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Full text of "Recherches sur les animaux inférieurs de la Méditerranée"

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RECHERCHES 


SUR 


LES ANIMAUX INFÉRIEURS 


DE LA MÉDITERRANÉE, 


Tor CA Vogl 


PREMIER MÉMOIRE, 


SUR LES SIPHONOPHORES DE LA MER DE NICE. 


(Lu à la Section des Sciences naturelles et mathématiques de l’Institut Genevois, dans les séances du 27 mai et du 
24 juin 1855.) 


Nr AENN jé ab: 


RECHERCHES 


SUR QUELQUES, 


ANIMAUX INFÉRIEURS 


DE LA MÉDITERRANÉE. 


Un séjour prolongé sur les bords de la Méditerranée, à Nice, depuis le mois 
de Novembre 1850 jusqu'au mois de Mai 1852, m'a permis de compléter une 
série de recherches que j'avais déjà commencé au même endroit pendant l'hiver 
de 1846 à 1847, et dont j'ai donné déjà quelques aperçus incomplets, soit dans 
mon ouvrage : Océan et Méditerranée, publié en 1847, soit dans une lettre 
adressée à M. de Siebold , le 7 Septembre 1851, qui a paru dans la « Zeitschrift 
für wissenschaftliche Zoologie » de C. Th. de Siebold et A. Kælliker, Tome IV, 
p. 322, soit enfin dans mon ouvrage : Bilder aus dem Thierleben, publié en 
1852. Mes matériaux et dessins s'étant accumulés tellement que leur publication 
était en dehors des ressources d'un journal mensuel, j'ai saisi l'occasion de les 
présenter à la Société helvétique des Sciences naturelles, rassemblée à Sion 
le 18 Août 1852, et d'en faire un rapport de vive voix. Je rappelle ici ces dates 
uniquement pour démontrer que mes recherches étaient achevées déjà au prin- 
temps 1852, et que les difficultés matérielles seules de la publication de plusieurs 
centaines de figures avec le texte nécessaire, m'ont empêché jusqu'à présent de les 


offrir complétement au public. Aujourd'hui, je me propose de communiquer à 


2 C. VOGT. SIPHONOPHORES 7 


l'Institut ces fruits d'une observation prolongée, dans une série de Mémoires, 
qui auront trait surtout à différents groupes d'animaux marins appartenant aux 
embranchements des Zoophytes et des Mollusques. Je me suis principalement 
occupé des animaux flottants à la surface de la mer, et J'ai surtout concentré 
mes efforts pour obtenir les petites formes, quelquefois microscopiques, qui 
échappent trop souvent à l’observation des naturalistes. La baie de Villefranche, 
à une lieue de Nice, est extrêmement propice pour ce genre de recherches, par 
la tranquillité des eaux qui remplissent ce port naturel. Aussi tous les animaux 
dont je traiterai sont-ils pris dans cette baie où aux abords de la côte entre 
Nice et Villefranche. Je me rendais ordinairement par une mer tranquille à 
ces endroits, muni de filets très-fins, qui étaient construits à peu près comme 
les filets à papillons. On trainait ces filets sur la surface de l'eau, des deux 
côtés de la barque, en allant lentement, et on ramassait ainsi à la surface de 
l’eau tous les animaux flottants, qui n'étaient pas visibles à l'œil nu. On re- 
tournait de temps en temps les filets dans de grands bocaux remplis d’eau 
dans lesquels on déversait ainsi une quantité de petits Crustacés, de Ptéro- 
podes, de Larves d'Échinodermes et de Mollusques. Nous savions par expé- 
rience que les trainées transparentes et lisses que l'on voit souvent à la sur- 
face de l'eau et que les pêcheurs appellent courants, sont surtout riches en 
animaux flottants. Mes pêcheurs étaient bientôt exercés à ce genre de recherches 
et savaient trouver, par la direction du vent et des courants, les endroits 
propices pour notre pêche. Ils découvraient avec de véritables yeux de Iynx 
les animaux les plus transparents qui flottaient à la surface. Ceux-ci étaient 
pris avec les mêmes filets lorsque l'on savait qu'ils supporteraient aisément cette 
manipulation. En eflet, les Salpes, les Pyrosomes, la plupart des Méduses ont 
les tissus assez fermes pour ne pas souffrir par le contact des filets. Il en est 
autrement de la plupart des Siphonophores, dont le tissu est tellement délicat, 
que chaque contact avec un filet détruit plus ou moins leur structure. 

Voici comment on prenait ces animaux : On s'approchait avec précaution 
lorsqu'on les voyait flottant à la surface, et en plongeant un bocal vide dans 
l'eau, on produisait un courant qui les entrainait dans le bocal sans qu'on les 


touchät. Très-souvent les animaux nous échappaient et plongeaient au fond; 


3 DE LA MER DE NICE. 3 


on produisait alors avec le filet, qui était attaché à un long manche, un courant 
ascendant, qui les ramenait à la surface, et on répétait la même manœuvre 
avec le bocal sans jamais les toucher. Si j'ai eu des exemplaires plus complets 
que beaucoup de mes devanciers, je le dois uniquement à ces précautions que je 
viens d'indiquer. 

En général j'ai répété mes observations très-souvent et j'ai pris en même temps 
les dates précises de ces observations pour pouvoir contribuer plus tard à la confec- 
tion d'un calendrier des apparitions de ces divers animaux marins. Les courtes 
notices publiées jusqu'à présent sur ce sujet ne pourraient suffire au besoin du 
naturaliste voyageur. Il en est des animaux marins comme des insectes ; ils ont 
leurs stations de préférence et leurs époques d'apparition dans l'année, peut-être 
mème dans des périodes plus prolongées. On perd souvent beaucoup de temps 
précieux jusqu'à ce qu'on connaisse même superficiellement les ressources d’une 
contrée ; d'autant plus que les pêcheurs n'’attachent aucune importance aux ob- 
jets désirés par les naturalistes . 

C'est encore une trouvaille précieuse qu'un pêcheur intelligent et attentif. M. Vé- 
rany m'a souvent répété, qu'il devait une grande partie des nouveautés, dont il 
a enrichi le catalogue de la faune du golfe de Gênes, à un pêcheur qu'il avait dressé 
à ses recherches. J'ai réussi à trouver dans le pêcheur Jacquin, à Nice, un individu 
très-attentif, plein d'ardeur, et doué de toutes les qualités nécessaires. Jacquin con- 
naissait bientôt toutes les « carmarines » (expression niçoise pour les organismes 
marins gélatineux) et quoiqu'il ne pouvait jamais se mettre en tête les noms 
latins, dont j'ai vainement cherché à enrichir sa mémoire, il savait bientôt trouver 
des noms propres pour chaque espèce visible à l'œil nu. Je puis recommander 
ses services à tous les naturalistes qui iront voir ces côtes si riches et si belles, 
où ils trouveront en la personne de mon ami J.-B. Vérany un naturaliste plein 
de bienveillance et de dévouement pour la science zoologique qu'il a cultivée avec 


un si grand succès. 


C. VOGT, SIPHONOPHORES 4 


ES 


PREMIER MÉMOIRE. 


SUR 


LES SIPHONOPHORES DE LA MER DE NICE. 


Le groupe des Siphonophores fut établi par Eschscholtz qui distingua les Aca- 
lèphes en trois ordres, les Ctenophores ou les Beroïdes, qui nagent par des pail- 
lettes vibrantes placées à la surface du corps, les Discophores ou les Méduses 
ordinaires, nageant par les contractions de leur ombrelle et les Siphonophores 
sans cavité digestive centrale, mais pourvus de nombreux suçoirs. Les organes 
moteurs de cet ordre des Acalèphes devaient consister ou en vésicules natatoires 
d'une consistence cartilagineuse ou dans des vésicules aériennes tenant l'organisme 
en suspension. Eschscholtz distinguait dans cet ordre des Siphonophores trois 
familles : 

Les Diphyides, les Physophorides et les Vélellides, qui sont caractérisés par la 
présence d’une coquille calcaire ou cartilagineuse, contenant de l'air. Cette fa- 
mille n'est composée que de trois genres : les Porpites à corps circulaire sans 
crête, les Vélelles à corps ellipsoide avec crête cartilagineuse verticale et diagonale 
et les Rataires à crête musculeuse et droite qui probablement ne sont que les 
jeunes des Vélelles. | 

Je traiterai successivement de plusieurs genres appartenant à ces familles diffé- 
rentes dont je discuterai à la fin la valeur, en m'occupant également des autres 


systèmes zoologiques proposés jusqu'à ce jour. 


> DE LA MER DE NICE. 3, 


SUR LA VÉLELLE DE LA MÉDITERRANÉE. 


(VELELLA SPIRANS, FORSKAL.) 


TAB MEN; 


Le genre Vélelle, qui nous occupe ici, forme avec les Rataires qui probablement 
n'en sont que les jeunes, et avec les Porpites un groupe nettement circonscrit 
parmi les Siphonophores. Ce groupe est caractérisé par la présence d'un squelette 
intérieur de nature cornée ou même calcaire, dans lequel sont creusés des es- 
paces contenant de l'air. Ce squelette joue donc le rôle d'une vessie aérienne des- 
tinée à balancer le poids de l'animal avec celui de lélément ambiant. Aussi ce 
groupe a-1-il été distingué par Eschscholtz sous le nom de la famille de Vélellides, 
et par Blainville sous le nom des Cirrhigrades. 

La forme du corps des Vélelles est celle d'un bouclier horizontal et elliptique, 
. un peu bombé au milieu, sur lequel s'élève une crête triangulaire placée oblique- 
ment par rapport au grand axe de l'éllipse. On peut distinguer dans le plateau hori- 
zontal une face supérieure bombée, sur laquelle est placée la crête et une face 
inférieure creuse, qui porte de nombreux appendices, dont nous allons examiner 
la structure. Pour bien comprendre l'organisation de ces animaux il faut distinguer 
entre Jes différents organes que nous allons passer successivement en revue. 
C'était au commencement du mois de mai 1852, que de nombreuses Vélelles, 
appartenant à l'espèce désignée par Forskal déjà sous le nom de Velella spirans, 
arrivèrent sur les côtes de Nice et me permirent de pousser mes recherches un peu 
plus loin que mes devanciers. Cette espèce est caractérisée par Lamarck sous le nom 
de Vélella limbosa par la phrase suivante : 

« Velella ovalis oblique cristata : tabula infériore limbo nudo obvallata, dise 
» margine tentaculis longis crinito. » 

On peut trouver des indications sur le genre Velella et sur l'espèce qui nous 


occupe dans les ouvrages suivants : 


6 C. VOGT. SIPHONOPHORES 6 


Armenistarium. — Carburio, Miscellanea Tovinesia. Vol. HT, p. 206. 
Armenistarium Velella. — Costa. Fauna di regno di Napoli. 
Annales des scienc. natur. 2" série. Tome XVI, 
1841, p. 187. 
Medusa Velella. LϾfling. [ter p. 204. 


» »  Columna. Aqua et Terra. Cap. 10, p. 20. Tab. 18, fig. 1. 
» »  Împerato. Histor. natur. p. 688, fig. 1 

» »  L. Gmelin. System. nat. p. 3155, op. 12. 

» » Shaw. Miscellan. Tome VII, p. 247. 


Velum marinum. Imperato. Nat. p. 914, pl. 912. 

Medusa navicula. Shaw. Miscellan. f. VIE, p. 250. 

Holothuria spirans. Forskal. Descriptiones animalium, quae in itinere orientali 
observavit. Hiuniae 1775, p 105, n° 15. Icon. tab. 26 


fig. k. 
» » Gmelin. System. nat. 3145. 
» » Encyclopédie méthodique, pl. 90, fig. 1-2. 
Velella spirans. Eschscholtz. System. der Akalephen. p. 172 n° 5. 
» » Oken. — Naturgeschichte. Tome V 1. p. 206. 
Velella limbosa Lamarck Syst. anim. sans vert. Tome Il, p. 482. 
» » » (Dujardin) Syst. anim. sans vert. T. IT p. 98. 
» » Blainville. Manuel d'Actinologie, p. 304. 
» » Lesson. Voyage de la Coquille. 
» » » suites à Buffon. Acalèphes, p. 568 n° 1. 


Pour l'anatomie de l'espèce de la Méditerranée, on peut consulter les ouvrages 


cités de Eschscholtz et de Lesson et les mémoires suivants : 


Delle Chiaje : Memorie sulla storia et notomia degli animali senza vertebre. 
Vol. II. p. 219. 
» » Descrizione degli animali senza vertebre della Sicilia citeriore. 
Vol. IV. p. 106. 
Costa : Sur l'appareil vasculaire de la Vélelle. Ann. sc. nat. 2° série. 


Tome XVI, 1841, p. 187. 


Krohn : Notiz über die Anwesenheit eigenthümlicher Luftkanæle bei 


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Î DE LA MER DE NICE. 


Velella und Porpita. Archiv für Naturgeschichte von Wieg- 
manu und Erichson. Quatorzième année Vol. 1, 1848, p. 30. 
Leuckardt. Ueber den Bau der Physalien und der Rœhrenquallen im 
Allgemeinen. Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von 
Siebold und Kælliker. Vol. II, p. 189, 1851. Traduit dans 
les Annales des sc. nat. 3"* série, Tome XVIT, pag. 201. 
Th. de Siebold. Manuel d'anatomie comparée. 
Hollard. Recherches sur l’organisation des Vélelles. 
Ann. sc. nat. 3" série. Tome IIE, p.248, 1845. 
Keælliker. Rapport sur quelques recherches d'anatomie comparée faites 
à Messine en automne 1852 dans : 
Leïtschr. für wissenschaftl. Zoologie von Siebold und Kælliker, 
Tome IV, p. 306, 1853. 
Th. Huxlev. Ueber die Sexualorgane der Diphyidae und Physophoridae. 
Archiv für Anatomie, Physiologie etc. von J. Muller, 1851, 
p. 380, Tab. 16. 


Velella spirans Forskal *. 


Forskal, pendant son voyage en Egypte, découvrit le premier la belle espèce, 
dont nous traitons ici, dans le voisinage du Cap St-Martin entre Monaco et 
Menton par une mer tranquille. I rangea l'animal parmi les Holothuries. Je trans- 
cris ici sa diagnose en traduisant sa description. 

© Holothuria spirans ; ovalis, cœrulea, oblique cristata, subtus tentaculis disci 
<_albis, radiis longioribus, nudis, cœruleis. 

« Description. Longueur : deux pouces, largeur : un demi-pouce. Face supérieure : 
Un noyau (Nucleus) ovale, rigide au centre, blanchâtre, entouré d’un bord bleu 
foncé, composé d'anneaux ovales et concentriques. Le noyau interne se voit à 


travers avec une couleur brune ou bleu foncé. Il est divisé en deux parties égales 


! Tab. 1, fig. 1. Vue d’en haut. Fig. 2. Vue de profil. Fig. 3. Vue d’en bas. 


Q 


Ô C. VOGT. SIPHONOPHORES le) 


par la base de la crête. De chaque côté court depuis le centre au limbe une ligne 
deprimée assez oblique, mais perpendiculaire à la base de la crête. Au milieu 
entre cette ligne et le bord le plus éloigné de la crête se voit une autre ligne 
moins apparente. Le limbe est de la moitié plus étroit que le noyau, plane, flexible, 
d'une couleur bleu-pàle près du noyau, mais près du bord il est entouré d'une 
ligne noire. Le bord lui-même est transparent, mince, bleu clair et sans taches. 
La créle est seicicirculaire et repose seulement sur le noyau, pas sur le limbe ; — 
elle court obliquement d'un bord à l'autre, de manière que de quel côté qu'on 
la tourne, l'avant sera toujours à gauche, l'arrière à droite. La crête est com- 
primée; elle a un limbe flexible et un noyau rigide ; ce dernier est subtriangu- 
laire, double de sa hauteur, à côtés arrondis, à pointe proéminente, obtuse, la- 
quelle s'étend jusqu'au bord à travers du hmbe et a des veinules obscures, finement 
réticulées ; il est rigide, hyalin, ponctué de bleu sur le bord. Le limbe de la crête 
est flexible, arrondi des deux côtés, très-large à la base, atténué vers le sommet, tout 
bleu avec des fines veines blanchâtres et minces qui courent parallèlement au bord, 
lequel est bleu aussi. » | 

« Face inférieure. Les tentacules sont tous fixés sur le noyau. Ceux du disque sont 
nombreux, plus courts que le limbe, filiformes, plus gros à la base et au som- 
met, blanchâtres, blancs à l'extrémité qui peut se dilater en une grande ouverture. 
Les tentacules du rayon ou du bord du noyau sont variés, inégaux, souvent plus 
longs que le limbe, et excédant même la largeur du corps, filiformes et subulés, 
d'un bleu transparent, plus foncé au bord et au nerf du milieu. L'animal peut 
mouvoir les tentacules du disque de tous les côtés, les étendre et contracter ; 
dilater et fermer leurs ouvertures. Les tentacules du rayon se tournent dans tous 
les sens, mais se raccourcissent moins. Le noyau lui-même paraît noir à la face 
inférieure, le limbe bleu clair avec des points noirâtres ; au milieu se voit un 
ventricule blanc, sphérique, avec une bouche cylindrique, longue, ouverte, très di- 
latable et rétractile. » 

« Observations. Les animaux de cette espèce conservés longtemps dans l'eau la 
teignent en bleu ; morts ils la rendent fétide après la chute des tentacules du rayon. 
Is deviennent promptement blancs dans l'esprit de vin, la ligne longitudinale noire 


du noyau reste seule. Dans les anneaux du disque restent aussi des bulles d'air 


9 DE LA MER DE NICE. 9 


qui peuvent se déplacer, ce qui prouve que ces anneaux sont vides et font l'office 
de poumons au moyen desquels les Holothuries nagent presque toujours. Quelque- 
fois elles allaient au fond du vase en évacuant d'abord l'air. Les tentacules du 
disque servent donc à la respiration; quand on tournait l'animal sur le dos, il 
ouvrait les bouches des tentacules, auxquelles adhéraient des bulles d'air. L’ani- 
mal navigue par le moyen de la crête; il rame, plonge ou se relève par les ten- 
tacules du rayon. » 

« On trouve quelquefois le squelette de ce ver nageant dans la mer. Il est blanc, 
composé de la partie rigide du corps et de la crête, et souvent habité par des Mo- 
nocles et d'autres petits crustacés. » 

« Notre capitaine français nous racontait, qu'on nommait cette bête en français 
Valette, qu'on la pêchait par la mer tranquille et la faisait frire dans de l'huile ou 
du beurre en l'aspergeant de farine. » 

«IL adhère partout par un gluten naturel; posé sur du papier huilé et conservé 
à l'ombre, il garde sa couleur ; il rougit cependant, mais l'eau lui rend sa 
couleur primitive. Il n'est point venimeux comme beaucoup d’autres vers. » 

On n’a qu'à changer plusieurs expressions qui ne sont pas d'accord avec nos 
connaissances actuelles pour voir que cette description est excellente et s'applique 
parfaitement à notre espèce. C'est en effet la partie horizontale du squelette ou 


le bouclier ‘ 


qui est appelé par Forskal noyau et qui se distingue à la face supé- 
rieure de l'animal par sa transparence blanchâtre, résultant de la présence de 
l'air dans l'intérieur de ses canaux concentriques. Des lignes concentriques, cou- 
rant parallèlement au bord du squelette, indiquent les cloisons qui séparent les 
circonvolutions du canal aérien. Une ligne transversale, perpendiculaire à la base 
de la crête, paraît séparer la coquille en deux moitiés égales. C’est comme une 
ligne de suture dans laquelle les deux moitiés de la coquille seraient agglu- 
tinées l'une à l'autre. On aperçoit à travers la coquille des reflets brunâtres, 
produits par ‘le tissu vasculaire situé à la face inférieure de la coquille, sur 
la surface de laquelle s'étend du reste une teinte bleu de ciel très-claire. 

La crête * qui s'élève verticalement au-dessus du bouclier aérifère, a la forme 


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10 C. VOGT,. SIPHONOPHORES 10 


triangulaire. Elle est soudée par sa base entière à la surface de la coquille, 
et son sommet correspond au sommet bombé de cette dernière. Elle est pla- 
cée obliquement, de manière que, de quel côté que l'on tourne l'animal, 
l'extrémité antérieure du triangle sera toujours tournée à gauche et l'extrémité 
postérieure à droite. Je n'ai pas observé des variations à l'égard de cette posi- 
tion de la crête, et j'ai eu pourtant l'occasion d'examiner plusieurs centaines 
d'individus. Chamisso s'est servi de ce caractère pour distinguer plusieurs espèces 
des mers du Sud ; d’autres observateurs, parmi lesquels surtout Eschscholtz, ont 
soutenu avoir trouvé des individus de la même espèce, ayant la crête verticale 
placée dans la diagonale opposée, de sorte qu'il y aurait dans la même espèce 
des individus tournés à gauche et d’autres tournés à droite, comme on l'a observé 
aussi chez les Hélices. La crête de notre espèce est formée toute d'une pièce 
par une lame cornée très-mince et entièrement transparente, sur laquelle s'é- 
tend une peau très-mince aussi, et d'une teinte à peine bleuâtre. Cette peau 


déborde la lame partout sur ses deux bords libres, et forme une frange ‘ 


con- 
tinue, qui montre une bordure de couleur bleu foncé, autant du côté de la lame 
que sur son bord extérieur. On voit en outre sur cette frange des fines lignes un 
peu sinueuses, qui montent perpendiculairement depuis le bord de la lame au bord 
de la frange, et qui ontune couleur jaunâtre. Examinées sous la loupe, les deux lignes 
bleu foncé, qui bordent des deux côtés la frange, apparaissent sous la forme de ca- 
naux bleus contenant des granulations jaunes. 

La lame de la crête est solidement soudée à la coquille avec laquelle elie ne forme 
qu'un tout. Sauf les adhérences de la face inférieure résultant de l'insertion 
des canaux aériens, dont nous parlerons plus tard, le squelette tout entier est 
enchassé librement dans les téguments extérieurs à tel point, qu'il suffit de fendre 
la peau qui couvre la coquille pour pouvoir extraire cette dernière tout entière 
comme hors d'un sac. 

Le bouclier horizontal du squelette est entouré d'un limbe *, formé par les 
téguments, et qui, par sa largeur, double le diamètre transversal du corps. Ce 
limbe a la texture charnue, la couleur bleu-foncée passant au vert et l'épaisseur 


PATAb' li ufio. 2, Ne. 
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1j DE LA MER DE NICE. 11 


d'un millimètre à peu près. Il est assez contractile et se meut avec des ondulations 
lentes qui évidemment dépendent de la volonté de l'animal. Son bord externe 
montre sur tout son pourtour une bande étroite, mais nettement accusée de couleur 
bleu-claire, qui tranche fortement sur la teinte beaucoup plus foncée du limbe lui- 
même. Examiné de plus près, le limbe se montre parcouru dans toute sa longueur 
par des ramifications nombreuses d'une couleur bleu-foncée qui partent de la rainure 
dans laquelle la coquille est enchassée et qui se laissent poursuivre jusqu'à la ligne 
blanchâtre du bord. Outre ces lignes qui sont sensiblement parallèles entre elles 
on distingue encore dans le tissu semi-transparent du limbe des points jaunes dis- 
persés sans ordre sur toute la surface, et qui, sous la loupe, paraissent avoir un 
aspect granuleux. 

C'est sur la face inférieure ‘ que se montrent les organes principaux que l'on 
ne voit qu'en retournant l'animal. La Vélelle vivante nage en eflet toujours à la 
surface de l'eau, la crête hors de l’eau et exposée à l'air libre. Ce n'est qu'en 
mourant qu'elle se laisse tomber au fond du vase dans lequel on la tient. Je les ai 
rencontré de même en troupeaux immenses nageant à la surface de l’eau, et allant 
au gré du vent et des courants qui les transportaient. Le peuple, en les nommant 
Vélèdes, désigne par ce nom justement cette propriété de chasser devant le vent 
comme une voile. 

Je reviens à la description de la face inférieure. Au milieu de cette face se voit 
toujours un grand suçoir central en forme de trompe, très-contractile et d'une cou- 
leur blanchâtre. C’est ce suçoir qui est désigné ordinairement par les auteurs 
sous le nom d'estomac, et que nous appellerons dorénavant le polype central *. 
Autour de ce polype central se voit une quantité d’autres appendices beaucoup 
plus petites d'une couleur blanchâtre et dont la base est entourée de granula- 
tions ou de petites grappes jaunes. Tous ces appendices que nous appellerons 
dorénavant les individus reproducteurs *, ne sont fixés que sur l'espace qu'occupe 
le disque de la coquille ; et en les écartant les uns des autres au moyen d'une ai- 


guille, on voit qu'ils sont implantés sur un tissu d’une couleur brun-rougeûtre qui 


! Tab. 1, fig. 3. 
AD AE Et, labs 2, fie. 14510: 
Tab. 1, fig. 3, g. Tab. 2, fig. 13. 


12 C. VOGT. SIPHONOPHORES 12 


tapisse le fond un peu creux du bouclier formé par la coquille. La réunion de 
ces individus reproducteurs dessine, je le répète, sur la face inférieure exacte- 
ment le contour du bouclier ; le limbe est donc entièrement libre. Sur la limite 
même entre le limbe et le bouclier sont implantés de nombreux fentacules * qui 
dépassent en s'allongeant le bord du limbe. Ces tentacules sont vermiformes, entie- 
rement libres, arrondis ou subulés à leur extrémité fermée, cylindriques et d'une 
couleur bleue de ciel, plus foncée sur le bord. Ces tentacules sont dans un mouve- 
ment continuel, et peuvent se contracter et s'allonger de manière à dépasser 
considérablement le limbe, qui est uniformément bleu sur toute sa face inférieure. 

On voit déjà par cette description, que le limbe est entièrement libre et n'a 
aucun rapport avec les nombreux appendices qui se montrent à la face infé- 
rieure de la Vélelle. Le limbe ne forme que le rebord épaissi des deux feuillets 
des téguments, qui embrassent le squelette, et c'est sur la partie recouvrant la 
face inférieure du bouclier horizontal du squelette que sont implantés les appendices 
que nous venons d'énumérer. 

Nous suivons pour la description anatomique le même ordre que pour la des- 
cription zoologique. | 

Le fissu du squelette a l'apparence d’une substance cartilagineuse ou cornée 
el ne montre sous le microscope aucune trace de structure. J'ai vainement 
cherché de découvrir une trace quelconque de composition cellulaire ou autre ; — 
jamais, je n'ai vu qu'une substance parfaitement homogène, transparente 
comme du verre, flexible mais rigide en même temps, et qui se déchire abso- 
lument comme une tranche très-fine de cartilage ou de corne. M. Leukhard 
dit * que c'est à tort, que cet organe a été décrit comme cartilagineux et qu'il 
est évidemment corné ; mais je ne saurais trouver un caractère anatomique qui 
dans des lames aussi minces et homogènes puisse servir à distinguer le cartilage 
de la corne, et je ne sais qu'on eût fait des recherches chimiques sur ce point. 
Nous avons déjà dit que la lame de la créte est simple et compacte tandis que 
la structure de la partie horizontale de la coquille onu du bouclier est assez com- 
pliquée. Le bouclier a plus d'un millimètre d'épaisseur ; il a la forme d'un cône 


? Tab. 1, fig. 1 et 3, a. fig. 10, b. 
* Annales des Sciences naturelles, 2% série, tom. XVIII, p. 206. 


13 DE LA MER DE NICE. 13 


très-surbaissé, et il est composé de deux lames horizontales, dont l'une couvre 
la face supérieure bombée, tandis que l’autre forme la face inférieure et creuse. 
Ces deux lames sont tenues en distance par des cloisons concentriques qui se dessi- 
nent fortement déjà à l'œil nu. On peut considérer le bouclier comme formé par 
un tube enroulé concentriquement en une spirale très-basse et qui va en s’élar- 
gissant depuis le centre relevé de la coquille, où il prend naissance par une pe- 
üte cellule centrale occupant le sommet du bouclier. C'est donc une suite de 
galeries concentriques, soudées et réunies ensemble par les deux lames du bou- 
clier, et séparées par des cloisons concentriques qui, au premier abord, ne pa- 
raissent avoir aucune communication entre elles. En faisant une coupe du ‘bou- 


clier, de manière à traverser les galeries à angle droit ‘ 


; on voit que les cloisons 
sont un peu concaves vers le centre, bombées vers l'extérieur, ce qui donne aux 
galeries une lumière approchant de la forme d'une demi-lune. Toutes ces galeries 
sont remplies d'air et montrent les mêmes reflets argentés comme les trachées 
des insectes quand on les dissèque sous l’eau. Les galeries sont resserrées à l'endroit 
où se montre à l'extérieur la ligne transversale dont nous avons parlé plus 
haut; elles communiquent entre elles, comme l'a démontré Delle Chiaje * et 
comme l'a confirmé M. Krohn * par des ouvertures arrondies qui se trouvent 
établies justement sous la ligne de soudure de la crête avec le disque. On voit, 
en effet, en poussant des injections dans ces galeries, le liquide passer le long 
de la galerie jusque sous la lame verticale et prendre de là deux directions ; d’un 
côté en continuant dans la galerie le long du pourtour, et de l’autre en remontant 
en baut vers le sommet du disque, et en remplissant successivement les autres 
galeries. Je n'ai pu découvrir aucune autre ouverture qui puisse établir une «om- 
munication entre ces galeries aérifères à l'extérieur. M. Kælliker a été plus heu- 
reux ‘. « On trouve, dit-il, chez les Vélelles 13 ouvertures à la face supérieure du 
bouclier, près de la base de la lame verticale, posées de manière qu'il y en a 6 
de chaque côté, et que le treizième s’abouche dans la chambre impaire et centrale 
du bouclier. » 
! Tab. 1, fig. 5. 
= Animalia senza vertebre della Sicilia citeriore, tom. IV, p. 106. 


Archi für Naturgeschichte. 14° année, 1848, tom. I, p. 30. 
Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von Külliker und C.-Th. v. Siebold. Vol. IV, p. 368. 


14 C. VOGT. SIPHONOPHORES 14 


Forskal a déjà parlé de la faculté de Vélelles de chasser l'air contenu dans les ga- 
leries du bouclier. M. Lesson prétend aussi que l'air contenu dans la coquille a des 
issues, qu'il peut être au besoin expulsé ou rappelé. J'avoue que l'observation di- 
recte des animaux vivants ne m'a jamais fourni le moindre indice de pareilles ou- 
vertures. Les Vélelles pleines de vie flottaient constamment à la surface des bo- 
caux ; — une fois submergées , elles l’étaient pour toujours; jamais aucune ne se 
relevait vers la surface. 

M. Hollard ’, dont nous aurons souvent à citer le nom pour réfuter des erreurs, 
prétend que la crête verticale est formée de deux lames appliquées l'une contre 


l'autre, qui se séparent dans la partie horizontale pour intercepter les canaux 


aériens. C'est une erreur, — la lame verticale est tout aussi homogène que les lames 
supérieures et inférieures du bouclier, que les cloisons des canaux : tout cela est 
moulé d'une seule masse sans structure intime apparente. 

En séparant le squelette du corps de la Vélelle, on observe facilement des filets 
blanchâtres , qui établissent une adhérence entre le sommet de la coquille à sa face 
inférieure et le tissu brun rougeàtre qui couvre cette surface. En poursuivant ces 
filets qui se rompent facilement, on les voit pénétrer dans l'épaisseur de ce tissu brun 
et reparaître à sa face inférieure sous la forme de canaux fins, onduleux , repliés en 
sinuosités , mais courant en général en rayonnant du centre vers le bord. En écar- 
tant les individus reproducteurs autour du polype central, on voit ce dernier entouré 
à sa base comme d’un écusson brun rougeûtre sur lequel serpentent en rayonnant 
ces canaux qui ont un vif reflet argenté, et dont j'ai cherché à reproduire l'aspect 
dans la fig. 2, Tab. 2. C’est à mon ami Krobn * que l'on doit la découverte de ces 
canaux aérifères qui parcourent le corps des Vélelles et des Porpites, et qui se 
laissent poursuivre jusque dans la base des individus reproducteurs , mais qui man- 
quent entièrement au limbe et aux tentacules. Je ne puis rien ajouter à la descripuion 
donnée par l'observateur distingué. Ces canaux aérifères s'insèrent, comme nous 
venons de le dire, au centre du disque par quatre canaux disposés en croix ; ils sont 
ainsi en communication directe avec les galeries aérifères du bouclier. Le réseau 
formé à la face inférieure du corps par les canaux qui serpentent en rayonnant, 


! Annales des Sciences nat., 3% série. Tom. IV, p. 253. 
? Archiv für Naturgeschichte. 14e année. Vol. I, p. 30, 1850. 


” F- 


15 DE LA MER DE NICE. 15 


envoie des branches dans la base du polype central, comme dans celle de tous les 
individus reproducteurs, où J'ai pu quelquefois les distinguer jusque vers le milieu de 
la cavité digestive. La substance dont ces canaux sont formés est absolument la même 
que celle du squelette ; aussi les canaux sont-ils rigides au point qu'ils restent ou- 
verts lorsqu'on les coupe. Examinée sous le microscope , la substance de ces canaux 
est entièrement homogène et transparente, de sorte qu'on ne peut distinguer leurs 
‘amnifications fines que par la présence de l'air, qui leur donne justement ces reflets 
argentés qui les font apercevoir déjà à l'œil nu. Une autre particularité de leur 
structure , qui fut déjà notée par Krohn , est celle d'être divisés par des replis qui se 
répètent presque régulièrement *. Chacun de ces canaux forme ainsi une suite de 
chambres cylindriques , alignées de manière à les faire ressembler au fil d’une algue 
d'eau douce. I faut pourtant observer que les cloisons qui séparent ces cellules ne 
sont pas complètes; mais qu'elles sont seulement formées par des replis faisant 
saillie vers l'intérieur , et que l'on peut par conséquent facilement chasser par la 
pression , l'air contenu dans ces canaux dans toutes les directions. 

J'ai souvent essayé de me rendre compte de la manière dont ces canaux finissent 
dans le tissu même des individus reproducteurs , dans la base desquels on les aperçoit 
assez aisément. On voit toujours trois ou quatre de ces canaux qui montent dans le 
tissu même en devenant de plus en plus minces, mais pourtant pas de manière à 
s'effiler complétement. Les contours si nets de leurs parois, et qui sont relevés encore 
par l'air contenu dans l'intérieur du tube, cessent tout d’un coup, et il est impossible 
de chasser, par des pressions ménagées dans ce but, l'air plus loin que jusqu'à l'en- 
droit où cessent ces contours. Les injections que j'ai essayées n’ont jamais pénétré 
depuis les galeries de la coquille dans l'intérieur de ces canaux, et tous les moyens 
d'investigation à ma disposition ont ainsi échoués complétement devant cette ques- 
tion sur la terminaison finale de ces canaux au milieu des tissus qui composent les 
appendices de la face inférieure de la Vélelle. Il m'est donc impossible de dire si ces 
canaux s'ouvrent dans la cavité interne des individus reproducteurs, ou bien s'ils 
finissent dans les tissus sans orifice. 

Le polype central * est situé au milieu de la face inférieure, et présente une gros- 


‘ Tab. 1, fig. 6. 
2 Tab. 2, fig. 11. 


16 C. VOGT. SIFHONOPHORES 16 


seur et une structure tout à fait particulière qui le font distinguer au premier coup- 
d'œil de tous les appendices de cette même face du corps. C’est un tube cylindrique 
en forme de trompe qui est extrêmement contractile et qui peut s’allonger considé- 
rablement ou se renfler de manière à prendre la forme d'une boule. On le voit ordi- 
nairement contracté sous forme d'une poire, l'ouverture extérieure contractée de 
manière à présenter un point noir. La couleur est blanchàtre, la bouche ronde et 
susceptible d'une grande dilatation. On distingue sur son pourtour des stries courant 
dans le sens de la longueur qui se continuent jusqu'au fond de la partie cylindrique 
du polype. Cette partie que nous appellerons la trompe s'ouvre dans un large espace, 
dans un sac en forme de fuseau, allongé suivant le diamètre longitudinal du corps 
de l'animal. Ce sac fusiforme est revêtu par les mêmes téguments blanchàtres, qui 
forment aussi le corps du polype dans son entier. Le polype entier se présente donc, 
si l'on remet la Vélelle dans la position où elle nage, sous la forme d’un sac fusiforme, 
attaché à la face inférieure du corps et terminé par une trompe contractile, pendante 
depuis le centre du sac. On reconnaît, en examinant ce polype après l'avoir fendu, que 
les stries longitudinales, qui se montrent sur la trompe, sont des bourrelets saillants 
vers la cavité intérieure, au milieu desquels courent des faisceaux musculaires. On 
voit en outre au fond du sac en forme de fuseau deux rangées d'ouvertures alignées 
dans le sens dela longueur, qui conduisent dans le réseau vasculaire dont je parlerai 
tout à l'heure. Les pointes du sac se terminent de la même manière dans plusieurs 
troncs vasculaires. La structure intime du polype et du sac fusiforme dans lequel il 
s'ouvre est assez simple. La surface extérieure est formée par une couche de cel- 
lules hexagonales réunies en pavé, dépourvues de noyau et d’une transparence par- 
faite. Sous cette couche externe se trouve une épaisse couche musculaire formée de 
fibres simples tissée dans tous les sens, parmi lesquels se font distinguer les faisceaux 
longitudinaux plus forts , lesquels forment les bourrelets saillants de la cavité inté- 
rieure. Celle-ci est tapissée de nouveau par une couche de cellules en pavé qui se 
continue sur toute la face interne du sac en fuseau jusqu'aux embouchures de ses 
pointes dans les canaux vasculaires que je viens de signaler. 

Le polype central est uniquement destiné à absorber des aliments. J'ai toujours 
trouvé dans sa cavité intérieure des carapaces de crustacés, des coquilles de petites 


larves de mollusques, des restes de petits poissons, et j'ai souvent vu rejeter ces 


« 


17 DE LA MER DE NICE, 17 


parties dures, qui résistent à la digestion, par l'ouverture de la trompe même. 
L'extraction des parties solubles des animaux avalés se fait surtout dans la base de 
la trompe, qui souvent se gonfle en boule pour pouvoir recevoir les masses d’ali- 
ments ingérés. Îl ne peut donc pas y avoir de doute sur ce que le polype central est 
surtout destiné à nourrir la Vélelle entière, d'autant plus que les orifices du réseau 
vasculaire aboutissent immédiatement dans le sac fusiforme dont le polype n’est que 
la continuation *. 

La concavité conique inférieure du bouclier de la coquille est occupée en entier par 
un fissu vasculaire qui, à l'œil nu, se présente comme une masse spongieuse, d'une 
couleur brun-rougeätre. MM. Delle Chiaje * et Hollard * ont déjà signalé cette sub- 
stance en la désignant comme foie. M. Hollard a essayé d'étudier ce foie sous le mi- 
croscope, et il a donné de sa structure interne une description, qui rivalise pour 
les erreurs qu'elle renferme avec l'inexactitude du dessin qu'il en a fait. Ce n’est que 
M. Krobn “ qui a bien compris la structure de cette masse, et il est dans le vrai en 
disant qu'elle est composée de canaux communiquant entre eux par de nombreuses 
anastomoses, et remplie de granules bruns semblables à ceux du foie des mollusques. 
La masse brune et spongieuse , qui tapisse la face intérieure du bouclier , est en effet 
composée de canaux très-larges *, sinueux , séparés par des interstices qui courent 
en rayonnant depuis le centre de l'estomac et qui sont tellement étroits que cette 
partie centrale ressemble plutôt à une membrane épaisse, plissée et froissée, qu'à un 
réseau de canaux anastomosant entre eux. C’est en enlevant le squelette et en étu- 


diant la face supérieure de cette masse * qui tapisse immédiatement la concavité du 


! M. de Siebold émet, dans son excellent Manuel d’Anatomie comparée, p. 64 et 68, l'opinion, que le 
polype central pourrait bien être l'ouverture d’un système de canaux aquifères, tandis que les individus 
reproducteurs seraient les véritables poches stomacales. La présence, presque constante, d'aliments plus 
ou moins digérés condamne formellement cette supposition, qui était inspirée par la manière dont on 
considérait la Vélelle. Ce serait, en effet, quelque chose de très-anormal, que de trouver dans un animal 
simple deux sortes d'organes construits différemment et servant au même but, à la digestion. Mais la 
Vélelle étant un animal composé, une colonie, il n’y a rien d'étonnant, qu'il y ait deux séries d'individus 


dans cette colonie : les uns non reproducteurs et nourriciers, les autres reproducteurs et nourriciers en 
même temps. 


? Loc. cit. 

5 Loc. cit. p. 251. 
‘ Loc. cit. p. 31. 
BOTab 2; fie 42. 
SSTab. 1; fie, 4 


oo 


18 C. VOGT. SIPHONOPHORES 18 


bouclier , que l’on peut se rendre compte de la disposition de cet organe. On voit 
dans cette dernière figure, que le réseau serré en forme de membrane, dont la 
fig. 12 représente la structure sous un grossissement de 150 diamètres, occupe juste 
l'étendue du sac fusiforme de l'estomac, de manière à former le toit ou la paroi 
supérieure de ce sac. De ce réseau serré partent des canaux vasculaires en grande 
quantité, qui sont surtout considérables aux deux extrémités , où on trouve toujours 
plusieurs troncs plus gros faisant saillie. En parcourant l'étendue de la membrane 
sur [a surface inférieure de laquelle sont fixés les individus reproducteurs, c’est-à- 
dire l'espace compris entre le tissu spongieux brun et le limbe, ces canaux ramifiés 
s’anastomosent beaucoup entre eux, et finissent par entrer dans le limbe dont 
ils parcourent en rayonnant toute l'étendue. Il est donc évident que les canaux, 
dont le réseau si serré forme le fond du sac fusiforme, vont en se ramifiant dans 
tout le limbe, où ils constituent un réseau vasculaire à mailles plus larges et distin- 
gué dans toute son étendue par cette couleur jaune brunâtre, qui est propre à tous 
ces Canaux. 

Cette disposition générale du réseau vasculaire dans la partie horizontale du bou- 
clier et du limbe une fois reconnue, je me suis attaché à poursuivre son arrange- 
ment dans tout le corps de la Vélelle. J'ai reconnu que les vaisseaux allaient tou- 
jours en se ramifiant vers le bord du limbe et que les points jaunes, que l’on distingue 
dans le tissu de ce dernier , n’étaient autre chose que des élargissements des canaux, 
dans lesquels des granules jaunes s'étaient amassées ; j'ai reconnu en outre que les 
mailles du réseau vasculaires étaient plus lâches au milieu du limbe, mais qu'ils se 
resserraient davantage vers le bord de ce dernier et qu'ils finissaient par se réunir 
tous dans un tronc vasculaire assez large ‘, qui occupe tout le pourtour du limbe en 
dedans de la ligne bleu-claire bordant ce pourtour même. La disposition de ces 
réseaux peut donc se comparer en quelque sorte à celle que l’on observe dans l'om- 
brelle de certaines Méduses, les Rhizostomes par exemple, où les nombreux vais- 
seaux , qui partent de l'estomac, finissent aussi par se rencontrer dans un vaisseau 
circulaire faisant tout le tour de l’ombrelle. Dans les Vélelles, ces réseaux sont beau- 


coup moins réguliers que dans les Rhizostomes , et en approchant du tronc circulaire 


! Tab, 9, fig. 46, e. 


19 DE LA MER DE NICE. 19 


externe les canaux finissent par devenir tellement larges et sinueux , et les mailles 
si étroites qu'elles présentent dans leur structure quelque analogie avec le réseau du 
sac fusiforme. | 

M'étant assuré une fois de cette disposition, j'ai poussé mes recherches plus 
loin. En examinant la crête verticale qui, au premier aspect, paraît tout à fait trans- 
parente, j'ai vu les membranes fines qui tapissent des deux côtés la lame verti- 
cale, parcourues par des nombreux vaisseaux jaunes, montant depuis le bouclier 
vers le bord externe de la crête et forment entre eux des réseaux capillaires très- 
élégants, dont j'ai cherché à reproduire l'aspect dans la fig. 9 de la première planche. 
Tous ces canaux vasculaires, ainsi que les mailles capillaires, étaient accompagnés 
de bourrelets musculaires saillants, qui donnaient à ces vaisseaux l'air de courir 
entre deux digues. La lame verticale de la crête se trouve donc emprisonnée entre 
deux fines membranes musculaires parcourues par de nombreux vaisseaux. Ces 
vaisseaux se réunissent sur le bord de la lame cartilagineuse dans un tronc commun 
qui court tout le long de ce bord, et qui se fait distinguer déjà à l'œil nu par sa cou- 
leur foncée. De ce tronc commun, qui se trouve placé entre la frange et la lame, 
monte de nouveau une quantité de canaux sensiblement: parallèles, qui traversent 
la frange pour se rendre directement à son bord externe, et que l’on distingue aussi 
à l'œil nu dans la membrane transparente de la frange, comme des trainées de cou- 
leur plus foncée. Examinée sous le microscope, la frange présente un aspect très- 
singulier ‘. Des canaux parallèles montent directement depuis le vaisseau qui borde 
la lame cartilagineuse vers un autre tronc vasculaire beaucoup plus mince, mais 
plus foncé en couleur, lequel longe le bord extérieur de la frange. Ces canaux sont 
indépendants les uns des autres. Ils n’anastomosent nulle part entre eux, et n'ont 
de communication qu'avec les deux troncs communs que je viens d'indiquer ; — 
mais ils sont largement sinueux et découpés dans une quantité de cœcums, de ma- 
nière que je ne puis les comparer mieux qu’à un intestin de sangsue, présentant de 
nombreuses poches latérales. 

On voit, d’après cette description, que le réseau vasculaire, qui part du fond de 


la cavité digestive du polype central, parcourt toute l'étendue du corps, toutes les 


Tab 4; vfiig: 8. 


20 C. VOGT. SIPHONOPHORES 20 


parties membraneuses, en affectant différentes manières d'être dans sa disposition. 
Mais ce n’est pas tout. Ce réseau vasculaire est aussi en rapport direct avec fous les 
individus reproducteurs qui sont implantés sur les ramifications tapissant la face 
inférieure du bouclier ‘. Il est en effet facile de se convaincre des rapports des indi- 
vidus sexuels avec le réseau vasculaire, et il suffit de préparer avec soin sous la 
loupe quelques-uns de ces individus pour démontrer qu'ils prennent racine sur les 
troncs vasculaires mentionnés, et que leur cavité interne est en rapport direct avec 
la cavité des vaisseaux *. En parlant de la structure des individus reproducteurs, je 
reviendrai sur ce fait qui a déjà été remarqué par M. Lesson, et combattu bien à tort 
par M. Hollard. 

La structure interne de ces canaux vasculaires est assez simple, car ils paraissent 
ètre formés par des membranes sans structure apparente ; mais ce qui est cu- 
rieux, c'est de les voir remplis dans toute leur étendue par des grandes cellules 
jaunes qui, réunies ensemble, forment des amas plus ou moins bruns ou rouges, 
et qui tapissent toute la surface intérieure de ces canaux. Examinées sous un 
fort grossissement *, ces cellules paraissent arrondies et contiennent dans leur 
intérieur tantôt un petit nombre de petites granulations vésiculaires, tantôt seule- 
ment un liquide coloré en jaune. Ce sont ces cellules, que Krobn a indiqué 
comme des cellules biliaires. Je ne combattrai point cette opinion ; mais je ferai 
remarquer seulement, qu'il est curieux de les voir répandues avec une profusion 
si grande dans toutes les parties du corps, tandis qu'elles n'existent pas dans les 
cavités digestives mêmes des polypes, où nous trouverons pourtant chez d'au- 
tres Siphonophores des organes pouvant être désignés comme cellules biliaires. 
Je ferai remarquer en outre que les mêmes cellules existent déjà dans les gemmes 
médusiformes avant que ceux-ci possèdent une cavité digestive ou des canaux vas- 
culaires, et que la répartition générale des canaux, dans lesquels ces granules se 
trouvent, doit faire considérer plutôt ces canaux comme analogues du tronc com- 
mun des autres Siphonophores. Il faudrait admettre, que chez les Vélelles le foie 

AD le TEA Ne IS 

? € D’après tout ce que M. Külliker a vu, les petits polypes correspondent aussi avec les canaux hépa- 
tiques; mais on ne pouvait pas démontrer cette correspondance avec la même évidence que sur le polype 


central. » Kôlliker loc. cit. p. 313. 
3 Tab. 2, fig. 44. 


21 DE LA MER DE NICE. 21 


fut ramifié dans tout le corps, d'une manière analogue à celui de plusieurs Nu- 
dibranches, ce qui serait difficile vis-à-vis de la position circonscrite et du peu 
de développement du même organe chez les autrés Siphonophores. Nous désigne- 
rons donc ces cellules simplement sous le nom de cellules jaunes, les considérant 
comme des cellules propres du système vasculaire commun, distribuées dans toute 
l'étendue de ce dernier. 

Outre ces cellules qui, comme nous venons de le dire, peuvent aussi être dis- 
persées dans les tissus sans qu'ilexiste des canaux, les réseaux vasculaires de mes 
Vélelles contenaient toujours un liquide d'un rouge bleuâtre foncé, qui évidem- 
ment était coloré par des petits molécules. Ce liquide si fortement coloré me 
fournissait un excellent moyen pour constater la communication directe de tous 
ces canaux avec la cavité interne des individus reproducteurs. Sa présence me dis- 
pensait d'injections, qui sont toujours difficiles dans des organismes aussi déli- 
cats. Ce liquide est-il propre aux Vélelles, ou bien est-il introduit par les bouches 
des polypes ? Je ne saurais résoudre cette question. Je me suis assuré par des 
comparaisons directes que ce liquide colorant, dont la nature avait injecté tous ces 
canaux, ressemblait parfaitement par sa couleur comme par sa composition mi- 
croscopique à la matière colorante des olives, qui dans la saison de l’année où 
les Vélelles approchaient du bord, coloraient les eaux de la mer en rouge jus- 
qu'à une grande distance du rivage. Dans mes notes, j'avais mis tout simple- 
ment : Système vasculaire rempli par la matière colorante des olives. Cette ex- 
plication pourrait paraître ridicule; mais celui qui a vu les bords de la Méditer- 
ranée depuis Nice jusqu'à Gênes, dans la saison où l’on pressure les olives, saura, 
que je n’exagère en rien la quantité prodigieuse de cette matière colorante, qui 
donne aux eaux une teinte lie-de-vin foncée, et que les ruisseaux, qui mettent en mou- 
vement les moulins à huile, rejettent continuellement à la mer. D'un autre côté on 
a observé dans d’autres endroits hors de la saison des olives, le même liquide rou- 
geñtre remplissant les canaux des Vélelles, et on l’a observé aussi chez d’autres ani- 
maux voisins, les Physalies, par exemple. Je dois remarquer encore que je n'ai jamais 
pu observer aucun mouvement dans toutes ces ramifications vasculaires, même en 
observant des individus pleins de vie qui tout en étant placés librement sous le mi- 


croscope, nageaient dans l'eau. 


22 C. VOGT. SIPHONOPHORES 22 


En parlant de la disposition du réseau vasculaire nous avons déjà indiqué en 
grande partie la structure du limbe. Cet organe renferme pourtant encore plu- 
sieurs détails de structure importants. La membrane qui le couvre est formée par 
la même réunion de cellules en pavé qui revêt le reste du corps. En dessous de 
cette couche, on voit le réseau vasculaire et de nombreux faisceaux de muscles dis- 
posés dans tous les sens et qui peuvent faire mouvoir le limbe à peu près de la 
même manière que l’ombrelle d'une méduse, quoique ces mouvements soient 
beaucoup plus restreints. J'ai déjà plusieurs fois mentionné la ligne bleu-claire, qui 
court tout le long du bord du limbe. En examinant cette ligne sous le microscope 
on voit qu'elle est composée d’une simple rangée de grands sacs glandulaires *, 
juxtaposés, qui tous ont leurs ouvertures circulaires à la face dorsale du limbe 
et qui secrètent une glaire entièrement transparente et visqueuse. La structure de 
ces sacs glandulaires est très-curieuse, car ils sont composés en entier de grandes 
cellules cylindriques, disposées en rayonnant de manière que les extrémités libres 
et arrondies de ces cellules soient tournées vers le centre du sac, tandis que 
l'autre extrémité est enchassée dans sa paroi, sur le bord de laquelle on voit le 
contour arrondi des cellules destinées à remplacer les cellules cylindriques et qui 
paraissent entassées en plusieurs rangées. L'ouverture de chacun de ces sacs 
glandulaires présente par cette disposition des cellules un aspect semblable à 
celui d’un ridicule qui ferme à coulisse. La face inférieure du limbe n'est ta- 
pissée que par le tégument ordinaire et montre le fond de ces sacs glandulaires, qui 
ici n'ont aucune ouverture. 

Les fentacules * sont placées à la face inférieure du limbe sur la lisière de 
l'espace occupé par le bouclier de la coquille en haut, et par les individus re- 
producteurs en bas. Ces tentacules sont des cylindres creux, complétement fer- 
més à l'extrémité et attachés avec leur base à la lisière indiquée du limbe. On peut 
les envisager comme des tubes musculaires très-forts d'une épaisseur considérable, 
dont l'intérieur est rempli par un liquide transparent qui sans aucun doute joue 
un certain rôle dans l'allongement de ces organes. Les fibres musculaires prin- 


cipales, qui forment ce tube semblent être disposés en ogives, de manière à pré- 


Tab ee m0 De 
Seb. 2 fin 010: 


29 DE LA MER DE NICE. 23 


senter le sommet de l'ogive vers l'intérieur du tube. On distingue d’autres faisceaux, 
qui courent circulairement, d'autres encore qui sont disposés dans un sens longi- 
tudinal. Quelques-uns de ces faisceaux traversent le tube intérieur de manière 
à y simuler une disposition cellulaire qui ne me paraît pas exister. Les tenta- 
cules sont enveloppées par une membrane assez ferme d'une couleur bleu-foncé, 
qui fait que le tentacule à l'air d'être bordé par deux lignes bleues lorsqu'on le 
regarde d'en haut par une lumière transmise. 

L'épiderme, qui entoure les tentacules, paraît beaucoup plus ferme que sur les 
autres appendices, mais de la même structure comme celui du limbe. Tout cet 


épiderme est garni de petites capsules urticantes ‘ 


qui ordinairement sont réu- 
nies en amas arrondi, et qui soulèvent l'épiderme là où elles sont agglomérées 
de manière à simuler des papilles peu élevées *. Des organes urticans de la même 
structure, mais sensiblement plus gros se trouvent aussi sur les individus repro- 
ducteurs et sur les gemmes médusaires de ces derniers, et en décrivant leur 
conformation ici, je puis me dispenser de revenir sur le même sujet *. Vues 
d'en haut, par un grossissement considérable, ces capsules paraissent formées 
d'un sac à parois très-épaisses et nettement circonscrite$, de manière que sous le 
microscope ces sacs circulaires se présentent sous la forme d'un anneau à dou- 
ble contour. On distingue dans l'intérieur de ces petites capsules une espèce de 
pointe cornée, dont l'extrémité touche le contour et dont la base se trouve au 
milieu de l'anneau. On voit bien encore, outre cette pointe à contours très-ar- 
rêtés, des lignes flexueuses dans l'intérieur du sac, mais qu'on ne peut pas pour- 
suivre exactement et qui laissent seulement l'impression comme si une masse gé- 
latineuse et floconneuse remplissait la capsule. La structure intime de cette der- 
nière ne se trahit que lorsqu'on a souvent touché et irrité le tentacule, ou bien 
lorsqu'on comprime assez fortement la capsule sous le microscope. Traitée de cette 
manière elle éclate tout d’un coup, s'ouvre à un endroit déterminé et lance au de- 


hors un appareil qui est composé d’un fil très-long et assez raide, lequel à son tour 


Tab; ufis AO Ve. 

? M. Lesson (Voyage de la Coquille. Zoophytes, p. 50) a déjà remarqué ces agglomérations d'organes 
urticanes; mais il les a désignés sous le nom de « petites glandes, qui paraissent très-sensibles, » 

* Tab. 9, fig. 15. 


24 C. VOGT. SIPHONOPHORES 24 


est implanté sur un manche conique et entouré de pointes. La capsule développée 
entièrement a l'aspect d'une poire très-allongée, ou d'une fronde suspendue à un 
fil. Le corps de la poire est formé par la capsule dont les contours sont très-nette- 
ment arrêtés. La capsule est ouverte en haut pour se continuer par un espace mem- 
braneux, auquel est adapté un capuchon corné semblable par sa forme à un étei- 
gnoir. On voit d’un côté de la poire une espèce de bascule construite par une pièce 
solide qui évidemment joue, vis-à-vis de la capsule, le rôle d’un couvercle. L'étei- 
gnoir lui-même a deux pointes tournées en arrière sur la capsule, tandis que 
son sommet est entouré par quatre pointes très-fines et courtes, dirigées en dehors. 
Le fil est implanté sur le sommet même de l’éteignoir *. 

Je ne sais si toute cette machinerie peut rentrer dans la capsule lorsqu'elle a 
une fois éclaté ; mais la facilité avec laquelle on voit ces organes entrer en ac- 
tion sur d'autres espèces de Siphonophores me fait présumer que l'animal peut 
les détendre et retirer à volonté. Un tentacule de la Vélelle convenablement com- 
primé se montre hérissé tellement de tous ces fils, qu'il a l'air d'une brosse à 
bouteilles. Les tentacules eux-mêmes sont en mouvement continuel, et je ne doute 
pas que l'observation de M. Lesson, qui les a vu envelopper des petits crustacés 
et des poissons, ne soit réellement juste. Les organes urticans, que je viens de dé- 
crire, servent sans doute comme dans d'autres animaux de la même classe, à tuer la 
proie, que les tentacules viennent de saisir. 

Les individus reproducteurs ou prolifères * forment la plus grande masse des 
appendices fixés à la base inférieure de la Vélelle, où ils occupent tout l'espace 
compris entre le polype central et la rangée de tentacules, dont je viens de décrire 
la structure. Ce sont ces individus que M. Lesson a appelé des poches stomaca- 
les, tandis que M. Hollard les nomme suçoirs ou cirrhes. Ils sont fixés sans ordre 
apparent sur la membrane qui entoure le sac fusiforme et qui couvre la face in- 


férieure du bouclier. La forme de ces individus est entièrement variable, car 


! La conformation des capsules urticantes, que je viens de décrire, s'accorde presque entièrement 
avec les descriptions et les dessins que M. Dujardin a donné des organes analogues dans une Méduse, 
appelée par lui Cladonème, et qui provient d’un polype hydraire. — Ann. des sc. nat. 3° série, vol. 4, 
p. 261, tab. 15, fig. C, 13. 


AD, 10; 


25 DE LA MER DE NICE. 25 


ils peuvent s'allonger et se contracter à volonté. Le plus souvent pourtant ils af- 
fectent à peu près la forme d'une corolle de Jacinthe. On peut distinguer sur 
ces individus deux parties distinctes, le corps plus large et la base plus étroite, ou 
la tige, par laquelle ils sont fixés. A la partie antérieure du corps se trouve une bouche 
susceptible d'un élargissement considérable et qui se montre ordinairement sous 
la forme d'un pentagone. Lorsque la bouche est contractée, les cinq coins sail- 
lants se font apercevoir comme des petites collines ou comme des mamelons serrés 
les uns contre les autres. La bouche conduit directement dans la cavité intérieure 
du corps, qui d'abord forme une espèce de col un peu rétréci. La continuation de 
ce col en arrière est plus large et très-souvent boursoufflé comme une poire, sur- 
tout quand il y a des aliments soumis à la digestion, des petits crustacés et mollus- 
ques par exemple. Je nomme ce compartiment postérieur du corps la cavité diges- 
tive. Il est facile à constater, qu’elle remplit réellement cette fonction, quoiqu’en 
dise M. Hollard', qui combat sur ce point les observations de M. Lesson, et qui 
voudrait plutôt faire absorber à ces suçoirs de l’eau ou de l'air, servant à la respi- 
ration. Derrière cette cavité digestive, le corps des polypes prolifères se rétrécit 
sensiblement de manière à former un tube très-étroit par rapport au volume du 
corps, mais qui est entouré de tous les.côtés de nombreuses grappes de bourgeons 
médusaires. C’est par l'extrémité de cette tige creuse, que l'individu prolifère est 
toujours implanté sur un de ces canaux vasculaires, qui parcourent la membrane 
tapissant la face inférieure du bouclier et dont j'ai décrit plus haut la disposition. 
La cavité interne, dont le corps du polype est creusé dans toute sa longueur et qui 
s'ouvre en dehors par la bouche de ce polype, se continue donc directement et sans 
interruption à travers tout le corps et la tige du polype jusque dans les troncs 
vasculaires. J'insiste de nouveau sur ce fait qui a été très-bien observé par M. Lesson, 
et je dois insister, parce que l'exactitude de l'observation a été contestée par 
M. Hollard. J'ai pu faire passer le liquide rouge, dont j'ai parlé plus haut, depuis 
les troncs vasculaires jusque dans la cavité digestive des polypes et vice versa, et j'ai 
vu, sur des individus préparés avec soin et sans aucune pression, le liquide rouge 
remplir la cavité digestive des polypes prolifères jusqu’à la limite indiquée dans le 


dessin. 


‘ Loc. cit. p. 250. 


26 C. VOGT. SIPHONOPHORES 26 


La structure de la partie antérieure des polypes prolifères est assez simple. Le 
même épiderme, à cellules hexagonales assez serrées, que j'ai déjà signalé sur d’au- 
tres parties du corps de la Vélelle, forme la couche externe de ces polypes. De 
nombreuses agglomérations de capsules urticantes sont disséminées sur toute la 
surface de ces polypes, dont la substance blanchâtre est formée par un tissu mus- 
culaire, qui dans la cavité digestive forme quelquefois des bourrelets longitudinaux 
et sinueux peu sensibles. La cavité digestive elle-même est tapissée depuis la bouche 
jusqu'à la base de grandes cellules claires, transparentes, arrondies et réunies 
en pavé. 

Telle est la structure du corps des individus prolifères , structure qui ne diffère 
en rien de celle d’un polype hydraire ordinaire. Comme dans ces derniers la cavité 
stomacale est creusée dans l'épaisseur du corps même et nullement séparée des 
téguments par des parois propres. Aussi toute cette partie est-elle destinée unique 
ment aux fonctions digestives, qui s’y font de la même manière comme dans un 
polype hydraire. Le suc nourricier, élaboré par l'extraction de la proie dans le fond 
de la cavité digestive, est conduit immédiatement dans le réseau vasculaire, tandis 
que les restes non digérés sont rejetés en dehors par la bouche. 

Nous avons mentionné à la base des individus prolifères des petites grappes d'une 
couleur jaunâtre, composées par des bourgeons ou gemmes ‘, et qui ont été signalés 
pour la première fois par M. Hollard. Cet observateur s'est pourtant mépris entière- 
ment sur la signification de ces grappes, en les désignant sous le nom d'ovaires. 
Ce sont bien les organes reproducteurs, si l’on veut, mais il ne peut pas y être ques- 
tion d'ovaires, ces grappes ne produisant jamais des œufs, mais bien au contraire 
des bourgeons qui vont devenir des Méduses libres, lesquelles se détachent de la 
Vélelle après être arrivées au terme de leur développement. La description et la 
figure de ces grappes données par M. Hollard sont aussi inexactes que possible, 
comme je vais le prouver en détaillant mes observations sur ce sujet. 

Chaque grappe gemmifère est composée par une agglomération de bourgeons 
plus ou moins développés: Tous ces bourgeons ont dans le commencement * plus ou 
moins la forme d'un œuf, et montrent de Loane heure une disposition symétrique 


Zap. 2, fig. 19, g: 
Tab. 2, fig. 17. 


27 DE LA MER DE NICE. 27 


de leurs parties sur quatre rayons. Les bourgeons les plus jeunes sont entièrement 
ronds ; bientôt ils prennent une forme un peu allongée. Ils sont fixés par leur base 
sur la tige même du polype et composés de deux couches, l’une très-épaisse exté- 
rieure, dans laquelle on voit des indications vagues de corps arrondis; l’autre plus 
mince intérieure, qui est adaptée partout à la couche externe et entoure immé- 
diatement une large cavité conique, dont la base est tournée en dehors, tandis que 
le col communique librement avec la cavité de la tige du polype prolifère ‘. Le jeune 
bourgeon à donc la structure d'une vésicule très-épaisse, composée de deux cou- 
ches, lesquelles entourent une cavité interne, qui n'est autre chose qu'une appen- 
dice latérale, une poche cœcale de la cavité commune du polype. On voit dans 
l'intérieur de cette cavité un mouvement vibratil très-prononcé ; mais quoique j'eusse 
eu à ma disposition des lentilles n° 8, faites par mon ami G. Oberhæusser, je n'ai 
pu distinguer clairement les cils vibratils dont cette cavité doit être tapissée. La 
couche externe du bourgeon n'était qu'une continuation épaissie de l’épiderme 
général qui couvre la base du polype prolifère. La substance interne, au contraire, 
était évidemment particulière aux bourgeons et montrait, quoique entièrement 
transparente, une légère teinte verdâtre. On aurait dit deux globes de verres diffé- 
rents, de flint et de crown, enchässés l'un dans l’autre. 

Le degré suivant du développement donne la clé pour l'interprétation de plusieurs 
faits observés dans ces bourgeons très-jeunes. Le bourgeon figuré fig. 19 a encore 
sa forme primitive, mais il se montre déjà plus développé. Les corps arrondis accu- 
mulés dans la couche épidermoïdale se dessinent plus exactement et se montrent 
comme des capsules urticantes, qui seulement sont plus considérables que celles des 
tentacules et des polypes prolifères mêmes. La substance interne du bourgeon a 
augmenté ; vis-à-vis de l'entrée rétrécie de la cavité se montre une accumulation 
de substance ferme (c) partant de l’âxe du bourgeon et qui s’avance librement dans 
la cavité. Celle-ci entoure cette accumulation proéminente de quatre branches dis- 
posées en croix. 

La forme des bourgeons change maintenant de plus en plus. Ils s’allongent davan- 


tage de manière à acquérir la forme d’un œuf, qui, par son extrémité pointue, est 


‘Tab. 2, fig. 18. 


28 C. VOGT. SIPHONOPHORES 28 


attachée à la grappe. Des cellules jaunes, semblables à celles du réseau vasculaire, 
se développent dans l'intérieur de la substance interne du bourgeon et forment à 
la fin huit accumulations disposées en rangées longitudinales sur le bourgeon et 
rapprochées par paires. Les organes urticans, qui d'abord paraissaient disposés 
irrégulièrement, s'alignent aussi et forment quatre rangées longitudinales sur les 
faces externes du bourgeon. Au sommet extérieur de ce dernier se voit une accu- 
mulation centrale’ de cellules jaunes et de capsules urticantes, qui est justement 
opposée à l'ouverture par laquelle le bourgeon communique avec la cavité de la 
uge du polype. 

Pour se rendre compte exactement de cette structure des bourgeons, il faut les 
observer dans différentes positions. Vu d’en haut ‘ dans le sens de son axe longitu- 
dinal, le bourgeon présente la forme d’un quadrilatère à angles arrondis, dont les 
quatre coins sont marqués par les bandes saillantes des organes urticans (b), qui 
sont enchâssés dans la couche extérieure du bourgeon. A l’intérieur de cette couche, 
devenue beaucoup plus mince qu’elle n’était sur le bourgeon naissant, sont appli- 
quées quatre masses (c) considérables d’une substance gélatineuse et transparente 
qui sont nettement séparées les unes des autres, et qui correspondent à tel point 
aux rangées des organes urticans, que leurs lignes de séparation tombent juste au 
milieu de espace compris entre deux rangées de capsules urticantes. Ces masses 
laissent au milieu du bourgeon une cavité quadrilatère (e) dont les coins sont for- 
més justement par les lignes de séparation des masses, et qui, par conséquent, sont 
dirigés de manière à ce que chaque paroi de cette cavité quadrilatère soit opposé 
à une rangée de capsules urticantes. Les accumulations de cellules jaunes (d) sont 
disposées très-régulièrement dans l'intérieur de ces quatre masses de substance 
transparente ; — elles sont rejetées sur les côtés de ces masses et embrassent la 
ligne de séparation entre deux masses. On voit donc huit accumulations de cellules 
jaunes, disposées par paires des deux côtés des lignes de séparation entre les masses 
transparentes. Si l'on tourne le bourgeon de manière à regarder son sommet exté- 
rieur, On voit encore une accumulation centrale (f) de cellules jaunes et d'organes 


urticans au milieu de la cavité quadrilatère interne. Si l’on tourne le bourgeon au 


! Tab. 9, fig. 20. 


29 DE LA MER DE NICE. 29 


contraire de manière à regarder l'extrémité par laquelle il adhère à la base du 
polype ‘, on voit l'ouverture (g) par laquelle cette base communique avec la cavité 
interne du bourgeon. 

Le bourgeon, ayant une forme allongée, se couche ordinairement sur le flanc 
lorsqu'il est détaché, et comme les rangées d'organes urticans constituent quatre 
côtes un peu saillantes, il présente ordinairement une des faces comprises entre 
deux rangées de capsules urticantes. C’est cette position que représente la fig. 22. 
On voit alors aisément la couche externe dans laquelle sont enchässés les organes 
urticans et qui est assez mince sur les flancs, tandis qu'elle est beaucoup plus 
considérable sur le sommet externe du bourgeon, où se trouvent aussi accumulés 
des organes urticans et des cellules jaunes en assez grande quantité. Deux rangées 
d'organes urticans descendent le long des deux côtés du bourgeon et au milieu de 
la face comprise entre ses deux rangées se voit une espèce de fente (4) fortement ac- 
cusée, qui n'est autre chose que la ligne de séparation qui divise les deux 
masses de substance transparente accumulée à l'intérieur. C'est cette ligne de sé- 
paration que M. Hollard * a prise pour l'indication de la crête de la jeune 
Vélelle qui, suivant lui, devait se développer dans l'intérieur du bourgeon. Des 
deux côtés de cette fente ou ligne de séparation se voient les accumulations de 
cellules jaunes qui, comme nous venons de le voir, se trouvent toujours des deux 
côtés dans les masses de substance transparente. On observe aussi dans cette 
position très-facilement le trou par lequel la cavité interne du bourgeon commu- 
nique avec celle de la base du polype. 

Bientôt se manifeste un autre progrès. Au-devant de l'ouverture de commu 
nication dont je viens de parler se voit une accumulation de granules bruns 
et noirâtres (4 fig. 22) qui se pose presque comme nn bouchon sur cette 
ouverture et empêche de la distinguer plus clairement. Cette accumulation 
s’aggrandit de plus en plus. Le bourgeon change en même temps de forme. Son 
diamètre transversal devient petit à petit presque aussi considérable que l'axe 
longitudinal, et comme l'extrémité avec laquelle le bourgeon est attaché à la base 


du polype, reste étroite, tandis que l'extrémité opposée s’élargit et s’aplatit tou- 


U 


? Tab. 2, fig. 24. 
? Loc. cit. p. 252. 


30 C. VOGT. SIPHONOPHORES 30 


jours d'avantage, la forme d'œuf, que possédait d'abord le bourgeon, passe petit à 
petit à celle d’une cloche dont le sommet est tourné vers le polype, la base vers le 
dehors. Tandis que ces changements de forme s’accomplissent insensiblement, 
l'organisation intérieure devient de plus en plus intelligible. On voit maintenant 
que le bourgeon grandit considérablement dans sa masse, tandis que les organes 
indiqués primitivement, les capsules urticantes et les cellules jaunes conservent 
toujours les mêmes dimensions et le même arrangement. Les rangées d'organes 
urticans, quoique saillantes encore, ne sont pourtant plus le premier objet qui frappe 
la vue. Les accumulations de granules jaunes forment maintenant huit trainées, dis- 
posées des deux côtés des quatre rangées d'organes urticans. L'accumulation de gra- 
nules noires, rougeàtres et jaunes, qui se trouve au-devant de l'ouverture de com- 
munication entre le bourgeon et le polype est devenue plus considérable et se 
montre surmontée par un mamelon creux dans lequel on remarque un mouve- 
ment vibratil qui occupe donc la même place que le mouvement, que j'avais ob- 
servé dans le bourgeon naissant. Le bourgeon a déjà maintenant la forme d’une 
Méduse à ombrelle très-haute, qui serait attachée par son sommet à la base du 
polype prolifère. 

C'était le douze mai 1852, que je vis pour la première fois des bourgeons qui 
se détachaient de Vélelles vivantes que je venais de prendre en les laissant 
glisser dans un bocal sans les toucher. Ces bourgeons médusaires ‘ n'avaient 
pas tout à fait la largeur d'un millimètre. Ils étaient parfaitement transparents 
et à peine visibles à l'œil nu; leurs mouvements seuls les faisaient connaître dans 
l'eau. Dans la figure, que je donne de ces bourgeons détachés, la Méduse est 
vue exactement de profil, de manière que l’une des quatre rangées d'organes urti- 
cans occupe le milieu de la face qu’elle tourne vers l'observateur. On voit sur 
ce dessein, que l’ombrelle de ces Méduses provenant des Vélelles est assez haute 
et large à sa base, de manière que le diamètre de la base égale celui de l'axe 
central. L'ombrelle (a) est formée par une couche considérable de substance 


hyaline, dans laquelle on voit des points plus obscurs indistinctement lavés, qui 


Tab. 2, fig. 23 et 24. 


ol DE LA MER DE NICE. ol 


paraissent le résultat d'une structure intérieure, que je n'ai pu déchiffrer davan- 
tage. Le sommet de l'ombrelle (+) est entièrement fermé, on ne voit plus de trace 
de cette communication, qui existait aussi longtemps que la Méduse était encore 
attachée comme bourgeon au polype prolifère. Les capsules urticantes (b) se trou- 
vent tout à fait sur la couche extérieure de l'ombrelle sur laquelle elles font 
même saillie, de manière que vues d'en haut-elles paraissent entourées d’une 
base circulaire. L'ouverture de l'ombrelle (d), qui est placée vis-à-vis de son 
sommet, est circulaire et entourée d’une membrane musculaire disposée comme 
l'iris d'un œil; c'est par les contractions de cette membrane que les petites 
Méduses nagent absolument de la même manière comme toutes les autres Méduses 
à ombrelle. 

Les granules jaunes (e) sont disposés en petits amas alignés longitudinale 
ment des deux côtés des organes urticans. La substance hyaline de l'ombrelle 
est tellement transparente, qu'on croirait ces granules situés exactement sur le 
même niveau que les organes urticans, lorsqu'on observe ces rangées en face. 
Ce n'est qu'en les voyant de côté, qu'on aperçoit que les granules jaunes sont si- 
tués à la face interne de la substance hyaline de l'ombrelle, et sont séparés 
par conséquent des organes urticans par toute l'épaisseur de cette dernière subs- 
tance. Îl est évident, en outre, que les cellules jaunes se trouvent dans l’intérieur 
de canaux, qui partent du sommet de l'ombrelle, et qui sont creusés entre la 
substance hyaline de l'ombrelle d'un côté et la substance frangée de l’intérieur 
de l’autre côté. La petite Méduse a, par conséquent, quatre larges canaux rayon— 
nant du sommet de l'ombrelle vers l’orifice. Au-devant de ces canaux, et faisant 
saillie vers la cavité interne de la Méduse, se trouvent quatre masses longitudinales 
d'une substance transparente (f) qui paraît comme plissée sur son bord libre, 
lequel est tourné contre la cavité interne. En examinant plus attentivement la 
structure de ces quatre bandes frangées et plissées, je les ai vues composées de 
cellules cylindriques très-serrées, dont la base arrondie est tournée vers la cavité 
de la Méduse. Je me suis donné beaucoup de peine pour découvrir des œufs ou 
des zoospermes dans l'intérieur de ces masses frangées, que je soupconnais être 


les organes sexuels de la Méduse, mais je n'ai pu parvenir à aucun résultat, et 


32 C. VOGT. SIPHONOPHORES 32 


Je n'ai pu garder les petites Méduses assez longtemps en vie pour pouvoir observer 
leur développement ultérieur ‘. 

Du sommet de l'ombrelle de la Méduse, pend l'organe en mamelon (4) dont 
j'ai décrit plus haut le développement. Cet organe est creux dans son intérieur, 
où il montre un mouvement vibratil très-vif; ses parois sont composées de fibres 
musculaires dont on observe manifestement la disposition rayonnante ; on voit 
cet organe s’allonger et se raccourcir, changer de forme de mille manières, et 
quelquefois on aperçoit distinctement une ouverture à son sommet libre. C'est 
donc un estomac avec sa bouche qui pend du sommet de notre petite Méduse. Au 
fond de la cavité stomacale se trouve cetle accumulation de granules noires 
et brunes, et de cellules jaunes que j'ai déjà mentionnées plusieurs fois. 

Nous pouvons donc maintenant caractériser complétement les bourgeons mé- 
dusaires, dont nous venons de parcourir le développement. Ces méduses appar- 
tiennent à la division des Cryptocarpes de Eschscholtz, car on ne voit nulle 
part sur le pourtour du disque ces organes oculiformes, qui se trouvent chez 
la plupart des Méduses. Je n'ai pas vu non plus de tentacules sur le bord du disque ; 
je dois observer pourtant que j'ai vu sur beaucoup d'individus, une espèce de 
mamelon ou de verrue (c) sur le bord du disque, à l'endroit où une des rangées 
d'organes urticans atteignait ce bord ; — mais je n'ai trouvé aucun individu sur 
lequel il y aurait eu plus d'une seule verrue, et comme la disposition symétrique 
et radiaire de mes petites Méduses est trop manifeste, je pencherai plutôt à 
croire que ces verrues étaient quelque chose d’anormal, au lieu de les prendre pour 
des tentacules en voie de formation. Les traits principaux qui caractérisent donc 
notre Méduse seraient : l'ombrelle haute et presque semi-globulaire ; la disposition 
des organes par quatre; la présence d’un estomac simple pendant du sommet de 
l'ombrelle ; la continuation de la cavité stomacale en quatre canaux, remplis 
de granules jaunes, et l'existence de quatre bandes d'organes en franges, rayonnant 
depuis l'estomac vers l'orifice de l'ombrelle, et avançant librement dans la cavité 
interne de cette dernière. 

* Dans une communication, datée du 30 janvier 1853 de Messine , et envoyée au journal de MM. Kül- 
liker et Siebold (T. IV, p. 340). M. Gegenbaur décrit aussi les méduses provenant des Vélelles. M. G. a 


trouvé les organes sexuels rangés par quatre sur les côtés de l'estomac. Un seul des exemplaires trouvés 
par lui avail aussi un tentacule rudimentaire. 


33 DE LA MER DE NICE. 33 


D'après tous ces caractères, nos petites Méduses, provenant des Vélelles, ren- 
treraient dans la tribu des Eudorées de M. Lesson, caractérisées par une om- 
brelle dépourvue de bras et de tentacules, munies d'un sac stomacal simple et 
dans le genre Ephyra, que M. Lesson caractérise ainsi d'après Eschscholtz: « Bou- 
che simple, privée de bras; point de cirrhes, ni au pourtour ni à la face inférieure 
du disque. » 

Je n'ai pas trouvé parmi les nombreuses petites Méduses presque microscopiques, 
que j'ai péchées dans la mer de Nice, des types qui se rapprochassent de celui que 
je viens de décrire ; car toutes celles que j'ai rencontrées, et qui évidemment 
venaient de se séparer de leurs polypes producteurs, avaient des tentacules au 
bord de l’ombrelle. Je dois dire aussi que mes observations sur la reproduction 
des Vélelles s'arrêtent ici. Mon départ étant fixé pour le milieu du mois de mai, 
je n'ai pu suivre plus loin les évolutions des êtres qui devaient dériver des Mé- 
duses décrites. Je ne puis rapporter qu'une indication qui mettra peut-être des 
observateurs futurs sur la voie. Un de mes amis m'assure avoir trouvé, quinze jours 
après mon départ, des essaims de jeunes Vélelles à peine perceptibles dans l'eau, 
et d'un diamètre de cinq millimètres au plus. Ces Vélelles, me disait-il, étaient 
déjà tout à fait conformées comme les adultes, à cette exception près, qu'elles 
étaient arrondies et que le limbe était garni en dessous seulement de tentacules 
et d'un polype central. En rapprochant cette description d’un homme versé dans 
les sciences chimiques, mais qui n'avait aucune notion des relations des Vélelles 
avec les genres voisins ; en rapprochant, dis-je, cette observation aux descrip- 
tions données des Rataires, on sera étonné de leur concordance. Je ne doute 
donc nullement que les Rataires ne soient en effet, comme l’a soupconné déjà 
Forskal, des jeunes Vélelles, qui n’acquièrent que petit à petit la forme ellip- 
tique, et dont le limbe se garnit seulement plus tard d'individus reproducteurs. 
Je crois aussi que ces Rataires sont engendrés par les Méduses que nous venons 
de décrire, et qu'elles se développent par les œufs que ces Méduses produisent. 
Des naturalistes qui passeront les mois de mai et de juin sur les bords de la 
Méditerranée pourront facilement combler la lacune qui existe dans mes ob- 
servations. 


Je dois dire encore un mot sur l'accroissement des Vélelles, tel qu'on peut 
D 


4 


34 C. VOGT. SIPHONOPHORES 34 


l'observer sur les individus adultes. J'ai signalé plus haut la rangée des tentacules 
implantées sur le bord interne du limbe, entre celui-ci et les individus reproduc- 
teurs. Ces tentacules paraissent former une simple rangée ; en les observant atten- 
tivement, on verra pourtant toujours sur un point quelconque de la circonférence 
la rangée interrompue, de manière que l'on croit voir un anneau cassé, dont 
les deux bouts se dépassent un petit peu. Les tentacules ne sont pas d’une lon- 
gueur égale sur ce point. Ceux qui sont placés en dedans paraissent plus courts 
et moins développés. Un examen attentif de cet endroit fait bientôt découvrir la 
raison de cette apparence. Les tentacules, ainsi que les individus reproducteurs 
bourgeonnent dans cet endroit, et les jeunes bourgeons y sont tellement accu- 
mulés, qu'il est assez difficile de les déméler et de suivre leur développement ; 
d'autant plus que le bord interne du limbe sur lequel sont implantés ces bour- 
geons est fortement coloré en bleu, et empêche ainsi l'examen par transpa- 
rence. J'ai donné un dessin de ces bourgeons, fig. 10, tab. 1. On voit les bour- 
geons des tentacules (/f) formant dans le commencement des espèces de cœcums, 
placés sur le vaisseau circulaire du limbe et composés de deux couches ; une couche 
épidermoïdale bleue et une autre plus transparente, au milieu de laquelle est 
creusée la cavité interne du bourgeon. La couche épidermoïdale est d'abord 
presque transparente, quoique teinte en bleu et d’un aspect uniforme. Mais bientôt 
se montrent dans cette couche des granulations, qui finissent par s'accumuler 
en énormes quantités et à se dévoiler comme organes urticans, tandis que la 
couche interne qui est devenue de plus en plus considérable se montre composée 
de fibres musculaires. 

Les bourgeons des individus reproducteurs (2) sont placés en dedans des bour- 
geons des tentacules, et diflèrent de ces derniers dès leur première apparition. 
Ils ressemblent d'abord à des verrues blanchâtres creuses, entourées d'un tissu 
granuleux qui est aussi formé par les organes urticans naïssants. En s’allon- 
geant, ces verrues prennent bientôt la forme définitive des individus reproduc- 
teurs et se montrent alors hérissées de toute part de mamelons composés par 
les capsules urticantes. La base étroite par laquelle les individus reproducteurs 
sont fixés sur la face inférieure du limbe ne se dessine que plus tard, en même 


temps que la bouche s'ouvre au dehors, le bourgeon dans le commencement 


39 DE LA MER DE NICE. 39 


ayant été fermé de toute part. Les grappes de gemmes médusaires, qui garnissent 
la tige des polypes ne se montrent que plus tard, et forment la dernière phase du 
développement de ces bourgeons. 

Les observations que je viens d'exposer ci-dessus fixent d'une manière irré- 
vocable l'opinion qu’on doit se faire sur l’organisation des Vélelles ; l'existence 
de deux sortes d'individus placés sur un corps commun, la multiplication de ces 
individus par bourgeonnement et la production singulière de gemmes médusaires 
prouvent à l'évidence que les Vélelles ne sont pas de simples animaux, mais 
des Colonies d'individus implantés sur un même tronc et diffèrentes des autres 
polypes hydraires seulement par la manière dont le tronc commun est conformé. 
Ce tronc commun est composé en effet de différentes parties. C’est d’abord un 
appareil hydrostatique destiné à balancer le poids spécifique de la colonie avec 
celui de l'élément ambiant. Cet appareil hydrostatique est formé par le bouclier 
du squelette, par les tours en spirale d'un canal aérifère, qui remplace donc ici 
la vésicule d'air que nous voyons chez d’autres Siphonophores ; mais il acquiert 
un développement insolite chez la Vélelle où il se continue par les petits canaux 
aérifères dans tous les individus composant la colonie. Les autres parties du sque- 
lette et notamment la crête forment des organes locomoteurs passifs pour la co- 
lonie tout entière. 

Une seconde partie très-importante, c'est le réseau vasculaire qui, en partant 
du sac stomacal de l'individu central, se ramifie dans toutes les parties de la 
colonie, et avec lequel communiquent aussi, comme nous avons vu, les individus 
reproducteurs. C’est comme on sait un caractère général de toutes les colo- 
nies de polypes, que les cavités digestives des individus composant la colonie 
s'abouchent dans un système vasculaire commun, qui tantôt est formé seulement 
par un canal simple, tantôt par des canaux ramifiés. La Vélelle montre la même 
conformation, seulement au lieu d'être étiré dans un long canal ou dans un 
polypier dendroïde, le système vasculaire commun est ici étendu horizontalement, 
et c'est par cette forme insolite que sa véritable signification a échappé jusqu'à 
présent aux observateurs. Ces canaux ramifiés à l'infini et tapissés à l'intérieur 
de cellules jaunes sont donc pour nous l’analogue de ce canal musculaire com- 


mun, que l’on observe chez la plupart des autres Siphonophores, c'est l'analogue 


36 C. VOGT. SIPHONOPHORES 36 


des canaux plus ou moins ramifiés des Sertulaires et des autres polypes hydraires 
qui forment des espèces d'arbres ou d'autres masses ramifiées ; car ce réseau 
vasculaire des Vélelles montre le même caractère essentiel, savoir : L'abouche- 
ment de tous les individus composant la colonie avec ses canaux communs dans 
lesquels circule le fluide nourricier élaboré pour tous et par tous. 

Qu'on s'imagine un moment une branche de corail noble rendu propre à la 
natation. L’axe calcaire au lieu d’être solide et dendroïde, sera creux et rempli 
d'air ; — les polypes posés d’un côté seulement. On verra alors que le tégument 
cortical, dans lequel sont implantés les polypes du corail, formera à son tour 
une membrane tendue sur l'axe creux et parcourue de nombreux canaux se rami- 
fiant dans tous les sens, reliant les polypes entre eux et portant le fluide nour- 
ricier dans tout l'organisme. Les Vélelles sont donc des polypiers à axe hydrosta- 
tique aplati, à la surface inférieure duquel sont fixés les polypes sur des canaux 
nourriciers ramifies. 

La colonie que nous appelons Vélelle est toujours composée par un seul in- 
dividu nourricier central qui, comme nous le prouvent les Rataires, est aussi 
le premier de toute la colonie. Cet individu n'a d'autres fonctions que de s’ap- 
proprier de la nourriture, c'est un polype stérile comme on en trouve si souvent 
chez les autres Polypes hydraires. A côté de ce polype central sont placés les 
individus reproducteurs qui en même temps sont aussi propres à prendre des ali- 
ments. Nous avons dans les colonies de polypes hydraires ordinaires deux sortes 
diflérentes d'individus reproducteurs. Chez les uns ces individus ne sont aptes 
qu'à la reproduction ; — ils n'ont point de bouche et sont nourris seulement 
par le fluide circulant dans le système vasculaire de la colonie; chez d’autres 
au contraire les polypes sont en même temps nourriciers et reproducteurs ; — ils ont 
une bouche et une partie antérieure appropriée à la nutrition, et une partie pos- 
térieure sur laquelle se développent les bourgeons. les gemmes ou les organes 
reproducteurs. Les Vélelles sont dans ce dernier cas. Si on n'a pas reconnu la 
nature de ces polypes, la cause en est seulement à la manière particulière dont 
ils sont agglomérés sur la partie commune. On comprend aussi que les opinions 
les plus diverses devaient se manifester sur la nature de ces individus reproduc- 


teurs et sur celle du polype central aussi longtemps que l'on prenait la Vélelle 


37 DE LA MER DE NICE. 37 


pour un animal simple, et on comprend en même temps que la contradiction 
apparente qui existe dans la présence de deux sortes d'organes très-différents 
concourant au même but, à l'alimentation, doit disparaître nécessairement du mo- 
ment où l'on reconnait la véritable nature de la Vélelle. 

On peut être dans le doute sur la nature des tentacules qui sont implantés sur 
le limbe. Ceux qui voudront pousser la nouvelle manière d'envisager les Vélelles 
et les Siphonophores en général jusqu'à l'excès, préféreront de voir dans les tenta- 
cules des individus particuliers chargés seulement de la défense de la colonie, et 
peut-être aussi de l’appréhension des aliments ; tandis que d’autres les considèreront 
comme des organes protecteurs de la colonie. J'avoue que je n’attache pas une 
grande importance à la discussion qui pourrait s'élever à ce sujet. On verra par les 
observations ultérieures sur d’autres espèces de Siphonophores, qu'il est presque 
impossible dans ces colonies si curieuses de placer la limite entre la signification des 
mots « individu » et «organe » ; on verra, par exemple, qu'il n'y a pas de limites tran- 
chées entre les individus reproducteurs, tels que je les ai décrits dans la Vélelle, qui 
sont susceptibles de se mouvoir, de pourvoir eux-mêmes à leur nutrition, et entre 
de simples mamelons creux, ne montrant autre chose qu'une communication 
ouverte avec le système vasculaire de la colonie, mamelons, sur lesquels on ne voit 
ni mouvement, ni aucune autre manifestation de vie. Il en est de même pour cer- 
tains organes locomoteurs, pour d’autres organes qui, de l'état de plaques protec- 
trices simples, passent par des passages insensibles à celui de tentacules et presque 
d'individus indépendants. Toutefois, la position de ces tentacules aussi près de la 
face dorsale que possible, leur structure simple, me font penser que ce sont les 
véritables analogues des plaques protectrices que l’on rencontre chez d’autres Sino- 
phores, et qui, chez les Physophores, sont même développés de la même manière 
sous forme de tentacules vermiformes et subulés, protégeant les autres appendices 
par leur position en couronne. 

Je me résume, en disant que les Vélelles sont des colonies de polypes hydraires 
appropriées à la nage par un appareil hydrostatique et composées de deux sortes 
d'individus, d’un individu central nourricier et de nombreux individus groupés 
autour de ce dernier, reproducteurs et nourriciers en même temps ; que les Vélelles 


se reproduisent par bourgeons médusaires, et que ce sont ces petites Méduses qui 


38 C. VOGT. SIPHONOPHORES 38 


sont le véritable état sexuel de Vélelles. Les Vélelles ont donc en somme deux états 
alternants d'existence, l’un sexuel produisant des œufs et des zoospermes; et dans 
cet état ce sont des individus isolés, des Méduses qui jamais ne se groupent ensemble 
en colonie; l’autre état aggrégé non sexuel, formant les colonies nageantes de po- 
lypes hydraires, connues sous le nom de Vélelles, et se reproduisant par la formation 


de bourgeons isolés sous formes de Méduses. 


39 DE LA MER DE NICE. 39 


IL. 
SUR LA PHYSOPHORE HYDROSTATIQUE. 


(PHYSOPHORA HYDROSTATICA, FORSKAL.) 


TAB. 3 —6. 


Forskal. Observat. animal., p. 119, n° 45, tab. 33, fig.6. 
Gmelin. Syst. nat. p. 3157, n° 1. 
Bruguière.  Encycl. méthod. Tab. 89, fig. 7-9. 
Modeer. Nouv. Mém. Acad. Stokholm, 1789. 
Bosc. Hist. nat. des vers. Tab. 15, fig. 4. 
Lamarck. Anim. sans vertèbr. II, 476. 
Eschscholtz. Syst. des Akalephen, p. 145, n° 5. 
Blainville. Manuel d'Actinol., p. 115. 
Delle Chiaje. Memor. sul. Anim. senza vertebr. T. IV, pl. 50. 
* Lamark. Anim. sans vert. 2° éd. (Dujardin) T. HE, p. 81, 
1105 & 
Lesson. Acalèphes, p. 503, n° 1. 
Physophora disticha. Griffith. Anim. Kingdom. pl. 5, fig. 2. 
Physophora corona. C. Vogt. Zeitschrift von Th. v. Siebold und Kælliker. Vol II, 
p. 522. 1851. 


Le genre Physophorc fut établi par Forskal sur la même espèce qui nous occupe 
ici. Mais la circonscription de ce genre, qui chez Forskal embrassait trois espèces, 
ne saurait rester aujourd'hui, vu qu’elle embrasse tous les Siphonophores soutenus 
par une vésicule aérienne. Voici du reste la définition de ce genre et de l'espèce, 


telle que Forskal la donne : 


40 C. VOGT. SIPHONOPHORES 40 


« Physophora : Corpore libero, gelatinoso, e vesicula ærea pendente; membris 
« gelatinosis, sessilibus ad latera ; tentaculis subtus plurimis. 

« Situs animalis hydrostaticus, sublatus pulmone extra corpus; ad formam ma- 
« chinæ quam Diabolum Cartesianum appelamus. 

« Phys. hydrostatica ; Ovalis ; vesiculis lateralibus, trilobis plurimis, extrorsum 


« apertis ; intestino medio et tentaculis quatuor majoribus, rubris. » 


Description traduite de Forskal. 


« Ovale, comprimée, longue d'un pouce et demi; épaisse d’un pouce ; munie en 
haut d’une vésicule terminale, ovale, oblongue, de l'épaisseur d’une plume de 
pigeon, droite et toujours pleine d'air. De chaque côté une rangée de vésicules 
hyalines, trilobées, posées obliquement une au-dessus de l’autre; il s'en trouve 
trois d'un côté et de l’autre cinq. Je les crois de figure irrégulière. Le lobe ex- 
térieur tronqué de ces vésicules a une ouverture orbiculaire pourvue d'un limbe 
rétractile et expansible. Un infestin au milieu, plus étroit qu'une plume de pigeon, 
qui s'étend depuis la vésicule terminale jusqu'au ventricule globuleux. Cet in- 
testin est filiforme, hyalin au sommet, rouge dans le reste et plus épais à la 
base. Le ventricule se trouve tout en bas entre les vésicules trilobées ; il est 
rond, creux, rouge, avec une ouverture circulaire et muni de tentacules ou de 
papilles blanchâtres tordues et plissées, quand ils ne sont pas en expansion. Il 
porte outre cela des vésicules globuleuses jaunes, du diamètre de l'intestin, d’un côté 
cinq, de l’autre trois. Des grands tentacules rouges se trouvent en haut sur les côtés 
du ventricule, d’un côté trois, dont l’un plus court de l'épaisseur d’une plume de 
pigeon, les deux autres beaucoup plus grands et de la longueur d’un pouce. Ces ten- 
tacules sont plus gros vers le milieu et portent un petit bouton blanchâtre à l’ex- 
trémité. Les tentacules de l’autre côté sont plus petits, l’un est ouvert à l'extrémité, 
l'autre plus mince que l'intestin, subulé et de la longueur d'un demi-pouce. » 


«J'ai vu un autre exemplaire avec des tentacules plus grands et presque égaux. 


WTab..3, fig. 1. 


41 DE LA MER DE NICE. 41 


Le mouvement est merveilleux ; l'animal tient toujours le sommet de la vésicule 
aérienne à la surface de l’eau, il rame avec les vésicules trilobées en rétractant et 
en poussant le limbe de leur bouche. Il étend et tord les tentacules du ventricule, et 
allonge ses cornes de tous les côtés. » 

Pour rendre intelligible cette description, assez complète du reste, et pour la 
mettre en accord avec les observations qui vont suivre, nous n'avons qu'à dire que 
nous donnons aux vésicules trilobées de Forskal le nom de vésicules ou cloches 
natatoires, et à l'intestin celui de tronc commun vertical. Le ventricule est pour 
nous le disque ou la partie horizontale du tronc commun, et les papilles blanchâtres 
sont les fils pécheurs. Les vésicules jaunes reçoivent chez nous le nom de polypes, 
tandis que nous conservons pour les {entacules le nom que Forskal leur a donné. 

L’'exemplaire le plus complet que j'eusse trouvé possédait cinq cloches natatoires 
dans une rangée et six dans l’autre, et quatorze tentacules sur le bord du disque. Ce 
nombre varie du reste beaucoup, la colonie s'augmentant sans cesse par le bour- 
geonnement de nouvelles cloches natatoires et de nouveaux tentacules,. 

La Physophore hydrostatique n’est pas très-commune dans la mer de Nice. Je 
n'ai eu à ma disposition que deux exemplaires adultes, dont le premier fut pris le 
28 janvier 1851, tandis que le second fut pêché pendant le courant de l'hiver sui- 
vant. Un jeune individu, fort différent des adultes, fut pris le 15 septembre 1851. 

On peut distinguer ‘ dans l’ensemble de ses organismes deux parties, savoir : la 
partie verticale, composée des vésicules natatoires, de la vessie aérienne et du tronc 
commun qui descend vers la partie horizontale, sur laquelle sont disposés en cou- 
ronne les tentacules, les polypes et les grappes reproductrices. 

La parte verticale avait chez l'exemplaire le plus développé une longueur de 
0%,055, et portait de chaque côté cinq vésicules natatoires parfaitement développées, 
auxquelles s'ajoutait d’un côté une sixième entièrement formée, mais qui n'avait 
pas encore la grandeur des autres. Ces vésicules ou cloches natatoires sont des pièces 
dures, parfaitement transparentes, imbriquées obliquement et posées, en alternant, 
sur deux rangées de manière que le fond de chaque vésicule d'un côté est enchâssé 


dans l’espace entre deux cloches de l’autre côté. Vues d'en haut, ces vésicules ont 


! Tab. 3, fig. 1. 


42 C. VOGT. SIPHONOPHORES 49 


à peu près la forme d'un fer à cheval, dont l'extrémité convexe serait tournée en 
dehors, tandis que les deux pointes postérieures embrassent le tronc vertical com- 
mun de couleur rose qui descend depuis la vésicule aérienne, et sur lequel les vési- 
cules natatoires sont fixées par une petite proéminence médiane. Sur le sommet 
tronqué de la courbure extérieure se trouve l'ouverture orbiculaire de la cloche, qui 
est inclinée obliquement, et se montre garnie d'un limbe musculaire très-fin et très- 
contractile disposé comme l'iris de l'œil. Une profonde impression sépare la partie 
médiane et proéminente de la vésicule, qui porte cette ouverture, des parties laté- 
rales, de manière que, vu de côté ou de face, la cloche paraît en effet trilobée. La 
substance hyaline, mais ferme, de la cloche est encore soutenue par des fils d'une 
matière plus solide, qui ressemblent à des bâtonnets de baleine, et qui ont sous le mi- 
croscope un aspect corné. On aperçoit ces bàtonnets déjà à l'œil nu comme des 
lignes parfaitement nettes, dont une entoure l'iris orbiculaire de l'ouverture en ser— 
vant de support à ce rideau musculaire, ‘tandis qu’un autre se porte d'arrière 
en avant. Deux courbes latérales, embrassant le bouton médian, par lequel la 
cloche est fixée en arrière, se réunissent au bâtonnet qui court dans la ligne mé- 
diane, tandis que deux autres se dessinent sur les ailes postérieures proéminentes 
de la cloche. Examinés sous un grossissement plus considérable, ces bâtonnets se 
montrent creux dans toute leur longueur; — ce sont des canaux, creusés dans 
une substance plus solide, qui, après s'être porté depuis la proéminence postérieure 
de la cloche dans les directions indiquées, se rassemblent enfin dans un canal cir- 
culaire commun sur lequel l'iris musculaire de l'ouverture est fixé. Ces canaux sont 
en communication directe avec la cavité du tronc commun par le canal postérieur 
qui perce le moignon, au moyen duquel la cloche est fixée sur le tronc commun. 
La cavité dans laquelle conduit l'ouverture extérieure de la cloche natatoire est 
assez petite, et ne s'étend pas au delà de la moitié de l'épaisseur de la vésicule en- 
tière. Elle est close de toutes parts et dirigée de manière qu’elle fait un angle de 45° 
à peu près, avec le tronc commun, formant l'axe de la partie verticale. L'animal se 
dirige et nage dans toutes les directions par le moyen de ces vésicules, qui, en s'ou- 
vrant, se remplissent d'eau qu’elles chassent en se contractant. On peut comparer 
le mouvement de ces cloches natatoires à celui de l'ombrelle des Méduses. C'est la 


répulsion de cette eau chassée avec violence qui fait avancer l'animal dans la dia- 


43 DE LA MER DE NICE, 43 


gonale, et, par conséquent, si les deux rangées fonctionnent à la fois, dans le sens de 
l'axe du tronc commun. Suivant que l'une ou l'autre des rangées travaille davan- 
tage, l'organisme entier va de côté, plonge ou s'élève à la surface, mais toujours de 
manière à ce que la vésicule aérienne soit portée en avant. 

La vessie aérienne ‘ est placée au sommet de tout l'organisme, et se distingue au 
premier coup d'œil par un vif reflet argentin et par une tache rouge foncée qui est 
accumulée à son extrémité pointue. Cette tache est composée de granulations fines 
réunies en grand nombre et déposées dans la membrane probablement musculaire 
qui entoure la vésicule aérienne, La bulle d'air elle-même est pyriforme et enchassée 
dans une espèce de capsule transparente d'une substance sans structure ayant la 
dureté du cartilage. Cette capsule se continue immédiatement dans le tronc com- 
mun médian, qui court entre les vésicales natatoires et se fait distinguer par la 
couleur rose uniformément répandue dans son tissu. Ce tronc commun vertical a 
l'épaisseur d’un millimètre à peu près, et forme un tube creux tissé de fibres mus- 
culaires très-fines, en grande partie circulaires et entremélées de fibres longitudi- 
nales. [1 jouit d'une grande contractilité. C'ést par ses contractions que la vésicule 
aérienne est tantôt retirée près des cloches natatoires, tantôt allongée de manière 
à s'en éloigner ; c’est aussi par les contractions de ce tronc commun que les rangées 
de vésicules natatoires peuvent être plus ou moins courbées d'un côté ou de l’autre. 
Les vésicules natatoires fixées à ce tronc, se détachent ordinairement après une 
demi-journée de captivité ; le tronc dépouillé se contracte alors à tel point, qu'on ne 
voit qu'une espèce de bouton allongé sur lequel plane la vésicule aérienne, qui en 
tient l'extrémité suspendue. La bulle d'air est entourée immédiatement comme je 
viens de le dire, d'une expansion musculaire, faisant suite aux couches musculaires 
du tronc. Cette enveloppe musculaire tapisse la face intérieure de la capsule carti- 
lagineuse qui termine ce tronc commun. Cette capsule est close de toute part. 
MM. Quoy et Gaimard * et M. Lesson * prétendent que la bulle d'air est percée d’un 
trou au sommet. C'est une erreur d'observation causée probablement par l'accumu- 


lation de granules pigmentaires qui se trouve en cet endroit. J'ai examiné avec 


Tah3, 0 fe2 0. 
2 Ann. Sc. nat. tom. X. 
* Acal. p. 501. 


44 C. VOGT. SIPHONOPHORES 44 
beaucoup de soin ce point, mais je n'ai pu voir, aussi peu que M. Philippi, aucune 
trace quelconque d’une ouverture au sommet de la capsule qui entoure la bulle d'air. 

Immédiatement au-dessous de la bulle d'air, entre celle-ci et les vésicules nata- 
toires formées, se trouve une quantité de bourgeons * plus ou moins développés, 
destinés à remplacer ou à augmenter les vésicules natatoires alignées le long du 
tronc. Ces bourgeons montrent en général une forme arrondie et laissent apercevoir 
au milieu une cavité par laquelle ils communiquent avec l'intérieur du tronc com- 
mun. Je n'ai pas pu suivre leur développement en détail, mais il ne diffère en rien 
suivant mes observations de celui des vésicules natatoires de plusieurs autres 
espèces, dont je m'occuperai dans la suite de ces mémoires. Je ne mentionne ici ces 
bourgeons et leur position, que parce que Delle Chiaje *, dans sa description très- 
confuse et très-inexacte de notre espèce, a placé ces bourgeons à l'extrémité infé- 
rieure du tronc, en les appelant des ventouses. Le même auteur appelle aussi les 
vésicules natatoires des ventouses, en prétendant qu'elles se remplissent d'air, ce 
qui, certes, est contraire à toute observation. l 

Le {ronc commun * s'élargit un peu en bas à l'endroit où les vésicules natatoires 
finissent, particularité très-bien notée par Forskal, et il se continue immédiatement 
dans une partie ronde, boursoufflée, disposée en couronne ou en gâteau, que nous 
appellerons le disque “, et autour de laquelle sont attachés les tentacules, les grappes 
reproductrices et les polypes. Cette partie a été désignée comme ventricule par 
Forskal, et comme ampoule par MM. Quoy et Gaimard. Ce n’est autre chose que le 
tronc commun lui-même devenu tout d'un coup très-large et aplati, et qui se tourne 
en spirale en s'enroulant sur le même plan, de manière à former un gâteau ou une 
espèce de disque. En dépouillant successivement ce disque des différentes appen- 
dices qui y sont attachées, ce que du reste fait l'animal lui-même en mourant, on 
peut très-bien se convaincre de cette disposition contournée de l'extrémité posté- 
rieure élargie du tronc commun , disposition qui se voit du reste parfaitement dans 
nos figures. Le disque enroulé de cette manière est creux dans l'intérieur, mais 
fermé de toute part. Ce qui a pu induire en erreur plusieurs auteurs, notam- 


ment M. Philippi, qui croyait avoir trouvé une bouche au centre de ce disque, c’est 


DPTab-e2, fig. 27h PMTab 8, fe; (e 
2 Memorie sul. stor. ‘ Tab. 4, fig. 3, c. fig. 4, a 


45 DE LA MER DE NICE. 45 


précisément cet enroulement du canal aplati formant le disque, enroulement qui 
simule une ouverture, surtout lorsque l'animal est déjà fatigué. On observe faci- 
lement que les appendices placées à l'extrémité de ce canal enroulé sont plus déve- 
loppées que celles qui se trouvent plus près de l'endroit, où il communique avec la 
partie verticale du tronc commun. La cavité du disque et du tronc commun est 
remplie par un liquide transparent, visqueux, dans lequel nage une quantité de 
petites granulations très-transparentes, qui paraissent être le résultat de la diges- 
tion. Le disque ainsi que le tronc vertical forment donc dans leur ensemble un 
réservoir musculeux commun, qui, comme nous verrons, est en Communication 
directe avec les appendices rangées autour du disque. Celles-ci sont de trois sortes 
différentes. 

En plaçant la Physophore dans l’eau dans sa position verticale, position qu'elle 
aflecte toujours lorsqu'elle se tient tranquille, on remarque d’abord une cou- 
ronne d'appendices vermiformes de couleur rouge qui ont à peu près une lon- 
gueur de trois centimètres et qui sont dans un mouvement perpétuel. Ces ap- 
pendices, que nous appellerons les {entacules * sont formées d'une substance hya- 
line qui a la consistance et l'élasticité d’un cartilage fibreux et un éclat comme 
du satin moiré. Le tentacule en entier forme un tube conique, fermé de toute 
part. Son extrémité pointue a une couleur bleuâtre, et semble quelquefois comme 
desséchée, en affectant en même temps la forme d’un bouton déchiré en fibres 
fines. L’extrémité par laquelle le tentacule est fixé au disque, est taillée comme 
un bec de plume de manière à s'adapter à la surface arrondie du disque. Cette 
extrémité n'est point fermée ; elle s'adapte facilement sur une ouverture con- 
duisant du disque dans la cavité du tentacule. En arrachant ce dernier, on 
remarque qu'un fil de matière élastique entre dans le disque même et sert ainsi 
d'attache. La cavité des tentacules est remplie par le même liquide parfaitement 
transparent et à globules peu nombreux, qui remplit aussi le disque et le tronc 
commun. J'ai déjà fait observer, que les tentacules sont d autant plus petits que 
l'on se rapproche de la partie du disque qui est attenante au tronc vertical, et 


c'est là en effet qu'on trouve aussi des bourgeons en développement progressif 


1 Tab. 8, fig. 2, f. Tab. 4, fig. 3, d, fig. 4, e. 


46 C. VOGT. SIPHONOPHORES 46 


qui vont devenir des tentacules. La substance satinée de ces jeunes tentacules 
est colorée en rouge dans son ensemble de la même manière, comme le disque 
et le tronc vertical, sans qu'on puisse voir un pigment particulier. Elle se compose 
de plusieurs couches concentriques dans lesquels je n'ai pu découvrir aucune 
structure fibreuse, sauf peut-être dans la couche la plus interne qui ordinaire- 
ment est plissée de manière à trahir une structure musculaire. En déchirant un 
tentacule, on ne découvre pas non plus des traces d'une structure pareille. La 
cavité reste alors baillante comme celle d’une artère coupée. Les tentacules se dé- 
tachent difficilement et restent encore sur l'organisme mort quand même toutes les 
vésicules natatoires seront détachées. 

Pour se rendre compte de la structure ultérieure du Physophore il convient 
d'examiner la face inférieure du disque, ce qu'on ne peut faire qu'en coupant 
le tronc vertical avec les vésicules natatoires qui y sont attachées. On aura alors 
l'aspect que J'ai représenté dans la fig. 4 tab. 4. Sur toute la surface inférieure 
du disque sont attachés autant de polypes, qu'il y a de tentacules à la face 
supérieure. Chacun de ces polypes se compose de trois parties : d'une tige étroite ", 
creuse, de couleur rouge, qui est implantée près de la circonférence du disque 


2 


même. Sa seconde partie * est globuleuse et vivement colorée en jaune ; la partie 


antérieure enfin * 


qui porte la bouche, est tout à fait transparente, et présente 
mille formes diverses suivant son état de contraction. Sur la limite entre la base 
rouge et la partie jaune globuleuse se voit une toufle d'appendices * plus ou moins 
cylindriques, placée sur un rebord circulaire, de laquelle sort un long fil ex- 
trêmement contractile auquel sont attachées des capsules urticantes ?. 

La partie antérieure du polype est formée d’une substance hyaline semblable au 
sarcode et capable des changements de forme les plus surprenants. La bouche se 
trouve au sommet de cette partie vermiforme ; — elle est ordinairement arrondie et 
je n'ai jamais pu voir une disposition anguleuse ou rayonnée, comme dans plu- 
sieurs autres Siphonophores. On voit très-souvent que ces bouches se collent 
sur la surface du porte-objet, en s'étendant circulairement, de manière à prendre 


tout à fait la forme d’une ventouse de sangsue. Autrefois, et surtout quand la mort 


Tab 4 he. 0,10. ‘ Tab. 4, fig. 5, e. 
? Tab. 4, fig. 5, g. 5 Tab. 4, fig. 5, f. 
3 Tab. 4, fig. 5, h. 


47 DE LA MER DE NICE. 47 


approche, les polypes se retroussent en arrière en faisant glisser la partie antérieure 
sur la partie postérieure comme un doigt de gant. On voit ces différentes formes 
dans la fig. 5, tab. 4. La cavité interne du polype est tapissée dans son entier 
par des cils vibratils extrêmement fins, par lesquels le liquide granuleux qui 
remplit les polypes est agité dans un tourbillon continuel. Cette cavité est creusée 
dans la substance sarcodique même et n'en est point séparée par une paroi particu- 
lière ; elle se continue en arrière dans la partie jaune du polype dans laquelle on ob- 
serve une autre structure. 

La partie jaune du polype ne change presque jamais de forme ; elle se montre 
toujours globuleuse. Ses parois sont très-épaisses et colorées dans leur substance 
entière en jaune sans qu'on puisse distinguer un pigmentum particulier. La cavité 
digestive traverse celte partie dans toute sa longueur comme un canal, et elle est 
tapissée par le même epithélium vibratil que celui de la partie antérieure. C’est 
l'épaisseur considérable des parois qui donne à cette partie sa forme globuleuse. 
Déjà à un faible grossissement on remarque dans ces parois des points ronds, bril- 
lants qui réfractent fortement la lumière et qui sont disséminés dans toute l’é- 
paisseur de cette substance. En les examinant sous un fort grossissement, ces 
points se montrent sous la forme de cellules rondes ou ovales à double contours 
très-fortement accusés et réfractant la lumière, comme si elles étaient remplies 
d'huile. 

Ces cellules cessent en haut sur une limite marquée, et n'existent pas non 
plus dans la base qui est entièrement formée de la substance élastique dont se 
compose aussi le disque. Elles sont donc entièrement bornées à cette partie 
moyenne, qui est sans doute la véritable cavité digestive du polype, et on pourra 
les envisager comme cellules biliaires sécrétant un liquide destiné à la digestion. 
La limite entre la base rose et la partie jaune, assez tranchée du reste est cachée 
par le collier et la touffe de bourgeons cylindriques qui se trouvent à cet endroit 
et dont nous parlerons plus loin. 

Les bourgeons des polypes se voient à la même place que les bourgeons des 
tentacules, au-dessous des cloches natatoires sur le commencement du disque et 
à la face inférieure de ce dernier. Ils ont d'abord une forme ovalaire et devien- 


nent petit à petit cylindriques par l'allongement de leur sommet. J'ai dessiné 


48 C, NOGT. SIPHONOPHORES 48 


un jeune bourgeon qui prenait déjà la forme de polype dans la fig. 10, tab. 5. 
On y remarque que la cavité interne, qui est munie d’un mouvement vibratil extré- 
mement vif dans ce jeune bourgeon est encore complètement fermée vers le som- 
met, que la bouche n'est pas encore percée, tandis que les cellules de la partie 
jaune sont déjà amplement développées et remplissent toute la masse épaisse de 
la partie moyenne, qui est déjà faiblement teinte en jaune. La bouche ne s'ouvre 
que lorsque le polype a atteint son développement définitif, et jusqu'à cette 
époque le polype ne communique que par sa base avec la cavité du disque, 
d'où il tire sa nourriture. On le voit, cette structure ne diffère en rien des po- 
lypes hydraires ordinaires, et certes si on n'avait devant soi qu'une seule de ces 
appendices détachée, on n'hésiterait point à la décrire comme formant un genre par- 
ticulier dans cette grande famille du règne animal. 

Mais ce qui distingue surtout les polypes formés, c'est,la couronne d’appen- 
dices cylindriques qui se montre comme une touffe épaisse entre la base et la 
partie jaune, et qui repose sur un collier circulaire, séparant ces deux parties. 
Du milieu de cette touffle sort un filament qui peut se contracter de ma- 
nière à disparaître presque entièrement, et qui peut s'étendre jusqu’à la longueur 
de trois décimètres et davantage. J'appelle ce filament le fil pécheur ‘. Chaque po- 
lype étant muni d'un fil pêcheur semblable, il se trouve donc autant de fils que l'on 
compte de polypes ou de tentacules sur le pourtour du disque. Ce n'est que 
dans des eaux parfaitement calmes que la Physophore développe tous ses fils, en 
se tenant dans une position verticale, la vésicule aérienne à fleur d'eau, telle 
que je l'ai représenté sur la troisième planche ; mais dès qu'il s'agit d'un dépla- 
cement, tous les fils pêcheurs sont ramenés sous le disque de manière à former une 
touffe épaisse qui remplit tout l'espace sous les tentacules. 

La composition de ces fils pêcheurs est très-curieuse. Chacun est formé par 
un assemblage de tubes cylindriques *, ajoutés les uns aux autres de manière 
que le fil entier ressemble à un filament d’algue, composé de cellules cylindri- 
ques allongées. Tous ces tubes, quoique séparés par un étranglement très-marqué, 


sont pourtant traversés par une cavité continue, par un Canal qui prend sa source 


1 Tab. 4, fi 
2 Tab. 5, fig. 


ue 


 f. 
a, 


n 


© ot 


CE 


49 DE LA MER DE NICE. 19 


dans la cavité interne même de la tige du polype et qui se continue jusqu à la der- 
nière extrémité du fil pêcheur et de ses fils secondaires. On remarque dans ces tubes 
composant le fil pêcheur principal deux couches, l'une extérieure, épaisse, formée 
d'une substance gélatineuse et à surface rugeuse, et l'autre intérieure tapissant 
immédiatement la cavité, et dans laquelle on remarque des fibres circulaires très- 
prononcés. 

Chacun des tronçons du fil pêcheur peut se contracter et s'allonger isolément, 
d'une manière fort considérable, et lorsque le fil pêcheur en entier doit être retiré, 
les tronçons s'appliquent les uns contre les autres à peu près comme les pièces qui 
composent un mètre de poche. Cette structure par tronçons contractiles pouvant 
s'appliquer les uns contre les autres permet un raccourcissement beaucoup plus 
considérable que la simple contractilité, füt-elie même poussée au plus haut point. 
L'application de cette construction mécanique simple est générale dans tous les 
fils pêcheurs des Siphonophores, et c'est aux deux effets combinés de la contraction 
et de la coudure des tronçons que ces fils doivent les changements étonnants de lon- 
gueur dont ils sont susceptibles. 

Sur chaque tronçon est implanté près de l'articulation un fil secondaire portant 
l'organe urticant ; chacun de ces fils est simple et composé de trois parties, sa- 
voir: d'une tige étroite musculeuse ‘ très-contractile, ayant la même structure 
comme les tronçons du fil pêcheur. C'est surtout sur ces fils secondaires que l’on 
remarque l'aspect presque velu de la couche externe que nous avons déjà signalé 
aux tronçons, mais qui y est moins apparente. À cette partie musculeuse du fil, 
qui est évidemment creuse et dont la cavité communique avec celle du tronçon sur 
lequel le fil secondaire est placé, succède une partie moyenne en forme de boyau 
allongé *, ayant des parois très-lisses et minces, et une cavité interne fort consi- 
dérable, remplie d'un liquide parfaitement transparent. Cette partie en boyau 
montre des fibres circulaires qui de temps en temps forment des bourrelets visibles, 
même à un petit grossissement. Elle est tapissée en outre dans son intérieur de 
cellules rondes, parfaitement transparentes, sans noyau, qui de distance en dis- 


tance sont fixées à cette paroi, comme on peut le voir lorsqu'on examine surtout 


! Tab. 5, fig. 9, 6. 
? Tab. 5, fig. 9, c. 


50 C. VOGT. SIPHONOPHORES 50 


les côtés du boyau. Le boyau se rétrécit des deux côtés, en bas pour s'emman- 
cher sur la base étroite musculaire, et en haut pour se continuer dans l'ampoule 
urticante qui termine tout l'appareil. On voit à cet endroit que la membrane 
musculaire, qui forme la couche intérieure du boyau, est plissée longitudinalement 
et forme ainsi une espèce d’entonnoir par lequel la cavité du boyau communique 
avec celle de la capsule urticante. 

Cette dernière ‘ a la forme d’un œuf un peu allongé, dont le grand diamètre 
fait la continuation de l'axe du boyau. Elle est composée extérieurement d'une 
substance hyaline de consistance cartilagineuse, dans l'intérieur de laquelle se 
trouve une grande cavité, dont tout le pourtour est tapissé par des cellules ron- 
des transparentes et en pavé. Cette cavité s'ouvre au dehors par une ouverture * 
située près de la base de la capsule là où celle-ci s'emmanche avec la partie en 
boyau. A l’intérieur de cette cavité se trouve un second sac formé d'une mem- 
brane musculaire, qui, par un prolongement postérieur, est évidemment en com- 
munication avec la couche musculaire tapissant la surface intérieure de la partie 
en boyau. Ce sac musculaire (f) est attaché au pourtour de l'ouverture de Ja 
capsule de manière que cette ouverture conduit directement dans la cavité du 
sac musculaire. Celui-ci cache dans son intérieur un long fil (4) qui ordinaire- 
ment est enroulé en spirale, ou affecte des dispositions plus ou moins tourmentées. 
On peut voir dans les figures 9 à 11 de la tab. 5 différentes formes d'enroule- 
ment de ce fil, copiées très-exactement d'après nature. Ce fil forme plutôt une 
banderolle plate, enroulée de manière à montrer une de ses faces applaties. Il 
est composé dans son entier par une énorme quantité de petits corpuscules durs, 
courbés en forme de sabre et posés verticalement les uns contre les autres, de 
manière à former des lignes excessivement serrées en quinconces, qui donnent à 
toute la surface du fil l'aspect d'un treillis très-fin. Ces corpuscules durs, de na- 
ture cornée, que j'appellerai dorénavant les sabres urticans, montrent leur pointe 
tournée au dehors de manière que toute la surface du fil est hérissée par les 
extrémités de ces piquants implantés verticalement dans la surface du fil. Le 
fil se continue ainsi jusque vers le sommet de la capsule urticante. Là il change 


* Tab. 5, fig. 9, d. fig. 10 et 11. 
9, fig. 40 et 11, g. 


e 
=D 
fr 


51 DE LA MER DE NICE. 51 


de nature, sa dernière extrémité étant composée de corpuscules très-grands, ap- 
platis, courbés un peu de manière à présenter la forme d'une gousse de haricots, 


que j'appellerai les fêves urlicantes Ces grandes fèves urticantes sont dis- 
posées en deux séries sur l'extrémité du fil et forment là comme un bouquet 
jaunâtre, tout le reste du fil étant d’une couleur blanche éclatante par la lumière 
directe, et d’un gris incertain par la lumière transmise. Examinées en détail les 
grandes fèves urticantes se montrent d'une couleur jaune-brunâtre, d'une con- 
sistance très-considérable, de manière à résister presque toujours aux plus for- 
tes pressions que l’on peut exercer avec le compresseur à plaques minces. On 
voit dans leur intérieur des lignes brunâtres concentriques et au milieu un corps 
plus dur, ayant l'aspect d'une pointe composée de deux branches allongées, et 
se réunissant dans un sommet qui est tourné vers le côté libre du corpuscule. 
Je n'ai pas pu amener ces corpuscules à éclater et à lancer leur pointe en dehors, 
mais je ne doute pas que les lignes concentriques que l’on voit dans l'intérieur de 
ces capsules ne soient aussi comme dans les capsules urticantes des Vélelles, 
l'expression optique d’un fil enroulé en spirale, qui remplit l'intérieur de la fève 
urticante et qui est attaché à l'extrémité de la pointe que l'on distingue si bien dans 
ces corpuscules. 

J'ai pu observer la manière dont les capsules urticantes du fil pêcheur se mettent 
en action. Je les ai vu éclater par l'impulsion de l'organisme, et J'ai pu amener 
quelquefois le même résultat par des pressions réitérées du compresseur sous le 
microscope même. L'ouverture pratiquée à la base de la capsule s'ouvre tout d’un 
coup, et le fil urticant en son entier est lancé au dehors avec une grande violence. 
J'ai représenté une pareille capsule dans la fig. 9 de la tab. 5. On voit que toute la 
banderolle déplissée atteint la longueur du fil urticant secondaire, et que son extré- 
mité est réellement composée par une double série de ces grandes fèves urticantes 
dont je viens de décrire la structure. On voit, en outre, que la banderolle est accom- 
pagnée dans toute sa longueur par un fil musculaire d'une grande finesse, qui est 
attaché au bord intérieur de la banderolle, de manière que celle-ci le cache entière- 


ment entre ses replis lorsqu'elle est retirée dans l’intérieur de la capsule. La vio- 


Tab. 5, fig 42. 


LD, C. VOGT. SIPHONOPHORES 52 


lence avec laquelle la banderolle urticante est lancée au dehors est si grande, que 

le sac musculaire (f) qui l'enveloppe, la suit ordinairement en partie et forme une 

espèce d’hernie, qui bouche l'ouverture de la capsule. C'est à cette partie du sac 

musculaire que la banderolle avec son fil musculaire est attachée. Évidemment 

toute la banderolle peut être retirée par le moyen du sac et du fil musculaire dans 

l'intérieur de la capsule urticante, et la manière irrégulière dont le fil est souvent 

disposé dans l’intérieur de la capsule, me paraît être une preuve que ces fils étaient - 
déjà lancés au dehors et retirés de nouveau dans leurs capsules. 

L'usage des fils pêcheurs devient évident, lorsqu'on observe une Physophore en 
repos dans un bocal assez spacieux pour qu'elle puisse s'y développer. Elle prend 
alors une position verticale, la bulle d’air à fleur d'eau. Les fils pêcheurs s’allongent 
de plus en plus en développant un à un les fils secondaires à capsules urticantes. 
Bientôt la Physophore ressemble à une fleur posée sur une toufle de racines très- 
allongées et extrêmement fines, qui vont jusqu'au fond du vase. Mais ces racines 
sont dans un mouvement continuel. Chaque fil pêcheur s’allonge, se raccourcit, se 
contracte de mille manières. Le moindre mouvement de l’eau fait retirer subitement 
les capsules urticantes et les fils pêcheurs, qui sont hélés avec la plus grande vitesse 
vers la couronne des tentacules. C’est un jeu continuel qui n’a d'autre but que de 
rechercher la proie destinée à la pâture des polypes, et qu'on ne peut mieux com- 
parer qu'aux mouvements d’une ligne de pêche; — car dès qu'une petite Méduse 
microscopique, une larve, un cyclope, ou quelqu'autre crustacée, viennent dans le 
voisinage de ces fils redoutables, il est immédiatement entouré, saisi et ramené vers 
la bouche du polype par la contraction du fil. Les organes urticans si compliqués, 
que nous voyons chez les Physophores, ont donc la même destination que les cap- 
sules urticantes, disposées dans les bras des hydres ou sur la face extérieure des 
tentacules et des polypes prolifères de la Vélelle. 

Outre les tentacules posés à la face supérieure du disque, et les polypes munis de 
leurs fils pêcheurs et implantés sur la face inférieure, on trouve encore une troi- 
sième série d'appendices sur le disque, que nous appellerons les grappes reproduc- 


trices ‘. Ces grappes sont posées entre les tentacules d'un côté et les polypes de 


* Tab. 4, fig. 4, c, d. fig. 8, d, e. 


23 DE LA MER DE NICE. 53 
l'autre, de manière que leur point d'insertion est toujours caché, comme que l’on 
regarde le disque. Pour les examiner en détail, il faut donc ou arracher les tenta- 
cules, ou bien couper les polypes qui les couvrent d'en bas. En examinant le disque 
de cette manière, on s'aperçoit qu'à chaque tentacule et à chaque polype corres- 
pond une double grappe reproductrice, qui est implantée sur la ligne verticale 
qui joindrait le polype au tentacule. On pourrait donc regarder le disque comme 
composé d'une série de zonites disposés circulairement, dont chacun serait formé 
à son tour par l'assemblage d’un tentacule, d'un polype et d’une grappe reproduc- 
trice entre les deux. Il est évident que le nombre de ces zonites augmente avec l'âge, 
et que, par conséquent, toutes les définitions d'espèces, dans lesquelles on compte 
le nombre des tentacules attachés au disque, n'ont aucune importance réelle, vu 
que ce nombre dépend de l'âge et des circonstances fortuites auxquelles la Physo- 
phore peut avoir été exposée. 

Chaque grappe reproductrice est composée de deux moitiés réunies ensemble par 
un tronc commun creux qui communique avec la cavité du disque même. Les deux 
moitiés de la grappe ont un aspect très-différent. L'une, que nous nommerons la 
grappe mâle ‘, montre déjà à la loupe un assemblage de vésicules allongées, gran- 
dissant vers son extrémité et qui sont implantées obliquement à l'axe de la grappe. 
Les vésicules placées au sommet de cette grappe mâle montrent une teinte légère- 
ment jaunâtre. L'autre moitié, la grappe femelle *, est composée de vésicules très- 
petites, ayant toutes la forme ronde et un diamètre presque égal. Ces petites vési- 
cules, qui sont à peine visibles à la loupe, sont beaucoup plus serrées que dans la 
grappe mâle, et donnent à la grappe femelle un aspect floconneux. Examinées en 
détail, ces grappes présentent la structure suivante : 

La grappe mâle est toute composée de bourgeons imbriqués obliquement, qui, 
dans le commencement de leur développement, sont presque ronds, mais s’allon- 
gent successivement à mesure qu'ils deviennent plus mûrs. Les jeunes bourgeons 
encore ronds * se montrent composés de deux couches parfaitement distinctes. La 


substance extérieure (a) est cartilagineuse, dure, transparente, sans autre structure 


1 Tab. 4, fig. 4, c. fig. 8, d. 
2 Tab. 4, fig. 4, d. fig. 8, e. 
® Tab. 6, fig. 44. 


54 C. VOGT. SIPHONOPHORES 54 


visible et très-épaisse ; elle est entourée d'une couche épithéliale mince (e), qui forme 
la continuation directe de la membrane qui sert de support à toute la grappe. A 
l'intérieur du bourgeon se trouve une cavité en forme de poire (c), dont la pointe 
communique avec la cavité de la grappe, et par cela même avec celle du disque. La 
cavité, en forme de poire, du bourgeon, est entourée d’une couche de substance 
homogène aussi et transparente (b), mais séparée entièrement par une ligne de 
démarcation de la substance extérieure. La cavité est en outre tapissée dans son 
intérieur par un épithélium vibratil très-fin, qui tient dans un mouvement conti 
nuel une quantité de corpuscules arrondis, lesquels nagent dans le liquide, rem- 
plissant la cavité. 


!, la distinction des deux 


A mesure que les bourgeons mâles se développent 
substances devient plus marquée, la forme plus allongée et la cavité interne plus 
remplie d’une masse granuleuse d’un blanc crayeux, qui, à la lumière transmise du 
microscope, montre une légère teinte jaunâtre. Les bourgeons les plus développés 
que j'ai rencontré *, avaient une forme presque cylindrique, et le sac intérieur, 
rempli de substance crayeuse, était tellement étendu, qu'il touchait partout la face 
interne de la substance extérieure dont la couche était devenue successivement plus 
mince. Le sommet extérieur de ces bourgeons développés était un peu aplati, et 
montrait des petites contractions qui faisaient présumer une ouverture prochaine. 
L'ouverture du côté opposé, par laquelle la cavité du sac communiquait avec celle 
de la grappe tout entière, était presque complétement fermée, de manière qu'on 
pouvoit prévoir une séparation prochaine en cet endroit. La substance crayeuse 
qui, dans des bourgeons à demi-développés, se montrait seulement finement gra- 
nuleuse était maintenant composée de corpuscules ronds, à contours parfaitement 
accusés, qui montraient dans l'eau le mouvement caractéristique des zoospermes, et 
d'une manière tellement prononcée, que je me rappelle peu d'espèces où ce phé- 
nomène se serait montré avec plus d'éclat. Je n'ai pourtant pu découvrir des 
appendices en forme de queue à ces corpuscules, qui se montraient toujours à 


contours parfaitement ronds et nettement circonscrits. 


2 


Considérée dans son ensemble, la grappe mäle forme donc un boyau creux 


! Tab. 6, fig. 15-19. 
“Tab (6, fie. 10: 


Do DE LA MER DE NICE. D 


cœcums excessivement nombreux, dans l'intérieur desquels se développent ces 
bourgeons qui, petit à petit, se remplissent de sperme, et qui probablement se dé- 
tachent à la fin sous une forme médusaire très-allongée, composée uniquement de 
l'ombrelle cylindrique et d’un boyau interne rempli de zoospermes. Il est facile de 
se convaincre de cette disposition générale de la grappe mâle en exerçant une pres- 
sion convenable sur le tronc creux de cette grappe. En chassant le liquide qui rem- 
plit ce tronc et ses branches, jusque dans les terminaisons des dernières, on peut 
remplir entièrement la cavité interne de tous les bourgeons, et même réussir à les 
détacher de la grappe lorsqu'on pousse le liquide avec plus de violence encore. 

Les grappes femelles * ont la même disposition générale, comme les grappes 
mâles ; — ce sont aussi des boyaux découpés en cœcums innombrables, qui se 
terminent en ampoules dans lesquelles se développent les bourgeons. Mais ici les 
bourgeons ont une autre apparence ; — ils sont serrés les uns contre les autres, 
arrondis, ou tout au plus ovalaires, et presque tous d'égale grandeur. Je me suis 
donné beaucoup de peine à déchiffrer la composition de ces bourgeons sans pouvoir 
y parvenir entièrement. On voyait dans la majorité des bourgeons une tache par- 
faitement accusée au milieu, que l'on aurait pu prendre à une inspection superfi- 
cielle pour la vésicule germinative, d'autant plus que par un grossissement plus fort 
cette tache circulaire et transparente montrait deux contours concentriques éloi- 
gnés l’un de l’autre. Mais très-souvent ces contours étaient beaucoup trop accusés 
pour qu'on püt les prendre pour ceux de parties aussi délicates que ne le sont ordi- 
nairement la vésicule et la tache germinative de l'œuf primitif; et une inspection 
soignée démontrait alors que la vésicule présumée n'était autre chose que la lumière 
d'un canal interne qui traversait le bourgeon dans le sens de son axe longitudinal. 
J'ai rencontré beaucoup de bourgeons dans lesquels ces dispositions étaient évi- 
dentes, et où l’on pouvait voir, en tournant le bourgeon *, que le contour circulaire 
interne se continuait véritablement dans un canal, qui se perdait au fond du bour- 
geon. On pouvait voir aussi sur beaucoup de ces bourgeons que le tronc de com- 
munication du bourgeon avec la cavité de la grappe montrait la même disposition 
circulaire à double contour que la vésicule germinative présumée. On ne pouvait 


! Tab. 6, fig. 20-923. 
Tan 0 6e 21: 


26 C. VOGT. SIPHONOPHORES 56 


donc plus en douter, les jeunes bourgeons des grappes femelles étaient traversés 
dans tout leur long par un canal médian, dont la lumière se montrait de la façon 
indiquée, et qui, à son tour, était entouré d'une substance interne formant le 
double contour. 

En examinant des bourgeons plus adultes ‘, des doutes nouveaux devaient 
se présenter. Ces bourgeons montraient bien une enveloppe externe séparée en 
beaucoup d'endroits par des doubles lignes de contour, mais leur masse était 
pleine, il n’y avait ni cavité interne, comme dans les bourgeons mâles, ni canal 
traversant l'axe comme dans les jeunes bourgeons femelles. On pouvait décou- 
vrir des canaux superficiels partant du trou de communication situé à la base 
des bourgeons. Ces canaux étaient creusés entre l'enveloppe externe et la subs- 
tance intérieure qui remplissait le bourgeon. C'étaient ces canaux superficiels 
qui causaient l'aspect de double contour à la circonférence du bourgeon ; leurs 
parois étaient sinueuses. Je n’ai pas pu découvrir une disposition régulière de 
ces canaux à la surface du bourgeon, quoique j'eusse cherché cette disposition 
longtemps, parce que des observations sur d'autres espèces me faisaient présu- 
mer que javais devant moi des bourgeons médusaires en voie de développe- 
ment, et que ces canaux étaient l'analogue des quatre canaux disposés en croix 
que j'ai signalé chez les bourgeons médusaires des Vélelles. Mes doutes devaient 
s'accroître encore quand je vis qu'au milieu de cette substance homogène in- 
terne et remplissant le bourgeon, se trouvait de nouveau une figure ronde à 
double contour (/f), mais qui était très-faiblement accusée et qui ressemblait 
beaucoup à une vésicule et à une tache germinatives. Les dernières observations 
que j'étais à même de faire me font donc présumer le développement suivant de 
ces bourgeons femelles. Il n'y a d’abord qu'un bourgeon simple, globulaire, 
épais, percé dans son axe par un canal qui fait la continuation directe de la cavité 
de la grappe. Plus tard, la substance interne du bourgeon en s'’augmentant se 
modèle davantage, remplit toute la cavité interne du bourgeon, sauf des inter- 
stices en forme de canaux qui restent entre cette substance et l'enveloppe ex- 


terne et qui sont en communication directe avec la cavité de la grappe. La subs- 


115.10 15028. 


57 DE LA MER DE NICE. 57 


tance interne se développant toujours davantage, se constitte à la fin en masse 
vitellaire ayant une vésicule et une tache germinative au centre. N'ayant eu à 
ma disposition que deux exemplaires adultes de la Physophore, chez lesquels 
les grappes reproductrices n'étaient pas dans un état très-avancé de développe- 
ment, je n'ai pu déterminer si l'explication que je viens de donner est réellement 
exacte et s’il est juste de croire que chacun de ces bourgeons sert au dévelop- 
pement d'un seul œuf véritable. Il se pourrait aussi que je me fusse trompé 
sur la signification de la figure circulaire à double contour qui se voit dans les 
bourgeons les plus avancés et que ces bourgeons devinssent de véritables Mé- 
duses qui à leur tour se détacheraient de la Physophore. Celle-ci produi- 
rait suivant cette dernière explication deux sortes différentes de bourgeons mé- 
dusaires, les uns de figure plus allongée presque cylindrique, portant dans l'in- 
térieur un sac rempli de zoospermes, les autres presque globulaires, à vaisseaux 
superficiels partant de l’ancien tronc de communication avec la grappe, lequel 
forme toujours dans ses bourgeons le sommet de l’ombrelle. En adoptant au 
contraire, mon observation d'un seul œuf primitif constitué dans chaque bour- 
geon (et c'est cette explication que je préfère), la reproduction des Physophores 
doit se faire par des véritables œufs, produits dans des organes extérieurs et 
fécondés par des organes mâles à forme médusaire. L'étroite liaison qui existe 
entre les Physophores et les Agalmes, dont je traiterai plus loin, parle en faveur 
de cette opinion. MM. Kælliker et Huxley, qui ont aussi étudié les organes sexuels 
des Physophores se prononcent d’ailleurs catégoriquement sur ce point. Je n'ai 
qu'à citer les paroles de M. Kælliker (1. c. p. 311). « Chez les Physophores les grap- 
pes màles et femelles se trouvent à côté des polypes sur des tiges communes, et cha- 
que ovisac ne contient qu'un seul œuf. » 

On voit d'après la description qui précède, que les Physophores sont une co- 
lonie flottante de polypes hydraires, pourvue de différentes sortes d’appendices 
dans lesquels l’individualisation est plus ou moins prononcée. Personne ne vou- 
dra nier que les appendices nommés par les auteurs les suçoirs, et dans lesquels 
nous avons démontré cette structure si compliquée, ne soient véritablement des 
polypes hydraires, polypes pourvus de bouche, de cavité stomacale, de fils pé- 


cheurs et fixés sur un tronc commun, dans lequel aboutissent leurs cavités 
| 8 


58 C. VOGT. SIPHONOPHORES 58 


respectives. Mais pourra-t-on appliquer le nom d'individus locomoteurs à cette série 
de vésicules natatoires placées le long de la partie verticale du tronc commun, 
dans lesquels on ne peut voir que cette faculté locomotrice, qui n’a rien d'in- 
dividuel et qui ne sert qu'à la colonie tout entière et sous la condition que 
cette faculté soit exercée en commun? Pourra-t-on appliquer ce nom d’individu 
à ces appendices, que nous avons nommés les tentacules, tubes musculaires 
fermés de toute part, et n'ayant aucune autre mission que celle de protéger les 
organes fixés au-dessous de leur couronne? Pourra-t-on nommer enfin individus 
ces grappes qui développent dans l'intérieur de leurs ampoules des bourgeons, 
chargés de zoospermes ou d'œufs, ou bien veut-on appeler chaque bourgeon à 
zoospermes un individu mâle — chaque bourgeon à œuf un individu femelle ? 
L'examen ultérieur d’autres espèces de Siphonophores pourra peut-être appor- 


ter plus de jour encore sur ces questions dont la réponse n’est pas facile. 


Le quinze septembre 1851, je ramassai dans la baie de Villefranche quelques 
jeunes Siphonophores qui flottaient en société de quelques Salpes à la surface 
d'une mer parfaitement tranquille. On ne les voyait dans les bocaux que comme 
des points brillants gros comme des petites têtes d'épingles et surmontés d'un 
point rouge foncé. Je donne ici la description d'un de ces organismes, qui est 
évidemment une jeune Physophore et qui n'était encore composé que d'un seul 
polype avec son fil pêcheur, de quatre tentacules et de plusieurs cloches natatoires 
en voie de développement. 

La fig. 24 de la sixième planche montre cette jeune Physophore sous un gros- 
sissement de 30 diamètres. 

La portion verticale de la Physophore est encore réduite à une pièce pyri- 
forme (a), dont la base plus large est enchassée entre des tentacules énormes (e), 
tandis que son sommet libre est occupé en haut par une large tache de pigment 
d'un brun-rougeûtre (b). Au-dessous de ce pigment se trouve la vésicule aérienne (c) 
ayant une forme en poire et enchassée dans un tissu fibro-floconneux qui 
tapisse la paroi interne de cette partie pyriforme, entoure la tache pigmentaire 


et descend en formant quatre ogives au milieu desquels descend une masse arrondie 


59 DE LA MER DE NICE. 9 


de la même substance, pour envelopper étroitement la bulle d'air, qui de cette 
manière a parfaitement l'air d'un battant suspendu au milieu d’une cloche. A la 
base de la partie pyriforme se trouvent plusieurs bourgeons ronds (d) portant 
au centre le double contour de la cavité dont ils sont creusés et qui évidemment 
sont destinés à devenir les cloches natatoires. Quatre tentacules (e) énormes sont 
fixés en couronne autour de la base de la partie pyriforme qu'ils cachent en 
partie. Ces tentacules ont une couleur jaune-rougeûtre par la lumière ordinaire, 
vert claire par la lumière transmise du microscope ; ils ont la forme d’un sac 
allongé et un peu courbé et montrent dans leur substance externe des fibres 
circulaires et des points ou granulations plus foncés, disséminés dans cette masse. 
Leur cavité interne est énorme, mais fermée de toute part et remplie d’un li- 
quide transparent. A l'extrémité antérieure émoussée des tentacules la substance 
qui les forme, devient plus épaisse et contient dans son épaisseur quelques corps 
urticans de forme ovale. 

Un seul polype (g) se voit entre les tentacules à la face inférieure de la partie 
pyriforme, qui porte la vésicule aérienne. Ce polype est fixé sur une base assez 
large (1), mais peu transparente ; il a la forme d’un boyau ouvert à l'extrémité. On 
voit dans sa substance, extrêmement transparente et presque incolore, des fibres 
transversales plus ou moins prononcées. Entre sa base et la partie pyriforme est atta- 
chée une toufle de bourgeons allongés, un peu courbés, du milieu de laquelle sort 
le fil pêcheur qui se montre assez gros et formé d’une série de tronçons tout à fait 
semblables dans leur structure aux tronçons du fil pêcheur des adultes. Sur les arti- 
culations de ces tronçons sont posées aussi des capsules urticantes, mais qui ne 
sont pas encorc parfaitement développées ; elles ont la forme d'une petite bouteille à 
goulot allongé et à fond arrondi, et sont manifestement creuses au milieu. Dans la 
partie élargie de cette petite bouteille se voient trois sortes d'organes urticans ; à la 
base, le plus près du manche de la capsule, se trouve une couronne de grandes 
fèves urticantes au nombre de six, qui sont disposées en cercle autour de la cavité 
interne de la capsule ; ces fèves ont une forme ovalaire et montrent au milieu très- 
bien la pointe à doubles branches écartées, dont les contours sont fortement accu- 
sés et qui est entourée du fil enroulé en spirale. Au-dessus de ce cercle de grandes 


capsules urticantes se trouvent les petits corps en forme de sabres, qui composent 


60 C. VOGT. SIPHONOPHORES 60 


dans l'adulte la majeure partie du fil urticant. Ici ces corpuscules sont disposés en 
lignes courbes sur une seule masse, comme l'indique la fig. 18, tab. 5, faite d'après 
un grossissement de 350 diamètres. Enfin, au sommet de la capsule se trouve 
une accumulation de lentilles urticantes, de corpuscules un peu aplatis, 
disposés en séries concentriques, et qui montrent à l'intérieur un fil enroulé en 
spirale, qui sort très-facilement, de manière que toute la capsule se trouve hérissée 
de pointes courtes et raides à la moindre manipulation. La partie postérieure de la 
capsule urticante est évidemment creuse et entourée d'un tissu musculaire qui se 
continue dans le tronçon court par lequel la capsule est réunie au fil pêcheur. 

Pour compléter cette description, je dois mentionner encore quelques bourgeons 
allongés claviformes (/, fig. 24) qui se trouvent au-dessous des bourgeons des vési- 
cules natatoires derrière la base du polype, et qui sont évidemment des polypes en 
voie de formation. 

On ne voit aucune trace de grappes reproductrices ou d'autres organes, qui puis- 
sent servir à la reproduction. 

Les différences entre cet organisme et la Physophore adulte sont considérables, 
mais la forme du fil pêcheur, l’organisation des capsules urticantes et la disposition 
des tentacules ne me fait pas douter un instant que, malgré ces différences, c'est 
réellement à une jeune Physophore que nous avons à faire. Ce jeune n'est 
composé encore que d'un seul polype, de plusieurs tentacules et d’une bulle d’air, 
tandis que toutes les autres parties sont en voie de formation. Cette observation 
nous permet donc d'établir la composition primitive d'une colonie de Physophores, 
telle qu’elle sort probablement de l'œuf. Ce sont d'abord les tentacules protecteurs, 
la vésicule aérienne et un seul polype qui existent dans le jeune. Ces parties se 
multiplient par bourgeons, auxquels s'ajoutent en premier lieu les vésicules nata- 
toires, et, en dernier lieu, les grappes reproductrices. Nous verrons que le même 


ordre de succession se suit aussi chez d’autres espèces. 


61 DE LA MER DE NICE. 61 


LL. 


SUR LES AGALMES. 


Le genre Agalma fut établi par Eschscholtz *, en 1825, sur des Siphonophores 
trouvés dans la mer de Kamtschatka. Cet auteur caractérisa le nouveau genre par 
ces mots : | 

« Tentacula ramis clavatis; clava apice bicuspidata. Partes cartilagineæ supe- 
riores cavitate natatoria instructæ, distichæ, inferiores solidæ, irregulares, sparsæ. » 

La description, ainsi que les figures que donne Eschscholtz, font reconnaître de 
suite qu'il avait devant lui des exemplaires complets, mais fortement contractés, 
d'où résultent quelques fautes d'observation, notamment celle de deux pointes, dont 
les capsules urticantes seraient garnies. 

Plus tard, M. Sars * ayant trouvé une espèce nouvelle sur les côtes de la Norwège, 
créa le genre Agalmopsis, dont il a donné la diagnose suivante, que je reproduis 
textuellement : 

« Partes cartilagineæ superiores seu natatoriæ ut in Agalmate, inferiores nume- 
rosæ, solidæ, triangulares, sparsæ, non tubum componentes, sed modo una earum 
extremitate canali reproductorio affixæ ceterumque liberæ, pro emissione tubulo- 
rum suctoriorum ac tentaculorum ubicunque fissuras præbentes ; canalis repro- 
ductorius longissimus, tubulos suctorios, vesiculas variæ formæ et tentacula offe- 
rens ; tentacula ramulis clavatis (clava variæ formæ) obsita. » 

Dans une lettre adressée à M. de Siebold et insérée dans la Zeitschrift für wissen- 


schaftliche Zoologie, vol. HI, p. 522, 1851, lettre qui a été reproduite dans les 


“ Isis de Oken, 1825, t. XVI, p. 743. System der Acalephen von Eschscholtz, p. 150, n° 12. 
? Fauna litoralis Norwegiæ; 1846. 


62 C. VOGT. SIPHONOPHORES 62 


Annales des Sciences naturelles, j'avais rapporté deux espèces différentes trouvées 
par moi dans la mer de Nice, au genre Agalma d'Eschscholtz, en les appelant 
Agalma rubra et A. punctata. M. K@lliker, dans son rapport sur ses observations 
faites à Messine en automne 1852 ‘, mentionne deux espèces d'Agalmopsis, qu'il 
nomme Sarsii et punctata, et dont il ne donne malheureusement pas la description. 
Je ne doute pourtant nullement, d’après les détails consignés par cet observateur, 
que les deux espèces indiquées sous ces noms par M. K@ælliker ne soient identiques 
avec les miennes. Mes noms ayant été déclarés provisoires à dessein, vu que je 
n'avais pas à Nice les moyens d'éplucher la littérature accumulée sur ce sujet, 
j'aurais voulu pouvoir adopter ceux de M. Kælliker, qui a donné les siens comme 
définitifs. Mais ayant comparé maintenant les descriptions d'Eschscholtz et de Sars, 
je ne trouve aucune raison sérieuse pour l'établissement du genre Agalmopsis, la 
seule différence de ce genre avec le genre Agalma consistant en ce que le premier 
est établi sur des individus étalés, le dernier sur des exemplaires contractés. Le 
genre Agalmopsis, faisant double emploi, doit donc être rejeté entièrement, et les 
deux espèces de M. Kælliker doivent porter les noms donnés par moi et être rangés, 


avec l'espèce de M. Sars, dans le genre Agalma. 


Agalma rubra. C. Vogt. 


Cette belle espèce est très-commune dans les mers de Nice depuis les mois 
de novembre jusque vers le mois de mai de manière que j'ai pu en faire un 
examen presque complet. Je n'ai jamais trouvé d'exemplaires entièrement for- 
més pendant les calmes de l'été, tandis qu’en hiver j'ai rencontré quelquefois 
ces organismes magnifiques en si grande quantité que mes bocaux ne suflisaient 
pas pour leur donner place. Je citerai notamment le 12 et le 17 décembre 1851, 
où je rencontrai en face du port de Nice près de la première pointe vers Ville- 
franche entre 40 et 50 exemplaires dans l’espace d’une heure, qui tous sui- 


vaient le même courant, accompagnés d'une quantité prodigieuse de Salpes, de 


‘ Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von C.-Th. v. Siebold und Külliker. T. IV, p. 306. 


63 DE LA MER DE NICE. 63 


Méduses et d’un nombre inoui de petits Ptéropodes du genre Creseis, qui don- 
naient même de loin à l’eau une teinte blanchàtre. 

Je ne connais rien de plus gracieux que cette Agalme lorsqu'elle flotte étendue près 
de la surface des eaux. Ce sont des longues guirlandes transparentes dont l’é- 
tendue est marquée par des paquets d’un rouge vermillon brillant, tandis que 
le reste du corps se dérobe à la vue par sa transparence. L'organisme: entier 
nage toujours dans une position un peu oblique près de la surface, mais il peut 
se diriger dans toutes les directions avec assez de vitesse et plus d’une fois les 
guirlandes ont échappé par des mouvements subites au courant qui devait les 
entrainer dans mes bocaux. J'ai souvent eu en ma possession des guirlandes 
de plus d'un mètre de long, dont la série de cloches natatoires mesurait plus 
de deux décimètres de manière que dans les grands bocaux de pharmacie, dont 
je me servais pour garder mes animaux en vie, la colonne de cloches natatoires 
touchait le fond, tandis que la vésicule aérienne flottait à la surface. Immédiate- 
ment après la capture les colonies se contractaient à tel point qu’elles étaient 
à peine reconnaissables ; mais lorsqu'on laissait les bocaux spacieux en repos 
sans remuer, ce qui ne pouvait avoir lieu dans le bateau, tout l'ensemble se 
déroulait et se déployait dans les contours les plus gracieux à la surface du 
bocal. La colonne des cloches natatoires se tenait alors immobile dans une po- 
sition verticale, la bulle d'air en haut et bientôt commençait le jeu des différentes 
appendices. Les polypes, placés de distance à distance sur le tronc commun de 
couleur rose, s’agitaient dans tous les sens et prenaient par les contractions les 
plus bizarres mille formes diverses. Les individus reproducteurs, si semblables à 
des tentacules, se gonflaient et se contractaient alternativement en se tortillant 
comme des vers; les tentacules s’agitaient, les grappes ovariques se dilataient 
et se contractaient, les cloches spermatiques battaient l'eau avec leurs ombrelles 
comme les Méduses. Mais ce qui excitait le plus la curiosité, c'était le jeu con- 
tinuel des fils pêcheurs, qui se déroulaient en s’allongeant de la manière la plus 
surprenante pour être retirés quelquefois avec la plus grande précipitation. Tous 
ceux qui ont vu chez moi ces colonies vivantes ne pouvaient se détacher de ce 
spectacle saisissant, où chaque polype ressemblait à un pêcheur qui fait des- 
cendre au fond de l'eau une ligne de pêche garnie de hameçons vermeils, qu'il 


64 C. VOGT. SIPHONOPHORES 64 


retire lorsqu'il sent la moindre secousse et qu'il lance ensuite de nouveau pour 
la retirer de même. Les colonies restaient souvent en pleine vigueur pendant 
deux ou trois jours et j'ai réussi quelquefois à les nourrir avec des petits crus- 
tacés qui fourmillent près de la côte. Pendant ce temps-là les testicules murs 
se détachaient spontanément en nageant dans l'eau comme des Méduses, et les 
œufs murs s'échappaient des grappes en si grande quantité, qu'ils formaient 
quelquefois une couche à la surface de l’eau. Mes essais d'opérer des féconda- 
tions avec ces éléments n'ont cependant pas été couronnés de succès, quoique 
je les eusse répété mainte fois en y introduisant des variations. Chez les colonies 
conservées plus longtemps, la mort approchait par la décomposition successive de 
la colonie. C'étaient les plaques protectrices qui se détachaient en premier lieu. 
Elles étaient suivies par les clothes natatoires. Puis le tronc commun se contrac- 
tait, les fils pêcheurs aussi, et bientôt il ne restait de tout cet organisme si élégant 
qu'un fil glaireux entièrement contracté sur lequel pendaient par-ci par-là les po- 
lypes devenus opaques. 

Le {ronc commun ‘ de l'Ag. rubra est un tube musculaire creux de couleur rose, 
qui, sur les individus longs d’un mètre, montre à peine un diamètre d’un milli- 
mètre et demi dans son état de plus grande expansion ; il est fermé de toute part 
et composé surtout de fibres circulaires, dont la disposition se trahit déjà par l’ar- 
rangement de la couleur rose. Son canal intérieur est rempli d’un liquide transpa- 
rent, dans lequel nagent des petits corpuscules arrondis, qui ne m'ont montré 
aucune structure ultérieure. J'ai quelquefois cru voir à la loupe qu'un courant 
régulier montait dans ce tronc jusque vers la vésicule aérienne pour descendre de 
l'autre côté; mais je n’ai pu vérifier cette observation sur des colonies adultes, de 
manière à être parfaitement sûr. Dans les jeunes colonies, au contraire, j'ai pu 
constater avec la plus grande certitude, comme je le dirai plus tard, un courant 
ascendant et descendant dans la partie nue du tronc commun. La bulle d'air * qui 
est portée dans l'extrémité supérieure de ce tronc est toujours double et séparée 
par une accumulation de pigment rouge qui couronne aussi la bulle d'air supé- 


rieure, dont la forme est ovalaire, tandis que la bulle inférieure est toujours ronde. 


ATab 1; fig.t45m. Tab fis-1416 °c: 
Tab; ve. 4 Tab te Me #16Mr 


0 


65 DE LA MER DE NICE. 65 


Ces deux bulles sont séparées par un plancher membraneux très-fin ‘, de manière 
qu'elles ne peuvent se confondre, et elles sont portées sur l'extrémité du tronc 
comme sur un col entièrement nu. Les bourgeons des vésicules natatoires ne com- 
mencent en effet qu'à quelque distance de la bulle d'air où ils forment une collerette 
saillante. Le col compris entre ces bourgeons et les bulles d'air est extrêmement 
contractile, et s'allonge et se raccourcit lorsque l'organisme se tient tranquille par 
intervalles presque rhythmiques, commes’il exerçait la fonction d’un piston de pompe 
pour imprimer un certain mouvement au liquide enfermé dans le tronc commun. 
Les cloches natatoires * sont disposées en double série le long du tronc et attei- 
gnent un nombre très-considérable. J'ai eu des exemplaires chez lesquels je pou- 
vais compter jusqu'à trente paires de cloches natatoires complétement formées. 
Ce sont des pièces plates, un peu plus hautes au milieu, percées dans la moitié de 
leur substance par une cavité, dont l'ouverture arrondie et tournée en bas est 
garnie d'une iris musculaire. Elles sont fixées au tronc par une petite saillie mé- 
diane en arrière, et embrassent le tronc lui-même par deux prolongements arrondis 
qui s'engrènent entre les deux cloches opposées. On remarque dans l’intérieur de 
la substance des cloches un système de canaux, en tout semblable à celui décrit 
dans les cloches natatoires des Physophores, et qui est composé par deux canaux 
médians, l'un supérieur, l'autre inférieur, et partant du moignon saillant par lequel 
la cloche est fixée au tronc. Ces deux canaux se joignent dans un canal circulaire 
situé à l'endroit où l'iris musculaire de l'ouverture est attaché, et dans un autre 
canal presque circulaire, qui se trouve à peu près au milieu de la cloche natatoire. 
J'ai remarqué sur les cloches natatoires des jeunes individus * des taches rouges, 
formées par des accumulations de pigment, qui se voyaient des deux côtés sur le 
rebord musculaire et au-dessus de ces taches pigmentaires deux petits cœcums 
pyriformes (e), qui évidemment faisaient partie du canal. Ces taches rouges ont 
disparu sur les cloches natatoires des individus adultes, où l'on ne voit que les 
cänaux qui sont entourés d'une substance plus ferme, un peu jaunâtre, d’un as- 


pect corné. J'ai remarqué également chez des jeunes individus que la cavité interne 


! Tab. 8, fig. 16, b. 
2NVab 1, fig. 4, c: 
# Tab. 9, fig. 18. 


66 C. VOGT. SIPHONOPHORES 66 


de la cloche natatoire était tapissée par des amas de fort petites cellules transpa- 
rentes remplies de petites granulations (tab. 9, fig. 19), qui étaient disposées de 
manière à former des ilots entre un réseau de mailles. 

Le développement de ces cloches natatoires peut être aussi bien étudié dans des 
animaux adultes, que dans des animaux plus jeunes. On trouve toujours des bour- 
geons de toutes grandeurs au-dessus de la série de cloches développées. Ce déve- 
loppement ne diffère en rien de celui déjà décrit chez les Physophores. On remarque ‘ 
d'abord une verrue tout à fait arrondie de substance solide, qui est creusée au 
milieu par une cavité assez spacieuse ; petit à petit cette verrue en s’aggrandissant 
prend une forme déterminée, qui approche beaucoup de celle d’une lyre, et en 
même temps il se dépose dans l'intérieur de la substance solide qui réduit la cavité 
interne, de manière que celle-ci se trouve à la fin circonscrite dans quatre canaux 
rayonnants réunis par un ou deux canaux circulaires. On voit en même temps sur 
les faces extérieures des cloches natatoires s'élever deux petits mamelons en saillie, 
qui contiennent quelques capsules urticantes. Le bourgeon, pendant tout ce temps- 
ci, est complétement fermé et ne communique que par sa base avec la cavité du 
tronc, dont les canaux ne sont que des prolongements. On remarque maintenant 
que la substance, du reste solide, du bourgeon commence à se creuser au milieu 
et qu'il s'en détache une couche interne, qui formera plus tard la couche de cellules, 
tapissant la cavité de la cloche et le rebord musculaire fermant l'ouverture. Quand 
ce développement est arrivé à un certain point, le bourgeon s'ouvre à l'extérieur 
par résorption et la formation de la cloche est achevée. Les capsules urticantes 
disparaissent alors de nouveau, et le bourgeon se trouve naturellement placé au- 
dessus de la dernière cloche développée de son côté. L'ouverture de la cloche et le 
grand axe de sa cavité étant dirigé obliquement de bas en haut, le résultat de l’ac- 
tion combinée des deux séries de cloches doit être la progression dans le sens de la 
bulle d’air, tandis que si une seule série travaille, la progression doit se faire plus 
ou moins obliquement. Rien de plus facile que de se convaincre par l'observation 
de ces colonies nageant dans la mer ou dans un bocal, qu'il y a une volonté com- 


mune à la colonie qui dirige les mouvements des cloches natatoires. J'ai vu non- 


! Tab. 8, fig. 16, Tab. 41. 


67 DE LA MER DE NICE. 67 


seulement des colonies se débattant contre le courant que je produisais en plon- 
geant un bocal vide au-devant d'eux dans la mer; mais j'ai souvent aussi été 
témoin que des colonies, étalées tranquillement dans un local spacieux et péchant 
activement avec tous leurs fils pêcheurs, se ramassaient subitement sans cause exté- 
rieure comme par une secousse électrique, et parcouraient dans cet état contracté 
le bocal dans tous les sens avec des mouvements presque violents, comme si elles 
cherchaient à s'échapper de leur prison transparente. Les cloches natatoires bat- 
taient alors par séries comme sur des commandements, et exerçaient leur mouve- 
ment simultanément ou en alternant comme des soldats exercés à la manœuvre. 
Privées de leur point d'appui sur le tronc commun, les cloches natatoires se sou- 
tiennent encore souvent une journée tout entière en nageant dans le bocal, mais en 
faisant des culbutes continuelles. 

Au-dessous de la série des cloches natatoires se trouve l'endroit où bourgeonnent 
les différentes appendices attachées sur le tronc commun, et qui se développent à 
mesure qu'elles sont fixées plus en arrière sur le tronc; c'est une loi générale pour 
tous les Siphonophores dont le tronc commun est en forme de tube allongé, que les 
individus composant la colonie sont d'autant plus développés, qu'ils sont placés 
plus en arrière. Aussi convient-il pour se rendre compte de l'organisation d'exami- 
ner ces colonies d’arrière en avant et de progresser depuis les appendices parfaite- 
ment formées à celles qui sont en voie de développement. 

Le tronc commun tout entier de l’Ag. rouge est hérissé du côté extérieur de pla- 
ques prolectrices imbriquées extrêmement transparentes, qui très-souvent ne se 
font remarquer que par la réfraction de la lumière qui leur donne, dans certaines 
positions , des teintes irisées. Ces plaques ‘ ont la forme d’une écaille de cône de 
sapin ; — elles ont une poinie extérieure, légèrement saillante, une carène médiane 
peu marquée sur la face antérieure (celle qui est tournée vers les cloches natatoires), 
et elles sont un peu concaves du côté postérieur. Elles sont formées d’un tissu ho- 
mogène, d’une consistance cartilagineuse, et parcourues au milieu par un canal 


étroit longitudinal à l'extrémité duquel se trouve un petit amas de corps urticants 
transparents. 


. Tab. 8, fig. 3 et 4. 


68 C. VOGT. SIPHONOPHORES 68 


Lorque l’Agalme se tient à la surface des eaux étalée et tranquille, pêchant par 
les fils de ses polypes, les plaques protectrices garnissent le côté supérieur du tronc 
commun, comme une rangée de tuiles, tandis que les polypes, les individus proli- 
fères et les organes sexuels pendent à la face inférieure du tronc commun. Lorsque, 
au contraire, l'Agalme se contracte, en nageant avec vitesse, les plaques protec- 
trices forment une espèce de cône à écailles imbriquées, au milieu duquel se trou- 
vent le tronc commun contracté et enroulé en spirale, et les autres appendices 
ramenés à leur plus petit volume. Cet arrangement dans la contraction se comprend 
facilement par la structure du tronc commun. Celui-ci est en effet composé d'au- 
tant de tronçons qu'il y a de polypes nourriciers attachés et sa contraction entière 
est comme celle des fils pêcheurs en général, composée de deux éléments mécani- 
ques différents, savoir : de la contraction particulière ou plutôt du raccourcisse- 
ment de chaque tronçon, et de l'enroulement des tronçons les uns sur les autres, 
qui forment ainsi une spirale à tours très-rapprochés, dont chaque tronçon occupe 
à peu près un tour. Les polypes se trouvant sur la face interne de la spirale, et les 
plaques protectrices sur la face externe, ces derniers protégent ainsi, lors de la 
contraction, la colonie tout entière, absolument comme les écailles d’un cône de 
sapin protégent les graines dans l’intérieur. C’est cet aspect qu'Eschscholtz a rendu 
dans sa figure citée et qu'il décrit comme l’état normal, ne se doutant pas que tout 
ce cône écaillé pouvait se dérouler pour former une ligne continue. 

J'avais comparé, dans ma lettre adressée à M. de Siebold, ces plaques protec- 
trices aux organes tentaculaires rouges des Physophores. M. Kaælliker ‘ critique 
cette comparaison, en disant que les tentacules des Physophores sont l’analogue des 
individus astomes, attachés à la face inférieure du tronc commun, que je crois être 
des polypes reproducteurs et dont je parlerai tout à l'heure, et il applique aussi à 
ces individus le nom de tentacules, employé pour les organes rouges vermiformes 
des Physophores. Malgré cette opposition, je dois persister dans mon opinion. Il y a 
une grande différence, il est vrai, entre ces pièces cartilagineuses dures, sans mou- 
vement, en forme d'écailles des Agalmes et les boyaux contractiles, creux et colo- 


rés des Physophores ; mais nous verrons par la suite que ces pièces protectrices 


! Loc. cit. p. 309. 


69 DE LA MER DE NICE. 69 


peuvent affecter des formes extrêmement variées et des structures fort différentes 
chez les différentes espèces de Siphonophores. Déjà un exemple s'est offert dans les 
Vélelles ou les tentacules, quoique vermiformes et mobiles, ontpourtant, par leurs or- 
ganes urticants une autre structure que chez les Physophores. Nous verrons les mêmes 
pièces tantôt pyriformes, tantôtayant l'apparence d'un casque ou celle d'un cornetsui- 
vant les genres et les espèces. Le seul caractère constant dans ces pièces, c'est leur posi- 
tion sur la face dorsale du tronc commun, sur la face opposée aux polypes et aux au- 
tres appendices, de manière qu’elles couvrent ces appendices lors de la contraction. 
Or c’est aussi le cas des organes tentaculaires, rouges et mobiles des Physophores 
qui, eux aussi, sont placés sur cette face supérieure du tronc commun opposée aux 
polypes, lesquels, à leur tour, sont fixés sur la face inférieure. Seulement chez les 
Physophores, la partie élargie du tronc commun n'étant que très-peu contractile, 
ce sont ces organes qui remplacent en quelque sorte par leur contractilité celle du 
tronc commun. — Suivant la manière de voir de M. Kælliker, qui assimile les or- 
ganes tentaculaires rouges des Physophores aux individus reproducteurs astomes 
des Agalmes, tout en prenant les plaques protectrices des Agalmes pour une pro- 
duction particulière ; — suivant cette manière de voir, les tentacules des Physo- 
phores seraient placés sur la face du tronc commun opposée aux polypes ; ceux des 
Agalmes au contraire sur la même face du tronc entre les polypes. Je crois qu’une 
pareille interversion est inadmissible, et d’ailleurs les différences de structure entre 
les deux sortes d'organes qu'assimile M. Kælliker seraient tout aussi grandes, — de 
manière que l'opinion de M. Kælliker ajouterait seulement une difficulté de plus sans 
avoir pour elle l'analogie de la position réciproque. Ajoutons encore que, dans les 
Physophores, le nombre de ces organes rouges correspond exactement au nombre 
des polypes et des touffes reproductrices, de manière que le disque peut être disposé 
dans un certain nombre de zonites, ayant chacun son ‘organe protecteur, repro- 
ducteur et nourricier, — et que ce même cas se répète, comme nous le verrons 
plus tard, pour d’autres genres de Siphonophores, tels que les Praya et les Galéo- 
laires. 

On ne peut donc avoir de doute ; — Les tentacules des Vélelles et des Physo- 
phores, les écailles tricuspides ou claviformes des Agalmes et des Apolémies, les 


casques des Praya, les cornets des Galéolaires représentent toujours, par leur 


70 C. VOGT. SIPHONOPHORES 70 


position dorsale, le même organe protecteur et appartiennent à un tout autre ordre 
d'appendices que les individus reproducteurs astomes des Agalmes, des Apolémies 
(appelés tentacules par M. Kælliker), et les individus prolifères des Vélelles. 

En examinant la partie postérieure du tronc d’un Ag., on voit de distance à dis- 
tance des polypes fixés sur ce tronc qui, lorsque l'individu se tient tranquille, pen- 
dent dans l’eau et dont la base est entourée par un paquet de grains rouges. Ce 
sont là les polypes nourriciers *, qui, sur des colonies adultes, peuvent atteindre 
dans l’état de la plus grande extension une longueur de deux centimètres, mais dont 
on ne remarque ordinairement à l'œil nu que la partie moyenne, qui est ornée de 
douze raies rouges disposées en rayonnant autour du polype. Chacun de ces po- 
lypes est composé de trois parties, d'une tige mince (c), solide, à parois épaisses et 
presque point contractiles, par laquelle le polype est fixé sur le tronc commun, et 
qui est traversé dans son milieu par le canal de communication entre le tronc 
commun d'un côté et la cavité digestive du polype de l’autre. La seconde partie (b) 
est ordinairement plus ou moins globuliforme, boursoufflée, très-transparente et 
contractile, et ornée par douze raies rouges, qui, par une inspection plus attentive, 
se montrent comme des interstices sinueux, creusés entre des bourrelets longitu- 
dinaux, qui font saillie vers la cavité digestive. J'ai toujours trouvé dans ces in- 
terstices une quantité de sabres urticants, qui paraissent implantés dans la surface 
interne, et qui ne se montraient nullement différents de ceux composant les vrilles 
rouges des fils pêcheurs. Ayant vu souvent que les polypes avalaient avec les petits 
crustacés, dont ils se nourrissent principalement, les vrilles urticantes de leurs 
propres fils pécheurs, qu'ils rendaient ensuite, je ne puis m'empêcher de penser 
que ces sabres urticants, qui garnissent les interstices de la cavité digestive, s'y 
trouvent seulement accidentellement et se fixent dans cette paroi lorsque le polype 
avale une de ces vrilles urticantes. Le pigment rouge qui colore ces interstices ne se 
montre point sous forme de granules comme celui disposé autour des bulles d'air, 
mais semble au contraire uniformément répandu comme la teinte rose du tronc 
commun. Les bourrelets saillants de la cavité digestive sont incolores et composés 


d'une masse sarcodique semblable à celle que l'on voit dans les bras des hydres, 


1 Tab. 8, fig. 6. 


71 DE LA MER DE NICE. fi 


et qui simule très-souvent une disposition cellulaire. Ces bourrelets se continuent 
encore, quoique beaucoup moins marqués sur la portion antérieure du polype (a), 
qui ne forme qu'un simple boyau extrêmement contractile, qui très-souvent se 
retrousse sur la partie moyenne, tandis que dans d’autres cas il se contracte de ma- 
nière à former une petite étoile à douze rayons. 

A la base des polypes et immédiatement placé sur le tronc commun se trouve un 
coussinet saillant qui entoure cette base et qui se continue dans le fil pécheur (d). 
Ce coussinet est évidemment la base du fil pêcheur même qui est en connexion avec 
celle du polype, et qui se détache ou se déroule en se développant. La preuve en 
est fournie par les nombreux bourgeons de fils secondaires (m), qui sont attachés 
à ce coussinet et qui se montrent en diflérents états de développement. Nous re- 
viendrons sur la structure de ces bourgeons après nous être occupé de la structure 
du fil pécheur lui-même. Ce fil est formé dans sa partie libre par une suite de 
tronçons musculaires cylindriques, au milieu desquels on voit un canal assez fin, 
tourné en spirale comme un tirebouchon , qui se continue sur toute la longueur 
du fil. Celui-ci est formé dans son entier par des fibres musculaires longitudinales, 
qui sont disposées de telle façon, que la coupe du fil se présente comme un tour- 
billon du centre duquel rayonnent des lignes courtes, disposées en panache. Ici 
aussi le raccourcissement du fil pêcheur est composé de deux mouvements, de la 
contraction des tronçons et de leur courbure par laquelle ils se rapprochent telle- 
lement que, dans son plus haut point de contraction, le fil forme une spirale à tours 
extrêmement rapprochés, et dans laquelle chaque tronçon fait à peu près un tour 
entier. : 

De distance en distance et toujours à la ligne de jonction de deux tronçons 
sont attachés sur le fil pêcheur des fils secondaires * qui sont beaucoup plus minces, et 
dans lesquels on aperçoit à peine un canal médian droit et des fibres musculaires 
longitudinales très-fines. Chacun de ces fils secondaires se continue en une 
vrille d’un rouge vermillon (g), qui, dans son état de contraction, forme une cor- 
puscule fusiforme de deux millimètres de long à peu près, et qui se termine en un 
petit fil transparent, finissant lui-même dans une petite vrille pointue. La vrille 


1 Tab. 8, fig. 7, 
2 Tab. 8, fig. 6, f. 


7e. C. VOGT. SIPHONOPHORES 12 


rouge urticante peut se détendre pour former un tirebouchon très-allongé. Un 
examen attentif montre cette vrille composée des parties suivantes ‘ : 

La partie principale en est formée par le cordon rouge (a) dont la face extérieure 
est arrondie, tandis que les faces qui se touchent pendant l’enroulement sont com- 
primées de façon que la coupe du cordon présenterait un triangle à côtes courbes. 
Tout ce cordon est composé de sabres urticants d’une couleur jaunâtre ayant une ap- 
parence cornée, une légère courbure et un manche plus mince, saillant à la sur- 
face du cordon. Ces sabres urticants (tab. 9, fig. 10) sont serrés les uns contre les 
autres comme des palissades et sont posés verticalement sur l'axe du cordon. Leurs 
interstices sont remplis par un pigment grenu de couleur vermillon, et leur dispo- 
sition fait paraître à la surface du cordon des lignes en quinquonce qui dessinent 
des losanges très-réguliers. On remarque dans l'intérieur de ces sabres un fil plissé, 
qui, au moindre attouchement de la vrille, est lancé au dehors, et se présente alors 
sous la forme d’un fil mince élastique et raide comme un fin fil de baleine (a, fig. 10). 
L'endroit où ce fil s'échappe se trouve à côté du manche et paraît couvert par un 
petit couvercle qui se soulève lorque le fil est lancé. 

A la surface interne du cordon rouge, et caché par conséquent entièrement par 
l'enroulement de celui-ci, se trouvent des fèves urticantes * beaucoup plus grandes 
que les sabres et entièrement semblables à celles que j'ai déjà décrites dans la 
Physophore hydrostatique ; il est donc inutile de revenir sur leur composition. 

Un double cordon *, ayant une teinte grise sous le microscope, blanchâtre à la 
lumière réfléchie, accompagne le cordon rouge à sa face interne, de manière à être 
entièrement caché dans les contournements de celui-ci. Ce cordon est complétement 
hérissé par des lentilles urticantes, disposées aussi en quinquonce comme les sabres 
urticants du cordon rouge, mais parfaitement incolores. Au milieu de chacun de 
ces cordons se trouve un faisceau fibreux “, et la membrane qui retient les lentilles 
est entièrement couverte de petits corpuscules arrondis et solides, qui brillent 
comme des morceaux de cristal. Je n’ai pu me rendre compte d'une manière exacte 


de la nature et de la disposition de ces corpuscules aussi peu que celles d’un troi- 


! Tab. 8, fig. 9. 3 Tab. 9, fig. 11. 
2 Tab. 8, fig. 9, b. Tab. 9, fig. 12. ‘ Tab. 9, fig. 19, a. 


73 DE LA MER DE NICE. 1 


sième cordon ‘ presque transparent, qui paraît entièrement composé de fibres mus- 
culaires et de corpuscules brillants, solides, étrangement contournés, dont je donne 
un dessin dans la fig. 13. Ces corpuscules en zigzag me semblaient tantôt implantés 
sur le cordon transparent, tantôt ils me paraissaient disposés entre les cordons 
de la vrille de manière à les retenir dans leur position respective. Le cordon 
transparent est contigu à son extrémité avec le double cordon gris, tandis que le 
cordon rouge se continue dans le fil terminal *. 

Celui-ci est formé d'une substance gélatineuse transparente, hérissé de tous 
côtés par des petits corpuscules urticants, et se termine en une vrille pointue qui, 
à son tour, montre les mêmes petits corpuscules urticants. 

Les bourgeons disposés sur le coussinet par lequel commence le fil pêcheur prin- 
cipal sont évidemment des fils secondaires en voie de formation. Ceux qui sont le 
plus rapprochés de la partie libre du fil pêcheur, se montrent déjà composés d’un 
long tronc en forme de tube (k, fig. 6) et d’une vrille terminale ({, fig. 6), qui, par 
sa couleur jaunâtre, démontre qu’elle va devenir une vrille rouge. Dans les autres 
bourgeons plus jeunes, la vrille à peine dessinée est encore incolore, ou bien on ne 
la voit pas encore du tout, et le bourgeon ne forme qu'un tube vermiforme plus 
ou moins allongé, qui se rétrécit vers sa pointe terminale entièrement fermée. 

Les polypes armés de ces formidables appareils urticants, que nous venons de 
décrire, forment ainsi des groupes posés de distance en distance sur le tronc com- 
mun, — groupes qui se font surtout remarquer lorsque les fils pêcheurs contrac- 
tés composent une touffe à points rouges à leur base. Les interstices entre les po- 
lypes ne sont pourtant point libres; on y voit, au contraire, une quantité d'autres 
appendices qui toutes paraissent avoir des rapports avec la reproduction. 

On voit d'abord une quantité de boyaux vermiformes * très-contractiles qui s’agi- 
tent continuellement dans tous les sens, et qui, sur les colonies adultes, paraissent 
disposés sans ordre apparent sur toute la longueur du tronc commun. Ces boyaux 
ont une structure tout à fait particulière ; — ils sont fixés sur le tronc commun par 


un petit moignon creux, et ils sont tellement transparents, qu'ils peuvent échapper 


LTab. 8, fis..9,1c. 
2RT4D-28, 10:00, de 
3 Tab. 9, fig. 14 et 15. 


Q Ua 


74 C. VOGT. SIPHONOPHORES 74 
facilement à l'observateur. Leur extrémité libre est toujours fermée et tapissée à 
l'intérieur de petites cellules arrondies dans lesquelles on voit des granulations 
noirätres. À cette extrémité succède ordinairement un petit espace élargi, puis un 
étranglement tapissé de cellules transversales, dans l'intérieur desquelles on voit 
de petits corpuscules resplendissant comme des éclats de cristal. Tout le boyau est 
tapissé dans son intérieur de cellules vibratiles dont le mouvement, surtout 
remarquable vers l'extrémité est tellement fort, que le liquide qui remplit ce boyau 
est agité dans cet endroit dans un tourbillon continuel. 

A la base de ces boyaux se trouve toujours un simple fil creux ‘ qui s’atténue 
vers son extrémité et qui est composé de tronçons successifs comme les fils pé- 
cheurs, de manière qu'il paraît articulé. La cavité qui parcourt ce fil contractile, 
mais beaucoup plus raide que les fils pêcheurs, s'ouvre dans le tronçon commun, 
sur lequel le boyau est attaché, et chaque fois qu'on arrache un boyau du tronc 
commun de la colonie, le fil le suit et se montre comme organe essentiel apparte- 
nant au boyau. 

J'ai longtemps hésité sur la signification que doivent avoir ces boyaux dans l’éco- 
nomie de la colonie tout entière. Les anciens auteurs les ont désignés ordinairement 
sous le nom d'ampoules, et leur ont attribué des rapports spéciaux avec les fils 
pêcheurs. M. Milne Edwards, dans son travail sur la Stéphanomie entortillée, les 
désigne sous le nom d’appendices à vésicules, et les considère comme des organes 
d'impulsion pour le fluide nourricier. M. Kælliker les appelle tentacules, tout en 
admettant qu'ils puissent avoir des fonctions de sécrétion ou de respiration. J'ai 
cru moi-même pendant longtemps que ces boyaux étaient en quelque sorte des 
polypes avortés, arrêtés dans leur développement et destinés au remplacement des 
polypes complets qui se perdraient peut-être par quelque accident. Enfin, je crois 
avoir été mis à même de comprendre la véritable signification de ces boyaux par 

' 
l'étude du jeune individu représenté dans la pl. 6, fig. 2, et sous un faible grossis- 
sement dans la pl. 11. Ici ces boyaux étaient évidemment placés à des distances 
régulières sur le tronc commun entre les polypes nourriciers, et ils reposaient 


constamment au milieu d'une toufle de bourgeons incomplets qui doivent former 


? Tab. 9, fig. 44, c. fig. 45 0. 


75 DE LA MER DE NICE. 75 


plus tard les organes sexuels. Il est vrai que cette position régulière et cette asso- 
ciation constante avec los bourgeons sexuels est effacée plus ou moins sur les colo- 
nies adultes, sur le tronc commun desquelles on trouve ces boyaux et les bour- 
geons sexuels en si grande quantité, qu'il est impossible de voir un ordre précis 
dans leur arrangement. Mais cet ordre, comme je viens de le dire, saute aux yeux 
dans les colonies plus jeunes, qui cependant, par leurs autres caractères, se déno- 
tent comme appartenant à la même espèce. Les boyaux fermés sont donc des indi- 
vidus sexuels qui, quoique construits sur le même plan que les polypes nourriciers, 
n'atteignent pourtant jamais un développement complet comme ces derniers. Leur 
bouche ne s'ouvre jamais, le fil pêcheur, quand même il est indiqué, ne se garnit 
jamais d'organes urticants et reste plutôt à l’état de tentacule. Ce résultat ne peut 
nullement étonner, vu que nous avons déjà trouvé dans les Vélelles deux espèces 
d'individus entièrement différents, les uns prolifères et nourriciers en même temps. 
l’autre stérile, mais éminemment nourricier. Ici, chez les Agalmes, les fonctions 
sont entièrement séparées. Les polypes à fils pêcheurs et à vrilles urticantes sont 
entièrement nourriciers et complétement stériles, etles individus prolifères, étant 
privés de bouche et complétement fermés au dehors, ne tirent leur subsistance que 
par le trone commun sans pouvoir prendre eux-mêmes de la nourriture. Nous 
connaissons d’ailleurs d’autres colonies de polypes fixes, telles que les Synhydres 
par exemple, chez lesquels les individus prolifères sont incapables de prendre de la 
nourriture, tandis que les individus nourriciers sont stériles. Nous verrons que les 
Apolémies ont aussi les mêmes individus prolifères et astomes, et que dans ce genre 
aussi la position de ces individus est la même comme chez les Agalmes, — savoir, 
sur Ja face inférieure du tronc commun, et au milieu des organes reproducteurs. 
Les organes protecteurs étant toujours placés, comme je lai démontré plus haut, 
sur la face supérieure et opposée aux polypes nourriciers, cette position seule suffit 
pour distinguer ces deux sortes d'appendices et pour ne pas confondre, comme l'a 
fait M. Kælliker, les organes protecteurs tentaculiformes avec les individus pro- 
lifères astomes. 

Les organes reproducteurs extérieurs sont de deux sortes, mâles et femelles, 
sur chaque colonie. Les colonies sont donc hermaphrodites comme les Physo- 
phores. 


76 C. VOGT. SIPHONOPHORES 76 


Les organes femelles * se montrent de distance en distance sur le tronc com- 
mun sous la forme d’une grappe arrondie et très-contractile, qui à son dernier 
développement atteint la grosseur d'un pois. Ce n’est que sur lextrémité posté- 
rieure de la colonie que l’on trouve ces grappes complétement formées ; plus qu'on 
avance vers la série des cloches natatoires, plus aussi ces grappes diminuent et 
deviennent à la fin entièrement méconnaissables en disparaissant entre les autres 
bourgeons qui garnissent le tronc. Arrivées à leur terme de développement, elles 
se présentent telles que je les ai dessinées dans la fig. 20. C’est, comme on voit, une 
grappe ronde simulant parfaitement un chou-fleur, qui est porté sur une tige arron- 
die assez ferme et creuse dans son milieu. Cette tige est formée par un tube mus- 
culaire à parois épaisses, qui, à l'intérieur, est garni de bourrelets circulaires de 
cils vibratils qui tiennent le liquide, remplissant la tige et ses ramifications dans 
une agitation continuelle. Cette tige se ramifie en un certain nombre de branches, 
qui, à leur tour, se subdivisent de nouveau et finissent dans des cœcums cylindri- 
ques, lesquels, à leur extrémité, portent des poches rondes, remplies chacune d'un 
œuf. J'ai toujours vu ces œufs composés de la même manière *, savoir d’un vitellus 
rond transparent (c), d'une vésicule germinative (d) également transparente, et 
renfermant dans son intérieur une petite vésicule ronde qui représente évidemment 
la tache germinative (e), et qui quelquefois est double. Aussi longtemps que ces 
œufs sont encore très-petits et visibles seulement par un grossissement considé- 
rable, on les voit entassés les uns sur les autres dans une même poche * ; mais, dès 
qu'ils atteignent une certaine grandeur, chacun de ces œufs est entouré étroite 
ment par un prolongement du tube en forme de sac. On découvre, en examinant 
cette poche fournie par la grappe, des détails de structure assez curieux."En met- 
tant le foyer de la lentille du microscope assez haut pour voir la couche interne du 
sac *, on remarque que celui-ci est tapissé sur toute sa surface par une couche de 
cellules rondes qui, en se serrant les unes contre les autres, forment un pavé à 
mailles héxagonales. On remarque en outre un dessin réticulé sur tout le pourtour 


de la poche ”, qui est dù à un réseau de canaux, lesquels forment le prolongement 


‘ Tab. 9, fig. 20-22. Tab. 10, fig. 23-26. ‘ Tab. 10, fig. 24. 
* Tab. 9, fig. 22. Tab. 10, fig. 23. 5 Tab. 9, fig. 22. Tab. 10, fig. 23. 


ENTab fie. 21- 


< 


14 DE LA MER DE NICE. #1 


direct du canal de la tige de la grappe. Ces canaux ne me paraissent autre chose 
que des interstices dans l'intérieur de la masse, dont la disposition peut varier avec 
l'accroissement de l'œuf que contient la poche. On les voit en effet très-distincte- 
ment dans les poches contenant les œufs les plus jeunes ; plus tard, à mesure que 
l'œuf s'aggrandit ils deviennent moins circonscrits , plus larges, à bords frangés, 
de manière que les interstices de substance solide entre leur masse ressemblent à la 
fin * à des ilots ; formation qui correspond à la délivrance prochaine de l'œuf qui 
se détache toujours de plus en plus de la poche dans laquelle il est enfermé. L'œuf, 
en effet, lorsqu'il est arrivé à son terme de développement rompt la poche, comme 
je lai dit plus haut, pour flotter dans les eaux. Jai toujours trouvé des œufs déga- 
gés en quantité autour des Agalmes parfaitement frais, même au moment où je ve- 
nais de les prendre ; je les ai toujours trouvés formés tels que je les avais vus dans les 
poches, et composés d’un vitellus, d’une vésicule et d’une tache germinatives. 
J'avais donné, dans la lettre adressée à M. de Siebold, un petit croquis d’une 
poche à œuf avec le dessin réticulé de ses canaux. J'avoue que j'étais loin de m'at- 
tendre à une critique de l'observation de ces canaux, dont l'existence me paraissait 
hors de doute. M. Kælliker pourtant, dans son rapport sur ses observations à 
Messine, conteste la justesse de mes observations, en disant que les œufs possèdent 
bien dans leur jeunesse un dessin particulier réticulaire à la surface, mais que je 
me suis trompé en prenant ce dessin pour des canaux. Je n’ai pas pu reprendre 
mes observations depuis que j'ai pris connaissance de cette critique de M. Kælliker ; 
mais j'aime à me persuader que ceux qui verront mes dessins, pris sur nature et à 
la chambre claire, n'hésiteront pas dans leur opinion. J'ai trop bien vu les lumières 
de ces canaux là où le microscope me présentait leur coupe, comme, par exemple, 
dans la fig. 23, j'ai trop bien vu leur communication directe et immédiate avec le 
canal de la tige, continuation du canal général de la grappe, comme je l'ai repré- 
senté fig. 22, pour que je puisse douter un instant, que l'interprétation que je donne 
ne soit pas parfaitement juste. Je crois d’ailleurs que cette interprétation est par- 
faitement en harmonie avec le mode ordinaire de la formation de tous les bour- 
geons, quel que soit ailleurs leur rôle dans les colonies qui nous occupent; des 


PTab. 10, fig. 25. 
? Tab. 10, fig. 26. 


78 C. VOGT. SIPHONOPHORES 78 


canaux d'arrangement divers étant un fait général dans le développement des bour- 
geons de cloches natatoires, d'organes mâles et femelles. 

Les bourgeons des organes mâles, ‘ se distinguent de bonne heure de ceux des 
organes femelles ; en ce qu'ils ne forment jamais des grappes, mais se montrent 
posés isolément sur des petites tiges creuses dont la cavité communique avec celle 
du tronc commun. La forme de ces bourgeons, d’abord globulaires, se tire de plus 
en plus en longueur, de manière qu'ils se présentent déjà de fort bonne heure sous 
la forme d’un fuseau arrondi aux deux extrémités ou d'un œuf très-allongé. Dans 
ce premier état (fig. 27), le bourgeon est formé uniquement par une couche hyaline 
externe, assez solide et creusée dans son intérieure par une cavité considérable 
ayant la forme générale du bourgeon. Bientôt cette couche externe se scinde con- 
centriquement en deux, de manière que le bourgeon est composé maintenant * 
d'une enveloppe externe entourant un sac transparent interne, lequel, à son tour, 
renferme une cavité communiquant avec la cavité de son attache. L'enveloppe 
externe s'ouvre à son extrémité libre par une ouverture circulaire entourée d’une 
iris musculaire. Le bourgeon mâle a maintenant la forme d’une cloche de cristal 
très-allongée, au milieu de laquelle pend un sac transparent. La cloche commence 
maintenant à se mouvoir, elle fait des contractions, semblables à celles d'une Mé- 
duse, et, à mesure qu’elle se développe, ces contractions deviennent plus fortes et 
plus marquées. La cloche aussi devient plus spacieuse par rapport au sac interne 
qui pend bientôt au milieu comme l'estomac d'une Méduse *. Pendant que la cloche 
‘accomplit ces transformations extérieures, le sac interne, qui d'abord paraissait 
parfaitement transparent, se remplit d’une masse opaque sous le microscope qui, 
par la lumière réfléchie, a une teinte d'un blanc crayeux extrêmement brillant. 
Cette masse crayeuse, qui n'est autre chose que le sperme, se dépose d'abord à 
l'intérieur du sac suivant des lignes en chevrons, mais finit par augmenter telle- 
ment, que le sac qui la contient devient entièrement mince et ne laisse plus aper- 
cevoir, comme auparavant, des doubles contours. La communication ouverte entre 


la cavité du sac et son attache se rétrécit pendant le dépôt de la masse séminale de 


! Tab. 40, fig. 28 à 30. 
? Tab. 10, fig. 28. 
STab M0; fig. 229. 


79 DE LA MER DE NICE. 79 


plus en plus, et se ferme à la fin complétement, de manière que la cloche n'est 
plus que très-légèrement attachée au tronc commun de la colonie. A la fin la 
cloche terminale se détache entièrement et se lance librement dans les eaux. C’est 
alors, comme le montre fig. 30, une Méduse à ombrelle très-haute et conique, à 
ouverture large, ronde et entourée d'un bord musculaire, du sommet de laquelle 
pend ce sac blanc entièrement opaque, rempli de Spermatozoïdes, qui se déchire 
très-facilement et laisse sortir alors son contenu. Celui-ci est composé de zo0- 
spermes ronds, formés de deux parties ou deux globules, dont le plus petit est 
superposé à l'autre (fig. 31). Malgré le grossissement considérable que j'ai employé, 
je n’ai pu me convaincre de l'existence d'une queue chez ces Spermatozoïdes, qui 
se meuvent en sautillant à peu près comme des infusoires du genre Urostyle. 

Il est évident que la fécondation doit se faire dans l'eau libre par le contact des 
œufs dégagés de leurs poches et des zoospermes, qui ont quitté le testicule médusi- 
forme. Je n'ai pas réussi dans mes essais de fécondation artificielle, de manière que 
je ne puis rien dire du développement ; mais j'ai pourtant trouvé quelques individus 
jeunes qui donnent des indications sur le mode de développement. 

L'individu le plus jeune que je me suis procuré est représenté dans la fig. 32, 
tab. 10, par un grossissement de 150 diamètres. On ne pouvait pas le distinguer à 
l'œil nu. C’est en enlevant les organismes qui flottaient à la surface d’un bocal 
que je l’ai trouvé par hasard. Toute la colonie est encore dans son état primitif. 
Une seule plaque protectrice (a) très-considérable par rapport au reste, reçoit dans 
sa cavité la colonie entière; cette plaque protectrice (tab. 10, fig. 34) montre un canal 
médian, des côtes externes hérissées d’aspérités et une extrémité tronquée. A l’en- 
trée de son canal est attaché le tronc commun de la colonie (tab. 10, fig. 34, c), 
réduit à un petit moignon charnu sans vésicule aérifère, au milieu duquel on voit 
des dépôts de pigments rouges granuleux. Un seul polype (b), que la figure montre 
dans son état contracté, est attaché à ce tronc commun ; à sa base se voit une touffe 
de capsules urticantes (e), formées d’un bouton pyriforme dans lequel des petits 
sabres urticants sont disposés suivant des lignes courbes, comme les feuilles d’un 
cône de sapin ; à la base de chaque capsule urticante se trouvent quelques fèves 
urticantes plus considérables (tab. 10, fig. 33). Le fil pécheur n'est pas encore formé, 


chaque capsule urticante est attachée directement à la base du polype par une 


80 C. VOGT. SIPHONOPHORES 80 


tige très-courte qui montre des raies circulaires. Entre cette toufle de capsules et le 
moignon du tronc commun se montrent des bourgeons, dont les uns (f) me pa- 
raissent destinés à devenir des cloches natatoires, tandis que les autres (d) sont des 
polypes en voie de formation. 

J'ai rencontré beaucoup d'exemplaires dans un état de développement, tel que 
le montre la fig. 35 de la 10° planche. Ils nageaient toujours à la surface de l’eau 
comme des petites têtes d'épingles excessivement brillantes et couronnées d’un 
point rouge écarlate. C'était la vésicule aérienne, couverte d’une espèce de capu- 
chon de pigment rouge qui se présentait sous cet aspect. Cette bulle d'air (a), qui 
montre déjà un étranglement comme si elle voulait se séparer, reposait sur un tas 
de bourgeons, dont les uns étaient évidemment destinés à devenir des cloches nata- 
toires (c), tandis que les autres plus éloignés de la bulle d'air allaient devenir des 
polypes nourriciers (f). Un de ces polypes (d) était complétement développé et 
muni d’un long fil pêcheur (g), garni de capsules urticantes jaunes. La cavité di- 
gestive de ce polype était colorée en rouge par un tissu réticulé qui indiquait évi- 
demment le tissu du foie. A côté du Ppolype développé se voyait très-souvent encore 
un autre qui l’atteignait presque en grosseur (e) et qui allait s'ouvrir bientôt. Les 
organes urticants (tab. 10, fig. 36) du fil pêcheur étaient déjà très-différents de ceux 
décrits dans les plus jeunes individus, mais ils n'avaient pas non plus atteint la 
formation de l'adulte. C'étaient des capsules allongées dans lesquelles était enfermé 
un grand cordon jaunâtre (6) composé de sabres urticants disposés en quinquonce. 
Ce cordon était légèrement courbé, mais pas encore tourné en spirale; il était 
flanqué des deux côtés de quelques fèves urticantes (b) assez grandes. Le cordon 
jaune était terminé à l'extrémité de la capsule par un fil transparent (d), contourné 
en spirale et hérissé de lentilles urticantes. On voit, par cette description, que les 
éléments essentiels des organes urticants qui se trouvent chez les adultes, savoir la 
vrille rouge et le fil terminal, étaient déjà formés, quoique la première ne fût pas 
encore contournée en spirale. Mais on voit aussi que ses éléments étaient encore 
enfermés chez le jeune dans une capsule membraneuse d'une manière analogue à 
celle des Physophores. Ce qu'il y avait de plus curieux, c'était que la capsule était 
hérissée à son extrémité par des fils lanceolaires à pointes très-allongées, qui s’élar- 


gissaient d'abord pour s'attacher ensuite avec une tige arrondie à l'extrémité de 


81 DE LA MER DE NICE. 81 


la capsule. Ces fils étaient beaucoup plus raides que les fils urticants ordinaires et 
tellement élastiques qu'ils reprenaient leur forme droite dès que la pression, qui 
les courbait, avait cessé. 

Dans le jeune individu parfaitement formé, dont j'ai donné un dessin, grandeur 
naturelle, sur la tab. 1, et un dessin grossi tab. 11, se voyaient déjà les organes 
parfaitement développés. Cet exemplaire fut pris le 12 janvier et restait en vie 
jusqu'au 19 du même mois. Il avait, au moment de la capture, quatre cloches nata- 
toires et neuf polypes entièrement formés. Le 14, toutes les cloches, sauf une, se 
détachèrent ; — mais jusqu’au 18, deux nouvelles se formèrent. 

La bulle d'air (c) de cette jeune Agalme était ovale, allongée, entourée à son 
sommet de pigment rouge foncé (b), qui formait comme un capuchon à l'intérieur 
de la capsule transparente et dure (a), dans laquelle la bulle était enfermée. On 
distinguait facilement, au-dessous de la bulle d’air un tissu floconneux (d) légère- 
ment teint en rose, qui se continuait par le col nu (e) dans le tronc commun (/). Le 
col se terminait par les bourgeons des cloches natatoires (g) accumulés en grand 
nombre et d'autant moins formés, qu'ils étaient plus proches de la bulle d'air. Au- 
dessous du champ de bourgeons de cloches natatoires, dont les plus formées (4) 
avaient des pointes rouges, se trouvaient les cloches natatoires mêmes (1), entre 
lesquelles le tronc commun était parfaitement visible. Je voyais le soir à la loupe 
un mouvement continuel de petits granules transparents, brillants comme des gout- 
telettes d'huile, qui montaient dans toute la longueur du tronc commun comprise 
entre les cloches natatoires, pour s'arrêter pendant quelque temps au fond de la 
bulle d'air et pour redescendre ensuite. La montée de ces granules durait en 
moyenne de 10 à 15 secondes ; — l'arrêt de 20 à 30 secondes. J'apercevais ce jeu 
chaque fois que la jeune Agalme se tenait en repos, et je pouvais me convaincre qu'il 
était assez régulier dans ses intervalles. 

Les polypes (k) de ce jeune exemplaire ont la forme d’une bouteille allongée. 
Ils sont très-contractiles ; leur bouche se retrousse souvent sur la partie moyenne du 
corps. Ils sont teints en rouge et réticulés dans la cavité digestive. Chez les trois 
polypes les plus rapprochés des cloches natatoires le fil pêcheur n’est pas encore 
entièrement développé, et on y voit les vrilles urticantes dans différents états de 


développement. On peut poursuivre, sur ces fils secondaires en voie de formation, 
11 


82 C. VOGT. SIPHONOPHORES 82 


tous les passages, depuis le simple bourgeon vermiculaire ({), par la vrille inco- 
lore (m) et incomplétement contournée jusqu’à la vrille colorée en jaune, mais pas 
encore garnie de tous ses sabres urticants (n). On peut aussi voir, immédiatement 
sous les cloches natatoires, le champ de bourgeons des polypes nourriciers, où les 
uns (0) sont déjà assez développés et pourvus d’une toufle de bourgeons urticants, 
tandis que les autres sont encore à l’état de simple vésicule (p). 

Entre deux polypes se trouvent toujours plusieurs même jusqu'à cinq boyaux 
sexuels (g) minces, très-transparents, munis d'un mouvement vibratil très-vif à 
l'intérieur, qui fait tourbillonner des granules. Ces boyaux sexuels sont d’un rouge 
pâle, plus foncé vers la base. Leur extrémité antérieure, qui est fermée entière 
ment, difflue facilement et s'ouvre alors pour laisser échapper les granules du 
fluide intérieur. Les tiges de ces boyaux sont entourées de petites poches pedicel- 
lées rondes, dont chacune contient un œuf entouré de canaux et muni de vésicules 
et de taches germinatives. En avançant vers les cloches natatoires, on trouve les (r) 
boyaux de plus en plus petits, de manière qu'entre les premiers polypes on ne voit 
que des petits bourgeons ronds (s), dont la place indique seulement la nature. 

Entre les deux derniers polypes se trouvent cinq bourgeons testiculaires en voie de 
développement. Le contenu du sac intérieur est déjà crayeux, mais je n'y puis voir 
que des petits granules parfaitement opaques et point de spermatozoïdes formés. 
Ces polypes n'ont plus pu trouver place sur la planche. Si j'insiste sur l’observa- 
tion détaillée ci-dessus de la jeune Agalme , c’est qu’elle fournit, par l’écartement 
des parties, l'explication péremptoire des boyaux astomes comme polypes repro- 
ducteurs rabougris, placés au milieu des bourgeons sexuels. Je dois ajouter, que 
le dessin a été fait tel qu'on le voit ici, au moyen de la chambre claire et avant 


même que j'eusse une idée précise sur la nature de ces boyaux. 


83 DE LA MER DE NICE. 83 


Agalma punctata. C. Vogt. 


TAB. 42. 


Je n'ai rencontré qu'un seul exemplaire de cette espèce pendant tout le temps de 
mon séjour à Nice, le 12 janvier 1851. Aussi mes recherches sont-elles très-incom- 
plètes à son sujet. Le premier jour de la capture, je ne pouvais prendre que le cro- 
quis de l'espèce dans son entier ainsi que des parties caractéristiques, notamment des 
cloches natatoires et des pièces protectrices. Le lendemain et le surlendemain une 
migraine violente, causée par le soleil ardent que j'avais essuyé pendant une pêche 
prolongée durant une journée entière, m'empêcha entièrement de reprendre mes 
observations. Je ne trouvais à la fin de mon indisposition que le tronc commun 
dépouillé de tous ses appendices, qui, à leur tour, s'étaient dissoutes en une pulpe 
gélatineuse. 

L'exemplaire pris montrait six cloches natatoires complètes, disposées sur deux 
rangs alternants et deux bourgeons incomplets. La bulle d'air était double, la 
supérieure grande et ovale, l'inférieure petite et entièrement globuleuse ; — elles 
étaient portées sur un cou assez long et très-contractile. Les cloches elles-mêmes 
sont très-hautes, l'ouverture circulaire petite et la partie supérieure ornée de pe- 
tites taches blanches brillantes. Entre les cloches natatoires se montrent des ten- 
tacules vermiformes. Je n’entrerai pas dans une plus longue description des cloches, 
mes dessins les montrant de tous les côtés avec une exactitude scrupuleuse. 

Ce qui distingue au premier abord cette espèce, c'est que tous les appendices sont 
rassemblés en touffes sur le tronc commun, qui entre ces touffes est entièrement 
lisse, arrondi et dépourvu de toute espèce de bourgeons. Outre la touffe d’appen- 
dices bourgeonnant entre les dernières cloches natatoires, l’exemplaire trouvé 
comptait quinze toufles espacées sur le tronc commun. A Ia face supérieure de ces 
touffes se voyaient les plaques protectrices, dont je ne puis comparer la forme 
mieux qu'à celle d'une estomac humain (fig. 5 et 6). Ces organes sont arrondis, 
allongés, courbés et portent à leur face interne un canal assez large, par le bout 


duquel ils sont implantés sur le tronc commun. Leur face bombée est tournée 


84 C. VOGT. SIPHONOPHORES 84 


vers le dehors et garni de points blancs semblables à ceux des cloches natatoires. 
Ces organes protecteurs forment un bouquet au-dessous duquel pendent les autres 
appendices. 

On remarque entre ceux-là, d'abord des polypes reproducteurs ayant la même 
forme en boyau, comme ceux de l’Ag. rubra. Ces polypes n'ont point de bouche, 
et leur partie antérieure est ornée de petits points blancs entremêélés de lentilles 
urticantes : leur cavité intérieure montre un mouvement vibratil prononcé. A leur 
base se montre un fil tentaculaire qui peut-être est muni de petites vrilles urti- 
cantes._ Ces fils forment un paquet avec les polypes, qui paraissent disposés en 
cercle au-dessous des plaques protectrices. 

Les points blancs disséminés en si grande quantité attirèrent d'abord mon atten- 
tion. Examinés sous un fort grossissement (fig. 7), les taches blanches se montrent 
composées d’une plaque semi-transparente, affectant des formes plus ou moins 
rondes, sur laquelle sont implantées des petites concrétions globuleuses et très- 
fermes, qui reflètent vivement la lumière et paraissent formées d’un dépôt de sub- 
stance minérale, Ces concrétions résistent à la force du compresseur sans s’altérer 
dans leur forme. Les plaques sur lesquelles elles sont fixées montrent souvent des 
défauts de continuité. 

Je trouve encore dans mes notes, qu'au milieu de chaque touffe pend un fil plus 
gros, ayant des petites vrilles de couleur jaune-rougeâtre, ce qui indique un polype 
nourricier armé d’un fil pêcheur au milieu de chaque touffe. Les circonstances 
particulières indiquées plus haut m'ont empêché de pousser mes observations plus 
loin. 

En compulsant les descriptions et les dessins de Eschscholtz, je me suis con- 
vaincu que l'organisme représenté par lui sur la tab. 13, fig. 2, de son ouvrage, 
et désigné sous le nom d’Apolemia uvaria, n’est autre chose qu'une toufle isolée 
de l'Agalma punctata. Les figures des plaques protectrices surtout se rapportent 
parfaitement à notre espèce. Les cloches natatoires rondes, que Eschscholiz repré- 
sente fig. 2, e, d'après une figure de Lesueur, ne sont rapportées que par con- 


jecture à cette espèce et ne lui appartiennent réellement pas. 


85 DE LA MER DE NICE. 85 


IV. 


SUR L'APOLÉMIE CONTOURNÉE. 


(APOLEMIA CONTORTA. MILNE-ED WARDS.) 


TAB. 43 et 14. 


Stephanomia contorta — Milne Edwards. Ann. Scienc. natur. 2° série, tom. XVI, 


p. 217, 1841. 
» » — C. Vogt. Zeitschrift für wissensch. Zoologie von C.-Th. 
v. Siebold und Keælliker. Tom. IT, p. 522, 1851. 
Apolemia Edwards. — Lesson. Nouv. suites à Buffon. Acalèphes, p. 519. 
Forskalia. (? — Kælliker. Zeitschr. für wissensch. Zoologie, von Ch.-Th. 


v. Siebold und Ke@lliker. T. IV, p. 306, 1852. 


Le genre Apolemia fut créé par Eschscholtz (Syst. der Akalephen, p. 143, n° 7) 
aux dépens des Stephanomies de Lesueur et de Péron et sur une seule espèce incom- 
plète, Ap. uvaria, qui n’est autre chose qu'une touffe séparée de l’Agalma punctata, 
comme nous l'avons dit en traitant de cette espèce. Le genre aurait donc dû dis- 
paraître complétement du cadre zoologique. Effectivement, MM. Quoy et Gaimard 
(Voy. de l'Astrolabe) l'avaient supprimé pour le faire rentrer avec plusieurs autres 
genres voisins dans leur grand genre Stephanomia, étendu peut-être outre mesure. 
M. Milne Edwards avait suivi sur ce point MM. Quoy et Gaimard, tout en recon- 
naissant, que la belle espèce décrite par lui avec une précision rare devait faire 


partie du sous-genre Apolemia. Plus tard, M. Lesson a de nouveau subdivisé le 


86 C. VOGT. SIPHONOPHORES 86 


grand genre Stephanomia ; mais en conservant le genre Apolemia, il l'a circonscrit 
d’une autre manière en tirant les caractères du genre des espèces étudiées par 
M. Milne Edwards. Cette circonscription plus étroite étant nécessaire, nous con- 
servons donc le genre Apolemia dans les limites proposées par M. Lesson, tout en 
repoussant la prétention de cet auteur de vouloir changer le nom spécifique donné 
par M. Edwards ; — changement arbitraire, qui ne repose sur aucune raison, ce 
nom ne faisant nullement double emploi dans la nouvelle circonscription du 
genre. 

Voici, du reste, les caractéristiques de la tribu et du genre, tels qu'ils ont été 
donnés par M. Lesson. (Nouv. suit. à Buffon. Acalèphes, p. 316.) 

« Tribu des Apolémies. Apolemiæ. Une petite vessie aérienne en tête d'une tige 
cylindrique, frondescente, à écorce épaisse, creuse, ayant à son sommet des am- 
poules creuses servant d'organes flotteurs et des paquets de corps vésiculeux entre- 
mélés de vessies oblongues, pédicellées, garnies à leur base de sacs digestifs cylin- 
driques, perforés, entourés de tentacules longs, tortillés sur eux-mêmes et très- 
élastiques. » 

« Genre Apolémie. Apolemia. Vessie capitale, petite, attachée à la tige par un 
pédicule; vessies natatoires compliquées, pédiculées , creusées à l'intérieur, par- 
courues par des canaux rameux, apastomosés, ouvertes au sommet et fermées par 
diverses cloisons membraneuses ; toutes groupées en tête d’une tige subcylindrique, 
épaisse, scissoïde sur un des côtés et la scissure s’évidant à l'intérieur pour former 
un axe creux; vésicules aérifères caulinaires, arrondies ou allongées, ayant des 
cloisons et un tube intérieur; à l’entour du pédicule des vessies natatoires qui 
s'épate, prennent attache des sacs digestifs probosciformes, pyriformes, à trompe 
allongée ou rentrante et de nombreux cirrhes capillacés, flexueux, se tordant sur 
eux-même. Sphérules natateurs? des sacs stomacaux arrondis, imitant des graines 
de raisin. Vésicule testiculaire munies de zoospermes. » 

M. Lesson fait entrer dans sa tribu, outre le genre Apolemia, un genre Apolemi- 
opsis, créé par Brandt, mais parfaitement inconnu du reste. Il range dans le genre 
Apolemia quatre espèces, savoir : les deux espèces décrites par M. Milne-Edwards, 
qui ne forment qu’une seule, comme nous le verrons dans la suite ; la Stephanomie 


uvaire, de Lesueur, dont M. Lesson change aussi arbitrairement le nom spécifique 


87 DE LA MER DE NICE. 87 


en Apol. Lesueurii et enfin une quatrième, la Stephanomia cirrhosa de Quoy et 
Gaimard, pour laquelle M. Lesson continue son déplorable procédé en l'appelant 
Apol. Quoyii, et qui n’est probablement établie que sur une portion mutilée de tige 
de l'Agalma rubra. 

Le genre Apolémia débarrassé des espèces établies sur des pièces mutilées et 
mal comprises, ne peut donc se conserver que pour l'espèce de la Méditerranée, 
décrite pour la première fois par M. Milne-Edwards. 

Plusieurs particularités de structure citées par M. Kcælliker me font soupçonner 
que son nouveau genre Forskalia s'applique aussi à cette espèce. 

Cette charmante espèce, qui réunit la forme la plus gracieuse à une délicatesse 
de tissu et une transparence étonnantes, se rencontrait en abondance dans le golfe 
de Villefranche, lors de mon premier séjour à Nice au commencement de l’année 
1847. Je ne pouvais faire alors une excursion sans rencontrer une vingtaine de 
ces organismes que mon pêcheur appelait des « plumets », et qui en effet ressem- 
blaient beaucoup en nageant à un plamet formé de petites floques très-déliées, 
d'une couleur rouge ardente. Mais j'avoue, volontiers, que malgré mes études assi- 
dues sur ces Acalèphes, je ne pouvais encore me faire alors une idée complète de 
l'organisation de ces colonies si compliquées et que, tout en saisissant beaucoup 
de détails, je ne pouvais pourtant pas réussir à en comprendre l'ensemble. De re- 
tour à Paris, j'eus l’occasion de parler de mes observations incomplètes à M. Milne- 
Edwards, qui me montra alors un dessin inédit de l'espèce, fait par lui avec une 
rare perfection. J'avais l'espoir de pouvoir compléter mes recherches pendant 
mon second séjour à Nice, mais quel ne fut mon étonnement en voyant que je ne 
rencontrais plus que très-rarement ces Apolémies jadis si nombreuses, tandis que 
je trouvais à leur place les Agalmes rouges, que je n'avais pas vu pendant mon 
premier séjour. Cet état des choses continua pendant tout mon second séjour à 
Nice, et ce n’est qu'avec grande peine que j'ai pu me procurer quelques exemplai- 
res ultérieurs de notre espèce. Encore dans ces exemplaires les organes reproduc- 
teurs «n’étaient-ils pas assez développés de sorte que je dois laisser quelques lacu- 
nes dans l'appréciation de ces organes. Je n'aurai du reste que peu de chose à 
ajouter à la description si exacte de M. Mine Edwards, qu'il importe seulement de 


mettre au niveau de nos vues actuelles sur l’organisation de ces Zoophytes, en 


88 C. VOGT. SIPHONOPHORES 88 


conformant les dénominations des différents appendices à celles adoptées dans les 
pages précédentes. 

Les cloches natatoires * composent chez cette espèce une masse ayant la forme 
d'un œuf allongé et coupé par le milieu ; sur le sommet de ce cône, occupé 
par les bourgeons des cloches s'élève la vésicule aérienne par un col peu allongé. 
Les cloches sont disposées par séries verticales dont on compte une douzaine, et 
ces séries s'emboîtent mutuellement par les bords des cloches de manière à former 
des lignes en spirale de peu d'élévation. M. Milne-Edwards a déjà fait remarquer, 
que cette disposition spirale des cloches n'était qu'apparente et qu'elle était produite 
par l’enroulement spiralique du tronc commun, sur lequel les cloches étaient fixées. 
C'est ce qui a lieu effectivement et les cloches grandissant à mesure qu'elles sont 
éloignées du sommet occupé par la vésicule aérienne, il en résulte naturellement 
cette disposition conique de l'ensemble des cloches. Les cloches elles-mêmes sont 
remarquables par leur forme aplatie, par le grand développement de la partie so- 
lide et par la disposition si manifeste des canaux dans leur intérieur. Il y a 
toujours dans la partie postérieure et solide un seul canal montant directement 
depuis le tronc commun et se séparant ensuite en quatre branches, qui après 
avoir entouré la cavité natatoire se réunissent de nouveau dans un canal circulaire, 
servant de cercle d'attache à l'iris musculaire, destinée à fermer l’orifice de la 
cloche. C'est comme on voit une structure conforme au type général des cloches 
natatoires. Mais ce qui est remarquable et exceptionnel, c'est une tache jaune de 
soufre * située sur le bord interne du canal droit supérieur. J'ai constaté l’exis- 
tence de cette tache isolée sur toutes les cloches natatoires parfaitement formées, 
tandis qu'elle n'existait pas encore sur des bourgeons. Croyant au début de mes 
recherches d'y avoir trouvé un rudiment de système nerveux, je l'ai souvent exa- 
miné avec le plus grand soin sans y voir autre chose qu'un amas de cellules 


arrondies sans noyau *, parfaitement limpides et coloriées en jaune dans toute 


! Tab. 14, fig. 3: 

? M. Külliker mentionnant, dans sa courte notice sur les Siphonophores de Messine, cette tache jaune, 
ainsi que la disposition par paire des individus prolifères, comme caractères particuliers de son genre 
Forskalia; je crois pouvoir en conclure, que ce genre est identique avec le genre Apolemia, et notam- 
ment avec l’espèce qui nous occupe. 

3 Tab. 14, fig. 5, 


89 DE LA MER DE NICE. 89 


leur masse. Cet amas de cellules est toujours parfaitement circonscrit ; ses contours 
sont nettement accusés et il est impossible d'y voir des filets ou d’autres particula- 
rités de structure, qui auraient pu donner un indice sur la fonction de cette tache 
énigmatique. 

Le tronc commun de l'Apolémie est toujours contourné en spirale, même dans 
son expansion la plus considérable ; il est teint en rose et un peu aplati, de manière 
à former un ruban, et il est marqué sur toute sa longueur d’aspérités ou de ma- 
melons creux, sur lesquels sont fixés les appendices. 


‘, quoique très-petits en comparaison de ceux des 


Les polypes nourriciers 
Agalmes ou des Physophores, se font remarquer au premier coup d'œil par la 
couleur rouge ardente de leur cavité digestive. Ils sont fixés au moyen de pédon- 
dules assez allongés sur le tronc commun et à des distances assez égales, de ma- 
nière que leur disposition est presque toujours en quinconce. M. Milne-Edwards, 
dans sa description, a nommé les polypes les organes proboscidifères, et il a fort 
bien distingué leurs différentes parties, le pédoncule, sur lequel ils sont portés, la 
partie antérieure ou trompe, l’écaille protectrice ou foliole et le fil pêcheur appelé 
par lui tigelle. Le même auteur a remarqué la continuation de la cavité diges- 
tive par le canal de la tige jusque dans le canal central du tronc commun ; — il n°y 
a donc que très-peu à ajouter à sa description. Les polypes sont extrêmement dilata- 
bles et j'en ai souvent vu qui, par leur orifice buccal, s'étaient attachés à la surface 
du bocal et avaient tellement dilaté cet orifice, que tout le polype avait l'air d'une 
lame circulaire extrêmement mince surmontée d’un bouton rouge, lequel n'était 
autre chose que la cavité digestive et la tige considérablement contractée. La 
partie antérieure du polype (a) est toujours garnie de capsules urticantes implan- 
tées dans l'épaisseur de sa masse. Sur la partie moyenne (b) se remarquent les cel- 
lules biliaires disposées en douze bourrelets longitudinaux et que M. Edwards avait 
pris d'abord pour des ovaires, opinion dont il était revenu déjà depuis longtemps, 
comme je puis l'attester moi-même. Les cellules biliaires ont en eflet chez l'Apolé- 
mie comme dans plusieurs autres Siphonophores une grande ressemblance avec 
des ovules primitifs en ce qu’elles montrent au milieu une grande cavité circulaire 
que l'on peut prendre facilement pour la vésicule germinative. 


? Tab..14, fig. 41. 
12 


90 C. VOGT. SIPHONOPHORES 90 


Le fil pêcheur qui est attaché à la base de la tige du polype est extrêmement délié 
chez l’Apolémie et garni d'une multitude de vrilles urticantes de couleur rouge qui 
sont attachées à des fils secondaires dépendant du fil pêcheur, lequel montre la 
composition par tronçons, que nous avons déjà décrit dans les genres précédents. 
Ces vrilles ‘ ressemblent en petit à celles des Agalmes, à cette différence près qu'il 
n'y a ordinairement qu'un seul contournement en spirale ou en cercle, et que le 
cordon rouge qui compose la vrille est beaucoup plus large par rapport à sa lon- 
gueur, que dans le genre cité. Le cordon rouge est composé de deux sortes d'organes 
urticants ; — de petits sabres (b) serrés verticalement les uns contre les autres, et de 
fèves (b) urticantes plus grandes, posées sur les bords du cordon rouge. La vrille 
se termine par un cordon incolore (d) enroulé en spirale et hérissé de lentilles urti- 
cantes également incolores. M. Milne-Edwards a déjà parfaitement distingué et 
figuré ces différents éléments. 

Entre les polypes nourriciers sont placés les individus reproducteurs * qui ici 
aussi manquent complétement de bouche, et ont la forme d'un boyau très-allongé, 
très-dilatable et fermé au bout libre. Ces polypes astomes ont à peu près la lon- 
gueur des polypes nourriciers ; — ils sont toujours disposés par paire sur une sim- 
ple tige (a), et qui se partage en deux tiges particulières, portant chacune son po- 
lype. La base de ces derniers est entourée d’une touffe de bourgeons (b) au milieu 
desquels se voit souvent un fil pêcheur rabougri (c), court et hérissé sur toute sa 
surface de capsules urticantes, mais dépourvu de fils secondaires et de vrilles ur- 
ticantes. Le mouvement vibratil est extrêmement considérable, surtout dans la 
partie antérieure de ces individus prolifères où l'on voit une substance interne 
molle, gélatineuse et parsemée de petits granules très-opaques. Cette substance 
interne jouit à un haut degré de toutes les propriétés de la sarcode. Je l'ai souvent 
vu se creuser sous mes yeux pour former une cavité moyenne (g), qui s'agrandis- 
sait comme une fissure de manière que la substance diffluait à la fin entièrement 
et se dissolvait en un liquide gélatineux dans lequel s’agitaient les molécules opa- 
ques sous l'influence du mouvement vibratil qui s’étendait immédiatement sur 


toutes les surfaces nouvellement formées. L'épiderme, qui entoure tout le polype 


* Tab. 14, fig. 4. 
? Tab. 14, fig. "2. 


91 DE LA MER DE NICE. 91 


reproducteur, devient plus épais à son extrémité où il est garni de quelques cor- 
puscules urticants. On trouve généralement derrière l'accumulation de masse sarco- 
dique décrite un collier de pigment rouge {f) qui revêt l'épiderme à la face interne 
en entourant la cavité du polype comme un anneau. 

Je viens de dire que ces individus prolifères, appelés par M. Edwards les ap- 
pendices à vésicule ou les sacs pyriformes, et par M. Kælliker les tentacules, sont 
toujours disposées par paires entre les polypes nourriciers. Je ne doute pas un 
instant que les bourgeons disposés à la base de ces individus, sont différents et 
qu'il y a toujours un individu mâle et femelle réunis sur la même tige, comme c’est 
aussi le cas pour les grappes prolifères des Physophores. Ce qui me fait croire à 
cette disposition, c’est que j'ai remarqué que sur l’un des individus prolifères les 
bourgeons étaient toujours plus allongés que sur l’autre, où ils montraient une 
forme complétement arrondie. Mais comme sur tous les exemplaires que j'ai pu 
me procurer pendant mon dernier séjour à Nice les bourgeons étaient excessivement 
peu développés, je n’ai pas pu saisir d’autres différences plus essentielles. En effet tous 
ces bourgeons ‘ se montraient seulement composés comme d'ordinaire d'une subs- 
tance externe épaisse dans laquelle étaient creusés quatre canaux, montant de- 
puis la base et se réunissant à l’extrémité libre du bourgeon oviforme. La substance 
de ces derniers était du reste d'une limpidité parfaite et je ne pouvais dis- 
tinguer ni ovule ni sac testiculaire dans ces bourgeons en voie de for- 
mation. 

M. Milne-Edwards a décrit sous le nom d’Apolémie prolifère une portion d’une 
tige plus développée de l'espèce qui nous occupe et de laquelle s'étaient déta- 
chées les plaques protectrices et les fils pêcheurs, ce qui a conduit M. Milne-Ed- 
wards à la regarder comme une espèce distincte. Mais ces différences, jointes à une 
longueur plus considérable des polypes nourriciers, sont ou accidentelles ou le ré- 
sultat du développement progressif, et ne sauraient justifier l'établissement d'une 
nouvelle espèce. Toutefois ce morceau de tige était remarquable par le grand dé- 
veloppement des bourgeons sexuels, que M. Milne-Edwards décrit et figure par- 
faitement. Je crois reconnaître dans les bourgeons ronds, que cet auteur si- 
gnale, les bourgeons femelles, quoique M. Milne-Edwards n'y ait point vu les 


! Tab. 14, fig. 6. 


92 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 92 


œufs primitifs, tandis que les bourgeons ovales sont évidemment les organes mâles 
portant à l'intérieur un sac rempli de Spermatozoïdes. M. Edwards avait déjà par- 
faitement reconnu les testicules dans ces derniers, mais la forme des bourgeons 
femelles s'écartant trop de tout type connu à cette époque-là, il n'avait pu recon- 
vaître leur véritable nature et les avait pris pour des bourgeons de vésicules na- 
tatoires. Ses dessins montrent du reste parfaitement que les bourgeons mâles 
de l'Apolémie acquièrent en grandissant des ombrelles natatoires et se détachent à 
la suite entièrement de la colonie. 

Toute la surface du tronc commun est recouverte à son bord supérieur par 
des plaques protectrices qui sont très-minces, un peu courbées et pointues, et 
que M. Edwards a très-bien comparé à des bractées ou des folioles. Ces plaques 
protectrices correspondent non-seulement aux polypes nourriciers, mais aussi aux 
polypes reproducteurs, et ils sont tellement nombreux qu'ils recouvrent entière 
ment, comme des tuiles imbriquées, l'assemblage des appendices attachés au 
tronc commun, lors de la contraction de ce dernier. Mais en même temps leur 
transparence est tellement considérable qu'on ne les distingue à l'œil nu que par 
des légers reflets irisés, produits par la réfraction de la lumière. 

Nous voyons donc en résumé que l’Apolémie est construite absolument sur le 
même plan que les Agalmes et les Physophores, que la structure des polypes nour- 
riciers, des plaques protectrices, des cloches natatoires, du tronc commun et 
de la vésicule aérienne est absolument la même, comme chez les Agalmes, dont 
les Apolémies se distinguent seulement par l’enroulement du tronc commun en 
spirale qui fait paraître leur partie motrice multisériale et donne en outre à la 
partie portant les polypes un caractère spécial. La disposition des individus re- 
producteurs diffère aussi, en ce qu'on trouve, chez les Agalmes, des testicules 
médusiformes dispersés, et des bourgeons d'œufs réunis en grappes, garnis 
tous les deux d'individus astomes, tandis que chez les Apolémies les grappes 
males et femelles sont réunies par paires sur une même tige comme chez les 
Physophores, dont elles se distinguent à leur tour par le développement d'individus 
reproducteurs astomes et par le développement des bourgeons mâles en produc- 


tions médusiformes. 


93 DE LA MER DE NICE. 93 


SUR L'HIPPOPODE JAUNE. 


(HIPPOPODIUS LUTEUS. Q. et G.) 


TAB. 14, FIG. 7-12. TAB. 15, FIG. À ET 2. 


Hippopodius luteus, Quoy et Gaimard, Annales des Sciences nat. 1"° série, 
tome X. 
» » Eschscholtz, System der Akalephen, p. 106. 
» » Lamarck, animaux sans vertèbres, 2° éd. par Dujardin, 
tom. IE, p. 76. 
» » Lesson, nouv. suites à Buffon. Acalèphes, p. 470. 
Stephanomia hippopoda,  Quoy et Gaimard. Voy. de l’Astrolabe, p. 67, pl. I, 
fig. 13 à 21. 
Protomedea lutea, de Blainville, Manuel d'Actinologie, p. 121, pl. IH, fig. 4. 
Hippopus, Delle Chiaje, memorie sulla Storia nat. di regno de 


Napoli, tom. IV, pl. 50. 
Elephantopes neapolitanus, Lesson, Acalèphes, p. 473. 


Ce genre, créé par MM. Quoy et Gaimard, est peut-être un des mieux circons- 
crits parmi les Siphonophores. Le cône tronqué de cloches natatoires hyalines, 
semblable dans sa forme à un chaton de houblon ; les cloches natatoires fortement 
emboîtées et pourvues d'un couvercle mobile à leur ouverture ; le tronc commun, 


très-grèle et très-contractile, pouvant se retirer entièrement avec tous ses appen- 


94 C. VOGT. SIPHONOPHORES 94 


dices dans l’espace laissé entre les cloches natatoires ; tous ces caractères saillants 
le distinguent au premier coup d'œil de ses congenères. On n'en connaît, jusqu'à 
présent, qu'une seule espèce, qui se trouve répandue dans toute la Méditerranée 
avec assez d’abondance. 

L'Hippopode jaune est effectivement assez commun à Nice, et on fera peut-être 
rarement une excursion par la mer calme dans la baie de Villefranche sans ren- 
contrer quelques-uns de ces organismes, flottant à la surface de l'eau, et qui se 
font distinguer de loin par l'apparence blanchâtre et lactée de leurs cloches nata- 
toires. Mais s’il est commun de rencontrer l'Hippopode, il est au contraire assez 
rare de le voir se développer entièrement, tel que je l'ai représenté dans la fig. 1, 
tab. 15. Ordinairement on ne voit que le cône, formé par les cloches natatoires 
emboitées, de l'extrémité postérieure duquel pend une petite touffe de fils pêcheurs 
contractés, qui se retirent aussitôt par le moindre mouvement dans l'espace central 
laissé entre les cloches natatoires. 

Les cloches natatoires ‘ elles-mêmes sont construites sur un tout autre plan que 
chez les genres précédents. Ce sont des pièces extrêmement dures, solides, d’une 
apparence opaline et taillées en biseau par deux surfaces courbes, tandis que 
le pourtour est arrondi, de manière que le tout ressemble effectivement à un 
sabot de cheval. Ces pièces sont réunies en deux séries, de manière à former un 
cône d’un pouce de longueur à peu près, qui ressemble beaucoup à un chaton de 
houblon. La surface convexe est tournée en avant, la surface concave en arrière, 
et cette dernière montre une grande ouverture circulaire conduisant dans une fosse 
peu profonde, qui occupe le centre de la cloche natatoire. L'ouverture circulaire 
de cette cavité, peu profonde, se ferme par une valvule ou par un véritable cou- 
vercle, dont le bord circulaire s'applique parfaitement à l’orifice de la cavité, et 
qui joue comme le couvercle d’une boîte sur le bord interne de la cavité où il est 
fixé. C’est donc ici un mécanisme tout différent de celui que nous avons vu dans 
les cloches natatoires des genres précédents, l'iris musculaire étant remplacé ici 
par un battant jouant comme sur une charnière qui occupe une des faces de la 


cavité natatoire. Les pièces natatoires elles-mêmes sont très-solidement attachées 


Tab. 15, fig: À et 2. 


95 DE LA MER DE NICE. 95 


ensemble par une espèce d’engrenage composé par quatre éminences, disposées à 
la face inférieure autour de l'orifice de la cavité natatoire et par deux pointes 
émoussées postérieures, qui s’emboîtent avec la cloche du côté opposé. On ne peut 
séparer les cloches natatoires qu'avec une certaine force, et très-souvent on dé- 
truit par cela les organes qui se sont retirés dans la cavité, existant au milieu du 
chaton entre les pointes émoussées dont je viens de parler. La substance des clo- 
ches natatoires n’est pas entièrement transparente, mais d'un aspect opalin; et 
cette semi-transparence réside surtout dans la couche extérieure, tandis que la 
masse même de la cloche paraît transparente comme de l'eau. Les cloches nata- 
toires devenant plus petites vers le sommet, où elles sont moins développées, il en 
résulte cette forme de cône, à la pointe duquel les pièces les moins développées 
paraissent être enchàssées comme des coins. 

Le centre du chaton entier est occupé par le commencement du (ronc com- 
mun, dont l'extrémité antérieure ressemble à un bâton noueux par les nombreuses 
attaches des cloches natatoires en forme de verrues, ainsi que par les bourgeons 
des autres appendices qui s’y développent. J'ai vu quelquefois dans l'extrémité an- 
térieure de ce tronc et cachée entre les premières pièces natatoires cuneïformes, 
qui la surmontaient, une bulle d'air, dont la présence n'était rien moins que 
constante, car, dans d’autres exemplaires, je la cherchais en vain. L'organisation 
de cette extrémité antérieure du tronc n'est pas non plus développée en vue d'une 
bulle d'air constante. Nous avons vu que, dans les genres aérifères précédents, la 
bulle était toujours enveloppée dans une boîte cartilagineuse arrondie. On ne 
trouve rien de semblable chez l'Hippopode. La présence d’une bulle d'air est pure- 
ment accidentelle, et cette bulle provient probablement d'une proie quelconque 
avalée qui contenait de l'air, lequel a passé de la cavité digestive du polype à celle 
du tronc commun, à l'extrémité supérieure duquel il s’est arrêté. Mais la conclu- 
sion à tirer de ce fait est celle-ci : qu'on ne pourra jamais se servir d'un carac- 
tère aussi inconstant que celui de la présence d’une bulle d’air comme d’un carac- 
tère principal, lorsqu'il s’agit de la classification des Siphonophores. 

Le tronc commun se montre sur des exemplaires entièrement développés comme 
un fil assez fin et très-allongé, sur lequel sont fixés de temps en temps les polypes 


nourriciers. On ne remarque ni plaques protectrices, ni individus prolifères. Les 


96 C; VOGT. SIPHONOPHORES. 96 


groupes posés de distance en distance sur le tronc commun, entièrement nu du 
reste, sont réduits à leur plus simple expression, car ils ne sont composés que 
d'un simple polype nourricier, muni d'un fil pêcheur unique ‘. Le tronc com- 
mun (a) se fait remarquer par son canal central assez considérable et par l'aspect 
rugueux de sa surface qui augmente encore par la contraction. Les polypes sont 
placés de distance en distance. Ils sont très-longs par rapport à leur largeur, ver- 
miformes, très-agiles et composés des trois parties que l'on rencontre habituelle- 
ment, savoir : d'un pédoncule épais (b), à parois solides très-peu contractiles, 
d’une partie moyenne digestive (c) très-dilatable et d’une partie antérieure (d) por- 
tant la bouche (e). La partie moyenne est surtout remarquable par la disposition 
des cellules biliaires qui forment des espèces de plaques saillantes, creusées par 
une ou deux cavités circulaires, dans lesquelles s’élabore probablement le suc 
digestif. Ces cellules énormes forment la couche interne de la cavité digestive seu- 
lement, et disparaissent à la partie antérieure, qui, à son tour, montre les cils 
vibratils les plus développés que j'eusse rencontré jusqu'à présent chez les Sipho- 
nophores. Ce sont des espèces de soies où de poils plus ou moins raides, qui sont 
fixés à la surface interne du polype par une base arrondie qui les fait ressembler 
à un clou. Ces poils vibratils sont d'une telle longueur, qu'on peut les apercevoir 
déjà par un grossissement de dix diamètres. En s’agitant en cercle, ils produisent 
un mouvement continuel et un courant allant du dehors en dedans. 

Le fil pécheur (fig. 7 f.) est composé comme d'ordinaire d'une série de tron- 
çons alignés à la suite les uns des autres, et muni chacun d’un fil secondaire {g) 
auquel est attachée la capsule urticante (h). Celle-ci * est très-petite, d'une cou- 
leur jaunâtre et montre à l’intérieur un cordon jaune (b), composé de sabres ur- 
ticants disposés de manière à présenter leurs extrémités seulement en dehors. 
Ce cordon forme un demi-cercle dont la concavité est garnie par trois ou quatre 
fèves urticantes (c) d’une grandeur considérable. Le tout se continue en un fil ter- 
minal très-court (d) enroulé en spirale incolore et garni de lentilles urticantes sur 
toute sa surface. 

Je n'ai pas été très-heureux dans la recherche des appendices reproducteurs 


! Tab. 14, fig. 7. 
* Tab. 14, fig. 8 et 9. 


97 DE LA MER DE NICE. 97 


Les exemplaires examinés montraient des bourgeons peu développés, mais qui 
par leur forme très-allongée et par le sac intérieur se dénotaient en partie comme 
des bourgeons testiculaires. Ces bourgeons se trouvent à la base des polypes 
sous forme de capsules isolées. M. Kælliker * nous apprend qu'à un état plus 
avancé de développement, ces bourgeons se présentent sous forme de capsules 
ou de calices cupuliformes qui entourent seulement la base des sacs médians, 
remplis d'œufs ou de Spermatozoïdes. Les bourgeons reproducteurs deviennent 
donc des appendices médusiformes à ombrelle très-petite, et à sac générateur 
interne très-considérable, et il est probable qu'ici aussi comme chez l'espèce 
précédente les bourgeons médusiformes se détachent à la fin, quand ils sont arrivés 
à la maturité pour opérer la fécondation. | 

Par la disposition bisériale des organes natatoires l'Hippopode se rapproche des 
Physophores et des Agalmes, dont il s'éloigne par l’inconstance de la bulle d'air, 
par la structure particulière des cloches natatoires, et par le manque absolu de 
polypes prolifères et de plaques protectrices. Il se rapproche au contraire de la 
famille des Diphyides par cette propriété de pouvoir retirer le tronc entier avec 
ses appendices entre les organes locomoteurs, par la nudité de ce tronc commun et 
par la structure des organes reproducteurs. 


Je dois mentionner encore la présence d’un Distome particulier * que j'ai ren- 
contré plusieurs fois dans l'intérieur même des Hippopodes et surtout dans les 
pédoncules des polypes nourriciers. Je donne quelques figures de ces Distomes de 
l'Hippopode par un grossissement de 16 diamètres. Ils étaient très-peu transpa- 
rents, surtout dans Îa partie postérieure où un amas de corpuscules calcaires 
brillants s’opposait à toute pénétration ultérieure. Les deux ventouses sont pres- 


que d'égale grandeur ; l’antérieure, tout à fait terminale, porte l'ouverture de la 


! Tab. 15, fig. 3. 
= ZLeïtschr. für wissenschaftl. Zool., von C.-Th. v. Siebold u. Kôlliker. Tom. IV, 1853, p. 311. 
* Tab. 14, fig. 10, 11 et 12. 


13 


98 C. VOGT. SIPHONOPHORES 98 


bouche, qui se montre ordinairement sous la forme d’une fente un peu allongée. 
La ventouse postérieure est ronde, très-saillante, son ouverture petite, circu- 
laire, et son emplacement variable suivant les contractions de l'animal. Ces dis- 
tomes paraissaient tout à fait dans leur habitation normale et rampaient avec viva- 


cité dans la cavité des pédoncules et du tronc commun. 


99 DE LA MER DE NICE, 99 


VI. 


SUR LE PRAYA DIPHYES BL, 


TAB. 46 ET 17. 


Praya diphyes, Blainville. Manuel d’Actinologie, p. 137, tab. 6, fig. 5. 
» » Lesson. Acalèphes. Nouv. suit. à Buffon, p..144. 
» » Kœælliker, Zeitschr. für wissenschaftl. Zool. Tom. IV, p 306. 
Diphyes Prayæ, Quoy et Gaim. Voy. Astrol. pl. 5, fig. 37 et 38. 
, » C. Vogt. Zoologische Briefe. Vol. [. p. 140. 


Rhizophysa filiformis, C. Vogt. Zeitschrift für wissensch. Zool. Tom. III, p. 522, 
1851. Annal. Scienc. nat. 1852. 


Ayant péché, pendant l'hiver de 1846 à 1847, quelques individus de ces Zoo- 
phytes dont je ne pouvais trouver aucune description dans les auteurs à ma portée , 
je soumis, de retour à Paris, mes dessins à mon ami Krobn, qui, comme on sait, 
s'est longtemps occupé des animaux inférieurs de la Méditerranée. M. Krohn 
reconnut immédiatement l'organisme pour une espèce qu'il avait rencontrée quel- 
quefois dans les golfes de Naples et de Messine, et tout en m'indiquant le Diphyes 
Prayæ de Quoy et Gaimard, recueilli au Cap vert, comme analogue de l'espèce 
trouvée par moi, il me dit que celle-ci était traitée dans l'ouvrage de delle Chiaje 
sous le nom de Rhizophysa filiformis. N'ayant pu me procurer cet ouvrage, je n'ai 
pu vérifier cette assertion. Je reconnais maintenant la même espèce dans un Z00- 
phyte sur lequel M. Kælliker a donné quelques indications dans son rapport sur 


ses observations à Messine, et je m’empresse d'adopter le nom donné ancienne- 


100 C. VOGT. SIPHONOPHORES 100 


ment par Blainville à une cloche natatoire détachée, trouvée par MM. Quoy et 
Gaimard. 

L'espèce dont nous nous occupons ici n’est pas rare dans les environs de Nice, 
mais il est assez difficile de se la procurer entière, à cause de sa grande transpa- 
rence et de l'extrême facilité avec laquelle les grandes cloches natatoires surtout 
se détachent. L’exemplaire le plus grand que j'eusse rencontré fut pris le 4 décembre 
1851 ; — il avait plus d’un mètre de long en nageant étendu à la surface, tandis que 
dans l'état de contraction sa longueur était à peine celle d'un doigt. J'ai compté 
sur son trone commun plus de cent polypes parfaitement développés, tandis qu'or- 
dinairement on ne trouve que trente à quarante individus complets sur le tronc 
commun. 

Le genre Praya appartient à ce groupe de Siphonophores chez lesquels la colonie 
entière n’a que deux grandes cloches locomotrices entre lesquelles le tronc com- 
mun peut se retirer. La bulle d'air, qui, dans les genres précédents, existe ordinai- 
rement, ne se trouve plus dans ce groupe où le tronc commun est attaché par 
deux filaments aux deux cloches natatoires entre lesquelles il est suspendu. Le 
genre Praya lui-même se caractérise facilement par ses grandes cloches natatoires 
molles, munies d'une petite cavité intérieure, et par ses polypes parfaitement isolés, 
garantis par une plaque protectrice en forme de casque et munis chacun d'une 
cloche natatoire spéciale. L'individualisation est arrivée en effet au plus haut point 
dans ce genre, où chaque polype forme un groupe à part parfaitement circonscrit 
par le casque protecteur, dans la cavité duquel le polype avec son fil pêcheur, sa 
cloche natatoire et son organe reproducteur est caché. La colonie entière n'est 
qu'une succession de groupes circonscrits de cette manière et réunis ensemble par 
un tronc commun mince, et les seuls organes, qui servent à l'ensemble, sont les 
deux grandes cloches attachées au bout du tronc. 

Ces cloches natatoires ‘ sont extrêmement transparentes, incolores et inégales. 
Elles différent de celles des autres genres par la grande mollesse de leur substance 
gélatineuse, qui est telle que ces cloches, placées dans un verre de montre, s’apla- 


tissent entièrement par leur propre poids. Leur forme est celle d'un sac arrondi 


! Tab. 16. 


101 DE LA MER DE NICE. 101 


en avant, et tronqué en arrière. Sur cette face postérieure tronquée se trouve 
l'ouverture ronde de la cavité natatoire. Les faces internes des deux cloches qui 
se regardent sont creusées un peu en forme de gouttière, de manière que par la 
juxta-position des deux cloches un canal est formé, dans lequel peut se retirer le 
tronc commun. L'une des cloches est toujours plus grande que l’autre, ce qui fait 
croire que dans le jeune âge il n’en existe qu'une seule, et que la seconde s'ajoute 
par bourgeonnement. La cavité natatoire est très-petite par rapport au volume de 
la cloche et de forme conique ; son bord, muni d’une iris musculaire, est ordinai- 
rement ridé par la contraction ou finement ondulé. Un canal très-fin et à peine 
visible se rend depuis le point d'attache du tronc commun vers l'extrémité anté- 
rieure pointue (le fond) de la cavité natatoire. On remarque en outre dans le tiers 
antérieur de la cloche une petite cavité en forme de disque ou de raquette, remplie 
par un liquide jaunec-lair ayant l'apparence d'huile et qui, par un petit canal, 
communique avec l'extrémité du tronc commun. Cette petite cavité est tournée de 
manière à se montrer tout à fait ronde lorsqu'on regarde ses cloches natatoires 
d'en haut ‘, tandis que si on les voit de profil, elle se montre sous une forme 
plus ou moins elliptique. Cette cavité ? est tapissée sur toute sa surface interne 
par des cellules claires et transparentes, faisant saillie vers cette surface. Évidem- 
ment ces cavités ne sont autre chose que les extrémités des canaux qui se rendent 
depuis le tronc commun dans les cloches natatoires, et font participer ces der- 
nières à la distribution du liquide nourricier circulant dans la colonie tout entière. 

Le tronc commun * est fixé sur le tiers antérieur des cloches natatoires dans le 
fond de la rigole qui doit l'héberger dans son état de contraction. Une quantité de 
bourgeons d'une forme indéterminée se presse sur cette extrémité cachée entre 
les cloches natatoires ; plus l’on avance vers le bas, plus aussi ces bourgeons de- 
viennent indépendants, mieux accusés dans leur forme et reconnaissables dans les 
différentes parties dont ils se composent. Le tronc commun lui-même est rond, 
cylindrique, très-mince et excessivement trausparent dans ses parois. On y dis- 


üngue pourtant facilement la cavité qui le parcourt et les fibres musculaires disposés 


1 Tab. 16, fig. 3. 
? Tab. 17, fig. 4. 
3 Tab. 16, fig. 2. 


102 C. VOGT. SIPHONOPHORES 102 


de la manière ordinaire. Sa surface, entre les groupes des polypes, est entièrement 
lisse; on ne remarque aucune trace de bourgeons ni d'autres appendices secon- 
daires sur les distances entre les différents groupes de polypes. 

Ces groupes ’, qu'ils soient grands ou petits, se composent toujours des mêmes 
éléments, et il suffit d'en décrire un seul pour avoir une idée complète de l’ensem- 
ble. Chaque groupe est composé d'un polype nourricier (a) ayant son fil pêcheur (b), 
d'une cloche natatoire spéciale (c), d'un bourgeon reproducteur mâle ou femelle (d), 
et d'un casque protecteur (e) enveloppant le tout. Nous allons successivement 
analyser ces différents éléments, qui sont assez faciles à isoler. 

Les polypes nourriciers vermiformes * sont assez grands et allongés par rapport à 
l'ensemble de la Colonie. Ils sont fixés sur le tronc commun par une tige (b) assez 
solide, cylindrique, peu contractile, qui est percée au milieu par un canal assez 
étroit, lequel établit la communication entre la cavité digestive et la cavité du tronc. 
Ce pédoncule dont la substance ferme est entièrement transparente montre une 
surface rugueuse et comme mamelonnée; et quelquefois on pourrait croire que 
cette substance ferme ne forme qu’une gaine ou une espèce de capsule allongée 
dans laquelle le véritable polype est enchassé. Celui-ci se compose comme par- 
tout de deux parties, de la partie digestive (c) ordinairement boursoufflée et de la 
partie antérieure (d) très-contractile, très-transparente et qui très-souvent forme 
par ses contractions une espèce de corolle plus ou moins régulière. On remarque 
dans la partie digestive douze bourrelets longitudinaux, disposés irrégulièrement, 
et sur lesquels on voit placé de distance à distance des espaces cellulaires * au mi- 
lieu desquelles on croit remarquer des noyaux entourés de granules. L'image de 
ces espaces rappelle parfaitement celle de grandes cellules munies d'un ou de 
plusieurs noyaux, entourés chacun d'une auréole de granulations ; mais la trans- 
parence de la substance, qui forme le polype, est si grande qu'on peut facile- 
ment se tromper à cet égard comme l'a démontré une expérience concluante. 
Ayant mêlé de l'indigo à l’eau d'un bocal dans lequel se trouvait un Praya plein de 


vie, Je vis après quelques temps les cavités digestives striées en bleu, la couleur s'é- 


CAD UNE fe LE 
EDab 1 fir22 
Tab. 10, fi. 6: 


103 DE LA MER DE NICE. 103 


tant arrêtée dans les bourrelets de cette cavité, et je pus me convaincre alors 
par le microscope que les granules de couleur se trouvaient seulement dans les 
espaces celluliformes, qui ne sont autre chose que des cavités peu profondes ou 
des sacs glandulaires largement ouverts sur la surface digestive. La partie anté- 
rieure et contractile (d) du polype ne diffère en rien de ce que nous avons déjà vu 
dans les genres précédents. 

Le point de jonction entre le pédoncule du polype et le tronc commun est en- 
touré comme d'ordinaire par une touffe de bourgeons (/) plus ou moins déve- 
loppés du milieu de laquelle se détache un fil pécheur (k), auquel sont attachés 
une quantité très-considérable de fils secondaires (+), muni chacun d'une cap- 
sule urticante (k). Le fil pécheur lui-même est composé de tronçons successifs 
qui ne montrent aucune structure particulière. Les fils secondaires sont très-fins, 
longs et transparents. Les capsules urticantes * sont pyriformes, comprimées laté- 
ralement et contiennent un cordon brun, composé de sabres urticants (c), lequel 
fait à peu près les deux tiers de la circonférence de la capsule. Dans la conca- 
vité de l’espace, embrassé par ce cordon, se trouvent des fèves urticantes /{d) 
qui méritent à peine ce nom, car elles sont extrêmement allongées, comprimées 
et droites, et disposées comme un faisceau suivant l'axe longitudinal de la cap- 
sule. Tous ces organes urticants ont une couleur jaune-brunâtre et sont en- 
fermés dans une membrane qui est la continuation indirecte du fil secondaire 
d'attache. Je dis indirecte, car entre le fil secondaire et la capsule urticante est 
placé un élargissement en forme de sac ou de cornet (b) dans lequel se voit une 
bande musculaire plissée de telle façon, qu'elle présente ordinairement l'aspect 
d'un fil enroulé en spirale. Cette membrane musculaire plissée se continue sur la 
face interne et concave de la capsule urticante et s'attache vers l'extrémité anté- 
rieure de celle-ci, là où elle se continue dans le fil terminal (a). Je n'ai pu réussir 
à faire éclater une capsule urticante du Praya, mais je ne doute pas que cette mem-— 
brane musculaire plissée en spirale ne serve à lancer et à retirer le cordon urticant 
contenu dans l’intérieur de la capsule d'une façon analogue à celle que j'ai si- 


gnalé chez la Physophore. La capsule urticante se termine enfin dans un fil 


‘ Tab. 17, fig. 3. 


104 C. VOGT. SIPHONOPHORES 104 


terminal (e) plus gros que le fil d'attache, assez long et contracté ordinairement de 
manière à simuler l'aspect d’un gros intestin. Ce fil terminal est hérissé sur toute 
sa surface de lentilles urticantes ‘ayant la forme d’une petite bouteille et une trans- 
parence parfaite. Dans l’intérieur de ces petites bouteilles est cachée une soie ur- 
ticante contournée en spirale, dont la pointe dépasse ordinairement un peu le 
gouleau de la bouteille, de manière que le fil terminal entier semble hérissé de 
petites soies raides. Je n'ai pas encore rencontré d'organismes chez lesquels on 
puisse voir avec tant de précision la structure de ces capsules urticantes comme chez 


. , x CL ï 
le Praya. Le fil terminal est couronné enfin à son extrémité par une touffe de cel= 


lules (f) parfaitement transparentes, très-grandes et entièrement dépourvues de 
toutes capsules urticantes. Les bourgeons de fils secondaires qui se montrent 
en si grande quantité autour de la base du polype de manière à rendre l'étude de 
ce point assez difficile, ces bourgeons, dis-je, sont d’abord arrondis, s’allongent 
ensuite successivement de manière à devenir vermiformes et montrent à la fin 
(fig. 2, g) leur extrémité contournée en spirale et se hérissant de capsules urti- 
cantes incolores. Au-dessous de cette partie en spirale, qui sera plus tard le fil 
terminal, se montrent les sabres et les fèves urticants, allongés, disposés sur deux 
rangs en forme de chevrons, et se coloriant petit à petit en jaune, tandis qu'ils 
étaient incolores dans leur début. 

A côté de chaque polype et sur la face opposée au fil pêcheur se trouve fixée 
une cloche natatoire spéciale *, dont l'existence a été constatée aussi par M. Kœl- 
liker, tandis que M. Leuckardt voulait lui donner une autre signification que 
celle que je lui avais attribuée primitivement. Cette cloche est creusée dans une 
pièce pyramidale de substance solide mais parfaitement transparente comme du 
cristal, de manière que ses contours mêmes échappent facilement à l'observation. 
La cavité creusée dans cette pièce est fort considérable, conique, ayant une large 
ouverture circulaire (c) en dehors et le sommet du cône formé par l’attache par 
laquelle la pièce se fixe au tronc commun. Cette cavité conique n’occupe pour- 
tant pas toute la masse de la pièce solide, elle est creusée plutôt à la face op- 
posée au polype, de manière qu'entre celui-ci et la cavité se trouve une espace 


Tab ANT Afeu: 
CNLab AN Bo Mc: 


105 DE LA MER DE NICE. 105 


considérable de substance solide (c°). Il résulte de cette disposition que la cloche 
natatoire occupe toujours à peu près le niveau du tronc commun, tandis que 
le polype pend en bas. L’orifice de la cavité conique de la cloche natatoire est en- 
touré d'une iris musculaire très-apparente laquelle à son tour est fixée sur un canal 
circulaire auquel se réunissent quatre canaux droits montant depuis le sommet 
de la cavité conique qui est tournée vers le tronc commun. Il ÿ a deux points 
d'attache différents situés dans le même axe de la cavité conique, et les quatre ca- 
naux se bifurquent dans la partie postérieure de la cavité pour se réunir sur cha- 
cun de ces points. Le point de réunion le plus avancé (c*) conduit dans un canal 
qui se rend au sommet de la pièce pyramidale pour s'attacher au fond du 
casque protecteur ; l'autre point de réunion un peu plus reculé (c*) se continue 
dans un canal qui se rend immédiatement vers l'angle de jonction entre le po- 
lype et le tronc commun pour s'attacher à ce dernier. Chaque cloche natatoire 
spéciale est donc doublement attachée, une fois au casque protecteur, une autre 
fois directement au tronc commun. Dans la contraction de l'ensemble la pièce 
pyramidale hébergeant la cloche spéciale, ferme comme un bouchon l'ouverture du 
casque protecteur à laquelle elle s'adapte parfaitement. 

Le casque protecteur * est formé par la même substance molle et gélatineuse 
que nous avons déjà signalé en parlant des cloches natatoires communes. Cette 
pièce a réellement la forme d'un casque arrondi ayant une fente antérieure et 
deux lèvres fendues transversalement entre lesquelles peuvent s’héberger la clo- 
che natatoire spéciale et le polype avec son fil pêcheur. Le casque est attaché 
seulement par un point vis à vis du polype au tronc commun, et malgré sa forme 
insolite il obéit donc aussi sous ce point de vue à la loi générale que nous avons 
signalé pour les pièces protectrices, savoir : qu'elles sont toujours attachées à la 
face du tronc commun opposée aux polypes nourriciers. Du point d'attache au 
tronc commun partent cinq Canaux finissant en cul de sac, et qui se rendent 
dans les différentes parties du casque protecteur. Le plus fort et le plus courbé 


4\ 


de ces canaux (e‘) se rend dans la partie entourant le polype, un autre (e*) dans 


la partie supérieure, deux autres (e*) directement en arrière. Le cinquième (e‘), 


ap T-efe. A; e 
14 


106 C. VOGT. SIPHONOPHORES 106 


commence par un large espace pyriforme, dont la base en cul de sac est tournée 
vers la circonférence, tandis que la tige communique directement avec le tronc 
commun. Les granules nageant dans le liquide nourricier circulent manifeste- 
ment dans cet espace ainsi que dans les canaux que nous avons signalés. Il est 
facile de confondre cet espace pyriforme creusé au milieu du casque protec- 
teur avec l'organe reproducteur, qui toujours est beaucoup plus petit, mais qui 
est souvent difficile à trouver au milieu des bourgeons et des touffes de bourgeons 
d'organes urticants, qui entourent la base du polype. 

Les organes reproducteurs * que j'ai pu trouver sur les differents individus sou- 
mis à mon investigation constituent de simples bourgeons plus ou moins globu- 
laires ou pyriformes, dans lesquels on constate facilement quatre canaux cour- 
bés, montant depuis le point d'attache vers le sommet du bourgeon. Le bour- 
geon lui même est extrêmement transparent, très-petit au commencement sur- 
tout, et attaché vis à vis de la base du polype au tronc commun de manière 
à être caché entre les différents points d'attache de la cloche natatoire particulière, 
du casque protecteur et de la touffe de bourgeons de capsules urticantes. J'ai con- 
staté deux types différents dans ces bourgeons, les uns étant mâles et les autres fe- 
melles ; mais vis à vis de chaque polype on ne trouve jamais plus d'un seul bour- 
geon qui montre tantôt des œufs, tantôt une cavité dans laquelle on aperçoit 
des Spermatozoïdes d'une forme particulière. J'ai donné dans la fig. 7 un dessin 
du bourgeon mâle le plus développé que j'ai rencontré. La couche extérieure (a) 
qui donne la forme à ce bourgeon est assez épaisse et se montre composée à 
sa surface de cellules arrondies, très-transparentes et réunies en pavé. Dans l'in 
térieur-est déposé une autre substance (b) d’un aspect vitré laissant au milieu 
une cavité irrégulière (c) montrant une communication directe avec la cavité du 
tronc. C'est dans l'intérieur de cette cavité que j'ai rencontré constamment des 
organismes en mouvement, (d) qui ressemblent plutôt à de jeunes Nématoïdes 
qu'à des Spermatozoïdes, et dont la nature peut être douteuse. Ge sont des petits 
vers très-transparents assez épais, de forme linéaire, ayant l'une des extrémi- 


tés du corps plus épaisse que l’autre, et qui se meuvent en serpentant, absolu- 


Tab 1 he 02 me 1-19: 
, 2 , 1 Oo 


107 DE LA MER DE NICE. 107 


ment comme des petits vers, qui nagent dans un liquide. J'ai vu ces corpuscules 
vivants se mouvoir non-seulement dans tous les sens au milieu de la cavité 
du bourgeon, je les ai vu aussi s'échapper par l'ouverture de la base dans la 
cavité du tronc commun, circuler dans cette dernière et dans toutes ses rami- 
fications et pénétrer même dans les tiges des polypes et les canaux des bourgeons 
femelles. Ces mêmes organismes se trouvent aussi chez les Diphyes, où M. Will 
les a déjà rencontrés. Leur forme diffère complétement de la forme des Sper- 
matozoides des autres Siphonophores ; il est donc permis de se demander si ce 
sont en effet des Zoospermes ou bien des vers intestinaux très-jeunes. La forme 
militerait en faveur de la dernière opinion, ainsi que la liberté avec laquelle 
ces petits organismes passent dans toutes les dépendances du tronc commun. Mais 
d'un autre côté on peut citer leur rencontre constante et l'absence complète de 
toute autre production spermatique comme une raison concluante. J'ai fait en- 
core une autre observation, militant en faveur de l'opinion qui regarde ces or- 
ganismes comme Spermatozoïdes. Je crois avoir vu en effet la formation d’un de 
ces corpuscules aux dépens de la substance interne, qui tapisse la cavité du bour- 
geon. On ne voyait d’abord que l'extrémité antérieure du corpuscule qui de temps 
en temps faisait des mouvements ondulatoires très-peu marqués. Cette extrémité 
avançait librement dans la cavité du bourgeon. La partie postérieure se confondait 
absolument avec la substance interne, dont la transparence hyaline aurait pour- 
tant certainement permis d’apercevoir les contours du corps de l’animalcule qui 
se serait enfoncé dans cette substance. Les mouvements de la partie libre deve- 
naient pius accusés, plus violents même, pendant que j'étais occupé à suivre cette 
observation sous le microscope. Petit à petit — on aurait dit sous l'influence de ces 
mouvements — le corps semblait se détacher toujours davantage de la substance 
“interne, et se montrait bientôt attaché à cette dernière seulement avec son ex- 
trémité postérieure. Cette attache cédait à la fin aussi et le petit vermicule en 
tout semblable aux autres, nageait alors en serpentant dans la cavité du bour- 
geon. Le tout avait duré à peu près une heure et je crois avoir employé tous les 
moyens possibles pour me garantir d’une erreur d'observation, qui pourtant n'est 
peut-être pas impossible, vu que je n’ai pas pu répéter et confirmer cette première 


observation. 


108 C. VOGT. SIPHONOPHORES 108 


Les bourgeons femelles se montrent sous différents aspects suivant leur déve- 
loppement. J'en ai vu de fort petits encore ‘ au milieu desquels se trouvait une 
substance interne embrassée par quatre canaux réunis au sommet du bourgeon. 
A la surface de la masse interne (fig. 10) se dessinaient des figures très-remarqua- 
bles en étoiles, composées d’un cercle rond au milieu, autour duquel étaient disposés 
sept à huit feuilles ovalaires, de manière que le tout ressemblait à une petite fleur 
étoilée ; toute la substance interne du bourgeon paraissait composée de ces cellules 
en étoiles, au milieu desquelles je cherchais vainement des indices d’un œuf. Je vis 
d'autres bourgeons (fig. 11) dans lesquels, au contraire, cet aspect étoilé avait 
disparu, et où l’intérieur du bourgeon était occupé par deux œufs parfaitement 
transparents, montrant au milieu une vésicule germinative et une tache germina- 
tive circulaire, entourées concentriquement et à distance par une auréole de cor- 
puscules vitellaires peu accusée. On voyait très-bien dans ces bourgeons les canaux 
montant des deux côtés le long des parois externes du bourgeon, et se rendant de- 
puis son point d'attache au sommet. Dans d'autres bourgeons enfin (fig. 12), le 
nombre d'œufs était plus considérable ; et dans le bourgeon le plus développé que 
j'aie rencontré et qui avait une figure pyriforme, les œufs étaient ramassés dans 
la partie antérieure du bourgeon, tandis que la partie près de l’attache était occu- 
pée par une cavité en forme de tampon. La substance interne dans ce bourgeon 
était entièrement détachée de la substance externe, laquelle, à son tour, était 
devenue plus mince sur toute la circonférence du bourgeon. Je ne doute pas que 
plus tard ce bourgeon en se développant aurait pris une forme médusaire, et que 
l'enveloppe externe se serait ouverte sous peu sur le sommet de la poire en se 
constituant conime ombrelle de ce bourgeon médusiforme. Mais n'ayant pu obser- 
ver ce développement, je ne puis émettre cette idée que sous forme d’hypothèse, 
et aucun autre observateur n'ayant parlé jusqu'à présent des organes reproduc- 
teurs du Praya, je ne puis compléter mes observations par celles des autres. 
M. Kælliker, qui a donné de si précieuses notices sur les autres Siphonophores, 
ne parle pas de ces organes, quoiqu'il ait trouvé le Praya aux environs de Messine. 


Nous verrons par l'examen des Galéolaires, des Abyles et des Diphyes, que le, 


1 Tab. 17, fig. 8-12. 


109 DE LA MER DE NICE. 109 


Praya se rapproche effectivement, comme l'ont reconnu du reste déjà MM. Quoy, 
Gaimard et Kælliker, des Diphyides dont il ne diffère que par le développement 
inusité d'une cloche natatoire spéciale pour chaque polype nourricier. C’est, en 
effet, un spectacle surprenant que les mouvements de ces colonies et surtout des 
groupes fixés sur le tronc commun. Je ne puis mieux comparer toutes les évolu- 
tions des polypes qu'à celles d'une réunion de jongleurs faisant des exercices de 
gymnastique autour d'une corde, qui, ici, est représentée par le tronc commun. 
Sauf cette adhérence, la vie, la volonté de chaque groupe sont parfaitement indé- 
pendantes, et on ne remarque une dépendance de l'ensemble que lorsque le tronc 
commun se contracte pour ramener tous ses appendices vers les cloches natatoires 
qui se mettent alors en mouvement. 

Dans le cas que la signification zoospermique attribuée aux petits vermicules 
circulant dans la cavité des colonies se vérifiait, cette structure pourrait servir 
comme un caractère distinctif accessoire. Nous avons trouvé, en effet, chez tous 
les Physophorides (Physophore, Agalme) des spermatozoïdes à tête ronde et à queue 
(probablement) très-fine ; — tandis que chez le Praya, comme chez les autres 
Diphyides, les zoospermes seraient vermiculaires. 

Un caractère sur lequel j'insiste encore particulièrement, c'est l'hermaphrodi- 
tisme des colonies du Praya. Il y a sur le même tronc commun des groupes mâles 
et femelles, conformés absolument de même. Nous verrons que ce n'est pas de 
même chez d’autres Diphyides. 


110 C. VOGT. SIPHONOPHORES 110 


VIL. 


SUR LA GALÉOLAIRE ORANGÉE. 
(GALEOLARIA AURANTIACA. C. VOGT.) 


TAB. 48 ET 19. ras. 20, ric. 1-3. TAB. 21, FIG. À ET 2. 


Galeolaria, Lesueur dans Blainville. Manuel d’Actinol. p. 138, pl. 6, fig. 5. 
Epibulia aurantiaca, C. Vogt. Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie, von C.-Th. 
Siebold et Kælliker. Tom. IE, p. 522, 1851. 


Ayant trouvé, pendant mon dernier séjour à Nice, des exemplaires d'un Sipho- 
nophore très-délicat et qui m'avait échappé jusqu'alors, je cherchais, dans le 
système des Acalèphes de Eschscholtz, le seul livre sur la matière qui fût à ma 
disposition, le nom qui pût convenir à ma nouvelle trouvaille. La diagnose du 
genre Epibulia (Tentacula ramulis simplicibus obsita. Partes cartilagineæ inco- 
gnitæ), me paraissait d'autant mieux s’y appliquer, qu'elle ne précisait rien. L'em- 
ploi de ce nom générique donné à des pièces incomplètes et mutilées avait donc 
l'avantage de fixer un genre parfaitement inutile jusqu'alors sur une espèce, dont 
j'étais en état de donner des détails. Je préférai cette manière d'agir à la fabrica- 
tion d’un nouveau nom de genre. 

Grâce à l’obligeance de mon collègue, M. Pictet, j'ai pu consulter le Voyage de 
l'Astrolabe. Les fig. 29 à 33 de la 5% planche se rapportent évidemment à des 
cloches natatoires détachées du même genre, à tel point même, que j'aurais adopté 
le nom spécifique, si les exemplaires, différents du reste par quelques détails, 


n'eussent pas été recueillis dans l'Océan indien. MM. Quoy et Gaimard avaient 


111 DE LA MER DE NICE. Ant 


considéré ces organismes comme faisant le passage aux Béroïdes, et leur avaient 
appliqué le nom générique « Beroïdes ; » mais M. Blainville ayant formé, sur des 
indications de Lesueur, le genre Galéolaire, MM. Quoy et Gaimard ont retiré le nom 
donné par eux, pour adopter celui donné par M. Blainville. F'applique aujourd'hui 
ce nom générique à une espèce dont les cloches natatoires se rapprochent beau- 
coup aux pièces dessinées dans le Voyage de l'Astrolabe, et je fais connaître, pour la 
première fois, l'organisation entière de cette belle espèce, dont la désignation spé- 
cifique est justifiée par la couleur des polypes nourriciers et des organes mâles. 

Le rapprochement de mon espèce et des organismes trouvés par MM. Quoy et 
Gaimard se justifie, outre par la forme, encore par une particularité. Ces natura- 
listes dessinent, sur une des pièces trouvées par eux, une appendice rose, contrac- 
tile, impaire, qu'ils désignent sous le nom de tentacule, et qui est évidemment l’ex- 
trémité antérieure du tronc commun déchiré et attenant encore à la cloche nata- 
toire à laquelle il est suspendu. Les indications de M. Lesueur avaient déjà fait 
soupçonner à Blainville l'existence d’appendices posées sur un fil contractil ; — 
mes recherches vont fournir la preuve que ces indications, comme toutes celles 
fournies par Lesueur, étaient très-exactes. 

La fig. 6, tab. 4, de l'Atlas de l’Astrolabe donne, sous le nom de Diphyes Bory, 
le dessin d'un Zoophyte qui ressemble beaucoup au tronc commun d'une Galéo- 
laire dépourvue des cloches natatoires. La forme surtout des cornets protecteurs 
est la même. Ce dessin a été copié ‘plusieurs fois sans que l’on ait remarqué qu'il 
ne peut se rapporter en aucune façon aux cinq autres dessins figurant le véritable 
Diphyes Bory, dont les auteurs, MM. Quoy et Gaimard, donnent la description sans 
mentionner le dessin fig. 6. 

La Galéolaire orangée a dans son organisation générale la plus grande ressem- 
blance avec le genre Praya. Ici aussi on ne trouve que deux grandes cloches 
natatoires placées à l'extrémité du tronc commun et servant d'appareil locomoteur 
à la colonie tout entière. On trouve de même un tronc commun extrêmement con- 
tractile sur lequel les polypes, placés de distance en distance, forment des groupes 
isolés, ayant chacun sa plaque protectrice et son organe reproducteur. Mais ce qui 
distingue la Galéolaire au premier coup d'œil, c'est le manque absolu de cloches 


natatoires spéciales appartenant à ces groupes isolés et la distinction des colonies 


112 C. VOGT. SIPHONOPHORES 112 


suivant les sexes. Il y a effectivement des Galéolaires mâles et des Galéolaires 
femelles, comme nous le verrons en traitant les organes reproducteurs ; car, sous 
tous les autres rapports, les colonies sont extrêmement semblables. Les cloches 
natatoires, les polypes avec leurs fils pêcheurs, les plaques protectrices ont exacte- 
ment la même forme dans les colonies de l’un ou de l’autre sexe, et la différence, 
quoique essentielle et même très-apparente à l'œil nu, ne se fait remarquer que 
par les organes reproducteurs. 

Les deux cloches natatoires *, placées au sommet du tronc commun, sont for- 
mées d'une substance extrêmement transparente, mais très-ferme, et d’une con- 
sistance cartilagineuse, se distinguant par ce caractère des cloches natatoires si 
molles du Praya et se rapprochant de celles des Diphyides en général. Ces deux 
cloches sont toujours de forme très-différente. La plus grande est presque cylin- 
drique, sauf une arête presque tranchante, courant le long de la face qui est 
tournée vers le tronc commun. C’est à l'extrémité antérieure de cette grande cloche 
allongée que touchent le tronc commun et une des faces de la petite cloche natatoires. 
Du côté opposé se trouve l'ouverture de la cavité natatoire, qui, dans sa forme 
générale, répète celle de la cloche en entier, et qui est bordée de quatre canaux, se 
réunissant en cercle sur le bord de l'iris musculaire établie sur l’orifice. La substance 
cartilagineuse de la cloche natatrice forme au-devant de cette ouverture six pointes 
un peu relevées, qui, par leur application, peuvent fermer presque entièrement 
l'entrée de l'orifice *. On voit encore, outre ces six pointes, deux petites éminences 
émoussées des deux côtés et deux prolongements en forme de cuiller *, que je ne 
puis mieux comparer qu'à ces œillères que l'on met sur les yeux des chevaux. Ces 
deux prolongements en cuilliers, ainsi que les deux proéminences latérales, sont 
tout à fait raides, tandis que les six pointes appliquées sur l'ouverture s'ouvrent et 
se ferment à chaque contraction de l'iris musculaire et de la cavité natatoire. 

La petite cloche natatoire est plus courte mais aussi plus épaisse que l'autre * 
et au lieu d'être droite elle est courbée en angle dans son milieu de manière 


que sa cavité natatoire aussi paraît brisée au milieu. La crête dorsale, qui chez 


! Tab. 18. 3 Tab. 18, fig. 3. 
? Tab. 18, fig. 4.  Tab.18;: fig. net 2: 


113 DE LA MER DE NICE. 113 


la grande cloche montre un contour uniforme, est relevée en bosse sur la pe- 
tite cloche et c'est par cette face bossue que la petite cloche s'adapte à la grande 
pour former une gouttière dans laquelle est logé le commencement du tronc 
commun. Il résulte de cette disposition que c’est à côté de l'ouverture de la cavité 
natatoire que le tronc commun est attaché à la petite cloche, à laquelle il tient beau- 
coup plus solidement qu'à la grande, et où l’on voit même une fente pénétrant 
dans la crête dans laquelle s'engage un ligament retenant le tronc commun. L'ou- 
verture de la petite cloche manque entièrement de ces six pointes développées 
sur la grande cloche, mais on y voit deux prolongements surmontant l'ouverture 
dont l’un correspond à la crête relevée en bosse, l’autre à la face opposée où il 
y à une carène longitudinale beaucoup moins saillante. 

L'adaption de ces deux cloches est telle que leurs parties antérieures, dans 
lesquelles se terminent les cavités natatoires en cul-de-sac et par la répulsion 
desquelles la colonie avance, se trouvent pourtant dans le même plan et que 
c'est la partie antérieure de la petite cloche qui est portée en avant lorsque la 
colonie se met en mouvement. J'ai dessiné les deux exemplaires de la tab. XVIII 
dans la position que les cloches affectent, lorsque la Galéolaire se tient tranquille 
ment à la surface des eaux. L'ouverture de la grande cloche regarde alors en haut, 
celle de la petite au contraire horizontalement de côté, et le tronc commun pend au 
devant de l'ouverture de la petite cloche. 

Le tronc commun ‘ est extrêmement mince et contractile. On distingue dans 
son milieu un canal très-mince encore par rapport à l'épaisseur du tronc et 
renflé de distance en distance aux endroits qui correspondent à la fixation des 
groupes de polypes, dont les emplacements sont marqués sur le tronc débarrassé de 
ses appendices par des bourrelets embrassant la moitié du trone commun. 

C'est sur des prolongements de ces bourrelets que sont posés les polypes 
nourriciers * qui dans cette espèce sont très-minces, très-allongés et nettement 
divisés dans les trois parties ordinaires. Le pédoncule ou la tige (b') est à peine 
contractile, rugueux à la surface et parcouru par un canal assez mince. La ca- 
vité digestive (b°) est organisée comme celle des polypes des Prayas. On y re- 


Tab. 49, fig. À et 2, a. 
ab. 19 fig. 1 et 2,74. 


114 C. VOGT. SIPHONOPHORES 114 


marque des grands espaces circulaires *, visibles déjà par un petit grossisse- 
ment, et une teinte orangée générale qui est répandue dans le tissu tout entier. 
La partie antérieure (b°) est ordinairement vermiforme, mais en se contractant 
elle montre très-souvent une forme étoilée. Sur la base du pédoncule du polype 
se remarque la touffle de bourgeons urticants (c) du milieu de laquelle sort le 
fil pêcheur (d). Cette toufle est en général beaucoup moins épaisse que chez le 
Praya, quoique du reste la structure du fil pêcheur ne diffère pas sensiblement 


? surtout ont la 


de celle signalée chez ce dernier genre. Les capsules urticantes 
même structure, à tel point même que je croyais d'abord pouvoir comprendre 
les Prayas et les Galéolaires dans le même genre et n’en faire que deux es- 
pèces. Il est donc inutile que je revienne ici sur la description de ces organes pour 
l'intelligence desquels la description donnée lors du genre Praya suffit complé- 
tement. 

Les plaques protectrices * diffèrent dans leur forme beaucoup des casques pro- 
tectrices du Praya. Ce sont des pièces pyramidales transparentes assez solides 
qui ressemblent à un cornet de papier, fendu dans toute sa longueur et dans 
l'intérieur desquels sont fixés les polypes et les organes reproducteurs. On pour- 
rait croire d'après les dessins de la planche 19 que la plaque protectrice du 
mâle fût beaucoup plus large que celle de la femelle. J'aurais pu donner d’au- 
tres dessins qui auraient fourni l'apparence du contraire, car suivant qu'on 
regarde le cornet de côté, comme c’est le cas dans le dessin représentant le po- 
lype femelle, ou suivant qu'on le voit de face, comme c’est le cas pour le polype 
mâle, il se montre plus ou moins large. Le cornet est fixé au tronc commun 
à peu près dans le tiers antérieur de sa hauteur par une attache filamenteuse, 
qui se termine par un petit bouton (f) et qui est comme d'ordinaire opposé au 
pédoncule du polype, tandis que les organes reproducteurs sont fixés à côté de ce 
dernier. 

J'ai dit que les organes reproducteurs étaient différents chez les différentes 
colonies et qu'il y en avait des mâles et des femelles. Ce fait saute déjà aux 


2 Tab. 20; fig. 3. 
OT A0 fr 00) 
Tab 419 fie-ti 


115 DE LA MER DE NICE. 115 


yeux par la couleur différente de ses appendices, les testicules ayant une cou- 
leur rouge vermillon excessivement brillante, tandis que les appendices femelles 
sont parfaitement transparentes et incolores. J'ai examiné plus de vingt individus 
de chaque sexe, j'ai eu devant moi souvent deux ou trois colonies de chaque sexe 
établie chacune dans un bocal différent et malgré l'examen le plus scrupuleux 
je n'ai jamais pu trouver des organes mâles et femelles réunis sur la même co- 
lonie. On peut bien penser, que ce fait m'intéressait d'autant plus, que j'avais 
constaté sur toutes les autres colonies, traitées dans les chapitres précédents un 
hermaphrodisme complet en ce sens, que les organes reproducteurs males et fe- 
melles se trouvaient toujours réunis sur la même colonie. Je puis donc me pronon- 
cer ici avec une certitude pleine et entière en constatant cette exception à la 
règle. | 

Les organes femelles ‘ sont fixés sous la forme de bourgeons arrondis sur le 
pédoncule même des polypes près de l'angle que fait ce pédoncule avec le tronc 
commun. Ils se forment par bourgeonnements et on les trouve d'autant plus dé- 
veloppés que le groupe, auquel ils appartiennent, est plus éloigné des cloches 
natatoires. On ne voit d’abord qu’une petite verrue creuse à parois assez épaisses. 
Le plus jeune bourgeon chez lequel j'ai pu distinguer quelque chose est repré- 
senté dans la fig. 4. Il est ovoide et formé par une substance externe transparente 
et solide, dans laquelle quatre rayons montent depuis la tige vers le sommet. 
Son intérieur est rempli de masses vitellaires granulées et sphériques, au milieu 
desquelles je n'ai pu distinguer qu'avec peine la vésicule germinative. À mesure 
que le bourgeon se développe (fig. 5.) les œufs augmentent en nombre dans son 
intérieur, perdent leur aspect granulé, deviennent transparents et laissent aper- 
cevoir alors dans l'intérieur deux contours concentriques, dont l’un, le plus grand 
est celui de la vésicule germinative, et l’autre de beaucoup plus petit celui de la 
tache germinative. L'enveloppe externe semble alors plus mince sur le sommet 
que sur les bords. Enfin au dernier degré de développement que j'ai vu, (fig. 6) 
et qui ne se trouve que sur des individus très-developpés, cette enveloppe externe 


s'est transformée en une ombrelle allongée, étroite, très-transparente, ayant un 


‘ Tab. 49, fig. 2, g. Fig. 4-6. 


116 C. VOGT. SIPHONOPHORES 116 


orifice rond, entouré d'une iris musculaire et surmonté des deux côtés par deux 
éminences émoussées et triangulaires comme par deux oreilles. Les œufs devenus 
plus grands sont fortement entassés dans le sac intérieur pendant du sommet 
de l’ombrelle et prennent alors par la pression une forme polygonale. Ces œufs ! 
montrent distinctement deux contours du vitellus, au milieu duquel se voient la 
vésicule et la tache germinative. Les bourgeons reproducteurs arrivés au point 
décrit laissent fort bien voir des contractions de l’ombrelle et se détachent très- 
facilement pour nager librement dans le liquide ambiant. 

Les bourgeons des organes reproducteurs mâles * se développent suivant le 
même principe avec celte différence seulement que le sac intérieur (?) se sépare 
de fort bonne heure de son enveloppe externe (A) et commence à se colorier en 
jaune. On distingue alors au milieu de ce sac un canal longitudinal, dans lequel 
pénètre le liquide nourricier depuis le tronc commun et qui à cause de sa trans- 
parence paraît moins colorié. L'enveloppe extérieure se détache de ce sac inté- 
‘rieur beaucoup plutôt que chez les femelles de manière qu'il faut déjà remonter 
près des cloches natatoires pour trouver des bourgeons mâles chez lesquels l'en- 
veloppe n'est pas encore transformée en ombrelle natatoire, tandis que dans 
les colonies femelles ce ne sont que les organes reproducteurs des derniers polypes 
chez lesquels l'ombrelle est parfaitement formée. La couleur rouge-orange aug- 
mente chez les bourgeons mâles à mesure que les Spermatozoïdes dans l'intérieur 
se développent, et dans les colonies vigoureuses ce sont toujours les dix ou vingt 
derniers groupes au milieu desquels on remarque le sac allongé d’une couleur 
vermillon brillante, ayant à peu près la grosseur d’une tête d’épingle. Les om- 
brelles contenant ces sacs de couleur intense se détachent avec une extrême faci- 
lité et nagent avec beaucoup de vivacité pendant plusieurs jours dans les bocaux 
dans lesquels on tient les Galéolaires. L'ombrelle elle-même est formée sur le type 
ordinaire — elle est conique, allongée, à quatre canaux réunis au bord de l'iris mus- 
culaire. Elle montre sur le côté qui est tourné vers le polype une proéminence 


triangulaire. 


Tab. 19, fig. 7 et 8. 
Ab MO AT: 


: 4 DE LA MER DE NICE. ; 1 C 


J'ai trouvé plusieurs fois des organismes, que je crois pouvoir considérer comme 
des jeunes Galéolaires. 

Le plus petit de ces individus représenté ‘ sous un grossissement de cent cin- 
quante diamètres était parfaitement invisible à l'œil nu, et ce n’est que par ha- 
sard que je l'ai ramassé en prenant avec un verre de montre les organismes qui 
flottaient à la surface d'un large bocal, dans lequel j'avais réuni le produit d'une 
pêche faite le 14 septembre 1851. Cet organisme consiste dans une boule de 
substance gélatineuse (a) très-transparente , au dessous de laquelle pend un po- 
lype nourricier (b) contracté lui-même considérablement, mais teint faiblement 
en orange. Ce polype dont on voit parfaitement la tige courte, la cavité digestive 
sphérique et la bouche est attaché à une masse pyriforme de couleur orange 
aussi (c), qui est enchassé au milieu du globe gélatineux et dont la partie élar- 
gie (d) est composée de cellules arrondies massées ensemble (fig. 11) et ne mon- 
trant aucune structure intérieure. À côté du polype se trouve une touffe de 
bourgeons (e) finement granulés, qui sont évidemment des bourgeons d'organes 
urticants et de l’autre côté on voit un bourgeon plus clair et entièrement sphé- 
rique (f) ayant une cavité au milieu, qui ressemble à un bourgeon de cloche 
natatoire. 

Un individu plus développé, dessiné sous le même grossissement * et visible déjà 
à l'œil nu, fut pêché le 3 septembre de la même année. Le globe gélatineux (a) a 
pris ici une forme plus allongée. Dans son milieu se voit un espace fusiforme (b) 
rempli par des cellules très-transparentes dont les contours ont un reflet jaunâtre. 
Au haut de cet espace était engagée une très-petite bulle d'air entourée d’un pigment 
rouge foncé. L'espace rempli par ces cellules s'ouvre largement dans le bas du 
globe gélatineux par une ouverture circulaire (c), autour de laquelle on voit des 
rides comme si l'ouverture était resserrée par un oûrlet. De cette ouverture part 
un pédicule transparent, creux (d), auquel est attaché au milieu un polype nour- 
ricier (e) complétement formé et montrant déjà ses trois parties constituantes, le 
pédoncule, la portion digestive et la portion vermiforme antérieure. A côté du 
polype se trouve la touffe des bourgeons (f) de capsules urticantes, dont quelques- 


Tab. 19; fig. 40: 
? Tab. 19, fig. 12. 


118 C. VOGT. SIPHONOPHORRS 118 


unes sont déjà presque entièrement formées et coloriées en jaune. De l’autre côté, 
on voit un bourgeon reproducteur (g) énorme par rapport au polype ‘. C’est une 
ombrelle natatoire enfermée encore dans un étui transparent, au milieu de laquelle 
pend un énorme sac ovoïde remplissant toute la cavité de l’ombrelle et la dépassant 
même du tiers de sa longueur. Entre le pédoncule, par lequel ce bourgeon repro- 
ducteur est attaché, et entre le pédoncule du polype se montre le même bourgeon 
circulaire (A) ayant un canal au milieu, que nous avons déjà signalé dans l'individu 
précédent et qui s’est fort peu développé. 

Un troisième individu * fut pris le 15 juillet 1851, et son développement est tel, 
que l'on ne pourrait guère nier les rapports étroits qui le lient à la Galéolaire 
adulte. Le globe gélatineux (a) s'est allongé encore davantage, il s'est ouvert par 
Je bas (k) et commence à se fendre en long, de manière à prendre la forme de cor- 
net. Le canal (b), rempli de cellules qui occupe son milieu, s’est allongé encore 
davantage. Une petite bulle d'air occupe son sommet ; à son orifice inférieur (c) est 
attaché le tronc commun (d), sur lequel est fixé un polype nourricier entièrement 
formé, un bourgeon circulaire et un bourgeon reproducteur. Le polype a un fil 
pêcheur (1) entièrement développé; le sac interne du bourgeon reproducteur a les 
rapports ordinaires avec l'ombrelle qui l'entoure entièrement. Il est donc impos- 
sible de méconnaitre dans cet individu, qui avait un millimètre de long, un groupe 
isolé de la Galéolaire qui est déjà complet en sa qualité de groupe individuel, ayant 
polype nourricier, cornet protecteur et bourgeon reproducteur, et qui maintenant 
sans doute va se compléter en poussant d’abord les organes de la colonie entière 
(tronc commun, cloches natatoires) ; puis d’autres bourgeons destinés à former 
une colonie entière. Cet individu donne en même temps l'explication nécessaire des 
individus plus jeunes avec lesquels il forme une série continue, de manière à per- 
mettre la détermination précise d'organes, qui, chez ces individus très-jeunes, 
n'ont pas encore leur forme caractéristique. 

Ce qui pourrait étonner dans l’organisation de ces jeunes individus, c’est le déve- 
loppement si précoce et si considérable des organes reproducteurs, qu’on est ha- 


bitué de voir se développer ordinairement en dernier lieu. Ce développement suit 


#Tab.19, fig. 13. 
Tab 21. 1: 


119 | DE LA MER DE NICE. 119 


pourtant celui des autres organes individuels, si je puis m'exprimer ainsi, c’est- 
à-dire des autres appendices composant le groupe isolé, et il précède seulement 
l'apparition des organes coloniaux, savoir des cloches natatoires et du tronc com- 
mun. Or, si l’on réfléchit que toutes les colonies se forment par augmentation d’un 
germe individuel, par addition de groupes nouveaux formés par bourgeonnement, 
à un groupe isolé primitif, on comprend que ce groupe peut se former d’abord de 
toutes pièces avant que le bourgeonnement coloniaire commence. C'est ce qui a 
lieu dans les jeunes Galéolaires ; — le groupe isolé, provenant de l'œuf, termine 
d'abord l'édifice isolé de son ensemble, avant de donner lieu à des bourgeons qui 
doivent, avec le temps, former la colonie composée. 

En suivant le développement des bourgeons reproducteurs tel qu’il se présente 
dans les jeunes individus recueillis par moi, on trouve plusieurs faits importants à 
signaler. Qu'on compare la fig. 13, tab. 19, à la fig. 2 de la tab. 21. Dans le pre- 
mier bourgeon, la tige est énorme, très-large; une première enveloppe, fendue 
toute de son long, entoure une seconde ombrelle très-épaisse, courte, à ouverture 
ronde, de laquelle sort l'extrémité antérieure d’un sac très-épais, qui pend du 
sommet de l’ombrelle et remplit sa cavité presque entière. 

Les différences sont grandes de cette forme à celle de la fig. 2, tab. 21. L’enve- 
loppe externe a presque disparue ; elle ne se remarque qu'en haut autour du tronc 
de communication avec le tronc commun. L'ombrelle interne, au contraire, a pris 
le dessus ; elle est fort grande, ses quatre canaux parfaitement dessinés et réunis 
par des anastomoses transversales. Le sac interne, en revanche, est très-petit, on 
le dirait flasque et sans vie, tellement il semble contracté et vide. La surface externe 
est couverte de cellules en pavé ; — sa cavité ne contient, pas plus que celle du sac 
de la figure précédente, aucune trace d’un produit génésique déterminé. 

On remarque donc sur les bourgeons reproducteurs, comme sur le groupe en 
entier, la tendance primitive d'une formation exubérante d'organes protecteurs 
qui, plus tard, sont ramenés à de justes limites. 

La position zoologique des Galéolaires est marquée, comme nous l'avons déjà 
dit, à côté des Prayas, dont elles ne diffèrent que par l'absence d’une cloche nata- 
toire propre pour chaque groupe et par la bisexualité des colonies. Dans tous les 


autres organes on ne saurait voir que des différences spécifiques. 


120 C. VOGT. SIPHONOPHORES 120 


VIIL. 


SUR LES GENRES ABYLA ET DIPHYES. 


(ra8. 15, FIG. 4 ET 5. TAB. 20, FIG. 4-7. TAB. 21, FIG. 3-13.) 


Le genre Diphyes, établi par Cuvier sur un Zoophyte trouvé par Bory de Saint- 
Vincent, fut longtemps le seul type connu d’une famille, adoptée généralement 
aujourd'hui et qui a été enrichie surtout par les observations de Lesueur, Esch- 
scholtz, Quoy et Gaimard. Aujourd’hui cette famille compte un grand nombre de 
genres et de sous-genres, qu'on s’est efforcé à classer convenablement ou à réduire 
à des divisions moins nombreuses. 

MM. Quoy et Gaimard, après avoir créé d’abord une quantité de genres (Calpe, 
Abyla, Cuboides, Enneagonum, etc.), genres adoptés et augmentés par Eschscholtz 
et Blainville, réduisirent plus tard toutes les formes connues dans le seul genre 
Diphyes, et revinrent ainsi à la manière de voir de Cuvier. Eschscholtz, dans son 
Système des Acalèphes, rangea les genres adoptés par lui dans deux divisions, 
suivant le nombre des suçoirs (polypes nourriciers). Il rangea dans la première 
division tous les genres pourvus d’un seul suçoir ; dans la seconde, ceux à plusieurs 
suçoirs. M. Lesson adopta cette division, en appelant les premiers monogastriques ; 
les seconds polygastriques ; — mais, tandis qu'Eschscholtz conservait encore un 
grand nombre de genres, M. Lesson fit une réduction considérable, en n'ad- 
mettant, parmi les monogastriques, qu’un seul genre, Microdiphyes, et parmi les 
polygastriques que deux, les Diphyes à pièces presque égales et les Hétérodiphyes à 
pièces inégales. Pour faciliter l'intelligence de ces genres nombreux, M. Lesson 


garda les genres de Eschscholtz comme sous-genres. 


121 DE LA MER DE NICE. 121 


Le présent mémoire conduira peut-être à de nouvelles simplifications. Les Di- 
phyides monogastriques sont en effet inadmissibles ; — ce sont les groupes formés 
à l'extrémité du tronc commun des polygastriques et qui se détachent facilement. 
Enfin, si mes prévisions se réalisent, les Diphyes de M. Lesson seront regardées 
comme les colonies femelles, les Hétérodiphyes comme les colonies mâles, et on 
reviendra peut-être ainsi de nouveau à un seul genre, Diphyes, contenant plusieurs 
espèces, dont la synoymie sera difficile à débrouiller. 

En attendant la solution des questions qui viennent de surgir, je préfère de me 
servir des noms admis jusqu’à présent par les auteurs. 

Le genre Abyla de Eschscholtz correspond exactement au genre Hétérodiphyes 
de Lesson, qui, par conséquent, est parfaitement inutile. Il comprend les sous- 
genres Abyla et Calpe de Quoy et Gaimard, et s'applique aux Diphyides polygastri- 
ques, dont les parties solides sont composées de deux parties inégales, portant 
chacune une cavité natatoire. 

L'espèce d'Abyle, que j'ai rencontré fréquemment dans la baie de Villefranche, 
se rapporte parfaitement à l'espèce suivante, découverte par MM. Quoy et Gaimard 


à Gibraltar. 


Abyla trigona, Quoy et Gaimard. Ann. Sc. natur., tom. X, 1827, 2 B. f. 1-8. 
» » Eschscholtz. Syst. d. Acaleph. p. 131. 
» ) Blainville. Man. d'Actinol. tab. 4, f. 4. 

Diphyes abyla, Quoy et Gaimard. Voy. Astrolabe, tab. 4, fig. 12-17. 


Quant à l'espèce de Diphyes, observée par moi dans la mer de Nice, je ne saurais 
lui appliquer exactement une des descriptions d'espèces données jusqu’à présent, 
et J'aime mieux m'abstenir d’un nouveau nom que de charger encore la nomen- 
clature, 

Les parties solides de l'Abyle sont composées de deux cloches natatoires de 
grandeur fort inégale, qui sont juxta-posées de manière à former par leur agglu- 
tination une seule pièce de forme pyramidale, qui, chez l'espèce qui nous occupe, 
a une base triangulaire. L’analogie de cette organisation avec la Galéolaire est 
frappante; chez les Abyles aussi c’est la petite cloche natatoire qui sert surtout à 


l'attachement du tronc commun. Mais, tandis que chez les Galéolaires l'inégalité 
16 


122 C. VOGT. SIPHONOPHORES 122 


entre les deux pièces est très-petite, elle se montre poussée au plus haut point chez 
les Abyles, où la faculté motrice de la petite cloche est extrêmement réduite, et où 
cette pièce est surtout construite en vue de former une pièce d’attachement et de 
protection pour le tronc commun, de manière que la cavité natatoire y occupe une 
place fort restreinte. 

La fig. 4 de la tab. 20 fera peut-être mieux comprendre la forme de cette pièce 
antérieure de l'Abyle qu’une longue description. C'est une pièce (a) de crystal 
aplatie, taillée en facettes, dont la pointe anguleuse est tournée en avant. La sub- 
stance est très-dure, homogène, mais entièrement transparente. Les bords posté- 
rieurs de la pièce qui s'appliquent sur la pointe antérieure de la grande pièce nata- 
trice sont finement dentelés en scie, tandis que les autres arètes sont parfaitement 
rectilignes. Au milieu de la pièce, à peu près cachée dans son intérieur, se trouve 
l'extrémité du tronc commun (b), remarquable par la grande quantité de bour- 
geons qui l'entourent. De cette extrémité partent trois cordons ligamenteux, creu- 
sés au milieu, dont chacun se rend à une pièce différente, l'un (c) à la petite cloche 
natatoire (f) cachée dans la pièce terminale, l'autre (d) à un grand espace pyri- 
forme (g), rempli de cellules transparentes et creusé du côté opposé à la petite 
cloche natatoire. Le troisième cordon (e), enfin, se rend en arrière à l'extrémité 
antérieure de la grande cloche natatoire (h). 

La petite cloche natatoire (f), cachée dans la pièce terminale, a une forme allon- 
gée, un peu renflée au milieu, amincie sur les deux bouts arrondis. Elle a une 
ouverture circulaire (f”) garnie d'une iris musculaire, qui est dirigée en arrière, 
tandis que son grand axe court à peu près parallèlement à une des facettes latérales 
qui partent du sommet de la petite pièce, et que son fond postérieur est très-peu 
éloigné de ce dit sommet. Deux canaux (f*), élégamment courbés, partent à peu 
près au milieu de la longueur totale de la cloche, depuis le point d'attache avec le 
tronc commun. Arrivés au milieu de l'épaisseur de la cloche, chacun de ces canaux 
se divise en deux branches ; — les branches postérieures (f°) se rendent directement 
en arrière pour arriver sur le bord de l'iris musculaire, lequel est entouré d'un 
canal circulaire, dans lequel ces branches aboutissent. Les branches antérieures (/*), 
se portent directement vers le fond en cul-de-sac de la cloche et se rencontrent en 


ce point pour se confondre. 


123 DE LA MER DE NICE. 123 


Vis-à-vis de la cavité natatoire, que nous venons de décrire, se trouve une grande 
cavité (g) de forme assez variable, mais ordinairement plus ou moins globuleuse, et 
qui se continue en avant sur le sommet de la petite pièce anguleuse en un canal 
étroil (g') cylindrique, rempli de petites cellules, ayant un aspect granuleux. On 
trouve souvent à l'extrémité en cul-de-sac de ce canal une petite bulle d’air, qui 
probablement y arrive par les aliments ingérés; mais cette bulle d'air n’a rien de 
constant et manque dans beaucoup d'individus. La grande cavité, dont dépend le 
canal, est remplie de cellules très-grandes tout à fait limpides, qui laissent au milieu 
un espace plus ou moins considérable. On voit déjà par cette structure que cette 
cavité est l'analogue de ces cavités en forme de raquette, dont nous avons signalé 
l'existence chez le genre Praya. 

Le troisième cordon (e) se rend parallèlement au tronc commun en arrière pour 
se fixer au sommet de la grande pièce natatoire, laquelle s'adapte dans le creux 
formé dans le bas de la petite pièce anguleuse. Cette grande cloche natatoire * 
pyramidale est ornée de trois côtes saillantes qui se terminent en arrière par des 
pointes proéminentes, surmontant l'ouverture circulaire de la cavité natatrice. La 
carêne saillante, qui correspond au côté sur lequel se trouve l'ouverture de la petite 
cloche natatoire, se prolonge latéralement par une lamelle assez mince, dentelée en 
scie sur son bord. Cette lamelle, s’adaptant sur le côté angulaire de la pyramide, y 
produit une gouttière longitudinale par laquelle le tronc commun peut sortir ou 
se retirer. La cavité natatoire elle-même, qui se trouve dans la grande pièce, n’a 
rien de particulier, et, sauf la lame mentionnée qui forme la rigole pour:le tronc 
commun, la pièce détachée pourrait à peine être distinguée d'une cloche détachée 
de Galéolaire. Les deux pièces décrites de l'Abyle se séparent en effet avec une 
assez grande facilité par la rupture du pédoncule d’attachement (e), entre la grande 
cloche et le tronc commun que nous avons mentionné, et le tronc commun reste 
alors entièrement attaché à la petite pièce terminale, dans le creux de laquelle il 
peut se retirer au besoin. La grande pièce natatrice, détachée ainsi, reste encore 
très-longtemps douée de contractilité , et voyage isolée au milieu des eaux de 


la mer. 


IMPab-221, fig 3: 


124 C. VOGT. SIPHONOPHORES 124 


Le tronc commun (b fig. 4 tab. 20) est comme chez les genres précédents 
très-mince et excessivement contractile. On a réellement peine à croire, que ce 
cordon si long que les Abyles font sortir de temps en temps, puisse se retirer dans 
un espace aussi restreint que celui offert par les deux cloches natatoires. Quoi- 
qu'il en soit, le tronc commun est un canal muscuiaire très-mince sur lequel sont 
fixés les différents polypes (1) formant des groupes distincts. Dans le commence- 
ment du tronc les polypes sont dépourvus de toute pièce accessoire, sauf la 
touffe de bourgeons de capsules urticantes (k) qui entourent leur base. Les po- 
lypes se montrent de plus en plus développés vers l'extrémité inférieure du 
tronc commun et tandis qu'ils font voir les divisions ordinaires en trois com- 
partiments on voit aussi se développer leurs appendices. Le fil pêcheur grandit, 
les bourgeons placés en touffe autour du pédoncule du polype se tordent en 
spirale et deviennent à la fin des capsules urticantes placées sur des fils secon- 
daires. Ces capsules ‘ se rapprochent beaucoup dans leur structure de celles des 
Galéolaires et des Prayas. C’est un cordon jaune formé par des sabres urticants 
posés en rangées verticales et contourné en demi-ellipse, au centre duquel se 
trouvent quelques fèves urticantes extrêmement allongées. Le cordon se continue 
en un fil terminal enroulé ordinairement en spirale et hérissé de toute part 
de petits sacs pyriformes urticants et parfaitement incolores, dans l'intérieur 
desquels on voit avec la plus grande facilité le fil contourné en spirale. 

Les organes reproducteurs * manquent entièrement aux polypes placés au 
sommet du tronc commun tels que je les ai représentés dans la fig. 4, tab. 20. 
Sur le milieu à peu près de la longueur du tronc commun on aperçoit les bour- 
geons reproducteurs (fig. 7 d) placés vis-à-vis du pédoncule d'attache des po- 
lypes, et formés de la manière ordinaire par une substance transparente ex- 
terne, couverte de cellules en pavé et par une substance interne dans laquelle 
sont creusés quatre canaux. Bientôt ces bourgeons se développent davantage 
et de très-bonne heure déjà on voit leur transformation en cloches médusifor- 
mes. En effet le bourgeon fig. 11 montre déjà au milieu d'une cloche un peu 
allongée et couverte encore de cellules épidermoïdales en pavé, le sac testicu- 


1 Tab. 21, fig. 3. 
2 Tab. A, fig. 7 à 13. 


125 DE LA MER DE NICE. 125 


laire qui est assez petit et dans l’intérieur duquel on voit la cavité, autour de la- 
quelle vont se déposer les Spermatozoïdes. On devrait donc s'attendre à une 
croissance uniforme de ces parties et à un développement de l’ombrelle correspon- 
dant au développement du sac et des Spermatozoïdes dans son intérieur. L’om- 
brelle se développe en effet, elle acquiert des dimensions colossales et s’entoure 
de masses transparentes, extrémement solides et taillées sur quatre facettes ‘ qui 
surmontent l'ouverture extérieure de l’ombrelle par quatre pointes tranchantes. 
Mais le sac à l’intérieur de l’ombrelle reste à peu près à son point primitif de dé- 
veloppement. La formation des Spermatozoïdes n'avance point, et il paraît que 
toute la force formatrice du bourgeon est employée pendant longtemps pour dé- 
velopper des pièces protectrices, dures, taillées en facettes comme des cristaux 
et qui entourent non-seulement l’ombrelle testiculaire, mais aussi le polype nour- 
ricier et son fil pécheur. Il se forme ainsi à l'extrémité du tronc commun des 
Abyles, des groupes presque indépendants, entièrement isolés, et qui, chose cu- 
rieuse, se détachent très-facilement en entier du tronc commun pour flotter li- 
brement dans les eaux. J'ai donné plusieurs dessins, que je puis qualifier d’exacts 
de ces groupes singuliers que j'ai pris dans le commencement pour des colonies 
nouvelles formées par bourgeonnement sur l'extrémité du tronc commun. C’est 
un assemblage d’une multitude de pièces polygonales, d'une transparence par- 
faite, taillées en facettes et retenues ensemble dans leur position respective par 
des cordons assez considérables donnant dans des espaces remplis de cellules et 
semblables aux espaces signalés dans les cloches natatrices. Du milieu de ce 
paquet de pièces cristallines et taillées en facettes pend cette énorme cloche nata- 
trice testiculaire, au milieu de laquelle se trouve un très-petit sac que l’on pourrait 
tout aussi bien prendre pour un estomac en voie de formation, que pour un 
sac qui se remplira de Spermatozoïdes. Enfin à côté de cette cloche natatrice 
si étrangement garnie de côtes et de pointes, se voit toujours un polype nour- 
ricier, mais qui à l'air amoindri, rabougri et qui paraît sur le point de dépérir. 
Ce qui est singulier, c’est que la cloche natatrice testiculaire ne se détache ja- 


mais seule comme chez les Galéolaires ou chez les autres genres que nous venons 


‘ Tab. 20, fig. 7. Tab. 21, fig. 12 et 13. 


126 C. VOGT. SIPHONOPHORES _ 126 


d'examiner; mais que ce sont toujours les polypes et les pièces protectrices 
qui se détachent ensemble du tronc commun avec la cloche, de sorte que le groupe 
‘tout entier se sépare de ce dernier. 

Si l'on compare la structure de ces groupes fixés à la dernière extrémité des 
Abyles avec les descriptions et les dessins des Diphyides monogastriques (Cymba, 
Enneagonum, Cuboïdes, Cucubalus, Cucullus, Eudoxia, Ersaea, Aglaisma, etc). 
on se convaincra facilement, que l’organisation est identique et qu'il n'y a que 
des variations de forme et de détails. Le plan général de tous ces genres men- 
tionnés renferme une pièce taillée en facettes, à laquelle est attachée un seul 
polype nourricier et une seule cloche natatoire. C'est comme on voit, le même 
plan comme pour les appendices décrites et je me crois par conséquent fondé 
en disant que tous les genres de Diphyides monogastriques doivent être rayés des 
cadres zoologiques, parce que ces genres ne sont fondés que sur des appendices 
mutilées de Diphyides polygastriques, c'est-à-dire sur les groupes terminaux 
des colonies appelées Diphyides. 

Je dois mentionner encore une particularité. J'ai examiné beaucoup d’Abyles ; 
— presque toutes avaient les groupes terminaux que Je viens de décrire au bout 
de leur tronc commun, mais tous ces groupes étaient mâles. Je n'ai jamais trouvé 
une Abyle qui aurait présenté un groupe femelle. Est-ce un hasard ou bien les 
Abyles son-telles seulement des colonies mâles dont les femelles ne seraient pas en- 
core connues ? 

J'ai mentionné plus haut une espèce du genre Diphyes que j'ai rencontré 
aussi assez souvent dans les mers de Nice, mais dont je n'ai fait guère une étude 
très-approfondie. J'ai donné sa figure tab. 16, fig. 5. Examiné avec attention, le 
genre Diphyes ne diffère par aucun point de sa structure de ce plan général 
d'organisation, qui se trahit aussi dans les Abyles, les Galéolaires et les Prayas. 
Il y a toujours deux cloches natatoires posées au bout du tronc commun. La 
différence du genre Galéolaire, par exemple, ne consiste que dans l'emboîtement 
de ses deux cloches natatoires. Dans la cloche antérieure est fixé le tronc commun 
sur un espace fusiforme rempli de cellules exactement comme dans l'Abyle. La 
pièce inférieure porte à côté de sa cloche natatoire une gouttière par laquelle 


sort et rentre le tronc commun. La différence ne consiste donc que dans l'em- 


127 DE LA MER DE NICE. 127 


boïtement des deux cloches natatoires et dans leur développement réci- 
proque. 

Le tronc commun, les polypes fixés dessus ne m'ont paru différer en rien de ceux 
de l’Abyle. La seuie différence qui existe, c'est que des pièces protectrices de forme 
lancéolaire commencent à se montrer à peu près au milieu du tronc commun. 
Sur chaque polype nourricier est placé une pièce semblable. Il se développe 
peut-être aussi à l'extrémité du tronc commun des groupes analogues à ceux dé- 
crits chez les Abyles, mais les bourgeons reproducteurs que j'ai vu et qui ne dif- 
féraient en rien du type ordinaire étaient toujours femelles. M. Keælliker fait la 
même remarque ; les Diphyes qu'il a examiné à Messine ne portaient que des cap- 
sules ovigères et jamais d'organes mäles. Serait-il donc téméraire, de supposer 
que les Diphyes sont les colonies mâles et les Abyles les colonies femelles d'un 
même genre et d’une même espèce? Nous avons déjà vu dans la Galéolaire un 
exemple de colonies dioïques, mais dans les Galéolaires les cloches natatoires 
sont de la même forme chez les colonies des deux sexes. Ici la diversité serait 
poussée plus loin. Les cloches natatoires, quoique construites sur le même plan 
diffèreraient dans leur forme chez les colonies de sexe différente. 

Je dois dire que M. Huxley était déjà arrivé avant moi à des conclusions sem- 
blables. Dans une notice ‘ trop courte et qui m'avait échappé jusqu’à présent, 
M. Huxley s'exprime ainsi : 

« Dans tous les Diphyides, observés par moi (Diphyes, Calpe, Abyla, Eudoxia, 
Aglaisma, Cuboïdes, Enneagonum) l'organe reproducteur est un corps médusi- 
forme comme chez certaines Corynes. Il consiste en une cavité en forme de cloche 
entourée de quatre canaux rayonnants qui se réunissent à la périphérie dans 
un canal circulaire. Le bord interne de la cloche a une membrane circulaire 
comme beaucoup de méduses — mais on ne trouve ni tentacules, ni vésicules ou 
taches coloriées. 

» Un sac pyriforme, semblable à l'estomac d'une méduse, pend du sommet de la 
cloche. Mais ce sac n’est point ouvert à son extrémité et les éléments génésiques, 


œufs ou Spermatozoïdes se développent dans ses parois. La cavité ovale du sac 


‘ Archives de J. Müller pour l’Anatomie et la Physiologie, 1851, p. 381. Tab. 17. 


128 C. VOGT. SIPHONOPHORES 128 


porte des cils vibratils et communique avec le système des canaux et avec la cavité 
générale du polype ou de la colonie, aussi longtemps que l'organe est attaché à la 
Diphye. 

« Les Diphyes monogastriques ne développent qu'une seule espèce d'organes 
générateurs et tous les polypes d’une Diphye polygastrique non plus qu'une seule 
espèce — les Diphyides sont donc, sans aucun doute — unisexuels. » 

M. Huxley décrit encore le développement des bourgeons reproducteurs et il 
donne d’excellents dessins, qui prouvent à l'évidence, que l'Eudoxie figurée par lui 
n'est autre chose, qu'un groupe terminal d’Abyle, tel que je l'ai représenté dans 


mes figures. 


129 DE LA MER DE NICE. 129 


IX. 


GÉNÉRALITÉS. 


Lesueur est le premier auteur qui ait prononcé l'opinion que les Stéphanomies 
(Apolémies) et les organismes voisins pourraient bien être des animaux composés. 
Dans la note accompagnant le dessin de l'Apolémie uvaire *, il dit textuellement : 
« MM. de Lamark et Blainville, auxquels j'ai communiqué mes observations, ont 
pensé avec moi que les Stéphanomies, dont je donne une figure, n'étaient, ainsi 
que je viens de le dire, que des animaux vivant en société. » 

Cependant, on chercherait en vain dans les ouvrages des naturalistes cités par 
Lesueur une trace de cette opinion, que M. Milne-Edwards a cité passagèrement 
dans son travail sur l'Apolémie contournée, sans toutefois la combattre ou l'ac- 
cepter. Les classificateurs avaient totalement oublié cette manière d'envisager ces 
organismes, et je croyais réellement avoir trouvé quelque chose de nouveau, 
lorsque, en 1846, je dus me convaincre par l'observation, que les Apolémies et les 
Prayas étaient des colonies de polypes hydraires, appropriées à la nage. M. Leuckardt, 
dans son travail cité sur les Physalies et les Siphonophores en général, se saisit de 
cette idée, exprimée par moi encore avec quelque doute dans l'ouvrage « Océan 
et Méditerranée, » et tous les observateurs modernes, parmi lesquels surtout 
MM. Huxley et Kælliker, ont adopté et étayé par des nouvelles preuves cette opi- 
nion, de manière que l'on peut dire aujourd'hui qu’elle a généralement prévalue. 

La structure des polypes nourriciers attachés à toutes ces colonies étant connue 
aujourd’hui dans tous ses détails, il ne peut pas y avoir de doute, que c’est à côté 


des polypes hydraires, des Hydres, Sertulaires, Corynes, etc., qu'il faut ranger les 


‘ Journal de physique, 1813. 
17 


130 C. VOGT. SIPHONOPHORES 130 


polypes nageants. L'organisation est absolument la même, et le naturaliste, auquel 
on présenterait un polype nourricier d'Agalme, par exemple, isolé de son tronc 
commun, n'hésiterait pas un instant à le reconnaître comme appartenant à cette 
grande division des polypes hydraires. L'existence d’une cavité digestive simple, 
sans parois propres, creusée dans la substance du corps, la communication de cette 
cavité digestive avec un système de canaux réunissant tous les individus entre eux 
et remplis par le fluide nourricier mis en mouvement par des cils vibratils, et enfin 
la construction des organes reproducteurs sous forme de bourgeons extérieurs, 
entrainant l'absence complète d'organes sexuels internes, décident irrévocablement 
en faveur de cette opinion. Tous ces caractères éloignent également les Siphono- 
phores des polypes proprement dits ou des Anthozoaires, chez lesquels on trouve 
une cavité digestive à parois propres et des organes sexuels internes. 

Tous les Siphonophores examinés jusqu'à présent possèdent des polypes nour- 
riciers stériles chargés uniquement de la nutrition. Chez la grande majorité aussi 
on trouve plusieurs de ces polypes stériles, suivant le développement de la colonie ; 
— la seule famille des Vélellides en fait exception, les trois genres qui la composent, 
(Vélelle, Porpite, Rataire) n'ayant qu'un seul polype stérile central. Mais nous 
savons aussi, par les observations détaillées ci-dessus sur les jeunes Physophores, 
Agalmes et Galéolaires, que l'organisme sortant de l'œuf ne possède jamais plus 

d'un seul polype nourricier, et que les autres viennent s’y joindre par bourgeonne- 
ment, en agrandissant ainsi la colonie presque à l'infini. 

Des individus nourriciers stériles se voient aussi chez plusieurs polypes hydraires 
fixes, notamment chez les Sertulaires, les Campanulaires et les Synhydres ; — tan- 
dis que chez beaucoup d’autres polypes hydraires fixes on ne trouve qu’une seule 
espèce d'individus, nourriciers par leur partie antérieure, prolifères par la base ou 
une autre partie de leur corps. 

Une différence notable se fait remarquer entre la plupart des polypes hydraires 
lixes et les polypes nageants quant à l’armature. Aucun polype nourricier de Sipho- 
nophores ne possède des bras posés sur le pourtour de la bouche ; — on remarque 
même rarement des traces d’une disposition rayonnée dans cette ouverture. Chez 
les polypes fixes, au contraire, tous les polypes nourriciers sont armés de bras, 


généralement en nombre variable et disposés en cercle autour de la bouche. Ces 


131 DE LA MER DE NICE. 131 


bras sont surtout, quelquefois même exclusivement, hérissés de différentes sortes 
d'organes urticants, qui se trouvent aussi, comme nous l'avons vu, disséminés sur 
le corps de la majorité des polypes nageants. Ces derniers, en revanche, sont armés 
de ces formidables fils pêcheurs qui ne manquent qu'aux Vélellides, et dont l’orga- 
nisation est si complexe. Malgré la grande variété des formes, nous avons toujours 
trouvé un plan constant de structure pour cet organe de préhension ; — savoir un 
fil principal composé de tronçons et sortant d’une touffe de bourgeons, auquel sont 
attachés des fils secondaires portant des capsules ou vrilles urticantes presque tou- 
jours coloriées. La seule différence à signaler se trouve peut-être dans l’organisa- 
tion de ces corpuscules urticants qui, chez l'Hippopode et les genres à deux vési- 
cules natatoires, ont un cordon courbé seulement en demi-ellipse, tandis que chez 
les Agalmes, les Physophores et les Apolémies, ce cordon fait généralement plu- 
sieurs tours de spirale. 

Le fil pêcheur est, sans aucun doute, un organe spécial aux polypes nourriciers ; 
— son existence est liée à celle de ces derniers ; — ses mouvements dépendent de 
la volonté du polype, et non pas de celle de la colonie. Il se forme chez le jeune par 
bourgeonnement seulement après l'apparition du polype. 

Les mêmes rapports existent-ils entre les polypes et les organes protecteurs ? 

Nous avons signalé des organes protecteurs incontestables chez les Agalmes, les 
Apolémies, les Prayas, les Galéolaires et les Diphyes. Ils manquent complétement 
chez l'Hippopode. Leur existence, admise par moi chez les Vélelles et les Physo- 
phores, a été combattue, quant à ce dernier genre, par M. Kælliker. Dans les 
Agalmes, les Apolémies et les Diphyes, ces organes ont la forme d’une lame plate 
et large, presque plane, dans les Galéolaires ils forment une cornue, dans les 
Prayas un casque ; dans tous ces genres ils sont immobiles. Chez les Vélelles et 
les Physophores, enfin, ils sont devenus mobiles, contractiles, vermiformes et 
subulés, ce qui leur a valu le nom de tentacules. Je ne reviendrai point sur les 
raisons, tirées de la position et de la structure, et exposées plus haut, qui me font 
retenir mon ancienne opinion sur ces appendices, contrairement à celle d'une 
autorité aussi considérable que l’est M. Kælliker ; — je ferai seulement remarquer, 
que la motilité de ces appendices ne peut être invoquée contre moi, car les appen- 


dices protectrices de l’Athorybie sont, de l'aveu même de M. Kælliker, douées d’une 


132 C. VOGT. SIPHONOPHORES 132 


haute motilité en faisant la fonction d'organes natateurs. Je sais bien que les 
plaques protectrices et natatoires en même temps des Athorybies ne sont point 
contractiles comme les tentacules des Vélelles et des Physophores; mais chaque 
degré de perfection ne doit-il pas aussi nécessairement introduire un élément 
organique où physiologique nouveau? Les organes protecteurs sont limités aux 
groupes chez les Diphyes, Prayas, Galéolaires et Physophores, tandis qu'ils sont dis- 
posés en cercle chez les Vélelles, et distribués également aux individus nourriciers 
et reproducteurs chez les Agalmes et les Apolémies. 

Les appendices servant à la reproduction demandent une analyse détaillée. Nous 
les avons trouvées individualisées au plus haut point chez les Vélelles. La ressem- 
blance des individus prolifères de ce genre avec ceux des Syncorynes est frappante. 
Chez les uns, comme chez les autres, la partie antérieure sert à la digestion, tandis 
que la base ou la tige produit des bourgeons, qui, dans les deux genres sont les 
véritables Méduses. 

La ressemblance s’efface déjà chez les Agalmes et les Apolémies, où les individus 

_prolifères sont astomes, privés de bourrelets biliaires au fond de leurs cavités et 
remplis de cils vibratils. J'ai mentionné plus haut que M. Kælliker a confondu à son 
tour les tentacules (organes protecteurs) des Physophores avec ces individus asto- 
mes, que M. Huxley, autant que moi dans le commencement de mes études, avaient 
pris pour des polypes nourriciers en voie de développement ; — d'autant plus qu'ils 
sont ordinairement armés d'un fil pêcheur rabougri sans capsules ou vrilles urti- 
cantes. M. Kælliker cite encore les genres Athorybie et Forskalia comme portant 
des individus astomes semblables, désignés par lui comme tentacules, tandis que 
Eschscholiz les nomme réservoirs de liquide (Füssigkeitshehælter), et M. Milne- 
Edwards appendices à vésicules. 

J'avoue que la véritable signification de ces appendices ne m'a été révélée que 
très-tard, peut-être même seulement par l'opposition de M. Kælliker contre ma 
manière d'envisager les tentacules protecteurs des Physophores. Je ne pouvais être 
content de l'opinion de M. Huxley etde la mienne propre. Je devais me dire que, dans 
l’organisation de ces colonies de polypes, chaque bourgeon, quoique construit sur 
un plan général commun, avait pourtant dès son apparition, une certaine place et 


un certain cachet,’ qui lui donnaient une signification spéciale, et que ce serait 
q 


193 DE LA MER DE NICE. 133 


déroger à la règle générale que de vouloir trouver, dans certaines de ces colonies, 
des appendices supplémentaires développées par bourgeons et frappées d'un arrêt 
de développement, jusqu'à ce qu'un accident vint les appeler à l’activité. Je ne 
pouvais pas regarder ces individus tout simplement comme des jeunes polypes nour- 
riciers ; — sachant que les bourgeons et les jeunes de ces polypes se trouvaient à 
l'endroit du tronc commun le plus rapproché des cloches natatoires. Leur nombre, 
chez les Apolémies et les Agalmes, était beaucoup trop considérable pour les envi- 
sager seulement comme des suppléants destinés à remplacer les polypes nourriciers 
auxquels arriverait un accident. Enfin, je connaissais la rapidité prodigieuse avec 
laquelle les appendices perdues se remplacent, moyennant les bourgeons normaux, 
— rapidité dont j'avais observé un exemple frappant dans la jeune Agalme rouge, 
et je devais me dire, que la nature pouvait suppléer à la perte d'un polype nourri- 
cier, tout aussi bien par la formation d'un nouveau bourgeon, que par la refonte 
d'un bourgeon rabougri mis en réserve. 

L'étude spéciale de la jeune Agalme rouge, chez laquelle tous les appendices 
étaient bien distancées, me mit enfin sur la voie. Ayant saisi une fois la relation 
intime de ces boyaux asitomes avec les organes reproducteurs, je la retrouvai 
chez les autres genres munis de ces appendices avec une constance remarquable. 
Ces rapports une fois constatés, il ne peut pas y avoir de doute sur la signification 
des appendices mêmes. 

L'existence d'individus prolifères astomes ne peut pas étonner dans une colonie 
de polypes hydraires. Nous en connaissons un exemple parmi les polypes fixes 
surtout dans la Synhydre étudiée par M. Quatrefages, et dans les Campanulaires, 
ou des individus, ramenés à la forme de cloches cupuliformes, produisent des œufs 
et servent uniquement à la reproduction. 

Nous aurions donc, chez les Siphonophores examinés jusqu'ici avec détail, trois 
sortes de polypes fixés sur le tronc commun. 

1° Des individus nourriciers stériles. [ls ne manquent d’après nos connaissances 
actuelles à aucun genre. 

2° Des individus nourriciers et prolifères en même temps. Ils n'existent que chez 
les Vélelles, les Porpites et les Physalies. 

3° Des individus prolifères astomes chez les Agalmes, les Apolémies et les 


Athorybies. 


134 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 134 


Il faut bien distinguer entre ces individus prolifères et les bourgeons reproduc- 
teurs mêmes. Ici, une diversité bien grande s'offre à nos regards qui pourtant se 
laisse ramener à un type d'identité générale. 

La gemme médusiforme est ce type de la conformation des organes reproduc- 
teurs. On peut trouver ce type sous différentes modifications — avec ou sans dé- 
veloppement de l'ombrelle, avec ou sans développement du contenu. L'absence de 
l'ombrelle est le caractère d’un bourgeon sessile; la présence de l'ombrelle au 
contraire celui d’un bourgeon libre qui se détache à la fin de son déve- 
loppement. 

Analysons sous ce point de vue les observations qui offrent quelque garantie 
d'exactitude. 

Dans les Vélellides, les gemmes se détachent sous la forme de Méduses complètes 
munies d'organes nourriciers (Estomacs\) mais sans éléments génésiques. (Oeufs ou 
Spermatozoïdes). 

La forme de Méduse ombellifère, mais sans estomac et en revanche muni d'un 
sac génésique existe chez les genres suivants : 

Les Agalmes, les Athorybies, les Abyles, les Galéolaires ont des gemmes médu- 
siformes isolées mâles, libres, à ombrelle. 

C'est probablement le même cas chez les Apolémies, (Forskalies) où les gemmes 
isolées sont seulement agelomérées en touffe autour du pédoncule de l'individu pro- 
lifère. Le développement de ces gemmes n’est point assez suivi. 

Les Diphyes, les Galéolaires ont des gemmes médusiformes isolées femelles, libres 
et munies d'ombrelles. 

Les Prayas, les Hippopodes ont des gemmes mâles, fixes et isolées, placées vis-à-vis 
des polypes nourriciers. | 

Les Physophores ont des gemmes mâles fixes réunies en grappe sur une simple 
tige. Peut-être aussi ces gemmes se détachent-elles au terme de leur déve- 
loppement. 

Les Prayas, les Hippopodes ont des bourgeons isolés et sessiles . remplis 
d'œufs. 

Les Apolémies ont des bourgeons femelles sessiles et isolés, mais agglomérés en 
toufle. 


135 DE LA MER DE NICE. 135 


Les Agalmes et les Physophores ont des bourgeons sessiles femelles réunis en 
grappe sur la même tige, contenant chacun un seul œuf. 

Nous voyons déjà par ces rapprochements combien doit être petite la différence 
entre les bourgeons sessiles et ceux qui deviennent libres, différence qui tient 
seulement au développement plus ou moins considérable de l'enveloppe externe 
des bourgeons. Nous ne pouvons même pas dire dans beaucoup de cas, si les 
bourgeons appartiendront à l’une ou l'autre catégorie, faute d'avoir observé 
leur développement définitif. Il résulte aussi de cet examen que tous les bourgeons 
se développent suivant le même plan. J'ai montré les variations de ce plan dans 
les différents cas spéciaux, et j'ai insisté sur la disposition des canaux montant 
depuis la cavité générale dans tous ces bourgeons sans exception, parce que ce 
fait est général à tous les bourgeons médusiformes, qu'ils se développent soit 
sur des polypes nageants comme les Siphonophores, soit sur des polypes fixes 
comme les Tubulaires. On voit donc combien M. Keælliker est dans son tort lors- 
qu'il nie la distribution réticulaire des canaux dans les bourgeons femelles des 
Agalmes, en les attribuant à un dessin particulier de la surface. Ce sont ici comme 
partout, des canaux différents seulement des canaux ordinaires en ce qu'ils sont 
réticulés comme je les ai figurés, tandis que dans la grande majorité ils sont dis- 
posés sur quatre rayons. 

Je reviendrai encore sur la haute importance zoologique de ces bourgeons mé- 
dusaires ; — j'insisterai ici seulement sur un cas particulier. Les bourgeons déta- 
tachés des Vélelles, ne ressemblent pas seulement à des Méduses, comme on s’est 
exprimé, ce sont en réalité des Méduses véritables, munies de tous les organes 
propres à soutenir une vie prolongée et indépendante. Le naturaliste, qui ne 
connaîtrait pas leur origine, rangerait sans hésitation ces individus indépendants, 
munis d'une ombrelle à canaux distribuant le fluide nourricier dans tout le 
corps, d'un estomac, d'organes génitaux et urticants parmi les Méduses les plus 
avérées. Je le répète, ces gemmes ne ressemblent pas à des Méduses, elles sont des 
Méduses. 

Mais ce sont aussi des individus indépendants, jouissant d’une vie propre, 
d'une volonté particulière, voguant dans les eaux suivant leur gré, mangeant et se 
multipliant par la fécondation de leurs produits génésiques. Là-dessus il ne peut y 


avoir de doute. 


136 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 136 


Qu'on descende maintenant l'échelle de l'organisation de ces bourgeons. Re- 
gardera-t-on les testicules voyageurs des Agalmes, qui n'ont point d'organes di- 
gestifs et qui évidemment ne pourront vivre longtemps isolément, les regardera- 
t-on comme des individus? Il le faudra bien ! Ne connaissons-nous pas des insectes 
n'ayant point de bouche, incapables de prendre nourriture pendant leur état par- 
fait, dans lequel ils ne vivent que quelques heures, nécessaires pour vider leurs 
organes sexuels? M. Milne-Edwards a vu sur l'Apolémie des bourgeons ayant une 
faible ombrelle et se contractant à peine, qui étaient sessiles. Sont-ce là des indi- 
vidus? Ils ont peut-être encore une volonté propre, dont leurs contractions témoi- 
gnent. Mais ces bourgeons immobiles et sessiles sans vie propre, dans l'intérieur 
desquels se déposent les œufs et les zoospermes par le courant du fluide nourricier 
général et dont l'enveloppe crève à la fin par absorption, pour laisser sortir les 
produits ; — sont-ce là des individus? Evidemment ce serait jouer sur les mots, que 
de vouloir appliquer cette désignation à des corps sans mouvements, sans volonté, 
sans traces de vie particulière. Le mot individu, appliqué à ces corps, serait un mot 
vide de sens. Ce serait choquer le bon sens que de vouloir soutenir, que la grappe 
d'œufs d'une Agalme est une réunion d'individus femelles sur une tige contractile 
commune. Ce sont donc des organes. Mais où placer alors la limite entre les organes 
et les individus ? 

Nous avons déjà vu une dégradation analogue des polypes reproducteurs jusqu'à 
ces boyaux astomes, compris par les uns comme organes sous le nom de tenta- 
cules, et que j'ai désignés comme individus prolifères, ne fûüt-ce que pour faire 
ressortir leur signification. Nous verrons une dégradation semblable dans les or- 
ganes locomoteurs, et, en réfléchissant sur ces formations diverses, nous serons 
bien forcés d’avouer, qu'il n'y a pas de limites fixes et que les bourgeons s’indivi- 
dualisent plus ou moins suivant les cas particuliers. Je ne m'arrêterai pas plus 
longtemps sur ce sujet, qui peut conduire à des conséquences très étranges pour 
ceux qui, retenus dans une ancienne ornière tracée, ne voudraient pas se servir 
des faits nouveaux pour renouveler aussi les théories et les croyances basées sur 
des faits passés. 

La locomotion établit la différence principale entre les Siphonophores et les po- 
lypes hydraires fixes. Les organes locomoteurs sont donc les plus importants, de- 


vant fournir les caractères principaux pour la classification. 


137 DE LA MER DE NICE. 17 


En observant attentivement les dégradations diverses de cet appareil chez les 
genres mieux connus, on trouve d'abord deux catégories, les organes natateurs 
passifs et les organes locomoteurs actifs. 

Nous désignons par le nom d'organes natateurs passifs les appareils hydrostati- 
ques, tels que vessies, coquilles, capsules, remplis d'air, propres à balancer l’or- 
ganisme entier avec l’eau ambiant. 

Nous trouvons plusieurs modifications de ces appareils hydrostatiques. 

Chez les Physalies, c’est une vessie cartilagineuse ou cornée énorme, composant 
la plus grande partie du corps. 

Chez les Vélellides, c’est une coquille aplatie à cellules aérifères. 

Si l’on en peut croire au dessin de Rang, communiqué par Lesson, le genre An- 
gèle (Lesson. Acalèphes, p. 496, tab. 9, fig. 1) ferait le passage des Vélelles aux 
genres suivants, en ce que ses polypes armés de fils pêcheurs sont fixés au-dessous 
d'un plateau aérifère. 

Enfin, le dernier état serait celui de bulle d’air portée au sommet, formation qui 
distingue les Agalmes, les Apolémies et les Physophores. 

Les organes locomoteurs actifs sont développés comme cloches natatoires chez 
les genres Physophore, Agalme, Apolémie, Hippopode, Praya, Galéolaire, Abyle 
et Diphye; — sous la forme de feuillets solides chez les Athorybies ; ils manquent 
entièrement aux Physales et aux Vélellides. 

Toutes ces appendices ‘si diverses sont réunies en colonies par le fronc commun. 
Celui-ci est en général développé en forme de tube. Les Vélellides et les Physalides 
font seules exception ; les unes ayant un système vasculaire, les autres un espace 
globiforme. Les Physophores offrent, comme l'a fort judicieusement observé 
M. Kælliker, un état intermédiaire, ayant la partie antérieure du tronc commun 
allongée, tandis que la partie postérieure est aplatie en disque. 

Le développement embryonique et au delà des Siphonophores était jusqu'ici par- 
faitement inconnu. En publiant les détails de mes observations sur les jeunes 
Physophores, Agalmes et Galéolaires, je me flatte d'avoir apporté quelques faits, 
qui peuvent servir à jeter quelque lumière sur ce sujet. M. Keælliker (L. c. p. 312) 
a aussi observé un seul jeune animal, qu'il rapporte au genre Apolemia {Forskalia). 
« Le petit animal, dit-il, avait 1 ‘/,‘' de longueur et était formé d'un axe court, creux 

18 


138 C. VOGT. SIPHONOPHORES 138 
et cylindrique, portant à son extrémité un seul polype, tandis qu'à l’autre il était 
en connexion avec une vésicule aérienne à bulle d'air double. Ces parties étaient 
formées comme dans l'adulte. » M. Kælliker décrit ensuite les bourgeons des dif- 
férentes appendices, tous creux et en communication avec l'axe creux, et repré- 
sentant des appendices urticantes, des cloches natatoires, des polypes nourriciers 
et des organes de génération. Peut-être que ces déterminations ne sont pas tout 
à fait exactes et que le petit animal avait perdu ses bractées protectrices primitives 
dont il doit être muni suivant l’analogie avec les autres genres de la même famille. 
M. Kælliker, en interprétant son observation, croit que l'œuf laisse naître d’abord 
une larve en forme d'infusoire qui devient polypiforme, développe à son extrémité 
inférieure, allongée en tige, la vessie aérifère et pousse ensuite des bourgeons 
latéraux, dont se forment les autres organes. 

Mes observations donnent peut-être droit à des interprétations différentes. Ce 
qui frappe d’abord dans les plus jeunes individus, c'est le développement excessif 
des organes protecteurs, que nous avons également rencontré dans tous les jeunes 
exemplaires des trois genres examinés. La disposition primitive des bractées pro- 
tectrices courbées des Agalmes, la forme et la position circulaire des appendices 
vermiformes des jeunes Physophores, ainsi que la forme du globe transparent des 
jeunes Galéolaires qui se métamorphose plus tard en cornet, nous apprennent, sans 
doute, que les organes protecteurs se forment primitivement dans l'œuf, — soit 
aux dépens du vitellus même, soit aux dépens des enveloppes extérieures. C'est 
surtout la jeune Galéolaire, représentée tab. 19, fig. 10, qui semble montrer au 
doigt son éclosion récente et une conformation telle qu'elle devait l'avoir dans l'œuf. 
La partie représentant l'organe protecteur est encore énorme, globiforme, et les 
autres parties sont réduites au rôle de simples appendices. 

Il est parfaitement vrai que les appendices se montrent d’abord toutes en nombre 
simple et augmentent plus tard par ce travail du bourgeonnement qui est en acti- 
vité incessante pendant toute la durée de la vie des colonies. Il n’y a primitivement 
qu'un seul polype nourricier, suspendu à un tronc commun fort court, creux, en 
forme de pyramide ou de cône. Ce tronc commun, situé comme un axe perpendi- 
culaire au milieu des organes portecteurs qui l'entourent, formant un verticille 


dans lequel il est eñnchàssé en partie ; — ce tronc commun, dis-je, porte d’un côté 


139 DE LA MER DE NICE. 139 


le polype nourricier ; de l’autre la bulle d'air, l'organe natateur passif. Et remar- 
quons bien que, même dans les genres, chez lesquels une bulle d’air n'existe pas 
à l'état adulte, cette bulle se trouve pendant une certaine époque de la jeunesse. 

Je ne crois pas à des états larvaires dans la jeunesse des Siphonophores — je 
crois que le jeune, qui se forme dans l'œuf, sort de ce dernier étant déjà composé 
de toutes les pièces mentionnées, savoir: organe protecteur, axe commun, po- 
lype nourricier et organe flotteur passif. Les parties externes de l'œuf ou les cou- 
ches externes du vitellus fournissent probablement l'organe protecteur tandis que 
dans le centre de l'œuf se forme l'axe ayant aux deux bouts deux organes qui se 
balancent, le polype nourricier et la bulle d'air. 

Le jeune Siphonophore, lancé à la mer dans cet état de composition, augmente 
sans cesse par bourgeonnement. Les bourgeons se placent, même sur cet axe si 
court de l'état primitif, à la même place qu'ils occupent plus tard. Les bourgeons des 
cloches natatoires se forment sur le sommet de l'axe — les bourgeons des polypes 
nourriciers entre les cloches naissantes et le polype primitif — les bourgeons des 
organes urticants sur la tige des polypes — les organes reproducteurs entre 
les polypes ou vis-à-vis d'eux. Mais nous remarquons déjà une différence entre les 
deux familles des Agalmides et des Diphyides quant à la succession de ces diffé- 
rentes appendices. 

Nous avons remarqué, que dans toute la famille des Diphyides le tronc com- 
mun était dépourvu d'appendices sur certaines parties et que les appendices mêmes 
étaient groupées de manière à former des toufles isolées. L'individualisation, la 
concentration des groupes individuels est poussée à un plus haut degré que chez 
les Agalmides, où, à peu d'exceptions près, tout le tronc commun est hérissé 
d’appendices diverses. On remarque déjà dans les jeunes ces tendances différentes. 
Dans les jeunes Galéolaires toutes les forces formatrices du bourgeon sont appli- 
quées à l'accomplissement du groupe primitif. L'organe protecteur se modèle en 
cornet, le fil pêcheur du polype unique se forme entièrement, l'organe repro- 
ducteur se montre dans tous ses détails avant que de nouveaux bourgeons de polypes 
se fassent voir. Le bourgeon de ja cloche natatoire, organe qui doit appartenir 
à l’ensemble et non pas au groupe individuel, est comme frappé d'un arrêt de 


développement — il ne montre aucun progrès, dans les trois exemplaires d'âge 


140 C. VOGT. SIPHONOPHORES 140 


différent que j'ai figuré. Nous remarquons donc, chez les Galéolaires, le dévelop- 
pement complet des groupes individuels, l'achèvement du groupe primitif dans tous 
ses détails avant l'augmentation de la colonie. 

Il en est autrement chez les Agalmes et les Physophores. Le polype primitif n'a 
encore que des bourgeons d'organes urticants, que d’autres polypes viennent déjà 
se placer à ses côtés. — L'organisme entasse bourgeon sur bourgeon, ceux des 
polypes nourriciers touchent les bourgeons des cloches natatoires, et ces organes, 
destinés au service de la colonie tout entière, se développent avant qu'on 
puisse distinguer avec précision les organes reproducteurs ou les individus pro- 
lifères. 

La tendance individualiste prévaut donc dans la famille des Diphyides, la tendance 
communiste au contraire chez les Agalmides. 

L’augmention d'une colonie une fois formée continue pendant toute la vie par le 
bourgeonnement actif, qui est toujours concentré au sommet du tronc commun. 
Nous avons vu que dans les genres à organes lonomoteurs actifs les bourgeons des 
cloches occupent le sommet du tronc, et que les cloches sont d'autant plus for- 
mées qu'elles s'éloignent de ce sommet — que le champ de bourgeonnement pour 
toutes les autres appendices se trouve immédiatement au-dessous des cloches et que 
le groupe le plus développé occupe l'extrémité postérieure du tronc commun. 
Même dans les genres à axe tordu ou ramifié les mêmes lois se laissent observer, 
comme nous l'avons montré sur les Vélelles et les Physophores. 

Nous n'avons plus rien à ajouter à la description du bourgeon. Le plan général 
se voit dans le commencement de tous les bourgeons — tous sont d’abord des ver- 
rues creuses, dont la cavité est en communication immédiate avec celle du tronc 
commun. Plus tard, une différence se manifeste. Les bourgeons destinés à former 
des organes simplement filamentaires où en boyau (polypes nourriciers et pro- 
lifères, fils pêcheurs et secondaires) s’allongent simplement en prenant petit à 
peut la forme définitive. Les bourgeons destinés à former des organes compliqués 
de forme et de contenu {cloches natatoires, organes sexuels) déposent au contraire 
dans leur intérieur une seconde substance interne, par le développement de la- 
quelle la cavité est transformée en canaux, rangés ordinairement suivant le nom- 


bre quatre et les parties internes formées tandis que l'extérieur continue à se 
modeler. 


141 DE LA MER DE NICE. 141 


C'est ainsi que tous les bourgeons se ressemblent dans le commencement et que 
toutes les appendices, sans exceplion, sont toujours en communication directe avec 


la cavité du tronc commun. 


Les affinités zoologiques des Siphonophores sont faciles à établir, du moment 
que l'on connaît exactement leur structure. J'ai insisté à différentes reprises sur 
leur affinité avec les polypes hydraires. Les étroites liaisons qui s’établissent d’un 
autre côté entre eux et les Méduses ombellifères ne peuvent pas non plus passer 
inaperçues. Les Siphonophores forment donc un lien de plus entre ces deux séries 
d'êtres. 

On connaît depuis longtemps la production médusipare de beaucoup de polypes 
bydraires. D'autres observations nous ont fait connaître les jeunes de certaines mé- 
duses, qui sont des polypes hydraires. 

Fondé sur ces faits, j'avais proposé, il y a quelques années, la réunion des po- 
lypes hydraires et des méduses en une seule classe, les Hydroméduses. (Zoologische 
Briefe. Vol. I. p. 126.) J'en avais éliminé, provisoirement, et jusqu'à plus ample 
informé, les Siphonophores. Aujourd'hui, ces doutes n'existent plus. 

Les Siphonophores forment un ordre parfaitement caractérisé dans la classe des 
Hydroméduses. On peut les désigner, avec M. Kælliker, sous le nom de polypes hy- 
draires nageants (Polypi nechalei). 

Qu'on me permette ici d'ajouter quelques mots sur la formation de la classe dans 
laquelle ces organismes doivent être rangés. 

Les seules objections contre cette innovation dans la classification, qui soient 
parvenues à ma connaissance, sont celles élevées passagèrement par M. Kælliker 
dans son rapport cité sur ses recherches à Messine. M. Kælliker cherche ses objec- 
tions surtout dans le mode de propagation de ces organismes. On ne peut rai- 
sonnablement, dit-il, regarder comme forme incomplète des Méduses que les po- 
lypes sur lesquels on n’a observé que des bourgeons médusaires, mais point d'or- 
ganes mâles ou ovifères. Puis M. Kælliker appuie surtout sur les faits, qui prou- 
vent que certaines Méduses produisent d'autres Méduses par gemmation, que 


chez d’autres Méduses on a observé des jeunes non polypiformes, qui deviennent 


142 C. VOGT. SIPHONOPHORES 142 


des Méduses, et que par là un état en polype alternant avec celui de Méduse est 
exclus. M. Kælliker tire de ces faits la conclusion, que les Siphonophores n'ont rien 
de commun avec les Méduses, et que l'établissement d’une classe de Hydroméduses 
est contraire aux faits. . 

Mais, de l'aveu même de M. Kœælliker, les faits suivants sont établis. 

1. Certains bourgeons de polypes fixes sont des véritables méduses. Il est 
vrai que M. Kælliker dit seulement qu'ils ressemblent, à s'y méprendre, à cer- 
taines formes médusaires simples — mais quelle complication d'organisation 
plus grande pourrait-on trouver dans toute la série des Méduses, qu'un orga- 
nisme ayant ombrelle à canaux, tentacules développés, corpuscules du bord (yeux 
ou oreilles) patents, bouche, estomac et organes sexuels ? 

Des Méduses complètes, organisées aussi haut que le type le permet, dérivent donc 
de certains polypes hydraires. 

2. M. Kælliker admet lui-même, que les jeunes des genres Méduse, Cyanea, 
Chrysaora, Cephea et Cassiopeja sont des polypes hydraires. 

Ceci une fois établi, recherchons les singularités et les exceptions. 

Nous avons une série d'êtres, présentant deux formes, alternant par génération, 
une forme polypaire et une forme médusaire. 

Certaines Méduses et certains polypes hydraires, présentant cette alternance 
de génération, doivent donc nécessairement rentrer dans la même classe, puis- 
qu'il serait impossible de séparer, même spécifiquement, la Cladonème, (Méduse) et 
le Stauridium (polype) dérivant les uns des autres. 

Il reste une grande quantité de formes, dont nous ne connaissons pas compléte- 
ment le développement. Nous le connaîtrons peut-être plus tard — pour le moment 
elles ne peuvent servir de base à aucun raisonnement. 

Puis vient une série d'êtres sur lesquels on a fait d’autres observations non con- 
cordantes. 

Il y a des polypes hydraires, qui produisent directement des œufs et du sperme, 
et point de gemmes médusaires. 

Il y en à d'autres produisant des organes génésiques et des gemmes médusaires 
à la fois. 


M. Koœlliker, tout en convenant que les capsules séminifères du Pennaria Cavolini 


143 DE LA MER DE NICE, 143 


ont une ombrelle à quatre lambeaux, un cône médian envoyant quatre rayons dans 
l'ombrelle, l'estomac non encore ouvert (?), et quatre corpuscules de bord, appuie 
beaucoup sur le fait qu'on n'a trouvé Jusqu'ici que des Méduses femelles, provenant 
de polypes hydraires. 

Les Abyles, les Galéolaires, les Agalmes produisent des Méduses mâles. 

La production médusipare peut donc manquer complétement, elle peut exister 
seule, elle peut être combinée avec la génération ordinaire, elle peut être bornée 
à l’un ou à l'autre sexe. 

Il y a des Méduses produisant des polypes. 

Il y en a d’autres produisant des bourgeons médusaires. 

Il y en a d'autres produisant des jeunes devenant directement des Méduses. 

D'autres enfin sont fissipares. 

Que résulte-t-il de tout cela ? 

La nécessité évidente de conserver cette classe des Hydroméduses, composée 
d'êtres qui, dans leur ensemble, ont deux formes correspondantes d'existence, la 
forme polypaire et la forme médusaire ! Ces formes peuvent exister isolément, sans 
connexion, se suivant seujement sur une ligne {les Hydres pour la forme polypaire, 
les Æginopsis pour la forme médusaire), ou bien elles peuvent se combiner de dif- 
férentes manières par génération alternante régulière ou irrégulière. 

Retournons après cette digression à notre principal sujet, à cet ordre de polypes 
nageants faisant partie de la classe des Hydroméduses. 

Il importe, si l'on veut établir une classification de ces êtres si compliqués, d’éli- 
miner d'abord toutes les formes incomplétement connues. Les classificateurs pré- 
cédents ont fait le contraire. Chaque figure, chaque note d'un voyageur, qui avait 
fait traîner un filet à la suite d'un navire, suffisait pour la création d'un genre, 
d’une tribu, d’une famille. Les organismes les plus mutilés servaient de types de 
division. Peu soucieux de suivre ce procédé, propre seulement à encombrer les 
registres de noms inutiles, nous n'établirons notre essai d’une classification que 
sur le petit nombre de genres connus, éliminant le reste jusqu'à plus ample in- 


formé. 


144 G. VOGT. SIPHONOPHORES 144 


Classe des HYDROMÉDUSES. 


Ordre des Polypes nageurs (Polypi nechalei). 
Colonies composées de polypes appropriées à la nage. 
Première division. Organes natateurs actifs. Polypes armés de fils pêcheurs. 
Cloches natatoires creuses. 

Famille des Agalmides. Cloches natatoires multiples creuses, à iris mus- 
culaire. Bulle d'air constante au bout du tronc commun. Pièces 
protectrices. 

Apolemia Esch. Cloches multisériales ; individus prolifères par paires 
sur une seule tige. Tronc commun en spirale. Bractées protec- 
trices. 

Agalma Esch. Cloches bisériales. Individus prolifères simples. Brac- 
tées protectrices. Tronc commun droit. 

Physophora Forsk. Cloches bisériales. Point d'individus prolifères. 
Organes protecteurs vermiformes. Tronc commun changé en 
disque *. 

Famille des Hippopodides. Cloches natatoires emboîïtées, bisériales, 
creuses, à battant mobile, Point de bulle d'air constante. Point de 
pièces protectrices. 

Hippopodius Quoy et G. Point de pièces protectrices. Cloches en 
forme de sabot de cheval. 

Vogtia. KϾll. Cloches pentagonales *. 

Famille des Diphyides. Deux cloches natatoires inégales. 

Praya Blainv. Casques protecteurs. Cloche natatoire spéciale pour 
chaque polype nourricier. Colonies hermaphrodites. Cloches 
natatoires presque égales. 


‘ Les genres Rhizophysa, Brachysoma, Stephanomia, Epibulia, Sarcoconus, Discolabe, sont établis sur 
des pièces mutilées; — le premier, probablement sur un tronc d’Agalme, dépourvu de ses cloches nata- 
toires ; — le dernier sur un tronc de Physophore n’ayant plus que ses grappes reproductrices. 

* Genres inconnus : Elephantopes, Racemis. 


145 DE LA MER DE NICE. 145 


Galeolaria Quoy et G. Cornets protecteurs. Colonies unisexuelles 
semblables. Cloches natatoires inégales, accolées. 
Diphyes Cuv. Bractées protectrices. Colonies unisexuelles dissem- 
blables. Cloches natatoires très-inégales, emboîtées ". 
Bractées natatoires pleines. 
Famille des Athorybides. Vésicule aérienne. 
Athorybia Esch. Bractées natatoires disposées en couronne *. 
Seconde division. Organes natateurs passifs. 
Famille des Physalides. Grande vessie natatoire. Tronc commun globi- 
forme. Polypes armés de fils pêcheurs. 
Physalia Lmck. Individus nourriciers et individus prolifères astomes”. 
Famille des Vélellides. Coquille aérifère disciforme. Tronc commun ra- 
mifié. Point de fils pêcheurs. Individus prolifères. Un seul individu 
stérile au centre. 
Velella Lmck. Voile verticale ; tentacules simples; coquille cornée, 
spiralique et oblique. 
Porpita Lmck. Point de voile; tentacules ramifiées ; coquille ronde, 


à chambres rayonnantes *. 


‘ Tous les autres genres de la nombreuse famille des Diphyides sont à éliminer. Voir les raisons dans 
le chap. VIII. 

* Inconnu : le genre Anthophysa. La ressemblance des jeunes Agalmes avec les Athorybies est sur- 
prenante. 

? Les sous-genres Salacias, Cystisoma, Alophotes de Lesson, sont parfaitement inutiles. C’est proba- 
blement à la suite des Physalies que viendrait se placer le genre Angela. 

‘ Les Rataires sont des jeunes Vélelles. 


(Communiqué à l'Institut national genevois (Section des sciences) dans les séances 
du 22 mai et 24 juin 1855.) 


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EXPLICATION DES FIGURES. 


608 — 


TAB. I. 


Fig. 1. La Vélelle de la Méditerranée, vue de sa face supérieure. a, Les tenta- 
cules ; b, le limbe; c, le bouclier de la coquille ; d, la crête de la coquille. 

Fig. 2. La même, vue de profil. Les lettres a jusqu’à d ont la même signification ; 
e, frange de la crête; f, polype central; g, individus reproducteurs. 

Fig. 5. La même, vue de sa face inférieure. Les lettres 4, b, f, q, ont la même 
signification. 

Fig. 4. La même, vue de la face dorsale, après que le squelette a été enlevé. 
a, Bord glanduleux du limbe ; b, le limbe: €, vaisseau bordant le limbe à l’inté- 
rieur ; d, membrane à réseau vasculaire, sur la face inférieure de la quille, sont 
fixés les individus reproducteurs ; e, sac fusiforme du polype central d’où partent 
les troncs vasculaires. — Ces quatre figures sont de grandeur naturelle. 

Fig. 5. Coupe du bouclier aérifère de la coquille, montrant les chambres et les 
cloisons qui les séparent. Grossie seize fois. 

Fig. 6. Canaux aérifères près de leur dernière ramification; montrant les plis 
circulaires qui les divisent. Grossis cent cinquante fois. 

Fig. 7. Quelques individus prolifères séparés, pour montrer leur communication 
avec les canaux en réseau. 

Fig. 8. Réseau vasculaire de la frange de la crête. a, Tronc vasculaire courant 
le long de la crête; b, tronc vasculaire courant sur le bord de la frange; ce, vais- 
seaux sinueux entre ces deux troncs. Grossi seize fois. 

Fig. 9. Réseau capillaire dans la membrane qui couvre la crête des deux côtés. 
Grossi seize fois. 


148 C. VOGT. SIPHONOPHORES 148 


Fig. 10. Le bord interne du limbe à l'endroit où se développent les bourgeons 
des tentacules et des individus reproducteurs. a, Vaisseau courant sur le bord 
interne du limbe ; b, tentacule développé ; c, cavité interne de ce tentacule ; d, cou- 
che musculaire ; e, couche épidermoïdale à organes urticants ; ff, jeunes bourgeons 
de tentacules dans lesquels la couche musculaire et les organes urticants ne sont 
pas encore développés; g, individu reproducteur, montrant sa bouche largement 
ouverte et les mamelons d'organes urticants à son pourtour ; hh, autres individus 
d'un égal développement, sur lesquels on ne voit pas encore des gemmes médu- 


saires ; 4, jeunes bourgeons d'individus reproducteurs. 


TAB. Il. 


Fig. 11. Face inférieure de la Vélelle grossie au double. Les polypes proliferes sont 
enlevés pour montrer la disposition des canaux aérifères ; à, ligne indiquant la 
limite des individus prolifères ; b, tissu spongieux, sur lequel serpentent les canaux 
aérifères ; c, bouche; d, sac fusiforme du polype central. 

Fig. 12. Tissu spongieux au-dessus du sac fusiforme du polype central, mon- 
trant ses réseaux très-serrés de canaux. 

Fig. 15. Deux individus reproducteurs grossis seize fois, en différents états de 
contraction. a, Bouche; b, mamelons d'organes urticants; €, cavité digestive ; 
d, restes d’un cirrhipède avalé dans la cavité digestive de l’un de ces individus ; 
e, liquide à granules rouges, passant depuis le tronc vasculaire dans la cavité diges- 
tive; f, base prolifère ; g, bourgeons médusaires réunis en grappe autour de cette 
base ; À, tronc vasculaire sur lequel reposent ces deux individus. 

Fig. 14. Cellules jaunes, répandues dans le système vasculaire, par un grossisse- 
ment de 350 diam. 

Fig. 15. Capsules urticantes par le même grossissement. a, Capsule ayant lancé 
son fil; b, capsules fermées. 

Fig. 16. Le bord du limbe, vu par un grossissement de cent cinquante diamè- 
tres. a, Vaisseaux remplis de cellules jaunes, se réunissant dans le vaisseau du 
bord; b, follicules glanduleux alignés le long du bord du limbe; c, ouverture d'une 


pareille glande; d, extrémité arrondie des cellules en cylindre tournée en dehors. 


149 DE LA MER DE NICE. 149 


Fig. 17. Grappe de bourgeons médusaires, vue par un grossissement de cent 
cinquante fois. a, Jeunes bourgeons dans lesquels on ne voit pas encore des cel- 
lules jaunes ; bb, individu plus développé à cellules jaunes ; €, endroit où J'ai vu du 
mouvement vibratil. 

Fig. 18. Très-jeunes bourgeons médusaires, par un grossissement de trois cent 
cinquante fois. a, Trou de communication du bourgeon avec l'individu prolifère ; 
b, cavité interne montrant du mouvement vibratil ; c, couche interne encore simple ; 
d, couche externe dans laquelle se montrent les indices des organes urticants. 

Fig. 19. Bourgeon un peu plus âgé par le même grossissement. Les lettres a jus- 
qu'à d ont la même signification ; e, canaux au nombre de quatre, dans lesquels se 
divise la cavité interne ; /, accumulation de matière jaune au sommet du bourgeon ; 
q; organes urticants. 

Fig. 20. Un bourgeon plus âgé, vu par son sommet extérieur, par un grossisse— 
ment de cent cinquante fois. a, Couche externe couverte de cellules hexagonales ; 
bb, rangée d'organes urticants faisant saillie sur le pourtour ; ce, les quatre accu- 
mulations de substance solide à l'intérieur : dd, les huit rangées de cellules jaunes ; 
ë; cavité quadrilatère interne ; /, accumulation de cellules jaunes sur le sommet. 

Fig. 21. Un bourgeon un peu plus âgé, vu par le même grossissement et par la 
face opposée, de sorte que l’on voit le trou de communication, g, du bourgeon 
avec la base de l'individu polifère. Les autres lettres ont la même signification que 
dans la figure précédente. 

Fig. 22. Bourgeon un peu plus âgé, vu de côté. Les lettres a jusqu'à g ont la 
même signification que dans les figures précédentes ; h, fente entre deux rangées 
de cellules jaunes ou de substance interne, prise par M. Hollard pour l'indication 
de la crête de l'embryon. 

Fig. 25. Bourgeon médusaire prêt à se séparer, vu sur son endroit d'attache. 
Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Le grossisse- 
ment est le même. 

Fig. 24. Bourgeon médusaire détaché de la Vélelle et nageant librement dans 
l'eau. a, Couche extérieure de l’ombrelle; b, organes urticants, disposés sur quatre 
rangées ; €, un tentacule naissant; d, ouverture de l'ombrelle ; e, cellules jaunes 


disposées sur huit rangées ; f, organes frangés internes disposés sur quatre ran- 


150 C. VOGT. SIPHONOPHORES 150 


gées ; g, estomac, montrant à l'intérieur du mouvement vibratil; h, accumulation 
de granules dans le fond de la cavité stomacale ; :, sommet de l’ombrelle par lequel 


la Méduse était attachée à l'individu prolifère. 


TAB. II. 


Fig. 1. La Physophore hydrostatique, vue de profil avec tous ses fils pêcheurs 
développés. Grandeur naturelle. 

Fig. 2. La portion verticale de la Physophore, dessinée au trait pour montrer 
les cloches natatoires de face. a, Bulle d’air, enfermée au sommet du tronc ver- 
tical commun ; b, bourgeons de vésicules natatoires en voie de développement; 
cc, vésicules natatoires ; d, ouvertures des vésicules natatoires entourées d’un rebord 


musculaire ; e, tronc vertical commun ; ff, tentacules ; g, polypes. 


TAB. IV. 


Fig. 3. La Physophore morte et dépouillée de la plus grande partie de ses ap- 
pendices. a, Vésicule aérienne ; b, tronc vertical commun extrêmement contracté 
et dépouillé des cloches natatoires, dont il ne reste que quelques bourgeons à 
peine développés ; c, partie horizontale du tronc commun enroulé de manière à for- 
mer un disque; d, tentacules ; e, polypes. 

Fig. 4. Le disque, vu de sa face inférieure. a, Le disque enroulé en spirale ; 
bb, polypes en différents états de contraction. On distingue sur ces polypes la 
partie antérieure portant la bouche, la partie jaune moyenne et le tronc rose 
par lequel ils sont implantés sur le disque; on voit encore la touffe de bourgeons 
d'organes urticants, entourant la base de la partie jaune du polype. Pour ne 
pas embrouiller la figure on a dû omettre les fils pêcheurs, dont chaque polype 
est muni. cc Grappes reproductrices mâles ; dd, grappes reproductrices femelles ; 
ee, tentacules. 

Fig. 5. Une portion du disque sur laquelle on a laissé trois polypes et deux paires 
de grappes reproductrices. a, Cavité du disque, ouverte ; b, bord du disque; c, tige 
rose des Polypes ; d, deux de ces tiges coupées et montrant leur cavité; e, touffe de 


bourgeons cylindriques reposant sur un rebord en couronne; f, fil pêcheur ; g, partie 


151 DE LA MER DE NICE. 151 


jaune des polypes, traversée par la cavité digestive ; h, partie antérieure des polypes 
en différents états de contraction ; t, bouche. 

Fig. 6. Jeune polype, grossi 32 fois. a, Cavité interne digestive encore fermée 
à l'extrémité antérieure et tapissée d'épithélium vibratil ; b, partie jaune par- 
semée de cellules; c, partie antérieure formée de substance transparente et 
homogène. 

Fig. 7. Cellules de la partie moyenne jaune du polype par un grossissement de 
trois cents diamètres 

Fig. 8. Une portion du bord du disque avec trois grappes reproductrices, 
grossie seize fois. a, Cavité du disque ouvert ; b, bord du disque ; €, entrées 
des canaux des grappes dans la cavité du disque ; d, grappes males ; e, grappes 
femelles. 


TAB. V. 


Fig. 9. Deux capsules urticantes dont l'une a éclaté, par un grossissement de 
seize diamètres. a, Tronçon du fil pêcheur principal ; bb, fils musculaires se- 
condaires ; ce, boyaux élargis à cellules; dd, capsules urticantes ; e, cavité in- 
terne tapissée de cellules ; f, sac musculaire faisant hernie à travers l’ouverture 
g; de la capsule éclatée ; h, fil urticant en banderolle ; i, grands corpuscules (fèves 
urticantes) disposées en deux rangées à l'extrémité de la banderolle urticante ; k, fil 
musculaire accompagnant la banderolle. 

Fig. 10. Une capsule urticante plus fortement grossie. Les lettres ont les mêmes 
significations que dans la figure précédente. 

Fig. 11. Une capsule urticante par un grossissement de cent cinquante dia- 
mètres. — Les lettres & jusqu’à ? ont les mêmes significations que dans les fig. 9 
et 10; k, couche musculaire tapissant l'intérieur du boyau ; /, faisceau muscu- 
laire réunissant le sac musculaire de la capsule à la couche musculaire du 
boyau. 

Fig. 12. Fèves urticantes par un grossissement de trois cent cinquante diamè- 
tres. a, Pointe bifide, cachée à l'intérieur. 


Fig. 15. Capsule urticante de la jeune Physophore représentée sur la planche 


152 C. VOGT. SIPHONOPHORES 152 


suivante, Grossissement de trois cent cinquante diamètres. a, Tige creuse, servant 
d'attache au fil pêcheur ; b, sac musculaire; €, cavité interne ; d, fèves urti- 
cantes ; e, sabres urticants disposés en doubles spirales; f, lentilles urticantes. 


On voit à côté de la figure quelques sabres et lentilles urticantes détachées. 


TAB. VI. 


Fig. 14. Jeune bourgeon mâle par un grossissement de cent cinquante dia- 
mètres. a, Substance externe ; b, substance interne; c, cavité interne ; d, ou- 
verture de communication avec la cavité de la grappe ; e, enveloppe fournie par 
la grappe. 

Fig. 15. Bourgeon plus avancé, ayant la forme d’une poire. Lettres comme dans 
la figure précédente. 

Fig. 16. Un bourgeon un peu plus âgé, vu par le même grossissement. Les let- 
tres ont la même signification que dans les fig. 14 et 15 ; f, branche de la grappe 
terminée par le bourgeon. 

Fig. 17. Le même bourgeon, vu d'en haut. 

Fig. 18. Un bourgeon plus développé. Les mêmes lettres ont les mêmes si- 
gnifications ; g, masse granuleuse remplissant la cavité interne ; h, espace entre 
la substance externe et la substance interne, devenu sac à sperme. 

Fig. 19. Un bourgeon mâle au terme de son développement par un grossisse- 
ment de seize diamètres. t, Ouverture en voie de formation sur le sommet 
extérieur du bourgeon. Les autres lettres ont la même signification que dans les 
figures précédentes. 

Fig. 20. Morceau d'une grappe femelle par un grossissement de 16 dia- 
mètres. 

Fig. 21. Quelques bourgeons plus fortement grossis. a, Enveloppe externe ; 
b, espace libre entre l'enveloppe et la substance interne ; c, d, figure orbiculaire 
à double contour simulant la vésicule germinative. 

Fig. 22. Bourgeon de la même grappe encore plus fortement grossi. a, Ca- 
nal interne ; b, contour entourant ce canal ; c, substance solide du bourgeon. 


Fig. 25. Deux bourgeons plus développés. a, Canal de la grappe; b, trou de 


153 DE LA MER DE NICE. à 153 


communication entre les canaux sinueux du bourgeon et le canal de la grappe ; 
c, enveloppe externe; d, canaux superficiels, creusés entre cette enveloppe 
et la substance interne ; e, substance vitellaire ; f, vésicule germinative ; g, ta- 
che germinative. 

Fig. 24. Jeune Physophore par un grossissement de trente-deux diamètres. 
a, Partie verticale pyriforme ; b, accumulation de pigment ; 6, bulle d’air : dd, bour- 
geons de cloches natatoires ; ee, tentacules ; /, bourgeons de polypes ; g, polype dé- 
veloppé ; h, touffe de bourgeons cylindriques entourant la base jaune; t, du polype ; 
k, fil pêcheur ; /, capsules urticantes. 


TAB. VIL 


Fig. 1. Un exemplaire de l'Agalma rubra de grandeur naturelle. a, La vessie 
aérienne ; b, bourgeons de cloches natatoires ; €, cloches natatoires complètes, dis- 
posées en double série ; d, bourgeons de polypes; e, vésicules urticantes ; f, po- 
lypes entiers ; g, grappes femelles ; h, testicule entièrement développé; 1, polypes 
astomes reproducteurs ; k, fil tentaculaire de ces polypes ; /, plaques protectrices ; 
m, tronc commun. 


Fig. 2. Jeune individu déjà formé, pris le 12 janvier 1851. 


TAB. VII. 


Fig. 5. Plaque protectrice d'un individu adulte grossi dix fois. a, Canal mé- 
dian portant à sa base des capsules urticantes; bb, amas de cellules trans- 
parentes. 

Fig. 4. L'extrémité du canal avec ses capsules urticantes, grossi cent cinquante 
fois. 

Fig. 5. Plaque protectrice du jeune individu, grossie trente-deux fois. a, Cap- 
sule urticante. 

Fig. 6. Un polype entier détaché du tronc, grossi dix fois. a, Partie antérieure 
du polype considérablement contractée ; b, les douze interstices entre les saillies du 
foie, dans lesquelles se trouvent des sabres urticants; €, partie basilaire du po- 


lype ; d, tronc du fil pêcheur; e, cavité intérieure de ce tronc; f, fil pêcheur 
20 


154 C. VOGT. SIPHONOPHORES 154 


secondaire ; g, vrille rouge urticante ; h, fil terminal; ?, extrémité de ce fil for- 
mant une vrille incolore ; k, fil pêcheur secondaire en voie de formation ; /, vrille 
urticante terminale; mm, bourgeons d'autres fils secondaires plus ou moins 
développés. 

Fig. 7. Le tronc du fil pêcheur grossi plus considérablement pour montrer 
la disposition de ses fibres musculaires, de son canal et des troncons qui le 
composent. 

Fig. 8. Un polype dans un autre état de contraction. a, Partie basilaire. 

Fig. 9. Une vrille rouge décomposée. a, Fil rouge contourné en spirale; bb, dou- 
ble fil gris; c, fil musculaire sur lequel sont implantés des corpuscules en zigzag ; 
d, fil terminal. | 

Fig. 10. Extrémité du tronc commun, grossie seize fois. aa, Bulle d'air; bb, ac 
cumulations de pigment ; c, tronc commun; dd, bourgeons de cloches nata- 


toires ; e, moignons d'insertion des cloches natatoires détachées. 


TAB. IX. 


Fig. 11. Sabres urticants composant le fil rouge. a, Un de ces sabres, dont le 
fil a été lancé. 

Fig. 12. Fève urticante située à l'intérieur du fil rouge. 

Fig. 13. Un des fils gris décomposé. a, Faisceau fibreux central ; b, lentilles 
urticantes. 

Fig. 14. Corpuscules en zigzag, considérablement grossi. 

. Fig. 15. Polype reproducteur grossi huit fois. a, Insertion dans le tronc com- 
mun ; b, extrémité fermée montrant un mouvement vibratil extrêmement vif; 
c, fil tentaculaire. 

Fig. 16. Morceau du tronc commun grossi 16 fois. aa, Polypes reproducteurs ; 
bb, fils tentaculaires ; ce, testicules plus ou moins développés. 
Fig. 17. Bourgeon d'une cloche natatoire grossi trois cents fois. aa, Canaux ; 

b, lumière de canaux vue de face ; c, tronçon servant à l'insertion. 

Fig. 18. Cloche natatoire du jeune individu grossi seize fois. a, Ouverture exté- 
rieure; b, bord musculaire ; c, cavité interne tapissée de cellules grenues ; d, ca- 


naux ; e, réservoir latéral du canal entourant l'ouverture. 


155 DE LA MER DE NICE. 155 


Fig. 19. Cellules grenues, tapissant la cloche natatoire à l'intérieur, grossies 
trois cent cinquante fois. 

Fig. 20. Grappe femelle, grossie seize fois. a, Tronc commun; b, ouverture de 
communication ; €, tronc creux de la grappe, pourvu à l'intérieur de bourrelets 
vibratils circulaires ; d, branche de la grappe ; e, œuf. 

Fig. 21. Branche terminale d’une grappe grossie cent cinquante fois. a, Rameaux 
creux ; b, œuf peu développé; c, œuf développé; d, enveloppe fournie par la 
grappe ; e, masse vitellaire ; f, vésicule germinative ; g, tache germinative. 

Fig. 22. Cœcum ovarique renfermant un œuf. 4, Canal du tronc; b, canaux 
entourant l'œuf en forme de mailles ; ce, œuf; d, vésicule germinative ; e, tache ger- 


minative double ; f, enveloppe fournie par le cæcum. 


TAB. X. 


Fig. 25. Une autre poche ovarienne par le même grossissement. Les lettres ont 
la même signification. 

Fig. 24. Une poche ovarienne par le même grossissement, mais avec une autre 
position du foyer, pour montrer les cellules en pavé qui tapissent la surface interne 
de la poche. a, Tronc ; b, enveloppe de la poche ; c, cellules en pavé. 

Fig. 25. Poche ovarienne plus âgée, montrant la disposition des canaux. a, Tronc 
creux de la poche ; b, canaux. 

Fig. 26. Une autre poche ovarienne, montrant des espaces insulaires entre les 
canaux. &, Espaces insulaires ; b, canaux; c, vésicule germinative; d, tache ger- 
minative. 

Fig. 27. Bourgeons testiculaires par un grossissement de seize diam. a, Tronc 
commun ; bb, tiges creuses des bourgeons testiculaires ; 6, bourgeons testiculaires ; 
d, enveloppe externe ; e, cavité interne. 

Fig. 28. Un bourgeon plus développé par le même grossissement. &, Attache ; 
b, cloche natatoire du bourgeon ; c, ouverture circulaire de la cloche, munie d'un 
bord musculaire ; d, enveloppe du testicule ; e, cavité du testicule encore vide. 

Fig. 29. Bourgeon testiculaire plus âgé. Les lettres ont la même signification. 


La cavité du testicule est remplie de masse séminale disposée en chevrons. 


156 C. VOGT. SIPHONOPHORRS 156 


Fig. 50. Bourgeon testiculaire qui vient de se détacher spontanément. Le testi- 
cule est tellement rempli qu'on ne peut plus distinguer son enveloppe. 

Fig. 51. Spermatozoïdes, grossis six cents cinquante fois. 

Fig. 52. Très-jeune individu, recueilli le 24 octobre 1851 et grossi cent cin- 
quante fois. a, Plaque protectrice unique; b, polype unique considérablement 
contracté ; €, tronc commun dépourvu encore de vésicules aériennes ; d, second 
polype en voie de formation ; e, capsule urticante. 

Fig. 55. Une de ces capsules urticantes grossie quatre cents fois. 

Fig. 54. Jeune individu, recueilli le 13 février 1851 et grossi seize fois. a, Vési- 
cule aérienne ; bb, plaques protectrices disposées en cercle; c, bourgeons de cloches 
natatoires ; d, polype formé ; e, polype naissant ; /f, bourgeons de polypes ; g, fil 
pêcheur. 

Fig. 55. Une des plaques protectrices, vue de face. 

Fig. 56. La plaque protectrice du plus jeune individu par un grossissement de 
quatre cents fois. 

Fig. 57. Capsule urticante de l'individu de fig. 34, grossie quatre cents fois. 
a, Tronc; b, fèves urticantes ; c, fil rouge en voie de formation ; d, fil terminal 
incolore ; e, sachet enveloppant les sabres urticants; f, pointes urticantes sortant 


de l’extrémité du sachet. 


TAB. XI. 


Portion antérieure de la jeune Agalme rouge, représentée tab. 6 et grossie 
vingt-deux fois. a, Capsule dure de la bulle d’air ; b, capuchon de pigment rouge 
grenu ; €, bulle d'air; d, substance musculaire interne et floconneuse; e, col du 
tronc commun ; f, tronc commun ; g, bourgeons de cloches natatoires ; hk, bour- 
geon plus développé; ?, cloche natatoire; k, polypes nourriciers ; !, bourgeons 
cylindriques du fil pêcheur ; m, bourgeons de vrilles incolores ; n, bourgeons de 
vrilles jaunes ; 0, polypes nourriciers incomplets ; p, bourgeons de polypes nour- 
riciers ; q, polypes reproducteurs astomes ; r, bourgeons sexuels ; s, bourgeons de 


polypes reproducteurs. 


157 DE LA MER DE NICE. 157 


TAB. XII. 


Fig. 1. Agalme ponctuée (4. punctata) de grandeur naturelle. a, Bulle d'air ; 
b, bourgeons de cloches natatoires; c, toufles de plaques protectrices ; d, polypes 
reproducteurs ; e, fil pêcheur au milieu de la toufle; /, tronc commun. 

Fig. 2. Les cloches natatoires vues de face. 

Fig. 3. Cloche natatoire grossie au double et vue d'en haut. 4, Ouverture; b, iris 
musculaire. 

Fig. 4. La même cloche vue d'en haut. 

Fig. 5. Plaque protectrice vue de sa face creuse. a, Ouverture de communica- 
tion avec le tronc ; b, canal. 

Fig. 6. La même vue de profil. 

Fig. 7. Taches blanches, par un grossissement de trois cent cinquante diamètres. 

Fig. 8. Polype reproducteur. a, Canal interne ; b, couche de substance interne : 


c, épithelium, garni de taches blanches et de lentilles urticantes. 


TAB. XIII. 


L’Apolémie contournée, ayant tous ses fils pêcheurs développés. Grandeur natu- 


relle. 
TABR::XIN- 


Fig. 1. Un individu nourricier de l’Apolémie contournée, grossi seize fois. a, Ex- 
trémité antérieure, portant la bouche; b, bourrelets biliaires ; c, vrilles urticantes 
du fil pêcheur. 

Fig. 2. Une paire d'individus reproducteurs grossi seize fois. a, Tige com- 
mune ; aa, tiges particulières ; b', grappe mâle ; b, grappe femelle ; c, filet pé- 
cheur rabougri; d, individu mäle ; e, individu femelle ; f, collier rouge ; g, ex- 
trémité antérieure garnie de quelques capsules urticantes et d’une substance gra 
nulée en diffluence. 

Fig. 5. Une cloche natatoire grossie seize fois. a, Canal central montant de- 


158 C. VOGT. SIPHONOPHORES 158 


puis la tige ; b, point de partage en quatre canaux entourant la cavité natatoire ; 
c, ouverture entourée de son iris musculaire ; d, tache jaune. | 

Fig. 4. Nrille urticante grossie cent cinquante fois. a, Fil secondaire, servant 
d'attache ; b, bande rouge formée par des sabres urticants ; c, fèves urticantes ; d, filet 
terminal. 

Fig. 5. La tache jaune grossie quatre cent cinquante fois. 

Fig. 6. Quelques bourgeons mâles grossis plus considérablement et montrant 
les canaux qui les traversent. a, Substance externe ; b, canaux; €, cavité 
interne. 

Fig. 7. Un polype nourricier de l'Hippopode jaune, attaché au tronc commun et 
muni de son fil pêcheur. Grossissement de seize diamètres. a, Tronc commun ; 
b, tige ; c, cavité digestive; d, partie antérieure ; e, bouche du polype ; f, fil pé- 
cheur ; 9, fil secondaire ; k, capsule urticante. 

Fig. 8 et 9. Capsules urticantes vues de profil et de la face convexe sous un gros- 
sissement de deux cent cinquante diamètres. a, Fil secondaire d'attache ; b, cordon 
jaune ; c, fèves urticantes. 

Fig. 10-12. Bourgeons mâles à différents degrés de développement. a, Tige ; 


b, sac interne à spermatozoïdes ; c, enveloppe externe. 


TAB. XV. 


Fig. 1. L'Hippopode jaune de grandeur naturelle entièrement développé. 

Fig. 2. Une cloche natatoire détachée vue de la face inférieure, pour montrer 
les éminences servant d'engrenages, l'ouverture et son couvercle. 

Fig. 5. Trois exemplaires du distome de l'Hippopode, grossis 16 fois. 

Fig. 4. Abyla trigona de grandeur naturelle. 


Fig. 5. Diphyes spec. de grandeur naturelle. 


TAB. XVI. 


Fig. 1. Praya diphyes de grandeur naturelle, nageant dans un bocal avec ses fils 
pêcheurs développés. 
Fig. 2. Les deux cloches natatoires vues d’en haut. a, Substance solide mais molle 


159 DE LA MER DE NICE. 159 


des cloches; b, espace en forme de raquette creusé au milieu de cette subs- 
tance; €, extrémité du tronc commun logé dans la cavité entre les deux 
cloches. t 

Fig. 3. Une des cloches natatoires, vue du côté interne. a, Tronc commun ; 
b, gouttière destinée à loger le tronc commun; €, cavité natatoire ; d, ouverture 


plissée de cette cavité. 
TAB. XVII. 


Fig. 1. Groupe entier fixé sur le tronc commun du Praya Diphyes, grossi huit 
fois. a, Tige du polype nourricier ; a’, partie digestive ; a*, bouche ; b, fil pécheur 
contracté ; €, cloche natatoire spéciale ; c', ouverture de la cavité ; c*, pièce py- 
ramidale solide ; c°, point d'attache au casque ; c*, point d'attache au tronc com- 
mun ; e, casque protecteur ; e*, canal inférieur ; e*, canal antérieur ; e*, canaux 
postérieurs ; e*, canal supérieur à renflement pyriforme ; f, tronc commun. 

Fig. 2. Un polype nourricier isolé, débarrassé du casque et de la cloche nata- 
toire et grossi trente fois. a, Tronc commun ; b, tige ; c, portion digestive; d, por- 
tion antérieure ; e, bouche du polype; /, touffe de bourgeons urticants ; g, bourgeon 
plus développé ; h, fil pêcheur ; , fil secondaire d'attache ; k£, capsule urticante ; 
L, fil terminal. 

Fig. 3. Capsule urticante grossie cent cinquante fois. a, Fil secondaire d'attache ; 
b, fil musculaire ; c, sabres urticants ; d, fèves urticantes allongées ; e, fil terminal : 
f, cellules terminales. 

Fig. 4. Lentilles urticantes du fil terminal grossies cinq cents fois. 

Fig. 5. Espace en raquette d’une grande cloche natatoire. Grossissement de cent 
cinquante diamètres. 

Fig. 6. Espaces celluliformes de la cavité digestive grossis trois cent cinquante 
fois. 

Fig. 7. Bourgeon mâle grossi trois cent cinquante fois. a, Enveloppe externe ; 
b, substance interne; c, cavité ; d, Spermatozoïdes ? 

Fig. 8. Bourgeon femelle très-jeune. Cette figure, ainsi que les suivantes, ont le 


même grossissement de trois cent cinquante diamètres. 


160 C. VOGT. SIPHONOPHORES 160 


Fig. 9. Bourgeon plus développé montrant les canaux qui entourent la substance 
interne. ù 

Fig. 10. Bourgeon du même âge par une autre position du foyer pour montrer 
la substance interne étoilée. 

Fig. 11. Bourgeon à deux œufs. 4, Tige, dans laquelle serpente un zoosperme : 
b, canaux ; c, vitellus; d, auréoles de corpuscules vitellaires ; e, vésicule germi- 
native ; f, tache germinative. : 

Fig. 12. Bourgeon avec beaucoup d'œufs. a, Enveloppe externe ; b, substance 
interne ; €, cavité externe remplie d'œufs; d, cavité postérieure; e, canal de la 


tige. 
TAB. XVIIL. 


Fig. 1. Colonie femelle de la Galéolaire orangée. Grandeur naturelle. 


Fig. 


1 

Fig. 2. Colonie mäle de la même espèce. 
3. La grande cloche natatoire vue de face. 
4 


Fig. 4. Son ouverture vue de face. 


TAB. XIX. 


Fig. 1. Groupe isolé mâle de la Galéolaire, grossi huit fois. 

Fig. 2. Groupe femelle sous le même grossissement. Les lettres sont les mêmes 
dans ces deux figures. a, Tronc commun; b, polype nourricier ; b', tige ; b°, ca- 
vité digestive; b°, partie antérieure du polype; €, touffe de bourgeons urticants : 
d, fil pêcheur; e, cornet protecteur; f, bouton d'attache du cornet; g, bour- 
geon femelle ; k, bourgeon mâle; k', ombrelle; h*, sac interne; hk°, cavité 
du sac. : 

Fig. 3. Capsule urticante grossie. a, Fil secondaire d'attache ; b, partie muscu- 
laire; €, cordon jaune de sabres urticants ; d, fèves urticantes ; €, fil 
terminal. : 

Fig. 4. Jeune bourgeon femelle, montrant deux canaux et des œufs gra- 
nuleux. 


161 DE LA MER DE NICE. 161 


Fig. 5. Bourgeon plus ägé à enveloppe mince et œufs transparents et ho- 
mogènes. 

Fig. 6. Bourgeon femelle développé. a, Attache ; b, ombrelle ; c, ouverture ; 
d, ovisac. 

Fig 7 et 8. Deux œufs défigurés par la pression. 

Fig. 9. Jeune bourgeon de cloche natatoire. a, Tige ; b, enveloppe; c, canaux 
sinueux : d, cavité interne encore fermée. 

Fig. 10. Très-jeune individu de la Galéolaire. a, Globe gélatineux ; b, polype 
nourricier ; €, tige ; d, espace cellulaire ; e, touffe de bourgeons urticants ; /, bour- 
geon de cloche natatoire. Grossissement de 350 diam. 

Fig. 11. L'espace cellulaire sous un grossissement de 350 diam. 

Fig. 12. Individu plus âgé. a, Globe gélatineux ; b, espace cellulaire; c, ouver- 
ture ronde ; d, tige; e, polype nourricier ; f, toufle de bourgeons urticants ; 
g; bourgeon reproducteur ; h, bourgeon de cloche natatoire. 

Fig. 15. Le bourgeon reproducteur sous un plus fort grossissement. a, Tige 
creuse ; b, enveloppe externe ; c, ombrelle ; d, ouverture de l’ombrelle ; e, sac in- 


terne ; f, sa cavité. 


TAB. XX. 


Fig. 1. Plusieurs groupes d'une colonie femelle de Galéolaire dans leur assem- 
blage. Grossi au double. 

Fig. 2. Deux groupes mâles sous le même grossissement. 

Fig. 5. Espaces celluliformes de la cavité digestive. 

Fig. 4. Portion antérieure de l'Abyla trigona avec le tronc commun qui y est 
attaché. a, Pièce cristalline antérieure ; b, tronc commun ; €, cordon d'attache 
entre le trone commun et la petite cloche natatoire ; d, cordon d'attache du tronc 
commun à l’espace cellulaire ; e, cordon d'attache du tronc commun à la grande 
cloche natatoire ; f, petite cloche natatoire ; f', ouverture ; f*, canaux montants ; 
f5, canaux antérieurs ; f*; canaux postérieurs ; g, espace cellulaire ; g', Queue de 
cet espace; À, bord de la grande cloche natatoire ; t, polype nourricier ; k, toufle 
de bourgeons urticants. 

24 


162 C. VOGT. SIPHONOPHORES 162 


Fg. 5. Un polype nourricier grossi seize fois. a, Extrémité antérieure garnie de 
capsules urticantes ; b, cavité digestive ; c, tige. 

Fig. 6. Espaces celluliformes de la cavité digestive, grossis trois cent cinquante 
fois. 

Fig. 7. Groupe terminal d'un Abyla trigona, Eudoxia des auteurs, grossi trente 
deux fois. a,b,c, — Trois bourrelets musculaires en connexion avec le tronc 
commun et envoyant chacun un canal creux de fixation dans la masse cris- 
talline, d, taillée à facettes dentelées ; e, polype nourricier ; f, ombrelle taillée 
en facettes de l'organe reproducteur ; g, cavité natatoire de cet organe ; h, ou- 
verture ; , sac interne creux, communiquant par la tige creuse, k, avec la cavité 


du tronc commun ; /, canaux. 


TAB. XXI. 


Fig. 1. Jeune individu de la Galéolaire orangée grossi seize fois. a, Globe géla- 
tineux fendu, devenant cornet protecteur ; b, espace cellulaire ; €, ouverture ; 
d, tige; e, polype nourricier ; f, toufle de bourgeons urticants ; g, bourgeon re- 
producteur ; , bourgeon de cloche natatoire ; 1, fil pêcheur ; k, fente du cornet 
protecteur. 

Fig. 2. Bourgeon reproducteur fortement grossi. a, Point d'attache ; b, enve- 
loppe externe ; c, ombrelle; d, canaux ; e, ouverture; f, sac interne; g, sa 
cavité. 

Fig. 5. Capsule urticante de l'Abyla trigona, grossi trois cent cinquante fois. 
a, Fil secondaire d'attache ; b, partie contenant l'appareil musculaire ; ce, cordon 
brun de sabres urticants; d, fèves urticantes ; e, grandes lentilles urticantes inco- 
lores ; /, fil terminal enroulé en spirale. 

Fig. 4. Une des lentilles urticantes grossie plus considérablement. 

Fig. 5. Lentille urticante de l'extrémité antérieure d'un polype de l'Abyla 
trigona. 

Fig. 6. La même ayant lancé son fil. 


Fig. 7. Bourgeon femelle de l'espèce de Diphyes, grossi cent cinquante fois pour 


163 DE LA MER DE NICE. 163 


montrer la disposition générale ; a, tronc commun ; b, cavité digestive : c, partie 
antérieure du polype; d, bourgeon. 

Fig. 8. Un bourgeon du même, un peu plus avancé. a, Tronc commun ; b, base 
du polype ; €, enveloppe externe du bourgeon ; d, substance interne ; e, cavité 
intérieure ; f, canaux en voie de formation. 

Fig. 9. Jeune bourgeon grossi trois cent cinquante fois, montrant les cellules 
en pavé de sa couche externe et la disposition de sa cavité ; a, substance externe ; 
b, substance interne ; €, cavité. 

Fig. 10. Jeune bourgeon mâle de l'Abyla trigona, grossi cent cinquante fois. 
a, Tige; b, substance externe très-épaisse ; c, dépression devenant l'ouverture de 
l'ombrelle ; d, canaux. 

Fig. 11. Bourgeon plus développé sous le même grossissement. 4, Canal de la 
tige ; b, couche externe; c, substance interne ; d, ouverture ; e, canaux rayon- 
nants ; L sac interne ayant une cavité. 

Fig. 12. Groupe terminal d’un Abyla trigona, grossi trente-deux fois, montrant 
deux cloches sexuelles. a, Pièce protectrice cristalline à facettes ; b, avant-dernière 
cioche ; €, dernière cloche ; d, polype nourricier ; e substance d'attache ; f, plaque 
protectrice du polype. 

Fig. 13. Groupe semblable sous le même grossissement. Les lettres ont la même 


signification ; g, toufle d'organes urticants. 


———dh Q— — — — 


164 164 


Deux publications récentes, qui me parviennent au moment où je dois donner le bon à tirer de la der- 
nière feuille, montrent combien les Siphonophores ont attiré l'attention des naturalistes dans ces derniers 
temps. Je donnerai ici une courte analyse de ce qui me paraît important dans ces travaux. 

Le premier est une courte notice préliminaire de M. Gegenbaur, ayant pour titre : Sur quelques ani- 
maux marins inférieurs, qui se trouve dans « Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie, von C.-Th. v. Siebold 
et À. Külliker, Tom. V, cahier I, p. 103, » publié à Leipsie le 16 août 1853. Cette notice donne d’abord 
la description d’une nouvelle espèce d’Eudoxie (Eudoxia messinensis), puis celle d’un nouveau genre, 
Diplophysa, différent des Eudoxies seulement par l'organe protecteur, qui est globuliforme et mou, ainsi 
que par la forme de la cloche natatoire. 

M. Gegenbaur agite la question de savoir si les Eudoxies et les Diplophyses sont des animaux à part ou 
seulement des groupes séparés du tronc commun des Diphyides. M. Gegenbaur ne veut pas se prononcer, 
quoiqu'il ait vu les groupes terminaux des Abyles parfaitement semblables aux Eudoxies, mais il penche 
pour celte opinion que j'ai soutenue plus haut. 

Sur les trois espèces de Diphyides examinées par lui, M. Gegenbaur n’en a trouvé qu’une seule (Sulcu- 
levaria quadrivalvis Lesson) qui fût unisexuelle ; — les deux autres espèces ont des colonies hermaphro- 
dites. La supposition faite plus haut sur les rapports entre les genres Abyle et Diphye tombe donc néces- 
sairement. Je soupçonne, que le genre Sulculéolaire est identique avec le genre Galéolaire. 

Une espèce gigantesque de Praya est décrite sous le nom de P. maxima. 

M. Gegenbaur à observé des colonies entières de Rhizophyses. Il confirme l’absence totale d'organes 
natateurs actifs, la présence d’une bulle d’air, l'existence d’un tronc commun, de polypes à fil pêcheur et 
de grappes sexuelles. Ce genre prendrait donc sa place en tête des Siphonophores à organe natateur 
passif, et formerait un passage naturel des Agalmes aux Physalides. 

Sous le nom d’Apolemia uvaria, M. Gegenbaur décrit une colonie d’Agalme ponctuée. Il en résulte que 
les touffes d’appendices sont toujours composées de plusieurs polypes entourés d'individus astomes. Il 
faudra donc nécessairement séparer génériquement l’Agalme ponctuée de l’Agalme rouge. On pourrait 
donner à cette espèce le nom d’Agalmon punctata. 

La partie la plus importante du mémoire de M. Gegenbaur a rapport à la génération des Siphonophores. 
La fécondation artificielle lui a réussi par la réunion dans un bocal de capsules màles et femelles. Le 
vitellus se fractionne très-vite et en totalité ; — il en résulte un embryon en forme d’infusoire, vibrant à 
la surface, qui, le troisième jour, nage librement dans l’eau. La description ultérieure du développement 
se comprend diflicilement sans figures; — il en résulte pourtant que les Diphyides développent d’abord 
une seule cloche natatoire et un polype assez petit, tandis que les Physophorides n'auront l'appareil loco- 
moteur que très-tard après le développement des autres parties. 

M. Gegenbaur a encore observé une corrélation entre les tentacules (individus astomes) et les fil pê- 
cheurs. Pendant que ces derniers se développaient, les tentacules se contractaient pour chasser leur liquide 
dans le fil pêcheur. 

Le travail de M. Leuckart, ‘ quoique beaucoup plus volumineux que la courte notice de M. Gegenbaur, 
est pourtant beaucoup moins riche en faits nouveaux observés avec précision. Le pêcheur Jacquin, à Nice, 
dressé par moi pendant un séjour de plus d’une année, a procuré à M. Leuckart presque toutes les espèces 
décrites dans mon mémoire. La Diphyide mentionnée reçoit par M. Leuckart le nom de Diphyes acumi- 
nata. On trouve dans le mémoire de M. Leuckart une dissertation sur la structure des Siphonophores en 
général, étendant et élargissant les faits déjà connus, et une seconde dissertation sur les formes mono- 
gastriques des Diphyides, dans laquelle M. Leuckart prouve aussi que les Eudoxies sont des individus 
séparés du tronc commun des Diphyides polygastriques. 


1 Zoologische Untersuchungen. Erstes Heft : Siphonophoren. Giessen, 1855, chez J. Ricker. 


MÉMOIRE 


SUR 


QUELQUES LIVRES CAROLINS 


OU 


DE L'ÉPOQUE CARLOYINGIENNE. 


A L'OCCASION D'UN 
MANUSCRIT LATIN AVEC COUVERTURE D'OR, 
PROVENANT DU TRÉSOR DU CHAPITRE DE SION EN VALLAIS, ET DÉSIGNÉ SOUS LE NOM 


D'ÉVANGÉLIAIRE DE CHARLEMAGNE, 


PAR Ho=Ee GAULLIEUR; 
PROFESSEUR D'HISTOIRE À L'ACADÉMIE DE GENÈVE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'INSTITUT GENEVOIS. 


(Lu à la Section des sciences morales et politiques, le 30 septembre 1853.) 


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MÉMOIRE 


SUR 


QUELQUES LIVRES CAROLINS OÙ DE L'ÉPOQUE CARLOVINGIENNE 


A L'OCCASION D'UN 
MANUSCRIT LATIN AVEC COUVERTURE D'OR, 
PKOVENANT DU TRÉSOR DU CHAPITRE DE SION EN VALLAIS, ET DÉSIGNÉ SOUS LE NOM 


D'ÉVANGÉLIAIRE DE CHARLEMAGNE 


A VE 2 2 Ê 
Tr SO .-C. Cauflieur. 
e 


Sur les manuscrits de l’époque Carolingienne en général. 


Tout ce qui se rattache au nom de Charlemagne a laissé dans la mémoire et 
dans l'imagination des peuples des traces ineffaçables. Ce grand homme est pour le 
moyen-âge ce que furent pour l'antiquité Alexandre et César, ce qu'est déjà Napo- 
léon pour les temps modernes. Aussi est-il arrivé pour lui ce qui était advenu à 
tous ces grands noms de l’histoire que le souvenir ou la reconnaissance des hommes 
entourèrent d’un tel prestige, qu'on attribuait indistinctement à ceux qui les 


avaient portés, des actions, des paroles, des fondations et des monuments aux- 


168 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 4 


quels ils étaient parfois très-étrangers. Le but et le devoir de la saine critique histo- 
rique consistent à démêler et à discerner ce qui, dans la vie de ces personnages 
illustres, doit leur être réellement attribué, et ce qu'il faut élaguer de leur histoire. 
Rien de plus difficile que de rester constamment dans les limites de cette judicieuse 
raison qui sait se garder aussi bien du scepticisme que de la crédulité. 

Pour en revenir à Charlemagne, il est peu de pays, parmi ceux qui formaient son 
immense empire, où son souvenir soit aussi profondément empreint dans les tradi- 
tions, dans les légendes, dans les documents et dans les titres authentiques qu'au 
sein de notre Helvétie. Cela se comprend et s'explique facilement. Notre patrie, la 
région des Alpes suisses, vallaisannes et savoisiennes en général, formait comme 
le centre du nouvel empire d'Occident. Constamment appelé, par les nécessités de 
la guerre ou par le besoin d'organisation et de civilisation qui le travaillait inces- 
samment, d’une extrémité à l'autre de ses vastes États, Charlemagne, soit qu'il 
se rendit des Gaules en Italie ou en Germanie, soit qu'il se portàt sur le Pô, le 
Rhin ou le Danube, devait traverser une partie de l'Helvétie soit Burgonde, soit 
Allémanique, et y séjourner même plus ou moins longtemps avant d'aller plus 
outre, à où sa grande mission l'appelait *. 

C'est ainsi que l’histoire héroïque de l'antique Zurich, les annales de la Thur- 
govie et de la Rhétie sont pleines des actes mémorables du grand empereur d'Oc- 
cident. Les conteurs populaires de l'Allemagne ont exploité à l’envi cette veine *. 
Dans un genre plus sérieux et avec un caractère réellement authentique, les 
chroniques de l'Abbaye de Saint-Gall offrent aux investigations de l'historien des 
sources que l’on irait chercher vainement ailleurs pour reconstituer l'époque Caro- 


lingienne *. C'est à cet antique et vénérable monastère que la France doit recourir 


* En admettant, avec les historiens de Charlemagne, que ce grand prince a fait plusieurs voyages en 
Helvétie, soit en allant en Italie, soit en se rendant en Allemagne, nous n’entendons nullement préjuger 
et trancher la question des divers séjours qu'il aurait faits en diverses localités précises de nos contrées. 
Nous dirons en particulier, pour ce qui concerne la présence de Charlemagne à l'Abbaye de Saint-Maurice, 
que ce fait a été contesté par des raisons assez plausibles. 

* On sait entre autres que la fameuse légende du serpent, qui recourt avec insistance à la justice de 
Charlemagne, a trait à la fondation de la Wasserkirche, ou Église de l'Eau, attribuée à cet empereur. Le 
moûtier de Notre Dame de la même ville eut pour premières abbesses Hildegarde et Berthe, ses petites- 
filles. 

* Monachi'S. Galli Gestorum Caroli Magni Annales. C’est le recueil connu, dans les historiens des 
Gaules, sous le nom de l'Anonyme de Saint-Gall; annales Sangallenses majores dans Pertz. 


5] DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 169 


quand elle veut avoir les titres les moins contestables sur la période de transition 
entre la première et la seconde race de ses rois. Genève, la cité Burgonde par 
excellence, a vu le fils de Pépin rassembler sous ses murailles l'armée des Francs. 
C'est à Genève qu'il tint, en 773, ce célèbre plaid général dans lequel il délibéra, 
au milieu de ses capitaines et des grands de son empire, sur la campagne qu'il 
allait ouvrir en Italie contre Didier, roi des Lombards. C'est dans cette ville qu'il 
fit la répartition de ses troupes en deux corps d'armée, l’un qui devait traverser le 
Vallais et franchir le Mont-Jou (aujourd'hui le grand Saint-Bernard) pour pénétrer 
de là en Italie par les Alpes Pennines ; l'autre qu'il devait diriger, comme jadis son 
père, Pépin le Bref, par le mont Cenis dans les plaines de la Lombardie *. 

Au nombre des moyens d'instruction et de culture que Charlemagne employait 
pour dissiper les ténèbres d’ignorance que les invasions Barbares avaient étendues 
sur le monde Greco-romain, les historiens ses contemporains, ou ceux qui ont vécu 
peu après lui, placent en première ligne la propagation de l'Évangile et la distribution 
des Saints Livres dans les maisons religieuses dont il avait fait autant d'écoles. C'est 
pour arriver plus promptement et plus sûrement à ce résultat que le grand Empe- 
reur avait mandé auprès de lui le savant disciple de Bède, le moine anglais Alcuin 
ou Alcwin, afin qu'il procédàt à l’'émendation des erreurs qui s'étaient glissées par 
l'impéritie des copistes dans les divers textes de la Bible latine *. On sait qu'Alcuin 
était le résumé vivant des connaissances de son siècle parmi lesquelles la calligra- 
phie ou l'art de copier et d'illustrer les manuscrits sur parchemin ou velin occupait 
une place importante. Quelques auteurs ont pensé que le savant moine d'Yorck, 
comblé des bienfaits de Charlemagne, avait à Paris, dans le palais des Thermes 


(aujourd'hui l'hôtel et le musée de Cluny), un atelier où il faisait procéder à ce tra- 


! Rex (Carolus) rebus quæ inter Romanos ac Longobardos gerebantur, ditigenti curà pertractis, bellumi 
sibi contra Longobardos pro defensione Romæ suscipiendum ratus, cum toto Francorum exercitu Geben- 
nam, Burgundiæ civitatem juxta Rhodanum sitam, venit : Ibique, de bello suscipiendo deliberans , copias 
quas secum adduxerat divisit, et unam partem cum Bernhardo patruo suo per montem Jovis ire jussit; 
alteram ipse ducens per montem Cinisium Italiam contendit; superato que Alpium jugo, Desiderium 
regem frustra sibi resistere conantem citra congressum fugavit, Ticino que inclusum obsedit. Eginhardi 
Annales, anno DCCLXXIIL.) 


? Baronir Annales, ad annum 778. 


. 


170 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 6 


vail *. Il est certain que la plupart des beaux et corrects manuscrits, contenant la 
totalité ou une partie des textes sacrés, et particulièrement les Évangéliaires ou 
livres d'Évangiles, écrits sur velin blanc ou pourpre, quelquefois en lettres d’or et 
d'argent, mais le plus souvent en caractères rouge et noir, de différentes sortes, 
appartiennent à l'époque dite Carlovingienne ou Carolingienne, dans laquelle sont 
compris les règnes de ses successeurs et plus particulièrement ceux de Louis le 
Débonnaire, son fils, et de Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve, 
ses petits-fils *. Ces livres n'étaient pas moins recommandables, quand il s'agissait 
de monastères ou d’églises considérables, par la splendeur de leurs reliures que par 
leur contenu. Les auteurs ecclésiastiques du moyen-àge insistent sur la convenance 
qu'il y avait de réserver les pierres précieuses, les perles et les joyaux de haut prix 
pour l’ornement des Livres Saints qui renferment la perle par excellence. C’est ainsi 
que l'Évangéliaire de Saint-Riquier ou de Centulle, dans le Ponthieu, donné à cette 
célèbre abbaye par Charlemagne lui-même en 793, était couvert de plaques d'argent 
et orné d'or et de pierres très-précieuses *. Deux savants voyageurs du commen- 
cement du dix-huitième siècle, les bénédictins Don Martenne et Don Durand, dans 
leur visite aux principales églises et maisons religieuses de France, d'Allemagne et 


de Suisse où ils recherchaient des documents pour la nouvelle édition du Gallia 


! Gurzor, Histoire de la civilisation en France, tom. Il, p. 148 et suiv. Mais c’est à Saint-Martin de 
Tours, bien plus qu’à Paris, qu'il faut se transporter pour assister aux travaux littéraires du sage Alcuin, 
qui avait reçu, vers l’an 796, le gouvernement de cette abbaye en récompense de ses services. L'école de 
Saint-Martin de Tours forma les plus savants hommes de la fin du huitième siècle, et prépara une foule 
d’apôtres qui illustrèrent le siècle suivant, et portèrent le flambeau de la foi et de la science dans les 
écoles de la Germanie et de l’Helvétie, à Utrecht, Prum, Luxeuil, Reichenau, Zurich, Saint-Gall, Moutier- 
Grandval dans notre Jura, Saint-Maurice et Sion dans nos Alpes. Lumières trop tôt éteintes dans ces 
contrées de l’Helvétie par les invasions subséquentes des Hongrois et des Sarrazins, ou plutôt encore 
étouffées sous l’apathie bourguignone. 

? Carolus sacerdotibus serio injunxit ut diligenter litteris operam darent, pure et emendate scriberent. 
(Historia Garoli magni ex præcipuis scriptoribus sui temporis concinnata. Argentina 164%. 4.) I] ne faut 
pas perdre de vue qu’en ramenant les lettres latines d'Italie dans les Gaules, où elles avaient à peu près 
cessé d’être cultivées depuis les invasions Barbares, Charlemagne obéissait autant à une impulsion reli- 
gieuse qu'à un sentiment civilisateur. L'introduction des textes sacrés en langue latine et celle de Ja 
liturgie romaine devaient tendre à augmenter la puissance des pontifes et de la juridiction pontificale sur 
lesquels s’appuyait en partie l'édifice politique Carolingien. 

® Centula ou S. Richarius d'Amiens, de l’ordre de St-Benoit. Cum tabulis argenteis, auro et lapidibus 
preliosis mirificè paratum, dit la Chronique d'Hariulfe en parlant de l'Évangéliaire donné par Charlemagne 
à ce monastère. 


7 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 171 


christiana, nous ont laissé des descriptions très-exactes et quelquefois très-enthou- 
siastes de diptyques ‘ en ivoire, de plaques d’or enrichies de camées et de pierreries, 
ayant servi à couvrir des livres, ou de reliures précieuses en métal ou en quelque 
matière autre que le cuir ou le parchemin *. Ils virent entre autres à Trèves, à 
l'abbaye de Saint-Maximin, un Évangéliaire provenant d’Ada, fille de Pépin le 
Bref et sœur de Charlemagne qui avait une couverture toute resplendissante de 
gemmes ou pierres précieuses, au centre de laquelle était une grande agathe gra- 
vée, large de cinq pouces et haute de quatre, représentant Ada, l'empereur Char- 
lemagne et ses fils *. Ce monument, de la reliure du huitième siècle, a disparu dès 
lors comme tant d’autres. Les mêmes voyageurs contemplèrent aussi, dans le 
trésor de l’abbaye de Saint-Médard de Soissons un autre Évangéliaire donné par 
Louis le Débonnaire, qui était couvert d’un très-beau filigranne de vermeil doré 
exécuté par les ordres de l'abbé Ingran en 1169. Au couvent de Hautvilliers, près 
d'Épernay, on en voyait un autre, écrit, comme le précédent, en lettres d’or et relié 
en ivoire historié. A l'intérieur on lisait ces deux vers latins en l'honneur du calli- 


graphe et du sculpteur : 


Hune auro interius Christi ornavit amicus 


Atque ebore exterius pulchré decompsit opimus. 


Louis le Débonnaire, à l'exemple de son père, offrait très-souvent aux monastères 
et aux prélats qu'il honorait de sa prédilection, des livres lithurgiques splendide- 


ment décorés. C'est ainsi qu'il envoya au pape Étienne, qui lui avait conféré l'onc- 


‘ Les diptyques ou tablettes à deux feuillets (Diptycha), déjà d’un fréquent usage chez les anciens 
Romains, témoins les Diptyques Consulaires, étaient, dans les premiers siècles de l'Église chrétienne, des 
couvertures enrichies d'ivoire, d’or ou d'argent, qui recouvraient des tablettes où l’on inscrivait les noms 
des fidèles pour lesquels on devait prier, ou ceux des néophytes baptisés, ou la série des Évêques du 
Diocèse. On distinguait les diptyques des morts et ceux des vivants. 

On lira avec fruit, sur ces sortes de documents, parfois très-précieux pour l'histoire, la Description 
d'un Diptyque grec trouvé en Savoie par Mgr. Alexis Billiet, archevêque de Chambéry. Chambéry, 1846, 
in-8, fig. 


2 VOYAGE LITTÉRAIRE de deux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Paris, 1117 et 1724, 
2 vol. in-4. 


* Codex Evangeliorum, operimento perquam eleganti quod gemmäà variis emblematis atque parergis, nilel 
affabrè factis. (Mabillon, Ann. Pened.) 


12 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 8 


tion sainte, un Évangéliaire couvert de lames d’or ‘. Un autre savant, Martin 
Gerbert, prince abbé du couvent de Saint-Blaise dans la Forêt-Noire, dans son 
Itinéraire publié en latin et en allemand, nous fait de semblables descriptions d'an- 
ciens manuscrits, richement reliés et dont on a dès lors perdu les traces *. On 
pourrait prolonger cette énumération fort loin encore, sans sortir des livres de 
piété qui se rattachent directement ou indirectement à Charlemagne ou à son 
époque. 

Il est facile de comprendre, en effet, pourquoi la plupart de ces manuscrits 
historiques ont disparu, et pourquoi aussi presque tous ceux qui nous restent ont 
perdu leur reliure primitive. Ils offraient un trop grand appât à la cupidité ou à la 
curiosité pour avoir pu rester intacts. C’est ainsi que les heures de Charlemagne, 
qu'on voit aujourd'hui à Paris dans la bibliothèque du Louvre, n'ont plus le petit 
coffre d'argent doré sur lequel étaient relevés en bosse les mystères de la Passion, 
et qui existait encore en 1620 quand Catel le décrivit dans son histoire des comtes 
de Toulouse, ville où ce manuscrit était déposé antérieurement dans le trésor de 
l’église de Saint-Sernin *. La Bible latine de Charles le Chauve, son livre de prières, 
le livre d'Évangiles de l'Empereur Lothaire, tous les livres Carolins ou Carlovin- 


giens que l'on voit à Paris dans les dépôts publics, et qui tous paraissent avoir été 


! Textum sacrorum Evangeliorum aureis caracteribus exaratum, laminis que metalli ejusdem absque ad- 
mixlione cujusque maleriei inclusum. (Thegan, histoire de Louis le Débonnaire dans le recueil des histo- 
riens des Gaules.) 

? M. GerBerT, lter alemanicum, ete. Typis S. Blasianis, 1769. in-8e, fig. 

5 Ce manuscrit précieux aurait été donné à l’abbaye de Saint-Sernin, de Toulouse, par Charlemagne 
lui-même, quand son fils Louis (le Débonnaire) était roi d'Aquitaine. L’étui disparut en 1793, et le livre 
lui-même, après avoir couru bien des aventures, fut transporté à Paris et offert à Napoléon, en 1811, à 
l’occasion du baptême de son fils. Ce livre de prières (Evangelistarium) n’est pas seulement un manuscrit 
du temps de Charlemagne. Il a appartenu à cet empereur, et fut exécuté d’après ses ordres donnés en 
114. Godescale, l'écrivain, mit sept ans à l’achever, comme le prouvent des vers placés à la fin : 


Hoc opus eximium Francorum scribere Karlus 
Rex pius egregià Hildegard cum conjuge jussit 
Ultimus hoc famulus studuit complere Godescalc 


Septies expletus fuerat centesimus annus 
Octies in decimo sol cùm cucurrerat anno 
Ex quo Christus Jesus secla beaverat ortu 
Exuerat totum et tetrà caligine mundum. 
(181.) 


9 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 143 


magnifiquement reliés, ont perdu leur enveloppe première. En revanche, on con- 
naît un certain nombre de ces reliures historiées, de ces couvertures précieuses, 
qui ont survécu aux célèbres manuscrits qu'elles protégeaient jadis. Rien de plus 
rare que de rencontrer à la fois le livre et sa couverture primitive, également intacts, 
et ayant bravé et traversé heureusement les siècles et leurs révolutions. À cette 
époque reculée, l'enveloppe ou l'habit d'un volume enrichi de miniatures ou peint 
avec un certain soin, était plutôt l'affaire de l’orfèvre que celle du relieur. La 
reliure proprement dite n’était guère encouragée au moyen-âge, puisque Étienne 
Pasquier, dans ses Recherches de la France, nous apprend que le relieur de la 
Chambre des comptes, qui assurément n'était pas le dernier de son état, ne devait 
savoir ni lire ni écrire, sans doute afin que les registres qu’on lui confiait fussent 
lettre morte pour lui ‘. Au seizième siècle même, les relieurs ne trouvaient que peu ou 
point de pratiques dans la bourgeoisie. Ils n'avaient pas non plus, du moins à 
Genève et dans nos colléges de la Suisse romande, la clientèle des écoliers. Ceux-ci 
reliaient parfois eux-mêmes leurs livres et cahiers. C’est ce que semble indiquer 
un colloque de Mathurin Cordier, notre excellent et savant pédagogue : 


« Je te prie, Angelin, relie-moi ce papier. — De quoi me pries-tu, Vignole, ce 


2 
À 


n'est pas mon mestier. — Et toutefois tu en relies souvent aux autres. — Combien 


A 


as-tu de feuilles? — Huit, mais elles sont déjà pliées ; il reste seulement qu'elles 


3 


soient cousues et mises dans le parchemin. — Que me donneras-tu si je te les 


« relie? — Je n'ay rien que je te puisse donner. — Cherche donc un autre ouvrier, 


2 
À 


car je ne le feray pas pour rien, etc., etc. » © 
En général, la reliure fut pendant longtemps une partie du travail des copistes 
et des enlumineurs. Le même homme faisait souvent les trois opérations de l’écri- 


ture, de l'enluminage et de la reliure (scripturam, illuminationem, ligaturam. 


* « Le lundi 30 juillet 1492, Guillaume Ogier fut reçu relieur des comptes, livres et registres de la 
Chambre, à la place d'Eustace d’Angonville décédé. Il a dit et affirmé par serment qu’il ne sçait lire ne 
escrire, ce que le relieur de la dite Chambre ne doit savoir. » (Registres de la Chambre des comptes.) 

? Les Colloques de Mathurin Cordier en latin et en français, Genève, 1613, pour la veuve de Jean 
Durant. (Livre II, Colloque IX.) 


174 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 10 


IL. 


De deux monuments de l’époque Carlovingienne, provenant de 
la Suisse. 


Ces prolégomènes étaient nécessaires pour nous amener, des livres Carolins 
et des Évangéliaires en général, à quelques uns de ces manuscrits qui sont 
propres à la Suisse, qui se rapportent à son histoire et dont la provenance 
paraît certaine, bien que l'on puisse varier quant à la manière de les rattacher 
plus ou moins directement soit à Charlemagne soit à sa lignée. 

Trois de ces monuments nous occuperont essentiellement : Le premier con- 
siste dans une double couverture d'ivoire sculpté qui a été détournée de sa des- 
tination première ; le second est un manuscrit de toute la Bible qui a perdu sa re- 
liure primitive ; et le troisième est un Évangéliaire qui a conservé heureusement et 
l'intégralité de ses feuillets de velin et tout au moins la moitié de sa riche et curieuse 
couverture en or ouvragé et rehaussé d'émaux et de sculptures byzantines. Com- 
mençons parles deux premiers. 

On sait quelles immenses richesses bibliographiques possède la bibliothèque 
de Saint-Gall dont les annales, depuis l'année 830, date de sa fondation, jusqu’à 
l'année 1841, ont été recueillies et publiées par le savant bibliothécaire Weid- 


1 


mann ‘. Peu de villes au monde ont des trésors plus précieux, surtout sous le 


rapport de l'ancienneté, et pourtant ce n'est que le résidu d'une collection 
bien autrement considérable dont les Italiens, prélats ou autres, qui vinrent 


assister au Concile de Constance, surent enrichir leur patrie *. Au nombre des 


© Geschichte der Bibliothek von St-Gallen seit ihrer Gründung, aus den Quellen gearbeitet von Bibliothekar 
Weidmann. St-Gallen, 1841, in-8°. 

? & Quantum, Di boni, doctrinarum thesaurum in bibliothecà S. Galli videre licuisset, si Constan 
tiensi Concilio libris non in varia distractis, ac propè dixerim furto alienatis, integra sibique constans 
mansisset. » (von Watt, acta monasterii S. Galli.) 

Voyez entre autres sur ces spoliations la correspondance de Poggio Bracciolini, appelé communément 


11 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 175 


choses rares qu'a conservées cet établissement d'une antiquité si vénérable, il 
faut citer en première ligne deux tablettes d'ivoire sculpté, qui servirent, dit-on, 
jadis à Charlemagne et qu'il avait habituellement sous son chevet pour y enregistrer 
ses pensées et ses projets ‘. On les tient pour être l'ouvrage de Tutilo, non 
moins habile artiste que savant et saint religieux du couvent de Saint-Gall au 
neuvième siècle. De Mayence à Metz son habileté comme peintre et sculpteur ne le 
faisait pas moins rechercher que sa science pour laquelle il avait reçu le surnom de 
doctor nobilis *. 

Sans trop insister sur l'emploi primitif de ce précieux dyptique, comme agenda 
ou livre de notes de Charlemagne, il est toujours certain qu'il offre un spé- 


cimen unique, et bien propre ou particulier au monastère de Saint-Gall, de l'art 


le Pogge, qui, durant le Concile de Constance, déterra un si grand nombre de manuscrits anciens dans 
cette ville et aux environs. 

Parmi les trésors inappréciables que conserve encore la bibliothèque de Saint-Gall, nous citerons seu- 
lement un Virgile latin du IV: siècle qui fit l'admiration du savant cardinal Angelo Mai, auquel il fut porté 
en Italie pour être examiné; les Homélies de l'Évêque Maxime, manuscrit du VIE siècle; un Lactance du 
IVe ou du V: siècle; l'Astrologie d'Aratus du IX° siècle, avec des miniatures représentant le Zodiaque ; 
à peu près tous les ouvrages d’Alcuin, en manuscrits autiques sur velin; un superbe manuscrit des 
Niebelungenlied du XIE siècle, renfermant le texte le plus correct de ces poëmes et qui a été publié par 
un des Schlegel. La bibliothèque de Saint-Gall ne compte pas moins de 1400 manuscrits plus ou moins 
précieux. Dans ce nombre, les Bibles, les parties de la Bible et les commentaires sur les Saintes Écri- 
tures, qui offrent tous les caractères d’une provenance très-antique (du VII au XII: siècle) sont pour 
une très-large part. On en voit qui sont d’origine Scote ou Ecossaise, et qui se lient historiquement à la 
fondation de la célèbre Abbaye de Saint-Gall. Ils sont appelés Libri scottice scripti. (Catalogue du IX: siècle.) 

Une autre bibliothèque célèbre de la Suisse, celle du couvent d’Einsidlen, n’est guère moins riche en 
manuscrits sur parchemin , contenant tout ou partie des textes sacrés et d’autres ouvrages religieux ou 
profanes remontant au IXe et au X° siècle. 

Les bibliothèques de Berne et de Zurich ont aussi des Bibles ou des parties de Bibles latines du 
IXe siècle en assez grand nombre. Enfin, le chapitre de Saint-Ours à Soleure, le fonds de l’ancienne 
bibliothèque de Rheinau dans le canton de Zurich, les bibliothèques d’Arau et de Lucerne, surtout de- 
puis qu’elles se sont enrichies des livres des couvents supprimés, offrent des manuscrits que l'on peut 
faire remonter sans témérité à l’époque Carlovingienne. Genève et Bâle en ont également. 

! Erant autem tabulæ quondam quidem ad scribendum ceratæ, quas latere lectuli soporantem ponere soli- 
tum, in vità suâ scriptor ejus Karolum dixit. Alias tabulas eburneas magnitudine equipares rarissime videre est. 

(Eginhard in vitâ Caroli magni. Cap. 25 ; Ekkehard. IV. Cas. S. Galli anno 917.) 


2 Sur Tutilo ou Tutelo consultez l'Helvetia sancta de Murrer, St-Gall, 1751, pag. 177, et Ild. von Arx’s 
Geschichte des Kantons St. Gailen, 1810, tom. 1, pag. 99. Il mourut en 896 selon Murrer, et selon d’Arx 
il aurait encore vécu l'an 912. Ces dates s'accordent assez mal avec l'emploi que l’on voudrait que Charle- 
magne, mort en 814 eût fait des tablettes de Tutilo. I ne les sculpta, dit Ekkehard, qu'après la mort du prince. 


176 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 12 


chrétien à l'époque Carolingienne qui fut celle où fleurit surtout cette illustre 
retraite monastique. 

Sur la tablette supérieure on voit au centre le Sauveur du monde assis et 
les mains élevées. Aux deux côtés de sa tête, à droite et à gauche, sont tracées 
les deux lettres grecques A (Alpha) et Q (Oméga) le commencement et la fin. 
Au-dessus et au bas de la figure du Christ on lit: HIC RESIDET. XPC. (Christus) 
VIRTV-TVM STEMMATE SEPTVS. 

Un encadrement ovale sépare la figure principale du reste du travail qui repré- 
sente six séraphins en prières. Aux quatre angles sont figurés les quatre Évan- 
gélistes avec leurs symboles ordinaires, l'aigle, l’ange, le lion et le taureau. Au 
bas de la tablette, entre Saint-Marc et Saint-Luc, sont deux figures allégoriques 
dont l’une porte des aîles à la tête comme le Mercure de la Mythologie Grecque 
et l’autre tient une corne d’abondance. L'ensemble de ce bas relief symbolique 
semble représenter le ciel, la terre et l'enfer qui viennent reconnaître la loi du 
Christ. 

La seconde plaque d'ivoire appartient à un autre ordre d'idées et représente 
des traits de la légende. Dans le compartiment supérieur on voit un lion qui 
s'élance sur un animal cornu. Au milieu est représentée l'assomption de la vierge 
avec cette inscription : 

ASCENSIO. SCE. (Sanctae). MARIE. 
Les anges qui forment son cortége céleste sont drapés avec un certain art. 
Au compartiment inférieur on lit : 
S. GALL’. PANEM. PORRIGIT. VRSO. 

Et en eflet on voit le pieux cénobite, fondateur du couvent de Saint-Gall, 
présentant un pain à un ours qui lui donne en échange un tronc d'arbre pour 
se chauffer. Cette scène a trait à une partie de la légende du saint dans laquelle 
l'hagiographe a voulu donner à entendre qu’il exerçait un empire irrésistible même 
sur les bêtes féroces qu'il força à quitter la vallée où il avait établi sa cellule, et à se 
retirer au plus profond des forêts. 

On a savamment disserté sur l’âge de ces deux sculptures : des critiques ont pré- 
tendu que la première était beaucoup plus antique que la seconde, et qu'elle 


figurait dans le trésor de l'archevêque Hatto de Mayence avant que l'abbé de 


13 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 177 


Saint-Gall, Salomon II, l’eût obtenue de lui pour orner un manuscrit fameux, 
le long Évangile /Evangelium longum), chef-d'œuvre du calligraphe Sintram *. 

Mais les arabesques et les enroulements qui encadrent l'une et l'autre plaque ont 
trop d'analogie pour qu'il soit possible de les rapporter à deux époques, à moins 
que l'artiste n'ait copié sur la seconde tablette le style pur byzantin de la pre- 
mière *. 

Le second des monuments de l’art carolingien dont nous avons à nous en- 
tretenir n'appartient malheureusement plus aujourd'hui à la Suisse. Il à passé à 
l'étranger depuis quelques années. Nous voulons parler de la fameuse Bible dite 
la Bible d’Alcuin, qui devait avoir été écrite et offerte par lui à Charlemagne. 
On sait que ce manuscrit, à supposer même qu'il fallût rabattre quelque chose 
des certificats que s'était fait donner l'un de ses propriétaires, M. J. H. de 
Speyer-Passavant, de Bâle, était toutefois de la plus haute importance soit sous 
le rapport calligraphique soit au point de vue philologique *. Les assertions de 
M. de Speyer ont trouvé, à certains égards, quelque contradiction chez les savants 
de l'Allemagne, entre autres chez MM. Hug, professeur de théologie à Fribourg, 
et Gustave Hænel professeur de droit à Leipzig *. 

L'histoire de cette Bible est un véritable roman, et en effet il y avait bien quel- 
quefois du romanesque dans les pérégrinations que lui faisait faire M. de Speyer 


pour expliquer sa provenance. Commençons par la fin et remontons si possible à 


! Hoc hodie est Evangelium et Scriptura, cui nulla ut opinamur par erit ultra ; quia omnis orbis Cisal- 
pinus Sintrammi digitos miratur, in hoc uno, ut celebre est, triumphat. (Ekkehard IV. Cas. S. Gall 
917-920.) Pertz désigne ainsi ce manuscrit : Evangelium longum à Sintrammo sæculo IX seriptum. 


2? Le dyptique de Tutilo a été reproduit sur deux planches, de la grandeur des sculptures originales 
(11 pouces 7 lignes de hauteur, sur 5 pouces de largeur) dans l’ouvrage intitulé : Alterthümer und ge- 
schichtliche Merkwürdigkeiten der Schweiz. (Galerie d’antiquités et de curiosités historiques de la Suisse) 
2e partie, planches I et II. Berne, 1824-1826, gr. in-folio. 


* Description de la Bible, écrite par Alcuin, de l’an 778 à l’an 800, et offerte par lui à Charlemagne 
le jour de son couronnement à Rome, l’an 801. Avec les certificats des MM. Champollion, Van Praët, 
Guerard, Nodier, Walcknaer, Daunou, Gence, Brunet, Monmerqué , Guizot, Guillon, Peignot, du Som- 
merard, ete. Paris, 1829, in-8. 

‘ Hug, Xritisch diplomatischer Bericht über eine Handschrift der lateinischen Uebersetzung des Alten und 
neuen Testaments nach Alkuins Ausgabe. (Theologisches Zeitschrift, Ilter Heft). Notice critique et diplo- 
matique sur un manuscrit de la traduction latine de l’Ancien et du Nouveau Testaments d’après la version 
d’Alcuin. (Dans la Revue Théologique du professeur Hug, de Fribourg, 2° livraison, in-8°.) 


178 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 14 


l'origme de ce manuscrit. M. de Speyer l'acquit en 1822, de M. Bennot, négo- 
ciant, et vice-président du tribunal de la petite ville de Delémont dans l'évêché 
de Bäle (Jura Bernois), lequel l'avait eu par voie d'achat quand les troupes de 
la République française occupèrent l'évêché de Bâle après avoir expulsé le 
Prince-Evêque de sa résidence de Porrentruy (1792). Les pères Bénédictins de 
l'abbaye de Moutier-Grandval, couvent célèbre aux temps Carlovingiens, et qui 
avait été transféré à Soleure, puis à Delémont, après la réformation, ayant été 
dispersés définitivement alors (1793), cette Bible, leur propriété, fut, dit-on, 
vendue avec d’autres choses qui leur appartenaient ‘. Mais comment cette même 
Bible était-elle devenue originairement la propriété du couvent de Moutier-Grand- 
val? Selon M. de Speyer, Lothaire, petit-fils de Charlemagne, qui la tenait de 
son immortel aïeul, l'aurait donnée au couvent de Prum, en Lorraine, quand il 
y prit l'habit religieux ou quand il y mourut en 856. L'an 1576 le couvent de 
Prum ayant été sécularisé, et ses revenus donnés à l'électeur de Trèves, les 
Bénédictins qui le peuplaient transportèrent religieusement la Bible d’Alcuin au 
couvent de Grandval à Delémont. Les signatures de deux abbés de ce dernier mo- 
nastère prouvent qu'effectivement ils la détenaient en 1589 et 1597. Mais quant 
aux preuves du séjour antérieur de cette Bible à Prum et de son transfert à 
Grandval, elles manquent réellement. Sans aller chercher si loin ses origines 
Carlovingiennes, nous serions plutôt porté à croire que le couvent de Moutier- 
Grandval la possédait dès les temps Carlovingiens qui furent l’époque brillante 
de cette maison; qu’elle était en un mot la Bible de ce couvent, alors fort im- 
portant. Ce serait déjà un extrait de naissance assez respectable, et l'on n'aurait 
que faire de voir dans cet exemplaire, si beau et splendide qu'il soit, l'original 


autographe d’Alcuin. Le couvent de Grandval étant tombé dans l'abaissement et 


! Cest par l’effet de cette dispersion des religieux des divers couvents de l'Évêché de Bâle (Lucelle, 
Bellelay, Moutier-Grandval), qu’une partie des archives de ces monastères allèrent enrichir celles d’Ins- 
pruck. Les moines de Bellelay, qui avaient été chercher un asyle dans la capitale du Tyrol, y transpor- 
tèrent les pièces les plus précieuses de leur couvent. L'administration française , qui organisa la conquète, 
fit aussi transférer à Colmar, chef-lieu du Haut-Rhin, des actes importants. Beaucoup de particuliers, qui 
avaient des parents dans ces cloîtres supprimés, se trouvèrent presque involontairement en possession de 
documents historiques précieux et de livres rares. La Bible dite d’Alcuin ou de Charlemagne gisait ainsi 
ignorée à Delémont, quand M. de Speyer, Bâlois, l'ayant découverte par hasard, en fit l'acquisition à vil 
prix, pour quelques centaines de francs, assure-t-on. 


15 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 179 
dans l’apathie intellectuelle, comme tant d'autres, aurait laissé ce manuscrit en 
oubli et dans le misérable état où il fut trouvé lors de sa suppression. Il est 
plus naturel, d’après le cours historique des choses dans les maisons monasti- 
ques, de voir ces religieux négliger leur propriété originaire , qui était devenue 
de petite ou de nulle valeur à leurs yeux, que de croire sans la moindre preuve 
qu'ils auraient accueilli en triomphe, à la fin du seizième siècle, cette vénérable 
relique transférée de Prum chez eux, pour la laisser ensuite à l'abandon dans 
l'état le plus abject. Chaque monastère de quelqu'importance, chaque église épisco- 
pale avait sa Bible manuscrite plus ou moins belle et dont chaque exemplaire 
était une reproduction de la révision d'Alcuin *. On en conserve une à Rome, 
dite la Bible de Juvenianus, parce qu'elle fut donnée jadis par un sous-diacre de ce 


nom à l'église de Saint-Laurent *, où l’on peut lire les mêmes pièces liminaires, 


‘ Ce qui semblerait prouver que ces religieux traitaient jadis leur Bible comme une ancienne propriété, 
c’est la résolution qu’ils écrivirent en tête de ne jamais l’aliéner. Cet arrêté est ainsi conçu : € Sanctus 
Germanus et Randoaldus veri hujus libri possessores, et abbas, venerendum Collegium et Ecclesia (predictum 
librum) nunquam alienandum neque alio trensportandum statuerunt unanimi. JOHANNES HeNRICUS MELLIFER, 
præpositus; Pauzus pes Bots, archidiaconus. » L'arrêté ne parle ni de Charlemagne ni d’Alcuin. 


2 On voit, à Porrentruy (canton de Berne), dans les archives de l’ancien Évêché de Bâle, des chartes 
écrites à Moutier-Grandval, et contenant des donations faites à ce monastère aux dixième et onzième 
siècles. Ces actes sur parchemin sont tracés en caractères élégants, que l’on peut mettre à côté des plus 
beaux manuscrits de l’époque. Voyez entre autres une donation de lan 907 faite par Temordus à l’église 
de Moutier. Cela servirait à prouver que cette maison avait alors des calligraphes habiles parmi les reli- 
gieux qui formaient le personnel du couvent. La Bible dite d’Alcuin ne pourrait-elle être l'œuvre pa- 
tiente de l’un de ces moines de Moutier ? 


3 C’est la Bible appelée aujourd’hui la Valcellane, parce qu’elle est conservée par les pères de l'Ora- 
toire Saint-Philippe à Sainte-Marie in Valicella. On lit entre autres vers latins, en tête de ce manuscrit : 


Nomine Pandecten proprio vocitare memento, 
Hoc corpus sacrum lector, in ore tuo. 

Quod nune a multis constat Bibliotheca dictum 
Nomine non proprio ut lingua pelasga probat. 
In hoc dicta Dei conduntur mystica summi 

De quibus egregius vates in ore canit. 

Est mihi lex domini dulcis super omnia mella, 
Carior atque auri millia multa super. 
Strenuus hanc domini famulus custodiat arcem 
Cui merces cœli perpes in arce manet. 

Codicis istius quot sint in corpore sancto 
Depictæ formis litterulæ variis 


180 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 16 
les mêmes épigrammes d'Alcuin, sauf quelques variantes, que l’on trouve en tête 
de la Bible de M. de Speyer et sur lesquelles il se fondait pour établir qu'elle 
était bien réellement l'original unique écrit de la main du précepteur de 
Charlemagne. 

M. de Speyer vint à Paris en 1829 et présenta sa Bible aux experts, comme 
étant l’autographe authentique d’Alcuin. Il obtint d'eux des attestations qui sem- 
blaient corroborer son dire. Ainsi M. Van Praët, conservateur de la bibliothèque 
du Roi, dit « qu'il avait vu avec admiration cette précieuse Bible qui avait été 
offerte par Alcuin à Charlemagne. « M. Champollion ne va pas si loin. Il se con- 
tente de déclarer qu'il la regarde comme un des plus anciens et des plus beaux mo- 
numents de ce genre. M. Guérard la considère « comme plus ancienne que celle 
de Charles le Chauve. » L’archevêque d'Hermopolis dit très-brièvement : « J'ai vu 
avec beaucoup de plaisir cette Bible. » M. Valery, bibliothécaire du roi, dit : « qu’elle 
lui a paru, d’après le goût des vignettes (miniatures), contemporaine du livre d'Heures 
de Charlemagne placé sous sa garde. » 

M. Guizot, dans son certificat, semble indiquer la meilleure voie qu'il aurait 
fallu suivre pour bien constater l'originalité et l'authenticité du manuscrit: « Il est 
» bien difficile, dit-il, de croire que cet admirable manuscrit, une fois entré en 
» France, en sorte jamais. Ce serait pour tous les amis des antiquités historiques 
» et chrétiennes de la France une véritable douleur. Ce qui importe par dessus 
» tout, c'est que l'authenticité du manuscrit soit bien constatée, et mise en lu- 
» mière de manière à entrainer toutes les convictions. Un rapport de l'Académie 


» des inscriptions paraît le moyen le plus propre à atteindre ce but; et on peut 


Mercedes habeat Christo donante per ævum 
Is Carolus qui jam seribere jussit eum. 


On pourrait aussi bien se fonder sur ces vers, surtout sur les derniers, pour prétendre que la Valcel- 
lane est l'original d’Alcuin, d'autant mieux qu’on y lit encore ce distique : 


Pro me quisque, legas versus, orare memento; 
Alcuin dicor ego; tu sine fine vale. 


L'abbé Martin Gerbert, dans son Iter Alemanicum (p. #7 et 48), donne aussi la description d’un ma- 
nuscrit du Nouveau Testament conservé dans la bibliothèque Caroline à Zurich, et qui porte le nom 
d’Alcuin dans ces vers : 

Jusserat hos omnes Christi deductus amore 
Alchuinus Ecclesiæ famulus conscribere libros. 


17 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 181 


« espérer, ce me semble, qu'il déterminerait le gouvernement du Roi à faire cette 
« précieuse acquisition. » 

On ne sait trop si ce fut l'académie qui eut ses raisons pour ne pas se prononcer, 
ou si ce fut M. de Speyer qui eut les siennes pour ne pas recourir à son ju- 
gement. Quoiqu'il en soit, le gouvernement Français n’acheta pas la Bible de 
M. de Speyer. Il est vrai qu'il en demandait une centaine de mille francs. D’ail- 
leurs les événements politiques précurseurs de la révolution de Juillet vinrent 
troubler les négociations relatives à cette affaire *. 

Une courte description de ce manuscrit capital, si longtemps délaissé chez 
nous, ne sera pas déplacée ici. C'est un in-folio à deux colonnes écrit en let- 
tres onciales mixtes ou demi-onciales *. Il contient 449 feuilles et il est orné 
d'un frontispice en or et en couleur, et de quatre miniatures représentant des 
sujets bibliques ou allégoriques. On y voit de plus trente-quatre grandes lettres 
initiales décorées de figures emblématiques et d’arabesques qui ont beaucoup 
d'analogie avec les ornements du même genre que l’on trouve dans la Bible Vulgate 
manuscrite de la Bibliothèque de Genève, et qui est la même dont on se servait 
dans l’église de Saint-Pierre. Senebier a laissé une bonne description de ce der- 
nier manuscrit, qu'il donne comme étant du IX° siècle, et qui paraît avoir été 


offert au chapitre de Saint-Pierre par l’évêque Frédéric vers l'an 1035 °. En 


! Vous m'avez exprimé , Monsieur, le désir de voir le gouvernement faire l'acquisition d’une Bible qui 
paraît avoir appartenu à Charlemagne. Je regrette que le haut prix auquel vous mettez cet ouvrage et 
l’état actuel des fonds s'opposent à ce que je puisse accueillir votre demande. 

Paris, le 30 mars 1830. 

Le ministre de l’intérieur, 
(Signé) MoNTBEL. 

? On sait que l'écriture onciale est une espèce de caractère majuscule dont les lettres, au lieu d’être 
carrées comme dans les majuscules ordinaires, sont rondes. L'écriture onciale, considérée dans sa forme 
antique et primitive, cesse dès le milieu du VITE siècle; mais elle dure jusqu'aux X° et XI: siècles, revêtue 
de caractères accidentels qu’elle contracta dans les temps postérieurs. C’est ce que l’on appelle l’onciale 
réformée, semi-onciale, onciale lomburde ou Caroline, ou cursive, suivant les différents caractères que lui 
reconnaissent les auteurs qui ont écrit sur la Paléographie. L’étymologie du mot onciale est latine : 
L’once (uncia) était la douzième partie d’un total et la mesure d’un pouce et d'une ligne. On désignait 
par là les lettres dont on se servait en grand pour les inscriptions, et en petit pour les manuscrits. 

* Voyez le Catalogue raisonné des manuscrits contenus dans la Bibliothèque de Genève (page 51 à 60, 
manuscrits latins, n° 1), et notre histoire et description de la Bibliothèque de Genève. Neuchâtel, 1853, 
in-8. Il y a une différence curieuse à signaler dans ces deux Bibles : Le fameux passage des trois témoins 


24 


182 H.-E. CAULLIEUR. MANUSCRITS 18 


général, sauf qu'elle est plus sobre d'ornements, la Vulgate de Genève a beaucoup 
d’analogie, quant à l'aspect extérieur et quant à la correction du texte avec la 
Vulgate de M. de Speyer dite « la Bible d’Alcuin » ‘. Du reste cette dernière était, 
quand ce citoyen Bâlois en fit l'acquisition, dans une condition assez satisfaisante 
de conservation à l'intérieur, bien que les moines de Moutier-Grandval l’eussent 
laissée dans un état de dégradation qui avait pourri et altéré les feuillets du com- 
mencement et de la fin. On trouvait entre les pages des chalumeaux de paille, 
des haricots, des pois et des fèves qui avaient servi de signets ou de marques. 
Elle avait aussi perdu, mais depuis bien des siècles, sa reliure primitive en or 
et en argent (comme on peut la voir représentée sur la dernière des quatre mi- 
niatures), et cette reliure précieuse avait été remplacée par des lames de bois et une 
peau de truie recouvertes de bossettes en cuivre doré représentant la croix, l'agneau 
et les quatre Évangélistes. 

Nous avons dit pourquoi, si les livres de l’époque Carolingienne sont déjà rares 
par eux-mêmes, ceux qui ont conservé leur décoration extérieure, leur reliure 
primitive sont rarissimes. Le contenant sert souvent à expliquer et à faire appré- 
cier le contenu. A cette époque antique l’ensemble d’un livre important était une 
affaire d'art et formait un tout où le moindre ornement avait sa signification. 
M. de Speyer avait eu soin à la vérité de faire recouvrir sa Bible d'un velours de 
soie noire, et il la tenait enfermée dans une caisse tapissée de velours cramoisi 
semé de fleurs de lys d'or; mais cette parure moderne faisait mieux ressortir 
encore l'absence de la reliure du temps. Enfin ce manuscrit si remarquable, alors 
même qu'il n’eùt été que du IX° siècle comme le disait M. Hug de Fribourg, ou 
même du X°, comme le voulait M. Hænel de Leipzig *, au lieu d’être du VIII< 


(Jean, v. 7 et 8) : Tres sunt qui testimonium perhibent in cælo pater verbum et spiritus et hi tres unum sunt, se 
trouve dans le texte de la Vulgate de Genève, tandis que dans celle de Speyer ce passage manque. Dans 
la Bible de Rome dite Codex Valicellanus (voyez plus haut), ce même passage a été ajouté en marge posté- 
rieurement. 

‘ La Vulgate manuscrite de Genève est à deux colonnes, comme celle de M. de Speyer, mais elle a 
58 lignes à la colonne, au lieu de 52. Elle a 21 pouces de hauteur sur 14 de largeur; celle de 
Speyer est un peu moins haute (19 pouces sur 14). Voyez l'Histoire et Description de la Bibliothèque 
publique de Genève, par E.-H. Gaullieur. 

? M. Gustave Hænel dans son Catalogus Manuscriptorum (Leipzig, 1830, in-4°) s'exprime ainsi en pæ- 
lant de la Bible de Speyer ou de Moutier-Grandval : 


19 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 183 


et contemporain de Charlemagne ainsi que le soutenait énergiquement son pos- 
sesseur, fut vendu 1,500 livres sterling (soit 37,500 fr.) en Angleterre. C'est un 
des prix les plus élevés auxquels aient été portés, dans ces derniers temps, les plus 


beaux manuscrits. 


III. 


Du manuscrit provenant de Sion (Vallais). désigné sous le nom 
d'Évangéliaire de Charlemagne, et de deux manuscrits ana- 
logues conservés à Milan. 


Le livre d'Évangiles, dont nous avions plus particulièrement en vue la descrip- 
tion, en commençant cette revue de quelques manuscrits Carolingiens, se con- 
servait depuis un temps immémorial dans l’église dédiée à la Vierge, à côté du 
château de Valère, qui couronne une des croupes de rochers dominant la 
ville de Sion en Vallais. On sait que cette église, située sur l’un de ces deux 
monticules où commença la vieille cité, est l’une des plus anciennes, sinon la plus 


antique de la contrée ‘. Cette même église, connue dans des anciens titres de 


€ Hug, D. J. L. (Einleitung in die Schriften des Neuen Testaments, p. 476), ipsum, quem Carolus 
« Magnus ab Alcuino accepit codicem esse opinatur; equidem etsi splendissimum exemplar est, ineunte 
« sæculo X, exaratum esse crediderim, in quam opinionem me litterarum formæ adducunt. Mecum sentit 
« Thomas Philips, baro Anglicus, vir rei diplomaticæ peritissimus. Litteris enim nuntiat : 

« 1 have seen Speyers Bible, and thought like you , thas it was of the Xth Century. There is one suspicious 
« circomstance in it the name of Carolus in the verses of Alcuin is in modern writing, and haas been written 
« in the place of the original word, which was erased. » 

‘ Le château de Valère, d’après quelques historiens du Vallais, tirerait son nom de Valerius Procillus, 
capitaine de César, ou de tout autre guerrier romain qui fit fortifier cette éminence. On l'aurait confondu 
à tort avec Saint-Valère, autre soldat romain et chrétien qui fut martyrisé à Soissons avec Ruflin. (Bollan- 
distes, 2° tome du mois de juin (14). D’après une autre tradition, le mont de Valère ou Valérien, près de 
Sion , serait redevable de son nom à Valérie ou Valeria, matrone romaine, mère du préfet Campanus, 
dont le tombeau était placé, dit-on, au pied de cette élévation. De Rivaz, dans ses éclaireissements sur le 
martyr de la Légion Thébéenne, l’un des faits de l’histoire qui a donné lieu aux plus grandes controverses, 
nous transmet tout au long une épitaphe et d’autres inscriptions latines relatives à cette dame. Tout cela 
mériterait de passer par la filière d’une critique sévère. 


184 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 20 


999, 1003 et 1005, sous le nom de notre Dame ou de Sainte-Marie de Sion, jadis 
riche en reliques, en documents anciens comme dyptiques, livres d’anniversaires, 
missels et chroniques, aurait eu, selon quelques auteurs, une large part à la 
munificence de l'empereur Charlemagne par l'intermédiaire d'un évêque Théodore 
ou Théodule, contemporain de ce grand prince, et qu'il ne faudrait pas confondre 
avec le saint du même nom qui vivait bien antérieurement ‘. Telle est une des tra- 
ditions de l’histoire vallaisanne. D’après une autre, il n'existait pas d'évêché à 
Sion au temps de Charlemagne, c’est-à-dire à la fin du VIIF siècle de notre ère, 
mais bien à Octodurum (Martigny) ou à Saint-Maurice d'Agaune où il faudrait se 
transporter pour recueillir les preuves directes de la munificence de cet em- 
pereur. On voit que c’est déjà au commencement du moyen-âge, sous une forme 
essentiellement religieuse, la grande querelle du Haut et du Bas Vallais, qui occupe 
une si grande place dans l’histoire de ce pays. La division du Vallais en deux par- 
ties, dont Sion serait la limite bien qu'appartenant au Haut Vallais, est tracée dans 
le Gallia Chrishiana*. Enfin une opinion de conciliation, combattue par Briguet 
dans le Vallesia Christiana, mettrait deux siéges épiscopaux existant simultané- 


ment en Vallais, l’un à Octodurum et l'autre à Sion *. Plus tard les inondations 


* BriGuer, Vallesia Christiana seu Diocesis Sedunensis historia Sacra, p. 110 et 1114, s'exprime ainsi : 

« Huic veritati quæ Carolo magno coævum constituit Theodorkm Sedunorum episcopum, ejusque dona- 
tarium, concinnunt Testimonia ex Dyptichis, Indigitamentis, Fastis et Annalibus sacris, librisque Chronicis, 
et innumeris documentis tam Ecclesiæ Sedunensis et Castrorum Majoriæ et Valerie. » 

Les droits de souveraineté temporelle des Évêques de Sion sur le Vallais remontaient à un acte qu’on 
appelait la Caroline ou les lettres carolines. D’après ces titres, donnés par Charlemagne, Charles le Chauve 
ou Charles le Gros, et confirmés par Charles Quint, à la requête du célèbre cardinal Schinner, les comté 
et préfecture du Vallais auraient été concédés à ces prélats. On conçoit dès lors combien tout ce qui peut 
se rattacher à la personne de Charlemagne et à ses libéralités envers l’église du Vallais prend d'intérêt aux 
yeux des historiens ecclésiastiques de ce pays. (Vide legendam S. Theoduli in Gallia Christiana, Tom. XII, 
p. 450. Instrumenta.) Les savants auteurs de ce recueil avouent qu’ils n’ont pu découvrir aucun titre 
authentique où il fut question de la Caroline ou de la donation de Charlemagne. 

? Tom. XII, p. 729. 

* M. le chanoine Boccard, dans son Histoire du Vallais, a enfin éclairci, par son catalogue des Évêques, 
cette question controversée. Leur premier siége fut Octodurum et Agaune alternativement, et il fut trans- 
féré à Sion vers 580 par Saint-Heliodore. Mais les Évêques postérieurs continuèrent à être abbés de Saint- 
Maurice d’Agaune. Villicaire, évêque de Sion en 771, reçut de Charlemagne cette abbaye en commande. 
« Triste héritage, dit judicieusement M. Boccard , d’un usage introduit par Charles-Martel, pour gratifier 
«les compagnons de ses victoires. » Villicaire avait été le premier, parmi les grands du royaume, à 
proclamer Charles pour roi après la mort de Carloman. 


21 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 185 


de la Dranse, torrent qui s'élance des Alpes dans le Rhône auraient entraîné la sup- 
pression du siége d’Octodurum et la réunion des deux évêchés. 

Quelques auteurs ‘ établissent que l'évêque de Sion, Althée, abbé de Saint-Mau- 
rice d’Agaune, parent et favori de Charlemagne, reçut pour ce monastère, de ce 
fameux prince, des présents dignes de lui, dont plusieurs, entr’autres le superbe vase 
d’agathe gravé, d'un travail grec bien connu des antiquaires, et une ampoule pro- 
venant dit-on du calife Aaroun al Raschid, enrichissent encore le trésor du couvent. 
« Il l'indemnisa, disent les légendaires, de toutes les pertes que les déprédations 
des Lombards lui avaient fait subir, s'arrêta plusieurs jours dans le monastère 
pour vénérer les reliques des martyrs de la Légion Thébéenne, et voulut que l’é- 
vèque Althée l'accompagnät en Italie *. Parmi les dons de Charlemagne quelques 
auteurs énumèrent aussi une chasse d’or destinée à contenir les restes de Saint- 
Maurice, capitaine et martyr, et une table d’autel en or, du poids de soixante-six 
marcs, qu'Amédée III, comte de Savoie, se fit remettre en 1146, pour faire face 
aux dépenses d'une expédition d'outre mer. D'après les mêmes sources, Saint- 
Althée serait mort à Milan en revenant de Rome. Un précieux reliquaire de cet évé- 
vêque se conserve dans le trésor de Saint-Maurice. 

C'est aussi une tradition universellement reçue chez le clergé de Sion et par- 
ticulièrement dans le chapitre métropolitain de cette ville, qu’il se conserve dans 
l'église de Valère des livres provenant directement de Charlemagne, et entre autres 
un volume lithurgique revêtu d'une couverture en argent doré, d’un travail en 
relief, repoussé, qui est évidemment d’une facture postérieure, peut-être du qua- 
torzième siècle, et que l'on montre comme un don de ce grand prince. Selon 
nous, s’il y avait jamais eu dans l'église de Valère un livre de provenance carlo- 


vingienne authentique, ce ne serait certes pas celui-là, mais bien l'Évangéliaire 


! P. de Rivaz, Preuves authentiques du martyr de la Légion Thébéenne. Page 61, et Boccard, histoire du 
Vallais, p. 31. 


? Ce fut durant ce séjour au monastère de Saint-Maurice d’Agaune que Charlemagne aurait été récréé, 
disent quelques auteurs ecclésiastiques, par une musique surnaturelle : 

« Cænobio suaviter hospitatus, meruit piissimus Rex, inter dormiendum cœælestis harmoniæ dulcedine 
refocillari. Audivit mirabiles voces noctu concinentium : Gloria tibi domine, etc., quæ res stupenda ita 
animum ejus implevit, ut spontaneo motu et sancto impulsu plurima in Cænobium hoc ab Eo beneficia 
promanärint. » (Petrus de Natal: in vità S. Sigismondi.) 


186 H,.-E. GAULLIEUR. NANUSCRITS 29 


que nous allons décrire et qui fut vendu en 1851 par le chapitre de Sion à 
M. Kuhn, marchand d'objets d’art à Genève, qui en est encore aujourd’hui pos- 
sesseur. Des religieux très-qualifiés du couvent de Saint-Maurice, quand ils virent 
récemment ce beau manuscrit entre les mains de M. Kubhn, n'hésitèrent pas à 
le proclamer comme provenant de leur abbaye. Il en avait, pensaient-ils, été 
arraché par le droit du plus fort, lorsque les Haut-Vallaisans firent la conquête 


du Bas-Vallais au quinzième siècle *, au moment où cette contrée, qui suivait 


‘ Il est parfaitement certain que durant les guerres de Bourgogne, les Haut-Vallaisans, alliés des Suisses 
et particulièrement des Bernois, se répandirent avec eux dans le Bas-Vallais qui suivait le sort du duc de 
Savoie, allié de Charles le Hardi. Le 16 mars 1476, la bourgeoisie de Saint-Maurice dut prêter serment de 
fidélité à l'Évêque de Sion et aux patriotes du Haut-Vallais. De GINGINS, Développement de l'indépendance 
du Haut-Vallais et conquête du Bas-Vallais. — Archiv für schweiïtzerische Geschichte. 3ter Band. Zurich, 
1845, in-80.) 

Le bourg et le mandement de Saint-Maurice furent traités selon le droit de la guerre par l’armée vallai- 
sanne qui s'intitule, dans le procès-verbal de la remise de Saint-Maurice, « Milice de Suint-Théodule. » 
Mais rien, dans les historiens, ne fait allusion à une attaque dirigée contre le couvent. Tout porte à croire 
qu’il fut respecté et mis sous bonne sauve-garde. Rien même dans les documents ne prouve qu'il ait été 
taxé et mis à rançon comme le furent Vouvry, Évian, Thonon, la Vallée d'Abondance, ete. Le livre 
d'Évangiles dit de Charlemagne, qui est aujourd’hui la propriété de M. Kuhn , aurait-il été enlevé du cou- 
vent de Saint-Maurice et transporté à Sion, dans l’église de Valère, au milieu de ces scènes de guerre et 
de conquête? C’est ce dont il paraît difficile d'établir les preuves positives. C’est cependant ce que l’on 
devrait inférer des deux témoignages suivants, qu’on lit en tête de ce manuscrit sur des feuillets volants : 

4. « Nous avons reconnu avec grand plaisir, en ce volume dit Évangéliaire de Charlemagne, le livre si 
précieux qui fut enlevé au Trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune pendant les guerres civiles de 
notre Canton au XIVe siècle (?) » 

(Signé) Un des doyens du chapitre d'Agaune, AUGUSTIN CLAIVAZ. 

20 « Nous avons examiné le précieux livre d'Évangiles du VITE siècle, dont M. Kuhn, de Genève, a fait 
l’acquisition à Sion en Vallais. » 

« D’après quelques documents de nos archives, signalant l'existence et la disparution d’un Évangéliaire 
très-important que possédait autrefois notre trésor, nous ne doutons nullement que ce ne soit le même. » 

« Nous sommes d'autant plus portés à le croire, que la richesse de sa couverture et plus particulière- 
ment les émaux dont elle est ornée, sont tout à fait identiques à ceux des objets que nous devons à la 
munificence, à la piété de l’Auguste, du Saint Bienfaiteur de l'antique et royale abbaye de Saint-Maurice 
d’Agaune, CHARLEMAGNE. ..... 

(Signé) CHervaz, Protonetaire Apostolique, Chanoïne et Vicaire général de Saint-Maurice et de 
Bethléem, Chanoïine honoraire d'Angers et Chevalier de l’ordre royal et militaire des 
SS. Maurice et Lazare. » 
« Saint-Maurice, 1e décembre 1852. » 
(Ges deux pièces sont revêtues du sceau de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune.) 

Pour nous, nous avons peine à croire, pour des raisons que nous donnerons bientôt ci-après, que le 

monastère de Saint-Maurice ait jamais été pillé, spolié, mis à rançon par le Haut-Vallais dans les malheu- 


23 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 187 


“ 


les destinées de la maison de Savoie, fut vaincue avec elle et avec la famille des 
puissants ducs de Bourgogne. 

Nous n’avons aucune qualité officielle pour contester l'attestation donnée par de 
savants dignitaires du Chapitre de Saint-Maurice, dont nous honorons le caractère 
et la science, qui reconnaissent dans le livre en question, vendu par le Chapitre 
de Sion, l'Évangéliaire qui fut jadis donné à leur couvent par Charlemagne. Nous 
reconnaissons même ce qu'il y a de généreux et d'esthétique dans cet élan qui leur 
fait dire : « Voilà notre manuscrit retrouvé ‘. » Nous nous permettrons néanmoins 
quelques observations critiques, et afin de leur donner quelque poids, nous les 
ferons précéder de la description exacte du précieux volume, en commençant par 
l'intérieur. 

C'est un petit in-folio à peu près carré, de neuf pouces et demi de hauteur sur 
huit pouces de largeur. Le velin est très-pur et généralement très-blanc, sauf 
dans quelques pages qui ont été plus exposées au contact de l'air et du soleil 
et qui ont pris une teinte grisàtre. Les feuillets sont au nombre de 187 dont 146 
pour la première partie ou les Évangiles proprement dits pour tous les jours 
de l’année, et le reste pour la seconde qui contient l'Évangile pour les anni- 


versaires des Saints. Le nombre des pages est donc en tout de 374. Il y a 18 


reuses guerres intérieures qui amenèrent la soumission du Bas-Vallais. Il est à croire, que si l’on avait 
dépouillé alors le couvent de Saint-Maurice, on l'aurait privé de pièces de son trésor qu'il a encore et qui 
étaient d’un bien plus haut prix que l’Évangéliaire en question. Un des traits caractéristiques de l’histoire 
de cette maison célèbre dans les fastes de la religion, c’est au contraire d’avoir passé, depuis les ravages 
commis par les Sarrazins au milieu du dixième siècle de notre ère, à travers bien des invasions, des sinis- 
tres et des désastres sans avoir essuyé de pertes graves dans ses archives et dans son trésor. Le respect qui 
environnait la royale abbaye était tel, à l’époque où l’on voudrait faire remonter cette spoliation, qu’il 
n’y aurait eu qu'un cri dans tout le monde chrétien contre ce sacrilége et cette profanation. 


! Si un antique inventaire du trésor de Saint-Maurice faisait mention d’un Évangile ou d'un livre quel- 
conque donné par Charlemagne, on pourrait adopter l’avis de MM. Chervaz et Claivaz. Ce serait un com- 
mencement de preuve plus convaincant que la ressemblance des émaux qui recouvrent l'Évangile de Valère 
avec ceux des vases du trésor de Saint-Maurice et entre autres de l’ampoule arabe, don de Charlemagne. 
Nous verrons, quand nous parlerons de ces émaux, que leur travail même est pour certains archéologues 
une raison de douter qu’ils soient contemporains de Charlemagne. 

M. le chanoine Boccard, dans son Histoire du Vallais, passe très-rapidement sur les relations de Char- 
lemagne avec les Évêques de ce pays et avec l’abbaye de Saint-Maurice. Il fait même la critique de plu- 
sieurs assertions des auteurs qui l'ont précédé, entre autres de Briguet, et semble convaincu que l’histoire 
n’est pas dans ces particularités anecdotiques. 


188 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 24 


lignes à la page. On y trouve diverses sortes de caractères, mais il n’y a ni 
majuscules ornées ni miniatures, ce qui serait bien réellement une preuve d’an- 
tiquité, puisque ces embellissements, du moins ceux qui ne sont pas d’un goût 
barbare, remontent à une date relativement récente dans les livres lithurgiques, 
et parce qu'on sait que Charlemagne avait proscrit les effigies profanes et même sa 
propre image, des livres sacrés qu'il faisait amender et multiplier. 

L'écriture de cet Évangéliaire est ferme et généralement égale. Elle réunit 
divers genres de caractères et elle se détache très-nettement du velin dont les 
marges sont très-amples. Les caractères principaux employés dans ce manus- 
crit sont : 

1° Les lettres lapidaires ou grandes Capitales, qui sont les mêmes que les Ro- 
mains employaient dans les inscriptions; 2° la grande onciale ; 3° la petite on- 
ciale ; 4° la grande minuscule ; (scriptura minuta); 5° la petite minuscule, prin- 
cipalement aux renvois et dans la page finale ; 6° enfin cette sorte d’onciale qui 
a reçu le nom particulier de Cuspidata à cause de sa forme pointue et anguleuse. 
Elle sert pour les lignes de titre ou d'indication, et elle est presque toujours de 
couleur rouge. 

Nous ne saurions mieux faire, pour donner une idée de la proportion de ces 
divers genres d'écritures, que de reproduire aussi exactement que possible la 
disposition des trois qui dominent principalement. Pour cela nous employons 


le spécimen suivant ‘ : 


* Afin de conférer les caractères des diverses écritures du manuscrit de Valère avec celles d’autres ma- 
nuscrits carlovingiens, nous avons en tout premier lieu eu recours aux nombreux fac-similés qui sont 
figurés dans le premier volume des Monumenta Germaniæ historica de Pertz, qui renferme les chroniques 
de Charlemagne. Ceux qui nous ont paru avoir le plus d’analogie avec les écritures de l’Évangéliaire de 
Sion sont les n° 1 et 2 de la planche 2, reproduisant les caractères employés dans les Annales de Wein- 
gart (Annales Weingartenses) conservées aujourd’hui dans la bibliothèque de Stuttgart. Ce manuscrit est 
du dixième siècle, au dire des experts. L'Évangéliaire de Valère se rapproche aussi beaucoup, pour la 
calligraphie du corps du manuscrit, du caractère n° 1, figuré à la planche 6 de Pertz, et qui est celui des 
Annales d'Eginhard où Einhard, n° 652 des manuscrits historiques de le bibliothèque Palatine à Vienne. 
Il'est aussi du dixième siècle. Nous avons continué notre comparaison sur d’autres manuscrits de France 
et de Suisse, que nous indiquerons plus loin. 

Le caractère du corps du manuscrit de Valère offre encore de la ressemblance avec celui du n° 915 de 
la bibliothèque de Saint-Gall, Annales Sangallenses majores, qui porte la date certaine de l’an 956. 


25 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 1389 


INCIPIVNT EVAN 
GELIA IN NATALI 


CIIS SANCTORV 
LEGENDA 


IV NATAL: SCI STEPH ANI SEQ- S'ET- 
SEC: MATUH- 


ÆN ILLO TEMP- DICEBAT J HC TURBIS 


JUDEORV- ET PRINCIPIBVS ISACERDOTV.. 


Le premier caractère (lignes 1 à 4) figure le lapidaire ; le second, (lignes 5 et 6), 
celui dit cuspidatus ‘; et les lignes 7 et 8 sont de la grande minuscule qui forme le 
corps du manuscrit *. 


2 Cette sorte d'écriture aigue et comme armée de pointes (cuspidata) se trouve souvent tracée, en cou- 
leur rouge, comme dans notre manuscrit, sur les maisons de Pompeia. On la voit aussi dans une inscrip- 
tion antique trouvée à Avenches et dans un manuscrit de médecine, d’un auteur incertain du VI: siècle, 
que l’on conserve à la bibliothèque de Berne. Sinner a donné des fac-similés de ces deux échantillons de 
cette sorte de caractère dans son Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Berne. (Tom. I, pl. 1.) 
Enfin on le retrouve dans un Virgile du IX: siècle décrit dans le même Catalogue. (Tom. I, pl. 3.) 

2 Cette espèce de caractère, qui forme le corps de l'Évangéliaire dit de Charlemagne, présente assez 
25 


190 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 26 


Le point est l'unique signe de séparation employé entre les phrases et les propo- 
sitions, ce qui est parfaitement conforme aux habitudes des copistes du temps de 
Charlemagne. On sait qu'Alcuin leur recommandait de distinguer les phrases par 
une ponctuation correcte : 

© Per cola distinguant proprios, et commata sensus, 
« Et punctos ponant ordine quosque suo. » 

Ce point n’est pas placé, comme dans notre écriture, au bas de Ja lettre finale 
du mot, mais au haut ou au milieu de cette lettre. 

Le seul signe employé avec le point simple, c'est le point d'interrogation (?), 
ce qui est encore conforme à la diplomatique carlovingienne. Les points et virgules (:) 
ou les deux points (:), si on les rencontre de loin en loin, sont d’une encre diffé- 
rente, ce qui indique que ces signes ont été appliqués après coup, comme c’est 
très-souvent le cas dans les manuscrits bibliques ou lithurgiques très-anciens, 
dont les parties les plus usuelles ont été marquées postérieurement de différents 
signes de ponctuation pour la commodité des lecteurs. (Voyez dans la grande Bible 
de la bibliothèque de Genève, N° 1 des manuscrits latins de Senebier). Les abré- 
viations sont aussi les mêmes que dans les manuscrits de cette époque. Les deux 
dernières lettres de la syllabe que sont remplacés par deux points, par exemple 
quisq: quing: denig: Dans les verbes, la troisième personne du singulier et du 
pluriel est marquée ainsi : surrex*, dux*, pour surreæit, duxit, et deder', dixer, 
pour dederunt, dixerunt. La finale des mots en um, em, am est marquée domu'. 
anima’, triste’, magnu:, aule:, veru’, elia'; la terminaison en ws est indiquée ainsi : 
cædentibu: timentibu: hominibu: La syllabe per est marquée par un simple p, de 
même que la syllabe prae. Enfin les mots Dominus, Deus, Israel, sont écrits quel- 
quefois Dns*, Ds-, Isrl-. 

Tout à la fin du volume, et de la même main, à ce qu'il semble, mais d'une plus 
petite minuscule caroline que celle du corps du manuscrit, on lit une page qui a 
trait à l'expédition de Charlemagne contre les Lombards en Italie en 1773. Après 


avoir rappelé la manière dont ce peuple domina dans ce pays, les siéges de 


d'analogie avec celui qu’on trouve employé dans un manuscrit d’Eusèbe, que Sinner attribue au VI 
siècle, ef que l'on voit dans la bibliothèque de Berne. Cependant la calligraphie de l'Évangéliaire est plus 
cursive et conserve moins de traces d'écriture onciale. 


27 DE L'ÉPOQRE CAROLINGIENNE. 191 


Pavie et de Vérone par les Francs, la prise du roi Didier et la fuite de son fils 
Adalgise, la soumission à Charlemagne de tous les duchés qu’avaient occupés ces mé- 
mes Lombards dans la haute Italie, lesens est interrompu brusquement au milieu d'une 
phrase. Le feuillet qui suivait et qui contenait la fin du récit a été coupé, on ne 
sait dans quel but. Il aurait été important de l'avoir pour déterminer l’âge du 
manuscrit ; l'on peut croire qu'il allait plus loin que le règne de Charlemagne, 
car dans le commencement même il est parlé de ce prince comme appartenant déjà 
à l'histoire, et il se pourrait que le Charles, auquel cet écrit est adressé ne fût 
pas Charlemagne, mais bien Charles le Chauve, son petit-fils. 

A la première page, et d'une écriture du seizième siècle, on lit cette souscription : 
EST ECCLESIÆ VALLERIANÆ, et au-dessous, d’une main plus ancienne et 
qui paraît être du quatorzième ou du quinzième siècle, ces cinq lignes : 

€ In isto testam. qui est de Capitulo Sedunensis principatus 
Est coperta de plateis aureis ; 
Item sunt sexdecim lapides sequentes : 


Primo quinque saflirii, item duo smaragdi 


Item quinque rubei et aliæ lapides. 


Il est facile, en comparant cette énumération des principales pierres précieuses 
qui relevaient l'or de la couverture de ce manuscrit, alors que celle-ci était par- 
faitement intacte et complète, avec son état actuel, de se rendre compte de ce 
qui a été enlevé par l'effet de diverses circonstances inconnues. Mais avant d’a- 
border ce qui a trait à cette couverture même, nous devons rappeler, quant à 
l'écriture du manuscrit, combien les règles de la paléographie sont parfois insuffi- 


santes pour déterminer l’âge de ces sortes de monuments. On voit souvent pa- 


1 Voici le texte de cette page d'histoire, qui a la forme d’une missive ou d’un décret du pape Adrien 
(Adrien Il, 867?) à Charles, roi des Francs (Charles le Chauve ?) : 

« Ex decretis Adriani p. p. Carolo regi francorum. 

« Tempore ex quo Longobardi Italiam intraverunt, Romamque obsiderunt, atque ceperunt; Italicum 
regnum mvaserunt et per duodecim annos absque rege detinuerunt. Posteaque ex ipsis Regem consti- 
tuerunt et prevaluerunt usque ad Carolum Regem qui Desiderium cepit regem Longobardorum in Papiam 
post longam obsidionem. Cujus indè filius Adelchis fugam duxit in marinis partibus. Huc usque Legati 
Constantinopolitane urbis Romæ Italieque commorantes detinebant oppida et tributa colligebant erario 
et augusto Constantinopolis deferebant. Quibus autem expulsis agentes Longobardorum, ipsi quoque Lon- 
gobardi usque ad Carolum regem regnum detinuerunt. Accidit vero quod Luitprandus rex Longobardorum 


192 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 28 


raître des écritures identiques à des siècles de distance‘. Autrefois, on était 
presque constamment porté à reculer l’âge des manuscrits, on donnait au qua- 
trième et au cinquième siècles ce qui appartenait au septième et au huitième ©. 
Dès lors et de nos jours on a suivi la tendance inverse et l'on a paru croire 


Ravennam obsedit et classim destruxit. Exarcatum Ravenne cum Ravennatibus Romani reliquerunt et 
Constantinopolim navigio se direxerunt. Post hoc quoque Astulphus rex Longobardorum exarcatum Ravenne 
et exarcatum Histrie , seu ducatum Ferrari invasit et Faventiam seu Cesenam tulit de Romanàä ecclesià.…… 
(alia desunt. » 

Ce décret du pape Adrien paraît être une de ces recommandations pressantes, comme on en trouve 
plusieurs dans les Annales ecclésiastiques (Baronius, tom. IX, p. 379 et 452), par lesquelles la cour de 
Rome réclamait comme son domaine légitime en Italie plusieurs des pays conquis par les Lombards ou 
même occupés par les Grecs hérétiques de l'empire d'Orient dans l'Exarchat de Ravenne. Voyez dans 
Baronius les réclamations du pape Étienne auprès de Pépin, père de Charlemagne, pour la remise de 
Faenza (Faventiam) par Didier, roi des Lombards, et pour la restitution de ce qui avait été enlevé par les 
Grecs. (Papa agit ad Pipinum pro redditione Faventiæ et pro restituendis rebus a Græcis ablatis.) Déjà les 
Grecs étaient traités d’hérétiques à cause de la querelle des Iconoclostes. (Petit ab Imperatoribus 
Hadrianus Papa restitui Romane ecclesiæ que Herotici abstulerunt. Baronius loco citato.) On a conservé 
beaucoup de lettres ou de décrets d’Adrien IT à Charles le Chauve semblables à celui-ci. 

? Si l’on compare le corps de l'écriture de l’Évangéliaire de Valère, avec celle du plus ancien acte que 
l’on conserve aux Archives de Genève (une donation faite en 934, la vingt-troisième année du règne de 
Rodolphe IL, roi de Bourgogne, par Eldegarde, veuve du comte Ayrebert, au prieuré de Satigny), on sera 
conduit à conclure, d’après diverses remarques paléographiques, que l’Évangéliaire de Valère est anté- 
rieur. La petite onciale cuspidée de ce même manuscrit est absolument la même que l’on voit figurer dans 
les signatures d’un acte du synode de Pistoie en 864 (voyez Mabillon, de re diplomaticä). La petite minus- 
cule de la page finale a aussi beaucoup d’analogie avec le caractère n° 10 ‘de la planche 4 de la Paléogra- 
phie de N. de Waïlly, qui est une minuscule caroline mélangée de cursive. Ce caractère n° 40 est pré- 
cisément celui qui est employé dans la souscription de l'Évangéliaire de Charlemagne, conservé à la 
bibliothèque du Louvre, et qui remonterait, dit-on, à l'an 781-782. 

Cette souscription indique, dans quelques vers latins, déjà cités plus haut, quand et comment Charle- 
magne fit exécuter ce manuscrit. Nous rappelons les deux premiers : 


€ Hoc opus eximium Frankorum scribere Karlus, 
€ Rex pius, egregià Hildegardà cum conjuge jussit. » 

On peu aussi comparer la minuscule du manuscrit que nous décrivons avec l'écriture n° 9, planche 5, 
de la paléographie de Wailly, qui remonte à l'an 823-855. C’est une minuscule mélangée de quelques 
restes d’onciale et de cursive. 

* L’Évangéliaire provenant de l'église de Valère présente indifféremment des E carrés et des E lunaires 
ou semi-cireulaires. Ces deux formes de lettre se retrouvent également mélangées dans plusieurs manus- 
crits du IX* et du X° siècle, entre autres dans la grande Bible de la Bibliothèque de Genève décrite par 
Senebier (manuscrits latins de la Bibliothèque de Genève, n° 1). 

* Le grand Traité de Diplomatique des Bénédictins , qui, au reste, n’est pas toujours infaillible , donne 
pour règle générale, € que quelque livre que ce soit, entièrement écrit en onciale, réformée ou non, est 
antérieur à la fin du X° siècle. » 


29 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 193 


qu'il n'existait pour ainsi dire point de copies latines des saintes écritures antérieures 
au IX° et au X'siècles. 

Dans la Suisse Romande ou Burgonde en particulier, il est certain que les li- 
vres d'église ou les manuscrits contenant des parties des textes sacrés, de prove- 
nance strictement carolingienne, sont infiniment rares. La plupart de ceux que 
nous possédons encore appartiennent plutôt à l’époque immédiatement postérieure 
qui fut signalée par les victoires de l'empereur Othon et de Conrad Il, roi de 
Bourgogne, sur les Hongrois et les Sarrazins. C'est au mouvement de ferveur 
qui suivit ces succès des armes chrétiennes que sont dues plusieurs de nos plus an- 
ciennes églises, dans le Vallais (Valère, S. Maurice), dans le pays de Vaud (Payerne), 
dans l'Évéché de Bâle (Saint-Imier) , dans le pays de Neuchâtel (la collégiale de 
Neuchâtel et le prieuré de Bevaix), à Genève (l’église de Saint-Pierre), comme 
aussi le Munster de Zurich. À mesure que l’on reconstruisait les églises rui- 
nées par les invasions, leurs bienfaiteurs avaient soin de les doter de livres 
pour le service divin en remplacement de ceux que les pillards Hongrois et Sar- 


razins avaient enlevés ou détruits avant que le roi Conrad fut parvenu à mettre 
leurs hordes aux prises les unes contre les autres (952). Peut-être, si l'on voulait 


être prudent, faudrait-il rapporter à cette rénovation, plutôt qu'au neuvième 
siècle, la grande Bible de Genève dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, 
ainsi que celle de Moutier-Grandval, les deux livres d'Évangiles (Plenarien), l'un 
recouvert d'argent massif, et l’autre d'ivoire et d'or, dont font mention les in- 
ventaires du trésor du Munster de Zurich, la grande Bible latine de la biblio 
thèque du Sfift de la même ville, qu'on dit être un don de Charlemagne !, le 
manuscrit sans autre désignation estimé 3,000 ducats dans le catalogue des ob- 
jets précieux enlevés par les Bernois à Notre-Dame de Lausanne, ainsi que les 


deux livres des Évangiles et des Épitres provenant du même trésor, recouverts 


Muratori signale très-clairement les changements fâcheux survenus dans la calligraphie des manus- 
crits et des diplômes. à partir du onzième siècle, par l’effet de l'introduction de l’écriture dite gothique. 
« Calligraphia (dit-il) usque ad annum Christi millesimum usurpata non solum in bullis et diplomatibus, 
sed et in multis codicibus, venustè et Romanis litteris manu exaratis spectandam se præbet. Post sæcu- 
lum X plerosque e Codicibus rudi seripturà et compendiis innumeris (abréviations) horrentes cernimus et 
characteres quos Gothicos perperam nuncupamus. » 


! Vügelin, das alte Zürich, p. 39 et 186. 


194 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 30 


d'ivoire sculpté garni d'argent et estimés chacun 500 florins en 1561 ‘. Muratori, 
dans sa savante dissertation sur l'état et la culture des lettres dans la Haute-Ita- 
lie, pays avec lequel l'Helvétie occidentale et méridionale, le Vallais surtout, 
avaient les plus intimes rapports et la plus grande analogie au moyen-àge, nous 
fournit plusieurs exemples de livres sacrés donnés par des pontifes, par des pré- 
lats et par des rois à des églises, et dont la réception était consignée dans l’his- 
toire et les chroniques comme un événement important *. Il nous cite même un 
curieux exemple d'une Bible de Ferrare, dont un chanoine avait mis en gage un 
volume, et qui fut proclamée inaliénable, vu sa haute valeur, par un statut lé- 
gislatif du peuple Ferrarais, l'an 1286 *. 

Comme nous avons dit que la couverture primitive d’un manuscrit ancien, lors- 
qu'il avait eu le bonheur de la conserver, était un indice souvent assuré pour cons- 
tater sa provenance et son âge, nous terminerons celte dissertation par la descrip- 
tion de celle qui recouvre la partie supérieure de l'Évangéliaire de Valère, car la 
couverture inférieure ou postérieure n’est pas une œuvre d'art, à beaucoup près, 
aussi remarquable. Celle-ci est tout simplement formée d’un ais de bois recouvert de 
cuir rougeàtre, et semée de cloux dorés disposés artistement en forme de 9ç ou 
de C majuscules crucifères ou adossés. Il serait difficile de dire si jamais ce manus- 
crit a eu une couverture de dessous aussi riche que celle de dessus. 

On a souvent remarqué dans l'examen des plus anciens volumes des bibliothèques 
célèbres du moyen-âge, que cet ornement postérieur manquait. On y tenait 
naturellement moins puisque les manuscrits de cette espèce n'étaient pas dispo- 
sés sur des rayons, comme dans nos bibliothèques modernes, mais bien étalés sur 


des pupitres de façon à ce que le côté supérieur de la couverture fût seule visible. 


! Manuscrit trouvé à la confrérie des tanneurs de la ville de Berne, écrit par un auteur désigné par les 
initiales C. X. R., l'an de grâce 1561, contenant un catalogue des ornements trouvés à l'Église Notre- 
Dame de Lausanne. 

2 Rari ergo quum olim forent, multoque ære redimerentur codices manuscripli, hine intelligimus eur 
tanti fieret eorum donatio ut si quando vel ipsi Romani pontifices ejusmodi munera sacris templis offere- 
bant, ad eorum gloriam de üs mentio in historia haberetur. 

(Murarort de litterarum statu, neglectu et culturà in Italià post Barbaros in eam invectos usque ad 
annum millesimum centesimum. Dissert. 43, tom. IT, antiquitatum Italiæ medii œvi.) 

8 Exemplum habemus in Sfatutis Civitatis Ferrariensis, anno 1286, de Biblià Fabricæ episcopatus 
recuperandà et manutenenda per potestantem. (Muratori, loco citato.) 


31 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 195 


L'inférieure ou postérieure, quand elle existe, est ordinairement moins riche ou 
d'un travail relativement plus moderne. On voit aussi quelquefois qu'elle a été ajoutée 
après coup, à un ou deux siècles de distance. 

. La dimension de la couverture supérieure de l'Évangile de Valère, que nous avons 
donc seule à décrire, est absolument la même que celle du manuscrit même (9 pou- 
ces et demi sur 8). Précisement au centre, sur une plaque d'or fin de trois pouces six 
lignes de hauteur et de trois pouces de largeur, appliquée à un léger ais de bois sem- 
blable à celui de la couverture postérieure, on a représenté en demi-relief, d’un 
beau travail repoussé, le Christ assis, nimbé du nimbe crucifère et perlé *, placé 
dans une auréole circulaire, bénissant de la main droite à la manière latine *, te- 
nant de Ja main gauche le Livre des Évangiles. Il est vêtu d’une ample tunique lar- 
gement drapée, assis sur un trône richement décoré d'ornements en relief, et au 
pied duquel on voit une espèce de monogramme formant un X. 

Bien que le Christ soit figuré donnant la bénédiction à la manière latine, le 
style et le caractère général de cette figure peuvent la faire attribuer à une in- 
fluence byzantine. Alors comme aujourd'hui l'art n’abandonnait que lentement 
les caractères symboliques propres à sa patrie première, pour revêtir ceux des pays 
où il s'était transporté et naturalisé. 

Cette manière de représenter le Sauveur est désignée dans l'Archéologie chré- 
tienne sous le nom du Christ triomphant ou divin. Il est figuré imberbe, les 
cheveux longs et les pieds nus et très-apparents. Rappelons qu'une des règles de 
l’iconologie sacrée byzantine est de ne représenter avec les pieds nus que Dieu, les 


anges et les apôtres. 


! On sait qu’en archéologie sacrée on appelle nimbe l’auréole circulaire dont on enveloppe la tête des 
personnes divines, de Dieu, du Christ, des Anges et des Saints. C’est un rayonnement lumineux qui se 
compose ordinairement de trois gerbes de lumière, dont deux semblent partir des tempes et s'étendre 
horizontalement, tandis que la troisième s'élève verticalement au-dessus de la tête. On appelle le nimbe 
du Christ, nimbe crucifère, parce que les rayons ont la forme d’une croix dont la branche inférieure est 
cachée par la tête de Notre Seigneur. Les archéologues ne sont pas d'accord pour savoir si cette croix est 
destinée à rappeler la croix du Calvaire ou seulement le rayonnement de la puissance divine. 

2 Les Évêques grecs ne bénissent pas à la manière latine. La bénédiction latine se fait en ouvrant les 
trois premiers doigts de la main, et en tenant l’annulaire fermé. La bénédiction grecque s'opère en for- 
mant avec les cinq doigts une sorte de monogramme divin E. C. XC. L’index s'ouvre et forme FT; le grand 
doigt s’arrondit en C (l’ancien sigma S), le pouce se croise avec l’annulaire pour faire VX, et le petit doig 
s’arrondit en C. (Didron, le guide de la peinture, pag. XL.) 


196 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 32 


Autour de cette figure unique, et comme encadrement, court üne inscription 
tracée en caractères majuscules d’un blanc mat sur fond d'azur entouré d'une bor- 
dure verte, le tout d’un beau travail d'émailleur ou plutôt de mosaïste *. Sur le côté 
droit de ce cadre on lit distinctement : 

OREBO. AT. TE. X. REDEMPTOR 

Sur le côté gauche on déchiffre : 

LVCAS. SCS. D.IOHANNE. 

La partie supérieure, sur laquelle étaient probablement les noms des deux pre- 
miers évangélistes, Saint-Matthieu et Saint-Marc, a été totalement enlevée. A la partie 
inférieure dont le commencement a aussi disparu, on lit la fin et le commencement 
des deux mots Evangeliorum Quatuor. 

Re ORNE TON AN EE : 

Aucun des À de cette inscription n’est barré, et les lettres attestent par leur 
forme une grande ancienneté. Ce qui prouve aussi que l’ensemble de ce travail 
remonte fort haut, c'est qu'il est d’une unité et d’une simplicité réellement an- 
tiques. On n’y voit point figurer, comme dans des couvertures très-connues d’au- 
tres livres sacrés, les quatre évangélistes sous leur forme humaine ou sous la 
forme symbolique de l'ange, de l'aigle, du lion et du bœuf. On s’est contenté 
d'inscrire leurs noms, et l’artiste semble avoir pris à tache d'être sobre d'i- 
mages. 


La manière de représenter le Christ non crucifié, assis, triomphant et divin, 


1! On sait combien les travaux d’art exécutés en mosaïque (mussiva) sont anciens et durables. Muratori, 
dans sa dissertation sur les arts en Italie après l’invasion barbare, a suivi les maîtres mosaïstes dans leurs 
ouvrages à Rome, à Milan, à Ravenne. « Olim (dit-il) Roma, Ravennæ, Mediolani, aliisque in locis periti 
« magistri numerantur qui reliquere eximia ejus modi (mussivi) pictura et minutissimis vitreis lapillis 
€ varii coloris conflata monumenta. » 

(Muratori, Antiquitates Itahiæ med œui, dissert 24, tom. I, p. 366.) 

Le traité de Théophile sur les arts anciens, et un manuscrit très-antique décrit par Mabillon et qui 
était conservé à Lucques (manuscrit que ce savant assure être contemporain de Charlemagne), donnent 
une foule de procédés et de secrets employés par les artistes des premiers siècles de notre ère. « Compo- 
€ siliones habent varias ad tingenda mussiva, ad conficiendam chrysographiam sive ad scribendum cum auro 
« liquido, alia que hujus modi artium secreta. » 

Muratori a donné in extenso des traités de ce genre conservés dans des bibliothèques d'Italie. Au temps 
de Charlemagne et de ses successeurs on exécutait dans cette péninsule des ouvrages dont on n’avait pas 
même l’idée, et auxquels on n'aurait pas même su donner des noms, en France et dans l’Europe centrale. 


33 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 197 


telle que nous venons de la décrire, a été en usage pendant une série de siècles. 
On en trouve déjà des exemples dans des diptyques du cinquième, et on la voit en- 
core dans des bas-reliefs du douzième. Sans doute il y a quelques variantes dans 
les ajustements, mais l'ensemble est le même. L'époque de Charlemagne est celle 
où ce type est reproduit avec le plus de pureté. On sait en effet que c’est au règne 
de ce prince qu'il faut rapporter une renaissance momentanée dans les arts en 
occident, comme aussi la réforme de l'écriture latine sur laquelle nous avons in- 
sisté, alors que cette écriture était devenue défectueuse. A la fin du VIIT: siècle et au 
commencement du IX° (770 à 814), les arts du dessin et l'écriture cherchent de 
nouveau à se régler sur les beaux modèles de l'antiquité. Dans le magnifique 
Évangéliaire que la tradition dit avoir appartenu à Charlemagne, et que l'on con- 
serve dans la bibliothèque du Louvre, on voit une image du Sauveur du monde qui 
offre la plus grande analogie avec celle de l'Évangéliaire de Valère, seulement 
la figure est plus jeune. Les ornements des rayons du nimbe, du trône et du 
livre sont indentiques, ainsi que les draperies et la pose des mains et des 
pieds *. 

Nous n'avons pas encore fini avec les ornements de la couverture de l'Évan- 
geliaire de Valère. En dehors de la bordure émaillée, où figurent les noms des 
Évangélistes, on voit une autre bordure plus large en or, parsemée de pierreries 
et figurant des dessins très-gracieux imitant des doubles C en feuillage mis dos à 
dos: JC. Ces ornements sont unis par des espèces de fleurs de lys, décoration es- 
sentiellement de l’époque Carlovingienne, qui rappelle celle des anciens pavés en 
mosaïque, et qui, employée comme ornement d’orfèvrerie, a beaucoup de ressem- 
blance avec une bordure que l'on voit à la bibliothèque de Vienne dans un Évangé- 
liaire manuscrit da VII siècle. 

Tout à fait à l'extérieur de la couverture et comme enveloppant l’ensemble, sont 
de magnifiques émaux incrustés, verts, bleus, jaunes et blancs, formant des 
lacs et des arabesques d’un très-grand goût. Ces émaux alternent avec de gros 


rubis cabochons et d’autres pierres précieuses encadrées avec beaucoup d'art dans 


Voyez cette miniature reproduite dans l'ouvrage intitulé le le Moyen-âge et la renaissance, tom. Il, 
pl. 3 bis, miniatures des manuscrits. Voyez aussi dans le même ouvrage, même volume, les planches G 
et H, miniatures de manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles. 

26 


198 H.—E. GAULLIEUR. MANUSCRITS , : 34 


des filigranes d'or disposés artistement en facon d’arabesques et semés de pier- 
 reries plus petites. Ces filigranes d’or qui enveloppent les grandes pierres et qui sont 
parsemés de pierres plus. petites et de perles, figurent des arabesques et des 
animaux fantastiques qui ont quelque analogie avec des dauphins, ou des ser- 
pents. Le tout atteste la main d’un orfèvre consommé dans son art. Chacun des 
seize compartiments qui forment le riche encadrement de cette couverture, est 
de la dimension d'un pouce et demi en tout sens. 

Les deux fermoirs, qu'on appelait anciennement fermaux ou mordants, qui ont 
pour destination de tenir le volume bien fermé et de préserver le velin du con- 
tact de l'air, sont en argent et curieusement travaillés. [ls paraissent contemporains 
du manuscrit. 

Malheureusement ce bel ensemble a souffert par l'effet de circonstances que nous 
ignorons mais que l'on peut conjecturer. Plusieurs des pierres fines manquent, et 
il est à croire que celles qui restent ne sont pas les mêmes qui décoraient primiti- 
vement cette couverture. Celles-ci étaient probablement des pierres gravées , du 
moins en partie, car il en reste encore une petite, mais qui a été retournée 
dans le mauvais sens. Sur les seize grosses ou moyennes pierres, rubis, saphirs 
etc., que l’on comptait anciennement, il en reste onze. Les plus petites sont demeurées 
en plus grand nombre. Ce sont essentiellement des rubis, des perles qui servent 
d'yeux aux dauphins et aux animaux imaginaires, figurés en or très-délicatement. 
Sur huit émaux trois ont été aussi arrachés. Parmi ceux qui restent il en est d'intacts 
et de la plus grande beauté. 

Ces émaux ont donné occasion à quelques antiquaires de placer bien après 
le siècle de Charlemagne la date de la confection de l'Évangéliaire de Valère ou 
du moins celle de sa couverture. Ils se fondent sur ce que les belles reliures en cui- 
vre émaillé qu'on exécutait pour les églises sont du XF et du XIF siècle tout au 


plus ”. 


! Un très-beau spécimen de reliure émaillée du douzième siècle était à Paris dans la collection d'objets 
d'art du prince Soltykoff. Il représente un Christ avec les mêmes attributs que celui de l'Évangéliaire de 
Valère. Un Evangéliaire à couverture émaillée , du X° siècle, se voit à la bibliothèque de Munich (manus- 


crus, n° 37). 


35 DE. L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 199 


Quelques fois lorsqu'il est question de livres richement recouverts, donnés par 
Charlemagne ou Louis le Débonnaire aux églises, les Chroniques ou les historiens 
ont soin de constater que ces monarques n'avaient pas voulu qu'on employt d’au- 
tre métal, pour ces couvertures, que l'or, le plus noble des métaux. Il est bien 
certain que l'art de l’émailleur semble au premier abord avoir été inventé 
pour suppléer par la perfection du travail de louvrier à l'absence des métaux 
précieux. 

Mais d’un autre côté il est parfaitement positif que les émaux ont été en usage 
dans l'antiquité, et qu'on les trouve aussi employés dans le moyen-àge sous forme 
de pâte de verre enchassée (émail cloisonné) ou sous forme de plaques en métal 
dont la surface a reçu par l’action du feu une couche de matière vitreuse et opaque, 
{(émaux à champ leve). On a des collections d'émaux d'Italie, Gallo-Romains et 
Byzantins. On voit à la bibliothèque impériale de Paris un magnifique volume 
allemand, N° 1118, supplément des manuscrits latins, dont les caractères d’écri- 
ture ont beaucoup d'analogie avec ceux de l'Évangéliaire que nous décrivons. 
Sa riche reliure est ornée de sculptures en or, en ivoire et en argent, ainsi que de 
pierreries enchassées et d'émaux dans lesquels on trouve employés comme dans 
la couverture de notre manuscrit, le blanc opaque, le bleu clair et le vert semi- 
translucide. On fait remonter ces émaux au VITE sièle. On peut inférer aussi 
des divers passages des auteurs qui ont traité des arts au moyen-àge, que l'art de 
l'émailleur fencaustica) n’était guère moins connu que celui du mosaiste (mussiva). 
On voit donc que la considération des émaux peut être invoquée par les uns pour 
et par les autres contre l'authenticité de l'Évangéliaire dit de Charlemagne. Au fond 
elle est secondaire dans les deux points de vue. 

Pour se prononcer d’une manière quelque peu concluante, tant sur l'âge du 
manuscrit de Sion que sur sa provenance, il faudrait des raisons d'un autre 
ordre. Nous croyons les avoir trouvées dans sa comparaison avec d’autres livres 
d'église à peu près semblables qui sont conservés non loin de là. Il existe à Milan, 
dans le trésor de l'église de Saint-Ambroise et dans celui de Monza, indépen- 
damment du livre recouvert d’or qui fut, dit-on, donné par Théodelinde, reine 
des Lombards, au VII siècle, deux manuscrits des Évangiles dont les couvertures 


d'or et d'argent doré, ornées de camées, de pierreries et d'émaux enchassés dans 


200 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 36 


des filigranes d'or, ont la plus grande ressemblance avec celle de l'Évangéliaire 
de Valère. On les dirait sorties de la main du même artiste, et assurément elles sont 
à peu près contemporaines. Seulement les couvertures des Évangélixires de Saint-. 
Ambroise et de Monza, plus compliquées, attesteraient peut-être un art plus avancé. 
Or on sait de la manière la plus authentique, par les inscriptions même placées sur 
la couverture de l’un de ces manuscrits, et par d’autres actes, qu'ils furent 
donnés l'an 1045 par l’archevêque Aribert ou Héribert, (ERIBERTVS ARCHIE- 
PISCOPVS), dont on voit le portrait figuré avec ceux d’autres personnages sur cette 
couverture, aux églises de Saint-Ambroise et de Monza ‘. 

Il est évident à nos yeux, après cette comparaison, que l'Évangéliaire de Va- 
lère est de provenance Italienne et plus particulièrement Lombarde et Milanaise. 

Il est probablement venu d'Italie à Sion, à une époque que nous ne pouvons 
préciser, mais que nous croyons très-ancienne et de bien peu postérieure à l'an 
1000. Quand on sait les étroits liens qui unissaient au moyen-âge le Vallais à l'I- 
talie; quand on se rappelle que l'histoire ecclésiastique désigne Théodore ou 
Théodule, premier évêque d'Octodurum en Vallais, comme assistant Saint-Ambroise 
au concile d'Aquilée et condamnant avec lui les hérétiques Ariens * ; enfin quand 


! Ces magnifiques couvertures sont décrites et figurées avec beaucoup de soin dans le grand ouvrage de 
Giulini, intitulé Memorie spettanti alla storia, al governo ed’ alla descrizione della Citta et della Campagna 
di Milano ne secoli bassi. 1760. (Tom. III, p. 387 et suivantes.) 

Le comte Giulini a poussé l'exactitude jusqu’à dessiner à part les camées et les pierres gravées qui ornent 
ces couvertures auxquelles il consacre quatre planches. Il donne en ces termes une idée de leur travail : 

€ Il lavoro e a basso relievo molto rozzo, ma altrettanto ricco ; imperciocchè oltre all esser formato tutto 
« d’oro purissimo, e altresi ornato di non poche gemme, fra le quali vi sono alcuni pezzi quadrati di 
« pietre preziose insieme connesse artifiziosamente con sottilissima fila d’oro (filigrane) , disposte in guisa 
« d’arabesco e vi sono due bellissimi Cammei. » 

On ne pourrait employer des termes d’art plus exacts quand on voudrait décrire la couverture de l’Évan- 
géliaire de Valère. Enfin, il est à observer, à l'égard de ces deux manuscrits, que Giulini en décrivant leurs 
couvertures fait remarquer, que celle de dessous, dans laquelle est figurée l’image du donateur, l’arche- 
vêque Aribert, est d'une facture postérieure au travail des couvertures supérieures qui offrent quelque 
chose de plus étrange et de plus barbare dans leur richesse même. Ceci nous conduirait à penser que les 
couvertures inférieures sont bien du onzième siècle et contemporaines de l'archevêque, mais que celles de 
dessus remontent plus haut, de même que celle de l'Évangéliaire de Valère avec laquelle les couvertures 
milanaises ont tant de ressemblance. 

? Seduni in Gallia Sancti Theodori, alias Theodorici Episcopi, et Confessoris, qui sui sæculi clzrum 
lumen cûm apud Octodurum Veragrorum Cathedram episcopalem (quæ demum Sedunum Vallesiorum 
translata fuit) teneret, ad Concilium aquileense, quod Damaso Papà et Gratiano Augusto jubentibus cele- 


37 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 201 


on suit les destinées religieuses et politiques de ces deux contrées situées sur les 
deux versants des Alpes Pennines, on arrive à notre conclusion’. Avec tout le 
respect que nous professons pour les lumières du vénérable clergé de la royale 
abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, nous la croyons plus fondée que la sienne qui 
revient, comme on l'a vu, à supposer que l'Évangéliaire de Valère, donné par 
Charlemagne en personne à cette maison religieuse, aurait été enlevé à une époque 
quelconque des guerres et des incursions des Haut-Vallaisans dans le Bas-Vallais 
dans le XV® siècle. Si cependant Messieurs les membres du chapitre de Saint- 
Maurice avaient des preuves de cette spoliation ou seulement un inventaire fai- 
sant mention d'un Évangéliaire, don d'une main royale, nous serions prêts à nous 
y ranger en toute déférence. Nous n'avons point de parti pris. 

Nous ferons encore observer qu'il paraît bien difficile que ce manuscrit précieux 
ait fait partie des offrandes que fit Charlemagne au trésor de la royale abbaye, 


offrandes dont la date est fixée généralement par les auteurs à l'an 780 *. 


bratum est adversus Palladium et Secundianum, Episcopos Arrianos, unus scilicet ex propriis Galliæ epis- 
copis invitatus accessit, Sancti que Ambrosii adversus horum sceleratam perfidiam strenue propugnantis 
sulfragator damnationis sententiæ quæ contra illos lata est, sacros inter Proceres conspicuus subscripsit. 
Dehinc ad sedem reversus cum triumpho orthodoxam fidem sedulo excoluit. (André du Saussay, supplé- 
mentum ad Martyrologium Gallicanum. X. Cal. April.) 

On voit par ce passage que dès ses origines l'évêché de Sion fut comme un diocèse suffragant de l’ar- 
chevèché de Milan, bien que plus tard l'archevêque de Tarentaise devint le Métropolitain de l'évêque de 
Sion, jusqu’au moment où celui-ci fut affranchi de la juridiction métropolitaine, en 1520. Les tendances de 
cette église furent très-souvent italiennes au moyen-àâge. Ceci pourrait servir à expliquer bien des pages 
de l’histoire de ce pays à cette époque encore si peu connue , et sur laquelle les travaux de M. de Gingins 
ont déjà commencé de jeter un jour lumineux. ( Voyez les Archives pour l'Histoire Suisse, tom. IT, TT, et dans 
les VII, VIII et IXe volumes de cette collection, les Mémoires pour l'Histoire de Provence et de Bourgogne 
Jurane.) Le tom. II traite à fond des relations du Vallais avec Milan au moyen-àge. 

Il est essentiel de rappeler ici que l'archevêque de Milan, Aribert ou Héribert, joua un rôle important 
dans l’histoire du Vallais au commencement du onzième siècle. Uni avec Boniface, marquis de Toscane, 
il aida puissamment Humbert aux Blanches-mains, tige de la maison de Savoie, dans la guerre qu'il sou- 
tint, dit-on, pour l'empereur Conrad le Salique, contre les prétendants bourguignons au trône de Ro- 
dolphe III le Fainéant , et entre autres contre le comte Eudes de Champagne, neveu maternel de ce roi. 
Aribert, ayant forcé le mont Jou, à la tête d’une armée d’Italiens, fit sa jonction avec Humbert, traversa le 
Vallais, se porta sur Genève et battit aux environs de cette ville les troupes Bourguignones. (Wippo , in 
vità Conradi Salici, cité par Jean de Muller, liv. [, ch. 13.) 

€ Quumque nequirent Burgundiones resistere, deditionem accelerant, perpetu subjectonis condilione Chuon- 
rado substrati. (Arnulph. Milan, lib. II, ch, 8.) 

? On cite cependant plusieurs autres voyages de cet empereur à travers les Alpes jusqu'à lan 804. 


202 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 38 


Alors en effet la révision des textes sacrés par Alcuin, qui a servi de base à 
toutes les reproductions des parties de la Bible telles que les Épitres et les Évan- 
giles, n'était pas encore ou était à peine achevée. On sait que ce savant disciple 
de Bède présenta sa Bible à Charlemagne l'an 801, lors de son couronnement à 
Rome. Nous serions bien plutôt porté à croire que l'Évangéliaire de Valère, 
dont les caractères et l'aspect intérieur et extérieur rappellent bien l'ère Carlo- 
vingienne, (ce qui ne veut pas dire qu'il ait été donné par Charlemagne), qui re- 
trace dans sa page finale les campagnes de Pepin et de son fils contre les Lombards 
et la délivrance de l'Italie, fut un présent de l’église métropolitaine de Milan, ou 
de quelque pieux archevêque de ceite cité, à l’église du Vallais, renaissant après 
les invasions sarrazines, ou si l'on veut à l'évêque et au chapitre de Sion. Il est 
fort possible aussi que ce fut une acquisition faite directement par cette église, 
ou un don de ses propres évêques". S'il fallait nécessairement trouver à ce livre une 
origine princière, nous ne serions pas trop éloigné de le faire remonter à Rodolphe 
IT, roi de Bourgogne Jurane, l'époux de la pieuse reine Berthe. On sait que ce 
monarque intrépide et ambitieux, après avoir disputé à Bérenger la Haute-ltalie, 
régna sur celte contrée qu'il joignit un moment à ses états héréditaires (922-926). 
Les Vallaisans, ses fidèles sujets, le secondèreni puissamment dans cette conquête 
Transalpine contre laquelle l'expédition de l'archevêque Aribert, citée plus haü£. 
ne fut qu'une réaction ?. On pourrait conjecturer que FEvangélaire de Valère, tra- 
vail tout Italien, fut donné par ce roi Italo-Bourguignon à l'église fidèle de Sion. 
Cette explication viendrait à la vérité se heurter contre les récits qui nous disent 
que les Sarrazins pillèrent et détruisirent de fond en comble Saint-Maurice et Sion 


immédiatement après le règne de Rodolphe IF, mais ne serait-elle pas pourtant 


Ainsi le Gallia Chrisliana dit qu’en 801 Charlemagne, revenant de Rome et traversant le Vallais, envoya 
à Sion un morceau du bois de la vraie eroix que l’on conserve dans l’église de Valère. (Tom. XIE, p. 738.) 

‘Il nous semble aussi que si cet Évangéliaire avait été un don direct de Charlemagne, la mémoire de 
cette munificence aurait été consignée d’une manière quelconque sur les feuilles de garde qui po:tent 
simplement : Est Ecclesiæ Vallerianæ. La Bible d’Alcuin possédée par M. Speyer portait les lettres 
CARVLYS liées et enlacées ensemble. Il est vrai, comme on l'a vu, qu'un savant paléographe anglais 
démontrait que ces lettres avaient été peintes après coup et substituées à d’autres. 

2? Rodulphus, Berengarii Morte et Hungarorum incursione permotus, Italiam rediit (924) et totum 
regnum sine contentione recepit. Extant diplomata, Veronæ data, quibus emnia privilegia regum et Impe- 
ratorum ecclesiis Italiæ confirmavit. (Sigonius, de regno Llaliæ, Liber VI.) 


39 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. $ 203 


plus satisfaisante que celle qui, pour justifier la présence de ce manuscrit à Va- 
lère, dans une église vallaisanne, fait dépouiller l'église de Saint-Maurice, par 
les Vallaisans même? Notre version aurait en outre l'avantage de faire mieux 
concorder l’âge apparent du manuscrit avec l'événement. Au reste, si l'origine 
princière de ce beau volume ne peut être clairement établie, dans l’une comme 
dans l’autre hypothèse, nul ne peut lui contester le double et si rare mérite de 
sa belle conservation intérieure et de la richesse de ses ornements extérieurs qui 
lui donnent toute l'importance d’un monument très-précieux de l’art au moyen- 


âge 


‘ Pour donner une idée plus exacte de la partie la plus apparente du manuscrit de Valère, nous avons 
fait reproduire le dessin colorié de sa couverture supérieure. Ce travail, exécuté avec intelligence, 
fidélité et bonheur, rend parfaitement l'original. Nous n’avons pas voulu restituer les parties dégradées, 
afin que notre dessin fût ün fac-simile dans toute l'étendue du terme, et non point une restauration. 

La ligne 1 des spécimens d'écriture est celle de l’entête des chapitres. La ligne 2 est du corps du ma- 
nuscrit. Les lignes 3 et 4 sont de la page finale. 


* 


Nous avons trouvé dans le rapport sur la bibliothèque de Porrentruy (p. 39), publié en 1849 par 
M. Trouillat, maire et bibliothécaire de cette ville, une note précise et curieuse sur les vicissitudes subies 
par la Bible de Moutier-Grandval, dite /a Bible d'Alcuin : 

€ Après la suppression des couvents de l’ancien évêché de Bâle, M. Bennot, chargé de la surveillance 
des Bibliothèques des couvents de Moutier-Grandval et des capucins de Délémont, avait acheté, dans un 
encan du mobilier d’un chanoine de Moutier-Grandval, un manuscrit qui était considéré comme ayant 
appartenu à Saint-Germain, fondateur de cette abbaye au VII siècle, M. Bennot le vendit à un juif pour 
trois francs; le juif le céda à un amateur de Bäle (M. de Speyer) pour vingt-cinq louis. Celui-ci le fit 
passer en Angleterre où il s’est vendu, dit-on, soixante mille francs. C’est une Bible écrite sur vélin que 
Von attribue à la main d’Alcuin, précepteur de Charlemagne. » 

Nous avons donné le chiffre exact du prix de vente de cette Bible en Angleterre. M. de Speyer dans sa 
notice dit qu'il l’acheta directement de M. Bennot. Il ne parle pas d’un acquéreur intermédiaire. 


204 ‘H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 40 


IL. 


Ce mémoire était terminé quand nous avons reçu de M. le baron de Gingins La Sarra une lettre qui 
jetera un nouveau jour sur la question que nous avons essayé d’éclaircir touchant l’Évangéliaire de Valère. 
Nous avons été heureux de voir un juge aussi compétent et si éclairé tirer des conclusions qui, en plusieurs 
points, se rapprochent singulièrement des nôtres : 

€ Il y a (nous écrit M. de Gingins) deux choses à distinguer dans la question : 

«4° L’Évangile de Valère provient-il originairement du trésor de Saint-Maurice ou a-t-il toujours 
appartenu à l’église de Sion? 

« 2° A-t-il été donné à l’une ou à l’autre de ces églises par Charlemagne? » 

€ Quant au premier point, sans vouloir le moins du monde n’élever contre l’opinion de Messieurs du 
couvent de Saint-Maurice, je ne vois pas trop pourquoi les Haut-Vallaisans se seraient appropriés cet 
Évangile plutôt que tout autre objet tout aussi richement incrusté, tels que les reliquaires qui sont restés 
dans le trésor de Saint-Maurice. Ce sont les Bernois qui ont pris Saint-Maurice en 1475, et qui l'ont 
remis aux Commissaires de l’Évêque de Sion au mois de mars 1476. (Voyez Développement de l'Indépen- 
dance du Vallais), et je n’ai trouvé aucune trace de spoliation ou de mise à rançon à cette époque. 

« En ce qui concerne la question de savoir de quelle source provient l'Évangile acheté du chapitre de 
Sion, je ferai remarquer : 

1° Qu'il n’est nullement démontré que Charlemagne ait jamais séjourné à Saint-Maurice ou à Sion, ni 
même qu'il ait fréquenté en personne les passages des Alpes Pennines, soit en allant, soit en revenant 
d'Italie. MM. de Rivaz ont fait voir que la légende insérée dans le tome XII du Gallia Ghristiana, page 138, 
était très-suspecte. Il est certain, au contraire, que Charles le Chauve et les derniers Carolingiens ont 
passé ou séjourné plusieurs fois dans cette abbaye. Mais d’une autre part, nous savons qu’en 940-941 
(c’est-à-dire postérieurement au règne de Rodolphe II, mort en 937) l’abbaye de Saint-Maurice fut totale- 
ment brülée et pillée par les Sarrazins, et que la ville de Sion fut également exposée aux pillages de ces 
barbares. 

€ 2 Parmi les objets que l’on suppose avoir été donnés à Saint-Maurice par Charlemagne, on parle de 
la table d’or empruntée au couvent par le comte de Savoie Amédée III, et d’une fiole d’Agathe gravée; 
mais je ne sache pas que les inventaires du trésor de Saint-Maurice fassent aucune mention d’un Évangile 
enrichi de pierreries. » 

« Je croirais plutôt que cet Évangile avait appartenu à l’un des évêques de Sion, tels qu'Éberhardt, 
Hugues ou Aymon second , tous parents ou alliés des rois Rodolphiens. Aymond Il, qui vivait en 1037- 
1053, fit de grandes libéralités à l’église de Sion, et la comparaison que vous avez eu l’occasion de faire 
avec les Évangiles du trésor de Monza me confirmerait dans la pensée que l'Évangile de Valère est de la 
même époque et provient de l’évêque Aymon IL. » 

« Agréez, etc. 

CF. DE GINGINS LA SARRA. 
€ Professeur honoraire à l'Académie de Lausanne. 
« Lausanne, le 1e septembre 1853. » 


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