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Full text of "Récompenses hebdomadaires et mensuelles, ou, lectures morales, instructives et amusantes destinées aux écoles chrétiennes : deuxi`eme année"

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Présentée  to  the 

LIBRARY  ofthe 

UNIVERSITY  OF  TORONTO 

by 
HENRI   PILON 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/rcompenseshebdOOvers 


RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES. 


DEUXIÈME  ANNÉE. 


49e  Livraison 


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RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES, 

LECTURES 

MORALES  ,    INSTRUCTIVES    ET    AMUSANTES 

dest;--ïi    - 

AUX  ECOLES  CHRÉTIENNES. 

DEUXIÈME    ANNÉE. 


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A   TER?An,IÎB, 

CHEZ  l'éditeur,  BEAU  J",     IMPRIMEUR, 
Rus  Satory,  28. 


PROPRIÉTÉ. 


SOMMAIRE. 


I.  Religion  et  Morale.  —  Le  Vendredi -Saint  à  Jé- 
rusalem. —  Le  duc  de  Brabant. 
IL  Education.  —  La  vanité.  —  L'Oie  et  le  Serpent. 

III.  Histoire.   —  Ruines  de  Jérusalem  (Fin). 

IV.  Personnages  célèbres.  —  Le  Père  Brydaine.  — 

Un  petit  Martyr. 

V.  Morceaux  littéraires.  —  Mort  du  Sauveur. 

VI.  Histoire  naturelle.  —  Le  camphre. 
VIL  Hygiène.   —  Convulsions. 

VIII.  Industrie. —  Du  gantier. 
IX.  Variétés.  —  Un  homme  exemplaire. 
X.  Proverbes  et  Maximes. 
Charade. 


I.  —  Religion  et  Morale. 


LE  VEUDREDI-SÂmT  A  JERUSALEM. 

Le  Vendredi-Saint,  l'office  du  matin  se  fit 
au  Calvaire  avec  les  cérémonies  les  plus  tou- 
chantes par  les  révérends  Pères  franciscains, 
et  j "y  assistai.  Vers  neuf  heures,  de  grands 
cris  venant  des  environs  de  l'église  interrom- 
pirent tout  à  coup  les  prières  ;  le  tumulte 
allait  croissant  ;  nous  en  reconnûmes  bientôt 
la  cause  :  il  y  avait  une  lutte  violente  entre 
les  Arméniens  et  les  Grecs.  Impatients  d'at- 
tendre, les  uns  et  les  autres  demandaient 
avec  une  sorte  de  fureur  qu'enfin  la  porte 
s'ouvrît,  et  se  poussant,  se  heurtant,  criant, 
ils  s'efforçaient  réciproquement  d'écarter  les 
opposants  pour  entrer  les  premiers.  Quelques 
minutes  après,  nous  apprenons ,  non  sans 
effroi,  que  la  force  ou  la  trahison  a  ouvert  la 
porte,  et  que,  comme  un  torrent  qui  a  brisé 
sa  digue,  la  foule  pénètre  de  toutes  parts. 
«  Grand  Dieu  !  et  le  très-saint  Sacrement  !  » 


s'écrie  alors  le  P.  Perpétue,  secrétaire  di 
Terre-Sainte,  qui  était  à  côté  de  moi.  A  ces 
mots  je  m'élance  au  bas  du  Calvaire,  je  tra- 
verse avec  beaucoup  de  peine  les  flots  de  la 
multitude,  et  je  me  précipite  dans  le  saint  sé- 
pulcre, décidé  à  perdre  la  vie  plutôt  que  de 
souffrir  une  profanation  sacrilège.  Je  me 
trouvais  seul;  heureusement  la  garde  turque 
parvint  à  contenir  les  plus  obstinés,  et,  par 
une  résistance  énergique,  donna  le  temps 
d'achever  les  cérémonies  saintes.  Le  très- 
saint  Sacrement  fut  reporté  processionnelle- 
ment  à  l'église  des  Pères  franciscains,  et  les 
sanctuaires  ne  furent  livrés  aux  Grecs  que 
lorsque  tous  les  catholiques  se  furent  retirés. 

A  diner,  toute  la  communauté,  le  père  gar- 
dien en  tête,  mangea  à  genoux  ;  on  ne  servit 
que  du  pain,  de  l'eau  et  quelques  feuilles  de 
salade. 

A  trois  heures  et  demie,  les  Pères  allèrent 
à  l'office  des  Ténèbres  comme  les  deux  jours 
précédents.  C'était  la  dernière  fois  que  je  de- 
vais entendre,  à  Jérusalem,  la  voix  du  pro- 
phète d'Anathoth,  et  cette  idée  me  rendit 
encore  plus  sensible  la  vivacité  et  la  tendresse 
de  ses  plaintes. 


Afin  de  graver  plus  profondément  dans  Les 

■  ils  le  souvenir  de  la  passion  et  de  la  mort 
du  Sauveur,  et  d'exciter  plus  fortement  d 
les  cœurs  les  sentiments  de  componction,  de 
□naissance  et  d'amour  qu'elle  doit  pro- 
duire, les  Pères  font,  le  Vendredi-Saint  de 
chaque  année,  une  cérémonie  tout  à  fait  con- 
forme au  génie  des  Orientaux,  et  dont  on  ne 
trouve  d'exemples  que  dans  les  missions  d'Asie, 
qui  probablement. l'ont  empruntée  de  ce  qui 
se  pratique  en  Palestine. 

Au.  moyen  d'une  figure  en  relief  de  gros- 
seur et  de  gfandeur  naturelles,  dont  la  tête, 
les  bras  et  les  pieds  sont  flexibles  et  se  prêtent 
aux  divers  mouvements  qu'on  veut  lui  impri- 
mer, ils  représentent  le  crucifiement,  la  cl  s- 
cente  de  croix  et  la  sépulture  de  Jésus-Christ, 
de  manière  à  en  rendre  sensibles  el  frappantes 
toutes  les  circonstances  principales. 

Cette  cérémonie,  à  la  fois  touchante  et  ter- 
rible, eut  lieu  sur  le  déclin  du  jour,  au  milieu 
d'une  multitude  immense  d'hommes,  de  fem- 
mes, d'enfants,  attirés, les  uns  par  une  piété 
sincère,  les  autres  par  une  curiosité  toute 
profane. 

Les  Pères  de  Terre-Sainte ,  réunis  dans  la 


—  8  — 
chapelle  de  la  Sainte-Vierge,  en  sortirent  vers 
six  heures,  ayant  à  leur  tête  celui  d'entre  eux 
qui,  escorté  des  jeunes  Arabes  du  monastère, 
portait  le  grand  crucifix.  Les  religieux  et  les 
fidèles,  marchant  lentement,  sur  deux  lignes, 
un  flambeau  à  la  main,  récitaient,  sur  un  ton 
aigu  et  plaintif,  tantôt  le  Miserere,  tantôt  le 
Stabal . 

La  procession  s'arrêta  d'abord  à  l'autel  de 
la  Division  des  Vêtements,  ensuite  à  celui  de 
ïlmpropere,  pour  y  entendre  quelques  paro- 
les simples,  mais  pleines  d'onction,  que  lui 
adressa  un  Père  espagnol  sur  les  scènes  dou- 
loureuses de  la  passion  que  rappellent  ces 
deux  endroits.  Puis  elle  continua  sa  marche 
sans  interruption  vers  le  sommet  du  Golgotha. 

Là,  le  religieux  qui  portait  le  crucifix  le  dé- 
posa respectueusement  au  pied  de  l'autel,  et 
le  Père  espagnol,  revenant  à  son  discours, 
poursuivit,  en  présence  de  la  multitude  atten- 
drie et  fondant  en  pleurs,  le  lamentable  récit 
des  souffrances  et  des  ignominies  du  Sauveur, 
jusqu'au  moment  où  il  fut  mis  en  croix. 

En  cet  instant  il  cessa  de  parler,  et  l'image 
de  Jésus  ayant  été  attachée  avec  des  clous  sur 
le  bois,  ce  crucifix  fut  élevé  et  posé  à  la  place 


—  9  - 

même  où  avait  été  enfoncée  la  véritable  croix 
sur  laquelle  fut  consommé  le  salut  du  genre 
humain.  Le  bon  Père  alors,  d'une  voix  inter- 
rompue et  presque  étouffée  par  les  gémisse- 
ments, retraça  les  dernières  paroles  et  les  der- 
niers moments  de  l'auguste  victime  s 'immolant 
encelieupour  expiernos  péchés  et  nous  récon- 
cilier avec  son  Père.  Mais  il  devenait  de  plus 
en  plus  difficile  de  l'entendre  :  la  foule,  déjà 
violemment  remuée  par  ce  qui  avait  précédé, 
n'était  plus  attentive  qu'à  ce  qu'elle  voyait, 
et  les  paroles  arrivaient  à  peine  à  elle  au  mi- 
lieu des  cris,  des  sanglots,  des  soupirs  et  des 
larmes. 

Après  un  quart  d'heure  accordé  à  la  dou- 
leur pour  lui  donner  le  temps  de  se  soulager 
en  s'exhalant,  un  des  Pères ,  muni  d'une 
tenaille  et  d'un  marteau,  monta  à  la  hauteur 
de  la  croix,  enleva  la  couronne  d'épines, 'et 
tandis  que  des  frères  soutenaient  le  corps  au 
moyen  d'écharpes  blanches  passées  autour  des 
bras,  il  arracha  les  clous  des  mains  et  des 
pieds,  et  bientôt  l'effigie  du  Christ  fut  descen- 
due à  peu  près  de  la  même  manière  qu'avait 
été  descendu  le  Christ  lui-même. 

Le  célébrant,  et  successivement  tous  les  re- 

49. 


—    10  — 
ligieux,   s'avancèrent  en  silence,  se  proster- 
nèrent et  baisèrent  avec  respect  la  couronne 
d  bs  clous,  qui  furent  immédiatement  pré- 
sentés à  la  vénération  de  la  multitude. 

Bientôt  la  procession  se  remit  en  marche 
dans  le  même  ordre  qu'elle  avait  suivi  pour 
monter  au  Calvaire.  La  couronne  et  les  clous 
étaient  portés  dans  un  bassin  d'argent  par  un 
religieux,  et  l'effigie  par  quatre  autres,  delà 
même  manière  que  l'on  porte  un  mort  au 
tombeau.  On  s'arrêta  à  la  pierre  de  l'Onction, 
pour  imiter  en  cet  endroit  la  pieuse  action  de 
Joseph  d'Arimathie,  de  Nicodème  et  dessaintes 
femmes.  Toutes  les  choses nécefsaires  avaient 
été  préparées;  la  pierre  était  recouverte  d'un 
linge  blanc  très-fin;  sur  les  coins  étaient  les 
vases  de  parfum.  Le  corps,  enveloppé  d'un 
suaire,  y  fut  déposé,  la  tète  appuyée  sur  un 
coussin.  Le  célébrant  l'arrosa  d'essence,  et  a- 
près  avoir  prié  quelques  instants  en  silence, 
exposa,  dans  une  courte  exhortation,  le  motif 
de  cette  station.  De  là,  on  reprit  le  chemin  de 
l'église;  la  sainte  etfigie  fut  placée  sur  le 
marbre  du  saint  sépulcre,  et  un  dernier  dis- 
cours mit  fin  à  la  cérémonie.  » 

R.  P.  deGERAMB. 


—  Il  — 


LE   DUC   DE    BRABANT. 


Dans  le  courant  de  janvier,  à  Nanmr  (Bel- 
gique), tandis  qu'un  ouragan  de  neige  glacée 
tourbillonnait  dans  les  rues  et  sur  les  places 
publiques,  un  jeune  homme  enveloppé  dans 
les  amples  plis  d'un  manteau  qui  le  garantis- 
sait à  peine  de  l'âpre  tourmente,  débouchait 
de  la  place  des  Palais  sur  la  place  Royale.  -Des 
rafales  de  neige  glaeée,  poussées  par  un  vent 
nord-est  des  plus  violents,  aveuglaient  les  rares 
passants  qui  marchaient  d'un  pas  rapide.  En  ce 
moment,  une  femme  d'un  extérieur  modeste, 
tenant  dans  ses  bras  un  enfant  qu'elle  s'effor- 
çait en  vain  de  couvrir  d'un  maigre  petit  schall, 
coudoya,  aveuglée  par  la  neige,  le  jeune  hom- 
me au  manteau.  Celui-ci  s'arrêta  un  moment, 
et  jetant  les  yeux  sur  la  pauvre  robe  d'in- 
dienne et  le  schall  léger  de  cette  femme,  il  lui 
lit  d'une  voix  pleine  de  sQÏlicitude  : 

—  Vous  devez  avoir  bien  froid,  Madame, 
sous  ce  léger  costume? 

—  Hélas!  Monsieur,  répondit -elle,  l'hi- 
ver est  cruel,  et  nous  sommes  obligés  de  choi- 
sir souvent  entre  le  froid  et  la  faim ,  et  le 


—  12  — 
Mont-de-piété  nous  donne  à  peine  de  quoi 
acheter  le  pain  de;  nos  enfants.  » 

Une  larme  roula  dans  les  yeux  du  jeune 
homme.  Il  interrogea  la  femme  et  apprit  d'elle 
que  son  mari,  excellent  ouvrier  décorateur, 
était  depuis  deux  mois  sans  ouvrage;  toutes 
les  économies  du  ménage  avaient  été  dé- 
pensées. Puis  on  s'en  était  pris  aux  vête- 
ments les  plus  confortables,  les  plus  chauds, 
et  en  ce  moment  la  pauvre  mère  portait  au 
mont-de-piété  de  la  rue  des  Capucins  sa  der- 
nière robe. 

L'étranger  échangea  encore  avec  elle  quel- 
ques paroles,  à  la  suite  desquelles  tous  deux 
s'acheminèrent  vers  la  montagne  de  la  Cour 
et  entrèrent  dans  un  magasin  d'habillements. 
Quelques  minutes  après,  la  femme  en  res- 
sortait couverte  d'un  bon  et  ample  man- 
teau de  drap,  l'enfant  était  enveloppé  dans  un 
schall  chaud  et  épais,  et  la  mère  remerciait 
avec  larmes  le  jeune  homme,  lequel  ve- 
nait de  donner  sa  bourse  à  l'enfant  qui  lui 
souriait.  Mais  l'étranger,  après  avoir  ramené 
sur  sa  figure  les  plis  de  son  manteau,  s'était 
éloigné  rapidement  en  laissant  la  pauvre  mère 
confondue  de  joie  et  d'étonnement.  Un  ou- 


—  13  — 

vrier  qui  avait  suivi  du  regard  toute  la  scène 
s'approcha  et  lui  dit  : 

—  Eh  bien,  vous  venez  d'avoir  là  une  fa- 
meuse chance,  hein  !  un  bon  manteau  pour 
les  épaules  et  des  pièces  d'or  pour  faire  dé- 
geler la  marmite  ! 

—  Ah  !  dit-elle,  je  donnerais  beaucoup  pour- 
savoir  le  nom  de  ce  brave  jeune  homme. 

—  Quoi!  dit  l'ouvrier,  vous  ne  l'avez  pas 
reconnu  ? 

— Vous  le  connaissez  donc,  vous?  alors,  je 
vous  prie  !  dites-moi  à  qui  je  dois  la  vie  de 
mon  mari  et  celle  de  mon  enfant  ! 

—Eh  !  dit  l'ouvrier,  c'était  le  duc  de  Bra- 
bant  ;  je  l'avais  vu  sortir  du  palais,  et  je  l'ai 
reconnu  pendant  qu'il  avait  ôté  son  manteau 
de  sa  figure  pour  vous  parler.  » 

— — 4§&— — 
II.  —  Éducation. 


LA   VANITE. 


Rien  de  plus  ridicule  que  de  se  louer  soi- 
même.  L'homme  sage  et  judicieux  ne  tombera 

49.. 


—  14  — 

* 

pas  dans  cette  fatuité.  Celui  qui  a  du  mérite 
n'en  parle  pas  ;  il  laisse  aux  autres  le  soin  de 
le  publier.  Qu'un  autre  vous  loue,  dit  Salomon, 
et  non  votre  bouche. 

Celui  qui  pense  qu'il  est  sage  ne  le  sera  pas 
longtemps;  s'il  le  dit,  il  ne  l'est  déjà  plus; 
peut-être  même  ne  l'a-t-il  jamais  été.  On  perd 
oujoursà  se  louer;  et  l'on  persuade  ordinai- 
rement le  contraire  de  ce  qu'on  se  propose. 

Un  jeune  homme  se  vantait  d'avoir  appris 
en  peu  de  temps  beaucoup  de  choses,  et  d'a- 
voir dépensé  mille  écus  pour  payer  ses 
maîtres.  Quelqu'un  de  ceux  qui  étaient  pré- 
sents lui  dit  :  «  Si  vous  trouvez  cent  écus  de 
tout  ce  que  vous  avez  appris,  je  vous  conseille 
de  les  prendre  sans  hésiter.  » 

Le  plus  grand  plaisir  qu'on  puisse  faire  aux 
personnes  vaines  n'est  pas  de  les  louer,  c'est 
de  les  écouter  paisiblement  se  louer  elles- 
mêmes.  Pour  être  applaudi,  il  ne  faut  pas 
s'applaudir  soi-même.  Le  vrai  moyen  de  n'a- 
voir l'approbation  de  personne,  c'est  de  la 
mendier  par  nos  paroles  ou  par  nos  regards. 

Evitez  donc  avec  soin,  mes  enfants,  de 
parler  de  vous-mêmes  :  et  lorsque  la  politesse 
des  autres  vous  force  de  répéter  quelque  évé^ 


—   15  — 
uement  dont  le    détail  vous   fait  honneur. 
soyez  courts,  surtout  parlez-en  avec  un  !  ex* 
trème  modestie. 


L  OIE  ET   LE   SERPENT. 

Sur  le  bord  d'un  étang  se  promenait  une  oie, 
Et  dai's  pa  vanité  (quelle  bête  ici-bas 

M  on  a  pas  ?) 
Elle  disait  :  «  Que  de  sujets  de  joie  ! 
Je  marche,  nagp,  vole,  et  je  puis,  à  mon  gré, 

Habiter  l'air,  la  terre  et  l'onde  ! 
E-t-,1  oiseau  dans  ce  monde 

Qui  puisse  m'êire  comparé?  » 

l'a  vieux  serpent  du  voisinage 

Rabattit  ainsi  son  caquet: 
«  Pour  te  vaincre  à  la  course  i!  suffit  d'un  roquet, 
D'un  roitelet  au  vol,  d'un  goujon  à  la  nage  ; 

Rappelle  toi>,  sot  animal, 
Que  c'est  ne  rien  savoir  que  de  savoir  tout  mal.  »  ■ 
[Magasin  de  l'Enfance  chrétienne.) 

III.  —  Slisîoâre. 


RUINE  DE   JÉRUSALEM.    [Fin.) 

Les  Juifs  continuaient  de  se  défendre  avec 
une  nouvelle  fureur,  en  sorte  que  le  général 


—  16  — 

romain  fut  obligé  d'employer  tout  Tari  des  siè- 
ges pour  réduire  Jérusalem.  Il  fit  élever,  pour 
attaquer  la  citadelle,  quatre  terrasses  avec 
quatre  machines  éuormes  pour  battre  les  murs; 
mais  comme  on  se  disposait  à  les  faire  jouer, 
deux  s'écroulèrent  embrasées,  les  factieux  les 
avaient  minées,  et  avaient  ensuite  mis  le  feu 
au  bois  qui  les  étayait;  en  même  temps  ils 
firent  une  sortie,  ruinèrent  les  deux  autres 
terrasses,  brûlèrent  les  machines,  et  repous- 
sèrent les  Romains  jusque  dans  leur  camp. 
Le  travail  eût  été  infini  pour  réparer  tant  de 
dégât,  le  général  alors  prit  le  parti  d'investir 
par  un  mur  de  deux  lieues  de  circuit  ce  qui 
restait  de  ville  aux  Juifs,  accomplissant,  sans 
le  savoir,  la  prédiction  du  Sauveur  dans  toutes 
ses  circonstances. 

Après  cette  circonvallation,  la  famine  de- 
vint affreuse,  et  Jérusalem  présenta  l'image 
de  l'enfer.  On  voyait  par  troupes,  sur  les  pla- 
ces publiques,  des  gens  enflés  et  défigurés  se 
traîner  comme  autant  de  fantômes,  puis  tom- 
ber tout  à  coup.  Les  rues  ainsi  que  les  maisons 
regorgeaint  de  morts.  On  entreprit  d'abord 
de  les  enterrer,  et,  par  une  seule  porte  de  la 
ville,  on  enleva,  dans  l'espace  de  deuxlnois 


—  17  — 
et  demi,  cent  seize  mille  cadavres  de  pauvres 
seulement;  mais  après  cela,  on  n'eut  plus  le 
courage  d'inhumer  personne,  en  sorte  que 
Pair  fut  corrompu  à  un  tel  point  que  le  vent 
en  porta  l'infection  jusqu'au  camp  de  Tite  qui 
leva  les  yeux  au  ciel  eu  soupirant,  et  prenant 
Dieu  à  témoin  que  ce  peuple  intraitable  ne 
devait  imputer  qu\à  lui-même  l'excès  de  ses 
calamités. 

Les  séditieux  se  montraient  insensibles  et 
cruels.  Ils  essayaient  leurs  épées  sur  les  mal- 
heureux qui  venaient  d'expirer,  et  quelque- 
fois sur  ceux  qui  respiraient  encore.  La  plu- 
part de  ceux  qui  pouvaient  échapper  passaient 
au  camp  des  Romains  ;  là,  ils  trouvaient  une 
nourriture  abondante,  mais  ne  pouvant  plus 
digérer  ils  périssaient  aussitôt.  Plusieurs  de 
ces  transfuges,  dans  la  crainte  d'être  volés, 
avaient  avalé,  en  désertant,  quelques  pièces 
d'or,  débris  de  leur  fortune;  des  soldats  de 
l'armée  romaine  les  virent  retirer  cet  or  de 
leurs  excréments  ;  aussitôt  le  bruit  se  répan- 
dit que  tous  les  Juifs  qui  sortaient  de  Jérusa- 
lem avaient  les  entrailles  pleines  d'or,  ce  qui 
excita  tellement  la  cupidité  des  soldats,  qu'ils 
leur  ouvrirent  le  ventre.  Dans  une  seule  nuit 

49... 


—  18  — 
deux  mille  périrent  ainsi.  Tiie  fit  publier  les 
plus  terribles  peines  contre  ceux  qui  com- 
mettraient désormais  de  semblables  atrocités,, 
elles  ne  laissèrent  pas  de  continuer.,  mais  se- 
crètement. 

Ennuyée  de  la  longueur  du  siège,  l'armée 
commençait  à  se  mutiner.  Le  général  fut 
obligé  d'attaquer  derechef  à  force  ouverte.  On 
prépara  de  nouvelles  terrasses  et  de  nouvelle- 
machines.  L'entreprise  offrait  un  obstacle 
insurmontable.  On  en  vint  à  bout  malgré  les 
difficultés  et  les  sorties  des  assiégés ,  qui 
étaient  terribles.  On  fit  jouer  le  bélier,  le  mur 
ébranlé  s'écroula,  et  les  Romains  se  rendirent 
maîtres  de  toute  la  ville  basse. 

Cependant  la  famine  devenait  de  plus  en 
plus  générale.  Elle  se  faisait  sentir  aux  fac- 
tieux même,  lis  couraient,  comme  des  loups 
affamés,  sur  la  moindre  apparence  de  nourri- 
ture, pour  forcer  l'entrée  des  maisons.  Tout 
leur  manquant  à  la  fin,  ils  mangeaient  le  cuir 
de  leurs  ceintures  et  de  leurs  boucliers.  Des 
ronces,  des  orties,  des  restes  foulés  de  vieux 
foin  étaient  des  mets  recherchés!... 

Une  femme  d'une  naissance  et  d'un  rang 
distingués  était  venue  dans  la  ville  sainte 


—  19  — 
pour  célébivr  la  Pàque.  Les  séditieux  lui 
ciirent  bientôt  enlevé  tout  ce  qu'elle  avait 
apporté,  sans  lui  laisser  la  moindre  chose  pour 
se  nourrir,  elle,  et  un  jeune  enfant  qu'elle 
allaitait .  Dans  le  désespoir  où  ils  la  réduisi- 
rent, elli-  les  accabla  d'injures,  ne  cherchant 
qu'à  tes  mettre  en  fureur  pour  se  faire  égor- 
ger. N'y  ayant  pu  réussir,  elle  se  retira  avec 
son  enùnt,  fixa  un  instant  les  yeux  sur  cet 
innocent.  «  Mal  h*  ureux,  lui  dit-elle,  à  quoi 
te  réservé-je  ?  à  souffrir  mille  horreurs  avant 
d'expirer,  ou  à  subir  un  indigne  esclavage  !  » 
Puis,  elle  l'égorgé,  le  fait  rôtir,  en  mange  la 
moitié,  et  serre  le  reste.  Bientôt  l'odeur  eut 
attiré  les  factieux  qui  lui  mettent  l'épée  sous 
la  gorge  en  lui  demandant  ce  qu'elle  a  caché. 
«  Je  vous  en  ai  gardé  une  bonne  part,  leur 
dit-elle,  voyez  et  mangez.  »  A  l'aspect  des 
gestes  encore  fumants  de  son  horrible  festin, 
glacés  d'épouvanle,  ils  demeurèrent  immobi- 
les. «  C'est  mon  enfant,  reprit-elle,  c'est  moi 
qui  l'ai  tué,  vous  en  pouvez  bien  manger 
après  sa  mère.  »  Ils  s'éloignèrent  en  frisson- 
nant. Les  Romains  eurent  tant  d'horreur  de 
ce  forfait,  qu'ils  résolurent  d'exterminer  une 
nation  qui  engendrait  de  tels  monstres. 


—  20  — 
Il  restait  aux  Juifs  le  Temple  et  la  ville 
haute.  Ils  s'aveuglaient  par  la  confiance  qu'ils 
avaient  dans  la  solidité  et  dans  la  hauteur 
extraordinaire  des  murs  du  Temple,  et  dans 
les  bâtiments  immenses  et  également  forts 
qui  l'accompagnaient.  Les  assiégés  ne  purent 
en  effet  escalader  les  murs,  ni  les  ébranler 
avec  le  bélier.  Tite  se  vit  donc  contraint  de 
mettre  le  feu  aux  portes  de  la  seconde  enceinte 
du  Temple,  ordonnant  néanmoins  de  conser- 
ver le  corps  de  l'édifice.  Les  flammes  gagnè- 
rent les  galeries  qui  brûlèrent  une  partie  du 
jour  et  la  nuit  entière.  Les  assiégés  qui  mon- 
taient à  l'assaut  étaient  chargés  avec  une  fu- 
rie qui  n'avait  pas  d'exemple,  impossible  de 
résister.  Alors  un  soldat  romain  ne  se  pos- 
sédant plus,  et  par  une  impulsion  surnatu- 
relle, saisit  un  tison  du  feu  qui  embrasait 
l'enceinte  extérieure;  puis,  se  faisant  soule- 
ver par  ses  compagnons  d'armes,  il  le  jeta  par 
une  fenêtre  des  appartements  qui  tenaient 
au  Temple.  Le  feu  prit  partout  avec  une  ra- 
pidité qui  parut  extraordinaire.  Les  Juifs, 
en  voyant  brûler  les  sacrés  parvis,  demeu- 
raient immobiles  comme  des  statues.  Tite  ac- 
courut pour  donner  des  ordres  et  faire  arrê- 


—  21  — 
ter  l'incendie ,  mais  il  ne  put  se  faire  obéir. 
Ainsi,  ce  fameux  Temple,  objet  de  la  véné- 
ration et  de  l'admiration  de  tous  les  peuples, 
en  exécution  des  décrets  du  Tout-Puissant, 
malgré  les  vaincus  et  les  vainqueurs,  fut  ré- 
duit en  cendres  le  même  mois,  le  môme  jour 
que  le  premier  Temple  bâti  par  Salomon, 
c'est-à-dire  le  10  d'août  de  l'an  70  de  Jésus- 
Christ. 

Tous  ceux  qui  s'y  étaient  réfugiés  furent 
massacrés,  sans  distinction  de  rang,  d'âge  ni 
de  sexe  ;  des  monceaux  de  cadavres  entassés 
autour  de  l'autel  en  égalaient  la  hauteur,  le 
pavé  ne  paraissait  nulle  part  sous  l'affreux 
amas  de  sang  et  de  carnage. 

Les  chefs  des  séditieux,  s'étant  fait  jour 
l'épée  à  la  main,  se  retirèrent  dans  la  ville 
haute  située  sur  la  montagne  escarpée  de 
Sion,  où  ils  continuèrent  de  se  défendre.  Le 
Romain  irrité  fit  brûler  toute  la  ville  basse, 
et  mit  la  ville  haute  en  état  de  siège.  Elle  fut 
bientôt  forcée;  tout  fut  mis  à  feu  et  à  sang. 
Tite  fit  raser  les  édifices  que  la  flamme  avait 
épargnés,  et,  afin  de  ne  plus  laisser  pierre  sur 
pierre  dans  ce  lieu  d'anathème,  il  y  fit  passer 
la  charrue. 


—  22  — 

On  trouva  dans  les  égouts  souterrains  les 
corps  d'environ  deux  raille  personnes  mort '.s 
de  misère,  ou  qui  s'étaient  égorgées  les  unes 
les  autres  plutôt  que  de  se  soumettre  aux  vain- 
queurs. Il  est  impossible  de  déterminer  au 
juste  le  nombre  de  Juifs  qui  périrent  dans 
cette  guerre,  la  plus  meurtrière  que  jamais 
nation  ait  essuyée.  On  compte  onze  cent  mille 
morts  dans  le  cours  du  siège.  En  y  ajoutant 
ceux  qui  périrent  dans  les  autres  places  de  la 
Palestine,  le  nombre  en  dépasse  1,337,000, 
sans  ceux  qu'il  fut  impossible  de  compter.  Il 
yen  eut  97,000  réduits  en  esclavage. 

Tel  fut,  mes  enfants,  l'accomplissement  de 
la  prophétie  de  Notre-Seigneur,  lorsque  40  ans 
auparavant,  jetant  sur  cette  ville  un  regard 
de  compassion  et  pleurant  sur  elle,  il  disait  : 
«  Des  jours  malheureux  viendront ,  où  tes 
ennemis  t'environneront  de  tranchées,  où  ils 
t'enfermeront  et  te  serreront  de  toutes  parts. 
Ils  raseront  tes  maisons,  extermineront!:-, 
habitants  et  ne  te  laisseront  pas  pierre  sur 
pierre,  parce  que  tu  as  méconnu  le  temps  où 
tu  as  été  visitée.  » 


—  23  - 
5V.  —  I*Oi\«!»o3BSflttg4»js  célèbres. 


LE  TKRE  WtYDAïNE. 

Le  P.  Brydaine  ,  célèbre  prédicateur  fran- 
çais, naquit  à  Chusclam  (Gard),  le  21  mars 
1701.  À  peine  revêtu  des  premiers  ordres, 
il  fut  envoyé  à  Aiguës-Mortes  pour  y  prê- 
cher le  carême.  Le  mercredi  des  cendres, 
ayant  attendu  vainement  des  auditeurs,  il 
sortit  de  l'église  couvert  d'un  surplis  et  par- 
courut les  rues  en  agitant  une  clochette.  A  ce 
spectacle  et  à  ce  bruit  inaccoutumé,  la  fouit 
s'amasse  et  sait  le  missionnaire  jusque  dans 
le  temple.  Brydaine  alors  monte  en  chaire , 
entonne  un  cantique  sur  la  mort,  et  para- 
phrase ce  terrible  sujet  avec  une  énergie  qui 
remue  profondément  l'auditoire  et  le  frappe 
d'admiration  et  d'effroi. 

Doué  d'une  imagination  hardie,  et  d'une 
voix  puissante  qui  pouvait  se  faire  entendre 
en  plein  air  par  plus  de  dix  mille  personnes, 
s'abandonnant  aux  inspirations  du  moment, 
ne  reculant  jamais  devant  l'étrangeté  d'une 
image,  la  hardiesse  d'une  expression,  la  bi- 
zarrerie des  contrastes,  Brydaine  atteignit  aux 


-  24  — 

plus  grands  effets  de  l'éloquence,  et  fut  le 
type  le  plus  accompli  de  l'orateur  populaire; 
prêchant  souvent  en  plein  air,  à  l'exemple  des 
premiers  Apôtres,  dominant  comme  eux  la 
multitude,  et  ne  négligeant  aucun  secours  qu'il 
pouvait  tirer  du  jour,  du  lieu,  de  l'heure,  du 
rang  et  de  l'esprit  de  ses  auditeurs. 

Voici  un  des  traits  de  l'éloquence  particu- 
lière du  P.  Bry daine,  tiré  d'un  de  ses  sermons  : 

«  Savez- vous  ce  que  c'est  que  l'éternité? 
C'est  une  pendule  dont  le  balancier  dit  et  re- 
dit sans  cesse  ces  deux  mots  seulement  dans 
le  silence  des  tombeaux  :  Toujours,  jamais  f 
jamais,  toujours!  et  toujours,  pendant  ces 
effroyables  révolutions,  un  réprouvé  s'écrie  : 
Quelle  heure  est-il?  et  la  voix  d'un  autre 
misérable  lui  répond  :  L'éternité  t  a 


UN  PETIT  MARTYR. 

Le  journal  américain  Daily  Argus  raconte 
le  fait  suivant,  que  le  tribunal  de  Madisson  a 

eu  à  juger. 

Un  jeune  garçon  de  neuf  ans,  gentil  comme 
un  chérubin,  à  la  blonde  chevelure  et  aux 
yeux  bleus,  retiré  de  l'hospice  des  orphelins 
de  Milwankee,  avait  été  confié  à  un  fermier 


de  Marquette,  membre  de  la  secte  des  baptis- 
tes,  qui  le  regardait  comme  son  fils. 

Quelque  temps  après  son  installation  dans 
sa  nouvelle  famille,  le  petit  garçon  divulgua 
une  faute  grave  qui  avait  été  commise  par  la 
fermière.  Celle-ci  repoussa  l'accusation  avec 
énergie,  et  son  indignation  fut  telle  que  le 
mari  resta  persuadé  que  sa  femme  avait  été 
calomniée.  Elle  insista  auprès  de  son  mari 
pour  que  l'enfant  fût  fouetté  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  rétracté  ce  qu'il  avait  dit;  et  le  mari,  s'é- 
tant  armé  d'un  martinet  de  cordes,  suspendit 
l'enfant  à  une  poutrelle  de  la  chambre  et  le 
fouetta  pendant  près  de  deux  heures  jusqu'à 
ce  que  le  sang  ruisselât  sur  le  sol. 

Il  s'arrêta  alors  et  demanda  à  l'enfant  s'il 
persistait  dans  ce  qu'il  avait  dit.  «  Papa,  ré- 
pondit l'enfant,  j'ai  dit  la  vérité,  et  je  ne  me 
rétracterai  pas  pour  dire  un  mensonge.  » 

La  femme  insista  de  nouveau  auprès  de  son 
mari  pour  qu'il  continuât  ce  qu'elle  appelait 
«  son  devoir,  »  et  les  coups  recommencèrent 
jusqu'à  ce  que  le  pauvre  petit  tombât  presque 
inanimé  dans  les  bras  de  son  bourreau,  à  qui 
il  dit,  en  passant  ses  bras  autour  de  son  cou 
et  en  l'embrassant  :  «  Papa.. .  je  me  meurs...  » 
et  il  expira. 


—  26  — 
Les  débats  ont  démontré  que  cet  enfant  avait 
eu  raison  d'accuser  la  femme  du  fermier,  et 
qu'il  avait  préféré  les  tortifres  et  la  mort  au 
mensonge  qui  aurait  pu  le  sauver. 


Slorceaux  littéraire». 


MORT   DU   SAUVEUR. 


.fours  de  calamités,  ô  remords  éternels, 

Comme  un  vil  imposteur  entre  deux  criminels, 

Sur  la  honteuse  croix  les  Hébreux  retendirent, 

Et  du  sans  de  Jésus  les  flots  se  répandirent. 

La  tache  de  ce  sang  sur  ce  front  s'imprimi, 

Dès  lors,  des  nations  la  guerre  s'alluma  ; 

Et  toutes  rejetant  cette  race  perfide, 

Pour  elle  ont  inventé  le  nom  de  déicide. 

A  peine  d'Israël  le  crime  est  accompli, 

Que  la  foudre  a  grondé,  la  terre  a  tressailli; 

Avant' l'heure  du  soir  de  profondes  ténèbres 

Couvrent  de  Josaphat  les  monuments  funèbres; 

Les  gardiens  du  supplice,  alors  saisis  d'effroi, 

Proclament  le  Messie  et  confessent  la  foi, 

Et  soudain  abjurant  leur  fureur  insensée, 

Adorent  à  genoux  la  croix  qu'ils  ont  dressée. 

Tout  s'émeut,  chaque  objet  emprunte  un  sentiment. 

Pour  dire  à  l'Univers  le  saint  événement. 

Le  temple  sent  mouvoir  sa  base  de  porphyre, 

Du  dôme  jusqu'au  pied  son  voile  se  déchire; 

Les  vents  impétueux,  se  croisant  dans  les  airs, 

Font  voler  vers  Sion  la  poudre  des  déserts; 

Les  nuages  surpris  s'arrêtent  dans  leur  course, 

Le  fleuve  épouvanté  remonte  vers  sa  souroe, 

De  leurs  linceuls  vieillis  écartant  les  lambeaux, 

Les  morts  ressuscites  sortent  de  leurs  tombeaux: 


Le  soleil  s'obscurcit,  les  mantagae&fie  fendent, 

D'eux-mêmes  dam  l'enfer  [es  tourments  se  suspendent. 

Les  démons  à  leur  tour  connaissent  la  téireur  ; 

Sur  son  trône  ébranlé,  Satan,  plein  de  fureur, 

Du  serpent  favori  voit  la  (été  écrasée; 

La  chaîne  de  la  mort  entre  ses  mains  brisée. 

En  vain  de  ses  sujets  il  réclame  l'appui, 

ptife  rachetés  s'échappent  malgré  lui; 
Faisant  taire  leurs  chants,  les  célestes,  cohortes, 
Du  royaume  éternel  ouvrant  déjà  les  portes, 
Vers  les  cieux  attentifs  un  cri  s'est  élevé, 
L'àme  de  Dieu  s'exhale....  et  le  monde  est  sauvé  ! 

Delp.  Gay. 


VI.  —  Histoire  naturelle. 


LE   CAMPHRE. 

Le  camphre  est  une  substance  particulière 
qui  constitue  un  des  matériaux  immédiats  des 
végétaux-  Il  ne  parait  pas  avoir  été  connu  ni 
des  Grecs  ni  des  Romains.  Les  Arabes  sont  les 
premiers  qui  en  aient  fait  mention,  sous  le 
nom  de  kamphur,  d'où  notre  mot  camphre. 

Cette  substance  se  rencontre  dans  un  graul 
nombre  de  plantes,  et  notamment  dans  plu- 
sieurs lauriers.  On  l'extrait  particulièrement 
du  laurier-camphre,  arbre  qui  est  très-abon- 
dant en  Chine  et  au  Japon.  Pour  l'obtenir,  on 
coupe  les  racines  et  le  bois  de  cet  arbre  en 
petits  morceaux,  que  Ton  fait  bouillir  avec 


—  28  — 
de  l'eau  dans  des  pots  de  fer  en  forme  d'alam- 
bic, et  surmontés  d'un  chapiteau  en  terre, 
dont  l'intérieur  est  garni  de  paille  de  riz.  Le 
camphre  se  sublime  et  s'attache  en  se  concré- 
tant  à  la  paille,  sous  forme  de  petits  grains 
grisâtres. 

Tout  le  camphre  qui  arrive  en  Europe  vient 
de  la  Chine  et  du  Japon;  on  l'envoie  dans  des 
tonneaux  à  l'état  brut  et  sous  forme  de  poudre 
grise.  Autrefois  on  ne  le  raffinait  qu'à  Venise, 
aujourd'hui  les  raffineries  de  camphre  sont 
très-multipliées. 

Le  camphre  se  volatilise  sans  cesse  à  la 
température  de  l'atmosphère,  de  là  les  cris- 
taux de  camphre  que  l'on  trouve  à  la  partie 
supérieure  des  parois  des  vases  dans  lesquels 
il  est  enfermé  depuis  quelque  temps.  Il  est 
très-peu  soluble  dans  l'eau  ;  il  se  dissout  dans 
l'alcool,  dans  l'acide  sulfurique  concentré. 

Le  camphre  est  employé  à  l'intérieur 
comme  stimulant  diffusible,  c'est-à-dire 
comme  excitant  par  une  action  propre  qui  se 
transmet  rapidement  à  toutes  les  parties  de 
l'organisation,  et  dont  l'effet  est  de  courte 
durée.  Dans  les  petites  véroles  dont  l'éruption 
se  fait  attendre  ou  dont  les  boutons  noir- 


—  29  — 

cissent,  le  camphre  est  utile  en  excitant  la 
transpiration,  il  peut  encore  le  devenir  par 
la  propriété  qu'il  a  de  s'opposer  aux  progrès 
de  la  putréfaction. 

A  l'extérieur,  le  camphre  est  souvent 
employé  à  l'état  d'alcool  camphré  (eau-de-vir 
camphrée),  qui  contient  un  trentième  de  son 
poids  de  camphre.  On  emploie  ce  liquide  seul 
en  friction,  ou  on  le  mêle  à  quelque  stimulant, 
tel  que  le  savon  ammoniacal,  pour  combattre 
des  douleurs  rhumatismales  chroniques,  des 
douleurs  sciatiques,  des  engourdissements, 
des  paralysies,  etc. 

L'alcool  camphré  s'emploie  aussi  en  fomen- 
tation dans  les  gangrènes  locales.  On  le  donne 
en  gargarisme  dans  les  angines  gangreneuses 
en  le  mêlant  à  des  proportions  variées  de 
miel  ou  de  sirop  de  mûres. 

VII.  —Hygiène. 

CONVULSIONS. 

On  peut  presque  toujours  prévenir  les  con- 
vulsions des  enfants.  Quand  un  enfant  est 
souffrant,  rouge,  grognon,  porté  à  dormir  aux 


—  30  — 
heures  où  habituellement  il  ne  dort  pas.. 
quand  le  regard  semble  fixe  et  se  meut  péni- 
blement adroite  et  à  gauche,  quand  il  y  a  des 
vomissements,  on  peut  être  certain  que  des 
convulsions  a  ont  arriver. 

Il  faut  alors  empêcher  le  mal  de  faire  des 
progrès.  Pour  cela,  prenez  un  verre  de  vinai- 
gre ,  faites-le  bouillir.  Quand  il  est  bouillant, 
mêlez-y  du  son  ou  de  la  mie  de  pain,  pour  en 
faire  comme  un  cataplasme.  Etendez  cette 
bouillie  sur  deux  linges,  et  quand  elle  ne 
vous  brûle  plus  au  toucher,  enveloppez-en  les 
pieds  de  l'enfant,  et  recouvrez  le  tout  d'un 
morceau  de  laine,  pour  l'empêcher  de  refroidir 
Si  l'enfant  est  au  lit,  mettez  à  ses  pieds  une 
brique  bien  chauffée  ou  une  bouteille  d'eau 
chaude.  Laissez  ces  cataplasmes  une  heure  ou 
deux,  jusqua  ce  que  l'enfant  en  témoigne  de 
la  douleur;  alors  retirez-les,  essuyez  bien  les 
pieds  et  tenez-les  très  chaudement. 

Si  au  bout  de  quelques  heures  les  mêmes 
symptômes  de  convulsion  continuent  ou  re- 
paraissent, recommencez  le  même  remède 
avec  du  vinaigre  nouveau.  Ne  donnez  aucune 
nourriture  à  l'enfant  tant  qu'il  est  souffrant, 
mais  seulement  à  boire  tant  qu'il  en  voudra. 


—  31  — 

Si  vous  n'avez  pas  de  vinaigre.,  prenez  de 
la  cendre  chaude  (mais  qui  ne  brûle  pas),met- 
t<v.-la.  sèche ,  sur  deux  linges  et  enveloppez- 
sépaTément  chaque  pied  de  l'enfant.  Lais- 
sez cela  deux  ou  trois  heures  et  même  plus,  si 
l'enfani  ne  parait  pis  en  souffrir.  Le  but  de 
ces  remèdes  est  de  dégager  la  tète  et  d'attirer 
le  sang  aux  jambes. 

Si  les  convulsions  sont  déjà  venues,  mettez 
une  pincée  de  sel  sur  la  longue  de  i 'enfant.  En 
outre,  appliquez  les  mêmes  cataplasmes  de 
vinaigre  ou  de  cendre  sèche,  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Mettez  une  sangsue  à  chaque 
cheville,  au-dessus  du  cataplasme,  et  laissez 
couler  le  sang  deux  heures.  Arrêtez  ensuite 
le  sang  avec  des  toiles  d'araignée  que  vous 
mettez  sur  les  piqûres  et  que  vous  .y  mainte- 
nez avec  un  linge  tourné  autour  de  la  jambe. 
L'amadou  produit  le  même  effet.  Ne  serrez 
pas  trop  le  linge  pour  ne  pas  intercepter  la 
circulation.  {Petites  lectures). 


—  32  — 
VIII.  —  Intliisf  rie. 

DU   GANTIIR. 

On  appelle  gantier  l'ouvrier  et  le  marchand 
qui  font  et  vendent  toutes  sortes  d'ouvrages 
de  ganterie. 

Les  gants  se  font  ordinairement  de  peaux 
d'animaux  passées  en  huile  ou  en  mégie,  telles 
que  celles  du  chamois,  de  la  chèvre,  de  l'a- 
gneau, du  daim,  du  cerf,  de  l'élan.  On  fait 
aussi  des  gants  à  l'aiguille  et  sur  le  métier 
avec  la  soie,  le  fil,  la  laine,  le  coton,  etc. 

Le  gantier  ne  prépare  pas  les  peaux,  il  doit 
seulement  s'attacher  à  faire  un  bon  choix 
dans  l'achat  qu'il  en  fait.  L'usage  des  gants 
est  très -ancien.  Comme  on  se  revêtait  autre- 
fois de  peaux  pour  mettre  son  corps  à  l'abri 
des  injures  de  l'air,  on  en  étendit  l'usage 
aux  mains,  pendant  l'hiver,  pour  se  garantir 
du  froid. 

Cette  profession  exige  beaucoup  de  propreté, 
et  peu  d'outils.  Les  principaux  dont  on  se  sert 
sont  les  ciseaux  de  tailleur,  le  couteau  à  do- 
ler,  et  le  tourne-gant.  Après  que  les  gants  ont 
été  coupés,  le  gantier  les  envoie  à  la  coutu- 
rière, qui  les  coud  avec  de  la  soie,  ou  avec 


—  33  — 

une  sorte  de  fil  très-fort  appelé  fil  à  gant. 

Les  gants,  au  retour  de  la  couturière,  sont 
vergetés,  paire  par  paire',  avec  une  brosse  qui 
ne  doit  être  ni  dure  ni  molle.  On  prend  en- 
suite du  blanc  d'Espagne,  on  en  frotte  les 
gants  et  on  en  ôte  le  surplus,  en  les  battant, 
par  un  temps  sec,  sur  une  escabelle,  jusqu'à 
ce  qu'ils  n'en  rendent  plus.  On  les  brosse  de 
nouveau,  et  pour  lors  ils  sont  prêts  à  être 
gommés.  Pour  cet  effet,  on  fait  dissoudre  la 
gomme  dans  de  l'eau,  on  la  passe  à  travers 
un  linge,  on  la  fouette  avec  des  verges,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  blanchisse  et  s'épaississe.  Quand 
elle  paraît  avoir  une  consistance  légère,  on 
étend  le  gant  sur  un  marbre,  on  trempe 
dans  la  gomme  dissoute  une  éponge  fine,  et 
on  gomme  le  gant  à  toute  sa  surface.  Cette 
opération  est  destinée  à  y  attacher  le  blanc 
qu'il  a  reçu. 

Les  gantiers  ne  perdent  rien  des  peaux 
qu'ils  achètent  aux  mégissiers,  parce  qu'ils 
revendent  les  enlevures  ou  retailles  aux  tis- 
siers  et  aux  blanchisseurs  de  murailles  pour 
faire  ce  qu'on  appelle  de  la  colle  à  gant. 


—  M  — 
V2L.  —Variétés. 


UN   HOMME    PLÂTRÉ. 

Le  journal  Le  Yexin  raconte  le  fait  suivant  : 

«  Dans  une  commune  des  environs  de  Ver- 
non,  un  serrurier  pensa  qu'il  devait  se  donner 
une  enseigne ,  et  quand  il  eut  suffisamment 
cherché,  il  se  dit  tout  joyeux  :  «Mon  enseigne 
sera  un  bras  tenant  une  clef  :  »  et  comme  ses 
regards  tombèrent  en  ce  moment  sur  son  bras 
fort,  nerveux  et  velu,  il  prit  la  résolution  de 
faire  mouler  son  bras  et  sa  main  robuste  mon- 
trant aux  passants  une  clef  superbe. 

»  L'appétit  vient  en  mangeant,  dit  le  pro- 
verbe :  l'opération  du  moulage  réussit  à  sou- 
hait. Le  serrurier  ne  se  sentait  pas  d'aise.  Il 
lui  vint  une  autre  pensée  :  ce  fut  de  se  faire 
mouler  du  haut  jusqu'en  bas.  Il  en  parla  au 
mouleur,  qui  trouva  la  chose  faisable;  jour 
fut  pris  pour  mener  à  bien  cette  artistique 
opération,  et  au  jour  dit,  le  mouleur  se  mit  à 
l'œuvre.  Le  plâtre  fut  gâché  avec  tout  l'em- 
pressement possible,  et  le-  serrurier  ne  tarda 
pas  à  se  sentir  étreint  sous  cette  blanche  cui- 
rasse dont  il  commençait  à  se  plaindre. 

»  —  Plus  vite  !  criait-il. 


—  35  — 

»  On  alla  plus  vite,  aussi  vite  qu'on  le  pou- 
vait, et  quand  le  serrurier  fut  tout  de  plâtre 
habillé,  qu'il  ne  restait  plus  à  mouler  que 
cette  figure  virile  encadrée  de  favoris  épais, 
on  plaça  un  chalumeau  dans  la  bouche  du 
patient  pour  qu'il  pût  respirer,  et  on  lui  dit  : 

—  Fermes  les  yeux  ! 

»  Le  serrurier  obéissant  les  ferma,  et  sa  fi- 
gure disparut  sous  le  plâtre.  Il  n'en  pouvait 
plus,  il  étouffait.  Il  voulait  se  plaindre,  et  la 
plainte  e\] tirait  au  chalumeau.  Il  aurait 
voulu  briser  son  enveloppe,  mais  aucun  mou- 
vement ne  lui  était  permis.  Il  crut  qu'il  allait 
mourir.  Enfin  il  fit  un  effort,  secoua  les  poings 
contre  la  muraille,  brisa  les  gantelets  de 
gypse  qui  les  rendait  impuissants,  et  parvint 
à  arracher  son  masque,  qui  tomba  tout  cou- 
vert de  la  barbe  qui  y  avait  adhéré.  Il  put 
donc  parler,  mais  ce  fut  pour  maudire  l'idée 
qu'il  avait  eue,  et  le  mouleur  qui  n'avait  pas 
combattu  cette  idée. 

»  Ce  n'était  pas  une  petite  affaire  de  le  dé- 
barrasserdu  supplice  de  sa  carapace.  On  avait 
beau  faire,  rien  ne  faisait.  Force  fut  de  pren- 
dre les  marteaux  qui  frappaient  ordinaire- 
ment sur  l'enclume  et  de  s'en  servir  pour 


—  36  — 
hâter  la  délivrance  du  malheureux  moulé. 
Tout  ce  qu'il  souffrit,  lui  seul  le  sut  :  il  y 
avait  des  endroits  de  son  corps  où  sa  chair 
vive  saignait,  d'autres  où  la  peau  était  bleue 
ou  marbrée.  Il  resta  longtemps  malade  de 
cette  malencontreuse  opération,  et 
Jura,  mais  un  peu  tard,  qu'on  ne  l'y  prendrait  plus. 


T    —  Proverbes  et  Vax  fines 

Qui  apprend  à  ses  dépens, 
Apprend  chèrement. 


La  véritable  manière  de  se  venger  digne- 
ment, c'est  de  ne  pas  ressembler  à  celui  qui 
nous  fait  injure. 


Le  corps  se  soutient  par  les  aliments,  et 
l'âme  par  les  bonnes  actions. 


Le  mot  de  la  dernière  énigme  est  :  Ténèbres. 


CHARADE. 


Chez  tous  les  boulangers  on  trouve  mon  premier; 
En  cherchant  dans  la  gamme  on  trouve  mon  dernier. 
Allons  donc,  paresseux,  imitez  mon  entier! 


DE    L'wrilMIIII    »E    BEAU,    i.    SilSTCEnMilK-EÏ-EiTE, 


RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES, 


DEUXIÈME  ANNÉE. 


50e     Livraison. 


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SAINT    ]»AR€. 


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RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES, 

ou 

LECTURES 

MORALES,   INSTRUCTIVES   ET  AMUSANTES  , 

DESTIHÉK 

U\    RC01EI  OHRETIEMES. 


deuxième  ANNÉE; 


A    VBE.SAH,£j:s , 

CHEZ    L'EPITEUR,    BEAU  J»e,  IMPJUMKBB  , 
Rue  Sttory,  28. 


PROPRIÉTÉ. 


SOMMAIRE. 


I.  Religion  et  Morale.  —  Le  nid  d'aigle.—  Un  ba- 
taillon d'infanterie  devant  le  Saint-Sacrement. 

II.  Education/—  Pierre-le-Grand. 

III.  Géographie  et  Histoire.  —  Darfour  ,  contrée 

d'Afrique.  —  L'Australie. 

IV.  Personnages  célèbres.  —  Alexandre  enfant. 

V.  Morceaux  littéraires.  —  Le  jugement  dernier. 

VI.  Histoire  naturelle.  —  Fidélité  d'un  chien.  — 

Un  poireau. 

VII.  Hygiène.  —  Des  appartements  humides. 
VIII.  Industrie.  —  Le  batteur  d'or. 

IX.  Variétés. —  La  rue  du  Chantre. —  Procès-verbal. 
X.  Proverbes  et  Maximes. 
Charade. 


1.  —  Religion  et  Morale. 


LE   >'ID   D'AIGLE. 

Bien  loin,  bien  loin,  derrière  un  rocher 
noir,  vous  distinguez  un  toit,  une  chaumière  ; 
c'est  la  demeure  du  vieux  Bernard.  Nous  al- 
lons d'un  bond  nous  introduire  dans  sa  mai- 
sonnette. Frappons  !  —  Donnez- vous  la  peine 
d'entrer.  —  Vous  êtes  couché,  pauvre  Ber- 
nard :  vous  êtes  donc  malade  ?  —  Ben  ma- 
lade !  ben  malade  !  —  Avez-vous  vu  le  méde- 
cin?— Jehan  est  allé  le  chercher.  Tenez,  j'en- 
tends les  pas  de  son  cheval,  c'est  probable- 
ment lui,  c'est  lui. 

Le  médecin  savoisien  s'avance  avec  gra- 
vité, tâte  le  pouls,  fait  tirer  la  langue,  exécute 
une  grimace,  et,  tapotant  la  joue  du  bon 
vieux  :  «  Ce  ne  sera  rien,  mon  ami,  ce  ne 
sera  rien.  »  Mais  il  fait  un  signe  aux  trois  gar- 
çons qui  sont  là  bouche  béante,  front  décou- 
vert, et  dans  l'anxiété  d'un  accusé  attendant 


—  6  — 
la  sentence.  Les  voilà  tous  les  quatre  réunis 
dans  un  coin  ;  le  docteur  hoche  la  tête  et 
avance  démesurément  la  lèvre  inférieure  :  — 
«  C'est  grave,  mes  enfants,  c'est  grave.  C'est 
une  fièvre  pernicieuse.  Nous  sommes  en  plein 
accès  dans  ce  moment-ci;  mais,  l'accès  fini, 
il  faut  absolument  du  sulfate  de  quinine.  — 
De  qui...  qui...,  monsieur  le  docteur?  —  De 
quinine,  mon  ami  ;  une  substance  qui  coûte 
fort  cher,  et  que  vous  trouverez  à  Sallanches, 
bien  sûr.  Entre  les  deux  accès  il  faut  en  faire 
prendre  au  moins  pour  trois  francs.  Au  sur- 
plus,, je  vais  écrire  mon  ordonnance.  Vous 
savez  lire,  vous  Guillaume  ? —  Oui,  Monsieu. 
— Vous  veillerez  à  l'exécution. —  Soyez  tran- 
quille. » 

Trois  francs  dans  les  montagnes  de  Savoie 
font  plus  de  trois  pièces  de  20  francs  dans  nos 
grandes  villes.  Quand  le  médecin  fut  sorti, 
Guillaume,  Peters  et  Jehan,  les  trois  fils  de 
Bernard,  se  regardèrent  avec  inquiétude,  il  y 
avait  en  tout  dix-sept  sous  dans  la  maison. 

«  Ecoutez ,  dit  Peters ,  je  connais  dans  la 
montagne  un  moyen  de  gagner  dès  ce  soir  trois 
ou  quatre  pièces  de  cinq  francs.  La  seule  chose 
qui  me  tient  c'est  le  danger  qu'il  faut  courir  ; 


—  7  — 
mais  pour  la  conservation  du  vieux  pèrej  il 
n'y  a  plus  rien  à  calculer.  Si  nous  voulons 
nous  l'aurons  clans  deux  heures.  Il  s'agit  d'un 
nid  d'aigle,  bâti  sur  un  épouvantable  préci- 
pice. —  C'est  moi  qui  Tirai  chercher,  dit  Guil- 
laume. —  C'est  moi,  dit  Jehan.  —  Non  pas, 
non  pas,  c'est  moi  qui  l'ai  découvert.  » 

Les  trois  garçons  voulaient  se  dévouer,  et 
la  discussion  était  d'autant  plus  émouvante 
que  Ton  se  disputait  à  qui  serait  tué;  car  le 
péril  était  effrayant  et  le  précipice  épouvanta- 
ble, et  le  nid  convoité  était  à  peu  près  inacces- 
sible, a  Ecoutez,  dit  Peters,  il  y  a  un  moyen 
de  tout  arranger.  Nous  allons  tirer  au  sort. 
Ecris  trois  numéros,  Guillaume;  voici  mon 
chapeau.  Le  numéro  1  descendra  et  ramènera 
le  nid.  »  Tous  les  cœurs  battaient  outre  mesure. 
Le  vieux  Bernard  râlait  la  fièvre,  et  chacun 
de  ses  trois  garçons  voulait  avoir  la  consola- 
tion de  jouer  sa  vie  pour  sauver  celui  qui  la 
leur  avait  donnée. 

Le  sort  tomba  sur  Peters  ;  c'était  lui  qui 
avait  fait  la  découverte,  cette  bonne  fortune 
lui  était  bien  due.  Il  alla  tout  d'abord  em- 
brasser Bernard.  —  «Adieu,  père, adieu. —  Où 
a  liez-vous,  enfants  ?  —  Travailler  pour  avoir 


—  8  — 
le  médicament  que  le  médecin  prescrit.  — 
Qu'allez- vous  faire  ?  —  Nous  te  dirons,  à  no- 
tre retour,  ce  que  nous  aurons  fait.  » 

Et  chacun  des  trois  fils  embrassa  successi- 
vement le  vieux  père  malade.  Guillaume  dé- 
tacha de  la  muraille  un  vieux  sabre  qui  avait 
appartenu  à  Bernard  quand  il  servait  dans 
les  cuirassiers;  ,lehan  alla  chercher  dans  un 
coin  une  vieille  corde;  Peters  courut  s'age- 
nouiller devant  une  statue  de  la  très-sainte 
Vierge. 

On  part.  On  arrive  au  bord  du  précipice,  et 
Ton  organise  l'attaque  du  nid.  Le  danger  n'é- 
tait pas  seulement  dans  la  possibilité  d'une 
chute  de  près  de  40  mètres,  mais  encore  dans 
l'agression  des  oiseaux  de  proie  que  pouvait 
renfermer  l'abîme. 

Celui  que  le  sort  avait  désigné  pour  une  si 
périlleuse  entreprise,  était  un  beau  jeune 
homme  d'environ  22  ans,  d'une  force  athléti- 
que, et  ne  reculant  jamais  devant  les  difficultés . 
Ayant  donc  mesuré  hardiment  la  profondeur 
qu'il  doit  parcourir,  il  se  ceint  d'une  corde  à 
gros  nœuds  que  ses  frères  se  chargent  d'abais- 
ser ou  de  hisser  à  volonté;  puis,  muni  du  sa- 
bre de  son  père,  il  descend  jusque  dans  le 


—  9  — 

précipice.  Il  arrive  heureusement  devant  l'in- 
terstice qui  recèle  le  nid  d'aigle.  Ce  nid 
contenait  quatre  aiglons  à  plumage  isabelle 
clair.  C'est  un  trésor  pour  le  courageux  mon- 
tagnard, et  son  cœur  palpite  de  joie  à  la  vue 
d'un  si  riche  butin.  Malheureusement  le  plus 
difficile  n'est  pas  accompli,  il  faut  remonter 
avec  cette  proie,  et  c'est  là  surtout  que  se 
trouve  le  péril.  Peters  prend  le  nid,  l'enlace 
dans  sa  main  gauche,  et  tient  dans  sa  droite 
le  sabre  tranchant  dont  il  est  armé. 

Déjà  la  voix  du  jeune  chasseur  a  retenti 
joyeusement  dans  les  cavités  sonores  du  pré- 
cipice.—  «  Je  les  tiens,  ils  sont  à  nous  !  enle- 
vez !  !  !  Déjà  la  corde  se  meut  dans  un  mouve- 
ment ascensionnel,  lorsque  tout  à  coup  Peters 
se  voit  assailli  par  deux  aigles  énormes,  qu'il 
reconnaît  à  leur  fureur  et  à  leurs  cris  pour  le 
père  et  la  mère  des  petits  dont  il  s*est  empa- 
ré. —  Courage  !  frère,  défends-toi,  n'aie  pas 
peur.  »  Peters  serre  le  nid  d'aiglons  contre  sa 
poitrine,  et  de  sa  main  droite  il  fait  le  mou- 
linet avec  le  grand  sabre  de  son  père.  Alors 
s'engage  une  lutte  épouvantable;  les  aigles 
crient,  les  petits  hurlent,  le  montagnard  sif- 
fle et  brandit  avec  dextérité  son  sabre  qui 

50. 


—  10  — 
brille  au  soleil  comme  l'éclair,  comme  la  fou- 
dre, frappe  les  aigles  qui  n'en  sont  que  plus 
acharnés,  frappe  le  roc  dont  il  jaillit  des  étin- 
celles. Tout  à  coup  la  corde  qui  le  soutient 
au-dessus  des  profondeurs  de  l'abîme  est 
ébranlée  par  un  choc  inattendu.  Peters  lève 
les  yeux,  et  il  s'aperçoit  que  dans  ses  évolu- 
tions, tout  en  faisant  le  moulinet  avec  son 
sabre,  il  a  touché  la  corde,  et  que  cette  corde 
de  salut  est  déjà  tranchée  à  moitié. 

Que  cette  corde  casse  et  le  montagnard  est 
perdu,  et  son  butin  roule  avec  lui  dans  le 
précipice,  et  le  vieux  Bernard  court  l'effroyable 
danger  de  mourir,  faute  d'un  médicament  que 
ses  fils  ne  pourront  acheter. 

Les  yeux  de  Peters,  démesurément  dilatés, 
restèrent  immobiles  un  instant,  puis  se  fer- 
mèrent avec  effroi.  Un  frisson  glacial  parcou- 
rut tout  son  corps,  il  faillit  lâcher  du  même 
coup,  et  le  nid  qu'il  rapportait,  et  le  terrible 
sabre  qui  lui  servait  de  défense. 

Au  même  instant  l'un  des  aigles  s'abattit 
sur  sa  tête  et  chercha  à  lui  déchirer  le  visage  ; 
alors  notre  Savoisien  se  ranima,  fit  un  su- 
prême effort,  et  se  débattit  le  mieux  qu'il  put. 
Jamais  un  homme  ordinaire  n'en  aurait  eu 


—  11  — 

la  force  ;  mais  Peters  songea  d'une  part  à 
son  vieux  père,  de  l'autre  à  la  Madone  qu'il 
avait  implorée  avant  son  expédition.  Il  eut  le 
bonheur  de  réussir. 

La  corde  monte,  monte  toujours;  des  voix 
anùes  font  entendre  des  paroles  d'encourage- 
ment et  de  triomphe,  mais  Peters  était  hors 
d'état  de  leur  répondre.  Quand  il  eut  atteint 
le  bord  du  précipice  avec  le  nid  d'aigle  qu'il 
n'a  point  abondonné,  ses  cheveux,  aupara- 
vant d'un  beau  noir  d'ébène,  sont  devenus  si 
complètement  blancs,  que  Guillaume  et 
Jehan  ont  peine  à  reconnaître  leur  frère. 
Qu'importe  !  les  aiglons  sont  de  l'espèce  la 
plus  rare.  Ils  furent  le  jour  même  portés, 
vendus.  Le  vieux  Bernard  put  avoir  du  sul- 
fate de  quinine,  et  le  médecin,  en  venant  le 
voir  le  lendemain,  le  trouva  en  convales- 
cence.       [Magasin  de  l'Enfonce  chrétienne.) 


CM  BATAILLON  D  INPAN.TEEIE  LEVANT   LE  SAINT- 
SACREMENT. 

Je  descendais  la  rampe  qui  mène  de  Y  Ara 
Cœli  à  l'arc  de  triomphe  de  Septime-Sévère, 
dit  l'auteur  des  Petites  Lectures,  lorsque  j'a- 


—  12  — 
perçus  un  bataillon  d'infanterie  française  qui 
venait  de  passer  l'inspection  du  colonel.  11  mar- 
chait tambour  battant,  se  dirigeant  du  côté  de 
la  colonne  de  Phocas.  Au  moment  où  il  arriva 
près  des  trois  colonnes  du  temple  de  Jupiter- 
Stator,  un  prêtre  sortit  de  la  petite  église 
voisine,  portant  le  saint  viatique  abrité,  sui- 
vant l'usage,  d'un  large  parasol,  et  suivi  par 
une  foule  de  fidèles  qui  récitaient  des  prières. 
Je  me  mêlai  aux  groupes  dont  je  remarquais 
l'attention  sur  ce  qui  allait  advenir  de  la  ren- 
contre inévitable,  et  j'attendis. 

Quand  l'officier  qui  marchait  en  tète  de  la 
troupe  fut  à  certaine  distance,  il  comman- 
da :  «  Halte  !  présentez  armes  !  genou  terre  !  » 
Et  le  mouvement  s'exécuta  avec  une  mer- 
veilleuse précision.  Je  ne  saurais  peindre  l'im- 
pression que  produisit  sur  les  nombreux 
spectateurs  cette  spontanéité  à  rendre  les  hon- 
neurs militaires  au  saint  viatique,  et  l'attitude 
grave  et  religieuse  des  soldats,  pendant  que 
le  prêtre  passait  devant  le  front  du  bataillon. 
J'entendais  dire  autour  de  moi  :  «  Ces  Français 
qu'on  disait  plus  turcs  que  chrétiens,  ce  sont 
des  anges.  » 


13  — 


II.  —  Education. 


PIERRE  LE    GRAND. 

«  Vous  êtes  heureux,  disait  Pierre  le  Grand 
à  ses  enfants,  qu'il  avait  trouvés  occupés  à 
lire ,  vous  êtes  heureux  de  ce  qu'on  vous 
donne  ainsi  de  bonne  heure  le  goût  des  livres. 
Je  vaudrais,  au  prix  de  mes  doigts,  avoir  été 
bien  élevé  :  c'est  un  avantage  dont  je  suis 
bien  fâché  d'être  privé,  o 

Prévenez  de  pareils  regrets,  mes  enfants,  et 
imitez  la  sage  conduite  de  la  fourmi  qui  fait 
ses  provisions  dans  la  belle  saison  pour  avoir 
de  quoi  subsister  pendant  les  frimas. 

Vous  êtes  maintenant  vous-même  dans  la 
belle  saison,  c'est  à-dire  dans  l'âge  le  plus 
propre  à  acquérir  des  connaissances  dont  vous 
aurez  besoin  dans  la  suite.  Ayez  donc  soin 
d'en  bien  profiter.  Une  fois  que  cet  âge  heu- 
reux est  passé,  on  n'est  plus  à  temps  de  reve- 
nir sur  ses  pas,  et  on  reste  toute  sa  vie  dans 
l'ignorance. 

50.. 


—   14  — 


Un  passant  avait  soif;  il  trouve  une  fontaine  : 
Tout  autre  se  fût  mis  à  boire  promptement; 
Mais,  ce  qu'on  ne  croira  peut-être  qu'avec  peine, 

Notre  homme  fit  tout  autrement. 
Laissons  couler  cette  eau,  dit-il,  et  tout  à  l'heure 
11  en  pourra  sortir  une  qui  soit  meilleure. 
Il  attend  donc,  mais  vainement, 
L'eau  ne  change  point  de  nature. 
N'importe,  toujours  il  attend 
Qu'elle  devienne  encor  plus  pure. 
Le  bonhomme  attend  tellement, 
Qu'il  vit  enfin  tarir  la  source, 
Et  qu'il  ne  trouva  plus,  pendant  toute  sa  course, 
De  quoi  calmer  la  soif  qui  faisait  son  tourment. 
De  maint  et  maint  enfant  ce  passant  est  l'image  : 
Pour  orner  leur  esprit  ils  ne  font  nul  usage 

Des  heureux  jours  de  leur  printemps  : 
Ils  attendent  un  plus  bel  âge  ; 
Ce  bel  âge  s'enfuit,  ils  n'y  sont  plus  à  temps. 


III.  —  CicograpEsie  et  Histoire. 


DARFOUR,  CONTRÉE  H  AFRIQUE. 

Le  Darfour  s'étend  au  sud  de  la  Nubie,  à 
l'ouest  du  Kordofan ,  sur  une  longueur  d'en- 


—  là  — 

trime    lôoliiius  et  sur  une  largeur  de  16o. 

Il  compte  i  millions  d'âmes. 

Les  habitants  du  Darfour  ont  pour  princi- 
pal'' richesse  leur  nombreux  bétail,  une 
grande  quantité  de  bananes  et  de  dattes,  puis 
des  oignons,  du  poivre-long,  des  mûriers,  des 
melons  d'eau.  Ils  tirent  aussi  un  grand  profit 
des  éléphants,  autruches,  girafes,  rhinocéros, 
bons  et  bœufs  sauvages... 

Le  Darfour,  toujours  vivifié  par  le  soleil, 
rafraîchi  par  les  rosées  de  chaque  nuit  et  par 
des  pluies  régulières,  est  d'une  fertilité  admi- 
rable. Il  y  a  une  si  grande  quantité  de  bétail 
sur  les  montagnes,  que  les  habitants  ne  pou- 
vent  consommer  tout  le  lait  qu'il  produit,  et 
dans  la  pleine  le  riz  croit  sans  culture.  Le 
dourrah  (sorte  de  blé  de  Turquie)  pousse 
d'une  hauteur  démesurée.  Avec  le  coton 
qu'ils  cultivent  très-bien,  les  habitants  du 
Darfour  tissent  l'étoffe  de  leurs  habits  :  de 
Yohar  ils  tirent  un  fil  qui  ressemble  à  la  soie, 
et  dont  ils  se  servent  pour  coudre  ;  de  Vanable 
ils  tirent  la  gomme  arabique  ;  le  dattier  d'E- 
gypte et  le  doulad  leur  donnent  de  grosses 
noix  dont  ils  tirent  un  lait  huileux  et  très- 
agréable  au  goût  ;  sur  le  loulon  ils  recueillent 


—  16  — 
un  fruit  qui  ressemble  à  nos  marrons  ;  Yomeid 
produit  une  sorte  de  pomme  légèrement  acide; 
et  le  mouhais  a  un  fruit  qui,  réduit  en  farine, 
remplace  au  besoin  les  céréales.  Ils  ont  encore 
Yharraz,  dont  les  branches  s'étendent  de  façon 
à  former  de  l'ombre  à  plus  de  100  personnes  ; 
le  sabeloi  dont  le  vaste  tronc  sert  de  citernes  : 
le  haghlig  dont  chaque  partie  est  d'une  utilité 
particulière;  ses  jeunes  rameaux  servent  à 
assaisonner  les  mets ,  ses  feuilles  réduites  en 
pâte  guérissent  merveilleusement  les  plaies 
venimeuses ,  son  fruit  vert  sert  de  savon,  ses 
rameaux'  résineux  sont  employés  à  éclairer 
durant  la  nuit;  sur  les  mêmes,  sciés  et  arran- 
gés en  petites  tables,  on  trace  les  alphabets 
pour  les  enfants;  et  finalement  sa  cendre 
remplace  le  sel. 

La  forme  du  gouvernement  du  Darfour  est 
une  espèce  de  régime  féodal  dirigé  par  un 
sultan,  maître  absolu.  La  capitale  du  Dar- 
four est  toujours  la  ville  que  le  nouveau  sul- 
tan choisit  pour  sa  résidence;  aujourd'hui 
c'est  Tendetti.  11  dispose  de  la  vie  et  des 
biens  de  ses  peuples.  Quand  il  parait  en 
public,  il  a  toujours  le  visage  couvert,  afin 
de  ne  pas  éblouir  les  regards  de  son  peuple 


—  17  — 
par  sa  splendeur  et  sa  majesté.  Personne 
ne  peut  lui  adresser  directement  la  parole  : 
un  officier,  qui  reste  toujours  à  ses  côtés, 
lui  dit  au  besoin  :  «  Un  tel  te  salue  age- 
nouillé, etc.,  etc.  »  S'il  arrive  que  le  sultan 
éternue,  tous  ceux  qui  l'entourent  doivent 
l'imiter.  Si,  durant  une  promenade,  il  tombe 
de  cheval,  tous  ceux  qui  l'accompagnent  doi- 
vent aussitôt  en  faire  autant,  et  si  quelqu'un 
restait  en  selle,  une  pluie  de  coups  de  bâton 
tomberait  sur  les  épaules  de  l'imprudent,  afin 
de  lui  persuader  qu'il  ne  lui  est  pas  permis 
d'être  plus  habile  et  plus  adroit  que  son  sou- 
verain. Quand  il  va  à  la  chasse,  les  grands  qui 
s'y  trouvent  portent  un  parasol  et  des  éventails 
afin  de  lui  rendre  moins  sensible  l'ardeur  des 
rayons  du  soleil  ;  d'autres,  investis  de  fonc- 
tions plus  importantes,  portent  le  nom  d'une 
des  parties  de  sa  personne  :  ainsi  l'un  s'appelle 
sa  tête,  l'autre  son  bras  droit,  le  troisième  son 
bras  gauche,  etc..  Celui  qui  porte  ses  armes 
est  nommé  Yaba-amor,  ou  colonne  vertébrale. 
La  cérémonie  de  l'installation  du  sultan 
est  on  ne  peut  plus  curieuse.  Il  doit  d'abord 
se  reposer  pendant  sept  jours,  après  lesquels 
une  cohorte  de  vieilles  femmes  vient  le  trou- 

50... 


—  18  — 
ver,  tenant  à  la  main  des  bâtonnets  qu'elles 
croisent  ensemble  de  diverses  manières  ;  une 
de  ces  vieilles  arrose  ensuite  avec  de  l'eau  le 
corps  du  futur  monarque,  pendant  que  les 
autres  murmurent  des  paroles  dont  jamais 
personne  n'a  pu  comprendre  le  sens.  Il  est 
ensuite  conduit,  au  son  d'une  grande  quantité 
d'instruments  bruyants,  dans  un  palais  ré- 
servé pour  cette  cérémonie,  et  dès  ce  jour  il 
prend  le  nom  de  sultan... 

{Journal  des  connaissances  utiles.) 


L  AUSTRALIE. 


Les  principaux  arbres  de  l'Australie  sont 
les  arbres  à  gomme  et  à  quinquina,  les  ceri- 
siers sauvages,  les  chênes,  la  menthe  poi- 
vrée, les  acacias  et  les  mimosas.  Les  gommes 
sont  de  la  meilleure  espèce  et  peuvent  devenir 
une  branche  de  commerce  très-lucrative. 

Les  fleurs  sauvages  y  croissent  en  abon- 
dance :  les  géraniums,  les  rhododendrums  et 
toutes  les  variétés  de  cactus.  Le  vin  est  bon 
en  Australie,  et  les  vignes  sont  cultivées  à  la 
manière  française. 

Jamais  en  Australie  les  arbres  ne  perdent 


—  19  — 

complètement  leur  feuillage,  ce  qui  leur 
donne  une  monotonie  très-grande  ;  jamais  ces 
teintes  jeunes  et  fraîches  du  printemps  ne 
viennent  réjouir  l'œil.  Les  montagnes  sont 
très-élevées.  Des  chaînes  entières  sont  tou- 
jours couvertes  de  neige  et  atteignent  une  hau- 
teur de  2,000  à  2,500  met.  Dans  les  environs 
de  Ballarac,  le  paysage  a  le  cachet  de  l'Amé- 
rique du  Nord.  Les  rochers  sont  énormes  et 
presque  toujours  d'une  couleur  sombre. 

Dans  tous  les  cours  d'eau  des  environs  de 
Victoria,  les  anguilles  sont  fort  helles  et  en 
très-grande  quantité;  quelques-unes  pèsent 
près  de  2  kilogram.  Les  autres  poissons  sont- 
des  hrochets,  une  espèce  de  lamproie,  des 
goujons  et  un  animal  appelé  dans  le  pays 
hareng  blanc,  mais  qui  ne  ressemble  en  rien 
aux  harengs  ordinaires.  Les  crabes  et  les 
homards  sont  inconnus  ;  il  n'y  a  que  quel- 
ques petites  écrevisses  dans  certaines  criques 
du  bord  de  la  mer. 

Les  kangourous,  les  sarigues,  les  colima- 
çons et  une  espèce  particulière  de  ver  d'un 
pouce  de  long,  sont  presque  les  seuls  ani- 
maux indigènes  qu'il  est  possible  de  manger. 

Les  perroquets,  les  kakatoès  sont    d'une 


—  20  — 
belle  espèce  et  très-nombreux;  ils  font  sou- 
vent de  grands  ravages  dans  les  plantations, 
et  sont  très-redoutés  des  cultivateurs  et  des 
jardiniers. 

Il  y  a  plusieurs  espèces  de  kangourous  :  le 
grand  kangourou,  gris-brun,  ayant  environ 
1  met.  50  de  hauteur  et  une  queue  de  1  met.; 
d'autres  sont  presque  blancs  et  quelques-uns 
couleur  de  lièvre  ;  le  petit  kangourou  lillipu- 
tien, gros  comme  un  écureuil,  mais  pouvant 
aisément  sauter  2  m.  60  c,  et  dont  la  chair 
est  excellente  ;  les  autres  sont  moins  bons  à 
manger.  Les  chiens,  dans  ce  pays,  sont  énor- 
mes ;  leur  corps  ressemble  à  celui  d'un  re- 
nard :  ils  sont  très-craintifs  et  fuient  à  la  pre- 
mière résistance;  ils  ont  le  caractère  du  loup, 
et  aiment  à  sucer  le  sang  des  moutons,  dont 
ils  tuent  un  grand  nombre. 

Les  insectes  de  toute  espèce  sont  très-re- 
doutables en  Australie  ;  les  plus  grands,  ap- 
pelés bull  dogs,  ont  4  centimètres  de  lon- 
gueur, le  corps  noir  et  une  queue  rouge  ;  ils 
mordent  comme  de  petits  crabes.  Les  fourmis 
atteignent  souvent  la  taille  de  3  centim.;  elles 
ne  fuient  pas  à  la  moindre  attaque  comme 
celles  d'Europe  :  elles  font  bravement  face  à 


—  21  — 
l'ennemi  et  le  poursuivent  elles-mêmes  très- 
souvent.  Les  centipèdes  et  les  triantelopes  ou 
tarentules  sont  très-dangereux  ;  mais  l'animal 
le  plus  redouté  est  la  vipère  sourde,  ainsi 
nommée  parce  qu'elle  ne  bouge  jamais,  à 
moins  d'être  touchée  ;  sa  piqûre  est  mortelle. 
Les  serpents  sont  de  plusieurs  espèces  :  le  ser- 
pent noir  a  plus  de  3  mètres  de  longueur,  et 
est  très-venimeux;  en  quelques  heures  sa 
morsure  cause  la  mort. 


>~^èM.y£^-*~ 


IV.  —  Personnages  célènrev. 


ALEXANDRE  ENFANT. 

L'histoire  d'Alexandre  nous  a  transmis  une 
parole  bien  sensée  de  ce  héros  encore  jeune. 
Après  la  mort  d'Aristote  son  précepteur,  il 
parut  tout  pénétré  de  la  perte  de  ce  grand  phi- 
losophe. Un  courtisan,  étonné  de  cette  tris- 
tesse :«  Seigneur,  lui  dit-il,  que  feriez -vous 
donc  si  vous  aviez  perdu  votre  père?  — 
Croyez- vous  que  je  sois  moins  redevable  à 


—  22  — 
Aristote  qu'à  mon  père  ?  C'est  du  second  que 
je  tiens  la  vie  à  la  vérité,  j'ai  reçu  du  premier 
la  manière  de  m'y  conduire.  »  Cette  réponse 
est  belle,  mais  Alexandre  fut  bien  éloigné  de 
la  mettre  en  pratique. 

Le  même  historien  rapporte  que  pendant 
l'absence  de  son  père  Philippe,  des  ambassa- 
deurs du  roi  de  Perse  vinrent  à  la  cour  de  Ma- 
cédoine. Alexandre,  qui  n'avait  alors  que  onze 
ans,  les  reçut  avec  la  plus  grande  politesse  ; 
ils  en  furent  enchantés.  Il  ne  leur  fit  au- 
cune question  puérile;  mais  il  leur  demanda 
quels  étaient  les  usages,  les  mœurs  et  le  com- 
merce du  grand  roi;  quel  chemin  était  le 
plus  court  pour  se  rendre  dans  la  Haute-Asie  ; 
en  quoi  consistait  la  puissance  et  la  force  des 
Perses;  quelle  place  le  roi  prenait  dans  une 
bataille,  comment  il  se  conduisait  à  l'égard 
de  ses  ennemis,  etc.. 

Les  ambassadeurs  admirèrent  tant  de  sa- 
gesse dans  image  si  tendre,  et  l'un  d'eux,  sen- 
tant dès-lors  ce  que  le  jeune  Alexandre 
pourrait  devenir  un  jour,  remarqua  en  pré- 
sence de  ses  collègues  la  différence  qu'il  trou- 
vait entre  l'héritier  de  la  Macédoine  et  Ar- 
taxercès,  et  l'exprima  fort  bien  par  ces  mots  : 


—  28  — 

«  Ce  jeune  prince  est  grand,  et  le  nôtre  est 
riche.  » 

Qu'il  est  déplorable  qu'un  prince  né  avec 
un  si  grand  génie  et  doué  des  plus  beaux 
dons  de  la  nature,  ne  se  soit  servi  de  ses  lu- 
mières que  pour  désoler  le  monde  ! 


-<£S§562>- 


ISorceanx  littéraires. 


LE  JUGEMENT    DERNIER. 


Déjà  je  crois  le  voir,  j'en  frémis  par  avance, 

Ce  jour  de  châtiment  comme  de  récompense; 

Déjà  j'entends  des  mers  mugir  les  ilôts  troublés  ; 

Déjà  je  vois  pâlir  les  astres  ébranlés; 

Le  feu  vengeur  s'allume,  et  le  son  des  trempettes 

Va  réveiller  les  morts  dans  leurs  sombres  retraites. 

Ce  jour  est  le  dernier  des  jours  de  l'univers. 

Dieu  cite  devant  lui  tous  les  peuples  divers; 

Alors,  pour  séparer  les  saints,  son  héritage, 

De  la  Religion  vient  consommer  l'ouvrage. 

La  terre,  le  soleil,  le  temps,  tout  va  périr, 

Et  de  l'éternité  les  portes  vont  s'ouvrir. 

Elles  s'ouvrent!  Le  Dieu  si  longtemps  invisible 

S'avance,  précédé  de  sa  gloire  terrible  ! 

Entouré  du  tonnerre,  au  milieu  des  éclairs, 

^on  trône  étincelant  s'élève  dans  les  airs. 

Le  grand  rideau  se  tire,  et  ce  Dieu  vient  en  maître. 

MaUieureuï  qui  pour  lors  commence  à  le  connaître  ! 


—  24  — 

Les  anges  ont  pourtant  fait  entendre  îeurs  voix  , 

Et,  sortant  de  la  poudre  une  seconde  fois, 

Le  genre  humain  tremblant,  sans  appui,  sans  refuge, 

Ne  voit  plus  de  grandeur  que  celle  de  son  juge. 

Ebloui  des  rayons  dont  il  se  sent  percer, 

L'impie  avec  horreur  voudrait  les  repousser: 

Il  n'est  plus  temps;  il  voit  la  gloire  qui  l'opprime; 

Et  tombe  enseveli  dans  l'éternel  abîme... 

Et,  loin  des  voluptés  où  fut  livré  son  cœur, 

Ne  trouve  devant  lui  que  la  rage  et  l'horreur. 

Le  vrai  chrétien  lui  seul  ne  voit  rien  qui  l'étonné, 

Et,  sur  ce  tribunal  que  la  foudre  environne, 

Il  voit  le  même  Dieu  qu'il  a  cru,  sans  le  voir, 

L'objet  de  son  amour,  la  fin  de  son  espoir. 

Mais  il  n'a  plus  besoin  de  foi,  ni  d'espérance, 

Un  éternel  amour  en  est  la  récompense. 


VI.  —  il i Moire  naturelle. 


FIDELITE  D  UN  CHIEN. 

Le  Siècle  contient  dans  ses  faits  divers  une 
anecdote  qu'on  lira  avec  plaisir.  Il  y  a  deux 
ans, dit  ce  journal,  Pierre  L...,  manœuvre  aux 
environs  de  Paris,  avait  trouvé  un  jeune  chien 
dont  la  maigreur  et  l'œil  suppliant  attestaient 
qu'il  était  perdu  depuis  longtemps  et  qu'il 
mourait  de  faim.  L'ouvrier,  comprenant  ce 


—  25  — 
qu'il  y  avait  de  souffrance  dans  le  regard  du 
pauvre  animal,  avait  eu  pitié  de  lui  et  l'avait 
emmené.  Sa  ménagère,  en  voyant  arriver  ce 
nouveau  commensal  dont  les  énormes  pattes 
annonçaient  qu'il  deviendrait  très-gros,  se 
récria  d'abord,  car  elle  avait  quatre  enfants 
qui  avaient  bon  appétit,  et  le  nouveau  venu 
devait  être  une  charge  de  plus;  mais  le  chien 
avait  l'air  si  malheureux,  et  les  marmots  té- 
moignaient une  si  grande  joie  de  son  arri- 
vée, qu'elle  se  laissa  attendrir,  et  consen  fit  à  le 
garder.  Barbet,  c'était  le  nom  qu'on  lui  don- 
na, bien  que  ce  fût  un  mâtin  de  pure  race, 
Barbet,  disons-nous,  s'acclimata  vite  chez  ses 
nouveaux  maîtres,  devint  l'ami  inséparable 
des  enfants,  et  par  sa  douceur  s'attira  l'af- 
fection de  tout  le  monde  ;  mais  malheureuse- 
ment, ainsi  que  la  mère  de  famille  l'avait 
prévu,  il  grossissait  à  vue  d'oeil,  promettait 
de  devenir  un  chien  de  première  force  et 
mangeait  de  telle  façon,  que,  malgré  tout  l'at- 
tachement qu'on  avait  pour  lui ,  il  fallut 
songer  à  s'en  défaire. 

Vers  la  fin  de  l'année  dernière,  un  inconnu, 
passant  dans  le  village,  aperçut  Barbet  qui 
jouait  avec  les  enfants  devant  la  porte  du 


—  26  — 

journalier  ;  il  entre  et  demande  à  l'acheter. 
Les  braves  gens  songeaient  bien  à  s'en  dé- 
barrasser, mais  ils  ne  voulaient  donner  le 
fidèle  animal  que  lorsqu'ils  auraient  trouvé 
une  bonne  condition,  et,  quoique  l'inconnu 
s'offrît  à  le  payer,  il  avait  un  air  si  dur  qu'on 
le  lui  refusa.  Celui-ci,  à  l'aspect  de  la  misé- 
rable demeure,  comprit  le  moyen  de  vaincre 
la  répugnance  de  l'ouvrier  ;  il  lui  offrit  alors 
125  fr.  de  son  chien.  125  francs  !  le  pauvre 
journalier  mettait  presque  deux  mois  pour 
gagner  pareille  somme;  aussi  se  laissa-t-il 
séduire,  et,  malgré  sa  femme  et  malgré  ses 
enfants  qui  se  récriaient  à  qui  mieux  mieux, 
il  conclut  le  marché.  Le  pauvre  Barbet  fut 
donc  appelé;  on  lui  passa  une  corde  au  cou, 
et  après  avoir  recules  adieux  de  la  famille  en 
pleurs,  il  partit  avec  sonnouveau  maître,  mais 
bien  à  contre-cœur,  car  il  avait  l'air  triste, 
et  il  se  retourna  bien  souvent  du  côté  de  la 
maison  où  il  avait  reçu  l'hospitalité. 

Cependant  près  d'une  année  s'était  écoulée, 
et  chaque  jour  encore,  dans  la  pauvre  famille, 
on  parlait  du  malheureux  chien  que  l'on  re- 
grettait toujours.  Dans  la  nuit  du  24  au  25 
novembre  dernier,  vers  2  heures  du  matin, 


—  '21  — 
L...  est  éveillé  par  des  aboiements  qu'il  croit 
reconnaître;  il  éveille  sa  femme,  et  celle-ci, 
après  avoir  écouté,  assure  que  c'est  Barbet  qiù 
est  à  la  porte.  Vite  l'ouvrier  se  lève,  ouvre  et 
voit  dans  l'obscurité  son  cbien  qu'il  reconnaît 
à  ses  joyeuses  démonstrations  ;  mais  il  voit 
sur  le  dos  de  l'animal  quelque  cbose  de  volu- 
mineux dont  il  ne  peut  se  rendre  compte  et 
qui  l'empêche  d'entrer.  Il  court  allumer  sa 
chandelle,  revient  et  reconnaît  que  Barbet  est 
hâté,  sanglé  et  chargé  comme  une  bète  de 
somme  :  il  comprend  aussitôt  que  son  chien 
était  employé  à  faire  la  contrebande,  et  qu'au 
lieu  de  reporter  sa  charge  à  destination,  il  était 
revenu  au  logis  de  ses  anciens  maîtres.  11  le 
débarrassa  donc,  et  le  bon  animal,  tout  cou- 
vert de  boue,  court  prodiguer  ses  caresses  à 
tout  le  monde,  caries  bambins  s'étaient  éveil- 
lés sur  ces  entrefaites,  et  poussaient  des  cris 
de  joie  dans  leurs  lits. 

Dès  le  petit  jour,  L...  porta  les  balles  de 
marchandises  chez  le  maire  de  la  commune, 
où  elles  furent  ouvertes  :  ces  balles  conte- 
naient des  dentelles  d'un  prix  considérable, 
et  le  magistrat  apprit  au  journalier  que  la  loi 
lui  accordait  sur  cette  épave  une  part  qui  lui 


—  28  — 
permettra  désormais  de  garder  le  pauvre  Bar- 
bet malgré  son  appétit. 


UN  POIREAU. 


Il  est  arrivé,  à  la  halle  à  la  verdure,  un  poi- 
reau d'une  taille  phénoménale.  Il  a  1  mètre 
11  centimètres  de  hauteur,  et  son  corps,  à  15 
centimètres  au-dessus  de  l'espèce  de  crosse 
qui  forme  la  racine,  a  27  centimètres  de  cir- 
conférence. Il  a  été  acheté  25  fr.  parmi  res- 
taurateur marchand  de  vin  du  boulevard  du 
Temple,  qui  va  le  conserver  immergé  dans  un 
magnifique  bocal  rempli  d'esprit-de-vin  pour 
s'en  faire  une  enseigne. 


VII.  —  Hygiène. 


DES    APPARTEMENTS    HUMIDES. 

Les  personnes  qui  habitent  des  apparte- 
ments bas,  humides  et  peu  éclairés,  perdent 
leurs   forces,  deviennent  pâles,  bouffies,  et 


—  29  — 
tombent  quelquefois  dans  l'hydropisie  et  le 
scorbut.  Pour  diminuer  l'insalubrité  de  sem- 
blables lieux,  il  faut  y  faire  de  grands  feux. 
Les  personnes  qui  sont  forcées  d'y  demeurer 
doivent  élever  leur  lit  au-dessus  du  sol  ;  le 
tenir  isolé,  éloigné  des  murs  et  le  plus  près 
possible  de  la  cheminée.  Elles  doivent  aussi 
avoir,  la  précaution  de  faire  sécher  souvent 
leurs  draps  et  leurs  couvertures.  Leur  régime 
doit  être  tonique  et  fortifiant,  elles  doivent 
boire  du  vin,  vivre  d'aliments  nourrissants, 
dormir  peu,  et  prendre  beaucoup  d'exercice. 

Les  pays  situés  sur  le  bord  des  marais,  au- 
dessous  du  niveau  de  la  mer,  offrent  les 
mêmes  inconvénients.  Les  habitants  de  sem- 
blables lieux  doivent,  pour  résister  à  l'in- 
fluence du  climat,  prendre  beaucoup  d'exercice 
à  pied,  faire  des  frictions  longues  et  répétées 
avec  la  vapeur  du  succin  ou  d'autres  aroma- 
tes ;  le  sommeil  doit  être  court  ;  les  fenêtres 
des  appartements  doivent  être  à  l'abri  des 
vents  humides;  les  chambres  chauffées  de 
feux  étincelants  et  brûlants. 

Il  faut  faire  usage  de  bons  vins  :  les  fari- 
neux doivent  être  bien  fermentes  et  bien 
cuits.  Les  aigres,  les  oléagineux,  les  laitages, 


—  30  — 
les  amples  boissons  doivent  être  interdits; 
les  épices,  les  aromates  deviennent  salutaires, 
dans  cette  constitution  des  assaisonnements. 


VIII.  —  ludustrie. 


LE   BATTEUR   D  OR. 


Le  batteur  d'or  est  un  ouvrier  qui,  à  force 
de  battre  l'or  ou  l'argent  sur  le  marbre,  avec 
un  marteau,  dans  des  moules  de  velin  ou  de 
boyau  de  bœuf,  réduit  ces  deux  métaux  en 
feuilles  très-légères  et  très-minces,  propres  à 
dorer  ou  à  argenter  le  cuivre,  le  fer,  l'acier, 
le  bois,  etc. 

Cet  art  est  très-ancien.  Quoique  les  Romains 
ne  l'aient  pas  poussé  aussi  loin  que  nous,  il 
est  siir  qu'aussitôt  après  la  ruine  de  Carthage 
on  commença  à  dorer  les  planchers  des 
maisons  de  Rome  ;  que  les  lambris  du  Capi- 
tole  furent  les  premiers  sur  lesquels  on  en 
fît  l'essai  ;  que  dans  la  suite  le  luxe  devint  si 


—  m  — 

grand,  que  les  particuliers  tirent  dorer  [es 
plafonds  et  les  murs  de  leurs  appartements. 
Pline  nous  assure  qu'ils  ne  tiraient  d'une 
once  d*or  que  cinq  ou  six  cents  feuilles  de 
quatre  doigts  en  carré  ,  mais  qu'on  aurait 
pu  en  tirer  un  plus  grand  nombre,  vu  leur 
épaisseur.  Nos  batteurs  d'or  font  leurs  feuil- 
les si  minces  et  si  déliées,,  qu'on  est  surpris 
que  l'industrie  et  la  patience  de  ces  ouvriers 
aient  pu  aller  jusque  là.  On  a  remarqué  que 
40  grammes  d'or  se  peuvent  diviser  en  1600 
feuilles  de  9  centimètres  carrés.  On  le  bat 
sur  un  bloc  de  marbre  ordinairement  noir, 
très-uni,  d'environ  32  centimètres  carrés, 
élevé  de  terre  de  un  mètre.  On  se  sert  pour 
le  battre  de  trois  espèces  de  marteaux,  en 
forme  de  masses  ou  maillets  de  fer  poli;  le 
premier  pesant  2  kilog.  sert  pourchasser;  le 
second  de  6  kilog.  pour  former,  et  le  dernier 
de  7  kilog.  pour  étendre  et  achever. 


—  32  — 


IX.  —  Variétés. 


LA.  RUE  DU  CHANTRE. 

La  rue  du  Chantre  est  l'une  des  plus  an- 
ciennes de  Paris.  Elle  reçut  le  nom  de  Chan- 
tre en  raison  d'un  chantre  de  Saint-Honoré 
qui  y  demeurait  :  la  voix  de  cet  homme  était 
si  forte  et  si  puissante,  que  l'on  venait  de  tous 
les  quartiers  de  Paris  pour  le  voir  et  l'enten- 
dre; il  se  nommait  Pierre  Bouley.  Dans  la 
nuit,  quand  il  chantait  sur  la  porte  de  l'é- 
glise ,  on  l'entendait  distinctement  du  Pré- 
aux-Clercs. 

L'embonpoint  de  Pierre  Bouley  était  extra- 
ordinaire ;  il  mangeait  9  kilog.  de  viande  par 
jour,  que  lui  fournissaient  la  fabrique  de  l'é- 
glise et  les  dames  des  halles  de  cette  époque . 
Sa  femme,  Désirée  Pendelet,  était  aussi  forte 
que  lui  ;  à  eux  deux,  ils  tenaient  toute  la 
largeur  de  leur  rue,  qui  n'avait  à  cette  époque 
que  trois  mètres. 

(Journal  des  Faits.) 


_  33  — 

PROCÈS- VERBAL. 


Vous  lirez  peut-être  avec  plaisir  la  copie 
exacte  d'un  procès-verbal  dans  lequel  on  re- 
trouve le  stylo  simple,  naïf  et  sans  prétention 
des  candides  chroniqueurs  du  moyen  âge. 
Curieuse,  sous  plus  d'un  rapport,  cette  pièce 
n'est  point  apocryphe,  et  sa,  date  ne  permet 
pas  de  la  faire  remonter  au  temps  des  icono- 
clastes. 

Voici  le  document  en  question.  En  le  co- 
piant, on  a  religieusement  conservé  son  or- 
thographe ainsi  que  son  style,  et  discrètement 
effacé  les  noms  honorables  qu'il  renferme  : 
«J'ons  soussignais...   adjoint  de  la  com- 
mune de...  certifions  que  nous  teurtous  ha- 
bitants d'ici,  j'avons  entrepris  audit  sieur  X... 
tailleur  de  pierres  la  fabrication  et  tailliage 
en  pierre  d'un  Saint-Michel  patron  de  ladite 
commune  pour  le  mettre  dans.1' église  moyen- 
nant ce  que  nous  sommes  convenus  avec  le- 
dit X...  11  a  donc  fabriqué  et  taillié  notre  dit 
Saint-Michel  de  tous  les  cotiés  et  il  nous  a  dit 
d'assembler  tout  le  pays  et  nous  étant  com- 
pris, pour  de  là  nous  transposer  dans  noute 
église  pour  prendre  livraison  dudit  Saint-Mi- 


—  34  — 
chel  qu'il  a  fait  au  nombre  des  saints  qui  se 
trouent  ici.  Je  nous  sont  trouvé  réuni  ensem- 
ble dans  l'église  autour  dudit  Saint-Michel: 
Ledit  X...  tailleur  de  pierre  présent,  j 'avons 
tourné  à  Tenviron  dudit  Saint-Michel  et  Sa- 
vons trouvé  qu'il  y  manquait  une  oreille,  de 
plus  qu'a  ne  ressemble  pas  tant  seulement  à 
un  Saint-Michel  qua  un  baucard,  de  plus 
qu'a  i  a  fait  des  soins  aussi  gros  qu'une  pail- 
lasse de  truffes,  de  plus  qu'a  i  a  fait  deux 
joues  aussi  grosses  qu'un  fluteux,  de  plus 
qu'a  i  a  fait  une  calotte  bleue  et  une  veste  rouge 
si  bien  si  biau  qua  leur  semble  à  un  comme - 
guin,  de  plus  qu'a  i  a  fait  un  livre  dans  sa 
main  qu'a  tout  l'air  d'une  tabaquière,  de  plus 
que  la  pierre  avec  quoi  il  a  bâti  Saint-Michel 
est  tendre  tout  comme  du  fromage  mou  dont 
auquel  je  touchons  qui  se  casse. 

«  J'ons  teurtous  dit  au  sieur  X...  j'en  vou- 
lons point  de  son  Saint-Michel  qu'a  peu  garder 
pour  li  et  qu'il  Remporte  tout  de  suite  sinon 
je  vous  l'impulser  de  noute église  parla  force 
du  paiis.  » 


Henri  TV  avait  un  cheval  malade  qu'il  ai- 
mait beaucoup  :  il  avait  dit  qu'il  ferait  pendre 


—  35  — 

celui  qui  lui  apprendrait  sa  mort.  Le  cheval 
paya  le  tribut  à  la  nature.  Un  Gascon  apprit 
ainsi  cette  perte  au  roi  :  a  Hélas  !  sire,  dit-il, 
votre  cheval  !....  ce  beau  cheval  !....  le  che- 
val de  votre  majesté!...  O  ciel  !  ce  magni- 
fique cheval  ! —  Je  pense  qu'il  est  mort, 

s'écria  le  monarque  alarmé.  —  Vous  serez 
pendu,  sire,  reprit  le  Gascon;  vous  vous  en 
êtes  donné  la  première  nouvelle.  » 


Philippe  II,  roi  d'Espagne,  venait  d'accor- 
der une  modique  pension  à  l'un  de  ses  sol- 
dats. Ce  guerrier  se  présente  une  seconde  fois 
devant  son  maitre.  «  Ne  vous  ai-je  pas  donné 
une  récompense '?  lui  dit  le  roi.  —  Oui,  sire, 
répondit  le  soldat  ;  votre  majesté  m'a  donné 
de  quoi  manger;  mais  je  n'ai  pas  de  quoi 
boire.  »  Le  monarque  sourit,  et  ajouta  une 
nouvelle  graiication  à  la  première. 


Un  Anglais  se  trouvant  à  une  table  d'hôte , 
et  voyant  apporter  un  gros  morceau  de  viande, 
demande  comment  cela  s'appelle.  «  C'est  du 
bouilli,  lui  répondit  quelqu'un.  —  Oh!  yes, 
dit-il,  j'ai  rencontré  ce  matin  un  grand  trou- 
peau de  bouillis  qui  entra  dans  la  ville.  » 


—  36  — 


X.  —  Maxime*  et  sentences 


Qui  se  Mte  finit  tard. 


11  n'y  a  de  bonheur  sur  la  terre  que  dans 
l'accomplissement  de  ses  devoirs. 


Les  diamants  ont  leur  prix,  les  bons  conseils 
n'en  ont  pas. 


La  meilleure  vengeance,  c'est  le  mépris  de 
l'offense. 


Sois  plutôt  aveugle  que  de  voir  mal. 


Le  mot  de  la  charade  dernière  :  Fourmi. 


ENIGME. 


Chercher 
Qu'est-ce  qui  devient  plus  grand 
A  mesure  qu'on  en  ôte. 


DE  L'mPIUBERIK  DE  BEAU,  A  SAINT-GBRMAIN  Mi-LATB. 


RÉCOMPENSES 

j  HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES, 


DEUXIÈME  ANNEE. 


X  - «--  «J  . 


K 


SA3ÎST    LiC   l/ÊVAAGELlSTE. 


RECOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES, 

oc 

LECTURES 

MORALES,    INSTRUCTIVES   ET   AMl'SAÎiTES, 

Dl    TijÉn; 

iUX  ÉCOLES  CHRÉTiEWES. 

DEUXIÈME    ANNÉE. 


fi 


*$& 


chez  i/ÉBnE'JE,  BEAU  J"-,  impb  m  ur. 
Bue  Sal-.rv.  î8. 


PR0PRJÉT  É. 


SOMMAIRE. 


1.  Religion  et  morale.  —  La  rage. 
II.  Éducation.  —  L'envie.  —  Les  deux  pageé. 
II:.  Géographie;et  Histoire. —  Le  lac  deCit-kniz. 
IV.  Personnages  célèbres.  —  Joseph. 
V.  Morceaux  littéraires. —  Traduction  de  l'hymne 

Jrc,  maris  Stella. 
VI.  Histoire  naturelle  et  physique.  —  De  la  cha- 
leur ou  calorique.  —  Le  renard    pécheur  de 
crabes. 
VIL  Hygiène.  —  Des  engelures. 
VIII.  Industrie.  —  Ruines  de  Ninive. 
I\.  Variétés.  —  Monsieur  de  Crac. 
X.  Proverbes  et  Maximes. 
Enigme. 


B.  —    Religion  cî  saoE'ale. 


LA    FTAGE. 

Le  docteur  V.,  médecin  à  Livron  (départe- 
mi  nt  de  la  Drpme  )  avait  été  mordu  par  un 
chien  enragé. 

Le  Vendredi-Saint,  en  venant  de  Visiter  ses 
malades,  il  se  plaignit  d'une  douleur  au  bras, 
puis  à  l'épaule,  puis  à  la  gorge.  Il  se  sentit 
perdu.  On  accès  de  rage  se  déclara.  «Liez-moi  ! 
liez-moi  !  s'éeria-t-il  aussitôt,  et  faites  venir 
M:  le  curé.  » 

Le  curét  quoique  malade  lui-même,  accourt. 
Il  trouve  l'infortuné  docteur  couvert  de  sang... 
Dans  son  accès  de  rage,  il  s'était  arraché  les 
cheveux  et  déchiré  la  figure.  «Oh!  que  je 
souffre!  M.  le  curé,  que  je  souffre!  Oh!  qne 
j'ai  besoin  de  Dieu!  priez,  oh!  priez  bien 
pour  moi.  Embrassez-moi  ?  »  Le  prêtre  l'em- 
brasse avec  transport,  et  se  met  à  pleurer  et 
à  prier. 


—  6  — 

Le  malade  en  fut  soula  é,  s'en  montra  re- 
connaissant; il  parut  se  recueillir  :  «Ah! 
voilà  bien  le  bon  prêtre,  dit-il,  voilà  ce  que 
c'est  qu'un  curé;  les  autres  ont  peur  de  me 
toucher  la  main;  lui  m'  sse  eouvert  de 

sang!.  .  .Oh!  que  vous  me  faites  de  bien  !  je 
vais  mourir,  monsieur,  mon  ami,  mais  Dieu 
me  soutiendra...  Vous  ne  m'abandonnerez 
jamais,  n'est  ce  pas?  »  Le  curé  le  lui  promit, 
et  il  a  tenu  parole...  Après  que  le  malade  i  ;i1 
communié,  comme  il  -  était  plus  calme,  le 
prêtre  lui  disait  que  Di  u  pouvait  le  rendre  à 
la  vie  :  «  Oh  !  je  le  lui  demande,  dit  le  docteur 
avec  attendrissement;  je  le  lui  demande  pour 
ma  pauvre  mère.,..,  jour  ma  malheureuse 
femme...,  pour  mon  enfant.  Il  se  recueillit 
et  ajouta  :  Mon  Dieu  !  mon  Dieu!  je  m'aban- 
donne à  votre  sainte  volonté  !  » 

ïl  y  avait  là  des  assistants  tout  émus.  Le 
malade  se  tourna  vers  eux  :  «Mes  amis,  leur 
dit-il,  on  ne  fait  pas  d'bypocrisie  en  présence 
de  la  mort  :  je  vais  mourir;  sou  venez- vous  de 
la  parole  d'un  mourant  :  le  catholique  qui 
n'ose  pratiquer  sa  religion  est  un  lâche!  Le 
curé  se  mit  à  faire  des  prières.  «  Oh  !  que  la 
prière  me  rafraîchit  !  dit  le  malade.  Mes  amis. 


priez,  oIj  :  pri  z.»  A  un  tor- 

turait sa  I  ûiK  lie  écuo  s  ercl  a  ta  n  ;ùn 

du  bon  curé  :  «Oh.!  <jue  votre  présence  me 

fait  du  bien'  I  :  mon  Diew, 

que  j  ■  s  tiffre  :...  j  sais  qi  e  n  m;:  ;ïn:  i  st 
immortelle.  Mon  Dieu,  mon  Dieu,  abrégez 
ma  souffrance;  fait  s  que  j'aide  li  utôt  vers 
vous.  —  M.   le   curé,  i!  s  un  iasl 

de  calme,  je  voudrais  vçir  m  n  épouse...,  ma 
mère...  et  ma  sœur...  Oh  !  elles  m'aimai  ul 
tant  !  »  Le  prêtre  le  pria  d'être  fort  pour  elles 
(  t  d'abréger  une  visite  qui  pourrait  leur  ê  i 
funeste. 

Au  moment  favorable  on  fit  entrer  sa  sœur  : 
en  voyant  son  frère,  elle  s'évanouit.  Revenue 
à  elle-même,  elle  se  jeta  sur  lui  ?  «  Nous  nous  * 
sommes  toujours,  aimés.,  ma  pauvre  sœur,  lui 
dit  le  malade.  Mais,  vois  tu,  nous  nous  re- 
trouverons au  ciel...  Aime  toujours  bien  ma 
mère...  »  Et  on  arracha  de  ses  bras  la  mal- 
heureuse sœur  qui  se  mourait. 

On  introduisit  sa  mère,  veuve,  âgée,  in- 
firme. Elle  se  précipite  sur  le  lit  de  son  fils 
qu'elle  inonde  de  ses  larmes  :  «  Bonne  mère, 
ob  !  je  vivais  pour  vous...  Dieu  veut  que  je 
meure.    Soumettons-nous,  la  vie  est  bien 


courte  ;  vous  viendrez  me  rejoindre  dans  le 
sein  de  Dieu...  Ah  !  que  je  vous  aimais  bien  ! 
'et  que  tout  ce  que  j'ai  fait  pour  vous  n'était 
rien  auprès  de  ce  que  votre  amour  a  fait  pour 
moi!...  Bonne  mère,  pauvre  mère!  que  je 
vous  embrasse  pour  la  dernière  fois...,  que 
mon  dernier  baiser  vous  dise  que  vous  avez 
un  fils  au  ciel...  Adieu!  adieu!  » 

Rempli  d'un  courage  surhumain,  le  malade 
demanda  son  épouse  :  «  Mon  Dieu,  dit-il , 
donnez-moi  le  courage  dont  j'ai  besoin.  » 
Madame  V.  fut  enfin  introduite  par  le  curé  en 
larmes...  On  la  soutint  jusqu'au  lit  du  mou- 
rant. Après  un  silence  interrompu  par  des 
soupirs  étouffés  :  «  Ma  chère  Louise,  ma  chère 
amie  ..  oh  !  rappelle  ta  foi!  C'est  un  voyage 
que  je  vais  faire...  eh  bien  !  je  ne  reviendrai 
pas,  moi...  Toi,  tu  viendras  me  rejoindre  un 
jour...  au  ciel!...  Là  sont  ton  père  et  ta  mère. 
Je  sens  que  je  vais  au  ciel;  toi  tu  resteras  pour 
pr  ndre  soin  de  ma  mère...  Oh!  que  je  vais 
prier  là-haut  pour  toi,  pour  ma  mère,  pour 
vous  tous  !  Oh  !'  mon  Dieu  !  mon  Dieu  !  soute- 
nez-moi. .  que  votre  volonté  soit  faite!  » 

Les  assistants  ne  pouvaient  plus  soutenir 
cette  scène  de  désolation  ;  ils  emportèrent  la 


—  9  — 
jeune  dame  Foide  el  froid.'.  Un  accès  de  ragi 
survint;  on  entendît  des  hurlements  mêlés 
à  des  prières... 

!.<■  jour  de  Pâques  an  matin  :  «J'ai  froid 
aux  pieds,  dit  le  malade;  mettez-moi  mes 
couvertures;  récitez  les  Litanies  de  la  très- 
sainte  Vierge.  Je  vous  recommande  mon 
épouse...,  ma  mère...  »  Sa  tète  se  pencha.  Le 
docteur  V.  était  mort  comme  il  avait  vécu, 
plein  de  foi,  plein  d'amour  et  plein  d'espé- 
j'iiie  ■. 

(  Petites  Lectures.  ) 


II.  —  Éducation. 


L  ENVIE. 

11  n'est  fien  de  sacré  pour  un  cœur  que 
l'envie  aigrit  et  infecte.  Elle  a  porté  le  jaloux 
Caïn  à  tremper  ses  mains  dans  le  sang  de 
son  frère  ;  elle  a  excité  la  haine  homicide  de 
Salii  contre  David,  le  héros  d'Israël,  à  qui  ce 
prince  ne  pouvait  reprocher  que  d'avoir  trop 
hien  servi  la  patrie,  et  d'avoir  obtenu  dés 


—  10  — 

éloges  trop  justement  mérités;  elle  a  fait 
commettre  le  plus  grand  de  tous  les  crimes, 
le  déicide.  On  est  capable  de  tout,  dès  qu'on 
peut  être  ennemi  du  mérite  et  de  l'innocence. 
Incapable  de  tout  mérite,  l'envie  ne  le  peut 
souffrir  dans  les  autres.  Un  officier  d'un 
génie  très-médiocre,  envieux  de  la  gloire 
d'un  capitaine  qui  avait  fait  une  belle  action, 
écrivit  à  M.  de  Louvois  que  ce  capitaine  était 
sorcier.  Le  ministre  répondit  :  «  Monsieur, 
j'ai  fait  part  au  Roi  de  l'avis  que  vous  m'avez 
donné.  Sa  Majesté  m'a  dit  là-dessus  que,  si  le 
capitaine  était  sorcier,  pour  vous,  vous  ne 
l'étiez  pas.  » 


les  deux  r.\GEs.  (Légende.) 

Sainte  Élisabeh,  reine  de  Portugal  avaitun 
page  très-vertueux,  auquel  elle  confiait  ordi- 
nairement le  soin  de  distribuer  flux  pauvres 
ses  secrètes  aumônes.  Mais  un  autre  page, 
jaloux  de  la  faveur  dont  jouissait  son  confrère 
auprès  delà  pieuse  souveraine,  le  calomnia 
si  odieusement  auprès  du  roi,  que  celui-ci  ré- 
solut immédiatement  la  mort  du  prétendu 
coupable. 


—  1)  — 

Dans  ce  fatal  projet,  il  alla  trouver  le  maî- 
tre d'un  four  à  chaux,  qui  cuisait  son  plâtre 
à  quelque  distance  d  s  murs  de  sa  capitale,  et 
lui  dit  :  Je  vous  enverrai  dans  la  journée 
un  page  qui  vous  demanderai  le&ordres  du 
roi  sont  exécuté?;  à  ces  mots,  saisisst  z  le  et 
le  jetez  dans  le  fnir  pour  qu'il  soit  consumé 
par  les  flammes;  il  a  mérité  la  mort. 

De  retour  à  son  palais  le  roi  manda  près  de 
lui  le  page  inculpé  :  Va,  lui  dit-il,  va  de- 
mandi  r  au  maître  des  fours  à  chaux,  qui 
sont  hors  de  la  ville,  si  mes  ordits  ont  été 
exécutés. —  Et  le  jeune  page  se  mit  en  route. 
Mais,  en  traversant  la  capitale,  il  entendit 
tinter  pour  une  messe  dans  une  église  devant 
laquelle  il  passait.  Il  obéit  à  sa  religion  in- 
time ,  entra  dans  la  chapelle  où  se  disait  la 
sainte  messe,  durant  laquelle  il  pria  jusqu'à 
la  bénédiction  finale  du  prêtre. 

Cependant  le  roi  de  Portugal,  impatient  de 
connaître  le  résultat  de  sa  vengeance,  si  ter- 
rible et  si  prompte,  envoya  un  second  page 
au  maître  des  four  à  chaux,  pour  lui  deman- 
der si  les  ordres  du  roi  avaient  été  exécutés. 
€e  page  était  précisément  le  calomniateur. 
A  peine  eut-il  prononcé  le  dernier  mot  de 


—  12  — 
l'interrogation  fatale,  que,  saisi  par  les  ser- 
viteurs et  les  ouvriers  du  maître  des  fours,  il 
fut  lancé  et  roula  dans  les  flammes  qui  le 
consumèrent  avec  la  rapidité  de  la  foudre». 

La  messe  étant  terminée,  le  page  que  le  roi 
avait  envoyé  le  premier,  arriva  au  four  à 
chaux,  où  il  lui  fut  dit  que  les  ordres  du  roi 
avaient  été  exécutés.  De  retour  au  palais  il 
parut  devant  le  prince,  qui  pensa  mourir  de 
stupeur.  Mais  apprenant  ce  qui  s'était  passé, 
il  adora  les  jugements  de  Dieu,  et  renuit 
justice  à  l'innocence  du  vertueux  page. 

(Magasin  de  l'Enfume  chrétienne.) 


SB?    —  Géoi B"a^-Iîie. 


LÏÏLAC  DE  ClSKNIZ. 

11  existe  dans  la  Carniole,  à  six  milles  de 
Laybach,  auprès  du  village  d'Àdelsberg,  re- 
marquable par  sa  grotte  à  stalactites,  un  lac 
très-curieux  à  cause  du  pbénomène  singulier 


—  .13  — 

qu'il  présente.  Tantôt  il  est  rempli  d'e 
contient  des  unissons,  tantôt  c'est  une  terri 
ferme  dans  laquelle  on  peut  semer  du  blé  el 
récolter  de  riches  moissons.  M.  Depping  en  a 
donné  une  curieuse  description  dans  la  col- 
lection du  Voyageur  moderne. 

a  Au  fond  du  hc  de  Ciskniz  il  y  a  dix- 
huit  cavités  qui  donnent  une  retraite  aux 
eaux  et  font  disparaître  le  lac  en  entier.  Les 
eaux  s'engouffrent  d'abord  dans  l'ouverture 
appelée  Kumine,  et  disparaissent  pi  u  à  peu, 
de  manière  qu'au  boutde  cinq  jours,  le  fond 
du  lac  se  montre  autour  du  gouffre  ;  au  bout 
de  cinq  autres  jours,  on  en  voit  autant  autour 
de  l'ouverture  nommée  Vodonas.  11  en  faut 
cinq  autres  pour  faire  disparaître  Feau  autour 
du  trou  de  Keschelto;  deux  autres  trous,  ceux 
de  Kotvn  et  de  Levische, se  vident  pareillement 
et  nécessairement  au  bout  de  cinq  jours. 

»  Ainsi,  la  retraite  totale  du  lac  se  fait  en 
vingt-cinq  jours,  à  la  tin  desquels  le  fond  en 
est  à  sec,  et  offre,  au  lieu  d'une  nappe  d'eau, 
un  terrain  fertile,  très-propre  à  la  culture, 
Dès-lorSj  on  commence  à  le  labourer  et  à  le 
semer.  Une  nouvelle  végétation  couvre  bientôt 
ce  lieu,  trois  mois  après  les  paysans  y  récol- 

51.. 


—  li  — 

tenl  du  foin  et  du  millet,  el  chassenl  du  gi- 
bier là  où;  peu  auparavant,  il  n'y  avait  d'êtres 
vivants  (;         s  poisson  aent 

au  boni  de  quatre  mois  que  le  lac  se  remplit 
d  ■  nouveau. 

»  On  voit  d'abord  l'eau  s'élever  avec  vi- 
gueur  de  différentes  ouvertures,  à  un  i  hauteur 
de  k  à  12  mètres;  puis,  dans  un  espace  très- 
court,  remplir  lout  le  bassin;  et, quoiqu'il  lui 
faille  vingt- cinq' jours  pour  disparaître,  elle 
n'emploie  que  vingt-quatre  heur  s  pour  repa  - 
rail  re  entièrement.  » 

Causeries  du  foyer  domésh 
nous  trouvons  la  description  d'un  lac  jonis- 

dans  le 
Kârz,  du  village  de  Brëitungen. 

i  1  :  temps  le  plussec,  ce  lac  se  remplit 
n  tout  à  coup  sans  qu'on  puisse  en  de  virier 
la  cause;   l'e  ''  d'une  roche  appelée 

Bûvernstein3  et  déverse  dans  la  fosse  une  telle 
masse  de  liquide,  que  lés  champs  et  les  prés 
en  sont  inondés.  Ou;  lquefois  même  il  est 
arrivé  que  l'écoulement  de  l'eau  a  eu  lieu  pen- 
dant la  nuit  et  en  si  grande  abondance,  qu'il 
était  impossible  de  moissonner  les  blés  qui 
s'y  trouvaient.    L'eau   reste  ainsi  quelques 


-.  ou  bien  plusieurs  mois,  quelque- 
fois même  une  année  ;  mais  ce  cas  est  rare; 
puis  cil."*  s'engouflre  sans  qu'aucun  phénc- 
mène  puisse  fain  |  sa  retraite  dansles 

cavernes  creuséi  s  à  travers  les  roches  calcaires, 
et  on  ne  la  voit  plus  apparaître  à  la  surface 
que  sous  la  forme  d'un  petit  ruisseau.   Les 
poissons  mêmes,  pii,  chaque  fuis,  s'y  mon- 
trent ,  sans  que  la  main  des  hommes  ait  i  u 
besoin  de  les  y  déposer,-se  retirent  en  même 
temps  que  le  lac  dans  les  fissures  des  rochers. 
»  Ce  sont  des  Lroch't  s  que  l'on  prend  comme 
dans  le  lac  de  Ciskniz  ;  dans  ce  dernier  on 
les  pêche  en    très-grand    nombre  ,  surtout 
quand  les  eaux  sont  resté  s  lôngfemi  s  sans  se 
retirer.  En  10^5,  lorsque  le  lac  disparut  pour 
la  première  fois  après  cinq  ans  de  repos, 
l'ouverture   de    Keschetto  seule  fournit  au 
premier  pêcheur  vingt  et  une  charretées  de 
poissons,  au  second  dix-sept,  et  au  troisième 
neuf.  Ce  qu'il  y  a  de  fâcheux,   c'est  que  le 
tonnerre  tombe  quelquefois  dans  le  lac  et  tue 
un  grand  nombre  de  ses  habitants.   On  fait 
revenir  ceux  qui  ne  sont  qu'engourdis  en  les 
mettant  sur-le-champ  dans  l'eau  fraîche. 


16  — 


IV.   —  Persoaîîïases  célî'Bn'es. 


JOSEPH. 

Joseph,  fils  do  Jacob  et  de  Raehel,  n'avait, 
que  seize  ans  lorsqu'il  conduisait  avec  ses 
frères  les  troupeaux  de  son  père  dans  les  ri- 
ches pâturagi  s  du  pays  de  Chanaan.  L'inno- 
cence, la  modestie,  la  douceur,  étaient  comme 
naturelles  à  cet  enfant  ;  sa  docilité,,  son  obéis- 
sance, étaient  parfaites.  11  fut  impossible  à 
Jacob  de  dissimuler  sa  prédilection  pour 
ce'  fils  vertueux.  Aussi  ses  autres  enfants 
en  conçurent- ils  de  l'envie.  Une  robe  que 
Joseph  r  eut  de  son  père,  le  rapport  qu'il  fit 
d'un  crime  que  ses  frères  avaient  commis,  mais 
surtout  le  récit  de  deux  songes^qui  présa- 
geaient sa  grandeur  future,  et  que  cet  enfant 
il;1  grâce  eut  la  simplicité  de  raconter,  toutes 
ces  choses  excitèrent  contre  lui  la  haine  de 
ses  frères. 

Un  jour  qu'ils  étaient  allés  près  de  Sichem 


—    17    — 

faire  paître  les  troupeaux  de  leur  perej  J<  - 
-  ph  l'ut  envoyé  près-d'eux  afin  de  voirsi  tout 
était  en  bon  état.  L'apercevant  venir:  «  Voici. 
dirent-ils,  notre  songeur,  tuons-le,  non-  di- 
rons qu'une  bête  sauvage  l'a  dévoré.  »  Ruben, 
l'ainé  do  tous,  entendant  ce  discours,  leur 
seilla  de  le  jeter  dans  nue  citerne  sans 
eau;  car  il  avait  dessein  de  l'en  tirer,  et  de  le 
rendre  à  son  père.  Ils  le  dépouillèrent  de  sa 
pi  ibe  e!  le  jetèrent  dans  la  fosse  ;  mais  ils  l'enli- 
rèr  nt  bientôt  pour  le  vendre  à  des  marchands 
ismaélites  qui  allaient  en  Egypte.  Ils  convin- 
rent de  vingt  pièces  d'argent,  et  le  leur  livrè- 
rent. Ces  malheureux  trempèrent  sa  robe 
dans  le  sang  d'un  chevreau  qu'ils  avaient  tué 
et  l'envoyèrent  à  leur  père,  en  lui  faisant 
dire  :  «  Voici  une  robe  que  nous  avons  trou- 
vée, voyez  si  ce  n'est  pa-  celle  de  votre  bis.» 
Jacob  la  reconnut  aussitôt  et  s'écria  :  «  C'est 
là  vraiment  la  robe  de  mon  fils  :  une  bête 
cruelle  l'a  dévoré  '.  une  bête  a  dévoré  Jo- 
seph!.... »  Ayant  déchiré  ses  vêtements,  il 
le  pleura  longtemps.  Il  ne  vuulait  recevoir 
aucune  consolation.  «  Je  pleurerai  toujours j 
disait-il,  jusqu'à  ce  que  je  descende  dans  la 
tombe  avec  mo  n  fils.  » 

31... 


—  18  — 
Cependant  Joseph   captif  était  arrivé    en 
Egypte.  Ce  qui  est  admirable,   c'est  qu'  on 
n'entendit  sortir  de  la  bouche  de  ce  charmant 
enfant  aucunes  paroles  de  plaintes  ou  de  mur- 
mures contre  sers  frères  qui  le  séparaient  de 
son  père  chéri,  et  le  plongeaient  dans  la  ser- 
vitude. Le  Seigneur  était  avec  lui  ;  aussi  les 
marchands  n'eurent  pas  de  peine  à  le  vendiv. 
Putiphar,  l'un  des  principaux  officiers  de  la 
cour  de  Pharaon,  l'acheta;  dès  lors  il  remarqua 
que  tout  réussissait  merveilleusement  entre 
les  mains  de  son  jeune  esclave,  en  sorte  qu'il 
lui  donna  toute  son  effection  et  toute  sa  con- 
fiance, et  l'établit  pour  gouverner  sa  maison. 
Il  n'eut  pas  lieu  de  s'en  repentir,  le  Seigneur 
bénit  tellement  ses  biens,  tant  à  la  ville  qu'à 
la  campagne,  qu'il  n'avait  d'autre  soin  que  de 
se  mettre  à  table  et  de  manger,  dit  l'Écri  - 
tare. 

L'esprit  de  discorde  vint  troubler  l'heu- 
reuse harmonie  qui  régnait  dans  cette  mai- 
son. La  femme  de  Putiphar  poussa  l'impu- 
dence jusqu'à  calomnier,  de  la  manière  la 
plus  infamante,  l'innocent  Joseph,  auprès 
de  son  mari  qui,  trop  crédule  à  ses  paroles, 
entra  dans   une  grande  colère ,  et  fit'  jetei 


—  19  — 
Joseph  dans  la  prisou  où  l'on  retenait  ceux 
que  le  roi  faisait  arrêter  ;  mais  le  Seigneur, 
en  qui  ce  saint  jeune  homme  mettait  toute 
son  espérance,  ne  l'abandonnait  pas;  il  lui 
fit  trouver  grâce  auprès  du  gouverneur  qui 
lui  confia  le  soin  de  tous  les  détenus. 

L'échanson  et-  le  panne tier  de  Pharaon 
ayant  offensé  leur  maître  furent  envoyés  dans 
la  même  prison.  Un  matin.  Joseph,  à  qui  il-, 
avaient  été  confiés,  s"étant  rendu  près  d'eux, 
et  les  trouvant  tristes  et  rêveurs,  leur  en  de- 
manda le  sujet  ;  ils  répondirent  qu'ils  avaient 
eu  chacun  un  songe  qui  1<  s  plongeait  dans  une 
grande  inquiétude,  et  ils  le  lui  racontèrent. 
Joseph,  les  ayant  entendus,  dit  à  l'échanson 
que.  dans  trois  jours,  Pharaon  le  rétablirait 
dans  sa  première  charge,  et  qu'il  lui  présen- 
terait la  coupe  comme  il  avait  coutume  de  le 
faire  auparavant.  «  Souvenez-vous  de  moi, 
ajouta-t-il,  lorsque  vous  serez  rentré  en  grâce, 
car  c'est  injustement  que  j'ai  été  jeté  dans 
cette  prison  obscure.  »  Il  le  lui  promit.  Pour 
le  pannetier,  Joseph  lui  annonça  que,  dans  le 
même  intervalle  de  temps,  on  lui  trancherait 
la  tète ,  et  que  les  oiseaux  du  ciel  mange- 
raient sa  chair. 


—  '20  — 
Rentré  dans  les  bonnes  grâces  de  son  maî- 
tre, l'échanson  avait  complètement  oubli''1  sa 
promesse,  lorsque,  deux  ans  plus  tard,  Dieu, 
satisfait  de  la  constance  et  de  l'admirable  ré- 
signation de  son  serviteur  Joseph,  envoya  à 
Pharaon  deux  songes.  Plongé  dans  un  pro- 
fond sommeil ,  il  vit  sept  vaches  grasses  sor- 
ties du  Nil  qui  paissaient  dans  les  marais; 
puis,  sept  autres  maigres  qui  se  mirent  à 
dévorer  les  premières.  Il  vit  encore  sept  épis 
parfaitement  pleins  qui  forent  dévorés  par 
sept  autres  extrêmement  maigres.  Le  roi, 
saisi  de  frayeur ,  consulta  les  sages  de  L'E- 
gypte :  il  ne  s'en  trouva  pas  un  seul  qui 
pût  interpréter  ce  qu'il  avait  vu.  C'est  alors 
que  l'échanson  se  ressouvint  de  Joseph.  Il 
le  fit  aussitôt  tirer  de  prison  et  le  présen- 
ta à  Pharaon  qui  lui  raconta  ses  songes 
-n  le  priant  de  les  lui  expliquer.  «Ce  sera 
Dieu,  dit  Joseph,  et  non  pas  moi,  qui  rendra 
à  votre  majesté  une  réponse  favorable.  Les 
deux  songes. signifient  la  même  chose.  Les 
sept  vaches  grasses  et  les  sept  épis  pleins  sont 
sept  années  d'abondance;  les  sept  autres  mai- 
gres et  les  sept  épis  vides  sont  sept  années 
'.l'une  famine  affreuse.  Que  le  roi,  mon  sei- 


—  21  — 
gneup,  choisisse  un  homme  sage;  qu'il  lui 
donne  le  commandement  sur  l'Egypte,  afin 
qu'il  établisse  des  officiers  dans  toutes  les 
provinces  qui,  pendant  les  sept  années  de  fer- 
tilité, amàss  w!  des  vivres  dans~a*es  -  niers 
publics,  pour  1<  s  sept  années  de  famine.» 
Cette  explication  el  ces  consjeils  plurent  telle- 
ment à  Pharaon,  qu'il  s'écria:  «Où  pour- 
rions-nous trouver  an  homme  aussi  rempli 
de  l'esprit  de  Dieu  q  .  celui-ci  ?  »  et  s'adres- 
sant  à  Joseph  :  «  Je  vous  donne  autorité  sur 
tout  mon  peuple,  il  n"\  aura  désormais  que 
moi  au-dessus  de  vous.  »  En  même  temps  il 
tire  l'anneau  qu'il  avait  au  doigt  et  le  mit  au 
doigt  de  Joseph;  il  le  revêtit  aussi  d'un-' 
rohe  de  fin  lin,  et  lui  passa  autour  du  cou  un 
collier  d'or;  il  le  fit  monter  sur  un  de  ses 
chars,  ordonnant  à  un  de  ses  hérauts  de  crier 
que  tout  le  monde  eût  à  fléchir  le  genou  de 
vaut  lui,  et  voulut  qu'il  lût  appelé  le  sauveur 
du  monde.  Joseph  avait  pour  lues  trente  ans. 

Vous  voyez,  mes  enfants,  que  Dieu  n'a 
bandonne  pas  ceux  qui  espèrent  en  lui  ;  1 
gloire  à  laquelle  ii  éleva  son  fidèle  serviteur 
i  st  la  figure  de  celle  qu'il  réserve  à  ceux  qui 
supportent  sans  murmure  et  avec  résignation 


les  mauvais  traitements,  les  calomnies,  les 
persécutions  qui  leur  arrivent  en  ce  monde. 
(La  suite  au  prochain  'numéro.) 


V.  —  îîorrcaux  littéraires. 

TMduction  t>e  l'hymne 
Ave,  maris  Stella. 

Salut,  mère  d'un  Dieu  né  pour  sauver  le  monde, 
Porte  heureuse  du  ciel,  étoile  de  la  mer  ; 
Dont  la  virginité  merveilleuse  et  féconde 
Ouvrit  le  paradis  et  désarma  l'enfer. 

Marie!  au  nom  du  ciel,  Gabriel  vous  salue  : 
D'Eve,  vous  réparez  la  faute  et  les  malheurs. 
A  ce  signal  heureux  la  terre  s'est  émue  : 
Ah  !  donnez-nous  la  paix,  en  nous  rendant  meilleur.- 

Dissipez  de  nos  sens  les  erreurs  déplorables  ; 
De  nos  crimes  rompez  les  funestes  liens  ; 
Eclairez  nos  esprits  ;  à  vos  enfants  coupables 
Epargnez  tous  les  maux,  obtenez  tous  les  biens. 

Montrez  que  le  Très-Haut  vous  appela  sa  Mère  ; 
A  son  trône  par  vous  que  nos  vœux  soient  transmis. 
Peut-  il  vous  refuser  ?  Jésus  est  notre  frère, 
Et  c'est  pour  nous  servir  qu'il  devient  votre  fils. 

0  Vierge  incomparable!  auguste  protectrice, 
D'un  Dieu  juste  et  vengeur  fléchissez  le  courroux. 


:  tnts  du  souffle  ijnpur  du  \  ice  : 
ndez  no-;  cœurs  chastes  et  doux, 
pas;  Armez-nous  de  courage 
\\  wv  braver  I  a«ts  d'ua  monde  criminel. 

Faites  nous  voir  Jésus  après  ces  jours  d'orage, 
Et  jouir  avec  vous  d'un  bonheur  éternel. 

■■■  a.  Dieu,  gloire  et  louange  au  Père  ! 
et  fait  aimer  ses  lois; 
GÎQ're  à  vi  uSj  ô  Jésus!  dont  Marie  estja  Mère  ; 
d'une  Vierge,  et  mort  sur  une  croix. 


—  Hisîtûrc  ni»t8ireHe  (1)  el  Phy- 
sique. 

DE  LA  CHALEUR  OU   CALORIQUE. 

Il  existe  un  fluide  d'une  incomparable  sub- 
tilité, dans  lequel  on  n'a  pu  découvrir  aucun 
signe  dep  -saut  ur,  qu'on  ne  peut  saisir,  etqui 
pénètre  avec  ame  facilité  étonnante  tous  les 
corps;  ce  fluide  impondérable,  insaisissable, 
incoercible  ,  nous  manifeste  sa  présence  par 
y  principaux  effets,  par  la  s?nsation  de-  la 
chaleur  qu  idfaitéprouverlorsqu'ons'approcke 
d'un  corps  où  il  se  trouve  en  grande  quantité, 

(1)  Dans  la  47e  livraison,  \  Va  t.  Histoire  naturelle, 
page  2(i,  lignes  22  tt  23,  au  lieu  de  décimètres,  lisez 

coitiiuvtres. 


el  par  la  dilatation,  c'est-à-dire  par  une  aug- 
mentation de  volume  qu'il  produit  dans  ce 
même  corps  :  ce  fluide  se  nomme  chaleur  ou 

calorique. 

Le  calorique  est  donc  un  fluide  invisible 
qui  se  trouve  répandu  partout,  qui  pénètre 
tous  les  corps  et  en  sort  avec  la  même  facilité. 
La  terre  »  n  recel  !  une  quantité  extraordinaire; 
plus  on  pénètre  dans  son  intérieur,  plos  -a 
,  m  nie.  Les  gé  dogues  s'accordent  à 
dire  qu'à  l  kilomèt.  île  profondeur  éÛe  peut 
mettre  :  eau  en  ébullition,  à  30  kilomèt.  elle 
doil  sez  forte  pour  nu  ttre  en  fusion  les 

métaux  les  plus  durs,  et  à  60  elle  serait  ca- 
pabl  .  oiliv  les  diamants.  Quelle  serait 
donc  sa  force  à  6,366 ,  c'est-à-dire  au  centre 
de  laierre! 

La  chaleur  a  la  propriété  d'écarter  les  par- 
ti s  infiuimenl  petites  dont  les  corps  sout 
composés,  de  les  dilater,  d'augmenter  leur 
volume.  Ci  tté  propriété  de  la  chaleur  est  ba- 
lance,- par  une  propriété  opposée  dont  jouis- 
sent ces  petites  parties  ou  molécules,  qui  est  de 
s'attirer  I  s  une-  le-  autres.  En  sorte  qu'il  s'é- 
tablit, entre  cette  attraction  na  turelle  des  molé- 
cules elles  efforts  de  la  chaleur  pour  les  sépa- 


rer.  une  lutte  quis'offrepartoutdansla  uaï 

Approchez  du  feu  un  morceau  de  - 
bientôt  vous  n'aurez  plus  que  de  l'eau,  con- 
tinuez à  chauffer  celte  -au.  faites-la  bouillir, 
die  diminuera,  et,  au  bout  de  quelques  in- 
stants, elle  aura  entièrement  disparu.  La  rai- 
son de  cela  est  que  la  grande  chaleur  écartant 
lés  molécules, l'attachement  est  oV venu  extrê- 
mement faible,  les  molécules  se  sont  sépaiées 
au  point  que  le  corps  est  devenu  liquide,  puis 
tout  à  fait  invisible.  Ainsi  un  même  c  rrps,  sui- 
vant que  la  chaleur  écarte  plus  ou  moins  -  - 
molécules  ,  peut  se  transformer  de  solide  en 
liquide  et  de  liquide  en  vapeur. 

Sous  l'influence  du  Calorique,  les  barres  de 
fer  se  dilatent,  s'allongent,  en  sorte  qu'on  s'en 
sert  avec  avantage  pour  redresser  des  murail- 
les ;  un  grand  nombre  de  métaux  s  î  liquéfient, 
il  en  est  même  qui  passent  à  l'état  gazeux. 

Tout  le  monde  sait  quelle  puissance  le  ca- 
lorique exerce  sur  la  vapeur,  comme  il  la  di- 
late, et  quelle  force  prodigieuse  il  lui  imprime. 

Supprimez  le  calorique,  l'homme,  les  ani- 
maux, les  végétamx  ne  pourront  plus  subsis- 
er.  Et  puis  les  parlies  infiniment  menues, 
ou  les  molécules  qui  composant  les  eorp"-'.  ne 


—  26  — 
se  touchent  j»,; s,  le  calorique  y  étant  toujours 
en  opposition.  Ces  molécules  tenuVnt  conti- 
nuellenn'ntàsi'  rapprocher  ;  faites  disparaître 
l'obstacle,  c'est-à-dire  1 1  chaleur,  elles  as  rap- 
procheront ;  et  qui  sait?  l'univers  condensé 
sera  peut-être  réduit  à  la  grosseur  d'un  petit 
caillou,  d'un  grain  de  sable. 


LE  ROARD  PECHEUR  DE  CRABES. 

La  Norvège,  cette  région  inhospitalière,  ex 
porte  chaque  année  une  quantité  prodigieuse 
de  crabes,  deliomards  et  de  langoustes,  qu'on 
prend  le  long  de  ses  rives,  soit  à  la  main,  soit 
au  moyen  de  filets  de  fer  qu'on  traîne  au  fond 
de  la  mer.  Mais  comment,  me  direz- vous,  fait 
le  renard  pour  les  pêcher,  lui  qui  n'a  ni 
mains  ni  filets? — Votre  question  est  juste; 
mais  pour  vous  répondre,  je  vous  dirai  que  le 
renard  est  rusé,  qu'il  a  une  queue,  laquelle 
queue  lui  sert  de  mains,  d'hameçons  et  de 
filets.  Voici  comment.  11  parcourt  le  rivage  ; 
sitôt  qu'il  aperçoit  un  crabe  cherchant  sa  proie 
au  bord  de  la  mer,  il  s'approche  doucement, 
s'étend  tout  de  son  long  en  plaçant  le  bout  de 
sa  queue  dans  l'eau.  Le  crabe  s'imaginant  que 


—  27  — 
celte  queue  est  le  corps  il  i  quelque  animal 
mort,  la  saisit  avec  ses  pinces.  Aussitôt  le 
perfide  renard  la  relève  précipitamment  par- 
dessus sa  tète,  et  rejette  le  crabe  sur  le  sable. 
Alors  la  question  de  «  qui  de  nous  deux  dî- 
nera ?  »  est  bientôt  décidée,  et 

Maitiv  renard,  qui  certes  nlest  pas  bête, 
En  un  instant  du  crabe  s'est  gorgé, 
Et" ce  dernier,  qui  s'était  mis  en  tète 
D'4tre  mangeur,  au  contraire  est  mangé. 

VII.  —  Hygiciae. 


DES   ENGELURES. 

Lorsqu'on  a  les  pieds  ou  les  mains  engour- 
dis par  le  froid,  il  faut,  quand  on  entre  dans 
un  appartement,  éviter  de  se  présenter  de. 
suite  au  feu.  On  doit  attendre  au  moins  que 
le  plus  fort  du  froid  soit  passé,  avant  de  s'en 
approcher,  En  se  comportant  autrement, 
l'on  s'expose  à  gagner  des  engelures  aux  pieds 
ou  aux  mains,   selon  que  les  unes  ou  les 


—   98   _ 


—    28   — 

autres  de  ces  parties  auront  été  exposées  les 
premières  au  feu. 


Lorsqu'on  est  mouillé,  il  faut  changer  de 
suite  de  linge  et  de  vêtements.  Rien  de  plus 
pernicieux^  et  de  plus  capable  de  causer  des 
rhumatismes  aigus,  dus  douleurs  chroniques, 
que  de  laisser  sécher  ses  habits  sur  soi.  Bien 
des  personnes  sont  devenues  perdues  de  leurs 
membres  par  cette  imprudence. 


%I1I.  —   BîBîSaB&Srie  et  «I^eosiverie». 


Il  CINES    DE    NIXIVE. 

Une  personne  de  Bourg  a  reçu  de  jNinive 
Ja  lettre  suivante,  émanant  d'un  membre  de 
la  commission  envoyée  par  le  gouvernement 
français  pour  faire  des  fouilles  sur  les  ruines 
de  cette  antique  cité  : 

«  Ninive,  5  octobre  1853. 

»  Vous  Savez  sans  doute  que  je  suis  parti 


—  29  — 
pour  la  Turquie  d'Asie ,  dans  la  province 
qu'où  appelle  l'Assyrie,  attaché  à  la  missi  i 
scientifique  de  Mésopotamie  en  qualité  de 
photographe  et  d'ingénieur  civil  :  cette  m  s- 
sion  est  du  plus  haut  intérêt  pour  !  histoire. 

»  Nos  instructions  étaient  celL  s-ci  :  retr<  u- 
Verles  ruines  de  l'ancienne  Ninive,  cette  ville 
qui  joue  un  rôle  si  important  clans  l'his- 
toire saint'  ,  et  dont  le  nom  remplit  tout*  -  s 
fiages  dé  la  Bihle.  Rendus  sur  les  lieux,  nous 
croyions  qu'il  était  bien  difficile,  sinon  ini- 

;sible,  d'envoyer  à  l'Académie  des  no;/  - 
les  de  Sémiramis,  de  Saigon,  de  Sennai 
rib,  de  Sardanapale,  <  te.  Après  six  mois  de 
recherches  inutiles,  avec  trois  cents  ouvriers 
portant  la  bêche  sur  une  épaule  et  la  lance  sur 
I'autre;  comme  les  anciens  Juifs,  nous  com- 
mencions à  désespérer,  lorsque,  par  un  heu- 
reux hasard,  nous  avons  eu  le  bonheur  de 
découvrir  une  des  portes  de  cette  ville  ai  - 
que,  la  première  fondée  d-  puis  le  déluge. 

»  Cette  porte,  véritable  arc  de  triomphe, 
ornée  de  peintures  en  briques  émaillées,  de 
sculptures,  bas-reliefs,  supportée  par  deux 
énormes  taureaux  en  marbre  don;  je  vous  en- 
voie le  dessin,  avec  sa  têti   In 


—  30  — 
d'une  tiare  el  ornée  d'une  barbe  énornv  . 
nous  a  f;tit  pénétrer  dans  la  ville,  où  nous 
avoue  dé  ouvert  les  choses  les  plus  surpre- 
nantes et  les  plus  extraordinaires.^  maisons, 
palais,  statues,  bas  reliefs,  tous  les  métapx 
connus  de  nos  jours  :  or,  argent,  fer,  acier, 
plomb,  cuivre,  cylindr  s,  cachets  inscrits  et 
seul},  tés,  on  plutôt  gravés.  Aussi  ces  messii  urs 
de  Paris  sont  dans  le  ravissement. 

»  Nous.avons  encore  découvert  une  infinité 
d'inscriptions,  mais  écrites  dans  une  langue 
si  ancienne  et  si  étrange-,  que  personne  n'a 
encore  pu,  jusqu'à  présent,  en  déchiffrer  un 
mot,  quoiqu'un  savant  anglais  prétende  que 

ceci  I )  signifie  Gabriel  ;  je  compare  celte 

écriture  à  une  poignée  de  clous  jetés  an  ha- 
sard contre  un  mur.  Ce  qui  ajoute  à  l'intérêt 
de  nos  découvertes,  c'est  l'existence,  à  quel- 
ques pas  de  Mossoul,  du  tombeau  de  Jouas 
et  celui  du  prophète  Nahum,  qui  tous  deux 
avaient  prédit  la  ruine  de  Ninive. 


IX.   —  Variétés. 


MONSIEUR   DE   CB  \'\ 


Un  Gascon  s    trouvait  un  jour,  au  milieu 
d'un  bon  nombre  d'étrangers,  en  tète  à  têt. 
Provençal,  rond  comme  une 
mappemonde,  et  tellement  brûlé  du  soleil 
qu'il  avait  la  couleur  du  bitume. 

M.  de  Crac,  pour  intéresser  la  société,  se  mit 
en  tète  de  raeonler  quelques-unes  de  ses 
aventuri  s,  et  c  fut  avec  l'accent  gascon  bien 
prononce  qu'il  s'écria  : 

CadédiSj  capitaine,  la  belle  chose  qiv  les 
voyages  '.— Troun  de  l'air!  mousseu,  à  qui  le 
dites-vous  ? —  J'ai  voyagé  en  France,  eu  B  1- 
gique,  m  Angleterre  ;  c'est  beau,  mais  c'.  st 
peu  drôle,  et  les  mœurs  n'y  sont  pas  plus 
extraordinaires  qu'une  chope  de  bière,  qu'un 
morceau  de  bifteck,  ou  tout  simplement  le 
pot-au-feu.  Parlez-moi  de  l'Espagne;  c'est  là 
le  pays  des  fandangos,  des  cigarettes  et  du 
tabac    superflu!!     Avez-vous    jamair*  puise 


—  32  — 
dans  une  tabatière  espagnole,  capitaine  ?  — 
Za'mais,  ze  ne  prise  pas,  ze  cique.  —  Chacun 
son  goût  ;  moi  je  prise,  je  fume,  je  chique,  au 
point  que  la  régie  devrait  me  donner  une 
pension.  En  Espagne,  capitaine,  je  dépensais 
trois  livres  de  tabac  par  jour,  cinq  cents  ci- 
garettes, une  carotte  de  tabac  longue  d'une 
aune,  mais  le  tabac  d'Espagne  est  si  succu- 
lent, si  aromatisé,  si  pénétrant,  si  parfait  ! 
Tenez,  j'ai  fait  dans  ce  pays-là  une  chasse  aux 
lapins  que  Ton  n'exécute  nulle  part  ailleurs. 
Point  de  chiens,  point  de  fusils,  pas  même 
de  filets.  —  Ze  comprends,  dit  le  gros  Pam- 
phile,  on  leur  z'y  met  un  grain  de  sel  sur  la 
queue. 

Point  du  tout,  cadédis  !  on  prend  sa  taba- 
tière, et  l'on  s'en  va,  en  s;  promenant  la  canne 
à  la  main,  on  va  droit  au  terrier,  et  là-bas  les 
terriers  foisonnent.  Devant  chaque  trou  de 
lapin,  on  met  une  pierre  bien  pMe  ;  on  verse 
sur  cette  pierre  trois  ou  quatre  prises  de  ta- 
bac ;  l'on  se  retire  dans  un  coin,  et  l'un  pré- 
pare sa  gibecière.  Le  tabac  commence  par 
développer  son  arôme  ;  le  lapin,  réveillé  par 
le  parfum,  sort  tout  dpû.cemënt  de  son  terrier  ; 
il  est  très-friand  dulabac  d'Espagne,  il  s'ap- 


—   oo  — 

pro  >be  d  ■  i a  pi  sn  i  .  et  il  renifle  Le  tabac 
connu  i  an  deux  glouton  qu'il  est  :  il  en  rë- 
niil  •  tant  i  si  bien,  que  tout  à  coup  :  Ahh- 
ahij  il  ri  rnue,  se  frappe  le  nez  sur  la 
pierre,  et,  comme  il  a  le  museau  très-délieatj 
il  reste  mort  sur  le  coup.  Autant  de  pierres, 
autant  de  lapins.  J'en  ai  pris  comme  cela  une 
douzaine  en  moins  d'un  petit  quart  d'heure. 
Toute  l'assistance  se  mit  à  rire,  et  le  capi- 
taine Pamphile  seul  ne  se  dérida  pas.  Mous- 
seu,  dit -il  au  Gascon.  a  v  /.-vous  zamais  voyazé 
dans  le  Piémont  ? —  Cadédis  !  je  l'ai  parcouru 
dans  tous  les  sens,  en  long,  en  large,  en  dia- 
gonale; je  n'y  ai  jamais  rien  trouvé  d'extraor- 
dinaire. —  ïroun  de  l'air  !  c'est  que  vous  êtes 
trop  z  'une  ;  tel  que  ze  vous  parle,  ze  suis 
été  à  Turin  en  1812,  z'ai  trouvé  là  des  res- 
taurants comme  il  y  en  a  peu,  comme  il  n'y 
en  aura  zamais  :  z'entre  à  la  première  cantine 
venue,  et  ze  demande  de  quoi  lester  mon  na- 
vire. —  «  Pardon,  mousseu,  me  dit  le  maître 
delà  maison  ;  c'est  moi  que  ze  vais  vous  ser- 
vir; mais,  si  vous  voulez  Lien  venir  par  ici, 
nous  allons  faire  une  opération  préalable. 
—  Troun  de  l'air  !  une  opération?  —  Ne 
vous  effrayez  pas  il  n'y  aura  pas  de  sang 


-  34  - 
ndu.   »   Il  m  •  conduisit  sous  un  hangar 
■jù  se  trou  grande  balance.  —  «Don- 

nai   p  ine  de  vous  asseoir,  »  me  dit  le 
coq  en  ch  f;  et  il  me  pèse  comme  une  véri- 
table balle  de  coton  ou  comme  un  gros  sac  de 
café.  — C'est  S 18  kilog. ,  qu'il  me  fait;  zé- 
iais  fort  et  robuste  alors,  mais  auzourfl'hui 
_;rins  m'ont  fait  fondre;  ze  ne  peso  plus 
que  cent 
Z"  restai  dans  la  balance  tranquille  comme 
-.  .iiit  qu'on  allait  là  m'apporler 
ma  ration  ;  mais  l'aub  rziste  il  me  fait  des- 
i  il  me  c  »ndiiit  à  la  salle  à  manzer: 
là  ;::  boiSj  ze  nranze,  ze  mairze  encore,  z'avais 
tant  d'appétit  alors  !  Depuis,  tes  çagrins  do- 
mestiques... Eofin  c'est  connu  •  c  la! 
Quand  z'ai  fini,  ze  demande  la  noi  i   à 
yer.  Le  même  mous  nduitàlaba» 

lance,  et  il  nie  repèsé  :  «  Moiisseu, qu'il  me  dit, 
c'est  118 kilog.;  à  deux  francs  çaque,  ça  fait 
quatre  francs.  »  Ze  paie,  ze  me  relire,  et  ze 
suis  content. 

Le  lendemain,  ze  dresse  mon  plan  de  ba- 
taille :  ze  mets  deux  grosses  pierres  dans  les 
poees  de  ma  tunique,  et  ze  me  présente  au 
restaurant.  On  me  pèse  ;  ze  laisse  passer,  par 


—  35  — 
i'"I::  uBi  rziste  qui  m'avait  coiiduit. 

Ze  file  la  main  clans  la  poce;  et  ze  me  dé- 
barrasse de  mes  deux  cailloux.  Ze  vais  manzer 
comme  quatre,  el  ze  me  fais  repeser  :  avant 
le  r.  |    ,.  ze  pesais  118,  après  le  rer,;  . 
sais  116.  —  a  :.  dit-ze  à  l'ai  I 

c'est  deux  kilog.  que  vous  me  devez.  -  Mous- 
-  î;-  trop  zuste; deux  kilog.  à  2  francs 

celja  fait  i  fra  ics.  »  Et  il  me  remit  ï  francs. 
Voilà  commeal  z'ai  manzé  deux  zours  et 
z*ai  '  it  franc-  dans  la  ville  d>i  Tuj 

■'■  tout  entière  partit  d'un  iim 
et  :,I.  de  Crac  s'écria  :  «  Cad: 
tous  me  montrez  un  restaurant 
il,  je  vous   donne  un  merle  blanc.  — 
Mou  iiquement  le  Pro- 

vençal, montrez-inoi  une  fois  votre  casse  au 
'.  1 1  troun  de   Pair  !   ze  vous  le  zure,  ze 
vous  retrouverai  l'auberze  à  la  balance!  o 
■  (Magasin  de  l'Enfance  ckrétia 


36  — 


X.  —  Hnximes  et  a»ri>vea*I»/'s. 


Ne  l'émettez  pas  au   lendemain  la  bonne 
action  que  vous  pouvez  faire  aujourd'hui. 


Quand  tu  es  seul,  songe  à  tes  défauts  ; 
quand  tu  es  en  compagnie,  oublie  ceux  des 
autres. 


Pardonne  tout  aux  autres  et  rien  à  toi. 


La  poule  sauvage  ne  se  désaltère  jamais 
par  une  goutte  d'eau  qu'elle  n'élève  ses  re- 
gards vers  le  ciel. 


Le  mot  de  la  dernière  énigme  est  :  Une  fosse. 


ENIGME. 


Sans  eau,  je  bois  de  l'eau, 
Triste  effet  du  destin! 
Mais  beaucoup  d'eau 
Me  fait  boire  du  vin. 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  BEAU",  A   SAINT-GERUAIN-ENLAYE. 


RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES. 


DEUXIÈME  ANNÉE 


"  ".  IV3T u»i:=-.ïi: , 


S\I>T    JEAN    L  EVAPtGKbISTE. 


RÉCOMPENSES 

HEBDOMADAIRES  ET  MENSUELLES , 

ou 

LECTURES 

MORALES,    INSTRUCTIVES    ET    AMUSANTES, 

DESTIRÉES 

AUX  ECOLES  CHRÉTIENNES. 
DEUXIÈME  ANNÉE. 


A  TXRSAÏIXES  , 

CHE?  L'ÉDITEUR,  BEAU  J",  mPRHRCK, 
Rae  Satory,  28. 


PROPRIÉTÉ. 


SOMMAIRE 


I.  Religion  iï  Morale.  —  l'n  régiment  île  cuirasài  rs 
en  pèlerinage. 

II.  Education. —  Amour  filial. —  Amour  fraternel. 

III.  Histoire.  —  Recbcrches  sur  les  rois  de  France 
qui  se  sont   distingués  par  leur  piété.  —  Extrait 
d'un  rapport  adressé  à  M.  le  ministre  de  la  ma- 
rine. 

IV.  Personnages  célèbres.  —  Le  général  Cambronne. 
V.  Morceaux  littéraires.  —  Un  Enfant  à  son  ange 

gardien. 

VI.  Histoire  naturelle.  —  De  la  Carpe. 

VII.  Hygiène.  —  Dangers,  des  fourneaux. 

VIII.  Industrie.—  Moyen  de  détruire  le;  limaces. 
IX.  Variétés.  —  Un  Chiffonnier. 
X.  Proverbes  et  Maximes. 
Locogr  phe. 


-fiîSE-O 


2îi*ÏJgi;iJï  et   SI«s-iî3<*. 


IX    HLGIMtXT  EE   CUIRASSIERS    EX    PELERINAGE. 

Un  spectacle  tout  à  fait  inattendu  et  bien 
consolant  pour  la  foi  a  été  donné  le  27  décem- 
bre 1853,  dans  l'église  de  Notre-Dame-de- 
Foùrvières,  par  un  des  régiments  de  cuiras- 
siers en  garnison  à  Lyon. 

La  promenade  du  régiment  s'était  dirigée 
vers  le  sommet  de  la  sainte  colline.  Arrivé» 
dans  le  voisinage  du  cloître  de  Fourvières,  les 
cavaliers  mettent  pied  à  terre,  et  tandis  qu'un 
petit  nombre  d'entre  eux  veillent  à  la  garde 
des  chevaux,  sur  la  place,  tous  les  autres,  le 
colonel  en  tète,  se  dirigent  vers  la  porte  du 
sanctuaire. 

Le  colonel  demande  à  parler  à  M.  le  recteur 
afin  d'obtenir  que  toute  sa  troupe  puisse 
rendre  ses  'hommages  à  Notre-Dame.  M.  le 
recteur  s'empresse  avec  joie  d'accueillir  cette 
demande ,  et  propose  au  colonel  de  ter- 
miner la  visite  par  la  bénédiction  du  Saint- 


—  6   - 
Sacrement,  ce  qui  est  accepté  avec  reconnais- 
sance. 

Les  soldats  entrent  donc,  et  saluent  l'image 
de  la  Vierge  ;  la  musique  exécute  en  son  hon- 
neur de  brillantes  fanfares  Le  Tantum  ergo 
est  ensuite  chanté,  et  tous  reçoivent  la  béné- 
diction, le  genou  en  terre.  Le  drapeau  était 
venu  se  placer  vers  la  table  de  la  communion 
avec  son  escorte  ordinaire,  et  le  sanctuaire 
et  le  chœur  étaient  occupés  par  le  colonel,  le 
lieutenant-colonel,  les  chefs  d'escadrons  et  le 
reste  de  l'état-major  du  régiment.  Les  chants 
finis,  le  R.  P.  Maurel,  accouru  à  la  cérémonie, 
et  qui  n'a  pas  même  eu  le  temps  de  prendre 
un  surplis,  adresse  du  sanctuaire  quelques 
paroles  aux  soldats,  qui  l'écoulent  avec  la 
plus  grande  attention.  Se  livrant  à  l'inspira- 
ion  du  moment ,  le  Père  a  rappelé  quelques 
souvenirs  qui  devaient  aller  spécialement  au 
cœur  de  son  auditoire. 

«  Depuis  le  triomphe  que  Jean  Sobieski 
remporta  sous  les  murs  de  Vienne  sur  les 
infidèles,  a-t-il  dit,  il  fit  toujours  porter  avec 
lui  une  image  de  Notre-Dame-de-Lorette,  sur- 
montée de  cette  inscription  :  Par  cette  image 
de  Marie,  Jean  sera  vainqueur.  —  Le  maré- 
chal Suchet,  chargé  du  commandement  de 


—  7  — 
Lyon,  en  1815,  monta  un  jour  à  Fourrières, 
<■(,  après  avoir  du  haut  du  clocher  observé  sa 
ville  natale,  il  entra  dans  la  sacristie,    et, 
.^adressant  au  prêtre  qui  remplaçait  le  rec- 
teur ?  Monsieur  l'abbé,  lui  dit-il,  veuille:  faire 
célébrer  quelques     messes  à    mon    intention. 
Quand  j'étais    enfant,  ma    mère    m'amenait 
souvent  ici  aux  pieds  de  Notre-Dame  ;  je   ne 
perdrai  jamais  ce  souvenir.  Le  maréchal  alla 
ensuite  s'agenouiller  en  présence  de  Marie, 
où  il  pria  de  tout  son  cœur.  On  attribue, 
Messieurs,  la  mort  édifiante  de  cet  illustre 
guerrier  à  son  amour  pour  la  Sainte  Vierge. 

»  A  l'exemple  de  ces  hommes  illustres, 
aimons  la  Sainte  Vierge ,  Messieurs  ;  est-il  si 
pénible  de  l'aimer  ?  Vous  avez  sur  la  terre 
une  mère  que  vous  aimez  tendrement;  Marie 
est  votre  Mère  du  ciel  !  Aimez  Marie  :  telle 
est  la  volonté  de  Dieu,  qui  a  établi  la  Sainte 
Vierge  comme  le  canal  des  grâces  qu'il  envoie 
à  la  terre  ;  aimez  Marie,  telles  sont  les  inten- 
tions de  l'Eglise,  qui  fait  tout  pour  inspirer 
cette  dévotion  au  cœur  de  ses  enfants.  » 

Cette  improvisation  pleine  de  chaleur  a  fait 
couler  plus  d'une  larme. 

Après  un  nouveau  morceau  de  musique* 
nos  cuirassiers  ont  quitté  le  sanctuaire. 


II.  —  ^«ïaïfîjîâoïB. 


AMOUR  FILIAL. 

C'est  principalement  dans  la  vieillesse,  et 
lorsqu'ils  sont  faibles  et  infirmes  que  les  pa- 
rents oht.besoin  du  secours  de  leurs  enfants  : 
c'est  alors  que  ceux-ci  doivent  redoubler  de 
zèle  et  d'affection. 

Une  pauvre  veuve,  souffrante  et  infirme, 
était  privée  depuis  bien  longtemps  du  plaisir 
si  pur  de  prendre  part  au  culte  public,  qui 
était  un  besoin  pour  son  âme  pieuse. 

Souvent,  lorsque  le  dimanche  arrivait,  elle 
disait  à  ses  deux  fils  :  «  Combien  je  serais 
heureuse,  s'il  m'était  possible  d'assister  au- 
jourd'hui à  l'église  :  mais  je  suis  faible  et 
infirme,  et  la  distance  est  trop  grande  d'ici  au 
village,  pour  que  je  puisse  y  aller  à  pied.  » 

En  disant  ces  mots,  la  bonne  mère  était 
triste  ;  car  elle  sentait  le  prix  des  réunions 
religieuses,  et  elle  éprouvait  un  pressant  be- 
soin de  s'y  rendre. 

Ses  deux  fils,  qu'elle  avait  élevés  dans  la 
crainte  de  Dieu,  et  qui  cherchaient  par  tous 


—  9  — 
les  m  in  eus  p<  issibles  à  lui  prouver  leur  amour 
filial,  se  concertèrent  ''usemblepour  satisfaire 
son  pieux  désir. 

Ils  ajustèrent  deux  pièces  de  buis  à  an  fau- 
teuil, en  firent  ainsi  une  espèce  de  chaise  à 
porteur,  y  placèrent  leur  mère,  et  la  trans- 
portèrent eux-mêmes  à  l'église,  qui  était 
éloignée  de  près  d'une  lieue;  car  ils  habi- 
taient une  ferme  écartée,  située  sur  le  p  n- 
chant  de  la  montagne. 

Tous  les  'assistants  furent  touchés  de  la 
piété  de  la  mère  et  du  dévouement  de  ses 
enfants.  On  sema  des  fleurs  sur  leur  route,  et 
ces  fleurs  devinrent  l'image  des  bénédictions 
que  Dieu  répandit  lui-môme  sur  cette  inté- 
ressante famille. 

La  piété  sincère  est  la  première  des  ver- 
tus-et  la  source  du  vrai  bonheur;  c'est  par 
elle  que  les  parents  forment  leurs  enfants  à 
la  véritable  sagesse,  et  que  les  enfants  s? 
montrent  reconnaissants  envers  leurs  pa- 
rents. 


AMOUK    FRATERNEL. 

L/heureus    alliance,  l'accord  si  naturel  de 
sentiments  et  de  volontés  qui  doivent  régner 

52. 


—  10  — 

entre  des  frères,  avaient  pour  symbole  chez 
les  anciens  deux  pièces  de  bois  parallèles  que 
liaient  ensemble  deux  traverses  également 
distantes.  A  cet  emblème  qui  exprimait  aux 
yeux  une  idée  touchante,  les  Grecs  ajoutaient 
cette  maxime  :  «  Il  n'en  doit  pas  être  de  deux 
frères  comme  des  deux  bassins  d'une  balance, 
dont  l'un  ne  peut  s'élever  qu'à  mesure  que 
l'autre  s'abaisse.  » 

Le  fils  d'un  riche  négociant,  nommé  Dorval, 
s'était  livré  dans  sa  jeunesse  à  tous  les  excès;  il 
irrita  tellement  son  père  en  méprisant  tous  ses 
avis,  que  le  vieillard,  près  de  finir  sa  carrière, 
fit  un  acte  par  lequel  il  déshéritait  son  jeune 
fils,  puis  mourut  peu  après.  Dorval,  instruit 
de  la  mort  de  son  père,  fait  de  sérieuses  ré- 
flexions, rentre  en  lui-même  et  pleure  ses  éga- 
rements passés.  11  apprend  bientôt  qu'il  est 
déshérité  :  cette  nouvelle  n'arrache  de  sa 
bouche  aucune  plainte,  aucun  murmure  in- 
jurieux à  la  mémoire  de  son  père  ;  il  la  res- 
pecte jusque  dans  l'acte  le  plus  désavantageux 
à  ses  intérêts  ;  il  dit  seulement  ces  mots  :  Je 
l'ai  mérilé.  Cette  modération  parvint  aux 
oreilles  de  Genneval,  son  frère,  qui,  charm 
de  voir  le  changement  de  mœurs  de  Dorval  et 


—  11  — 

son  admirable  résignation,  >a  Le  trouver, 
l'embrasse,  et  lui  adresse  ces  paroles  à  jamais 
mémorables  :  a  Mon  frère,  par  un  testament, 
notre  père  m'a  institué  son  légataire  univer- 
sel; mais  il  n'a  voulu  exclure  que  l'homme 
que  vous  étiez  alors  en  vous  déshéritant,  et 
non  celui  que  vous  êtes  aujourd'hui;  je  vous 
rends  la  part  qui  vous  est  due.  » 


III.  —  Histoire. 

RECHERCHES   SUR   LES    ROIS   DE    FRANCE    QUI    SE 
SONT   DISTINGUÉS   PAR  LEUR   PIÉTÉ. 

La  France  ne  compte  pas  seulement  des 
monarques  fameux  par  leurs  conquêtes  ou 
leurs  lois,  comme  Philippe-Auguste,  Henri  IV, 
Louis  XIV  et  Napoléon  Ier  ;  elle  est  encore 
fière  de  ses  saints,  comme  Charlemagne  et 
Louis  IX.  Voici  une  courte  notice  sur  ceux 
qui  ont  été  honorés  d'un  eidrfce  public  par 
l'Église. 

1.  Clovis.  Tous  les  historiens  regardent 
Clovis  comme  le  fondateur  véritable  de  la 
monarchie  française,  quoique  plusieurs  au- 
res  rois  aient  gouverné  la  nation  avant  lui. 


—  12  — 
Mais  ce  qu'on  ne  saurait  lui  contester,  c'est 
'l'avoir  été  notre  premier  roi  chrétien.  Con- 
verti^ à  la  célèbre  bataille  de  Tolbiac,  il  fut 
baptisé  solennellement  à  Reims,  par  saint 
Rémi,  le  25  décembre  196.  Le  sacrement  de 
la  régénération  ne  lui  ôia  pas,  sans  doute,  son 
ambition  et  ses  autres  défauts;  mais  Clovis 
resta  toujours  fidèle  à  la  religion,  protégea 
l'Église,  fonda  et  enrichit  beaucoup  d'éta- 
blissements pieux.  Il  fut  enterré,  en  511, 
dans  l'église  de  Saint-Pierre  et  Saint-Paul, 
dite  depuis  Sainte-Geneviève;  les  religieux  de 
cette  abbaye  faisaient  autrefois  sa  fête  du  rite 
double  le  26  novembre.  De  savants  auteurs, 
tels  que  Savaron  et  Baronius,  ont  écrit  en 
faveur  de  sa  sainteté  ;  cependant  l'Église  n'a 
jamais  mis  le  nom  de  Clovis  dans  son  marty- 
rologe. 

2.  S.  Sigisaiond,  roi  de  Bourgogne.  Quoique 
ce  prince  fût  fils  deGondebaud,  qui  avait  em- 
brassé l'arianisme,  il  eut  le  bonheur  d'être 
élevé  catholiquement  par  saint  Avit,  évêque 
devienne.  Il  succéda  à  son  père  en  517,  et 
fonda  l'abbaye  d'Agaune  ou  de  Saint-Maurice 
en  Valais.  En  521,  il  eut  à  soutenir  une  guerre 
malheureuse  contre  les  fils  de  Clovis.  L'un 
d'eux,  Clodomir,  l'ayant  fait  prisonnier  avec 


—  13  — 
sa  femme  et  ses  enfants,  eut  la  cruauté  de  les 
jeter  dans  un  puits,  à  S. -Péravy-la- Colombe, 
à  v2o  kilomètres  d'Orléans.  Saint  Sigismond 
est  honoré  comme  martyr  le  1er  mai. 

3.  S.  GoNffiANj  roi  d'Orléans.  Fils  de  Clo- 
taire  I'1  et  petit-iils  de  Clovis  et  de  sainte 
Glotilde,  Contran  hérita  du  royaume.  d'Or- 
léans et  de  Bourgogne  en  561.  On  eut  d'abord 
de  graves  reproches  à  lui  faire;  il  effraya 
quelque  temps  par  ses  cruautés  et  ses  désor- 
dres, mais  il  les  expia  par  une  sincère  péni- 
I-  nce,  et  ses  sujets  ne  l'appelèrent  bientôt  que 
notre  bon  roi  Gontran.  11  mourut  en  593  et  fut 
inhumé  dans  l'abbaye  de  Saint-Marcel,  près 
de  Ghâlon- sur-Saône,  qu'il  avait  fondée.  Son 
nom  se  trouve  dans,  iè  martyrologe  romain, 
a*  28  mars. 

i.  S.  Sigebert,  roi  d'Austrasie.  Il  était  iiis 
(1  Dagobert  Ier  et  fut  baptisé  splennelieinent 
à  Orléans,  par  saint  Armand,  évêque  de  Maes-r 
trieht.  Son  éducation  fut  confiée  au  B.  Pétmi 
de  Landen,  maire  du  palais,  qui  l'éleva  da  is 
les  principes  de  la  piété,  et  qui  lui  servit  de 
père  quand  ce  jeune  enfant  eut  été  nommé  roi 
d'Austrasie  en  633.  Parvenu  à  l'âg  ■  de  régner, 
Sigebert  se  fit  chérir  de  ses  sujets.  11  fonda 

52.. 


—  14  — 
jusqu'à  douze  monastères,  entre  autres  Saint- 
Martin,  près  de  Metz,  où  il  fut  enterré  en  636  ; 
il  n'avait  que  vingt-cinq  ans.  La  plupart  des 
diocèses  où  il  régna  l'honorent  le  1er  février. 
5.  S.  Dagobert  III,   roi  d'Austrasie.    Da- 
gobert  II  ou  III  était  fils  de  saint  Sigebert  et 
lui  succéda  dans  un  âge  fort  tendre,  en  656. 
Il  ne  fut  que  quelques  mois  sur  le  trône,  car 
l'ambitieux  Grimoald,  maire  du  palais,  le  fit 
secrètement  conduire  en  Irlande,  et  lui  sub- 
stitua son  propre  fils,  Childebert.  Cette  usur- 
pation amena  des  révoltes,  et  l'Austrasie  s'é- 
tait donnée  à  Clotaire  III,  lorsqu'on  apprit  que 
Dagobert  vivait.  Il  revint  et  fut  reconnu  roi 
à  Metz  ;  son  règne  ramena  la  paix;  la  religion 
fleurit;  les  peuples  furent  heureux.  Mais  les 
intrigues  d'Ébroïn  ne  tardèrent  pas  à  mettre 
fin  à  ces  beaux  commencements.  Il  excita 
Thierry  II,  roi  de  Neustrie,  à  la  guerre  contre 
Dagobert ,  et  durant  la  campagne  il  surprit 
ce  dernier  prince  dans  la  forêt  de  Vaivre,  à 
6  kilomètres  de  Stenay  (Meuse),  et  l'y  fit 
massacrer,  en  678.  S.  Dagobert  est  honoré 
comme  martyr  le  23  décembre. 

6.  Le  B.  Charlemagne.  Monté  sur  le  trône 
en  768,  et  sacré  empereur  d'Occident  en  800, 
Charlemagne  a  été  l'un  des  plus  illustres  mo» 


—  15  — 
narques  du  moyen  âge.  A  la  gloire  de  con- 
quérant, il  a  joint  celle  de  législateur  et  de 
restaurateur  des  lettres.  Mais  le  titre  qui  le 
recommande  aux  yeux  de  l'Église,  c'est  qu'il 
a  été  le  protecteur  du  Saint-Siège,  et  le  zélé 
défenseur  de  la  Religion.  Non-seulement  il  fît 
observer  aux  autres  la  morale  évangélique, 
mais  il  gardait  lui-même  scrupuleusement 
toutes  les  fêtes  et  tous  les  jeûnes,  si  nombreux 
et  si  austères  alors.  Il  mourut  et  fut  enterré  à 
Aix-la-Chapelle  en  31  i.  L'Église  le  mit  au 
rang  des  saints  en  1165,  et  l'honore  le  28  jan- 
vier. En  1661,  l'Université  de  Paris  le  choisit 
pour  son  patron. 

7.  Robert  le  Pieux.  Ce  prince  régna  de 
996  à  1031  ;  sa  vie  est  trop  connue  pour  que 
aous  ayons  besoin  da  la  raconter  ici;  nous 
nous  bornerons  à  rappeler  son  zèle  pour  la 
Religion,  sa  piété  franche  et  sincère,  la 
patience  avec  laquelle  il  supporta  l'humeur 
acariâtre  de  la  reine  Constance,  et  surtout 
son  inépuisable  charité  envers  les  pauvres.  Il 
mourut  à  Melun,  et  y  fut  longtemps  honoré 
le  20  juillet,  mais  seulement  sous  le  titre  de 
vénérable. 

8.  S.  Louis.  L'histoire  de  ce  glorieux  mo- 
narque est  encore  plus  connue  que  celle  de 


—  16  — 
Robert  le  Pieu?  :  il  nous  suffira  donc  de  le 
nommer  à  la  fin  de  cette  liste  des  bienheureux 
rois  de  France.  On  sait  qu  il  mourut  sous  les 
murs  de  Tunis,  en  S 270,  dans  les  sentiments 
les  plus  héroïques  de  l'humilité  et  de  la  piété. 
Le  pape  r.oniface  VIIÏ  l'inscrivit  au  catalogue 
des  saints,  vingt-sept  ans  seulement  après  sa 
mort.  Ce  furent  les  Dominicains  d'Évreux  qui, 
les  premiers, lui  dédièrent  une  église,  en  129K. 

Extrait  'l'on  rapport  adressé  à  M.  le  Ministre 
de  la  marine. 

Frcgale  à  vapeur,  le  Monlêzuma ; 
Gibraltar,  le  7  jaimer  1834. 

«  J'ai  quitté  la  haie  de  Gibraltar  le  lrr  jan- 
\ier.  A  peine  en  dehors  du  détroit,  j'ai  été 
pris  par  des  vents  d'ouest  qui  m'ont  bien  con- 
trarié. Le  §,  la  mer  était  très-grosse,  le  vent 
grand  frais,  de  l'ouest;  la  frégate  fatiguait 
beaucoup  sans  avancer.  Dans  la  nuit  du  2  au 
3,  la  brise,  très  fraîche,  devient  un  violent 
coup  de  vent  du  sud-ouest,  la  mer  énorme.  La 
frégate  ne  peut  plus  tenir  en  roule.  Il  est  in- 
utile de  lutter  contre  les  éléments  si  violem- 
ment contraires;]  il  est  donc  plus  sage  de 
retourner  à  Gibraltar ,  d'y  compléter  notre 
charbon  et  d'attendre  la  lin  de  ce  coup  de  vent. 


—   17  — 

»  Les  journées  du  3  et  du  4  sonl  horrible- 
ment mauvaises;  Le  coup  de  vent  est  dans 
toute  s;i  violence:  très-grosse  mer;  la  pinte 
continuelle.  Notre  position  est  trop  incertaine 
pour  faire  route  sur  le  détroit  :  je  me  délie, 
au  contraire,  des  courants  portant  vers  Test, 
et  je  fais  tous  mes  efforts  pour  ni' élever  dans 
l'ouest. 

»  Lu  nuit  du  3  au  4  a  été  particulièrement 
tourmentée  ;  le  pauvre  Montézuma  tangue  et 
roule  d'une  manière  affreuse,  avec  des  se- 
cousses dures,  des  craquements  de  cloisons  et 
des  coups  de  mer  faits  pour  effrayer  ceux  qui 
n'ont  pas  l'habitude  du  métier.  Le  fait  est  que, 
môme  à  bord  des  vaisseaux,  jamais  je  n'ai 
assisté  à  mouvements  aussi  désordonnés. 

»  Cette  journée  du  3  a  été  bien  douloureuse 
pour  nous  tous;  le  temps  était  affreux;  les 
coups  de'  mer  se  précipitaient  sur  la  frégate. 
Ln  paquet  de  mer  envahit  le  jardin  des  tam- 
bours de  l'avant,  et  enlève  un  brave  quartier- 
maître  de  manœuvre  nommé  Coïën. 

»  Aussitôt  le  cri  lamentable  à'un  homme  à 
la  mer!  retentit  sur  le  pont  ;  tout  le  monde 
est  sur  pied.  On  jette  la  bouée  de  sauvetage; 
autorise  plutôt  que  je  n'ordonne  la  mise  à 

52... 


—  18  — 
l'eau  d'une  yole,  frôle  embarcation  qui  devait 
faire  merveille,  mais  me  donner  bien  de  l'in- 
quiétude. 

»  Un  jeune  enseigne  de  vaisseau,  M.  Desprez 
(Marie-Martin-Eugène) ,  donnant  Pexemple 
avec  un  dévouement  au-dessus  de  tout  éloge, 
se  précipite  dans  la  yole;  il  est  suivi  de  six 
généreux  matelots,  et  tous,  dans  cette  délicate 
embarcation,  se  lancent  en  pleine  mer  à  la 
recherche  du  malheureux  quartier-maître. 
J'éprouvais  un  horrible  serrement  de  cœur  en 
voyant  s'éloigner  ces  sept  hommes  courageux 
que  je  craignais  de  voir  devenir  victimes  de 
leur  générosité.  La  mer  se  déroulait  en  grosses 
et  longues  lames;  le  vent,  dans  sa  violence, 
faisait  crier  le  bois,  et  les  cordages  rendaient 
des  sifflements  aigus  ;  le  ciel  était  assombri 
par  d'épais  nuages  ;  officiers  et  matelots  étaient 
haletants  sur  la  dunette,  suivant  avec  anxiété 
ces  sept  hommes  qui  luttaient  avec  courage 
et  sang-froid  contre  cette  mer  et  ce  vent  en 
courroux.  C'était  une  scène  bien  émouvante, 
et  chacun  avait  plus  de  crainte  que  d'espoir 
pour  ces  braves  compagnons. 

»  Enfin,  l'homme  tombé  à  la  mer  est  rejoint 
par  les  yoliers  et  placé  dans  l'embarcation. 
Nous  vîmes  cela,  et  nous   nous  écriâmes  : 


—  m  — 

«  L'homme  est  sauvé,  vive  l'empereur  !  »  Hé- 
las !  notre  joie  ne  fut  pas  de  longue  durée  :  on 
ne  ramenait  à  bord  qu'un  cadavre;  l'infortuné 
Colen  avait  été  asphyxié  par  l'immersion.  La 
yole  revint  donc  avec  son  trophée  qu'on  croyait 
vivant.  Ce  fut  une  opération  bien  délicate  et 
bien  difficile  que  celle  de  ramener  à  bord  ces 
braves  gens  qui  venaient  d'exposer  si  géné- 
reusement leur  vie.  Accoster  la  frégate  était 
impossible,  vu  l'état  de  la  mer;  la  yole  eût  été 
écrasée  au  moindre  contact.  Je  fis  le  sacrifice 
de  la  yole.  On  lui  jeta  une  amarre  tenant  à  la 
frégate  ;  puis  de  la  dunette,  on  lança  des  cordes 
maniables.  Chacun  successivement  s'amarra 
cette  corde  autour  du  corps,  se  jeta  à  la  mer, 
et  l'on  hala  ces  braves  à  bord  comme  on  fait 
d'un  poisson  au  bout  d'une  ligne.  M.  Desprez 
monta  le  dernier. 

»  J'embrassai  avec  effusion  cet  excellent 
jeune  homme. 

»  Une  fois  tous  les  hommes  à  bord,  je  fus 
assez  heureux  pour  sauver  la  yole,  que  l'on 
parvint  à  remettre  à  poste.  J'ai  fait  conserver 
et  veiller  le  corps  du  quartier-  maitr;'  Colen,  et 
l'ai  fait  enterrer  à  Gibraltar.  Il  a  été  accom- 
pagné à  sa  dernière  demeure  par  ses  cama- 
rades et  un  ecclésiastique.  {Moniteur.) 


—  20  — 
1^.   —   l9er&<m!34)s<>&    coïél&rc.*?. 


LE   GENERAI   CAMBR0NNE. 

Le  célèbre  Camhronne,  un  des  plus  braves 
généraux  de  l'Empire,  commença  sa  carrière 
mlitaife  par  les  grades  les  plus  humbles. 

Il  était  caporal  en  170o ,  et  en  garnison  à 
Nantes.  Malgré  sa  jeunesse  (il  était  âgé  à  peine 
dé  vingt  ans),  il  avait  déjà  contracté  la  déplo- 
rable habitude,  qui  perd  tant  de  nos  soldats, 
l'habitude  de  boire  et  même  de  s'enivrer 
souvent.  Et  comme  le  gaillard  avait  du  sang 
dans  les  veines,  il  ne  faisait  pas  bon  de  le 
contrarier ,  quand  les  vapeurs  du  vin  exci- 
taient son  ardeur  déjà  trop  grande. 

Un  jour  étant  ivre,  il  s'oublia  jusqu'à  frap- 
per un  officier  qui  lui  donnait  un  ordre.  Il 
passa  devant  le  conseil  de  guerre  et  fut  con- 
damné à  mort,  comme  il  est  de  règle  en  pareil 
cas.  Il  était  puni  par  où  il  avait  péché. 

Le  colonel  de  son  régiment  avait  su  cepen- 
dant apprécier  l'énergie,  la  bravoure  et  l'in- 
telligence du  jeune  condamné.  Il  va  trouver 
un  représentant  du  peuple,  commissaire  du 
gouvernement,  alors  à  Nantes,  et  lui  demande 


la  grâce  de  Cambronnc.  «  Impossible,  répond 
le  commissaire...»  Néanmoins  le  colonel  in^- 
sistëj,  et  l'ail  si  bien  qu'il  obtient  la  grâce  du 
soldat,  mais  à  une  condition  expresse,  c'est 
que  celui-ci  ne  s'enivrera  jamais  plus  de  sa  vie. 
Le  colonel  se  rend  à  la  prison  militaire.  Il 
l'ait  venir  Cambronne.  «  Tu  as  commis  une 
grande  faute,  caporal,  lui  dit-il.  —  C'est  vrai, 
mon  colonel  ;  aussi  vous  voyez  où  je  suis.  Je 
vais  la  payer  de  ma  vie.  —  Peut-être,  dit  le 
colonel.  —  Comment  peut-être?  Vous  savez 
la  rigueur  de  la  loi  militaire.  Je  n'ai  point  de 
grâce  à  attendre  ;  et  je  n'ai  plus  qu'à  mourir. 

—  Non,  mon  ami,  tu  ne  dois  pas  mourir.  Je 
t'apporte  cette  grâce  dont  tu  désespères  ;  je  l'ai 
arrachée  à  grand'  peine  au  commissaire  du 
gouvernement.  11  te  remet  ta  peine  et  te 
rend  même  ton  grade,  mais  à  une  condition. 

—  Une  condition  !  Parlez,  mon  colonel,  par- 
lez !  je  ferai  tout  pour  sauver  ma  tête  et  sur- 
tout mon  honneur  !  —  C'est  à  condition  que 
lu  ne  te  griseras  jamais  à  l'avenir.  —  Oh  ! 
mon  colonel,  ça  c'est  impossible! — Comment, 
impossible  !  pour  échapper  à  la  mort  !  Tu  vas 
être  fusillé  demain  ;  penses-y  donc  ! — Voyez- 
vous,  mon  colonel,  il  faudrait,  pour  que  je 
ne  m'enivrasse  plus,  que  je  ne  busse  jamais 


—  22  — 

plus  de  vin  ;  car  Cambrcnne  et  la  bouteille, 
ça  s'aime  tant,  qu'une  fois  que  c'est  commen- 
cé, il  faut  que  cela  finisse.  Impossible  de  s'ar- 
rêter !  Je  ne  peux  donc  pas  promettre  de  ne 
plus  me  griser.  —  Mais,  malheureux,  ne 
peux-tu  pas  promettre  de  ne  plus  boire  de 
vin  ? — Plus  du  tout  ?  —  Sans  doute.  —  Hum  ! 
c'est  une  grande  affaire  que  vous  me  proposez 
là,  mon  colonel.  Ne  plus  boire  de  vin....  ne 
plus  jamais,  jamais  boire!  Et  il  baissa  la 
tête.  Mais,  mon  collnel,  si  je  vous  promettais 
de  ne  plus  boire  de  vin  de  ma  vie,  qui  est-ce 
qui  vous  garantirait  cette  promesse? — Ta 
parole  d'honneur.  Et  comme  le  condamné  bais- 
sait encore  la  tête  sans  rien  dire  : — Eh  bien! 
Cambronne ,  que  choisis-tu  ?  —  Vous  êtes 
trop  bon  pour  moi,  mon  colonel,  dit-il  d*un  ton 
grave  et  pénétré.  Merci  de  votre  confiance  :  je 
jure  que  jamais  de  ma  vie  une  goutte  de  vin 
ne  touchera  mes  lèvres...  Etes-vous  content, 
mon  colonel?  —  Oui,  mon  ami,  lui  dit  celui- 
ci  ému  et  heureux  de  ce  qu'il  venait  d'enten- 
dre. Oui,  je  suis  content  de  toi.  Demain  tu 
seras  libre.  Sois  un  brave  soldat  et  emploie 
au  service  de  la  patrie  la  vie  qu'elle  te  rend 
aujourd'hui.  » 


—  23  — 

Le  lendemain  le  caporal  Cambronne  rentra 
au  corps  et  reprit  son  service. 

Vingt  ans  après  le  caporal  Cambronne  était 
devenu  le  général  Cambromie  ;  il  avait  com- 
mandé la  vieille  garde  impériale  à  Waterloo, 
et  avait  déployé  un  merveilleux  courage  dans 
cette  retraite  héroïque  que  chacun  connaît. 
Rentré  dans  ses  foyers,  après  la  chute  de 
l'Empire,  il  vivait  paisiblement  à  Paris,  aimé 
et  honoré  de  tous.  Son  ancien  colonel,  brisé 
par  l'âge  et  plus  encore  par  les  fatigues  du 
service,  s'était,  lui  aussi,  retiré  dans  sa  fa- 
mille. Il  sut  que  le  général  Cambronne  était  à 
Paris,  et  il  voulut  un  jour  l'invitera  dîner.  Il 
convoqua  plusieurs  vieux  frères  d'armes,  et 
leur  prépara  le  meilleur  repas  qu'il  pût  ima- 
giner. La   place  d'honneur   fut  pour  Cam- 
bronne à  droite  du  maître  de  la  maison. 

Etant  à  table,  celui-ci  offre  à  son  hôte  un 
verre  de  vieux  vin,  d'un  prix  très-élevé  et 
conservé  précieusement  pour  les  grandes  oc- 
casions. Cambronne  regarde  le  colonel,  et,  avec 
surprise  et  vivacité  :  «  Que  me  présentez- vous 
là?  lui  dit-il.  —  Mais  du  vin  du  Rhin,  mon 
général;  et  du  fameux  encore  ;  il  a  plus  de 
cent  ans  ;  vous  n'en  trouverez  guère  de  sem- 
blable à  Paris.»— Et  comme  Cambronne  sem- 


—  31  — 

Liait  s'irriter  de   ces  paroles  :«  Mais,   mon 
général,  je  vous  assure  qu'il  est  excellent. 
(joutez  plutôt,  et  vous... —  «<  Et  ma  parole 
d'honneur,  mon  eolonel,  ma  parole  d'hon- 
neur! s'écria  Gambronne  en  frappant  sur  la 
table.  Et  Nantes  !  et  la  piisonî  et  la  grâce  !  et 
mon  serment  !   Ayez-vous  donc  oublié  tout 
cela,  mon  excellent  ami'.'  Pour  qui  prenez- 
vous  Gauibronne  ?  Depuis  ce  jour,  pas  une 
goutte  de  vin  n'a  touché  mes  lèvres.  Je  vous 
l'avais  juré,  et  j'ai  tenu  ma  parole.  » 

Le  colonel  admirant  cette  énergique  fidélité, 
se  garda  bien  d'insister,  et  s'applaudit  une  fois 
de  plus  d'avoir  conservé  un  tel  homme  à  la 
France. 

l'abbé  I.  Mullûis. 

Cette  histoire,  mes  enfants,  vous  fait  voir 
qu'on  se  corrige  de  ses  fautes,  si  on  le  veut,  il 
ne  s'a  it  que  d'avoir  du  caractère.  Le  mot  im- 
possible n'est  pas  français,  encore  moins  est-il 
chrétien. 


—  25  — 
V.  —  lIorceHiix  lit tcraircs. 

UN   ENFANT  A   SON   ANGE   &ARDIEN. 
Air  :  Ave  Maria. 

Ange  du  bon  Dieu, 
Tendre  ami  de  l'enfance, 
Fois  ma  défense , 
Ange  du  bon  Dieu. 

C'est  ton  aile  blanche, 
C'est  ton  front  si  beau, 
Qui  sur  moi  se  penche, 
Au  bord  du  berceau. 

Ange  du  bon  pieu,  etc. 
C'est  ta  main,  je  pense, 
Qui,  le  soir,  encor 
Doucement  balance 
L'enfant  qui  s'endort. 

Ange  du  bon  Dieu,  etc. 

Sois  près  de  ma  couche, 
Quand,  la  nuit,  j'ai  peur  ; 
Qu'un  mot  de  ta  bouche 
Rassure  mon  cœur. 
Ange,  etc. 

Je  vois  dans  mon  rêve 
Ton  beau  voile  bleu  : 
Il  me  prend,  m'enlève 
Tout  près  du  bon  Dieu. 
Ange,  etc. 

Ton  doigt  me  réveille, 
Dès  i^ue  le  jour  luit  : 


—  26  — 

Ta  voix  me  conseille, 
Ta  main  me  conduit. 

Ange,  etc. 
Quand  ma  bonne  mère 
Unit  mes  deux  mtiins, 
Dis-moi  la  prière 
Que  faisaient  les  saints. 
Ange,  etc. 

Arrache  l'épine 
Le  long  du  chemin  ; 
Près  de  la  ravine, 
Donne-moi  la  main. 
Ange,  etc. 

.  Reçois  ma  prière 
Et,  d'un  soin  pieux, 
Porte-la,  bon  frère, 
Aux  frères  des  cieux. 

Ange,  eto» 
Porte  mon  offrande 
A  Jésus-Enfant: 
Mon  cœur  qu'il  demande, 
Mon  cœur  qu'il  attend. 
Ange,  etc. 

Quand  tu  vois  Marie, 
0  mon  beau  gardien, 
Dis-lui,  je  t'en  prie, 
Que  je  l'aime  bien. 
Ange,  etc. 

Et,  chaque  semaine, 
Le  jour  du  bon  Dieu, 
Que  ta  main  me  mène 
Prier  au  saint  lieu. 
Ang'1,  etc. 

Offre  ma  louange 
A  mes  saints  patrons, 


—   27  — 

Et  dis-leur,  bel  ange, 
Que  j'ai  leurs  doux  nom=. 

Ange,  etc. 
Que  nia  dernière  heure 
Soit  douce  pour  moi, 
Et  que  nul  ne  pleure, 
Non,  pas  même  toi. 
Ange,  etc. 

Mets-moi  sous  ton  aile, 
En  ce  jour  heureux  ; 
Que  ta  main  fidèle 
Me  conduise  aux  deux. 
Ange,  etc. 

Isidore  Gbnkb&u. 


-o-«S>»§)«<2»- 


VI.  —  Hi&toïrc  naturelle. 


DE   LA   CARPE. 

La  carpe  se  plaît  dans  les  étangs,  dans  les 
lacs,  dans  l^s  rivières  qui  coulent  doucement. 
Elle  abonde  quelquefois  dans  une  partie  d'un 
lac  ou  d'un  fleuve,  et  se  trouve  rarement  dans 
une  autre  partie  peu  éloignée  de  la  première... 

Les  couleurs  de  la  carpe  varient  suivant  les 
eaux  dans  lesquelles  elle  séjourne.  Celle  des 
grands  lacs  et  des  rivières  est,  par  exemple, 
plus  jaune  ou  plus  dorée  que  celle  des  étangs; 
et  Ton  connaît  sous  le  nom  de  carpe  saumo- 


-  28  — 
née,  relie  dont  la  chair  doit  à  dés  circon- 
stances locales  une  couleur  d'un  jaune  rou- 
geâtre. 

Quand  les  carpes  sont  bien  nourries,  elles 
croissent  vite  et  parviennent  à  une  grosseur 
considérable.  Celles  des  étangs  sont  ordinai- 
r>  ment  fort   maigres,  et  leur  chair  sent  la 
vase.  Avant  de  faire  cuire  une  carpe  d'étang, 
il  suffira,  si  elle  est  encore  vivante,  de  lui 
faire  avaler  un  demi-verre  de  vinaigre.  Au 
bout  de  quelques  minutes,  elle  *se  couvrira 
d'une  couche  d'écume  épaisse  et  gluante.  On 
la  lavera,  et  sa  chair  n'aura  aucun  goût  désa- 
gréable. Je  ne  vous  assure  pas  que  ce  moyen 
plaise  beaucoup  aux  carpes,  victimes  de  notre 
gourmandise,  mais  il  est  certain  qu'en  l'em- 
ployant elles  sont  meilleures. 

Dans  plusieurs  lacs  de  l'Allemagne  septen- 
trionale, on  pêche  des  carpes  qui  pèse at  plus 
de  15  kilogr.  On  en  a  pris  une  dans  le  Bran- 
debourg qui  pesait  19  kilogr.  Dans  le  Wolga, 
on  en  a  trouvé  qui  ont  une  longueur  de 
!  in.  §0.  En  171  !,  on  en  a  péché  une  près  de 
Francfort-sur-1'Oder,  qui  avait  plus  de  3  mè- 
tres de  long,  plus  de  1  mètre  de  haut,  et  qui 
pesait  35  kilogr.  On  assure  qu'on  en  a  pris 
du  poids  de  35  kilogr.  daus  le  lac  de  Jug,  en 


—  -29  — 
Suisse;  el  enfin  il  y  en  ;i  dans  le  Dniester  de 

si  grasses,  que  leurs  arêtes  peuvent  servir  à 
l'aire  des  manches  de  couteau. 

Les  carpes  deviennent  très-vieilles.  Buffon 
parle  de  carpes  de  150  ans,  qui  vivaient  alors 
dans  les  fossés  de  Pontchartrain.  Dans  les 
étangs  de  la  Lusace,  on  a  vu  des  individus  de 
la  même  espèce  âgés  de  plus  de  200  ans. 

Les  carpes  ont  la  vie  très-dure  :  elle-  résis- 
tent aux  contusions,  aux  bl<  ssur.  s,  à  un  séjour 
très-prolongé  dans  l'atmosphère.  C'est  en  rai- 
son de  cette  faculté  qu'on  peut  les  transporter 
à  de  très-grandes  distances  sans  les  faire  pé- 
rir, pourvu  qu'on  les  renferme  dans  de  la 
neige,  et  qu'on  leur  mette  dans  la  bouche  un 
petit  morceau  de  pain  trempé  dans  de  l'alcool 
affaibli  :  c'est  encore  cette  propriété  qui  fait 
que  pendant  l'hiver,  on  peut  les  conserver  en 
vie  dans  des  caves  humides,  et  même  les  en- 
graisser beaucoup ,  en  les  enveloppant  de 
mousse,  en  l'arrosant  souvent,  leur  donnant 
du  pain,  du  lait,  et  les  suspendant. 

Tous  les  cyprins  et  surtout  les  carpes,  re- 
connaissent parfaitement  les  personnes  qui 
ont  soin  d'elles  et  leur  donnent  à  manger  : 
elles  distinguent  leurs  pas,  -viennent  au  son 
d'une  clochette  sur  le  bord  de  Veau  et  mani- 


-  30  — 
festent  leur  joie  par  des  bonds,  des  pétille- 
ments de  la  queue. 

De  Waify. 

VII.  —  Hygiène. 

DANGERS  DES  FOUKNEAUX. 

11  ne  faut  jamais  se  renfermer  dans  une 
chambre  allumée...  Je  sais  que  certaines  pro- 
fessions exigent  la  présence  d'un  fourneau  ea 
combustion  ;  dans  ce  cas-là  il  faut  placer  le 
fourneau  dans  une  cheminée,  ou  tout  au 
moinsprès  d'une  fenêtre  entr'ouverte.  De  l'air! 
autrement  le  charbon  consume,  en  brûlant, 
tout  l'air  atmosphérique  et  vital  de  la 
chambre  ;  on  respire,  à  la  place,  des  gaz  délé- 
tères, et  si  l'on  vient  à  s'endormir  dans  cet 
état  de  chose,  on  est  perdu  infailliblement. 
On  ne  se  réveille  que  pour  les  souffrances  de 
l'agonie,  sans  la  force  ni  la  présence  d'esprit 
nécessaires  pour  écarter  le  danger. 

(Petites  Lectures.) 


—  31   — 


VIII.  —  Industrie. 


MOYEN  DE  DETRUIRE  LES    LIMA '.ES. 

Dans  une  lettre  qu'il  adresse  à  M.  le  prési- 
dent de  la  société  d'agriculture  du  Puy-de- 
Dônie,  M.  de  Féligonde  fait  connaître  un 
moyen  fort  simple  de  détruire  les  limaces  : 

«  J'ai  pris,  dit-il,  de  la  chaux  éteinte  depuis 
plus  d'un  mois,  et  j'en  ai  répandu  sur  mes 
légumes,  comme  on  répand  le  plâtre  sur  les 
prairies,  5  kîlog.  environ  par  are;  à  l'in- 
stant même  on  a  vu  les  limaces  se  tortiller  et 
crever. 

»  Des  pluies  très-abondantes  ayant  lavé  mon 
terrain,  j'ai  recommencé  la  même  opération 
et  j'ai  samé  mes  légumes,  tandis  que  j'ai 
complètement  perdu  un  champ  voisin  de  col- 
lets verts  que  je  n'avais  pas  chaulés. 

»  J'ai  employé  de  préférence  la  chaux 
éteinte  depuis  longtemps,  pour  ménager  mes 
ouvriers,  dont  les  mains  auraient  été  gercées 
par  l'emploi  de  la  chaux  vive. 


—  32  — 

»  Les  limaces  qui  ravageai  nos  jardins  et 
nos  récoltes  sont  petites  et  d'une  coulera 
blanchâtre  ;  elles  sortait  surtout  les  matins  et 
les  soirs,  et  se  cachent  clans  la  journée.  11  vaut 
mieux  leur  faire  la  chasse  le  matin  que  le 
soir,  parce  qu'il  y  a  toujours  les  malins  un 
peu  de  rosée,  qui  fixe  la  chaux  sur  les  feuilles 
des  plantes,  et  les  protège  contre  ks  limaces 
que  le  chantage  aurait  épargnées. 

»  Le  procédé  que  je  viens  d'indiquer  est 
trop  simple  pour  n'avoir  pas  déjà  été  employé, 
et  je  ne  l'aurais  pas  livré  à  la  publicité, 
si  je  n'avais  cru  qu'il  était  du  devoir  des 
membres  d'une  société  d'agriculture  de  faire 
connaître  aux  agriculteurs  tous  les  moyens 
de  sauver  leurs  récoltes  exposées  à  tant  de 
dangers.  » 


IX.  —   Varlëï^s. 


UN  CHIFFONNIER. 

Un  homme  d "une  haute  stature  est  amené 
sur  1    1  anc  de  la  police  correctionnelle.  Quoi- 


—  33  — 
que  vêtu  de  méchants  haillons,  il  y  a  une  cer- 
taine distinction  dans  sa  perséfine  ;  il  porte 
la  tète  droite;  sa  ligure  est  fière,  son  œil  dur 
et  intelligent  ;  un  sourire  de  dédain  contracte 
ses  lèvres  lorsqu'il  promène  ses,  regards  ï 
l'auditoire;  et  il  se  drape  dans  ses  giteiia  - 
avec  toute  la  fierté  d'un  Castillan  dans  -  ] 
manteau. 

Aux  questions  de  M.  le  président,  il  n 
qu'il  se  nommé    H...,  qu'il  est  chiffoni 
et  âgé  île  57  ans. 

M.  le.yrésidènt  :  Vous  êtes  en  état  de  vaga- 
bondage; vous  n'avez  pas  de  domicile,  v     s 
n'exercez  pas-  de  profession. — Je. viens 
vous   dire  que  je  suis  chiffonnier,  et  je  le 
répète  tout  liant...  je  n'en  rougis  pas. 

—  Vous  avez  raison.  Mais  il  parait  que 
n'exercez  pas  votre  état  ?  —  Je  n'ai  jamais 
cessé  de  l'exercer.  Ce  n'est  pas  ma  faute  si 
aujourd'hui  il  ne  nourrit  plus  son  homme. 

—  Cependant  c'est  un  état  qui  va  toujours 
;  qui  vous  permet  d'avoir  un  asile  !  —  C'est 

un  état  qui  va  toujours  pour  les  gâife-métiêrs 
et  les  massacres.. .  Ceux-là,  tout  leur  est  ■     ; 
ils  n'ont  pas  le  moindre  amour-propre,  pas 
moindre  dignité  de  leur  professLn..,  Moi,  je 


—  U  — 

ne  suis  pas  comme  ça....  Je  laisse  aux  autres 
les  épluchuresde  légumes,  les  vieilles  savates, 
toutes  les  immondices  dont  ils  se  régalent...  Je 
suis  plus  difficile  que  ça...  Jamais  rien  de  tel 
n'entrera  dans  ma  hotte.  Aussi  il  y  a  des  jours 
où  je  n'étrenne  pas. 

—  Ainsi  vous  êtes  sans  ressources,  vous 
n'avez  pas  les  moyens  de  vous  procurer  un 
asile?  — Impossible  pour  le  moment...  c'est 
à  peine  si  je  fais  pour  le  boulanger  et  le  mar- 
chand de  vin. 

—  Dans  ce  cas-là,  on  boit  de  l'eau  et  on  a 
un  gîte.  —  Chacun  s'arrange  comme  il  re- 
tend.... Moi,  je  trouve  qu'il  vaut  mieux  rem- 
plir son  corps  que  de  le  loger...  D'ailleurs,  je 
couche  dans  ma  hotte...  Le  chiffonnier  est 
comme  le  limaçon,  il  porte  sa  maison  sur  son 
dos. 

—  Vous  devez  avoir  un  domicile,  la  loi 
l'exige.  —  J'en  aurais  un,  si  le  gouvernement 
avait  fait  son  devoir  envers  moi. 

—  Qu'a  de  commun  le  gouvernement  avec 
le  délit  qui  vous  est  reproché  ?  —  Il  y  en  a  eu 
de  commun,  entre  nous...  Je  lui  ai  donné  un 
fameux  coup  d'épaule  en  février....  J'ai  aussi 
couché  dans  la  rue  ces  jours -là,  et  on  ne  m'ap- 


-  —  35  — 
pelait  pas  vagabond...  On  m'avait  promis  de 
l'argent,  des  récompenses;  mais  quand  je  me 
suis  présenté,  bernique  !  plus  rien  duktout.... 
Ni  vu  ni  connu....  On  m'a  dit  qu'il  fallait  être 
blessé...  Ainsi,  il  faut  mourir  de  faim  quand 
on  n'a  pas  une  patte  de  moins. ..  Au  surplus, 
cen'estpasma  faute,  j'ai  bien  fait  tout  ce 
qu'il  fallait  pour  les  perdre  toutes  deux. 

—  Quand  on  vous  a  arrêté,  vous  avez  dit  à 
l'agent  que  vous  le  retrouveriez  un  jour,  et 
vous  avez  cri."  :  Vive  la  sociale.  Au  surplus, 
vous  n'êtes  pas  incriminé  pour  cela  ;  c'est  une 
simple  observation  que  je  vous  fais...  Cela 
nfrait  penser  qu'au  lieu  de  travailler  vous 
vous  occupiez  de  politique.—  Je  n'ai  pas  crié 
vive  la  sociale  !  je  n'aime  pas  assez  la  société 
pourra...  Et,  d'ailleurs  je  ne  sais  pas  seule- 
ment ce  que  c'est. 

—  Avez -vous  déjà  été  arrêté  ?  —  Jamais  ! 
Il  y  a  quarante  ans  que  je  suis  dans  le  crochet 
toujours  pur  et  intact. 

Le   tribunal  condamne  H....   à  un  mois 
d'emprisonnement. 


36 


X.  —  E»E*©ver3se&;  et  Maxime. 


Jouir  tout  seul  est  un  plaisir  barbare. 


L'avare  est  comme  un  chien  dans  une  roue.. 
qui  tourne  la  brocha  pour  les  autres. 


ta  bouche  soit  la  prison  de  ta  langue. 


L?s  babillards  peuvent  être  compares  ci  - 
vases  qui,  plus  ils  sont  vides,  plus  ils  réson- 
nent. 


Le  mit  de  la  dernière  énigme  est  :  Le  "< 


LOGO:-R5riŒ. 


tro     pie  suis  d'un  fard  .tien  ; 

n      h  rf,  que  le  plaisir  d'un  chien. 


de  :."  -;r :u:oi:n  e  te  BEAU,  a  saikt-gersaik-en-làye.