RECHERCHES
SUR LES ORIGINES DE L'EGYPTE
ETHNOGRAPHIE PREHISTORIQUE
ET
TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
ANQERS, I.MPKIMEK1Ë ORIENTALE DE A. UUHIHN.
^
RECHERCHES
SLR LKS
ORIGINES DE L'EGYPTE
ETHNOGRAPHIE PREHISTORIQUE
ET
TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
J. DE MORGAN
ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ANTIQUITÉS DE l/ÉGYPTE
DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU SI.NISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE EN PERSE '
AVEC LA COLLABORATION DE
MM. le Professeur WIEDEMANN, G. JÉQUIER
et le Dr FOUQUET
ERNEST LEROUX. ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1897
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/recherchessurles02morg
PRÉFACE
Le 15 août 1895, je publiais dans La Vie contemporaine
(tome III, p. 337 sq.) une étude intitulée : Memphis et la
vallée du Nil dans les temps historiques. Je concluais dans
les termes suivants en ce qui concerne les époques anté-
rieures à l'histoire :
« Depuis longtemps on cherche, en Egypte, les vestiges
des temps préhistoriques et l'on a cru voir dans les silex
taillés l'équivalent de nos âges néolithiques de l'Europe.
Mais les instruments de pierre sont ici de toutes les époques ;
j'en ai trouvé moi-même dans les tombeaux de la IVe, de la
XIIe et de la XVIIIe dynasties ; on en connaît de la période
des Ptolémées. Quant à ceux que l'on ramasse sur le sol, ils
sont sans date, sans gisement qui permette d'en apprécier
l'antiquité.
« Bien certainement les populations qui, avant l'arrivée
des Egyptiens, habitaient la vallée du Nil, vivaient au milieu
des marais et des forêts où elles rencontraient les éléments
nécessaires à leur vie ; elles ne s'aventuraient guère dans le
désert stérile et infesté d'animaux dangereux. C'est donc
sous les alluvions de la vallée qu'il faudrait rechercher les
véritables gisements préhistoriques, dans les lieux où furent
jadis les villages, les campements.
« Mais depuis dix, peut-être douze mille ans, le Nil, par
ses incessants apports, a recouvert d'épais limons les sites
où vivaient les précurseurs des Egyptiens, etc'est peut-être
II PREFACE
à 20 ou 30 mètres de profondeur qu'il faudrait descendre
pour rechercher les traces de cette civilisation ; tâche deve-
nue impossible et qu'il n'est plus permis que de signaler. »
Telle était encore, en 1895, mou opinion sur l'âge de pierre
en Egypte. N'ayant à ma disposition que les assertions four-
nies par mes prédécesseurs et n'ayant pas encore été à
même d'en reconnaître l'inexactitude, j'avais été trompé;
sans discussion, j'attribuais aux temps historiques les silex
taillés que j'avais parfois rencontrés dans le remplissage
des sépultures.
Pouvais-je, en elîet, supposer a priori que les recherches
de près d'un siècle dans le sol égyptien n'avaient jamais
porté sur ces questions, qu'une opinion purement superfi-
cielle s'était établie chez les nombreux savants qui avaient
parcouru en tous sens la vallée du Nil et ses montagnes,
que presque personne n'avait cherché à élucider les pro-
blèmes relatifs aux origines et que, malgré l'opinion de quel-
ques rares spécialistes sur l'existence en Egypte de l'âge de
la pierre, l'opinion contraire, qui ne reposait sur aucun fait
positif et scientifiquement observé, avait été acceptée sans
contrôle par la grande majorité des égyptologues.
Mon erreur était, à coup sûr, bien plus excusable que
celle de la plupart de mes devanciers, car, depuis le com-
mencement de mon court séjour en Egypte, durant les an-
nées 1892-93 et 94, j'avais été absorbé par des travaux
n'ayant rien de commun avec les origines égyptiennes. Mais
elle tomba d'elle-même quand, plus libre de mon temps,
j'eus le loisir d'explorer attentivement le désert; les docu-
ments devinrent, à ma grande surprise, d'une telle abon-
dance que je dus modifier mon opinion, rejeter les explica-
tions fantaisistes de bien des auteurs et admettre l'existence
PRÉFACE nI
en Egypte d'une civilisation néolithique très développée.
Aujourd'hui que celte question est entrée dans une plias.;
nouvelle, que les localités préhistoriques sont signalées par
centaines, qu'il n'existe plus aucun doute sur l'époque des
instruments de pierre, je ne puis m'expliquer comment il se
fait que cette découverte ne se soit pas produite beaucoup
plus tôt, comment les tombes royales des premières dynas-
ties, dont les tells étaient si apparents, n'aient pas attiré l'at-
tention et soient demeurées si longtemps dans l'oubli. Il faut
que l'examen du sol ait été bien superficiel et que l'étude des
textes ait rendu aveugles les visiteurs du pays des Pharaons.
Un égyptologue de mes amis m'a quelque peu accusé de
manquer d'égards envers Pégyptologie linguistique, la seule
science qui, pour beaucoup d'égyptologues, puisse nous
éclairer sur toutes les questions relatives à la civilisation
dans la vallée du Nil. Certes, je suis très loin de mépriser
ces connaissances; et si, parfois, j'ai été dur pour les lin-
guistes, c'est qu'ils sont trop souvent d'un exclusivisme fort
préjudiciable à l'avancement de nos découvertes ; que, sans
étudier les conditions naturelles dans lesquelles vivaient
les Égyptiens, ils veulent tirer des textes seuls les explica-
tions que la nature leur fournit d'une manière si libérale.
Nombre d'égyptologues oublient volontiers que leur rôle
d'interprètes est souvent faussé par leur ignorance parfois
absolue des choses dont parlent les inscriptions qu'ils tra-
duisent.
Heureusement, cette tendance d'esprit n'est pas générale
chez les égyptologues et plusieurs de ces savants linguistes
sont, en même temps, des hommes fort instruits des faits
de l'histoire naturelle, de l'ethnographie et de toutes les
connaissances qui permettent d'interpréter fidèlement la
IV PRÉFACE
pensée des scribes de l'antiquité. Ceux-là rendent de réels
services à la science et, peu à peu, font disparaître les er-
reurs dans lesquelles les cgyptologues uniquement lin-
guistes nous avaient fait tomber.
Lors de mon arrivée en Egypte (1892), je ne m'étais ins-
truit des questions archéologiques relatives à ce pays que
dans les livres, et, supposant que les observations avaient
été faites avec toute l'attention nécessaire, je m'en rappor-
tais aux dires des auteurs. Ce n'est que progressivement
que j'ai entrevu les inexactitudes et, malheureusement aussi,
la manière si légère dont certains travaux ont été menés.
J'ai graduellement modifié mon opinion sur bien des points
et je ne crains pas de citer mes propres termes de 1895; ils
montrent avec quel esprit d'impartialité j'ai jugé des ques-
tions préhistoriques dans la vallée du Nil.
C'est pénétré de cette pensée que j'ai écrit mon livre,
Recherches sur les origines de l'Egypte, Vâge de la pierre et
les métaux. (Paris, 1896, E. Leroux.)
La publication n'en était pas achevée depuis deux mois
que je recevais un grand nombre de lettres de savants ap-
partenant à toutes les nationalités, me donnant l'opinion des
spécialistes sur l'intéressante question des débuts de l'his-
toire égyptienne, critiquant certains passages ou deman-
dant de nouveaux éclaircissements. Les naturalistes, les an-
thropologistes, les phréhistoriciens acceptèrent presque
tous, sans restrictions, mes conclusions. L'un d'eux me fit
observer, cependant, qu'en ce qui concerne l'époque qua-
ternaire je ne fournissais pas de preuve absolue en faveur
de la haute antiquité des instruments de type chelléen, que
je n'avais jamais rencontré les coups-de-poing chelléens
dans des couches dont l'époque fût déterminée d'une façon
PREFACE V
absolue. D'autres, interprétant ma pensée, mais lui donnant
une portée plus grande que je ne le désire, ont étendu la
survivance de l'usage de la pierre taillée bien au delà des
limites que je crois devoir moi-même lui assigner. Je re-
viendrai sur ces questions dans mon « Introduction »,
apportant de nouveaux matériaux et corrigeant quelques
inexactitudes qui se sont glissées dans mon dernier volume.
Chez les égyptologues, les opinions furent diverses. En
Allemagne, mes interprétations furent admises par les
savants les plus autorisés, qui me témoignèrent la satisfac-
tion qu'ils ressentaient de voir les limites de l'histoire égyp-
tienne reculées jusqu'à des époques aussi éloignées, et
précisées par des faits dont ils avaient déjà la plupart pres-
senti l'existence.
En France, l'opinion fut, à peu de chose près, la même.
Mes écrits ne furent critiqués qu'indirectement ( 1 ) ; quelques
phrases incidentes seules montrent, en des termes sur les-
quels je ne veux pas insister, que mon opinion n'était pas
alors partagée par tous les égyptologues.
Les origines de la vie humaine, aussi bien en Egypte
qu'ailleurs, sont du domaine de l'histoire naturelle, de la
géologie, de l'anthropologie, et les conclusions des natura-
listes relativement aux origines doivent servir de base aux
interprétations des textes. Vouloir procéder en sens inverse
et reconstituer, par les documents écrits, les faits anté-
rieurs à l'histoire, est commettre une pétition de principes
excluant toute possibilité de discussion scientifique.
Il est certain, et je l'ai dit, que les Égyptiens emprun-
tèrent aux populations qui vécurent avant eux en Egypte,
i. Voir la Revue critique d'Histoire et de Littérature (i5 février 1897).
VI PREFACE
un grand nombre de coutumes ; mais la distinction entre
les usages indigènes et ceux des Egyptiens pharaoniques
ne peut être faite qu'alors que nous connaîtrons la vie des
pré-Egyptiens. C'est de ces faits, qui ne les concernent pas
au point de vue de l'observation, que les égyptologues
seront appelés à tirer des conclusions.
Quant au parti pris avec lequel, suivant certain linguiste,
je suis censé avoir écrit mon livre, l'opinion que j'émettais
en 1895 démontre qu'il n'a jamais existé. Ce parti pris
serait d'ailleurs partagé par les nombreux savants qui ont
été témoins de mes découvertes, qui ont reçu sur le terrain
les explications qu'ils désiraient obtenir, et qui, convaincus
comme moi par les faits, se sont rangés à mon avis. Si ma
bonne foi a été trompée, la leur l'a également été et peut-
être, d'ailleurs, que ceux qui s'arrogent le droit de juger
de mon impartialité ne sont pas bon juges en pareille matière
et obéissent à des sentiments personnels n'ayant rien de
commun avec la science.
M. Amélineau, dont les découvertes à Àbydos sont, sans
contredit, de la plus haute importance, a eu tort, à mon
sens, d'interpréter les documents dont il disposait en les
attribuant aux dynasties divines. Je lui avais, sur le ter-
rain, conseillé la prudence, l'incertitude sur l'époque pré-
cise des rois dont il venait d'exhumer les tombeaux. Il a
cru devoir persister dans son opinion et la publier ; sa
bonne foi ne peut être mise en doute, et, dans tous les cas,
son erreur ne saurait justifier les termes dans lesquels
son opinion a été combattue.
M. Flinders Pétrie, exécutant des fouilles dans des nécro-
poles de la même époque que celles explorées par M. Amé-
lineau et par moi-même, a émis une opinion que je com-
PRÉFACE
bats; ma,s cette divergence d'idées n'a pas entraîné entre
nous une rupture. Nous disentons en termes eonrtois, et
J ai faeihte de tout mon pouvoir les recherches de M Flin-
ders Pétrie, espérant, avec une entière impartialité, que la
science y trouvait son avantage
Cette façon d'agir est la seule qui soit de mise dans le
monde sc.ent.fique, l'opposition des vues, la vivacité môme
diseuss.ons ne devant jamais exclure .esprit d'équité
dans le fond, ni la courtoisie dans la forme
_ En publiant mon livre sur Les origines de VÉeypte je
n m pas eu la prétention de faire une œuvre complL'; e
tre même de l'ouvrage l'indique : ce sont des Helercle
et non t té Je ^ ^ ^ ^ ^
d eierment plus tard à rectifier, que h,e„ des erreurs
partielles se glisseraient dans ce premier travail. Car
J eud,a,s une question nouvelle et très vaste, un sujet néces-
sitant des connaissances fort variées, pour lequel des colla-
borons nombreuses m'étaient nécessaires. Ces rectifica-
tif C7PtaiS ieS fal>e m0i-mê'"e » COurs d'»" -cond
volume, celui que je présente aujourd'hui au public.
Je 1 a. divisé eu sept chapitres, dont le premier est en
quelque sorte, une « Introduction , Le second donne la
bste des localités où ont été rencontrés des vestiges pré-
h.stonques ou des restes des premiers Égyptiens. Dans le
roisieme chapitre, j'expose, d'après les documents que
nous possédons aujourd'hui, ce qu'étaient l'existence, l'in-
dustrie, es arts des peuples qui habitaient l'Egypte avant
les Egyptiens Le quatrième relate le résultat de mes fouilles
dans le tombeau royal de Négadah. Les cinquième et
s x en chap]treS; consacrég aux interpr ,tat.ons des dQcu_
ments fourn.s par le tombeau royal, sont dus respective-
VIII PREFACE
ment à MM. A. Wiedemann et G. Jéquier qui tous deux ont
assisté à la fouille. Au septième chapitre, M. le docteur Fou-
quet traite de l'anthropologie.
Au cours de 1' « Introduction » je reprends plusieurs ques-
tions étudiées dans mon volume de 1896, rectifiant quelques
erreurs, apportant des nouveaux documents pour les faits
que je considère comme insuffisamment démontrés, et ré-
pondant aux questions courtoises et de bonne foi qui m'ont
été posées.
Ce travail, dans son ensemble, fera, je l'espère, avancer
la question des origines égyptiennes, mais sera bien loin de
la résoudre d'une manière complète. Il faudra encore effec-
tuer quantité de recherches et de fouilles et recueillir de
nombreux documents pour combler les lacunes séparant
les faits précis que nous possédons aujourd'hui; il faudra,
surtout, mettre de côté les fables et les interprétations
fantaisistes relatives aux premiers temps de l'Egypte et
traiter du sujet avec l'indépendance d'esprit qu'apportent
dans leurs travaux les observateurs désintéressés.
Beaucoup de savants ont bien voulu m'assister dans mes
recherches et ont participé, chacun pour sa spécialité, à
l'examen du produit de mes fouilles. Je leur en suis pro-
fondément reconnaissant, car, par leur expérience, ils
m'ont permis de donner des renseignements d'une extrême
précision. Le professeur Schweinfûrth, par ses conseils et
sa connaissance parfaite de l'Egypte, m'a suggéré bon
nombre d'explications; il a eu l'obligeance de se charger
de l'examen des substances végétales trouvées dans les tom-
beaux. M. Berthelot, mettant encore une fois sa science
éminente au service de l'archéologie, a fait l'étude des mé-
taux. MM. Friedel el Fouquel ont déterminé les roches qui
PREFACE I\
constituent la matière des vases trouvés < la us le tombeau
royal de Négadah. M. le docteur Lortet a identifié les restes
animaux rencontrés dans les kjœkkenmœddings. Enfin,
M. Amélineau a mis à ma disposition, avanl même de les
publier, les résultats de ses fouilles d'Abydos.
Je ne saurais trop remercier les savants qui ont bien
voulu prêter l'appui de leurs connaissances spéciales à
l'étude de cette question si complexe des origines égyp-
tiennes; ils ont beaucoup contribué à affermir mon opinion,
car, dans la plupart des cas, ce sont les détails en apparence
insignifiants qui fournissent les bases les plus sûres de
raisonnement.
Les sciences ont, aujourd'hui, réalisé de tels progrès
qu'il n'est plus possible au même homme d'écrire un livre
complet. Il doit avoir recours aux spécialistes, et tout ce à
quoi peut prétendre celui qui conduit des recherches est de
posséder des connaissances générales dans chacune des
branches qui fournissent des documents, afin de recueillir
les observations d'une manière scientifique, de telle sorte
que les spécialistes mettent à profit ses études.
Le botaniste, le zoologiste, le linguiste, etc., qui tous ont
examiné, à leur point de vue particulier, les documents qui
leur ont été remis, émettent chacun leur opinion; et c'est
l'ensemble de leurs conclusions, jointes aux appréciations
de celui qui a dirigé les recherches, qui peut servir de base
à des idées synthétiques. Cette méthode, si elle n'est pas
infaillible, offre le maximum de garanties, et les livres ainsi
composés fournissent des éléments précieux pour les trai-
tés complets que nous sommes encore bien loin de pouvoir
(■«rire.
CHAPITRE I
Introduction. — Généralités,
Dans le présent ouvrage, je n'ai presque rien à ajouter aux consi-
dérations d'ensemble relatives à la géologie de l'Egypte telles que je
les ai exposées dans mon volume sur L'Age de la pierre et les métaux
(1896). Les explications sont suffisamment précises pour que le lec-
teur se rende aisément compte de ce qu'était l'aspect de la vallée du
Nil aux derniers temps de l'époque néolithique, alors que les marais
couvraient la presque totalité du Delta et bordaient les chaînes Libyque
et Arabique.
Parmi ces marais latéraux existant encore de nos jours, j'avais omis
de citer ceux qui s'étendent suivant une longue bande entre Siout et
Tounah, au pied de la chaîne Libyque. Ce sont, sans contredit, les plus
importants de l'Egypte ; leur comblement s'opère graduellement tout
comme cela arrive pour ceux que l'on rencontre entre Licht et Dah-
chour; ces marais sont les derniers exemples des phénomènes du com-
blement de la vallée du Nil.
Mais si le côté géologique de mon exposé de la question me semble
suffisamment décrit, il n'en est pas de même en ce qui concerne l'exis-
tence de l'homme à l'époque quaternaire et l'âge des silex taillés de
la Haute-Egypte. C'est de ces deux sujets que je parlerai dans cette
introduction, répondant ainsi aux questions qui m'ont été posées et
aux objections renfermées dans les livres et les brochures publiés
depuis que mon travail a vu le jour.
Je reprendrai aussi les raisons qui me portent à penser que la civi-
t
2 INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
lisation égyptienne est originaire de l'Asie, mon savant ami M. G. de
MortiLlet m'avant fait connaître les motifs qui lui font croire qu'elle
est plutôt originaire de l'Afrique. Au cours de mon travail on trou-
vera le détail de mes observations relatives à cet important pro-
blème.
Dans une lettre qu'il m'écrivait peu de temps après la publication
de mon volume sur L'Age de la pierre et les métaux en Egypte, M. Salo-
mon Reinach me priait de fournir quelques renseignements complé-
pjo-. i. — Coup-de-poing chelléen en quartzite jaune gris (Kawamil). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. 2. _ Coup-de-poing chelléen en silex brun foncé (Kom-Achim). 1/2 grandeur
naturelle
mentaires au sujet des instruments chelléens de la vallée du Nil et se
demandait si ces outils appartiennent bien à l'époque quaternaire. Ce
doute est parfaitement fondé, car jusqu'ici il n'a pas été rencontré en
Egypte d'ossements d'animaux faisant partie de la faune quaternaire
accompagnés de silex taillés. Nous ne possédons donc pas de preuves
INTRODUCTION. - GÉNÉRALITÉS g
absolues, mais toutes les probabilités sonl en faveur de L'opinion qui
reporte L'antiquité de L'homme, dans cette partie de L'Afrique, jusqu'à
l'époque qui précéda l'établissemenl définitif du régime actuel des
eaux dans la vallée du Nil.
En général, c'est à la surface des alluvions caillouteuses qu'un
trouve les silex du type chelléen, non pas à la Limite fies cultures, ni
dans les sables qui s'étendent entre les limons et la base des monta-
gnes,mais sur les mamelons qui forment pour ainsi dire les premiers
contreforts de la chaîne.
Les plateaux eux-mêmes qui couronnenl la montagne fournissent
des instruments chelléens : il en a été rencontré à Esneh, sur le pla-
teau de Gizeh, sur celui de Dabchour, dans le désert entre les oasis
et la vallée du Nil; tandis qu'à Thèbes, à Toukh, à Abydos, à Kawa-
mil et à Kom-Achim c'est dans les ravins que les trouvailles ont été
faites. Il semblerait que ces objets, primitivement déposés sur les
plateaux, ont été entraînés par les pluies et ne doivent leur présence
dans la vallée qu'à la descente des matériaux d'alluvions.
Des instruments chelléens ont été découverts par M. FI. Pétrie dans
les environs de Négadah; mais cette constatation de la présence des
silex dans les alluvions du pied de la montagne n'est pas concluante
en faveur de l'époque quaternaire de ces outils, car ces alluvions pro-
duites par les pluies sont de formation très récente. Le professeur
Schweinfurth a observé que tous les huit ans il tombe en Éo-vpte des
pluies très considérables et que, par suite de l'aridité absolue des
montagnes, il se forme des torrents très violents entraînant dans leurs
eaux des masses énormes de matériaux roulés.
C'est à ces pluies que nous devons la plupart des cônes de galets
qui s'appuient sur le flanc des montagnes de l'Égvpte, ainsi qu'une
partie des buttes qui bordent les cultures Nous ne pouvons donc tirer
aucune conclusion des objets que renferment ces alluvions.
Autrement intéressante est l'observation qui vient d'être faite par
le professeur A. H. Sayce à El-Kab, découverte qu'il m'a commu-
niquée de suite en me donnant les silex taillés qui en provenaient.
Au pied de la chaîne Arabique, au nord-est de la ville antique d'El-
Kab, entre les villages d'El-Hilâl et de Mehammid, s'ouvre un ravin
dont la naissance est au sommet de la chaîne En le remontant, le pro-
fesseur A. H. Sayce reconnut que le plateau formé d'alluvions cail-
louteuses durcies avait été coupé par les eaux pluviales et que ces
couches d'alluvions renfermaient des éclats de silex. En cherchant
4 INTRODUCTION . — GÉNÉRALITÉS
dans les éboulis de cette couche, le professeur Sayce rencontra quel-
ques silex éclatés (fig. 3, 4 et 5).
Ces alluvions des plateaux sont très certainement antérieures à
celles dont nous constatons la présence dans la vallée du Nil; elles
appartiennent au système général des alluvions qui se déposèrent
Fig. 3, 4 et 5. — Instruments de silex trouvés par le professeur A. H. Sayce, dans
les allu%ions du nord-est d'El-Kab. 1/2 grandeur naturelle.
après la période des érosions en Egypte. Mais jusqu'à ce jour ces
couches n'ont pas fourni de fossiles quaternaires.
Les vestiges de l'homme quaternaire, instruments ou ossements,
ont été rencontrés dans toutes les parties du monde en Palestine ',
aux Indes ', au pays des Touaregs3 et tout dernièrement, m'a-t-on dit*,
1. Chelléen en Palestine. Coup-de-poing, récolté par l'abbé Moretain et présenté
par M. de Vogué au Congrès préhistorique de Paris en 1878. Récoltes de l'abbé
Richard sur les bords du lac de Tibériade (Expos, de 1878).
2. Chelléen aux Indes. Coup-de-poing des couches fossilifères quaternaires de la
Nerbouda (Cartailhac et Chantre, Matériaux, IV, 121).
3. Coup-de-poing chelléen. Recueilli en Algérie et dans le pays des Touaregs, et
aussi au Cap de Bonne-Espérance (Cartailhac et Chantre, Matériaux, I, 119. G. de
Mortillet, Nègres et civilisation égyptienne).
4. Prof. Schweinfurth.
INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS 5
au pays des Çomalis; l'Amérique du Nord elle-même ' en a fourni de
nombreux restes; il est donc très naturel de penser que L'Égj pte elle-
mêrae en renferme et que les instruments de type chelléen qu'on j
rencontre doivent être rangés dans le quaternaire. I>a récente décou-
verte du professeur A. FI. Sayce donne plus de force à cette opinion.
Dans les pays d'Europe les al lu viens sont d'un examen bien autre-
ment aisé qu'en Egypte : elles sont exploitées pour 1rs besoins des
routes et des chemins de ter et, en France, entre autres, il existe peu <!<•
communes dans lesquelles on ne puisse trouver une coupe artificielle
du diluvium. Dans ces conditions les études sont rendues faciles, les
documents abondent. En Egypte, au contraire, le diluvium n'est pas
exploité et c'est à cela que nous devons de n'avoir (pie fort peu de
renseignements à son sujet.
Dès les débuts de mes recherches sur le préhistorique égyptien,
j'ai reconnu l'existence de presque tous les types que nous possédons
en Europe. Certaines localités m'ont même fourni, Dimeh entre
autres, des séries appartenant par leur technique au chelléen, au
moustérien, au solutréen, au magdalénien et à la pierre polie. Tous
ces objets se trouvaient ensemble à la surface du sol sans qu'il fût
possible d'établir une distinction de gisement. Nous devons donc
nous contenter aujourd'hui de les signaler et de les décrire sans cher-
cher à établir des classifications.
Ce mélange semblerait démontrer que les différents états de la ci-
vilisation de la pierre se sont succédés dans les mêmes localités,
l'industrie progressant lentement et sans transitions brusques, pour
arriver à la pierre polie, dernière phase qui précéda l'usage des mé-
taux.
Certaines formes semblent avoir persisté au travers de tous les
âges, depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque historique.
A Toukh et à ZaAvaïdah, entre autres, on rencontre des pointes de type
chelléen (fig. 6 et 7) dans le kjœkkenmœdding dont la majeure
partie appartient a la période historique, tandis que le même instru-
ment se trouve à quelques kilomètres au nord, sur le plateau qui ne
I. L'existence de l'homme paléolithique dans l'Amérique du Nord est aujourd'hui
prouvée d'une manière indiscutable. Cf. Th. Wilson Besult of an inquiry dans lie p. of
the Nat. Mus. Washington, 1890. Environ 6,8uo coups-de-poing chelléens avaient, à
l'époque de celte publication, été rencontrés dans vingt-trois Etals et territoires des
Etals-Unis. Les caractères de ces instruments sont semblables à ceux des coups-de-
poiug rencontrés dans les autres régions du globe.
6 INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
fournit que des outils chelléens. Il ne peut être question de mélano-e
dans ce cas, et l'on est amené à admettre la persistance de l'usage de
ces pointes, qui, probablement, répondaient à un besoin que les
siècles ne modifièrent pas.
Fig. 6. — Pointe de type chellûeu (kjœkkenmœdding de Toukh). 1/2 grandeur
naturelle.
Fig. 7. — Pointe de type chelléen (kjœkkenmœdding de Zawaïdah). 1/2 grandeur
naturelle.
Au Fayoum, dans les stations de Dimeh, d'Omm el-Atl et de Kom-
Achim, on rencontre communément, en môme temps que des haches
polies et des têtes de flèches robenhausiennes, des pointes qui en
France seraient sans aucun doute attribuées au moustérien et au so-
lutréen.
Seules, les sépultures, bien caractérisées comme appartenant aux
derniers temps de la pierre polie ou même à l'époque historique,
fournissent des instruments qui, bien que présentant souvent des
formes spéciales à l'Egypte, rentrent dans la technique des outils
robenhausiens d'Europe.
C'est justement cette grande unité dans les silex taillés des der-
nières périodes qui m'a fait penser que nous devons à des civilisations
successives la présence dans une même station d'instruments de types
divers.
Dans l'étude des stations préhistoriques de l'Egypte il est encore
un autre facteur 1res important dont il doit être tenu compte, celui de
l'éloignement des diverses localités entre elles. Si nous admettons
qu'au point de vue ethnique la race qui occupait la vallée du Nil pré-
INTRODUCTION. — GENERALITES 7
sentait une homogénéité parfaite, nous devons penser que dans toute
l'étendue du pays la civilisation n'était pas en même temps aussi
avancée. Il se peut fort bien que les populations du Fayoum en fussenl
encore à des usages analogues à reu\ du magdalénien de France,
tandis que celles du Saïd connaissaient déjà la pierre polie. Chaque
station exigerait une étude spéciale, car il semble certain que le pas-
sage de la période quaternaire à l'époque moderne se lit en Egypte
sans secousse, sans hiatus.
Le pays d'Egypte où l'art de tailler le silex paraît avoir été le plus
développé est sans contredit le territoire compris entre Négadah et
Kawamil, sur la rive gauche du Nil. Il semble s'être tonné là, vers la
fin de la période robenhausienne, un véritable foyerde civilisation,
peut-être même un groupement politique, et il n'est pas surprenant de
voir que les envahisseurs fixèrent tout d'abord le centre de leur gou-
vernement dans ces régions plus civilisées que les autres. Le sou-
venir de ce fait s'est transmis jusqu'à nous dans la légende osirienne et
dans les dynasties thinites.
De même que dans tous les autres pays du monde, l'usage du silex
taillé ne cessa pas en Egypte de suite après l'apparition des métaux;
il se continua pendant de longs siècles encore, tant pour les besoins
journaliers des classes pauvres que, probablement aussi, pour les rites
de certaines cérémonies du culte.
La tombe royale de Négadah ne renfermait pas un seul instrument
de métal. Les couteaux, racloirs, poinçons, etc., étaient faits de
pierre. Dans celles d'Abydos nous voyons déjà le cuivre prendre une
importance considérable et ce que nous connaissons des sépultures
de la IIIe dynastie *ait penser qu'à cette époque l'usage du silex était
déjà presque abandonné.
Dans les tombeaux très anciens où le métal est abondant la taille du
silex est déjà moins parfaite que dans les sépultures antérieures; le
plus haut degré d'habileté dans la taille de ces outils semble avoir et''
atteint peu après l'époque de l'invasion.
Dans les temps qui suivirent la IIP dynastie, l'usage du silex lut
complètement abandonné dans la vie courante et remplacé par l'em-
ploi des métaux. Le fait est certain, car. s'il en était autrement, le sol des
nécropoles de l'Ancien Empire serait couvert d'éclats, de percuteurs,
de noyaux de nucléi et d'instruments brisés ou rebutés; les ouvriers
qui construisirent les milliers de mastabas que recouvrent les sables
de Saqqarah n'eussent pas pris plus de soin pour enlever les débris
8 INTRODUCTION. — GENERALITES
de silex qu'ils n'en eurent pour les fragments de vases brisés à l'usage
que nous retrouvons à chaque coup de pioche.
Au Moyen Empire, sauf peut-être pour quelques cérémonies reli-
gieuses, le silex avait été complètement abandonné; l'absence totale
d'éclats de cette matière dans les nécropoles de la XIIe dynastie à
Dahehour et au sud de Lichten fait foi d'une manière absolue.
Celte opinion est loin d'être partagée par tous ceux qui écrivent sur
l'Egypte.
Dans un récent volume sur les tombeaux de la XIIe dynastie à Béni
Hassan, M. F. Ll. Griffith {Archeological Survey of Egypt, fiflh
Memoir, Béni Hassan, part III, Londres, 1896) consacre un chapitre
spécial (II, p. 33 : The manufacture and use of the fllnl knives) à
l'examen des instruments qu'il croit pouvoir considérer comme
ayant été faits de silex et dont l'emploi se serait continué jusqu'à la
XIP dynastie.
Bien que je sois amené à penser, malgré le manque de preuves
absolues, que l'usage de la pierre taillée s'est conservé en Egypte,
pour des usages spéciaux, longtemps après la conquête, je ne par-
tage pas l'opinion de M F. Ll. Griffith au sujet des instruments qu'il
signale. J'estime qu'aucun d'eux ne peut être considéré comme un
outil de pierre.
La planche VII de l'ouvrage de M. F. Ll. Griffith (part III) repré-
sente, d'après les peintures du tombeau n° 15 (de Béni Hassan), quatre
personnages tenant alternativement de la main droite ou de la main
gauche un objet oblong, grossièrement figuré, et qui peut être aussi
bien de section circulaire que de section allongée, comme le serait
celle d'un couteau de silex1. L'auteur croit reconnaître dans le bâton
que tiennent les ouvriers, un fabricator; il est aussi naturel d'y
voir un pinceau, un ciseau ou tout autre outil. L'attribution que
donne M. Griffith à l'objet que façonnent les personnages, de même
que celle de l'instrument dont ils se servent, est une simple hypothèse
qui ne semble pas se justifier.
PO n ^^^..o
|l U. o et que
M. Griffith traduit par « taille de couteaux » [strihing knives), elle ne
i.Si ces instruments étaient en silex, ils auraient été des poignards ou des tètes de
lances et uoa des couteaux, les découvertes daus les stations préhistoriques le prou-
vent.
INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS 9
présente pas forcément ce sens. C'est du moins l'avis de quelques
égyptologues !.
La planche VIII (p. 35) du même ouvrage représente non pas la
taille des couteaux de silex, comme le pense l'auteur, mais plutôt la
fabrication d'écuelles de bois.
La partie septentrionale de la salle de l'ouesl dans le tombeau n° 2
de Bcni Hassan (tome I, pi. XI) fournit une série de représentions
où figurent les principales industries de cette époque.
Le premier tableau est celui dans lequel M. Griffith croit recon-
naître la taille des couteaux de silex, le second représente des fabri-
cants de sandales qui, comme on le sait, étaient souvent faites de bois,
dans le troisième, un ouvrier creuse un grand vase (de bois.'), dans le
quatrième, l'ouvrier fait des arcs; puis viennent la fabrication des
paniers, des meubles, des coffres, un homme sciant des planches.
L'ensemble de ces industries a rapportait travail du bois; l'on est en
droit de se demander ce que la taille du silex serait venue faire dans
cette série de tableaux indiquant le travail d'une matière spéciale,
aussi bien définie.
La planche VIII (Béni Hassan, part III) donne la représentation très
détaillée de ces prétendus couteaux de silex et, dans les outils dont
se sert l'ouvrier pour les fabriquer, je ne puis voir autre chose qu un
pinceau servant à peindre l'intérieur d'une écuelle, après avoir été
trempé dans un godet placé au-dessous et rempli de couleur brune.
Si ces représentations figuraient le travail du silex, les Egyptiens,
qui sont toujours si fidèles dans leurs dessins, eussent bien certai-
nement représenté les éclats partant sous le choc du percuteur.
D'autre part, on ne conçoit guère le travail d'une matière aussi dure
que le silex effectué à l'aide d'un simple bâton tenu sans grand effort
apparent et sans que l'objet à tailler soit appuyé.
i. Le verbe | ®, nom d'action de '®i n, n'a jamais le sens briser (Voir Mas-
pero. Rec. Trav. XIX, p. 70). Il signiûe brandir (une arme) agiter un sistre, des ailes)
mouvoir (des rames), et de là, battre, frapper quelqu'un avec une arme; comme subs-
tantif, il y a le sens de coup, plaie, blessure. Daus aucun cas connu jusqu*ici il ne peut
signifier casser ou tailler. Quant au mot I ^ °, c'est très probablement le même
. , couteau, glaive, mot qui s'est conservé en copte (cHqe, chcji' et même
que I
en arabe (<JL«,). Je ne vois pas, sans du reste pouvoir préciser le sens de l'inscription,
qu'il s'agisse ici de la taille de couteaux de silex. (Note communiquée par M. G.
Jéquier.)
10
INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
La l'orme concave des objets que fabriquent ces ouvriers est dé-
montrée par le tableau (p. 35) lui-même, car à la gauche de la repré-
sentation, on voit les objets terminés empilés et rentrant les uns dans
les autres. Ceux placés au-dessus des ouvriers sont, suivant l'usage
artistique des Egyptiens, semés dans le ciel du ta-
bleau, tandis que ceux de gauche, qui déjà ont été
remis au surveillant du travail, sont mis en piles au
magasin.
frJz-^B:'ÈiA\& j
Les planches IX et X, ainsi que les figures placées
aux pages 36 et 37 {Béni Hassan, part III) représentent
des couteaux tenus en main et prêts à être employés.
Dans les tableaux d'où elles ont été prises, les bou-
chers portent à la ceinture un aiguisoir (pi. IX, fig. 7)
ou sont représentés aiguisant leur couteau (pi. IX,
fig. 4 et 6, pi. X, fig. 1). L'usage de l'aiguisoir est par-
faitement déterminé et indiscutable; on le retrouve
dans toutes les scènes de l'Ancien et du Moyen Em-
pire où sont figurés des bouchers (fresques de Dah-
chour, IIIe dynastie ; tombeaux de Ti, de Mera, de
Ptah-Chepsès à Saqqarah et à Abou-Sir). Or, seules
les lames métalliques peuvent être rendues tran-
chantes par ce procédé. Le silex, pour être poli et
aiguisé, doit être frotté sur un bloc de dimensions
plus importantes et d'une roche très dure et encore
est-ce plutôt en le retaillant qu'en le polissant qu'on
obtient les tranchants aigus.
Il ne peut donc subsister aucun doute sur la ma-
tière dont étaient faits les couteaux des bouchers :
ils étaient de métal, et la couleur jaune que portent
leurs représentations indique qu'ils étaient de bronze.
Dans le temple de Deir el-Bahri se trouve une repré-
sentation du dépeçage d'un bœuf: le boucher tient à
la main un couteau en tout semblable à ceux figurés par M. Griffith,
mais muni près du dos d'une rainure qui ne laisse aucun doute sur sa
nature métallique.
Enfin j'ai trouvé cette année même en pratiquant des fouilles dans
la montagne à l'ouest de la vallée des Rois à Thèbes, dons un terrain
oii tous les vestiges rencontrés appartenaient aux XVIII0, XIX0 ou
XXe dynasties, un couteau à lame de fer (fig. 8) exactement fait comme
Fig. 8. --Couteau
à lame de 1er
emmanché de
corne (Thèbes).
ï/2 grandeur na-
turelle.
INTRODUCTION. — GENERALITES I |
les couteaux de boucliers figurés sur les monuments. Bien que
l'époque à laquelle remonte cet instrument ne soit pas fixée d'une
manière absolue, cette découverte ne prouve pas moins que des cou-
teaux de celte l'orme et en métal étaient encore en usage à des
époques relativement récentes.
La forme elle-même de ces instruments (pi. X,iig. 2, •>, 4 et 5 de Béni
Hassan) est celle des couteaux de bronze que nous possédons dans les
musées et, si la silhouette des écuelles que fabriquent les ouvriers
représentées dans la tombe nQ 2 offre une analogie avec les couteaux
de silex que nous rencontrons dans les nécropoles et les stations
préhistoriques, cette ressemblance n'est que fortuite et due au
manque absolu de perspective dans les représentations égyptiennes.
Les explications que donne M. F. Ll. Griffith au sujet des couteaux
de silex ne reposent donc que sur des suppositions très refutables et
ne prouvent pas que l'usage du silex taillé, même pourdes cas spéciaux
et dans le rite des sacrifices, se soit continué pendant le Moyen Em-
pire. A ce sujet on est allé jusqu'à dire qu'à l'époque actuelle, il y a
quinze ans à peine, beaucoup de fellahines portaient encore aux bras et
aux jambes des bracelets de silex. M. G. Jéquier et moi-même nous
nous sommes livrés à une enquête très complète sur cette question,
et il résulte de notre étude que cette allégation est du domaine de
la fantaisie '.
Nous sommes donc amené à considérer l'usage courant du silex
taillé en Egypte comme s'étant éteint bien avant la fin de l'Ancien
Empire2. Ce fait n'a rien que de très naturel : il est conforme à la loi
générale qui se manifeste dans les autres régions. Les avantages que
comportent les armes et les instruments de métal sur les analogues
i. M. U. Bouriant m'affirme que vers 1880, les fellahs se servaient eucore d'éclats
de silex pour se raser la tète. Il a constaté l'existence de cet usage au Caire, à Louxor,
à Abydos, etc..., et M. Maspero, dans son Histoire (édition illustrée, p. 5o, n. 1) rap-
pelle ce fait dont Yakoub Pacha Artiu avait déjà entretenu l'Institut égyptien. Pendant
l'hiver de 1896-97, M. G. Jéquier et moi nous avons entrepris une investigation très
soigneuse, alors que nous nous trouvions dans les environs de Kawamil et d1 Abydos,
Nous n'avons pas rencontré la moindre trace de cette coutume dont les fellahs
n'avaient même pas conservé le souvenir.
2. Dans un mastaba de Gizeh qu'on peut voir encore et qui a été publié par Lepsius
on distingue un ouvrier aiguisant un couteau et de l'instrument part une série de points
figurés sur le bas-relief. On a supposé que ces points n'étaient autres (pie les éclats
de la pierre et que le couteau Gguré était en silex. Mais on peut croire aussi que les
points figurent des étincelles et que la lame du couteau étant de fer donnait du feu
sous le frottement de l'aiguisoir.
12 INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
de silex sont tels qu'en dehors des coutumes religieuses comme
la circoncision, l'usage de la pierre ne persista encore quelque temps
après la découverte du bronze que par suite du prix élevé des métaux
et de la pauvreté des populations conquises par les envahisseurs.
N'aurions-nous pas de preuves certaines de cette évolution que nous
devrions cependant l'admettre, car elle est générale et rationnelle; elle
est naturelle, aussi bien pour l'Egypte que pour les autres pays du
monde, et si quelques égyptologues ont cru pouvoir y déroger, c'est
qu'ils s'appuyaient sur des observations mal relevées. Je l'ai sura-
bondamment démontré dans mon volume de 1896.
En ce qui concerne le passage de la pierre aux métaux, nous sommes
aujourd'hui plus riches en documents que lors de mon avant-dernier
voyage en Haute-Egypte (1895-96). Il a été découvert depuis un très
grand nombre de nécropoles ; des fouilles fort importantes ont été
effectuées sur bien des points de la vallée du Nil, non seulement par
moi-même en compagnie d'égyptologues très versés dans les choses
de l'Egypte, mais par des étrangers et des savants appartenant au Ser-
vice des antiquités.
De ces nombreuses observations, sur lesquelles je m'étendrai plus
longuement en traitant des usages funéraires, il résulte que les tom-
beaux antérieurs à l'arrivée des Egyptiens sont fort différents de ceux
des premiers temps pharaoniques, que dans ces deux groupes de sé-
pultures les armes, les vases diffèrent également et qu'aujourd'hui il
est aisé de distinguer la catégorie à laquelle on a affaire sur la seule
inspection d'un fragment de vase.
J'avais, l'an passé, établi une phase de transition distincte entre
l'état de civilisation néolithique et celui des premiers âges pharao-
niques ; cette division doit être supprimée, car les deux états de la civi-
lisation égyptienne se confondent. L'usage des métaux apparaît en
même temps que celui des signes hiéroglyphiques, au moment où
l'histoire commence ou plutôt débutera, car aujourd'hui encore les
égyptologues ne peuvent interpréter les inscriptions rudimentaires
que leur fournissent ces tombeaux très anciens.
Les récentes découvertes nous conduisent depuis les temps les plus
reculés de l'âge de la pierre jusqu'aux premiers souverains pharao-
niques. De ces rois nous possédons une vingtaine de noms. Reste aux
linguistes à lire ces bannières, à savoir quels étaient les cartouches
de ces monarques et à relier les personnages qu'ils désignent aux
souverains connus dans l'histoire classique de l'Ancien Empire.
[NTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS l.;
Peu de temps après la publication de mon volume sur L'Age de la
pierre ci les métaux en Egypte paraissail un très intéressant ouvrage
de M. Flinders Pétrie sur ses fouilles dans la région de Négadah,
Toukh et Ballas.
Le titre du livre, Naqada and Ballas, n'esl pas heureusemenl
choisi car jamais l'archéologue anglais n'.i I im\ aillé dans les environs
de Négadah ; s'il l'eût fait il aurait bien certainement découvert le tom-
beau royal que j'ai fouillé en février 1897. Le centre; principal de ses
opérations fut à Toukh, site dont il explora la uécropole, le kjœkken-
mœdding qu'il désigne sous le nom à'Old town et la ville pharaoni-
que Non ht.
Pendant que M. Pétrie en personne dirigeait les travaux, M. Quibell
explorait les environs de Ballas. De ces fouilles très consciencieuse-
ment conduites résulta un nombre considérable de documents dont
M. Pétrie donne une description très complète. Il est regrettable
cependantde voir figurer dans un livre, qui devrait n'être qu'une mo-
nographie, un grand nombre d'objets achetés et dont les provenances
incertaines sont de nature à induire en erreur. Ce mélange nuit à la
clarté des déductions qu'il est possible de tirer des faits précis relevés
par l'auteur.
Quoi qu'il en soit, l'ouvrage de M. Flinders Pétrie est d'une impor-
tance très considérable au point de vue des documents qu'il renferme.
Les observations qui s'y trouvent consignées ont été faites avec beau-
coup de méthode et une parfaite bonne foi, et presque toutes con-
cordent avec celles relevées par le Service des antiquités depuis
plusieurs années. Nous sommes d'accord, M. Pétrie et moi. sur les
observations; c'est sur les conclusions seulement que nos opinions
diffèrent.
La première conclusion de M. Flinders Pétrie est ainsi formulée :
« Ces séries d'objets étrangers ne sont pas choses isolées, mais
appartiennent à une population nombreuse qui s'étendit sur toute la
Haute-Egypte1. » Cette opinion s'est trouvée confirmée dès les débuts
des études préhistoriques en Egypte. Nous savons aujourd'hui d'une
manière certaine que le peuple en question vécut dans tous les pays
situés entre Silsileh et Sohag, c'est-à-dire sur une longueur de
350 kilomètres dans la vallée du Nil et qu'il habita les deux rives du
fleuve. Au nord et au sud les recherches n'ont pas encore été faites
i. Fl. Pétrie, Naqada and Ballas, p. 60.
I i
INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
d'une manière assez précise et, bien que l'on connaisse de nombreuses
stations néolithiques, les nécropoles n'ont pas encore été rencontrées;
mais les stations préhistoriques nous conduisent d'une part jusqu'à
Wadi-Halfa, d'autre part jusqu'aux environs du Caire, formant une
chaîne continue au travers de l'Egypte, comprenant le Fayoum et les
Oasis.
L'extension de cette race fut donc plus grande encore que M. Pétrie
ne le suppose, elle occupa toute la vallée du Nil.
Afin de montrer combien étaient différents les usages de ce qu'il
nomme la New race et les coutumes des Egyptiens pharaoniques,
M. Pétrie met en comparaison les principaux traits caractéristiques
des sépultures des deux peuples fouillées par lui.
Caractéristiques égyptiennes.
Caractéristiques do la nouvelle rare.
1. Inscriptions.
2. Sculptures.
3. Tombes en forme de cham-
bre.
4. Tombes dans les falaises.
5. Cercueils.
6. Corps étendu.
7. Momification.
8. Tête en place.
9. Capacité du crâne, 1460.
10. Indice nasal, 48°, 5.
11. Armes, arcs et flèches.
12. Haches à surface conoïde.
13. Haches à oreilles (lug axes).
14. Bâtons armés de cuivre.
15. Amulettes funéraires.
16. Perles globuleuses généra-
lement en poterie
17. Miroirs de cuivre.
18. Scarabées.
19. Vases canopes.
i. Marques grossières non
groupées.
2. Grande incapacité pour les
formes.
3. Puits couverts.
4. Tombeaux dans la vallée.
5. Ensevelissement dans des
étoffes.
6 Corps replié.
7. Séparation des membres.
8. Tête généralementdétachée.
9. Capacité du crâne, 1310.
10. Indice nasal, 53°, 7.
11. Têtes de lances fourchues.
12. Hachettes ovales en silex.
13. Beaux couteaux de silex.
14. Poignards quadrangulaires.
15. Cendres.
16. Perles cylindriques, généra-
lement en pierre.
17. Palettes de schiste.
18. Beaux bracelets de silex.
19. Jarres de graisse.
INTRODUCTION. - GÉNÉRALITÉS 15
Caractéristiques égyptiennes'. Caractéristiques de la nouvelle race,
a. b.
20. Poterie faite au tour. 20. Poterie faite à la main.
rouge polie.
— rouge el noire
— rougeornéede blanc .
— peinte.
— gravée.
Ces caractéristiques dans leur ensemble peuvent être considérées
comme exactes, les dernières découvertes permettraient peut-être de
faire deux divisions dans les sépultures de la New race, mais telles
quelles, les listes sont suffisantes pour qu'il soit permis d'entrer dans
des considérations d'un ordre général. Je reviendrai d'ailleurs plus
loin sur les distinctions qu'il y a lieu de faire entre les tombeaux an-
térieurs à l'arrivée des Egyptiens dans la vallée du Nil et ceux qui lui
sont postérieurs.
Le fait principal qui se dégage de la comparaison de ces deux
listes, est que les usages, les mœurs, les industries et les aptitudes
des deux peuples étaient absolument différents, que ces deux races
ne possédaient aucun caractère commun, que l'une, la race pharaoni-
que, était parvenue à un degré très avancé de civilisation, connaissait
les métaux, les arts, l'écriture, le tour, l'émail, tandis que l'autre, la
New race, se trouvait encore réduite aux industries rudimentaires,
ignorait l'écriture et faisait usage d'instruments de pierre.
Non seulement ces deux peuples différaient par leurs usages et
leurs connaissances, mais physiquement aussi ils n'avaient rien de
commun. Nous en voyons la preuve dans les mesures que donne
M. FI. Pétrie de l'indice nasal et de la capacité du crâne. Les consi-
dérations anthropologiques fournies par M. Pétrie lui-même et par
M. le Dr Fouquet en sont une preuve irréfutable.
A ces considérations capitales, il convient d'en ajouter d'autres
non moins importantes.
1° Les sépultures de la New race ne renferment pas la moindre trace
d'objets de fabrication égyptienne pharaonique1.
2° On ne trouve aucun vestige d'influence égyptienne pharaonique
dans les arts ou les industries de la New race.
i. «This new race possessed an entirely (HITerent culture to that oi' the Egyptians
and had no apparent connection with them » (FI. Pétrie, Naqada and Balltis, p. 6o).
16 INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS
3° Les industries des Égyptiens pharaoniques ont fait de nombreux
emprunts aux industries de la New race.
Il résulte de ces observations que les deux races ne vécurent pas
côte à côte, qu'il n'y eut aucun rapport entre les hommes de la New
race et les Egyptiens pharaoniques et que, par suite, ces deux races
n'occupèrent pas le pays en même temps.
Si des rapports eussent existé, bien certainement la race la plus ci-
vilisée eût transmis à la moins avancée un grand nombre de sesusages,
de ses coutumes, de ses procédés industriels ; les objets égyptiens
eussent, dans bien des cas, été adoptés par les populations inférieures,
ne fût-ce que les instruments de métal, les perles de pâte et les menus
ornements qui abondent dans les tombes pharaoniques.
L'un des peuples précéda donc l'autre sur le sol de l'Egypte et le
premier occupant ne peut être que la New race, puisqu'elle n'a rien
emprunté à l'autre malgré son degré de civilisation moins avancé. La
New race de M. Flinders Pétrie devient donc une véritable old race,
celle des aborigènes, que les Egyptiens pharaoniques rencontrèrent
quand ils envahirent l'Egypte.
M. W. Flinders Pétrie attribue à \&New race une époque au sujet
de laquelle je ne partage pas son avis. Voici le paragraphe dans lequel
il fixe l'âge qu'il croit devoir donner aux sépultures de ces popula-
tions :
(Naqada and Ballas, p. 60, 2e colonne, paragr. D). « Des tombes con-
tenant presque dans tous les cas des vases de pierre de la IVe dynastie
renferment des sépultures postérieures [intrusive burials) de la nou-
velle race.
« No 524 (Ballas) présentait une sépulture ruinée de l'Ancien Em-
pire; dans la chambre et sur l'escalier d'entrée, un corps situé dans
la même position que ceux de la nouvelle race.
« IV 764 (Ballas). La chambre renfermait des vases d'albâtre de l'An-
cien Empire; dans les débris qui remplissaient l'escalier, il a été ren-
contré des fragments de vases en poterie rouge et noire et une coupe
appartenant à la nouvelle race.
« N° 179 (Ballas) présente une tombe ayant la forme de celles de l'An-
cien Empire renfermant dans la chambre une sépulture de la nouvelle
race accompagnée de vases, un autre vase se trouvait dans l'escalier;
des cists de poterie imitant le bois qui semblent appartenir à l'Ancien
Empire parce qu'ils sont trouvés dans les restes des tombes de cette
époque et parce que la nouvelle race ne faisait pas de cercueils; ces
INTRODUCTION. — GÉNÉRALITÉS i;
cists sont souvent trouvés réemployés pour enterrer des corps appar-
tenant à la nouvelle race. »
Résultat : la New race est postérieure à la TV* dynastie.
Les vases d'albâtre que M. Flinders Pétrie attribue à L'Ancien Em-
pire (IVe à VIe dynasties) sonl plus abondants encore dans les sépul-
tures d'Abydos et de Négadah que dans 1rs tombes dont La date
reconnue depuis Longtemps comme appartenant à l'histoire; par con-
séquent, aucun argument ne peut être tiré de leur présence dans les
sépultures de Ballas, dont beaucoup sont contemporaines des sépul-
tures royales de Négadah et d'Abydos.
A l'époque des tombes royales d'Abydos et de Négadah il est fré-
quent de rencontrer des corps repliés à la manière de la New race de
M. FI. Pétrie.
La poterie rouge et noire était en usage en même temps que les
vases de pierre dure et d'albâtre, le tombeau royal de Négadah en
fournit une preuve irréfutable.
Dire qu'une tombe présente la forme de l'Ancien Empire est trop
s'avancer; car nous ne possédons à l'heure actuelle que bien peu de
documents sur la forme que présentaient les tombes contemporaines
des rois d'Abydos et de Négadah. 11 semblerait, d'après les fouilles de
M. Amélineau et mes propres travaux, que les usages funéraires des
premiers Egyptiens n'étaient pas encore fixés. Nous avons, en tout cas,
rencontré des sépultures de formes très différentes.
Les cists ou caisses en poterie n'appartiennent pas à la partie de
l'Ancien Empire comprenant les IVe, Ve et VIe dynasties, mais sont
plus anciennes et contemporaines des premiers Égyptiens : les fouilles
à Kawamil le prouvent.
Aucun des arguments mis en avant par M. Flinders Pétrie en faveur
de son opinion relative à la date des sépultures de la New race ne
peut subsister; bien au contraire, les récentes découvertes ont plei-
nement démontré que ces raisons mêmes sont en faveur de la très
haute antiquité de la New race. Mais nous trouvons dans l'explication
que M. FI. Pétrie donne de l'existence de cette race aux époques
historiques de nouvelles preuves contre l'opinion de l'archéologue
anglais.
M. Flinders Pétrie suppose qu'entre l'Ancien et le Moyen Empire
il y eut une invasion de Libyens dont la trace n'est pas restée dans
l'histoire, « nous pouvons alors, dit-il, placer la date de ces restes
entre 3300 et 3000 avant J.-C. », et plus loin : « les envahisseurs dé-
2
18 INTRODUCTION. — GENERALITES
truisirentou chassèrent toute la population égyptienne et occupèrent
seuls la Thébaïde ».
A la fin de l'Ancien Empire, l'Egypte était déjà très civilisée; ses
armées s'étaient avancées au loin en Asie comme en Afrique, ses
rois o-ouvernaient : d'immenses territoires et construisaient les édifices
grandioses que nous admirons encore aujourd'hui.
Gomment supposer que cette puissance, que ces armements, durent
céder à des sauvages armés de pierre l'une des plus riches contrées
de l'Egypte, longue de 350 kilomètres, sinon la totalité du pays?
Comment admettre que les prétendus envahisseurs expulsèrent ou
massacrèrent toute la population de l'Egypte sans qu'il en restât la
moindre trace ? que les envahisseurs avaient un tel mépris pour la po-
pulation supérieure qu'ils venaient de renverser qu'ils ne la pillèrent
pas, n'employèrent aucun objet égyptien, n'adoptèrent aucune des
coutumes pharaoniques ?
Les explications que donne M. FI. Pétrie ne sont pas soutenables
au point de vue scientifique, pas plus d'ailleurs que les observations
sur lesquelles il s'appuie pour dire que la New race vécut postérieu-
rement à la IVe dynastie. Ses arguments pèchent par la base, puisque
nous voyons apparaître, dans les tombes égyptiennes les plus an-
ciennes que nous connaissions, les objets que M. FI. Pétrie attribue
à des temps postérieurs et sur lesquels il appuie son raisonnement.
Ces appréciations étaient prématurées, car lorsque M. Pétrie a écrit
son livre il n'avait à sa disposition que des documents très peu nom-
breux et provenant tous de la même localité. Aucun examen critique
n'était encore possible.
Il semble aujourd'hui prouvé que l'âge de la pierre pur s'est pro-
longé en Egypte jusqu'à l'arrivée des premiers Egyptiens qui ap-
portèrent l'usage des métaux; que les indigènes plaçaient leurs
morts dans le sol couchés sur le côté, et que, dès l'invasion pharao-
nique, les usages funéraires commencèrent à se modifier; qu'au
début, beaucoup de cadavres furent démembrés, peut-être même
décharnés, bien que les vieilles coutumes aient encore été suivies
dans certains cas.
La période qui suivit l'invasion semble avoir été l'époque la plus
florissante en ce qui concerne l'art de travailler la pierre pour en faire
des vases; le bronze et l'or étaient alors connus, les hiéroglyphes
déjà fixés, l'art pharaonique commençait à se développer.
Après les rois de Négadah et d'Abydos se trouve une lacune dont
i.vi RODUCTION. - GÉNÉRALH I -
19
nous ne pouvons connaître la durée, puis apparatl l'Egypte pharao-
nique en possession de toute su civilisation historique.
Quant à l'origine des Égyptiens h de leur civilisation, quant au
berceau de la race comme de ses usages et de ses tendances artistiques
je n'aurais pas repris celle importante question si mes collègues «If-
la Société anthropologique de France ne l'avaienl soulevée toul der-
nièrement1. La discussion débuta par un compte rendu ,|(. .M. Q Je
Mortillet, sur mon livre Vâgede Ut pierre et les métaux ru Egypte. Le
savant préhistorieien, dont l'opinion esl d'un si grand poids dans les
questions relatives aux origines, s'exprima en ces terni
« D'où provenaient ces envahisseurs ? M. de Morgan les faitarrriver
d'Asie, car ils apportaient la métallurgie et, suivant lui, la métallurgie,
l'invention du bronze, viennent de l'Asie centrale, de la Chine méri-
dionale. Je ne m'étends pas davantage sur la partie fort importante de
l'ouvrage qui concerne les métaux, parce que, bien que partageant
les idées de M. de Morgan concernant l'origine du bronze, je ne suis
pas de son avis sur la source de la civilisation égyptienne. Il la croit
asiatique, je la crois africaine. »
Reprenant la même question, M. Zaborowski ajouta :
« Je suis très heureux que M. G. de Mortillet ait bien voulu nous
donner un compte-rendu du livre de M. de Morgan. Je lui avais
d'ailleurs demandé son avis sur certaines tendances que j'y avais vu
exprimées, bien que je ne l'aie pas encore lu. Dans son ouvrage sur le
Caucase, M. de Morgan n'a élevé aucune critique sur les données
courantes de l'histoire, et il est même resté fidèle à la légende clas-
sique sur l'origine des éléments de la civilisation. Ses études sur
l'Egypte ont-elles changé sa manière de voir? En tout cas M. de
Mortillet vient de nous dire qu'il ne la partage pas. Lorsque, pour
mon compte, j'ai étudié les éléments premiers decette civilisation du
Nil, si étonnante par son ancienneté, ce qui m'a frappé surtout c'est
leur physionomie africaine. Personne jusqu'à présent n'a pu, même
par hypothèse, nous indiquer un lieu du monde ou un peuple en pos-
session de ces mêmes éléments de culture avant l'Egypte. »
Depuis que j'ai écrit mes deux volumes sur le Caucase, mon opinion
ne s'est pas modifiée, mais je n'entrerai pas ici dans une discussion
générale sur les origines de la civilisation asiatique et européenne, un
pareil sujet serait déplacé dans ce volume. Je me contenterai de re-
i. Séance du 18 décembre 1896,
20 INTRODUCTION. — GENERALITES
prendre l'une après l'autre les raisons qui militent en faveur de
l'opinion qui fait venir de l'Asie les premiers Egyptiens, espérant
fournir des preuves suffisantes pour éclairer la question d'un jour
nouveau et la trancher-, mais, avant tout, je dois rendre hommage à la
courtoisie parfaite avec laquelle les diverses opinions ont été ex-
primées à la Société anthropologique de France.
Linguistique. — Bien que partisan de l'origine africaine des pre-
miers Egyptiens, M. G. Maspero ' reconnaît une parenté réelle entre
les idiomes sémitiques et la langue des Pharaons : « On peut presque
affirmer que la plupart des procédés grammaticaux en usage clans les
langues sémitiques se retrouvent dans l'égyptien à l'état rudimen-
taire. On dirait que le parler des habitants de l'Egypte et ceux des
peuples sémites, après avoir appartenu à un même groupe, se sont
séparés de très bonne heure, dans un temps où leur système gram-
matical flottait encore. Soumises à des influences différentes, les deux
familles auraient traité de façon diverse les éléments qu'elles possé-
daient en commun. »
Or nous connaissons les langues sémitiques et égyptienne d'après
des documents presque contemporains, remontant à une antiquité
très reculée, par conséquent très voisins de l'origine commune
Nos appréciations ont donc bien plus de poids que si nous les fai-
sions porter sur des langues dont nous ne connaîtrions que la forme
moderne. Cette opinion d'un linguiste dont l'autorité est absolument
indiscutable est d'un poids considérable dans la question.
Ecriture. — Plus de quatre mille ans avant notre ère il n'existait
dans le monde entier que deux peuples en possession de l'écriture :
les Ghaldéens sémites et touraniens qui vivaient côte à côte, et les
Egyptiens habitant un pays fort éloigné des rives de l'Euphrate. Ces
deux écritures étaient issues d'une même origine, la figuration dos
objets, et cette idée primitive avait été interprétée de deux manières
différentes suivant la nature du pays où elle s'était développée. Nous
trouvons donc là encore un lien entre les peuples qui nous occu-
pent.
On dira que l'interprétation de la pensée à l'aide de la représenta-
tion a été découverte chez les Esquimaux, les Indiens de l'Amérique
et chez d'autres peuples et que, par suite, il se peut qu'elle ait été dé-
couverte en même temps en Afrique etenChaldée. S'il en était ainsi,
i. Histoire ancienne des peuples de l Orient, p. 46.
[NTRODUCTION. - GÉNÉRALITÉS Jl
nous en rencontrerions des traces chez les nègres africains et, à ma
connaissance, il n'en existe pas. Il semble plus rationnel d'admettre
que la découverte fut unique et que l'un des peuples la transmit à
l'autre. La distance qui sépare les rives de l'Euphrate de celles du Nil
n'est, en ligne droite, que de 1_,200 kilomètres, el de 1 ,800 environ si
nous tenons compte des difficultés que présente le désert : les rela-
tions entre la Chaldée et l'Egypte étaient donc relativement trop
aisées pour qu'il soit nécessaire de doubler le nombre des f<>\ ers d'in-
vention.
Métaux. — Dès l'époque des sépultures royales de Négadah et
d'Abydos, c'est-à-dire dès le début des arts et des usages pharao-
niques, nous trouvons le bronze dans les tombeaux; or la connais-
sance du bronze est d'origine asiatique.
Il est aujourd'hui avéré que l'Afrique passa de l'usage de la pierre
à celui du fer, sans qu'il y ait eu la transition du bronze. Les Africains
découvrirent-ils le fer ou en reçurent-ils la connaissance des Egyp-
tiens? la question importe peu dans la discussion des origines égyp-
tiennes. L'usage du bronze suffit à démontrer que les habitants de la
vallée du Nil avaient ou avaient eu dix mille ans avant nous des rela-
tions très suivies avec l'Asie.
Arts. — La plupart des objets et des monuments de l'Ancien Em-
pire présentent des analogies frappantes avec les objets et les monu-
ments analogues trouvés en Chaldée. Je citerai : les statues de Ra-
Hotep et de Nofri, les lions en albâtre de Saqqarah, les lions et les
chiens en ivoire de Négadah, certains vases de pierre dure, et enfin
le tombeau de Négadah lui-même qui, par la singulière dentelure de
son plan, rappelle les monuments de la Chaldée.
Briques. — Nous ne rencontrons de monuments de briques qu'à
l'époque égyptienne, les indigènes en ignoraient l'usage. Or on sait
quel rôle important joua la brique crue dans l'architecture de la Chal-
dée dont le sol ne fournissait aucune sorte d'autres matériaux. Le fait
que la brique crue n'apparaît qu'avec les premiers Egyptiens prouve
que sa découverte n'est pas indigène à l'Egypte, et l'on est porté à
penser que c'est dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate que l'inven.
tion fut faite.
Mesures. — M. C. Mauss * a constaté que l'unité de mesure qui a
i. C. Mauss, L'église Saint-Jérémie à Ahmi-Gosch. Mesure théorique des piliers de
Tell,,, 1894.
22 INTRODUCTION. —GÉNÉRALITÉS
servi à la construction des monuments de Tello est identique à la
coudée égyptienne. Cette coïncidence de l'unité de mesure dans les
deux pavs est un fait de la plus haute importance en ce qui concerne
les origines égyptiennes.
Cylindres. — Dans les débuts de l'empire égyptien (Négadah,
Abydos) les cachets étaient faits au cylindre. Ce n'est que plus tard
que le véritable sceau apparut, il prit des formes diverses mais plus
généralement celle du scarabée. En Ghaldée, au contraire, l'usage du
cylindre persista jusqu'aux derniers temps de l'époque achéménide.
Cette constatation mérite qu'on en tienne grand compte, car l'idée de
cacheter en roulant un cylindre sur une substance molle semble,
dans les origines, être très particulière à la Chaldée.
Animaux. — Parmi les animaux que nous voyons figurés dans les
mastabas de l'Ancien Empire, au milieu d'une foule d'espèces afri-
caines, sont le bœuf, le mouton et la chèvre asiatiques, c'est-à-dire les
principaux animaux qui composaient les troupeaux. On rencontre
aussi, il est vrai, des gazelles, des antilopes et d'autres espèces indi-
gènes, mais la présence dans les premiers troupeaux égyptiens de
trois espèces asiatiques est fort importante.
Végétaux. — Le blé et l'orge abondent dans les offrandes que con-
tenaient les sépultures royales de Négadah et d'Abydos; or nous sa-
vons que ces céréales sont d'origine mésopotamique, et je n'ai jamais
rencontré la moindre trace de graines céréales dans les tombes anté-
rieures à la civilisation égyptienne.
Sépultures. — Les tombeaux indigènes sont simplement creusés
dans les alluvions, ceux d'époque égyptienne sont soit construits
dans le désert, comme les monuments de Négadah et d'Abydos, les
mastabas et les pyramides, soit entaillés dans la roche des falaises,
comme les tombes de Thèbes, de Siout, de Béni Hassan, etc., soit
enfin creusés au travers des couches géologiques comme les puits
de Saqqarah, de Dahchour, etc.
Il y a lieu également de rapprocher l'incendie du tombeau de Néga-
dah et de quelques-unes des sépultures royales d'Abydos de l'usage
assyrien de brûler les rois morts dans leur palais.
Je crois avoir donné les principales raisons qui me portent à con-
server mon opinion au sujet de l'origine asiatique des Egyptiens.
Nous rencontrons, en effet, un si grand nombre de coutumes, d'usages,
d'éléments communs entre les civilisations primitives des deux pays
qu'il est bien difficile de refuser aux deux peuples un lien étroit de
INTRODUCTION. - GÉNÉRALI7 ES 23
parenté. Il me sérail aisé d'accumuler un grand nombre d'autres do-
cuments en faveur de cette thèse, mais je pense que ceux que je foui
suffisent; d'ailleurs le lecteur trouvera au cours de ce volume bien
des indications qui lui seronl précieuses, s'il désire pousser plu
fond la question.
CHAPITRE II
Localités préhistoriques de l'Egypte
Dans mon précédent volume, j'ai donné une liste sommaire des
localités renfermant des vestiges des indigènes ou des premiers
Égyptiens, mais cette liste était peu étendue et fort incomplète. A la
suite de mes recherches de l'hiver 1896-97, je puis aujourd'hui fournir
des renseignements beaucoup plus précis et, grâce aux nombreuses
communications qui m'ont été faites par divers savants, je me trouve a
même d'étendre les indications jusqu'aux confins de la Nubie.
Chaque année, bien certainement, on découvrira un grand nombre
de stations et de nécropoles. Je ne puis donc pas prétendre donner
une liste complète; mon but est de faciliter les recherches en permet-
tant aux archéologues de visiter les localités connues avant d'aborder
l'exploration des régions encore vierges.
Je commencerai mon énumération par les localités de la Basse-
Egypte, pour marcher en remontant le fleuve jusqu'à Ouady-Halfa.
J'indique pour chacune des localités la distance qui la sépare du Caire
et d'un village important ou d'une ville située sur les rives du Nil.
Gebel-Geneffeh [*à~?~ J~")-
Le Dr Schweinfurt a trouvé dans les environs de l'isthme de Suez,
dans une contrée entièrement inhabitée, un silex taillé de forme tra-
pézoïdale (Verhandl. d. Berl. anthrop. Ges., 1886, p. 646 .
Tell el-Yahoudieii fo^\ iB, Basse-Egypte.
M. Hertwig a récolté une assez grande quantité de silex taillés près
2G LOCALITES PREHISTORIQUES DE L'EGYPTE
du Tell (Mook, Aegyptens vormetallische Zeit, p. 22) et le Musée de
Gizeh possède une hache en pierre polie et une pointe de flèche
trouvées en 188! par M. Le Mesurier.
Le Caire (S^UJl j\ j~<z*).
.Mook (Aegyptens vormetallische Zeit, p. 22) cite quelques exem-
plaires de silex taillés, trouvés à l'Abbasieh, dans la direction des tom-
beaux des Califes. D'autres couteaux ont été ramassés par M. Heimann
dans le voisinage de Basatin.
Près de la forêt pétrifiée, l'abbé Richard a découvert des haches de
grandes dimensions en « grès pétrifié » (Matériaux pour l'histoire de
V homme, 1870, p. 248). Le professeur Haynes y a recueilli de nom-
breux silex, entre autres des haches chelléennes [Mem. of the Amer.
Acad. of Arts and Sciences, 1881, vol. X, p. 358).
Gizèh (Pyramides) (°j>-\ f't/^), à 8 kilomètres environ à l'ouest du
village de Gizeh (à 4 kilomètres au sud-ouest du Caire). On ren-
contre assez rarement dans le désert, à la surface des graviers, des
instruments chelléens. Près des pyramides elles-mêmes les silex
taillés sont encore plus rares, ce sont des fragments d'outils néoli-
thiques.
M. Arcelin a récolté des silex entre Gizeh et Saqqarah; le profes-
seur Hayser Lewis a trouvé une belle scie à Zawyet el-Arian. Outre
cela, on y a recueilli de nombreux fragments, de formes peu précises.
(Virchow, Verhandl. dcr Berl. anthr. Ges., 1888, p. 356).
Arou-Roacii (jt'jj y))1, à 8 kilomètres environ au nord des pyra-
mides de Gizeh (14 kilomètres à l'ouest du Caire).
On rencontre dans cette localité, au pied des collines, sur la lisière
des cultures, une station néolithique très importante : elle occupe une
bande de terrain de 300 mètres environ de large sur 20 kilomètres de
longueur.
Au début de notre siècle il existait à Abou-Roach un atelier de taille
pour les pierres à fusil, mais les débris de cette industrie sont aisé-
ment reconnaissables et ne peuvent être confondus par un œil expé-
rimenté avec les restes de taille de l'antiquité.
Arou-Sir (jrus» y\^ à 5 kilomètres environ à l'ouest de Hawamdieh
(à 18 kilomètres au sud du Caire).
i. Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. 69.
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE 11
On rencontre parfois dans le désert quelques éclats de silex et des
instruments très grossièrement travaillés.
Saqqarah (âjU-), à 4 kilomètres environ à l'ouest de Bedrechin
(à 22 kilomètres environ au sud du (luire).
Les silex taillés sont très rares à Saqqarah ; ce sont des objets néo-
lithiques brises à l'usage ou jetés au rebut. Près du Sérapeum, sui-
vant Mariette, ils sciaient plus abondants. Malgré des recherches
faites avee le plus grand soin, je n'ai rencontre que des éclats in-
formes1.
Daiichour (j_jJL*j)2, à 8 kilomètres environ au sud-ouest de
Bedrechin (à 22 kilomètres environ au sud du Caire).
Près de la pyramide d'Amenemhat II, à la surface du monticule
qui renfermait les sépultures princières, j'ai rencontré quelques
grossiers instruments chelléens. Quant aux restes néolithiques, on
ne les trouve, comme à Saqqarah, qu'à l'état d'objets rebutés ou bris
et encore sont-ils très rares.
Dans la sépulture spoliée d'un prêtre de Snefrou et dans un puits
creusé à l'époque d'Ousertesen III, j'ai rencontré quelques silex
taillés dont l'époque exacte ne saurait être précisée.
Helouax (jljU-j, à 24 kilomètres environ au sud-est du Caire.
Les premiers silex recueillis dans cette station l'ont été par le
DrReil [Verhand. cler Berl.anthrop. Ges., 1874, p. 120; 1876, p. 156).
Les travaux les plus importants publiés sur cette localité sont ceux
de Mauthey (ibicl., 1879, p. 351); Inkes Browne (Journ.Anthrop. lus lit.,
1878, vol. VII, p. 396); Mook (Aegi/ptens vorinetallische Zeit) ; Jagor
(Verh. cler Berl. anthrop. Ges., 1SS2, p. 560) et Schweinfurth [ibid.,
1885, p. 302).
Depuis cette époque la ville s'est étendue vers le Nil; elle couvre
aujourd'hui une partie de la station préhistorique3.
Licht(CjJ);, à 3 kilomètres environ à l'ouest de Matanieh (à
55 kilomètres au sud du Caire).
MM. J.-E. Gautier et G. Jéquier ont constaté la présence d'une sta-
tion néolithique sur le monticule où s'élève aujourd'hui la pyramide
i. Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. 69.
2. Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1 K; i* > , p. 69.
3. Cf. Recherches sur les origines de l'Egyptt', 1896, p. 70.
\, Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, iSylî, p. 71.
28 LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
d'Ousertesen Ier. Les silex taillés y étaient relativement abondants.
Meïdoum (f jJL*), à 8 kilomètres au nord-ouest de Wasta (à 85 kilo,
mètres au sud du Caire).
M. W. M. Flinders Pétrie1 signale dans cette localité quelques
silex taillés qu'il attribue à l'époque de Snefrou (IIIe dynastie).
Kasr-es-Sagha (Uc«JI j^zî) (Fayoum).
Le professeur Schweinfurth a trouvé près du temple, au nord de
Dimeh, de nombreux instruments de silex (Verhancll. (1er Beiiiner
anlhrop. Ges., 1886, p. 646).
Medixet-Madi v^l» ^,-*»») (Fayoum).
M. Yirchow a trouvé des éclats de silex, très peu nombreux, sur
les ruines de la ville [Verhandl. cler Berl. anthrop. Ges., 1888, p. 356).
Omm-el-'Atl (J^«J A)* (Fayoum), localité située au nord du village
de Tamiyeh.
11 existe trois stations distinctes de l'époque néolithique : l'une à
3 kilomètres à l'est, une autre à 4 kilomètres au nord et la troisième
à 5 kilomètres environ au nord-ouest dans le désert. Ges stations
fournissent en abondance les couteaux, les pointes, les racloirs, les
têtes de javelot et de flèche ; on y rencontre parfois, mais rarement,
des haches dont le tranchant a été poli.
Kom-Achim (r~>3 ry) 3 (Fayoum), localité située au nord-est du
village de Tamiyeh. On y voit un kom important, ruines d'une cité
gréco-romaine.
La station néolithique se trouve à 4 kilomètres environ au nord du
kom, entre les ruines et le désert. Les instruments qu'on y rencontre
sont en tout semblables à ceux des stations de Dîmeh et d'Omm el-
'Atl.
Dimeh (<£•>) * (Fayoum), station préhistorique la plus importante
du Fayoum ; elle est située à 3 kilomètres environ au sud des
ruines de la ville romaine qui elles-mêmes s'élèvent sur la montagne
bordant à l'ouest le Birket-Karoun.
Les silex taillés se rencontrent à Dîmeh sur une surface d'environ
4 à 500 hectares ; mais c'est surtout dans un ancien golfe du lac, dont
i. Medum, Londres, 1892.
2. Cf. Recherches sur les origines de V Egypte, 1896, p. 75.
3. Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. 76.
4. Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. 72.
L0CA1 II l 5 PRE HISTORIQUES DE L'ÉGI P I E 29
la superficie esl de l"1» hectares environ, qu'ils s« . n i abondants. (,ii
v rencontre, en très grand no m lin-, le-- couteaux retaillés, les pointes,
les tètes do flèches cl de javelots, plus rarement les haches polies.
Les nucléi <•! les percuteurs y sont extrêmement rares.
Kahoun «'i Gourab ^^j jf£), ;< 100 kilomètres environ du
Caire.
Localités de l'entrée du Fayoum, où .M. \V. M. Flinders Pétrie a
découverl des silex taillés qu'il attribue a la XIIe dynastie '.
Gebel-Cheik.h-Emba.rak JjL» £=---ij\ Jus* .
Montagne située sur la rive droite du Nil en face de Maghagha (à
I 75 kilomètres du Caire). Station néolithique de peu d'importance.
Gheikh-Timai (^ r^T*)' ^ -'^ kilomètres environ au sud du Caire.
Le professeur A. H. Sayce a rencontré, aux basses eaux, dans les
berges du Nil, un lit d'ossements, de poteries brisées et de silex
taillés néolithiques.
Tell-el-'Amarnah ÂJjL.1 Jj), à 305 kilomètres au sud-sud-ouest du
Caire.
Malgré de longues recherches, je n'ai rencontré à Tell-el-'Amarnah
que fort peu de silex taillés : les uns qui appartiennent à l'époque
néolithique se trouvent à la surface du sol, auprès des montagnes du
sud ; les autres, qui par leur taille grossière se rattachent au chelléen,
se rencontrent sur les plateaux qui couronnent les montagnes près
des ravins.
Aux carrières d'albâtre (Hat-Noub), M. G. Willoughby Fraser a
trouvé quelques éclats et une pointe grossièrement retouchée.
Assiout (i»j~» >\), à 397 kilomètres au sud du Caire.
Le général Pitt-Rivers a récolté une série de silex travaillés près
de la nécropole du Moyen Empire [Journ. Anthrop. Instit., 1882,
p. 383).
Kawamil [ J^ijxJl], à 12 kilomètres environ a l'ouest de Menchieh
(à 515 kilomètres au sud du Caire).
Le district de Kawamil renferme un grand nombre de nécropol s
et de kjœkkemmœddings appartenant à l'époque néolithique et aux
premiers temps pharaoniques.
i. Cf. W. FI. Pétrie, Kahun, Gurob and Hawara, Londres, 1S90 ; id., Illahun
Kahun and Gurob, Londres, 1891. — J. de Morgan, Recherches sur les origines de
l'Egypte, i^ifi, p. 72.
Fig, g. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Kawamil.
9 Instruments chellécns.
^ Nécropoles préhistoriques.
(5 KjœkkenmTeddings.
9 Gisements de silex taillés .
J? Tells d'époque historique.
ooo Nécropoles d'époque historique.
Ç\ Villes et villages modernes.
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE 31
Près du village de Aouled-Haroun JJ.A* jY^ sonl deux cime-
tières : l'un, celui du nord où j'ai pratiqué quelques fouilles, a été
entièrement ravagé par les habitants ; il renfermait plusieurs milli
de tombes indigènes accompagnées de la poterie caractéristique de
cette époque. L'autre, situé plus au sud. que j'ai exploré presque en
entier, était composé de sépultures moins anciennes dans lesquelles
les corps avaienl été décharnés ..vont l'inhumation. L'un des ti
les plus caractéristiques des tombeaux de cette localité esl que, fré-
quemment, les ossements étaient enfermés dans un eisl d'argile,
de briques crues, ou dans de larges vases.
Entre les deux nécropoles, dans le désert, se trouvaient quelques
kjœkkenmœddings que j'ai explorés : ils renfermaient, en outre
silex taillés, des débris d'os et. des fragments de vases, de petits
objets de bronze.
L'un de ces koms semble être produit par l'accumulation des issues
du bétail; il contient une très grande quantité d'excréments d'anti-
lopes et de gazelles.
Non loin de la nécropole du sud, M. C Jéquier a rencontré sur le
sol une hache présentant le type chelléen le plus pur.
Gebel-Toukii [rj^ d*?-)> à 530 kilomètres envi ion au sud du Caire.
Le professeur A. II. Sayce me dit avoir trouvé, dans les alluvions
du Nil et à une assez grande profondeur au-dessous du niveau actuel
des cultures, un lit renfermant, avec des os d'animaux et des débris
de poterie, bon nombre de silex taillés. Ce niveau n'apparaît qu'aux
très basses eaux. Nous nous trouvons là en présence d'un kjœkken-
mœdding recouvert par les limons.
Au nord de cette montagne, dans la vaste plaine inculte qui s'étend
jusqu'à Kawamil el-Qadem, j'ai rencontré quelques silex taillés répan-
dus à la surface du sol.
El-'Arabat (ol^*H), à 14 kilomètres environ au siid-suM-ouest de
Menchieh (à 515 kilomètres à l'ouest du Caire).
Village situé à 4 kilomètres au sud d'Aouled-Haroun. On y voit un
petit kom antique et un kjœkkenmœdding d'une certaine importance
couvert d'os brisés et d'éclats de silex.
Aouleb Salamaii (<*}i- jY^i. à 16 kilomètres au sud-sud-ouest de
Menchieh (à 515 kilomètres à l'ouest du Caire).
Village situé à 4 kilomètres au sud d'El-'Arabat. J'y ai constaté la
32 LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
présence de plusieurs kjœkkenmœddings peu importante. On ren-
contre, en assez grand nombre, les silex travaillés épars à la surface
du sol.
Danaglah (ÂJli'j), à 535 kilomètres environ au sud du Caire.
Au nord-ouest de ce village est une nécropole pharaonique très
considérable et entièrement fouillée; au sud, un kjœkkemmœdding
très important s'étend entre les cultures et le village et sous les mai-
sons mômes. La surface de ce kom est couverte de débris ; ony rencon-
tre en très grande abondance les hachettes, les racloirs et les petites
scies de silex qui servirent à armer les faucilles.
El-Ragagnah («Cs-U-jN), à 12 kilomètres environ à l'ouest de Girgeh
(à 538 kilomètres environ au sud-ouest du Caire).
Nécropole préhistorique dévastée par les fellahs.
El-Mahasnah (Â-L-UM), à 9 kilomètres environ à l'ouest de Girgeh
(à 538 environ au sud-ouest du Caire).
Station préhistorique très étendue, mais dans laquelle les objets
sont très dispersés. J'ai rencontré sur le sol, en même temps que des
objets néolithiques, des instruments grossiers rappelant le type
chelléen.
Maslahat-Haroun ( jjjU \^À^za), à 10 kilomètres environ au sud-
sud-ouest de Girgeh (à 538 kilomètres environ du Caire).
J'ai rencontré près de ce village quelques objets de silex présen-
tant le type chelléen; ils gisaient à la surface du sol.
Beit-'Allam^}^ û^J, à 12 kilomètres au sud-ouest de Girgeh (à 550
kilomètres environ du Caire).
Près de ce village, à l'ouest, était une nécropole assez importante
que les habitants du pays dévastèrent en partie. J'en ai terminé l'ex-
ploration. Elle renfermait des sépultures indigènes parfaitement
caractérisées par le mode d'ensevelissement et par les objets qu'elles
contiennent.
A m. m au (jt^), hameau situé à 4 kilomètres au sud de Mescheikh
(550 kilomètres au sud du Caire).
Sur la rive droite du Nil; on y rencontre quelques silex isolés à la
surface du sol.
Abydos (Â.J^oJ1), à 10 kilomètres au sud-ouest de Belianeh (à 555
kilomètres au sud du Caire).
Fig. io. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur d A.bydos.
© Instruments chelléens.
Q Nécropoles préhistoriques.
(^ Kjœkkenmœddings.
9 Gisements de sile\ taillés.
& Tells d'époque historique.
DUO
SS8 Nécropoles d'époque historiqui
% Villes et villages modi
34 LOCALITÉS PREHISTORIQUES DE L'EGYPTE
M. G. Legrain a découvert sur les montagnes du cirque d'Abydos,
au sommet des 'aqabas du nord et du sud, des stations chelléennes
importantes. J'ai moi-môme trouvé dans les alluvions descendues
des montagnes bon nombre d'instruments présentant les mêmes
caractères (fig. 11, 12 et 13).
\>y ~JC
11 »S 13
Fig. ii, 12 et i3. — Silex chelléens des 'aqabas d'Abydos. i/3 grandeur naturelle.
Om-el-Ga'ab (v-*«f-l ft), localité d'Abydos située dans le cirque des
montagnes, à l'ouest de la nécropole du Moyen Empire.
C'est là que M. Amélineau, dans ses fouilles de 1895-96 et de 1896-
97, a découvert les sépultures royales des débuts de l'occupation
égyptienne1.
El-'Amrah (ôj*i\), à 5 kilomètres environ à l'est d'Abydos, et à
5 kilomètres au sud-ouest du village d'El-Samalah (à 559 kilomètres
au sud du Caire).
Nécropole préhistorique dans laquelle j'ai opéré des fouilles en
1896 ».
El-Karnak (tiX'^Jl), à 7 kilomètres environ à l'ouest de Tarchout
(à 590 kilomètres environ au sud-sud-est du Caire).
Nécropole préhistorique spoliée et station néolithique.
Saghel el-Baglieii (a^*^ Jf-^-)-
C'est par erreur que j'ai compté Saghel el-Baglieh {Recherches sur
l'âge de la pierre et les métaux, 1896, p. 87) parmi les localités pré-
historiques: les renseignements m'avaient été fournis par E.Brugsch-
Bey (cf. Gebel el-Tarif). Ce village, situé sur la rive gauche du Nil,
au milieu des cultures, est placé en face de Gebel el-Tarif.
Gebel el-Tarif (OjU=> ô-*?-''
i. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. 76.
2. Recherches sur les origines de L'Egypte, 1896, p. 84.
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE 35
Au pied rie la montagne, sur la rive droite du Nil, Be trouvail une
nécropole qui fut fouillée en 1896 par un employé indigène du Service
des Antiquités par ordre de E. Brugsch-Bey, pendantque j'étais dans
la presqu'île du Sinaï. Elle avait été dévastée en partie par des fouil-
leurs illicites et c'est afin d'empêcher sa complète destruction que
le conservateur du Service des antiquités donna, en mon absence,
l'ordre d'en terminer la fouille.
A mon retour, je trouvai au Musée de Gizeh les objets résultant
de ces travaux, mais ils étaient mélangés avec des monuments
d'époque historique trouvés dans une nécropole pharaonique située
à quelques kilomètres de là. Aucune observation scientifique n'avait
été faite et les squelettes avaient été abandonnés sur le terrain.
Les cadavres étaient généralement dans celle nécropole placés sur
le flanc gauche, les membres repliés. Parmi les objets les plus inté-
ressants qui furent rencontrés, il convient de citer :
Des silex taillés et une hache en pierre polie ;
Des vases de pierre dure dont un porte des anses ornées de pla-
ques d'or ;
Des vases jaunes couverts de peintures et des vases rouges bordés
de noir ;
Des masses en albâtre et en pierre dure ;
Des fusaïoles ;
Un œuf d'autruche portant des traces de peinture;
Des imitations de coquilles en pierre dure;
Des perles de cornaline, des plaques de schiste, des bracelets de
nacre;
Une figurine d'hippopotame en calcaire;
De petits outils de bronze ;
Une lame de poignard en bronze ;
Une lame de poignard en argent.
Comme on le voit par les objets qu'elle renfermait, celte nécropole
doit être attribuée aux débuts de l'époque égyptienne, bien que la
plupart des sépultures fussent des tombeaux indigènes.
'Arakah (Syl), à 12 kilomètres à l'ouest de Hooù (604 kilomètres
au sud du Caire).
Près de ce village, on rencontre sur le sol un assez grand nombre
de silex néolithiques et, plus haut dans la montagne, des instruments
présentant le type chelléen.
36 LOCALITES PREHISTORIQUES DE L'EGYPTE
El-'Arah (A&ji\), à 3 kilomètres au sud-ouest de Hooû (610 kilo-
mètres du Caire).
Silex taillés épars à la surface du sol.
Cheikh-' Ali (^ £c-~i),àl0 kilomètres environ à l'est de Hooû (à 615
kilomètres au sud du Caire).
Silex taillés épars à la surface du sol.
n
15
S*
Fig. i^, i5, r6, 17. — Silex taillés trouvés par M. G. Legrain sur la route de cara-
vanes entre Hooû et Thèbes, vers l"aqabah de Béhérièh. i/3 grandeur naturelle.
Marachdah (Sj-M^), à 4 kilomètres du fleuve et à 629 kilomètres
environ au sud du Caire.
Station néolithique importante : les instruments de silex se ren-
contrent épars à la surface du sol.
Dendérah (Sj-Xô), à 660 kilomètres environ au sud du Caire.
Mook [Aegyptens vormetallische Zeit, p. 23) cite des « traces » de silex
au sud des ruines de la ville. J'ai moi-même rencontré des silex tail-
lés dans une localité nommée Taramsah en face de Keneh, à quelques
kilomètres en amont de Dendérah.
Ballas (<j"VI), à 683 kilomètres environ au sud du Caire.
Nécropole indigène fouillée en 1894-1895 par M. Quibell.
Zawaidah (S-X)Jj3), à 9 kilomètres au nord de Négadah (à 691 kilo-
mètres au sud du Caire).
Ce village, dont le territoire relève de Négadah, possède un kjœk-
kenmœdding très important et une nécropole préhistorique. Les ob-
jets qu'on y rencontre sont de même nature que ceux des localités
voisines : Toukh, Négadah, etc.
Fig. rS. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Dendérah.
S Instruments chrlléens.
^ Nécropoles préhistoriques.
(^ k'jœkkenmœddiugs.
^ Gisements Je silex taillés.
£ Tells d'époque historique.
j>=° Nécropoles d'époque b ■
000
(\ Villes .-t villages modernes.
OKILOME THES
Medinet Habôù.*,/
Fig. ig. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Thèbes.
© Instruments chelléens.
<l Nécropoles préhistoriques.
-^ Kjœkkenmœilclings.
~ Gisements de silex taillés.
^ Tells d'épocpje historique.
gg» Nécropoles d'époque historique.
DM
/a Villes et villages modernes.
I 0CA1 II ES PR] III- fORK 'I I - Hl. I I '-Ï l'I E
Toi ik ii r y^\ l, à 5 kilomètres environ au nord deNégadah à 694 ki-
lomètres au sud du Caire).
Localité préhistorique très importante par ses kjœkkenmœddings
et sa vaste nécropole d'où proviennenl un grand nombre des docu-
ments que nous possédons sur les derniers âges néolithiques el Bur
les premiers Égyptiens. An nord-ouest des stations néolithiques, on
trouve à la surface des alluvions des instruments chelléens.
Kiiattahui (Sjlk*-), à 2 kilomètres environ au nord de Négadah (à
G97 kilomètres au sud du Caire).
Cette localité possède des kjœkkenmœdings et une nécropole pré-
historique.
Négadab (olà"), à G9'9 kilomètres environ au sud du Caire.
Nécropole indigène et nécropole égyptienne primitive, sépulture
royale.
Khozam (f'J*-), à 14 kilomètres au nord-est de Kawamil à 724 ki-
lomètres au sud-est du Caire, près de karnak).
Bon nombre de silex taillés ont été trouvés dans cette localité sans
qu'il ait été possible d'en déterminer le gisement d'une manière ab-
solue. (Note communiquée parle professeur A. 11. Sayce.)
Louxoh i^asV^) (Thèbes), à 727 kilomètres au sud du Caire.
Station préhistorique où ont été découverts des silex taillés : elle se
Fig. 20, 21, 22, 23 et 24. — Silex (aillés trouvés par .M. G. Legrain entre 1' aqabah de
Béhérièh et Bibàn el-Moloûk. i 3 grandeur naturelle.
trouve dans le désert a environ 3 heures au nord-ouest de la ville de
Louxor, entre les terres cultivées el la montagne v. Mool
i. Cf. Recherches sur les origines de VÊgypte, is;iii. p. s; ■ W. M. FI. Pétri . A -
(jinlii and Ballas, Londres, i8g6.
40 LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
tens vormetallische Zeit,?. 23; Haynes, Mem. oftheAmer. Acad. o farts
and sciences, 1881, pi. VII).
Béhérièh {^mj^X à ^ kilomètres environ au sud de Bibân el-Moloûk
(à 725 kilomètres au sud du Caire).
Au sommet de l"aqabah de Béhérièh entre Hooù et Bibân el-Mo-
loûk (Thèbes), M. G. Legrain a découvert une importante station pré
historique (fig. 20 à 24, 25 à 27).
Fig. 25, 26 et 27. — Silex taillés trouvés par M. G. Legrain à T'aqabah de Bibân el-
Moloûk. i/3 grandeur naturelle.
Thèbes (Gournah) (^^), à 725 kilomètres au sud du Caire sur la
rive gauche du Nil.
Bien que nous ne connaissions pas de station parfaitement définie
à Gournah, les silex taillés, chelléens et néolithiques sont assez fré-
quents dans toutes les parties de l'ancienne Thèbes ; à Bibân el-Mo-
loûk, à Deïr el-Bahri, Deïr el-Medinet, Medinet-Habou, etc. on les
rencontre à la surface du sol.
Gebel Assas (jj*^ J^f-), montagne voisine de Bibân el-Moloûk
(Thèbes).
Le général Pitt-Rivers a trouvé des instruments en pierre taillée
sous des graviers, à l'extrémité d'un ouady qui va de Bibân el-Mo-
loùk du côté de Gournah. Il estime que ces graviers, formés en con-
glomérats et qu'il appelle « indurated gravel » sont descendus de la
vallée des Rois dans la plaine du Nil avant l'époque pharaonique
(Journal Anthrop. Inslit., 1882, vol. XI, p. 387).
La station au-dessus de Deïr el-Bahari a été explorée par MM. Ha-
my et Lenôrmant en 1869 (Bull, de la Soc. iïanthrop., 1869, p. 685).
Cette question, si longuement discutée, a été étudiée ensuite par
MM. Hertwig, Lubbock, Mook, Haynes, Mycrs, Pitt-Rivers et d'autres
(v. Virchow, Verhandl. der Berl. anth. Ces., 1888, p. 358).
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE M
Medinet-Habou [y\ <~m**) (Gournah).
Silex néolithiques isolés gisant à La surface du sol.
Deïu el-Bahri {i£S>^\ jm-&\) (Gournah).
Sur la colline qui sépare la vallée des Rois «le celle où est construit
le temple d'Hatasou, on rencontre en grande abondance des éclats
plus ou moins retouchés d'une taille très grossière. Plus Loin,à L'ouest
de la vallée des Rois, on trouve sur le sol des instruments présentant
le type chelléen.
Biban el-Molouk (iljlU jL-J (à 7 kilomètres à l'ouest du fleuve,
et à 725 kilomètres au sud du Caire).
Vers 1884 et 1885 le colonel Pitt-River, opérant des fouilles dans
un vallon situé au nord de la vallée des Rois, trouva dans la brèche qui
composait la montagne, un certain nombre de silex taillés. Vers la
même époque M. \Y. Myers récolta dans les ouadys voisins une im-
portante série d'instruments de pierre qu'en 1880 il légua au Musée
de Birmingham. La plupart de ces silex provenaient de Tell es-Sowan,
colline située au nord de Bibàn el-Moloûk '.
Vallée des Reines [rj^\ j^r>) (Gournah).
Silex chelléens et néolithiques gisant à la surface du sol.
Erment Z^j\) (à 741 kilomètres environ au sud-sud-ouest du
Caire).
M. G. Daressy, conservateur-adjoint du Service des Antiquités, a
ramassé dans un vallon à l'ouest d'Erment une hachette de silex brun
analogue à celles qu'on rencontre en abondance dans les stations
néolithiques de Toukh, Zawaïdah, Négadah, etc. Cette pièce semble
avoir été isolée.
C'est à l'ouest d'Erment, à Rizagat, que M. G. Legrain, se rendant
à l'oasis de Khargièh, a trouvé les premiers gisements préhistoriques
entre la vallée du Nil et l'oasis.
Gebelein (Ù^), * 700 kilomètres environ au sud du Caire.
Sous les ruines de la ville pharaonique, au pied du rocher auquel
cette localité doit son nom, on rencontre une couche épaisse, d'envi-
ron l,n,50, de sébakh renfermant un grand nombre de silex taillés,
d'éclats sans retouches, de débris d'ossements et de vas<
i. Xote communiquée par le professeur A. 11. Sayce.
'*- LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
Plus loin, vers l'ouest, au pied de la montagne, était autrefois une
nécropole, mais elle a été entièrement spoliée. Les vases indigènes
qui figurent dans les vitrines du Musée de Gizeh et qui portent l'in-
dication de Gebelein proviennent de cette nécropole.
Esneh (u~l) [à 780 kilomètres environ au sud du Caire).
M. Arcelin a signalé un dépôt de silex taillés au sommet du Gebel
Galabieh auprès d'Esneh.
El-Kab (o&Jl), à 817 kilomètres environ au sud du Caire.
Sur la rive gauche du fleuve, dans un ouady situé au sud des ruines
d'Hiéraeonpolis, le professeur A. H. Sayce a découvert le site d'un
village (kjœkkenmœdding) dans lequel il rencontra en grand nombre
les silex taillés et les débris de poterie. Au nord des ruines d'Hiéra-
conpolis il rencontra plusieurs instruments présentant le type chelléen.
Dans les ruines de la ville d'El-Kab on trouve un très grand nombre
de percuteurs et quelques silex travaillés tels que des racloirs, des
nucléi, etc.
Silsileh (^J~-), à 850 kilomètres environ du Caire.
La nécropole préhistorique découverte et fouillée, en février 1897,
par MM. G. Legrain et G. Lampre se trouvait située sur la rive droite
du Nil près des carrières pharaoniques. Elle renfermait en même
temps des sépultures indigènes et égyptiennes et présentait les deux
modes d'inhumation.
Dans les environs de la nécropole on rencontre sur le sol bon
nombre de silex taillés néolithiques.
Fatirah (Zjb\s).
Près de Gebel Silsileh, sur la rive droite du Nil, se trouve un kjœk-
kenmœdding de peu d'étendue. 11 renferme, en même temps que les
éclats et les instruments de silex, les os brisés et les coquilles, un
grand nombre d'éclats de cornaline qui en cet endroit a été taillée.
Quelques éclats de cette matière portent des retouches prouvant que
la cornaline n'était employée là que comme matière analogue au silex
pour la fabrication des instruments et non pour la parure. Ces éclats
sont de petites dimensions.
Kom-O.mbo [y*\ çy ), à 902 kilomètres environ au sud du Caire.
Dans le désert, à 1,500 mètres environ du temple d'Ombos,le pro-
fesseur A. H. Sayce a trouvé des instruments de pierre.
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE ',:;
ABOU-M ANGAR {j=^ y))
Sur la rive gauche du Nil, un peu au dessous d'Assouan, M. Arcelin
a trouvé des instruments de silex a la surface du sol : « le gisement,
dit-il, se prolonge SOUS les sédiments modernes; il m- passe pas dans
ces sédiments où je n'ai trouvé aucune trace de pierre taillée > \ . Bul-
letin de la Société (T Anthropologie, 1869, série 2, hune l\. p. 710).
Parmi les pièces recueillies par lui se trouvait une hache polie en
porphyre vert.
Éléphantine (j^-^ ~°J.j?~)> en face d'Assouan (à 994 kilomètres en-
viron au sud du Caire).
Le professeur A. H. Sayce a trouvé dans le séhakh de l'île d'Elé-
phantine une lame de silex et une pointe de flèche. Ces objets avaient
probablement été remaniés, car jusqu'à ce jour je n'ai pas rencontré
de kjœkkenmœdding dans cette île II se peut cependant que, comme
le fait a lieu à Gebelein, les restes de l'époque néolithique soient
placés sous les couches de sébakh dues aux temps historiques.
Chellal (jy«lH), première cataracte à 5 kilomètres au sud d'As-
souan (à 999 kilomètres au sud du Caire).
J'ai rencontré dans l'île de Séhel un fragment de hache polie en
silex et quelques éclats.
Abou-Simbel (J^— y)) (Nubie).
Le professeur A. H. Sayce a trouvé, près des ruines d'un village
romain situées au nord d'Abou-Simbel, une hache en pierre polie.
Ouady-Halfa(<âIp- tS^j) (Nubie), seconde cataracte.
Dans le désert à 2 kilomètres environ de Ouady-Halfa, le professeur
A. H. Sayce a trouvé un couteau de pierre rouge, et M. Rogers a
ramassé à la surface du sol un assez grand nombre d'instruments
travaillés (cf. Virchow, Verh. der Berl. anthrop. Ges., 1888, p. 361 et
364).
Ouady-Tharfeh fojb iS^j)-
Ouady-Dakhl ( J»o (£*\j).
Le professeur Schweinfurth a trouvé par 28° 20' de latitude nord,
dans le désert Arabique, de beaux nucléi et des éclats prismatiques,
a 107 kilomètres du Nil. 11 a recueilli au Ouady-Dakhl (28° 40') à
1,200 mètres d'altitude, des fragments semblables [Verhandl.der Berl.
anthrop. Ges., 1887, p. 561; 1888, p. 355).
44 LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
OuADY-SâNOUR (jf-a iS^j)- — OUADY-OUARAG [r JJ (Jù\j]
Fig. 28 a, b, c. — Nucléus de silex (dhoufr el-homar) trouvé par le professeur Schwein-
furth à Ouady-Ouarag (d'après un dessin du professeur Schweinfurth dans Virchow,
Verh. der Berl. anthrop. Ges., 1888, p. 353). 1/2 grandeur naturelle.
Le professeur Schweinfurth a trouvé dans ces deux vallons du dé-
^
29 30 31 32 33
Fig. 29. — Instrument de silex trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de
Khargièh, à 49 heures de chameau de Rizagat.
Fig. 3o. — Instrument de silex trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de
Khargièh, à 49 heures de Rizagat.
Fig. 3i. — Instrument de silex trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de
Khargièh, à 48 heures de Rizagat.
Fig. 32. — Instrument de silex trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de
Khargièh, à 40 heures de Rizagat.
Fig. 33. — Instrument de silex trouvé par M. G. Legrain sur la roule de l'oasis de
Khargièh, à 40 heures de Rizagat.
i/3 grandeur naturelle.
sert Arabique, le premier à 50 kilomètres à Test de Beni-Souëf, le se-
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
cond àSO kilomètres au sud-est du ( laire, de nombreux instruments de
silex, et surtout des nucléi d'une form particulière, qu'il appelle
dhoafr el-homar [sabots d'âne, fig. 28) [Verhandlungen der Berliner
anthropogischen Gesellsckaft, 1876, p. L55; L882, p.278; L884, p. 610;
1885, p. 128-302; 1886, p. 646; 1888, p. 352 .
Rizagat (oSjj) (à 8 kilomètres environ à l'ouesl d'Erment, à 740 ki-
lomètres environ au sud du Caire).
Au sommet de F'aqabah de Rizagat, en se rendanl <i l'oasis de Khar-
gieh (7 mars 1897) M. G. Legrain, Inspecteur-dessinateur du Service
des Antiquités, a trouvé sur le sol une grande quantité de silex gros-
sièrement travaillés. Plus loin, vers l'ouest à Grd el-Homar, il ren-
contra encore des silex taillés.
Gebelein el-Moufàrig [77j^ {A-?-)-
Station chelléenne très importante située dans le désert entre Riza-
gat et l'oasis de Khargieh, à 26 heures de Rizagat. M. G. Legrain qui
la découvrit le 8 mars 1897, la suivit sur une distance équivalant à
4 heures de caravane.
Fig. 34. — Silex taillé trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khargieh,
à 5o heures de chameau de Rizagat.
Fig. 35. — Silex taillé trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khargieh,
m à 49 heures de Rizagat.
Fig. 36. — Silex taillé trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khargieh,
à 36 heures de Rizagat.
Fig. 37. — Silex taillé trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khargieh,
à 49 heures de Rizagat.
Fig. 38. — Silex taillé trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khargieh,
à 49 heures de Rizagat.
i/3 grandeur naturelle.
GÀRA/AT EL-HOSAX ( jLai-1 "^J*)-
Station chelléenne importante située près de Gebel-Bayayid, sur la
route des caravanes entre Rizagat et l'oasis d'El-Khargieh, a 35 heures
de caravane de Rizagat. M. G. Legrain la découvrit le 10 mars 1897;
elle se présente pendant 5 heures de caravane. Les instruments y sont
46 LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
très o-rossiers et offrent très nettement les caractères du chelléen
d'Europe.
Fig.
3c). — Silex
Fig.
4o. — Silex
Fig.
4r_ _ Silex
Fig.
42. — Silex
taillé néolithique trouvé par M. G. Legrain sur la route de
de Khargièh, à 5o heures de chameau de Rizagat.
taillé néolithique trouvé par M. G. Legrain sur la route de
de Khargièh, à 5o heures de chameau de Rizagat.
taillé néolithique trouvé par M G. Legrain sur la route de
de Khargièh, à 5o heures de chameau de Rizagat.
taille néolithique trouvé par M. G. Legrain sur la route de
de Khargièh, a 4g heures de Rizagat.
i/3 grandeur naturelle.
'Aqàbah de Kâsr el-'Ain Ez-Zaiad (^L-aJl tfs- j-.*S *^).
Localité située sur la route des caravanes entre Rizagat et l'oasis
43 4i io
Fig. 43. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khar-
gièh, à 28 heures de chameau de Rizagat.
pjo- /j4 — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain sur la route de l'oasis de Khar-
gièh, à 18 heures de Rizagat.
Fig. 45. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain à Rhanimèh (oasis de Khargièh).
i/3 grandeur naturelle.
d'El-Khargièh, à 49 heures de Rizagat. M. G. Legrain qui, le 11 mars
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE ',:
1897, découvrit cette station préhistorique, s'exprime en ces terme
dans le rapport qu'il m'adressa sur sa mission :
« Là, les silex taillés abondent; cette station «-si L'une des plus
Fig. 46. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain à Rhanimèh (oasis de Khargièh)
Fig. 47. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain, à 27 heures de Ki/
Fig. 48. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain, à 29 heures de Rix
l/3 grandeur naturelle.
Fig. 4j) à 59. — Instruments néolithiques trouvés par M. G. Legrain dans le kjœkkc
mœdding de Rhanimèh (oasis de Khargièh . 1 3 grandeur naturelle.
48
LOCALITES PREHISTORIQUES DE L'EGYPTE
75 76
Fig. 6o à 79. — Silex de Rhanimèh (suite). — i/3 grandeur naturelle.
80 82-83-84 81
Fig. 80 à 84. — Vases et fusaïoles trouvés dans le kjœkkenmœdding de Rhanimèh
(oasis de Khargièh). 1/4 grandeur naturelle.
S"
Fig. 85 à 87. — Silex taillés trouvés par M. G. Legrain à la surface du sol sur les
collines de Rhanimèh (oasis de Khargièh). i/3 grandeur naturelle.
LOCALITÉS PRÉHISTORIQUES DE L'EGYPTE
riches que j'aie rencontrées: duranl 8 kilomètres, la route esl cou-
verte de haches. <lc grattoirs et de couteaux chelléens de la plus belle
taille. »
Cette station est située ;iu sommel d<- l"aqabah.M. Legrain en con-
88 80 90 ''I
Fig. 88 à 9a. — Silex taillée de l'oasis de Khargièh. i/3 grandeur naturelle.
Fig. n3. — Silex eheltéen trouvé par M. G. Legrain sur la route de caravane entre
l'oasis de Khargièh et Abydos, à 28 heures de chameau de l'oasis.
Fig. g4- — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain sur la route de caravane entre
l'oasis de Khargièh et Abydos, à r>6 heures de l'oasis.
Fig. g5. — Silex chelléen trouvé par M. G. Legrain sur la route de caravane entre
l'oasis de Khargièh et Abydos, à 27 heures de l'oasis.
i/3 grandeur naturelle.
clut que c'est aux passages des montagnes que se trouvent les stations
préhistoriques et sa conclusion s'est vérifiée dans toutes ses recher-
ches postérieures.
50 LOCALITES PREHISTORIQUES DE L'EGYPTE
GebeL-RhANIMÈh^'j J-f-).
Localité de l'oasis de Khargièh où M. G. Legrain découvrit une
intéressante station néolithique. Le sol est couvert d'éclats et d'ins-
truments en silex jaune, sur tous les monticules avoisinant la petite
source de Rhanimèh.
Au nord de la source sont les ruines d'un fort romain. Au sud
existe un kjœkkenmœdding où M. Legrain trouva un grand nombre
de silex taillés et de débris d'ossements et de vases. 11 ne rencontra
dans ses fouilles aucun objet d'époque historique.
En s'éloignant un peu de la source M. G. Legrain trouva sur les
collines des instruments chelléens (fig. 85 à 87).
'Aqàbah d'Abou-Sural (Jljj— < y) <fc), point d'arrivée à l'oasis de
Khargièh des routes partant d'Abydos, de Girgèh et de Farchout.
Station néolithique et chelléenne très importante découverte en
mars 1897 par M. G. Legrain.
A 4 heures de caravane de T'aqabah d'Abou-Sural, dans la di-
rection d'Abydos, à 12, 17, 25 et 28 heures sont d'autres stations très
étendues dans lesquelles les instruments chelléens sont mélangés aux
silex néolithiques et couvrent le sol.
CHAPITRE III
Ethnographie des populations indigènes
de 1 Egypte.
Je me suis trouvé fort embarrassé pour assigner auxpopulations qui
habitèrent la vallée du Nil, antérieurement aux Egyptiens, un nom
correspondant exactement a ma pensée. Cette race ne fut probable-
ment pas celle qui, la première, foula le sol égyptien; elle eut des pré-
décesseurs. Je ne pouvais donc pas la qualifier d aborigène, ou d'au-
tochtone; elle n'est pas née dans le pays, elle vint probablement
d'autres contrées et bien certainement chassa ou asservit des hommes
qui occupaient le pays avant elle.
Je ne pouvais non plus la dénommer nouvelle race,iVcM' race, comme
le fait M. W. M. Flinders Pétrie, car nous savons par les études de
M. le Dr Fouquet qu'elle était apparentée aux hommes de Cro-Magnon,
c'est-à-dire au peuple le plus ancien dont les débris soient parvenus
jusqu'à nous. 11 ne m'était pas possible non plus d'employer le terme
de Libyens, qui impliquerait une origine spéciale, alors que nous
n'avons encore aucune raison pour placer le foyer de cette race
humaine dans un pays plutôt (pie dans un autre.
Je me servirai de l'expression indigènes, bien que ce qualificatif soil
inexact; je l'entendrai dans un sens relatif, par rapport aux Egyptiens
pharaoniques, mais non pas dans son acception absolue, car nous ne
possédons aucun renseignement sur l'origine de ce peuple et sur les
populations qui le précédèrent dans la vallée du Nil.
Pour les Egj pi iens pharaoniques, que j'ai bien des raisons de croire
52 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
d'origine asiatique, j'emploierai le nom d'Égyptiens, d'étrangers,
d'envahisseurs ou de conquérants.
Fig. g6. — Ivoire à double face. — FI. Pétrie, pi. LIX, fig. i. Nécropole de Toukh
(Négadah).
— Schiste. — FI. Pétrie, pi. LIX, fig. 2. Nécropole de Toukh (Négadah).
— Ivoire. — id. id. fig. 3. id.
— Schiste. — id. id. fig. 4. id.
— Os. — id. id. fig. 5. id.
— Terre cuite à double face. — FI. Pétrie, pi. LIX, fig. 6. Nécropole de
Toukh (Négadah).
— Ivoire. — FI. Pelrie, pi. LIX, fig. 7. Nécropole de Toukh (Négadah).
— Os. — id. id. fig. 8 A. id.
— Pâte organique. — FI. Pétrie, pi. LIX, fig. 11. id.
— Os. — FI. Pétrie, pi. LIX, fig. 10. id.
— Os. — id. id. fig. 8. id.
— Os. — id. pi LX, fig. 2r. Localité inconnue, id.
i/3 grandeur naturelle.
Fig.
97-
Fig.
98.
Fig.
9«J-
Fig.
100.
Fig.
101.
Fig.
102.
Fig.
io3.
Fig.
ïo\.
Fig.
10,").
Fig.
106.
Fig.
107.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 53
Egyptien signifie pour moi homme venu d'Asie, donl La ch ilisation
est spéciale etdonl la nature ethnique est encore incom .L'Égyptien,
tel que je l'entends, esl celui des premiers âges, le compagnon du
Mènes légendaire, donl l'existence ne nous esl révélée d'une manière
absolue que depuis les découvertes d'Abydos, de Négadah, deToukh
el de toutes les nécropoles où pour la première lois se rencontrent
les métaux.
Au pointde vue ethnique, l'Egj ptien des premie emble
que fort peu à l'Egyptien du
Moyen et du .Nouvel Empire; il
en est le précurseur, ses carac-
tères ethniques sont plus purs.
ses aptitudes lui sont spéciales,
comme ses arts et son écriture.
Si je suis entré dans ces ex-
plications, c'est afin d'éviter
toute confusion quand, dans ce
volume, j'emploierai les termes
d'indigènes et à' Egyptiens ; c'est
pour rendre plus clair mon ex-
posé.
1° Caractères physiques. —
Les indigènes étaient dolicho-
céphales, et les Egyptiens mé-
saticéphales. Cette seule dis-
tinction entre les deux races
permet de penser que l'aspect
physique, les mœurs, les apti-
tudes chez les deux peuples
!.
/
108
Pig lo8. — Ivoire. — FI. Pétrie, pi. LXII,
fig. 35. Nécropole de Toukh (Négadah).
Fig. ioc). — Ivoire. — FI. Pétrie, pi. LXII,
fig. V\. Nécropole de Toukh (Négadah).
Fig. no. — Ivoire. — FI. Pétrie, pi. LXIV,
fig. 8i. Nécropole de Toukh Négadah).
i / i grandeur naturelle.
étaient absolument différents.
Je n'entrerai pas dans des considérations anthropologiques de
détail. M. Le Dr Fouquet, avant bien voulu se charger de cette étude,
la traitera avec toute la compétence que peuvent désirer les spécia-
listes. Je me bornerai à signaler le fait que ce peuple avait les cheveux
lisses et souventblondsetque. par suite, il appartenait à larme blanche.
Afin de retrouver les caractères physiques îles indigènes, je me
contenterai d'étudier les représentations humaines que nous four-
nissent les nécropoles de cette époque et d'en tirer des déductions.
La figure 111 représente une figurine humaine de terre cuite, de-
54 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
couverte dans la nécropole de Gebel-Tarif. Le personnage, dont le
sexe n'estpas indiqué d'une manière précise, est agenouillé dans l'at-
titude de la prière ou de la soumission : les bras pendent le long du
corps; la tête est forte, rejetée en arrière; le nez est retroussé, le
menton très long; les lèvres ne marquent aucune proéminence et les
oreilles sont larges et détachées.
La forme donnée à la partie
supérieure de la tète semble
indiquer la présence d'un bon-
net. Il ne peut être observé si
ce personnage portait ou non la
barbe.
Cette statuette grossière nous
fournit bien peu de renseigne-
ments; elle nous apprend ce-
pendant que les indigènes n'ap-
partenaient pas à la race noire ,
l'ait déjà constaté par les études
anthropologiques.
Les figures 96-107 représen-
tent un assez grand nombre de
figurines humaines en ivoire ou
en os. Ces images sont assez
nombreuses dans les sépultures
indigènes.
Dans les figures 97, 99 et 103, la représentation est très rudimentaire ;
la bouche et le nez ne sont pas indiqués, mais la forme pointue de la
base du visage indique que les indigènes portaient la barbe longue et
taillée en pointe.
La figure 96 présente les mêmes caractères généraux, le nez et la
bouche manquent, mais les sourcils sont indiqués. Sur la poitrine
tombe un collier de quatre rangs de perles.
Les figures 100, 105, 106 et 107 représentent des hommes barbus, et
dans toutes les images nous voyons la chevelure coupée court.
Les statuettes que je viens de citer appartiennent toutes au sexe
masculin, tandis que les figures 102 et 104 représentent des femmes.
Pour la figure 1041e fait est certain, la forme de la poitrine ne laissant
aucun doute à ce sujet : la face régulière et ovale semble à demi cou-
verte d'un voile, les yeux sont grands et en amande, les sourcils
Fis
i/3 grandeur naturelle.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS ÏNDIGENES DE L'ÉGYPT]
épais et arqués, les épaules tombantes, La taille fine, les banches très
larges. Au-dessous des hanches, une large bande transversale semble
appartenir au costume.
Dans la figure 102 la forme générale «lu corps penne! de reconnaître
une femme, bien que la poitrine ne soit pas accusée. I n large collier
d'un seul rang de perles est passé autour du cou el sur La tête esl un
vase placé en équilibre, tout comme aujourd'hui les femmes arabes
ont coutume de porter les cruches lorsqu'elles vont, au Nil, puiser
l'eau nécessaire aux besoins du ménage.
Les figurines que je viens de citer sont les plus complètes, mais il
en existe une autre catégorie (fig. 108, 109et 110), formée d'une extré-
mité de dent d'éléphant dont la pointe est ornée d'une figure gros-
sièrement tracée. Quelquefois mémo ces images se réduisent aux
deux yeux (fig. 109) ou seulement à quelques traits. Quoi qu'il ensoit,
lorsque l'image est complète, nous retrouvons les mêmes caractères
que sur les statuettes plus parfaites (fig. 110). La barbe est taillée en
pointe et les lèvres semblent être fort peu proéminentes.
En résumé, voici les caractères que ces grossières images nous
permettent de reconnaître:
Pour les hommes : figure ovale, lèvres peu proéminentes, cheveux
courts, barbe longue taillée en pointe.
Pour les femmes : visage ovale, taille fine, hanches très larges,
yeux en amande, très grands, sourcils arqués et épais, cheveux
courts.
Ajoutons à ces caractères lesdonnées fournies par l'anthropologie,
c'est-à-dire que la race était blanche, aux cheveux clairs, et nous au-
rons, d'après les documents dont nous pouvons disposer, le portrait
de ces populations primitives.
Après la conquête, les indigènes adoptèrent peu à peu les usages
de leurs maîtres, mais la fusion des deux races ne se fit que très len-
tement; peut-être doit-on voir dans les personnages barbus qui figu-
rent dans beaucoup de monuments de l'Ancien et du Moyen Empire
des représentations d'individus appartenant à la race la plus an-
cienne.
Les bateliers des barques de Meïr, entre autres, offrent un type spé-
cial très différent de celui des personnages pharaoniques figurés sur
les stèles et les bas-reliefs : peut-être devons-nous voir dans
présentations des individus de la race indigène qui, comme aujour-
d'hui les Barbarins, s'étaient confinés dans la navigation.
56 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
2° Déformations. — D'après les documents que nous possédons
jusqu'à ce jour, il ne semble pas que les indigènes de l'Egypte aient
eu la coutume <le se déformer en aucune manière; les squelettes pré-
sentent tous les proportions normales de la race, les dents ne portent
aucune trace de taille, les mâchoires sont complètes et généralement
très régulières; le crâne n'est déprimé dans aucun sens et les formes
particulières, qui se présententparfois, sont dues uniquement aux ma-
ladies.
3° Tatouages. — Nous ne possédons qu'un seul document relatif
aux tatouages ou aux peintures corporelles (fig. 101 a et b) : c'est une
statuette de terre cuite découverte par M Flinders Pétrie dans la né-
cropole de Toiikh. Malheureusement cette figurine est incomplète, la
tête et les pieds manquent.
Les bras et les jambes sont couverts de larges dessins composés
de lignes brisées et analogues à ceux qui ornent les vases indigènes
gravés à la pointe; l'une des faces du corps porte des représenta-
tions de chèvres semblables à celles que nous voyons sur les vases
de terre jaune ornés de peintures rouges.
Il est, comme de juste, impossible de dire si ces ornements étaient
de simples peintures, qu'un lavage pouvait enlever, ou s'ils consti-
tuaient de véritables tatouages hypodermiques, comme cela se voit
chez la plupart des tribus sauvages et, encore aujourd'hui, chez les
fellahs de l'Egypte.
Il serait facile de trouver un grand nombre de comparaisons chez
les tribus de l'Afrique centrale, de l'Amérique ou de l'Océanie. Je
me contenterai de citer seulement les Negritos de la presqu'île
Malaise, où j'ai moi-même constaté la coutume générale du tatouage
et de la peinture corporelle.
La figure 112 représente des Sakayes du Souni-Raya (Kinta, royaume
de Perak). On distingue les tatouages proprementdits, qui sont figurés
en noir, des peintures indiquées par des hachures. Les peintures se
font, à Malacca, en appliquant sur la peau de l'ocre rouge mélangée
d'huile (de kapayang). Ce procédé était peut-être le même qu'em-
ployaient les indigènes de l'Egypte, car nous rencontrons fréquem-
ment dans les tombeaux des matières minérales colorantes telles que
l'ocre rouge et jaune, la malachite, le sulfure d'antimoine.
4° Costume. — Au sujet de l'habillement des indigènes nous sommes
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES I»! I EGYPTE ."
fort mal renseignés, toutes les figurines humaines que nous poe
dons, sauf une (fig. IO'i dont ilesl impossible de tirer des conclusions,
nous montrant L'homme dans L'étal de nudité !<■ plus complet.
Dans les sépultures indigènes, je n'ai jusqu'ici rencontré aucune
trace de tissus; mais, au contraire, j'ai fréquemment trouvé des restes
de peaux d'animaux: il semblerait dune que le costume, rudimentaire
et probablement composé d'un pagne, que portaienl Les indigènes, fût
composé de pelleteries.
Sur les vases, les hommes sont toujours représentés ave< Les jambes
détachées, preuve qu'ils ne portaient pas de Longs vêtements et étaient
Fig. ri2. — Tatouages des Négritos du Souni-Raya (Kinta, royaume de Perak, pénin-
sule Malaise). (Dessin de l'auteur d'après nature.)
probablement presque nus; un trait ligure Le nœud qui retenait le
pagne autour du corps.
Dans les représentations de femmes, qu'on reconnaît aisément à la
largeur des hanches et à la finesse de la taille, les jambes sont pris s
dans une sorte de jupe descendant jusqu'aux chevilles environ ; le
buste semble être resté nu, si nous en jugeons par les figurines re-
présentées par les figures 101 a et b, 102 et 104.
La douceur extrême du climat d'Egypte autorise à penser que le
58
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
vêtement chez les indigènes était peu important; sous les dynasties
historiques les Egyptiens eux-mêmes sont représentés, le plus souvent,
comme vêtus d'un simple pagne ou d'une jupe; quelques-uns sont
entièrement nus, et de nos jours les fellahs travaillant aux champs ou
se livrant à la pénible besogne de l'arrosage, ne portent de vêtements
que juste ce qui est nécessaire au point de vue de la pudeur.
L'art de tisser les étoffes semble avoir été ignoré des indigènes. Je
n'ai en effet rencontré de tissus que dans les sépultures renfermant
des métaux et appartenant à la période qui suivit l'arrivée des Égyp-
tiens.
Quant aux fusaïoles qu'on trouve dans le kjœkkenmœdding de
Toukh et qui, bien certainement, furent employées à la fabrication du
fil, elles ne sauraient être dune manière certaine attribuées aux indi-
gènes, ce kjœkkenmœdding renfermant, en même temps, des restes
antérieurs et postérieurs à la conquête égyptienne.
La fabrication du fil et de la corde n'implique pas forcément l'art
de tisser les étoffes; mais à ce sujet je dois faire de grandes réserves,
car les recherches ne sont pas encore assez complètes pour qu'il soit
possible de tirer des conclusions d'arguments négatifs.
5° Parure. — La parure chez les indigènes ne nous est connue que
Fig. \\Z à 117. — Perles de terre cuite et de calcaire. 1/2 grandeur naturelle (kjœk-
kenmœdding de Toukh).
par les restes des bijoux plus ou moins grossiers que nous rencon-
trons dans les sépultures. Mais ces restes sont fort nombreux et les
figurines humaines que nous possédons nous permettent d'indiquer
pour beaucoup la manière dont ils étaient portés.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES l>l l EGYPTE
Les colliers se composaient d'un ou de plusieurs rangs de perles
tombanl assez lias sur la poitrine fig. 96, I1»-!, L03 .
Les perles sonl faites de cornaline ou de toute autre substance mi-
nérale colorée ; quelques-unes sonl en calcaire el atteignent de fortes
dimensions ûg. 1 13 à 117).
Les perles de pierre dure, telles que le silex, La cornaline, l'ag
sont très grossièrement el irrégulièrement travaillées ; on Les ren-
contre parfois en fort grand nombre.
Les coquilles marines et nilotiques étaient aussi employées pour
former des colliers. J'ai rencontré fréquemment les espèces suivantes,
qui toutes appartiennent soit a la faune de la mer Rouge, soil à celle
du Nil :
Purpura tuberculata (Blainv. :
Conus pusillus (Chemn.) ;
Nerita polita (Linné);
Listrum anaxares (Duel.);
Cleopatra bulimoïdes (Oliv.).
Le test de la coquille avait été usé sur un côté jusqu'à ce qu'un
trou se fût produit pour le passage du fil ou du nerf d'animal qui
maintenait les éléments du collier.
A Toukh, j'ai également rencontré bon nombre de petits oursins
fossiles silicifiés (fig. 118) et percés, ainsi que des imitations gros-
sières de la Nerita polita (fig. 119) faite d'une roche cristalline très
dure du genre porphyre.
Fig. nS. — Collier formé d'oursins fossiles en silex brun, i 2 grandeur naturelle
(nécropole de Toukh).
Figg ng, — Collier formé de perles de porphyre présentant la forme de la Nerita
polita. i >. grandeur naturelle (nécropole de Toukh).
Les bracelets sont assez fréquents dans les sépultures indigènes;
ils sont faits d'ivoire d'éléphant, de nacre ou de silex fig. L20-12
Les bracelets d'ivoire ont été obtenus en sciant la base d une dé-
fense d'éléphant dans la partie où elle esl encore creuse el en polis-
sant l'anneau ainsi obtenu
GO
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
Les bracelets de nacre, qui dominent, étaient faits en sciant, per-
pendiculairement à la columelle, un gastéropode de forte (aille appar-
tenant à la famille des trochidés, et en enlevant la partie de la columelle
détachée par la scie ; l'anneau était ensuite entièrement poli, mais il
conserve toujoursles indications de la forme générale de la coquille.
Les bracelets de silex sont de beaucoup les plus curieux, leur ré-
gularité est parfaite et dénote une habileté de main merveilleuse. Il
en existe bon nombre dans les collections, à Gizeh, au Musée Britan-
nique, au Musée de Calais, etc., tous présentent la même perfection
de travail.
Il est difficile de concevoir comment, dans une pierre aussi dure
qu'est le silex et aussi fragile, les indigènes de l'Egypte sont par-
venus à tailler par éclats des anneaux, dont la forme est un tore régu-
Fig. 120 à 122. — Bracelets (fig. 120 : albâtre, nécropole d'El-'Amrah ; fig. 121 : silex
jaune, nécropole d'Abydos ; fig. 122 : nacre, nécropole d'El-'Amrah). 1/2 grandeur
naturelle.
lier, en conservant partout la même section et en donnant aux circon-
férences intérieure et extérieure une régularité absolue.
Bien des explications ont été tentées au sujet de la taille de ces an-
neaux; on a supposé que l'ouvrier employait une géode de silex dans
laquelle il taillait un anneau de deux coups seulement et qu'ensuite
il n'avait plus qu'à régulariser l'objet.
Je crois plutôt que la lame était détachée dans un nodule sphérique
et d'une matière très compacte, que cette lame naturellement discoï-
dale était régularisée jusqu'à former un disque parfait; qu'ensuite,
l'ouvrier la perçait au centre d'un trou conique au moyen d'un mor-
ceau de bois pointu et de sable quartzeux.
Ce trou conique était le point de départ des éclats à l'aide desquels
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS [NDIGENES<DE L'EGYPTE
61
l'anneau étail évidé, el ces éclats étaient obtenus, non par percussion,
ce qui eût inévitablement brisé l'objet, mais par pression, <'n alternant
sur Tune et L'autre face il<- l'éclat.
Cette explication, bien que satisfaisante, n'es! peut-être pas la bonne;
elle montre, cependant, de combien de précautions l'ouvrier devail
s'entourer pour obtenir un bracelel de silex. Ces bijoux étaienl sans
contredit extrêmement précieux pour les indigènes. Ils apparaissent
avec les sépultures les moins anciennes de I âge néolithique, H dis-
paraissent avec la venue des Egyptiens, pour ne plus jamais être en
usage.
> AAM>UAM AM A »AAMÀAM>
[J^
Fig. 10.3. — Ivoire. Nécropole de Négadab (Toukh).
Fig. 124. — Ivoire. id.
Fig. 12Î. — Ivoire. id.
Fig. 126. — Ivoire. id.
Fig. 127. — Ivoire. id .
Fig. 128. — Ivoire. id.
Fiç. 129. — Ivoire. id.
1/2 grandeur naturelle.
11 a été prétendu que, de nos jours encore,
usage. Cette assertion est non seulement
rieuse me l'a prouvé, mais elle est même 1
possible de trouver, aujourd'hui en Egypte,
de lever sur un nucléus la moindre lame de
Fl. Pétrie, pi. LXIII, fig. 66.
id. id. fig. 5g.
id. id. fig. 5i .
id. id. fig. 63.
id. id.
id. id. lii. 56.
id. id.
les fellahines en faisaient
fausse, une enquête - -
idicule : car il serait im-
un seul individu capable
silex et, à plus forte rai-
62 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
son, de tailler an objet aussi compliqué que l'est un anneau régulier.
Les bracelets de silex marquent l'apogée dans l'arl d'éclater la
pierre, et c'est en Egypte seulement qu'on les rencontre ; nous ne de-
vons donc pas être surpris de découvrir dans les sépultures indigènes
ces couteaux et ces poignards merveilleux dont la fabrication n'est
qu'un jeu d'enfant à côté des soins qu'exigeait la taille d'un bracelet.
Peignes. — Les peignes sont en os ou en ivoire; il en existait pro-
bablement aussi en corne, en bois et en écaille de tortue, mais ces ob-
jets, très fragiles, ne sont pas parvenus jusqu'à nous.
Les peignes sont presque toujours hauts et étroits, munis de longues
dents coniques et ornés de figures animales découpées à la scie (fig.
123 à 136). Ils semblent avoir servi d'objets de parure, bien que les
Fig. i3o à i36. — Peignes d'os et d'ivoire. i/3 grandeur naturelle. (Fig. i3o. Kjœk-
kenmœdding de Toukh. — Fig. i3t. Kjœkkenraœdding de Zawaïdah. — Fig. i32 a
i36. Nécropole de Gébel-Tarif1.)
représentations grossières que nous avons des indigènes nous les
montrent portant les cheveux courts. On ne conçoit guère l'usage du
peigne piqué dans la chevelure dans ces conditions, et cependant
dans les tombeaux on les rencontre souvent placés près du crâne; des
découvertes ultérieures pourront seules fixer ce détail.
Pendeloques. — Les sépultures indigènes renferment bon nombre
de menus objets en os et en ivoire dont je n'ai pu jusqu'ici déter-
miner l'usage. Ce sont des sortes de pendeloques (fig. 137 à 147)
formées par l'extrémité coupée d'une côte d'animal ou d'une défense,
percées souvent d'un trou au sommet, et par conséquent devant être
i. C'est par erreur que ces objets ont été publiés dans mes Recherches de 1896,
page 147, fig. 338 à 342, comme ayant été découverts à Saghel-el-Baglièh; ils pro-
viennent de Gébel-Tarif.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈN1 - DE L'ÉGYPTl
portées la pointe en l>as, munies dans leur partie la plus large d'une
forte échancrure <>t couvertes de lignes brisées ou de dessins géora
triques rudimentaires.
Ces pendeloques son! généralemenl pleines et par conséquent
n'ont pu renfermer des fards ou des parfums; plus raremenl ce ^<>iii
de petits vases.
Il y a lieu de ranger dans la même catégorie les longs bâtons i reux
d'ivoire(fig. 108- 1 l<>) représentant grossièrement l'image de l'homme :
la partie la plus large de L'objet «Hait fermée par un bouchon d'une
Fig.
i37.
— Ivoire.
Fig.
i38.
— Cuir.
Fig.
139.
— Cuir.
Fig.
140.
— Cuir.
Fig.
141.
— Cuir.
Fig.
1^2.
— Cuir.
Fig.
i43.
— Albâtre.
Fig.
44.
— Ivoire.
Fig.
i45.
— Ivoire.
Fig.
i46.
— Ivoire.
Fig.
147.
— Ivoire.
Fig. 137 à 1I7. — Pendeloques. — i/3 grandeur naturelle.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
Pétrie,
Pi
1 XII,
Gg
id.
id.
fig-
id.
id.
fig.
id.
id.
fig.
id.
id.
fig-
45.
id.
Pi
I.X1V.
fig.
07-
id.
pl
I.XII.
fig.
II.
id.
id.
fig.
'.'-.
id.
id.
fig.
"'.
id.
pi.
LXIV,
fig.
96.
id.
id.
fig.
95.
substance résineuse, et la cavité contenait des matières colorantes
telles que du sulfure d'antimoine.
Une autre catégorie d'ornements (fin'. 148 a 155 . eux aussi ni
en ivoire, semble être entrée dans l'habillemenl ou la coiffure. Ce
sont des lames d'os et d'ivoire, découpées suivant des formes très
originales et couvertes de dessins géométriques très simples. Beau-
64 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
coup de ces plaquettes sont, comme les pendeloques dont il vient
d'être question, percées d'un trou de suspension ou d'attache; leur
usage précis est également inconnu.
Comme on le voit, les indigènes étaient grands amateurs de parure
et ils employaient à cet effet toutes les matières que leur fournissaient
l'Egypte et les montagnes voisines. La mer Rouge et le Nil leur li-
vraient les coquilles ; les montagnes, leurs cornalines et les pierres
Fig.
i48.
— Schiste.
Fig.
J49-
— Schiste.
Fig.
i5o.
— Ivoire.
Fig.
i5i.
— Ivoire.
Fig.
l52.
— Ivoire.
Fig.
i53.
— Schiste.
Fig.
i54.
— Ivoire.
Fig.
i55.
— Schiste.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
Pétrie
pi.
LXII,
%.
4r.
id.
id.
fig.
te.
id.
pi.
LXIV
fig'
9°
id.
PL
LXII,
fig.
37-
id.
id.
fig.
38.
id.
PL
LXIV,
fig.
89<
id.
PL
LXII,
fig.
4o.
id.
id.
fig-
43.
aux couleurs vives; des animaux qu'ils tuaient à la chasse, ils tiraient
les peaux pour leur habillement et l'ivoire.
Nous retrouvons en Egypte chez les indigènes bien des usages que
nous connaissons déjà en Europe comme ayant été ceux des habitants
néolithiques de nos contrées, et que nous constatons encore chez
beaucoup de tribus sauvages parmi lesquelles le goût de se parer a
devancé le besoin de se vêtir. En Egypte, la flore et la faune différaient
entièrement de celles des autres pays du monde, elles offraient aux
indigènes des ressources spéciales; mais, ces matières premières,
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
l'homme les utilisa dans la même pensée que ses congénères des
autres pays <lu monde.
6° Danse. — Les grossières peintures qui couvrenl certains
et la figurine fig. loi d'où j'ai tiré les renseignements relatifs aux
tatou aère s, uous montrenl des femmes les bras levés au-dessus de la
tête >'i dans une attitude qui ne peul être autre que celle de la danse.
Les danses existenl chez Nuis les peuples sauvages el souvenl même
les conquérants onl adopté les danses particulières aux vaincus;
l'Amérique du Sud nous en offre un grand nombre d'exemples. En
Egypte, le mêmefail semble avoir eu lieu, car nous voyons dan- les
bas-reliefs de l'Ancien Empire ' des scènes de danses dans lesquelles
des femmes élèvent les bras au-dessus de la tète, toutcomim- nous le
montrent les représentations peintes sur les vases indigènes.
Les danseuses d'époque pharaonique n'étaient pas tatouées, les
peintures des mastabas en font foi : mais la pose est exactement la
même et il est à supposer qu'aux débuts de l'empire égyptien les
danses comprenaient, en même temps que celles spéciales au peuple
conquérant si toutefois il avait cette coutume, celles des populations
asservies.
Si nous examinons l'histoire de toutes les conquêtes, tant des inva-
sions antiques que des occupations modernes des territoires sauvages,
nous voyons toujours les vainqueurs, se livrant à des réjouissant
faire danser devant eux les peuples vaincus et peu à peu adopter les
usages des indigènes. Xe voyons-nous pas la lezginka, cette danse
essentiellement caucasienne, dansée dans le Palais de Saint-Péters-
bourg.
Les femmes qui, dans l'antiquité, se livraient à la danse étaient
presque toujours des esclaves, c'est-à-dire qu'elles appartenaient à des
races vaincues et captives : elles dansaient les danses de leur pays
d'origine. Aujourd'hui encore ne faisons-nous pas venir dans no-
capitales des individus de tous les pays sauvages pour assister à leurs
danses.
Il est donc très rationnel d'admettre que les conquérants égyptiens
ne dérogèrent pas à cette loi générale et que les danses indigènes
continuèrent d'être pratiquées bien longtemps après la fusion des
deux races.
7° Habitation. — L'examen rapide du kjœkkenmœdding de Toukh
i. fombeaux de Ti, de Mera, etc., à Saqqarah.
66 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
m'avait fait penser, en L896, que les restes déniaisons de briques crues
que renferme le tell appartenaient à la période indigène; mais l'étude
plus approfondie des huttes analogues à Kawamil, à Silsileh et à
Toukh môme m'amène aujourd'hui à rectifier cette erreur.
Chaque fois qu'on rencontre des briques crues, soit dans les kjœk-
kenmœddings,soit dans les sépultures, on trouve en même temps des
objets métalliques, tels que harpons, aiguilles, petits ciseaux, etc.,
mélano-és aux silex taillés et aux tessons de vases. La brique crue per-
met donc de ranger les vestiges dans la période égyptienne des
débuts, et l'art de la travailler est l'une des caractéristiques de cette
époque.
Les indigènes ne connaissaient pas la brique, dont l'usage fut pro-
bablement apporté de Chaldée par les étrangers. Ils construisaient
de simples huttes de branchages ou de roseaux, si nous en croyons
les observations que j'ai pu faire dans les kjœkkenmœddings qui ne
renfermaient pas de métaux.
Dans un pays comme l'Egypte où les froidures ne sont pas à redou-
ter, de simples huttes de roseaux suffisent a garantir contre les ar-
deurs du soleil et la violence du vent; les Bédouins en font encore
constamment usage et les fellahs eux-mêmes, lorsque quittant leurs
villages ils vont conduire leurs troupeaux dans les champs à l'époque
des verdures, s'abritent sous des huttes faites de tiges de dourah.
A Ras-el-Bahr, où chaque année, un grand nombre d'habitants du
Caire fuyant les chaleurs, vont en été vivre au bord de la mer, on
habite dans des maisons de roseaux ; j'y ai moi-même vécu pendant
plusieurs mois et par expérience j'ai constaté que ces abris sont très
confortables.
Ce qui se passe aujourd'hui se passait également il y a dix mille ans
et nous en trouvons la preuve dans les kjœkkenmœddings réellement
indigènes qui contiennent mélangés aux cendres et aux restes de la
vie humaine une foule de débris de branchages, de roseaux et de
joncs.
A Toukh, la base du kom est formée de ces vestiges préhistoriques
et c'est dans les couches supérieures seulement qu'on rencontre les
ruines des habitations égyptiennes caractérisées par la poterie et les
objets métalliques.
Le site de Toukh fut abandonné peu après la conquête égyptienne
et remplacé par la ville de Noubl située à un kilomètre plus au nord;
la vie se continua là pendant toute la période pharaonique.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 61
A (iebelein, au contraire, remplacement des huttes préhistoriques
se recouvrit successivement de constructions el tandis qu'à La base
du tell on rencontre les véritables kjœkkenmœddingsanté-historiques,
au sommet on voit des ruines de maisons grecques el romain
Quant à la position des lieux que choisissaient les indigènes pour
leurs établissements, il esl bien difficile de la définir, car aujourd hui
les restes des campements, qui jadis étaienl situés dans la vallée, sonl
recouverts d'épaisses couches de limon dont l'épaisseur peul attein-
dre 13 à 14 mètres. Nous ne pouvons donc parler que des stations qui,
se trouvant situées sur le bord du désert, sont restées à l'abri de
inondations. Dans la plupart des cas, les kjoekkenmœddings sonl ti
voisins de la limite actuelle des cultures; ils s'en éloignent raremenl
de 150 ou 200 mètres.
Quant à la population, elle était très nombreuse, si nous en jugeons
d'après la quantité considérable de sépultures que renferment les
nécropoles et par le grand nombre de ces cimetières. Lorsqu'on par-
court la lisière du désert entre Kawamil au nord et Thèbes, il est rare
qu'on fasse plus de quatre ou cinq kilomètres sans rencontrer soit
des nécropoles, soit des kjoekkenmœddings, soit des silex tailles
épars en grand nombre sur le sol et montrant que des recherches plus
minutieuses amèneraient la découverte de véritables stations.
Entre Kawamil et Silsileh, les restes d'époque historique sont a
peine plus nombreux que les vestiges préhistoriques. Les cimetières
musulmans eux-mêmes n'indiquent pas un nombre beaucoup plus
considérable d'habitants et nous savons que la population actuelle de
l'Egypte dépasse deux cents habitants par kilomètre carré de surface
cultivable.
Sans pousser trop loin ces considérations, sans admettre qu'aux
temps préhistoriques la population de l'Egypte était aussi nombreuse
qu'aujourd'hui, nous devons cependant reconnaître qu'elle était très
considérable. Nous trouvons dans certaines vallées de l'Afrique cen-
trale, dont les tribus sont encore à l'état sauvage, des points de com-
paraison qui nous permettent déjuger de ce qu'était la population in-
digène dans la vallée du Nil avant l'arrivée des Egyptiens. Lesvillag -
nègres sont situés à flanc de coteau et sur toutes les hauteurs voisines
de la vallée, qui nourrit les bestiaux et fournil les terrain- de cul-
ture.
8° Chasse. — L'homme néolithique en Egypte était un peuple chas-
seur et pêcheur. Le gibier abondait dans la vallée du Nil comme il
68 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
abonderait encore aujourd'hui, si les armes à feu n'avaient apporté
des moyens infaillibles de destruction et n'avaient chassé les ani-
maux sauvages jusqu'au centre du continent africain.
L'éléphant qui vit sur le haut Nil Blanc et sur ses affluents, qui se
rencontre encore en bandes nombreuses sur le moyen Nil Bleu et va
jusqu'à faire des incursions dans les territoires italiens, vivait proba-
blement en Egypte dans les débuts; mais grâce au peu de largeur de
la vallée, au manque absolu de grandes forêts, il dut être l'un des pre-
miers animaux qui furent obligés de rétrograder devant l'homme et
de gagner les solitudes de l'Afrique centrale.
Nous rencontrons dans les sépultures indigènes un grand nombre
d'objets en ivoire d'éléphant et souvent même la forme naturelle de
la défense s'est conservée d'une manière qui ne permet aucun doute.
Les graffiti et les peintures des vases nous montrent également le
grand pachyderme africain dont le nom s'est conservé jusqu'à notre
ère dans l'île d'Éléphantine; mais il n'est pas possible de dire si, vers
les derniers temps de l'époque néolithique, les indigènes chassaient
encore l'éléphant en Egypte ou s'il recevaient son ivoire par le com-
merce de l'intérieur1.
Les mastabas les plus anciens ne nous fournissent jamais la repré-
sentation de l'éléphant parmi les animaux de la faune égyptienne; nous
devons en conclure qu'à la IIIe dynastie, ce pachyderme était depuis
longtemps étranger à l'Egypte.
L'hippopotame, au contraire, que nous voyons figurer si souvent
dans les bas-reliefs de l'Ancien Empire, vécut dans le Delta jusqu'à
l'époque des Croisades; il était d'une extrême abondance durant les
siècles qui précédèrent l'arrivée des Egyptiens et il n'est pas une né-
cropole, pas un kjœkkenmœdding qui ne nous fournissent des preuves
que son ivoire était d'un emploi courant.
Le rhinocéros semble avoir été plus rare, si toutefois il vivait en
Egypte à ces époques reculées. J'ai rencontré dans la partie inférieure
du kjœkkenmœdding de Toukh un fragment de corne de cet animal.
Il est à remarquer que le rhinocéros ne figure pas dans les bas-
reliefs de l'Ancien Empire.
Le bœuf sauvage, analogue à celui que nous rencontrons encore
i. Le nom de l'île d'Eléphantine, à la première cataracte, est un indice certain de
l'existence de l'éléphant en Egypte aux débuts de l'Ancien Empire. L'inscription d'Ounas
et les textes du tombeau de Hirkouf nous montrent fréquemment ce nom écrit avec la
représentation du grand pachyderme africain.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNJ - DE L'EGYPTE </<
dans l'Abyssinie, vivail alors en Egypte; 1--- gazelles, les antilopes
étaient en grand nombre, dans la vallée comme au désert.
Le sanglier ou cochon sauvage étail forl abondant; les kjœkken-
mœddings renfermenl en grand nombre les os de cel animal, et, sui-
vant le professeur Schweinfurth, les sangliers qu' encontre aujour-
d'hui si rarement au Fayoum ne seraienl peut-être que les descen-
dants de la race primitive
Tels sont les principaux quadrupèdes que l'indigène chass
dans la vallée et dans les montagnes ; je ne parlerai pas des carnassiers
tels que le lion, le guépard, le léopard, l'hyène, le loup, le chacal, le
chat sauvage, etc. qui constituaient pour lui un réel danger; du
crocodile, son plus grand ennemi, dont (railleurs il ne pouvait tirer
que fort peu de parti.
Quant aux volatiles, ils étaient extrêmement nombreux etformaient
une partie très importante de l'alimentation des indigènes.
Parmi les oiseaux, l'autruche, alors abondante a l'état sauvage,
semble avoir joué un rôle important dans la vie des hommes néoli-
thiques. Ses œufs, percés et couverts de peintures, se rencontrent
assez souvent dans les nécropoles; ses os sont abondants dnn> les
kjœkkenmœddings et, dans le désert Arabique, on rencontre très fré-
quemment sur le sol des fragments de ses œufs.
Après avoir donné la liste sommaire du gibierque chassait l'homme
en Egypte, il est nécessaire de montrer quel était le terrain de chi
avant d'entrer dans le détail des armes dont l'indigène disposait pour
se procurer les animaux nécessaires à sa vie.
Le désert et les montagnes qui, à l'est et à l'ouest, bordent la vallée
du Nil étaient alors ce qu'ils sont encore de nos jours, c'est-à-dire d'une
aridité presque absolue. Ce domaine était celui des antilopes, des
gazelles et de l'autruche, mais c'est dans la vallée du Nil que se
trouvaient les chasses importantes.
Le Nil, sans digues et sans contrainte, oscillait alors suivant son
caprice, de la chaîne Libvque à la chaîne Arabique, formant un nombre
considérable de bras, dont beaucoup restaient a sec pendant la majeure
partie de l'année, laissant des îles couvertes de végétation, des
marais profonds, au pied des montagnes, déracinant, une année. les
bois qu'il avait laissé pousser pendant les années précédentes, el
pendant ses crues couvrant la vallée tout entière.
C'est au milieu de cette jungle remplie de plantes épineuses, dans
ces marécages bordés de roseaux, de joncs et Ai' papj rus que se tenait
70 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
le gibier; c'est là que l'homme devait aller le chercher, aussi bien
armé que possible, car jamais le chasseur ne savait s'il n'allait pas
rencontrer face à face l'un de ces ennemis redoutables, tels que le
rhinocéros, l'hippopotame, le lion, le crocodile et s'il n'en serait pas
la victime.
Dans les pays où vivent encore ces terribles animaux, le chasseur
indigène, privé d'armes à feu, ne s'avance qu'avec des précautions in-
finies, il se glisse sans bruit dans les broussailles, passe des nuits et
des journées à l'affût, cherchant dans les arbres un abri contre les
attaques. J'ai vu des Négritos en chasse, armés de leurs arcs et de
leurs sarbacanes aux flèches empoisonnées : ils marchent isolément,
se faufilent entre les troncs d'arbres et agissent avec tant de prudence
et de silence, que souvent ils arrivent jusqu'à dix pas seulement de
la pièce qu'ils poursuivent sans éveiller son attention. Tout en épiant
leur proie, ils jettent de tous côtés les yeux et surveillent les moin-
dres bruits de la forêt.
Je me représente l'indigène d'Egypte employantes mômes procédés
que les Négritos, se procurant beaucoup plus de gibier à l'aide de
pièges et de lacets que par l'usage de ses armes; mais, lorsqu'il partait
en chasse usant de toutes les précautions et n'agissant qu'avec
une patience infinie.
Il n'entrait dans les fourrés que muni de toutes ses armes, car il
pouvait renconter des ennemis plus terribles que l'homme et mieux
que pour la guerre il devait être prêt à la défense.
Je décrirai donc en traitant de la chasse toutes les armes qu'em-
ployaient les indigènes, car elles lui servaient aussi bien pour lutter
contre ses semblables que pour attaquer les animaux. D'ailleurs nous
ne possédons aucun document sur les relations qui existaient entre
les diverses tribus; elles étaient probablement souvent en guerre si
nous en jugeons, d'après ce qui se passe chez toutes les peuplades
sauvages, mais nous n'avons aucune certitude à ce sujet. Je rappor-
terai donc tout l'armement à la chasse.
La forme la plus simple de l'arme est le bâton, les indigènes
l'employaient, j'en ai retrouvé des traces dans les tombeaux; les
Égyptiens pharaoniques en faisaient grand usage et, de nos jours
encore, il n'est pas un fellah qui sorte de sa maison sans être muni
de son nabout* long bâton de bois dur, plus lourd à l'extrémité qu'à
la partie qu'on tient à la main, et qui constitue une arme terrible.
Afin de rendre le coup plus dangereux les indigènes armaient leurs
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES D] L'EGYPTE 71
bâtons d'une masse pesante faite de pierre ou d'ivoire (fig. L56 Ils
Fig. i56. — Masse d'ivoire, aécropole de Silsileh, i - grandeur naturelle.
employaient à cet effet la diorite, les roches dures des environs
d'Assouan (fig. 157-164), ou même l'albâtre dans le cas, probablement,
où la massue devenait un simple signe de commandement.
Les masses affectent des
formes très diverses : les
unes sont coniques, d'au-
tres sont arrondies. Ce
dernier type est resté en
usage pendant toute la du-
rée de l'empire égyptien :
j'en ai trouvé dans les
tombes princières de la
XIIe dynastie à Dahchour;
on le voit figuré sur tous
les monuments égyptiens
jusqu'à la fin de l'époque
romaine; les masses n'a-
vaient plus alors qu'une
signification convention-
nelle.
La masse n'est pas une
arme spéciale à l'Egypte;
son emploi fut courant dans
tous les pays, même les Fig. i57 à t6i. -- Masses en pierre (El-*Amrah).
, . ... , TI 1/2 grandeur naturelle. — Fig. î.'i; à 109.
plus Civilises. Il est ce- AJbâ(ref_Kg> l6o et l6l. Type d'emmanchement.
pendant intéressant de ci-
ter celles dont les indigènes de la Nouvelle-Zélande, de la Californie
et du Mexique font encore usage* et qui sont absolument sembla-
1. Th. Wilson, Smithsonian Report, 1890, p. 655, Gg -s
72
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
bles à celles qui, employées par les indigènes d'Egypte, furent adop-
tées par les Egyptiens pharaoniques et se nom ment au Mexique
riatta.
163
Fig. r(>2 et i63. — Masses d'albâtre. 1/2 grandeur naturelle (nécropole d'El-'Ararah).
Fig. 164. — Mode d'emmanchement des masses d'albâtre.
La hache était en même temps une arme et un instrument répon-
dant aux besoins de chaque jour : elle servait aussi bien à couper et à
fendre le bois qu'à tueries animaux.
Celles que nous rencontrons en Egypte en plus grande abondance
sont, à quelques petites différences près, de la même forme que celles
de lous les autres pays où l'âge néolithique a-été reconnu.
Les unes, en silex éclaté, sont les plus abondantes (fig. 1G5-170);
d'autres sont polies au tranchant seulement (fig. 171-172); d'autres,
enfin plus rares (fig. 173-174), sont entièrement polies. Les instru-
ments des deux premières catégories sont faits de silex; ceux de la
troisième sont en diorite, en serpentine et en roches cristallines
dures.
Les haches simplement éclatées sont très abondantes dans la
Haute-Egypte, tandis que c'est au Fayoum seulement (Dîmeh, Kom-
Achim, Omm-el-'All) que j'ai rencontré des haches de silex au tran-
chant poli.
Les haches entièrement polies se trouvent en Haute-Egypte; tous
les exemplaires que je connais proviennent du Saïd.
AI. Flinders Pétrie a trouvé dans les fouilles de Koptos (Kouft), au
niveau inférieur des couches atteintes par les tranchées, des haches
polies (fig. 175-177) munies en leur milieu d'un étranglement destiné
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 73
à l'emmanchemenl el présentanl de grandes analogies avec les ins-
truments cl 1 1 même genre qu'on trouve dans I Vmérique du Nord.
Fig. i65. — Hache en silex chamois. Kjœkkenmœdding de Zawaïdah.
4/5 grandeur naturelle.
Quelquefois cet étranglement t'ait place à un simple amincisse-
ment (fig. 178). Ce dernier type simplement éclaté se rencontre
quelquefois au Fayoum.
A Licht, a Kahoun, à Gourob, on a trouvé des haches fig. 179-180
d'un type spécial et qui semblentavoir été plus tard copiées en bronze,
si toutefois elles ne sont pas elles-mêmes des copies des armes
métalliques.
Jusqu'à preuve du contraire je crois que les celts fig. 165-174
74 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
appartiennent seuls à la période néolithique et sont le produit de l'in-
Fig. 166 à 170. — Hachettes en silex, 1/2 grandeur naturelle.
1716
Fig. 171-172. — Haches polies au tranchant. 1/2 grandeur naturelle.
dustrie des indigènes, tandis que les haches à étranglement ne sont
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES D] L'EGYPTE ::>
([ne des armes dont la forme a été inspirée aux indigènes par les ins-
truments métalliques des Égyptiens.
Les bas-reliefs de toutes l<is époques nous montrenl la hache égj p-
tienne de même forme que celles que renferment les tombeaux des
Fig. 173-174. — Haches entièrement polies. 4/5 grandeur naturelle.
Fig. 170 à 177. — Haches do pierre provenant de Koptos (Kouft). 1 î grandeur
naturelle.
temps historiques, et cette forme est la même, à peu de chose près,
que celles des haches de pierre portant un étranglement. Mais cette
76 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
question ne sera tranchée qu'alors qu'on aura trouvé de ces instru-
Hache en silex brun, station de Koni-Achim (Fayoum).
3/4 grandeur naturelle.
Fi#. 179. — Hache en silex jaune (station de Lient), i'i grandeur naturelle.
ments dans des sépultures dûment datées par l'ensemble de leur
mobilier et la position des corps, lait qui n'a pas encore eu lieu.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 77
Les poignards de silex sont assez abondants <ui Egypte dans Les
sépultures des indigènes; ce sont <l<' longues lames étroites, retail-
lées avec une grande habileté sur les deux faces <•! garnies ;■ leur
tranchant d'une série de dents très (ines destinées à les rendre plus
coupantes fig. 181-184 . Ces poignards ne sonl jamais pointus, mais
Fig. 180. -- Hache en silex jaune (station de Licht).
1/2 grandeur naturelle.
ne servaient que par leur tranchant. Les dents
cessent à la partie qui, entourée de peau ou
de corde, servait de poignée.
J'avais pensé tout d'abord que la plupart de
ces armes étaient des têtes de lances, mais
l'examen d'objets analogues provenant de
tous les pavs et conservés dans les musées
d'Europe m'a fait changer d'opinion : l'extré-
mité arrondie eût été défectueuse pour une
arme destinée à frapper de loin et le tranchant
des bords n'eût été d'aucun usage; tandis
que, tenue directement à la main, cette lame
répondait parfaitement aux besoins pour les*
quels elle avait été fabriquée. On rencontre
des poignards de pierre dans toutes les con-
trées où la civilisation néolithique a pris un gr
1
i~ ■-
1 ig. 181. — Poignard en
silex jaune (nécropole
d El-'Ainiah. 1/2 gran-
deur nature.
uni développement :
78 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L EGYPTE
dans les pays Scandinaves, dans les deux Amériques', les armes de
ce genre sont nombreuses.
Fig 182 à X84- Poignards en silex. ,/a grandeur naturelle (l8a, silex jaune clair
nécropole dAbydos.- l83> silex gris jaune, Abydos. - l84t silex brun ver. El-
Amrah). '
1. Cf. poignard de pierre emmanché de bois. Tribu Tinglit (Alaska). Al P Niblack
bmithsoman Report, 1890, p. 284, fig. 108 c. '
me
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIG1 ŒS DE ] EGYPTE 79
Comme lions n'avons encore rencontré aucune trace d'emmanche-
nt en ce qui concerne les lances el les poignards, il esl impossible
de déterminer l'usage de ces armes autremenl que par l'examen des
conditions que remplissent les objets de silex el peut-être découvrira-
t-on plus tard des lames droites ayant servi de point.' à des lan< es;
mais, dans les derniers temps de l'usage de la pierre, il semble que
les têtes de lances eussent été toutes à double pointe.
■
7
r*n
• -
187
Fig. i85 à 187. — Tètes de lance en silex jaune. 1/2 grandeur nature (i85, nécropole
d'El-'Amrah. — 186 et 187, nécropole d'Abydos .
Ces objets (fig. 185-187) sont essentiellement caractéristiques de la
tin du néolithique en Egypte, sinon des premiers temps de rétablis-
sement des Egyptiens. Nous les trouvons à Toukh, à Négadah, à
Ahydos, aussi bien dans les sépultures indigènes des derniers âge*
que dans les tombes royales. Dans les stations plus anciennes, je n'en
ai jamais rencontré et peut-être doit-on attribuer aux Égyptiens l'ap-
parition de cette forme dans la vallée du Nil. J'ai montré, dans mon
précédent volume, que les tètes de flèches indigènes étaient toutes
pointues, tandis que celles des conquérants étaient tranchantes. Peut-
80
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
être cette coutume s'appliquait-elle également aux têtes de lances,
clans les débuts.
Quelques peuples ont fait usage de pointes doubles soit pour les
lances, soil pour les poignards. Nous en rencontrons des exemples
frappants (fig. 188) dans les sépultures antiques du Caucase et (fig. 189)
chez les tribus nègres du Gonero.
188 189
Fig. 188. — Pointe de lance en fer trouvée en Ossélhie près de Récome (Caucase) (B.
Wyrouboff, Objets d'antiquités du Musée de la Société des amateurs d 'archéologie
du Caucase. 1877, Tiflis, livraison I, pi. IV, fig. 3). 1/2 grandeur naturelle.
Fig- 189. — Poignard des nègres de la forêt du Haut-Congo, d'après un croquis, du
professeur Schweinfurth (Objet donné par le capitaine Lothaire au comte von Gotzen).
Si nous ne pouvons déterminer exactement l'époque des têtes de
lances à deux pointes, nous sommes mieux renseignés au sujet des
pointes du type ordinaire (fig. 190-195) qui se rencontrent en abon-
dance dans les stations purement néolitiques. Ces silex, de taille
relativement petite, etaienl-ils destinés à armer des lances ou desjave-
ETHNOGRAPHIE DES POP1 LATIONS [NDIGÈN] 3 DE L'EGYPTE
81
lots, je no saurais me prononcer; dans tous les cas ils sonl trop
pesants pour être [.lace à l'extrémité d'une flèche.
A.U Fayoum, j'ai rencontré égalemenl «les pointes à cran, i est-
à-dire donl le pédoncule esl latéral par rapport à l'ensemble de l'objet.
Ces pointes existent égalemenl en Europe1.
191 19:! 193 194 195
Fig. 190 à 19.5. — Tètes de lances ou de javelots. Station de Kom-Achim (Fayoum).
1/2 grandeur naturelle (190, silex jaune avec gangue grise. — 191, silex brun. —
192 à 195, silex jaune).
Les pointes de flèches néolithiques d'Egypte (fig. 196 à 206-207 à
219) présentent les mêmes formes que celles qu'on rencontre dans
les autres pays du monde; on les trouve en abondance dans toutes
les stations de l'Egypte, leur type diffère peu, suivant les localités.
Cependant la station d'Hélouan a fourni des formes spéciales qui,
bien que très localisées, ne méritent pas moins d'être signalées
d'une façon particulière.
Les unes (fig. 220-222) se composent d'un simple éclat de silex
muni d'un ou de deux crans de chaque côté destinés au passage du
lien qui retenait la pointe à la hampe. Les autres (fig. 223-225) ren-
trent dans la catégorie des « petits silex taillés à contours géomé-
triques » de M. Adrien de Mortillet*. Leur mode d'emmanchement
(fig. 226) se déduit aisément de la manière dont certains os pointus
sont fixés aux flèches par les sauvages modernes.
i. Vallée de Vibrata (Italie). Musée de Saint-Germain.
2. Revue mensuelle de l'École d'anthropologie, t. XI. i5 nov. 1896.
82 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
Fi" 106 à 206 — Pointes de flèches, grandeur naturelle (196, silex brun, Dimeh. —
iq7 silex brun rouge, Dimèh. - 198, silex violacé, Kom-Achim. — 199, silex brun
jaune Dimèh — 200, silex noir corné, Dimèh. — 201, silex brun veine de noir,
Kom-Achim. — 202, silex jaune, Dimèh. — 2o3, silex gris brun, Dimeh. — 204,
silex violacé veiné de noir, Dimèh. — 2o5, silex brun, Dimèh. — 206, silex jaune,
Dimèh).
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
83
Os sortes de pointes ne sont p.-is spéciales ;i la station <l Hélouan
on les rencontre en France1, en Belgique1, en Angleterre', au Por
107
214 - ' i
Fig. 207 à 21g. — Pointes de flèches en silex (nécropole d'Abydos), grandeur naturelle.
tugal*, en Espagne*, en Italie6, en Allemagne, en Pologne, en P»ii>-H'7.
en Syrie8, aux Indes 9, en Tunisie10, en Algérie11 ; elles diffèrent beau-
I. La Sablonnière à Coincy-l'Abbaye (Aisne); Hédouville (Seine-et-Oise) ; Fère-en-
Tardenois (Aisne) ; Berru (Marne) : Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne ! : Saint-Pierre
du Regard (Orne); bord des étangs de Lacanau et de Hourtin (Gironde) ; arrondisse-
ment d'Orange (Vaucluse) ; Saint-Laurent (Basses-Alpes), etc.
•_>,. Entre Namur et Dinant, à Hastières, Hurcogne, Tohogne, dans le Brabant, la
Flandre orientale, etc.
3. Castle Hill (Sussex); Sevenoak (Kent) ; Oxford); Brandon (Suffolk): West Keal
(Lincoln), etc.
4. Grottes de l'Estraraadure. Amas de coquilles des rives du Tage.
.") Province d Almeria, grotte Cueva del Tesoro près de Malaga.
(5. Environs de Pérouse, bassin du lac Trasimène, vallée de la Vibrata, Abruzzc^.
Capilanate, Toscane, Lombardie, etc.
7. Gouvernements de Pologne, de Kielce, de Radom, de Crimée, etc.
8. Près de Bethléem.
u. Dans l'Inde centrale entre Nerbouda, le Gange et la Djounin.i. dans le district
d'Allahabad.
10. Oasis de Mtouïa et d'El-Hamma, à Gabès.
II. Environs d'Oran, de Constantine, etc.
84 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
coup, quant à la technique, des silex taillés ordinaires à l'Egypte et
peut-être sera-t-on conduit un jour à les attribuer à des populations
étrangères Ce sont ces silex d'Hélouan qui ont été, d'une manière
aussi grossièrement contraire au bon sens, rangés dans l'époque
arabe.
Telles sont les armes avec lesquelles les indigènes entraient en
lutte dans les combats et à la chasse. Ces moyens rudimentaires leur
suffisaient cependant pour abattre l'hippopotame, le crocodile et le
lion, tout comme aujourd'hui les sauvages de l'Indo-Chine, dont l'ar-
mement n'est certes pas supérieur, abattent l'éléphant et le tigre. Les
221
Fig. 220 à 22o. — Pointes de flèches en silex, grandeur naturelle (station d'Hélouan
récoltes A. Lombard).
chasses devaient être très productives, car, si nous en jugeons par
les débris que renferment les kjœkkenmœddings, le gibier entrait
pour une part très importante dans l'alimentation des indigènes.
9° Pêche. — Le Nil et les marais sont encore de nos jours extrême-
ment poissonneux. Les espèces y sont très nombreuses et quelque-
fois atteignent des dimensions considérables. Les salmonidés du
Chellal, entre autres, pèsent parfois 100 kilogrammes, leur moyenne
est de 50 à 60.
Dans les parties du fleuve où les eaux sont tranquilles et dans les
marais vivaient en abondance la tortue, les hélérobranches. les si-
lures, les bayads (Porcus), les Pimelodus, Malapterurus, Mormyrus,
dont le M. oxyrrynchus célèbre dans la fable d'Osiris, plusieurs
espèces de cyprins, les anguilles, etc.
I rHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES M L'EGYPTE
85
Tous ces poissons atteignenl une grande taille; leur chair esl forl
bonne, quoi qu'en pensent la plupart des Européens d'Egypte, el leur
capture est aisée car ils sonl d'une extrême voracité.
D;ins les rapides e1 les eaux vives, près des rochers, les salmo-
nidés dominent, faisant leur nourriture de poissons; ils se tiennenl
au dessous des cascades, attendant leur proie. < in les pêche aujour-
d'hui à Assouan en laissanl traîner dans le couranl une longue corde
assujettie au rocher el armée d'un forl croc sur
lequel, comme amorce, on mel un poisson pesanl
souvent plus d'une livre.
Dans les marais la pèche se fait de nos jours au
filet, et au moment delà baisse des eaux le poisson
peut être pris à la main.
En toute saison les eaux du Nil sont troubles et
il est difficile d'y apercevoir un poisson à plus de WÊk
trente ou quarante centimètres de profondeur;
mais dans les marais, peu après la baisse des eaux,
les limons se déposent et l'on peut aisément dis-
tinguer un objet placé à deux mètres au dessous
de la surface.
Pendant les hautes eaux la pêche devient très
difficile, le fleuve ayant atteint un volume énorme
et les poissons trouvant aisément leur nourriture
dans les débris arrachés par le courant.
D'Assouan à Damiette il n'existe pas une seule
herbe dans le lit du Nil, le fond sableux ou boueux
se déforme sans cesse. Il n'est donc pas surpre-
nant de rencontrer dans le Nil un bien plus grand nombre d es-
pèces carnivores et omnivores que d'espèces faisant uniquement
leur nourriture de substances végétales. Au contraire, les mangeurs
de corps morts sont très abondants.
Le lit boueux du Nil ne permet pas d'y pêcher à l'aide de lignes
traînant sur le fond, carde suite les amorces s'envasent et les pois-
sons ne les rencontrent plus.
Du 1er août environ au 15 octobre le fleuve étant très haut, la pèche
n'est plus possible dans la vallée du Nil, mais du 15 octobre au
1er janvier les eaux se retirant laissent à sec une grande quantité de
poisson. Pendant les sept mois qui séparent le retrait des eaux de la
»s
86 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
crue suivante, la pêche peut être reprise régulièrement dans le fleuve
comme clans les marais.
Les indigènes se trouvaient donc privés de poisson pendant envi-
ron deux mois et demi ou trois mois, mais durant ce temps la chasse
était pour eux bien plus productive. Car l'inondation marque le début
de la saison des oiseaux d'eau de passage, et le gibier sédentaire,
chassé par les eaux, se réfugiait sur la lisière du désert et dans les
îlots où il était aisé de l'aller chercher.
Si je suis entré dans tant de détails au sujet des conditions de la
pêche en Egypte, c'est pour l'aire mieux comprendre de quelles
ressources le poisson était pour les indigènes et quels engins pou-
vaient être employés pour se le procurer.
Le filet était d'un usage courant. Sous l'Ancien Empire, les masta-
bas nous fournissent tous les types alors employés en Egypte. Le
plus usité était la senne qu'emploient encore les pêcheurs du lac
Menzaleh; nous voyons aussi représentées la nasse, et une sorte de
lilet formant l'intermédiaire entre le carrelet et la puisette.
Nous ne savons pas jusqu'ici d'une manière absolue si les indi-
gènes connaissaient le filet, car nous n'en avons pas rencontré de ves-
tiges, mais tout porte à croire que, de même que les habitants néoli-
thiques des cités lacustres, ils en faisaient grand usage. Peut-être
même les Égyptiens ont-ils tiré de leurs prédécesseurs dans la vallée
du Nil tous les procédés de pêche qu'ils employèrent pendant toute
la durée des temps pharaoniques. Tous les hameçons que nous pos-
sédons jusqu'ici sont métalliques, ils ont été trouvés dans les kjœk-
kenmœddings et dans les sépultures d'époque égyptienne à Toukh,
Zawaïdah, Négadah etKawamil. Quant aux instruments qui, à l'époque
néolithique, remplaçaient l'hameçon, nous n'en avons pas la moindre
trace ; il est juste de dire qu'il suffisait pour prendre le poisson d'atta-
cher en son milieu une pointe de silex ou un fragment d'os pointu
aux deux extrémités1 et que de semblables instruments ne se retrou-
vent pas aisément.
Le seul engin de pèche dont nous ayons retrouvé des traces à
toutes les époques est le harpon Au temps où les indigènes vivaient
seuls dans la vallée du Nil. il était fait soit de silex (fig. 227), soit
d'ivoire ou d'os (fig. 228 à 232); les harpons de bois, et il en existait
i. A Mooseedorf (Suisse) on a trouvé uu hameçon muni d'un crochet et taillé dans
une défense de sanglier. A Waugen (Suisse) l'hameçon est formé d'une petite ba-
guette d'os attachée en son milieu.
ETHNOGRAPHIE DES PDPI I ETIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 87
bien certainement, ne s.. ni pas parvenus jusqu'à uous. Plus tard,
quand les métaux eurenl fail leur apparition dans le pays, la matière
employée pour fabriquer les harpons fui de
bronze fig. 233-234), mais la forme el la d
tination ne changèrenl pas.
L< ss bas reliefs de l'Ancien Empire nous
monlrent de nombreuses scènes de chasse el
de pêche dans lesquelles il esl fait grand
usage du harpon. Cette arme ne cessa donc
pas d'être employée el si nous n'en retrouvons
pins de traces dans les temps presque mo-
dernes de la civilisation égyptienne, c'esl
qu'on abandonna la représentation des scènes
de la vie courante pour les remplacer par des
tableaux d'un archaïsme conventionnel. Les
temples de l'époque ptolémaïque nous fournissent parfois des re-
présentations du harpon. Mais les lias-reliefs de cette époque ne
sont en général que des copies des œuvres d'art plus anciennes et
nous ne pouvons en conclure, d'une manière certaine, quels étaient
les usages à l'époque gréco-égyptienne.
Les premiers harpons que nous connaissons en Europe appartien-
nent à Fépoqiie magdalénienne; on les rencontre dans les glottes du
Lot-et-Garonne, dans le Tarn-et-Garonne, dans la Dordogne. A l'é-
poque néolithique cette arme devint très abondante, si nous en jugeons
par les exemplaires provenant des lacs de Suisse et de Scandinavie;
elle est encore en usage chez les Lapons, les Esquimaux et beaucoup
de peuplades des pays du nord. 11 n'est donc pas surprenant de ren-
contrer le harpon parmi les armes de pêche dont l'usage fut le plus
ancien en Egypte.
Alors que les eaux étaient basses dans le Nil et que celles des marais
ayant déposé leurs limons étaient devenues plus transparentes, les
indigènes montes sur leurs légères barques de roseaux parcouraient
les étangs, le harpon à la main, et frappaient ces énormes poissons
que nous péchons encore de nos jours et qui, alors, étaient en bien plus
grande abondance qu'aujourd'hui; la nature des lieux était alors bien
plus favorable au développement des animaux aquatiques, et l'état
rudimentaire des engins employés par l'homme pour les capturer
n empêchait pas leur développement. Nous trouvons dans les kjœk-
kenmœddings une quantité considérable d'os de poissons d'eau douce.
88 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
c'est là une preuve que, comme la chasse, la pêche fournissait l'un des
éléments les plus importants de la nourriture indigène. J'ai dit plus
haut que les Egyptiens avaient bien certainement adopté la majeure
partie des procédés indigènes de pèche. Il semble même rationnel de
L A
229 231
Fig. 228. — Harpon eu ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah) (FI. Pétrie, pi. LXT,
fig. i3). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 22y. — Harpon en corne. Nécropole de Toukh (Négadah) (FI. Pelrie, pi. LXI,
fig. ï6). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 23o. — Harpon en ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah) (FI. Pétrie, pi. LXI,
fig. i4). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 23x. — Harpon en corne. Nécropole de Toukh (Négadah) (FI. Pétrie, pi. LXI,
fig. 12). 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 232. — Harpon en ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah) (FI. Pétrie, pi. LXI,
fig. i5). 2/3 grandeur naturelle.
penser qu'ils les conservèrent tous en les perfectionnant et qu'eux-
mêmes devaient être très inhabiles dans l'art de se procurer le pois-
son.
Si, comme tout porte à le croire, les Égyptiens sont partis d'Asie,
ETH.VX.K.UMIIi: DIS l'< )IM I. Al IONS INDIGENES DE L'EGYPTE
89
m
*m
■m
m
Ki
ce ne peul être qu'en Ghaldée qu'ils auraienl connu La pêche, <-i <|u'ils
en auraienl découverl les procédés. Mais leur mouvement de
migration vers l'ouesl ne pul être très rapide el dans la travei
des pays qui séparent la vallée de l'Euphrate de celle «lu Nil. il- eurenl
lotit le temps .le dé Sa pprem I r<- 1rs
procédés de pêche. Si, au contraire,
leur migration fut rapide, ils appor-
tèrent en Egypte les engins dont ils
avaient connu l'usage sur le Chatt-
el-Arab et dans les immenses marais
qui l'avoisinent.
La Basse - Mésopotamie présente
avec la vallée égyptienne de grandes
analogies. Ces deux contrées sont des
pays d'alluvions, situés à peu de chose
près sous la môme latitude, et jouis-
sant de climats très voisins. Les peu-
ples primitifs de l'un et de l'autre
de ces pays se développèrent dans
les mêmes conditions, trouvant les
mêmes ressources naturelles, avant
les mêmes besoins. Il serait donc
très naturel de rencontrer un grand
nombre d'usages communs à ces
deux populations, si même elles n'a-
vaient eu entre elles aucun lien de
parenté. Aussi n'est-ce pas sur les
coutumes imposées par la nature, usages dont la pêche et la chasse
font partie, que nous devons nous baser pour rechercher le pays
d'origine des Egyptiens.
10. Navigation. — Les crues du Nil, la présence dans la vallée
d'un grand nombre de marais très étendus, le besoin de se procurer
du poisson sont les causes principales de l'invention des bateaux en
Egypte. Le premier esquif fut bien certainement une boite de joncs
ou de roseaux, ou un tronc d'arbre, les rames furent les mains1;
mais la présence dans les eaux d'hôtes dangereux, comme Tétait à
Fig. 233 et a34- — Harpons de cui-
\ iv Négadah) (FI. Pétrie, pi. LXV,
fig. 7 et 8). 2/3grandeur naturelle.
i. Les Barbarins des cataractes font encore un usag.' courant du tronc d'arbre pour
traverser le fleuve ou les rapides.
90 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
cette époque le crocodile, obligea les indigènes à construire des em-
barcations plus stables dans lesquelles ils purent se tenir à l'abri des
ennemis qu'ils rencontraient à chaque instant.
Les pirogues néolithiques sont abondantes en Europe : on en a
rencontré en Allemagne orientale, en Islande, en Ecosse, en Angle-
terre, au Danemark, en France, en Suisse, etc. l. Ces bateaux sont
creusés dans un tronc d'arbre.
Dans la vallée du Nil où de tout temps les gros arbres ont été
rares, où les vagabondages du Nil empêchaient la formation de véri-
tables forêts, le bois ne pouvait être employé pour la construction
235 235 bis
237 237 bis
Fig. 235 à 237. — Bateaux en terre cuite (Négadah). FI. Pétrie, pi. XXXYI.
des barques qu'avec l'aide de connaissances très approfondies de la
charpente', et bien certainement, les indigènes pour qui l'usage du
bois n'était que très secondaire par suite des conditions naturelles
de leur pays, n'étaient que de très médiocres charpentiers', il leur
fallut chercher ailleurs leurs matériaux de construction, et le roseau
semble avoir été la matière première des embarcations, non seule-
ment aux âges préhistoriques, mais pendant la majeure partie de
l'Ancien Empire égyptien.
Quelques petits vases de terre cuite rencontrés dans la nécropole
de Toukh représentent des barques (fig. 235-237), et, d'après les
1. Cf. Gross. Les Proto-Helvètes; Marquis de Nadaillac, La pêche préhistorique dans
Matériaux pour l'histoire de Chomme, IV, p. 93.
2. Barques de la XIe dynastie trouvées à Dahchour (Musée de Gizeh).
KTII.NnfiliAlMIIK Dl S POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 91
dessins grossiers qu'ils portent, il esl aisé de reconnaître qu'ils
étaient faits de roseaux reliés entre eux par des liens transversaux.
Une résine, dont nous n'avons pas encore trouvé de traces, rendait
probablement imperméable la coque du bateau.
Ces petits modèles de terre cuite ne peuvent, d'une manière cer-
taine, être attribués aux indigènes exempts dé tout contact avec les
Egyptiens, car la nécropole de Toukli renferme en même temps des
sépultures antérieures el postérieures a la conquête. Tout ce une
nous pouvons dire, c'est que les vases appartiennent, au plus lard, aux
débuts de l'établissement des Égyptiens. .Mais cette date extrême
nous suffit pour conclure qu'à cette époque et avant, peut-être, les
embarcations étaient construites en roseaux.
L'existence des bateaux pendant la période néolithique nous esl
prouvée d'une manière absolue par les peintures des vases indigènes
(fig. 238-239) qui presque toutes représentent des barques.
Fig. 238 et 239. — Peintures sur vases (6g. 238, Abydos ; 6g. ■»;,,. Négadah
Ces embarcations sont très plates; elles portent toujours deux
sortes de cabines, huttes construites eu leur milieu. Si nous recon-
naissons des rames dans les traits qui, partant du bateau, descendent
verticalement, ces embarcations étaient de très grande taille: mais je
suis plutôt porté à croire que ces ligues répondent a des engins de
pèche ou à des objets inconnus et que les rames sont seulement les
traits qui, placés obliquement a Tune des extrémités du bateau, sont
munis d'un élargissement figurant la palette.
Les barques en roseaux sont liés fréquemment représentées dans
les mastabas de l'Ancien Empire, elles sont en tout semblables
92 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
celles des indigènes, mais les sculptures ayant été exécutées avec
une extrême fidélité, nous pouvons, en les examinant avec un peu de
soin, retrouver toutes les conditions de leur construction.
Les joncs ou les roseaux étaient placés dans le sens de Taxe de
l'embarcation ; aux deux extrémités les divers éléments étaientreliés
entre eux par un fort nœud, tandis que des liens très rapprochés les
uns des autres traversaient la coque tout entière normalement à
son axe en reliant entre elles toutes les tiges. Le bateau ainsi cons-
truit était formé d'une véritable natte qui n'eût pas été suffisante si
l'épaisseur des nattes n'eût été triplée ou quadruplée, si des arma-
tures de bois n'étaient venues maintenir l'ensemble rigide et si un
enduit n'avait été appliqué pour rendre l'embarcation imperméable.
240 241 242 243 244 245 246
Fig. 240-246. — Enseignes de proue.
Avant de terminer en ce qui concerne la navigation, je dois signa-
ler de curieux objets, qui, dans les peintures indigènes, sont toujours
figurés à l'avant des bateaux et près de la cabine d'arrière. Ce sont
des palmes, ou des mâts très courts, (fig. 240-264) portant à leur extré-
mité des signes variés, palmes, animaux, dessins géométriques, etc.
Il n'est pas rare de rencontrer sur le même vase ou sur des vases
différents des représentations identiques ; ainsi la peinture (fig. 239)
montre à l'avant du bateau deux palmes, et à l'arrière un éléphant.
Ces signes se reproduisent sur deux bateaux différents.
Au contraire, dans la figure 238, qui représente trois barques, les
signes de proue sont les mêmes, tandis que ceux des cabines diffèrent.
Bien que ne possédant aucun autre indice que ceux que je viens de
donner au sujet de l'usage de ces signes, je suis porté à croire qu'ils
représentent des drapeaux, de véritables enseignes destinées à faire
connaître de loin et la tribu et le nom du propriétaire de la barque.
En suivant cette hypothèse, je pense que le signe de proue (fig.
240 à 246) devait être celui de la tribu, tandis que l'enseigne de la
cabine (fig. 247 à 264) était celle de la personne qui montait la barque.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
Cette explication, I >i<*n qui' ne reposant sur aucun fait certaiu, est i e
pendant très satisfaisante, cl il sérail aisé de citer, chez les tribus sau-
vages de nos jours, quantité d'exemples d'un semblable usage.
L'Egypte était alors divisée en un grand nombre de tribus, proba-
blement en lutte continuelle pour la possession des territoires de
chasse et de pèche; n'est-il pas naturel de penser que Les barques
portaient des caractères distinctifs, afin qu'on sût d<> loin si l'on avail
247
248
231 :■: 253
YTPTT
Fig. 124;.
Fig. 248.
Fig. 249.
Fig. 25o.
Fig. 25i.
Fig. 252.
Fig. 253.
Fig 254-
Fig. 255.
Fig. 25(i.
Fig. 257.
Fig. 208.
Fig. 259.
Fig. 260.
Fig. 2G1.
Fig. 262.
Fig. 263.
Fig. 264.
259 260 261
Fig. 247 à 264. — Enseignes de l'arrière.
— Abydos (?). Musée de Gizèh.
— Haute Egypte. Musée de Gizèh.
— Localité inconnue. Musée de Gizèh.
— Abydos (?). Musée de Gizèh.
— Nécropole de Toukh. FI. Pétrie. Naqada et Ballas, pi. XXXIV, li.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
Abydos
id.
id.
id.
id.
id.
id,
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
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uis, pi.
-V.V.Vl \ ,
ng.
• 7-
id.
id.
fig-
15.
id.
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LXVI,
«g-
6.
id.
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6.
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LXVII,
fig-
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id.
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«g-
1 > .
id.
I>l.
LVI,
i._-
9.
id.
id.
li-r.
!>•
affaire à des hommes appartenant a une tribu hostile ou amie: enfin,
que deux barques de môme tribu se rencontrant, il tut aisé pour les
équipages de reconnaître le nom même du patron?
Si nous en jugeons par l'abondance des enseignes peintes sur les
9i ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS tNDIGÈNES DE L'EGYPTE
vases, cette coutume fui en vigueur tant que dura la prépondérance
indigène, mais quand apparurent les Égyptiens, quand la vallée du
Nil tout entière fut soumise au même maître, l'usage des enseignes
lut abandonné ou plutôt s'atténua, car il n'avait plus de raison d'être,
toutes les tribus obéissant aux mêmes lois.
Ces enseignes étaient de véritables armoiries et l'usage du blason
ne cessa pas de suite en Egypte; je i\en citerai qu'un exemple, celui
des boucliers armoriés trouvés à Siout dans le tombeau d'Emsah,
personnage de la XIe dynastie.
Les considérations qui précèdent montrent combien était déjà im-
portante la navigation en Egypte; cette importance a beaucoup dimi-
nué lors du comblement des marais, mais elle est toujours restée
considérable, le Nil étant la seule grande voie de communication de
l'Egypte.
11. Agriculture, élevage. — En 1896, dans mon volume sur L'Age
de la pierre et les métaux, j'ai émis l'opinion que les indigènes
étaient agriculteurs et j'appuyais mon dire sur ce que, dans les
kjœkkenmœddings et les stations préhistoriques de la Haute-Egypte,
j'avais rencontré un très grand nombre de scies de silex ayant jadis
servi à former la partie tranchante des faucilles et dont les dents
étaient polies par l'usage. Ces restes d'instruments de culture ne
pouvaient en effet laisser aucun doute. Mais, aujourd'hui, je suis plus
hésitant à me prononcer, car mes dernières recherches m'ont amené
à penser que ces faucilles appartiennent plutôt aux premiers temps
égyptiens qu'aux époques purement néolithiques.
En effet, les fragments de faucilles sont abondants dans les
kjœkkenmœddings et les stations de Kawamil, de Ballas, de Toukh,
de Zawaïdah, de Négadah où se rencontrent en même temps des
objets postérieurs et antérieurs à la conquête, tandis que je n'en ai
pas rencontré dans les stations de Dîmeh, d'Omm el-'Atl, de Kom-
Achim, d'El-'Amrah, etc., qui sont purement néolithiques.
Cette remarque m'a été suggérée par une observation de M. lepro
fesseur Schweinfurth relative aux céréales. Le blé et l'orge sont, m'a-
t-il dit, originaires de Chaldée et ces plantesy croissent actuellement
encore à l'état sauvage. La déduction qui vient d'elle-même est que, si
le blé et l'orge existent en Egypte, c'est qu'ils y ont été apportés, et
nous savons que cette acclimatation date d'une époque fort reculée,
puisque j'ai trouvé dans les vases de terre du tombeau royal de Né-
ETHNOGRAPHIE DES POPI LATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
gadah et dans les sépultures de Kawamil du blé el de l'orge donl les
graines ont été reconnues parle professeur Schweinfurth lui-môme.
La présence du blé dans les tombes, e1 celle des débris il*- fau-
cilles dans les localités où les céréales se rencontraient, m'onl porté à
Fig. 26"). — Mode de monture des faucilles années de
silex, d'après les résultats des fouilles de M. W. FI*
Pétrie à Kahoun (cf. FI. Pétrie, lllahun, Ka/iiin and
Gurob, pl. VII, fig. 27).
Fig. 266. — Scie ou partie
de faucille en silex jaune
(Tell-el-Yahoudi, près
d'Héliopolis). 1/2 gran-
deur naturelle.
267 268 2tj'.i 270 271 1' 1 273
Fig. 267 à 273. — Scies en silex jaune (Kjœkkeninœddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle.
rechercher avec grand soin si, dans les kjœkkenmœddings et les tom-
beaux indigènes, je trouverais le blé et les débris des outils servant
à la récolle. Mes découvertes à ce sujet ont jusqu'à ce jour été néga-
tives.
Il est fort important de se rendre compte si les céréales existaient
96
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L EGYPTE
dans la vallée du NU avant la connaissance des métaux, car, s'ils n'é-
taient pas connus, leur introduction est due aux Egyptiens et ce fait
serait une preuve de plus en faveur de la provenance asiatique des
conquérants pharaoniques.
J'ai longuement parlé des faucilles armées de silex (fig. 265 à 273)
dans mon précédent volume. Je ne reviendrai donc pas sur cette in-
téressante question, mais je signalerai un autre outil d'agriculture
(fig. 274) que, 1 an dernier, j'avais pris pour une hache et qui n'est
autre que la lame d'une houe on fas des fellahs d'aujourd'hui.
Fig. 274. — Houes 1/2 grandeur naturelle.
Cet instrument en silex est plat d'un côté, bombé de l'autre, il est
large au tranchant et assez long pour pouvoir être assujetti sur une
fourche de bois lui servant en même temps de monture et de manche.
J'ai découvert, cette année, un de ces outils dont la partie bombée
du tranchant est polie par l'usage, tout comme sont les scies de silex
qui ont armé les faucilles.
Le poli n'est pas lisse et régulier, comme nous avons coutume de
le voir dans les haches, il affecte toutes les sinuosités de la pierre
atténuant l'angle vif des arêtes. Il a été produit par un frottement
prolongé de la pierre dans un milieu mou, mais siliceux, tel qu'est le
limon du Nil, tel que sont les sables du désert Libyque.
Les alluvions nilotiques sont, je l'ai dit, composées de limons très
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 97
lins mais riches en silice, elles ne renfermenl aucun galet, aucun
caillou do nature à briser un instrument (Tune matière aussi dure h
fragile <|uYsi le silex Cette terre se prêtail «loue forl bien au travail
à l'aide d'un instrument de pierre.
Pour la date précise de ces outils, je ne saurais la déterminer et je
ferai à leur sujet les mêmes observations «pu- pour les scies des fau-
cilles. Jusqu'ici, je n'ai rencontre de laines de houes que dans les
localités où se trouvent, en même temps, les restes des indigènes
néolithiques et ceux des premiers Égyptiens.
Quant à l'élevage, clans tout autre pays que la vallée du Nil il
exige des cultures si les populations qui s\ livrent sont sédentaires,
car il est nécessaire de faire des provisions considérables pour que
les troupeaux puissent passer l'hiver. Mais, en Egypte, la saison froide
n'existe pas, et, pendant la crue, il suffit de donner aux bestiaux les
branches des arbres comme cela se fait si souvent de nos jours en
Turquie d'Asie, en Perse etauCaucase.Riennes'oppose donc à ce que
nous admettions que les indigènes se livraient à l'élevage, quand
bien même ils auraient été entièrement étrangers à l'agriculture.
D'une part, nous savons que l'Afrique fut l'un des foyers de la do-
mestication des animaux, et, d'autre part, nous ne voyons, dans les
nombreuses figurations d'animaux domestiques des mastabas, que
fort peu d'espèces appartenant à la faune du nord-estde l'Afrique. Ces
deux faits font supposer que les indigènes domestiquaient les ani-
maux avant la conquête égyptienne et qu'à leur arrivée dans la vallée
du Nil les Egyptiens, bien qu'amenant avec eux quelques animaux
asiatiques, adoptèrent pour la plus grande part l'élevage des vaincus.
Ces déductions ne peuvent être absolues, car il est certain que les
Egyptiens ont amené à leur suite quelques espèces étrangères;
mais à coup sûr ils n'apportèrent ni le cheval, ni le chameau, ni le
mouton, puisque nous connaissons exactement la date de leur appa-
rition sur le sol de l'Egypte et que cette date est relativement très
récente.
Dans les kjœkkenmœddingsdes deux époques, indigène et pharao-
nique, nous trouvons en grande quantité les excréments des gazelles
et des antilopes, nous rencontrons des os rongés parles carnassiers,
sur le site même des campements. Il n'est donc pas possible d'ad-
mettre que ces vestiges aient été laisses par d.s animaux sauvages,
et, par suite, nous devons reconnaître que les indigènes étaient déjà
très versés dans l'art de domestiquer les animaux.
7
98
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
Quant aux espèces qu'ils élevaient, il est impossible de se pronon-
cer, car les kjœkkenmœddings renferment en môme temps les os des
animaux sauvages, pris ou tués à la chasse et à la pèche, et ceux des
produits des troupeaux.
Une tombe de Kawamil contenait six tètes de gazelles et six gigots
du même animal; d'autres renfermaient souvent des os de gazelles et
d'antilopes contenus dans des vases. Ces offrandes au mort avaient
bien certainement été cuites et préparées, et il est plus probable que
ces provisions avaient été prises dans les troupeaux plutôt que de
croire que ces animaux avaient été tués à la chasse.
Les mastabas de l'Ancien Empire nous montrent domestiqués une
grande quantité d'animaux appartenant à la faune égyptienne. Ce
sont des antilopes, des gazelles, des hyènes, des chacals, des chiens,
275 276 277 278 279 280
Fig. 275 à 280. — Os d'animaux sciés cl incisés (kjœkkenmœddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle.
des ânes et une foule d'oiseaux tels que le canard, l'oie, la demoi-
selle de Numidie, etc., etc.. Il est fort peu de ces animaux qui soient
étrangers à la faune du nord-est de l'Afrique.
12. Nourriture. — Nous connaissons les matières premières de l'ali-
mentation des indigènes par les restes de cuisine (kjœkkenmœd-
dings) qu'on rencontre en abondance sur le lieu même où ils vécu-
rent et par les offrandes qu'ils déposèrent dans les tombes auprès
des morts.
Leur nourriture se composait de tous les éléments comestibles que
fournissait la vie animale et végétale en Egypte. Dans les amas, les
ETHNOGRAPHIE DES POP1 LATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 99
os sont d'une extrême abondance ; quelquefois ils portenl encore les
stries, laissées parles lames de sil<-\ à L'aide desquelles les hommes
d'alors détachaient la chair fig. 275 à 280). Dans tous les cas, les os
des quadrupèdes comme ceux des oiseaux ont été luises pour en ex-
traire la moelle.
Le kjœkkenmœdding de Toukh m'a fourni bon nombre de
ments que M. le l)r Lortet, doyen de la Faculté de médecin de Lyon,
a bien voulu étudier; ils appartenaient aux espèces suivant.
Mammifères. — Canis familiaris ;
— Lepus(sp. indéterminée) ;
— Bos taurus;
— Bos bubalus1;
— Capra hircus* 3;
— Gazella Isabella ;
— Hippotragus Bakeri* ;
— Sus Scrofa '" ;
Oiseaux. — Struthio camelus* ;
— Ciconia alba ;
— A rdea purpura;
Tortues. — Trionyx triunguis.
Poissons. — Chromis nilolicus.
— Clarias anguillaris;
— Synodontis macrodon .
— Synodontis shal.
Mollusques.— Vivipara unicolor (Olivier) \Spatha Caillaudi (Mar-
tens), Spatha elongata (Letourneux), Spatha Letourneuxi (Bourgui-
gnat)8.
i. Celte espèce atteint la taille du bison d'Europe.
2. Deux races différentes de taille, l'une analogue au Capra mambrica, L'autre de la
taille de l'égagre.
3. Grande antilope vivant aujourd'hui dans la région de Khartoum.
4. Vivant encore au Fayoum dans les marais voisins du Birket-Karoun.
5. Quelques fragments de noyaux osseux de chèvre peuvent se rapporter à la race
Capra thebaica; d'autres fragments, encore plus grands, appartiennent au mâle d'une
race voisine de Capra mambrica ou Capra caucasica à cornes longues et plus con-
tournées que chez les deux précédentes races.
6. Cette espèce ne se rencontre plus aujourd'hui en Egypte, elle s'est retirée dans
les régions du sud et de l'est.
7. Espèce commune en Egypte et spéciale aux eaux de ce pays. Parait peu utilisable
comme comestible. Si on avait dû la manger, la coquille serait briséeou au moins cuite.
8. Les Spatha sont communs eu Egypte, particulièrement dans le Nil, le canal Mah-
100 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
Il convient d'ajouter à cette liste incomplète d'aliments les œufs
dont les coquilles sont abondantes dans les kjœkkenmœddings et
parmi lesquels les œufs d'autruche sont fort communs.
Les végétaux entraient bien certainement pour une large part dans
l'alimentation des indigènes, mais leurs vestiges se sont moins bien
conservés que ceux des animaux, et nous ne pouvons faire que des
suppositions à leur sujet. J'ai fréquemment rencontré dans les
kjœkkenmœddings des noyaux de dattes et des restas de grains de
lotus. Quelques-uns de ces végétaux devaient être réduits en poudre
ou en pâte au moyen de broyeurs de roche dure dont les nécropoles
et les kjœkkenmœddings nous ont livré plusieurs fragments (fig. 281
à 284).
281
1 Vw
j
«/
284
Fig. 281 à 284- — Broyeurs en roche dure.
2/i5 grandeur naturelle.
Gomme condiment, le sel est extrêmement abondant dans toutes
les montagnes de l'Egypte; on le trouve à l'état de masses compactes
ou de cristaux dans les alluvions et dans bon nombre de couches
marneuses; il est loin de ne renfermer que du chlorure de sodium,
mais ses impuretés ne l'empêchent pas d'être consommé tel quel, et,
moudièh, les lacs Mariotis, etc. Ils peuvent à la rigueur être comestibles mais doi-
vent singulièrement sentir la vase. En France, les Unios et les Anodontes, formes voi-
sines, ont servi d'aliment dans les temps de disette, mais on est obligé de les faire
digérer longtemps dans de l'eau douce. La cuisson les rend alors facilement digesti-
bles. Dans tous les cas, il est très intéressant de signaler les Spatha parmi les mol-
lusques comestibles dans l'antiquité.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES M L'EGYPTE 101
de nos jours « ncore. les fellahs en fonl pour leur usage une exploita-
tion très considérable, en dépil de l'administration égyptienne qui
s'est réservé le monopole de cette substam
Autrefois, comme de nos jours le sel du déserl suffisait parfaite-
ment aux besoins des populations aux goùls simples et il n'était pas
besoin de recourir aux eaux de la mer pour se procurer du chlorure
de sodium presque pur.
Somme toute, la vie des indigènes était très plantureuse; la nature
avait gratifié l'Egypte <le toutes les ressources, et, pour les Egyptien-.
ce pays fut une véritable terre promise. L'abondance qu'ils rencon-
trèrent contribua beaucoup à les lixer; ils s'établirenl à Thinis et aux
environs, c'est-à-dire d-ans la Thêbaïde, l'un des pays les plus riches
qui soient au monde.
Industries. — Taille du silex. — L'industrie la plus caractéristique
de ces temps est, sans contredit, la taille du silex ; son origine se perd
dans les périodes géologiques, et son apogée semble marquer l'épo-
que où, les métaux venant d'être découverts, son usage allait dispa-
raître à jamais. Ce fait n'est pas spécial à la vallée du Nil, car nous
constatons dans tous les pays du monde le plus grand déveveloppe-
ment du travail de la pierre au moment même où l'emploi des ma-
tières fragiles est sur le point d'être remplacé par celui des subs-
tances fusibles et malléables.
L'usage de tailler la pierre remonte en Egypte aux temps quater-
naires; il se continua pendant une fort longue période, dont il n'est
pas possible d'évaluer l'étendue; cette industrie se perfectionna gra-
duellement, passant probablement par des phases analogues à celles
que nous connaissons pour l'Europe. De grossière, la taille devint
très fine et très soignée, et, bien que nous ne puissions encore établir
des divisions chronologiques dans les stations préhistoriques égyp-
tiennes, l'examen des objets ne nous porte pas moins à penser que le
jour viendra où l'âge de la pierre dans la vallée du Nil sera, comme
celui de nos pays, subdivisé en un grand nombre d'époques marquant
chacune une civilisation spéciale et parfaitement définie; que la tran-
sition entre les outils chelléens et les instruments néolithiques -
montrera clairement, aussi bien dans l'industrie humaine que par les
modifications qui eurent lieu dans le climat, la faune et la flore du
pays.
Nos observations étant encore insuffisantes pour qu'il soit permis
102 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
d'aborder l'étude dés diverses époques, je me contenterai d'étudier
la taille du silex alors qu'elle était parvenue à son apogée, c'est-à-
dire l'industrie des indigènes peu avant l'arrivée des Egyptiens dans
la vallée du Nil.
Le silex est fort abondant dans le sol de l'Egypte, il y existe en
roo-nons parfois volumineux dans les sédiments crétacés. Les allu-
vions des plateaux sont uniquement composés de galets où le silex,
l'ao-ate et la cornaline dominent : les indigènes avaient donc à leur
disposition une abondance extrême de matière première.
Quant à la qualité du silex, elle est variable suivant les localités; la
matière la meilleure se rencontre dans les falaises qui bordent les
deux rives de la vallée, entre Akhmim et Keneh; le silex y est blond,
translucide, il se brise aisément et constitue dans les couches du ter-
rain crétacé de véritables bancs de rognons, épais parfois de plusieurs
mètres. C'est dans cette région que la taille du silex atteignit son
plus grand développement.
Au sud de Keneh, jusqu'à Erment, on rencontre des silex bruns,
noirs et jaunes; ils sont également de bonne qualité, mais se présen-
tent en masses moins importantes et, par suite, se prêtent moins bien
au travail.
Dans le nord de l'Egypte et au Fayoum, le silex est plus rare dans
les sédiments; aussi est-ce des galets roulés du diluvium que les an-
ciens firent usage pour la fabrication de leurs instruments. Ils tirèrent,
il est vrai, un trèshabile parti de la matière première dont ils pouvaient
disposer, mais leurs œuvres n'atteignent jamais la perfection de celles
sorties des ateliers de Toukh, d'Abydos et de Kawamil.
On a prétendu que, pour qu'un silex pût être aisément travaillé, il
faillait qu'il sortit fraîchement de son milieu de formation et qu'il pos-
sédât encore son eau de carrière. Cette condition est loin d'être indis-
pensable, car presque tous les instruments des stations de Dimeh, de
Kom-Achim, d'Omm el-'Atl, etc., montrent avec évidence qu'ils ont été
taillés dans des galets du diluvium et les objets néolithiques qui abon-
dent sur certains points de la Susiane et de la Chaldée ont tous été
taillés dans les galets roulés des rivières. La perfection dans le travail
dépend donc bien plus de la nature du silex et des dimensions des
rognons que de sa position primitive ou remaniée dans les couches
où les anciens s'approvisionnaient.
Le plus simple des silex travaillés est le nucléus, noyau préparé
pour l'enlèvement des éclats qui, retouchés ensuite par l'ouvrier, pre-
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE L03
naient toutes les formes répondanl aux besoins journaliers. Les nue Ici
d'Egypte diffèrenl seulemenl par 1rs dimensions, mais ils présentenl
invariablement la même forme, ils sont coniques fig. 285 à 289 ter-
HP
285 286 287
Fig. 285 à 287. — Nucléi (kjœkkeuma'ddings de Toukh).
Fig. 288 et 289. — Nucléi en silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh).
[1/2 grandeur naturelle.
minés à la base par un large plan de frappe, et en cela ressemblent à
la plupart des nucléi des autres régions du monde.
L'ouvrier, en brisant le galet ou le rognon de silex déterminait Le
plan de frappe, puis enlevait les éclats normalement à cette surface,
déterminant ainsi le cône définitif. Les premiers éclats étaient rebutés,
comme portant une partie de la gangue. Ce n'était qu'après l'enlève-
ment de toute la surface naturelle du noyau que les éclats étaient
employés; c'est pourquoi ces lames portent toutes une arête médiane
résultant de la taille de deux autres lames.
10'* ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
On rencontre souvent des nuclei très petits, retaillés sur tout leur
pourtour et rejetés comme hors d'usage; ces nuclei sont les résidus
de la taille, leurs dimensions les rendaient inutilisables. Mais on en
trouve aussi, quoique plus rarement, qui, simplementpréparéspour le
travail (fig. 288 et 289) ont été abandonnés avant qu'il en eût été fait
usage. Ces nuclei, taillés d'un seul côté, forment une catégorie spéciale
que le Dr Schweinfurth désigne sous le nom de sabots d'ânes. Il
n'existe donc pas à proprement parler de différence entre ces deux
sortes de nuclei; les seconds sont simplement apprêtés pour l'usage,
tandis que les premiers ont été rebutés comme ne pouvant plus
servir.
Les percuteurs dont se servaient les indigènes de l'Egypte pour
tailler le silex sont, comme d'ailleurs dans tous les autres pays, de
simples galets ronds, des nuclei rebutés ou des boules de pierre dure
telles que la diorite, la serpentine, le basalte, etc. (fig. 290 à 292); on
'■ ,
i
290
Fig. 2j)0 à 292.
.'M
.- - ■ -. - v-m%
Percuteurs en silex (kjœkkenmceddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle.
les rencontre en extrême abondance dans toutes les stations néolithi-
ques, dans les kjœkkenmœddings et dans les restes des premiers
temps égyptiens. Cette constatation est très intéressante, car elle
prouve le mal bondé des suppositions de quelques archéologues
qui, avec M. Griffith, croient reconnaître dans certains bas-reliefs de
l'Ancien Empire et du Moyen Empire la représentation de la taille des
couteaux de silex. Dans ces scènes, l'ouvrier fait usage d'un long
bâton et non d'un percuteur pour aiguiser la lame qu'il tient à la main.
Or, chacun sait que c'est en le retaillant seulement qu'on peut rendre
un silex plus coupant, le polissage ne donnant que des tranchants
très obtus utilisables dans les instruments qui, comme les haches sont
destinés à frapper et non à inciser.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS LNDIGÈNES DE L'EGYPTE 105
Les lames levées sur 1rs nuclei sonl très variables de dimensions,
elles al dent dans les stations e1 les kjœkkenmœddings; la plupart
d'entre elles, portant encorede la gangue, u'étaienl enlevées que pour
la préparation dos nuclei. Celles-là étaienl rebutées, d'autres prises au
cœur du silex se brisaienl s. .us le «hoc qui déterminait leur éclat,
d'autres enfin (fig. 293 à 295 plus pures étaient utilisées sans retouches
Fig. oc,'3 à •>()."). — Liunes retouchées (nécropole d'Abydos et station de Kom-Achim).
1/2 grandeur naturelle.
ou retaillées aux extrémités ou sur leur tranchant afin de constituer
des poinçons, des racloirs, des couteaux et tous les outils dont les
indigènes avaient besoin (fig. 296 à 298).
Fig. 0.96 à 29S. — Poinçons-racloirs, silex jaune (nécropole d'Abydos).
1/2 grandeur naturelle.
Les couteaux sont de plusieurs sortes : les uns qu'on rencontre fré-
quemment dans la Haute Egypte (fig. 299 et 300) se composent d'une
lame retaillée d'un côté et présentant un dos carré, et d'un tranchant
en arc de cercle rarement retouché et généralement très aigu ; d'autres
106 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
(fig. 301 à 304) communs dans les stations du Fayoum, ont été obtenus
300 e
299 b
29a «■ 300 a 299 c 300 b
Fig. 299 et 3oo. — Couteaux eu silex jauue (kjœkkemnœddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle.
Fig. 3oi à 3o4. — C
gris foncé, kjœkke
de Zawaidah. — 3o.
//<?
1/4
:
302 303 304
1S les ilis'1 -ii'iT" **is, station de Licht. — 3o2, silex
uuKh. — 3o3, silex blanc, kjœkkenruœddings
-x jaune, station de Licht). 1/2 grandeur naturelle.
?J
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE l EGYPTE lu;
non pas en levant un seul éclal sur un aucléus, mais en taillant un
bloc jusqu'à ce qu'il possédât la forme désirée.
Parmi les couteaux du Fayoum il en «-si qui, pointus aux deux
extrémités, présentent la forme d'un triangle très allongé fig. 306 et
307) ; d'autres sont munis d'un manche (fig. 305 ménagé dans le
silex Lui-même.
Fig. 3o5 à 3o7. — Couteaux en silex (3o5, jaune foncé, station de Dirnèh. — silex 3o6,
gris opaque, station de Kom-Achim. — 3o7, silex gris clair, station de Kom-Achiin).
1/2 grandeur uaturelle.
Cette dernière variété se rencontre aussi bien au Fayoum que dans
la Haute Egypte (fig. 308 et 309); elle semble appartenir à la période
la moins ancienne du néolithique, car elle apparaît encore dans les
sépultures royales des premières dynasties à Abydos.
D'autres couteaux (fig. 310) composés d'une lame très soigneuse-
ment retouchée sur les deux faces font aussi partie du type le moins
ancien auquel il convient de joindre les admirables lames en silex
corné (fig. 311-312) qu'on rencontre dans les tombes royales et dans
les sépultures du district d'Abydos.
Les couteaux de ce o-enre sont, sans contredit, les plus beaux spé-
cimens connus de la pierr ... . >* un do.- st toujours polie,
tandis que l'autre est couverte d'éclats enle\ < . . une telle habileté
108 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
que les cassures sont de môme taille et de même forme et que la ren-
contre des deux séries partant de chacun des bords de la lame a tracé
une arête médiane qui court sur toute la longueur de l'objet.
309
Fig. 3o8-3ot). — Couteaux en silex (3o8, silex jaune brun. Abydos (?), Musée de
Gizèh. — 309, silex jaune, nécropole d'Abydos).
Fig. 3ro. — Couteau en silex corné (localité inconnue, Haute-Egypte (?), Musée
1/2 grandeur naturelle.
de Gizèh).
Le dos de ces couteaux est rectiliime. le tranchant au contraire est
o
muni d'une multitude de petites dents découpées avec une régularité
absolue et qui rendent les lames extrêmement tranchantes. Vers la
base de l'instrument les dents n'existent pas. Cette partie de la lame
qui se trouvait flans la main était garnie de peau, de cordes ou quel-
quefois aussi d'or, comme le prouve le couteau emmanché de ce
métal trouvé à Gebel Tarif en 1896.
Les formes des couteaux varient à l'infini, chaque localité en pré-
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 109
u mffmm
:
>"
311
Pig. 3ic-3i2. — Lames en silex corné (Gébel-Tàrif). Achats du Musée de Gizèh
(3n, silex brun noir. - 3i2, silex blond).
2/3 grandeur naturelle.
110 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
sente de spéciales ; mais tous ces instruments ont été taillés suivant,
les mêmes principes et semblent avoir été destinés aux mêmes usages.
L'habitude de garnir de dents le tranchant des couteaux semble
n'avoir pris naissance qu'à la fin de l'usage de la pierre, peut-être
même devons-nous attribuer cette innovation à l'influence qu'eurent
sur les indigènes les premiers Égyptiens. J'ai dit plus haut que la
grande antiquité des scies armant les faucilles me semble être dou-
teuse. Je serai plusaffirmatif en ce qui concerne les véritables scies (fig.
313 à 319) qui se présentent en abondance clans les stations du Fayoum
315
316
7- ' \ v/tf'l
313 b
Fig. 3i3 à 319. — Scies en silex. 1/2 grandeur naturelle.
lesquelles, comme on le sait, sont purement néolithiques et ne
semblent pas renfermer d'objets postérieurs à l'arrivée des Egyptiens
dans le pays.
Les mêmes lames, dont il était question à propos des nuclei, une
fois enlevées étaient aussi transformées en racloirs (fig. 320 à 326)
présentant des formes diverses; mais fréquemment aussi les racloirs
étaient obtenus soit en retouchant sur les bords l'éclat qu'avait déter-
miné le plan de frappe d'un nucléus (fig. 323 et 324), soit en retaillant
un fragment de nucléus (fig. 321). Ces outils étaient employés soit
directement à la main, soit emmanchés dans de la corne ou du bois.
Dans la plupart des cas, les racloirs présentent une courbe convexe
régulière, mais on en rencontre aussi qui, échancrés intentionnelle-
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 111
3»0
y .--
321
Fig. 32o à 322. — Racloirs convexes.
1/2 grandeur naturelle.
h
\
\4
(
y
/
(/
322
324 a
324 c 324 // 323 6
323 à 32 \. — Racloirs en silex jaune (Abydos).
i/2 grandeur naturelle.
325 a
Fig. 325 à 326.
325 6 325 c
Racloirs triangulaires en silex jaune (station de Licht).
1/2 grandeur naturelle.
112 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
ment, semblent avoir été destinés à polir des aiguilles d'os, de bois
ou de toute autre matière. Ces derniers instruments (fig. 327 et 328)
sont beaucoup plus rares que les racloirs de forme régulière.
Il serait aisé de s'étendre longuement sur les nombreuses formes
que prirent les éclats enlevés des nuclei ou taillés dans les frag-
ments du nucléus lui-même . Je me contenterai de citer quelques
327 a
328 a
328 b
327 b
Fig. 327 et 3a8. — Racloirs échancrés en siiex blond (kjœkkenmœddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle.
pointes (fig. 329 à 333) dont l'emmanchenent nous est connu par les
outils analogues (fig. 334) encore usités par les Indiens de l'Amérique
329
333
Fig. 329 à 333. — Pointes en silex jaune. 1/2 grandeur naturelle (329 et 333 silex jaune,
station de Kom-Achim. — 33o, 33i, 332, silex brun et jaune, station de Dimèh).
du nord, et les poinçons ou pereoirs de silex (fig. 335 à 339) sem-
blables à ceux que nous rencontrons dans toutes les stations néoli-
thiques de 1 Europe.
V'
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 11:;
On trouve parmi les <>ulils en silex de I Egypte quelques formes
dont jusqu'ici je n'ai pu reconnaître l'usage.
Ce sont des croissants de pierre fig. 340 à
• V\'ï) 1res grossièrement travaillés el (|iii,
abondants dans la station d'Arakah, sont
plus pares à Kawamil et ne semblenl pas
exister dans les autres localités. Il en esl
de même de deux ciseaux plats fig. 343 et . -, -j
344) trouvés à Kom Achim ; bien que ces
pièces soient complètes, je ne puis en expli-
quer l'usage.
Les instruments les plus répandus dans
les stations et les kjœkkenmœddings de la
Haute Egypte sont la hachette et la hache;
la hachette est fréquemment semblable à
celles que nous rencontrons dans les sta-
tions européennes (fig. 345 et 346), tandis
que la hache proprement dite (cf. fig. 165)
présente des caractères spéciaux à l'Egypte
sur lesquels il est utile d'insister.
La figure 347 représente une hache dont
le tranchant est taillé suivant la méthode gé-
néralement usitée, c'est-à-dire par petits
éclats. Les haches égyptiennes étaient ainsi
préparées, puis l'ouvrier, donnant en A un
Fig. 334. — Emmanchement
des pointes de Uimèh. Cou-
teau provenant des Indiens
de la Réserve de Hupa (Ca-
lifornie), d'après Th. Wil-
son. A study of prehistoric
anthropology ds. Smitkso-
nian Rrpoi-t, iKjio, pi. CVI,
lise. 77.
335
Fig. 335 à
. -
*/
336 XH 338 330
Poinçons en silex (kjœkkenmœddin ukh).
1/2 grandeur naturelle.
114 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
coup sec au moyen du percuteur, enlevait suivant la ligne AB un
éclat rendant le tranchant plus aigu.
Fig. 34o à 342. — Croissants de pierre (34o. Arakah. Silex veiné brun et jaune.
— 34i. Arakah. Silex brun à gangues jaunes. — 342. Kawamil (sud) silex jaune).
2/3 grandeur naturelle.
Fig. 343-344-— Ciseaux plats (Kom-Achini). — 343, silex jaune.— 344, silex
noirâtre. 2/3 grandeur naturelle.
La figure 348 montre le tranchant de la hache terminé, la ligne A'B'
correspondant à la ligne AB de la figure 347.
Enfin la fio-ure 349 donne l'éclat enlevé que dans mon précédent vo-
lume j'avais pris pour un instrument spécial (fig. 350 à 352). Ces
sortes d'éclats se rencontrent en très grand nombre dans les loca-
lités où comme en Haute Egypte, les haches sont très abondantes, et
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 115
ce n'esi qu'après <mi avoir récolté une très grande quantité que j'ai
pu me rendre compte <l«i Leur origine.
Fig. 3 |."> el 346. — Hachettes en silex. — 'V\'>, silex gris. — 346, silex jaune
(kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 347 à 349. — Formation du tranchant des haches néolithiques d'Egypte.
Dans le groupe des haches sont aussi les houes dont j'ai parlé au
sujet de l'agriculture ; leur mode de taille ne présente aucune parti-
cularité.
Comme on le voit, le néolithique d'Egypte renferme un nombre
considérable de formes spéciales et de procèdes de taille inconnus
dans lesautrespavs.il diffère également du uéolithique européen par
l'absence d'une grande quantité de types communs dans nos stations.
Les nuclei allongés dits livre de beurre du Grand-Bressigny et de la
116 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
Belgique, les ciseaux et les gouges font défaut en Egypte; les haches
polies sont rares, elles n'atteignent jamais de grandes dimensions.
Le mobilier des stations de la vallée du Nil présente donc des parti-
cularités bien tranchées, ce qui semblerait prouver que la civilisation
de la pierre dans la vallée du Nil ne subit que peu d'influences étran-
gères et se développa plutôt sur elle-même. Ce fait n'a rien qui doive
surprendre, car ce que nous connaissons des temps historiques
nous montre que, malgré les invasions et les conquêtes, les Egyptiens,
S*
351
352
Fig. 35o à 35a.
Éclats enlevés des haches (kjœkkenmœddings de Khattarah).
1/2 grandeur naturelle.
tout en améliorant leurs usages, conservent leurs coutumes avec une
grande fidélité jusqu'à la fin de leur autonomie. Cette originalité et
cette permanence que nous constatons dès les origines est l'une des
caractéristiques des populations de la vallée du Nil. Doit-on l'attribuer
à la nature ethnique de la race? Je suis plutôt porté à croire qu'elle
est la conséquence des conditions naturelles du pays.
Travail des roches dures. — Je n'entrerai pas dans de longs détails
au sujet de la fabrication des vases en roches dures et du travail de
ces matières; dans le chapitre relatif à la sépulture royale de Négadah
j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet. Je me contenterai de don-
ner ici le résultat de mes observations relatives à l'époque de cette
industrie.
Les sépultures de tous les genres contiennent des vases de pierre.
Il semblerait donc que le travail des matières dures fut connu des
indigènes avant l'arrivée des Egyptiens. Toutefois, les objets les plus
anciens sont extrêmement grossiers, et ce n'est que sous les pre-
mières dynasties que nous voyons cette industrie se développer et
atteindre son apogée. Les plus beaux vases, ceux dans lesquels la
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS [NDIGÈNES DE L'EGYPTE 1 17
roche à été découpée avec La plus grande finesse, appartiennent tous
à la période historique; ils sont d'une extrême abondance dans les
sépultures royales de Négadah <-t d'Abydos, tandis que les mastabas
contemporains de Snéfrou n'en renferment plus de tra<
On serait donc porté à croire que, commençant à la lin de la période
néolithique, peut-être sous une influence étrangère, la taille des
pierres dures prit son maximum de développement sous les deux
premières dynasties pour diminuer ensuite, et, toul en restant connue
pendant toute la durée de l'Empire égyptien, ne joua dès la IV dynas-
tie qu'un rôle très secondait"'.
Il se peut fort bien que les sépultures indigènes dans Lesquelles
Fig. 353 à 35f). — Poinçons en os. — 1/2 grandeur naturelle (353 à 35;, os, kjœk-
kenmœddiugs de Toukh. — 358 et 359, ivoire d'hippopotame, station de Dimèh).
j'ai rencontré des vases de pierre ne soient pas néolithiques, mais
qu'elles appartiennent aux indigènes qui continuèrent à vivre dans
le pays après la conquête, et que cette industrie, chez les premiers
habitants, ne soit que le résultat d'une importation. Ces considéra-
tions trouvent un point d'appui dans ce fait que la Chaldée connut,
dès la plus haute antiquité, la taille des roches, et que cette industrie,
qui s'y développa à un degré très élevé, présente des analogies frap-
pantes avec celle de l'Egypte primitive1. Nous ne pouvons encore
nous prononcer sur l'origine de ce travail; toutefois, nos observa-
tions et ce fait que les kjœkkenmœddings indigènes ne renferment
que de très rares fragments de vases de cette nature, me portent
1. A la base du tell de Suse, dans la partie élamite des ruines, j'ai rencontré un grand
nombre de fragments de vases en pierre dure semblables à ceux de 1 Egypte.
118 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
plutôt à penser que l'art de travailler les roches dures et d'en fabri-
quer des vases est d'origine asiatique.
Travail de l'ivoire et de Vos. — Les objets d'os et d'ivoire sont très
nombreux dans les nécropoles comme dans les kjœkkenmœddings;
les plus simples sont des os simplement sciés k(fig. 275 à 280), des
poinçons (353 à 359) formés d'un os brisé dans le sens de la longueur,
puis poli et aiguisé en pointe. La scie de silex, le racloir et le polis-
soir étaient les outils nécessaires pour la fabrication de ces instru-
ments; il en est de même des scies en os (fig 300), des pendeloques
(fig. 137 a 147), des peignes (fig. 123 à 129) et de
la majeure partie des figurines humaines et ani-
males, faites d'un fragment d'os ou d'une défense
d'éléphant ou d'hippopotame.
Quant à la gravure à la pointe, elle est fort rare
en Egypte; quelques os et certaines plaques de
schiste en portent des traces grossières.
Parmi les objets les plus curieux de cette nature,
je citerai spécialement une masse d'ivoire (fig. 156)
trouvée dans la nécropole de Gebel Silsileh; elle
se compose d'une défense d'hippopotame, subs-
tance d'une extrême dureté qui, après avoir été
sciée aux deux extrémités, a été percée en son
milieu d'un large trou pour l'emmanchement. La
trace de la scie se voit encore d'une manière très
nette sur les deux faces et, si nous en jugeons par
„. „„ -^\ l'irrégularité des stries, ce travail fut long et péni-
fig.36o. — Scie en os. & o i
2/3 grandeur natu- ble. Quant au trou d'emmanchement, il est des
relie (localité incon- . ,. ».//»•.« m • j j *
nue, musée de Gi- plus réguliers et a ete lait a 1 aide des mêmes pro-
Sèh)- cédés qui étaient en usage pour le creusement des
vases de pierre dure.
Dans mon volume de 1896 sur les Origines de VÉgypte, j'ai
donné (p. 165, fig. 497) la reproduction d'un bas-relief de l'Ancien
Empire (VIe dynastie) montrant des ouvriers occupés à creuser des
vases de pierre en faisant tourner un instrument mil à la main et
remplaçant le tour. Il est certain que cette manière de faire était en
usage dans les temps néolithiques et que la masse de Silsileh, de
même que celles de Toukh, d'Abydos, etc., ainsi que les vases de
pierre, furent forés par ce procédé.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE I EGYPTE 119
On rencontre parfois, dans les nécropoles, des objets d'un art plus
avancé montrant un travail en haut-relief; ces sculptures exigeaient
des outils plus compliqués, H je suis porté à croire qu'elles sonl
toutes postérieures à l'arrivée des Égyptiens dans la vallée du Nil et
que, par suite, pour les exécuter, les ouvriers on1 l'ait usage des mé-
taux.
On objectera que, dans les cavernes européennes d'époque quater-
naire, les sculptures en haut-relief sonl nombreuses, e1 que, cepen-
dant, c'est à l'aide d'outils de silex seulement qu'elles onl été exécu-
tées. Je ferai remarquer que le gisement naturel des sculptures en
Egypte ne permet pas de les faire remonter à des âges très anciens et
que, jusqu'à ce jour, je 'n'ai rencontré, dans les sépultures réellement
indigènes, que des représentations fort grossières, les sculptures plus
fines ne se rencontrant que dans les tombeaux qui, par leurs carac-
tères généraux, appartiennent au début de la période pharaonique.
Travail de la corne. — Nous ne connaissons malheureusement que
fort peu d'objets de corne, bien que cette matière eût été d'une grande
ressource pour les indigènes. D'après le peu d'objets que nous pos-
sédons, nous voyons que la corne était travaillée à l'aide des mêmes
procédés que l'os; elle servait à la fabrication des manches d'outils,
des pointes, des ornements tels que bracelets, pendeloques, etc.
Céramique. — S'il est possible, un jour, d'établir des divisions dans
la période qui vit le passage entre l'emploi du silex taillé et l'usage
des métaux en Egypte, ce sera bien certainement avec l'aide de la cé-
ramique, dont les variétés sont très nombreuses, tant par la forme
que par la matière employée, que par la technique du travail.
Les terres grossières sont fort abondantes dans les nécropoles
indigènes1: elles ont été ouvrées à la main sans le secours du tour.
Comme d'ailleurs dans toutes les poteries de ces époques, la pâte est
jaunâtre ou brune, souvent mélangée de gravier et de brins d'herbe;
elle est mal pétrie et les vases portent généralement la trace pro-
fonde des doigts du potier.
Comme pâte et comme forme, ces vases varient peu de la Haute à
la Moyenne Egypte; on les rencontre dans les sépultures archaïques
et dans les mastabas de l'Ancien Empire ». Ils font totalement défaut
i. Recherches sur les origines de l'Egypte, 1896, p. i5'|, fig. ii5 à ')■>■>.
2. Recherches sur les origines de l'Egypte, p. if>5, fig. /('->3 à \'li; p [56, fig. p2 à
440; p. 157, fig. 44 1 à \\i).
120 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
dès les débuts du Moyen Empire et sont remplacés, pour les mômes
usao-es, par une céramique moins grossière de pâte et faite au tour.
Les vases de terre brune ornés à la pointe' sont assez rares, on les
trouve aussi bien dans les sépultures indigènes que dans les tom-
beaux des premiers Égyptiens. Les gravures qu'ils portent sont par-
fois remplies avec une pâte blanche; ce mode de décoration fort
curieux ne semble pas être d'origine pharaonique; cependant j'ai
rencontré dans les mastabas de Dahchour un spécimen de cette cé-
ramique2 que M. W. M. Flinders Pétrie a trouvé en grande abon-
dance dans la nécropole de Toukh et dont j'ai moi-môme découvert
des fragments dans le kjœkkenmœdding de la même localité.
360
:;r,s
Eig. 36i à 369. — Vases en terre rouge lisse (nécropole d'El-'Amrah).
1/2 grandeur naturelle.
Les vases en terre rouge, lisse, composés d'une pâte fine, sont abon-
dants dans les sépultures indigènes; ils n'apparaissent que très rare-
ment dans les tombes postérieures à la lin de la période néolithique.
Après un premier examen j'avais cru, daprès la régularité presque
parfaite des formes, que cette céramique avait été faite au tour; mais
sur les objections de M. de Bissing, je me suis assuré que, malgré sa
perfection, elle est le produit du travail à la main exécuté par des po-
tiers d'une grande habileté.
La pâle en est très fine, bien pétrie, mais la cuisson ayant été faite
à une basse température, ces vases sont demeurés très poreux. La
r. Recherches sur les origines de l'Egypte, pi. I, fig. r.
2. Recherches sur les origines de V Egypte, pi. XI.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 121
surface est polie au lissoir, el c'esl probablement à ce travail que ser-
virent les lames de silex polies que nous possédons*.
Dans la plupart des cas, les vases de terre rouge sont ornés d'une
bordure teintée en noir et leur intérieur es! coloré de la même ma-
nière Quelquefois le fond seul a étéenduil de couleur.
171
Fig. 370 à 3;c). — Vases en terre rouge lisse avec bords noirs nécropole d El-Amrah).
1/2 grandeur naturelle.
Qu'ils soient entièrement rouges, ou bordés de noir, ces vases sont
fréquemment décorés de peintures blanches2 représentant des hom-
mes, des animaux, des rameaux ou simplement, et le plus souvent,
des lignes brisées ou des figures géométrique très simples.
La céramique la plus remarquable des temps néolithiques en
Egypte est celle des vases jaunes décorés de peintures rouges; la
pâte en est fine, compacte, lisse; les peintures bien que grossières
sont très caractéristiques et dénotent de la part des artistes qui les
exécutèrent beaucoup plus de goût qu'on n'eu rencontre dans les
1. Recherches sur les origines de V Egypte, p. 116, fig. i37 a 139.
1. Cf. Recherches, 1896, pi. I, fig. 5 ; pi. H. fig. 1 à ">; pi. M, fig. 1 à 6.
122 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
peintures blanches-des vases rouges, bien que le style en soit à peu
de chose près le même '.
Fig. 38o. — Cruche à eau (Négadah. nécropole nord). Vase de terre grise.
1/8 grandeur naturelle.
Ces vases apparaissent dans les sépultures de la fin de la période
néolithique; ils semblent avoir cessé d'être employés dès les dé-
buts de la conquête, car, dans les sépultures con-
temporaines du tombeau royal de Négadah, je n'en
ai jamais rencontré que de très rares spécimens,
tandis que dans la nécropole indigène qui s'étend
plus au sud, dans la même localité, ils sont abon-
dants. Au début de l'époque pharaonique, ce sont
les vases cylindriques 2 qui dominent; chaque tom-
beau en renferme un grand nombre et la sé-
pulture royale elle-même en contenait plusieurs
centaines.
Avant d'en terminer avec la céramique je
citerai quelques formes remarquables, telles que
Fig. 38j. — Cruche des cruches à eau (fig. 380 et 381), dont l'ouver-
ture est garnie d'une sorte de passoire destinée à
laisser le liquide s'écouler sans qu'il soit possible
aux insectes d'y pénétrer. Ce dispositif est encore
en usage dans la fabrication des gargoulettes à
Keneh. Je signalerai aussi des supports pour vases
à fond pointu (fig. 382 à 385), des tables (fig. 386), objets qui
à eau (Négadah,
nécropole nord).
Vase de terre cha-
mois. i/8 gran.
deur naturelle.
i. Cf. Recherches, 1896, p. iGo, fig. 48i ; pi. IV, fig. i à3; pi. V, fig. i à 3; pi. VI,
fig. i à 8 ; pi. VII, fig. 2 à 4; pi. VIII, fig. i et 2 ; pi. IX, fig. i à 4; pi. X, fig. i à 3.
2. Recherches, 1896, pi. VII, fig. j.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES D] i EGYPTE 123
se retrouvenl jusqu'à la fin de l'Ancien Empire, et enfin les fusaïoles
(fig.387à 390 donl l'usage semble être spécial à la période aéolithique.
Fig. 3Ro à 385. — Supports de vases en terre. Nécropole de Toukh (Négadah)
(FI. Pétrie, pi. XI. I. 6g. s', /,, 85, 86 e1 ss.)
Fig. îSG. — Table (Xégadah, nécropole nord),
i 1 grandeur naturelle.
387 388
Fig. 'J87 à 3go. — Fusaïoles. i/3 grandeur naturelle.
Comme on le voit, les connaissances céramiques des indigènes
étaient fort développées quand les industries égyptiennes liront leur
12'
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
apparition dans la vallée du Nil ; elles possédaient un caractère spé-
cial qui disparut peu à peu pour faire place aux nouveaux usages.
Dès le commencement du Moyen Empire il ne restait plus de traces
des arts céramiques des indigènes.
Pelleteries. — Dans les kjœkkenmœddings comme dans les sépul-
tures, on rencontre fréquemment des fragments de peaux ayant ap-
partenu à des gazelles et à des antilopes; ces peaux servaient bien
certainement à la confection des vêtements sommaires dont les indi-
gènes se couvraient le corps ; car, je l'ai dit, je ne pense pas que les
précurseurs des Egyptiens aient connu les tissus, cette industrie
n'apparaissant que dans les tombeaux contemporains de la sépulture
royale de Négadah, et dans ce monument lui-même, les squelettes
indigènes de Négadah étaient enveloppés clans des peaux et des nat-
tes; ces pelleteries étaient cousues, le poil placé à l'extérieur; quant
aux nattes, elles étaient faites des plantes aquatiques du pays.
L'emploi courant des peaux par les indigènes explique le nombre
considérable de racloirs que nous trouvons dans les kjœkkenmœd-
dings. Il en est de même dans les stations néolithiques de l'Europe,
et, de nos jours encore, les Esquimaux font grand usage des racloirs
de silex pour la préparation des peaux dont ils se couvrent le corps.
Leurs racloirs (fig. 391) sont fré-
quemment emmanchés dans un
morceau de bois ou de corne, mais
souvent aussi ils en font usage en
tenant simplement le silex à la
main. Dans certaines stations,
comme celles du Fayoum où les
populations se nourrissaient prin-
cipalement de la pêche, les racloirs
Fig. 39 ï . — Oulou, ou couteau esquimau. . , ,
Ile Hotham (Alaska), d'après Otis. T. sont Peu abondants ; mais dans les
Mason (The Via or Woman's Knife pays de chasse, tels que la vallée
of the Eskimo) ds. Smiihsonian Re- du Nil au Saïd, ils se trouvent en
port., 1892, pi. LXI, fig. 2. 2/6 gran- ... , . ,, , ,
, , „ & quantité considérable.
deur naturelle. l
Les Esquimaux et les Indiens
d'Amérique du Nord font usage de racloirs en silex pour la prépa-
ration des peaux (cf. Otis T. Mason, Aboriginal skin dressing, ds.
Smiihsonian Report 1891). Ces instruments sont souvent emmanchés
en bois, en corne, en os ou en ivoire.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 125
L'ensemble des procèdes industriels *'n usage chez les indigènes
de l'Egypte présente de grandes analogies avec les mêmes indus-
tries chez les autres peuples vi\;iiit au même degré de civilisation el
sous les mêmes climats. Le Mexique et l'Amérique centrale nous
fournissent à ce sujet un grand nombre de points de comparaison
que je laisse à plus versé que moi dans l'ethnographie américaine le
soin de l'aire, mon but, en écrivant ce livre, étant de rendre compte
de mes observations sur les indigènes de l'Egypte et non de traiter
des points de contact qui peuvent avoir existe entre ces peuples el
les autres races du globe.
Arts. — Les tendances artistiques des indigènes de l'Egypte nous
apparaissent comme très spéciales. Malheureusement, les recherches
ne sont pas encore assez complètes pour qu'il soit possible de dis-
tinguer d'une manière absolument précise, quelle est la part des in-
digènes et quels sont les apports des premiers conquérants égyp-
tiens. Cette étude exigera de très longs travaux, des fouilles
conduites avec la plus grande minutie d'observation et portant sur
une quantité considérable de nécropoles. En l'état actuel de nos
connaissances, je ne puis que parler des arts au début de l'empire
égyptien, c'est-à-dire au moment où les tendances des indigènes et
celles de leurs nouveaux maîtres venaient de se confondre pour
former cet ensemble qui fut l'origine des arts dans l'Egvpte pharao-
nique.
Le dessin, que nous connaissons par des essais de gravure sur les
vases et sur les plaques de schiste est toujours fort grossier et en-
fantin; il s'applique à la représentation des être animés et à la figu-
ration des lignes géométriques très simples dans lesquelles le
cercle et la spirale jouent un rôle. Ces deux modes de décoration
sont le plus souvent mélangés et les surfaces à décorer sont généra-
lement entièrement couvertes de dessins ou de peintures.
Les figures 392 à 410 tirées de l'ouvrage de M. W. M. FI. Pétrie sur
ses fouilles dans la nécropole de Toukh donnent les principaux exem-
ples des représentations animales et végétales.
La figure 397 représente un homme, les bras levés dans l'attitude de
la danse, la lig. 392 est celle d'un lièvre, tandis que les fig. 393 à 39G,
398 et 399 montrent des antilopes et des gazelles. La fig. 403 est un
bœuf aux longues cornes; fig. 402 et 404 sont des éléphants recon-
naissantes à la forme générale de leur corps et à leur longue trompe;
126 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
fig. 405 est un crocodile, fig. 401 un scorpion, fig. 400 probablement
un lézard. Les végétaux sont représentés par les fig. 407 à 410.
395 396
çf
407
408
405 409 401
Fig. 3q2 à 4iO. —Marques sur la poterie de Négadah (W. M. Flinders Pétrie, Naqada
andBallas, pi. LI et LU). i/4 graudeur naturelle.
Tous les peuples sauvages se livrent au dessin, mais il en est beau-
coup qui, comme les négritos de la Malaisie, ne pratiquent que le
dessin o-éométrique et n'abordent pas la figuration des êtres vivants.
Le seul fait, donc, de voir les indigènes de l'Egypte s'essayer dans
toutes les branches du dessin prouve que cette race possédait un ni-
veau intellectuel déjà fort élevé, et avait depuis longtemps dépassé le
deoré artistique dans lequel l'homme se contente de tracer des lignes
droites dentelées ou courbes pour décorer ses ustensiles sans oser
aborder l'image de la nature.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 127
La peinture (fig. 411, \ I '1 . celle qui esl fréquente sur les \
tout en conservant la naïveté el La lourdeur du dessin gravé esteepen-
danl plus souple. Elle représente non seulement des animaux el des
plantes, mais aussi des scènes
complètes de navigation où les
barques sonl figurées avec les pe-
tites chambres qu'elles portaient,
avec leurs étendards, leurs passa-
gers. Ces tableaux, bien qu'exécu-
tés d'une manière enfantine et sans
les moindres notions de la pers-
pective, sont fort curieux et déno-
tent de la part des artistes de ces
époques un grand esprit d'obser-
vation.
La gravure et la peinture céra-
mique semblent avoir été aban-
données de très bonne heure, car
tandis qu'elles sont d'une abon-
dance extrême dans les sépultures
purement indigènes dans lesquel-
les le cadavre a été replié et couché
sur le flanc, elles deviennent de
plus en plus rares dans les tom-
beaux postérieurs et n'existent
plus dans les monuments royaux de Négadah et d'Abydos.
Il semblerait donc que cet art fut indigène, et que son développe-
ment fut interrompu par l'arrivée dans la vallée du Nil d'autres goûts
et d'autres usages. Les débuts de la céramique des îles grecques
présentent des analogies frappantes avec les vases archaïques de
l'Egypte. Mais, dans l'Archipel, ces premiers essais furent suivi- de
nouveaux efforts, tous dirigés dans le même sens, et peu à peu se
forma cet art merveilleux qui se transmit à l'Étrurie et a tous les
pays méditerranéens. En Egypte, au contraire, alors que les premiers
essais dénotaient un véritable sens artistique de la part des indi-
gènes, la conquête arrêta court ces efforts et la céramique devint vul-
gaire et banale, les émaux remplacèrent pour la décoration des vases,
sous le Nouvel Empire, les peintures de l'antiquité : quelques ouvriers
parvinrent même à une grande perfection dans cette industrie, mais
Fig. [\n-[\ii. — Vases de Ballas, d'après
FI. Pétrie (Nar/ada (tnd Ballas, 189G,
pi. XXXV, fig. 77 et 78). i/G grandeur
naturelle.
128 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
les goûts des indigènes avaient été oubliés et leurs premiers efforts
arrêtés. Ce n'est pas que les indigènes fussent déjà parvenus à créer
de véritables œuvres d'art, mais il est certain que, s'ils avaient été à
même de se perfectionner, ils auraient atteint à un degré très élevé»
car leurs essais dénotent de leur part de grandes qualités artis-
tiques.
Fig. 4i3. — Hippopotame en terre cuite provenant des environs de Toukh.
i/4 grandeur naturelle.
Pendant que la peinture céramique s'arrêtait brusquement, la
sculpture progressait d'une manière surprenante. Les premiers essais
des indigènes, bien que très intéressants, ne sont pas toujours heu-
reux. Ils figurent des hommes et des animaux, mais sont lourds, raides
et montrent combien les artistes furent retardés par les difficultés
d'exécution.
La figure 413 représente un hippopotame de terre cuite trouvé dans
le voisinage de Toukh et qui m'a été vendu par un marchand de
414
418
420
415 417 419 421 423
Fig. 4i4> 4!6, 4X7> A1^ 42oi 4^2. — Vases de terre. Nécropole de Toukh (Négadah)
(FI. Pétrie, pi. XXVII, fig. 68 a, b, c; %. 69 a, h, c).
Fig. 4*5, 41!)) 4-i, 423. — Vases de pierre. Nécropole de Toukh (Négadah) (Fl.
Pétrie, pi. XII, fig. 84, 83, 80 et 81).
Keneh. Les figures 414 à 433 montrent une série de vases de la né-
cropole de Toukh dans lesquels le potier s'est efforcé de représenter
des animaux ou de donner à ses vases des formes élégantes. Ces
ETHNOGRAPHIE DES I'<»im LATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 129
essais sonl plutôt malheureux el <>n remarquera combû n ils difl i • ni
des formes qui nous onl été Léguées par I époque pharaonique.
.-•
00
433
Fig. 4^4 ;« 438. — Poteries de Négadah ^d'après Flinders Pétrie, pi. XXVI el XXXVI).
1/12 grandeur naturelle.
Fig.
\-i\.
FI.
Pétri'
,PL
XXVI.
fig.
V>.
Fig.
i3a.
FI. Pe
Fig.
Î25.
id.
id.
fig.
4i-
Fig.
ïv>.
id
Fig.
426.
id.
pi.
XXXVI,
fig.
84.
Fig.
mi.
id
Fig.
427.
id.
pi.
XXVI,
fig.
\i a.
Fig.
135.
id
Fig.
428.
id.
id.
fig.
43 i>.
Fig.
136.
id
Fig.
429-
id.
id.
fig.
Il
Fig
!•:.
id
Fig.
43o.
id.
PL
XXXVI,
fig.
90.
Fig.
438.
id
Fig.
43i.
id.
id.
6g.
91 a.
'etrie
pi. XXXVI, Gg. g ».
id. fig. 91 b.
pi. XXVI, fig. 5i a.
id. Gg.
pi. XXWI
pi. XXVI, Gg. ">^ b.
id. fig.
La sculpture n'est pas supérieure au modelage; les figurines hu-
maines (fig. 96 à 107) dont j'ai parlé plus haut sont fort grossières : c'est
à peine si la forme générale du corps est définie et sans la repré-
sentation de la face il serait difficile de discerner de quel modèle
s'inspira le sculpteur.
Les animaux, bien que reconnaissantes par leurs formes générales,
sont également représentés d'une façon très rudimentaire fig. i39 à
451); ce sont des lions, des lièvres, des oiseaux, des hippopotames
(fig. 452) des chiens (fig. i53), des rats de pharaon fig. i54) sculptés
en statuettes isolées ou ornant des cuillères fig. 153 à
Il est impossible de dire si Imites ces représentations appartien-
nent à l'époque néolithique ou sont pharaoniques; quelques-uns de
9
130 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
ces objets renferment du métal (fig. 455) et par conséquent sont
égyptiens, mais la plupart sont uniquement faits d'os ou d'ivoire.
443 430 451
Fig. y1") à 45i. — Représentations animales, d'après FI. Pétrie {Naqada and Ballas,
pl.LX). — \">i). Plomb (Négadah). — \\o Calcaire (Négadah). — !\\\. Calcaire (Né-
gadah). — 442- Calcaire (Négadah). — '|'| >• Calcaire (Négadah). — 441- Calcaire (Né-
gadah). — !\\h Calcaire (Cébelein). — 446- Quartz (Négadah). — 447- C"s (Négadah).
— 448- Calcaire (Gébelein). — 449- Argile (Négadah). — 4^0- Calcaire (localité in-
coouue). — 45 1- Calcaire (Gébelein).
On rencontre également dans les sépultures archaïques des vases
d'ivoire (fig. 459 à 461) générale-
ment faits dune défense d'animal
légèrement retouchée ou ornée, et
parfois aussi présentantdes formes
analogues à celles des vases de
pierre dure.
D'ailleurs si ces essais artisti-
ques appartiennent à la fin de la
période néolithique, il n'est pas
n. ., .• i... . „„ surprenant de les trouver infé-
I i . '|,)'>, — Figure d hippopotame en i
calcaire (nécropole de Gebel-el-Tàrif. rieurs aux productions du quater-
i/5 grandeur naturelle. naire de l'Europe, car dans nos
pays mêmes ce phénomène se produit, et il semble que pendant la
ETHNOGRAPHIE DES l'ol'l LAT10NS INDIGÈNES DE L'EGYPTE .1
Fig. 453. Cuiller en ivoire, nécropole de Ballas (FI. Pétrie, pi. LXI, Gg. 2).
Fig. \b'\. Cuiller en ivoire, nécropole de Toukh Négadah . 11. Pelrie, pi. LXI, li.
Fig. J55. Cuiller en schiste, manche composé de perles de pierre montées sut une
tige de cuivre (FI. Pétrie, pi. LXI, Gg. <i .
Fig. 456. Cuiller en ivoire, nécropole de Toukh (Négadali (FI. Pétrie, pi. LXI, li_.
Fig. 457. id. id. id. M. id. id. Gg.
Fig. 458. id. id. id. id. id. id. Gg, E .
1/2 grandeur naturelle.
i
!"460
Fig. ',59 à I6i. - Vases de Négadah (FI. Pétrie, pi. LXI1 et LXIV)
15g. (-orne. FI. Pétrie, pi. LXIV, Gg. io2.
i1'". Ivoire. id. pi. LXII, Gg. '( \.
|6i. id. id. pi. 1.X1X. Gg. io5.
1/2 grandeur naturelle.
132 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
période où les instruments de pierre furent en usage, c'est à l'époque
des cavernes que la gravure et la sculpture atteignirent leur plus haut
degré de perfection. Si, au contraire, ces arts sont d'importation
étrangère, nous devons y voir les premiers tâtonnements des Egyp-
tiens, et ce n'est que plus tard, au temps des tombes royales de
Négadah et d'Abydos, que les arts prirent un réel développement;
on s'en rendra compte en examinant les figurines et les pieds de
meubles découverts à Négadah dans la sépulture royale.
fc=*> t»
<â?<^if^
ton*/
ô - «;
Fig. 462. — Sépulture préhistorique (nécropole d'El-'Amrah). 1/20 grandeur naturelle.
Coutumes funéraires. — Les tombes les plus anciennes de la vallée
du Nil nous présentent le squelette placé sur le côté gauche, les
membres étant repliés, les genoux à la hauteur de la poitrine et les
mains placées devant la face. La tête est généralement située au sud,
bien que L'orientation des tombeaux ne soit pas rigoureusement la
même dans tous les cas.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
Les fosses étaienl creusées dans les lunes de galets roulés qui
s'étendenl entre Les cultures el le pied de la montagne, elles étaient
très voisinas les unes des autres el parfois Be touchaienl presque.
Aucun.' muraille, aucun enduil ne soutenaient les bords de la sépul-
^ O
Fi°-. 463. — Sépulture jie la nécropole de Kawamil.
tureet le mort était placé à même la terre, entoure de ses vases et
des objets les plus familiers, tels que couteaux, poignards, lances,
flèches et arcs, bijoux grossiers, amulettes, etc.. fîg. i62).
Ces sortes de tombes sont très abondantes dans le Saïd. Je citerai
seulement les localités de Toukh, Négadah, El-'Amrah, Kawamil où
j'ai moi-même dirigé les fouilles
13'i ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
Dans ces diverses nécropoles, et plus spécialement dans celle de
Néo-adah, les corps, avant d'être ensevelis, avaient été enveloppés
dans une peau de gazelle cousue, puis dans une natte de joncs; j'ai
parfois retrouvé ces enveloppes presque entièrement conservées,
niais (dles tombèrent très rapidement en poussière au contact de l'air.
V
o
o
~c^>
.<b
Fig. j64. — Sépulture de la nécropole de Kawaïuil.
o 4 cy^X 1
Les cadavres avaient été placés entiers dans le tombeau, sans pré-
paration préalable,, ou du moins, je n'ai pas retrouvé de traces de
macération ou de momification. Ils n'avaient point été décharnés,
car les os ont conservé leur position relative et souvent des restes de
muscles el de nerfs montrent qu'ils étaient encore reliés entre eux
lors de l'ensevelissement.
Le mobilier funéraire se composait de vases grossiers renfermant
.RAPHlE DES POPULAT.ONS INDIGÈNES DE > EGYPTE
135
ETHNOGRAPHIE DES l'un u*nv/«« ■■■■
.-«".- '-•••"i'-;::r,;;:;':;::;::l;;.:;::r:'.
jsïsrr-i'ïUïEïi •
Fig. V>
crrossiers et peu comm
î5. __ Sépulture de la nécropole de Silsileh.
uns, de plaques de schiste représentant par
tTZ-^S"^'^^--
136 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE
jours défaul dans ces sépultures; lorsqu'on en rencontre, leur pré-
sence s'explique par ce fait que les tombes qui les contiennent, bien
que présentant le type indigène, doivent être attribuées à une époque
postérieure de quelques années à la conquête. Mais, je le répète, les
objets métalliques sont, dans ces sépultures, d'une extrême rareté.
Fig. 4*>*>. — Sépulture de la nécropole de Kawamil.
C'est surtout avec l'aide des mobiliers funéraires que j'ai pu ranger
chronologiquement les diverses sépultures de ces époques. On voit,
en effet, la céramique et les divers objets se transformer peu à peu,
les formes les plus abondantes devenir rares pour disparaître ensuite
complètement en faisant place à de nouveaux types qui, eux-mêmes,
ne durent qu'un temps et sont abandonnés à leur tour.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 137
Les sépultures dont je viens de parler sonl les plus anciennes,
mais, s;ms sortir du type indigène, nous en rencontrons de plus
récentes. Celles-là (fig. 5=63] contiennent des vases cylindriques en
terre grise, des grandes urnes ovoïdes en pâte grossière, <■! enfin des
objets métalliques. Le bronze et l'or commencent à être employés
bien que n'étant pas encore d'un usage courant.
Fig. 4 G 7 . — Ciste en terre battue, de la nécropole do Kawamil.
Le second type de sépulture dénote l'apparition, dans la vallée du
Nil, d'usages nouveaux que les tombes archaïques ne permettent pas
de prévoir; les corps, au lieu d'être ensevelis entiers, ont alors été
décharnés, soit complètement et, dans ce cas, tous les os sont placés
pêle-mêle clans la fosse (fig. 464), soit partiellement, et dans ce cas,
nous retrouvons ensemble les os des mains et des pieds, tandis que
le reste du squelette est dans le plus grand désordre.
Généralement, la tête avait été séparée du tronc sans toutefois
avoir été tranchée car, d'une part, elle n'occupe plus, par rapport au
squelette, sa position normale et, d'autre part, les vertèbres cervi-
cales sont demeurées intactes. Certains corps semblent avoir été
simplement coupés en tronçons afin que leurs débris occupent un
moindre espace.
Les fosses sont variables de dimensions, souvent elles présentent
une forme rectangulaire, les grandes dimensions du rectangle se
trouvant orientées du sud au nord; parfois aussi (Kawamil), et l'orient
tation reste toujours la même, elles sont garnies, sur tout leur pour-
tour, de murailles de briques crues formant un ciste complet.
Il n'est pas rare (Silsileh, Kawamil) de rencontrer, dans la même
sépulture, soit plusieurs squelettes repliés suivant le rite indigène,
soit les fragments de plusieurs corps, de sorte que, dans bien des cas,
la récolte des spécimens destinés aux études anthropologiques est
fort difticile (fig. 465).
138 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
A Kawamil, j'ai rencontré, en même temps qu'un grand nombre de
sépultures garnies de briques crues (fig. 466), de véritables cistes
Fig. 468. — Ciste en terre battue de la nécropole de Kawamil
d'argile (fig. 467) composés d'une cuve rectangulaire et de son cou-
vercle. Les ossements s'y trouvaient pôle-môle et les vases contenant
les offrandes étaient déposés en dehors du ciste, (fig. 468.)
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGÈNES DE L'EGYPTE 139
Dans cette localité, l'usage d'ensevelir dans des enveloppes d'ar-
gile étail extrêmemenl répandu, car beaucoup de corps étaienl pla
dans de véritables vases fig. i69), soit décharnés, s. .il mis en mor-
ceaux; les plus remarquables (fig. i70 sonl ceux dans lesquels le
mort gisait sur le dos, dans un vase retourné l i ■_■ '.7 1 el i72 . les
membres repliés en l'air.
Ces usages funéraires, bien que conservanl quelques traces des
anciennes coutumes, celles de replier les membres du mort quand le
corps n'était pas mis en pièces, sont très particuliers à ces époques,
car, plus tard, à la période historique mieux connue, les morts sont
traités d'une tout autre manière.
Fig. /|Gg. — Urne funéraire de la nécropole de Kawamil.
M. le Dr Fouquet m'assure avoir rencontré dans les squelettes qui
lui ont été communiqués, des traces de bitume. Cette constatation
montre que, dès les débuts de leur séjour dans la vallée du Nil, les
Egyptiens avaient des tendances à la momification.
Les mobiliers funéraires des sépultures de la seconde catégorie
diffèrent presque entièrement de ceux qu'on a coutume de rencon-
trer dans les tombes indigènes. Les vases décorés de peintures font
défaut, la céramique rouge vernissée de noir, devient fort rare, elle
est remplacée par de la poterie grise et des vases cylindriques. Les
instruments de silex n'existent plus qu'à l'état d'exception, tandis que
le métal est relativement abondant. Les vases de pierre dure sont en
beaucoup plus grand nombre.
Ces mobiliers funéraires, l'usage de la brique crue, l'apparition
liO ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE T/ÉGYPTE
du métal font que je range ces tombes dans la même période que la
sépulture royale de Négadah, l'identité étant complète entre les pro-
duits industriels de l'un et de l'autre de ces gisements; de plus, le
Fig. 470. — Sépulture de la nécropole de Kawamil.
Fig. 4?i et 472. — Vases funéraires de la nécropole de Kawamil.
monument royal de Négadah était entouré de sépultures de ce genre,
tout comme les pyramides des souverains postérieurs le sont des
mastabas ou reposèrent les principaux personnages de leur époque.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE l'.l
Il <-si donc hors de doute que ces tombes sont contemporaines des
premiers rois égyptiens.
Un fait égalemenl digne de remarque est que les nécropoles du
second type sont rarement mélangées avec celles du premier; à N
m
■g W
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«
/ X fB
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Fig. 473 et 474" — Sépultures de la nécropole de Silsilch.
dah, à Kawamil, à El-Amrah elles sont parfaitement distinctes et éloi-
gnées de quelques centaines de mètres les unes des autres ;à Silsileh
et à Touk, au contraire, les sépultures des divers types sont confon-
dues dans le même champ des morts.
lAisagede coucher les corps sur le flanc, les membres repliés, dans
la position qu'occupe un enfant dans le sein de sa mère, n'est pas spé-
cial aux indigènes de l'Egypte; je l'ai constaté dans les cistes de l'Ar-
ménie russe et dans les dolmens des pays caspiens. Sjœborg le cite
dans les dolmens danois; M. Féraud l'a retrouvé dans les cistes et les
112 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
dolmens de Bou-Merzoug en Algérie; il est fréquent dans la plupart
des pays de l'Europe, et l'homme de Menton est légèrement replié
sur lui-même.
La coutume de dépecer ou de décharner les corps est également très
répandue : les sépultures néolithiques de l'Italie renferment des
crânes et des ossements peints en rouge ; M. le baron de Baye a ren-
contré dans les sépultures de la
Champagne des squelettes dé-
charnés; enfin les Patagons et
les Natifs des îles And aman et
les Néo-Zélandais pratiquent
encore cet usage *.
Nous nous trouvons donc en
face de mœurs déjà connues,
mais dont l'existence n'avait pas
encore été signalée en Egypte.
Ces constatations seront peut-
être un jour fort utiles, quand
le moment sera venu de déter-
miner d'une manière positive
l'origine ethnique des diverses
races qui se sont succédées sur
le sol égyptien. Ces usages ne
sont pas de ceux qui peuvent
naître spontanément chez les
peuples primitifs, ils sont bien
certainement le résultat de pen-
sées philosophiques déjà singu-
lièrement avancées, la conséquence de croyances qui, fort proba-
blement, ont eu dans les débuts des liens communs.
;ç5.c0i^~/** X?7
Fig. 4/3. — Sépulture de la uccropole de
Gébel Silsileh.
Beligion. — Après avoir décrit les coutumes funéraires des indi-
gènes et des premiers Égyptiens, il n'est plus nécessaire d'établir
l'existence de croyances religieuses chez ces peuples. L'usage dépla-
cer des offrandes dans les tombeaux prouve surabondamment que les
i. J. Lubbock, L'homme avant l'histoire, p. 3/17, 372 et \'\o.
ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE 143
croyances relatives à la vie future étaienl déjà très répandues e1 ces
croyances ne peuvent exister sans qu'on admette L'existence d'une
i 77 , , I
,
r'i 495 iC
Fig. /j 7 6 à '|tjS. — Plaques de stéato-schiste (nécropoles d'El-'Amrah, d'Abydos et
de Toukh (i[io grandeur naturelle).
501
503
Fig. 'm;) à 5o8. — Plaques de schiste. Nécropole do Toukh Négadah) el de
Ballas [cf. Flinders -Pétrie, pi. XI. VII, Xl.l\ .
force supérieure, d'un pouvoir divin, ou tout au moins sans îles su-
perstitions qui. chez bien des peuples, tiennent lieu de religion.
i45 ETHNOGRAPHIE DES POPULATIONS INDIGENES DE L'EGYPTE
Peut-être devons-nous considérer comme objets se rattachant au
culte les figurines humaines et animales et les plaques ne stéato-
schiste que Ton rencontre en grand nombre dans les sépultures des
Indigènes. L'usage des figurines, très répandu à la fin de la période
510
Fig. ,')09 à 5n. — Schislos gravés. — 5og, Gébel-Tàrif. — 5io et ."Sir, Beit-
Allam. 1/2 grandeur naturelle.
néolithique, devient très rare dès l'arrivée des Égyptiens; quant aux
plaques de stéato- schiste (fig. 476 à 508), qui, dans l'origine, figurent
presque toujours des animaux, ii se perd de bonne heure et les plaques
Ethnographie des populations indigènes de l'égypte 145
rectangulaires que nous rencontrons dans les tombes royales ne peu-
vent être considérées comme ayanl rempli le même but.
L'on a supposé queces plaques étaienl destinées soil à aiguiser les
lames des couteaux, soil à écraser des substances colorantes;
deux hypothèses ne peuvent être admises, car d'une pari ces schistes,
généralement forl mous, ne portenl pas la moindre Irace d'usure soil
sur les bords, soit en leur milieu; d'autre part, nous connaissons quel-
ques schistes (fig. 509 à M I portanl des gravures à la pointe repré-
sentant desanimaux. On a rencontre des plaques de schiste analogues
dans les tombes préhistoriques du Portugal1 et de nos jours encore
les habitants du Kachmir font usage de plaques semblables (fig. 512
comme amulettes; nous sommes donc en droit de supposer que les
indigènes de l'Egypte en faisaient le même emploi.
Fig. 5i2. — Talisman en stéato-scliiste, Kachmire. (Collection Jagor, musae de Berlin
d'après un croquis du Professeur Schweinfurth.)
Tels sont les principaux usages et les principales coutumes des
peuplades que rencontrèrent les Égyptiens lors de leur conquête de
la vallée du Nil. Les données que nous possédons sont certainement
encore bien incomplètes, caries recherches ne datent que de deux
ans; il n'est pas douteux que l'exposé que je viens de faire doive être
complété ou modifié sur bien des points, mais il n'en reste pas moins
ce fait certain que les caractères ethnographiques des peuples indi-
gènes dénotent une civilisation spéciale et indépendante de celle des
Egyptiens pharaoniques. Le chapitre suivant qui traite de la sépul-
ture royale de Négadah montrera mieux encore quelles sont ces dif-
férences.
1. Cartailhac et Chantre, Matériaux, III, 280.
10
CHAPITRE IV
Le tombeau royal de Négadah.
Au mois de mars 1897, me trouvant en Haute Egypte, j'avais in-
vité M. le professeur A.Wiedemann, de Bonn, à venir assister âmes
recherches dans les nécropoles préhistoriques du Saïd; la localité de
Négadah avait été choisie comme champ de fouilles. Deux ans aupa-
ravant, le professeur M. Flinders Pétrie avait, avec mon autorisa-
tion, exploré une partie de ce district; mais je savais que ses inv
tigations avaient porté sur les nécropoles de Toukh et de Ballas et
que, bien qu'ayant intitulé Naqadah et Ballas l'un de ses derniers
ouvrages, l'archéologue anglais avait laissé vierges les terrains si-
tués au sud de Toukh.
Je vins donc établir mon campa la limite du désert accompagné de
MM. A. Wiedemann, G. Jéquier et G. Lampre, qui me vinrent en
aide dans la surveillance des fouilles et deux nécropoles furent atta-
quées, l'une au sud, appartenant aux peuplades indigènes, l'autre,
située à quelques kilomètres plus au nord, et renfermant des sépul-
tures des premiers Egyptiens.
Pendant que les fouilles se poursuivaient, j'explorais méthodique-
ment les environs, reconnaissant les kjœkkenmœddings, recueillant
des silex taillés, observant tous les indices. G'esl alors que je décou-
vris, dans un petit tell situé au nord de la nécropole septentrional.'.
les restes d'un monument de briques crues qui, par la technique de
sa construction, me sembla, dès le premier abord, remonter aux
époques les plus reculées de la civilisation égyptienne (fig. 513
148
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
Les fellahs, en creusant dans ce tell pour se procurer du sébakh,
avaient mis à jour quelques pans de murs de l'aspect le plus singu-
lier. La face extérieure se composait de sortes de chapelles formées
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<^J romaines. \ ^ /
1 •' \ \ £L^
Fig. 5 1 3. — Plan do la nécropole de Négadah (levé et dessiné par M. G. Lampre).
de saillants et de rentrants et présentant de grandes analogies avec
les stèles de l'Ancien Empire. Le sommet de la butte était couvert de
briques cuites et de fragments de poteries ; tout avait été calciné et
les restes apparents portaient les traces d'un violent incendie.
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 149
A priori, il eût été possible de croire que certaines parties «lu mo-
numenl situé sous le tell avaienl été construites en briques cuites et,
par conséquent , remontaient tout au plus à L'époque grecque. Mais
un examen plus attentif me permil de comprendre que les traces de
l'eu s'appliquaient aussi bien aux murailles entières qu'aux matériaux
dont elles avaienl été bâties e1 qu'en conséquence La calcination
s'était produite après la construction.
Dans la nécropole d'Abydos, M. Amélineau avait déjà rencontré
des sépultures très anciennes dévastées par le feu et il attribuail les
incendies aux spoliateurs coptes qui, au début du christianisme,
poussés par le fanatisme, dévastèrent les monuments païens. Cette
opinion, je la partageais alors avec M. Amélineau, m'en rapport mit à
ses observations, et je crus que le monument de Négadah avait été
détruit dans les mêmes conditions que ceux d'Om-el-Gaab.
Dès que les fouilles furent commencées, je revins de suite sur cette
manière de voir, car longtemps après la destruction du monument
cette butte avait été employée comme nécropole et, à la surface, au
milieu des débris calcinés, j'ai rencontré un grand nombre de sépul-
tures remontant à l'époque romaine, grecque, et aussi jusqu'à celle
des Ramessides. Quelques-uns de ces tombeaux renfermaient des
cercueils de bois couverts de peintures, contemporains de ceux des
prêtres d'Ammon découverts à Deir el-Bahri alors que M. E. Grébaut
était Directeur général des antiquités de 1 Egypte.
M. et Mme Wiedemann ont fouillé, de leurs mains, plusieurs de
ces sépultures qui, creusées jadis dans les flancs de la butte, étaient
placées au milieu des détails d'architecture primitive, les coupant et
les détruisant en partie. Il n'est donc pas douteux que l'incendie ait
été allumé antérieurement aux débuts du Nouvel Empire.
Parfois, dans les débris de la surface, j'ai rencontré des squelettes
ne portant aucune trace de calcination, accompagnes de vas
(fig. 514) et de menus objets appartenant au Nouvel Empire. Ces tom-
bes se trouvaient disséminées sans ordre au-dessus des murs et des
chambres du monument et me prouvèrent d'une façon absolue que
les ruines étaient restées vierges, depuis le commencement du
Nouvel Empire tout au moins. Je devais donc écarter d'une mani<
complète l'opinion dans laquelle je me trouvais au début et qui attri-
buait aux premiers chrétiens la destruction de tous ces monuments.
La suite des fouilles me montra jusqu'à l'évidence que non seule-
ment l'incendie du monument ne pouvait dater de la basse époque,
150
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
Fig. 5 1 4 - — Vase en
terre rouge prove-
nais qu'il avait été allumé dans la très haute antiquité, au moment de
la mort du personnage pour lequel cette construction avait été
élevée.
Le fond des salles était encombré de vases d'ar-
gile et de pierre, de débris et d'objets de toute
sorte, gisant pour la plupart au milieu des cendres
dans une position très régulière montrant que
rien n'avait été dérangé dans la sépulture avant
que le feu n'y fût mis. La figuré 515, reproduisant
un croquis que j'ai fait sur le terrain, pendant les
fouilles, montre l'arrangement dans la salle fi du
tombeau (fig. 518) des jarres de terre cuite qui
renfermaient les offrandes. Ces vases eussent bien
certainement été brisés et rejetés en désordre
dans le tombeau si des spoliateurs étaient venus
piller avant l'incendie. 11 en serait de même pour
bon nombre d'objets qui, eux aussi, ont été trouvés
à leur place primitive. Nous devons donc exclure
nant d'une sépul- toute idée de spoliation.
ture de l'époque des , . „ . , , , , .
D j -, Je dois faire observer cependant que, dans bien
Kamessides située l ^
dans le tell du des cas, j'ai retrouvé dans des salles différentes
tombeau royal de f|es fragments de vases de pierre appartenant au
même objet. 11 semblerait que ces vases eussent
été brisés lors de l'ensevelissement du roi, afin
qu'ils fussent détruits avec leur maître, et que les débris en furent
jetés dans les chambres funéraires, au hasard et par-dessus les
offrandes qui devaient accompagner le mort dans la tombe.
Cette coutume de briser les objets dont le mort avait fait emploi
durant sa vie se retrouve plus tard dans l'usage de figurer les hiéro-
glyphes en retranchant les parties essentielles à la vie des animaux
qu'ils représentaient. C'est ainsi que dans la sépulture du roi Hor
Ra-Fouab et dans celle de la princesse Noub Hotep, toutes deux
de la XIIe dynastie, les oiseaux, les serpents etc., qui figurent sur
les inscriptions, sont privés de leur tète.
En dehors de l'Egypte, nous rencontrons encore cette coutume
chez un grand nombre de peuples primitifs. Les tombeaux des âges
du bronze et du fer nous montrent dans toute l'Europe, au Caucase et
en Perse, des armes tordues afin de les rendre inutiles.
Lorsque je fouillais, sur les rives de la mer Caspienne, des sépul-
Négadah.
\jl\ grand, nalur.
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
151
--
—
a
u
152 LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
tures présentant ces particularités, je pensais que c'était dans le but
d'empêcher la spoliation des tombes que cette coutume avait été ap-
pliquée. Mais, depuis, j'ai dû abandonner cet avis, car les métaux pré-
cieux que renferment les sépultures étaient un attrait bien suffisant
pour que les tombes fussent pillées. C'est donc à une pensée plus
élevée qu'il faut attribuer cet usage. Nous sommes amenés à lui don-
ner une orio-ine religieuse dénotant des idées philosophiques très
étendues. Quant au fait de rencontrer les traces de cette croyance
spéciale dans des régions aussi distantes les unes des autres, il est
de la plus haute importance, car il dénote, en ce qui concerne la con-
ception de la vie future, une origine commune dans les idées philo-
sophiques d'un grand nombre de peuples différents.
Le fait de la destruction des objets ayant servi pendant la vie, fait
que i'ai reconnu à Négadah d'une façon indiscutable et qui ressort
éo-alement des trouvailles d'Abydos, est aussi fort important en ce
qui touche les différences d'usages entre les indigènes de l'Egypte et
les premiers Égyptiens. Les tombes néolithiques, en effet, ne ren-
ferment que des objets entiers, aucun ustensile n'ayant été brisé
lors de la mise du corps au tombeau. Les indigènes croyaient donc à
la vie future, mais ils la comprenaient autrement que leurs conqué-
rants.
L'incendie du tombeau de Négadah et de ceux d'Abydos a, par le
fait, rendu inutiles les offrandes que renfermaient les sépultures.
Devons-nous y voir le désir de détruire en entier tous les biens du
mort, ou la pensée plus élevée de rendre immatérielles pour la vie fu-
ture les richesses de ce monde en même temps que le corps ? Je ne
saurais me prononcer, laissant aux spécialistes le soin de tirer parti
de mes observations. En tout cas, nous devons nous souvenir que
cette coutume ne fut pas spéciale aux premiers Égyptiens etqu'après
leur mort, les rois d'Assyrie se faisaient, eux aussi, brûler dans leur
palais avec toutes leurs richesses.
Je passerai en revue le mobilier que renfermait chacune des
chambres du monument, afin qu'on puisse mieux se rendre compte
des conditions dans lesquelles se fit l'inhumation. Malheureusement
l'incendie fut si violent que bien des objets se trouvèrent être en-
tièrement détruits, des vases de granit, de porphyre et d'argile furent
vitrifiés (fig. 516 et 517) et les amas considérables de scories que
renfermaient quelques salles montrent à quel point de fluidité étaient
parvenues plusieurs matières sous cette chaleur intense qui calcina
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAB 153
les murailles, en certains endroits, sur [tins de O"1/.!) d'épaisseur.
L'intensité de la chaleur ne fui pas partout aussi considérable, plu-
sieurs parties du tombeau onl échappé à la destruction. C'est .-< insi
que nous avons retrouvé des objets d'ivoire, d'albâtre, d'écaillé de
tortue, voire même du bois el des étoffes, qui, recouverts de pous-
Fig. 5i6. — Vase d'argile londu par l'incendie et couvert de scories, i 3 grandeur
naturelle.
sières et de cendres, se consumèrent à l'abri du contact de l'air
sans changer de forme. C'est à cette inégalité de chaleur que nous
devons la plupart des objets qui sont aujourd'hui déposés au Musée
de Gizeh.
La fouille du monument nous prit quinze jours, car le travail ne
pouvait avancer rapidement, le fond de chaque chambre devant être
examiné avec le plus grand soin, les cendres enlevées au couteau et
les poussières tamisées. Les quatre archéologues présents à la fouille
Fig. 017. — •Vase en pierre dure (grès siliceux ?) déformé par l'incendie. 1 2 grandeur
naturelle.
firent eux-mêmes ce travail, de telle sorte qu'aucun objet ne fut
perdu et que les notes les plus précises lurent prises sur le terrain
même. Il est bien rare, surtout en Egypte, qu'une fouille soit laite
154 LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
avec autant de soin et de patience; mais nous étions nombreux et, de
ce fait, nous étions à même d'accorder à cetle sépulture toute l'atten-
tion qu'elle méritait. On a critiqué la manière dont M. E. Amélineau
a conduit ses travaux d'Abydos, lui reprochant d'avoir négligé beau-
coup de documents, d'avoir mélangé des objets d'époques diverses.
Ce blâme est injuste car, à 'Om-el-Gaab, M. E. Amélineau était seul
pour faire face à tout. Quant au mélange des objets, il existe, moins
dans les trouvailles d'Abydos que dans l'esprit de certains savants
qui, systématiquement, se refusent à accepter les résultats des
récentes découvertes. Quand on n'a jamais travaillé que dans son
cabinet, il est difficile de se rendre compte des fatigues que supporte
celui qui, peinant durant des mois sur le terrain, doit conserver
à son esprit toute sa liberté d'action au milieu d'une poussière acre et
aveuglante, sous un soleil de feu, pendant dix heures chaque jour. Je
ne saurais trop insister sur ces difficultés pour montrer combien la
science est redevable à mes collaborateurs, MM. Wiedemann, Jéquier
et Lampre, des documents que je suis à même de lui fournir.
Le monument royal de Négadah, dont les ruines, aujourd'hui
dégagées des poussières, seront encore visibles pendant bien des
années, se compose d'un vaste rectangle dont les grands côtés font
avec le nord magnétique un angle de 15° vers l'Est. Sa longueur est
de 54 mètres et sa largeur de 27 mètres (fig. 518).
Les murailles sont construites en briques crues cimentées avec du
limon du Nil; à l'intérieur comme à l'extérieur, les massifs sont
enduits de terre sans peintures, ni blanchissage à la chaux.
En plan, les murailles sont crénelées à l'extérieur sur tout le pour-
tour du monument et forment ainsi une série de chapelles présentant
l'aspect général des stèles de l'Ancien Empire. Ces chapelles avaient
été bouchées par une seconde muraille qui, s'appuyant sur le massif
principal en comblait tous les rentrants. Je ne m'explique pas le but
de ce second mur destiné apparemment à cacher à la vue tout le
détail architectural du monument.
A l'intérieur sont vingt et une chambres divisées en deux séries :
l'une, celle du centre, se compose de cinq salles dont la plus grande,
située au milieu, semble avoir renfermé le mort pour lequel le monu-
ment a été élevé, les quatre autres sont égales de dimensions.
La seconde série est de seize salles semblables, situées autour des
pièces du milieu, et les encadrant dans un rectangle.
Entre les chambres a, (3, y, §, z il existait autrefois de larges portes;
II. fOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
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156
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
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LE TOMBE M ROYAL DE NEGADAH
153
158 LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
mais elles furent fermées au moyen de murs en briques présentant la
même épaisseur que les murailles maîtresses.
Les salles A, B, etc..., O, P, ne montrent aucune communication
entre elles; il semble que ce rectangle eût, à l'origine, été formé d'un
couloir recoupé plus tard en chambres par des murs transversaux de
peu d'épaisseur et pénétrant légèrement dans les gros murs.
Tel est le plan du tombeau royal de Négadah ; ses coupes (fig. 519
et 520) montrent un fruit assez important dans les parois, tant à l'ex-
térieur qu'à l'intérieur.
Il semblerait que la partie centrale du monument eut été bâtie tout
d'abord, la porte d'entrée s'ouvrant au nord ; puis, qu'après avoir
enfermé le mort et la majeure partie du mobilier funéraire dans
les chambres du milieu (a, [3, y, 2, e) en murant les portes, on cons-
truisit le couloir qui fut lui-même transformé en une série de salles
(A, B...., P) remplies d'offrandes; c'est alors qu'aurait été construite
la muraille crénelée, et qu'enfin, pour parachever la sépulture, on
construisit le mur extérieur.
Dans lafig. 521, j'ai reconstitué, autant qu'il était possible, avec les
documents dont je disposais, l'état primitif du monument. Nous ne
connaissons que la partie basse des constructions; la toiture et la cor-
niche, si jamais il en a existé, s'étant écroulées lors de l'incendie.
On remarquera que cet édifice présente des analogies frappantes avec
certains dispositifs très anciens de la basse Ghaldée, tandis que, dans
les œuvres pharaoniques qui lui sont postérieures, nous ne rencontrons
plus guère de traces de ce singulier mode de construction.
Dans ses fouilles de 1896-97 à Abydos, M. E. Amélineau a ren-
contré une sépulture semblable à celle de Négadah, mais renfermant
un bien plus grand nombre de chambres. Grâce à la situation sou-
terraine de ces constructions, la partie des murs voisine du plafond
s'est conservée et j'ai pu voir les restes des poutres qui supportaient
la terrasse. Elles étaient en bois non équarri et fort rapprochées les
unes des autres. Il est permis de supposer que le monument de Néga-
dah était recouvert de la même manière.
Quant à la position qu'occupait le corps dans ce tombeau, il est
difficile de la préciser ; nous savons cependant qu'il était placé au
centre de la salle y au-dessus de la dépression conique dont on voit
l'indication sur le plan. J'ai moi-même fouillé cette cavité, aux envi-
rons de laquelle les cendres étaient accumulées en quantité considé-
rable. J'y ai rencontré quelques fragments de vases et des débris
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 159
calcinés du squelette humain. Quelques phalanges de la main droite,
des fragments de crâne, des dents et quelques morceaux d'os indé-
terminables. Dans les autres chambres les os <|ui ont été trouvés
n'avaient point été brûlés et provenaieni des lombes postérieures de
la surface.
Avant d'entrer dans le détail des objets que renfermait cette sépul-
ture, j'exposerai les conditions dans lesquelles elle avait été cou-
truite dans le désert.
Au nord du cheikh et du cimetière musulman est un plateau
assez vaste, sillonné de ravins et composé d'alluvions caillouteuses
descendues de la montagne. C'est entre deux ravins, sur un éperon
des alluvions, qu'avait été bâti le tombeau royal. Il se trouve aujour-
d'hui à peu de distance des cultures, mais sept ou huit mille ans
avant notre ère, il en était distant de plusieurs centaines de mètres,
peut-être même d'un kilomètre.
Au sud-sud-ouest (cf. fig. 513) du monument royal, se trouve un
tombeau de grandes dimensions, mais celui-là a été creusé dans le
sol et Tonne voit plus aujourd'hui que la fosse béante laissée par les
spoliateurs modernes.
Bien que cette sépulture eût été pillée, j'ai examiné avec soin le
peu de débris qu'elle renfermait encore et j'y ai rencontré bon
nombre de fragments de vases semblables à ceux du tombeau roval :
ces deux monuments étaient donc, à peu de chose près, contempo-
rains.
Au sud des deux sépultures royales est la nécropole des gens du
commun. Les tombes y sont très abondantes, nous en avons fouillé
plusieurs centaines. Toutes présentent les mêmes caractères et sont
bien de celles que nous avons reconnues comme appartenant aux
premiers Égyptiens.
Encore plus au sud sont des kjœkkemmœddings dont la surface
est couverte d'instruments et d'éclats de silex taillé. A l'ouest du ci-
metière musulman était autrefois la nécropole indigène dont j'ai ter-
miné la fouille, mais qui avait été spoliée en majeure partie avant mon
arrivée à Négadah.
Çà et là, dans cette vaste plaine, on rencontre les sépultures des
fellahs de l'Ancienne Egypte, soit que ces tombes appartiennent à
l'époque pharaonique, soit qu'elles ne remontent qu'aux temps gre< s,
romains ou même coptes. Ces nécropoles ne viennent en rien trou-
bler l'homogénéité des restes archaïques; leurs tombes ont percé
160 LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
les kjœkkenmœddings, bouleversé quelques sépultures plus an-
ciennes, mais sont sans conséquence au point de vue des recherches
archéologiques.
Mobilier funéraire. — Toutes les chambres ne renfermaient pas
des objets; beaucoup (A, H, D, E, F, G, ïï, I, J, K, L, M, N, O, P)
étaient absolument vides, soit qu'à l'origine elles n'eussent rien con-
tenu, soit que les matières qui y avaient été enfermées se fussent
entièrement consumées dans l'incendie. Parmi les salles placées au-
tour des chambres centrales, une seule (C) contenait un mobilier fu-
néraire intéressant; mais les salles du milieu (a,6,y,o,e) étaient bon-
dées de vases et d'objets de toute nature. | ^- ^
( 'hambre a.
Un racloir en silex taillé (fig. 776).
Eclats de silex.
Meule ou mortier en grès (fig. 683).
Environ quatre-vingts jarres de terre rouge bouchées à l'aide de
cônes d'argile portant le sceau royal (fig. 562, 563).
Nombreux vases cylindriques en terre grise (type de la fig. 572).
Quelques vases arrondis en terre cuite jaune (type de la fig. 570).
Restes d'étoffes brûlées appartenant à deux ou trois tissus diffé-
rents.
Chambre $.
Un lion en ivoire (fig. 699).
Trois chiennes en ivoire (fig. 698).
Quatre poissons en ivoire (fig. 701, 704, 705, 707).
Une aiguille en os ou en ivoire (fig. 758).
Un bâton à kohl en ivoire.
Deux fragments de bracelets en ivoire (fig. 737 et 740).
Une demi-sphère en ivoire (fig. 751).
Un fragment d'anneau en ivoire (fig. 739).
Plusieurs os de poissons en forme de poinçon.
Nombreuses perles de pâte de verre (fig. 722, 724) formant jadis
un réseau.
Deux coquilles (Tritons) de la mer Rouge.
Nombreuses plaques rectangulaires de schiste (type des fig. 767)
demi-fondues ou tordues par la chaleur.
I i: TOMBEAl ROYAL DE M IGADAH iu
Quatre racloirs doubles en silex type de la fig. 770 .
Quatorze racloirs pointus en silex type de la lig. 771 .
Un grand couteau courbe en silex, cel objel a échappé ;■ l'action
du feu (type de la fig. 769 .
Deux grands couteaux courbes en silex brûlé fig 769).
Nombreux fragments de silex brûlé ayant appartenu à environ
douze couteaux (type de I;i lig. 7<>!) .
Un sceau d'argile au nom du roi.
Un fruit de palmier en serpentine fig. 714).
Un vase massif mortier en granit à gros éléments lig. 682 .
Un gallet de quart/ hyalin (fig. 617 et 619).
Douze vases en roche dure.
Nombreux fragments de vases en roches dures.
Un vase cylindrique en pierre dure (fig. 654).
Dix coupes d'albâtre de diverses formes.
Fragments appartenant à vingt-cinq ou trente vases cylindriques
en albâtre (type de la fig. 628).
Un cône d'albâtre portant des côtes (fig. 574).
Environ quatre-vingts jarres de terre cuite bouchées par des cônes
d'argile au nom du roi.
Très nombreux vases cylindriques en terre grise.
Chambre y.
Plaquette d'ivoire portant la bannière du roi (fig. 549).
Petit vase en ivoire portant les signes V$» (fig. 673).
Petit vase d'ivoire (fig. 669).
Petit vase d'ivoire (fig. 668).
Fragments d'un vase d'ivoire portant les signes ' mi (fig. <>77 .
Fragment d'une épaule de statuette articulée en ivoire (fig. 718).
Fragments de bracelets en ivoire (fig. 733 .
Nombreux fragments d'ivoire appartenant à des objets indétermi-
nés.
Fragments d'un grand coffreten ivoire (fig. 693-695).
Deux bâtons à kohl.
Deux racloirs doubles en silex (type de la fig. 770).
Vingt racloirs pointes en silex type delà fig. 771 .
11
162 LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAII
Deux grands couteaux courbes en silex (type de la fig. 769).
Fragments d'une vingtaine de couteaux semblables aux précé-
dents.
Deux racloirs ronds en silex.
Fragments d'un petit vase en calcaire rose veiné de blanc
(fig. 665).
Fragments de huit ou dix vases de quartz et de cristal de roche.
Un fragment de galet en quartz.
Débris d'une vingtaine de vases en pierre dure.
Neuf coupes en pierre dure (types des fig. 602 et 603).
vyiM Un grand vase à côtes en pierre dure (type de la fig. 664).
Quatre grands vases en pierre dure (type de la fig. 655).pennpl
Un petit vase en pierre dure (type de la fig. 654).
Un mortier en granit rose.
Cinq ou six grandes plaques rectangulaires en stéatoschiste.
Quatre ou cinq vases oblongs en stéatoschiste.
Sceau d'argile portant l'inscription VV» .
Une grande coupe plate en terre rouge vernissée en noir à l'inté-
rieur (fig. 566).
Débris de squelette calciné, dans la cavité centrale de la chambre.
Chambre l.
Fragments d'un gros pied de meuble en ivoire représentant le pied
d'un taureau (fig. 688).
Pied de devant et pied de derrière de taureau, ayant appartenu à
un meuble en ivoire (fig. 685, 686).
Deux gros pieds plats de meuble en ivoire (fig. 689, 690).
Un pied de meuble cylindrique en ivoire (fig. 692).
Un pied de meuble en ivoire en forme de sabot (fig. 691 .
Divers fragments de meubles en ivoire.
Réseau de perles de pâte de verre (type de la fig. 724).
Quatre perles cylindriques en pâle de verre (fig. 734 .
Une perle courbe en pâte de verre (fig. 726).
Un bouton de cuivre (fig. 723 .
Un sceau au nom du roi.
Une coupe de porphyre.
Fragments de quatre autres coupes en pierre dure.
Fragments d'un grand vase de pierre dure orné de côtes.
LE T0MBEA1 ROYAL DE NÉGADAH i,,:
Six fragments de silex taillés brisés par la chaleur.
Quarante ou cinquante jarres bouchées à l'aide de cônes au nom du
roi.
Chambre i.
Doux planchettes d'ébène provenant d'un meuble (fig. 696 el 697 .
Un pied de meuble en ivoire ayant la forme du pied de derrière
d'un taureau (fig. 687).
Une plaquette d'ivoire percée de trois trous (fig. 748).
Un poinçon de silex.
Deux colliers de pâte de verre.
Deux fragments d'un grand vase de pierre dure orne de côtes.
Deux fragments de coupes en porphyre.
Un fragment de petit vase en quartz rose.
Chambres A el B.
Fragments de vases de terre cuite.
Chambre C.
Six plaquettes d'ivoire ayant servi d'étiquettes portant d'un côté
des indications numériques, de l'autre les inscriptions f A et Gffl3
(fig. 550 à 555).
Huit plaquettes d'ivoire d'hippopotame (fig. 732) avant probable-
ment fait partie d'un collier.
Un bras de statuette en ivoire (fig. 720).
Deux fragments de bracelets en écaille de tortue (fig. 734 et 742
Dix poissons en ivoire (fig. 702, 703, 706, 708 à 713).
Un fragment de bracelet en nacre (fig. 738 .
Une perle longue en or (fig. 744).
Fils de cuivre entourant les restes d'un objet de l)ois fig. 762 à 766 .
Un lion en cristal de roche (fig. 762 .
Deux bouteilles en cristal de roche (fig. 615).
Plusieurs coupes en cristal de roche (fig. 610, 616, 623
Fragments de plusieurs vases en obsidienne fig. 625 a 627 .
Deux coupes d'albâtre.
Fragments de plusieurs vases cylindriques en albâtre.
Km LE T0MBEA1 ROYAL Dt: NEGADAH
Quatre racloirs doubles en silex.
Vingt-cinq poinçons ou racloirs pointus en silex (type de la iig. 771)
et quelques fragments de mômes instruments.
Un grand couteau courbe en silex (type de la fig. 769).
Fragments de quatre ou cinq couteaux de silex semblables au pré-
cédent.
Deux petits vases de géobertite portant les inscriptions 'VV?
(fig. 661 et 662).
Un fragment de vase en pierre verte portant la même inscription
que les précédents.
Divers fragments de vases de pierre dure.
Trois perles de terre cuite.
Une perle de cornaline.
Fragments d'un coffret de bois.
Etoffes abondantes appartenant à quatre ou cinq qualités de tissus
dont quelques-uns sont très fins.
Débris de cordes et de ficelles.
Chambres D. E , P.
Ces chambres ne renfermaient que de rares débris de vases de
terre sans intérêt.
Tous les objets que je viens de citer clans les listes qui précèdent
se trouvaient au fond des salles dans une épaisse couche de cendres,
de débris des parties hautes du monument, de scories et de char-
bons; beaucoup de pièces avaient été brisées' par la chaleur et la
chute des terrasses, d'autres avaient été cassées intentionnellement
avant l'incendie.
Après avoir décrit en détail le monument et exposé la position
qu'occupaient les divers objets dans les différentes salles, je passerai
à la description détaillée de ces mêmes objets en les rangeant, non
plus suivant la place qu'ils occupaient dans le tombeau, mais d'après
leur nature ou l'usage auquel ils étaient consacrés. On se rendra
ainsi mieux compte du développement que présentaient alors les arts
et les industries, ainsi que des différences très notables qui séparent
la civilisation indigène de celle des premiers Egyptiens.
Textes. — Les inscriptions sont relativement abondantes, dans
cette sépulture, quoique peu variées; elles se rencontrent sur les
I r TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
165
sceaux d'argile qui jadis fermaient bien certainement des ballots
(fig. 522 à 526), suc les nombreux cônes d'argile qui bouchaient b-^.
-
SE
'
Fig. 522 el 523. — Sceaux d'argile portant la bannière royale. 522 a, avers dn sceau.
522 /', revers. 2/3 grandeur naturelle.
524 526
Fig. Ô24 à 526. — Sceaux d'argile. 1/2 grandeur naturelle.
amphores (fig. 527) et, dans ces deux cas. elles ont été obtenues en
roulant, sur la pâte encore molle, des cylindres semblables à ceux de
la Ghaldée. On en rencontre aussi de gravées sur les vases d'argile
(fig. 528 à 548). Mais ce ne sont, dans ce cas, que de simples indica-
tions du contenu des jarres, signes qu'il n'est pas possible d'inter-
préter aujourd'hui. On en trouve de gravées en creux sur des plaques
d'ivoire (fig. 549 à 555) et sur des vases en pierre dure où les trois
signes V&V se reproduisent si fréquemment que je suis porté à
croire qu'ils représentent l'un des noms du personnage enseveli
dans le tombeau.
Les inscriptions des cylindres ne soûl pas toujours très nettes sur
les cônes d'argile, soit que la pâte lui trop grossière pour recevoir
une impression très nette, soit que le scellage des ballots el des
jarres eût été fait trop rapidement. Toutefois, comme les exemplaires
l(5(i
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
de ces sceaux sont fort nombreux, il est facile de retrouver sur l'un
ce qui manque sur un autre et de reconstituer ainsi, sans le moindre
- /
Fig. 527. — Mode de fermeture des jarres de terre cuite et cône d'argile portant la
bannière royale.
528 520 530 531 532 533 534 535 536 537 538
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539 540 541 542 543 544 545 546 547 548
Fig. 628 à 548. — Marques relevées sur les jarres d'argile du tombeau royal de
Négadah.
risque d'erreur, l'image complète que le cylindre portait gravée en
creux. Ce travail a été fait avec le plus grand soin par M. G. Jéquier;
LE TOMBEAU ROYAL DE NI '.ADAM
sur sa demande, j'ai moi-même vérifié les dessins, en contrôlanl tous
les documents, et je puis <in affirmer l'exactitude rigoureuse. Cette
remarque étail nécessaire, car ces documents sont appelés à jouer un
Fig. 54g. — Plaquette d'ivoire portant la bannière royale. Grandeur naturelle
(dessin de M. ('•. Jéquier).
rùle très important dans l'histoire des origines de l'Egypte el il est
indispensable que le monde savant puisse compter sur leur exacti-
tude absolue.
550 551 •_ I
555
V.'V:
f'C\ùC\
n n ; 1
II 1 M
GHD
GJ.
550 a 531 a 552 a 5 53 a 554 a 555 a
lii4. ô.")0 à 555. — Plaquettes d'ivoire vues sur les deux faces ayant servi <1 étiquettes
et portant des indications numériques (dessin de M. G. Jéquier).
M. G. Jéquier a relevé sur les cônes et les sceaux l'impression de
six cylindres différents dont l'interprétation est encore douteuse,
mais dont M. A. W'iedemann et lui traitent dans les chapitres sui-
vants.
lor C7jlin(lre{iig. 556), le plus petit de tous, hauteur 0m,037, diamètre
I68 LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
0m,0i9, ne porte que deux bannières royales séparées entre elles par
les sio-nes ooc<o.
nrir"1-
L
8ɧ
SDQOD
G.J.
Fig. 556. Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jéquier).
2" cylindre (fig. 557), hauteur 0m,062, diamètre 0m,019, porte gravées
deux séries de bannières royales.
G.J.
Fig. 557. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jéquier).
Fig. 558.— Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jéquier).
LE TOMB] M ROYAL DE NÉGADAH
169
3e cylindre fig. 558 . hauteur &*$!&, diamètre 0m,024, représente
deux lignes de bannières royales séparées entre elles par les signes
VIA que nous voyons si souvenl gravés sur les vases de pierre
dure et qui peut-être l'ont partie du nom royal.
V cylindre fig. 559 . hauteur 0m,070, diamètre .027. porte deux
bannières spéciales accolées et surmontées du signe y. trois fleurs
séparent les bannières de l'impression suivante.
G.J.
Fig. 55g. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jéquier).
5e cylindre (fig. 560), hauteur 0m,(H2, diamètre 0m,026, représente
une série d'animaux et d'instruments; on y reconnaît des antilopes,
des renards, des chiens, des crocodiles, des autruches, des animaux
r-, eês> "^o ^ v5-*- £XL '3 „ >Tn ■
G.J.
Fig. 56o. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. <>. Jéquier).
fantastiques composés de la partie antérieure d'un lion et d une
gazelle, des houes, etc.... Ce cylindre ne porte aucune inscription, il
semble avoir été composé de représentations plus ou moins cabalis-
tiques.
170
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
6° cylindre (fig. 561), hauteur 0m,078, diamètre 0m,0G8. Ce cylindre,
le plus grand que nous ayons rencontré dans le tombeau royal de
Négadah, représente la façade d'une maison à deux portes, placée
au milieu d'une plantation de dattiers dans laquelle est couché un lion.
!/y /vYVYYYyYVVYv /"
iv VV /VVWVVVVVYVV
rn~rrrrrrrrrnrrnrtrrr-||
\\ fi. rr.rrrrrrrrrrrrrlill
Fig. 56r. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jéquier).
Vases. — Comme on a pu s'en rendre compte par les listes qui
donnent le détail des mobiliers funéraires renfermés dans chacune
des salles, les vases étaient en extrême abondance. Ce fait n'a rien
qui doive surprendre, car il en est ainsi dans toutes les sépultures
appartenant aux indigènes ou aux premiers Egyptiens. Les tombeaux
royaux d'Abydos en contenaient une prodigieuse quantité tant en
pierre qu'en argile.
L'ensemble des découvertes faites depuis deux années dans la
Haute Egypte, tant dans les sépultures royales d'Abydos et de Né-
gadah que dans les nécropoles appartenant à la classe pauvre de la
population, permettent aujourd'hui de classer avec une grande pré-
cision les vases des époques les plus archaïques de l'Egypte, aussi
bien en ce qui concerne la céramique proprement dite qu'en ce qui
touche aux vases de pierre. 11 y a peu d'années encore les égypto-
logues, lorsqu'ils parlaient de l'art du potier, faisaient les plus regret-
tables confusions; mélangeant les époques, attribuant de la façon la
plus fantaisiste les diverses formes préhistoriques aux âges histo-
riques, ils donnaient dans leurs livres les idées les plus fausses sur
les débuts de l'art égyptien1. La collection des vases du tombeau
i. Il est intéressant de citer l'opinion que s'était faite M. G. Maspero {£ Archéolo-
gie égyptienne, p. 243 et 2/(4) sur les vases archaïques, qu'il attribuait en 1887 aux
dynasties thébaines.
« Les poteries des premières dynasties thébaines que j'ai recueillies à El-Khozam
et à Qébéléïn sont plus soignées d'exécution que celles des dynasties memphiles.
Elles se répartissent en deux classes. La première comprend des vases à panse
lisse et nue, noire par en bas, rouge sombre par en haut. L'examen des cassures
montre que la couleur était mêlée à la pâte pendant le brassage ; les deux zones
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 1:1
royal de Négadah constitue, à ce sujet, une série de documents de la
plus haute importance; car, d'une part, l'époque de cette sépulture
ne peul être mise en doute, et d'autre part, cette collection es1 à l'abri
de tout mélange, puisque ce monument royal n'a jamais été spolié.
Dans cette tombe les vases les plus abondants sonl les amphores ;
«•Iles remplissaient certaines salles el se trouvaienl au nombre de
plusieurs centaines. Les jarres (fig. 562 el 563 dépourvues de leur
couvercle, présentent une hauteur moyenue de 0m,80; leur diamètre
maximum varie entre <)n\.'i2 el 0m,35. Elles sont faites d'argile fine,
bien pétrie et cuite à haute température. Souvent elles portent, près
du col el aux environs de la panse, des cercles en relief figurant g]
sièrement des cordelettes. Un signe gravé dans la pâte molle indique
probablement quelle était la nature de leur contenu.
L'obturation s'obtenait au moyen d'une jatte renversée de diamètre
égal à celui de l'ouverture du vase; le cône d'argile enveloppait le col
en même temps que la jatte.
Ces sortes de vases sont fréquents dans les sépultures royales
d'Abydos;M.Amélineau les a rencontrés par centaines. Ils différaient
parfois quelque peu de ceux de Négadah, mais présentaient toujours
des analogies telles qu'il serait impossible de les séparer les uns des
autres par l'étude de leur technique.
A Négadah, ces vases avaientcontenu des provisions; le professeur
Schweinfurth a reconnu dans les matières calcinées qu'ils renfer-
maient des restes de grappes de raisin, du blé, de l'orge, de la fa-
rine; etc.. quelques-uns des vasesd'Abydos contenaient de la graisse.
Après les grandes amphores, je citerai d'abord les vases enterre
grossière (fig. 564, 5(37 et 568) fabriqués à la main, sans le secours du
préparées séparément, étaient soudées ensuite de façon assez irrégulière, puis
glacées uniformément. La seconde classe contient des vases de formes très variées,
souvent bizarres, d'une terre rouge ou jaune terne, grands cylindres fermés par
un bout, plats oblongs, rappelant la coupe d'un bateau, burettes conjuguées deux à
deux, mais ne communiquant pas ensemble (fig. 2i5 . L'ornementation est répandue
sur toute la surface et consiste d'ordinaire en raies droites, tirées parallèlement
l'une à l'autre, ou entrecroisées, en lignes ondées , en rangées de points ou de
petites croix combinées avec les ligues, le tout eu blanc quand le fond rst ro
en rouge brun quand il est jaune ou blanchâtre. De temps en icnij - _ ires
d'hommes ou d'animaux s'entrelacent au milieu des combinaisons géométriques. Le
dessin en est rude, presque enfantin, et c'est à peine si l'on y reconnaît des troupeaux
d'antilopes ou des scènes de chasse à la gazelle. Les manœuvres qui produisaient ces
esquisses grossières étaient pourtant contemporains des artistes qui décoraient les
grottes de Beni-Hassan
172
LE TOMBEAU ROYAL DE NKGADAH
fi ■*•' <<*(«
Fig. 562 et 563. — Grandes jarres de terre cuite, hauteur om,8o, diamètre
maximum o,m35.
LE TOMBEAU ROYAL DE VEGADAH
173
tour, ('.clic céramique esl très abondante dans toutes les sépultures
archaïques, s<>ii Indigènes soil pharaoniques. 1-Z M « • se continue pendanl
presque toute la durée de l'Ancien Empire, je I ai rencontrée dans les
mastabas contemporains du roi Snéfrou; mais elle cesse complète-
ment dès le débul du Moyen Empire : les nombreuses tombes de la
XII0 dynastie du plateau <!<• Dahchour n'en contenaient pas un seul
spécimen.
569 " 571
Fig. 564 a 372. — Vases de terre cuite — 5(>4, terre rougeâtre grossière. — 565, pâte
rouge clair. — 566, terre rouge fine vernie eu uoir. — ."j < î — , terre grossière rougeâtre.
— 568, terre rougeâtre très grossière. — 069, pâte fine blanchâtre. — 5jo. terre
fine grisâtre. — Sji, terre line blanchâtre. — 572, pâte grise très fiue. 1/8 gran-
deur naturelle.
Puis viennent la poterie jaune lisse et la poterie grise fine (fig. 569
à 572) que les indigènes ne semblent pas avoir connue et qui est
caractéristique des débuts de la civilisation égyptienne.
La céramique rouge, peinte en noir (fig. 566 , apparaît encore dans
le tombeau royal de Négadah; nous avons vu au chapitre précédent
qu'elle est d'origine indigène. Les Egyptiens en tirent encore usage
dans les temps qui suivirent de près la conquête; mais il semble
qu'elle fut abandonnée de bonne heure, car les mastabas de la III el
de la IVe dynasties n'en contiennent pas. Dans le tombeau royal de
Négadah je n'en ai trouvé qu'un seul exemplaire et à 'Om el-Gaab,
M. Amélineau n'en a rencontré que fort peu.
Les vases de pierre qui, à Négadah. de même qu'à Abvdos, étaient
fort abondants, avaient été fabriqués avec les matières les plus dures.
Malheureusement la chaleur intense à laquelle ils ont été soumis n'a
pas toujours permis d'en faire la détermination pétrographique d'une
manière rigoureuse. Messieurs FriedeletFouquet, de l'Académie des
174 LE TOMBEAU ROYAL DE 1NÉGADAH
Sciences, ont bien voulu se charger de ce travail difficile. Voici la
liste des roches qui ont pu être déterminées.
Diabase.
Porphyre altéré par la chaleur.
Diabase ophitique.
Quartz.
Géobertite (carbonate de magnésie); ce minéral est fort rare
Porphyre pètrosiliceux avec quartz globulaire.
Dior lie.
Diorite avec apatite abondante.
Diorite quartzifère.
Dolérite [diabase à petits éléments).
Calcaire faune à veinules blanches.
Calcaire siliceux.
Grès argilo micacé.
Calcite rubanée (marbre onyx, communément désigné en Egypte,
parle nom d'albâtre).
Obsidienne.
Je dois ajouter à cette liste des poteries plus ou moins siliceuses,
qui ont subi de telles températures qu'elles sont entièrement vitrifiées
et qu'apriori, j'avais pensé avoir à faire à des roches volcaniques du
type des basaltes. Ce n'est qu'en les examinant en lames minces sous
le microscope qu'il a été possible de retrouver leur nature originelle.
Parmi ces substances, il en est beaucoup qui se rencontrent en
masses importantes dans le massif éruptif situé entre Assouan et la
mer Rouge ; d'autres, telles que la géobertite, sont fort rares au
point de vue minéralogique et leur gisement en Egypte n'a pas
encore été découvert; d'autres enfin, comme l'obsidienne, sont
absolument étrangères à cette partie de l'Afrique, sa constitution
géologique ne permettant pas qu'on l'y rencontre.
L'obsidienne abonde dans les îles grecques, on en rencontre éga-
lement dans l'Arménie et, je crois, aussi dans l'Asie Mineure. Mais
ces gisements du verre de volcan sont fort éloignés de la vallée duNil.
Ce minéral était, dans l'antiquité, considéré comme une substance
de grande valeur; sous la XIIe dynastie il servit à la confection des
vases montés en or que j'ai découverts dans la galerie des princesses à
Dahchour, et M. Maspero m'a montré, autrefois, une tête de statuette
en obsidienne faisant partie de sa collection.
Dans la haute antiquité, l'obsidienne fut une matière d'exportation
LE T0MBEA1 ROI \l. DE NÉGADAH 1:5
pour les pays où elle se trouve naturellement; elle étail connue de toul
temps en Ghaldée car, bien que les montagnes voisines n'en renfer-
ment pas, j'en ai rencontré dans les stations préhistoriques du Poucht-
é-kouh, aux confins de la Mésopotamie, el dans les couches néoli-
thiques du tel] de Suse. Cette matière semble donc avoir joué, sur
une moindre échelle, un rôle analogue à celui du jade oriental à
l'époque néolithique.
37'' 580
Fig. 073 à 58o. —Vases en calcite rubanée (marbre onyx dit albâtre d'Egypte).
i/3 grandeur naturelle.
La présence de l'obsidienne dans la vallé du Nil, des une époque
aussi reculée, est une preuve de plus en faveur des relations très
suivies qui existèrent de tout temps entre la Syrie, la Chaldée et
l'Egypte. Car, pour le pays des Pharaons, celte pierre esl essentiel-
lement asiatique : elle venait probablement par la même voie que le
bronze, l'étain et le cuivre qui, je l'ai déjà dit, n'existe pas dans le
sol égyptien en quantité suffisante pour fournir aux besoins de la
population.
Après avoir parlé de la nature des roches employées par les pre-
miers Egyptiens pour la fabrication de leurs vases, je n'y reviendrai
pas, me contentant de traiter de la forme et de la technique de ces
objetsjle lecteur trouvera dans la légendequi accompagne les figures
la désignation précise de la matière qui compose les vas,..
176
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGAUAH
Fig 58x à 586. Vases. - 58i, roche porphyrique très altérée par la chaleur -
582 pâte siliceuse, probablement poterie vitrifiée. - 583, granit de Syeoe. - 584,
poterie vitrifiée. - 585 et 586, calcite rubanée. i/3 grandeur naturelle.
5É8
Fig. 087 à 591- — Coupes en pot
crie vitrifiée par l'incendie. i/3 grandeur naturelle.
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
Fig. 592 à 596. — Coupes en poterie vitrifiée par l'incendie. i/3 grandeur naturelle.
597
Fig. 597 à 6o'i. — Coupes. ^97, roche altérée indéterminable. — ."><|S et 599, po-
terie vitrifiée. — 600, grès argilo-micacé. — fioi, poterie vitrifiée — 602, diorite
i/4 grandeur naturelle.
178
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
Le plat, l'écuelle et la coupe sont les formes les plus simples du
vase de pierre; on les rencontre dans les sépultures indigènes de
même que dans les tombeaux pharaoniques ; mais, aux dernières pé-
riodes, elles prennent une finesse et une pureté de travail extrême-
Fig. 6o3. — Coupe en roche porphyrique altérée par la chaleur. i/3 grandeur naturelle.
604
Fig, 6<>4 â 6o7. — Coupes en pierre dure. — 6o4, diorite. — 6o5 et 606, roches
porphyriques altérées par la chaleur. — 607, ruche indéterminable très altérée.
i/3 grandeur naturelle.
ment remarquables. Au début elles ne semblent pas avoir été tour-
nées, pas plus, d'ailleurs, que les vases de terre qui les accompagnent
dans les sépultures; ce n'est que plus tard, peu avant l'époque où cet
usage disparut de TÉgypte, qu'elles furent obtenues au moyen du
tour à main.
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
179
Les indigènes et les premiers Égyptiens travaillèrent la pierre
avec une rare perfectû l par l«'s moyens les plus rudimentaires.
C'est ainsi qu'ils sculptèrenl eu albâtre ou en roches dures, telles
que le porphyre, des coquilles prenanl modèle sur les anodontes el
les unios qu'ils rencontraient communément dans le Nil. Il existe
plusieurs spécimens de ces œuvres dans nos musées e1 les exem-
plaires découverts dans les sépultures royales d'Abydos permettent
aujourd'hui de leur assigner une date et de les faire remonter aux
temps qui suivirent immédiatement la conquête.
Fig. 608 à 62 'j. — Vases et galets de quartz. 1 / ] grandeur naturelle.
Les substances les plus résistantes ne rebutaient pas les ouvriers
d'alors ; c'est ainsi que nous voyons à Négadah le quartz prendre
toutes les formes (fig. 608 à 624) depuis celle de la coupe jusqu'à
celle de la bouteille au col étroit.
En étudiant avec soin les vases en cristal de roche, grâce à la
transparence de cette matière, on se rend aisément compte des
moyens employés par les ouvriers. Pour donner à l'extérieur sa forme
définitive on faisait tourner le bloc à façonner entre deux pièces de
bois garnies de sable quartzeux; pour creuser l'intérieur, on forait un
premier trou central à l'aide d'un bâton et de sable, puis, afin d'ob-
tenir des cavités plus larges au delà du col du vase, l'ouvrier em-
ployait du gros sable quartzeux qu'il faisait tourner à L'intérieur du
vase à l'aide d'un simple morceau de bois.
180
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
Les deux mouvements étaient produits séparément, comme le
prouvent les épaisseurs inégales résultant de ce que les deux axes,
intérieur et extérieur, ne correspondaient pas.
Ce même procédé a été employé pour tous les vases de pierre; les
traces sont fort visibles, non seulement sur les objets de quartz, mais
aussi sur ceux d'obsidienne (fig. 625 à 627) et sur les perles de cor-
naline qui parfois abondent dans certaines tombes archaïques.
Fig. 625 à 627. — Vases en obsidienne. 2/3 grandeur naturelle.
La forme la plus simple des vases, après l'écuelle et la coupe, est
le cylindre ; il était obtenu par les mêmes procédés et fait générale-
ment d'albâtre (fig. 628 à 653) ; plus rarement on en rencontre en
pierre dure (fig. 654). Ces sortes de vases étaient ornés d'un large
boid et généralement aussi d'une cordelette entourant le cylindre
près de son orifice. Les formes en sont extrêmement variées.
A Négadah, je n'ai rencontré que des vases cylindriques entière-
ment terminés à l'extérieur comme à l'intérieur. Ces vases étaient
destinés à l'usage. A 'Om el-Gaab (Abydos), au contraire, la plupart
de ces cylindres étaient simplement achevés à l'extérieur, l'intérieur
demeurant plein. Ils jouaient alors dans le tombeau un rôle pure-
ment conventionnel. Il est à remarquer que les sépultures qui les
renfermaient paraissent, par l'ensemble de leur mobilier funéraire,
être postérieures au tombeau de Négadah. Déjà l'usage des offrandes
prenait ce caractère fictif que nous lui connaissons pendant toute la
période pharaonique proprement dite. Aux vases pleins des produits
de la terre succédaient les ébauches de ces vases, probablement
garnies à leur partie supérieure de quelques graines donnant l'illu-
i E TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
181
sion des provisions <(iii, réellement, eussent dû être déposées dans
le tombeau. Plus tard cette supercherie ne suffira plus el les of-
frandes elles-mêmes, telles que les canards, les oies, les fruits, se-
ront sculptées < > 1 1 simplement inscrites sur les parois des tombeaux.
Les vases cylindriques d'albâtre sont semblables à ceux de terre
grise qui abondent dans les tombes des gens du peuple. Ces deux
catégories de récipients correspondaient aux mêmes besoins; mais
chez les riches ils étaient faits de pierre plus ou moins précieuse,
tandis que les pauvres les fabriquaient en argile.
Fig. 628 à 653. — Vase de calcile rubanée (albâtre d'Egypte). — Fig. 62g à ( > /| 7 . Sections
de bords de vases en calcite rubanée. — Fig. 64S à 653. Ornements des mêmes
vases. i/'| grandeur naturelle.
Les plus remarquables des vases de ces époques sont ceux que je
désignerai sous le nom de vases globulaires. Ils présentent la forme
d'une sphère aplatie, sont généralement munis d'un fond plat; leur
ouverture large est ornée d'un bord très écrasé. Ils portent deux
petites anses cylindriques (fig. (>.V> à 660).
182
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAII
De même que les vases cylindriques de pierre ne sont que la copie
des vases de terre semblables, de même les vases globulaires sont
Fig. 654. — Vase cylindrique en diabase ophitique. r/3 grandeur naturelle
Fig. 655 à 656. — Vases globulaires en roches dures. — 655, roche indéterminable
par suite des altérations causées par la chaleur1. — 656, roche porphyrique très
altérée. i/3 grandeur naturelle.
semblables à ceux des indigènes sur lesquels, dans la plupart des
cas, on recontre des peintures. Nous savons que le type céramique
i. Le tombeau royal renfermait quatre autres vases de celte forme, eu porphyre
et en roches qu'il n'a pas été possible de déterminer par suite des altérations causées
par la chaleur.
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH lg ;
est plus ancien que le type lapidaire. < lette forme fut donc empruntée
aux indigènes par les conquérants. Elle se continue avec quelques
modifications au travers des siècles ; nous en connaissons du Moyen
comme du Nouvel Empire ; mais la plupart do ceux que nous doê
dons dans les musées doivent être attribués aux premiers temps de
l'Ancien Empire ; le fait est aujourd'hui hors de doute.
<
■c"
Fig. 607. — Vase globulaire en porphyre. ij\ grandeur naturelle.
A Gebel Tarif, en 1896, il a été trouvé un vase de ce groupe dont
les anses sont ornées d'or. D'autres portent des anneaux de cuivre,
de telle sorte que, même avant les découvertes de Négadah, il était
658
Fig. 658 à 66o. — Vases. — 658, porphyre altéré. — 65g, poterie siliceuse vitrifiée.
— 66o, diorite. i/4 grandeur naturelle.
possible d'assigner à ces objets la date qui leur appartient. Les silex
taillés et l'ensemble du mobillier funéraire qui les accompagnaient
dans les tombes ne pouvant laisser subsister aucun doute sur leur
très haute antiquité.
Le tombeau royal de Négadah renfermait trois petits vas-
géobertite (fig. 661 à 663) qui doivent aussi être rangés dans cette
catégorie ; bien qu'ils soient plus élancés et qu'ils se rapprochent
plus des formes postérieures, les inscriptions que portent ces petits
vases prouvent qu'ils sont contemporains des autres objets du mo-
nument.
Les plus intéressants dans la classe des vases globulaires sont
sans contredit ceux qui sont ornes de côtes fig. 664 et 665 . car
184 LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
ils n'ont pu être faits au tour et le travail en est d'une régu-
larité mathématique. On s'explique difficilement comment, sculptant
une roche aussi dure qu'est le porphyre pétro-siliceux, les artistes
de ces époques si lointaines, privés des moyens mécaniques puis-
sants dont nous disposons aujourd'hui, purent couper la pierre avec
662 G63
Fig. 6!3i à 663. — Vases en géobertite. a/3 grandeur naturelle.
Fig. 664. — Vase en porphyre pétro-siliceux avec quartz globulaire. i/4 grandeur
naturelle.
Fig. 665. — Vase en calcaire rose veiné de blanc. 2/3 grandeur naturelle.
une précision aussi parfaite sans émousser les angles, sans faire la
moindre faute. L'épure seule d'un de ces vases est déjà une œuvre
délicate dénotant des études artistiques très avancées. Les formes
sont souples et élégantes, les diverses parties du vase, la gros-
seur des côtes, la proportion des parties lisses, la forme et la posi-
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 185
tion des anses, les dimensions du fond sonl calculées avec un tel
soin que, de nos jours encore, il sérail bien difficile d obtenir un
ensemble plus parfait.
Ces vases sont, d'ailleurs, beaucoup plus rares que les autres; le
tombeau royal de Négadah n'en avail jamais renfermé plus de cinq
ou six ; les sépultures d'Om el-Gaab en contenaient aussi ; mais, dans
les nécropoles où furent ensevelis les particuliers, ces sortes de
vases sonl presque introuvables.
Parmi les formes les plus singulières du monument de Négadah,
je dois encore citer des vases (iig. G67) ornés de deux côtes aiguës
Fig. 6G7. — Vase en poterie vitrifiée par l'incendie. i/3 grandeur naturelle.
et faits de terre. Ils ont été vitrifiés et fondus à tel point par l'in-
cendie qu'rt priori j'avais pensé qu'ils avaient été taillés dans une
roche dure siliceuse. L'examen au microscope de leur composition
m'a seul fait revenir de cette erreur. Cette forme, que nous ne con-
naissons pas dans la poterie des indigènes, n'existe pas non plus
clans la céramique postérieure aux premières dynasties; elle semble
être spéciale aux débuts de la civilisation égyptienne.
Avant que d'en terminer avec la description des vases qui m ont
été livrés par la fouille du tombeau royal de Négadah. je dois citer
186
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
une série de petits pots d'ivoire (Ci g. 668 à 678) qui malheureuse-
ment ont été brisés et déformés par la chaleur. Ces objets sont
d'une extrême délicatesse. Beaucoup de ces vases étaient cylindri-
ques (fîg. 668 à 671); ils présentent alors en réduction les formes et
les ornements des vases cylindriques d'albâtre ou de terre cuite.
D'autres (fig. 672à 678) étaient renflés en leur milieu. Quant àl'usage
auquel ils étaient destinés, il est fort difficile de se prononcer. Leur
petitesse ne permet que de les attribuer à la toilette ; ils contenaient
probablement des kohls, des pommades ou des parfums.
668 a
668 b 669 a 669 6 671 a 671 b
673 b 673 a
% I ma
674 b 674 a
670 a 670 6
675 a
675 6 675
676 b 676 a 677 678 a 678 6
Fig. 668 à 678. — Fragments de vases en ivoire. 1/2 grandeur naturelle.
Dans les fouilles d'Abydos, M. E. Amélineau a rencontré quelques-
uns de ces petits vases d'ivoire entiers et en bon état de conserva-
tion. Je crois qu'ils ne renfermaient rien.
Parmi les nombreux morceaux d'albâtre demi-calcinés et réduits en
chaux que les fouilles m'ont fournis, j'ai rencontré trois fragments
d'un support de vases qui fort heureusement m'ont permis de re-
constituer l'objet en entier (fig. 679). Ce support, formé d'un tronc
de cône, était percé de trous triangulaires sur tout son pourtour et
en tout semblable à ceux, faits de terre cuite, que nous rencontrons
dans les tombes de l'Ancien Empire.
Li: TOMIJKAl' KOYAL !)!■: NK(,AI)A1I
187
Un autre fragment de la même matière avait appartenu à une table
d'offrandes. J'ai reconstitué le monument complet (fig. 680) d'après
\\\ 7/7 /
•W
Fig. 679. — Support de vase en calcite rubanée. x/4 grandeur naturelle.
Fig. 680. — Table d'offrandes en calcite rubanée. r/8 grandeur naturelle.
681 a 681 b
Fig. 681. — Cône en diabase ophitique. 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 682. — Mortier en porphyre altéré. 2/3 grandeur naturelle.
des objets semblables trouvés dans des sépultures particulières ap-
partenant à la même époque.
188
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
Enfin je citerai un cône (fîg. 681) et une sorte de mortier (fig. 682)
dont l'usage m'est inconnu et qui gisaient également au milieu des
cendres et des scories du tombeau.
Meules. — Nous avons vu que les grandes jarres renfermaient du
blé et de l'orge; l'existence des céréales nous est encore prouvée
par la présence de meules destinées à les écraser. Ces meules
(fig. 683 et 684) sont analogues à celles que nous voyons représen-
tées sur les mastabas et que fournissent certaines figurines de l'An-
cien Empire. Elles se composent d'une pierre elliptique formant
mortier, creusée en son milieu, et d'une meule à main, elle aussi
elliptique, mais plus petite et destinée à être mue sur la plus grande.
Ces sortes de meules sont encore d'un usage courant chez les Barba-
rins d'Assouan et de la Nubie.
Fig. 683. — Moulin à bras en grès jaune. 2/9 grandeur naturelle.
7C
■■y.
Blessa
Fig, 684- — Mortier (?) en granit. 2/3 grandeur naturelle.
Meubles. — Si nous en jugeons par les fragments qui, malgré
l'incendie du tombeau, sont parvenus jusqu'à nous, les meubles
étaient très nombreux; quant à leur travail, il surpasse tout ce qu'il
était possible d'imaginer pour une époque en apparence encore aussi
barbare. Les pieds de coffrets d'ivoire, entre autre, sont des plus re-
marquables. Chaque eolTret en portait quatre figurant deux à deux
LE T0MBEA1 ROYAL DE NÉGADAH
189
les pieds de devant (fig. 686 H de derrière 685) d'un taureau. J'ai eu
l'heureuse chance d'en trouver une paire complète appartenanl au
môme, meuble. Bien qu'ayanl été calcinés ils sonl demeurés intacts
et portent encore les tenons qui les fixaientau corps du coffret. L'ar-
S^illl iïïïl !'i i
c^
J
685 a 685 b 686 a 686 b
Fig. 685 et (386. — Pieds de meuble en ivoire. Grandeur naturelle.
Fig. 687. — Pied de meuble en ivoire. Grandeur naturelle.
Fig. 688. — Fragment de pied de meuble en ivoire. 2 3 grandeur naturelle.
tiste qui les sculpta a fait preuve d'une grande habileté, car les pro-
portions et la sincérité des moindres détails sont frappantes.
Un autre pied de derrière (fig. 687) entier lui aussi, est extrême-
190
LE TOMBEAU KOYAL DE NEGADAH
ment curieux par la proéminence intentionnellement marquée des
veines; il rappelle la manière dont les sculpteurs ninivites représen-
tèrent les pieds des taureaux ailés et à face humaine de Korsabad,
Nous ne possédons que des débris d'un quatrième pied d'ivoire
semblable au précédent mais beaucoup plus grand (iig. 688). J'ai re-
constitué le peu qui en reste en recollant plus de vingt morceaux
différents. Ce travail m'a permis de me rendre compte de la taille de
ce morceau d'ivoire ; il était semblable à ceux que M. Amélineau a
trouvés à 'Om el-Gaab et que, malheureusement, il n'a pas encore
publiés.
689 a
690 a
<^>,
690 b
692 b
Fig. 68g à (192. — Fragmentsde meubles en ivoire. 1/2 grandeur naturelle.
La technique de ces sculptures est du plus haut intérêt en ce qui
concerne les origines des arts pharaoniques; nous y retrouvons des
traces indéniables d'une parenté étroite entre la civilisation des pre-
miers Egyptiens et celle de l'Assyrie. Plus tard, dans l'art pharao-
nique des époques postérieures, ces caractères se perdent, mais
c'est surtout dans les œuvres archaïques qu'il convient de faire des
rapprochements.
D'autres fragments de meubles en ivoire (fig. 689 à 692) sont
moins artistiques, leur usage ne saurait être défini d'une manière
précise. Ce sont des disques d'ivoire et des dés qui peuvent aussi
bien avoir été employés comme pommeaux que comme pieds de cof-
frets ou de meubles.
Les meubles et les coffrets étaient en ivoire (fig. 693 à 695), en bois
LIS TOMBEAU KOYAI. DE NEGADAH
ru
du pays et en ébène1 (fi^>\ 696 el 697). Parmi les nombreux fragments
de charbon qui se trouvaieni dans I»' tombeau, j'en ;ii rencontré un
693 694 695
Fig. 69S à 695. — Fragments d'un coffret en ivoire. 1/2 grandeur naturelle.
696
Fig. 696 et 697. — Fragments d'un meuble en ébène. 1/2 grandeur naturelle.
grand nombre présentant encore la forme de planchettes portant des
mortaises ou des tenons. Mais ces débris n'ont pu être conservés. Les
I. On sait qu'une espèce appartenant à la famille des légumineuses, le Dalbergia Me-
lanoxylon, indigène de l'Afrique, fournit un bois d'ébène de très bonne qualité. « Dans
le bassin du Nil, d'après le Dl* G. Schweinfurth (Pflanzengeographische Skizze des Ge-
sammten Nil-Gebiets... in Peterman s Mittheilungen, 1868, p. 62), il compte parmi les
espèces importantes de la région des forêts (Waldgebiet), limitée au nord par un
angle rentrant dont le sommet serait à Gondokoro et dont les deux côtés aboutiraient
l'un au nord-ouest à El-Obeid, l'autre au nord-est à Massaoua. Il est bien permis de
supposer que c'est ce même ébénier qui jadis se rencontrait en abondance dans 1 île de
Meroe (Strabon) et pouvait se rencontrer quoique rarement jusqu'à Svène (Pline) »
(Dr G. Beauvisage, Recherches .sur les bois pharaonique*. II. Le bois d'ébène ds.
Recueil des travaux, etc..., vol. XIX, p. 17). Cette espèce semble être celle que les
Eyptiens nommaient Habni (ïoîvo;, ebenus, ébène).
192
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
meubles étaient donc fort nombreux dans cette sépulture ; quant à
leur forme générale nous n'en connaissons rien, les vestiges qui
sont parvenus jusqu'à nous étant trop fragmentés pour qu'il soit pos-
sible de tenter une reconstitution.
Objets d'art. — Je désigne sous ce nom une série de sculptures
qui ne semblent pas avoir appartenu à des meubles. Ce sont des figu-
rines d'ivoire, de quartz ou de serpentine représentant des animaux,
des hommes ou des fruits, objets dont la présence ne s'explique
guère dans une sépulture, car ils ne semblent pas avoir été destinés
à rappeler au mort dans l'autre vie les principaux actes de son exis-
tence terrestre, comme les Egyptiens des époques postérieures
avaient coutume de le faire dans leurs tombeaux. Ces figurines font
plutôt penser à des jouets d'enfants ou aux statuettes d'ivoire que les
Japonais sculptent en si grande quantité pour l'ornement des salons
de l'Europe.
698 a 698 6
699 a 699 6
Fig. 698 et 699. — Figurines d'ivoire représentant une chienne et un lion. Grandeur
naturelle.
La figure 698 représente la figurine d'ivoire d'une chienne couchée
sur le ventre, les pattes de devant allongées, les membres posté-
rieurs repliés sous le corps ; la queue est relevée sur le dos, le cou
est entouré d'un collier. Le tombeau royal de Négadah contenait au
moins quatre statuettes semblables.
La figure 699 est l'image d'un lion également en ivoire; la position
de l'animal est la même que dans les figurines représentant des
chiennes.
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
J'ai égalemenl rencontré une statuetette de lion en cristal de roche
(fig. 700) plus grossièremenl sculptée à eau-.' de la grande dureté de
la matière, mais présentanl les mêmes formes <-t la môme position. Ce
Fig. 700. — Figurine de cristal de roche représentant un lionceau. Grandeur naturelle.
quartz renferme des inclusions de tourmaline (?) en aiguilles très
fines, surtout abondantes dans la partie du bloc dont le sculpteur a
façonné la tète de l'animal.
'09
Fig. 701 à 7 [3. — Figurines d'ivoire représentant des poissons. 1/2 grandeur naturelle.
Les lions d'ivoire sont, si nous en jugeons par la grosseur de la
tète, des animaux adultes, tandis que la statuette de quartz ligure un
lionceau. Ces sculptures sont fort remarquables par leur exécution,,
13
194 LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
elles clénolent une observation très attentive de la nature et, de même
que les pieds de meubles en ivoire, elles présentent des analogies
frappantes avec Les représentations du Jmême genre provenant de la
Ghaldée. Les lombes d'Abydos en renfermaient également, et l'on
peut voir dans les collections rapportées par M.E. Amélineau un lion
d'ivoire semblable à celui du tombeau de Négadalî.
Les poissons étaient largement représentés dans le mobilier funé-
raire du roi de Négadah; ils appartenaient peut-être à un collier, car
chacun d'eux porte à la bouche un trou de suspension. Ces figurines
d'ivoire (fig. 701 à 713) sont d'une exécution très remarquable, les
diverses parties de l'animal sont reproduites avec une telle fidélité
qu'il est aisé de retrouver le nom de chacun des poissons qui a été
716
r'n- 7l-'l- — Figurine eu roche vitreuse verdàtre tachetée de blanc représentant le
fruit d'un palmiste indéterminé, i/o grandeur naturelle.
Fig. 715 à 717. — Fragments d'une statuette articulée en ivoire. 3/4 grandeur
naturelle.
pris pour modèle. L'usage de représenter les poissons ne s'est pas
perdu dans les âges postérieurs, car nous voyons au Musée de Gizeh
plusieurs figurines de ce genre en pierre verte provenant de San-el-
llagar et remontant à l'époque des dynasties saïtes. Mais alors les
poissons de pierre étaient des offrandes ou des ex-voto, tandis que
ceux de Négadah faisaient probablement partie d'un bijou.
Je citerai encore parmi les objets d'art que renfermait le tombeau
royal le fruit d'un palmisle indéterminé (fig. 714) fait d'une roche
vitreuse dont la pâte verte est mouchetée de blanc (ce fruit ne peul
être confondu avec celui du palmier Doum qui est bien moins allongé),
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
el des fragments de statuettes en ivoire [Gg. 715 .1 720 représentant
des êtres humains. Malheureusement l'état dans lequel se trouvent
ces petits objets ne permel pas de les reconstituer.
Comme on le voit, dès cette époque reculée, la sculpture jouait un
très grand rôle dan-- les arts. Elle esl très développée el ses produc-
tions ne ressemblent en rien aux timide - dont non-, avons
-.
ni
7 - 719 ~Zîb
Fi.:. 718 à 73'.».. — Objets divers. — 718, 719 et 720, fragments de statuettes en ivoire.
— 721. 725, 728 et 729, perles d'agathe et de cornaline. — 703, bouton de cuivre.
— 73o, perle de cuivre. — -12, ■ji'\, 726, 727 et 731, perles en pâte émaillée bleue.
— 732, plaquettes d'ivoire d'hippopo'arae. 11/12 grandeur naturelle.
constaté l'existence chez les indigènes. La sculpture pharaonique,
dès son début, présente des qualités d'observation et de rendu qui
ne peuvent découler des efforts naïfs qui l'ont précédée sur le sol
égyptien. C'est ailleurs que dans la vallée du Nil que nous devons
aller chercher les origines de cet art et, sur ce point encore, nous
constatons une influence asiatique très prononcée.
Bijoux. — La bijouterie de cette époque semble avoir été encore
très rudimentaire ; car, bien que la sépulture royale de Négadah n'eût
p 1- été spoliée, les scories ne dénotent pas que les métaux précieux
y fussent en quantité importante: c'est à peine si. en dehors d'une
grosse perle d'or dont je parlerai plus loin, quelques grenailles im-
196
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
perceptibles d'or se trouvaient clans les cendres. Par contre, j'ai ren-
contré une grande quantité de perles de pâte vernissée, les unes faisant
partie de réseaux (fig. 722 et 724), les autres ayant été probablement
employées dans des colliers (fig. 726, 727 et 731), des perles de cor-
naline (fig. 721, 725, 728 et 729), une perle de cuivre (fig. 730), un
bouton de même métal (fig. 723), et de petites pendeloques d'ivoire
d'hippopotame (fig. 732) qui probablement, autrefois, ornaient un
collier.
Les perles de pâte vernissée sont bleues et en tout semblables à
celles des temps postérieurs. Elles ne se rencontrent jamais dans les
734
Fig. 733 à 7^3. — Fragments d'anneaux et de bracelets. — 733, 736, 736, 737, 739,
-\), ivoire. — 73^ et 742, écaille de tortue. — 738 et "j\1, nacre. 2 3 grandeur
naturelle.
sépultures néolithiques et n'apparaisssent qu'en même temps que les
métaux. L'art de l'émailleur était encore dans l'enfance, lors de la
construction du monument de Négadah; peu de temps après il s'était
développé au point de produire des vases émaillés d'assez grandes
dimensions '. Quant à l'origine des poteries vernissées, je ne la crois
pas africaine, m'appuyant sur ce fait, entre autres, que, dans un dolmen
1. Fouilles de 1897 à 'Om-el-Gaab.
LE TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH
!•;
très ancien, j'ai trouvé dans Le nord de la Perse un vase en terre
émailléc.
Les bracelets étaient nombreux dans le monument. J'en ai retrouvé
un grand nombre de fragments fig. 733 à 742); ils étaient en uacre,
en ivoire et en écaille de tortue, aussi devons-nous penser que la
plupart ont été détruits par l'incendie. Les bagues (fig. 743) étaient
plus rares. Je n'en ai rencontré qu'un fragment.
Le seul bijou réellement précieux du tombeau estime longue perle
d'or (fig, 744) ornée d'une spirale; elle ne porte aucune trace de sou-
Fig. "W- — Perle d'or. Grandeur naturelle.
dure et semble avoir été découpée en pleine pièce. L'or est fort rare
dans les sépultures de cette époque. Il en a été rencontré à Abydos
et a Gébel-Tarif. La soudure ne semble pas avoir été connue, cardans
une garniture de couteau de silex de Gébel-Tarif, les deux feuilles
d'or sont cousues entre elles comme le serait une étoffe ou du cuir, à
Fii
\'t à jôô. — Fragments d'ivoire, a/3 grandeur naturelle.
l'aide d'un fil métallique passé dans des œillets. Quant au métal lui-
même, il est toujours très impur et mélangé d'argent. Les fondeurs
de cette époque, ne connaissant pas encore les procédés d'affinage,
m
LE TOMBEAU ROYAL DE NKGÀDAH
employaient l'or tel qu'il était fourni par la nature, c'est-à-dire à l'état
d'électrum.
En dehors des objets que je viens de citer, le tombeau renfermait
encore un grand nombre de fragments (fig. 745 cà 760), ou de petits
objets dont l'usage m'est inconnu. Ils sont en ivoire, en os, en corne,
7bG
Fig. 706 à 769. — Instruments d'ivoire. — Fig. 760, corne de gazelle. — Fig. 76^
os de poisson. 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 762 à 7G6. — Fragments de bois. 1/2 grandeur naturelle.
en bois quelquefois garni de fils de cuivre. Je ne les cite que pour
rendre absolument complète la description du mobilier que renfer-
mait le monument royal de Négadah.
En parlant des usages des indigènes, au chapitre qui précède, j'ai
IL H (MBEAU ROYAL DE NÉGADAH
] 19
émis l'opinion d'après laquelle les figurines animales en stéatoschi
ne seraient autres que des amulettes funéraires ou des représenta-
tions ayant trait aux croyances religieuses. Je ne puis donner cette
explication relativement aux plaques de la môme roche dont j'ai
trouvé bon nombre dans la tombe royale de Négadah. Ces plaques
(fio-, 7G7 et 7G8) sont rectangulaires ou carrées, elles portent sur les
^
;(>7 et 768. — Plaques de stéatoschiste. 1 3 grandeur naturelle.
bords deux liimes gravées en creux, le milieu restant entièrement
lisse et sans traces de dessins. Ces objets atteignent parfois de
grandes dimensions. J'en ai rencontré de 0m,40 et de 0m,45 de côté.
Toutes avaient été brisées par le feu, quelques-unes môme, demi-
fondues, étaient tordues. Ce sont ces modifications qui m'avaient
induit en erreur au sujet de quelques vases de pâte siliceuse fort
maltraités par l'incendie.
Pour en finir avec la description du mobilier royal de Négadah, je
parlerai des instruments de silex taillés, objets très caractéristiques
de ces époques primitives, fort nombreux dans la tombe, mais qui,
malheureusement, sous l'action du feu, se sont, dans la plupart des
cas. brisés en un grand nombre de fragments.
Les couteaux (fig. 769) sont courbes, pointus à l'extrémité, obtus
dans la partie qui, destinée à être saisie à la main, était recouverte de
peau ou d'étoffe ; leur longueur atteint parfois 0m,30 et 0m,32, leur
épaisseur ne dépasse jamais 0m,005 à Om.OOO. Les éclats sont moins
200
LE TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
Fig. 7G9. — Couteau de silex. 2/3 grandeur naturelle
LE TOMBEAU KOYAL DE NEGADAH
201
réguliers que dans certains objets que je considère comme anté-
rieurs, et qui se rencontrent dans les sépultures indigènes. Mais
l'ensemble du travail esl d'autanl plus remarquable que tous les cou-
teaux du tombeau royal, bien que ne présentant pus exactement les
mêmes dimensions, offrent toujours les mêmes proportions dans
l'épaisseur, la largeur, la longueur, el dans les courbes des deux
tranchants.
I);ms les diverses lombes royales de Négadah el d"< Mu el-( raab, les
types des couteaux varient, mais il est à remarquer qu'une même
sépulture renferme toujours des objets du même type. Les couteaux
courbes semblent être plus anciens que ceux munis d'un manche
— Instruments de silex taillé. 3/3 grandeur naturelle.
découpé dans la pierre. Dans tous les cas, les instruments d'époque
pharaonique sont bien inférieurs, comme travail, à ceux des indigènes ;
les éclats sont levés avec beaucoup moins de régularité, et bien que
les pièces soient fort grandes, il est aisé, en les voyant, de prévoir la
fin de l'usage de la pierre taillée en Egypte.
Les autres instruments lîg. 770 el 777) sont de formes connues; on
en rencontre de semblables, non seulement dans les tombes royales
cFAbydos, mais aussi dans les sépultures contemporaines des pre-
miers souverains égyptiens. Ce sont des racloirs de formes divers
arrondis ou pointus.
Tels sont les résultats fournis par la fouille du tombeau royal de
202
LE TOMBEAU ROYAL DE NKGADAH
Négadah. J'ai cru devoir entrer, à leur sujet, clans beaucoup de détails,
car ce monument, le plus ancien connu, fournit un très grand nombre
de documents sur les origines égyptiennes. Je sortirais du cadre que
je me suis tracé, si je cherchais à établir des comparaisons entre les
arts et les industries de l'Egypte à cette époque, et ceux de laChaldée
Fig. -j5 à 777. — Instruments de silex taillé. 2/3 grandeur naturelle.
auxtemps les plus reculés. J'empiéterais sur les travaux de MM. Wie-
demann et Jéquier. Je m'en tiendrai donc à l'exposé que je viens de
donner, m'en rapportant à l'appréciation de mes savants collabora-
teurs en ce qui concerne les questions rentrant clans leur spécialité
d'égvptologues.
CHAPITRE V
Les modes d'ensevelissement dans la nécropole
de Négadah
et la question de l'origine du peuple égyptien.
PAR
A. WIEDEMANN
La coutume la plus frappante qui nous ait été révélée par les ré-
centes découvertes dans les nécropoles du tvpe de celle de Néo-adàh
est la manière dont les hommes de cette époque ensevelissaient leurs
morts. Les fouilles ont démontré qu'ils employèrent pour cela trois
méthodes différentes : ou bien la tombe ne recevait que des osse-
ments disséminés et incomplets du cadavre, ou bien le squelette y
était déposé dans une position qui rappelle celle de l'embryon, ou
bien encore le mort était brûlé dans son tombeau monumental.
Ces trois usages sont en contradiction formelle avec le mode d'en-
sevelissement classique des Egyptiens, le seul connu jusqu'à présent,.
qui s'étend du règne de Snéfrou, au commencement de la IVe dynas-
tie, jusqu'au temps des empereurs romains. Pendant toute cette pé-
riode, dont la durée peut être évaluée à trois mille ans pour le moins,
on s'efforçait d'enterrer le mort aussi complet que possible, en le pré-
servant de la destruction par tous les moyens. On croyait que la
conservation perpétuelle, ou du moins de très longue durée, du corps,
était nécessaire, ou en tous cas d'une grande importance, pour la con-
tinuation de l'existence de l'individu humain. On citait comme le pro-
totype de ce traitement des morts le dieu Osiris, le premier roi divin
considéré comme absolument anthropomorphe. Après avoir régné
204 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
sur l'Egypte, il avait cl ù mourir, et alors ses deux sœurs, Isis et
Nephthys, lavaient embaumé, lui avaient donné toutes les amulettes
nécessaires pour le sauvegarder dans l'autre monde, lui avaient ré-
cité une série de formules magiques, lui assurant par ces cérémonies
la vie éternelle. Celui des Egvptiens qui, après sa mort, avait le
bonheur d'être traité par ses survivants comme jadis Osiris l'avait
été, était sûr d'obtenir un sort pareil au sien.
Les textes faisant allusion à ce fait affirment maintes fois, avec
une grande emphase, que pour être assuré d'une pareille résurrection,
il était absolument nécessaire que le mort possédât ses chairs et ses
os au complet.
Il est vrai qu'une indication pareille ne peut pas être prise au pied
de la lettre. La nature primitive des moyens dont disposaient les an-
ciens Egyptiens et le climat de leur pays rendaient matériellement
impossible la conservation d'un cadavre complet. On ne pouvait éviter,
en premier lieu, de retirer les parties intérieures qui se seraient per-
dues sans ressource et dont la décomposition aurait menacé d'entraî-
ner aussi à la destruction le reste du corps. Une considération ana-
logue fit paraître utile aussi l'enlèvement de la cervelle, qu'on
exécutait en pratiquant dans le crâne une ouverture du côté du nez
et en retirant par là la matière molle. En général, on ne se débarras-
sait pas complètement de toutes ces parties du corps : on les enter-
rait à côté du mort ou on les remettait dans les cavités qu'elles occu-
paient après les avoir cuites dans un bain d'asphalte, avec l'intention
bien marquée de maintenir la fiction de l'existence perpétuelle et
intégrale du corps du défunt.
C'est en conséquence directe de cette idée qu'on finit par envisager
comme un crime toute lésion du corps. Diodore (I, 9i) raconte qu'en-
core de son temps le paraschiste qui avait à ouvrir le cadavre était
poursuivi après son opération par les parents du mort, qui lui jetaient
des pierres et lui criaient des malédictions. De telles opinions ne
peuvent pas avoir prévalu à l'époque des tombeaux du type de Xéga-
dah, où le mort était privé de sa peau et de sa chair, et même sou-
vent d'une grande partie de ses os, et où même il arrivait qu'on dé-
truisit entièrement le cadavre parle feu.
Avec une religion aussi conservatrice et dans un pays tel que l'Egypte
il ne parait guère admissible que le souvenir d'un pareil usage ait
entièrement disparu dans les temps postérieurs, surtout lorsque la
coutume en avait été répandue pendant très longtemps et dans une
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH 205
grande partie du pays, comme c'est ici le cas. En effet, en étudiant
de plus près une série de textes des époques bien connues, il m'a
paru possible de constater un assez grand nombre d'allusions à ces
usages dans des passages de l'Ancien, comme aussi du Moyen el du
Nouvel Empire. Ce sont ces phrases, restées inexpliquées jusqu'à
présent, tant qu'on ne connaissait pas les faits auxquels il- fonl allu-
sion, dontje voudrais parler ici en premier lieu. Il s'agit donc : 1° de
celles qui se rapportent à un démembrement plus ou moins complet
du cadavre; 2° de celles qui citent l'incinération comme un moyen
de parvenir en bon état dans l'autre monde.
I. Le seul texte parvenu jusqu'à nous qui raconte les destinées
d'Osiris en les arrangeant de manière à en former une sorte de bio-
graphie, se trouve dans le traité de Plutarque : De lside cl Osiride.
Les différents points que cet auteur a cru bon d'insérer dans sa nar-
ration se retrouvent presque tous dans les inscriptions anciennes;
mais les Égyptiens eux-mêmes ne paraissent jamais avoir fait l'essai
de les réunir de manière à en combiner un mythe complet, et ceci pour
une bonne raison : a coté des données dont Plutarque, ou l'auteur
qu'il a suivi, a tiré profit, les inscriptions en contiennent une foule
d'autres, qui souvent les contredisent formellement; môme les ren-
seignements que nous trouvons réunis dans son traité n'ont pas été
pris par lui dans leur forme originale; ils ont été non seulement sé-
parés de leur contexte, mais encore dotés d'une tournure tout à
fait subjective, de manière que l'auteur puisse les faire rentrer
dans son récit. Une pareille manière de traiter les textes était abso-
lument contraire aux habitudes des Égyptiens qui croyaient à la vérité
de leurs traditions religieuses et qui n'osaient appuyer sur une ver
sion au détriment d'une autre ; c'est ainsi, sans doute, qu'ils durent
renoncer à doter leur Osiris d'une biographie.
Un de ces points contradictoires se trouve dans Plutarque au cha-
pitre xviii. D'après ce passage, Isis aurait mis un jour de coté le cer-
cueil contenant les restes mortels d'Osiris; Typhon, chassant au clair
de la lune, trouva la caisse, déchira le corps en quatorze morceaux
et les dispersa. Isis se mit à les chercher et les retrouva, en effet,
tous, à l'exception du phallus; à chaque endroit où elle trouva un des
membres de son mari, elle fonda un tombeau d'Osiris. Plutarque
ajoute que, d'après d'autres témoignages, le grand nombre des tom-
beaux d'Osiris était à expliquer autrement : Isis ayant donne aux dif-
206 LES .MODES D'ENSEVELISSEMENT
férentes villes des images du dieu, on y aurait enterré ces images
et mime s'il se fût agi du corps d'Osiris lui-même.
Le fait sur lequel se l'onde le récit de Plutarque, le grand nombre
de sérapeums, ou tombeaux d'Osiris en Egypte, est avéré par les
textes; l'explication qu'il en donne repose sur des idées grecques
et non égyptiennes. Les sérapeums ne sont, en réalité, ni des monu-
ments commémoratifs, ni des cénotaphes; ils contiennent chacun une
relique déterminée d'Osiris, l'un sa tète, lès autres son cœur, sa
jambe, son phallus, etc.; ces partiesy sont toujours restées, et elles
n'ont donc pas été rassemblées par Isis. Malgré ce démembrement,
l'immortalité d'Osiris ne fut pas mise en doute; le dieu passait pour
un dieu existant au complet dans l'autre inonde, tant dans les temples
qui conservaient ses reliques, que dans le reste de l'Egypte. La ré-
partition de ces reliques dans les différents sérapeums n'a pas été
l'aile d'une manière très systématique : la même est citée comme se
trouvant dans différents temples1, singularité d'où ressort le fait
que la doctrine des reliques s'est développée spontanément dans les
différents endroits et n'a pas été octroyée aux temples d'Egypte à un
moment donné par une école théologique.
11 semble que parfois l'idée d'un démembrement se rattache non à
Osiris, mais à Horus, qui apparaît assez souvent comme une sorte de
sosie d'Osiris D'après les Grecs2, les membres d'IIorus furent par-
tagés par un jugement des dieux plus anciens entre son père Osiris
et sa mère Isis. Les détails donnés sur ce jugement, de même que le
récit de l'événement lui-même, semblent avoir leur origine dans l'ima-
gination grecque; les textes égyptiens ne font mention que d'Horus,
« qui a été dépecé et sur lequel on a craché 3 ».
i. V. Wiedemann, Herodots Zweiles Z?«c7/,p.584. Une allusion à ces reliques paraît se
trouver dans une phrase des litanies du soleil (éd.Naville, pi. XIII, 24, XIX, 2S, XXXI,
23, XLYII, 42, texte p. 92), qui dit du roi déifié : Son âme luit à la place où Von brûle les
offrandes au-dessus de la mâchoire (jibksu; ce mot signifiait dans, les textes des pyra-
mides, d'après Maspero, « bracelet », d'après Sehaek, Index, p. 17, aussi anneaux des.
insectes <7 Osiris ».
2. Plutarque, De animae procréai, cap. xxvir ; cf. De libidine, G, dansles Fragmenta ,
édition Dùlmer, p. ",. et De Tside, cap. \x.
3. Pap. Turin, éd. Pleytc, pi. i3i; stèle Metternich. Cf. Aeg. Zeilschrift, 1876, p. 80.
Le mol pekes, que le texte donne pour celle dernière action, semble signifier en pre-
mier lieu « rendre humide »; de là vient le sens « oindre » les cheveux (Pyr. de
Pepi II, 1. n58; cf. Schack, Index zu den Pyramidentexten, p. roS) et d'autre part le
sens « cracher »sur quelqu'un en signe de mépris (cf. Pap. Brit. Mus.,n° 10(88, éd.
Budge, dans Archaeologia, LU, p. 28, 1. [6,22, et I. 2).
DANS LA NE! ;RI IP( >LE DE PŒGADAU
La relique d'< Isiris la plus estimée étail sa tête, qu'on conservait à
Abydos, clans un des centres delà civilisation en question. Du nez de
celle le le sortit l<i scarabée, symbole de La résurrection du soleil, et de
la, de ce lie de l'I loin me Le dieu Ha, pèred'< Isiris, considérait Lui-même
cette tète comme si importante qu'il en donna La garde à la dée
Nekheb d El-Kab1, d'un au ire centre de noire civilisa lion, une dé»
qui était vénérée comme le génie tutélaire de toute la Haute Egypte.
( l'est avec cette idée d'un< >siris 'n'existant que sous forme de reliques
que se relie la coutume de déposer dansle tombeau des fragments du
cadavre et non le corps complet. La cérémonie essentielle paraît avoir
élé la décapitation du mort, afin de lui enlever la tête qui était regar-
dée dans le mythe osirien comme la relique principale, ainsi que nous
venons de le voir. Dans la tombe on lui donnait fréquemment la place
d'honneur, on la posail debout sur une brique- ou sur un tas de pierres,
tandis qu'on jetait péle-mèle les autres ossements. On a même cherché
de bonne heure à la conserver mieux que les autres parties du corps
en y introduisant par le trou occipital des matières embaumantes .
Gela n'était praticable qu'avec la décapitation, en sorte que. dc~> que
l'on renonça à mettre le mort en morceaux, il fallut chercher une
autre entrée pour pénétrer dans la cavité cérébrale; ce futalors qu'on
commença à briser l'os qui se trouve entre le nez et la cervelle, usas
qui se conserva pendant tout le temps que dura la coutume de la
momification en Egypte*.
Cependant, même alors qu'on avait cessé en réalité de décapiter
les cadavres, l'exécution d'une opération semblable ne parait pas.
d'après les textes religieux, avoir été considérée toujours comme nui-
sible au mort. Ainsi le chapitre xc du Livre des Morts parle d'un dé-
mon qui coupe « leurs tètes et fend leurs gorges » et qui malgré cela
esl un esprit bienfaisant, qui rend aux esprits [khu-u] la mémoire. Le
i. V. les passages dans von Bergmann, Acg. Zeilscfirift, 18S0. p. ss. > |.
2. La différence que nous venons de constater dans ces conceptions d'Oïiris ae
saurait étonner, si l'on se rappelle toutes les contradictions que ce personnage offre
dans la religion égyptienne. Ou l'a même considéré parfois, à une époque très ancienne,
non comme la divinité tutélaire des morts par excellence, mais comme un dieu, doiii
le mort doit être sauvé par Harmachio « qui ne le donne pas à Osiris, il ne meurl
(le défunt on le vante à l'horizon, il se tient ferme à l'élu. * Pyr. Fétu 1. 23$ ; v. '
pero, Etudes de mythologie, li, p. 12),
".. V. Fouquet dans de Morgan, Origines p. 267.
'1. A. Blumenbach, Beitrcige zur Natur-Geschichte, II, 92 sq Gôtli ■ ; Jo-
mard, Description d' Egypte, il, p. 2i5, ">\\.
208 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
chapitre xr.in de cotte même composition est d'une plus grande valeur
encore pour nous, sous ce rapport; c'est i\n chapitre fort ancien qui
se trouve dans les textes thébains rassemblés par Naville, presque
avec la même forme que dans le papyrus de Turin, et nous en con-
naissons déjà une variante datant du Moyen Empire1. Le titre de
ce chapitre est : Chapitre afin que la lêlc d'une personne ne soil pas
coupée dans le monde souterrain. Le texte contient le discours suivant
du mort : « Je suis un prince, fils d'un prince, une flamme, fils d'une
flamme, auquel est donnée sa léte après qu'elle a été coupée. La tète
d'Osiris, (après qu'elle lui fut rendue de cette manière), ne lui est pas
enlevée, ma tête ne m'est pas enlevée. Je suis mis en ordre2, je deviens
nouveau, je deviens jeune, je suis Osiris (c'est-à-dire un ressuscité) ».
L'auteur de ce chapitre croyait donc que pour être sûr de ne pas
perdre sa tête dans l'autre monde, il fallait l'avoir perdue, puis reçue
de nouveau sur la terre; c'est donc dans un temps où la décapitation
du mort était un usage courant, que ce chapitre prit son origine.
Lorsqu'on forma la collection que nous appelons aujourd'hui le Livre
des Morts, on y inséra ce chapitre, malgré que la coutume à laquelle
il fait allusion n'existât plus : le désir de ne rien perdre de l'ancienne
matériel sacra, auquel nous devons la conservation, dans les compo-
sitions religieuses, d'une foule de passages relatifs à des coutumes
tombées en désuétude, nous a valu aussi le texte de ce chapitre.
11 me semble que nous retrouvons une autre de ces formules que
les Égyptiens se sont transmises de siècle en siècle sans les com-
prendre, dans un des passages les plus obscurs du Livre des Funé-
railles3. On y somme les masniti de ne pas frapper le père (c'est-à-dire
le mort) et de ne pas « nelerau » sa tête, en prétendant ensuite que
Horus et Set ne permettront pas à un des masniti de faire reluire [se-
het!) la tète du père. La difficulté consiste ici surtout dans la déter-
mination du sens à attribuer dans ce passage au mot nelerau. D'après
les dictionnaires, le mot signifierait en premier lieu «jeter par terre »
i. Tombeau de Hor-holep clans Maspero, Mémoires de la Mission du Caire, I, i5o.
1. Le mot les a ici le sens de mettre en ordre et, ainsi que le prouve le déterminatif
que lui donnent les textes thébains, il a aussi celui d'élever. Cela se rapporte au fait
que la tète était remise à sa place originale sur le tronc posé debout. Pour la croyance
égyptienne qu'on pouvait réunir au tronc une tète tranchée à l'aide de formules ma-
giques, v. p. ex. le conte du roi Khoufou et des magiciens dans le paj)yrus Westcar.
3. Éd. Schiaparelli, I, p. 70 sq. ; cf. aussi Maspero, Éludes de mythologie, I, p. 3oi.
DANS LA NECROPOLE DE NÉG \!>AII
[Brugsch. Dicl., p. 7<>7 H en effel il se trouve1 au-dessus de la repr< -
sentation du bœuf de sacrifice qu'on abat. Mais, d'autre part, il appa-
r;ni très souvent1 près d'une autre scène dans Laquelle on découpe la
jambe du bœuf, de sorte qu'il semble signifier ici, comme ailleurs plus
spécialement, « enlever à coups d'un instrument ». Ce sens convien-
drait aussi 1res bien à un passage de la stèle du Louvre C. I , I. 13, où
le défunt dit : « J'ai neter la tête de l'étranger, j'ai itré le chemin
au guerrier de l'Égj pte ». Je croirais doue volontiers < j 1 1 «■ le |> iss
en question du Livre des Funérailles contient une exhortation à ne
pas couper la tète au défunt, exhortation adressée aux personnai
attachés au cérémonial de l'enterrement, et qui ne peut avoir un sens
que si l'usage de la décapitation du mort existait au moment ou l'on
combina cette formule. C'est une réaction contre cette ancienne cou-
tume qui donna lieu à l'origine de la formule, dans un moment où
on exécutait l'enterrement du mort complet, à côté el en opposition
de l'ancien usage. En effet, pour un partisan de la doctrine ordonnant
la conservation du corps entier, une mutilation du mort devait pa-
raître une chose terrible, et il est bien naturel que, dans les textes
postérieurs,, on parle à chaque instant du dépècement comme d'une
des punitions principales des mauvais démons « des ennemis d'Osi-
ris, dont on exécute les âmes (ba)} dont on dépèce les formes éter-
nelles (sahu)3 ».
Maigre cela, les restes de cette ancienne coutume n'ont jamais dis-
paru complètement; ses vestiges se sont conservés non seulement
dans les textes, mais aussi clans les usages réels. Jusqu'à une très
basse époque, on détachait parfois le dessous du pied de la momie1,
et on coupait, dans d'autres cas, le phallus du mort pour l'embaumer
à part et l'enterrer à côté de la momie. Ce fait remet en mémoire le
passage de la légende d'Osiris qui prétend que le phallus du dieu ne
fut pas retrouvé par Isis. Cette donnée est en contradiction avec la
conception générale du mythe qui voit dans la possession du phallus
et la possibilité d'engendrer qui en provenait, le signe principal de
la résurrection d'Osiris, qui après sa mort rendit féconde Isis, afin
qu'elle pût donner naissance à Ilorus. Malheureusement les tom-
i. P. ex. Lepsius, Denkm., II, 14.
•?.. Lepsius, Denkm., 11,67, 68, 71. 78.
3. Tombeau de Seti I, éd. Lefébure, IV, pi. \ \ ; cf. pi. 3o.V. aussi Maspero, Études
de mythologie, II, 106.
'l. V. Wiedemann, The Egyplian doctrine ofthe Immortality oflhe soûl, p.
n
210 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
beaux de L'époque dont nous nous occupons ne permettent pas de
savoir ce que Ton faisait du phallus à cette époque. Dans les nécro-
poles les plus anciennes de la Babylonie qui, ainsi que nous le ver-
rons plus loin, offrent beaucoup d'analogies avec celles du type de
Négadah, on avait l'habitude de déposer auprès des restes du mort
une image plus ou moins naturaliste du phallus'.
Un autre fait, qui rentre dans le môme ordre d'idées, est fourni par
la conception égyptienne que, pour faire parvenir un objet dans l'autre
monde, il fallait le briser afin de forcer par là son double, son ka, a
quitter la terre. Ainsi on cassait des objets de parure et de toute
espèce, et même des ostraca contenant des inscriptions», au moment
où on les déposait dans la tombe. Gela se faisait encore au Nouvel
Empire, et cette coutume répond exactement à celle des gens de Né-
gadah qui faisaient des trous dans les pots de terre et brisaient les
vases en pierre dure pour en répandre les débris dans les différentes
chambres du tombeau royal.
La coutume de dépecer le mort et celle de l'enterrer intact, ne se
succèdent pas en s'excluant mutuellement. Dans les tombeaux du type
de Négadah et dans ceux de l'Ancien Empire, on peut constater un
usage transitoire cherchant à combiner les deux genres de sépulture.
On laissait parfois tomber le cadavre en morceaux et on cherchait,
après cela, à en rassembler les fragments pour reconstituer le sque-
lette aussi complet que possible3.
La pensée qu'une reconstitution du corps démembré du mort était
nécessaire, trouve son reflet dans les compositions religieuses ainsi
que dans les fêtes pendant toute la durée de l'histoire égyptienne.
Les textes des pyramides disent, par exemple : « Not te donne ta tête,
elle te fait cadeau de tes os, elle assemble tes chairs, elle t'apporte
ton cœur dans ton ventre* » : ou bien encore ceci : « Pepi a réuni ses
os, il s'est rassemblé ses chairs3 »; etc. C était Osiris qui, d'après la lé-
gende, aurait été le premier reconstitué de la sorte, événement fêté
dans toute l'Egypte par la solennité de l'érection du symbole Tel,
i. V Koldewey dans la Zeitschrift fur Assyriologie, II, 41^-
i. Maspero, Les premières lignes des .Mémoires de Sinouhit (Mémoires de l'Institut
égyptien, II), p. i.
3. V. p. ex., Pehie, Naqada, p. 3o sq.
4. Pepi I, 1. 109-110. Ra-mer-en, 1. 70-76. Pepi II, 1. 73-74. Le discours s'adresse
au défunt,
5. Pepi II, 1. 926. Pepi I, 1. rg5. Ra-mer-en, 1. 369.
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH L-il
l'épine dorsale du dieu. A Busiris * on attachait à cette fête, qui se
célébrait le 30 choïak', la plus grande importance, el dans toute
1 Egypte elle étail considérée comme un des épisodes principaux de
la résurrection du dieu.
En remettant ensemble les différentes parti. -s du corps, on don-
nait en général au squelette la position embryonnaire plus ou moins
correcte ', en croyant probablement que, de même que cette position
est celle du fœtus humain qui va naître, c'était aussi la meilleure pour
le corps qui allait renaître à une vie nouvelle. C'est pourquoi cette
posture a persisté jusqu'à une assez basse époque pour symboli-
ser la résurrection1.
Le fait qu'on dépeçait les cadavres explique suffisament ledésordre
qui régne parmi les ossements dans beaucoup de tombeaux, mais non
la défectuosité d'un grand nombre de squelettes. M. Pétrie a cru de-
voir tirer de ce fait la conclusion que les hommes de cette époque
étaient des anthropophages qui découpaient le cadavre et le man-
geaient en partie. Comme preuve de cette hypothèse, il cite le fait
qu'on retrouve parfois les os brisés et portant des marques qui pro-
viendraient des dents des anthropophages8; cependant en examinant
les conditions dans lesquelles ont été faites ces trouvailles, cette
hypothèse ne paraît pas résoudre le problème. Même si l'on avait
réellement dévoré de la chair humaine, rien n'aurait empêché les
survivants de jeter dans la tombe tous les os rongés sans en perdre
une partie plus ou moins grande. Je croirais donc plutôt à une cause
toute différente, et serais tenté de rapprocher ce fait d'une coutume
répandue un peu partout parmi les peuples plus ou moins primi-
tifs, le soi-disant ensevelissement secondaire.
On aurait donc enterré le défunt, immédiatement après sa mort,
i. Tctu désigne dans ces textes Busiris el non Mendès (v. Aeg. Zeitschrift, x88o,
P- 9»)-
•>.. Mari. -lie, Denderah, IV, 36,38; Mémoires de la mission du Caire,!, m ; Erman,
Aegypten, p. 378. Voyez pour l'amulette Tel qui donnait au mort la stabilité et en même
temps la vie éternelle, le Livre des Morts, ch. ci.v el Wiedemann, Religion oflhe Ân-
cient agpptians, p. 289.
i. V. plus haut, et pour l'époque de la IVe dyn., Pétrie, Medum, p. 20.
\. V. p. ex. la vignette du Livre des Morts, ch. cxxv.
:■>. Diodore.I, 14, prétend qu'Osiris aurait aboli l'ancienne coutume de manger de la
chair humaine, mais l'ensemble dans lequel se trouve ce renseignement rend bien
douteuse son origine égyptienne et semble prouver qu'il proviendrait plutôt d'un
ordre d'idées grecques.
212 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
dans sa demeure ou tout auprès, c'est-à-dire dans les terrains culti-
vés; le corps une fois pourri, on aurait retiré les ossements pour les
nettoyer — opération qui expliquerait les marques de grattage sur les
os — les transporter à la nécropole et les déposer dans le tombeau
définitif. En n'exposant le mort à le décomposition que pendant peu
de temps, les os devaient tenir encore plus ou moins ensemble et se
trouver à peu près au complet; dans un tel cas on pouvait aisément
reconstruire le corps du mort avec ses os.
Une grande partie des squelettes de la nécropole sud de Négadah
et des cimetières contemporains, qui ont la position de l'embryon,
ne paraissent pas avoir subi une décomposition préliminaire, mais
semblent bien avoir été ensevelis directement dans leur tombe ac-
tuelle. Ce sont les tombeaux « autochtones » qui coïncident de la
sorte avec le dernier résultat des essais pour reconstituer la forme du
corps décomposé. Je ne puis m'empêcher de penser que cette manière
d'enterrer exerça son inlluence sur celle qui consistait à dépecer les
cadavres, et que c'est d'elle que prit naissance la coutume postérieure
d'enterrer le mort tout entier et finalement de le momifier.
Lorsque la décomposition était plus avancée, il était à peu près
impossible de retrouver tous les os et de les transporter en bon
ordre. Cet ensevelissement préliminaire explique pourquoi on ne
trouve dans toutes ces tombes aucune trace de putréfaction, et
aucun reste de chair et de peau, choses qui n'auraient pu disparaître
complètement clans le sol aride du désert, où se trouvent ces nécro-
poles. La supposition d'un double ensevelissement n'a en soi-même
rien d'invraisemblable pour l'Egypte, cet usage y ayant toujours été
pratiqué. M. Quibell a retrouvé dans des ruines de maisons de
l'époque dont nous nous occupons des squelettes d'enfants dans la
position embryonnaire l. M. Pétrie a découvert sous le sol d'une sé-
rie de maisons de la XIIe dynastie à Kahun des boîtes contenant des
corps d'enfants2, tandis que l'usage constant de ces époques était
d'enterrer aussi les enfants dans les nécropoles3. Les adultes n'au-
raient sans doute pas eu leur première sépulture dans les maisons
mômes, la décomposition d'un grand cadavre offrant trop d'inconvé-
i. Pétrie, Naqada, p. 2.
2. Pétrie, Kahun, p. 24.
3. Il n'y a donc, pour la manière d'enterrer, aucune différence entre les enfants et les
adultes, comme cela était le cas chez beaucoup de peuples, par exemple les Romains
de l'époque impériale (Juvénal,XV, 1 3r>, sq.).
DANS LA NECROPOLE DE NÉGADAH 2!3
nients pour les voisins, l'n exemple de tombeau provisoire pour
adultes se trouve représenté sur un bas-reliei du Musée de Floren
datanl de la lin de la XVIII* dynastie, à peu pics '. qui nous montre,
près d'une maison, une chambre contenant trois sarcophages \><
debout. Gel usage a survécu jusqu'aux basses époques, ce qui esl
prouve par les données des auteurs classiques el par les découvertes
de M. Pétrie à Ilawara, qui démontrent en même temps qu'après un
certain laps de temps on se défaisait de ces cercueils en les trans-
portant à la nécropole, où ils étaient enterrés définitivement". Ce
double ensevelissement des époques postérieures ne serait donc autre
chose qu'une des coutumes de l'époque de Négadah, qui se serait
conservée partiellement dans la vallée du Nil, à une époque où
Ton avait l'habitude d'enterrer le mort directement dans la nécropole,
sans le faire passer auparavant par un tombeau provisoire.
II. Les manières de traiter le mort, dont nous nous sommes occu-
pés jusqu'à présent, ont ceci de commun, qu'elles cherchaient à con-
server au moins une partie du cadavre. Elles se rapprochentpar là de
la coutume, plus tard générale,, de le conserver en entier. Mais à côté
de celles-ci, il existait encore à la même époque une autre coutume
funéraire, dont le résultat était l'anéantissement complet du mort :
tandis qu'on enterrait les restes des particuliers, on brûlait le corps
du roi.
L'offrande se faisait généralement, en Egypte, en déposant les ob-
jets réels destinés au dieu ou au mort sur l'autel ou dansle tombeau.
On s'imaginait que le dieu ou le mort viendrait en personne en
prendre possession, ou que le double [ko) des objets accompagnerait
le double du destinataire, de même que les objets eux-mêmes se trou-
vaient sur la terre auprès de lui, de sa statue ou de son cadavre. A
côté de cette coutume, nous en trouvons plus rarement, il est vrai,
une toute différente, qui consistait à brûler l'offrande. Dans ce cas,
l'idée du double est complètement abandonnée et une autre manière
de voir a pris sa place : nous retrouvons ici la pensée qui existe chez
une foule de peuples, que les objets brûlés entraient avec leur fumée
dans l'autre monde et arrivaient ainsi dans la possession du mort,
i. Catalogue Schiaparelli, p. 3i [, o° i588. Photographie Pelrie, a" i65 : cf. Wiede-
mann, Proceedings Soc. Bibl, Arch., XVII, p. iô<>.
2. Cf. Wiedemann, Uerodols ziveites Buch, p. 36o sq.
21 i LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
qui les avait précédés. Celle opinion est déjà exprimée clans les textes
des pyramides, où on lit, pour ne citer qu'un passage1 : « Donnez du
feu afin que le feu se lève (comme le soleil), mettez de l'encens sur
le feu, afin que l'encens se lève. Ton odeur, ô encens, vi.nt chez
Ounas(le roi mort) ».
L'offrande par combustion paraît avoir été exécutée dans les tem-
ples sur des autels de grandes dimensions qu'on érigeait dans une
cour à ciel ouvert; on y entassait des dons destinés en premier lieu,
semble-t-il, au dieu solaire. Plusieurs de ces autels se trouvent re-
présentés dans les bas-reliefs de Tell-el-Amarna*; un autre, très
grand, dédié par la reine Ramaka à Ra-Harmachis a été trouvé
en place à Deir-el-Bahari 3. Dans l'Egypte grecque, on érigeait
des autels semblables sur les maisons, et cet usage revient chez
les Arabes, qui les dédiaient à Helios 4. D'autre part l'incinéra-
tion était considérée comme une chose très nuisible à l'existence.
Le défunt demande maintes fois, tant dans le Livre des Morts
que dans d'autres compositions analogues, à ne pas tomber dans
le feu des démons. L'Amtuat décrit dans la XIe heure, d'une ma-
nière détaillée, comment furent brûlés les ennemis du dieu so-
laire5. Les ennemis du roi sont punis par la combustion0. Héro-
dote, III, 16, raconte l'impression terrible produite en Egypte par
l'action de Cambyse faisant brûler la momie du roi Amasis, etc. 11
est donc bien naturel de voir, de temps en temps, des voix s'élever
pour demander l'abolition de la coutume de brûler les offrandes et
il semble que le décret d'excommunication de Gebel Bankal, à l'épo-
que de la domination éthiopienne, était dirigé contre une secte qui
avait cette tendance-là7. En tous cas, ces tentatives ne furent pas
couronnées de succès; jusque vers la fin de l'existence de la religion
égyptienne, on continuait à brûleries offrandes8. Ici, l'incinération
i. Ounas, 1. 4S/1.
2. Lcpsius, Denkmaler, III, 96, i<>>.
'!. Naville, Deir el-Bahari, I, pi. 8, p. 7 sq.
4. Strabon, iO, 784, V. Lumbi-oso, Rendiconti délia Academia dei Lincei, VI, lasc.
II, p. 73.
5. Tombeau de Seli I, éd. Lefébure, II, pi. 23-25, cf. Maspero, Etudes de mytholo-
gie, II, 189.
<i. P. ex. stèle poél. de Thoutmès III, 1. 9; cf. Livre des Mûris, éd. Naville, XVII,
44, où l'œil solaire hrùle les ennemis d'Osiris.
7. Mariette, Mon.div.tjtl. 10. Traduction de Maspero, Rev. archéol., 1870,11, p. 329.
8. V. p. ex. la description du sacrifice du taureau dans Hérodote, II, /j<>.
DANS LA NECROPOLE DE NEGADAH 215
n'avait pour but que d'envoyer l'objel dans l'autre monde; dans
d'autres cas, on croyail obtenir par ce moyen la renaissance d'un
être mort. Celte croyance se trouve exprimée dans le mythe du
Phénix, qu'on faisait renaître de la flamme où avait été brûlé l'an-
cien Phénix mort et devenu par là un Osiris1. Plus tard, on a com-
biné celle légende avec le phénomène du soleil montanl au ciel des
flammes de l'aurore, flammes dans lesquelles avait été brûlé le so-
leil de la veille. Cependant l'idée primordiale était plutôt que l'âme
du mort s'élevait au-dessus de son corps brûlé, en un moi nouveau-
né. Une représentation fort curieuse sous ce rapport se trouve au
papyrus 172 de la Bibliothèque Nationale à Paris. Ici, dans un texte
qui date de l'époque thébaine, nous voyons la barque solaire s'éle-
ver au-dessus d'une momie sans tète2, à droite et à gauche de la-
quelle se trouvent deux bernions (Phénix), tandis que devant elle se
tient un scarabée, symbole du soleil levant. La momie est debout
au-dessus d'un lac de flammes qui nous rappelle la coutume de l'in-
cinération; d'autres personnages jettent des flammes dans ce lac, au
milieu duquel sont représentés huit hommes munis de pioches. A
côté de ce lac rond, il s'en trouve un autre de forme quadrangulaire,
orné de lignes rouges, et par conséquent contenant aussi du feu;
sur ses bords, des flammes s'élèvent et quatre cynocéphales sont
assis. Ce dernier lac est bien connu, il forme la vignette du chapi-
tre cxxvi du Livre des Morts; il est surprenant que le texte de ce cha-
pitre, qui date au moins de l'époque thébaine, ne dise pas un mot du
lac ; il contient seulement une prière aux quatre singes et dit à cette
occasion qu'ils tranquillisent les dieux par le feu de leurs bouches. Le
mort les prie de le secourir « parce que j'ai été coupé en morceaux
sur la terre »\ En combinant ces mots et la représentation dont nous
avons parlé plus haut, il semble que nous avons à voir ici un feu,
dans lequel était brûlé un corps décapité et dont surgit alors lame
du soleil nouveau-né qui est ici, comme ailleurs, le prototype de ce
qui doit arriver à l'homme après sa mort \
i. V. Wiedemann, Aeg. Zeitschrift, 1S7S, p. 89.
■>.. Comparer l'idée de la décapitation du mort, crue parfois nécessaire à la résur-
rection.
3. Pour la construction de la phrase, v. Le Page Renouf, Proc. Soc. Bibl. Arck.,
XVIII, i5i.
I. An moins en note, je voudrais citer ici un passage curieux, qui met Osiris en rela-
tion avec le feu. Le eliap. cwv, 1 64 du Livre des Morts, demande dans une phrase q
216 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
Ces exemples se rapportent à des faits mythologiques, mais il y en
a d'autres qui ont trait à des événements terrestres. Une légende
recueillie par Hérodote (II, 100) raconte que la reine Nitocris se serait
brûlée elle-même. Dans un papyrus, qui date d'à peu près 2000 ans
avant J.-C, se trouvent deux allusions au fait que l'homme voulant
mourir pouvait choisir l'incinération'. La première phrase n'est pas
très explicite; elle dit seulement qu'on pouvait jeter l'homme sur le
feu pour le tuer; le second passage est plus intéressant: « Tu (l'homme
qui veut mourir) pèses (?) sur le réchaud, tu t'unis au pays de la vie (?)2;>,
c'est-à-dire, tu as été couché sur le feu et tu entres maintenant au
pays des morts. Le yu, forme d1àme avec laquelle le mort parle dans
ce texte, lui promet alors de s'unir à lui, de sorte que l'homme brûlé
parviendrait ainsi à l'union avec son yu, gagnant ainsi la vie éter-
nelle.
Dans les tombeaux de la XVIIIe et de la XIXe dynastie 3, on retrouve
l'idée de faire passer des hommes par le feu pour les envoyer dans
l'autre monde.
Ici ce n'est pas le mort lui-même que l'on traitait de cette manière,
mais ses serviteurs, que l'on tuait pour qu'ils fussent à l'avenir à la
disposition de leur maître. On les exécutait de deux manières diffé-
rentes : ou bien les victimes étaient étranglées et envoyées ainsi tout
entières au mort, ou bien mises dans une peau de bœuf, égorgées
comme le taureau du sacrifice, puis brûlées dans un trou rond en
même temps que les instruments qui avaient servi à la cérémonie.
Ce n'est pas une coutume nouvelle, ayant son origine au Nouvel Em-
pire, sous une influence étrangère, qui se révèle dans les tombeaux ;
elle est, au contraire, beaucoup plus ancienne et absolument égyp-
Irouve déjà dans les textes thébains : « Qui est celui dont le toit est de feu, dout le
mai' se compose de serpents vivants (uraeus), dont le sol est d'eau? » La réponse est
« Osiris.» Dans les Litanies du- Soleil (éd.Naville,p. 4o), il esl parte du rayon de lu-
mière dans le cercueil, qui est le cadavre du générateur. Cela pourrait bien se rap-
porter au corps du vieux soleil brûlé dans son cercueil.
i. Pap. Berlin 3o2ri, publié et étudié eu dernier lieu par Erman, Abhandlungen
der Berliner Akadernic, 1896, 1. i3, i4?-.
2. La traduction de cette pbrase olfre une certaine difficulté, mais je crois que les
mots donnés ici répondent assez bien au sens égyptien de ce passage. Le verbe teina
a, entre autres, le sens de « s'unir » avec quelque chose, cl le mot ankh paraissant ici
sans détermina tif, doit être à combiner avec le nom Ankh-ti « le pays de la vie », un
des noms de l'Ouest et du séjour des morts
3. V. Maspero, Mémoires de la Mission du Caire, V, f\hi sq. ; v. Wiedemann dans
Le Musco/i, XIII, p. 407 sq.
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH 217
tienne : nous voyons déjà figurer une série d'instruments nécessaires
au sacrifice humain sur une slèle qui date de la XII <1\ uastie1.
Il me paraît exister une relation entre l'incinération el la désigna-
tion du défunt immortel par le mot-///. I«- c« lumineux , mot qui a
perdu dans la suite sou sens exact. Dans le Livre des Morts5, y/i ne
représente qu'une des parties de l'âme, nommée a côté du ba et du
sahu, ou du sahu seul. A l'époque thébaine, ou parle du yu aker, du
yu accompli "'et on entendait par la l'âme d'un mort qui est en étal de
nuire à un vivant1. Une série de stèles de la même époque désignent
le mort par ces mots : « le yu accompli de Ra"'», en donnant à ce yu le
titre crOsiris ou en parlant de son ha*. Ces stèles appartiennent à des
gens qui n'avaient nulle relation spéciale avec Ra ; il ne peut donc
être question ici que de l'analogie entre leur entrée au ciel et celle
de Ra, par la disparition dans les flammes et l'ascension de celles-ci
à la vie éternelle. Cette analogie aura sans doute donné naissance au
titre, à une époque très ancienne, et ce titre sera resté même quand
i. Stèle C, i5 du Louvre, éd. Gayet. Stèles du Louvre, pi. L1V ; cf. Pierret, Mon.
du Louvre, II, 29; expliquée parMaspero, loc. cil., p. 463. Je n'ose décider m les sept
taureaux liés et posés à côlé d'un bassin dans le tombeau d'.lba (Scheil, Mémoires de la
Mission du Caire, X, pi. 9, p. 65s) se rapportent à une représentation du sacrifice hu-
main. La tradition qui dit qu'on brûlait les hommes typhoniens (Manélhon, frag. 84,
Diodorc, I, 88) ne peut trouver son explication ici, car il s'agirait alors, non pas d'en-
voyer au mort des victimes, mais simplement de détruire des adhérents du dieu du
mal.
1. 8y, 3; 92, ô ; 1 '19, 4° ; cf. v. Bergraann, Sarkophag des Panehemisis, II, 1 \ .
3. On donne généralemeni au mort, à celte époque, une épithète honorifique sem-
blable ; au lieu de aker, on trouve aussi les adjectifs meule ou àper, qui ont à peu près
le même sens (Naville, Litanies du Soleil, p. 26, 89).
'l. Maspero, Eludes égypt., I, i45 sq. ; Etudes de mythologie, II, 37.
5. Ces stèles sont rassemblées par Maspero, Liée. 'Irav., III, p. io'|. On ne peut pas
citer ici comme parallèle le nom ou titre /u-en-Lia de plusieurs Pharaons 'Améno-
pliis IV, Siptah, Ramsès VIII) ; -j/U n'est ici que le mot « splendeur ». Il est vrai qu'on
a attaqué dernièrement cette traduction en alléguant que le mot yu est féminin el
qu'on doit traduire ici « le oatfMov de Ra ». Je ne vois pas comment le genre du mot
peut causer une difficulté; nous disons bien « la majesté du roi », quoique « majesté»
ne soit pas un mot masculin. En plus, au point de vue mythologique, on peut con-
sidérer le roi comme une incarnation de la divinité, mais non comme l'a m • du dieu, ce
qui ferait alors du dieu une incarnation du roi terrestre. Dans le litre Ba-en-Iia de
Menephtah, le Ha ne signifie point « âme » mais « bélier » ; il faut rapprocher ce
titre de celui de Thoulmès I : Ka-ne /t-euRa « le taureau puissant de l!a ». Par tous
les deux, le roi est traité comme une incarnation divine.
i). Ct. le litre Ka-/u, qui se trouve sur plusieurs des slèles nommant des per-
sonnages privés, découvertes par M. Ainélineau à Ahydos.
218 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
tout ce qui rappelait l'incinération avait complètement disparu. Le
titre yu, sans apposition du nom de lia, doit probablement son origine
au même ordre d'idées. Il est vrai qu'on a tenté de l'expliquer d'une
autre manière, en y voyant une allusion à la parcelle de lumière di-
vine dont serait revêtue l'âme du mort, ou bien en se représentant
l'âme sous la forme d'une flamme pâle, qui émet une lueur analogue
au halo phosphorescent qui entoure pendant la nuit un morceau de
bois pourri ou de poisson décomposé1. La première explication me
parait donner aux anciens Égyptiens des idées trop abstraites2, tan-
dis que j'hésite à accepter la seconde, étant donné le dégoût qu'ils
avaient généralement pour la décomposition et les phénomènes qui
l'accompagnent. Je suis donc tenté de croire que le mot signifiait, à
l'origine, la partie immortelle du mort qui se lève comme une étin-
celle des flammes sortant du corps, et qui est donc lumineux'. Plus
tard on aurait oublié ce sens et pris le mot comme une des nom-
breuses désignations de la partie immortelle de l'homme, sans avoir
une idée précise de son aspect.
Un fait à étudier encore à propos de ces divers genres d'ensevelis-
sement, c'est qu'à Négadah aussi bien qu'à Abydos, le roi était brûlé,
tandis que ses sujets étaient enterrés. Il me semble qu'il n'y a qu'une
manière d'expliquer cette différence : c'est de supposer que la de-
meure éternelle du roi n'était pas située dans la môme contrée que
celle des simples particuliers. En brûlant un objet, on s'imaginait,
ainsi que nous venons de le voir, qu'il montait avec sa fumée au ciel;
c'est donc, en premier lieu, au dieu solaire que fut offert le sacrifice
par le feu. L'incinération du roi devait avoir le même but : on le fai-
sait parvenir par là au ciel. C'est là, en effet, qu'était sa vraie patrie ;
il avait été engendré par un dieu descendu pour cela sur la terre, et,
par conséquent, il était aussi un dieu; en mourant il devait chercher
à parvenir chez ses ancêtres dans les cieux. Les textes des pyramides
décrivent avec beaucoup de détails l'arrivée du Pharaon dans cette
i. Y. pour ces explications Maspero, Histoire ancienne, I, 1 i',.
2. Ou trouvecelle conception aux temps postérieurs ; p. ex. chez Suidas, s. v. 'Hpcutrxo;
3. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de citer à ce sujet la formule se-heCOsiri
« fais luire l'Osiris » qui se trouve si souvent sur les statuettes funéraires, sans être
en relation directe avec la formule typique, prise du chapitre vi du Livre des Morts
(v. Loret, Recueil de travaux, IV, ;)r. Birch, Aeg. Zeitschvift, 1864, p. 89 et io3;
rSii"), p. 4 et 9.0). La doctrine de cette composition ne contient nulle part la croyance à
une transfiguration lumineuse du mort.
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH 21 i
région el expliquenl comment il s'} rendit maître de tous les pou-
voirs ; en outre, jusqu'à une époque récente, la morl du roi esl indi-
quée souvent par des phrases ayant le sens suivanl : o 11 lit s :he-
min au ciel » l. Pour les sujets, qui ne jouissaient pas d'une si haute
origine, le pays où ils devaient se rendre après leur morl était situé
dans les îles des bienheureux, a l'Occident, ou dans le Tuât, ou dans
une autre région que l'on cherchait toujours dans les confins «le la
terre. On s'y rendait à pied ou en se servant d'une barque pour traver-
ser les différents fleuves etlacs situés entre le pays des vivants et celui
des morts2. En brûlant le défunt on l'aurait envoyé dans une faus
direction et l'enterrement paraissait iei convenir davantage, Des al-
lusions à eette division de l'autre monde en deux régions distinctes,
Tune pour les rois divinisés, l'autre pour leurs sujets, reviennent
assez souvent dans les textes; mais ici, comme partout, l'Egyptien
n'est pas toujours conséquent avee sa pensée. Le sujet espérait
pouvoir parvenir au ciel lorsqu'il avait acquis une assez grande
connaissance de la magie pour forcer les dieux à l'admettre dans
leur cycle ; d'un autre côté, le roi prétendait pouvoir visiter aussi
les îles des bienheureux et le reste de l'autre monde pour y régner
en Pharaon et v jouir de leurs agréments. Du moment qu'on donnait
au roi la faculté d'aller après sa mort un peu partout, il n'était plus
nécessaire de le brûler comme au temps où il fallait absolument
le faire monter au ciel, et, dès lors, on pouvait l'enterrer comme les
autres hommes.
J'ose espérer que les pages précédentes suffiront pour prouver
que le souvenir des usages de l'époque de Négadah et des idées re-
ligieuses qui s'y reliaient, n'a pas disparu chez les Égyptiens des
temps postérieurs. La conséquence immédiate de cette continuité est
qu'on ne peut pas soutenir l'hypothèse très répandue que le peuple
de Négadah appartenait ci une tout autre race que les Égyptiens his-
toriques, qu'ils vivaient l'un à coté de l'autre sans avoir de relations
ensemble. Pour avoir influencé d'une manière si décisive la religion
égyptienne, il faut que la race de laquelle ces idées ont pris nais-
sance ait été en relation intime avec celle dont proviennent les
i. V. p. ex. le coule de S ané h a (Amen-em-hat I), l'inscription à'Amen-em-IIeb
Thoulinès III), Lepsius, Denkmàler, III, i52 a (Seti I
■2. Cette idée explique la présence dos barques comme objets votifs dans 1rs tom-
beaux du type de Négadah et leur représentation fréquente sur les vases déposés au-
près des morts.
220 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
Egyptiens; elle forme un des éléments dont se compose ce qu'on est
habitué à nommer la civilisation égyptienne. D'un autre côté, les
idées relatives au traitement des morts, telles qu'on peut les relever
dans les nécropoles du genre de celles de Négadah, différent telle-
ment de celles qu'on est habitué à voir en Egypte, qu'on ne peut
guère admettre que ces dernières, spécialement la momification,
soient le résultat d'une évolution qui dérive du dépeçage ou de l'in-
cinération du mort. Des manières de penser aussi différentes ne
peuvent résulter que d'origines différentes, et elles sont même tel-
lement divergentes qu'on ne peut guère prétendre qu'une seule et
même race, relativement civilisée, comme le peuple du type de Néga-
dah, ait pu développer dans son sein des doctrines aussi contradic-
toires. Je ne crois donc pas être trop hardi en tirant de ces faits
la déduction que, pour former l'ensemble disparate que les textes
donnent comme religion égyptienne, plusieurs peuples différents
ont concouru; ainsi on aurait aussi, grâce aux nouvelles découvertes,
un point de départ pour traiter la question si souvent discutée de
l'origine des anciens Egyptiens.
C'est un fait généralement admis et qui ne paraît guère douteux,
que le peuple égyptien postérieur ne provient pas directement d'une
peuplade autochthone, mais d'une tribu immigrée de l'Orient. On ne
peut supposer que difficilement que ces étrangers aient trouvé la val-
lée du Nil dépourvue d'habitants. Si l'Afrique du nord était peuplée
dans ce temps-Là, on n'aurait certainement pas laissé déserte la partie
la plus fertile du continent, l'Egypte. Or il a existé dans l'Afrique du
nord, depuis le commencement des temps historiques, des peuplades
que les textes égyptiens nomment Teheiinu ou Temhu, qu'on a l'ha-
bitude d'identifier avec le peuple que les Grecs connaissaient sous
la dénomination très peu circonscrite de Libyens. Les monuments
représentent ces gens-là avec une peau de couleur claire, des yeux
bleus, des cheveux blonds, tandis que les Égyptiens apparaissent,
sur les mêmes bas-reliefs, avec la peau brune, les yeux et les cheveux
noirs. En général, on est habitué à considérer ces peuples comme les
voisins des parties septentrionales de l'Egypte, mais, de fait, leurs
résidences se sont étendues, au moins dans les temps anciens, beau-
coup plus au sud. L'inscription de Herchuf à Assouan1 les montre
sous la VIe dynastie comme voisins des Égyptiens jusque vers la
i. Schiaparelli, Una tomba Egiziana délia VIe dynastia, Roina, 1S92, p. 29.
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH 221
Nubie el lui texte de la XXe dynastie parle de Tehennu établis près
delà bourgade d'Anibe, au sud de la capitale de la Nubie, Derr1.
C'esl donc une hypothèse très plausible qu'une tribu apparentée à
ces Libyens ait formé les autochtones de l'Egypte, qui furenl assu-
jettis plus tard par les immigrants égyptiens. En effet, on trouve sous
la IV dynastie, et encore plus tard dans l'Ancien Empire, des gêna
cà peau claire, à tête plaie, cheveux roux, barbus, comme bergers, la-
boureurs, faiseurs de tours, appartenant aux basses classes de la popu-
lation2. Ce sont eux qui auraient été les descendants des anciens
maîtres du pays, devenus les ilotes des conquérants.
Une classe inférieure semblable employait encore, au commence-
ment de la IVe dynastie, une des coutumes les plus caractéristiques
de la race de Négadah. M. Pétrie3 a constaté à Médum dans les tom-
beaux des classes supérieures. la momification, tandis que dans ceux
de la basse population les morts se trouvaient, ainsi qu'à Guizeh, à
L'état de squelette, en général dans la position embryonnaire; la po-
sition droite est plus rare. Souvent même les ossements étaient en
désordre ou quelques-uns manquaient, quoiqu'on ait pu constater
qu'on avait au moins essayé de les disposer dans leur ordre naturel.
C'est la dernière forme de l'enterrement secondaire, en squelette, qui
se trouve ici, et en même temps la transition avec l'enterrement du
mort intact, en forme de momie, méthode qui devint générale, peu de
temps après, pour toutes les classes de la population dans la vallée
du Nil, tandis que, d'après un passage malheureusement peu clair
d'Hérodote, IV, 190, l'enterrement en position embryonnaire parait
avoir survécu dans quelques parties de la Libye ; dans les îles Baléares,
qui étaient reliées à la civilisation libyenne, on frappait sur le cadavre
pour lui donner la plus petite dimension possible et on l'ensevelissait
dans un vase \
Un usage des gens de l'époque de Négadah était le tatouage; cela
est prouvé par une statuette de femme trouvée à Toukh5, dont les
peintures montrent des images tatouées sur le corps, qui répondent
ï.Lepsius, Denkmàler, III, 229 c, ligues 9 et 10; traduit par Brugsch, Geschichte
Aegyptens, p. 6127.
o." Représentation dans de Morgan, Origines, p. 197; Pétrie, Ilislorv, p. 1 1 ; Mariette,
Galerie de l'Egypte ancienne, Paris, 1878, p. 20, les prenait hypothétiquement pour
des Tehennu .
3. Médian, p. 20.
\. Diodore. Y, 18.
5. Pétrie, Naqada, pi. T. IX, Gg. 6.
222 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
exactement comme forme aux lignes brisées et aux représentations
d'ibex qui ornent les vases de la même époque '.Les tatouages étaient
fréquents en Libye2, taudis qu'ils manquent en Egypte. Ce n'est que
sous le règne d'Aménophis IV. époque où nous trouvons aussi, d'autre
part, des traces d'influence libyenne, que le roi et la reine se tirent
tatouer sur le corps le nom du dieu Aten3. Afin de montrer ces orne-
ments, ils découvraient leur corps plus que l'usage égyptien ne le
permettait; parfois même le vêtement ne les couvre que sur le dos et
les côtés*, comme c'était la coutume chez les Libyens du temps de
Seli 1"\
Les faits dontnous venons de parler rendent probable une relation
entre une partie de la civilisation de Négadah et celle des voisins
occidentaux de l'Egypte. Cela a lieu d'une manière encore bien plus
évidente si l'on considère qu'il existe un rapprochement incontestable
entre la civilisation de Négadah et celle qu'on appelle la civilisation
insulaire de la Grèce, qui a précédé la période mycénienne dans les
pays de la Méditerranée septentrionale. Il ne parait guère admissible
que les représentants de cette civilisation du type de Négadah aient
été chassés par L'immigration égyptienne, et se soient réfugiés sur
les îles grecques et les côtes environnantes. Il est beaucoup plus vrai-
semblable que leur civilisation ne s'est pas bornée cà la vallée du Nil,
i. Des graffitis du même style se trouvent en très grand nombre sur les rochers
des montagnes lybique el arabique, jusqu'à une assez grande distance dans le désert.
Ils n'ont pas été recueillis au complet, mais quelques-uns ont été publiés par de
Morgan, Origines, 162 sq.; Goléniscbeff, Recueil de Travaux, XIII, pi. IV et VII
(v. aussi Pétrie, Season, p. i5 et Ten years digging, p. ^Sj.ceux de Pétrie, Season.
pi. XIX, sont beaucoup plus récents et datent en partie des temps hellénistiques)
Parmi les derniers, pi. IV, n° 17, trois autruches, et pi. VII, n° G2, un oiseau voletant,
sont remarquables : les premiers rappellent les autruches des vases du tombeau
royal de Négadah, et l'autre l'oiseau sur la plaquette d'ivoire.
■i. Lepsius, Denkmâler, III, i36.
3. Lepsius, Denkmâler, III, 106, 109.
'l . Lepsius, Denkmâler, III, 101, o/j, etc. La statue delà reine Tii (Lepsius, Dénient.,
III, 100, a), montre la même manière de s'habiller. La poitrine pendante de celte reine,
qui se retrouve parfois dans les bas-reliefs de la fin de la XVIII" dynastie, existe aussi
sur une staLuetlc du type de Négadah, à Berlin {Aeg. Zeitschrift, XXXIV, p. ifir,
fig. 12). Dans ce travail est publiée une série d'objets qui auraient été trouvés dans
deux tombeaux à Négadah. Cela est possible, mais, autant que je sache, la donnée ne
repose que sur le dire d'un marchand d'antiquités arabe, par les mains duquel ces
objets avaient passé, de sorte qu'il est prudent de ne tirer des conclusions trop pré-
cises, ni du lieu de trouvaille indiqué, ni de l'ensemble des objets.
5. Lepsius, Denkmâler, III, i°,().
DANS LA NECROPOLE DE NEGADAH 223
mais s'étendail au delà, vers l'ouest, où M. Legrain a retrouvé leurs
silex < i leurs kjœkkenmœddings jusqu'à l'oasis de Khargiéh. 1 ne fois
cette population asujettie, en Egypte, el sa civilisation supprimée par
les envahisseurs, elle aura continué d'exister plus à l'ouest, en Lybie,
el au i'a eu de là ses relations avec le développemenl de la civilisation
insulaire grecque. Cette durée plus longue en Libye1 expliquerait plus
facilement les faits, si l'on trouve, dans des loin I faux postérieurs, des
produits céramiques du type deNégadah; en effet, même si l'on ne
veutpas admettre que les Égyptiens aient fait usage d'anciens objets
trouvés dans des tombeaux, comme le font actuellement les Arabes
avec les anciens vases égyptiens, il n'est pas difficile d'admettre que,
de temps en temps, on importa de l'ouest des échantillons de cette
céramique, bien supérieure à la céramique égyptienne, de même qu'on
importa, sous le Nouvel Empire, des produits de la poterie mycé-
nienne.
De tous ces faits il me parait ressortir que les autochtones de
l'Egypte étaient apparentés aux « Lybiens », qu'ils lurent vaincus par
un autre peuple et réduits plus ou moins en esclavage, de sorte
qu'ils ne formaient plus, au commencement de l'Ancien Empire, que
la classe inférieure de la population dans la vallée du Nil. 11 surgit
maintenant une seconde question : quel fut, ou, tout au moins, d'où
vint ce peuple de conquérants?
L'opinion générale est que les Egyptiens venant d'Asie auraient
pénétré, par l'isthme de Suez, dans leur nouveau pays, el l'auraient
occupé en remontant le fleuve. Dans cette hypothèse, l'idée de l'ori-
gine asiatique des nouveaux maîtres de l'Égvpte est parfaitement
fondée : la langue égyptienne appartient à la môme famille que l'indo-
européen et le sémite, en se rapprochant davantage du dernier groupe,
mais pas assez toutefois pour pouvoir être rangée parmi les langues
sémitiques. D'après les caractères anthropologiques, d'autre part, le
peuple se range dans l'ensemble des mêmes races et diffère notable-
i. On a prétendu que la poterie kabyle répondait à celle du type de Négadah, ce qui
serait une preuve de l'idée émise plus haut; malheureusement, il m'esl impossible,
faute de matériaux nécessaires, de constater cette donnée. D'autre part, M. Schwein-
furlh [Steinbrûche des nions Claudianus dans la Zeitschrifl der Gesellschaft fur Erdkunde
zu Berlin, XXXII, 1897, p. i)( a signalé la ressemblance des vases trouvés à Négadab
avec ceux des Bédaùye (Ababdeh el Bischaris) actuels. Les Égyptiens rangeant parmi
les Tehennu leurs voisins du sud-ouest et du sud, ce fait n'offrirait aucune diiticullé
pour noire théorie.
22Ï LK.S MODES D'ENSEVELISSEMENT
ment des races nègres et ouralo-altaïques. Celte affinité avec les
antres peuples méditerranéens rend pins que probable une origine
asiatique des peuples de la vallée du Nil, provenance déjà indiquée
par le plus ancien système ethnographique que nous possédions'.
L'idée (pie ce peuple entra en Egypte par le nord a été déduite de
la remarque que les plus anciens monuments se trouvent au nord,
près de Memphis et qu'ils deviennent de plus en plus récents à me-
sure qu'on remonte le fleuve. Les nouvelles découvertes ont démontré
que ce raisonnement est faux; les monuments trouvés par MM. de
Morgan, Pétrie et Amélineau,en Haute-Egypte, sont plus anciens que
les pyramides de Memphis. D'un autre côté, une tradition ancienne5
fait venir les Egyptiens de l'Ethiopie, c'est-à-dire du sud, et Ézéchiel
(xxjx, 14), suivant sans doute dans cette donnée une tradition égyp-
tienne répandue de son temps, désigne Pathros, le pays du sud, et
plus particulièrement la Haute Egypte, comme la patrie des Egyptiens.
Ce serait donc plutôt du sud que ce peuple est arrivé en descendant
le fleuve, dans la direction de la mer; mais l'Afrique centrale ne doit
pas pour cela être nécessairement son pays d'origine. Au-dessus des
cataractes, les monuments anciens disparaissent, et cette contrée n'a
été occupée par les Egyptiens qu'après la conquête de l'Egypte pro-
prement dite. Il faut donc que cette nation soit arrivée par une des
routes conduisant de la mer Rouge à la Haute Egypte.
La route la meilleure est celle qui, venant de la côte, près de Cos-
seïr, passe par la vallée de Hammamat pour aboutir à Coptos; elle
était déjà connue des Egyptiens depuis l'Ancien Empire3, en sorte
qu'elle fut aussi probablement celle que prirent les envahisseurs. Ils
gardèrent leurs relations avec la mer Rouge pendant assez long-
temps : on trouve dans les tombeaux du type de Négadah des coquilles
qui ne peuvent venir que de là, et les statues ilhyphalliques du dieu
Min, découvertes à Coptos4, qui offrent tous les indices d'une origine
des plus anciennes, sont ornées de coquilles Pteroceras, originaires
delà même mer. Les schistes que ces gens employaient pour y décou-
per leurs amulettes proviennent, d'après les remarques de MM. de
Morgan et Schweinfurth, des montagnes à l'est du Nil, tandis que
i. Genèse, chap. x.
•i. Diodore, III, 3.
3. V. Maspero, Revue orientale, 1877, p. 327, el Schiaparelli, La calena orientale
delV Egitto, Roma, 1890.
\. Pétrie, Koptos, pi. 3-4.
DANS LA NÉCROPOLE DE NÉGADAH 225
I'étain et probablement aussi une partie du cuivre nécessaire à la
fabrication du bronze auront traversé la mer Rouge parla même route
pour passer d'Asie en Egypte1.
Los textes historiques des Égyptiens ne mentionnent nulle part
l'occupation du pays par leur race, mais il me semble que nous avons
encore dans des textes religieux un écho lointain de cette invasion à
l'aurore de l'histoire, la mémoire religieuse étant aussi -mus ce rap-
port plus conservatrice que la tradition purement historique. Ainsi
les inscriptions des pyramides; décrivent la manier.-, dont le roi prit
possession de l'Egypte, à l'instar du roi des dieux, en disant : « Le roi
est la contrée des cataractes (selli) qui a pris possession des deux
pays (l'Egypte), la flamme qui a saisi les deux bords du Nil »; ce
texte fait donc venir les conquérants du sud. Une description plus
détaillée de la conquête se trouve dans le mythe d'Horus d'Edfou,
qui ne nous est malheureusement parvenu que dans une inscription
très récente3. « Ce dieu, dit le texte, conquit l'Egypte en vainquant
Set-Typhon avec l'aide de ses mesniti-u », qui sont, comme Ta très
bien déterminé M. Maspero *, des forgerons qui devinrent la suite de
l'Horus d'Edfou et trouvèrent accueil avec lui dans les différents
temples de l'Egypte. C'est donc, d'après l'idée de l'auteur de ce
mythe, des forgerons qui furent les conquérants ; des hommes con-
naissant les métaux auraient remporté la victoire sur des ennemis
qui, probablement, ne possédaient que des armes non métalliques,
l'invasion d'une peuplade armée de fer ou de bronze aurait déterminé
l'assujettissement de l'homme néolithique.
D'après le texte d'Edfou, le point de départ de la conquête fut cette
ville elle-même, qui, cela est bien naturel, devait jouer le rôle prin-
cipal dans un mythe inscrit sur les murs de son temple. Tous les
champs de bataille nommés dans l'inscription sont situés plus au nord,
et si le texte parle au commencement et à la fin5 du pays Wawa*, où
les ennemis du dieu auraient commencé à conspirer, il est probable
i. Y. do Morgan, Origines, p. 23S.
3. Pepi I, 1. 90; Ramcren, 1. 119; Pepi II, 1. 698.
3. Ed. Naville, Mythe d'ITorus, pi. 12-19, traduit par Brugsch, Ahhandlungen der
Go&tlinger Akademie, XIV ; cf. Wiedemann, Religion of the Ancient Egyptians, p. G9.
4. Études de mythologie, II, 3i3.
5. PI. XII, 1. 1 et pi. XVIII, 1. -.
6. Wawa signifie en général les pays au sud de l'Egypte proprement dite (v. Brugsch.
Aegyptische Zeitschri/t, 18S2, p. 3o).
15
226 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
que ce n'est qu'un essai d'expliquer étymologiquement le nom du
pays comme celui de la conspiration ; en effet, si l'on avait pensé que
la guerre y avait réellement pris origine, l'inscription donnerait des
détails, et ne citerait pas Edfou comme premier lieu de victoire1. Le
lieu suivant se trouve à Thèbes, le troisième à Dendérah. Il n'est
guère possible de reconstruire, à l'aide de ce mythe, l'histoire de la
conquête dans tous ses détails, mais au moins le fait que, d'après la
tradition qui lui servait de base, les envahisseurs vinrent de la Haute
Egypte et avancèrent vers le nord, paraît ressortir très clairement.
En admettant que le point de départ de l'invasion se trouve dans
les environs de Cosseïr, on ne peut pas en conclure que ce pays ait
été la patrie réelle du peuple égyptien, les bords de la mer Rouge
n'ayant jamais pu offrir à une population un peu nombreuse les ter-
rains nécessaires à sa subsistance. Cette contrée ne peut avoir été
qu'une étape dans la migration de ce peuple, dont il faudra alors re-
chercher l'origine plus loin à l'est, vers l'Arabie.
Une tradition ancienne s nomme comme frère de Misraïm, qui re-
présente l'Egypte, Chus, le père de Nimrod, fondateur de l'Empire
babylonien, indiquant par là une relation entre les habitants de la
vallée du Nil et ceux de la Mésopotamie. En effet, les trouvailles en
Egypte d'un côté, en Chaldée de l'autre, ont mis à jour tant d'ana-
logies, qu'il parait impossible de les attribuer à un simple hasard;
elles ne sont cependant pas de sorte à nous lorcer à voir dans une
des deux civilisations un dérivé de l'autre et à penser, par exemple,
comme on a voulu le proposer, que les Babyloniens auraient con-
quis l'Egypte à un moment donné, en lui apportant leur civilisa-
tion. Pour prouver une pareille hypothèse, les preuves ne parais-
sent pas encore suffisantes, et le développement particulier que
prit chacune des deux civilisations ne paraît, de prime abord, pas
favorable à cette idée. Mais on est en droit, en se basant sur
ces analogies, d'émettre l'opinion que les deux civilisations ont
i. Ce serait fort intéressant si le texte racontait réellement, comme l'a pensé
Brugsch [Aeg. Zeit., 1884, p. 96) que l'endroit où Horus quitta la mer Rouge, pour
commencer sa seconde campagne victorieuse, était Bérénice. Malheureusement le mot
Schashert qu'il traduit de la sorte est, dans les textes, déterminé comme pays. Dans
ce pays était située une ville dont le nom n'est pas donné et dont le texte dit seule-
ment qu'elle était située sur la route conduisant de la mer Rouge vers Wawa, de telle
sorte que uous ne pouvons même pas l'identifier avec un port quelconque de la mer
Rouge.
2. Genèse, x, 6-10.
DANS LA NECROPOLE DE NÉGADAH 227
une origine commune, qu'elles onl apporté les germes de leur déve-
loppement d'un pays dans lequel elles vivaient ensemble. Comme
la marche de la civilisation chaldéenne remonta l'Euphrate, il faul
chercher ce pays en premier lieu <'u Arabie.
Il csi impossible d'étudier ici de plus près les ressemblances <•!
en même temps les différences des deux civilisations, cela n<- pourra
se faire que dans un mémoire spécial1; mais, je voudrais au moins si-
gnaler ici un point de comparaison qui a élu révélé à la science par
la découverte de tombeaux à incinération à Négadah et à Abydos.
Tandis qu'en général en Mésopotamie on enterrait le mort, parfois
dans une position semi-embryonnaire*, on trouve parfois à côté de
cela des traces d'incinération du cadavre3. Les nécropoles les plus
intéressantes sous ce rapport qui ont été découvertes à Surghul et
El-Hibba'' contiennent non seulement des fosses, mais encore des
maisons complètes dans lesquelles le mort avait été brûlé. Non seu-
lement cette analogie avec nos tombeaux royaux d'Egypte se détache
de l'étude de ces nécropoles, mais on peut encore y voir les sui-
vantes : les murs de Surghul sont en briques non cuites ; un vase a
été intentionnellement percé, comme si on avait voulu le tuer ; parmi
les dons déposés dans les lombes se trouvent des haches et des
pointes de flèches en silex, des armes en bronze, des pierres rondes
ou cylindriques. Dans un tombeau était enterré un enfant dans la po-
sition embryonnaire, couché sur le côté droit. Cependant nous ne pou-
r. Un des points qu'on a voulu citer comme preuve de l'origine babylonienne de la
civilisation égyptienne est la ressemblance des pyramides d'Egypte avec les temples
en terrasses de la Mésopotamie. Mais la différence entre ces deux classes de monu-
ments est fondamentale : la pyramide n"a jamais été en Egypte qu'un tombeau, le
temple n'y a jamais reçu une forme semblable. Le rapport entre les deux formes de
monuments ne consiste que dans le fait que tous les deux forment des moutagnes arti-
ficielles, l'une destinée à rendre plus visible le temple d'un dieu, l'autre à signaler
de loin le tombeau d'un roi. L'idée de bâtir une montagne semblable ne serait jamais
venue à un peuple vivant dans une contrée montagneuse, où la nature offrait des points
saillants beaucoup plus commodes que ces constructions ; c'est pourquoi il me semble
que les Égyptiens ont apporté avec eux l'idée de construire des pyramides du séjour
dans un pays plat.
'X. Taylor, Notes ontheRuins ofMuqeyr dans Journal of Royal Asiat. ■S,oc.,XV(i855 .
p. 270; llommel, Geschichte Babyloniens-Assyriens, p. 19."), et pour les indications des
textes, Jeremias, Babylonisck-assyrische Vorstellungen vont F. "Lai nach dem Tode,
p. '|(i, et Jensen, Kosmologie der Babylonier, p. 225.
3. Cf. Maspero, Histoire ancienne, I, 6S7. Jeremias dans de La Saussaye, Lehrbuch
der Religionsgeschiclite , I, 210.
4. Koldewey, Zeitschrift fur Assyi-iologie, III, Jo3-43o.
228 LES MODES D'ENSEVELISSEMENT
vons passer sous silence une différence entre les deux nécropoles ; en
Babylonie, sauf peu d'exceptions, les vases sont fabriqués au tour, et
le nombre des objets en pierre est très restreint, tandis que c'est jus-
tement le contraire qui a lieu en Egypte.
En terminant ce chapitre, je voudrais exprimer en peu de mots les
conclusions principales auxquelles peut conduire l'étude des diffé-
rents documents dont nous avons eu à parler. Le peuple que nous
appelons maintenant peuple égyptien, provient du mélange d'une
race autochtone1 appartenant à la grande famille des peuples libyens,
et d'une race d'envahisseurs ayant une affinité d'origine avec les Ba-
byloniens, venant de l'Arabie et ayant réussi à pénétrer en Haute-
Egypte. Les tombeaux du type de Négadah, Abydos, etc., montrent
les deux races en contact et, en même temps, la prédominence crois-
sante de la race des conquérants qui asservit les autochtones.
i. En parlant ici de races, je ne veux pas dire que chacune de ces populations for-
mait une race bien définie dans le sens absolu du mot, mais seulement que les deux
catégories sont bien séparées d'origine. D'après les indices anthropologiques étudies
par le Dr Fouquet, les autochtones semblent avoir formé une race à peu de chose
près uniforme, tandis que les envahisseurs montrent un grand mélange de races.
CHAPITRE VI
Monuments contemporains du tombeau royal de
Négadah
PAR
GUSTAVE JÉQUIER
Jusqu'à ces dernières années, nous manquions absolument de do-
cuments remontant aux origines mêmes de l'histoire de l'Egypte; les
seuls renseignements que nous avions sur cette période étaient très
postérieurs. Ils sont si connus, d'ailleurs, et ont été si souvent étudiés
et commentés que je me bornerai ici à les rappeler.
Les documents égyptiens, tout d'abord, sont les plus précis, au
moins en ce qui concerne les deux premières dynasties ; les listes
royales d'Abydos, de Karnak, de Saqqarah, nous donnent des séries
de cartouches des premiers rois d'Egypte; le papyrus de Turin y
ajoute même le nombre des années de règne. D'autres documents,
disséminés un peu partout, nous parlent des trois dynasties divines
et nous permettent de reconstituer les trois énnéades, toute la série
des dieux que les prêtres égyptiens donnaient comme prédécesseurs
à leurs rois.
Quant aux documents grecs, dont la plupart nous sont conservés
dans les fragments de Manéthon, ils concordent à peu près avec les
listes royales hiéroglyphiques. Les noms se retrouvent sous leur
forme hellénisée, mais une part beaucoup plus grande est faite à la
légende : les aventures fantastiques qui arrivent aux premiers rois
d'Egypte tiennent uniquement de la fable.
En résumé, tous ces renseignements, qui étaient les seuls dont on
pouvait se servir jusqu'ici, n'ont pas le caractère d'authenticité né-
230 MONUMENTS CONTEMPORAINS
cessaire pour établir l'histoire. Comme L'a fort bien dit M. Maspero1,
les premières dynasties ont été très probablement forgées après coup
par les historiens égyptiens. Le souvenir des commencements de la
monarchie s'était perdu au cours des siècles; quelques noms des
rois primitifs survivaient à peine à l'oubli lors de l'époque de i'apo-
o-ée de la civilisation dans la vallée du Nil, et comme les Égyptiens
se considéraient comme autochthones, ils tenaient à établir les chaî-
nons qui leur manquaient pour rattacher leur histoire a celle des
dieux et par conséquent à la création du monde.
Nous pouvons cependant tirer de ces légendes quelques documents
précieux sur les souvenirs qu'avaient laissés aux Égyptiens la con-
quête du pays et l'établissement de la monarchie. En effet, après
toute la série des grands dieux héliopolitains, nous voyons appa-
raître la lono-ue lutte entre Horus et Set. Ces guerres interminables
qui sont devenues la propriété du mythe et de l'histoire religieuse,
ont eu certainement pour point de départ l'invasion de l'Egypte par
une peuplade orientale personnifiée par Horus, Fépervier, dieu du
soleil levant, et la victoire de ce dernier sur Set, le dieu autoch-
thone. Ce n'est pas ici le lieu de développer cette théorie ; je voudrais
seulement rappeler encore à ce sujet la légende des masnili\ ou for-
o-erons d'Horus, qui représentent très probablement les introduc-
teurs des métaux en Egypte. L'origine de ces légendes est bien cer-
tainement historique, et ce n'est sans doute que plus tard, lors du
développement de la religion égyptienne, qui devait être à ce mo-
ment-là dans un état tout à fait embryonnaire, qu'on les introduisit
dans le mvthe osirien, en leur donnant pour héros Horus et Set.
Quant à l'origine de la constitution égyptienne'', telle qu'elle a
duré pendant de si longs siècles, à l'établissement de la monarchie
entre les mains des chefs des conquérants, toutes les traditions se
sont concentrées sur le seul nom du roi Menés, le fabuleux fondateur
de Memphis. Ce souverain a-t-il jamais réellement existé ? C'est ce
qu'il est difficile de dire pour le moment, tant que nous n'aurons pas
de documents authentiques pouvant être attribués à son règne. Il
i. V. Maspero, Noies sur différents points de grammaire et d'histoire (Recueil de
Travaux, XVII, p. 56, 64 cl 121).
2. V. Maspero, Etudes de religion et d'archéologie égyptiennes, II, p. 3i3.
3. Je ne parle pas ici de la civilisation du pays, qui pour les Egyptiens d'époque
postérieure, était attribuée à Osiris et à Isis, et par conséquent reculée encore bien au
delà de Mènes.
DU TOMBEAU ROYAL DE M GADAH
personnifie pour nous, comme pour les Égyptiens d'autrefois les
débuts de la monarchie, l'union sens un seul sceptre de toutes
les provinces des bords du Nil, les premiers grands travaux, tels
que la fondation de Memphis, toutes choses qui fort probablement
n'onl pas été l'œuvre d'un seul homme, mais celle de plusieurs gé-
néral ions.
rels étaient doue les documents que nous possédions, les seuls
sur lesquels on pouvait se baser pour connaître les origines de
I Egypte, il va peu de temps encore. Maintenant, les dernières fouilles
d'Abydos sont venues apporter tout un contingent nouveau de docu-
ments sur cette époque encore inconnue. M. Amélineau y a décou-
vert une série de tombeaux qu'il est fort intéressant de comparer à
celui de Négadah; comme il n'a publié jusqu'ici qu'un résumé très peu
étendu de ses fouilles de 1895-90», il a bien voulu, sur la demande
de M. de Morgan, me communiquer ses documents encore inédits et
m'autoriser à en tirer parti, en attendant le compte rendu complet de
ses fouilles, qu'il prépare. Je tiens à lui en exprimer ici toute ma
reconnaissance.
La localité dans laquelle M. Amélineau a fait ses importantes dé-
couvertes se trouve située dans le grand cirque que forme la chaîne
Iibyque autour d'Abydos. Cet endroit, que les habitants du pays nom-
ment Om-el-Gaab, est en plein désert, à deux kilomètres au moins à
l'ouest du temple de Seti I- et de la nécropole fouillée par Mariette;
c'est une immense étendue de sable où se dessinent par places de
grands monticules informes, presque entièrement recouverts de
débris de poteries.
C'est sous ces monticules que se trouvaient les tombeaux décou-
vertsl'année dernière; ceux des rois, qui se distinguent des autres par
leur taille beaucoup plus considérable, avaient été malheureusement
si complètement spoliés qu'ils ne renfermaient plus que fort peu
d'objets2.
Les deux premiers de ces tombeaux royaux, les plus rapprochés de
la vallée sont de grandes fosses, l'une carrée, l'autre rectangulaire
(fig. 778), creusées dans le sol et revêtues de murs de briques crues.
C'est de là que proviennent les deux stèles qui sont aujourd'hui au
i. Amélineau, Les nouilles fouilles dAbydos, Paris. Leroux, 1896.
2. M. Amélineau attribue la violation de ces sépultures aux Coptes qui ont laissé là
quelques vestiges de leur passage.
232 MONUMENTS CONTEMPORAINS
Musée de Guizeli et qui nous donnent les noms de deux rois,,^, et
%t=i_ (%• ' '^ et 780). Avec la première de ces stèles, dans le tom-
beau dont nous avons donné le plan, on a trouvé encore une plan-
chette de bois d'ébène^ provenant sans doute d'un coffret ciselé sur
l'une de ses faces avec la plus grande finesse, et orné sur l'autre
Fig. 778. — Plan du tombeau du roi Kâ. Échelle 1:200.
Fig. 779. — Slèle du roi Kâ. Musée de Guizeh. Granit noir. 1/10 grandeur naturelle.
Fig. 780, — Stèle royale. Musée de Guizeh. Granit noir. 1/10 grandeur naturelle.
d'une sorte de mosaïque émaillée. A part cela, ces deux tombes ne
contenaient plus aucun objet.
Un monument plus important est celui du roi Den <:^r\ très rap-
proché des deux précédents, un peu plus au sud. C'est toujours une
grande chambre rectangulaire creusée dans la montagne et revêtue
de murs de briques d'une très grande épaisseur, qui eux-mêmes
étaient recouverts de lambris de bois. Cette salle était entièrement
pavée de grandes dalles de granit rose; on y accédait, sur la face
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
233
Fiçr. T'St. — Plan du tombeau du roi Den . Échelle i : iib.
234
MONUMENTS CONTEMPORAINS
nord, par un escalier également revêtu de murs de briques et divisé
en deux parties par un palier (fig. 781). De même que les deux pré-
cédentes, cette tombe avait aussi une grande stèle en granit rose,
mais sans aucune inscription. Par contre, la bannière du roi se
trouve sculptée sur un grand mortier en granit gris, ainsi que sur
quelques fragments d'objets analogues.
Ici aussi, les spoliateurs avaient passé, ne laissant derrière eux
que les monuments trop lourds pour être transportés et trop difficiles
à détruire. C'est sans doute de ce tombeau que proviennent une
petite plaquette de bois, ramassée par M. Daressy à la surface du sol
(fig. 782) et une autre, en ivoire, qui se trouve actuellement en An-
gleterre, dans la collection de M. Mac Gregor. Cette dernière, abso-
lument semblable, comme dimensions et comme genre de gravure, à
G J.
7S2 7S3
Fig. 782. — Plaquette de bois au nom du roi Den. Musée de Guizeh. Grandeur naturelle.
Fig. 783. — Motif d'un cylindre au nom du roi Den. 2/3 grandeur naturelle.
celle de Négadah, représente le roi brandissant sa massue et massa-
crant un ennemi agenouillé devant lui ; on croirait voir la réduction
d'un des bas-reliefs de Wadi-Maghara l. La bannière au nom de Den
surmonte le roi et quelques signes hiéroglyphiques fort difficiles à
interpréter, vu leur concision, ornent les parties nues de la plaquette.
En dehors, et tout autour du tombeau se trouvait toute une série
de petites chambres qui ne figurent pas sur plan; elles en dépen-
daient certainement et devaient servir de magasins ou de chambres
d'offrandes. La plupart contenaient encore de nombreux fragments de
vases en pierre dure, semblables à ceux de Négadah, et beaucoup de
grandes jarres de terre bouchées avec des cônes d'argile. Sur ces
i. La stèle de Snefrou surtout présente avec notre plaquette les plus grandes ana-
logies (v. sa reproduction avec celle de plusieurs autres stèles du même endroit, dans
J. de Morgan, Recherches sur les origines de V Egypte, I, p. 233).
i
Dl' TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
cônes se n-trouveiit ici aussi des impressions de cylindres portant la
bannière du roi Don (fig. 783) avec son cartouche (fig. 784 ou d'autres
inscriptions avec les noms d'autres rois [fig. 785] entreautres celui de
£p [fig. 786-787 que uousretrouverons'plus loin. Chose plus curieuse
encore, quelques-uns de ces cylindres sont les mêmes que ceux de
Négadah, avec la bannière du roi Aha(?) et les représentations d'ani-
G.J.
Fig. 784. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2 > grandeur naturelle.
.G.J.
Fig. y85. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2 3 grandeur naturelle.
G.J.
Fig. 786. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2/3 grandeur naturelle.
maux1. Sur la panse de ces vases sont quelquefois gravées des ban-
nières qui nous donnent quelques noms nouveaux : les signes sont
malheureusement fort mal dessinés et si grossièrement gravés qu'il
est parfois difficile de les distinguer (fig. 788-795).
1. Ces sceaux sont d :jà reproduits à la page r68 de ce volume, fi_r. 55y.
23(3
MONUMENTS CONTEMPORAINS
Le quatrième des grands tombeaux d'Om-el-Ga'ab est plus curieux
encore comme plan. Ici les chambres d'offrandes font partie du mo-
nument lui-même, un grand carré qui consiste en une chambre cen-
787 788 "89 790
Fig. 787. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Don. 2/3 grandeur naturelle.
Fig. 788-790. — Gravures sur des vases en terre. Tombeau du roi Ben. 1/2 gran-
deur naturelle.
791 792
Fig, 791-792. — Gravures sur des vases en terre. Abydos. i/3 grandeur naturelle.
^L
0
"S G.J.
793 794 795
Fig. 793-790. — Gravures sur des vases en terre. Abydos. i/3 grandeur naturelle.
traie entourée de toute une série de petites cellules (fig. 796). Le fait
qu'on a trouvé dans six de ces chambres de petites stèles en calcaire,
grossièrement taillées et dont les inscriptions très brèves donnent
en général un nom et un titre, ne signifie pas nécessairement que
ces chambres secondaires étaient des tombeaux de particuliers,
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH -■'
comme paraît le supposer M. Amélineau. Je crois qu'il s'agit plutôt
de personnages de la cour qui auraient désiré placer eux-mêmes une
offrande à leur nom auprès du tombeau de leur souverain el perpé-
tuer ainsi leur souvenir en même temps que le sien. De même les
Fig. 796. — Plan du tombeau du roi Dja. Echelle 1 : ia5.
cylindres que nous avons vus dans le tombeau de Den portent
presque tous, non pas seulement le nom du roi, mais des titres qui
n'ont rien de royal, et qui semblent désigner un fonctionnaire, ou
plutôt même une fonction auprès d'un souverain.
Tout autour de ces chambres court un couloir très étroit, séparé
de la montagne par un mur de briques. La stèle de calcaire (fig. 797),
trouvée au milieu de la grande salle, est une merveille de gravure, le
plus beau morceau peut-être de cette époque; elle ne porte, comme
les deux autres stèles royales, que l'épervier surmontant la bannière
au nom du roi \, nom qu'il faut peut-être lire Dja'. Outre cette
1. C'est ce roi que M. Amélineau appelle le roi Serpent v. la planche eu tète de sa
brochure : Les nouvelles fouiUes d'Abrdos).
233
MONUMENTS CONTEMPORAINS
stèle et celles dont il a été parlé plus plus haut, on n'a trouvé dans
cette tombe que deux petits objets en bois d'ébène, morceaux ravis-
sants de sculpture archaïque,
représentant l'un le haut d'une
statuette de femme, l'autre une
tête de lion.
Comme cela a de tous temps
été la coutume en Egypte, tout
autour des tombeaux des rois
sont venus se grouper ceux des
personnages de leur époque,
ou tout au moins ceux de la
famille royale et des grands
fonctionnaires. Ces tombes sont
beaucoup plus grandes, en gé-
néral, que celles de Négadah et
des autres nécropoles contem-
poraines ; souvent elles sont
composées de plusieurs cham-
bres, séparées par des murs de
briques.
Moins importantes que les
sépultures royales, celles-ci ont
aussi été beaucoup moins spo-
liées, témoin les nombreux ob-
jets qui y ont été recueillis au
cours des fouilles. En première
ligne, il faut citer un bon nom-
bre de ces stèles de particu-
liers dont nous avons déjà vu
quelques-unes dans le tombeau
du roi ( . Les inscriptions
qu'elles portent .(fig. 798-809)
sont à peine dégrossies; elles
sont si concises et d'un caractère sTarc-haïque qu'il est fort difficile
de les déchiffrer; la seule chose qu'on puisse en dire avec certi-
tude, c'est qu'elles ne contiennent guère chacune qu'un nom ou un
titre, quelquefois tous les deux ensemble.
G.J.
Fig. 797. — Stèle du roi Dja.
Calcaire. 1/12 grandeur naturelle.
Dl TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
239
Dans ces tombes, les fragments de vases en pierre dure el en al-
bâtre sont aussi très nombreux1. Quelques-uns, qui malheureuse-
menl u'onl pas pu être reconstitués en entier, présentent des formi -
très bizarres, telles que canards, mains humaines, etc., et sont tra-
vaillés avec une hardiesse et une habileté extraordinaires. Plusieurs
de ces morceaux de vases portent des inscriptions, gravées avec plus
ou moins de soin, toujours avec des bannières et des litres royaux.
Tout d'abord nous retrouvons sur un vase d'albâtre le nom du roi
Kig. 798-799. — Stèles de personnages privés. Abydos. Musée de Guizeh. 1/4 grandeur
naturelle.
i0> , celui dont les cylindres se trouvent imprimés sur les cônes
du tombeau de Den (fig.810). Un autre fragment d'albâtre et un mor-
ceau de pierre dure (fig.811 et 812) nous donnent deux noms de pha-
raons nouveaux que nous pouvons sans hésiter ranger dans la même
époque; le dernier môme se retrouve sur d'autres fragments, mais
avec une inscription moins complète. Enfin nous retrouvons ici aussi
le nom du roi de Négadah sur un petit fragment provenant sans doute
(lune table d'offrande en albâtre (fig. 813).
1. La plus grande partie de ces morceaux de vases a été trouvée non pas dans le
fond des tombeaux, mais presque à la surface, comme s'ils avaient été brisés et jetés
dans la tombe pendant qu'un la remplissait.
2'jO
MONUMENTS CONTEMPORAINS
804
Su 3
Fig. 800-809. — Stèles de personnages privés. Musée de Guizeh. Abydos. 1/4 grandeur
naturelle.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 241
Les ivoires ne fonl pas défaul non plus. Nous avons d'abord toute
une série de petits pieds de meubles el un lion en ivoire, semblables
entons points a ceux du tombeau royal de Négadah, mais avec des
proportions un peu plus grandes; ce sont toujours ces pieds de tau-
reaux traités à l'assyrienne avec la môme exquise finesse'. 11 faut
8:0
Fig. 810. — Inscription sur une vase en albâtre (Abydos) . 3 \ grandeur naturelle.
Fig. 8n. — Inscriptiou sur un vase en albâtre (Abydos. 3 '1 grandeur naturelle.
812 813 814
Fig. 812. — Inscription sur un vase en pierre dure Abydos). 3/4 grandeur naturelle.
Fig. 8i3. — Inscriptiou sur un plat d'albâtre (Abydos). Grandeur naturelle.
Fig. 814. — Inscription sur une plaquette d'ivoire (Abydos). Grandeur naturelle.
mentionner encore plusieurs petites plaquettes d'ivoire dont la plus
intéressante nous donne encore une fois le nom du roi Aha ?(fig. 814 ,
tandis que les autres, sans inscriptions, représentent des personnages
ou ne sont que des fragments de coffrets.
1. Ace sujet, M. Amélineau fait erreur en disanl que ces fragments de meubles repré-
sentent des pieds d'hippopotame. Cet animal a les jambes faites d'une manière toute
différente; le pied n'est pas fourchu comme chez les taureaux.
[6
242
MONUMENTS CONTEMPORAINS
Pour terminer cette énumération des objets recueillis clans cette
nécropole, il faut encore citer des séries de petits vases d'offrandes,
un bon nombre d'instruments de bronze, une petite balance en or,
et enfin, une quantité très considérable de silex
El I travaillés dont les plus beaux sont, sans contredit,
1^1 les pointes de flèches représentées déjà au cours
1 de ce volume '_, de vraies merveilles dans leur
&«A genre, et un bracelet, également en silex2.
•bJ De même qu'à Négadah, les quatre tombes
royales dont je viens de parler avaient été incen-
diées de fond en comble. M. Amélineau attribue
cela aux spoliateurs coptes, tandis que je serais
très tenté de croire qu'ici aussi, il s'agit d'un in-
cendie allumé volontairement pendant les funé-
railles, pour brûler le mort avec tout ce qui lui
appartenait. Malheureusement, on n'a pas fait à
ce sujet des observations très précises au cours
des fouilles, et il est impossible de se prononcer
d'une façon absolue sur ce point.
Pendant les fouilles de l'hiver dernier (1896-
1897), M. Amélineau a entrepris un travail très
considérable, un tombeau immense qui l'a occupé
pendant toute la saison. Ce monument qui n'a pas
moins de 57 chambres et de 83 mètres de long, a
un plan assez irrégulier, l'une des extrémités étant
plus large que l'autre (fig. 815). Ce n'est pourlant
qu'un seul tombeau, composéd'une série de petites
chambres d'offrandes groupées autour d'une salle
centrale. Ici, il n'y aucune trace d'incendie et,
quoique spoliée, cette tombe a livré un bon
nombre d'objets fort intéressants.
De même que les autres tombeaux de cette épo-
que, celui-ci contenait un bon nombre de vases
en terre , où étaient renfermées les provisions
nécessaires au mort dans l'autre vie, grains, raisins et figues, entre
autres. Par contre, les bouchons, toujours en argile, n'ont plus la
Fig. 8i5. — Plan
du tombeau du roi 77.
Echelle i : .'ioo.
i. V. page 83, fig. 207-219.
1. V. page 60, fig. 121.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
forme conique : ce sont de simples morceaux d<- terre glaise, s in-
forme précise, appliqués sur l'embouchure du vase, sur Lesquels on
g.j.
Fig. SiG. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3 j grandeur naturelle.
G.J.
Fig. 817. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3 î grandeur naturelle.
Fig. 8ï8. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3 i grandeur naturelle.
a imprimé, comme de coutume, divers cylindres. L'un d'eux (fig. 816)
donne le nom de bannière simple U, les autres (fig. 817 à 810).
le nom plus complet H^^4=> '; le dernier porte les mêmes
11 L
i. La seconde partie du nom, et tout spécialement les signes ^>^t , servent
aussi tous seuls a désigner le roi, à en juger par une petite inscription trouvée dans
le même tombeau, qui nomme un particulier avec le titre v <=>J| ]>^ ^>^ « lec-
teur en chef du roi ». =] «=1
MONUMENTS CONTEMPORAINS
signes qui, cette fois, ne sont plus renfermés dans une bannière,
mais précédés simplement des titres de roi de la Haute et^Basse
Egypte et de seigneur des diadèmes du vautour et de l'uraeus
Fig. 819. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle.
.G.J.
£2> £à
G-J.
Fig. 820. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle.
G.J.
Fig. 821. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle.
(fig. 820). Tous les autres portent au-dessus de la bannière, non pas
comme d'habitude Fépervier seul, mais celui-ci accompagné de l'ani-
mal typhonien, groupe qui doit indiquer aussi la souveraineté sur
les deux parties du pays. Deux de ces cylindres nous donnent en
outre, cartouche, non crénelé cette fois, mais pas encore muni de
sa barre inférieure ; il est conçu "^
', nom sur lequel j'aurai à
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
revenir plus loin. Toutes 1rs inscriptions semblent, comme celles que
nous avons vues plus haut, appartenir non pas au roi lui-même, mais
822 823
Fig. 822 et 823. — Jarres d'albâtre (Abydos . i/g grandeur naturelle.
à des fonctionnaires, étant donné que des titres qui n'ont rien de
royal accompagnent toujours les bannières'. Il en est de même d'un
sixième sceau (fig. 821) dans lequel les noms du roi ne se trouvent
pas.
En Tait de vases, les plus beaux que M. Amélineau ait trouvés dans
cette tombe sont deux grandes jarres d'albâtre absolument intactes,
Tune de près d'un mètre de haut (fig. 822-823 . l'autre, ornée sur la
panse de cordelettes, comme celles qu'ont encore aujourd'hui au
1. Plus particulièrement le titre __V, si fréquent sous l'Ancien Empire, el qui n'a
pas encore pu être lu et traduit avec certitude.
246 MONUMENTS CONTEMPORAINS
Caire les porteurs d'eau. Outre cela, on y a encore recueilli un bon
nombre de vases d'albâtre de plusieurs formes diverses, jarres, gobe-
lets, coupes, et une quantité énorme de fragments de la même matière
et de pierres dures diverses. C'est en albâtre aussi qu'est cette sorte
de caisse rectangulaire dont nous ne pouvons savoir exactement
l'usaoe (fig. 824) et qui devait être munie autrefois d'un couvercle
de la même matière.
Fig. 8a4- — Cuve d'albâtre (Abydos). 3/i6 grandeur naturelle.
Fig. 825. — Fragments de terre émaillée en bleu (Abydos). 1/2 grandeur naturelle.
Parmi les nombreux silex trouvés dans diverses chambres du mo-
nument, la plupart sont assez grossiers de travail; les plus intéres-
sants sont une douzaine de grands tranchets ou couteaux à queue,
semblables à ceux déjà figurés dans ce volume, et d'une exécution
parfaite.
Les fragments sans apparence que représente la figure 825 sont
cependant du plus haut intérêt : ce sont les plus anciens exemples
DU TOMBEAU ROYAL DE NEGADAH i\~.
connus de celle terre émaillée <-n bleu qui jeue un si grand rôle dans
Thistoire du bibelot égyptien. Ceci prouverait en faveur de L'opinion
si vivement combattue dernièrement, que les carreaux de faïence
verte et jaune qui ornent les parois de la chambre funéraire «lu roi
Djeser,dans la pyramide à degrés de Sakkarah, sont bien de L'époque
de ce roi, soit de la IIIe dynastie '.
Il ne reste plus à citer, en fait d'objets provenant du nouveau tombeau
d'Oui el-Ga'ab, qu'une très nombreuse série d'instruments de cuivre'
i. La porte de celte chambre, ainsi qu'une partie de son entourage en carreaux
d'émail est actuellement au Musée de Berlin, où elle a été apportée par Lepsius.
M. Borchardt, qui ueconnaissaitpasd'émail sous l'Ancien Empire, croit que cettedécora-
tion ne remonte qu'à la XXVIe dynastie (Zeitschrifl fur Aegyptische Sprache, XXX, 83).
Cette opinion avait déjà été émise antérieurement par M. Stern (Zeitschrifl, i885, p. 90,
note 1). Des dessins représentant la chambre se trouvent dans Minuloli, Beise zum
Tempel des Jupiter Ammon, pi. XXVIII et dans Valeriani, Nuova illustratione istorico-
monumentale deli Egitlo, pi. C. (croquis colorié de Segato).
2. Je ne puis mieux faire à ce sujet, que de citer in extenso la communication de
M. Berthelot à l'Académie des Sciences dans la séance du il\ mai 1897 {Comptes rendus
de l'Académie des Sciences, CXXIV, p. 1119-u^.V : Histoire des sciences. Outils et
armes de l'âge du cuivre pur en Egypte : procédés de fabrication, nouvelles recherches
par M. Berthelot :
« M. de Morgan m'a adressé, le 28 mars dernier, de nouveaux objets, les uns
trouvés par lui, et d'autres par M. Amélineau, remontant aux âges les plus anciens
de l'Empire égyptien : le tout m'est parvenu le 10 avril.
« Sur l'origine de ces objets, je ne puis que m'en remettre à la garantie de M. de
Morgan, dont on connaît la légitime autorité eu ces questions ,1a date ne pouvant être
rendue absolument certaine que dans le cas où des objets de ce genre portent des
inscriptions, telles que celles du sceptre de Pépi Ier en Egypte, ou bien de la lance
du roi de Kish, à Tello. A défaut d'une inscription sur l'objet même, la certitude, ou
plutôt la probabilité, résulte de l'examen des objets trouvés dans la même tombe,
jointe à la démonstration, que la tombe n'a pas été violée à des époques postérieures,
comme il est trop souvent arrivé en Egypte; les voleurs ayant pu y introduire ou y
abandonner des instruments et objets divers, contemporains de leur temps.
« I. Le premier objet que j'ai examiné et le plus ancien estime sorte de cupule métal-
lique rougeàtre, trouvée à Négadah, dans une sépulture royale extrêmement ancienne,
en compagnie de divers objets et de courtes inscriptions en caractères très archaïques.
Parmi ces objets figurent de longues lames de silex taillées, des animaux en ivoire et
en cristal de roche, des vases d'obsidienne et de terre cuite, et quelque^ fragments
d'or : ces antiquités seraient les plus anciennes connues en Egypte. La sépulture qui
les renferme était composée de vingt-sept chambres; elle n'avait pas été spoliée, mais
complètement brûlée, peu de temps après l'inhumation.
« Voici les résultats fournis par l'objet de cuivre que M. de Morgan m a adresse.
« C'est une cupule de forme circulaire; elle présente à sa partie supérieure un dia-
mètre de o<n,o52 dans une direction, de om,o54 dans la direction rectangulaire : le rebord
est plan sur une largeur de om,oo5 à 0^,006 et une épaisseur de om,oo4 ; puis l'objet
est creusé en forme de coupe, profonde au centre de om,oio en tout, à compter depuis
218
MONUMENTS CONTEMPORAINS
et tout d'abord des vases, deux en forme de jarres, comme ceux d'al-
bâtre (fig. 826 et 827) dont Yun est muni d'une anse mobile, et deux
826 827 b 827 a
Fig. 82G et 827. — Vases en cuivre (Abydos). i/G grandeur naturelle.
la surface supérieure du rebord, c'est-à-dire de om,ooG au-dessous du plan inférieur
imitant le rebord qui vient d'être signalé. L'épaisseur du métal au fond est de om,oo5.
L'objet est en outre recouvert d'une double patine : lune verte formant enduit, l'autre
blanche, irrégulièrement répartie.
« Cette cupule est fragile, c'est-à-dire facile à briser ; sans doute par suite de la
désagrégation du métal, résultant de ce qu'elle est oxydée à cœur. En effet, elle est
constituée par du cuivre métallique en grande partie transformé en protoxyde. La
matière ne renferme ni arsenic, ni autres métaux en proportion notable.
« L'enduit vert contient du chlore, de l'acide carbonique et du cuivre, c'est-à-dire de
l'atakamile (oxychlorure) et du carbonate de cuivre. L'oxychlorure de cuivre a servi
d'intermédiaire à la transformation du cuivre en protoxyde, conformément à un méca-
nisme régulier, que j'ai défini par des expériences et qui préside à l'altération pro-
gressive et continue des objets de cuivre archaïques, soit sous terre, soit même dans
les musées. La portion superficielle de la patine, dans les régions blanchâtres, ren-
fermait du carbonate de chaux, du sable et une trace de chlorures.
« Quelle était la destination de l'objet que je viens de décrire? C'est ce qu'il est dif-
ficile de décider, en l'absence de tout autre en relation avec lui. Toutefois, il semble
difficile d'admettre qu'il constituât un ensemble à destination propre (sauf le cas
d'amulette ?}. C'était sans doute un appendice rattaché à quelque chose plus impor-
tante, formée de bois ou d'une matière organique (étoffe, cuir, etc.), qui a disparu :
par exemple, Yumbo d'un bouclier, ou l'ornement de ces armes en bois, usitées chez
les anciens Egyptiens, à l'époque reculée où les métaux étaient encore trop rares cl
trop précieux pour être prodigués. En tout cas, l'absence de l'étain doit être notée.
« Les objets qui suivent ont été découverts par M. Améliucau, à Abydos, dans une
tombe très ancienne , quoique probablement plus récente que celle de Négadah .
« II. Le plus important, sans contredit, est une hache plate, rouge, dure et compacte,
un peu oxydée et vert-de-grisée à la surface; elle pèse 465 grammes. Je la mets sous
les yeux de l'Académie : elle est constituée par du cuivre à peu près pur, sans étain
ni plomb, ni arsenic. La patiue renferme, outre le cuivre, du chlore, de l'acide carbo-
nique, de la chaux, un peu de sable. Mais la masse principale a conservé la dureté et
la ténacité métallique. Elle est faiblement oxydée.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
249
autres, plus petits (fig. 828 el 829 avec un bec recourbé, double el
simple. Les autres objets de bronze sont d'une autre nature : en
8-3
Hg. 828 el 829. — Vases en cuivre (Abydos). i/3 grandeur naturelle.
«Voici quelles sont les dimensions et dispositions de celte hache. Elle esl en forme
de carré long, dont deux angles fortement arrondis. Le dos de la hache, haut de om, i \o,
est rectiligne, un peu renforcé vers son milieu. En haut et en bas, il est coupé à
angle droit par deux autres côtés, rectilignes sur une longueur de om,o8o environ, puis
s'arrondissant de part et d'autre, pour former le tranchant ou quatrième coté. La dis-
tance entre le milieu du tranchant et le milieu du dos, c'est-à-dire la largeur maxima
de la hache, est de om,o85. L'épaisseur moyenne de la hache est de om,oo'| à om,oo5
environ, assez uniforme, sauf vers le tranchant, qui s'amincit au centre jusque vers
om,ooi, dans son état actuel, sans doute émoussé.
a Ce qui caractérise surtout celte hache plate, c'est son mode d'emmanchement. Eu
eifel, elle est percée, au milieu de sa hauteur, à une distance de om,o25 du dos et de
om,o5o du tranchant, par un large trou rond, d'un diamètre égal à om,oio, Ce trou
servait évidemment à fixer la hache à un manche solide, au moyen d'une forte che-
ville, enfoncée dans le trou.
« J'observerai encore que la forme de cette hache répond a celle de certaines haches
primitives el préhistoriques, trouvées en divers endroits d'Europe et d'Asie, et cons-
tituées soit par du bronze, soit par du cuivre pur.
«A cet égard, sa composition est caractéristique de l'âge de cuivre égyptien, c est-à-
dire d'une époque où !e bronze, plus dur et plus résistant que le cuivre, n'était pas
encore employé dans la fabrication des armes.
.< Parmi les autres objets trouvés dans le même tombeau, il en est qui sonl également
caractéristiques à cet égard et fort intéressants par leur mode de fabrication : ce sont
des aiguilles et un ciseau, dont la destination exigeait l'emploi du métal le plus dur
qui fût connu à ces lointaines époques.
« Quatre aiguilles et objets de celte ordre Ggurent dans l'envoi de M. de Morgan.
<« III. Je citerai d'abord une grosse aiguille cylindrique, longue de om,o8 de
om,oo2. Celte aiguille est formée par du cuivre à peu près [nu-. Le chas, aujourd'hui
obturé par l'oxydation, est en forme de losange. Le corps de l'aiguille même porte du
haut en bas la trace d'une longue fente, à peu près verticale, visible d'un seul c
Celte disposition est très intéressante, car elle montre que l'aiguille a été fabriquée
au moyen d'une lamelle étroite de métal.
« L'ouvrier a d'abord aplati au marteau un morceau de métal, obtenu par la fusion .lu
minerai, de façon à constituer une feuille, épaisse de om,ooi environ, puis il a découpé
250
MONUMENTS CONTEMPORAINS
première ligne, une douzaine de grandes haches arrondies du côté
du tranchant, percées d'un trou, carré ou rond (fig. 830) pour être
V
^
Fie. 83o. — Hache en cuivre (Abydos). 1/2 grandeur naturelle.
dans celle feuille une longue lamelle étroite, destinée à fabriquer l'aiguille, et il l'a
repliée dans le sens longitudinal, en forgeant l'aiguille proprement dite.
« Vers la pointe, la fente cesse d'être parallèle à l'axe, en prenant une direction un
peu oblique; sans doute dans le but de constituer la pointe avec une seule épaisseur
de lame, sans l'affaibir par quelque superposition. Ces dispositions rendent compte
d'ailleurs de la structure canaliculée, que j'ai signalée précédemment sur une aiguille
de cuivre, trouvée par M. de Morgan dans la nécropole de Toukh.
« Le chas même de l'aiguille, dont j'ai parlé plus haut, a élé obtenu par une fente lon-
gitudinale, pratiquée à la partie supérieure de la lame de cuivre. Les bords en ont élé
écartés, puis chacun d'eux incurvé sous un angle à concavité intérieure.
« L'ouvrier a ensuite rapproché les deux extrémités libres, de façon à former lelosauge,
soil au marteau, soit peut-être en le brasant, de façon à laisser ouverte la partie cen-
trale. Le trou de l'aiguille a élé ainsi obtenu sans l'emploi d'un agent de perforation.
« Il est intéressant de rencontrer, dès cet époque reculée, des procédés de fabrication
des outils métalliques, semblables à quelques-uns des procédés encore usités de
notre temps, par exemple dans la fabrication de certains tubes et canons de fusil.
« IV. Les mêmes procédés ont élé mis en œuvre pour la fabrication d'un objet beau-
coup plus volumineux qu'une aiguille, je veux dire un petit ciseau métallique, trouvé
en même temps que les aiguilles. Ce ciseau est constitué par une tige quadrangulaire,
longue actuellement de oœ,o8o, mais dont la partie supérieure manque. La largeur est
de om,oo4, l'épaisseur de om,oo2 environ. La partie inférieure se termine par un biseau
tranchant, aplati suivant un plan passant par l'axe du ciseau et parallèle aux faces
les plus minces; ce biseau aplati a environ om,oo5 à om,oo6 de large sur autant de
longueur ; il se termine par un tranchant, qui devait être fort aigu dans son état pri-
mitif ; actuellement, quoique en partie ébréché et oxydé, son épaisseur ne dépasse
guère 1/3 de millimètre.
« Le métal est constitué par du cuivre à peu près pur (industriellement parlant), sans
élain; mais il est recouvert de vert-de-gris et d'une série de points ou granules sail-
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 251
fixés à un manche en Ixh's. comme les représente l<- signe très ancien
Puis viennent une série très nombreuse d'instruments de
833
i_ _D - "
Fig. 83 1 à 84o. — Objets en cuivre (Abydos). 2/3 grandeur naturelle.
lants, composés par du proloxyde de cuivre, résultant de l'altération du métal ; aussi
l'objet est-il devenu fragile, en raison de cette désagrégation.
« La tranche du métal, examinée sur une fracture fraîche, décèle le procédé de fabri-
cation. L'ouvrier a pris une lame de cuivre épaisse de om,ooi environ et de la lon-
gueur convenable, il y a tracé deux sillons parallèles distants de om,oo4, sur la lon-
gueur destinée à former l'outil. A droite et à ganche de ces sillons, il a coupé la lame
parallèlement, à une distance de om,oo2 du sillon; puis il a rabattu les deux cotés sur
la portion centrale, jusqu'à ce qu'ils se fussent rejoints de façon à constituer un
barreau ou tige quadrangulaire des dimensions signalées plus haut; peut-être a-t-il
brasé ensuite la jonction. En tout cas, on en aperçoit parfaitement la trace rectii _
et parallèle à l'axe du barreau, sur la partie centrale de l'une des deux larges faces de
ce barreau, à l'exclusion des trois autres faces. Cette ligne subsiste sur toute la lon-
gueur; mais en se recourbant sous forme d'hélice de façon à passer sur la face étroite
adjacente, jusque vers le point où l'on arrive au biseau, point auquel se produit une
légère déviation; ce biseau étant constitué par la réunion des lames, aplaties lune sur
l'autre pour former le tranchant.
n En somme, ce ciseau a été fabriqué par le même procédé que l'aiguille décrite pré-
cédemment : la réduction du métal en lames minces. Le travail de celles-ci était sans
252
MONUMENTS CONTEMPORAINS
toutes formes, tels que couteaux, ciseaux, perçoirs, hachettes (fig. 831-
840) ou aiguilles faites d'une feuille de bronze tordu (fig. 841-850).
\1
U
Fig. 84 1 à 85o. — Objets de cuivre (Abydos). 2/3 grandeur naturelle.
doute plus facile que la fabrication directe d'une barre massive, pour les ouvriers de
cette époque.
« V. Cependant, un procédé de fabrication un peu différent, quoique toujours fondé sur
l'emploi des lames minces de cuivre, nous est révélé par l'examen d'un autre objet de
même origine, que j'ai trouvé parmi ceux qui m'ont été remis et dont la composition
est également celle du cuivre industriellement pur. Cet objet a la forme d'une aiguille
canaliculée, longue de om,o55, d'un diamètre de om,ooi. Il est constitué par une lame
étroite et très mince, tordue en spirale, formant plusieurs tours sur sa longueur. Sa
disposition rappelle la fabrication des canons de fusil rubanés et celle du tube bélical,
en acier fondu laminé à froid, employé aujourd'hui dans la fabrication des cadres de
certaines bicyclettes.
« VI. Un objet similaire, long de om,o85 et épais de om,oo2 est constitué aussi par
une feuille métallique étroite, tordue en spirale, mais dont les parois n'ont pas encore
été rapprochées en un système régulier. Elle paraît représenter le début de la fabri-
cation. Elle est composée de cuivre, avec une trace d'arsenic.
« VII. L'envoi de M. de Morgan renferme encore divers débris de cuivre, dont il n'est
pas possible d'assigner la destination originelle, mais qui offrent ce caractère commun
de représenter tous des lames ou fragments de lames, savoir:
« l° Un frao-ment triangulaire, irrégulier, en forme de triangle rectangle équilatéral-,
de om,o3o sur om,o3o, épais d'un millimètre : cuivre fortement arsenical ;
« 2° Un fragment plus grand, rappelant la forme de la hache ci-dessus, mais non troué;
deom,o6o au dos, sur om,o44 cn largeur maxima et om,oor d'épaisseur : cuivre avec
trace d'arsenic ;
« 3° Trois fragments semblables irréguliers;
« 4° Deux longues rognures de cuivre ;
« 5° Une très petite lame régulière, ou fragment de feuille.
« VIII. Je signalerai enfin une lame longue de om,o85, large de o™,o5 à om,oof>, à bords
irréguliers, épaisse d'un demi-millimètre : cuivre avec trace d'arsenic. Ce qui la dis-
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Dl" TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
Parmi les fragments portant des inscriptions, dans le tombeau de
II, fragments forl peu nombreux, l'un d'eux mérite une attention
plus particulière : c'est un morceau de vase en cristal portant une
bannière royale différente qui se lity ! ? [fig. 851). Ce nom était déjà
connu : il se trouve gravé sur l'épaule de la statue n° 1 du Musée de
Guizeh,qui représente un personnage agenouillé, assis sur ses talons,
Fig. 85i. — Inscription sur un vase de cristal (Abydos). Grandeur naturelle.
Fig. 852. — Inscription gravée sur la statue n° i de Guizeh. \ 5 grandeur naturelle.
les mains sur ses genoux (PL II). Cette dernière inscription fig. 852
nous donne en outre deux autres noms de rois, ^Q? et^^J^, que nous
devons donc ranger dans la même époque1. Cette statue est ainsi le
plus ancien morceau connu jusqu'ici de l'art de la statuaire en
lingue, c'est l'existence de deux trous de clous, l'un de om,ooi, l'autre de om,oo3. Ces
trous ont été percés avec une pointe et portent l'empreinte de la tète des clous, rivée
au marteau. Si j'insiste sur ces circonstances, c'est qu'elles contrastent avec le pro-
cédé employé pour fabriquer le chas de l'aiguille (III) que j'ai décrite plus haut.
'< La lame dont il s'agit ici a dû être fixée autrefois comme garniture sur un objet de
bois ou analogue, tel qu'un coffret, qui a disparu.
« Tels sont les objets soumis à mon examen. Ils sont tous constitués, je le ré]
par du cuivre à peu près pur, renfermant parfois de l'arsenic, mais ne contenant ni
étain, ni plomb, ni zinc. Cette composition est caractéristique.
« Ce n'est pas que la fabrication de lames et objets en cuivre pur n'ait eu lieu à toufe
époque et ne subsiste même aujourd'hui; mais on a cessé depuis longtemps de fabri-
quer des outils, tels que des aiguilles ou des ciseaux, et des armes, telles que des
haches, avec le cuivre pur. Le bronze d'abord, puis le fer, l'ont remplacé, pour tous
les emplois qui exigent un métal dur et résistent. L'existence des objets précédents et
leur mélange avec des lames de silex paraissent donc se rapporter à une population
qui en était encore à l'âge du cuivre proprement dit. »
1. Cette statue a déjà été publiée par M. Gré!.. mi Le Mus e égpytien, pi. Xlli
dois à .M. Borchardt l'estampage de l'inscription repro luite à la lig.
25 i MONUMENTS CONTEMPORAINS
Egypte; les proportions Causses, la tète énorme, toute la technique
indiquent assez un art dans son enfance; on ne peut comparer ce
monument, pour le style, qu'à un autre qui ne lui est pas de beaucoup
postérieur, puisqu'il est de l'époque de Snefrou, la statue d'Amten
au Musée de Berlin. Quant au dernier de ces rois, celui qui porte le
nom de I . il est mentionné encore sur une stèle de Païenne, à côté
de Snefrou, Ouserkaf, Sahoura et Neferarkara1. Ce monument ne
nous donne non plus que le nom de bannière.
Après avoir passé en revue tous les monuments provenant des nou-
velles fouilles d'Abydos, qui paraissent appartenir à cette époque si
reculée, il reste à en étudier les caractères généraux, et si possible,
à en tenter une classification, classification qui, à l'heure qu'il est, est
loin de pouvoir être exacte et définitive, mais qui pourra plus tard,
quand les documents seront devenus plus nombreux et les rensei-
o-nements plus précis, servir à établir une chronologie des débuts de
l'histoire égyptienne.
Tout d'abord un des faits les plus frappants est la construction en
briques crues des grands monuments. L'invention de la brique n'est
certainement pas égyptienne : elle ne peut provenir d'un pays où la
pierre abonde et doit nécessairement servir de base à toute construc-
tion primitive. En effet, les autochtones de la vallée du Nil n'avaient
pas la brique, et nous ne la voyons apparaître qu'avec les conquérants
qui l'employaient tant pour construire leurs maisons (kjœkkenmœd-
dings de Toukh), que pour garnir l'intérieur de leurs tombeaux.
Nous admettons l'origine chaldéenne des Égyptiens ; ce fait de l'in-
troduction sur les bords du Nil de la brique crue s'explique de lui
même, car en Mésopotamie, la pierre fait absolument défaut et depuis
les temps les plus reculés de la civilisation chaldéenne jusqu'à nos
jours, la brique est le seul matériel de construction qui y soit employé.
11 est fort naturel de voir les envahisseurs apporter avec eux des
usages auxquels ils étaient habitués depuis longtemps et pour les-
quels le sol de l'Egypte et le limon du Nil leur fournissaient d'excel-
lents matériaux.
Le mode de construction du tombeau de Négadah rappelle aussi
d'une manière très vive celui des édifices antiques de la Mésopota-
i. Celte stèle a été publiée avec deux facsimilés par Pellegrini, Nota sopra un' ins-
crizione egizia del Museo di Palcrmo, dans YArchïsio stovico siciliatio, n. s , auno
XX, fasc. III-IV.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
-
mie. De tous temps en effel , nous retrouvons en Chaldée el en Assy-
rie, tantàTello, Warka, Mougheîr, < >urouk, qu'à Khorsabad, ce genre
de décoration Taisant partie du monument Lui-môme, et qui consiste
en une série de piliers encastrés dans le mur, de rentrants plus ou
moins accusés, <pii rompent la monotonie d'une muraille de briques
toute nue (fig. 853 à 856)'. Tandis quecegenre de décoration se continue
Fig. 853-S56. — Plans de monuments chaldéens et assyriens. — 853. Temple de Mou-
gheîr. — 854-855. Temple de Warka. — 856. Observatoire de Kh irsabad.
en Asie tant que dura la civilisation assyrienne, et même jusque dans
les édifices achéménides, nous le voyons se perdre de fort bonne
heure en Egypte; son usage se réduisit peu à peu et on ne l'utilisa
guère plus que pour les stèles funéraires; encore n'en voyons-nous
que fort peu d'exemples au Moyen Empire, après quoi il disparaît
complètement. Ces redans n'avaient plus de raison d'être avec l'ar-
chitecture de pierre, beaucoup plus décorative par elle-même que la
brique, et leur emploi, comme beaucoup de coutumes fort anciennes,
a fini par passer uniquement dans le domaine religieux, avant de se
perdre complètement*.
i.Loftus (Travels and Researches in Chaldaeaand Susiana, p. 76) donne un croquis
d'un des grands monuments d'Ourouk, qui ressemble à s'y méprendre au tombeau de
Négadah. Ce croquis est reproduit dans Maspero, Histoire ancienne des peuples de
l'Orient, tome I, p. 703. — Quant au plan du grand palais de Tello, il se trouve dans
Heuzey- Sarzec, Fouilles à Tello, plan A, et une vue du monument à la pi. 5o, n° 1. Le
plan si souvent reproduit qui est gravé sur la statue de l'architecte, au Musée du
Louvre, se trouve dans le même ouvrage, pi. i5.
2. Si ce style a disparu de l'architecture proprement dite, nous le retrouvons, non
seulement sur les stèles, mais aussi dans les peintures décoratives qui ornent les
chambres funéraires (p. ex. celle de la pyramide d'Ounas) et sur les sarcophages du
Moyen Empire. Les stèles ne sont pas faites sur le modèle des portes, comme on a
256 MONUMENTS CONTEMPORAINS
A côté du monument du roi Aha(?), nous avons les grands tombeaux
souterrains d'Oui el-Ga'ab et de Négadah, que je considère comme
un peu postérieurs, pour des raisons que je dirai plus loin a propos
des inscriptions. Nous nous trouvons ici en face d'un type de sépul-
tures semblable à celles des simples particuliers, mais exécuté 'dans
des dimensions beaucoup plus considérables. Parmi ces grands rec-
tangles creusés dans le sol, l'un, celui du roi | , dont la salle prin-
cipale est entourée dune série de petites chambres à offrandes,
semble former la transition avec celui qui a été découvert cette année
par M. Amélineau. Tous les deux sont les premiers exemples, déjà
très développés, de ce qui deviendra plus tard les mastabas de l'An-
cien Empire, dont les plus anciens connus jusqu'ici, avec lesquels il
est intéressant de les comparer, sont ceux de Meïdoum et de Dah-
chour, contemporains du roi Snefrou, c'est-à-dire du commencement
de la IVe dynastie.
Quant à la question de l'incinération du mort, genre de sépulture
qui semble bien se retrouver à Abydos aussi bien qu'à Négadah,
M. Wiedemann en a parlé longuement dans le chapitre qui précède.
Je n'ai donc pas à y revenir ici, quoique ce soit, à mon avis, une des
preuves les plus convaincantes de l'origine asiatique des premiers
Egyptiens.
Parmi les objets découverts dans les tombeaux royaux de Néga-
dah et d' Abydos, une des choses qui frappent le plus, un fait qui est
la caractéristique de cette époque, c'est l'usage constant du cylindre
pour imprimer le nom du roi sur les objets lui appartenant1. Le cy-
lindre est, on le sait, exclusivement chaldéen et assyrien; en Egypte,
son usage a disparu très vite devant celui du sceau en forme de sca-
rabée, dont nous ne trouvons ici aucune trace, et qui est universelle-
ment répandu dès les IVe et Ve dynasties. Le cylindre persiste cepen-
dant en Egypte jusqu'au Moyen Empire, mais son usage est des plus
coutume de le dire : c'est à mou avis le contraire. On a utilisé le motif central des
stèles pour y percer une porte étroite à deux battants. Les exemples les plus anciens,
comme le tombeau de Négadah et la stèle de Chili au Musée de Guizeh, nous montrent
que dans ce genre ce décoration, il ne peut être, à l'origine, question de porte, et en
outre le fait d'une porte très étroite dans un cadre tout à fait disproportionné suffi-
rait à prouver que telle n'était pas la destination primitive de ces monuments.
I C'est aussi l'avis émis par le professeur Schweinfurth dans sa conférence du
2A avril 1897 à la Société khédiviale de géographie, au Caire : « De l'origine des
Égyptiens et de quelques-uns de leurs usages remontant à l'âge de la pierre ».
DU TOMBEAU ROYAL DK NÉGADAH
restreints el décroit de plus en plus : à l'époque des Ramessides, il
n'y en a, à ma connaissance, plus trace, tandis qu'en Assyrie, plus
011 avance dans la civilisation, plus son emploi devient commun,
jusqu'à l'époque achéménide.
i£2^-
Fig. 85;. — Cylindre eu terre cuite. Musée de Guizeh. 3 ', grandeur naturelle.
Il existe au musée de Guizeh un de ces cylindres égyptiens très
anciens, dont les gravures, représentant surtout des personnages***
des crocodiles, rappellent absolument la facture de ceux qui sont
imprimés sur les bouchons d'argile des vases de Négadah et d'Abydos
(fig. 857). On peut, sans aucune hésitation, le classer dans l'époque
des premiers Égyptiens.
S. 5 S
• PSMSB
(-\
-— / kit-
800
\
Fig. S58 à 862. —Vases en pierre dure de Tello. E. de Sarzec, Découvertes en
Chaldée, pi. 26.
Un autre fait absolument typique, c'est l'extrême abondance de
vases en pierre dure et en albâtre, de toutes formes et de toutes
grandeurs, qui se trouvent dans les sépultures royales. Un rappro-
1:
258 MONUMENTS CONTEMPORAINS
chement intéressant est à faire entre quelques-uns de ces vases et
ceux qui ont été trouvés par M. de Sarzec à Tello (fig. 858-862). La
forme et le travail sont exactement semblables et ils ne diffèrent
qu'en ce que les uns sont ornés de quelques hiéroglyphes, tandis
que les autres portent une inscription cunéiforme; à part cela, la
facture est identique1.
Quant aux autres petits objets trouvés dans tous les tombeaux de
cette époque, il est impossible de contester l'aspect purement chal-
déen de plusieurs d'entre eux, particulièrement pour les ivoires sculp-
tés*. Les petits fragments de meubles3 en forme de pieds de taureaux
n'ont rien d'égyptien : c'est, avec d'autres proportions et une autre
matière, exactement le môme style que les taureaux ailés à tête hu-
maine des palais assyriens, avec leurs muscles indiqués d'une manière
naïvement schématique. De même les poissons, les chiens et les lions
d'ivoire sont traités avec le naturalisme souvent exagéré qui carac-
térise l'art de la Chaldée, par opposition à celui de l'Egypte.
Le point le plus important, celui qui peut permettre d'esquisser
une sorte de classification de toute cette série de rois nouveaux, c'est
les inscriptions, malheureusement si peu nombreuses, trouvées dans
les tombeaux de cette époque.
A Négadah d'abord, nous ne voyons sur aucun des objets portant
le nom du roi, autre chose que sa bannière surmontée de l'épervier
qui tient dans ses serres le bouclier et la massue. Ce groupe est par-
fois accompagné de quelques signes, les trois autruches ouïe groupe
a, dont il n'est, je crois, pas possible pour le moment de détermi-
ner la signification, mais qui certainement ne représentent pas un
i. Il faut comparer aux vases de Tello spécialement ceux du tombeau de Négadah
qui sont représentés aux fig. 573, 661, 662, Gy3 du présent volume. — M. de Morgan me
dit avoir rencontré dans la partie élamite du tell de Suze une grande quantité de frag-
ments de vases en albâtre et en pierre dure présentant une technique absolument sem-
blable à celle des premiers vases égyptiens.
2. V. pour ceux de Négadah, les fig. 685-688, 698 et 699 de ce volume.
3. Il faut rapprocher de ces sculptures-là les deux belles tables d'offrandes d'albâtre
en forme de lions qui ont été trouvées par Mariette daus l'enceinte de la pyramide à
degrés et qui sont actuellement au Musée de Guizeh. Ces monuments ont un cachet si
spécial qu'on a voulu les ranger dans l'époque saïte. Comme technique, ils ont les
plus grands rapports avec nos monuments d'Abydos, et il est incontestable pour moi
qu'ils appartiennent vraiement à l'époque de Djeser, qui est de peu postérieure à la
nôtre, puisqu'ils ont été trouvés près de sa pyramide, dans la partie de la nécropole
qui en dépend.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
nom du roi, et n'ont rien de commun avec le cartouche, donl nous
verrons plus tard les origines.
La bannière est, comme on le sait, le premier des cinq titres du
protocole royal aux époques classiques. Son origine très ancienne esl
attestée par cette place d'honneur, quoique en somme, dès La fin de
l'Ancien Empire, il ne soit plus guère employé seul pour désigner
le roi : ce n'est plus dès lors qu'un titre purement religieux, attribué
plulùt au ka du roi qu'à lui-même; malgré cela, il n'est pas employé
seul pour nommer le souverain, même dans les textes «lu rituel des-
tinés à donner au défunt la vie éternelle, ces textes qui sont gravés
sur les parois des tombeaux, depuis les pyramides de Saqqarah jus-
qu'aux hvpogées de Thèbes. Ce n'est donc pas, comme on le dit en
général, le nom du roi divinisé, mais un ancien nom resté en tète du
protocole par la force de l'habitude. Aux époques très anciennes seu-
lement, on trouve la bannière seule, pour désigner le roi : les der-
niers exemples que nous avons de cette coutume datent du temps de
Djeser', de Snefrou* et au plus tard de la Ve dynastie.
J'ai dit que les inscriptions du roi Aha (?) ne nous donnaient que
son nom de bannière; il faut cependant mentionner une exception, un
autre titre gravé sur une plaquette d'ivoire3, celui qu'on a l'habitude
"il
de traduire « seigneur des diadèmes du vautour et de l'uraeus » ^^
et qui sert à indiquer la royauté sur les deux parties de l'Egypte*.
Ce groupe, enfermé dans une sorte d'édicule, surmonte un signe qui
parait être la représentation grossière d'une maison, à moins que ce
ne soit un simple ornement, ce que je suis plus porté à croire. S il
fallait y voir un signe hiéroglyphique, celui dont il se rapprocherait
i. Au bas-relief du Wadi-Maghara (v. J. de Morgan, Recherches
sur les origines de l'Egypte, I, p. 23o) et sur la porte de la pyramide
à degrés, actuellement au Musée de Berlin.
2. Snefrou est souvent désigné par son nom de bannière seul : je
n'en citerai ici comme exemple qu'une coupe en brècbe siliceuse dé-
couverte dernièrement à Mahasnah, près d'Abydos, qui porte la ban-
aière Neb-Mât gravée très grossièrement Tig. 863), exactement dans le
même style que les inscriptions des vases d'Abydos. I ne coupe sem-
blable, provenant de Hibe, porte son cartouche seul. Toutes les deux
sont à Guizeh. Pour les autres rois de l'Ancien Empire, désignés par
leur nom de bannière seul, v. Aeg. Zeitschrift, XXX, p. 6 '.
3. V. plus haut, page 1O7, fig. 549-
l. Ce titre a été étudié spécialement par M. Erman Zeitschrifî fur
Aegyptisclie Sprache, XXIX, p. 5-).
^37
-
Nom
de bannière
de Snefrou.
260 MONUMENTS CONTEMPORAINS
le plus serait le ffiEE, qui compose le nom du cinquième roi de la pre-
mière dynastie, Hesep ti (Ojara<païBâç), mais cette hypothèse, quoique
plausible, est bien trop peu certaine pour qu'on puisse baser sur
elle une théorie.
Comme style, les hiéroglyphes du tombeau de Négadah sont encore
très frustes, et la manière gauche avec laquelle ils sont dessinés forme
un contraste frappant avec la perfection accomplie de la technique
des vases et des petits objets d'ivoire. Celte comparaison fait voir
avec la plus grande évidence que ce genre d'écriture est nouvelle-
ment inventé, qu'il cherche sa voie et qu'il faudra un nombre très
considérable d'années pour que le système hiéroglyphique devienne
ce qu'il est à la belle époque de l'Ancien Empire. Ce temps-là, il est
impossible d'en évaluer la durée, mais nous avons un certain nombre
de monuments qui servent de transition et qui incontestablement
doivent se classer dans cette période : je veux parler des monuments
d'Abydos.
Ici, dans les tombeaux rectangulaires, il y a déjà un grand progrès
dans le style des hiéroglyphes ; nous voyons apparaître la stèle, sculp-
tée avec le plus grand soin. Les signes sont mieux dessinés, moins
lourds et plus naturels; l'épervier surtout n'est plus un oiseau quel-
conque, informe; il a déjà l'allure hiératique qu'il aura à toutes les
époques de l'art égyptien. Les tombes des particuliers, elles aussi, se
veloppent; elles ont souvent plusieurs chambres, et quelques-unes
d'entre elles contiennent aussi des stèles avec le nom du mort et son
titre.
Malheureusement tous ces tombeaux ont été spoliés et ne nous
ont pas transmis la série complète de leurs documents. Un rensei-
gnement fort important est pourtant arrivé jusqu'à nous. Dans une
de ces tombes, M. Amélineau a trouvé plusieurs bouchons de vases
et des sceaux marqués d'un cylindre au nom du roi de Négadah. Ces
cylindres étaient sans doute des objets qui restaient dans les trésors
royaux et dont on se servait coura aiment, témoin les nombreux
noms de rois trouvés ainsi dans les sépultures d'autres souverains :
c'est grâce à cette coutume que nous avons une si nombreuse série
de bannières royales de cette époque. Ce fait nous prouve une fois
de plus l'antériorité du roi Aha(?) sur ceux d'Om-el-Gaab, confirmant
ainsi ce que nous montraient déjà tous les caractères archéologiques
et artistiques des objets découverts dans sa tombe. Cela nous donne
aussi des indications sur l'intimité des relations qui régnaient entre
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH 261
tous ces souverains. Nous avons affaire ici à une même famille, à une
seule dynastie ayant gouverné l'Egypte entière, puisque déjà le plus
ancien d'entre eux porte les titres du vautour ei de l'uraeus qui in-
diquent l'union sous un s. Mil sceptre des deux parties du pays.
C'est sans doute à la même époque qu'il faut attribuer le tombeau
rectangulaire creusé dans le sol tout près du monumenl royal de
Négadah1, dont le plan ressemble beaucoup à ceux d'Abydos. Il avait
été complètement spolié et vidé de fond en comble; se. do, s;, forme,
ainsi que des débris insignifiants de vases de pierre, permettent de'
dire qu'il appartient à la môme période historique.
Le plan des tombeaux de Den et surtout de Dja diffère des autres,
étantpluscompliqué, et je suis tenté de les croire tous les deux un peu
postérieurs. Malheureusement celui de Dja ne contenait presque
rien d'autre que sa belle stèle, aussi je ne pourrai parler ici que du
premier. Ici, les nombreux bouchons de vases portent, dans les ins-
criptions des cylindres, un signe qui est Invraisemblablement l'ori-
gine du cartouche. C'est un rectangle aux coins arrondis qui entoure
quelques signes hiéroglyphiques; la partie extérieure de ce rectangle
est ornée de sortes de créneaux, arrondis aussi, de sorte que le signe
lui-même ressemble aux cartouches géographiques des inscriptions
égyptiennes. Le groupe tout entier est en relations intimes avec la
bannière royale et quoiqu'il ne soit pas précédé du titre W, il
n'est pas douteux qu'il ne faille voir ici un second nom du'souve-
rain, le premier type du cartouche.
Si les objets qui ont été trouvés dans ces deux tombeaux semblent
appartenir, au point de vue artistique autant que paléographique, à
une époque postérieure aux autres et à une civilisation plus avancée,
il y a progrès encore, et de grands progrès, dans ceux que contenait
le monument découvert cette année par M. Amélineau. Outre la fi-
nesse extrême de la gravure des cylindres, nous trouvons des hié-
roglyphes beaucoup plus nombreux qui rappellent d'une manière
frappante, par leur style, ceux des panneaux de Hosi, au Musée de
Guizeh, qu'il faut sans doute faire remonter à la même époque, ainsi
que la statue n° 1 de Guizeh. Ces panneaux ont été si souvent repro-
duits, étudiés et commentés, qu'il est inutile d'y revenir ici5.
i. V. le plan général de la nécropole, à la page i ',*, fig. -,,3 de ce volume.
2. V. Mariette, Album du Musée de Boulaq, pi. XII.
262 MONUMENTS CONTEMPORAINS
«
Outre les noms du roi et les titres de ses fonctionnaires, nous
trouvons dans ces cylindres quelque chose de nouveau, la mention
et la représentation de quelques divinités, Hôrus, Scliou et une
déesse dont le nom est perdu. La religion, dont il n'y a pas trace
jusqu'ici, commence à se former telle que nous la trouverons plus
tard, occupant une place prépondérante dans tous les monuments
égyptiens. Les traces que nous en reconnaissons ici sont certes en-
core bien faibles, mais suffisent à nous montrer un grand pas en
avant, aussi dans cette ordre d'idées.
Quelle est l'époque à laquelle ce monument appartient? Le car-
touche du roi, placé à côté de la bannière sur plusieurs des cylin-
dres1, peut nous donner une indication à ce sujet : les signes qu'il
renferme sont parfaitement lisibles J^^n • Si nous comparons
ce nom à celui du premier roi de la IIe dynastie, Boëthos, nous le
trouvons écrit dans la liste de Saqqarah V__ \ JmI /] 2. Il ny a de
différence entre les deux orthographes que le premier signe ; or
nous savons qu'à l'époque ptolémaïque le mot \ est souvent écrit par
l'étoile * . Rien n'empêche qu'ici le groupe *_§^ 3 n'ait la môme
valeur; ce serait alors une très vieille orthographe reprise parles
prêtres de la fin de l'Empire égyptien, qui cherchaient à faire de l'ar-
chaïsme en tout. Il faut encore remarquer que nous avons plusieurs
des cartouches d'Abydos qui commencent par ces mêmes signes et
que d'un autre côté, on retrouve fort souvent le signe J en tète des
noms royaux des deux premières dynasties, dans les listes d'époque
classique. Cette coïncidence de noms est si frappante et les consé-
quences qu'elle entraine sont si plausibles que jusqu'à nouvel ordre,
on peut identifier, je crois, le roi d'Om-el-Ga'ab avec le premier de la
r. Y. les fig. 818820.
,,., .— .....uau. •*•—
pond beaucoup mieux au nom grec Bôr,0oç. Par leur position dans les listes, les deux
cartouches correspondent, mais je serais tenté d'y voir deux rois différents, ayant
régné successivement, car à celte époque-là, les rois n'avaient pas deux cartouches
différents, usage qui ne remonte qu'à la Ve dynastie.
3. Ce groupe très employé sous l'Ancien Empire, et déjà dans le tombeau d'Amtea,
n'a pas encore été lu et traduit d'une manière définitive.
DU TOMBEAU ROYAL DE NÉGADAH
IIe dynastie, et par conséquent placer dans la Ir", tous les autres
qui, comme je l'ai dit plus haut, lui sont très certainement anté-
rieurs.
A ce sujet, M. Amélineau va sans doute trop loin en voulant assi-
miler les rois trouvés par lui aux mânes (vixusç) de Manéthon, et
les ranger dans la IIIe dynastie divine1, avant Menés. Comme je
l'ai dit plus haut, nous pouvons considérer les trois dynasties divi-
nes comme formées après coup par les prêtres héliopolilains avec
leurs trois ennéades ; nous ne pouvons y trouver que de vagues re-
flets de certaines légendes historiques, mais aucun roi ayant positi-
vement régné. Par contre la Ir0 dynastie humaine a un caractère
d'authenticité tout différent : la légende y est bien encore pour
beaucoup, les noms des rois paraissent avoir été inventés plus tard,
pour remplacer ceux dont on avait perdu la mémoire, mais la grande
chose, c'est le souvenir de toute une série de souverains semblables
aux autres hommes, et celui de la première organisation du pav>.
personnifiée par Mènes. Il y a donc lieu pour le moment, me semble-
t-il, de ranger dans cette catégorie, c'est-à-dire dans la Ire dy-
nastie et le commencement de la IIe. tous les rois de Né^adali et
d'Abydos; quant à la classer d'une manière absolue, à en détermi-
ner la suite exacte, peut-être de nouvelles fouilles viendront-elles
nous donner plus tard les documents nécessaires pour cela.
En dehors de des monuments de l'origine de la domination égyp-
tienne qui proviennent des fouilles de ces deux dernières années, il
faut encore en citer un certain nombre d'autres, disséminés dans nos
musées, qui remontent incontestablement à la même époque. J'ai
déjà mentionné en passant la statue n° 1 de Guizeh, les panneaux
d'Hosi, et pour une période un peu postérieure, les tables d'offran-
des d'albâtre de Saqqarah, la pyramide de Djeser et la statue d'Am-
tem, à propos des comparaisons qu'on peut faire entre ces moiut.
ments et ceux de Négadah et d'Abydos ; il est donc inutile d'y revenir
ici.
Il ne reste à parler ici que d'un certain nombre de petits objets
qui se trouvent dans plusieurs musées : les plaques de schiste
gravées. Ces monuments ont été déjà étudiés longuement par
i. V. à ce sujet Chassinat, Les NÉxue? de Manéthon et la troisième ennéade liéliopo-
litaine, dans Recueil de Travaux, vol. XIX.
264 MONUMENTS CONTEMPORAINS
M. Heuzey qui a publié celles du Louvre' et tout récemment par
M. Stei/idorff qui en a fait une monographie*. Je ne reviendrai donc
sur cette question que pour émettre quelques légères divergences
d'opinion.
Un usage qui a passé des autochthones aux conquérants de l'Egypte,
est celui des plaques de schiste déposées dans le tombeau. Ces pla-
ques, qui, comme on Ta vu plus haut, représentent probablement des
sortes de fétiches, sont le plus souvent de formes géométriques,
mais fréquemment aussi nous donnent l'image de certains animaux.
Quant à celles des musées de Guizeh3 (pi. III) du Louvre1 (pi. IV et
fig. 864) et de Londres8 qui vont nous occuper maintenant, et dont on
ne connaît pas exactement l'origine, je crois qu'on peut sans hésiter
les attribuer à la même époque que les monuments de Négadah et
d'Abydos, c'est-à-dire dans les premiers temps qui suivirent la con-
quête de l'Egypte par les Egyptiens.
Tout d'abord, l'origine égyptienne de ces schistes est incontesta-
ble : nous en avons la preuve par la série des cartouches hiérogly-
phiques qui se trouve sur un des côtés de celui de Guizeh, reproduit
sur notre planche III. Ceux du Louvre nous donnent des représenta-
tions d'enseignes purement égyptiennes, spécialement celles qui re-
présentent l'Orient et l'Occident, sous lesquelles sont rangés ces
guerriers à figure barbare dont l'armement est absolument celui des
conquérants de la vallée du Nil, avec les flèches à tranchant, les
massues, les boumerangs et les lances. Il en est de même des autres
enseignes qui portent les emblèmes de différents dieux, comme tfo-
rus, Thoth, Min et Anubis.
D'un autre côté, les caractères asiatiques ne sont pas moins nom-
breux, la figure des personnages d'abord, et la facture des nombreux
animaux sculptés sur ces monuments. Ceux-ci sont loin d'avoir l'élé-
gance un peu grêle qu'ils ont dans les bas-reliefs égyptiens; ils sont
i. Revue archéologique, 1890, p. i45 et 334, pi. IV-V; Bulletin de Correspondance
hellénique, 1892, p. 307 et pi. I.
2. Dans les Aegyptiaca dédiées au prof. Ebers, p. 122-14 t.
3. Outre la grande plaque représentée pi. III, le Musée de Guizeh en possède un
autre petit fragrnsut, sms grande importance, reproduit par M. Sleindorff dans son travail.
4- La pi. IV est reproduite directement d'après l'héliogravure publiée par M. Heuzey
qui a bien voulu m'y autoriser.
5. Je ne puis malheureusement donner la reproducition des deux plaques du British
Muséum, la direction de ce Musée ayant refusé d'en donner la communication à M. de
Morgan qui en avait fait la demande.
HelioS .
PLAO
PI. IV
STATUE N° 1 DU MUSÉE DE GUIZEH
DU 'IOMBEAU RÛVAI. DE NÉGADAH
liai
i ■ ■
.- y
266 MONUMENTS CONTEMPORAINS
au contraire plutôt épais et lourds, d'un naturalisme très vivant
quoique souvent un peu exagéré. Etudiés avec le plus grand soin,
ils ont les muscles très saillants, indiqués de la môme manière que
ceux des pieds de taureaux en ivoire des tombeaux de Négadah et
d'Abydos, et cette manière est exactement semblable à celle des re-
présentations d'animaux dans les sculptures chaldéennes et assy-
riennes, que nos plaques de schiste rappellent d'une manière frap-
pante. Les taureaux surtout, au registre supérieur du verso de celle
de Guizeh, sont la reproduction exacte de ceux qui sont figurés sur
les intailles chaldéennes1.
Une question plus difficile à élucider est celle des hiéroglyphes :
que signifie, sur une des plaques du Louvre, cette série d'enseignes
se terminant par des mains qui saisissent une corde? Je ne vois
guère pour le moment à cela une explication satisfaisante. De même
pour les cartouches crénelés du grand schiste de Guizeh : ils sont
semblables, à peu de chose près, à ceux des rois d'Om-el-Ga'ab, aussi
est-il possible d'y voir des noms de princes ou de gouverneurs
de nomes, dont la province serait indiquée par l'animal armé de la
pioche qui surmonte chacun de ces cartouches, et qui parait un signe
purement géographique, indiquant un pays cultivé. Nous aurions
alors ici les noms des personnages dont on voit encore les pieds au
reo-istre supérieur, qui a disparu. Je ne donne du reste cette opinion
que comme une hypothèse nouvelle à ajouter à celles qui ont été
émises jusqu'ici, car il n'est pas possible actuellement de se pronon-
cer d'une manière définitive.
Il faut encore rapprocher de ces plaques de schiste, au point de
vue de la facture et des représentations d'animaux, deux objets dont
le premier n'est autre que le couteau de silex à gaine d'or qui pro-
vient de Guebel-el-Tarif (v. pi. Y) 2. Quant à la plaque d'ivoire de la
collection Pitt-River, son usage n'est pas ancore bien défini (tig. S65)3;
sur un des cotés elle est percée d'un trou rectangulaire, et les deux
faces sont couvertes de ciselures représentant des animaux divers,
qui rappellent ceux d'un des cylindres de Négadah autant que ceux
des schistes dont nous venons de parler.
i. Je suis lente de croire celle-ci antérieure à celles du Louvre dont la facture
témoigne d'un art plus avancé et surtout plus libre.
2. Cet objet a déjà été représenté dans le précédent volume, p. n5, fig. i36.
3. M. Flinders Pétrie, qui a publié le premier ce petit monument (Neqadah and
Dallas, pi. LXXVII), veut y voir une garde de poignard.
■
in T0MB1 Al ROYAL DE NÉGADAH
!67
Tels sonl donc, en résumé, les objets que nous pouvons attribuer
aux premiers temps de la domination des rois de la Haute et de la
Basse Egypte. Ceux-ci se révèlent peu à peu à nous avec leurs noms,
leurs coutumes, leurs arts, et, ce qui est pins important encore pour
nous, leur origine. Tous les monuments, parleurs caractères, mon-
trent que la race des conquérants venait de l'Orient, peut-être de la
Fio-, 865. — Objet en ivoire. Collection Pitt-River. Grandeur naturelle.
Mésopotamie, peut-être, comme le pensent MM. Wiedemann et
Schweinfurth, de l'Arabie Heureuse; cette race apporta avec elle - -
coutumes et ses arts, qu'elle imposa d'abord aux vaincus et qui se
modifièrent peu à peu au cours des siècles pour devenir la civilisation
égyptienne des époques classiques. Mais l'innovation la plus impor-
tante qu'ils aient introduite dans leur nouveau pays, la chose qui sans
doute leur a donné la supériorité sur les autochtones armes de pierres
268 MONUMENTS CONTEMPORAINS DU TOMBEU ROYAL DE NÉGADAH
taillées, c'est l'usage du métal, et surtout du cuivre, qui devait tuer
peu à peu l'industrie du silex, alors dans son apogée, arrivée à un
état de perfection que n'ont atteint sur aucun autre point du monde
les hommes de l'âge de la pierre.
Fig. 86(3. — Extrémité de canne eu cuivre. Nécropole de Guebel-Silsileh.
1/2 grandeur naturelle.
APPENDICE
Recherches sur les crânes de l'époque de la pierre
taillée en Egypte.
Le Dr D. FOUQUET
Les nouvelles fouilles entreprises l'hiver dernier par M. de Morgan.
Directeur général du Service des Antiquités, pour compléter ses Re-
cherches sur les origines de l'Egypte, ont mis au jour un grand nombre
de crânes, dont une centaine, choisis parmi les mieux conservés,
font l'objet de cette étude.
Cinq nécropoles, Beil-Allam, Négaclali sud, KawamU, Négadah
nord et Guebel-Silsileh ont été mises à contribution. Pour chacune
d'elles des tableaux ont été dressés séparément, pour les hommes
et pour les femmes; les mesures sont exprimées en dixièmes de mil-
limètres. Elles ont été prises conformément aux instructions conte-
nues dans le Manuel d'anthropologie de Broca.
A la fin, un tableau commun résume les indications tirées de la
direction du plan du trou occipital et de la distance à laquelle il vient
aboutira la face, par rapport à l'épine nasale. Les valeurs sont, pour
ce cas seulement, exprimées en millimètres, et les signes — et + in-
diquent si le plan aboutit au-dessous ou au-dessus de cette épine.
L'extrême friabilité de ces intéressantes pièces ne m'a pas permis
de prendre la mesure de l'angle facial, ni d'évaluer la capacité crâ-
nienne.
270 RECHERCHES SUR LES CRANES
Le temps restreint dont je disposais pour faire cette étude m'a
obligé â me borner aux mensurations et à l'examen descriptif, ce que
je me suis attaché à faire le plus exactement possible. Mon travail
ainsi limité comprend sept chapitres, un pour chacune des cinq né-
cropoles. Les deux derniers renferment mes observations sur l'em-
baumement ou plus exactement sur les essais de conservation, et les
remarques pathologiques que m'ont fournies certaines pièces de la
série. M. le professeur Schweinfurth, toujours dévoué aux intérêts
de la science, a bien voulu m'apporter de nouveaux éléments de dis-
cussion, et les crânes Bejdas qu'il me remit cet hiver ont également
leurs tableaux de mensurations. Malgré toutes les lacunes que ren-
ferme forcément mon travail, je me croirai payé de mes efforts et de
mes fatigues si j'ai pu apporter une petite pierre au monument scien-
tifique édifié par M. de Morgan.
Dr Fouquet.
Le Caire, 8 juillet 1897.
Beit-Allam.
En général les crânes de Beit-Allam étaient absolument remplis
de sable fin. Dans quelques-uns d'entre eux, de petits cailloux blancs,
de forme irrégulière, étaient mêlés au sable. Leur présence me
semble absolument fortuite et n'a d'autre cause que le mouvement
de l'eau qui a très certainement amené le sable et les cailloux. — Ceux
des crânes dont il est question en ce moment avaient le sommet de
la tête tourné vers la profondeur de la terre. C'est ce qui explique
comment, par le trou occipital, des cailloux ont pu pénétrer dans la
cavité crânienne. En vidant ces crânes on trouve une preuve indé-
niable de la position qu'ils occupaient. En effet, lorsque la presque
totalité du sable est sortie, on voit apparaître des matières brunes,
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE i: {
restes du cerveau, qui se trouvail placé dans la partie la plu-, dé-
clive et cette partie est le vertex crânes 21, 22, 23). La matière céré
brale, très friable, presque pulvérulente, ue m'a p;is semblé mêlée à
du bitume comme je l'ai fréquemment noté ailleurs el même dans
certains crânes de celle série (n° 8).
La fouille a mis à jour vingt-cinq crânes en état d'être étudiés,
trei/.e d'hommes et douze defemmes. Les os étaient en général assez
bien conservés. J'ai pris les mesures de ceux qui, étant arrivés in-
tacts, ont pu être rapportés au crâne emballé avec; eux. I);ms deux
ou trois cas, avec des os d'un sujet jeune et correspondant bien par
tous leurs caractères, au crâne installé dans la même caisse, on
trouvait des os d'un autre sujet. En considérant la façon dont l'em-
ballage avait été fait et en tenant compte des éclaircissements qui
m'ont été fournis de la part de M. de Morgan, par M. Jéquier, je me
crois en droit de conclure que le mélange avait pu être fait dans le
tombeau même et au moment de l'ensevelissement. Ce fait mériterait
d'être étudié sur place avec soin et c'est pour cela que j'y insiste. Il
viendrait, en effet, à l'appui d'une hypothèse très vraisemblable,
émise par mon savant ami R. Verneau, au cours d'une analyse du
travail de M. F. Pétrie sur les fouilles de Ballas et Négadah1. A
propos du cannibalisme, vrai ou faux, de la nouvelle race découverte
au voisinage d'Abydos, le Dr Verneau dit que : « les faits allégués à
l'appui de cette assertion s'expliqueraient tout aussi bien si l'on ad-
mettait simplement un décharnement à l'air libre, précédant l'ense-
velissement définitif».
Pendant le transport des ossements, du lieu d'exposition où ils se
décharnaient à l'endroit où ils étaient définitivement inhumés, le mé-
lange pouvait et devait même s'effectuer. — Je signalerai d'ailleurs,
plus loin, à propos de la nécropole de Guebel-Silsileh. l'existence,
bien constatée, de sépultures collectives très incomplètes où l'on
trouve tantôt la tête sans les ossements, ou l'inverse.
Les renseignements anthropologiques les plus précieux étant tirés
de l'examen du crâne, j'insiste, autant que je le puis, sur l'étude de
cette partie, ne donnant pour les os que les moyennes obtenues et
d'où je déduis la taille pour les deux sexes. Le temps ne me permet-
tait pas de suivre plus complètement cette étude.
i. R. Verneau, L'Anthropologie, \>. \-\, 1896.
272
RECHERCHES SUR LES CRANES
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DE L'ÉPOQUE DE LÀ PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
Malgré la haute antiquité qu'on doit lui attribuer, La série «les
crânes de Beit-Allam renferme déjà deux types, indiquant le mé-
lange de deux races au moins.
A côté de dolichocéphales exagérés dont l'indice tombe à 66,9 a \
le n° 4 (fig. 3) on trouve des sous-dolichocéphales (n° 21 1 = 75,1 ,
(n° 23 bis I = 76,2) (fig. 8).
Ces derniers se rapprochent, pour la forme générale, du crâne du
type Égyptien fin de Pruner-bey'. Les dolichocéphales, exagérés ou
vrais, qui forment le reste de la série, ont aussi les contours du crâne
adoucis et ne présentent pas les caractères du type grossier du même
auteur.
Le crâne, dans ma série, a la forme d'un quadrilatère aux angles
arrondis, dans les cas suivants :
Hommes : 1, 4, 6, 21, 22, 23.
Femmes : 2, 14, 20.
Je ne parle que des formes bien nettement accusées et Ton voit qu'il
n'y a pas un rapport constant entre ces formes et l'indice céphalique,
puisque le n° 21 est sous-dolichocéphale et a le crâne rectangulaire,
tandis que le n° 8 est dolichocéphale exagéré et a le crâne élargi en
arrière. Cette forme s'observe aussi_chez d'autres sujets :
Hommes : 3, 5, 7, 8, il, 17, 19.
Femmes : 12, 13, 15, 1G, 18, 24.
La suture sagittale, dans aucun cas, ne se montre en relief; elle a
plutôt une tendance à se creuser en gouttière à sa partie postérieure
dans les crânes suivants :
Hommes : 1, 17, 23.
Femmes : 2, 14, 24.
Le frontal est divisé en deux pièces chez un homme, n° 7. Chez
une femme, n° 20.
Le trou occipital a un indice moyen de 77,6 chez les hommes, et
de 75,01 chez les femmes. En général sa forme varie peu. Chez tous
les hommes elle est elliptique, chez les femmes elle présente trois
fois la forme lancéolée (n0' 2, 9, 18), c'est-à-dire que l'extrémité pos-
térieure est en pointe plus ou moins aiguë et que les condyles, en
empiétant plus ou moins sur l'aire du trou, à la partie antérieure, la
rétrécissent, donnant à l'orifice la forme d'une pointe de flèche.
i. Recherches sur l'origine de Vaurienne race égyptienne (Mémoire* de la Société
d'Anthropologie de Paris, 1861 .
280
RECHERCHES SUR LES CRANES
Un seul crâne d'homme est platycéphale (le n° G) ; deux sont ortho-
céphales (nos 3 et 23 bis). Les nos 1, 7, 21, 23 sont hypsicéphales.
Pour les femmes : 9, 15, platycéphales; 2, 12, 1G, 18, 19, 24, ortho-
céphales. Il n'y a pas d'hypsicéphales dans les crânes qui ont pu être
mesurés.
Les apophyses mastoïdes sont dirigées en avant et peu volumi-
neuses dans les deux sexes.
Les sutures crâniennes ne sont pas compliquées.
Le front est légèrement fuyant chez les hommes, la glabelle et les
arcades sourcilières ne sont pas très en relief (fig. 1 et 4), sans être
pourtant effacées ainsi qu'on en peut juger par d'autres sujets (fig. 6
à 8). Il existe, assez souvent, un léger prognathisme sous-nasal
(fig. 8).
J.&.D.
Fig. i. — Bcil-AUam, n° 3.
Chez les femmes, le front est en général droit, les arcades sour-
cilières peu ou pas marquées, le prognathisme est plus net que chez
l'homme, comme cela arrive dans les races blanches, mais il n'est pas
constant.
L'indice nasal qui est de 48,48 chez les hommes les place parmi les
mésorhiniens, tout au voisinage des leptorhiniens.
DE L'EPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 281
Quatre de nos sujets sur sepl dont le nez a été mesuré sont fran-
chemenl dans celte catégorie. Les femmes sonl mésorhiniennes.
La moyenne de l'indice orbitaire es1 plus faillie chez l'homme que
chez la femme, 85,7<S au lieu de 87. L'indice des hommes les rap-
proche des Basques sous-dolichocéphales, celui des femmes les pla< e
entre les Kabyles et les Egyptiens anciens. Notre série esl beaucoup
trop courte pour que j'aie l'intention de tirer une conclusion de ce
rapprochement.
Quelques squelettes ont fourni un certain nombre d'os intacts ap-
partenant à trois hommes et cinq femmes. Ces os sont grêles, les in-
sertions musculaires, môme chez les hommes, sont peu marquées. La
cavité olécranienne de l'humérus était imperforée (liez les hommes,
perforée chez deux des femmes. La taille était peu élevée; elle a été,
en moyenne, de ira,6G3 chez l'homme, de lm,562 chez la femme.
L'n détail à noter, toutes les femmes étaient jeunes, aucune certai-
nement n'avait plus de quarante ans et beaucoup ne semblaient pas
en avoir plus de vingt-cinq.
L'indice tibial, C5,7 pour les hommes, touche la platycnémie, mais
sur une aussi courte série il vaut mieux dire que deux sujets sont
platycnémiques et que le troisième ne Test pas du tout.
Pour les femmes, la moyenne est de 64,28; elle reste dans les li-
mites de la platycnémie, les écarts du maximum au minimum sont
moins grands que chez les hommes.
J'ai noté de petits os wormiens cinq fois (3, 7, 13, 21, 23 bis).
L'os épactal, deux lois (9, 10).
Une seule fois j'ai trouvé des traces de cheveux, au niveau de la
bosse pariétale gauche du n° 24. Ces cheveux étaient très noirs, fins,
lisses, droits, Il en existait deux petites mèches non tressées, sans
aucune espèce d'ondulation. Il fut impossible de les recueillir, le
moindre attouchement les faisait s'envoler en une très fine poussière
noire. Sur plusieurs des crânes, bien que la peau eût absolument dis-
paru, on voyait encore les lignes d'implantation des cheveux, tracées
sur le crâne par une fine poussière qui disparaissait au moindre
coup de brosse.
Le plan du trou occipital chez l'homme aboutit au-dessus de l'épine
nasale quatre fois sur six sujets observés. Chez les femmes il aboutit
toujours au-dessus (sept fois sur sept).
Les quantités sont indiquées sur un tableau général, embrassant
l'ensemble des crânes étudiés dans ce travail.
282 RECHERCHES SUR LES CRANES
Les notes qui suivent ont été prises sur les crânes de Beil-Allam
figurés ici et choisis parmi les mieux conservés. J'aurais voulu mul-
tiplier ces notes et les étendre à toute la série en y joignant les pho-
tographies ; des circonstances indépendantes de ma volonté ne m'ont
pas permis de donner suite à ce projet et je suis le premier à regret-
ter de n'avoir pu faire reproduire un plus grand nombre de crânes
de femmes.
J'avais cependant une raison pour donner la préférence aux crânes
d'hommes. C'est que, surtout en Orient, la présence de femmes
étrangères, captives, prises à la guerre ou esclaves achetées, est fa-
talement fréquente. On doit considérer la femme comme un élément
modificateur de la race. C'était un nouveau chapitre à écrire; il trou-
vera sa place ailleurs.
En dehors des mesures consignées dans les tableaux et des re-
marques générales qui précèdent, j'ai décrit, avec quelques détails,
les crânes : 3, 4, 6, 23 et 23 bis qui sont représentés, dans ce cha-
pitre, de profil et de face, sauf le n° 4 dont la face n'existe presque
plus et dont le profil seul présentait de l'intérêt, à cause de la grande
dolichocéphalie du sujet.
Beit-Allam, n° 3.
Crâne d'un homme âgé de vingt-huit à trente ans. Les arcades sour-
cilières sont peu saillantes (fig. 1, profil). La courbe du front monte
très régulièrement jusqu'au bregma, reste horizontale sur une
longueur de 0m,030, redescend sans dépressions jusqu'à la suture
lambdoïde où elle fait un léger ressaut causé par la forme globuleuse
de l'écaillé de l'occipital. — Les insertions musculaires de la nuque
sont peu marquées, il en est de même des bosses frontales, tandis que
les bosses pariétales font, au contraire, une saillie très nette. Les
fosses temporales sont vastes et s'étendent jusqu'à la partie moyenne
des apophyses mastoïdesqui sont assezbien marquées, sans pourtant
faire une saillie sensible au dessus du plan des condyles. Le trou
occipital, déforme elliptique, est symétrique. Les sutures crâniennes
sont bien développées et assez sinueuses. Le sujet appartient à une
race élevée.
La face, symétrique, est plutôt haute et étroite, le nez aquilin,
l'épine nasale aiguë, relevée et bifide ; il existe un léger prognathisme
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
sous-nasal, exagéré dans la figure. Les orbites sont obliques [fig. 2),
quadrangulaires, arrondies aux angles. L'os malaire est fuyant. La
denture est très remarquablement régulière et saine.
Aucun des os du squelette ne m'a été remis.
J.BJ*-
Fis:. 2.
Beit-Allam, n° 3.
Beit-Allam, n°4.
(Fig- 3).
Crâne d'un homme âgé de quarante-cinq ans. La suture sagittale et le
lambda sont entièrement soudés, la synostose coronale est envoie de
formation. Il n'existe aucune anomalie anatomique, pas d'os wormien.
Le trou pariétal visible à droite est oblitéré, la saillie de la nuque esl
forte, mais les insertions musculaires sont peu marquées dans la
région sous-iniaque qui est lisse. Le ptérion est en rapport avec le
28'* RECHERCHES SUR LES CRANES
pariétal sur une longueur de 0m,020 horizontalement. L'état du
crâne ne permet pas de voir en quel point de la face aboutirait le plan
du trou occipital. Les parois latérales sont aplaties, l'insertion
des muscles masticateurs atteint, en arrière, l'extrême limite de
l'apophyse mastoïde et touche la suture lambdoïde. La glabelle est
Fig. 3. — Bcil-Allam, n° f\.
assez marquée, suivie inmédiatement d'une dépression après laquelle
la courbe est régulière jusqu'après le bregma et redescend jusqu'à
l'inion. Les bosses pariétales sont bien marquées. Les apophyses
mastoïdes aussi,, mais lisses. La face manque complètement.
Beit-Allam, n° 6.
Crâne d'un homme âgé de près de soixante ans. Toutes les svnos-
toses sont faites, sauf celle de l'écaillé du temporal. Malgré cela les
dents sont encore en bon état, usées en plateau très régulier, laissant
une couronne plus épaisse qu'on ne l'observe habituellement à cet
âge avancé. La glabelle est saillante, les arcades sourcilières peu
accentuées, le front bombé et, à part une très faible dépression post-
bregmatique, la courbe crânienne absolument régulière jusqu'à
l'inion. La région iniaque est peu accidentée. Le trou occipital est
ovale et vaste. Les apophyses mastoïdes épaisses et courtes (fig. 4).
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
28;
Fig 5. — Beit-Allam,
286 RECHERCHES SUR LES CRANES
Les écailles des temporaux renflées. Les bosses frontales et parié-
tales sans relief. Les sutures crâniennes assez simples.
Le ptérion s'articule avec le pariétal sur une longueur de 0 ,015.
La face est assez large, les os malaires saillants, le nez proéminent,
l'épine nasale courte et horizontale, les orbites vastes et arrondies,
la cloison du nez déviée sur la gauche (fig. 5).
L'angle de la mâchoire inférieure est volumineux et projeté en
dehors, la branche du côté gauche est incomplète (fig. 5). La face est
droite et les dents plantées presque verticalement aux deux maxil-
laires.
Beit-Allam,n°23.
Crâne complet d'un sujet jeune ayant cependant atteint son com-
plet développement, puisque Ton peut lui attribuer de vingt-six à
trente ans.
Fig. 6. — Beit-AUam, n° 23
DE L'EPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 287
( .Libelle saillante d'où partent des arcades sourcil ières très arquées
et très renflées.
Le front s'élève avec de très faibles oscillations delà courbe jus-
qu'à 0m,025 en arrière du bregma, puis il remonte un peu el red
cend au milieu d'une légère dépression Longitudinale et médiane
jusqu'à l'inion dont la saillie est peu marquée (fig. G). Les parois
latérales du crâne sont verticales, les apophyses mastoïdes sont ru-
gueuses, très portées en avant et peu proéminentes, les condyles
Fig. 7. — Beit-Allam, n° 23.
occipitaux très accentués, dépassent leur plan de 0m,005. Le trou occi-
pital est grand et de forme losangique L'apophyse styloïde droite, en
partie conservée, est forte et longue pour un sujet aussi jeune. Les
sutures sont peu compliquées. Au niveau du lambda il existe deux
très petits os wormiens.
Le nez, proéminent et long, a ses os propres adossés sous un angle
aigu, leur bord externe mesure 0"\,022, ils sont un peu brisés à leur
288
RECHERCHES SUR LES CRANES
partie moyenne (fig. 7). L'épine nasale est à peine en relief et un peu
divisée vers la gauche, la voûte palatine forme une cavité profonde
sans avoir pourtant la forme ogivale. Les os malaires sont portés en
dehors et en arrière et les arcades zygomatiques font une saillie très
nette de chaque côté. La région spino-alvéolaire se porte un peu en
avant et l'obliquité d'implantation des incisives devait augmenter ce
prognathisme sous-nasal .
Le maxillaire inférieur présente des insertions musculaires très
marquées. Le menton proémine un peu, il est coupé carrément sur
une longueur de 0m,020. Les dents sont implantées verticalement.
L'absence d'un eondyle, d'une apophyse et d'un fragment de l'angle
postéro-inférieur gauche, n'ont pas permis de le mesurer avec exac-
titude.
Beit-Allam, n° 23 bis.
Crâne d'un vieillard de soixante-dix ans environ. — La glabelle est
tombée et se continue à droite et à gauche avec la saillie des arcades
sourcilières. Immédiatement en dessus, sans dépression, le front
Fig. 8. — Beit-Allam, n° a3 bis.
monte droit pendant 0m,030, puis se porte en arrière et forme une
courbe ascendante jusqu'au bregma pour redescendre sans irrégula-
rité jusqu'à la partie écailleuse de l'occipital qui est renflée et lisse.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
L'inion est peu marqué. Le trou occipital est ovalaire, grand. Les
parois du crâne sont renflées, les apophyses mastoïdes sonl petites et
séparées de la racine de l'apophyse zygomatique par un large sillon
lisse allant du trou auriculaire à la suture lambdoïde. Les sutures du
crâne sonl très enchevêtrées.
Fig. 9. — Beit-Allam, 110 23 bis.
La face est relativement basse. Les orbites, petites et arrondies.
L'orifice du nez vaste, l'épine nasale courte et grêle.
Les quelques fragments de dents qui restent sont en mauvais état,
très usées et cariées. Du côté droit, la carie de la deuxième pré-
molaire avait amené une périostite fongueuse du maxillaire supérieur
à la partie externe de la région sus-alvéolaire. De l'autre côté il
existe, au niveau de la racine de la première molaire gauche, une
perte de substance du rebord de la mâchoire avec pénétration dans
19
290
RECHERCHES SUR LES CRANES
le sinus maxillaire par un conduit elliptique de 0m,009 de long sur
0m_,005 de large. Cette lésion était déjà ancienne au moment de la
mort.
Négadah sud
Cette nécropole, considérée par M. de Morgan comme préhisto-
rique, a fourni la plus belle série de crânes. Je dirai, à propos de
Pembaumement, les conditions de la trouvaille.
Fig. 10. — Négadah sud, u° fi.
Les crânes m'ont été envoyés vides ou à peu près, ce qui explique
en partie leur meilleur état de conservation. Presque tous ont des
parois plus épaisses, plus résistantes que ceux de Beit-Allam, de
Kawamil et de Guebel-Silsileh, et cela tient non seulement au ter-
rain qui les a contenus, mais encore et surtout à leur conformation.
Aucun os ne les accompagnait, et je le regrette vivement, car leur
absence me prive des éléments de détermination de la taille, ce qui
crée une difficulté de plus pour établir à quelle race on doit les
rattacher.
La série est néanmoins fort belle, car elle compte 43 crânes, 28
hommes et 15 femmes, dont les mesures sont groupées dans les ta-
bleaux suivants dressés par sexe :
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
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290 RECHERCHES SUR LES CRANES
NÉGADAH SUD, MENSURATIONS DES COURBES (CRANES MASCULINS)
Numéros
Courbe
sous-
uérébrale
Courbe
frontale
totale
Courbe
sagittale
Courbe
Courbe Courbe
Irausverse
sus- occipitale
sus-
occipit. totale
auricul.
Courbe
circulaire
liorizont.
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0620
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5130
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0270
1300
1300
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1600
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5140
5
0310
1270
1380
0653
1480
3060
5120
6
0280
1210
1520
0800
1650
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5340
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5120
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3160
5100
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0210
1250
1140
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1350
3070
4500
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0760
1510
3130
5170
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1300
1380
0650
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1370
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5330
39
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5100
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0220
1300
1300
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5070
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1330
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1540
3150
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1 —
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
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294
RECHERCHES SUR LES CRANES
— INDICES —
NÉGADAH SUD (SÉRIE DES CRANES MASCULINS)
Numéro»
5
6
7
9
10
11
12
13
17
18
19
21
22
24
28
31
32
34
37
38
39
40
41
43
Movennes
Indice
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74,6
72,3
72,73
Indice
vertical
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73,1
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74,7
69.6
73,7
75,5
73,2
74,4
72,8
Indice
occipital
87,8
76.8
97,1
84,3
95,5
75,9
96,7
86,3
75,3
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81,5
78,04
88,2
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Iudice
nasal
56,2
40,3
55,2
66,6
43,3
55,8
52,08
51,04
52,7
48
54,1
54,9
58,9
50
45,2
51,02
45,9
46,1
58
49,9
54,9
il, 74
Indice
orbihiire
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71,08
80,48
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82,5
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87,5
78,3
87,5
80
90
97,2
67,5
73,8
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
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296
RECHERCHES SUR LES CRANES
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298
RECHERCHES SUR LES CRANES
NÉGADAH SUD, TABLEAU DES INDICES (CRANES FEMININS)
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Indice
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Indice
Indice
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»
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71,5
85,7
90,4
47,05
Moyennes
73,13
72,39
85,9
86,4
53,89
Les tableaux qui précédent nous montrent que, bien qu'à un degré
un peu moindre que pour Beit-Allam, la dolichocéphalie était la
forme prédominante à Négadah sud. Nous trouvons en effet :
Dolichocéphales exagérés
moins de 70
Dolichocéphales vrais
de 70 à 75
Sous-dolichocéphales
de 75 a 77,9
Mésaticéphales
plus de 78
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femmes
2
hommes
19
femmes
6
hommes
4
femmes
4
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DE L'ÉPOQUE DI£ LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 299
Bien qu'elles soienl assez limitées, ces différences suffiraient déjà
pour affirmer un mélange de races; mais cet argument n'est point le
seul. 1 1 1 1 ce qui concerne la hauteur de la tète nous trouvons :
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En dehors des mensurations, ces données se confirment.
Fig. ii. — Négadah sud, n° 6.
La configuration de la tète est tantôt en forme de barque (scapho-
céphalie) (voir fig. 11, 15), tantôt arrondie (fig. 13, 17) au sommet. La
scaphocéphalie ne se prononce quelquefois qu'à la partie postérieure
(fig. 20), tandis que la voûte frontale est plus arrondie (fig. 19). Ces
deux figures sont la reproduction d'un seul crâne, le n° 38 de la
série.
J'ai noté avec soin la forme du trou occipital qui varie beaucoup
dans celte série. Il est :
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L'apophyse mastoïde est presque toujours volumineuse chez les
hommes; grosse, courte et mousse chez les femmes.
La suture sagittale présente, dans l'immense majorité des cas, une
dépression au niveau de son tiers postérieur.
Fig. 12. — Négadah sud, n° 7.
Vers la partie moyenne de la suture lambdoïde on note, surtout
chez les hommes, une dépression qui a été signalée par Broca sur lés
crânes d'Orrouy (fig. 10, 14).
Les bosses sourcilières et la glabelle sont, en général, très saillantes
chez les hommes et plus marquées chez les femmes qu'à Beit-Allam,
sans qu'elles soient très développées. La figure 14 présente, chez un
homme, l'un des plus beaux sinon le plus beau spécimen de la série.
Les sutures du crâne sont en général assez simples; cependant,
DE L'ÉPOQl I. DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
30 1
Fig. i^- — Négadah sud, n« 21.
302
RECHERCHES SUR LES CRANES
sur certains sujets, elles sont remarquablement compliquées. Le
plus bel exemple nous est fourni par le crâne n° 3S dont la figure 20,
représentant la partie postérieure du crâne, montre tous les détails
de la suture lambdoïde et le tiers postérieur de la suture sagittale.
Lorsque la partie sous-cérébrale du frontal fait une forte saillie, le
front est fuyant (fig. 14). Dans le cas contraire le front est droit et
bien développé (fig. 10, 12, 16, 18).
Fig. i5. — Négadab sud, no 21.
Dans les deux tiers des cas, les bosses pariétales sont nulles ou
peu développées ; dans le dernier tiers elles sont apparentes et même
assez marquées (fig. 20).
Les parois du crâne sont plutôt bombées que plates (fig. 7 ' , 15).
Ce que j'ai dit des bosses pariétales s'applique aux deux sexes.
Quant au front, il est toujours droit chez les femmes.
Chez les sujets à crâne scaphocéphale, la face est large, les os ma-
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
laires saillants (fig. 11). La mâchoire supérieure est carrée, ainsi que
les orbites. Ces formes, pour ainsi dire géométriques, donnent un ca-
ractère très spécial, différant absolument do ce que l'on obsen <• ■'.
Fig. i(i. — Négadah sud, n° 3i>.
Fig. 17. — Négadah sud, n° 32.
les autres nécropoles, mais comparable, sinon identique, au type pé-
lasge décrit par Morton.
L'un des crânes, le n° 10, sera longuement décrit au chapitre de la
pathologie. Je n'insiste pas davantage ici sur ces particularités.
304
RECHERCHES SUR LES CRANES
Le prognathisme, comme c'est la règle habituelle dans les races
blanches, esl plus fort chez la femme que chez l'homme. Il n'est ce-
pendant pas constant, ni dans un sexe, ni dans l'autre.
Fig."i8. — Négadah sud, n° 38.
Fig, Tg. — Négadah sud, n° 38.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE 1AII.I.I i; l.\ EGYPTE *
L'indice orbitaire plus faible chez l'homme, 82, L3 au lieu de 86, î.
est à peu de chose près celui que Ton observe chez les Parisiens an-
ciens, lundis que ««•lui des femmes esl très rapproché des anciens
Égyptiens.
L'indice nasal place les femmes parmi les mésorhiniens, les hommes
sur la limite de cette classe près des leptorhiniens.
F i i^ . 2o. — Négadah sud, n° 38 (face postérieure).
Le point de la face où aboutit le trou occipital se trouve, dans les
trois quarts des cas, 18 sur 24, au-dessus de l'épine nasale chez les
hommes, et huit fois sur neuf chez les femmes.
Deux crânes avaient encore une partie de leurs cheveux : le n° 8,
une femme, le n° 9, un homme. Ces cheveux, dans les deux cas, sont
noirs, lisses, droits, fins et brillants. On ne peut les attribuer qu'à
des sujets appartenant à une race blanche.
20
306
RECHERCHES SUR LES CRANES
Kawamil.
Les crânes extraits de la nécropole de Kawamil étaient tous pleins
de sable fin, absolument comme ceux de Beit-Allam. Il n'y avait
cependant pas identité absolue dans les conditions de l'inhumation,
car. si les dépôts de sel sont rares pour les crânes de Beit-Allam, à
Kawamil on les observe presque toujours, et, le plus souvent, avec
une abondance extrême. Ils infiltrent les os, les recouvrent sur de
J.B.V
Fig. 21. — Kawamil, n° iG M.
larges surfaces, les rendent friables, cassants, sans aucune élasticité.
Aussi la plupart des crânes sont-ils arrivés brisés en un grand
nombre de fragments. Je n'ai pu en sauver que les deux tiers environ,
malgré les soins que j'ai apportés à les déballer et à les remettre en
état, ne voulant pas pratiquer de restaurations qui auraient pu enta-
cher d'erreur les mesures prises. Les crânes avaient été pour la plu-
part, mais non pas tous, numérotés au moment de la trouvaille. Je
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE IN EGYPTE 307
leur ai maintenu Le numéro qui leur avait été donné, toutes les fois
que cela m'a été possible, en le faisant suivre de la lettre M. Ce signe
indique que le numéro concorde avec les noirs de M. de Morgan. —
Les vides de la série onl été remplis, en partie, avec les crânes sans
numéro ou dont le numéro n'a point été retrouvé, et le chiffre est suivi
de la lettre F, pour indiquer qu'il a été placé par moi. — Les osse-
ments remis dans les caisses, pour éviter l'encombrement, portenl
Fig. 22. — Kawamil, u° iG M.
les numéros correspondants aux crânes. — J'ai reçu un assez grand
nombre d'ossements de Kawamil ; bien peu étaient en état de fournir
des renseignements anthropologiques; presque tous étaient bris
comme par écrasement, et des cristaux volumineux de sel, dépos -
sur les cassures, attestaient leur ancienneté. J'ai dit, à propos de Beit-
Allam. que M. FI. Pétrie attribue au cannibalisme la brisure dos os,
plus fréquente a Kawamil que dans les autres nécropoles dont j'ai eu
RECHERCHES SUR LES CRANES
à m'occuper. J'ai cité l'opinion du docteur Yerneau qui croit à la pos-
sibilité de sépultures secondaires. J'émets à titre de renseignement
une hypothèse appuyée sur un usage très ancien qui subsite encore
chez certaines tribus juives de l'Orient. Les sacrificateurs, avant l'in-
humation, procèdent au lavage du corps, puis brisent les os des mem-
bres. Je sais de source certaine que cette pratique existe en Egypte,
mais je ne suis pas parvenu à constater de visu l'état du squelette après
l'opération. Nous sommes peut-être ici en présence de squelettes
traités de cette façon. Après la brisure des os, les corps ont pu être
exposés pour le décharnement à l'air libre, puis recevoir plus tard
une seconde sépulture. L'opinion émise par le docteur Verneau res-
terait donc plausible et l'état de fragmentation des os serait expliqué
sans qu'il y ait eu cannibalisme.
Ces faits appellent de nouvelles recherches minutieuses, sur le
terrain même, au moment de l'exhumation. La nécropole a fourni,
malgré les accidents du voyage, déjà signalés, une importante série
composée de dix-neuf crânes d'hommes et onze de femmes. La face
était souvent trop mutilée pour être reconstituée. Les tableaux sui-
vants, dressés pour chaque sexe, résument les mesures qui ont pu
être prises.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
309
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C
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S
310
RECHERCHES SUR LES CRANES
KAWAMIL, MENSURATIONS DES COURBES (CRANES MASCULINS)
1
Numéros
Courbe
sous-
cerébrale
Courbe
frontale
tolale
Courbe
sagittale
Courbe
sus-
occipitale
Courbe
occipitale'
totale
Courbe
transversi
auricul.
Courbe
circulaire
liorizont.
1
02G0
1400
1270
0710
»
5300
5
0190
1300
1250
0700
1550
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5130
6 F
0250
1320
1500
0600
»
3370
5200
7 F
0180
1330
1360
0680
»
3250
5C70
10 F
0230
1300
1340
0700
1540
2950
5270
12
0210
1270
1370
0710
1510
3150
5050
13 F
0250
1300
1220
0760
1540
3020
51S0
16
0200
1340
1300
0630
14 iO
3070
5200
18
0210
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1240
0800
1550
3150
5280
19
0180
1300
1240
0740
1550
3000
5200
21
0230
1200
1250
0620
1450
»
»
22
0180
1230
1250
0640
1530
2830
5010
23
0200
1300
1360
0730
1530
3200
5270
30
0250
1250
1200
0890
1700
3000
5200
32
0270
1430
1370
0740
1600
3200
5560
33
0270
1300
1500
0790
1600
3100
5450
37
0210
1230
1390
0680
1520
2910
5050
38
0270
1250
1470
0620
1600
»
5260
39
0250
1250
1270
0670
1500
3220
5070
Moyennes
0221
1292
1323
0705
i 5 4 4
3094
5208
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
311
CJ
Largeur
de la
voûte
palatine
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Longueur
de la
voûte
palatine
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0450
0510
0460
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3
Largeur
ina\. des
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0380
0410
0400
0370
0400
cl
33
rc
o
Hauteur
spino-
alvéolaire
0200
0150
0200
0150
0200
0190
0155
(1170
1)190
0200
3c
o
Hauteur
de la
face
0870
0890
0950
0850
0820
0900
0820
0890
0970
0920
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312
RECHERCHES SUR LES CRANES
KA.WAMIL (HOMMES)
Numéros
G F
7 F
10 F
12
13 F
1G
18
19
21
22
23
30
32
33
37
38
39
Moyennes
Indice
céphaliq.
7S.S7
74,40
7:;,7u
74.90
67,40
70 50
75,2
77:4
78,6
70,5
7;;
72,16
71,5
70,:;
69, G
71,2
66,6
80,4
73 09
Indice
vertical
69,4
70,4
72, G
73.9
73,9
73,1
71,6
71,7
78,3
70,1
67,3
70,8
69,1
"3,4
70.2
"7,7
72,2S
Iudice
occipital
86,4
96,7
81, OS
S 1,9
87,5
88,5
67,5
94,1
78,9
71,1
81,08
81,08
82,31
Indice
nasal
52
65,4
»
4G,4
46,1
»
46
50
47,1
»
39,09
49,1
50
4^,9
48,07
49,01
Indice
orbitaire
86,4
88,1
97,2
84,6
78,4
85,7
82,9
83,3
)>
8G,8
86,5
82,5
86,4
80
86,8
Indice
tibial
65,5
59,5
67,5
64,1
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLEE EN EGYPTE
313
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3J4
RECHERCHES SUR LES CRANES
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE IN EGYPTE
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316
RECHERCHES SUR LES CRANES
KAWAMIL (FEMMES)
Indice
Indice
Indice
Indice
Indice
Indice
Numéros
céphaliq.
vertical
occipital
nusal
orbitaire
tibial
8 F
71,9
77,8
89,6
60.2
84,7
»
9 F
73,3
72,2
77,1
»
.»
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»
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»
»
»
»
»
15
73,7
73,4
86,4
43,3
82,5
»
17 F
69,4
73,8
80,5
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18
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68,6
82,8
»
»
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24
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53,1
82,5
))
35
77,8
75,6
>•
46,8
F8,4
70,1
1
Moyennes
73,7
73,24
85,9
50,5
85,2
i
L'examen des indices, dans les tableaux qui précèdent, nous fait
pressentir un changement de race que l'examen purement descriptif
viendra, je crois, confirmer.
La doliehocéphalie diminue, des éléments braehycéphales sont
venus marquer leur influence sur 18 hommes. Douze cas de dolieho-
céphalie, dont trois ont plus de 74; un mésaticéphale, le n° 18 (fig. 23
et 24); un sous-brachycéphale, le n° 39. C'est la première fois que
nous voyons apparaître cet indice dans nos séries. Les femmes ont
une moyenne supérieure, 73,7 au lieu de 73,09, les variations extrêmes
sont moins grandes chez elles.
Au point de vue de la hauteur nous avons :
Platycéphales . .
Orthocéphales .
Hypsicéphales .
3 hommes sur 16,
2 femmes sur 9.
11 hommes sur 16,
4 femmes sur 9.
2 hommes sur 16,
3 femmes sur 9.
DE L'EPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
317
Dans les d<Mi\ sexes, l'orthocéphalie prédomine.
L'indice nasal les place parmi les mésorhiniens. Quant à L'indice
orbitaire, les doux sexes diffèrent à peine et il esi intéressant de n >•
ter que L'indice moyen des hommes, 86,2, esl précisé ni celui des
anciens Égyptiens, 86,26. Gelai des femmes, 85,2, se trouve placé
entre les Basques français et les nègres occidentaux, simple rappro-
chement.
Aux différences fournies par les mensurations du crâne el 'I" I i face,
nous devons ajouter tous les renseignements donnés par Les carac-
tères descriptifs.
Fig. 23. — Kawamil, 18 M.
Le crâne présente, dans la série de Kawamil, pour la majorité des
sujets, des traits qui nous éloignent beaucoup de ce que nous avons
observé à Négadah sud et nous tiennent même à distance de Beit-
Allam, quoiqu'il y ait, à cause des bosses pariétales, développées de
de la même façon, plus d'affinités entre ces deux séries (Beit-Allam et
Kawamil).
La glabelle et les arcades sourcilières sont moins marquées, le
front droit. Le crâne va en s'élargissant d'avant en arrière, jusqu'aux
bosses pariétales après lesquelles il se rétrécit assez brusquement.
318
RECHERCHES SUR LES CRANES
La courbe de profil médian monte jusqu'à la suture fronto-sagittale,
puis au niveau du quart antérieur des pariétaux on observe une dé-
pression plus apparente sur les parois latérales que sur la ligne mé-
diane, on la voit cependant sur les figures 23 et 291. Elle existe aussi
dans le crâne n° 22 M (fig. 25), mais elle est précédée d'un bourrelet
saillant immédiatement en arrière de la suture temporo-pariétale.
Fig. i'\. — Kawamil, 18 M.
Dans deux ou trois crânes, la dépression n'existe pas (crâne n<> 32,
fig. 37). Ce crâne a une conformation très particulière, aussi a-t-il été
décrit séparément.
Les parois latérales sont peu bombées, sans être tout à fait verti-
cales. Depuis l'apophyse orbitaire jusqu'au niveau des bosses parié-
tales, leur plan s'éloigne de plus en plus de la ligne médiane, puis re-
i. Cette conformation du crâne se trouve déjà figurée dans l'ouvrage de Morlou
(Crania Mgypliaca ;, pi. II, lig. <3 et 8, crànos de la nécropole de Meuiphis; pi. III,
fig. 3, 7 et 8, de Meuiphis ; pi. VI, no \, de Thèbes.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 31
vient brusquemenl en arrière. L'écaillé de l'occipital est globuleuse,
el te receptaculum cerebelli saillant. Le pi us souvent son point le plus
inférieur se trouve sur le même plan que l'extrémité inférieure des
apophyses mastoïdes. Quelquefois il descend plus bas el les empêche
<lc toucher le plan sur lequel le crâne repose.
Dans un cas. n° 16 (fig. 21), ce sont 1rs condyles qui font la plus
forte saillie.
Le hou occipital présente les mêmes variétés que dans les autres
nécropoles; les proportions sont les suivantes pour 22 crânes :
Losange, 3 fois ;
Fig. 2j. — Kawamil, 22 M.
En forme de pointe de flèche, 8 fois;
Ovale, 10 fois;
Circulaire, 1 fois.
La dépression post-bregmatique se trouve 25 fois sur 30 cas. Elle
semble une forme très atténuée de la déformation dite toulousaine.
Les apophyses mastoïdes sont : petites, 21 fois (dans les deux sexes :
moyennes, 4 fois; grosses, 2 fois; longues et minces. L fois (n° 23 sur
28 cas.
Le quart postérieur de la suture sagittale se trouve dans une de-
pression pour un tiers des cas.
320
RECHERCHES SUR LES CRAAES
Dans les trois quarts des cas, pour les deux sexes, il existe un léger
prognathisme sous-nasal.
Dans la nécropole de Kawamil les cheveux étaient assez bien con-
servés. J'ai pu en recueillir huit échantillons qui ont été mis à l'abri
de l'air dans des flacons. Les cheveux du n° 5 sont assez gros, rudes,
bouclés et grisonnants.
Six autres échantillons sont châtain foncé ou noirs, assez fins ou
même fins, lisses, droits ou légèrement ondulés; une femme (no 35)
était coiffée de nombreuses petites tresses à trois brins qu'on trouve
fréquemment chez les momies des époques pharaoniques, comme par
J-B.JD.
Fig. 26. — Kawamil, 22 M.
exemple celles des prêtresses d'Ammon de la XXF dynastie. Son in-
dice céphalique (77,8) la rapproche beaucoup de l'Egyptien moderne.
Un dernier échantillon, l'un des plus abondants, nous présente des
cheveux blonds ou plutôt jaunes, et peut-être décolorés par la chaux.
La coiffure était formée de mèches légèrement bouclées, longues de
0m,10 environ.
Di; l ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 321
Le crâne absolumenl brisé, écrasé même en plusieurs points, m'a
semblé être celui d'un homme. Je n'ai pu lui retrouver de numéro.
I )c Pcxa i m- n superficiel de tous ces cheveux on peut, tout au moins,
conclure que l'élément nègre n'entrait pour rien dans la race de ceux
qui les portaient.
La hauteur du plan du trou occipital a donné, chez les hommes, sur
l'i mensurations faites, 3 (ois—, 11 fois +. Chez les femmes, sur
6 cas, 6 fois-}- .
Pour compléter ces renseignements je donne la description de deux
des crânes de cette série.
Kawamil, n° 32.
Squelette d'un homme âgé de près de soixante-dix ans, d'une
vigueur extraordinaire (fig. 27). Ce qui frappe tout d'abord quand
on regarde le crâne de profil, c'est l'immense surface des insertions
musculaires qui s'étendent en arrière jusqu'à l'astérion, formant un
vaste champ en relief de O'n,002 au moins. La glabelle est médiocre-
ment bombée, nuis les arcades sourcilières sont très accusées, les
Fig. 17. — Kawamil, 3i> M.
crêtes frontales rugueuses et peu épaisses. Le front un peu fuyant
présente une courbe régulière, à part quelques oscillations au tiers
postérieur de la suture sagittale. La nuque renflée, se terminant en
crochet, est suivie par une dépression très accentuée de toute la
21
322 RECHERCHES SUR LES CRANES
région sous-iniaque. Le trou occipital est grand. Le condyle gauche,
Le seulqui reste, est volumineux, et sa face tournée en dehors.
L apophyse mastoïde, qui subsiste, est rugueuse, forte, portée en
avant. Les parois du crâne sont légèrement bombées (fig. 28). L'aile
du sphénoïde se termine en pointe et ne touche le pariétal que sur
nue faible étendue (0m,004). Les sutures du crâne sont simples, les
boss !S frontales et pariétales peu accusées, les arcades zygomatiques
peu saillantes, la lace des os malaires regarde en dehors.
1 i_. 28. — Kawamil, 32 M.
I. échancrure du nez est profonde, le nez aquilin est volumineux,
proéminent. L'action du temps a effrité la région sous-nasale et
alvéolo-dentaire. Du coté droit, une forte perte de substance circu-
laire, de0m,0i4de diamètre, pénètre dans le sinus maxillaire. Sur la
paroi antérieure de ce conduit débouche un trajet fîstuleux. L'aspect
des tissus osseux indique qu'ils ont été le siège d'une interminable
suppuration.
DE L ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
Le squelette correspond bien au crâne. Les os sonl volumineux el
lourds, un peu incurvés. Ils indiquent une taille d'environ lB 72
L'humérus est un peu court, très tordu sur son axe, la ca^ ité olécra-
nienne imperforée. La colonne vertébrale présente des lésions patho-
logiques intéressantes ; pour éviter des redites, j'ai renvoyé l'examen
de la pièce au chapitre de la pathologie (voir 6g. 66).
Ce sujet, à première vue, diffère de la grosse masse; il méritait
avec le numéro suivant une mention spéciale et une description un
peu détaillée.
Kawamil, n° 33 M.
Crâne et squelette d'un homme âgé de soixante ans environ. —
Glabelle et arcades sourcilières très marquées. Front bas, fuyant
(fig. 29). Légère dépression après le bregma. Au commencement du
Fig. M). — Kawamil, 33 M.
dernier tiers de la sagittale, la suture se renfle sur la ligne médiane
et l'os s'épaissit, surtout vers la droite, ce qui fait que ce renflement
est peu visible dans la figure, le crâne étant vu a gauche. La région
iniaque est globuleuse, l'inion rugueux. Le trou occipital vaste, en
forme de flèche arrondie. Les condyles et les apophyses mastoïdes se
trouvent sur un même plan, ces dernières rugueuses et plates.
324
RECHERCHES SUR LES CRANES
Les sutures crâniennes sont peu compliquées. Le ptérion terminé
en pointe (K de Broca) ne touche le pariétal que par un point, les
parois latérales sont peu bombées (fîg. 30).
La face assez longue est orthognathe. Le nez très échancré à sa
base, aquilin à un haut degré, est saillant; l'épine nasale horizontale,
longue, mince, était bifide. Les os malaires sont portés en arrière,
J.B.Xi
Fi;?. 3o. — Kawamil, 33 M.
les apophyses zygomatiques sont minces. La cloison du nez est déviée
à gauche. Les orbites grandes, obliques, quadrangulaires. Les dents
brisées au niveau des alvéoles montrent, malgré ces dégradations,
que la denture était remarquablement saine pour un homme d'un âge
aussi avancé.
Les pièces du squelette arrivées jusqu'à nous indiquent un homme
bien musclé, d'une taille d'environ lm,73.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
Négadah nord
Les fouilles pratiquées dans cette localité n'ont fourni qu'un petit
nom hrc de crânes, six seulement, « trouvés, m<' dit M. Jéquier, à côté
d'un tombeau royal; toutes les tombes étaient carrées et contenaient
des vases différents de ceux de la nécropole de Négadah sud et
datant probablement des premiers temps de la domination égyp-
tienne »*.
La moitié de ces crânes, les n°' 2, 5 et G, ont été trouvés dans un
lieu envahi, longtemps peut-être après l'inhumation des corps, par le
limon du Nil qui les avait, peu à peu, remplis complètement. Dans
ce milieu particulier, ils se sont admirablement conservés, prenanl
une teinte d'un blanc jaunâtre qui rappelle certains vieux ivoire-. A
leur surface, aucune trace de tissus, de cheveux ou matières bitu-
meuses. Ils avaient cependant subi une préparation, car, ainsi que je
l'indiquerai au chapitre embaumement, j'ai pu extraire de la gangue
limoneuse des fragments de cerveau recouverts de bitume.
Les trois autres crânes, le n° 4 surtout, conservés dans un sol sa-
bleux, portent encore extérieurement les traces de l'embaumement.
Au point de vue des sexes, on doit les séparer par parties égales :
3 hommes et 3 femmes, avec un point d'interrogation devant les deux
derniers numéros.
Il existe, en effet, dans ces deux crânes des caractères contradic-
toires. Je crois cependant que le n° 5 est un homme peu musclé et le
n° 6 une femme dont les insertions de la nuque sont plus marquées
que normalement.
Cette courte série, très peu homogène, ne pouvant pas donner de
résultats bien tranchés, j'ai négligé d'établir des moyennes et de faire
des tableaux séparés.
Il n'y avait dans l'envoi que j'ai reçu aucun os capable de me ren-
seigner sur la taille de ces sujets.
r. Lettre de M. Jéquier, membre de la Mission frauçaise d'archéologie du Caire,
1 \ mars 1897.
326
RECHERCHES SUR LES CRANES
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
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céphalique
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La lecture du tableau des indices montre nettement que nous
sommes en présence de races mélangées. Nous trouvons trois doli-
J.BJJ.
Fjo- 3r, — Néeadah nord, u° î,
chocéphales, deux sous-dolichocéphales, un mésaticéphale. Les
autres indices montrent des variations analogues.
330 RECHERCHES SUR LES CRANES
L'examen du trou oceipital c[ui a pu être t'ait sur cinq des crânes a
donné trois fois la forme lancéolée nette contre un trou ovalaire, le
n° 6, et un trou presque circulaire, le n° 1. Les variations des apo-
physes mastoïdes sont assez grandes aussi. Très saillantes dans le
n° 1, elles sont courtes dans le n° 5; courtes, grosses et mousses, n° 4;
petites, n°5; petites, étroites et formant un crochet qui tend à. revenir
en arrière, n° 6. Les bosses pariétales sont assez marquées, sauf dans
le n° 2. La suture sagittale se déprime à sa partie postérieure, nos 3,
4, 5, G. Le plan du trou occipital prolongé jusqu'à la face aboutit dans
tous les cas au-dessus de l'épine nasale. Le prognathisme sous-nasal
Eig. 32. — Xégadah nord, 11° 1.
est très faible chez 1, 2, 4, plus marqué sans être excessif dans les
crânes 5 et 6.
J'ai noté quelques particularités anatomiques :
N° 1. Vieillard de soixante-dix ans environ; son crâne présente un
os wormien à gauche. Les dents sont très déchaussées, mais non ca-
riées. Aux arcades sourcilières et à la glabelle très marquées succède
un front bas et fuyant. La courbe est assez régulière et ne fait qu'une
assez légère saillie dans la région occipitale. La nuque saillante est
aussitôt suivie d'une dépression. Le plan des apophyses mastoïdes
descend à 0m,008 au-dessous du plan du trou occipital.
:;:;!
DE L'ÉPOQUE DE I.A PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
Les parois latérales sonl légèremenl bombées (fig. 32), 1 apophyse
styloïde droite, la seule qui existe, est -rosse, cylindro-conique,
cassée à la pointe et fortement dirigée en avant. Les orifices «le la
face, orbites, ouverture nasale, sont vastes, les os propres du nez
Fie. 33. — Négadab nord, n° •_>..
Fig. 34. — Négadah nord, n° 4.
sont adossés suivant un angle obtus. Les arcades zygomatiques sont
très fortes, les os malaires mamelonnés, les dents solides, profonde-
ment plantées aux alvéoles saillantes, sont légèrement portées en
avant, au moins les incisives.
332
RECHERCHES SUR LES CRANES
Le N° 2 présente avec le précédent de sérieuses différences de
forme. La canine droite atteinte de périostite suppurée a sa racine
placée au milieu de l'orifice béant d'un abcès (fig. 32). C'est le crâne
d'un vieillard de soixante ans, aux sutures crâniennes compliquées.
Le front est plus droit et plus beau que celui du crâne n° 1 de la
série. Les crêtes frontales sont moins marquées, la face est beaucoup
plus droite, l'échancrure du nez plus profonde.
Fi^. 35. — Négadah nord, n» 4-
Le N° 4 est un solide et volumineux crâne de femme, paraissant
avoir subi à sa partie frontale gauche un choc pendant la vie, dont les
conséquences sont une dépression vaste etpeu profonde de la région.
Le front est droit, le crâne régulier et lisse ne fait de saillie, légère,
qu'au niveau de l'écaillé de l'occipital. La face est assez droite, le nez
proéminent et mince, l'épine nasale est très saillante, le prognathisme
faible pour ne pas dire nul (fig. 34). Les os malaires saillants ont leur
bord dirigé de haut en bas et fortement incliné de dehors en dedans.
AT° 5. Petit crâne au front droit, au vertex horizontal régulier. Les
saillies de la nuque bien marquées (fig. 36). Les insertions muscu-
laires encore plus indiquées sur les parois latérales et antérieures du
DE L'EPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
333
Fig. ">-. — Négadah nord, n° .">.
334
RECHERCHES SU11 LES CRANES
crâne, au niveau du bord inférieur de l'arcade zygomatique, des crêtes
frontales, etc. (fig. 37), sont autant de raisons, avec l'épaisseur de la
partie externe de l'arcade sourcilière, la largeur de la mâchoire, etc.,
pour que je me sois prononcé en faveur du sexe masculin, malgré la
petitesse du crâne, la forme du nez et la saillie de la région sous-
nasale.
Fig. 38. — Négadah nord, n° 6.
Le N° 6. Ce crâne, aux parois latérales plus bombées (fig. 38), bien
que présentant les traces d'une assez bonne musculature, par la peti-
tesse de son trou occipital, la minceur du bord orbitaire et la forme
de son nez, semble devoir plutôt être classé comme féminin.
Avec un certain air de parenté dans les caractères de la face, ces
deux crânes diffèrent profondément l'un de l'autre par leurs indices.
Ils diffèrent aussi des autres crânes de la môme série. Ces considé-
rations m'ont porté à me restreindre au côté descriptif de leur exa-
men, n'osant point tirer de faits aussi peu nombreux des conclusions
hâtives et entièrement hypothétiques.
DE I. ÉPOQUE DE I.A PIERRE TAILLÉE EN ÊGYP1 I.
Guebel-Silsileh.
J'ai recuilli quelques renseignements qui accompagnaient les crânes
trouvés dans les fouilles de cette nécrople et, dans les tableaux, j'ai
placé, après le numéro de ma série, 1»' numéro de la tombe quand il
m'a été Indiqué par ces noirs. On verra ainsi que le n 3 provient de
la tombe n° 20. Les nos 2, 5, G, de la tombe n° 52, le n° 8 de la tombe
n» 29.
Dans la caisse, immédiatement sous le couvercle se trouvait l'in-
dication suivante : « Tous ces ossements proviennent de Guebel-
Silsileh et presque toujours de sépultures collectives. »
Tout à côté, un occipital de femme, a\ec quelques mèches de che-
veux châtains, portait l'annotation : « Tombe 31 ». Les brisures de
cet os ne m'ont pas permis d'en donner une description. Je puis seu-
lement dire que l'écaillé, depuis son sommet jusqu'à la ligne courbe
circulaire, mesure 0m,069. Les crânes de femmes nos 1 et 2 m'ont
donné des fragments de matière cérébrale recouverts de bitume.
qui ont été conservés. Ils ressemblent à ceux qui proviennent de
Kawamil.
D'après les renseignements supplémentaires fournis par M. Legrain,
inspecteur du Service des antiquités, ces sépultures communes
étaient situées à une très faible profondeur. Les têtes et les ossements
gisaient pèle-mèle dans le sol, sans que Ton put découvrir la moindre
apparence de règle fixe dans leur disposition. Il s'agissait, sans doute,
de sépultures secondaires, faites dans le sable, en général à l'abri
des infiltrations, car je n'ai point observé les amas de cristaux de sel
que l'on rencontre à Kawamil et que j'avais également trouvés, l'an-
née dernière, sur la plupart des crânes d'El-Amra. Un seul crâne, le
n" 4, était pris dans une masse de limon du Nil, comme les crânes
déjà décrits de Négadah nord.
Le n° 7 de ma série était plein de sable, très friable, et rendu plus
fragile encore par de nombreuses excoriations de l'os causées, post
mortem, par les travailleurs de la mort. C'est surtout dans les
points où, par suite de la déclivité, s'étaient amassés les produits de
décomposition, que les os sont le plus fortement altérés. En résume,
la série comprend neuf crânes, quatre hommes et cinq femmes, dont
voici les mensurations :
336
RECHERCHES SUR LES CRANES
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
Gl EBEL-SILSILEH, INDICES (IIO.M.M!
Numéros
Indice
Indice
Indice
Indice
Indice
céphalirjue
vertical
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nasal
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92,2
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8
73,11
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»
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GUEBEL-SILSILEH, INDICES (FEMMES
Numéros
Indice
Indice
Indice
Indice
In iice
céphalique
vertical
occipital
nasal
orbitaire
1
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75.9
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»
91,4
2
77,7
»
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»
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5
76,5
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47,8
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7
72,7
»
»
4S,9
85,7
9
70,13
72,3
85,7
i»
»
Aces mensurations je dois ajouter celles de quelques os isolés
seules pièces capables de fournir des renseignements sur la taille des'
sujets exhumés à Guebel-Silsileh. Comme je ne pouvais établir aucun
rapport entre ces os et les crânes qui les accompagnaient, l'intérêt
qui se rattache à leur étude est singulièrement diminué. Pour les
designer d'une façon claire et sans confusion possible avec les nu-
méros des crânes, je les ai marqués de lettres :
a. Tibia d'homme, longueur 0m,351. Taille — im,60.
b. Fémur d'homme, longueur 0»,431. Taille = lm,56.
C Fémur d'homme, longueur 0m,440. Taille = lm,61.
d. Tibia d'homme, 0*,380. Taille 1*,74. Indice 64,28.
e. Tibia de femme, O,3G0. Taille 1-.66, Indice 67,25.
3i0
RECHERCHES SUR LES CRANES
D'aussi grandes différences dans une aussi courte série écartent
toute idée d'établir une moyenne. Ce ne sont que des renseigne-
ments à enregistrer.
Tous les crânes sont, ou dolichocéphales modérés, ou sous-dolicho-
céphales. Les tableaux des indices nous montrent que d'un sujet à
l'autre les variations sont très faibles pour les indices céphalique,
vertical et nasal. Comparés à des résultats obtenus sur des Egyptiens
anciens, ils montrent qu'il existe une grande analogie entre ceux-ci
et nos crânes de Guebel-Silsileh.
Le trou occipital, observé cinq fois, a donné :
Forme lancéolée, 2 fois (nos 1 et 8);
Forme losangique à angles arrondis, 2 fois (nos 3 et 5);
Forme ovalaire, 1 fois, n° 9.
Fig. 39.— Guebel-Silsileh, n° 3.
Jamais la courbe cérébrale moyenne ne subit de dépression post-
bregmatique. Les bosses pariétales sont toujours marquées.
Dans les quatre cas où j'ai pu vérifier en quel point de la face abou-
tit le plan du trou occipital je l'ai trouvé au-dessus de l'épine nasale.
Les anomalies anatoiniques sont nombreuses pour une aussi courte
série. Dans deux crânes (5 et 9) le frontal se compose de deux pièces
ayant une suture dentelée. L'os épactal existe dans les n03 4 et 6. Le
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE^EN EGYPTE
341
Fiu'. '\o, — Guebel-Silsileh, n° '3.
Fis:. '\i. — Guebel-Silsileh, n°
342
RECHERCHES SUR LES CRANES
n° 9 déjà signalé pour son frontal présente un wormien enclavé dans
le quart postérieur de sa suture sagittale.
Les sutures du crâne sont très simples, les plus compliquées s'ob-
servent sur le n° 3. Ce crâne (fig. 39 et 40) est petit. Il présente une
forme très particulière. Le front et la suture sagittale présentent une
scaphocéphalie très marquée. Sa petitesse, l'exiguïté des dents me
rauraientfait considérer comme féminin si la profondeurdesinsertions
musculaires, la forme du front, la glabelle saillante, l'épaisseur du
Fig. [±i. — Guebel-Silsileh, n° 4.
bord orbitaire, la saillie des crôtestemporales,etc.,ne m'avaient décidé
à lui attribuer le sexe masculin. Les apophyses mastoïdes sont courtes,
mais épaisses, et les parois du crâne latéralement renflées. L'écaillé
de l'occipital large, régulière, n'est nullement globuleuse; elle se
termine par un bourrelet saillant précédé d'une étroite dépression
très marquée dont je n'ai guère rencontré d'exemples et qui se trouve
DE L'ÉPOQl'K DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
malheureusement cachée dans la partie ombrée de la figure 39. Le
receptaciiluin cerebelli est bombé.
ha face est tourmentée, le nez très Largement échancré à la racine.
Les orbites ont la forme d'un quadrilatère arrondi dans sa partie
supéro-interne. Les dents sont plus usées que ne semble Le compor-
ter l'âge du sujet indiqué par les synostoses (30 à 35 ans). Il existe
un assez fort prognathisme sous-nasal. On le rencontre aussi dans
les doux autres crânes reproduits (fig. 41 à 43). A part ce point
commun il y a de grandes différences entre les n°s 4 et G. Le premier
surtout a la partie postérieure du crâne plus développée que le n° G.
Le front est haut, globuleux et l'examen de la tète l'ait penser à une
Fig. 43. — Guebel-Silsileh, n° G.
poussée d'hydrocéphalie dans l'enfance, bien que l'on ne trouve pas
la chaîne des os wormiens si fréquente en pareil cas.
La ligne courbe, les apophyses mastoïdes, les condyles, se trou-
vent sur le même plan et le crâne posé sur la table est très large-
ment en contact avec elle par tous ces points. L'échancrure du nez
est peu profonde. L'arcade dentaire très arrondie.
Le n° G (fig. 43 et 44) a les apophyses mastoïdes et la glabelle plus
saillantes, l'échancrure du nez un peu plus prononcée, la même
forme arrondie du maxillaire supérieur. C'est également un crâne
d'homme âgé d'une cinquanlaine d'années. Chez les femmes, le front
344 RECHERCHES SUR LES CRANES
est droit, les bosses pariétales sont très marquées, la saillie du nez
faible. De même que pour les hommes l'aspect général des crânes
se rapproche du type égyptien ancien.
De beaux et abondants échantillons de cheveux accompagnaient
les squelettes, mais aucune inarque ne permettait de les rapporter à
Fig. 44- — Guebel-Silsileh, n° (3.
tel ou tel crâne. 11 existait plusieurs variétés : des cheveux blancs
gros et frisés, des cheveux noirs ou châtains lisses et assez fins; ces
derniers étaient notés comme provenant de la tombe n» 31. J'ai re-
cueilli et annoté ces échantillons, mais le manque absolu de temps
ne m'a pas permis de les étudier; je ne les note qu'en passant, pour
signaler leur existence.
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346 RECHERCHES SUR LES CRANES
Pratiques d'embaumement,
Tous les crânes qui m'ont fourni des matériaux pour cette étude
présentent, à un degré plus ou moins grand, des traces de procédés
de conservation. Les marques extérieures sont très nettes sur la ma-
jorité des crânes de Beit-Allam, de Kawamil et surtout de Guebel-
Silsileh. Elles ne manquent pas non plus pour les autres stations,
bien qu'elles soient moins apparentes. J'y reviendrai tout à l'heure
en examinant chaque série en particulier, mais je tiens, tout d'abord,
à trancher une question de principe.
L'année dernière, dans la courte note que j'ai publiée sur les
crânes d'El-Amra, en appendice du livre de M. de Morgan sur
Les origines de VÊgypte !, j'avais affirmé que dans plusieurs des
crânes, notamment chez les n03 3, 7, 11 d'El-Amra, on trouvait des
matières bitumineuses dans la cavité craniene et qu'elles y avaient été
introduites par le trou occipital à défaut de toute autre voie. Le pro-
fesseur Virchow émit, sur la valeur de mon observation, des doutes
dont l'éminent professeur Schweinfurth voulut bien me faire part
dans une lettre que je reçus le 18 février dernier. Je répondis au pro-
fesseur Virchow pour défendre ma manière de voir et je puis ajouter
que toutes mes observations, sur plus de cent crânes nouveaux,
n'ont fait que corroborer mes premières observations et affermir ma
conviction.
Il existait, le plus souvent, dans les crânes de l'époque de la pierre
taillée en Egypte, des dépôts de bitume mêlés à la matière céré-
brale, et jamais, je puis l'affirmer, ce bitume n'avait pu être introduit
parla voie nasale. Il n'y avait pas lieu de recourir à ce procédé parce
que la matière cérébrale n'était pas extraite. On en trouve d'assez
gros amas dans certains crânes (Kawamil, nos 5 M, 15 F, 32 M;
Négadah sud, n»3 1-26; Beit-Allam, n°8).
L'hypothèse d'une décollation préalable, que j'avais émise parce
que l'observation des faits me l'imposait, se trouve vérifiée et con-
firmée par les explorateurs. M. Flinders Pétrie, dont le livre n'était
i. Leroux, éd., Paris, 189G.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLEE EN EGYPTE :;'.:
pas paru au moment où j'écrivais, dit expressément que la lête était
généralement coupée1 el il en fait un des caractères distinctifs de la
nouvelle race. J'en ai trouvé de nouvelles preuves dans les recher-
ches de M. de Morgan. Si beaucoup de squelettes étaient couchés
sur le côté, « d'autres étaient découpés en plusieurs morceaux e1
déposés dans une sorte de cuve en terre battue, d'aul res enfin étaient
introduits dans une urne en terre cuite. » Ce passage entre guille-
mets est textuellement copié dans une lettre que M. de Morgan me
faisait écrire, le 6 janvier dernier, par M. Jéquier, qui prenait aux
fouilles une part très active.
Pour la nécropole de Guebel-Silsileh, les mêmes faits m'ont été
indiqués par M. Legrain qui exécuta les fouilles*. Ainsi donc, la voie
du trou occipital était libre et c'est bien par là que Ton introduisait
dans la cavité crânienne des matières bitumineuses. La présence de
gros fragments de matière cérébrale dont on peut encore, en certains
cas, reconnaître les circonvolutions (Kawamil, n° 15 F), nous montre
que la matière cérébrale n'était qu'imparfaitement extraite ou bien
que le bitume n'était introduit qu'un certain laps de temps après la
mort, quand, par suite d'une exposition plus ou moins prolongée à
Pair libre et par suite de sa décomposition partielle ou de sa dessic-
cation, le cerveau n'occupait plus qu'une partie de la cavité, il
s'agirait donc ici de cas de sépulture secondaire, ce qui, dans l'analyse
du livre de M. Pétrie, a déjà été mis en avant, pour d'autres raisons,
par le Dr R. Yerneau3.
Quoi qu'il en soit, à défaut d'embaumement méthodique, il y avait
un essai de conservation des corps par des procédés et au moyen de
substances qui devaient plus tard servir à la confection des momies
parfaites et compliquées, comme nous les trouvons de la XVIIIe à la
XXIIe dynastie, époque à laquelle la science des taricheutes et des
coachytes atteignit son apogée1. J'ajouterai que, môme à cette
époque, l'évidement du crâne, au moyen de la perforation de
Pethmoïde, était un procédé de luxe, réservé aux embaumements
chèrement payés. J'ai pu me convaincre de l'exactitude de ce fait
i. Nagadah and Ballas, p. g5. Londres, 1896.
1. Legrain, communication verbale.
3. R. Verneau, L'Anthropologie, p. 47 *■ Paris, 1896.
4. Dr Fouquet el Gautier, Note pour servir à Vhistoire de l'embaumement en Egypte,
Institut égyptien, 1896.
348 RECHERCHES SUR LES CRANES
en examinant avec soin une série de crânes appartenant, très
sûrement, à des sépultures pauvres depuis la XVIIIe jusqu'à la
XXIIIe dynastie, recueillis aux environs de Thèbes par M. Daressy,
conservateur-adjoint du Musée de Ghizeh. Non seulement la perfora-
tion de l'ethmoïde pour enlever la cervelle fut un moyen employé
tardivement, mais encore ce moyen ne fut point employé d'une façon
universelle.
Dans la nécropole de Beit-Allam, que M. de Morgan considère
comme la plus ancienne et sûrement préhistorique, j'ai trouvé des
traces non douteuses de matières conservatrices à la face extérieure
de crânes qu'elles imprégnaient et coloraient en marron foncé sur les
numéros 2, 5, 6, 7, 8, 11, 14, 16, 17, 18, 19, 24, soit 50 pour 100 des
crânes étudiés. Il est assez difficile de dire à l'emploi de quelle subs-
tance cette coloration est due. Je ne crois pas qu'elle puisse être
exclusivement attribuée à une décomposition des parties molles, car
elle serait plus généralement répandue et il en serait de même si le
sol avait fourni un oxyde minéral colorant. Ce point appelle pourtant
de nouvelles recherches. Quanta la matière trouvée dans le crâne,
mêlée au sable fin qui avait peu à peu envahi la cavité, elle est sèche,
friable, couleur de vieux bois et sans cassure vitreuse ; j'en ai recueilli
une quantité assez grande dans les nos 2, 20, 23. Les flacons étiquetés
seront déposés dans les collections du Musée et l'étude complète
pourra en être faite. Pour d'autres, et je citerai particulièrement le
n° 4, la présence du bitume est indiscutable. C'est cependant à Beit-
Allam que les procédés de conservation employés sont les plus rudi-
mentaires et les moins constants. Dans la nécropole de Négadah sud,
qui semble avoir été une des plus vastes et qui m'a fourni le plus
fort contingent de crânes, j'étais dans une position défavorable pour
juger la question de conservation artificielle. En effet : « cette nécro-
pole était presque entièrement spoliée et de nos fouilles il ne provient
qu'un squelette très bizarre et quelques crânes; les plus nombreux,
tout blanchis parle soleil, ont été trouvés par terre à côté des tombes
vidées par des fouilleurs illicites, il y a peu de temps. Il n'y a aucun „
doute à avoir sur leur provenance et sur l'âge de la nécropole »'.
J'ai tenu à citer textuellement les renseignements qui m'ont été
fournis et j'ajouterai que mon étude des crânes extraits par la fouille
i. Lettre de M. Jéquier, Keneh, i \ mars 1897.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 349
ou trouvés sur le sol me permet de dire que, certainement, les uns
et les autres ont la même provenance. Les n' 8, 26, 27, 31 , 32, 33 oui
des marques extérieures de matières colorantes el même de bitume. Le
n° 10, L'homme au « squelette très bizarre », dont il est question plus
haut, a des dépôts visibles de bitume sur différents os 'humérus,
sternum, cubitus, radius), et surtout à la partie postérieure de la cage
thoracique, sur les côtes,, au voisinage de la colonne vertébrale. En
ces points il existait un véritable dépôt de matières résineuses qui
ont encore une cassure brillante, vitreuse, et qui brûlent facilement
avec production d'odeur caractéristique.
Dans la nécropole de Kawamil, je l'ai indiqué plus haut, les
mêmes faits ont été observés et des fragments entiers de cerveau,
enduits de matières résineuses, ont pu être extraits et conservés. Je
ne crois pas qu'il soit utile d'insister, tant l'évidence est grande.
A Négadah nord, qui ne m'a fourni qu'un petit nombre de crânes,
les ncs 1, 3, 4 présentent des traces extérieures de bitume et même
dans les numéros 5 et 6, qui étaient entièrement remplis par un fin
limon du Nil, il existait dans la masse des fragments de cerveau
bituminé.
Enfin, à Guebel-Silsileh, l'extérieur des crânes et leur contenu se
rapprochent beaucoup plus de ce que l'on observe dans les momies
égyptiennes. L'aspect des os, celui du bitume, l'odeur encore très
nette de celui-ci, mêlée à l'odeur d'aromates, permet de distinguer
ces crânes de tous ceux des séries précédentes. Le n° 2, dont la base
du crâne était brisée quand l'envoi m'est parvenu, permettait de
voir le dépôt bitumineux, encore adhérent dans la région frontale
gauche et en plusieurs points du receptaculum cerebelli. Entre l'os
et les matières résineuses, des insectes s'étaient faufilés, avaient
rongé la table interne de l'os et creusé le diploé par des galeries ana-
logues au travail des vrillettes dans le bois. Il n'y a point lieu de
confondre ces altérations et les lésions pathologiques avec lesquelles
je les comparerai dans un paragraphe spécial.
Le n° 3 de Guebel-Silsileh présente, au point de vue de l'embau-
mement, tous les caractères du numéro 2, mais de plus, comme le
crâne est complet, on peut encore s'assurer, une fois de plus (fig. 40),
de l'intégrité des fosses nasales. La cloison est très visible, l'eth-
moïde intact. On doit savoir en effet que certains embaumeurs habi-
les, aux époques subséquentes, pénétraient dans le cerveau parles
narines en laissant subsister toute la partie antérieure de la cloison.
350 RECHERCHES SUR LES CRANES
mais ici elle existe tout entière comme dans tous les crânes bien con-
servés de nos séries.
A la période qui nous occupe, l'enveloppement du corps était rudî-
mentaire. M. Jéquier m'a signalé des traces de nattes autour de cer-
tains ossements ; le fait a une grosse importance, car il y a lieu de le
rapprocher des pratiques décrites par Verneau, chez les Guanches
de l'antiquité !. Aux Canaries, où l'auteur a fait ses observations, on
trouve quelquefois, au lieu de nattes, des peaux superposées dont la
plus fine est toujours en contact avec le corps, de même que les linges
les plus fins appliqués sur la peau des momies égyptiennes. Les peaux
se retrouvent au Pérou où les attitudes données aux momies se rap-
prochent de celles que l'on trouve chez les Guanches et chez nos
Egyptiens préhistoriques. Les observations faites sur le terrain ne
sont ni assez complètes, ni assez nombreuses pour que l'on puisse se
croire autorisé à conclure, mais il y a dans ces faits épars de telles
analogies que l'esprit est involontairement entraîné vers l'hypothèse
d'une race unique d'embaumeurs dispersés à l'époque où leur art
était encore limité à des pratiques grossières que l'on retrouve par-
tout les mêmes à l'origine et qui se différencient de plus en plus, à
mesure que les siècles s'écoulent, en vertu de la loi de l'adaptation
au milieu.
OBSERVATIONS PATHOLOGIQUES
En écrivant, Tannée dernière, une courte notice sur onze sque-
lettes provenant de la nécropole d'El-Amra, je notais la fréquence
relativement grande des lésions traumatiques2. Quelques mois plus
tard, ayant eu l'occasion de lire l'ouvrage très détaillé de M. Flv Pétrie
sur les fouilles, pratiquées par lui, non loin d'El-Amra, à Négadah et
à Ballas je ne vis pas sans surprise la remarque faite par l'auteur,
sur la rareté des lésions traumatiques observées sur les squelettes
i. 11. Verneau, Cinqans aux Canaries, 1879-84.
•i. De Morgau, Recherches sur les origines de l'Egypte. — Dr Fouquet, Appendice,
p. 268. Leroux, Paris, 1896.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 351
découverts dans ses fouilles. J'étais évidemment tombé >uv une série
toutàfait à pari et sur des sépultures appartenant, très probable-
ment, à une race différente, car celte année mes observations qui
portent sur un nombre dix fois plus grand de crânes, ue m'onl donné
qu'une seule lésion traumatique observée chez une jeune femme, l'n
crâne porte aussi des traces probables de blessures, du>-^ à un ins-
trument coupant, mais de peu d'importance et cicatrisées au moment
de la mort. Avec ma nouvelle série, je suis donc, sur ce point parti-
culier, tout à l'ait d'accord avec ce que M. F. Pétrie a pu observer.
La grande rareté des lésions traumatiques est, il faut le dire, large-
ment compensée par l'abondance et l'importance des lésions patho-
logiques du système osseux qui me fourniront, dans ce chapitre, m i-
tière à plusieurs observations d'une haute portée pour l'histoire de
la médecine à ces époques reculées.
Ces pièces sont destinées à figurer dans les galeries du Musée des
antiquités.
J'ai cru devoir, dans mon étude, grouper ici tous les cas. sans dis-
tinction de nécropole, pour éviter les redites, mais chacun d'eux porte
néanmoins le numéro d'ordre et le nom de la série dont il relève.
Lésions traumatiques
Beit-Allam, n° 8.
Squelette d'une femme âgée de vingt à vingt-deux ans environ. Le
sternum présente sur la lame, à 0m,025 de son extrémité supérieure
et à 0m,0i5 de son bord droit, un peu en dehors de la ligne médiane.
une perte de substance deOm,006 de large, sur 0m, 009 de long intéres-
sant toute l'épaisseur de l'os. Cette blessure, faite pendant la vie, avec
un instrument piquant, de forme quadrangulaire, était déjà très an-
cienne, car, au moment de la mort, les bords de la plaie osseuse étaient
entièrement réparés (fig. 45).
352 RECHERCHES SUR LES CRANES
La netteté des bords, la forme de la perte de ^substance ne per-
mettent pas de supposer qu'il puisse s'agir d'une lésion pathologi-
que. C'est bien un cas de guérison d'une plaie pénétrante du thorax
à travers le sternum.
Fig. 45. — Beit-Allam, n° 8.
Négadah sud, n° 10.
Ce squelette mérite une place toute spéciale dans le chapitre con-
sacré à la pathologie, car il pourrait, à lui seul, fournir les matériaux
d'une monographie. Le crâne (voir les'mesures, tableaux de Négadah
sud) est celui d'un vieillard de soixante à soixante-dix ans, si l'on en
juge par l'état de sutures crâniennes et par celui des dents (fig. 46-
47). La glabelle est saillante, bilobée, le front bas et fuyant, plus
encore dans la nature que cela n'apparaît dans la" figure faite de profil
(fig. 46). Le frontal forme une courbe régulière qui atteint son maxi-
mum au bregma. La suture sagittale reste sensiblement horizontale
sur une longueur de 0m,045 environ, puis descend rapidement en
arrière jusqu'au lambda. En ce point, on observe un léger ressaut,
l'écaillé de l'occipital est globuleuse, avec une saillie beaucoup plus
marquée sur la gauche. L'inion est modérément saillant, la ligne
courbe supérieure très nette, presque coupante. Toujours du côté
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 353
gauche, à 0m,025 au-dessous d'elle, se trouve un gros tubercule os-
seux, situé à 0m,012 de la ligne médiane. A gauche encore, près du
point astérisque, se trouve un os wormien avant environ 0mt0L2 de
long et aulant de large.
Les apophyses mastoïdes sont pm marquées, etleur plan horizon-
tal n'est inférieur que de 0m,002 au plan des condyles. Le trou occi-
pital semble absolument circulaire et d'une symétrie parfaite. Il
existe au voisinage du trou auriculaire gauche, deux petites exostoses
irrégulières, l'une à la base de l'apophyse mastoïde, l'autre à la nais-
sance de l'arcade zygomatique (fig. 46).
Fig. 4<3. — rs'égadah sud, 110 i0-
Laface est large, aplatie, d'aspect rectangulaire, comme les orbites.
Les os du nez sont accolés sous un angle très obtus. La région inter-
orbitaire est large et massive, l'orifice nasal large et symétrique. Il
existe unléger prognathisme sous-nasal. Les deux canines supérieures
et les quatre incisives étaient très sensiblement implantées en lio-ne
droite. Les deux incisives médianes sont beaucoup plus fortes et
plus volumineuses que les deux autres et séparées par une cloison
épaisse de 0m,003.
Les os malaires sont volumineux et mamelonnés.
23
355 RECHERCHES SUR LES CRANES
Les sutures crâniennes, d'une extrême simplicité, indiquent que le
sujet devait appartenir à une race peu élevée.
Le plan du trou occipital aboutit à 0m,017 au-dessus de l'épine na-
sale, caractère qui éloigne le sujet de la race nègre dont le nez et les
bosses sous-orbitaires semblent au contraire le rapprocher.
Le maxillaire présente une forte saillie sur la ligne médiane à
0ra,005 de son bord inférieur, qui est coupé carrément sur une lon-
gueur de 0m,032.
Sur le bord inférieur gauche, il existe un dépôt résineux, trace
d'embaumement. La cavité crânienne contenait des fragments de
Fig. !\-j. — Négadah sud, n° 10.
cerveau dont les circonvolutions, encore très visibles, sont englo-
bées dans une couche de bitume à cassure vitreuse et noire.
La partie la plus intéressante de cette étude nous est fournie par
le squelette lui-même, qui présente, en un grand nombre de points,
et surtout sur les os longs, des altérations pathologiques aussi nom-
breuses que variées.
Les deux fémurs sont profondément altérés dans leur forme et
dans leurs dimensions. Le droit mesure, en longueur, 0ra,393, le
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
gaucho 0m,404, soit une différence de d\uI I en faveur de ce dernier.
Lo fémur gauche, le plus intact, esl représenté dans son ensemble :
la figure u° 48 donne sa face antérieure, la figure n . i9 sa face pos-
térieure.
Los lésions sont presque identiques dans les deux os. La surface
articulaire <lo la tète est restée saine, mais toul le col '-si envahi par
des exostoses volumineuses, mamelonnées, faisant saillie sur une
hvjHTOstose généralisée de toute la région.
La diaphyse, plutôt courte et grêle, ue présente rien de particu-
ig. is 5o, 5a. — Négadah sud, u° io. — 5o, tibia et péroné. — \8, fémur
52, humérus. — Face antérieure).
lier à droite; il existe à gauche une série de monticules irréguliers
sur la ligne câpre jusqu'au tiers de fos, qui redevient normal pour
tout le reste de la diaphyse.
L'extrémité inférieure gauche mesure 0m,109 de long et 0m,260 de
circonférence. Ces dimensions sont les mêmes, à deux ou trois mil-
limètres près, pour le côté droit. Les surfaces articulaires sont lisses,
356
RECHERCHES SUR LES CRANES
mais bordées, sur tout leur pourtour, d'une crête coupante irrégu-
lière due à la prolifération du tissu osseux. Toutes les exostoses sont
formées par du tissu spongieux d'une extrême friabilité. A la face in-
terne, une épine osseuse, au niveau de l'insertion du vaste interne,
mesure une longueur deOm,025. Une exostose analogue, mais dirigée
plus en avant, existe du côté droit.
Les rotules, saines sur leur surface articulaire, sont bordées d'une
ligne de petites productions osseuses vers la région interne de leur
bord inférieur, leur volume est d'ailleurs sensiblement normal.
53
49
^'lo- 4[)> 5ij 53. — Négadah sud, n° io. — 53, humérus. — 49> fémur. — 5i, tibia et
péroné. — (Face postérieure).
Les tibias et les péronés, non moins atteints que les fémurs, sont
soudés complètement ensemble à droite; ils l'étaient seulement en
bas du coté gauche [Ci g. 50 et 51).
Voici leurs dimensions :
Tibia droit, longueur 0m,317
Diamètre antéro-postérieur
Diamètre transverse
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 357
Tibia gauche, longueur 0n,,327
Diamètre antéro-postérieur
Diamètre transverse
Péroné droit, longueur 0m,2'.i 3
Péroné gauche, longueur Om,.'512
Les extrémités de ees quatre os sont très augmentées de volume,
mamelonnées, couvertes d'exostoses spongieuses et d'épines os-
seuses.
La diaphyse des tibias est incurvée en avant et en dedans.
Les péronés sont restés droits et assez fortement cannelés. Le
Fig, 54. — Négadah sud, no 10. — Os coxal.
pont osseux qui réunit le tibia et le péroné à la partie inférieure,
côté droit, est absolument lisse sur toutes ses faces et ne laisse que
de vagues traces de la séparation des deux os.
En haut le pont, très large, est également lisse en avant.
En arrière on observe une cavité anfractueuse et des trajets tistu-
leux, traces manifestes d'une suppuration ayant amené la fonte de
toute la partie centrale de la tumeur, comme pour les os précédents ;
les surfaces articulaires, du coté des genoux et des articulations
tibio-tarsiennes, sont saines.
358
RECHERCHES SUR LES CRANES
Los coxal gauche (fig. 54) présente vers la partie moyenne, en
dehors et au-dessous de la crête iliaque, une plaque osseuse tenant
à Tos par sa base. Elle mesure 0n,,020 de hauteur sur 0m,026de lar-
geur. Quelques trabécules osseuses réunissent à l'os la face interne
de cette production pathologique.
Tous les os du pied sont sains.
Les vertèbres et les côtes n'offrent rien de particulier à noter, pas
plus que le sternum et les clavicules.
Les deux humérus, par contre, présentent des altérations absolu-
ment symétriques. La description de l'un peut parfaitement s'appli-
quer à l'autre en ce qui concerne le tiers supérieur de l'os épaissi,
élargi et mamelonné. Le corps de l'os est sain et peu tordu (fig. 52 et
fig. 53). A la partie inférieure de l'humérus droit, les lésions sont plus
accentuées qu'à gauche, et, fait unique dans ce squelette si altéré par
Fig. 55 et 56. ■ — Négadah sud, n° 10. — 55, cubitus. — 56, radius.
la maladie, les lésions ont envahi la surface articulaire devenue ru-
gueuse, dépolie et dentelée, sur ses boçds, par des ostéophytes irré-
gulièrement disposées en dedans et en dehors de la trochlée,qui est
saine du côté gauche. Les cavités olécraniennes ne sont point perfo-
rées.
L'humérus droit mesure 0m,286, le gauche 0m,285. Le cubitus
gauche, long de 0m,238 (fig. 55), légèrement plus incurvé que norma-
lement à son tiers supérieur, est sain à ses deux extrémités; son tiers
inférieur présente plusieurs exostoses très résistantes et beaucoup
moins spongieuses que celles des os déjà décrits.
Le radius, long de 0m,225 (fig. 56) un peu plus incurvé que norma-
lement, ne présente de lésions qu'à son extrémité inférieure épaissie
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 359
dans toute sa masse et mamelonnée aux poiuis où se trouvenl des
insertions musculaires. Les os des mains, comme ceux des pieds, ne
présentent lien d'anormal, ni dans leurs dimensions, ni dans leur
forme.
En résumé, à part une exoslose de la région sous-iniaque, sans
caractère bien précis, deux petites productions osseuses de l'arcade
zygomatique, au-dessus du conduil auditif, et la plaque décrite sur
l'os iliaque gauche, toutes les lésions siègent au voisinage des extré-
mités des os longs. Ni les clavicules, ni les cotes, ni le sternum, ni
même les erèles tibiales ne présentent d'altérations. Quelle peut
avoir été la cause première de cette maladie chronique? .le ne crois
pas que l'on puisse incriminer le rhumatisme; l'ostéite rhumatis-
male, fort rare, n'a aucune tendance à la suppuration et nous obser-
vons ici au moins un point àbeédé, à l'articulation tibio-péronéale
droite, en arrière. Le rhumatisme déformant n'aurait pas respecté la
charpente osseuse des pieds et des mains qui est absolument saine
et normale chez notre sujet. Les pointes osseuses semblent dues à de
la myosite ossifiante, affection déjà signalée à l'époque préhisto-
rique1. A mon avis, la myosite ne suffit pas pour expliquer toutes
les particularités pathologiques observées sur le n° 10 de Négadah
sud et, tout en faisant certaines réserves, je ne puis passer sous
silence l'opinion très nette émise par Zambaco-pacha qui, après exa-
men des pièces, croit devoir attribuer à la syphilis les lésions que
je viens de décrire. L'intégrité des tibias au niveau des crêtes,
l'absence de lésions costales et claviculaires ne lui semblent pas
contre-indiquer ce diagnostic et je dois avouer que d'autres pièces,
contemporaines, ou à peu près, du sujet qui nous occupe, semblent
donner raison a l'éminent dermatologiste. Je reviendrai sur la ques-
tion, après' avoir exposé les faits et décrit les crânes dont l'étude
me semble devoir jeter quelque lumière sur l'épineuse question de
l'origine de la syphilis.
t. E. Dubois, noie sur le Pithecanthropus erectus, mémoire analysé par R, Verneau,
in L' Anthropologie, p. 220, 1896.
3G0
RECHERCHES SUR LES CRANES
Négadah sud, n° 32
Ce crâne, un peu plus petit que la moyenne de ceux de la nécro-
pole, n'a point été trouvé sur le terrain. 11 provient de la fouille
méthodique de M. de Morgan.
Les lésions qu'il porte sur toute la région antérieure du côté gauche
méritent de fixer notre attention. On en observe sur quatre points :
1° Trois petites ulcérations situées sur la
branche montante de l'os malaire gauche,
consistant en dépressions presque circu-
laires, de 0"\002 ou 0m.003 de diamètre,
sur 0rn,0015de profondeur (fig. 57);
2° Une surface rugueuse et accidentée
occupant sur 0m,01 de large et 0m,02 de long
la partie supérieure de la branche montante
du maxillaire supérieur et la partie interne
de l'arcade sourcilière côté gauche;
3° Un groupe de lésions bien plus impor-
tantes commençant à 0m,03 au-dessus de
l'arcade sourcilière et occupant l'aire d'un
triangle de 0m,030 de base sur 0m,040 de
hauteur, dont le dessin (fig. n° 57), fait
d'après une photographie déformée, par
suite d'un grossissement exagéré, ne donne
pas une idée parfaitement exacte. Un peu
au-dessus et en dedans du triangle, en se rapprochant de la ligne mé-
diane, l'os est comme déprimé, rugueux, la table externe de l'os est
superficiellement érodée par la suppuration. C'est tout près de cette
surface que l'on trouve quatre trous de 0m, 0035 de diamètre chacun.
Les deux premiers, rapprochés du sommet du triangle, intéressent seu-
lement la table externe de l'os et la couche supérieure du diploé. Les
deux autres, plus profonds, perforent presque complètement le crâne.
Leur bord est rodé comme les noyaux de prunes et de cerises trou-
Fig. 57. — Négadah sud,
no 32. — Lésions de la région
frontale.
i. Pour l'ensemble du crâne voir les figures iG et i- au chapitre de Négadah sud.
DE L'ÉPOQl E DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 361
vés dans les fouilles du Mas-d'Azil et publiés par M. Éd. l'ietle'. La
ressemblance est parfaite quand on observe a la loup.- la pièce elle-
mème. Huit millimètres plus bas, sur le trajet d'une lissure, se
trouvent trois trous un peu moins profonds que les précédents el
entourés d'une érosion plus large de la table externe de L'os. Un peu
plus à gauche, trois autres dépressions de même nature délimitent
une rondelle d'os sain. L'autre extrémité de la bas.: du triangle est
dessinée irrégulièrement par une série de trous ébauchés dont un
seul, celui qui forme exactement l'angle, perfore complètement la
voûte crânienne;
4° Une exostose de forme ovalaire, mesurant 0,u,0i2 de long sur
0'»,008 de large et 0m,0025 d'épaisseur dans sa partie la plus élevée
se trouve enfin à 0m,020 du sommet du triangle et à O^Ol? de la
suture fronto-pariétale gauche.
Quelle est la nature de ces lésions? Sont-elles d'origine trauma-
tique ou reconnaissent-elles une cause pathologique?
Cette dernière hypothèse m'avait tout d'abord paru la plus proba-
ble, et l'exostose, ainsi que les autres cas d'ulcérations osseuses trou-
vées dans les ossements des fouilles me portaient à repousser ici
l'idée d'une lésion traumàtique. Après avoir vu l'agrandissement pho-
tographique et étudié de nouveau la pièce avec soin je ne suis pas
éloigné de croire, malgré la présence de l'exostose et des ulcérations
accessoires, que le traumatisme a joué un rôle prépondérant dans la
genèse de ces lésions. L'état général du malade a pu ensuite amener
l'exostose et imprimer à la maladie le cachet spécial que nous obser-
vons, celui de la syphilis, mais ce qui me semble hors de conteste,
c'est la nature des perforations et des érosions du crâne. Il s'agit là,
sans aucun doute, de pratiques de trépanation, employées dans un
but thérapeutique. Malgré toutes les imperfections du procédé déno-
tant l'insuffisance des instruments, il n'est pas possible de ne point
rapprocher cette pièce de celle qui vient d'être publiée dans Z/.-l /?////< >-
pologie\ Les renseignements fournis par le n° 32 sont autrement
caractéristiques et probants que ceux déjà bien nets observés sur un
crâne de Kawamil et dont on trouvera la description et la représen-
tation plus loin (fi g. 58).
i. L'Anthropologie, 1896-96.
2. La trépanation du crâne dans VAurès, par H. Malbot et K. Verneau L'Anthro-
pologie, 1897).
:;>,■:
RECHERCHES SUR LES CRANES
Kawamil, n° 40 F.
Comme dans les pièces déjà examinées, il s'agit d'ulcérations d'un
os du crâne ; elles siègent ici à la lace externe du pariétal droit (fig. 58)
sur deux points.
1° Une grande perte de substance, longue de 0m,035, mesurant
dans sa partie la plus large 0^,015, située à 0'", 025 de la suture pariéto-
frontale ; elle se dirige obliquement de bas en haut et d'avant en
arrière, intéressant la table externe de l'os et une grande partie du
diploé. Les bords, surtout à la partie antéro-inférieure, semblent
Eig. 58. — Kawamil, \o F.
comme ruginés, et ce que l'on sait de la trépanation et du traitement
des lésions osseuses du crâne à l'époque de la pierre taillée ne fait
que confirmer cette hypothèse d'une intervention chirurgicale pra-
tiquée en vue de faciliter l'élimination de parties nécrosées. Comme
dans les faits publiés par Broca en 1876', la perte de subtance
est elliptique, les bords sont obliques, les cellules du diploé sont
détruites. Si la lésion qui nous occupe est due à une intervention
chirurgicale, le malade a dû succomber peu de temps après l'opéra-
tion ;
i. Broca, La trépanation du crâne et les amulettes crâniennes à Vépoque néolithique
Congrès d anthropologie de Buda-Pesth, 1876).
DE L'ÉPOQUE DE I.A PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 363
2° En arrière, au voisinage du bord postérieur, près de la suture
lambdoïde, se trouve un groupe «le lésions dont La principale, «mi voie
de réparation, porte égalemenl des traces d'un grattage incomplet.
Si la pratique de la trépanation semble être tombée dans L'oubli
(autant que j'ai pu en juger par nies recherches personnelles . chez
les Egyptiens modernes, elle reste encore en usage chez les Berbères
de l'Aurès, tribu «les Chaouias ', et l'existence de cel u uez
les habitants de Kawamil, fournit un léger argumenl en faveui
l'opinion de ceux <|ui veulent rapporter à La race berbère Les habitants
de l'Egypte à l'époque de la pierre taillée.
L'aspect des ulcérations décrites plus haul ne permet pas de les
attribuer à des traumatismes. Elles sont très évidemment dues à
une cause pathologique identique, je crois, a celle qui avait causé les
lésions du crûne qui l'ait l'objet de l'observation suivante.
Crâne d'El-Amra, n 4.
Le crâne dont il s'agit ici a déjà été sommairement publié par moi
l'année dernière -. J'avais signalé, sans y insister, différentes lésions
du crâne, le problème que soulevait leur examen me semblait bien
gros pour être traité avec Faide d'une pièce en assez mauvais état
de conservation, dans plusieurs de ses parties. L'âge du sujet d'ail-
leurs me semblait devoir faire naître des objections, car il s'agit d'un
jeune homme d'une vingtaine d'années, dont les épiphyses des os
longs sont à peine soudées. Pendant l'hiver, éclairé par des observa-
tions nouvelles, je repris la question. Je nettoyai méticuleusement la
pièce et je la soumis à la critique de Zambaco-pacha, qui n'hésita pas
à la considérer comme un cas très net de syphilis osseuse et l'eût
volontiers publiée comme telle si je n'avais cru devoir, suivant le
conseil de M. de Morgan, la joindre à l'ensemble de mes observations
faites, cette année, sur les ossements exhumés pendant la campagne
d'hiver.
i. Malbot et R. Verneau, La trépanation du crâne dans l'Aurès. [L'Anthropologie,
1897).
2. De Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte. Appendice parle Dr Fou-
quet. p. 225. Paris, Leroux, 1896.
364
RECHERCHES SUR LES CRANES
La figure 59 reproduit très exactement les lésions disposées en
trois groupes principaux siégeant tous sur le frontal : le premier, à
droite, au niveau et au-dessus de l'arcade sourcilière; le second dans
la région correspondante du côté gauche; le troisième composé d'une
seule ulcération déjà en voie de réparation et située près de la suture
EM1L10 MARCHETTIM ! DISJ
Fig. 59. — Crâne d'El-Amra, n° \.
fronto-pariétale un peu à gauche de la ligne médiane. Le squelette,
aux épiphyses non soudées, très friable et arrivé en mauvais état de
conservation, n'a pu me fournir aucun renseignement complémen-
taire.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
On peul discuter sur la nature de la maladie qui a produit ces
lésions; il n'est pas possible, ici encore, de mettre en doute leur
nature pathologique, 11 ncn est pas de même pour les ossements donl
l'étude va suivre et que j'ai groupés ici pour bien montrer les diffé -
renées qui existent entre ce que nous venons de voir et les lésions
posL mortem.
Kawamil, n° 26 F.
Le crâne, très friable et aminci, d'une femme jeune, est arrivé
brisé. Le paroi extérieure est saine, sauf en un petit point irréguliè-
rement perforé à 0ra,025 au dessus de l'arcade sourcilière gauche et
à environ 0n\,020 de la ligne médiane. La partie concave de l'os, dans
toute la moitié gauche, au niveau de l'insertion de la faulx du cerveau
et à droite encore sur plusieurs points, on voit (fîg. 60) des ulcéra-
Fig. 60. — Kawamil, 26 F.
tions irrégulières, comme serpigineuses, intéressant la lame externe
de l'os et toute l'épaisseur du diploé qui semble rongé. Des dépôts
bruns ou gris foncé se trouvent au fond de ces ulcérations et
ressemblent aux résidus du bois rongé par les vrillettes ou les larves
de longicornes,qui laissentderrière elles et les détritus et leurs excré-
ments. Les bords des ulcérations sont creusés en caverne; en plu-
sieurs points il existe, sous la table interne de l'os, des tunnels qui
vont d'une ulcération à l'autre. On doit noter que toujours ces alté-
rations existent dans la partie la plus déclive du crâne, dans celle où
366
RECHERCHES SUR LES CRANES
reposaient les amas de matières organiques fermentescibles dont les
sucs ont imprégné l'os au moment de leur décomposition, et c'est ce
qui a, dans la suite, attiré les colonies de travailleurs de la mort.
J'en ai déjà noté un exemple clans la description des crânes de Gue-
bel-Silsileh.
Fis:. 61. — Kawamil, n° 3i F.
Fin'. 62. — Kawamil n° 3i F.
Nous trouvons encore des altérations presque identiques dans le
frontal du n° 31 F. de Kawamil (fig. 61, et 62). Les altérations étaient
ici plus profondes que dans le cas précédent et entamaient, par sa
profondeur, la table externe de l'os qui s'est effondré en fragments
nombreux. Les deux principaux ont été représentés ici'.
1. Les lésions du frontal, dont les deux principaux fragments sont représentés figu-
res 61 et 62, m'avaient inspiré des doutes. J'ai pu, grâce à M. le professeur Lacas-
sagne, soumettre une minime parcelle de cette pièce à d'éminents spécialistes, MM. les
professeurs Durand, Rollel, Gangolplie, de Lyon. Mon manuscrit était déjà parti à
l'impression lorsque j'ai reçu, le 19 juillet, l'avis conforme à mes conclusions : il s'agit
bien là de lésions post mortem. Je ne puis résister au désir de citer en détail la très
intéressante note de M. le professeur agrégé Gangolplie qui, non seulement écarte
pour cette pièce toute idée de lésion pathologique, mais encore fournit à l'appui de
son opinion des arguments tout à fait en faveur, il me semble, de la nature syphili-
tique des lésions observées sur le frontal du n° 4 cVEl-Amra et sur la partie posté-
rieure du pariétal 40 f de Kawamil. Voici celte note :
ce A. Il il est nullement prouvé que ce frontal a été le siège d'un travail pathologique
quelconque. La régularité absolue de la table externe, le fait qu'elle ne présente aucune
trace de réaction périoslique, concordent d'une façon absolue avec l'intégrité du diploé.
Celui-ci est d'une épaisseur inégale, mais ce n'est là qu'une apparence. Sans doute
le lent travail de destruction dû à l'antiquité de la pièce doit être mis seul en cause.
Si, par la pensée, on prolonge la table interne (dont il reste un vestige), on voit que
celle-ci viendrait recouvrir la face profonde du diploé sans qu'il y ait là une cause
d'exostose interne ou enostose. Eu aucun point, le diploé n'offre de perles éburnées
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 367
Len°'5, toujours de Kawamil, esl un crâne d'homme dont la face
latérale gauche es1 en partie détruite par les mêmes altérations. Une
partie de l'écaillé de l'occipital, l'écaillé entière du temporal sont dé-
truites. Le rocher, plus résistant, esl conservé, mais la presque tota-
lité de la lame interne do l'os esl enlevée el laisse apercevoir L'ana-
tomie de l'oreille interne mise à nu par celte fine dissection fig. 63
Ces pièces méritent un examen plus approfondi qui sera fait ulté
rieurement et confie, autant que possible, à un spécialiste qui trou-
vera, peut-être, quelques nouveaux morticoles destinés à grossir la
liste déjà longue publiée par M. Mégnin1.
ou plus particulièrement vermoulues. En aucun point l'architecture cellulaire ni alvéo-
laire du diploé n'a été remaniée. Le poids de l'os n'est pas modifié, ce qui arrive d'une
façon constante et appréciable s'il y a de l'éburnation. Quant au petit fi-.iuui._-ut de
table interne restant il est absolument intact-
ce Je le répète, on ne peut pas dire cpie cet os a été le siège d'un travail pathologi-
que quelconque. Mais ce que je puis affirmer '-'est, à coup sûr, qu'il n'y a pus là de
syphilis. Yoiei pourquoi :
« Les lésions syphilitiques ont sans doute comme siège de prédilection le frontal
et y affectent deux formes, souvent associées :
» 1° La forme hypérostosique : a, parenchymateuse ; b, externe (exostose) ; c, interne
(enostose) ;
« 2° La forme ulcéreuse.
« Or il ne peut être question de la forme hypérostosique; la bosse frontale n'a rien
d'exagéré et j'ai dit que la table externe, le diploé, la table interne étaient normalement
constitués.
« J'ajouterai même (ce qui n'est pas utile tant le fait est évident), que la constatation
d'une exostose seule, à la surface du frontal, n'aurait aucune valeur. J'ai vu des exos-
toses du frontal dues à la grossesse el à la fièvre typhoïde.
«Pour que l'exostose ait une valeur absolument démonstrative, il faut qu'il s'y joigne
des lésions typiques, telles que des gommes... ou alors qu'elles atteignent des dimen-
sions que ne présentent jamais les légères hypérostoses gravidiques ou tvphiques.
« B. Quant à la forme ulcéreuse de la syphilis crânienne, je n'en parlerais même pas
si la disparition d'une partie du diploé et de la table interne n'étaient pas susceptibles
d'y faire souger.
« Là encore je puis affirmer que la syphilis n'y est pour rien.
« Ordinairement les bourgeons gommeux pénètrent de la face externe du crâne
dans le diploé. Émanés de la face profonde du péricràne, ils s'enfoncent dans l'os le
sillonnent, décrivent des rampes hélicoïdales, qui s'enchevêtrent, empiètent les unes
sur les autres et détruisent l'os ne laissant plus subsister que des saillies stalacti-
formes. La table interne offre toujours une résistence notable...
« L'os est troué, vermoulu, mais il est plus lourd. La table externe a disparu pour
faire place à des saillies irrégulières-... J'ajoute que Phérédosyphilis s'accompa°-ne
d'altérations semblables. »
i. Mégnin, Les travailleurs de la mort. Paris, [885.
1. Voir le livre de M. le professeur Gangolphe, Syphilis osseuse, page _ -
368
RECHERCHES SUR LES CRANES
Ces lésions posL mortem étant reconnues et écartées, je reviens aux
os déformés et ulcérés de Négadah sud(n° 10, n°32), d'El-Amra (n° 4),
de Kawainil (no 40) qui semblent tous avoir été influencés par la
même cause, la syphilis. Malgré les idées encore trop répandues sur
l'importation presque moderne de cette maladie dans l'ancien conti-
nent, je crois la question bien tranchée par les recherches de ces
trente dernières années. Il ne s'agit donc point de détruire l'erreur
scientifique qui faisait remonter au xve siècle l'apparition de la syphilis
en Europe, mais seulement d'apporter une nouvelle preuve après
toutes celles qui ont déjà été fournies. Je ne rappellerai que pour
mémoire les ostéophytes syphilitiques des ossements découverts par
Prunières, dans les dolmens de la Lozère et étudiés parle professeur
Parrot. qui a démontré que la maladie en question existait à l'époque
néolithique; les recherches de Daby, traducteur d'un livre chinois
Fig. (53. — Kawamil, n° 5, temporal vu par sa face interne.
où l'on mentionne la syphilis deux mille ans avant notre ère'. Si l'on
fouillait bien la littérature médicale on y trouverait beaucoup d'autres
documents : Virchow, Lancereaux, Richard d'Alunay, Buret2 ont
consacré d'importants mémoires à cette question. Le professeur
Armand Ruffer3 a trouvé en Angleterre, dans le cimetière d'une
abbaye datant du xe siècle, des os portant des traces de syphilis ter-
tiaire. Littré4cite un manuscrit du xine siècle qui signale une in-
fection générale centractée de la même façon que la maladie qui nous
occupe.
r. A. Rizat, Manuel pratique des mal. vên. Paris, iSSr.
2. Buret, La syphilis à travers les âges.
3. Communication orale.
\. Dict. de méd Littré et Robin, art. syphilis.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
On peut donc dire que la syphilis esl aussi vieille que le monde
Extrêmement répandue, elle avait fini par s'atténuer comme aujour-
d'hui la lèpre avec laquelle on l'a si souvent confondue1. La grande
épidémie du xvc siècle n'en est, peut être, pas moins imputable aux
compagnons de Christophe Colomb qui ont fort bien pu rapporter
d'Amérique un germe très virulent pour les Européens, parce qu'il
était depuis une longue série de siècles cultivé dans un milieu diffé-
rent et favorable. Cette discussion sort de mon cadre; il me suilil pour
l'instant de mettre en lumière les pièces découvertes dans les nécro-
poles préhistoriques d'Egypte.
LÉSIONS DES VERTEBRES
(mal de pott)
En dehors des pièces déjà décrites, la nécropole de Kawamil a
fourni une intéressante série de lésions de la colonne vertébrale.
Cette série se compose de cinq pièces présentant entre elles la plus
grande analogie. Elles proviennent de trois sujets différents : une
du n° 25 F (fig. 64); une du n° 30 M (fig. 65); les autres du n° 32 M;
Tune d'elles seulement a été reproduite (fig. 66).
J'examinerai brièvement ces trois pièces pour faire ressortir les
particularités de chacune.
Dans le premier cas, il s'agit, autant qu'on en peut juger par cet
échantillon et par les quelques fragments d'os qui l'accompagnaient,
d'un sujet d'une quarantaine d'années environ, atteint d'un mal de
Pott très amélioré par la soudure spontanée des deux vertèbres
lombaires fortement réunies par une couche compacte d'os sur les
parties latérales et par une bande médiane antérieure, séparant
deux ouvertures d'abcès par congestion, dans le canal desquelles on
aperçoit des bourgeons osseux en voie de formation, La perte de
substance, de forme irrégulière, que l'on observe au-dessus, est due
à une brisure de l'os au niveau d'un point où le corps de la vertèbre
i. Zambaco-pucha, Lèpre et syphilis (Congrès de Londres, 1896).
870
RECHERCHES SUR LES CRANES
présentait un tissu extrêmement raréfié. Les couches d'os de nou-
velle formation sont assez épaisses sur les côtés et forment de véri-
tables exostoses. Les apophyses transverses et les apophyses épi-
neuses sont restées libres de toute soudure (fig. 64).
Bien qu'elle présente avec la précédente de nombreuses analogies,
la pièce provenant du n° 30 (fig. 65) en diffère par plusieurs points.
Le corps des deux vertèbres est, dans sa plus grande étendue, par
suite de la disparition du disque inter-vertébral, séparé par un vide
de 0m,005 a 0m,007 de hauteur, suivant les points. A la partie latéro-
postérieure droite, le vide est comblé par une exostose de forme irré-
gulière. En avant, de chaque coté, un pont osseux étroit, lisse, très
proéminent tient les deux corps reliés l'un à l'autre. En arrière, les
Fig. 64.
iwamil, 2j
Figi 65. — Kawamil, 'Jo M.
lacettes articulaires sont soudées en plusieurs points par des bandes
osseuses irrégulières, minces et étroites. Le corps des vertèbres est
solide, résistant, le tissu spongieux n'est pas raréfié. La pièce doit
provenir d'un sujet jeune encore. En plusieurs points, il existe des dé-
pressions, surtout à la partie antérieure, au voisinage des deux ren-
flements (celle du côté gauche est très visible sur la figure 65), on
trouve des facettes creusées irrégulièrement de petits conduits vàsçu-
laire autour desquels il semble y avoir des traces de suppuration. Ces
lésions sont pourtant moins nettes que dans la pièce précédente et
que dans la suivante.
Le il0 32 (fig. 66), n'est qu'un fragment de la partie antérieure des
vertèbres lombaires soudées, et formant, au niveau des disques inter-
vertébraux disparus et remplacés aujourd'hui par une cavité, de gros
DE I. EPOQUE DE LA PU RRE TAILLÉE EN ÉG1 M l.
371
bourrelets osseux, composés de plusieurs protubérances à surJ
lisse. A la face postérieure, les corps brisés montrent leur tissu spon-
gieux, raréfié par places el présentant, en d'autres points, des tra-
bécules épaissies formant, par leur réunion, une sorte de noyau
gommeux. Tout en bas, on observe une ouverture en forme de V,
correspondant à la partie inférieure d'un espace inter-vertébral
agrandi. La cavité ne mesure pas moins, à son centre, de 0 ',018 de
hauteur. La partie postérieure de la pièce a été brisée pendanl le
voyage J'en ai recueilli les fragments qui permettent de constater
la présence, au voisinage des surfaces articulaires et dans la gout-
tière vertébrale, d'ostéophytes irréguliers. Bien que ce soit l'un des
Fig. 66. — Kàwamil, 32 M.
lieux d'élection des productions osseuses d'origine syphilitique, je
ne crois pas que cette cause doive être ici nécessairement invoquée,
le reste des lésions ayant une tout autre apparence. Le mauvais étal
de ces fragments n'a pas permis de les figurer; ils ont été toutefois
recueillis.
Une vertèbre dorsale, du même sujet, présentait, à l'extrémité
postérieure de son apophyse épineuse, une petite barre osseuse pro-
venant de l'ossification du ligament postérieur.
Quelle peut avoir été la cause de semblables lésions? Quand il s'a-
git de mal de Pott et d'abcès par congestion, l'influence prépondérante
de la tuberculose, si bien mise en lumière par les travaux de M. le pro-
372 RECHERCHES SUR LES CRANES
fesseur Lnnnelongue, me semble devoir être invoquée. Le corps des
vertèbres est en général intact; il existe, cependant, à la partie su-
périeure de la pièce n° 25 (fig.64) une cavité assez vaste située préci-
sément au-dessus des orifices des abcès, et dans la troisième pièce
(K. 32) également à la partie supérieure, en arrière, un noyau altéré
comme s'il s'agissait d'une gomme tuberculeuse. Le mal de Pott revêt
d'ailleurs souvent la forme diffuse superficielle qui correspond bien
aux érosions que j'ai signalées (fig. 65). Dans cette forme, les disques
vertébraux sont altérés et finissent par disparaître. Pour nos cas on
pourrait croire que leur disparition n'a eu lieu que post mortem et
par l'action du temps, mais cela ne serait qu'en partie vrai, car les
fongosités osseuses qui les ont remplacés, en certain points (fig. 65)
montrent bien qu'ils avaient été, pendant la vie, atteints par le pro-
cessus morbide.
ÉLÉMENTS DE COMPARAISON
Crânes Bedjas (?)
Indépendamment des séries appartenant aux stations de la pierre
taillée, qui m'ont été remises par M. de Morgan, et que je viens de
passer en revue, j'ai reçu de M. le professeur Schweinfurtb quatre
crânes accompagnés d'une note très explicite que je transcris tex-
tuellement ' :
« Les quatre crânes que j'ai le plaisir de vous remettre — àtitre d'es-
sai de comparaison avec les crânes de l'époque dite d'Abydos préhis-
torique ou transitoire à la première dynastie, comparaison que
M. Flinders Pétrie a complètement négligée; les Libyens, il est vrai,
rentrent aussi dans la catégorie des Kouchites (ou Khamites), mais
les Bedja rentrent dans cette question en premier lieu — proviennent
d'une localité située à i.700mètresà l'estdufortHaroun, prèsAssouan,
au pied des collines qui bordent de ce côté la plaine que parcourt le
chemin de fer entre Assouan et Ghellâl. Par un petit défilé, qui s'ou-
i. Lettre du 4 mars 1897.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 373
vre à cet endroit dans les collines, débouche un sentier fréquenté,
encore de nos jours, par les caravanes du déserl oriental. A la sortie
de ce chemin, il y avait autrefois un petit établissement de cabanes
en pierre qui servaient, probablement, à loger les chameliers el
d'autres habitants du désert qui arrivaient avec les caravanes de l'in-
térieur et de la mer Rouge. Les murs carrés de ces constructions
sont conservés sur le liane de la colline el dans le défilé même. De
pareilles stations anciennes se trouvent encore à plusieurs endroits
aux environs d'Assouan, où les routes de l'est débouchent dans la
vallée du Nil. Devant celle située en face du fort Ilaroun, on aperçoit
dans la plaine, à quelques mètres seulement du pied des collines, un
certain nombre de cercles de pierres qui se distinguent du frravier
du sol. Ce sont les tombeaux des anciens habitants du désert qui
fréquentaient ces chemins. Les squelettes se trouvent étendus, sans
accessoires, a peu de profondeur, au milieu de ces cercles qui abon-
dent dans les environs. L'époque à laquelle remontent ces tombeaux
et les ruines des maisonnettes parait assez reculée. Les fragments
de pots que l'on trouve dispersés autour des anciennes habitations
appartiennent tous cala même époque et indiquent le temps de l'em-
pire romain.
" Les habitants du désert, entre le ïNil et la mer Rouge, n'ont pas
changé. Ils appartiennent exclusivement à la grande race Kouchite
(Khamitique) Bedja ou Bedauiye, représentée de nos jours par les
tribus des Ababde et Bicharin. »
J'ai groupé, clans les tableaux suivants, les mesures prises sur ces
crânes, et ai, dans ce cas, comme dans mes précédents travaux, suivi
la méthode indiquée dans le Manuel de Broca et résumées dans
l'article Craniométrie du Dr Manouvrier.
37'
RECHERCHES SUR LES CRANES
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DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE
375
CRANES BEDJAS' (?) (MENS1 RATIONS DES COI RBES)
Courbe
Courbe
i iourbti
Coui
Numéros
sous-
traie
frontale
totale
Courbe
1 1 aie
BU8-
pitaJe
occipitale
(Mt.jle
auricul.
horizont.
maximum
1 .
0150
1225
1320
0450
1360
3080
2 O'
nno
1250
1200
0550
1500
3 cT
0310
L250
1250
0450
1540
3060
ï 2 ?
0230
1180
1300
0530
1320
2 no
4890
CRANES BEDJAS (?) (INDICES)
Indice
Indice
Indice
Indice
Indice
Numéros
céphalique
vertical
occipital
nasal
orbitaire
1 ?
79.50
83,07
51,06
88.60
2 O"
72,40
71,03
85,78
50,00
80,00
3 O'
72,48
70,89
80.76
60,00
83,78
4 9
71,27
69,94
87,09
45,28
81,70
Ainsi que M. le Pr Schweinfurth me l'a lui-même fait remarquer en
me les remettant, tous ces crânes, même à première vue. ne semblent
pas appartenir à une seule et même race.
Le n° i, crâne d'une jeune femme, de vingt à vingt-deux ans, chez
laquelle les dents de sagesse supérieures étaient encore incluses dans
l'alvéole, présente un front droit et lisse, les bosses pariétales sont
très marquées, la suture sagittale est, à sa partie moyenne, le centre
d'une dépression assez profonde. L'écaillé del'occipital estglobuleuse.
Les apophyses mastoïdes sont de moyenne grosseur, le trou occipital
est petit et losangique. Si l'on s'en rapporte aux renseignements de
Hartmann', l'indice céphalique des Bedjas ou Bégas sérail de 78,4,
i. Hartmann, Les peuples ,lc l'Afrique. Paris, [884.
376 RECHERCHES SUR LES CRANES
moyenne adoptée par Rialle1 et seulement de 11, pour le professeur
Virchow*. Len° 1 des crânes réunis par M. le professeur Schweinfurth,
avec son indice de 79,5 doit appartenir à la race en question. Les trois
autres en diffèrent beaucoup. Leur indice céphalique varie entre 71,27,
n° 4, et 72,48,n 3. Le n° 2, intermédiaire, a 72,40. Tous les trois sont des
dolichocéphales vrais et je ne pense pas, pour ma part, qu'on puisse
les considérer comme étant de la race du mésaticéphale accentué
qu'est le n° 1.
Très probablement les tribus Bedjas comprennent des branches de
races très diverses, ayant les mêmes coutumes et les mêmes mœurs.
Il est d'autant plus utile de souligner ces faits que les crânes Bedjas
sont fort rares dans la plupart des collections ou même introuvables
dans beaucoup d'entre elles.
Les crânes 2, 3, et 4 ont absolument la même couleur jaune, le
même aspect graisseux, ils portent des traces évidentes de momifica-
tion sans perforation de l'ethmoïde. La cavité crânienne contenait
encore une poudre d'un brun foncé répandant une odeur aromatique
assez prononcée; en deux ou trois points j'ai recueilli des fragments
de bandelettes. Tous les trois ont très sensiblement la même courbe
crânienne avec saillie globuleuse de l'écaillé de l'occipital, et trou oc-
cipital ancéolé. Les apophyses mastoïdes sont de grosseur moyenne et
peu proéminentes. La face est droite, le nez busqué, très large, chez
le n° 3. Tous les trois ont une denture en fort mauvais état, avec des
traces de périostite alvéolo-dentaire ayant amené des abcès nombreux
et des fistules.
Sur le front du no 2, il existe une exostose de forme ovalaire à grand
axe parallèle à la ligne médiane, elle mesure 0m,023delong sur 0m,017
de large et 0 ,001 d'épaisseur. Les arcades zygomatiques saillantes,
les orbites profondes, parallélogrammes, et les arcades sourcilières
en relief, léger, il est vrai, leur donnent un air de parenté avec cer-
tains sujets de Négadah sud. La mâchoire supérieure, carrée comme
dans le n<> 10 de cette nécropole, accentue la ressemblance pour le
Bedja no 3.
r. Dict. des sciences anthropologiques de Bertillon, Coudereau, etc.
2. Ibid.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 377
RESUME
Malgré les inévitables lacunes d'un travail exécuté dans des condi-
tions aussi défectueuses de milieu et de temps, une notion très nette
se dégage des mesurations effectuées. Aucune dos séries de crânes,
quelque soit le degré d'antiquité qu'on veuille lui accorder, ne peut
être confondue avec le type égyptien des époques pharaoniques. A
défaut de toute autre preuve, l'examen des moyennes de l'indice cépha-
lique suffirait pour le démontrer.
De plus, si l'on accorde à l'abaissement du plan du trou occipital,
au-dessous de l'épine nasale, la valeur qui lui est en général attribuée,
on doit admettre que l'influence de la race nègre s'est fait sentir chez
quelques-uns des sujets des trois premières séries voir le tableau).
La classification des nécropoles adoptée dans ce mémoire m'a été
indiquée, a priori, par M. de Morgan1. Elle est basée sur l'examen
des poteries trouvées avec les squelettes et sur la forme des tombes.
L'étude des procédés de conservation qui vont en se compliquant de
plus en plus, de Beit-Allam à Guebel-Silsileh, apporte à ce classe-
ment un premier élément de confirmation. Elle indique, pour les
différentes peuplades étudiées, ou une souche commune, ou d'étroits
rapports religieux. Elle pourra servir à marquer la date de la sépara-
tion des peuples qui ont essaimé vers les contrées lointaines et n'ont
plus eu de communication avec leur pays d'origine*.
La marche ascendante de l'indice céphalique marque ou des chan-
gements ou des mélanges de races, et, dans ce dernier cas, sert à
établir l'âge respectif de chacune de ces races. Si nous cherchons
maintenant quelle est l'origine de la race la plus ancienne, nous
voyons que, par son indice moyen de 70, 6 pour les hommes et de
70,77 pour les femmes, le type de Beit-Allam semble se rattacher à
1. Lettre de M. Jéquier, assistant de M. de Morgan, i ') mars 1897.
2. Les Ckamites, Indes pré-aryennes, origine des Égyptiens, etc. Viç-wa-Mitra.
Paris, 1892.
378 RECHERCHES SUR LES CRANES
la race élevée de l'Inde qui a fourni les Guèbres, dont l'indice est de
70 (Khanikoff, Duliousset'). La chevelure noire et lisse, la douceur de
caractère se rapportent bien aux observations que j'ai faites. Ces
peuples devaient avoir des mœurs paisibles, car sur 23 crânes ou
squelettes, je n'ai trouvé la trace que d'une seule lésion traumatique.
Les rares cheveux dont j'ai pu constater la présence avaient l'aspect,
le mode d'implantation et toute la manière d'être de ceux que j'ai pu
observer à l'état moderne sur des Persans à crâne allongé. La tradi-
tion biblique, qui attribue aux Égyptiens une provenance asiatique,
serait ainsi confirmée2. L'industrie de la pierre taillée étant admise
en Egypte pour les temps préhistoriques (de Mortillet), attribuée à
l'époque quaternaire (Haynes, Lubbock)3, c'est sans doute à cette
époque que l'immigration a eu lieu et des siècles nombreux ont pu
s'écouler entre l'arrivée de ces peuplades en Egypte et le moment où
elles ont fourni la nécropole qui nous occupe. Les renseignements
ethnographiques, en indiquant le degré de civilisation des hommes
de Beit-Allam, pourront trancher la question.
A Négadah sud, l'indice céphalique de 72,73 pour les hommes,
73,13 pour les femmes, incite à les comparer aux Hottentots, aux
Boschimans (72,42), aux Cafres (72,54). La trouvaille faite, à Négadah
même, de statuettes stéatopyges, par M. Flinders Pétrie 4, lui a suggéré
la même idée, à laquelle il n'a pas paru s'arrêter, en dernière analyse.
On sait cependant que cette race a pénétré jusqu'en France et a pu
passer par l'Egypte en rétrogradant. Le manque d'éléments directs
de comparaison, la nature lisse des rares cheveux observés, le moins
grand épatement du nez, me font suspendre mon jugement. Celte
série n'est, du reste, pas absolument homogène, l'examen des
tableaux et surtout celui des crânes le montre suffisamment. Aucun
os sain ne m'a été fourni pour me laisser soupçonner quelle pou-
vait être la taille de ces hommes au visage tourmenté et bestial.
Devant tant de desiderata, la réserve la plus absolue s'impose. Je
noterai seulement deux faits : 1° l'introduction probable d'un élé-
ment berbère clans la série, voir n° 32 (fig. 17 et 18); 2° le rapport très
frappant des dimensions moyennes des diamètres antéro-postérieur
r. Dict des se. antliropol., p. 420.
1. Maspero, Hist. a ne . des peuples d'Orient, p. 14, 18S6.
3. A. Lefèvre, Die! . d'Anlhrop., p. l\io. Paris.
\. Dallas and Négadah, Flinders Pétrie. Londres, 1896.
DE L'ÉPOQUE DE LA PIERRE TAILLÉE EN EGYPTE 379
et transverse maximum de nos sujets el des Pélasges de Morton1.
Les crânes de Kawamil, qui ne sonl peut-être que l«- rameau déformé
de Beit-Allam par suite de L'introduction d'un élément à crâne plus
court, berbère ou guanche, peuvent être par leur indice, leur nez el
leurs cheveux comparés au type nubien d'Éléphantine.
La série de Négadah non/, très courte el composée d éléments hété-
roclites, ne doit Ggurer ici que comme une source <l<: renseignements
pour l'avenir.
La même réflexion peut aussi s'appliquer aux crânes de Guebel-
Silsileh dont quelques-uns se rapprochent, par pins d'un côté, <l<'
certains échantillons de l'époque pharaonique.
Il ne semblera peut-être pas sans intérêt d'avoir pu retrouver, dans
ces nécropoles, des lésions pathologiques permettant de reconnaître,
à ces époques lointaines, des traces de deux maladies qui dominent
encore aujourd'hui toute la pathologie par les ravages qu'elles exer-
cent : la tuberculose et la syphilis. Je n'ai pu que signaler ici ces faits
à l'attention du monde savant, j'espère pouvoir y revenir plus tard
pour en faire une étude complète.
Le Caire, 16 juillet 1897.
Au dernier moment (8 août 1897) je reçois, par l'entremise du
professeur Lacassagne, l'opinion du docteur Gangolphe sur les pho-
tographies pathologiques qui lui ont été soumises. Après avoir fait re-
marquer combien il est difficile d'établir un diagnostic sur une pièi :e
sèche, en dehors de tout commémoratif, et à plus forte raison sur
une photographie, le distingué professeur de Lvon auquel je tiens à
témoigner ici tout ma reconnaissance, dit :
« Le rocher (Iv, n° 5, tig. 03, n'est pas pathologique). Le frontal
fig. 01 et 62) ne l'est pas non plus ».
Telle est également l'opinion que j'ai émise
« Le crâne cYEl-A/nra, n° i... offre sur le frontal droit, à sa partie
inféro-interne, deux pertes de substance qui rappellent les lésions
i. S. G. Morton, Crania aegyptiaca, p. 3o. Philadelphie, i844-
380 RECHERCHES SUR LES CRANES
ulcéreuses de l'ostéite syphilique, celle-ci attaquant, de préférence,
la table externe et le diploé, en laissant subsister le plus souvent la
table interne.
« Quant au pariétal K, 40 (fig. 58), je ne crois pas qu'il s'agisse d'une
lésion syphilitique.
«Relativement aux os longs, l'ostéomyélite gommeuse ne peut être
mise en cause... »
TABLE DES MATIÈRES
Préface
Chapitre r-REMtER. — Introduction. — Généralités.
.,s
Chapitre II. — Localités préhistoriques de l'Egypte 2>
Gebel-Geneffeh. — Tell el-Yahoudieh • . tô
Le Caire. — Gizèh (Pyramides). — Abou-Roach. — Abou-Sir. ..... 2G
Saqqarah. — Dahchour. — Helouan. — Licht . . . .
Meïdoum. — Kasr es-Sagha. — Medinet-Madi. — Omm-el-'Atl. — Kom-Achim
— Dimeh
Kahoun et Gourab. — Gebel-Cheikh-Embarak. — Cheikh-ïimai. — Tell-el-
'Amarnah. — Assiout. — Kawamil. 29
Gebel-Toukh. — El-'Arabat. — Aouled-Salamah 3i
Danao-lah. — El-Ragagnah. — El-Mahasuah. — Maslahat-Haroun. — Beit-
'Allam. — 'Animar. — Abydos 3?.
Ornel-Ga ab. — El-'Amrah. — El-Karnak. — Saghel el-Baglieh. — Gebel el-
Tarif ......' 34
'Arakah 3:>
El-'Arah. — Cheikh-'Ali. — Maracbdah. — Dendérah. — Ballas. — Zawaïdah. 3G
Toukh. — Khattarah. — Négadah. — Khozam. — Louxor. îg
Béhérièh. — Thèbes (Gournah). — Gebel- Assas. . '("
Medinet-Habou. — Deïr el-Bahri. — Biban el-Molouk. — Vallée des Reines.
Erment. — Gebelein \i
Esneh. — El-Kab. — Silsileh. — Fatirah. -- Kom-Ombo 4^
Abou-Mangar. — Éléphantine. — Chellal. — Abou-Simbel. — Ouady-Halfa.
— Ouady-Tharfeh. — Ouady-Dakhl \ 3
Ouady-Sanour. — Ouady Ouarag 44
Rizagat. — Gebelein el-Moufarig. — Gara'at el-Hosan J5
'Aqabah de Ksar el-'Ain Ez-Zaiad J6
Gebel-Rhanimèh. — 'Aqabah d'Abou-Sural. 3o
Chapitre III. — Ethnographie des populations indigènes de l'Egypte ôt
I" Caractères physiques 53
2° Déformations ,|J
3° Tatouages '"
4° Costumes . 56
5° Parure ..... ^
382 TABLE DES MATIERES
Pages.
6<> Danse ..... 05
7° Habitation 65
8° Chasse .... 07
90 Pèche . 84
10 Navigation 89
ii° Agriculture. — Elevage . fl'l
12° Nourriture 98
1 >" Industries .... 101
Taille du silex 101
Travail des roches dures . 11O
Travail de l'ivoire et de l'os 1 18
Travail de la corne. — Céramique ........ . .... 119
Pelleteries . .124
Arts 125
1 1° Coutumes funéraires . . . i32
i5° Religion iV-
Chapitre IV. — Le tombeau royal de Négadah 1^7
Mobilier funéraire 160
Textes 164
Vases. 170
Meules 188
Meubles 188
Objets d'art 190
Bijoux ig/>
Fragments divers 198
Silex 199
Chapitre V. — Les modes d'ensevelissement dans la nécropole de Négadah cl la
question de l'origine du peuple égyptien, par le Prof. A. Wiedemann . . . 2o3
Chapitre VI. — Monuments contemporains du tombeau royal de Négadah, par
Gustave Jéquier " 226
Appendice. — Recherches sur les crânes de l'époque de la pierre taillée en Egypte,
par le I)r D. Fouquet 2O9
TABLE DES ILLUSTRATIONS
CONTENUES DANS CE VOLUME
-
1 ; t. _ Coup-de-poing chelléen en quartzite jaune gris (Kawamil . r/2 gran-
deur naturelle
Fig 2. — Coup-de-poing chelléen en silex brun foncé (Kom-Achim . i >. gran-
deur naturelle
ÈJig. 3, \ et 5. — Instruments de silex trouvés par le professeur A. II. Sayce,
dans les alluvions du nord-est d'El-Kab. i 2 grandeur naturelle .... '\
pjg g _ Pointe de type chelléen (kjœkkenmœdding de Toukh . 1/2 grandeur
naturelle ,}
Fi»-. -, — Pointe de type chelléen (kjœkkenmœdding de Zawaïdah . 1 / ■■. gran-
deur naturelle • ('
Fjo-, 8. — Couteau à lame de fer emmanché de corne (Thèbes). 1 2 grandeur
naturelle I0
Fig. <). — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Kawamil ... ! 0
Fig. 10. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur d'Abydos 33
Fig. 11, 12 et i3. — Silex chelléens des 'aqabas d'Abydos. i/3 grandeur naturelle. I \
Fig. i'i, i5, i<i, 17 — Silex taillis trouvés par M. G. Legrain sur la route de
caravanes entre Hooù et Thèbes, vers l"aq.abah de Béhérièh. 1 ! grandeur na-
turelle
Fig. 18. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Dendérah .... 3j
Fig. io. — Carte de la vallée du Nil à la hauteur de Thèbes 38
Fig. 20 à 24. — Silex taillés trouvés par M. '■. Legrain entre l"aqabah de Béhé-
rièh et Bibân el-Moloûk. i/3 grandeur naturelle 3o
Fig. '.". à 27. — Silex tailles trouvés par M. G. Legrain à l'aqabah de Bibân el-
Moloùk. i/3 grandeur naturelle ....... î°
28 a, h, c. — Nucléus de silex (dhoufr el-homar) trouvé par le professeur
Schweinfurth à Ouady-Ouarag (d'après un dessin du professeur Schweinfurth
dans Virchow, Verh. der Berl. anthrop. Ges., [888, p. 353). 1 • grandeur na-
pelle 44
Fig. 2g à 33. — Instruments de silex trouvés par M. «i Legrain sur la route de
l'oasis de Khargièh. r/3 grandeur naturelle ....-..■•••• \\
38't TABLE DES MATIERES
Pages .
Fi»- Vi à 38. Silex tailles trouvés par M. G. Legrain sur la route de l'oasis
de Khargièh i/3 grandeur naturelle 45
Fie. 3o à 4a. Silex taillés néolithiques trouvés par M. G. Legrain sur la roule
de l'oasis de Khargièh. i/3 grandeur naturelle 46
Fig. A3 à 45. Silex chelléens trouvés par M. G. Legrain à Rhauhnèh (oasis de
Khargièh). i/3 grandeur naturelle 46
Fiff. 46 à 18. Silex chelléens trouvés par M. G. Legrain à Rhanimèh (oasis de
Khargièh). i/3 grandeur naturelle 4;
Fig. 4q à 5(). — Instruments néolithiques trouvés par M. G. Legrain dans le
kjœkkenmœdding de Rhanimèh (oasis de Khargièh). i/3 grandeur naturelle. . 47
Fig. 60 à 7;). — Silex de Rhanimèh (suite). — i/3 grandeur naturelle .... 48
Fig 80 à 84. Vases et fusaïoles trouvés dans le kjœkkenmœdding de Rhanimèh
(oasis de Khargièh). 1/4 grandeur naturelle 48
Fia-. 85 à 87. — Silex taillés trouvés par M. G. Legrain à la surface du sol sur les
collines de Rhanimèh (oasis de Khargièh). i/3 grandeur naturelle 48
Fig. 88 à 93. — Silex taillés de l'oasis de Khargièh. i/3 grandeur naturelle . . 49
Fi°\ q3 à q5. — Silex chelléens trouvés par M. G. Legrain sur la route de caravane
entre l'oasis de Khargièh et Abydos, i/o grandeur naturelle 4g
Fig. QG. — Ivoire à double face. — Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. 97. — Schiste. Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. 98. — Ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah) 52
Fig. (j9. — Schiste. Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. 100. — Os. Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. 101. — Terre cuite à double face. Nécropole de Toukh (Négadah). ... 5a
Fig 102. — Ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. ioi. — Os. Nécropole de Toukh (Négadah) . . ........ 5a
Fig. io^. — Pâte organique. Nécropole de Toukh (Négadah) 5a
Fig. io5 à 107. — Os. Nécropole de Toukh (Négadah). r/3 grandeur naturelle . 5a
Fi°\ £08 à 110. — Représentations humaines en ivoire. Nécropole de Toukh
(Négadah) i/3 grandeur naturelle . 53
Fig. m. — Statuette en terre cuite. 4/5 grandeur naturelle 54
Fi°-. 11a. — Tatouages des Négritos du Souni-Raya (Kinta, royaume de Pérak,
péninsule Malaise). {Dessin de l'auteur d'après nature.) . . bj
Fio- n3 à 117. — Perles de terre cuite et de calcaire. 1/3 grandeur naturelle
(kjœkkenmœdding de Toukh) 58
Fi"-. 118. — Collier formé d'oursins fossiles en silex brun. 1/ a grandeur natu-
relle (nécropole de Toukh) 59
Fi°\ 119. — Collier formé de perles de porphyre présentant la forme de la
Nerita polita. i/a grandeur naturelle (nécropole de Toukh) 59
Fig. 120 à iaa. — Bracelets (fig. iao : albâtre, nécropole d'El-'Amrah ; fig. iai :
silex jaune, nécropole d'Abydos ; fig. iaa : nacre, nécropole d'El-'Amrah).
i/a grandeur naturelle 60
Fi"-. ia3 à 139. — Peignes d'ivoire. Nécropole de Négadah (Toukh). 1/3 gran-
deur naturelle 61
Fia-. i3o à i36. — Peignes d'os et d'ivoire. i/3 grandeur naturelle (Fig. i3o.
Kjœkkenmœdding de Toukh. — Fig. i3i. Kjœkkenmœdding de Zawaïdah.
— Fig. i3a à 1 36. Nécropole de Gebel-Tarif ) 6a
Fig. i37 à 147. — Pendeloques. i/3 grandeur naturelle .63
F;~ j3y. — Ivoire. Nécropole de Négadah (Toukh) 63
Fig. i38 à 142. — Cuir. Nécropole de Négadah (Toukh) 63
TABLE DES ILL1 SI RAI IONS
Fig. i i '. — Albâtre. Nécropole de Négadah (Toukh) .
Fig. j 'l 'i à i 4 7 . — [voire. Nécropole de Négadah (Toukh)
Fig. i 'is .1 i55. — Ornements, i • grandeur naturelle 64
Fig. 148 el 1 'm. — Schiste. Nécropole de Négadah (Toukh)
Fig. i5o à [52. — Ivoire. Nécropole de Négadab (Toukh) 'm
Fig i53. — Schiste. Nécropole de Négadah (Toukh) 64
Fig. i.V|. — Ivoire. Nécropole de Négadah (Toukh) . 64
Fig. r>">. — Schiste. Nécropole de Négadah (Toukh) 64
Fig. i56. — Masse d'ivoire, nécropole de Silsileh. 1 2 grandeur naturelle . . 71
Fig. i5yà i'"|. — Masses en pierre (El-' Amrah). 1/2 grandeur naturelle ... 71
Fig. 160 et 16t. — l 'ype d'emmanchement 71
Fig. 162 et iG3. — Masses d'albâtre. 1/2 grandeur naturelle (nécropole d'El-
'Amrah) 72
Fig. i(i'| — Mode d'emmanchement des masses d'albâtre
Fig. i<3.">. — Hache en silex chamois. Kjœkkenmœdding de Zawaïdah. 4/5 gran-
deur naturelle 7^
Fig. 16G à 170. — Hachette en silex, r/2 grandeur naturelle 71
Fig. 171-17». — Haches polies au tranchant. 1 '-1 grandeur naturelle .... ~\
Fig. 173-174. — Haches entièrement polies. !\/b grandeur naturelle 78
Fig. 175 à 177. — Haches de pierre provenant de Koptos (Koufl). i/3 grandeur
naturelle 7J
Fig. 178. — Hache en silex brun, station de Kom-Achim (Fayoum). 3/4 gran-
deur naturelle 7G
Fig. 179. — Hache en silex jaune (station de Licht). 1/2 grandeur naturelle . . -<~>
Fig. 180. — Hache en silex jaune (station de Licht). 1/2 grandeur naturelle . . 77
Fig. 181. — Poignard en silex jaune (nécropole d'Eb'Amrah). 1/2 grandeur
naturelle 77
Fig. 182 à 184. — Poignards en silex. 1/2 grandeur naturelle (182, silex jaune
clair, nécropole d'Abydos. — i83, silex gris jaune, Abydos. — 184, silex
brun vert, El-'Amrah) 78
Fig. 180 à 187. — Tètes de lance en silex jaune. 1 2 grandeur nature (i85, nécro-
pole d'El-'Amrah. — 186 et 187, nécropole d'Abydos) . 7;)
Fig. 188. — Pointe de lance en fer trouvée en Osséthie près de Récome (Cau-
case; (B. Wirouboff, Objets d'antiquités du Musée de la Société des amateurs
d'archéologie du Caucase. 1877, Tiflis, livraison I, pi. IV, fig. 3). 1/2 gran-
deur naturelle 80
Fig. 189. — Poignard des nègres de la forêt du Haut-Congo, d'après un cro-
quis du professeur Schweinfurth (Objet donné par le capitaine Lothaire au
comte von Gotzen 80
Fig. 190 à 190. — Tètes de lances ou de javelots. Station de Kom-Achim
(Fayoum). 1/2 grandeur naturelle (190, silex jaune avec gangue grise. — 191,
silex brun. — 192 à ia5, silex jaune) 81
Fig. 196 à 206. — Pointes de flèches, grandeur naturelle (196, silex brun,
Dimèh. — 197, silex brun rouge, Dimèh. — 198, silex violacé, Kom-Achim.
199, silex brun jaune, Dimèh. — 200, silex noir corné, Dimèh. — 201 , silex
brun veiné de noir. Kom-Achim. — 202, silex jaune, Dimèh.— 2o3, silex gris
brun, Dimèh. — 2o'j. silex violacé, veiné de noir. Dimèh. — 2o">, silex brun,
Dimèh. — 206, silex jaune, Dimèh) 82
Fig. 207 à 219. — Pointes de flèches en silex (nécropole d'Abydos). Grandeur
naturelle 83
25
386 TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pages.
Ki.r 220 à 225. — Pointes de flèches en silex, grandeur naturelle (station
d'Hélouan, récoltes A. Lombard) 84
Fi°\ 226. — Mode d'emmanchement 85
Fig. 227 — Harpon en silex brun (Toukh, surface). 2/3 grandeur naturelle. . 87
Fig. 228. — Harpon en ivoire Nécropole de Toukh (Négadah). a/3 grandeur
naturelle 88
Fig. 25j). — Harpon en corne. Nécropole de Toukh (Négadah). 2/3 grandeur
grandeur naturelle. 88
Fig. 2>o. — Harpon en ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah). 2 3 grandeur
naturelle 88
Fig. 2>i. — Harpon en corne. Nécropole de Toukh (Négadah). 2/3 grandeur
grandeur 88
Fig. 232. — Harpon en ivoire. Nécropole de Toukh (Négadah). 2/3 grandeur
naturelle • 88
Fig. 233 et 234. — Harpons de cuivre (Négadah). 2/3 grandeur naturelle ... 89
Fig. 23b à 237. — Bateaux en terre cuite (Négadah) 90
Fig. 238 et 239. — Peintures sur vases (fig. 238, Abydos ; 2J9, Négadah) ... 91
Fig. 240-246. — Enseignes de proue . 92
Fig. 2^7 à 264- — Enseignes de l'arrière . 93
Fig. 247. — Abydos (?). Musée de Gizèh g3
Fig. ')/|8. — Haute-Egypte. Musée de Gizèh . 93
Fig. 2^9. — Localité inconnue. Musée de Gizèh g3
Fig. 2")o. — Abydos (?) Musée de Gizèh g3
Fig. 25i à 2S2. — Nécropole de Toukh gi
Fig. 263 et 264. — Abydos g3
Fig 265 — Mode de monture des faucilles armées de silex, d'après les résul-
tats des fouilles de M. W. FI. Pétrie à Kahoun 95
Fig. 266. — Scie ou partie de faucille en silex jaune (Tell el-Yahoudi, près
d'Héliopolis) . 1/2 grandeur naturelle 95
Eig. 267 à 0-3 — Scies en silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 gran-
deur naturelle 95
Fig. 274 — Houes. 1/2 grandeur naturelle 96
Fig. 270 à 280. — Os d'animaux sciés et incisés (kjœkkenmœddings de Toukh).
1/2 grandeur naturelle 98
Fig. 281 à 284. — Broyeurs en roche dure. 2/i5 grandeur naturelle 100
Fig. 280 a 287. — Nucléi (kjœkkenmœddings de Toukh). io3
Fio-. 288 à 289. — Nucléi en silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 gran-
deur naturelle io3
Fig. 290 à 292. — Percuteurs en silex (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2 gran-
deur naturelle io4
Fig 293 à 29") — Lames retouchées (nécropole d'Abydos et station de Kom-
Achim). 1/2 grandeur naturelle ........ io5
Fig. 296 à 298. — Poinçons-racloirs, silex jaune (nécropole d'Abydos). 1/2 gran-
deur naturelle io5
Fig. 299 à 3oo. — Couteaux en silex jaune (kjœkkenmœddings de Toukh). 1/2
grandeur naturelle 106
Fig. 3oi à 3o4- — Couteaux en silex (3oi, silex gris, station de Licht. — 3o2,
silex gris foncé, kjœkkenmœddings de Toukh. — 3o3, silex blanc, kjœkken-
mœddings de Zawaïdah. — 3o'i, silex jaune, station de Licht). 1/2 grandeur
naturelle 106
TABLE DES [ILLUSTRATIONS
l ig. ;,,:, à 3o7. - Couteaux en silex 3o5, jaune foncé, station de Dimèh _'"
• 81,ex -ns °Pa(Iue> station de Kom-Achim. - 3o7, sile» gris clair,
de Kom-Achim . i 2 grandeur naturelle.
Btation
e
1 12
11 ;
e.
FiS\ 'o8-3°9- -Couteaux en silex (3o8, silex jaune brun. Abydos (?), Musée de
Gizèh. -- 3og, silex jaune, nécropole d'Abydos). .... g
Fig. 310. — Couteau en silex corné (localité inconnue, Haute-Egypte M
de Gizèh). 1/2 grandeur naturelle
Fig. 3xi-3i2. - Lames en silex orné (Gébel-Târit). Achals'du Muséo de Gi'zèh
(3 n, silex brun noir. — 3x2. silex blond). 2 I grandeur naturelle. . . ,,„,
ti3 à !i,,. _ Scies en silex. 1/2 grandeur naturelle
Fig. 320 a i:>2. — Racloirs convexes. 1/2 grandeur naturelle .
Fig. 323 à 32/». - Racloirs en silex jaune (Abydos). t/2 grandeur naturelle ! " ,„
rig. 325 a 32G. - Racloirs triangulaires en silex jaune (station de Licht , ,
grandeur naturelle. ......
Fig. 327 e* 328. - Racloirs échancrés en silex blond (kjœ'kkènmœddings dé
loukh). i/a grandeur naturelle
Fig. 329 à 333. - Pointes en silex jaune. 1/2 grandeur naturelle {329 et 33 I silex
jaune station de Kom-Achim. - 33o, 33i, 332, silex brun et jaune, station d
Dmieh) ...
Fig. 334. - Emmanchement des pointes de Dimèh. Couteau provenant des In
diens de la Réserve de Hupa (Californie), d'après Th. Wilson. . . „3
ig. 135 a 339. — Poinçons en silex (kjœkkenmœddings de Toukli) r/2 e--
deur naturelle .... '
Fig. 340 à 342. - Croissants de pierre (34o. Arakah.' Silex veiné brun et jaunc
Mi. Arakah. Silex brun à gangues jaunes. - J',». Kawamil (sud) silex
jaune). 2/3 grandeur naturelle
Fig. 343-344. - Ciseaux plats (Kom-Achim) (343, silex jaune.' _ 344 '«i.èx noi-
râtre). a/3 grandeur naturelle
Fig. 345 et 34G. - Hachettes en silex (345, silex' gris. '-'346, "silex 'jaune
kjœkkenmœddings de Toukh). j/2 grandeur naturelle.
Fig- 347 à 34c,. - Formation du tranchant des haches néoîith'iqu'es d'Egypte
fig. 35o a 352. - Eclats enlevés des haches (kjœkkenmœddings de Khattarahl '
1/2 grandeur naturelle. ....
Fig. 353 à 359. — Poinçons en os. 1/2 grandeur naturelle [353 à 357 os
kjœkkenmœddings de Toukh. - 358 et 359, ivoire d'hippopotame, station de
Fi*\36,°; ~ Sci° Cn °s- 2</3 pudeur naturelle (localité inconnue' Musée' de
Uizeh) ....
e .1» - . . "**■•••....,. iiS
U , a 369* - Vases en terre rouge lisse (nécropole d El-Amrah ,' ,0
grandeur naturelle. ....
Fig 370 à 379. - Vases en terre rouge lisse avec bords noirs (nécropole' d'El-
Amrah). 2,5 grandeur naturelle
Fig. 3So. - Cruche à eau (Négadah, nécropole' nord) Vase de terre grise ', s
grandeur naturelle
Fig 38i. - Cruche à eau (Négadah, nécropole nord). Vase de 'terre chamois '
1/8 grandeur naturelle
Flf',f2 à JS;>- — Supports de vases e-i terre. Nécropole de Touhk Né'-a-'
dan) ...
Fig. 186. - Table (Xégadah, nécropole nord). , '4 grandeur naturelle ' ' ]['
rig. 18- ., S90. — Fusaïoles. i/3 grandeur naturelle.
388 TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pages.
I ig .m. — Oulou, ou couteau esquimau. Ile Hotham (Alaska), d'après Otis.
i ! grandeur naturelle 124
Fig .'!<)•». à 4"1- — Marques sur la (loterie de Négadah. i/4 grandeur natu-
relle 126
I ig '|ii-'|r>. — Vases de Ballas, d'après El. Pétrie. 1 (î grandeur naturelle. . 127
Fig. 4i3. — Hippopotame en terre cuite provenant des environs de Toukh.
1/4 grandeur naturelle 128
I ig. '|i'|, J16, '117, Ji8, '1 ■ " ' : 'r ' ' ' • — Vases de terre. Nécropole de Toûkh (Néga-
dah) . 128
Fig. 4i5, 4 19, i22j V' '•• — Vases de pierre. Nécropole de Toukh (Négadah). . r>8
Fig. 4^4 à 438. — Poteries de Négadah (d'après Flinders Pétrie). 1/12 grandeur
naturelle 129
Fig. 439 à 4"'i. — Représentations animales, d'après FI. Pétrie (Naqada and
Huilas, pi. LX). — 4^9- Plomb (Négadah). — 44°- Calcaire (Négadah). — 441-
Calcaire (Négadah) . — 44''-- Calcaire (Négadah). — 443. Calcaire (Négadah).
— 441* Calcaire (Négadah). — 44^- Calcaire (Gébelein). — 446- Quartz (Né-
gadah). — 447- Os (Négadah) — 4/t't*- Calcaire (Gébelein). — 449- Argile (Né-
gadah). — 4^0. Calcaire (localité inconnue) — >\ï>i. Calcaire (Gébelein). . . i3o
Fig. 45->. . — Figure d'hippopotame en calcaire (nécropole de Gebel-el-Tàrif).
4/5 grandeur naturelle i3o
Fig. 453. — Cuiller eu ivoire, nécropole de Ballas . . . i3i
Fig. 4"'4- — Cuiller en ivoire, nécropole de Toukh (Négadah) i3i
Fig. 455. — Cuiller eu schiste, manche composé de perles de pierre montées sur
une tige de cuivre i3i
Fig. 456 à 458. — Cuiller en ivoire, nécropole de Toukh (Négadah). 1/2 gran-
deur naturelle 1 3 1
Fig. 459 à 4*3i. — Vases de Négadah. 1/2 grandeur naturelle i3i
Fig. 462. — Sépulture préhistorique (nécropole d'El-'Amrah). 1/20 grandeur na-
turelle i3>
Fig. 463. — Sépulture de la nécropole de Kawamil i33
Fig. 464- — Sépulture de la nécropole de Kawamil 1 34
Fig. 465. — Sépulture de la nécropole de Silsileh 1 35
Fig. 466. — Sépulture de la nécropole de Kawamil 1 3<>
Fig. 467. — Ciste en terre battue, de la nécropole de Kawamil 1 3j
Fig. 468. — Ciste en terre battue de la nécropole de Kawamil 1 38
Fig. 469. — Urne funéraire de la nécropole de Kawamil . 139
Fig. 470. — Sépulture de la nécropole de Kawamil i4o
Fig. 471 et 472. — Vases funéraires de la nécropole de Kawamil 1 4<>
Fig. 473 et 474* — Sépultures de la nécropole de Silsileh ........ 1 4 r
Fig. 475. — Sépulture de la nécropole de Gébel-Silsileh i4>.
Fig. 476 à 498. — Plaques de stéato-schiste (nécropoles d'El-'Amrah, d'Abydos
et de Toukh). 1/10 grandeur naturelle • i43
Fig- 499 à 5o8. — Plaques de schiste. Nécropole de Toukh (Négadah) et de Bal-
las) i43
Fig. 509 à 5n. — Schistes gravés. — 509, Gébel-Tàrif. — 5io et 5n, Beit-Allam.
1/2 grandeur naturelle i44
Fig. 5i2. — Talisman en stéato-schiste, Kachmire (Collection Jagor, Musée de
Berlin, d'après un croquis du professeur Schweinfurth) i4;>
Fig. 5i3. — Plan de la nécropole de Négadah (levé et dessiné par M. G. Lam-
pre) i48
TABLE DES ll.l.l S'J i: AI [ONS
Fig. .')i',. — Vase en terre rouge provenaul d'une sépulture de l'époque dea
Ramessides située dans le tell du tombeau royal de Négadah, i '| grandeur
naturelle i "><>
Fig. 5i5. — Chambre p du i beau royal de Négadah, dessin de 1 auteur d'api
nature r > i
Fig. 5i6. — Vase d'argile fondu par l'incendie et couvert de scorii in-
deur naturelle i 5 '.
Fig. 517. — Vase en pierre dure (grès siliceux?) déformé par l'incendie.
1 ■ grandeur naturelle i53
Fig 5i8. — Plan du tombeau royal de Négadah relevé et dessiné par M. G.
Lampre)
Fig. 5ig ei .V"o. — Coupes du tombeau royal de N igadah (relevées et dessim
par M. G. Lampre) |56
Fig. 521. — Vue perspective du monument royal de Négadah (dessin de l'auteur). 137
Fig. 522 et 523. — Sceaux d'argile portant la bannière royale. 522 ". avers du
sceau; bll 6, revers. i/3 grandeur naturelle id".
Fig. 524 à 526. — Sceaux d'argile. 1/2 grandeur naturelle i65
Fig. 627. — Mode de fermeture des jarres de terre cuite et cône d'argile por-
tant la bannière royale 166
Fig. 528 à 548. — Marques relavées sur les jarres d'argile du tombeau royal de
Négadah 166
Fig. 5'|(j. — Plaquette d'ivoire portant la bannière royale. Grandeur naturelle
(dessin de M. G. Jéquier) . [67
Fig. .Vie, à 555. — Plaquettes d'ivoire vues sur les deux faces, ayant servi d'éti-
quettes et portant des indications numériques (dessin de M. G. Jéquier) . . 167
Fig. 556. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) 1G8
Fig. 55j. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) [68
Fig. 558. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) . 168
Fig. 559. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) 169
Fig. 56o. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) . 16g
Fig. 56r. — Impression d'un cylindre sur un cône d'argile (dessin de M. G. Jé-
quier) 170
Fig. 56a et 563. — Grandes jarres de terre cuite, hauteur om,So, diamètre maxi-
mum om,35 17 >
Fig. 56 '| à 572. — Vases de terre cuite. — 564, terre rougeàtre grossière. —
565, pâte rouge clair, — 566, terre rouge fine vernie en noir. — 567, terre
grossière rougeàtre. — 568, terre rougeàtre très grossière. — 569, pâte fine
blanchâtre. — 570, terre line grisâtre. — 571, terre fine blanchâtre. — 570,
pâte grise très fine. 1/8 grandeur naturelle 1 - '.
Fig. 573 à 58o. — Vases en calcite rubanée (marbre onyx dit albâtre d Egypte).
i/3 grandeur naturelle 17")
Fig. 58 1 à 586. — Vases. — 58i, roche porphyrique très altérée par la chaleur.
— 58a, pâte siliceuse, probablement poterie vitrifiée. — 583, granit de Syène.
— 5S/j, poterie vitrifiée. — 585 et 586, calcite rubanée. i/3 grandeur natu-
relle 176
390 TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pages .
Fig. 587 à 5ot. — Coupes en poterie vitrifiée par l'incendie. 1 ."! grandeur nalu-
1-1,
relie
Fig. 5a2 à 596. — Coupes en poterie vitrifiée par l'incendie, r/3 grandeur natu-
relle * .' ' l ' l~7
Fig. 597 11602. — Coupes. — 597, roche altérée indéterminable. - 098 et 599,
poterie vitrifiée. — 600, grés argilo-micacé. — 6oi, poterie vitrifiée. — 602,
diorite. i/4 grandeur aaturelle '77
pjg ,;,,; _ Coupe en roche porphyrique altérée par la chaleur. l/3 grandeur
naturelle ^
Fig. lio 1 à 607. — Coupes en pierre dure. — 6o4, diorite. — 6o5 et 606, roches
porphyriques altérées par la chaleur. — G07, roche indéterminable très al-
térée. i/3 grandeur naturelle • l~
Fia-. 60S à 6i>4- — Vases et galets de quartz. i/\ grandeur naturelle .... 17:1
Fi». 6a5 à 627 . — Vases en obsidienne. 2/3 grandeur naturelle iSl>
Fig. 62S à 653. — Vase de calcite rubanée (albâtre d'Égyptè). ...... isi
Fig. 62c, à (i47. — Sections de bords de vases en calcite rubanée . .... 181
Fig. 648 à 653. — Ornements des mêmes vases. i/4 grandeur naturelle . . .181
Fig. 6Ô4. —Vase cylindrique en diabase ophitique. i/3 grandeur naturelle. . 182
Fig. 655 à 656. — Vases globulaires en roches dures. — 635, roche indétermi-
nable par suite des altérations causées par la chaleur. — 6.">G, roche porphy-
rique très altérée. i/3 grandeur naturelle 182
Fig. 607. — Vase globulaire en porphyre. 1/4 grandeur naturelle i83
Pig. 658 à 660. — Vases. — 658, porphyre altéré. — 609, poterie siliceuse vitri-
fiée. — 660, diorite. 1 4 grandeur naturelle. »83
Fig. 661 à 663. — Vases en géoberlite. 2/3 grandeur naturelle 184
Fig. 664. — Vase en porphyre pélro-siliceux avec quartz globulaire. 1/4 gran-
deur naturelle I°4
Fig. 665. — Vase en calcaire rose veiné de blanc. 2/3 grandeur naturelle. . . iS',
Fig. 667.— Vase en poterie vitrifiée par l'incendie. i/3 grandeur naturelle . . i85
Fig. 668 à 678. — Fragments de vases en ivoire. 1/2 grandeur naturelle. . . 186
Fig. 679. — Support de vase en calcite rubanée. i/4 grandeur naturelle . . . 187
Fig. 680. — Table d'offrandes en calcite rubanée. 1/8 grandeur naturelle. . . 187
Fig. 681. — Cône en diabase ophitique. 2/3 grandeur naturelle 187
Fig. 682. — Mortier en porphyre altéré. 2/3 grandeur naturelle 187
Fig. 683. — Moulin à bras en grès jaune. 2/9 grandeur naturelle ...... 188
Fig. 684. — Mortier (?) en granit. 2 3 grandeur naturelle. ....... 188
Fig. 685 et 686. — Pieds de meuble en ivoire. Grandeur naturelle 189
Fig. 687. — Pied de meuble en ivoire. Grandeur naturelle i8c>
Fi°\ 688. — Fragment de pied de meuble en ivoire. 2/3 grandeur naturelle . . 189
Fig. 689 à 692. — Fragments de meubles en ivoire. 1/2 grandeur naturelle . . 190
Fig. 692a 6()5. — Fragments d'un coffret en ivoire. 1/2 grandeur naturelle . . 191
Fier. 60.6 et 697. — Fragments d'un meuble en ébène. 1/2 grandeur naturelle. . 191
Fig. 698 et 699. — Figurines d'ivoire représentant une chienne et un lion. Gran-
deur naturelle 192
Fio-, yoo. — Figurine de cristal de roche représentant un lionceau. Grandeur
naturelle 193
Fig. 701 à 713. — Figurines d'ivoire représentant des poissons. 1/2 grandeur
naturelle ■ if)3
Fig. 714. — Figurine en roche vitreuse verdàtre tachetée de blanc représentant
le fruit d'un palmiste indéterminé. 1/2 grandeur naturelle 19^
TABLE DES ll.l.iVl RATIONS
i _•
Fig. 7 1 5 à 717. — Fragmenta d'une statuette articulée en ivoire. 1/4 grandeur
liai 11 pelle in'i
Fig, 7 1 s .1 7 !•>. — Objets divers, — 718, 71;) el 720, fragments de Btatuettes en
ivoire. — 721, ~''~u 728 el 729, perles ■! agate el de cornaline. — -■•.'., bou-
ton de cuivre. — 730, perle de cuivre. — 722, ~'\, 726, 727 et 7)1, pi
m pâle émaillée bleue. — 7'.". plaquettes d'ivoire d'hippopotame. 11 12
grandeur naturelle iq5
Fig. 7'!! à 7')). — Fragments d'anneaux ci de bracelets» — 7» >, 7 ;~>, 736, 7-7.
7'!((, 7'|o, ivoire. — -'>\ et 7V4- écaille «le tortue. — 7'îS ef -\'>, nacre. 2/3
grandeur naturelle igG
' '^- 7 11- — Perle d'or. Grandeur naturelle ■ 'H7
Fig. 7i"' à 7»"1 • — Fragments d'ivoire. 2/3 grandeur naturelle k^-
Fig. ~bC> à 7.MJ. — Instruments d'ivoire j(,s
Fig. 7G0. — Corne de gazelle i.|S
Fig. 7H1. Os de poisson. 1 2 grandeur naturelle ."•'•.. iofi
Fig. 7 ( ï •.» à 7(>6. — Fragments de bois. 1/2 grandeur naturelle
Fig. 7O7 et 768. — Plaques de stéatoschiste. r/3 grandeur naturelle .... [qq
Fig. 7^)8. — Couteau de silex. 2/3 grandeur naturelle 200
Fig. 770 à 77/(. — Instruments de silex taillé. 2/3 grandeur naturelle . 201
Fig. 776 à 777. — Instruments de silex taillé. 2/3 grandeur naturelle .... 202
Fig. 778. — Plan du tombeau du roi Kâ. Echelle 1 : 200 ■>',■•
Fig. 779. — Stèle du roi Kd. Musée de Guizèh. Granit noir. 1/10 grandeur na-
turelle ; .
Fig. 780. — Stèle royale. Musée de Guizèh. Granit noir. 1/ 10 grandeur naturelle.
Fig. 781 . — Plan du tombeau du roi Den. Echelle 1 : 123 •> ; ;
Fig 782. — Plaquette de bois au nom du roi Den. Musée de Guizèh. Grandeur
naturelle ■> ;\
Fig. 785. — Motif d'un cylindre au nom du roi Den. 2/3 grandeur naturelle. . ■>',]
Fig. 784. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2/3 grandeur natu-
relle 235
Fig. 78.J. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2 > grandeur natu-
relle ". .,;.",
Fig. 786. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2/3 grandeur natu-
relle ., ;-,
Fig. 787. — Empreinte d'un cylindre. Tombeau du roi Den. 2/ 3 grandeur naturelle. 236
Fig. 788-790. — Gravures sur des vases en terre. Tombeau du roi Den. 1/2
grandeur naturelle o3fi
Fig* 791-792. — Gravures sur des vases en terre (Abydos). i/3 grandeur naturelle. 236
Fig. 793-79^. — Gravures sur des vases eu terre (Abydos). i/3 grandeur natu-
relle .... •> ;<;
Fig. 7{)(). — Plan du tombeau du roi Dja . Echelle 1 : 126 ........ • >;-
Fig. 797. — Stèle du roi Dja. Calcaire. 1/12 grandeur naturelle o38
F*S' 79'^"799- — Stèles de personnages privés. Abydos. Musée de Guizèh. 1/4
grandeur naturelle • >;,,
Fig, 800-809. — Stèles de personnages privés (Abydos). Musée de Guizèh. 1 4
grandeur naturelle 040
Fig. 801. — Inscriptions sur un vase en albâtre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. •> i 1
Fig. 811. — Inscription sur un vase en albâtre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. :>\i
Fig. 812. — Inscription surun vase en pierre dure(Abydos).3/4 grandeur naturelle. 2 i 1
Fig. 8i3. — Inscription sur un plat d'albâtre (Abydos). Grandeur naturelle . . :>,\i
392
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Toges
pjg 814. Inscription sur une plaquette d'ivoire (Abydos). Grandeur naturelle
Fig. 8i5. — Plan du tombeau du roi Ti. Échelle 1 : l\oo
Fig. 816. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. . .
Fig. 817. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. . .
pig s [S. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. . .
Fig 819. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. . .
Fig. 820. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle.
Fig. 821. — Empreinte d'un cylindre (Abydos). 3/4 grandeur naturelle. . .
Fig. 8-2-2 et 8i>3. — Jarres d'albâtre (Abydos). 1/9 grandeur naturelle . . .
Fig. 824. — Cuve d'albâtre (Abydos). 3/i6 grandeur naturelle
Fig. 825. — Fragments de terre émaillée enbleu (Abydos). 1/2 grandeur naturelle
Fig. 826 et 827. — Vases en cuivre (Abydos). 1/6 grandeur naturelle . . .
Fig. 828 et 829. — Vases en cuivre (Abydos). i/3 grandeur naturelle . . .
Fig. 83o. — Hache en cuivre (Abydos). 1/2 grandeur naturelle
Fig. S3i à 84o. — Objets en cuivre (Abydos). 2/3 grandeur naturelle. . .
Fig. 84 [ à 85o. — Objets de cuivre (Abydos). 2/3 grandeur naturelle . . .
Fig. 85i. — Inscription sur un vase de cristal (Abydos). Grandeur naturelle.
Fig.8r>2. — Inscription gravée sur la statue n° 1 de Guizèh.4/5 grandeur naturelle 253
Fit;. 853-856. — Plans de monuments chaldéens et assyriens. — 853. Temple de
Mougheïr. — 854-855. Temple de Warka. —856. Observatoire de Khorsabad 255
Fig. 857. — Cylindre en terre cuite. Musée de Guizèh 3/4 grandeur naturelle . 237
Fig. 858 à 862. — Vases en pierre dure de Tello. E. de Sarzec, Découvertes en
Chaldée, pi. 26 257
Fig. 863. — Nom de bannière de Snefrou 25g
Fig. 864. — Plaque de schiste du Louvre (Heuzey, Revue archéologique) . . 265
Fig. 865. — Objet en ivoire. Collection Pitt-River. Grandeur naturelle. . . . 267
Fig, 866. — Extrémité de canne en cuivre. Nécropole de Gebel-Silsileh. i/3 gran-
deur naturelle 268
242
243
243
243
244
244
••'l'i
245
246
246
246
249
s5o
25 1
■».">■ !
253
APPENDICE
Fig. 1. — Beit-Allam, a» 3, ...... 280
Fig. 2. — Beit-Allam, n<> 3 283
Fig. 3. — Beit-Allam, n° 4. . 284
Fig. 4. — Beit-Allam, n° 6 285
Fig. 5. — Beit-Allam, n° 6 . 285
Fig. 6. — Beit-Allam, n° 23 286
Fig. 7. — Beit-Allam, n° 2'i 287
Fig. 8. — Beit-Allam, n° 23 bis 2.88
Fig. g. — Beit-Allam, n° 2.3 bis 28g
Fig. 10. — Négadah sud, n° 6 2go
Fig. 11. — Négadah sud, n° 6 29g
Fig. i2. — Négadah sud, n° 7 3oo
Fig. i3. — Négadah sud, n° 7. 3oi
Fig. i'|. — Négadah sud, a0 21 .... 3oi
Fig. i5. — Négadah sud, n» 21 .... 3o2
Fig. 16. — Négadah sud, n° 32 3o3
TABLE DES [ILLUSTRATIONS
l'ig 17. — Négadah sud, nn '!•». lo3
Fig. [8. — Négadah sud, a0 18 ;. ',
Fig. i«|. — Négadah sud, q° 38 . . :■,]
Fig. 2o« - Négadah Bud, u° 38 (face postérieure) .....
I ""ig. ■- 1 . — Kawamil, no 16
Fig, •>•> — Kawamil, n° i(i. .
Fig. ■> ;. — Kawamil, 18 M . . \\-
Fig. 24. — Kawamil, [8 M. . ti8
Fig. •>■">. — Kawamil, •>•> M. . .... 3i<|
Fig. •>(>. — Kawamil. ■> ■> M, .... 320
Fig. 27. — Kawamil, !•>. M. ..... . V\\
Fig. 28. — Kawamil, ",■> M ..........
Fig. 29. — Kawamil, 33 M. ; . ;
Fig. 3o. — Kawamil, 33 M. . . ';■»/,
Fig. 3l. — Négadah nord, n° 1 ................ . '; ■•.,
Fig. 3a. — Négadah nord, no 1 ; ;,,
Fig. 33. — Négadah nord, 11° •> . 33i
Fig. 34. — Négadah nord, n° 4 • 33i
Fig. 35. — Négadah nord, n° l\ ; ;■<
Fig. 36. — Négadah nord, qo 5
Fig. 37. — Négadah nord, n° 5 ... 333
Fig. 38. — Négadah nord, n° G J ; ',
Fig. 39. — Guebel-Silsileh, m» 3 ...... . 34o
Fig. 4o. — Guebel-Silsileh, n" 'J. ..... ; ', 1
Fig. 4i« — Guebel-Silsileh, n° 4 • • • >4i
Fig. 4'».. — Guebel-Silsileh, n° 4 34 2
Fig. 43. — Guebel-Silsileh, n° 6 343
Fig. 44. — Guebel-Silsileh, n- 6. . . J'1'1
Fig. 45. — Beit-Allam, n°8 . . . 352
Fig. 4f>. — Négadah sud, 11° 10 353
Fig. 47. — Négadah sud, n° 10 354
Fig. 48, 5o, 5'.>. — Négadah sud, n° 10. — 5o, tibia et péroné. — 48, fémur. —
5a, humérus (face antérieure) 355
Fig. 49, 5i, 53. — Négadah sud, n° 10. — 53, humérus. — 49) fémur. — 5i,
tibia et péroné (face postérieure) !">ii
Fig. 54. — Négadah sud, n° 10. — Os coxal 357
Fig. 55 et 56. — Négadah sud, n° 10. — 55, cubitus. — 56, radius. .... 1>S
Fig. 57. — Négadah sud, n° 32. — Lésions de la région frontale. ..... 36o
Fig. 58. — Kawamil, 40 F . 36 ■•
r"'&- 59- — Crâne d'El-Amrah, n° 4 364
Fig. 60 — Kawamil, 26 F 365
Fig. 61. — Kawamil, n° 3i F . . 366
Fig. 6>.. — Kawamil, n» 'h F 366
Fig. 63. — Kawamil, n°5, temporal vu par sa face interne . 368
Fig. 64. — Kwamil, o5 F 3711
Fig. 65. — Kawamil, n° 3o M. . . . . . ",-<>
Fig. 66. — Kawamil, n° 3:> M ........ . ........ 371
PLANCHES HORS TEXTE
PI. I. — Bouchons de vases eu terre (Abydos). Tombeau du roi Don.
Musée de Guizeh.) . 234
PI. II. — Statue n° i du Musée de Guizeh. ... ...... 252
PI. III. — Plaque de schiste. (Musée du ouvre.) ..... ... 264
PI. IV. — Plaque de schiste. (Musée de Guizeh.) . 264
PI. V. — Couteau en silex avec gaine d'or. (Musée de Guizeh.) .... !*6G
ERRATA
Pa^-e 2i, ligne 24. Lire No frit au lieu de Nofri
_ 2g _ i. Lire Amenemhat, au lieu de Ouscrlesen
— 5i, fig. m (légende). Lire 4/5, au lieu de i/3
__ I28, — 4i3 — Lire i/3, au lieu de i/4
_ l65j _ 522 et 5-23 (légende). Lire i/3, au lieu de 2/3
_ jfig, _ (îoS à 624 — Lire i/2,au lieu de 1 \
_ l83) _ G58 à 660 — Lire 1/2, au lieu de 1/4
_ 241, ligne 7. Lire (?), au lieu de ?
ANGERS, Iiir. ORIENTALE HE A. BURDI.N, 4, RUE GARKIBR.
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Under Pat. " Réf. Index File."
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