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Présentée to the
LIBRARY ofthe
UNIVERSITY OF TORONTO
by
HENRI PILON
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/rcompenseshebdOOvers
RÉCOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES.
DEUXIÈME ANNÉE.
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RÉCOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES,
LECTURES
MORALES , INSTRUCTIVES ET AMUSANTES
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AUX ECOLES CHRÉTIENNES.
DEUXIÈME ANNÉE.
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A TER?An,IÎB,
CHEZ l'éditeur, BEAU J", IMPRIMEUR,
Rus Satory, 28.
PROPRIÉTÉ.
SOMMAIRE.
I. Religion et Morale. — Le Vendredi -Saint à Jé-
rusalem. — Le duc de Brabant.
IL Education. — La vanité. — L'Oie et le Serpent.
III. Histoire. — Ruines de Jérusalem (Fin).
IV. Personnages célèbres. — Le Père Brydaine. —
Un petit Martyr.
V. Morceaux littéraires. — Mort du Sauveur.
VI. Histoire naturelle. — Le camphre.
VIL Hygiène. — Convulsions.
VIII. Industrie. — Du gantier.
IX. Variétés. — Un homme exemplaire.
X. Proverbes et Maximes.
Charade.
I. — Religion et Morale.
LE VEUDREDI-SÂmT A JERUSALEM.
Le Vendredi-Saint, l'office du matin se fit
au Calvaire avec les cérémonies les plus tou-
chantes par les révérends Pères franciscains,
et j "y assistai. Vers neuf heures, de grands
cris venant des environs de l'église interrom-
pirent tout à coup les prières ; le tumulte
allait croissant ; nous en reconnûmes bientôt
la cause : il y avait une lutte violente entre
les Arméniens et les Grecs. Impatients d'at-
tendre, les uns et les autres demandaient
avec une sorte de fureur qu'enfin la porte
s'ouvrît, et se poussant, se heurtant, criant,
ils s'efforçaient réciproquement d'écarter les
opposants pour entrer les premiers. Quelques
minutes après, nous apprenons , non sans
effroi, que la force ou la trahison a ouvert la
porte, et que, comme un torrent qui a brisé
sa digue, la foule pénètre de toutes parts.
« Grand Dieu ! et le très-saint Sacrement ! »
s'écrie alors le P. Perpétue, secrétaire di
Terre-Sainte, qui était à côté de moi. A ces
mots je m'élance au bas du Calvaire, je tra-
verse avec beaucoup de peine les flots de la
multitude, et je me précipite dans le saint sé-
pulcre, décidé à perdre la vie plutôt que de
souffrir une profanation sacrilège. Je me
trouvais seul; heureusement la garde turque
parvint à contenir les plus obstinés, et, par
une résistance énergique, donna le temps
d'achever les cérémonies saintes. Le très-
saint Sacrement fut reporté processionnelle-
ment à l'église des Pères franciscains, et les
sanctuaires ne furent livrés aux Grecs que
lorsque tous les catholiques se furent retirés.
A diner, toute la communauté, le père gar-
dien en tête, mangea à genoux ; on ne servit
que du pain, de l'eau et quelques feuilles de
salade.
A trois heures et demie, les Pères allèrent
à l'office des Ténèbres comme les deux jours
précédents. C'était la dernière fois que je de-
vais entendre, à Jérusalem, la voix du pro-
phète d'Anathoth, et cette idée me rendit
encore plus sensible la vivacité et la tendresse
de ses plaintes.
Afin de graver plus profondément dans Les
■ ils le souvenir de la passion et de la mort
du Sauveur, et d'exciter plus fortement d
les cœurs les sentiments de componction, de
□naissance et d'amour qu'elle doit pro-
duire, les Pères font, le Vendredi-Saint de
chaque année, une cérémonie tout à fait con-
forme au génie des Orientaux, et dont on ne
trouve d'exemples que dans les missions d'Asie,
qui probablement. l'ont empruntée de ce qui
se pratique en Palestine.
Au. moyen d'une figure en relief de gros-
seur et de gfandeur naturelles, dont la tête,
les bras et les pieds sont flexibles et se prêtent
aux divers mouvements qu'on veut lui impri-
mer, ils représentent le crucifiement, la cl s-
cente de croix et la sépulture de Jésus-Christ,
de manière à en rendre sensibles el frappantes
toutes les circonstances principales.
Cette cérémonie, à la fois touchante et ter-
rible, eut lieu sur le déclin du jour, au milieu
d'une multitude immense d'hommes, de fem-
mes, d'enfants, attirés, les uns par une piété
sincère, les autres par une curiosité toute
profane.
Les Pères de Terre-Sainte , réunis dans la
— 8 —
chapelle de la Sainte-Vierge, en sortirent vers
six heures, ayant à leur tête celui d'entre eux
qui, escorté des jeunes Arabes du monastère,
portait le grand crucifix. Les religieux et les
fidèles, marchant lentement, sur deux lignes,
un flambeau à la main, récitaient, sur un ton
aigu et plaintif, tantôt le Miserere, tantôt le
Stabal .
La procession s'arrêta d'abord à l'autel de
la Division des Vêtements, ensuite à celui de
ïlmpropere, pour y entendre quelques paro-
les simples, mais pleines d'onction, que lui
adressa un Père espagnol sur les scènes dou-
loureuses de la passion que rappellent ces
deux endroits. Puis elle continua sa marche
sans interruption vers le sommet du Golgotha.
Là, le religieux qui portait le crucifix le dé-
posa respectueusement au pied de l'autel, et
le Père espagnol, revenant à son discours,
poursuivit, en présence de la multitude atten-
drie et fondant en pleurs, le lamentable récit
des souffrances et des ignominies du Sauveur,
jusqu'au moment où il fut mis en croix.
En cet instant il cessa de parler, et l'image
de Jésus ayant été attachée avec des clous sur
le bois, ce crucifix fut élevé et posé à la place
— 9 -
même où avait été enfoncée la véritable croix
sur laquelle fut consommé le salut du genre
humain. Le bon Père alors, d'une voix inter-
rompue et presque étouffée par les gémisse-
ments, retraça les dernières paroles et les der-
niers moments de l'auguste victime s 'immolant
encelieupour expiernos péchés et nous récon-
cilier avec son Père. Mais il devenait de plus
en plus difficile de l'entendre : la foule, déjà
violemment remuée par ce qui avait précédé,
n'était plus attentive qu'à ce qu'elle voyait,
et les paroles arrivaient à peine à elle au mi-
lieu des cris, des sanglots, des soupirs et des
larmes.
Après un quart d'heure accordé à la dou-
leur pour lui donner le temps de se soulager
en s'exhalant, un des Pères , muni d'une
tenaille et d'un marteau, monta à la hauteur
de la croix, enleva la couronne d'épines, 'et
tandis que des frères soutenaient le corps au
moyen d'écharpes blanches passées autour des
bras, il arracha les clous des mains et des
pieds, et bientôt l'effigie du Christ fut descen-
due à peu près de la même manière qu'avait
été descendu le Christ lui-même.
Le célébrant, et successivement tous les re-
49.
— 10 —
ligieux, s'avancèrent en silence, se proster-
nèrent et baisèrent avec respect la couronne
d bs clous, qui furent immédiatement pré-
sentés à la vénération de la multitude.
Bientôt la procession se remit en marche
dans le même ordre qu'elle avait suivi pour
monter au Calvaire. La couronne et les clous
étaient portés dans un bassin d'argent par un
religieux, et l'effigie par quatre autres, delà
même manière que l'on porte un mort au
tombeau. On s'arrêta à la pierre de l'Onction,
pour imiter en cet endroit la pieuse action de
Joseph d'Arimathie, de Nicodème et dessaintes
femmes. Toutes les choses nécefsaires avaient
été préparées; la pierre était recouverte d'un
linge blanc très-fin; sur les coins étaient les
vases de parfum. Le corps, enveloppé d'un
suaire, y fut déposé, la tète appuyée sur un
coussin. Le célébrant l'arrosa d'essence, et a-
près avoir prié quelques instants en silence,
exposa, dans une courte exhortation, le motif
de cette station. De là, on reprit le chemin de
l'église; la sainte etfigie fut placée sur le
marbre du saint sépulcre, et un dernier dis-
cours mit fin à la cérémonie. »
R. P. deGERAMB.
— Il —
LE DUC DE BRABANT.
Dans le courant de janvier, à Nanmr (Bel-
gique), tandis qu'un ouragan de neige glacée
tourbillonnait dans les rues et sur les places
publiques, un jeune homme enveloppé dans
les amples plis d'un manteau qui le garantis-
sait à peine de l'âpre tourmente, débouchait
de la place des Palais sur la place Royale. -Des
rafales de neige glaeée, poussées par un vent
nord-est des plus violents, aveuglaient les rares
passants qui marchaient d'un pas rapide. En ce
moment, une femme d'un extérieur modeste,
tenant dans ses bras un enfant qu'elle s'effor-
çait en vain de couvrir d'un maigre petit schall,
coudoya, aveuglée par la neige, le jeune hom-
me au manteau. Celui-ci s'arrêta un moment,
et jetant les yeux sur la pauvre robe d'in-
dienne et le schall léger de cette femme, il lui
lit d'une voix pleine de sQÏlicitude :
— Vous devez avoir bien froid, Madame,
sous ce léger costume?
— Hélas! Monsieur, répondit -elle, l'hi-
ver est cruel, et nous sommes obligés de choi-
sir souvent entre le froid et la faim , et le
— 12 —
Mont-de-piété nous donne à peine de quoi
acheter le pain de; nos enfants. »
Une larme roula dans les yeux du jeune
homme. Il interrogea la femme et apprit d'elle
que son mari, excellent ouvrier décorateur,
était depuis deux mois sans ouvrage; toutes
les économies du ménage avaient été dé-
pensées. Puis on s'en était pris aux vête-
ments les plus confortables, les plus chauds,
et en ce moment la pauvre mère portait au
mont-de-piété de la rue des Capucins sa der-
nière robe.
L'étranger échangea encore avec elle quel-
ques paroles, à la suite desquelles tous deux
s'acheminèrent vers la montagne de la Cour
et entrèrent dans un magasin d'habillements.
Quelques minutes après, la femme en res-
sortait couverte d'un bon et ample man-
teau de drap, l'enfant était enveloppé dans un
schall chaud et épais, et la mère remerciait
avec larmes le jeune homme, lequel ve-
nait de donner sa bourse à l'enfant qui lui
souriait. Mais l'étranger, après avoir ramené
sur sa figure les plis de son manteau, s'était
éloigné rapidement en laissant la pauvre mère
confondue de joie et d'étonnement. Un ou-
— 13 —
vrier qui avait suivi du regard toute la scène
s'approcha et lui dit :
— Eh bien, vous venez d'avoir là une fa-
meuse chance, hein ! un bon manteau pour
les épaules et des pièces d'or pour faire dé-
geler la marmite !
— Ah ! dit-elle, je donnerais beaucoup pour-
savoir le nom de ce brave jeune homme.
— Quoi! dit l'ouvrier, vous ne l'avez pas
reconnu ?
— Vous le connaissez donc, vous? alors, je
vous prie ! dites-moi à qui je dois la vie de
mon mari et celle de mon enfant !
—Eh ! dit l'ouvrier, c'était le duc de Bra-
bant ; je l'avais vu sortir du palais, et je l'ai
reconnu pendant qu'il avait ôté son manteau
de sa figure pour vous parler. »
— — 4§&— —
II. — Éducation.
LA VANITE.
Rien de plus ridicule que de se louer soi-
même. L'homme sage et judicieux ne tombera
49..
— 14 —
*
pas dans cette fatuité. Celui qui a du mérite
n'en parle pas ; il laisse aux autres le soin de
le publier. Qu'un autre vous loue, dit Salomon,
et non votre bouche.
Celui qui pense qu'il est sage ne le sera pas
longtemps; s'il le dit, il ne l'est déjà plus;
peut-être même ne l'a-t-il jamais été. On perd
oujoursà se louer; et l'on persuade ordinai-
rement le contraire de ce qu'on se propose.
Un jeune homme se vantait d'avoir appris
en peu de temps beaucoup de choses, et d'a-
voir dépensé mille écus pour payer ses
maîtres. Quelqu'un de ceux qui étaient pré-
sents lui dit : « Si vous trouvez cent écus de
tout ce que vous avez appris, je vous conseille
de les prendre sans hésiter. »
Le plus grand plaisir qu'on puisse faire aux
personnes vaines n'est pas de les louer, c'est
de les écouter paisiblement se louer elles-
mêmes. Pour être applaudi, il ne faut pas
s'applaudir soi-même. Le vrai moyen de n'a-
voir l'approbation de personne, c'est de la
mendier par nos paroles ou par nos regards.
Evitez donc avec soin, mes enfants, de
parler de vous-mêmes : et lorsque la politesse
des autres vous force de répéter quelque évé^
— 15 —
uement dont le détail vous fait honneur.
soyez courts, surtout parlez-en avec un ! ex*
trème modestie.
L OIE ET LE SERPENT.
Sur le bord d'un étang se promenait une oie,
Et dai's pa vanité (quelle bête ici-bas
M on a pas ?)
Elle disait : « Que de sujets de joie !
Je marche, nagp, vole, et je puis, à mon gré,
Habiter l'air, la terre et l'onde !
E-t-,1 oiseau dans ce monde
Qui puisse m'êire comparé? »
l'a vieux serpent du voisinage
Rabattit ainsi son caquet:
« Pour te vaincre à la course i! suffit d'un roquet,
D'un roitelet au vol, d'un goujon à la nage ;
Rappelle toi>, sot animal,
Que c'est ne rien savoir que de savoir tout mal. » ■
[Magasin de l'Enfance chrétienne.)
III. — Slisîoâre.
RUINE DE JÉRUSALEM. [Fin.)
Les Juifs continuaient de se défendre avec
une nouvelle fureur, en sorte que le général
— 16 —
romain fut obligé d'employer tout Tari des siè-
ges pour réduire Jérusalem. Il fit élever, pour
attaquer la citadelle, quatre terrasses avec
quatre machines éuormes pour battre les murs;
mais comme on se disposait à les faire jouer,
deux s'écroulèrent embrasées, les factieux les
avaient minées, et avaient ensuite mis le feu
au bois qui les étayait; en même temps ils
firent une sortie, ruinèrent les deux autres
terrasses, brûlèrent les machines, et repous-
sèrent les Romains jusque dans leur camp.
Le travail eût été infini pour réparer tant de
dégât, le général alors prit le parti d'investir
par un mur de deux lieues de circuit ce qui
restait de ville aux Juifs, accomplissant, sans
le savoir, la prédiction du Sauveur dans toutes
ses circonstances.
Après cette circonvallation, la famine de-
vint affreuse, et Jérusalem présenta l'image
de l'enfer. On voyait par troupes, sur les pla-
ces publiques, des gens enflés et défigurés se
traîner comme autant de fantômes, puis tom-
ber tout à coup. Les rues ainsi que les maisons
regorgeaint de morts. On entreprit d'abord
de les enterrer, et, par une seule porte de la
ville, on enleva, dans l'espace de deuxlnois
— 17 —
et demi, cent seize mille cadavres de pauvres
seulement; mais après cela, on n'eut plus le
courage d'inhumer personne, en sorte que
Pair fut corrompu à un tel point que le vent
en porta l'infection jusqu'au camp de Tite qui
leva les yeux au ciel eu soupirant, et prenant
Dieu à témoin que ce peuple intraitable ne
devait imputer qu\à lui-même l'excès de ses
calamités.
Les séditieux se montraient insensibles et
cruels. Ils essayaient leurs épées sur les mal-
heureux qui venaient d'expirer, et quelque-
fois sur ceux qui respiraient encore. La plu-
part de ceux qui pouvaient échapper passaient
au camp des Romains ; là, ils trouvaient une
nourriture abondante, mais ne pouvant plus
digérer ils périssaient aussitôt. Plusieurs de
ces transfuges, dans la crainte d'être volés,
avaient avalé, en désertant, quelques pièces
d'or, débris de leur fortune; des soldats de
l'armée romaine les virent retirer cet or de
leurs excréments ; aussitôt le bruit se répan-
dit que tous les Juifs qui sortaient de Jérusa-
lem avaient les entrailles pleines d'or, ce qui
excita tellement la cupidité des soldats, qu'ils
leur ouvrirent le ventre. Dans une seule nuit
49...
— 18 —
deux mille périrent ainsi. Tiie fit publier les
plus terribles peines contre ceux qui com-
mettraient désormais de semblables atrocités,,
elles ne laissèrent pas de continuer., mais se-
crètement.
Ennuyée de la longueur du siège, l'armée
commençait à se mutiner. Le général fut
obligé d'attaquer derechef à force ouverte. On
prépara de nouvelles terrasses et de nouvelle-
machines. L'entreprise offrait un obstacle
insurmontable. On en vint à bout malgré les
difficultés et les sorties des assiégés , qui
étaient terribles. On fit jouer le bélier, le mur
ébranlé s'écroula, et les Romains se rendirent
maîtres de toute la ville basse.
Cependant la famine devenait de plus en
plus générale. Elle se faisait sentir aux fac-
tieux même, lis couraient, comme des loups
affamés, sur la moindre apparence de nourri-
ture, pour forcer l'entrée des maisons. Tout
leur manquant à la fin, ils mangeaient le cuir
de leurs ceintures et de leurs boucliers. Des
ronces, des orties, des restes foulés de vieux
foin étaient des mets recherchés!...
Une femme d'une naissance et d'un rang
distingués était venue dans la ville sainte
— 19 —
pour célébivr la Pàque. Les séditieux lui
ciirent bientôt enlevé tout ce qu'elle avait
apporté, sans lui laisser la moindre chose pour
se nourrir, elle, et un jeune enfant qu'elle
allaitait . Dans le désespoir où ils la réduisi-
rent, elli- les accabla d'injures, ne cherchant
qu'à tes mettre en fureur pour se faire égor-
ger. N'y ayant pu réussir, elle se retira avec
son enùnt, fixa un instant les yeux sur cet
innocent. « Mal h* ureux, lui dit-elle, à quoi
te réservé-je ? à souffrir mille horreurs avant
d'expirer, ou à subir un indigne esclavage ! »
Puis, elle l'égorgé, le fait rôtir, en mange la
moitié, et serre le reste. Bientôt l'odeur eut
attiré les factieux qui lui mettent l'épée sous
la gorge en lui demandant ce qu'elle a caché.
« Je vous en ai gardé une bonne part, leur
dit-elle, voyez et mangez. » A l'aspect des
gestes encore fumants de son horrible festin,
glacés d'épouvanle, ils demeurèrent immobi-
les. « C'est mon enfant, reprit-elle, c'est moi
qui l'ai tué, vous en pouvez bien manger
après sa mère. » Ils s'éloignèrent en frisson-
nant. Les Romains eurent tant d'horreur de
ce forfait, qu'ils résolurent d'exterminer une
nation qui engendrait de tels monstres.
— 20 —
Il restait aux Juifs le Temple et la ville
haute. Ils s'aveuglaient par la confiance qu'ils
avaient dans la solidité et dans la hauteur
extraordinaire des murs du Temple, et dans
les bâtiments immenses et également forts
qui l'accompagnaient. Les assiégés ne purent
en effet escalader les murs, ni les ébranler
avec le bélier. Tite se vit donc contraint de
mettre le feu aux portes de la seconde enceinte
du Temple, ordonnant néanmoins de conser-
ver le corps de l'édifice. Les flammes gagnè-
rent les galeries qui brûlèrent une partie du
jour et la nuit entière. Les assiégés qui mon-
taient à l'assaut étaient chargés avec une fu-
rie qui n'avait pas d'exemple, impossible de
résister. Alors un soldat romain ne se pos-
sédant plus, et par une impulsion surnatu-
relle, saisit un tison du feu qui embrasait
l'enceinte extérieure; puis, se faisant soule-
ver par ses compagnons d'armes, il le jeta par
une fenêtre des appartements qui tenaient
au Temple. Le feu prit partout avec une ra-
pidité qui parut extraordinaire. Les Juifs,
en voyant brûler les sacrés parvis, demeu-
raient immobiles comme des statues. Tite ac-
courut pour donner des ordres et faire arrê-
— 21 —
ter l'incendie , mais il ne put se faire obéir.
Ainsi, ce fameux Temple, objet de la véné-
ration et de l'admiration de tous les peuples,
en exécution des décrets du Tout-Puissant,
malgré les vaincus et les vainqueurs, fut ré-
duit en cendres le même mois, le môme jour
que le premier Temple bâti par Salomon,
c'est-à-dire le 10 d'août de l'an 70 de Jésus-
Christ.
Tous ceux qui s'y étaient réfugiés furent
massacrés, sans distinction de rang, d'âge ni
de sexe ; des monceaux de cadavres entassés
autour de l'autel en égalaient la hauteur, le
pavé ne paraissait nulle part sous l'affreux
amas de sang et de carnage.
Les chefs des séditieux, s'étant fait jour
l'épée à la main, se retirèrent dans la ville
haute située sur la montagne escarpée de
Sion, où ils continuèrent de se défendre. Le
Romain irrité fit brûler toute la ville basse,
et mit la ville haute en état de siège. Elle fut
bientôt forcée; tout fut mis à feu et à sang.
Tite fit raser les édifices que la flamme avait
épargnés, et, afin de ne plus laisser pierre sur
pierre dans ce lieu d'anathème, il y fit passer
la charrue.
— 22 —
On trouva dans les égouts souterrains les
corps d'environ deux raille personnes mort '.s
de misère, ou qui s'étaient égorgées les unes
les autres plutôt que de se soumettre aux vain-
queurs. Il est impossible de déterminer au
juste le nombre de Juifs qui périrent dans
cette guerre, la plus meurtrière que jamais
nation ait essuyée. On compte onze cent mille
morts dans le cours du siège. En y ajoutant
ceux qui périrent dans les autres places de la
Palestine, le nombre en dépasse 1,337,000,
sans ceux qu'il fut impossible de compter. Il
yen eut 97,000 réduits en esclavage.
Tel fut, mes enfants, l'accomplissement de
la prophétie de Notre-Seigneur, lorsque 40 ans
auparavant, jetant sur cette ville un regard
de compassion et pleurant sur elle, il disait :
« Des jours malheureux viendront , où tes
ennemis t'environneront de tranchées, où ils
t'enfermeront et te serreront de toutes parts.
Ils raseront tes maisons, extermineront!:-,
habitants et ne te laisseront pas pierre sur
pierre, parce que tu as méconnu le temps où
tu as été visitée. »
— 23 -
5V. — I*Oi\«!»o3BSflttg4»js célèbres.
LE TKRE WtYDAïNE.
Le P. Brydaine , célèbre prédicateur fran-
çais, naquit à Chusclam (Gard), le 21 mars
1701. À peine revêtu des premiers ordres,
il fut envoyé à Aiguës-Mortes pour y prê-
cher le carême. Le mercredi des cendres,
ayant attendu vainement des auditeurs, il
sortit de l'église couvert d'un surplis et par-
courut les rues en agitant une clochette. A ce
spectacle et à ce bruit inaccoutumé, la fouit
s'amasse et sait le missionnaire jusque dans
le temple. Brydaine alors monte en chaire ,
entonne un cantique sur la mort, et para-
phrase ce terrible sujet avec une énergie qui
remue profondément l'auditoire et le frappe
d'admiration et d'effroi.
Doué d'une imagination hardie, et d'une
voix puissante qui pouvait se faire entendre
en plein air par plus de dix mille personnes,
s'abandonnant aux inspirations du moment,
ne reculant jamais devant l'étrangeté d'une
image, la hardiesse d'une expression, la bi-
zarrerie des contrastes, Brydaine atteignit aux
- 24 —
plus grands effets de l'éloquence, et fut le
type le plus accompli de l'orateur populaire;
prêchant souvent en plein air, à l'exemple des
premiers Apôtres, dominant comme eux la
multitude, et ne négligeant aucun secours qu'il
pouvait tirer du jour, du lieu, de l'heure, du
rang et de l'esprit de ses auditeurs.
Voici un des traits de l'éloquence particu-
lière du P. Bry daine, tiré d'un de ses sermons :
« Savez- vous ce que c'est que l'éternité?
C'est une pendule dont le balancier dit et re-
dit sans cesse ces deux mots seulement dans
le silence des tombeaux : Toujours, jamais f
jamais, toujours! et toujours, pendant ces
effroyables révolutions, un réprouvé s'écrie :
Quelle heure est-il? et la voix d'un autre
misérable lui répond : L'éternité t a
UN PETIT MARTYR.
Le journal américain Daily Argus raconte
le fait suivant, que le tribunal de Madisson a
eu à juger.
Un jeune garçon de neuf ans, gentil comme
un chérubin, à la blonde chevelure et aux
yeux bleus, retiré de l'hospice des orphelins
de Milwankee, avait été confié à un fermier
de Marquette, membre de la secte des baptis-
tes, qui le regardait comme son fils.
Quelque temps après son installation dans
sa nouvelle famille, le petit garçon divulgua
une faute grave qui avait été commise par la
fermière. Celle-ci repoussa l'accusation avec
énergie, et son indignation fut telle que le
mari resta persuadé que sa femme avait été
calomniée. Elle insista auprès de son mari
pour que l'enfant fût fouetté jusqu'à ce qu'il
eût rétracté ce qu'il avait dit; et le mari, s'é-
tant armé d'un martinet de cordes, suspendit
l'enfant à une poutrelle de la chambre et le
fouetta pendant près de deux heures jusqu'à
ce que le sang ruisselât sur le sol.
Il s'arrêta alors et demanda à l'enfant s'il
persistait dans ce qu'il avait dit. « Papa, ré-
pondit l'enfant, j'ai dit la vérité, et je ne me
rétracterai pas pour dire un mensonge. »
La femme insista de nouveau auprès de son
mari pour qu'il continuât ce qu'elle appelait
« son devoir, » et les coups recommencèrent
jusqu'à ce que le pauvre petit tombât presque
inanimé dans les bras de son bourreau, à qui
il dit, en passant ses bras autour de son cou
et en l'embrassant : « Papa.. . je me meurs... »
et il expira.
— 26 —
Les débats ont démontré que cet enfant avait
eu raison d'accuser la femme du fermier, et
qu'il avait préféré les tortifres et la mort au
mensonge qui aurait pu le sauver.
Slorceaux littéraire».
MORT DU SAUVEUR.
.fours de calamités, ô remords éternels,
Comme un vil imposteur entre deux criminels,
Sur la honteuse croix les Hébreux retendirent,
Et du sans de Jésus les flots se répandirent.
La tache de ce sang sur ce front s'imprimi,
Dès lors, des nations la guerre s'alluma ;
Et toutes rejetant cette race perfide,
Pour elle ont inventé le nom de déicide.
A peine d'Israël le crime est accompli,
Que la foudre a grondé, la terre a tressailli;
Avant' l'heure du soir de profondes ténèbres
Couvrent de Josaphat les monuments funèbres;
Les gardiens du supplice, alors saisis d'effroi,
Proclament le Messie et confessent la foi,
Et soudain abjurant leur fureur insensée,
Adorent à genoux la croix qu'ils ont dressée.
Tout s'émeut, chaque objet emprunte un sentiment.
Pour dire à l'Univers le saint événement.
Le temple sent mouvoir sa base de porphyre,
Du dôme jusqu'au pied son voile se déchire;
Les vents impétueux, se croisant dans les airs,
Font voler vers Sion la poudre des déserts;
Les nuages surpris s'arrêtent dans leur course,
Le fleuve épouvanté remonte vers sa souroe,
De leurs linceuls vieillis écartant les lambeaux,
Les morts ressuscites sortent de leurs tombeaux:
Le soleil s'obscurcit, les mantagae&fie fendent,
D'eux-mêmes dam l'enfer [es tourments se suspendent.
Les démons à leur tour connaissent la téireur ;
Sur son trône ébranlé, Satan, plein de fureur,
Du serpent favori voit la (été écrasée;
La chaîne de la mort entre ses mains brisée.
En vain de ses sujets il réclame l'appui,
ptife rachetés s'échappent malgré lui;
Faisant taire leurs chants, les célestes, cohortes,
Du royaume éternel ouvrant déjà les portes,
Vers les cieux attentifs un cri s'est élevé,
L'àme de Dieu s'exhale.... et le monde est sauvé !
Delp. Gay.
VI. — Histoire naturelle.
LE CAMPHRE.
Le camphre est une substance particulière
qui constitue un des matériaux immédiats des
végétaux- Il ne parait pas avoir été connu ni
des Grecs ni des Romains. Les Arabes sont les
premiers qui en aient fait mention, sous le
nom de kamphur, d'où notre mot camphre.
Cette substance se rencontre dans un graul
nombre de plantes, et notamment dans plu-
sieurs lauriers. On l'extrait particulièrement
du laurier-camphre, arbre qui est très-abon-
dant en Chine et au Japon. Pour l'obtenir, on
coupe les racines et le bois de cet arbre en
petits morceaux, que Ton fait bouillir avec
— 28 —
de l'eau dans des pots de fer en forme d'alam-
bic, et surmontés d'un chapiteau en terre,
dont l'intérieur est garni de paille de riz. Le
camphre se sublime et s'attache en se concré-
tant à la paille, sous forme de petits grains
grisâtres.
Tout le camphre qui arrive en Europe vient
de la Chine et du Japon; on l'envoie dans des
tonneaux à l'état brut et sous forme de poudre
grise. Autrefois on ne le raffinait qu'à Venise,
aujourd'hui les raffineries de camphre sont
très-multipliées.
Le camphre se volatilise sans cesse à la
température de l'atmosphère, de là les cris-
taux de camphre que l'on trouve à la partie
supérieure des parois des vases dans lesquels
il est enfermé depuis quelque temps. Il est
très-peu soluble dans l'eau ; il se dissout dans
l'alcool, dans l'acide sulfurique concentré.
Le camphre est employé à l'intérieur
comme stimulant diffusible, c'est-à-dire
comme excitant par une action propre qui se
transmet rapidement à toutes les parties de
l'organisation, et dont l'effet est de courte
durée. Dans les petites véroles dont l'éruption
se fait attendre ou dont les boutons noir-
— 29 —
cissent, le camphre est utile en excitant la
transpiration, il peut encore le devenir par
la propriété qu'il a de s'opposer aux progrès
de la putréfaction.
A l'extérieur, le camphre est souvent
employé à l'état d'alcool camphré (eau-de-vir
camphrée), qui contient un trentième de son
poids de camphre. On emploie ce liquide seul
en friction, ou on le mêle à quelque stimulant,
tel que le savon ammoniacal, pour combattre
des douleurs rhumatismales chroniques, des
douleurs sciatiques, des engourdissements,
des paralysies, etc.
L'alcool camphré s'emploie aussi en fomen-
tation dans les gangrènes locales. On le donne
en gargarisme dans les angines gangreneuses
en le mêlant à des proportions variées de
miel ou de sirop de mûres.
VII. —Hygiène.
CONVULSIONS.
On peut presque toujours prévenir les con-
vulsions des enfants. Quand un enfant est
souffrant, rouge, grognon, porté à dormir aux
— 30 —
heures où habituellement il ne dort pas..
quand le regard semble fixe et se meut péni-
blement adroite et à gauche, quand il y a des
vomissements, on peut être certain que des
convulsions a ont arriver.
Il faut alors empêcher le mal de faire des
progrès. Pour cela, prenez un verre de vinai-
gre , faites-le bouillir. Quand il est bouillant,
mêlez-y du son ou de la mie de pain, pour en
faire comme un cataplasme. Etendez cette
bouillie sur deux linges, et quand elle ne
vous brûle plus au toucher, enveloppez-en les
pieds de l'enfant, et recouvrez le tout d'un
morceau de laine, pour l'empêcher de refroidir
Si l'enfant est au lit, mettez à ses pieds une
brique bien chauffée ou une bouteille d'eau
chaude. Laissez ces cataplasmes une heure ou
deux, jusqua ce que l'enfant en témoigne de
la douleur; alors retirez-les, essuyez bien les
pieds et tenez-les très chaudement.
Si au bout de quelques heures les mêmes
symptômes de convulsion continuent ou re-
paraissent, recommencez le même remède
avec du vinaigre nouveau. Ne donnez aucune
nourriture à l'enfant tant qu'il est souffrant,
mais seulement à boire tant qu'il en voudra.
— 31 —
Si vous n'avez pas de vinaigre., prenez de
la cendre chaude (mais qui ne brûle pas),met-
t<v.-la. sèche , sur deux linges et enveloppez-
sépaTément chaque pied de l'enfant. Lais-
sez cela deux ou trois heures et même plus, si
l'enfani ne parait pis en souffrir. Le but de
ces remèdes est de dégager la tète et d'attirer
le sang aux jambes.
Si les convulsions sont déjà venues, mettez
une pincée de sel sur la longue de i 'enfant. En
outre, appliquez les mêmes cataplasmes de
vinaigre ou de cendre sèche, dont nous ve-
nons de parler. Mettez une sangsue à chaque
cheville, au-dessus du cataplasme, et laissez
couler le sang deux heures. Arrêtez ensuite
le sang avec des toiles d'araignée que vous
mettez sur les piqûres et que vous .y mainte-
nez avec un linge tourné autour de la jambe.
L'amadou produit le même effet. Ne serrez
pas trop le linge pour ne pas intercepter la
circulation. {Petites lectures).
— 32 —
VIII. — Intliisf rie.
DU GANTIIR.
On appelle gantier l'ouvrier et le marchand
qui font et vendent toutes sortes d'ouvrages
de ganterie.
Les gants se font ordinairement de peaux
d'animaux passées en huile ou en mégie, telles
que celles du chamois, de la chèvre, de l'a-
gneau, du daim, du cerf, de l'élan. On fait
aussi des gants à l'aiguille et sur le métier
avec la soie, le fil, la laine, le coton, etc.
Le gantier ne prépare pas les peaux, il doit
seulement s'attacher à faire un bon choix
dans l'achat qu'il en fait. L'usage des gants
est très -ancien. Comme on se revêtait autre-
fois de peaux pour mettre son corps à l'abri
des injures de l'air, on en étendit l'usage
aux mains, pendant l'hiver, pour se garantir
du froid.
Cette profession exige beaucoup de propreté,
et peu d'outils. Les principaux dont on se sert
sont les ciseaux de tailleur, le couteau à do-
ler, et le tourne-gant. Après que les gants ont
été coupés, le gantier les envoie à la coutu-
rière, qui les coud avec de la soie, ou avec
— 33 —
une sorte de fil très-fort appelé fil à gant.
Les gants, au retour de la couturière, sont
vergetés, paire par paire', avec une brosse qui
ne doit être ni dure ni molle. On prend en-
suite du blanc d'Espagne, on en frotte les
gants et on en ôte le surplus, en les battant,
par un temps sec, sur une escabelle, jusqu'à
ce qu'ils n'en rendent plus. On les brosse de
nouveau, et pour lors ils sont prêts à être
gommés. Pour cet effet, on fait dissoudre la
gomme dans de l'eau, on la passe à travers
un linge, on la fouette avec des verges, jus-
qu'à ce qu'elle blanchisse et s'épaississe. Quand
elle paraît avoir une consistance légère, on
étend le gant sur un marbre, on trempe
dans la gomme dissoute une éponge fine, et
on gomme le gant à toute sa surface. Cette
opération est destinée à y attacher le blanc
qu'il a reçu.
Les gantiers ne perdent rien des peaux
qu'ils achètent aux mégissiers, parce qu'ils
revendent les enlevures ou retailles aux tis-
siers et aux blanchisseurs de murailles pour
faire ce qu'on appelle de la colle à gant.
— M —
V2L. —Variétés.
UN HOMME PLÂTRÉ.
Le journal Le Yexin raconte le fait suivant :
« Dans une commune des environs de Ver-
non, un serrurier pensa qu'il devait se donner
une enseigne , et quand il eut suffisamment
cherché, il se dit tout joyeux : «Mon enseigne
sera un bras tenant une clef : » et comme ses
regards tombèrent en ce moment sur son bras
fort, nerveux et velu, il prit la résolution de
faire mouler son bras et sa main robuste mon-
trant aux passants une clef superbe.
» L'appétit vient en mangeant, dit le pro-
verbe : l'opération du moulage réussit à sou-
hait. Le serrurier ne se sentait pas d'aise. Il
lui vint une autre pensée : ce fut de se faire
mouler du haut jusqu'en bas. Il en parla au
mouleur, qui trouva la chose faisable; jour
fut pris pour mener à bien cette artistique
opération, et au jour dit, le mouleur se mit à
l'œuvre. Le plâtre fut gâché avec tout l'em-
pressement possible, et le- serrurier ne tarda
pas à se sentir étreint sous cette blanche cui-
rasse dont il commençait à se plaindre.
» — Plus vite ! criait-il.
— 35 —
» On alla plus vite, aussi vite qu'on le pou-
vait, et quand le serrurier fut tout de plâtre
habillé, qu'il ne restait plus à mouler que
cette figure virile encadrée de favoris épais,
on plaça un chalumeau dans la bouche du
patient pour qu'il pût respirer, et on lui dit :
— Fermes les yeux !
» Le serrurier obéissant les ferma, et sa fi-
gure disparut sous le plâtre. Il n'en pouvait
plus, il étouffait. Il voulait se plaindre, et la
plainte e\] tirait au chalumeau. Il aurait
voulu briser son enveloppe, mais aucun mou-
vement ne lui était permis. Il crut qu'il allait
mourir. Enfin il fit un effort, secoua les poings
contre la muraille, brisa les gantelets de
gypse qui les rendait impuissants, et parvint
à arracher son masque, qui tomba tout cou-
vert de la barbe qui y avait adhéré. Il put
donc parler, mais ce fut pour maudire l'idée
qu'il avait eue, et le mouleur qui n'avait pas
combattu cette idée.
» Ce n'était pas une petite affaire de le dé-
barrasserdu supplice de sa carapace. On avait
beau faire, rien ne faisait. Force fut de pren-
dre les marteaux qui frappaient ordinaire-
ment sur l'enclume et de s'en servir pour
— 36 —
hâter la délivrance du malheureux moulé.
Tout ce qu'il souffrit, lui seul le sut : il y
avait des endroits de son corps où sa chair
vive saignait, d'autres où la peau était bleue
ou marbrée. Il resta longtemps malade de
cette malencontreuse opération, et
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
T — Proverbes et Vax fines
Qui apprend à ses dépens,
Apprend chèrement.
La véritable manière de se venger digne-
ment, c'est de ne pas ressembler à celui qui
nous fait injure.
Le corps se soutient par les aliments, et
l'âme par les bonnes actions.
Le mot de la dernière énigme est : Ténèbres.
CHARADE.
Chez tous les boulangers on trouve mon premier;
En cherchant dans la gamme on trouve mon dernier.
Allons donc, paresseux, imitez mon entier!
DE L'wrilMIIII »E BEAU, i. SilSTCEnMilK-EÏ-EiTE,
RÉCOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES,
DEUXIÈME ANNÉE.
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deuxième ANNÉE;
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CHEZ L'EPITEUR, BEAU J»e, IMPJUMKBB ,
Rue Sttory, 28.
PROPRIÉTÉ.
SOMMAIRE.
I. Religion et Morale. — Le nid d'aigle.— Un ba-
taillon d'infanterie devant le Saint-Sacrement.
II. Education/— Pierre-le-Grand.
III. Géographie et Histoire. — Darfour , contrée
d'Afrique. — L'Australie.
IV. Personnages célèbres. — Alexandre enfant.
V. Morceaux littéraires. — Le jugement dernier.
VI. Histoire naturelle. — Fidélité d'un chien. —
Un poireau.
VII. Hygiène. — Des appartements humides.
VIII. Industrie. — Le batteur d'or.
IX. Variétés. — La rue du Chantre. — Procès-verbal.
X. Proverbes et Maximes.
Charade.
1. — Religion et Morale.
LE >'ID D'AIGLE.
Bien loin, bien loin, derrière un rocher
noir, vous distinguez un toit, une chaumière ;
c'est la demeure du vieux Bernard. Nous al-
lons d'un bond nous introduire dans sa mai-
sonnette. Frappons ! — Donnez- vous la peine
d'entrer. — Vous êtes couché, pauvre Ber-
nard : vous êtes donc malade ? — Ben ma-
lade ! ben malade ! — Avez-vous vu le méde-
cin?— Jehan est allé le chercher. Tenez, j'en-
tends les pas de son cheval, c'est probable-
ment lui, c'est lui.
Le médecin savoisien s'avance avec gra-
vité, tâte le pouls, fait tirer la langue, exécute
une grimace, et, tapotant la joue du bon
vieux : « Ce ne sera rien, mon ami, ce ne
sera rien. » Mais il fait un signe aux trois gar-
çons qui sont là bouche béante, front décou-
vert, et dans l'anxiété d'un accusé attendant
— 6 —
la sentence. Les voilà tous les quatre réunis
dans un coin ; le docteur hoche la tête et
avance démesurément la lèvre inférieure : —
« C'est grave, mes enfants, c'est grave. C'est
une fièvre pernicieuse. Nous sommes en plein
accès dans ce moment-ci; mais, l'accès fini,
il faut absolument du sulfate de quinine. —
De qui... qui..., monsieur le docteur? — De
quinine, mon ami ; une substance qui coûte
fort cher, et que vous trouverez à Sallanches,
bien sûr. Entre les deux accès il faut en faire
prendre au moins pour trois francs. Au sur-
plus,, je vais écrire mon ordonnance. Vous
savez lire, vous Guillaume ? — Oui, Monsieu.
— Vous veillerez à l'exécution. — Soyez tran-
quille. »
Trois francs dans les montagnes de Savoie
font plus de trois pièces de 20 francs dans nos
grandes villes. Quand le médecin fut sorti,
Guillaume, Peters et Jehan, les trois fils de
Bernard, se regardèrent avec inquiétude, il y
avait en tout dix-sept sous dans la maison.
« Ecoutez , dit Peters , je connais dans la
montagne un moyen de gagner dès ce soir trois
ou quatre pièces de cinq francs. La seule chose
qui me tient c'est le danger qu'il faut courir ;
— 7 —
mais pour la conservation du vieux pèrej il
n'y a plus rien à calculer. Si nous voulons
nous l'aurons clans deux heures. Il s'agit d'un
nid d'aigle, bâti sur un épouvantable préci-
pice. — C'est moi qui Tirai chercher, dit Guil-
laume. — C'est moi, dit Jehan. — Non pas,
non pas, c'est moi qui l'ai découvert. »
Les trois garçons voulaient se dévouer, et
la discussion était d'autant plus émouvante
que Ton se disputait à qui serait tué; car le
péril était effrayant et le précipice épouvanta-
ble, et le nid convoité était à peu près inacces-
sible, a Ecoutez, dit Peters, il y a un moyen
de tout arranger. Nous allons tirer au sort.
Ecris trois numéros, Guillaume; voici mon
chapeau. Le numéro 1 descendra et ramènera
le nid. » Tous les cœurs battaient outre mesure.
Le vieux Bernard râlait la fièvre, et chacun
de ses trois garçons voulait avoir la consola-
tion de jouer sa vie pour sauver celui qui la
leur avait donnée.
Le sort tomba sur Peters ; c'était lui qui
avait fait la découverte, cette bonne fortune
lui était bien due. Il alla tout d'abord em-
brasser Bernard. — «Adieu, père, adieu. — Où
a liez-vous, enfants ? — Travailler pour avoir
— 8 —
le médicament que le médecin prescrit. —
Qu'allez- vous faire ? — Nous te dirons, à no-
tre retour, ce que nous aurons fait. »
Et chacun des trois fils embrassa successi-
vement le vieux père malade. Guillaume dé-
tacha de la muraille un vieux sabre qui avait
appartenu à Bernard quand il servait dans
les cuirassiers; ,lehan alla chercher dans un
coin une vieille corde; Peters courut s'age-
nouiller devant une statue de la très-sainte
Vierge.
On part. On arrive au bord du précipice, et
Ton organise l'attaque du nid. Le danger n'é-
tait pas seulement dans la possibilité d'une
chute de près de 40 mètres, mais encore dans
l'agression des oiseaux de proie que pouvait
renfermer l'abîme.
Celui que le sort avait désigné pour une si
périlleuse entreprise, était un beau jeune
homme d'environ 22 ans, d'une force athléti-
que, et ne reculant jamais devant les difficultés .
Ayant donc mesuré hardiment la profondeur
qu'il doit parcourir, il se ceint d'une corde à
gros nœuds que ses frères se chargent d'abais-
ser ou de hisser à volonté; puis, muni du sa-
bre de son père, il descend jusque dans le
— 9 —
précipice. Il arrive heureusement devant l'in-
terstice qui recèle le nid d'aigle. Ce nid
contenait quatre aiglons à plumage isabelle
clair. C'est un trésor pour le courageux mon-
tagnard, et son cœur palpite de joie à la vue
d'un si riche butin. Malheureusement le plus
difficile n'est pas accompli, il faut remonter
avec cette proie, et c'est là surtout que se
trouve le péril. Peters prend le nid, l'enlace
dans sa main gauche, et tient dans sa droite
le sabre tranchant dont il est armé.
Déjà la voix du jeune chasseur a retenti
joyeusement dans les cavités sonores du pré-
cipice.— « Je les tiens, ils sont à nous ! enle-
vez ! ! ! Déjà la corde se meut dans un mouve-
ment ascensionnel, lorsque tout à coup Peters
se voit assailli par deux aigles énormes, qu'il
reconnaît à leur fureur et à leurs cris pour le
père et la mère des petits dont il s*est empa-
ré. — Courage ! frère, défends-toi, n'aie pas
peur. » Peters serre le nid d'aiglons contre sa
poitrine, et de sa main droite il fait le mou-
linet avec le grand sabre de son père. Alors
s'engage une lutte épouvantable; les aigles
crient, les petits hurlent, le montagnard sif-
fle et brandit avec dextérité son sabre qui
50.
— 10 —
brille au soleil comme l'éclair, comme la fou-
dre, frappe les aigles qui n'en sont que plus
acharnés, frappe le roc dont il jaillit des étin-
celles. Tout à coup la corde qui le soutient
au-dessus des profondeurs de l'abîme est
ébranlée par un choc inattendu. Peters lève
les yeux, et il s'aperçoit que dans ses évolu-
tions, tout en faisant le moulinet avec son
sabre, il a touché la corde, et que cette corde
de salut est déjà tranchée à moitié.
Que cette corde casse et le montagnard est
perdu, et son butin roule avec lui dans le
précipice, et le vieux Bernard court l'effroyable
danger de mourir, faute d'un médicament que
ses fils ne pourront acheter.
Les yeux de Peters, démesurément dilatés,
restèrent immobiles un instant, puis se fer-
mèrent avec effroi. Un frisson glacial parcou-
rut tout son corps, il faillit lâcher du même
coup, et le nid qu'il rapportait, et le terrible
sabre qui lui servait de défense.
Au même instant l'un des aigles s'abattit
sur sa tête et chercha à lui déchirer le visage ;
alors notre Savoisien se ranima, fit un su-
prême effort, et se débattit le mieux qu'il put.
Jamais un homme ordinaire n'en aurait eu
— 11 —
la force ; mais Peters songea d'une part à
son vieux père, de l'autre à la Madone qu'il
avait implorée avant son expédition. Il eut le
bonheur de réussir.
La corde monte, monte toujours; des voix
anùes font entendre des paroles d'encourage-
ment et de triomphe, mais Peters était hors
d'état de leur répondre. Quand il eut atteint
le bord du précipice avec le nid d'aigle qu'il
n'a point abondonné, ses cheveux, aupara-
vant d'un beau noir d'ébène, sont devenus si
complètement blancs, que Guillaume et
Jehan ont peine à reconnaître leur frère.
Qu'importe ! les aiglons sont de l'espèce la
plus rare. Ils furent le jour même portés,
vendus. Le vieux Bernard put avoir du sul-
fate de quinine, et le médecin, en venant le
voir le lendemain, le trouva en convales-
cence. [Magasin de l'Enfonce chrétienne.)
CM BATAILLON D INPAN.TEEIE LEVANT LE SAINT-
SACREMENT.
Je descendais la rampe qui mène de Y Ara
Cœli à l'arc de triomphe de Septime-Sévère,
dit l'auteur des Petites Lectures, lorsque j'a-
— 12 —
perçus un bataillon d'infanterie française qui
venait de passer l'inspection du colonel. 11 mar-
chait tambour battant, se dirigeant du côté de
la colonne de Phocas. Au moment où il arriva
près des trois colonnes du temple de Jupiter-
Stator, un prêtre sortit de la petite église
voisine, portant le saint viatique abrité, sui-
vant l'usage, d'un large parasol, et suivi par
une foule de fidèles qui récitaient des prières.
Je me mêlai aux groupes dont je remarquais
l'attention sur ce qui allait advenir de la ren-
contre inévitable, et j'attendis.
Quand l'officier qui marchait en tète de la
troupe fut à certaine distance, il comman-
da : « Halte ! présentez armes ! genou terre ! »
Et le mouvement s'exécuta avec une mer-
veilleuse précision. Je ne saurais peindre l'im-
pression que produisit sur les nombreux
spectateurs cette spontanéité à rendre les hon-
neurs militaires au saint viatique, et l'attitude
grave et religieuse des soldats, pendant que
le prêtre passait devant le front du bataillon.
J'entendais dire autour de moi : « Ces Français
qu'on disait plus turcs que chrétiens, ce sont
des anges. »
13 —
II. — Education.
PIERRE LE GRAND.
« Vous êtes heureux, disait Pierre le Grand
à ses enfants, qu'il avait trouvés occupés à
lire , vous êtes heureux de ce qu'on vous
donne ainsi de bonne heure le goût des livres.
Je vaudrais, au prix de mes doigts, avoir été
bien élevé : c'est un avantage dont je suis
bien fâché d'être privé, o
Prévenez de pareils regrets, mes enfants, et
imitez la sage conduite de la fourmi qui fait
ses provisions dans la belle saison pour avoir
de quoi subsister pendant les frimas.
Vous êtes maintenant vous-même dans la
belle saison, c'est à-dire dans l'âge le plus
propre à acquérir des connaissances dont vous
aurez besoin dans la suite. Ayez donc soin
d'en bien profiter. Une fois que cet âge heu-
reux est passé, on n'est plus à temps de reve-
nir sur ses pas, et on reste toute sa vie dans
l'ignorance.
50..
— 14 —
Un passant avait soif; il trouve une fontaine :
Tout autre se fût mis à boire promptement;
Mais, ce qu'on ne croira peut-être qu'avec peine,
Notre homme fit tout autrement.
Laissons couler cette eau, dit-il, et tout à l'heure
11 en pourra sortir une qui soit meilleure.
Il attend donc, mais vainement,
L'eau ne change point de nature.
N'importe, toujours il attend
Qu'elle devienne encor plus pure.
Le bonhomme attend tellement,
Qu'il vit enfin tarir la source,
Et qu'il ne trouva plus, pendant toute sa course,
De quoi calmer la soif qui faisait son tourment.
De maint et maint enfant ce passant est l'image :
Pour orner leur esprit ils ne font nul usage
Des heureux jours de leur printemps :
Ils attendent un plus bel âge ;
Ce bel âge s'enfuit, ils n'y sont plus à temps.
III. — CicograpEsie et Histoire.
DARFOUR, CONTRÉE H AFRIQUE.
Le Darfour s'étend au sud de la Nubie, à
l'ouest du Kordofan , sur une longueur d'en-
— là —
trime lôoliiius et sur une largeur de 16o.
Il compte i millions d'âmes.
Les habitants du Darfour ont pour princi-
pal'' richesse leur nombreux bétail, une
grande quantité de bananes et de dattes, puis
des oignons, du poivre-long, des mûriers, des
melons d'eau. Ils tirent aussi un grand profit
des éléphants, autruches, girafes, rhinocéros,
bons et bœufs sauvages...
Le Darfour, toujours vivifié par le soleil,
rafraîchi par les rosées de chaque nuit et par
des pluies régulières, est d'une fertilité admi-
rable. Il y a une si grande quantité de bétail
sur les montagnes, que les habitants ne pou-
vent consommer tout le lait qu'il produit, et
dans la pleine le riz croit sans culture. Le
dourrah (sorte de blé de Turquie) pousse
d'une hauteur démesurée. Avec le coton
qu'ils cultivent très-bien, les habitants du
Darfour tissent l'étoffe de leurs habits : de
Yohar ils tirent un fil qui ressemble à la soie,
et dont ils se servent pour coudre ; de Vanable
ils tirent la gomme arabique ; le dattier d'E-
gypte et le doulad leur donnent de grosses
noix dont ils tirent un lait huileux et très-
agréable au goût ; sur le loulon ils recueillent
— 16 —
un fruit qui ressemble à nos marrons ; Yomeid
produit une sorte de pomme légèrement acide;
et le mouhais a un fruit qui, réduit en farine,
remplace au besoin les céréales. Ils ont encore
Yharraz, dont les branches s'étendent de façon
à former de l'ombre à plus de 100 personnes ;
le sabeloi dont le vaste tronc sert de citernes :
le haghlig dont chaque partie est d'une utilité
particulière; ses jeunes rameaux servent à
assaisonner les mets , ses feuilles réduites en
pâte guérissent merveilleusement les plaies
venimeuses , son fruit vert sert de savon, ses
rameaux' résineux sont employés à éclairer
durant la nuit; sur les mêmes, sciés et arran-
gés en petites tables, on trace les alphabets
pour les enfants; et finalement sa cendre
remplace le sel.
La forme du gouvernement du Darfour est
une espèce de régime féodal dirigé par un
sultan, maître absolu. La capitale du Dar-
four est toujours la ville que le nouveau sul-
tan choisit pour sa résidence; aujourd'hui
c'est Tendetti. 11 dispose de la vie et des
biens de ses peuples. Quand il parait en
public, il a toujours le visage couvert, afin
de ne pas éblouir les regards de son peuple
— 17 —
par sa splendeur et sa majesté. Personne
ne peut lui adresser directement la parole :
un officier, qui reste toujours à ses côtés,
lui dit au besoin : « Un tel te salue age-
nouillé, etc., etc. » S'il arrive que le sultan
éternue, tous ceux qui l'entourent doivent
l'imiter. Si, durant une promenade, il tombe
de cheval, tous ceux qui l'accompagnent doi-
vent aussitôt en faire autant, et si quelqu'un
restait en selle, une pluie de coups de bâton
tomberait sur les épaules de l'imprudent, afin
de lui persuader qu'il ne lui est pas permis
d'être plus habile et plus adroit que son sou-
verain. Quand il va à la chasse, les grands qui
s'y trouvent portent un parasol et des éventails
afin de lui rendre moins sensible l'ardeur des
rayons du soleil ; d'autres, investis de fonc-
tions plus importantes, portent le nom d'une
des parties de sa personne : ainsi l'un s'appelle
sa tête, l'autre son bras droit, le troisième son
bras gauche, etc.. Celui qui porte ses armes
est nommé Yaba-amor, ou colonne vertébrale.
La cérémonie de l'installation du sultan
est on ne peut plus curieuse. Il doit d'abord
se reposer pendant sept jours, après lesquels
une cohorte de vieilles femmes vient le trou-
50...
— 18 —
ver, tenant à la main des bâtonnets qu'elles
croisent ensemble de diverses manières ; une
de ces vieilles arrose ensuite avec de l'eau le
corps du futur monarque, pendant que les
autres murmurent des paroles dont jamais
personne n'a pu comprendre le sens. Il est
ensuite conduit, au son d'une grande quantité
d'instruments bruyants, dans un palais ré-
servé pour cette cérémonie, et dès ce jour il
prend le nom de sultan...
{Journal des connaissances utiles.)
L AUSTRALIE.
Les principaux arbres de l'Australie sont
les arbres à gomme et à quinquina, les ceri-
siers sauvages, les chênes, la menthe poi-
vrée, les acacias et les mimosas. Les gommes
sont de la meilleure espèce et peuvent devenir
une branche de commerce très-lucrative.
Les fleurs sauvages y croissent en abon-
dance : les géraniums, les rhododendrums et
toutes les variétés de cactus. Le vin est bon
en Australie, et les vignes sont cultivées à la
manière française.
Jamais en Australie les arbres ne perdent
— 19 —
complètement leur feuillage, ce qui leur
donne une monotonie très-grande ; jamais ces
teintes jeunes et fraîches du printemps ne
viennent réjouir l'œil. Les montagnes sont
très-élevées. Des chaînes entières sont tou-
jours couvertes de neige et atteignent une hau-
teur de 2,000 à 2,500 met. Dans les environs
de Ballarac, le paysage a le cachet de l'Amé-
rique du Nord. Les rochers sont énormes et
presque toujours d'une couleur sombre.
Dans tous les cours d'eau des environs de
Victoria, les anguilles sont fort helles et en
très-grande quantité; quelques-unes pèsent
près de 2 kilogram. Les autres poissons sont-
des hrochets, une espèce de lamproie, des
goujons et un animal appelé dans le pays
hareng blanc, mais qui ne ressemble en rien
aux harengs ordinaires. Les crabes et les
homards sont inconnus ; il n'y a que quel-
ques petites écrevisses dans certaines criques
du bord de la mer.
Les kangourous, les sarigues, les colima-
çons et une espèce particulière de ver d'un
pouce de long, sont presque les seuls ani-
maux indigènes qu'il est possible de manger.
Les perroquets, les kakatoès sont d'une
— 20 —
belle espèce et très-nombreux; ils font sou-
vent de grands ravages dans les plantations,
et sont très-redoutés des cultivateurs et des
jardiniers.
Il y a plusieurs espèces de kangourous : le
grand kangourou, gris-brun, ayant environ
1 met. 50 de hauteur et une queue de 1 met.;
d'autres sont presque blancs et quelques-uns
couleur de lièvre ; le petit kangourou lillipu-
tien, gros comme un écureuil, mais pouvant
aisément sauter 2 m. 60 c, et dont la chair
est excellente ; les autres sont moins bons à
manger. Les chiens, dans ce pays, sont énor-
mes ; leur corps ressemble à celui d'un re-
nard : ils sont très-craintifs et fuient à la pre-
mière résistance; ils ont le caractère du loup,
et aiment à sucer le sang des moutons, dont
ils tuent un grand nombre.
Les insectes de toute espèce sont très-re-
doutables en Australie ; les plus grands, ap-
pelés bull dogs, ont 4 centimètres de lon-
gueur, le corps noir et une queue rouge ; ils
mordent comme de petits crabes. Les fourmis
atteignent souvent la taille de 3 centim.; elles
ne fuient pas à la moindre attaque comme
celles d'Europe : elles font bravement face à
— 21 —
l'ennemi et le poursuivent elles-mêmes très-
souvent. Les centipèdes et les triantelopes ou
tarentules sont très-dangereux ; mais l'animal
le plus redouté est la vipère sourde, ainsi
nommée parce qu'elle ne bouge jamais, à
moins d'être touchée ; sa piqûre est mortelle.
Les serpents sont de plusieurs espèces : le ser-
pent noir a plus de 3 mètres de longueur, et
est très-venimeux; en quelques heures sa
morsure cause la mort.
>~^èM.y£^-*~
IV. — Personnages célènrev.
ALEXANDRE ENFANT.
L'histoire d'Alexandre nous a transmis une
parole bien sensée de ce héros encore jeune.
Après la mort d'Aristote son précepteur, il
parut tout pénétré de la perte de ce grand phi-
losophe. Un courtisan, étonné de cette tris-
tesse :« Seigneur, lui dit-il, que feriez -vous
donc si vous aviez perdu votre père? —
Croyez- vous que je sois moins redevable à
— 22 —
Aristote qu'à mon père ? C'est du second que
je tiens la vie à la vérité, j'ai reçu du premier
la manière de m'y conduire. » Cette réponse
est belle, mais Alexandre fut bien éloigné de
la mettre en pratique.
Le même historien rapporte que pendant
l'absence de son père Philippe, des ambassa-
deurs du roi de Perse vinrent à la cour de Ma-
cédoine. Alexandre, qui n'avait alors que onze
ans, les reçut avec la plus grande politesse ;
ils en furent enchantés. Il ne leur fit au-
cune question puérile; mais il leur demanda
quels étaient les usages, les mœurs et le com-
merce du grand roi; quel chemin était le
plus court pour se rendre dans la Haute-Asie ;
en quoi consistait la puissance et la force des
Perses; quelle place le roi prenait dans une
bataille, comment il se conduisait à l'égard
de ses ennemis, etc..
Les ambassadeurs admirèrent tant de sa-
gesse dans image si tendre, et l'un d'eux, sen-
tant dès-lors ce que le jeune Alexandre
pourrait devenir un jour, remarqua en pré-
sence de ses collègues la différence qu'il trou-
vait entre l'héritier de la Macédoine et Ar-
taxercès, et l'exprima fort bien par ces mots :
— 28 —
« Ce jeune prince est grand, et le nôtre est
riche. »
Qu'il est déplorable qu'un prince né avec
un si grand génie et doué des plus beaux
dons de la nature, ne se soit servi de ses lu-
mières que pour désoler le monde !
-<£S§562>-
ISorceanx littéraires.
LE JUGEMENT DERNIER.
Déjà je crois le voir, j'en frémis par avance,
Ce jour de châtiment comme de récompense;
Déjà j'entends des mers mugir les ilôts troublés ;
Déjà je vois pâlir les astres ébranlés;
Le feu vengeur s'allume, et le son des trempettes
Va réveiller les morts dans leurs sombres retraites.
Ce jour est le dernier des jours de l'univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers;
Alors, pour séparer les saints, son héritage,
De la Religion vient consommer l'ouvrage.
La terre, le soleil, le temps, tout va périr,
Et de l'éternité les portes vont s'ouvrir.
Elles s'ouvrent! Le Dieu si longtemps invisible
S'avance, précédé de sa gloire terrible !
Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
^on trône étincelant s'élève dans les airs.
Le grand rideau se tire, et ce Dieu vient en maître.
MaUieureuï qui pour lors commence à le connaître !
— 24 —
Les anges ont pourtant fait entendre îeurs voix ,
Et, sortant de la poudre une seconde fois,
Le genre humain tremblant, sans appui, sans refuge,
Ne voit plus de grandeur que celle de son juge.
Ebloui des rayons dont il se sent percer,
L'impie avec horreur voudrait les repousser:
Il n'est plus temps; il voit la gloire qui l'opprime;
Et tombe enseveli dans l'éternel abîme...
Et, loin des voluptés où fut livré son cœur,
Ne trouve devant lui que la rage et l'horreur.
Le vrai chrétien lui seul ne voit rien qui l'étonné,
Et, sur ce tribunal que la foudre environne,
Il voit le même Dieu qu'il a cru, sans le voir,
L'objet de son amour, la fin de son espoir.
Mais il n'a plus besoin de foi, ni d'espérance,
Un éternel amour en est la récompense.
VI. — il i Moire naturelle.
FIDELITE D UN CHIEN.
Le Siècle contient dans ses faits divers une
anecdote qu'on lira avec plaisir. Il y a deux
ans, dit ce journal, Pierre L..., manœuvre aux
environs de Paris, avait trouvé un jeune chien
dont la maigreur et l'œil suppliant attestaient
qu'il était perdu depuis longtemps et qu'il
mourait de faim. L'ouvrier, comprenant ce
— 25 —
qu'il y avait de souffrance dans le regard du
pauvre animal, avait eu pitié de lui et l'avait
emmené. Sa ménagère, en voyant arriver ce
nouveau commensal dont les énormes pattes
annonçaient qu'il deviendrait très-gros, se
récria d'abord, car elle avait quatre enfants
qui avaient bon appétit, et le nouveau venu
devait être une charge de plus; mais le chien
avait l'air si malheureux, et les marmots té-
moignaient une si grande joie de son arri-
vée, qu'elle se laissa attendrir, et consen fit à le
garder. Barbet, c'était le nom qu'on lui don-
na, bien que ce fût un mâtin de pure race,
Barbet, disons-nous, s'acclimata vite chez ses
nouveaux maîtres, devint l'ami inséparable
des enfants, et par sa douceur s'attira l'af-
fection de tout le monde ; mais malheureuse-
ment, ainsi que la mère de famille l'avait
prévu, il grossissait à vue d'oeil, promettait
de devenir un chien de première force et
mangeait de telle façon, que, malgré tout l'at-
tachement qu'on avait pour lui , il fallut
songer à s'en défaire.
Vers la fin de l'année dernière, un inconnu,
passant dans le village, aperçut Barbet qui
jouait avec les enfants devant la porte du
— 26 —
journalier ; il entre et demande à l'acheter.
Les braves gens songeaient bien à s'en dé-
barrasser, mais ils ne voulaient donner le
fidèle animal que lorsqu'ils auraient trouvé
une bonne condition, et, quoique l'inconnu
s'offrît à le payer, il avait un air si dur qu'on
le lui refusa. Celui-ci, à l'aspect de la misé-
rable demeure, comprit le moyen de vaincre
la répugnance de l'ouvrier ; il lui offrit alors
125 fr. de son chien. 125 francs ! le pauvre
journalier mettait presque deux mois pour
gagner pareille somme; aussi se laissa-t-il
séduire, et, malgré sa femme et malgré ses
enfants qui se récriaient à qui mieux mieux,
il conclut le marché. Le pauvre Barbet fut
donc appelé; on lui passa une corde au cou,
et après avoir recules adieux de la famille en
pleurs, il partit avec sonnouveau maître, mais
bien à contre-cœur, car il avait l'air triste,
et il se retourna bien souvent du côté de la
maison où il avait reçu l'hospitalité.
Cependant près d'une année s'était écoulée,
et chaque jour encore, dans la pauvre famille,
on parlait du malheureux chien que l'on re-
grettait toujours. Dans la nuit du 24 au 25
novembre dernier, vers 2 heures du matin,
— '21 —
L... est éveillé par des aboiements qu'il croit
reconnaître; il éveille sa femme, et celle-ci,
après avoir écouté, assure que c'est Barbet qiù
est à la porte. Vite l'ouvrier se lève, ouvre et
voit dans l'obscurité son cbien qu'il reconnaît
à ses joyeuses démonstrations ; mais il voit
sur le dos de l'animal quelque cbose de volu-
mineux dont il ne peut se rendre compte et
qui l'empêche d'entrer. Il court allumer sa
chandelle, revient et reconnaît que Barbet est
hâté, sanglé et chargé comme une bète de
somme : il comprend aussitôt que son chien
était employé à faire la contrebande, et qu'au
lieu de reporter sa charge à destination, il était
revenu au logis de ses anciens maîtres. 11 le
débarrassa donc, et le bon animal, tout cou-
vert de boue, court prodiguer ses caresses à
tout le monde, caries bambins s'étaient éveil-
lés sur ces entrefaites, et poussaient des cris
de joie dans leurs lits.
Dès le petit jour, L... porta les balles de
marchandises chez le maire de la commune,
où elles furent ouvertes : ces balles conte-
naient des dentelles d'un prix considérable,
et le magistrat apprit au journalier que la loi
lui accordait sur cette épave une part qui lui
— 28 —
permettra désormais de garder le pauvre Bar-
bet malgré son appétit.
UN POIREAU.
Il est arrivé, à la halle à la verdure, un poi-
reau d'une taille phénoménale. Il a 1 mètre
11 centimètres de hauteur, et son corps, à 15
centimètres au-dessus de l'espèce de crosse
qui forme la racine, a 27 centimètres de cir-
conférence. Il a été acheté 25 fr. parmi res-
taurateur marchand de vin du boulevard du
Temple, qui va le conserver immergé dans un
magnifique bocal rempli d'esprit-de-vin pour
s'en faire une enseigne.
VII. — Hygiène.
DES APPARTEMENTS HUMIDES.
Les personnes qui habitent des apparte-
ments bas, humides et peu éclairés, perdent
leurs forces, deviennent pâles, bouffies, et
— 29 —
tombent quelquefois dans l'hydropisie et le
scorbut. Pour diminuer l'insalubrité de sem-
blables lieux, il faut y faire de grands feux.
Les personnes qui sont forcées d'y demeurer
doivent élever leur lit au-dessus du sol ; le
tenir isolé, éloigné des murs et le plus près
possible de la cheminée. Elles doivent aussi
avoir, la précaution de faire sécher souvent
leurs draps et leurs couvertures. Leur régime
doit être tonique et fortifiant, elles doivent
boire du vin, vivre d'aliments nourrissants,
dormir peu, et prendre beaucoup d'exercice.
Les pays situés sur le bord des marais, au-
dessous du niveau de la mer, offrent les
mêmes inconvénients. Les habitants de sem-
blables lieux doivent, pour résister à l'in-
fluence du climat, prendre beaucoup d'exercice
à pied, faire des frictions longues et répétées
avec la vapeur du succin ou d'autres aroma-
tes ; le sommeil doit être court ; les fenêtres
des appartements doivent être à l'abri des
vents humides; les chambres chauffées de
feux étincelants et brûlants.
Il faut faire usage de bons vins : les fari-
neux doivent être bien fermentes et bien
cuits. Les aigres, les oléagineux, les laitages,
— 30 —
les amples boissons doivent être interdits;
les épices, les aromates deviennent salutaires,
dans cette constitution des assaisonnements.
VIII. — ludustrie.
LE BATTEUR D OR.
Le batteur d'or est un ouvrier qui, à force
de battre l'or ou l'argent sur le marbre, avec
un marteau, dans des moules de velin ou de
boyau de bœuf, réduit ces deux métaux en
feuilles très-légères et très-minces, propres à
dorer ou à argenter le cuivre, le fer, l'acier,
le bois, etc.
Cet art est très-ancien. Quoique les Romains
ne l'aient pas poussé aussi loin que nous, il
est siir qu'aussitôt après la ruine de Carthage
on commença à dorer les planchers des
maisons de Rome ; que les lambris du Capi-
tole furent les premiers sur lesquels on en
fît l'essai ; que dans la suite le luxe devint si
— m —
grand, que les particuliers tirent dorer [es
plafonds et les murs de leurs appartements.
Pline nous assure qu'ils ne tiraient d'une
once d*or que cinq ou six cents feuilles de
quatre doigts en carré , mais qu'on aurait
pu en tirer un plus grand nombre, vu leur
épaisseur. Nos batteurs d'or font leurs feuil-
les si minces et si déliées,, qu'on est surpris
que l'industrie et la patience de ces ouvriers
aient pu aller jusque là. On a remarqué que
40 grammes d'or se peuvent diviser en 1600
feuilles de 9 centimètres carrés. On le bat
sur un bloc de marbre ordinairement noir,
très-uni, d'environ 32 centimètres carrés,
élevé de terre de un mètre. On se sert pour
le battre de trois espèces de marteaux, en
forme de masses ou maillets de fer poli; le
premier pesant 2 kilog. sert pourchasser; le
second de 6 kilog. pour former, et le dernier
de 7 kilog. pour étendre et achever.
— 32 —
IX. — Variétés.
LA. RUE DU CHANTRE.
La rue du Chantre est l'une des plus an-
ciennes de Paris. Elle reçut le nom de Chan-
tre en raison d'un chantre de Saint-Honoré
qui y demeurait : la voix de cet homme était
si forte et si puissante, que l'on venait de tous
les quartiers de Paris pour le voir et l'enten-
dre; il se nommait Pierre Bouley. Dans la
nuit, quand il chantait sur la porte de l'é-
glise , on l'entendait distinctement du Pré-
aux-Clercs.
L'embonpoint de Pierre Bouley était extra-
ordinaire ; il mangeait 9 kilog. de viande par
jour, que lui fournissaient la fabrique de l'é-
glise et les dames des halles de cette époque .
Sa femme, Désirée Pendelet, était aussi forte
que lui ; à eux deux, ils tenaient toute la
largeur de leur rue, qui n'avait à cette époque
que trois mètres.
(Journal des Faits.)
_ 33 —
PROCÈS- VERBAL.
Vous lirez peut-être avec plaisir la copie
exacte d'un procès-verbal dans lequel on re-
trouve le stylo simple, naïf et sans prétention
des candides chroniqueurs du moyen âge.
Curieuse, sous plus d'un rapport, cette pièce
n'est point apocryphe, et sa, date ne permet
pas de la faire remonter au temps des icono-
clastes.
Voici le document en question. En le co-
piant, on a religieusement conservé son or-
thographe ainsi que son style, et discrètement
effacé les noms honorables qu'il renferme :
«J'ons soussignais... adjoint de la com-
mune de... certifions que nous teurtous ha-
bitants d'ici, j'avons entrepris audit sieur X...
tailleur de pierres la fabrication et tailliage
en pierre d'un Saint-Michel patron de ladite
commune pour le mettre dans.1' église moyen-
nant ce que nous sommes convenus avec le-
dit X... 11 a donc fabriqué et taillié notre dit
Saint-Michel de tous les cotiés et il nous a dit
d'assembler tout le pays et nous étant com-
pris, pour de là nous transposer dans noute
église pour prendre livraison dudit Saint-Mi-
— 34 —
chel qu'il a fait au nombre des saints qui se
trouent ici. Je nous sont trouvé réuni ensem-
ble dans l'église autour dudit Saint-Michel:
Ledit X... tailleur de pierre présent, j 'avons
tourné à Tenviron dudit Saint-Michel et Sa-
vons trouvé qu'il y manquait une oreille, de
plus qu'a ne ressemble pas tant seulement à
un Saint-Michel qua un baucard, de plus
qu'a i a fait des soins aussi gros qu'une pail-
lasse de truffes, de plus qu'a i a fait deux
joues aussi grosses qu'un fluteux, de plus
qu'a i a fait une calotte bleue et une veste rouge
si bien si biau qua leur semble à un comme -
guin, de plus qu'a i a fait un livre dans sa
main qu'a tout l'air d'une tabaquière, de plus
que la pierre avec quoi il a bâti Saint-Michel
est tendre tout comme du fromage mou dont
auquel je touchons qui se casse.
« J'ons teurtous dit au sieur X... j'en vou-
lons point de son Saint-Michel qu'a peu garder
pour li et qu'il Remporte tout de suite sinon
je vous l'impulser de noute église parla force
du paiis. »
Henri TV avait un cheval malade qu'il ai-
mait beaucoup : il avait dit qu'il ferait pendre
— 35 —
celui qui lui apprendrait sa mort. Le cheval
paya le tribut à la nature. Un Gascon apprit
ainsi cette perte au roi : a Hélas ! sire, dit-il,
votre cheval !.... ce beau cheval !.... le che-
val de votre majesté!... O ciel ! ce magni-
fique cheval ! — Je pense qu'il est mort,
s'écria le monarque alarmé. — Vous serez
pendu, sire, reprit le Gascon; vous vous en
êtes donné la première nouvelle. »
Philippe II, roi d'Espagne, venait d'accor-
der une modique pension à l'un de ses sol-
dats. Ce guerrier se présente une seconde fois
devant son maitre. « Ne vous ai-je pas donné
une récompense '? lui dit le roi. — Oui, sire,
répondit le soldat ; votre majesté m'a donné
de quoi manger; mais je n'ai pas de quoi
boire. » Le monarque sourit, et ajouta une
nouvelle graiication à la première.
Un Anglais se trouvant à une table d'hôte ,
et voyant apporter un gros morceau de viande,
demande comment cela s'appelle. « C'est du
bouilli, lui répondit quelqu'un. — Oh! yes,
dit-il, j'ai rencontré ce matin un grand trou-
peau de bouillis qui entra dans la ville. »
— 36 —
X. — Maxime* et sentences
Qui se Mte finit tard.
11 n'y a de bonheur sur la terre que dans
l'accomplissement de ses devoirs.
Les diamants ont leur prix, les bons conseils
n'en ont pas.
La meilleure vengeance, c'est le mépris de
l'offense.
Sois plutôt aveugle que de voir mal.
Le mot de la charade dernière : Fourmi.
ENIGME.
Chercher
Qu'est-ce qui devient plus grand
A mesure qu'on en ôte.
DE L'mPIUBERIK DE BEAU, A SAINT-GBRMAIN Mi-LATB.
RÉCOMPENSES
j HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES,
DEUXIÈME ANNEE.
X - «-- «J .
K
SA3ÎST LiC l/ÊVAAGELlSTE.
RECOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES,
oc
LECTURES
MORALES, INSTRUCTIVES ET AMl'SAÎiTES,
Dl TijÉn;
iUX ÉCOLES CHRÉTiEWES.
DEUXIÈME ANNÉE.
fi
*$&
chez i/ÉBnE'JE, BEAU J"-, impb m ur.
Bue Sal-.rv. î8.
PR0PRJÉT É.
SOMMAIRE.
1. Religion et morale. — La rage.
II. Éducation. — L'envie. — Les deux pageé.
II:. Géographie;et Histoire. — Le lac deCit-kniz.
IV. Personnages célèbres. — Joseph.
V. Morceaux littéraires. — Traduction de l'hymne
Jrc, maris Stella.
VI. Histoire naturelle et physique. — De la cha-
leur ou calorique. — Le renard pécheur de
crabes.
VIL Hygiène. — Des engelures.
VIII. Industrie. — Ruines de Ninive.
I\. Variétés. — Monsieur de Crac.
X. Proverbes et Maximes.
Enigme.
B. — Religion cî saoE'ale.
LA FTAGE.
Le docteur V., médecin à Livron (départe-
mi nt de la Drpme ) avait été mordu par un
chien enragé.
Le Vendredi-Saint, en venant de Visiter ses
malades, il se plaignit d'une douleur au bras,
puis à l'épaule, puis à la gorge. Il se sentit
perdu. On accès de rage se déclara. «Liez-moi !
liez-moi ! s'éeria-t-il aussitôt, et faites venir
M: le curé. »
Le curét quoique malade lui-même, accourt.
Il trouve l'infortuné docteur couvert de sang...
Dans son accès de rage, il s'était arraché les
cheveux et déchiré la figure. «Oh! que je
souffre! M. le curé, que je souffre! Oh! qne
j'ai besoin de Dieu! priez, oh! priez bien
pour moi. Embrassez-moi ? » Le prêtre l'em-
brasse avec transport, et se met à pleurer et
à prier.
— 6 —
Le malade en fut soula é, s'en montra re-
connaissant; il parut se recueillir : «Ah!
voilà bien le bon prêtre, dit-il, voilà ce que
c'est qu'un curé; les autres ont peur de me
toucher la main; lui m' sse eouvert de
sang!. . .Oh! que vous me faites de bien ! je
vais mourir, monsieur, mon ami, mais Dieu
me soutiendra... Vous ne m'abandonnerez
jamais, n'est ce pas? » Le curé le lui promit,
et il a tenu parole... Après que le malade i ;i1
communié, comme il - était plus calme, le
prêtre lui disait que Di u pouvait le rendre à
la vie : « Oh ! je le lui demande, dit le docteur
avec attendrissement; je le lui demande pour
ma pauvre mère.,.., jour ma malheureuse
femme..., pour mon enfant. Il se recueillit
et ajouta : Mon Dieu ! mon Dieu! je m'aban-
donne à votre sainte volonté ! »
ïl y avait là des assistants tout émus. Le
malade se tourna vers eux : «Mes amis, leur
dit-il, on ne fait pas d'bypocrisie en présence
de la mort : je vais mourir; sou venez- vous de
la parole d'un mourant : le catholique qui
n'ose pratiquer sa religion est un lâche! Le
curé se mit à faire des prières. « Oh ! que la
prière me rafraîchit ! dit le malade. Mes amis.
priez, oIj : pri z.» A un tor-
turait sa I ûiK lie écuo s ercl a ta n ;ùn
du bon curé : «Oh.! <jue votre présence me
fait du bien' I : mon Diew,
que j ■ s tiffre :... j sais qi e n m;: ;ïn: i st
immortelle. Mon Dieu, mon Dieu, abrégez
ma souffrance; fait s que j'aide li utôt vers
vous. — M. le curé, i! s un iasl
de calme, je voudrais vçir m n épouse..., ma
mère... et ma sœur... Oh ! elles m'aimai ul
tant ! » Le prêtre le pria d'être fort pour elles
( t d'abréger une visite qui pourrait leur ê i
funeste.
Au moment favorable on fit entrer sa sœur :
en voyant son frère, elle s'évanouit. Revenue
à elle-même, elle se jeta sur lui ? « Nous nous *
sommes toujours, aimés., ma pauvre sœur, lui
dit le malade. Mais, vois tu, nous nous re-
trouverons au ciel... Aime toujours bien ma
mère... » Et on arracha de ses bras la mal-
heureuse sœur qui se mourait.
On introduisit sa mère, veuve, âgée, in-
firme. Elle se précipite sur le lit de son fils
qu'elle inonde de ses larmes : « Bonne mère,
ob ! je vivais pour vous... Dieu veut que je
meure. Soumettons-nous, la vie est bien
courte ; vous viendrez me rejoindre dans le
sein de Dieu... Ah ! que je vous aimais bien !
'et que tout ce que j'ai fait pour vous n'était
rien auprès de ce que votre amour a fait pour
moi!... Bonne mère, pauvre mère! que je
vous embrasse pour la dernière fois..., que
mon dernier baiser vous dise que vous avez
un fils au ciel... Adieu! adieu! »
Rempli d'un courage surhumain, le malade
demanda son épouse : « Mon Dieu, dit-il ,
donnez-moi le courage dont j'ai besoin. »
Madame V. fut enfin introduite par le curé en
larmes... On la soutint jusqu'au lit du mou-
rant. Après un silence interrompu par des
soupirs étouffés : « Ma chère Louise, ma chère
amie .. oh ! rappelle ta foi! C'est un voyage
que je vais faire... eh bien ! je ne reviendrai
pas, moi... Toi, tu viendras me rejoindre un
jour... au ciel!... Là sont ton père et ta mère.
Je sens que je vais au ciel; toi tu resteras pour
pr ndre soin de ma mère... Oh! que je vais
prier là-haut pour toi, pour ma mère, pour
vous tous ! Oh !' mon Dieu ! mon Dieu ! soute-
nez-moi. . que votre volonté soit faite! »
Les assistants ne pouvaient plus soutenir
cette scène de désolation ; ils emportèrent la
— 9 —
jeune dame Foide el froid.'. Un accès de ragi
survint; on entendît des hurlements mêlés
à des prières...
!.<■ jour de Pâques an matin : «J'ai froid
aux pieds, dit le malade; mettez-moi mes
couvertures; récitez les Litanies de la très-
sainte Vierge. Je vous recommande mon
épouse..., ma mère... » Sa tète se pencha. Le
docteur V. était mort comme il avait vécu,
plein de foi, plein d'amour et plein d'espé-
j'iiie ■.
( Petites Lectures. )
II. — Éducation.
L ENVIE.
11 n'est fien de sacré pour un cœur que
l'envie aigrit et infecte. Elle a porté le jaloux
Caïn à tremper ses mains dans le sang de
son frère ; elle a excité la haine homicide de
Salii contre David, le héros d'Israël, à qui ce
prince ne pouvait reprocher que d'avoir trop
hien servi la patrie, et d'avoir obtenu dés
— 10 —
éloges trop justement mérités; elle a fait
commettre le plus grand de tous les crimes,
le déicide. On est capable de tout, dès qu'on
peut être ennemi du mérite et de l'innocence.
Incapable de tout mérite, l'envie ne le peut
souffrir dans les autres. Un officier d'un
génie très-médiocre, envieux de la gloire
d'un capitaine qui avait fait une belle action,
écrivit à M. de Louvois que ce capitaine était
sorcier. Le ministre répondit : « Monsieur,
j'ai fait part au Roi de l'avis que vous m'avez
donné. Sa Majesté m'a dit là-dessus que, si le
capitaine était sorcier, pour vous, vous ne
l'étiez pas. »
les deux r.\GEs. (Légende.)
Sainte Élisabeh, reine de Portugal avaitun
page très-vertueux, auquel elle confiait ordi-
nairement le soin de distribuer flux pauvres
ses secrètes aumônes. Mais un autre page,
jaloux de la faveur dont jouissait son confrère
auprès delà pieuse souveraine, le calomnia
si odieusement auprès du roi, que celui-ci ré-
solut immédiatement la mort du prétendu
coupable.
— 1) —
Dans ce fatal projet, il alla trouver le maî-
tre d'un four à chaux, qui cuisait son plâtre
à quelque distance d s murs de sa capitale, et
lui dit : Je vous enverrai dans la journée
un page qui vous demanderai le&ordres du
roi sont exécuté?; à ces mots, saisisst z le et
le jetez dans le fnir pour qu'il soit consumé
par les flammes; il a mérité la mort.
De retour à son palais le roi manda près de
lui le page inculpé : Va, lui dit-il, va de-
mandi r au maître des fours à chaux, qui
sont hors de la ville, si mes ordits ont été
exécutés. — Et le jeune page se mit en route.
Mais, en traversant la capitale, il entendit
tinter pour une messe dans une église devant
laquelle il passait. Il obéit à sa religion in-
time , entra dans la chapelle où se disait la
sainte messe, durant laquelle il pria jusqu'à
la bénédiction finale du prêtre.
Cependant le roi de Portugal, impatient de
connaître le résultat de sa vengeance, si ter-
rible et si prompte, envoya un second page
au maître des four à chaux, pour lui deman-
der si les ordres du roi avaient été exécutés.
€e page était précisément le calomniateur.
A peine eut-il prononcé le dernier mot de
— 12 —
l'interrogation fatale, que, saisi par les ser-
viteurs et les ouvriers du maître des fours, il
fut lancé et roula dans les flammes qui le
consumèrent avec la rapidité de la foudre».
La messe étant terminée, le page que le roi
avait envoyé le premier, arriva au four à
chaux, où il lui fut dit que les ordres du roi
avaient été exécutés. De retour au palais il
parut devant le prince, qui pensa mourir de
stupeur. Mais apprenant ce qui s'était passé,
il adora les jugements de Dieu, et renuit
justice à l'innocence du vertueux page.
(Magasin de l'Enfume chrétienne.)
SB? — Géoi B"a^-Iîie.
LÏÏLAC DE ClSKNIZ.
11 existe dans la Carniole, à six milles de
Laybach, auprès du village d'Àdelsberg, re-
marquable par sa grotte à stalactites, un lac
très-curieux à cause du pbénomène singulier
— .13 —
qu'il présente. Tantôt il est rempli d'e
contient des unissons, tantôt c'est une terri
ferme dans laquelle on peut semer du blé el
récolter de riches moissons. M. Depping en a
donné une curieuse description dans la col-
lection du Voyageur moderne.
a Au fond du hc de Ciskniz il y a dix-
huit cavités qui donnent une retraite aux
eaux et font disparaître le lac en entier. Les
eaux s'engouffrent d'abord dans l'ouverture
appelée Kumine, et disparaissent pi u à peu,
de manière qu'au boutde cinq jours, le fond
du lac se montre autour du gouffre ; au bout
de cinq autres jours, on en voit autant autour
de l'ouverture nommée Vodonas. 11 en faut
cinq autres pour faire disparaître Feau autour
du trou de Keschelto; deux autres trous, ceux
de Kotvn et de Levische, se vident pareillement
et nécessairement au bout de cinq jours.
» Ainsi, la retraite totale du lac se fait en
vingt-cinq jours, à la tin desquels le fond en
est à sec, et offre, au lieu d'une nappe d'eau,
un terrain fertile, très-propre à la culture,
Dès-lorSj on commence à le labourer et à le
semer. Une nouvelle végétation couvre bientôt
ce lieu, trois mois après les paysans y récol-
51..
— li —
tenl du foin et du millet, el chassenl du gi-
bier là où; peu auparavant, il n'y avait d'êtres
vivants (; s poisson aent
au boni de quatre mois que le lac se remplit
d ■ nouveau.
» On voit d'abord l'eau s'élever avec vi-
gueur de différentes ouvertures, à un i hauteur
de k à 12 mètres; puis, dans un espace très-
court, remplir lout le bassin; et, quoiqu'il lui
faille vingt- cinq' jours pour disparaître, elle
n'emploie que vingt-quatre heur s pour repa -
rail re entièrement. »
Causeries du foyer domésh
nous trouvons la description d'un lac jonis-
dans le
Kârz, du village de Brëitungen.
i 1 : temps le plussec, ce lac se remplit
n tout à coup sans qu'on puisse en de virier
la cause; l'e '' d'une roche appelée
Bûvernstein3 et déverse dans la fosse une telle
masse de liquide, que lés champs et les prés
en sont inondés. Ou; lquefois même il est
arrivé que l'écoulement de l'eau a eu lieu pen-
dant la nuit et en si grande abondance, qu'il
était impossible de moissonner les blés qui
s'y trouvaient. L'eau reste ainsi quelques
-. ou bien plusieurs mois, quelque-
fois même une année ; mais ce cas est rare;
puis cil."* s'engouflre sans qu'aucun phénc-
mène puisse fain | sa retraite dansles
cavernes creuséi s à travers les roches calcaires,
et on ne la voit plus apparaître à la surface
que sous la forme d'un petit ruisseau. Les
poissons mêmes, pii, chaque fuis, s'y mon-
trent , sans que la main des hommes ait i u
besoin de les y déposer,-se retirent en même
temps que le lac dans les fissures des rochers.
» Ce sont des Lroch't s que l'on prend comme
dans le lac de Ciskniz ; dans ce dernier on
les pêche en très-grand nombre , surtout
quand les eaux sont resté s lôngfemi s sans se
retirer. En 10^5, lorsque le lac disparut pour
la première fois après cinq ans de repos,
l'ouverture de Keschetto seule fournit au
premier pêcheur vingt et une charretées de
poissons, au second dix-sept, et au troisième
neuf. Ce qu'il y a de fâcheux, c'est que le
tonnerre tombe quelquefois dans le lac et tue
un grand nombre de ses habitants. On fait
revenir ceux qui ne sont qu'engourdis en les
mettant sur-le-champ dans l'eau fraîche.
16 —
IV. — Persoaîîïases célî'Bn'es.
JOSEPH.
Joseph, fils do Jacob et de Raehel, n'avait,
que seize ans lorsqu'il conduisait avec ses
frères les troupeaux de son père dans les ri-
ches pâturagi s du pays de Chanaan. L'inno-
cence, la modestie, la douceur, étaient comme
naturelles à cet enfant ; sa docilité,, son obéis-
sance, étaient parfaites. 11 fut impossible à
Jacob de dissimuler sa prédilection pour
ce' fils vertueux. Aussi ses autres enfants
en conçurent- ils de l'envie. Une robe que
Joseph r eut de son père, le rapport qu'il fit
d'un crime que ses frères avaient commis, mais
surtout le récit de deux songes^qui présa-
geaient sa grandeur future, et que cet enfant
il;1 grâce eut la simplicité de raconter, toutes
ces choses excitèrent contre lui la haine de
ses frères.
Un jour qu'ils étaient allés près de Sichem
— 17 —
faire paître les troupeaux de leur perej J< -
- ph l'ut envoyé près-d'eux afin de voirsi tout
était en bon état. L'apercevant venir: « Voici.
dirent-ils, notre songeur, tuons-le, non- di-
rons qu'une bête sauvage l'a dévoré. » Ruben,
l'ainé do tous, entendant ce discours, leur
seilla de le jeter dans nue citerne sans
eau; car il avait dessein de l'en tirer, et de le
rendre à son père. Ils le dépouillèrent de sa
pi ibe e! le jetèrent dans la fosse ; mais ils l'enli-
rèr nt bientôt pour le vendre à des marchands
ismaélites qui allaient en Egypte. Ils convin-
rent de vingt pièces d'argent, et le leur livrè-
rent. Ces malheureux trempèrent sa robe
dans le sang d'un chevreau qu'ils avaient tué
et l'envoyèrent à leur père, en lui faisant
dire : « Voici une robe que nous avons trou-
vée, voyez si ce n'est pa- celle de votre bis.»
Jacob la reconnut aussitôt et s'écria : « C'est
là vraiment la robe de mon fils : une bête
cruelle l'a dévoré '. une bête a dévoré Jo-
seph!.... » Ayant déchiré ses vêtements, il
le pleura longtemps. Il ne vuulait recevoir
aucune consolation. « Je pleurerai toujours j
disait-il, jusqu'à ce que je descende dans la
tombe avec mo n fils. »
31...
— 18 —
Cependant Joseph captif était arrivé en
Egypte. Ce qui est admirable, c'est qu' on
n'entendit sortir de la bouche de ce charmant
enfant aucunes paroles de plaintes ou de mur-
mures contre sers frères qui le séparaient de
son père chéri, et le plongeaient dans la ser-
vitude. Le Seigneur était avec lui ; aussi les
marchands n'eurent pas de peine à le vendiv.
Putiphar, l'un des principaux officiers de la
cour de Pharaon, l'acheta; dès lors il remarqua
que tout réussissait merveilleusement entre
les mains de son jeune esclave, en sorte qu'il
lui donna toute son effection et toute sa con-
fiance, et l'établit pour gouverner sa maison.
Il n'eut pas lieu de s'en repentir, le Seigneur
bénit tellement ses biens, tant à la ville qu'à
la campagne, qu'il n'avait d'autre soin que de
se mettre à table et de manger, dit l'Écri -
tare.
L'esprit de discorde vint troubler l'heu-
reuse harmonie qui régnait dans cette mai-
son. La femme de Putiphar poussa l'impu-
dence jusqu'à calomnier, de la manière la
plus infamante, l'innocent Joseph, auprès
de son mari qui, trop crédule à ses paroles,
entra dans une grande colère , et fit' jetei
— 19 —
Joseph dans la prisou où l'on retenait ceux
que le roi faisait arrêter ; mais le Seigneur,
en qui ce saint jeune homme mettait toute
son espérance, ne l'abandonnait pas; il lui
fit trouver grâce auprès du gouverneur qui
lui confia le soin de tous les détenus.
L'échanson et- le panne tier de Pharaon
ayant offensé leur maître furent envoyés dans
la même prison. Un matin. Joseph, à qui il-,
avaient été confiés, s"étant rendu près d'eux,
et les trouvant tristes et rêveurs, leur en de-
manda le sujet ; ils répondirent qu'ils avaient
eu chacun un songe qui 1< s plongeait dans une
grande inquiétude, et ils le lui racontèrent.
Joseph, les ayant entendus, dit à l'échanson
que. dans trois jours, Pharaon le rétablirait
dans sa première charge, et qu'il lui présen-
terait la coupe comme il avait coutume de le
faire auparavant. « Souvenez-vous de moi,
ajouta-t-il, lorsque vous serez rentré en grâce,
car c'est injustement que j'ai été jeté dans
cette prison obscure. » Il le lui promit. Pour
le pannetier, Joseph lui annonça que, dans le
même intervalle de temps, on lui trancherait
la tète , et que les oiseaux du ciel mange-
raient sa chair.
— '20 —
Rentré dans les bonnes grâces de son maî-
tre, l'échanson avait complètement oubli''1 sa
promesse, lorsque, deux ans plus tard, Dieu,
satisfait de la constance et de l'admirable ré-
signation de son serviteur Joseph, envoya à
Pharaon deux songes. Plongé dans un pro-
fond sommeil , il vit sept vaches grasses sor-
ties du Nil qui paissaient dans les marais;
puis, sept autres maigres qui se mirent à
dévorer les premières. Il vit encore sept épis
parfaitement pleins qui forent dévorés par
sept autres extrêmement maigres. Le roi,
saisi de frayeur , consulta les sages de L'E-
gypte : il ne s'en trouva pas un seul qui
pût interpréter ce qu'il avait vu. C'est alors
que l'échanson se ressouvint de Joseph. Il
le fit aussitôt tirer de prison et le présen-
ta à Pharaon qui lui raconta ses songes
-n le priant de les lui expliquer. «Ce sera
Dieu, dit Joseph, et non pas moi, qui rendra
à votre majesté une réponse favorable. Les
deux songes. signifient la même chose. Les
sept vaches grasses et les sept épis pleins sont
sept années d'abondance; les sept autres mai-
gres et les sept épis vides sont sept années
'.l'une famine affreuse. Que le roi, mon sei-
— 21 —
gneup, choisisse un homme sage; qu'il lui
donne le commandement sur l'Egypte, afin
qu'il établisse des officiers dans toutes les
provinces qui, pendant les sept années de fer-
tilité, amàss w! des vivres dans~a*es - niers
publics, pour 1< s sept années de famine.»
Cette explication el ces consjeils plurent telle-
ment à Pharaon, qu'il s'écria: «Où pour-
rions-nous trouver an homme aussi rempli
de l'esprit de Dieu q . celui-ci ? » et s'adres-
sant à Joseph : « Je vous donne autorité sur
tout mon peuple, il n"\ aura désormais que
moi au-dessus de vous. » En même temps il
tire l'anneau qu'il avait au doigt et le mit au
doigt de Joseph; il le revêtit aussi d'un-'
rohe de fin lin, et lui passa autour du cou un
collier d'or; il le fit monter sur un de ses
chars, ordonnant à un de ses hérauts de crier
que tout le monde eût à fléchir le genou de
vaut lui, et voulut qu'il lût appelé le sauveur
du monde. Joseph avait pour lues trente ans.
Vous voyez, mes enfants, que Dieu n'a
bandonne pas ceux qui espèrent en lui ; 1
gloire à laquelle ii éleva son fidèle serviteur
i st la figure de celle qu'il réserve à ceux qui
supportent sans murmure et avec résignation
les mauvais traitements, les calomnies, les
persécutions qui leur arrivent en ce monde.
(La suite au prochain 'numéro.)
V. — îîorrcaux littéraires.
TMduction t>e l'hymne
Ave, maris Stella.
Salut, mère d'un Dieu né pour sauver le monde,
Porte heureuse du ciel, étoile de la mer ;
Dont la virginité merveilleuse et féconde
Ouvrit le paradis et désarma l'enfer.
Marie! au nom du ciel, Gabriel vous salue :
D'Eve, vous réparez la faute et les malheurs.
A ce signal heureux la terre s'est émue :
Ah ! donnez-nous la paix, en nous rendant meilleur.-
Dissipez de nos sens les erreurs déplorables ;
De nos crimes rompez les funestes liens ;
Eclairez nos esprits ; à vos enfants coupables
Epargnez tous les maux, obtenez tous les biens.
Montrez que le Très-Haut vous appela sa Mère ;
A son trône par vous que nos vœux soient transmis.
Peut- il vous refuser ? Jésus est notre frère,
Et c'est pour nous servir qu'il devient votre fils.
0 Vierge incomparable! auguste protectrice,
D'un Dieu juste et vengeur fléchissez le courroux.
: tnts du souffle ijnpur du \ ice :
ndez no-; cœurs chastes et doux,
pas; Armez-nous de courage
\\ wv braver I a«ts d'ua monde criminel.
Faites nous voir Jésus après ces jours d'orage,
Et jouir avec vous d'un bonheur éternel.
■■■ a. Dieu, gloire et louange au Père !
et fait aimer ses lois;
GÎQ're à vi uSj ô Jésus! dont Marie estja Mère ;
d'une Vierge, et mort sur une croix.
— Hisîtûrc ni»t8ireHe (1) el Phy-
sique.
DE LA CHALEUR OU CALORIQUE.
Il existe un fluide d'une incomparable sub-
tilité, dans lequel on n'a pu découvrir aucun
signe dep -saut ur, qu'on ne peut saisir, etqui
pénètre avec ame facilité étonnante tous les
corps; ce fluide impondérable, insaisissable,
incoercible , nous manifeste sa présence par
y principaux effets, par la s?nsation de- la
chaleur qu idfaitéprouverlorsqu'ons'approcke
d'un corps où il se trouve en grande quantité,
(1) Dans la 47e livraison, \ Va t. Histoire naturelle,
page 2(i, lignes 22 tt 23, au lieu de décimètres, lisez
coitiiuvtres.
el par la dilatation, c'est-à-dire par une aug-
mentation de volume qu'il produit dans ce
même corps : ce fluide se nomme chaleur ou
calorique.
Le calorique est donc un fluide invisible
qui se trouve répandu partout, qui pénètre
tous les corps et en sort avec la même facilité.
La terre » n recel ! une quantité extraordinaire;
plus on pénètre dans son intérieur, plos -a
, m nie. Les gé dogues s'accordent à
dire qu'à l kilomèt. île profondeur éÛe peut
mettre : eau en ébullition, à 30 kilomèt. elle
doil sez forte pour nu ttre en fusion les
métaux les plus durs, et à 60 elle serait ca-
pabl . oiliv les diamants. Quelle serait
donc sa force à 6,366 , c'est-à-dire au centre
de laierre!
La chaleur a la propriété d'écarter les par-
ti s infiuimenl petites dont les corps sout
composés, de les dilater, d'augmenter leur
volume. Ci tté propriété de la chaleur est ba-
lance,- par une propriété opposée dont jouis-
sent ces petites parties ou molécules, qui est de
s'attirer I s une- le- autres. En sorte qu'il s'é-
tablit, entre cette attraction na turelle des molé-
cules elles efforts de la chaleur pour les sépa-
rer. une lutte quis'offrepartoutdansla uaï
Approchez du feu un morceau de -
bientôt vous n'aurez plus que de l'eau, con-
tinuez à chauffer celte -au. faites-la bouillir,
die diminuera, et, au bout de quelques in-
stants, elle aura entièrement disparu. La rai-
son de cela est que la grande chaleur écartant
lés molécules, l'attachement est oV venu extrê-
mement faible, les molécules se sont sépaiées
au point que le corps est devenu liquide, puis
tout à fait invisible. Ainsi un même c rrps, sui-
vant que la chaleur écarte plus ou moins - -
molécules , peut se transformer de solide en
liquide et de liquide en vapeur.
Sous l'influence du Calorique, les barres de
fer se dilatent, s'allongent, en sorte qu'on s'en
sert avec avantage pour redresser des murail-
les ; un grand nombre de métaux s î liquéfient,
il en est même qui passent à l'état gazeux.
Tout le monde sait quelle puissance le ca-
lorique exerce sur la vapeur, comme il la di-
late, et quelle force prodigieuse il lui imprime.
Supprimez le calorique, l'homme, les ani-
maux, les végétamx ne pourront plus subsis-
er. Et puis les parlies infiniment menues,
ou les molécules qui composant les eorp"-'. ne
— 26 —
se touchent j»,; s, le calorique y étant toujours
en opposition. Ces molécules tenuVnt conti-
nuellenn'ntàsi' rapprocher ; faites disparaître
l'obstacle, c'est-à-dire 1 1 chaleur, elles as rap-
procheront ; et qui sait? l'univers condensé
sera peut-être réduit à la grosseur d'un petit
caillou, d'un grain de sable.
LE ROARD PECHEUR DE CRABES.
La Norvège, cette région inhospitalière, ex
porte chaque année une quantité prodigieuse
de crabes, deliomards et de langoustes, qu'on
prend le long de ses rives, soit à la main, soit
au moyen de filets de fer qu'on traîne au fond
de la mer. Mais comment, me direz- vous, fait
le renard pour les pêcher, lui qui n'a ni
mains ni filets? — Votre question est juste;
mais pour vous répondre, je vous dirai que le
renard est rusé, qu'il a une queue, laquelle
queue lui sert de mains, d'hameçons et de
filets. Voici comment. 11 parcourt le rivage ;
sitôt qu'il aperçoit un crabe cherchant sa proie
au bord de la mer, il s'approche doucement,
s'étend tout de son long en plaçant le bout de
sa queue dans l'eau. Le crabe s'imaginant que
— 27 —
celte queue est le corps il i quelque animal
mort, la saisit avec ses pinces. Aussitôt le
perfide renard la relève précipitamment par-
dessus sa tète, et rejette le crabe sur le sable.
Alors la question de « qui de nous deux dî-
nera ? » est bientôt décidée, et
Maitiv renard, qui certes nlest pas bête,
En un instant du crabe s'est gorgé,
Et" ce dernier, qui s'était mis en tète
D'4tre mangeur, au contraire est mangé.
VII. — Hygiciae.
DES ENGELURES.
Lorsqu'on a les pieds ou les mains engour-
dis par le froid, il faut, quand on entre dans
un appartement, éviter de se présenter de.
suite au feu. On doit attendre au moins que
le plus fort du froid soit passé, avant de s'en
approcher, En se comportant autrement,
l'on s'expose à gagner des engelures aux pieds
ou aux mains, selon que les unes ou les
— 98 _
— 28 —
autres de ces parties auront été exposées les
premières au feu.
Lorsqu'on est mouillé, il faut changer de
suite de linge et de vêtements. Rien de plus
pernicieux^ et de plus capable de causer des
rhumatismes aigus, dus douleurs chroniques,
que de laisser sécher ses habits sur soi. Bien
des personnes sont devenues perdues de leurs
membres par cette imprudence.
%I1I. — BîBîSaB&Srie et «I^eosiverie».
Il CINES DE NIXIVE.
Une personne de Bourg a reçu de jNinive
Ja lettre suivante, émanant d'un membre de
la commission envoyée par le gouvernement
français pour faire des fouilles sur les ruines
de cette antique cité :
« Ninive, 5 octobre 1853.
» Vous Savez sans doute que je suis parti
— 29 —
pour la Turquie d'Asie , dans la province
qu'où appelle l'Assyrie, attaché à la missi i
scientifique de Mésopotamie en qualité de
photographe et d'ingénieur civil : cette m s-
sion est du plus haut intérêt pour ! histoire.
» Nos instructions étaient celL s-ci : retr< u-
Verles ruines de l'ancienne Ninive, cette ville
qui joue un rôle si important clans l'his-
toire saint' , et dont le nom remplit tout* - s
fiages dé la Bihle. Rendus sur les lieux, nous
croyions qu'il était bien difficile, sinon ini-
;sible, d'envoyer à l'Académie des no;/ -
les de Sémiramis, de Saigon, de Sennai
rib, de Sardanapale, < te. Après six mois de
recherches inutiles, avec trois cents ouvriers
portant la bêche sur une épaule et la lance sur
I'autre; comme les anciens Juifs, nous com-
mencions à désespérer, lorsque, par un heu-
reux hasard, nous avons eu le bonheur de
découvrir une des portes de cette ville ai -
que, la première fondée d- puis le déluge.
» Cette porte, véritable arc de triomphe,
ornée de peintures en briques émaillées, de
sculptures, bas-reliefs, supportée par deux
énormes taureaux en marbre don; je vous en-
voie le dessin, avec sa têti In
— 30 —
d'une tiare el ornée d'une barbe énornv .
nous a f;tit pénétrer dans la ville, où nous
avoue dé ouvert les choses les plus surpre-
nantes et les plus extraordinaires.^ maisons,
palais, statues, bas reliefs, tous les métapx
connus de nos jours : or, argent, fer, acier,
plomb, cuivre, cylindr s, cachets inscrits et
seul}, tés, on plutôt gravés. Aussi ces messii urs
de Paris sont dans le ravissement.
» Nous.avons encore découvert une infinité
d'inscriptions, mais écrites dans une langue
si ancienne et si étrange-, que personne n'a
encore pu, jusqu'à présent, en déchiffrer un
mot, quoiqu'un savant anglais prétende que
ceci I ) signifie Gabriel ; je compare celte
écriture à une poignée de clous jetés an ha-
sard contre un mur. Ce qui ajoute à l'intérêt
de nos découvertes, c'est l'existence, à quel-
ques pas de Mossoul, du tombeau de Jouas
et celui du prophète Nahum, qui tous deux
avaient prédit la ruine de Ninive.
IX. — Variétés.
MONSIEUR DE CB \'\
Un Gascon s trouvait un jour, au milieu
d'un bon nombre d'étrangers, en tète à têt.
Provençal, rond comme une
mappemonde, et tellement brûlé du soleil
qu'il avait la couleur du bitume.
M. de Crac, pour intéresser la société, se mit
en tète de raeonler quelques-unes de ses
aventuri s, et c fut avec l'accent gascon bien
prononce qu'il s'écria :
CadédiSj capitaine, la belle chose qiv les
voyages '.— Troun de l'air! mousseu, à qui le
dites-vous ? — J'ai voyagé en France, eu B 1-
gique, m Angleterre ; c'est beau, mais c'. st
peu drôle, et les mœurs n'y sont pas plus
extraordinaires qu'une chope de bière, qu'un
morceau de bifteck, ou tout simplement le
pot-au-feu. Parlez-moi de l'Espagne; c'est là
le pays des fandangos, des cigarettes et du
tabac superflu!! Avez-vous jamair* puise
— 32 —
dans une tabatière espagnole, capitaine ? —
Za'mais, ze ne prise pas, ze cique. — Chacun
son goût ; moi je prise, je fume, je chique, au
point que la régie devrait me donner une
pension. En Espagne, capitaine, je dépensais
trois livres de tabac par jour, cinq cents ci-
garettes, une carotte de tabac longue d'une
aune, mais le tabac d'Espagne est si succu-
lent, si aromatisé, si pénétrant, si parfait !
Tenez, j'ai fait dans ce pays-là une chasse aux
lapins que Ton n'exécute nulle part ailleurs.
Point de chiens, point de fusils, pas même
de filets. — Ze comprends, dit le gros Pam-
phile, on leur z'y met un grain de sel sur la
queue.
Point du tout, cadédis ! on prend sa taba-
tière, et l'on s'en va, en s; promenant la canne
à la main, on va droit au terrier, et là-bas les
terriers foisonnent. Devant chaque trou de
lapin, on met une pierre bien pMe ; on verse
sur cette pierre trois ou quatre prises de ta-
bac ; l'on se retire dans un coin, et l'un pré-
pare sa gibecière. Le tabac commence par
développer son arôme ; le lapin, réveillé par
le parfum, sort tout dpû.cemënt de son terrier ;
il est très-friand dulabac d'Espagne, il s'ap-
— oo —
pro >be d ■ i a pi sn i . et il renifle Le tabac
connu i an deux glouton qu'il est : il en rë-
niil • tant i si bien, que tout à coup : Ahh-
ahij il ri rnue, se frappe le nez sur la
pierre, et, comme il a le museau très-délieatj
il reste mort sur le coup. Autant de pierres,
autant de lapins. J'en ai pris comme cela une
douzaine en moins d'un petit quart d'heure.
Toute l'assistance se mit à rire, et le capi-
taine Pamphile seul ne se dérida pas. Mous-
seu, dit -il au Gascon. a v /.-vous zamais voyazé
dans le Piémont ? — Cadédis ! je l'ai parcouru
dans tous les sens, en long, en large, en dia-
gonale; je n'y ai jamais rien trouvé d'extraor-
dinaire. — ïroun de l'air ! c'est que vous êtes
trop z 'une ; tel que ze vous parle, ze suis
été à Turin en 1812, z'ai trouvé là des res-
taurants comme il y en a peu, comme il n'y
en aura zamais : z'entre à la première cantine
venue, et ze demande de quoi lester mon na-
vire. — « Pardon, mousseu, me dit le maître
delà maison ; c'est moi que ze vais vous ser-
vir; mais, si vous voulez Lien venir par ici,
nous allons faire une opération préalable.
— Troun de l'air ! une opération? — Ne
vous effrayez pas il n'y aura pas de sang
- 34 -
ndu. » Il m • conduisit sous un hangar
■jù se trou grande balance. — «Don-
nai p ine de vous asseoir, » me dit le
coq en ch f; et il me pèse comme une véri-
table balle de coton ou comme un gros sac de
café. — C'est S 18 kilog. , qu'il me fait; zé-
iais fort et robuste alors, mais auzourfl'hui
_;rins m'ont fait fondre; ze ne peso plus
que cent
Z" restai dans la balance tranquille comme
-. .iiit qu'on allait là m'apporler
ma ration ; mais l'aub rziste il me fait des-
i il me c »ndiiit à la salle à manzer:
là ;:: boiSj ze nranze, ze mairze encore, z'avais
tant d'appétit alors ! Depuis, tes çagrins do-
mestiques... Eofin c'est connu • c la!
Quand z'ai fini, ze demande la noi i à
yer. Le même mous nduitàlaba»
lance, et il nie repèsé : « Moiisseu, qu'il me dit,
c'est 118 kilog.; à deux francs çaque, ça fait
quatre francs. » Ze paie, ze me relire, et ze
suis content.
Le lendemain, ze dresse mon plan de ba-
taille : ze mets deux grosses pierres dans les
poees de ma tunique, et ze me présente au
restaurant. On me pèse ; ze laisse passer, par
— 35 —
i'"I:: uBi rziste qui m'avait coiiduit.
Ze file la main clans la poce; et ze me dé-
barrasse de mes deux cailloux. Ze vais manzer
comme quatre, el ze me fais repeser : avant
le r. | ,. ze pesais 118, après le rer,; .
sais 116. — a :. dit-ze à l'ai I
c'est deux kilog. que vous me devez. - Mous-
- î;- trop zuste; deux kilog. à 2 francs
celja fait i fra ics. » Et il me remit ï francs.
Voilà commeal z'ai manzé deux zours et
z*ai ' it franc- dans la ville d>i Tuj
■'■ tout entière partit d'un iim
et :,I. de Crac s'écria : « Cad:
tous me montrez un restaurant
il, je vous donne un merle blanc. —
Mou iiquement le Pro-
vençal, montrez-inoi une fois votre casse au
'. 1 1 troun de Pair ! ze vous le zure, ze
vous retrouverai l'auberze à la balance! o
■ (Magasin de l'Enfance ckrétia
36 —
X. — Hnximes et a»ri>vea*I»/'s.
Ne l'émettez pas au lendemain la bonne
action que vous pouvez faire aujourd'hui.
Quand tu es seul, songe à tes défauts ;
quand tu es en compagnie, oublie ceux des
autres.
Pardonne tout aux autres et rien à toi.
La poule sauvage ne se désaltère jamais
par une goutte d'eau qu'elle n'élève ses re-
gards vers le ciel.
Le mot de la dernière énigme est : Une fosse.
ENIGME.
Sans eau, je bois de l'eau,
Triste effet du destin!
Mais beaucoup d'eau
Me fait boire du vin.
DE L'IMPRIMERIE DE BEAU", A SAINT-GERUAIN-ENLAYE.
RÉCOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES.
DEUXIÈME ANNÉE
" ". IV3T u»i:=-.ïi: ,
S\I>T JEAN L EVAPtGKbISTE.
RÉCOMPENSES
HEBDOMADAIRES ET MENSUELLES ,
ou
LECTURES
MORALES, INSTRUCTIVES ET AMUSANTES,
DESTIRÉES
AUX ECOLES CHRÉTIENNES.
DEUXIÈME ANNÉE.
A TXRSAÏIXES ,
CHE? L'ÉDITEUR, BEAU J", mPRHRCK,
Rae Satory, 28.
PROPRIÉTÉ.
SOMMAIRE
I. Religion iï Morale. — l'n régiment île cuirasài rs
en pèlerinage.
II. Education. — Amour filial. — Amour fraternel.
III. Histoire. — Recbcrches sur les rois de France
qui se sont distingués par leur piété. — Extrait
d'un rapport adressé à M. le ministre de la ma-
rine.
IV. Personnages célèbres. — Le général Cambronne.
V. Morceaux littéraires. — Un Enfant à son ange
gardien.
VI. Histoire naturelle. — De la Carpe.
VII. Hygiène. — Dangers, des fourneaux.
VIII. Industrie.— Moyen de détruire le; limaces.
IX. Variétés. — Un Chiffonnier.
X. Proverbes et Maximes.
Locogr phe.
-fiîSE-O
2îi*ÏJgi;iJï et SI«s-iî3<*.
IX HLGIMtXT EE CUIRASSIERS EX PELERINAGE.
Un spectacle tout à fait inattendu et bien
consolant pour la foi a été donné le 27 décem-
bre 1853, dans l'église de Notre-Dame-de-
Foùrvières, par un des régiments de cuiras-
siers en garnison à Lyon.
La promenade du régiment s'était dirigée
vers le sommet de la sainte colline. Arrivé»
dans le voisinage du cloître de Fourvières, les
cavaliers mettent pied à terre, et tandis qu'un
petit nombre d'entre eux veillent à la garde
des chevaux, sur la place, tous les autres, le
colonel en tète, se dirigent vers la porte du
sanctuaire.
Le colonel demande à parler à M. le recteur
afin d'obtenir que toute sa troupe puisse
rendre ses 'hommages à Notre-Dame. M. le
recteur s'empresse avec joie d'accueillir cette
demande , et propose au colonel de ter-
miner la visite par la bénédiction du Saint-
— 6 -
Sacrement, ce qui est accepté avec reconnais-
sance.
Les soldats entrent donc, et saluent l'image
de la Vierge ; la musique exécute en son hon-
neur de brillantes fanfares Le Tantum ergo
est ensuite chanté, et tous reçoivent la béné-
diction, le genou en terre. Le drapeau était
venu se placer vers la table de la communion
avec son escorte ordinaire, et le sanctuaire
et le chœur étaient occupés par le colonel, le
lieutenant-colonel, les chefs d'escadrons et le
reste de l'état-major du régiment. Les chants
finis, le R. P. Maurel, accouru à la cérémonie,
et qui n'a pas même eu le temps de prendre
un surplis, adresse du sanctuaire quelques
paroles aux soldats, qui l'écoulent avec la
plus grande attention. Se livrant à l'inspira-
ion du moment , le Père a rappelé quelques
souvenirs qui devaient aller spécialement au
cœur de son auditoire.
« Depuis le triomphe que Jean Sobieski
remporta sous les murs de Vienne sur les
infidèles, a-t-il dit, il fit toujours porter avec
lui une image de Notre-Dame-de-Lorette, sur-
montée de cette inscription : Par cette image
de Marie, Jean sera vainqueur. — Le maré-
chal Suchet, chargé du commandement de
— 7 —
Lyon, en 1815, monta un jour à Fourrières,
<■(, après avoir du haut du clocher observé sa
ville natale, il entra dans la sacristie, et,
.^adressant au prêtre qui remplaçait le rec-
teur ? Monsieur l'abbé, lui dit-il, veuille: faire
célébrer quelques messes à mon intention.
Quand j'étais enfant, ma mère m'amenait
souvent ici aux pieds de Notre-Dame ; je ne
perdrai jamais ce souvenir. Le maréchal alla
ensuite s'agenouiller en présence de Marie,
où il pria de tout son cœur. On attribue,
Messieurs, la mort édifiante de cet illustre
guerrier à son amour pour la Sainte Vierge.
» A l'exemple de ces hommes illustres,
aimons la Sainte Vierge , Messieurs ; est-il si
pénible de l'aimer ? Vous avez sur la terre
une mère que vous aimez tendrement; Marie
est votre Mère du ciel ! Aimez Marie : telle
est la volonté de Dieu, qui a établi la Sainte
Vierge comme le canal des grâces qu'il envoie
à la terre ; aimez Marie, telles sont les inten-
tions de l'Eglise, qui fait tout pour inspirer
cette dévotion au cœur de ses enfants. »
Cette improvisation pleine de chaleur a fait
couler plus d'une larme.
Après un nouveau morceau de musique*
nos cuirassiers ont quitté le sanctuaire.
II. — ^«ïaïfîjîâoïB.
AMOUR FILIAL.
C'est principalement dans la vieillesse, et
lorsqu'ils sont faibles et infirmes que les pa-
rents oht.besoin du secours de leurs enfants :
c'est alors que ceux-ci doivent redoubler de
zèle et d'affection.
Une pauvre veuve, souffrante et infirme,
était privée depuis bien longtemps du plaisir
si pur de prendre part au culte public, qui
était un besoin pour son âme pieuse.
Souvent, lorsque le dimanche arrivait, elle
disait à ses deux fils : « Combien je serais
heureuse, s'il m'était possible d'assister au-
jourd'hui à l'église : mais je suis faible et
infirme, et la distance est trop grande d'ici au
village, pour que je puisse y aller à pied. »
En disant ces mots, la bonne mère était
triste ; car elle sentait le prix des réunions
religieuses, et elle éprouvait un pressant be-
soin de s'y rendre.
Ses deux fils, qu'elle avait élevés dans la
crainte de Dieu, et qui cherchaient par tous
— 9 —
les m in eus p< issibles à lui prouver leur amour
filial, se concertèrent ''usemblepour satisfaire
son pieux désir.
Ils ajustèrent deux pièces de buis à an fau-
teuil, en firent ainsi une espèce de chaise à
porteur, y placèrent leur mère, et la trans-
portèrent eux-mêmes à l'église, qui était
éloignée de près d'une lieue; car ils habi-
taient une ferme écartée, située sur le p n-
chant de la montagne.
Tous les 'assistants furent touchés de la
piété de la mère et du dévouement de ses
enfants. On sema des fleurs sur leur route, et
ces fleurs devinrent l'image des bénédictions
que Dieu répandit lui-môme sur cette inté-
ressante famille.
La piété sincère est la première des ver-
tus-et la source du vrai bonheur; c'est par
elle que les parents forment leurs enfants à
la véritable sagesse, et que les enfants s?
montrent reconnaissants envers leurs pa-
rents.
AMOUK FRATERNEL.
L/heureus alliance, l'accord si naturel de
sentiments et de volontés qui doivent régner
52.
— 10 —
entre des frères, avaient pour symbole chez
les anciens deux pièces de bois parallèles que
liaient ensemble deux traverses également
distantes. A cet emblème qui exprimait aux
yeux une idée touchante, les Grecs ajoutaient
cette maxime : « Il n'en doit pas être de deux
frères comme des deux bassins d'une balance,
dont l'un ne peut s'élever qu'à mesure que
l'autre s'abaisse. »
Le fils d'un riche négociant, nommé Dorval,
s'était livré dans sa jeunesse à tous les excès; il
irrita tellement son père en méprisant tous ses
avis, que le vieillard, près de finir sa carrière,
fit un acte par lequel il déshéritait son jeune
fils, puis mourut peu après. Dorval, instruit
de la mort de son père, fait de sérieuses ré-
flexions, rentre en lui-même et pleure ses éga-
rements passés. 11 apprend bientôt qu'il est
déshérité : cette nouvelle n'arrache de sa
bouche aucune plainte, aucun murmure in-
jurieux à la mémoire de son père ; il la res-
pecte jusque dans l'acte le plus désavantageux
à ses intérêts ; il dit seulement ces mots : Je
l'ai mérilé. Cette modération parvint aux
oreilles de Genneval, son frère, qui, charm
de voir le changement de mœurs de Dorval et
— 11 —
son admirable résignation, >a Le trouver,
l'embrasse, et lui adresse ces paroles à jamais
mémorables : a Mon frère, par un testament,
notre père m'a institué son légataire univer-
sel; mais il n'a voulu exclure que l'homme
que vous étiez alors en vous déshéritant, et
non celui que vous êtes aujourd'hui; je vous
rends la part qui vous est due. »
III. — Histoire.
RECHERCHES SUR LES ROIS DE FRANCE QUI SE
SONT DISTINGUÉS PAR LEUR PIÉTÉ.
La France ne compte pas seulement des
monarques fameux par leurs conquêtes ou
leurs lois, comme Philippe-Auguste, Henri IV,
Louis XIV et Napoléon Ier ; elle est encore
fière de ses saints, comme Charlemagne et
Louis IX. Voici une courte notice sur ceux
qui ont été honorés d'un eidrfce public par
l'Église.
1. Clovis. Tous les historiens regardent
Clovis comme le fondateur véritable de la
monarchie française, quoique plusieurs au-
res rois aient gouverné la nation avant lui.
— 12 —
Mais ce qu'on ne saurait lui contester, c'est
'l'avoir été notre premier roi chrétien. Con-
verti^ à la célèbre bataille de Tolbiac, il fut
baptisé solennellement à Reims, par saint
Rémi, le 25 décembre 196. Le sacrement de
la régénération ne lui ôia pas, sans doute, son
ambition et ses autres défauts; mais Clovis
resta toujours fidèle à la religion, protégea
l'Église, fonda et enrichit beaucoup d'éta-
blissements pieux. Il fut enterré, en 511,
dans l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul,
dite depuis Sainte-Geneviève; les religieux de
cette abbaye faisaient autrefois sa fête du rite
double le 26 novembre. De savants auteurs,
tels que Savaron et Baronius, ont écrit en
faveur de sa sainteté ; cependant l'Église n'a
jamais mis le nom de Clovis dans son marty-
rologe.
2. S. Sigisaiond, roi de Bourgogne. Quoique
ce prince fût fils deGondebaud, qui avait em-
brassé l'arianisme, il eut le bonheur d'être
élevé catholiquement par saint Avit, évêque
devienne. Il succéda à son père en 517, et
fonda l'abbaye d'Agaune ou de Saint-Maurice
en Valais. En 521, il eut à soutenir une guerre
malheureuse contre les fils de Clovis. L'un
d'eux, Clodomir, l'ayant fait prisonnier avec
— 13 —
sa femme et ses enfants, eut la cruauté de les
jeter dans un puits, à S. -Péravy-la- Colombe,
à v2o kilomètres d'Orléans. Saint Sigismond
est honoré comme martyr le 1er mai.
3. S. GoNffiANj roi d'Orléans. Fils de Clo-
taire I'1 et petit-iils de Clovis et de sainte
Glotilde, Contran hérita du royaume. d'Or-
léans et de Bourgogne en 561. On eut d'abord
de graves reproches à lui faire; il effraya
quelque temps par ses cruautés et ses désor-
dres, mais il les expia par une sincère péni-
I- nce, et ses sujets ne l'appelèrent bientôt que
notre bon roi Gontran. 11 mourut en 593 et fut
inhumé dans l'abbaye de Saint-Marcel, près
de Ghâlon- sur-Saône, qu'il avait fondée. Son
nom se trouve dans, iè martyrologe romain,
a* 28 mars.
i. S. Sigebert, roi d'Austrasie. Il était iiis
(1 Dagobert Ier et fut baptisé splennelieinent
à Orléans, par saint Armand, évêque de Maes-r
trieht. Son éducation fut confiée au B. Pétmi
de Landen, maire du palais, qui l'éleva da is
les principes de la piété, et qui lui servit de
père quand ce jeune enfant eut été nommé roi
d'Austrasie en 633. Parvenu à l'âg ■ de régner,
Sigebert se fit chérir de ses sujets. 11 fonda
52..
— 14 —
jusqu'à douze monastères, entre autres Saint-
Martin, près de Metz, où il fut enterré en 636 ;
il n'avait que vingt-cinq ans. La plupart des
diocèses où il régna l'honorent le 1er février.
5. S. Dagobert III, roi d'Austrasie. Da-
gobert II ou III était fils de saint Sigebert et
lui succéda dans un âge fort tendre, en 656.
Il ne fut que quelques mois sur le trône, car
l'ambitieux Grimoald, maire du palais, le fit
secrètement conduire en Irlande, et lui sub-
stitua son propre fils, Childebert. Cette usur-
pation amena des révoltes, et l'Austrasie s'é-
tait donnée à Clotaire III, lorsqu'on apprit que
Dagobert vivait. Il revint et fut reconnu roi
à Metz ; son règne ramena la paix; la religion
fleurit; les peuples furent heureux. Mais les
intrigues d'Ébroïn ne tardèrent pas à mettre
fin à ces beaux commencements. Il excita
Thierry II, roi de Neustrie, à la guerre contre
Dagobert , et durant la campagne il surprit
ce dernier prince dans la forêt de Vaivre, à
6 kilomètres de Stenay (Meuse), et l'y fit
massacrer, en 678. S. Dagobert est honoré
comme martyr le 23 décembre.
6. Le B. Charlemagne. Monté sur le trône
en 768, et sacré empereur d'Occident en 800,
Charlemagne a été l'un des plus illustres mo»
— 15 —
narques du moyen âge. A la gloire de con-
quérant, il a joint celle de législateur et de
restaurateur des lettres. Mais le titre qui le
recommande aux yeux de l'Église, c'est qu'il
a été le protecteur du Saint-Siège, et le zélé
défenseur de la Religion. Non-seulement il fît
observer aux autres la morale évangélique,
mais il gardait lui-même scrupuleusement
toutes les fêtes et tous les jeûnes, si nombreux
et si austères alors. Il mourut et fut enterré à
Aix-la-Chapelle en 31 i. L'Église le mit au
rang des saints en 1165, et l'honore le 28 jan-
vier. En 1661, l'Université de Paris le choisit
pour son patron.
7. Robert le Pieux. Ce prince régna de
996 à 1031 ; sa vie est trop connue pour que
aous ayons besoin da la raconter ici; nous
nous bornerons à rappeler son zèle pour la
Religion, sa piété franche et sincère, la
patience avec laquelle il supporta l'humeur
acariâtre de la reine Constance, et surtout
son inépuisable charité envers les pauvres. Il
mourut à Melun, et y fut longtemps honoré
le 20 juillet, mais seulement sous le titre de
vénérable.
8. S. Louis. L'histoire de ce glorieux mo-
narque est encore plus connue que celle de
— 16 —
Robert le Pieu? : il nous suffira donc de le
nommer à la fin de cette liste des bienheureux
rois de France. On sait qu il mourut sous les
murs de Tunis, en S 270, dans les sentiments
les plus héroïques de l'humilité et de la piété.
Le pape r.oniface VIIÏ l'inscrivit au catalogue
des saints, vingt-sept ans seulement après sa
mort. Ce furent les Dominicains d'Évreux qui,
les premiers, lui dédièrent une église, en 129K.
Extrait 'l'on rapport adressé à M. le Ministre
de la marine.
Frcgale à vapeur, le Monlêzuma ;
Gibraltar, le 7 jaimer 1834.
« J'ai quitté la haie de Gibraltar le lrr jan-
\ier. A peine en dehors du détroit, j'ai été
pris par des vents d'ouest qui m'ont bien con-
trarié. Le §, la mer était très-grosse, le vent
grand frais, de l'ouest; la frégate fatiguait
beaucoup sans avancer. Dans la nuit du 2 au
3, la brise, très fraîche, devient un violent
coup de vent du sud-ouest, la mer énorme. La
frégate ne peut plus tenir en roule. Il est in-
utile de lutter contre les éléments si violem-
ment contraires;] il est donc plus sage de
retourner à Gibraltar , d'y compléter notre
charbon et d'attendre la lin de ce coup de vent.
— 17 —
» Les journées du 3 et du 4 sonl horrible-
ment mauvaises; Le coup de vent est dans
toute s;i violence: très-grosse mer; la pinte
continuelle. Notre position est trop incertaine
pour faire route sur le détroit : je me délie,
au contraire, des courants portant vers Test,
et je fais tous mes efforts pour ni' élever dans
l'ouest.
» Lu nuit du 3 au 4 a été particulièrement
tourmentée ; le pauvre Montézuma tangue et
roule d'une manière affreuse, avec des se-
cousses dures, des craquements de cloisons et
des coups de mer faits pour effrayer ceux qui
n'ont pas l'habitude du métier. Le fait est que,
môme à bord des vaisseaux, jamais je n'ai
assisté à mouvements aussi désordonnés.
» Cette journée du 3 a été bien douloureuse
pour nous tous; le temps était affreux; les
coups de' mer se précipitaient sur la frégate.
Ln paquet de mer envahit le jardin des tam-
bours de l'avant, et enlève un brave quartier-
maître de manœuvre nommé Coïën.
» Aussitôt le cri lamentable à'un homme à
la mer! retentit sur le pont ; tout le monde
est sur pied. On jette la bouée de sauvetage;
autorise plutôt que je n'ordonne la mise à
52...
— 18 —
l'eau d'une yole, frôle embarcation qui devait
faire merveille, mais me donner bien de l'in-
quiétude.
» Un jeune enseigne de vaisseau, M. Desprez
(Marie-Martin-Eugène) , donnant Pexemple
avec un dévouement au-dessus de tout éloge,
se précipite dans la yole; il est suivi de six
généreux matelots, et tous, dans cette délicate
embarcation, se lancent en pleine mer à la
recherche du malheureux quartier-maître.
J'éprouvais un horrible serrement de cœur en
voyant s'éloigner ces sept hommes courageux
que je craignais de voir devenir victimes de
leur générosité. La mer se déroulait en grosses
et longues lames; le vent, dans sa violence,
faisait crier le bois, et les cordages rendaient
des sifflements aigus ; le ciel était assombri
par d'épais nuages ; officiers et matelots étaient
haletants sur la dunette, suivant avec anxiété
ces sept hommes qui luttaient avec courage
et sang-froid contre cette mer et ce vent en
courroux. C'était une scène bien émouvante,
et chacun avait plus de crainte que d'espoir
pour ces braves compagnons.
» Enfin, l'homme tombé à la mer est rejoint
par les yoliers et placé dans l'embarcation.
Nous vîmes cela, et nous nous écriâmes :
— m —
« L'homme est sauvé, vive l'empereur ! » Hé-
las ! notre joie ne fut pas de longue durée : on
ne ramenait à bord qu'un cadavre; l'infortuné
Colen avait été asphyxié par l'immersion. La
yole revint donc avec son trophée qu'on croyait
vivant. Ce fut une opération bien délicate et
bien difficile que celle de ramener à bord ces
braves gens qui venaient d'exposer si géné-
reusement leur vie. Accoster la frégate était
impossible, vu l'état de la mer; la yole eût été
écrasée au moindre contact. Je fis le sacrifice
de la yole. On lui jeta une amarre tenant à la
frégate ; puis de la dunette, on lança des cordes
maniables. Chacun successivement s'amarra
cette corde autour du corps, se jeta à la mer,
et l'on hala ces braves à bord comme on fait
d'un poisson au bout d'une ligne. M. Desprez
monta le dernier.
» J'embrassai avec effusion cet excellent
jeune homme.
» Une fois tous les hommes à bord, je fus
assez heureux pour sauver la yole, que l'on
parvint à remettre à poste. J'ai fait conserver
et veiller le corps du quartier- maitr;' Colen, et
l'ai fait enterrer à Gibraltar. Il a été accom-
pagné à sa dernière demeure par ses cama-
rades et un ecclésiastique. {Moniteur.)
— 20 —
1^. — l9er&<m!34)s<>& coïél&rc.*?.
LE GENERAI CAMBR0NNE.
Le célèbre Camhronne, un des plus braves
généraux de l'Empire, commença sa carrière
mlitaife par les grades les plus humbles.
Il était caporal en 170o , et en garnison à
Nantes. Malgré sa jeunesse (il était âgé à peine
dé vingt ans), il avait déjà contracté la déplo-
rable habitude, qui perd tant de nos soldats,
l'habitude de boire et même de s'enivrer
souvent. Et comme le gaillard avait du sang
dans les veines, il ne faisait pas bon de le
contrarier , quand les vapeurs du vin exci-
taient son ardeur déjà trop grande.
Un jour étant ivre, il s'oublia jusqu'à frap-
per un officier qui lui donnait un ordre. Il
passa devant le conseil de guerre et fut con-
damné à mort, comme il est de règle en pareil
cas. Il était puni par où il avait péché.
Le colonel de son régiment avait su cepen-
dant apprécier l'énergie, la bravoure et l'in-
telligence du jeune condamné. Il va trouver
un représentant du peuple, commissaire du
gouvernement, alors à Nantes, et lui demande
la grâce de Cambronnc. « Impossible, répond
le commissaire...» Néanmoins le colonel in^-
sistëj, et l'ail si bien qu'il obtient la grâce du
soldat, mais à une condition expresse, c'est
que celui-ci ne s'enivrera jamais plus de sa vie.
Le colonel se rend à la prison militaire. Il
l'ait venir Cambronne. « Tu as commis une
grande faute, caporal, lui dit-il. — C'est vrai,
mon colonel ; aussi vous voyez où je suis. Je
vais la payer de ma vie. — Peut-être, dit le
colonel. — Comment peut-être? Vous savez
la rigueur de la loi militaire. Je n'ai point de
grâce à attendre ; et je n'ai plus qu'à mourir.
— Non, mon ami, tu ne dois pas mourir. Je
t'apporte cette grâce dont tu désespères ; je l'ai
arrachée à grand' peine au commissaire du
gouvernement. 11 te remet ta peine et te
rend même ton grade, mais à une condition.
— Une condition ! Parlez, mon colonel, par-
lez ! je ferai tout pour sauver ma tête et sur-
tout mon honneur ! — C'est à condition que
lu ne te griseras jamais à l'avenir. — Oh !
mon colonel, ça c'est impossible! — Comment,
impossible ! pour échapper à la mort ! Tu vas
être fusillé demain ; penses-y donc ! — Voyez-
vous, mon colonel, il faudrait, pour que je
ne m'enivrasse plus, que je ne busse jamais
— 22 —
plus de vin ; car Cambrcnne et la bouteille,
ça s'aime tant, qu'une fois que c'est commen-
cé, il faut que cela finisse. Impossible de s'ar-
rêter ! Je ne peux donc pas promettre de ne
plus me griser. — Mais, malheureux, ne
peux-tu pas promettre de ne plus boire de
vin ? — Plus du tout ? — Sans doute. — Hum !
c'est une grande affaire que vous me proposez
là, mon colonel. Ne plus boire de vin.... ne
plus jamais, jamais boire! Et il baissa la
tête. Mais, mon collnel, si je vous promettais
de ne plus boire de vin de ma vie, qui est-ce
qui vous garantirait cette promesse? — Ta
parole d'honneur. Et comme le condamné bais-
sait encore la tête sans rien dire : — Eh bien!
Cambronne , que choisis-tu ? — Vous êtes
trop bon pour moi, mon colonel, dit-il d*un ton
grave et pénétré. Merci de votre confiance : je
jure que jamais de ma vie une goutte de vin
ne touchera mes lèvres... Etes-vous content,
mon colonel? — Oui, mon ami, lui dit celui-
ci ému et heureux de ce qu'il venait d'enten-
dre. Oui, je suis content de toi. Demain tu
seras libre. Sois un brave soldat et emploie
au service de la patrie la vie qu'elle te rend
aujourd'hui. »
— 23 —
Le lendemain le caporal Cambronne rentra
au corps et reprit son service.
Vingt ans après le caporal Cambronne était
devenu le général Cambromie ; il avait com-
mandé la vieille garde impériale à Waterloo,
et avait déployé un merveilleux courage dans
cette retraite héroïque que chacun connaît.
Rentré dans ses foyers, après la chute de
l'Empire, il vivait paisiblement à Paris, aimé
et honoré de tous. Son ancien colonel, brisé
par l'âge et plus encore par les fatigues du
service, s'était, lui aussi, retiré dans sa fa-
mille. Il sut que le général Cambronne était à
Paris, et il voulut un jour l'invitera dîner. Il
convoqua plusieurs vieux frères d'armes, et
leur prépara le meilleur repas qu'il pût ima-
giner. La place d'honneur fut pour Cam-
bronne à droite du maître de la maison.
Etant à table, celui-ci offre à son hôte un
verre de vieux vin, d'un prix très-élevé et
conservé précieusement pour les grandes oc-
casions. Cambronne regarde le colonel, et, avec
surprise et vivacité : « Que me présentez- vous
là? lui dit-il. — Mais du vin du Rhin, mon
général; et du fameux encore ; il a plus de
cent ans ; vous n'en trouverez guère de sem-
blable à Paris.»— Et comme Cambronne sem-
— 31 —
Liait s'irriter de ces paroles :« Mais, mon
général, je vous assure qu'il est excellent.
(joutez plutôt, et vous... — «< Et ma parole
d'honneur, mon eolonel, ma parole d'hon-
neur! s'écria Gambronne en frappant sur la
table. Et Nantes ! et la piisonî et la grâce ! et
mon serment ! Ayez-vous donc oublié tout
cela, mon excellent ami'.' Pour qui prenez-
vous Gauibronne ? Depuis ce jour, pas une
goutte de vin n'a touché mes lèvres. Je vous
l'avais juré, et j'ai tenu ma parole. »
Le colonel admirant cette énergique fidélité,
se garda bien d'insister, et s'applaudit une fois
de plus d'avoir conservé un tel homme à la
France.
l'abbé I. Mullûis.
Cette histoire, mes enfants, vous fait voir
qu'on se corrige de ses fautes, si on le veut, il
ne s'a it que d'avoir du caractère. Le mot im-
possible n'est pas français, encore moins est-il
chrétien.
— 25 —
V. — lIorceHiix lit tcraircs.
UN ENFANT A SON ANGE &ARDIEN.
Air : Ave Maria.
Ange du bon Dieu,
Tendre ami de l'enfance,
Fois ma défense ,
Ange du bon Dieu.
C'est ton aile blanche,
C'est ton front si beau,
Qui sur moi se penche,
Au bord du berceau.
Ange du bon pieu, etc.
C'est ta main, je pense,
Qui, le soir, encor
Doucement balance
L'enfant qui s'endort.
Ange du bon Dieu, etc.
Sois près de ma couche,
Quand, la nuit, j'ai peur ;
Qu'un mot de ta bouche
Rassure mon cœur.
Ange, etc.
Je vois dans mon rêve
Ton beau voile bleu :
Il me prend, m'enlève
Tout près du bon Dieu.
Ange, etc.
Ton doigt me réveille,
Dès i^ue le jour luit :
— 26 —
Ta voix me conseille,
Ta main me conduit.
Ange, etc.
Quand ma bonne mère
Unit mes deux mtiins,
Dis-moi la prière
Que faisaient les saints.
Ange, etc.
Arrache l'épine
Le long du chemin ;
Près de la ravine,
Donne-moi la main.
Ange, etc.
. Reçois ma prière
Et, d'un soin pieux,
Porte-la, bon frère,
Aux frères des cieux.
Ange, eto»
Porte mon offrande
A Jésus-Enfant:
Mon cœur qu'il demande,
Mon cœur qu'il attend.
Ange, etc.
Quand tu vois Marie,
0 mon beau gardien,
Dis-lui, je t'en prie,
Que je l'aime bien.
Ange, etc.
Et, chaque semaine,
Le jour du bon Dieu,
Que ta main me mène
Prier au saint lieu.
Ang'1, etc.
Offre ma louange
A mes saints patrons,
— 27 —
Et dis-leur, bel ange,
Que j'ai leurs doux nom=.
Ange, etc.
Que nia dernière heure
Soit douce pour moi,
Et que nul ne pleure,
Non, pas même toi.
Ange, etc.
Mets-moi sous ton aile,
En ce jour heureux ;
Que ta main fidèle
Me conduise aux deux.
Ange, etc.
Isidore Gbnkb&u.
-o-«S>»§)«<2»-
VI. — Hi&toïrc naturelle.
DE LA CARPE.
La carpe se plaît dans les étangs, dans les
lacs, dans l^s rivières qui coulent doucement.
Elle abonde quelquefois dans une partie d'un
lac ou d'un fleuve, et se trouve rarement dans
une autre partie peu éloignée de la première...
Les couleurs de la carpe varient suivant les
eaux dans lesquelles elle séjourne. Celle des
grands lacs et des rivières est, par exemple,
plus jaune ou plus dorée que celle des étangs;
et Ton connaît sous le nom de carpe saumo-
- 28 —
née, relie dont la chair doit à dés circon-
stances locales une couleur d'un jaune rou-
geâtre.
Quand les carpes sont bien nourries, elles
croissent vite et parviennent à une grosseur
considérable. Celles des étangs sont ordinai-
r> ment fort maigres, et leur chair sent la
vase. Avant de faire cuire une carpe d'étang,
il suffira, si elle est encore vivante, de lui
faire avaler un demi-verre de vinaigre. Au
bout de quelques minutes, elle *se couvrira
d'une couche d'écume épaisse et gluante. On
la lavera, et sa chair n'aura aucun goût désa-
gréable. Je ne vous assure pas que ce moyen
plaise beaucoup aux carpes, victimes de notre
gourmandise, mais il est certain qu'en l'em-
ployant elles sont meilleures.
Dans plusieurs lacs de l'Allemagne septen-
trionale, on pêche des carpes qui pèse at plus
de 15 kilogr. On en a pris une dans le Bran-
debourg qui pesait 19 kilogr. Dans le Wolga,
on en a trouvé qui ont une longueur de
! in. §0. En 171 !, on en a péché une près de
Francfort-sur-1'Oder, qui avait plus de 3 mè-
tres de long, plus de 1 mètre de haut, et qui
pesait 35 kilogr. On assure qu'on en a pris
du poids de 35 kilogr. daus le lac de Jug, en
— -29 —
Suisse; el enfin il y en ;i dans le Dniester de
si grasses, que leurs arêtes peuvent servir à
l'aire des manches de couteau.
Les carpes deviennent très-vieilles. Buffon
parle de carpes de 150 ans, qui vivaient alors
dans les fossés de Pontchartrain. Dans les
étangs de la Lusace, on a vu des individus de
la même espèce âgés de plus de 200 ans.
Les carpes ont la vie très-dure : elle- résis-
tent aux contusions, aux bl< ssur. s, à un séjour
très-prolongé dans l'atmosphère. C'est en rai-
son de cette faculté qu'on peut les transporter
à de très-grandes distances sans les faire pé-
rir, pourvu qu'on les renferme dans de la
neige, et qu'on leur mette dans la bouche un
petit morceau de pain trempé dans de l'alcool
affaibli : c'est encore cette propriété qui fait
que pendant l'hiver, on peut les conserver en
vie dans des caves humides, et même les en-
graisser beaucoup , en les enveloppant de
mousse, en l'arrosant souvent, leur donnant
du pain, du lait, et les suspendant.
Tous les cyprins et surtout les carpes, re-
connaissent parfaitement les personnes qui
ont soin d'elles et leur donnent à manger :
elles distinguent leurs pas, -viennent au son
d'une clochette sur le bord de Veau et mani-
- 30 —
festent leur joie par des bonds, des pétille-
ments de la queue.
De Waify.
VII. — Hygiène.
DANGERS DES FOUKNEAUX.
11 ne faut jamais se renfermer dans une
chambre allumée... Je sais que certaines pro-
fessions exigent la présence d'un fourneau ea
combustion ; dans ce cas-là il faut placer le
fourneau dans une cheminée, ou tout au
moinsprès d'une fenêtre entr'ouverte. De l'air!
autrement le charbon consume, en brûlant,
tout l'air atmosphérique et vital de la
chambre ; on respire, à la place, des gaz délé-
tères, et si l'on vient à s'endormir dans cet
état de chose, on est perdu infailliblement.
On ne se réveille que pour les souffrances de
l'agonie, sans la force ni la présence d'esprit
nécessaires pour écarter le danger.
(Petites Lectures.)
— 31 —
VIII. — Industrie.
MOYEN DE DETRUIRE LES LIMA '.ES.
Dans une lettre qu'il adresse à M. le prési-
dent de la société d'agriculture du Puy-de-
Dônie, M. de Féligonde fait connaître un
moyen fort simple de détruire les limaces :
« J'ai pris, dit-il, de la chaux éteinte depuis
plus d'un mois, et j'en ai répandu sur mes
légumes, comme on répand le plâtre sur les
prairies, 5 kîlog. environ par are; à l'in-
stant même on a vu les limaces se tortiller et
crever.
» Des pluies très-abondantes ayant lavé mon
terrain, j'ai recommencé la même opération
et j'ai samé mes légumes, tandis que j'ai
complètement perdu un champ voisin de col-
lets verts que je n'avais pas chaulés.
» J'ai employé de préférence la chaux
éteinte depuis longtemps, pour ménager mes
ouvriers, dont les mains auraient été gercées
par l'emploi de la chaux vive.
— 32 —
» Les limaces qui ravageai nos jardins et
nos récoltes sont petites et d'une coulera
blanchâtre ; elles sortait surtout les matins et
les soirs, et se cachent clans la journée. 11 vaut
mieux leur faire la chasse le matin que le
soir, parce qu'il y a toujours les malins un
peu de rosée, qui fixe la chaux sur les feuilles
des plantes, et les protège contre ks limaces
que le chantage aurait épargnées.
» Le procédé que je viens d'indiquer est
trop simple pour n'avoir pas déjà été employé,
et je ne l'aurais pas livré à la publicité,
si je n'avais cru qu'il était du devoir des
membres d'une société d'agriculture de faire
connaître aux agriculteurs tous les moyens
de sauver leurs récoltes exposées à tant de
dangers. »
IX. — Varlëï^s.
UN CHIFFONNIER.
Un homme d "une haute stature est amené
sur 1 1 anc de la police correctionnelle. Quoi-
— 33 —
que vêtu de méchants haillons, il y a une cer-
taine distinction dans sa perséfine ; il porte
la tète droite; sa ligure est fière, son œil dur
et intelligent ; un sourire de dédain contracte
ses lèvres lorsqu'il promène ses, regards ï
l'auditoire; et il se drape dans ses giteiia -
avec toute la fierté d'un Castillan dans - ]
manteau.
Aux questions de M. le président, il n
qu'il se nommé H..., qu'il est chiffoni
et âgé île 57 ans.
M. le.yrésidènt : Vous êtes en état de vaga-
bondage; vous n'avez pas de domicile, v s
n'exercez pas- de profession. — Je. viens
vous dire que je suis chiffonnier, et je le
répète tout liant... je n'en rougis pas.
— Vous avez raison. Mais il parait que
n'exercez pas votre état ? — Je n'ai jamais
cessé de l'exercer. Ce n'est pas ma faute si
aujourd'hui il ne nourrit plus son homme.
— Cependant c'est un état qui va toujours
; qui vous permet d'avoir un asile ! — C'est
un état qui va toujours pour les gâife-métiêrs
et les massacres.. . Ceux-là, tout leur est ■ ;
ils n'ont pas le moindre amour-propre, pas
moindre dignité de leur professLn.., Moi, je
— U —
ne suis pas comme ça.... Je laisse aux autres
les épluchuresde légumes, les vieilles savates,
toutes les immondices dont ils se régalent... Je
suis plus difficile que ça... Jamais rien de tel
n'entrera dans ma hotte. Aussi il y a des jours
où je n'étrenne pas.
— Ainsi vous êtes sans ressources, vous
n'avez pas les moyens de vous procurer un
asile? — Impossible pour le moment... c'est
à peine si je fais pour le boulanger et le mar-
chand de vin.
— Dans ce cas-là, on boit de l'eau et on a
un gîte. — Chacun s'arrange comme il re-
tend.... Moi, je trouve qu'il vaut mieux rem-
plir son corps que de le loger... D'ailleurs, je
couche dans ma hotte... Le chiffonnier est
comme le limaçon, il porte sa maison sur son
dos.
— Vous devez avoir un domicile, la loi
l'exige. — J'en aurais un, si le gouvernement
avait fait son devoir envers moi.
— Qu'a de commun le gouvernement avec
le délit qui vous est reproché ? — Il y en a eu
de commun, entre nous... Je lui ai donné un
fameux coup d'épaule en février.... J'ai aussi
couché dans la rue ces jours -là, et on ne m'ap-
- — 35 —
pelait pas vagabond... On m'avait promis de
l'argent, des récompenses; mais quand je me
suis présenté, bernique ! plus rien duktout....
Ni vu ni connu.... On m'a dit qu'il fallait être
blessé... Ainsi, il faut mourir de faim quand
on n'a pas une patte de moins. .. Au surplus,
cen'estpasma faute, j'ai bien fait tout ce
qu'il fallait pour les perdre toutes deux.
— Quand on vous a arrêté, vous avez dit à
l'agent que vous le retrouveriez un jour, et
vous avez cri." : Vive la sociale. Au surplus,
vous n'êtes pas incriminé pour cela ; c'est une
simple observation que je vous fais... Cela
nfrait penser qu'au lieu de travailler vous
vous occupiez de politique.— Je n'ai pas crié
vive la sociale ! je n'aime pas assez la société
pourra... Et, d'ailleurs je ne sais pas seule-
ment ce que c'est.
— Avez -vous déjà été arrêté ? — Jamais !
Il y a quarante ans que je suis dans le crochet
toujours pur et intact.
Le tribunal condamne H.... à un mois
d'emprisonnement.
36
X. — E»E*©ver3se&; et Maxime.
Jouir tout seul est un plaisir barbare.
L'avare est comme un chien dans une roue..
qui tourne la brocha pour les autres.
ta bouche soit la prison de ta langue.
L?s babillards peuvent être compares ci -
vases qui, plus ils sont vides, plus ils réson-
nent.
Le mit de la dernière énigme est : Le "<
LOGO:-R5riŒ.
tro pie suis d'un fard .tien ;
n h rf, que le plaisir d'un chien.
de :." -;r :u:oi:n e te BEAU, a saikt-gersaik-en-làye.