons  et  les  dis- 
«pose  à  recevoir  les  dessins.  Par  ce  moyen,  l'ouvrier  d'une  intelligence 
«  ordinaire  peut  lire  toute  sorte  de  dessins  avec  facilité  et  promptitude.  « 

Malheureusement  la  description  du  métier  Jacquart,  dont  est  suivi  le 
Rapport  de  M.  Bardel,  est  insuffisante  pour  donner,  au  point  de  vue  méca- 
nique, une  idée  de  l'état  réel  du  système  h  l'époque  d'août  1808,  où  le 
prix  de  3, 000  francs  fut  décerné  sur  le  vu  d'attestations  émanées  de  la 
chambre  de  commerce  de  Lyon  et  de  plusieurs  fabricants ,  le  tout  appuyé 
de  l'envoi  d'une  étoffe  de  soie  à  3,8oo  lacs-  travaillée  par  un  seul  ouvrier 
au  moyen  de  deux  pédales. 

Enfin,  chose  plus  regrettable  encore,  le  Bulletin  de  la  Société  d'encoura- 
gement ne  renferme  aucun  dessin,  aucune  description  des  machines  de 
Jacquart,  de  Vaucanson,  de  Falcon,  qui  eussent  permis  d'en  faire  la  com- 
paraison exacte  à  toute  époque ,  et  le  même  reproche  peut  être  adressé  an 
Rapport  lu ,  dans  la  séance  du  4  septembre  1826 ,  à  l'Académie  des  sciences, 
par  M.  Molard  père,  à  propos  des  machines  à  tisser  de  M.  Augustin  Coront» 


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MACHINES  ET  OUTILS.  357 

enfin ,  après  son  retour  à  Lyon ,  eut  l'heureuse  et  féconde  pensée 
d'adapter  les  cartons  à  nappes. pendantes  de  Falcon  au  tam- 
bour à  chariot  de  Vaucanson,  qu'il  suffisait  en  quelque  sorte 
d'équarrir  ou  de  remplacer  par  un  prisme  rectangulaire  ac- 
complissant un  quart  entier,  au  lieu  d'une  petite  fraction  de 
révolution,  à  chaque  duite  ou  recul  du  chariot;  modification 
en-  apparence  très-facile,  mais  dont  les  premières  combi- 
naisons mécaniques  ne  paraissent  pas  cependant  avoir  été 
parfaitement  heureuses  :  le  cylindre  à  chariot  et  les  crochets 
à  aiguilles,  mal  soutenus  ou  dirigés,  offraient,  en  effet,  des 
manques  ou  ratées  tellement  fréquentes,  qu'elles  faisaient  le 
désespoir  des  ouvriers  tisseurs,  fort  peu  intéressés  d'ailleurs 
à  la  suppression  des  tireurs  de  lacs,  qui  leur  épargnaient  la 
fatigue,  assez  grande,  de  la  manœuvre  obligée  des  pédales  du 
nouveau  métier. 

Jacquart,  peu  ouvrier  ou  mécanicien  de  sa  nature,  dut 

moulinier  en  soie  du  Midi ,  dont  les  ingénieuses  inventions  nous  ont  occu- 
pés à  une  autre  occasion. 

Ce  dernier  Rapport,  qu'on  trouve  imprimé  à  la  page  279  du  tome  XXV 
du  Bulletin  cité,  et  ou  il  est  également  fait  mention  des  métiers  de  Falcon, 
de  Vaucanson  et  de  Jacquart,  ne  contient  aucune  des  indications  histo- 
riques qu'on  eût  été  en  droit  d'attendre' de  l'ancien  élève  de  Vaucanson, 
devenu  plus  tard  Tun  des  directeurs  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers  : 
on  s'y  contente  simplement  de  dire  que  les  métiers  de  M.  Coront,  d'une  com- 
binaison simple,  faciles  à  exécuter  et  d'un  entrelien  peu  dispendieux,  sont 
très-bien  appropriés  à  leur  objet;  que  le  peigne  y  est  porté  par  une  espèce 
de  chariot  mobile  dans  un  plan  horizontal  ;  que  le  lancé  de  la  navette 
dans  les  deux  sens,  produit  par  un  mécanisme  aussi  simple  qu'ingénieux, 
présente  l'avantage  de  ne  pas  frapper  brusquement  les  taquets  chasse- 
navette,  mais  de  les  conduire  par  un  mouvement  uniformément  accéléré, 
à  l'imitation  de  la  main  de  l'ouvrier  qui  fait  usage  de  la  navette  volante; 
qu'enfin  M.  Coront  a  adapté  à  l'un  de  ses  métiers  la  mécanique  à  la  Jac- 
quart produisant  une  étoffe  façonnée  par  le  foulage  d'une  seule  marche 
qui  reçoit  le  mouvement  de  l'arbre  moteur  en  même  temps  que  toutes  les 
parties  du  métier. 

Je  ferai  remarquer,  au  surplus,  que  M.  Coront  a  pris,  pour  ses  métiers 
automates  à  tisser,  divers  brevets  d'invention,  de  perfectionnement  et  d'ad- 
ditions, qui  ont  été  insérés  aux  pages  32  à  do,  tome  XXXJ,  du  Recueil  des 
brevets  expires ,  ancienne  collection. 


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358  VI*  JURY. 

recourir,  vers  1806,  à  la  coopération  active  et  intelligente  de 
Breton  pour  amener  sa  mécanique  à  bien ,  de  manière  à  lui 
faire  obtenir  la  récompense  du  Gouvernement  et  de  la  Société 
d'encouragement  en  1807  et  1808  1.  D'après  M.  le  général 
Piobert,  dont  l'autorité  ne  saurait  être  contestée  dans  ces 
sortes  de  matières,  puisque,  jeune  encore,  il  eut,  en  1808, 
à  expliquer  et  faire  fonctionner  le  nouveau  métier  pour  le 
Conservatoire  des  arts  à  Lyon2,  on  devrait  réellement  au 

1  Bulletin,  t.  VII,  p.  189  et  193.  Voyex  aussi  la  page  ao5  du  tome  Y, 
séance  du  1 1  mars  1 807,  où  Ton  mentionne  la  pension  de  3, 000  francs 
que,  sur  l'invitation  de  l'Empereur,  la  ville  de  Lyon  lui  aurait  primitive- 
nient  votée,  outre  la  prime  de  5o  francs,  pendant  six  tns,  allouée  à  chacun 
des  métiers  de  son  invention  livrés  aux  fabriques.  Cette  prime,  bientôt 
improductive,  et  cette  pension,  réduite  plus  tard  par  la  ville  de  Lyon  à 
i,5oo  francs  dans  des  circonstances  di  flic  il  es,  permirent  à  Jacquart  de 
vivre  dans  la  retraite  et  à  la  campagne;  toutefois  le  titre  qui  s'y  rattachait  et 
les  honorables  certificats  délivrés  par  MM.  Pernon  et  Beilanger,  fabricant* 
A  Lyon  et  à  Paris,  ne  purent,  en  1807,  décider  la  Société  d'encouragement 
à  lui  accorder  le  prix  qu'elle  avait  fondé,  des  i8o5,  pour  le  perfectionne- 
ment des  métiers  à  la  tire,  avant  d'en  avoir  par  elle-même  examiné  le 
modèle.  Seulement,  en  prorogeant  ce  prix,  de  3  000  francs,,  à  l'année  sui- 
vante, la  Société  Ht  à  Jacquart,  sur  son  montant,  une  avance  de  3oo  francs 
destinée  à  la  délivrance  d'un  brevet  qui,  pour  cause,  n'a  jamais  été  ré- 
clamé ni  imprimé.  Quant  au  modèle  aujourd'hui  existant  dans  le  cabi- 
net de  la  même  Société,  il  appartiendrait  à  une  époque  postérieure  d'au 
moins  sept  années  à  1808,  d'après  l'avis  et  l'examen  déjuges  compétent!, 
très  au  fait  des  travaux  du  mécanicien  Breton,  dont  il  est  fait  mention 
ci-après  dans  le  texte. 

1  M.  Piobert  a  d'ailleurs  publié  des  comptes  rendus  en  i85o,  dans  le 
tome  XXXI  de  l'Académie  des  sciences,  sur  l'origine  du  métier  Jacquart, 
une  intéressante  notice  dont  le  contenu  est  conforme,  quant  au  fond,  à 
l'exposé  du  précédent  paragraphe  et  de  celui-ci,  principalement  établi 
d'après  les  données  du  Rapport  dont  cet  officier  général  a  été  chargé  à 
l'Exposition  universelle  de  i855  par  le  Jury  de  là  VII*  classe  (Tissage  des 
étoffes  façonnées,  i.  î ,  p.  38o  à  383). 

Cet  exposé  est  également  d'accord,  en  beaucoup  de  points,  avec  la  notice 
intitulée  :  Les  hommes  providentiels, etc.,  publiée  à  Paris  en  1 85 2  par  M.Phi- 
lippe Hedde,  dont  nous  aurons  plusieurs  fois  à  citer  les  essais  historiques. 

Enfin  M.  Marin ,  de  Lyon ,  professeur  de  théorie  et  de  pratique  pour  la  fa 
bri  cation  des  étoffes  de  soie,  auteur  d'un  petit  Traité  relatif  aux  combinaisons 
d'armure,  parvenu  en  i844  a  sa  3*  édition,  M.  Marin,  dis-je,  depuis  l'Expo- 


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MACHINES  Eï  OUTILS.  359 

mécanicien  Breton  le  ressort  à  boudin  servant  à  repousser  les 
aiguilles  à  leur  position  de  repos;  le  placement,  sur  chacune 
des  quatre  faces  du  prisme  repoussoir,  du  cylindre,  dont  le 
nom,  fort  impropre,  rappelle  la  véritable  origine  ;  les  chevilles 
coniques  de  repère  jusque-là  adaptées  à  la  planche  d'appui 
fixe  des  aiguilles;  Yélui  ou  boîte  supérieure  qui  contient  les 
élastiques;  le  remplacement  du  chariot  porte-cylindre  par  un 
battant  vertical  ou  balancier  à  demi-oscillation,  librement 
suspendu;  enfin  la  presse  à  galets  qui  dirigent  le  battant  par 
leur  action  incessante  sur  des  guides  à  double  inflexion  en 
acier,  adaptés  aux  jumelles  ou  montants  extrêmes,  tandis  que 
la  presse  elle-même,  fixée  à  la  caisse  à  griffes,  monte  et  baisse 
alternativement  avec  cellefci ,  sollicitée  par  son  propre  poids 
ou  par  le  refoulement  de  la  marche,  dont  une  simple  corde 
verticale  transmet  l'action  au  treuil  supérieur  d'enroulement 
des  courroies  de  suspension  de  cette  même  caisse  ]. 

Ce  dernier  mécanisme,  très-ingénieux,  est  d'autant  plus 
remarquable  qu'il  supprime  l'équipage  fort  lourd  des  leviers, 
des  poulies  de  renvoi,  des  contre-poids,  etc.,  précédemment 
employé  par  Jacquart  à  la  manœuvre  des  battants;  équipage 
déjà  pourvu,  sans  nul  doute,  des  cliquets  à  ressorts  latéraux, 
qui,  adaptés  aux  montants  fixes  du  métier  d'après  le  système 
de  Vaucanson ,  font  opérer  au  cylindre,  et  à  chaque  levée  ou 
retour  du  battant,  un  quart  entier  de  révolution  sur  son  axe 
supérieur  horizontal.  Ajoutons  que  c'est  en  inventant,  dès 
1&12 ,  une  machine  à  transporter  le  mode  de  Usage  des  des- 
sins sur  les  cartons,  et,  vers  1816,  en  imaginant  une  ma- 

sillon  de  Londres,  exécuta,  à  l'échelle  de  i/3,  une  série  d'intéressants 
modèles  de  métiers  à  tisser,  qui  font  connaître  la  marche  progressive  des 
progrès  accomplis  dans  cette  branche  d'industrie  à  partir  de  Dangon.  Ces 
modèles,  d'abord  admirés  du  public  à  l'Exposition  universelle  de  Paris  en 
i855,  ont  été,  sur  la  recommandation  du  Jury  de  la  VU*  classe,  acquis 
par  I* Administration  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  où  ils  sont  au- 
jourd'hui déposés  comme  objets  d'étude  et  d'enseignement 

1  Brevet  du  28  février  i8i5,  t.  VIII  de  la  Collection  imprimée,  p.  i34  et 
137,  où  Breton  a  pour  la  première  fois  pris  possession  de  ces  importantes 
modifications,  possession  aujourd'hui  beaucoup  trop  oubliée  ou  méconnue. 


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360  VI'  JURY. 

chine  à  lire  et  percer  ces  mômes  cartons  d'après  un  système 
perfectionné  de  celui  de  Falcon,  que  le  mécanicien  Breton 
serait  définitivement  parvenu  à  donner  au  métier  qui  porte  le 
nom  de  Jacquart  la  précision,  la  facilité  et  la  douceur  de 
fonctionnement  qui  le  firent  généralement  adopter  dans  l'in- 
dustrie manufacturière,  en  triomphant  parla  de  l'opposition 
que  les  ouvriers  de  Lyon  avaient  manifestée  contre  les  im- 
parfaits modèles  primitivement  livrés  par  l'inventeur. 

Ces  différents  faits,  dont  l'exactitude  ne  saurait  être  mise 
en  doute,  peuvent  servir  a  expliquer  comment,  malgré  l'offre 
avantageuse  de  la  Société  d'encouragement  dans  sa  séance  de 
mars  1807  *,  sur  la  proposition  chaleureuse  d'un  célèbre 
fabricant  de  tissus  à  Paris,  M.  Bellanger,  comment  dis-je,  Jac- 
quart n'a  jamais  pris  de  brevet  d'invention  pour  le  métier  qui 
porte  son  nom,  et  comment,  par  une  réserve  attribuée  à  un 
sentiment  exclusif  de  modestie,  il  ne  s'en  est  jamais  non  plus 
déclaré  positivement  l'inventeur,  quoique,  à  coup  sûr,  l'heu- 
reuse inspiration  qui  le  conduisit  à  réunir,  à  grouper  les  idées 
de  Falcon  et  de  Vaucanson  en  un  même  métier,  ait  en  soi  uo 
immense,  un  incontestable  mérite  d'application,  et  lui  en 
donnât  certes  le  droit  au  même  titre  qu'à  beaucoup  d'autres 
inventeurs  célèbres,  dont  les  noms  sont  devenus  les  types 
populaires,  mais  souvent  incomplètement  justifiés,  de  toute 
une  branche  d'industrie  mécanique. 

Ces  mêmes  faits  expliquent  aussi  la  source  véritable  des 
déceptions  qui  ont  accueilli  les  premières  tentatives  d'exé- 
cution de  Jacquart,  dont  les  efforts,  bien  que  peu  fructueux 
pour  lui,  n'en  ont  pas  moins  été,  de  la  part  du  Gouverne- 
ment, de  la  Société  d'encouragement  de  Paris  et  de  la  ville  de 
Lyon,  le  motif  de  récompenses  pécuniaires  couronnées,  à 
l'Exposition  française  de  1819,  par  la  décoration  de  la  Légion 
d'honneur  et  l'octroi  de  la  médaille  d'or,  pendant  que  son 
ancien  collaborateur  Breton  recevait  la  simple  médaille  d'ar- 
gent, pour,  dit  laconiquement  le  Rapporteur,  «  les  perfection- 

1  Bulletin,  t  V,  p.  ao5  et  206,  déjà  cité  dans  une  note  précédente. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  361 

nements  apportés  aux  métiers  à  tisser  »  dès  lors  glorieusement 
baptisés  du  nom  de  Jacquart. 

Le  prix  de  3,ooo  francs  alloué  en  août  1808  au  nouveau 
métier  par  la  Société  d'encouragement,  non,  il  est  vrai,  sans 
quelque  hésitation  et  des  ajournements  justifiés  par  le  manque 
de  renseignements  directs,  ce  prix  ne  saurait,  à  coup  sûr, 
être  mis  au  nombre  des  prétendues  déceptions  de  l'inventeur, 
qui ,  s'il  ne  sut  pas  comme  d'autres  en  faire  le  pivot  d'une 
colossale  fortune  et  fut  au  contraire  quelque  peu  en  butte  à  la 
jalousie  de  rivaux  intéressés,  n'éprouva  du  moins  jamais  ces 
avanies,  ces  chagrins  devenus  depuis,  comme  on  sait,  le  pré- 
texte d'une  foule  de  contes  ridicules,  reproduits  dans  les 
ouvrages  anglais,  et  qui  ont  abouti  à  l'érection  d'une  statue 
par  ses  concitoyens  lyonnais,  jadis,  dit-on,  si  injustes  à  son 
égard,  et  qui,  de  même  que  Jacquart,  n'ont  eu  qu'un  seul 
tort,  fort  grave  aux  yeux  de  la  postérité,  celui  de  taire  les 
noms  de  Bouchon ,  de  Falcon ,  de  Vaucanson  et  de  Breton , 
tout  aussi  inséparables  du  laborieux  enfantement  de  l'admi- 
rable métier  à  cylindre  et  à  cartons  tisseurs  que  ne  le  furent 
ceux  de  Faust,  de  Schœffer  et  de  Gutenberg  pour  leur  coopé- 
ration réciproque  à  la  découverte  mémorable  de  l'imprimerie 
typographique,  avec  laquelle  l'art  de  tisser  mécaniquement 
les  étoffes  présente,  comme  on  a  pu  le  voir  en  divers  passages, 
plus  d'un  trait  de  ressemblance. 

Quant  à  la  part  d'illustration  qui  a  été  faite  à  M.  Dépouilly, 
célèbre  fabricant  de  tissus  à  Lyon,  puis  à  Paris,  pour  avoir 
enfermé  Jacquart  dans  un  de  ses  ateliers  pendant  six  mois 
entiers  (on  ne  dit  pas  l'époque),  et  l'avoir  en  quelque  sorte 
contraint  à  perfectionner  son  œuvre  en  produisant,  à  l'aide 
d'ouvriers  habiles,  «une  bonne  mécanique  que  M.  Charles 
«Dépouilly  eut  encore  grand'peine  à  faire  adopter,»  cette 
part  se  rapporte  probablement  à  l'application  en  grand  et  toute 
spéciale  que  cet  habile  fabricant  aura  faite  de  la  machine  à  la 
production  de  certaines  étoffes  de  fantaisie  dues  à  sa  propre 
initiative1 ,  étoffes  qui,  en  rivalisant  avec  celles  de  M.  Camille 

1  Cette  manière  de  voir  parait,  en  effet,  conforme  à  f  esprit  du  texte  par 


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362  VI'  JURY. 

Beau  vais,  autre  célèbre  manufacturier  de  Lyon,  obtinrent 
simultanément  la  médaille  d'or  à  l'Exposition  de  1819»  sans 
qu'on  puisse  dire  et  répéJer  pour  cela,  dans  le  sens  absolu  et 
d'après  un  propos  posthume  prêté  à  Jacquart  recevant  la 
croix  d'homeur  à  cette  occasion  :  ■  Ce  n'est  pas  moi  qui  l'ai 
«  méritée,  mais  bien  M.  Dépouilly,  qui  a  fait  réussir  ma  mé- 
■  canique.  »  9 

Il  importe,  en  effet,  à  l'histoire  du  progrès  des  arts  méca- 
niques de  ne  pas  confondre,  comme  on  le  fait  trop  souvent 
au  détriment  des  inventeurs,  les  perfectionnements  apportés 
aux  organes  constitutifs  mêmes  d'une  machine  servant  de  type 
primitif  ou  fondamental  avec  les  applications  plus  ou  moins 
heureuses  qu'il  est  possible  d'en  faire  à  diverses  branches 
d'industrie,  quelque  distinctes  qu'elles  paraissent  à  première 
vue,  par  exemple, /à  la  production  économique  de  certaines 
variétés  de  tissus,  fussent-ils  nouveaux  par  la  matière  première, 
l'usage,  la  forme,  le  dessin,  etc.  Ces  applications,  je  le  recon- 
nais, peuvent  constituer  de  véritables  droits  à  des  brevets 
d'invention  ou  d'appropriation  spéciales,  sans  supposer  néces- 
sairement de  grandes  difficultés  mécaniques  Vaincues,  ni  le 
perfectionnement  effectif  de  la  machine  qui  sert  à  réaliser 
les  nouveaux  produits,  et  c'est  ainsi  peut-être  qu'on  doit 
interpréter  le  propos  attribué  à  Jacquart;  car  il  paraît  bien, 
d'après  tout  ce  qui  précède,  que,  longtemps  même  avant 
l'Exposition  de  1819,  notre  célèbre  artiste  était  demeuré  à 
peu  près  étranger  aux  heureuses  transformations,  aux  amé- 


leqael  le  Rapport  du  Jury  de  1819  (p.  5o  et  3oi).a  prétendu  motiver  les 
médailles  d'er  décernées  séparément  à  MM.  Dépouilly  ei  C"  pour  la  pro- 
duction de  nouvelles  étoffes  au  moyen  du  métier  dit  à  la  Jacquart,  qu'Ut 
ont  su  perfectionner,  et  au  mécanicien  Jacquart  lui-même  pour  le  perfec- 
tionnement, F  invention  des  métiers  à  faire  des  couvertures  façonnées,  des 
tapis  de  pied,  des  étoffes  de  crin,  des  tissus  pour  meubles,  des  cache- 
mires, etc.;  énumération  qui  semblerait  indiquer  qu'à  l'époque  précitée  de 
1819  Fauteur  s'occupait,  en  effet,  plus  d'étendre  les  applications  de  sa 
machine  que  de  la  modifier  on  améliorer  dans  ses  éléments  constitutifs, 
comme  l'avaient  fait  les  mécaniciens  Breton,  SLoJa  et  d'autres. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  .  363 

liorations  diverses  qu'avait  subies  la  machine  qui  porte  au- 
jourd'hui et  si  universellement  son  nom. 

S  V.  —  Propagation  du  métier  Jacquart  en  Europe ,  et  plus  spécialement  en 
Angleterre,  par  MM.  DépouiUjr,  Stephen  Wïlson  et  Claude  Guillotte.  — 
Applications  et  perfectionnements  divers  par  MM.  Breton,  Garnier,  Beliy, 
Skola,  Michel,  Marin,  Àcklin,  Afcynier,  Bonelli.  —  MM.  Barlow,  Bonardel 
et  AckUn  à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

C'est,  dit-on ,  à  M.  Dépouilly,  le  manufacturier  dont  il  vient 
d'être  parlé,  bien  plus  sans  doute  qu'à  M.  Stephen  Wilson, 
de  Streatham  (comté  de  Surrey),  que  l'Angleterre  serait  re- 
devable (1822  à  i&23)  de  l'importation  de  nombreux  ou- 
vriers, ainsi  que  des  métiers  Jacquart,  qui  fonctionnant  déjà 
près  de  Londres,  au  nombre  de  cinq  à  six  mille,  en  1826, 
n'ont  cessé  de  s'accroître  d'année  en  année  dans  une  progres- 
sion bien  faite  pour  alarmer  notre  industrie  nationale,  el 
qu'explique  naturellement  l'expatriation  volontaire  du  cons- 
tructeur de  métiers  Claude  Guillotte  et  d'une  infinité  d'autres 
ouvriers  lyonnais  à  la  suite  des  malheureux  événements  de 
i83i  et  i834;  expatriation  précédée,  favorisée  d'ailleurs  par 
la  levée  des  prohibitions  anglaises  sur  les  soieries1. 

Je  n'ai  point  ici  à  examiner  si,  comme  on  l'affirme ,  notre 
supériorité  dans  la  fabrication  des  tissus  riches  tient  essen- 
tiellement à, la  délicatesse,  à  l'universalité  du  goût  national, 
trop  souvent,  il  est  vrai,  oblitéré  par  les  caprices  de  la  mode , 
ou  si,  comme  le  veut  une  célèbre  et  déjà  ancienne  enquête 
parlementaire,  elle  se  fonde  plutôt  sur  le  talent  incontesté 
de  nos  dessinateurs  et  metteurs  en  carte,  dont  l'industrie 
anglaise  a  su  de  longue  date ,  mais  surtout  dans  ces  derniers 

1  L'ouvrage  anglais  de  Gilroy  (p.  485  et  suiv.)  contient  d'intéressants 
détails  relatifs  à  l'introduction  des  métiers  Jacquart  à  Spitalfield,  où  le 
nombre  s'en  serait  déjà  élevé  à  3o,ooo  en  i844«  La  patente  octroyée  à 
Stephen  Wilson  le  8  mars  18 si,  sous  le  n*  4543 ,  pour  certains  perfectionne- 
ments dans  les  machines  à  tisser  les  étoffes  figurées,  porte  en  titre,  sans  dési- 
gnation d'aucune  personne,  qu'indépendamment  de  ses  propres  décou- 
vertes cette  patente  contient  le  résultat  de  communications  faites  à  l'auteur 
par  des  étrangers  non  résidant  en  Angleterre,  et  dont,  à  sa  connaissance, 
l'application  toute  récente  n'avait  jamais  été  laite  dans  le  Royaume-Uni. 


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364  VI-  JURY. 

temps ,  dit-on ,  s'approprier  les  travaux  et  la  coopération  im- 
médiate. Je  ne  puis  ni'empécher,  à  cette  occasion,  de  re- 
marquer qu'on  a  fait  une  part  beaucoup  trop  étroite  à  l'initia- 
tive et  à  l'esprit  inventif,  sinon  de  nos  chefs  de  fabrique  ou 
d'ateliers,  du  moins  de  nos  artistes  mécaniciens,  construc- 
teurs et  professeurs  de  théorie  de  fabrication.  L'active  et  sûre 
intelligence  de  ces  hommes  modestes,  dont  les  services  sont 
trop  souvent  ignorés  ou  méconnus,  est,  en  effet,  occupée  sans 
relâche  de  la  création  de  ressources,  de  combinaisons  géomé- 
triques ou  mécaniques  propres  à  simplifier  et  faciliter,  dans 
chaque  cas,  la  production  rapide,  économique,  des  nouvelles 
étoffes  créées  par  la  féconde  initiative  de  nos  dessinateurs. 
Le  succès  et  la  réalisation  matérielle  des  même*  tissus. reposent 
non  moins  encore,  quoique  dans  un  ordre  différent  de  mé- 
rite, sur  l'esprit  intelligent  et  exercé  des  plus  humbles  ou- 
vriers tisseurs,  sur  leur  sentiment  instinctif  et  leur  amour 
raisonné  de  la  perfection  et  du  beau,  résidant  ici,  je  le  redis 
avec  conviction ,  principalement  dans  la  rigoureuse  exécution 
des  formes  géométriques  du  dessin ,  dans  la  précision  même 
du  jeu  des  principaux  organes  du  métier  et  dans  la  combi- 
naison, eu  quelque  sorte  arithmétique,  par  laquelle,  à  l'aide 
d'armures  variables  pour  chaque  duite,  on  parvient  à  repro- 
duire mécaniquement  ces  formes,  ainsi  que  le  mélange  har- 
monieux des  couleurs,  les  reflets  divers,  etc.,  qui  constituent 
le  caractère  propre  à  chaque  étoffe. 

En  un  mot,  il  faut  de  tous  points  se  garder  d'assimiler  la 
participation  de  l'ouvrier  lyonnais  dans  la  production  des 
riches  tissus  de  soie  à  celle  d'un  simple  manœuvre  accom- 
plissant machinalement  certains  mouvements  obligés  et  pé- 
riodiques, comme  semble  l'indiquer  celte  ignoble  et  ridicule 
épithète  de  canut  appliquée  autrefois  à  l'homme  qui,  possé- 
dant et  sachant  seul  faire  jouer  les  métiers,  mais  privé  de 
capitaux  et  de  relations  commerciales,  exécutait  exclusive- 
ment sur  commande.  Véritable  fabricant,  chef  d'atelier  et  fort 
souvent  aussi  père  de  famille,  le  succès  obtenu  est  presque 
toujours  pour  lui  l'objet  d'une  satisfaction  d'amour-propre 


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MACHINES  ET  OUTILS.  365 

national  ou  personnel,  dont  il  faut  soigneusement  entretenir 
le  sentiment  élevé  par  une  instruction  intellectuelle  morale, 
une  hiérarchie  et  des  encouragements  qui  permettent  au  plus 
capable  d'atteindre,  par  l'assiduité  et  le  travail,  à  la  maîtrise, 
à  l'indépendance  sociale,  à  la  fortune  même,  comme  il  arrive 
dans  nos  armées  patriotiques  aux  plus  intrépides  et  intelli- 
gents soldats. 

Quant  aux  calamiteuses  désertions ,  à  la  prompte  divulga- 
tion des  procédés  et  inventions  mécaniques  dont  on  se  plaint 
tant  de  nos  jours,  -elles  sont,  ne  l'oublions  pas,  le  résultat 
inévitable  du  rapide  accroissement  de  la  consommation  et  de 
la  richesse  individuelles  dans  les  divers  pays  ;  accroissement 
en  lui-même  bienfaisant  sans  doute,  mais  d'où  naît  aussi  une 
lutte  qui,  pour  être  pacifique,  n'en  est  pas  moins  ardente  et 
exclusivement  profitable  aux  plus  avancés,  aux  plus  féconds 
chefs  de  fabrication  dans  chaque  branche  d'industrie;  lutte 
sans  laquelle  d'ailleurs  cette  branche,  d'abord  stationnaire , 
ne  tarderait  pas,  sous  de  pénibles  et  stériles  labeurs,  à  dé- 
choir entièrement  pour  renaître  et  prospérer  ailleurs,  ainsi 
que  l'histoire  ancienne  ou  moderne  des  arts  textiles  nous  en 
montre  plus  particulièrement  des  exemples. 

Ces  réflexions,  fort  étrangères  en  apparence  au  but  de  cet 
écrit,  tendent  seulement  à  caractériser,  plus  que  je  ne  l'avais 
fait  jusqu'à  présent,  la  différence  essentielle  qui  existe  entre 
nos  travailleurs  ou  mécaniciens  et  ceux  des  autres  contrées, 
moins  doués  peut-être  de  cette  vivacité  de  l'esprit,  de  cette 
originalité  de  conception ,  aujourd'hui ,  comme  jadis ,  si  répan- 
dues dans  nos  plus  infimes  ateliers,  et  qui  font  en  quelque 
sorte,  de  leurs  modestes  et  trop  souvent  dédaignés  labeurs, 
la  source  la  plus  féconde  et  la  plus  puissante  de  succès  contre 
la  concurrence  étrangère.  Mais,  tout  en  cherchant  à  rassurer 
nos  industries  manufacturières  qui  reposent  sur  les  com- 
binaisons mécaniques  ou  artistiques  du  tissage  des  étoffes 
façonnées,  je  suis  loin,  on  le  comprend,  de  méconnaître  le 
mérite  inhérent  aux  efforts  rivaux  qui  ont  pour  but  la  pro- 
duction économique  et  rapide.de  ces  mêmes  tissus  par  des 


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366  VT  JURY. 

procédés  de  moins  en  moins  dépendants  des  facultés  phy- 
siques de  l'homme. 

À  l'appui  des  considérations  relatives  à  l'influence  spécia- 
lement exefcée  chez  nous  par  le  progrès  croissant  des  idées 
mécaniques  dans  la  fabrication  des  tissus  façonnés,  je  me 
contenterai  de  rappeler  les  ingénieuses  combinaisons  qui  ont 
surgi  en  France  depuis  l'époque  de  i8i5,  où  Breton  don- 
nait, en  quelque  sorte,  sa  dernière  forme  au  métier  Jac- 
quart,  en  imaginant  la  presse-guide  du  balancier  et  le  dédou- 
blement du  cylindre,  de  la  griffe  et  des  cartons ,  pour  l'exécution 
séparée  du  dessin  et  du  fond;  disposition  qui,  envisagée 
comme  moyen  d'allégement,  offre  quelque  analogie  avec  la 
jacquart  double*  à  deux  marches  et  à  deux  chaînes  latérales 
de  cartous,  exposée  en  i85i  à  Londres  par  l'habile  cons- 
tructeur anglais  M.  Barlow ,  avant  lequel  d'ailleurs  M.  Gar- 
nier,  de  Lyon,  avait,  en  i84a,  appliqué  un  cylindre  sur  le 
derrière  de  la  mécanique,  pour  faire  mouvoir  simultanément 
deux  jeux  distincts  de  cartons.  Déjà  aussi  le  musée  de  La- 
martinière,  de  la  même  ville,  contenait  un  modèle  de  métier 
pour  lever  et  rabattre,  à  double  action  de  griffes,  dont  la 
réunion  avec  le  précédent  constitue  en  réalité  celui  de  M.  Bar- 
low. Mais  le  métier  à  double  cylindre  et  à  double  mécanisme 
d'aiguilles  de  ce  dernier,  établi  avec  qpe  rare  précision  et 
donnant  lieu  à  des  facilités,  à  un  accroissement  de  travail 
surtout  appréciés  en  Angleterre,  on  comprend  comment  le 
Jury  de  la  VI*  classe  s'est  décidé  à  voter  la  médaille  de  Con- 
seil à  l'auteur,  qui  jouit  d'ailleurs  dans  son  pays  d'une  grande 
estime  comme  constructeur  de  machines. 

Le  métier  à  tisser  de  MM.  Taylor  et  fils,  de  Halifax,  à 
quatre  cylindres  et  cartons  d'aiguilles  opérant  simultanément, 
se  rapporte  à  la  même  catégorie  de  machines,  quoique  offrant 
un  moindre  intérêt  En  général,  les  modifications  ou  perfec- 
tionnements accessoires  et  multiples  appliqués  à  la  jacquart, 
surtout  en  France ,  ont  eu  principalement  pour  but  d'en  varier 
et  simplifier  l'application  aux  différents  tissus  façonnés;  de 
faciliter  le  lisage  des  dessins,  le  piquage  et  le  perçage  des  car- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  367 

tons,  par  des  procédés  appropriés  à  chaque  cas  et  relatifs  à 
l'arrangement  méthodique  des  fils t  des  armures,  etc.1. 

Plus  particulièrement,  ils  ont  eu  pour  but  de  réduire  à  des 
proportions  de  moins  «n  moins  appréciables  la  dépense  rui- 
neuse de  cette  multitude  de  cartons  (3o  à  ào  mille)  autre- 
fois en  nombre  presque  égal  à  celui  des  lacs,  armures  ou 
cluites  :  on  a* su ,  entre  autres ,  se  débarrasser  de  ceux  qui  servent 
au  tissage  de  foad  dans  les  étoffes  à  couleurs  multiples  par 
des  dispositions  spéciales  du  mécanisme  même  du  métier3; 
mais,  ce  qui  vaut  mieux  i  encore,  on  a  su  habilement  mettre  à 
profit  les  répétitions  résultant  de  la  symétrie  même  du  dessin, 
par  un  mode  de  plus  en  plus  savant  de  Yempovtag*  ou  grou- 
pement des  fils  d'arcade,  de  leur  accouplement  sur  les  divers 
crochets  à  collets,  du  dédoublement  des  boucles  d'aiguilles, 
servant  à  déplacer  deux  crochets  à  la  fois  et  à  supprimer  les 
armures  et  lames  de  lisses  accessoires,  qui,  dans  certains  bro- 
chés ou  façonnés,  avaient  principalement  pour  objet  le  tissage 
des  fonds  unis  et  le  liage  systématique  des  brides  de  la  trame, 
détachée  de  la  chaîne  dans  l'intervalle  plus*  ou  moins  large 
des  parties  figurées  ou  brochées. 

1  On  doit  à  M.  Belly,  de  Lyon,  la  première  machine  à  lire,  piqtier  et 
percer  les  cartons  (brevet  d'octobre  1816,  t.  IX,  p.  i5i,  de  là  Collection 
imprimée).  M.  Marin  y  adapta,  en  i 84 2,  un  clavier  à  touches  opérant  le 
perçage  au  moyen  du  pied  et  non  plus  à  la  main  :  il  parut  à  l'Exposition 
française  de  i844,  ainsi  que  ceux  de  MM.  Trancbat  fils,  de  Lyon,  «t 
Diondonnat,  de  Paris,  qui  s'étaient  eux-mêmes  rapprochés  d'un  système  à 
touches  employé  en  Prusse,  et  dont  MM.  Booardel  frères,  de  Berlin,  ont 
offert  un  spécimen  à  l'Exposition  universelle  de  Londres  en  i85i.  La  ma- 
chine de  M.  Tranchât,  car  il  s*agit  ici  de  véritables  machines  à  lire,  piquer 
et  percer,  se  trouve  décrite  avec  tout  le  soin  désirable  dans  la  Publication 
industrielle  de  M.  Armengaud  aine,  t  V,  1847,  P«  *°*  et  *°9*  pi*  36. 
Mais  à  ces  machines  à  lire  des  dessins  d'âne  faible  étendue  en  ont  succédé 
d'autres  beaucoup  plus  puissantes,  imitées  de  celles  de  Falcon,  de  Breton, 
et  susceptibles  de  percer  simultanément  un  grand  nombre  de  trous  .dans  des 
cartons  épais,  au  moyen  d' emporte-pièces  à  leviers,  bascules,  etc. 

*  Brevet  de  M.  Jourdan  (Théophile),  à  Paris,  délivré  le  3o  septembre 
1819,  pour  un  mécanisme  ajouté  à  la  jacquart  (t.  X,  p.  996,  de  là  Collec- 
tion imprimée). 


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368  VP  JURY. 

Cette  ingénieuse  combinaison  d'empoutage  a,  comme  on 
sait,  principalement  occupé  dans  ces  derniers  temps  M.  Mey- 
nier,  l'un  des  artistes  dessinateurs  et  mécaniciens  qui  ont 
rendu  le  plus  de  services  à  la  ville  de  Lyon,  et  dont  les 
remarquables  inventions,  sur  lesquelles  j'aurai  à  revenir, 
d'abord  mises  à  profit  par  la  maison  Godmard,  Meynier,  etc. , 
n'ont  pas  tardé  aussi  k  l'être  par  celle,  non  ujoins  recomman- 
dable,  de  MM.  Mathevon  et  Bouvard,  de  la  même  ville,  qui, 
dans  leurs  riches  productions  de  tissus  brochés,  ont  eu  princi- 
palement pour  interprète  M.  Marin,  le  professeur  de  fabrica- 
tion déjà  cité  dans  une  précédente  note  relative  aux  anciens 
métiers  à  tisser  de  Dangon ,  de  Bouchon ,  de  Falcon ,  etc. 

A  ces  perfectionnements ,  qui  concernent  spécialement  l'em- 
poutage  ou  distribution  systématique  des  fils  de  suspension 
des  maillons  de  lisses,  j'aurais  à  en  ajouter  quelques  autres 
touchant  là  disposition  des  griffes,  des  lames  de  soulèvement 
simples  ou  multiples,  basculant  ou  non,  des  cartons  sans 
fin  pour  répétitions  du  dessin  dans  la  longueur  de  l'étoffe, 
du  déroulage  descartons  ordinaires  au  moyen  d'un  mécanisme 
qui  leur  imprime,  au  besoin,  une  marche  rétrograde  pour 
reproduire,  à  des  intervalles  très-courts  et  périodiquement, 
les  mêmes  séries  de  levées  ou  abaissement  des  fils  de  chaîne 
relatifs  aux  changements  divers  de  couleur  des  trames  qui, 
bien  qu'appartenant  à  une  même  duite ,  doivent  être  chassées 
séparément  dans  les  ouvertures  correspondantes  de  la  chaîne. 
J'aurais  encore  à  citer  les  tentatives  faites  en  vue  de  substituer 
aux  anciens  et  onéreux  cartons  de  simples  feuilles  de  papier, 
tantôt  continues,  minces,  et  alors  comprises  entre  des  plaques 
de  cuivre  locomobiles,  à  trous  resserrés  comme,  dans  le  mo- 
dèle eiposé  en  i85i  à  Londres  par  M.  Acklin,  de  Paris,  et 
qui,  récompensé  d'une  médaille  de  prix  par  le  VIe  Jury, 
rappelle  les  tentatives  antérieures,  moins  parfaites  néan- 
moins, du  Lyonnais  Skola,  le  compétiteur  de  Breton1;  tantôt, 
comme  Font  aussi  essayé  en  dernier  lieu ,  M.  Michel ,  breveté 

Brevet  de  1819,  t.  II,  p.  37,  de  la  Collection  imprimée. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  369 

en  1842  et  son  continuateur,  M.  Marin,  aussi  de  Lyon,  par 
des  papiers  plus  forts,  mais  communs  et  disposés  de  la  ma* 
nière  ordinaire  sur  une  chaîne  à  cordons,  minces,  compor- 
tant alors  une  disposition  de  crochets  à  suspension  de  lisses, 
munie  de  boucles  à  genouillères  élastiques,  dont  les  branches 
recourbées  sur  elles-mêmes,  suffisamment  allongées,  élastiques 
et  flexibles ,  leur  permettent  de  céder  à  la  moindre  pression 
exercée  par  le  papier  sur  les  aiguilles  motrices  horizontales 
des  crochets. 

Enfin,  on  a  encore  essayé,  depuis  un  certain  temps,  de 
supprimer  tout  papier  et  carton  au  moyen  de  tambours  circu- 
laires analogues  à  celui  de  Vaucanson,  dont  nous  avons  vu  déjà 
les  inconvénients ,  ou  de  toiles  sans  fin  métalliques  tournant  sur 
elles-mêmes  ou  cheminant  par  translation ,  et  offrant  tous  une 
sprte  de  carreaudage,  de  treillis  à  mailles  serrées,  diverse* 
ment  garnies  de  mastic,  de  couleur,  pour  figurer  le  cqpé- 
vas  du  dessin  par  des  pleins,  des  reliefs,  qui  dispensent  de  tout 
Usage  et  perçage  préalables,  en  servant  à  repousser  directe- 
ment les  aiguilles  à  crochets  dans  la  jacquart  ordinaire l.  Les 
compartiments  belge  et  français  de  l'Exposition  de  Londres 
en  possédaient  effectivement  des  exemples  assez  peu  satis- 
faisants, et  qui,  par  la  grossièreté  même  des  moyens  ou 

1  M.  Pascal,  de  Paris,  a  le  premier,  à  ce  qu'il  paraît,  tenté  des  procédés 
de  cette  espèce  dans  un  métier  présenté  à  l'Exposition  française  de  i844, 
tentative  depuis  imitée  tout  aussi  infructueusement  par  beaucoup  d'autres 
moins  habiles  peut-être,  et  qui  n'ont  pas  suffisamment  tenu  compte  de 
ia  difficulté  des  applications  et  de  la  variété  des  besoins  du  tissage  des 
étoffes  façonnées  de  grandes  dimensions.  Voyex,  à  ce  sujet,  les  pages  458 
et  600*  du  Traité  de  la  fabrication  des  tissus,  par  P.  Falcot,  dessinateur  et 
professeur  de  théorie  pratique,  2*  édition,  in- 4°,  i85a.  Je  cite  d'autant  plus 
volontiers  cet  ouvrage  qu'il  renferme  sur  la  partie  mécanique  de  l'art 
du  tissage  des  enseignements  précieux  qu'on  chercherait  vainement  ail- 
leurs, et  qui  n'ont,  à  mes  yeux,  qu'un  seul  tort,  c'est  d'être  dépourvus, 
comme  tant  d'autres  an  surplus,  de  la  critique  historique  indispensable  à 
<raiconque  veut  se  faire  une  opinion  un  peu  nette  sur  la  filiation ,  la  suc- 
cession naturelle  et  le  progrès  des  idées  ou  des  découvertes  dans  un  art* 
•dont  M.  Falcot  fait  d'ailleurs  ressortir  l'importance  au  point  de  vue  du 
perfectionnement  des  procédés  mécaniques. 

VI*  JURY.  —  2°  PARTIE.  .  24 


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370  VP  JURY. 

des  résultats,  n'offraient  d'ailleurs  qu'une  bien  faible  analogie 
avec  la  tentative  que  le  savant  ingénieur  Bonelli,  de  Turin, 
dans  son  métier  à  tisser  électrique,  a  tout  récemment  renou- 
velée en  y  employant  un  cylindre  métallique  quadrillé  et  des 
dispositions  plus  précises,  mais  aussi  plus  délicates  et  jus- 
qu'ici malheureusement l  sujettes  à  de  trop  fréquentes  ratées 
provenant  du  mode  même,  encore  imparfait,  de  l'applica- 
tion des  courants  induits  à  la  production  des  effets  dyna- 
miques ou  du  mouvement  continu  dans  les  machines.  La 
levée  directe  des  crochets  de  suspension  des  lisses  a  lieu  ici, 
en  effet,  par  l'intermédiaire  d'autant  de  bobines  électro- 
motrices dont  le  cylindre  métallique  en  question  sert  à  éta- 
blir où  interrompre  instantanément  le  courant  électrique, 
par  rabaissement  d'aiguilles  soumises  à  Faction  d'un  léger 
mécanisme  à  leviers» articulés,  que  dirige  l'ouvrier  tisseur,, 
ainsi  dispensé  de  la  manœuvre  assez  pénible  des  pédales  à 
soulèvement  de  griffes,  etc. 

La  presque  instantanéité  avec  laquelle  les  courants  électri- 
ques ont  la  faculté  de  transmettre  l'action  motrice  aux  plus 
grandes  distances,  sans  l'intermédiaire  obligé  de  combinaisons 
matérielles  plus  ou  moins  complexes,  sera  sans  doute  mise 
à  profit  dans  certaines  machines ,  au  moyen  de  dispositions 
plus  simples,  plus  directes  et  exemptes  des  inconvénients 
qu'on  remarque  dans  la  plupart  des  applications  tentées  jus- 
qu'à ce  jour,  sauf  peut-être  celles  qui  ont  pour  but  la  trans- 

1  II  ne  peut  être  ici  question,  on  le  comprend  parfaitement,  que  des 
premières  tentatives  de  M.  Bonelli,  dont,  en  effet,  j'ai  eu  l'occasion  de  voir 
fonctionner  un  petit  modèle  de  métier  à  Paris,  en  1 853 ,  si  je  ne  me  trompe. 
Quant  aux  divers  antres  projets  plus  ou  moins  récents  de  machines  à  tisser 
les  étoffes  façonnées,  ce  qui  est  arrivé  à  l'égard  des  innovations  de 
MM.  Dhomme  etRomagny,  récompensés  en  i837  par  la  Société  d'encoura- 
gement (t.  XXX VI»  p.  3o8),  et  sur  lesquelles  M.  Gilroy,  à  la  page  454  de 
son  Traité  du  tissage,  a  porté  un  jugement  si  sévère,  doit  nous  rendre  fort 
circonspects  relativement  à  ce  qui  concerne  une  transformation  aussi  radicale 
des  anciens  procédés  de  tissage,  dus  à  la  lente  mais  très-sûre  et  successive 
coopération  des  artistes  les  pins  ingénieux  et  les  plus  expérimentés  dans 
chaque  pays  et  chaque  siècle. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  371 

mission ,  même  à  de  très-grandes  distances,  du  feu  aux  mines 
ou  des  dépêches  télégraphiques  sous  de  trèsrfaibles  actions 
motrices  effectives.  Quant  aux  applications  où  Ion  se  pro- 
pose de  faire  accomplir  à  l'électricité  des  effets  dynamiques 
dans  des  espaces  rapprochés,  et  comme  simples  moyens d'em- 
brayage  ou  de  transmission  de  mouvements  automatiques 
propres  à  suppléer  Faction  de  l'homme,  des  animaux,  etc., 
elles  ne  semblent  pas  jusqu'ici  destinées  à  remplacer  utile- 
ment, économiquement,  les  heureuses  et  fécondes  combinai- 
sons que  nous  connaissons,  et  dont  les  inconvénients  prin- 
cipaux, résidant  dans  l'inertie,  le  frottement,  les  résistances 
et  réactions  diverses  de  la  matière,  ne  les  empêchent  nulle- 
ment de  transmettre  l'action  avec  des  vitesses  de  ào  à  60  kilo- 
mètres par  seconde  pour  les  corps  métalliques,  sauf  toujours 
l'embarras  des  dimensions  et  l'encombrement  des  masses  à 
mouvoir,  etc.  Les  ingénieuses  tentatives  par  lesquelles  depuis 
M.  Jacpbi,  le  célèbre  physicien  de  Saint-Pétersbourg,  on  se 
préoccupe  des  moyens  de  supplanter  la  puissante  et  écono- 
mique action  motrice  de  la  vapeur  d'eau,  ne  semblent  pas 
non  plus  devoir  conduire  utilement  au  but,  tant  qu'on  ne 
sera  point  parvenu  à  compenser  la  faible  énergie  naturelle 
de  l'électricité  dynamique  par  un  ralentissement  graduel  de 
la  vitesse  relative  du  courant,  ou,  ce  qui  revient  à  peu  près  au 
'  même,  par  une  accumulation ,  une  concentration  plus  grande 
de  ce  courant  sur  les  corps  doués  de  mouvements  relatifs, 
tout  en  évitant  l'altération  physique  des  organes  de  trans- 
mission que  produisent  les  étincelles  de  décharge,  etc.;  pro- 
blème qui  offre  une  certaine  affinité  avec  celui  où  il  s'agit 
d'utiliser  les  grandes  charges  ou  pressions  et  les  grandes  vi- 
tesses des  courants  liquides  et  des  fluides  élastiques. 

Au  point  de  vue  du  perfectionnement  mécanique  des  métiers 
à  tisser,  les  tentatives  de  M.  Bonelli  ne  sauraient,  d'après  ces 
courtes  réflexions,  du  moins  quant  à  présent,  être  considérées 
comme  un  progrès  véritable,  et  il  reste  toujours  à  savoir  si 
l'on  né  parviendra  pas  à  découvrir  quelque  moyen  de  sup- 
primer entièrement  les  cartons  «  dont  on  semblait  à  l'origine 

a4. 


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372  VT  JURY. 

si  satisfait,  et  par  conséquent  de  transmettre  immédiatement 
aux  fils  de  suspension  des  maillons  de  lisses  l'action  motrice 
et  en  quelque  sorte  élective  des  doigts  du  liseur,  appliqués  à 
un  clavier  à  touches  qui  lui  permette  de  lire,  de  traduire 
librement  le  canevas  figuré  et  colorié  sorti  des  mains  du  des- 
sinateur ou  compositeur.  Or  cela  parait  sinon  impossible 
physiquement,  du  moins  extrêmement  difficile,  si  Ton  ré- 
fléchit qu'il  ne  s'agit  pas  seulement  ici  de  produire  isolément 
ou  simultanément  des  effets  comparables  aux  longues  ou  aux 
brèves  de  la  musique,  mais  qu'il  faut  aussi  unir  et  lier  entre 
eux  tous  ces  effets,  je  veux  dire  croiser  des  fils  d'une  longueur 
indéfinie,  de  manière  à  constituer  de  leur  ensemble  un  tissu 
capable  de  résistance  dans  toutes  les  parties. 

Quoique  la  même  difficulté  n'existe  pas,  à  beaucoup  près, 
dans  la  composition  des  formes  de  l'imprimerie  typogra- 
phique, on  sait  que  le  problème  mécanique  qui  la  concerne, 
et  qui  offre  une  singulière  analogie  avec  le  précédent,  n'a  pas 
jusqu'ici  reçu  une  solution  pratique  entièrement  satisfaisante 1, 
quoiqu'elle  exige  peut-être  un  moindre  nombre  de  combinai- 
sons délicates  et  précises  que  l'on  n'en  rencontre  dans  le 
merveilleux  clavier  des  antiques  orgues  d'églises  ou  des  admi- 
rables pianos  de  notre  époque,  clavier  qui  leur  sert  inévi- 
tablement de  point  de  départ  à  cause  de  la  similitude  remar- 
quable du  but  à  remplir. 

Laissant  là  désormais  ces  chanceuses  tentatives  de  perfec- 
tionnement du  métier  à  tisser  les  étoffes  façonnées,  d'une 
réalisation  fort  lointaine  sans  doute,  je  continuerai  à  m'oc- 
cuper  exclusivement  des  applications  utiles  et  variées  qu'on  a 
pu  faire  jusqu'à  présent  des  idées  ou  principes  de  Basile  Bou- 
chon, de  Falcon,  etc.,  à  différents  autres  métiers  déjà  an- 
ciennement employés  ou  plus  récemment  imaginés  en  vue 
d'obtenir  par  des  procédés  économiques  et  rapides  des  tissus 


1  Si  je  ne  me  trompe,  M.  Tremblot-Lacroix,  à  Paris,  aurait,  le  premier, 
fait  la  tentative  d'une  machine  à  composer  les  pages  d'imprimerie,  dans  un 
brevet  délivré  le  2  juin  1826  (Collection  imprimée,  t  XXII,  p.  175). 


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MACHINES  ET  OUTILS.  373 

façonnés  d'une  nature  tout  à  fait  spéciale,  quoique  toujours 
à  chaîne  et  trame  croisées  rectangulairement. 

S  VI.  —  Données  historiques  relatives  aux  métiers  à  chaînes  et  à  navettes 
multiples  ou  changeantes.  —  Introduction  des  métiers  à  la  barre  ou  à  la 
zurichoise  à  Saint-Etienne  et  à  Saint -Chamond;  d'après  M.  Philippe 
Hedde;  les  ruhaniers  Dugas,  Lascour  et  Flachat;  l'horloger  Aonser,  le 
mécanicien  Bargein  et  M.  Hippofyte  Roy  et,  de  Saint-Étienne.  —  Métiers 
à  clin,  à  scie',  à  crémaillère  et  à  tringles  pour  rubans  multiples,  par 
MM.  Preynat,  Peyre,  Roche,  etc.  —  Origine  de  la  lanterne  et  des  boîtes 
à  navettes  changeantes  :  John  et  Robert  Kay.  —  M.  Smith  à  l'Exposi- 
tion de  Londres;  MM.  Louis,  h  Nîmes;  Culhal et Banse, à  Lyon;  Peyrel, 
Oudetj  etc.  à  Saint-Étienne. 

En  même  temps  que  des  hommes  de  génie  songeaient,  en 
divers  pays,  à  simplifier  les  métiers  à  la  tire  ou  à  perfection- 
ner les  métiers  automates  à  tisser  les  étoffes  unies,  d'autres 
mécaniciens  et  artistes,  non  moins  bien  inspirés,  se  propo- 
saient pour  but  de  multiplier  et  diversifier  les  résultats  déjà 
obtenus  par  les  anciens  procédés  de  tissage,  d'y  adapter  les 
nouveaux  éléments  de  succès  mécaniques,  ou  d'en  assujettir 
de  plus  en  plus  les  organes  à  des  mouvements  qui,  dispen- 
sant de  recourir  à  l'intelligence  ou  à  la  force  physique  de 
Thomme,  permissent  d'atteindre  le  but  d'une  manière  plus 
certaine,  plus  expéditive  encore,  et,  par  conséquent,  plus 
économique  :  tels  sont  notammeot  les  métiers  à  la  barre,  ser- 
vant à  fabriquer  à  la  fois  plusieurs  rubans  ou  tissus  étroits, 
Mes  métiers  ou  mécanismes  à  navettes  et  couleurs  changeantes, 
les  battants  brocheurs,  les  métiers  à  roque  tins  ensouples,  à 
chaîne  double ,  triple ,  etc. 

Les  métiers  à  la  barre,  ainsi  nommés  parce  qu'ils  reçoivent 
le  mouvement  d'une  longue  barre  horizontale  à  main  placée 
en  avant  du  métier,  et  à  laquelle  le  rubanier  imprime  direc- 
tement le  va-et-vient  que  des  bielles  ou  béquilles  extérieures 
inclinées  transmettent,  par  articulations,  aux  prolongements 
inférieurs  d'un  battant  commun  ainsi  qu'à  des  disques  ou  vo- 
lants à  boutons  de  manivelles  placés  aux  extrémités  de  l'arbre 
de  couche  inférieur  et  horizontal  servant  à  donner  le  mouve- 


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574  VT  JURY. 

ment  au  surplus  de  la  machine;  ces  métiers  dont  les  fonc- 
tions essentielles  s'accomplissent  d'une  manière  véritablement 
automatique,  puisque  l'arbre  de  couche  ci -dessus  imprime 
directement  ou  par  engrenages  une  rotation  continue  et  ra- 
lentie à. un  second  arbre  de  couche  muni  de  cames  char- 
gées, comme  dans  les  métiers  de  l'officier  de  Gennes  et  de 
Vaucanson ,  de  faire  mouvoir  les  pédales  des  lames  de  lisses 
et  armures  diverses,  pour  ouvrir  simultanément  les  diverses 
chaînes  isolées ,  parallèles  et  tendues ,  dans  un  même  plan 
horizontal,  entre  de  petits  rouleaux  ensouples  à  contre-poids, 
correspondant  respectivement  à  autant  de  rubans,  tantôt 
unis,  tantôt  façonnés;  ces  métiers  dont  les  navettes,  établies 
à  coulisses  dans  la  masse  inférieure  du  battant  balancier,  re- 
çoivent le  va-et-vient  d'une  tringle  à  pignons  et  crémaillères, 
nommée  improprement  scie,  et  que  met  brusquement  en  action 
un  autre  système  de  tringle  ou  de  cordons  à  cames  et  pou- 
lies de  renvoi,  nommé  également  clin;  les  métiers  à  la  barre, 
dis-je,  sont  particulièrement  dignes  d'intérêt  à  cause  de  leur 
origine  déjà  fort  ancienne  et  étrangère  à  notre  pays,  comme 
aussi  parce  que,  jouissant  du  caractère  automatique  que  je 
viens  de  signaler,  ils  ont  servi  de  point  de  départ  à  quelques 
combinaisons  ou  tentatives  modernes  de  métiers  à  plusieurs 
navettes  ou  bandes  d'étoffes  étroites. 

Selon  M.  Philippe  Hedde,  de  Saint  Etienne1,  diverses  ten- 

1  Guide  du  fabricant  de  rubans,  etc.  petite  brochure  in-ia,  de  24  pages, 
publiée  à  Saint- Etienne  en  i845  (voy.  p.  3  à  7).  M.  Hedde  ne  non»  dit 
pas  où  il  a  puisé  ses  documents  historiques;  c'est  là  une  chose  d'autant  plus 
regrettable  qu'elle  enlève  beaucoup  à  l'autorité  de  ses  affirmations.  La  grande 
Encyclopédie,  à  l'article  Ruban  (1765),  ne  nous  enseigne  rien  d'ailleurs 
sur  ce  sujet  :  Roland  de  la  Ratière,  qui  a  rédigé  l'article  Ruban  dans  son 
Encyclopédie,  si  peu  méthodique  (t.  II,  1784 ,  Arts  et  manufactures) ,  après 
avoir  entrepris,  en  1775 ,  un  voyage  sur  les  bords  du  Rhin  pour  étudier  le 
système  de  fabrication  des  rubans  veloutés  et  du  système  de  coupage  qu'on 
y  employait,  nous  apprend  que  5,ooo  métiers  étaient  dès  cette  époque 
employés  à  la  fabrication  des  rubans  brochés  dans  les  environs  des  villes 
de  Baie  et  de  Crevelt,  dont  11  blâme  particulièrement  la  dissimulation  pour 
tout  ce  qui  a  trait  à  ce  genre  intéressant  d'industrie.  H  décrit  ensuite,  avec 


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MACHINES  ET  OUTILS.  375 

tatives  auraient  été  faites,  dans  les  années  1760, 1752,  1756 
déjà ,  par  les  fabricants  de  rubans  Dugas,  Lascour  et  Flachat 
pour  introduire  dans  cette  ville  et  à  Saint-Chamond  les  mé- 
tiers à  la  barre  empruntés  à  la  Suisse,  et  nommés  depuis  mé- 
tiers à  la  zurichoise,  sans  que  l'inventeur  ou  le  lieu  d'origine 
en  soient  autrement  indiqués  par  M.  Hedde.  On  apprend 
seulement  dans  l'écrit  de  cet  ancien  fabricant  et  professeur 
de  tifsage  que,  vers  1758,  le  sieur  Lascour  aurait  attiré  de 
la  Suisse  l'horloger  mécanicien  Frédéric  Aouser,  du  village 
d'Aiche,  près  de  Bâlei  à  l'aide- duquel  il  aurait  élevé  une 
petite  fabrique  de  trois  métiers,  bientôt  capables  de  tisser 
différents  articles  de  rubans  unis  jusque-là  obtenus  sur  des 
métiers  à  une  seule  pièce  à  la  main  ou  à  la  marche.  Une  prime 
de  72  francs  aurait  été  même  accordée,  en  1770,  aux  importa- 
teurs des  métiers  à  la  barre  par  le  Gouvernement  français, 
et  depuis,  à  l'aide  de  perfectionnements  successivement  appli- 
qués à  ce  genre  de  machines  qui  forment  le  pendant  de  celles 
que  l'industrieuse  cité  de  Lyon  avait  su  adapter  aux  larges 
étoffes  de  soie ,'  on  parvint  à  tisser  les  rubans  avec  des  rebords 
dentelés,  des  fonds  et  des  franges  diversement  façonnés,  au 
moyen  de  tambours,  de  cylindres  garnis  de  toucher,  figurant 
en  relief  des  dessins  plus  ou  moins  hauts  et  compliqués, 
selon  la  grandeur  du  tambour  et  la  nature,  la  richesse  du 
tissu.  Enfin,  le  mécanisme  à  la  Jacquart  ou  mieux  à  la  Falcon 
serait,  en  i8i5  déjà,  venu  couronner  ces  succès  de  l'indus- 
trie rubanière  sous  les  efforts  de  plusieurs  ingénieurs,  en 
tête  desquels  M.  Hedde  place  le  fabricant  Hippolyte  Royet, 
de  Saint-Etienne,  et  un  mécanicien  inventif  du  nom  de  Bur- 

les  détails  indispensables,  le  métier  à  navettes  multiples  dont  j'ai  essayé  de 
donner  une  rapide  idée  dans  le  texte  ci-dessus;  métier  dont  on  retrouve  un 
extrait  abrégé  à  la  page  240,  planche  33,  du  volume  publié  en  1820  par 
M.  Borgnis  sur  les  machines  à  confectionner  les  étoffes,  mais  où  Ton  ou- 
blie, ainsi  que  dans  l'Encyclopédie,  de  nous  apprendre  la  source  à  laquelle  la 
description  avait  été  puisée,  et,  ce  qui  eût  été  plus  intéressant  encore,  les 
noms,  le  lieu,  la  date  relatifs  à  rétablissement  des  métiers  à  rubans  consi- 
dérés comme  type  original  et  particulier.  Voyez  aussi  la  Publication  indus- 
trielle de  M.  Armengaud,  t.  VIII,  p.  3oo. 


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376  VI-  JURY. 

gein,  qui  aurait  particulièrement  contribué  au  perfectionne- 
ment des  métiers  à  tisser  les  rubans. 

En  consultant  le  catalogue  des  brevets  délivrés  en  France, 
on  trouve,  en  effet,  le  nom  de  M.  Hippolyte  Royet,  de  Saint- 
Etienne,  inscrit  pour  un  mécanisme  destiné  à  faire  basculer  le 
levier  de  la  mécanique  dite  à  la  Jacquart  et  adapté  au  métier  à 
la  zurichoise1;  mais  ce  brevet  d'invention ,  d'une  durée  de 
cinq  ans  seulement,  porte  la  date  du  29  juin  1819,  posté- 
rieure de  quatre  années  à  celle  indiquée  par  M.  Hedde,  et  coïn- 
cidant avec  la  date  d  un  autre  brevet,  également  d'invention2, 
où  le  même  mécanicien  propose  de  remplacer  les  anciens 
clins  à  axe  coudé,  qui  dans  leur  demi-révolution  chassaient 
brusquement  les  navettes  des  métiers  à  la  zurichoise  d'une 
coulisse  du  battant  dans  l'autre,  en  rompant  souvent  les  fils  de 
chaîne  des  plus  larges  rubans ,  par  un  système  de  mouvants  ou 
cames  fermées,  mobiles  entre  les  côtés  de  châssis  verticaux 
montés,  à  l'une  des  extrémités  du  battant,  sur  des  conduc- 
teurs ou  tiges  horizontales  à  coulisses  et  chariots -traîneaux 
qui ,  munis  d'échancrures,  impriment  aux  crampons  tournants 
des  navettes  un  mouvement  accéléré  progressif,  continu  et 
très-doux,  par  lequel  elles  s'insinuent  sans  aucune  secousse 
dans  les  ouvertures  de  leurs  chaînes  respectives.  'Plus  tard 
encore  (juin  i83o),  le  même  Hippolyte  Royet  s'occupait  de 
la  production  d'étoffes  ou  rubans  façonnés  et  panachés,  dont 
le  principe  consiste  spécialement  dans  l'emploi ,  alors  nouveau 
sans  doute ,  d'une  chaîne  chinée  ou  imprimée  pour  des  étoffes 
diverses,  pleines  ou  à  jours9. 

Le  métier  à  la  barre,  ou  plus  spécialement  le  battant  à 
plusieurs  navettes ,  dont  le  perfectionnement  a  tant  occupé 
les  fabricants  de  Saint-Chamond  et  de  Saint-Etienne  dans 
l'intervalle  de  1818  à  i83o,  ne  saurait  évidemment  être  con- 
sidéré comme  une  émanation  directe  des  idées  de  de  Gennes, 

1  Collection  imprimée,  t.  X,  p.  2 83. 

*  B>iL,  t.  XIX,  p.  54  à  6a. 

3  lbid.,  t.  XXX,  p.  90  :  il  y  porte  le  titre  de  brevet  d'invention  de  cinq 


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MACHINES  ET  OUTILS.  377 

de  Vaucanson ,  de  Régnier  ou  autres  ingénieurs  et  constructeurs 
français  de  la  première  moitié  du  dernier  siècle;  car,  outre 
que  les  métiers  à  tisser  les  étoffes  unies  exclusivement  ten- 
daient à  supprimer  de  fait  l'intervention  et  jusqu'à  la  sur- 
veillance de  l'ouvrier,  remplacé  par  un  moteur  quelconque 
inanimé,  ils  ne  comportaient  qu'une  seule  navette,  une  seule 
pièce  d'étoffe  assez  large,  il  est  vrai,  mais  présentant,  à  ces 
divers  égards,  des  difficultés  de  fabrication  toutes  spéciales  et 
qui  n'avaient  pas  lieu  évidemment  dans  les  petits  métiers 
servant  à  tisser  les  étroits  rubans  d'alors.  Les  tringles  conduc- 
trices des  navettes  à  crémaillères,  à  clins,  etc.,  n'ont  d'ailleurs 
qu'une  bien  faible  analogie  avec  les  porte-navettes  à  cou- 
lisses et  à  chariot  des  métiers  de  de  Gennes  ou  de  Vau- 
canson;  et  tout  en  admettant,  d'après  l'opinion  de  M.  Hedde 
et  de  Y  Encyclopédie  méthodique,  que  le  métier  à  la  barre  ou  à 
navettes  multiples  soit  incontestablement  d'origine  suisse  ou 
allemande  dans  ses  principales  et  ingénieuses  combinaisons, 
je  rappellerai  cependant  que  John  Kay,  de  Bury,  qui  émigra, 
comme  on  l'a  vu,  de  l'Angleterre  sur  le  continent  vers  le 
milieu  du  xvne  siècle,  a  offert  le  premier  exemple  d'un  méca- 
nisme de  chasse-navette  appliqué  au  battant  même  des  larges 
.  métiers  à  tisser  des  drapiers,  qu'il  munit  à  cet  effet  latérale- 
ment de  coulisses  spéciales ,  origine  incontestable  de  celles  des 
battants  automoteurs  et,  plus  particulièrement,  du  battant  à 
navettes  multiples  des  rubaniers,  dont  Kay  lui-même  aurait 
bien  pu ,  dans  un  voyage  en  Suisse ,  devenir  le  primitif  et 
véritable  promoteur. 

A  l'égard  des  tiges  à  crémaillères  ou  à  scie  servant  à  impri- 
mer par  des  .pignons  le  va-et-vient  aux  navettes,  il  serait 
difficile  de  constater  si,  comme  le  prétendent  MM.  Fraisse 
et  Vallat,  mécaniciens  à  Sain t-É tienne,  dans  un  brevet  assez 
récent1,  l'invention  en  remonterait  seulement  à  l'année  1785 

1  Ancien  Recueil,  t.  XXVIII,  p.  ai3  :  brevet  du  10  novembre  1829, 
déchu  par  ordonnance  du  27  décembre  i833,  mais  qui  ne  comporte  que 
de  simples  et  insignifiants  changements  apportés  au  système  à  pignons  et 
crémaillères  du  chasse -navette  généralement  en  usage  à  Saint -Chamond 


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378  VP  JURY. 

et  à  un  sieur  Dellié,  dont  ces  fabricants  taisent  d'ailleurs  h 
résidence  et  les  titres  à  une  modification  sans  doute  impor- 
tante, mais  qu'il  eût  été  indispensable  de  faire  connaître  dans 
ses  précédents,  afin  de  donner  quelque  valeur  à  une  assertion 
qui  semble  avoir  pour  principal  but  de  déprécier  le  mérite  de 
certains  perfectionnements  de  détails  dus  à  des  rivaux. 

Jusque-là,  comme  on  voit,  le  battant  à  navettes  multiples, 
avec  application  ou  non  de  la  jacquart  pour  opérer  les  ouver- 
tures successives  de  la  chaîne  dans  le  cas  des  rubans  façonnés, 
n'était,  à  moins  de  rechange  à  la  main  des  navettes,  guère 
applicable  qu'à  des  tissus  d'une  seule  couleur  et  non  brochés; 
mais  on  tarda  peu,  en  effet,  à  se  préoccuper  des  moyens 
d'adapter  au  battant  des  métiers  à  la  barre  des  procédés  ingé- 
nieux qpi  déjà  avaient  servi  à  opérer  spontanément  le  chan- 
gement de  la  navette  ou  de  la  couleur  du  fil  de  trame  dans 
les  métiers  à  une  seule  chaîne  et  à  une  seule  couleur  de 
duite  sur  la  largeur  entière  du  tissu.  Or,  d'après  ce  que  nous 
apprend  également  (p.  117)  l'historien  anglais  des  mannfac- 
tares  de  coton,  il  faudrait  rapporter  la  première  idée  de  ces 
mêmes  procédés  au  mécanicien  Robert  Kay,  fils  de  l'inven- 
teur malheureux  de  la  navette  volante  ou  caribari  à  bouton  de 
tirage,  dont  il  a  été  précédemment  parlé  :  ce  serait,  du  moins, 
à  cet  autre  Kay  qu'on  serait  redevable,  vers  une  époque  que 
Baines  n'indique  pas1,  mais  qui  doit  être  postérieure  à  1765» 

et  à  Saint-Etienne,  où  il  avait  reçu  déjà  divers  perfectionnements  plus  ou 
moins  ingénieux  de  la  part  de  MM.  Preynat,  Peyre,  Roche  et  Olagnon, 
Fargëre,  Sagnard,  Revercbon,  bientôt  suivis  de  MM.  Boivins,  Becgier, 
Daclin,  etc.  ;  perfectionnements  qui  consistent  principalement  à  faciliter  le 
jeu  des  navettes  ou  à  en  doubler  le  nombre,  en  les  disposant,  ainsi  que  les 
rubans,  par  étages  les  uns  au-dessus  des  autres,  comme  l'indiquent  parti- 
culièrement dans  leur  brevet  de  1818  MM.  Réverchbn  père  et  fils,  de 
Saint-Etienne,  imités  dans  un  autre  brevet  d'octobre  i83o  par  les  sieurs 
Pitiot  et  Gariot,  fabricants  d'étoffes  de  soie  à  Lyon.  11  serait  peu  nécessaire 
sans  doute  de  citer,  à  ce  sujet,  les  brevets  pris  en  1817  et  i8a5  par 
MM.  Démarque  et  Silvan  pour  des  métiers  à  tisser  quatre  pièces  d'étoffe  à 
la  fois,  au  moyen  de  navettes  mises  en  action  par  des  marches,  etc. 

1  II  n'existe  aucune  patente  du  nom  de  Robert  Kay  dam  le  Catalogue 


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MACHINES  ET  OUTILS.  379. 

de  l'ingénieux  mécanisme  à  lanterne  tournante'  où  cage  £  écu- 
reuil latérale,  porte-navettes  de  différentes  couleurs,  chargé 
de  présenter  dans  sa  rotation  intermittente,  périodique  et 
élective,  soumise  à  Faction  de  la  marche  et  non  plus  à  l'aide 
d'un  ouvrier  servant,  les  navettes  ou  trames  dont  il  s'agit, 
chassées  à  caribari  dans  les  coulisses  extrêmes  du  battant, 
mû  à  la  manière  ordinaire  ou  à  bras. 

Bientôt,  sans  doute,  la  cage  d'écureuil  à  couleurs  chan- 
geantes, principalement  employée  à  la  fabrication  des  écossaises 
à  tissus  rayés  et  croisés  rectangulairement,  aura  été  rem- 
placée en  France  par  la  boite  porte-navette  à  coulisse  verti- 
cale, placée  également  à  l'une  des  extrémités  du  battant, 
contre  un  montant  du  bâti  et  conduite  automatiquement  à 
l'aide  de  mécanismes  dérivant  de  l'idée  originale  des  cartons  à 
trous  et  à  chevilles  de  repère  due  à  Basile  Bouchon ,  méca- 
nisme dont  on  a  eu  un  remarquable  exemple  à  l'Exposition 
universelle  de  Londres,  dans  l'un  des  excellents  métiers  à 
tisser  de  M.  Smith,  de  Heywood,  près  Manchester.  Ce  métier 
servait  en  effet  à  fabriquer  du  taffetas  écossais  à  trois  navettes 
ou  couleurs  de  trame ,  que ,  dans  nos  idées  de  perfection ,  peut- 
être  trop  absolues,  nous  n'oserions  soumettre  à  une  action 
aussi  brusque,  à  cause  des  fâcheux  effets  qui  peuvent  résul- 
ter, non  de  la  casse  des  trames,  ici  admirablement  prévue  ou 
empêchée ,  mais  bien  du  tirage  oblique  des  fils  sur  les  navettes , 
dont  les  à-coups  ou  irrégularités  quelconques  de  tension  et  de 
frottage  sur  l'œillère  ou  barbin  en  saillie,  déjà  appliqué  par 
Vaucanson  à  sa  navette  automate,  doivent  nécessairement 
amener  d'autres  irrégularités  dans  la  constitution  physique 
même  des  étoffes  de  soie  à  fils  plats  et  dont  les  reflets,  le  bril- 
lant, constituent,. comme  on  sait,  le  principal  mérite. 

Le  danger  n'est  point  à  beaucoup  près  aussi  grand  dans  les 
métiers *à  nfain  et  à  navettes  de  couleurs  changeantes,  dont  on 
se  sert  en  France  depuis  fort  longtemps  pour  tisser  les  écos- 

officiel  anglais,  de  sorte  qu'il  devient  très-difficile  de  vérifier  l'affirmation 
de  Baines  relativement  à  l'origine  de  la  lanterne  tournante  à  changement 
de  couleurs. 


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380  Vr  JURY. 

saises  en  soie  ou  en  coton  nommées  spécialement  rouennaises, 
et  dont  M.  Fromage,  de  Darnetal  (Seine-Inférieure),  a  aussi 
présenté  à  l'Exposition  universelle  de  Londres  un  spécimen 
avec  battants  à  deux  navettes  seulement,  ,que  mettait  en  ac- 
tion une  chaîne  sans  fin  munie  de  chevilles  disposées  d'après 
Tordre  même  de  succession  assigné  aux  navettes  ou  couleurs 
de  rechange. 

M.  Louis  (François) ,  à  Nîmes,  est,  je  crois,  le  premier  qui, 
en  novembre  1827,  ait  employé  la  jacquart  à  faire  mouvoir, 
dans  Tordre  voulu  par  tedessin  et  automatiquement,  des  boîtes 
à  navettes  changeantes,  appliquées  au  métier  ordinaire  ou  à 
la  marche1  ;  car  dans  le«double  système  de  battants  à  navettes 
de  rechange  du  nommé  Antoine  Culhat,  mécanicien  de  Lyon, 
breveté  en  mai  1816,  Télévalion  verticale  de  la  boîte  conte- 
nant ces  navettes  s'opérait,  non  pas  spontanément  par  le  mé- 
canisme de  la  marche,  mais  à  la  main  au  moyen  de  cordons 
à  rouleau  supérieur  de  renvoi  et  suspension  de  cette  boîte, 
dont  le  système  était  accompagné  d'une  combinaison  double 
de  chasse-navettes  à  leviers  et  à  taquets  latéraux  assez  gros- 
sièrement établie  et  décrite  2.  J'en  dirai  à  peu  près  autant  du 
mécanisme  applicable  au  battant  ordinaire  des  étoffes  de  soie, 
propre  à  déterminer  le  jeu  des  deux  simples  navettes,  et  qui 
a  été  peu  de  temps  après  (3o  septembre  i83o)  l'objet  d'un 
autre  brevet  d'invention  délivré  au  sieur  Banse  (Théophile- 
Joseph)  ,  résidant  à  Lyon. 

Si ,  d'autre  part,  on  consentait  à  s'en  rapporter  au  texte 
d'un  brevet  d'importation  pris  en  octobre  18283  par  le  sieur 
Peyrel  (Denis),  mécanicien  fabricant  de  velours  à  Saint- 
Etienne,  ce  serait  en  Suisse  encore  que  Ton  aurait  fait  d'abord 
au  métier  à  la  barre  l'application  de  deux  navettes  de  re- 
change propres  à  la  fabrication  de  plusieurs  rubans  brochés, 
navettes  que,  d'après  le  principe  de  multiplicatioif  déjà  admis 
à  Saint-Etienne  pour  les  rubans  façonnés  à  une  couleur,  ce 

1  Collection  des  brevets  expirés,  t.  XXXVI,  p.  346. 
*  IbuL,  t.  VIII,  p.  387. 

»  m, t.  xxviii, p.  15. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  381 

mécanicien  propose  de  porter  à  un  nombre  quelconque,  en 
ajoutant  en  avant,  mais  sur  le  battant  même,  un  châssis  ho- 
rizontal porte-crampons  avec  boîtes  à  navettes  changeantes, 
multiples,  superposées  les  unes  aux  autres  et  séparées  par 
des  lamettes  horizontales  ;  châssis  auquel  le  mouvement  ascen- 
dant et  descendant  serait  imprimé  par  un  cylindre  d'orgue 
ou  une  mécanique  jacquart,  placé  en  dehors  du  battant, 
mais  dont  malheureusement  le  dessin  ne  laisse  pas  deviner  le 
mode  d'action.  La  seule  chose  qu'il  a  plu,  en  effet,  à  Fauteur 
ou  au  graveur  de  nous  faire  entrevoir,  c'est  que  les  navettes, 
appartenant  à  un  même  rang  horizontal  de  boîtes  ou  de  cases, 
sont  poussées  latéralement  par  des  clins  à  tourniquets,  re- 
courbés en  avant  de  la  masse  inférieure  du  battant  qui  en 
supporte  les  axes  ou  chevilles  de  pivotement  fixes;  c'est  que 
ces  chevilles  sont  indépendantes  du  châssis  mobile  à  boîtes  de 
navettes,  dont  le  chapeau  supérieur  horizontal  est  surmonté 
des  crampons  par  lesquels  le  mécanisme  du  cylindre  d'orgue 
ou  de  la  jacquart  opère  véritablement  la  manœuvre  verticale 
du  châssis  à  chaque  changement  de  couleurs;  le  cylindre 
d'orgue  lui-même  ne  pouvant,  observe  avec  raison  l'auteur, 
être  mis  en  usage  qu'autant  que  le  dessin  ne  comporterait 
que  go  coups  de  hauteur. 

Ce  brevet  d'importation  fut  suivi,  en  mai  1829 ,  d'un  autre 
brevet  d'invention  par  MM.  Oudet  et  Richard,  de  Saint- 
Etienne1,  où  les  boîtes  à  navettes  sont  montées  sur  la  masse 
ou  traverse  inférieure  du  battant,  qui  porte  aussi  le  méca- 
nisme moteur  du  chasse-navette,  tandis  que  le  déplacement 
vertical  simultané  des  boîtes  est  produit  par  une  traverse  ho- 
rizontale supérieure  à  crampons,  mobile  sur  coulisses  entre 
les  montants  ou  épies  du  battant,  par  un  système  moteur 
composé  d'un  arbre  à  came  en  colimaçon,  avec  tourniquet  ou 
compas  à  iquerre,  recevant,  ainsi  que  le  chasse-navette,  le 
va-et-vient  régulateur  de  la  partie  supérieure  de  ce  battant. 

Enfin,  dans  un  dernier  brevet2  soi-disant  encore  d'invention, 

1  Collection  imprimée,  t.  XXVIII,  p.  8. 
*  IbiéL,  même  tome,  p.  ai  4. 


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382  VP  JURY. 

du  8  novembre  1829,  M.  Roullet  (Joseph),  fabricant  d'étoffes 
façonnées  k  Lyon,  propose  de  diviser  le  châssis  porteJboîtes, 
ici  mobile  sur  rails  le  long  des  épées  verticales  du  battant, 
par  de  petits  montants  en  nombre  égal  à  celui  des  bottes  qui 
y  sont  respectivement  adaptées,  et  dont  le  déplacement  ver- 
tical s'opérerait,  simultanément  avec  le  châssis ,  le  long  de. ces 
épées  latérales,  surmontées  d'un  arbre  horizontal  à  poulie  et 
chaîne  de  suspension,  mises  en  relation  avec  la  mécanique 
jacquart  ou  falcon. 

On  remarquera  que,  dans  ce  dernier  métier,  à  trois  na- 
vettes changeantes ,  destiné  à  la  fabrication  de  quatre  rubans 
à  bouquets  brochés ,  d'un  égal  nombre  (trois)  de  couleurs,  le 
battant  est  simplement  mis  en  action  par  l'ouvrier  au  moyen 
d'une  poignée  à  main  latérale,  tandis  que  le  chasse-navette  à 
longue  tringle  horizontale  et  à  taquets  était  lui-même,  sans 
doute,  poussé  à  la  main  par  un  ouvrier  servant;  ce  que  l'au- 
teur ne  dit  pas,  mais  ce  qui  ferait  sortir  entièrement  ce  genre 
de  métiers  de  la  classe  si  intéressante  de  ceux  à  la  zurichoise 
ou  à  la  barre. 

Ces  derniers  métiers,  bien  que  conduits  par  l'ouvrier,  tout 
à  la  fois  moteur  et  surveillant,  appartiennent  en  effet,  je  lere- 
dis  ici  à  dessein,  au  système  des  machines  à  mouvements 
automatiques,  c'est-à-dire  marchant  par  un  seul  ou  premier 
moteur  :  c'est  à  ce  système  que  M.  Reverchon  fils  aîné,  de  Saint- 
Etienne,  dans  un  brevet  d'addition  à  celui  obtenu  en  commun 
avec  son  père  en  1818  pour  les  métiers  à  rubans  étages, 
avait,  peu  de  jours  après  M.  Roullet  (10  novembre  1839)  V 
tenté  d'appliquer  la  véritable  mécanique  à  balancier  supérieur  ' 
de  Jacquart  ou  mieux  de  Breton  pour  opérer  directement 
le  déplacement  vertical  des,  porte-navettes  brocheuses.  Mais  le 
laconistQjÇ  et  le  vague  dans  lesquels  le  texte  et  les  dessins  de 
ce  brevet  d'addition  sont  rédigés  ne  permettent  guère  de 
croire,  malgré  les  assertions  de  l'auteur,  que  le  but  ail  été 
parfaitement  atteint,  et  l'on  se  voit  conduit  à  douter,  que  le 

1  Collection  imprimée,  t.  XXIX,  p.  379. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  383 

broché  des  rubans  par  navettes  ou  couleurs  changeantes  se 
fût;  même  en  1829,  opéré  à  Saint-Etienne  d'une  manière 
vraiment  automatique ,  c  est-à-dire  par  le  mécanisme  propre 
de  l'ancien  métier  à  la  zurichoise,  sans  recourir  à  des  procé- 
dés'plus  ou  moins  analogues  à  ceux  dont  il  a  déjà  été  parlé 
précédemment 

S  VIL  —  Battants  brocheurs  employés  à  la  fabrication  des  rubans  et  autres 
tissu»  façonnés,  par  MM.  Maillé  et  Mémo,  Prosper  Meynier,  Poucet  et 
Bowrquin,  Seite  et  Gonon,  Molinard,  etc.  —  Métiers  à  espôlins  et  roque- 
tins  multiples  pour  les  cachemires,  tapis,  velours,  peluches,  etc.: 
MM.  Deneirouse,  Grégoire,  Meynier,  Hennecart,  en  France;  MM.  Wooà 
et  Eeed,  en  Angleterre.  —  Antiquité  du  velours  :  les  Génois  Tarquetà  et 
Narris,  importateurs  à  Lyon,  d'après  M.  Borgnis. 

Non-seulement  MM.  Mallié  et  Mémo,  fabricants  d'étoffes 
de  soie  à  Lyon,  dans  un  brevet  de  novembre  1827  *,  avaient 
déjà  tenté  de  construire  un  battant  à  plusieurs  navettes  et  chasse 
à  caribari  destinés  à  la  fabrication  des  rubans  façonnés  et  spé- 
cialement applicables  aux  métiers  jacquart  employés  dans 
la  ville  de  Lyon,  mais  aussi  M.  Meynier  (Prosper),  l'habile 
artiste  déjà  précédemment  cité,  inquiet  de  la  concurrence  que 
son  pays  subissait  pour  les  rubans  brochés,  se  fit  délivrer,  en 
juin  1828  2,  un  brevet  d'invention  ayant  pour  objet  spécial 
l'établissement  d'un  battant  à  navettes  ou  couleurs  chan- 
geantes dont  l'ingénieux  dispositif,  fondé  sur  le  principe  des 
'  cartons  jacquart  ou  falcon ,  opérait  sur  un  petit  arbre  hori- 
zontal monté  à  la  partie  supérieure  du  balancier  ou  battant, 
et  dont  les  poulies  ou  petites  roues  dentées  faisaient  mouvoir, 
au  moyen  d'une  chaîne  de  suspension,  le  châssis  porte-boîtes, 

1  Collection  imprimée,  t.  XXV,  p.  18.  La  combinaison  dont  il  s'agit  a  été, 
de  la  part  de, MM.  Chrétien  et  Sourd,  autres  fabricants  de  Lyon,  l'objet  de 
perfectionnements  décrits  dans  un  brevet  du  a 8  novembre,  1819,  où  le 
chasse -navette  à  caribari  est  mis  directement  en  action  par  la  marche, 
sans  le  secours  de  la  main ,  au  moyen  d  une  combinaison  de  rouages  et  d'ar- 
mures assez  compliquée  (-ColUctbn  imprimée,  t,  XXIX,  p.  77). 

•  IW.,  t.  XXXVII,  p*  176.     • 


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384  VP  JURY. 

à  peu  près  comme  dans  le  système  précédent,  auquel  il  aura 
probablement  servi  de  type.  Le  brevet  Meynier  contient  d'ail- 
leurs sur  la  double  tringle  à  anse  ou  poignée  et  crochet 
chasse-navettes  à  rappel ,  sur  leurs  boîtes  à  coulisses  ou  com- 
partiments ,  sur  le  perfectionnement  même  des  navettes  à  rap- 
pel ou  réaction  par  ressorts  de  MM.  Poncet  et  Bourquin,  de 
Lyon  *,  des  détails  ingénieux  propres  à  régulariser,  adoucir 
le  jeu  des  diverses  parties ,  et  qui  montrent  bien  l'homme  du 
métier,  déjà  suffisamment  expérimenté  lors  de  son  second 
brevet- de  mars  1829. 

Quel  que  soit,  au  surplus,  le  mérite  du  battant  brocheur  de 
M.  Meynier,  et  bien  qu'il  ait  rendu  de  grands 'services  à  l'in- 
dustrie lyonnaise  comme  à  celle  de  Saint-Etienne  et  de  Saint- 
Chamond,  on  n'en  doit  pas  moins  regretter  que  le  texte  et  les 
dessins  de  ces  brevets  aient  été  tronqués  et  rendus  inintelli- 
gibles en  quelque  sorte  à  plaisir,  ce  qui  doit  disculper  jus- 
qu'à un  certain  point  ses  imitateurs,  au  nombre  desquels  on 
pourrait  ranger  M.  Bourquin  lui-même;  ce  mécanicien  de  Lyon 
déjà  mentionné,  et  dont  le  battant  mécanique  brocheur  à  trois 
rubans  s,  quoique  d'une  disposition  assez  simple  et  ingénieuse, 
ne  semble  pasf,  sous  le  rapport  des  avantages  pratiques,  l'a  voir 
emporté  sur  ceux  imaginés  à  une  époque  contemporaine 
parles  industriels  de  Saint-Etienne,  dirigés,  comme  on  la  vu, 
plus  particulièrement  vers  les  combinaisons  exclusivement 
mécaniques,  et  dont  les  tentatives  persévérantes,  quant  à  la 
fabrication  des  rubans  brochés  à  diverses  couleurs,  auront  été 
couronnées  de  succès,  si  Ton  en  juge  par  les  métiers  à  cinq 

1  La  navette  de  M.  Poncet  est  décrite  dans  le  tome  XXIII ,  p.  3o6" ,  de  la 
Collection  des  brevets,  sous  la  date  du  8  février  1 8*7  ;  celle  de  M.  Bourquin . 
du  10  novembre  de  la  même  année ,  est  décrite  dans  le  tome  XXV,  p.  19  ; 
mais  toutes  deux  avaient  été  précédées  de  moyens  peut-être  moins  heureux 
de  régulariser  la  tension  du  fil  dans  les  navettes  des  plus  anciens  métiers  à 
tisser  automates  et  de  s'opposer  aux  effets  du  déroulement  des  cannettes 
lors  du  mouvement  de  retour.  Ajoutons  qu'on  doit  à  l'horloger  Clerc,  de 
Lyon,  une  navette  dite  à  rotation  rétrograde,  dont  les  brevets,  datés  de 
1828 ,  sont  imprimés  dans  les  tomes  XXVI  à  XX VIII  de  la  même  collection. 

*  Collection  imprimée,  t.  XXVI,  p.  a6i  :  brevet  du  17  février  1829. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  385 

navettes  de  rechange  inventés  par  le  mécanicien  Preynat,  de 
cette  ville,  et  qu'on  trouve  décrits  avec  tout  le  soin  désirable 
à  la  page  1 58  du  tome  XXXI  de  la  Collection  imprimée,  dans 
an  brevet  daté  du  16  septembre  i,83o. 

Qu'on  me  permette,  à  cette  occasion,  de  remarquer  que  la 
complication  de  pareils  battants  brocheurs,  la  précision  et  les 
soins  qu'ils  exigent,  ont  dû  en  amoindrir,  réduire  notablement 
le  mérite  aux  yeux  des  fabricants  un  peu  arriérés,  à  moins 
qu'ils  n'aient  prétendu  en  limiter  l'application  à  un  certain 
nombre  de  larges  rubans  façonnés  et  brochés.  Cette  considé- 
ration a  probablement  motivé  les  nouvelles  tentatives  faites 
dans  un  but  analogue,  en  i84o,  par  MM.  Seite  et  Gonon,  à 
Sain  t-É  tien  ne,  et  par  M.  Molinard,  à  Paris,  dont  le  battant  bro- 
cheur à  crémaillère,, etc.,  offre  également  des  complications 
qui  lui  ont  fait  préférer  depuis  un  certain  temps  le  système 
de  construction  adopté  par  MM.  Martinet  frères,  mécaniciens 
de  cette  dernière  ville,  et  dont  la  description  se  trouve  à  la 
p.  62 1  du  Traité  sur  le  tissage  de  M.  P.  Falcot. 

Ces  ingénieux  procédés  mécaniques,  dans  lesquels  1$  levée 
ou  l'abaissement  des  fils  de  chaîne  s'opère  toujours  par  le 
moyen  des  cartons  troués  ou  des  tambours  à  touches  pour  les 
façonnés  ordinaires  à  grandes  ou  très-petites  hauteurs  de  des- 
sins, ces  procédés  ne  pouvant  s'appliquer  qu'à  des  tissus  d'une 
seule  couleur  dans  détendue  entière  de  chaque  duite,  il  me 
resterait  à  mentionner  les  procédés  par  lesquels  des  fils  de 
trame  diversement  colorés  et  enroulés,  tendus  sur  des  canneltes 
légères  doutant  de  navettes  espolins,  à  courses  limitées  et 
distinctes,  sont  conduits  à  la  main  au  travers  et  en  dessus 
des  diverses  portions  isolées  de  la  chaîne  ou  de  la  duite  qu'il 
s'agit  de  recouvrir  de  bouquets,  de  dessins  brochés  et  colo- 
riés. C'est  notamment  dans  ce  but,  et  en  vue  de  faciliter,  régu- 
lariser le  travail  du  tisseur  pour  les  étoffes  k  dessins  symétri- 
quement répétés  dans  la  largeur  de  l'étoffe,  que  M.  Meynier, 
associé,  comme  je  l'ai  dit,  à  M.  Godmard,  fabricant  à  Lyon» 
a  imaginé 1  un  ingénieux  instrument  brocheur  applicable  aux 

1  Le  bref  et  d'invention  de  cinq  ans  délivré  à  ces  industriels  sous  la 

VI*  JURT. —  »*  PARTIE.  S  5 


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386  W  JURY. 

divers  battants  en  usage  dans  l'industrie  lyonnaise  :  composé 
d'une  règle  en  cuivre  d'une  largeur  égale  à  celle  de  l'étoffe, 
il  soutient  deuji  rangées  parallèles  et  rapprochées  de  navettes 
ou  espolins  inférieurs,  dont  le  va-et-vient  dans  autant  de 
châssis  à  coulisses  horizontales  limitées  est  assuré,  à  des  inter- 
valles réglés  à  l'avance,  par  le  jeu  d'une  tringle  supérieure  à 
poignées,  ou  manettes,  qu'accompagnent  d'autres  tiges  à  cram- 
pons poussetirs,  propres  à  produire  sous  la  main  de  l'ouvrier 
tisseur  le  jeu  alternatif  de  translation ,  d'abaissement  ou  de 
soulèvement  réclamé  par  le  dessin  du  broché  et  qui  résultent 
de  petits  plans  inclinés  servant  également  de  guide  aux 
diverses  navettes  ou  espolins. 

Le  battant  brocheur  mécanique  des  métiers  à  rubans  et 
l'instrument  perfectionné  que  M.  Meynier  y  a  substitué  pour 
certains  genres  de  dessins ,  si  facilement  applicables  à  cause 
des  intervalles  réguliers,  suffisamment  larges,  laissés  entre  les 
diverses  portions  de  chaînes  à  brocher  et  auxquelles  corres- 
pondent autant  de  petits  peignes  frappeurs,  ces  ingénieux 
outils  ne  peuvent  que  difficilement  s'adapter  aux  larges  tissus  à 
figures  ou  couleurs  perpétuellement  changeantes,  et  dont  les 
navettes  espolins  ont  besoin  d'être  directement  conduites  à  la 
main  par  l'ouvrier  et  son  aide ,  quand  le  dessin  se  complique 
et  qu'on  prétend  éviter  ou  perdre  dans  la  chaîne  et  le  fond 
sergé  du  tissu  les  longues  brides  qui  s'aperçoivent  à -l'envers 
des  brochés  obtenus  au  simple  lancé  de  la  navette  sur  la 
largeur  entière  de  ce  tissu.  Mais  c'est  surtout  dans  les  châles  de 
cachemire ,  façon  de  lin  de ,  que,  le  nombre  des  espolins  ou  des 
combinaisons  dues  aux  changements  de  couleurs  se  multi- 
pliant pour  ainsi  dire  à  l'infini  dans  chaque  duite ,  on  se  voit 
en  quelque  sorte  obligé  de  renoncer  à  tout  procédé  mécanique; 

dénomination  de  battant  à  espolins  brocheurs  porte  la  date  dn  17  janvier 
i838;  l'instrument  lui-même  a  reçu  depuis  lors  des  perfectionnements 
divers  et  d'utiles  applications  mis  à  profit  par  l'industrie,  et  dont  l'heu- 
reuse combinaison,  jointe  à  d'autres  non  moins  remarquables  déjà  dues  à 
M.  Meynier,  ont  valu  à  ce  mécanicien  et  à  son  associé,  M.  Godmard,  une 
médaille  d'or  à  l'Exposition  française  de  i84g. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  387 

la  jacquarl,  comme  dans  l'ingénieux  système  de  fabrication 
tenté  par  M.  Deneirouse ,  à  l'aide  des  papiers  continus  et  percés 
de  M.  Acklin ,  ne  servant  guère  qu'à  lever  les  fils  de  la  chaîne 
et  de  petits  indicateurs  propres  à  montrer  à  l'ouvrier  tisseur 
ou  brocheur  l'ordre  successif  des  espolins  qu'il  doit  employer 
en  chaque  point  ou  portion  limitée  de  la  duite. 

De  là,  ou  le  comprend,  à  l'antique  et  lent  travail  manuel 
des  tapis,  tapisseries  ou  broderies  à  sujets  d'imitation ,  il  n'y  a, 
au  point  de  vue  mécanique,  qu'un  pas,  il  est  vrai  fort  difficile 
à  franchir,  et  sur  lequel  je  me  garderai  bien  ici  d'insister, 
de  même  que  je  me  vois  à  regret  contraint  de  passer  sous 
silence  diverses  autres  branches  importantes  de  fabrication 
relatives  aux  tapis  d'usage,  aux  velours,  ras  ou  frisés,  unis  ou 
façonnés,  aux  moquettes  bouclées,  aux  peluches,  aux  gazes, 
etc.,  qui  ont  reçu  dans  tes  derniers  temps,  quant  aux  procé- 
dés mécaniques,  des  perfectionnements  qu'il  eût  été  si  inté- 
ressant d'étudier  au  point  de  vue  historique  où  je  me  suis 
placé  dans  ce  chapitre,  spécialement  consacré  aux  machines 
qui  ont  pour  objet  la  fabrication  des  tissus  pleins  à  chaîne 
et  trame  croisées  rectangulairement. 

Je  me  bornerai  brièvement  à  rappeler,  afin  de  ne  pas  laisser 
ma  tâche  par  trop  incomplète,  que  le  tissage  des  velours,  pour 
ainsi  dire  contemporain  de  celui  des  étoffes  unies  ou  façon- 
nées 1 ,  consiste  dans  la  combinaison  d'une  chaîne  inférieure 

1  «La  fabrication  du  velours,  dit  M.  Borgnis  aux  pages  33o  à  33a  du 
€  volume  relatif  aux  machines  à  confectionner  les  étoffes  (i8ao),  prospérait  à 
«  Venise,  à  Gênes  et  dans  quelques  autres  villes  d'Italie  avant  d'être  connue 
«  en  France.  Ce  furent  deux  Génois,  nommés  Etienne  Turquetti  et  Barthé- 
ilemy  Narris,  qui  importèrent  cette  branche  d'industrie  à  Lyon,  où  ils 
€  établirent  une  manufacture  sous  les  auspices  de  François  I",  en  Tan  i536. 
«  —  Le  velours  est  une  production  asiatique,  dont  l'usage  a  été  introduit  à 
€  Rome  du  temps  des  Empereurs  ;  les  anciens  Grecs  ne  l'auraient  pas  connu, 
«  et,  dans  le  moyen  âge,  quelques  fabriques  furent  établies  à  Gonstantinopie 
«et  dans  d'autres  villes  de  l'empire  d'Orient. • 

J'ignore  la  source  à  laquelle  ces  documents  ont  été  puisés  par  l'hono- 
rable professeur  Borgnis,  dont  l'ouvrage,  qui  a  rendu  d'incontestables  ser- 
vices à  la  mécanique  industrielle,  en  aurait  rendu  de  bien  plus  appréciables 

t5. 


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388  VF  JURY. 

tendue  entre  ensouples  ordinaires,  avec  une  ou  plusieurs 
autres  chaînes  à  fils  lâches ,  de  même  couleur  ou  de  couleurs 
variées  et  distinctes,  mais  alors  tendues  séparément  ou  par 
groupes  de  petites  poulies,  de  petits  rouleaux  ensouples  à 
freins  ou  poids  de  tirage,  nommés  roquetins,  et  dont  l'en- 
semble constitue  une  sorte  de  cantre,  d'ourdissoir  postérieur; 
je  rappellerai'  encore  que  ces  derniers  fils,  correspondant  à 
des  lames  de  lisses  à  armures  diverses  avec  ou  sans  méca- 
nique jacquart ,  en  sont  séparément  levés  ou  abaissés  pour  le 
passage  soit  de  la  trame  ou  navette ,  soit  de  petites  tringles 
en  fer  polies  et  reposant  sur  la  chaîne  fixe  ;  que  ces  tringles, 
enveloppées  extérieurement  et  vers  le  haut  par  les  fils  de 
chaînes  lâches  pour  la  formation  des  boucles,  sont,  après  un 
certain  nombre  de  coups  du  battant  ou  avancement  du  tra- 
vail, progressivement  retirées  du  tissu,  soit  à  la  main,  soit 
par  procédés  automatiques,  comme  dans  quelques  machines 
modernes;  qu'enfin  pour  les  velours  coupés,  le  sommet  des 
boucles  est  ordinairement,  et  avant  le  mouvement  de  retraite 
des  fers,  tranché  par  de  petits  couteaux  en  acier  adaptés  à  la 
partie  supérieure  de  ces  fers,  alors  munis  d'une  coulisse 
pour  le  passage  de  l'instrument  ou  rabot,  elc. 

C'est,  comme  on  sait,  à  l'aide  de  combinaisons  de  cette 
espèce  que  feu  Grégoire,  célèbre  et  jjeu  fortuné  mécanicien 
de  Nîmes,  fabriquait  en  i8o5,  dans  l'hôtel  de  Vaucanson,  à 
Paris,  des  velours  chinés  imitant  la  peinture  avec  une  per- 
fection qui  lui  attira  l'attention  du  Gouvernement  et  de  la 
Société  d'encouragement  de  Paris1.  C'est  aussi  à  l'aide  de  cette 

encore  si,  comme  j'en  ai  déjà  fait  la  remarque  à  diverses  reprises  dans  le 
I**  volume  de  ce  Rapport,  il  avait  constamment  indiqué  aux  artistes  les 
écrits  originaux  auxquels  l'auteur  avait  puisé ,  et  que  rien  ne  saurait  sup- 
pléer d'une  manière  absolue  dans  ce  genre  de  matières. 

1  Bulletin,  U  IV,  p.  1 44  à  i48, où  Ton  apprend  également  que  Grégoire 
était  l'inventeur  d'un  métier  à  tissas  circulaires  qui  obtint  la  médaille  de 
bronze  à  l'Exposition  de  l'an  ix  (1801),  et  que  l'on  retrouve  de  nouveau 
mentionné,  mais  sans  description,  à  la  p.  34  du  t.  XXI  de  ce  Recueil,  où, 
par  contre,  on  apprend  que  la  fabrication  de  ce  genre  de  tissu,  ainsi  que 
celle  des  velours  peints,  fut  loin  d'assurer  la  fortune  de  Grégoire ,  pas 


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MACHINES  ET  OUTILS.  389 

combinaison  que  se  fabriquèrent  pour  la  première  fois,  à 
Crevelt  (Crefeld),  les  beaux  rubans  de  velours  de  soie  façon- 
nés imités  depuis  avec  tant  d'art  et  de  supériorité  par  les 
tisseurs  de  la  Suisse,  de  Sain t-É tienne,  etc.,  et  dont  le  perfec- 
tionnement avait  été  dès  1807  l'objet  d'un  brevet  d'invention 
de  quinze  ans  pris  par  M.  Heydweiller,  tisseur  mécanicien 
dans  Crevelt  même,  qui  faisait  alors  partie  de  l'Empire  fran- 
çais, et  où,  si  je  ne  me  trompe,  se  fabriqua  aussi  pour  la 
première  fois  la  peluche  de  soie,  sorte  de  velours  coupé  à 
tissus  ou  poils  longs  et  peu  serré ,  qu'on  parvint  bientôt  à 
fabriquer  par  des  procédés  mécaniques  plus  parfaits  et  plus 
expéditifs  à  Lyon  et  dans  le  département  de  la  Moselle ,  en  opé- 
rant sur  deux  chaînes  parallèles  tendues  à  la  fois,  et  en  ima- 
ginant de  plus,  comme  l'a  fait  M.  Prosper  Meynier  en  i833, 
d'ingénieux  et  très-simples  moyens  mécaniques  de  trancher 
les  poils  au  fur  et  à  mesure  de  la  fabrication l.  C'est  ainsi 
enfin  que  M.  Wood  (William),  à  Wilton,  comté  de  Wilts, 
en  Angleterre,  grâce  à  de  persévérantes  études  appliquées 
dès  i84o  à  la  fabrication  des  tapis  de  velours  frisés  ou  des 
moquettes,  est  parvenu  à  tisser  ce  genre  fort  riche  de  pro- 
duits par  des  procédés  mécaniques  très-expéditifs ,  dans  les- 
quels les  tringles  horizontales  à  boucles,  soutenues  par  des 
traverses  ou  châssis  latéraux,  étaient  conduites  automatique- 
ment ainsi  que  les  autres  parties  de  la  machine. 

Les  dispositions  mécaniques  à  l'aide  desquelles  on  parvient 
pendant  le  tissage  même  à  border  diversement  les  rubans  ou 
galons  veloutés  et  non  veloutés,  au  moyen  de  fils  de  chaîne 
extérieurs  détachés  du  ruban  et  qui  y  demeurent  ou  non 
incorporés  après  le  tissage;  ces  dispositions  mécaniques  méri- 
teraient d'autant  plus  d'intérêt  qu'elles  sont  très-simples  et 

pins  que  d'autres  ingénieuses  inventions  dont  il  sera  parlé  dans  le  cha- 
pitre suivant,  bien  qu'elles  aient  été  mises  à  profit  par  l'industrie  française 
et  qu'elles  aient  valu  à  l'auteur,  alors  âgé  de  quatre-vingt-onze  ans,  une 
modique  pension  de  800  francs ,  allouée  par  la  Société  d'encouragement 
sur  les  fonds  du  legs  Bapst  (i844>  t  XLIII,  p.  54o,  du  Bulletin).  . 

1  Brevet  d'invention  du  i3  février  i833 ,  t.  XXXVI,  p.  4i  4 ,  de  la  Collec- 
tion imprimée. 


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390  VT  JURY. 

n'exigent  aucun  changement  essentiel  dans  le  principe  du 
tissage.  Ainsi  notamment  les  effiloches,  les  franges  de  bor- 
dures, qui  sont  les  simples  prolongements  des  fils  de  trames 
ou  de  duites  avec  anses  on  boucles  libres  à  une  extrémité, 
s'obtiennent  dans  les  galons  à  fonds  étroits  de  passementerie 
sans  navettes  traversières  proprement  dites,  mais  par  le 
simple  jeu  alternatif  de  tourniquets  à  équerre  porte-trames, 
remplissant,  dans  chacun  des  quarts  de  révolution  et  retours 
qu'elles  exécutent  latéralement  à  la  chaîne  tendue,  le  rôle  de 
véritables  espolins,  d'une  manière  purement  automatique  et 
avec  une  grande  économie  de  temps.  Cette  combinaison,  fort 
anciennement  connue  en  France,  aura  sans  aucun  doute 
donné  lieu  aux  machines  à  tisser  les  tapis  veloutés  ou  mo- 
quettes dont  il  a  été  parlé  ci-dessus,  ainsi  qu'à  cette  belle  et 
curieuse  machine  exposée  à  Londres  en  i85i  par  MM.  Reed 
et  C",  de  Derby,  servant  à  tisser  simultanément  trente-quatre 
galons  étroits,  à  franges  torses  et  bouclées. 

A  l'égard  des  métiers  à  tisser  certaines  étoffes  légères  telles 
que  les  gazes  diverses,  métiers  qui  appartiennent  à  une  in- 
dustrie déjà  si  ancienne,  ils  n'offrent  d'intérêt  qu'autant  que 
leurs  fils  de  chaînes,  doubles  et  à  ensouples  séparées,  l'une 
fixe,  l'autre  mobile  ou  à  tension  lâche,  présentent  aux  points 
de  leurs  croisements  avec  la  duite  une  liaison  ou  sorte  de 
bouclage,  par  des  enroulements  contraires  du  fil  de  chaîne 
lâche  autour  du  fil  tendu ,  combinés  avec  le  jet  de  la  trame 
et  qui  s'opposent  au  déplacement  latéral  et  réciproque  des  Gis , 
formant  d'ailleurs  par  leurs  croisements  respectifs  un  véritable 
tissu  à  jours  quadrillé,  semblable  au  canevas  de  tapisserie.  L'en- 
lacement dont  il  s'agit  constitue  un  véritable  commettage  dis- 
continu dans  chacun  des  couples  de  fils  de  chaîne;  il  ne  peut 
se  faire  qu'en  rendant  l'une,  au  moins,  des  ensouples  ou  des 
lames  de  lisses  mobile  de  gauche  à  droite  ou  inversement, 
d'après  des  artifices  qu'il  me  serait  bien  difficile  d'expliquer 
ici  et  que  je  ne  trouve  décrits  nulle  part  avec  la  clarté  indis- 
pensable, mais  qui,  au  fond,  doivent  avoir  plus  d'un  rapport 
avec  les  procédés  mécaniques  servant  à  fabriquer  les  tissus  à 


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MACHINES  ET  OUTILS.  391 

réseaux,  également  composés  de  fils  de  trame  et  de  chaîne 
mobiles;  je  veux  dire  les  tulles  à  mailles  fixes,  sortes  de  den- 
telles dont  j'essayerai  de  donner  une  idée  dans  les  para- 
graphes  suivants,  principalement  consacrés  aux  machines 
qui  servent  à  imiter  divers  ouvrages  fabriqués  à  la  main ,  au 
moyen  de  fuseaux,  d'espolins  ou  d'aiguilles. 

Pour  le  moment,  il  me  suffit  de  rappeler  que  M.  Henné- 
cart,  de  Saint-Quentin,  dont  il  a  déjà  été  parlé  (i"  Partie t 
p.  363  et  364)  à  l'occasion  des  bluteries  qui  lui  ont  mérité 
une  mention  honorable  de  la  part  du  Jury  de  la  VIe  classe  à 
Londres,  s'est  fait  particulièrement  remarquer  à  nos  Exposi- 
tions nationales  de  i83g,  i844  et  1849,  où  il  a  obtenu  la 
médaille  d'or  pour  l'excellente  fabrication  de  gazes  en  soie 
présentant  jusqu'à  3, 200  ouvertures  ou  vides  par  centimètre 
carré,  soit  de  7  à  8  mille  fils  de  chaîne  par  duite  d'environ 
1  mètre  de  largeur;  résultat  qui  explique  comment  M.  Hen- 
necart  est  parvenu  à  repousser  toute  concurrence  étrangère 
pour  cet  article  relatif  à  la  bluterie  et  comment,  bien  plus, 
ses  produits  s'exportent  jusqu'en  Amérique. 

CHAPITRE  III. 

MACHINES  ET  OUTILS  SERVANT  X  IMITER,  PAR  PROCÈDES  MECANIQUES,  DIVERS 
OUVRAGES  OU  TISSUS  EXÉCUTES  A  LA  MAIN,  AU  CROCHET,  X  L'AIGUILLE  ET  AU 
PUSEAU. 

Pour  se  rapprocher  autant  que  possible  de  Tordre  chrono- 
logique des  faits  ou  inventions  de  cette  espèce,  il  convien- 
drait de  commencer  par  l'exposé  des  plus  anciennes  tenta- 
tives concernant  les  métiers  à  tricots  ou  à  simple  fil  de  trame, 
c'est-à-dire  à  mailles  libres  ou  coulantes,  unis  ou  brodés, 
pleins  ou  à  jours ,  obtenus  sur  le  métier  des  bonnetiers  diver- 
sement modifié.  De  là  on  passerait  aux  machines  qui ,  mu- 
nies d'une  chaîne  avec  ou  sans  trame,  ont  pour  but  spécial 
l'imitation  des  tissus  à  jours  proprement  dits ,  tels  que  ré- 
seaux de  dentelle  ou  de  tulle  unis  et  brodés,  à  fils  diversement 
croisés,  commis  ou  noués,  et  comprenant  ainsi  les  métiers  à 
filets  d'ornement  ou  de  pèche.  Enfin ,  dans  une  dernière  caté- 


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392  VI*  JURY. 

gorie  ou  rangerait  la  série  très-intéressante  des  nouvelles 
machines  destinées  à  broder  et  à  coudre  diversement  les  tissus 
déjà  fabriqués  par  les  procédés  mécaniques  qui  précèdent, 
machines  dont  l'apparition  aux  Expositions  nationales  de 
l'industrie  est  toute  récente  et  qui,  par  le  jeu  simultané  ou 
l'indépendance  d'action  des  outils,  constituent  véritablement 
une  classe  à  part,  très-remarquable  par  des  difficultés  méca- 
niques toutes  spéciales,  et  qu'on  est  loin  encore  d'avoir  pu 
vaincre  au  point  de  vue  automatique. 

Ainsi  que  j'en  ai  averti  au  commencement  de  la  présente 
Section,  j'ai  dû  renoncer  à  cet  ordre  chronologique  rigou- 
reux, à  ces  développements  étendus  et  techniques,  qui  eus* 
sent  jeté  du  jour  et  de  l'intérêt  sur  un  sujet  non  moins  épi- 
neux et  obscur  qu'il  est  important  pour  le  progrès  futur  des 
arts  vestiaires  ou  d'ameublement;  je  me  bornerai  à  en  expo- 
ser, d'une  manière  beaucoup  trop  étendue  pour  les  uns ,  mais 
trop  sommaire,  trop  incomplète,  pour  les  lecteurs  compétents, 
les  principaux  linéaments  techniques,  mécaniques  et  histo- 
riques relatifs  à  chaque  branche  spéciale  de  fabrication,  en 
commençant  par  la  classe  des  machines  à  broder  et  à  coudre, 
qui  d'ailleurs  se  lie  d'une  manière  intime  à  celle  des  mé- 
tiers à  tisser  ordinaires,  dont  ces  machines  constituent,  pour 
la  plupart,  de  simples  additions  destinées  à  opérer  simulta- 
némeat  avec  le  battant  et  la  navette,  ainsi  que  nous  en  avons 
déjà  eu  des  exemples  à  propos  des  battants  brocheurs. 

Quant  à  celles  de  ces  mêmes  machines  qui,  parla  nature 
des  organes,  des  mouvements  accomplis  ou  des  effets  obte- 
nus, se  rattachent  plus  particulièrement  aux  métiers  à  tricot 
ou  à  tulle,  elles  devront  nécessairement  être  renvoyées  aux 
chapitres  et  paragraphes  où  j'essayerai  de  donner  un  aperçu 
des  principales  inventions  relatives  à  ces  métiers,  en  suivant 
l'ordre  chronologique  des  faits  autant  que  me  le  permettront 
les  documents  épars,  et  généralement  fort  obscurs,  que  j'ai 
pu  consulter. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  393 

SI".  —  Machines  et  mécanismes  servant  à  broder  ou  à  coudre  automa- 
tiquement les  tissus  pleins  et  unis.  —  Données  historiques  relatives  aux 
machines  à  plongeoirs,  d'après  MM.  Philippe  Hedde  et  John  Murpfy  : 
les  mécaniciens  Grégoire,  de  Nîmes;  Thimmomer,  de  Tarare;  MM.  Guilié 
et  Carrée,  fabricants  à  Saint-Quentin;  Boaré,  à  Lavergier  (Aisne),  etc. 
—  La  brodeuse  à  chariot  et  pantographe  de  Josué  HeUmann;  ses 
infortunes,  d'après  l'Anglais  Gilroy  ;  tentatives  qui  Font  précédée.  —  Ma- 
chines diverses  à  broder,  à  piquer  et  à  coudre,  par  John  Carr,  Stone  et 
Henderson. — MM.  Barthélémy,  ThimmonieretMagnin,  Hazard,  de  Calais, 
Gigon-Cavelier,  de  Metz,  etc.  en  France;  Walter  Hant  et  Elias  Howe,  en 
Amérique.  —  MM.  Blodget,  Judhins,  Magnin  et  Croisât  à  l'Exposition 
universelle  de  Londres. 

Si  je  ne  me  trompe,  ce  qu'on  appelle  Iroderie  consiste  uni- 
quement dans  l'addition  de  certains  ornements  plus  ou  moins 
riches  et  compliqués  aux  différents  genres  de  tissus.  À  ce 
point  de  vue,  les  brochés,  festons  et  bordures  ajoutés  aux 
tissus  et  rubans  unis  ou  figurés  par  la  chaîne  ou  par  la  trame 
constitueraient  des  broderies;  mais  ce  nom  semble  plus  par- 
ticulièrement réservé  aux  ornements  formant  relief,  et  qui 
s'obtiennent  indépendamment  des  combinaisons  résultant  du 
mouvement  des  fils  de  chaîne  ou  de  trame,  comme  il  arrive 
notamment  dans  les  mécaniques  servant  à  imiter  les  brode- 
ries au  crochet,  au  plumetis  ou  à  l'aiguille,  qui,  traversant 
de  part  en  part  le  tissu  et  conduisant  le  fil  de  l'une  à  l'autre 
face,  forment,  au  moyen  de  brides,  de  flottés,  de  boucles, 
de  nœuds  diversement  enlacés  ou  croisés,  le  dessin  qui  doit 
embellir  la  face  nommée  spécialement  endroit 

De  ce  genre  sont  plus  particulièrement  les  anciennes  lisses 
de  perles  agissant  sur  des  fils  brodeurs,  les  châssis  à  aiguilles 
nommés  plongeoirs,  et  qui  opèrent  verticalement  en  avant  du 
battant  ou  peigne,  c'est-à-dire  pendant  le  tissage  même  de 
l'étoffe,  enfin  la  machine  à  doubles  chariots  horizontaux, 
armés  de  pinces,  qui  se  renvoient  alternativement  les  ai- 
guilles au  travers  de  l'étoffe  déjà  tissée,  tendue  verticalement 
entre  des  ensouples  et  des  brides  latérales  en  zigzags,  telles 
qu'on  en  voit  dans  les  anciens  métiers  à  broder  à  la  main  et 


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394  VI-  JURY. 

an  tambour;  machine  non  moins  délicate  qu'ingénieuse,  et 
que  j'ai  déjà  mentionnée  par  occasion ,  comme  ayant  valu  à 
Heilmann  la  décoration  de  la  Légion  d'honneur  en  i834, 
ainsi  que  les  éloges  ou  récompenses  de  diverses  Sociétés,  sans 
pour  cela  le  conduire  à  la  fortune,  si  avare  envers  les  vrais 
inventeurs  ou  initiateurs. 

D'après  M.  Hedde,  la  mécanique  à  châssis  plongeoirs  était 
employée  en  Angleterre,  notamment  à  Spitalfield,  dès  Tan- 
née 1820,  où  cet  artiste  écrivain  l'a  vue  appliquée  à  un  mé- 
tier pour  taffetas  uni  à  deux  lisses  et  à  deux  marches  seule- 
ment, qui  produisait  un  tissu  façonné  par  les  trames  avec  une 
variété  surprenante.  Tout  le  mécanisme,  adapté  contre  le  bat- 
tant et  formé  d'un  cadre  dans  lequel  une  barre  horizontale  à 
aiguilles  percées  en  bas  de  trous  que  traversaient  les  fils  de 
trames  accessoires,  était  susceptible  de  prendre  un  double 
mouvement  :  l'un  vertical  de  descente,  par  lequel  les  ai- 
guilles et  leurs  fils  pénétraient  jusqu'au  milieu  de  la  chaîne 
ouverte,  où  ils  étaient  saisis,  enlacés  par  la  trame  de  la  na- 
vette; l'autre  horizontal,  à  va-et-vient  réglé  par  un  disque  à 
rosette  repoussoir,  monté  sur  l'arbre  horizontal  d'un  rochet 
à  dents  et  cliquets  à  ressorts,  placé  vers  l'extrémité  de  droite 
du  battant,  du  râteau  porte-aiguilles,  et  que  l'ouvrier  faisait 
tourner  à  la  main  d'un  cran  à  chaque  reprise  ou  coup  de 
la  navette,  de  manière  à  faire  varier  la  largeur  des  brides 
sur  les  diverses  parties  à  broder  ou  brocher;  les  dessins,  déta- 
chés entre  eux ,  étant  naturellement  constitués  de  petits  bou- 
quets ou  fleurs  simples,  identiques,  mais  répétés  un  certain 
nombre  de  fois  sur  la  largeur  entière  de  l'étoffe  par  les  diffé- 
rentes aiguilles ,  dont  les  intervalles  respectifs  étaient  ainsi 
nécessairement  fixes. 

M.  Hedde  nous  apprend  encore  que  le  centre  de  la  fabri- 
cation de  ce  genre  de  tissus  existait  àPaisley,  en  Ecosse;  que 
depuis  elle  avait  été  beaucoup  perfectionnée  en  France, 
notamment  à  Lyon ,  à  Tarare  et  à  Saint-Quentin ,  où  elle 
servait  à  produire  la  mousseline  brodée  imitant  le  plume tis; 
que  dès  i83o,  aidé  du  mécanicien  Thimmonier,  de  Tarare, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  395 

il  avait  essayé  d'adapter  le  même  procédé  mécanique  au  bro- 
ché des  rubans,  en  y  introduisant  quelques,  modifications  dont 
la  principale  consistait  à  placer  le  disque  à  rosette  qui  porte 
le  dessin  dans  la  partie  supérieure  du  battant,  etc.;  qu'enfin 
John  Murphy,  de  Glasgow,  dans  son  Traité  sur  le  tissage, 
publié  en  18211,  avait  décrit  ce  même  procédé  à  l'article 
lappets,  genre  de  tissu  où  Ton  aurait  successivement  employé 
deux  et  trois  râteaux  à  aiguilles  mobiles  verticalement,  les 
unes  devant  les  autres,  au  moyen  d'un  équipage  de  bas- 
cules à  leviers  solidaires  avec  le  mécanisme  du  battant,  tan- 
dis que  leurs  barres  horizontales  supérieures  étaient  conduites 
latéralement  par  un  tambour  à  plusieurs  rangs  ou  disques 
à  rosettes.  M.  Hedde,  en  présentant  en  faveur  de  l'industrie 
nîmoise,  dans  son  trop  court  écrit,  une  traduction  de  Mur- 
phy, qui  peut-être  n'a  pas  toute  la  clarté  désirable,  ne  nous 
apprend  rien  d'ailleurs  relativement  au  nom  des  inventeurs 
ni  à  la  date  de  l'invention,  très-ancienne  et  exclusivement 
applicable,  ce  semble,  à  des  dessins  simples  et  peu  variés. 

Quant  à  l'analogie  de  cette  combinaison  avec  celle  des  mé- 
tiers qui  servent  à  fabriquer  le  tulle  et  la  blonde  brochés, 
métiers  dont  M.  Hedde  attribue  l'invention  et  le  perfection- 
nement au  même  Grégoire  de  Nîmes  que  j'ai  déjà  cité,  ce 
n'est  point  ici  le  lieu  de  s'en  occuper,  et  je  me  contenterai 
de  faire  remarquer  que  MM.  Guillé  et  Carrée,  fabricants  de 
tissus  en  coton  à  Saint-Quentin,  ont  pris,  le  i5  septembre 
i83o2,  un  brevet  d'invention  de  cinq  ans  pour  un  méca- 
nisme dans  lequel  des  plongeoirs,  à  botte  surmontée  d'un 
couvercle  à  dents  ou  sorte  de  râteau  pousseur  d'une  largeur 
égale  à  celle  de  l'étoffe,  contenaient,  au  lieu  d'aiguilles  ver- 
ticales agissant  directement  sur  des  fils  de  trame  colorés  ou 
non  et  tendus  légèrement  par  un  bout  sur  des  roquetins  en- 

• 

1  H  m'a  jusqu'ici  été  impossible  de  me  procurer  cet  écrit,  qui  peut-être 
nous  aurait  appris  le  uom  du  premier  inventeur  d'un  procédé  présentant 
une  grande  affinité  avec  celui  des  métiers  à  tricots  brodés,  déjà  fort  ancien 
et  dont  il  sera  question  dans  le  paragraphe  ci-après. 

1  Collection  imprimé*,  t.  XXXI,  p.  189. 


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396  \T  JURY. 

souples  indépendants,  une  rangée  de  petits  cylindres  trans- 
versaux creux  d'où  les  fils  brodeurs  ne  s'échappaient  qu'avec 
frottement,  au  travers  d'un  bouchon  de  liège,  tandis  que  le 
couvercle  à  râteau ,  déplacé  latéralement  d'une  quantité  égale 
aux  flottés  à  produire,  faisait  marcher  d'autant  les  cylindres 
au  fond  de  leur  boite.  Toutefois  cela  n'arrivait  que  quand 
l'instrument,  combiné  ou  non  avec  d'autres  parallèles,  avait 
été  placé  dans  l'ouverture  de  la  chaîne  par  une  manœuvre 
difficile  à  expliquer  et  à  saisir,  manœuvre  qu'un  ouvrier 
habile  répétait  dans  toute  l'étendue  de  cette  chaîne,  c'est-à- 
dire  par  des  procédés  manuels  qui,  tout  en  abrégeant  le  tra- 
vail du  brodeur,  n'offrent  qu'un  bien  faible  intérêt  au  point 
de  vue  mécanique  et  relativement  au  système  des  plongeoirs 
à  aiguilles  décrit  par  John  Murphy. 

La  même  remarque  est  applicable  également  au  contenu 
des  brevets  délivrés,  soit  le  ad  mars  1 83 4,  au  sieur  Bouré,  de 
Lavergier  (Aisne),  pour  des  plongeoirs  doubles,  triples  ou 
quadruples,  soit  le  3i  mars  i834  et  le  27  février  i835,  an 
sieur  Châtelain,  à  Magny-la-Fosse  (Aisne) ,  pour  le  tissage  des 
points  à  jour  et  des  œillets  ;  brevets  qui  d'ailleurs  ne  ren- 
ferment que  de  simples  modifications  ou  perfectionnements 
apportés  au  dispositif  et  au  maniement  de  l'outil  brodeur  à 
boîte  et  à  cylindres  porte-trames1. 

La  machine  à  broder  de  Heilmann ,  comme  je  l'ai  déjà  fait 
pressentir,  offre  un  tout  autre  caractère  :  elle  opère  sur  des 
tissus  pleins,  confectionnés,  de  nature  variée,  ayant  jusqu'à 
2B,5o  de  largeur,  et  qui  sont  entièrement  traversés  par  la 
rangée  d'aiguilles  horizontales,  à  deux  pointes  et  œil  central, 
que  se  renvoient  alternativement  des  barres  à  chariot  et  rou- 
lettes, cheminant  de  part  et  d'autre  de  la  pièce  sur  des  rails 
parallèles  horizontaux;  les  aiguilles  elles-mêmes,  chargées  de 
fils  à  broder  d'environ  1  mètre  de  longueur  et  à  peu  près  flot- 
tants, puisqu'ils  ne  sont  soutenus  que  par  une  tringle  hori- 
zontale en  fer  montée  à  bascule,  dans  le  genre  de  celles  qui 

1  Recueil  des  brevets  expirés,  t.  XXXIX ,  p.  379,  a8i  et  3o4. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  397 

soutiennent  et  guident  l'enroulement  des  fils  dans  la  mule- 
jenny  ;  les  aiguilles,  dis-je,  sont  serrées  séparément  entre  des 
mâchoires  prismatiques  et  triangulaires  dont  les  parois  supé- 
rieures, à  ressorts  presseurs,  s'ouvrent  et  se  ferment  périodi- 
quement sous  Faction  de  pédales  solidaires  que  l'ouvrier  fait 
agir  à  chacun  des  passages  de  ces  aiguilles  au  travers  de  l'étoffe, 
quand  la  moitié  environ  de  leur  longueur  y  est  engagée  :  les 
chariots  porte-pinces  eux-mêmes  sont  mis  successivement,  et 
non  pas  simultanément,  en  action  au  moyen  de  poulies  à 
chaînes  et  cordons  de  renvoi  sans  fin,  également  conduites 
par  l'ouvrier,  agissant  de  la  main  gauche  sur  la  manivelle 
d'un  équipage  latéral  de  roues  dentées  motrices,  etc. 

Quant  à  l'étoffe  tendue,  elle  est  montée  sur  un  cadre  vertical 
dont  les  traverses,  supérieure  et  inférieure,  portent  les  ensou- 
ples  horizontales  munies  de  cliquets  à  ressorts,  que  l'ouvrier 
doit  également  faire  mouvoir  à  la  main,  après  une  série  de 
passées  et  repassées  d'aiguilles  relative  à  la  hauteur  des  bou- 
quets ou  des  fleurs  d'une  même  rangée  transversale ,  le  nombre 
de  ces  aiguilles,  on  le  conçoit  à  priori,  étant  lui-même  relatif 
à  l'intervalle,  à  la  largeur  uniforme  et  au  nombre  des  bou- 
quets compris  dans  la  largeur  entière  de  l'étoffe. 

Enfin,  et  ceci  constitue  le  point  capital  de  la  brodeuse  de 
Heilmann,  celui  qui  a  le  plus  émerveillé  le  public  à  l'Exposi- 
tion française  de  i834,  indépendamment  des  i3o  aiguilles 
et  des  260  pinces  qu'on  voyait  fonctionner  à  la  fois  sur  deux 
rangées  horizontales  dessus  et  dessous  chaque  chariot-sup- 
port, l'étoffe  tendue  entre  ses  ensouples,  ou  plutôt  le  châssis 
rectangulaire  dont  elles  occupaient  les  traverses  supérieure  et 
inférieure,  recevait  de  l'autre  main  de  l'ouvrier  en  tous  sens, 
mais  dans  un  même  plan  vertical,  les  déplacements  succes- 
sifs inhérents  à  la  contexture  particulière  et  répétée  des  bou- 
quets, au  moyen  d'un  fort  parallélogramme  articulé  ou  pan- 
tographe situé  dans  le  plan  même  du  châssis  porte-ensouple, 
et  dont  le  style ,  fixé  à  une  longue  branche  en  talus  et  à  poignée , 
suivait,  sur  un  tableau  vertical  les  divers  linéaments  et  con- 
tours d'un  dessin  tracé  à  l'avance,  à  une  échelle  sextuple  de 


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398  VT  JURY. 

celle  des  bouquets  à  broder,  et  marqué  de  traits  ou  sortes  de 
hachures  droites  figurant  les  flottés  successifs  du  plumetis 
de  la  broderie.  Le  châssis  porte-ensouple ,  assez  lourd  et  guidé 
par  l'un  des  angles  supérieurs  du  pantographe,  devant  répé- 
ter, reproduire  fidèlement  et  avec  une  entière  liberté  toutes 
les  excursions  ou  allées  et  venues  rectilignes  des  mêmes  flottés» 
l'inventeur  n'a  pu  y  parvenir  qu'en  maintenant  l'équipage  de 
ce  pantographe  en  équilibre  par  une  combinaison  de  contre- 
poids à  bascules,  de  guides  à  tiges  et  coulisses  inférieures 
ou  supérieures  comportant,  comme  dans  la  machine  carrée  do 
guillocheur  (I19  partie,  p.  487),  deux  mouvements  rectangu- 
laires parfaitement  indépendants  :  l'un  horizontal,  soumis  à 
l'action  du  .sommet  réducteur  du  pantographe;  l'autre  vertical , 
principalement  favorisé  par  la  réaction  du  contre-poids  qui 
tend  à  soulever  des  poulies  à  gorges  montées  aux  extrémités 
opposées  des  bascules  et  soutenant  les  guides  horizontaux  de 
la  traverse  inférieure  du  châssis  porte-étoffe,  etc. 

Le  brevet  de  Josué  Heilmann,  qui  porte  la  date  du  9  mars 
1829  et  se  trouve  transcrit  au  tome  LU,  page  4o3,  de  la  Col- 
lection imprimée,  avec  un  laconisme  et  des  lacunes  vraiment 
déplorables,  ne  renfermant  aucune  trace  de  ces  dernières 
indications,  cela  permettrait  de  supposer  qu'à  cette  époque 
les  idées  de  l'auteur  n'étaient  pas  encore  parfaitement  arrêtées; 
mais  on  doit  aussi  appréhender  que  ces  lacunes  ne  provien- 
nent du  fait  même  du  bureau  chargé  de  la  publication  des 
brevets  expirés,  ce  que  je  n'ai  pu  jusqu'ici  vérifier.  A  l'égard 
des  figures  qui  ont  été  données,  en  i843  et  1847.  de  cette 
même  machine  dans  les  Dictionnaires  anglais  et  français  de 
technologie,  ce  sont  des  calques  bien  insuffisants  et  singu- 
lièrement tronqués  de  celles  qui  ont  été  insérées  en  i835  au 
tome  I"  du  Portefeuille  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de 
Paris  et  dans  le  n°  38  du  Bulletin  de  la  Société  industrielle  de 
Mulhouse,  où  le  texte  et  les  dessins,  quoique  améliorés,  lais- 
sent encore  beaucoup  à  désirer.  D'ailleurs,  la  machine  à  broder 
que  ces  descriptions  concernent  présente  quelques  différences 
essentielles  avec  celle  du  brevet  original,  brevet  dont,  j'en  fais 


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MACHINES  ET  OUTILS.  399 

la  remarque  à  dessein,  le  texte  n'est  point  accompagné,  dans 
la  Collection  imprimée ,  d'autres  demandes  relatives  à  des  per- 
fectionnements ou  additions  ultérieurs,  conformément  à  Tu- 
sage  pour  ainsi  dire  invariable  de  tous  les  inventeurs  soucieux 
de  donner  une  suite  quelconque  à  l'exploitation  de  leurs  pre- 
mières inspirations. 

On  sait  que  les  ateliers  de  M.  André  Kœchlin ,  de  Mulhouse, 
avaient  déjà  construit  un  bon  nombre  de  ces  machines  à  broder 
pour  la  France,  l'Allemagne  et  l'Angleterre  lors  de  l'Exposi- 
tion nationale  de  i844i  époque  où  elles  étaient  tombées 
dans  le  domaine  public;  mais  on  ne  peut  s'en  expliquer  la 
publication  anticipée  dans  les  Recueils  périodiques,  et  le 
silence  incompréhensible  du  Rapport  du  jury  de  la  même 
année,  que  par  un  caractère  extrême  de  modestie,  d'insou- 
ciance philosophique  et  de  désintéressement  chez  notre  cé- 
lèbre mécanicien,  caractère  commun  à  la  plupart  des  inven- 
teurs, mais  d'autant  plus  rare,  d'autant  plus  recommandable, 
que  même  aujourd'hui  l'homme  de  génie  reste  en  oubli  el 
ne  saurait  réussir  sans  un  peu  de  ce  charlatanisme,  de  cet 
esprit' d'intrigue  qui  entraînent  le  public,  trop  souvent  igno- 
rant et  crédule. 

Il  répugne,  en  effet,  d'attribuer  ces  circonstances  à  l'indif- 
férence des  Commissaires  d'un  jury  français  ou  au  découra- 
gement éprouvé  par  Josué  Heilmann  en  raison  de  l'insuccès 
de  son  ingénieuse  machine ,  des  contrefaçons  ou  altérations 
dont  elle  était  l'objet  en  Angleterre ,  notamment  de  la  part  des 
mécaniciens  de  Manchester ,  qui ,  au  moyen  de  diverses  réduc- 
tions et  simplifications,  étaient  parvenus  à  en  tirer  un  parti 
véritablement  lucratif  ou  commercial;  par  exemple,  en  renon- 
çant à  toute  idée  de  faire  exécuter  ses  fonctions  diverses  par 
un  seul  ouvrier  copieur,  simplement  aidé  de  jeunes  filles 
tenues  d'entretenir  de  fils  les  aiguilles  à  broder  :  ces  jeunes 
filles,  en  effet,  peuvent  très-bien  être  chargées,  à  tour  de  rôle, 
de  pousser  à  la  main ,  le  long  de  leurs  rails  horizontaux ,  les  cha- 
riots porte-pinces  placés  de  part  et  d'autre  du  tambour  vertical 
de  l'étoffe,  sans  en  éprouver  pour  cela  un  surcroît  appréciable 


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400  VT  JURY. 

de  fatigue.  Cependant,  quand  le  nombre  des  fleurs  et  des  ai- 
guilles se  multiplie  pour  les  larges  étoffes,  seul  cas  où  il  soit 
vraiment  avantageux  d'employer  la  machine,  le  nombre  des 
ouvrières  doit  être  augmenté,  et  c'est  dans  ces  conditions  prin- 
cipalement qu'on  s'en  est  servi  depuis  un  certain  temps  à 
Manchester,  où  elle  a  reçu  d'utiles  perfectionnements  de  la 
part  de  M.  Houldsworth ,  le  célèbre  inventeur  du  banc  à  bro- 
ches à  rouages  différentiels. 

L'inj  ustice  dont  on  a  usé ,  soit  en  Angleterre,  soit  en  France, 
envers  Josué  Heilmann ,  parait  avoir  été  sentie  par  l'auteur 
anglais  du  Traité  sur  Vart  da  tissage,  M.  <j.  Gilroy,  qui,  aux 
p.  3o6  à  3a8,  remarque  que  dès  i844  il  existait  i5  bro- 
deuses Heilmann  à  la  manufacture  de  M.  Louis  Schvyabe,  de 
Manchester;  brodeuses,  dit-il,  pour  lesquelles  il  fut  accordé 
beaucoup  de  compliments  à  l'inventeur,  sans  aucun  bénéfice, 
attendu  qu'il  avait  négligé  de  se  munir  en  Angleterre  d'une 
patente,  comme  il  s'est  décidé,  non  sans  de  justes  motifs  et 
mieux  éclairé,  à  le  faire  un  peu  plus  tard,  en  18 46,  au  sujet 
de  la  machine  à  peigner,  dont  j'ai  donné  la  description  à  la 
fin  de  la  précédente  Section.  M.  Gilroy  nous  apprend,  en  outre, 
à  cette  occasion ,  une  particularité  intéressante  et  propre  à 
confirmer  le  jugement  ci-dessus,  relatif  à  l'inexactitude  des 
descriptions  publiées  dans  les  Dictionnaires  technologiques  d'arts 
et  manufactures,  c'est  que  M.  Heilmann  lui-même  avait  pro- 
testé contre  les  erreurs  commises  à  la  p.  437  du  1 1"  de  l'ou- 
vrage du  Dr  Ure ,  erreurs  involontaires  ou  non ,  mais  naturel- 
lement amenées,  on  le  devine,  par  le  désir  d'abréger,  sans  se 
donner  le  souci  d'étudier  et  de  comprendre. 

Au  surplus,  on  ne  peut  pas  dire  que  Heilmann  fût  parti 
d'une  idée  sans  précédent  ou  entièrement  personnelle;  car  il 
parait  que  dès  1821  il  existait  une  petite  machine  à  broder 
toute  une  rangée  horizontale  de  fleurs  dans  une  étoffe  tendue 
verticalement  entre  deux  ensouples ,  au  moyen  d'autant  d'ai- 
guilles à  crochets  horizontales  enfermées  dans  des  tubes  où, 
soumises  à  l'action  d'un  ressort  spiral-repoussoir,  elles  étaient 
portées  en  avant  et  au  travers  du  tissu  par  une  châsse  hori- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  401 

Eontale  commune,  que  conduisait  et  ramenait  bientôt  l'ou- 
vrière, après  que  les*  aiguilles  de  ces  mêmes  crochets  se  fussent 
spontanément  chargées,  en  arrière  de  l'étoffe,  de  la  longueur 
de  fil  nécessaire ,  fournie  par  une  autre  rangée  de  barbins  ou 
guide-fils  qui,  en  tournant,  les  engageaient  dans  ces  crochets 
respectifs1.  Néanmoins,  il  faut  avouer  qu'il  y  avait  loin  de  ce 
métier  à  broder  au  crochet  à  la  colossale  et  si  ingénieuse 
machine  de  Heilmann,  où,  comme  on  l'a  vu,  des  aiguilles 
à  double  pointé ,  percées  d'un  œil  ou  chas  au  milieu ,  traver- 
saient de  part  en  part  le  tissu  sans  le  retournement  qui  s'observe 
dans  la  couture  ordinaire  avec  l'aiguille  à  une  seule  pointe 
et  chas  opposés. 

Le  métier  brodeur  anonyme  dont  il  vient  d'être  parlé  n'a 
été  probablement  qu'une  tentative  sans  succès  bien  constaté, 
«t  il  en  est  à  plus  forte  raison  ainsi  de  la  machine  à  coudre 
pour  laquelle  les  sieurs  Stone  et  Henderson  se  sont  fait  bre- 
veter en  France,  au  commencement  de  ce  siècle  (i4  février 
i8o4),  sous  le  titre  de  nouveau  principe  de  mécanique  des- 
tiné  à  remplacer  la  main-d'œuvre^;  machine  dans  laquelle  des 
aiguilles  à  coudre  ordinaires  sont  alternativement  saisies  et 
reprises  par  des  pinces  ou  tenailles  animées  d'un  va-et-vient 
horizontal  de  part  et  d'autre  de  l'étoffe.  Cette  conception 
informe,  par  laquelle  on  prétendait  imiter  l'action  des  doigts 
de  la  couseuse ,  doit  être  considérée  comme  la  première  où 
l'on  se  soit  proposé  la  confection  des  objets  d'habillement, 
puisque  celle  employée  en  1798  par  John  Curr  à  la  fabri- 
cation des  câbles  plats,  au  moyen  de  cordes  rondes  réunies 
sous  forme  de  lanières,  avait  pour  but  unique  de  percer 
transversalement  l'ensemble  de  celles-ci,  par  des  alênes 
fixées  aux  extrémités  de  leviers  croisés  à  charnière,  de  trous 
propres  à  recevoir  après  coup  la  ficelle  ou  le  fil  métallique 

1  Archives  des  découvertes  et  inventions,  t  VI, p.  334,  recueil  dont  je  dois 
l'indication  à  l'obligeance  de  M.  Le  Clercq,  de  Paris.  Malheureusement, 
selon  la  constante  et. détestable  habitude  des  compilateurs,  cet  article  ne 
•contient  aucun  nom  d'inventeur  ni  renseignements  quelconques. 

*  Collection  imprimée,  U  VIII,  page  66. 

VI*  JURY.  —  2*  PARTIE.  26 


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402  VI-  JURY. 

destiné  à  unir  entre  elles  les  cordes  parallèles  de  chaque  . 
rangée1. 

Quelle  que  soit  l'imperfection  relative  de  ces  diverses  ma- 
chines, on  ne  saurait  douter  qu'elles  n'aient  servi  de  point  de 
départ  à  celles  que  nous  connaissons  aujourd'hui.  Ainsi,  par 
exemple,  la  difficulté  de  faire  marcher  simultanément  plu- 
sieurs aiguilles  à  crochet  horizontales  aura  conduit  aux  ma- 
chines à  broder  au  crochet  avec  une  seule  aiguille  disposée 
verticalement  et  perçant  l'étoffe  tendue  et  mobile  dans  le  sens 
horizontal;  ce  qui  offrait  assez  de  difficultés  dès  lors  qu'on 
s'imposait  la  condition  de  compenser  le  grand  nombre  des 
aiguilles,  opérant  avec  beaucoup  de  lenteur  et  des  manques 
ou  accrocs  inévitables,  par  l'accélération  même  du  mouvement 
ou  la  rapidité  des  oscillations  verticales  d'un  crochet  unique. 
Mais  il  paraît  bien  que  cette  modification ,  toute  simple  qu'elle 
paraisse,  n'a  point  eu  lieu  avant  l'époque  de  1824  à  i83o,  où 
un  M.  Barthélémy,  que  je  ne  saurais  qualifier2,  serait  parvenu 
à  perfectionner  assez  la  machine  à  piquer,  à  percer  de  trous 
microscopiques ,  les  dessins  ou  feuilles  <]e  papiers  superposées, 
pour  lui  faire  produire  jusqu'à  deux  cents  points  à  la  minute, 
au  moyen  d'un  porte-aiguille  vertical  jouant  dans  un  tube  ou 
fourreau-guide,  à  l'aide  d'un  système  de  cordons  et  de  pou- 
lies de  renvoi  monté  sur  la  bascule  supérieure,  à  inclinaison 
variable,  d'une  potence  verticale  contre  laquelle  était  établie 

1  L'instrument  à  tenailles  et  alênes  de  John  Clurr  a  été  l'objet  d'une 
patente  prise  en  Angleterre  le  17  novembre  1798,  et  qu'on  trouve  rappor- 
tée par  M.  Borgnis  à  la  page  ad  5  du  volume  consacré  aux  machines  employées 
dans  les  constructions. 

1  Dictionnaire  des  arts  et  manufactures,  t.  I  f  p.  1 127,  où  malheureuse- 
ment on  nous  laisse  ignorer  la  résidence  et  la  spécialité  de  l'auteur,  qui  ne 
parait  pas  avoir  jugé  à  propos  de  prendre  un  brevet  pour  un  mécanisme 
aussi  simple  et  ayant  eu  déjà  de  nombreux  précédents.  Cependant  je  lis 
dans  une  note  qu'à  bien  voulu  me  transmettre  M.  Le  Clertq  que  M.  Bar- 
thélémy, menuisier  à  Nancy,  fit  exécuter  une  machine  de  cette  espèce  par 
son  frère,  horloger» à  qui  serait  dû, le  rouet  moteur,  et  que  le  mécanisme 
en  fut  principalement  perfectionné  depuis  par  M.  Robinot ,  de  Paris ,  qui 
en  fit  l'objet  d'une  fabrication  courante  très-économique. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  403 

la  chaise-support  d'un  rouet  à  pédale. motrice;  machine  qui, 
après  avoir  reçu,  sous  le  rapport  de  la  précision  r  de  la  multi- 
plication et  du  rapprochement  des  points,  de  nouveaux  et 
divers  perfectionnements  de  la  part  d'artistes  mécaniciens  de 
Paris  très-habiles,  a  rendu  et  rend  journellement  encore  de 
très-grands  services  aux  dessinateurs  et  ouvriers  brodeurs. 

La  première  des  machines  à  broder  au  crochet- aiguille, 
qui  pouvait  également  servir  à  coudre ,  unir  entre  eux  les  tissus 
pleins,  en  produisant  d'ailleurs  ce  qu'on  nomme  le  point  de. 
chaînette,  cette  machine  est  due  à  un  mécanicien  français, 
M.  Barthélémy  Thimmonier1,  d'Amplepuis  près  Tarare,  alors 
domicilié  à  Saint-Étienne;  bientôt  associé  au  sieur  Ferrand, 
bailleur  de  fonds,  il  se  fit  breveter,  le  1 7  février  1 83o,  pour  une 
machine  à  crochet  et  double  pédale  de  cette  espèce,  laquelle 
devint,  la  même  année,  la  base  d'une  puissante  association 
fondée  rue  de  Sèvres,  à  Paris,  sous  la  raison  Germain  Petit 
et  C",  mais  ayant  spécialement  pour  objet  la  confection  des 
habillements  militaires.  L'idée  parut  tomber  avec  cette  société, 
et  ce  ne  fut  que  quinze  ans  après,  en  i845,  que  Thimmonier, 
résidant  de  nouveau  à  Àmplepuis,  fut  encouragé  par  M.  Ma- 
gnin  (Jean -Marie),  alors  avocat  à  Villefranche  (Rhône),  à 
s'occuper  du  perfectionnement  de  sa  machine;  ce  qui  donna 
lieu,  en  Angleterre,  à  la  prise  d'une  patente  au  nom  seul  de 
Magnin,  datée  du  9  février  i848,  et,  en  France,  à  un  brevet 
d'addition,  du  5  juillet  suivant,  sous  le  nom  commun  de 
Magnin  et  Thimmonier.  Mais  les  circonstances  peu  favorables 
de  l'époque,  et  sans  doute  aussi  quelques  imperfections  inhé- 
rentes à  la  complication  même  de  la  machine,  l'empêchèrent 
de  se  répandre  en  Angleterre,  où  elle  avait  cependant  fonc- 
tionné publiquement  à  Y  Institution  royale  de  Londres,  en 
présence  de  l'illustre  Faraday2;  sans  compter  que  déjà  on 

1  Ce  Barthélémy  est-il  le  même,  que  le  précédent?  Je  l'ignore;  mais,  à 
défaut  de  renseignements  plus  précis,  on  pourrait  l'admettre. 

1  Mining  journal  du  19  février  1848.  J'emprunte  aux  écrits  de  M.  Ma- 
gnio  même  ces  citations  intéressantes  relatives  à  la  première  machine  à 
coudre  et  broder  au  point  de  chaînette. 

î6. 


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404  VP  JURY. 

connaissait  dans  cette  capitale  quelques  autres  tentatives  de  • 
machines  à  brodeisou  à  coudre,  datant  de  i835  à  i844,  et 
venues  pour  la  plupart  du  dehors,  de  France  sans  doute. 

Cest  cette  petite  machine  de  Thimmonier,  à  laquelle 
M.  Magnin  ajouta  des  perfectionrfements,  objet  d'un  certifi- 
cat d'addition  du  4  juillet  1849,  <P"  depuis  a  été  présentée 
à  l'Exposition  universelle  de  Londres  sous  la  dénomination 
de  couso-broieuse,  destinée  principalement  à  la  lingerie  et  aux 
étoffes  les  plus  délicates,  mais  que  le  Rapport  du  Jury  de  la 
VIe  classe  a  oublié  de  mentionner  en  même  temps  que  celles 
produites  par  M.  Rlodget,  des  États-Unis  d'Amérique,  et  par 
M.  Judkins,  de  Manchester,  dont  les  petites  machines,  spé- 
cialement destinées  à  la  couture,  et  comportant  deux  aiguilles 
chargées  séparément  de  fils,  fonctionnaient  avec  une  rapidité 
remarquable  sous  les  yeux  du  public,  mais  n'étaient  plus, 
comme  la  précédente,  perdues  dans  l'immense  confusion  d'ob- 
jets divers  soumis  à  l'examen  du  Jury.  Par  un  motif  tout  con- 
traire, ce  jury  a  pu  donner  quelque  attention  à  une  autre 
machine  française  de  M.  Sénéchal,  coutelier  à  Bellevue,  près 
Paris ,  qui ,  mue  par  une  manivelle ,  servait  à  coudre ,  en  points 
de  surjet,  de  graûds  sacs  de  toile,  au  moyen  d'un  bras  ou 
levier  articulé  porte-aiguille  à  excursion  extérieure  et  excen- 
trique :  déjà  présentée  par  son  auteur  à  l'Exposition  française 
de  1849  »  cette  dernière  machine  marchait  d'ailleurs  avec  une 
lenteur  comparative,  qu'expliquait  seule  la  difficulté  du  but 
à  remplir,  puisqu'il  ne  s'agissait  de  rien  moins  que  d'imiter  le. 
véritable  surjet  et  le  doigté  des  ouvrières. 

Le  Jury  de  la  VIe  classe  a  également  pu  voir  fonctionner  la 
petite  machine  à  crochet  vertical  de  M.  Croisât,  de  Paris,  ser- 
vant à  implanter,  avec  une  rapidité  extrême ,  de  courts  che- 
veux dans  le  tissu  mince  des  perruques;  mais  cette  machine, 
citée  favorablement  aux  Expositions  françaises  de  i834,  i844 
et  1849  >  n'offre  pas ,  à  beaucoup  près ,  dans  le  jeu  des  organes  , 
les  difficultés  d'exécution,  les  complications  inhérentes  aux 
machines  ci-dessus  à  broder  ou  à  coudre  au  crochet,  et  dans 
lesquelles  de  longs  fils  de.trame,  diversement  enroulés  sur  de 


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•MACHINES  ET  OUTILS.  405 

petites  bobines  animées  d'un  mouvement  horizontal  en  des- 
sous de  la  table  qui  supporte  le  tissu ,  formaient  une  série  de 
boucles  emboîtées  les  unes  dans  les  autres,  c'est-à-dire  le  point 
de  chaînette,  bien  connu  par  la  facilité  qu'on  éprouve  à  le 
défiler,  en  tirant  le  bout  opposé  à  celui  du  départ,  quand 
il  n'est  point  arrêté  ou  noué. 

.  On  remarquera  que  la  plupart  des  machines  françaises  au 
point  de  chaînette,  telles  que  celles  de  MM.  Thimmonier, 
d'Amplepuis  (i83o);  Hazard,  de  Calais  (1837);  Gigon-Cave- 
lier,  de  Metz  (i84i);  Lescu.re,  de  Nancy  (i84i  à  i846);  Au- 
bry1,  de  Paris  (i844);  Thimmonier  et  Magnin  (i843  et  i848); 
Magnin  (1849)»  etc.,  on  remarquera,  dis-je,  que  ces  délicates 
et  petites  machines  opèrent  au  moyen  de  l'aiguille  à  crochet 
inférieure,  animée  d'un  va-et-vient  vertical  au-dessus  de  la 
table  d'appui  de  l'étoffe,  soutenant  une  potence  à  tube  direc- 
teur vertical  fixe,  qui  dirige  l'aiguille  à  laquelle  le  va-et-vient 
est  imprimé  par  un  mécanisme  à  manivelle  ou  à  pédale  rappe- 
lant celui  des  anciennes  machines  à  piquer. 

Quant  aux  machines  d'origine  véritablement  américaine, 
dont  on  fait  remonter  l'invention  à  i834  et  à  un  mécanicien 
du  nom  de  WalterHunt,  mais  qui,  en  réalité,  ne  commen- 
cèrent à  fonctionner  utilement  qu'à  dater  de  i846,  où  Elias 
Howe  prit  la  première  patente  américaine,  ces  machines,  qui 
ont  fait  irruption  en  France  et  en  Angleterre  à  une  époque 
voisine  de  celle  de  l'Exposition  universelle  de  Londres,  se 
rapprochent  plus  ou  moin?  de  celle  de  M.  Blodget,  déjà  citée, 
opérant  à  deux  fils,  dont  l'un,  véritable  trame,  est  conduit  par 
une  navette  à  mouvement  horizontal  inférieur,  l'autre,  par  une 
aiguille  verticale  dont  l'œil  est  placé  non  loin  de  la  pointe  et 
qui,  dans  ses  allées  et  retours,  avec  intermittence,  forme  une 

1  Un  M.  Àubry  (Louis),  à  Chaumont  (Haute-Marne),  avait  déjà  pris,  le 
28  février  1828,  un  brevet  de  perfectionnement  de  cinq  ans  pour  une  ma- 
chine à  piquer  et  coudre  les  gants  ou  autres  objets  en  arrière-points,  appelée 
métier  régulateur,  parce  qu'il  ne  s'agit,  en  effet,  que  d'un  étau  à  lame  den- 
telée pour  diriger  l'aiguille  ou  la  main  de  l'ouvrière,  et  non  d'une  machine 
a  mouvement  automatique  (t  XXV,  p.  70,  de  la  Collection  imprimée). 


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406  VI-  JURY. 

succession  de  boucles  que  la  navette  traverse  :  ces  boucles, 
bientôt  soulevées  par  l'aiguille  de  part  en  part  de  l'étoffe,  y 
laissent  extérieurement  une  suite  ou  rangée  de  .longs  points 
interrompus,  de  faufilés,  qui,  en  faisant  agir  Tune  prèsde  Fautre 
deux  aiguilles  verticales  pareilles,  imitent,  à  s'y  méprendre, 
le  point  dit  arrière,  dont  ils  diffèrent  au  fond  notablement 
Néanmoins  ce  genre  de  couture  présente  plus  de  solidité  que 
celui  à  point  de  chaînette  des  machines  françaises,  lesquelles 
deviennent  aussi  plus  coûteuses,  moins  expéditives  à  cause 
des  complications  du  mécanisme,  quand  on  prétend  y  donner 
à  l'étoffe  un  mouvement  automatique  pendant  le  jeu  alternatif 
de  l'aiguille  à  crochet;  ce  qui  n'a  lieu  d'ailleurs  que  pour  les 
machines  spécialement  destinées  à  produire  des  dessins  régu» 
liers  de  broderie  à  points  de  chaînette  formant  relief. 

Je  n'étendrai  pas  cette  discussion  à  propos  de  la  machine 
à  coudre  exposée  par  M.  Judkins  dans  le  département  anglais 
de  l'Exposition  de  Londres  et  dont  l'origine  est  également  amé- 
ricaine; je  passerai  à  fortiori  sous  silence  diverses  autres  ma- 
chines de  cette  espèce,  dont  quelques-unes  ont  été  représen- 
tées, tout  au  moins  en  principe,  à  l'Exposition  universelle  de 
Paris,  en  i855,  parmi  celles  de  la  VIIe  classe;  je  dois  me  bor- 
ner à  renvoyer  le  lecteur  à  la  partie  du  Rapport  sur  cette 
dernière  Exposition  qui,  rédigée  par  M.  Willis,  concerne 
plus  spécialement  les  machines  à  coudre  et  renferme  sur 
l'origine  et  les  divers  systèmes  de  ces  ingénieux  outils  des 
documents  extrêmement  précieux,  .et  auxquels  ce  qui  précède 
pourra  servir  de  complément  au  point  de  vue  historique. 


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MACHINES  ET  OUTILi.  407 

i 

S  II.  —  Constitution  mécanique  et  origine  des  métiers  à  tricot  ou  à  bas; 
leur  apparition  simultanée  en  Angleterre  et  en  France ,  sous  Elisabeth 
et  Henri  IV.  —  Efforts  de  génie  que  leur  invention  suppose;  forme  et 
représentation  des  enlacements  du  fil  des  tricots,  par  Vandermonde  et 
Y  Encyclopédie  méthodique. —  Admirable  disposition  des  organes  da  métier  ; 
discussions  et  réflexions  à  ce  sujet;  la  pratique  et  la  théorie;  les  savants 
et  les  hommes  d'ateliers. — Manufacture  de  bas  établie  par  Jean  Hindret, 
sousColbert,  dans  le  château  de  Madrid,  près  Paris.  —  Nùnes,  Rouen 
et  Nottinghanu  —  Propos  attribué  à  maître  François,  apothicaire  de 
l'hôtel-Dieu  de  Paris  ;  pétition  des  bonnetiers  de  Londres  à  Olivier 
Cromweli,  et. autres  écrits  anglais,  relativement  modernes,  tendant  à 
prouver  1* existence  de  William  Lee  ou  Lea  comme  inventeur  du  métier 
à  bas.  —  Opinions  de  Savary,  Diderot,  Poppe,  Blackner,  etc. 

Il  existe  entre  les  machines  à  tricot  et  celles  qui  nous  ont 
occupés  en  dernier  lieu  «une  relation  intime  qui  ne  saurait 
échapper  à  l'œil  le  moins  observateur.  En  particulier,  le  point 
de  chaînette  des  brodeurs,  exécuté  au  moyen  d'un  crochet  à 
main  au  travers  d'un  tissu  plein,  n'est,  comme  on  l'a  vu,  en 
effet,  qu'une  succession  de  plis ,  de  boucles  formées  dans  un 
même  fil  et  dont  chacune  emboîte  la  précédente  extérieure- 
ment. Cette  combinaison  est  si  simple  et  si  généralement 
connue,  qu'il  n'est  jpoint  de  collégien,  pour  ainsi  dire,  qui 
ne  se  soit  amusé  à  faire  et  à  défaire  à  la  main  une  chaînette 
formée  d'une  ficelle  dont  les  boucles  sont  enfilées  les  unes  au 
bout  des  autres.  Mais  de  là  au  tricot  continu  et  rentrant  qui 
se  fabrique  au  métier  et  constitue  les  bas  ou  autres  tissus 
maillés  il  y  a  un  intervalle  considérable  à  franchir,  attendu 
qu'il  ne  s'agit  plus  d'une  chaînette  isolée,  mais  Itfen  d'une 
série  de  rangées  de  chaînettes  unies  latéralement  les  unes 
aux  autres,  quoique  constituées  d'un  seul  fil  de  trame  replié, 
enlacé  une  infinité  de  fois  sur  lui-même,  dans  la  longueur 
entière  du  tissu. 

Le  point  de  chaînette,  employé  de  tout  temps  sans  doute 
à  la  confection  de  certains  ornements  ou  cordons  de  passe- 
menterie, n'a  donc  pu  que  bien  difficilement  conduire  à  la 
fabrication  des  tricots  à  main ,  au  moyen  de  deux  ou  de  trois 
aiguilles  rentrantes  et  se  croisant  triangulairement;  car,  si  Ton 


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408  •         VI-  JURY. 

y  aperçoit  clairement  la  formation  du  tissu  par  l'enlacement 
successif  de  boucles  les  unes  dans  les  autres,  le  mode  d'après 
lequel  s'accomplit  cette  formation  est  tout  différent:  d'abord, 
il  a  fallu,  par  un  système  de  bouclage  analogue  à  celui  des 
points  de  festons  ou  de  bordures ,  rattacher  le  tricot  aux  ai- 
guilles rectilignes  qui  servent  d'outils  à  l'ouvrier  ou  de  moyen 
d'enlacer,  en  allant  de  la  droite  vers  la  gauche,  le  fil  tendu 
autour  de  l'index  de  la  main  droite,  dans  les  boucles  déjà 
accrochées  aux  aiguilles,  en  faisant  passer  successivement  ces 
boucles  ou  mailles  de  l'aiguille  fixe  de  gauche  à  l'aiguille  tra- 
vaillante de  droite,  c'est-à-dire  en  cueillant  les  unes  après  les 
autres  les  mailles  par  une  succession  de  mouvements  pour 
ainsi  dire  instinctifs  des  doigts  et  des  deux  mains,  qu'on 
essayerait  vainement  de  décrire,  et  dont  l'exécution  rapide  et 
régulière  dans  les  tricots  unis  a  quelque  chose  de  vraiment 
merveilleux  chez  les  ouvriers  les  mieux  exercés.  Qui  n'a  pas, 
en  effet,  observé,  aune  époque,  il  est  vrai,  déjà  loin  de  nous, 
des  femmes  assises  à  leur  comptoir,  causant  sans  distraction 
avec  leurs  pratiques,  tout  en  tricotant  dans  leur  journée, 
machinalement  et  sans  y  jeter  pour  ainsi  dire  l'œil,  un  bas 
entier  de  cent  à  cent  cinquante  mille  mailles  au  moins,  soit 
trois  à  quatre  mailles  par  seconde,  en  admettant  seulement 
un  travail  effectif  ou  continu  de  dix  heures,  à  cause  des  inter- 
ruptions causées  par  le  service! 

En  considérant  la  promptitude,  la  facilité  avec  laquelle 
s'accomplit  la  formation  des  mailles  dans  le  tricotage  à  main 
et  la  simplicité  extrême  des  outils  qu'on  y  emploie,  on  est 
fort  tenté  d'en  faire  remonter  l'origine  à  une  époque  non 
moins  reculée  que  celle  du  tissage  même  des  étoffes  à  chaîne 
et  trame  croisées;  mais  le  manque,  jusqu'ici,  de  preuves 
certaines  a  fait  considérer  comme  un  fait  positif  que  les  pre- 
miers tissus  élastiques  de  cette  espèce,  les  bas  de  soie  notam- 
ment, n'ont  apparu  comme  objet  de  luxe  que  vers  le  com- 
mencement du  xvi*  siècle,  dans  les  cours  de  François  I*et 
de  Henri  II,  où  ils  seraient  venus  du  Midi,  plus  particulière- 
ment de  l'Espagne ,  sans  doute  par  une  transmission  de  l'indus- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  409 

trie  sarrasine,  si  fort  avancée  dans  les  siècles  mêmes  où 
l'Europe  était  plongée  dans  les  ténèbres  de  la  barbarie.  Mais 
du  tricot  à  main,  dont  Nîmes  a  bien  pu  hériter  directement 
de  ses  anciens  envahisseurs ,  à  l'invention  du  métier  mécanique 
que  cette  ville  prétend  disputer  à  Rouen  et  à  Nottingham,  il  y 
a  un  nouvel  et  immense  intervalle  à  franchir.  Car,  si  le  hasard 
ou  plutôt  le  tâtonnement,  l'exercice  intelligent  de  l'art  du 
passementier,  ont  pu  faire  découvrir  le  jeu  de  deux  ou  trois 
aiguilles  à  tricot  exclusivement  soumises  à  l'action  des  doigts  de 
l'ouvrière,,  il  n'en  saurait  être  ainsi  de  la  combinaison  des 
aiguilles  fixes  du  niétier  mécanique,  en  nombre  illimité, 
équidistantes  et  rangées  parallèlement  les  unes  à  côté  des 
autres,  dans  un  même  plan  ou  sur  une  même  ligne  horizon- 
tale. Soudées  à  leurs  bouts  postérieurs  dans  un  prisme  d'étain 
ou  de  plomb,  recourbées  en  dessus,  à  leurs  bouts  extérieurs 
ou  opposés,  de  manière  à  former  de  l'avant  à  l'arrière  un 
véritable  crochet  élastique  et  flexible  dont  l'extrémité  effilée 
puisse  se  perdre,  se  noyer  dans  une  encoche  ou  châsse  qu'elle 
effleure  en  dessus,  ces  aiguilles  doivent  laisser  aux  différentes 
rangées  horizontales  des  plis  ou  des  boucles,  dont  les  croise- 
ments successifs  et  réciproques  constituent  le  tricot  qui  y  est 
suspendu,  la  liberté  nécessaire  pour  passer  alternativement  et 
progressivement  du  dessous  des  crochets  en  dessus,  puis  y 
échapper  entièrement  en  venant  s'abattre,  chaque  fois,  au- 
devant  (le  leurs  becs  antérieurs,  où  se  trouvent  préalablement 
engagés  les  plis  à  boucles,  je  veux  dire  les  mailles  de  nou- 
velle formation. 

Entre  ces  deux  dispositions  ou  modes  de  procéder,  il  y 
avait  un  intervalle  d'autant  plus  difficile  à  franchir,  en  effet, 
qu'ils  n'offraient  aucune  analogie  apparente,  et  qu'il  a  fallu 
une  sagacité  et  un  esprit  d'observation  tout  particuliers  pour 
deviner,  à  l'inspection  d'un  tissu  élastique  et  continu,  formé 
de  mailles  en  quelque  sorte  agrafées  une  à  une  et  bout  à 
bout,  la  constitution  simple1,  régulière  et  toute  géométrique 

1  En  réalité ,  cette  constitution  se  laisse  assez  bien  apercevoir  sur  l'envers 


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410  VI*  JURY. 

qui  appartient  aux  différentes  circonvolutions  d'un  seul  fil  de 
trame  replié  de  proche  en  proche  sur  lui-même,  mais  sur- 
tout pour  apercevoir  comment  ce  fil,  d'abord  droit  et  couché 
transversalement  à  la  main,  'sans  tension  quelconque,  sur  la 
branche  postérieure  des  aiguilles  horizontales  ci-dessus,  "puis 
abaissé,  infléchi  entre  leurs  intervalles  consécutifs,  par  la  des- 
cente successive  de  lames  métalliques  verticales  et  parallèles, 
de  platines  très-minces  à  doubles  échancrures  ou  becs  anté- 
rieurs arrondis,  servant  à  saisir  et  repousser; au  besoin,  les 
plis  horizontalement;  pour  apercevoir,  dis-je,  comment  ce  fil, 
ainsi  replié  suivant  une  ligne  sinueuse,  constituée  en  quelque 
sorte  d'une  succession  régulière  et  continue  de  chaînettes 
appendues  à  ces  mêmes  aiguilles,  pouvait,  en  se  croisant  avec 
une  autre  ligne  pareille,  soutenant  en  arrière  le  tissu  déjà 
formé  et  dont  les  plis  doivent  passer  par-dessus  les  précédents, 
donner  lieu  à  un  enlacement  de  boucles  ou  de  mailles,  à  un 
tricot  identique  à  celui  des  bas  ordinaires,  si  ce  n'est  que,  au 
lieu  de  rentrer  sur  lui-même,  ce  tricot  est  ici  duvert  par  les 
extrémités  et  étendu  en  Jigne  droite  le  long  de  la  rangés  hori- 
zontale des  aiguilles  dont  il  vient  d'être  parlé. 

A  la  rigueur,  on  comprend  aisément,  avec  les  auteurs  qui 
Font  expliqué  depuis  Vandermonde  et  l1 Encyclopédie  métho- 
dique1, comment  deux  rangées  pareilles  de  cordons  à  plis  ou 

.  du  tricot  à  bas,  mais  elle  se  manifeste  mieux  encore  quand  on  vient  à 
défiler  un  pareil  tricot  par  un  bout  et  maille  à  maille;  car  l'élasticité  natu- 
relle de  la  matière  ayant  été  énervée  à  la  longue,  il  en  résulte  un  fil 
plissé,  ondulé  à  peu  près  suivant  la  forme  siuueuse  que  prend  une  chaîne 
pesante  et  lâche,  placée  sur  une  rangée t  de  chevilles  équidistantes  et  hori- 
zontales, constituant  une  sorte  de  peigne  ou  de  râteau,  ainsi  que  je  l'ai  indi- 
qué ci-après  dans  le  texte. 

1  Les  Remarques  de  Vandermonde  sur  les  problèmes  de  situations,  où  se 
trouve  cette  explication,  sont  imprimées  à  la  page  566  des  Mémoires  de 
notre  ancienne  Académie  des  sciences  pour  177&,  époque  vers  laquelle  on 
s'occupait  beaucoup,  en  dehors  comme  au  dedans  de  cette  illustre  Société, 
de  toutes  les  questions  qui  se  rattachent  à  la  fabrication  mécanique  des 
tissus  maillés,  ainsi  qu'on  le  verra  encore  mieux  par  la  suite.  Après  avoir 
rappelé  les*  recherches  du  grand  Euler  sur  la  marche  du  cavalier  dans  le 
jeu  d'échecs  \Mémoires  de  l Académie  des  sciences  de  Berlin  pour  1759),  la 


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MACHUSES  ET  OUTILS.  411 

arcs  de  chaînettes  consécutifs,  placées  Tune  devant  l'autre, 
peuvent  donner  lieu  à  un  croisement  ou  à  un  boucle- 
ment  de  mailles  véritables,  en  faisant  passer  les  sommets, 
mais  seulement  les  sommets,  du  cordon  postérieur  par- 
dessus ceux  de  l'autre  et  des  becs  antérieurs  d'aiguilles;  c'est 
même  une  expérience  facile  à  tenter  à  la  main  et  sans  autre 
appareil  qu'un  couple  de  peignes  ou  de  râteaux  servant  à 
recevoir  et  transporter  les  rangées  pareilles  de  trame  ou 
cordons,  dont  le  plissement  pourrait  être  produit  par  une 
troisième  barre  à  râteau  formée  de  platines  à  plomb.  Sans 
aucun  doute,  le  premier  inventeur  du  métier  à  bas  a  dû  rai- 
sonner et  procéder  ainsi;  mais,  bien  qu  on  soit  depuis  revenu 
à  des  combinaisons  de  ce  genre  pour  éviter  la  complication  et 
atteindre  des  résultats  différents  ou  purement  accessoires,  il. 
n'en  est  pas  moins  évideçt  que  c'était  là  l'enfance  de  l'art, 
procédant  tour  à  tour  et  inévitablement  dune  conception 
théorique  en  soi  très-simple  à  une  réalisation  pratique  plus  ou 
moins  satisfaisante,  puis  de  celle-ci  à  de  nouvelles  conceptions 
moins  imparfaites,  mieux  étudiées  ou  approfondies,  et  ainsi 
de  suite  alternativement,  jusqu'à  ce  qu'on  parvienne  à  des 

promesse  de  Leibnitz  de  publier  un  Calcul  des  situations,  la  notation  de 
Viète  relative  aux  nombres  généraux  ou  déterminés,  Vanderroonde  propose 
un  système  de  notation  à  indices  antérieurs  et  postérieurs  accompagnant  la 
lettre  principale  relative  au  fil  dont  la  route,  la  marche  au  travers  d'un 
rectangle  on  d'un  parallélipîpède  quadrillé,  subdivisé  en  petits  carrés  ou 
cubes  égaux,  doit  être  représentée  dans  tous  ses  méandres,  circonvolutions, 
replis  ou  croisements  successifs,  au  moyen  de  ce  que  l'auteur  nomme  les 
nombres  nombrants  ou  entiers,  propres  à  représenter  Tordre,  le  rang  de 
chacune  des  cases  du  réticule  que  le  fil  parcourt»  Mais  il  faut  avouer  que 
ce  système  de  représentation  ou  de  notation  algébrique,  donnant  lieu  à  des 
séries  de  termes  indéfinies,  ne  paraît  guère  propre  à  atteindre  le  but  avec 
la  simplicité  désirable,  comme  on  peut  le  voir  par  les  exemples  mêmes  de  la 
chaînette  et  du  tricot  que  Vaodermonde  en  apporte ,  et  dans  lesquels  la  posi- 
tion des  points  essentiels  de  chaque  boude  est  exclusivement  représentée 
ou  définie,  mais  non  la  forme.  Au  surplus,  comme  l'observe  ce  savant  acadé- 
micien et  ancien  directeur  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  c  l'ouvrier 
«  ne  voit  pas  dans  les  tissus  les  rapports  de  grandeur,  mais  de  situation  ;  ce 
t  qu'il  voit,  c'est  l'ordre  dans  lequel  sont  entrelacés  les  £!*•• 


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412  VI-  JURY, 

résultats  vraiment  fructueux  ou  profitables  à  la  société.  Car, 
quoi  qu'en  pense  le  vulgaire  et  même  beaucoup  de  gens  ca- 
pables, personne,  sur  cette  terre,  n'a  pu  se  glorifier  d'être 
parvenu  d'un  seul  jet  à  la  réalisation  d'une  combinaison 
mécanique  aussi  complexe  que  celle  du  métier  à  bas,  tel  que 
nous  le  connaissons  depuis  près  de  trois  siècles  écoulés. 

En  effet,  après  avoir  imaginé  la  soudure  à  plomb,  si  ingé- 
nieuse et  si  mathématiquement  précise  \  des  aiguilles  horizon- 
tales dont  il  a  été  d'abord  parlé;  après  avoir  conçu  le  double 
jeu  de  platines  verticales,  avec  et  sans  plomb,  pour  abattre, 
plisser  le  fil  de  trame  ou  en  opérer  ce  qu'on  nomme  la  cueille, 
le  caeillement,  le  caeillage  et  même  le  .cueillissage,  il  fallait 
bien  découvrir  les  crochets  à  châsses  mobiles,  non  moins  ingé- 
nieux et  précis,  pour  dispenser  de  recourir  au  peigne  ou  râteau 
transposeur  et  abatteur  ;  il  fallait  aussi  trouver  la  presse,  cette 
barre  horizontale  à  bascule,  contre-poids  ou  ressorts  de  réac- 
tion ,  manœuvrée  par  une  pédale  et  servant  à  fermer  tempo- 
rairement les  crochets ,  pour  faire  passer  le  rang  postérieur  des 
plis  de  suspension  du  tricot  par-dessus  leurs  branches  supé- 
rieures, recouvrant  la  nouvelle  rangée  des  boucles  ou  des 
plis;  il  fallait  d'ailleurs,  et  au  préalable,  imaginer  des  moyens 
mécaniques  très-simples  pour  opérer  la  descente  verticale,  non 
pas  simultanée,  mais  successive,  quoique  très-rapide,  du  pre- 
mier rang  de  cette  multitude  de  platines  mobiles  servant  à 
cueillir  et  former  les  plis  de  deux  en  deux  aiguilles,  en  laissant 
au  fil  de  trame  et  à  sa  bobine  alimentaire  le  temps  de  céder 
à  leur  action  sans  rupture  ni  vrillement.  Pour  y  parvenir,  il  a 
fallu  encore  inventer  l'ingénieux  mécanisme  des  ondes  d'échap- 
pement des  platines  de  rangs  pairs ,  composées  de  leviers  à  tou- 
rillons mobiles  dans  une  rangée  de  chapes  ou  d'autres  platines 
verticales  très-minces,  fichées  également  dans  une  barre  hori- 
zontale à  plomb,  sorte  de  râteau  établi  à  la  partie  supérieure 
du  métier,  muni  d'ailleurs  aux  extrémités  respectives  des 
leviers,  opposées  aux  platines  à  plis  ou  d'abatage,  de  lamettes 
à  ressort  verticales  en  acfër,  dont  la  pression  et  le  frottement 
contre  ces  extrémités,  servant  de  frein  aux  leviers  bascules r 


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MACHINES  ET  OUTILS.  413 

maintiennent  ces  dernières  platines  levées  on  à  l'état  de 
repos,  tandis  qu'ils  en  permettent  labatage  quand  sous  Tac- 
lion  d'un  curçeur  ou  chevalet  à  dos  d'âne,  glissant  le  long 
d'une  coulisse  horizontale  sous  le  tirage  d'une  corde  à  poulie 
de  renvoi,  ces  mêmes  extrémités  des  leviers,  progressivement 
soulevées,  arrivent  à  des  epcoches  ou  inflexions  pratiquées  aux 
lamettes  ressorts,  qui  leur  permettent  d'échapper  à  toute  pres- 
sion ou  frottement,  de  basculer  sous  leur  propre  poids  et 
celui  des  platines  antérieures,  dont  la  chute  est  accompagnée 
d'un  bruissement  ou  cliquetis  rapide  dû  au  débandement  suc- 
cessif de  ces  mêmes  ressorts  ou  freins. 

Cette  combinaison  des  ondes  à  bascules  était,  à  cpup  sûr,  une 
conception  heureuse;  mais  elle  ne  suffisait  pas  néanmoins 
pour  assurer  le  jeu  régulier  de  la  machine  :  il  fallait,  après 
l'abaissement  des  premiers  plis  ou  boucles  d'une  longueur 
double  de  celle  exigée  par  la  formation  des  mailles  définitives 
du  tissu ,  relever  de  la  moitié  de  leur  hauteur  de  chute  la 
rangée  correspondante  des  platines,  afin  de  dégager  ces 
mêmes  plis  et  d'en  partager  la  longueur  entre  leurs  aiguilles 
propres  et  les  aiguilles  voisines  par  l'abaissement,  cette  fois 
général  et  simultané,  de  toutes  les  platines,  y  compris  celles 
à  plomb,  qui  occupent  les  intervalles  des  précédentes,  et 
dont  les  chapes,  solidaires  entre  elles,  sont  jusque-là  demeu- 
rées immobiles  avec  tout  l'équipage  supérieur  du  métier,  sou- 
tenu par  de  grands  ressorts  latéraux  à  contre-poids  d'équilibre. 
D'ailleurs  l'ouvrier  produit  ici ,  à  l'aide  d'une  pédale,  l'abatage 
de  ces  ressorts,  sans  s'inquiéter  de  leur  relèvement  spontané, 
tandis  qu'il  abaisse  les  extrémités  postérieures  des  leviers 
à  ondes  en  élevant  les  platines  correspondantes  à  leur  an- 
cienne position,  au  moyen  d'une  tringle  horizontale  ou  presse 
secondaire  d'un  mécanisme  très-simple  soumis  à  l'impulsion 
des  doigts  de  l'ouvrier,  qui  immédiatement  fait  rétrograder  le 
chevalet  curseur  par  le  jeu  alternatif  de  deux  pédales  appli- 
quées à  une  corde  enveloppant  la  partie  supérieure  d'une 
grande  poulie  motrice,  etc. 

Enfin,  pour  que  ce  même  et  unique  ouvrier,  à  l'aide  des 


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414  VT  JURY. 

becs  crochus  et  des  ventres  antérieurs  pratiqués  à  la  rangée 
entière  des  platines  verticales  de  plissage  censées  abattues, 
pût  pousser  ou  faire  glisser  en  avant  et  en  arrière,  mais  Tune 
après  f  autre ,  comme  on  Ta  vu ,  soit  la  rangée  nouvelle  des  plis 
antérieurs  sous  les  crochets  d'aiguilles*  soit  la  rangée  posté- 
rieure des  plis  du  tricot  par-dessus  ces  mêmes  crochets,  alors 
fermés  et  soumis  à  l'action  de  la  grande  presse,  il  fallait  encore 
que  l'équipage  entier  des  platines  ci-dessus,  des  ondes  à  bas- 
cules, du  chevalet  curseur,  etc.  fût  rendu  mobile  horizon- 
talement, par  l'application  directe  des  mains  aux  poignées 
latérales  d'un  chariot  à  roues  cheminant  librement  sur  des 
rails  parallèles. 

Cette  longue  mais  pourtant  incomplète  énumération  des 
ingénieux  mécanismes  qui  constituent  la  plus  ancienne  des 
machines  à  tricot,  celle  que  la  première  Encyclopédie,  im- 
primée en  1 74 1 ,  sous  la  direction  de  d'Alembert  et  de  Diderot, 
décrivait  si  laborieusement  en  empruntant  la  plume  anonyme 
d'un  homme  du  métier,  qui  n'en  fait  ressortir  ni  le  mérite,  ni 
l'originalité,  ni  les  intentions  véritables,  f cette  longue  et  in- 
complète énumération,  dis-je,  était  en  effet  indispensable 
pour  faire  apprécier  à  leur  juste  valeur  les  difficultés  inhé- 
rentes à  la  précise  et  délicate  exécution  de  cette  multitude 
d'organes  ou  combinaisons  mécaniques,  ainsi  que  la  sagacité, 
la  persévérance,  la  profondeur- même  de  conception  qu'a  dû 
y  apporter  l'auteur  unique  que  suppose  la  tradition  popu- 
laire, amie  du  merveilleux,  et  qui  n'admet  ici,  comme  dans 
d'autres  circonstances  précédemment  citées,  ni  l'intervention 
de  plusieurs  hommes  et  à  fortiori  de  plusieurs  générations 
d'hommes,  ni  une  influence  quelconque  du  milieu  où  ils  ont 
vécu,  plus  ou  moins  avancé  dans  les  arts,  ou,  ce  qui  est  tout 
un,  plus  ou  moins  bien  outillé,  éclairé  et  civilisé. 

À  coup  sûr,  lé  métier  à  bas  est  un  chef-d'œuvre  de  préci- 
sion mécanique  supérieur  k  tout  ce  que  le  moyen  âge  nous  a 
légué  en  ce  genre,  si  ce  n'est  la  montre  et  l'horloge,  qui  sup- 
posent une  certaine  connaissance  des  lois* astronomiques  ou 
de  la  mesure  du  temps.  On  ne  saurait,  à  aucun  titre,  le  corn- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  415 

parer. aux  automates  tant  admirés  de  nos  ignorants  et  crédules 
ancêtres,  automates  si  complètement  inutiles  qu'ils  ont  tous 
disparu,  à  l'inverse  de  l'humble  métier  à  tricot,  qui  aujour- 
d'hui même  nous  rend  les  plus  grands  services,  mais  que 
bien  des  gens  du  mon&e,  des.  lettrés  et  des  savants  de  profes- 
sion dédaignent,  malgré  le  génie  qu'il  suppose*  malgré  les 
huit  à  dix  mille  mailles  qu'il  produit  à  la  minute,  malgré 
même  les  avantages  matériels  qu'on  en  retire?  D'où  vient 
la  complète  indifférence  dés  philosophes  ou  théoriciens  pour 
tout  ce  qu'on  nomme  improprement  application  ou  pratique? 
D'où  vient  le  dénigrement  non  moins  étrange  des  hommes 
d'ateliers,  des  praticiens,  contre  toute  théorie  ou  raisonnement 
d'apparence  scientifique?  N'y  a-t-il  pas  dans  ces  sentiments 
de  dédain  inverses  ou  réciproques  quelque  chose  d'aussi 
injuste  que  de  peu  réfléchi  ?  Ou  plutôt  n'y  aurait-il  pas  là  sim- 
plement orgueil,  ignorance  ou  paresse  de  l'esprit,  s'autorisa nt 
des  abus  qu'on  fait  si  souvent  de  l'expérience  et  de  la  théorie 
exclusives,  deux  choses  qu'on  ne  doit  pas  séparer,  selon  les 
doctrines  de  Descartes  et  de. Bacon,  surtout  quand  les  résultats 
s'en  lient  au  bien-être  général  de  la  société  et. à  ses  progrès? 
Qu'importent,  enfin,  la  langue,  le  milieu,  le  siècle  dans  les- 
quels une  œuvre  d'art  ou  d'esprit  a  été  conçue  et  accomplie, 
s'il  y  règne,  dans  les  détails  comme  dans  l'ensemble ,  un  ordre 
parfait,  une  heureuse  harmonie  de  mouvements,  de  pensées 
ou  de  conceptions  justes  et  profondes  ? 

Au  surplus ,  en  combattant  ici  un  peu  vivement  de  ridicules 
et  fâcheux  préjugés,  dont  la  source  n'est  pas  difficile  à  décou- 
vrir quand  on  sonde  le  cœur  de  l'homme,  j'ai  prétendu  prin- 
cipalement faire  ressortir  les  doutes  de  mon  esprit  à  l'égard 
de  la  romanesque  origine  attribuée  à  une  machine  qu'on 
suppose  inspirée  par  des  sentiments  étrangers  au  besoin  de 
se  rendre  utile,  de  s'enrichir  ou  de  se  faire  admirer.  A  ce 
point  de  vue,  il  importe  de  constater  d'une. manière  générale 
que,  sauf  des  modifications  ou  améliorations  de  détails  insi- 
gnifiantes, l'équipage  des  ondes  à  ressort  et  de  leur*  platines, 
nommé  l'orne  du  métier,  est,  aussi  bien  que  les  plus  impor- 


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416  VT  JURY. 

tantes  des  autres  parties  du  mécanisme,  demeuré  à  peu  près 
tel  que  nous  le  voyons  dans  les  métiers  rectilignes  et  à  bas 
unis  existant  de  nos  jours.  Cette  constatation,  après  des  siècles 
écoulés ,  serait  d  autant  plus  glorieuse  pour  le  premier  inven- 
teur ou  initiateur,  que  le  système  de  solution  adopté  s'écarte 
davantage  du  mode  ordinaire  de  fabrication  des  bas,  et  qu'il 
se  fût  complètement  égaré  si,  conformément  à  l'opinion  de 
certains  philosophes  peu  mécaniciens  de  leur  nature,  il  eût 
tenté  d'imiter  servilement  les  mouvements  compliqués  et 
excentriques  qu'on  observe  dans  le  tricotage  à  la  main  et  à 
l'aide  de  longues  aiguilles. 

Je  tiens  également  à  le  rappeler,  à  le  constater  ici,  bien 
qu'à  regret  et  à  la  honte  des  siècles  qui  ont  précédé  le  nôtre, 
malgré  l'extrême  importance  du  métier  à  bas  et  la  grandeur 
de  la  révolution  accomplie  par  son  introduction  dans  l'indus- 
trie manufacturière,  tout  ce  qui  concerne  son  origine  et  ses 
premiers  développements  est  demeuré  dans  une  obscurité 
profonde  et  a  donné  lieu  aux  contes  ridicules  déjà  mention- 
nés, mais  que  je  me  garderai  de  rapporter,  avec  d'autant  plus 
de  motifs  qu'ils  ont  été  répétés  mot  pour  mot  en  les  appli- 
quant à  des  pays  et  à  des  personnages  différents.  Néanmoins 
je  ne  puis  me  dispenser,  tout  en  laissant  de  côté  cette  partie 
en  quelque  sorte  populaire  de  la  question  ou  des  traditions, 
d'exposer  sur  l'origine  du  métier  à  bas  la  version  la  plus 
vraisemblable,  et  qui,  les  conciliant  d'une  manière  suffisam- 
ment rationnelle,  parait  avoir  reçu  l'assentiment  unanime  des 
auteurs  anglais  et  allemands. 

William  Lee  ou  Lea,  que  les  uns  font  naître  à  Cal  veston, 
les  autres  à  Woodborough,  comté  de  Notlingham,  devenu 
ensuite  magister  du  collège  de  John  à  Cambridge,  aurait  ima- 
giné le  métier  à  bas  vers  1 58g ,  métier  pour  lequel  il  réclama 
en  vain  la  protection  et  les  encouragements  de  la  reine  Elisa- 
beth d'Angleterre.  Attiré  en  France  par  les  promesses  de 
Henri  IV  ou  de  Sully  (1600  à  1610),  il  vint  s'établir  à  Rouen 
avec  neuf  ouvriers  qu'il  avait  formés,  et  il  y  réussit  à  tel 
point  que  la  fabrication  paraissait  fixée  en  France,  si  la 


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MACHINES  ET  OUTILS.  41 


mort  de  ce  monarque,  ami  et  protecteur  des  arts,  n'eût  privé 
l'inventeur  de  l'espoir  d'obtenir  prochainement  les  privilèges 
qu'on  lui  avait  promis  et  ne  l'eût  obligé  à  s'acheminer  vers 
Paris,  où  il  mourut,  dit  la  chronique,  après  avoir  abandonné 
à  eux-mêmes  ses  ouvriers,  qui  seraient  bientôt  retournés  en 
Angleterre  en  y  important  leurs  métiers 1. 


1  Le  titre  le  plus  positif  du  magister  Lea  à  l'invention  du  métier  à  bas 
réside  dans  une  pétition  des  bonnetiers  de  la  ville  de  Londres  adressée  à 
Olivier  Cromwell  pour  l'obtention  de  privilèges  exclusifs,  et  qui  se  trouve 
rapportée,  malheureusement  sans  date  précise,  à  la  fin  de  l'histoire  anglaise 
de  Nottingham,  publiée  en  181 5  dans  cette  ville  par  John  Blackner;  ou- 
vrage dont  je  dois  la  communication  à  l'obligeance  éclairée  de  M.  Edouard 
Mallet,  habile  fabricant  tulliste  à  Calais,  dont  le  frère  aîné  a  reçu,  en 
1 852 ,  la  décoration  de  la  Légion  d'honneur  pour  la  belle  collection  de  pro- 
duits manufacturés  qui  avait  été  offerte  par  leur  maison  a  l'Exposition 
universelle  de  Londres. 

En  tète  de  cette  pétition  a  Cromwell ,  on  lit  textuellement  :  t  II  y  a  cin- 
c  quaote  ans ,  un  William  Lea,  de  Calveston,  comté  de  Nottingham ,  imagina , 
•  lui  et  les  siens,  etc.,  »  sans  autre  spécification  de  date  ni  de  qualités;  mais 
Blackner  fait  observer  que  la  charte  de  délivrance  ne  paraît  pas  avoir  été 
octroyée  avant  Tannée  1664,  sous  Charles  II;  par  conséquent,  huit  années 
après  l'installation  de  la  manufacture  de  Jean  Hindret  au  château  de  Madrid, 
dans  le  bois  de  Boulogne,  près  Paris;  manufacture  dont  les  succès  auront 
bien  pu  éveiller  la  jalousie  des  bonnetiers  de  Londres,  quoique  dans  leur 
pétition  ils  prétendent  n'avoir  rien  à  redouter  de  la  concurrence  des  suc- 
cesseurs ou  apprentis  formés  par  les  ouvriers  de  f  inventeur  à  Rouen ,  où 
l'un  d'entre  eux  vivait  encore,  selon  la  déclaration  des  pétitionnaires.  Les 
craintes  qu'ils  manifestent  relativement  a  l'embauchage  de  leurs  propres 
apprentis  par  l'ambassadeur  de  Venise  ne  s'étendant  nullement  à  d'autres 
pays,  on  pourrait  en  conclure  que  dès  lors  la  France  n'avait  rien'  à  em- 
prunter a  l'Angleterre.  Je  lis  en  effet  dans  un  mémoire  de  M.  Wilbem  de 
Viebahn ,  conseiller  supérieur  des  finances  en  Prusse  (  brochure  de  64  pages, 
imprimée  à  Berlin»  en  i846),  que  le  métier  à  bas  attribué  à  William  Lea 
fut  introduit  en  Allemagne,  vers  1689,  par  les  réfugies  français  de  la  révo- 
cation de  l'édit  de  Nantes,  dont  quarante  mille,  comme  ou  sait,  peuplèrent 
les  ateliers  de  Berlin  et  appartenaient  en  grande  majorité  à  la  ville  de  Metz. 
Il  est  très-digne  de  remarque ,  d'ailleurs ,  que  Nottingham ,  si  célèbre  aujour- 
d'hui pour  la  %brication  des  bas  et  des  tulles  au  métier,  n'aurait,  d'après 
les  indications  rapportées  par  Blackner,  possédé  en  1641  que  deux  de  ces 
premiers  métiers,  dont  le  nombre,  dans  le  siècle  suivant,  se  serait  élevé  à 
soixante-dix  seulement. 

VI*  JORT.  —  **  PARTIE.  «7 


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418  VP  JURY. 

Ce  récit,  comme  on  voit,  peut  fort  bien  se  concilier  avec 
celai  de  maître  François,  apothicaire  à  rhô  tel -Dieu  de  Paris, 
rapporté  dans  une  lettre  insérée  au  Journal  économique  de 
1 757,  c'est-à-dire  plus  de  cent  cinquante  ans  après  l'événement 
et  cent  onze  années  après  l'époque  où  Colbert  ayant  fait  venir 
de  Hollande  Jean  Hindret,  l'installa  au  château  de  Madrid,  dans 
le  bois  de  Boulogne,  près  Paris,  où  fut  créée  la  première  ma- 
nufacture de  bas  au  métier,  travaillant  d'abord  exclusivement, 
et  avec  un  grand  succès,  la  soie,  mais  qui  plus  tard  (1666), 
autorisée  par  privilège  spécial,  se  servit  de  la  laine,  du  coton 
et  du  poil;  ce  qu'elle  fit  jusqu'à  l'époque  de  sa  dissolution, 
en  1684.  Le  nouveau  règlement  de  1700,  qui  étendit  le  pri- 
vilège de  i665  à  un  nombre  limité  de  villes  de  France,  telles 
que  Paris,  Rouen,  Nantes,  Lyon,  Metz,  etc. 1,  ce  règlement 
maintenant  la  défense  de  porter  hors  du  royaume  aucun 
métier,  cela  semble  indiquer  qu'à  cette  époque  la  France 
était  principalement  en  possession  de  ce  genre  de  fabrication; 
mais  il  s'agissait  là  peut-être  de  métiers  comportant  de 
simples  modifications  ou  perfectionnements  que  les  ouvrages 
contemporains  ne  nous  font  nullement  connaître,  et  en  l'ab- 
sence desquels  il  devient  comme  impossible  d'asseoir  aucun 
jugement  certain. 

A  quoi  servent  d'ailleurs  toutes  ces  discussions  de  prio- 

1  Encyclopédie,  in-folio,  de  Diderot  et  oVAlemberl,  année  1751,  art.  Bas 
au  métier,  p.  98  el  1 12.  Cest  a  tort  que,  dans  ce  même  article,  Diderot, 
après  avoir  cité  divers  écrits  antérieurs  et  plus  particulièrement  le  Diction- 
naire universel  du  commerce,  de  ï inspecteur  des  manufactures  Savary  de 
Brusloms,  dictionnaire  dont  la  a*  édition  date  de  174 1,  prétend  que  le  nom 
de  f inventeur  était  également  inconnu  en  Angleterre;  cela  prouve  seule- 
ment que  Diderot  n'avait  consulté  aucun  dès  ouvrages  anglais  qui  avaient 
traité  la  question  avant  f  Encyclopédie,  notamment  l'histoire,  en  latin ,  de 
Nottingham,  publiée  en  1751,  et  dont  le  tome  IV,  pages  90  et  3oi,  men- 
tionne la  pétition  des  bonnetiers  ée  Londres,  d'apparence  très-véridique,  mais 
postérieure  de  cinquante  à  soixante  ans  à  l'époque  de  la  découverte  attri- 
buée a  Willism  Lea.  D'après  l'ouvrage  allemand  de  Poppe  ((jfsckickU,  etc.), 
la  fable  de  l'inventeur  soi-disant  amoureux,  commune  à  tant  de  pays,  se 
trouverait  rapportée  tout  au  long  dans  un  ouvrage  anglais  antérieur  au  pré* 
cèdent,  et  portant  la  date  de  1733. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  419 

rite,  qui  intéressent  encore  plus  les  vanités  nationales  que  le 
progrès  réel  des  arts,  la  vérité  historique  et  le  culte  dû  aux 
promoteurs  de  nos  industries,  si,  comme  j'en  ai  fait  tant  de 
fois  la  remarque ,  elles  ne  sont  appuyées  de  documents  con- 
temporains assez  circonstanciés  pour  permettre  de  préciser  la 
date  de  la  découverte,  le  nom  des  inventeurs  ou  perfection- 
neurs,  mais  surtout  le  caractère  de  l'objet  inventé  ?  Cela  est 
principalement  indispensable  à  l'égard  des  métiers  ou  ma- 
chines d'une  nature  complexe ,  à  organes  et  fonctions  mul- 
tiples, parvenus  depuis  des  siècles,  comme  celui  qui  nous 
occupe,  à  un  état  relatif  de  perfection,  fruit  nécessaire  de  la 
longue  et  incessante  élaboration  d'un  seul  ou  de  plusieurs  : 
ce  métier,  en  effet,  est  d'autant  plus  remarquable  qu'il  a  néces- 
sité de  grands  efforts  d'esprit,  qu'il  est  le  seul  de  son  espèce, 
et  que  sa  véritable  origine  pourrait  bien  remonter  à  une  époque 
antérieure  de  beaucoup  à  celle  qu'on  assigne  aux  travaux  de 
William  Lea  ou  du  serrurier  bas-normand  révélé,  sans  nom, 
par  maître  François,  l'apothicaire  de  l'hôtel-Dieu  de  Paris, 
mais  qui,  s'ils  ne  sont  pas  des  mythes,  pourraient  bien  aussi 
n'être  que  de  simples  perfectionneurs,  divulgateurs  ou  impor- 
tateurs du  métier  à  bas,  comme  le  fut  sans  contredit,  mais 
sur  une  plus  large  échelle,  Jean  Hindret  lui-même. 

Laissant  donc  de.  côté  toute  discussion  ou  description 
approfondie  de  cette  espèce,  qui  n'offrirait  qu'un  bien  mé- 
diocre intérêt  à  l'égard  des  applications  ou  modifications  di- 
verses qu'on  a  fait  subir  à  l'invention  capitale  et  primitive  des 
métiers  à  tricot  ou  à  trame  sans  chaîne,  contentons-nous 
d'indiquer  rapidement,  d'après  les  rares  documents  authen- 
tiques que  l'on  possède  jusqu'à  présent,  la  marche  et  la 
nature  des  progrès  accomplis  dans  cette  branche  toute  spé- 
ciale d'industrie  mécanique. 


*?• 


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420  VT  JURY. 

S  III.  —  Additions  et  perfectionnements  apportés  a  l'ancien  métier  à  bas 
par  les  mécaniciens  anglais  et  leurs  imitateurs  en  France.  — Origine  des 
mécaniques  additionnelles  servant  à  fabriquer  les  tricots  à  côtes  et  à  jours 
divers  :  les  Anglais  Jedediak  Strutt,  J.  et  T.  Morris,  T.  Taylor,  Josiak 
Crâne,  Richard  Marck,  etc.  les  bonnetiers  et  mécaniciens  français  Sar- 
razin,  Caillon,  Rivey,  Germain,  Jolivet,  etc.  importateurs  ou  imitateurs 
anciens  des  mécaniciens  anglais.  —  L'Académie  des  sciences,  le  Conser- 
vatoire des  arts  et  métiers  et  le  mécanicien  Bastide,  de  Paris.  —  Les 
métiers  et  tricots  à  mailles  coulantes,  à  mailles  fixes,  à  jours  ou  a  réseaux 
diversement  brodés  et  façonnés,  au  moyen  de  roues  a  crans  ou  divisions 
latérales,  de  cylindres  à  orgues  ou  de  l'ancienne  tire,  —  T.  et  J.  Morris, 
J.  et  W.  Betts,  T.  et  R.  Frost,  Taylor,  Brotherston,  en  Angleterre  ;  Jolivet  et 
Cochet,  Joardan,  Bonnard,  Legrand  et  Bernard,  Coutan,  Derussy,  etc.  en 
France  (1801  à  1812). 

La  France  n'ayant  aucune  archive  officielle  antérieure  à  la 
loi  de  janvier  1 79 1  «  sur  les  brevets  d'invention ,  on  ne  saurait, 
de  ce  côté,  s'attendre  à  une  suite  continue  de  révélations;  mais 
on  peut  être  surpris  que  l'Angleterre,  dont  les  institutions  à 
cet  égard  remontent  à  Jacques  Ier  ou  au  commencement  du 
xvne  siècle,  ne  possède  aucun  titre  officiel  relatif  au  métier  à 
bas  avant  la  patente  délivrée  le  19  avril  1768  à  Jedediak 
Strutt,  mécanicien,  et  à  William  Wolatt,  bonnetier  à  Black- 
wali,  comté  de  Derby,  pour  une  addition  spécialement  des- 
tinée à  la  fabrication  des  bas  à  côtes.  Cela  prouve  évidemment 
que  ce  genre  de  machines,  ainsi  qu'on  Ta  dit,  n'avait  jusque-là 
subi  aucune  transformation  essentielle. 

La  formation  des  côtes,  dans  le  tricotage  à  la  main,  n'offre, 
comme  on  sait,  aucune  difficulté  particulière,  et  s'opère  par 
un  simple  renversement  des  mailles  ou  des  boucles,  qui  se 
croisent  sous  un  aspect  différent  à  l'envers  et  à  l'endroit,  où 
elles  forment  une  succession  de  saillies  reciilignes  et  parallèles 
à  points  de  chaînette  très- rapprochées  entre  elles,  tandis 
qu'à  l'envers  le  tricot  présente  un  emmaillage  à  serpente- 
ments  d'aspect  entièrement  uniforme.  Dans  le  métier  méca- 
nique ordinaire,  le  renversement  des  mailles  ne  peut  avoir 
lieu  que  par  des  moyens  tout  particuliers,  et  dont  un  des  plus 
anciens  et  des  plus  expéditifs  avant  celui  de  Strutl ,  d'abord 


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MACHINES  ET  OUTILS.  421 

employé  dans  le  Derby,  consistait,  selon  Blackner  (p.  219), 
dans  une  barre  de  fer  crénelée,  dentelée,  qu'on  adaptait  à  la 
grande  presse  servant  à  fermer  les  crochets  d'aiguilles,  et  qui, 
dans  l'abatage,  permettait  d'opérer,  non  pas  simultanément, 
mais  dans  un  ordre  déterminé,  la  fermeture  de  certains  cro- 
chets en  laissant  ouverts  tous  les  autres,  de  manière  à  obtenir 
alternativement  des  reliefs  et  des  plats  formés  de  brides  imi- 
tant la  broderie  précédemment  pratiquée ,  dans  les  bas  au 
métier,  à  l'aide  d'artifices  sur  lesquels  je  reviendrai  en  peu  de 
mots  ci-après. 

Au  fond,  ce  genre  de  tissu,  nommé  en  Angleterre  tack- 
rïbs,  au^si  bien  que  le  métier  qui  le  produisait,  et  dont  Black- 
ner fait  remonter  l'ingénieuse  invention  à  un  Français  réfugié 
ou  à  un  Irlandais  de  Dublin,  vers  1756,  n'ont  qu'un  rapport 
assez  éloigné  avec  le  tricot  ou  le  métier  à  côtes ,  le^  procédé 
mécanique  indiqué  dans  les  patentes  de  Jedediah  Strutt  con- 
sistant à  adapter  au-devant  de  l'ancien  métier  un  châssis  porte- 
àiguilles,  avec  intervalles  vides,  aiguilles  dont  les  crochets, 
de  sens  contraire  à  ceux  de  ce  métier,  correspondaient  à  des 
intervalles  de  même  largeur,  laissés  également  libres  ou  vides 
d'aiguilles  pour  y  exécuter  les  bandes  à  côtes  ou  à  mailles 
renversées.  Ce  châssis ,  presque  vertical ,  articulé  à  sa  partie 
inférieure,  recevait  à  la  partie  supérieure  le  rang  interrompu 
des  aiguilles  additionnelles,  sur  une  barre  à  charnières  ex- 
trêmes, munie  d'une  poignée  à  main  par  laquelle  l'ouvrier 
donnait  à  ces  aiguilles  une  position  horizontale  pour  y  opé- 
rer alternativement  le  cueillage  et  la  fermeture  des  crochets 
au  moyen  d'une  fausse  presse,  dit  la  patente,  autre  barre  à 
main  vissée  sur  l'ancienne  presse  en  correspondance  avec  la 
barre  à  aiguilles  mobiles,  dont  les  extrémités  à  châsses  et 
crochets  étaient  soutenues  en  dessous  par  une  lame  de  fer 
fixe  contre  les  effets  de  pression;  le  tout  étant  en  outre  accom- 
pagné d'une  dernière  barre  supérieure-,  à  platines  d'abatage, 
distincte  de  celles  du  métier  et  placée  en  avant,  mais  for- 
mant système  avec  elles,  autant  qu'il  est  permis  de  le  deviner 
ou  supposer  d'après  le  dessin. 


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422  VP  JURY. 

La  patente  de  Strutt,  d'un  laconisme  inconcevable  et  qui 
aura  été  tronquée  dans  ses  parties  essentielles,  suffit  du  moins 
pour  prouver  que  cet  ingénieux  mécanicien,  associé  vers  1768 
aux  travaux  de  Richard  Arkwright  1v  est  bien  l'inventeur  de 
la  mécanique  à  bascule  ou  pivotante  qui ,  placée  en  avant  de 
l'ancien  métier  à  bas,  est  devenue  comme  le  point  de  départ 
obligé  de  toutes  les  modifications  qu'ont  subséquemment  fait 
subir  au  système  de  ce  métier  Jedediah  Strutt  lui-même 
(1759) ,  puis  les  John  et  Thomas  Morris  (  1764) ,  les  Thomas 
Tayior ,  les  Porter  et  Josiah  Crâne  (  1 769) ,  les  Richard  March 
et  William  Horton  (1771»  1776  et  1778),  les  Thomas  Frost 
(1781),  etc.,  lesquels,  dans  des  patentes  qu'il  eût  été  inté- 
ressant de  pouvoir  étudier  et  approfondir  au  point  de  vue 
historique,  se  sont  tour  à  tour  occupés  d'ajouter  des 'combi- 
naisons nouvelles  d'aiguilles  et  de  platines  mobiles  à  celles 
déjà  connues,  de  manière  à  permettre,  sans  transformations 
essentielles,  de  pratiquer  dans  le  tissu,  pendant  sa  fabrication 
même ,  des  vides  traversés  ou  non  par  des  fils  droits  ou  brides , 
des  nœuds,  des  côtes  imitant  diversement  la  broderie  des 
tricots  à  jours,  à  fleurs,  etc.,  que  d'habiles  ouvrières  fabri- 
quent à  l'aide  d'aiguilles  plus  oiï  moins  fortes,  avec  une  dexté- 
rité de  doigts,  une  facilité  vraiment  surprenantes,  c'est-à- 
dire  au  moyen  d'une  succession  de  points,  d'échappées  et  de 
reprises  de  mailles  ou  de  boucles,  tantôt  simples,  tantôt  mul- 
tiples, mais  constamment  assujetties  à  une  loi  de  nombres 
prescrite  à  l'avance  et  susceptible  d'une  dictée  ou  écriture 
conventionnelle ,  que  les  tricoteuses  savent  se  transmettre  les 
unes  aux  autres,  de  manière  à  atteindre  un  but  toujours 
identique  et  conforme  à  un  modèle  donné. 

Dans  l'origine  du  métier  à  bas,  les  ornements  à  jours,  les 
côtes,  etc.,  se  fabriquaient  probablement  au  moyen  d'arti- 
fices aussi  lents  que  pénibles,  et  dans  lesquels,  comme  le  mon- 
trent les  diffuses  explications  de  l'ancienne  Encyclopédie,  les 
mains  de  l'ouvrier,  armées  de  poinçons  et  de  tiges  à  crochets 

1  Baines,  Histoire  des  manufactures  de  coton,  p.  i5i. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  423 

tournants,  reportaient  les  mailles  d'une  aiguille  fixe  à  l'autre, 
ou  la  retournaient  en  certains  points  du  dessin ,  etp.  Or,  les 
mécanismes  additionnels  dus  aux  patentés  anglais  que  je  viens 
de  citer  ont  eu  principalement  pour  but  de  faciliter,  sinon 
de  supprimer  entièrement,  ces  mains-d'œuvre  ou  manipula- 
tions; mais  leur  variété,  la  complexité  des  combinaisons  et 
surtout  l'obscurité  qui  règne  dans  les  descriptions  sont  telles 
que,  malgré  la  publication  textuelle  des  patentes  anglaises, 
il  deviendra  bien  difficile,  même  aux  hommes  du  métier, 
de  faire  la  part  exacte  à  chaque  époque  et  à  chaque  auteur,  de 
manière  à  pouvoir,  tout  au  moins,  appliquer  un  nom  et  une 
date  aux  conceptions  les  plus  originales  qui  ont  servi  de 
type  à  celles  aujourd'hui  en  usage  dans  cette  branche  impor- 
tante d'industrie.  De  l'examen  rapide,  et  beaucoup  trop  super- 
ficiel d'ailleurs,  qu'il  m'a  été  possible  d'en  faire,  il  semble 
seulement  résulter  que  les  mécaniciens  anglais  ont  devancé 
les  nôtres  dans  les  modifications,  les  perfectionnements  divers 
que  l'on  a  fait  subir  aux  métiers  à  tricot,  je  veux  dire  à  ceux 
où  le  même  fil  de  trame  est  soumis  consécutivement  à  l'ac- 
tion d'un  ou  de  deux  jeux  d'aiguilles,  les  unes  fixes  comme 
dans  l'ancien  système ,  les  autres  mobiles  diversement  par  des 
mécanismes  additionnels. 

Ainsi,  il  faudra  renoncer  à  tout  droit  absolu  de  priorité 
en  faveur  des  mécaniciens  français ,  tels  que  Sarrazin ,  Caillon , 
Rivey,  Germain,  Moisson,  Jolivet,  etc.  qui,  à  Paris  ou  à 
Lyon,  s'essayèrent  vers  la  fin  du  siècle  dernier  à  fabriquer 
sur  l'ancien  métier  des  tricots  à  côtes  ou  à  jours  imitant 
plus  ou  moins  bien  le  réseau  des  dentelles,  etc.,  mais  n'ap- 
portèrent en  réalité  que  des  perfectionnements  de  détail 
aux  divers  procédés  mécaniques  des  bonnetiers  anglais  pour 
en  approprier  le  produit  à  nos  goûts  et  à  nos  besoins1.  Sar- 

1  On  peut,  a  ce  sujet,  consulter  divers  passages  de  l 'Encyclopédie  métho- 
dique (Arts  et  manufactures,  1. 1, 1785,  p.  5  et  4.1) ,  où  Roland  de  la  Piatière 
émet  une  opinion  conforme  et  nous  apprend  que  Marsh  (sans  doute  Richard 
March),  bonnetier  à  Londres,  gratifié  par  son  gouvernement,  inventa  le 
tricot  a  mailles  nouées,  de  1770  à  1775;  que  Caillou  n*eut  aucun  succès 


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424  VI-  JURY. 

razin ,  par  exemple,  né  à  Paris,  mais  mécanicien  cosmopolite, 
à  qui  plus  tard  on  a,  fort  à  tort,  attribué  en  France  l'inven- 
tion du  métier  à  côtes,  a  tout  au  plus  imité  ou  perfectionné 
ce  métier  vers  1766,  c est-à-dire  sept  ans  après  la  dernière 
patente  délivrée  à  Strutt;  et  ce  qui  prouve  d'ailleurs  la  supé- 
riorité des  artistes  anglais  sur  les  nôtres  à  cet  égard,  c'est  que, 
avant  et  postérieurement  même  à  1780,  le  Gouvernement 
faisait  venir  d'Angleterre  des  métiers  pour  fabriquer  les  bas  à 

dans  sa  tentative  devant  l'Académie;  qu'au  contraire  le  sieur  Germain 
réussit  parfaitement  a  fabriquer  les  tricots  a  jours  unis,  brodés,  guillo- 
ebés ,  etc.  ;  que  Jolivet  et  Sarraiin ,  bonnetiers  à  Lyon ,  apportèrent  quelques 
perfectionnements  au  métier  a  bas  ordinaire;  que  le  sieur  Ganton,  bonne- 
tier a  Paris,  fut  récompensé  pour  des  perfectionnements  d'un  autre  genre; 
que  Moisson,  chanoine  d'Uxès,  tenta,  en  1785,  de  supprimer  les  ondes; 
qu'enfin  le  Gouvernement  français  fit  venir  d'Angleterre,  vers  1 789 ,  de  nou- 
veaux métiers  a  côtes,  principalement  applicables  à  la  laine  et  au  coton, 
mais  sans  beaucoup  de  succès  ou  de  profit,  bien  que  ces  métiers  fussent 
employés  à  une  fabrique  établie  à  Paris  en  1783,  etc. 

Roland  de  la  Platière,  comme  on  Ta  vu  particulièrement  au  sujet  des 
moulins  à  soie  de  Vaucanson,  était,  en  sa  qualité  d'inspecteur  des  manu- 
factures royales,  parfois  si  tranchant  et  si  exclusif,  qu'il  est  difficile  <f ac- 
corder un  entier  crédit  à  ses  opinions  sur  des  choses  qu'il  n'avait  pas  alors 
suffisamment  étudiées  sans  doute,  ou  du  moins  qu'il  n'a  pas  convenable- 
ment décrites  et  spécifiées.  Ainsi,  par  exemple,  il  eût  été  important  de 
savoir  si  les  procédés  mécaniques  employés  par  March  s'appliquaient  au 
métier  à  bas  ordinaire,  ou  s'il  s'agissait  d'une  machine  tout  à  fait  spéciale, 
opérant  avec  une  véritable  chaîne ,  telle  que  parait  en  comporter  le  métier 
à  main  décrit  dans  sa  patente  de  juillet  1784,  où  il  s'est  même  proposé 
de  fabriquer  des  filets  de  pêche  et  autres  réseaux  à  mailles  nouées,  avec  de 
simples  jeux  d'aiguilles,  sans  platines  à  cueillir  si  je  ne  me  trompe,  ni 
autres  combinaisons  étrangères  à  l'ancien  métier  a  bas.  Néanmoins,  il  se 
peut  que  dans  ses  patentes  de  1771  et  1778,  antérieures  à  celles  de  Tho- 
mas Taylor,  mais  dont  je  n'ai  pas  le  texte  sous  la  main,  March  ait  appliqué 
aux  mécaniques  accessoires  déjà  proposées  avant  loi  par  les  Morris,  les 
Porter  et  les  Josiah  Crâne,  de  Nottingham,  des  perfectionnements  qui, 
adoptés  en  Angleterre  et  imités  par  Caiilon  et  Germain  en  France,  aient 
motivé  les  récompenses  nationales  dont  parle  Roland  de  la  Platière  à  Teo- 
droit  cité  de  l'Encyclopédie  méthodique.  Au  surplus,  l'auteur,  dans  un  Cha- 
pitre supplémentaire  du  tome  II  des  Arts  et  manufactures,  publié  en  1 790 , 
est  revenu  lui-même  sur  quelques-unes  de  ses  assertions,  en  y  ajoutant  de 
nouveaux  faits,  dont  je  renvoie  l'analyse  à  une  note  subséquente. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  425 

côtes  en  laine  et  coton ,  qui  ne  se  répandirent  au  nord  de 
Paris  guère  avant  Tannée  1789.  Caillou,  bonnetier  à  Lyon, 
le  premier  qui  en  France  ait  tenté  de  fabriquer  sur  le  métier 
à  bas  des  tricots  à  jours,  à  mailles  doubles,  nouées  et  parse- 
mées de  fleurs,  «  'est  pareillement  qu'un  simple  importateur 
des  machines  anglaises ,  comme  le  constate  un  Rapport  de  Vau- 
canson  et  de  Desmarest  à  l'ancienne  Académie  des  sciences 
(séance  du  i3  janvier  177g).  Ce  rapport  mentionne,  en  effet, 
un  voyage  que  Caillon  avait  précédemment  entrepris  à  Londres 
en  vue  cfétudier,  de  perfectionner  un  métier  dont  on  s'y  ser- 
vait déjà  et  qui  consistait  principalement  dans  l'application 
à  l'ancien  métier  à  bas  d'un  tàteau  à  plomb  coulé  d'une 
seule  pièce,  armé  de  vingt-quatre  aiguilles  sans  têtes  ou  cro- 
chets, monté  sur  le  mécanisme  de  fer  de  ce  métier,  mais 
offrant  des  intervalles  vides,  et  dont  lps  aiguilles,  susceptibles 
par  un  déplacement  .longitudinal  à  crémaillère  horizontale 
de  couvrir  les  aiguilles  fixes  ou  à  crochets  de  la  grande/o/itore, 
permettaient,  par  un  jeu  facile  des  pieds  et  des  mains,  de 
cueillir,  accoupler  diversement  les  mailles  entre  elles,  bien 
mieux,  disent  les  Commissaires,  de  fabriquer  des  tricots 
doubles;  les  mêmes,  sans  doute,  qui  furent  peu  après  per- 
fectionnés par  le  bonnetier  Germain,  de  Paris,  mais  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec 'ceux  que  depuis  on  a  nommés  fricots 
sans  envers,  tricots  dont  en  réalité/ comme  nous  le  verrons, 
on  s'est  occupé  beaucoup  plus  tard,  vers  les  premières  années 
de  ce  siècle. 

Le  nom  de  l'inventeur- anglais  imité  par  Caillon  n'étant 
point  indiqué  dans  le  Rapport  de  Desmarest,  il  est  seulement 
permis  de  soupçonner  que  la  mécanique  accessoire  qu'il  men- 
tionne avait  été  empruntée  à  Thomas  Taylor,  dont  la  pa- 
tente, de  mai  1778,  indique  effectivement  un  châssis  pliant  * 
adapté  sur  le  devant  de  l'ancien  métier  à  l'instar  de  celui  de 
Strutt  qui  sert  à  fabriquer  les  côtes,  et  comportant  une 
barre  à  aiguilles  élargies,  non  loin  de  leurs  bouts  effilés,  de 
manière  à  pouvoir  couvrir  un  ou  deux  des  crochets  d'aiguilles 
fixes  de  la  grande  fonture  :  les 'allées  et  venues  transversales 


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426  VT  JURY. 

de  cette  barre  munie  de  plombs  à  aiguilles  isolément  retenus 
par  des  vis ,  y  sont  également  produites  par  une  portion  de  roue 
dentée  qui  la  fait  marcher  de  droite  ou  de  gauche,  au  moyen 
d'une  petite  portion  de  crémaillère  horizontale  appliquée  en 
dessous  de  la  même  barre,  dont  les  bouts  effilés  d'aiguilles 
servaient  aussi  à  transporter  de  l'un  des  crochets  à  l'autre  les 
plis  ou  mailles  de  la  grande  fonture,  de  manière  à  former  à 
volonté  des  pleins  ou  des  jours  dans  le  tissu. 

Ce  sont  probablement  ces  mêmes  mécaniques  accessoires 
que  l'on  voit  figurer  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de 
Paris,  dans  un  assez  fâcheux  état  de  fonctionnement,  sous 
le  nom  d'un  sieur  Bastide,  mécanicien  très-habile  de  Paris ,  le 
même  sans  doute  qui ,  vers  - 1 785 ,  fut  chargé  par  l'Académie 
des  sciences  de  compléter  son  cabinet  de  modèles,  renfer- 
mant déjà,  à  ce  qu'il  parait,  un  certain  nombre  de  métiers  à 
tricots  ou  à  bas  avec  ou  sans  côtes1.    , 

Quant  au  nommé  Hammond ,  qui  le  premier,  d'après  un 
conte  populaire  rapporté  par  l'Anglais  Mac-Culloch2,  aurait 
fabriqué  sur  l'ancien  métier  à  bas  un  tricot  à  mailles  coulantes 

1  Un  autre  Rapport  fait  en  août  1 806  par  Desmarest  à  la  HP  classe  de  l'Ins- 
titut, sur  un  nouveau  métier  à  fabriquer  les  bas  à  côtes  dû  à  M.  Bellemère, 
semble  en  effet  justifier  cette  supposition  ;  mais  en  attribuant  la  première 
idée  du  métier  de  c*ette  espèce  à  Sarrasin,  de  Lyon,  cet  académicien  parait 
confondre  dans  ses  souvenirs  la  mécanique  additionnelle  de  ce  genre  de 
métiers  avec  celle  de  Caillou ,  sur  laquelle,  en  effet,  il  avait  fait  un  Rapport 
approbatif,  déjà  cité,  dans  la  séance  de  janvier  1779.  À  défaut  de  docu- 
ments plus  précis,  il  n  est  guère  permis  de  prononcer  affirmativement  sur 
l'origine  des  métiers  propres  au  serrurier  Bastide,  et  dont  il  paraît  d'ailleurs 
ne  rester  aucune  trace  dans  les  archives  du  Conservatoire  de  Paris,  qui 
depuis  la  chute  du  premier  Empire  a  été  soumis,  par  ignorance,  indiffé- 
rence ou  autrement,  à  une  sorte  de  vandalisme  réformateur,  dont  je  ne 
manquerai  pas  de  signaler  au  fur  et  à  mesure  les  regrettables  effets,  et  dont 
un  des  plus  fâcheux  sans  aucun  doute,  à  l'égard  des  métiers  encore  subsis- 
tants, est  la  disparition  même  des  échantillons  divers  de  tissus  qui  accom- 
pagnaient autrefois  chacun  des  modèles  exposés.  À  l'égard  du  Rapport  de 
M.  Desmarest,  on  le  trouvera  reproduit  à  la  page  64  du  tome  V  du  Bulletin 
de  la  Société  à* encouragement. 

1  Rapport  de  M.  Aubry  sur  les  tulles,  broderies  et  dentelles,  ressortant 
du  XIX*  Jury  de  l'Exposition  universelle  de  Londres. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  427 

imitant  soi-disant  la  dentelle,  il  suffit  de  remarquer  qu'il 
n  existe  dans  le  catalogue  officiel  anglais  aucun  patenté  de  ce 
nom,  et  que  la  première  patente  où  il  soit  question  de  jours 
obtenus  sur  ce  même  métier  par  l'addition  d'un  second  rang 
d'aiguilles  mobiles  a  été  prise  en  commun,  le  28  mars  1764, 
par  Thomas  et  John  Morris  d'une  part,  par  John  et  William 
Betts  de  l'autre,  qui  se  sont  livrés  plus  tard,  et  séparément,  à 
des  perfectionnements  indiqués  dans  d'autres  patentes  que  je 
n'ai  point  non  plus  sous  la  main,  mais  qui  doivent  avoir  plus 
ou  moins  d'affinité  avec  celle  du  Thomas  Taylor  déjà  cité,  et 
mal  à  propos  confondu  avec  un  certain  William  Taylor,  plus 
anciennement  constructeur  de  métiers  à  bas  ordinaires  dans 
la  ville  même  de  Nottingham,  mais  dont  la  patente,  datée  de 
juin  1765,  ne  comporte  dans  son  énoncé  rien  qui  ait  trait 
aux  tricots  à  jours  ou  ornementés. 

La  première  tentative  de  ce  genre,  d'ailleurs  fort  compli- 
quée ,  parait  en  effet  appartenir  à  Peter  Brotherston ,  gentil- 
homme écossais  de  la  ville  de  Leith,  qui,  dans  une  patente  de 
juin  1774 ,  appliqua  le  système  de  la  tire  lyonnais  au  métier  à 
bas  ordinaire,  pour  opérer  le  basculement  des  tondes  et  pla<- 
tines  à  cueillir,  suivant  l'ordre  réclamé  par  le  dessin  ou 
l'échappement  des  mailles.  Mais  cette  tentative  n'aura  eu  pro- 
bablement qu'un  médiocre  succès  en  Angleterre,  à  cause  des 
embarras  causés  par  l'addition  de  la  tire  aux  anciens  métiers, 
et  l'on  aura  été  conduit,  vers  1781  et  1784,  àpréférer  les 
combinaisons  plus  simples  proposées  par  Thomas  et  Robert 
Frost,  dans  lesquelles  on  se  servait  d'un  cylindre  d'orgue  infé- 
rieur, muni  de  dessins  en  relief  pour  repousser  un  système 
de  tiges  glissantes  et  verticales,  à  sommets  fourchus,  servant  à 
soulever  séparément  le  bec  antérieur  des  aiguilles  à  crochets, 
montées  sur  un  rang  de  platinettes  pivotant  dans  des  plans 
verticaux ,  mais  dont  il  me  serait  impossible ,  à  cause  de  l'obscu- 
rité des  textes,  de  donner  une  idée  plus  précise.  Mon  but 
est  ici  seulement  d'appeler  l'attention  sur  une  combinaison 
qu'on  a  vue  plus  tard  se  reproduire  dans  les  métiers  à  chaîne 
et  platinettes  mobiles  isolément,  métiers  sur  lesquels  je  me 


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428  VP  JURY. 

propose  de  revenir  d'une  manière  plus  spéciale  dans  les  para- 
graphes du  chapitre  ci-après  qui  sont  relatifs  aux  tricots  à 
réseaux  et  aux  tulles  brodés. 

Dans  celui-ci,  comme  dans  le  suivant,  je  dois  me  borner  à 
ce  qui  concerne  les  modifications ,  additions  ou  perfectionne- 
ments divers  qu'on  a  fait  subir  au  métier  à  tricot  proprement 
dit,  à  simple  trame  bouclée  et  produisant  par  là  même  des 
tissus  essentiellement  déformables  et  élastiques,  d'après  des 
combinaisons  employées  jusqu'en  181 5  ou  1816  dans  notre 
pays ,  qui ,  dans  l'intervalle  agité  de  1 790  à  1801 ,  s'était  si  mal- 
heureusement laissé  devancer  par  là  Grande-Bretagne.  Car  le 
métier  pour  lequel  les  bonnetiers  Jolivet  et  Cochet,  de  Lyon, 
prirent  dès  juillet  1791  un  brevet  d'invention,  inséré  à  la 
page  8g  du  lomc  II  de  la  Collection  imprimée,  et  qui  avait 
pour  but  la  fabrication  des  bas  ondes,  de  tricots  dentelles  à 
mailles  fixes,  à  jours,  etc.,  nulle  part  je  crois  définis,  ce  mé- 
tier, malgré  son  utilité  pratique  et  les  incontestables  services 
qu'il  a  rendus  à  l'industrie  nationale,  ne  peut  être  considéré 
comme  offrant  un  caractère  spécial  de  nouveauté  au  point 
de  vue  mécanique,  puisque  déjà,  suivant  le  témoignage  de 
Roland  de  la  Platière  \  Jolivet  s'était  associé  précédemment 
à  Sarrazin  pour  des  perfectionnements  analogues  appliqués  à 
l'ancien  métier  à  bas.  Il  s'agissait  Jà,  en  effet,  d'une  méca- 
nique additionnelle  à  jeu  d'aiguilles  interrompu,  semblable 
à  celle  du  métier  à  côtes,  mais  dont  les  aiguilles  à  petits  becs, 
portant  leur  châsse  ou  creux  en  dessous,  servaient  non  à 
renverser  certains  groupes  de  mailles,  mais  à  produire  des 
échappées  de  mailles,  à  former  des  brides  ou  filoches,  accro- 
chées diversement  pour  la  production  des  jours  et  des  par- 
ties lisses  ou  brillantes  du  bas,  le  surplus  de  l'opération  ne 
consistant  d'ailleurs. que  dans  des  tours  de  main,  dans  des 
artifices  ou  manœuvres  diverses  ressortant  de  la  pratique 
même  du  métier. 

1  Supplément  au  tome  II  de  l'Encyclopédie  méthodique  (Arts  et  manufac- 
tures) ,  pages  60  et  suivantes,  dont  on  trouvera  une  analyse  succincte  dans 
l'une  des  notes  ci-après ,  ainsi  que  j'en  ai  précédemment  averti. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  429 

La  preuve  que,  tout  en  créant  un  produit  nouveau  et  fort 
intéressant,  MM.  Jolivet  et  Cochet  n'avaient  nullement  pré- 
tendu innover  en  fait  de  mécanique,  c'est  qu'ils  n'ont  joint 
aucun  plan  ou  dessin  descriptif  à  leur  brevet..  La  même 
remarque  doit  être  appliquée  au  brevet  de  perfectionnement 
et  d'addition  que  ces  fabricants  bonnetiers  prirent,  sous  la 
date  du  28  avril  1799  *»  ^  dans  lequel  ils  se  servent  d'une 
seconda  fonture  mobile  ou  barre  antérieure  additionnelle, 
d'aiguilles  à  longues  châsses,  recoudes,  becs  et  talons,  pour 
retenir  et  transporter  les  mailles,  indépendamment  de  la 
grande  fonture  fixe  du  métier,  portant  un  double  rang  d'ai- 
guilles superposées  à  châsses  et  crochets  distincts,  ou  un 
simple  rang  d'aiguilles  à  deux  châsses  ou  crochets  opposés, 
et  qu'une  presse  à  deux  lames  diversement  taillées  servait  à 
fermer  dans  l'ordre  exigé  par  la  nature  du  tissu  à  jours;  la 
double  maille  fixe  s'opérant  ici  par  un  croisement  et  une 
répétition  du  jeu  de  la  machine,  que  je  n'essayerai  pas  de 
décrire,  et  aux  produits  desquels  on  a  mal  à  propos  quelque- 
fois donné  le  nom  de  tricots,  de  tulle  à  maille  nouée,  bien 
que,  coupés  en  divers  sens,  ils  ne  pussent  aisément  s'effiler, 
et  qu'ils  résistassent  jusqu'à  un  certain  point  au  lavage. 

Des  réflexions  analogues  peuvent  s'appliquer  aux  métiers 
et  procédés  mécaniques  employés  par  MM.  Jourdan  père.  Qjt 
fils,  à  Lyon  (1802),  Moor  et  Ârmitage,  à  Paris  (180A), 
fionnard  père  et  fils,  à  Lyon  (1806)  *,  Legrand  et  Bernard, 

1  Ancienne  Collection,  t.  V,  p.  5i  à  55;  sans  figures. 

1  MM.  Bonnard,  dans  leur  brevet  (t  XIV,  p.  i53)  ayant  pour  objet 
l'imitation  du  tulle  noué  d'Angleterre,  qui  se  distingue  des  précédents  par 
Temploi  d*une  ensouple  distributrice  des  fils  de  chaîne,  attribuent  l'inven- 
tion du  métier  à  bas  à  mailles  fixes  à  un  sieur  Josserand,  sans  doute  de 
Lyon,  vers  f année  1781  (voy.  la  p.  i56),  et  le  considèrent  comme  géné- 
ralement en  usage  à  l'époque  de  1 806  ;  mais  il  y  a  là  quelque  erreur  de  date 
ou  de  nom,  si  fréquente  dans  les  traditions  d'ateliers.  Cela  prouve  seule- 
ment que  le  procédé  mécanique  de  Jolivet  et  Cochet  ne  jouissait  pas,  même 
dans  la  ville  précitée,  du  caractère  de  nouveauté  qu'on  lui  a  attribué,  et 
qu'il  dérivait  plus  ou  moins  directement  de  ceux  des  Anglais,  déjà  imités, 
comme  on  Ta  vu,  par  leurs  prédécesseurs  Caillou,  Sarrasin,  Germain  et 


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430  VP  JURY. 

à  Paris  (1808),  Pierre  Coutan  (1808),  Pouillot,  Fayolle  et 
Hullin,  à  Paris  (1809)*  Louis  et  Louyet,  de  la  même  ville 
(1810),  Derassy,  à  Lyon  (1811),  etc.,  qui,  les  uns  après  les 
autres,  s'ingénièrent,  avec  plus  ou  moins  de  succès,  à  fabri- 
quer des  tricots  à  jours  unis  et  façonnés  nommés  toile  noué, 
tricot  de  Berlin,  tricot  <ï abeille,  toile  d'araignée,  etc.  à  l'imi- 
tation des  Anglais,  dont  les  produits  en  ce  genre  inondaient 
alors  notre  pays,  malgré  le  blocus  continental,  précédé,  je  le 
rappelle  à  dessein,  d'un  état  de  paix  transitoire  qu'ont  pu 
mettre  à  profit  nos  constructeurs  de  métiers,  en  bravant  les 
défenses  plus  que  sévères  de  nos  voisins. 

D'après  les  motifs  ci-dessus,  il  serait  sans  doute  superflu 
d'analyser  les  brevets,  prétendus  d'invention,  délivrés  aux 
industriels  français  que  je  viens  de  citer,  brevets  manquant 
la  plupart,  comme  ceux  de  MM.  Jolivet  et  Cochet,  de  dessins 
descriptifs,  ou  qui  n'offrent  que  l'application,  plus  ou  moins 
heureuse,  d'organes  mécaniques  déjà  connus  à  la  production 
de  tissus  nouveaux  et  variés.  Cependant,  je  dois  ici  le  faire 
remarquer,  les  brevets  de  MM.  Bernard  et  Legrand 1 ,  Pouillot, 
Fayolle  et  Hullin  2  et  quelques  autres  pris  en  noms  collectifs 
que  je  n'ai  point  cités  5,  comportent  une  roue  latérale  de  va- 
riation pour  le  dessin,  analogue  à  celle  dont  il  a  déjà  été 
parlé  à  l'occasion  des  machines  à  broder,  et  dont  la  couronne 
est  armée  de  vis  servant  à  repousser  d'une,  de  deux,  de  trois 
largeurs  d'aiguilles  ou  de  mailles,  l'équipage  à  coulisse  hori- 
zontale avec  contre -poids  ou  ressorts  de  recul  des  châssis 
supports  de  la  mécanique  accessoire,  de  manière  à  doubler 
ou  dédoubler  les  mailles,  former  les  brides  et  échappées,  les 

Rivey,  alors  mis  en  oubli,  mais  dont  .peut-être  les  métier»  n'avaient  jamais 
fonctionné  d'une  manière  entièrement  satisfaisante  ou  commerciale. 

1  Collection  des  brevets  expirés,  t.  V,  p.  43  (3i  mars  1809). 

*  Ibid.  p.  65,  pi.  10  (2  juin  1809).  Je  ne  connais  pas  de  brevet  fran- 
çais antérieur  où  la  roue  à  vis  latérale  pour  varier  les  dessins  ait  été  repré- 
sentée; mais,  bien  qu'elle  figure  ici  dans  sa  simplicité  primitive,  ce  n'est 
point  un  motif  pour  en  attribuer  la  conception  aux  auteurs  cités. 

3  Brevets  du  3o  mars  181 1,  t.  VI,  p.  1  £7,  et  du  1 3  juin  suivant,  t  XIX, 
p.  3o4. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  431 

entoilages  ou  vide*  alternatifs  que  réclame  le  dessin,  en  avan- 
çant à  chaque  fois  d'un  cran  la  roue  à  vis,  à  cet  effet  munie 
d'un  rochet  à  déclic,  etc.  Mais  nous  verrons  dans  le- chapitre 
suivant  que  cet  ingénieux  appareil  est  antérieur  de  beaucoup 
à  l'époque  de  1809,  où  MM.  Bernard,  Legrand  et  autres  s'en 
servaient  des  premiers  en  France.  Cela  prouve  tout  au  plus 
que  dans  les  premières  années  de  ce  siècle  on  avait  sinon 
rétrogradé,  au  moins  perdu  de  vue  l'usage  qu'on  pouvait  en 
faire  dans  la  fabrication  des  tricots  façonnés. 

Je  n'ai  point  non  plus,  dans  ce  qui  précède,  mentionné  la 
mécanique  accessoire  au  métier  à  bas  pour  laquelle  MM.  Gillet 
et  Jourdant  (Gabriel),  de  Bruxelles,  ont  pris,  au  mois  d'oc- 
tobre 1812 ,  un  brevet  d'invention  de  dix  ans1,  parce  que  cette 
mécanique,  qui  comporte  un  cylindre  d'orgue  à  repous- 
sement  d'aiguilles,  adapté  à  la  partie  inférieure  du  métier  à 
bas,  me  semble  une  véritable  importation  anglaise  d'une  ma- 
chine qui  offre  le  perfectionnement  des  anciennes  inventions 
de  Thomas  et  Robert  Frost,  dont  j'ai  précédemment  parlé, 
et  qui  ne  paraissent  pas  s'être  propagées  en  France;  d'au- 
tant que  les  descriptions  contenues  dans  ce  brevet  étaient 
vraiment  insuffisantes  pour  en  faire  saisir  le  jeu  et  apprécier 
l'utilité  à  une  époque  où,  repoussant  tout  moyen  de  solution 
analogue  pour  le  tissage  des  façonnés,  Jacquart  et  d'autres 
tentaient,  en  France,  de  revenir  aux  anciennes  idées  de  Falcon 
et  de  Vaucanson. 

1  Collection  imprimée,  t  XIV,  p.  169. 


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432  VT  JURY. 

S  IV.  —  Des  métiers  à  bu  automates  ou  tricoteurs  français,  droits  et  cir- 
culaires. —  Suppression  des  ondes  par  Moisson.  —  Mobilisation  de  la 
grande  fonture  d'aiguilles;  distributeur  automate  des  ûls;  roues  à  ailettes 
cfabatage,  à  manivelles,  cames,  balanciers  et  leviers,  servant  à  la  fabri- 
cation de  tricots  divers,  par  MM.  Dautry  et  Viardot,  MathU  et  Boitems, 
BeUemere,  Ckecrier,  Aubert  et  Jeandeau,  Favreaa  et  Tkiébatdt,  etc.  — 
Métiers  à  roues  mailleuses,  presseuses,  etc.  par  MM.  Julien  Leroy,  An- 
drienx,  Braconnier,  GUlet  et  Coquet,  Donine  et  autres.  —  MM.  Carter. 
JVkitwortk,  LaneaviUe,  Clamssen,  Jacquin  et  Bertkelot  à  l'Exposition  uni- 
verselle de  Londres. 

Avant  de  terminer  ce  qui  concerne  les  métiers  à  tricots 
proprement  dits,  il  me  reste  à  parler  de*  tentatives  qui  ont 
été  faites,  principalement  dans  notre  pays,  pour  faire  subir  à 
ce  genre  ancien  de  machines  des  simplifications  ou  trans- 
formations ayant  pour  objet  essentiel,  soit  de  diminuer  la 
fatigue  corporelle  des  ouvriers,  soit  de  faire  fonctionner  ces 
machines  d'une  manière  parfaitement  continue  et  automa- 
tique; ce  qui  est  d'autant  plus  remarquable  que,  contre  toute 
prévision  naturelle,  on  y  avait  fort  peu  songé  en  Angleterre, 
le  pays  de  la  filature  et  du  tissage  mécanique  par  excellence, 
du  moins  si  Ton  n'entend  pas  parier  des  machines  à  fabri- 
quer, imiter  les  tissus  à  mailles,  nommés  tulles  ou  dentelles, 
qui  feront  l'objet  du  chapitre  ci-après,  et  dont  la  découverte, 
les  tentatives  obstinées  de  perfectionnements,  constituent 
aussi  l'une  des  principales  gloires  de  ce  pays  dans  l'appropria- 
tion des  matières  textiles  à  nos  besoins  divers. 

Malgré  tout  l'intérêt  qu'elles  comportent,  je  rappellerai 
seulement  pour  mémoire  :  les  tentatives  déjà  mentionnées 
du  chanoine  Moisson,  de  la  ville  d'Uzès,  en  vue  de  supprimer 
dans  les  métiers  à  bas  l'équipage  des  ondes  à  platines,  tenta- 
tives auxquelles  Chaptal  et  d'autres  ont  accordé  des  éloges, 
mais  dont  on  ignore ,  au  fond ,  le  véritable  principe 1  ;  les  chan- 


1  Le  Supplément  au  tome  II  de  l'Encyclopédie  méthodique  (Arts  et  i 
factures)  rapporte  dans  f Appendice,  à  l'article  Bonneterie,  page  60,  un 
extrait  des  papiers  publics  de  mars  et  avril  1785,  où  on  lit  :  «M.  Moisson, 
< chanoine  d'Uxès  (et  non  pas  d'Alais,  comme  le  dit  Chaptal  dans  son  ou- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  433 

gements  et  perfectionnements  divers  apportés  à  l'ancien 
métier   à  bas  par  MM.  Dautry  et  Viardot  (1802,  180A  et 

•  vrage  sur  Y  Industrie  française) ,  a  réduit  le  métier  à  bas  i  16  livres  pesant, 

•  1  pied  de  baut,  etc.  Il  opère  comme  les  autres,  quoiqu'on  en  ait  supprimé 
«les  deux  systèmes  de  platines  et  de  pièces  nombreuses  qui  contribuent  à 

•  leur  jeu,  etc.»  Roland  de  la  Platière  ajoute  que,  malgré  les  récompenses 
accordées  par  le  Gouvernement  au  nouveau  métier,  il  ne  s'agissait  là  encore 
que  d'espérances. 

Plus  loin,  on  lit  que  les  métiers  à  côtes,  venus  d'Angleterre  vers  1788 
et  comportant  deux  presses  et  deux  rangées  d'aiguilles ,  étaient  plus  simples, 
plus  expéditifs  que  la  mécanique  ajoutée  par  Sarrazin  au  métier  à  bas, 
parce  qu'on  y  avait  supprimé,  comme  l'avait  tenté  M.  Moisson,  les  ondes, 
remplacées  par  deux  systèmes  de  platinés  distinctes  à  cueillir,  jouant,  pour 
égaliser  les  mailles,  par  un  double  levier  et  une  marche  qui  fonctionnaient 
avec  d'autant  plus  d'aisance,  qu'on  y  avait  supprimé  aussi  la  double  rangée 
d'aiguilles  et  la  double  presse,  etc. 

Le  même  article  additionnel  de  Y  Encyclopédie  mentionne  aussi,  parmi 
les  métiers  que  le  Gouvernement  avait  fait  venir  d'Angleterre  vers  1787  et 
soumis  au  jugement  de  M.  Desmarest,  de  l'Académie  des  sciences,  un 
métier  déjà  ancien,  fabricant  les  tricots  fourrés  au  moyen  d'une  mécanique 
additionnelle,  et  des  métiers  à  chaîne  pour  tricot,  à  mailles  obliques,  c£une 
grande  simplicité,  parce  qu'on  n'y  avait  conservé  de  l'ancien  métier  que 
les  aiguilles  et  la  presse,  en  y  ajoutant  un  râteau  pour  déplacer  les  fils  de 
droite  à  gauche;  mais,  dit  le  rapporteur,  le  métier  analogue  du  sieur  Sar- 
razin en  approche  beaucoup,  s'il  ne  lui  est  préférable.  A  l'égard  du  métier 
à  maille  jure  ou  arrêtée,  venu  également  d'Angleterre,  on  avait,  ajoute  encore 
Desmarest,  à  peu  près  l'équivalent  dans  les  métiers  Germain  et  Sarrazin, 
où  la  manœuvre  du  râteau  pour  déplacer  les  mailles  était  plus  facile, 
plus  précise  et  plus  régulière,  outre  que  les  tricots  offraient  plus  d'élasti- 
cité et  de  souplesse. 

Des  modèles  de  ces  divers  métiers,  parait-il  d'après  l'article  assez  diffus 
que  j'analyse,  furent  proposés  ou  envoyés,  en  mars  1787,  à  Lyon  parti- 
culièrement; mais  on  s'y  prononça  en  faveur  des  métiers  analogues  de 
Jolivet  et  de  Sarrazin ,  dès  lors  fabricants  bonnetiers  de  cette  ville. 

Enfin,  je  ferai  encore  remarquer  que,  au  commencement  du  même 
article,  Roland  de  la  Platière  accorde  de  particuliers  éloges  à  ces  mêmes 
fabricants,  ainsi  qu'aux  sieurs  Germain  et  Gantoo ,  de  Paris,  pour  des  sim- 
plifications et  perfectionnements  qu'ils  avaient  apportés  au  métier  à  bas  à 
chaîne  tendue;  ce  qui  ne  l'empêche  pas  <f  ajouter  immédiatement  après  que 
le  Gouvernement  a  accordé  de  spéciales  récompenses  aux  sieurs  Ganton  et 
Sarrazin,  après  s'être  fait  éclairer  sur  les  inventions  qui  pouvaient  leur 
appartenir.  Si  Ton  ne  connaissait  déjà  Roland  de  la  Platière,  il  y  aurait 

ti*  Jtr?T.  —  a*  rtitTiR.  58 


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434  VI'  JURY. 

1 806  )  *;  les  métiers  à  tricots  fourrés  de  MM.  Mathis  et  Boiteux 
(i8o4),  imités  de  ceux  des  Anglais,  mais  bientôt  tombés  en 
oubli  et  pour  lesquels  néanmoins  le  premier  avait  déjà  obtenu 
des  encouragements  pécuniaires  du  Gouvernement  français  eo 
1792  et  1793;  les  métiers  à  bas  et  à  côtes  de  M.  Bellemère 
(1806  ),  combinaison  de  l'ancien  métier  attribué  à  Sarrazin, 
de  Lyon,  et  de  certains  métiers  anglais  à  fonture  d'aiguilles 
mobiles  et  cueillage  à  bascule  pour  la  première  moitié  des 
plis;  le  métier  à  double  balancier  de  M.  Favreau  (1806), 
dans  lequel  fa  grande  barre  à  aiguilles  est  également  rendue 
mobile  par  un  mouvement  d'avance  et  de  recul  horizontal, 
qui  dispense  de  faire  mouvoir  l'équipage  entier  des  plati- 
nettes,  etc.;  un  second  métier,  du  même  (1811),  à  l'aide  du- 
quel on  peut  fabriquer  deux  bas  à  la  fois,  par  un  simple 
mouvement  de  manivelle  appliqué  à  un  équipage  latéral  de 
roues  dentées  intérieur  au  métier  et  dont  les  arbres  horizon- 
taux sont  munis  de  mentonnets  ou  cames;  le  métier  de  bas 
à  mailles  fixes  avec  roue  de  division  latérale  pour  les  jour, 
parChevrier,  de  Paris,  qui,  d'après  le  Rapport  de  MM.  Molard 
etBardel  à  la  Société  d'encouragement  (1807),  aurait  le  pre- 

véritablement  lieu  d'être  surpris  du  peu  d'éclaircissements  contenus  dans 
ce  long  article,  relativement  aux  métiers  à  chaîne  anglais  et  français,  sur 
lesquels  il  plane  aujourd'hui  même  une  sorte  de  mystère ,  comme  on  le 
verra  dans  le  Chapitre  ci-après. 

1  On  remarque  aujourd'hui  dans  Tune  des  galeries  du  Conservatoire  des 
arts  et  métiers  un  très -petit  métier  en  fer  à  tricot  circulaire,  suspendu  à 
une  verge  supérieure,  et  qui  porte,  sans  date  ni  indication  d'origine ,  1« 
nom  du  mécanicien  Dautry.  Mais  quelle  que  fût  l'habileté  de  cet  artiste, 
appartenant  à  la  ville  de  Paris,  on  ne  saurait  lui  attribuer  la  première  idée 
de  ce  genre  de  métier,  pour  lequel,  ainsi  qu'on  le  verra  ci-après,  M.  An- 
drieux,  également  de  Paris,  a  été  le  premier  breveté.  Outre  que,  à  ma 
connaissance,  Dautry  n'a  jamais  été  breveté,  on  sait  par  ce  qui  en  a  été  dit 
au  tome  Iw,  page  33 ,  au  tome  IV,  page  a 55  9  et  au  tome  VII ,  page  s36,  du 
Bulletin  de  la  Société  d'encouragement,  qu'il  s'était  principalement  occupé,  de 
i8o3  à  1808,  de  faire  subir  au  métier  à  bas  rectiligoe  des  transformations 
à  la  vérité  ingénieuses,  mais  qui,  je  crois,  n'ont  laissé  aucune  trace  utile, 
et  parmi  lesquelles  se  faisait  surtout  remarquer  la  disposition  verticale  de 
divers  équipages  placés  les  uns  au-dessus  des  autres  sur  deux  tiges  de  fer 
très-fortes,  solidement  établies,  etc. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  435 

mier  introduit  en  France  la  fabrication  mécanique  des  bas 
à  mailles  fixes,  coloriés  et  façonnés,  sur  un  métier  pour  le- 
quel il  se  fit  breveter  le  5  novembre  1812  1;  enfin  les  deux 
métiers  d'Etienne  Favreau  servant  à  fabriquer  les  tricots  sans 
envers  (1820  et  i8a3)2,  au  moyen  d'un  double  jeu  d'ai- 
guilles à  crochets  simples,  ou  d'un  seul  rang  d'aiguilles  à 
crochets  doubles ,  fonctionnant  au  moyen  d'un  peigne  à  dents 
ou  pointes  simples  pour  assurer  le  passage  alternatif  des  mailles 
d'un  système  de  crochets  à  l'autre,  sans  aucun  doute  par  imi- 
tation du  retournement  de  chaque  rang  de  mailles  dans  le 
tricotage  à  la  main,  et  probablement  aussi  de  ce  qui  avait 
été  pratiqué  déjà  dans  les  anciens  métiers  à  bas  français,  où 
le  mécanisme  des  ondes  était  supprimé  et  remplacé  par  des 
combinaisons  diverses. 

Je  n'ai  pas  mentionné,  dans* cette  énumération  rapide,  la 
tentative  faite  en  18205  par  M.  Cochet  (Joseph-Marie),  bon* 
netier  à  Lyon ,  pour  l'application  d'un  arbre  inférieur  à  cames 
et  manivelle  au  métier  à  tricot,  dit  à  la  Jolivet  et  à  la  Sar- 
razin;  métier  dont,  comme  on  l'a  vu,  la  barre  à  aiguilles  ou 
de  la  grande  fonture  est  mobile  de  l'arrière  à  l'avant,  au  lieu 
d'être  fixe,  ainsi  que  dans  les  anciens  métiers  à  bas  :  car  non- 
seulement  cette  application,  fort  grossièrement  indiquée  dans 
le  brevet,  est  de  beaucoup  postérieure  à  celle  des  mécaniciens 
Àubert  et  Favreau;  non-seulement  elle  est  accompagnée  du 
prompt  usé  des  crochets  d'aiguilles  glissant  contre  l'arête 
aiguë  de  la  barre  à  presser;  mais  encore  elle  n'offre,  au  point 
de  vue  mécanique,  aucune  particularité  qui  la  distingue  d'une 
manière  essentielle,  d'autant  qu'on  n'y  aperçoit  nullement  le 

1  Ancienne  Collection  imprimée,  t.  VII,  p.  i38,  pi.  9. 

*  Le  tome  XIX,  page  57,  planche  189,  et  le  tome  XXIII,  page  3, 
planche  2 56,  du  Bulletin  de  la  Société  cC  encouragement  contiennent  la  des- 
cription, par  M.  Hoyeau,  de  ces  derniers  métiers  de  l'honorable  Favreau, 
mécanicien  de  Paris,  dont  le  début  date  de  1773,  et  qui,  victime,  comme 
Grégoire,  de  Nîmes,  d'une  active  et  infatigable  imagination,  reçut,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-douze  ans  seulement  une  pension  annuelle  de  800  francs., 
également  prélevée  snr  la  fondation  Bapst. 

3  Brevets  imprimés,  t.  XXI,  p.  95,  pi.  ih. 

38. 


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436  VI-  JURY. 

mécanisme  à  l'aide  duquel  se  fait  la  distribution  et  la  cueille 
du  fil  sur  les  aiguilles. 

J'ignore  absolument  quelles  traces  ont  laissées  dans  l'indus- 
trie ces  divers  métiers  ou  machines,  qui,  en  vue  d'établir 
contre  les  fabricants  anglais  une  lutte  alors  devenue  impos- 
sible par  l'oubli  des  anciennes  traditions,  ont  si  vivement 
préoccupé,  au  commencement  de  ce  siècle,  la  r?*  classe  de 
l'Institut  de  France,  à  laquelle  MM.  Coulomb,  Perrier  et  Des- 
marest  servaient  d'interprètes  ou  de  rapporteurs,  puis  subsé- 
quemment  la  Société  d'encouragement,  dont  les  Bulletins  con- 
temporains ne  contiennent  malheureusement  pas  tous  les 
éclaircissements  ou  indications  historiques  nécessaires  pour 
caractériser  la  valeur  et  la  nouveauté  de  chaque  combinaison. 
A  l'exception  de  celles  du  métier  à  manivelle  de  Favreau  et 
du  métier  à  maille  fixe  de  Chevrier,  aucune,  à  ma  connais- 
sance, de  ces  combinaisons  n'a  en  effet  été,  de  la  part  de 
leurs  auteurs,  l'objet  de  brevets  d'invention  ou  de  perfec- 
tionnement; ce  qui  semblerait  bien  indiquer  que  la  plupart 
des  procédés  mécaniques  dont  il  s'agit  étaient  depuis  plus 
ou  moins  de  temps  tombés  dans  le  domaine  public,  et  ne 
concernaient  que  de  simples  applications  ou  modifications  de 
procédés  déjà  bien  connus  et  répandus  dans  les  ateliers. 

A  l'égard  du  système  à  manivelle  appliqué  par  le  mécani- 
cien Favreau  à  l'ancien  métier  à  bas ,  il  comportait  une  com- 
binaison de  pièces  nombreuses,  compliquées,  et  dont  la  plus 
intéressante  par  sa  nouveauté  consistait  dans  le  mode  d'ap- 
provisionnement et  de  distribution  automatique  du  fil  sur  les 
aiguilles ,  au  moyen  d'un  chevalet  curseur  à  tube  de  suspen-. 
sion  offrant,  dans  ses  allées  et  venues  alternatives,  une  cer- 
taine analogie  avec  le  mécanisme  de  l'ancien  chevalet  à  chute 
de  platines,  déjà  imité,  dans  un  but  semblable,  parMM.Moor 
et  Armitage,  de  Paris.  Par  des  perfectionnements  apportés  au 
métier  à  bas  ordinaire  et  moyennant  diverses  combinaisons  ou 
jeux  d'aiguilles ,  de  peignes  à  râteaux  empruntés  aux  machines 
anglaises,  ces  derniers  artistes  prétendaient  imiter  le  réseau  de 
dentelle  à  l'aide  d'une  succession  d'opérations  qui  n'offraient 


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MACHINES  ET  OUTILS.  437 

d'ailleurs  aucun  des  caractères  automatiques  présentés  par  le 
métier  à  rotation  continue  dont  il  vient  d'être  parlé,  et  pour 
lequel ,  en  effet ,  il  a  été  délivré ,  le  8  mars  1 8o5,  à  MM.  Etienne 
Favreau  et  Louis Thiébault  aîné,  de  Paris,  un  brevet  d'inven- 
tion de  quinze  ans  1,  véritable  point  de  départ  du  métier  à 
deux  bas  également  cité,  le  même  enfin  qui,  après  avoir  été 
favorablement  accueilli  en  1811  par  l'Institut  pour  ses  utiles 
perfectionnements,  fut  déposé  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers,  où,  si  je  ne  me  trompe,  il  existe  encore,  mais  sans 
nom  d'auteur. 

A  la  vérité,  Favreau  avait  été  devancé,  pour  la  production 
d'un  métier  à  tricot  automate  et  à  manivelle,  par  le  mécani- 
cien Aubert,  de  Lyon,  qui  obtint  une  médaille  d'or  et  6,000  fr. 
de  récompense  à  l'Exposition  nationale  de  l'an  x  (i8o3); 
mais  ce  dernier  métier,  bien  qu'il  ait  fortement  excité  l'atten- 
tion du  public,  n'accomplissait,  dit-on,  que  quatre  mouve- 
ments au  lieu  de  douze,  et  ne  produisait  que  du  tricot  à  chaîne , 
dont  il  ne  saurait  être  ici  encore  question2. 

1  Collection  imprimée,  t  VIII,  p.  1 4a ,  pi.  2 1 .  Le  métier  i  distributeur  de 
fils  de  MM.  Moor  et  Armitage  est  décrit  à  la  page  162  du  tome  III  du  même 
recueil,  et  porte  la  date  du  21  février  i8o4;  mais  il  n'a  que  des  rapports 
fort  éloignés  avec  celui  du  mécanicien  Favreau. 

'  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement,  t.  Pr,  p.  33,  et  t.  VIII  (1809), 
p.  237.  On  y  lit  seulement  que  le  métier  de  M.  Aubert,  déposé  au  Con- 
servatoire de  Paris,  comportait  trois  barres  mobiles  :  Tune,  à  aiguilles  hori- 
zontales, servant  à  recevoir  les  fils;  l'autre,  à  platines  verticales  munies  de 
crochets  pour  l'abatage,  etc.;  la  troisième,  à  platinettes  verticales  percées, 
pour  recevoir  les  fils  de  la  chaîne,  et  animée,  comme  la  seconde,  d'un 
déplacement  alternatif  et  latéral  réglé  par  une  roue  de  divisions  i  vis;  ces 
déplacements ,  ainsi  que  celui  d'avance  et  de  recul  alternatifs  de  la  barre  à 
aiguilles,  étant  produits  par  trois  leviers  oscillant  sous  l'action  de  cames 
adaptées  à  l'arbre  inférieur  d'une  manivelle.  C'est  ce  système  que  l'auteur 
a  perfectionné  en  1809,  et  pour  lequel  il  a  pris,  en  1819  seulement,  un 
brevet  de  cinq  ans,  publié  au  tome  XI,  page  292,  de  la  Collection  impri* 
mée,  dont  les  descriptions  purement  verbales  sont  insuffisantes,  .d'ailleurs, 
pour  faire  apprécier  le  mérite  et  le  caractère  de  nouveauté  du  métier,  par 
rapport  aux  plus  anciens  de  la  même  espèce. 

Toutefois,  cette  observation  ne  porte  que  sur  la  disposition  particulière 
du  mécanisme  articulé  des  différentes  barres,  et  nullement  sur  l'antériorité 


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438  Vr  JURY. 

Tandis  que  le  jury  de  Tan  x  décernait  une  médaille  d'or 
au  métier  du  mécanicien  Aubert,  de  Lyon,  il  n accordait 
qu'une  simple  mention  honorable  au  métier  à  bas  de  M.  Jean- 
deau,  de  Liancourt,  également  remarqué  du  public1  pour  le 
caractère  original  «de  solidité  et  de  simplicité  des  divers  méca- 
nismes, dont  les  fonctions,  si  elles  ne  s'accomplissaient  point 
d'une  manière  continue  et  automatique ,  offraient  néanmoins 
des  particularités  essentielles,  mises  depuis  à  profit  dans 
d'autres  machines  ou  tricoteurs  continus.  Dans  ce  dernier  mé- 
tier, breveté  en  mars  (i8o3)2,  le  système  ancien  des  platines 
à  ondes  destinées  à  cueillir,  à  plisser  le  fil  par  leurs  chutes 
successives,  se  trouvait  remplacé  par  un  ingénieux  équipage  à 
chariot,  poussé  à  la  main  le  long  d'une  coulisse  en  cuivre, 
placée  au-dessus  de  la  rangée  horizontale  d'aiguilles  à  crochets 
ordinaires  et  portant  de  petites  roues  à  ailettes  obliques  qui, 
dans  leur  rotation  alternative,  l'une  pendant  l'allée,  l'autre  pen- 
dant le  retour  du  chariot,  servaient  à  abaisser  progressivement 
le  fil  jeté  à  la  main  sur  le  corps  des  aiguilles ,  tout  en  les  fai- 
sant glisser  latéralement  sous  les  crochets,  que  fermait,  à  la 
fin  de  chaque  course,  une  presse  à  platines  d'un  caractère 
tout  particulier. 

Tel  est  en  effet,  si  je  ne  me  trompe ,  avec  le  système  à  mani- 
velle et  à  tube  distributeur  de  Favreau,  le  point  de  départ  d'une 
succession  de  machines  à  tricots  que,  à  partir  du  métier  droit 


d'application  qu'on  aurait  faîte  du  mouvement  continu  ou  automatique  aux 
métiers  à  tricot  en  général  ;  car  il  est  incontestable  que  les  Anglais  nous  ont 
précédés  à  cet  égard  comme  à  tant  d'autres,  ainsi  qu'on  peut  s'en  con- 
vaincre par  la  patente  délivrée  en  1 791,  sous  le  n°  i8so,  à  William  Dawson, 
fabricant  d'aiguilles  à  Nottingham,  poufi,  une  machine  à  chaîne  et  à  cintre 
marchant  aussi  par  la  rotation  imprimée  à  une  manivelle  établie  sur  un 
arbre  coudé  supérieur,  et  avant  pour  objet  la  production  de  tricots  à  jour 
de  dénominations  diverses,  sans  en  excepter  même  les  tulles,  les  bas,  la 
dentelle,  également  énumérés,  selon  la  constante  habitude  des  patentés 
anglais»  qui  craignent  toujours  d'omettre  quelque  application  possible  ou 
impossible  de  leurs  découvertes. 

1  Bulletin  de  la  Société  a* encouragement,  t.  XXXIII,  article  déjà  cité. 

*  Collection  imprimée,  t.  II,  p.  aoo. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  439 

de  l'horloger  Julien  Leroy,  de  Paris  (1808),  qui  l'appela  trico- 
teur français  l ,  nous  avons  vu  surgir  en  France  ;  machines 
toutes  fondées  sur  l'ingénieux  principe  des  roues  mailUuses, 
presseuses,  etc.,  dont,  un  peu  plus  tard  (i8i5,  1819  et  1821), 
M.  Ândrieux,  autre  habile  mécanicien  de  Paris,  fit  l'heureuse 
application  à  un  tricoteur  circulaire  sans  fin,  marchant  par  ma- 
nivelle autour  de  l'arbre  central  de  la  machine2,  perfection- 
née encore,  dans  ses  organes  ou  dispositions  fondamentales, 
par  un  grand  nombre  d'autres  mécaniciens  français,  très- 
habiles,  au  nombre  desquels  se  distinguent  principalement 
MM.  Braconnier  (i834)>  Gillet  et  Coquet  (i845),  Donine 
(i846),  Berthelot  (  i85o),  appartenant  presque  tous  à  la  ville 
de  Troyes,  si  célèbre  pour  la  fabrication  de  la  bonneterie,  et 
où  l'on  est  parvenu ,  grâce  aux  derniers  perfectionnements  de 
M.  Jacquin  et  d'autres,  à  faire  produire  au  métier  circulaire, 
par  le  moyen  d'une  roue  de  presse  à  dents  ou  platinettes  mo- 
biles, des  ornements  ou  dessins  divers  sur  les  tricots  jusque- 
là  obtenus  par  dés  dispositions  plus  simples  s. 

Malheureusement,  comme  on  sait,  ce  genre  de  fabrication 
des  tricots  en  nappes  cylindriques  et  continues  a  l'inconvé- 
nient de  ne  pouvoir  s'accommoder  à  la  plupart  des  usages 

1  Collection  imprimée,  t.  X,  p.  209. 

5  Ibid.  t.  XX,  p.  300,  pi.  12,  et  t.  XIX,  p.  3i,  dont  les  planches  10 
et  11  sont  spécialement  relatives  a  la  fabrication  de  certains  tissus  de 
laine  au  moyen  d'un  métier  pour  lequel  M.  Andrieux,  il  faut  le  dire, 
avait  été  devancé  par  MM.  Pinet,  Demenon,  Fabre  et  Pontus,  à  Paris  f 
qui  prirent  en  commun,  le  93  octobre  1818,  pour  un  tricoteur  français, 
un  brevet  de  perfectionnement  tenu  secret  pendant  quinze  années,  et  of- 
frant, en  effet,  un  grand  nombre  de  perfectionnements  ingénieux  et  très- 
importants.  (Voyez  le  tome  XXVII,  page  84,  planche  1 4,  de  la  Collection 
des  brevets  expirés.) 

3  Pour  les  développements  indispensables,  et  que  mérite  certainement 
l'importance  de  plus  en  plus  appréciable  de  cette  nouvelle  branche  d'in- 
dustrie mécanique  relative  aux  arts  textiles,  je  renverrai  à  l'excellent  et 
consciencieux  article  historique  inséré  par  M.  Armengaud  aîné  aux  pages  3g3 
à  43 1  du  tome  VII  (i85i)  de  sa  Publication  industrielle,  où  se  trouvent  par- 
ticulièrement décrits  les«iétiers  à  tricot  circulaire  récents  de  MM.  Fouquet 
et  Motte,  Jacquin  et  Berthelot,  de  Troyes. 


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440  Vf  JURY. 

vestiaires  sans  exiger  un  découpage  et  des  remmaillages  où 
coosages  ultérieurs ,  défavorables  à  la  solidité  comme  à  l'élasti- 
cité du  tissu ,  et  qu'on  m  rencontre  pas  au  même  degré  dans  les 
bas  obtenus  sur  le  métier  droit  à  ondes  et  platines  ordinaires, 
où  les  rétrécissements,  les  renversements  de  mailles,  s'opèrent 
avec  une  très-grande  facilité  et  sans  rien  changer,  pour  ainsi 
dire,  au  mode  ordinaire  de  fabrication.  Ce  fait  suffit  seul  pour 
expliquer  comment,  malgré  l'état  de  perfection  des  nouvelles 
machines,  les  fabricants  de  bas  en  particulier  s'en  tiennent 
généralement  encore  à  cet  ancien  et  admirable  métier,  d'ail- 
leurs si  fatigant  pour  l'ouvrier,  si  nuisible  à  sa  santé  par 
l'exercice  continuel  des  muscles  pectoraux ,  employés  à  faire 
avancer  et  reculer  alternativement  l'équipage  à  chariot  des 
platines  à  ondes,  etc.  On  conçoit  aussi  comment  ces  mêmes 
fabricants  ont  constamment  résisté  à  se  servir  des  remarquables 
combinaisons  présentées,  anciennement  déjà,  par  les  Jean- 
deau,  les  Viardot,  les  Bellemère,  les  Favreau,  etc. ,  qui,  il  faut 
bien  le  dire,  ne  présentaient,  au  point  de  vue  économique  de 
la  fabrication  des  bas,  aucun  des  avantages  que  les  bonnetiers 
trouvent  aujourd'hui  dans  l'emploi  des  métiers  circulaires 
pour  la  fabrication  d'objets  moins  compliqués  de  forme,  tels 
que  bonnets,  jupons,  gilets,  camisoles,  caleçons,  etc. 

L'Exposition  universelle  de  Londres  contenait  un  certain 
nombre  de  machines  intéressantes  appartenant  à  la  catégorie 
qui  nous  occupe,  parmi  lesquelles  le  VIe  Jury  a  plus  particu- 
lièrement distingué  :  celles  de  MM,  Carver  père  et  fils,  de 
Nottingham,  dans  le  système  ancien  ou  ordinaire,  mais  d'une 
construction  et  d'un  fini  vraiment  remarquables;  une  petite 
machine  de  MM.  Whitworth,  de  Manchester,  servant  à  tricoter 
la  laine  d après  un  principe  originaire  d'Amérique,  et  qui 
consiste  dans  l'emploi  d'un  arbre  moteur  à  manivelle,  muni 
de  cames  fermées  qui  donnent  le  mouvement  à  autant  de 
petitçs  bielles  exécutant  une  à  une  les  mailles  du  tricot.  Cest, 
comme  le  fait  remarquer  M.  Willis  dans  son  Rapport  sur  l'Ex- 
position de  Londres,  un  spécimen  de  Habileté  des  construc- 
teurs anglais ,  et  qui  n'avait  pour  pendant  que  le  petit  métier 


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MACHINES  ET  OUTILS.  441 

à  tricoter  les  bourses  présenté  par  M.  Laneuville,  de  Paris, 
dans  le  compartiment  des  machines  françaises. 

Les  deux  métiers  à  tricot  circulaire  exposés  par  M.  Claussen, 
de  Londres,  et  les  trois  métiers  semblables  de  M.  Jacquin,  de 
Troyes,  tous  établis  sur  le  principe  des  roues  tournantes  à 
cueillir  et  abattre,  ont  particulièrement  attiré  l'attention  du 
Jury  par  le  fini  de  l'exécution  et  l'identité  pour  ainsi  dire  abso- 
lue de  la  constructiod. 

La  machine  à  tricot  circulaire  et  cannettes  verticales  alimen- 
taires exposée  par  M.  Berthelot,  de  la  même  ville  de  Troyes, 
se  distinguait  des  précédentes  par  un  caractère  particulier  de 
solidité,  des  combinaisons  toutes  spéciales  dans  la  disposition 
horizontale  du  mécanisme;  la  mailleuse  ordinaire  étant  ici 
remplacée  pat1  une  couronne  mobile,  concentrique  à  Taxe, 
ondulée  en  dessus  et  opérant  le  plissage  et  le  cueillage  du  fil 
au  fur  et  à  mesure  de  la  distribution ,  par  l'abaissement  de 
platines  qui  le  poussent  et  le  maintiennent  sous  les  becs  jus- 
qu'après le  passage  de  la  roue  presseuse,  c'est-à-dire  jusqu'à 
l'instant  où  la  maille  du  tricot  vient  à  s'abattre  sur  la  maille 
nouvelle  ou  inférieure.  Cette  disposition  caractéristique  per- 
met d'ailleurs  d'employer  sans  préparation  particulière  les 
fils  de  lin  et  de  soie,  de  faire  usage  de  roues  de  presse  à 
dentures  interrompues  pour  varier  les  dessins  à  volonté,  et 
notamment  de  serrer  et  desserrer,  aussi  à  volonté,  les  plis  et 
les  aiguilles,  chose  difficile  dans  les  machines  précédentes. 

Enfin  M.  Jouve,  de  Molenbeck  (Brabant),  présentait,  parmi 
une  variété  dkutres  machines  sans  rapport  direct  avec  celles 
qui  ressortent  du  VIe  Jury,  un  petit  métier  circulaire  pour 
la  fabrication  des  tricots  en  laine  et  coton,  disposé,  si  je  ne 
me  trompe,  d'après  le  système  pour  lequel  ce  mécanicien 
s'est  fait  breveter  à  Bruxelles,  en  novembre  1842,  sous  le  titre 
de  métier  tricoteur  multiple  }. 

En  terminant ,  je  crois  devoir  faire  remarquer  que  les  mé- 
tiers à  tricot  circulaire,  malgré  le  caractère  automatique  et 

1  Ârmengaud,  Publication  industrielle,  t  VII,  p.  4o3. 


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442  VT  JURY. 

de  production  à  bon  marché  qu'ils  présentent,  n'avaient  pas, 
jusqu'à  l'Exposition  universelle  de  Londres,  obtenu  beaucoup 
de  crédit  en  Angleterre.  Or,  il  ne  parait  pas  qu'il  doive  en 
être  ainsi  à  l'avenir,  si  l'on  en  juge  par  la  tentative  d'impor- 
tation faite  à  propos  de  cette  Exposition  par  M.  Claussen 
(Peter),  'lui-même  auteur  de  quelques  combinaisons  de  ce 
genre  dont  il  me  serait  impossible  ici  d'apprécier  le  mérite 
absolu,  mais  qui  ne  semblent  pas  suffire  pour  justifier  l'octroi 
d'une  médaMIe  équivalente  à  celle  de  MM.  Jacquin  et  Berthe- 
lot ,  s'appliquant  à  une  machine  également  construite  à  Troyes, 
ce  dont  on  avait  .prévenu  les  membres  du  VI*  Jury,  qui, 
malgré  cet  avis ,  passèrent  outre ,  par  le  motif,  alors  difficile  à 
contrôler,  que  l'invention  du  métier  à  tricot  circulaire,  d'ori- 
gine véritablement  anglaise,  serait  due  au  célèbre  ingénieur 
Brunel,  de  Chelsea.  Il  suffit,  en  effet,  de  consulter  le  titre 
de  la  patente  délivrée  le  i5  mars  1816  à  ce  même  ingénieur 
pour  s'assurer  du  contraire,  car  on  y  lit  que  la  machine,  déjà 
connue  sous  le  nom  de  tricoteur,  appartient  à  un  étranger  non 
résidant  en  Angleterre  (certain  foreigner  residing  abroad)  ;  ce  qui 
ne  peut  s'appliquer  évidemment  qu'à  M.  Andrieux  de  Paris, 
dont,  comme  on  l'a  vu,  le  tricoteur  sans  fin  circulaire,  breveté 
dès  l'année  181 5,  contient  les  premiers  éléments  de  solution 
de  ce  genre,  si  Ton  en  excepte  toutefois  l'ingénieuse  lanterne 
maiïleuse  de  l'horloger  Leroy,,  antérieure  de  sept  années,  et, 
qui,  bien  que  s  appliquant  au  métier  à  bas  rectiligne ,  doit  être 
considérée  comme  renfermant  l'idée  première  et  vraiment 
originale  du  système.  * 

CHAPITRE  IV. 

MACHINES  ET  MÉTIERS  X  CHAINE,  SPÉCIALEMENT  DESTINES  X  LA  FA^RICATJO* 
DES  TISSUS  RÉTICULES,  NOUES  OU  DIVERSEMENT  ORNES,  TELS  QUE  FILETS. 
TULLES  ET  DENTELLES. 

L'histoire  des  machines  de  cette  espèce  est  fort  obscure, 
comme  on  a  déjà  pu  s'en  apercevoir  dans  ce  qui  précède  : 
aussi  nai-je  pas  la  prétention  de  la  débrouiller  complètement 


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MACHINES  ET  OUTILS.  443 

et  comme  elle  le  mériterait  au 'point  de  vue  technique  ou 
théorique;  non  que  je  ne  sente  toute  l'importance  d'une  in- 
dustrie dont  les  produits  se  comptent  par  centaines  de  mil- 
lions, mais  bien,  ainsi  que  j'en  ai  averti  au  commencement 
de  cette  Section ,  faute  de  temps  et  de  documents  assez  précis 
pour  permettre  de  faire  la  part  exacte  de  chaque  inventeur. 
Car,  pour  ce  qui  est  des  brevets,  patentes  et  autres  écrits 
technologiques  relatifs  à  cette  intéressante  partie  de  la  fabri- 
cation des  tissus,  ils  sont  multipliés  dans  une  proportion  qui 
a  de  quoi  fatiguer  l'attention  et  la  patience  la  plus  robuste, 
à  cause  surtout  de  l'absence  de  toutes  définitions,  de  l'inco- 
hérence des  idées  et  des  nombreux  plagiats  ou  manques  de 
bonne  foi  qu'on  y  rencontre. 

Ainsi,  par  exemple,  vous  ne  trouverez  nulle  part,  si  ce 
n'est  chez  les  patentés  ou  brevetés  du  premier  mérite  sous 
le  rapport  des  idées  et  de  l'invention ,  l'indication  exacte  du 
point,  de  .la  combinaison  des  fils  ou  de  la  nature  du  réseau 
qu'il  s'agit  de  fabriquer  dans  chaque  machine,  dont  la  des- 
cription est  elle-même  presque  toujours  insuffisante  ou  tron- 
quée volontairement  en  ses  parties  les  plus  essentielles.  C'est 
ce  dont,  au  surplus,  je  me  suis  plaint  souvent  déjà  au  sujet 
des  machines  à  tricots  simples  ou  à  mailles  coulantes  diver- 
sement agrafées  et  accrochées,  qui  ont  principalement  fait 
l'objet  des  précédents  paragraphes. 

Les  mots  talle  noué,  blonde,  dentelle,  notamment,  sont  em- 
ployés à  tout  propos  dans  cette  branche  d'industrie  méca- 
nique, sans  qu'on  puisse  savoir  le  genre  réel  des  produits  et 
des  mouvements  que  doivent  accomplir  les  organes  princi- 
paux, les  outils  véritables  de  la  machine.  Le  mot  talle,  en 
particulier,  a  été  mis  en  avant  dans  l'ancienne  Encyclopédie 
comme  indiquant  une  sorte  de  dentelle  qui  ne  se  distinguait 
probablement  de  la  dentelle  proprement  dite  que  par  la  lar- 
geur inusitée  des  bandes  du  tissu ,  et  parce  que  les  mailles 
hexagonales,  fabriquées  par  des  moyens  rapides  et  particu- 
liers, n'y  offraient  pas  la  même  solidité  ni  la  même  compli- 
cation de  travail  que  dans  la  dentelle  aux  fuseaux  à  main;  le 


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444  VP  JURY. 

principal  caractère  de  celle-ci,  si  je  ne  me  trompe,  consis- 
tant dans  le  comme ttage  ou  le  tressage  serré  des  6k,  le  Ion; 
des  différents  côtés  de  l'hexagone,  du  carré  ou  du  losange 
qu'ils  forment  entre  eux.  Tout  ce  qu'on  appelle  tulle  ou  den- 
telle en  dehors  de  cette  définition  est  un  véritable  non-sens, 
sinon  une  supercherie  ou  fausse  imitation  de  ce  genre  pré- 
cieux de  tissu ,  supercherie  dont  on  a  pendant  trop  longtemps 
prétendu  abuser  le  public  lors  des  premières  tentatives  de 
fabrication  mécanique  de  ces  produits  en  coton;  le  propre  do 
vrai  tulle  et  de  la  vraie  dentelle  étant,  il  faut  bien  le  redire, 
d'être  exactement  commis  ou  tressé,  de  ne  point  se  défiler 
au  lessivage,  de  présenter  un  certain  relief  à  la  main,  sans 
pour  cela  offrir  de  nœuds  véritables,  ainsi  que  cela  a  lieu 
dans  les  réseaux  d'ornement  appelés  filets. 

Quant  à  ce  qu'on  nomme  simplement  blonde,  on  sait  qu'il 
ne  s'agit  que  d'un  tissu  à  réseau  beaucoup  plus  léger  et  délicat 
que  le  tulle,  en  fil  de  soie  écrue,  blanche  o*  noire,  rarement 
moulinée  ou  tordue,  quoiqu'à  réseaux  réguliers,  imitant  plus 
ou  moins  bien  ceux  de  la  dentelle,  mais  dont  la  qualité  prin- 
cipale est  l'extrême  légèreté  et  la  grâce  particulière  des  orne- 
ments ou  façons  accessoires. 


S  I*. —  Des  machines  à  fabriquer  les  Glels  d'ornement  et  de  pèche— An- 
ciens mécaniciens  qui  s'en  sont  occupés  :  Hichard  Marck,  Peter  Broéen- 
ton,  Horion  et  Ross,  Barber,  etc.  en  Angleterre;  Jaeqnart  et  Baron,  « 
France.  —  Apparition  de  la  machine  de  ce  dernier  à  l'Exposition  natio- 
nale de  1806;  prix  proposé  par  la  Société  d'encouragement  en  iSosel 
décerné,  en  i85i,  au  mécanicien  Pecqnear;  ses  métiers  à  main  et  auto* 
mates  perfectionnés  par  M.  Zambeaux. 

Je  rappellerai  d'abord  les  tentatives  de  Richard  March,  en 
1784»  pour  fabriquer,  sur  des  métiers  à  marches  et  à  ma- 
nettes ou  poignées  faisant  mouvoir  des  barres  à  aiguilles  et  à 
crochets,  des  tissus  à  réseaux  noués  imitant  la  dentelle,  le 
filet,  etc.,  tissus  dont  il  serait  bien  difficile  de  se  faire  une 
idée  exacte  d'après  les  descriptions  contenues  dans  la  patente 


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MACHINES  ET  OUTILS.  445 

de  cet  auteur,  si  Ton  ne  savait  par  Roland  de  la  Platière  * 
que  déjà  à  cette  époque  ou  fabriquait,  à  la  navette  ou  espèce 
de  broche  chargée  de  fils  et  à  cet  effet  fendue  aux  extrémi- 
tés, des  filets  quadrillés  fort  analogues  à  ceux  des  pécheurs, 
et  susceptibles  de  broderies,  d'ornements  divers  ajoutés  après 
coup  à  l'aiguille.  Mais  le  principal  mérite  de  ces  filets  con- 
sistait, alors  comme  aujourd'hui,  dans  l'extrême  solidité  et 
la  régularité,  sinon  dans  la  finesse  et  le  resserrement  des 
mailles,  réservées  au  réseau  de  la  dentelle  à  fils  multiples 
mais  simplement  commis,  tordus  entre  eux.  Ce  resserre- 
ment, en  effet,  ne  pourrait  guère  se  concilier  avec  la  lenteur 
d'une  fabrication  exécutée  maille  à  maille,  avec  un  seul  fil  de 
trame,  non  plus  simplement  replié,  enlacé  diversement  sur 
•lui-même  à  l'aide  de  longues  aiguilles ,  comme  dans  le  métier 
à  tricot,  mais  bien  rattaché  de  proche  en  proche,  à  chacune 
des  mailles  ou  brides  diagonales  de  la  portion  de  réseau 
déjà  exécutée,  par  un  double  nœud  résultant  du  passage  de  la 
broche  tenue  de  la  main  droite  au  travers  de  cette  maille 
et  d'une  large  boucle  formée  dans  le  fil  de  trame  et  ayant 
pour  appui  le  pouce  de  la  main  gauche,  qui  sert  également 
à  presser,  maintenir  contre  l'index  et  tendre  le  surplus  de  la 
maille  ou  bride  dont  il  s'agit. 

L'art  de  fabriquer  les  filets  de  pêche  remonte,  comme  celui 
des  tissus  à  chaine  et  trame  croisées,  à  la  plus  haute  antiquité  : 
cette  industrie,  en  effet,  à  été  dans  tous  les  temps  l'objet 
de  l'incessante  préoccupation  des  populations  maritimes  au 
milieu  des  loisirs  de  l'hiver;  industrie  dont  on  a  vainement 
jusqu'ici  tenté  de  leur  ravir  le  monopole  ou  la  production  éco- 
nomique à  l'aide  de  machines,  soit  en  Angleterre,  ou  les  Peter 
Brotherston  (1774),  les  William  Horion  et  Ross  (1778),  les 
Robert  Barber  (179a) ,  les  Robert  Brown  (180a) ,  les  Edward 
Newton  (1847), etc.,2  se  firent,  dans  ce  but,  délivrer successi- 

1  Encyclopédie  méthodique  (Arts  et  manufactures),  1. 1,  p.  246  (1785). 
1  Je  ne  cifC  ces  noms  que  d'après  le  catalogue  officiel  des  patentes 
récemment  publié  en  Angleterre. 


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446  VP  JURY. 

veinent  des  patentes,  dont  quelques-unes  avaient  aussi  pour 
objet  la  fabrication  des  filets  à  petites  mailles;  soit  en  France, 
où  la  Société  d'encouragement  fonda  en  Tan  x  (1802)*  c'est- 
à-dire  à  l'origine  même  de  sa  création  *,  un  prix  de  1,000  francs 
pour  la  découverte  d'un  pareil  métier,  prix  bien  minime  eu 
égard  à  la  difficulté  mécanique  à  vaincre,  et  qui  fut  décerné 
à  Jacquart,  de  Lyon,  en  l'an  xn  (i8o4),  non  sans  quelques 
réserves  ou  restrictions  3,  sur  le  vu  d'un  modèle  qui  ne  fonc- 
tionnait pas  d'une  manière  entièrement  satisfaisante,  mais 
que  l'auteur  s'était,  comme  on  Ta  dit  précédemment,  engagé 
à  perfectionner  pendant  son  séjour  à  Paris. 

Malheureusement,  les  choses  en  restèrent  là;  la  Société 
considéra  le  problème  comme  résolu  théoriquement,  tout  en 
reconnaissant  que  le  procédé  manuel,  d'une  surabondante 
complication ,  était  encore  dans  l'enfance.  Au  lieu  de  dore  le 
concours  et  d'encourager  Jacquart  à  prendre  un  brevet  pour 
cet  informe  métier,  ce  qu'il  fit  réellement  en  septembre  1 8o53t 
mais  d'une  manière  obscure  et  très-imparfaite,  il  fallait  dou- 
bler, tripler  le  prix  pour  les  années  suivantes;  de  cette  ma- 
nière, l'ingénieux  métier  de  Buron,  le  mécanicien  de  Bourg- 
theroulde  (Eure),  qui  obtint  la  médaille  d'or  à  l'Exposition 
de  1806,  serait  venu  fortifier  d'un  degré  de  plus  le  sentiment 
de  reconnaissance  dû  à  l'initiative  de  la  célèbre  Société. 

Comment  il  advint  que  le  métier  à  filet  de  pêche  dont  le 
Jury  de  l'Exposition  de  1806  déclarait  que  «  en  soi  très-simple, 
t  il  pouvait  faire  une  rangée  de  1 2  nœuds  en  1 2  secondes;  qu'il 
t  en  ferait  davantage  en  augmentant  la  largeur  des  filets;  qu'il 
«  s'appliquerait  à  toutes  les  largeurs  de  mailles  et  ^  toutes  les 
«grosseurs  de  fils;  qu'il  neiigeait  de  la  part  de  l'ouvrier 
«  qu'un  petit  nombre  de  mouvements  faciles,  donnant  le  véri- 
■  table  nœud  de  filet;  qu'enfin  il  pouvait  procurer  une  grande 
«économie  de  main-d'œuvre4;  »  comment,  dis-je,  il  advint 

1  Bulletin  de  la  Société  £  encouragement,  t.  Iw,  p.  5  et  5  a. 

1  iftid.«3*  année,  p.  109  et  i65  (1"  édition). 

*  Collection  des  brevets  expirés,  t  VIII,  p.  2 38 ,  pi.  20.     * 

4  Voyez  le  rapport  de  M.  Costaz,  page  1 43 ,  publié  en  1806  et  dont  on 


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MACHINES  ET  OUTILS.  447 

que  cette  machine  de  Duron,  déposée  dans  les  galeries  du 
Conservatoire  des  arts  et  métiers,  ainsi  qu'un  autre  modèle 
de  plus  grande  dimension ,  tous  deux  payés  et  gratifiés  par 
le  Gouvernement,  aient  été  mutilés  et  soient  aujourd'hui  hors 
d'état  de  fonctionner  ainsi  qu'ils  le  faisaient  autrefois,  je 
l'ignore  complètement  et  le  regrette  d'autant  plus,  avec  tous 
les  amis  éclairés  de  la  science  et  de  l'industrie  mécanique, 
que  l'un  d'eux  fut  complètement  restauré  par  feu  Pecqueur, 
à  une  époque  déjà  fort  ancienne,  il  est  vrai,  mais  qu'il  me 
serait  impossible  de  préciser,  et  que  cette  restauration,  digne 

extrait  se  trouve  transcrit  à  la  page  249  du  tome  V  du  Bulletin  de  la  Société 
à* encouragement,  où  le  sentiment  énoncé  ci-après,  relativement  à  l'opportu- 
nité qu'il  y  aurait  eu  de  prolonger  le  concours ,  est  conforme  à  l'opinion 
émise  à  trente -deux  ans  d'intervalle  par  cet  éminent  et  célèbre  homme 
d'État,  rapporteur  de  l'Exposition  de  1806,  et  qui,  dans  la  séance  du  28  mars 
i838  de  la  même  Société  (t.  XXXVII,  p.  191),  proposa  de  publier,  tout 
au  moins,  la  machine  de  Buron  par  la  voie  du  Bulletin.  Mais,  j'ai  le  regret 
de  le  dire,  sur  l'observation  que  divers  artistes  s'étaient  également  occupés 
de  semblables  machines,  et  que  l'habile  mécanicien  Pecqueur  avait  pré- 
senté à  l'Exposition  de  i834  un  autre  métier  à  fabriquer  le  filet  de  pèche, 
bien  que  sans  analogie  de  moyens  mécaniques  avec  celui  de  Buron  et 
encore  moins  avec  celui  de  Jacquart,  il  ne  fut  donné  aucune  suite  à  cette 
proposition  du  baron  Gostaz. 

Un  pareil  dédain  des  anciens  procédés  ou  tentatives  mécaniques  suscep- 
tibles d'offrir  d'utiles  enseignements  aux  générations  actuelles  ou  futures, 
ce  dédain,  aujourd'hui  presque  universel,  suffit  pour  expliquer  comment 
la  machine  de  Buron  est,  ainsi  que  tant  d'autres,  demeurée  à  peu  près 
incomprise  et  abandonnée.  Cependant  je  dois  rappeler  que,  onze  années 
après  le  rejet  de  la  proposition  Gostaz,  Y  honorable  et  savant  M.  Jomard,  de 
l'Institut  de  France,  étant  venu ,  à  son  tour,  appeler  l'attention  de  la  Société 
d'encouragement  sur  notre  infériorité  à  l'égard  de  la  fabrication -des  filets 
à  réseaux  noués,  et  le  préjudice  qui  en  résultait  pour  nos  grandes  pêcheries 
maritimes,  un  nouveau  programme  fut  publié,  avec  l'annonce  d'un  prix  de 
3,ooo  francs  (l  XXXIV,  i845,  p.  220,  3o6  et  3o8).  Mais  déjà  Pecqueur 
avait  pris  son  premier  brevet  d'invention  pour  les  filets  de  passementerie , 
et  le  concours,  successivement  prorogé  de  deux  en  deux  années,  n'a  pro- 
duit, à  ma  connaissance,  d'autres  résultats  que  ceux  déjà  obtenus  par  les 
remarquables  travaux  de  cet  ingénieur,  mentionnés  dans  le  texte  ci-dessus, 
et  auxquels,  de  guerre  lasse  sans  doute,  la  Société  a  accordé  en  1861  le 
prix  de  3,ooo  francs,  qu'il  eût  fallu  tout  aussitôt  doubler  encore,  afin  d'ar- 
river à  des  résultats  véritablement  pratiques  et  d'une  application  générale. 


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448  VP  JURY. 

d'an  aussi  intelligent  et  savant  mécanicien,  le  conduisit,  en 
1839,  à  prendre  un  brevet  d'invention  pour  un  petit  métier 
à  filets  de  passementerie  ou  de  nouveauté  établi  d'après  un 
tout  autre  principe,  et  sur  lequel  une  ouvrière  habile  pou- 
vait faire  de  six  fois  à  dix  fois  plus  d'ouvrage  qu'en  travaillant 
à  la  manière  ordinaire. 

Dans  ce  petit  métier,  on  se  servait ,  comme  dans  ceux  de 
Jacquart  et  de  Buron,  d'une  chaîne  et  d'ensouples  qui,  au 
lieu  d'être  absolument  fixes  et  horizontales,  offraient,  dans  un 
plan  vertical,  une  suspension  à  châssis  légèrement  mobile, 
ainsi  que  tous  les  mécanismes  qui  en  dépendent.  Au  lieu  de 
navettes  alternativement  montantes  et  descendantes,  portées 
par  des  boîtes  à  chariot  horizontales,  comme  dans  le  métier 
Jacquart,  ou  de  bobines  verticales  chargées  de  fils  de  trame 
servant  au  nouage  des  boucles  et  des  fils  de  chaîne  tirés  par 
les  crochets  d'un  tourniquet,  à  va-et-vient  horizontal,  qui,  si 
je  ne  me  trompe,  s'aperçoit  encore  dans  les  métiers  Buron, 
M.  Pecqueur  employait  des  navettes  antérieures  en  talus,  con- 
duites d'une  façon  toute  particulière  au  travers  des  boucles 
formées  et  retenues  par  une  rangée  de  crochets  émérillons 
tournant  à  crémaillère  et  pignons  sous  la  main  de  l'ouvrier, 
appliquée  à  la  poignée  d'une  boîte  ou  traverse  horizontale 
antérieure  suspendue  au  bas  des  tiges  verticales  d'unç  bascule 
à  contre-poids  d'équilibre,  analogue  à  celle  qui,  soumise  à 
l'action  d'une  pédale,  sert  à  suspendre  l'équipage  même  de  la 
chaîne,  dont,  à  son  tour,  la  partie  inférieure  est  saisie  par  une 
barre  à  crans  ou  crochets  vers  le  point  où  se  forme  simulta- 
nément la  rangée  des  nœuds,  etc. 1. 

Plus  tard,  en  juin  1849  et  jusqu'en  septembre  i85i,  c'est- 
à-dire  peu  de  temps  avant  sa  mort,  Pecqueur  s'était  occupé 
de  la  construction  d'une  machine  à  fabriquer  les  grands  filets 
de  pèche  par  des  mouvements  purement  automatiques,  fort 
lents  d'ailleurs,  et  accomplis  au  moyen  de  cames  fermées, 

1  Ancienne  Collection  des  brevets  expirés,  t.  LXXXVI,  p.  507  à  517, 
pi.  3o. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  449 

agissant  sur  des  leviers,  des  bascules  inférieure  ou  supérieure 
à  contre-poids,  et  faisant  aussi  marcher  la  rangée  horizontale 
d'éinérillons  tordeurs  ou  boudeurs,  les  crochets-peignes  et 
noueurs,  enfin  les  navettes,  inclinées  sur  une  bascule  infé- 
rieure pivotante,  dont  le  passage  au  travers  des  boucles  forme 
et  serre  la  rangée  correspondante  de  nœuds,  les  mailles  allant, 
au  fur  et  à  mesure  de  la  fabrication,  s'enrouler  sur  une  en- 
souple  à  contre-poids  située  au-dessus  mais  en  arrière  du  point 
où  le  travail  s'exécute,  taudis  que  les  fils  de  la  chaîne,  tendus 
dans  un  plan  incliné  à  l'horizon,  se  déroulent  d'une  autre 
ensouple  plus  élevée,  plus  reculée  encore  vers  la  partie  pos- 
térieure du  métier,  etc. 

Je  n'insisterai  pas  davantage  sur  la  remarquable  et  origi- 
nale'constitution  de  cette  grande  et  automatique  machine, 
fondée,  comme  celles  de  Jacquart  et  de  Buron,  sur  le  prin- 
cipe d'une  double  chaîne  ;  principe  nouveau ,  je  crois ,  en  1 802 
et  1806,  où  ce  genre  de  machines  apparut  chez  nous.  Je  ren- 
verrai aux  consciencieuse  et  lumineuses  descriptions  que 
Pecqueur  a  données  de  sa  propre  machine  dans  un  brevet 
avec  additions  qu'il  a  pris  en  France l  les  1er  juin  1849  et  6  sep- 
tembre i85i,  brevet'  reproduit,  à  la  date  du  3o  août  1849, 
dans  une  patente  délivrée  en  Angleterre,  où  la  machine  dé 
notre  regrettable  compatriote  a  été  immédiatement  appréciée 
et  utilisée,  tandis  qu'elle  est  à  peine  connue  dans  sa  patrie, 
si  ce  n'est  par  la  description  succincte  qui  en  a  été  donnée 
dans  le  Mechanics  magazine  de  mars  i85o. 

Je  ferai  pourtant  remarquer  que  M.  Zambeaux,  neveu  de 
Pecqueur  et  constructeur  mécanicien  à  Saint-Denis,  près  Pa- 
ris, y  a  apporté  récemment  quelques  modifications,  dont  la 
'principale  consiste  dans  l'emploi  de  navettes  à  tendeurs  de 
ficelle,  qui,  étant  enroulée  sur  cinquante  mètres  de  Ion- 

1  Tome  XV,  pages  su  à  221,  planche  20,  de  la  nouvelle  Collection, 
imprimée  sous  le  régime  de  la  loi  de  i844.  Je  ferai  observer  à  regret,  au 
sujet  de  cette  Collection,  que  les  dessins  d ensemble  et  même  de  détails  y 
sont  gravés  avec  une  parcimonie  et  à  une  échelle  de  réduction  qui  les  rendcn  l 
à  peu  près  inintelligibles,  sinon  tout  à  fait  inutiles. 

VI*  JDRT.  —  2*  PARTIE.  29 


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450  Vr  JURY. 

gueur,  dispense  désormais  d'arrêter  le  métier  toutes  les  deux 
ou  trois  minutes,  comme  cela  avait  lieu  auparavant. 

En  terminant  ce  qui  concerne  ce  genre  particulier  de 
machines ,  qui  a  d'ailleurs  fait  en  France  l'objet  de  beaucoup 
d'autres  tentatives  plus  ou  moins  récentes  mais  jusqu'ici  assezr 
peu  fructueuses,  je  ferai  observer  que  les  filets  fabriqués  avec 
une  double  chaîne  d'ensoupies  et  de  navettes,  s'ils  comportent 
le  véritable  nœud  des  filets  de  pèche,  s'ils  offrent  à  certains 
égards  la  même  solidité,  sauf  sur  les  lisières  et  les  points  de 
raccord,  ne  leur  sont  néanmoins  pas  identiques  par  cela 
même  que,  au  lieu  d'un  simple  fil  de  trame  à  circuits  indé- 
finis, ils^comportent  un  nombre  de  fils  longitudinaux  ou 
transversaux  à  peu  près  égal  à  celui  des  mailles;  de  sorte 
qu'on  ne  peut  pas  dire  que,  à  cet  égard  du  moins,  le  pro- 
blème soit  parfaitement  résolu  au  point  de  vue  rigoureux  ou 
mathématique,  ce  qui  d'ailleurs  intéresse  assez  peu  l'indus- 
trie, outre  qu'il  s'en  faut  de  beaucoup  encore  qu'il  le  soit  par 
machine  d'une  manière  suffisamment  économique  ou  com- 
merciale. Par  conséquent,  il  n'y  a  pas  lieu  non  plus  de  s'api- 
toyer, quant  à  présent,  sur  le  sort  des  populations  mari- 
times adonnées  k  ce  genre  de  fabrication  toute  manuelle,  et 
qui  leur  fait  éviter  de  si  longs  chômages. 

S  II.  —  Des  métiers  lyonnais  à  chaîne,  servant  à  fabriquer  les  tulles  à 
mailles  fixes,  brochés,  brodés,  etc.  —  Origine  des  mécaniques  à  pUti- 
nettes  percées  ou  barbins  conducteurs  des  fils  de  chaîne  :  Jedediak  Stratt 
et  Richard  March,  en  Angleterre;  Canton  >  J olive  t.  Cochet  et  Pemxjr, 
Aubert,  en  France.  —  Mobilité  et  flexibilité  des  platinettes  brodeuses  : 
Robert  et  Thomas  Frost,  en  Angleterre;  MM.  Grégoire,  à  Mimes,  Calas  et 
Debmpnh,  George,  à  Lyon,  y  appliquent  la  jacquart  —  Perfectionne- 
ment capital  du  système  des  platinettes  flexibles,  à  Lyon,  par  MM.  Des-  * 
combes,  Degàbriel,  Manigot,  Gabion,  etc.  —  Métiers  à  cantrès  ou  can~ 
nettes,  par  MM.  Ducis,  Cusset,  etc. 

C'est,  je  crois,  à  tort  que  le  catalogue  officiel  des  patentes 
anglaises  fait  remonter  à  1774  et  au  gentilhomme  écossais 
Brotherston,  déjà  plusieurs  fois  cité,  l'invention  du  premier 
métier  à  fabriquer  les  tissus  à  mailles  fixes  ou  nouées;  car  il 


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MACHINES  ET  OUTILS.  451 

ne  s'agissait  là,  comme  on  Ta  vu  dans  un  autre  endroit  (p.  427), 
que  d'un  moyen  de  broder  ou  brocher,  à  l'aide  d'aiguilles  à 
plongeoirs,  ctes  tricots  obtenus  sur  le  métier  à  bas  ordinaire. 
Quant  à  la  fabrication  des  tissus  à  jours,  tels  que  le  tulle  à 
maille  fixe  imitant,  d'une  manière  plus  ou  moins  satisfai- 
sante, le  réseau  de  dentelle,  elle  ne  pouvait  se  passer  facile- 
ment de  l'usage  d'une  chaîne ,  et  l'on  a  vu ,  par  quelques 
notes  ou  passages  du  $  III  du  précédent  chapitre,  combien 
cette  combinaison  a  exercé  la  patience  et  le  génie  de  nos  an- 
cêtres, marchant  sur  les  traces  des  mécaniciens  anglais,  à  da- 
ter d'une  époque  postérieure  de  très-peu  à  celle  de  1759,  où 
Jedediah  Strutt  imaginait  la  mécanique  additionnelle  des  bas 
à  côtes,  je  veux  dire  depuis  l'année  1 778,  où  Richard  March  *, 
pour  la  première  fois,  eut  l'idée  d'adapter  en  avant  de  l'an- 
cien métier  à  bas,  de  Derby,  une  barre  horizontale  à  plomb, 
munie  de  platinettes  verticales  percées  de  troué  en  leurs  som- 
mets, pour  recevoir  isolément  les  fils  d'une  chaîne  à  ensouple 
inférieure,  guidés,  soutenus  intermédiairement  par  des  ba- 
guettes de  fer  horizontale*,  et  auxquels  cette  barre,  à  coulisse 
ou  glissante,  servait  à  imprimer  de  gauche  à  droite,  et  vice 
versa,  certains  déplacements  qui  permettaient  de  combiner 
diversement  ces  fils  avec  le  fil  de  trame,  tout  en  les  soumet- 
tant aux  platines  à  plis  ou  d'abatage  ordinaire. 

Comme  on  l'a  vu  encore,  on  ne  tarda  guère,  spécialement 
en  France,  à  supprimer  entièrement,  sinon  la  grande  fonture 
horizontale  d'aiguilles  à  châsses  et  crochets,  du  moins  l'équi- 
page des  ondes  à  bascules,  remplacé  par  d'autres  combinai- 
sons d'un  jeu  plus  direct  ou  plus  simple;  mais,  je  dois  en 
renouveler  ici  la  remarque,  il  ne  paraît  pas  que  l'on  soit  par- 
venu ainsi,  même  en  doublant  la  rangée  des  platinettes  per- 
cées ou  des  barres  glissantes  qui  les  portent,  à  produire  autre 
chose  que  du  tulle  briqueté  à  mailles  coulantes  ou  diverse- 
ment unies  entre  elles  par  doublement  et  dédoublement  suc- 

1  Voyez  sa  laconique  patente  du  16  mars  *i  778,  publiée  à  Londres  en 
18S6  et  où  Ton  apprend  que  March,  bonnetier,  résidait  alors  à  Temple- 
Bar  (comté  de  Middlesex). 

*9- 


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452  Vf  JURY. 

cessifs  des  Gis,  on  par  leur  croisement  et  décroisement  alter- 
natifs produisant  des  tors  en  sens  contraires,  les  seuls  que 
des  eosouples  fixes  puissent  comporter.  Ces  mailles  imitaient 
ainsi  plus  ou  moins  bien  le  vrai  réseau  de  dentelles  à  fils 
commis,  tordus  deux  à  deux  et  l'un  autour  de  l'autre,  tou- 
jours dans  le  même  sens,  mais  de  manière  à  marcher  dia- 
gonalement  dans  la  largeur  entière  du  tissu  ou  entre  ses 
deux  lisières;  ce  qui  est  impossible  dans  le  précédent  sys- 
tème, qui,  en  revanche,  offre  de  très-grandes  facilités  pour 
la  production  des  dessins  riches  et  Variés. 

Les  fabricants  ou  mécaniciens  français  qui  ont  obtenu, 
dans  les  premières  années  de  ce  siècle,  des  brevets  pour  la 
fabrication  des  tulles  à  mailles  fixes  ne  se  sont  jamais  expli- 
qués franchement  à  cet  égard,  et  tout  ce  qu'on  aperçoit,  par 
exemple,  dans  le  brevet  de  dix  ans  accordé  en  commun  à 
MM.  Jolivet,  Cochet  et  Perrany  père,  à  Lyon  *,  qui,  des  pre- 
miers, fabriquèrent  couramment  du  tulle  à  la  chaîne  en 
France,  en  reprenant  les  travaux  du  bonnetier  Canton,  de 
Besançon,  dont  Roland  nous  a  conservé,  en  1790,  la  trace 
confuse  aux  endroits  déjà  cités  de  Y  Encyclopédie  méthodique; 
tout  ce  qu'on  aperçoit,  disje,  nettement  dans  ce  brevet,  c'est 
que  le  métier  dont  se  servaient  les  auteurs  comportait,  en 
effet,  une  mécanique  à  trois  barres  de  platinettes  porte-chaîne, 
mobiles  verticalement  et  horizontalement  par  des  procédés 
non  décrits,  et  ayant  pour  but  de  produire  des  tissus  diverse- 
ment croisés  et  brochés,  mais  dont  le  texte  n'indique  pas  da- 
vantage le  caractère  ou  la  constitution  effective. 

Cette  mécanique,  dans  laquelle  l'une  des  trois  barres,  des- 
tinée au  broché,  ne  portait  qu'un  certain  nombre  d'aiguilles 
percées,  et  déjà  sans  doute  accompagnée  latéralement  d'une 
roue  à  vis  de  division  pour  diriger  les  excursions  horizontales 
de  chacune  des  barres,  cette  mécanique  servait  très-proba- 
blement encore  à  fabriquer  du  tulle  briqueté,  c'est-à-dire  à 

1  Collection,  t.  VIII,  p.  344  :  brevet  d'invention  du  17  avril  1810,  «tu» 
planches. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  -453 

rangées  parallèles  et  transversales  de  rectangles  alternés,  d'une 
longueur  double  de  la  hauteur,  mais  qui,  après  la  fabrication, 
tiré  dans  le  sens  des  lisières,  prenait  la  forme  hexagonale, 
résultant  de  l'infléchissement  transversal  des  longs  côtés,  solli- 
cités de  part  et  d'autre,  en  leurs  milieux,  par  les  petits  côtés 
dés  rangées  attenantes  à  celle  dont  ce  rectangle  faisait  partie  : 
les  côtés  dont  il  s'agit  étant  en  effet  précisément  le  double 
des  petits,  et  ceux-ci,  dirigés  dans  le  sens  des  lisières  ou  de  la 
chaîne,  étant  composés  de  deux  fils,  ils  pouvaient  être  tantôt 
simplement  juxtaposés  et  accrochés  aux  fils  de  trame  pour 
constituer  les  tulles  à  mailles  coulantes  dont  j'ai  parlé,  tan- 
tôt réellement  tordus  l'un  autour  de  l'autre,  à  une  ou  deux 
reprises  pour  constituer  les  tulles  à  mailles  fixes,  par  le  jeu 
tournant  ou  détournant  des  deux  premières  barres  porte-fils 
manœuvrées  l'une  après  l'autre ,  tandis  que  les  longs  côtés 
du  réseau  demeuraient  simplement  formés  des  fils  précédents 
croisés  avec  le  fil  de  trame.  Au  surplus,  il  serait  bien  difficile 
de  donner  aucune  notion  exacte  sur  la  marche  et  le  croise- 
ment des  fils,  que  les  auteurs  n'ont  jamais  représentés  dans 
leurs  brevets  avant  ou  même  après  l'époque  où  MM.  Jolivet, 
Cochet  et  Perrany  prenaient  le  leur,  en  1810. 

C'est  probablement  à  des  combinaisons  de  ce  genre  que  se 
rapportaient  les  tentatives  du  mécanicien  Aubert,  dont  il  a 
été  parlé  dans  le  précédent  chapitre,  et  celles  de  quelques 
autres  artistes  lyonnais  qui  tous  ont  ajouté  au  métier  des 
roues  de  divisions  latérales  armées  de  vis  à  une,  deux  ou 
trois  couronnes,  c'est-à-dire  plus  ou  moins  composées,  selon 
la  nature  du  dessin ,  précisément  comme  nous  avons  vu  qu'il 
en  avait  été  d'abord  appliqué  à  des  métiers  à  tricots  d'une 
espèce  bien  différente.  D'ailleurs,  le  peu  que  je  viens  de  dire 
sur  la  constitution  du  tulle  obtenu  par  de  pareils  procédés  suffit 
pour  prouver  que  ce  genre  de  produits  ne  saurait,  pour  la  soli- 
dité et  la  façon ,  être  comparé  avec  celui  des  dentellières;  ce 
qui  ne  Fa  point  empêché  d'obtenir  une  très-grande  vogue  dans 
le  temps,  et  de  pouvoir  lutter  avantageusement  contre  les 
tulles  anglais,  fabriqués  par  des  procédés  mécaniques  plus 


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454  VI-  JURY, 

parfaits.  Celte  vogue,  on  le  pressent,  doit  être  attribuée  aux 
ingénieuses  combinaisons  par  lesquelles  on  était  parvenu  en 
France  à  les  orner,  pendant  la  fabrication  même ,  de  dessins 
ou  broderies  d'un  goût  très-apprécié  du  public,  notamment 
en  remplaçant ,  dans  les  métiers  à  chaîne  dont  il  vient  d'être 
parlé,  la  troisième  barre,  servant  à  exécuter  les  façons,  par 
une  autre  également  établie  sur  le  devant  des  aiguilles  à  cro- 
chets de  la  grande  fonture,  mais  dont  les  platines  percées 
furent  rendues  isolément  mobiles  dans  des  sièges  en  forme 
de  râteaux,  c  est-à-dire  susceptibles  de  glisser  ou  tourner  dans 
leur  boite  à  compartiments  et  cloisons  verticales  fixées  à  cette 
troisième  barre,  Ja  plus  basse,  de  manière  à  permettre  aux 
becs  antérieurs  et  percés  des  platinettes,  porte-fils  brodeurs, 
de  s'élever  et  de  s'abaisser  alternativement  sous  le  jeu  de  bas- 
cules analogues  à  celles  des  ondes  ordinaires,  en  imprimant 
ainsi  à  ces  fils  brodeurs,  quelquefois  montés  sur  des  fuseaux  on 
roquets  ensouples ,  le  mouvement  qui  convient  au  dessin ,  c'est- 
à-dire  leur  échappée  ou  reprise  par  les  crochets  d'aiguilles; 
mouvement  que  détermine  un  renvoi  de  pièces  solides  ou 
flexibles  soumis  au  mécanisme  latéral  d'une  jacquart  ordi- 
naire, tout  en  conservant  à  cette  même  troisième  barre  la 
faculté  de  glisser  transversalement,  sans  qu'il  soit  désormais 
nécessaire  de  la  mouvoir  dans  le  sens  vertical ,  comme  cela 
avait  lieu  notamment  dans  le  métier  à  tulle  des  sieurs  Jolivet, 
Cochet  et  Perrany,  précédemment  cités. 

L'idée  de  rendre  mobiles  isolément  les  platinettes  percées 
pour  guider  les  fils  de  chaîne' divers  est,  on  le  comprend 
parfaitement,  un  fait  capital,  puisqu'elle  tendait  à  supprimer 
les  mouvements  d'ascension  ou  de  basculement  répétés  de  la 
barre  à  broder;  bien  qu'elle  offre  une  certaine  analogie  avec 
le  procédé  mécanique  déjà  employé  par  les  patentés  anglais 
Robert  et  Thomas  Frost  (  1784) ,  dans  leur  métier  à  cylindre 
d'orgue  servant  à  fabriquer  simplement  Içs  tricots  à  jours  et 
ornés,  elle  n'en  doit  pas  moins  être  considérée,  en  tant  qu'elle 
se  trouvait  ici  appliquée  à  des  métiers  sans  trame  et  à  chaînes 
multiples ,  comme  une  conception  vraiment  originale,  tonte 


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MACHINES  ET  OUTILS.  455 

française  par  les  ingénieuseà  combinaisons  mécaniques  qui 
ont  servi  à  la  réaliser  et  à  en  varier  à  l'infini  les  avantages  ou 
les  profits. 

L'histoire  des  commencements  de  cette  découverte ,  ainsi  • 
que  celle  de  tant  d'autres  bien  moins  voisines  de  nous ,  offre 
beaucoup  d'incertitudes,  et  se  trouve  particulièrement  obs- 
curcie par  cette  circonstance  que  Grégoire,  de  Nîmes ,  le  véri- 
table inventeur  ou  promoteur  selon  l'opinion  générale,  même 
à  Lyon,  a  été  devancé  par  MM.  Calas  et  Delompnès,  fabri- 
cants d'étoffes  de  soie  dans  cette  ville,  qui,  en  effet,  prirent 
pour  l'application  de  la  jacquart  à  un  métier  de  tulle  à 
chaîne,  dès  le  6  août  1824*  un  brevet  d'invention  et  de  per- 
fectionnement de  cinq  ans1,  tandis  que  le  brevet  pareil  dé- 
livré au  malheureux  Grégoire  porte  seulement  la  date  du 
1er  décembre  1826  2,  en  offrant  d'ailleurs ,  par  la  franchise  et 
la  netteté  des  explications,  le  caractère  propre  à  une  primi- 
tive et  déjà  ancienne  combinaison,  dans  laquelle  les  plati- 
nettes  porte-fils  brodeurs  glissent,  dans  leur  boîte  verticale, 
sous  un  véritable  système  de'  bascule  mis  en  action  par  les 
crochets  et  cordes  d'arcades  à  contre -poids  de  la  jacquart; 
système  d'abord  adopté  avec  quelques  variantes  par  MM.  Ca- 
las et  Delompnès  (fig.  iw  du  brevet  de  1824),  mais  auquel 
ils  ont  bientôt  substitué  celui  d'aiguilles  à  platinettes  vérita- 
blement flexibles  sous  la  pression  de  petits  doigts,  également 
à  leviers  et  ressorts  à  boudins  de  recul,  mais  d'un  tirage  plus 
direct  par* les  cordons  de  la  jacquart.  Bientôt,  à  cette  com- 
binaison qui  procurait  aux  fils  brodeurs  un  mouvement  ver- 
tical de  hausse  ou  de  baisse,  indépendamment  du  va-et-vient 
de  la  barre  à  platinettes,  on  en  substitua  d'autres  où  le  tirage, 

1  Ancienne  Collection,  t.  XIX,  p.  167,  pi.  a 5.  Ce  brevet  est  accompagné 
d'additions  ou  de  perfectionnements  datés  des  6  août  1834,  10  novembre 
1824  et  9  mars  182 5,  qui  comprennent  aussi  des  changements  apportés 
au  mécanisme  même  de  la  jacquart. 

*  Ibid.  t.  XXII,  p.  243,  pi.  20.  Ce  brevet  a  été  pris  en  commun  par 
MM.  Grégoire  aîné  «t  Lombard  jeune,  de  Nîmes,  qui  probablement  aura 
servi  de  principal  rédacteur. 


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456  VP  JURY. 

appliqué  à  des  platinettes  à  doubles  rangs  et  supports  de 
barres,  beaucoup  plus  allongées  et  flexibles,  avait  L'eu  par 
des  cordons  agissant  transversalement  aux  platinettes,  d'après 
un  ingéqieux  système  qui  a  finalement  prévalu ,  et  qui  a  reçu 
des  modifications  essentielles,  consistant  principalement  à 
transporter  les  fils  brodeurs  de  droite  et  de  gauche,  de  ma- 
nière  à  les  croiser  avec  leurs  voisins  ou  avec  ceux  des  autres 
chaînes. destinées  à  former  les  propres  mailles  du  tissu. 

Si  l'on  s'en  rapporte  à  la  tradition  déjà  mentionnée,  Gré- 
goire, en  effet,  se  serait  occupé  dès  i8i5ài8i7  d'appliquer 
la  jacquart  au  métier  à  tulle  de  chaîne,  en  rendant  les  pla- 
tinettes mobiles,  et  il  aurait  importé  à  Lyon  vers  1820  un 
métier  de  ce  système,  perfectionné  peu  après  dans  cette  ville 
par  Galas  et  Delompnès,  puis  par  l'ingénieux  mécanicien  Co- 
chet, dont  j'ai  déjà  parlé  comme  ayant  remplacé  le  système 
ancien  des  marches,  etc.,  par  un  arbre  à  cames  et  manivelle. 
Il  est  d'ailleurs,  assure-t-on ,  de  notoriété  publique  à  Lyon  que 
M.  Gubian,  habile  contre-maître  d'atelier  dans  cette  ville, 
aurait  le  premier,  en  1837,  ajouté  au  métier  à  la  chaîne  un 
second  corps  ou  rang  de  platinettes  flexibles  semblable  au  précé- 
dent; que,  en  1839,  M. Degabriel *,  breveté,  aurait,  àson  tour, 

1  Le  brevet  délivré  à  cet  ingénieux  artiste  en  i83q  a  été,  devant  les 
tribunaux  de  Lyon,  l'occasion  de  procès  où  la  question  des  métiers  à  tulle 
brodé  sur  chaîne  a  plus  que  jamais  été  embrouillée,  comme  on  peut  le  voir 
par  deux  mémoires  ou  factums  in-4*  très-étendus  publiés  A  Lyon  en  i84i 
et  i84a  par  les  sieurs  Manigot*  Robert,  Perret  et  leur  avtcat,  plaidant 
contre  M.  Degabriel,  qui  en  réalité,  dans  ses  brevets  d'invention  et  de 
perfectionnements,  avait  été  on  ne  peut  pas  moins  explicite. 

Des  deux  côtés,  on  insiste  extraordinairement  sur  le  fait  de  multiplica- 
tion du  nombre  des  platinettes,  porté  au  double  de  celui  des  aiguilles  à  cro- 
chets du  métier,  en  les  plaçante  cet  effet  sur  deux  rangs,  l'un  au-dessous 
de  l'autre.  L'avantage  de  cette  multiplication  est  en  lui-même  évident,  puis- 
qu'elle permet  de  doubler  le  nombre  des  Gis  brodeurs  ou  la  richesse  du 
tissu  ;  mais  on  s'est  expliqué  le  moins  possible  sur  la  disposition  relative  • 
sur  la  forme  et  sur  le  jeu  croisé  des  mêmes  platinettes,  sous  faction  des 
cordons  de  tirage,  dont  les  enlacements  et  les  contours  par  rapport  aux  pla- 
tinettes coudées  ou  A  leurs  sièges  constituent  véritablement  toute  la  diffi- 
culté et  le  mérite  de  l'invention.  C'est,  en  effet,  sur  ce  point  délicat  qu'ont 


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MACHINES  ET  OUTILS.  457 

eu  la  hardiesse  de  doubler  ces  corps  accouplés,  en  les  portant  à 
quatre;  qu enfin  l'un  et  l'autre  système  furent,  de  la  part  du 
même  artiste,  M.  Gubian,  vers  18 43,  l'objet  de  nouveaux 
perfectionnements,  où  les  platinettes  devinrent  absolument 
indépendantes  les  unes  des  autres,  et  non  plus  par  groupes 
séparés,  comme  cela  aurait  d'abord^u  lieu  dans  les  systèmes  à 
double  ou  à  quadruple  corps  de  Descombes  etDegabriel,  etc. 
En  réalité,  ces  dernières  innovations  Relatives  à  quatre  rangs 
de  platinettes  flexibles ,  tout  en  témoignant  de  l'heureux  esprit 
inventif  et  d'émulation  qui  règne  dans  la  ville  de  Lyon  et  lui 
permet  de  repousser  la  concurrence  étrangère ,  ne  paraissent 
pas  avoir  .obtenu  la  iqême  vogue  que  les  précédentes  relatives 
au  double  corps  de  platinettes,  et,  comme  j'en  ai  déjà  fait  la 
remarque  à  d'autres  occasions,  il  convient  ici  encore  de  ne 
pas  attacher  une  importance  absolue  aux  traditions  locales, 
quand  elles  ne  sont  pas  corroborées  par  des  documents  con- 
temporains et  authentiques. 

Je  n'ai  rien  dit,  dans  ce  qui  précède,  d'un  autre  projet  du 
sieur  George  (Antoine),  fabricant  de  tricot  à  Lyon,  dont  le 
brevet,  du  3  février  1825  *,  pris  intermédiairemént  à  ceux  de 
MM.  Grégoire,  Calas  et  Delompnès,  est  plus  particulièrement 
consacré  à  l'explication  d'une  mécanique  à  cylindre  jacquart 
ou  prisme  quadrangulaire  percé  de  trous  placé  au-dessous 
de  l'ancien  métier  à  tulle-tricot  uni,  et  servant  à  soulever 
directement  de  petits  cylindres  verticaux  en  plomb  glissant 

porté  les  perfectionnements  ultérieurs  de  M.  Manigot  lui-même,  dans  un 
brevet  de  1 84 1,  si  je  ne  me  trompe,  et  ceux  de  MM.  Descombes,  Degabriel 
et  Gubian,  qui,  après  plusieurs  années  d'efforts  seulement,  sont  parvenus, 
dit-on,  à  une  complète  réussite,  en  donnant  pour  s^ge  aux  platinettes 
flexibles  et  courbées  latéralement  d'autres  platines  rigides,  montées  sur  la 
narre  à  plomb  et  portant  en  avant  un  grand  oeil  elliptique  contre  lequel 
s  appuient  extérieurement,  de  part  et  d'autre,  les  platinettes  porte-Bis,  et 
dont  les  bords  opposés  de  l'ovale  sont  traversés  par  les  cordonnets  de  la 
jacquart  perpendiculairement  A  ces  dernières  platinettes,  qu'elles  con- 
tournent en  s'y  appuyant  et  les  forçant  à  s'infléebir  de  droite  ou  de  gauche 
par  le  jeu  des  cordonnets  ou  de  leur  élasticité  propre. 
1  Brevets  expirés,  t.  XX ,  p.  27,  pi.  4. 


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458  VF  JURY. 

an  travers  d'une  planche  supérieure  horizontale,  de  manière 
à  mettre  en  action  dans  leur  chute  les  becs  crochus  de  pla- 
tinettes  flexibles ,  par  l'intermédiaire  d'une  double  série  de 
cordons  à  tirage  oblique,  etc.  Si  je  ne  me  trompe,  ce  métier, 
qui  comporte,  ainsi  que  ses  devanciers,  une  roue  à  vis  de  divi- 
sions équidistantes  et  po#sède  une  marche  particulière  pour 
les  manœuvres  du  cylindre  jacquart,  n'a  pas  prévalu  sur  les 
précédents,  bien  plus  fpmplets  et  dont  il  ne  diffère  d'ailleurs 
que  par  une  disposition  particulière  du  mécanisme  moteur 
des  platinettes ,  se  rapprochant  beaucoup  de  celle  qu'avaient 
employée  primitivement  Robert  et  Thomas  Frost  dans  leur 
métier  à  cylindre  d'orgue ,  imité,  comme  on  l'a  vu,  en  181a, 
par  MM.  Gillet  et  Jourdant,  de  Bruxelles,  pour  un  métier  à 
simple  trame  ou  tricot  ordinaire. 

Au  sujet  des  métiers  à  chaînes  servant  à  fabriquer  fe  tulle 
broché,  qui  ont  eu  autrefois  une  si  grande  vogue  à  Lyon,  je 
ferai  observer  qu'il  est  impossible  d'y  produire  des  dessins  à 
grands  contours  ou  enlacements  de  fils,  et  par  conséquent 
à  grande  excursion  de  platinettes,  sans  que  ces  fils  n'émanent 
d'autant  de'  roquetins  ou  fuseaux  susceptibles  de  se  prêter 
facilement  à  l'action  du  tirage  des  platinettes,  tout  en  conser- 
vant un  état  de  tension  qui  les  empêche  de  vriller  ou  de  se 
marier  réciproquement  Or,  c'est  à  quoi  Grégoire  arrivait 
dans  le  brevet  précité,  au  moyen  d'un  système  de  cantre  auto- 
matique subordonné  à  l'action  de  la  marche  qui  sert  à  faire 
mouvoir  la  mécanique  à  la  Jacquart  ;  et  c'est  précisément  par 
cette  ingénieuse  combinaison  que  le  métier  de  cet  ancien 
et  ingénieux  artiste  se  distingue  de  celui  de  MM.  Calas  et 
Delompnès,  où  l'on  n'aperçoit  que  des  ensouples  ordinaires 
appliquées  à  chacun  des  corps  ou  barres  à  plomb  et  plati- 
nettes porte-fils,  mobiles  latéralement 

Le  système  des  cantres  à  fuseaux  roquetins  munis  de  res- 
sorts à  freins,  de  contre-poids  de  tension,  ce  système  déjà 
anciennement  appliqué,  comme  on  l'a  vu,  aux  métiers  à 
tisser  le  velours  et  au  commettage  des  torons,  a  été  depuis 
spécialisé  dans  son  application  au  métier  à  tulle  avec  chaîne 


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MACHINES  ET  OUTILS.  459 

par  M.  Ducis,  de  Lyon,  qui,  si  je  suis  bien  informé,  a  pris 
dans  ce  but,  en  1842,  un  brevet  suivi  d'additions  et  de  per- 
fectionnements, sur  lesquels  il  m'est  impossible  d'insister, 'si 
ce  n'est  pour  rappeler  que  les  bobines  à  cannettes  surchar- 
gées et  frottantes  sont,  afin  de  pouvoir  faire  varier  au  besoin 
la  tension  des  fils  de  chaîne,  rangées  dans  un  phn  diversement 
incliné  sur  le  devant  du  métier,  dont  j'ai  vu  un  très-beau 
modèle  fonctionnant  dans  l'atelier  de  M.  Cusset,  habile  tulliste 
charnier  de  la  Croix-Rousse,  à  Lyon,  qui  y  a  apporté  quelques 
perfectionnements  au  moyen  desquels  il  exécute  facilement, 
sur  le  tissu  uni  du  tulle  mat,  des  pleins  maillés  ou  damassés 
aussi  variés  qu'étendus  et  chargés  de  soie. 

J'en  resterai  là  pour  les  métiers  à  tulle  lyonnais  sur  chaîne, 
que  je  n'ai  trouvé  décrits  nulle  part,  quoiqu'ils  aient  permis 
à  la  France  de  lutter  pendant  si  longtemps  contre  l'industrie 
similaire  du  Royaume-Uni.  Ces  métiers,  aujourd'hui  encore 
employés  à  la  fabrication  des  dentelles  d imitation,  sont, 
dit-on,  susceptibles  de  notables  perfectionnements,  que  les 
récents  essais  de  M.  Descombes  font  déjà  pressentir,  et  dont 
nos  tulles,  à  chaînes  simples  ou  multiples,  ont  besoin  pour 
pouvoir  désormais  lutter  avantageusement  avec  ceux  qu'on 
obtient  sur  les  métiers  à  bobines  multiples,  plus  spéciale- 
ment connus  sous  le  nom  de  métiers  à  talle-hobin,  auxquels  je 
me  propose  de  donner  une  attention  particulière  quand  j'aurai 
indiqué,  en  peu  de  mots,  les  plus  anciennes  des  tentatives 
qui  ont  été  faites  par  nos  voisins,  vers  la  fin  du  dernier  siècle 
ou  le  commencement  de  celui-ci ,  pour  perfectionner  l'appli- 
cation des  métiers  à  chaîne  et  trame  proprement  dits  à  la 
fabrication  du  tulle  à  mailles  fixes. 


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460  VI'  JURY. 

S  III.  —  Revue  rapide  des  plus  anciennes  patentes  anglaises  relatives  à  la 
fabrication  du  tnlle  sur  des  métiers  à  chaîne  et  ensouple  (ckain-lact, 
warp  jrame,  etc.)  :  Richard  March,  William.  Dawson,  Samuel  Caliwcll  et 
John  Heaihcote,  Robert  et  John  Brown. — Ancien  métier  Vandyke.  —  Ori- 
gine de  la  bobine  à  chariot  ou  navette  dans  les  métiers  servant  à  fabriquer, 
imiter  la  dentajle  et  autres  réseaux  noués  :  le  professeur  Letarc  et  le 
géomètre  Laplace,  les  mécaniciens  Jacquart  el  Baron,  en  France;  l'histo- 
rien Blackner  et  les  tullistes  Charles  Lacj,  John  Lindlrj,  John  Brm*n  et 
John  Hcathcoal,  en  Angleterre. 

L'obscurité,  le  désordre  même  qui  régnent  dans  les  plus 
anciennes  patentes  anglaises,  qui  s'adressent  principalement 
aux  hommes  du  métier,  sans  spécification  de  la  nature  des 
produits,  du  jeu  et  de  l'objet  des  organes  constituant  le  fond 
de  chacune  des  demandes  de  privilège;  toutes  ces  circon- 
stances regrettables,  qui  se  laissent  également  apercevoir  dans 
les  brevets  français,  et  qu'explique  en  partie  la  grande  com- 
plication des  métiers  employés  à  la  fabrication  des  tulles 
noués,  me  privent  de  la  satisfaction  de  pouvoir  donner  un 
aperçu  tant  soit  peu  exact  de  l'origine  et  de  la  constitution 
des  anciennes  machines  spécialement  nommées  warp  framt 
en  Angleterre,  et  qui  servent  à  fabriquer  le  tulle  à  chaîne 
(chain-lace) ,  mais  dont  je  dois  renoncer  même  à  faire  con- 
naître le  véritable  but  et  les  intentions  par  les  motifs  déjà 
déduits,  notamment  faute  d'indications  précises,  de  dessins 
ou  d'échantillons  quelconques. 

Je  me  bornerai  donc  à  dire  que  c'est  bien  dans  la  patente 
de  Richard  March,  du  mois  de  juillet  1784*  que  l'on  ren- 
contre pour  la  première  fois  le  mot  de  chain-lace,  appliqué  à 
un  réseau  obtenu  sur  un  métier  à  aiguilles  et  crochets  ma- 
nœuvres à  la  main  ou  à  l'aide  de  pédales,  entre  deux  chaises 
de  charpente  en  forme  de  trapèze,  et  dont  le  véritable  objet, 
sans  doute,  était  de  s'affranchir  entièrement  du  mécanisme 
des  métiers  à  bas,  but,  intention  qu'on  entrevoit  plus  aisément 
dans  sa  patente,  déjà  citée,  de  mars  1778,  où  l'application 
d'une  chaîne  à  la  mécanique  basculante  de  Derby,  je  veux 
dire  de  Strutt,  est  bien  manifeste.  Ce  dernier  système,  ensuite 


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MACHINES  ET  OUTILS.  461 

perfectionné  par  les  deux  Frost,  est,  comme  on  Ta  va  égale- 
ment, le  point  de  dépari  véritable  des  machines  françaises, 
fondées  sur  la  combinaison ,  l'addition  d'une  chaîne  à  la  trame 
de  l'ancien  métier  à  bas. 

Quand  et  comment  les  mécaniciens  anglais  se  sont  affran- 
chis complètement  et  pour  la  première  fois  de  l'usage  des 
ondes  à  platines  crochues  servant  à  la  cueille  des  fils  de 
trame,  il  m'est  impossible  de  le  dire.  Qu'est-ce,  au  fond,  que 
la  machine  à  rotation  immédiate  ou  mouvements  automa- 
tiques, décrite  dans  la  patente  déjà  citée  de  William  Dawson 
(1791)?  Qu'est-ce  encore  que  l'ancien  métier  à  cantre  ou  ro- 
quetins  (warpframe),  généralement  connu  en  Angleterre  sous 
le  nom  de  Vandykeframe,  et  auquel  Samuel  Caldwell  et  John 
Heathcote,  principal  auteur1,  appliquent,  dans  leur  patente 
d'octobre  i8o4 ,  un  porte -aiguilles  à  crochets  ou  barbins 
conducteurs  des  fils  de  chaîne  verticaux  et  enroulés  sur  une 
ensouple  inférieure  avec  interposition  de  diverses  couches  ou 
nappes  de  flanelle,  pour  empêcher  par  leur  élasticité  la  trop 
fréquente  rupture  des  fils  dans  leur  passage  au  travers  des 
barbins  et  de  peignes  séparateurs  montés  sur  une  couple  de 
barres  horizontales  en  avant  du  métier,  dont  cinq  pédales  et 
des  poignées  à  main  servaient  à  mouvoir  les  divers  organes  ? 
Qu'étaient-ce,  d'autre  part,  que  les  métiers  décrits  dans  les 
patentes  de  1802  et  i8o4  d'un  fabricant  de  tulle  de  Notting- 
ham  désigné  sous  le  nom  de  Robert  Brown,  et  qui  appli- 
quait au  même  métier  Vandyke  une  mécanique  à  double  barre, 
analogue  à  celle  dont  il  vient  d'être  parlé ,  en  caractérisant  ce 
genre  de  machine  par  l'épithète  anglaise  de  knitting  frame ,  qui 
semblerait  se  rapporter  à  un  certain  métier  à  tricot  qu'un 
mécanicien  du  nom  de  Vandyke,  Hollandais  ou  Flamand, 
aurait  importé  dans  le  comté  de  Leicester  à  une  époque  déjà 

1  Técris,  selon  la  patente,  Ileathcoie,  et  non  pas  Heathcoat,  dont  le  nom 
se  retrouve  dans  d  autres  patentes  de  métiers  à  tulle  qni  nous  occuperont 
plus  loin,  mais  dont  Fauteur,  résidant  en  1808  à  Longborough,  comté  de 
Leicester,  ne  parait  pas  devoir  être  confondu  avec  le  précédent,  monteur 
de  semblables  métiers  à  Hatbern,  dans  le  même  comté.  * 


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462  VI*  JURY. 

fort  ancienne,  contemporaine  peut-être  de  celle  où  Jean  Hin- 
dret  créait  la  manufacture  du  bois  de  Boulogne,  sous  le  mi- 
nistre Colber t ,  ou  mieux  encore ,  contemporaine  de  celle  qu'on 
assigne  à  la  découverte  même  de  William  ,Lea,  dont,  comme 
on  Ta  vu,  l'histoire  n'est  point  à  beaucoup  près  entièrement 
débarrassée  d'obscurité  et  de  doute? 

Pour  éclaircif  ce  dernier  fait,  il  faudrait  pouvoir  consulter 
les  vieilles  archives  de  cette  mystérieuse  Hollande  ou  des 
Flandres,  qui,  on  se  le  rappelle  aussi,  précédèrent  la  France 
et  l'Angleterre  dans  l'art  perfectionné  du  tissage  des  draps, 
des  velours,  des  tapis,  de  la  gaze  nouée,  etc.;  industries  dont 
ces  contrées  furent  pour  ainsi  dire  dépouillées  une  à  une  par 
les  encouragements  prodigués  du  dehors  à  leurs  silencieux 
mais  intelligents  artistes ,  manquant  de  privilèges  analogues  à 
ceux  octroyés  par  les  gouvernements  d'Elisabeth  et  de  Crom- 
well,  en  Angleterre,  de  Henri  IV  et  des  premières  années  du 
règne  de  Louis  XIV,  en  France  ;  privilèges  dont  malheureuse- 
ment on  n'a  conservé  aucune  trace  certaine  chez  nous  avant 
Tannée  1791,  tandis  que  l'enregistrement  officiel  des  patentes 
anglaises  remonte  au  16  mars  de  l'année  1617. 

A  ceux  qui,  d'ailleurs,  se  demanderaient  à  quoi  bon  de  pa- 
reilles études  historiques  sur  des  machines  et  des  procédés 
aujourd'hui  remplacés  incontestablement  par  de  plus  parfaits; 
à  ces  indifférents  qui  se  prétendent  les  vrais  philosophes,  je 
répondrai,  simplement  et  une  fois  de  plus,  aûn  que  justice 
soit  rendue  sur  la  terre  à  la  mémoire  de  ces  modestes  créa- 
teurs et  trop  souvent  martyrs  de  nos  jouissances  matérielles; 
comme,  sans  aucun  doute,  elle  leur  sera  plus  glorieusement 
encore  octroyée  dans  une  vie  meilleure  et  rémunératrice  de 
tout  bien  procuré  aux  hommes. 

Enfin,  entraîné  comme  malgré  moi  dans  ce  labyrinthe 
obscur  de  patentes  anglaises  que  ne  consulteront  jamais  les 
désœuvrés  ou  élus  de  la  fortune,  je  dirai  même  les  privilé- 
giés de  l'industrie  manufacturière,  j'ajouterai  à  tout  ce  qui 
précède  un  dernier  exemple  concernant  les  anciens  métiers 
warp  ou  à  chaîne,  employés  chez  nos  voisins  pour  fabriquer 


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MACHINES  ET  OUTILS.  463 

les  tulles  noués;  exemple  d'autant  plus  remarquable  qu'il 
renferme  tléjà  le  plus  important  élément  de  succès  des  ma- 
chines modernes,  de  celles  précisément  qui  tendent  à  se 
substituer  aux  machines  lyonnaises  à  double  ou  quadruple 
corps.  Je  veux  ici  parler,  en  effet,  du  métier  à  chaîne  et  à 
ensouples  multiples,  marchant  au  moyen  de  pédales  et  de 
barres  à  poignées  latérales,  dont  la  patente  a  été  délivrée  le 
2 à  avril  1811  à  un  autre  Brown  (John),  manufacturier  à 
New-Radford,  près  Nottipgham,  pour  une  machine  spécia- 
lement destinée  à  produire  un  tulle  noué  [hobbin-lace  or  twist 
net)  ressemblant  à  la  dentelle  de  France  ou  du  Bucking- 
hamshire,  dentelle,  comme  on  sait,  fabriquée  à  la  main  et 
au  fuseau  espolin,  sur  l'antique  métier  à  carreau*  où  l'ou- 
vrière n'a  uniquement,  pour  guider  ses  yeux,  que  des  dessins 
quadrillés  et  implantés  d'épingles  ou  d'aiguilles  au  fur  et  à 
•mesure  de  l'avancement  du  réseau. 

Cette  machine,  comme  le  dit  John  Brown,  se  dislingue 
des  précédentes  en  ce  qu'elle  est  destinée  à  la  fabrication  si- 
multanée de  vingt-trois  bandes  étroites  et  verticales  de  den- 
telle, s'enroulant,  à  la  partie  inférieure,  sur  une  grande  en- 
souple  horizontale  après  sa  sortie  de  l'équipage  des  pièces  tra- 
vaillantes, que  surmonte  un  autre  équipage  de  leviers  courbes 
croisés,  oscillants,  faisant  marcher  en  dessous  une  roue  à 
déclic  et  minute  pour  régulariser  les  évolutions  intermittentes 
des  pièces  principales,  celle  de  l'ensouple  ci-dessus  comprise. 
A  chacune  des  bandes  de  .dentelle  correspond  d'ailleurs,  en 
haut  du  métier,  une  rangée  horizontale  d'autres  petits  cy- 
lindres ensouples,  à  contre-poids  de  tension,  et  d'où  émanent 
des  faisceaux  divergents  de  fils  qui  alimentent  ces  bandes 
respectives  après  s'être  reployés  verticalement  au  travers  de 
peignes  diviseurs  ou  distributeurs,  à  aiguilles  fourchues,  poin- 
tues, ou  à  platinettes  percées:  les  unes  et  les  autres,  montées 
par  groupes  distincts,  sur  des  barres  à  plomb  animées  de  va- 
et-vient  dans  le  sens  latéral  ou  parallèle  au  métier,  servent  à 
effectuer  le  croisement  de  leurs  fils  avec  ceux  de  navettes  à 
bobines  verticales,  très-minces,  à  traîneaux  ou  chariots  glis- 


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464  VP  JURY. 

saut  sur  des  sièges  parallèles  entre  eux ,  perpendiculaires  au 
plan  vertical  moyen  de  la  chaîne.  Mais  John  Brown  ne 
s'explique  ni  clairement  ni  franchement  sur  le  jeu  et  la  dis- 
position de  ce  dernier  système,  parce  qu'en  effet  il  n'en  est 
point  le  premier  inventeur,  comme  le  montrera  ci-après  la 
discussion  des  titres  ou  patentes  concernant  l'origine  de  cette 
découverte,  qui  a  exercé  une  influence  si  capitale  sur  la 
prospérité  de  Nottingham  et  de  quelques  villes  françaises, 
devenues  de  bonne  heure  ses  rivales. 

Si,  d'ailleurs,  j'ai  insisté  tout  d'abord  sur  la  patente  de 
John  Brown ,  c'est  qu'elle  forme  comme  la  transition  naturelle 
des  anciens  métiers  à  chaînes  anglais  avec  les  nouveaux,  où 
désormais  les  ensouples  servant  à  enrouler  le  tissu  au  for  et 
à  mesure  de  sa  formation  sont  constamment  placées  à  la 
partie  supérieure  de  la  machine,  au-dessus  des  pièces  travail- 
lantes, qui  elles-mêmes  surmontent  toujours  les  ensouples 
de  la  chaîne  ou» des  diverses  chaînes,  d'après  un  système  qui 
paraît  incontestablement  dû  à  John  Heathcoat,  de  Tiverton, 
en  tant  qu'il  permet  de  faire  converger  tous  les  fils  vers  le 
point  où  doit,  en  quelque  sorte,  se  concentrer  le  travail  de 
formation  du  réseau  régulier,  uniforme  et  sans  aucune  espèce 
d'ornement,  dont  la  fabrication  mécanique  fut  d'abord  tentée 
par  ce  célèbre  mécanicien,  plus  tard  devenu  le  bienfaiteur  de 
son  pays,  je  veux  dire  du  Nottinghamshire,  la  patrie  des  Wa- 
kefield ,  des  Àrkwright  et  de  tant  d  autres,  hommes  célèbres 
ou  illustres.  , 

L'idée  d  employer  de  minces  bobines  verticales  porte- 
trame,  en  guise  de  navettes,  a  été  attribuée  en  Angleterre 
à  diverses  personnes,  parmi  lesquelles  on  a  constamment  cité 
Heathcoat  et  John  Brown.  Néanmoins  Blackner,  l'historien 
de  Nottingham,  qui  écrivait  en  181 5,  prétend  faire  remonter 
cette  même  idée  à  l'année  1799,  où  John  Lindley,  depuis 
fabricant  de  tulle-bobin  dans  cette  ville,  l'aurait  communiquée 
à  son  oncle  Charles  Lacy,  alors  soi-disant  associé  à  Heath- 
coat, etc.;  mais  ce  sont  là  encore  des  propos  d'ateliers,  sans 
doute  fort  hasardés  et  qui  méritent,  ce  semble,  d'autant 


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MACHINES  ET  OUTILS.  465 

moins  de  croyance  que,  d'un  côté,  Heathcoat  fut  sans  parte- 
naire dans  ses  nombreuses  patentes;  d'un  autre,  que  Lindley 
et  Lacy,  associés  en  1816  pour  une. patente  de  machine 
à  tulle  dont  j'aurai  aussi  bientôt  à  parler,  mentionnent  très- 
explicitement  les  droits  de  Heatbcoat  et  de  Brown  à  toute 
priorité,  du  moins  en  Angleterre. 

Le  soin  particulier  que  Blackner  prend  pour  faire  remonter 
la  découverte  de  la  bobine  porte-trame  à  1799,  bobine  dont 
il  aurait  déjà  en  i8o3  vu  un  modèle  construit  par  un  cer- 
tain Hood,  montré  à  divers  mécaniciens,  et  qui  aurait  servi 
à  confectionner  un  petit  échantillon  de  dentelle,  etc.;  tout 
cela  semblerait  indiquer  que  la  bobine  qui  fit  dans  l'ori- 
gine tant  de  bruit  à  Nottingham,  et  qui  devint  sans  doute  la 
principale  cause  du  procès  intenté  par  John  Brown  aux  nom- 
més Moore  et  C",  contre  lesquels,  selon  Blackner,  il  revendi- 
quait aussi  l'usage  d'instruments  circulaires,  à  mouvements  pla- 
nétaires ou  rentrants,  par  lesquels  l'ouvrier  devenait  capable  de 
faire  traverser  diagonalement  aux  bobines  un  nombre  illimité 
de  mailles,  avec  V avantage  de  donner  des  lisières  à  ces  mailles; 
tout  cela,  dis-je,  semble  moins  un  plaidoyer  en  faveur  de 
tel  ou  tel  individu  anglais  qu'une  information  historique, 
d'intérêt  tout  national,  tendant  peut-être  à  faire  oublier  sinon 
l'informe  métier  à  filets  de  pêche  et  à  navettes  multiples  de 
Jacquart,  du  moins  celui  où  Buron,  récompensé  d'une  mé- 
daille d'or  à  l'Exposition  française  de  1806,  s'était  déjà  servi 
d'une  rangée  de  bobines  verticales  porte-trame  à  va-et-vient 
horizontal  pour  traverser  directement,  et  non  diagonalement 
je  le  reconnais,  les  boucles  des  mêmes  filets  et  y  pratiquer  des 
nœuds  véritables.  Quoique  l'emploi  de  telles  bobines  soit  très- 
distinct,  au  fond,  de  celui  des  minces  bobines  servant  à  fa- 
briquer le  tulle  dans  les  machines  anglaises ,  il  n'en  est  pas 
moins  évident  que  la  première  de  ces  idées,  qui  n'a  pas  non 
plus  manqué  de  retentissement  en  Europe,  a  très-bien  pu 
réveiller  l'autre.    * 

Mais  pour  établir  à  cet  égard  l'antériorité  des  artistes  fran- 
çais sur  ceux  de  l'Angleterre,  seuls  capables,  à  cette  époque, 
Tl*  jcm.  —  a*  partie.  3o 


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466  VP  JURY. 

de  mener  à  bonne  et  commerciale  fin  une  entreprise  de  cette 
espèce,  grâce  aux  éléments  de  succès  ou  de  vogue  que  la  fabri- 
cation des  machines,  mais  particulièrement  celle  des  tulles 
à  réseaux  de  dentelles,  possédait  dès  le  commencement  de 
ce  siècle  dans  la  riche  cité  de  Nottingham;  pour  établir  cette 
antériorité,  du  moins  comme  principe,  il  suffit  de  se  repor- 
ter à  la  séance  du  20  janvier  1776  de  l'ancienne  Académie 
des  sciences  de  Paris,  dans  laquelle  Laplace,  devenu  le  grand 
géomètre  que  nous  connaissons,  présenta  pour  un  sieur  Le- 
turc,  professeur  à  l'Ecole  militaire  de  la  même  ville,  un  mé- 
tier à  faire  le  réseau  de  dentelle;  puis  à  l'extrait  du  procès- 
verbal  de  la  séance  du  vendredi  29  mars  de  la  même  année,  où 
MM.  de  Vaucanson,  de  Montigny,  Vandermonde  et  Laplace1, 
rapporteur,  accordèrent  leur  approbation  entière  au  métier 
de  Leturc  et  le1  recommandèrent  au  Gouvernement  dans 
leurs  conclusions,  après  avoir  donné  du  mécanisme  même 
de  ce  métier  une  description  verbale  très-propre  à  convaincre 
que  l'application  de  bobines  légères  et  mobiles  à  la  fabrica- 
tion du  vrai  réseau  de  dentelle  est,  en  effet,  une  conception 
française  déjà  ancienne,  réalisée  dans  une  machine  fonction- 
nant au  moyen  de  700  bobines  minces,  à  rainures  profondes, 
chargées  de  fils  de  trame  à  petits  poids  de  tirage  pour  régu- 
lariser, égaliser  la  tension ,  et  enfilées  sur  des  rangées  corres- 
pondantes de  pointes  horizontales  parallèles,  au  nombre  de 
i,4oo,  garnissant  sept  traverses  intermédiaires  et  horizon- 
tales du  métier,  dont  trois  mobiles  de  droite  et  de  gauche,  au 
moyen  d'un  levier  et  d'une  bascule  à  contre-poids,  qui  sert  à 
les  faire  avancer,  accrocher,  lâcher  alternativement,  etc. 

1  Gomme  tout  ce  qui  se  rattache  à  ce  nom  immortel  ne  peut  qu'intéresser 
notre  génération  et  celles  qui  la  suivront,  j'ai  cru  devoir  consigner,  à  la  fin 
de  ce  paragraphe,  l'extrait  textuel  des  séances  précitées  de  l'ancienne  Aca- 
démie où  il  est  question  des  métiers  à  dentelle  du  professeur  Leturc,  en 
rappelant  ici  que  Laplace,  originaire  d'un  village  voisin  de  la  ville  de  Caeo, 
où  l'on  s'occupe  de  temps  immémorial  à  fabriquer  la  dentelle,  fut  d'abord 
élève  et  professeur  à  l'École  militaire  de  Beaumont ,  puis  à  celle  de  Paris,  où 
lui  avait  succédé  le  même  Leturc  dont  je  viens  de  parler,  peut-être  aussi 
grâce  à  la  toute-puissante  influence  de  cTAlembert 


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MACHINES  ET  OUTILS.  467 

«  Ce  sont,  dit  l'illustre  Rapporteur,  ces  différents  mouvements 
qui  permettent  aux  bobines  chargées  de  leurs  fils  de  passer 
les  unes  devant  les  autres  et  de  faire  enlacer  et  croiser  ces 
.fils.  »  Mais  les  explications  qu'il  ajoute  ensuite  pour  faire  con- 
cevoir les  fonctions  diverses  du  métier  capable  de  produire 
l'ouvrage  de  quinze  ouvrières  ne  suffisent  pas,  je  crois,  à 
défaut  de  figures,  pour  en  donner  une  idée  précise;  et  tout  ce 
que  l'on  aperçoit  distinctement,  c'est  que  le  mécanisme,  dis- 
posé pour  le  jeu  des  bobines  substituées  aux  fuseaux  à  main 
de  la  dentellière,  ne  comportait  nullement  le  double  système 
de  fils  de  trame  et  de  chaîne  à  ensouple  qui  se  remarque 
constamment  dans  les  derniers  métiers  anglais,  mais  que 
contenaient  déjà,  comme  on  l'a  vu,  ceux  à  filets  de  pêche 
de  Jacquart  ou  de  Buron. 

Ajoutons  que  les  tentatives  diverses  et  subséquentes  du 
professeur  Leturc  furent  déposées  successivement  à  l'ancien 
Magasin  des  machines  et  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers , 
où  elles  existaient  encore  en  1812,  puisque  feu  Molard  les  cite 
comme  ayant  servi  de  type,  en  1786,  au  métier  de  tricot  sur 
chaîne,  à  peignes  et  fonture  d'aiguilles,  sans  ondes,  du  cha- 
noine Moisson,  aussi  bien  qu'à  divers  autres  métiers1  dont 
j'ai  déjà  parié,  mais  où  l'idée  des  bobines  avait,  à  ce  qu'il 
semble,  entièrement  disparu;  idée  demeurée  ainsi  sans  fruit 
pour  les  progrès  de  notre  industrie,  longtemps  engagée  dans 
une  route,  sinon  fausse  ou  stérile,  du  moins  assez  peu  profi- 
table à  notre  prospérité  nationale. 

Addition  relative  au  métier  imaginé  en  1776  par  le  professeur  Leturc,  et 
servant  à  fabriquer  mécaniquement  la  dentelle  au  moyen  de  bobines 
diversement  mobiles. 

Extrait  du  procès-verbal  de  la  séance  da  samedi  20  janvier  1776 
de  l'ancienne  Académie  des  sciences. 

«  M.  deLaplace  a  présenté  pour  M.  Leturc,  professeur  à  l'École 

1  Bulletin  de  la  Société  £  encouragement,  janvier  1 8 1  s ,  t.  XI ,  p.  1  à  3. 

3o* 


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468  VF  JURY. 

militaire,  un  métier  à  faire  du  réseau.  MM.  de  Montigny,  de 
Vaucanson ,  Vandermonde  et  de  Laplace  ont  été  chargés  de 
l'examiner.  » 

Extrait  du  procès-verbal  du  vendredi  27  mars  1776. 

«  MM.  de  Montigny,  de  Vaucanson ,  Vandermonde  et  de  La- 
place ont  fait  le  rapport  suivant  du  métier  à  fond  de  dentelle 
de  M.  Leturc: 

«  Nous,  commissaires  nommés  par  l'Académie,  MM.  de  Vau- 
canson, de  Montigny,  Vandermonde  et  moi,  avons  examiné 
un  métier  propre  à  faire  différents  réseaux  de  dentelle,  par 
M.  Leturc,  professeur  de  fortification  à  l'École  royale  mili- 
taire. 

«  M.  Leturc  s'occupe  depuis  longtemps  de  ce  métier.  Il  y  a 
cinq  ans  environ  qu'il  en  fit  un  très-petit  qui  remplissait  assez 
bien  son  objet.  Ce  premier  essai  le  conduisit  à  la  construction 
d'un  second  métier  beaucoup  plus  parfait  que  le  premier  et 
qui  en  différait  autant  que  cela  est  possible  en  partant  du 
même  principe.  Enfin ,  le  second  métier,  susceptible  encore 
d'être  perfectionné,  lui  fit  naître  l'idée  de  celui  que  nous  allons 
décrire  et  qui,  par  sa  simplicité  et  par  la  facilité  de  l'em- 
ployer, nous  parait  mériter  la  préférence  sur  les  deux  pre- 
miers. 

«  Ce  m'étier  forme  un  parallélogramme  de  quatre  montants 
en  bois  et  de  plusieurs  traverses  qui  servent  à  fixer  les  points 
d'appui  de  ses  mouvements.  Aux  traverses  du  haut  sont  fixés: 
i°  les  ressorts  qui  accrochent  et  soutiennent  les  calibres  sur 
lesquels  se  forment  les  rangées  de  mailles;  a°  six  battants 
servant  à  placer,  au  moyen  d'autant  de  grandes  lames,  les  ca- 
libres dans  les  ressorts  et  à  serrer  en  même  temps  les  rangées 
de  points;  3°  deux  cylindres  mobiles  qui,  en  se  rabattant 
vers  le  centre  des  fils,  servent  à  les  rassembler  après  que  les 
battants  ont  placé  le  calibre  dans  les  ressorts.  Un  seul  calibre 
sert  pour  une  rangée  de  mailles  et  le  réseau  se  forme  autour, 
de  la  même  manière  que  le  filet  autour  de  son  moule.  M.  Le- 


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MACHINES  ET  OUTILS.  469 

turc  avait  imaginé  de  substituer  au  calibre  un  peigne  com- 
posé d'autant  de  dents  que  la  dentelle  avait  de  mailles ,  de  sorte 
que  la  dentelle  se  trouvait  tendue  et  fabriquée  dans  sa  lar- 
geur. Chaque  maille  se  formait  autour  d'une  dent  du  peigne; 
lorsque  la  rangée  était  ainsi  formée  sur  le  peigne,  on  la  faisait 
passer  aune  place  supérieure,  et  il  était  sur-le-champ  rem- 
placé par  un  peigne  qui  n'avait  point  servi  et  qui  se  trouvait 
dans  un  magasin  dans  lequel  le  peigne  qui  venait  de  sortir 
rentrait  par  le  côté  opposé.  Quoique  le  mécanisme  avec  lequel 
M.  Leturc  opérait  cette  circulation  continuelle  de  peignes  soit 
très-ingénieux,  l'usage  des  calibres  nous  parait  cependant  plus 
commode  et  plus  simple. 

«Les  sept  traverses  du  milieu  du  métier,  dont  trois  sont 
mobiles,  sont  garnies  de  i,4oo  pointes  horizontales  et  paral- 
lèles, sur  lesquelles  s'enfilent  700  bobines  chargées  de  fils  et 
de  contre-poids  de  plomb  qui  servent  non-seulement  à  tenir 
le  fil  dans  sa  forme,  le  réseau  toujours  tendu,  mais  aussi  à 
le  laisser  dévider  à  mesure  qu'on  l'emploie,  et  à  le  faire  reve- 
nir de  lui-même  sur  les  bobines  lorsqu'elles  avancent  d'une 
ou  de  plusieurs  places  vers  le  milieu  de  l'ouvrage.  Les  contre- 
poids dont 'nous  venons  de  parler  sont  composés  de  deux 
plombs,  un  gros  et  un  petit,  attachés  chacun  à  l'extrémité  de 
la  bobine.  Cette* rainure  est  angulaire  et  assez  profonde  pour 
que  durant  le  jeu  de  la  machine  le  fil  qui  soutient  les  plombs 
ne  puisse  en  sortir.  Les  trois  traverses  mobiles  ont  un  mou- 
vement de  droite  et  de  gauche ,  par  le  moyen  d'un  bras  de 
levier  qui  sert  à  les  faire  avancer,  d'une  bascule  qui  sert 
à  les  accrocher  ou  à  les  lâcher  et  d'un  contre-poids  qui  les 
remet  dans  leur  situation  ordinaire.  Ce  sont  ces  différents 
mouvements  qui  permettent  aux  bobines  chargées  de  leurs 
fils  de  passer  les  unes  devant  les  autres  et  de  faire  enlacer  et 
croiser  les  fils.  Les  six  traverses  plus  basses  soutiennent  les 
charnières  des  bascules  qui  chassent  les  bobines  d'une  pointe 
à  l'autre  et  les  barres  horizontales  qui  donnent  et  qui  cdmmu- 
niquent  les  mouvements  aux  bascules  des  six  métiers  à  la 
fois. 


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470  VT  JURY. 

«  Aux  quatre  montants  du  métier  sont  fixés  six  châssis,  dont 
trois  sont  contigus  de  chaque  côté;  ils  sont  armés,  dans  leur 
partie  supérieure ,  de  petites  fourches  de  fer  qui  embrassent 
les  branches  et  servent  à  les  contenir  et  à  les  pousser  daos  un 
même  plan.  Ces  petites  fourches  sont  espacées  de  deux  en  deux 
ou  de  quatre  en  quatre  branches,  pour  agir  selon  que  le  point 
l'exige.  Enfin  deux  autres  châssis  horizontaux  servent  à  rame- 
ner les  bobines  des  six  métiers  des  traverses  mobiles  sur  les 
faces. 

«Douze  touches,  mues  en  pressant  verticalement  dessus, 
communiquent  aux  métiers  tous  les  mouvements.  Une  de  ces 
touches  sert  à  avancer  les  trois  traverses  mouvantes,  qui 
portent  à  une,  deux  ou  trois  places  différentes  sections  des 
bobines. 

«  Une  autre  décroche  ces  trois  traverses  et  les  ramène  à 
différentes  places,  dont  l'ouvrière  se  rend  maîtresse  en  sou- 
tenant d'une  main  par  les  contre-poids  la  touche  précédente. 

«  Six  autres  touches  servent  à  mouvoir  les  bobines  de  six 
métiers,  selon  l'ordre  qu'exige  le  point,  et  cela  par  les  six 
châssis  qui  poussent  les  bascules. 

«  Une  autre  communique  aux  dernières  bobines  un  mouve- 
ment particulier  pour  faire  le  réseau  uni  de  la  dentelle. 

«  Une  sert  à  faire  mouvoir  les  battants  au  moyen  d'une 
corde  qui  traverse  verticalement  le  métier  et  dont  une  extré- 
mité, après  avoir  passé  sur  deux  poulies  de  renvoi,  est  atta- 
chée à  l'arbre  qui  soutient  les  battants. 

«  Une  autre  touche  rabat  deux  cylindres  qui  serrent  les  fils, 
et  chacun  d'eux  se  remet  à  sa  place  par  un  contre-poids.  0* 
sont  également  tirés  par  des  cordes,  ainsi  que  les  battants.  La 
dernière  touche,  enfin,  soulève  un  mentonnët  fixé  à  un  axe 
mobile  de  la  longueur  du  métier,  et  aux  extrémités  de  cet 
axe  s'élève  un  bras  de  levier  servant  à  pousser  les  deux  chas- 
sis  qui  ramènent  les  bobines  sur  les  traverses  immobiles. 

«  La  machine  que  nous  venons  de  décrire  renferme  six 
métiers;  mais  il  nous  parait  que  cette  multiplicité  en  rend 
le  jeu  moins  précis  et  plus  difficile.  Nous  pensons  qu'en  la 


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MACHINES  ET  OUTILS.  471 

réduisant  à  deux  ou  trois  métiers  au  plus,  et  donnant  plus 
de  justesse  aux  différentes  pièces  qui  la  composent,  ce  qui  est 
d'une  facile  exécution,  on  parviendra  à  la  rendre  d'un  grand 
usage  dans  le  commerce.  Cette  machine  peut  exécuter  tous  les 
points  de  dentelle,  soit  que  les  fils  s'enlacent  de  deux  en  deux 
ou  de  quatre  en  quatre;  avantage  que  n'ont  point  les  ma- 
chines déjà  connues,  dans  l'état  où  elles  ont  été.  présentées. 
On  peut  faire  par  son  moyen  douze  ou  quinze  fois  plus  d'ou- 
vrage dans  le  même  temps  que  par  les  procédés  manuels,  et 
cet  ouvrage  est  très-régulier,  comme  l'Académie  peut  s'en 
assurer  par  les  échantillons  qu'elle  a  sous  les  yeux,  quoique 
travaillés  à  un  métier  très-imparfait  dans  son  exécution  ;  d'ail- 
leurs, les  moyens  que  M.  Leturc  emploie  sont  aussi  simples 
qu'ingénieux. 

«  Nous  croyons  donc  que  cette  machine  mérite  l'approbation 
et  les  éloges  de  l'Académie,  et  qu'à  cause  de  la  grande  utilité 
dont  elle  peut  être  dans  le  commerce,  son  auteur  mérite 
d'être  encouragé  par  le  ministère.  » 

S  IV.  —  Examen  spécial  des  plus  anciennes  patentes  anglaises  relatives  à 
l'invention  des  métiers  à  talle-bobin,  imitant  le  vrai  réseau  de  dentelle. 
— Première  et  infructueuse  tentativepar  John  Heathcoat,  deLongborough, 
en  1808.  —  Sa  seconde,  obscure  et  fondamentale  patente  de  1809,  °^ 
se  trouvent  indiqués  des  grilles  circulaires  deguideàplatinettes  interrom- 
pues, des  navettes  à  double  circulation  et  le  principe  de  convergence 
centrale  ou  supérieure  de  tous  les  fils,  etc.  —  Erreurs  d'Andrew  Ure 
et  d'autres  à  ce  sujet  :  Morley,  Mart  et  Clark,  Leaver,  Stevenson,  Broie/, 
Hervey,  etc. — Définition  du  vrai  réseau  de  dentelle ,  par  Charles  S'doester, 
de  Derby,  dans  une  patente  envisagée  comme  défi  ou  provocation. 

J'admettrai  volontiers,  avec  tous  les  auteurs  anglais  et 
selon  l'avis  de  Brunel  même,  que  le  célèbre  mécanicien  et 
manufacturier  John  Heathcoat,  de  Longborough  (comté  de 
Leicester),  depuis  établi  à  Tiverlon,  etc.,  réussit  le  premier, 
entre  tous,  à  fabriquer  mécaniquement  un  tulle  ressemblant 
à  notre  dentelle  au  fuseau  (nearfy  ressembling  french  lace), 
comme  l'énonce  très-explicitement  sa  première  patente  du 
là  juillet  1808;  j'admets,  avec  moins  d'hésitation  encore, 


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472  VI*  JURY. 

que  nul  n'a  autant  contribué,  par  une  longue  persévérance,  à 
fonder  l'industrie  tullière  dans  son  pays  ;  mais  ce  serait  une 
erreur  de  croire  que  cette  première  patente  contint  rien  qui 
eût  rapport  au  jeu  des  bobines,  dont  je  n'ai  jusqu'à  présent 
donné  qu  une  imparfaite  idée. 

Entièrement  construit  en  bois,  sur  un  plan  vertical  où  le 
tissu,  composé  d'une  étroite  bande  de  tulle,  enveloppait  vers 
le  baut  un  petit  rouleau  ensouple,  tandis  que  les  fils  de  chaîne 
verticaux  se  déroulaient,  au  fur  et  à  mesure,  d'un  autre  cy- 
lindre beaucoup  plus  large  placé  horizontalement  en  dessous 
du  principal  mécanisme,  le  métier  décrit  dans  cette  première 
patente  de  Heathcoat  fonctionnait  avec  une  extrême  lenteur 
et  à  la  main ,  mettant  en  action  un  double  rang  de  longs  fu- 
seaux ou  navettes  enfermés  dans  des  tubes  creux  à  pignons 
et  doubles  crémaillères  motrices,  disposés,  sur  le  plateau  ver- 
tical et  annulaire  de  la  machine,  circulairement,  concentri- 
quement  au  point  supérieur,  où  se  formait  le  réseau  de  den- 
telle, c'est-à-dire  à  l'extrémité  basse  de  la  petite  bande  de 
tulle,  verticalement  suspendue  à  son  ensouple  horizontale,  et 
dont  un  point  de  l'axe  vertical  servait  de  centre  de  conver- 
gence à  ces  fuseaux-navettes,  à  leurs  guides  ainsi  qu'au  double 
faisceau  des  Gis  de  trame  et  de  chaîne,  dont  une  moitié  émer- 
geait verticalement  de  l'ensouple  inférieure  du  bâti. 

Ce  peu  de  mots,  auxquels  il  me  serait,  par  les  causes  si 
souvent  indiquées,  impossible  de  rien  ajouter  de  plus  précis, 
de  peur  de  donner  une  fausse  idée  de  la  manière  dont  fau- 
teur parvenait  à  croiser  à  plusieurs  reprises  ou  commettre 
de  proche  en  proche  les  fils  de  chaîne  par  ceux  des  fuseaux, 
marchant  diagonalement  d'un  bord  au  bord  opposé  du  métier 
ou  du  tissu,  comme  cela  a  lieu  dans  la  fabrication  même  de 
la  dentelle,  ce  peu  de  mots,  dis-je,  doit  suffire  pour  prouver, 
que  Heathcoat  avait,  dès  1 808 ,  senti  l'importance  de  faire  con- 
verger le  faisceau  entier  des  fils  travailleurs  vers  le  point  élevé 
où  ils  se  forment  en  mailles  et  réseau,  afin  d'en  maintenir, 
égaliser  la  longueur  et  la  tension  au  travers  des  peignes  supé- 
rieurs, pareillement  concentriques  et  circulaires,  mais  dont  la 


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MACHINES  ET  OUTILS.  473 

patente  ne  laisse  pas  apercevoir  bien  clairement  le  jeu  et  la 
disposition  fondamentale. 

Quant  à  la  largeur  extraordinaire  donnée  ici  à  la  partie 
inférieure  du  métier,  je  veux  dire  au  rouleau  ensouple  de  la 
chaîne  et  au  plateau  vertical  en  couronne  qui  porte  les  cré- 
maillères à  pignons  et  les  longues  navettes  ou  fuseaux  à  tubes 
creux  directeurs,  on  comprend  parfaitement  qu  elle  était  la 
conséquence  nécessaire  de  la  grosseur  même  de  ces  organes 
convergents  et  primitifs  du  système.  De  plus,  on  s'explique 
qu'une  disposition  pareille  ne  pouvait  comporter  qu'un  bien 
petit  nombre  de  bandes  étroites  de  deutelle  ou  de  métiers 
accouplés,  groupés  les  uns  à  côté  des  autres,  dans  une  direc- 
tion rectiligne  horizontale;  mais  on  ne  saurait  y  méconnaître 
les  premiers  efforts  d'un  homme  de  génie  pour  sortir  des 
routes  battues  par  ses  prédécesseurs. 

Dans  sa  seconde  patente  du  20  mars  180g,  ayant  spécia- 
lement pour  objet  la  fabrication  du  tulle-bobin  (bobbine-lace), 
Heathcoat  commence  par  déclarer  en  tête  du  long,  respec- 
tueux et  formaliste  protocole  d'usage  en  Angleterre,  qu'il  est 
le  premier  et  vrai  inventeur  de  la  machine  dont  il  va  donner 
la  description  en  six  grandes  planches,  et  qu'il  a,  dit- il,  sou- 
mise à  des  expériences  répétées  pour  en  constater  la  pro- 
duction et  les  avantages  particuliers.  Quoiqu'il  soit  comme 
impossible  de  suivre  la  pensée  fondamentale  de  l'auteur  au 
travers  des  incohérentes  et  minutieuses  descriptions  de  la  pa- 
tente ,  il  est  aisé  de  reconnaître  qu'il  a  ici  entièrement  aban- 
donné son  premier  système  de  solution ,  bien  qu'il  y  parle 
encore  de  tubes  creux  servant  à  diriger  les  fils  de  l'ensouple 
inférieure  dans  le  plan  vertical  moyen  du  métier,  disposé  à 
la  manière  ordinaire,  c'est-à-dire  horizontalement  sur  des 
chaises  et  supports  extrêmes  en  charpente,  surmontés  à  leur 
tour  d'un  bâti  en  fer  et  en  fonte  destiné  à  recevoir  l'en- 
souple supérieure  du  tissu ,  ainsi  que  l'équipage  des  barres  à 
aiguilles  ou  à  pointes,  qui  servent  à  la  cueille,  au  serrage  ou 
renlrage  des  mailles,  dont  le  système  n'est  pas  suffisamment 
indiqué  dans  la  patente;  les  fonctions  diverses  du  nouveau 


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474  VF  JURY. 

métier  ^accomplissant  d'ailleurs  au  moyen  de  barres  hori- 
zontales, de  bascules  à  leviers  et  de  poignées  à  main,  enfin 
de  marches  ou  pédales  situées  les  unes  vers  le  haut,  les  autres 
vers  le  bas  du  métier. 

Ce  que  Ton  devine  plutôt  encore  qu'on  ne  l'aperçoit  expli- 
citement dans  la  même  patente,  c'est  que  les  fils  de  chaîne 
ou  d'ensouple  inférieure,  de  même  que  leurs  tubes  conduc- 
teurs ,  dont  il  a  déjà  été  parlé  comme  occupant  le  plan  vertical 
moyen  du  métier,  c'est,  dis-je,  que  ces  fils,  au  lieu  de  con- 
verger de  toutes  parts  et  latéralement  vers  le  point  de  for- 
mation des  mailles  du  tissu,  ainsi  que  cela  avait  lieu  dans 
la  première  patente  de  Heathcoat,  cheminent,  s'élèvent  à  peu 
près  verticalement  au  travers  du  vide  rectangulaire  et  hori- 
zontal qui  occupe,  à  une  hauteur  intermédiaire,  un  espace 
nommé  aujourd'hui  le  fossé,  vide  de  part  et  d'autre  duquel 
la  nouvelle  patente  place  symétriquement  deux  couples  de 
barres  aplomb,  droites,  horizontales  et  parallèles  au  fossé, 
munies  de  platines  perpendiculaires  ou  transversales,  eu 
nombre  égal  à  celui  des  mailles  du  réseau  pour  chaque  barre. 
Découpées  circulairement  vers  le  haut,  ces  platines  servent 
d'appui  et  de  guide  à  de  minces  chariots  ou  traîneaux  sur- 
montés de  bobines  verticales  porte-trame,  reposant  ici  sur  des 
tourillons  et  marchant  par  couple,  Tune  derrière  l'autre,  dans 
chacune  des  coulisses  ou  rainures  formées  par  les  rangées  de 
platines,  qui,  se  correspondant  exactement  à  raison  de  vingt 
par  pouce  des  deux  côtés  du  fossé,  permettent  aux  navettes 
et  à  leurs  fils  de  trame  de  traverser  les  intervalles  demeu- 
rés alors  libres  entre  les  fils  de  chaîne  correspondants,  fils 
qui  doivent  constituer,  respectivement  et  par  couples,  les 
côtés  verticaux  mêmes  des  mailles  du  tissu. 

Quoique  le  texte  de  la  patente,  qui  semble  s'adresser  exclu- 
sivement aux  hommes  du  métier  parfaitement  au  courant  déjà 
de  l'usage  des  navettes  ou  chariots  à  bobines,  ne  s'explique 
pas  nettement  sur  la  manière  de  faire  croiser  et  circuler  dia- 
gonalement  les  fils  de  trame  autour  de  ceux  de  la  chaîne, 
cependant  on  y  indique  très -explicitement  que  les  quatre 


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MACHINES  ET  OUTILS.  475 

barres  à  platines  de  guide  ci -dessus  sont  disposées  sur  une 
portion  de  cylindre  circulaire  horizontal  dont  Taxe  corres- 
pond au  point  même  de  formation  des  mailles ,  toujours  afin 
d'égaliser  la  longueur  et  la  tension  des  fils  de  trame  ou  de 
bobines.  Le  texte  ajoute  aussi  que  chacun  des  couples  de  ces 
barres,  antérieures  ou  postérieures  au  fossé,  est  monté  sur 
des  sièges  fixes  extrêmes,  munis  de  collets  où  les  barres  an- 
térieures peuvent  glisser  horizontalement  et  parallèlement  à 
ce  fossé,  de  manière  à  avancer  sur  la  droite  ou  sur  la  gauche, 
exactement  d'un  espace  ou  porte,  vis-à-vis  des  rainures  cor- 
respondantes des  platines  à  barres  fixes  postérieures.  On  ne. 
saurait  donc  se  refuser  à  reconnaître ,  malgré  les  hésitations 
et  les  lacunes  de  ce  texte,  qu'il  n'y  ait  là  une  indication  suf- 
fisante, sinon  parfaitement  lucide,  du  système  des  grilles  ou 
peignes  circulaires  (circular  combs),  aujourd'hui  encore  en 
usage  dans  les  métiers  à  tulle-bobin ,  si  ce  n'est  que  ces  grilles, 
ces  peignes  conducteurs  des  chariots  à  bobines  traversières, 
sont  formés  de  deux  parties  seulement,  placées  en  regard 
l'une  de  l'autre  de  chacun  des  côtés  du  fossé  transversal,  et 
non  plus  subdivisées  respectivement  en  deux  portions  à  rangs 
de  platines  isolées,  comme  le  veut  Heathcoat  dans  la  patente 
de  1 809  qui  nous  occupe. 

Quant  à  la  manière  dont  s'accomplissait,  soit  le  glissement 
longitudinal  des  barres  à  platines  de  grilles,  soit  le  glisse- 
ment transversal  et  circulaire  des  bobines  à  navettes  ou  traî- 
neaux minces,  ici  armés  d'encoches  aux  deux  bouts  pour  les 
saisir  et  pousser  simultanément  au  moyen  de  lames  de  fer 
longitudinales,  Heathcoat  ne  s'en  explique  pas  clairement,  et 
l'on  doit  seulement  admettre,  d'après  ses  descriptions,  fort 
vagues  pour  quiconque  n'a  pas  vu  ce  primitif  métier,  que  les 
déplacements  dont  il  s'agit  s'opéraient,  directement  ou  à  la 
main,  par  l'intermédiaire' de  leviers  à  poignées,  etc.  c'est-à- 
dire  par  des  procédés  analogues  à  ceux  que  les  Strutt,  les 
Frost,  les  March,  etc.  avaient  déjà  mis  en  usage  dans  des 
métiers  à  tricot  ou  à  chaîne  d'une  tout  autre  espèce. 

Enfin ,  je  dois  prévenir  qu'on  ne  rencontrera  pas  d'indica- 


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476  VI*  JURY, 

tions  ou  d'explications  plus  satisfaisantes  dans  la  troisième 
patente  de  John  Heathcoat,  du  29  mars  181 3,  postérieure  de 
deux  années  à  celle  de  John  Brown ,  dont  il  a  été  parlé  à  la 
fin  du  précédent  paragraphe.  Cette  troisième  patente,  en 
effet,  a  uniquement  pour  objet  quelques  perfectionnements 
de  détails,  relatifs  à  la  substitution  du  fer  au  bois  dans  les 
organes  essentiels  de  la  machine ,  où  Ton  fait  intervenir  des 
contre-poids,  des  ressorts  k  boudins  de  recul,  etc.  Heathcoat 
y  insiste  principalement  sur  un  instrument  particulier,  espèce 
de  tourniquet  détaché,  si  je  ne  me  trompe,  du  mécanisme  du 
métier,  qu'il  nomme  turn-again,  et  dont  iJ  se  sert  pour  retour- 
ner les  navettes  parvenues  à  la  fin  de  leurs  courses  latérales 
et  contraires,  près  de  Tune  ou  de  l'autre  des  lisières  du  tissa: 
là  les  bobines  et  leurs  fils  de  trame  doivent,  en  effet,  reve- 
nir pour  croiser  diagonalemcnt  et  symétriquement  les  fils  de 
chaîne,  en  vertu  même  des  déplacements  longitudinaux, 
alternatifs,  de  droite  à  gauche  et  de  gauche  à  droite,  douoés. 
sur  la  largeur  d'une  porte,  au  couple  de  grilles  ou  de  barres 
à  grille  situé  sur  le  devant  du  métier. 

Tout  cela  d'ailleurs  est  exposé  dans  un  texte  où  les  chiffres 
de  renvoi  aux  figures  de  cette  troisième  patente  et  de  celle 
de  1809  sont  écrits  en  toutes  lettres,  et  dans  un  désordre  qui 
semble  calculé  en  vue  de  déguiser  la  pensée  fondamentale 
du  système,  ou  ce  que  je  nommerai  sa  théorie;  de  manière  à 
dépister  les  imitateurs  ou  contrefacteurs,  sinon  à  masquer 
les  emprunts  que  l'auteur  aurait  pu  faire  à  quelqu'un  de  ses 
rivaux  ou  prédécesseurs  peu  connus;  car  nulle  part  Heathcoat 
ne  se  dit  positivement  l'inventeur  des  navettes  à  bobines  ou 
des  barres  à  platines,  des  grilles  conductrices,  qui  en  sont 
l'accompagnement  indispensable. 

Est-il  vrai  notamment,  comme  le  prétend  l'auteur  do  Dic- 
tionnaire anglais  des  arts  et  manufactures  (p.  733) ,  lequel,  avec 
raison,  place  Heathcoat1  et  Brown  en  tête  des  inventeurs  et 

1  Le  docteur  Ure  écrit  Heathcoate,  et  non  Heathcoat  avec  tons  les  cata- 
logues anglais  ou  français  de  patentes  et  de  brevets  :  cette  faute  a  été 
reproduite  par  d'autres  avec  des  altérations  d'orthographe  nouvelles. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  477 

constructeurs  de  métiers  à  tulle-bobin  (bobbin-net),  est-il  vrai 
qu'un  certain  Morley,  de  Derby,  sans  autre  qualification,  se 
serait,  avant  tous  (1811),  servi  à  Nottingham  de  grilles  con- 
ductrices des  navettes ,  mais  à  platines  ou  tiges  droites  (straight 
boll),  dont  le  métier,  à  petite  jauge  ou  largeur,  aurait  été 
mieux  combiné,  plus  simple  et  plus  facile  à  mouvoir  que 
ceux  jusque-là  tentés? 

Andrew  Ure  ne  prétend-il  pas  aussi  que,  Tannée  d'après 
(1812),  le  même  Morley  se  serait  servi  de  grilles  circulaires 
(circular  boit) ,  sans  s'assurer  le  fruit  de  ses  inventions  par 
aucun  privilège,  tant  étaient  grands  sa  modestie  et  son  désin- 
téressement? Mais  outre  que  1811  et  1812  n'ont  pas  précédé 
1809,  outre  qu'on  sait  à  quoi  s'en  tenir  à  l'égard  de  l'abné- 
gation et  du  désintéressement  des  industriels  anglais,  il  faut 
encore  observer  que  ce  Morley,  de  Derby,  est  le  même  sans 
doute  qui,  le  9  mars  1824,  sous  le  prénom  de  William,  se 
fit  délivrer  une  patente  pour  un  métier'à  tulle,  muni  d'une 
double  barre  plate  à  loquets  [double  locker),  servant  à  tirer, 
pousser  les  navettes  de  part  et  d'autre  du  fossé  de  passage  des 
fils  de  chaîne;  ce  qui  semble  être  en  contradiction  formelle 
avec  les  sentiments  qu'Ure  prête ,  ainsi  que  les  auteurs  qui 
l'ont  répété,  à  l'industriel  dont  il  s'agit1. 

Des  observations  critiques,  tout  aussi  fondées  en  principe, 
peuvent  également  s'appliquer  à  ce  que  le  même  technologue 
énonce  des  sieurs  Mart  (Samuel)  et  Clark  (James),  de  Notting- 
ham, qui,  dès  1812  encore,  auraient  inventé  la  machine  à 
pousseurs  (pusher  machine),  et  d'un  soi-disant  John  Leaver 
qui,  vers  la  même  époque,  aurait  mis  en  avant  la  machine  à 
levier»  lever  machine,  conjointement  avec  un  nommé  Turton, 

1  C'est  pourtant  an  fait  remarquable  que  les  patentes  des  i5  mars  18 ad 
et  9  janvier  1828,  indiquées  dans  les  catalogues  anglais  sous  le  nom  de 
William  Morley,  fabricant  de  tulle  à  Nottingham ,  n'ont  jamais  été  enregis- 
trées d'une  manière  régulière  dans  le  bureau  ou  office  d'enrôlement  des 
patentes  d'invention  ;  ce  qui  peut  être  attribué  à  différentes  causes ,  mais 
non,  je  crois,  à  celles  qu'Ure  indique,  puisque  1811  ou  1813  a  précédé 
1824  au  moins  de  douze  ans. 


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478  VP  JURY. 

tous  deux  de  New-Radford ,  près  Nottingham ,  etc.  Ce  sont  là, 
je  le  répète  et  comme  on  le  verra  encore  mieux  pins  tard, 
autant  de  propos,  de  vanteries  intéressés,  tels  qu'il  en  sort, 
au  bout  d'un  certain  temps,  des  lieux  de  fabrication,  oà  les 
souvenirs  s'effacent,  s'altèrent  avec  une  facilité  et  une  corn* 
plaisance  dont  il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  exacte  quand 
on  ne  les  a  pas  suffisamment  examinés. 

Toutefois,  cette  légèreté  de  propos,  permise  aux  contre- 
maîtres et  chefs  d'ateliers,  qui  ont  rarement  le  loisir  de  re- 
courir aux  sources  originales  ou  qui  n'ont  sous  la  main  que 
des  écrits  mensongers  sur  l'histoire  de  chaque  machine,  cette 
légèreté  est  vraiment  injustifiable  dans  un  livre  d'apparence 
aussi  sérieuse  que  celui  du  docteur  Ure,  mais  où ,  par  le  fait, 
les  erreurs  de  dates,  de  noms,  etc.,  abondent  comme  à  plaisir 
et  offrent  des  contradictions  étranges  avec  les  assertions  conte- 
nues dans  d'autres  écrits  puisés  à  des  sources  analogues, 
mais  dérivés  d'autres  ateliers,  d'autres  intérêts  ou  d'autres 
prétentions  rivales. 

C'est  ainsi,  par  exemple,  que  dans  un  article  historique 
sans  nom  d'auteur  inséré  à  la  p.  379  du  t.  XXIX  du  Bulletin  de 
la  Société  d'encouragement  de  Paris,  on  néglige  complètement 
les  noms  d'inventeurs  que  je  viens  de  citer  d'après  Ure,  pour 
y  substituer  ceux  des  Stevenson,  des  Braley,  des  Hervey,  etc., 
parmi  lesquels  cependant  on  place,  mais  à  un  rang  beaucoup 
trop  reculé,  ceux  de  Lacy  et  de  Lindley,  pour  la  part  impor- 
tante qu'ont  prise  dans  l'établissement  des  métiers  à  tulle- 
bobin  ces  ingénieux  mécaniciens,  dont,  chose  plus  surpre- 
nante encore,  les  titres  sont  entièrement  passés  sous  silence 
dans  le  Dictionnaire  des  arts  et  manufactures,  malgré  le  reten- 
tissement qu'obtinrent  leurs  travaux,  d'après  l'histoire  contem- 
poraine de  Nottingham  par  Blackner. 

Le  silence  absolu  gardé  par  Ure  sur  l'origine  des  idées  rela- 
tives au  jeu  des  bobines  traversières,  décrites  dans  la  patente 
de  180g  de  Heathcoat,  ce  silence  est  d'autant  plus  regrettable 
que  personne,  en  Angleterre  ou  en  France,  ne  s'est  expliqué 
nettement  à  cet  égard,  et  qu'il  s'est  écoulé,  dei8i3ài8i6, 


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MACHINES  ET  OUTILS.  479 

un.  intervalle  de  plus  de  trois  années  sans  qu'il  ait  été  déli- 
vré dans  le  Royaume -Uni  aucune  autre  patente  relative  à  la 
fabrication  du  tulle-bobin ,  si  ce  n'est  le  a  a  juin  181 5,  à  l'ingé- 
nieur Charles  Silvester,  de  Derby,  pour  des  perfectionne-, 
ments  relatifs  à  la  texture  particulière  delà  dentelle  à  mailles 
hexagonales  [bobbin-lace) ,  dont  l'auteur  propose  de  commettre, 
tordre  entre  eux  les  doubles  fils,  sur  tous  les  côtés  à  la  fois, 
par  des  procédés  sans  doute  purement  manuels  ou  à  fuseaux 
ordinaires.  Ces  procédés  n'étant  point  exposés  dans  la  patente, 
ils  n'ont  pu  contribuer  directement  aux  progrès  ultérieurs 
des  idées  mécaniques;  mais  ils  auront  servi  comme  d'avertisse- 
ment au  public  et  de  défi,  de  leçon,  aux  fabricants  de  tulle 
sur  métier,  dont  les  produits  en  fil  de  coton,  quoique  jusque- 
là  imparfaitement  commis,  menaçaient  cependant  dès  i8i5 
le  travail  à  1^  main  d'une  concurrence  extrêmement  dange- 
reuse, même  en  Angleterre,  où  d'ailleurs  il  se  fabriquait 
ainsi  assez  peu  de  dentelle,  à  cause  du  prix  élevé  de  la  main- 
d'œuvre  et  de  la  concurrence  étrangère;  concurrence  devenue, 
depuis  près  d'un  demi-siècle,  le  prétexte  de  droits  prohibitifs 
et  le  principal  point  de  mire  des  industrieux  fabricants  ou 
mécaniciens  de  Nottingham. 

S  V.  —  Suite  de  l'examen  des  plus  anciennes  patentes  anglaises  relatives 
aux  métiers  à  tulle-bobin.  —  Système  automatique  de  Charles  Lacy  et  de 
John  Lindley,  à  grilles  circulaires  fixes,  à  navettes  traversières  perfec- 
tionnées et  roquets  «nsouples  de  chaîne  circulante  (1816).  —  Nouvelle 
patente  délivrée  à  John  Heathcoat,  en  1816,  pour  un  métier  à  main  et  à 
marches,  fabriquant  et  brodant  simultanément  le  tulle-bobin,  au  moyen 
de  barres  latérales  de  guide,  de  roues  à  crans  et  à  rosettes. 

C'est  peu  après  le  silencieux  intervalle  écoulé  entre  les 
années  181 3  et  1816  que  Charles  Lacy,  de  Nottingham,  et 
John  Lindley,  de  Longborough,  tous  deux  fabricants  de 
tulle,  prirent  en  commun  leur  patente,  datée  seulement  du 
3o  septembre  1816,  pour  des  mécanismes  (machinery)  appli- 
cables aux  métiers  à  tulle  uni,  façon  de  Buckingham,  déjà 
en  usage;  la  première,  sans  contredit,  des  patentes  anglaises 


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<i30  VI*  JURY. 

relatives  aux  métiers  où  le  but ,  la  nature  des  produits,  la  cons- 
titution et  le  jeu  des  principaux  organes  soient,  sinon  très- 
clairement,  du  moins  consciencieusement,  décrits  et  exposés, 
en  un  mémoire  de  trente  pages,  grand  in-8°,  accompagné  de 
dix  planches  du  plus  grand  format,  mémoire  qui  offre  tous 
les  caractères  de  la  loyauté  et  de  la  franchise. 

Le  tulle  dont  il  est  question,  parfaitement  défini  etfigaré, 
présente,  comme  la  dentelle  de  Lille,  d'Arras,  etc.,  des  mailles 
hexagonales,  dont  quatre  côtés  seulement  sont  formés  par  le 
commettage  à  un  tour  et  demi  des  fils  respectifs  de  la  chaîne 
avec  ceux  de  la  trame  ou  des  bobines,  les  deux  autres  côtés 
étant  formés  de  ces  derniers  fils  simplement  croisés  et  mar- 
chant diagonalemcnt  d'une  lisière  à  l'autre  du  tissu.  Or,  cela 
a  lieu  ici,  non  comme  le  proposait  Heathcoat  dans  sa  pa- 
tente de  1809,  en  faisant  avancer  ou  reculer  simultanément 
d'un  cran  ou  d'une  porte,  tantôt  de  droite  à  gauche,  tantôt 
de  gauche  à  droite,  la  grille  de  guide  antérieure  des  chariots 
de  bobines  après  le  passage  de  celle-ci  au  travers  des  fils  verti- 
caux de  la  chaîne,  mais  bien  en  laissant  constamment  immo- 
biles ces  grilles  ou  peignes ,  composés  d'une  double  rangée  de 
lames  circulaires  opposées  entre  elles  de  part  et  d'autre  du 
fossé  qui  livre  un  libre  passage  à  ces  mêmes  fils,  et  consti- 
tuées chacune,  noo  plus  de  deux,  mais  d'une  seule  pièce  ou 
rang  de  platines  montées,  coulées  sur  une  barre  à  plomb 
extrême  ou  extérieure  parallèle  au  fossé;  modification  qui 
pourrait  tout  au  plus  être  considérée  comme  un  perfectionne- 
ment des  idées  de  Heathcoat,  et  qu'Andrew  Ure,  ainsi  qu'on 
l'a  vu,  a  gratuitement  attribuée  à  Morley,  de  Derby. 

En  revanche  et  à  l'inverse,  Lacy  et  Lindley ,  dans  leur  ma- 
chine, mobilisaient  les  ensouples  inférieures  et  horizontales 
des  fils  de  chaîne,  établies  non  plus  sur  un  rouleau  unique 
mobile  transversalement,  comme  cela  paraît  avoir  été  tenté 
ou  pratiqué  même  par  d'autres  auparavant  pour  de  très* 
étroites  bandes  de  tulle  ,  mais  bien  sur  de  petits  rouleaux  à 
châssis  verticaux,  avec  suspension  de  ressorts  à  boudins, 
distribués  le  long  d'une  coulisse  horizontale  à  branches  parai  - 


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MACHINES  ET  OUTILS.  481 

lèles  rentrantes  et  raccordée  par  des  demi-cercles  aux  deux 
bouts,  permettant  aux  roquets  ensouples  de  contourner  ces 
bopts  arrondis  et  <Je  revenir  sur  eux-mêmes,  à  la  manière  des  ' 
fuseaux  de  métiers  à  lacets,  pour  former  les  bords  extérieurs, 
les  lisières  du  tissu.  Là,  comme  je  l'ai  dit,  les  fils  d  ensouples, 
glissant  sur  leurs  guides  parallèles  et  horizontaux,  doivent, 
après  avoir  jnarcbé  diagonalement  d'un  bord  à  l'autre  de  la 
pièce,  être  commis,  tortillés  à  deux  tours  et  demi,  avec  ceux 
des  navettes  ou  bobines  extrêmes  de  l'une  et  l'autre  grille, 
pour  retourner  ensuite  sur  leurs  pas  diagonalement  et  symé- 
triquement à  leurs  courses  ou  directions  premières,  mais  en 
suivant  le  revers  ou  guide  opposé  du  fossé. 

Cette  singulière  disposition  du  métier  à  tulle  n'a ,  je  crois, 
nulle  part,  été  maintenue,  et  l'on  est  revenu  promptement  à 
l'idée  de  faire  cheminer  les  bobines  elles-mêmes,  diagonale- 
ment, d'une  porte  à  l'autre,  en  déplaçant  alternativement, 
de  gauche  à  droite  et  de  droite  à  gauche,  les  barres  à  plomb 
qui  supportent  chaque  rangée  antérieure  ou  postérieure  des 
grilles  ou  guides  circulaires  des  navettes.  Le  précédent  mémoire 
de  Lacy  et  Lindley  n'en  jette  pas  moins  un  certain  jour  sur 
l'état  primitif  des  métiers  à  tulle-bobin ,  métiers  auxquels  ces 
ingénieurs  paraissent,  au  surplus,  avoir  ajouté  d'assez  nom- 
breux et  utiles  perfectionnements  de  détail,  pour  servir  de  type 
à  des  tentatives  plus  modernes  et  que,  par  ce  motif,  je  crois 
devoir  rapidement  énumérer. 

Telles  sont,  en  particulier,  les  importantes  modifications 
apportées  aux  bobines  minces  en  cuivre,  à  gorge  de  poulies  et 
freins  de  tension  à  ressorts,  accouplées  l'une  derrière  l'autre, 
sur  des  navettes  ou  chariots  glissants,  très-distincts  de  ceux 
queBrown  et  Heathcoat  mentionnaient  dans  leurs  patentes, 
et  que  Lacy  et  Lindey  allongent,  amincissent,  de  manière  à  en 
placer  vingt  dans  l'épaisseur  d'un  pouce  anglais,  sans  mettre 
obstacle  au  passage  réciproque  des  fils  entre  leurs  parois  voi- 
sines; ce  qui  est  un  fait  capital,  plus  difficile  à  réaliser 
qu'on  ne  pourrait  se  l'imaginer  à  première  vue,  puisque, 
notamment,  les  bobines,  dont  l'épaisseur  atteignait  à  peine 

VI*  JORY.  —  2*  PARTIE.  3 1 


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482  VT  JURY. 

dès  lors  un  millimètre ,  devaient  être  composées  de  trois  pièces 
minces  exactement  planes  et  rivées  entre  elles  contre  la  ron- 
delle du  centre  qui  leur  sert  d'appui  ou  noyau. 

Telle  est  encore  l'ingénieuse,  très-simple  et  solide  disposition 
des  grilles  circulaires  de  guide  dont  j'ai  d'abord  parlé ,  mais  qui 
sont  ici,  pour  la  première  fois  je  pense,  précédées,  eo  des- 
sous, d'un  double  rang  de  peignes  horizontaux,  opposés  de 
part  et  d'autre  du  fossé  ou  plan  moyen  du  métier,  et  dont 
les  aiguilles,  montées  sur  des  barres  à  plomb  horizontales  et 
parallèles,  les  unes  à  simples  pointes,  les  autres  fourchues, 
servent  à  séparer  entre  eux  et  déplacer  les  fils  des  roquets  en- 
souples,  dont  la  double  rangée  est  animée,  le  long  de  leurs 
barres  horizontales  d'appui  inférieur,  de  glissements  latéraux 
en  sens*  contraires,  sans  se  nuire  ou  se  mélanger  réciproque- 
ment. D'ailleurs,  par  une  combinaison  aussi  difficile  à  expli- 
quer qu'à  saisir,  les  fils  de  chaque  rangée  reçoivent  de  leurs 
couples  de  peignes  opposés,  simultanément  et  séparément, 
dans  le  sens  longitudinal  ou  des  barres  d'appui,  un  mouve- 
ment alternatif  d'avance  et  de  recul  équivalent  à  la  largeur 
même  d'une  porte  ou  maille,  et  d'où  résulte  leur  croisement 
répété,  leur  commettage  réciproque  avec  les  fils  correspon- 
dants des  bobines,  ici  simplement  traversières  de  l'une  à  l'autre 
grilles  conservant,  je  le  répète,  une  position  fixe. 

Tek  sont  aussi  les  loquets  ou  crampons  à  lames  minces, 
alternativement  tireurs  et  pousseurs  des  navettes,  lesquels  de 
part  et  d'autre,  quoiqu'un  peu  au-dessus  des  grilles  circulaires, 
impriment  aux  bobines  leur  va-et-vient  simultané,  au  travers 
des  fils  de  chaîne  à  roquets  mobiles  par  intermittence  :  ces 
loquets  à  bascules  tournant  sur  deux  barres  horizontales,  pa- 
rallèles et  extérieures  au  métier,  reçoivent  eux-mêmes  l'action 
due  au  cheminement  circulaire  ou  cylindrique  de  ces  barres 
autour  de  l'axe  horizontal  supérieur  où  s'opère  le  rentrage,  le 
resserrement  des  mailles,  et  qui  est  aussi  l'axe  central  commun 
desi  deux  systèmes  de  platines  circulaires  servant  de  guide 
aux  navettes. 

Enfin ,  et  c'est  là  le  point  capital  de  la  patente  de  Lacy  et 


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MACHINES  ET  OUTILS.  483 

Lindley,  leur  métier  à  tulle  comporte  immédiatement  au- 
dessous  de  l'ensouple  supérieure  du  tissu,  c'est-à-dire  au  point, 
à  l'axe  même  de  convergence  des  fils  de  chaîne  et  de  trame, 
deux  barres  à  pointes  ou  peignes  munis  d'aiguilles  horizontales 
opposées,  dont  les  extrémités  s'engagent  de  part  et  d'autre, 
mais  alternativement,  entre  les  mailles  hexagonales  déjà  ébau- 
chées par  lé  croisement  réciproque  des  (ils,  mailles  non  en- 
core rapprochées  ou  resserrées  contre  le  tissu.  Ces  barres  à 
pointes,  également  conduites  par  le  mécanisme  du  métier, 
éprouvent  en  effet,  après  avoir  traversé  horizontalement 
la  rangée  des  mailles  jointives,  un  relèvement  vertical  pro- 
duisant le  cueillage  ou  rentrage  dont  il  s'agit,  bientôt  suivi 
d'un  mouvement  horizontal  de  recul  servant  à  dégager  les 
mailles  rentrées,  recul  auquel  succède  immédiatement  un 
nouvel  abaissement  vertical ,  et  ainsi  de  suite  alternativement, 
sur  chacun  des  côtés  du  plan  vertical  moyen  du  métier  ou  du 
réseau;  ce  qui,  disent  les  auteurs,  avait  lieu  jusque-là  par  des 
mouvements  transversaux  obliques  de  chaque  peigne,  forcé- 
ment accompagnés  de  glissements,  déraillements  très-dom- 
mageables à  la  constitution  délicate  d'un  tissu  dont  le  prin- 
cipal mérite,  en  effet,  réside  moins  encore  dans  une  extrême 
finesse  que  dans  la  force,  la  régularité  et  la  perfection,  pour 
ainsi  dire  mathématiques ,  des  mailles. 

Il  ne  parait  pas,  au  surplus,  que,  avant  cette  patente  de 
Lacy  et  Lindley,  Heathcoat  ni  aucun  autre  aient,  sinon  tenté, 
du  moins  réussi  à  faire  marcher  d'une  manière  entièrement 
automatique  et  continue  les  métiers  à  tulle  véritablement 
noué  ou  commis  (twùted),  même  dans  le  genre  simple  dont 
il  vient  d'être  parlé.  Or,  on  y  parvient  ici  à  l'aide  d'un  arbre 
de  couche  inférieur  ou  principal,  faisant  marcher  latéralement 
un  arbre  vertical  à  manchon  et  levier  d'embrayage  chargé, 
vers  le  haut,  d'un  certain  nombre  de  fonctions  non  indiquées 
sur  les  dessins;  tandis  que  l'arbre  de  couche  horizontal  met 
directement  en  action  une  roue  à  six  cames  en  étoiles  iné- 
galement espacées,  agissant  surde£  galets  roulants  fixés  à 
des  leviers  moteurs  ou  directeurs,  véritables  pédales  qui,  par 

3i. 


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484  VT  JURY. 

des  tringles  à  bascules  supérieures,  servent  à  imprimer  aux 
divers  organes  du  métier,  munis  de  contre-poids  ou  de  res- 
sort à  recul,  les  mouvements  d'allée  et  de  venue,  verticaux, 
horizontaux  ou  rotatifs,  qui  conviennent  à  leurs  fodctions 
multiples,  si  délicates,  si  précises,  et  auxquelles,  par  ce  motif, 
des  cames  à  chocs  paraissaient  assez  peu  appropriées. 

L'exemple  plein  de  franchise  donné  par  Lacy  et  Lindley 
n'a  pas  tardé  à  être  suivi  par  Heathcoat  dans  sa  quatrième 
patente,  du  1"  novembre  1816,  postérieure,  par  conséquent, 
de  deux  mois  à  celle  de  ces  ingénieux  mécaniciens,  et  con- 
tenant vingt-quatre  pages  de  texte  et  trois  énormes  planches 
où  l'auteur,  celte  fois,  expose  avec  précision  et  méthode  les 
particularités  qui  distinguent  ses  métiers  à  tulle,  mais  sans 
s'expliquer  plus  nettement  sur  ses  droits  à  la  priorité.  A  cet 
égard,  il  se  contente  de  renvoyer  à  sa  patente  de  1809  pour 
ce  qui  concerne  les  principaux  organes  servant,  au  moyen 
des  pieds  et  des  mains,  à  l'ouvrier  placé  sur  une  sellette  hori- 
zontale, à  fabriquer  le  même  tulle-bobin  hexagctaal,  façon 
Buckinghamshire ,  indiqué  dans  les  patentes  de  Lacy  et  Lindley, 
sans  paraître,  quant  au  fond,  prétendre  apporter  aucunes  mo- 
difications essentielles  à  ses  précédents  procédés  mécaniques 
de  fabrication,  en  ce  qui  concerne  le  jeu  des  bobines,  etc. 
Toutefois,  dans  sa  dernière  patente,  Heathcoat  ajoute  à  sa 
machine  de  nouveaux  organes  propres  à  exécuter  simultané- 
ment  sur  le  réseau  uni  et  régulier  du  tissu  des  dessins  ou 
sortes  de  guipures,  qu'il  nomme gimp,  clolhworkr  en  enlaçant, 
à  cet  effet,  horizontalement,  verticalement  et  diagonalement, 
parmi  les  anciens,  d'autres  fils  montés  sur  de  petites  ensouples 
inférieures  à  contre-poids  de  tension ,  distinctes  de  la  grande 
ensouple  et  auxquelles  correspondent  verticalement  d'autres 
tubes,  d'autres  cloisons  ou  barres  de  guide  horizontales,  en 
talus  sur  la  largeur  et  convergeant  de  toutes  parts  vers  le 
fossé  ou  plan  médian  du  métier,  où  les  fils  brodeurs  [gimp 
thread) ,  saisis  par  les  extrémités  supérieures  des  peignes  qui 
surmontent  ces  barres  respectives  à  oscillations. longitudi- 
nales» viennent  se  marier,  se  croiser  avec  ceux  des  bobines  et 


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MACHINES  ET  OUTILS.  485 

des  fils  de  la  chaîne  ordinaire,  ceux-ci  étant  eux-mêmes  dirigés 
par  deux  autres  barres  antérieures,  horizontales  et  parallèles 
aux  précédentes. 

Le  déplaceméht  longitudinal  (shogg,  shoggin)  dont  il  s'agit 
est  d'ailleurs  imprimé  à  ces  différentes  barres  ou  lames  de 
guide  minces,  dans  Tordre  et  l'étendue  d'excursion  que  ré- 
clament le  dessin,  le  nombre  et  la  succession  des  croisements 
de  fils  sur  les  côtés  divers  du  réseau  régulier,  par  le  moyen  de 
véritables  barres  de  fer  rondes,  traversant  des  renforts  réser- 
vés à  l'extrémité  des  lames  de  guide,  et  dont  les  prolonge- 
ments extérieurs  au  métier,  glissant  horizontalement  entre  des 
collets,  sont  conduits  par  un  équipage  de  roues  dentées  laté- 
ral, faisant  marcher,  d'une  part,  des  roues  denlivjsion  à  crans 
et  déclics  d'arrêt,  d'une  autre,  des  roues  à  rosettes,  selon  le 
principe  du  tour  à  guillocher;  c'est-à-dire  d'après  des  combi- 
naisons, quelquefois  mais  improprement  nommées  moulins, 
déjà  bien  connues  et  dont  j'ai  souvent  parlé  à  l'occasion  des 
métiers  à  brocher  ou  broder  les  tissus  divers. 

Quant  aux  particularités  qui  concernent  spécialement  le 
métier  à  tulle  uni,  et  pour  lesquelles  Heathcoat  semble,  sans 
le  dire  positivement ,  renoncer  à  tout  privilège  exclusif  dans  la 
première  partie  de  sa  patente,  elles  consistent  toujours  dans 
l'emploi  de  navettes  à  bobines  verticales,  glissant  par  couples 
le  long  des  intervalles  vides  de  grilles  circulaires,  divisés  en 
quatre  portions  distinctes,  correspondant  à  autant  de  barres 
à  plombs-supports,  dont  deux  postérieures,  comme  on  l'a  vu, 
entièrement  fixes  et  placées  en  arrière  du  fossé  de  passage  des 
fils  de  chaîne  ou  de  broderies,  et  deux,  en  avant  du  même 
vide,  susceptibles  de  glisser  longitudinalement  sur  leur  siège 
commun ,  au  moyen  d'un  levier  à  poignée  et  à  ressort  de  re- 
cul, qui  permet  aux  grilles  correspondantes  un  déplacement 
simultané  à  gauche  ou  à  droite  de  deux  espaces  ou  portées,  à 
raison  de  vingt  au  pouce ,  de  manière  à  entraîner  tantôt  le  rang 
simple,  tantôt  le  rang  double  des  navettes  qui  y  seraient  enga- 
gées avant  ou  après  leur  passage  au  travers  des  fils  de  chaîne 
et  de  broderie,  etc.;  ce  qui  établit  une  très-grande  différence 


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486  VP  JURY. 

entre  le  système  de  Heathcoat  et  celui  de  Lindley  et  Lacy, 
où  les  grilles  circulaires  de  guide  des  navettes  restaient  complè- 
tement immobiles  pendant  qu  on  faisait,  à  l'inverse,  ainsi  que 
je  l'ai  d'abord  expliqué,  marcher  les  roquet* ensouples,  non 
probablement  sans  qu'il  en  résultât  de  très-grandes  difficultés 
pour  la  manœuvre  latérale  de  leurs  fils,  etc. 

Si,  outre  ce  qui  précède,  on  imagine  dans  l'ancien  métier 
Heathcoat  les  barres  à  plomb  des  grilles  surmontées  respec- 
tivement de  quatre  lames  parallèles  basculantes  et  horizon- 
tales, servant  à  pousser  ou  tirer  alternativement  les  navettes, 
dont  deux  antérieures  et  deux  postérieures,  les  unes  nommées 
fechters  bars,  agissant  en  dehors  des  grilles  circulaires,  les 
autres,  shifting  ban,  agissant  à  l'intérieur,  vers  l'intervalle  qui 
sépare  les  portions  accouplées  des  mêmes  grilles;  en  imagi- 
nant, en  outre,  que  ce  système  de  grilles  et  de  pousseurs  ou 
tireurs,  si  compliqué  et  dont  Heathcoat  n'avait  rien  dit  dans 
ses  premières  patentes,  soit  mis  en  action  par  des  leviers  à 
main  et  des  bascules  à  pédale,  d'une  manœuvre  successive  et 
naturellement  lente  autant  que  pénible;  en  considérant  fina- 
lement que  la  cueille,  le  rentrage  des  mailles  du  tissu  près 
de  l'ensouple  supérieure  se  fait  au  moyen  de  peignes  pivo- 
tants, à  aiguilles  droites,  par  conséquent  d'inclinaison  va- 
riable, et  dont  les  barres  à  plomb  soient  successivement,  et 
directement  aussi,  manœuvrées  par  les  mêmes  leviers,  à  poi- 
gnées et  bascules  à  pédales,  déjà  mentionnés  dans  les  pre- 
mières patentes  de  l'auteur,  on  comprendra  beaucoup  mieux 
encore  l'excessive  lenteur  et  les  incertitudes  d'un  pareil  mode 
ou  procédé  de  fabrication,  qui,  en  revanche,  produisait  à  la 
fois  un  très-grand  nombre  de  mailles  (600  à  800)  dans  une 
même  pièce  de  tulle  ou  une  rangée  verticale  de  petites  bandes 
étroites  de  dentelles,  fabriquées  simultanément  aussi,  dans  la 
largeur  horizontale  du  métier. 

D'autre  part,  si  l'on  veut  bien  se  rappeler  les  difficultés  inhé- 
rentes aux  métiers  à  circulation  de  bobines  quant  à  la  forma- 
tion des  lisières  aux  extrémités  des  grilles,  exigeant  le  retour- 
nement des  navettes  au  moyen  de  mécanismes  spéciaux,  dont 


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MACHINES  ET  OUTILS.  487 

Heathcoat  cherche  ici  à  simplifier  un  peu  la  manœuvre  en  la 
rattachant  au  jeu  même  <Jes  barres  à  crampons  extérieurs, 
etc. ,  on  restera  convaincu  que  le  métier  de  ce  célèbre  ingé- 
nieur, bien  que  renfermant  en  lui-même  les  principaux  élé- 
ments de  solution,  non -seulement  laissait  beaucoup  à  faire 
aux  successeurs,  sous  le  rapport  de  la  facilité  du  jeu  et  de  la 
simplicité  des  organes,  mais  aussi  que  Lacy  et  Lindley  ont 
rendu  de  réels  services  au  point  de  vue  mécanique  en  tentant 
d'ouvrir  une  route  plus  expéditive,  également  originale,  d'a- 
bord suivie  sans  aucun  doute  par  l'industrie,  mais  depuis 
abandonnée  à  cause  des  inconvénients  inhérents  à  la  mobilité 
des  ensouples  de  chaîne.  Celle  mobilité,  en  effet,  ne  pouvait 
se  concilier  avec  l'application  des  dessins  de  broderie,  tandis 
que  la  chose ,  comme  on  l'a  vu ,  devenait  très-facile  dans  le  sys- 
tème des  barres  de  guide  latérales,  appliquées  aux  fils  de 
chaîne  ou  d'ensouples,  et  des  navettes  circulantes  appliquées 
aux  fils  de  trame  ou  de  traverse,  système  adopté  par  leur 
compétiteur  et  prédécesseur  Heathcoat,  qui  d'ailleurs,  et  sans 
aucun  doute,  aura,  comme  Àrkwright,  su  mettre  habilement  à 
profit  les  simplifications  et  perfectionnements  de  détails  que 
ses  divers  rivaux  introduisirent  dans  ce  même  système,  pro- 
tégé jusqu'en  1824  par  un  privilège  exclusif,  du  moins  à 
l'égard  des  dispositions  fondamentales. 

S  VI.  —  Exposé  succinct  des  principaux  changements  ou  perfectionne- 
ments apportés  aux  métiers  à  tulle-bobin,  a  partir  de  1816.  —  John 
Heailicoat,  breveté,  domicilié  en  France  (1830)  et  y  établissant  ses  deux 
systèmes  de  métiers  à  fabriquer  le  tulle  uni  ou  brodé.  —  Arrivée  anté- 
rieure du  mécanicien  Catts  en  France  (1817);  son  association  avec 
MM.  Thomassin,  Corbitt  et  Blaks,  a  Douai;  leur  procès  avec  les  Anglais 
Bonnington,  Webster  et  Clarke,  de  Calais;  ferte  du  brevet  d'importation 
de  Catts  et  de  toute  indication  relative  aux  machines  importées.  —  La 
Constituante  et  les  anciens  Parlements  anglais.  —  MM.  ChaaveUJoaa  et 
John  Leavers,  au  Grand-Couronne,  près  Rouen;  le  vrai  Levers  (John), 
fabricant  patenté  pour  des  métiers  à  tulle,  en  Angleterre. 

Au  nombre  des  perfectionnements  divers  qu'ont  subis  les 
premiers  métiers  à  tulle-bobin,  je  citerai  succinctement  et 


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48$  VI-  JURY. 

sans  remonter  aux  sources  :  i°  le  système  mécanique  de  ser- 
rage ou  rentrage  supérieur,  à  l'aide  des  barres  à  pointes  croi- 
sées, basculantes  et  soulevantes,  dû  à  Lacy  et  Lindley;  2e  la 
réduction  à  deux  des  grilles  circulaires  et  de  leurs  barres  à 
plomb,  Tune  antérieure,  mobile  latéralement  d'une  porte, 
l'autre  postérieure,  fixe  dans  le  propre  système  de  Heathcoat, 
mais  rendue  ensuite  mobile  comme  la  première  pour  accroître 
et  faciliter  les  combinaisons;  3°  l'emploi  de  chasses  ou  pousse- 
navettes  de  plus  en  plus  simples,  à  mouvements  alternatifs, 
fixés  à  l'extrémité  de  pièces  pivotantes  dbnjuguées  entre  elles 
ou  agissant  isolément  de  part  et  d'autre  du  plan  vertical  et  cen- 
tral du  métier,  les  unes  au-dessus  des  grilles  circulaires  (pashert) 
extérieures  aux  navettes,  les  autres  en  dessous,  véritables  lo- 
quets tournants  (lockers) ,  entraînant  les  becs  arrondis  ou  sail- 
lies extrêmes,  réservés  à  la  partie  inférieure  des  navettes;  4e  la 
substitution  à  ces  derniers  systèmes  des  rouleaux  ou  secteurs 
dentés  (roller  locker),  à  crémaillères  cylindriques,  et  dont  le 
mécanisme,  plus  simple,  s'accommodait  beaucoup  mieux  aux 
fonctions  automatiques  des  récents  et  ingénieux  métiers 
connus  sous  le  nom  de  Levers,  métiers  dont  il  sera  question 
plus  loin ,  et  dans  lesquels  on  a  religieusement  conservé  le 
système  opposé  des  peignes  rentreurs  ou  serreurs  de  Lacy  et 
Lindley,  qui  remplissent  véritablement  ici  la  fonction  dnpeijnt 
batteur  des  métiers  à  tisser;  5°  l'amincissement  des  barres  hori- 
zontales de  guide  ou  de  tirage  latéral  des  fils  tisseurs  et  bro- 
deurs [guid  bars),  barres  déjà  employées  par  Heathcoat,  mais 
ici  munies  de  trous  ou  de  crochets  porte-fils  (catch  bars),  & 
auxquelles  on  a  joint  d'autres  simplifications  ou  combinaisons 
de  moulins,  de  roues  à  crans  et  à  rosettes  pour  varier  les 
dessins,  etc.  • 

Quelques-uns  de  ces  importants  perfectionnements  s'aper- 
çoivent déjà  dans  le  brevet  pris  en  France  le  8  mai  1820  par 
l'infatigable  John  Heathcoat  même,  alors  établi  à  Tiverton, 
dans  le  Devonshire ,  mais  faisant  élection  de  domicile  à  Paris , 

1  Ancienne  Collection  des  brevets  expirés,  t.  XXXII,  p.  1 79  A  aî5,  pi-  *9» 
3o,  3i,  3a,  33  et  34. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  489 

puis  subséquemment,  dit-on,  à  Saint-Quentin  (1827),  où  il 
établit  une  fabrique  de  tulle-bobin ,  en  concurrence  avec  celles 
des  riches  cités  manufacturières  de  Rouen  (le  Grand-Cou- 
ronne), de  Calais,  de  Douai,  de  Lyon,  etc.  Ce  brevet,  com- 
prenant 45  pages  in-4°  et  6  planches  à  très-petite  échelle, 
remplit;  en  effet,  une  lacune  importante  qui  se  remarque  de 
1816  à  1824  dans  les  patentes  anglaises  appartenant  à  cette 
catégorie  de  machines  :  une  analyse  exacte  de  son  contenu 
serait  très-propre  à  donner  une  idée  de  l'état  où  se  trouvait 
vers  1820  cette  admirable  industrie,  au  point  de  vue  des 
dispositions  mécaniques. 

L'espace  et  le  temps  me  faisant  également  défaut,  je  me 
bornerai  à  rappeler  que  l'intéressant  mémoire  de  Heathcoat, 
très-clairement  rédigé  en  français,  a  tout  à  la  fois  pour  objet 
les  métiers  à  main  et  à  marche,  destinés  à  la  fabrication  du 
tulle -bobin,  et  les  métiers  rotatifs,  c'est-à-dire  marchant 
par  des  moyens  purement  automatiques;  tous  destinés  à  pro- 
duire sur  le  réseau  uni  du  tulle  divers  dessins  par  les  mêmes 
barres  de  guide  horizontales,  les  mêmes  roues  excentriques, 
cames  et  rosettes,  déjà  mentionnées  dans  la  patente  de  l'au- 
teur de  1816,  mais  qu'on  retrouve  ici  grandement  perfec- 
tionnées, simplifiées,  allégées,  etc. 

J'insisterai  plus  particulièrement  sur  ce  fait,  cité  par  le 
célèbre  ingénieur  de  Tiverton  dans  les  préliminaires  du  bre- 
vet en  question,  qu'un  constructeur  anglais,  du  nom  de  Cutts, 
l'avait  précédé  en  France  dans  l'établissement  de  machines 
de  cette  espèce,  mais  n'offrant  de  ressemblance  avec  les  siennes 
qu'à  l'égard  des  principes  ou  des  organes  qui  agissent  immé- 
diatement sur  les  fils  pour  les  croiser,  les  tortiller  récipro- 
quement et  diagonalemen  t.  Cette  citation,  sans  commentaires, 
nous  met,  en  effet,  sur  la  voie  des  circonstances  qui  ont 
accompagné  l'importation  des  machines  anglaises  dans  notre 
pays,  à  une  époque  très-voisine  de  celle  du  rétablissement 
général  de  la  paix  en  Europe. 

Sans  aucun  doute,  le  mécanicien  Cutts  dont  parle  Heath- 
coat est  le  même  qui,  le  i5  novembre  1817,  s'associa  avec 


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490  VT  JURY, 

MM.  Thomassin,  Corbitt  et  Blaks,  de  Douai,  pour  la  prise 
d'un  brevet  d'importation  de  dix  ans  concernant  une  méca- 
nique à  l'aide  de  laquelle  on  peut  fabriquer  les  luttes  de  fils  de  lin, 
de  coton  et  points  de  dentelle  de  toute  largeur;  brevet  dont  la  de- 
mande d'inscription,  sinon  le  dépôt  à  la  préfecture  du  dépar- 
tement du  Nord,  remonte,  le  croirait-on,  au  i4  août  1816, 
c'est-à-dire  à  une  époque  antérieure  de  quinze  mois  à  sa  déli- 
vrance. Ce  brevet,  chose  plus  surprenante  et  plus  regrettable 
encore,  bien  que  catalogué,  n'a  jamais  été  publié  en  France1; 
il  a  même  disparu  complètement  des  archives  du  ministère 
du  commerce,  par  des  causes  aujourd'hui  difficiles  à  apprécier, 
mais  qui  témoignent  hautement  de  la  négligence  des  impor- 
tateurs, et  peut-être  aussi  de  l'indifférence  de  l' Administration 
d'alors  pour  l'expédition  de  semblables  affaires,  d'autant  plus 
importantes  cependant  qu'elles  sont  parfois  l'origine  de  pro- 
cès ruineux,  scandaleux  même,  plaides  devant  des  tribunaux 
généralement  incompétents,  par  des  avocats  souvent  distraits 
et  peu  mécaniciens,  assistés  d'experts  non  toujours  suffisam- 
ment éclairés  ou  désintéressés. 

C'est  ce  qui  est  arrivé  notoirement  à  l'égard  du  brevet  cité 
de  Cutts  et  consorts,  attaqué  en  déchéance,  le  6  avril  1818, 
devant  le  tribunal  de  Douai,  par  les  Anglais  Bonnington, 
Webster  et  Glarke,  qui  dès  avril  1817  avaient  introduit  a 
Calais  un  métier  à  tulle-bobin  ou  chaîne  traversière  (travent 
warp)  fonctionnant,  mais  dont  la  constitution  parait  entièrement 
inconnue,  quoique  la  sentence  arbitrale  du  tribunal  de  Douai» 
confirmée  en  janvier  1820  par  celle  du  tribunal  d'appel  de 
Boulogne,  ait,  à  tort  ou  à  raison,  confondu  la  machine  à  tulle 
[pusher)  de  Bonnington,  Webster,  etc.,  avec  celle  de  Cutti: 
ce  dernier,  d'après  la  citation  de  Heathcoat,  devant  être  cou- 
sidéré  non  plus  comme  un  simple  importateur,  imitateur  ou 
copiste  des  métiers  alors  existants  en  Angleterre,  où  d'ailleurs 

1  Un  modèle  de  la  machine,  assure-t-on ,  aurait  été  déposé  Yen  la  mfa» 
époque,  par  M.  Thomassin,  à  la  Collection  des  arts  et  métiers  de  P*1*» 
qui,  je  crois,  n'en  conserve  aucune  trace. 

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MACHINES  ET  OUTILS.  491 

il  ne  fut  jamais  patenté,  mais  bien  comme  un  véritable  méca- 
nicien, sinon  inventeur,  du  moins  perfectionneur  de  quelque 
système  à  mouvement  rotatif  ou,  continu. 

La  demande  du  brevet  de  Gutts  remontant  au  mois  d'août 
1816,  antérieur  par  conséquent  aux  dernières  patentes  de 
Lacy,  Lindley  et  Heathcoat,  semblerait  en  fournir  la  preuve, 
et  Ton  conçoit  combien  la  perte  de  semblables  documents,  ou 
la  négligence  qu'on  met  à  les  faire  rentrer  aux  archives  et  à  en 
ordonner,  hâter  la  publication ,  est  fâcheuse  au  point  de  vue  du 
développement  des  industries  mécaniques  ou  manufacturières. 
Car,  selon  le  vœu  formel  de  la  loi  de  1 79 1 ,  constitutive  des  bre- 
vets, cette  publication  ne  doit  pas  être  profitable  seulement  aux 
intérêts  d'une  ville  ou  d'un  département,  mais  bien  à  la  France 
et  pour  ainsi  dire  à  l'humanité  tout  entière,  d'après  un  senti- 
ment de  philanthropie  universelle  digne  de  notre  première 
Assemblée  constituante,  et  dont  le  royaume-uni  de  la  Grande- 
Bretagne  vient  un  peu  tardivement  de  se  faire  l'interprète 
en  i85i,  après  avoir  pris,  il  est  vrai,  il  y  a  tantôt  deux  siècles 
et  demi  écoulés,  l'initiative  d'un  enregistrement  des  patentes 
anglaises,  légal  et  officiel  sans  doute,  à  la  rigueur  même  suffi- 
sant pour  garantir  les  droits  des  inventeurs  dans  ce  royaume, 
mais  jusque-là  demeuré  sans  profits  appréciables  pour  les 
autres  pays,  puisque  les  recueils  périodiques  anglais,  d'ailleurs 
très-estimables  au  point  de  vue  historique,  n'en  contenaient 
que  des  résumés  insuffisants  et  trop  souvent  rédigés  en  vue 
de  spéculations  de  librairie  ou  commerciales. 

Renonçant  malgré  moi,  et  par  la  force  des  choses,  à  une 
enquête  et  à  des  éclaircissements  historiques  qu'il  serait  si 
facile  de  poursuivre  sur  place,  en  sortant  du  vague  des  idées 
où  se  complaisent  malheureusement  les  rapporteurs,  rédac- 
teurs d'articles  ou  historiens  intéressés  des  industries  méca- 
niques, je  me  bornerai  à  une  indication  succincte  des  prin- 
cipales phases  qu'a  subies  chez  nous  l'introduction  des  métiers 
anglais  à  fabriquer  le  tulle-bobin. 

D'abord  je  citerai  un  certain  M.  ChauvelJoua,  du  Grand- 
Couronne,  près  Rouen,  mentionné  avec  de  grands  éloges  par 


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492  -  VP  JURY. 

notre  Société  d'encouragement !  pour  avoir  établi,  avec  F  aide 
d'ouvriers  et  d'un  très-habile  fabricant  de  tulle  venu  d'An- 
gleterre, mais  dont  le  non»  n'est  point  indiqué,  deux  pre- 
miers métiers,  fonctionnant  dès  septembre  1821t. et  particu- 
lièrement destinés  à  la  production  des  tulles  en  coton,  unis  on 
brodés  à  la  main;  puis  deux  autres  métiers  propres  à  confec- 
tionner les  tulles  mechelin  et  le  picot,  les  plus  chers  de  tous, 
dit-on,  sans  pareillement  indiquer  la  nature  et  l'origine  de 
ces  métiers,  etc.;  le  rédacteur  de  l'article  se  contentant  d'a- 
vertir qu'ils  employaient  des  fils  du  numéro  190 ,  à  deux  hovU, 
provenant  de  filatures  françaises,  et  qu'ils  étaient  beaucoup  plus 
compliqués,  plus  coûteux  que  les  métiers  français  à  tulle  de 
soie  ;  ce  qui  nous  renseigne  fort  peu,  comme  on  voit,  sorte 
particularités  mécaniques  des  mêmes  métiers,  qu'il  impor- 
terait surtout  de  connaître  pour  apprécier  l'état  où  se  trouvait 
alors  une  aussi  importante  branche  d'industrie  mécanique 
chez  nos  voisins. 

Ces  métiers,  dont  on  fait  un  si  grand  éloge,  ont-ils  simple- 
ment été  construits  en  Angleterre  d'après  l'un  des  deux  sys- 
tèmes décrits  dans  le  brevet  pris  en  France  par  John  HeauV 
coal  le  8  mai  1820,  ou  bien  auraient-ils  été  établis  dans  on 
système  propre  au  manufacturier  anglais  dont  l'article 
précité  a  tu  le  nom,  et  qui,  présenté  comme  effectivement 
capable  d'y  réussir,  aurait  prétendu  échapper  aux  effets  de  fa 
loi  qui  protégeait  les  découvertes  de  Heathcoat  jusqu'en 
France?  Voilà  ce  qu'il  ne  m'est  pas  permis  encore  de  décider, 
dans  l'impossibilité  où  je  suis  d'ouvrir  une  enquête  rigou- 
reuse à  Rouen  ou  au  Grand-Couronne. 

Le  constructeur,  le  monteur  anonyme  de  ces  métiers  an- 
glais serait-il,  enfin,  le  même  que  le  mécanicien  Leaveis 
(John)  établi  dans  cette  dernière  localité,  et  qui,  associé  à  un 
sieur  Erckmann,  de  Rouen,  aurait  pris,  un  peu  tardivement 
peut-être  (16  juin  i835),  un  brevet  d'importation  de  cinq 
ans,  déchu  par  ordonnance  royale  du  25  mars  i838*,  etren- 

1  Bulletin,  t.  XX  (18a  1),  p.  a54,  séance  du  3  octobre  1821. 
*  Brevets  expirés,  t.  XXXVI,  p.  *55,  pi.  a8. 


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MACHINES  ET  OUTILS.  493 

fermant  la  description  écourtée  de  perfectionnements  apportés 
aux  métiers  à  tulle-bobin  en  vue  de  fabriquer  mécanique- 
ment un  certain  tulle  à  maille  de  blonde  en  soie,  etc.?  C'est 
fort  possible;  mais  alors  qu'on  m'explique  comment  tant  de 
gens  habiles,  et  qu'on  devrait  croire  parfaitement  informés, 
ont  confondu  ce  Leavers ,  récemment  décédé ,  dit-on ,  au  Grand- 
Couronne,  et  dont  le  nom  ne  figure  sur  aucun  catalogue  de 
patentes  anglaises,  avec  un  autre  mécanicien  de  Nottingham 
beaucoup  plus  fécond,  et  à  juste  titre  très-célèbre,  du  nom* 
de  John  Levers,  lequel,  en  mars  et  décembre  1828,  juin 
i83o  et  février  i835,  prit,  comme  inventeur,  en  Angleterre 
et,  en  septembre  1829,  comme  importateur  en  France,  plu- 
sieurs patentes  ou  brevets  ayant  pour  principal  caractère  de 
grandes  simplifications  apportées  à  la  partie  automatique  du 
mécanisme  des  métiers  à  doubles  grilles  circulaires  mobiles 
de  Heathcoat.  Déjà,  en  effet,  à  compter  de  1824 1  où  expirait 
en  Angleterre  la  patente  délivrée  en  1809  à  ce  dernier  ingé- 
nieur, de  nombreux  compétiteurs  s'étaient  à  l'envi  empressés 
de  solliciter  une  série  d'autres  patentes  pour  des  perfectionne- 
ments plus  ou  moins  heureux,  plus  ou  moins  importants, 
spécialement  appropriés  à  la  fabrication  de  certaines  pièces 
de  tulle,  qui  ne  se  distinguaient  guère  entre  elles  que  par 
l'addition  d'ornements  d'un  genre' particulier  et  jusque-là  fort 
restreints,  tels  que  picots,  pois,  mouches,  etc.  Car,  si  je  ne 
me  trompe,  malgré  les  heureuses  découvertes  de  Heathcoat, 
on  avait  imparfaitement  réussi  avant  i83o  à  imiter  les  bro- 
deries à  la  main  et  à  l'aiguille  sur  le  tulle  uni  fabriqué  dans 
ce  genre  de  métier,  ou  adaptées,  après  coup,  aux  plus  fins  et 
plus  riches  tissus,  sous  le  nom  d'applications  <T  Angleterre  et  de 
Bruxelles. 

On  n'était,  je  crois,  guère  plus  en  mesure  d'imiter  les  mais 
et  entoilages  de  fleurs  avant  l'époque  de  i835  à  i838,  où,  en 
multipliant,  allégissant,  supprimant  même  entièrement  cer- 
taines barres  de  guide  des  fils ,  à  trous  ou  crochets ,  que  rem- 
plaçaient de  simples  cordons,  on  parvint  à  les  faire  mouvoir 
dans  un  ordre  arbitraire  ou  électif,  au  moyen  de  cylindres. 


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494  VF  JURY, 

de  prismes,  de  chaînes  à  plaques  trouées  d'un  genre  plus  ou 
moins  analogue  à  ceux  qu'on  devait  à  Falcon,  àVaucanson 
ou  à  Jacquart. 

S  VIL  —  Éclaircissements  concernant  les  travaux  mécaniques  des  célèbres 
ingénieurs  John  Levers,  William  Crofts,  John  Heathcoal,  etc.  *  propu 
d'écrits  erronés  divers.  —  La  notice  de  M.  Armengaud  sur  les  métiers 
A  talle-bobin  »  a  propos  de  celui  de  M.  Keenan,  de  Paris.  —  MM.  Dnfer, 
•  Wright,  Hind  et  Joardan,  CkampaUUr,  etc.  auteurs  supposés  de  Tsppii* 
cation  des  cartons  jacquart  aux  métiers  k  tulie-bobin.  —  MM  Birà», 
Bail  et  Dannicliff,  Sewell,  Barton,  Hudson  et  Bottom,  représentant  les 
fabricants  anglais  de  métiers  à  tulle,  a  l'Exposition  de  Londres;  M.  Mv- 
tin,  de  Saint-Pierre-lez-Calais,  représentant  ceux  de  la  France. 

La  confusion  qui  s'est  introduite  dans  la  classification 
des  différents  systèmes  de  métiers  à  tulle,  dans  la  dénomi- 
nation de  chaque  genre  de  produits  et  dans  la  désignation 
des  principaux  inventeurs  ou  auteurs  de  perfectionnements, 
enfin  la  multiplicité  même  des  brevets  ou  patentes,  accordés 
fort  souvent  à  de  très-insignifiants,  à  de  très-minimes  détails 
ou  changements  apportés  aux  précédentes  machines,  cette 
confusion,  cette  obscurité,  parfois  calculées  et  volontaires, ne 
sont  pas  propres  à  encourager  l'étude  de  cette  branche,  pour- 
tant si  importante,  des  industries  de  luxe;  d'autant  que  les 
mots  pusher,  roller,  catch  bar,  combs  bar,  circulaires,  etc.  mal 
à  propos  francisés  et  appliqués  à  des  organes  prétendus  nou- 
veaux, mais  qui  datent,  en  réalité,  du  commencement  de  ce 
siècle,  ont  souvent,  par  leur  sens  mal  interprété  ou  défini. 
induit  en  erreur  les  personnes  les  mieux  éclairées,  commeon 
peut  le  voir  notamment  à  l'article  déjà  cité  du  XXIXe  volume 
(p.  a  09)  du  Bulletin  de  la  Société  d'encouragement,  dans  leDiction- 
naire  anglais  du  docteur  Ure  (p.  733),  enfin  dans  le  bizarre 
Traité  anglais  sur  Tort  du  tissage,  par  Gilroy,  qui ,  tout  en  répé- 
tant quelques-unes  des  erreurs  d'Ure  relatives  à  Morley  et 
au  prétendu  John  Leavers  (ici  de  New-Radford) ,  fait  le  plus 
grand  éloge  de  William  Crofts,  comme  inventeur  des  doubles 
loquets  tournants  (double  lochers) ,  propres  à  conduire  en  des* 


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MACHINES  ET  OUTILS.  495 

sous  les  traîneaux  ou  chariots,  munis,  à  cet  effet,  d'oreilles  ou 
crochets  à  leurs  extrémités  inférieures J. 


1  Voyez  les  pages  275  à  288  de  l'ouvrage  cité  de  Gilroy,  qui  confond 
toutes  les  dates  ou  plutôt  n'eu  cite  aucune.  Comme  le  montre  le  catalogue 
des  patentes  anglaises,  William  Crofts,  d'abord  établi  à  Lenton,  près  de 
Nottinghani,  n'est  apparu  que  dans  l'intervalle  de  i832  à  i846,  où  il  se 
trouve  vingt  fois  inscrit  sur  la  liste  des  patentés,  pour  des  perfectionne- 
ments divers  apportés  aux  métiers  à  tulle-bobin ,  dont  on  trouvera  les  pre- 
miers décrits  aux  pages  22  et  28,  planche  2,  du  London  journal  of  arts 
(vol.  VIII,  conjoinêd  séries,  i836).  Dans  ces  patentes,  des  2 3  février  et 
18  décembre  i832,  William  Crofts  cite  également  le  principe  des  grilles 
circulaires,  attribué,  dit-il,  à  Morley  par  le  commerce;  enfin  on  rencontre 
aussi,  dans  une  note  de  la  page  23  de  ce  recueil,  le  nom  de  Levers  appliqué 
à  une  catégorie  particulière  de  machines  où  les  lisières  du  tulle  étaient 
exécutées  avec  une  grande  perfection. 

Je  ne  cite  pas  un  autre  extrait  des  patentes  de  Crofts  (p.  s65  à  294, 
pi.  9  et  10,  même  volume)  où  ce  constructeur  de  machines  décrit,  avec 
un  soin  tout  particulier,  les  perfectionnements  divers  qu'il  a  apportés  au 
métier  Levers,  à  rouleaux  dentelés  et  porte-bobines  a  crémaillère,  pour  y 
fabriquer  par  procédés  automatiques  certains  tulles-bobins,  ornés  ou  figurés 
diversement,  à  l'aide  de  barres  de  guide  et  de  roues  a  crans,  à  guillocbis 
latérales;  combinaisons,  on  se  le  rappelle,  déjà  appliquées  au  métier  à  tulle 
par  Héathcoat,  et  nommées  improprement  moulins,  en  France. 

Enfin  on  trouvera  à  la  page  99 ,  planche  3 ,  du  même  volume  un  article 
relatif  à  l'application  de  rouleaux  dentés  ou  crénelés  (jluttd  roUers)  au 
mouvement  des  chariots  à  bobines,  par  John  Levers  (et  non  Leavers, 
comme  le  veut  Gilroy  aux  pages  citées  de  son  ouvrage),  effectivement  cons- 
tructeur de  machines  à  New-Radford,  comté  de  Nottingham  :  ces  rouleaux 
sont  décrits  /dans  une  patente  du  27  février  i835,  qu'avaient  précédée, 
comme  on  l'a  vu,  deux  autres  patentes,  des  3  mars  et  18  décembre  1828, 
du  même  John  Levers,  alors  domicilié  à  Nottingham.  D'un  autre  côté,  ces 
dernières  patentes,  dont  on  trouve  également  des  extraits  fort  écourtés  à 
la  page  i85,  planche  8,  et  page  261,  planche  10,  du  tome  V  du  Mécha- 
ntes magazine,  concernent  positivement  une  machine  où  la  traversée  des 
bobines  s'effectue  par  des  oscillations  transversales  imprimées  à  un  secteur 
et  à  des  rouleaux  dentés  conduits,  ainsi  que  les  barres  a  pointes  de  ren- 
trage  des  mailles,  au  moyen  de  bielles  verticales  à  leviers  horizontaux, 
poussées  par  les  grandes  excentriques  triangulaires  et  arrondies  d'un  arbre 
de  couche  inférieur. 

Au  surplus,  Levers  se  servant  lui-même  et  sans  avertissement  préalable, 
dans  la  seconde  de  ces  patentes,  des  épithètes  de  Levers  machine,  Levers 
principle,  on  comprend  comment  la  confusion  dont  il  a  été  parlé  a  pu  s'in- 


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496  VT  JURY. 

C'est  plus  particulièrement  au  docteur  Ure  qu'on  doit  attri- 
buer la  confusion  qui  s'est  introduite  dans  l'histoire  du  métier 
à  tulle -bobin  relativement  à  l'existence  en  Angleterre  de  ce 
John,  ici  Leaver,  à  qui  il  accorde,  vers  1812 ,  comme  on  Fa 
vu,  la  découverte  de  la  machine  à  leviers  (lever  machine) ,  ai 
voulant  ainsi,  sans  nul  doute,  distinguer  le  nom  de  l'inventeur 
de  celui  de  l'objet  inventé;  erreur  trop  répandue  aujourd'hui, 
et  contre  laquelle  M.  Àrmengaud  atné  a  su  se  prémunir  dans 
le  tome  Mil  (p.  355)  de  son  intéressante  Publication  industrielle, 
où  l'on  trouve  pour  la  première  fois,  si  je  ne  me  trompe,  une 
intelligente  et  claire  notice  sur  les  métiers  anglais  à  tulle-bobi d. 
à  l'occasion  d'une  machine  de  ce  genre  qui,  employée  par 
M.  Keenan ,  négociant  manufacturier  à  Paris  !t  a  spécialement 

traduire  dans  des  ouvrages  de  technologie  anglais  aussi  peu  sérieux  qae 
ceux  d'Andrew  Ure  et  de  Gilroy,  qui,  sans  doute,  n'avaient  pour  se  con- 
duire que  les  insuffisants  écrits  que  je  viens  de  citer,  et  dans  lesquels,  chest 
à  noter  au  point  de  vue  historique,  John  Levers  (p.  a64)  fait  également 
remontera  Dawson  les  roues  à  crans  ou  moulins  qui  servent  à  donner  laté- 
ralement le  va-et-vient  aux  barres  de  guide  des  fils  de  chaîne  et  aux  barres 
à  grilles  des  chariots  de  bobines. 

1  On  trouve  dans  le  tome  LXVI,  page  67,  planche  7,  de  la  Collection,  des 
brevets  expirés,  sous  le  nom  de  Keenan  (James),  alors  domicilié  à  Caen,  on 
brevet  d'invention  où,  en  citant  les  métiers  prétendus  Leavers,  à  dix  pointes 
ptro5  millimètres  seulement,  on  a  pour  principal  but  de  perfectionner  ces 
métiers,  en  immobilisant  les  deux  barres  à  grilles,  supprimant  les  tourni- 
quets de  lisières  (turn-again) ,  doublant  le  nombre  des  fils  ôTensouples  et  des 
barres  de  guide  à  crochets  (catch  bars)%  afin  d'imiter  la  dentelle  de  Ma- 
lices par  le  tulle-tresse  (plat-net) \  tout  cela  au  moyen  de  roues  à  crans  on 
rosettes  convenablement  taillées  et  appropriées.  Ce  même  brevet  d'inven- 
tion, daté  du  a 8  septembre  1 84  2  ,  me  semble,  au  surplus,  offrir  une  grande 
analogie  de  but  ou  d'intention  avec  celui,  antérieur  (a3  avril  i84a),  da 
sieur  Kirk  (Daniel),  également  domicilié  à  Gaen,  pour  des  perfectionne- 
ments appliqués  au  métier  Warp  ou  Mechlin,  sans  doute  quelque  aocien 
métier  anglais  à  chaîne  non  autrement  désigné,  mais  où  Ton  se  propose 
pareillement  de  fabriquer  une  sorte  de  valencienms  ou  tulle  en  bandes,  à 
laide  d'autres  moulins,  d'autres  roues  à  crans  différemment  taillées, etc., 
mais  qui ,  à  cela  près ,  ne  paraissent  offrir  rien  de  particulier  (  Collection  an- 
cienne des  brevets,  t.  LV,  p.  276). 

On  trouvera  enfin,  à  la  page  3g3  de  ce  dernier  volume,  un  brevet 
d'importation  de  i5  ans  pris,  le  17  décembre  1829,  par  le  sieur  Newton 


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MACHINES  ET  OUTILS.  497 

pour  objet  la  fabrication  du  tulle  à  réseau  quadrillé ,  tressé 
et  à  jours  de  formes  diverses,  obtenus  par  l'application  d'une 
jacquart,  qui,  au  lieu  d'être  établie  latéralement  et  à  hauteur 
d'appui ,  selon  l'usage  aujourd'hui  assez  général  en  France 
et  en  Angleterre,  est  disposée  verticalement  au-dessus  de  la 
machine  marchant  par  rotation ,  au  moyen  de  cames,  d'ondes 
continues  et  de  différentes  formes,  telles  qu'en  avaient,  'd'ail- 
leurs, déjà  mis  en  usage,  en  1820,  Heathcoat  et,  en  1828, 
John  Levers;  le  nouveau  métier  comportant  au  surplus,  vers 
la  partie  inférieure,  un  double  cantre,  muni  de  cannettes 
portant  les  fils  de  chaîne  directement  soumis  à  l'action  des 
cordes  d'arcades  et  de3  crochets  de  la  jacquart,  occupant, 
comme  je  l'ai  dit,  le  haut  du  métier. 

En  renvoyant  à  l'excellente  publication  de  M.  Armengaud 
pour  quelques  développements  ou  renseignements  historiques 
qui  peuvent' éclairer  l'état  présent  de  cette  branche  d'industrie 

(William),  de  Londres,  qui  propose  un  nouveau  système  rotatif  applicable 
au  métier  fondé  sur  le  principe  soi-disant  encore  de  Leavers;  mais  ici  ce  nom 
erroné*  parait  bien  introduit  par  le  fait  même  de  la  personne  chargée  de 
l'impression  des  brevets  déjà  expirés.  Car,  ou  je  me  trompe  grossièrement, 
ou  ce  brevet  est  la  traduction  plus  ou  moins  écourtée  de  la  patente  anglaise 
de  Levers,  la  même  qui  a  paru;  presque  mot  pour  mot  et  avec  de  certaines 
additions,  à  la  page  379  du  tome  XXIX ,  déjà  cité,  du  Bulletin  de  la  Société 
d encouragement,  un  mois,  chose  digne  de  remarque,  avant  son  enregistre- 
ment aux  archives  des  brevets.  Au  surplus,  on  y  voit  encore  apparaître 
(p.  395)  les  roues  à  la  Dawson,  pour  donner  latéralement  l'impulsion  aux 
barres  de  guide;  et  ce  mécanicien  est  le  même,  sans  nul  doute,  qui,  sous 
le  prénom  de  William,  se  fit  délivrer  la  patente  du  16  juillet  1791,  dont 
j'ai  déjà  parlé,  pour  un  métier  à  tulle  noué,  tordu,  imitant  la  dentelle 
au  fuseau,  dès  lors  nommé  bobbin-lace,  bien  que  ce  métier,  comme  on  l'a 
vu,  ne  renferme,  au  fond,  rien  qui  ait  rapport  au  système  postérieur  des 
-  navettes  à  bobines  traversiëres  de  Heathcoat 

En  insistant  autant  que  je  le  fais  ici  et  que  je  l'ai  déjà  fait  dans  le  texte 
ou  la  note  précédente  sur  les  particularités  historiques  qui  concernent  le 
métier  Levers,  j'ai  prétendu  me  justifier  d'un  excès  de  sévérité  envers  les 
écrivains  technologues,  les  patentés  ou  brevetés  et  les  industriels  plus  on 
moins  bien  renseignés,  plus  en  moins  intéressés  à  obscurcir  la  vérité,  en 
confondant  les  noms,  les  lieux  ou  les  dates,  mais  surtout  en  exaltant  les 
plagiaires  et  les  copistes  au  détriment  des  vrais  inventeurs. 

Y!*  JCRT.  —  2*  PARTIE.  3  2 


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498  Vr  JURY. 

mécanique  dans  notre  propre  pays,  je  dois  pourtant  faire 
observer  que  les  rapprochements  établis  entre  les  machines 
lyonnaises  et  celles  que  Ton  doit  particulièrement  à  la  cité 
de  Nottingham  ou  mieux  à  Heatbcoat  (et  non  Heûthcoaà),  de 
Tiverton,  ne  sont  pas  entièrement  fondés  en  principe,  rajou- 
terai que  l'auteur  parait  aussi  à  tort  supposer  que  les  travaux  do 
véritable  Levers  .sont  antérieurs  à  ceux  du  même  Heatkoat, 
son  prédécesseur  de  près  de  vingt  années.  J'exprimerai  enfin 
le  regret  que  M.  Àrmengaud,  en  fouillant  plus  avant  dans  les 
archives  des  brevets  français  ou  des  patentes  anglaises,  n'ait 
pas  jugé  à  propos  de  nous  donner  quelques  éclaircissements 
sur  la  première  application  des  cartons  troués  aux  métiers  à 
tulle-bobin ,  que  certaines  personnes  veulent  absolument  attri- 
buer à  M.  Draper  (Samuel),  mécanicien  dont  le  nom  figure, 
il  est  vrai,  plusieurs  fois  sur  le  catalogue  des  patentes  anglaises 
(i834,  i835,  1837  et  i84o)  pour  des  inventions  relatives  à 
l'ornementation  de  ce  genre  de  tulle ,  mais  non  pas ,  ce  semble, 
pour  des  additions  proprement  dites  aux  machines;  ce  qne, 
d'habitude,  les  titres  inscrits  au  catalogue  officiel  des  patentes 
anglaises  ne  manquent  guère  de  spécifier  d'une  manière  plus 
ou  moins  explicite. 

Quant  au  nom  de  M.  Wright,  également  mis  en  avant  par 
quelques  personnes  pour  l'initiative  dans  cette  application  par- 
ticulière de  la  jacquart,  je  ne  l'aperçois  nulle  part  sur  la  liste 
des  patentes  relatives  aux  métiers  à  tulle-bobin  ;  mais  je  ne  sau- 
rais en  dire  autant  de  deux  autres  industriels  dont  les  noms 
ont  été  souvent  mentionnés  à  ce  sujet,  soit  en  Angleterre,  soit 
en  France.  D'une  part,  M.  Jourdan  (Th.),  de  Cambrai,  a  pris, 
le  20  juillet  i838,  dans  notre  pays  un  brevet  fort  laconique, 
écourté  peut-être  à  l'impression  *,  et  offrant  tous  les  caractères 
d'un  simple  projet,  non  encore  exécuté  ou  mûri  dans  ses  di- 
verses parties,  mais  où  l'on  remarque  cependant  un  prisme 
troué  ou  cylindre  jacquart  placé'  horizontalement  au  bout  de 
la  machine  et  agissant  sur  les  chariots  à  bobines  par  Tinter- 

1  Ancienne  Collection,  t.  L,  p.  2 4 8. 


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MACftINES  ET  OUTILS.  m 

médiaire  d'un  système  de  leviers  coudés  et  à  bascule,  dont 
l'exposition  est  tout  à  fait  insuffisante. 

D'autre  part,  dans  des  brevets  d'importation  de  quinze  ans 
du  27  mai  1,835  et  du  2$  septembre  18361,  par  conséquent 
antérieurs  de  beaucoup  au  précédent,  et  qui  joignent  au 
caractère  de  la  véracité  et  de  l'originalité  celui  de  l'expé- 
rience, M.  Hind  (John) ,  de  Nottingham,  a  présenté  un  système 
complet  de  cylindre  jacquart  intérieur  à  la  machine,  déter- 
minant pareillement,  au  moyen  de  leviers  et  de  bascules  mis 
diversement  en  action  par  des  arbres  à  cames,  la  marche  des 
chariots  à  bobines ,  ici  à  doubles  rangs  placés  l'un  au-dessus 
de  l'autre,  et  celle  des  barres  à  cueillir,  à  pointes,  à  crochets 
guides,  etc.,  principalement  disposés  (dit  l'auteur)  d'après  le 
système  attribué  à  Morley  dans  l'industrie,  sauf,  sans  doute, 
que  Ton  n'y  employait  pas  un  double  équipage  de  grilles  cir- 
culaires et  de  bobines  étagées  les  unes  au-dessus  des  autres 
en  vue  d'augmenter  le  nombre  des  rangées  verticales  de  fils, 
d'une  catégorie  nouvelle,  que  Hind2  nomme  fils  à  lacets  ou 
additionnels,  et  qu'il  destine  spécialement  à  la  broderie  des 
tulles  unis  ou  façonnés.  Resterait  à  examiner  quels  sont  les 
améliorations  ou  changements  divers  apportés  depuis  i835 
ou  i836  à  ces  mêmes  idées,  qui  paraissent  tout  aussi  pra- 
tiques qu'originales  ;  mais  c'est  là  une  tâche  longue  et  épi- 
neuse que  je  me  garderai  bien  d'entreprendre. 

Qu'il  suffise  ici  de  remarquer  que  l'idée  de  substituer  des 
cartons  troués  et  repousseurs  aux  moulins  à  crans,  aux  ro- 
settes, aux  cylindres  d'orgues,  etc.  dans  les  métiers  à  tulle- 
bobin ,  ne  saurait  par  elle-même  constituer  aucun  mérite  ou 

1  Ancienne  Collection,  t.  LXXIV,  p.  137  à  1 64,  pi.  4,  5  et  6. 

1  Les  brevets  d'importation  et  d'addition  de  M.  Hind,  écrits  avec  beau- 
coup de  clarté  et  de  franchise,  composent  28  pages  de  texte  et  3  planches 
gravées  ;  mais  cela  ne  suffit  pas  pour  convaincre  que  cet  industriel  soit 
l'auteur  original  des  perfectionnements  qui  s'y  trouvent  indiqués ,  attendu  % 
d'une  part,  qu'ils  portent  le  titre  d'importation  et  non  simplement  d'inven- 
tion, et,  d'une  autre,  qu'on  ne  trouve  dans  les  catalogues  anglais  aucune 
patente  sous  le  nom  de  John  Hind  pour  des  métiers  à  tulle. 

3a. 


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500  VI'  JURY. 

privilège  spécial,  pas  plus  à  M.  Hind  qu'à  MM.  Galas  et  De- 
lompnès,  qu'à  M.  Grégoire  de  Nîmes  ou  à  d'autres;  toute  la 
difficulté  consistant  dans  le  mode  même  de  solution,  de  réali- 
sation ou  d'application  de  cette  idée  à  chaque  cas  spécial, 
pour  si  simple  et  si  profitable  qu'elle  paraisse  au  premier 
aperçu.  A  cet  égard,  les  droits  de  M.  Hind  sont  d'autant  plus 
incontestables,  que,  privilégiés  en  Angleterre  comme  eo 
France,  ils  ont  été  cédés  par  lui  dans  ce  dernier  pays  à 
MM.  Cfiampallier,  Pearson l  et  Needham,  qui  les  exploitèrent, 
dit-on,  fructueusement  dans  Saint-Pierre-lez-Calais  à  partir 
de  i836  ou  i838,  c'est-à-dire  l'année  même  où  M.  Jourdan.de 
Cambrai,  prenait  en  France  le  brevet  d'invention  dont  il  a 
été  ci-dessus  parlé. 

Toutefois,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  dans  ces  applications 
diverses  de  la  jacquart  au  tulle -bobin,  on  s'est,  d'après 
l'exemplç  des  fabricants  lyonnais,  entièrement  affranchi  de 
la  difficulté  inhérente  à  la  marche  diagonale  et  tournante  des 
fils  de  trame  ou  de  bobines,  ainsi  qu'à  quelques  autres  parti- 
cularités de  la  fabrication  du  vrai  réseau  de  dentelle,  en 
'  immobilisant,  à  cet  efFet,  les  deux  grilles  et  en  se  con  tentant  de 
croiser,  commettre  les  fils  de  deux  en  deux  ou  de  trois  en 
trois  au  plus,  de  manière  néanmoins  à  lier  entre  elles  tontes 
les  parties  du  réseau  quadrillé.  Ce  système,  dans  lequel  les 
bobines  porte-trame  ne  sont  plus  que  simplement  traversières 
de  part  et  d'autre  du  fossé,  rappelle  en  quelques  points  celui 
de  Lacy  et  Lindley,  sauf  encore  qu'il  n'y  a  plus  d'ensouples 
mobiles  d'une  lisière  à  l'autre  du  tissu,  et  qu'on  se  sert 

1  M.  Pearson'  (Frédéric),  à  Calais,  est  lui-même  1  auteur  d'un  lww* 
d'importation,  du  8  juin  1840,  pour  l'application  du  métier  à  tdle-bobin 
à  l'imitation  de  la  vaUnciennes ,  jnr  un  système  Jacquart  différent  de  celui 
de  M.  Hind,  et  dont  le  prisme  repousseur  à  balancier  agit  du  dehors 
directement  sur  des  lames  horizontales  minces  dont  les  becs  inférieurs  sont 
conduits  par  des  mentonnets  liés  à  un  système  articulé  spécial  ;  les  eitré* 
jtiUés  intérieures,  ou  opposées  au  prisme,  des  mêmes  lames  ayaot  simp* 
<n(Mtt  pour  objet  de  produire  l'écart  ou  Téchappéo  de  certains  fils  vert- 
«aux  d  une  ensouple  dont  le  nombre  des  fils  de  chaîne  est  doublé  pour  les 
*  ntoilagea-  (ancienne  Collection,  L  LXXIII,  p.  29,  pi.  5). 


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MACHINES  ET  OUTILS.  501 

avec  Heathcoat,  de  barres  de  guide  horizontales,  de  roues  à- 
craqs  et  à  rosettes  diversement  tracées,  roues  auxquelles 
MM.  Hind,  Pearson,  Ghampaliier,  Jourdan,  etc.,  ont  joint, 
d'après  l'exemple  anglais,  le  mécanisme  à  cylindre  jacquart 
pour  produire  le  déplacement  transversal  ou  latéral  des  fils 
de  chaîne  ou  ensouples  dans  la  confection  des  tulles  en  coton 
imitant  plus  ou  moins  bien  les  malines,  les  yalenciennes,  etc., 
mais  variés  à  l'infini ,  selon  le  goût  et  les  caprices  de  la  mode 
conciliables  avec  l'extrême  bon  marché. 

D'après  l'étendue  involontairement  accordée  à  la  discus- 
sion des  titres  des  inventeurs  du  métier  à  tulle,  on  ne  doit 
pas  s'attendre  à  ce  que  j'entre  ici  dans  de  nouveaux  détails  au 
sujet  des  admirables  machines  automatiques  présentées  en 
i85i,  à  l'Exposition  de  Londres,  par  MM.  Birkin,  patenté, 
d'une  part,  Bail  et  Dunnicliff,  de  l'autre,  enfin  par  M.  Sewell, 
l'un  des  membres  du  VI*  Jury,  qui,  aux  mêmes  titres  que  ses 
compétiteurs m et  aussi  comme  fabricant  patenté,  aurait  mérité 
une  médaille  de  iw  classe,  s'il  n'avait  dû  se  récuser,  en  sa 
qualité  de  juge.  Je  me  bornerai  à  rappeler  succinctement  que 
toutes  ces  machines,  admirablement  exécutées  eri  fer,  fonc- 
tionnaient constamment  et  régulièrement  sous  les  yeux  du 
public;  que  celle  de  M.  Birkin ,  à  un  rang  de  bobines  et  cons- 
truite d'après  le  système  Levers,  avec  application  d'une  jac- 
quart simple  à  l'un  des  bouts,  était  employée  à  la  fabrication 
simultanée  de  3o  à  ào  bandes  de  tulle  brodé;  que  celle  de 
M.  Sewell ,  à  double  rang  de  bobines,  d'après  le  système  des 
rouleaux  dentés  à  double  loquet  de  Crofts,  était  employée  à 
la  fabrication  du  tulle  uni  de  Bruxelles;  qu'enfin  le  métier 
de  MM.  Bail,  Dunnicliff  et  C"  constituait  un  métier  de  tulle 
à  chaîne,  dans  le  genre  de  ceax  de  la  ville  de  Lyon ,  marchant 
avec  une  grande  douceur,  pour  fabriquer  de  la  blonde  ou 
tulle  de  soie  ordinaire. 

En  citant  encore,  avec  le  rapporteur  anglais  du  VIe  Jury, 
les  machines  à  flamber  et  apprêter  le  tulle,  par  MM.  Burton , 
Hudson  et  Bottom,  je  saisirai  l'occasion  de  rappeler  que  le 
sieur  Martin,  de  Calais,  à  qui  le  même  Jury  a  accordé  une 


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502  VT  JURY. 

médaille  de  a*  classe,  pour  un  mécanisme  servant  à  subs- 
tituer le  papier  continu  aux  cartons- chaînes  de  Jacquart, 
appartient  à  double  titre  à  l'industrie  qui  nous  occupe,  eu 
raison  des  services  qu'il  rend  journellement  à  Saint-Pierre-lez- 
Calais  dans  la  délicate  construction  des  grands  métiers  à  tulle. 
Car  cette  industrieuse  annexe,  ce  faubourg,  pour  mieux  dire, 
de  Tune  de  nos  plus  intéressantes  viUes  maritimes,  où  se 
concentrent,  en  très-majeure  partie,  les  600  ou  700  métiers 
quelquefois  exclusivement  attribués  à  la  ville  même  de  Ca- 
lais, s'est  posé  depuis  nombre  d'années  comme  riVal  de  la 
riche  cité  de  Nottingham,  à  laquelle  il  ne  lui  reste  plus  rien 
à  envier  au  point  de  vue  mécanique,  si  ce  n'est  peut-être 
sous  le  rapport  de  ces  merveilleuses  bobines  dont  l'épaisseur 
a  été  réduite,  pour  ainsi  dire,  À  celle  d'une  mince  feuille  de 
papier,  et  qui  du  diamètre  d'une  ancienne  pièce  de  5  francs, 
qu'elles  avaient  encore  en  18a 5,  lorsque  Heathcoat  s'occupait 
à  en  perfectionner  la  fabrication1,  ont  aujourd'hui  acquis  uo 
diamètre  presque  double,  de  manière  à  contenir  par-là  même 
un  développement  au  moins  quadruple  du  ûl  de  coton,  exces- 
sivement fin ,  qui  s'y  enroule  et  s'y  superpose  en  une  infinité 
de  spires,  après  avoir  été  enlevé  aux  bobinettes  étagéçs  d'un 
ingénieux  cantre  à  chariot. 

Remarquons  d'ailleurs,  en  terminant,  que  les  machines  à 
bandes  multiples  en  imitation  de  dentelle  ornée,  mais  d'une 
combinaison  déjà  fort  ancienne,  exposées  à  Londres  par 
M.  Birkin  comme  un  véritable  progrès,  et  qui  y  furent  réelle- 

1  London  journal  of  arts,  juillet  1 8 a 5 ,  p.  17.  Cest  à  des  bobines  de  cette 
espèce  que  M.  Biwer,  de  Paris,  avait,  en  18a A,  appliqué  de  très-ingénieux 
procédés  de  fabrication ,  ou  les  rivets  qui  maintiennent  réunis  les  disques 
eicessivement  minces  de  la  bobine  ou  poulie  contre  la  plaque  constituant 
le  fond  ou  la  gorge  avaient  été  complètement  supprimés,  non,  il  est  vrai, 
sans  rencontrer  dans  l'eiécution  des  difficultés  devenues  invincibles  quand 
on  fut  parvenu,  dans  les  métiers  Levers,  à  porter  jusqu'à  près  de  moitié  en 
plus  le  diamètre  de  ces  mêmes  bobines.  Pour  la  confection  de  ces  bobines, 
fondues  dans  une  seule  pièce  de  cuivre  laminé,  M.  Biwer  avait  mis  en 
usage  un  système  d'outils  a  laminoir  conique,  dont  on  lira  avec  intérêt  la 
description  à  la  page  687  du  tome  L  du  Bulletin  de  la  Société  à* encouratjm 


, 


MACHINES  ET  OUTILS.  503 

ment  admirées  comme  telles  par  bien  des  personnes,  ne  pou- 
vaient rien  apprendre  à  nos  industriels  sur  les  récentes  tenta- 
tives fiâtes  à  Nottingham  pour  parvenir  mécaniquement  à  en- 
tourer les  dessins  de  broderies  sur  tulle  d'un  gros  fil,  jusque-là 
encore  appliqué,  après  coup,  à  la  main..  Ces  procédés  inté- 
ressants furent,  en  effet,  soigneusement  cachés  à  nos  artistes  et 
ouvriers  visiteurs,  qui  ne  trouvèrent  que  fort  peu  à  emprunter 
à  l'Exposition  anglaise,  si  Ton  en  juge  d'après  les  merveilleux 
produits,  en  imitation  de  valenciennes  ou  tulle  à  tresse,  pré- 
sentés à  cette  même  Exposition  par  MM.  Mallet  frères,  de 
Calais;  produits  qu'ils  avaient  obtenus  de  l'application  de  la 
jacquart  à  des  métiers  portant,  non  plus  3,ooo ,  mais 
4,8oo  bobines,  non  plus  3,ooo  fils  de  chaîne,  mais  9,600,  à 
la  vérité  en  plusieurs  rangées  verticales;  métiers  à  l'aide  des- 
quels ils  purent  exécuter  des  entoilages  sur  des  bandes  de 
tulle  à  mailles  quadrillées,  d'une  finesse  et  d'une  précision 
vraiment  hors  de  toute  comparaison  avec  les  produits  simi- 
laires de  l'Exposition  anglaise. 


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504  *  VT  JURY.       . 

,  RÉCOMPENSES 

ACCORDÉE*  AUX  EXPOSANTS  DE  LA  Tl*  CLASSE  A  L'EXPOSITIOM  UHIYEESELU 
DE  LOHDBES  K 


MEDAILLES  DU  CONSEIL. 

Bablow  (  A.  ) .*  RoyaemerUni. .  Métier  jacqoart  à  double  action. 

Cail  tt  Cu Freace Appareil  à  caira  les  airops  dans  le  vide. 

Dice(D.) Étata-Uais. . . .  Oetils  et  pi-eaam  tant  frottetnenf. 

DoaiSTBOtre  (  G.-C.  ) . . . .  Royaame-Uni. .  Machine  à  peigner  la  laine. 

Doxtii  (  B.  )  et  Cu Royaume-Uni. .  Machine  à  fabriquer  le  papier. 

Faibbaibx  (  W.  )  et  fila. . .  Royaume-Uni. .  Machine  à  river  et  moulin  à  Me*. 

Hboemabb  (C. ) Prutae Appareil  à  cuire  les  tiropa  dana  le  vide.   ■ 

Hbbbabb  (G. ) France Machine  a  fabriquer  le  chocolat. 

Hibbbbt,  Platt  et  fila. . .  Royaume-Uni. .  Machine  à  préparer  et  filer  le  coton. 

Hick  (  B.  )  et  file Royaame-Uni. .  Rouages ,  machine  radiale  et  forge  portative. 

Kivrr  (F. ) Presse Cylindres  laminears  en  acier. 

Lawiom  (  S.  )  et  fila. Royaume-Uni. .  Machine  à  préparer  et  filer  le  chanvre. 

Majob  (J.) Royaume-Uni..  Machine  pour  le  coton  et  la  laine. 

M aodslat  fila  et  Fiel».  . .  Royaume-Uni. .  Preeae  à  coin  monétaire. 

Mbbcibb  (A.*)etC** France Machine  à  préparer  et  filer  la  laine. 

Nasmytb  (  J.  ) Royaume-Uni. .  Marteaux  à  pilons  et  à  vapeur. 

P Alita  (C.-E. )  et  C1*. . .  Royaume-Uni. .  .Métier  à  tiseer  les  toOea  à  voiles. 

Pobtifbx  et  Wooo Royaame-Uni . .  Appareil  à  cuire  lot  tiropa  dana  le  vide. 

Rbid  (T.-S. )  et  Cu Royaume-Uni. .  Métier  a  tieser  lea  frangea. 

Biaisa  (G.-A.) France. Epurateur  pour  le  coton. 

Suai»  frères  et  O* Royaome-Uni. .  Machinea-ootila  et  de  filature. 

Ublbobb  (H.) Pruaae. Presto  à  coin. 

Wbitwobtb  (  J.  )  et  Cu. .  Royaume-Uni. .  Machinea-outils ,  mesureur,  tricoteur. 

#  MÉDAILLES  DE  PRIX. 

Ackxib France.. ......  Sohatitution  du  papier  aux  certona  jacaasrt. 

Abobbo  (J.-lf .  ) Royaume-Uni. .  Machine  à  fabriquer  lot  cigarettes. 

Bail  ,  Dvbbicuftb  et  G1*.     Royaume-Uni . .  Machine  à  fabriquer  le  tulle  a  chatae. 

BABABOwaKi  (  J. -J,  ) France Presse  a  imprimer  et  compter  lea  billets  es  ci** 

mina  de  fer,  etc. 

Bbbbt  (  B.  )  et  fils Royaame-Uni. .  Divenea  machinée  à  fabriquer  le»  tricot». 

Bbbtbblot  (  N.  ) France Machine  a  tricoU  circulairee. 

Bbssbbbb  ( H.  ) Royaume-Uni. .  Machine  centrifuge  à  aéparer  la  mélasse. 

Bibcb  { J.  )  . .    Royaome-Uni . .  Machine  à  fabriquer  lea  meneaux  de  croisses. 

Braira  ( R.  ) Royaume-Uni . .  Machine  à  faire  le  tulle ,  avec  jaeqntrt. 

Black  ( J. ) Royaume-Uni. .  Machine  à  plier. 

Bt-ODotT  (  S.-C.  ) Royaame-Uni . .  Machine  a  coudre. 

Bolamo  (  A.  ) France Pétritaear  mécanique. 

.   Boxabdbl  frères Pruaae, Métier  jacquart  et  machine  a  percer  las  etrUet. 

Bobib  frères France Machine  à  fabriquer  les  briques  creuses. 

Bbbwbb(C.  et  W.) Royaume-Uni..  Rouleau  et  toile  métallique  pour  pape***- 

'  Cette  liste  est  empruntée  au  rapport  anglais  de  M.  Willis.    • 


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Ciltiit(F.-A.) 

Cnuacn  et  GoDDii» 

ClAUSSIl   (P.) 

CftAWIALL(J.) 

ClICMTOI   (D.) 

Cmrèo(M-) 

Dambty(A.) 

Daitoot,  I|aii.l  am>  et  Loct. 

Dabi»  (H.) 

Datikpokt  (J.-P.) 

Di  Biiaviet  (?• 

Dila  Rui  etC* 

Dooy(J.-F.) 

S*BLB(T.-K.)«tGii.... 

Fut  jeune 

Fmo«T(J.) 

Fu*mss(W.) 

Gamba  (Les  héritiers  de). . 

Gaafoitb  (W.-J.) 

Hamaii  (A.) 

H  mono,  Pcllbi*  et  Jobi- 

SOW 

HaBAIIO-CocKI* 

Haym*(W.  ).....< 

Hioonsctfils a. 

BoLTiArrrat  tt  Cu 

HOAJIBT  et  KbbWOBTBT.  .  . 
HtCK 

Hog   (J.-B.) 

IlOIAM  (H.) 

Jacoci«(J.-J.) K 

Joaiswu  (R.)  et  frères... 

Jrouu  (C.-T.) 

Kbbwobtby  «t  Bullouob. 

Lacboix  et  filt 

Lawbbxcb(J.) 

Liombaidt  (  J.-E.  )..:... 

Lswis  (F.)  et  fils 

Lowblx.  (Atelier  de  ma- 
chines à  ) , 

Mablotb  ,  Aucorr  et 
SiTmie 

Mabbscial  (  J.) 

Miboodb  frèree. 

Mobbt  (C.) 

Muia  (W.) 

Nirui  et  fil». 

Nicolas  (P.) 

Pabb,  Cubtis  et  Mao  élit. 

Fs*BY(Jobn) 

Purmiii  (R.) 

Pm§to»(F.) 

Pkossbb  et  Hablit 


MACHINES  ET  OUTILS.  505 

Royaume-Uni. .  Débourreur  et  épure tour  pour  coton. 

Royaume-Uni..  Machine  à  ,cooper,  imprimer  et  préparer  les 

cartee  et  billets  do  chemins  de  fer,  etc. 

Royaume-Uni. .  Métier  à  tricot  circulaire. 

Royaume-Uni. .  Machine  a  fabriquer  les  cdrdes. 

Royanme-Uni.  •  Nouvel  embrayage  pour  les  matière  à  tisser. 

Toscane Peignes  on  ros  à  tisser. 

Royanme-Uni . .  Petit  tour  à  mandrin  automate. 

France Rouleaux  cannelés  de  filature. 

Suisse. Presse  à  découper  les  aignifles  de  montre. 

Royaume.Uni . .  Machines  diverses  a  travailler  la  soie. 

Roysume-Uni..  Rce  ou  peignes  fabriquée  par  maehino. 

Royaume-Uni . .  Machine  à  plier  et  coller  les  enveloppes. 

France. Machiee  a  fabriquer  les  cordons  de  lisse. 

Etats-Unis  ....  Cardeuse  pour  le  drop. 

France Machine  a  faire  les  dons. 

Royaume-Uni. .  Machine  nouvelle  a  préparer  le  fil  de  soie, 

Royeume-Uni . .  Machines  pour  travailler  le  bois. 

Australie. Cylindre  jacquart. 

Royanme-Uni , .  Machine  a  river,  a  vapeur. 

Prusse........  Tour  mécanique. 

Royaume-Uni . .  Machine  a  fabriquer  les  types  d'imprimerie. 

France Peignes  et  serons. 

Etats-Unis. . . .  Régulateur  des  réunisseuses  poor  coton. 

Royaume-Uni . .  Machine  à  préparer  et  filer  le  coton  et  le  lin. 

Royanme-Uni . .  Tour  à  pédale  d'amateur,  avec  appareil  et  outils. 

Royaume-Uni*.  Machine  «  parer  et  dresser,  et  embrayage  pour 

métiers  a  tisser. 

France'. ......  Appareil  complet  de  féculerie. 

France x.  Presse  à  découper  et  nouer  les  agrafes. 

Royaume-Uni. .  Machine  verticale  s  imprimer,  d'Applegath. 

France Machine  à  tricot  circulaire. 

Royaume-Uni. .  Banc  à  étirer  le  fil  de  fer. 

Royaume-Uni . .  Nouvelle  machine  à  fabriquer  lea  cordons  de  lisse. 

r.oyaome-Uni . .  Casse-fil  poor  métier  à  tisser. 

France Machine  à  fouler  les  drape. 

Royaume-Uni. .  Réfrigérant  distributeur,  etc. 

Prusse Machine  a  fondra  les  types. 

Royaume-Uni. .  Machine  a  toiller  les  dents  de  roues  et  fuseaux 

de  filature. 

Étsts-Unis. . . .  Tour  mécanique  et  métier  à  tisser. 

t 

Royaume-Uni. .  Machine  centrifuge  a  lavor  et  a  sécher. 

France .......  Machine  a  hacher  la  viande. 

France. Cardes  diverses. 

Etats-Unis. . . .  Machine  à  tailler  les  pierres ,  d'Eastman. 

Royaume-Uni. .  Petit  tous  et  outils  divers. 

Royaume-Uni. .  Presse  pour  imprimer  les  lettres. 

Fraoce Machine  a  graver  les  cylindres. 

Royaume-Uni. .  Veriélé  de  machines  a  carder,  filer  le  coton  »  rea- 

videase  au  tomate  triple,  machines-outils. 

Royaume-Uni..  Peigne  à  laiae. 

Royaume-Uni..  Mechine  a  spader,  tailler  le  lia ,  etc. 

Royaume-Uni. .  Fuseaux  et  ailettes. 

Royanme-Uni. .  Scie  à  découper  lea  bois  d'ornement. 


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506 

Rasmos  et  Mat 

Rumro  (A.) 

ROMIMM  etRfMftXL..... 

Roewieetfik 

Rtmi(W.) 

Simnu  jeaae * . 

Sciiinu  et  Lbobaib.  . . 

S«Wmai«(J.) 

Saura  frères 

Simau,  Hiu.  et  Srm. 

Swti(M.) 

Smm ,  Beaoock  et  Ta*- 


VI'  JURY. 


Socnhé  as  Pacnts. . . . 

St  amm  «iCh. 

Stam(C) 

STlWAaT(D.-Y.)etC*\ 


BoyaaMe-Uai.. 
Roy*aase-Uai.. 
RoyaBase-Cat.. 

Fraoee, 

Royaaaso-Uai.  • 

F  rue* 

France 

Freace. 

Fmmim 

Royaaae>Uai.. 
Roywi  Uai. . 

Reyasuae>Uai.# 

WPV« 

France. . 

Étate-Uaie  . .". . 
Royaaaae-Uai.. 


Presse  spéciale  ai 

Maehiaa  poar  coaper  «i  ooflatleaaManiaa 

Monta  a  vapear  pov  la  cerna*  à  eaa 

Toile  mètalKono  pour  papeterie. 

Petite  ■arhian  à  forger. 

Machiae  à  fltur,  profilât  les  bats. 

Toadeaee  hèlieoîda. 

Maehiaa  à  forger. 

Cardes  drrereaa. 

Toer  à  chariot  aatoenatc. 

M  «lia»  a  tieeer  divan. 


Tatmb  (J.).. 
Tatmw  (W.). 


Royaa 
Royan 


i-Uai. . 
►Uni.. 


Taoaus(H.) Presse. 

Tuas»  (W.-L.  ) Royeasao-Uai. . 

Tovauxoi  (C.) •     Fraace. 

Taovrn  frères Belgique 

Vamau,   MpnuToi  at 

Elwill. Fraaca. 

Wiiriir  ( W.  )  at  O*. . . .  Roysosae-Uai. . 

Wilsoi  (G.) •  Royeame-Uai., 

Wooawar  ( J.-P.  ) États-Uai». .  • . 


Tonr  aotoiaate ,  snachines  à  parcar  at  1  pW. 
Machiae  a  bobines  poar  filar  as  fia. 
Base  è  brochas  à  doubla  coAprasnee. 
Machina  à  relie*  loa  livres. 
Msehiae  a  fehriqaar  las  momUa  pov  taym  » 

fonte. 
Serançpirs. 
Maehiaa  à  fabriqncr  dea  abat-jonr»  \ 

riqoes  as  papier  plias*'. 
Tondease  hélicoid*. 
Modèle  de  braaaario. 
Maehiaa  a  repiqaor  loa  annales  de  suai*. 
Toadeoee ,  fieiaoease. 

Maehiaa  à  fabriçjaar  le  pépier. 
Moalio  à  blé. 

Maehiaa  à  coaper  lo  cartoa  et  le  papier. 
Maehiaa  è  plaâar.  raboter,  raiaar  la  boa. 


FIN  DE  LA  IT  PARTIE. 


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TABLE  ALPHABÉTIQUE 


DES 


NOMS  D'AUTEURS,  INVENTEURS,  MÉCANICIENS, 

EXPOSANTS,  ETC.1. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Acbajq»,  de  Berlin.  —  Presses  à  betterave»,  —  Machines  s  faire  les  cardes,  p.~9«  ,  g5 , 

p.  116.                                                        *  07,  445. 

Aftonxo,  do  Mexique.  —  Machine  a  fabriquer  Aitiq,  de  Paris.  —  Tritureurs  et  temiseurs , 

lee  cigarettes,  p.  44a.  p.  996. 

Aitkbx  et  StbiIm  —  Moulins,  p.  3ao  ;  —  loco-  Applboatb.  —  Presses  typographiques,  p.  a  1 3 . 

notion  des  blés,  p.  35o.  Aacbuisdb.  — 'Grues  a.  grappins,  p.  110. 

Alaosbt.— Presses  typographiques,  p.  a5a<356.  Aristide.  —  Presse  typographique ,  p.  s5 1 . 

Albert  (Charles).  —  Moulins,  p.  4o3.  Auwuon.  —  Application  de  la   fonte  aux 

Albsbt  (A.-C.  ) ,  de  Péris.  —  Scies  sans  fin ,  machinée,  p.  3. 

p.  553.  Abhikoau»  aîné.  —  Citations  diverses,  p.  3o, 

Amssajwbi.  —  Découpage  de  l'ivoire  en  pis-  45 ,  5o ,  367  ,  etc. 

<raes,p.  895.  àtkim.  —  Modèles  de  martinets,  p.   a5;  — 

Aixiot.  —  Hydro-cztraeteor,  p.  i3i.  ontils  d'acier,  p.  €17. 

Abtbsbt.  —  Tamis  pour  le  tabac,  p.  437.  Avbbt-Ouvibb.  —  Laminoir,  p.  i3 ,  70. 

ABniDBB-DoBAa».  —  Movlin  à  vent  ;  — presse  Aven,  de  Paris.— Bocard vaporisateur,  p.  a85. 

typographique,  p.  a3i.  Avobb  et  Pbllxtibb. —  Machine  à  broyer  le 

Abu»  Warrantas ,  Sbabp,  Dysb,  Elus,  etc.  chocolat,  p.  39a. 

B 

Baabxb ,  de  Munich.  —  Machines  soufflantes,  496-498;  —  tourà  portrait, p.  5o5  ;  —burin 

p.  io«  an  diamant  noir,  p.  5ia. 

Babbabb.  —  Gravure  mécanique ,  p.  494.  Babbos  et  Dbcostxb.  —  Machine  à  sculpter, 

■  Baillt.  —  Meules,  p.  37a.  p.  609. 

Bajbbs.  —  Histoire  des  manufactures  de  coton,  Babbows.— Machine  a  doncir  les  glaces,  p.  5a5. 

oiUtiona,  p.  181 ,  166,  170.  Bass  (Georges)  et  Elus.  —  Tondeuse, p.  445. 

Babaiowskt.  —  Presses  à  découper,  muni-  Batb  (John),  de  Londres.  —  Machinée  gra- 

roter,  etc.  p.  aa6.  ver,  p.  494-498. 

Babbibb.  —  Sciage  des  pierres,  p.  519.  Bavcbbt-Vbbubbb. —Machine  a  régler  le  pa- 

Babbib.  —  Dessin  géométrique ,  p.  495 ,  875.  pier,  p.  aa6. 

Babbbb.  —  Scieries ,  p.  61 4.  Bavdat.  —  Machine  à  fabriquer  les  parquet» , 

Babbatts  et  Bobtbt,  de  Paris.  —  Moulins,  p.  607. 

p.  4ia.  Baibbt.  —  Moulage  des  pâtes,  p.  378. 

Babbbbb.  —  Machines  à  graver,  p.  488-489,  Bavwbws  frères.  —  Scieries ,  p.  877. 

1  Cette  table  est  due  au  soins  de  M.  Ginestou ,  employé  a  la  Société  d'encouragement. 


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508 


TABLE 


Biorou.  —  Blutoir,  p.  386. 
BéeuiuiT.  —  Monture ,  citation  ,  p.  3©  4. 
Bm.  —  Sécheur  méeenique ,  p.  44». 
BxLAtexn.  —  Moulins,  p.  3*4. 
Béxinon.— Citations,  p.  i4a,  a 83,  3i3,  337, 

378,536,54i. 
But  (Thomas),  de  Mosuey.  —  Impression 

des  tissus,  p.  i5a.  * 
Bill  (  WiHism).  —  Laminoir»  et  impressions, 

P«  »7»  98 1  161  et  96a. 
Beu.  «t  Slatxb.  —  Machin*  à  iaaprimar  laa 

tiwna,p.  i43. 
Bbxot  01  la  Diomi.  —  Scieries,  p.  579. 
Beroist ,  de  Saint-Denis.  —  Moulina,  p.  3ao. 
Bshout  ,  l'ingénieur.  —  Mouture ,  citations , 

p.  3i6,  35t,  867. 
BnoitT  tt  Fbarçois ,  da  Troyee.  —  Press** 

lithographique* ,  p.  196  «t  199. 
Bihh.it    (T.).   —   Praaaa    typographique , 

p.  ai5,  *i8. 
BiRTiiii  (Samnal).  —  Machina  à  travailler 

le  bote,  p.  ig,544-55s. 
Bbbbxuou.  —  Machine*  a  préparer  laa  paaos, 

p.  446. 
Bbrobbob.  —  Tonra,  p.  478,  487,  5oo. 
Bimtv  et  Gbbybxick.  —  Fahrieation  do  pa- 
pier, p.  i35. 
BuTiora  (Ferdinand).  —  Horlogerie, p.  a,  6. 
Btsmn-Duauussois.  —  Pétrisseur  mece- 

niqac,  p.  879. 
BBaaimi.  —  Machine   4   écraser,   p.   ta8{ 

— hydro-extracteur,  p.  i3i. 
Dbs&oh  (Jacques).   —  Tonra,   p.    473-477; 

—aciérie,  p.  535. 
Bbsaoxt.  —  Hydro-extracteur,  p.  i3i. 
Billivgslbt.  —  Alésotrs,  p.  ao ,  Sa. 
Bines  (  John  )  '.  —  Machinée  à  travailler  le  boi», 

p.  6i4. 
Bixbt.  —  Machine*  à  travailler  le  bois,  p.  61a. 
Blacemabb.  —  Bluterie,  p.  386. 
Blaicbai»,  d'Amérique.  —  Machin*  a  aenlp- 

teri  p.  5a  1. 
Boilbau.  —  Scierie* ,  p.  566,  583. 
Bolaxd.  —  Pétrisseur  mécanique,  p.  379. 
Boivalit  père,  d'Amiena.  —  Machine  pour 

l'impression  de*  tiaana,  p.  i49t  »63. 
Boxvallbt  ,  de  Paria.  —  Imprweion  d'étoffes 

d*  laine,  p.  i5o. 
Bobgjiis,  l'anteor.  —  Citation*,  p.  8,  18, 

ao,  )4o. 
Bomi  frère* ,  de  Perl*.  —  Machine*  a  fabri- 
quer lea  briques  creuses,  p.  S71. 
Bottier.  —  Machines  à  couper  le  papier* 

p.  455. 
Boucns ,  de  Soiaaons.  —  Machin*  à  fabriquer 

lea  capsulée  de  fusils,  p.  99. 


Boirenu  fila.  —  Preaw  filière,  p.  *6s. 
Bovcaox.  —  Moulina,  p.  38a. 
Boociottb.  —  Épuretour  dea  blés,  p  356. 
Bovgvxbsav.  —  Hache-peiBe ,  p.  4oa ,  445. 
Booqusbo.  —  Machine  a  percer  la  Joute,  p.  1». 
Boobbox.  —  Marteau  pilon,  p.  45. 
Boubdox  et  Htmn au.  —  f.aminoifs^roTesn, 

p.  3oo. 
Borr ,  de  Genève.  —  Machine  à  estaavpsr, 

p.  80. 
Bbadbvbt  (John).  —  Rouleaux  mpriaesn, 

p.  167. 
Bbaslbt,  de  Wakefield.  —  Mechine  1  ttùt 

les  briques,  p.  878. 
Bramai    (Joseph).  —   Poliaaoin,  slèmn, 

tours,  p.   19,  aaj  —  presse  hydrashese, 

p.  4o ,  68  et  iao<  —  a.  copier,  p.  ai5;  — 

machine*  1  imprimer,  p.  i54;  —  àtakifea? 

1*  papier,  p.  i35  ;  —  à  raboter,  p.  55©. 
BrarsovUb.  —  Sécheur  mécanique,  a.  44t. 
Beboubt  et  Boqoillox.  —  Machine  a  h3k 

les  engrenages,  p.  5i. 
Bbbitiavpt  ,  de  Caasel.  —  Alésoirs,  p.  te. 
Bbbt.  —  Machine  a.  pulvériser,  p.  aS6. 
BnrwsTKB ,  de  Rouen.  —  Moulins,  p. 37s. 
Biiot  (Nicolaa).  —  Balancier  pour  les  usa- 

naies  »  p*  70  ;  —  virole  brisée ,  p.  7 1. 
BussBT.  —  Presse  lithographique,   p.  îfl, 

199.  ao4. 
Brocuaus  ,  de  Leipaick.  —  Machines  a  ioaii* 

lea  caractère*  d'imprimeirie ,  p.  a6o. 
Broerdor  ,  de  Londres.  —  Filières,  p.  18. 
BROvnr  et  Maitb.  —  Scierie  mécanique,  p.  5tf- 
Bruuer  ou  Brucbrr  (Antoine). — Lstniaein» 

p.  i3,  71. 
Brurbl.  —  Machine  e  fabriquer  le  chassant, 

p.   466  {  —  à  travailler  le  bois,  p.  5*7* 

55a  ;  —  scies  circulaires  ,  p.  553-557. 
Bruxrt  et  Cocbot,   de   Paris.  —  Sderiti, 

p.  567. 
BurrsBT.  —  Machinée  à  fabriquer  les  cket, 

p.  99. 
Buqubt  (Charles),  de  Senlis.  —  Méat**, 

p.  33o-336. 
Burdrr.  —  Machines  à  fabriquer  le  1er,  p.  4L 
Bvbettb ,  de  Paris.  —  Coupe-reetnes ,  p.  448; 

—  machines  a  riper,  p.  463. 
Bures  et  John  Gilbert.  —  Press*  tvpsgrt- 

phique,  p:  aa§. 
Boa»,   de    Shrevftbury.  —   Fahricabe*  *• 

tuyaux  en  plomb ,  p.  a64* 
Bvrrrl.  —  Machinée  a  travailler  le  boU. 

p.  616. 
Bvmbi.  —  Presse  lithographique,  p.  i*4> 
Bvbtoi.  —  Machine  a  fabriquer  lea  cyKadrtt 

gravé*,  p.  a 68. 


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ALPHABETIQUE. 


509 


Cababis,  à  Bordeaux.  —  Meules,  p.  371. 

Caii  tt  Dbbosbb.  —  Presses  monétaires, 
p.  76  ;  —  laminoirs  pour  cannes  a  sucre , 
appareils  a  cuire  les  sirops  dans  le  vide,  etc., 
p.  îaft. 

Cajixox.  —  Machines  a  fabriquer  le  for,  p.  7  ; 
—  à.  dresser,  p.  38;  —  4  broyer,  p.  ao,i. 

Calla  père  et  fils.  —  Tonrs  universels ,  p.  33; 
->-  machines-outils,  p.  57-62  ;  —  à  fabriquer 
des  cardée,  p.  96  ;  —  moulins,  p.  191,  3a3; 
— scieries,  p.  57a. 

Callob  père  et  fils.  —  Machines  à  fabriquer 
le  papier,  p.  46 1. 

Camus.  —  Tracé  des  engrensges,  p.  a. 

Caxsox  ,  à  Annonay.  —  Fabrication  du  papier, 
p.  i36. 

Canomost  et  Duibau.  —  Presses  typogra- 
phiquea,  p.  aÔ7. 

Capplb-Millbb  (Jsmes).  —  Machines  a  im- 
primer les  tissus,  p.  189. 

Caidai  (Jérôme).  —  Tours,  p,  477. 

G abbz,  de  Toul.  —  Pantographe,  p.  507. 

Cabiulioé.  —  Machine  a  doucir  les  glacée, 
p.  5ao-63a. 

Cabov  et  Laubsbbau.  —  Machine  à  essorer, 
p.  iSo. 

Cabpbxtibb  et  Stbvbws.  —  Machinée  à  par- 
queta, p.  609. 

Casai.  —  Machine  carrée,  p.  473. 

Cabt.  —  Scieriee  de  placages,  p.  586* 

Cabtibb.  —  Tsmis-bîoleau ,  p.  365  ;  —  ma- 
chine a  travailler  le  bois,  p.  607  ; — tarare, 
p.  354  { —  épureteur  des  bléa ,  p.  356. 

Cartiib  et  Amsboaud  aîné*.  —  Moulina, 
p.  3ai,  369. 

Castulb.  —Machine  à  fabriquer  les  briques, 
p.  «74  ;  —  four,  p.  «77. 

Cabaus  et  Cornue.  —  Presses  hydrauliques , 
p.  119. 

Castaibo.  —  Machines  monétaires ,  p.  70. 

Castmai  et  Moibt.  —  Machine  à  dégrossir  la 
pierre ,  p.  5a  1 . 

Cayauxb  fils.  —  Scierie ,  p.  577. 

CatB.  —  Machines  a  planer,  p.  39 ,  57  ;  —  à 
forer,  à  percer,  etc.,  p.  49-5 a. 

Cbu.ii*  et  Bbixot.  —  Machinée  pour  cap- 
sules de  guerre,  p.  99. 

Cessait  (Ds).  —  Machine  à  receper  lee  pi- 
lou, p.  107,  54a. 

Cdamoabbibb  et  Cobbbob.  —  Moutare ,  p.  87s . 

Chavpios  atné.  —  Machine  à  fabriquer  lee 
briques,  p.  37a. 


Cbampt  père. — Tembonrs  broyeurs  a  gobilles, 

p.  a86. 
Cbapells.  —  Presses  hydrauliques,  p.  isa. 
Ciapuis.  —  Mechine  à  imprimer  aur  étoffée , 

p.  181. 
Cbaumbtts,    de    Paris.    —  Impression  des 

étoffes,  p.  i56,  171. 
Ciaussbbot  jeune.  —  Hachoir,  p.  449. 
Cbktsxibb.  —  Machine  a  fabriquer  les  clous, 

p.  99- 
Caevoi.OT  et  Dbxostbb.  —  Machines  à  façon- 
ner les  pierres,  p.  5i6. 
Cbopitbl  ,  de  Paria.  —  Cylindres  laminears , 
*  p.  3,  la  ,  i4*  a6i. 
Cboumabot.  —  Balancier,  p.  a5g. 
Cbrutuw  et  Gossbt.  —  Moulina,  p.  37a. 
Cbubch  (W.),  de  Boston.  —  Machines    à 

fondre  lee  caractères  d'imprimerie,  p,  a 60. 
Cbubch  et  Godakd.  —  Pressée  à  découper,  nu- 
méroter, etc. ,  p.  aa6  et  390. 
Cl  Ain  et  Huau.  —  Outile  à  vapeur,  p.  45. 
Claibault.  —  Tours ,  p.  473. 
Clabk  (  Edwin  ) .  —  Presse  hydraulique ,  p.  4o . 
Clavib.  —  Compteura  dynamométriques ,  etc., 

p.  434. 
Clbmbbt  ,  a  Londres.  —  Machines  a  dresser, 

p.  35-37. 
Curai,  a  Paris.  —  Presse  lithogrephique , 

p.  198. 
Clubs.  —  Presse  lithographique,  p.  ao5. 
Cltmbb  et  Duos.  —  Presses  typographiques, 

p.  ao9,  aa5. 
Coatb.  —  Machinée  à  fabriquer  les  -bobines, 

p.  6i5. 
Cociot.  —  Scieries ,  p.  567*570.  ' 
CocanAW.  —  Scieries,  p.  5ao,'6i4. 
Cocxsbiix.  —  Marteeu  à  cingler  les  loupes , 

p.  a4. 
Coma.    —    Machinée    è    faire    lee    cardes, 

p.  96. 

Collabt.  —  Machine  a  guillocher  et  à  graver, 
p.  488. 

Colla».  —  Machine  à  graver,  p.  490 ,  495  ; 
—  à  reproduction ,  p.  5oa  ;  —  tour  à  por- 
trait ,  p.  5o4-5o5  ;  —  machine  de  réduc- 
tion, p.  5o8. 

Çolob,  à  Paris»  —  Laminoirs,  p.  i5. 

Cobtamib.  —  Tour  a  portrait,  p.  5o3. 

Coure  et  Gallbt.  —  Machine  à  graver  les 
plana,  p.  489. 

Cobtt.  —  Distributeur  des  bléa,  p.  357. 

Coitzbb  (Alexandre).  —  Machine  a  repro- 


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510 


TABLE 


duire  les  lutin,  p.  5o8;  —  machine  à 

sculpter,  p.  6e§. 
Cobbabt.  —  Leviers,  p.  10S. 
Cobcobab.  —  Mouline,  p.  384* 
Cobdibb,  de  Béai*».  —  Presse  hydraulique, 

p.  117. 
Counn.  —  Scieries  de  placages ,  p.  599. 
Couiu ,  d'Amérique.  —  Machine  à  fabriquer 

le*  tuyaux  eo  plomb,  p.  968. 
Coimâoi.  —  Tarare,  p.  854;  —  moules, 

p.  871. 
Cobt  et  Pvmxiu.    —  Fabrication  do   fer, 

p.  11,  i4. 
Covlavx  frère»,  —  Scie»,  p.  88  j  —  mouline, 

p.  4o5.  ^ 

Coulomb  et  Cari.  —  Appareil»  pou  bâtir  sous 
,  l'eau,  p.  108. 

Cotrmam,  —  Meules,  p.  5s a. 
Coutaobb.— Machine  à  débiter  le  bois,  p.  467. 


Coûtas.  —  Sciage  é\a*  panel ,  p.  5t{. 
C«wm    et   inuun.  —  Près**  ttaspn» 

pJujue,  p.  »i5,  919,  sai,  999,  >34> 
Cowsladb    et  Lovbjot.  —  Près»»  tjeapi- 

phique,  p.  aa5. 
Coi.  —  Machine  u  préparer  lei  peau,  p.**. 
CmisriL-DiiLiMB.  —  Prêtée  hydreaUeetpar 

le*  palpas  de  bottaruYce ,  p.  110. 
Cbosoto*.  —  Cylindres  secbeurs,  p.  ity 
Cboblbt  et  Htwabd.  —  Machine*  à  (aWifsr 

lea  tuyaux  em  plomb ,  p.  aS5. 
CréaiBivs ,  d'Alexandrie.— Machine»  s*  fcs* 

roues  dentées ,  pompée ,  etc.  p,  io3. 
CTBSiruos.  —  Erection   mecaaicM  •»  •> 

loojiea,  p.  104. 
Cuipt.  —  Machine  à  febriquer  lai  brise*. 

p.  973. 
Ctrriai  (veuve),    de  Florence.  —Pop» 

poex  la  aoie ,  p.  90. 


Dabubt.  —  Machine  à  fabriqner  lei  dont, 
p.  ^9. 

Daiiw.  —  Monlina  et  brûloirs  à  eefé ,  p.  44  >• 

D&ltou  (Jobn).  —  Machine  a  rouleaux  im- 
primée» ,  p.  1 79. 

Damt  fils.  —  Meule* ,  p.  870. 

Daxdot,  Miillabd,  Lucr  et  C*\  de  Mau- 
beuge.  —  Quincaillerie  et  outils  de  filature, 
p.  86  à  90. 

Daxvbav.  —  Crible,  p.  386. 

Dabblat.  —  Moulins,  p.  3e3,  869,  378; 

—  rarVaîehiaeeur  de*  farine* ,  p.  368. 
Dabbt.  —  Alésoirs ,  p.  ao. 

Dabj>  et  Camus  fils.  —  Meules,  p.  384* 

Dabbt.  —  Machine  à  broyer,  p.  99s. 

Dabbal,  Bossut  et  Pian*.  —  Système  d'ate- 
lier de  construction ,  p.  7. 

Dabtiovbs.  —  Machine  à  doucir  les  glanas, 
p.  5s6. 

Davbabbl.  —  Machine  a  couper  lea  vignettes  ; 

—  tamisoirs,  p.  4*6. 

Dansai  et  Middlbtob.  —  Délieseuse,  p.  457. 
David.  —  Tarare ,  p.  354. 
Davilui».  —  Tambours1  a  gobilles,  p.  986. 
Davis  (William).  —  Hachoirs,  p.  453. 
Dbbavmb,  de  Belgique. — Meules,  p.  3*1  ;  — 

moulins,  p.  889. 
Dxbovbbbt.  —  Machinée  à  capsules ,  p.  99. 
Dscostbb,  de  Paris. — Machinée  à  planer,  p.  3g; 

—  machine»,  outil*  de  toute*  dimension*, 
p.  57,6s;  —  presses  centrifugée,  p.  i3i. 

Deobabd,  de  ManeiUs.  —  Laminoirs,  p.  i5; 

—  machines  a  faire  les  cardes,  p.  95  ;  —  è 


fabriqner  les  dons ,  p.  98  ;  —  ' 

p.  446  ;  —  machines  a  préparer  k»  pB*« 

p.  466; — e  diviser  le  noie ,  p.  467* 
Dblaubb.  —  Tours,  p.  3a,  i7^t  #T'*~ 

engrenage,  p.  *55. 
DbbtbuBb.  —  Mouture  ,  p.  379. 
Dsnaaimt.— Hachoirs  pour**  toiae,^1' 

4o3. 
Dbbbbbmbsul.  —  Coloriage  meeaaif**  *• 

carte*,  p.  190,  196. 
Dbbosbb  et  Cail.  —  Appereils  poar  UfcB* 

cation  du  ancre,  p.  196;  —  F**  €IB,B* 

foge.p.  181. 
DsnaixY  (Charles).  —  Presse*  à  bmsJs?w 

caractère*  d'imprimerie,  p.  960. 
Dxsbhbx.  —  Presses  typographique»,  ••  ^ 
Dbsobm b ati  (  Paulin  ) .  —  Tours ,  p.  h ,  «>5  ; 

—  élans,  p.  toi. 
Dbstbicbxs.  —  Moulina  l  poster  t  P-  &* 
Dbvogub.  —  Machine  à  retaper  •**»  *mt 

Dbtxblbix  ,  de  Londres.  —  Machine»  *  W* 

quer  les  tuyaux  de  drainage ,  p.  '7°'  *" 

tours,  p.  483. 
Diex,   de  Philedelpbie.  —  Pramuf  l  ** 

friction  ou  roulement,  p.  83. 
Didot  (  Ambroise,  Firmin  et  Henry).- TU* 

graphie  et  presse  typogrephiaut,  p-  "?• 

918,  993,  933;  —  clichage,  p.  »*°*  . 
Didot  Saimt-Lbobb*.  —  Machine  *  &?*■* 

le  papier,  p.   i33,  i36;  —  f***1*  * 

caractère*,  p.  959. 
Dobo.  —  Butoirs  à  ressort,  p.  377»  '**' 


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ALPHABÉTIQUE. 


Domvs  (Charles).  —  Machine»  k  ealandrer, 
p.  i43,  1771  —  tomn,  p.  474. 

Douuvus  et  Goitabj>.— Toiles  peinte*,  p.  16s. 

Dohsh  el  Bacojt.—  Impression  do  papier  con- 
tinu ,  p.  i4a  ;  —  prêtée»  typographiques , 
p.  ai4»  117,  119,  aag; —  machinée  a 
découper  le  pépier,  p.  >35 ,  455. 

Doolittli.  — .  Machine  à  brique»,  p.  37a. 

Doux  t.  —  Fehricetion  de  briques,  p.  %<]*. 

Douglas.  —  Outils  pour  tondre  tes  drape, 
p.  901  —  moulins  è  noix,  p.  4  08. 

Dot  aux. —  Ventilateur»,  p.  368. 

Durs  t.  —  Van  mécanique ,  p.  348. 

Dmox,  graveur  a  Parie.  —  Laminoira,  ma- 
chinée  monétaire* ,  p.  6 ,  »3 ,  7 1 . 

Duiaoca.  —  Machinée  k  riper,  p.  4i5. 

DccoacLOis.  —  "Fabrication  dee  tuyaux  en 
plomh  ,  p.  867. 

Dueajiu»  ov  Mobckau.  —  Appareils  ponr  con- 
server lee  blés,  p.  3€o. 


511 

Dvmxut.  —  Machine  à  fabriquer  les  aooiien , 

p.  488. 
Dufitxat.  —  Tonr  k  portrait ,  p.  507. 
Dorai,  de   Pari».  —  Machine   à 

p.  100. 
Durur,  de  Meta.  —  Lithographie ,  p.  aoi. 
Duquxt  et  om  Coun.it. — MooKna  panémort», 

p.  309. 
Duquxt  et  Foxuiax.  —  Scierie»,  p.  5i8. 
Du*aud  père. et  file.  —  Moulina,  p.  4o3. 
Dut  Ami.  —  Preeeee  typographiques,  p.  «37, 
.a53.v 
Dura..  —  Machine  à  reproduire,  copier  le» 

statue» ,  p.  5o8. 
Dur  al.  —  Machine  à  préparer  mécaniquement 

lea  peaux,  p.  486. 
Dm.  —  Machine  k  fahriquer  mécaniquement 

le»  cardée,  p.  95. 


E 


entions ,    k   Saint-Denis.  —  Impression   des 

tissus,  p.  i55,  163-171,  174*  177. 
Ecx  et  Chahoaubtii.  —  Moulin»,  p.  3a  a  , 

369. 
Ecxasut,  k  Gotha.  —  Hachoir,  p.  453. 
EnwAxns.  —  Aléooirs,  p.  ai  ;  —  laminoira, 

p.  871  —  scieries,  p.  1.7a,  3a a. 
Elbrzix  Babtbu.  —  Machine  à  ouvrir  le»  baies 

du  coton ,  p.  464* 
Eioilmaub. — Presses  lithographiques,  p.  190, 

196,  199,  aoo. 


EiiAio  et  Ernest  Mina.  —  Gravure  pani- 

conogrsphiqne ,  p.  aoa. 
Evahs  (Oliver), —  Machines  A  concasser  les 

pierres ,  p.  «88  ;  —  locomoteur,  épuraleur 

et  rafraichisecur  des  hlée ,  p.  35o ,  355, 367  ; 

—  emharillement  des  fsrines ,  p.  374  {  — 

fouloir  à  farine,  437  ;  — machine  k  ouvrir 

les  haies  du  coton ,  p.  461. 
EvAns  et  Elucot.  —  Mouture  américaine  et 

moulins,  p.  3i6,  319,  34ii 
Étxqui  d'Elt.  —  Scierie  hydraulique,  p.  533. 


Faix»  AUX.  —  Machine  a  river,  p.  ho ,  46  ;  — 
transmissions,  p.  3a 4  {  — -  roues  hydrau- 
lique», p.  4a  ;  —  moulins  a  blé  tout  en  fer, 
p.  35o  et  385. 

Faxivoll.  —  Machine  k  façonner  le  bois, 
p.  606.  # 

Faicot,  de  Paria.  — Monlin  k  tan ,  p.  4 1  o  ;  — 
machine  k  tailler  lee  engrenages) ,  p.  5i . 

Faust  et  Scioxrrn.  —  Typographie ,  p.  aoâ. 

Fatutbi.  —  Machine  k  dérouler  le  bois, 
p.  593. 

F atolls ,  de  Paria.  —  Laminoirs,  p.  17,  ae. 

Fixât,  d'Essonne. — Moulins, p.  867,  370, 
87a  ;  —  distributeur  et  rafreichisseur  des 
Mes,  p.  358,367. 

Finai..  —  Hydro-extracteur,  p.  181. 

Fiscxn,  de  Hartford.  —  Typographie, 
p.  «09. 


Flaciat.  —  Leviers  compresseurs,  p.  44. 

Flsssslli  ,  d'Amiens.  —  Machine  pour  im- 
primer lee  tissus,  p.  149. 

Foicus  père  et  fils.  —  Appareils  k  extraire  le 
sacre,  p.  117. 

Focq  (  Nicolas  j ,  de  Mauheuge.  —  Machine  k 
fahriquer  le»  cylindre»,  p.  4  »  7,  8 1  —  ma- 
chine à  raboter,  p.  5a. 

Foxtaxa.  —  Leviere,  p.  io3. 

FoTHsaoïLL  (William).  —  Cylindre»  impri- 
meurs, p.  i54,  166. 

Fousnaniixx.  —  Presses  lithographiques, 
p.  i34 ,  ao5. 

Fouxibtxo*.  —  Tusbine,  p.  4a. 

Fox,  de  Derby.  —  Toore  parallèles,  p.  39;  — 
mschines  à  dresser,  p.  35. 

Futurs,  de  Mets.  —  Machines  à  scier  et  dé- 
couper  le  bois,  p.  587. 


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512 


TABLE 


Fut.  -r-  Machine  à  fabriquer  laa  clous ,  p.  98, 

98. 
Fceiax.  —  Estampages,  p.  74. 


Fcuiu.  —  Machines  à  travail!*  U  Wu. 
p.  6i3. 


G 


Gaillaba.  —  Meulea,  p.  38». 

Gaaxb  ,  griww  a  Paris.  — Nouvelles  chaînes , 

p.»».  «75. 
Gallois  (de).  —  Fabrication  anglaise  do  far, 

P  •"• 

Gallob  at  Dotoar.  —  Moulins  à  vent,  p.  309. 

Gallowat.  —  Tours,  p.  676. 

G  vllowt  at  Bowbubb.  — Presse  hydraulique, 

p.  117. 
Gui  au.  —  Machine  a  fabriquer  la  papier, 

p.  i34. 
Gabral. —  Rouleaux  typographiques,  p.  «17. 
Gabai».  —  Machines    à  dérouler  la  boia, 

p.  601. 
G abdbbb.  —  Coupe-racine  at  hachoirs,  p.  40», 

45*. 

GAaroara.  —  Machina  à  river,  p.  47. 

Gavbacx  para  at  fila.  —  Preeees  typographi- 
ques, p.  aïo,  «36,  a43. 

G  at-Lomac. —  Torréfaction  daa  tabaee,  p.  438. 

G ta Diana.  —  Scierie  da  placage,  p.  586. 

Gbïidbbibx.  —  Moatnra,  p.  87a. 

Gbbobmbbb.  —  Gravure  et  fabrication  daa  bil- 
leta  de  banque,  p.  166,  a6i  î  «—  machines 
monétaires,  p.  71,  7a  ;  —  presses  hydrau- 
liques, p.  116. 

Gbmcsubbb  et  JoLicLàai.  —  Machina  a  fabri- 
quer la  chaussure ,  p.  486. 

Gbrssaxb  (Db).  —  Moulins  à  papier,  p.  4o6, 
459  {  —  machine  a  couper  las  chiffons, 
p.  46a. 

Gbbtbb  atné\  —  Minoterie ,  p.  33 1 . 

GéaotBT.  —  Travail  daa  marbres,  p.  $12. 

Giixot.  —  Paniconograpbia ,  p.  aoa. 

Gibabj»  (Philippe  db).  —  Appareils  pour  con- 
server lea  blés,  p.  36i|  —  machine  à  fabri- 
quer laa  bois  de  fusils,  p.  809. 

Gibavb.  —  Blutoirs ,  p.  364. 


Graoroor.  —  Preeees  typographie ,  p.  m, 

a33,  a35,  a4a. 
Glatbt  frétée.  —  Machines  a  tafflar  laineu. 

p.  83,  5a  i  —  iB^chineàtafflsrlaibaai 

p.  101. 
Go oaraor.  — Machina  à  imprimtr  sbt *sfc . 

p.  181. 
Goobawt.  —  Machinée  à  travailler  h  Isa, 

p.  609. 
Goldbbbbbc.  —  Moulin  à  caJS,  p.  4a5. 
Gosmb.  —  Meules ,  p.  S70. 
Gobsbux.  —  Citation ,  p.  875. 
GoTTOar.  —  Moulin  philoaephiqaa,  p.  »{&. 
Gbabdisab.  —  Tours,  p.  48a. 
Gbabt  et  Bancs.  —  Machine  à  faanqee*1 

pites,  p.  878. 
Gbattsb  b'Avbbt.  —  Tarare ,  p.  341. 
Gbat   (Andrew).  —  Moulins,  p.  ii».  *»*' 

319,  338. 
Gbat  et  Gmoobt.  —  Machina  à  ferar,  p.  Ni. 
Gbbbx.— Machine  a  préparer  las  peraitp.W*- 
Gbboobt.  —  Moulina ,  cHation ,  p.  34»- 
Garte  (Thomas  at  J.).  —  RoaUaax  iap 

meurs,  p.  176;  — presse  Utbog»»P1'P' 

p.  ao4- 
Gbbtsbix.  —  Fabrication  du  tabac,  p.  «* 
Gbimpb.— Gravure  des  papiers  tûnbfa»•^»,* 

485  {  —  rouleaux  imprimears,  p.  ***î-" 

machine  à  sculpter,  p.  509.  i_I 

Gbvat.  —  Fabrication  des  wyaax  a»  *■■*• 

p.  a67. 
Gvéaix-DoBoimG.  —  Sciene,  p.  *7** 
Gvbvib.  —  Meulea ,  p.  38a. 
Gcimuna.  —  Leviers  eompresssais,  p.  t> 
Guillotib  (Antoine-Louis)  et  Sawr.- 

vention  de  la  guillotine ,  p.  445* 
GuTBRBBBe  et  ses  aasociés.  —  P**1*  W^ 

phique,  p.  i45,  ao5. 


H 

HACM-BotmoBOia.  —  Plaquée  at  ruban»  de     Hallbttb,  d'Arraa.  —  Piassnj  byi<liH* 

cardes ,  p.  89. 
Hacxj.  —Machine  *  façonner  le  bois,  p.  565. 
Haocb.  —  Machines  monétaires ,  p.  74  ;  — 

a  fabriquer  les  tuyaux  en  plomb ,  p.  »65. 
H  Ait,  de  Dartford.  —  Machine  à  dresser  laa 

glaces,  p.  5a6. 


p.  117,  119. 
Hallibbs  (Db).  —  Mouture,  p-  *7>' 
Haurl.  —  Moulin  a  vent ,  p.  34°.       . 
Hamiltox.  —  Sciage  des  petits  l*«.  P*     ' 
Habon  ,  de  Lille.  —  Meulea,  p.  M»' 
Habbixc-Cocrbb.  —  Peignes  coati**,  f-r" 


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ALPHABÉTIQUE. 


iUmDino,  PtTLLïi»  et  JonVgov*  —  Machina  à 

fondre  1m  caractère*  d'imprimerie ,  p.  a6o. 
fl  abmld.—  RoiInoi  typographiques,  p.  «17. 
IIattbxbim.  —  Machin*    a    fabriquer    lea 

briqoee,p.  971,  375. 
Hacssmaiw  frèree.  —  Rouleaux  imprimeur* , 

p.  107-168. 
Haweix*.  —  Machina  servant  à  reproduire  laa 

bustes ,  p.  5o8. 
HiiDais. —  Machinai  à  imprimer,  p.  161 , 

16a ,  i65. 
IIbwbkcabt.  —  Blutoirs ,  p.  364  *  386. 
Hxbha*.  —  Fonderie  de  caractère*  d'imprimé- 

rie,  p.  aôg. 
Humai v.    —   Travail   daa   piarraa    dora*, 

p»  61a. 
HiBrrx ,  da  Mets.  — Yentilatcnra  à  percussion, 

p.  363. 
Hbitsi»,  da  Paria.— »  Machina  à  imprimer  laa 

étoffée  et  le  papier,  p.  181. 
Hithuimotor.  —  Machinée  à  dresser,  p.  33. 
Hic»  et  fila.  —  Machinée  à  forer,  p.  35;  — 

preaaea  hydrauliques ,  p.  4o ,  5a ,  isS. 
Hirdi.it.  —  Toar  aatomete,  p.  48a. 
Hibsci.  — Presse*  typographiques,  p.  a3a. 
Hodoktjisoh  et  Faibbaibx.  —  Résistance  dea 

tôles  tiiitê ,  p.  43. 
IIob  (R.  ).  —  Preaaea  typographique*,  p.  937. 
IIopwaii.  —  Maehine*  à  imprimer  les  étoffes, 

p.  157,  171,  ai3;  —  à  fondre  les  caractères, 

p.  a6o  ;  —  épuralaur  dea  blée,  p.  35g. 
Hoixaorr.  —Monture ,  p.  37a  ;  —  fabrication 

dn  tabac,  p.  4ai;  —  tamis,  p.  4ag. 
Houi.  —  Presse  typographique,  p.  aa5. 
Holtxappbx.  —  Toura ,  p.  475 ,  483. 
Hoo»  (  Jean-Harper).  —  Hachoir,  p.  409. 
Hooki.  —  Presse  hydraulique,  p.  68  ;  —  ma- 
chine a  fendre,  p.  48a. 
Horuieov  et  Cou. —  Pressée  typographiques, 
p.  a*5. 


513 

HooDOUAio  et  CoiBtui.  —  Machinée  à  débiter 
le  bois ,  p.  608. 

HotriiT.  —  Moulins,  p.  38a;  —  machina  a 
émonder,  p.  386.  , 

Howiix  (John).  —  Machiné  à  forer,  p.  54 1. 

Hotai.  —  Hachoir,  p.  4oa  ;  —  machine  à  fa- 
briquer les  agrafée,  p.  96;  —  machine  a 
doncir  les  glaces ,  p.  697. 

Huait  (Henri).  —  Conservation  dea  blé*, 
p.  36a. 

Hoiiit.  -«-Machines  à  curer,  p.  107  ;  —mar- 
tinets ,  p.  998  ;— machine  a  broyer,  p.  399  ; 
—  machinée  a  travailler  lea  bois,  p.  56 1. 

Hvmit  (Anglais).  —  Épurateur  dea  Mes, 
p.  356. 

Hoc» ,  de  Paris.  —  Bluterie,  p.  366 ,  386. 

Htri ,  de  Paria.  —  Machine  à  faire  les  çgrafes , 
p.  9a. 

H  trente  et  fils.  —  Meulea,  p.  38a. 

HvtuiMix  et  DocoMMtm.  —  Machinée  a  impri- 
mer lea  tissus ,  p.  1 78. 

Htmrixix-CoixiTZ.  —  Presse  à  imprimer  les 
tissus,  p.  i84* 

Hvxot  père.  —  Toura ,  p.  478  ;  —  machine  a 
foudre,  p.  48a. 

Hvlot  fila  et  Buaiiox.  —  Tour  de  réduction 
pour  lea  médaillée,  p.  5oo-5oa. 

Humbbbt,  dea  Voagea.  —  Machinée  a  forer, 
p.  Si. 

Humbbbt,  capitaine.  —  Capsulée  de  guerre , 
p.  100. 

Humblot- Coure.  —  Rapporteor,  p.  aga;  — 
rectification  a  son  sujet ,  p.  565. 

Hoit.  —  Blutoir,  p.  386. 

Hotitii.  —  Machine  à  tailler  le  pierre ,  p.  5ao« 

Huiiav  et  MiciALOi.  —  Meules,  p.  37a. 

Hvbwooo ,  CioeauiA  et  Aoavs.  —  Mouture , 
p.  383. 

H  on  m.  —  Brunissoirs  et  scie*  pour  lea  pierres 
fines,  p.  5ia. 


laiiTSOx.  — >  Machines  a  graver,  p.  484. 
Ixoiam.  — Prease  typogrephique,  p.  aaa. 


Ibiaid  ,  de  Strasbourg.  —  Pressoirs  à  double 
fond,  p.  n5,  1*9. 


JiVAri  et  PoiciLiT.  — Laminoirs,  p.  i5,  a4. 

Jaft  père  et  fils.  —  Estampage,  p.  74;  — 
fabrireiion  dea  clous ,  p.  98  ;  —  marteaux- 
pilons  ,  p.  8a  ;  —  outils  divers,  p.  3a. 

J  Avale.  — Appareil  de  suspension  de*  elochea , 
p.  toa  ;  —  pressoirs ,  p.  1 1 3. 

VI*  JURY.  —  2#  PARTIE. 


Johisoi  ,  d'Amérique.  —  Machine  à  fondre  lea 
caractères ,  p.  a  69  ;—  moulin  a  café ,  p.  4o5 

Jovabo  ,  a  Losèro.  — Meulee,  p.  3n. 

Jovbdaw.  —  Maehine  servant  à  imprimer 
étoffes,  p.  181. 

33 


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514 


TABLE 


Kat  (  John).  —  Hcriefer-mecanicieo  ,  p.  3. 
Kbah-Fitmbiau».  —  Vii  de  réglage,  p.  i5. 
Kmf.  —  MwliM  «l  brulofrs  loti,  p.  Hi. 
Kibslst.  —  Machine  servant  a  fabriquer  \m 

briques,  p.  271. 
Kibkwoop.  —  Presse  ssrvaat  à  imprimer  les 

.Umm,  p.  i83. 
Kustns ,  de  Paris.  —  Msaaiserie ,  p.  676. 
Kxbcbt.  —  Machines  à  graver,  p.  199,  *  36. 


(Baron   os).  —  Van 


(Jmb).  —  Impression  des  teia, 


Iiomv 

p.  33a. 
Kcïtcaus 

p.  16t. 
Koxbio  (Frédéric) ,  de  Saxe.  —  Praam  typt- 

graphiques,  p.  ai4,  a so,  197,  «43. 
Kbaksbb  at  C4*.  —  Fabrication  dta  tanax  ai 

plomb,  p.  s66. 
Kbvfp.  —  Laminoirs  ssi  aâsr,  p.  a5. 


IiâliWM  «I  Gbbxisb.  —  Seiaga  dsa  pierres  , 

p.  519. 
Labbllt.  —  Machine  à  receper  les  pilots  aoas 

r«*o,  p.  543. 

Laboblatb  (Ch.  ).  —  Fonderie  mécanique  dis 
caractères ,  p.  160. 

LacatX'Laplaohi  et  Simbob.  —  Fabrication 
dm  tabac,  p.  4a 5-4» 4 • 

Lacobbamibb  et  Gbabjbab.  —  Tours,  p.  3s , 
47>>  478,  484 1  487,  5oo. 

Lacboix  ,  de  Rouen.  —  Presse  lithographique , 
p.  ao4. 

LAOAiotfsTi.  —  Crémaillère  à  levier,  p.  81  ; — 
levier  à  cliquet,  p.  106,  n4,  809. 

Laoootti  et  Lambby. — Fabrication  des  toysux 
en  plomb,  p.  364-366. 

Lalabbb.  —  Fabrication  du  papier,  p.  458. 

Lalovbt-Puissabt.  —  Emboutissage  des  men- 
taux, p.  75. 

Lakobiiibbb  (Dm)  et  Maiiotti.  —  Machines 
1  dresser  et  à  planer,  p.  88 ,  5o ,  58 ,  6a  ;  — 
mécanisme  a  burins ,  p.  88  ;  —  banc  a  dres- 
ser les  tables  de  fonte ,  p.  53o  ;  —  presse 
lithographique,  p.  197. 

Lahottb.  —  Moulins,  p.  38i. 

Labcbt  (Colonel  db).  —  Machine  à  dérouler 
les  bois,  p.  895. 

Laxdau.  —  Meules,  p.  387. 

Labot  et  Lswis.  —  Broches  de  filatures,  p.  87. 

Labocbb  et  Mobbibb.  —  Machine  a  fabriquer 
les  dot»,  p.  99. 

Lassbbo*.  —  Sécheor  mécanique,  p.  44 M 
—  tarare,  p.  354 1  —  épurateur  des  blés, 
p.  356. 

Lastbtbib  (Db)  et  Ebcklvabx.  —  Lithogra- 
phie et  typographie,  p.  191,  317. 

Law.  —  Moulins  à  café,  p.  44 1. 

Lxabbrwbbtb.  —  Machine  (fabriquer  des 
clous  »  p.  69 ,  98. 


Lxblaic.  —  Machines  a  fabriquer  les  tùm 

de  cardée ,  p.  96. 
Lbcbibb.  —  Découpage  des  bois,  p.  467. 
Lxb  (  William  ).  —  Métier  a  fabriquer  les  su, 

p.  97- 
LirirsK.  —  Machines  a  imprimer  les  bans, 

p.  163 ,  174,  177;  —  scierie  de  plactfi, 

p.  57i. 
LBrxABc.  —  Moulins ,  p.  3oo  ;  —  mecaiae>» 

rogner,  p.  445. 
Lbgbt.  —  Machines  à  planer,  p.  5i. 
Lbcbabd. —Tarare,  p.  354  i  —  meules,  p.  3M- 
LiUTXHScnwirDEB.  —  Fabrication  da  papâar, 

p.  i36,  180. 
Lbistbiscbibidbb  et  Nonor.  —  Repia**f 

des  meules ,  p.  384* 
Lbjbuxb.  —  Moulins,  p.  4o5. 
Lb  Lieras  st  Gédéon  Dotal.  —  Msesissi» 

tailler  les  fusées  de  montre ,  p.  6. 
Lbmaîtbb.  —  Machine  a  river,  p.  47. 
Limbe  st.  —  Pétrisseur  mécsnique ,  p.  379- 
Lbuibb  père  et  fils.  —  Fabrication  des  dont, 

p.  9*. 
Lbmoibb.  —  Machine  à  broyer  les  eodsui, 

p.  397;  —  monture,  p.  37s. 
Lbmoblb.  —  Machine  à  faire  les  tajtax  ai 

plomb,  p.  s 63. 
Lbbobbiabt.  —  Presse  typographique,  p.  iff- 
Lbbsbicbx.  —  Mécanisme  S  barios,  p.  #• 
Lbobabd  bb  Vibci.  —  Tours ,  p.  47*  •  «77- 
Lbon rabot.  —  Machine  à  toodre  les  csrtf 

tères,  p.  a6o. 
Lbpibb  et  Edwards.  —Scierie,  p.  519. 
Lbscobb.  —  Moulins,  p.  38i. 
Lbspimassb.  —  Boulangerie,  p.  37 4< 
Lbstbb.  —  Hachoirs,  p.  4oa. 
Lbtvbc.  •—  Machine  a  forer,  p.  56s. 
Lbtaboox.  —  Machina  a  préparer  les  pat»» 

p.  466. 


Digitized  by  V»OOQ IC 


ALPHABÉTIQUE. 


Lbyisqvb  et  Gou.it.  —  Machine  à  sécher  1m 

tissos,  p.  i3o. 
Lrwi«  ti  John  Coluib.  —  Machin*  à  dresser 

et  à  fendre ,  p.  Sa ,  35 ,  5a  |  —  tondeuse*  » 

p.  90,  456. 


515 

Lillt.  —  Machina  a  ouvrir  la  eoion  t  p.  465. 
LrraxoT  para.  —  Machina  a  fabriquer  1m  cap. 

aulaa  de  fuail  t  p.  99. 
Lockxtt.  —  Cylindre»  imprimera»  p.  167. 


M 


Macmooubt  et  Fobtaibb.  —  Appareil*  de  eA- 
reté,p.  435. 

Maobob  (Rér.  P.).  —  Toura,  p.  48 1. 

Maillot  fila.— Machine  a  fabriquer  les  dons, 
p.  99. 

Maibit.  —  Prease  lithographique,  p.  193. 

Maumbt.  —  Moulin»,  p.  33o,  333,  335. 

Mabby  et  Wilsoi.  —  Machines  à  forer,  p.  t3, 
3i|  —  moulina,  p.  417»  4t9i  — fabrica- 
tion du  tabac ,  p.  437. 

Maxlotb.  —  Hydro-extracteur,  p.  i3i. 

Mabmbtillb,  de —  Machines  à  fabri- 
quer les  tonneaux,  a  dresser  le*  planchas , 
p.  606,  579;  —  aciéries»  p.  579. 

Mausill.  —  Marhine  a  fabriquer  la  chaus- 
sure, p.  466. 

Maxtislu.  —  Blotoirs,  p.  364* 

Mabcblub-Leobabo.  —  Imprimerie  polyama- 
type,  p.  a59. 

Mahioii.  —  Presses  typographiques,  p.  a 39, 
a5f. 

Mauottb.  —  Machines  a  planer,  p.  39 ,  61  ; 

—  mécanisme  a  burins ,  p.  88. 

Mabits.  —  Maebines  a  forer  les  canons  et 

tourner  les  métaux,  p.  ai,  aa. 
Mabt.  —  Machines  à  dépoter,  p.  108. 
Màssiqdot.  —  Machinée  à  rogner,  p.  455. 
Massb  el  Cour.  —  Broches  pour  filatures, 

p.  87. 
Matoslay.  —  Equipage  à  chariot ,  p.  ao ,  a  1  ; 

—  grues,  p.  39;  —  machines-outils,  p.  35, 
4i,  5a  ;  —  machines  a  imprimer  les  tissus, 

*  p.  i54i  —  moulins,  p.  319;  — locomotion 
des  blés,  p.  35o{  —  scieries,  p.  356. 

Mavdslat  fils  et  Fibld.  —  Presse  a  action 
continue,  p.  81,  84 i  —  presse*  hydrau- 
liques, p.  119. 

Maxilirb.  —  Machine  a  écraser  le*  cannée  à 
sucre,  p.  ia8. 

Miam.  —  Moulina  a  papier,  p.  458. 

Mkavpiav.  —  Epuration  des  blés ,  p.  356. 

Mum  et  Aouu.  —  Machinée  à  triturer, 
p.  195. 

Miaiuéx.  —  Impression  des  tissus  et  lithogra- 
phie; —  rapporta,  p.  i5o,  199. 


Msbxesiw.  —  Tour  à  guillocher,  p.  479. 
Miami  oi  GiArnisTADiR.  —  Machine  mo« 
nétaire,  p.  80;  —hachoirs  à  tabac,  p.  4 18. 
Miaitii  et  Coobtiii.  —  Moulin ,  p.  363. 
Michels.  —  Tareras,  p.  354 f  —  séeheur  mé- 
canique, p.  44 1. 
Miodutoip  et  G AULTira-LAovioiiBV—  Pressée 

typographiques ,  p.  a38. 
Miodlitoi.  —  Machines  a  fabriquer  le  pa- 
pier, p.  i35;  —  presses  typographiques, 
p.  aaa. 
M10101.  —  Tréfilerie ,  p.  a8. 
Milita  ou  Mtlbs.  — Moulin ,  p.  3o5.  . 

Mtitor.  —  Machinée  1  triturer  le  quarts  et 
.  le  kaolin,  p.  396. 
Miiault.  —  Scierie ,  p.  578» 
Mibobdb.  —  Rubans  de  cardes ,  p.  89. 
Mitiiioati.  —  Moulins,  p.  3o5. 
Mirriiin.  —  Presse  lithographique ,  p.  191. 
Moissob-Dbvaux.  —  Machine  a  fabriquer  les 

tuyaux  eu  plomb,  p.  a66,  a68. 
Molabj).   —  Machine  à  broyer,  p.  3911  — 

aciérie,  p.  538. 
Moigix.  —  Sciea,  p.  88,  58a. 
Morii.  —  Machine  à  rogner,  p.  455. 
MoRTCiAiMORT.  —  Meules ,  p.  38a. 
MoHTOOLri»   (Joseph).  —  Presses  hydrau- 
liques, p.  lai. 
Mouav  et  Sbouib.  —  Machine  a  sculpter, 

p.  5i4. 
Moibl.  —  Machines  à  forer,  p.  54 1. 
Moest  et  Bslidob.  —  Scierie,  p.  5 18. 
Mobiv.  — Presses  a  foin,  p.  îaa. 
Moblit.  —  Machine  a  broyer  lee  plitro, 

p.  289. 
Modcbbl.  —  Tréfilage,  p.  37. 
Movcbot  et  Mobbt.  —  Pétrisseur  mécanique , 

p.  379. 
Mocb.it.  —  Scierie,  p.  566. 
Moxox.  —  Toura,  p.  4?5. 
Mullbb.  —  Broches  pour  filatures ,  p.  86  ;  — 

mouture,  p.  3ag. 
Mvbdock.    —   Machine   a    forer  la  pierre, 
p.  5i3. 


33. 


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516 


TABLE 


N 


Namim.  —  Presses  typographiques,  p.  sas, 
p.  sâs  t  —  machine  à  fabriquer  lee  balles 
•a  plomb,  p.  s6s. 

Nasbutb  (Jsmes).  —  Machines  à  raboter,  à 
fendr*,  p.  3s ,  3$  ;  —  aletotn,  p.  Sa  ;  — 
twt ,  p.  8o,  3»  | —  pilon  à  vspeer,  p.  46. 

N  tSMiTB  ai  Gaaxbll.  —  Madones  à  dresser, 
p.  35. 

N»rin.  —  Citations;  acitriaa,  p.  53g  <  — 
meules,  p.  3i3,  3i5. 

N  at loi.  —  Hachoir,  p.  4oi. 

N cessa.  —  Machines  a  graver,  p.  4go* 

Ncwtoi  ,  do  Londres.  —  Improtaioa  dot  pa- 


pier»  de   tenture,   p.    180;    —met\af 

p.  37s. 
Nicbviixb  el  Hmn,  do  Meta.  —  Moatiai, 

p.  Sas  ;  —  edoriee ,  p.  874  ;  —  operataur 

dos  bise,  p.  353. 
Niciouoi  (William).  —  Impression  dm lav 

•va,  p.  i46,  i53,  i5ê,  171,  «11,119. 
Nuxes ,  do  Havre.  —  Machines  a  eeramr  w 

cannes  a  encra,  p.  isft. 
NOBMAIO.  —  Machinée  typographiques,  p.  1Î7, 

»4o,  a5o. 
Nossitbb.  —  Machines  à  préparer  le»  pem. 

p.  465. 


0 


OesRXABrr.  —  Toitm  pointée,  p.  160.  Ohxaum)  Cbiu».  —  Sdes  circulaires,  p.  MJ- 

Ulivibb.  —  Machine  à  tailler  le»  engrenages,      Or»! ,  le  sommer  mécanicien.  —  MosBs», 

p.  5i.  ,  p.  4o4. 

CLitibb,  Clbmwt  et  Bvbbtti.  —  Prootm  1 

betteraves,  p.  116,  i»4> 


P.ciiam.  —  Machine  à  (aire  la»  plancher*, 

p.  60g. 
Palmes.  —  Hachoirs,  p.  4oa. 
Papavoihb  et  Cmatbl.  —  Machine  I  fabriquer 

le»  rnhene  de  carde» ,  p.  g3. 
Pape,  a  Paria.  —  Machinée  à  travailler  le 

bois,  p.  591. 
Pauadis.  —  Dietriboteur  dm  blés,  p.  358. 
P absous.  —  Moulins,  p.  383. 
Pasqbibb.  —  Fabrication  du  tabae,  p.  4s3. 
Paxtoi.  —  Machiom  à  travailler  le   bois, 

p.  6i4. 
Picastii.  —  Monlin  à  noix ,  p.  38o. 
PécLiT.  —  Secheur  mécanique,  p.  44 » • 
Pecqokub.  —  Engrenage»,  etc.,  p.  33,  47 4  ;  — 

presses  pour  le»  betteraves ,  p.  is5  s  —  ma- 
chine a  fendre  les  coin ,  p.  466. 
Pbi.litibb.  —  Monlin»,  p.  199. 
Pbbtzolot.  —  Machine  à  eesorer  les  étoffes , 

p.  i3o. 
) '  r. ni c a  ( Constantin  ) .  —  Machines-outils,  p.  5- 

7  ;  —  battage  des  monnaies,  p.  83  \—  presses 

hydrauliques,  p.  116. 
Péaix ,  à  Paris.  —  Scierie  a,  rnban  ,  p.  610. 
Pan:».  —  Presses  typographiques,  p.  «891  — 

—  secheur,  p.  s4o. 


Pbbbibs.  —  Machinée  i  graver,  p.  166,  485; 

—  machines  à  fabriquer  lee  don»,  p.  98; 

—  clichés,  p.  361. 

Pbbbadlt.  —  Mécanisme  ponr  déplacer  lu 
corps,  p.  io3  ;  —  moulin» (  p.  3o6;  — 
main  mécanique,  p.  434. 

Pbbbbavx  do  l'Orne.  —  Instruments  à  Use* 
et  diviser,  p.  490. 

Pbbboxbt.  —  Pulvérisation  du  dment,  p.  stfl 

—  machine  à  travailler  la  pierre,  p.  5i3{ 

—  à  reeeper  sous  l'eau ,  p.  54s. 
Pbbbot.  —  Machines  à  imprimer  les  tissât ( 

p.  186 ,  190  ,  soa ,  so4. 

Pbbsbtal.  —  Mechioo  i  Uiller  le»  Kaw», 
p.  10t. 

Pbbsos.  —  Impression  dos  tissus,  citation»  • 
p.  159,  161 ,  i63,  177. 

Pbtib  et  Gauobt.  —  Marteaux  i  vapeur,  p.  45. 

Pbtit.  —  Meules,  p.  37s ,  38a> 

PtrrtT  Jbai  et  Maioib.  —  Mschine  4  doser 
les  glaces,  p.  6a6. 

PBTtT-PtBBBB.  —  Machines  4  graver,  a  re- 
fendre, à  tailler  le»  limes,  p.  3s,  101,  4oo. 

Pbtoo.  —  Scierie ,  p.  587  ;  —  machiae  1 
débiter  le  bois,  p.  607. 

PnJLirrt  (Eogino).  —  Machine»  4  fsbriftsr 


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ALPHABETIQUE. 


515 


la  rouet  de  voilai*,  p.  579;  —  scierie, 

p.  579 ,  584* 
Pxiurrx  et  BiuwDOir.  —  Machine  à  couper 

le  bob  f  p.  466. 
Picakp.  —  Moulin»  a  noix,  p.  4ia. 
Pitor.  —  Machine  à  découper  le  boie  en 

feuilles,  p.  595. 
Pictbt,  de  Génère.  —  T ypogrephie ,  p.  318 , 

s3o. 
Piobaxt. —  Moulins,  p.  3*9. 
Pibbt.  —  Mtchinee-ouiilt ,  p.  a3,  38,,  46, 

49»  57,  ia*. 
Pixixn.  —  Preetee  typographique ,  p.  a3a. 
Piobibt  et  Takdt.  —  Fabrication  dee  cap- 
sulée de  fusil ,  p.  99. 
Pumrxx.  —  Tours,  citations,  p.  3s,  475, 

47«. 
Poixcxlkt  et  Lmhah>.  —  Machinée  à  broyer, 

p.  391. 


Pou  sot.  — Gtation ,  genon ,  leviers  articules  , 

p.  66. 
Poxcm.it,  à  Liège.  —  Scies ,  leminoirs  »  p.  8  8  » 

559. 
Pobcxt  neveu.  —  Mortaiseuse,  p.  S 10. 
Poanrxx  et  Woon.  —  Appareil*  pour  l'extrac- 
tion du  ancre,  p.  1*6. 
Pools.  —   Machine  à  préparer  les  peaux  , 

p.  465. 
Potxxat.  —  Tour  à  portrait ,  p.  5oî» 
Pottii.  —  Fabrication  des  briques,  p.  «7». 
Poofabt,  Amauaii  et  John  Coixin.  —  Ton- 

deosee,  p.  90,  455. 
Pboxt  (m).  —  Vis  différentielles,  p.  tat. 
Pxoeaxx  et  Hadlxt.  —  Machine  à  découper  ie 

bob,  p.  6i5.. 
Pxisxxx.  —  Machine   *  tourner  la  pierre, 

p.  5i3. 


QuillT.  —  Presse  lithographique,  p.  198. 


R 


Rahxlli.  —  Scierie,    p.    537;  - 

p.  68. 

Rausdix.  —  Machina  à  dirber,  p.  491. 
Raxxbll  et  Saoxdbbj.  —  Machina  à  acier  la 
.  pierre ,  p.  5  io ,  6i5  ;  —  tnyaux  de  poterie , 

p.  970. 
Raxoxkt  et  Viav.  —  Fabrication  do  papier, 

p.  i36. 
Raxyxs.  —  Machine  à  dresser  les  glacer, 

p.  5*9. 
RAtrAH..  —  Machine  à  découper  le  bob, 

p.  600. 
Rawlb,  de  Rouen.  —  Secheur  ponr  étoffes» 

p.  137 1  —  machines  à  imprimer  les  tissus , 

p.  i58,  173,  178,  i84. 
Rawlissox  et  Ch.  Tatlok.   —  Machine  à 

broyer,  p.  994* 
Ratmoxd. —  Machine  à  découper  le  bob, 

p.  468. 
Rxad  (Jceeph).  —  Machine  à  fabriquer  les 

cloue,  p.  98. 
Rxonixi  et  Albixt.  —  Moulins ,  p.  377. 
Rboxt.  —  Manutention  du  plomb,  p.  16. 
Rxicxxxxcxxx.  —  Moulage  de  tuyaux  de  po- 
terie, p.  969. 
RnviAiT,  de  Strasbourg.  —  Moulina ,  p.  379, 

38i. 
Rnoro  et  Waxxxx  dk  la  Rus.  —  Machine  à 

faire  des  enveloppes,  p.  454. 


Rxxxix  père,  de  Londres.  —  P.  3  et  19. 
Rkxxib  (G.).— Citation»,  p.  38,  5a,  1074  — 

moulins,  p.  819;  —  épureteur  dee  blée, 

p.  35o. 
Rbtxdoxskt.  —  Presses  monétaires,  p.  310 
Rstillox,  de  Mâcon. —  Pressoir,  p.  n4. 
Riby-Lbcomtb.  —  Meules,  p.  37s. 
Ricbabj»   (Johnson).  —  Machine  à  tréfiUr, 

p.  98. 
Rikoxx.  —  Fabrication  do  papier,  p.  i33. 
Rislkb  père.  —  Machines  à  imprimer  le» 

éloffee,  p.  ]57,  171,  177. 
Robbbt  (Lonis),  à  Essonne,  inventeur  de  la 

machine   à-  fabriquer  le  pépier   continu, 

p.  i34.      - 
Robxxt  (R.),  de  Menchester.  —  Estampage 

mécanique  des  miteux ,  p.  a6a. 
Robixsox  et  Rosskll.  —  Leminoirs,  p.  138. 
RocBKJAQUXLBix  (Dx  La).  —  Bateaux  à  va- 
peur, p.  5o. 
Rocxox  (L'abbé').  —  Art  monétaire,  p.  71. 
Roosb.  —  Meules,  p.  36a. 
Roovrx  (M.  et  G.).  —  Machines  à  fsconner 

le  bob,  p.  563. 
Rootnx  et  Galla.  —  Scierie,  p.  579. 
Rolax»  nx  la  Platisbx.  —  CiUtiona;  — 

fabrication  dee  ètoSes,  p.  i48  ,  i5i ,  i54  , 

i56,  161. 
RoLxr»  et  Ssixie.  —  Presse  centrifuge,  p.  1 3 1 . 


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518 


TABLE 


Rolland  (Eoginc). —  Fabrication  des  tahace, 
p.  4*7  i  —  hachoir,  p.  45 1.  —  Torréfac- 
teur «t  embariUeer,  p.  487  »  438. 

Bollit.  —  Machina  à  fabriquer  les  pâtes, 
p.  1781  —  sécheur  mécanique,  p.  44l. 

Root.  —  Machina  à  riper,  p.  4»5. 

Rota.  —  Moulina ,  p.  385. 

RoTca.  —  Hydro-extracteur,  p.  i3i. 

Roussblbt.  —  Presses  typographique»,  p.  tZ-j, 
989,  «49. 


Rooaim    «t    Bbibsbt.  —    Praaaaa   Uihogn- 

phiques,p.  194»  »9«. 
Roswao .  —  Tissus  métslliqace  ,  p.  89  ;  —  Ht- 

toira,  p.  346. 
Rroui.  —  Systems  de  transmission  «t  âm- 

tanx»,  p.  43 1 ,  433. 
Rtb-bb.  —  Machina  à  estamper  et  à  forger, 

p.  81,  84. 


Saiiy-Ahais  (Dm ) .  —  Machina  à  fabriquer  laa 
briques,  p.  373. 

SAnrri-pBivn.  —  Apparaila  da  sûreté,  p.  435. 

Salohob  ni  CAVa.  —  Tour»,  p.  477  l  — 
aciarie,  p.  587. 

Sabibwsei.  — Moulina,  p.  38i. 

Sabtobius ,  da  Coiogna.  —  Praaaaa  typogra- 
phiques, p.  939. 

Saulbibb.  —  Machina  à  diviser,  p.  33;  — à 
fabriquer  laa  cardas,  p.  96;  —  à  broyer, 
p.  99a  ;  —  à  préparer  les  peau ,  p.  466. 

Savtmqil  ,  à  Fécamp.  —  Machinée  à  raboter, 
rainer  les  boia,  p.  6o5 ,  618. 

Savtaoe.  —  Sciage  daa  pierrea,  p.  5o8;  — 
machina  à  reproduira  las  atatnaa ,  p.  5o8. 

Sawdob.  —  Hachoira,  p.  4os. 

Scbbikbb  pire.  —  Paotographe,  p.  509. 

Scbblicbt.  —  Preaaa lithographique,  p.  198. 

Scbmbbbbb  at  Rtdbb.  —  Marteso-ptlon ,  p.  81, 
84;  —  machinas  à  forger,  p.  «84. 

ScnsinsB ,  an  Crensot.  —  Machina  à  river , 
application  da  la  vapeur  anx  outils,  p.  44, 

4». 
Sciutsbbbacb.  —  Fabrication  dn  ancre,  p.  1 16. 
Scbivb  frères ,  da  Lille.  —  Plaquai  at  rubans 

da  cardée,  p.  88;  —  machines  à  cardas, 

p.  96. 
Sbouib,  aculptenr,  p.  5i5. 
•Sbluovb.  —  Presses  typographiques,  p.  *3i, 

343;  —  machine  a  fabriquer  les   pAtes, 

p.  t78. 
SswxrxLOBB  (Âloys).  —  Pressa  lithographi- 
que, p.  191. 
Sbtbio  ,   de  Londres.  —  Hydro-extracteur, 

p.  i3o. 
•ii'ir  et  Robbbts.  —  Mortaiseuses ,  p.  3a; 

—  machinea-outila ,  p.  65. 
awooo.  —  Prease  lithographique,  p.  ao4. 
Skaw.    —    Machine    à    régler    le    papier , 

p.  ai6. 


Surmu.  —  Fabrication  de*  fils  de  hûtm, 

p.  98. 
SnBBTra  (William).  —  Impression  des  tiens, 

p.  i45. 
Shobb.  —  Blutoir,  p.  386. 
SrBBBB  pire.  —  Tuyaux  en  plomb  ?  p.  966. 
Sigl.  —  Presses  typographiquee ,  p.  «56. 
Silbbbhabb,  à  Strasbourg.  —  Cylindres  ia- 

primeura,  p.  179. 
Simou  (Jules). —  Fabrication  des  tuyaux  ai 

plomb, p.  964. 
StMTAX.  —  Mécanique  à  tonnellerie,  p.  579. 
Seibbbb.  —  Machine  à  découper  le  bois,  p.  600. 
Smart.  —  Machines  à  travailler  le  bois,  p.  543. 
Smxatob.  —  Application  de  la  fonte  aex  en- 

chines,  p.  3,  11  ;  — aléeoirs,  p.  ao. 
Saura  (J.).  —  Presses  typographiques,  p.  9J1, 

943. 
Sbowmb.  —  Hachoirs ,  p.  409 ,  445. 
SoBers ,  Cababb  at  Chaptelaibb.  —  Moches, 

p.  379. 
Sobbl.  —  Pyroatat,  p.  44i. 
Sôbbbsbb.  —  Machina  pour  composer  las  typai 

d'imprimerie,  p.  996. 
Sfbab  et  Jacbsob.  —  Scies  circulaires,  p.  81. 

6i7. 
Spillbb  ,  de  Ghelsea.  —  Pressée  bydrauhqaai» 

p.  190. 
Skbbxii  ,  de  Yienne.  —  Impression  des  pt- 

piers  de  tenture,  p.  180, 181.  * 
Stabbopb  (  Lord  ).  —  Presses  typographiouei, 

p.  908,  909,  911,  991. 
Staboeb  (John).  —  Alésoire,  p.  90. 
Stbpbbbsob.  —  Presse  hydraulique ,  p.  4* 
Stbbliboitb.  —  Machine  à  préparer  les  ptssX, 

p.  446. 
Stoltz  ,  de  Paris.  —  Machines  à  fabriquer  h» 

dons,  p.  93,  98. 
Soaboi.  —  Plume  géométrique,  p.  46s. 
Svut  (Henri).  —Machine  A  fendre,  p.  48». 


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ALPHABÉTIQUE. 


519 


Taîllbmahp  tt  Hulot.  —  Machine  à  diviser 

et  à  fendre  les  roots ,  p.  6. 
Tabbx.  —  Fondent  mécanique  de»  caractères, 

p.  369. 
Tabdy  et  Blabchbt.  —  Fabrication  dot  cap- 
sulée de  fusil ,  p.  99. 
Tatlob  (  J.  ).  —  Presse  monétaire ,  p.  81  ?  — 

boutons  dorés  ,  p.  74. 
Tbbraux  £rères.  —  Macbine  a  débiter  le  bob , 

p.  467. 
Tbbbassbs  dbs  Billobs.  —  Conservation  des 

blés  ,  p.  36o. 
Tbstb-Latbbdbt. —  Moulin  a  bras,  p.  38i. 
Tbvbbbs  (Jean-Martin).  —  Tours,  p.  479* 
Tbilobibb.     —     Pompe     à     compression, 

p.  114. 
Thomas,  a  Caen.  —  Scies  circulaires,  p.  571. 
Thomas  (  Alfred  ) .  —  Machines  à  imprimer  sur 

étoffes,  p.  181. 
Tbobrbubb.  —  Presses  monétaires,  p.  77»  84  ; 

—  presses  typographiques,  p.  310,  i33, 

335,  337. 


Tbouabd  et  Gibaooox.  —.Scierie  à  rubans, 

p.  610. 
Toms,  Bailbt  et  Cu.  —  Meules,  p.  38s. 
Tootal.  —  Moulins,  p.  384. 
Touaillox  et  Mauzaixb  aîné.  —  Appareil  à 

repiquer  les  meules ,  p.   90  ;  —  moulins , 

p.  383. 
Toobxaxt  et  Rabiovbt.  —  Machinée  à  dresser 

les  glaces ,  p.  533.  % 

Touboudb.  —  Scieries  de  placage,  p.  568, 610. 
Tbaix.  —  Meules  aériféree,  p.  87a. 
Tbamois.  —  Élévatoura  de  graine ,  p.  349  *  — - 

mouture,  p.  373. 
Tbbmois.  —  Machine  à  dresser  les  planches , 

p.  608. 
Tbigbb.  —  Procédés  pour  refouler  l'eau,  p .  1 07 . 
Tuourn.   —  Outils  pour  tondre  lee  draps» 

p.  9°- 
Tuixocm  (John  et  James).  —  Sciage  des  pierres, 

p.5i9. 
Tvbbbll  ,  de  Londres.  —  Machines  à  tracer 

les  parallèles-,  p.  490. 


U 


Ubxbobb  (Heinrich).  — Presses  monétaires, 

p.  77,  83,  310. 
Ulmbb  (W.).  —  Presse  typographique,  p.  as5. 
Ubb    (Docteur).   —  Citations    et    critiques 


diverses,   p.    i34»  187,   i53,  166,  170» 

175,  31*4  t  333. 

Utscbxbiobb.  —  Art  céramique,  p.  3961  — 
travail  des  pierres  dures,  p.  5ia. 


Vacbob,  de  Lyon.  —  Trieur  et  distributeur 
des  blés,  p.  357,  388. 

ValCoubt.  —  Presses  à  foin,  p.  13 1  ;  — ha- 
choir,^. 45o. 

Vallbbt.  —  Conservation  des  blés,  p.  468; 
—  machine  à  découper  le  bois ,  p.  466. 

"Vaixod  (Joseph).  — Rafraîchiaseur  des  ft- 
rines ,  p.  368. 

Vaxoobthxm.  —  Hydro-extracteur,  p.  i3i. 

Yablst  ,  de  Thionville.  —  Emboutissage  pour 
objets  en  fer  beltn,  p.  76. 
'  Vabocquib.  —  Appareils  de  sûreté,  p.  435. 

Yabbau  ,  Miodlxtox  et  Elwbia. — Machines 


à  fabriquer  et  à  découper  le  papier,  p.  i35  • 

455. 
Vavcaxsox.  —  Machine  a  fabriquer  les  chaînes 

d'engrenage,  p.   91;  —  calandres,    189, 

i43,  i53,  174  f  >77;  —  mécanismes  pour 

l'enroulement  régulier  des  fils,  p.  16,  38. 
Vauquiux.  —  Machine  à  préparer  les  peaux , 

p.  465. 
Vavtillibbs.  —  Scie  circulaire,  p.  54s. 
Vbbitb  et  Moissbt.  —  Appareil  pour  imprimer 

sur  étoffes,  p.   181. 
Vitbuvb.  —  Moulins,  p.  3o5,  3io. 


W 


Wajtb.  —  Machine  à  fabriquer  la  chaussure , 
p.  466. 


Walmbcx. 
p.  88. 


—  Mécanismes  à  plusieure  burins» 


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520 


TABLE 


Wiuu  et  Ta  nos.  —  Alcsoire,  p.  sot  — 
aaachine  a  imprimer  les  ttMu,  p.  i5s. 

Wixua,  de  Puis.  —  Travail  dm  pierres  fines, 
p.  5is. 

Waltos.  —  Rubaaa  de  eerdoe ,  p.  9S. 

Wabbusob  (Adam).  —  Machine  à  imprimer 
sur  étoffes,  p.  159. 

WABBsn-RsvtBS.  —  Machine  a  préparer  las 
peau ,  p.  466. 

WaataoTOB ,  4a  Bristol.  —  Manivelle  a  bielle, 
p.  i5. 

Watt.  —  Machines  a  vapeur,  p.  5 ,  11,  80, 
44.  77  f  —  menais  el  manivelle  à  bielle, 
p.  i5;  —  Presse  a  copier,  p.  îs5{  —  ma- 
chine i  reproduire  les  boates ,  p.  507. 

Watt  et  Bosxtoi  ,  à  Soho.  —  Alésoirs,p.  soi 
—  machines  mouétairce ,  p.  6,71,  7$  \  — 
moulin  d*  Albion,  p.  Il 9. 
,  WiLBoa—  MonKn  à  noix»  p.  (07. 

Waixa  et  Tbohmob.— Presses  typographiques, 
p.  s  09  )  —  machine  à  dresser  les  douves  de 
tonneau,  p.  6i4< 

Wbstbbbarh  ,  à  Meta.  —  Estampage,  p.  74. 

Wistivp  et  Mibdlbtoi.  —  Moulins,  p.  36«. 

Whishaw.  —  Fabrication  dm  tuyau,  de  drai- 
nage, p.  s  70. 


Wbjtb.  —  Machiae   a    graver,  p.  1S7;  — * 

fabriquer  lm  don»,  p,/j-i  tuBar  h 

eogrenagee,  p.  <5i. 
WnrrwoaTH ,  de  Manchester.  —  Tean,  »b- 

nensm,etc.,  p.  54-09,  63,  65,  M  si  an. 
Wujubsoi.  —  Fabrication  daferiscv&â> 

cannelé ,  p.  1 6  ;  —  aiesoirs ,  p.  10. 
Wiuaa  (  John  ).  —  Rouleau  eschean  poari< 

papier,  p.  i37. 
Wiusa    (  Le    Rér.   Robert).  —  Ctais*. 

p.  454,  475,  48o,  483,  55i. 
Wilsoi.  —  Machine  à  eonper  le  papier,  ».  4Si- 
Wnca  (Robert).  —  Pressm  rypetTipaism. 

p.  si3. 
Wits  et  Bues. —  Machina  à  calaadrer,  p.  i& 
Woisab».  —  Citation» ,  p.  35s ,  5;3. 
WooMvmr.  —  Machine  à    raboter  b  las, 

p.  6i3. 
Woolf.  —  Aleeoir,  p.  3i  ;  —  mouhe*»  p.  Jif. 
Wbicbt    (Georges).  —  Machina  à  acier  la 

pierre,  p.  Si 3. 
Wtl»b  et  Ribob.  —  Pressm  à  reelenu  ia- 

primonrs,  p.  i56, 
WnwT».  —  Machine  à  sculpter,  p.  *U 


Ztnn.  —  Fabrication  da  papier,  p.  i33{  —  impressions  dm  papiers  de  tenture  t  p.  îflî 
papiers  de  sûreté,  p.  sa6. 


SECONDE  PARTIE. 


Abil  (T.-S.).  —  Machina  1  tubes,  américaine, 

ponr  filer  le  coton ,  p.  168. 
Acbub.  —  Substitution  dn  papier  tu  cartons 

Jaequart,  p.  366. 
Albbbt  (Cb.).  —  Introduction  en  France  dm 

machines  k  filer  le  coton ,  p.  8. 
Aloab  (Michel).  —  Citation»  diverses,  p.  a54, 

a64,s65f  339,35s. 
Alcai  et  LmiT.  — Filage  dm  cocons,  p.  iso. 
Aubsat.  —  Machine*  à  fabriquer  lm  cordages, 

p.  3o5. 
Amabbtti  01  Vbbsvolo.   —  Moulina  a  soie , 

p.  37,  69. 


Abdbibyi.— Métier  a  tricot  cirtalairs,p.#' 

439,  44s. 
Aovsbb  (  Frédéric).  —  Métiers  à  tinurk*^ 

bana.p.  375. 
Abkwbmbt  (Richard).  —  Machine»  à  «•  b 

coton  ,  p.  9,  10,  ta,  i5  et  16. 
Abmabo.  —  Tour  à  filer  lm  ceaens,  p.  »»»• 
Abbbboabb.  —  Ciutiou,  p.  s54.  3»w3,*r 

343,441,495,497. 
Avbbbt.  —  Métiers  à  tricots,  p.  4*7»  "*  ~ 

Métier  de  tnUe  à  chaîne ,  p.  453. 
Atjbbt.  —    Machine    à   piquer  si  <***' 

p.  4o5. 


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ALPHABÉTIQUE. 


521 


B 


Bai»* au.  (Richard).  —  Monlinage  des  soies, 
p.  101. 

Badxau.  (Richard)  et  Gibbox.  —  Dévidoir» , 
p.  88. 

Baixbs.  —  Citations,  p.  a53,  336 ,  338. 

B*u»vnx  al  Towx.  —  Filatare  directe  Ju  lin , 
p.  178. 

Bai.1.  et  Dvxxicurr. — Métier  do  tulle  à  chaîne, 
p.  5oo. 

Baxsb  (ThéophileJoseph).  —  Battant  da  mé- 
tier» à  tisser,  p.  38o.        • 

Baabiix.  —  Tour»  à  filer  lat  cocons»  p.  78, 

75.77- 
Rabdbl.  —  Citations,  p.  160,  356. 
Baxlow.  —  Jacquart  double,  p.  366. 
Bakou.  —  Moolinage  des  soies,  p.  137. 
B  a  ut  ni  lut  et  Robixot.  —  Machine  à  piquer 

les  dessins,  p.  40a. 
Bautibb.  —  Métiers  à  bas,  p.  496. 
Battu**.— *Convereion  de  le  filasse  en  Matières 

cotonneuses,  p.  i5a. 
Bhautais  (Casaille)  et  Douas.  —  Machines  l 

filer  la  soie,  p.  73 ,  36*. 
Bbltoui.  —  Fabrication  de  cordages,  p.  a  85- 

3  00. 
BiixiMàu.  —  Métiers  à  bas,  p.  436,  434* 
Bill».  —  Dévidoirs,  p.  69,  70. —  Machine  à 

lire,  piquer,   etc.,  les  cartons  Jacquart, 

p.  867. 
Bsbat  et  Couibt.  —  Motdinage  de  la  soie, 

p.  a6. 
BikoIt-Ditoibb  père. — Monlinage  des  soies, 

p.  ia4. 
Bbbabd.  —  Filage  de  cocons,  p.  96. 
Biinisi.  —  Chasse-navette,  p.  378. 
Bimabo  et  Koce.—  Teillsge  da  lia,  p.  949. 
Bextublot.   —  Métier  à    tricot  circulaire, 

p.  439,441»  44a. 
Bbbthollbt.   —  Préparation   de  la   filsaae, 

p.  16a. 
Brrn  (John  et  William).  —  Métier  à  baa, 

p.  4a7. 
Biàbb.  —  Métier  à  tisser,  p.  338. 
Buuoa.  —  Préparation  de  la  filasse,  p.  i5a. 
Bmux.  —  Exposent  de  métiers  à  toile,  à 

Londres,  p.  600,  6oa. 
Blacbxeb.  —  Citations,  p.  4» 7»  4a  1,  465. 
Blaxcbjox  (  Looia) .  —Filage  de  la  soie,  p.  80» 

6i»  108,  109,  n4»  137,  isq,  i3o,  139. 
Blarcbox  01  Cbobbbac.  —  Machine  à  filer  la 

soie ,  p.  75 ,  80. 
Blopcbt.  —  Machinée  à  broder,  p.  4o4. 


Bodhki.  — Système  bondiaenr,  p.  16,  166. 
Boicaox  fils.  —  Machine  à  fabriquer  la  ficelle , 

p.  309. 
Boit».  —  Chasse-navette ,  p.  378. 
Boxaadbl  frère*.  —  Perçage  des  cartons  Jac- 

qnart,  p.  367. 
Box*.  —  Instrnaàants  pour  tailler  le  lin, 

p.  a46. 
Boxilu.    —    Métier    à    tisser    électriqae , 

p.  37o. 
Bokxaxa,  à  Lyon.  —  Tout  à  filer  la  soie, 

p.  73. 
BoxRAan  père  et  fils.  —  Métiers  a  tricot, 

p.  4*9- 
Boxxxt.  —  Monlinage  dee  soies»  p.  lai. 
BoxfiBxaAXO-LucntsJ.— Monlinage  da  la  soie, 

p.  a5. 
Bobgxis.  —  Citations,  p.    a88,  3o6,   875, 

387. 
Bottomlit  (Edwin). —  Régulateur  d'ensoo- 

pies,  p.  343. 
Bovcnoi  (Basile).  —  Métiers  à  la  tire;  certona 

à  trous  et  chevillée ,  p.  348 ,  35o ,  379. 
Bovbcabt.  —  Fondstion  d'an  prix  pour  uoe 

machine  1  peigner  le  coton ,  p.  367. 
Boubcabt  et  ScHLVMBxmoBK.  —  Filage  et  pei- 

gnage,p.  a4a»  a44,  367. 
Bovbcibb.  —  Filage  des  cocons,  p.  97. 
Bottai.  —  Machine  à  broder,  p.  896. 
Bovbqvix.  —  Navette  à  rappel  et  battant  bro- 
cheur, p.  384. 
Bbacovribb.  —  Métier  à  tricot,  p.  439. 
Bbalbt.  —  Métier  à  tulle-bobin,  p.  478. 
Bballb   et   Mollabd.    —  Teillage    du   lin, 

p.  45. 
Bbbtor.  — .Perfectionnements  du  métier  Jac- 
quart, p.  359,  36o,  366. 
BxoTaamaToa  (  Peter). — Métier  à  baa»  p.  4a  7  ; 
—  k  fileta  de  pêche  et  à  maillas ,  p.  445  et 
45o. 
Bxovrx  (John).  —  Métier  è  tisser,  p.  343;  — 

à  toile  noué ,  p.  463 ,  465 ,  476. 
Bbowx  (Robert).  —  Machine  à  fileta  de  pèche 

et  à  mailles,  p.  445,  46 1. 
Bbuxbl.  —  Métier  à  tricot  circulaire,  p.  44a. 
Bxubxsbi.  et  Caixbhisv.  —  Etoffée  façonnée»» 

p.  354. 
Bxuxot  et  Mollxx.  —  'MaUjcnnye  à  engre- 
nages, p.  a3o. 
Bdcxaxax.  —  Filage  des  fila  de  caret,  p..3o8, 

3io. 
Bous*  (William).  — Teillage  du  lin,  p.  a46. 


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522 

Bvmbiw.  —    Métier   à    tieter 

p.  376. 
Bvmiis. —  Ronct,  p.  6. 


TABLE 

Ut   rabens ,      Boboi.  —  Métier  a  filets  Je  pfcbt,  p.  Ufi- 
448,  466. 
Bout.  —  Filature  Je  Un  t  p.  i53. 


Cailloi.  —  Métiers  à  tricota,  p.  4a3-4t5. 
Calas  et  DtLoaraàt.   —  Application  de  la 

jaequart  au  métier  à  telle  a  chaîne  ,  p.  455- 

456. 
Galla  porc  tl  fil».  —  Importation  des  métiers 

anglais  à  tisser,  p.  638. 
CAimiiu.  —  Purge  dee  £1$  de  cocona,  p.  96. 
Gabtwbmbt  (Edmund) . —  Fabrication  des  cor- 
dages ,  p.  s64  <  —  méfier  à  ttaser,  p.  667. 
Cabtbb  père  et  fil*. —  Machine  à  tricot»,  p.  44o. 
Gatubbtti.  —  Sérimetre,  p.  11a. 
Caibt.  —  Filage  des  coeone,  p.  96. 
Cbambob  (Caaimir).— -  Filage des cocons,  p,i  16. 
Cbahbob  (Louia).  —  Filage  d«a  cocona  et  mou- 

linaga  de  la  note,  p.  76,  79,  90,  109,  116, 

116,  117,  1*9. 
CaiMnu.ii» ,  Pbabsov  et  Niidiaji.  —  Mé- 

tiert  à  taUe-bobin ,  p.  600. 
Cura  ai  (William).  —  Fabrication  dae  eot- 

daget,  p.  $85,  188,  994,  198,  3oi. 
Cbaotal-Joua  et  LbaTbbs.  —  Métiers  1  tulle- 

bobin,p.  491»  496. 
CatniTiu.1.  —  Citations,  p.  196,  810. 
Cbbtbbui..  —  Citation  relative  aux  tient  de 

eoie,  p.  111. 
Cbbvbibb.  —  Métier  à  baa ,  p.  434-466. 
Cbbbtibb  et  Sovmo.  —  Battant  à  navettes, 

p.  565. 
CaucBTOir.  —  Métier  à  tiater,  p.  343. 
Cbbistuh.  —  Brevets,  p.  178,  1811  —  teil- 

lage  du  lin ,  p.  a 46 ,  t48. 
Cbbi8tiav  (GérardJoscph).  —  Filage  dea  co- 
cona, p.  909a  {  —  monlinage  des  toiee, 

p.  100. 
Clabx   (Jamea).  —  Métier  à  toile -bobin, 

p.  477- 
Claussex.  —  Machine  à  filer  le  lin ,  p.  i5a, 

937;—  métiers  à  tricot  circulaires  p.  44 1. 
Glats.  —  Préparation  da  la  filasse,  p.  i5i. 
Clbbb.—  Navette  a  rotation  rétrograde,  p.  384* 
Cobibtt  (John). —  Monlinage dee soies,  p.  100. 


Côcbbt  et  Joutbt.—  Métier  a  bas,  p-iil- 

43o,  435. 
Cocbot.  —  Mécaniaanc  articulé  1  euatirien, 

p.  938. 
CocBnn  et  Hiecne,—  Banc  4  brèches p-sSl- 

961. 
Colubb  (  John  ).  —  Peignasse ,  p.  976. 
Colubb-Habtb*.  —  Dévidoir*  f.  îel. 
Comm.— Câblée  méuQianes,  p.  $«4. 
Connais*.  —   Fabrication  de  cereai  huas* 

niques,~p.  3s 4. 

COBSTABT-PBiTOtT  Ot  GlBAB».  —  FtttBWei 

lin,  p.  170,  175,  177,  169. 
CoBiout.  —  Dynamotnétrc  à  rotattea,  p.  ili 
Cobobt  (Augustin).  —  Moolinagt  éai  ans. 
,     p.96àic^;->toaràfilerlescecaM,p.uit 

•—bobinage  anglaia,  p.  i36,  i4o,  ii>>" 

—  machinée  a  tiaaor,  p.  356. 
Covbbibb.  — «Filage  dee  eoceas  A  saknti 

p.  87. 
Coûtas  (  Pierre  ).  —  Tricots  1  jeu»,  p.  i)*- 
Cbawbau..  —  Machines  à  (abriaaer  Iss  ct> 

degee,  p.  607. 
Cbofts  (WUUam).  —  Métiers  à  tanVW». 

p.  49S. 
Cboisat.  —  Machina  a  garnir  les  psoef»*, 

p.  4o4. 
Cbomstok  (Samnel).  —  MoU-jenay,  p.  »• 
Cboss  (James).  —  Machine  à  tisssrkttsp 

damassé,  p.  353. 
CaouTBLLK.  —  MétieratiasarleslaiBcs.s.Sr 
Gbosbl.  —  Machine  h  filer  la  sois,  p.  &*•  *»• 
CulBat.  —  Double  système  de  battante  1  » 

vettee,  p.  38o. 
CumAUDBAir.  —  Tefllage  dn  Kn,  p.  a45. 
Cran  (John).  —  Fabrication  des  eâskeph»» 

p.  a85,  a88;  —  machine  1  coaers.p»' 

4oa. 
Cesser.— Métier  de  tulle  a  centre*,  f-$* 
Oarrê ,  TnoMAttiB ,  etc.  —  Ia^crUuse  *i 

métier  a  tnlle-bobin  en  France,  p.  it> 


D 


Dacliv.  —  Chasse-navette,  p.  878. 
Daboov. —  Métiers  à  grande  tire,  p.  548. 
Dabbois.  —  Métier  à  tiseer,  p.  354. 


Dabitbu,.  —  Machine  à  fabriquer  lei  c«e»> 

note,  p. 817. 
Davtbt  et  ViABOOT.  —  Métiers  à  bas,  p.  *& 


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ALPHABÉTIQUE. 


Davbmpobt.— Machine*  d'ouvraison  des  soies, 

p.i47. 
D*  vn>.  —  Peigneuse  de  lin ,  p.  ao3,  s  1 4. 
Davib-Lacboix.  —  Mechinc  à  filer  la  lia, 

p.  997. 
Dawsob  (William).—  Métiers  à  tricoU,  p.  438; 

— de  tulle  à  chaîne,  p.  46i;  —  rones  à  crans 

on  moulins,  p.  495. 
Dbbibovb.  —  Peignée  à  vis  et  banc  a  broches, 

p.  3n  j  —  métier  k  tisser,  p.  336,  34o. 
Diinoim  et  Srasirico.  —  Machine  à  filer  le 

lin,  p.  ai4. 
Dbcosth.—  Construction  de  machine»  à  filer, 

p.  aia-aiS,  a33,  337;  —  filatore  du  fil 

de  caret,  p.  3ia  et  3i3. 
Dicoam  et  Savlbibb.  —  Peignenses,  p.  aoa. 
Dsgabbibl.  —  Mltier  à  toile  brodé* ,  p.  457. 
DixAroaTArti.  —  Machine  à  filer  le  lin, 

p.  i53. 
Dblabbbb.  — .Filage  des  cocons ,  p.  95. 
Dblcovbt  (André). — Teillage  dn  lin,  p.  a  48. 
Dblcoubt  et  Vax  bb  Wbiob.  —  Peignenses , 

p.  197. 
Daiiani  et  Baiixt.  —  DeVidoir,  p.  70. 
Dbhabçat.  —  FiUge  des  fil»  de  caret ,  p.  3o8. 
Dbiiabqui  et  Sutai.  —  Métiers  a  tisser  plu- 
sieurs pièces  d'étoffes  à  la  fois,  p.  378. 
Dbmaubby.  —  Machines  a  filer  le  lin,  p.  i53. 
Dkihbovsi.  —  Métiers  l  fabriquer  lu  chiles 

de  cachemire,  p.  387. 
Dshîxot.  —  Maehines  à  filer  la  soie ,  p.  88. 
DirotriLLT  (Charles).  —  Propagation  dn  mé- 
tier Jacquart;  p.  36 1,  363. 
Debussy.  —  Tricots  a  jours ,  p.  43o, 
DlSAnrrAJiaB.  —  Trsdnction  d'Ovide,  p.  399. 
Dbscombbs.  —  Métier  à  tulle  brodé,  p.  457, 

459. 
Dbsbiabbst  et  Vaucabsob.  —  Rapports,  p.  4a5, 

4&6,  433. 
DisriAV.  —  Métier  à  tisser,  navette  volante , 
p.  338,  34 1. 


523 


DiTDin  et  Gauvau.  —  Filage  des  cocons  et 

monlinage  des  soies,  p.  n4»  199. 
DaoaniB  et  Romaobt.  —  Métier  à  tisser  las 

étoffes  fecoanéee,  p.  870. 
Duhot.  —   Citation»   de    l'Encydopédi» , 

p.  4i8. 
Durais.  —  Machine  à  dévider,  p.  149. 
Dioitoobbat.  —  Perçage  des  cartons  Jacquart, 

p.  387. 
Docoxt.  —  Métier  a  fabriquer   des  lacets, 

p.  3 18. 
Doué.  —  Métier  à  tisser  le  linge  damassa*, 

p.  3Ô4. 
Dollfus-Miio.  —  Banc  à  brochée,  p.  999. 
Dobestbobpb.  —  Peignenses,  p.   17,  t68. 

269,  974-977» 
Dobby.  —  Motor  à  fabriquer  les  cordons  de 

lisses,  p.  317. 
DotrixB.  — Métier  à  tricots,  p.  439. 
Dubovl  (Bernard).  —  Fabrication  des  cor- 
dages, p.  394  a  397. 
Dvcis.  —  Application  des  centres  an  métier  à 

tulle ,  p.  459. 
Dugas.  —  Métiers  à  la  barre ,  p.  375. 
DvaUMBL.  —  Fabricalion  des  cordages,  p.  194» 

3o3. 
Dumas   (Georges).  —  Machines    à   tresser, 

p.  3*6. 
Du  Pbrbom.  —  Fabrication  des  fils  de  caret ,  ' 

p.  a84. 
Dvpib  (Charles).  —  Citations,  p.  998,  199, 

3o4 ,  3o5  *  3o6. 
Dubahd.  —  Constructeur  ancien  d'engrenages 

en  fonte,  p.  i44. 
Dubabd  frères.  —  Filage  des  cocons,  p.  96; 

—  filière»,  p.  108. 
Dussobbbt.  —  Machine  à  câbler,  p.  297. 
Dotïllto  et  Étibbub.  —  Régulateur  d'en- 

souples,  p.  343. 
Dtbb  (Joseph  ).  —  Machin»  l  filer  le  lin  et  le 
coton,  p.  168. 


E 

Eatoi  et  Fabbt.  —  Bene  a  broches ,  p.  s55-     Exall.  —  Fsbrication  des  corde»  métalliques , 

a65.  F-  3»4\ 

Elias  Howb.  —  Machine  à  coudre ,  p.  4o5. 
Evais  (Th.).  —  Machines  à  peigner  le  lin, 

p.  903»  9l3. 


FAimBAiM  (Peur).  —  Filature  de  lin,  p.an,      Falcou.—  Métier*  1»  tire  et  lecture  dn  dessia 
914,997.  des  étoffes,  p.  35o,  35i. 


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524 


TABLE 


Falcot.  —  Tissage ,  citations ,  p.  369,  385. 

Fabosbe.  —  Cnaase-navette,  p.  378. 

Fatbbau  (Etienne).  —  Métiers  à  bae  allant 
par  BBanivcUe,  p.  434-438. 

F atolls  «4  Hnui.  —  TriooU  façonnée, 
p.  43o. 

Pebabb,  à  llyone.  —  Filage  des  eotona , 
p.  98. 

Fbbat,  à  Essonne.  —  Machinas  à  filer  la  lin  , 
p.  su,  si6;  —  métier  a  tisser,  p.  354* 

Flacbibb  (E.).  —  Fabrication  da  cordas  har- 

.  nsouiquos,  p.  3*4. 

Fournirai»  —  Monlias  à  sois*  p.  11s. 

Fovqubt  et  Morra.  —  Métier  à  tricot ,  p.  489. 

Fotbbboill  (Richard).  —  Fabrication  des  cor- 
dages, p.  a 85. 


FlAISSI,  V ALLAT  St  DSLLIB.  —  MéttOlifl- 

bans,  p.  378. 
F» abcisob  frères.  —  FSags  des  escont,  s.  1  iS 
Fbabçoi*  ,  apothieaire.  —  Cttanem,  s.  iu 

,  et  419. 
Fbabçoi  s  (  Loua) .  —  Applictbea  et  h  j« 

qnart  ans  boitas  a  navettes  eaaaptsîe. 

p.  38©. 
Fbobuoi.  —  Métier  à  navette*  chiagwto. 

p.  38o. 
FnosT,  de  Macdeefield.   —  Madân»  tV 

vraiaon  dee  aoieev  p.  i48. 
Fiost  (Thosnna  et  Robert). -Matins il* 

p.  4»a,4»7,  43i,  454,458,  4Ci. 
Fvltos   et  Cuttuo.  —  Fabriestioa  se  » 

dages,  p.  a88  à  898,  S08,  ht- 


Giimiap ,  de  Vais.  —  Monlinage  des  soies , 

p.  199. 
Gaitoi.  —  Métier  1  bas  à  chaîne  tendue, 

p.  433. 
Gaabiis.  —  Perfectionnement  dn  méfier  Jac- 

quart,  p.  366. 
Gabob.  —  Métier  a  grande  tire  pour  les  étoffes 

façonnée*  ,  p.  348. 
Gabtsidb.  —  Établissement  de  tiaaage,  p.  336. 
Gstfiat.  —  Filage  des  soies,  p.  97,  no, 

lia. 
Gbioimmb  (C.-A.).— Banc  à  broches,  p.*55, 

a63. 
Giiibs  (Ds).  —  Métier  antoamaU,  p.  38a 

et  333. 
Gbisovl  ,  a  Lyon.  —  Application  de  la  vapeur 

an  tirage  des  coeone.  p.  71. 
Gbisovl  ,  a  Bagnols.  —  Gonpe-snariage,  p.  95. 
Giitit,  à  Lyon.  —  Moolina  à  soie ,  p.  58. 
Gsorroa».  —  Tors  des  soies,  p.  60. 
Gboptiat.  —  Construction  ds  moulins  à  soie, 

p.  116,  1*7,  i3o» 
Giba  (IV).  —  Filature  delà  soio,  ciutiona, 

p.  111  et  119. 
Gemmai».  —  Métiers  à  bas,  p.  4*3-4*5, 

433. 
Gibbbtow.  —  Filature  dn  lin,  p.  197 ,  a 34. 
Gicoi-Catblibb.  —  Machine  a  broder,  p.  4o5. 
Giu.it  etCoQVBT.  —  Métier  à  tricoU,  p.  489. 


Gillbt  et  Jotoabt.  —  Métien  à  a*»i 

tricota,  p.  43i,  458. 
Gilbot.  —  Tiaaage  1  citations,  p.  S*».Wl 

363 ,  870 ,  4oo ,  494 ,  4»5* 
Gibab»  (  Philippe  ne  ).  —  Machin»  i  ?** 

et  i  filer  le  lin,  p.  16,  1*7»  »*•»* 

'199-993. 
Gibaud.  —  Tours  a  soie,  p.  88. 
Godait  et  John   Colum.  — 

laine,  p.  18,  975. 
Giafp  (H.).  —  Appareil  »*•**»•»* 

p.  U9. 
Gbat  (  Andrew ).  —  Cautions ,  p.  »W. 
Gbbbx.  —  Banc  a  broches,  p.  »&• 
Gbiooibè,  do  Nîmes.  —  Métier  *  «**' 

p.  388  ;  —  métier  ponr  taUe  1  «^ns»  * 

çonné,  p.  395,  455;  -  appfo*tt»*B 

jacquert,  p.  456-468- 
Giimsbaw  m  Gobto*.  —  Tiaaage  sWt*nf'' 

p.  3Î7 . 
Gubiai.— Métier  à  chaîne  et  doabl»  cerj»,» 

pomr  telle,  p.  456  et  457*  ■ 

Guioo  (Charles)    et  Fasaiw.  -  *■*  ' 

tisser,  p.  34s.  ,, 

GoiLii  et  C abb1.  —  Machin*  à  kraaV»  f  W 
Gvilubt.  —  Dévidoir,  p.  9s  »  9$*  ,  , 
Gvillottb  (Claude).    —  Piopag»»»*  * 

jacqaart  à  Londres ,  p.  ?63. 


H 

H ali.  (Horace).  —  Contrefaçon  dès  mechines  Hahhoid.  —  Tricot-denteHs,  P*  l*ï  .  ^ 

de  Ph.  de  Girard,  p.  i74,  186 ,  189,  *o4.  Habobbatbs   (Jamee).  —  lavsati**  * 

Halls*  (Thomas).  —  Machines  à   filer  la         jenny  on  jeannette,  p.  11.  ^ 

soie ,  p.  75 ,  86.  •  Haussio.  —  Régulateur  d'enieepl*»  p- 3P* 


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ALPHABETIQUE. 


525 


Hazabd.  — Machin»  à   point  de  chaînette, 

p.  4©5. 
'Hbatbcoat  (John).  —  Filage  de  la  *oi«  , 
p.   85  et  86  ;  —  introduction  des  bobine* 
dan*  le  métier  a  toile,  p.  464  et  465 {  — 
métier  k  tulle-bobin,  iN  et  *•  patente, 
p.   471-478;  3*  et  4*  patente,  p.  48o, 
483-487;  son  brevet  «n  France,  p.  488, 
493  »  497* 
1 1  kathcotb  (  John  )  et  C  albwsll  (  Samuel) .  — 
Perfectionnement*  du  méfier  k  toile  Van- 
dyke,  p.  46i. 
Iîeddb  (Philippe). — Citation*,  p.  3*9,  358, 

374-877,  394  et  895. 
ITeiLHAm  (Josué). —  P*igneu**,p.  16,  3*7, 
2 44  ,  *66-*78;  —  métier*  a  tinter,  p.  338 
et  3391  —  machine  a.  broder,  p.  894»  896- 
4  00. 
IIbllot.  —  Bota-frotteurs ,  p.  168. 
Hsbbbcabt.  —  Fabricant  de  gase*  a  bluter, 

p.  391. 
IIsxbiôt.  —  Machine  à  filer  le  lio ,  p.  169. 
llsKTé-Gurrain.  —  Machin*  à  fabriquer  le* 

lacet*,,  p.  3i8. 
Hebtbt.  —  Me'tier  a  tulle-bobin,  p.  478. 
Hbtdwbillsb.  —  Fabrication    de    velours, 

p.  389. 
Hetibb   (de   Saxe).    —  Teillag*    du    lin, 
p.  *48. 


HibbbKT  et  Platt.  —  Machin**  à  filer  1*  co- 
ton ,  p.  9 ,  *35. 

Hiooib*  et  fil*.  —  Machine*  à  filer  le  coton 
et  le  lio ,  p.  9 ,  *35. 

Hill  (Samuel).  —  Twllage  do  lin,  p.  a 46. 

Hibd  (John).  —  Application  d*  1*  jacquart 
•u  me'tier  k  tulle-bobin,  p.  499-00  >• 

Hiidbbt  (Jean).  —  Fabrication  de*  bac, 
p.  4*8  et  419* 

Hifbbt.  —  Tours  «an*  tourneuses,  p.  86. 

Hitbs  et  Atuisom.  —  Filatar*  do  lin, 
p.  187. 

Hoon.  —  Bobine  porte-trame ,  p.  465. 

Hookb.  —  Engrenage* obliques,  p.  *3o,  *3t. 

Hobbock*.  —  Me'tier  a  ti**er,  p.. 338. 

Hobtok  (William)  et  Roc*.  —  Machin*  k 
filet»  de  pèche,  p.  445. 

Houu>awoBTB.  —  Banc  a  broche*  à  mouve- 
ment* différentiel»,  p.  8,  *3o,  a 63;  —  fila- 
ture du  lin ,  p.  1*7  ;  —  machine  a  broder, 
p.  4oo. 

Hdbrit.  —  Rouet  k  filer  le  caret,  p.  3io, 
3i3;  —  fabrication  des  cordages,  p.  996, 
3oi  et  3o4. 

Huddabt.  — Fabrication  des  cordages,  p.  *85, 
*88,  994,  *98-3oa,  3o5,3i3. 

Hvibl-Wadbl.  —  Machine  à  filer  le  lin  (sy$^ 
Urne  Girard),  p.  i83.  * 


Issau.  —  Tour  k  filer  la  «oie ,  p.  3o. 


J  acobi.  —  Première  application  de  l'électricité 
au  machines,  p.  371. 

Jacqoabt.  —  Métier  à  filets  de  p*ch«,  p.  355, 
446,  465 1  —  métier  k  tisser,  p.  35o- 
36o. 

JicqvB*.  —  Machine*  a  filer  le  lin ,  p.  i83. 

Jacqcib.   —  Métier*   à    tricot*  circulaires, 

•     p.  43o-44*. 

Jcabbèav.  —  Métier  k  bas,  p.  438. 

Jolitbt.  —  Métier  à  bu,  p.  4*3,  4*4 » 
4*8. 

Jolitbt,  Cocbbt  *t  Pbbbakt  père.  —  Fabri- 
cation de*  tulles  à  mailles  fixée,  p.  45a- 
454. 

Jolt,  k  Saint-Malo.  —  Fabrication  de*  cor- 
dages, p.  Soi. 


Jolt  frère*  et  £bbkb,  —  Métier*  k  ti**er, 
p.  354. 

JocaBBABD.  —  Métier  à  maille*  fixe*,  p.  4*9. 

Joubban  ( Théophile ).  —  Réduction  de*  car- 
tons dana  1*  jacquart ,  p.  867  ;  —  applica- 
tion de  la  jacquart  au  métier  k  tulle-bobin  , 
p.  498 ,  5oo. 

Jovbdab  père  et  fil*.  —  Métier  k  mailles  fixes, 
p.  4*9. 

Jodtb.  —  Métier  *  tricot* ,  p.  {s}i. 

Jobib*  frères.  —  Moulins  k  soie,  p.  68 ,  59 , 
1*5. 

Joobibs.  —  Machine  à  fabrique*  le*  cordon* 
de  lisses,  p.  8171  —  machin*  k  coudre, 
p.  4o4 ,  4o6. 


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526 


TABLE 


K 


&Ut  (Alexandre).  <—  Machines  &  peigner  le 
lin,  p.  197. 

bUt  (James).  — -Filetare  du  Ka,  p.  188  «t 
189  ;  —  teillage  du  lia ,  p.  s48. 

bUt  (John).  —  CkiiM  navette ,  p.  34o,  S77. 

Kat  (Robert).  »  Lanterne  à  navette»  chan- 
geantes pour  métiers  a  tisser ,  p.  379. 

Kxbxab.  —  Métier»  à  taUe-bobia ,  p.  496. 

InwoiriT  et  Bcuovoa.  —  Méfiera  à  tisser 
anglais  f  p.  343. 


Km  (Déniai).  —  Métier  Warp  peur  tafit 

Valeadeaaes,  p.  496. 
Kxirr*.  —  Expérience  ear  le  €rettesMBt  se 

engrenegee  dn  banc  à  broches,  p.  aie. 
KoacBwi  (André).  —  Machines  à  fier  k  b, 

p.  si,  914,997;  —  benei  boches,  p.  t)$; 

—  brodeuse  Heilmann ,  p.  399. 
Koecbux    (iieae).  —  Tieetge  de»  cekert», 

p.  339. 
KlAfis.  —  Filature  da  lia ,  p.  188. 


Lamui.  —  Machines  à  filer  le  lin,  p.  i83; 

—  bane  a  brochée,  p.  i55,  957,  961,  963. 
Lacombb  et  Babbois.  —  Tours  à  soie  secou- 

pie»,  p.  89 ,  90. 
Lacboix,   de  Rouen.  —  Peigneaeee  à  lia, 

p.  *38. 
Laroaser.  —  Teillage  du  lin ,  p.  948. 
Lan. — Fabrication  dee  cordages,  p.  998, 

3o9. 
Laneutills.  —  Métiers  a  tricot,  p.  44 1. 
Laïc  (J.).  —  Machines  a  tailler ,  étirer  et  filer 

le  lin,  p.  189. 
LarLACB.  — Rapport  à  l' Académie  des  eciencee 

snr  le  métier  à  tulle  de  Lelurc,   p.  466- 

A71. 
Laboutibbb.  —  Toar  à  tirer  la  soie ,  p.  3i . 
Lascoub  et  Flacbat.  —  Métiere  a  la  barre, 

p.  375. 
Lasoobsbix  (Etienne).  —  Machines  a  filer  le 

lin,  p.  17. 
Lavbbbt. —    Machine  s  filer  le  lin,  p.  16, 

169;  —  métier  à  tisser,  p.  343. 
Lavbbt,  de  Gangee.  —  Tours  k  filer  la  soie  > 

P-87- 

Lacbi  au  et  Pbudbox.  —  Mechine  à  fabriquer 
les  cordages,  p.  s83. 

Lauib.  —  Moulinage  de  le  soie,  p.  s6. 

Lawsox  (Samuel  et  fils).  —  Filature  du  lin , 
p.  997 ,  934  ,  935  ;  —  peigneuse ,  p.  s36 1 
—  cardée  à  étonpee ,  p.  94s. 

Lbatkb  ou  Lxatbbb  (John) ,  en  France,  con- 
fondu avec  le  constructeur  anglais  du  métier 
à  lulle-bobin,  p.  477 1  49a  »  497. 

Lbbbux.  —  Préparation  du  lin ,  p.  i5a. 

Lbclbbc.  —  Fabrication  de  cordages  mélangés, 
p.  3s5. 

Lbm  ou  Lia  (William).  —  Invention  du  mé- 
tier à  bas,  p.  4i8,  417. 


Lu   (James).  —  TetUsge  da  ha,  p.  itf, 

s49. 
Lies,  —  Peigne  à  manivelles,  p.  i5. 
Lmbabd   et  Bbbxabb.  —  Métier  à  tris*. 

p.  4 ••9-431  • 
Lbhaxbx  ,  Choisi  et  Lotbb.  —  Syslnuei»- 

leur»  etfrottcars,  p.  19. 
L«  Patbv,  de  MeU.  —  Machines  i  Sk  h  sw 

—  citations ,  p.  60-6 5. 
Lbbot  (  Alphonse  ) .  —  Filature  de  lia,  p.  t& 

1 56-i  5g. 
Lbbot  (Julien).  —  Tricoteur frases», p. & 

44s. 
Lbscttbb.  —Machines  crochet,  p.|o5. 
Lbtubc.—  Métier  à  Jentohe.  p.  4«M*S- 

47>. 
Lbvbbs  (John).  —  Constroctios de  ■&»» 

tulle-bobin  en  Angleterre ,  p.  4*9-497- 
Liiaix  et  Faibbaibx.  —  Machine*  i  &»  » 

soie,  p.  i4i,  i43. 
Libdlbt  (John)  et  Ch.  Lacî.— Métier àta^ 

bobin ,  p.  464  et  465 ,  47&-48o. 
Listbb  et  Olobs.  —  Peigneuse  a  laine  losg* 

p.  169,  974-978. 
Locatbu.1.  —  Tour  à  filer  les  cocos»,  p.  W» 

190. 

Lombb  (Thomas).  —  Moulin  pott  a  «"' 

p.  97. 
Lobd  et  Bxoox.  —  Machines  à  peigner  »  ^ 

p.  938. 
Lobilliabd  et  Babbov.  —  TeiHage  4»  » 

p.  948. 
Louis  (Philippe),  de  Lille.— Tissag»dab»r 

damassé,  p.  354*  . 

Louis  et  Loutbt.  —  Tricots  s  jour» ,  P«  <* 
Lubibxskt  (comte  de)  ,  protecteur  os  F** 

Girard,  p.  177. 


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ALPHABETIQUE. 


527 


M 


Màcudos.  —  Mule-jenny  double,  p.  19. 
Macxoto  (Jobs).—  Métier  à  tisser,  p.  34 1. 
Mabdkx  (John)  tt  Osxal  (Patrick).  — Filature 

du  lin ,  p.  i53. 
Mali.it  frères,  de  Calait..— Fabrication  dn 

tolle-bobin ,  p.  5oa . 
MiLuielMiMo — Battant  i  navettes,  p.  383. 
Malo  et  Dicksoh.  —  Macbioe  a  filer  le  lin , 

p.  31e. 
Marigot.  —  Perfectionnement  do  système  des 

platAettes  flexibles  dans  le  routier  a  tnlle, 

p.  457. 
MabCh  (Richard).  —  Macbines  a  fabriquer  les 

cordages,   p.  a84;    —   métiers  a  tricots, 

p.  4as-4s4,  45i  *  —  à  filets,  p.  444  ;  — 

à  toile  sur  chaîne ,  p.  46o. 
MaB6box.  —  Fabrication  de  cordages,  p.  197. 
Maux  ,   de  Lyon.  —  Restauration  du  métier 

Vaacawson ,  p.  335  ;  —  modèle  de  métiers  a 

tisser 9  p.  358  ;  —  tissus  brochés ,  p.  368  ;  — 

perçage  des  cartons  Jacquart ,  p.  367  \  — 

substitution  du  papier  fort  aux  cartons  Jsc- 
,    quart  p  p.  36$. 
Mabadev.  —  Peigneuses  pour  le  lin,  p.  227, 

i36,  a38. 
Mabsball.  —  Filature  du  lin,  p.  187,  aia  ; 

—  filage  des  étonpes ,  p.  s4i,  a  43  ;  —  teil- 

Isgs  do  lin ,  p.  a5o. 
Mabsball,  Hitii  et  àt  ira  soi.  —  Peigneuses, 

p.  a6g. 
Mait  (Samuel). —  Machine  à  ponsseurs  pour 

letulle-bobin,  p.  477. 
Mabtix,  de  Calais. — Substitution  do  papier  au 

carton  Jacquart,  p.  Soi. 
Martix,  de  Paris.  —  Fabrication  des  cordages, 

p.  897. 
Martin  ,  de»  Rouen ,  et  Mil*.  —  Importation 

de  \n  jeannette  en  France,  p.  11. 
Mabthbt.   —  Métiers  a  battant  brocheur, 

p.  385. 
Maso*  (John). —  Cerdeuse,  p.  i3  ;  —  macbines 
a  filer  le  coton ,  p.  a3a  ;  —  métier  à  tisser 
anglais ,  p.  343. 
Maso*  et  Collier.  —  Machine  à  filer  le  coton, 

P-  9. 

Matreyox  et  Bovtakd.  —  Tissas  riches  bro- 
chés, p.  368*. 

Matois  et  Boiteux.  —  Métiers  i  tricots,  p.  434* 

Matois.  —  Métiers  à  tisser  i  la  lire,  p.  354. 

Mayiabb,  à  Valréas.  —  Filage  de  la  soie, 
p.  o5. 


Minciii,  !  LoHtiers.  —  Fabrication  de  ma- 
chines à  filer  la  laine  cardée,  p.  i3. 

Mercier  père  et  fils.  —  Cardes  peigneuses, 
p.  17. 

Mercier  et  Rislii.  —Banc a  broches,  p.  a 65 
et  a66. 

Mbblb  frères.  —  MouRnage  de  la  soie,  p.  1 36. 

Mbelib-Lsfbtbx.  —  Fabrication  des  cordages, 
p.  3u-3i6. 

Mbtifiot.  —  Filage  des  cocons  à  la  tavelle , 

P-97- 

Mbyxixb.  —  Empontage,  p.  368  ;  —  battant 
brocheur,  p.  383  et  384  ;  —  machine  à  cou- 
per des  velours ,  p.  389. 

Hnini  et  Godhakd.  —  Métier  a  tissu  bro- 
cheur, p.  385  et  386. 

Micbil  ,  de  Saiut-Hippolyte.  — Toors  en  fer  à 
filer  les  cocons,  p.  95,  106-108,  ia3, 
189. 

Millbb-Robebt.  —  Métier  a  tisser,  p.  338. 

Moisson  (Le  chanoine).  —  Métier  a  bas  sans 
ondes,  p.  4a3,  4s4,  43a,  433,  467. 

Molabd  pire.  —  Préparation  de  là  filasse, 
p.  1 5a  i  —  métier  à  cordonnets,  p.  3 1 8, 3 1 9  ; 
—  citations  diverses, p.  178,395,396,356, 
357,  467. 

Molabd  jeune.  —  Sa  visite  aux  ateliers  de  fila- 
tare  de  M.  Marshall  a  Leeds ,  p.  186  et  187. 

Moliiakd.  —  Métier  a  tisser,  p.  385. 

Moxtegv,  a  Lyon.  —  Moulinage  des  soies, 
p.  10a.  • 

Mortfobt  (Le  comte  de).  —  Ses  oneoursge- 
ments  envers  Ph.  de  Girard,  p.  176. 

Moor  et  Abhitagx. — Métiers  a  tricot,  p.  439, 
436,  437. 

Moxas  (De).  —  Citations,  p.  Soi  et  3os. 

Morxt.  —  Macbines  à  filer  le  lin,  p.  184. 

Mon»,  Claie,  etc.  —  Dynamomètres,  p.  a  6a. 

Moblet,  —  constructeur  de  métiers  a  tulle- 
bobin ,  p.  477,  48o,  494t  498. 

Moeeis  (John  et  Thomas).  —  Métiers  i  bas, 
p.  4aa,  4a7. 

Mobtox  (Thomas).  —  Métier  à  tisser  a  cy- 
lindre d'orgues,  p.  353. 

Moossxt.  —  Dévidoir,  p.  70. 

Mooob.  —  Train  &  rouea  d'épicycles ,  p.  s64. 

Muli.ee  (Léopold).  —  Mnle-jenny  a  engre- 
nages, p.  339. 

MtmixB  (Georges). —  Filature  du  lin,  p.  i53. 

Mobpbt  (ïobn).  —  Citations ,  p.  395  et  396. 

Mtraox.  —  Macbines  a  filer  la  soie,  p.  is3. 


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528 


TABLE 


N 


IfllNtl  (William).  —  Monlinage  des  scies, 
p.  101,  i47> 

Nsvilli  (NmIi)  .«—  Moalinsfe  de*  soies,  p.  1 47 . 

Nbwtob  (Edward).  —  Machine  à  fileta  de  pé- 
cha, p.  446. 


Im  et  Laffost.    —  Monlinage  ses  sein, 

p.iss. 
Homwmu.  (WOliam).  —  Machina  a  coréa-e, 

p.  307,  3u. 


0 


Ou-ibb  ai  BoniT.   —  Pilaga  daa  cocons, 
'.  p.  u3. 

Oppiceiot»  al  Ebbst.—  Planimetre,  p.  »8i. 
O'IUiiXT.  —  Citations,  p.  s85,  «87,  «88. 


Ooobt  ai  Ricmab».  —  Métier  a  nawttefcaai- 

géantes,  p.  38 1. 
Otob,  —  Passage  relatif  aa  tissage,  g.  3»* 


Pabeeb.  —  Métier  a  tiaaar  laa  toile»  à  voiles , 

p.  343  et  344. 
Paeb  al  Coma.  —  Machine  a  filer  la  coton , 

p.  9- 
Pascal.  —  Suppression  daa  cartons  dans  la 

métier  Jacquart ,  p.  369. 
Paul  (Louie).  —  Invention  da  l'étirage  at  du 

cardaga  mécanique  da  la  laine  on  d«  eoloa , 

p.  i4. 
Pavlit,  da  Ntmaa.  —  Citations,  p.  35af  354. 
Piaisoi  (Frédéric).  —  Métier  a  tnlla  Valen- 

ciennee ,  p.  5oo. 
PscQtnrca.  —  Rouages  planétaires,  p.  5i;  *— 

dynamomètre ,  p.  a64  ;  —  métier  à  fileta  da 

pacha  at  da  peeeementerio,  p.  447*449* 
Piu.it.  —  Machines  a  filar  la  soie ,  p.  73. 
FftLLrrna.  —  Machinas  à  filar  la  lia,  p.  178; 

—  tissage  da  linge  damassé  »  pi  354. 
PiniBTTi (Charles).  —  Monlinage  des  soies, 

p.  10a. 
Pibiavlt  pare  et  fila.  —  Métier  à  fabriquer 

les  lacets,  p.  3i8  et  319. 
PiaaixLi  fils.  —     Régulateur  d'enaonples, 

p.  343. 
Paamia.  —  Métiers  à  tisser,  p.  354. 
Petites  et  Botnciii.  — -  Filage  des  cocons , 

p.  110. 


Pitot,  da  Lyoa.  —  Filage  dascocoat.  ».  f 
Parai.  —  Métiera  a  la  barra ,  p.  378. 
Piybel  (Deaia).  —  Métiers  à  Uhansi-an 

navettre,  p.  38o. 
Pitboi.  —  Pnrgaoira  daa  coeone,  p.  81* 
Paiurri.  —  Métiera  à  tiaaar,  p.  343. 
Pu  et,  Dimoi ,  Fasse  et  Poires.  -  Tn- 

cotear  français,  p.  43g. 
Piobbbt.  — Gitationa,  p.  180,  353. 
PutTBl.  —   Fabrication   daa  cardai  fcara»- 

niques,  p.  3*4. 
Pmjmmsb  et  Robbbts.  —   Filature  ea  fa. 

p.  «27,  a36,  a37,  149. 
Poussas»  atné  et  Dosas  frères.  —  Ms*»» 

d'ouvraisan  des  soies ,  p.  89. 
Poiobbabo  (Sébastian).  —  Moalia  •  »«- 

p.  87. 
Pobcbt.  —  Navette  à  rappel ,  p.  38J. 
Poisox.  —  Métiera  à  tiaaar,  p.  355. 
Pobtii  et  Csams  (Joaisb).  —  Métier»  '*&> 

p.  4*a,4*4. 
Posthoosb.   —  Machins  a  peigaer  b  «1 

p.  193  et  104. 
PoviLLOT.  —  Tricota  façonnés,  p.  !-*• 
Pbctbat.  —  Métier  à  mbana,  p.  3?8'  *** 
Psistmiu».  —  Métier  à  tiaaar,  p.  338. 
Pusit.  —  Tours  à  soie ,  p.  94* 


Quêtai..  —  Tissage  du  toiles  a  voiles,  p.  339. 


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ALPHABETIQUE. 


529 


R 


Rambx.li.  —  Crémaillère  double ,  p.  43. 
Rbbch.    —  Machine  à   drieset  de  pavillon, 

p.  3îï-3a3. 
Rbbd  et  CIa. —  Machine  a  fabriquer  les  gelons , 

p.  390. 
Rebpk  (John).  —  Machine  a  tresser,  p.  3a6. 
Rbgbibb  ,  à  Nîmes.  —  Métisr  à  tisser ,  p.  353'. 
Rbobixb,  à  Paris.  — Sérimitre,  p.  111. 
Rbtbbcbob  atné.  —  Métier  à  navettes  chan- 

géantes,  p.  378  »  38s. 
Rica**» —  Filage  des  cocons,  p.  1 13. 
Ricbabd-Robbbts.  —  Renvidease  automate, 

p.  1a  ;  —  métier  i  tisser,  338. 
Ribtt  ,  à  Ànduse.  —  Coupe-mariage ,  p.  89. 
Rislbb  (Jérémie).  —  Banc  à  broches, p.  asg. 
Rislbb  jeune.  — Système  épuraleur  du  coton, 

p.  i3. 
Rislbb  et  Dixoh.  —  Peigneuse  et  métier  a 

tisser,  p.  375 ,  388 ,  38$. 
Rital.  —  Tours  à  filer  la  soie ,  p.  54  et  55. 
Ritbt.  —  Métier  à  tisser,  p.  354  ;  —  métier 

à  bas,  p.  4a3. 
Robbbt-Babbbb.  — Machine  à  filets  dépêche, 

p.  445. 

*  Robbbts  et  Siubp.  —  Peigoeuses,  p.  si 3. 
Robxbtsob-Bucbabab.  —  Citations,  p.  «56 
et  a57- 


Robiibt.  —  Soies  grèges,  p.   s8,   81;  — 

filage  des  cocons,  p.  110,  lia;  —  séri- 

mètre,  p.  111  ;  — citations,  p.  117. 
Robibsob  (W.).  —  Filature  du  lin ,  p.  i53, 

i56,  157,  i58;   —  teillage,   p.   s 48   et 

349. 
Rocbb    et    Olacsom.    —  Méfier  à  rnbaas, 

p.  378. 
Rodibb,  de  Nîmee.  —  Tour  à  filer  la  soie, 

p.  73 ,  75 ,  78 ,  79  ;  —  dévidoirs ,  p.  i3i  ; 

—  moulinsge  des  soies ,  p.  i3i. 
Robck  (Louis).  —  Tours  à  filer  les  cocons, 

p.  108  à  111,  i*3;  —  sérimitre,  p.  111. 
Rogcbbo.  —  Tcillege  du  lin ,  p.  a  48. 
Rolabd  Di  la  PlatiIbb.  —  Citations ,  p.  34 , 

37,40,52-59,  ia4,374,4a3,  43a-434- 
Robiibv  frères.  —  Préparation  du  lin,  p.  i5a. 
Rost-M  auras.  —  Conditionnement  des  soies, 

pt7i. 
Rotcb  ,  de  Londres.  —  Dévidoir  et  moulioage 

des  soies, .p.  89,  101. 
Rovu.BT  (Joseph).  —  Métier  à  navettes  chan- 
geantes, p.  38a. 
Rotbt   (Hippolyte).  —  Métiers  à  tisser  les 

rubans ,  p.  375  et  876. 
Russsl  (A.).  —  Filature  du  lin ,  p.  a34. 


Sabbabd.  —  Métiers  a  rubans,  p.  878. 

Salabib.  —  Banc  ï  broches,  p.  339. 

Sabbazib.  —  Métiers  à  tricots,  p.  4a3,  4a4  > 
4a6,4a8,433,434. 

Saulbibb  ,  de  Paris.  —  Machines  a  filer  le  lin, 
p.  i83. 

Savabbsbb.  —  Fabrication  des  cordes  harmo- 
niques, p.  3a4. 

Sitrit,  Dawt  et  Wabsbt  (Henry).  —  Filage 
des  cocons,  p.  119. 

SCBLVBBBBGBB  (Chsrlcs)    et   BbBIOT.  —  Fila- 

toredu  lin,  p.  i85. 
Scblbmbbbobb  (Nicolas).  —  Mschines  a  filer 

le  lin,  p.  ai4»  3*7,  aa8. 
ScHumsBBOKR  et  Bovbcabt.  —  Peigneusesv 

p.  aoa ,  a68. 
ScBivs ,  de  Lille.  —  Construction  de  machines 

à  filer  le  lin,  p.  aia. 
ScBivB-LABBé.  —  Filature  du  lin ,  p.  a  a  7% 
Szitb  et  Gobob.  —  Battant  brocheur,  p.  385. 
SbiÎcbal.  —  Machine  à  coudre,  p.  4o4* 

Yl*  JURY.  —  2*  PARTIE. 


Sbbtis,  de  Reims. —  Rola-frotteurs ,  p.  168. 
Sbvtbll.  — Métier  à  tulle-bobin,  p.  5oi. 
Sbthovb  (Benjamin).  —  Fabrication  des  cor- 
dages, p.  a84. 
Sbabp  et  Robbbts.  —  Métiers  à  tisser,  p.  338. 
Siltbstbb   (Charles).  —  Fabrication   de  la 

dentelle,  p.  479* 
Simobbt.  —  Préparation   des  fibres  d*alocB , 

p.  a5i. 
Skola.  —  Perfectionnements  du  métier  Jae- 

quart ,  p.  36a  ,  368. 
Smitb  ,  à  Heywood.  —  Métier  à  tisser  exposé  à 

Londres ,  p.  #79. 
Smitb   (  Andrew) .  —  Fabrication  des  cordes 

métalliques,  p.  3a4> 
Sobocolo  (Georges). —  Fabrication  mécanique 

des  cordages,  p.  a84. 
Soobbtbab.  —  Filage  des  cocons,  p.  95. 
Stamb  père.  —  Machine  à  filer  le  coton ,  p.  9  5 

—  banc  a  broches ,  p.  a  65. 

34 


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550 


TABLE 


SrxrxBX  Wiuoi.  —  Importateur  du  métier     Stoxb  «I  HtxDKXSox.  —  Machine  à  cnèt, 


Jaequart  «a  Angleterre,  p.  565. 

Stxtiisos.  —  Métier  a  tullc-bobtn,  p.  478. 

Srmjub-NiWAU..  —  MmUm  à  cibles  mé- 
talliques, p.  5*4- 

STOCKroftT.  —  Métier  à  tisser,  p.  558. 


p.  loi. 
Str6tt  (Jedcdiah).  —  MMtr  &  bas,  p.  ase- 

4s4,45i. 
Suttix,  a  Londres. —  Fûatawa  dn  Ha ,  p.  iK* 

IfO. 


Taxas». — Tour  i  filer  la  soie,  p.  59.  88. 
Talaxot.  —  Conditionnement  des  soies ,  p.  7 1  \ 

—  tirage  des  cocons ,  p.  1 1 1 . 
Taxbt.  —  Filières  des  ton»  i  cocon» ,  p.  89. 
Tastutïm  (J.-À.).  —  Machines  à  filer  U  soi* 

grége,  p.  01-55. 
Taxtxvix  fils.  —  Filage  des  cocons,  p.  118, 

iso. 
Tatlox  (Philippe).  —  Fabrication  des  toiles 

a  voiles,  p.  5»6  et  SS7. 
T at loi  (Tbornae  et  William).  —  Métiers  à 

bas,  p.  4ss,  4s5,  437. 
Tatloi  et  fils.  —  Métiers  à  tisser,  exposes  à 

Londres  en  i85i,  p.  586. 
Tatlox  et  Woedswoxth.— Petgaemeee,  p.  s56. 
Tbissixx-Ducxos.  —  Filego  des  cocons,  p.  u5 

et  116. 
Tbbaoxb.  —  Filsge  des  eoeons ,  p.  1 18. 
TginAVX.  —  Peigacase,  p.  soi* 


Txiisa ,  a  Sorgues. — Filage  de*  eoeons,  p.  ai. 
TusnsT.  —  Citation  relative  i  Ferigiec  ds 

benc  à  broches ,  p.  «54  et  *55. 
Tanoxmst  (Barthélémy).  —  Machins  ike- 

der,  p.  4o5  et  4o4.  4 

Tiomas  ,  d* Avignon.  —  Métier*  ea  1er  à  tauar 

la  soie ,  p.  559. 
Tbobas  (Johnson) .  —  Métier  à  tisser,  p.  531. 
TissoT.  —  Tefllage  do  lin ,  p.  a  48. 
Tbascb  at,  à  Lyon.  —  MooJuage  des  ssiei. 

p.  101. 
Traxcbat  fils.—  Perçage  des  coûtons  Jaofsvt, 

p.  567. 
Tumblot-Lacbotx.  —Machine  a  cosapeaarlai 

peges  d'Imprimerie ,  p.  87s. 
TtrtQosrn  (Etienne)  otNAXBis  { BartheVsrjj. 

—  Métiers  serrent  à  fabriquer  las  veloen, 

p.  587. 


U 


Cas  (Andrew).  <—  Citations  et  critiques  raie-  —  i  la  fabrication  des  cordages,  p.  sai» 

tires  :  an  filage  de  la  soie,  p.  86,  i4i;  —  S9cV5i5;  —  i  la  brodeuse  de  HiJaisa, 

a  1s  filstere  do  lin ,  p.  soS-so6 ,  s 09 ,  s5s-  p.  4oo;  —  an  métier  à  talle-bobin ,  p.  kjt- 

a54;  —  an  banc  a  broches,  p.  s64»  s6i,  «78,480. 


Vaisox.  —  Machines  a  filer  le  lin ,  p.  sis. 

Vabdkuiomdi.  — Discassion  sur  les  eagreneges 
en  fonte  ,-p.  i44  ; — problèmes  de  situations, 
p.  iio  et  4n. 

Vahdtis.  —  Antenr  inconnu  d'nn  métier  a 
tricot  sur  chaîne,  p.  46i.      s 

Vas  Mixsxo.  —  Maehines  à  fabriquer  les  cor- 
donnets, p.  S 17. 

Vasco,  a  Milan. — Filage  des  cocons,  p.  119. 

Vaucamsox.  —  Tonrs  à  tirer  la  soie,  p.  8,  5i  ' 
et  5a  ;  —  moulins  a  organainer,  p.  «1-61 1  — 
critique  dÎTenes  sur  les  moulins  droits  et  en 
arcs ,  p.  fis -69  ;  —  établissements  d'Aube- 
naa  et  de  la  SAao,  p.  ia4  et  is5|  —  son 


opinion  sur  les  engrenages  en  bais  et  sa 

fonte,  p.  i44  et  i45;  —  métiers  à  use», 

p.  555-556,  551-554»  356. 
Vautaoyxx  et  Rixrx.  »  Machines  a  fis»  » 

lin ,  p.  i85. 
Ykitouillac  et  Laxxaxx.  —  Filage  des  cecaxf. 

p.  96. 
Vxbjut,  d'Alais.  —  Coupa-mariage,  p.  89. 
Vixbxt  (Fraaçois*Christophe).  —  Feried**- 

nements  des  procédés  Girard ,  p.  i84  »  itët 

191. 
Vixxat,  Laxtbois  et  Cacxabd.  —  Aasoaatiea 

avec    Philippe  de  Girard,  p.  170»  iW 

et  187. 


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ALPHABETIQUE. 


531 


Viciiii  ,  Rita  et  Doxibblli.  —  Moolinage  de* 

soies,  p.  10a. 
Vioral   (Jacques).  —  Mooiinage  des  soies, 

p.  10a. 
Vigkbbob.  —  Méfier  à  tisser,  p.  338. 
Villaid.  — Tour  a  dévider  les  cocons,  p.  53. 


Villbmiiot.  —  Rota-frottenr,  etc.  pour  le 
filage  des  laines,  p.  19. 

Vibgilb.  —  Citation  relative  au  anciens  «en- 
tiers à  tisser,  p.  33o. 

VftAV,  HerooT  et  Lbmty  (John).  —  Maehine 
et  proches  pour  filer  le  lin ,  p.  190. 


W 


WAiroKD  (Thomas). —Machines  a  1 

p.  3a6. 
Waltbb-Hubt.  —  Machine  à  coudre,  p.  4o5. 
"Wbstlby. — Filature  et  teillage  dn  lin,  p.  397, 

a3a,  a33,  *hj. 
Wbstlbt  et  Lawsob.  —  Elireusss  1  chaînée, 

p.  908,  ai3. 
AVhitb   (James).  —  Engrensgee  he'licoides, 

p.  239,  a3i. 
WniTB  (Jamca)  et  Pobbcbbim.  —  Machine  a 

filer  sans  torsion  permanente,  p.  168. 
AVaiTWomTB.  —  Machine  a  tricoter  automate , 

p.  44o. 


WtLLis  (Robert).  —  Citations,  p.  a3o,  a64v 

3o8,44o.     • 
Wilsox.  —  Fabrication  des  cordes  métalliques» 

p.  3a4. 
Wibslow,  du  Havre.  —  Rota-frotteor,  p.  168. 
Wolatt  (William).  —  Métier  *  bas,  p»  4»o. 
Wooo    (William).  —  Fabrication  mécanique 

des  velours  frises  on  moquettes  «  p.  889. 
Wobdswobti  ,  a  Leeds.  —  Elirenses  à  chaîne 

pour  le  lin ,  p.  ao8  et  i 07  ;  —  machines  à 

peigner  et  a  filer  le  lin ,  p.  aïo,  ai6,  aao, 

aai,  aa7« 


£a»bbabx.  —  Métier  a  filets,  p.  449. 


Zibbmb.  —  Filage  dee  tonnes,  p.  187. 


34. 


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TABLE  GÉNÉRALE  DES  MATIÈRES. 


Composition  du  VI*  Jury 1 

Avant-propos Ibid. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

MACHINES    ET    OUTILS    PRINCIPALEMENT    EMPLOYES 
A  LA  FABRICATION  DBS  MATIERES  NON  TEXTILES. 

I"    SECTION.  —  MACHINES   BT  OUTILS  SERVANT  X  PREPARER   ET  TRA- 
VAILLER LES  MÉTAUX  EN  GRAND,  PRINCIPALEMENT  LE  FER..  .  .  1 

Chapitre  J".  —  État  ancien,  précédant  Tannée  18 15 Ibid. 

S  I".  —  Influence  de  l'horlogerie  et  de  ses  moyens  géomé- 
triques de  précision.  —  Introduction  du  fer  et  de  l'outillage 
mécanique  dans  la  construction  des  grandes  machines.  — 
Comas  et  Ferdinand  Berthoud,  John  Kay  et  Ârkwright,  Smea- 
ton  et  Rennie Ibid. 

S II.  —  Premières  tentatives  concernant  le  travail  mécanique  du 
fer  appliqué  aux  machines.  —  Nicolas  Focq,  Chopitel  et  Cail- 
lon,  Watt  et  Boaîton,  Rennie,  Woolf,  Maadslay,  Stephenson.       4 

S  III.  —  Transformation  des  anciens  procédés  mécaniques  de 
fabrication  et  de  préparation  du  fer  en  grand.  —  Smeaton, 
Wilkinson,  Walker,"  Henry  Cort  et  Purnell,  Roebuck,  Bra- 
mah,  Watt  et  Boalton • 9 

S  IV. — Historique  relatif  aux  anciennes  machines  à  laminer, 
rogner  et  fendre  les  métaux  en  feuilles  ou  en  verges.  — 
Aubry  Olivier,  Chopitel,  Jean-Pierre  Droz,  Jamain  et  Poncelet, 
Colon  et  Degrand,  Wilkinson,  W.  Bell  et  Fayolie ;  . . .      i3 

S  V.  —  Anciennes  machines  à  dresser,  tourner  et  aléser  les 
métaux.  —  Samuel Bentham,  Bramah',  BiUingsley,  MM.  Bou- 

qaero  et  Maritx 19 

Chapitre  II.  —  Introduction  des  machines  anglaises  dans  les 
forges  et  les  ateliers  du  continent ,  au  retour  de  la  paix  géné- 
rale .  .  * 22 


OQM 


534  TABLE  GÉNÉRALE 

P»get. 

S  F*. — Indications  historiques ,  principalement  relatives  à  Tétat 
des  ateliers  de  construction  et  des  grandes  forges  vers  i8a5. 

—  MM.  Dufand,  de  Gallois.  Boigues,  Frhrjeûn,  de  Wendel, 
Manby  et  Wilson ,  Edwards,  Colla  pert ,  Saulnier,  HaUttte,  etc.     s  2 

S  IL  —  Perfectionnement  de  l'outillage  mécanique  des  ateliers 
de  construction,  dans  f intervalle  de  1820  à  i83o.  — 
MM.  Fox,  de  Derby,  Woolf  et  Edwards,  Lewis,  Nasmitk, 

Sharp  et  Robert*,  etc.  Colla  pire,  Saulnier  et  Glaxet. 29 

Chapitre  III.  —  Développement  et  progrès  des  applications  et 

du  travail  mécanique  du  fer,  à  partir  de  i83o 34 

S  Iw.  — -  Agrandissement  de  f  outillage  des  ateliers  de  construc- 
tion et,  plus  spécialement,  des  grandes  machines  à  planer 
les  métaux.  —  MM.  B.  Hick,  Clément,  Fox,  Nasmith,  etc.  en 
Angleterre;  de  Lamoriniere,  Mariette,  Cave,  Decoster,  en 
France  ...  1. [bid. 

S  II.  —  Perfectionnement  des  divers  agents  et  moyens  méca- 
niques employés  dans  les  grands  ateliers  de  construction  et 
de  fabrication.  —  MM.  Maudslaj,  Benjamin  Hick,  E,  Clark 
et  W.  Fairbairn $9 

S  III.  —  Nouveaux  progrès  accomplis  dans  la  construction  des 
machines  à  laminer  et  forger  le  fer.  —  MM.  H.  Burdtn, 
DevertU,  Cave,  Bourdon,  J.  Nasmith,  Schneider,  Mertian, 
Petin  et  Gandtt,  Flachat,  etc > 43 

S  TV.  —  Derniers  perfectionnements  des  machines  à  river.  — 

MM.  Schneider,  Lemattre,  Fairbairn  et  Garforth 46 

Chapitre  IV.  —  État  actuel  des  grands  outillages  mécaniques.     45 

S  I**.  —  Concours  relatif  à  la  description  des  machines-outils 
en  France.  —  MM.  Pihet,  Cave,  Laborde,  Saulnier,  Mallette, 
Colla,  Stehelin,  André  Kœchlin,  Meyer,  etc ïbiL 

S II.  — 'Tribut  apporté  à  ce  concours  par  les  ingénieurs  anglais. 

—  MM.  Rennie,  Nasmith,  Maudslay,  Fox,  Lewis,  Hick, 
Sharp  et  Roberts,  etc. , Si 

S  III.  —  Spécialité  dans  la  fabrication  des  machines-outils  en 
Angleterre.  —  MM.  Whitworth,  Sharp,  Shanks,  etc 54 

S  IV.  —  Spécialité  dans  la  fabrication  des  machines-outils  en 
France.  —  MM.  Colla,  Decoster,  Hugueni*  et  Ducomman, 
.  Mesmer,  etc 5y 

S  V.  —  Des  machines-outils  exposées  en  i85i  à  Londres.  — 
MM.  Whitworth,  Sharp,  Benjamin  Hick,  Shanks,  etc ,6i 

II*  SECTION.  —  MACHINES  ET  OUTILS  EMPLOYES  DANS  LES  INDUSTRIES 

DIVERSES 6& 

Chapitre  I".  —  Machines  servant  à  estamper,  emboutir  et  dé- 
couper à  froid  les  petites  pièces  métalliques 67 

S  lv.  —  Marteaux,  moutons,  balanciers,  employés  dans  les 


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DES  MATIERES.  535 

Paps. 
atelier»  monétaires  et  autres.  —  Aubry-OUvier,  Nicolas  Briot, 
Castaing,  Jean-Pierre  Droz,  Watt  et  Boulton,  Gengembre, 
Fughre,  Westermann,  etc. 67 

S  If.  —  Presses  monétaires  continues,  à  levier,  rotules,  etc. 
petites  machines  à  forger.  —  MM.   Uhlhorn,  ThonneUer, 

Taylor,  Maudslayjils,  Ryder  et  Schmerber. 77 

Chapitre  IL  *—  Instruments  et  outils  divers;  petites  machines 

servant  à  les  fabriquer  automatiquement ;     86 

S  Iw.  —  Pièces  détachées  de  machines,  exposées  à  Londres. 
—  MM.  Dandoy,  Maillard,  Léopold  Maller,  Spear  et  Jackson, 
Serbe,  Hache-Bourgeois,  Miroude,  etc Ibid, 

S  IL  —  Machines  servant  a  fabriquer,  à  froid  et  automatique- 
ment, les  maillons,  agrafes,  clous,  cardes  et  capsules  métal- 
liques.— Vaucanson  et  Galle;  MM.  Hue,  Frey  et  Stoltz,  Pa- 
pavoine  et  Châtel,  exposants  à  Londres ; 91 

S  III.  — *  Données  historiques  relatives  aux  machines  auto- 
mates à  fabriquer  les  cardes.  —  MM.  Amos  Whittmore  et 
Dyer,  de  Boston,  Parr  et  Cartis,  Wallon,  en  Angleterre;. 
Ellis  etDegrand,  Scrive,  Colla,  Saalnier  jeune,  Hoyaa,  etc., 
en  France ^ 94 

S  IV.  —  Données  historiques  relatives  aux  machines  automates 
à  fabriquer  les  clous,  les  capsules,  etc.  —  Jacob  Perkins, 
Joseph  Read  et  James  White,  en  Amérique  et  en  Angleterre; 
Degrand,  Learenwerth,  Daguet,  Lémire  et  Japy,  Deboubert, 
Bouché  et  Livelot,  Tardy  et  Piobert,  Humbert  et  Dupré,  Petit- 
Pierre,  Perceval  et  Glavet,  en  France 97 

Chapitre  III.  —  Machines  servant  à  déplacer,  à  comprimer  les 
corps,  etc.  de  manière  à  en  réduire  le  volume,  à  en  extraire 
les  liquides  ou  à  en  rapprocher  les  parties  primitivement 
désunies ,. . • 10a 

S  I".  —  Coup  d*œil  rapide  sur  les  machines  d'équilibre,  de 
force  et  de  propulsion  des  anciens  ou  des  modernes.  — 
Ciésiphon,  Ctésibius,  Archimede  et  Vitruve,  chez  les  anciens; 
Foniana,  Corbari  et  Perrault,  Vauban  et  Gribeauval,  dîArcy, 
Antoni,  Lambert,  Robins  et  Hutton,  Perronet,  de  Cessait, 
Smeaton,  Rennie,  Coulomb,  Brunel,  etc.  chez  les  modernes..  Ibid. 

S  IL  —  Anciens  pressoirs  à  vis,  à  simple  ou  à  double  effet  — 
MM.  Jaunez,  de  Metz;  ReviUon,  de  Mâcon;  Isnard,  de  Stras- 
bourg ,  et  Achard,  de  Berlin. 111 

S  III.  —  Des  presses  hydrauliques  appliquées  à  l'extraction  des 
jus  ou  liquides  et  à  la  réduction  du  volume  des  corps  forte-  ' 
ment  compressibles.  —  MM.  HaUette;  Cordier,  de  Béziers; 
Cazalis  et  Cordier,  de  Saint-Quentin;  Crespel-DeUisse,  Cha- 
pelle, Pihet  et  Thilorier,  en  France;  MM.  Galbwy  et  Bow- 


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536  TABLE  GÉNÉRALE 

mann,  Maudslay  et  Field,  de   Londres;  Joël  Spdler,  de 
Cbelsea,  en  Angleterre 117 

$  IV. — Des  presses  continues  rotatives,  spécialement  destinées 
à  l'extraction  des  sucs  et  des  liquides. — MM.  Olivier,  Clément 
et  Burette,  Fouacke,  Robùuon  et  Rassell,  etc.  Nilhu,  Mûie- 
line  et  Bessemer. . . I isi 

S  V.  —  Presses  centrifuges  à  essorer,  dites  hydro-extracteurs. 
— MM.  Pentzoldt,  Caron,  Loabereaa,  DerosM  et  Cail,  Rolkfs, 
Decoster,  etc.  en  France;  MM.  Seyrig,  Manlove  et  AUtot, 

Bessemer,  Rotck,  Finzel,  etc.  en  Angleterre. u$ 

Chapitre  IV.— Machines  à  laver,  essorer,  battre,  fouler,  feutrer 
les  étoffes  et  fabriquer  le  papier i33 

S  unique.  —  Courtes  indications  relatives  à  l'objet  de  ce  cha- 
pitre, et,  plus  spécialement,  aux  machines  à  fabriquer  le 
papier.  —  MM.  Robert  et  Didot  (Saint-Léger),  Fourdrinier, 
Donkin  et  Bramah,  Leistenschneider,  Zuber  et  Eieder,  Corso*, 
Ranglet,  etc IbH 

III*  SECTION. — MACHINES  X  CALANDRE* ,  IMPRIMER  ET  MOULER  PAR 

COMPRESSION .  .  . .    I# 

Chapitre  V*% —  Presses  à  rouleaux  servant  a  f  apprêt  et  à  l'im- 
pression des  étoffes,  du  papier,  etc.  (principalement  avant 
i8i5) W 

S  I".  —  Rapide  coup  d'oeil  sur  les  divers  genres  de  presses,  et, 
plus  spécialement,  sur  les  presses  à  calandrer.  —  Pauki, 
de  Nîmes;  Vaucanson,  Andrew  Gray,  et  M.  CL  Dolifos,  de 
Mulhouse i& 

JS  IL — Anciennes  machines  à  cylindres,  servant  à  l'impression 
continue  des  longs  tissus.  —  Roland  de  la  Pladère  et  Bon- 
valet,  W.  et  Th.  Bell,  Slater,  fValker  et  Tajlor,  William 
Nicholson,  etc ii8 

S  III.  —  Premiers  perfectionnements,  en  France,  des  presses 
automates  à  rouleaux  imprimeurs.  —  Ébingre,  CkaamtUe  et 

Hoffmann,  Lefevre  et  Obêrkampf,  Risler  et  Rawle *55 

Chapitre  II.  —  Perfectionnement  des  machines  à  imprimer  en 
couleur  les  étoffes ,  les  papiers ,  etc.  à  partir  de  1 8 1 4  ou  1 8 1 5.  îfô 

S  Ier.  —  Perfectionnement  de  la  fabrication  et  de  la  gravure 
des  cylindres  en  cuivre  par  procédés  mécaniques.  —  Joseph 
Perkins  et  Lockett,  Dros  et  Gengembre,  Wkite,  Haassmann, 
Bradbary  et  Burton JW 

S  II. — Perfectionnements  divers  apportés  aux  machines  à  rou- 
leaux imprimeurs  simples  ou  multiples.  —  MM.  Rawle  et 
Ure,  Silbermann,  Risler,  Huguenin  et  John  Dalton,  de  Mottram.  169 

S  III.  —  Presses  continues  sur  papiers  de  tenture  ou  tissus, 
avec  brosses,  couleurs  ombrées,  compartiments,  etc.  — 


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DES  MATIERES.  537 

MM.  SpœrUn  et  Zuber,  Rieder,  W,  Newton,  Hertzik,  Léon 
Godefroy,  Alfred  Thomas,  etc 179 

S  IV. — Des  presses  à  planches  planes  et  a  action  intermittente , 
mais  progressive,  pour  l'impression  des  tissus.  —  MM.  Kirk- 
wood,  Walt  et  Despouilly;  Perrot,  de'  Rouen,  et  Miller,  de 
Manchester i83 

S  V.  —  Des  presses  lithographiques.  —  Aloys  Senefelder  et  Mit- 
terer;  MM.  de  Lasteyrie  et  Engelmann,  Routsin  et  Brisset, 
Derenémesnil,  ScheUcht,  Cloué,  Quinet,  de  Lamorin&re,  Be- 

noist  et  François,  Perrot,  etc 1  oy 

Chapitre  III.  —  Des  presses  typographiques 2o5 

S  Ier.  —  Des  presses  à  bras  ou  à  platine ,  anciennes  et  modernes. 
—  Gutenberg,  Faust  et  Schœffer;  lord  Stanhope,  Clymer  et 
Wells;  MM.  Frapié,  Giroudot,  ThonneUer  et  autres  en 
France Ibid. 

S  II.  —  Aperçu  historique  concernant  l'invention  et  le  perfec- 
tionnement des  presses  mécaniques  continues,  à  cylindres 
rotatifs,  dans  l'intervalle  de  1790  à  181 5. —  William  Ni- 
eholson,  Donkin  et  Bacon,  Frédérick-Kœnig  et  Bauer,  Cowper 
et  Âpplegath,  en  Angleterre 211 

S  III.  —  Des  diverses  machines  typographiques  exposées,  en 
i85i,  à  Londres.. —  MM.  Middlelon,  Napier  et  Waterlow, 
Cowper,  Holm,  Hopkinson  et  Copet  Clymer  et  Dixon,  etc 
dans  la  partie  anglaise  ;  MM.  Baranowsky,  Bauchet-Verlinde , 
Sôrensen,  dans  les  autres  parties : 221 

S  IV. — Perfectionnements  divers  accomplis  ou  tentés  dans  la 
construction  des  presses  typographiques  accélérées,  a  partir 
de  1820.  —  MM.  Kœnig  et  Bauer,  en  Allemagne;  Hoe,  à 
New-York;  James  Smith,  Cowper  et  Applegath,  Church,  etc. 
en  Angleterre;  SeUigue  et  Amédée  Durand,  ThonneUer,  Gi- 
roudot, Gaveaax,  Rousselet  et  Normand,  Dutarlre  et  Mari- 
noni,  en  France 227 

S  V.  —  Principalement  consacré  à  l'exposé  des  progrès  accom- 
plis dans  la  construction  des  petites  machines  à  labeurs, 
illustrés,  etc.,  avec  preneurs  à  brosses  ou  à  pinces. — MM.  J. 
Smith,  Rousselet,  Normand,  Dutartre,  Alauzet,  Capiomont,  etc., 
en  France;  Kœnig  et  Bauer,  Sigl  et  Reichenbach,  en  Alle- 
magne. . .  : 242 

Chapitre  V.  —  Machines  à  mouler  par  compression,  à  tritorar 

et  à  pétrir 259 

S  1**.  —  Presses  servant  à  mouler  les  types  et  clichés  d'impri- 
merie, les  coins  monétaires,  les  balles  de  fusil,  etc. — 
MM.  Didot,  Herhan,  Marcellin-Legrand,  Ckoumara,  Tarbé, 
Laboulajre  et  Derriey,  en  France;  MM.  Hoffmann,  Brockhaus 


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538  TABLE  GÉNÉRALE 

et  Leonhardt,  en  Allemagne  ;  William  Churck  et  Johnson,  en 
Amérique;  Harding,  PalUin  et  Johnson,  etc.,  à  Londres 3% 

S  IL  —  Presses  diverses  servant  a  mouler  les  tuyaux  en  plomb, 
par  compression.  —  MM.  Lenoble,  Lagoutte,  Simon  et  Lam- 
bry,  Hague,  Moisson -Dev  aux ,  Daconcîois  et  Gruat,  en 
France;  MM.  Borr,  de  Sbrewsbury;  Crosley  et  Hrward,  de 
Londres;  Sieber,  de  Milan,  et  Cornell,  aux  États-Unis  d'A- 
mérique    s63 

S  III.  —  Machines  h  mouler  les  tuyaux  de  drainage  et  les 
briques  creuses.  —  MM.  JV.  Edwards,  J.-G.  Dtycrlti*, 
Whishaxc,  Reichenecker,  Borie  frères,  Rondell  et  Saanden.. .   1G9 

S IV.— -Machines  automates  a  fabriquer  les  tuiles  et  les  briques 
pleines.  —  MM.  Hattenberg,  Kinsley,  Doolilde,  Bradlty. 
Cundy  et  Candie 371 

S  V.  —  Appareils  divers  pour  le  moulage ,  la  trituration  et  le 
pétrissage  des  pâtes. —  MM.  Grant  et  Bruce,  en  Angleterre; 
Baudry,  Selligae,  Rollet,  Lembert,  Besnier-Duchaussois  et 
Boland,  en  France • 277 

IV*   SECTION.  —  MACHINES  À  DIVISER  ÇT  SEPARER  LES  CORPS  BU  PARTIES 

PLUS  OC  MOINS  FINES  OU  DE  FORME  DONNÉE 281 

Chapitre  I**.  —  Machines  diverses  à  concasser,  triturer,  pulvé- 
riser   iSi 

S  I".  —  Moulins  à  pilons,  à  tonneaux,  à  gobilles,  à  cylindres 
cannelés  broyeurs  et  con casseurs.  —  Bébdor,  Baadtr  et 
Hachette;  MM.  Ryder  et  Schmerber,  Aager,  Champy,  DavilUer, 
Bret  et  Oliver  Evans IkH 

S  IL  —  Meules  debout,  cylindres  et  cônes  tournants  on  osefl- 
iants,  roulants  ou  traînants,  conduits  à  bras,  à  manège,  etc. 
—  Les  Égyptiens  et  les  Romains;  Perronet,  Lepere  et  MorleU 
MM.  Molard,  Poincelet  et  Legrand,  Humblot-Conté ,  Amger, 
Pelletier,  Albert  et  Martin iSS 

S  III.  —  Perfectionnements  et  progrès  accomplis  dans  la  cons- 
truction des  machines  à  molettes,  à  galets  traînants,  tour- 
nants,  etc.  pour  la  préparation  des  couleurs  et  autres  pâtes 
fines.  —  MM.  Gottorp,  Rawlison,  Minton  et  Ch.  Taylar,  en 
Angleterre;  Antiq,  Menier  et  Adrien,  Saint- Amans,  Hubert, 

Pelletier,  Bourdon,  Hermann,  etc.  en  France aoi 

Chapitre  IL  —  Des  moulins  à  blé  ou  à  farine 3o* 

S  I".  —  Procédés  mécaniques  dé  mouture  chez  les  Grecs  et 
les  Romains  :  moulins  à  bras,  à  manège,  à  eau  et  à  vent 
— Myles  ou  Mileta,  Mithridate,  de  Pont ,  Pilumnus  et  Pison, 
Vitrave  et  Perraufr,  Lagarouste,  Gallon  et  Dnbost. /**• 

S  IL  —  Formes,  proportions  et  mode  d'action  des  meules 
antiques  ou  modernes.  —  Bélidor,  Oliver  Evans,  Andrew 


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DES  MATIERES.  539 

Pagts. 

Gray,  Olynthus   Gregory,  Lambert,  Montgolfier,    Coulomb, 

Navier,  etc 3io 

S III.  —  Principaux  organes  mécaniques  des  grands  moulins  à 
Hé  ou  à  farine. —  Watt  et  Boulton,  Bennie,  Woolf,  Mouds- 
lay,  etc.,  en  Angleterre;  Aitken  et  Steele,  Eck  et  Chamgar- 
nier,  Feray,  d'Essonne ,  et  Calla  fils,  Cartier  et  A rmengaud,  etc. 

en  France 319 

Chapitrb  III.  —  Appareils  accessoires  et  procédés  mécaniques 

divers  employés  dans  les  moulins  à  farine 327 

S  Ier.  —  Des  anciens  systèmes  de  mouture  (  1 6 1 6  à  1775)  et  de 
leurs  accessoires  mécaniques.  —  Muller,  de  Leipsick;  Pi- 
geaut  et  Baquet,  de  Senlis,  Malisset,  de  Paris,  BeguiUet, 

Genyer,  V*'  Détours,  Knopperf,  etc Ibid. 

S  IL  —  Systèmes  anciens  de  mouture,  anglais  et  américains, 
comparés  aux  nôtres  sous  le  rapport  des  appareils  et  méca- 
nismes accessoires.  —  Andrew  Gray,  Olynthus  Gregory  et 
Hamel,  en  Angleterre;  Oliver  Evans  et  Thomas  EUicott,  en 
Amérique;  Baquet,  Dransy  et  Gravier,  d'Annet,  en  France.  33S 
Chapitre  IV.  —  Progrès  divers  accomplis,  en  France  ou  à  l'é- 
tranger, dans  le  système  automatique  de  la  grande  et  de  la 

petite  mouture 349 

S  I".  —  Introduction  et  perfectionnement  des  procédés  anglais 
et  américains  de  locomotion  et  d'épuration  des  blés.  — 
MM.  Tramois,  Bennie,  Fairbairn,  Maadslay,  Aitkin  et  Steele, 

de  Nicéoille,  Corrige,  Cartier,  David,  Lasseron,  etc Ibid, 

S  II.  —  Perfectionnement,  en  France,  des  appareils  a  trier, 
distribuer  et  conserver  les  blés.  —  MM.  Vachon,  Conty, 
Feray,  Cartier,  Giraudon,  etc.  Duhamel,  Terrasses  des  BUlons, 
Dârtigae,  Vallery,  Philippe  de  Girard  et  H.  Haart,  de  Cam- 
brai    357 

S  III.  —  Perfectionnements  des  appareils  à  bluter,  transporter, 
rafraîchir  et  conserver  les  farines.  —  MM.  Hennecart,  Man- 
vielle  et  François  Giraud,  Cartier,  Huch,  Feray,  Darblay, 

Cortège,  Gosme,  Damy,  Cabanes,  Train, % etc 363 

S  IV.  —  Tentatives  diverses  de  perfectionnements  appliqués 
aux  petits  moulins  à  bras,  à  manège,  etc.  leur  apparition  à 
l'Exposition  de  Londres  au  milieu  d'objets  similaires.  — 
Bélidor  et  Coulomb,  C.  Albert  et  Begnier,  Lescure,  Teste- 
Laverdet,  Saniewski,  Pecantin,  BeinharJt,  Bouchon,  Mes- 
mer et  Cartier,  Legrand>  Dard,  Toaaillon  et  Maazaize,  Huck 
et  Hennecart,  de  France;  Houyet  et  Danneau,de  Belgique; 
Landau,  d'Allemagne  ;  Boss,  d'Amérique  ;  Corcoran,  Westrup 
et  W.  Fairbairn,  Ihirwood,  Crosskitt  et  Adams,  Hunt,  Bed- 
ford  et  Blackmore,  de  la  Grande-Bretagne 375 


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540  TABLE  GÉNÉRALE 

V*  SECTION.  —  MACHINES  OPERANT  #LA  DIVISION  DES  CORPS  ET  LA 
SEPARATION  DES  PARTIES,  SPÉCIALEMENT  A  L'AIDE  D*OUTïLS 
COUPANTS,  DÉCHIRANTS,  DENTELES,  ETC. 38$ 

Chapitre  I*r.  —  Machines  à  couteaux  d'origine  relativement  an- 
cienne .  • 38a 

S  I*.  —  Considérations  générales,  historiques,  philosophiques 
et  théoriques  sur  les  outils  simples  ou  combinés  appartenant 
à  cette  classe.  —  Antiquité  et  perfection  comparée  des 
outils  à  main  :  les  tarières  et  la  charrue,  les  sondes  et  les 
scies.  — -  Insuffisance  de  la  théorie.  —  Vaucanson  et  le  mé- 
canicien Ckarck;  MM.  Garnier,  Mulot,  Degousée  et  KUd; 
MM.  Sir-Henry  et  CKarrvtre  père,  en  France;  Satignj,  Pkilp 
et  Coxeter,  en  Angleterre iW. 

S  II.  —  Anciennes  machines  à  hacher,  pulvériser  le  tabac, 
le  poivre,  le  café,  etc.  —  DeparcUas  et  Andrew  Graj; 
MM.  Boaguereau,  à  la  Rochelle,  Hojaa,  à  Paris,  Saylor, 
Snowden,  Gardner,  etc.  en  Angleterre;  Lejeune,  Coulons, 
Johnson  et  Goldemherg,  en  France 3$S 

S  III.  —  Hachoirs  et  moulins  à  noix  ou  à  cloche,  servant  spé- 
cialement au  découpage  et  à  la  pulvérisation  du  tan.  — 
Borgnis  et  James  Weldon;  MM.  Douglas,  Hook  et  Farce t, 

Picard,  Barratu  et  Bouvet Ao6 

Chapitre  IL  —  Machines  et  outils  spécialement  consacrés  à  la 
fabrication  du  tabac  dans  les  manufactures  impériales  de 
France 4i3 

S  Ier.  —  Principaux  perfectionnements  introduits  dans  la  pré- 
paration mécanique  du  tabac  en  France,  avant  l'époque  de 
i83o.  —  Anciens  moulins  à  trictrac;  machines  a  râper  de 
Rooy  et  Dubroca;  les  mécaniciens  anglais  Manbjr,  fVilson  et 
Holcroft,  à  la  Manufacture  impériale  de  Paris. Rià> 

S II.  —  Réformes  mécaniques  apportées  aux  manufactures  de 
tabacs,  en  France,  à  partir  de  i83o. — MM.  Holcroft,  Radier 
et  Edwards.  —  Réformes  administratives  capitales.  — 
MM.  Pasquier,  Lacave-Laplagne,  vicomte  Siméou  et  Gré' 
terin 4n 

S  III.  —  Perfectionnements  divers  apportés,  depuis  1840,  au 
système  automatique  des  tamisoirs  et  des  moulins  à  tabac, 
ainsi  qu'à  leur  mode  intérieur  continu  de  .transmission,  de 
locomotion  et  d'alimentation.  —  MM.  Daubanel,  Ambert, 
Radier,  E.  Rolland,  Mesmer,  de  Graffenstaden ,  etc. 4sS 

S IV.  —  Système  spécial  de  transmission  par  courroies;  éléva- 
teurs et  descendeurs  a  tire-sacs,  à  freins  ou  butoirs;  moyens 
de  sûreté  divers  employés  dans  les  manufactures  de  tabac 
ou  autres. — Claude  Perrault  et  Dobo;  MM.  Radier  et  Eugène 


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DES  MATIERES.  541 

PagM. 

Rolland,  Machecoart,  Fontaine,  Sainte -Preuve,   Warroc~ 
quié,  etc 43 1 

S  V.  —  Perfectionnements  des  embarilleurs  à  pilons,  des  tor- 
réfacteurs, pyro-régulateurs  et  sécheurs  mécaniques,  appli- 
cables à  l'industrie  en  général,  et,  plus  particulièrement, 
aux  manufactures  impériales  de  tabacs.  —  Oliver  Evans, 
Gay-Lussac,  Manby  et  Wïlson;  l'ingénieur  E.  Rolland  et  le 
contrôleur  Girard;  MM.  Sorel,  Péclet,  Michels,  Behrr,  Brait' 
soaliè,  RoUet  et  Lasseron,  en  Belgique  ou  en  France; 
MM.  Law,  Dakin,  Collier,  Adorno,  à  l'Exposition  universelle 

de  Londres 436 

Chapitre  III.  —  Macbines  diverses  à  découper,  lacérer,  ouvrir, 

apprêter  les  matières  végétales  ou  animales,  les  tissus,  etc.  44a 

S I".  —  Sur  l'origine  des  bacboirs  mécaniques  à  lames  obliques , 
coupant  et  sciant  en  glissant,  employés  à  divers  usages  dans 
l'agriculture  ou  l'industrie  manufacturière.  —  Gaillotin, 
Antoine  Louis  et  Smidt;  MM.  Francis  Snowden  et  Bouguereau, 
G.  Bass,  de  Boston,  Ellis  et  Dr  grand,  à  Marseille.. . .  s. . . .  Ibiil. 

S II.  —  Des  bacboirs  à  volant  et  à  couteaux,  droits  ou  courbes, 
servant  à  découper  les  racines ,  les  légumes  et  la  viande.  — 
MM.  Burette,  Chaussenot,  de  Valcourt,  Rolland,  Girard  et 
Fouet,' en  France;  Gardner  et  W.  Davis,  en  Angleterre; 
Eckardt,  en  Allemagne s 448 

S  III.  —  Macbines  à  découper  le  papier,  les^  enveloppes  de 
lettres,  les  chiffons,  etc.;  tondeuses  pour  les  draps,  délis- 

'  seuses ,  affileuses  et  raffîneuses  des  pâtes  à  papier. — MM.  Ré- 
mond  et  Warren  de  La  Rue;  Donkin,  Warall,  Middleton  et  ~"  ! 
Elwell,  Wilson,  Bottier,  etc.  à  l'Exposition  universelle  de 
Londres;  MM.  Verdat  et  Legrand,  Massiauot,  Lefranc,Mo- 
nin,  Daubrée  et  Abraham  Poupart,  en  France.  —  Les  an- 
ciennes papeteries  de  Serdam  et  de  Langlée;  l'astronome 
Lalande  et  les  encyclopédistes  hollandais  Zyl,  Natrus,  Polly 
et  Vaarer;  les  ingénieurs  ou  constructeurs'  Genssane,  [Mean 
et  Destriches 454 

S IV.  —  Machines  à  râper  les  fruits ,  les  légumes  /les  os  et  les 
bois  de  teinture;  à  découper,  apprêter,  ouvrir  les  cuirs,  les 
baies  de  coton,  etc.  —  MM.  Burette,  Lilly,  Oliver  Evans, 
Vauquelin,  Pools,  Nossiter  et  Pecqueur,  Green, [Datai,  Beren- 
dorf,  etc.  Brunel,  Gengembre  et  Jolichere;  enfln  MM.  Du- 
merey,  Waite  et  Mansell,  à  l'Exposition  de  Londres;  les 
frères  Ternaux  et  MM.  Vallery,  Raymond,  etc.  précédem- 
ment, en  France , 463 


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542  TABLE  GÉNÉRALE 

VI*  SECTION.  —  MACHINES  ET  INSTRUMENTS  SEAT  ART  A  TRAVAILLEE, 
DIVISER,  FAÇONNER  SOUS  DES  FORMES  DIVERSES  ET  PROCHES  LA 
PIERRE,  LE  BOIS  ET  LES  CORPS  ANALOGUES *6f 

Chapitre  I**.  —  Sur  les  tours  et  les  machines  à  équipages  mo- 
biles, porte-outils  ou  objets,  servant  à  arrondir,  profiler, 
guillocher,  diviser,  graver  et  sculpter  les  corps  de  natures 

diverses 470 

S  V.  —  Notions  générales  relatif  es  à  ce  sujet  et  aux  principaux 
auteurs  ou  écrits  qui  en  ont  traité  scientifiquement  ou  pra- 
tiquement, —  Léonard  de  Vinci  et  Jacques  Besson;  Salomon 
de  Caus;  Descartes,  Pascal  et  Roberval;  BernoulU,  etc.  de 
Lakirt,  de  Lacondwninc  et  Clairaalt  ;  Suardi,  Lanz  et  de  Bé~ 
tancourt;  les  tourneurs  ou  auteurs  Moxon,  Oldjield  et  Hollz- 
appfel,  tn  Angleterre;  Plumier,  Halot,  Bergeron  et  Paulin 
Désormeaux,  en  France IbU. 

S II.  —  Des  plus  anciens  tours  simples  ou  composés,  à  ovales 
et  excentriques,  a  rosettes  ou  couronnes,  pour  guillocher,  et 
principalement  du  tour  à  portraits  servant  à  copier,  réduire 
les  médailles,  et  des  tours  à  vis  et  à  roues  de  rechange. — 
Vitruve,  Léonard  de  Vinci,  Jacques  Besson,  Salomon  de  Cous, 
Jérôme  Cardan;  Breitkopfet  Teubers,en  Allemagne;  Merklein, 
le  P.  Magnan,  Grandjean,  Halot  père,  en  France;  Hoohe, 
Hindley,  Henry  Sully  et  Ramsden,  en  Angleterre 676 

S  III.  —  De  quelques  tours  et  instruments  modernes  servant  à 
guillocher,  buriner,  graver  et  diviser;  plus  spécialement  des 
machines  destinées  à  la  reproduction  imprimée  des  mé- 
dailles de  la  numismatique! — MM.  Holtzappfel  et  DeyerUin, 
Ibbetson,  Perkins,  Turrell,  Bote  et  Babhage,  en  Angleterre; 
Collart,  Conté  et  GaUet,  Collas,  Barrere,  Perreau*,  en  France. .  483 

S  IV.  —  Perfectionnement  du  tour  à  portraits;  machines  à 
sculpter,  etc.  —  Hulotjils  et  Bergeron;  MM.  Poterat,  Conta- 
min  et  Dupeyrat,  Collas  et  Barrhre,  James  Watt  et  Hawkins, 
en  France  ou  en  Angleterre;  M.  Blanchard,  en  Amérique; 
MM.  Sauvage,  Collas  et  Barbedienne,  Dutel  et  Contzen,  Pà*- 
lippe  de  Girard,  Grimpé,  Barros  et  Decoster,  en  France. . . .  S99 
Chapitre  II.  —  Machines  spécialement  destinées  à  travailler  et 
façonner  les  corps  ou  solides  de  nature  minérale Su 

S  I".  —  Tournage,  forage  et  sculptage  des  pierres,  des  mar- 
bres, etc.  ches  les  anciens  et  les  modernes.  —  Perrontt  et 
Puiseux,  Vtzschneider,  Wallin  et  Hutin;  MM.  Géruzet  et 
Colin,  Moreau  et  Seguin,  Chevolot,  Decoster,  etc.,  en  France; 
Georges  Wright,  Murdock,  etc.  en  Angleterre. ft& 

S  II.  —  Machines  à  scier,  dresser,  tailler,  user  et  polir  diver- 
sement les  pierres,  les  cristaux  et  autres  corps  durs.  —  Jla- 


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DES  MATIERES.  543 

P«ges. 

melli,  Duquet  et  Fonsjean ,  Moret  et  Bétidor;  MM.  Lépine, 
Barbier,  Coutan,  Sauvage,  etc.,  en  France;  Brown  et  Morve, 
J.  Talloch,  etc.,  en  Angleterre  ;  Randell  et  Saanders ,  Hanler, 
Eastman,  Morey  et  Cochran ,  à  l'Exposition  universelle  de 
Londres. 517 

S  III.  —  Machines  à  molettes  et  à  chariot  spécialement  em- 
ployées à  dresser  et  doucir  les  grandes  glaces  et  les  miroirs. 
—  MM.  Barrows  et  Hall,  deDartford,  en  Angleterre;  2>ar- 
Hgues,  Petit- Jean  et  Mangin,  Hoyaa  et  Chevalier,  Ramez, 
Pihet  et  Carillion,  Tournant  et  Radiguet,  en  France.. . . . .  •   5a 2 

Chapitre  III.  —  Machines  spécialement  employées  à  travailler  et 

façonner  géométriquement  les  hois  avant  IVpoque  de  1820.  533 

S  F*.  — *  Premier  établissement  des  grandes  scieries  hydrau- 
liques à  lames  verticales  en  Europe. — L'évéque  a*  Ely,  Jacques 
Besson,  Ramelli,  Salomon  de  Cous,  Bélidôr  et  Navier,  etc.. .  [bid. 

S  II.  —  Données  historiques  relatives  à  rétablissement  ancien 
de  diverses  machines  a  scier,  forer,  raboter,  façonner  les 
bois  de  poulie ,  etc.  en  France  et  principalement  en  Angle- 
terre. —  Gray  et  Gregory,  Morel  et  J.  Howel;  Labelly,  Devo- 
glie,  Perronel,  de  Cessart  et  Vauvilliers;  Taylor,  de  Southamp- 
ton,  Samuel  Bentham  et  Joseph  Bramah;  C.-A.  Albert,  à 
Paris ,  enfin  Brunel  et  Maudslay,  Bevan  et  Swart,  à  Londres.  54 1 

S  III.  —  Où  en  [était  en  France,  vers  i8i5,  le  travail  méca- 
nique et,  plus  spécialement,  le  sciage  et  le  rabotage  des 
bois.  —  WQA.Ségard,  à  Metz;  Hubert,  à  Rochefort;  Touroude, 

Roguin  frères,  Cochot,  Hacks,  à  Paris,  çtc 558 

Chapitre  IV.  —  Progrès  divers  accomplis  en  France,  à  partir 
de  1820,  dans  rétablissement  des  machines  à  travailler  le 
bois 571 

S  Iw.  —  Anciens  ateliers  des  mines  d'Anzin,  de  la  Gare,  à 
Paris,  de  M.  Nicévilre,  à  Metz,  plus  spécialement  sons  le 
rapport  du  perfectionnement  des  grandes  scieries  méca- 
niques.—  MM.  Edwards,  de  Chaillot;  Roguin  et  CaUa  père, 
à  Paris;  de  Nicéville  et  Hcrder,  à  Metz;  KUspis,  a  Paris,  et 
Galloway,  à  Londres Ibid. 

S  II.  —  Résultats  du  concours  ouvert,  en  1826 ,  par  la  Société 
d'encouragement  de  Paris,  pour  le  perfectionnement  des 
scieries  à  lames  droites  ou  circulaires. — MM.  Bauwens  et 
Guérin-Dubourg,  Joseph  Mimait  et  Belot  de  la  Digne,  de  Nicé- 
ville, à  Metz  ;  MM.  Eugène  Philippe,  à  Paris ,  et  de  Manneville, 
à  Troussebourg ,  près  Honfleur.  ' 577 

S  III. — De  quelques  modifications  ou  perfectionnements  ap- 
portés aux  scieries,  simultanément  ou  postérieurement  au 
précédent  concours.  —  M.  Mongin,  fabricant  de  scies,  à 


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544  TABLE  GENERALE 

Ptg». 

Paris;  MM.  Orlando  Child,  Philippe,  MariolU,  Guillaume, 
Girauàon,  Peyod,  Gendarme  et  Qart 58s 

5  IV.  —  Machines  a  scier,  trancher,  dérouler  les  bois  en 
feuilles  minces,  pour  ainsi  dire  sans  aucune  perte.  — 
MM.  Frenfc,de  Mets;  Picot,  de  Châlons-sur-Marne ;  Pape, 
Faxeryer,  Alessandri,  Joseph  Skinner,  h  Paris,  Saint-Péters- 
bourg et  New- York;  F.  Garand,  à  Rosoy-sur-Serre  et  à 
Paris,  etc 58? 

6  V.  —  Aperçu  *  rapide  sur  l'état  actuel  de  perfectionnement 

des  machines  d'ateliers  de  menuiserie  et  de  charpenterie 
mécaniques.  —  MM.  de  Manneville,  près  de  Hon fleur,  et 
SautreuU,  h  Fécamp;  Stevens,  Packham,  Carpentier,  à  Abbe- 
ville,  à  Eu  et  à  Gamaches;  MM.  Paawell,  Houdouard  et 
Corbran,  à  Rouen  ;  Fanzvoll,  Cartier,  Baudot,  Thouard  et 

Giraudon,  Périn,  etc.  à  Paris 6o5 

S  VI.  —  Machines  anglaises ,  américaines  et  françaises  consa- 
crées au  travail  du  bois  spécialement ,  à  l'Exposition  univer- 
selle de  Londres.  —  MM.  Walker,  fVood,  Ingram,  Irwimg,  eto, 
en  Angleterre  ;  J.  Bennock,  Hinman,  Kagler,  Barlow ,  etc.  aux 
Etats-Unis  d'Amérique  ;  MM.  Woodbury,  Fumets ,  We Ils  et 
Thompson,  John  Birch,  Barker,  Cochran,  Prosser  et  Hadley, 
CoaU,  Wynants,  SautreuU,  etc.  exposants  à  Hyde-Park 6i> 


seconde  Partie. 

MACHINES    ET    OUTILS    SPECIALEMENT    EMPLOYES 
A  LA  FABRICATION  ©ES  MATIERES  TEXTILES. 

Considérations  générales,  historiques  et  critiques,  principalement 
relatives  à  la  filature  mécanique  de  la  laine  et  du  coton * 

Antiquité ,  propagation  et  progrès  mécaniques  des  arts  textiles.  —  Le 
rouet  à  pédale  et  à  bobine ,  considéré  comme  type  des  métiers  con- 
tinus à  filer,  avec  ou  sans  adjonction  de  cylindres  étireurs  et  lami- 
neurs :  Paul-Louis,  Vaacanson,  Arkwright  et  John  Kay,  Philippe  de 
Girard,  Houldsworth.  —  Le  rouet  à  fuseau  et  les  métiers  discontinus 
ou  à  aiguillées  alternatives  :  Hargreaves,  Crompton,  Kelly,  Jougk, 
Roberts, —  Systèmes  cardeurs  et  peigneurs,  boudineurs,  rouleurs 
et  frotteurs,  étireurs,  mélangeurs,  réunisseurs  ou  alimentaires: 
Paul-Louis,  Robert  Peel,  Arkwright,  Edmund  Cartwright,  Dobo,Joh* 
Collier,  Bodmer,  Heilmann,  etc.  —  MM.  Hibbert  et  Plan,  Sharp 
frères,  Higgins,  Mason  et  Collier,  Stamm,  Mercier,  Risler,  etc.  a 
l'Exposition  universelle  de  Londres, iW» 


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DES  MATIERES.  .    545 

Pagei. 
I"   SECTION.  —  MACHINES   ET   OUTILS   SERVANT   À    FILEE,    MOULINEE, 

DEVIDER  LA  SOIE.  GRECE  OU  LONGUE a5 

Chapitre  F'.  —  État  ancien  ou  antérieur  à  181 5 Ibid. 

S  I". — Introduction  des  machines  à  filer  les  grèges  en  Europe. 

—  Borghesano  Lucchesi,  à  Bologne  ;  Pierre  Benay  et  Colbert, 

en  France;  Thomas  Lombe,  en  Angleterre Ibid. 

S  IL  —  Tour  piémontais  modifié,  perfectionné  en  France.  — 

Isnarâ,  Laroavière  et  Vaucanson  (1700  à  1750) 37 

S  III.—  Anciens  moulins  et  dévidoirs  automates  du  Piémont, 

principalement  d'après  1* encyclopédiste  Roland  de  la  Platière.  34 
S  IV.  —  Perfectionnement  des  moulins  à  tordre  la  soie  en 

France;  moulin  droit  proposé  par  Vaucanson;  ses  automates 

et  son  mémoire  de  1 7S 1 39 

S  V.  —  Modèle  du  moulin  droit  de  Vaucanson  (1760  à  1770), 

tel  qu'il  existe  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  Paris. 

—  Vandermonde  et  Molard,  successeurs  de  Vaucanson; 
MM.  Borgnis  et  Alcans 44 

5  VI.  —  Critiques  adressées  aux  machines  de  Vaucanson.  — 
Roland  de  la  Platûre,  Villard,  Rival,  Gentet  et  les  frères 
Jabié,  de  la  Sône ' 5a 

S  VIL  —  Moulin  à  soie  de  Le  Payen,  de  Metz  (1767);  éloges 
accordés  à  son  livre  par  Duhamel  du  Monceau.  —  L'inten- 
dant de  Bernage  et  le  mare' chai  de  Belle-hle.  —  Les  anciens 
doubloirs,  purgeoirs,  dévidoirs  et  cantres 59 

S  VIII.  —  Époque  de  la  République  et  de  l'Empire;  régime 
des  brevets.  —  Tabarin,  Poidebard  et  Dagas,  Belly,  Délègue 

et  BaiUy,  Gensoul,  de  Lyon ,  Rost-Maupas  et  Talabot 66 

Chapitre  IL —  Perfectionnements  des  machines  à  filer  la  soie, 
à  dater  de  181 5 ,  principalement  d'après  les  brevets  délivrés 
aux  auteurs ^ 72 

S  ltr.  —  Brevets  délivrés  en  France  et  en  Angleterre.  —  Tours 
de  MM.  Rodier,  Camille  Beauvaù,  Pellet,  Lacombe,  Bonnard 
et£ar&/er(i8i5à  182*) Ibid. 

S  II.  —  Progrès  remarquables  du  filage  mécanique  des  soies  a 
partir  de  1824  et  182 5.  —  MM.  Rodier,  Chambon,  Blanchon, 
Tastevin,  Heatheoat*  Poidebard,  etc 75 

S  III.  —  Nouvelles  tentatives  de  perfectionnements  appliquées 
au  filage  et  au  moulin  âge  des  longues  soies  (  1826  à  i83o). 
—  MM.  Hipert,  Rodier,  Rotch,  Vernay,  Rieu,  Tariy,  Lacombe 
et  Barrois,  Christian,  GaiUiny,  etc 88 

S  IV.  —  Rapide  coup  d'œil  sur  les  brevets  délivrés  depuis 
1 83o  pour  le  perfectionnement  du  filage  des  cocons.  — 
MM.  Puget,  Michel,  de  Saint -Hippolyte,  Geffray,  Bour- 
cier,  etc.  —  Filage  a  la  tavelle  de  M.  Mitifiol 9.4 

VI*  JURY.  —  2*  PARTIE.  3 S 


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546  TABLE  GÉNÉRALE 

p.g«. 

SV. — Tentatives  de  perfectionnement  en  moulage  des  soies, 
'  de  i83o  à  i85o.— MM.  Coront,  Cobbett,  Tranchai,  Bâd*aU, 

Ckambon,  etc 98 

Chapitre  HI.  —  Étal  présent  et  comparé  de  la  filature  méca- 
nique des  soies  grèges • 10I 

SI*.  —  Perfectionnement*  divers  apportés  en  France  et  en 
Italie  aux  tours  à  filer  les  cocons  :  tresnUeurs  et  croiseurs 
mécaniques;  filières,  caste-fils,  distributeurs,  etc.  — 
Mil.  Michel,  Roock  et  BianckoK,  Durand  frères,  Boarctrr. 
Robinet,  Béankr,  Cadinetù,  Coroet,  etc 106 

S  IL  —  De  quelques  grands  établissements  en  France  où  Ton 
file,  où  Ton  a  filé  les  cocons  par  des  procédés  divers.  — 
MM.  Tiraube,  Ricard,  OU»ier  et  Bonnet,  Frmmctxon,  Edouard 
Cksmbon,  Teissier-Ducrot,  Deydier  et  GoMmard,  L.  Bks- 
ckm,  etc.  —  Le  tour  LocaioUi  et  le  nouveau  procédé  de 
filage  de  MM.  ifcae  et  Lmet,  à  Paris "' 

S  III.  —  Ce  qu  il  est  advenu,  en  France,  des  anciens  moulins 
rends  et  de  Vanoanaon;  leur  remplacement  par  des  moulins 
longs  en  arcs  accouplés.  —  Les  fitateurs  Deydier  père  et  &h* 
à  Aubenas,  Bonnet, à  Jujurieux,  Galimard,  à  Vais;  L  Glasi- 
bon,  Blemckon,  etc.  les  constructeurs  mécaniciens  Roxk, 
Geoffroy,  Fomrniol,  VeiUon,  Mmron,  etc nl 

S  IV.  —  Récentes  améliorations  apportées  aux  moulins  fran- 
çais et  autres  machine*  à  ouvrer  la  soie  parquekroes-uns  do 
filateura-mouliniers  précédemment  cités,  mais  plus  particu- 
lièrement par  MM.  GaUmard,  de  Vais;  Louis  Btanchon, de 
SainWulien-en-SaintrAman;  L&o'u  Chmmbon,  d'AJais;  Geof- 
froy, de  Vienne;  TeieeUr-Ducros,  Merle  frères,  etc lV 

S  V.  —  État  comparé  des  machines  d'ouvraison  de  la  soie  en 
France,  en  Italie  et  en  Angleterre.  —  MM.  Michel,  L  Char- 
bon, L.  Btanchon,  GutUinv,  Coront,  Le  Payen,  «*•  en 
France;  MM.  BadnaU,  L'Aie  et  Fairbcùrn,  Needhm,  {&• 
viOe,  etc.  en  Angleterre.  —  Les  machines  en  fer  ou  eu  bou  : 
le  mécanicien  Durand,  de  Paris;  Vanoanson  et  (fiW**» 
Vandermonde  et  Bossât,  Rennie  père  et  Watt.  —  MM*  &£ 
venoort,  Frost,  Diepers  et  Graff  à  l'Exposition  universelle  de 
Londres • 

il-  SECTION.  —  MACHINES  SERV ANT  X  PILBR ,  PEIGNER  ,  TEILLEl  I*  Lll » 
LE  CHANVRE  ET  LES  SUBSTANCES  DE  CONTEXTURB  SNALOffCB" 


Chapitre  I".  —  État  de  là  filature  mécanique  du  lin  st  *» 

chanvre  avant  et  jusqu'à  l'époque  de  i8i5 

S  Iw.  —  Tentatives  diverses  et  antérieures  au  concours  ouvert 
par  Napoléon  V  en  1810  :  conversion  de  la  filasse  en  m*' 


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5i 


'   DES  MATIERES.  547 

p«g~. 
titres  cotonneuses,  par  MM.  Berlhollet,  Clmys,  Molard  et 
Baawens,  d'une  part,  et  par  MM.  Billion,  Romien  frères, 
Lebrun,  etc.  d'une  antre. — Machines  à  filer  le  lin  et  les 
étoupes,  par  MM.  Demaurey,  Delafontaine ,  fV.  Robinson, 
Busby,  Alphonse  Leroy,  G.' Manier,  J.  Madden  et  Patrick 
Onéal,  etc.  à  Paris;  opinion  de  M.  Barde/  sur  les  produits 
de  ces  machines i5i 

S  II.  —  Premiers  essais  de  filature  mécanique  du  lin  par  Phi- 
lippe de  Girard,  au  moyen  de  peignes  mobiles  à  sérans  et  de 
préparations  à  f  eau  chaude  ou  alcaline.  —  Analyse  rapide 
des  brevets  qui  loi  ont  été  délivrés  dans  l'intervalle  de  1810 
à  1 8 1 5  :  avis  du  Comité  consultatif  des  arts  et  manufactures 
concernant  ces  brevets 1 60 

S  III.  —  Analyse  des  brevets  délivrés ,  en  août  1 8 1 5,  aux  frères 
Girard  pour  des  machines  à  réunir,  rubaner  et  filer  en  gros 
les  mèches  de  filasse.  —  Premier  établissement  de  filature 
du  lin  et  du  chanvre  dans  la  rue  de  Vendôme,  a  Paris  : 
MM.  Laurent,  mécanicien ,  et  Henriot,  horloger;  les  associés 
Fiaerl,  Lanihois  et  Cachard.  —  Établissement  de  la  rue  de 
»  Charenton  T  dirigé  par  M.  Constant  Prévost » 1 66 

S  IV. — Causes  diverses  auxquelles  on  peut  attribuer  f  insuccès 
de  l'établissement  de  la  filature  mécanique  d\i  lin  en  France. 
— Avortement  du  Concours  pour  le  prix  impérial  de  1  million 
fondé  en  1 8 1  o ,  et  où  figurèrent  uniquement  les  Américains 

Baldwin  et  town,  en  i8i3 1 70 

Chapitre  II.  —  Etat  de  la  filature  mécanique  du  lin  et  du 

chanvre  après  181 5 176 

S  Ier.  —  Etablissement  de  cette  filature  en  Allemagno  et  en 
Pologne  par  Philippe  de  Girard.  —  Les  filatures  de  Hirten- 
berg  et  de  Girardow  :  les  comtes  de  Montfort  et  de  Lubiensky. 
—  MM.  de  BbÀkres,  Constant  Prévost,  et  rétablissement  de 
la  rue  de  Vaugirard,  à  Paris:  expériences  et  rapport  de 
MM.  Pajot,  Descharmes,  Régnier  et  Christian,  successeur  de 
Molard  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers : . .  Ibid. 

S  II.  —  Perfectionnements  apportés  en  1817  Par  Pbilîppe  de 
Girard  A  ses  premiers  procédés  mécaniques  de  cardage  et  de 
filage  des  étoupes  ;  MM.  de  Bév'ùres  et  le  chevalier  de  Gi- 
rard, de  Chabrol  et  Christian.  —  Ce  que  sont  devenus  depuis 
ces  mêmes  procédés  et  machines  :  MM.  Laborde  et  Saulnier, 
à  Paris;  Jacques,  à  Versailles;  Hanel-Wadel,  en  Suisse; 
Moret,  à  Mouy  (Oise) ,  et  M.  VibertB  breveté,  tous  continua- 
teurs de  Philippe  de  Girurd,  en  France 1 80 

S  III.  —  Oubli  et  abandon  des  idées  de  Philippe  de  Girard  en 
France;  importation,  à  partir  de  i$35,  des  premières  ma- 

35. 


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5W  TABLE  GÉNÉRALE 

Pages. 

chines  anglaises  perfectionnées  d'après  les  procédés  de  ce 
savant  ingénieur. — Brevets  délivrés,  en  France,  à  MM.  Vaa- 
Iroyen  et  Ritff»  John  Suttil,  Ch.  Schlamberger  et  Breidt.  — 
MM.  Horace  Hall,  Cachardel  Lanthois  ,  James  Kay,  Marshall, 
Hives  et  Atkinson,  en  Angleterre 1 85 

S  IV.  —  Examen  spécial  des  derniers  perfectionnements  ap- 
portés par  Philippe  de  Girard  aui  machines  A  peigner, 
d'après  ses  brevets  de  1819  et  1 83a;  concours  pour  le  prix 
institué  par  la  Société  d'encouragement  de  Paris.  —  Infé- 
riorité des  machines  anglaises  :  brevets  de  MM.  Deleourt  et 
Van  de  Weigh,  de  Paris,  Alexandre  Kay,  de  Londres.  — 
Faibles  récompenses  accordées  aux  peigneuses  de  MM.  de 

Girard,  Çh.  Schlamberger  et  David,  de  Lille  (Nord) 193 

Chapitre  III.  —  Progrès  remarquables  accomplis  en  France 

dans  l'intervalle  des  années  i83a  à  i8d5 io3 

S  Tr.  —  Erreurs  singulières  commises  en  France,  d'après  le 
docteur  anglais  Urt,  au  sujet  de  l'invention  des  machines  à 
daguer,  peigner,  filer  le  lin  et  le  chanvre;  comparaison  des 
machines  de  Girard  avec  celles  de  MM.  Evans,  JVordsworth, 
fVestley  et  I<awson,  Marshall,  Hives,  Atkinson,  Peter  Fair- 
bairn,  etc Ibid. 

S  II.  —  Importation  en  France  des  machines  anglaises  à  filer 
le  lin  et  les  étoupes,  à  partir  de  i833,  par  MM.  Feray, 
d'Essonne,  Scrive,  de  Lille,  Foison >  d'Abbeville,  Malo  et 
Ôixon,  de  Dunkerque,  Decoster,  de  Paris,  etc.  —  Les  cons- 
tructeurs français  Decoster,  Nicolas  Schlamberyer,  André 
Kœchlin.  Debergue  et  Spréafico,  David,  de  Lille ,  etc 211 

S  III.  —  Revendication  de  ses  droits  par  Philippe  de  Girard  et 
conclusions;  nouveau  mais  infructueux  concours  pour  le 
peignage  du  lin,  devant  la  Société  d'encouragement  de 
Paris,  en  i8As.  —  Les  peigneuses  Decoster  et  rVordsworth ; 
les  rapports  de  feu  Théodore  Olivier;  récompenses  tardives; 

mort  de  Philippe  de  Girard .    a  1 5 

Chapitre  IV.  —  Progrès  accomplis,  jusqu'à  l'Exposition  univer- 
selle de  i85i,  dans  les  machines  à  travailler  le  lin,  te 
chanvre,  etc, a*3 

S  I". — Résumé  concernant  les  découvertes  et  revendications 
de  Philippe  de  Girard;  appréciation  rapide  des  derniers  per- 
fectionnements apportés  aux  machines  à  filer,  d'après  les 
écrits,  les  patentes  ou  brevets  anglais  et  français,  etc. — 
MM.  HouldswortH,  Wesûey,  Peter  Fairbairn,  rVordsworth, 
iAiwson,  Plammer,  Higgins,  en  Angleterre;  André  Kœchlin, 
Nicolas  Schlnmbcrger,  Scrive,  Decoster,  Giberlon,  etc.  en 
France Ibid. 


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DES  MATIERES.  549 

Pages. 

S  II.  —  Machines  spécialement  employées  daus  le  peiguage  du 
chaivre ,  du  lin  et  de  leurs  étoupes ,  vers  l'époque  de  l'Ex- 
position universelle  de  Londres.  —  MM.  Taylor  et  Words- 
worth,  Marsden,  Lawson  ,  etc.  MM.  Plummer  et  Roberts,  à 
Newcastle;  Lacroix,  à  Rouen;  Decoster,  à  Paris;  Marshall, 
Peter  Fairbaim,h  Leeds;  Robinson,  Newton,  etc. — MM.  Law- 
son, Samuel  et  fils  à  l'Exposition  de  Londres;  MM.  Schlum- 
berger  et  Bourcart  précédemment  à  celle  de  Paris,  en 
i84g,etc... 235 

S  III.  —  Machines  à  teiller  te  chanvre  et  le  lin.  —  Tentatives 
anciennes  de  Bralle,  Molard  et  Caraudau,  en  France;  de 
James  Lee,  Samuel  Mil,  William  Bandy,  etc.  en  Angleterre. 
—  Tentatives  plus  récentes  de  MM.  Christian  père,  André 
Dilcoart,  Lorillard,  Laforest,  Robinson,  Schenks,  Bernard  et 
Koch,  etc.  etc.  —  MM.  Robert  Plummer  et  Marshall  à  l'Ex- 
position universelle  de  Londres a44 

additions  ad  chapitre  IV.  —  Sur  quelques  machines  modernes 

applicables  à  la  fois  aux  diverses  branches  de  filatures a5a 

I.  —  Addition  au  S I",  concernant  le  premier  établissement  du 
banc  à  broches  et  ùes  continues  à  mouvements  différentiels. 
— Incertitudes  à  ce  sujet  :  l'historien  Baines  et  le  ferblantier 
Green,  de  Mansfield;  les  mécaniciens  Cocker  et  Higgins, 
Eaton  et  Farey,  Eaton  (  William)  ;  MM.  Laborde,  Gengembre, 
Pihet,  etc.,  à  Paris.  —  MM.  Higgins  et  fils,  Mason  et  Collier, 
Stamm,  du  Haut-Rhin ,  à  l'Exposition  universelle  de  Londres.  Ibid, 

II.  —  Addition  au  S  II,  concernant  les  dernières  machines  à 
peigner  les  matières  textiles  diverses,  à  fibres  plus  ou  moins 
courtes  et  mélangées. —  Découvertes,  brevets  ou  patentes 

de  Josué  Heilmann,  relatifs  à  ce  sujet. —  MM.  Schlumberger      ' 
et  Bourcart;  MM.  Marshall,  Hives  etAtkinson,  cessionnaires, 
à  Leeds,  etc.  —  MM.  Donisthorpe  et  Lister  à  l'Exposition 

universelle  de  Londres  et  en  France 266 

III-  ET  DERNIÈRE  SECTION.  —  machines  servant  X  onir  entre 

EUX  ET  AVEC  LES  TISSUS  LES  FILS  SIMPLES  OU  COMPOSES 279 

Chapitre  I".  — -  Machines  à  retordre,  commettre  et  tresser,  plus 

spécialement  employées  dans  la  fabrication  des  cordages. .  281 
S  F*.  —  Des  plus  anciennes  tentatives  concernant  la  fabrication 
mécanique  des  cordages.  —  Lauriaa,  Pradhon,  Da  Per- 
ron, etc.,  en  France;  Sorocold,  Belfour,  d'Elseneur,  en  Dane- 
mark; Fothergili,  Haddart,  Chapman,  etc.  patentés  en  An- 
gleterre dès  la  fin  du  dernier  siècle.  —  Robert  Fulton  et 
Nat.  Cutting.  brevetés  en  1799,  à  Paris,  pour  des  machines 
à  rouages  planétaires  ou  epieyeles  servant  au  commettage 
des  torons ,  etc -. 283 


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550  TABLE  GÉNÉRALE 


** 


S  11.  —  État  et  perfectionnements  progressifs  de  la  fabrication 
mécanique  des  gros  cordages,  en  France  et  en  Angleterre, 
aux  époques  antérieures  à  i85i.  —  Le  maître  cordier  Du- 
bout,  de  Bordeaux,  et  M.  Molard,  rapporteur  de  la  Société 
d'encouragement  de  Paris.  —  Indications,  principalement 
d'après  MM.  Dapin  (Charles),  Vre,  ChédeviUe  et  deMoras, 
relatives  aux  anciens  travaux  de  MM.  Loir  et  Hubert,  en 
France;  William  Chapman,  Joseph,  Haddart  et  William  Nar- 
vell,  en  Angleterre. —  La  machine  à  mouvements  planétaires 
de  M.  Crawhall,  de  Newcastle,  a  l'Exposition  universelle  de 
Londres. soi 

S  III.  —  De  quelques  machines  spécialement  employées  eu 
filage  ou  tirage  des  fils  de  caret.  —  Tentatives  diverses  de 
MM.  Boiohoz  fils,  Hubert,  Norvell*  Debergne,  Buchanan, 
MerUé-Lsfevre  et  Decoster.  —  Ensemble  des  machines  de  la 
corderie  d'Ingouville,  près  du  Havre 3o& 

Additions  concernant  quelques  machines  spéciales  à  com- 
mettre et  tresser.  —  Machines  A  cordonnets  exposées  à 
Londres  par  MM.  Van  Mierlo,  Darfell,  Judkins  et  Dorey.  — 
Les  anciens  métiers  à  lacets  et  cordons  de  MM.  Perrault  et 
Molard,  perfectionnés  par  MM.  Doguet  et  Hervé-Gauthier. — 
La  machine  à  fabriquer  les  drisses  de  pavillon  ou  cordes 
tressées,  par  M.  Reech;  les  machines  à  recouvrir  les  fils 
métalliques  et  à  commettre  les  cordes  mélangées,  par 
MM.  Comitd,  Vegni,  Flachier,  Saaaresse,  Leclerc,  en,  France, 
et  par  MM.  Newall,  ExaU,  À.  Smith,  Wûson,  etc^  en  Angle- 
terre  317 

Chapitre  IL — Machines  et  métiers  employés  à  la  fabrication  des 
tissus  pleins  à  chaînes  et  trames  croisées  rectangulairement  3a6 

5  Ier.  —  De  quelques  anciens  métiers  à  tisser.  —  Passages  de 
Virgile,  de  Pline,  d'Ovide,  etc.,  relatifs  à  ce  sujet — Remar- 
quables tentatives  faites  autrefois  par  l'officier  français  de 
Gennes,  par  Vaueanson  et  le  manufacturier  anglais  Gatiside, 
de  Manchester,  pour  fabriquer  automatiquement  les  toiles 
ou  tissus  unis  à  trame  et  chaîne  tendue 3s8 

S  II.  — r  Perfectionnement  et  propagation  du  métier  à  tisser 
automatiquement  les  étoffes  unies.  —  Çdmund  Cartwright, 
Robert  Miller,  Horrochs,  Thomas  Johnson,  Richard  Roberts, 
Sharp  et  Roberts,  etc.  en  Angleterre  ;  Biard,  Despiaa,  Vigneron, 
Debergue,  Rister,  Josué  Heilmann,  etc.  en  France.  —  Les 
navettes  volantes  de  John  Kay,  de  Despiaa,  etc.  - —  Le  casse- 
trame  du  Lyonnais  Guigo  et  de  Fasanin^  etc. — MM.  Smith, 
Chricklon,  Maton,  Parker,  etc.  a  l'Exposition  universelle  de 
Londres. 336 


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DES  MATIERES.  551 

S  III.  —  Des  métiers  à  la  marche  ou  à  la  tire  servant  à  tisser 
les  étoffes  figurées  ou  façonnées.  —  La  petite  tire  chinoise 
et  la  grande  tire  lyonnaise  :  Dangon,  Garon,  Basile  Bouchon, 
Falcon  et  Vaucanson.  —  Les  anciens  métiers  à  cylindres 
d'orgue,  à  cames,  bascules  de  rabat  et  cassins,  des  Régnier 
et  des  Poulet,  de  Nîmes,  des  Motion,  de  Kilmarnock,  en 
Ecosse,  etc 346 

S  I V .  —  Données  rapides  concernant  la  découverte  et  l'origine 
du  métier  Jacquart  :  sa  première  machine  brevetée  en  j  801; 
sa  visite  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  de  Paris  et  son 
concours  au  prix  de  la  Société  d'encouragement;  ses  pré- 
tendus mécomptes  et  ses  succès  posthumes. «-Perfectionne- 
ments essentiels  dus  an  mécanicien  Breton,  de  Lyon.  — 
Intervention  particulière  du  fabricant  Charles  Dépouilly,  de 
Lyon  ;  son  apparition  à  l'Exposition  française  de  1 8 1 9 ,  ainsi 
que  celle  de  MM.  Camille  Béarnais,  Jacquart  et  Breton,  de 
la  même  ville , 355 

S  V.  —  Propagation  du  métier  Jacquart  en  Europe ,  et  plus 
«spécialement  en  Angleterre,  par  MM.  Dépouilljr,  Stephen 
JVdsou  et  Claude  GuiUotte.  —  Applications  et  perfectionne- 
ments divers  par  MM.  Breton,  Gurnier,  Belly,Skola,  Michel, 
Marin,  Acklin,  Meynier,  BoneUL  —  MM.  Barlow,  Bonardel  et 
AckliK  à  l'Exposition  universelle  de  Londres. 363 

S  VL  —  Données  historiques  relatives  aux  métiers  à  chaînes  . 
et  à  navettes  multiples  ou  changeantes.  —  Introduction  des 
métiers  à  la  barre  ou  à  la  surichoise  à  Saint-Étienne  et  à 
Saint-Cbamoni,  d'après  M.  Philippe  Hedde  :  les  rubaniers 
Dague,  Lascour  et  Fkchat;  l'horloger  Aouser,  le  mécanicien 
Burgein  et  M.  Hippolyte  Boyet,  de  Saint-Étienne.  — Métiers 
a  clin,  à  scie,  à  crémaillère  et  à  tringles  pour  rubans  mul- 
tiples, par  MM.  Preynat,  Peyre,  Roéhe,  etc.  —  Origine 
de  la  lanterne  et  des  boites  à  uavettes  changeantes  :  John  et 
Robert  Kay;  M.  Smith  à  l'Exposition  de  Londres;  MM.  Louis, 
à  Nîmes;  Culhat  et  Bank,  à  Lyon;  Peyrel,  Oadet,  etc.,  à 
Saint-Étienne 373 

S  VIL — Battants  brocheurs  employés  à  la  fabrication  des  ru- 
bans et  autres  tissus  façonnés,  par  MM.  Molli*'  et  Mémo, 
Prosper  Meynier,  Poncet  et  Bourquin,  SeiCè  et  Conon,  Moli- 
nard,  etc.  —  Métiers  à  espolins  et  roquetins  multiples  pour 
les  cachemires,  tapis,  velours,  peluches,  etc.  MM.  Denei- 
rouse,  Grégoire,  Meynier,  Hennecart,  en  France;  MM.  Wooà 
et  Reed,  en  Angleterre.  —  Antiquité  du  velours  :  les  Génois 
Turquetti  et  Narris,  importateurs  à  Lyon ,  d'après  M.  Borgnis.  383 
Chapitre  III.  —  Machines  et  outils  servant  à  imiter,  par  procé- 


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552  TABLE  GÉNÉRALE 

dés  mécaniques,  divers  ouvrages  ou  tissus  exécutés  à   la 
main ,  au  crochet,  à  1* aiguille  et  au  fuseau 391 

S  1".  —  Machines  et  mécanismes  servant  à  broder  ou  à  coudre 
automatiquement  les  tissus  pleins  et  unis.  —  Données  histo- 
riques relatives  aux  machines  à  plongeoir,  d'après  MM-  Pki- 
lippe  Hedde  et  John  Murphy  :  les  mécaniciens  Grégoire,  de 
.  Nîmes;  Thimmonier,  de  Tarare;  MM.  Gailléet  Carrée,  fabri- 
cants à  Saint-Quentin  ;  Bouré,  à  Lavergier  (Aisne),  etc.  — 
La  brodeuse  à  chariot  et  pantographe  de  Josué  Heilmami;  1 
8  ses  infortunes,  d'après  l'Anglais  Gilroy  ;  tentatives  qui  Ton t 
précédée.— Machines  diverses  à  broder,  à  piquer  et  à  coudre 
par  John  Carr,  Stone  et  Henderson. — MM.  Barthélémy,  Thim- 
monier et  Magnin,  Hazard,  de  Calais,  Gigon-CaveUer,  de 
Mets,  etc.  en  France;  WalterHunt  et  Elias  Howe,  en  Amé- 
rique.—  MM.  Blodget,  Judkins,  Magnin  et  Croisât  à  l'Expo- 
sition universelle  de  Londres 3g3 

S  IL  —  Constitution  mécanique  et  origine  des  métiers  à  tricot 
ou  à  bas;  leur  apparition  simultanée  en  Angleterre  et  en 
France,  sous  Elisabeth  et  Henri  IV.  —  Efforts  de  génie  que 
leur  invention  suppose  ;  forme  et  représentation  des  enlace- 
ments du  Gl  des  tricots ,  par  Vanàermonde  et  Y Encyclopédie 
méthodique. — Admirable  disposition  des  organes  du  métier; 
discussions  et  réflexions  à  ce  sujet;  la  pratique  et  la  théorie; 
les  savants  et  les  hommes  d'ateliers.  —  Manufacture  de  bas 
établie  par  Jean  Hindret,  sous  Colbert,  dans  le  château  de 
Madrid ,  près  Paris. —  Nîmes ,  Rouen  et  Pfottingham, — Propos 
attribué  à  maître  François,  apothicaire  de  l'hôtel-Dieu  de 
Paris;  pétition  des  bonnetiers  de  Londres  à  Olivier  Crom-  i 

weil,  et  autres  écrits  anglais,  relativement  modernes,  ten- 
dant à  prouver  l'existence  d'un  William  Lee  ou  Lea  comme 
inventeur  du  métier  à  bas.  —  Opinions  de  Savary,  Diderot,    . 

Poppe,  Blackner,  etc 407 

S  III.  —  Additions  et  perfectionnements  apportés  à  1  ancien 
métier  à  bas  par  les  mécaniciens  anglais  et  leurs  imitateurs 
en  France. —  Origine  des  mécaniques  additionnelles  servant 
à  fabriquer  les  tricots  à  côtes  .et  à  jours  divers  :  les  Anglais 
Jedediah  Strait,  J.  et  T.  Morris,  T.  Taylor,  Josiak  Crâne,  \ 

Richard  tfarch,  etc.  les  bonnetiers  et  mécaniciens  français  ! 

Sarrazin,  CaiUon,  R'wey,  Germain,  Jolivet,  etc.  importateurs 
ou  imitateurs  anciens  des  mécaniciens  anglais.  —  L'Acadé- 
mie des  sciences ,  le  Conservatoire  des  arts  et  métiers  et  le 
mécanicien  Bastide,  de  Paris.  —  Les  métiers  et  tricots  à 
mailles  coulantes, -à  mailles  fixes,  à  jours  ou  à  réseaux  diver- 
sement brodés  et  façonnés,  au  moyen  de  roues  à  crans  ou 


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DES  MATIERES.  553 

divisions  latérales,  de  cylindres  à  orgue  ou  de  1  ancienne 
tire.  —  T.  et  J.  jlforrw,  J.  et  W.  Betts,  T.  et  R.  Frost, 
Tayhr,  Brotherston,  en  Angleterre;  Jolivet  et  Cochet,  Jour- 
dan,  Bonnard,  Legrand  et  Bernard,  Coûtait,  Derussy,  etc.  en 
France  (1801  à  1812) 4ao 

S  IV.  —  Des  métiers  à  bas  automates  ou  tricoteurs  français, 
droits  et  circulaires.  —  Suppression  des  ondes  par  Moisson. 
-—Mobilisation  de  la  grande  fonlure  d'aiguilles;  distribu- 
teur automate  des  fils;  roues  à  ailettes  d'abatage,  à  mani- 
velles, cames,  balanciers  et  leviers,  servant  à  la  fabrication 
de  tricots  divers,  par  MM.  Dautry  et  Viardot,  Mathis  et  Boi- 
teux, Bellemkre^  Chevrier,  Auberi etJandeau,  Favreaa,  et  ThU- 
bault,  etc. —  Métiers  à  roues  mailleuses,  presseuses ,  etc.  par 
MM.  Julien  Leroy,  Jindrieux,  braconnier,  Gillet  et  Coquet,  Do* 
nine,  et  autres. — MM.  Carter,  rVhittoorth,  laneuviUe,  Clans- 
sen  ,Jacqain  et  Berthebt  a  l'Exposition  universelle  de  Londres.  43s 
Chapitre  IV.  —  Machines  et  métiers  à  chaîne,  spécialement 
destinés  à  la  fabrication  des  tissus  réticulés,  noués  ou  diver- 
sement ornés,  tels  que  filets,  tulles  et  dentelles 44  t 

S  V.  —  Des  machines  à  fabriquer  les  filets  d'ornement  et  de 
pêche.  —  Anciens  mécaniciens  qui  s'en  sont  occupés  : 
Richard  March,  Peter  Brotherston,  Horion  et  Ross,  Bar- 
ber, etc.,  en  Angleterre;  Jacqaart  et  Baron,  en  France.  — 
Apparition  de  la  machine  de  ce  dernier  à  l'Exposition  na- 
tionale de  1806;  prix  proposé  par  la  Société  d'encourage- 
ment en  1802  et  décerné,  en  i85i,  au  mécanicien  Pec- 
ouear;  ses  métiers  à  main  et  automates  perfectionnés  par 
M.  Zambeaax 444 

S  II. — Des  métiers  lyonnais  à  chaîne,  servant  à  fabriquer  les 
tulles  à  mailles  fixes,  brochés,  brodés,  etc.  —  Origine  des 
mécaniques  à  platinettes  percées  ou  barbins  conducteurs 
des  fils  de  chaîne  ;  Jedediah  Slratt  et  Richard  March,  en 
Angleterre;  Ganlon,  Jolivet,  Cochet  et  Perrany,  Aubert,  en 
France.  —  Mobilité  et  flexibilité  dès  platinettes  brodeuses  : 
Robert  et  Thomas  Frost,  en  Angleterre;  MM.  Grégoire,  a 
Nîmes,  Calas  et  Delompnès,  George,  à  Lyon,  y  appliquent 
la  jacquart.  —  Perfectionnement  capital  du  système  des 
platinettes  flexibles,  à  Lyon,  par  MM.  Descombes,  Degabriel, 
Manlgot,  Dabian,  etc. — Métiers  à  cantres  ou  can nettes,  par 
MM.  Ducis,  Cusset,  etc. 45o  < 

S  III.  —  Revue  rapide  des  plus  anciennes  patentes  anglaises 
relatives  à  la  fabrication  du  tulle  sûr  des  métiers  à  chaîne 
et  ensouple  (chain-lace,  warp  frame,  etc.)  :  Richard  March, 
William  Dawson,  Samuel  Caldwell  et  John  Heathcote,  Robert 


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55* 


TABLE  GÉNÉRALE 


N* 


et  John  Brown.  —  Ancien  métier  Vanâyke.  —  Origine  de  ia 
bobine  à  chariot  on  navette  dans  les  métiers  servant  à  fabri- 
quer, imiter  la  dentelle  et  antres  réseaux  noués  :  le  profes- 
seur Letnrc  et  le  géomètre  Lapiace,  les  mécaniciens  Jacqaart 
et  Baron,  en  France;  l'historien  Blackner  et  les  taliistes 
Charles  Laey,  John  Lindlty,  John  Broun  et  John  Heathcoat, 
en  Angleterre 46o 

Addition  relative  an  métier  imaginé  en  1 776  par  le  profes- 
seur Leturc,  et  servant  à  fabriquer  mécaniquement  la  den- 
telle au  moyen  de  bobines  diversement  mobiles. 467 

S  IV.  —  Exameu  spécial  des  plus  anciennes  patentes  anglaises 
relatives  à  l'invention  des  métiers  à  tnlle-bobin,  imitant  le 
vrai  réseau  de  dentelle.  —  Première  et  infructueuse  tenta- 
tive par  John  Heathcoat,  de  Longborough,  en  1808.  —  Sa 
seconde,  obscure  et  fondamentale  patente  de  1809,  ou  M 
trouvent  indiqués  des  grilles  circulaires  de  guide  à  plati- 
nottes  interrompues,  4es  navettes  à  double  circulation  et  le 
principe  de  convergence  centrale  ou  supérieure  de  tous  les 
fils,  etc.  —  Erreurs  d'Andrew  Ure  et  d'autres  à  ce  sujet  : 
Morley,  Mort  et  Clark,  Louer,  Stevenson ,  Bralejr,  Hervejr,  etc. 
—  Définition  du  vrai  réseau  de  dentelle ,  par  Charles  SUces- 
ter,  de  Derby,  dans  une  patente  envisagée  comme  défi  ou 
provocation 47  ■ 

S  V. — Suite  de  l'examen  des  pins  anciennes  patentes  anglaises 
relatives  aux  métiers  à  tutle-bobin. — Système  automatique 
de  Charles  Lacy  et  de  John  Lindley,  h  grilles  circulaires 
fixes,  à  navettes  traversières  perfectionnées  et  roquets  en- 
souples  de  ebaine  circulante  (1816).  —  Nouvelle  patente 
délivrée  à  John  Heathcoat,  en  1816,  pour  un  métier  à  main 
et  à  marches ,  fabriquant  et  brodant  simultanément  le  tulle- 
bobin,  au  moyen  de  barres  latérales  de  guide,  de  roues  à 
crans  et  à  rosettes 479 

S  VI.  —  Exposé  succinct  des  principaux  changements  ou  per- 
fectionnements apportés  aux  métiers  à  tulle-bobin,  à  partir 
de  1816.  —  John  Heathcoat,  breveté,  domicilié  en  France 
(1 820)  et  y  établissant  ses  deux  systèmes  de  métiers  h  fabri- 
quer le  tulle  uni  ou  brodé.  —  Arrivée  antérieure  du  méca- 
nicien Cuits  en  France  (1817);  sonessociation  avec  MM.  Tko- 
massin,  Corhitt  et  Blahs,  à  Douai;  leur  procès  avec  les 
Anglais  Bonningion,  Webster  et  Clarke,  de  Calais;  perte  du 
brevet  d'importation  de  Catts  et  de  toute  indication  relative 
aux  machines  importées,  -r-  La  Constituante  et  les  anciens 
Parlements  anglais. — MM.  Chauvel-Joua  et  John  Leavers,  an 
Gnmd-Couronne,  près  Rouen;  le  vrai  Levers  (Jean),  fabri- 


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DES  MATIERES.  555 

P«gM. 

cant,  patenté  dès  i8a8,  pour  ses  métiers  à  tulle,  en  Angle- 
terre    487 

S  VII. — Éclaircissements  concernant  les  travaux  mécaniques 
des  célèbres  ingénieurs  John  Levers,  William  Crofls,  John 
Heathcoat,  etc.,  à  propos  d'écrits  erronés  divers.  —  La  no- 
tice  de  M.  Armengaud  sur  les  métiers  à  tuile-bobin ,  a  propos 
de  celui  de  M.  Éeenan,  de  Paris.  —  MM.  Draper,  Wright, 
Hind  et  Jourdan,  ChampaUier,  etc.  auteurs  supposés  de  l'ap- 
plication des  cartons  jacquart  aux  métiers  à  tuile-bobin.  — 
MM.  Birkin,  Bail  et  Dunnicliff,  Setoell,  Barton,  Hudson  et 
Bottom,  représentant  les  fabricants  anglais  de  métiers  à 
tulle,  à  l'Exposition  de  Londres  ;  M.  Martin,  de  Saint-Pi erre- 

lez-Calais,  représentant  ceux  de  la  France 494 

Récompenses  accordées  aux  exposants  de  la  VI*  classe  à  l'Exposition 

universelle  de  Londres - 5o4 

Table  alphabétique  des  noms  d'auteurs,  inventeurs,  mécaniciens, 

exposants,  etc.  première  partie S07 

Seconde  partie 5ao 


FIN  DE  LA  TABLE  GENERALE  DES  MATIERES. 


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