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AT THE
UNIVERSITY OF
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T
RECHERCHES
SUR
LES OUIGINES DE L'EGYPTE
ANGERS, IMPRIMERIE ORIENTALE DE A. BURDIN
REGllEllClJES
SUK LES
OUIGINES DE L'EGYPTE
L'AGE DE LA PIEUliE ET LES MÉTAUX
PAU
J. DE MORGAN
DIRECTEUIl GÉNÉKAL UES ANTICJUITES DE L EGYPTE
m
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BON.VPAIÎÏE, 28
1896
PRÉFACE
La recherche des origines de l'hoinme en Ég-ypte est un
problème très complexe, faisant autant partie du domaine
de la géologie que de celui de l'archéologie. En efl'et, les
premiers témoins que nous possédons de l'industrie hu-
maine dans cette partie de l'Afrique remontent à une anti-
quité si reculée qu'ils doivent plutôt être considérés comme
des fossiles que comme des documents archéologiques.
Ce sont des silex, très grossièrement travaillés, qu'on ren-
contre roulés à la surface du sol, parmi les galets de l'épo-
que quaternaire ou pléistocène.
En Europe, en Amérique, en Asie, les dépôts analogues
sont fréquents; il suffira de citer ceux de Ghelles, près de
Paris, de Saint-Acheul et de Moulin-Quignon (Somme), de
Thuringe, d'Ecosse, de Trenton (Etats-Unis), etc., pour que
de suite l'esprit se reporte aux âges où les grands pachy-
dermes vivaient sous nos latitudes et pendant lesquels
l'homme, encore plongé dans la barbarie la plus profonde,
éclatait grossièrement le silex pour en faire ses armes et
ses outils.
Mais en Europe, où les études ont été plus approfondies
qu'en Egypte, où de nombreux savants se livrent sans
PREFACE
relâche à ces travaux, "nous ne connaissons plus seulement
aujourd'hui les instruments paléolithiques ramassés dans
le diluvium, nous possédons aussi de véritables gisements
en place, qui, tels que ceux de l'abri sous roche du Mous-
tier (Dordogne , ont fourni la plupart des documents dont
nous disposons sur les origines humaines.
En Egypte, les recherches ontété moins suivies et les ren-
seignements recueillis avec moins de méthode. Il est bien
rare que le savant s'aventure en dehors de la vallée du Nil,
aussi le désert reste-t-il presque tout entier à explorer. Ce
sont les falaises bordant le grand fleuve qui nous ont
décelé tout ce que nous connaissons de ce pays : ses temples,
ses villes antiques, sont situés dans la vallée; les nécro-
poles ne s'avancent jamais au delà de quelques kilomètres
au plus de la limite des cultures. On comprend aisément
que, dans ces conditions, les savants, retenus par la richesse
prodigieuse des documents voisins du Nil, découragés par
l'aridité du désert, par les espaces immenses qu'on doit
parcourir pour le visiter, se soient cantonnés dans les
champs d'exploration plus facile. Là, ils rencontrent des
textes, des inscriptions plus ou moins longues, plus ou
moins intéressantes, qui font les délices de leurs veillées
d'Europe, leur procurent des sujets de travaux linguisti-
ques, des motifs de discussion sur d'infimes détails histo-
riques d'un pays qu'ils ont traversé, mais que, malheureu-
sement, ils ne connaissent souvent que bien peu.
D'autre part, c'est toujours en bateau qu'on remonte le
(leuve, et ce mode de locomotion, tout en présentant de très
grands avantages au point de vue nuitériel, rend très diffi-
cile l'examen de la vallée elle-même : le visiteur s'arrête
généralement là où ses guides le conduisent, dans les loca-
lités où s'élèvent de grands monuments; mais il passe par-
PRIOFACR
tout ailleurs sans rien remarquer d'autre, sans faire ees
mille obse-'valiops do détail qui précèdent toujours les
grandes découvei-tes et sans l(\sqnclles il n'<'sL pas possible
de les faire.
C'est ainsi que nous voyons la bibliographie égyptienne
surchargée de mémoires spéciaux sur les monuments les
plus faciles à visiter, sur ceux où s'arrêtent seulement les
touristes, tandis que la plupart des localités antiques de
seconde importance au point de vue des ruines restent
inconnues et que, pour retrouver leur position, nous devons
encore, dans la plupart des cas, nous reporter aux cartes
dressées par la Commission qui accompagnait les soldats
de Bonaparte.
Avec de tels procédés d'investigation on ilevait forcé-
ment délaisser des points très importants dans l'histoire
de l'antiquité égyptienne et surtout négliger la connais-
sance physique de ce pays dont il faut, avant d'en parler,
posséder les moindres détails, apprécier les qualités et les
défauts naturels.
Aucune région ne ressemble moins que l'Egypte aux
autres pays du monde; aucune ne présente un caractère
personnel plus net, plus tranché; chaque village est un
monde spécial, chaque vallon un univers où la vie s'est
développée, où l'homme a ressenti des impressions locales
bien particulières, et même dans les temps modernes, quoi-
que tous les villages égyptiens présentent le môme aspect,
quoique le fellah semble partout être le même homme
d'Assouan au Caire et du Caire à Damiette, chaque localité
possède ses caractères propres, personnels. Pour qui sait
voir, pour qui observe les gens et les choses, les différences
sont considérables. Ecoutez un fellah de Silsileh, il ne
parlera pas comme un paysan de Qeneh, de Farchout ou
vni PRÉFACE
d'Akmim. Causez avec un pécheur du lac Menzaleh, il est
absolument étranger aux usages et aux goûts d'un haln-
tant de Tantali ou de Siout. Ces différences sont impercep-
tibles pour celui qui ne fait que traverser l'Egypte en
bateau, mais pour le véritable explorateur, pour celui qui
séjourne dans les villages, elles sautent aux yeux. 11 semble
que l'air qu'on respire dans les diverses provinces de
l'Egypte soit A'arié. Et cependant, c'est le même arabe que
parlent tous ces gens, c'est la même Ijrise du désert qui
frappe le visage.
Ces dissimilitudes, que nous constatons aujourd'hui dans
la vallée du Nil, sont aussi anciennes que l'Egypte elle-
même : elles ont existé de tout temps et furent d'autant
plus intenses que les communications de district à district
étaient jadis plus difficiles. Aujourd'hui que la vapeur à
chassé du bas Nil les crocodiles et les hippopotames, que
les journaux pénètrent partout, que d'Assouan au Caire on
ne compte plus que huit jours de voyage, un nivellement
général s'accomplit, le fellah perd peu à peu ses caractères
provinciaux, nous assistons aux dernières palpitations de la
vie locale en Egypte.
Ces différences sont dues aux conditions ph^'siques spé-
ciales à chaque village, aux vents régnants, à la forme et à la
nature des montagnes, à l'étendue des terres cultivables, à
la ([uantitédeseaux. Car en Egypte, l'eau est partout la môme :
c'est le Nil qui la donne; la terre ne varie pas de qualité, le
fleuve la distribue aux hommes avec une justice absolue;
le sable du désert ressemble autant à lui-même par toute
l'étendue des immensités qu'il remplit que la terre d'Egypte
au limon du Nil.
Dans nos pays d'Europe les différences sont bien plus
sensibles tant dans les conditions d'habitat que dans la
PREFACE IX
ii;iliiro(l(>s peuples. Elles nous saiileiil aux V('U\|)iirc(M|ir('lles
soiil violentes, laiidis (pTen l*]jn\ [)le, à pi'(Miiièr(^, vue, loul
semble copié sur un uièiiic nu)dèlc et ce n'est ([u'à l'exanu'ii
attentif que la variété se révèle.
Il serait de première importance d'étudier eu détail le pays
avaul d'entreprendre l'examen de l'histoire égTl)tienne. Cha-
que ville, chaque nome, avait autrefois sa divinité spéciale,
ses usag-es particuliers; sommes-nous bien certains que
dieux et coutumes n'ont pas été imposés par les conditions
locales?
A Ombos, deux dieux ennemis, Aroëris et Sébek, étaient
adorés dans le même temple; ne devons-nous pas chercher
dans ce fait un souvenir de l'hostilité qui, de tout temps, a
régné entre les habitants des deux rives du lleuve et se con-
tinue de nos jours encore?
Mais avant de rechercher ces détails qui ont eu tant d'in-
fluence sur la civilisation égyptienne, avant d'étudier, nome
par nome, les anciens usag-es et leurs causes naturelles, les
traces qui ont persisté jusqu'à nous, il est nécessaire de dis-
siper les ténèbres cjui cachent à nos yeux les premiers pas de
l'humanité dans la vallée du Nil, d'examiner comment vécut
l'homme à ses débuts, depovisser plus avant même dans les
âges et de prendre l'Egypte au moment oii son continent sor-
tit des mers, de suivre les évolutions de ce sol qui devait
être un jour l'I'^gypte et de savoir comment il s'est formé.
Les annales géologiques de l'Egypte sont écrites dans ses
montagnes; les stratifications nous montrent le domaine
futur des Pharaons encore situé sous les eaux, recevant
jusqu'à la fin de la période éocène des dépots marins, puis
sortant de la mer pour se couvrir de forets, de lacs et de
rivières, en même temps que la Palestine, la Syrie et une
grande partie de l'Afrique centrale.
PREFACE
Des tremblements de terre, des affaissements et des bou-
leversements viennent changer entièrement la face des con-
tinents d'alors : la mer se précipite jusqu'aux environs
d'Assouan, vient battre les montagnes de la chaîne Arabi-
que, la Palestine s'abaisse, la mer Rouge se crée, sur l'em-
placement d'une ancienne vallée.
Dès lors un nouveau régime des eaux s'établit : les glaciers
disparaissent du centre de l'Afrique, les lacs trouvent vers
le nord un épanchement et le Nil prend naissance. Son lit
indécis coule dans le désert, dans les plaines du Bahr-Bala-
Mâ, pendant la période des érosions seulement; puis le sys-
r
tème définitif s'établit et le fleuve sacré de l'Egypte prend
son cours d'aujourd'hui.
C'est au moment du creusement de cette vallée, ou peu
après, que l'homme nous apparaît pour la première fois,
l'homme paléolithique que nous ne connaissons que par de
e-rossiers silex taillés rencontrés dans les alluvions.
o
Après la période de creusement de la vallée vient celle
de remplissage par les limons, travail lent qui se continue
de nos jours encore.
L'homme se montre à nous de nouveau, par ses sépultures
et les ruines de ses villages, par les kjœkkenmœddings
qu'il a laissés tlans ses habitations de briques crues, dans
ses campements.
Mais alors il est plus civilisé : il taille le silex avec une
habileté que rien ne surpasse dans le néolithique d'Europe;
il fait des vases en pierre et en argile, les couvre de
peintures grossières, sculpte en forme d'animaux des pla-
ques de schiste, porte des colliers de coquilles et de pierres
du pays.
Puis survient un peuple étranger qui s'empare de l'Egypte,
apporte avec lui la connaissance des métaux, de l'écriture
i'Ki;i\\(:i': xi
hiéroglypliique, do la poinLure, de la scuIpUiru, des indus-
tries nouvelles, des arls qui n'ont rien de commun avec
ceux des peuples qu'il a envahis: c'est l'Ancien Empire pha-
raonique qui commence, peut-être même le règne des dy-
nasties dites divines. Les hommes aux outils de pierre sont
les autochtones, les autres sont les Égyptiens conquérants
et civilisateurs.
Peu à peu la vie pharaonique, ses coutumes, ses usages,
ses industries, ses arts pénètrent chez les peuples soumis,
l'arme de bronze remplace la hache et la lance de pierre.
Mais les Egyptiens eux-mêmes conservent peut-être pour
certains usages spéciaux le silex, et il n'est pas impossible
que, jusqu'au début de notre ère, la phase néolithique,
réduite aux pratiques religieuses, n'ait pas entièrement
cessé dans la vallée du Nil.
Rien de plus intéressant que de mettre en parallèle les
arts des autochtones et ceux des Egyptiens des premières
dynasties. Presque tous les caractères diffèrent. Il est im-
possible de leur reconnaître une origine commune et cepen-
dant quelques formes indigènes persistent jusqu'aux der-
niers temps de la puissance pharaonique.
Ces autochtones appartenaient à une race aujourd'hui
éteinte. Ils se sont fondus dans la masse des Egyptiens et
des Nubiens au milieu desquels ils vécurent : c'est de ces
mélanges qu'est né le fellah de l'antiquité.
Quant aux débuts des Égyptiens eux-mêmes, il est bien
difficile, en l'état actuel de nos connaissances, de les préciser .
Peut-être ce peuple est-il venu d'Asie. Dans ce cas il au-
rait, à l'origine, été apparenté aux Sémites de la Ghaldée.
Les preuves en faveur de cette opinion sont très nombreuses :
on les trouve dans la comparaison des grammaires sémi-
tique et égyptienne, dans les analogies entre les signes
PRÉFACE
hiéroglyphiques et cunéiformes, dans la communauté des
débuts artistiques, des mesures, enfin dans des textes qui
montrent que trois mille ans environ avant notre ère il exis-
tait des relations suivies entre les Chaldéens et l'Egypte.
A côté des origines ethniques des Égyptiens se pose le
problème des débuts de leurs connaissances métallurgiques,
question très vaste qui embrasse le monde entier et com-
prend les premiers pas de la civilisation humaine. J'ai dans
un autre ouvrage' traité ce point si important, et mes déduc-
tions m'ont amené à penser que c'est de la Chine centrale
que nous sont venus les premiers principes des arts métal-
lurgiques.
La découverte du bronze fut unique, tout s'accorde à le
prouver, et c'est peut-être de Chine que les Égyptiens reçu-
rentleurs enseignements. Cette supposition ouvre des hori-
zons nouveaux sur les premiers pas de nos civilisations et
sur leur prodigieuse antiquité.
C'est à Tétude de ces questions complexes que j'ai consa-
cré le présent volume. .Je n'ai pas la prétention d'avoir donné
à chacune sa juste solution, au moins ai-je accumulé les
documents, afin de présenter au lecteur toutes les données
des divers problèmes. J'ai tenu à dessiner moi-même la
plupart des objets, afin de pouvoir certifier l'authenticité des
reproductions. J'ai exploré la majeure partie des pays dont
je traite, j'ai visité le Bahr-Bala-Mà et la péninsule sinaiti-
que, afin de n'en parler qu'en connaissance de cause.
Dans la préparation de cette étude j'ai apporté le plus
grand soin à recueillir les moindres documents, notant tous
les détails, observant les plus petits indices: en un mot,
traitant les recherches archéologiques comme je l'eusse
I. J. dp Morgan, Recherches sur les origines des peuples du Caucase, 1889.
PRKFACE xiir
l'ail d'cliKles d'histoire naliirclle dans lesqiicllc^s les circons-
tances secondaires soiil, d'une si i^i'ande valeiic.
Cette niiniilie dans le relevé des doeiinuMils n'élail <^'uère
en honnenr en l']g-ypt(; avani mon arrivée, et sauf les re-
cherches de M. Flinders l'etrie, ([ui toujours ont été menées
méthodiquement, et celles de quelques rares archéologues,
les fouilles étaient g-énéralemeut faites sans contrôle scien-
tifique, et dans le seul but de se procurer des objets ou dos
textes.
Une semblable manière d'agir réduisait de beaucoup la
valeur des découvertes; aussi bien souvent la confusion des
objets a-t-elle causé de très graves erreurs : le Musée de
Guizeh ne renferme-t-il pas des milliers de monuments
dont l'intérêt scientifique est nul parce qu'on ne connaît pas
les conditions dans lesquels ils ont été rencontrés ?
En Egypte, plus que partout ailleui s, il est nécessaire de
relever avec une précision scrupuleuse les moindres indi-
ces : car les débris résultant de milliers d'années sont en-
tassés les uns par dessus les autres et souvent mélangés.
Ce n'est pas dans le cabinet, par la seule étude des textes,
qu'il est possible de faire dans tous ces objets la part de
chaque époque; c'est seulement sur le terrain, par des obser-
vations de détail relevées plus spécialement et quand on a
la bonne fortune de découvrir des gisements de date certaine.
L'Egypte, comme tous les autres pays du monde, a connu
le progrès; sa civilisation s'est modifiée, et juger de ce qu'é-
taient les habitants du Nil sous l'Ancien Empire, d'après les
monuments laissés par les Ramessides, serait commettre la
même erreur que d'apprécier l'état social de la France au
moment de la féodalité, d'après les mœurs, les usages et la
littérature de l'époque de Louis XIV.
Ces différences, déjà très sensibles dans les textes, sont
"'' PRÉFACE
bien plus importantes si l'on considère les objets. Aussi le
principal but d'une fouille doit-il ôtre la constitution de
séries homogènes comme provenance et comme date; c'est
par Ik seulement que nous pénétrerons dans la vie intime
des Eg-yptiens aux diverses époques.
Deux branches de mes découvertes sortaient du ressort
de mes connaissances : l'anthropologie et les inscriptions
hiéroglyphiques. J'ai prié deux spécialistes de vouloir bien
me communiquer leurs observations : M. le D'' D. Fouquet
s'est livré à l'examen des crânes et des squelettes préhisto-
riques; je donne in e.vtenso son savant mémoire en appen-
dice de mon travail; M. G. Jéquier a complété mon livre par
une série de notes ég-yptologiques du plus haut intérêt,
dans lesquelles souvent il traite de questions toutes nou-
velles. Qu'il me soit permis d'exprimer ici à ces Messieurs
ma vive gratitude'.
Ce livre sera, je le sais, discuté dans ses moindres dé-
tails; mais si mes explications sont parfois sujettes à des
rectifications, les observations que je publie doivent être
envisagées comme des documents positifs, car elles sont
l'expression sincère de la vérité. J'ai vu ce dont je parle, et,
parmi les objections qui ont jadis été posées contre l'opi-
nion de ceux qui admettent l'existence de l'homme préhis-
torique dans la vallée du Nil, j'en connais un grand nombre
qui ne reposent que sur des affirmations sans base sé-
rieuse.
J. DE Morgan.
I. Cl
auleur
.aque note de MM. Fouquet et Jéquier est accou.p.guée des iuitiales de leur
[{ECIIEKCUKS SUR LES ORIGINES DE L'ÉGYPTK
GHAPITRI^ PREMIER
Formation de l'Egypte. Creusement de la vallée
du Nil.
Il serait impossible de parler des origines géologiques de l'Egypte,
sans comprendre dans le même exposé toutes les régions qui, voi-
sines de ce pays, ont partagé ses vicissitudes et pris part aux phéno-
mènes qui lui donnèrent naissance. Les actions sédimentaires et
orogéniques, dont on retrouve à chaque pas les résultats dans la
vallée du Nil, ne furent pas, en effet, restreintes aux pays pharaoni-
ques : elles s'étendirent sur la majeure partie de l'Asie antérieure et
sur l'Afrique é([uatoriale ; de telle sorte que l'Egypte ne doit être
considérée que comme un district faisant partie de cet ensemble de
contrées qui connut les mêmes transformations. Il est donc néces-
saire, pour parvenir à des vues d'ensemble, d'examiner en même
temps la Judée, la Syrie, l'Arabie, l'Egypte, la Nubie et la région des
grands lacs '.
Les mers éocènes couvrirent la majeure partie du nord de l'Afrique;
elles s'étendirent aussi sur l'Asie antérieure, la Perse, le Turkestan
et les Indes. Les nummulites qu'on rencontre dans ces pays, celles
que renferment les roches des plus hauts sommets de l'Himalaya ne
laissent aucun doute à ce sujet. A ces époques, les eaux marines
couvraient la majeure partie des continents d'aujourd'hui, l'Egypte
n'était pas encore formée.
I. Cf. L. Lartet, Note sur la formation du hassiit de la nier Morte. {Bull, de la Soc,
^éol. de France, 2° série, t. XXII, p. 43i-434).
16
FORMATION DE L'EGYPTE
Ces océans de réorène ont laissé clans la vallée du Nil de nom-
breux témoins de leur existence'; on rencontre leurs dépôts soli-
difiés dans les environs mêmes du Caire, aux Pyramides de Gui/.eh,
Fig. I. — Carte des lambeaux éoccnes dans l'Asie antérieure.
au Mokattam. En Haute-Egypte, près de Béni-Hassan et sur une
quantité d'autres points, ils sont remplis de nummulites, de ces fora-
minifères si caractéristiques du tertiaire inférieur etqui permettraient
I. Coupe de l'éocène en Egypte :
(/l). Couches de Sinuli it Nummulites Fichleli, Orhitoïdes pnpyracea (Eq. Bartonien).
(3). Etage du Mokattam à Ninnm. Gizehpnsis, N. ciiirispira (Eq. Lutétien).
(2). Etage libyen supérieur, formé des couches à Cnllianassa de Sint et du calcaire
Alveolina ohlonga (Eq. éocène inférieur),
(i). Etage libyen inférieur (5oo mètres) à Niimm.Tiiarrilzensis, N. Tlnmondi, Oper-
cuUna Liliycu, Graphularia desertorum (Eq. éocène inférieur).
(o). Calcaire glauconieux à Vêlâtes Scluiiidelinna (Mokattam) (Eq. éocène inlVrieur)
[d'après M. Mayer Eymar].
(A. do Lapparent, Traité de Géologie, 1893, p. I258.)
CREUSEMENT DE I.A VALT.ÉE DU ML
17
presque aujourd'hui de li'iucr sur les <:u'les le littoral des mers où
ils vivaient.
^r Ce n'est que plus tard, avec Tapparilion de la faune miocène dans
les mers, que s'est constitué lecoutinenl (|ui lut l'origine de l'Egypte'.
Cette terre s'étendait alors depuis les conlins septentrionaux de la
Palestine jus(|u'au haut cours du /amhèse. Klle comprenait la Syrie,
J
T. Granitique. T. Jurassique. T. Crétacé. T. Eocène. T. Miocène. T. t'iiocéne. T. Quaternaire.
Fig. 2. — Carie géologique des pays égyptiens.
la Judée, l'Arabie, l'Egypte, la Nubie, le Soudan, une partie de
l'Abvssinie, la région des grands lacs et de grandes étendues dans
l'Afrique australe. La mer Rouge n'existait pas encore, la Palestine
présentait une altitude supérieure de 501) mètres environ à celle que
possède aujourd'hui la mer Morte'. Cet état de choses se prolongea
pendant toute la durée de la période miocène et une partie du plio-
cène.
Ce continent possédait ses montagnes, ses fleuves et ses lacs, de
1. TrisU-am, The Fituna and Flora of Ptilestlne {iSH';).
2. A. de Lapparent, Traité de Géologie, iSg'S, p. i54i.
18 FORMATION DE LKGYPTE
vastes forêts s'y développèrent et nous trouvons en Egypte leurs
restes pétrifiés par des geysers '; de nombreux mollusf|ues vécurent
également dans ses marais. Dans la faune de la Palestine et du Wadi-
Arabah on n'observe qu'une seule espèce appartenant aux rivières
méditerranéennes; tandis que deux espèces se retrouvent dans le
Nil, que dix-sept appartiennent au sud-ouest de l'Asie et que seize
espèces, bien que spéciales à ce bassin, présentent de grandes analo-
gies avec la faune de l'Afrique centrale". Cette faune malacologique
présente donc des caractères communs avec celle des contrées qui
aujourd'hui sont voisines de l'Egypte; elle tenait en même temps de
l'Afrique et de l'Asie : fait naturel, puisqu'à cette époque ces deux
grands continents étaient reliés entre eux.
Au nord, le littoral ne correspondait pas à la côte actuelle ; les
couches à Clypeasler que nous rencontrons dans la partie basse de la
vallée du Nil, près de Suez, aux lacs de Natron, à Guizeh, à l'oasis
d'Ammon(Sivvah), etc., montrent qu'àl'époque miocène toute la Basse-
Egypte et les déserts voisins étaient encore plongés sous les eaux
marines. Il existait donc en amont, entre le Caire et Assouan, un seuil
très élevé qui empêchait toute communication des eaux entre la mer
et le bassin lacustre de la Palestine et des grands lacs.
Ce soulèvement, qui appartient à l'âge tongrien, fut suivi, après
l'époque pliocène, d'un affaissement momentané delà majeure partie
de l'Egypte ; il se forma alors un golfe profond et les flots de la mer
s'avancèrent jusqu'à Assouan.
La mer saharienne, dont l'existence se poursuivit jusqu'aux débuts
de l'ère quaternaire', laissa de nombreuses traces de son passage dans
I. La pôlrificatioa do ces forcis semble due à des geysers qui se seraient fait jour
à l'époque saharienne (K. Fourtau, Et. géol. sur te Gebel-Altmar, dans Bull, de Vins-
litut égyptien, 3* série, fascicule n" 8, déc. i8g4). Cf. Mayer Eymar, Tongrien et
Ligiirie/i d'Egypte {Bull. Soc. géol. Fr,, 3« série, t. XX, 189a); Comptes rendus de
l'Institut égyptien, décembre i8c)3.
2. Ed. Hull, Mount .Seïr, Sinai and Western Palestine, London (iSgiS).
3. La chaîne d'Assouan séparant la Nubie de l'Egypte se prolonge en se retournant
vers le nord parallèlement au golfe Arabique, forme l'épine dorsale de l'Egypte et
donne naissance aux massifs du Sinaï et de l'Arabie Pétrée, de manière à fournir les
traits principaux du relief actuel de ces contrées. Ces roches, qui ont fait éruption à
des époques dilTéreutes, se pénétrant les unes dans les autres, appartiennent au por-
phyre feldspathique, au granit, à la syéuite, au gneiss, aux micaschistes, aux diorites
porphyro'ides et grauito'ides, aux roches amphiboliques, talcschisteuses et serpenti-
neuses, et même aux volcaniques comme le trachyte et le basalte (P. Cazalis de Fon-
douce, liech. sur la géol. de VEgjpte, 1868, p. 17). Le Haut-Soudan est formé de
roches ignées, granit et gneiss qui ont soulevé des micaschistes, des grauwackes, des
grès quarizeux, des argiles bigarrées, des marues compactes et des agrégats de gros
rHi:i:si:MKNT nr, r,A vat.lkf nu ml io
le pays ontro Io Fayoum et la mer dans le désert Libyqiic, ainsi ([n'aii
pied (Ida chaîne Aral)i(|iie,pays où Ton rencontre des dépôts sahariens
renfermant des molliis(|iies dont plusieurs espèces vivent encore de
nos jours dans la Méditerranée et la mer Rouge'.
Entre Assouan ol Ombos, sur la rive droite du Nil, on voit encore
de véritables falaises jadis battues |)ar les vagues. Leur pied est en-
combré de blocs usés par les tempêtes. Ces rochers portent des colo-
nies nombreuses de mollusques, parmi lesquels VOslrea ciinillala
est fort abondante. Dans les sables et les graviers qui jadis formaient
la plage, on voit en quantité les débris des Cardium, Conus, Volula,
Nalica, etc., dont la présence accuse l'ancien rivage.
L'affaissement de la partie septentrionale de la vallée du Nil à la
fin de l'époque pliocène n'était (jue le prélude des mouvements qui,
dès le début du pléistocène, devaient donner à cette partie du globe
les grandes lignes de sa configuration moderne. En effet, c'est vers
cette époque que la mer Rouge se forma sur l'emplacement d'une
vallée antérieure dont le fleuve coulait vers le nord, que les plateaux
de Palestine, dont l'altitude dépassait 500 mètres environ, s'abaissè-
rent jusqu'à 394 mètres (mer Morte) au-dessous du niveau moyen
des mers, que le golfe saharien de l'Egypte s'exhaussa, que les chan-
gements de niveau survenus dans les régions de l'Afrique centrale
modifièrent à tel point le régime des eaux que dès lors leur écoule-
ment se lit vers le nord".
cailloux siliceux dans lesquels on trouve la cornaline, le jaspe et l'onyx (Figari-Bey).
Au Scnnaar, au Kordofan, au Darfour et à la frontière de l'Egypte ou rencontre des
grès siliceux secondaires supportant des calcaires tuffacés crétacés auxquels suc-
cèdent des assises tertiaires et notamment un grès calcaire d'eau douce que Figari-Bey
n'hésite pas à considérer comme pliocène. On y rencontre des bois silicifiés analogues
à ceux de la Basse-Egypte, ce qui permettrait de penser qu'ils appartiennent aussi au
tongrien. En Abyssinie, les terrains secondaires et tertiaires sont très développés.
1. Le Mokattam, composé d'assises appartenant aux étages de l'éocène inférieur et
supérieur, montre, à sa base, des restes de littoral postérieur et des pholades
(G. Schweinfurth, Uebev die geologische SchichtengUedcrung des Mokattam heï Cairo
dans Bull. Soc, géol. d'Allemagne, janv. i883).
2. M. R. Fourtau, qui depuis plusieurs années s'est spécialisé dans l'étude géolo-
gique de l'Egypte, a bien voulu résumer pour ce volume ses opinions sur la mer sa-
liarieune et m'a donné la note suivante, qui présente un grand intérêt parla nouveauté
des interprétations : « Tout dernièrement, à Alexandrie, M. Karl Abel dans un forage fait
sur les bords du canal Mahmoudieh, entre Hadra et Nouzha, a rencontré, après avoir
traversé une couche d'environ 27 mètres de sables sahariens, une couche d'argile con-
tenant quelques débris de poterie très grossière et de nombreux échantillons de Cor-
bicula consohrina, bivalve actuellement vivant dans les eaux du Nil. On en a conclu
peut-être un peu trop légèrement, selon moi, que le Nil coulait déjà dans le Delta
avant l'époque saharienne. A mon avis, nous devrions interpréter autrement cette trou-
vaille.
20 FORMA.Ï10X DK L'EGYPTE
C'est à ce dernier bouleversement que l'Egypte doit son origine; le
« Eq effet, entre la période paléolithique et la période néolithique, la science observe
dans les régions tempérées un profond hiatus ou lacune, que dernièrement M. Piette
s'est efforcé de combler avec l'assise à galets coloriés de la grotte du Mas-d'Azil, assise
récemment découverte et étudiée par ce savant. Néanmoins ce retrait dans les régions
tempérées de l'homme préhistorique ne peut être attribué qu'aux rigueurs du climat
de l'époque glaciaire.
« Or, cette époque glaciaire ne doit-elle pas son origine précisément à la submer-
sion de la zone tropicale. L'espace qu'occupe actuellement le Sahara, au lieu de former
une région de sables arides et brûlants, cause de la chaleur ardente et de la séche-
resse des vents du sud actuel, constituait une vaste plaine marine, s'étendant sur
plusieurs centaines de kilomètres du nord au sud et de l'est à l'ouest. Le vent du
sud. à cette époque, absorbait l'humidité de cette immense surface et, saturé de va-
peurs aqueuses, venait se briser sur les Alpes où, repoussé dans les hautes régions
de l'atmosphère, il se débarrassait de son fardeau humide sous forme de neiges. Cette
submersion du Sahara correspondrait ainsi à la dislocation de la grande plate-forme
indo-africaine et à l'ouverture de la mer Rouge. Les traces sahariennes relevées par
MM. Schweinfurth, Johanncs Walther, Rikenberger et Mayer Eyraar dans leurs ex,-
plorations géologiques en Egypte, traces qui remontent .jusque sous le parallèle d'Ed-
fou dans la vallée du Nil, et il semblerait que seul le massif archéen de 1 Etbaye ait
subsisté dans la chaîne Arabique, les limites de la nier saharienne seraient alors
tracées par la grande vallée de fracture de l'Ouady Kéneh.
(' La dislocation du bombement archéen dont la mer Kouge forme l'axe, correspond
évidemment avec l'affaissement qui s'est produit contre le bord plissé de l'Atlas sa-
harien, et l'ouverture de la mer Rouge aurait inauguré 1 époque glaciaire, au lieu de
lépoque pliocène, comme le prétend M. de Lapparent [Gcographip physique). L'isole-
ment du massif bartonien et pliocène de la Marmarique et du Mariout aurait été pro-
duit, à cette époque, de même que le golfe du Delta.
ti La concordance de la faune, ajoutée à la découverle, sous a^ mètres de sables saha-
riens, de la couche d'argile à Corhicula consohrina, nous permet, d'établir que l'unité
du grand territoire de dislocation était encore intacte avant la période glaciaire. Et
si le Polyptenis Bicliei, caractéristique du Nil actuel, se trouve encore dans le lac de
Tibériade, si le crocodile vit encore de nos jours aux environs de Césarée, de même
qu'une espèce de tortue égyptienne aux environs de Beyrouth (Blanckeuhorn, Richto-
fen's Festschrift), nous trouvons en revanche le Spalax typhlus du Liban dans les
plaines du Mariout et les Cyprinodon des bords de la mer Morte dans les sources de
la côte ouest du Sinaï, et peut-être aussi, d'après les dires des Bédouins, dans celle de
la chaîne Arabique qui confine à la mer Kouge. La présence actuelle des mollusques
d'eau douce du Nil, tels que la Corhicula consobiinci et la Melania tuberculata, dans
les lacs de l'Arabie Pétrée, n'ajoute pas grand'chose à l'affirmation précédente, étant
donné le grand nombre d'oiseaux migrateurs qui fréquentent ces régions et la faible
distance qui sépare j^our ces grands voiliers les rives du Nil des marais du Hedjaz
et du Sinaï. Mais de là à en conclure à l'ancienneté de la présence du Nil dans la
vallée d'Egypte, il y a encore loin,
« Le Nil n'est entré dans la vallée d Egypte qu'après l'époque saharienne; il serait
facile de le démontrer, si le cadre d'une simple note ne s'y opposait, et les débris de
la faune d'eau douce pré-saharienne qu'il contient encore sont ceux qui ont sub-
sisté dans le Soudan supérieur et l'Abyssinie, après la grande dislocation de la plate-
forme indo-africaine. »
CKKUSEMENT DE I.A VAI.I.Hl' I)i: .MI.
Fiii;. 3. — Carie du cours acluel i!u Nil et du Bahr-Bala-Mà
22 FORMATION DE L'EGYPTE
Nil, encore indécis sur la direction définitive qu'il prendrait ', coula
peut-être pendant quelque temps plus à l'ouest et creusa un lit au-
jourd'liLii aljandonné que les Arabes désignent sous le nom de Balir-
Bala-Mà ', ou fleuve sans eau, puis ajant rompu le barrage granitique
I. Le cours du Nil est semé d'obstacles que le fleuve dut briser les uns après les
autres pour creuser sa vallée. Voici, d'après Linand de Bellefond, la liste des cata-
ractes qui se trouvent entre Assouan et Khartouni : i^Assouan (5", 85, de pente sur loki-
lomctres de parcours); 2° Wadi-Kalfa (8 mètres); 3° Semné ; 4° Amboucot; 5° Tan-
gouri ; 6° Cheikh-Okaché ; -" Dal ; 8° Caybar ; çf Fareg et Ali-Bersi ; io° Ilannek ; 1 1° pays
des Chakiehs; 12° Mclek-Dafasir;i3<>Boni ; 14° Mograte près d'Abou-Akhmed ; iSoAbra-
chim ; 16° Baguerré ; 17" Driki ; iS" El-Homar; ig° entre Berber et Kharloum. —
Tous ces rochers sont de l'ormalion cruplive (granit, porphyre, basalte).
2. « Sortant des lacs du plateau central de l'Afrique, le Nil trouva dès sou origine
une barrière dans la chaîne syéuitique d'Assouan, qui s'étend entre le 3o« et le 32' de-
gré de longitude est. Retenu ainsi à un niveau bien supérieur à son niveau actuel, ce
fleuve s'est dévié vers l'occident et coulait à travers la Libye. Il fécondait alors de
ses eaux bienfaisantes cette région aujowrd hui déserte et dans laquelle la ligne plus .
ou moins continue des oasis est la seule trace de son passage, avec le lit desséché
du Bahr-Bala-Mà, nom expressif qui signifie « fleuve sans eau « (Cazalis de Fon-
douce. Rech. sur la géol. de l'Egypte, p. 2:t). C'est probablement à la fin de l'époque
saharienne que le Nil a commencé de couler dans son lit actuel et peut-être bien que,
pendant longtemps, les eaux se partagèrent, surtout à l'époque de la crue, entre les
deux lits, mais bien antérieurement à l'époque historique, le cours oriental avait pré-
valu. Toutefois on trouve encore dans les rochers de la cataracte des traces du passage du
fleuve à un niveau bien supérieur à celui qu'il possède aujourd'hui. C'est ainsi que
certaines anfractuosités renferment, à 10 mètres de hauteur au-dessus des eaux de la
crue, des limons et des coquilles uilotiques telles que VEtheria. Mariette [Instit.
égypt., séance du 5 déc. 1873) croyait que le Bahr-Bala-Mà avait été habitable, et il
attribuait à la ferlililé qu'il lui supposait, si jamais elle a existé, une antiquité bieu
moins reculée qu'elle ne le fut en réalité : 11 L'Egypte serait de formation beaucoup
plus récente (que le Bahr-Bala-Mà) et aussi M. Mariette ne pense-t-il pas qu'on
puisse y rencontrer des antiquités préhistoriques : car relativement à elle, c'est le
Bahr-Bala-Mà qui représente l'âge auté-historique, et c'est là seulement, dans la
vallée primitive du Nil, qu'on pourra rencontrer les restes de cet âge. » Il se peut
qu on rencontre un jour des traces de la période néolithique dans la haute vallée du
fleuve sans eau, bien que, pour ma part, je ne le pense pas; mais les assertions si po-
sitives de Mariette sont loin d'être justifiées et 1 antiquité de la vallée actuelle du Nil
est si reculée que les âges historiques ne sont rien en comparaison de son ancienneté.
Pendant le cours d^uu récent voyage (iG mars-4 avril i8g6) que j'ai fait au Bahr-Bala-
Mà dans le but d'étudier les conditions dans lesquelles cette dépression s'est formée,
j'ai parcouru 200 kilomètres environ de cette vallée, entre le Fayoum et l'oasis de
Baharieb, nulle part je n'ai rencontré île limons renfermant des mollusques fluvia-
tiles, ni de traces de l'existence humaine. Malgré des recherches très suivies, je ne
me suis jamais trouvé qu'en face des couches sédimeutaires marines (éocène et mio-
cène) et des alluvions du diluvium. J'y ai relevé les deux coupes que je douue ci-après
(fîg. 4et5).
Le fond du Bahr-Bala-Mà, se trouvant sensiblement au-dessous du niveau moyeu
des pays voisins, est flanqué sur ses deux rives de ravins profonds qui, à l'époque
CKIX'SEMENT DlC F, A VALLEE DU ML
23
de Sj'ène, il s'élança dans la vallée. (iiTii suit encore de nos jours, la
creusa, fixa son lit et en apportant les limons des hauts [lays créa
rÉgyple(ng.3).
Fig. 4 et 5. — Coupes de la valide du Bahr-Bala-Mà, prises à environ loo kilomètres
au nord de l'oasis de Baharieh.
E, sédiments éocènes. — </, alluvions caillouteuses du diluvium. — L, limons
apportés par les pluies. — e, éboulis des falaises. — s, sables apportés par le veut.
Je n'ai pas à entrer ici dans le détail des causes qui déterminèrent
au début de l'époque pléistocène les courants intenses auxquels sont
Désert Libyque.
C/iaine araôique.
ValUe du NU
Fig. 6, — • Coupe transversale de l'Egypte, d'après Figari-Bcy.
(/, Alluvions nilotiques. — p, pliocène. — m. miocène. — e, éocène. — c, crétacé. —
J, jurassique. — <, grès rouges, marnes bigarrées et marnes irisées. — ;■(?, roches
éruptivos (eurite, diorite, syénite, etc.). — T'a-, euphotides, diallages, mélaphyres,
talschistes, etc. <
dues les érosions de la vallée du Nil. On admet généralement que les
inondations successives du quaternaire lurent dues à la fonte des gla-
des crues diluviennes, permettaient aux eau\ de se réunir dans son chenal. Grâce à
cette importante différence de niveau, une humidité relative persiste toujours au fond
de l'ancien cours d'eau et l'on y voit des espaces considérables couverts de brous-
sailles. Malgré cela, la vallée de Bahr-Bala-Mà ne semble pas avoir été suivie par
des courants lents analogues à ceux du Nil et apportant des limons. L'homme n'a
donc jamais pu y vivre, et l'opinion de Mariette, au sujet des âges préhistoriques, doit
être rejetée. Peu de temps après les érosions diluviennes, le Bahr-Bala-Mà s'est
trouvé à sec, tout au moins dans la partie basse de sa vallée; les pluies, entraînant les
roches délitées des ravins, sont venues ensuite couper de monticules le fond de la
vallée; les dunes ont, à leur tour, apporté de nouveaux obstacles à l'écoulement des
eaux, et, de nos jours, le Bahr-Bala-Mà se décompose eu une infinité de petits bassins
où se réunissent les eaux pluviales et dont les lacs sont à sec pendant tout I été.
24 FOKMATIO.X DE I, 'EGYPTE
ciers. 11 iinpoiie sculoniciit pour l'Egypte d'en constaler les effels'.
Lors du creusement des vallées, le débit des cours d'eau était jjien
plus considéral:)le qu'il n'est aujourd'hui". Pour la Seine, il était dix fois
plus fort; pour les autres fleuves, la proportion est souvent plus consi-
dérable. Ce débit était loin d'atteindre la régularité qu'il possède de
nos jours. Les crues étaient très intenses, très fréquentes et par suite
le travail tles eaux eut une action incomparablement plus puissante
qu'il ne l'aurait aujourd'hui '.
1. M. Roland, combattant les théories de M. Pomel sur les dépôts sahariens, s'ex-
prime ainsi au sujet des alluvions qui couvrent les pays du sud du Maroc, de l'Algé-
rie et de la Tunisie : « Malgré leur extension et leur puissance, laquelle dépasse
peut-être 3oo mètres dans certaines régions, osl-il impossible d'expliquer leur for-
mation par des phénomènes purement diluviens? Il suffit d'admettre, à cette époque,
au Sahara, une grande abondance de précipitations atmosphériques, dont il serait sans
doute difficile de trouver l'équivalent dans les phénomèmes actuels, mais dont les
chutes de pluies torrentielles, qui ont lieu dans certaines régions tropicales, peuvent
donner une idée » (La mer saharie.ine, par G. Roland, dans la Revue scientifique du
6 déc. i884).
2. Quantité annuelle dus pluies dans le bassin du Nil :
Kilni. carrés. ftauteur de pluie. Cube de pluie,
m m. cub.
1" Au sud de l'équateur . . . . l[\n.hl{i 0,47 (>i).'i[\!\.-l-] 0.000
2» Equateur 34'>.o3i 1,90 658.408.900.000
3" Abyssinie et Gondokoro . . . 6G3.33i 1,90 1.260.328.900.000
4° Kassala et Balir-Gazcl. . . . 409.824 0,94 385.234. 560. 000
5" Khartoum 487.180 0,47 228.974.600.000
6° Nord de Khartoum 593.176 0,24 142. 362. 240.000
y° Nubie et Egypte 8.")n.O')n 0,00 000.000.000.000
Totaux . . . 3.497.583 Moïekke 0,78 2.744.6S3.470.f)oo
(D'après Wilcocks, Egypt irrig., p. 3o.)
3. « A la fin du miocène, tout le nord du continent africain, à très peu près, était
immergé, et depuis lors, pendant le pliocène et le quaternaire, les contours du littoral
méditerranéen n'ont pas sensiblement varié. — A partir de cette époque, l'histoire
de la géologie de ce continent n'est autre eu quelque sorl3que l'histoire de son climat.
En effet, la grande formation qui recouvrit ensuite une partie des étendues saha-
riennes « dont l'immensité, dit M. Pomel, confond l'imagination, >> n'est autre qu'une
formation d'atlerrissement d'origine continentale. Qu'il s'agisse de dépôts de transport
ou de dépôts lacustres, ils sont dus à des eaux diluviennes. Leur cube énorme in-
dique, comme agents d'ablation, de transport et d'alluvionnement, des volumes d'eau
également énormes, et, par suite des précipitations atmosphériques d'une extrême
aboudauce. Un climat très humide régnait alors au Sahara, aujourd'hui la partie la
plus sèche du globe. — Lors de l'avènement de ce régime climatérique, non seulement
le massif montagneux de l'Atlas était émergé, mais encore les traits les plus impor-
tants du relief du nord du continent africain étaient déjà esquissés, ainsi que les
grands bassins entre lesquels se répartit, à cette époque, l'écoulement des eaux dilu-
viennes. La grande période humide de l'Atlas et du Sahara s'est ensuite poursuivie
jusqu'à la fin des temps quaternaires » (La mer saharienne, par G. Roland, dans la
Revue scientifique du 6 décembre i884].
CREUSEMENT DE LA VAI.T,|-,I- DT XU,
25
Le désert, les plus haiils |>l:il('aii\, srmt couvcrls de galets roiilcs,
déljris des rochers I)risés loi's du t-i'eusemcnl des vallées. Parfois ces
graviers sont recouverts de sable fin, laissé après chaque inondation
par les couranis dont l'intensilé décroissait rapidemcmt. Mais dans la
plupart des cas ces sai)lcs ont été arracliés par h; vcnl. (>e sont eux
qui forincnl aujourd'hui les dunes mobiles du désert. Ce sont (-es
mêmes sables qui, a[)rès avoii' été produits par les eaux, obéissent au-
jourd'hui au moindre souffle de brise et parcourent des espaces im-
menses.
Bien que le travail violent des eaux soit terminé en Egypte, il est
cependant des cas où l'on peut juger de l'activité et de la puissance
des courants dans le désert. Cha(|ue année il tombe au Caire ou dans
les environs des pluies d'orage plus ou moins violentes et pendant
l'une d'elles j'ai eu, en novembre 1895, l'occasion de me trouvera
Dahchour.
Depuis trois jours, la ville du Caire avait été littéralement noyée
sous un déluge. Quand je la quittai pour me rendre au désert, celte
pluie reprit encore plus violente que les jours précédents. Les collines
de Dahchour furent, pour ainsi dire, vernies par une couche d'eau
épaisse de deux ou trois centimètres qui n'avait pas le temps de
s'écouler pendant que d'autres gouttes venaient l'alimenter. Chaque
ravin était devenu un torrent impétueux, chaque vallon un véritable
fleuve transportant des galets de plusieurs kilogrammes.
L'une de ces vallées, située entre le mastaba El-Faraoun et la pyra-
mide de Pepi, présentait un courant large de 400 mètres environ et
profond de O^jSO. L'inondation ne dura que quelques heures, et
Kig. n. — Coupe longilud'inalo d'un couc de sable produit par les pluies et recouvrant
les limons du Nil.
C, cône
!_,, limons. — H, couches miocènes.
cependant, à l'embouchure du vallon, il se forma un cône de sables
et de graviers couvrant plus de 30 hectares. Les cultures, les jar-
dins furent enterrés sous plus d'un mètre de débris (fig. 7).
Ailleurs, dans la nécropole, des ravins profonds se creusèrent; les
momies, arrachées du sol, furent transportées au loin ; des puits an-
tiques se trouvèrent comblés, les murailles en briques crues s'écrou-
26 FORMATION DE T/EGYPTE
lèrent et leurs déljris enlraînés par les eaux dessinèrent de longues
traînées noires sur le sable jaune du désert.
La pluie avait atteint une abondance extrême, je ne saurais mieux
la comparer qu'à celle des orages tropicaux, et cependant le dé-
sert était à peine mouillé : en creusant de 0"',20 ou 0",25 dans le
sable on retrouvait la sécheresse habituelle. Les effets de la pluie
avaient été d'une extrême violence à la surface, ils n'avaient rien pro-
duit en profondeur. Les infiltrations avaient été insignifiantes, l'éva-
poration presque nulle par suite de la rapidité des courants. La
quantité d'eau tombée avait donc agi sur la surlace avec toute l'in-
tensité dont elle était capable.
Cet exemple récent montre avec quelle force durent travailler les'
courants du pléistocène lorsqu'à chaque inondation ils se précipi-
tèrent dans la vallée inachevée du Nil. 11 explique également la pré-
sence dans un pa^'s oii il pleut si rarement des gorges profondes et
abruptes qui bordent sui- les deux rives la grande vallée.
C'est de la destruction desrocliessituéesenamontdupoint où on les
examine que les galets diluviens onttiré leur origine. Les sédiments
friables, tels que les calcaires, les marnes, les argiles, ont été réduits
à l'état pulvérulent, tandis que les nodules siliceux se sont seuls con-
servés. C'est ainsi que se sont formés les graviers du diluvium
d'Europe, d'Asie, d'Amérique; c'est aux mêmes causes que nous de-
vons ceux de l'Egypte. Et de même que les alluvions quaternaires des
autres parties du monde renferment des restesde l'industrie humaine,
de même ceux de l'Egypte contiennent des instruments en pierre
taillée.
CHAPITRE II
Formation des parties fertiles de l'Egypte.
La vallée du iNil, creusée par les courauts dont il vient d'être parlé
était loin de présenter l'aspect qu'elle nous offre aujourd'hui. Le lit du
fleuve, comprenant toute la largeur de l'érosion pendant les crues,
n'était plus, aux basses eaux, qu'un chenal, encombré de blocs déta-
chés des montagnes, de galets et de cailloux roulés, au milieu duquel
le Nil s'étendait sans rives nettement tracées, sans persistance dans
le détail de la direction de son cours.
Les inondations périodiques devaient achever l'œuvre que les
grands écoulements d'eau avaient commencée, d'abord en égalisant
les pentes, ensuite en déposant des sédiments plus fins dans les cavi-
tés et entre les galets, et enfin, quand le lit du fleuve futdéfinitiveinent
établi, en apportant ses limons' qui depuis des milliers d'années
surélèvent le solde la vallée et donnent à l'Egypte sa fertilité'.
r. L'examen des limons du Nil comimuiiqués à Sclilœsiiig (^Biill. Iristilut égypi.,
1887, p. 75) a fourni les résultats suivants :
(Par traitement mécanique) : cailloux et graviers, néant; gros sable, 20 pour 100;
sable fin, Sg pour 100; Argile, ar pour 100.
(Par traitement chimique) : silice, 5o,4o ; potasse, 1,10; soude, i,2o; chaux, f^.jo:
magnésie, 3, 20; alumine, 19,80; sesquioxjdede fer, ir.70 ; acide carbonique, 0,91 ; acide
phosphorique, 0,08; eau combinée et matières organiques 8,20. (Total : 101,29.)
2. Altitudes principales de la vallée du Nil depuis son embouchure à Damictte et
Rosette jusqu'aux grands lacs : Beni-Souef, 23 mètres ; Minieh, 3,5 ; Siout, 45 ; Louxor,
76 ; Assouau, 82 ; PhiL-e. lor ; Wadi-Iîalfa, 128; El-Ordeh, 2o3 ; Vieux-Dongolah, 2/|0 ;
Berber, 35o; (Bahr-el-Abiad) Khartoum, 385; Lado, 4f)o ; Bedden, 5oo ; Doufile, 620;
Wadelaï, 670; Albert-Nyanza (lac), 700; 'Victoria-Nyanza (lac), 1200; (Bahr-el-Azrek)
Sennaar, 43o ; Roseres, 45o ; Famaka, 5oo; lac Tana, 1,750 mètres.
28 FORMATION DES PARTIES FERTILES
Le golfe dans lequel le Nil déhouchait alors à la mer sétait formé
dès l'époque de la mer saharienne. Avant même que le fleuve eût
commencé de couler, ce golfe devint son estuaire qui, comblé par
les alluvions, se transforma en delta. Il y a donc dans la vallée du
Nil deux parties distinctes à étudier : la vallée proprement dite et le
delta. Toutes deux doivent à la même cause leur existence; elles l'ont
reçue des limons du Nil, mais dans la première les alluvions se dépo-
sèrent librement dans un chenal, tandis que dans la seconde elles
eurent à lutter contre la mer, à remplir le golfe du Caire.
La succession qu'on observe quand on vient à couper les alluvions
anciennes d'une rivière est en général la suivante : à la base, on trouve
une nappe plus ou moins épaisse de gros gravier qui représente le tra-
vail du cours d'eau pendant la période d'égalisation de sa pente, après
le creusement principal; puis viennent des bancs de sable maigre
entremêlés de lits de galets, c'est l'œuvre de la rivière alors que sa
pente était déjà fort réduite ; ces sables maigres sont recouverts d'une
couche plus ou moins épaisse de sables gras apportés par les crues
alors que le régime des eaux était établi; enfin viennent les limons de
débordement, dépôts très fins, jamais zones, dus à la précipitation des
flocons tenus en suspension dans l'eau plutôt qu'à la sédimentation.
Leurs éléments résultent de la trituration des matières arrachées à
la <nivette de la rivière.
Dans une section de la vallée il est à remarquer que si le lit du
fleuve n'a pas cliangé de place depuis l'époque des érosions, les
alluvions placées aux environs de l'axe du cours d'eau sont toutes
Fit:;. S. — Coupe tliéorique de la vallée du Nil à l'état actuel.
N, lil du Nil. — a, limons fins. — \>, sables argileux. — c, sables maigres. — d,
graviers et galets du fond. — s, kom (butte) de sébakh (ruines de ville antique).
— e, canal naturel. — • r, assises sédimenlaires.
sédimentaires, c'est-à-dire composées de sables fins, tandis que, sur
les rives, au pied des montagnes, se trouvent les dépôts par précipi-
tation, les limons les mieux triturés (fig. 8).
11 résulte de ce dispositif que le lit du fleuve s'élève plus rapide-
ment que les alluvions des bords de la vallée et que par suite il se
crée à droite et à gauche deux bandes de marais dont le comblement
FORMATIOX DI'S l'AKTIl'.S ll'.KTIT.KS
•29
nu se l'iiiL ([u'avcc une exti-ônie lenteur, parfois môme il se «tcm! des
bras latéraux au pied îles iiionlaniies (lig. ',•)'.
piir_ q. Coupo UM'Hiriciuo Je la vallée (lu Nil pendanl la période de son remplissage
par les allnvioiis.
E, lit du fleuve. — m, marais. — c, galets et graviers du fond. — rf, sahles maigres
et sables argileux. — li. lits successifs de sables lins et de limons. — /(, lits suc-
cessifs du fleuve. — a, limons fins des marais avec plantes et mollusques la('uslres.
r, assises sédlmenlaires (cuvette de la vallée).
Les bords des cours d'eau à grands débordements ne se couvrent
presque jamais de végétation sous nos latitudes, c'est dans les marais
latéraux que se développent les plantes lacustres; leur présence est
un facteur puissant clans le comblement de ces dépressions.
Les lois que je viens d'exposer sont celles qui ont régi la création
des parties fertiles dans la vallée du Nil. Les sondages eU'ectués stir
plusieurs points en donnent la preuve. Restent à citer quelques
exemples pris dans l'Egypte même et à calculer la vitesse avec
laquelle le phénomène s'est accompli.
Bien que, parla règlemenlatiim artificielle de l'inondation, parla
création des innombrables canaux qui couvrent l'Egypte, la vallée
du Nil ait depuis des milliers d'années perdu ses caractères naturels
que ses eaux endiguées soient contraintes à transporter leurs limons
sur tels ou tels districts, nous n'en trouvons pas moins au pied des
montagnes les dépressions dont je viens de parler. Au nord du vil-
lage d'Abou-Sir, au sud de celui de Saqqarah, ces terrains conservent
de l'eau pendant neuf mois de l'année. Entre les villages de Mencliiyeh
(Dahchour) et de Maharraq (Licht) sont encore de véritables marais
qui ne s'assèchent jamais. Jadis, bien certainement, ils étaient beau-
coup plus étendus, et au début du remplissage de la vallée par les
limons ils occupaient la majeure partie de l'espace compris entre
les deux montagnes.
i. A partir de Silsileli la vallée renferme à l'ouest, au pied de la chaîne Libyque, les
restes d'une branche latérale du fleuve. Ce canal naturel porte divers noms, suivant le
point de la vallée qu'il arrose. Du village deDéroùt au Fayoum qu'il alimente, il porte
le nom de Bahr-Youssef ; en aval ce n'est plus qu'une dépression qui, restant à sec
pendant la moitié de l'année, passe entre les ruines de Memphis et sa nécropole, longe
les collines de Guizeh et va se perdre dans le Delta.
30 1 OlîMATION DKS PARTIES FERTIF.ES
« Les prêtres, qui connaissaient par tradition l'état primitif du pays,
croyaient pouvoir déterminer avec certitude l'espace de temps qui
avait suffi au fleuve pour accomplir ce travail. Ils racontaient à Héro-
dote ' que Mènes, le premier des rois de race humaine, avait trouvé
l'Egypte presque entière j)longée sous les eaux : la mer pénétrait
jusqu'au delà de l'emplacement de Mcmphis, en pleine Heptanomide
et le reste du pays, moins le nome de Thèbes, n'était qu'un marais
malsain °. »
Ils avaient conservé la bonne tradition, les prêtres égyptiens, car,
six ou sept mille ans avant nous, les marais latéraux du Nil occu-
paient bien certainement des surfaces considérables; la plupart des
villes s'élevèrent au début sur des îlots ou sur des langues de terre,
qui, peu à peu, furent reliées au reste du pays par l'exhaussement du
sol et le remplissage des marais.
Mais avant d'envisager les débuts de la période historique et de
nous baser sur les affirmations des anciens auteurs, mieux est de faire
usage des documents positifs dont nous disposons pour le calcul de
la surélévation séculaire du fond de la vallée.
Les limons du Nil ne se déposent pas d'une manière régulière en
tous les points de la vallée et à chaque crue du fleuve, car chaque
année la quantité des matières tenues en suspension dans les eaux
est variable, de même que le courant et la quantité d'eau ^ de même
r. Hérodote, II, xvn.
2. G. Maspero, Hist. crue, des peuplos de l'Orient, i(S86, p. 7.
3. Dans le haut Nil, les pluies toraboat à dilTérentes époques de l'année dans les
diverses régions. Ainsi, au sud du lac Victoria, elles sont abondantes de novembre à
juillet; au nord du même lac, c'est en décembre et janvier qu'elles sont les moins
fortes ; chez les Niam-Niams, il pleut d'avril en novembre ; sur le Bahr-el-Ghazal, c'est,
au sud, du la avril au i5 septembre, et au nord, du i.") juillet au 3o septembre, que se
montre la saison des pluies, tandis qu'au Kordofan elle a lieu du 1^' juillet au i5 sep.
tembre. Ces tombées diverses régularisent quelque peu le débit du fleuve. Mais ce
sont les grands lacs qui jouent le rôle le plus important comme régulateurs. Le Nil
Bleu reçoit les eaux qui tombent en Abyssinie depuis le mois de mai jusqu'au i5 sep-
tembre. En i86r-6a, Samuel Baker (Mém. lu à la session de l'Association britannique
pour l'avancement des sciences, tenue à Nottingham en 1866), constata que le Nil Bleu
et l'Atbarah sont complètement à sec pendant une portion de l'année. Le 23 juin 1861,
le voyageur vit arriver le flot causé par le commencement de la saison des pluies en
Abyssinie et le lit desséché quelques jours auparavant se transforma en une im-
mense rivière de 7 mètres environ de profondeur et de ."loo mètres de largeur. A Gou-
razah, S. Baker atteignit le pays où l'Atbarah enlève par ses érosions une partie des
limons qu'il dépose en Egypte. Son eau est, dit-il, aussi épaisse que de la crème. Ce
sont ces boues qui produisent le phénomème du Nil rouge, tandis que le Nil vert qui
le précède est causé par 1 écoulement des eaux marécageuses du Nil Blanc. Puis après
Je Nil rouge, la crue se régularise et les eaux présentent à peu de chose près une
FORMATION DF.S PARTIES l'KRTII.r.S 31
que l'espace où les eaux cliiKiiidalion peuvent se répandre. 11 n'est
teneur eoiislaiite en limons. — On rcm.Trque souvcnl que la crue présonlo deux
maxima plus ou moins distants l'un de l'aulre. Ce fait est dû an défaut de coïnci-
dence dans la saison des pluies au Nil Bien cl au Nil lîlanc.
La liste suivante des hauteurs maxima et miuinia observées au barrage, de 184G à
1878, montre combien les crues du Nil sont variables comme hauteur et comme
intensité.
T.cs hauteurs d'oan cjui suivent (ml été prises au barraj^e situé en aval du Caire,
le o du niloraètre correspondant à i;>."',ori au-dessus du niveau do la Méditerranée
(cf. Mémoires de l'Institut égyptien, p. ii.i).
Maxima. Minima.
1846 — 7,a4
i5 octobre
— o,5o
io-i5 juin.
1847 — ''.43
5 octobre
— 0,Gr
5 juillet.
1848 — 7,53
10 octobre
— o,3i
3i mai.
1849 - 7,3,'-,
10 octobre
— 0,41
i5-ao juin.
i85o — 0,9.5
25 septembre
— o,5o
3i mai.
i85i — 7, -55
5 octobre
— o,3i
a5 juin.
i85a — (),oi
5 octobre
— o,5o
5 juin.
i853 — 7,67
5 octobre
— o,25
i5-3o juin.
1854 — 7,5o
10 octobre
— 0,1 S
20 juin.
i855 - 5,94
10 septembre
— 0,88
ao juin.
1806 — 7,46
5 octobre
— 0,35
10 juin.
1857 — 6,09
i5 septembre
— ",4(5
25 mai-io juin .
i858 — 6,07
5 septembre
— 0,06
3i mai-5 juin.
1859 — 5,90
3i octobre
— 0,00
ao mai.
1860 — 7,27
20 octobre
— 0,00
lO juin.
1861 — 7,63
5 octobre
— o,5o
10 juin.
1862 — 6,65
25 octobre
— 1,25
20 juin.
i863 — 7,73
25 septembre
— i,3o
3i mai.
1864 - "1,80
20 septembre
— i,4o
3i mai.
iSGS — 6,52
25 septembre
— 0,88
3i mai.
1866 — 7,76
3o septembre
— 0,70
25 mai.
1867 — 6,38
25 septembre
— 0,66
i5 mai.
18G8 — 5,83
35 octobre
— o,6->.
i5 mai.
1869 — 7,85
i5 octobre
— 0,4a
i5 juin.
187,, — 7,50
i5 octobre
- o,5i
25 juin.
1871 — 7,48
20 octobre
- ".74
to juin.
1872 - 7,32
a5 septembre
— 0,/|0
t5 juin.
1873 — 6,45
ao octobre
— 0,49
20 juin.
1874 - 7,98
3o septembre
- o,a3
5 juin.
1875 — 7,i5
20 septembre
— 0.45
20 juin.
1876 — 7,5o
a5 septembre
- 0,4s
25 juin.
1877 — 5,i8
3i août
- 0,54
i5 juin.
1878 — 8,20
10 octobre
- 0,1',
ao juin.
Les
minima varient entre le
r5 mai et le ag j
iuin et les
; maxima entre 1
bre et
le 20 octobre.
32
FORMATION DES l'ARTIES FERTILES
donc pns possible d'établir une loi pouvant s'appliquer aussi bien à
Thèbes qu'à Memphis, à
Syène qu'à Tanis ou à Sais
dans le Delta. La surélévation
du sol est variable, mais il est
aisé d'établir une moyenne
approximative, d'après la
hauteur au-dessous des eaux
du dallage des divers monu-
ments que nous a laissés l'an-
tiquité '.
La salle hypostyle du tem-
ple d'Esneh, construite sous
les empereurs romains, est
adossée à la façade d'un édi-
fice plus ancien bâti par les
Ptolémées ; le niveau de son
dallage fut donc fixé tout au
plus deux ou trois siècles
avant notre ère, et, à cette
époque, il devait être situé à
une assez grande hauteur au-
dessus des hautes eaux. Or,
aujourd'hui, les infiltrations,
chaque année, l'inondent. En
1887, la hauteur de l'eau l'ut
de l™,35;en 1891, elle n'attei-
gnait que O^jBO, et pendant
l'automne de 1894 elle dé-
passa quelque peu 1 mètre.
Le temple tout entier est au-
Equateur
SoohI sud
F it;. 10. — Carte moiiti-aiit It'S quanlitcs
annuelles des pluies dans le bassin du Nil.
I. D'après Cazalis de Fondouce (lïccherclies sur la géologie de VÉgypte, i8G8), le
Nil, à l'époque de ses basses eaux, débite de 6 à 700 mètres cubes par seconde, et de
9 à 10,000 à l'époque de ses plus hautes eaux. Son débit annuel est de 90 kilomètres
cubes, son apport en limons de
de ses eaux, dont quatre cinquièmes sont em-
portés à la mer. La surélévation séculaire du Delta est de o™,i2 à o",i/| corres-
pondant à 36 millions de mètres cubes de dépôts en cent ans. D'après les travaux
plus récents du Service des irrigations (Rapports annuels), le débit exact du Nil au
Caire est de 92, gif), 000, 000 mètres cubes par an. Le maximum se trouvant pendant
les mois de septembre et d'octobre (675,000,000 mètres cubes par 24 heures) et le mi-
nimum en mai et juin (34,000,000 mètres cubes par \>.\ heures).
FORMATION DES PARTIES FERTILES
33
rig. II. — Carte de l'Égyplo montraut les points où ont été faites les observations
relatives à raccroissemeut du niveau dans la vallée du Nil.
34 FORMATION DES PARTIES FERTILES
jourd'liLii enfoui sous les couches de sébahh ' des diverses époques;
les maisous actuelles de la ville sont construites sur ses terrasses.
Les étangs, dus aux inlUlrations, on le sait, ne s'élèvent jamais à la
hauteur des eaux de la crue, seule riiumidité dépasse ce niveau par
capillarité. Il est donc impossil^le de tirer des données fournies par
le temple d'Esneh des conclusions exactes, la constatation du niveau
des eaux dans ses salles permet seulement de reconnaître d'une façon
générale le fait de la surélévation du sol.
A Thèljes, dans la vaste plaine qui s'étend à droite et à gauche du
Nil, le niveau des terres s'est aussi sensiblement relevé, et comme
les diverses j)arties des monuments sont datées, les renseignements
que nous fournit la hauteur actuelle des eaux sont fort précis.
Le dallage le plus ancien' que nous connaissions dans le temple
1. Le séhakh, ])roJuil résultaut de l'accumuLitiou des issues dans les villages, pré-
seule une compositiou variable suivaut les localités où il esl examiné. Il renferme : de
la silice, provenant des poussièi-es amenées par le vent, des briques crues faites de
boue du Nil, du passage des hommes et des animaux; de l'alumine, la plupart du temps
de même origine que la silice; de la chaux, de la magnésie, de l'acide phosphorique
et de l'azote, causés par les déjections animales. La teneur en chaux varie de i à 20
pour 100. Celle en magnésie de 3 à 4 pour 100, celle en azote deo,i5à2,i7. Le sébakh
renferme en outre des débris de bois, de pierres et des tessons de pots. Il comjjose en
presque totalité les honis ou ruines de villes antiques tels que ceux de Memphis (à
Mit-Rahineh), de Médinet-Habou, d'Esneh, etc. Dans ces koms sont en même temps
que les ruines des grands édifices celles des simples maisons qui, construites les unes
au-dessus des autres par suite de la surélévation graduelle du sol, ont parfois atteint le
niveau supérieur des temples les plus élevés (Louxor, Médinet-Habou, Esneh, Aby-
dos, etc.). Au moyeu Age il s'est formé aux approches du Vieux-Caire de véritables
montagnes de sébakh provenant de la ville. Aujourd'hui encore chaque village produit
annuellement une quaulité considérable de sébakh qui relève son niveau. — Les koms
sont utilisés par les fellahs pour l'engi'ais des terres : le sébakh tamisé est répandu
sur le sol. Tous les koms sont ainsi exploités ; à Mit-Rahineh, entre autres, on voit par-
fois défiler jusqu'à mille chameaux chargés de sébakh. Ces fouilles mettent à nu les
divers étages de constructions dans les ruines des villes ; elles se font pendant les mois
qui suivent la crue et sont descendues jusqu au niveau des eaux. — k. Memphis, les
maisons les plus anciennes dont on rencontre les ruines au-dessus des eaux appar-
tiennent tout au plus à l'époque sa'ite. Les étages plus anciens sont aujourd'hui hors
d'aUeinte, entre 2'",5o et '3",5o au dessous du niveau des eaux, pour la période des Ra-
messides, entre ^'"jSoet T) mètres pour le Moyeu Empire, entre 6 et 10 mètres pour les
premières dynasties et l'époque préhistorique.
2. Altitudes absolues des temples de Louxor et de Karuak : m.
Louxor. Dallage devant l'entrée du temple de Louxor '4''^4
— de la cour dite « des statues » de Ramsès II, entre les
deux pylônes 74j73
— de la cour d'Auiénophis III, nord 75,56
— — sud yfi.^g
— Salle liypostyle 7^.96
FORMATION DES PARTIES Kl'.lîTU.ES 35
de Loiixor est celui des conslriictions dues au roi Amenhotep III de
la XVIII" d\ nastie ; on le trouve dans les salles du sud, dans la salle
liyposlylo et dans la grande ctdonnade. Or, aujourd'hui les eaux du
Nil entrant librement s'élèvent de ()"',SU à 0"','JÔ dans les salles méri-
dionales, de 0"',85 à 1">,00 dans la salle hyposlyle, et de 2"', 35 à 2™, 75
dans les deux extrémités de la grande colonnade.
Dans la cour des statues, bâtie par Ramsôs II (XIX" dynastie), l'eau
monte jusqu'à 2™, 85, tandis que dans le petit temple de la même épo-
que le niveau supérieur des inondations est de 2™, 08 au-dessus du
dallage.
En restaurant le sanctuaire et en y posant les dalles sous Alexan-
dre II jEgos, on tint compte de la surélévation des terrains; aussi
n'avons-nons aujourd'hui que U'",48 d'eau au dessus du dallage placé
trois siècles avant notre ère.
Il en fut de même lorsque, au début du christianisme, le sanc-
tuaire païen fut transformé en église chrétienne; le dallage copte qui
rej^ose sur les dalles d'époque pharaonique n'est aujourd'hui (^ouvert
que de 0"',10 d'eau.
Au temple de Karnak, les eaux ne pénètrent pas directement dans
le temple, elles y parviennent par infiltrations, leur niveau est va-
riable suivant les années. En 1894, elles se sont tenues à 0'",47 au-
dessous du niveau relevé en 1887.
Les diverses salles du temple de Karnak présentent à peu de choses
près les mêmes hauteurs d'eau pendant les inondations; ce fait sem-
blerait iudicjuer que, lors des dernières constructions, les inhltrations
n'avaient pas encore atteint le dallage des parties les plus anciennes.
Voici les hauteurs des infiltrations dans les salles principales du mo-
nument :
Pylône des obélisques de Thoutmès P'" (XVIII^ dynastie), l'°,57.
Promenoir de Thoutmès III (XVIIP dynastie), 1"',02.
Salle hypostyle de Séli P'' (XIX" dynastie), 1"",45.
Temple de Séli II (XIX= dynastie), O", 69.
Pylône de la XIX'^ d-ynastie, l^jGB.
Grand pylône de l'ouest (XVIP dynastie), U"',00.
Grande cour de Taharka (XXV dynastie), 1™,55.
La partie la moins ancienne du temple qu'atteigne l'inondation est
située aux chambres de granité dues à Philippe Ht Aridée : l'eau s'y
élève à l'",30. Nous pouvons compter qu'à l'époque de leur construc-
lU
Karnak. Repère B à l'entrée du grand temple de Karnak (ouest) . . . y8,i5o
Dallage de la cour entre le premier et le deuxième pylône. . . 7-'(,25
Terrains de culture voisins du temple 77,250
(D'après Ventre- Pacha.)
36 FORMATIOX DF.S PAUTIFS FERTILES
lion In niveau moyen des eaux était à 0°',70 au moins au-dessous du
dallage, ce qui nous iournirait pour les 2000 ans qui nous séparent
de sa pose une surélévation niinima de 2 mètres par mille ans, c'est-
à-dire de O^jOOi par an.
Le même coefficient, étant adopté pour les autres parties du temple,
fournirait la hauteur au-dessus des hautes eaux à laquelle le dallage
de chaque salle aurait été posé.
Ainsi, le pylône des obélisques qui fut construit par Thoutmès I",
3600 ans avant nous, aurait eu son dallage placé à 2", 03 au-dessus des
eaux de la crue.
Pour le promenoir de Thoutmès III nous trouvons 2"',58.
Pour la salle hypostyle de Séti I", 1",90.
Pour le temple de Séti 11, 2°', 06.
Pour le pylône de la XIX" dynastie, 1"',69.
Pour la grande cour de Taharka (XX V*" dynastie), l'^^OB.
Les mêmes calculs, faits sur les données fournies par le temple,
montrent que les dallages les plus bas posés à la XVHP dynastie
l'eussent été à 0'",85 seulement de hauteur au-dessus des hautes eaux
et ceux de la XIX° dynastie à 0°',40. Ces résultats semblent démontrer
que l'évaluation de O^jOOl par an' pour la surélévation du sol, tout en
étant proche de la vérité, lui est quelque peu inférieure, car il n'est
guère admissible que les architectes égyptiens, qui avaient connais-
sance de la surélévation de la vallée, eussent placéà0'°,40 seulement
au-dessus des eaux de leur époque le dallage d'un monument aussi
important".
Sur la rive gauche du Nil, dans la plaine de Gournah, le même phé-
nomène est à observer. Les colosses de Memnon,dus à Amenholcp III,
s'élèvent pendant les mois d'août et de septembre au milieu de l'im-
mense lac que forme alors la plaine. La base parée de leur socle est
aujourd'hui à 3"', 25 au-dessous des plus hautes eaux du Ail et les
terres ont atteint 1"','J0 au-dessus du niveau oii se trouvait autrefois
le dallage.
1. Lo fond du fleuve subit un exhaussement moindre que celui des terrains de cul-
ture. Ce fait tient au dépôt lent des limons qui pendant la crue du Nil se tait dans les
bassins où les eaux sont retenues. Ventre-Paclia trouve pour celle élévation du fond
du Nil o™,og6 par siècle à Thèbes, et pour l'exhaussement des terrains de culture
o",i43. Ces calculs l'amènent à déduire que le sol naturel de Karnak, 2800 ans avant
nous, se Irouvail à i mètre au-dessous du niveau du dallage du grand temple.
2. Les derniers travaux effectués au temple de Karnak ont mis a jour un quai an-
tique situé à l'extrémité de l'avenue des Sphinx de la grande salle hypostyle. Sur la
muraille verticale faisant face au Nil sont graves les divers niveaux atteints par la
crue entre les années 960 et (547 avant notre ère. Voici, d'après M. G. Legrain, qui a
FoisMATinx i)i:s i-AirriKS ffhtim'S 37
Jndis r.'s colosses oiiiaieiit l'cnln-c d'im Icmple oonslinil par
i-elevc et traduit ces insciiplioiis. le liiljlc.ui ilos clilIVrL'iilcs liaiilciirs ;illoiiilcs parles
eaux. Ces observations montrent eoniiiicn dans l'antiquité les inondations étaient
variables d'inlensilé el aussi couihieii p(<u l'accroissement des limons
par les anciens.
(JiKii (le h'm iiii/.. Coli-s di;s <-rui'.s.
\.v o est le dalla},'e de la salle hyposivie.
iivait été prévu
Aï. J.-C. XoM m: ROI
(j(îo
Slieslianq l"'".
;)2i
Osorkou I"'.
«<)5
«63
Takhelot I".
Osorkon II.
8(ii
860
854
854
85.3'?
845
844
838
837
Aouaroli.
Suiendès.
Un fils d'Osorkoii.
Id.
7!)'l
Sheshanq II.
Sheshanq III.
Sheshanq .r.
760
747
Padoubast.
747
743
698
Shabaka.
(iS;
(>87
G8(i
(iS(i
1)84
656
655
649
647
Shabatoka
Tahraka.
Ps
ametiqne.
Osorkou ??
Osorkon.
Id.
A.N.M
VI
XII
V
VI
III
V
VI
XII
XII
x + III
XXI
XXII
XXVIII
XXIX
x
V
VIII
XIV
X
X
X
XXXIX
VI
XII
VI
XVI
XIX
XIX
XXIII
II
III
VI
VI
VII
VII
IX
X
XI
XVII
XIX
III
a; + VI
X + .r
+
m
0,07
0,0j)
0,785
0,1 85
o,i5
0,25
0,1 5
0,27
0.715
0,16
0,67
0,10
0,20
0,09
0,23
0,29
0,23
0,04
0,395
0,84
0.77
0,22.1
0.28
0,28
0.46
0,285
0,1 55
0,25
Douteux
0,2 I
0,355
o>i9
0,29
0.2G
0,345
0,38
o,5o
0,92
o , [ 5
0,33
0,18
0,435
0,42
0,185
0,24
o,325
peut-être Osorkon.
ri o u t (_'
Premiers prophètes
irAuiouetlilsd'Osorkon.
20 coudées, I palme,
I doigt.
2o coudées, ■>, palmes.
20 coudées, 5 doigts.
Observation. — La chronologie de cette époque est loin d'élre solidement établi.'.
Nous donnons les dates que, dans The Nile, M. Budge assigue aux didérents souverains
sans vouloir en tirer aucune conclusion relativement à leur valeur absolue.
38 FORMATIOX Dl'S l'AUTIKS FERTILES
Amciiholop III. Ce monument est aujourd'hui totalement détruit et
son dallage demeure profondément enfoui sous les terrains de cul-
ture.
Au temple de Ramsès III, l'inondation atteint O'^jiBS au-dessus du
dallage. Quant aux autres édifices dedournah, aux temples de Thout-
mès, d'Amenhotep III, de Gournah, de Médinet-IIabou, de Déïr-el-
Bahri, ils sont encore en dehors de l'atteinte des crues.
Les divers monuments de Thèbes n'avaient pas été construits au
même niveau, de sorte que, malgré les nombreuses données qu'ils
nous fournissent, il n'est pas possible de déterminer d'une manière
précise l'exhaussement du sol. Toutefois si nous acceptons comme
un minimum 0",001 par an, épaisseur qui se montre satisfaisante
pour le temple de Karnak, nous voyons que les constructions les plus
anciennes, celles de la IV° dynastie, si toutefois il en a jamais existé
à Thèbes, doivent se trouver sous au moins 6 mètres de limons.
Des observations analogues à celles que je viens d'exposer au sujet
de la Thébaïde peuvent également être faites dans les ruines de
Momphis. Le niveau des eaux dans le temple de Ptah nous fournit une
indication précieuse sur la valeur des dépôts dans les environs du
Caire. Ledallage, quifut placé environ 3200 ans avant nous, est aujour-
d'hui à 1",20 au-dessous des plus hautes eaux, nous pouvons suppo-
ser que, lors de sa construction, il se trouvait à 2 mètres au moins
au-dessus du niveau des crues, ce qui nous donne, à Memphis comme
dans la plaine thébaine, un accroissement séculaire de G™, 10.
Hérodote lui-même nous fournit une preuve foi't ancienne de l'ex-
haussement delà vallée du Nil. Il nous apprend queSabacos (Shabakou
de la XXV dynastie) employa les forçats à relever le niveau de la ville
de Buljaste, alors menacée par les eaux. Or Bubaste, au dire de Ma-
néthon, existait déjà sous le roi Kakôou de la II® dynastie, c'est-
à-dire G500 ans avant nous environ, et 4000 ans avant Sabacos. L'ex-
haussement du sol avait été de 4 mètres au moins pendant le laps de
temps qui sépare la IL de la XXV dynastie, on comprend que les
eau.x soient devenues menaçantes pour la ville.
Après avoir examiné la structure des alluvions dans la vallée du
Nil, leur mode de dépôt et le temps nécessaire pour ce travail lent, il
reste à étudier la formation du Delta qui représente le type le plus
simple de remplissage d'un estuaire'.
I. Ou voit eucore près de Beuha dos restes de dunes fort ancieuuss qui marquent la
limite d'un des premiers deltas de l'Egypte. Il existe probablement un grand nombre
de ces cordons littoraux, mais leurs dernières traces sont aujourd'hui cachées sous les
limons. Les sondages exécutes près de Tantah en 1896 par M. Kar Alhal ont donné la
coupe suivante : («) limon lin, y^Syï (niveau actuel de la Méditerranée à 7"',58 au
FORMATION DKS l'ARTIKS rRRTHJ'S
39
l'aiini timles les ibfinalioiis de cegeni't' il n'en esl aiicimc c(iii ait un
dessin pins régidier : c'est un Iriangh^ à Inise eonvexe dont le; som-
met, centre de dii'anialion du llcu\e,est situé près du Caire, à 200 ki-
lomètres de la cùte. Tout cet espaci', aujourd'hui coml)lè pai- les
Fig. 13. — Carte du delta du Nil.
alluvions', esl parcouru par une infinité de dérivations dont deux seu-
lement sont importantes, la branche de Rosette à l'ouest et celle de
Damiette à l'est".
Dans l'antiquité, le Nil portait ses eaux à la nier Méditerranée et à
dessous de la surface); (i) sable composé de grains variant de o""",io à :i niiUiuiélres
cl graviers de a à 6 millimètres, i3™,49; (c) terre argileuse, 2™,o6; (d) sable jaunàiro
renfermant des grains de o™™,io à a millimèlres et graviers de 2 à 25 millimètres,
II™, 3o (profondeur totale 3u sondage 26'", 70). Ces résultats semblent démontrer qu'il
existait autrefois près de Tantah des dunes (/() ou une plage qui par suite de l'allais-
sement du sol a commencé de se recouvrir de limons environ yooo ans avant nous. Ces
données n'ont rien de surprenant quand on songe que Lyell assigne à la formation du
delta du Mississipi une durée d'environ 100,000 ans et à l'antiquité de l'homme
5o,ooo ans. — Des sondages exécutés dans la plaine de Guizeh ont amené la découverte
des sédiments pliocènes marins à Ci pieds de profondeur sous les limons et les
sables.
1. A l'époque d'Hérodote (II, xv, xvii, xcvii) le centre de diramatiou du Delta se
trouvait au bourg de Kerkasore, à (ï kilomètres environ du site actuel de la ville du
Caire. Depuis, il s'est déplacé vers le nord de i5 kilomètres environ.
2. A. de LapparenI, Traite de Céoli)i;i(', iSf|3, p. 218.
40
FORMATION DES PARTIES EERTILES
la mer Rouge ' par sept branches au moins, suivant Hérodote '', v\ qua-
torze, d'après Pline^ selon les époques. Presque tous ces canaux
naturels sont aujourd'hui oblitérés; la branche Pélusiaque elle-même,
l'une des plus importantes, a cessé d'atteindre la mer; elle débouche
Suac/ri. Jf fie
:':-iim
Fig. i3. — Courbes des hauteurs dans le delta du Nil.
dans le lac Menzaleh à f|uelques kilomètres en aval de San-el-Hagar
(Tanis).
Le littoral du delta l'orme une courbe convexe, sur un quart seule-
1. Une bi-anclie du Nil débouchait autrefois à Chalouf dans le golfe formé par la
raer Rouge (lacs Amers d'aujourd'hui). On trouve eu elTet près d'ismaïliah des couches
d'eau douce renfermant VEtheria Ciiilliaudi et des Cyclostomidés. Lepère est d'avis
qu'à l'époque d'Hérodote les lacs Amers n'existaient pas encore. Quant à l'existence
au début de notre période d'une communication entre la mer Rouge et la Méditerra-
née par l'isthme de Suez, elle était autrefois admise. D'après Filippi (Atti délia So-
cielà italiana di se. nainrali, vol. VII, p. aSo, Milan, i86't), la proportion des
mollusques communs entre les deux mers est de 2.S pour loo pour les bivalves et de
i6 pour 100 pour les gastéropodes. Le seuil, pensait-on, s'était formé à l'époque his-
torique et l'on supposait même qu'à l'époque de l'Exode la marée de la mer Rouge
se faisait encore sentir dans les lacs Amers. Ce seuil est composé de sédiments pléis-
locènes. Les récentes études semblent, au contraire, prouver que cette communication
n'eut jamais lieu, car, à l'époque des rivages soulevés, la faune de la mer Rouge était
tout à fait différente de celle de la mer Méditerranée.
2. Hérodote, II, xvii.
3. Pline, Hi.st. liai , V, lo.
FORMATION DES PARTri'S l^ERTIF.ES Vl
meiil (le son c-lendiie, c'est-à-dire depuis le cap Koiirlos jusqu'à Da-
niielte,cettecôte est appuyée contre les alluvions du fleuve. Partout ail-
leurs elle se compose uiiicpicuneiit de dunes peu épaisses séparant de
la mer' les lagunes dites lacs Mareolis, d'Edkou, liourlos et M(>n/.aleh.
Vers Alexandrie, cette liande de terre est composée de roclu;s cal-
caires d'origine marine, recouvertes |)ar places de dunes. Mais au nord
des lacs Bourlos etMenzaleh, le cordon littoral est très nettement ca-
ractérisé.
Les eaux du Nil n'entrent dircuiement à la mer que par deux
bouches, celles de Damiette et de Rosette, cpii, malgré la (juaiUité
énorme des boues (|ui les traversent, ne semblent pas avancer de
plus de 400 mètres par siècle. Les autres bras du Nil déversent
leurs eaux dans les lagunes, ([u'elles combleraient peu à peu si cette
partie du Delta n'était soumise à un mouvement très leni d'afTais-
sement'.
Raz-el-Balir (la tète du fleuve) est, sur la rive gauche de la branche
de Damiette, la pointe extrême de l'estuaire de ce bras du fleuve. Les
eaux douces y ont formé une barre qui, disposée en arc de cercle, oc-
cupe toute l'embouchure à '.\ kilomètres environ de la côte. Plus
loin, sont d'autres barres plus profondes, régulièrement espacées sur
une pente générale qui descend vers les grandes profondeurs.
l
Les eaux du Nil, à son embouchure, transportent environ ^^^r^ * de
2500
leur poids en limons. Ces matières se déposent avec une rapidité ex-
trême dès que les eaux troubles se sont mélangées avec celles de la
mer'. Elles sont alors entraînées par les courants sous-marins et ne
I. Les plaines qui s'étendcnl au noid de Saii-el-Hagar et d'Ebkou sont couvertes par
les eaux lors de la crue. Leur niveau est de très peu de chose supérieur à celui du
lac Menzaleh. On rencontre à leur surface un grand nombre de coquilles nilotiques
et aucuue trace de mollusques vivant dans les eaux saumàtres ou salées, comme le
fait eut dû avoir lieu si ces -terrains de surface avaient été gagnés sur la mer. Il est à
supposer que cette région de la Basse-Egypte, suivant le mouvement général du lit-
toral, s'enfonce graduellement, et que jadis, à l'époque des Pasteurs, les conditions de
culture dans ces pays étaient toutes dill'érentes de ce qu'elles sout aujourd'hui. Si l'on
n'admet pas cette hypothèse, il est impossible d'expliquer le choix fait par les Hyksos
de Tanis comme centre du vaste camp retranché d'où pendant trois siècles ils impo-
sèrent leur joug à l'Egypte.
a. Le Gange pendant les crues porte en suspension dans ses eaux de leur poids,
II'
le Mississipi ,1e Danube — ^ le Rhône
1700 2400 10,000
3. La précipitation des limons dans l'eau salée est quinze fois plus rapide que dans
les eaux douces (Dana, Man. of Geol., 3" édit., p. 677).
42 FORMATIOX DES PARTIES FERTILES
profitent que (ort peu à l'avancement du Delta sur la mer; toutefois on
suit aisément les couibes de la partie sous-marine du delta qui
s'avance au loin dans la direction de l'île de Chypre.
Fig. i/|. — Cnrli' niarino nioiilrnnt riivniicfiiienl du (lcll;i du Nil.
D'autre pari, je l'ai dit, le littoral du Delta obéit à des actions oro-
géniques lentes qui l'abaissent. Nous en trouvons la preuve dans
l'existence à Alexandrie de tombeaux d'époque grecque aujourd'hui
situés au-dessous du niveau de la Méditerranée, dans les ruines
nombreuses de constructions qui se voient au travers des eaux sur
toute la côte entre Aboukir et Alexandrie; enfin dans la situation ac-
tuelle des koms situés dans les lacs : les ruines de Tennis entre autres
s'étendent au loin sous les eaux du Menzaleh.
La dispersion des limons par les courants sous-marins et l'affais-
sement du sol sont les principales causes pour lesquelles le littoral
du Delta n'a pas varié d'une manière sensible depuis des milliers
d'années.
('/est cet affaissement qui a produit le lac Menzaleh, car jadis la
branche Pélusiaque du Nil passait près de Tennis et aujourd'hui son
FOliMATlON Ui:S l'AUTIES l'ERTir,ES 1:j
ancien chenal est situé à 1 '",50 de profondeur environ sous les eanx
du lac. II en est de môme pour la branciie Tanitique'.
Il serait bien difficile de préciser l'époque à laquelle commença
ce mouvement lent, car les témoins de ce phénomène font aujourd'hui
iléfaut; la seule chose que nous puissions affirmer est qu'à l'époque
romaine Péluse avait cessé d'être arrosé par le fleuve : c'est en effet
vers le m" siècle de notre ère qu'on établit à Tennis les citernes que
nous voyons encore dans les ruines, les eaux saumâtres avaient donc
succédé aux eaux douces dans la région du Menzaleh. Privée d'eau
douce, la ville de Tennis n'avait plus de raison d'être; elle disparut
peu à peu, mais son abandon complet, si j'en juge par les débris
ramassés dans les ruines, ne date que des premiers temps arabes \
Dans les débuts delà formation du Delta l'alluvionnement présenta
bien certainement des caractères tout différents de ceux qu'il offre
aujourd'hui, chaque bras du Nil créa sur ses rives deux digues irré-
gulières qui s'avancèrent graduellement dans la mer jusqu'au littoral
actuel, les boues formèrent une multitude d'îlots qui peu à peu
se joignant les uns aux autres constituèrent le sol de la Basse-Egypte.
Mais dès que les limites de l'estuaire furent atteintes, dès que les
alluvions rencontrèrent les courants sous-marins, l'avancement
rapide cessa et le régime actuel s'établit. Pendant combien de milliers
d'années dura ce travail, il est impossible de le dire ; les évaluations
récentes semblent prouver que dans la Basse-Egypte l'exhaussement
du sol dû aux limons des crues est de 0'", 00126 par an'. Quoi qu'il
en soit, le comblement fut très lent, les marais ne disparurent que
peu à peu et c'est le souvenir de cet état de choses qui faisait dire
par les prêtres à Hérodote qu'à l'origine l'Egypte était entièrement
sous les eaux. Les compagnons de Menés la trouvèrent bien certaine-
1. Les lacunes, qui, au nord, terminent le Delta, se remplissent de vases dont les
origines sont de deux natures différentes. D'une part, le Nil apporte chaque année,
lors de la crue, son contingent de limous ; d'autre part, les animaux qui vivent dans
les lacs contribuent par leurs déjections et par la destruction de leur corps, un
apport très sérieux qui modifie sensiblement la oonipositiou chimique des vases ;
c'est ainsi que dans le lac Menzaleh ou a reconnu (vase sèche) jusqu'à i,25 pour loo
d'azote et 2,5o pour loo de phosphate de chaux. Les 6 pour loo de sel marin qui ont
été trouvés sont dus à l'entrée des eaux de la Méditerranée dans les lagunes. Dans
le lac Menzaleh, la salure des eaux, très faible pendant la crue du Nil, dovieut consi-
dérable lors des basses eaux.
2. J'ai moi-même rencontré à Tennis des fragments de poteries, de médailles et
divers débris datant de l'époque des khalifes et dénotant de la part des habitants do
Tennis des mœurs trop raffinées pour qu'il soit possible d'attribuer ces restes aux pé-
cheurs du Menzaleh.
3. A de Lapparent, Traite dr Crulogie, i8():i, p. 2iS.
4'. FORMATIOX DES PARTIES FERTILES
ment composée d'îlots et de marais, car c'est au moins 7000 ans avant
nous qu'ils en firent la conquête et à cette époque le niveau moyen
du Delta clait à *J mètres environ au-dessous de C(dui (juil occu|)o
de nos jours.
J'ai dit plus haut que le seuil de Sycne avait oijligé dans les ori-
gines, au début de la période de creusement des vallées, les eaux de
l'Afrique centrale à se répandre dans le désert et à creuser le Bahr-
Bala-Mà. Ce lit, aujourd'hui desséché, prend naissance en amont de
Philaî, à mi-chemin environ entre les deux jjremières cataractes, sur
la rive gauche de la vallée du Nil, mais il n'a jamais servi qu'aux eaux
d'érosions et ne renferme pas de limons'.
A l'époque antéhistorique oii les eaux coulaient dans le désert, la
barrière naturelle de Syène les avait obligées à ce détour vers l'ouest.
Ces collines, composées de granité et de ses variétés, de diorite, de
grunstein, de pétrosilex, de serpentine, de dialage, de mélaphyre et
d'autres roches ignées d'une grande dureté, n'étaient peut-être pas
jjour le Nil un barrage absolu; on est en droit de supposer cju'une
partie des eaux tombait en cascades au milieu de ces montagnes,
tandis que la majeure partie creusant son lit dans les roches plus
tendres du trias et des formations postérieures s'écoulaient par le
Bahr-Bala-Mà et le désert.
Ce n'est que très lentement, ])ar des efforts continus, que le Nil est
parvenu à se frayer dans le massil' éruptif de Syène un passage suf-
fisant pour que, même à l'époque des crues, toutes les eaux trouvent
la place d'y passer. Dès lors, le Bahr-Bala-Mà, qui probablement tenait
lieu de déversoir pendant les inondations, cessa d'être utile, son lit
s'assécha, il devint véritablement le fleuve sans eau.
()uantàrépoque à laquelle s'établit, au Chellal d'Assouan, le régime
actuel, elle est fort ancienne et à coup sûr antéhistorique. Les nom-
breux graffiti cju'on rencontre sur les rochers granitiques de la cata-
racte, à la bailleur des plus basses eaux, nous démontrent que le niveau
inférieur ne s'est pas modifié sensiblement depuis les premières
dynasties. C'est peut-être à la période néolithique de l'Egypte, à celle
qui servit de transition entre les industries chelléennes du diluvium
et la pierre polie, que nous devons ranger ce phénomène dont l'im-
portance fut si grande pour l'Egypte, mais peut-être aussi devons-
nous l'attribuer à une époque antérieure à l'apparition de l'homme
sur la terre. Cette donnée coïncide avec ce que nous savons du creu-
1. Zittel [Bull. Iiistit. ICgyptien, 3 avril 1874) est d'avis que le Nil n'a jamais coulé
par la dépression du Balir-Bala-.Mà; et tandis que Cailliaud a cité l'existence des
coquilles iiilo!iqiios daus ses alluvious, Zittel déclare n'eu avoir jamais rencontré.
rOHMATlO.N DKS PARTIIOS !• KKTII.ES -iS
seinoni de la vallée du Nil ol de son remplissage |)ai' les limons. Ouc
de milliers d'années durent s'écouler entre l'époque où l'homme vivait
sur les plateaux au jourd'luii arides daus lesquels le (leuve creusa son
lit et celle où les fonction uaires de l'Anci eu E m |)ire gravèrent leur nom
sur le rocher au passage do la cataracte, ou iirent tailler dans la mon-
tagne de la rive gauche du Nil leur sépulture et leur temple lunéraire!
Cette période fut prodigieusement longue et pendant ce laps de temps
rÉgyptc ne cessa d'être peuplée; les autochtones y perfectionnèrent
l'art d'éclater la pierre et de la polir, ils devinrent peu à peu ces
hommes presque civilisés que les « Serviteurs d'Korus » rencon-
trèrent dans leur conquête. Lors de l'arrivée des premiers Egyptiens
le cours du Nil était, dans ses lignes principales, ce qu'il est encore
aujourd'hui, si ce n'est toutefois qu'il n'avait pas encore renoncé
complètement à la fougue et aux débordements violents de sa jeu-
nesse, qu'au moment des crues ses eaux folles couraient d'un coteau
à l'autre remplissant de débris son lit de l'année précédente pour en
créer un nouveau.
/
C i' l-'- <^/v
/
CHAPITRE III
Historique des études sur l'âge de la pierre
en Egypte.
En 1873 Chabas, dans ses Études sur V Antiquité historique, s'ex-
primait ainsi au sujet des peuplades qui antérieurement à la connais-
sance des métaux habitèrent la vallée du Nil :
« Aucune trace d'une race inférieure à celle des Nègres, des Bo-
schimans et des Australiens de nos jours ne s'est révélée à nous; rien
ne nous a parlé de peuplades même (-omparaliles aux Garamantes de
Libye qui, cinq siècles avant notre ère, si l'on en croit Hérodote, ne
connaissaient pas l'usage des armes et ne savaient pas se défendre';
aucun texte ne nous fait connaître un état social qui serait antérieur à
la découverte des métaux et pendant lequel les hommes n'auraient eu
d'autres armes que la pierre, le bois, la corne ou l'os*. »
« Cependant l'emploi d'armes et d'instruments de cette espèce nous
apparaît à toutes les époques historiques et même de nos jours, mal-
gré l'usage des métaux'. »
Partant de ce principe, Chabas cherche l'explication de la présence
des couteaux de silex en Egypte dans l'usage, signalé par Hérodote'
et Diodore^ de lames de pierre pour l'ouverture du corps lors de la
momification. H cite à l'appui de son hypothèse deux couteaux en silex
pyromaque conservés au Musée de Turin, deux autres du Musée de
Leyde, deux du Musée de Berlin (ces six pièces sont munies de leur
I. Liv. IV, CLxxiv. — Ala vérité, l'historien grec dit ua peu plus loin que les Garamantes
font la chasse aux Troglodytes sur des chars à quatre chevaux!!! (Note de Cliabas.)
•2. Chabas, p. 323.
3. Chabas, p. 33o.
/(. Hérodote, I, lxxxvi.
5. Diodore, I, xci.
iS ETUDES SUR L'AGE UE UA PIERRE EX EGYPTE
luanclie ménagé dans la j)ierre), et une pointe de lance qu'il prend pour
un couteau et qui figure dans les collections du Musée tle Berlin.
Nous verrons, en examinant les nécropoles antérieures aux pre-
mières dynasties, où ces inslruments sont fréquents, qu'ils n'ont pu
être usités pour l'ouverture des corps puisqu'à ces époques les cada-
vres n'étaient pas momifiés; d'autre part,rexamen des incisions opé-
rées sur les cadavres semble tlémonlrer que les instruments employés
étaient faits de métal.
Continuant son examen des silex taillés d'Egypte, Gliabas écrit' :
(( Mais l'Egypte historique n'a pas seulement fait usage du silex sous la
forme des instruments ])erfeclionnés que nous venons de décrire; elle
nous livre épars, au voisinage des villes, des excavations pratiquées
dans les rochers, des nécropoles, quelquefois autour des coffres funé-
raires et même dans l'intérieur de ces coffres, tous les genres de si-
lex éclatés, retravaillés ou non, qui se rencontrent en France et ail-
leurs dans les stations dites do l'âge de la pierre : hachettes, couteaux,
perçoirs, percuteurs, grattoirs, flèches, etc. Ces instruments, ainsi
que l'a constaté M. Mariette, sont encore plus abondants à l'époque
des Lagides et des Romains, au moins en ce qui concerne les tom-
beaux, qu'aux anciennes époques; seulement le travail du silex est de
moins en moins soigné. »
Ghabas cite ensuite à l'appui de ses dires les découvertes de Rosel-
lini, de Passalaqua etde Lepsius qui rencontrèrent dans des tombeaux
lies éclats, des couteaux, une scie et un grattoir*.
Ces données, dont Chabas tire des conclusions exagérées, concor-
dent cependant avec celles fournies par mes propres fouilles; elles
sont une preuve en faveur de la persistance pendant quelques siècles
au moins de l'usage du silex dans l'Egypte historique et en possession
des métaux. Cependant je dois faire observer que je n'ai jamais ren-
contré, dans les tombes postérieures à la III" dynastie, que des cou-
teaux, les autres instruments se trouvaient au milieu des sables, dans
le voisinage des sépultures; leur gisement ne pouvait donc me fournir
de renseignements précis sur leur époque. Sommes-nous bien cer-
tains que les silex taillés que cite Chabas, et sur l'existence desquels
il base son opinion, aient été trouvés dans des conditions permettant
de préciser leur époque d'une manière absolue? Je ne le pense pas;
pour ma part, je crois plutôt que, dans la plupart des cas, on a jugé de
leur âge par les antiquités qui les avoisinaient.
1. Cliabas, p. SSy.
2. Chabas, p. 338 et 339 : iigures représentant sLil instruments de sile.\ du Musée
de Berlin.
ETUDES SUR F/AGE DE F, A PIERRE EN EGYPTE ',9
Mariette, comme Ghabas, pensait que tous les silex rencontrés sur
le sol rrÉgyple appartenaient à la période liislori(|ue, il indiquait pour
leur gisement :
1° Le voisinage des terres cultivées, principalmicnl celui des
ruines de villes ;
2° Les environs de toutes les grandes excavations pratiquées dans
le rocher et en particulier à Bab-el-Molouk, près des grottes pro-
fondes de Samoun, et à l'entrée des immenses souterrains consacrés
à la sépulture des Apis.
Les instruments figurés par Ghabas', d'après une photographie com-
muniquée par Mariette, proviennent d'Hélouan, de Girgeh, d'Esneh
et de Bab-el-Molouk; certains des couteaux ont été rencontrés, dit-on,
dans une tombe de la XXIP dynastie, les autres ont été ramassés sur
le sol; une pointe de flèche provient de Tell-Balamoun dans la Basse-
Egypte.
Près d'Hélouan, du vivant de Mariette, le D'^ Reil avait ren-
contré une véritable station de la pierre, qui fournit environ un mil-
lier d'instruments; mais du fait que ces silex se rencontrent près de
ruines arabes, Ghabas conclut qu'ils ont pu n'être taillés qu'à l'époque
des sultans. 11 ne semble pas utile de réfuter cette hypothèse, car il
tombe sous le sens que les constructions arabes ont pu s'élever là
où des milliers d'années auparavant des hommes des temps néolithi-
ques avaient établi leur campement. D'ailleurs ce fait de rencontrer
dans une m'ème localité des vestiges d'époques très différentes est
très fréquent en Egypte.
Le 26 juin 1869, M. Arcelin avait adressé au Ministère de l'Instruc-
tion publique un rapport que Mariette signala plus tard^ et dans
lequel il abordait pour la première fois la question du préhistorique
égyptien; plus tard, lors de leur voj^age en Haute-Egypte, Fr. Lenor-
mant et le D' Hamy recueillirent à liabel-^Nlolouk. sur le sommet d'une
colline, bon nombre de silex grossièrement éclatés dont l'antiquité fut
mise en doute par Lepsius'; le savant allemand attribuait à beaucoup
d'entre eux une taille naturelle causée par la chaleur solaire.
Il est certain que, dans le désert, les silex s'éclatent souvent par
l'effet du soleil, j'en ai rencontré de nombreux exemples (cf. lig. 16,
p. 58) ; mais il est également hors de doute que la plupart de ces
pierres n'eussent été taillées inteuticinnellement et ne remontent à
l'époque quaternaire.
1. Cliabiis, p. 343.
2. Mariette, Sur l'âge de pirrie en Egypte, dans Recueil de travaux relatifs à la phi-
lologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes , vol. VII, année i.SSli, p. i3'5.
3. Lepsius, Journ. égypt. de Berlin, 1871
50 ETUDES SUR L'AGE DE LA PIERRE EN EGYPTE
En 1889-90, M. Flinders Pétrie fouillant à Kahoun, localité située à
l'entrée du Fayoum près de la pyramide d'Illahoun, découvrit une
ville qu'avec raison, d'après les oljjets qu'elle renfermait, il attribua
principalement à la XII' dynastie. Dans les ruines il rencontra bon
nombre d'instruments de silex ' présentant fréquemment de grandes
analogies avec les objets du même genre faits de bronze ; des haches,
des couteaux, des grattoirs et tout un mobilier destiné aux usages
courants de la vie et non à des cérémonies religieuses spéciales '.
Avec ces silex taillés M. Pétrie a rencontré un grand nombre de frag-
ments de poterie ornée à la pointe et couverte de dessins grossiers.
Bien que les documents relatifs à l'époque où la ville posséda son
plus grand développement soient de date précise, il semble diffrcile
d'admettre que ce site fut resté absolument désert jusqu'au Moyen
Empire et que la ville de la XII'-' dynastie ne puisse avoir recouvert
des ruines soit appartenant à l'Ancien Empire, soit même antérieures.
Il se peut donc qu'une partie des silex travaillés dérouverts à Kahoun
par M. Flinders Pétrie soient d'une époque Ijeaucoup plus ancienne
qu'on ne l'a supposé et n'existent dans les ruines qu'à l'état de rema-
niement.
Quant à la poterie ornée à la pointe, elle me semble plutôt appar-
tenir à l'Ancien Empire qu'au Moyen. J'en ai rencontré dans les
tombes les plus anciennes, tandis que dans les sépultures de la
XIP dynastie, dont j'ai ouvert un nombre considérable, je n'en ai pas
vu la moindre trace. Quelques fragments île Kahoun' portent des
dessins grossiers se rapprochant beaucoup des ornementations céra-
mi(|ues de Toukli, d'Aljydos, de Gebelein, etc. D'autres* sont, il
est vrai, plus perfectionnés, mais rentrent dans le même type.
Pour les poteries peintes je ferai la même observation. La planche I
de l'ouvrage de M. FI. Pétrie renferme des types qui ne peuvent
être rangés à la XII° dynastie, les uns (fig. 1, 3, 5, 6), parce qu'ils ne
trouvent leurs semblables qu'à l'Ancien Empire, les autres parce qu'ils
sont de beaucoup postérieurs au règne d'Usertesen II. Rien ne
prouve que la ville de Kahoun n'ait été habitée antérieurement et
postérieurement à la construction de la pyramide d'Illahoun, et vou-
loir classer méthodiquement les restes de poteries trouvés dans les
ruines d'une cité égyptienne anti(jue est s'exposer à de graves mé-
comptes. C'est dans les tombeaux seulement, dans les sépultures
1. W. M. Flinders Pétrie, Illahun, Kalnin and Guvui, iSSG-iSyo, pi. VII.
2. W. M. Flinders Pétrie, op. cit., p. 5i, chap. XI, par F. C. I. Spurrell.
3. FI. Pétrie, op. cit., pi. V, fig. 2, 4, 5, 6 et 7.
4. FI. Pétrie, op. cit., pi. V, fig. i et 3.
ETUDES SUR F>AGE DE T,A PIERRE EN EGYPTE 51
Mon spoliées, (m'il Caul ;i1I(M' clirrclier les documents précis, ot non
dans des couches dont on no pcuL apprécier l'âge d'une inanirrc
certaine.
Je n'insisterai pas sur la puhlicalion de; M. l'Mindci's Pétrie au sujet
de ses travaux à Kahoun, car elle ne peut en rien l'aire avancer la so-
lution du problème relatif au préliistorique égyptien. Elle fournitdes
indications utiles sur la persislancc; de l'usag-e du silex dans les
temps historiques, mais ces renseigncMnents ne peuvent être utilisés
que s'ils s'appuient sur des observations plus j)réeises.
C'est en 1892 que M. Pétrie nous a donné les résultats de ses re-
cherches à Meïdoum' qui, comme on le sait, appartient aux Ages les
plus anciens. La pyramide fut vraisemblablement construite par Sné-
frou, dernier souverain de la III" dynastie.
Les objets trouvés par l'archéologue anglais sont bien de ceux
(ju'on rencontre dans les tombeaux de l'époque de Snéfrou, et moi-
même, en explorant un grand nombre de sépultures de cette époque
à Dahchour, je me suis trouvé en présence de mobiliers du même
genre. La céramique dans ces deux localités est parfaitement carac-
térisée; elle n'a rien de commun avec celle du Moyen Empire et se
rapproche plutôt de celle des tombes archaïques d'Abydos, de
Toukh, de Gebel-el-Tarif et des autres localités de la Haute-Egypte.
M. FI. Pétrie rencontra peu de silex taillés à Meïdoum, de même
que j'en ai trouvé fort peu dans les tombes de la IIP dynastie à
Dahchour. Le cuivre à cette époque était déjà d'un usage courant et
la plupart des instruments étaient faits de ce métal.
D'après mes observations personnelles, on ne rencontre dans les
tombes de la IV° à la XIP dynastie ([ue fort peu de silex travaillés.
Ce sont des haches plates d'une forme spéciale, des couteaux dont
quelques-uns sont polis sur une face, et des pointes de flèches; encore
dois-je ajouter que les têtes de ces projectiles sont toujours, à ces
époques, tranchantes et non pointues. A ^leïdoum nous voyons appa-
raître les haches, les ciseaux, les scies de bronze et rien ne prouve
que les grattoirs et les instruments de pierre autres que ceux dont je
viens de parler ne soient pas, dans cette localité, de beaucoup anté-
rieurs à l'époque de Snéfrou.
Jusqu'en 1894 les renseignements que nous possédions sur l'usage
de la pierre taillée en Egypte se composaient seulement de quelques
observations particulières portant sur des objets le plus souvent
difficiles à dater, quand un spécialiste, M. Lajard -, vint mettre sous
1. W. M. Fiindeis Pétrie, Medum.
2. Bull, de l'Itistilut égyptien, Ille séiic, n° 5, p. 155, séance du 2 mars 1894.
52 ETUDES SUR L'AGE DE LA PIERRE EN EGTPTE
les yeux des membres de Tlnstitut égyptien bon nombre de silex
ramassés dans diverses localités de l'Egypte.
La première localité qu'examine ^I. Lajard dans son intéressant
compte-rendu est celle de Ouadi-Sel près du village d'Abou-Roach :
le gisement occupe une longueur d'environ 20 kilomètres. Les silex
taillés s'y rencontrent à la bordure du désert, près des terres cul-
tivées.
Les silex ramassés dans cette station sont des couteaux,simples éclats
droits très Ijien caractérisés, et des nucléi, présentant ce caractère spé-
cial,déjà signalé par Schweint'urt au sujet des nucléi desOuady-Ouareg
etSanour, que les lames n'ont été enlevées que d'un seul côté, l'autre
conservant encore sa gangue. Pour M. Lajard, ces silex sont préhis-
toriques*.
Pour la station de Dîmeh, M. Lajard est plus affirmatif. Selon lui,
ce gisement de silex taillés est un vaste atelier contemporain des
ruines de la ville, c'est-à-dire d'époque romaine.
Je suis loin de partager cette opinion, car les objets qu'on rencon-
tre à la surface du sol sur la rive occidentale du Birket-el-Karoun
présentent, sans en excepter un, les types si abondants dans les sta-
tions deZawaïdeh,Toukh, Khattarah,El-Mahasnah, EI-Ragagnah,Om-
el-Gaab(Abydos),El-Karnak, El-Cheikh-Salam (au sud d'Abydos),etc.,
tant dans les tombeaux qu'à la surface du sol. Il est certain que de
([uelques objets isolés il serait impossible de déduire l'antiquité des
documents, de se livrera des comparaisons; mais, lorsque dans les
diverses stations, la série complète des outils est toujours la même,
comment ne pas leur attribuer le même âge?
Je citerai en outre, à l'appui de mon opinion, l'existence à Dimeh de
véritables pointes de flèches en silex qui, on le sait, d'après les reliefs
aussi bien que d'après les représentations, cessèrent d'être employées
dès les débuts des temps historiques.
La station néolithique de Dimeh n'a rien de commun avec les ruines
romaines de cette localité ; la ville s'éleva sur le bord du lac où des mil-
liers d'années auparavantse trouvaient des campements ou des villages
mais jamais un atelier de taille.
Pour en terminer avec l'historique sommaire de cette intéressante
I. « Les opinions sont très part.Tgces sur l'existence d'un âge de la pierre eu
Egypte. La querelle date de loin. Les prétiisloriciens sont en général pour une origine
reculée avec leD"' Reil, Gaillardot-Bey, Henri Haynes, Burton,Greg, Hamy, deNogué.
Jolin Lubbocli, John Evans, labbé Richard, Montelius, de Mortillet; les égyptologues
avec Mariette, Chabas, Lepsius, Ebers, Southell, Brugsch, Dawson, Virchow, incli-
nent plutôt de ce côté : Schweinfurth est hésitant » (Lajard, Hiill. Inxtit. égyptien,
3° série, n" ,S, p. iSy).
irruDES si'K L'A(ii' Dic LA i'ii;i;i;i: i'\ kgypte 53
qiiestioi), il me reste à [)arlcr des lra\'aiix de M. Flindors Pétrie en
1894-95 dans les nécropoles de la Haute-Egypte. Quelques articles pu-
bliés dans les journaux par M. FI. Pétrie lui-niènie nous fout connaîlre
son opinion sur les nécropoles de la Ilaute-Egyptc avant (|uc son
compte rendu complet ne soit publié. L'explorateur anglais attribue
ces sépultures à des populations vivant à l'étatsporadique pendant la
période historique, au nord de Thèbes. Je ne discuterai pas ici cette
question; mon livre tout entier étant une réfutation complète de cette
opinion, on en trouvera les détails dans les chapitres quisuivent.
Comme on le voit, depuis trente ans environ, un grand nombre
de découvertes isolées, relatives aux âges préhistoriques, furent
faites en Egypte, et les documents étaient déjà nombreux quand je me
suis moi-même occupé de cette étude.
Ces découvertes et cette abondance de documents ne firent cepen-
dant pas avancer la solution du problème, car dans son Ilisloirc an-
cienne des peuples de T Orient, pujjliée en 1894, M. Maspero s'exprime
en ces termes : « Rien ou prescpie rien ne nous reste des gém-rations
primitives : la plupart des armes et des outils en silex taillés qu'on a
découverts en différents lieux ne sauraient jusqu'à présent leur être
attribués d'une façon authentique '. Les habitants de l'Egypte ont
continué d'employer la pierre où d'autres peuples usaient déjà des
métaux. Ils fabriquaient des pointes de flèches, des marteaux, des
couteaux, des grattoirs en pierre sous les Pharaons, sous les Romains,
pendant toute la durée du moyen âge, et la mode n'en a pas cessé
entièrement : ces objets et les ateliers oii on les façonnait peuvent
donc être moins anciens que la plupart des monuments hiéroglyphi-
ques'. » D'autre part, M. Flinders Pétrie, s'inspirantde l'opinion géné-
ralement admise malgré ses découvertes personnelles, est aussi affir-
matif en ce qui concerne la non-existence de restes préhistoriques en
Egypte \
1. La question soulevée pour la première fois par Hamy et Fr. Lenormant {^Décou-
vertes de restes de l'âge de pierre en Egypte, dans les Comptes rendus de l'Académie
des sciences, a'>. nov. 18(19) ■'' donné lieu à une longue polémique à laquelle la plupart
des savants de l'Europe ont pris part. La bibliographie en est donnée presque com-
plète par Salomon Reinach, Description raisonnée du Musée de Saint-Germain, t. I,
p. 87-88. L'examen des lieux me porte à croire, comme Mariette, que nul des ateliers
signalés jusqu'à présent n'est antérieur à l'époque historique (Note de M. G. Maspero).
2. P. 49.
3. « Besidc ihe worked fliMts,whose position indicates their âge, large quautities ot'
flint flakes aud scrapers are to be found lying about on the surface of the désert.
Thèse must not be supposed to be prehistoric in ail cases, or perhaps in any case.
Flints were used side by side with copper tools from the fourth to the twelfth dy-
nasty (Medum and Kaluui) ; they wer-e still used for siklos iu the eighteonth dynasty
4
54 ETUDES suit L'AGE DE LA PIERRE EN EGYPTE
Depuis mon arrivée en Egypte (1892), je m'étais vivement préoc-
cupé de cette question : j'avais réuni tous les documents épars, re-
cherché dans un grand nomljre de localités, acheté presque tous les
instruments en silex qui se trouvaient chez les marchands. C'est ainsi
que peu à peu je me suis trouvé amené à penser que, s'il est possible
d'admettre que quehpies silex taillés appartiennent à l'époque histo-
rique, nous devons attribuer à la plupart une antiquité l)eaucoup plus
reculée, et (|ue les témoins du véritable âge néolithicjue sont dans la
vallée du .\il |)lus abondants qu'on ne le pense généralement.
(Tcll-el-Aiiiariui) ; and large quantities of flint flakes lie mingled willi roraaa pottery and
glass around llie tower soutli of El Heibi. Hence the undaled sites of flint flakes must
be of small liistorical value. Large quantities of worked flints, mostly sinall flakes,
sometimes chipped at the edge, hâve been found at Helwan, many occur at Guizeh,
and at the back of the Birket Qurun and Medinet Mahdi, in the Fayum; at Tell-el-
Amarna on ihe top of the désert plateau, where are rudely chipped pebbles, which
from their extrême \veathering may be even palaeolithic ; on varions parts of the foot
hills along the Nile, at Abydos, at Qournah, at the south of Medinet Habu, and at El-
Kab are places where the ground is strewn with flint flakes and imperfect tools. The
finest examples of flint working are in the magniliceut knives, chipped with exquisite
regularity, in a smooth horny flint. Thèse are found in tombs at Abydos; but ail of
them hâve boen plundered bv natives, and no record exists of their âge. They are
perhaps a pricslly survival, for fuueral purposes, of the flint working of the Xlith dy-
nasty, lasting perhaps till the XVIIIlli. The most distinct use of flint was for sickles ;
parlicular forms were made to ht the curves of the sickles, and were notched to eut
the straw. Such flints can be recognised by the polisli ou the saw edge, while the rest
is dull, or even retains some of the cemeut by which it was fastened iu the wooden
sickle-back — of other remains of prehistoric man no trace bas been found in Egypt.
His dwelling would be upou, or close to, the Nile soil ; and as now twenty feet of de-
posits overlie the levai of that âge, it is hopeless to search there for any trace of his
works 11 (W. M. Flinders Pétrie, A Uistory of Egypt, Londou, 1894, p. 7).
CHAPITRE IV
L'homme paléolithique.
Les premiers témoins positifs de l'existence humaine qui soient
parvenus jusqu'à nous sont les silex taillés qu'on rencontre dans le
diluvium quaternaire de presque toutes les contrées du monde.
Dans les pays qui, comme l'Europe et quelques parties de l'Améri-
que, ont été explorés méthodiquement, l'homme quaternaire a été re-
connu ; pour ceux dans lesquels sa présence n'est pas encore signalée,
c'est à l'insuffisance de nos recherches que nous devons attribuer
notre défaut d'informations ; car partout il s'est armé de pierres quand
les mains, les ongles et les dents ne suffirent plus pour sa défense.
Arma antiqua maniis, nngiies denlesque fuerunt
Et lapides et item sylvaj'um fragmina rami^ ,
Dans l'esprit de beaucoup, l'antiquité historique de l'Egypte, les
âges presque fabuleux jusques auxquels remonte sa civilisation, sem-
blaient défier l'histoire des autres contrées, et la terre des Pharaons,
repoussant toute comparaison chronologique, apparaissait au milieu
du monde comme un exemple unique il'un sol que n'aurait jamais
foulé la sauvagerie.
Et cependant que sont les siècles qui s'écoulèrent depuis la cons-
truction des pyramides, depuis que Menés civilisa l'Egypte à peine
sortie des eaux? Que sont ces milliers d'années dont nous pouvons
estimer la durée, pour lesquels nous trouvons des points de compa-
raison, à côté de ces incalculables laps de temps qui se sont écoulés
depuis que l'homme s'étant élevé au-dessus des animaux a commencé
la conquête du monde, depuis que les grands glaciers des débuts de
notre ère géologique se sont dissipés et que les eaux creusant nos
vallées firent le monde moderne.
I. Lucrèce, De iiatura rerum, liv. V, v, 1282.
56 L'HOMME PALÉOLITHIQUE
Ces âges défient toute appréciation et l'antiquité de l'Egypte n'est
qu'un atome en leur présence. Les huit mille années de l'ère pharao-
nique sont bien peu de chose quand on les compare à l'antiquité ab-
solue de l'homme.
Ces premiers habitants de l'Egypte, nous étions en droit d'en sup-
poser l'existence, nous la connaissions même d'une manière vague,
car déjà quelques témoins de sa vie avaient été rencontrés, deux
haches chelléennes ayant été ramassées sur le sol du désert, l'une à
Esneh, l'autre près des pyramides de Guizeh.
Aujourd'hui, nous devons affirmer de la manière la. plus positive
(|ue l'homme quaternaire a vécu dans les pays qui sont aujourd'hui
l'Egypte et qui alors se préparaient seulement à l'être. Quatre sta-
tions paléolithiques ont été déjà découvertes à Thèbes, à Toukh, à
Abydos et à Dahchour. Joignons-y les localités d'Esneh et de Guizeh
où des pièces isolées furent trouvées, nous aurons ainsi la géogra-
phie do ce que nous savons aujourd'hui de l'homme chelléen dans la
vallée du Nil.
Nul doute, pour moi, que des recherches suivies n'amènent la dé-
couverte d'un grand nombre d'autres gisements paléolithiques, car
les stations que nous connaissons aujourd'hui, je les ai rencontrées
dans les points où il m'a été donné de séjourner et je n'ai pu me livrer
à des explorations continues dans toute la partie du désert voisine du
Nil.
C'est dans les graviers du diluvium, sur sa surface caillouteuse,
qu'on rencontre les instruments chelléens ; ils ont été remaniés et
probablement très dispersés, mais certains points présentent les si-
lex taillés en plus grande abondance que les autres. Ces points cor-
respondent probablement à d'antiques ateliers, à d'anciens campe-
ments, au moment où l'Egypte, privée de sa vallée, mais formée de-
vallons nombreux, nourrissait dans ses forêts les précurseurs des
hommes qui nous ont légué ces ruines devant lesquelles nous sommes
frappés de stupeur.
A Deïr-el-Medinet, j'ai rencontré moi-même un assez grand nom-
bre d'éclats; à la vallée des Reines, M. G. Daressy, conservateur ad-
joint du Service des Antiquités, a trouvé sur le sol un coup-de-poing
chelléen absolument caractérisé et d'un travail aussi parfait que le sont
les spécimens les plus complets de Clielles, de Saint-Acheul ou de
Moulin-Quignon. Plus au sud, sur la colline qui sépare la vallée des
Rois de celle de Deïr-el-Bahri, MM. liamy et Fr. Lenormant avaient
rencontré des éclats qui ont donné lieu aux polémiques les plus vives.
J'ai moi-même ramassé un grand noinln'e de ces lames intentionnel-
lement taillées, au milieu d une ioule d'autres produites par l'action
i.'iiOMMi; l'Ai, 1:01, nillQUE
57
des agents atmosphériques. MM. Hamyel Vv. Lcnormant ne s'étaient
pas trompés quand ils assignaient à la forme de ces pierres une ori-
gine artificielle et ceux qui soutinrent (ju'elles étaient rœuvi(! du so-
leil étaient dans l'erreur.
Il est f'ré([uent de rencontrer dans le désert des galets qui, sous
l'action solaire, se sont éclatés. J'eu ai mémo renconti'é qui, par un
Fig. i5. — Coup-de-poing chelléen en silex jaune, 'recueilli par M. G. Daressy dan>
la vallée des Reines (Gournah), 3/4 grandeur naturelle.
curieux hasard, ont naturellement pris la forme d'une hache néoli-
thique parfaite. Mais,|JOur un œil exercé, il est toujours aisé de recon-
naître la cause de l'éclatement.
Dans les silex intentionnellement taillés, chaque éclat porte les
traces du coup qui Ta levé; il possède un talon et présente à la hase
de sa partie plate im hidbe caracléristi(|ue, dit bulbe de percussion ;
l'autre face montre toujours une ou plusieurs arêtes, traces laissées
par les éclats levés au début du travail.
Les galets éclatés au soleil non seulement ne présentent pas ces
caractères, mais montrent une série de cavités sphériques laissées par
le départ de l'éclat; dans ces silex, quelle que soit la forme générale
donnée par la nature, on ne voit jamais, sur les tranches, de traces
58
L'HOMME PALEOUTHIQUE
régulières de coups. S'il en existe, elles sont peu nombreuses et dis-
posées d'une manière quelconque. La confusion entre ces deux
modes d'éclatement n'est pas possible '.
Il est fréquent de rencontrer dans le désert, parmi les nombreux
galets qui le couvrent, des silex qui, éclatés par l'action du soleil, ont
ris- i(). — Silex en forme de hache, éclalë par la chaleur solaire et ne portant aucune
trace de taille artificielle (Toukh). 3/4 grandeur naturelle.
été brisés par un choc accidentel, les deux cassures sont alors placées
côte à côte, et, dans la même matière, l'une, causée par le choc, est
lisse, brillante, plane, et montre le point où fut frappé le coup, l'autre,
due à l'action solaire, présente une surface rugueuse et est concave.
Ces caractères généraux suffisent pour déterminer, à première vue,
quelles ont été les causes de l'éclatement.
I. Cf. Johannes Walther, Die Denudation in der Wtiste iind ihre geologische Bedeu-
tii/ig dans Ahhandliingen der malheinatisch-phyaischen Classe der K. Sàchsischen Ge-
sellschaft der Wissenschaften, Leipzig, 1891.
L'IIOMMI'; I'AI>i:oi.n'HIQUE
59
Le gisement de Toukh se Irouvo sur les iiionliculi^s d'alliivions (al-
titude eiivir'on .i.") mètres au-dessus du fond de la valli'e) qui s'élen-
deiil au [)i('d de la iiKinlayiie, eiitiH^les ruines ilu leniple [)liar'aoni(|ue
et une petite butte de sébakli noir située presque au pied tl(;s (alaises.
Les alluvions se composent de silex arrachés à la craie ; elles sont
mélangées de sable calcaire qui, dans les ravins, donne aux coupes
une couleur blanchâtre, tandis que les parties ex[)osées au soleil de-
puis longtemps sont devenues foncées et brunes.
C'est dans les ravins et sur le dos des collines qu'on rencontre les
silex travaillés; ils sont épars au milieu d'une infinité de galets de
Fig. 17. — Coup-de-poing chelléen en silex blanchâtre, ramassé à la surface
du diluvium, à Toukh. 3/4 grandeur naturelle,
toutes les grosseurs ; leur nombre est peu considérable, mais, en
quelques heures de recherches, on réunit aisément une série pré-
sentant des haches (coups-de-poing), des grattoirs, des pointes, des
lames simples et un grand nombre de galets portant des traces indis-
cutables de travail, mais ne présentant pas de formes précises.
Tous ces instruments sont taillés à grands éclats, avec une grande
sûreté de main; on ne voit jamais de pièces finement retouchées.
60
L'HOMME PAT.l'OLITHIQUE
J'ai Iroiivc à Toukh plusieurs haches appartenant au type chelléen.
Mais je n'en décrirai que deux, c'ar toutes présentent les mêmes
formes, le même mode de travail.
La première (fig. 17), faite de silex blond, mesure ()"',12 de
longueur. Elle est terminée en pointe à l'une de ses extrémités,
ronde à l'autre. C'est par grands éclats qu'elle a été faite ; l'un d'eux
Fig. l'S. — Conp-de-poiug cliellcon on silex jaune, portant des traces d'éclalemenl
par la chaleur solaire (Tonkli). 3//| grandeur naturelle.
ne présente pas moins de 0"',09 de longtienr. Les coups ont
été frappés sur la tranche, sur tout le pourtour de l'instrumenl cl
chaque éclat, en partant, a laissé en creux la trace de son Lulbe de
percussion.
La seconde (fig. 18) est en silex brun, ou plutôt est couverte d'une
patine brune et luisante causée par la chaleur solaire. Elle est d'une
exécution beaucoup plus grossière que la précédente et présente
i;hommk l'Ai.iioiji'niQiMc
fil
0n>,152 (lo longueur. Son mode de Iravail ik^ dillÏTo pas de ce qu'il osl
dans les autres pièces, les éclats sur h's deux laces ontélé largiMiiciil
enlevés. H reste par places des traces de la gangu edenii-silicMMise,
dcnii-crayeuse qui enveloppait le silex alors qu'il se trouvait dans les
Fi
.' ig. i(). — Pointo chelléennu en silex jaune, ramassée à la surface du diluviuui,
à Toukh. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 20.^ Pointe clielléenne en silex jaune (Abydos). i/;> granrleur uaUirellc.
'W/'
Fig. 2f. — Eclat chelléea de silex jaune, ramassé à la surface du ■diluviiiin, à Toukii.
3/4 grandeur naturelle.
Fig, 22. — Racloir chelléen en sile.x jaune, ramassé à la surface du diluviinn, à Toukii.
1/2 grandeur naturelle.
bancs de calcaire où il s'est formé. Près de la pointe, on remarque
une dizaine de cavités qui marquent la place d'éclats enlevés par la
chaleur solaire.
A côté des haches sont les pointes (fig. 19 et 20), bien caracléris-
62
T.'HOMMi: PAT.KOI.ITHIQIE
tiques des gisements européens, mais qui, en Egypte, semblent avoir
été en usage pendant plus longtemps. J'ai rencontré bon nombre de
ces instruments mélangés avec des outils plus modernes; mais je ne
puis dire si leur présence au milieu de gisements néolithiques ne
résulte pas de remaniements. Quoi qu'il en soit, ces formes se trou-
vent également dans le diluvium avec les haches et les autres ins-
truments paléolithiques.
A Toukh, les grattoirs sont relativement abondants. Celui dont je
donne le dessin (fîg. 22) est un silex brun, il a été taillé à grands
éclats sur tout son pourtour; seule, la partie tranchante de l'instru-
'm
'M
• ^*
Fig. 23. — Coup-de-poing chelléen, ramassé à la surface du diluvium, à Abydos.
3/4 grandeur naturelle.
ment a été moins grossièrement travaillée. Toutefois la taille de ce
ofrattoir ne ressemble en rien à celle des nombreux instruments de
ce genre qu'on rencontre dans le gisement néolithique, situé à
2,000 mètres environ au sud de la station chelléenne.
Il serait aisé de citer et de figurer un plus grand nombre de pièces
quartenaires provenant de cette localité, mais je pense en avoir dit
L'HOMME PALEOMTIIIOUE
63
assez pour iiioiitrer coinhicii l(!S iiislniiiiciUs qu'on v renconlro dif-
f'ôrent par la taille de ceux (|ii'oii esl habitué de trouver en l'Egypte.
Le gisement d'Abydos occupe tout le fond du cirque qui, situé
derrière les ruines de la ville, renferme la nécropole pharaonique;
on rencontre les objets très disséminés à la surface des alluvions,
m
My^î "'^
/>t-
Fig. '24. — Coup-de-poioa; clielléen en sitex jaune, ramassé à la surface du dikiviuiii,
à Abydos. 3/4 grandeur naturelle.
accompagnés, comme à Toukh, d'éclats et de galets éclatés par l'ar-
deur du soleil.
Tels sont tous les documents que nous possédons aujourd'hui sur
l'homme quaternaire en Egypte. Ils suffisent à en prouver l'existence
mais montrent que les recherches en ce sens ne sont qu'ébauchées et
que l'avenir réserve bien des découvertes.
La vie humaine, en Egypte, à l'époque quaternaire, se trouvant
prouvée, et étant admise même par ceux qui nient l'existence d'un
L'HOMME PALKOI.ITHIQUE
Fig. :>-.'). — Coufi-Je-poiiig clielléen en silex j;iiine, ramassé à la surface du diluviuin,
à Abydos. 3/4 graudeiir naturelle,
Fig. 9.C\ — Coup-dp-poing chelléea, ramassé à la surface du diluvium, à Dîmeli (Fayoum).
3//| grandeur nalurclle.
Fig. 27. — Pointe chelléenne en silex brun, ramassée à la surface du diluvium, à Abydos.
3/4 grandeur naturelle.
L'HOMM)' l'AMOOl.nilKHMC
65
Age iu'i)lillu([U(' ', commciil pcul-oii adnicllrc (iii'il n'ail ii(Mi existé
enire les contemporains des grands pachydermes et les |)remi(!rs
28
29
Fig. aS el 2f|. — Coups-(!e-poiiig chellcciis on silex jaune (lig. ■',8 : Ahydos. cl (ig. •.>.;) :
ïoukli). 1/2 grandeur naturelle.
Kig. 3o et 3i. — Racloirs ehelléens en silex jaune, ramassés à la surface du diluviuui,
à Toukh. 1/2 grandeur naturelle.
Égyptiens possédant l'usage de la métallurgie. Comment comblerait-
on, pour l'Egypte, cette lacune qui correspond en Europe à l'époque
des cavernes et à la période robenhausienne? Doit-on penser que
cette longue suite de siècles laissa l'Egypte sans population ou que ce
sont les derniers hommes paléolithiques qui reçurent de l'extérieur
I. « La plus ancienne trace de l'homme connue jusqu'à ce jour en Egypte appar-
tient à la période de la grande submersion de la terre, à l'époque pliocène ou pléis-
tocène, qui succéda au phénomène de creusement de sa surface actuelle. Les dépôts
situés sur les collines montrent que la mer s'étendait à au moins cinq cents pieds au-
dessus de son niveau actuel, et c'est à cet âge que doit être attribué le silex roulé
présentant le type ordinaire du paléolithique qui a été trouvé sur les collines, der-
rière Esneh >> (W. M. Flinders Pétrie, A Ilistoij of Egypt, t. I, p. 5). Il n'y a pas à
insister sur la valeur de ce passage au point de vue géologique. Il montre seulement
quelle est l'opinion de l'aulcur au point de vue du chelléen d'Egypte.
66
L'HOMME PALEOLITHIQUE
la connaissance des métaux? Dans Tiin et l'autre cas la thèse n'est
pas soutenable.
}Èii^li
l' ig. 32. — Eclat chellcen de silex jaune, l'amassé à la surface du diluvium, à El-'Amrali,
3/4 grandeur naturelle.
CHAPITRE V
Les autochtones de l'Egypte.
(L'homme néolithique.)
Avant d'entrer dans le détail de la description des objets qui nous
ont été laissés par l'iiomme néolithique en Egypte, j'indiquerai toutes
les localités qui m'ont fourni les documents sur lesquels j'ai basé
mon élude, les décrivant sommairement, en insistant surtout sur les
données qui permettent de se rendre compte de l'époque à laquelle
l'usage de la pierre était encore florissant dans toute l'Egypte.
Ensuite je passerai en revue les divers instruments et les armes
de silex taillé qui, à quelques exceptions près, sont les mêmes, quelle
que soit la localité qui les ait fournis, qu'on la prenne dans la Haute-
Egypte, dans la Basse ou au Fayoum.
Les objets divers, poinçons d'os, colliers, bracelets, etc.. et la céra-
mique, formeront ensuite la fin de mon étude, que vient compléter
l'appendice de M. le D"' D. Fouquet sur les ossements humains ren-
contrés dans les nécropoles. Je tirerai de ces données des conclusions
qui peut-être seront combattues, mais que, dans tous les cas, il sera
facile de vérifier, car'les stations préhistoriques de l'Egypte sont
encore à peine connues. Elles sont fort nombreuses et chaque saison
de recherches en fera découvrir de nouvelles.
Les gisements préhistoriques dont je donne la description sont
situés entre le Caire et Thèbes. Elles occupent donc dans la vallée
du Nil une longueur de 800 kilomètres environ. Ce fait seul est
d'une grande importance, car il prouve que l'usage du silex taillé
fut autrefois répandu dans la totalité des pays aujourd'hui égyptiens.
Il n'y a donc pas lieu d'attribuer l'emploi de la pierre taillée à des
populations vivant en Egypte à l'état sporadique.
r,s
L'HOMME NÉOLITHIQUE
Fig. 33. — Ciirlf (Us piiiicipalt's sl;ilioiis ucolitliiqucs de l'Égyple.
L'HOMMK NÉOLITHlQUi; 60
SUdioiis (le 1(1 lidssc-l-'.gjjpic.
Anou-Ro,vcii. — A S kiloiiièlrcs euviidii au nord de» pyramides
de Guizeh est la localité d'Ahoii-Roach, comiiie de tous les égyptn-
logtios par les deux p^'ramides qui jadis s'élevaient sur son plalcîau.
Autdur de ces toinl)es royales s'étend une nécropole assez vaste,
composée de tombes de loules les épo(|U(ïS k\ renfermant des sou-
terrains creusés tians le rocher, dont la destination primitive est
encore inconnue malgré mes fouilles de 1894.
Au pied de la montagne, dans la partie du désert voisine des cul-
tures, on trouve en abondance les silex taillés.
Le gisement, large de 200 mètres à peine, long de 20 kilomètres
environ, borde la vallée et s'étend vers le nord. Il n'entre pas dans
la montagne, et les alentours des pyramides et de la nécropole no
présentent aucun vestige néolithique. Dans ces conditions, il n'y a
pas lieu de supposer une relation d'époque entre la station des silex
taillés et les monuments historiques.
Le gisement d'Abou-Roach n'est peut-être que la trace d'un vaste
atelier de taille, car, d'une part, les nucléi, les percuteurs et les
éclats y abondent; d'autre part, les roches voisines qui appartiennent
aux terrains crétacés fournissent en (juantilé le silex de ([ualilé par-
faite.
Je dois ajouter qu'au déljut de notre siècle, les silex d'AIjou-Hoach
furent utilisés pour la fabrication des pierres à fusil ; mais la distinc-
tion est très aisée entre les objets et les éclats anciens et ceux dus
au travail moderne.
Guizeh. — Près des pyramides de Khufu, Ivhafra et de Menkauhor,
on trouve en petit nombre des fragments de silex travaillé, mais aucun
gisement spécial n'a encore été découvert dans ces parages.
S.VQQ.\it\H ET Auou-SiR. — Dans la partie centrale de la nécropole
memphite, on rencontre parfois sur le sol des fragments de silex
taillé, mais ces débris semblent avoir été jetés ou perdus jadis, aucun
gisement régulier ne se présente.
Près du Sérapéuin cependant, Mariette dit avoir recueilli un plus
grand nombre d'éclats que partout ailleursà Saqcjarah, et j'en ai trouvé
moi-même quelques-uns. S'a|)puyant sur l'opinion qu'il s'était faite,
qu'en Egypte les silex taillés appartiennent tous à l'époque historique,
Mariette pensa que ces instruments devaient leur existence aux tra-
vaux importants que nécessita le creusement des galeries du Séra-
péum.
"0 L'HOMME NÉOLITHIQUE
S'il on (Jlait ainsi, ce n'eslpas setilement près de la tombe des Apis
qu'on rencontrerait des traces de l'usage de la pierre, mais les innom-
brables ouvriers qui travaillèrent à la construction des vingt ou vingt-
cinq pyramides de cette nécropole et des millions de toml)eauxde tous
les âges qui la couvrent auraient laissé des amas considérables d'é-
clats et d'instruments rebutés, nous rencontrerions à chaque pas des
silex taillés. Or il n'en est rien et, bien que j'aie passé trois années à
l'étude de ce vaste champ des morts, jamais je n'y ai trouvé de preuves
sérieuses en faveur de la théorie qui suppose que l'usage du silex
taillé se soit perpétué d'une façon générale pendant toute la durée
de l'époque historique.
Dahchour. — Le sud de la nécropole memphite n'est pas plus riche
en silex taillés que la partie centrale. J'y ai ramassé, il est vrai, quelques
rares fragments, mais jamais je n'y ai rencontré, soit près des huit py-
ramides qui s'y élèvent, soit en tout autre point, de ces concentrations
de silex taillés qui seules autoriseraient à penser que les ouvriers em-
ployés à la construction des grands monuments en faisaient usage.
Sur les huit pyramides que renferme la nécropole de Dahchour,
six appartiennent au Moyen Empire, deux doivent probablement être
attribuées à l'Ancien. Or, près de chacun de ces monuments, on voit
encore l'amas de vases brisés qui signale le point où vivaient les ou-
vriers et aucun de ces huit hal)itats n'offre la moindre trace de silex
travaillé.
En dehors des pierres égarées de la surface, j'ai rencontré dans deux
ou trois cas des silex taillés dans des monuments datés.
La première fois, c'était dans la tombe violée d'un grandprêtre du roi
Snéfrou' ; les autres, c'est dans un monument daté de laXIP dynastie ^
Mais, comme on le voit, c'est par exception fort rare que j'ai trouvé
des silex datés et l'on ne saurait en déduire qu'à ces époques ils
étaient encore d'un usage courant. Probablement devons-nous attri-
buer leur jjrésence dans ces tombes à des coutumes religieuses, car
leur nombre est extrêmement restreint^.
Hklouan. — Sur le rive droite du Nil^dans la plaine qui s'étend entre
I. J. de Morgan, Fouiltex à Dahchour, mars-juin i8ç)4i p. io> ûg- ^■
u. J. (le Morgan, Fouilles à Dahchour, mars-juin 1894, p. 80, fig. 198.
3. Si,àl;iXII= dynastie, les silex avaient encore été employés d'une manière cour.inte .
on en trouverait dans les sépultures spoliées, car les fouilleurs ne pouvant en tirer parti
ne les auraient pas emportés. Or, sur quatre-vingts tombes environ du Moyen Empire
que j'ai explorées .1 Dahcliour, il n'en est qu'une qui renfermait quelques couteaux de
pierre, simples éclats à peine retouchés.
L'HOMME NKOIJTlllnUK 7t
la villi' (riléldiiaii oL l(; IIcmin i', ou lioiixc! en aljoiidaiice les silex taillés'.
Ils se rencoiilreiil soit à la surface du sol, soit dans une couche mince
de séhakii cachée sous le sable. Ces débris sont de véritables kjo'k-
kenmœddings seiiil)Iabl(^s à ceux de la Ilaule-Egyple. Quant aux
ruines arabes qui avoisinent la slalion, elles n'ont rien de commun
avec les silex taillés.
La slalion d'IIélouan esl reniar(|uable par la petite tailh; des [)ièces
qu'on y rencontre, par la fiuessedes retouches, ainsi que par lesTormes
spéciales que présentent les têtes de flèches (cf. p. 130, lig. 226 à 231).
LicHT. — Le plateau de Licht, près du village de Maharraq, porte;
deux pyramides : l'une, celle du sud, fut construite par le roi Amen-
emhat I" de la XII" dynastie; l'autre, celle du nord, par son successeur
Usertesen I". Ces deux monuments ont été élevés au xxvui' siècle
environ avant notre ère.
Or dans ses recherches (1894 à 1896) dans cette localité, M. J.-E.
Gautier a rencontré un grand nombre de silex taillés près de la pyra-
mide du nord et n'en a pas trouvé la moindre trace près de celle du
sud.
Le gisement originel de ces instruments ne put être retrouvé, car
les deux j)yramides sont entourées de constructions remontant à toutes
les époques, on y a rencontré des murailles et des fragments appar-
tenant à l'Ancien Empire et un grand nombre de sépultures romaines
et byzantines. Ce n'est donc pas sur des observations relatives aux
niveaux qu'il y a lieu de baser des évaluations, mais bien sur la pré-
sence des silex taillés près de l'une des pyramides, alors que ces Ins-
truments font totalement défaut près de l'autre.
Si les ouvriers qui travaillèrent à la construction de ces tombes
royales avaient fait usage du silex taillé pour leurs besoinsjournaliers,
nous trouverions ces objets aussi bien près de l'un que de l'autre de
ces monuments. Il en serait de même si l'usage de la pierre s'était
perpétué pendant toute la durée des temps pharaoniques. Ces condi-
tions n'existant pas, il es't plus rationnel d'admettre que la [)yramide
du nord fut construite sur l'emplacement d'une ancienne station pré-
historique, tandis que celle du sud s'éleva sur un point qui jamais
n'avait été habité.
Cette opinion est confirmée par ce fait que les silex se rencontrent
pai*mi les constructions de toutes les époques où des terrassements
successifs les ont apportés.
I. Cli.ibas, Eludes hist., p. 344 e' 345, cite les silex taillés trouves à Hélouan par
le D'' Reil ; il insiste sur le fait qu'ils ont été rencontrés près des ruines de construc-
tions arabes.
'2 L'HOMME >'I-:OLrrHIQUE
Dans la pyramide d'Usertesen I"' elle-même, le sable qui tient lieu
de mortier entre les pierres renferme des silex; ce sable fut ramassé
à la surface du sol lors delà construction du monument et les objets
qui gisaient sur le terrain furent pris avec lui.
A Licht, les nucléi et les percuteurs sont rares, on rencontre plutôt
des objets usagés et brisés, observation ([ui vient à l'appui de l'opi-
nion dans laquelle une station préhistoiitiue aurait jadis existé sur la
butte où s'élèvent aujourd'hui les ruines du tombeau d'Usertesen P''.
Meïdoum. — M. W. M. Flinders Pétrie signale de Meïdouni quel-
ques silex taillés, sans qu'il soit possible de fixer leur époque d'une
manière bien certaine. Selon l'égyptologue anglais, ils seraient con-
temporains de la pyramide (IIP dynastie) '.
Kahoun et Gourob. — Ces deux localités renferment des gise-
ments importants que M. Flinders Pétrie atti-ibue à la XII dy-
nastie '.
Nous connaissons aujourd'hui bon nombre de localités renfermant
des ruines du Moyen Empire. Les principales sont : Dahchour, Licht,
Hawarah, Kahoun, Gourob, Beni-Hassan, Siout, Gournahet Assouan.
Or, de tous ces points, aucun de ceux oii il m'a été possible de suivre
les recherches n'a présenté un nombre important de silex taillés
appartenant d'une manière certaine au Moyen Empire et constituant
de véritables gisements. Si les conclusions de M. Flinders Pétrie au
sujet de Gourob et de Kahoun sont justes, ces localités constituent
des exceptions uniques en leur genre. Je suis -plutôt porté à croire
que, comme à la pyramide septentrionale de Licht, les monuments
de la XIP dynastie ont été construits à Kahoun et à Gourob sur le site
d'anciennes stations néolithiques. La nature et le grand nombre des
objets qui y ont été trouvés sont en laveur de cette hypothèse.
Stations du Fayoïim.
DîMEii. — La station préhistorique de Dîmeh se trouve située à
.1 kilomètres environ au sud des ruines de la ville romaine, dans une
cuvette dont le fond est h 100 mètres d'altitude au-dessus du niveau
actuel du Birkct-el-Karoun et où jadis les eaux du lac p(''nétrèrent. Ce
golfe était alors bordé de collines dont la hauteur ne dépasse guère
30 mètres au-dessus des anciennes plages.
1. Meduin, par W. M. Flindei-s Pétrie, Londres, 1892.
2. Kaliun, Gitroh and /lan'ara, par W. M. Flinders Pétrie, I^ondres, 1890; Hlalum,
Kahuii iinâ Guroh, du même auteur, Londres. i8[)i.
I.'UOMMi: .M'OIJTHMJIE 73
Les collines sont composées d'assises niiocciics niaiMiics, larulis
que le Ibiul de la ciiv(!lte, couvert de limons modernes d'eau <iouc(>
est formé des couches supérieures de réocène.
C'est antérieurement au séjour de l'homme dans (;elle localité nue
le Birket-el-Karoun s'étendit jusqu'aux aHleurements mioc-ènc^s, car
c'est sur les limons du lac que se renconirent l(!s silex travaillés.
(les dépôts lacustres renl'erment en al)ondan(;e les restes des ani-
maux <|ui vécurent dans le lac et sur les bords ; j'y ai Irouvé en eÛ'et
un <:;rand nondjre de mollusc|ues ' et dans la parlic nu'iidionale du
goli'e une abondance extrême de restes de vertébrés, parmi lesqutds
j'ai reconnu le crocodile, des tortues, des hippopotames, des os d'an-
tilopes, des vertèbres de poissons et bien d'autres scjucleltes ([u'ij ne
m'a pas été possible d'identifier.
L'examen de ce gisement présente le plus haut intérêt ; les osse-
ments y sont très abondants et leur date est déterminée, car on sait
que, postérieurs aux grandes alluvions du (juaternaire, ils ont pré-
cédé l'établissement de l'homme néolithique sur ce point. En y opé-
rant des ibuilles on retrouverait bien certainement tous les éléments
nécessaires pour reconstituer la faune de l'Egypte aux premiers
temps de notre période.
La station néolithique présente une superficie de 4 à 500 hectares ;
les silex y sont répandus à la surface du sol avec une grande régu-
larité et en abondance. Il n'y existe que peu de percuteurs, de nucléi
et d'éclats; presque tous les objets sont des pièces cassées ou hors
d'usage.
Comme le fait a toujours lieu dans les stations préhistoriques, les
silex taillés rayonnent ([uelque peu aulour du centre principal; on en
rencontre en petit nombre sur certains jjoints situés à 2 ou -i kilo-
mètres de la station. L'un de ces gisements secondaires, situé entre
les ruines de la ville et le Birket, à une altitude moyenne de
100 mètres également, a été la cause de l'erreur dans laquelle sont
tombées les personnes qui ont parlé des silex de Dîmeh.
Ce gisement secondaire est bien moins riche que la station iirinci-
pale, on y rencontre quelques pièces brisées, des pointes de llcches et
des objets rebutés. Il semblerait que quelques familles soient venues
I. Les limons sur lesquels repose la station préhistorique de Dîmeh renferment, en
outre des ossements de poissons, de tortues, d'antilopes, d'hippopotames, etc., les
mollusques nilotiques suivants : Lanistes carinaius (Oliv.), Planorhis Ruppeli (Dkr.),
P. costulalus (Krauss.), P. sp., Segmentina angusta (Jick.), Isidora conlorta (Mich.),
Mcliinia tuherculata (Mull.), Cleopalra huUmoïiles (Oliv.), Bylhinia cf. ruliescens,
Vals'/iln nilolica (Jick.), Liniiuvi sp.; ers limons sout presque ciitièrcincnt composés
de diatomées.
74 I/HOMME NÉOLITHIQUE
habiter sur les rives du lac qui alors s'étendait jusqu'au niveau où se
trouvent les instruments néolithiques. Plus à Tinlérieur, dans la di-
rection des ruines historiques, les silex font défaut et dans les koms
eux-mêmes on n'en rencontre pas la moindre trace. La ville s'est éle-
vée en un point voisin d'une ancienne slalion préhistorique, mais ces
deux gisements des restes humains ne possèdent entre eux aucune
relation chronologique.
A Dimeh, lorsque, partant du centre du gisement préhistorique, on
s'avance vers le rivage actuel du lac, on rencontre quelques silex jus-
qu'à une altitude de 90 mètres environ; puis lès éclats disparaissent
absolument et l'on ne remarque plus que les racines des arbres qui,
suivant à peu de distance le cordon littoral, se sont desséchés quand
graduellement le niveau du lac baissa. Aujourd'hui des arbres de
même essence croissent le long du rivage et les sables de leur pied
ne dépassent guère une altitude de 10 mètres au-dessus des eaux.
Ce mouvement lent du Birket-el-Karoun, qui chaque jour baisse de
niveau et diminue sa surface, saute aux yeux lorsqu'on visite le
pourtour du lac et, grâce aux ruines qui l'entourent, il serait aisé de
retrouver d'une façon absolue le niveau des eaux aux diverses épo-
ques (fig. 34).
Fig. 34- — Coupe du Fayoum et de la vallée du Nil.
J'ai fait observer qu'au dessous de 90 mètres d'altitude relative, je
n'avais jamais trouvé de silex taillés. Celte observation montre qu'à la
fin de l'usage de la pi erre travaillée les eaux occupaient un niveau voisin
de cette altitude. D'autre part, les ruines romaines, qui parfois s'élèvent
sur des terrains plus élevés que les stations préhistoriques, sont sou-
vent situées à 20 et même 15 mètres de hauteur seulement au-dessus
du Birket. Il en résulte que, les silex taillés faisant absolument défaut
entre les cotes 0 et 90, l'usage de la pierre taillée n'a pu être contem-
porain des constructions romaines, et que, remontant à des âges
beaucoup plus reculés, il a cessé brusquement avant l'époque ro-
maine.
M. Lajard, dans son étude sur l'âge de pierre en Egypte, suppose
que la station de Dîmeh n'est autre qu'un atelier de taille d'où les
silex façonnés auraient été exportés pour les besoins des hommes
L'HOMME NÉOLITHIQUE 75
d'époque histori([iic, et que les silex de Goiiroh, entre autres, n'au-
raient pas d'aiilre oi'in'ine.
Cette sii|q)osilioii serait fondée si le gisement de Dînieli j)résenlail
les deux conditions néeessaires pour la constatation d'un atelier :
d'abord si le silex brut abondait naturellement dans le pays; ensuite,
si le sol de la station était couvert de nucléi, de percuteurs et d'éclats.
Or, dans le diluvium des environs de Dîmeh, les silex sont fort rares
et petits, et dans les couclies éocènes et miocènes qui forment le pays
il n'existe pas un seul rognon de cette matière. De plus, je l'ai dit, 1(îs
objets qu'on ramasse à Dimeh ne présentent aucun des caractères des
instruments rebutés à la taille. Ce sont des pièces finies et générale-
ment mises hors d'état par l'usage. Quant aux nucléi et aux percu-
teurs, ils sont si rares que c'est à peine si en plusieurs jours de recher-
ches j'ai pu m'en procurer quelques spécimens.
Dans l'examen que je viens de faire du gisement de Dîmeh, je crois
avoir démontré que les silex taillés de cette localité sont de beaucoup
antérieurs à l'époque romaine qu'on leur avait attribuée, et ensuite que
leur présence en cette localité est due, non pas à l'existence d'un atelier
de taille, mais bien à un centre d'habitation. Quant à l'époque précise
des silex, les observations ne permettent pas de la déterminer, mais
l'altitude élevée qu'occupent les gisements oblige à la reporter fort
loin.
KoM-AcHiM. — Dans cette localité, sur un plateau rocheux qui do-
minait autrefois le lac, s'étendent les restes d'une importante ville
romaine; son temple ruiné porte des inscriptions grecques aux noms
des empereurs. Plus au nord, entre le kom et le désert, à 4 kilomè-
tres environ des ruines, sont les restes d'une station préhistorique
n'ayant aucun lien commun avec les ruines de la ville qui ne renfer-
ment pas la moindre trace de silex travaillé.
A l'ouest sont encore deux autres tells romains nommés aujourd'hui
Ariet-el-Rosas et El-Gedaïdah. Il n'existe pas dans ces deux localités
de silex taillés.
O.m-el-'Atl. — Localité située au nord du village de Tamiyeh, dans
une plaine aujourd'hui stérile, jadis largement cultivée ; on y voit un
tell important renfermant des ruines romaines. Je n'ai pas rencontré
dans ces koms la moindre trace de silex travaillé.
A 3 kilomètres à l'est de Om-el-'Atl et à 4 kilomètres au nord,
sont deux stations préhistoriques assez importantes; on y rencontre
en abondance les instruments et les armes hors d'usage. L'absence
presque complète de silex naturels dans ces localités fait exclure
l'idée que ces stations peuvent avoir été des ateliers de taille.
76 t;hommi-: néolithique
MEDiNET-EL-M\Hni. — Localité située au sud tlu Fayouni, clans le
district de Gharak; on y voit un tell romain cl non loin une station
néolithique de peu d'importance.
Qash-Kaiioun. — Ruines de ville el temple situés près de l'extré-
mité occidentale du Birket-Karoun. Les édifices sont tous d'époque
romaine. Je me suis rendu dans cette localité, afin d'y vérifier l'exis-
tence d'un gisement néolithique qui m'avait été signalé. Dans les
ruines comme aux environs de la ville je n'ai pas rencontré la moindre
trace de silex taillé. Cette constatation est une preuve très concluante
en faveur de la haute antiquité des instruments de pierre en Egypte.
Stations de la Haute-Egypte.
II ne m'a pas été possible de rechercher les stations néolithiques
entre Beni-Souef et les limites septentrionales de la province de Gir-
geh; cette étude réclamait un temps que, inalheureusement, je n'ai
pu lui consacrer. C'est donc par Abydos et les localités voisines que
je continuerai l'énumération des gisements de silex taillé que nous
connaissons aujourd'hui.
El-Mahasnah. — Localité du. nord d'AJjydos; on y rencontre, dans
la partie située au pied des montagnes qui à gauche bordent la vallée
du Nil, des tombeaux creusés à même le sol, oii le mort, placé sur le
flanc, les membres repliés, est entouré de poteries grossières, d'ar-
mes de silex et de figurines animales en schiste. Je n'ai pas exploré
cette localité et ne puis en parler que d'après quelques objets qui
m'ont été apportés.
El-Ragagnah. — Localité distante d' Abydos d'environ 20 kilomètres
au nord. On y rencontre une nécropole analogue à celle d'Ei-Mahas-
nah.
Om-el-Ga'ab. — Localité d'Abydos renfermant une nécropole de
l'époque néolithique et les tombes royales découvertes en 1895 par
M. E. Amélineau.
Abydos. — Depuis longtemps, dans la nécropole d'Abydos, on ren-
contrait des silex merveilleusement taillés, et on les attribuait à la
XII» ou à la XXVIP dynastie, suivant l'époque des tombeaux près des-
quels on les trouvait. Celte opinion était tellement ancrée dans l'es-
prit des archéologues que, de même qu'on s'appuyait sur la taille
prétendue romaine du silex à Dimch, de même on invoquait les
L'HOMMK M.Ul.rnUQUl' 77
iastriimciils d'Abyclos pour pi-oiivcr rori^iiic liisloriqiie de rEgypIo.
C(!lle année, M. E. Amélineau, exécutant des Ibuilles dans la né-
cropole, détouvril une série de tombes très singulières, violées il est
vrai, mais reni'crtnant avec des vases grossiers des silex taillés sem-
blaljles à ceux qui abondent dans les collections de l'Europe et qu'on
pensait d'époque relativement basse.
J'assistai, moi-même, à l'ouverture de plusieurs de ces sépultures;
elles se composent d'une fosse rectangulaire profonde do 4 ou
5 mètres, large de 5 ou 6 et longue de G à 10. Les spoliateurs
avaient tout enlevé dans ces tombeaux et souvent môme y avaient
allumé de véritables brasiers dont les charbons existaient encore
en énorme quantité. On ne trouvait plus alors que des fragmcnits
de pierres, de vases, de silex taillés et des ossements (-alcinés. Par-
fois, une stèle renversée dans le puits offrait quelques caractères
aux formes archaïques, ou une bannière royale, parfois aussi des cô-
nes d'argile crue portaient imprimés au cylindre' quelques inscrip-
tions et les mômes bannières royales.
Tout dans ces monuments dénote une très haute antiquité. Doit-on
les attribuer à des souverains des premières dynasties, ou même aux
dvnasties dites divines ? Je ne saurais me prononcer. D'ailleurs M. Amé-
lineau nous a fourni lui-même la solution de cette question difficile
dans le travail qu'il a publié sur ses remarquables recherches.
Le savant égyptologue lisait dernièrement" un compte-rendu de
ses travaux d'Abydos à l'Académie des inscriptions et ])elles-lettres
et peu après livrait au pulilic une notice explicative plus étendue^
réfutant un grand nombre d'objections qui lui avaient été posées.
J'extrais de cette notice la partie descriptive des découvertes, la seule
qui concerne les études sur les origines; elle présente un intérêt
considérable.
« Ayant exploré cette première butte, je passai à un plateau long
d'environ 200 mètres qui séparait la première de la seconde butte et
je fis faire des sondages. Les sondages révélèrent l'existence de
tombes, et dans la première (jue je fouillai étaient cinq statuettes en
calcaire très belles et intactes, sauf une. ÎNIalheureuseinent ce fut
tout ce que je découvris d'objets artistiques dans les tombes de ce
1. II est intéressant de remarquer au sujet des cylindres que, dans les temps pha-
raoniques, les cacliets furent presque exclusivement obtenus à l'aide de scarabées
gravés et que l'emploi du cylindre fut presque complètement abandonné. L'usage du
cylindre aux époques archa'iques fait songer à celui quiMi faisaient vers les mèm.îi
époques les habitants de la Chaldée.
2. 29 mai 1896.
3. Les Nouvelles fouilles d'Ahydus, par E. Amélinoaii, Anijei's, 189G.
78 L'HOMME NÉOLITHIQUE
plateau au nombre d'environ cinquante. Ils ne m'offrirent tous que
des fragments de vases brisés et des vases de poterie grossière aux-
quels je n'atlacbai pas d'abord une grande importance. Ces tombes
étaient construites toutes de la même manière et consistaient dans
une chamljre unique creusée dans la molasse et revêtue de briques
crues et grossières. Ceux qui les avaient construites étaient encore
fort novices dans l'art de construire ; ils ne savaient ni mettre un mur
d'aplomb ni le mettre d'équerre avec un autre déjà construit. Les
murs étaient tout à fait irrégnliers, rentraient ou ressortaient, un peu
au petit bonheur. Quelquefois cette unique chambre était bordée,
sur un, deux ou trois côtés, d'une série de petites loges aussi irré-
gulièrement construites que la chambre principale, si étroites que je
me demandais à quoi elles avaient pu servir, car on aurait à peine pu y
loger deux vases comme ceux que je trouvais déjà. La réponse à la
question que je me posais me fut fournie par ce fait qu'un jour on
découvrit un cadavre échappé à la dévastation : il n'était point mo-
mifié, était couché nu sur le côté, les genoux ramenés à la hauteur
de la poitrine, les deux bras par devant le visage, dans la posture de
l'enfant dans le sein de sa mère et je compris alors qu'il n'était pas
besoin d'un grand espace pour le contenir. Malgré tout, certaines
loges étaient encore trop étroites pour contenir un cadavre dans cette
position et l'usage m'en est resté inconnu parce que je n'y ai rien
rencontré qui me l'apprît. Je pourrais ajouter ici d'autres détails que
j'ai eu le loisir d'ojjserver, mais dont la simple mention m'entraîne-
rait dans des considérations trop longues pour être exposées dans
cette communication et que j'exposerai tout au long dans le mémoire
qui paraîtra sur les fouilles. Je dois dire cependant que sur les vases
de terre grossière que je trouvai dans quelques sépultures je recon-
nus des dessins tout à fait primitifs, dessinés par des hommes qui
en étaient encore à essayer leur calame et qui faisaient leur éducation
artistique. A mesure que j'approchai de la seconde butte, je com-
mençai de trouver quelques caractères inscrits sur des fragments de
vases en pierre dure brisés : ces caractères me semblèrent étranges
de forme et de gravure. Je trouvai en outre d'autres fragments avec
des caractères grecs et je ne savais comment les uns et les autres
pouvaient se rencontrer ensemble. Ce n'est que plus tard que la lu-
mière se fit dans mon esprit. Je sus en effet que des sépultures
semblaljles avaient été trouvées à Qeft par le très habile explorateur
anglais, M. Flinders Pétrie, mais qu'il n'avait trouvé aucune trace
d'écriture. Dans la dernière tombe de ce plateau, j'eus le bonheur de
rencontrer une stèle dont le caractère archaïque était évident.
t( La seconde et la troisième butte étaient de très petites dimensions
L'HOMME NEOLITHIQUE 79
cl 1res peu éloignées l'uiK^ dc^ raiilr'(\ Très peu éhîvéos, elles ne sem-
blaient devoir exiger qu'un 1res couri espace de temps, mais les tom-
beaux qn'ellfis recouvraient, au licMi d'être petits, étaient très vastes
et dcniandèriuil un temps considérable. Tout y était ravagé, détruit
avec la plus rare fureur, et quand les moyens ordinaires de ravage
n'avaient pas paiMi suffisants on avait employé le feu. Les auteurs de
ces crimes abominables avaient même trouvé le moyen de signer
leur œuvre : sur des fragments de vases d'albâtre ils avaient dessiné
au charbon des caractères coptes et l'un d'entre eux avait écrit son
nom tout entier: il s'appelaitJean. Ce sont donc les chrétiens qui ont
détruit les tombeaux de cette partie de la nécropole et je ne me trom-
perai pas beaucoup en disant que les moines d'Abydos, contempo-
rains ou disciples postérieurs du fanatique jMoyse dontl'image souille
les murs du temple de Séli P'', sont les auteurs de ces horribles spo-
liations. Ils n'ont laissé aucun objet intact et ont agi avec lenteur,
prenant toutes les précautions nécessaires pour qu'il ne leur arrivât
aucun mal, bâtissant même des murs pour prévenir les éboulements
qui auraient pu empêcher leur œuvre de sauvage destruction. L'un
des tombeaux de la seconde butte avait été totalement incendié :
comme il était entièrement pave en bois, j'y rencontrai environ deux
cents kilos de charbon de bois, car les spoliateurs ayant allumé l'in-
cendie et ayant jeté du sable par dessus, le feu consuma lentement sa
proie. Je commençai à trouver sous ces deux buttes des silex d'une
beauté extraordinaire, admirablement polis et taillés et le tombeau
aux deux cents kilos de charbon de l)ois me fournit à lui seul 324 pointes
de flèches en silex, travaillées avec une habileté extraordinaire, de
toutes formes et déjà barbelées. Les roseaux des flèches avaient été
dévorés par l'incendie et les pointes en silex étaient restées éparpil-
lées dans le sable. J'ai aussi rencontré dans ce môme tombeau deux
gros morceaux de bois de sycomore avec des mortaises ou des trous à
chevilles, et dans ces trous étaient passés des fils de bronze, té-
moignage du moyen par lequel les diverses pièces du pavé étaient
assemblées ensemble. J'avais trouvé déjà des morceaux de métal ou
des fils de métal dont je me demandais l'emploi : la solution du pro-
blème m'était ainsi fournie.
« La quatrième butte était énorme et, quoiqu'elle fût large de
80 mètres environ, je ne pouvais un seul moment espérer y occuper
d'un seul côté les 450 ouvriers que j'employais alors. Je pensai à l'at-
taquer méthodiquement de trois côtés à la fois, au nord, à lest et à
l'ouest, mais pour cela il fallait déblayer le terrain afin de pouvoir
rejeter toujours en arrière les déblais qui seraient retirés. Gomme
du côté ouest était un autre plateau d'environ 147 mètres de largeur
80 T. 'HOMME NÉOLITHIQUE
sur 123 de longueur, je reportai mes ouvriers de ce côté. Dès les
premiers travaux qui furent exécutés, je me trouvai en présence de
nomljreux tombeaux dont ([uelques-uns avaient des dimensions énor-
mes. C'est ainsi que je trouvai un tombeau composé d'une grande
salle ayant 15", 05 de long, <S"',UO de large et 6°", 24 de hauteur; la pro-
fondeur des murs de revêtement n'avait pas moins de 4'", 33. Ce tom-
beau était celui du j)haraon Den. L'incendie qui y fut allumé fut tel-
lement violent (|u'il convertit sur toute l'épaisseur du mur les briques
crues en Ijriques cuites dont on pouvait l'aire le ciment que les indi-
gènes appellent 'o/iira/t. On y accédait par deux étages d'escalier
contenant chacun vingt et une marches. La salle était entièrement
pavée de granit rose et les dévastateurs avaient réussi d'abord à dé-
placer, ensuite à Ijriser au prix de grands efforts quelques-unes des
pierres énormes du pavé. Je n'y rencontrai que des objets cassés et
une stèle en granit sans inscription. Sur les côtés de cette grande
tomlîe étaient des constructions plus petites, les unes ayant servi da
tombeau et encore pavées en bois, les autres de magasins et remplies
de grandes jarres, de zifs énormes el d'autres vases en terre ou en
pierre dure. De ceux-ci je ne rencontrai que des fragments, mais
comme j'avais soin de faire ramasser tous les fragments, j'ai pu réi>s-
sir à reconstituer des vases entiers, et de plus les fragments conte-
nant des inscriptions se multipliaient. C'est alors qu'apparut le pre-
mier nom des souverains de cette époque. Il était enfermé dans un
rectangle et surmonté d'un épervier, dans la forme ordinaire de ce
qu'on appelle les bannières royales. Depuis j'en découvris quinze
autres, avec tous les titres usités depuis, comme ura>us de la Basse-
Egypte, vautour de la Haute-Egypte, roi souleii de la Haute-Egypte
et roi net delà Basse-Egypte, ce qui fait que j'ai actuellement au moins
seize noms de rois ayant gouverné l'Egypte entière à cette époque
reculée. Quelques-uns de ces noms sont écrits d'un seul signe,
d'autres de deux, d'autres de trois ; la lecture de quelques-uns de ces
signes est encore inconnue. De môme les stèles de simples particu-
liers se multipliaient : j'en ai recueilli environ une trentaine, pendant
que je n'avais que trois stèles royales, plus un mortier en granit oii
était la bannière d'un roi nommé Den. Les premières stèles avaient
été respectées par les dévastateurs, sans doute comme étant de vil
prix : elles ne contiennent que le nom de l'individu avec son titre qui
m'est inconnu, mais c[ui avait rapport au culte du rfo^ôZe après la
mort, car le signe qui désigne le double se rencontre presque sur
toutes avec le même oiseau. Elles étaient formées par des pierres
rencontrées dans la montagne, à peine polies pour recevoir la gravure
et qui s'effritent malheureusement dès qu'elles voient le jour. Les
I/HOMME NKOLITIIIQUl- Kl
trois stèles royales au contraire étaient en granit ou en beau calcaire.
Les caractères gravés sur le elianip di; la stèle déjà cintrée sont ar-
chaïques au premier cIk;!' : évideniinent sur les deux stèles en granit,
l'artiste a été gêné par la matières qu'il avait à tailler; aussi son
œuvre est loin d'èlre aussi parlaite que la stèle en calcaire où il a l'ait
preuve d'une véritable maîtrise. Le champ de la stèle est évidé de
2 centimètres et demi environ, de manière à l'aire mieux ressortir
les caractères à sculpter et en effet l'épervier qui surmonte le rec-
tangle et le serpent qui y est renfermé et qui forme le nom du roi se
détachent de la pierre avec une vigueur majestueuse qui n'a rien à
envier aux belles œuvres des temps plus rapprochés de nous. Ces
trois stèles étaient fort hautes et elles ont été brisées en plusieurs
morceaux : la dernière compte trois morceaux d'inégale longueur,
mais elle est complète. Le bas du rectangle dans les trois est occupé
par une maison rudimentaire sur les stèles de granit, et sur la stèle
de calcaire par une maison dontle dessin est exactement le même que
sur le sarcophage de Mycérinus ou sur les tombeaux de l'Ancien Em-
pire à Saqqarah.
« Ce ne sont pas seulement les stèles ou les fragments de vases
qui m'ont fourni des noms de pharaons ; mais encore les grands vases
trouvés dans les magasins dont j'ai parlé. Sur le flanc de ces vases se
lisent des inscriptions et sur quelques-uns les inscriptions con-
tiennent la mention du propriétaire du vase. Bien plus, presque tous
étaient surmontés d'immenses bouchons en terre mélangés avec des
fibres de palmier que les ouvriers avaient d'abord pris pour du poil
de chameau, ([ue j'avais cru moi-même être du poil de chèvre ou
de gazelle et dont l'examen au microscope a démontré la nature. Ces
bouchons étaient tous estampillés au nom du propriétaire, et ce pro-
priétaire était toujours un pharaon. Ces grands vases contenaient les
matières les plus diverses, des dattes, des céréales, des fruits de
napéca, des matières grasses en abondance, de l'encens, etc.; leur
contenu s'est à peu près conservé intact et les matières grasses
brûlent pendant des journées entières , comme j'en ai fait l'expé-
rience.
« Les œuvres d'art étaient abondantes à cette époque, car la civili-
sation était déjà très avancée. Tout d'abord on savait faire des pote-
ries déjà remarquables, les orner avec des serpents disposés tout au-
tour du vase iMi peu au-dessus de la panse : toutes les formes usitées
à cette époque le sont encore de nos jours en Egypte. Le tour du
potier était déjà connu vraisemblablement. Les vases en pierre dure
étaient excessivement nombreux : ma chambre était remplie des
fragments que j'avais fait ramasser et je ne crois pas être exagéré en
82 L'HOMME NÉOLITHIQUE
disant que j'avais réuni des fragments d'un millier de ces vases. Les
pierres les plus dures y étaient représentées, l'albâtre d'abord, l'al-
bâtre rubané, l'onyx, le porphyre, la serpentine, des pierres volca-
niques en grand nombre et d'autres pierres en grand nombre encore
dont j'ignore le nom. Ces vases affectaient des formes assez variées,
notamment le vase à vin, dont je ne connais pas d'exemples et dont
je crois que la forme est considérée comme archaïque et que j'ai re-
trouvé assez fréquemment. Ils étaient san-s doute taillés avec le silex,
creusés avec un instrument tournant mu par une sorte de violon, car
on voit encore les cercles concentriques tracés en quelques-uns par
l'instrument dont on se servait, puis polis par frottement. J'ai trouvé
un certain nombre de polissoirs dont on se servait. Il arrivait quel-
quefois pendant la taille qu'une veine malencontreuse et mauvaise
faisait briser la matière : l'ouvrier la recollait alors tranquillement
et j'ai des vases qui sont encore collés de cette manière. Quelcjues-
uns de ces vases portent des caractères gravés, et ces caractères sont
exactement semblables à ceux des stèles particulières : ils trahissent
donc la même époque. Certains de ces vases, encore en assez grand
nombre, puisque j'en ai une centaine de fragments, étaient ouvragés
et décorés, ou taillés en forme d'animaux avec des parties du corps
humain. Ces décorations ont un caractère archaïque très prononcé,
je n en ai jamais vu de semblable, quoique je connaisse un certain
nombre des musées les plus importants d'Europe; quelques-unes
d'entre elles sont très fines et vraiment artistiques. Elles ne sont pas
sporadiques, car la même décoration est répétée encore assez fré-
quemment : elles sont prises en général des choses de la nature, des
coquilles, des paquets de jonc retenus par une attache ; un grand
nombre sont formées j)ar de simples lignes irrégiilières ou régulières,
la plupart du temps striées. Les vases complets en albâtre portaient
généralement, un peu au dessous du col ou du rebord, une ligne très
simple, avec des sortes de coches du plus gracieux effet. Deux de ces
fragments ont une véritable importance artistique : l'un représente
une main taillée avec beaucoup d'art, ayant tous les caractères archaï-
ques désirables; les doigts effilées se détachent admirablement avec
toutes leurs particularilés de la pierre calcaire sur laquelle ils ont été
sculptés : cette main devait servir de couvercle à un vase quelconque
que je n'ai pas et qui lui était adhérent; elle était brisée en deux mor-
ceaux et j'ai retrouvé le second à huit jours et à plus de 30 mètres de
distance du premier. Le second fragment est l'œuvre d'un grand ar-
tiste : il représente une léte de canard d'un réalisme incroyaljle et qui
semble encore vivante : la tôte était attenante à un corps d'homme ou
de femme, de femme plus vraisemblablement. J'ai trouvé dans un de
I/IIOMMIÎ Nl'OLITHIQUE 83
ces toiiihcaiix une sorU; de vase donl je ne vois pas très bien la forme
qui avait une feuille d'or applitpiée de chaf|uc côté.
« Les hommes de celte époi[ue étaient donc déjà très avancés dans
les arts de la civilisation : leur art préféré, celui dans lequel ils réus-
sissaient le mieux, était la sculpture, ainsi que je l'ai déjà dit. J'ai
trouvé de cette époipie, à plus de 10 mètres sous terre, des pieds de
tabouret en ivoirtî qui me semblent étonnants de facture : on n'aiii'ait
pas mieux fait dix siècles plus tard, à (lueique époque qu'on doive
rapporter ces tombeaux. Ils représentent tous (j'en ai trouvé sept) un
pied d'hippopotame, avec tous les caractères spéciaux aux pieds de
ce pachyderme : ils ont été sculptés avec une hardiesse étonnante et
sont au nombre des plus beaux objets que j'aie rencontrés. J'ai trouvé
de même un petit lion en ivoire, long à peu près d'un décimètre, d'une
expression extraordinaire. Galion, je l'ai vu trouver devant moi dans
un tombeau, à plus de 6 mètres sous terre, dans les décombres du
tombeau (pii avait i™,10de profondeur, à l'ouest delà quatrième butte
d'Om-el-Ga'ab. Mais la preuve la plus étonnante de l'art des habitants
d'Abydos à cette époque me semble fournie par deux petits objets en
l)oisd'ébène. Le premier a été trouvé dans la tombe du roi Serpent :
c'était le haut d'une petite statuette admirablement sculptée, avec les
seins proéminents, les yeux saillants, la bouche épaisse et la cheve-
lure partagée en nombreuses tresses retombant derrière la tête et
terminées par une sorte de tire-bouchon des femmes nubiennes. Le
type est incontestablement nubien : les femmes Bischaris pour-
raient offrir des types semblables avec une chevelure semblable. Le
second est peut-être plus étonnant encore, c'est un morceau de bois
qui faisait sans doute partie d'un cofTret et qui a été trouvé dans le
tombeau d'un roi qui s'appelait peut-être Ç''''^- H est décoré des deux
côtés : du côté intérieur, la décoration consiste en paquets de jonc re-
tenus par des attaches; et cette décoration se trouve de chaque côté
d'un espace qui contient une bannière royale avec l'épervier sur le
sommet, soutenue par le signe ka et ayant de chaque côté le signe
de la puissance pastorale passé dans le signe de la vie. »
Cet ensemble de sépultures rentre dans la catégorie de celles que
je range sous le nom de tombes de la transition : elles signalent le
passage de l'usage de la pierre polie à celui des métaux. Leur ar-
chaïsme est indiscutable, leur origine royale n'est pas moins certaine.
Quant à leur âge précis, il est bien difficile de le fixer. Car on peut
aussi bien les attribuer à des rois autochtones qu'à des souverains
rentrant dans la I" et la IP dynastie. Il se peut que la grande invasion
pharaonique ait été précédée par des avant-coureurs qui auraient
alors apporté dans la vallée du Nil, chez les aborigènes, l'usage des
81 L'HOMMli M'.OIJIHIQri-
métaux et bon nombre de coiitiunes égyptiennes. Il se peut aussi
que, lors de la conquête, les premiers rois pharaoniques n'aient pas
été en possession de coutumes irrévocablement fixées et que le dé-
veloppement se soit complété dans la vallée du Nil. Ces questions
sont fort complexes, leur solution dépend d'un grand nombre de
faits que nous ne connaissons encore pas. Quoi qu'il en soit, il est
impossible de nier que des analogies frappantes existent entre les
tombeaux archaïques d'El-'Amrah, de Kouft, etc., et les sépultures
royales d'Om-el-Ga'ab;que les moliiliers funéraires dénotent une com-
munauté de civilisation entre les derniers hommes de la pierre polie
et les habitants d'Abydos à ces époques reculées. Les usages pharao-
nicpies font seulement leur apparition ; ils sont encore souvent rudi-
mentaires et se montrent concurremment avec les anciennes coutumes
autochtones. Les prochaines fouilles de M. E. Amélineau jetteront
bien certainement un jour nouveau sur beaucoup de ces points.
Non seulement à cette époque le bronze était connu, mais l'or fai-
sait partie des ornements, car, peuaprèsles fouilles de M. Amélineau
à Abydos, on m'apportait au Musée de Guizeh un lot de silex taillés
présenté par un marchand et dont l'une des lames est garnie d'une
feuille d'or repoussé représentant des animaux et des Heurs. Gomme
de juste, les fellahs qui découvrirent cette admirable pièce se gardè-
rent bien d'en fournir la localité, mais, par la nature de la matière
comme par les ca.ractères du travail, je ne puis douter que cet objet ne
provienne des environs d'Abydos. M. Amélineau est d'avis que ces
oljjets lui ont été volés au cours de ses fouilles à Abydos. M. E.
Brugsch-bey pense qu'elles proviennent de Sagel-el-Baglieh. Dans
tous les cas elles ont certainement été trouvées dans le district d'A-
bydos.
Les tombes archaïques d'Abydos furent, pendant des milliers
d'années, l'objet de la vénération publique. Elles disparaissent au-
jourd'hui sous de véritables montagnes de vases brisés qui jadis ren-
fermèrent des offrandes. Gette partie de la nécropole n'est encore
qu'effleurée et certainement fournira des documents bien précieux
sur ces époques qu'on soupçonnait à peine.
El-'Amrah. — A 6 kilomètres environ au sud d'Abydos est la né-
cropole d'El-'Amrah où, l'hiver dernier, j'ai fait quelques sondages.
En ce point de la vallée du Nil, les terres fertiles sont séparées
du pied de la montagne par un vaste plateau bas d'alluvions caillou-
teuses ; c'est dans cette plaine ([ue se trouvent les sépultures ar-
chaïques accompagnées de sépultures d'époque historique et relative-
ment moderne.
I/HOMME NKOIJTIHOUE
85
Les loinljcs aicliui(|ues soiiL Loulcs du mr-iiu! inodèle; elles seeoin-
posent d'une simple fosse ovale creusée dans les alluvions el pro-
fonde de l'",50 à 2 mètres au plus. Le corps a été déposé sur le côté
gauche, les jambes sont repliées de telle sorte que les genoux soient
à la hauteur du sternum, les avant-hras sont allongés en avant et
les mains placées l'une sur l'autre devant la face, la tête est légèrement
penchée en avant.
yc^
Fig. 35. — Sépulture préhistorique (nécropole de El-'Amrah).
i/ao grandeur naturelle'.
Autour du mort sont les vases, grandes urnes de fabrication gros-
sière souvent remplies de cendres ou d'ossements d'animaux; plus
près du corps on rencontre des vases peints et d autres rouges dont
les bords sont noircis et briuiis, des vases de pierre grossièrement
creusés, des figurines de schiste représentant des poissons ou des
I. Les figures 36 à 5o ont été reportées plus loin dans le volume, l'auteur ayant
jugé, au dernier moment, plus à propos de les classer avec leur texte explicatif.
6
86 L'HOMME NÉOLITHIQUE
quadrupèdes, des silex taillés et, plus rarement, des massues d'al-
bâtre, des colliers et des bracelets de coquilles.
Le bronze est fort rare dans ces tombeaux. Quand on le rencontre,
il se trouve le plus souvent à l'étal de petits instruments, tels que des
aiguilles, des poinçons, menus objets qui montrent coinbicn cet
alliage était encore précieux.
Nous trouvons donc à El-'Amrah à la fois des lombes purement
néolitbiques et aussi des sépultures qui montrent le passage aux mé-
taux. Cette constatation n"a rien ((ui doive surprendre, car il tombe
sous le sens que les bommesde l'âge néolithique conservèrent leurs
usages funéraires el autres, Jjien des siècles encore après que l'em-
ploi des métaux leur eût été enseigné.
Le fait le plus remarquable dans ces sépultures est la position
du cadavre, qui ne se retrouve jamais dans les âges pharaoniques.
Les tombes égyptiennes les plus anciennes nous montrent invaria-
riablement le mort placé sur le dos, les jambes allongées, les mains
généralement croisées à la hauteur de la naissance des cuisses.
Cette disposition ne varia jamais tant que dura la religion égyptienne,
et les momies de l'époque romaine garnies de bitume affectent abso-
lument la même pose que celles de l'Ancien Empire, qui simplement
étaient desséchées au natron.
Dans les tombeaux d'époque pharaonique, la tète du mort est inva-
riablement tournée vers le nord ; dans les sépultures archaïques,
l'orientation est quelconcjue.
Ces différences sont remarquables, surtout dans un pays où, comme
en Egypte, les usages se sontconservés avec tant de perfection; elles
permettent d'affirmer(|ue leshommes d'El-'Amrah différaienldcsprc-
miers Égyptiens autant par leurs coutumes et leurs croyances que par
leurs caractères physiques dont il sera question plus loin (cf. l'Appen-
dice anthropologique, par le C Fouquet).
El-K.vhn.vk. — Localité voisine d'Abydos oii se rencontrent des tom-
bes semblable^; à celles de El-'Amrah.
El-Gheik-S.vl.vm. — Localité près d'Abydos renfermant une nécro-
pole néolithique.
Gebel-el-T.\rif. — Localité située en face d'Abydos, sur la rive droite
du Nil, où des fouilles, exécutées par mon ordre en avril-mai 1896,
ont amené la découverte d'une nécropole semblable à celle d'El-'Am-
rah. Les tombes y présentent tous les caractères des sépultures
archaïques et renferment en outre des silex taillés, un grand nombre
de vases en pierre dure, des poteries peintes, des œufs d'autruche.
I.'IIOMMK NKOr,rniIQUE - 87
des figurines humaines vA animales et pas le moindre objet de;
bronze ou de cuivre.
Sachul-el-Bacilikh. — Nécroj)(>Ie ar(haï(|ue située sur la rive droite
du Nil, en l'aee d'Abydos, et renfermant les mêmes mobiliers funé-
raires que celles déjà décrites. Des sondages y ont été exécutés par
le Service des Anti(juités en avril 1896. Ils ont amené la découverte
de nombreux silex laillés, de vases couverts de peintures grossières et
de quelques instruments de bronze.
Zawaïdah. — Village situé au pied de la montagne, sur la rive
gauche delà vallée. Son territoire relève de Négadab. On y rencontre,
sur la lisière du désert, des kjœkkenmœddings ou couches de sé-
bakh renfermant en grand nombre des silex taillés. Plus loin, au |)i('d
des falaises, est la iK'cropob^ archaï(|ue.
TouKH. — \'illage dépendant aussi de Negadalî. Au nord, près des
terrains de cidlure, est un kom renfermant les ruines d'un temple de
l'époque des Ramessides;plus au sud, sous les sables, on trouve une
surface importante couverte de sébakh sur une épaisseur de 0"\50 à
l'",50. Des cousiruclions eu bri(|ues crues très simples couvraient
tout cet espace.
(i'est dans le sébakh (|u'on rencontre les silex taillés; ils sont ex-
trêmement alîondants et se Irouvenl là mélangés avec des os brisés
d'animaux, des fragments de vases semblables à ceux qu'on voit dans
les nécropoles archaïques, de petits poinçons d'os, des coquilles ma-
rines et nilotiques, des nucléi, des percuteurs et une foule d'éclats.
Les objets de bronze sont d'une extrême rareté, ils forment géné-
ralement de très petits outils. Je n'ai pas rencontré dans ces couches
d'objets dûment datés d'époque pharaonique.
Je ne sais si les constructions de briques crues (jui remplissent ces
buttes doivent être attribuées à l'époque de la taille des silex; je suis
très porté à le croire, car dans les tamisages que j'ai fait exécuter à
Toukh, je n'ai jamais trouvé de fragments étrangers aux âges néoli-
thiques ou au début de l'usage des métaux.
Ces buttes de Toukh sont de véritables kjœkkenmœddings; elles
en renferment tous les éléments et sont les derniers restes du vil-
lage où vivaient les gens qui reposent dans la nécropole située non
loin de là, au sud-ouest près des montagnes.
Le terrain compris entre l'ancien village et la nécropole est cou-
vert de silex taillés et constituerait à lui seul une véritable station
préhistorique, si nous ne possédions les ruines des habitations.
88 LHOMME .M'OLITHIQUE
Le tell du nord qui, comme je l'ai dit, renferme des ruines dues aux
Ramessides, ne contient pas de silex taillés. Il se compose d'un mé-
lange de sébaivh, de débris de constructions et de briques estampil-
lées au cartouche royal.
La nécropole est très vaste;, elle couvre environ 30 ou 40 hectares.
M. Flinders Pétrie l'a exploitée en presque totalité, mais il restait en-
core assez de tombeaux pour (|ue je puisse me rendre compte qu'ils
appartiennent tous au type de El-'Amrah.
l\ii\TTAHAii. — Cette localité est située au pied de la montagne, à
I) kilomètres environ du village de Toukh, et comme lui possède ses
kjœkkenmœddings et sa nécropole.
Entre Gamala et Demfiq sont d'autres nécropoles de même nature;
leur jirésence m'a été signalée tout dernièrement.
TiiKiiKs. — Les silex taillés sont j)eu abondants à Thèbes ; on en
rencontre parfois à Gournah, dans la nécropole. Mais les remanie-
ments nombreux auxquels le sol de cette localité a été soumis ne
permettent pas de leur assigner une date.
Gebelein. — Je cite cette localité parce qu'on y a rencontré des
vases semblables à ceux des nécropoles néolithiques; ces objets furent
trouvés j)rcs de tombeaux du Moyen Empire. Aussi a-t-on cru devoir
les attribuer à cette époque. Mais je suis porté à croire que si des ob-
servations précises avaient été faites sur ce point on aurait reconnu
la présence de sépultures néolithiques.
El-Kab. — Les ruines de la ville renferment un grand nombre de
percuteurs et de galets ronds qui ont été employés comme projectiles
de fronde. Ils ont ])robablementété ramassés dans une station préhis-
toricpie voisine.
CiiELLAL (cataracte). — Bien que j'aie exploré avec le plus grand
soin les environs d'Assouan, lorsque j'en dressai la carte en 1893, je
n'y ai jamais rencontré de station préhistorique; toutefois, dans l'île
de Sehel, j'ai trouvé un fragment de hache polie.
Ce n'est pas seulement en Egypte qu'on rencontre la pierre taillée
dans cette partie de l'Afrique. Le capilaine Lyons en a rapporté de
Nubie, Gordon-Pacha a envoyé de Kharloum à l'Institut égyptien trois
haches en hématite qui venaient du pays des Niam-Niams; Schwein-
/ . ; L'UOiM.MI': MlOl.iniKM i: 89
l'urth et CIiaillé-Long en ont l'cMiconlré ;iii Soinliiii'. Enfin, le D'' Joiis-
seaiinie vient d'en trouver clie/ les Çonialis (;t les Danakils*.
Dans l'éniiinéralion que je viens de l'aii'e, je n'ai cité que les loca-
lités les plus importantes; beaucoup d'autres déjà ont été signalées et
sans nul doute on en rencontrera encore un très grand nombre. Je lu;
prétends pas, dans celte élude, donner un(> monographie; ilc. l'Age île
la pierre polie clans la vallée du Nil : il sul'lit dr. prouver (|u'il a existé
et joué un rôle important dans les origines de l'Egypte.
Iiistriniiriits cl armes tiéolilJil(iiirs.
Bien que nous ne connaissions encore qu'un nombre relativement
petit de stations néolithiques, nous constatons cependant ce fait qu'à
peu d'exceptions près, les formes sont les mêmes dans les diverses
localités, que les procédés de taille sont identiques et que, sur un
parcours de 800 kilomètres environ, dans la vallée du Nil, il existe
une homogénéité presque parfaite dans la nature des objets.
Comparées aux séries de la pierre en Europe, les colleclions égyp-
tiennes présentent cette particularité singulière qu'on rencontre à la
fois des types appartenant à des époques considérées comme très di-
verses dans les autres pays; on trouve en même temps dans les mêmes
gisements des pièces qui en France seraient attribuées au solutréen,
au magdalénien, au moustérien et au robenhausien; ces silex gisent
côte à côte avec des formes spéciales à la vallée du Nil et tous sem-
blent avoir été contemporains.
Peut-être à un moment donné sera-l-il nécessaire de créer dans
l'âge de pierre égvptien une série de subdivisions, d'établir des Iran-
sitions entre le chelléeii et la j)ierre polie, mais à présent il n'est
pas possible d'entrer dans tant de détails, d'autant que j'ai toujours
jusqu'ici rencontré un mélange intime des diverses formes. 11 se
peut qu'un jour bien des pièces que je publie aujourd'hui sous le nom
de néolithiques doivent être rangées dans le quaternaire; mais je le
répète, dans l'état actuel de nos connaissances, Userait prématuré de
s'aventurer dans des classifications de détail.
Je décrirai donc les objets non chelléens en admettant pour tous
une môme antiquité, je les rangerai suivant les formes qu'ils présen-
1. Insiit. égypt., i3 jnnv. 1877, p. 110; note du D'' Gaillardot.
2. Au pays des Çoraalis, M. le D"' Jousseaunie a rencontre quelques silex taillés de
forme indécise, sans retouches, dont la présence permet de croire qu'on découvrira
dans ces pays des stations de l'âge de pierre, soit paléolithiques, soit néolithiques
(D' Jousseaume, Réflexions anlhiopologiques h propos des lumuliis et silex taillés
des Çomalis et des Danalils, dans V Anthropologie, 1. Vf, n" '|, juillel-aoùt iSi|4).
90
L'HOMME NÉOLITHIQUE
tent, partant des simples pour arriver aux plus compliquées, car il im-
porte avant tout d'établir dans ce volume l'existence d'un âge de pierre
en Egypte et non de créer des divisions dans cette civilisation. Mon
travail est destiné à réfuter l'opinion de ceux qui, attachant plus d'im-
portance aux textes qu'à -toute autre nature de documents, sans pos-
séder les connaissances nécessaires pour en traitei', ont réfuté a priori
l'existence en Egypte d'une civilisation antérieure à celle des métaux.
Il ne s'adresse pas aux géologues, auxanlliropologistes ou auxpréliis-
toriciens, car pour ceux-là, la démonstration n'est plus à faire: quelques
indices ont suffi pour leur i'aire toucher du doigt la vérité.
Mes descriptions jetteraient certainement du trouble dans les re-
cherches postérieures sur le détail des époques, si je n'avais soin
d'indiquer très minutieusement les gisements, les localités et les
ressemblances que présentent les silex taillés d'Egypte avec ceux des
autres régions. Les stations d'ailleurs sont loin d'être épuisées, àpeine
ont-elles été eflleurées. Il sera facile de reju'endre leur examen et par
leur étude complète de se rendre compte de la nécessité ou de l'inu-
tilité d'admettre des subdivisions dans l'âge de la pierre en Egypte.
NicLÉi. — - Les nucléi sont très abondants en Egypte; on en ren-
contre dans toutes les localités, depuis le Caire jusqu'à Thèbes. Ils
se présentent sous deux formes différentes.
Dans la première (hg. 51, .52, 5.3), les éclats ont été enlevés sur
— NucIlI on silcv (kjakkeiiinœddings de Toukii).
tout le pourtour du noyau de silex, dont une face, celle destinée à re-
cevoir les coups, a été enlevée d'un seul éclat. Il ne reste presque
jamais de gangue sur ces nucléi.
Dans la seconde (fig. 54, 55), le nucléus présente la forme dite
« pied de cheval ». Il offre toujours un plan de frappe, mais les éclats
n'ont été enlevés que d'un seul côté sur la moitié environ du périmètre
de la pierre.
Ces deux variétés sont communes dans toutes les localités voisines
I/HOMME NEOF.nilKHK
91
dti gisemenls iialurtils th; silex ; le <( pied de cheval •> mIjoihIc ù Toiikli
et à Aboii-Rtjacli, landis qu'au Fayouin je n'en ai l'encoiili'i- que de très
rares spécimens.
Fig. 5/1 et 55.
lex jaune (kjopkkenmœddings de Toukii). i[-?. grandeur
naturelle.
En France, les nucléi n'apparaissent qu'avec la pierre polie; ils
présentent très fréquemment les formes que nous rencontrons en
Egypte; toutefois, dans la vallée du Nil, je n'ai jamais trouvé de longs
nucléi semblables à ceux du drand-Pressigny (Indre-et-Loire), de
Praslong (Vienne) et de la Belgique méridionale. Cette forme ne
semble pas avoir existé en Egypte et les nucléi sont tous plus ou
moins coniques.
Percuteurs. — Les galets avec l'aide des([uels les ouvriers des pre-
56 37 53
Fig. 56 et 58, — Percuteurs en silex gris jaune (kjœkkenmœddings de Toukh).
i/2 grandeur naturelle.
Fig. 5-. — Percuteur en silex gris (El-Kab). i/a grandeur naturelle.
miers âges façonnaient le silex sont tous des pierres à peu de chose
près sphériques, couvertesde tracesdeschocs reçus (fig.Sf), .'>7, nS) : on
92
I, HOMME NEOLITHIQUE
en trouve un grand nombre clans les stations tle la vallée du Nil et
dans certaines localités. Les pei'culeurs scnihlenl avoir été employés,
entre antres à El-Kab, comme pierres de fronde dans les temps his-
toriques.
Ces o])jets sont faits de toutes les matières dures du pays : silex,
serpentine, diorite, basalte, granité, grès, etc. Ils présentent tous
environ la grosseur du poing.
Les percuteurs, si communs en Egypte, le sont dans toutes les loca-
lités néolithiques du globe ; il n'y a donc pas à chercher des compa-
raisons.
Haches. — Dans la vallée du Nil, comme partout ailleurs, les haches
jouèrent un très giand rôle dans l'armement de l'homme préhisto-
rique; on en rencontre dans toutes les stations, où elles présentent
les mêmes formes, et passent de la hache grossièrement éclatée à
la pièce finement polie.
"^M ^
Fig. .Sç) à (ij. — Hachcltcs (fit;'._:>i) : silex j:iuno, kjœkkenmœddiiigs di- Kliatlarali; —
lig. Co, Gi, (ia et GJ : silex brun, kjœkkenmœddings de Toukii). 1/2 grandeur
naturelle.
Si nous classons ces objets suivant la nature de leur taille et sui-
vant leur forme, sans nous préoccuper de ce fait que dans les gise-
ments tous les types se trouvent mélangés nous voyons à Khattarah
(fig. 59), à;El-ToukIi (fig. GO, 61, 62, 63, 64, 65) "des types qui se
L HOMMK XÉOI.IIHIOUH
93
rapprochent l)oaiicoiip d(is haches chelléeiiiies d'Egypte et de
rEurope'. La taille eu esl haliih;; bien que grossière, elle esl faite à
grands éclals enlevés sur les deux faces. Ces haches sont plus on
moins allongées, largement renllées en lenr milicMi. Elles se ren-
contrent en même temps que les haches polies, mais rien ne prouve
qu'elles ne soient pas antérieures aux pierres néolithiques, et que
,^1^*
I
/
y
Fig. 64 et 65. — Hachettes eu silex biniii (kjœkkenmœddings de Tovikli). i:-ï grandeur
naturelle.
Fig. 66 et 67. — Hachettes dégrossies (kjœkkenmœddings de Khattarah) (fig. 66 : silex
brun ; fig. 67 : silex gris). 1/2 grandeur naturelle.
des stations d'âges divers ne se soient pas superposées à Zawaïdah, à
Khattarah et à El-Tdukh.
Au Fayoum, à Dimeh, Kom-.\chim, Ùm-el-'All, etc., je n'ai jamais
rencontré de haches taillées d'une façon aussi rudimentaire.
Les mêmes localités, voisines de Négadah, fournissent un type de
haches plus allongé, également taillé à grands éclats et renflé en
son milieu, mais se rapprochant plus des instruments dégrossis pour
être polis (fig. 66, 67, 68, 69); puis, dans d'autres spécimens, le tail-
f. Comparez avec les objets du Musée de Saint-Germain, n" 18112 : Douris (Vienne) ;
id., n" II 623 (Vienne).
94
L'HOMME NÉOLITHIQUE
lant s'élaro-it (fig. 70), bien que l'objet demeure très grossièrement
travaillé.
Hif. 68. — Hache en silex jaune veiné de Ijrun (kjcekkeuinœdiiings de Zawaïdali).
if'l grandeur naturelle,
''•a *'9- — Hache en silex brun (kjœkkenmccddings de Tuukh). 1/2 grandeur naturelle.
'«fe^
Fig. yo. — HacheUe en silex jaune (kjifkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle
Fi
g. 71. — HacheUe en silex jaune clair (kjakkenœœddings de Toukh). i/a grandeur
naturelle.
Les haches éclatées à large tranchant sont fréquentes à Toukh. Il
en est même un grand nombre quijprésentent des retouches relative-
L'HOMME iXKOT.I'rrirQt'F
95
nient fines et qui ollVent Ions les caraclrrcs (riiiu' antiqiiit»' moins
reculée (fig. 71, 72, l'3).
Fig. 72 el 73. — Hachettes ea silex (lig. ~9. : silex grisj; fig. 73 : silex'jaune)
(kjœkkenraœddings de Toukh). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 7'(. — Hachette eu silex jaune (kjœkkenmœddingsdeToukh). i/2 grandeur naturel
V (
Fig. 7.5. — Hachette en silex brun d un côté, jaune de l'autre (kjœkkenmœddings
de Khattarah). 1/2 grandeur naturelle.
Je ne connais rien d'analogue aux formes que je viens de décrire,
dans l'âge de pierre européen; tant que dure en France le quater-
96
1, HOMME MIOMTHIQUE
naire, c'est-à-dire pendant les périodes des cavernes, la hache semble
avoir été abandonnée, et lorsqu'à l'âge moderne elle apparaît avec la
pierre polie, elle est tellement modifiée et perfectionnée qu'il est
impossible de suivre le passage entre le coup-de-poing de Chelles et
^'n- ?''• — H;iche en silex jaune (Akhmim. Musée de Guizoh). 1/2 grandeur naturelle
w
X
^-')^
\\\
;^\^
Fig. 77. — Haclie en 'silex jaune (Hoou, Haute-Égypie). 1/2 grandeur naturelle.
la hache des stations robenhausiennes. En Egypte, au contraire, nous
♦ rencontrons toutes les transitions et peut-être même la plupart de
ces instruments doivent-ils être rangés dans le quaternaire.
A la suite de ces types archaïques, on voit apparaître des formes
I, IIOMMIL NKdUniKH'E
97
beaucoup plus allongées cl si; raj)procliaiiL des liaelies plus récentes
(fig. 74, 75), mais le procédé tie laille csl toujours le même et ne
difl'ère pas des moyens les |)liis arcluiï<iues.
mmâ
80
79
Fig. 78 à So. — Hachettes en silex (fig. 78 : sile.M juuue ; fig. 79 : silex brun poli an tran-
chant; (ig. 80: silex noir) (station de Kom-Achim). i/a grandeur naturelle.
81 h
Fig. 81 et 82. — Haclies en silex brun polies au tranchant (fig. 81 : station
de Kom-Achim ; fig. 82 : station de Dînieh), 1/2 grandeur naturelle.
Les haches qui d'une manière certaine appartiennent aux derniers
âges néolithiques présentent deux types différents.
Dans l'un, l'instrument est plat d'un côté, légèrement bombé de
98
L'HOMME NEOLITHIQUE
l'autre (fig. 76, 77), bien que les deux faces soient taillées à grands
éclats, le tranchant est large, l'extrémité destinée à pénétrer dans le
manche est plus étroite et les bords sont retouchés avec une finesse
relative.
Le second type est celui qui donne naissance à la hache polie,
l'instrument est simplement dégrossi (fig. 78, 79); son tranchant est
préparé avec soin, souvent même il a reçu un commencement de
polissage (fig. 80, 81, S2).
Fig. 83 et 84. — Haches polies (iig. S3 : en dioi-ile, kjœkkemnœddings de Toukh ;
fig. 84 : en serpentine, localité inconnue. Musée de Guizeh). 4/") grandeur naUirelle.
Je ne connais pas en Egypte de haches en silex qui soient entière-
ment polies; le travail très soigné semble avoir été réservé pour les
matières plus précieuses, telles que la diorite (fig. 8.3, 85, 88), la ser-
pentine (fig. 84), l'hématite (fig. 86, 87) et d'autres substances très
dures qui se prêtaient admirablement au poli et à l'usage.
Les hachespolies sont rares en Egypte, ou du moins jusqu'ici il n'en
a été trouvé qu'un petit nombre; elles sont semblables aux haches
qu'on rencontre dans l'Europe centrale, sont étrangères aux types
de Scandinavie et d'Amérique du Nord. Ces haches plates, au con-
traire (fig. 76, 77), semblent être spéciales à l'Egypte'.
I. Le Musée d'Alexandrie jjossède une hachette polie trouvée par M. le docteur
Botti dans les couches remaniées situées au nord-est de la ville.
T/noMMF ^'l■•or,n•^l(^['F■
99
Après avoir décrit les formes présenlaiit tous les caractères des
istriiments néolithiques, il est intéressant <le citer quelques types
FiL' .H^ et 86. — Ilacheltes (11g. 8;j : ou lioiuatitc, localito inconnue ;
iW. 86 : ci,diorite, achetco à Thèbcs : Musée de Guizeh). i/'i srandeur naturelle
Fig 87 et 88 —Haches polies (localités inconnues, Musée de Guizeh) (6g. 87 ;
hématite; fîg. 88 : diorite). ■ij'i grandeur naturelle.
particuliers à la vallée du Nil et qui peuvent être attribués aux âges
préhistoriques aussi bien qu'aux époques historiques.
100
L'HOMME NEOLITHIQUE
L'une des pièces les plus curieuses est une longue hache elliptique
dont une extrémité brisée ne permet pas de dire si elle possédait deux
tranchants ou un seul. Cetolîjel provient de la station de Licht (flg.89).
Je ne connais rien (|ui lui soit comparalde dans les pierres taillées
d'Europe.
Fig. S() et 1)0. — Haches eu sile.x jaune (station de Licht). 1/2 graudeur nalurelle.
Une autre forme spéciale se rencontre à Licht et à Kahoun (fig. 90,
91, 92). 11 semble qu'elle ait été inspirée par les haches de bronze du
MoyenEmpire (fig. 93), si toutefois ce n'est pas l'inverse qui a eu lieu
et si les fondeurs égyptiens n'ont pas copié en métal un type de pierre
plus ancien.
Je pencherai plutôt pour la première de ces deux opinions, m'ap-
puyant sur ce fait que dans les stations où l'on ne rencontre que des
I. lliiMMK NF,f)I.I'llll()ll':
101
iiistriuueiits n6olithi(|ii('s cl on Uis lciii[)s liisl()ri(|iius n'oiil pas laissé
(le vestiges, ces Ibnnes n'exisloiil pas. Ainsi dans les localités de Di-
ineli, Koni-Acliiiii, Om-el-'vVll, TouUli, ZawaVdali, clc,, je iTcii ai jamais
rencontré.
Ja^
Fig. gi. — Hache en silc.K jauuo (station de Liclit). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. i|>. — Hache en siloK (Kahouu,
d'après FI. Pclrie, Illahiin, Kaliuu
(ind Gitroh, pi. VII, fig. 4)- 1/2 gran-
deur naturelle.
Fig. f)3. — Hache en bronze (Kahoiin,
d'après FI. Pétrie, /llaliini, Kiilniii
(iiid (iuiuh, pl Vil, lin'. Ml)' ''''■ i^ran-
deur naturelle.
l\ii-i'ois, toujours à Liclit, on rencontre des haches du même genre
(fig. 94), mais manies d'une sorte de queue ou pédoncule destiné à
pénétrer dans le manche. Je ne puis rien dire de l'époque de ces ins-
truments, qui |ieut-être appartiennent aux débuts de la période histo-
ri(|ue.
Avant d'en terminer avec la description des haches de pierre, je
citerai un grand racloir qui probablement a servi de hache et que j'ai
102
LllOMMli iNKOLITHIQUE
rencontré dans le puits du maslaha d'un prêtre de la pyramide de
Snéirou, à Dahchour*. Ce curieux in-strumeni, qui semble avoir été
taillé sous la iU"' ou la IV' dynastie, est unique en son genre.
Fig. (ff^. — Haclie on silex jaune (staliou de Liclil). 1/2 grandeur naUirclle.
Gomme on le voit, les formes les plus remarquables de haches
égyptiennes appartiennent à une époque qu'il n'est pas permis de
préciser, mais qui probablement est historique. Quant aux autres
haches, elles présentent à peu de chose près les types de celles du
sud et du centre de l'Europe, du nord de l'Afrique et de la Syrie.
(Couteaux. — Les éclats (lig. 95) et les lames sans retouches (fig.96)
abondent dans les stations néolithiques de l'Egypte; fréquemment
elles sont de très grandes dimensions et n'ont pas été utilisées lors
de la taille des grandes pièces.
Les lames retouchées sont également très nombreuses, elles
présentent des formes diverses suivant les usages auxquels elles
étaient destinées.
Les unes ont les exti'émités finement retaillées en forme de racloir
(fig. 97, 98, 99), les autres ont été retouchées des deux côtés et ne pré-
sentent ni tranchant ni pointe : leur mode d'emploi nous est inconnu
(fig. 100, 101, 102) ; d'autres enfin sont de véritables couteaux pointus
à l'une des extrémités, ronds à l'autre et munis d'un dos carré obtenu
I. J. de Morgan, Fouilles il Dcihchour en tS<)'|, p. lo, tig. 8.
I, HOMME NEOI.IIIII()i;i':
10:i
Fie
9&,
— Eclat de silex brun
foncé (Tell-cl-Y;ihoudi, près
d'Héliopolis). i/3 graudeur
Daturelle.
Fin. y"- ~" Lame eu silex jauuc (kjd'kken-
mœddiugs do Toukii). 1/2 gr.Tudeui' naturelle
Fit
99. — Lames retouchées.
97. — Silex jaune veiné de brun (nécropole d'Abydos). t/2 grandeur naturelle.
Fig. 98. — Silex jaune (station de Kom-Acliiui). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 99. — Silex noir (station de Kom-Achini). 1/2 grandeur naturelle.
Kl'.
L'HOMME NHOLlTllKjl'E
]iai- renlévpnient d'un graïul noinbic du |)clils étinis (lig. U).{, 104,
105, 106, 107, 108). Quelques-uns de ces instruments sont extrrme-
Fis;-. loo et loi. — Couleaiix en silex brun (station de Kora-Achim, Fayouin).
i/"i grandeur naturelle.
Fis. >i>2- — Couteau eu silex brun (station de Dimeli, Fayouin). i/'j grandeur naturelle.
Fig. io3 — Couteau en ^ilex jaune (El-'Anirali). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 104 et io5. — Couleaux en silex jaur.o (Toukh). 1/2 grandeur naturelle.
I/HOMME M;01,lTllIQri'
105
ment i-(MTiiU(|ual)l('s par la lK»i'(licss(^ de la laiilr, <|ui l'oiirnit l'éclal pri-
mitif, aussi bien que par la précision des reloiiclies. Il en est (pii
atteignenl ()"',2l de longueur : le Iranc liant est très aigu el parlaile ■
nientrégulier. C'esliiTouUli,à l'M-'Amrali et Ahydos (|ue j'ai r(;nenntic>
le plus grand nombre de ces instrnmenls ; il semble (|U<! le silex du
pavs se soit très bien prèle à la taille d'un seul jet d'éclats aussi longs;
ce silex est jaune clair, corné, il se brise avec facilité et rappelle
beaucoup par son aspect la pitn-re du drand-Pressigny (Indre-et-
Loire) .
106c
107 6
lot; h
Fig. io() et T07, — Conleaux en silex j.iuiie (kjœlvlcrnmœtidinus de Idnkli)-
i/s grandeur nulurelle.
Les stations néolithiques de FEurope ne fournissent rien de com-
parable à ces grands couteaux, tandis que le magdalénien de la Dor-
dogne présente des éclats retouchés en tout semblables à ceux de
l'Egypte'.
Il ne faudrait pas conclure de ces analogies que le magdalénien
exista dans la vallée' du Nil, car les procédés de taille du quaternaire
peuvent s'être perpétués jusqu'à l'âge de la pierre polie. jNInis le fait
même de la persistance des usages est très intéressant en lui-même
et concorde avec tout ce que nous savons des coutumes dans TEgypIe
historique, contrée dans laquelle les habitudes et les usages se sont
conservés mieux que partout ailleurs.
A côté des lames plus ou moins simples, mais montrant l'emploi
direct des grands éclats, on rencontre des couteaux de facture plus
I. Cr. Musée de Saint-Germain, n»!^ 33/13, i54Gr, if»););, îoo.îa, i/jfiS;, 33'r'|, etc.
hk;
I, HOMME NEOIJTIIIQUE
compliquée, dans lesquelles la l'orme n'a été donnée aux instruments
qu'à l'aide de retouches.
L'une de ces lames (lig. 109), taillée en amande et tranchante des
deux côtés, présente dé grandes analogies avec celles du roben-
hausicn d'Europe '.
W<^-
108 109
Fig, loS. — Couteau en silex jauue (nécropole de Saghel-el-Baglieh, Musée de Gnizeli
i/'j grandeur naturelle.
Fig. log. — Lame en silex jaune (nécropole U'Abydos). i/u grandeur naturelle.
Puis vient une série de couteaux aux formes diverses, munis d'une
queue pour l'emmanchement (fig. 110, 111, 112, 113, 114, 115,
116, 117), ou même d'un manche façonné dans le silex (fig. 118, 119,
120, 121, 122, 125). Quelques-uns de ces instrumeiits sont d'une rare
perfection de travail (lig. 124, 125, 126). Chaînas suppose qu'ils ont
servi pour l'ouverture des momies % mais je ne me reiads pas compte
des données sur lesquelles il appuie cette supposition.
1. Musée de Saint-Germain, n° i495o : Vignacourt (Somme).
2. Chabas, Etudes siii- rnulii/iiité hist., p. 'J'J/| : Couteaux en silex qui, suivant
I, iioMMi-; .\K<»i,iriii()i;i';
107
Fig. iio. — Couteau en silex bruu (station de Kom-Achim, Fayouui). i/a grandeur
naturelle.
Fig. rir. — Couteau en silex blond (station do Diaicli, Fayoum). i/'j grandeur
naturelle.
//3
Fig. ip'.à II'), — Couteaux on silex (fig. 1 12 : silex gris, station de Liclit; fi,g. ii3 :
silex'gris foncé, kjœkkenuiœddings de 'l'oukli ;|fig, ii^ : silex blanc, kjœkkcnma'ddings
de Zawaïdah ; (!g. iiâ: silex jaune, station de Licht). 1/2 grandeur naturelle.
KIS
L'HOMME M'Ol.rniTQUE
U6a
117 b
116 h
Fig. ii6. — Couteau en jaspe sanguin (IIoou). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 117. — Couteau en silex jaune (kjakkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. 118 à 120. — Couteaux en silex (fig. nS : jaune foncé, [station de Dîmeli ;
iig. iif) : silex gris opaque, station de Kom-Achim ; fig. i2o:Jsilex gris clair,
station de Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle.
r/IIOMME M-OMTIIIQUK
109
A mon sens, ces coiilc.uix soiil des insi iiinnnls employés jadis
pour les usages coiiranls de la \ie; on les lioiue en 1res j^rand
nombres dans les slalions, Icdh^s (|ue rvWc de Dinudi, ipii n'ont aucun
rapport avec les nécrojioles d"ài;'e postérieur, <lans les localités ou
il ne se rencontre pas la moindre trace d'industrie pharaonicpie. La
théorie de Chabas à ce sujet ne saniail être soutenue: elle part de ce
princi])e faux f|ue, pour lui, tous les silex ap[)artiennent à l'ère histo-
ri(|ue.
123
Fig. ru. — Couteau en silex brun veiné (station de Dîmeli). i/a grandeur naliircllc,
Fig. ii>. i . — Couteau en silex gris usé par les sables [station de Kom-AcliiiM).
1/2 grandeur naturelle,
H'ig. 123. — Couteau en silex brun (station do Dimcli). i/a grandeur nalurelte.
Parmi ces lames obtenues à l'aide d'un grand nombre de retotiches,
la station de Dimeh nous offre entre antres un spécimen de couteau-
poignard (fig. 127) obtenu en enlevant les éclats sur un silex naturel-
lement plat et allongé. Le milieu de la pièce, sur les deux faces, est
encore garni de sa gangue.
Abydos, Saghel elBaglieh, Gebel-Tarif, El-'Amrah et les localités
voisines des gisements de silex jaune, etc., fournissent des lames
T^epsius [Journ. égyp. de Berlin, 1870, p. 120), auraient élc trouvés par Passalacqua
dans des tombeaux de la nécropole mempliite. Ces couteaux sont aujourd'hui déposés
au Musée de Berlin, Il en existe également dans les Musées de Leyde, de Turin et de
Londres,
110
[/HOMME .NÉOLITHIQUE
criin li-avail très remarquahle (fig. 128, 129, 130, 131), variables de
formes, mais obtenues toutes par les mêmes moyens de taille. Les
éclats sont parfois d'une régularité parfaite et ne le cèdent en rien
aux plus belles armes du Danemaric et de la Scandinavie. La matière
première se prêtait admirablement à la taille et les ouvriers ont fait
preuve d'une habileté consommée.
.^^«r>-
Fig. ia4. — Couteau en silex jaune brun (Abydos (?), Musée de Guizeli). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. 125. — Couteau en silex jaune (nécropole d'Abydos). i/a grandeur naturelle.
Parfois ces lames soni courbées (fig. 132) et affectent la forme
générale d'une faucille.
Sans contredit, les pièces les plus remarquables qu'on rencontre
en Egypte sont les grands couteaux polis sur une face et retaillés
sur l'autre. Leur usage n'est pas déterminé, on en rencontre surtout
dans les sépultures archaïques des environs d'Abydos, bien que j'en
connaisse des fragments provenant de toutes les stations préhisto-
riques qu'il m'a été donné d'examiner.
1, IIOMMK M'.OlJTlIliM K
111
Ces inslniiiu'iits soni phils, ronds à l'ime des extrémités, taillésen
noinlc à i'aiili'c; l'un des bords, le Iraiichanl, [)réseute une courbe
convexe; il est muni de petites (bMils d'une grande finesse; l'autre,
le dos, est à courbe concave (liy. loii).
^^ .'K«ï
Fig. 126. — Couteait eu silex jaune (Abydos). i/a grandeur naturelle.
Fig. 127. — Couteau-poignard en silex brun avec gangue blanchâtre (slallon
deDîmeh). 1/2 grandeur naturelle.
Les éclats ont été enlevés sur ces objets avec une précision telle
que les nervures de la pierre laissées par le travail sur le taillant et
le dos sont symétriquement disposées et correspondent entre elles.
La rencontre des éclats forme une coitrbe très régulière et médiane
de la lame.
Parfois, mais rarement, l'exécution est moins soignée (iig. 134).
Quant à la forme générale, elle varie peu (fig. 13.^), ce qui indique que
112
r/HOMME M'OLITIIIQLI'
ces outils avaieni une desliiiation parraitemeiil délinie et poiir
laquelle leur forme était im|)Osée.
Ces couteaux sont de graiule taille : le Musée de Gui/eli en possède
qui présenicul une longueur de 0"'.2;!.) et de 0"',250. J'ai reiuonti'é
moi-même des fragments qui bien certainement avaieni fait partie de
lames plus grandes encore.
Fig. laS. — Coulcau en silex corné (localité inconnue. Ha ute-Égyple(?), Musée deGuizeli).
i/a grandeur naturelle.
Fig. i2g et i3o. — Couteaux courbes (nécropolede Saghel-el-Baglieh. MuséedeGuizeh)
(fig. I2() : silex jaune clair; fig. i3o; silex brun), i/a grandeur naturelle.
Dernièrement' le Musée de Guizeh a fait l'acquisition d'une pièce
fort remarquable: c'est un couteau semblable à ceux que je viens
de décrire et recouvert sur une lono'ueur de ()'",10 d'une feuille
d'or estampé. Ce curieux objet se trouvait dans le commerce; il
avait été trouvé par des fellahs en même temps qu'un lot important
de silex taillés dans les environs d'Abydos, peut-être à vSaghel-el-
Baglieh ou à Abydos même. M. E Brugsch-bey, sur mon autorisa-
tion, en lit l'acquisition.
I. Avril iSç/i.
I, iioMMi; Msoiriiiiori:
113
De suil(! (|iH'I([iies collccliomu'urs du (kiiit', (l('Sii|(|i()iiil<'s de n'avoir
pu se proiiirer cet oljjet imi(|iie, rcpaiidircnl le l)iuil (ju'il était l'aux
()\\ (juedu moins la feuille d'or avait élé rajoutée sur la laiiie<Ie silex.
Mais cette opinion est erronée cl loulcs les prcu\cssnnt en laveur
d<^ son authenticité.
Fig, i3i. — Couteau en silex corné (nécropole d'Abytlos). i/a grandeur naturelle.
La feuille d'or est cousue à l'aide d'un fil du môme métal et non
soudée; le travail de gravure, très primitif, ne présente aucun anachro-
nisme; il concorde parfaitement avec les données artisticjues que nous
rencontrons dans tous les objets de cette époque et plus spéciale-
ment dans les peintures des vases archaïques.
^ ^w„i.c_.
Fig. i32. — Couteau en silex blond (néeropole d'Abydos). i/li grandeur naturelle.
L'importance de cet objet n'est que d'ordre secondaire, puisque par
ailleurs nous possédon's la plupart des renseignements qu'il fournit.
Cependant je crois devoir insister sur son authenticité^ d'autant plus
que je sais de source certaine que des copies en sont faites en ce mo-
ment par des faussaires de la Haute-Egypte.
Sur l'une des faces, la feuille d'or porte gravés à la pointe deux ser-
pents enroulés et des rosaces; sur l'autre, on voit la représentation
de huit animaux ; deux groupes représentent des lions chassant des
gazelles et des antilopes, les autres quadrupèdes sont moins faciles à
identifier (fig. 136).
L'usage dégarnir d'or la partie du couteau de silex qui se trouvait
114
L'HOMME NEOLITHIQUE
eu main est prouvé d'une manière irréfutable par l'existence 'd'une
pièce découverte dernièrement par le Service des Antiquités dans la
nécropole de Saghel-cl-Baglieh. On a rencontré, dans une tombe, en
même temps que bon nombre de silex travaillés, une lame couverte
Fis;. l'i'i. — Couleaii cii silex jnune, poli sur une face (nécropole de Toukii).
i/a griindcur naturelle.
Fig. i34. — Couleau en silex jaune (Haute-Egypte), i/a grandeur naturelle.
Fig. iSfi. — Couteau en silex jaune, retaillé sur une face, poli sur l'autre
(Saghel-el-Baglieh, nécropole), i/a grandeur naturelle.
sur le tiers environ de sa longueur d'une couche de chlorure d'or
produite par l'action sur le métal des sels renfermés dans la terre.
Cette couleur avait à la longue pénétré dans la pierre. La feuille d'or
avait disparu, mais les traces en étaient restées.
L'HOMME NKOrJTHIQUE
115
Je no puis (lire si ces inslruinenls ornés d'or a|)parti(MinenL à la
période préhistori<iii(! ou à l'Age historique, les termes d'appréciation
M
M
^/x'ilS
mr-ij^v'MiV.'^'^
)i)ii '1'^
---•^^^
rv-
^iiW
[36. — Couteau de silex blond, orné d'une feuille d'or (nécropole
de Saghel-el-Bac;lieh (?)). 4/5 grandeur naturelle.
lie
1, HOMME NI-:OI,1TIIIOLIE
mv inaïKiueiit. Ouoi qu'il en snil, par la nature même des sépulliires
(|ui les renferment, je jniis al'lirmer (|ue ces instruments remontent
tout au moins aux premiers temps tles dynasties pharaoniques et ont
été fabriqués par les autochtones.
Avant d'en terminer avec les lames et les couteaux, je décrirai quel-
ques instruments de formes spéciales dont l'usage m'est inconnu
mais qui semblent devoir être rangés à côté des lames.
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133
Fig. iSy à iSg. — Couteaux en silex poli ((iouruati). 2/3 grandeur naturelle.
Les plus singuliers de ces instruments sont des sortes de couteaux
entièrement polis (fig. 137, 138, 139) qu'on rencontre parfois épars
sur le sol à Gournah et dans les sépultures autochtones d'El-'Amrah ;
le silex, taillé avec soin, a ensuite été poli sur toutes ses faces, de telle
sorte (|ii'il ne reste plus de tranchant.
L'HOMME Nl'.Ul.iriliyUl'
117
l/ol)jel |)i'()\i'ii;nit d'Iijl-'yVmrali (lig. 14(3) n'csl nuire (lu'uii coulcim
du typu de ceux (|iii aboudcul à Ahydos (fig. 143),àLiiht el dans plii-
sioiu'S auli'cs lin'alili's, c[ (lui, au lii'u de rester siinplemeiil (''{dalé, a
Fig. i/|i) à i4'j. — •.oulL'aiix L'u silex jauuu (uécropolc' d'Ahyiios).
i/.>. grandeur uaturelle.
été poli. Ces petits instruments sont munis d'une pointe très aiguë à
l'une de leurs extrémités; ils sont généralement arrondis à l'autre
(fig. 14U, 141); d'autres, plus longs (fig. 142, 143, 144, 145, 140, 147),
sont taillés en racloirs aux deux bouts.
Fij^. 143 à lt^^/■ — Couleaux t'u silex jiuiuf (lig. i43 el i44 ■ iiéci'Opole d'Aliyilos ;
fig. 145 et i47 : kjœkkemiiœddiugs do Toukh; fig. 14I) : nécropole d'El-'Auirnli ;
fig. 143 nel 1436: extrémités grandeur naturelle de la fig. i43). 1/2 grandeur naturelle.
Enfin, dans toutes les stations néolithiques, on rencontre de
curieuses lames (fig. 148, 14'J, 1.50), courbées, obtenues d'iui seul
s
118
.'iioMMii m:oijtiiique
coup sur leur partie concave et retaillées sur leur lace convexe. 11
semi)le, par la nature des éclals, que le travail de retaille eût été fait
avant de donneur le coup qui produisit la l'ace concave. Ces oljjets sont
absolument spéciaux à la vallée du Nil.
^
ISO
Fig. 148 à i.')o. — Coute.iux couibes en silex jaune (kjœkkenmœddings de Khattarali).
1/2 grandeur naturelle.
lÎACLOiHS. — Les racloirs égypliens présentent toutes les Ibrmes
des instruments du même genre de l'Europe. On rencontre à Abydos
le type le plus régulier (fig. 151, 152), absolument identique à celui du
151 a 152 a Ml c 152 // 151 h
Fig. i5i et l'.rl. — Racloirs en silex jaune (Abydos). i/a grandeur naturelle.
solutréen' découvert dans la grotte de l'Église à Saint-lMartin
d'Exideuil (Dordogne) et à ceux qu'on trouve dans le magdalénien
Ce sont des racloirs doubles taillés dans une lame à deux arêtes.
D'autres racloirs sont simples, ou retaillés sur tout leur pourtour
I. Musée de Saiut-Gerniaiu, n" ig8()3.
I. iioM.MM m;oi.i riiu)i:E
119
(lig. 153, la-'i, J.")."), 15(i, 157, 158, 15il, KIO), et proscnlciit luiis los
mômes caractères que ceux d'Europe. D'aulres eiifin^ plus abondants
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Fig. i53 à i55. — Racloirs en silex (fig. i53 : silex gris, kjœkkenmœddings de Toukli ;
lig. i54 : silox gris, kjiekkenmœddings de Zawaïdah ; fig. 155 : silex grisâtre,
kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur naturelle.
tsa
IS7
150
100
Fig. i56 à iGo. — Racloirs en silex fûg. i56, i58 à i()o : silex jaune, kjirkkcnmœd-
dings de Toukli ; Kg. 157 : silex jaune, kjœkkenmœddings de Zawaïdah). 1/2 grandeur
naturelle.
à Dîmeh, à Kom-Achini et à Lichl (fig. Ifil, 162, 1G3, IG4, 165), alTec-
IcMil une forme triangulaire.
120 L IIO.MMII NÉOIJTHI()UE
Je range également sous le nom de racloirs des éclats soi^neiise-
m
ent retouchés et munis d'une échancrure qui semblerait avoir été
Fig. i6i et liri. — Racloirs triangulaires (fig. i(ii : silex brun, station de Dinieh;
Gg. i(!i! : silex noir, station de Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle.
ns? 1\~ — r-'
^^W*h.
Èf&
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7
I6:t
Fig. i63 à iGô. — Kacloirs triangulaires eu silex jaune (station de Licht).
1/2 grandeur uaturelle.
' /■
167 b
11.6 b
Fig. i6(; et 167. — Racloirs échancrés en silex blond (k'jœkkcuinu-ddings de Toulvhj.
1/2 grandeur naturelle.
destinée à polir des baguettes telles que des bois de flèches. Ces ins-
trunients sont Ibrt rares (fig. IGCI, 1G7). J'en ai rencontré quehjues-
uns dans les kjœkkenmœddings de Toiikh.
I, iiOiMMi: Mcoi.niiK^x:!':
121
Les racloirs d'Egypte no présentent aiiciin Irait caractéristique; ils
ne (biirnissent que des Tonnes eonniies dans les stations de l'iMiropc,
depuis le solutréen jus(|u'aux derniers temps de la pierre polie.
IJA-'
171 „
71 6
■
170 h
Fig. i68. - — Tétc de lance en silex jaune (nécropole d'El-'Amrah). i/>, grandeur
naturelle.
Fig. iG(). — Tète de lance en silex jaune (station de Liclit). i/a grandeur naturelle.
Fig. 170 cl 171. — Tètes de lances, nécropole de Saghel-el-Baglieli. Musée de Guizeli
(fig. 170 : silex jaune clair; fig, 171 : silex brun). 1/2 grandeur naturelle.
LHOMME NEOLITHIQUE
Tétks de lances. — Dans le préhistorique d'Europe, tant à l'époque
quaternaire (solutréen) qu'à la période de la pierre polie, la lance
joua un grand rôle dans l'armement, et les cavernes du Périgord,
i..j /;//7?ia
m
pit.,m
173
/74
y^ /75
Fig. 172. — Tète de lauce en silex bnm (nécropole d'El-'Amrah). i/a grandeur
naturelle.
Fig. 173 à 175. — Tètes de lances en silex (fig. lyi : jaune clair. Abydos ; lig. 174 :
gris jaune, Abydos ; fig. 175 : brun vert, EI-'Amrah). 4/5 grandeur naturelle.
1, IIDMMi: NKOl.rniK)!'!-
Vî-J
comme les slalions roI)eiihaiisienii(!S des |)ays du iNord, nous (biirnis-
sent un très grand nombre de tôtes de ces armes.
La plus importante de l'époque solutréenne est un(> pièce longue
de 0"",348 et qui, trouvée dans la Saône-et-Loire, est aujourd'iiui con-
servée dans les galeries du Musée de M Acon ; sa forme générale est
celle d'une feuille de laurier : elle est mince, plate, et taillée à petits
éclats.
En Egypte, nous rencontrons le mèm(! type ((ig. 168), égalemeni
fort sorgné de travail et qui atteint parfois O" ,;50 de longueur
(fîg. 170). Toutefois, ces pointes présentent, aveccelles ilu solutréen,
cette différence essentielle que, dans celles du quaternaire, le tran-
chant est droit, tandis que dans celles d'Egypte il est garni de dents
170
Fig. 176. — Pointe d<> javelot eu silex jauue (station de Dimeli). i/a grandeur
naturelle.
Fig. 177 à 179. — Têtes de javelots (Gg. 177 : silex jaune, station de Lielit;
Cg. 178 et 179 : silex brun veiné de jaune, station de Kom-Achim). 4/5 grandeur
naturelle.
de scie très fines (fig. 172), fait qu'on ne rencontre en Europe ni dans
les stations quaternaires, ni dans celles postérieures.
Ce type toutefois est courant dans la Scandinavie et le Danemark ',
I. Musée de Saint-Germain, u"' 2732, 238.
12'.
L'HOMME NEOfJTHIQUE
oii les pointes présentent de grandes analogies avec celles du solu-
tréen de France.
Parfois, en Egypte, on rencontre aussi des tètes de lances dont la
ibrnio générale en feuille de laurier s'est modifiée; les unes (fig. 169)
sont absolument elliptiques, d'autres (Tig. 171) sont renflées en leur
milieu.
A côté des tètes de lances au lype solutréen, l'Egypte fournit aussi
des pointes (fig. 173, 174, 17ô, 176) munies de dents plus fortes qui
Fig. r8o. — Tcle de lanco en silex jaune (nécropole d'El-'Amrati). r/2 grandeur
naturelle.
Fig. i8i el 182. — ïèles de lances en silex jaune (nécropole d'Abydos, Musée
de Guizeh). 1/2 grandeur naturelle.
les font ressembler à des scies, et se rapprochent beaucoup de cer-
tains objets danois < à bords fortement dentelés, appartenant aux
dernières phases de l'âge de la pierre dans les pays du Nord.
Si la forme courante des pointes de lance européennes est la feuille
de laurier, il n'en est pas de même en Egypte où ce type est moins
I. Musée de Saint-Germain, n° aSS.
I, IIOMMI' .NKOl.ITllIorF 125
al)(in(I;ml (\uc: celui qui, prcscMilaiil im pcdoiiciilc, rcprndiiil on plus
grand la hMc; de llèclie [Hg. 177, I7S, l7'.M.r,('s acmes sont 1res idjon-
danles à l^iehl, à Dinieh, à Kom-Aeliini cl. dans loutcs les stalions
de la Basso-I'^gyptc, tandis que dans le sud c'est la feuille de saule
qui prédomine. En l'rance, cependant, nous on connaissons quelques
spécimens ' et, bien (|ue la laille ne soit pas identique dans les deux
pays, il est aisé de voir que ces armes ont toutes été inspirées par
les mêmes nécessités. L'Amérique (dlc-mèmo en fournit bon nombre
de types ^
)83
Fig. i83. — Tète de flèche en silex brun (ToU-el-Balainoun, Musée de Guizeh).
Grandeur naturelle.
Fig. iS'i. — Tète do flèche en silex jaune (Haute-Egypte). Grandeur naturelle.
Les têtes de lances les plus curieuses et en même temps les plus
caractéristiques des nécropoles delà Haute-Egypte (Abydos, El-'/Vm-
rah, etc.), sont munies de deux pointes (fig. 180, 181, 182) et appar-
tiennent au groupe de celles qu'on rencontre en abondance dans les
cimetières de Tàge du fer au Caucase ^
Ces armes se terminent en pointe dans la partie qui était destinée
à l'emmanchement. Jusqu'à la moitié de leur longueur, les côtés sont
réguliers; plus haut, dans la partie destinée à pénétrer dans les
chairs, les bords sont taillés en scie et munis de dents très fines. Je
1. Musée de Saint-Germain, n" iS'iyo ; Coucourés (Aveyron).
2. Musée de Saint-Germain, n" i2ra8 : Washington (Etats-Unis); n» aofiiG, État de
Xew-York ; n" 24044, Pensylvauic.
3. B. Wyroubofl", 1877. Ohjets d'anlii[uilé du Musée de Tiflis, pi. IV, p. iG : fig. i,
pointe de lance en fer trouvée dans le village de Moukhravane près do Tiflis ; (ig. 3,
poinlo de lance en fer trouvée en Ossèthie près de Béeome.
126
L'HOMME NEOLITHIQUE
Fi
ii>. iiSô à 195. — Pointes do flèches.
r li"-. 100 a i()o. — r oimes ae iiecnes.
g. iS5 : silex brun, Dimeh; — fig. 186 : silex brun rouge, Dîmeh ; — fig. 187 :
silex violacé, Kom-Achim ; — (ig. 188 : silex brun jaune, Dimeh; — fig. i8q : silex
nOIPrnrnn Flinmii ■ (ttv r,.,. ■ cilnv l-ifnn i..3i'ti.'. Aa r..^i.. T»' ^ ,« A .. Il î m • (tty xnr •
noir corné, Dimeh; — fig lyo : silex brun, veiné de noir, Kora-Achim; — fig. 191
silex jaune, Dimeh; — fig. 192 : silex gris brun, Dîmeh; — fig. 19? : silex violacé
veiné de noir, Dimeh : — fig. ig4 : silex bruu, Dimeh ; — fig. 195 : silex jaune,
Dîmeh.
T, HOMME NKOT.rriTIQI'F
127
ne connais pas d'objets découverts lui Eiiiopc qui puissent être com-
parés à ces têtes de lances.
197
- ton
Fig. ig6 à ig8. — Pointes de flèches.
Fig. io6 : silox jaunâtre, IToukli ; — fig. icjy: silex brun rouge, KholLirali; — (ig. 198:
silex gris jaune, Toukh.
Ma
Fig. igy à aoi. — Pointes de flèches.
Fig. igg ; silex brun jaune, Toukh; — fig. 200 : silex jaune, Abydos ; — fig. aoi :
silex jaune et gris, Khaltarali.
TÊTES OU POINTES DE FLÈCHES. — Les sile.x taillés, à l'aide desquels
les autochtones de l'Egypte armaient l'extrémité de leurs flèches,
128
L'HOMME NKOrJTlIIOl'
présentent une très grande variété de forme. Les unes (fig. 183)' sont
larges et inunies d'un pédoncule, la taille en est rudimentaire ;
d'autres (lig. 184) son-t plus fines de travail, mais présentent les mêmes
caractères généraux.
Dans les stations de Dîmeli, Kom-Achim, Toukii, Kliatlarah,
Zawaïdah, etc., les pointes tie flèches sont généralement de fortes
dimensions (fig. 185 à 105 et 196 à 201). Les unes (fig. 196, 197, 198)
sont de simples pointes triangulaires sans pédoncule ni barbelures,
d'autres {iig. 188, 190^ 191) sont grossièrement barbelées ou (fig. 195)
I:
■tfZ£IZ2>
208
20D
210
Fig. O.02 à 210. — Poinles de flèclies (nécropole d'Abydos). Grandeur naturelle.
Fig. ao2 : cornaline avec inclusions noirâtres; — fîg. 2o3 : silex jaune opaque; —
fig. 2o/| : silex jaune rose ; — fig. 2o5 : silex blond opaque; — fig. 2o(î : silex jaune ;
— fig. 207 : silex brun; — fig. 208 : silex noirâtre; — fig. 209 : silex corné; —
fig. 210 : silex blanc opaque.
composées seulement d'un éclat retouché légèrement. On en voit
aussi, mais plus rarement, en feuille de saule (fig. 193) ou formées
d'un silex taillé à trois faces (iig. 102 et 104).
Le type le plus abondant dans ces localités est celui dans lequel le
pédoncule fait défaut et les barbelures sont très longues (fig. 185,
187, 189, 199, 200, 201); elles affectent toutes les formes, parfois
même le corps de la flèche semble disparaître devant l'importance
des crochets (fig. 189). Il en est aussi dont les bords sont dentelés
(fig. 186).
Dans les sépultures d'Abydos, les tètes de flèches sont beaucoup
plus petites que dans les stations dont il vient d'être question. Leur
I. Tell-BalamouQ en Basse-Egypte, tête de flèche apportée par un Arabe à Mariette
(Musée de Guizch), figurée par Chabas, Jiiliij. hist., p. 3^3.
i/iiOMMK ,m:()i.iiiii()i;I':
iii'j
longiuMu- inoycniu' varie c-iilrc ()"',U55 et ()"V,030 (lig. 202 à 223).
Parl'ois, cepemiaiit, on en rencoiili'e (ie [)liis grandes {(ig. 224, 225)
(longueur maxinia 0"',0G0), mais elles sont Ijeaiicoiii) plus rares.
Les pointes de flèches d'Abydos affectent tontes les ibnnes; elles
sont à pédoncule et ont été taillées en silex, en C[uarl/., en jaspe, en
cornaline et dans toutes les nialièros dures du |)ays. Leur travail est
d'une extrême finesse.
Fig. "jii à 223. — Pointes de flèches en silex (nécropole d'Abydos). Grandeur
naturelle.
Fig. ai I : silex brun ; — l!g. 212 : silex rougeàtre ; — fig. ai"? et ai'i ; silex blond ;
£ig 21,5 : silex gris; — fig. 216 : silex gris foncé; — fig. ;U7 : jaspé rouge;
fig. 2i8 : silex blond; — fîg. 219 : silex jaune ; — fig. 220 et a2i : silex corné;
lig. 222 : silex violet; — fig. 223 : silex brun jaune.
La station d'Hélouan présente quelques particularités sous le rap-
port de la forme des pointes de flèches. Je dois à l'obligeance de.
M. Lombard la communication de celles que je figure (fig. 226 à 237).
Les unes sont desimpies lames retaillées au pédoncule, mais souvent
munies de deux encoches c(ui détachent les barbelures et que je crois
destinées au passage des liens qui retenaient le silex au bois de la
flèche.
D'autres, et ce sont les plus curieuses (fig. 229 à 231), se composent
simplement d'ini croissant taillé dans le silex. L'emmanchement de
ces pointes était fort simple (i'ig. 232), si nous le supposons du
même genre que celui dont font encore usage certaines peuplades de
130
L'HOMME XEOLITHIQUE
rOcéanie, ou tel qu'il a été trouvé dans la palafitte de Saint- Aubin ' : le
silex formait en même temps la pointe et la barbelure de la flèche.
11 est à remarquor que les types que je viens de décrire comme
provenant de la station d'Hélouan se rencontrent en même temps que
des pointes semblables à celles d'Abydos.
Il n'y a pas de comparaisons à faire entre les pointes de flèches de
l'Egypte et celles qu'on rencontre dans les autres pays ; les types sont
presque identiques et appartiennent au robenhausien; seules les têtes
d'Hélouan sont caractéristiques et semblent jusqu'ici n'exister, tout
au moins en abondance, que dans la vallée du Nil.
f^'Ary'i'ftf'i'T'^""
£p"h*
>^
230
231
l'ie;. 224 et 225. — Pointes de flèches en silex (nécropole d'Abydos). Grandeur
naturelle.
Fig. 224 : silex jaune; — flg. 226 : silex noir.
Fig. 226 à 23i. — • Poinles de flèches (station d'Hélouan; récolle A. Lombard).
Grandeur naturelle.
Fig. 226 : silex noir; — fig. 227 : silex jaune ; — fig. 228 : silex violet; — fig. 2()2 :
silex résinite ; — fig. 23o : silex jaune; — fig. 23i : silex brun.
]\Iais le grand intérêt que présentent ces armes est relatif à l'Egypte
elle-même, car dans tous les monuments datés nous ne voyons ja-
mais apparaître de pointes de flèches présentant la forme des objets
que je viens de décrire.
Les flèches, dans l'Egypte historique, sont généralement armées
de silex, mais par leur forme diffèrent totalement des armes sem-
blables employées par les aulochtones. La flèche pharaonique est
I. Gross, pi. Il, fig. ij, .seplième liajiporl Kellei'.
I,'IIOMME NHOl rniUUMÎ
i:il
tranchante ((ig. 233 à 236), le silex qui l'arme est extrèmemeni, pelil
el n'a pas été laillé spécialement pour le but qu'il remplit, c'est un
simple éclat qui n'a rien de commun avec les léles de llèclies plus an-
ciennes, et si nous voyons parfois apparaître une pointe (fig. 238), elle
est en métal et de date relativement récente.
Ces flèches, d'é|)oque hislorique, nous les connaissons par les
nombreuses trouvailles qui en ont été faites. Les plus anciennes qui
soient parvenues jusqu'à nous appartiennemt au Moyen Empire, les
Fig. 23?.. — Mode d'ernmauclicmeut des poiules de flèches de lu station d'tlélouan.
Fig. ?.33 à 238. — Têtes de flèches d'époque historique (Musée de Guizeh).
i/2 grandeur naturelle.
plus récentes sont de fort peu antérieures à notre ère ; d'autre part
nous savons, par les nombreuses représentations d'archers qui ligu-
rentsur les monuments, que la flèche tranchante fut toujours en usage,
tandis que la pointe ne semble pas avoir été employée par les Egyp-
tiens longtemps après les débuts de l'Ancien Empire.
Cette distinction très nette entre la flèche des stations préhisto-
riques et celle des tom!)es et des monuments pharaoniques sul'lirait,
si nous ne possédions un grand nombre de documents, à prouver
l'existence en Egypte d'un état de civilisation néolithique; elle dé-
montre clairement que les silex, qui jadis passaient pour grecs et ro-
132
L'HOMME NEOLITHIQUE
mains, sont bien piéliistori(|iies; car, alors qu'on rencontre en abon-
dance les pointes de flèches de forme archaïque daus les stations, on
n'en rencontre pas une seule dans les nombreuses ruines de villes
pharaoniques, grecques et romaines, qu'exploitent chaque année les
chercheurs de sébakh. Dans les tamisages effectués par ces gens, les
moindres objets sont letrouvés, et jamais on ne recueille non seule-
ment de pointes de flèches en pierre, mais même de silex travaillés.
Scies et faucilles. — J ai réuni sous le même titre ces deux genres
d'instruments, parce que dans la plupart des cas il est presque impos-
sible de distinguer, parmi les nombreuses lames dentelées qu'on
trouve dans toutes les stations néolithiques de l'Egypte, quelles fu-
Scies eu silex jauue (kjœlikeiiuKcddiugs do Tuuklii. 1/2 grandeur
naturelle.
Scie ou partie de faucille en silex jauue (Tell-el-Yalioudi près
d'Héliopolis). 1/2 grandeur naturelle.
rent celles destinées à la moisson et celles employées pour cou|)er
le bois ou les os.
Le type le plus commun (iig. 239 à 246) se compose d'une lame par-
fois pointue à l'une de ses extrémités, parfois taillée carrément aux
deux bouts et garnie sur l'un de ses côtés d'une série de dents plus
ou moins fines; les silex qui armaient les faucilles étaient enchâssés
dans un instrument de bois (fig. 247) , muni d'un manche et dont
M. Flinders-Pelrie a retrouvé un exemplaire bien conservé à Kahoun,
Les lames pointues garnissaient la pointe de la l'aucille, celles taillées
carrément étaient ajustées les unes à la suite des autres, de telle sorte
qu'il n'y eut pas de discontinuité dans la ligne dentelée.
Les instruments de ce genre qu'on trouve dans les stations néoli-
L'HOMME NEOLnniQUE
133
thiqiies ont tous ét('; cmployt's, car ils porleiit encore le poli dû à
l'usage.
La forme des faucilles, telhï (|u'elle a été retrouvée à Kahoun,nous
était déjà connue par les hiéroglyphes ; en effet les inscriptions peintes
Fig. 247. — Mode do monture des faucilles armées de silex, d'après les résultais des
touilles de M. \\'. M. Flinders Pétrie .\ Kahoun (cf. FI. Peliie, lllahun, Kahun and
Gurob, pi. VII, lig. 27).
Fig. 2/|S. — Signe hiéroglyphique représentant une faucille année de silex (?), d'après
une fresque de Meïdoum (111° dynastie). (Le manche est peint eu vert et les dents sont
blanchâtres.)
Fig. 249 à 25i. — Lames et scies eu silex, 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 24y et 200 : silex jaune (kjœkkenmœddings do Toukh) ; — lig. 25i : silex blond
(kjcekkenniœddings de Khallarah).
de Meïdoum nous en fournissent des dessins de la 111° dynastie
(fig. 248). On remarquera que, dans ces représentations archaïques, le
tranchant de l'outil est indiqué comme composé d'une aulre matière
134
L'HOMME NÉOLITHIQUE
(le silex) que l'ensemble de rinstriiment. Ce n'est que plus tard que
l'outil tout entier fut fait de métal; les hiéroglyphes postérieurs ne
montrent d'ailleurs aucune distinction de matière entre le tranchant
et le manche.
/^
r^asxes^^
252 253 2j-* 253 236
Fig. 232 à 2r)fi. — Lames et scies en silex. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 252 : silex gris (Khatlarah) ; — fig. 253 : silex jaune (Toukh); — fig. 254 ■ silex
jaune (Khattarah); — fig. 255 : silex gris (Toukii); — fig. 256 : silex brun (Toukh).
Fig. 267 à 260. — Scies en silex jaune (kjoekkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. 2G1. — Scie en silex dans un long manche de bois provenant des palafittes du lac
de Mooseedorf (canton de Berne, Suisse). 1/2 grandeur naturelle. Coll. Uhlmann à
Munchenbuchsee (G. de Morlillet. Musée préhistoi-ique, pi. XXXVI, fig. aSi).
Parmi ces lames il en est un grand nombre de dentelées, mais on
en rencontre également qui, tout en présentant la forme générale des
scies destinées aux faucilles, ne sont pas munies de dents (fig. 249
r.'IIOMME Ni:OLITHIQUE
l:t5
à 257); rommnnrhomontde ces pièces étaitbien certainement le môme
que celui des l'aucilles, mais leur usage nous reste inconnu.
Quelques-uns des instrumenls dentelés étaient de véritables scies
destinées à couper le bois ou Fos, mais il est impossible d'établir une
262 a
6ib
Fig. 2G2 à 268. — Scies en silex. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 2G2 : silex jaune clair (slalion de Toukh): — fig. 263 : silex brun avec patine
blanche (station de Dinioh); — fig. 364 ■ silex brun veiné (station de Koiu-Aehiui) ;
— fig. 265 : silex brun (station de Kom-Acliirn) ; — fig. 266 : silex rouge brun
(station de Kom-Achim) ; — fig. 267 : silex brun (station de Dimeh) ; — fig. 268 :
silex brun (station de Toukh).
269
^
273
Fig. 269 à 271. — Scies. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 26g : silex brun (station de Kora-Achiml : — fig. 270 ; silex .jaune (station
de Dîmeh): — fig. 271 : silex noir (station de Koiu-Achim).
Fig. 272 et 273. — Racloirs-scies en silex jaune (nécropole d'Abydos). 1/2 grandeur
naturelle.
136 LllOMME NKOLlïHIQt'E
distinction; nous connaissons des cités lacustres d'Europe quelques
scies emmanchées (fig. 261), tandis (ju'en Egypte je n'en ai jamais ren-
contré.
Les objets qui peuvent être considérés comme de véritables scies
sont bien moins abondants que les lames de faucilles ; on en rencontre
dans toutes les stations préhistoriques d'Egypte; elles sont souvent
courbes (fig. 2(32 à 268), parfois même munies d'un manche en silex
(lig. 261); d'autres sont droites lûg. 269 à 271). Dans tous les cas ces
instruments sont d'un travail fort soigné.
Avant d'en terminer avec la description des lames dentelées, je dois
signaler des racloirs doubles taillés en scie très fine sur les côtés
(fig. 272, 273) et une scie en os de j)rovenance inconnue et conservée
au Musée de Guizeh (fig. 274).
Fig. 27'|. ^ Scie en os. 2/3 grandeur naturelle (localité inconnue. Musée de Guizeh).
La grande abondance des lames dentelées qu'on rencontre dans
certaines stations égyptiennes prouve que, dès les temps les plus
anciens, la culture des céréales prit une très grande extension. Les
gisements de Toukh, Zawaïdah, Khattarah, Abydos, etc., en renfer-
ment des milliers^ parce qu'ils sont situés dans des pays propres aux
cultures, tandis qu'à Dîmeh, station de pêche, ils sont beaucoup plus
rares.
L'usage des faucilles armées de silex se continua fort probablement
longtemps après l'apparition des métaux : le§ hiéroglyphes semblent
le prouver; cependant nous ne pouvons en admettre l'emploi après le
Moyen Empire, car dans les ruines des villes et des bourgades plus
récentes on n'en rencontre jamais la moindre trace. Quant à la haute
antiquité de la culture des céréales dans la vallée dti Nil, elle n'a rien
qui doive nous surprendre, car le Ijlé vit aborigène dans cette partie
de l'Afrique.
En Europe et en Amérique les scies sont beaucoup plus rares qu'en
Egypte. Quant aux faucilles, leur existence n'a pas été démontrée; ce
fait est probablement dit à ce que, dès les débuts, l'Egypte fut livrée
à la culture des céréales, qui croissent naturellement dans cette partie
de l'Afrique, tandis qu'ati milieu des forêts de l'Europe et du Nouveau
Monde, l'homme primitif, chasseur et pêcheur, s'adonna fort peu à la
culture.
I/MOMME NKOLrniIOUE
137
Pointes. — Dans le cliapitre n^lalif à l'hoinmo [laléolilhiqiic, j'ai
décritdes pointes troiivi-cs dans h; (liltiviiim ('i^vplicii (fig. 10 et 20) et
semblables à celles qu'on rcMicontre eoiiiimméiiient dans les graviers
d'iiiirope. Ces nièincs instruments, on les trouve en assez grande
J^
:;jS!SS»*:.i*-' ',i2^
Fig. 275 et 2-6. — Poiîilcs en .dlex. 1/2 graiidoiir iialiirelle.
Fig. 275 : silex jaune (kjœkkenmœddiiigs de Zawaïdah); — fig. 27(1 : siU'X jaune
(kjœkkenraœddings de Toukli).
278 a
Fig. 277 et 278. — Pointes en silex (kjœkkenmœddings de Toiikli). 2/3 grandeur
naturelle.
Fig. 277 : silex noir; — fig. 278 : silex jaune.
abondance dans les kjn'kkeninceddings de Tnukli (fig. 275, 276).
Appartiennent-ils à l'époque de la pierre polie, ou devons-nous
admettre que c'est fortuitement seulement qu'ils existent dans ces
gisements? Je ne saurais le dire, mais il est intéressant de les signaler,
138
L HOMME NKOLITHIQUI'
car leur usage fut peut-être perpétué jusqu'à la tin de la période
néolithique.
Il n'en est pas de même des pointes d'un travail plus soigné
(fig. 277 à 285), qu'on rencontre communément dans les diverses
P%['--^
/
281 6
Fig. 2-9 à 281. — Pointes en silex. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 279 : silex gris avec inclusions calcaires (kjœkkenmœddings de Zawaïdah); —
fig. 280 : silex gris tacheté de noir, patine calcaire (kjœkkenmœddings de Toukh); —
ùg. 281 : silex gris (kjœkkenmœddings de Khattarah).
Fig. 282 à 28(i. — Pointes en silex. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 282 et 286 : silex jaune (station de Koni-Achim) ; — fig. 283 à 285 : silex brun
et jaune (station de Dîmeli).
stations et qui, présentant un grand nombre de formes diverses, ont
été employées à des usages très différents; les unes (fig. 282, 286) se
rapprochent des couteaux, d'autres (fig. 277, 278) semblent avoir été
uniquement destinées à percer.
L'HOMME NftOTJTHIQUE
139
Quelques pièces de ce genre (fig. 287, 288), poinlues d'un côlé, sont
façonnées en grattoirs de l'autre elollrciil la l'orme générale de hachettes
dégrossies, tandis (|uo d'autres sont tcriniuées en pointe aux deux
extrémités (lig. 289, 290).
287 a 2S7 h
Fig. 287 et 288. — Pointes on silex. 1/2 grandeur uatnrcllc
Fig. 287 : silex j.iune veiné de noir (station de Dîmeh) ; — fig. 288 : s
avec gangue brune (station de Kom-Achim).
ilox jaune
■289 n iSQ 6 290
Fig. 289 et ago. — Pointes en silex. 4/5 grandeur naturelle.
Fig. 289 : silex jaune (station de Dimeh) ; — fig. 290 : silex jaune avec patine noire
(station do Kom-Achim).
Perçoirs. — Ces instruments (fig. 291 à 295), en tout semblaljles à
ceux qu'on rencontre en Europe", sont assez rares en Egypte. Ils sont
formés d'une lame retaillée sur ses deux côtés à l'une des extré-
mités et rendue ainsi parfois fort aiguë. Dans la plupart des stations
la pointe de ces outils s'est trouvée brisée par l'usage.
I. Musée de Saint-Germain, a"^ 2i528, 2i529, 23871, 75o2, etc.
140
L'HOMME NÉOLITHIQUE
TuANCiiETS. — ■ Nous 116 trouvons pas en Egypte de tranchets sem-
blables à ceux des stations robenliausiennes d'Europe '. Les kjœk-
u
294
'>g- agi à 2Ç|5. — Poinçons en silex (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. aç)6 à 299. — Tranchets en silex.
Fig. 2gG, 297 et 299 : silex brun (station de Kom-Achim); — fig. 298 : silex brun
(station de Dîmeh). 1/2 grandeur naturelle.
kenmœddings de la Haute-Egypte, comme les stations du Fayoum,
fournissent des instruments retouchés sur leurs deux faces, parfois
I. Musée de Saint-Germain, n"' 2'5, S, 19814, 18188, 2i5i8, 8454, 6827, 17547, etc .
i;iIOMMR NKOLITHIOiri.;
141
triangulaires (fig. 29G), souvent rétrécis un peu au-dessous du tran-
chant (fig. 297, 299) qui rn'(|U(Mnin(Mil csl oblique (fig. 278). Ces ins-
truments semblent ôtrc spéciaux à la vallée du Nil.
Fig. 3oo. — Silex gris jaune (kjœkkenmœddings de Toiikh). i/2 grondeur naturelle.
Fig. 3oi et 3o2. — Retouchoirs en silex jaune (kjœkkenmœddings deToukh).
i/a grandeur nainrellc.
Fig. 3o3 à 309. — Poinçons en os. i/a grandeur naturelle.
Fig. 3o3 à 307 : os (kjœkkenmœddings de Toukh) ; — fig. 3o8 et 3o() : ivoire
d'hippopotame (station de Dimeh).
L'HOMME XEOLITHIQUE
Retouciioirs. — Ces outils (fig. 300, 30i, 302), ou du moins ceux que
je désigne sous ce nom par comparaison avec les objets de l'Europe ',
sont abondants dans les stations de l'Egypte. J'en ai rencontré tant
au Fayoum que dans les environs d'Abydos et de Négadali.
Poinçons en os et en ivoire. — Nous retrouvons dans les kjœkken-
mœddings de la Haute-Egypte, comme dans les tombeaux, un grand
nombre de petits instruments d'os et d'ivoire travaillé. Les uns, les
plus simples, sont des perçoirs obtenus en usant un os brisé; ils sont
3W
CI3 a 313 i
3ISa 315 b
Fig. 3io à 3i5. — Instruments en os.
Fig. 3io à 3i2 : uccrojjole d'El-'Amrah; — fig. 3i3 à 3i5 : Sagliel-el-Baglieli.
semblables à ceux du robenhausien d'Europe' (fig. 303 à 307),
parfois même (fig. 308, 309) beaucoup plus grossiers. Les autres
(fig. 310 à 315), plus soignés, sont souvent ornés de gravures gros-
sières faites à la scie de silex.
Masses. — Ces armes présentent, dans les nécropoles néolithiques,
deux formes très différentes : les unes (fig. 316 à 318), faites d'albâtre
ou de pierre dure, se sont conservées en usage pendant toute la
durée de l'époque pharaonique et se retrouvent aussi bien dans les
1. Musée de Saint-Germain, n°» 18189, 1S763, aoSijo, 2i523, igSoS, 549, ^''^•
2. Musée de Saint-Germain, u"' 22706, iSgSS, lyôSS, etc.
L'HOMMK \KO[.rniiQur:
l'.3
toml)uauxd(! la Xll" dynastie ' que sur les bas-reliefs d'époque plo-
lémaïque. Les autres (fig. 321, ;{22) sont plus spéciales et rappellent
certaines lornies du néolithique européen^.
Fig. 3 16
Fig.
à 3ao.
3i6 à 3
— Masses en pierre (El-'Ararati). 1/2 grandeur naturelle.
18 : albâtre; — fig, 319 et 32o : type d'emmancliement.
322
Fig. 321 et 322. — Masses d'albâtre. 1/2 grandeur naturelle (nécropole d'El-'Amr-ih).
Fig. 323. — Mode d'emmanchement des masses d'albâtre.
1. J. de Morgan, Fouilles à Dnlichour m nS;)'). p. io<), fig. 254-
2. G. et A. de Morlillet, Musée préhislorii/ue, pi. LIII,no 500.
144
L'HOMME NÉOLITHIQUE
- --m
Pilons. — Ces instruments (fig. 324) furent abondants à toutes les
époques, on les retrouve aussi bien dans
les stations néolitliiques que dans les
ruines de basse époque et ils sont encore
employés de nos jours pour piler le sel.
Aux mines du Sinai les ouvriers en fai-
saient usage pour écraser les grès tendres
renfermant les turquoises.
Moulins a bras. — L'usage d'écraser le
grain entre deux pierres date en Egypte
des temps les plus reculés et a persisté
jusqu'à notre temps dans la Nubie. Les
restes des moulins à bras sont abondants
dans les stations préhistoriques et à l'An-
cien Empire cet appareil était courant.
Une statuette de bois, découverte dans un
mastaba de la IIP dynastie, à Dahchour
Fig. 3?4- — Pilon en calcaire
(kjœkkenmœddiners de Toiikh).
1/2 grandeur naturelle.
Fig. 325. — Moulin à bras (statuette de Dahchour, III^ dynastie).
(fig. 325)', montre une personne agenouillée écrasant du blé entre
deux pierres taillées à cet effet.
I. Fouilles de iSqS.
I/IIOMME NKOI.ITHTOrK
145
Coi.LiicHs. — Chez les auloclitonos do riii>ypte la parure était fort
simple : elle se composait de colliers et de bracelets de pierre ou de
coquilles, ou du moins jusqu'ici n'avons-nous pas encore rencontré
de matières j)récieusos.
le coquilles de mer ou
Les colliers sout généralement formés de
Fig. 326 et 327. — Colliers.
Fig, 326 ; collier formé d'oursins fossiles; — Cg. 327 : collier en perles de serpentine
(nécropole d'El-Toukh). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 33i : terre cuite
Fig. 32S à 332. — IVtIcs.
- (Ig. 32S à 33o et 332 : calcaire
de ïoukh). 1/2 grandeur naturelle.
blanc (kjakkenmœdings
d'eau douce, péchées dans le Nil ou dans la mer Rouge ; les premières
se trouvaient en abondance dans les marais de la vallée, les secondes
étaient apportées des côtes'. Il esta remarquer que parmi les coquilles
servant de parure, que jusqu'à ce jotir j'ai rencontrées dans les nécro-
I. Les colliers de coquilles rencontres dans les tombes préhistoriques de la Haute-
Egypte sont formés des espèces suivantes. Espèces de la mer Rouge : Conus pusillus
(Cliemn.), Purpura tuberculata (Blainv.), Nerila polila (Linné), Sistriim anaxares
(Duel.). Espèces nilotiques : Un io cf. teretiiisculus (IMiil,), U, jJ!gyptiacus {Ver.),
Ch'opalra huUmoides (Oliv.), Liinnea sp. (cette espèce, voisine de la L. stagnalis du
sud de l'Europe et de la Syrie, ne vit plus aujourd'hui dans les eaux du Nil ; quelques
conchyliologues supposent qu'elle s'est éteinte en Egypte, d'autres qu'elle a été im-
portée).
146 L'HOMME NKOLITIIIQUE
pôles et les stations |)réhistoriques, il n'est pas une seule espèce ma-
rine qui appartienne à. la faune de la mer Méditerranée'.
En dehors de ces ornements de coquilles j'ai trouvé dans la station
de Toukh deux colliers qui méritent d'être signalés. L'un (fig. 326)
est composé de petits échinides fossiles transformés en silex et qu'on
rencontre communément dans les alluvions voisines des affleure-
ments crétacés; ces oursins ont été percés, puis réunis en chapelet;
l'autre se compose (fig. 327) de neuf petites pierres du groupe des
serpentines, taillées et polies et imitant grossièrement la forme des
nérites de la mer Rouge.
Dans les tombes qui signalent le passage de la pierre polie aux
métaux, on rencontre aussi parfois quelques perles grossières de
cornaline, mais je n'ai que très rarement trouvé de perles d'émail,
bien qu'au début de l'Ancien Empire ce genre d'ornement fût d'un
usage courant.
A Toukh également, et dans quelques autres localités de la Haute-
Egypte, on trouve de grosses perles faites de calcaire (fig. 328, 329,
330, 332) ou de terre cuite (fig. 331).
Bracelets. — Gomme les colliers, les bracelets sont fréquemment
composés de coquilles ou de perles de pierre, mais on rencontre
aussi des anneaux taillés d'un seul morceau dans le calcaire, l'albâtre
(fig. 333), la nacre (fig. 335), le schiste ou même le silex (fig. .334).
Les bracelets de silex sont à coup sûr les pièces les plus curieuses
du préhistorique égyptien, et l'on se demande avec raison comment
il a été possible de tailler par éclats, sans briser l'objet, des anneaux
de 0",07 de diamètre extérieur et de 0°',005 seulement d'épaisseur.
En examinant avec soin un de ces bijoux, on voit que l'ouvrier, em-
ployant une lame large et mince, l'évida en son milieu à l'aide de coups
n'enlevantquede fortpetits éclats, qu'ilarronditl'extérieur parlemême
procédé et lui donna la forme circulaire. Mais la grande difficulté,
semljle-t-il, dut être de percer le Irou initial au milieu de la lame, et
je suis porté à croire que ce trou fut fait par usure au moyen d'un
bâton pointu et de sable quartzeux.
I. J ai rencontré dans les kjœkkcnmœddiugs de Toukh les mollusques suivants :
Espèces de la mer Rouge ; Arabica {Cyprxa) reticulata (Ginel.), Nerita [odontostoma)
polita (^Linnc), Cadium pomui» [Linné), Stromhus fasciatus (Bovn), madrépores et po-
lypiers. EspiiCEs NiLOTFQUEs : Sputha Ciiilliaadi, Unio JEgyptiacus {Fer.), U. teretiuscu-
lus [VhW.], Cleopatra bulimoides (OViw), Etheria Cailliaudi (Fer.), Paludina unicolor^
Ces coquilles accompagnaient, dans les kjœkkenmœddings, les débris de toute nature
parmi lesquels se trouvaient en grande abondance les os brisés de boeufs, d'antilopes,
de gazelles et de ruminants appartenant à un grand nombre d'espèces. Un manche d'ou-
til était fait de corne de rhinocéros.
I/IIOMMK NICOT.ITIIIQUE i',7
Quand la taille du bracelet était terminée, l'ouvrier polissait la sur-
face externe, laissant aj)|)araître à l'intérieur les traces du dégrossis-
sement.
Ces bracelets sont très fragiles; cependant j'en connais un certain
nombre; le Musée de Guizehcn possède plusieurs, M. Amélineau en a
rencontré un à Abydos, M. U. Bouriant, directeur de l'Institut fran-
çais d'archéologie orientale au Caire, en a acquis deux dans la Ilaute-
Fig. 333 à 335. — Bracelets (fig 333
silex jaune, nécropole d'Abydos : -
1/2 grandeur naturelle
3:î4 335
albâtre, nécropolo dEl-'Amrah; — Cg. 33'| :
- fig. 335 : nacre, nécropole d'El-'Amrah).
Egypte. Tous semblent provenir de la région située entre Abydos
et Thèbes, et j'explique ce fait par la présence dans les montagnes
de ce pays de silex crétacé d'une qualité parfaite pour la taille.
Fig. 336 à 342. — Peignes d'os et d'ivoire (fig. 330 : kjœkkenmœddings de
Toukh ; Cg. 337 : kjœkkenmœddings de Zawaïdali; fig. 338 à 3/(2 : nécropole de
Saghel-el-Baglieh, Musée de Guizeli). i/3 grandeur naturelle.
Nous connaissons en Europe un grand nombre de bracelets de
pierre et de nacre; on m'a signalé des anneaux préhistoriques de
jade découverts à Java'. ^lais je ne connais pas un seul bracelet de
silex étranger à la vallée du Nil, et ce seul fait suffirait pour qu'il soit
I. Collection de feu A. Daubrée, inspecteur général des mines, membre de l'Aca-
démie des sciences.
148
L'HOMME NEOLITHIQUE
permis de considérer les autochtones de l'Egypte
comme les plus habiles ouvriers de l'antiquité dans
la taille du silex.
Peignes. — Dans les nécropoles de Toukh, Zawaï-
dah, Khattarah, El-'Amrah, Saghel-el-Baglieh, etc.,
on rencontre souvent des peignes d'ivoire grossiè-
rement travaillés (fig. 336 à 343) ; ces ornements
affectent des formes très diverses : les uns sont
munis d'un manche, d'autres sont coupés carrément,
mais la plupart portent des représentations animales,
telles que des oiseaux, des antilopes, etc., très rudi-
.1
WS 347
Fig. 345. — Pointe en bois (kjoekkenmœddings
de ïoukh). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 34G et 347. — Petites cuillères (fig. 346 : nacre ;
lîg. 347 : os, Saghel-el-Baglieh). 2/3 grandeur na-
turelle.
l'ig. 34^. — Pommeau d'arme en ivoire (Saghel-el-
343 ^' 344 Baglich). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 343. — Peigne en ivoire (nécropole de Saghel-el-Baglieh, Musée de Guizeh).
1/3 grandeur naturelle.
Fig. 344. — Épingle eu ivoire (nécropole de Saghel-el-Baglieh, Musée de Guizeh).
2/3 grandeur naturelle.
i.'iioMMr: m:()I, 11111(^)1 y. l'.g
ineiilairus eL qui ne pi'csciilciil aucun caraclcrc coMiriiiin avec les
Ibi-mes les plus archaïques de l'art éo-yptieu.
Quelques personnes, qui de parti-pris nient l'existence du prdiis-
lorique égyptien, s(! trouvant en présence de semblables (d)jels, sont
allées jus(pi'à prétendre (pi'ils apj)arlenaient à la période byzantine
(copte), mais cetle supposition ne mérite même pas d'être discutée,
étani données les conditions si |)récises dans lescpielles on rencontre
ces instruments.
Épingles. — Ces objets sont peu communs dans les nécropoles
comme dans les kjœkkenmœddings ; ils sont faits d'os, d'ivoire
((ig. 344) ou de bois (fig. 345); parfois ils sont ornés de figurines ani-
males.
Ob.iets Divicus. —Je range sous cette désignation une foule d'objets
communs dont l'usage est généralement inconnu ; ce sont des
coquilles marines et des coquilles d'eau douce ', de petites cuil-
lères de nacre (fig. 346) ou d'os (fig. 347), des pommeaux d'armes
en ivoire et en corne de rhinocéros (fig. 348), des pieires polies sur
une face et comparables à des brunissoirs, de petits galets de corna-
line ou d'agate polis, des fragments de minerais parmi lesquels j'ai
reconnu de la galène, des carbonates de cuivre, de l'hématite et du
fer oligiste. Ces objets se rencontrent dans les kjcekkenmœddings
en môme temps qu'une énorme quantité d'os brisés et fendus pour
en extraire la moelle, et de tessons de vases appartenant tous à la
poterie des nécropoles néolithiques.
Figurines. — Dans les sépultures des autochtones, on ne trouve
jamais la moindre trace d'objets ayant quelques rapports avec le culte
pharaonique. Les statuettes et les divinités funéraires sont rempla-
cées par de grossières figurines représentant des animaux et taillées
dans un schiste verdàtre dont les gisements se rencontrent dans la
chaîne Arabique.
Ces sculptures (fig. 349 à 371), très rudimentaires, représentent des
tortues, des poissons, dont les yeux sont parfois ornés de pierre
dure ou de nacre, des oiseaux et une foule de signes dont l'origine ne
nous est pas connue. Il semblerait qu'ils eussent été autrefois consi-
dérés comme fétiches ou comme divinités'.
1. V. les notes, p. 73, i!fô et 146.
2. Nous savons par ailleurs qu en Europe, à l'époque de la pierre polie, les
croyances religieuses étaient déjà très développées. On en rencontre des traces dans
presque tous les gisements préhistoriques de la Gaule.
10
150
L'HOMME NÉOLITHIQUE
Je ne niélendrai pas |)his loiigueiiient sur les traces, que nous ren-
controns dans presque loulcs les lombes, de croyances religieuses
chez les peuples autochtones, me contentant de faire observer que
ce que nous en connaissons ne présente aucun caractère commun
avec la religion des époques ])haraoniques.
Le Musée de Guizeh et bien des collections de l'Europe renfer-
ment depuis de longues années des représentations animales en
schiste. Quelques égyptologues, qui se croyaient mieux renseignés
que les autres, attribuaientà la XI'' ou à la XXIIe dynastie la plupart de
ces objets, mais généralement on ne s'en occupait même pas. Or, c'est
■-tW«lafeJL?_,J"'
Kig. 349 :'i 371. — Figurines en schiste (nëcropoles d'El-'Amrali, d'Abydos et de ïoukh).
i/io grandeur nalurelle.
seulement dans les tombeaux des autochtones qu'on les rencontre;
le fait ne comporte aucun doute, car c'est sous mes yeux que les
découvertes ont été faites, et je dois ajouter ([ue, même dans les
tombes les plus archaïques de l'Ancien Empire, jamais je n'en ai
rencontré le moindre fragment.
L'antiquité très reculée de ces pièces est garantie par ce que je
viens de dire; elle l'est aussi par la nature même des objets et par le
travail dont on retrouve les traces. La taille, le polissage, les gravures,
])eu nombreuses d'ailleurs, sont obtenus par des moyens d'une
grande simplicité et les outils de silex taillés étaient bien suffisants
pour l'exécution de ces sculptures rudimentaires.
Dans la nécropole de Geljel-el-Tarif, j'ai rencontré ' deux repré-
sentations en calcaire de rhip|)opotame (dg. .372), sculptures très
grossières faites en usant la pierre, et une statuette de terre cuite
I. Fouilles du mois de mai iSi)().
I, iioMMi'; Ni:o[,rnii(,)ui';
i:>i
(lig. 373) d'un personnage assis. Cette curieuse figurine ne rappelle
que (l'une manière bien vague, par la position générale du corps, les
représentations du même genre qui nous sont l'oui'nies par ri<]gyptc
histori(|ue. Elle ligure un personnage à genoux, les bras collés au
corps et les mains sur les cuisses.
Fig. 372. — Figurine d'hippopolnme en calcaire (nécropole de Gebel-el-ïarif).
4/5 grandeur naturelle.
Fig. 373. — Figurine en terre cuite jaune, découverte dans la nécropole
de Gebel-el-Tarif (Musée de Guizeh). 4/-'> grandeur naturelle.
CÉRAMIQUE. — Ce sont surtout les nécropoles de la Haute-Egypte qui
fournissent les collections céramiques les plus importantes. Parfois
on trouve quelques vases archaïques dans les kjœkkenmœddings et
des fragments dans les stations préhistoriques. Mais il est souvent
difficile de préciser d'une manière certaine l'époque de ces objets et
il serait prématuré de baser sur leur étude des conclusions précises
au sujet de la céramique archaïque en Egypte.
C'est donc des vases tirés des tombeaux d'El-'Amrah, de Toukh et
d'Abydos et des localités voisines que je parlerai, de ceux qui ont été
trouvés en ma présence. J'y joindrai la description de quelques pote-
ries de même nature renfermées dans les vitrines du Musée de Guizeh
et, à titre de comparaison, les vases découverts dans les mastabas de
Dahchour, contemporains du roi Snéfrou, qui, on le sait, sont les plus
anciens spécimens de céramique connus dans les âges historiques. La
J52
T, ROMMI-. m:oi riiiKM"!-:
comparaison (^ntre les vases pn'historif|iies el ceux apparlenanl aux
premières dynasties montre quels lurent les débuts de la céramique
en Egypte et éloigne de l'esprit toute pensée de rapporter les tom-
beaux des autochtones aux périodes historiques postérieures au
début de l'Ancien Empire.
Les matières premières pour la fabrication de la poterie en Egypte
sont de deux natures différentes'; on peut employer les limons du Nil,
qui fournissent une pâte riche en sable, ou les argiles sédimentaires,
qui sur bien des points afileurent dans les coteaux '.
Fig. 3-4 à 388. — Viises en lerre (lig. 'i-!^ : terre rouge lissée (El-'Amrah); lîg. SyS :
terre rouge très grossière (Toiikhi; fig. Byt), 877 : terre rouge lissée (El-'Amrah);
flg. 378 : terre rouge grossière (Er-Anirali) ; fig. 379, 38o : terre rouge lissée (El-
'Amrah); fig. 38i : terre noire lissée (Toukh) ; fig. 38a : terre rouge lissée (Toukh) ;
lig. 383 : terre rouge lissée et noire à rintérieur(El-'Anirah) ; fig. 384 ■ terre rouge
clair lissée (Toukh) ; fig. 385 : terre rouge lissée, noire à l'intérieur (El-'Amrah);
lig. 386 : terre rouge très grossière (El-'Amrah); fig. 386 liis : terre rouge lissée,
noire à l'intérieur (Toukh); fig. 387 : terre rouge lissée (El-'Amrah); fig. 388 :
ferre brune très grossière (Toukh). 1/8 grandeur naturelle.
A la cuisson, les limons du Nil donnent des poteries jaunâtres ou
rougeâtres suivant la température a latjuelle la terre est soumise. Les
argiles sédimentaires fournissent des pâtes rouge vif. Quant aux
poteries itruncs ou noires, elles ont été obtenues en mélangeant à la
1. Les poteries émaillées appartiennent toutes aux périodes relativement récentes.
Leur pâte, d'après les analyses de M. Le Chatellicr, contient généralement 97 pour 100
de silice et 3 pour 100 de fer, chaux et alumine.
2. 11 existe à Assouan, sur la rive gaucho du Nil, eu face de l'ile d'Eléphantiue, de
vastes argilières souterraines creusées dès la haute antiquité.
L'HOMME m;oi 11 mon-:
153
p;\te dos matières colorantes, telles ([iic des hioxvdes de manganèse
dont les j^ilcs naliiiuds soni ahoiidaiils au Sinaï. Les kaolins gris et
blancs ti'Assoiian ' ne semblent jtas avoir elc connus dès In liant(! nn-
ti([uité.
Fig, 389 à !\i!\. — Vases en terre {Cg. 389 : terre lissée noircie au feu (El-
'Amrah);lig. 390 : terre rouge clair lissée fToukh); fig. 3c)i : terre rougeàlre (El-
'Amrah) ; lig. 392 : terre bruue grossière (El-'Amrali) ; iig. 393 : terre noire (El-
'Amrah) ; fig. 394 : terre rouge grossière (El-'Amral ) ; fîg. 395 : terre rouge lisse,
noire à l'intérieur (Toukli) ; fig. 396: terre rouge (El-'Aiurah) ; lig. 397 : terre noire
(El-'Anirah); fig. 398 : terre rouge lissée, bords noirs (Toukii) ; fîg. 399 : terre
rouge lissée (El-'Amrah) ; fig. 4oo : terre rouge (EI-'Amrali) ; (ig. /|oo bis : terre
rouge (Toukli) ; Ug. 4oi : terre rouge lissée à bords noirs (Toukh); fig. 40a : terre
rouge lissée (El-'Auirali) : fig. 4o3 : terre rouge (Toukh); fig 4o4 '■ terre rouge à
bord noir, fait à la main (El-'Amrah); fig. 40.') : terre rouge lissée, fond de vase
coupé (Toukh); lig. 4oG : terre gris clair (Zawaïdah); fig. 407 : terre rouge lissée
(El-'Amrah); fig. 4o8 : terre noire (El-'Anirah) ; fig. 409 : lerro grossière, fait à la
main (Toukh); fig. 410 : terre rouge lissée (Toukh); ilg. 4ii : terre rouge gros-
sière (Toukh). 1/8 graudeur naturelle.
Les figures 374 à 417 représentent les principales formes de vases
que fournissent les nécropoles des autochtones. Elles sont extrême-
ment variées et quelques rares types seulement rappellent de loin
les vases d'époqtie [)liis récente.
I. Les gi'anils décomposé.'^ qui forment les collines du Chcllal, en face de Tile de
Sehel, sur la rive droite du Nil. fournissent dos kaolins d'assez médiocre ipialllé.
154
LHOMME NEOLITHIQUE
Ce qui domine surtout dans les tombeaux archaïques, c'est la pote-
rie grossière (fig. 415 à 422), dont la pâte serait bien dit'licile à dis-
Fig. 4i5 •' h'i'-i- — Vases en terre grossière (fig. !^lG, 418, 4iy> 42i : nécropole
d'EI-'Amr.ili ; (ig. !^^^, 417. 420, 422 : nécropole de Toukh).
I, IIOMMK iNEOIITIIloll';
155
lingLicr (le cclh! des vases de même naliirc ([u'oii i-eii(onlr(; dans les
maslabas des débiils de l'Ancien Empire (li^-. 423 à 450). Ces jarres
sont rangées en grand nondirc autour du nn)rl; elNîs renfermaient
■i2«
429
42(1
Fig. 42'î à 4^'- — Vases eu terre grossière des masUibiis île la iiécn)|)ole de Dahclii
(IIP dynastie). 'ViS grandeur iiaturello.
15 G
I, lIOMMli XKOMTIlIQn-
jadis de l'eau, des cendres ou de la iariiie, et semblent avoir été
affectées aux mêmes usages que celles ([u'on trouve dans les sé-
pultures des premières époques hislori((ues.
Dans ces mêmes tombeaux on rencontre également des urnes et
43»
437
Fig. /l'ia :'i f\f\o. — Vases on terre grossière des mastabas de la nécropole de Uahrhoiir
(111° dynastie). a/i5 grandeur naUirellc.
I, IHi.MMK M'.OI.n IIHH H
157
(les vases île loiiles les formes, en lerre roiinc', soil sirii|)leiiieiiL
lissée (fig. 451 à 460), soit eoloive sur 1rs bords en noir (lig. 'i<il a
4i4
445
446
447
448
449
Fig. 44' •"' 449- — Vases en terre grossière des mastabas de la nécropole de Ual
(III" dynastie). 3/?,o grandeur uatnrelle.
I. M. le Dr U. Fouquet m'a communiijué Irois petits vases eji terre rouge prove-
nant de la Haute-Egypte ot qui, bien qu'appartenant il l'époque historique, rentrent
dans le type des poteries archaïques. Deux de ces vases figurent des femmes portant
sur leur dos un enl'anl, l'autre représente une antilope. La facture en est très grossière
et tendrait à prouver la persistance des formes archaïques pendant les âges pharao-
niques. Ces vases semblent devoir être attribués au Moyen Empire.
15K
1,'HOMME NÉOLITHIQUE
480 et pi. ]). Ces deux dernières variétés auraient, paraît-il, été encore
en usage vers le milieu du Moyen Empire, car les poteries de cette
nature conservées au Musée de Guizeh sont étiquelécs comme appar-
tenant à la XP dynastie.
"^^^
Fig. 45o. — Pctils vases en terre grossière découverts dans les mastabas de l'époque
de Snofroii (III" dynastie) à Dalichour. 2/3 grandeur naturelle.
Je donne sous toutes réserves cette appréciation des personnes qui
ont déposé ces objets au Musée de Guizeh, cardans les nombreux
tombeaux du Moyen Empire qu'il m'a été donne d'explorer, je n'ai
jamais rencontré de céramique de ce genre.
Planche I ,
'fi ff I.
I r
'.'y.'V
iir
'".*Tt 4
i
^
^M.
CÉRAMIQUE
N°-'I et 2 , Abydos , N"'-'3,4-,5 et 6,El'Amrah
N?7, Khattarah .
/at/', Man»0C9 . "AIHt
Planche II
_JM-.
CÉRA7VUQU£
Gébeleïn.
tMf.MONneet.rA»tt.
Planche 111.
CÉRAMIÇUE
N?l,2 et 3 . Gébeleïn-, N° 4,5 et6,El'Amrali.
JIVL^
^.j>tanncc»f*»'S.
1, HOMME Ni:oi.riiii()ri':
ir,<)
Les vases de tiîrre rouge soiil parfois ornés de dessins peints en
blanc et représcnlanl soit des lignes géométriques (pi. II, lig. 2,
3 et 4; pi. 111, lig. 'i, 5 et 6), soit des animaux (pi. II, lig. 1 et 5;
pi. III, fig. 2 et 3), soit des personnages (pi. 111, fig. 1). Ces pein-
tures sont très grossières.
Fig. 45i à i(>o. — Vases en terre rouge lisse (nécropole d'El-'Amrah). i/ia grandeur
naturelle.
Fig. 46i à /iyo. — Vases en terre rouge lisse avec bords noirs (nécropole d'El-'Amrah).
2/i5 grandeur naturelle.
Sans contredit, la céramique la plus intéressante des temps préhis-
toriques en Egypte est la classe des vases jaunes ornés de peintures
rouges. Ces poteries sont fort abondantes dans les nécropoles d'A-
bydos, de Toukh, d'El-'Amrah, de Gebel-el-Tarif, de ZaAvaïdah, etc.
IGO
LHOMME NEOLITHIQUE
Elles allecleut les formes les plus diverses (pi. IV à X) et parfois
même, mais plus rarement, représentent des animaux (fig. 481).
Les vases de ce genre les ])lus aliondants sont tiès larges et bas;
i7S
Eig. /171 il l\^o. — Vases en terre rouge avec bord noir (fig. 471 i 47^> kl'^ ■' 477>
479 el 480 : nécropole de Toukh; fig. 474 '■ kjœkkeumœddings de Toukli; fig. 478 :
kjirkkeiiniœddings de Khattarnh). '^|•>J\ grandeur naturelle.
Fig. 481. — Vase en terre jaune orné de peintures rouges (nécropole de Gebel-el-Tarif,
Musée de Guizeli). ;!/5 grandeur naturelle .
ils portent, peints en rouge, des ornements très simples, tels que des
spirales, des lignes brisées ou ondulées, des palmes, etc., et quelque-
fois aussi des animaux ("pi. ^^ fig. 3), gazelles ou autres. Les vases de
-JM^
CÊRA^AIQUE
N°let2,ErAmrah; N°3,Abydos.
^
Plar,cT-ie V.
JNL
CÉRAMIQUE
N?l et 2, £ l 'Amrah , N? 3 , Abydos .
Planche VI.
y>c_
;*». «n««o(j r»*jt
CÉRAMIQUE
N"letitJoulch;N°' 2,5.5,6,7et8,ErAiiirah.
Planche Vil.
_yA{_
CÉRAMIQUE
N"Iet2,Tou]<h;N-3el/t,ErAmrah.
' fAMMBC*. ^«n*
Plan crie '/in.
yiVL_
CÉRAMIQUE
N° 1 , Abydos ; N° 2 . Gébelem .
Planche IX.
lia
yML.
CÊRA^\IQUE
N"l et 3 , Haute Egypte , N?2, Gébelein.
N" 4, Localité inconnue.
CE].
N°l, Localité incoii
Planche X
MIQUE
ue;N"2et3.Abydos.
^M^
iMfi. MOftMûp .
1,'IIOMMH MCOI.I Tlllini'.
ini
lorino (liircr<'nl(; sont niissi oiiirs de dessins du im-me «^^eiirc. Dans
toutes CCS peintures on reeonnail l(> niènic ^oùt artistique, les mêmes
traditions.
Une grande urne, découverte à Ahydos et exposée dans la salle de
la Céramique au Musée de Gui/.eli, i)résenle des représculalions très
compliquées ipl. X). Deux l)ai'(|ues se suivent, sépai-écs entre elles
par des autruches et de petits trianolcs, des antilopes courent ça et
là dans le champ des tableaux. Les harcpies sont munies de leurs
avirons et portent à la proue des palmes; en leur milieu s'élèvent
deux pavillons carrés sur lescpicls se tiennent des hommes armés de
bâtons et des femmes <lansant.
Cette curieuse peinture ne renferme pas un seul signe hiérogly-
phi(|ue. pas un seul détail qui puisse faire songer aux arts égyp-
\ç^-
Vis. '|N'.'. ot '|S3
— Fraguiculs do v^ises (I<j(rkl<ciinueddings do Toiilili). i/'J
naturelle.
grandeur
Fig. '(84 à /|(Sf). — Objets divers en terre cuile (fig. 484 et 4S5 : Icjœlikenmœddings
de Toiikti; fig. 4'*''' : nécropole d'El-'Anirah). i/a grandeur naturelle.
tiens. Elle est entièrement originale et semble avoir été exécutée par
des hommes qui n'avaient rien de commun avec ceux qui, plus tard,
leur succédèrent dans la vallée du Nil.
C'est seidement en Haute-Egypte quej'ai rencontré les vases jaunes
ornés de peintures rouges, mais, de même que les poteries gros-
sières sont communes au nord et au midi de l'Egypte, de même j'ai
trouvé, dans les kjœkkenmœddingsde Toukh, un fragment de vase de
terre brune, plus soigné que ne le sont en général les terres de ce
genre, présentant idcnti([uement les mêmes caractères qu'un plat
découvert dans un mastaba de la III'' dynastie, à Dahchour.
Ces deux poteries sont eu terre noire assez grossière ; les ornements
ont été gravés à la pointe profondément, puis remplis d'une pâte
blanche. Le vase de Dahchour (pi. XI) est couvert d'arabesques, le
fragment de Toukh (lig. 482) est orné de dents. Mais dans les deux
cas le procédé d'exécution est le même.
i
ir,2
r/lIOMME M^OIJTHIQl'E
Jamais on n'a rencontré de vases de ce genre dans les tomlieaiix
postérieurs au début de l'Ancien Empire, jamaisnon plus onn'a trouvé
de céramique présentant quelque analogie avec les pâtes jaunes à
peintures rouges, tandis que, dans les tombes préhistoriques, cette
dernière classe surtout est fort abondante. Nous devons donc admettre
que cette catégorie de vases, très usitée par les autochtones, cessa
^IJ^r^
Fi^. fff'fj . — Craffiii gravés sur les rochers de Gebel-Heteinat (Haule-Égypte).
{Découverts et dessillés par M. G. Legrain.)
Fig. 'iSS. — Craffili gravés sur les rochers : ii»' 2J, 'îG, !4() et 3S. KhÔÈ--es-Sahiii
les autres numéros, El-H6sch. (Décoin'erts et dessinés par M. <:. Legrain.)
d'être employée quand les Égyptiens pharaoniques eurent étendu à
toute l'Egypte leur civilisation et leurs arts.
Peut-être certains potiers continuèrent-ils encore longtemps après
la conquête leurs méthodes de fabrication; la tradition ne s'éteignit,
bien certainement, pas d'un seul coup chez les autochtones; aussi
I, iioMMi'; MXJMTiiiQn':
1(53
sotnmes-nous exposés à ronconlrer des spcciincns ilc la cciaiiii(|iie
archaïque dans des tombeaux datés de l'époque historique, à voir
figurer dans l'ornenientalion des vases au type autochtone desincrip-
tions hiéroglyphiques. Mais ces découvertes n'infirmeraient en rien
les résultats de mes dernières fouilles.
a ^
A-
a
,n
^
ev-
n^
"ItT
^^^è»
Fig. 489. — Graffiti gravés sur les rochers : n°' i à 7, à Raoualièh ; n°" 8 à i\, à Gebel-
Rechidi ; n"' i.'i à 25, à El-Hôsch (Haute-Egypte). [Découverts et dessinés par il. G.
Le grain.)
Fig. 490. — Graffiti tracés sur les rochers de Gebel-Hetemat. (Découverts et relevés
par M G. Legrain.)
Les figurations humaines et animales que portent les vases ar-
chaïques font penser aux nombreux graffiti sans inscriptions que
portent les rochers de la Haute-Egypte. M. C>. Legrain, inspecteur du
Service des Anticjuités, en a découvert un grand nombre dans son
exploration du désert entre Edfou el Silsilis J'en donne quelques-
165
L'IIOMMI' XKOlJTinoUE
uns afin de permettre les comparaisons (tig. 487 à 492) e„ faisant
obse™ touteibis c,ne beaucoup de ces devins appartiLnl.f ^ 1
poque h.stonque, certains même sont accompagnés d'inscriptions
canennes, ma.s que, bien certainement, il en eit d'antérieurs" î'.
vee des Egyptiens pharaoniques dans la vallée du Nil.
Kig. 4f,r. — Craffiti gravés sur les roeliers • n»= i à 8 ,Ip T»),»! m -i . r.
Fi
g- 49
/in'>.
r;™/A" g>-avés sur les rochers de Chalt-el-Rigal (Haule-Égyple)
{Decoiiv,'i-ts et dessinés pu,- M. G. Legrain.) SyP'^'-j
Je n insisterai pas plus longtemps sur la céramique archaïque en
Egypte ; les iaits que je viens d'exposer sont nouveaux pour la science
et ce n est pas au moment même où ils viennent d'être découverts
qu il serait prudent de pousser plus loin les considérations de détail
et les déductions,
Fig. 493 à /,,j(;
lig. 494 : terre brune foncée
i<H 495
Fusaïoles (dg. 4,,3 : fragmenl de vase en terre très grossière-
-ouge orné d'un Zj^Z^-^^^'u^^'^^â'^ ^'' ' '''^T' '' ^"^"^
jaunes, kja.kkenn.œddings de fouk^i!). i/B gf'd'u. IXell °'''" ''" ''""''"'''
Fusaïoles. — Un trait caractéristique des nécropoles archaïques
et des kjœkkenmœddings, est la présence d'un grand nombre de fu-
saïoles, so.t faites de terre et peintes (fig. 494), soit simplement tail-
lées dans un fragment de vase (fig. 493, 495, 496). Les fusaïoles,
SI abondantes dans les stations autochtones, font absolument défaut
dans les ruines d'époque historique. Elles correspondaient à des be-
PI anche XI
^M_
CÉRAMIQUE
Vase décotiverL dans xm Mastaba
de Tépoque du roi Snéfrou ( niUynastie)
'M^. *'OJv»ocp ^*^'a
L'HOMME NÉOLITHIQUE 1(35
soins fini cessèrent d'exister vers l'époque de l'apparition des mé-
taux-. Il est intéressant d'observer à ce sujet que les fusaïoles sont
fort communes dans les stations préliistoriques de l'Europe et de
l'Asie, et que, dans ces régions, leur usage s'est perpétué jusqu'à
l'âge du bronze et parfois aussi du Cor.
Vases de piehre. - Toutes les collections, publiques ou privées,
renferment en grand nombre des vases de pierre égytiens, mais dans
la plupart des cas on ne connaît ni l'époque, ni la localité de ces ob-
jets. On admet généralement que, depuis les premiers temps de l'An-
cien Empire jusqu'au règne des Ptolémées, leur usage fut constant
en Egypte et j'ai moi-même constaté ce fait en mainte occasion.
Toutefois, mes observations m'ont amené à conclure que c'est sur-
tout aux âges les plus reculés que ces sortes de vases furent le plus
employés, c'està Toukh, Zawaïdah, El-'Amrah, à Abydos, et plus com-
munément encore à Gebel-el-Tarif, qu'on les rencontre en plus grand
nombre. Dans la partie méridionale de la nécropole d'Abydos, aux
alentours des tombes archaïques découvertes dernièrement par M. E.
Amélineau, les débris de vases de pierre sont d'une abondance ex-
trême, et sur l'autre rive du fleuve, à Gebel-el-Tarif, presque chaque
sépulture en renferme plusieurs.
Que l'usage de ces vases se soit
continué à travers les âges, j'en suis
certain, mais aussi je pense que c'est
aux autochtones que sont dus les
premiers essais de cette fabrication.
La méthode employée par les ou-
vriers, et figurée sur les mastabas
(fig. 497), est d'une telle simplicité
qu'il n'était pas nécessaire d'être en
possession des métaux pour la dé-
couvrir.
Le Musée de Guizeh possède une série très nombreuse de ces vases,
mais dans la plupart des cas leur époque est indécise. Il est cependant
aise de remarquer quelles sont les formes les plus anciennes et de les
distinguer de celles appartenant au Moyen et au Nouvel Empire.
Dans mes dernières fouilles en Haute-Egypte, à El-'Amrah entre
autres {hg. 498 à 502), j'ai rencontré un assez grand nombre de vases
de pierre dure, dans des sépultures ne renfermant que des instru-
ments de silex, et tout récemment, à Gebel-el-Tarif, en face d'Abydos,
on en a découvert, dans des fouilles exécutées sur mes ordres, une
série considérable dans les mêmes conditions.
11
Fig. /l97. — Bas-relief du tombeau
de Mera, à Saqqarali, représeulant
la fabrication des vases de pierre
(VI« dynastie).
166
L'HOMME NEOLITHIQUE
Je ne veux pas dire que tous les vases qu'on rencontre dans les
sépultures des autochtones soient antéhistoriques , car bien des
tombes renferment des objets de bronze en même temps que des
vases de pierre, mais, parmi les sépultures antérieures à l'arrivée des
Éo-yptiens pharaoniques, il en est beaucoup qui contiennent dés vases
de cette nature.
iSOb
Fig. ^98 à 502. — Vases do pierre (nécropole d'El-'Amrali).
Quant aux matières employées pour leur fabrication, elles sont très
nombreuses; seule la nécropole de Gebel-el-Tarif en a fourni en
schiste et en grès siliceux, en diorite, en basalte, en serpentine, en
brèche calcaire ou siliceuse, en granité, en albâtre, etc. La dureté de
la matière n'effrayait donc pas les tourneurs, et, de môme que les
tailleurs de silex parvenaient, avec les moyens les plus simples, à
faire un bracelet de silex, de môme les artisans des vases creusaient
les roches les plus dures.
Pour bien des personnes, le mot préhistorique est sj'nonyme de
barbarie complète, de civilisation rudimentaire, d'ignorance absolue.
On croit volontiers que l'homme sans le secours des métaux ne put
jamais faire de grands progrès, et c'est cette erreur qui, dans bien
des cas, a fait attribuer aux temps historiques des objets fabriqués
aux âges préhistoriques : on les trouvait d'une exécution trop parfaite ;
ils ne portaient pas les traces de l'industrie rudimentaire qu'on
accorde généralement aux temps néolithiques. Et cependant il n'est
pas besoin de remonter jjien loin dans l'histoire pour trouver des
peuples très avancés dans la civilisation, bien que ne possédant pas
les métaux. L'Amérique centrale, le Pérou, le Chili n'étaient-ils pas,
longtemps avant la conquête espagnole, des pays d'une civilisation
très avancée? Le Mexique ne possédait-il pas ses annales écrites, sa
littérature, son architecture et tous ses arts? Pourquoi refuserions-
nous aux hommes qui précédèrent les Egyptiens dans la vallée du
Nil, des notions que d'autres peuples purent acquérir en se dévelop-
pant sur eux-mêmes? Pourquoi enfin chercherions-nous à faire ren-
L'HOMMIÎ NKOlJTllIQUi; iC,7
trer dans le cadre étroit de nos connaissances actuelles les phéno-
mènes que nous ne savons comment expliquer? Mieux vaut chercher
à élargir ce cadre, car ce que nous savons aujourd'hui est bien peu de
chose en comparaison de ce qui a existé. 11 est irrationnel d'ad-
mettre que rÉgyptieu fut le premier homme qui vécût dans la
vallée du Nil, qu'avant lui le pays était inhabité: une telle supposi-
tion est contraire aux lois générales de la nature. On a nié la présence
d'un Age de pierre en Egy|)te, j'espère avoir prouvé que non seule-
ment il a existé, mais qu'il a joué un très grand rôle dans la civilisa-
tion pharaonique elle-même.
CHAPITRE VI
La vallée du Nil lors de la conquête égyptienne.
Sinous nous en rapportons aux chronologies généralementadmises,
c'est au xLvni" siècle avant J.-C. que Menés', le premier roi de la
I" dynastie, prit le pouvoir en Egy[)te. Or devons-nous considérer
ce souverain comme ayant opéré par lui-même la con((Liôte de la
vallée du Nil, ou nous^est-il permis de supposer que ce sont les rois
des dynasties dites divines qui s'emparèrent de l'Egypte, et que ^lenès
fut le premier qui, centralisant dans ses mains tous les territoires,
devint réellement souverain d'un pays que ses congénères occu-
paient depuis déjà des milliers d'années ?
Dans la première hypothèse, l'arrivée des Egyptiens sur les bords
du Nil remonterait à soixante-huit siècles environ. Dans la seconde
il faudrait la reculer jusqu'à dix mille ans au moins.
Or depuis dix mille années la vallée du Nil a singulièrement changé
d'aspect. Le lit du (leuve s'est relevé de 10 mètres environ, les marais
latéraux se sont comblés peu à peu et le delta est en grande partie
I. 11 est difficile , étant donné l'état actuel de la science, de fixer exactement la date
du début de la monarchie égyptienne. Les appréciations des savants qui ont étudié
la question ne concordent guère les unes avec les autres et nous donnent même des
écarts de plus de deux mille ans :
Champollion-Figeac, Egypte ancienne 5867
Mariette . . . , 5oo4
Pétrie, History of Egypt ... 4777
Brugsch, Geschichte jEgyptens ..... ... ... 44oo
Lauth, Aus Xgyptens Vorzeit .... l\iij
Lepsius, Chronologie des JEgypter 38g2
Meyer, Geschichte des alten JEgyplens . . 3 180
Bunsen, Mgypiens Stelle . 3o5c)
Comme Cliabas {^Etudes sur l'antiquilé historique, p. iG), qui lait remonter Menés
au delà du .XL' siècle, nous croyons préférable de ne pas préciser davantage et de placer
la I" dynastie égyptienne entre 5ooo et 45oo. — [G. .T.]
170
LA VALLKE DU NIL
sorti des eaux; la faune et la flore se sont également modifiées, et le
climat lui-même a peut-être changé dans des conditions qu'il est bien
difficile d'apprécier aujourd'hui.
Abandonné à lui-même, le Nil, capricieux dans son cours, flottait
encore entre les deux coteaux qui le bordent, tantôt coulant sur une
Fig. 5o3 ù Soy. — Oiseaux égyptiens figurés sur les hiéroglyphes dos fresques
de Meïdoum (III" dynastie).
Fig. 5o8. — Scène de chasse au boumerang dans les marais. Bas-relief du tombeau
de Mera, à Saqqarah (VI<^ dynastie).
rive, tantôt se portant sur l'autre, comblant les marais d'un côté, en
creusant d'autres par ailleurs, et chaque année, lors des hautes eaux,
modifiant du lout au tout les conditions d'équilibre de la saison pré-
cédente.
LOHS DE LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE
171
Les pays, inondés en été, conservaient pendant le reste de l'année
l'huniidilc nécessaire à la croissance des arbres, et des forêts, épaisses
par places,, clairsemées en d'autres, souvent déracinées sur bien des
Fig. Sog. — Le bétail à l'Ancien Empire : antilopes. Bas-relief du tombeau de Mera,
ù Saqqarah (VI° dynastie).
points par la violence des eaux, couvraient la majeure partie des
terres émergeant des marais '.
I . Le professeur Schwcinfurth est d'avis qu'autrefois l'Egypte était couverte de la
même végétation que nous rencontrons aujourd'hui sur le haut Nil, très en amont de
Khartoum {Bull. Inst. égyptien, 19 déc. iSyS, p. 200). Il croit que le climat de l'E-
gypte se modifia peu à pou et, s'éloignant des climats tropicaux, se rapprocha de celui
des pays méditerranéens. Les plantes dont la culture s'est perpétuée dans l'Egypte,
sont celles qui, spontanées autrefois, ont été conservées comme plantes utiles (Georgio
Schweinfurth, Le piante ulili delVEritrea, dans BoU. Soc. Africana d'Ilalia. Neapoli,
iSgr). Il est intéressant de citer, d'après Schweinfurth, quelques-unes des plantes les
plus remarquables de l'Egypte antique ou moderne :
Acacia nilotica (saut des Arabes). Croit sponlauémeut sur le Nil Blanc, où il
forme des forêts. En Egypte, il ne croît qu'autour des habitations.
Lablab vulgaris. Légumineuse. Croît spontanément sur le Nil Blauc et le Nil Bleu.
Dolichos liiliia. Croît spontané dans l'Afrique centrale.
Vigna sinensis (haricot de Chine). Abondant en Afrique centrale où il croît sponta-
nément. Spontané en Asie iutertropicale,
Cajanus flaviis (^cayaa des Arabes). Spontané sur le Nil Blanc et dans les pays des
Nègres.
Chorchorus tAitoriiis (mcloukhieh des Arabes). Croît spontané dans les forêts de
l'Afrique tropicale, au-dessus du 12° degré de latitude nord.
Ricinus cownM/Hs. -Spontané en Afrique centrale, abondant eu Egypte où il est d'o-
rigine très ancienne.
Hibiscus cannabinus. Spoiila.aé en Afrique centrale, cultivé en Egypte pour la fabri-
cation des cordes.
Abelmoschns esculentus (bahmia). Spontané dans les steppes qui bordent le Nil
Blanc au-dessus du 12"= degré de latitude nord; le bahmia est un des témoins les plus
caractéristiques de l'ancienne végétation de l'Egypte.
Ziziphus spina Christi (nebek de l'Egypte).
Ciirulus vulgaris (pastèque). Sauvage au Khordofàn, sur le Nil Blanc et chez les
Niam-Niams.
Cucumis chate (adjour). Spontané sur tout le haut Nil.
Luffii cylindrica (louf). Spontané dans les forêts vierges d'Afrique.
Vitis vinifera, espèce voisine de la Vilis abyssinien qui croît spontanée dans l'A-
frique centrale. La vigne est très ancienne en Egypte (Tombeau des vignes, à Thèbes).
Capsicum fructescens (chiseta des Arabes). Spontané en Afrique tropicale.
172
LA VALLÉE DU NIL
Près des montagnes, aux limites du désert, s'étendaient de véri-
tal)les lacs aux rives boueuses, couvertes de lotus, de papyrus, de
joncs, de roseaux, où se cachaient les oi-
seaux, les tortues, pendant que l'hipopo-
tame et le crocodile en peuplaient les
aljords.
Dans les forêts, l'hyène, le chacal, la
panthère, probablement aussi le lion, guet-
taient les cerfs et les antilopes, peut-être
aussi le bœuf sauvage, précurseur des
animaux domestiques que nous voyons
ligures sur les mastabas'.
Fig. 5io à 5i2. — Antilopes,
d'après une fresque de Meï-
douni (III' dynastie).
Olea Europa^a. Rare au temps d'Homère dans les
îles grecques, croît spontané sur les bords de la mer
Rouge et au pays des Bicharis.
Ficus sycomorus. Se retrouve en Afrique centrale,
dans le S. trachyfilla ,
Cucifera thehaica (palmier-doum). Sauvage dans
les vallées de la Nubie méridionale à partir du
iti'^ degré de latitude nord. En Haute-Egypte et dans
la Nubie inférieure il est cultivé.
Phœnix dactilifcra (dattier). On trouve dans toute
l'Afrique centrale le dattier sauvage (Ph, spinosa)
qui diffère par sa petitesse ; modifié par la culture,
il devint le dattier actuel.
Papyrus. Cette plante, autrefois abondante dans le Delta et toute la vallée du Nil,
ne dépasse pas aujourd'hui le lo' degré de latitude nord. Elle s'est retirée vers le
sud.
Nymph.va lotus (lotus blanc). Encore vivant en Basse-Egypte.
Nymphxa cœrulea (lotus bleu). Vit encore en Basse-Egypte.
Neluhium speciosus. N'existe pas à l'état spontané en Afrique. C'est une plante asia-
tique qui semble avoir été apportée par les Perses.
I. Parmi les animaux connus des Égyptiens dès les premières dynasties, il esta
citer:
Lion.
Loup.
Chacal.
Chat sauvage.
Hyène.
Léopard.
Guépard.
Renard.
Hippopotame.
Crocodile.
Serpent (plusieurs sp.).
Grenouille.
Bœuf (2 sp.).
Chèvre.
Ane.
Lièvre.
Gazelle (plusieurs sp.).
Algazelle.
Defassas.
Antilope (a sp.).
Chèvre de montagne.
Singe (2 sp.).
Ichneumon.
Chien (plusieurs sp.).
Oie.
Canard (plusieurs sp.).
Cygne blanc.
Caille.
Hirondelle.
Ibis, blanc et noir.
Bécassine.
Moineau.
Huppe.
Perdrix.
Tourterelle.
Pigeon.
LORS DE I,A CONQUÊTn: KGYPTIENNK
17,-î
Les poissons abondaient dans les marais comme dans les eaux du
Nil, et le désert, alors aride comme aujourd'hui, nourrissait de ses
plantes épineuses la gazelle, l'autruche et les animaux des sables
africains de nos jours.
Fig. 5i3. — Le bétail à l'Ancien Empire : antilopes, gazelles, hyènes, chacals, etc.
Bas-relief du tombeau de Mera, à Saqqarah (VI= dynastie).
Fig. 5i4. — Lions et chiens eu chasse. Bas-relief du tombeau de Mer;
(VI° dynastie).
a ûaqqarali
Le Delta n'était point alors cette plaine régulière que nous voyons
aujourd'hui, des digues naturelles s'élevaient sur les rives des divers
bras du fleuve, des dunes de sable côtier le traversaient en tous sens,
Oxyrrynque.
Torpille.
Raie.
Pie. Cormoran. Mulet ordinaire.
Aigle. Hibou.
Epervier. Demoiselle de Numidie.
Faucon. Tortue (plusieurs sp.).
Vautour. Rouget.
Pélican. Mulet tacheté.
L'autruche semble avoir vécu en Egypte, aux époques anté-historiques ; on en
trouve des œufs dans les tombes archaïques. Le nom du chameau n'apparaît qu'avec
les Ptolémées (Mariette, Institut égyptien, lo déc. 1875). Le cheval n'existe pas en
Egypte avant la XVIIIi= dynastie. Le cochon fut importé par les Grecs sous la
XXV" dynastie (cf. d'Aubusson, laatitut égrplie/i, 5 mai iSgj : Esquisse de lu faune
égyptienne).
174
LA VALLEE DU NIL
des îles plus ou moins étendues s'étaient déjà formées, et les marais
couvraient le reste du pays, lacs d'eaux douces ou saumâtres suivant
leur position, suivant aussi les saisons, car le littoral actuel du Delta
n'était pas encore formé en entier, le Nil n'avait pas conquis son
estuaire sur la mer.
Et ce grand triangle de marais, d'îles et de cours d'eau, était lui
aussi couvert de végétation; les plantes s'y développaient à l'envi,
car, grâce à l'élargissement de la vallée, les eaux y étaient plus calmes
lors des crues.
L'air chaud et humide, les brouillards de la nuit, les rosées du
matin, venaient encore ajouter à la fei'tilité de la vallée du Nil qui,
sans les hôtes dangereux de
ses forêts et de son fleuve, eût
été un véritable paradis.
Ce tableau de la vallée du Nil
dix mille ans avant nous, on
le conçoit aisément lorsqu'on
compare les conditions natu-
relles dans lesquelles elle se
trouvait primitivement à celles
qui régissent la vie dans les
pays vierges où les fleuves cou-
lent sans contrainte, où l'homme n'est pas venu rapetisser la nature.
Au milieu de ce dédale de végétation, parmi ces marais, ces lacs,
ces rivières, ce désert, se mouvait l'homme, entouré d'une foule
d'ennemis, il est vrai, mais jouissant sans contrainte des biens que
la nature lui prodiguait. La pèche, la chasse, les plantes des marais
lui fournissaient les éléments d'une vie facile, le désert lui donnait
le sel, il trouvait partout autour de lui l'eau et le bois.
Vivant soit dans les îles, soit sur le bord du désert, à peine avait-il
besoin de s'abriter contre les ardeurs du soleil. Jamais les intem-
péries ne venaient troubler son repos, car il ne pleut pas en Egypte,
et s'il allumait des feux, c'était plutôt pour la cuisson de ses aliments
que pour combattre les froidures.
De vêtements, c'est à peine s'il en avait besoin; quelques peaux
d'animaux suffisaient pour former son pagne dans un pays au climat
iloux, à la nature si clémente que les chefs seuls se couvraient les
épaules d'une peau de bête. Les mastabas ne nous montrent-ils pas,
dans leurs bas-reliefs, l'homme presque nu, considérant comme un
luxe de gi-and seigneur de porter sur les reins une peau de léopard'.
ig. .'ii5. — Scènes de cliassc. d'après les
fresques des mastabas de la nécropole
de Meïdoum (III'' dynastie) ,
I. Le pagne court, qui est resté jusqu'aux derniers siècles de la civilisation égyp-
tienne le costume classique des habitants du pays, doit être le seul qu'aient connu les
I.ORS nr, LA CONQUETE EGYPTIENNE
175
176
LA VALLEE DU ML
I.OliS DE r.A CONQUÊTE EGYPTIENNE
177
Mais riioiniiuï était sans cesse exposé aux attaques des bôtesféroces.
Le crocodile attendait son approche au bord des marais, Thippopo-
tam(^ cherchait à le chasser des lacs lorsqu'il s'adonnait à la pêche, le
lion cl le lé()[)ard en faisaient leur proie dès (jn'il pénétrait dans les
Ibrôts. Quant au désert, aux sables brûlants maudits et voués plus tai'd
à Typhon, l'homme néolilhicjue ne s'y aventurait guère, il en redoutait
les chaleurs et la soif leur compagne, les serpents et tous les hôtes
520
Fig. 5iq. — Débarquement du poisson après la
pèche. Fresque du tombeau de Aui Snéfrou Mert-f,
à Dahchour (III'= dynastie).
Fig. 520. — Séchage et transport du poisson,
d'après une fresque de Meïdoum (III" dynastie).
Fig. 521, — Le bétail à l'Ancien Empire : bœufs. Bas-relief du tombeau de Mera,
à Saqqarah (VI* dynastie).
venimeux qu'il nourrit; d'ailleurs qu'eût-il tiré de ces solitudes im-
productives?
Pour lutter contre ses ennemis naturels, pour s'emparer des ani-
maux de la chair desquels il s'alimentait, l'hoinme avait inventé des
premières populations de la vallée du Nil. C'était très probablement aussi un insigne
de leurs chefs, que cette peau de pauthère, costume distinctif de certains prêtres à
toutes les époques ; en effet, on voit presque toujours les usages très anciens passer
peu à peu complètement dans le domaine religieux. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce
que cet insigne, qui est encore celui de bien des chefs des peuplades nègres, ait été
celui des priuces sauvages qui ont précédé les Égyplieus — [(1. J.]
178
LA VALLEE DU NIL
armes; c'est l'arc à la main ou la lance sur l'épaule qu'il s'aventurait
dans la jungle; le silex de la montagne lui avait fourni la matière pre-
mière de ses instruments, les forêts et les marais lui en donnaient la
hampe. Les pré-Égyptiens étaient chasseurs, le grand nombre de
pointes de flèches que nous rencontrons aujourd'hui dans les stations
préhistoriques nous le prouve; il était aussi pécheur, car ses premiers
instruments de bronze sont l'hameçon.
Peu à peu Ihomme apprit à domestiquer les animaux : il eut des
troupeaux de gazelles et d'antilopes; il engraissa les hyènes et les
chacals, réduisit le chien à l'obéissance et, passant de l'état nomade à
la phase agricole de la civilisation, contraignit le bœuf au labour, sema
et moissonna les blés.
Fig. ï>2->. — Construction d'une meule de blé, d':i|jrès les fresques d'un mastaba
de la nécropole de Dahchour (III» dynastie).
Fig, 523 et Sa'i. — Porteurs d'offrandes. Bas-reliefs du tombeau de Mera, à Saqqarah
(VI" dynastie).
Tous ces progrès s'eftectuèrent lentement; toutefois ils eurent lieu
avant l'arrivée des Egyptiens pharaoniques dans la vallée du Nil, car
les stations préhistoriques nous fournissent en très grande abondance
les restes de faucilles, car aussi les seuls animaux que nous voyons
à l'état domestique dans les bas-reliefs de l'Ancien Empire appar-
tiennent tous à des espèces égyptiennes qui, dans la plupart des cas,
vivent encore de nos jours dans les mêmes régions.
J'ai vu l'iiomme chasseur et pêcheur dans les pays sauvages de la
Malaisie, l'homme ne connaissant pas la métallurgie, sachant à peine
la culture de quelques plantes, ne possédant pas d'animaux domesti-
ques. Je l'ai retrouvé ailleurs en Asie vivant à l'état pastoral, je l'ai vu
enfin devenir sédentaire. Ces transformations sont présentes à mes
yeux, il me semble les suivre chezles pré-Egyptiens dix ou quinze mille
ans avant nous. Dans tous les pays, les mêmes progrès ont eu les mê-
mes effets : l'habitant de la vallée du Nil, tout comme celui de la pres-
qu'île Malaise, devenu agriculteur, a coupé la forêt, l'a incendiée et dans
LORS DE LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE i:'J
les cendres à peine refroidies a j('lé les premières semailles; les arbres
sauvages ont peu à peu ([uitlé les terrains les [)lus ierlilcs el le
domaine de ragricuJlure s'est élargi jus(|u'à couvi'ir tout le sol de
rÉgyple.
Mais avec la disparition des forêts, la sécheresse est bientôt venue
paralyser l'efFort de la végétation ; il a fallu amener les eaux dans les
champs, et pendant que d'une part l'homme cherchait à gagner sur les
marais pour étendre son dt)niaine, de l'autre il luttait pour retenir les
eaux bienfaisantes du Nil dans ses cultures.
Certainement, lorsque l'Egyptien pharaonique parut, l'aborigène en
était arrivé à ce degré de civilisation. Les villages étaient entourés d'a-
nimaux domestiques paissant l'herbe qui croissait dans les bois et les
clairières, étranges troupeaux si nous les comparons à ceux qui brou-
tent aujourd'hui dans les mêmes lieux. L'autochtone possédait des
champs, récoltait le blé et peut-être aussi une foule d'autres plantes
dont il faisait son aliment. Mais à peine sorti de la sauvagerie, n'ayant
que des notions très vagues de tout ce (lui n'est pas matériel, le pré-
Égyptien vivait encore de la vie animale. La population de la vallée
du Nil était probablement divisée en un grand nombre de petites tri-
bus qui, bien certainement, guerroyaiententre ellespour lapossession
des terres et des pêcheries.
L'organisation définitive de l'Egypte, l'institution des lois, le par-
tage des terres, la répartition équitable des eaux fut la première grande
œuvre des conquérants égyjitiens. Ils s'y adonnèrent entièrement et
ne travaillèrent pour la postérité, n'élevèrent les monuments que nous
admirons encore, cju'alors que la vie était à jamais assurée dans la
vallée du Nil, que le même sceptre avait réuni toutes les tribus d'au-
trefois, que le fleuve coulait pour un peuple homogène. Et depuis sept
mille ans l'Egypte n'a cessé de suivre la loi de Menés '.
I. La population actuetle de l'Egypte est de 5,602,627 habitants (Rap. d"Amici-Bey,
3i déc. 1877), composée de 5,517,627 indigènes et de 85,ooo Européens, soit 228 lia-
bitants par kilomètre carré de terre cultivée (5,4 hab. par kilomètre carré de surface
géographique). L'Egypte est de beaucoup le Jîays du monde le plus peuplé, car la po-
pulation des divers pays par kilomètre carré est la suivante : Hollande, 117,9;
Grande-Bretagne, io5; Belgique, iSi; Suède et Norvège, 8,6; Russie d'Europe, t6|/).
L'Egypte renferme 4,479)9°i dattiers; r,i45,o48 arbres divers. Elle produit annuelle-
ment pour un milliard de francs de blé ; la superficie de ses cultures est de 890,699 fed-
dans.
CHAPITRE VII
Les premiers Égyptiens.
Il n'existait pas au Musée de Guizoli et dans les colhîclions de
l'Europe, avant les récentes fouilles d'Abydos, un seul objet (pii
puisse, d'une manière certaine, être attribué à la 1" ou à la 11° dy-
nastie ', tandis que pour la IIP on en voit un bon nombre et que pour
les IV% V'^ et VP, les séries sont considérables. Cette constatation
tendrait à faire penser soit que les premiers souverains égyptiens '
exercèrent un pouvoir restreint et local, soit c[ue la civilisation fut
alors trop peu répandue dans la vallée du Nil pour ijue les traces
s'en retrouvent aujourd'hui en abondance.
1. Les fouilles de M. Auiéliueau, à Abydos (iSy') yG), ont fourni bon nombre de docu-
ments très archaïques, qui probablement doivent être attribués aux deux premières
dynasties, si toutefois ils ne leur sont pas antérieurs.
2. Voici ta liste des trois premières dynasties égyptiennes :
I" dynastie (Thinite).
5. Housapaiti (OCuayotiSo;).
6. Miribi (Mi£6t5o;).
7. Semson (i;£(ié(j. ■}>»];).
8. Qobhou {Xrj\jêii^r,i? Uifii-/-!);).
t. Mini (MtJvïi;, MvsCi;)
2. Teti ("AOum; a').
3. Athôti("AOwTi«p').
KENKErUS.
4. Ata
0TENE<I>1IS.
1. Bouziou (Borj9o;).
2. Kakoou (Kaié/wç).
3. Binoutîrou (BivioOpi;).
4. Ouzuas (TXS;).
5. Soudou (i;ôf)|vr,;).
1. Bibi, Zazi (N;-/Ep(isr,;).
2. Nibka (TôaopOpoç)-
3. Zosor (TûpEiî).
4. Zosertiti (Ssaw^pi;).
5. Sozes (Sioûçt;),
11° dynastie (Thinite).
«. ? (Xaipr,;).
7. Nolirkeri (Nsysp/épr,;)-
8. Noflrkasokari (iilowxp'.;)-
9- ? (X-vÉp/),').
Ill" dynastie (Mcniphite).
G. Nolirkeri (Toalpixatc).
7. Nibkari ("A'/r,;).
8. Houni (i:r)yo-jpi;).
.j. Snofrou (K;pyÉp/;;)-
12
182 I.ES l'KKMIKIÎS KGYPTIENS
Nous connaissons de la III" dynastie un assez grand nombre de
monuments pour qu'il soit possible de nous rendre compte de l'état
des connaissances humaines à ces époques. Les uns se rencontrent
aux environs de la plaine memphite, comme à Saqqarah,à Dahchour,
à Meïdoum, les autres au Sinaï, près des mines, ou sur les rochers
de la Cataracte, à Assouau '. Snéfrou et ses prédécesseurs avaient
donc déjà conquis l'Egypte entière, ils étendaient leur pouvoir sur
toute la basse vallée du Nil et sur les territoires asiatiques voisins
du golfe de Suez.
Les gisements de cuivre du Sinaï, où les mineurs égyptiens gra-
vèrent les noms de leurs souverains, ils en connaissaient la valeur
dès la plus haute antiquité, et bien certainement ce ne sont pas
Djezer ' et Snéfrou qui les premiers firent ouvrir les mines; ils
suivirent simplement les traditions de leurs ancêtres et, comme leurs
prédécesseurs, tirèrent du Sinaï la matière première de leurs armes
et de leurs joyaux. C'est d'Asie (jue leur venaient ces ressources ; car,
il est intéressant de le remarquer, la péninsule Sinaïtique est située
sur la rive orientale de la mer Rouge, dans un pays qui n'est pas na-
turellement en relations avec la vallée du Nil et, bien que les gise-
ments cuprifères soient abondants en Nubie et dans la chaîne Arabi-
que, ce sont les mines du groupe de Wadi-Maghara qui, les premières,
ont été exploitées. Les connaissances des Egyptiens étaient donc, au
début, beaucoup plus étendues vers l'Orient que vers l'Afrique.
Quant aux monuments et aux manifestations de l'art qui nous ont
été légués par les hommes de la III' dynastie, ils sont d'une remar-
quable perfection et dénotent, de la part de leurs auteurs, une éduca-
tion très avancée et luie pratique consommée. La statuaire se montre
à nous plus belle qu'elle ne sera jamais en Egypte ; la peinture est
maîtresse de tous les procédés et a déjà reçu tout le développement
qu'elle doit atteindre sous les souverains postérieurs ; l'architecture
est extrêmement savante, tantpar ses conceptions que par l'exécution ;
et si les rois de l'Ancien Empire ^ se construisirent des pyramides
aux Ibrnies simjdes qui en imposent encore par leur masse, c'est qu'ils
cherchaient à se créer une demeure éternelle et que, pour en assurer
la durée, ils avaient renoncé à toutes les dispositions élégantes, aux
1. La stèle de la Famine, gravée sur un rocher dans l'ile de Sehel.esl de facture pos-
térieure à l'époque du roi Djezer dont elle mentionne le nom.
2. G. Bénédite, Le nom d'Epervier du roi Djezer {Sozir) au Sinaï [Recueil, etc., t. XV],
p. io4, i.S<yi).
3. Pour |)lusieurs des pyramides du nome niemphile, on n'a pas encore pu découvrit'
quel roi les avait eonslruiles, mais la plupart et les plus importantes ont été identi-
fiées .
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184 LBS PKEMIliKS EGYPTIENS
détails fragiles c(uelc temps abat si aisément '. Mais ilsavaient apporté
tous leurs soins clans rcxécution, cardans la construction de ces co-
losses lie pierre, la technique du travail est merveilleuse et la préci-
sion des assemblages dépasse tout ce (|ui a été fait d'analogue par
ranli(|uité.
Cette simplicité des formesgénérales était voulue, caries architectes
de cette époque avaient à leur disposition tous les procédés dont les
Grecs et les Romains firent usage plus tard. Us connaissaient la
voûte ' et remployaient j)our les édifices d'importance secondaire ;
bien que certainement aussi ils fissent un usage courant de la colonne
puisque, à la V dynastie, sous le roi Sahou-Ra, Ptah-Chepsès' ornait
son tombeau des colonnes les plus gracieuses, les plus artistiques,
(|ui jamais aient été sculptées en Egypte.
Dès qu'elle nous apparaît, la civilisation égyptienne est donc en-
tièrement formée, et, qui plus est, dans beaucoup de branches elle
surpasse ce qu'elle seia jamais. Nous devons donc lui supposer une
durée d'incubation bien considérable pour expliquer son existence
aussi parfaite, et M. G. Maspero adnu't (|ue celte périod<' fut aussi
longue f|ue celle de la décadence îles arts en Egypte, c'est-à-dire
de 4,000 ans environ.
1. Voici la liste des priiicijjales pyramides, en reniontaiit du uord au sud :
Ahou-Roash, Trois pyramides, non identifiées.
Giiizeh, Pyramides de Chéops, de Cliel'reii et de Mycérinos.
Za\\'iet-el-Ar'uin i!l Ahoii-d:- rah. Deux pyramides, non idenlilîées.
AI>ou-Sir. Pyramides de Saliou-Ra et d Ouser-en-Iîa (?).
Saqqavah (groupe nord). Pyramides de Djeser, Ounas et Teli.
Saqqarah (groupe sud). Pyramides de Pepi I", Pepi II et Mereura.
Dahchour. Pyramides deSnéfrou (?), Âmenemliat II, Ousertesen II, Amenenihal III.
Liclit. Pyramides d Ameuemliat I" et Ousertesen \" .
Pour plusieurs de celles des groupes d'Abou-Sir, Saqqarah et Ualichour. les cons-
tructeurs sont encore inconnus.
Plus au sud, on trouve encore les pyramides iIl; Meïdouiii (Suéfrou), et à l'entrée du
Fayoum. celles de Ilanarah (Xlle dyn.) et d'IUahoun (Ousertesen II); enlin,eu Haute-
Egypte, celle de KouUah .
De nombreuses études ont été faites sur les pyramides depuis le commencement du
siècle, par divers savants; le travail le plus complet est celui qui u été publié en
i8/|o par le colonel Howard Vyse : Opérations carried on at the Pyramides of Guizeh
in iS'iy. Il tant citer eLicore Lepsius, Ucher den liau der Pyramiden (Berlin, iS43), et
Pétrie, Tlie Pyriiinids and Temples of Guizeh (iSSî).
2. Tous les mastabas de Dahchour, contemporains de Suéfrou, sont composés de
chambres voûtées en briques crues (J. de Morgan, Fouilles à Dahchour, 1894-95-96).
3. Revue archéologique, i8g4 '■ J- Je Morgan, Découverte du mastaba de Ptah-
Chcpsès dans la nécriipotc d'.thou-Sir, lir'age à part, ]>. il. fig. G,
i.ics i'iii:Mii;i;s i:(ivi'rii;.\s is.')
P(nit-ôtrc est-il oxcessil' d'ail ri huer aux piv'micïps pasdcs En^ypliens
une pareille anti([uit('', ear lous les peuples se soni dév(>l<)[)pés en
moins de siècles ; rpioi «piil en soit, ees làlouiieiiietils eur(Hit licni, et
cerlainement produisirent des œuvres moins parl'ailes que celles qui
sont parvenues jus(|u'à nous. II est un l)ays où lurent laits ces pre-
miers essais de l'art égyptien et les vestiges en sont probablement
encore apparents, ce pays ne semble pas être l'Egypte.
D'après les auteurs grecs, cliaque dynastie portait le nom du pavs
dont elle était originaii'e, la troisième était mempliile o.t ses rois onl
élevé leurs pyramides près deMemphis, dans cette vasti; nécropole qui
sur 80 kilomètres d(^ longueur s'étend du nord au sud entre; .Ahou-
Roacli et l'entrée du Fayoum. Les deux premièi-es dynasties furent
thinites : c'est donc aux environs de Girgeli, au pied de la chaîne
Libyque, là même où j'ai rencontré des vestiges si nombreux des
|)opiilations autochtones, qu'il faut chercher les traces des premiers
Egyptiens; c'est dans les territoires mêmes où M. E. Amélineau a
fait ses belles découvertes.
Mais ces précurseurs des souverains qui construisirent les pyra-
mides, ces prédécesseurs des rois puissants qui régnèrent sur
l'Egypte depuis la Cataracte jusqu'aux marais du Delta, depuis les
sables de l'ouest jusqu'à la vallée d'Arabah,ne nous ont pas laissé de
grands monuments analogues à ceux de leurs successeurs. On serait
tenté de croire que; ces monarques, absorbés j)ar les soins de la con-
quètf; et de l'organisation du pays, négligèrent d'être constructeurs,
et que plus tard seulement, alors que l'Egypt»^ entière était asservie,
les rois donnèrent leurs soins à leurs tombeaux et élevèrent ces mon-
tagnes artificielles dont la grandeur étonne de nos jours encore.
Menés ou Mini', pour les Egyptiens,personnifie l'origine de l'Egypte;
c'est lui qui régla les usages, créa les lois, organisa la vallée du INil,
développa la civilisation et fonda le plus vieil empire dont le souve-
nir soit parvenu j.usqu'à nous. Menés n'est peut-être qu'une existence
légendaire, comme propose de le supposer M. Krall ; mais ^lenès,
en tant que personnification d'une force créatrice de l'Égvpte civilisée,
a existé. Menés a trouvé la vallée du Nil livrée à la plus affreuse bar-
barie; Menés a organisé cette région sauvage, mélange de marais et
de déserts, d'où plus tard sortirent les conquérants de l'Asie.
Les Egyptiens avaient conservé le souvenir d'une conquête dans
laquelle leurs ancêtres venus de l'extérieur s'étai(>nt emparés de la
vallée du Nil et y avaient prospéré. Il n'est jamais question des ha-
r. Le nom de Menés Q U-.ichiit littér.ilement signifie « ei » nnportot-, «mon n la
stabilité.
186 LES PREMIERS EGYPTIENS
bitants qu'ils rencontrèrent en entrant dans la vallée du Nil. La cause
de ce silence n'est que le mépris jjroibnd dans lequel les envahis-
seurs tenaient les peuples vaincus; de même les Aryens, conquérant
les Indes, ont assimilé les noirs aborigènes à des singes et n'ont
retenu d'eux que les exploits grotesques d'Hanouman et de Sou-
grivah dont ils chantent encore les prouesses; de même les Romains
tenaient pour barbares toutes les races qui n'étaient pas latines; de
même les com|)agnons de Cortcz prenaient à peine pour des hommes
les Indiens du Mexique, malgré leur civilisation avancée; de même
enfin les Européens considèrent souvent encore les natifs de leurs
colonies comme des gens de race inférieure. Il ne faut donc pas
chercher dans les annales de l'Egypte écrites par des Égyptiens la
moindre trace des peujilesqui avant l'invasion vivaient sur les rives
marécageuses du Nil. L'Egyptien du début fut l'homme, l'autochtone ,
se vit réduit en esclavage, et ses jours furent employés aux grands
travaux d'aménagement du pays, à la construction des palais de
l'autre vie pour les rois leurs maîtres.
En Egypte, l'aborigène vaincu, subjugué, exécuta les ordresdu do-
minateur; mais ce n'est certainement pas dans la vallée du Nil que
ce maître se développa, qu'il dépensa les siècles pour son éducation.
C'est ailleurs, car malgré toutes nos découvertes pendant un siècle
de rechei'ches, jamais nous n'avons rencontré la moindre trace d'un
essai d'art pharaonique dans les monuments archaïques, et le sol de
l'Egypte est trop généreux pour ne pas livrer les témoins des âges
qui ont précédé Snéfrou, s'il les renfermait.
Lorsque la civilisation pénètre d'une manière brutale dans un pays
sauvage, elle se concentre sur certains points des territoires nouvel-
lement envahis, s'y développe sur elle-même, créant ainsi des cen-
tres qui, par leur position, correspondent aux besoins stratégiques
ou commerciaux des conquérants, mais elle ne pénètre que fort len-
tement dans la masse des indigènes. Il fallut des milliers d'années
pour que l'autochtone de la vallée du Nil, abandonnant ses anciens
usages, adoptât ceux de ses maîtres. C'est ainsi que les hommes à
peau cuivrée taillaient encore l'obsidienne au Mexique, alors que
depuis des siècles les seigneurs espagnols avaient apporté de Ma-
drid tout le luxe de l'Europe et l'étalaient dans la capitale du Nouveau
Monde.
La plupart des archéologues se sont ]jasés,pour nier l'existence en
Egypte il'un âge de la pierre, sur ce fait ([ue pendant toute la période
pharaonique les Égyptiens firent usage de silex taillés. C'est juste-
ment dans la persistance de cette coutume (continuation d'usages qui
d'ailleurs restent encore à prouver) qu'ils eussent dû puiser les docu-
T,i:S l'KEMIi:l!S I:GVI>'|-IKXS 187
ments les plus posiliCs sur rexisUMiccdu l'homino à l'état iu';oIitiiif[iie,
clans ces usages enrai-inés à tel |)oiut chez les populations qu'il aurait
fallu (les milliers d'années pour les détruire. D'où serait venue aux
Égyptiens pharaoniques l'iilée de tailler le silex, si toutefois nous
admettons qu'ils en aient fait usage, s'ils n'avaient reçu celte notion
de leurs ancêtres ou de leurs prédécesseurs dans la vallée du Nil,
s'ils n'étaient restés pénétrés des couluines qui régnaient autrefois
sur tout le nord de l'Afrique? Les hommes ([ui donnèrent les plans
des pyramides, ceux qui commandèrent les grands travaux d'irriga-
tion et d'assainissement de la vallée du Nil, ceux qui sculptèrent les
statues de Rànotpou, de Nofrît, de Rânopir, etc., et les panneaux
d'Hosi, avaient depuis longtemps renoncé à l'usage de la pierre,
alors que leurs esclaves, les autochtones, taillaient peut-être encore
quelques lames de silex pour leurs besoins journaliers, pendant
(|u'ils construisaient sous le Moyen Empire les pyramides de Ilawa-
rah et de Licht.
Au cours des premiers siècles qui suivirent la conquête, le cuivre
fut un métal fort cher pour les habitants de l'Egypte ; peut-être même
les premiers pharaons empêchèrent-ils les aborigènes de s'en pro-
curer, car c'est parles métaux qu'ils avaient (;onquis leur empire, c'est
par la supériorité des armes métalliques sur la pierre taillée ([ii'ils
s'étaient assurés de la suprématie; il ne serait donc pas surprenant de
voir que les aborigènes continuèrent de tailler le silex, et que, pour
leurs usages journaliers, ils l'eussent préféré aux lames brillantes
de leurs maîtres. Les archers de Marathon et de Trasiniène ne tiraient-
ils pas des flèches armées de silex; les pharaons du Nouvel Empire
eux-mêmes, dans leurs campagnes de Syrie, ne percaient-ils pas l'en-
nemi de traits rendus aigus par un éclat de pierre ? Mais, je l'ai dit,
cette persistance est loin d'être prouvée, bien au contraire. Je n'en
connais que trop peu d'exemples et que des témoignages trop peu
importants poureju'il soit possible de l'admettre aujourd'hui.
L'Egypte semble avoir vécu de deux vies différentes : l'une, la plus
ancienne, commence avec les origines pour cesser au moment de l'in-
vasion des Pasteurs ; l'autre date de l'expidsion des Hyksos pour s'é-
teindre lors de la conquête macédonienne, car sous les Ptolémées et
les Romains, ce n'est plus qu'une agonie lente des mœurs, des usages,
de la religion et des arts de cette civilisation si spéciale qui caracté-
rise la vallée du Nil.
Jusqu'à la venue des Pasteurs dans le Delta, l'Egypte semble avoir
vécu sur elle-même, sansque desinfluences extérieuressoient venues
troubler d'une manière notable son existence intime ; elle modifia
graduellement ses connaissances et ses coutumes, acquit d'un côté,
188 LF.S PRRMIl'.RS KGYPTIENS
pordil (le l'autre, mais le même esprit présida toujours à ses arts, aux
formes de sa céramique et à ses tombeaux. Les deux caractéristiques
de cette période sont, d'une part, la rareté de la figuration des dieux,
d'autre part, les usages funéraires et la construction de ces pyramides
colossales qui dominent le désert.
Si nous entrons dans les détails, nous voyons un grand nombre de
points communs entre la VP dynastie, par exemple, el la XIl''. Les
scènes des tombeaux sont les mêmes, les bijoux figurés sur les bas-
reliefs ne diffèrent sensiblement pas, les armes sont semblables.
Dès ((u'apparaît le Nouvel Empire, bien que le faciès général des
bas-reliefs soit le même, nous trouvons, dans le détail, des modifica-
tions profondes. Les pharaons ont connu les revers, l'Egypte a été
envahie, ils tenteront désormais des expéditions lointaines et leurs
usages se sont modifiés au contact des étrangers. La tlivinité, autre-
fois plus mystérieuse, revêt une fouie d'aspects, les animaux sont
universellement employés dans la figuration des images divines. Je
ne suis pas apte à juger des cjuestions pliilosophiques égyptiennes,
nuiis si je me reporte seulement aux représentations ties scènes reli-
gieuses, je suis forcé d'admettre (pi'à la philosophie pure, au dogme
primilif, s'est substituée, dès la XVIP dynastie, une sorte de féti-
chisme qui forcément eut son l'cflet sur tous les actes dans la vie des
Egyptiens.
Quand on visite sommairement la vallée du Nil, on croit aisément
à l'homogénéité dans la civilisation pharaonique, mais en étudiant
avec])liis tle soin les monuments, on voit de suite que l'Egypte a vécu
de deux vies différentes. Dans la première de ces existences, elle
conserva ses traditions; dans la seconde, elle abandonna sa haute phi-
losophie et devint, par rapport au culte et aux usages d'antan, ce que
furent les chrétiens byzantins par rapport à l'Église primitive des ca-
tacombes de Rome.
Ce n'est donc (pie la première vie de l'Egypte que nous devons
considérer, si nous voulons nous rapprocher le plus possible de c(>
(|ue furent les usages des compagnons de Menés. Ces croyances,
ces coutumes, ces arts de l'origine, nous les connaissons aujourd'hui,
de telle sorte qu'il est possible de reconsliluer par la pensée d'une
manière générale ce que furent les conquérants de la vallée du Nil,
quand ils y parvinrent, alors (pi'elle n'était peuplée que de sauvages
armés de pierres taillées.
Dès le début nous vovons un mélange des formes égyptiennes et
de celles usitées par les autochtones, et c'est principalement dans la
céramic{iie que cette observation |)eut être faite d'une manière plus
frappante. Les vases renconirés dans les mastabas de l'époque de
i.ns PRFMri'iis iGvrrrKxs iso
SiK-froii, à Dalichour, soni icloiiliciucs à ceux des tombes pré-liislo-
riqiies. Ils sont laits de la même |)àle, pclris avec les mêmes proccWlês
et présentent les mêmes formes.
Tant que dura l'Ancien Empire, l'ail du policT- se dévcdoppa jxmi ; au
^loyeii Empire, les formes furent (''puic'cs, la terre micuix clioisic, la
cuisson plus soio-iiêe. On rpmar(|ue que les ouvricu's ont pericclionné
graduellemeni leur Iravail, mais(|ue ce développement s'esl |)ro(liiil
(■liez les habitants de l'EiJvpte eux-mêmes, sans (pie des iniluences
étrangères soient venues apporter des données nouvelles.
La pâte émaillée, si comnuine dans les tombes de l'époque pha-
raonique, fait complètement défaut dans les sépultures vraiment pré-
historiques et n'apparaît chez les autochtones qu'alors que les Egvp-
tiens étaient déjà installés dans la vallée du Nil.
Enfin l'un des caractères les plus nets permcllanl de distinguci' les
autochtones des Egyptiens se trouve dans la nature même des sépul-
tures. Chez les aborigènes, le mort est placé sur le côté, les bras et
les jambes repliés; il est simplement déposé dans la terre dans un
sens quelconque et entouré de ses vases. Chez l'Égyptien, au contraire,
le cadavre est posé sur le dos, les membres allongés, la tète placée
invariablement au nord.
Quant à la momification, à rem|>!oi du bitume pour conserver les
corps, leur usage ne semble pas remonter aux premiers âges, ou du
moins cette opération ne se faisait-elle pas au début d'une manière
aussi complète que dans les derniers temps pharaoniques. Les momies
les plus anciennes que nous connaissions semblent avoir été prépa-
rées dans une solution de natron, mais ne portent aucuiu^ trace d'en-
duit bitumineux. Ce n'est que plus tard, au Moj'en Empire, que cet
usage fut répandu pour les grands personnages; il devint presque
général sous les rois du Nouvel Empire.
La position donnée aux cadavres dans les tombeaux est dans tous
les pays très caractéristique. En Europe, elle permet d'assigner une
époque aux sépultures qui ne renferment pas d'objets. En Egypte,
il y a lieu d'en tenir compte d'une manière toute spéciale, car elle
dénote des usages qui, bien certainement, n'ont pas appartenu en
même temps aux deux peuples en présence, autochtones et Égyp-
tiens.
Les usages funéraires, de même que l'emploi de la pierre taillée, se
continuèrent peut-être chez les aborigènes pendant bien des siècles,
alors que les Égyptiens représentant l'aristocratie du pays étendaient
de plus en plus leur domination et leurs coutumes. Aussi ne devons-
nous pas être surpris de rencontrer dans certains tombeaux indigènes
des perles de fabrication égyptienne, du bronze et parfois même peut-
190 LES PREMIERS EGYPTIENS
être des objets datés permettant de rapporter ces sépultures jusqu'au
Moyen Empire. C'est que réellement elles appartiennent à cette
époque, mais il est certain qu'elles ne sont pas dues à des popula-
tions ethnographiqucment égyptiennes.
En ce qui concerne l'usage du silex taillé, pendant les temps pha-
raoniques, les observations sont fort peu nombreuses et il existe
bien des doutes à cet égard. Mariette avait remarqué que |)lus un silex
travaillé est ancien, plus sa taille est perfectionnée. Celte observation
vient justement à l'appui de mon opinion, car elle prouve que peu à
peu l'art d'éclater la pierre disparut en Egypte au fur et à mesure que
l'usage des métaux pénétra d'une manière plus intime chez la popu-
lation; la tradition seperpétua, dit-on, jusqu'auxtempsmodernes, mais
bien que l'usage du silex ait peut-être persisté pour certaines céré-
monies du culte, ou certain(!S pratiques chirurgicales ', ilne se trouva
plus, dans les derniers temps, d'ouvriers assez habiles pour donnera
la pierre la précision et la finesse de taille qu'elle possédait autrefois.
Et encore cette explication n'est-elle qu'une hypothèse découlant des
idées que s'étaient faites Mariette et Lepsius sur l'usage de la pierre
taillée. Si je ne la rejette pas d'une manière définitive, c'est unique-
ment parce que je n'ai pas été à même de vérifier l'exactitude de toutes
les assertions de ces savants.
Tous les documents que nous possédons concordent donc pour
prouver qu'à des époques extrêmement reculées, la vallée du Nil, alors
habitée par des populations spéciales, réduites à l'usage de la pierre
polie et ne connaissant pas les métaux, fut envahie par une race dif-
férente, peuple très civilisé, familier avec l'usage de la métallurgie, de
l'écriture, des lois de l'architecture, des arts, ayant sur la religion
des idées philosophiques très étendues. Devons-nous placer la con-
quête de l'Egypte à l'époque de Menés ou à celle des dynasties dites
divines? 11 est impossible d'en rien dire, mais le fait lui-même de l'in-
vasion ne saurait être nié, il suffit à prouver que la vallée du Nil a
connu la phase néolithique de la civilisation.
Quant au pays d'où vinrent les Egyptiens', c'est un problème que
tous les savants ont abordé sans que jusqu'ici ils soient tombés d'ac-
cord. Dernièrement, M. le vicomte Jacques de Rougé, dans un très
1. Bien qu'Hérodote l'affirme, il n'est pas prouvé que les Égyptiens aient pratiqué
les incisions sur les corps à momifier à l'aide de couteaux de pierre.
2. G. Schweinfurth [Sur certains rapports entre l'Arabie Heureuse et l'Ancienne
Egypte, résultant de son dernier voyage au Yémen, 1890) établit, par des considérations
géologiques et botaniques, que des rapports très suivis exisluieut dans l'auliquité entre
ces deux pays.
T,ES PREMIERS EGYPTIENS 191
intéressant mémoire', a repris l'examen de ce problème compliqué et a
Iburni dey preuves, à mon sens très concluantes, en faveur de l'origine;
asialique des Égypiiens. Je ne saurais mieux l'aire que d'(>mprunler au
travail du savant égyplologue ses |)iiH(ipaux arguments cl d'y join-
dre mes observations personnelles, qui toutes viennent appuyer son
opinion.
« Dans son mémoire sur les monuments qu'on [)eut attribuer aux six
premières dynasties', mon père avait déjà mis en lumière les points de
contact si nombreux qui reliaient la langue égyptienne aux dialectes
syro-araniéens : analogies qui se retrouvent aussi bien dans la gram-
maire que dans le lexi(jue. La démonstration en a été faite d'une fa-
çon si rigoureuse qu'il n'y a pas lieu d'y revenir en ce moment, et ce
phénomène est si frappant que M. Maspero, après avoir indiqué, comme
cela a été dit plus haut ', la probabilité de l'origine africaine, ne peut
s'empêcher d'écrire les lignes suivantes, qui peuvent en paraître une
condamnation sans appel *. « La langue, dit-il, paraît tenir aux idiomes
« sémitiques par beaucoup de ses racines. Elle construit comme eux
« ses pronoms de personnes, suffixes ou absolus. L'un des temps de la
« conjugaison, le plus simple et le plus archaïque, est composé avec des
« suffixes identiques de part et d'autre. Sans insister sur ces rappro-
« chements qui laissent prise au doute, on peut presque affirmer que
« la plupart des procédés grammaticaux en usage dans les langues sé-
« mitiques se retrouvent dans l'égyptien à l'état rudimentaire. On dirait
« que le parler des habitants de l'Egypte et ceux des peuples sémites,
« après avoir appartenu à un même groupe, se sont séparés de très
« bonne heure, dans un temps où leur vocabulaire et leur système gram-
« matical flottaient encore. Soumises à des influences différentes, les
« deux familles auraient traité de façon diverse les éléments qu'elles
« possédaient en commun. »
« Que pourrait dire de plus convaincant un partisan de l'origine
asiatique de la race égyptienne ^? »
I. Vicomte J. de Rougô, Origine de la race égyptienne, Aams Mém. de la Soc. nation.
des Antiquaires de France, t. LIV, ig5.
a. Vicomte E. de Rougé, Recherches sur les monuments qu'on peut attribuer aux six
premières dynasties de Manéthon, p. a (1886).
3. Vicomte J. de Rougé, op. cit., p. •!; G. Maspero, Uist. anc. des peuples de
l'Orient, p. 45 {1894-95)-
4- G. Maspero, Uist. ancienne, p. 41Î.
5. Pour les origines linguistiques égyptiennes, cf. Maspero, Petite histoire, p. i5 ;
Benfey, Ueher das Verhaltniss der .Egyptischen Sprache zum semitischen Sprach-
stamm., Leipzig, 1847; Schvvartze, Das aile .Egypten, t. I, 2 ïhcil, p. 2oo3 ; E. de
Rougé, Recherches sur les monuments, p. 2-4; Lepsius, Zeitschrifl, 1870, p. 91-92;
G. Maspero, Mém. delà Soc. linguistique de Paris, t. II, p. t-8.
192 T.l-S PREMIERS EGYPTIENS
Lorsqu'il s'agit des origines d'un peuple, les données linguistiques
sont de beaucoup les sources les plus sûres d'information; j'en ai fait
grand usage dans mes études sur les peuples du Caucase '. C'est par
la grammaire et le lexique que j'ai réfuté l'opinion de ceux qui croyaient
voir dans les Ossèthesdes blancs Allophyles; c'est par la linguistique
que j'ai pu classer les peuples de la Perse et du Kurdistan. Mais en ce
(jui concerne les Egyptiens, ces preuves ne sont pas les seules que
nous possédions sur leur origine asialif[ue. En effet, dans leur écri-
lui'e, dans leurs arts, nous retrouvons une foule d'indications pré-
cieuses qui nous mettent ton tes sur la voie delaChaldée onde l'Arabie.
Les monuments les plus anciens c[ue nous connaissions jusqu'ici
senties stèles des rois Djezer et Snéfrou au Sinaï, et ces inscriptions
sont situées en Asie, sur le chemin qui conduit des plaines du Tigre
et de l'Euphrate à la vallée du Nil. Elles nous prouvent qu'au l° siècle
avant notre ère les Egyptiens étaient en possession du cuivr(\
Or nous savons que jamais il n'a existé en Afrique orientale et aus-
trale de phase dans la civilisalion correspondant à notre âge du bronze
en Europe, que les Africains sont passés directement de l'usage de la
pierre polie à celui du fer '. Ce n'est donc pas sur le continent noir
que les premiers Égyptiens eussent pu acquérir des connaissances
métallurgiques; c'est en Asie qu'ils les ont puisées, tout comme c'est
en Asie cju'ils exploitèrent les mines dès le déliut.
Les arts dans l'Ancien Etnpiic nous fournissent également des do-
cuments précieux sur l'oi'igine ethnique des hommes qui les exécu-
tèrent. « Quelques tombes de personnages importants datent égale-
ment de la IIP dynastie, et parmi elles il y a lieu de citer les tombes
du prince Ra-holpou et de la princesse Nofri, découvertes du temps
de jMariette, <à Meïdoum. Les statues de ces deux personnages ont été
retrouvées intactes et elles dénotent un art déjà consommé : celle de
la femme surtout, oii le corps se moule chastement sous le tissu léger
de la robe, peut être considérée comme un chef-d'œuvre delà statuaire
égyptienne. Le bandeau qui serre la coilTure de la princesse égyptienne
mérite une attention particulière : il est orné de motifs que l'on dirait
directement venus des bords du Tigre et de l'Euphrate; c'est, à ma
connaissance, le seul exemple en Egypte de ce mode d'ornementa-
1. J. (le Morgan, Recherches sur les origines des peuples du Caucase (i88p).
2. n Quant à 1 âge du bronze (en Afrique) il paraît manquer, du moins il n'a pas été
signalé. De l'âge de pierre on passe directement à 1 âge de fer. En effet, 1 usage du fer,
comme je l'ai établi dans ma leçon précédente, a été découvert en Afrique. C est de
là qu'il s'est répandu dans le monde entier » (G. de Mortillet, Nègres et cii'ilisation
égxplienne, dans Matériau.) piiiir I liisi, pritii. et uni. de l'homme. 3' série, t. I, p. ii<)).
LES l'IiKMlKliS i;(.VrilK.\S l'JS
lioa ". » M. Georges PcmtoI, dans sou Histoire de l'Ail, a cl'ailloui-s
i'oinar(|iié combien le profilde ces statues, ainsi ([ue celui d'un person-
nage de la même épocjue ^ nommé Hosi, rappellent, avec leur nez
aquiliii et leurs lèvres minces, la race sémiti(|ue plutôt (jue la race
égyptienne, telle que nous la connaissons par les autres monu-
ments '.
Mes fouilles de Dahchour eu I8!)'i-9r) ont mis au jour uu grand
nombre de mastabas a|)partenaut à ré[)0([ue de Snél'rou, c'est-à-dirt;
contemporains des statues dont il vient d'être question. Les objets y
étaient relativement nombreux, tant en céramique (|u'eu bas-reliefs
et en statuettes de bois. Quel(|U('s murailles portaient des fresques
importantes; de telle sorte qu'a uj ou rd'luii no us sommes devenus riclies
en documents de cette époque.
L'impression qui domine, quand on examine avec soin lesdernières
trouvailles, est que les arts à la IIP dynastie avaient déjà atteint leur
apogée et que les hommes figurés sur les bas-reliefs et les fresques
ne peuvent être des Africains. Ils sont de couleur jaune (les l'emmes
surtout), ont le nez et les lèvres minces et présentent une pin siono-
mic d'une grande finesse. Mes observations concordent donc pleine-
ment avec celles de M. le vicomte J. de Rougé relatives aux décou-
vertes faites en Egypte avant moi. M. Maspero* trouve des analogies
frappantes entre les arts clialdéens les plus anciens et ceux de
l'Egypte à la IIP dynastie. « Le D' Fritz Homniel", de Munich, a été
entraîné plus loin encore par l'étude de ces comparaisons : à son
avis, la civilisation égyptienne tiériverait directement de la Chaldée :
il est frappé non seulement tles ressemblances étonnantes de la sta-
tuaire, des constructions j)yramidales de l'Egypte, dont il rattache la
genèse aux temples à degrés de la Chaldée antique, mais il croit
même retrouver des analogies intimes dans les noms et les rôles des
divinités principales de ces deux ])euples. II rapproche enfin d'une
façon curieuse le système hiéroglyphique égyptien du mode d'écri-
ture des insci-iplious primitives de la Chaldée. Sans admettre les
1 . CI M. Maspero m'a dit loulefois counaître l'emploi sur d'auU'cs moniiraents égyp-
licas de rosaces analogues à celles du baudeau de la princesse Nofrit >i (Vicomte J. de
liougo). La couronne d'or de la princesse Kluioumit (XII'' dyu.), découvorle à Dalichour
en r8<)5, porte des rosaces semblables (J. de M.).
2. L'époque des bois sculptés de Hosi est incertaine, tout ce qu'où eu peut dirj est
qu'ils appartiennent à uae époque très arclia'i'que.
i. Vicomte J. de Rou,'é, op. cit., p. ii.
. G. Maspero, Recueil, vol XV, p. 65, iSgi.
5. Fritz Homracl, Der Bahylonische Ursprung der .Egtptisclum Kiiltiii; .\liuu-lieu,
iS;)a.
19'j LES PREMIERS ÉGYPTIENS
conclusions du D' Hommel, dont la preuve i-este à faire, il y a lieu
d'enregistrer les comparaisons intéressantes (|ui ressortent de son
travail '. »
Une autre coïncidence frappante est celle signalée par M. C. Mauss*
qui, dans ses travaux sur les monuments de la Palestine, ayant été
amené à étudier les étalons de mesure en usage chez tous les peuples
de l'antiquité, a constaté que la coudée égyptienne est identique à
celle employée anciennement dans la Chaldée et il constate les mêmes
rapports entre les mesures de capacité des deux peuj)les. Cette obser-
vation est de la plus haute importance, car elle prouve une commu-
nauté d'idées dans la conception des mesures, fait qui ne se serait
pas produit fortuitement si les deux peuples n'avaient pas été à l'ori-
gine mélangés ou en contact.
Les monuments du bas Euphrate sont, on le sait, tous construits en
briques crues, simplement séchées au soleil; ces briques sont fréT
quemment reliées entre elles par des pièces de bois ou des roseaux,
quand le massif prend une certaine importance. Nous retrouvons en
Egypte le même mode de construction, à El-Kab entre autres dans les
murailles de la forteresse. Quant aux mastalias les plus anciens, ils
sont faits de briques crues, tout comme les maisons deTell-Loh et des
autres cités chaldéennes. Ce rapprochement ne manque pas d'intérêt,
car en Chaldée la teri-e étant la seule ressource pour les construc-
tions, l'usage de la brique crue s'impose, tandis qu'en Egypte, contrée
où abonde la pierre calcaire, son emploi est anormal.
Les récentes découvertes de M. E. Amélineau,à Abydos, ont montré
que, dans les temps archaïques, c'est à l'aide de cylindres et non de
scarabées qu'étaient obtenus les cachets dont les vases étaient scellés,
et nous savons qu'aux époques plus récentes l'usage des cylindres
fut abandonné; ne devons-nous pas voir dans l'emploi de ces cylin-
dres une nouvelle preuve en faveur de la communauté des usages
entre la Chaldée et l'Egypte primitive?
Il serait aisé de citer un bien plus grand nombre de preuves à
l'appui de la théorie qui fait venir d'Asie les Égyptiens, d'en tirer de
la Bible, de la matière dont sont faites les statues archaïques chal-
déennes, etc. Mais mon but n'est pas, dans ce travail, de suivre les
Egyptiens jusqu'à leur pays d'origine. Je me borne à rechercher les
traces de la vie en Egypte, antérieurement à la venue dans la vallée
du Nil des Egyptiens pharaoniques.
I. Vicomlc J. de Rongé, op. cit., p. il.
■>. C. Mauss, L'église Saiid-Jcrrmie h Abou-Gosch. Mesure théorique des piliers
de Telle, iS()1.
[,i'S puRMir.RS i''(;yptirns 195
Bien que les Égypliens aient apporlé avec eux les principaux élé-
ments de leur civilisation, ils ont sûrement mis à profit les usai^es des
peuples sauvaj^es qu'ils trouvèrent vivant sur les bords du fleuve et
tirani parti des ressources locales. Bien certainement les autoch-
tones,quoi([ue peu avancés, possédaientdéjà une civilisationspéciale,
propre au pays qu'ils habitaient et toute diflerente de celle des en-
vahisseurs. Cette civilisation rudimentaire profita aux Égyptiens, et
c'est du mélange de ces connaissances si diverses que naquit la véri-
table vie pharaonique pendant les premières dynasties et le Moyen
Empire. On trouverait aisément dans les colonies modernes des
exemples de coutumes empruntées aux indigènes par les conqué-
rants et adoptées par les hommes les plus c-ivilisés : ce fait naturel eut
lieu dans rEgy|)t(> antique comme il se ren(:ontre de nos jours.
M. G. de Mortillet s'exprime en ces termes lorsqu'il parle des
origines égyptiennes :
« La civilisation initiale de l'Egypte provient de l'Afrique. Pour le
prouver, il suffit de rappeler l'emploi du fer' et les animaux domes-
tiques de l'Ancien Empire. — Le premier chien des Égyptiens est un
grand et beau lévrier qui n'est autre que le cabéru d'Abyssinie do-
mestiqué. — Dès la plus haute antiquité les Égyptiens ont possédé
le chat domestique. C'était non seulement l'hôte sacré des habitants,
mais on l'employait encore à la chasse, comme le montrent diverses
peintures. C'est le chat ganté de Numidie apprivoisé et domestiqué.
Longtemj)s il est resté confiné en Egypte. C'est de là qu'il s'est ré-
pandu un peu partout, mais assez lentement. En Europe, le chat
domestique ne date que du commencement de notre ère. Brehm
dit : « Dans l'Europe occidentale on ne le connaissait pour ainsi dire
« pas avant le x= siècle de notre ère. » — Parmi les ruminants, les
Égyptiens avaient des troupeaux d'antilopes d'espèces diverses toutes
africaine*;. — L'âne, animal éminemment africain, était le seul équidé
employé en Egypte pendant tout l'Ancien Empire; on le voit très fré-
quemment représenté ; tandis que le (dieval, originaire d'Asie, n'appa-
raît en Egypte (|u'après les Pasteiu-s, au commencement de la
XVIIP dynastie. Ce pauvre âne, si utile, fut alors méprisé et consi-
déré, ainsi que nous l'apprend Plutarque, comme un animal impur
consacré à Typhon. — L'âne venait du désert, il fut voué à Ty[)hon,
dieu du désert". »
r. Je no partage pas l'opinion do M. G. de Mortillel en ce qui eoucerno l'usage du
fer.
2, G. de Mortilict, Nègres ut civilisation égyptienne, dans Matériaux pour l'histoire
de l'homme, 3° série, t. I, p. iic).
lyC) LES PRKRUKKS EGVPTIEXS
Lors tic leur arrivée dans la vallée du Nil les pré-Egyptiens ne eon-
naissaient probablement pas encore Tart de dresser les animaux, ou
tout au moins, s'ils en avaient ([ucdques notions, elles étaient fort res-
treintes, sans quoi ils eussent apporté avec eux des espèces étran-
gères à l'Egypte, et jusqu'ici nous ne connaissons, parmi les animaux
domestiques figui-és sur les mastabas et dans les signes hiérogly-
phiques, que des espèces indigènes de la vallée du Nil.
M. G. de Mortillet va plus loin dans cet ordre d'idées : il range, dans
les connaissances que les Egyptiens reçurent d'Afrique, l'usage du
i'er. Je ne partage pas son opinion à cet égard et je crois plutôt que si
les Africains passèrent directement de la pierre polie au fer sans tran-
sition par le bronze, c'est que les Égyptiens leur enseignèrent
l'usage des métaux qu'ils connaissaient tous lors de leur venue. La
conquête de la vallée du Nil par un peuple venant du nord fut pour
l'Afrique l'ouverture d'une ère nouvelle. Dans les premiers siècles
(|ui suivirent roccu))ation militaire, les pliaroons furent absorbés par
la création de leur royaume; plus tard, quand ils furent assurés de la
paix intérieure, ils tournèrent l'activité de leur peuple vers les terri-
toires (jui limitaient leur puissance.
Ce fut pour eux l'ère de la colonisation, de l'extension extérieure,
et l'Egypte n'aurait pas atteint une richesse aussi considérable dès
l'Ancien et le Moyen Empire, si elle n'avait tiré des pays voisins une
grande partie de ses ressources. A celte époque d'extension corres-
pond probablement celle de la diffusion des métaux, dont l'apparition
en Afrique succéda directement à l'âge de la pierre. Plus tard, quand
les nègres connurent le fer, ils le fabriquèrent, employant les mine-
rais qui abondent dans l'Atrique centrale ; il en résulta un véritable
foyer de production de ce métal, (|u'il ne faut pas confondre avec un
centre d'invention.
« Sans le fer, la civilisation égyptienne n'aurait jamais pu«atteindre
le haut degré de développement où elle est parvenue. Les roches de la
Haute-Égypte sont fort dures, le fer était indispensable pour les tail-
ler; donc, sanslui, l'architecture et la sculpture égyptiennes n'auraient
pas pu prendre leur brillant essor et atteindre la perfection qu'elles
ont acquise dès les premières dynasties'. »
On a supposé que les Egyptiens employaient le diamant pour
couper les roches dures dont ils faisaient un grand usage. Cette ex-
plication mérite d'être signalée, non pas par son côté scientifique,
elle n'en possède aucun, mais à cause même de la singularité d'une
I. G. de Morlillet, Aèi^res et cisHlisation égyptienne, dans Mat, pour l liist. de
ritonimc, 3'' série, I. I. ]). i'>().
I,i:s PKEMIKKS MCYPTIEXS 197
pareille siipposilion. Il suiïit tic visilci' les carrières d'Assoiian, de
l'egardcr avec soin les ébauches de statues qui sont exposées dans
le Musée de Gui/eh, pour se rendre compte de l'inanilé d'uiu; sem-
blable thèse. Les tailleurs de [)icrre éi^yptiens cnle\aieiit dans les
roches les |ilus ilures des copeaux de grandes dimensions avec des
instruments qui rorc('m(Mit fuirent d'une extrême dureté. Quant aux
vases, ils purent être faits au tour en employant comme outil de sim-
ples morceaux de bois et de la poudre de quartz ou le sable du désert.
Il n'est donc pas nécessaire d'aller au loin chercher les procédés
qu'employèrent les Egyptiens, le sol du désert les fournit et bien cer-
tainement même ils étaient dès longtemps en usage avant l'arrivée
des conquérants civilisateurs.
Dans les pages qui précèdent, je crois avoir démontré non seule-
ment que les anciens habitants de l'Egypte, ceux qui précédèrent
la conquête, étaient parvenus à un degré de civilisation tléjà fort
avancée, quoique ne possédant pas l'usage des métaux, et que si les
Egyptiens à leur arrivée étaient déjà civilisés, ils n'emj)runtèrent pas
moins aux races qu'ils dominèrent une l'oule d'usages et de connais-
sances pratiques <[u'ils ne pouvaient tenir de leur pays d'origine,
tant ils sont spéciaux à la vallée du Nil.
Fig. 526. — Totes liLjuriies sur les fresques de l'époque du roi Snéfroii (III'- dynastie),
à Dahcliour (Dessin d'après nature de M. G. Legrain.)
« De ce que les nègres sont inférieurs aux blancs, cela ne veut pas
dire qu'ils soient incapables d'arriver par eux-mêmes à une civilisa-
tion assez avancée.' — En Afrique nous trouvons tout d'abord, comme
en Europe, un âge de la pierre. Cet âge débute, comme en France,
en Angleterre, en Espagne, par le coup-de-poing chelléen, gros
instrument en pierre, taillé en pointe et se tenant directement à la
main. Il en a été recueilli en Algérie en Egypte et jusque dans le
pays des Touareg. Les silex taillés abondent dans toute la région
nord, aussi bien qu'au Gap de Bonne-Espérance. Enfin des haches
polies ont été indiquées sur plusieurs points, même dans l'Afrique
centrale'. »
I. G. de Mortillet, Nègres et civilisation égyptienne, daus Matériaux pour t'Iiisl.
priui. et nat. de l'homme, V série, t. I, p. iiç).
13
198 LES PREMIERS EGYPTIENS
Il V a donc à considérer dans la civilisation égyptienne deux sources
différentes, Tune probablement asiatique, l'autre africaine. Dans
bien des cas il est aisé de retrouver les traces de ces deux foyers;
Tétude minutieuse des objets les plus anciens permettra un jour de
faire la part de chacune de ces origines.
CIIAPITHE VIII
Les Métaux.
Nous avons vu dans les pages qui précèdent à (|uol degré d habi-
leté dans la ialji-ication de leurs ustensiles étaient parvenus les pré-
Egyptiens, quand les étrangers se présentèrent dans la vallée du Nil
pour la conquérir. L'examen des instruments de silex, de même que
l'étude à laquelle s'est livré M. le docteur D. Fouquet sur les sque-
lettes d'El-'Amrah, nous prouvent que peu à peu la l'ace dominante se
mélangea avec celle îles autochtones, ([ue les usages anciens furent
Fig. 527. — Bas-relief du tombeau de Mcra fVI" dyuastic), représentant le travail
des métaux précieux.
lentement délaissés pour faire place à des coutumes plus raffinées,
que dans la nature ethnique des habitants de la vallée il s'opéra des
transformations très importantes, teiulant à faire disparaître les ca-
ractères si nets des premiers hommes pour se rapprocher de ceux
des Égyptiens pharaoniques et constituer ainsi le fellah de l'anliquité.
C'est bien certainement au nioTuenl seuh'nuuit où les Égyptiens en-
trèrent en contact avec les autocitlones, ([ue les indigènes apprirent
200
LES METAUX
l'usage des métaux et comnienrr'rent à les employer. Il est certain
(|iie les maiti-es, ceux qui étaient en |)ossession de la grande civilisa-
tion, étaient depuis longtemps accoutumés aux opérations métallur-
giques (llg. 527), et qu'ils connaissaient les alliages du cuivre et de
l'étain. Peut-être même doit-on penser que le 1er et l'acnerleur étaient
l'amiliers. Dans tous les cas, ils tirèrent des métaux dont ils dispo-
saient un parti extraordinaire, car les roches les plus dures, les ma-
tières les plus résistantes cédèrent sous les coups de leurs outils et
furent travaillées avec une précision mathématique telle qu'il est
encore aujourd'hui difllcile de la surj)asser.
Les instruments métalliques les phis anciens ([u'on connaisse en
Egypte sont de petits outils de bronze (ju'on rencontre dans les tom-
beaux archaïques d'Abydos, d'El-'Amrah, de Toukh, de Zawaïdah, etc.
532
5'j8 à 535. — Objets divers en cuivre et en bronze {ûg. 528 à 533 et 535 : nécropole
[l'El-'Amrati ; — lig. 534 : lijœklienmœcidiags de Toukh). 2/3 grandeur naturelle.
Ils sont fort rares, se trouvent dans des sépultures contenant en
même temps des silex taillés et semblent avoir été placés dans ces
tombeaux à titre d'objets fort précieux.
Ce sont de petits couteaux courbés, rappelant par leur forme
certaines grandes lames de silex (fig. 528), des poinçons (fig. 529,
530, 531) dont une extrémité est aiguë, tandis que l'autre est garnie
d'une tète formée par l'enroulement de la lige, tout comme nous
avons encore coutume de faire pour beaucoup de nos épingles
modernes. Ce sont aussi des ciseaux (fig. 532, 533), de petites pin-
cettes (fig. 534) et des hameçons (fig. 535). Ces divers instruments,
très petits, dénotent, de la part de ceux cjui les fabriquaient et en fai-
saient usage, une grande économie de la matière.
I.I'S MK'IAIX
201
PnrCois aussi, on rencontre, dans les tonibus (|iii signalont la tran-
sition de la pierre aux métaux, ((uciquos armes plus im[)orlantcs. Je
citerai particulièrcmenl une lame Iriani^ndaire (fig. 53C}\, trouvée tout
dernièrement', dans la nécro|)()le de Sao-liel-el-Baglieh, en compagnie
de silex très liahilemenl travaillés.
L.\ âù':
l'ig. 530. — Tète do lancr en bronze (nécrnpoli
de Sagticl-cl-Baglioh, Musée de Guizch).
?.;'3 grandonr nalurclle.
Fig. :')3y à .")3c). — Instninicnls en Ijronze
(nécropole d'EI-Cheikh-Mebadcr.
XVIII" à XX" dynastie). 1/2 grandeur uaUir<'lle.
Cette pièce, (|ui peut aussi bien être considérée comme une lame
de poignard court ou comme une tête de lance, dénote, par la nervure
qu'elle porte en son milieu, des connaissances déjà très élcTulues
dans l'usage des métaux. Elle est percée d'un trou unique (jui per-
mettait jadis de la fixer à la hampe ou dans la poignée, et rappelle
r. Avril iSi)().
202
LES MKTAUX
I
i
J-
n
:Uh
f:
l)eaiiron|) les lypes les jjIus archaïques de l'âge du bronze en Europe,
types qu'on est convenu de ranger dans le niorgien '.
Les lames de cette nature sont fort rares en
Egypte. La seule qui, d'une manière certaine,
appartienne aux époques les plus anciennes,
est celle que je viens de citer. Le Musée de
Guizeh en |)ossède |)lusieurs autres, mais elles
ont été trouvées par des fellahs et, ne portant
aucune indication de provenance, sont perdues
pour la science.
Dans les tombes de l'époque de Snéfrou je
n'ai rencontré que fort peu de traces de cuivre,
mais toutes les sépultures avaient été spoliées
et, sauf en ce qui concerne leur composition
chimique, ces fragments ne présentaient aucun
intérêt.
Au Moyen Empire les instruments de bronze
deviennent beaucoup plus abondants que sous
les premières dynasties : on en a rencontré
dans un grand nombre de localités, telles que
llawarah, Gourol), Licht, Dahchour, etc. Ils se
présentent sous toutes les formes dans les
tombeaux et au milieu des décombres qui en-
combrent les constructions de cette époque.
Le travail des armes % des vases ', des objets
votifs, est d'une rare perfection ; d'ailleurs les
l)ijoux qui les accompagnaient dans les sépul-
tures montrent à quel degré de civilisation les
Egyptiens du Moyen Empire étaient parvenus.
■^f-'fM ^^ poignard de bronze (fig. 540) trouvé dans
I
Ô"^:
h
il
'ii
Fig. 540. — Poignard
d'Userteson HI
(XII' dynasiic).
I. Les lames de ce genre sont communes en Europe occi;
dentale. Ex. : Poignard de bronze provenant d'un tumulus à
Brigmilston (Wiltshire, Angleterre), cf. John Evans, Petit
alhuin du hronze, pi. XIII, fig. 2. — Poignard à lame trian-
gulaire, muni d'une poignée en bronze, Castione dei Mar-
chesi (Parmesan, Italie), cf. Chierici, BiiUetlino di paletnologia, 1876, pi. I, fig. a. —
Lame triangulaire: Héréchède à Baroussc (Hautes-Pyrénées, France), cf. G. et A. de
Mortillet, Musée préhistorique, p].hX\lU,ùg. 694. — Lame triangulaire, palaiiUe de
Gerolin, lac de Bienne (Suisse), cf. Coll. Gross. — On rencontre également de ces
poignards en Allemagne, en Scandinavie, etc.
2. J. de Morgan, Fouilles à Dnhchmir en 18;)'^ (1S95, sous presse).
3. Brûle-parfums des princesses Ita et Ivbuoumit, à Dahchour.
LES MirrAix
2o:i
la pyramide du roi Userleseii 111, cl celui ((ue renfermait la sépul-
ture de la princesse Ita, présentent tous deux des caractères Iran-
chement égyptiens et foui-nissent les modèles qu'on retrouve dans
tous les bas-reliefs de la période pharaonique. La première de ces
armes est entièrement en bronze, elle porto un pommeau d'ivoire;
€-,
.um
'/ -m
'. A
I ;i
Fig. 54 r. — Instruments en bronze. Tombeau dos princesses (XII° dynastie,
Araenemhal IF).
Fig. 542. — Hache en bronze (localité inconnue, Musée de Guizeh). 1/2 grande
naturelle.
la seconde, beaucoup plus riche, est garnie d'une poignée d'or
incrustée de pierreries, tandis que son pommeau est formé d'une
pièce de lapis-lazuli.
Les vases métalliques de la XIP dynastie sont des briile-parfums
munis de leur plateau et de leur couvercle, ustensiles légers et
minces, en cuivre martelé avec beaucoup d'adresse et sans soudures.
20 'i
T,ES METAUX
La tomlie de In ])riii(csse Kliuouinit reiilernuiit un grand noinhre
de petits outils de l)rori/,e (fig. 5Vl) : hachettes, couteaux, ciseaux,
gouges, etc., qui semblent être plutôt des objets votifs que des ins-
truments ayant réellement servi pour des travaux. Parmi ces outils,
seuls les ciseaux se rapprochent par leur forme de ceux trouvés dans
les sépultures archaïques, les autres, et spécialement les liachettes,
offrent des caractères franchement pharaoniques
Pendant la durée du Nouvel Empire, le bronze apparaît comme d'un
usagetrès répandu, on le trouve employé dans la fabrication des armes
et des outils de tout genre. 11 compose les gonds des portes dans les
temples et semble avoir tenu lieu du fer dans la plupart des cas. Les
trouvailles de statuettes de bronze de Sa-el-Hagar, du Sérapéum de
Saqqarah, de Memphis et d'un grand nombre d'autres localités, mon-
trent à quel point cet alliage était alors a])ondant dans le commerce
de la vallée du Nil, mais lusage de mouler en bronze remonte beau-
coup plus haut que le Nouvel Empire.
Fig. 543. — Haclio en bronze de hi Xlle dynastie (mastabas do làcht). i/a grandeur
natui'elle .
La statuette en bronze la plus ancienne qui jusqu'ici soit parvenue
à notre connaissance est une ligurine trouvée dans la nécropole de
Meïr; elle appartient dûment à la XV dynastie, taudis que beaucoup
d'autres qu'on suppose très archaïques doivent être reportées au Nou-
vel Empire, celles du Louvre (collection Posno) entre autres. L'art de
mouler en métal des représentations artistiques est donc fort ancien, et
il est à penser que l'Ancien Empire lui-même en fournira un jour des
spécimens, caria perfection que nous constatons dans l'exécution de
la statuette de :Meïi' ne permet pas de douter qu'à la XP dynastie cette
branche de l'art ne fût déjà parvenue à son apogée.
Le Musée de Guizeh renferme un grand nombre d'instruments et
r.F,S MKTAUX
20-S
d'nnncs de I)roir/.c, in;\llicuireiiseuicnl la pluiiarl de ces oljjels pro-
viennent de localités inconnues; leur époque ainsi (|ue lescondilioiis
dans lesquelles on les a rencontrés n'ont pas été notées. Quoi qu'il
en soit, bien que leur étude présenle peu d'intérél au point de vue de
la progression suivie par les Egyptiens dans l'usage des mélaux, il
est bon de les citer, car ils fournissent des iudiealions nombreuses
sur les formes adoptées dans l'Egypte anli(|uc.
Fig. 5/14 à il\(i. — Hnclies en bronze (locnlilcs inconnues, Musée de (inizeli).
i/4'gi"i>Ddeiii' naturelle.
Le type de hache qui semble être
le plus archaïque est un lingot
long de bronze' (fig. 542) qui, s'il
n'a pas été moulé sur une hache
de pierre polie, présente du moins
tous les caractères des outils de ce
genre employés autrefois par les
autochtones. La provenance de cet
instrument unique ne s'est mal-
heureusement pas conservée.
La forme la plus fréquente est
celle qui nous est l'ournie par les
hachettes votives de la princesse '*' 3. s
KhnOUmit (fig. .^41). On la retrouve Fig- rily et r)'i8- — tiaches en hronzi-
di 1 , ,, (localités inconnues, Musée de Ciuizeli)
ans une grande hache deCOU- (f.g. 547 : ./4 grandeur naturelle; -
verte à Licht par M. J.-E. Gautier *'J?- 5'|S : 1/2 grandeur nalurelle).
(fig. 54.3) ; la lame, élargie à son
tranchant, est évidée sur les côtés dans la |)arlie médiane et miniie
de deux forts ailerons destinés à la maintenir dans rcmmanchement.
Le Musée de Guizeh possède bon nombre de haches de ce modèle
I. Musée de Guizeh, Invenltiire, u" '278(1'!.
20f,
I,KS Ml-TArx
(fig. rii/i, 545, 5^V,), dont la forme et les dimensions sont variables, il
est vrai (lig. 547, 54S), maiscjui renlrcnt toujours dans le même type;
Kig. 549. — Hache en bronze emman-
chée (Deïr-el-Bahri, Musée de Gui-
zeh). 1/4 grandeur naturel
Fig. 55o. — Hache en bronze emman-
chée (localité inconnue. Musée do
Guizeti). 1/2 grandeur naturelle.
l'ig. STii à xiU.i. — Instruments en bronze (localités inconnues. Musée de Guizeh.
1/2 grandeur naturelle.
T-RS MKTAUX
207
on passe ainsi aux insliiiments du Nouvel Empire, datés par les ins-
criptions (|irils portent (fig. 549^ 550).
Si nous suivons, sui' les statues et les has-reliefs, les Lransfomia-
tions qui s'opèrent avec les siècles dans la l'orme des haches, nous la
S
Fig. .S50. — Haclie en bronze à deux tranolianls (Gcbelein, Musée de Guizehl.
i/a grandeur naturelle.
Fig. 557 à 55s. — Poignards en bronze (localité inconnue, Musée de Guizeh}.
1/3 grandeur natui-elle.
trouvons conforme à ce (pie je viens d'exposer. Toutefois, dans cer-
tains cas, le sculpteur s'étant inspiré de modèles archaïques, il y a lieu
de faire une sélection dans les monuments qu'on étudie. Dans tous
208
LKS METAUX
les cas et à tous les âges, les haches égyptiennes ne présentent aucune
analogie avec celles des diverses localités de TEurope et demeurent
spéciales à la vallée du Nil.
A côté des haches proprement dites sont des outils de bronze longs
et plats, munis d'un tailhint élargi, et dont quelques-uns sont datés
par des textes (fig. ^51 à 555). Ces instruments semblent avoir servi
Fig. .^.')9 à r)()4- — Couloauxcu brouze d'époque liislor'iquo (lig. 5ôc) et TiGo : i/4g''''in-
dciir naturelle; dg'. .")(ii à ."ifia : 1/2 grandeur natui'ello, localités inconnues, Musée de
Guizeh ; (ig. 564 • Tell-el-Ctiorab, Fayoum, XIX" dynastie). i/4 grandeur naturelle.
de ciseau à main. L'un d'eux, provenant de Gebelein (fig. 556), est à
double tranchant.
Les poignards (fig. 557, 558) présentent la même forme que ceux
dont il a été parlé plus haut ; ils rencontrent des analogies dans les
armes de même nature usitées à l'âge du bronze dans toute l'Europe.
Les lames des couteaux (fig. 551) à 504) présentent une grande
LES MirrAix:
209
variété de formes : très simples au début et indépendantes de leur
manche, elles sont plus tard fondues d'une seule pièce avec lui, mais
ne présentent aucuns caractères spéciaux à rEgypte.
Aux temps archaïques, les tètes de lances sont composées d'une
siinj)lc lame de I)ron/.o entrant dans rextrémité di; hi liampe (fig. 565),
tout comme s'eniiiiancheiit les silex taillés; mais, dès le. Moyen Empire,
nous voyons apparaître la douille (fig. 566), et les lances prennent dès
lors une l'orme analogue à celles de l'âge du bronze européen.
Fig. .S(),"). — ïéle de lance on bronze (localilo iucouiuip. Musée de Guizeli).
I, 4 grandeur naturelle.
Fiif. !)6(i. — Tète de lance en bronze, XII'' dynasiie (mastabas de Licht).
2/3 grandeur untnrclle.
Les pointes de llèches métalliques alfectent toutes les formes qui
nous sont fournies par l'antiquité préhistorique et historique dans les
autres pays ; les unes sont en feuille de saule (fig. 5()8, 570, 578.. 579),
ou en losange (fig. 509) et dépourvues de douille; d'autres (fig. 571,
572) sont triangulaires. Enfin les plus abondantes étaient destinées à
recevoir l'extrémité du bois et non à la pénétrer. Ces divers types
210
LES MKTAUX
appartiennent à toutes les époques depuis les débuts du Nouvel
Empire; ils furent usités en môme temps que les tranchants de silex ;
mais je ne pense pas qu'on en ait rencontré jusqu'à ce jour apparte-
nant d'une manière certaine à l'Ancien ou au Moyen Empire. Le
manque absolu de renseignements sur les conditions dans lesquelles
furent trouvées celles qui figurent dans les galeries de Guizeh ne per-
met pas de se prononcer d'une manière absolue sur l'époque à laquelle
les pointes de llèches métalli({ues furent mises en usage dans la vallée
(lu Nil. Mais je puis, pour ma part, affirmer ce fait que jamais je n'en
ai rencontré dans les sépultures de la XII« dynastie.
Fig. 567 à 571). — Pointes de flèches eu bronze dépoque historique (localités diverses,
Musée de Guizeh).
Si mes suppositions se justifient, et que les premières tètes métal-
liques de flèches doivent être attribuées auNouvel Empire, il y aurait
lieu d'envisager trois phases diverses dans l'emploi de la flèche dans
la vallée du Nil.
Dans la première, qui correspond aux temps antéhistoriques, les
tètes de flèches sont faites de silex et présentent les mêmes formes
que celles des stations j)réhistoriques de l'Europe.
Dansla seconde, qui renferme rAncienetleMoyenEmpire,les Egyp-
tiens faisaient uniquement usage de têtes de flèches tranchantes et
en silex, les types archaïques ayant été complètement aljandoiuiés.
Enfin dans la troisième, qui commence avec le début du Nouvel Em-
pire, les pointes métalliques furent employées, sans exclure toutefois
les tètes de silex tranchantes des époques antérieures.
Ll'S METAUX Jll
I']ii (l(!hors dos armes (il dos oiilils do l)i'oii/,e doiiLjo viens do parler,
lo Miisé(! d(! Gui/.oh renlei-mo hon nombre d'inslrumenls de formes va-
riées lois que des spatules (lig. 580 à 582), dos rasoirs (iig. 583], des
liarpons, des croehets, dos l'onrchos, olc, mais cos oijjets dont l(!s
formes sonl peu caraolorisli(|iies, donl la dalo oL la [jiovonance sonl
souvent inconnues, appartiennent |)iQbablemont aux basscîs épo({uos
et leur étude ne jetterait aucune lumière sur les origines île l'usage
des métaux en Egypte.
Après avoir examiné les formes des objets d(! bronze, il est intéres-
sant d'en étudier la composition, et les remarcjuables travaux de
M. Berthelotsur les échantillons que je lui ai adrtissés du Musée de
Guizeh donnent à ce sujet les éclaircissomenls les plus précieux.
Fig. 58o à 582. — Spatules eu bronze, Musée de Guizeh (II;,'. Ti.So : Kahoun ; Iig. SSi :
Tell-el-Cliorab. Fayouin, XIXe dynasUe ; iig. 582 : localité inconnue). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig, 583. — Rasoir eu bronze (localité iucounue, Musée de Guizeh). 1/4 grandeur
naturelle.
Un vase découvert à Dahchour en 1894, dans le mastaba d'un |)rètre
de la pyramide de Snéfrou, etqtii par suite est quelque peu postérieur
à la fin de la III"^ dynastie, était composé de cuivre pur'. Ce fait n'a
rien qui doive surprendre et n'implique pas qu'en Egypte il ait existé
comme dans quelques autres régions un âge du cuivre, car cet oi)jet
étant très mince et ayant été façonné au marteau, il est nalurol (|u'on
I. Berthelot daus Fuudies à Dnltcliuur en i8<)4i P- '■i'J-
212 LES METAUX
ait employé le cuivre rouge, tout comme nos chaiulronniers le font
encore aujourd'hui.
Un anneau nK'tallique découvert dans le même tombeau renfermait
70,71 pour 100 de cuivre et 8,2 |)our 100 d'élain, tandis qu'un autre
fraoment, dûment daté de la VP dynastie, conU^nait 86,23 [jour 100 de
cuivre el 5,68 pour 100 d'étain'.
Cette double constatation de la présence de l'étain dans les alliages
du début de l'Ancien Empire présente le plus grantl intérêt, car elle
j)rouve (jue dès ces âges reculés il existait des relations commerciales
très suivies entre les peuples de la vallée du Nil et ceux occupant les
foyers de production de l'étain.
Parmi les échantillons de bronze appartenant au Moyen Empire,
analysés par le savant chimiste, nous voyons des objets ayant été faits
pour des usages très divers et par suite ayant peut-être renfermé in-
tentionnellement des proportions variables tl'élain*. Ce sont:
Un miroir de la XI° dynastie, ne contenant (jue du cuivre pur.
Un IVagment de bracelet de la XIP dynastie, composé de 68,39
pour 100 de cuivre el de 16,31 pour 100 d'étain.
Un crochet de bronze de la XIP dynastie : cuivre, 69,23 pour 100;
étain, 9,82 pour 100.
Un clou de bronze trouvé dans le cercueil du roi Hor-Ra-Fou-Ab
(XII" dynastie) : cuivre, 8.5,02 pour 100; étain, 0,97 pour 100.
Ces {juatre analyses fournissent des compositions très diverses,
mais n'en prouvent pas moins qu'au Moyen Empire comme aux temps
antérieurs, l'étain entrait d'une façon courante dans les alliages égyp-
tiens.
Quant aux objets du Nouvel Empire, l'intérêt de leur composition
est moins grand en ce qui concerne l'étude des origines '. Nous savons
1. Bertliplol, /. f., p. l'îS et i3t).
2. Les proportious de l'Otain el du cuivre renfermés dans les objets de bronze de
l'Europe sont elles-mêmes très variables; voici à ce sujet les résultats des analyses
publiés par John Evaus [L'âge du bronze, trad. française, 1882, p. 4'>o)- Celts : St,
12, .'Sy; 9,82, 9,20; 18, 3i; 12, 3o; 7,/|4; 11,02; 10,92; /f,^6; i3,ii. — Poignards : St.
i'(,2o; II, 3ô. — Epécs : SI. 9,59; 9,3o ; 8,17; 10, o3; 8,54; f^iiS. — Pointes de lances ;
12,74; 14,01; 11.29. — Hallebarde : St. 2,78. — Bouclier, 11,62; 11,72. — Trompette :
St. 10,87. — Chaudrons : St. 5,i5; 7,19; 9,46- Comme on le voit, les proportions
d'étain sont des plus variables, même pour des alliages destinés à des usages identiques.
Ces difl'éreuces peuvent être attribuées à l'inexpérience des fondeurs.
3. Les objets analysés par M. Bcrthelot ont fourni les résultats suivants ; Bague de
Dauaqla (XIX" dyu.) (n" i) : Cu. 77,61; St. 9,6.'). — Bague de Uanaqla(XIXi= dyu.) (n» 2) :
St. 75, ()G; Cu. 16,23. —Vase (XX" dyn.) : Cu. 76,79; St. i5,iS. — Pointe de flèche
(XX- dyn.); Cu. 81,93; St. 12,17. —Tablette de fondation (ïanis) (XXV dyn.): Cuivre
pur. — Socle de statue (XXII" dyn.) : Cu. 77,86; St. 5, 00. — Pointe de flèche d'époque
inccilalue ; Cu. 68,12; St. 5,92; — Miroir (époque incertaine) : Cu. 78,07; St. 11,27.
i.i'.s MiriAi \ 2ia
mi eflel, pai'dos ilociimcnls (■()iil<'iii|iui;iiiis de ces cpcxiiics, (juc l'Jil-
gyplc possédait alors (l'iiniiuîiiscs tcirilniics en Asie et en Europe et
(|ii(! ses reliilioiis étaient fort éleiuiiies. Les moycnis de eoniiniiniealion
étaient donc Jjeaueoiip plus aisés et le transport de l'étain rentrait
dans les conditions ordinaires du commerce.
Le bronze semble à première vue avoir été la matière première do
toutes les armes et de tous les instruments dans TEo-ypte antique :
cependant si nous nous en rapportons aux travaux elIVu'tués par les
anciens, à la taille des pierres dures et à la pré(-ision de sculpture
obtenue dans les matériaux les plus résistants, tels (|ue le granile, la
diorite, la serpentine, le basalte, etc., il est bien difficile d'admettre
que les Egyptiens ne se soient pas trouvés en possession de l'acier.
La matière première, le minerai de l'er, abonde dans toute la vallée
du Nil tant en Egypte qu'en Nubie, on en rencontre des amas énormes
au Sinaï sous l'orme d'bc'uuatite tenant 70 pour 100 (b; métal. 11 serait
surprenant tle voir que les Egyptiens, qui à tant cb; points de vue, pos-
sédaient une civilisation très avancéo", qui avaient atteint dans l'art du
fondeur comme dans celui du joaillier une pratique aussi consomméi',
n'eussent pas utilisé les richesses minérales qu'ils avaient entre; les
mains. Ils employaient comme couleur la limonite jaune et rouge ; ils
sculptai<'nt des statuettes dans l'hématite, comment n'auraient-ils pas
su ce que pouvaient donner sous l'action du feu ces matières qu'ils
maniaient chaque jour?
Chabas ' a fait une étude linguisticpie détaillée du nom du fer chez
les anciens Egyptiens; il fait remarquer avec justesse qu(! « ni sous
les Perses, ni sous Psametik, ni sous les Macédoniens, ni même sous
les Romains, on ne rencontie dans les textes écrits aucune indication
d'im métal inconnu ou inusité dans Fanticpiité, et que la question de
l'emploi (lu fer reste aussi complexe par rapport à ces époques rela-
tivement modernes qu'aux temps les plus anciens. « Toujours, dit-il,
ce sont les mème-s groupées ([ui désignent les métaux... Cependant on
ne peut douter que le fer n'ait été employé par les Grecs et les Romains
d'Egypte; qu'il ait été regardé comme sacré ou profane, nous devons
nécessairement en rencontrer le nom dans les hiéroglyphes ; or nous
ne voj'ons que le groupe 1 {\ *^^ ^"o /^«^' ' qi'' puisse \v représenter
dans les textes de tous les âges '. »
I. Jilinles sur ['(inliijiiilc historirjui', p. \:'\.
.. O,. pIuUM, Jojq^^;^ O^' '^■.- a. ci..,). I.. ."ot J(|^^
qu'on rencontre sur quelques stèles de Serabit-i'l-Ivliaileni jjour désigner la contrée des
mines, paraît, d'après Brugsch, indiquer un pays de pierres très dures, sjîécialement de
grès (Brugsch, Dict. hiérogl., Il, 37'}).
3. Chahas, fitiidi'H sur r(iiili(iiilt(- hittorit/iic, p. '17. ! '1
214
T. ES METAUX
Les objets en 1er soiil extièmemeiit rares en Egypte. M. G. Daressy
a trouvé, dans la nécropole de Gournah, à Thèbes, un cercueil de la
XX!!"" dynastie dont les diverses parties étaient reliées entre elles par
des chevilles de fer. Ces clous sont les plus anciens spécimens connus
de ce métal. Ils remontent au x-^ siècle. Leur existence prouve que,
bien que tous les égyptologues ne soient pas d'accord sur la signifi-
cation du groupe hua, le fer était en usage vers le milieu du Nouvel
Empire. Son extrême rareté trouvera un jour son explication, mais il
semble difficile de ne pas admettre qu'il futde touttemps connu dans
l'Egypte phai'aonique.
Parmi les rares instruments de fer qu'on
rencontre parfois emmanchés, je dois citer
une herminette (fig. 584), trouvée dans les
déblais qui encombraient jadis le temple
de Déïr-el-Bahri, à Thèbes, et le fer d'un
instrument semblable rencontré dans les
environs d'Akhmim (fig. .585); malheureu-
sement nous ne possédons aucune indica-
tion chronologique relative à ces instru-
ments.
L'or' est de tous les métaux celui que
l'homme connut d'abord; il se rencontre à
l'état natif dans les alluvions et sa couleur
brillante le fit remarquer. En Amérique
centrale et méridionale, il fut employé et
travaillé, alors (|ue les indigènes en étaient
encore réduits aux instruments en pierre;
en Europe, il accompagne les premiers
essais dans la métallurgie du bronze.
En Egypte et dans l'Afrique centrale l'or alluvial est abondant et
rien ne prouve que les autochtones n'aient pas connu son usage
avant l'arrivée des Égyptiens dans la vallée du Nil. Nous ne pouvons
pas préciser l'époque du poignard en silex (fig. 136) orné d'or que tout
nouvellement le Musée de Gui/.eh vient d'acquérir; nous ne pouvons
dire si ce précieux objet est aniérieur ou postérieur à la conquête. Il
est donc nécessaire de réserver la cpiestion, mais constatons cepen-
Fig. .')84. — HerraineUe cii fei
L'ininanchée en bois (Deïi--el-
Biiliri, Musée de Guizcli).
\l\'i grandeur naUirelle.
Fig. .')S5. — Ijame d'hermineUe
en ter (Akhmiin, Musée de
Guizeh). 1/12 grandeur na-
lurelle.
I. En hiérogly])lies ' ' iwu\> , l-es Égyptiens distiiiguaieut encore le kelein
000
M "_ r™*l ou or Un, le iiouli hedj ' ' Y O or blanc, et enfin l'éleclruni rwi.
LES MiriAlX 215
danl (]iio rien ne s'oppose à ce ((u'il ait été faljrii|ue bien longtemps
avant l'apparition des Egyptiens et du bronze.
Les bijoux les plus anciens connus jusqu'à ce jour sont ceux de
Dahchour. Ils remontent à la XII° dynastie. C'est donc de leur compo-
sition que nous devons chercher à tirer quelques conclusions, et les
analyses de M. Berthelot en fournissent les éléments.
Perles d'or de la princesse Noub-Hotep (XIP dynastie) : Or, 82,94;
argent, 13, .56; cuivre, 0,50.
Feuilles d'or du cercueil du roi RaFou-Ab : Or, 8,5,92; argent,
13,78; cuivre, 0,30'.
Tous les objets d'or renferment donc une forte proportion d'argent :
ils sont en électrum et non en métal pur. D'autre part, ils contiennent
une faible quantité de cuivre.
Nous devons probablement attribuer la présence de l'argent à l'af-
finage incomplet du métal, car, on le sait, dans les pépites, les deux
métaux sont mélangés. Quant au cuivre, il est à penser que les fon-
deurs l'ajoutaient dans le creuset afin de rendre l'alliage plus dur,
car l'or pur et les alliages d'or et d'argent sont d'une extrême mal-
léabilité.
Je ne parlerai ni de l'argent, Y i *™*1 p^" hedi ni du plomb
^^ X t ou c^s Q ",(^67/.//, ni de l'antimoine ou du manganèse, leur
étude sortirait du cadre ([ue je me suis tracé. Je me contenterai de
faire observer que ces métaux étaient connus des Egyptiens qui, dès le
Moyen Empire tout au moins, en firent usage, soit à l'état métallique,
soit à celui de sels. Les connaissances mélallurgiques et chimiques
étaient donc dès cette époque fort développées, et il semble bien
difficile d'admettre que les chimistes qui composaient les collyres -
eussent ignoré la préparation du fer et de l'acier.
Aux premiers temps de la monarchie égyptienne les seuls giscmenls
de cuivre exploités furent ceux du Sinaï. On rencontre encore dans
celle péninsule de nombreux travaux antiques et les inscriptions qui
les accompagnent ne laissent aucun doule sur l'époque et sur le but
de l'ouverture des mines.
Avantde retracer l'historique de ces exploitations, les plus anciennes
t. Bei'lliclot, dans Fouilles à Dahchour en 1894, p. i'|5.
2. Composition du collyre noir (lombeau de la princesse Xoub-Ilotep, \11° dynas-
tie, Dahchour) : Sulfure de plomb, 23 pour 100; argile fortement ferrugineuse, 5 pour
100; bioxyde de manganèse, 3 pour 100; fer oxydulé, i pour 100; sulfure d'anliiuoine,
I pour 100; oxyde de cuivre, i pour 100. Le collyre vert semble être de la cliryso-
oollc pure (V. Loret, dans Fouilles à Dahchour en iSç)4. P- lôGet suiv.).
21 G
LES mi:tai'x
(lu iiiuiidr, il esl nt'cessairc d'exposer en qiiehjiies mots les princi-
paux caractères des gisements, leur position géographique et géolo-
gic|uo, ainsi c[ue la nature des minéraux (|u'on y rencontre.
La péninsule Sinaïticjue doit son origine à une éruption granitique
d'une grande importance qui, perçant les couches sédimentaires et
les relevant sur ses bords, a l'orme le massif montagneux principal
où s'élèvent les monts Serbal et de Sainte-Catherine, pics les plus
importants de la région.
Fig. 58(). — Carte de la péuinsule Siiiaïlique.
Le souèvement esl postérieur a l'époque éoccnc, car nous voyons
les assises de cette période relevées tout comuie les couches du sé-
nonien et du grès qu'elles recouvrent. Il est en connexion avec
les mouvements du sol qui en Egypte ont déterminé la formation de la
vallée du Nil. D'épais filons dioritiques traversent les granits, et la
matière éruptive s'étant largement épanchée au dehors recouvre fré-
quemment les terrains sédimentaires et les granits eux-mêmes.
T,i:S MKTAIX 217
La région des mines, le pays de Mafck^ des anciens Eg-yptiens, est
située à la limite des terrains granitiques, au nord-ouest de la pres-
qu'île ; elle comprend tous les affleurements des terrains dits i^rès
sinaïtiqucs', qui, ne renfermant pasde l'ossiles, n'ont pu jusqu'ici être
rangés chronologiquement mais appartiennent probahlement au ter-
rain permien. Ce district s'étend du nord au sud suivant le .il" degré
de lono-itude est(méridien de Paris) sur une dislance de 40 kilomètres
environ entre Cebel-Mokatteb"' et Serabil-cl-Khadem. Cette contrée
présente à peu près C kilomètres de largeur (fig. 586).
I. M((frk ou Mafkat ( 1^\ a^-x " " " . V\ t j % t^-^^ I est le nom li- plus gûnc^-
ralemoiU donné dans les inscriptions liiOroglyphiques à la région des mines. Ce nom
n'est autre que celui de la matière précieuse qu'on y exploitait, ta turquoise. Les
Égyptiens donnaient ce nom de mafi'k à toutes tes pierres de couleur verte, tant à
fémeraude et à ta malachite qu'à la tuiquoise, mais ici c'est nécessairement de cette
dernière qu'il s'agit; ils distinguaient de ces pierres-tà, qu'ils appelaient le maffk
vrai, une autre substance verte qu'ils fabriquaient eux-mêmes, le mafck faux, qui
n'est autre que l'émail dont sont enduits beaucoup de statuettes et autres petits mo-
numents.
Comme tous les pays soumis aux lîgypiiens et colonisés par eux, la terre de Mafek, qui
du reste porte encore d'autres noms sur lesquels je reviendrai plus loin, avait ses dieux
particuliers. C'est surtout Hathor qui y est adorée, la déesse bien connue aux cornes de
vactie, dont la forme locale, particulière à ce pays, porte le titre de « dame de Mafek »
I Ç\ I V\ t j "^ |. C'est à elle que s'adressent, au nom du roi régnant,
pour ta réussite de leur entreprise, les tiauts fonctionnaires chargés de l'exploitation
des mines, qui nous ont transmis sur des stèles le récit de leur expédition. A cùté
d'Hathor, nous voyons quelquefois paraître un autre dieu, Sopd, le dieu de l'Orient
j A ^\^^ ' '^ \] )• 4'" " '"St autre qu'une forme d'Horus; dans les textes égyp-
tiens, ce dieu symbolise souvent l'est, le soleil levant, tandis que sous la forme fémi-
nine, Sondit. il représente l'étoile Sothis ou Sirius. En outre de la déesse locale et du
dieu de l'Orient, nous rencontrons parfois encore le dieu des lettres, Tliot à tète
d'ibis, à qui l'on attribuait sans doute la découverte des mines. — [G. J.]
3. Il ne faut pas confondre tes grès nubiens avec ceux du Sinaï, leur faciès est très
difléreul. Ces deux formations ne contiennent pas de fossiles, cependant il est permis
de supposer que les grès nutiiens doivent être rangés dans lépoque ccnomanienne,
tandis que les grès sina'itiques appartiennent à la formation permienne.
3. T,e Wadi- Mokatteh ou Vallée écrite tire son nom des inscriptions dites sinaïtiqucs
qui sont gravées sur les rochers, sur les routes menant d'Arabie en Egypte, et qui se
trouvent là en beaucoup plus grand nombre que partout ailleurs. La plupart sont écrites
en nabatéen, la langue des peuples du nord de lArabie. ou en arabe préislamique,
d'autres en grec ou en copte. Ces dernières ont généralement été gravées par des pèle-
rins chrétiens, tandis que les autres, beaucoup plus nombreuses, proviennent des habi-
tants païens de ta contrée, qui adressent des invocations au soleil, à la lune et aux
étoiles En général, ces inscriptions, très courtes, ne contiennent guère que des noms;
les plus anciennes ne doivent pas remonter au delà du ii" siècle de notre ère. Sur ces
mêmes rochers se trouvent aussi beaucoup de représentations d'hommes et d'animaux
naïvement gravées (v. Ebers, Diirch Coieii zuiti Sinaï, p. 174)' — ti. J.]
218
LES Ml'.TAlX
Plus au siul, près du mont Serbal, il existe encore quelques gise-
ments, mais leur importance semble avoir toujours été secondaire par
rapport à celle des mines du nord.
C'est dans les assises des orès sinaïtiques que se rencontrent les
parties métallisées; elles sont en couches pour le fer, en veines et en
imprégnations pour le cuivre. La coupe suivante, passant par les
mines de Wadi-Maghara (fig. 587) ', montre quelle est dans cette ré-
gion la position des couches et les conditions dans lesquelles on y
rencontre les parties métallifères.
Les grès affleurent à Wadi-Maghara, ils présentent dans cette
localité une légère pente vers l'ouest, mais, bientôt recoupés par de
nombreuses failles, ils plongent rapidement au Wadi-Boudrah sous
les assises crétacées et disparaissent.
WacJi Badrah
Wadi Maff/iara
G.Farh'a
Fig. ScSy. — Coiipp du la l'ogion minière de Wadi-Maghara.
GR, granit rouge; — GG, granit gris; — d, diorite ; — q, quartz; — m, marnes ; —
gn, grès sinaïtiquc; — S, couches sénouiennes (Fossilifères) ; — E, couches éocènes ;
— /(, couclios d'hématite; — c, couches cuivreuses.
Au nord, Serabit-el-Khadem* et Wadi-Nasb présentent également
des gîtes miniers situés dans les mêmes couches. Les assises sont
presque horizontales, mais les affleurements apparaissent très nette-
ment dans les ravins profonds et abrupts qui déchirent en tout sens
ce massif montagneux.
Entre Serabit-el-Khadem et Wadi-Maghara les grès sinaïtiques se
continuent, mais leur étude présente de réelles difficultés, car non
seulement le pays, très accidenté, ne renferme pas d'eau, mais les Bé-
douins mettent tous les obstacles pour en empêcher la visite ; c'est là
qu'ils ont leurs mines de turquoises les plus importantes et ils crai-
gnent toujours que le gouvernement égyptien, venant à connaître
leurs ressources, ne les frappe d'une redevance ^
1. Ce nom signifie « Vallée des grottes » ; le vrai nom est Wadi-Ginne.
2. Mol signifiant hauteurs fortifiées (v. Ebers, Durch Gosen zum Sinaï, p. fio7).
3. Bien que les Bédouins cachent avec grand soin la production des mines, il est
constant qu'ils vendent cliaque année pour environ 25o,ooo francs de turquoises et que
ces pierres re|)résentent une valeur supérieure à un million de francs. C'est à Suez
qu'est le marclié des turquoises.
LES MÉTAUX 219
Coite région, encore inexplorée, renl'crnie bien certainement dos
exploitations antiques, car les conditions géologiques s'y prêtent, et
tout nie porte à croire qu'elle contient aussi beaucoup tie textes du
plus haut intérêt pour l'histoire des mines et de l'Egypte.
A Serabit-el-Khadem, comme à VVadi-Maghara, les métaux se
trouvent dans les grès, mais toutes les couches ne renferment pas
en égale abondance les tur(|uoises et les minerais ; les bancs riches
sont les mêmes dans les deux localités. Voici la coupe relevée dans
les ravins du nord à Serabit-el-Khadem :
1° Grès jaune clair, plus de l5 métros.
2° Bioxyde de manganèse* en masse compacte et hématite. . o^iSo à o">,8o
3° Marnes blancliàtres avec veines do minerais de fer, de man-
ganèse et de cuivre^ o™,2o à o">,5o
4° Grès brun ou gris en lames avec veines de minerai cuivreux . i)™,8o à iu',50
5° Grès blanc, très lin, en couches minces o"',8o à 2™,oo
6° Grès jaune en bancs épais 3'",5o à 4™,oo
y" Grès jaune avec bancs riches on turquois, 'S. ..... 3'",,'')0 à 4'",oo
8° Grès jaune compact en bancs épais 3o à 4o mètres.
Les iDancs n" 2 et n" 3 fournissent des minerais de fer d'une qualité
parfaite. Ils ne semblent pas avoir été très largement exploités; ce-
pendant on voit, non loin du temple de Serabit-el-Khadem, cjuelcjues
tranchées ouvertes dans la masse et des indices d'exploitation sou-
terraine. L'hématite était très employée par les Egyptiens pharaoni-
ques pour la fabrication des statuettes el de menus objets funéraires :
celle du Sina'i est d'une qualité parfaite.
L'aspect noir et scoriacé de ces couches de fer et de manganèse, la
position qu'occupent certains lambeaux sur le sommet des plateaux, a
fait croire à Lepsius qu'il avait affaire là à des restes de fourneaux qu'il
nomme sur sa carte de détail Sclilnckcnhaufen ou scories. Cette
erreur, partagée depuis par tous les voyageurs qui ont écrit sur le
Sinai, a fait penser que les Égyptiens avaient établi sur les hauteurs
leurs usines métallurgiques, alors que c'est dans la vallée seulement
qu'ils traitèrent les minerais.
Les couches n°^ 3 et 5 ont été l'objet d'une exploitation très active
sur certains points: les roches étaient arrachées des affleurements,
puis écrasées à la main à l'aide de pilons et triées. C'est auprès de
ces gisements que se rencontrent, à Serabit-el-Khadem , les silex taillés
et les indices les plus archaïques.
1. Ces minerais analysés par M. Le Chatellior ont fourni 56 pour loo de manga-
nèse.
2. Ces minerais se composent de carbonate de cuivre et de phosphate de cuivre
mélangés de phosphate de chaux (Analyses de M. Le Chatellior).
220 LES M1:TAUX
Dans les conciles n" 7 sont toutes les grandes exploitations anti-
ques ; les grès }• sont jaunes et tendres par places, rouges, bruns ou
violacés et durs dans d'aulros. T^a roche friable contient les rognons
de turquoise entourés d'une gangue ferrugineuse ; dans les grès
rouges ou brans, on rencontre la pierre précieuse à l'état de veinules
plus ou moins épaisses.
La méthode d'exploitation usitée par les anciens était fort simple,
elle consistait en une attaque à la pointe des affleurements des bancs
riches. L'usage avait amené les ingénieurs de cette époque aménager
dans les exploitations des piliers plus ou moins rapprochés, suivant
que les assises exploitées se trouvaient [dus ou moins chargées parles
couches substratiliées. Ainsi à Serabit-el-Khadem, où les grès exploi-
tables occupent presque les sommets des hauteurs, les vides sont
beaucoup plus grands qu'à Wadi-Maghara où ces mômes couches sont
recouvertes de 100 mètres environ de roches. Dans les mines du
nord, les vides sont laissés sans remblais, tandis que dans celles du
sud les cavités ont été comblées à l'aide des matériaux stériles jns-
f|u'à 5 ou (i mètres du front de taille, et d'étroites galeries ont été
ménagées pour donner accès dans les chantiers.
Lorsque les affleurements étaient solides, l'ouverture des mines se
faisait sur toute l'étendue des ])ancs en ménageante à et là quelques
piliers. Quand, au contraire, la roche était fissurée et menaçante, les
travaux étaient commencés en galeries étroites et ne s'élargissaient
qu'alors (]u'on avait atteint les parties plus sûres.
Aujourd'hui, que les Bédouins ont brisé à la poudre la plupart des
entrées des mines, qu'ils ont SLipprimé là beaucoup des piliers laissés
par les anciens pour soutenir le toit du gite et les toits secondaires
des divers étages, bien des mines antiques se sont écroulées et il est
souvent malaisé, si ce n'est impossible, de les visiter.
Les cavités sont parfois considérables ; à Serabit-el-Khadem entre
autres, il en est de très vastes (fig. 588); elles communiquent avec la
surface, non seulement par des galeries horizontales d'accès, mais
aussi par des puits rectangulaires destinés à l'aérage aussi bien qu'à
l'extraction.
Quant aux outils employés pour couper la roche, leur nature est
indiquée par les traces laissées sur les parois des mines. Il semblerait
f[ue, dans les travaux les plus anciens, le silex ait été employé etque
les Ijlocs aient été détachés au moyen d'une série de trous destinés à
provoquer des plans de rupture. Plus tard, sous la XII° dynastie,
c'est la pointeiole UKUallique seide qui était en usage (fig. 592). J'ai
rencontré un fragment d instrument de ce genre dans les maisons
des mineurs, à Wadi-Maghara, et la largeur et la forme du tran-
I.KS Ml/IAl X
■22\
Kis; .'iSS. — Croquis (opoiri-aphiquo ilc Wadi-Maghara.
222
LES METAUX
chant correspondenl absolument aux traces laissées dans la pierre.
Les grès riches extraits des mines étaient transportés au jour, puis
écrasés à l'aide de pilons de pierre duie : la roche friable se trans-
3S9(,
Eig. 58() et 590. — ■ Ciseaux en silex jaune rouge (Serabit-el-Khadem, Sinaï),
:/2 grandeur naturelle.
mal
k^^/ASies. l iL ^ ^-^
>
'y-
.</
/
392
Fig 5(|i. — Hache grossière en silex brun rouge (Serabit-el-Khadem, Sinaï).
. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 5c)2. — 'rèt(" de pointcrolle en bronze trouvée dans les ruines de Wadi-Maghara
(Sinaï).
forme aisément en sable et les rognons de turquoise sont dès lors
aisément reconnaissables à leur couleur brune foncée.
Je ne sais quelle est la richesse des gisements situés dans l'in-
térieur du massif montagneux, je n'ai pu les parcourir ; mais ce
qu'on peut voir à Wadi-Maghara et à Scrabit-el-Khadem ne dénote
I.n:S METAUX 2-2:i
pas une grande al)on<lance de nialièr(!rt ciiivruiis('s. f^iîs |)i('ri-os pré-
cieuses y sont rares, de qualilé iiiCéiicure et perdent ia|)id(!ni<>nt leur
couleur. Les gemmes provenant des gisements voisins du nu)nt
Serbai présentent des qualités bien supérieures à celles des mines
du nord'.
I. Dans un travail récent dont M. Bortlielot a rendu compte à l'Académie des
sciences, le savant chimisie donne toutes les indications qui lui ont été fournies par
les échantillons que j'ai rapportés du Siuaï. Le lecteur me saura fi^ré de reproduire
in extenso cette remarquable étude.
« HisTorKE DES sctENCEs. — Sur les mines de cuiyic du Sinai, exploitées par les an-
ciens Égyptiens. Xote de M. Berthelot (Comptes rendus des séances de l'Académie des
sciences; 19 août 1896).
« Les mines de cuivre du Sinaï sont les plus anciennes dont l'histoire fasse mention.
D'après des documents authentiques, elles ont été exploitées depuis le temps de la
III" dynastie égyptienne (5ooo ans environ avant notre ère) jusqu'à la fin des Ra-
messides (vers i3oo à 1200 avant notre ère). Leur possession a été l'objet de plu-
sieurs guerres; mais elles sont complètement abandonnées depuis U'ois mille ans,
abandon que justifie la pauvreté de leurs minerais actuels. C'est assurément de ces
mines que provient le sceptre de Pépi I", roi de la VI' dynastie, sceptre en cuivre
pur, conservé au British Muséum et dont j'ai fait l'analyse (voir mon ouvrage : La
Chimie au moyen âge. Premier volume ; Transmission de la Science antique, p. 36C,
1890.)
Cl En raison de l'intérêt qui s'attache à l'histoire des métaux, dans la civilisation
humaine, et à celle de la métallurgie antique, il m'a semblé utile d'avoir des rensei-
gnements précis sur les mines du Siuaï et sur les procédés suivis à leur époque dans
l'exploitation du cuivre.
« M. de Morgan, dont on connaît la haute compétence et les belles découvertes, a
bien voulu aller lui-même visiter ces mines, et en rapporter des échantillons, qu'il
m'a confiés. M. Lacroix, le savant professeur de minéralogie du Muséum d'Histoire
naturelle, s'est mis à ma disposition pour m'aider dans leur examen. Ce sont les ré-
sultats de ces études que je viens présenter aujourd'hui à l'Académie.
« Les mines du Sinaï sont voisines de la côte du golfe de Suez. Doux gisements ont
été exploités : celui de Wadi-Maghara (Ancien et Moyen Empire) ; et celui de Serabit-
el-Khadem, un peu plus récent.
« Ces mines sont situées dans la région des grès, et non dans celle dos porphyres,
qui forment la masse principale de la montagne. On y trouve des minerais de cuivre,
dont il va être question, dos minerais de fer, spécialement de l'hématite et des grès
ferrugineux. On y trouve aussi du gypse.
« On assure qu'il n'y a pas de couche calcaire proprement dite dans la région.
« Les grès que j'ai examinés ne contiennent en effet que des traces de carbonate de
chaux. Cependant, j'ai trouvé un morceau de calcaire compact dans mes échantillons,
et les scories et débris de four renferment aussi du carbonate de chaux en dose no-
table, par places.
« Les galeries existent encore, ainsi que les débris des fours, des creusets, les sco-
ries, les restes des habitations des mineurs, quelques fragments de leurs outils, etc.
« Je vais indiquer les observations faites sur les dilférents objets qui m'ont élé re-
mis.
« I. — Miserais. — Trois minerais de cuivre oxisLont dans ces échanlillons, savoir;
224 LES METAUX
Il est à supposer que les Égyptiens ne tiraient pas seulement du
pays de Mai'ek les turquoises, mais qu'ils en exportaient, en même
temps que la pierre précieuse, les matières colorantes dérivées du
«. Des turquoises, un hydrosilicote de cuivre et des grès imprégnés de sels de cuivre
(carljonale el hydrosilicate). On n'y trouve ni sulfures de cuivre, ni cuivre natif, ni
cuivre oxydulé natif. Il est probable que les minerais actuels sont superdcicls et cons-
tituent un chapeau, en langage Icchniquo, lequel provient de l'allération de gisements
pyriteu.\ profonds, que l'exploilalinn n'a pas atteints. Les inliltrations des eaux sou-
terraines les ont attaqués et ont ramené à la surface des produits oxydés, comme il
arrive en général. Les anciens mineurs se sont bornés à gratter ce qui se trouvait à
la surface du sol, à l'aide des insiruments dont je donne plus loin l'analyse. En tous
cas, ces trois rainerais ont été ramassés près des fours, à Wadi-Maghara notamment,
el c'est sur eux que portait l'exploitation .
(( I . Turquoises. — Les turquoises sont au nombre des pierres précieuses que l'on
retrouve dans les tombeaux et qui sont désignées sous le nom de cliesbet, commun à
diverses substances bleues que les Égyptiens confondaient sous une même dénomina-
tion. Ces turquoises se présentent soit à l'étal isolé, soit disséminées dans des grès
ferrugineux, où elles forment parfois de simples mouchetures, ainsi qu'en témoignent
certains des échanlillons.
c. Ces turquoises ont une densilé de 2,8'5 environ. Les acides les attaquent aisément
et la dissolution contient de 1 acide phosphorique, de l'alumine et du cuivre. Leurs
propriétés sont celles de la turquoise classique : phosphate d'alumine hydraté, avec
petites quantités de cuivre. Les analyses des traités de minéralogie indiquent de a,;)
à 3,6 d'oxyde de cuivre. Celle de Wadi-Maghara (en veine dans un porphyre) a d'ail-
leurs été analysée parFrenzel :
Acide phosphorique 28, 4o
Alumine 38, 61
Oxyde de cuivre 3,32
Chaux ^tÇI^
Magnésie o,i5
Silice • '1,37
Acide sulfurique 0,66
Eau 2o,(>()
Densilé 2 71)
<( 2 et 3, Les grès imprégnés de sels de cuivre sont également pauvres. Le minei*ai
qu'ils renferment, sous forme de couches minces interposées et de petits nodules, est
un mélange de carbonate et d'hydrosilicate de cuivre : on sait que les minéralogistes
désignent aujourd hui ce dernier sous le nom de chrysocolle, nom qui a été employé
avec des sens très dilférents chez les auteurs anciens. Les modernes l'ont détourné
de sa signillcation antique, -suivant un usage très répandu parmi les minéralo-
gistes du commencement de ce siècle, mais très fâcheux jiour l'intelligence des textes
et pour l'histoire de la science; car les gens non prévenus s'imaginent que le minéral
moderne est le même que le minéral antique, dont il a usurpé le nom.
c( Quelques fragments de cet hydrosilicalc, tr'ouvés à ^Vadi-^L[ghara, commencent à
blanchir à la surface, par suite de leur déshydratation.
'< M. de Morgan a rapporté également des tombeaux d'El- Anirah, en Egypie, un
minerai conslilué précisément par cet hydrosilicate de cuivre, avec sa densilé nor-
r,KS MI'TAUX 225
(Hiivrc (!l du ciiivi'd niétallit|ue ol)tonii parle traitement métalluini(|iio
des produits de l'e.\[)loilalion i|ui demeuraient sans valeur p<jur la
joaillerie et la labrication des coideurs. (]'est ainsi ipTafin de trailer
maie; 3,3. Celui-ci :i élu reconnu toi'l l'iclii' en cuivr-e ; ce(|ui l'i'iioncl aux analyses <lii
mèiuc minerai renconIrO dans d'and'es ré<;ioiis dn niunde do et .'lo ccnlièrnes d'oxyde
de cuivre) .
(( Los minerais de Seraljil-('l-K!iadem rentermenl ét;ali'ment de l'iiytli-osllicale de
cuivre, ramassé auprès des fours, el des grès in)pri''tj;nés à divers degrés decarbonale
et d'iiydrosilicale de cuivre. Certains do ces grès sont en même temps ferrugineux.
Le carbonate de cuivre qui les imprègne moule l'hématite, qui sert de ciment à ces
gi'és ; ce qui prouve que la veine cuivreuse, provenant sans doute de la décomposition
des pyrites, est consécutive à la formatiou de l'iiémalile el, par conséquent, à celle
des grès qui constituent la roche principale. Dans tous les cas, ces roches sont très
pauvres en minéraux cuivreux L'extraction de ceux-ci devait demander un grand tra-
vail de triage. Mais, à ces époques reculées, la main-d'iruvre, fournie par des caplifs
el des esclaves que l'on traitait avec une extrême cruauté, ne comptait pas. Agathar-
chide nous a transmis à cet égard des détails épouvantables.
« 4. Hémulite. — Elle a été trouvée à Wadi-Maghara en gros morceaux, semblables
à ceux qui forment les statuettes des tombeaux égyptiens; statuettes dont la matière
peut d ailleurs provenir d autres localités, 1 hématite étant un minéral fort répandu.
A Serabit-el-Khadem, on la trouve aussi à l'état fibreux. La roche de grés elle même
renferme des veines d'hématite bien distinctes. Dans d'autres parties, l'hématite dissé-
minée joue le rôle de ciment.
« 5. Bioxyde de manganèse. -— K ^Vadi-Magllara, un échantillon de pyrolnsite cris-
tallisé a été recueilli dans un morceau de calcaire. Nous avons trouvé également de
loxyde de manganèse dans les matières rapportées de Serabit-el-Khadem. Une hé-
matite manganésifère vient de cette localilé.
« 6. Grès. — Les grès constituent les roches principales de Wadi-Maghara. Cer-
taines sont blanchâtres ; d'autres, colorées en brun ou en vert, sont formées par des
grains de quartz de calibres variés. A peine agglomérés dans certains grès, ces grains
sont, au contraire, fortement cimentés par l'hématite dans les échanlillons compacts,
avec toutes sortes d'états intermédiaires. Le microscope y décèle quelques fragments
de mica, de rutile, de zircou. Les grès blancs, pas plus que les grès bruns, ne ren-
ferment de ciment calcaire en dose notable. Les grès do Serabit-el-Khadem sont à
grains fins, extrêmement imprégnés d'oxyde de fer, qui leur donne une coloration
noirâtre, avec des portions rouillées. Dans certaines places, ils alternent avec de
minces lits ferrugiueux. Ailleurs 1 oxyde de fer s'y trouve concentré en granules, ou
en petits points.
« Ces grès sont [larfois schisteux. Ils sont par place imprégnés de sels de cuivre, à
des degrés divers.
« On rencontre dans mes échantillons des fragments brisés de quartz transparent,
de petits cailloux roulés de quartz, ovoïdes; enfin de uombreux fragments de silex,
éclatés et brûlés du fait de l'cxphiilation.
« 7. Calcaire. — Quoique le calcaire n'ait pas été signalé sous forme de couches
dans cette région, les échantillons contiennent des fragments de calcaire compact,
avec trace de fer; cette substance figure' aussi dans les scories et débris de fours. Je
signalerai, pro meinurid, quelques petits morceaux de nacre, provenant de bivalves,
probablement d eau douce, et une coquille de néritine fluviatile.
226 LES METAUX
sur place ces minerais, ils établirent au voisinage des exploitations
les plus importantes tle petites usines composées de quelques fours
rudimentaires où les roches cristallines jouèrent le rôle de briques
<i 8. Coinhiistihle. — Le combustible, destiné à réduire le métal, était constitué par
du bois, dont on retrouve des fragments carbonisés à différents degrés, avec des
morceaux d'hématite à côté. Ce bois est trop altéré pour que l'on puisse en déterminer
l'espèce. Il devait être apporté d'une certaine distance, le Sinaï n'étant pas boisé.
« Les données du problème métallurgique étant ainsi définies, par la nature des
minerais et par celle des roches accompagnant le gisement et qui ont pu et dû être
employées dans les opérations, je vais examiner les produits et les résidus de ces
dernières, recueillis sur place, après plusieurs milliers d'années.
« IL — Produits métallurgiques. — Ces produits sont les suivants :
(I Parois des fours et des creusets ; laitiers et scories; fragments d'outils.
« On n'a pas rencontré de fragments de mattes ; ce qui parait exclure l'exploitation
des pyrites, substances dont les minerais n'offrent d'ailleurs point de vestiges. Il ne
semble pas non plus, d'après l'examen des matières, que les mineurs aient employé
de fondants, autres que ceux tirés des roches et minerais rencontrés sur place.
« Scories et laitiers. — A Wadi-Maghara on a ramassé des scories lourdes et
noires, ou brun foncé, et des scories blanches et légères, ainsi que des grès impar-
faitement vitrifiés . Ces grès plus ou moins ferrugineux, et sans doute additionnés
d'hématite, ont servi de fondants, le calcaire n'étant intervenu qu'à titre accessoire.
En tout cas, les mélanges sont mal fondus, remplis d'incuits, formés de matériaux
difficilement fusibles et dont l'homogénéité ne devait pas être très grande : ce sont là
les indices d'une fabrication imparfaite.
« Certaines scories étaient très fusibles; car elles ont enveloppé et saisi un fragment
d'os, appartenant à un petit animal, fragment qui ne manifeste pas les signes d'une
calcination violente.
(( Les laitiers sont constitués par des matières denses, compactes, renfermant peu
de bulles, et d'apparence cristalline par places. D'après l'examen microscopique, ils
appartiennent à deux groupes. Les mieux cristallisés renferment en abondance des
cristaux de péridot ferrugineux (fayalite, aFeO. SiO') et des octaèdres de magnélite.
Ce genre de laitiers se forme dans toutes les opérations métallurgiques où le fer et
la silice sont en proportions convenables.
« Le second groupe est constitué par des pyroxènes verdàtres, mélangés par places
de magnélite et de quelques cristaux de feldspaths.
K Ces laitiers sont moins basiques que les précédents; ils renferment de la chaux,
provenant de gangues calcaires, dont j'ai retrouvé quelques échantillons à la surface
des laitiers et des débris de fours.
c< Un échantillon de laitier contient en abondance de la cuprile, ou protoxyde rouge
de cuivre, en octaèdres bien nets et mélangés de cuivre métallique. C'est là un pro-
duit accidentel du traitement des minerais de cuivre.
Il En somme, ces laitiers contiennent les mêmes produits et offrent les mêmes par-
ticularités que les laitiers modernes.
v Signalons encore quelques gouttes de métal tombées des fours, avec produits
oxydés noirs, verts et bleus par places, et avec scories périphériques.
(( Fours et creusets, — Aucun de ces instruments de fabrication n'a été retrouvé
entier; mais M. de Morgan en a apporté de nombreux débris. Les fragments des fours
et des creusets, tels qu'ils m'ont été remis, ne se distinguent pas très bien les uns des
i,i:s .\ii:tai;.\ 227
réi'ractaircs. J'ai rcU-ouvé los traces de ces usines à Wadi-Mayhara,
dans la vallée (fig. 592) ; on en rencontre au pied des montagnes de
Serabit-el-Kliadem et dans le Wadi-Nasb où, semble-t-il, fui le sièsre
principal de la métallurgie pour les exploitations du nord.
aulres. Cepciuhuil, d'apros l'oxanien des lames minces, étudiées par M. l^acroix, il
semble que les parois des fours aient été construites de préférence à l'aide de blocs
des grès signalés plus haut; les creusets ayant été fabriqués avec un sable quartzeux,
cimenté par de l'argile. Mais, dans l'état actuel de ces débris, en partie vitrifiés, la
nature des matières originelles est difficile à préciser. C'étaient surtout des grès,
mais avec certaines portions calcaires. Ces échantillons sont en partie compacts, en
partie bulleux et renferment des grains de quartz arrondis et en voie de fusion sur les
bords. Çà et là on retrouve des cristaux de rutile et de zircon, provenant des grès, et
qui ont résisté à l'action des fondants et de la chaleur. Ils sont associés avec des ai-
guilles de pyroxcne ferrugineux et d'anorthite (feldspath Iriclinique, silicate d'alumine
et de chaux), le tout englobé dans un verre incolore, ou jaune foncé (en lames minces).
« Ces divers produits d'ailleurs sont ceux que l'on observe d'ordinaire dans les pro-
duits similaires de l'iudustrie moderne.
« III. — Fragments d'outils. — Les fragments d'outils offreul un intérêt particulier,
car ils représentent les produits incontestables de la fabrication et ils ont été trouvés
dans les restes des habitations des mineurs, à Wadi-Maghara. Ils sont au nombre de
trois.
« I» Pointerolle (fig. 592). — Elle a servi à travailler la roche. Elle est recourbée à son
extrémité eu forme de biseau, et la forme de cette extrémité corresjjond à celle des stries
du rocher. La pointerolle est cassée, à l'extrémité opposée. Le morceau actuel est
long de Sy™", large de iG™"> et son épaisseur, égale à 10™™ dans la masse principale,
diminue peu à peu jusqu'à 3"™, vers le biseau. Cet outil a été fondu, mais peu régu-
lièrement et dans un moule assurément grossier. Il est constitué par du cuivre, ne
contenant pas d'étain en dose sensible; il est fortement arsenical. Je rappellerai que
la présence de l'arsenic durcit le cuivre. Les alchimistes grecs et égyptiens s'en servent
continuellement pour le blanchir. L'origine minéralogique de l'arsenic contenu dans
l'outil actuel et le procédé par lequel il y a été introduit sont obscurs. En elfet, je n'ai
retrouvé d'arsenic ni dans les minéraux (chrysocolle, turquoise, grès imprégnés de
sels de cuivre), ui dans les grès ferrugineux, employés comme fondants. En raison de
ces observations, il est.probable que l'arsenic a été introduit à part dans la fonte de
l'outil, peut-être par une addition de mispickcl; mais cette dernière substance n'a pas
été retrouvée. La patiné est verdàtre et renferme du chlore (atakamite dérivée du
chlorure de sodium des eaux d'infiltration).
« 2° Fragment de burin. — Je désigne sous ce nom uu fragment d'outil, plus petit
que le précédent et moins rouge : il est également cassé. Le fragment est long de
2^mm ; sa largeur varie de 6™" à 4°'°'>5, son épaisseur de l\^™ à 3"". La pointe semble
avoir été taillée à quatre pans : mais elle est émoussée et en partie détruite. Le métal
est très dur. C'est un bronze, très pauvre en étain d ailleurs, et exempt d'arsenic
(à dose appréciable). La patine jaune brun contient du carbonate de chaux, du fer et
un peu de cuivre.
« 3» Aiguille. — Elle est recouverte d'une épaisse patine, formée de carbonate de
chaux el de cuivre. Celte patine se détache aisément par le choc. Il reste une aiguille,
longue de 54™™, et dont le diamètre est voisin de i™". L'axe est plein et métallique.
L'aiguille est munie de son chas. Le métal est tendre, tenace, facile à plier. C'est du
•228 IJ'-.S MI'.TAIX
Les scories qiiou leiiconti'e dans ces localités sont brunes, peu
compactes et renferment de nombreuses grenailles de cuivre. Avec
elles sont souvent des fragments de minerai cru, f|ui par la diversité
cuivre, exempt d'él;iin — l'Iomlj '.' — Il y ;i une pelilL" ([luuililr d'arsenic, avec une
trace imperceptible d'autiiuoiue.
(( La présence de l'arsenic et celle de l'étain, dans certains des uutils, leur absence
dans d'autres, indiquent que les Egyptiens de cette époque reculée savaient déjà mo-
dilier à volonté les propriétés de leurs métaux, par l'introduction de certaines ma-
tières étrangères.
i< M. de Morgan m'a également remis, comme termes de comparaison et produits
dérivés probablement des mines du Sinaï :
« 1° Une couleur verte, en morceaux amorpbes, vitreuse à 1 intérieur, trouvée dans
les tombeaux, à El-"Amrah, près d'Abydos. C'est de la clirysocolle (nom moderne):
« a'^ Deux aiguilles et une épingle, qu'il a ramassées lui-même dans la très ancienne
nécropole (préhistorique ?) de Toukli (entre Tlièbes et Abydos). L'épingle a deux
pointes. Elle est longue de 82"". Le diamètre, patine comprise, est de 2°"" environ.
Elle se rompt aussitôt par la flexion ; ce qui met en évidence un axe central métallique
plein, rouge, brillant, entouré d'abord de protoxyde de cuivre mat, compris lui-même
dans une gaine vord.ître. Jje métal est du cuivre, avec une petite quantité d'étain et une
dose sensible d'arsenic.
« Les deux aiguilles sont munies de leur chas. L'une, longue de 32™", présente une
structure analogue à la précédente. L'autre est longue de 92""", altérée plus profondé-
ment, et également fragile; le cuivre étant changé en partie en protoxyde. La patine
vcrdàtre contient une trace de chlore.
« La structure intérieure de cette aiguille est remarquable. En elTet, l'axe est cana-
liculé : un vide central étant entouré successivement par du cuivre, en grande partie
oxydé, le tout enveloppé de patine. Une semblable disposition, qui ne se retrouve ni
dans l'autre aiguille, ni dans l'épingle, semblerait l'indice de quelque procédé spécial
de fabrication ; par exemple, on a dû fabriquer cette aiguille avec une feuille de métal
enroulée, au lieu d'arrondir une bande découpée dans une lame, au marteau ; car la
lilière était inconnue alors. Le moulage ne s'appliquerait guère à de si petits objets et
d'une telle forme. Le chas est d'assez grande dimension.
(c Le métal de cette aiguille est rouge, constitué par du cuivre, avec un peu d'étain
et une dose sensible d'arsenic : pas de phosphore.
« Ce sont là des alliages pauvres en étain, tels qu'on en rencontre dans les anciens
outils des régions de l'ancien continent et de l'Amérique, où ce dernier métal était
rare et difficile à obtenir.
« En résumé, les minerais de cuivre du Sinaï sont des minerais pauvres et peu
abondants, constitués par des grès, renfermant des silicates et carbonates basiques de
cuivre et des turquoises. Leur récolte devait être pénible et exiger une main-d'œuvre
considérable.
« A ces époques reculées, où les Egyptiens se servaient encore des armes de bois
et do pierre, dont on a retrouvé les restes, le cuivre était un métal rare et précieux,
dont la possession justifiait de semblables travaux. La période postérieure, où se ré-
pandit l'usage du bronze, plus précieux encore, a dû débuter par des temps où l'étain,
apporté de contrées lointaines, était mis en œuvre avec une extrême parcimonie, ainsi
que l'attestent nos échantillons.
« En tout cas, l'extraction du métal se taisait pai' des méthodes semblables à celles
LES MKTAIX
229
do leur iialiii-o pi'dUViMiL ([iie les inoiiidres I'ra<i,-in(',iils éUiicuL mis à
profit et que les ouvriers recueillaient les minerais dans lentes les
parties des gisements.
Les opérations se faisaient au eharbon de bois dont on retrouve
d'abondants morceaux sui- remplacement des usines antiques. Quant
à la forme et aux dimensions des fours, je lu; puis en parler, car les
restes qu'il m'a été donné d'examiner ne présentaient plus de maté-
riaux en place.
La production en cuivre métallique des
mines du Sinaï semble, d'après la teneur
des gisements, d'après Textension des
vides produits par les anciens et aussi
d'après le peu d'importance des scories,
avoir été très faible ; c'est à peine, bien
certainement, si ces exploitations fourni-
rent annuellement quelques tonnes de
métal, quantité insignifiante pour les be-
soins de l'Egypte; aussi devons-nous cher-
cher ailleurs que dans la péninsule Sinaï-
tique l'origine des ressources métalliques
dont disposaient les pharaons. Sans aucun doute, ces mines four-
nirent un appoint dans l'importation du cuivre en Egypte ; mais
si l'on tint à leur possession dans la vallée du Nil, c'est bien pro-
bablement parce qu'elles permettaient d'obtenir du métal quand les
routes de la véritable importation du cuivre se trouvaient coupées.
D'autre part, les turquoises étaient fort estimées des Égyptiens, les
bijoux de Dahchour en font foi, et le Sinaï était la seule région d'où
l'on pouvait les tirer alors; à moins que nous admettions que par le
commerce ces gemmes venaient des mines de Khoraçân, ce qui est
fort possible.
L'exploitation des mines commença dès les temps les plus reculés,
tig. SgS. — Moule pour couler
les lames de bronze (Wadi-
M.ighara). 1/2 grandeur na-
turelle .
que la métallurgie du cuivre a suivies pour les minerais analogues, depuis l'antiquité
jusqu'à ces derniers temps : je veux dire par l'emploi du bois, comme réducteur,
combiné avec celui de fondants siliceux, ferrugineux et calcaires. Ces mines ont été
abandonnées il y a 3ooo ans, à cause de la pauvreté des minerais, de leur raréfaction,
et, sans doute aussi, à cause des difficultés de l'exploitation et des transports dans
une région éloignée de l'Egypte proprement dite. Il n'en est pas moins intéressant de
constater que l'on était arrivé, probablement dès le début de l'exploitation des mines
du Sin.a'i, c'est-à-dire il y a près de 7000 ans, aux procédés suivis jnscju'à nos jours ;
procédés fondés sur un empirisme dont l'origine est facile à concevoir et qui n'exigeaient
la connaissance d'aucune théorie proprement dite, telle que celles qui Iraiisl'ormeul en
ce moment la métallurgie traditionnelle. »
230 LES METAUX
nntérieiiremeiit peut-être à l'arrivée des Egyptiens pharaoniques dans
la vallée du Nil. Les gisements sont d'un accès difficile. Ils ne pré-
sentent pas ces caractères saillants (jui, de prime abord, les font re-
connaître. Il n'est donc pas admissible que ce soit là que pour la pre-
mière fois les Egyptiens aient connu le cuivre, bien plutôt serions-
nous en droit de penser que, possédant déjà des notions précises sur
les gisements cuivreux, ils rencontrèrent ceux du Sinai dans leur
mouvement vers l'ouest et en tirèrent de suite parti, tout comme leurs
ancêtres exploitaient dans leur pays d'origine des mines tle la même
nature.
Quelle que soit l'origine de ces exploitations, il n'en est pas moins
certain qu'elles remontent aux premiers temps de l'Egypte pharaoni-
que, car parmi les stèles qui se sontconservéesjusqu'à nos jours sur
les rochers de Wadi-Maghara et de Serabit-el-Khadem, il en est qui
portent les noms et les titres de souverains des plus anciens.
Le monument le premier en date dont nous ayons connaissance
est une stèle du roi Djézer', pharaon de la IIP dynastie. Cette inscrip-
tion, c|ui survécut jusqu'à ces dernières années, est probablement
aujourd'hui détruite, car je n'ai pu la retrouver. Rien ne prouve
qu'elle soit la première qui fut gravée à l'entrée des mines et l'on est
on droit de supposer que Djézer, comme ses successeurs dont les
noms sont également parvenus jusqu'à nous, ne fit, en exploitantles
gisements du Sinaï, que suivre la tradition laissée par ses prédé-
cesseurs.
Nous ne pouvons, en l'état actuel des mines, que constater la pré-
sence des jalons chronologiques qui n'ont pas été emportés par les
siècles, et Ihistoire du Sinaï, telle que nous pouvons l'écrire aujour-
d'hui, est et sera toujours remplie de lacunes. Il semblerait, d'après
les textes, que l'exploitation ne fut jamais continue, qu'elle corres-
pondit à des besoins intermittents, et cependant nous ne pouvons
nous prononcer, car, je l'ai dit, la plupart des feuillets de ces annales
ont été arrachés, il ne reste plus aujourd'hui que des lambeaux épars
du livre.
I. Djézer [ \^ _"-^ I ost K' plus ancien roi d'Égyple dont nous ayons des
niouumculs ; c'est lui qui conslruisil la pyramide à degrés de Saqqarali. IjO bas-
relief du Wadi-Maghara qui le représente (v. lîhers, Durch Goscil zum Sinaï, p. 56^)
a été découvert parPalnier; le l'oi n'est désigné que par son nom de bannière lu par
M. Bénédite(ifec.rfe Ti-av., XVI, p. io4). Ce pharaon est resté célèbre assez tard pour
que les prêtres de l'époque ptoléma'ique qui gravèrent la stèle des sept années de fa-
ne, à Sehel, aient placé cette tradition sous son règne. — [G, J.]
nu
LES METAUX 231
Snéfrou ' est le second roi doul nous rencontrons lu nom près des
mines ; il fit graver une stèle à Wadi-Maghara au cours d'une expé-
dition ordonnée contre les étrangers'.
Puis vient Choufbu ' qui, également à VVadi-Maghara, laissa deux
I. Snéfrou I ll<r::>^ l , lo prcuiior loi rlr la lY" dynastie (quelques égyplologues
en font le deruier de la III"), doit avoir vécu aux euvirons du xl« siècle avant J.-C. S'il
nous est parvenu fort peu de chose datant de ses prédécesseurs, les monuments
de son règne sont nombreux. On lui attribue la construction de deux pyramides, celle
de Meïdoum et une des deux grandes pyramides de Dahchour ; aux environs de
ces deux monuments ont été trouvés beaucoup de tombeaux des hauts personnages
de sa cour et même des membres de sa famille (v. Pétrie, Mrduiii, et J. de Morgan,
Fouilles à Dahchour, 1895). — La stèle du Wadi-Ma^-hara (Lepsius, JJeii/iiiialrr,
II, 2, a), que nous reproduisons ici (lig. 5g4). le représente massacrant un person-
nage au type sémite très prononcé, qui est certainement un habitant du pays, ancêtre
des Bédouins d'aujourd'hui. Autour du roi sont sculptés ses titres au complet et une
inscription disant : « Il terrasse les peuples étrangers. » Son activité ne s'est sans doute
pas bornée aux mines du Wadi-Maghara, et il doit avoir été le premier roi d'Lgypto
qui ait fait exploiter sur une grande échelle les mines du Sinai, car son souvenir s'est
perpétué longtemps encore dans ce pays, au point que les mines, tant celles de Se-
rabit-el-Khadem que celle du Wadi-Maghara portent encore, à la XII' dynastie, le
nom de mine de Snéfrou j 11 C\ ( Po^ 1 ('''^P^'"'*> •'^'''"'^■'""''■'', H, l'J/, ^'). Au
Wadi-Nasb il doit exister une autre stèle de ce pharaon, sur laquelle nous n'avons
aucun document (Baedeker, Unter .Egypten, p. a4'i). — [G. J.]
3. Les plus anciens monuments du Siua'l nous montrent les habitants du pavs ; le
type sémiledu personnage que le roi va massacrer est fort bien caractérisé. Celaient,
comme aujourd'hui encore, des Arabes, des Bédouins nomades, qui cherchaient à s'op-
poser à l'extension de la puissance égy|iliriiue ; ces nomades, tant ceux-ci que leurs
voisins de Syrie et d'Arabie, sont les Sati ( jT^ *^. f-—^ ) les archers, chez lesquels
Sinouhit, fuyant l'Egypte ù la mort d'Amenemhat 1er, trouve un refuge (papyrus de Ber-
lin, n" I ; sa tiaduction dans Maspero, Conlex populaires, p. yo). Sur les monuments,
nous ne trouvons ce nom de Sitti qu'à partir de la XI1« dynastie; auparavant ils sont
désignés par le terme général de j^^nj , Setou, les peuples étrangers, nii_)td,ius lequel
il faut peut-être voir une simple variante phonétique du mot Sati, ou plutôt une forme
plus ancienne de ce nom. — • Nous rencontrons aussi très souvent celui do Mentoa
ô::::::::^ V\, qui désigne sans doute une des tribus bédouines, celle (|ui occupait cette
région du désert sinaitique et contre les incur-sions de la{[uelle les mineurs ,i\airiit
surtout à se défendre. Presque toutes les stèles nous parlent d'eux ; une si-ule, celle de
Chéops, mentionne une autre peuplade, les Anou [| | | , les habitants des mon-
tagnes, qui étaient probablement une tribu voisine (v. .'i ce sujet Mùller, Asien und
Europa, p. 18-24). — [G. J.]
3. Choufou f,!®_\\ o" [ O ^5?,^^^ J. lo Chéops des Grecs, successeur im-
médiat de Snéfrou, devint bc.uicoup plus célèbre que sou père et de nombreuses légendes
232 LES METAUX
stèles au moins ; dans l'une d'elles il est représenté massacrant les
Anou en face du dieu Thoth.
Sahou-Ra', Ou.ser-en-Ra', Meidcaou Hor^ et Dadkara * sont les sou-
coururenl sur sou compte jusqu'aux plus basses époques de l'empire égyptien. La raison
de celte réputation tient à la conslruction du plus monumental des tombeauxroyaux, la
grande pyi'aniide de Guizeh. Les deux bas-reliefs sculptés l'un à côté de l'autre, sous son
règne, au Wadi-Maghara (v. Lepsius, Denkiiidler, II, 2, i. c, et la photographie dans
l'Ordonnance Survey, reproduite dans Maspero, Histoire ancienne, I, p. 365), ne nous
donnent pas grand renseignement sur lui-même ni sur son activité dans les mines :
l'un de ces deux tableaux ne donne que les titres et noms du roi, tandis que l'autre le
représente massacrant un personnage abaitu devant lui, qui personnifie le peuple des
Anou, par devant le dieu Thoth ; cette peuplade n'esl mentionnée nulle part
ailleurs dans les textes du Siuaï ; c'est probablement une tribu de Bédouins comme
les Menton. M. Mùller (Asien und Europa, p. 22 et 24) en fait des Troglodytes. — [G. J.]
i. Siihou-I{<i \ O ^\ ^> I ''^ second roi de la V" dynastie élépliantiue, monta
^ahou-Ru Çq'^ %> ^
sur le li'ùno tuviron deux cents ans après Chéops, donc vers l'au Syoo avant uotre ère.
11 régna peu de temps et nous a laissé peu de monuments; il fut enseveli dans une des
pyramides d'Abou-Sir. Au Siuaï, son bas-relief (v. flg. og.') et Lepsius, Denkniàler, II,
39 f) le représente trois fois : d'abord debout, tenant à la main le sceptre et la massue,
et portant d'un côté la couronne de la Haute-Egypie, de l'autre celle de la Basse.
Plus loin il lève sa masse d'armes au-dessus de la tèle d'un barbare à demi renversé,
qu'il va massacrer. Cette dernière scène est accompagnée de deux ligues de texte
signiiiant, l'une « Le dieu bon (le roi) frappe les Menlou », l'autre a II subjugue les
peuples étrangers. » Enlre les deux parties du tableau se dresse une enseigne repré-
sentant un chacal, probablement celle de la troupe qui accom])agnait l'expédition
aux mines; c'est la même qui se trouve déjà sur un des bas-reliefs de Chéops, mais
il n'est guère possible de dire à quel dieu elle était dédiée. — [G. J.)
2. Les successeurs immédiats de Sahou-Ra sont très peu connus et n'ont pas laissé
de monuments dans le district miuicr du Siuaï, sauf peut-être Kaka (Ebers, Durch
(iozenzitm Sinai, i/|S). Nous retrouvons an A^ adi-Ma<>hara. au moins un demi-siècle après
Sahou-Ha, le roi Ouscr-en-lid { „v>aaa | ^~~^ 1 ■ aussi nommé sur d'autres mo-
uuuu^uts de son second nom,, 47( 1 U^""*^ J. D'a])rès Manélhon, il régna quarante-
quatre ans; sa pyramide doit être unede celles d'Abou-Sir, ou bien celle d'Abou-Garab ,
Surlebas-reliefque nous avonsde lui au Sina'l, au-dessous des inscriptions qui donnent
tous ses titres, nous le voyons couronné de la mitre blanche de la Haute-Egypte,
massacrant un euuemi renversé : c'est la même scène que sur la stèle de Sahou-Ra, et
elle est accompagnée des mêmes inscriptions (Lepsius, Denkinâler, II, i52 a). — [G. J.]
3. Successeur du précédent. Menkdou-Hor, le Mencheres de Manéthon régna huit
ans ; nous ne savons pas grand'chose de plus sur lui. Le fragment qui nous reste de la
slèle gravée sous son règne du Wadi-Maghara est malheureusement fort incomplet
(Lepsius, Denkmàler, II, 3g, e); après avoir énumcré les titres du roi, 1 inscription
devait parler de l'expédition envoyée par lui aux mines, autant qu on peut en juger
d après les deux mots qu'il eu reste. — [G. J.]
4. Sous ce roi, qui régna plus longtemps et nous a laissé plus de monuments que
LES METAUX
233
C^l
G.J.
Fig. r)Ç)4- — Sièle tiioniphale du roi Snéfrou (IIl^" dynastie), gravée sur les rochers
de Wadi-Magliara (Sinaï). {Dessin d'nprps nature de M. G, Jé/juier.)
Fie;. 595. — Stèle triomphale du roi Sahou-Ka (V^ dynastie), gravée sur les rochers
de Wadi-Maghara (Sinaï). {Dessin d'après nature de M. G. ■/ér/uier.')
234 l'ES METAUX
verains de la V'^ chnastie qui semblent avoir attaché le plus d'impor-
tance aux mines du Sinaï. La VP dynastie n'est représentée que par
Pepi P"-' elPepi II'.
Dès le début, l'activité s'était portée aussi bien sur les gisements
son proiU'cesseur, 1 oxploilalioii îles mines du Wudi-Maghara parait avoir élé mené
sur une plus grande échelle. On y a U-ouvé trois stèles au nom de ce souverain, stèles
qui, comme beaucoup d'autres, doivent avoir disparu aujourd hui. L'une d'elles
(Ebers, Durcli Gosen zuiti Sinnï, p. 147 et îi.5o) portait l'un à côté de l'autre les deux
noms du roi, D(idhar((
( Q%A 1"' -'■'*" ( ll'Tj] j:uneautr.
e malheu-
reusement ti'ès fragmentée (Lepsiu s, 11, Sgf/j.parled une expédiliou royale. La troisième,
|)lus im]iortanle, est datée de la 4^° année du roi (Birch, /Eg. Zeitschrift, 1869, p. 26-
•iy) : en dehors des noms royaux, nous y voyons d'abord une phrase fort obscure qui
|iarail aUribuer la découverte des mines à l'interventioud'un dieu, grâce à une tablette
écrite par lui-même. Le reste de 1 inscri])lion est plus clair : il s'agit d'une expédition
confiée par le roi à un fonclionnaire nommé Khent-Khili-Ankh; la mention d'un bateau
accompagnant les mineurs nous montre qu'ils prenaient à cette époque la voie de
la lier jusqu'à pioximité immédiate des mines. Le chef de l'expédition porte un litre
qui revient très souvent dans les inscriptions trouvées au même endroit, celui de
f
, qui ])arait signifier pilote ou c/ipiliiine de vfiisseaii (v. Brugsch, jUgyptolo-
gir, p. 'iGo). — [(i J.i
I. A parlii- de ce roi. les textes des stèles du Sinaï commencent à être jjlus complets
et à nous donner ipielqucs détails sur les expéditions elles-mêmes. Pepi I"' nous a laissé
du rosie de nombreuses inscriptions en Egypte même; il régna un demi-siècle, vers
!i.")oo avant J.-C ; sous sadomination.les mines furent exploitées avecaclivité, enparliculier
li^s mines d'or du Jl'ddi-nainmniiiat (Lepsius, Di'ttkmâler, II, 1 15), ainsi que les carrières
d'.ilbàtre de Hal-Nouh (Moyeune-Égyple) . L'inscription que nous reproduisons ici
(fig. 596, V. Lepsius, Denkmaler, II, iiG, a) nousreporte à une expédition datant du 8 Me-
sori de l'an 18 de son règne, sous les ordres de deux généraux qui paraissent avoir eu
sous leurs ordres un assez grand nombre d'hommes ; les noms des trois capitaines de
vaisseau et des fonclionuaires civils qui faisaient partie de l'expédition sont gravés au
bas de la stèle, tandis que le haut nous montre les scènes bien connues du roi Pepi-
Meriia terrassant les Menlou et écrasant les peuples étrangers.
3. Fils de Pepi I"^'', Nofeikara Pepi est un des rois qui régnèrent le plus longtemps
sur l'Egypte, une centaine d'années à peu près. Monté fort jeune sur le trône, c'est sa
mère, la reine Ankhs-n-Merira, qui exerça la régence pendant son enfance: tel est au
moins le rôle qu'elle parait jouer dans notre stèle du Wadi-Maghara, datée de l'an 2
du roi (v. lig. .')()-, it Lepsius. Di'iikmiïli'r. II. i[(). n) où elle occupe, avec tous ses
titres d'épouse roy.ile de Pépi l<", mère royale de Pépi II, une place prépondérante à
côté de son fils. Un fait intéressant à noter ici est que les deux rois sont désignés ici non
]iar leurs noms, mais j^ar le nom de leurs pyramides, deux des monuments découverts
il y a quelques années à Saqqarah et dont les inscriptions qui couvrent les chambres
intérieures nous ont donné les plus précieux renseignements sur la religion de l'An-
cien Empire (publiés par M. Maspero dans le Recueil de Trayaux). — Comme pour l'ex-
pédition précédente à la recherche de la turquoise, nous avons dans celle-ci les noms
de tous les fonctionnaires qui y prirent part, entre autres un certain nombre de capi-
taines de vaisseau; le chef était un trésorier royal (?) nommé Htipi. — [G. J.j
T.Ks aii:tau\
235
du nord (jiio sur ceux du sud, los stèles de Sin'ahil-ei-Khadom, de
Wadi-.Xasb et de Wadi-Magliara en font loi; sous le Moyen Empire,
l'exploitation se continua sur toute l'étendue du district. Ouserle-
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Fiif. 5f|6. — Stèle Iriomphalclu roi Pepi I'"'' (VI' dynaslie], çravéesui- los rochors
de Wadi-Maghara (SinaïJ. {Dessin d'après natuie de M. (!. Jéi/i(iei\)
sen P^ Amenemhat II, Amenemhat III et Amenendiat IV sont fré-
quemment mentionnés dans les diverses localités. Quelques mines
furent même ouvertes et entièrement exploitées sous le règne de ces
souverains '.
I. C'est avec le Moyen Empire, on plulôt avec la XII° dyiiaslie. la période la pins
glorieuse et la plus connue du Moyen Empire, que nous trouvons des traces d'une ex-
ploitation régulière des mines à Serabit-el-KIiadem, taudis qu'au Wadi-Maghara le
travail continue, semble-t-il, à être iutermitteut. Dans le premier de ces deux endroits,
la colonie établie commence à ériger un temple dès l'époque d' Oitsertesen 7"' (le
second roi de la Xll" dynastie, vers aSoo av. J.-C); on en a retrouvé quelques débris
dans les constructions restaurées par Menephttih de la XIX" dynastie (v. le plan dresse
par M. Benedite, dans Maspero, Histoire ancienne de l'Orient. I, p. 474)- Sur les hau-
teurs environnantes se dressent encore des stèles très abîmées portant les cartouches
du même pharaon. II semble avoir aussi fait exécuter des travaux au Wadi-Maghara
(Brugsch, Geschichte xEgyptens, p, i32). — Sous son successeur Amenemhat II. une
grande mine fut ouverte à Serabit-el-Khadem, ainsi que le prouvent deux inscriptions,
encore inédites, datées, l'une de l'an 7, l'autre de l'an •>.\ de son règne. — Si nous n'a-
vons au Sina'i aucun document sur les travaux qu'ont pu y faire exécuter Oitsertesen II
et Ouserlesen III. l'aclivité paraît avoir été très grande sous le règne A' Anieneiiihiit III.
236 LES METAUX
Au Nouvel Empire, après l'expulsion des Pasteurs, les travaux
-ê -t ^
G.J
Fig. 5f,7.
— Slèle du roi Pcpi II (YI= dynasiie), gravée sur les rochers de Wodi-
Maghara (Sinaï). [Dessin d'après nature de M. G. Jéquier.)
à en jugei'par le nombre considérable d'insciiplions de ceUe époque qu'on ya(rouvées.
Dès le commenccmenl de sou règne, les liauls fonclionnaires chargés de la direction
des mines firent agrandir le temple de Serabil-el-Khadem et creuser le sanctuaire dans
le rocher (le pilier qui se trouve au centre de cet hypogée, daté de l'an 2, est repro-
duit dans Lepsius, Denkinâler, II, iSy, a) ; ils dressèrent tout autour de hautes stèles
dont la plupart sont encore debout, sorte de stèles votives disant parfois quelques
mots de leur mission, mais ne renfermant le plus souvent que des formules funéraires
adressées aux divinités protectrices du pays, spécialement Hathor de Mafkat et Sopd.
l'iiisiiurs stèles gravées sur le rocher se trouvent au même endroit, à côté d'ouvertures
de miiies, datant des années 44 <-'t 45' '■'' pli"* importante est celle qui a été sculptée
par le chef du cabinet secret ( ^^\ '\rT[' Il ) Soltoh-ltcr-keh à l'entrée de la mine d'A-
nienemhat 11 {ChanipoUion, Notices descriptives, II, G;|i ; la traduction dans Palnier,
Sinai, ro3). C'est en effet ce litre de chef de cabinet que portent les directeurs des
mines, employés supérieurs du trésor royal ; nous le retrouvons dans les cinq stèles
gravées sous le même roi au ^Yadi-Maghara (Lepsius, Denkmiiler, II, iSy, c, f, g, h, i),
dont la plus iutéressaute, datée de l'an 2, parle d'une expédition de y34 hommes à
la recherche de turquoises et de cuivre, sous la direction du chef de cabinet hhent-
/.liiti -hiilrp. — Sous le dernier roi de la dynaslic-, .liiieiii'iiilitit IV, les travaux furent
LES METAUX 237
l'urent repris. Hatasou et Tlioiilinos III o;ravrreiil leurs noms à Wadi-
Maghara. Ranisès II, Setnekht, Uaiiisès lll el Ramsès IV avaient aussi
leurs stèles près des mines '.
Quelques établissements lixes avaient, dès le début, été Ibndés au
Sinaï : l'un, à Serabit-el-Khadem, possédait son temple, dont le sanc-
tuaire, creusé sous le Moyen Empire, avait été complété plus tard et
orné de stèles rappelant les diverses expéditions dirigées par les
pharaons vers le pays de Mafek.
A Wadi-Maghara, une colline abrupte avait été fortifiée et renfer-
mait les halîitations des ouvriers. Çà et là, près des mines les plus
productives, on avait (construit les usines.
Les difficultés d'exploitation étaient accrues encore par la nature
aride du pays et par le voisinage dangereux des nomades Sati et
Menti, contre lesquels les rois durent sans cesse guerroyer. Aussi les
travaux ne furent-ils pas menés avec continuité, et si nous en
croyons les textes qui sont parvenus jusqu'à nous, furent-ils fréquem-
ment abandonnés pour être repris ensuite.
poursuivis avec la luème activité ; trois stèles sont datées des années 6 et y de son règne
au Wadi-Maghara (I>e2isius, Den/siiiàlcr, II, iSy «, e; i4o. "), tandis qu'on continuait,
à Serabit-el-Kliadcm, à orner le petit temple de ces hautes stèles qui lui donnent un
aspect si particulier. — [G. J.]
I. Ce n'est qu'avec la XYlIIe dynastie (de 1700 à i^oo environ) que nous retrou-
vons des traces de l'exploitation des mines, mais les travaux semblent avoir été menés
avec beaucoup moins d'ardeur qu'à la (in de la Xlle dynastie. Serabit-el-Khadem fut
de nouveau occupé par une colonie dont les chefs tinrent à honneur d'agrandir et d'or-
ner le temple, comaie leui's prédécesseurs, dès le règne de Thoutmès III, sous lequel
plusieurs salles nouvelles furent construites et ornées de grandes stèles, comme ou avait
1 habitude de le faire au Moyen Empire à cet endroit. Une stèle de lui est aussi gravée
sur un rocher, près des mines. Sous Aiucnliutcp II. son successeur, une salle nouvelle
fut bâtie et ornée de colonnes à chapiteaux hatliorieus, et on en termina deux autres
commencées sous le règne précédent. Toutes ces chambres sont presque complètement
en ruines maintenant. Dès ce moment la construction du temple est presque achevée
et sous les rois suiv.inls on ne fit guère que d'ajouter quelques stèles et de faire quel-
ques bâtisses de peu d'importance pour réunir en un tout homogène ce qui existait déjà.
Nous trouvons ainsi les noms de Thoutmès IV et d'Amenholep ///.puis, plus tard, après
les rois hérétiques qui n'ont laissé aucune trace au Siuai, les grands rois delà XIXo dy-
nastie, Séti I"' et Ranisès II, ainsi que Menophtnh, et enûn, sous la XX°, Ramsès IV
et Ramsès VI. Ce roi est le dernier dont nous ayons des documents monumentaux
dans la région minière du Sinaï. — Au Wadi-Maghara, les mines devaient être à peu
près épuisées, car c'est à peine si nous y voyons deux stèles de cette époque, l'une
du règne commun à' Hatasou et de Thoutmès III, l'autre de Ramsès II. — Toutes ces
inscriptions, tant à ^Yadi-Magharah qu'à Serabit-el-Khadem, ne nous donnent aucun
détail sur le mode d'exploitation; elles nous disent les noms des chefs des travaux,
avec des formules religieuses pour rendre propices à ceux-ci les dieux du pays. —
[G. J.]
238 I,ES MÉTAUX
Ramsès IX ' est le dernier souverain mentionné dans les textes du
Sinai et les mines semblent avoir été définitivement abandonnées sous
la XX" dynastie. Vers le xie siècle avant J.-C, les pharaons venaient
d'étendre leur domination sur la majeure partie de l'Asie antérieure
et de l'Afrique ; d'autres gisements plus avantageusement exploitables
s'offraient dès lors aux Égyptiens, les voies commerciales étaient
ouvertes et d'énormes quantités de métal s'étaient entassées dans les
arsenaux à la suite des campagnes à l'étranger.
Mais, je l'ai dit, les gisements du Sinaï ne fournirent jamais à
l'Egypte une quantité de cuivre répondant aux jjesoins de sa consom-
mation; l'étranger envoyait le métal dans la vallée du Nil et tout porte
à croire que c'est de l'Asie que les premiers Egyptiens tirèrent la
majeure partie du cuivre dont ils faisaient usage; mais si le cuivre ne
nous fournit que des indications très vagues au sujet des relations
commerciales de l'Egypte, du moins l'étain qu'on rencontre employé
dans les alliages de la 111° dynastie prouve-t-il d'une manière certaine,
par sa présence, que les Egyptiens entretenaient avec l'Asie des re-
lations très suivies.
J'ai exposé dans un autre ouvrage^ qu'en ce qui concerne l'inven-
tion du bronze, c'est vers l'Asie centrale, vers la Chine méridionale,
que nous devons tourner nos regards pour trouver le véritable foyer.
Je ne reviendrai pas ici sur cette question, me contentant de faire
remarquer l'impossibilité dans laquelle se trouvèrent les Egyptiens
des premiers âges de recevoir l'étain de l'Espagne, de l'Angleterre,
de l'Europe centrale, de Malacca ou des régions du Gap de Bonne-
Espérance.
Au cinquantième siècle avant notre ère, les métaux n'étaient pas
encore apparus dans ces divers pays, alors que l'Egypte et la Chaldée
les connaissaient déjà: ces deux peuples, qui dans leurs débuts présen-
tent tant de caractères communs et qui paraissent avoir été liés par une
communauté d'origine, étaient alors les seuls détenteurs de la civili-
sation. Ils communiquaient forcément entre eux, bien que les pays où
ils s'étaient fixés fussent éloignés. Us entretenaient aussi des relations
avec les foyers dont la civilisation leur était parvenue avec les métaux.
Malheureusement les régions traversées par ces courants primitifs
sont encore trop peu étudiées. Entre l'Egypte que nous commençons
à connaître et la Chaldée s'étendent les déserts d'Arabie et des pays
plus riches que le fanatisme musulman empêche d'explorer. LaChaldée
1. Le nom de Ramsès IX a été renconlré sur un vase provenant du temple (H.
Spencer Palmer, Sinaï, 1892, p. 106).
2, J. de Morgan, Recherches sur les origines des peuples du Caucase (1889).
LRS MF.TAI'X
239
ello-môme, l'Elam sont fort peu comiiis an ])oint do vue archéolof-^ique,
la Perse, l'Aff^hanislan, le Pamir, l'yVsie centrale, la Chine sont toujours
les pays du mystère ; aussi ne pouvons-nous qu'esquisser à grands
traits les premiers pas de l'humanilé vers cette civilisation qui, après
des milliei's d'années hors d'Egypte et dans la vallée du Nil, se répan-
dit sur le monde entier.
L'étude des origines égyptiennes touche à tous les problèmes des
débuts du genrehumain. La plupartdes questions restent sans solution
par suite de l'insuflisance de nos connaissances. J'espère cependant
avoir, dans ce volume, présenté un grand nombre de documents
inédits, de considérations nouvelles; avoir ouvert une voie jusqu'ici
inexplorée et si mon travail doit unjour être rectifié sur bien des points,
du moins puis-je conserver l'espoir qu'il aura fait faire un pas à la
science, en posant franchement la question des origines. Les docu-
ments sont nombreux, tant dans les textes hiérogivphiques que dans
les observations archéologiques faites par les divers savants. La terre
du Nil renferme encore bien des trésors scientifiques et chacjue jour
apporte de nouvelles découvertes. Il est à souhaiter que ceux qui,
chaque année, viennent explorer l'Egypte recueillent les documents
avec une précision qui jusqu'ici a souvent fait défaut; car en ce qui
concerne les origines, c'est uniquement à l'aide de faits en apparence
insignifiants qu'on parviendra aux vues d'ensemble, aux conclusions
générales.
Kig 5gS. — Cercle de piei-res tGebel-Genamieli dans le désci-l ù l'est d'Edt'ou).
(Desxiri d'après nature de M. G. Legrain.)
APPENDICE
Note sur les squelettes d'El-'Amrah.
Par m. le D' FOUOUET.
Parmi les découvertes résultant des fouilles exécutées par M. de Mor-
gan d'abord et M. Amélineau ensuite dans la nécropole d'El-'Amrah
se trouvent vingt squelettes qui ont été envoyés au Musée de
Guizeh. M. de Morgan, directeur général du Service des Antiquités
en Egypte, m'écrivit, dans les premiers jours d'avril, en me priant de
les étudier et de rédiger une note de mes observations. Je me mis
aussitôt à l'œuvre, consacrant à ces attrayantes recherches anthropo-
logiques mes rares instants de libei'té. Malheureusement, l'épidémie
cholérique survint, j'ai dû interrompre mon travail et quand, tout
dernièrement, j'ai pu le reprendre, talonné par les délais qui m'é-
taient accordés', j'ai restreint mes observations aux seuls squelettes
qui étaient dans un suffisant état de conservation et ne nécessitaient
pas trop de réparations préalables pour recoller les pièces plus ou
moins brisées, soit au moment des fouilles, soit dans le transport. —
Je dois pourtant rendre justice à M. Amélineau, de loyaux efforts
avaient été faits pour obtenir de bons résultats. Cha(|ue squelette avait
sa caisse spéciale et les os étaient séparés par des lits de coton, mais
les ossements, vieux de plusieurs milliers d'années, sont souvent bien
friables et les Egyptiens chargés de porter les caisses sont toujours
très négligents. En résumé, sur vingt caisses, dont dix neuf seule-
ment contenaient des ossements humains (la vingtième renfermait
242 APPENDICE
une amphore brisée dans laquelle se trouvaient des os d'un mammi-
fère, très probablement une gazelle), j'ai pu mettre de côté, pour les
mesurer, onze squelettes qui l'ont l'objet de cette étude préliminaire.
Le sujet me semble d'une telle importance que j'espère bien y re-
venir, reprendre un jour les fragments et ne laisser de côté aucune
pièce capable de fournir un renseignement utile.
J'ai vivement regretté qu'un nettoyage un peu trop exact des os
et des crânes m'ait fait perdre des renseignements qui eussent été
de la plus grande importance pour me fournir des éclaircissements :
sur le mode de sépulture; les procédés de conservation quand il y en
avait eu d'employés; sur la race des sujets, par l'examen des cheveux,
de la peau, etc. ; — sur lépoque, grâce aux débris de toiles, de cor-
des, etc. — Quoi qu'il en soit, réduit à l'examen des os tels qu'on
me les a remis, je me suis forcé d'être exact. Trop heureux si je puis
intéresser quelques-uns de ceux (|ui consacrent leur vie à la difficile
et attachante étude de l'anthropologie, souhaitant bien sincèrement
qu'il leur prenne un jour l'envie de continuer ou de refaire ce travail
à peine ébauché, tout prêt à reconnaître mes erreurs et à renier mes
hérésies (|uand elles me seront démontrées. Je m'efforce d'ailleurs
d'éviter, autant que possible, de recourir aux hypothèses, me conten-
tant des constatations et des faits contrôlables. Presque dépourvu
de bilîliothèque spéciale, absolument privé de collections de compa-
raison et surtout n'étant pas moi-même un spécialiste, ma conduite
m'était, à ce point de vue, toute tracée. — Faute de place pour faire
un triage et une mise en place complète des différents squelettes
pour les classer d'emblée par catégories, j'ai ouvert, au hasard, les
caisses les unes après les autres, mettant sur chacune un numéro cor-
respondant à la fiche d'étude. — Mes remarques faites, les os étaient
replacés dans la caisse, sauf le crâne numéroté, lui aussi, avec soin et
mis à part dans une armoire, autant pour lui éviter de nouvelles
chances de brisures, que pour me permettre de 1^ comparer avec ses
voisins.
Avant l'hiver, ces crânes et les principaux ossements, les pièces
remarquables, seront exposés au Musée de Guizeh dans les salles
d'anthropologie en voie de formation.
Pour les mesures j'ai, suivant les instructions de la Société d'an-
throj)ologie, employé la planche osléométrique de Broca pour les os
longs, le compas d'épaisseur pour les diamètres du crâne, le compas
glissière pour les petits diamètres (orbites, trou occipital, nez, palais,
etc.), et le ruban métrique pour les courl^es.
Pour le choix des points de repère, je me suis efforcé de me
conformer aux instructions fournies par les excellents articles de
APPENDICE 2i3
M. !\Iaiioiivrier dans le Dictionnaire des sciences anthropologiques
de Berlillon, Goiidereau, etc. Les mesures ont été groupées en
tableaux pour en faciliter la lecture. J'ai aussi placé, en regard de
la série des indices cépiudiqucs de mes onze sujets, les moyennes
fournies ])ar des crânes égyptiens d(î différentes époques et de
diverses j)rovenances.
Six dessins aideront le lecteur à se l'airtî une idée des principales
pièces. Ces figures ont été exécutées à la plume par M. Ricordi,
avec une grande sincérité, d'après les piiotographies que je dois à
l'obligeance et au talent de mon excellent ami Jéquier, membre de
la Mission archéologique au Caire. .Je le prie d'agréer tous mes remer-
cîments.
vVprès les tableaux qui donnent une vue d'ensemble, j'ai fait une
description sommaire, mais aussi exacte que j'ai pu, de chacun des
squelettes, en m'arrètant surtout à l'analyse des crânes dont l'étude
importe avant tout pour déterminer la l'ace. Dans un dernier paragra-
phe, pour éviter des redites, j'ai groupé quelques remartiues com-
munes à plusieurs des sujets composant la série.
Le lecteur trouvera peut-(Mi'e que j'ai beaucoup trop insisté sur des
particidarités tle minime importance, telles que les lésions traumati-
ques et pathologiques. Je pouvais d'autant moins les passer sous si-
lence que la plus commune d'entre elles, celle que j'ai notée le plus
grand nombre de fois, la périostite alvéolo-dentaire, a été indiquée
par Pruner comme un des caractères accessoires de la race égyp-
tienne.
Je ne crois point que l'on puisse, de ce fait, tirer une objection sé-
rieusebienqueje tende àconsidérerlessqueleltes d'El-'Amrah comme
n'appartenant pas, pour la plupart, à la race égyptienne. C'est en effet
le milieu et le régime alimentaire qu'il faut incriminer ici. Quinze an-
nées de pratique médicale au Caire m'ont appris que cette affection
est pour le moins aussi commune chez les étrangers de toutes les ra-
ces, fixés en Egypte, que chez les Egyptiens.
J'ai été aussi très frappé du nombre des lésions traumatiques qui
semblent indiquer des hommes l^eaucoup plus belliqueux que ne le
furent les nombreux Égyptiens, de toutes les époques, ([ue j'ai eu
l'occasion d'examiner en dix années de recherches portant sur |)lus
de deux cents sujets.
Je ne puis terminer ce chapitre sans adresser tous mes remercî-
ments à M. de Morgan, directeur du Service des Antiquités, qui
a bien voulu me confier, après les crânes historiques de Dahchour,
l'étrange série d El-'Amrali.
APPENDICE
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Squelette il'mi adolescent dont les épipli^'ses des os longs ne sont
pas encore soutlées.
Beaucoup de parties manquent ou sont écrasées. Le crâne est
incomplet. La partie écailleuse du temporal, l'os maiaire, la branche
montante du maxillaire supérieur oanche ont disparu. L'arcade zygo-
matique droite est brisée.
Malgré le jeune âge, le crâne, symétrique, est bien développé. Les
dentelures des sutures sont très compliquées.
Pas d'os ^^ormiens, ni d'anomalies anatomiques.
Inion lisse, insertions musculaires peu marquées. Il en est de
même dans la fosse temporale qui, peu profonde, s'étend en arrière
jusqu'à la région mastoïdienne. — Saillies de la glabelle et des arca-
des sourcilières peu marquées. Ptérion articulé avec le pariétal' sur
une longueur de 0"',010.
Le plan du trou occipital aboutit, à la face, à 0"',00.5 au-dessus de
l'épine nasale.
AIMTXDICK 219
Le IVonI est dioil, lisse, sans l)osseliires.
La coui-bo oranioiino, régiiliri-i', altiMiil son point culrninnnl au
breiiina; elle pri-sentc aussitôt aprrs une trôs li-gèro dépression, puis
se iM'gularise jus(|u'à la sulure lambdoïclo qui l'ait une légère saillie.
La voûte tend vers l'ogive.
Lacourl)ure |)ostérieui'e forme une saillie globuleuse peu aoeenluée.
La courbure sous-iniaque est assez prononcée pour que les (;on-
dyles et les apophyses niastoïdes ne puissent pas loucher la table sur
laquelle le crâne est posé.
Les apophyses mastoïdes sont peu développées.
Face. — Os malaire peu saillant, rejeté en arrière. — Les os propres
du nez sont jjresque droits, articulés sous un angle aigu. — Il existe
un léger prognathisme du maxillaire supérieur et des dents; orthogna-
thisme complet du maxillaire intérieur.
Le menton est légèrement proéminent. Denture absolument com-
plète, sans aucune carie dentaire.
.\u maxillaire supérieur, les dents sont très rég:ulièrement rano-ées •
au maxillaire inférieur la première incisive droite fait saillie en avant.
Non seulement il n"y a pas de perforation de l'ethmoïde, mais encore
les cornets sont intacts, d'une régularité rare, volumineux et sans
aucune déviation de la cloison. La face, détériorée à droite, semble,
malgré cela, absolument symétrique.
Le squelette est léger et friable, très incomplètement conservé,
sans traces d'embaumement. — Sur le côté droit de la face et du
crâne, on observe des taches l)rnnes, résidus des masses charnues
qui se sont lentement détruites.
De nombreux cristaux de chlorure de sodium, assez volumineux,
atteignant souvent 0™,00lj de hauteur sur une largeur an moins égale,
hérissent la surface des os.
Les dents sont usées comme chez un homme de vingt-cin(| à vingt-
sept ans, sans doute à cause du mode d'alimentation.
Malgré cela, l'examen des sutures du crâne, le manque de consoli-
dation de toutes les extrémités supérieures des os longs me portent
à attribuer au sujet vingt-un à vingt-deux ans. — Aux deux hunK'rus
les cavités olécraniennes sont perforées; la droite surtout.
N" 2.
Squelette de femme. — Crâne sans déformation. — Complet et bien
conservé. La moitié droite du maxillaire inférieur manque; brisée
récemment, elle n'a pas été retrouvée dans la caisse.
250 APPENDICE
Dissyméirie très marcjiiée de la boîte crânienne, le pariétal droit
étant beaucoup plus développé que le gauche à sa partie postérieure
et l'occipital formant, du côté gauche, une saillie très nette depuis la
suture lambdoïde jusqu'au trou occipital. Lorsque les deux condyles
reposent sur le plan de la table, la tête penche fortement vers la
droite, la deuxième molaire droite se trouve sur le même plan que
les condyles, la molaire correspondante gauche est à une hauteur de
0'»,0()0. '
La glabelle ne forme qu'une dépression peu marquée. Les arcades
sourcilières sont légèrement saillantes, le front bas, plutôt fuyant, la
courbe médiane se continue sans aucune dépression. — Les fosses
temporales sont peu profondes. — Les insertions musculaires à peine
marquées, L'inion ne fait pas de saillie.
La synostose est nettement faite au niveau de l'obélion, sur
plusieurs points de la suture lambdoïde, ainsi qu'aux extrémités de
la coronale, mais n'est pas faite au niveau du bregma.
L'apophyse styloïde, de chaque côté, est volumineuse et longue-
Bien que les dents soient relativement peu usées et saines, on doit
attribuer au sujet cinquante ans.
Face. — Légèrement aplatie, asymétrique. Le nez un peu camus, les
os propres soudés à angle obtus. La cloison est déviée à gauche. Le
cornet moyen droit est très hypertrophié. L'orifice de la cavité est
ovale, plus long de O^.OOS à droite qu'à gauche, la hauteur étant la
même des deux côtés. Le plan du trou occipital vient aboutir à la lace
à 0«,004 au-dessous de l'épine nasale
Prognathisme du maxillaire supérieur — qui n'existe pas à l'infé-
rieur. — Les dents sont petites, bien rangées, à usure plate. Les inci-
sives sont aplaties. Les troisièmes molaires (dents de sagesse)
manquent depuis longtemps. On ne voit aucune trace d'absorption
des alvéoles au niveau des autres dents. Le menton est légèrement
saillant. Aucune trace d'embaumement. Nombreux cristaux de chlo-
rure de sodium du côté droit seulement.
N° 3 (Fig. 599 et GOO).
Squelette d'homme. — Le crAne et l'ensemble des os sont très re-
marquables à plus d'un point de vue.
On ne trouve plus, comme dans les squelettes précédents, de
dépôts de cristaux de sel marin.
Le corps était desséché et, malgré le nettoyage fâcheux qu'il a
subi, on voit encore par places des fragments de peau et de mem-
branes l)runis par le temps et sur lesquels se trouvent épars quelques
APPENDICE
251
cheveux blancs, lins cl dioils, (|ni lonihent en poussière au moindre
contact. — L'examen attentif l'ait reconnaître sur la peau des fragments
(le matières végétales finement pulvérisées et mélangée à des résines
dont l'odeur est encore apjU'éciahle. — Malgré toutes mes recherches,
je n'ai pu retrouver aucun vestige de bandelettes. |{ien (pi'il soit
vide, le cr;\ne est lourd et massif. Sans délbrnuilions |)atli()logi(pies.
Il existe du côté droit, en arrière de l'apopliyse masloide, un petites
wormien de O^iOlO de large sur 0"", 012 de long.
Le trou pariétal existe à gauche, presque oblit(>ré; il n'existe pas à
droite.
Les sutures c/'t/ ii ieiuics présentent des dentelures très compliquées
dans les points où elles sont encore visibles. La synostose est corn-
T^'T-
Fig. Sgo et Hoo, — Crâne du squeleUe d'homme N° 3 (EI-'Amrali).
plète dans toute la longueur de la suture sagittale et dans la presque
totalité de la suture lambdoïde. Les côtés du frontal, la partie pos-
térieure des temporaux sont envoie d'ossification. L'aile du sphé-
noïde s'articule directement avec le temporal sur une longueur
de 0°',009. Le plan du trou occipital aboutit à la face au niveau de
l'extrémité inférieure des os propres du nez, c'est-à-dire ici à 0",036
au dessus de l'épine nasale.
Les parois latérales du crâne sont légèrement bombées (fig. 600).
La fosse temporale est très étendue bordée par un relief osseux ac-
centué à la partie antérieure. Toutes les insertions musculaires sont
252 APPENDICE
extrêmement marquées. La saillie de la glabelle et celle des arcades
sotircilières. dans leur moitié interne, est très forte (fig. GOO).
Le front est bas, un peu fuyant. Après le bregma on observe une
légère dépression, puis la courbe se continue, régulière, jusqu'à la
ligne courbe supérieure au dessous de laquelle les insertions mus-
culaires sont marquées par une forte dépression. La ligne courbe
inférieure est rude, mamelonnée. A cette hauteur la courbure sous-
iiiiaque fait une saillie qui empêche les condyles de poser siu" le
plan de la table dont ils sont distants de 0°.010.
Pacr. — Les os malaires sont bien développés, faisant une légère
saillie. Les os propres du nez (fig. ."199 et (')00) sont adossés sous
un ane-le très aigu. Ils se détachent du front suivant une courbe
très marquée. — La cloison du nez est verticale, les cornets bien
développés sont encore recouverts en partie de la muqueuse des-
séchée. — L'épine nasale est saillante. — Les orbites sont vastes et
affectentla forme d'un quadrilatère aux angles arrondis.
Les dents incisives fortes et obliquement portées en avant ont été
malheureusement cassées pendant le voyage.
Tja canine supérieure droite est saillante et nue, l'alvéole ayant été
résorbé dans presque loute sa hauteur. Les bords alvéolaires portent
dans Iciute leur étendue des traces très manifestes de périostite avec
exostoses nombreuses. Il existe au maxillaire inférieur, à la place
des incisives, une destruction complète du l)ord antérieur de l'al-
véole par suite d'abcès.
Les molaires, au complet, sont creusées en forme de cuvette, sauf
en bas et à droite. Presque toute l'épaisseur de la couronne est usée.
Au niveau de la deuxième petite molaire inférieure gauche, à ()'",00^
au dessus du trou du nerf, on voit l'orifice d'un abcès alvéolo-den-
taire.
Par l'examen des sutures crâniennes et des dents on doit attriijuer
au sujet l'âge de soixante-cinq à soixante-dix ans.
licinarqiies sur le sqiicletip. — Le fémur, dans ses trois cinquièmes
supérieurs, porte une énorme ligne âpre très rugueuse, s'étalant en
deux lignes parallèles (jui tendent à former un pilastre large, épais,
rugueux.
heti/ji'r/, sur sa face postérieure, présente une ligne rugueuse, obli
que, débutant à 0^,03 au dessous de l'articulation du péroné et rejoi-
gnant le bord interne au niveau du trou nourricier au dessous duquel
elle va en s'efTacant. Sa hauteur maxima est de 0"',004 et sa largeur
de 0™,00.5,5.
Le sternum, complètement ossifié, présente une longueur maxima
de 0'",l'i.''); à sa base, du côté gauche, il est développé obliquement de
Ari'i:.\i)[Ci-; 25:!
l'ncnii ;i coiiiixMiser le rjian([iie de longueur de la claviciiU;. (^et os, en
effet, présente à son tiers externe un épaississement, Iraee d'une an-
cienne fi-aetiire.
ViOinopldtc présente une lénèlie ovale près du bord supérieur à la
base de Tapophyse coraooïde.
Le cubitus a l'apophyse styloïde grêle longue de O^jOl.'] et retournée
en forme de crochet. Le rpiart supéricui- est incurvé. Au tiers infé-
rieur il présente une fracture vicieusement consolidée, dans laqutdle
le fragment inférieur fnil une saillie de 0"',()0r) au dessus dn cal volu-
mineux, affectant une l'orme olivaire.
Le sacrujn mesure 0"',111 de longueur maxima, l'eflritement de
ses bords n'a pas permis de prendre sa largeur maxima.
Le tibia, très platycnémique, a pour indice .'S5,0i!.
N°4.
Squelette d'un adolescent.
Le crâne et la face sont les seules parties en état de conservation
suffisant pour cpie r(''tude en puisse être faite. Sur toute la surface on
observe des cristaux fins de sel, et l'imprégnation était telle que les
cristaux nouveaux, en se formant depuis que le sujet a été retiré de
la terre, font sauter en plusieurs points la table externe de l'os. —
Aucune trace d'embaumement. — Le fond des orbites, l'arcade zvgo-
matique gauche, un partie de ptérion du même côté, la moitié droite
de la voûte palatine et le bord dentaire droit manquent. — Pas d'os
wormiens; le crâne est régulièrement développé.
A O^.Oi de la ligne médiane, à 0"', 056 de l'arcade sourcilière gauche,
on ol)serve une dépression ovale légèrement oblique de dehors en
dedans et de bas en haut, intéressant la table externe de l'os et une
partie du diploé. Il s'agit évidemment d'une perte de substance due
à un coup ou à une. nécrose en voie de réparation au moment de la
mort du sujet.
La glabelle est bombée, les arcades sourcilières peu marquées.
Le front droit, un peu étroit, sans dépression sur aucun point; il suit
une courbe régulièrement ascendante jusqu'à la suture fronto-parié-
tale. A partir de ce point la courbe se continue avec une régularité
parfaite jusqu'à la suture lambdoïde. Le lambda l'orme un renllenient
léger. — L'inion a une saillie à peine marquée.
Le trou occipital est petit, mais les condyles sont larges et peu sail-
lants. — Les apophyses mastoïdes sont fortes.
Les parois du crâne sont légèrement renflées. Il existe, de chaque
25i APPENDICE
côté, dans l'angle du pariétal, au-dessus du Ijurd de la grande aile du
sphénoïde, un trou de O^jOOS de diamètre. Le ptérion s'articule direc-
tement avec le pariétal, presque horizontalement, sur une longueur de
0'",012 à gauche et de 0'",015 à droite. Le plan du trou occipital vient
aboutir juste au niveau de l'épine nasale.
Les sutures du crâne ne sont pas encore très formées; elles sont
relativement simples dans la sagittale, plus compliquées sur les autres
points.
La /«ce, avec les mutilations déjà mentionnées, a beaucoup pei'du
de ses caractères importants. — Les os malaires sont un peu saillants.
L'échancrure du nez est faiblement marquée. Les os propres sont
adossés suivant un angle aigu. — La cloison et les cornets manquent.
Les orbites sont rectangulaires avecles angles arrondis. — Des dents,
il ne reste que cinq du côté gauche, les deux petites et les deux
grosses molaires sans aucune usure, et la troisième grosse molaire
encore incluse dans l'alvéole, mais prête à faire son évolution. On
peut attribuer au sujet l'âge de dix-huit à vingt ans.
Sur le front il existe, tout près de l'orbite, une perte de substance
de l'os moins régulière que celle déjà décrite plus haut : elle semble
de même nature.
N" 5 (Fig. r,()l).
Squelette d'homme, mauvais état de conservation.
Pas de traces de sel. — Les os, en plusieurs points et surtout ceu x
du crâne, du côté droit, sont tachés en brun.
Le crâne, séparé de la face, n'est même pas complet. Une partie du
sphénoïde, l'apophj'sebasilaire, le corpsderoccipital,lamoitié antéro-
supérieure du temporal droit manquent, les os sont légers et friables.
Ce qui reste est encore fort intéressant et mérite d'être conservé,
car ce crâne, par ses grandes lignes, diffère absolument de ce que
l'on rencontre en Egypte habituellement.
On n'observe ni anomalies anatomiques, ni déformation artificielle.
Il existe une certaine dissymétrie, la bosse pariétale droite étant
plus saillante et la partie gauche de la région lambdoïde plus déve-
loppée.
Les sutures sont très compliquées même au niveau du frontal,
principalement sur les côtés, mais la complication des dentelures
atteint son maximum au niveau de la suture lambdoïde. — La fosse
temporale est peu profonde, mais très étendue en longueur. Dans
APPENDICE
255
cette région la paroi du crâne est ixMnhét? à droite, aplatie à gauche.
La glabelle est également plate, les arcades sonrcilières un peu sail-
lantes; en dessus d'elles un sillon traverse le front. Tjcs bosses fron-
tales sont peu marquées, la partie verticale du (Vont est peu élevée.
Du niveau des bosses frontales, juscju'à la partie moyenncï de la su-
ture sagittale, la courbe s'élève en suivant une marche régulière et
redescend ensuite en pente rapide jusqu'au lamljda. L'écaillé de l'oc-
cipital est bombée. L'inion présente une série de petits tubercules os-
seux au niveau des insertions musculaires. La partie postérieure de
la suture sagittale présente une synostose complète. — La soudure
est très avancée à la suture lambdoïde, commence sur les côtés du
Fig. fioi. — Crnne du squeleUe d'iioninip N° 5 (El-'Aiiirah).
frontal, débute môme sur les temporaux. Grâce à cet état des su-
tures et aux quelques signes relevés sur les fi'agments des maxil-
laires dont les dents molaires sont creusées en cuvette dans toute l'é-
paisseur de l'émail, on doit attribuer au sujet soixante-cinq ans au
moins. L'intérieur' du crâne, presque vide, contenait seulement des
traces de sable fin.
Les quelques fragments des deux maxillaires que j'ai pu recueillir
indiquent qu'il n'y avait pas de prognathisme.
Le tibia a pour indice 71,82; il est très loin de la platycnémie. La
taille du sujet est tout à fait exceptionnelle : c'est la plus élevée que
j'aie jusqu'à ce jour rencontrée sur une momie'. Le crâne, dont
la face est malheureusement brisée et les parties du squelette qui
restent, sont d'une rare élégance.
I. Voir T.nblpiiu IV, p. :>.4~.
2r,(;
APPENDICE
N 6
Fig.
602).
Squelette d'iiomme Agé. Ossements massifs et lourds. En plusieurs
points, surtout à droite, on trouve des cristaux de chlorure de so-
dium.
Pas d'os wormiens. — II existe sur le pariétal droit une déforma-
tion pathologique située à 0'",020 de la suture frontale et à O^jOlO de
la suture sagittale. Elle consiste en une dépression circulaire, creusée
en cuvetle, un peu plus profonde à sa partie antéro-interne et mesu-
rant dans tous ses diamètres ()"',01.5. II y a eu à cette place une perte
de substance osseuse réparée bien des années avant la mort.
S'agit-il d'une trépanation suivie de guérison? C'est ce qui semble
EiR. fioi.. — CriioL- du S(|iielpnc d'hommo X° fi (F.l-'.\iiirali).
le plus probajjle, mais un enfoncement, causé par un coup de casse-
téte de forme conique, pourrait, après la réparation, donner une ci-
catrice osseuse ayant aussi ces caractères.
Dans ce crâne, les dentelures des sutures étaient modérément
compliquées autant que l'on peut en juger actuellement, la synostose
étant complète sur les sutures sagittale et lambdoïde ainsi que sur
les côtés du frontal. Elle n'existe pas aux temporaux.
L'inion fait une saillie très marquée sans que pourtant on observe
le crochet osseux, que j'ai eu souvent l'occasion d'étudier sur des
crânes d'Egyptiens bien musclés. La glabelle estprescpie plane, mais
APIM;M)ICIC 257
les arcades sourcilières sonl exlrèinemcnt inar(|iiécs et se relèvent
brusquement en haut et en dehors. Les bosses frontales sont très
eiracées. Le Iront fuyant suit une courbe régulièrement ascendante
jusqu'à l;i sulun- iionto-pariétale. La courbe reste en plateau sur
une lonyiieur de (J™,0.i5; puis descend rapidement juscpi'à la suture
lambiloiile. En ce [)oint elle s'infléchit légèrement en avant j)our
s'arrêter brusquement à l'inion. l^a région sous-iniaque est remar-
(juablement plane et se ra|)proche de l'horizontale. Les fosses tem-
[)orales sont vastes en surface, peu profondes et les {)arois du crâne
sont arrondies. Les apophyses mastoïdes sont très volumineuses, les
arcades zygomatiques bien tIéveloj)pées.
Le plan du trou occipilal in'olongé passe à ()'",0().^ au-dessus de
l'épine nasale.
La grande aile du sphénoïde est en rapport direct avec le pariétal
sur une longueur de 0"',01'i.
Face. — Les os malaires sont massifs; légèrement saillants, ils pré-
sentent à la partie supérieure de leur bord postérieur une épine qui
fait une saillie de O^jOOB à gauche et de 0"',0U7 à droite.
IjCS orbites sont petites, à rebord épais. Celle de gauche est en
partie défoncée. On trouve dans la cavité crânienne les débris d'une
poudre Jjrunâtre, agglomérés en grumeaux au milieu desquels on
aperçoit une substance noire, brillante, de nature bitumineuse, qui
brûle très facilement et répand un odeur caractéristi([ue.
L'échancrure du nez est très marquée. Les os propres, articulés à
angle aigu, forment une même saillie et sont légèrement busqués à
leur partie inférieure. La cloison était sensiblement verticale; elle
est en partie brisée, les cornets sont très développés et bien conser-
vés. L'épine nasale forme une saillie de U'",004.
Les dents incisives sont brisées au niveau de l'alvéole, il existe un
prognathisme léger. Les dents de sagesse man(juaient depuis peu de
temps, les molaires sont usées en plateau.
Le maxillaire inférieur, dont la branche montante droite man([ue,
avait toutes ses dénis solides, non cariées, mais encroûtées île tartre.
Le menton forme une saillie marquée.
Le côté droit de l'arcade poit(; à sa face externe des cristaux de sel
f[Lie l'on retrouve à la face interne du côté gauclie, tandis (|ue la face
externe gauche est lisse.
Le squelette est loin d'être bien C(jnservé, les insertions muscu-
laires ne sont pas très marquées. Le tibia a pour indice 63,63; il est
platycnémique à un degré modéré. On peut attribuer à cet homme de
soixante à soixante-cin(| ans.
258 APPIÎNDICE
N" 7.
Squelette de femme de conservation médiocre. Sur le crâne il
existe des lambeaux de peau desséchée sur laquelle on voit des che-
veux noirs, fins et lisses^ nullement ondulés. On trouve des traces de
matières aromatiques et bitumineuses finement pulvérisées. Le fond
des orbites et l'ethmoïde sont intacts, bien qu'il y ait, dans l'intérieur
du crâne, un magma de ])oudres conservatrices. Il n'y a pas de cris-
taux de sel sur les os et sur le crâne; la partie la mieux conservée
est la droite.
Le côté droit de la tête, face et crâne, est plus développé que le
gauche. — Les parois latérales sont légèrement renflées. L'os pariétal
s'articule directement avec l'aile du sphénoïde sur une longueur de
quelques millimètres (0"',004).
Le front large, pas fuyant, a des arcades sourcilières peu marquées ;
il en est de même des bosses frontales. La courbe est régulière, le
crâne développé. Le plan du trou occipital aboutit à 0'°, 010 au-dessus
de l'épine nasale.
Les dentelures des sutiu'es sont marquées, la synostose est pro-
noncée en plusieurs points (vertex et suture lambdoïde).
La face est ravagée, les dents qui restent sont très peu nombreuses,
usées, cariées. Il existe presque partout des traces de périostite
alvéolo-dentaire. L'échancrure du nez est faible, les os propres du nez
sont droits, accolés à angle aigu. Les cornets un peu déviés, les or-
bites arrondies sont assez larges et contrastent avec la brièveté de
la ligne spino-alvéolaire.
D'après les sutures et les dents le sujet parait avoir environ une
soixantaine d'années, bien que les cheveux ne soient pas grisonnants ;
— je n'ai pas pu me rendre compte s'ils étaient teints.
L'indice du tiljia est de 64,28, ce qui donne une platycnémie très
légère, à peine marquée.
N° 8 (Fig. 603 et 604).
Squelette d'homme. — Aucune trace d'embaumement. Quelques
très petits cristaux de sel épars sur les parois du crâne. Le côté droit
en trois points : fosse temporale, partie supérieure du frontal, partie
supérieure du pariétal, porte encore la peau fine, amincie et desséchée,
recouverte de cheveux très fins, très drus, blonds et grisonnants,
longs de 0™,03 environ. — Il existait, au dessous du nez, un frag-
APrEMJICE
259
ment (le peau avec, qiuslqiies poils de mouslache grisonnants longs de
0"',015. — Je les ai recueillis et mis à pari, avec une petite partie des
cheveux (pii seront ultérieurement examinés par un spécialiste.
Le crâne est léger, très volumineux et difTère essentiellement de
tout ce que j'ai eu l'occasion d'observer jusqu'à ce jour en Egypte. —
Morton [Crania /Egypliaca) qui a réuni, en diverses nécropoles, et
à Abydos même, de si belles séries de crânes, n'a rien publié de sem-
blable. Quelques-unes des particularités qu'il présente me semblent
relever de la pathologie. Ce sont des traces probables d'hydrocéphalie
ancienne, caractérisée par le développement exagéré de la région
occipitale. — Je donne à ce crâne une place à part.
F'ig. fJo3 et (io4. — Crâne du squelette d'homme N" (j (El-'Amrah).
Du côté gauchç, dans la suture lambdoïde, à O-njOSS au-dessus de
l'articulation temporo-pariétale^ existe un os wormien étroit (0™,006 de
large) enclavé d'un centimètre dans chacun des os occipital et tempo-
ral. — Ce qui reste des sutures indique des dentelures peu compli-
quées. La synostose est complète au niveau de la suture sagittale,
partielle sur les côtés du temporal et au niveau de la suture lamb-
doïde.
\jinion fait une légère saillie très rugueuse.
he ptérioii s'articule directement avec le pariétal sur une longueur
de 0'", 011.
■2f,o Al'PKNDlCE
L'endroit de la i'ate où aboutit le plan du trou occipital correspond
à 0"',002 au-dessus de l'insertion du cornet inférieur, 0"°,017 au-des-
sus de l'épine nasale. Les parois du crâne sont déprimées au niveau
du ptérion, mais se bombent légèrement dans toute la i)arlie posté-
rieure.
La courbe de la ligne temporale se prolonge en arrière jusqu'à la
partie moyenne de la région mastoïdienne, s'écartant de pins en plu.s
de la sntture sagittale.
La glabelle et les arcades sourcilières sont légèrement bombées. • —
Au-dessus d'elles on observe une faible dépression, bientôt suivie
d'un renflement formant une courbe qui se poursuit très régulière-
ment jusqu'au bregma, après lequel existe une nouvelle dépres-
sion, suivie elle-même d'un renflement, puis encore une dépression
beaucoup plus forte allant jusqu'au lambda.
Toute la région lambdoïde prend une forme globuleuse, entourée
d'un large sillon analogue à ce qui a été décrit sur les crânes de Cro-
Magnon et que l'on a regardé comme du à une poussée d'iiydrocépha-
lie dans l'enfance'.
Les bosses frontales sont peu marquées, le front déjà étroit se
rétrécit rapidement et la partie antérieure du crâne ])résente la forme
d'une carène de barque (scapbocéphalie)^ A part la légère dépression
de sa partie moyenne, le front est droit dans son ensemble.
Dans la région sous-iniaque les condyles, larges et peu saillants,
sont entourés d'un vaste sillon, strié de profondes dépressions dues
aux insertions musculaires. Les apophyses mastoïdes sont très déve-
loppées.
Les apophyses zygomatiques sont de forme élégante et elles parais-
sent minces auprès du développement excessif de la partie posté-
rieure du crâne.
Fdce, — Les os malaires sont bombés et comme globuleux au
centre. — Ils ne font qu'une saillie très légère en dehors.
Les os ])roj)res du nez se détachent de la base du front en formant
une encoche très prononcée. Leur saillie en avant est bien marquée.
Ils s'adossent l'un à l'autre suivant un angle aigu. L'épine nasale est
bien développée, légèrement bifide. Le nez et sa cloison sont d'une
symétrie remarquable. La hauteur de la face est très grande, etprise
dans son ensemble, on peut dire que la tête ne manque pas d'une
certaine harmonie imposante par son excessif développement. Certains
1, TupiiKÉi-d, VAiitliiojjulogit',i',iv\s. 1871).
■4. IjaciissiLgiK', Vddu-nieciini du nii'cli'ciii expert. Lyon, iiSç)4.
Al'l'll.NDlCt: 2(il
crânes extraits d'un dolmen de l'Anjou (au Bois-Brard, près Saumur)
m'ont laissé celte impression, cpie je note à titre de simple rensei-
gnement jiiscju'à plus ample examen.
L'orthognathisme est presque parfait. Les dents, saines, brillantes,
bien rangées, étaient au grand complet. Les quatre dernières molaires,
la première incisive supérieure gauche, les quatre incisives et les
deux canines inférieures ne sont pas arrivées jusqu'à moi. Les dents
(pii restent sont usées jus([u'à moitié de la couronne. L'usure est sen-
siblement plate au maxillaire supérieur et ne présente la forme en
cuvette oblique, de dehors en dedans, que pour les deux premières
grosses molaires supérieures.
Le maxillaire inférieur est remarquable surtout par la saillie du
menton qui a de l'analogie avec la partie correspondante du crâne de
Cro-Magnon. L'examen des synostoses et des dents me porte à attri-
buer à ce sujet de cinquante-cinq à soixante ans. — La cavité crâ-
nienne contenait la masse cérébrale desséchée dont j'ai recueilli
les fragments; sur lun d'eux on voit encore des traces de circon-
volutions.
La conservation de ce crâne et de la plus grande partie du squelette
est ])arfaite. Les os, de coideur blanche, ont encore une certaine élas-
ticité. Le tibia, au niveau du trou nourricier, donne les mesures sui-
vantes : 1" diamètre antéro-postérieur 0™,0341 ; diamètre transverse
0m,0198; indice 58,06; platycnémie forte. — Le péroné est nettement
cannelé. — La couleur blonde des cheveux implique une origine du
nord. — A part l'anonyme de Deïr-el-Bahri, découvert par M. Mas-
pero en même temps que les momies royales, je n'ai jamais trouvé
d'autre échantillon de cheveux de cette couleur. On ne peut d'ail-
leurs, entre ces deux sujets, faire aucun autre rapprochement. La taille
relativement faible de notre n° 8 : 1"\C5, devait contraster singuliè-
rement avec ce crâne volumineux et donner à cet homme une appa-
rence étrange.
N°9.
Squelette d'un homme âgé, portant des traces de momification.
Outre la teinte jaune roux des os, on trouve en plusieurs points, et par-
ticulièrement sur les parois latérales droites du crâne, des dépôts de
matières bitumineuses mêlées à des fragments très fins de véo-étaux.
Le crâne est très beau et presque symétrique, sauf au front, côté
droit, à cause d'une blessure ancienne formant une dépression en
forme de V très aigu, long de 0°,0;3 et large à sa partie supérieure de
262 APPENDICE
0'",01. Cette lésion de l'os n'avait pas dû être profonde, on n'en voit
aucune trace à la face interne du crâne. T^es sutures ont des dente-
lures extrêmement compliquées surtout sur les côtés du frontal et de
l'occipital. — La synostose est faite aux deux tiers moyens de la saggit-
lale.sur les côtés du lambda et au-dessus (\v\ plérion qui s'insère direc-
tement avec le pariétal sur une longueur de 0",015.
L'iiiioii forme une légère saillie sur laquelle les insertions muscu-
laires sont très mar(|uées.
Le plan du trou occipital passe à 0"',()()6 au-dessus de l'épine nasale.
Les parois du crâne sont légèrement renflées.
ha glabelle fst déprimée, l'arcade sourcilière gauche très saillante.
La courbe temporale s'i'loigne de |)lus en plus de la ligne mé-
diane ; elle s'arrête un p(>u en avant de l'apophyse mastoïde.
La courbe sous-inia(|ue est creusée sur la ligne médian(^ — Les
eondyles sont très développés et très saillants. Les apophyses sty-
1 oïdes sont volumineuses, longues de ()"',02.5.
La courbe du crâne est régulière, depuis la glabelle jusqu'au
bregma, après lequel se trouve une légère dépression. La partie sus-
iniaque de l'occipital est légèrement renflée.
Léehanciure de la racine du nez est très marquée. Les os propres
sont adossés sous un angle aigu.
De la face, avec la Éuoitié supérieure des os du nez, il ne reste
qu'une partie des deux maxillaires supérieurs. Les dents molaires
sont usées en forme de cuvette, la première grosse molaire droite
«■tait cariée et cette carie avait amené un abcès, avec perte de sub-
stance de l'os sur une largeur de 0'°,0().5. — Les incisives sont arron-
dies. — Les lebords alvéolaires ont des traces d'inflammation chro-
ni(|ue. Pas de prognathisme, ni au maxillaire supérieur ni à la
m'ichoire inférieure. Celle-ci avait toutes ses dents, mais les incisives
et les canines ne sont plus en place actuellement. La première grosse
molaire droite est cariée comme sa correspondante en haut. L'usure
de la couronne est en plateau à toutes les dents d'en bas. L'examen
des sutures et des dents indiqu»^ que cet homme était aux environs
de la soixantaine.
IjC squelette est incomplètement conservé; l'humérus n'est perforé
ni d'un côté ni de l'autre. L'indice tibial est de 67, hors des limites
de la platycnémie, si l'on considère que celle-ci finit à 65.
A1'I'1:M)IC1-, 263
N,, 10.
SqiioloUiî d'homme. — La oavito cranioiinc; couliciiL clos amas de
matière brune à cassure l)rillante, qui présente tous les caractèriîs du
lilliime employé pour les (îml);uiiuemeuts, mélangé à des poudi'cs
al)sori)anles, comme cela se taisait aux «'[jociues anciennes.
Sur le côlé droit, nomi)reu\ cristaux de' ciiloruredc sodium; sur le
Iront, sur les pariétaux, mince couche brune, r(>sl(î du périerLinc et
de la peau desséchés. — Aucune trac(! de cheveux, ou de poils, au-
cune Irace d'étoile. Les deux orbites sont défoncées, mais comme
tous les crânes que nous avons examinés dans cette série, l'ethmoïde
est intact ainsi que les cornets du nez. — Les sutures du crâne, saut
au niveau de la suture lamhdoïde, sont très peu compliquées. La sa-
gittale commence' à se souder à sa partie moyenne. 11 y a un com-
mencement de syuostose également sur les côtés du temporal.
Uinion est très développé, saillant, rugueux. Le plan du trou occi-
pital aboutit à O'",008 au dessus de l'épine nasale.
Les parois latérales du crâne sont droites.
La ligne courbe temporale est très marquée ; elle débute par un
bourrelet saillant qui va en s'affaissant au niveau de la suture fronto-
pariétale. — Ti'im pression massétérienne est visible jusqu'aux der-
nières limites de l'apophyse mastoïde.
Le /;/e/7'o7;, eou|)é horizontalement, ne touche l'angle du pariétal
<[ue sur une largeur de O^jOOS.
La glabelle est saillante, ainsi que les arcades sourcilières.
Le front est bas, un peu fuyant, traversé par une dépression trans-
versale qui s'élargit et se creuse sur les côtés. Les bosses frontales
sont plus marquées que sur tous les autres crânes do la série. A
partir des bosses, la courbure du crâne est régulière, son point cul-
minant correspond avec la suture fronto-pariétale. Elle descend sans
dépression jusqu'au lambda et, à partir de ce point, elle fait légère-
ment saillie jusqu'à l'inion. Les condyles sontvolumineux, le trou oc-
cipital grand, les apophyses styloïdes longues et grêles. La région
sous-iniaque est aplatie.
A la face, les os malaires sont saillants en dehorset en avant, etleur
saillie est encore plus apparente, à cause du retrait de la région sous-
orbitaire du maxillaire.
Les orbites sont grandes, arrondies.
L'échancrure du nez est bien marquée. Les os propres, étroits à la
base, accolés à angle aigu, se dirigent en bas, en avant et à droite,
264 APPENDICE
d'une façon très marquée. La cloison esl l'ortement inclinée sur la
gauche dans toute sa partie supérieure, en bas elle revient presque à
la ligne médiane. L'épine nasale est bien développée. — Il existe un
prognathisme marqué.
La voûte du palais n'est pas bombée. — De chaque côté de la ligne
médiane, à environ 0'",005, il existe une perte de substance de l'os,
circulaire, de O^.OOO à gauche, de 0"',006 seulement à droite. — Ces
deux trous, faits très longtemps avant la mort du sujet, traversent
le bord alvéolaire du maxillaire supérieur au niveau des racines des
premières petites molaires tlroite et gauche. Les orifices internes
de ces perforations sont arrondis et sur les bords l'os s'est organisé
et l'aspect est celui d'un oi'ifice naturel. Les orifices externes, au con-
traire, sont irréguliers. 11 y a une large perte de substance, à droite
elle a 0"',015. Elle a entraîné la chute de la première petite molaire,
de la canine et d'une incisive.
A gauche, la canine seule est tombée, et la première petite molaire,
qui reste comme suspendue, a des racines irrégulières, rongées par
la longue suppuration. — En bas, du côté gauche, au-dessous de la
perloration, on voit la marque d'un aljcès au niveau de la canine, la
deuxième grosse molaire gauche est rongée par la carie. En haut,
toutes les autres dents sont tombées, ou bien ne restent qu'à l'état
de racines, entourées d'un alvéole malade et atrophié. — Il est
évident qu'un anneau, aujourd'hui disparu, avait dû être placé de fa-
çon à permettre de tenir à l'attache l'homme qui en était porteur. Le
maxillaire inférieur sans prognathisme est remarquable par les sail-
lies des insertions musculaires sur les deux faces des branches mon-
tantes et au niveau du menton.
Le sujet devait être un homme d'une très grande force musculaire
et l'examen de son squelette confirme cette idée.
La cavité olécranienne de l'humérus est imperforée; le cubitus
est fortement incurvé dans son quart supérieur.
Le tibia a pour indice 65,7, Il est par conséquent sur les limites de
la platycnémie. L'examen des dents qui restent et celui des sutures
du crâne donnent l'idée d'un homme d'iuie cinquantaine d'années.
Par son indice céphalique le sujet serait égyptien (75,55).
L'aspect de son crâne un peu lourdement taillé le rapprocherait du
iype grossier de Pruner-bey.
Certaines déformations de la face peuvent être imputées d'ailleurs
à la mutilation et au long supplice dû à l'anneau. On peut, en effet,
difficilement admettre qu'il s'agisse d'un de ces usages curieux dont
on trouve encore des exemples chez les négresses portant un an-
neau dans l'aile du nez — ou les Botocudos se distendant les lèvres
APPENDICE 265
d'une façon incroyaljle. — Rien, dans tous les cas, ne rapproche notre
N" 10 du type nègre et l'anneau qu'il portail lui avait été probable-
ment mis comme instrument de torture et d'humiliation.
N 11.
Squelette d'homme. Le crâne, la l'ace et une partie des ossements
sont dans un bon état de conservation. Pas de cristaux de sel, en
aucun point. — Sur le crâne on trouve des taches brunes causées
par les matières putrescibles. — Pas de trace d'embaumement par
les procédés connus. L'ethmoïde et le fond des orbites sont intacts et
cependant la cavité crânienne contenait des amas de matières bitu-
mineuses et aromatiques.
Le crâne est très beau, il ne présente qu'un peu de dissymétrie
en faveur du côté gauche, le plus développé. — Les sutures étaient
bien dentelées, mais il faut un examen attentif pour les voir, car
presque partout les synostoses sont complètes. Celle du frontal
avec les pariétaux est la mieux marquée.
Le ptérion venait juste butter dans l'angle des pariétaux sans
s'articuler avec eux, sauf sur O"», 1)02 à On',003, un simple contact.
Le plan du trou occipital vient aboutir à 0°',020 au-dessus de l'épine
nasale.
Les parties latérales du crâne sont bombées. La ligne courbe d'in-
sertion du muscle temporal est très inarquée et saillante au niveau
du frontal; elle se prolonge en arrière jusqu'aux limites de l'apo-
physe mastoïde.
La glabelle est légèrement saillante, les arcades sourcilières peu
marquées. — Le front est large, lesbosses peu saillantes et la courbe
se continue, remontant progressivement en arrière, sans change-
ment brusque de plan, jusqu'à la suture corono-sagittale. En ce
point, sur trois centimètres de longueur, il existe une dépression
faible ayant environ un millimètre de flèche, puis la courbe se révèle
suivant une nouvelle série de courbes analogues à celles que nous
avons relevées pour le crâne n" 8, mais avec moins de profondeur
dans les dépressions. — h'iiiioiine fait pas de saillie, le receptaculum
cerebelli est bombé. Les condyles sont bien développés en surface,
mais peu saillants. Quand la tête repose sur le plan de la table, ils
en sont séparés par une hauteur de O^.OOS. Le trou occipital est grand,
arrondi.
La face est bien développée et en harmonie avec le crâne. Les ar-.
cades zygomatiques sont un peu saillantes. Les os malaires se por-
266 APPENDICE
tciit iinmédialement en arrière et en dehors. Le bord postérieur de
leur ])ranche montante est renflé en tubercule comme dans le crâne
N» 0.
Les orbites ont une forme quadrangulaire légèrement oblique de
bas eu haut et de dehors en dedans. L'échancrure nasale est bien
marquée, les os propres sont articulés sous un angle peu aigu. Ils
sont larges, très développés, projetés en avant etn'ontrien de ce qui
pourrait rappeler la race nègre. — L'épine nasale est bifide. Le ne/
est dévié légèrement de gauche à droite. — Les dents étaient saines,
au grand complet. Les molaires creusées en cuvette peu profonde
et très réoulière. Toutes ont un émail brillant et d'une blancheur
remarquable; — pas de traces de périostite alvéolo-dentaire. — Le
maxillaire inférieur, très solide avec toutes ses dents régulièrement
plantées et saines, forme luie arcade un peu rétrécie en avant. — La
branche montante gauclu; a été brisée au moment des fouilles, elle
manque. — Malgré Tàge du sujet (on doit lui attribuer de soixante-dix
à soixante-quinze ans) le trou mentonnier se trouve à 0"',014 du bord
inférieur de l'os et seulement à 0'",011 du bord de l'alvéole qui est
cependant sain. Les incisives ne sont pas arrondies comme dans les
crânes égyptiens'.
Il n'y a pas de prognathisme. Les os sont, en général, assez bien
conservés. — Les insertions musculaires, sauf celles des masséters,
sont 7uoins marquées (|uc dans la moyenne des sujets. Cet homme
devait être un intellectuel plutôt (ju'un homme d'action.
Le tibia a pour indice : 56,64; il est fortement platycnémique, ce
qiù l'éloigné de la moyenne des Egyptiens et surtout de ceux qui ont
été découverts à Dahchour par M. de Morgan en 1894 et 1895; leur
indice tibial oscille autour de 80.
Remarques.
La ])résence du sel, sui- une partie des squelettes doit arrêter un
instant notre attention, il ne s'agit pas là du procédé de conservation
qui fut plus tard en usage à l'époque copte et marque la dernière
étape de l'embaumement en Egypte. — Le sel que nous trouvons ici
revêt la forme de cristaux développés sur place aux dépens du chlo-
rure de sodium contenu dans le sol et entraîné par l'eau, non pas à
l'époque où les corps furent enterrés, mais à celle où, réduits à l'état
1, Pnni(i-l)c\ , Oiigiiu' Je l'iiiicienni' nirr rnyplieiiiu', |i. f\iif\.
APPK.NDicr: 2r,7
de squelcltc poreux, le tissu osseux al)sorl)ant une j)ai'lie de l'eau de
la solution saline, celle-ci concentrée se cristallisait. Le phénomène
S(> produit dans la len'o d'Egypte sur tous les corps poreux; on
peut l'dljserver sur certains ])ois, mais il se reproduit exacicment
c<unmc tianslecasde nos scpudelles sur les terres cuites du Fayoïim,
surtout (|uand les |)ores n'ont pas élé colmatés par un enduil. — Je
possède, dans ma cnllrclidn, de liés licaux spécimens de terres per-
meltanl d'étudier cette j)articidarité.
Les cristaux sont plus abondants sur la parti(î droite des crâne-
qu'à gauche, parce que couchés sur la gauche la déclivité ne pcsmicls
lail pas aux gouttes de la solution saline de s'évaporer surplace el
surtout parce ([ue la |)arlie droite, étant ccdle qui regardait la surface
du sol, recevait directement les liquides inliltrés. — l^a |)i'ésence ou
l'absence du sel tient à un simple hasard de position.
Il n'en est pas de même pour les substances absorbantes et bilu-
mineuses que l'on trouve sur les N"' 3, 6, 7, 9, 10, 11. Il i'aut ici dis-
tinguer deux cas : celui où les matières reposent uniquement à la
surface. Nous devons voir là une première tentative de préservation,
une aide apportée au sol qui, dans certains points, peut, à lui seul,
dessécher les corps. Un enduit imperméable, une sorte de gou-
dronnage extérieur, devait être déjà efficace. Je note en passant que
les traces observées par moi indicjuent luie recherche attentive dans
le choix des matières etdans leur préparation.
Chez les N"^ 3, 7, 11, on trouve, dans la cavité crânienne, du bi-
tume, des poudres absorbantes et des traces de matière cérébrale
desséchée.
L'introduction des matières conservatrices a dû être faite par la
voie du trou occipital. — Je me suis assuré qu'il n'y avait pas d'autre
entrée, que l'orifice de l'oreille notamment n'était pas perméable. Il
fallait donc, pour cette opération, pratiquer un chemin dans les par-
ties molles, séparer l'une des vertèbres, très probablement l'atlas,
et pénétrer dans le cerveau. L'opération se faisait-elle par la bouche
ou par la nuque? En l'absence de toute trace de parties molles et de
toute lésion apparente des os de la région, il m'est impossible de con-
clure. Admettre que tous ces squelettes ont eu la tête tranchée pour
un supplice, qu'elle a été ensuite replacée avec leur corps, ne me
semble pas le moins du monde défendable. C'est pourquoi la présence
d'un gâteau résineux homogène, que l'on ne peut extraire du crâne par
letrou occipital qu'en le brisant parfragments,commepar exemple chez
le N° 11, entraîne l'idée que ce gâteau est entré, liquide, par ce môme
trou occipital. Ce serait un premier perfectionnement de l'embaume-
ment. — La pénétration dans le crâne par le fond des orbites, ce que
268 APPENDICE
l'on observe pour le N° 10, eût été un procédé de transition. Sous la
XIl« dynastie déjà, l'enlèvement du cerveau par la voie de l'os
ethmoïde était déjà en usage, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte
sur les momies de Dahchour mises au jour par les fouilles de M. de
Moro-an (1894-95). Les squelettes d'El-'Amrah présenteraient donc une
des Cormes primitive de l'embaumement, et ce serait un argument
nouveau en faveur de leur extrême ancienneté.
En dehors des remarques ([ui précèdent, un autre fait curieux a bien
vite attiré mon attention. Sur mes onze sujets, dont deux femmes
N"^ 2 et 7) et deux adolescents (N°' 1 et 4), je trouve quatre squelettes
ayant des lésions traumatiques (N»" 3, 9, 6, 10). Deux autres ont des lé-
sions pathologiques (4 et 8). Les lésions du N° 4 peuvent avoir eu
aussi une origine traumatique. Gela nous donne plus de 50 pour 100
de lésions du système osseux, pourcentage infiniment supérieur
à tout ce que j'ai pu observer sur les deux cents momies dont j'ai eu
l'occasion de faire l'examen depuis dix années.
Résumé.
Un coup d'œil jeté sur le tableau des indices montre que, sur onze
crânes, deux sont des dolichocéphales exagéi'és (N"' 5 et 8).
Quatre des dolichocéphales très marqués (N°' 2, 4, 1, 11).
Quatre dolichocéphales vrais, mais moins marqués (N°' 7, 3, 9, 6).
Enfin un mésaticéphale (N° 10), qui présente à peu de choses près
l'indice moyen attribué par Broca aux Egyptiens anciens. — Le
tableau mis en regard indique que, pour certaines séries particulières
de cri\nes trouvés en Egypte, l'intlice moyen peut être beaucoup plus
élevé. D'ailleurs il n'est pas mauvais de faire remarquer ici que Broca,
Pruner, Morton et tant d'autres, ont presque toujours discuté d'après
des séries dont l'unité était douteuse, les provenances étant souvent
mal connues. Morton se rapproche pourtant plus de la vérité en clas-
sant ses séries par nécropole.
Pour les crânes d'El-'Amrah il y a unité de lieu, unité dans le mode
de sépulture, variété très grande dans la physionomie des crânes et
dans leurs mesures, puisque celle de leur indice parcourt toute la
gamme de la dolichocéphalie, sans qu'un seul de ces indices s'arrête
vers le chiflre 73, c'est-à-dire au degré qui a été attribué aux hommes
de la pierre taillée et de la pierre polie. Malgré cela, nos squelettes
présentent, dans la série complète, un assez grand nombre des signes
qui ont été attribués;') l'homme préhistorique : voûte crânienne exhaus-
APPKNDICn: 269
sce, belle courbure régulière (N" 5, 1, 9, 11). — Le prognathisme
manque on général; pourtant il est bien marqué surlcN-G, un peu
moins chez le N° 3, fort pour le N" 10, mais ici la présence de l'anneau
déjà décrit peut avoir été une cause perturbatrice.
La platycnémi(; (|ui n'est pas absolument rare en Egypte, aussi bien
lie nos jours que clans l'anticpiité, a été trouvée cinq fois sur sept
sujets qui ont été mesurés à ce point de vue. Ce pourcentage est
énorme et dépasse de beaucoup la moyenne habituelle des momies
que j'ai pu observer. Je ne l'ai jamais trouvée dans la série de
Dahchour. — Deux cas de la série d'El-'Amrah ontle fémur en pilastre
et le péroné cannelé (3 et 6), une fois le cubitus est courbé (3). Telle
qu'elle se présente, cette série est très diflerente de tout ce que j'ai
pu observer jusqu'à ce jour.
A quelle race doit-on rapporter ces ossements ? La question ne laisse
pas que d'être embarrassante, au moins pour moi. — J'écarte pour-
tant dès le premier abord la race nègre, en faisant certaines réserves
pour le crâne de femme qui porte le iN" 2. En effet, bien que les
autres signes ne concordent pas, l'abaissement du plan du trou occi-
pital, la forme du nez ne peuvent manquer de donner l'idée qu'il
s'agit d'un échantillon de la race noire. Tout le reste de la série des
dolichocéphales, si l'on ne considérait que leur indice, pourrait nous
faire penser aux races du sud de l'Afrique, mais tous les échantillons
de cheveux lisses (3, 7, 8), et même blonds (N" 8) ne permettent pas
de s'arrêter un seul instant à cette hypothèse que la forme générale
du crâne condamne aussi.
Le mieux est donc de suspendre son jugement pour l'instant, lais-
sant à de plus compétents le droit de se prononcer s'ils le jugent
convenable. On doit ajouter pourtant que, s'il y a unité de lieu et de
mode de sépulture, il y a diversité de race. Ce problème très com-
pliqué appelle de nouvelles recherches faites sur des séries plus
nombreuses.
En ce qui concerne l'époque, je n'hésite pas à considérer ces restes
comme très anciens.
Je ne puis m'empêcher d'attribuer une grande importance à de
faibles traces d'un embaumement rudimentaire, mais réel pour beau-
coup des sujets. Cet essai de conservation a pu exister pour tous,
puisque la présence du sel semble, en général, être en raison inverse
de la quantité de traces de conservation par les aromates, on peut
dire que dans ce cas l'eau salée a entraîné le bitume et les poudres.
Ce n'est qu'une simple hypothèse, mais elle est plausible. — Malgré
toutes mes recherches, môme à la loupe je n'ai pu trouver l'impres-
sion d'un seul fragment de bandelettes et, au contraire, les matières
270 AIMMCNDICK
aromaliques semljlt'iil (Hrc du plus grand prix : il ne s'agit donc pas
d'un embaumement tle pauvre, mais d'un procédé qui n'avait pas
encore atteint toute sa perfection. — j\Ia conviction est absolue sur
ce point.
Du reste, le dernier mot est loin d'être dit, je pense, sur les carac-
tères anthroj)ologiques des races primitives et, pour |)rogresser dans
cette voie, il vaut mieux se reporter d'abord aux signes tirés du gise-
ment di's tomijes, de leur orientation, de la |)i>silion du cadavre, de
la natui'e tlu mobilier funéraire, etc. Telle n'était pas ma tâche, beau-
coup plus modeste et se limitant à la description des ossements.
Si l'extrême ancienneté de ces sépultui'es est démontrée, ce cpii me
semble au moins probable, il faudra reculer de beaucoup l'époque à
laquelle les mélanges de races reconnus en Egypte par divers au-
teurs (Bunsen, Lepsius, Prisse, Morton, etc.) et attribués par Pruner
à une époque antérieure à la IV° dynastie, ont pu s'etfectuer.
(]e n'est que par la multiplicité des recherches menées méthodi-
quement, et en ne négligeant aucun détail, que le problème pourra
être enfin résolu en entier. Il résulte déjà de mes |)roj)res recherches,
encore inédites, que l'Asie a fourni, vers la fin de l'Ancien Empire
un appoint importantà l'Egypte, quiparait.aveclescrànesd'El-Amrah.
avoir fait des emprunts à l'ouest de l'Afrique et à l'Europe même.
Le Cuire. 8 tioi'it iNijli.
D' FOUQUKT.
TABLE Di:S M ATI EUES
l'itiirACE V
Cii.vPiTKE piiii.Mii;]i. ■ — Koriiiatioii do ri'.gyplc. (^l'oiisoiiioiil île la vallér du .\il, . i.')
CnAiMiKE II. — Foriiialiou des paiiies fcriilos de ri-'gypte '.'.7
Oh.vpitke III. — llistnriqiu' des éUuU-s sur l'àgi' de la piLTri' eu l\<,'ypli'. . . ]~
Chapitre W , — f/honiinc pidi-nlilluipir .'1')
(!ii.vprïRE V, — I.es aiilôclitoaes de riOgsple M.'liiiiniiïe ni'Dlilhitjiie) {iy
Sldlions de la Basse-Egypte. — Aboii-Roaili. - (iiiizi'li. — ,Sai|q.ii'ali li Alioii-Sir. (li)
Dahcliour. — Ilclouaii ^o
Licht yi
Meïdoum. — Kalidiin el Goiirob j:>.
Slalions itit hayoum. — Diineli y.>
Koin-Achim. — Om-el-'All yf»
.Médinet-el-Malidi. • — Qasr-Karoim . . yfi
Stations delà Haute-Egyptr. — El-Mahasiiali. — El-Kagagnali. — Om-el-Ga'al).
— Abydos yli
El-'Amrali 85
El-Karnak. — El-Cheikh-Salam. — Uebel-el-Tai-if Sfi
Saghel-el-Baglieh. — Zawaïdah. — Toukh Sy
Khattarah. — Galaina et Deiulig. — Tlièbes. — Gebeleiu. — El-Kab. — Chellal
(cataracle). . . _ 88
liistnimeiils et armes iK'nlilliii/iies 89
Mucléi . . . . ■ t)o
Percuteurs (|i
Haches et hachettes ()•>,
Couteaux 10;)
Kacloirs iiJS
Têtes de hiiiccs. x2i
Têtes ou pointes de flèches . laS
Scies et faucilles i3.>
Pointes. . ..... r<-
Pei-eoirs -i,.j
272 TABLE DES MATIERES
Pages.
Traiicliels i4o
Retouchoirs. — Poinçons en os et en ivoire. — Masses 142
Pilons. — Moulins à bras i44
Colliers i45
Bracelets lt^6
Peignes • . . i48
Epingles. — Objets divers. — Figurines i49
Céramique et graffiti i5i
Vases de pierre iG5
Chapitre YI. — T. a vallée du Nil lors de la conquèle égyptienne 169
Chapitre VII. — Les premiers Egyptiens 181
Chapitre VIII. — Les métaux 199
Appendice. — Note sur les squelettes d'El-'Amrah, par M. le D'' Fouquet . . 241
TABLE DES ILLUSTRATIONS
CONTENUES DANS CE VOLUME
Pages.
Fig. I. — Carte des lambeaux éocèues dans l'Asie antérieure 16
Fig. 2. — Carte géologique des pays égyptiens 17
Fig. 3. — Carte du cours actuel du Nil et du Bahr-Bala-Mà '.îi
Fig. 4 et 5. — Coupes de la vallée du Bahr-Bala-Mà, prises à euvirou 100 kilo-
mètres au nord de l'oasis de Baharieh u3
Fig. 6. — Coupe transversale de l'Egypte, d'après Figari-Bey n3
Fig. 7. — Coupe longitudinale d'un cône de sable produit par les pluies cl re-
couvrant les limons du Nil lïf)
Fig. 8. — Coupe théorique de la vallée du Nil à l'ùtat actuel. s8
Fig. 9. — Coupe théorique de la vallée du Nil pendant la période ilu son rem-
plissage par les alluvions. îij
Fig. 10. — Carte montrant les t|uanlilés annuelles des pluies dans le bassin du
Nil 32
Fig. II. — Carte de l'Egypte montrant les points où ont été laites les observa-
tions relatives à l'accroissement du niveau dans la vallée du Nil 33
Fig. i2. — Carte du delta du Nil U)
Fig. i3. — Courbe des hauteurs dans le delta du Nil . 4°
Fig. i4. — Carte marine montrant l'avancement du delta du Nil 4'-
Fig. i5. — Coup-de-poing chelléen en silex jaune, de la vallée des Reines (Gour-
nah). 3/4 grandeur naturelle .ly
Fig. iG. — Silex en forme de hache, éclaté par la chaleur solaire et ne porlaut
aucune tr-ace de taille artiilcielle (Toukh). i/4 grandeur naturelle. ... 58
Fig. 17. — Coup-de-poing chelléen en silex blanchâtre, ramassé à la surlace du
diluviuui, à Toukh. 3/4 grandeur naturelle 5i)
Fig. 18. — Coup-de-poing chelléen en silex jaune, portant des traces d'éclate-
ment par la chaleur solaire (Toukh). 3j\ grandeur naturelle lio
Fig. 19. — Pointe chelléenne en silex jaune, ramassée a la surface du diluviuni, à
Toukh. 1/2 grandeur naturelle (ii
Fig. 20 — Pointe chelléenne en silex jaune (Abydos). 1/2 grandeur naturelle. (3i
Fig. 21. — Eclat chelléen de silex jaune, ramassé à la surface du diluvium, à
Toukh. 1/2 grandeur naturelle 61
Fig. 22. — Racloir chelléen en silex jaune, ramassé à la surface du diluvium, à
Toukh. 1/2 grandeur naturelle Gi
274 TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pages.
Fig, 23. — Coup-de- poing cliellécn, ramasse :i la surfiice du diluviiiin, à Abydos.
3/4 g'"''>"c'p'i'" "^lurelle. (ia
Kig. a4. — Coup-de-poing chelli'cn en silex jaune, ramassé à la surface du dilu-
viuni, à Abydos. 3/4 grandeur naturelle G>
Fig. T."). — Coup-de-poing chelléen en silex jaune, ramassé à la surface du dilu-
vium, à Abydos. 3/4 .çi^indeur nalurelle. ..... (i'|
Fig. lifi. — Coup-de-poing chelléen, ramassé à la surface du diluvium. à Dimoli
(Fayoum). 3/4 grandeur naturelle (i'i
Fig. 27. — ■ Pointe chelléennc en silex brun, ramassé à la surface du diluvium, à
Abydos. 3/4 grandeur nalurelle. G'i
Fig. aS et 29. — Coups de-poing cliclléens en silex jaune (Abydos el Toukh).
1/2 grandeur nalurelle (î,')
Fig. 3o et 3i. — Racloirs chelléeus en silex jaune, ramassés à la surface du dilu-
vium, à Toukh. 12 grandeur nalurelle li.')
Fig. 32. — Eclat chelléen de silex jaune, ramassé à la surface du diluvium, à
EI-"Ararah. 3/'^ grandeur nalurelle Gfi
Fig. 33. — Carte des principales stations néolilliii:|ues de l'Egypte GS
Fig. 34. — Coupe du Fayoum et de la vallée du Nil y'i
Fig. 35. — Sépulture pi-éhistorique (nécropole de El-' Amrah). 1 20 .grandeur nalu-
relle 85
Fig.Si, 52 et 53. — Nucléien silex (kjo'kkeumœddings de Toukh) 30
Fig. 54 et 55. — • Nucléi en silex jaune (kjœkkenraœddings de Toukh). 1/2 gran-
deur naturelle <) i
Fig 56 et 5S. — Percuteurs en silex gris jaune fkjœkkenm r I lings de foukh).
1/2 grandeur naturelle. . . gi
Fig. 5-. — Percuteurs en silex gris (El-Kab). 1/2 grandeur naturelle .... gr
Fig. 5(1 à I)!. — Hachettes en silex jaujie et en silex bruu (kjœkkenraœddings de
Khaltarah et de Toukh). i/2grandeui- naturelle ga
Fin-. ()'( el (Î5. — Hachettes en silexbruD (kjickkennHcddings deToukh). 1/2 gran-
deur natui'elle gT
Fig. (3IÎ et 67. — Hachettes dégrossies en silex brun el en silex gris (kjrtkken-
raœddings de IChattarah). 1/2 grandeur naturelle g 3
l'ig. GS. — Hache eu silex jaune veiné de brun (kjœkkenmœddings de Zawaïdah)
I '2 grandeur naturelle g')
Fig. ()C). — Hache en silex brun (kjiekkenmccddings de Toukh). 1/2 grandeur na-
lurelle 94
Fi"-, -o. — Hachclleen silexjauiK'(kjœkkeum(eddings de Toukh). 1/2 grandeur na-
turelle g')
Fig. ni. — Hachelle en silex jaune clair (kjoîkkenmo'ddings deToukh). i 2 grau
ileur naturelle - . g'(
Fig. 72 et 73. — Hachettes en silex gris et en sile.x jaune (kjœkkenraœddings de
Toukh). 1/2 grandeur nalui-elle . y5
Fig. 7'| , — Hachette en silex jaune (kjcikkenmœddings de Toukh) i/2graudeur
deur naturelle . g5
Fig, 75. — Ilarhelte en silex brun d'un coté, jaune de l'autre (kjojkkenmn.>ddings
de Kliattarah). 1/2 grandeur naturelle gS
Fig. 76. — Hache en silex jaune (Akhmim, Musée de Guizeh). r/2 grandeur na-
turelle \fi
Fig. -y. — Hache eu sihx jaune (llociu, llaule-Egypte). i '2 grandeur iialu-
i-plle. g7
1 1) [
loi
lo!
TAiii.r, î)i".s HJ.rsi r.ATioxs 275
l'.igcs.
Kig. 78 à cSo. — lliiclieltes en silex jaune, en silex hniii |>i)li an liajirliaiit il c-m
silex noir (stalion do Kom-AcliimV i ■>. giandenr- nalnrcll.' ç)-
Fig. Si et 8a. — Haches en silex hiiin |M)li au li-auclianl (slaliori de Koui-Ac-Iiiin
et de Oinioh). i/'>, grandeur nalurelle c)7
Fig. 8Î el 8'|. - Haches polies en diorile el en serpcnliue l'IiidkkcniriciMlilings
de Toukli ri localilô inconnue. Musée de Gnizeh) /('T' grandeur naUirello . ()8
Fig. 8.") et 811 — llaclielles en hématite et ou diorile (localilé inconnue l'I
achelée à Tlièlics, .Musée de (iuizeli). \; ! ni'audfur nalurelle c|i)
Fig. 87 et 88. — Haches polies en héniatilc el eu diorile (localilés inconnues,
Musée de (iuizeli). 2/ j grandeur nalurelle (|i|
Fig. 8g et f)0. — Haches en silex jaune (station de Lichl). i/->. gramleur natu-
relle roii
Fig. 91. — Haches en silex jaune (station de Llclil). 1/2 grandeur natui-elle .
Fig. ,j;, — Hache en silex (Kahoun, d'après Fi. l'cirie. Illiiliiiii, A'nlu.ii inicl
Ciiroh, pi. VIII, (ig. 4). 1/2 grandeur naturelle 10
Fig. ai. — Hache en bronze (Kahoun, d'après l'I. l'elrie, J/liiliiiii, Kii/iini iiinl
Giiioh, p\. \lï, Rg. 19). I '2 grandeur naturelle.
Fig. 94. — Hache en silex jaune (stalion de Lichl). 12 giandeur nalurelle.
Fig. 9'). — • Éclat de silex brun foncé (Tcll-el-'i'ahoudi. près d'iléliopolis) i !
grandeur naturelle i03
Fig. 9G. — Lame en silex j.iune (kjœkkenrnn'ddings de Tonkh). 1/2 grandeur
nalurelle lo'î
Fig. 97 à 99. — Lames relouchées en silex jaune veiné de brun, eu silex jaune et
en silex noir (nécropole d .Vbydos et station de Kom-Achiiu). 1/2 grandeur
naturelle jo'l
Fig. 100 et loi. — Couteaux en silex biun (slalion de Koiu-Achim, l'ayoum).
1/2 grandeur naturelle io'|
Fig. 102. — Couteau en silex brun (slatiou de Uimeli, Fayoum). 12 grandeur
naturelle io'|
Fig. io3. — Couteau en silex jaune (Ll-Amrach). 1 /:>. grandeur naturelle . . . lo'i
Fig. io4 et io,">. — Couteaux eu silex jaune (Toukh). 1/2 grandeur naturelle . . 104
Fig. loti et 107. — Couteaux en silex jaune (kjtcUkenniœddings de Toukh). 12
grandeur nalurelle lo.î
Fig. 108. — Couteau en silex jaune (nécropole de Saghel-el-Baglieh, Musée de
Guizeh). 1/2 grandeur naturelle 106
l'"ig. 109 — Lame en silex jaune (nécropole d'Abydos) 12 grandeur naturelle . 106
Fig. iio. — Couteau en silex brun (slatiou de Kom-Achim, Fayoum). 12 gran-
deur naturelle .... 107
l'ig III. — Couteau en silex blond (slalion de Dimeh, l'ayoum). 1/2 grandeur na-
lurelle 107
Fig. Ii2 à ii5. — Couleaux en silex gris, en silex gi-is foncé, en silex blanc et
en silex jaune (station de Lilch et kjœkkenmo'ddings de Toukh et de Zawaï-
dah). 1/2 grandeur naturelle 107
Fig. ii(5. — Couteau en jaspe sanguin (Hoou). i/->. grandeur 108
Fig, 117, — Couteau en silex jaune (kjœkkeumœddings de Toukh). 1,2 grandeui-
naturelle 108
F'ig. 118 à 120 — Couteau en silex jaune foncé, en silex gris opaque et en si-
lex gris clair (stations de Dîmeh et de Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle. 108
Fig. 121. — Couteau en silex brun veiné (station de Dîmeh). 1/2 grandeur natu-
relle i,i<|
276 TABLE DES ILLUSTRATIONS
rages.
Fig. 12Î. — Couteau eu silex gris use par les sables (slalion de Kom-Achim).
1/2 grandeur naturelle lo;)
Fig. 123. — Couteau ensiles brun (station de Dîmeh). i/'.>. grandeur naturelle. 10;)
Fig. 124. — Couteau en silex jaune brun (Abydos, Musée de Guizeh). i/a gran-
deur naturelle 1 10
Fig. 12."), — Couteau en silex jaune (nécropole d'Abydos). 1/2 grandeur natu-
relle 110
Fig. 126. — Couteau en silex jaune (Abydos). 1/2 grandeur naturelle .... 11 1
Fig. 127, — Couteau-poignard en silex brun avec gangue blanchâtre (station de
Dinieh). 1/2 grandeur naturelle m
Fig. 128. — Couteau en silex corné (localité inconnue, Haute-Egypte (?), Musée
de Guizeh). 1/2 grandeur naturelle 112
Fig. 129 et i3o, — Couteaux courbes eu silex jauue clair et en silex br«n (nécro-
pole de Saghel-el-Baglieh). 1/2 grandeur naturelle 112
Fig. i3i. — Couteau en silex corné (nécropole d'Abydos). 1/2 grandeur naturelle. ii3
Fig. i32. — Couteau en silex blond (nécropole d'Abydos). 1/2 grandeur naturelle ii3
Fig, i33. — Couteau en silex jaune, poli sur une face (nécropole de Toukh).
1/2 grandeur naturelle ii4
Fig. i34> — Couteau en silex jaune (Haute-Egypte). 1/2 grandeur naturelle . . ii4
Fig. i35. — Couteau en silex jaune retaillé sur une face, polisur l'autre (nécro-
pole de Saghel-el-Baglieh). 1/2 grandeur naturelle ii4
Fig. i3G. — Couteau en silex blond, orné d'une feuille d'or (nécropole de Sa-
ghel-el-Baglieh ('?)). 4/5 grandeur naturelle 11')
Fig. i37ài3g. — Couteaux en silex poli (Gournah). 2/3 grandeur naturelle. . 116
Fig. 140 à 142. — Couteaux en silex jauue (nécropole d'Abydos). 1/2 grandeur
naturelle 117
Fig, 143 à 147. — Couteaux eu silex jaune (nécropoles d'Abydos et d'El-'Amrah
et kjœkkenraœddings de Toukh). 1/2 grandeur naturelle 117
Fig. i48 à i4o. — Couteaux courbes en silex jaune (kjœkkenmœddings de
Khattarah). 1/2 grandeur naturelle 118
Fig. i5i à 152. — ^ Racloirs en silex jaune (Abydos). 1/2 grandeur naturelle . , 118
Fig. i53 à i55. — Racloirs en silex gris et en silex grisâtre (kjœkkenmœddings
de Toukh et de Zawaïdah). 1/2 grandeur naturelle iig
Fig. i5tJ à 160. — Racloirs eu silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh et de
Zawaïdah)
Fig. iGi et i()2. — Racloirs triangulaires en silex brun et en silex noir (stations
de Dimeh et de Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle 120
Fig. i63 à i65. — Racloirs triangulaires en silex jaune (station de Licht).
I '2 grandeur naturelle 120
I'"ig. 166 à 167. — Racloirs échancrés en silex blond (kjœkkenmœddings de
Toukh). 1/2 grandeur naturelle 120
Fig. 168. — Tête de lance en silex jaune (nécropole d'El-'Auirah). 1/2 grandeur
naturelle 121
Fig. 169. — Tête delance en silex jaune (station de Licht). 1/2 grandeur naturelle, 121
Fig. 170 et 171. — Tètes de lances eu silex jaune clair et eu silex brun (nécro-
pole de Saghel-el-Baglieh, Musée de Guizeh). 1/2 grandeur naturelle. . . 121
Fig. 172, — Tète de lance en silex brun (nécropole d'El-'Ararah). 1/2 grandeur
naturelle 122
Fig. 173 à 175. — Têtes de lances eu silex jaune clair, en silex gris jaune et en
silex brun vert (Abydos et El-'Amrah). 4/5 grandeur naturelle 122
TAiii.i: i)i:s ii.i.rsriiAi'in.vs 277
I'"ig. lyli. — l'oinlr ilc jjxc-lnl ru sili'X jinnic (slalimi ili' IJi'incli ), i/v. griindi'ur
nalui-i'llc ....... ... l'î'J
Kig. 177 à 17;). — rOU's (le javelots cii si!r\ jauiio eti'U silex bi'iiu vciiiù de jaune
(slalioiis (le l.icht <U de Koni-Ai'liini). 'i/') grandeur naliirelle i23
l'ig. iHo. — Tê(e de lance en sile.\ jaune (uécropole (riîl-'Amrali) i/'>. j^i'andeur
iialurolle i'>.\
i'ig. 181 el 1S2. — Tètes de lauces eu sile.v jaune (nérrojiole d'Abydos. Musée
de Guizeli). i/:>. ffrandeur naturelle i24
Fig. iS'i. — Tèle de flèclie en silex brun (Tell-el-Balaniouu, Musée de Gnizeh).
Grandeur naturelle laS
Fig. l84i — Tèle de flèche eu silc.K jaune (llaute-l'lgyple). (irainleur naturelle. 12.')
Fig. 185 à II)!). — Pointes de flèches en sile.vbrun, en silex brun rouge, en sile.x
violacé, en silex brnn jaune, en silex noir corné, en silex brun veiné de noir,
eu silex jaune, en silex gris brun et en silex viobicé veiné de noir (l)inieh el
Kora-Achini) ... 126
Fig. igt) à 2111. — Pointes de flèches en silexjaunàtre, en silex brun rouge, en silex
gris jaune, en silex brun jaune, eu silex jaune et en silex jaune el gris(Toukh,
Khattarah et Abydos) 137
Fig. 202 .i 210. — Poijiles de flèches en cornaline avec inclusiojis noiiàlres.
eu silex jaune opaque, en silex jaune rose, en silex blond opaque, en silex
jaune, en silex brun, en silex noirâtre, en silex corné et en silex blanc
opaque (nécropole d'Abydos). Grandeur naturelle 12.8
Fig. 211 il 223. — Pointes de flèches en silex brun, en silex rougeàtre, en silex
bJond, en silex gris, eu silex gris foncé, eu silex jaspé rouge, en silex jaune,
en silex corné, en silex violet et en silex brun jaune (nécropole d'Abydos).
Grandeur naturelle i2i)
Fig. 224 et 22,ï. - Pointes de flèches en silex jaune el en silex noir (uécropole
d'Abydos). Grandeur naturelle. i3o
Fig. 226 à 23i. — Pointes de flèches en silex noir, en silex jaune, en silex violet,
en silex résinite et en silex brun (station d'Hélouan; récolte A. Lombard).
Grandeur naturelle i3o
Fig. 232.— Mode d'emmauchement des pointes de flèches de la station d'Hélouan. t3i
Fig. 233 à 237. — Tètes de flèches d'époque historique (Musée de Guizeh).
1/2 grandeur naturelle i3i
Fig. 289 à 245. — Scies en silex jaune (kjoukkcnmœddings de Toukh). 1/2
grandeur naturelle i32
Fig. 246. — Scie ou partie de faucille en silex jaune (Tell-el-Youdi, près d'ilélio-
polis). 1/2 grandeur .naturelle ij.^
Fig. 247. — Modèle de mouture des faucilles années de silex, d'ai>rès les résul-
tats des fouilles de M. W. M. Flinders Pétrie, à Kahoun i33
Fig. 248. — Signe hiéroglyphique représentant une faucille armée de silex (i")
d'après une une fresque de Me'idoun (III" dynastie) i33
Fig. 24ç) à 2.")i. — Lames et scies en silex jaune et eu silex blond (kjœkken-
mœddings de Toukh et de Khattarah). r/2 grandeur naturelle i33
Fig. 262 à 2.'J6. — Lames et scies en silex gris, en silex jaune et en silex brun
(Khattarah et Toukh). i|2 grandeur naturelle i34
Fig. 267 à 2G0. — Scie en silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 gran-
deur naturelle. 13/,
Fig. 261. — Scie en silex dans un long manche de bois, proveuant des palatiltes
du lac de Mooscedorf (canton de Berne, Suisse). 1/2 graudeur naturelle. 134
IS
278 TABLE JJES ILLISTUATIONS
Pages.
Fig. aOa à i!(iS. ■ — Scies eu silex jiiuiio clair, en silex bruu avec paliue blanche,
en silex bi-iin veine, en silex bi'nn et en silex rouge brun (stations de ïoukh,
de Dîniehetde Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle '^o
Fig. 26c) à 271. — Scies en silex brun, eu silex jaune et eu silex noir (stations de
Kom-Achini et de Dimeh). 1/2 grandeur naturelle i^'
Fig. 27a et 273. — Racloirs-scies en silex jaune (nécropolo d'Abydos). grandeur
naturelle . . i35
Fig. 274. — Scie eu os (localité incouuue, Musée de Guizeh). 2/3 grandeur natu-
relle i36
Fig. 275 à ayli. — Pointes eu silex jaune (kjœkkeuiuceddiugs de Zuwaïdali et de
Toukii). 1/2 grandeur naluroUe • 1^7
Fig. 277 et 278. — Pointes en silex noir et eu silex jaune (kjœkkenmœddings de
Toukh).2/3 grandeur naturelle 1^7
Fig. 279 à 281. — Pointes eu silex gris avec inclusions calcaires, eu silex tacheté
de noir avec patine calcaire et en silex gris (kjœkkenmœddings de Zawaïdah,
Toukh et de Khattarah). 1/2 grandeur naturelle i38
Fig. 282 à 286. — Pointes en silex jaune et en silex bruu et jaune (statious de
Kom-Achim et de Dîmeh), 1/2 grandeur naturelle i38
Fig. 287 et 288. — Pointes en silex jaune veiné de noir et eu silex jaune avec
gangue brune (stations de Dîmeh et de Kom-Achim). 1/2 grandeur naturelle. i39
Fig. 289 et 290. — Pointes eu silex jaune et en silex jaune avec patine noire (sta-
tions de Dîmeh et de Kom-Achim). 4/5 grandeur naturelle i39
Fig. 291 à agS. — Poinçons en silex (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle i4o
Fig. 296 à 299. — Tranchets eu silex brun (stations de Kom-Achim et de Dîmeh).
1/2 grandeur naturelle i4o
Fig. 3oo. — Silex gris jaune (kjcckkeumœddiiigs de Toukh). i/a grandeur uatu-
i-ellc i^i
Fig. 3oi et 3o2 — Retouchoirs eu silexjauue (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2
grandeur naturelle i4i
Fig. 3o3 à 3oy. — Poinçons en os et en ivoire d'hippopotame (kjokkenmœddings
de Toukh et station de Dimeh). 1/2 grandeur naturelle i^i
Fig. 3ro à 3i5. — Instruments eu os (nécropoles d'El-'Amrah et de Saghcl-el-Ba-
glieh) 142
Fig. 3i(; à 3iS. — Massues eu pierres et eu albâtre (El-'Amrah), 1/2 grandeur
naturelle i45
F^ig. 319 et 32o. — iypo d'emmauchement des massues i43
Fig. 321 et 332. — Massues en alb.àtre (nécropolo d'El-'Amrah). 1/2 grandeur
naturelle i43
Fig. SaS. — Mode d'emmauchement desmassues on albâtre i'|3
Fig. 3a4. — Pilon en calcaire (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur natu-
relle i44
Fig. 325. — Moulin à bras (statuette de Dahchour) i44
Fig. 326 et 327. — Colliers formés d'oursins fossiles et collier de perles de ser-
pentine (nécropole d'El-Toukh). 1/2 grandeur naturelle i4I3
Fig. 3a8 à 332. — Perles en terre cuite et en calcaire blanc (kjœkkenmœddings de
Toukh). 1/2 grandeur naturelle i45
Fig. 333 à 335. — Bracelets on albâtre, ou silex jaune et eu nacre (nécropoles
d'El-'Amrah et .d'Abydos). i/a grandeur naturelle 14/
F'ig. 336 à 342. — Peignes d'os et d'ivoire (kjœkkenmœddings do Toukh et de
l'ABIJ-: Ul'S ir.IX'STRATIO-XS 279
l'.l(,'08.
Zawaïdiili cl m'ciopolc de Satflii'l-rl-I5:mlicli, Musée dcGui/.oli), i '.îgriiiKlcnr
naturelle i\y
l'iR. 34'}. l'eif^iie en ivoire? (néer'opoli' do Sai^licI-cl-Bat^rlieli. iVIuséo do Giiizeli).
i/'J grandeur naturelle . , i'|8
l''ig. 344- — Epingle en ivoire (néorupole de Sagliel-el-Baglieli, Musée dcGuizeli).
2/3 grandeur naturelle i4S
Fig. 345. — Pointe eu hois (kja'kkcunueddins^s de Toukii). 2/3 grandeur- natu-
relle 1 48
l'ig. 34'J et 347. — Petites cuillères en nacre et os (Saghel-el-Baglieh). 2/3 gran-
deur naturelle i '(«H
Fig. 348. — Pommeau d'armes en ivoire (Saghel-el-Baglieh). i/3 grandeur natu-
relle i'|8
F'ig. 349 à Syr. — Figurines en schiste (nécropoles d'El-'Amrah, d'Abydos et de
Toukh). i/io grandeur naturelle iSo
Fig. 372. — F'igurine d'hippopotame en calcaire (nécropole de Gebel-el-Tarif).
4/5 grandeur naturelle i.'>i
Fig. 373. — Figurine en terre cuite jaune, découverte dans la nécropolo de Ge-
bel-el-Tarif (Musée de Guizeh). 4/5 grandeur naturelle I.'ii
Fig. 374 à 388. — Vases en terre rouge lissées en terre rouge très grossière,
en terre rouge grossière, en terre noire lissée, en terre rouge lissée et noire
à l'intérieur, en terre rouge clair lissée et en terre brune très grossière
(EI-'Amrah etToukh). 1/8 grandeur naturelle i52
Fig. 389 à 4o4. — Vases en terre lissée noircie au feu, en terre rouge clair lis-
sée, enterre rougeàtre, en terre brune grossière, en terre rouge lisse noire
à l'intérieur, eu terre rouge, en terre rouge lissée à bords noirs, en terre
rouge lissée, en terre rouge à bord noir fait à la main, en terre rouge lissée
et fond de vase coupé, en terre gris clair et en terre grossière fait à la main
(El-'Amrah, Toukh et Zawa'idah). r/8 grandeur naturelle. ir)3
Fig. 4i5 à 423. — Vases en terre grossière (nécropoles d'El-'Amrah et de
Toukh) i54
Fig. 42^ '' 4^i' — Vases enterre grossière des mastabas de la nécropole de
Dahchour (III" dynastie). 2/i5 grandeur naturelle i55
Fig. 432 à 440' — Vases en terre grossière des mastabas de la nécropole de
Dahchour (III" dynastie). 2/1 5 grandeur naturelle i.îfi
Fig. 44' '' 449- — Vases en terre grossière des mastabas de la nécropole de
Dahchour (IIP dynastie). 3/2o grandeur naturelle i.'iy
Fig. ![ôo. — Petits vases en terre grossière, découvert dans les mastabas de
l'époque de Snéfrou (IIP dynastie), à Dahchour. 2/3 grandeur naturelle. . i.')8
PI. I. — Vases en terre, Nos , à y (Abydos, El-'Amrah et Khattarah) . . . . iTiH
Fig. 4*'i à 470. — Vases en terre rouge lisse avec bords noirs (nécropole d'El-
'Amrah). 2/i5 grandeur naturelle 169
PI. II. — Vases en terre. Nos [ à 5 (Gébelein). i.'k)
PI. III. — Vases en terre, Nos , à fi (Gébelein et El-'Amrah) iTip
Fig. 471 ^ 480. — Vases en terre rouge avec bord noir (nécropole de Toukh et
kjœkkenmœddings de Toukh et de Khattarah). 3/24 grandeur naturelle. . ifio
Fig. 481. — Vases en terre jaune orné de peintures rouges (nécropole de Gebel-
el-Tarif, Musée de Guizeh). 2/5 grandeur naturelle. ifio
PI. IV. — Vases en terre, Nos , ;, 3 (El-'Amrah et Abydos) 160
PI. V. — Vases en terre, Nos j à 3 (El-'Amrah et Abydos) 160
PI, VI. — Vases en terre, Nos 1 à S (Toukh et El-'Amrah) iCm
280 TABLE Dl-S ILLUSTRATIONS
Pages.
PL vu. - Vases en terre, N"-^ I à 4 (Toukh et EI-'AiihmIi) i6o
l'L Vin. — Vases en terre, iV"s , et?. (Abydos et Gébelein) ifio
PI. I.X^. — Vases en terre, Nos là .4 (Haute-Egypte, Gébelein et loralité ineonnue). iGo
Fig. 482 et 4^^-— Fragments de vases (kjœkkenmreddings de Toukii). 1/2 gran-
deur natui'elle . . . lOi
Fig. 484 à 485- — ■ Objets divers en terre cuitte (kjœkkenmœddings de Tonkh et
nécropole d'El-'Amrah). 1/2 grandeur naturelle 161
PL X. — Vases en terre, Nos i à 3 (localité inconnue et Abydos) 161
PL XI. — Vase découvert dans un mastaba de l'époque du roi Snéirou . . . l'Ji
Fig. 487. — Graffiti gravés sur les rochers de Gebcl-lletemat (Haute-Egypte) . itîa
Fig. 488. — Graffiti gravés sur les rochers, à Khôr-es-Salam et EI-Hôsch . ifi2
Fig. 489. — Graffiti gravé sur les rochers, à Raoualièh, à Gebel-Recliidi et à
El-Hôsch (Haute-Egypte) . . iG'i
Fig 4;)0' — Grrt/Tî'î tracés sur les rochers de Gebel-Hetemat lG3
Fig. 491 . — Graffiti gravés sur les rochersde Gebel-Cheikh Roama et de Chatt-
el-Rigal (Haule-Égypte) 164
Fig. 492. — Graffiti gravés sur les rochersde Chatt-el-Rigal (Haute-Egypte) . 164
Fig. 493 à 49'' • — Fusaïoles : fragment de vases en terre rouge très grossière,
en terre brune foncée avec dessins peints en rouges, fragment de vase rouge
orné d'un bord noir, fragment de vase jaune orné de peintures jaunes
(kjœkkenmœddings de Toukh) 1(54
Fig. 497- — Bas-relief du tombeau de Mera, à Saqqarah, représentant la fabri-
cation des vases de pierre (VI* dynastie) lO.'S
Fig. 498 à 5o2. — Vases en pierre (nécropole d'El-'Anirah) . itîfi
Fig. 5o3 à 507. — Oiseaux égyptiens figurés sur les hiéroglyphes des fresques
de Mcïdoum (III' dynastie) 170
Fig. .'J08. — Scène de chasse au boumerang dans les marais. Bas-relief du tom-
beau de Mera, à Saqqarah (VI« dynastie) 170
Fig. .'iog. — Le bétail à l'Ancien Empire : antilopes. Bas-relief du tombeau de
Mera, à Saqqarah (VI° dynastie) 171
Fig. ,5io à 5i2. — Antilopes, d'après une fresque de Meïdoum (III* dynastie) 172
Fig, ."SiS. — Le bétail à l'Ancien Empire : antilopes, gazelles, hyènes, chacals,
etc. Bas-relief du tombeau de Mera, à Saqqarah (VI* dynastie) 173
Fig. .'S14. — Lions et chiens en chasse. Bas-relief du tombeau de Mera, à Saq-
qarah (VI" dynastie) 173
Fig. 5i5. — Scènes de chasse, d'après les fresques des mastabas de la nécro-
pole de Meïdoum (III" dynastie) 174
Fig. 5ilî et 617. — Bas-relief du mastaba de Mera, VI' dynastie (Saqqarah) . . 17.")
Fig. !Si8. — Scènes de pèche. Bas-relief d'un tombeau de Mera, à Saqqarah
(VI* dynastie) 176
Fig. fiig. — Débarquement du poisson après la pêche. Fresques du tombeau de
Ani-Suéfrou Mert-f, à Dahcliour (III" dynastie) 177
Fig. ,')2o. — Séchage et ti'ansjiort du poisson, d'après une fresque de Me'i'doum
(III» dynastie) 177
Fig. .S21. — Le bétail à l'Ancien Empire : bœufs. Bas-relief du tombeau de
Mera, à Saqqarah (VI* dynastie). 177
Fig, 522. — Construction d'une meule de blé, d'après les fresques d'un mas-
taba de lu nécropole de Dahchour (III* dynastie) 178
Fi"^. 523 et 524. — Porteurs d'offrandes. Bas-reliefs du tombeau de Mera, .à
Saqqarah (VI* dynastie) 178
TABLE DES ITJ.USTRATIONS 281
Page».
Fig. 52r>. — Mastab:\s de naliclionr (Siu-froii, III* dynaslii'). .... )83
Fig. S'iG. — Tèles huniaiiH'S ('il;ui-lts sur los fri'scpios ilo rc'|io'[iii' du loi Siii'frou
(III» dynastie), à Dalicliour r<)7
Fig. 5a7. — Bas-i'olinf du tombi-aii de Mera (VI° dynastie), repi-és(>nlaMt le
travail des métaux précieux 19''
Fig. 528 à 535. — Objets divers en i-uivre el eu hi-ouzc (uécropole d'El-'Aïui-ali.
kjœkkenniœddings de ïoukh). v./'i grandeur uat'urolle . 200
Fig. 536. — Tète de lance en bronze (nécropole de Saghel-el-Baglieh, Musée de
Guizeh). 2/3 grandeur naturelle 2(>i
Fig. 537 à 539. — Instruments en bronze (nécropole d'ICl-Clieikli-Mebader,
XVIII» à XX» dynastie), r/2 grandeur naturelle. . aoi
Fig. 5/10. — Poignard d'Usertescn III (XII" dynastie). . 202
Fig. 541. — Instruments en bronze. Tombeau des princesses à Dahchour
(XII° dynastie, époque d'Amenemliat II) 2o3
Fig. 542. — Hache en bronze (localité inconnue. Musée de Guizeh). 1/2 grandeur
naturelle . 2o3
Fig. 543. — Haches eu bronze de la XII° dynastie (mastabas de Licht). 1/2 gran-
deur naturelle ...... 2o4
Fig. 544 ■' 540. — Haches en bronze (localités inconnues, Musée de Guizeh).
1/4 grandeur naturelle 20:)
Fig. 547 et 548. — Haches en bronze (localités inconnues, Musée de Guizeh).
1/4 grandeur naturelle et 1/2 grandeur naturelle 2o5
Fig. 549. — Hache en bronze emmanchée (Deïr-el-Bahri, Musée de Guizeh).
1/4 grandeur naturelle , 2(>fi
Fig. 55o. — Hache en bronze emniaucliée (localité inconnue, Musée de Guizeh).
r/2 grandeur naturelle 206
Fig. 55i à 555. — Instruments en bronze (localités inconnues, Musée de Guizeh).
1/2 grandeur naturelle 2ofi
Fig. 556. — Hache en bronze à deux tranchants (Gébelein. Musée de Guizeh).
1/2 grandeur naturelle 207
Fig. 557 à 558. — Poignards en bronze (localité inconnue. Musée Guizeh).
1/3 grandeur naturelle 207
Fig. 559 à 564. — Couteaux en bronze d'époque historique (localités inconnues,
Tell-el-Chorab et Fayoum, XIX» dynastie, Musée de Guizeh). i/4 grandeur
naturelle et 1/2 grandeur naturelle . 208
Fig. 565. — Tète de lance en bronze (localité inconnue, Musée de Guizeh). i/4
grandeur naturelle aoç)
Fig. 566. — Tète de lance en bronze, XII» dynastie (mastabas de Licht). 2/3
grandeur naturelle ooi)
Fig., 567 à 579. — Pointes de flèches en bronze d'époque hislorique (localités
diverses, Musée de Guizeh) 2rn
Fig. 58o à 582. — Spatules en bronze, Musée de Guizeh (Kahoun, Tell-el-
Chorab, Fayoum, XIX» dynastie et localité inconnue). 1/2 grandeur
naturelle 21 r
Fig. 583. — Rasoir en bronze (localité inconnue). i/4 grandeur naturelle. . . 211
Fig. 584. — Herminette en fer emmanchée en bois (Deir-el-Bahri, Musée de
Guizeh). 1/2 grandeur naturelle .214
Fig. 585. — Lame d'herminetle en fer (Akhmim, Musée de Guizeh). 1/12 gi-an-
deur naturelle 21 4
Fig. 586. — Carte de la péninsule sina'itique -216
282 ■ TABLE DES ILFX'STRATIOiNS
Pages.
Fig. 5*^7. — Coupe de la région minière de Wadi-Magliar.i 2r8
Fig. 588. — Croquis topographique de Wadi-Maghara 22 r
Fig. 589 et 590. — Ciseaux en silex jaune rouge (Serabit-el-Kliadom, Sinaï). t/a
grandeur naturelle 22a
Fig. bç)i. — Hache grossière en silex hrun rouge (Serabit-el-Khadem, Sinaï).
1/2 grandeur nalurellc. 222
Fig. 5q2. — Tête de pointerollc eu bronze trouvée dans les ruines de Wadi-
Maghara (Sinaï) 222
Fig. 593. — Moule pour couler les lames de bronze (Wadi-Maghara). 1/2 gran-
deur naturelle . 229
Fig. .S94. — Stèle triomphale du roi Snéfrou (III^ dynastie), gravée sur les ro-
chers de Wadi-Maghara (Sinaï) 233
Fig. ^()h. — Stèle triomphale du roi Sahou-Ra (V" dynastie) gravée sur les ro-
chers de W adi-Maghara (Sinaï) 233
Fig. 5g6. — Stèle triomphale du roi Pepi !'"'• (VI'= dynastie), gravée sur les rochers
de Wadi-Maghara (Sinaï) 253
Fig. Sgy. — Stèle du roi Pepi II (Vl^ dynastie), gravée sur les rochers de Wadi-
Maghara (Sinaï) . 236
Fig. 59S. — Cercle de pierres (Gebel-Geuamieh, dans le désert à l'est d'Edfou). 236
Fig. Sgg et 600. — Crâne du squelette humain N° 3 (El-'Amrah) ..... 25i
Fig. 601. — Crâne du squelette humain IN" 5 (El-'Amrah) . 255
Fig. fio2 — Crâne du squelette humain No 6 (El-'Amrah) . 258
Fig. (;o3 et f!o4. — Crâne du squelette humain ÎV» S (El-'Amrah) ..... 259
ANGERS, IMPRIMERIE DE A. BURDIN, RUE CARMER, 'l .
BINDING SECT. JUN 3 0 196/
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