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SUR
LES mmii mvm.
PAR
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(Février 1843^)
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^
RAPPORT SUR LES POISSONS FOSSILES*.
Appelé par l'Association Britannique pour l'avancement des
sciences à lui présenter un rapport sur les poissons fossiles de
rOld Red Sandstone^ je crois devoir faire connaître d'aboi d
quelles circonstances favorables m'ont permis d'entreprendre
ce travail, et sous quels auspices je suis parvenu à remplir-
une partie de la tâche importante qui m'avait été confiée.
Il me serait difficile de dotmer maintenant une idée de Tab-
sence presque complète de renseignements que l'on possédait il
y a à peine quelques années sur les fossiles d'une formation
alors très-peu connue, et que l'on sait cependant aujourd'hui
s'étendre sur une partie considérable de la surface de l'Eu-
rope. Mais si la marche rapide des découvertes dans ce do-
maine rend presque impossible l'appréciation de leurs limites_,
je ne dois pas moins reconnaître avant tout, que c'est aux re-
cherches persévérantes et au zèle infatigable des géologues an-
glais , que la science est redevable de la connaissance d'une
des faunes les plus curieuses , je dirais même les plus étranges,
qui aient occupé jusqu'ici les paléontologistes. Lorsque je vi-
sitai pour la première fois l'Ecosse, en 1834, Mr. le docteur
' Celte notice a été publiée en anglais dans les rapports de l'Associa-
tion Britannique, et reproduite en français dans le journal de V Inslitul ;
mais les erreurs qui se sont glissées dans la traduction française en
ayant altéré le sens dans des points importants, l'auteur a désiré que son
manuscrit original fût livré à l'impression. (R.)
Flemlng^ eî Mi\1. Seclg^wick eî Murchison seuîs avaient juscju'alors
signalé des poissons fossiles dans TOld Red : le premier ayant
décrit (iiverses écailles de Clasbbinnie qu'il rapprochait des
esturgeons» îandis que MM. Sed|jwick et Murchison, as-
sistés par MM. Cuvier, Valenciennes et Penlland, publiaient la
description de deux genres nouveaux de poissons fossiles, pro-
venant de Cailhness. Le non>bre tolal des espèces délerminées
alors s'élevait seulement à 1, et une seule d'entre elles était
figurée. J'ai déjà rapporté dans diverses livraisons de mes Re-
cherches sur les Poissons fossiles les nombreuses communica-
tions qui me furent faites à cette époque sur ce sujet, princi-
palement par MM. Murchison, Lyell et le docteur Traill,
qui m'out mis à même de porîer le nombre des genres à 10 et
celui des espèces à 17, jusqu'au moment où M. Murchison
publia son grand ouvrage sur le système silurien. Mais tel a
été Télan imprimé à l'élude des terrains anciens, par la publi-
cation de cet important ouvrage , que visitant de nouveau
l'Ecosse en 18 iO, lors de la réunion de l'Association Britan-
nique à Glasgow, j'ai eu l'occasion d'examiner, à la suite des
communications qui me furent faites dans cette circonstance,
un nombre à peu près double de genres et presque triple d'es-
pèces de ces poissons fossiles , tous découverts depuis peu et
qui n'avaient encore été décrits nulle part. Dans une des séances
de la section géologique je pus cependant déjà signaler à l'at-
lention des géologues et des paléontologistes quelques-uns des
types les plus curieux que je venais d'examiner, et dont les ca-
raclères cadrent si peu avec ce que l'on connaissait en fait de
fossiles, que la classe même à laquelle ils appartiennent n'avait
pu être déterminée de prime abord. Jamais je n'oublierai l'im-
pression que produisit sur moi la vue de ces créatures munies
d'appendices semblables à des ailes, lorsque j'eus acquis la cer-
litude qu'elles appartenaient à la classe des poissons. C'était
un type entièrement nouveau qui allait figurer pour la première
fois dans la série des êtres depuis qu'il avait cessé d'exister^
5
pour former de nouveau un jalon dont rien de ce qui nous avait
été rtVtMë jusqu'alors sur les créations éteintes n'aurait pu nous
faire même soupçonner l'existence ; tant il est vrai que l'ob-
servation seule peut nous conduire à connaître les lois du déve-
loppement des êtres org^anisés, et tant il faut être sur ses gardes
contre tous ces systèmes de transformation des espèces que
l'imagination invente avec autant de légèreté , qu'il est facile
de les réfuter. Le mérite de la découverte de ces curieux fos-
siles revient principalement à IVIr. H. Miller, et je n'ai eu qu'à
préciser leurs caractères et leurs rapports avec les poissons
fossiles déjà connus pour en faire apprécier toute l'importance.
Je crois que l'étude détaillée et comparative de ce type que
j'ai appelé PtericJitliys, et du genre non moins curieux , dé-
couvert à Caithness par MM. Sedgwich etMurchison^ et que
j'ai nommé Coccos/eîts^ ouvriia à la paléontologie comparée un
champ non moins fertile que ne le fit, il y a maintenant près
d'un quart de siècle, la première annonce de l'existence deslch-
ihyosaures et des Plésiosaures Que de rapports d organisation
des plus intéressants ne doit-on pas, en effet, s'attendre à dé-
couvrir en analysant les débris solides d'aniuiaux, ipu ont pu être
successivement envisagés par les naturalistes les plus habiles ,
comme des tortues , des poissons , des crustacés et même des
coîéo[)tères ! Déjà Mr. Miller a fait connaître dans une publica-
tion spéciale une partie des richesses paléontologiques, que ren-
ferme le vieux grès rouge dans les environs de Cromarty. Les
difficultés presque insurmontables qu'ofî're la détermination de
fossiles aussi différents des formes déjà connues que ces deux
genres, ont naturellement exigé de ma part des comparaisons
nombi euses et réitérées, et une étude minutieuse des moindres
fragQKents conservés dans toutes les collections d'Ecosse , à
laquelle je n'aurais pas pu me livrer, malgré les facilités qui
m'ont été accordées pour cet examen par toutes les jyersonnes
qui possèdent de ces fossiles, sans la subvention (jue l' Associa-
tion Bîitaimique a daigné m'accordcr pour ce tiavail.
Parmi les contributions récentes qui ont le plus augmenté
nos connaissances sur les poissons fossiles du système dévonien^
je dois placer en première ligne ce qu'a fait lady Gordon Cum-
ming en vue d'illustrer cette ancienne faune. Non contente de
collecter et de distribuer aux géologues , avec une libéralité
sans égale , les nombreux exemplaires de ces précieux débris
qu'elle faisait recueillir dans une carrière exploitée à dessein ,
elle les étudiait avec soin , mettait à part les exemplaires les
plus parfails, et .les peignait avec une piécision de détail et un
talent d'artiste que bien peu de naturalistes ont su atteindre.
Aussi ses dessins et ceux de sa fille^ qui l'a constamment assistée
dans ces études, formeront-ils un des principaux ornements
de ma Monographie. Sur le point de livrer ce recueil au pu-
blic, il m'est pénible de penser (jue celte noble Dame ne pourra
plus recueillir elle-même le tribut si justement mérité de la
reconnaissance des géologues. Puisse ce souvenir, semé sur sa
tombe, rappeler à sa digne émule que Tempressement qu'elle
mettait à seconder sa mère a contribué à lui élever un monu-
ment durable dans le nmnde scientifique !
Mr. le docteur Malcolmson a également bien mérité de la
géologie de TOId Red par le jnémoire qu'il a inséié récemment
dans les Transactions de la Société Géologique de Londres.
Cherchant à caracîériseï' cette formation avec toute la préci-
sion possible, il avait fait faire de fort beaux dessins d'un très-
grand nombre de fragments de poissons (pi'on y trouve; mais
leur état fragmentaire ne m'a pas permis de les déterminer assez
rigoureusement avant l'impression de son mémoire, pour que
la partie paléonlologique ait pu être publiée en même temps.
Ces dessins ne seront cependant pas perdus pour la science, et
la majeure partie pourra jnaintcnanl en être publiée. Mr. Alex.
Uobertson s'est aussi occupé avec succès des poissons fossiles
de rOld Hed ; il m'en a même fait parvenir de fort rares avec
un cahier de dessins supérieuremeni exécutés , représentant
ceux du Musée dElgin et de |>lusieurs collections particulières.
7
Les collections de lord Enniskiller et de sir Ph . Egerton m'ont éga-
lement fourni de Irès-heaux exemplaires de poissons du vieux
grès rouge du nord de l'Ecosse, et ces Messieurs ont eu l'extrême
obligeance de faire dessiner pour moi^ par Mr. Dinkel, tous ceux
qui m'ont paru mériter d'être publiés. De leur côté, Mr. le
docteur Traill et Mr. H. Sirickland ont encore augmenté le
nombre déjà considérable des espèces connues des scbistes des
îles d'Orkney, qui semblent un gîte inépuisable.
Tandis que le nord de l'Ecosse fournissait ainsi des trésors
inconnus jusqu'alors, Mr. le professeur Jaraeson et Mr. Andes -
son rassemblaient dans les comtés du midi les espèces renfer-
mées dans la partie supérieure de celte formation, qui ne sont
ni moins curieuses, ni moins bien conservées, et dont plusieurs
ont été convenablement figurées par Mr. Anderson dans son
intéressant mémoire sur la géologie de Fifeshire.
Grâce aux excursions lointaines de Mr. Murchison , je n'au-
rai pas à borner mon rappoi t sur les poissons du système dé-
vonien aux espèces trouvées dans les lies Britanniques, mais je
pourrai les comparer à celles que cet infatigable géologue a
rapportées de Russie , et (jni présente l'identité la plus par-
faite avec celles d'Ecosse.
Mon rapport resterait incomplet si je ne rappelais que les
doutes qui ont longtemps existé sur ces grandes plaques écail-
leuses du vieux grès rouge, désignées par les ouvriers des car-
rières sous le nom de séraphins fossiles, et rejeîées tour à tour
dans les classes les plus diverses du règne animal et même du
règne végétal . sont maintenant levés d'une manière satisfai-
sante. C'est à la classe des crustacés qu'il faut les rapporter,
comme nous nous en sommes convaincus, Mr*. le docteur Buck-
land et moi, dans la réunion de Glasgow.
Je vais maintenant présenter quelques considérations géné-
rales sur les caractères et la distribution géologique des espèces
de poissons fossiles ijue l'on trouve dans les divers étages du
système dévonien ; réservait les détails descriptifs pour la par-
8
lie spéciale de ma Monographie. A celte occasion je ne puis
m'empécher de faire une remarque g^ënérale sur la manière de
procéder dans la détermination des fossiles. Il fut un temps,
déjà fort éloigné de nous , où les rapprochements les plus su-
perficiels entre les débris organiques ensevelis dans les couches
de l'écorce de noire globe et les espèces vivant maintenant à
sa surface suffisaient aux études de l'époque. Cuvier le premier,
apportant à ces déterminations toute la précision nécessaire,
les établissait sur des comparaisons suffisantes entre elles et avec
les espèces vivantes ; aussi les résultats auxquels il est parvenu ,
n'ont-ils, pour ainsi dire, subi aucune modification avec le
temps. Malheureusement la méthode employée par Cuvier n^est
point assez généralement suivie ; 1 on pourrait citer de nom-
breux ouvrages sur les fossiles, dont les auteurs n'ont jamais
étudié les espèces vivantes qui pourraient avoir de l'analogie
avec les fossiles qu'ils décrivent, se fiant, pour se diriger, aux
résultats généraux obtenus par leurs devanciers , ou bien éta-
blissant leurs analogies sur la comparaison de simples figures.
11 y a plus, maintenant qu'un nouveau et puissant moyen de
préciser la structure des débris fossiles a été mis en pratique
pour les déterminer, on pourra, moins que jamais, accepter
dans le sanctuaire de la science des résultats qui n'auront pas
subi l'épreuve de la plus sévère critique. Il suffit en eflet de voir
les brillants résultats obtenus par Mr. Owen sur la structure
des dents, pour se convaincre qu'à l'avenir aucun paléontologiste
ne pourra plus se passer de recherches microscopiques, lors-
qu'il voudra arriver à une connaissance approfondie des êtres
dont il a à tâche de reconstruire les formes et l'organisation
jusque dans les particularités les plus intimes'.
Si cependant des recherches aussi détaillées sont indispen-
' Des recherches plus lécentes m'ont appris que la structure micro-
scopique des os (le ces anciens poissons, suiiout tic ceux du ci'âne, ofTie
(les caractères f^cnériques tout aussi importants que ceux des ilenls, el
qui permettent de déterminer maintenant les moindres fragments d'os.
9
sables pour établir les résullals jOr^nëraiix , qui deviennent tôt
ou tard la propriété publique, il n'est pas moins important que
ces résultats soient exprimés d'une manière simple et correcte,
qui en rende l'inteîlig^ence possible au plus grand nombre.
Une première remarque à faire sur la faune ichthyologique
du vieux grès rouge , c'est qu'elle est entièrement propre à ce
terrain : ses nombreuses espèces diffèrent toutes également de
celles du système silurien et de celles des terrains houillers ; la ma-
jeure partie des genres du système dévonien sont même limités à la
durée de ce système géologique , et de ce nombre sont ceux qui
comptent le plus d'espèces, tels que les genres Plerichlhys, Coc-
costeus , Cephalaspis, Osteolepis, DipteniSf Glyptolepis, Platf-
gnathus, Dendrorlus, Diplacantfius, Cheiracanthus et Cheirole-
pis. Parmi les genres qui ont des représentants dans le terrain silu
rien ou dans le terrain houiller, comme les genres Onchus, Ctena-
cantliusj Ctenopty^chius, Pty^chacanthus , Accaitliodes , Diplo-
pterus et Holopty^chiiis , je n'en connais pas un seul dont les es-
pèces soient identiques dans ces diverses formations ; bien au
contraire , chaque terrain où ils sont représentés a les siennes
propres. Ce résultat cadre admirablement avec ceux que j'ai
déjà obtenus pour les autres étages de la série des terrains qui
composent i'écorce de notre globe, tant par mes recherches
sur les poissons fossiles que dans le domaine des échinodermes
et des mollusques fossiles ' . Et si , pour cette dernière classe
d'aïiimaux, mes conclusions étaient fréquemment en désaccord
avec celles de la plupart des conchyliologistes , j'ai du moins
la satisfaction maintenant de voir Mr. d'Orbigny de son côté arri-
ver aux mêmes résultats par l'étude d'autres familles et d'autres
formations que celles que j'ai examinées. Cette divergence dans
les résultatsquej ai obtenus provient sans doute de ce que j'ai ap-
pliqué à la détermination des restes fossiles des mollusques, les
mêmes principes de critique qui m'ont toujours guidé dans la
' Cette leiuarqiie s'applique même aux cocjuilles tertiaires.
10
délerminalion des fossiles des vertèbres. C'est maintenant une
vérité démontrée pour moi que l'ensemble des êtres organisés
s'est renouvelé non-seulement dans l'intervalle de ehacune des
grandes divisions que l'on est convenu d'appeler des formations,
mais encore lors de la déposition de chaque étage particulier
de toutes les formations; p. ex. je crois pouvoir démontrer
que dans la formation oolitique ^ dans les limites du Jura suisse
du moins, les espèces du lias , ceîles du groupe oolitique pro-
prement dit, celles du groupe oxfordien et celles du groupe porl-
landien, ainsi que ces quatre étages se divisent chez nous, sont
aussi différentes entre elles que les espèces du lias diffèrent de
celles du keuper, ou celles du terrain porilandien de celles du
terrain néocomien. Je crois de même aussi peu à la descen-
dance génétique des espèces vivantes de celles des différents
étages tertiaires que l'on a envisagées comme identiques , mais
que pour moi je crois spécifi(juement différentes , que je
puis accepter Tidée d'une transformation des espèces d'une
formation à 1 autre. En énonçant ces généralités je n'entends
point les présenter comme des inductions tirées de l'étude
d'une classe particulière d'animaux (de celle des poissons, p. ex )
et reportées sur d'autres classes , mais bien comme des résul-
tats de l'observation directe de collections très-considérables
de fossiles de diverses formations et de diverses classes d'ani-
maux , dont je me suis spécialement occupé depuis plusieurs
années dans le but de m'assurer si les conclusions <]ue j'avais
déduites de la classe des poissons étaient applicables à celte
classe seulement , ou s'il en était de même dans d'autres' do-
maines du règne animal.
Un autre fait ressort de la manière la plus évidente de la
simple inspection des exemplaires de ces fossiles que Ton a re-
cueillis jusqu'ici , c'est que la très-grarule majorité des espèces
sont de moyenne et même de petite taille. J'insiste sur cette
circonstance parce qu'elle me donne occasion de rectifier une
exagération à laquelle on s'est assez généralement laissé aller.
11
et qui consiste à représenter les espèces des époques antérieures
à la nôtre comme g^énéralement plus [j^randes que celles qui vi-
vent. L^idée d'une taille colossale est devenue pour ainsi dire
le ton obligé d'un tableau des fossiles de toutes les époques,
géologiques, et cependant une pareille manière de considérer
la question reste en dehors de la vérité. En effet, s'il nous pa-
raît étrange de trouver, dans les terrains diluviens d Europe
et méjne des parties septentrionales de ce continent, des dé-
bris fossiles de pachydermes très-semblables à ceux qui vivent
de nos jours dans les régions tropicales , il y aurait cependant
de l'exagération à représenter ces animaux comme notablement
supérieurs par- leur taille à ceux des mêmes familles et des mêmes
genres qui vivent de nos jours ; et même lorsqu'il s*agit des
espèces de pachydermes des terrains tertiaires inférieurs ,
il faut reconnaître que ceux de notre époque sont sensiblement
plus grands qu'eux, dans leur ensemble. Je ne prétends point
pour cela nier le fait de l'existence, dans certaines familles, de
tyi es de plus grande taille que ceux de notre époque ; je pré-
tends seulement que Ion a exagéré ces proportions, et. (|ue cette
disposition à l'exagération a fait négliger de rechercher les rap-
ports éloignés de ces types entre eux, et avec ceux qui les orrt
précédés et ceux qui les ont suivis , rapports qui me parais-
sent seuls pouvoir' donner* la clef de cette énigme. Il est
incontestable , par exerTrpîe > que les reptiles des terrains ooli-
liques, les ichthyosaures elles mégalosaures en particulier", ont
eu des dimensions auxquelles aucun type des reptiles de notre
époque ne paraît atteindre ; mais etr les compar ant aux reptiles
actuels, il ne faut pas perdre de vue que ces reptiles géants otri
vécu à une époque où les mammifères n'existaient point encore ,
ou du moins n'avaient point encore acquis la prépondérance
qu'ils ont de nos jours , où les cétacés et les pachydermes étaient
encorde en projet dans le plan de la nalur e , où la classe des
poissons et celle des r eptiles dominaient err souveraines , et où
par- corrséquent il rl'est point surprenant de voir- la classe des
12
if'pîiles , qni , en se sépnrinU de la rhisse des poissons après l'é-
poque houillère , avait réalisé un pro^jrès réel dans la série
des verîébrés^ préparer un nouveau progrès, un acheminenienl
.vers la classe des mamsDifères el vers celle des oiseaux par la
création du type des ichtbyosaures, qui annonce en quelq.ue
sorle les célacés , du type des mégalosaures que Ton pourrait
mettre en rapport avec les pachydermes , et du type aviforme
des ptérodactyles.
Je ne saurais donc , pour ma pari , envisager simplement
comme des reptiles ordinaires ces types précurseurs de types
analogues , que Ton rencontre plus lard dans d'autres classes ;
je suis bien plutôt disposé à les considérer comme des types
prophétiques des âges plus récents ', et dès lors il faut appli-
quer à leur étude une mesure différente de celle que l'on doit
employer lorsqu'il s'agit de fixer le degré d'analogie qui existe
entre des types contemporains. Je pourrais rattacher ces mêmes
considérations à d'autres familles, et les pousser plus loin, si je
n avais déjà fait remarquer ailleurs que parmi tes poissons fos-
siles la famille des sauroides , dont le terrain boni lier renferme
notamment des débi is si remarquables , pouvait être envisagée
comme annonçant par ses caractères ambigus la venue des rep-
tiles à une époque où cette classe n'étasl point encore repré-
sentée sur la terre. Ce n'est pas non plus ici le lieu d'examiner
sous ce point de vue les animaux sans vertèbres , dont l'étude
m'a également conduit à des considérations fot t curieuses ; je
me bornerai seulement à dire encore , par rapport aux pois-
.sons du vieux grès rouge , que la petitesse de la grande majo-
rité des espèces comparées à celles d'époques plus récentes est
un fait conforme à ce que l'on observe relativement au premier
développement du la plupart des classes du lègne animal. Les
genres de poissons du vieux grès rouge , dont les espèces sont
de moyerme ou de petite (aille , sont les suivants : Pterichthys,
('ephalaspis, Osteolepis , Dipterus, Glyptolepis , Acanthodes ,
Diplacanthus, Cheiracanihus et Cheirolepis , et par espèces de
13
petite taille ou de taille moyenne j'entends, dans la classe des
poissons, celles qui n'excèdent pas la longueur d^un à deux
pieds.
Les genres diplopterus , coccosteus et les quatre genres de
placoïdes de cette formation comptaient des espèces certaine-
ment plus grandes, mais qui ne me paraissent cependant pas
avoir excédé deux à trois pieds de longueur. Les seuls genres
holoptychius, dendrodus et platygnatbus avaient des espèces
de grande taille, mais je doute qu'aucune d'entre elles ait at-
teint les dimensions de nos thons et de nos espadons , et en-
core moins celle des grands requins.
La liaison intime qui paraît exister entre la taille des ani-
- maux et leur organisation se reconnaît dans presque toutes les
familles du règne animal ; il suffit pour s'en convaincre de pas-
ser en revue une collection un peu considérable d'animaux.
Rien n'est plus frappant dans un musée rangé systématiquement
que la conformité de la taille des espèces d'une même famille, où
les extrêmes des différences sont généralement circonscrits dans
des limites très-étroites. Combien peu les quadrumanes diffè-
rent réellement entre eux par la taille ; quelle uniformité à cet
égard dans leur ensemble , chez les chiroptères , chez les in-
sectivores, chez les rongeurs , chez les ruminants, chez les oi-
seaux de proie, chez les granivores, chez les échassiers, chez
les chéloniens _, chez les batraciens anures , chez les insectes
en masse comparés à d'autres classes, chez les infusoires, etc.
etc. ! Les mêmes corrélations s'observent également entre les
familles de la classe des poissons ; aussi la diversité de taille
que je viens de signaler entre les espèces des différents genres
de cette formation est-elle un premier indice de la diversité des
tjpes auxquels elles appartiennent.
En comparant entre eux tous ces poissons, l'on remarque
en effet qu'ils diffèrent beaucoup les uns des autres et qu'il faut
nécessairement les rapporter à différents ordres et à des familles
différentes.
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Je signalerai d'abord quatre genres de l'ordre des placoïdes,
les genres Clenacanlhus , Onchus , Ctenoplychîus et Plycha-
canthus , qui sont munis de rayons épineux aux nageoires dor-
sales et qui ressemblent par là aux poissons qui ont fourni les
grands ichlhyodorulilbes des terrains houillers et jurassiques ,
mais qui en diffèrent en ce que leurs défenses étaient de taille
moins considérable ; ils se distinguent entre eux par la forme
et les ornements de leurs rayons.
Les genres Acanthodes , Diplacajilhus , Cheiracanthus et
Cheirolepis^Q présentent en première ligne comme un groupe a
pari; car, quoiqu'ils soient recouverts d'écaillés émaiîlées comme
les autres, les leurs sont si petites qu^elles donnent à la peau
une apparence grenue comme du chagrin. La manière dont les •
nageoires sont soutenues par des rayons épineux, ou l'absence
de ces rayons et la position des nageoires elles-mêmes m'ont
servi de caiacîère dans l'établissement de ces genres.
Les génies Ptevichlhy^s , Coccosteus et CepJialaspis forment
un second groupe extrêmement curieux. Le développement
considérable de la tête , sa grandeur , les larges plaques qui la
recouvrent et qui envahissent également la plus grande partie
du tronc, et les appendices mobiles en forme d'aile placés sur
les côtés de la tête , leur donnent l'aspect le plus extraordi-
naire. Ce sont ces particularités qui ont fait longtemps mécon-
naître la classe à laquelle ces genres appartiennent. Les grandes
pla(|ues osseuses et granulées des coccosteus les avaient fait
prendre poui* des trionyx , et i! me suffira de rappeler que le
plus grand anatomisle de notre siècle avait sanctionné ce rap-
prochement pour excuser cette erreur. La forme du disque de
la tête des cephalaspis , <(ui a l'apparence d'un large croissant,
et leurs écailles peu nombreuses , mais très-hautes, semblables
à des articulations tiansversales du corps , explitpient comment
on a pu voir dans ces poissons des trilobiles d'un genre par-
ticulier. Enfin , les appendices ailés des côtés de la tête des
pteiichthys, mobiles connue des avirons , ont facilement [)u
15
donner le chan^^e sur les vrais rapports de ces sing^ulières crëa-
liires et les faire prendre tour à tour pour des colëoptères (gi-
gantesques , pour des crustacés et pour de petites tortues de
mer, tant les types des classes paraissent encore peu fixés, à
certains ég^ards , dans ces temps anciens. Une autre bizarrerie
de ces genres c'est qu'à ces plaques osseuses de la télé est as-
sociée une charpente vertébrale, qui est loin d'avoir atteint la
même solidité , mais qui , au contraire , paraît être restée fibro-
cartilagineuse pendant toute la vie, comme le squelette des es-
turgeons.
Il serait difficile de trouver parmi les poissons vivants des
types présentant une étroite analogie avec les genres pterich-
ihys , coccosteus et cephalaspis ; ce n'est que de loin qu'on
peut leur comparer quelques genres abnormes de notre époque.
Ainsi les esturgeons et surtout les loricaires et les callicbthys
offrent quelque analogie dans leur tête cuirassée et dans les
plaques osseuses de leurs flancs avec les cépbalaspis ; les cui-
rasses osseuses, ornées de sculptures et de granulations régu-
lières qui protègent la tête des frigla, des peristedion et des
dactylopterus , rappellent un peu ce qui se voit dans le genre
coccosteus , sans cependant que l'analogie soit parfaite , la
conformation de la gueule et celle du reste du squelette étant
fort différentes. Enfin je ne saurais comparer discrètement ces
aj)pendices mobiles des côtés de la tête des pterichlhys à rien
de ce que l'on observe dans nos poissons ; peut-être ont-ils
quelque lapport avec les sous-orbitaires mobiles des acanlhop-
sis de la famille des cyprinoïdes; peut-être aussi pourrait-on
les comparer aux prolongements du préopercule de certaines
trigles , et en particulier du genre cephaîacanthus ; mais il m'a
élé impossible jusqu'ici de déterminer rigoureusement avec
quels os de la tête il faut paralléliser ces appendices extraordi-
naires. Quant à la nature moins solide de la colonne verté-
brale de ces poissons , elle leur est commune avec la plupart
des espèces des terrains anciens. L'analogie qu'elle offre d'un
16
côlé dans, ses formes avec la corde dorsale de l'embryon des
poissons j jointe à la position inCërieure de leur bouche , telle
qu'on la rencontre également dans les embryons , et d'un autre
côté la ressemblance éloignée de ces poissons avec certains
types de reptiles , offrent le plus curieux assemblage de ca-
ractères que l'on puisse imaginer.
Un troisième groupe de poissons de cette formation com-
prend les genres dont les nageoires verticales , doubles sur le
dos et sous la queue,, sont très-rapprochées de la caudale; ce
sont les genres dipterus^ osteolepis , diplopterus et glyptolepis,
qui diffèrent les uns des auties par la forme de leurs écailles et
par leur dentition.
Enfin il me paraît nécessaire d envisager comme un groupe
de cet ordre les genres qui sont caractérisés par de grosses
dents coniques , espacées sur le bord des mâchoires , entre les
quelles il s'en trouve alternativement de plus petites et même
de très-petites en foime de brosse ; tels sont les gemes holop-
tychius et platygnaîhus , et le genre récemment établi par
Mr. Owen sous le nom de dendi-odus, sur lopiel ce savant ana-
tomisîe a donné des détails microscopiques foit intéressants.
Ces poissons étaient évidemment les forbans de leur époque ,
mais il serait difficile de déterminer ri^f^^ouj'eusement leur gi-an-
deur, par la raison l)ien simple (pie l'on n"a découvert nulle
part des [sortions un peu considérables de leur coips assem-
blées entre elles. Ce que l'on en possède se réduit à des écailles
détachées, à des dents isolées et à des plaques osseuses bri-
sées.
Cette diversité originaire des types des poissons d'une for-
mation aussi aneiemie que le vieux grès rouge, est à mes yeux
l'un des faits les plus contraiies à la théorie de la transforma-
tion successive des espèces et de la descendance des êtres or-
ganisés vivant maintenant d'un petit nombre de formes primi-
tives.
A rap[)ui de ces observations générales , je joins encore le
17
tableau synoptique de toutes les espèces de celle formalion que
j'ai pu déterminer jusqu'ici , el donl on trouvera la description
détaillée dans ma Monographie des poissons fossiles du vieux
(jrès rouge , que je compte publier comme premier supplément
à mes Recherches sur les poissons fossiles.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES POISSONS FOSSILES DU VIEUX GRÈS
ROUGE OU SYSTÈME DÉVONIEN.
Ptacoïdes.
Onchus arenalus Ag. — Pays de Galles.
« semislriatus Jg. — Pays de Galles.
Cienacanthus ornatus Ag. — Sapey et Abergavenny.
Ctenoptychius priscus Jg. — Ecosse.
Ptychacanthus dubius Àg. — Abergavenny.
Deux genres encore indéterminés. — Balrodery et Elgin.
Ganoïdes.
Premier groupe.
Acanthodes pusillus Àg, — Gordon Castle.
Diplacanthus striatus Jg. — Cromarty.
« slriatulus Ag. — Lethen Bar.
« longispinus Ag. — Lethen Bar et Cromarty.
« crassispinus Ag. — Cailhness.
Cheiracanlhus Murchisoni Ag. — Gamrie,
« minor Ag. — Slromness.
« microJepidolus Ag. — Lethen Bar et Cromarty.
Cheirolepis Cummingiae Ag. — Lethen Bar el Cromarty,
« Traillii Ag. — Pomona.
«
Uragus Ag. — Gamrie.
Deuxième groupe.
Plerichihys Milleri Ag. — Cromarty.
« productus Ag. — Lethen Bar.
« latus Ag. — Lethen Bar.
a cornutus Ag. — Lethen Bar.
18
Plorichihys lesludinarius Àg. — Cromarly.
« oblon^Lis Ag. — Cromarly et Gamrie.
« cancriformis Ag . — Orkney.
a hydrophilus Ag. — Dura Ben.
Coccosteus oblongus Ag. — Lelhen Bar.
« latus Ag. — Cailhness et Orkney.
« cuspidaïus Ag. — Cromarly et Ganirie.
Cephalaspis Lyellii Ag. — - Glemmis.
« rostratus Jg. — Whilbach.
« Lewisii Ag. — Whilbach.
« Lloydii Àg. — Sikiria.
Troisième groupe.
Osleolepis macroIepidotus(^^.)F^<2/, etPent. — Cailhn. etCrom.
« microlepidolus {Ag.^ Fal. et Peut. — Cailhness.
a major Jg. — Lelhen Bar.
a arenatus Ag. — Gamrie.
Diplerus macrolepidolus Cuv. — Cailhness et Pays de Galles.
« (et plusieurs variétt^s de cette espèce.)
Diplopterus macrocephalus Ag. — Lelhen Bar.
« borealis Jg. — Cailhness.
« affinis Jg. — Gamrie.
Glyptolepis leptopterus Ag. — Lelhen Bar.
c( elegans Ag. — Gamrie.
Quatrième groupe.
Holoplychius nobilissimus Ag. — Clashbennie.
a Flemingii .^g^. — Dura Den.
« gig^anleus ^^. — Ecosse.
Dendrodus biporcatus Ow.
• <c sigmoideus Ow.
a incurvus Ow. . ^ . • \m i •
^ ) — Cornslon m Murrayshire.
« latus (Jiv. i
« compressus Oi
« «trigatus Oi
Plalygnalhus paucidens Ag. — Cailhness.
« Jamesoni Jg. — Dura Den.
a minor Ag. — Dura Den.
fw.
19
Il rësulte de ce tableau, que le système dévonien ne compte
maintenant pas moins de 55 espèces de poissons fossiles, appar-
tenant à 20 genres différents, nombre plus que décuple de celui
qu^on en connaissait nominalement dans toute la série des for-
mations des lies Britanniques, depuis les terrains les plus an-
ciens jusqu'aux plus récents, il y a seulement dix ans. Qui au-
rait cru alors, que l'on découvrirait jamais 55 espèces de ver-
tébrés dans une seule des formations des terrains de transition ?
Depuis que j'ai rédigé celle notice, j'ai en. occasion d'exa-
miner de nombreux exemplaires de poissons fossiles du vieux
grès rouge rapportés de Russie par Mr. Murchison, et j'ai porté
le nombre total des espèces de cette formation à 67. Parmi les
espèces nouvelles , j'ai reconnu les types de six genres nou-
veaux^ que j'ai appelés Clielonichlhy^s, Glyptosteus, Lcamiodiis,
Cricodus f Psammolepis , et Placosteus. Mr. Murchison pu-
bliera la description que j'en ai faite, dans son ouvrage sur la
Géologie de la Russie.
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