Skip to main content

Full text of "Rapport sur les poissons fossiles, présenté à l'Association britannique pour l'avancement des sciences en 1842"

See other formats


X  f  '^  ' 


mniPiPDmt 


SUR 


LES  mmii  mvm. 


PAR 


1^- 


(Février  1843^) 


*  '■ 


^ 


RAPPORT  SUR  LES  POISSONS  FOSSILES*. 


Appelé  par  l'Association  Britannique  pour  l'avancement  des 
sciences  à  lui  présenter  un  rapport  sur  les  poissons  fossiles  de 
rOld  Red  Sandstone^  je  crois  devoir  faire  connaître  d'aboi  d 
quelles  circonstances  favorables  m'ont  permis  d'entreprendre 
ce  travail,  et  sous  quels  auspices  je  suis  parvenu  à  remplir- 
une  partie  de  la  tâche  importante  qui  m'avait  été  confiée. 

Il  me  serait  difficile  de  dotmer  maintenant  une  idée  de  Tab- 
sence  presque  complète  de  renseignements  que  l'on  possédait  il 
y  a  à  peine  quelques  années  sur  les  fossiles  d'une  formation 
alors  très-peu  connue,  et  que  l'on  sait  cependant  aujourd'hui 
s'étendre  sur  une  partie  considérable  de  la  surface  de  l'Eu- 
rope. Mais  si  la  marche  rapide  des  découvertes  dans  ce  do- 
maine rend  presque  impossible  l'appréciation  de  leurs  limites_, 
je  ne  dois  pas  moins  reconnaître  avant  tout,  que  c'est  aux  re- 
cherches persévérantes  et  au  zèle  infatigable  des  géologues  an- 
glais ,  que  la  science  est  redevable  de  la  connaissance  d'une 
des  faunes  les  plus  curieuses ,  je  dirais  même  les  plus  étranges, 
qui  aient  occupé  jusqu'ici  les  paléontologistes.  Lorsque  je  vi- 
sitai pour  la  première  fois  l'Ecosse,  en   1834,  Mr.  le  docteur 


'  Celte  notice  a  été  publiée  en  anglais  dans  les  rapports  de  l'Associa- 
tion Britannique,  et  reproduite  en  français  dans  le  journal  de  V Inslitul  ; 
mais  les  erreurs  qui  se  sont  glissées  dans  la  traduction  française  en 
ayant  altéré  le  sens  dans  des  points  importants,  l'auteur  a  désiré  que  son 
manuscrit  original  fût  livré  à  l'impression.         (R.) 


Flemlng^  eî  Mi\1.  Seclg^wick  eî  Murchison  seuîs  avaient  juscju'alors 
signalé  des  poissons  fossiles  dans  TOld  Red  :  le  premier  ayant 
décrit    (iiverses   écailles   de  Clasbbinnie  qu'il   rapprochait  des 
esturgeons»   îandis    que    MM.    Sed|jwick    et    Murchison,    as- 
sistés par  MM.  Cuvier,  Valenciennes  et  Penlland,  publiaient  la 
description  de  deux  genres  nouveaux  de  poissons  fossiles,  pro- 
venant de  Cailhness.   Le  non>bre  tolal  des  espèces  délerminées 
alors  s'élevait  seulement  à    1,  et   une  seule   d'entre  elles  était 
figurée.  J'ai  déjà   rapporté  dans  diverses  livraisons  de  mes  Re- 
cherches sur  les  Poissons  fossiles  les  nombreuses  communica- 
tions qui  me  furent  faites  à  cette  époque  sur  ce  sujet,  princi- 
palement   par   MM.    Murchison,   Lyell  et    le  docteur    Traill, 
qui  m'out  mis  à  même  de  porîer  le  nombre  des  genres  à  10  et 
celui  des  espèces  à    17,  jusqu'au   moment  où  M.   Murchison 
publia  son  grand  ouvrage  sur   le  système  silurien.    Mais  tel   a 
été  Télan  imprimé  à  l'élude  des  terrains  anciens,  par   la  publi- 
cation   de    cet  important   ouvrage  ,    que   visitant  de   nouveau 
l'Ecosse  en  18  iO,  lors  de  la  réunion  de  l'Association  Britan- 
nique à  Glasgow,  j'ai  eu  l'occasion  d'examiner,  à  la  suite  des 
communications  qui  me  furent  faites  dans  cette  circonstance, 
un  nombre  à  peu  près  double  de  genres  et  presque  triple  d'es- 
pèces de  ces  poissons  fossiles ,  tous  découverts  depuis  peu  et 
qui  n'avaient  encore  été  décrits  nulle  part.  Dans  une  des  séances 
de  la  section  géologique  je  pus  cependant  déjà  signaler  à  l'at- 
lention  des  géologues  et  des  paléontologistes  quelques-uns  des 
types  les  plus  curieux  que  je  venais  d'examiner,  et  dont  les  ca- 
raclères  cadrent  si  peu  avec  ce  que  l'on  connaissait  en  fait  de 
fossiles,  que  la  classe  même  à  laquelle  ils  appartiennent  n'avait 
pu  être  déterminée  de  prime  abord.  Jamais  je  n'oublierai  l'im- 
pression que  produisit  sur  moi  la  vue  de  ces  créatures  munies 
d'appendices  semblables  à  des  ailes,  lorsque  j'eus  acquis  la  cer- 
litude  qu'elles   appartenaient  à  la   classe   des  poissons.  C'était 
un  type  entièrement  nouveau  qui  allait  figurer  pour  la  première 
fois  dans  la   série  des  êtres  depuis  qu'il  avait  cessé   d'exister^ 


5 
pour  former  de  nouveau  un  jalon  dont  rien  de  ce  qui  nous  avait 
été  rtVtMë  jusqu'alors  sur  les  créations  éteintes  n'aurait  pu  nous 
faire  même  soupçonner  l'existence  ;  tant  il  est  vrai  que  l'ob- 
servation seule  peut  nous  conduire  à  connaître  les  lois  du  déve- 
loppement des  êtres  org^anisés,  et  tant  il  faut  être  sur  ses  gardes 
contre  tous  ces  systèmes  de  transformation  des  espèces  que 
l'imagination  invente  avec  autant  de  légèreté  ,  qu'il  est  facile 
de  les  réfuter.  Le  mérite  de  la  découverte  de  ces  curieux  fos- 
siles revient  principalement  à  IVIr.  H.  Miller,  et  je  n'ai  eu  qu'à 
préciser  leurs  caractères  et  leurs  rapports  avec  les  poissons 
fossiles  déjà  connus  pour  en  faire  apprécier  toute  l'importance. 
Je  crois  que  l'étude  détaillée  et  comparative  de  ce  type  que 
j'ai  appelé  PtericJitliys,  et  du  genre  non  moins  curieux  ,  dé- 
couvert à  Caithness  par  MM.  Sedgwich  etMurchison^  et  que 
j'ai  nommé  Coccos/eîts^  ouvriia  à  la  paléontologie  comparée  un 
champ  non  moins  fertile  que  ne  le  fit,  il  y  a  maintenant  près 
d'un  quart  de  siècle,  la  première  annonce  de  l'existence  deslch- 
ihyosaures  et  des  Plésiosaures  Que  de  rapports  d  organisation 
des  plus  intéressants  ne  doit-on  pas,  en  effet,  s'attendre  à  dé- 
couvrir en  analysant  les  débris  solides  d'aniuiaux,  ipu  ont  pu  être 
successivement  envisagés  par  les  naturalistes  les  plus  habiles  , 
comme  des  tortues ,  des  poissons  ,  des  crustacés  et  même  des 
coîéo[)tères  !  Déjà  Mr.  Miller  a  fait  connaître  dans  une  publica- 
tion spéciale  une  partie  des  richesses  paléontologiques,  que  ren- 
ferme le  vieux  grès  rouge  dans  les  environs  de  Cromarty.  Les 
difficultés  presque  insurmontables  qu'ofî're  la  détermination  de 
fossiles  aussi  différents  des  formes  déjà  connues  que  ces  deux 
genres,  ont  naturellement  exigé  de  ma  part  des  comparaisons 
nombi  euses  et  réitérées,  et  une  étude  minutieuse  des  moindres 
fragQKents  conservés  dans  toutes  les  collections  d'Ecosse ,  à 
laquelle  je  n'aurais  pas  pu  me  livrer,  malgré  les  facilités  qui 
m'ont  été  accordées  pour  cet  examen  par  toutes  les  jyersonnes 
qui  possèdent  de  ces  fossiles,  sans  la  subvention  (jue  l' Associa- 
tion Bîitaimique  a  daigné  m'accordcr  pour  ce  tiavail. 


Parmi  les  contributions  récentes  qui  ont  le  plus  augmenté 
nos  connaissances  sur  les  poissons  fossiles  du  système  dévonien^ 
je  dois  placer  en  première  ligne  ce  qu'a  fait  lady  Gordon  Cum- 
ming  en  vue  d'illustrer  cette  ancienne  faune.  Non  contente  de 
collecter  et  de  distribuer  aux  géologues  ,  avec  une  libéralité 
sans  égale  ,  les  nombreux  exemplaires  de  ces  précieux  débris 
qu'elle  faisait  recueillir  dans  une  carrière  exploitée  à  dessein  , 
elle  les  étudiait  avec  soin  ,  mettait  à  part  les  exemplaires  les 
plus  parfails,  et  .les  peignait  avec  une  piécision  de  détail  et  un 
talent  d'artiste  que  bien  peu  de  naturalistes  ont  su  atteindre. 
Aussi  ses  dessins  et  ceux  de  sa  fille^  qui  l'a  constamment  assistée 
dans  ces  études,  formeront-ils  un  des  principaux  ornements 
de  ma  Monographie.  Sur  le  point  de  livrer  ce  recueil  au  pu- 
blic, il  m'est  pénible  de  penser  (jue  celte  noble  Dame  ne  pourra 
plus  recueillir  elle-même  le  tribut  si  justement  mérité  de  la 
reconnaissance  des  géologues.  Puisse  ce  souvenir,  semé  sur  sa 
tombe,  rappeler  à  sa  digne  émule  que  Tempressement  qu'elle 
mettait  à  seconder  sa  mère  a  contribué  à  lui  élever  un  monu- 
ment durable  dans  le  nmnde  scientifique  ! 

Mr.  le  docteur  Malcolmson  a  également  bien  mérité  de  la 
géologie  de  TOId  Red  par  le  jnémoire  qu'il  a  inséié  récemment 
dans  les  Transactions  de  la  Société  Géologique  de  Londres. 
Cherchant  à  caracîériseï'  cette  formation  avec  toute  la  préci- 
sion possible,  il  avait  fait  faire  de  fort  beaux  dessins  d'un  très- 
grand  nombre  de  fragments  de  poissons  (pi'on  y  trouve;  mais 
leur  état  fragmentaire  ne  m'a  pas  permis  de  les  déterminer  assez 
rigoureusement  avant  l'impression  de  son  mémoire,  pour  que 
la  partie  paléonlologique  ait  pu  être  publiée  en  même  temps. 
Ces  dessins  ne  seront  cependant  pas  perdus  pour  la  science,  et 
la  majeure  partie  pourra  jnaintcnanl  en  être  publiée.  Mr.  Alex. 
Uobertson  s'est  aussi  occupé  avec  succès  des  poissons  fossiles 
de  rOld  Hed  ;  il  m'en  a  même  fait  parvenir  de  fort  rares  avec 
un  cahier  de  dessins  supérieuremeni  exécutés ,  représentant 
ceux  du  Musée  dElgin  et  de  |>lusieurs  collections  particulières. 


7 
Les  collections  de  lord  Enniskiller  et  de  sir  Ph .  Egerton  m'ont  éga- 
lement fourni  de  Irès-heaux  exemplaires  de  poissons  du  vieux 
grès  rouge  du  nord  de  l'Ecosse,  et  ces  Messieurs  ont  eu  l'extrême 
obligeance  de  faire  dessiner  pour  moi^  par  Mr.  Dinkel,  tous  ceux 
qui  m'ont  paru  mériter  d'être  publiés.  De  leur  côté,  Mr.  le 
docteur  Traill  et  Mr.  H.  Sirickland  ont  encore  augmenté  le 
nombre  déjà  considérable  des  espèces  connues  des  scbistes  des 
îles  d'Orkney,  qui  semblent  un  gîte  inépuisable. 

Tandis  que  le  nord  de  l'Ecosse  fournissait  ainsi  des  trésors 
inconnus  jusqu'alors,  Mr.  le  professeur  Jaraeson  et  Mr.  Andes - 
son  rassemblaient  dans  les  comtés  du  midi  les  espèces  renfer- 
mées dans  la  partie  supérieure  de  celte  formation,  qui  ne  sont 
ni  moins  curieuses,  ni  moins  bien  conservées,  et  dont  plusieurs 
ont  été  convenablement  figurées  par  Mr.  Anderson  dans  son 
intéressant  mémoire  sur  la  géologie  de  Fifeshire. 

Grâce  aux  excursions  lointaines  de  Mr.  Murchison  ,  je  n'au- 
rai pas  à  borner  mon  rappoi  t  sur  les  poissons  du  système  dé- 
vonien  aux  espèces  trouvées  dans  les  lies  Britanniques,  mais  je 
pourrai  les  comparer  à  celles  que  cet  infatigable  géologue  a 
rapportées  de  Russie  ,  et  (jni  présente  l'identité  la  plus  par- 
faite avec  celles  d'Ecosse. 

Mon  rapport  resterait  incomplet  si  je  ne  rappelais  que  les 
doutes  qui  ont  longtemps  existé  sur  ces  grandes  plaques  écail- 
leuses  du  vieux  grès  rouge,  désignées  par  les  ouvriers  des  car- 
rières sous  le  nom  de  séraphins  fossiles,  et  rejeîées  tour  à  tour 
dans  les  classes  les  plus  diverses  du  règne  animal  et  même  du 
règne  végétal  .  sont  maintenant  levés  d'une  manière  satisfai- 
sante. C'est  à  la  classe  des  crustacés  qu'il  faut  les  rapporter, 
comme  nous  nous  en  sommes  convaincus,  Mr*.  le  docteur  Buck- 
land  et  moi,  dans  la  réunion  de  Glasgow. 

Je  vais  maintenant  présenter  quelques  considérations  géné- 
rales sur  les  caractères  et  la  distribution  géologique  des  espèces 
de  poissons  fossiles  ijue  l'on  trouve  dans  les  divers  étages  du 
système  dévonien  ;  réservait  les  détails  descriptifs  pour  la  par- 


8 

lie  spéciale  de  ma  Monographie.  A  celte  occasion  je  ne  puis 
m'empécher  de  faire  une  remarque  g^ënérale  sur  la  manière  de 
procéder  dans  la  détermination  des  fossiles.  Il  fut  un  temps, 
déjà  fort  éloigné  de  nous ,  où  les  rapprochements  les  plus  su- 
perficiels entre  les  débris  organiques  ensevelis  dans  les  couches 
de  l'écorce  de  noire  globe  et  les  espèces  vivant  maintenant  à 
sa  surface  suffisaient  aux  études  de  l'époque.  Cuvier  le  premier, 
apportant  à  ces  déterminations  toute  la  précision  nécessaire, 
les  établissait  sur  des  comparaisons  suffisantes  entre  elles  et  avec 
les  espèces  vivantes  ;  aussi  les  résultats  auxquels  il  est  parvenu  , 
n'ont-ils,  pour  ainsi  dire,  subi  aucune  modification  avec  le 
temps.  Malheureusement  la  méthode  employée  par  Cuvier  n^est 
point  assez  généralement  suivie  ;  1  on  pourrait  citer  de  nom- 
breux ouvrages  sur  les  fossiles,  dont  les  auteurs  n'ont  jamais 
étudié  les  espèces  vivantes  qui  pourraient  avoir  de  l'analogie 
avec  les  fossiles  qu'ils  décrivent,  se  fiant,  pour  se  diriger,  aux 
résultats  généraux  obtenus  par  leurs  devanciers  ,  ou  bien  éta- 
blissant leurs  analogies  sur  la  comparaison  de  simples  figures. 
11  y  a  plus,  maintenant  qu'un  nouveau  et  puissant  moyen  de 
préciser  la  structure  des  débris  fossiles  a  été  mis  en  pratique 
pour  les  déterminer,  on  pourra,  moins  que  jamais,  accepter 
dans  le  sanctuaire  de  la  science  des  résultats  qui  n'auront  pas 
subi  l'épreuve  de  la  plus  sévère  critique.  Il  suffit  en  eflet  de  voir 
les  brillants  résultats  obtenus  par  Mr.  Owen  sur  la  structure 
des  dents,  pour  se  convaincre  qu'à  l'avenir  aucun  paléontologiste 
ne  pourra  plus  se  passer  de  recherches  microscopiques,  lors- 
qu'il voudra  arriver  à  une  connaissance  approfondie  des  êtres 
dont  il  a  à  tâche  de  reconstruire  les  formes  et  l'organisation 
jusque  dans  les  particularités  les  plus  intimes'. 

Si  cependant  des   recherches   aussi  détaillées  sont  indispen- 

'  Des  recherches  plus  lécentes  m'ont  appris  que  la  structure  micro- 
scopique des  os  (le  ces  anciens  poissons,  suiiout  tic  ceux  du  ci'âne,  ofTie 
(les  caractères  f^cnériques  tout  aussi  importants  que  ceux  des  ilenls,  el 
qui  permettent  de  déterminer  maintenant  les  moindres  fragments  d'os. 


9 

sables  pour  établir  les  résullals  jOr^nëraiix ,  qui  deviennent  tôt 
ou  tard  la  propriété  publique,  il  n'est  pas  moins  important  que 
ces  résultats  soient  exprimés  d'une  manière  simple  et  correcte, 
qui  en  rende  l'inteîlig^ence  possible  au  plus  grand  nombre. 

Une  première  remarque  à  faire  sur  la  faune  ichthyologique 
du  vieux  grès  rouge  ,  c'est  qu'elle  est  entièrement  propre  à  ce 
terrain  :  ses  nombreuses  espèces  diffèrent  toutes  également  de 
celles  du  système  silurien  et  de  celles  des  terrains  houillers  ;  la  ma- 
jeure partie  des  genres  du  système  dévonien  sont  même  limités  à  la 
durée  de  ce  système  géologique  ,  et  de  ce  nombre  sont  ceux  qui 
comptent  le  plus  d'espèces,  tels  que  les  genres  Plerichlhys,  Coc- 
costeus  ,  Cephalaspis,  Osteolepis,  DipteniSf  Glyptolepis,  Platf- 
gnathus,  Dendrorlus,  Diplacantfius,  Cheiracanthus  et  Cheirole- 
pis.  Parmi  les  genres  qui  ont  des  représentants  dans  le  terrain  silu 
rien  ou  dans  le  terrain  houiller,  comme  les  genres  Onchus,  Ctena- 
cantliusj  Ctenopty^chius,  Pty^chacanthus  ,  Accaitliodes  ,  Diplo- 
pterus  et  Holopty^chiiis  ,  je  n'en  connais  pas  un  seul  dont  les  es- 
pèces soient  identiques  dans  ces  diverses  formations  ;  bien  au 
contraire ,  chaque  terrain  où  ils  sont  représentés  a  les  siennes 
propres.  Ce  résultat  cadre  admirablement  avec  ceux  que  j'ai 
déjà  obtenus  pour  les  autres  étages  de  la  série  des  terrains  qui 
composent  i'écorce  de  notre  globe,  tant  par  mes  recherches 
sur  les  poissons  fossiles  que  dans  le  domaine  des  échinodermes 
et  des  mollusques  fossiles  ' .  Et  si  ,  pour  cette  dernière  classe 
d'aïiimaux,  mes  conclusions  étaient  fréquemment  en  désaccord 
avec  celles  de  la  plupart  des  conchyliologistes  ,  j'ai  du  moins 
la  satisfaction  maintenant  de  voir  Mr.  d'Orbigny  de  son  côté  arri- 
ver aux  mêmes  résultats  par  l'étude  d'autres  familles  et  d'autres 
formations  que  celles  que  j'ai  examinées.  Cette  divergence  dans 
les  résultatsquej  ai  obtenus  provient  sans  doute  de  ce  que  j'ai  ap- 
pliqué à  la  détermination  des  restes  fossiles  des  mollusques,  les 
mêmes  principes  de  critique  qui  m'ont  toujours  guidé  dans  la 

'    Cette  leiuarqiie  s'applique  même  aux  cocjuilles  tertiaires. 


10 
délerminalion  des  fossiles  des  vertèbres.  C'est  maintenant  une 
vérité  démontrée  pour  moi  que  l'ensemble  des  êtres  organisés 
s'est  renouvelé  non-seulement  dans  l'intervalle  de  ehacune  des 
grandes  divisions  que  l'on  est  convenu  d'appeler  des  formations, 
mais  encore  lors  de  la  déposition  de  chaque  étage  particulier 
de  toutes  les  formations;  p.  ex.  je  crois  pouvoir  démontrer 
que  dans  la  formation  oolitique  ^  dans  les  limites  du  Jura  suisse 
du  moins,  les  espèces  du  lias  ,  ceîles  du  groupe  oolitique  pro- 
prement dit,  celles  du  groupe  oxfordien  et  celles  du  groupe  porl- 
landien,  ainsi  que  ces  quatre  étages  se  divisent  chez  nous,  sont 
aussi  différentes  entre  elles  que  les  espèces  du  lias  diffèrent  de 
celles  du  keuper,  ou  celles  du  terrain  porilandien  de  celles  du 
terrain  néocomien.  Je  crois  de  même  aussi  peu  à  la  descen- 
dance génétique  des  espèces  vivantes  de  celles  des  différents 
étages  tertiaires  que  l'on  a  envisagées  comme  identiques  ,  mais 
que  pour  moi  je  crois  spécifi(juement  différentes  ,  que  je 
puis  accepter  Tidée  d'une  transformation  des  espèces  d'une 
formation  à  1  autre.  En  énonçant  ces  généralités  je  n'entends 
point  les  présenter  comme  des  inductions  tirées  de  l'étude 
d'une  classe  particulière  d'animaux  (de  celle  des  poissons,  p.  ex  ) 
et  reportées  sur  d'autres  classes  ,  mais  bien  comme  des  résul- 
tats de  l'observation  directe  de  collections  très-considérables 
de  fossiles  de  diverses  formations  et  de  diverses  classes  d'ani- 
maux ,  dont  je  me  suis  spécialement  occupé  depuis  plusieurs 
années  dans  le  but  de  m'assurer  si  les  conclusions  <]ue  j'avais 
déduites  de  la  classe  des  poissons  étaient  applicables  à  celte 
classe  seulement  ,  ou  s'il  en  était  de  même  dans  d'autres'  do- 
maines du  règne  animal. 

Un  autre  fait  ressort  de  la  manière  la  plus  évidente  de  la 
simple  inspection  des  exemplaires  de  ces  fossiles  que  Ton  a  re- 
cueillis jusqu'ici  ,  c'est  que  la  très-grarule  majorité  des  espèces 
sont  de  moyenne  et  même  de  petite  taille.  J'insiste  sur  cette 
circonstance  parce  qu'elle  me  donne  occasion  de  rectifier  une 
exagération  à  laquelle  on  s'est  assez  généralement  laissé  aller. 


11 

et  qui  consiste  à  représenter  les  espèces  des  époques  antérieures 
à  la  nôtre  comme  g^énéralement  plus  [j^randes  que  celles  qui  vi- 
vent. L^idée  d'une  taille  colossale  est  devenue  pour  ainsi  dire 
le  ton  obligé  d'un  tableau  des  fossiles  de  toutes  les  époques, 
géologiques,  et  cependant  une  pareille  manière  de  considérer 
la  question  reste  en  dehors  de  la  vérité.  En  effet,  s'il  nous  pa- 
raît étrange  de  trouver,  dans  les  terrains  diluviens  d  Europe 
et  méjne  des  parties  septentrionales  de  ce  continent,  des  dé- 
bris fossiles  de  pachydermes  très-semblables  à  ceux  qui  vivent 
de  nos  jours  dans  les  régions  tropicales  ,  il  y  aurait  cependant 
de  l'exagération  à  représenter  ces  animaux  comme  notablement 
supérieurs  par-  leur  taille  à  ceux  des  mêmes  familles  et  des  mêmes 
genres  qui  vivent  de  nos  jours  ;  et  même  lorsqu'il  s*agit  des 
espèces  de  pachydermes  des  terrains  tertiaires  inférieurs  , 
il  faut  reconnaître  que  ceux  de  notre  époque  sont  sensiblement 
plus  grands  qu'eux,  dans  leur  ensemble.  Je  ne  prétends  point 
pour  cela  nier  le  fait  de  l'existence,  dans  certaines  familles,  de 
tyi  es  de  plus  grande  taille  que  ceux  de  notre  époque  ;  je  pré- 
tends seulement  que  Ion  a  exagéré  ces  proportions,  et.  (|ue  cette 
disposition  à  l'exagération  a  fait  négliger  de  rechercher  les  rap- 
ports éloignés  de  ces  types  entre  eux,  et  avec  ceux  qui  les  orrt 
précédés  et  ceux  qui  les  ont  suivis ,  rapports  qui  me  parais- 
sent seuls  pouvoir'  donner*  la  clef  de  cette  énigme.  Il  est 
incontestable  ,  par  exerTrpîe  >  que  les  reptiles  des  terrains  ooli- 
liques,  les  ichthyosaures  elles  mégalosaures  en  particulier",  ont 
eu  des  dimensions  auxquelles  aucun  type  des  reptiles  de  notre 
époque  ne  paraît  atteindre  ;  mais  etr  les  compar  ant  aux  reptiles 
actuels,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  ces  reptiles  géants  otri 
vécu  à  une  époque  où  les  mammifères  n'existaient  point  encore , 
ou  du  moins  n'avaient  point  encore  acquis  la  prépondérance 
qu'ils  ont  de  nos  jours  ,  où  les  cétacés  et  les  pachydermes  étaient 
encorde  en  projet  dans  le  plan  de  la  nalur e  ,  où  la  classe  des 
poissons  et  celle  des  r  eptiles  dominaient  err  souveraines  ,  et  où 
par-  corrséquent   il  rl'est  point  surprenant  de  voir-  la   classe  des 


12 

if'pîiles  ,  qni  ,  en  se  sépnrinU  de  la  rhisse  des  poissons  après  l'é- 
poque houillère  ,  avait  réalisé  un  pro^jrès  réel  dans  la  série 
des  verîébrés^  préparer  un  nouveau  progrès,  un  acheminenienl 
.vers  la  classe  des  mamsDifères  el  vers  celle  des  oiseaux  par  la 
création  du  type  des  ichtbyosaures,  qui  annonce  en  quelq.ue 
sorle  les  célacés  ,  du  type  des  mégalosaures  que  Ton  pourrait 
mettre  en  rapport  avec  les  pachydermes  ,  et  du  type  aviforme 
des  ptérodactyles. 

Je  ne  saurais  donc  ,  pour  ma  pari  ,  envisager  simplement 
comme  des  reptiles  ordinaires  ces  types  précurseurs  de  types 
analogues  ,  que  Ton  rencontre  plus  lard  dans  d'autres  classes  ; 
je  suis  bien  plutôt  disposé  à  les  considérer  comme  des  types 
prophétiques  des  âges  plus  récents  ',  et  dès  lors  il  faut  appli- 
quer à  leur  étude  une  mesure  différente  de  celle  que  l'on  doit 
employer  lorsqu'il  s'agit  de  fixer  le  degré  d'analogie  qui  existe 
entre  des  types  contemporains.  Je  pourrais  rattacher  ces  mêmes 
considérations  à  d'autres  familles,  et  les  pousser  plus  loin,  si  je 
n  avais  déjà  fait  remarquer  ailleurs  que  parmi  tes  poissons  fos- 
siles la  famille  des  sauroides  ,  dont  le  terrain  boni  lier  renferme 
notamment  des  débi  is  si  remarquables ,  pouvait  être  envisagée 
comme  annonçant  par  ses  caractères  ambigus  la  venue  des  rep- 
tiles à  une  époque  où  cette  classe  n'étasl  point  encore  repré- 
sentée sur  la  terre.  Ce  n'est  pas  non  plus  ici  le  lieu  d'examiner 
sous  ce  point  de  vue  les  animaux  sans  vertèbres  ,  dont  l'étude 
m'a  également  conduit  à  des  considérations  fot  t  curieuses  ;  je 
me  bornerai  seulement  à  dire  encore  ,  par  rapport  aux  pois- 
.sons  du  vieux  grès  rouge  ,  que  la  petitesse  de  la  grande  majo- 
rité des  espèces  comparées  à  celles  d'époques  plus  récentes  est 
un  fait  conforme  à  ce  que  l'on  observe  relativement  au  premier 
développement  du  la  plupart  des  classes  du  lègne  animal.  Les 
genres  de  poissons  du  vieux  grès  rouge  ,  dont  les  espèces  sont 
de  moyerme  ou  de  petite  (aille  ,  sont  les  suivants  :  Pterichthys, 
('ephalaspis,  Osteolepis ,  Dipterus,  Glyptolepis  ,  Acanthodes  , 
Diplacanthus,  Cheiracanihus  et  Cheirolepis  ,  et  par  espèces   de 


13 

petite  taille  ou  de  taille  moyenne  j'entends,  dans  la  classe  des 
poissons,  celles  qui  n'excèdent  pas  la  longueur  d^un  à  deux 
pieds. 

Les  genres  diplopterus ,  coccosteus  et  les  quatre  genres  de 
placoïdes  de  cette  formation  comptaient  des  espèces  certaine- 
ment plus  grandes,  mais  qui  ne  me  paraissent  cependant  pas 
avoir  excédé  deux  à  trois  pieds  de  longueur.  Les  seuls  genres 
holoptychius,  dendrodus  et  platygnatbus  avaient  des  espèces 
de  grande  taille,  mais  je  doute  qu'aucune  d'entre  elles  ait  at- 
teint les  dimensions  de  nos  thons  et  de  nos  espadons  ,  et  en- 
core moins  celle  des  grands  requins. 

La  liaison  intime  qui  paraît  exister  entre  la  taille  des  ani- 
-  maux  et  leur  organisation  se  reconnaît  dans  presque  toutes  les 
familles  du  règne  animal  ;  il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  pas- 
ser en  revue  une  collection  un  peu  considérable  d'animaux. 
Rien  n'est  plus  frappant  dans  un  musée  rangé  systématiquement 
que  la  conformité  de  la  taille  des  espèces  d'une  même  famille,  où 
les  extrêmes  des  différences  sont  généralement  circonscrits  dans 
des  limites  très-étroites.  Combien  peu  les  quadrumanes  diffè- 
rent réellement  entre  eux  par  la  taille  ;  quelle  uniformité  à  cet 
égard  dans  leur  ensemble  ,  chez  les  chiroptères  ,  chez  les  in- 
sectivores, chez  les  rongeurs  ,  chez  les  ruminants,  chez  les  oi- 
seaux de  proie,  chez  les  granivores,  chez  les  échassiers,  chez 
les  chéloniens  _,  chez  les  batraciens  anures  ,  chez  les  insectes 
en  masse  comparés  à  d'autres  classes,  chez  les  infusoires,  etc. 
etc.  !  Les  mêmes  corrélations  s'observent  également  entre  les 
familles  de  la  classe  des  poissons  ;  aussi  la  diversité  de  taille 
que  je  viens  de  signaler  entre  les  espèces  des  différents  genres 
de  cette  formation  est-elle  un  premier  indice  de  la  diversité  des 
tjpes  auxquels  elles  appartiennent. 

En  comparant  entre  eux  tous  ces  poissons,  l'on  remarque 
en  effet  qu'ils  diffèrent  beaucoup  les  uns  des  autres  et  qu'il  faut 
nécessairement  les  rapporter  à  différents  ordres  et  à  des  familles 
différentes. 


14 

Je  signalerai  d'abord  quatre  genres  de  l'ordre  des  placoïdes, 
les  genres  Clenacanlhus  ,  Onchus ,  Ctenoplychîus  et  Plycha- 
canthus  ,  qui  sont  munis  de  rayons  épineux  aux  nageoires  dor- 
sales et  qui  ressemblent  par  là  aux  poissons  qui  ont  fourni  les 
grands  ichlhyodorulilbes  des  terrains  houillers  et  jurassiques  , 
mais  qui  en  diffèrent  en  ce  que  leurs  défenses  étaient  de  taille 
moins  considérable  ;  ils  se  distinguent  entre  eux  par  la  forme 
et  les  ornements  de  leurs  rayons. 

Les  genres  Acanthodes ,  Diplacajilhus ,  Cheiracanthus  et 
Cheirolepis^Q  présentent  en  première  ligne  comme  un  groupe  a 
pari;  car,  quoiqu'ils  soient  recouverts  d'écaillés  émaiîlées  comme 
les  autres,  les  leurs  sont  si  petites  qu^elles  donnent  à  la  peau 
une  apparence  grenue  comme  du  chagrin.  La  manière  dont  les  • 
nageoires  sont  soutenues  par  des  rayons  épineux,  ou  l'absence 
de  ces  rayons  et  la  position  des  nageoires  elles-mêmes  m'ont 
servi  de  caiacîère  dans  l'établissement  de  ces  genres. 

Les  génies  Ptevichlhy^s  ,  Coccosteus  et  CepJialaspis  forment 
un  second  groupe  extrêmement  curieux.  Le  développement 
considérable  de  la  tête  ,  sa  grandeur  ,  les  larges  plaques  qui  la 
recouvrent  et  qui  envahissent  également  la  plus  grande  partie 
du  tronc,  et  les  appendices  mobiles  en  forme  d'aile  placés  sur 
les  côtés  de  la  tête  ,  leur  donnent  l'aspect  le  plus  extraordi- 
naire. Ce  sont  ces  particularités  qui  ont  fait  longtemps  mécon- 
naître la  classe  à  laquelle  ces  genres  appartiennent.  Les  grandes 
pla(|ues  osseuses  et  granulées  des  coccosteus  les  avaient  fait 
prendre  poui*  des  trionyx  ,  et  i!  me  suffira  de  rappeler  que  le 
plus  grand  anatomisle  de  notre  siècle  avait  sanctionné  ce  rap- 
prochement pour  excuser  cette  erreur.  La  forme  du  disque  de 
la  tête  des  cephalaspis ,  <(ui  a  l'apparence  d'un  large  croissant, 
et  leurs  écailles  peu  nombreuses  ,  mais  très-hautes,  semblables 
à  des  articulations  tiansversales  du  corps  ,  explitpient  comment 
on  a  pu  voir  dans  ces  poissons  des  trilobiles  d'un  genre  par- 
ticulier. Enfin  ,  les  appendices  ailés  des  côtés  de  la  tête  des 
pteiichthys,    mobiles   connue  des  avirons ,    ont    facilement    [)u 


15 

donner  le  chan^^e  sur  les  vrais  rapports  de  ces  sing^ulières  crëa- 
liires  et  les  faire  prendre  tour  à  tour  pour  des  colëoptères  (gi- 
gantesques ,  pour  des  crustacés  et  pour  de  petites  tortues  de 
mer,  tant  les  types  des  classes  paraissent  encore  peu  fixés,  à 
certains  ég^ards  ,  dans  ces  temps  anciens.  Une  autre  bizarrerie 
de  ces  genres  c'est  qu'à  ces  plaques  osseuses  de  la  télé  est  as- 
sociée une  charpente  vertébrale,  qui  est  loin  d'avoir  atteint  la 
même  solidité  ,  mais  qui ,  au  contraire  ,  paraît  être  restée  fibro- 
cartilagineuse  pendant  toute  la  vie,  comme  le  squelette  des  es- 
turgeons. 

Il  serait  difficile  de  trouver  parmi  les  poissons  vivants  des 
types  présentant  une  étroite  analogie  avec  les  genres  pterich- 
ihys  ,  coccosteus  et  cephalaspis  ;  ce  n'est  que  de  loin  qu'on 
peut  leur  comparer  quelques  genres  abnormes  de  notre  époque. 
Ainsi  les  esturgeons  et  surtout  les  loricaires  et  les  callicbthys 
offrent  quelque  analogie  dans  leur  tête  cuirassée  et  dans  les 
plaques  osseuses  de  leurs  flancs  avec  les  cépbalaspis  ;  les  cui- 
rasses osseuses,  ornées  de  sculptures  et  de  granulations  régu- 
lières qui  protègent  la  tête  des  frigla,  des  peristedion  et  des 
dactylopterus  ,  rappellent  un  peu  ce  qui  se  voit  dans  le  genre 
coccosteus  ,  sans  cependant  que  l'analogie  soit  parfaite ,  la 
conformation  de  la  gueule  et  celle  du  reste  du  squelette  étant 
fort  différentes.  Enfin  je  ne  saurais  comparer  discrètement  ces 
aj)pendices  mobiles  des  côtés  de  la  tête  des  pterichlhys  à  rien 
de  ce  que  l'on  observe  dans  nos  poissons  ;  peut-être  ont-ils 
quelque  lapport  avec  les  sous-orbitaires  mobiles  des  acanlhop- 
sis  de  la  famille  des  cyprinoïdes;  peut-être  aussi  pourrait-on 
les  comparer  aux  prolongements  du  préopercule  de  certaines 
trigles  ,  et  en  particulier  du  genre  cephaîacanthus  ;  mais  il  m'a 
élé  impossible  jusqu'ici  de  déterminer  rigoureusement  avec 
quels  os  de  la  tête  il  faut  paralléliser  ces  appendices  extraordi- 
naires. Quant  à  la  nature  moins  solide  de  la  colonne  verté- 
brale de  ces  poissons ,  elle  leur  est  commune  avec  la  plupart 
des  espèces  des  terrains  anciens.  L'analogie  qu'elle  offre  d'un 


16 

côlé  dans,  ses  formes  avec  la  corde  dorsale  de  l'embryon  des 
poissons  j  jointe  à  la  position  inCërieure  de  leur  bouche  ,  telle 
qu'on  la  rencontre  également  dans  les  embryons  ,  et  d'un  autre 
côté  la  ressemblance  éloignée  de  ces  poissons  avec  certains 
types  de  reptiles  ,  offrent  le  plus  curieux  assemblage  de  ca- 
ractères que  l'on  puisse  imaginer. 

Un  troisième  groupe  de  poissons  de  cette  formation  com- 
prend les  genres  dont  les  nageoires  verticales  ,  doubles  sur  le 
dos  et  sous  la  queue,,  sont  très-rapprochées  de  la  caudale;  ce 
sont  les  genres  dipterus^  osteolepis  ,  diplopterus  et  glyptolepis, 
qui  diffèrent  les  uns  des  auties  par  la  forme  de  leurs  écailles  et 
par  leur  dentition. 

Enfin  il  me  paraît  nécessaire  d  envisager  comme  un  groupe 
de  cet  ordre  les  genres  qui  sont  caractérisés  par  de  grosses 
dents  coniques  ,  espacées  sur  le  bord  des  mâchoires  ,  entre  les 
quelles  il  s'en  trouve  alternativement  de  plus  petites  et  même 
de  très-petites  en  foime  de  brosse  ;  tels  sont  les  gemes  holop- 
tychius  et  platygnaîhus  ,  et  le  genre  récemment  établi  par 
Mr.  Owen  sous  le  nom  de  dendi-odus,  sur  lopiel  ce  savant  ana- 
tomisîe  a  donné  des  détails  microscopiques  foit  intéressants. 
Ces  poissons  étaient  évidemment  les  forbans  de  leur  époque  , 
mais  il  serait  difficile  de  déterminer  ri^f^^ouj'eusement  leur  gi-an- 
deur,  par  la  raison  l)ien  simple  (pie  l'on  n"a  découvert  nulle 
part  des  [sortions  un  peu  considérables  de  leur  coips  assem- 
blées entre  elles.  Ce  que  l'on  en  possède  se  réduit  à  des  écailles 
détachées,  à  des  dents  isolées  et  à  des  plaques  osseuses  bri- 
sées. 

Cette  diversité  originaire  des  types  des  poissons  d'une  for- 
mation aussi  aneiemie  que  le  vieux  grès  rouge,  est  à  mes  yeux 
l'un  des  faits  les  plus  contraiies  à  la  théorie  de  la  transforma- 
tion successive  des  espèces  et  de  la  descendance  des  êtres  or- 
ganisés vivant  maintenant  d'un  petit  nombre  de  formes  primi- 
tives. 

A  rap[)ui  de  ces  observations  générales  ,  je  joins  encore  le 


17 

tableau  synoptique  de  toutes  les  espèces  de  celle  formalion  que 
j'ai  pu  déterminer  jusqu'ici ,  el  donl  on  trouvera  la  description 
détaillée  dans  ma  Monographie  des  poissons  fossiles  du  vieux 
(jrès  rouge  ,  que  je  compte  publier  comme  premier  supplément 
à  mes  Recherches  sur  les  poissons  fossiles. 


TABLEAU   SYNOPTIQUE   DES  POISSONS  FOSSILES  DU  VIEUX  GRÈS 

ROUGE  OU  SYSTÈME  DÉVONIEN. 

Ptacoïdes. 

Onchus  arenalus  Ag.  —  Pays  de  Galles. 

«        semislriatus  Jg.  —  Pays  de  Galles. 
Cienacanthus  ornatus  Ag.  —  Sapey  et  Abergavenny. 
Ctenoptychius  priscus  Jg.  —  Ecosse. 
Ptychacanthus  dubius  Àg. —    Abergavenny. 

Deux  genres  encore  indéterminés.  — Balrodery  et  Elgin. 

Ganoïdes. 

Premier  groupe. 

Acanthodes  pusillus  Àg,  —  Gordon  Castle. 
Diplacanthus  striatus  Jg.  —  Cromarty. 

«  slriatulus  Ag.  —  Lethen  Bar. 

«  longispinus  Ag.  — Lethen  Bar  et  Cromarty. 

«  crassispinus  Ag.  —  Cailhness. 

Cheiracanlhus  Murchisoni  Ag.  —  Gamrie, 

«  minor  Ag.  —  Slromness. 

«  microJepidolus  Ag.  —  Lethen  Bar  et  Cromarty. 

Cheirolepis  Cummingiae  Ag.  —  Lethen  Bar  el  Cromarty, 

«  Traillii  Ag.  —  Pomona. 


« 


Uragus  Ag.  —  Gamrie. 


Deuxième  groupe. 

Plerichihys  Milleri  Ag.   —  Cromarty. 

«  productus  Ag.  —  Lethen  Bar. 

«  latus  Ag.  —  Lethen  Bar. 

a         cornutus  Ag.  —  Lethen  Bar. 


18 

Plorichihys  lesludinarius  Àg.  —  Cromarly. 

«  oblon^Lis  Ag.  —  Cromarly  et  Gamrie. 

«  cancriformis  Ag .  —  Orkney. 

a  hydrophilus  Ag.  —  Dura  Ben. 

Coccosteus   oblongus  Ag.  —  Lelhen  Bar. 

«  latus  Ag.  —  Cailhness  et  Orkney. 

«  cuspidaïus  Ag.  —  Cromarly  et  Ganirie. 

Cephalaspis   Lyellii  Ag.  — -  Glemmis. 

«  rostratus  Jg.  —  Whilbach. 

«  Lewisii  Ag.  —  Whilbach. 

«  Lloydii  Àg.  —  Sikiria. 

Troisième  groupe. 

Osleolepis  macroIepidotus(^^.)F^<2/,  etPent. — Cailhn.  etCrom. 
«         microlepidolus  {Ag.^  Fal.  et  Peut.  —  Cailhness. 
a        major  Jg.  —  Lelhen  Bar. 
a         arenatus  Ag.  —  Gamrie. 
Diplerus  macrolepidolus  Cuv.  —  Cailhness  et  Pays  de  Galles. 

«         (et  plusieurs  variétt^s  de  cette  espèce.) 
Diplopterus  macrocephalus  Ag.  —  Lelhen  Bar. 
«  borealis  Jg.  —  Cailhness. 

«  affinis  Jg.  —  Gamrie. 

Glyptolepis  leptopterus  Ag.  —  Lelhen  Bar. 
c(  elegans  Ag.  —  Gamrie. 

Quatrième  groupe. 

Holoplychius  nobilissimus  Ag.  —  Clashbennie. 

a  Flemingii  .^g^.  — Dura  Den. 

«  gig^anleus  ^^.  —  Ecosse. 

Dendrodus  biporcatus  Ow. 

•     <c         sigmoideus  Ow. 

a         incurvus  Ow.         .  ^         .       •     \m  i  • 

^  )  —  Cornslon  m  Murrayshire. 

«         latus  (Jiv.  i 

«        compressus  Oi 

«        «trigatus  Oi 

Plalygnalhus  paucidens  Ag.  —  Cailhness. 

«  Jamesoni  Jg.  —  Dura  Den. 

a  minor  Ag.  —  Dura  Den. 


fw. 


19 

Il  rësulte  de  ce  tableau,  que  le  système  dévonien  ne  compte 
maintenant  pas  moins  de  55  espèces  de  poissons  fossiles,  appar- 
tenant à  20  genres  différents,  nombre  plus  que  décuple  de  celui 
qu^on  en  connaissait  nominalement  dans  toute  la  série  des  for- 
mations des  lies  Britanniques,  depuis  les  terrains  les  plus  an- 
ciens jusqu'aux  plus  récents,  il  y  a  seulement  dix  ans.  Qui  au- 
rait cru  alors,  que  l'on  découvrirait  jamais  55  espèces  de  ver- 
tébrés dans  une  seule  des  formations  des  terrains  de  transition  ? 


Depuis  que  j'ai  rédigé  celle  notice,  j'ai  en.  occasion  d'exa- 
miner de  nombreux  exemplaires  de  poissons  fossiles  du  vieux 
grès  rouge  rapportés  de  Russie  par  Mr.  Murchison,  et  j'ai  porté 
le  nombre  total  des  espèces  de  cette  formation  à  67.  Parmi  les 
espèces  nouvelles  ,  j'ai  reconnu  les  types  de  six  genres  nou- 
veaux^ que  j'ai  appelés  Clielonichlhy^s,  Glyptosteus,  Lcamiodiis, 
Cricodus  f  Psammolepis ,  et  Placosteus.  Mr.  Murchison  pu- 
bliera la  description  que  j'en  ai  faite,  dans  son  ouvrage  sur  la 
Géologie  de  la  Russie. 


/        ( 


"«v^n^^Bv^