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CANADA COUNCIL SPECIAL GRANT
FOR
CLASSICS B
RECHERCHES
SUR LE
TRAITÉ DISIS ET D'OSIRIS
DE PLUTARQUE
Extrait des Mémoires publiés par la Classe des lettres et des sciences morales
et politiques et la Classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique.
Deuxième série, collection in-S», t. XI, 1913.
RECHERCHES
SUR LE
TRAITÉ D'ISIS ET DOSIRIS
DE PLUTARQUE
PAR
Léon PARMENTIER
PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE LIÉ(;E
BRUXELLES
Henri LAMERTIN, Libraire -Éditeur
r)8-ti2, rue Coudenborg, 58-62
1913
A MON MAITRE ET AMI
CHARLES MICHEL
1882-1912
^ JUL161969
INTRODUCTJON
La plus grande partie de cet opuscule traite de deux chapitres
du De Iside et Osmde de Plutarque, dans lesquels il n'est
question que de Sarapis. Je n'ai pas voulu cependant intituler
mon travail Sarapis chez Plutai^que, parce que ce titre aurait pu
donner une idée inexacte de son véritable objet. En effet, la
raison qui m'a déterminé à l'entreprendre n'est point le désir
d'expliquer, d'après Plutarque, la nature du dieu Sarapis, son
origine, son culte ou tel ou tel de ses attributs. Toutes les
questions ont été ici étudiées dans un intérêt simplement philo-
logique : celui de la critique et de l'exégèse de Plutarque. S'il
se trouve que ces questions se rattachent surtout au nom de
Sarapis, c'est qu'il faut bien que la méthode s'applique à un cas
concret.
M'étant efforcé de faire du traité d'Isis et d'Osiris une lecture
un peu approfondie, j'ai rencontré de nombreuses difficultés de
texte et d'interprétation, dont les solutions n'ont pas encore
été données ni même quelquefois recherchées sérieusement. 11
m'a paru que les chapitres XXVIII et XXIX, consacrés presque
entièrement à l'explication du nom de Sarapis et formant ainsi
une petite section facile à détacher, posaient à eux seuls une
_ 4 _
série de problèmes typiques et pouvaient fournir matière à une
étude qui présenterait une certaine unité.
La première des recherches qui ont abouti à la rédaction de ce
travail a pour objet la crux : oiô Travro; riyo'JvTo; Tifxâç ya/Jcw|xaT<5;
£:Tda|jLpàv£7.Sa'„ et son résultat se trouve exposé maintenant au
chapitre sixième. Pour comprendre ici le texte, il a paru néces-
saire de reconstruire une explication que les devanciers immé-
diats de Plutarque semblent déjà lui avoir transmise sous une
forme très résumée et à peu près inintelligible. Les problèmes
se posaient dans des conditions analogues pour la plupart des
autres interprétations du nom de Sarapis contenues dans le
chapitre XXIX. Il convenait donc de les traiter dans leur
ensemble et de ne point en détacher arbitrairement l'une ou
l'autre du contexte. On verra que certaines conclusions générales
de notre étiide, notamment au sujet des prétentions réciproques
des Grecs et des Égyptiens en matière d'origine et d'étymologie,
ont pu servir à éclairer l'interprétation de plusieurs passages
pris dans d'autres parties du De Iside et Osiride.
Comme je visais simplement à comprendre le texte de Plu-
tarque, mon intention n'a jamais été de discuter pour elle-même
la question de l'origine de Sarapis, ni l'histoire fameuse du
transfert, de Sinope à Alexandrie, d'une statue de Pluton que
l'on identifia à l'Hadès égyptien. A cet égard, le récit de Plu-
tarque est parfaitement clair et, pour ce qui est de sa vérité bis-
torique, je pourrais me dispenser de prendre parti dans la polé-
mique qui, en ces dernières années, s'est engagée autour du
sujet. Heureusement, d'ailleurs, la question est à mon sens
aujourd'hui résolue et il n'y a plus lieu de contester que Sara-
pis est véritablement un dieu égyptien et que l'origine sinopique
I
o —
est une invention grecque (^). Si néanmoins j'ai dans un dernier
chapitre consacré quelques pages à cette fable, c'est qu'elle a
pour point de départ un jeu étymologique d'un caractère ana-
logue à beaucoup des cas étudiés au cours de mon travail. Sans
contester que la légende sinopique ait été racontée et sans
doute amplifiée par Apion, j'indique dans ce dernier chapitre
quelques raisons qui me font beaucoup hésiter à admettre, avec
M. Isidore Lévy, que Plularque a puisé son récit directement
chez Apion lui-même.
On est porté maintenant, d'après des indices dont je ne
méconnais pas la valeur, à donner comme source principale au
De Iside et Osiride les Aigyptiaka d'Apion(^). Avec un auteur
qui possède la grande information livresque et orale de Plutar-
que, qui a la tête remplie d'une immense érudition et qui a
pratiqué toute sa vie l'art de combiner des renseignements
empruntés de toutes parts, la théorie d'une source récente et à
peu près unique n'a guère de chance de pouvoir correspondre à
la réalité des faits. Particulièrement pour les choses d'Egypte,
il faut se souvenir que le maître de Plutarque, Ammonius, était
égyptien (^), que Plutarque lui-même a visité Alexandrie ('*) et
(<) C'est la ihése de M. Houché-Leclercq, La politique religieuse de Plolénce
S()ter et le culte de Sérapis dans la Revue de VHistoire des Religions, t. XLVI (1902),
pp. 1-30. Cette thèse a été reprise et appuyée de nouveaux arguments par M. Lsidoke
Lévy dans la même Revue, Sarapù, t. LX (1909), pp. 285 et suiv., et t. LXI (1910),
pp. 162 et suiv. On trouvera là toute la bibliographie du sujet. Cf. aussi Ernst
ScHMiDT, KuUiibertragnvgen (Giossen, 1910), pp. 47 et suiv.
(«) M. Wellmann, Aegyptisches dans Hennés, t. XXXI (1896), pp. 221 et suiv.;
Isidore Lévy, articles cités.
(>) EuNAPE, Vitae Sophist. prooem., 2.
(*) Quaest. conviv., V, .S, p. 678 C.
— 6 —
enfin qu'il adresse son traité d'Isis et d'Osiris à une dame
(le Delphes, Kléa, supérieure du Collège des Thyiades de Dio-
nysos et initiée, par tradition de famille, à la religion d'Osiris
(chap. XXXV).
Au surplus, en ce qui concerne ici cette question de source,
l'hypothèse d'Apion fiit-elle démontrée, elle n'aurait guère d'uti-
lité pour nous et ne ferait en somme que déplacer le problème.
Plutarque ne cite nulle part Apion. Qu'il ait pris en partie
sa science à celui-ci ou à un autre compilateur, il ne lui a
emprunté que des renseignements attrihués dans cette source à
d'autres auteurs; ce sont ces auteurs seuls que Plutarque a cités,
quand il le jugeait bon, et il trouvait leurs noms dans la com-
pilation qui les résumait soit directement, soit sans doute plus
souvent encore indirectement. Pendant les six siècles qui
s'écoulent entre Hécatée de Milet et Plutarque, historiens,
géographes, périégètes, paradoxographes, spécialistes (les
Àigyptiaka constituent un vrai genre) ont multiplié les écrits
sur l'Egypte, qui ne cessait pas d'exciter la curiosité des Grecs.
Rien que pour des détails purement égyptiens dans le De
fside, voici, sauf omission, la liste touffue des auteurs cités par
Plutarque, lequel est cependant assez sobre de références nomi-
nales (^) :
Hellanicus, Aristagoras de Milet, Héraclide Pontique, Eudoxe,
Hécatée d'Abdère, Manéthon, Phylarque, Alexarque (sans doute
le frère du roi de Macédoine, Cassandre, cité d'après un Ariston
de date inconnue), Archémaque d'Eubée, Évhémère, Antikleidès,
(•) Je juge inutile d'indiquer ici les passages où ces noms apparaissent. On peut
les trouver facilement dans l'index de l'édition ôe Parlhev.
— 7 —
Mnaseas de Patrae, Heimaios, Castor. Ce dernier, contemporain
de Cicéron, paraît être l'écrivain le plus récent dont le nom est
mentionné. En fait d'ouvrages cités simplement par leur titre,
on trouve -zk <i>puyt.a ypàjjiijLaTa (chap. XXIX), £v TO^; Upor; lîfJivoLç
ToO '0(T{p',5o(; et £v -zoZc, iTTvypacpOjUévo'.; ycvs.^X'io».; "lipo'j (cliap. LU),
£v -zalq 'EpfjLoù À£yo|jL£va',; p/fko^ç, (chap. LXI) . Dans le plus grand
nombre des cas, Plutarque s'en réfère d'une façon générale à un
* groupe : o\ Aiyû-Tio!., Ta A'iyû-T'.a, ol Up£r;, ol riu5ayôp£'.0'- OU
ïlt^^ayop'.xrj';, rj{ Utohxoî, ol <ï>p6ye<;, OU plus vaguement encore à
oi [JL£V, ol 5è, TCoXàoI |JI.£V, TToXXol 0£, O^AOt., £T£pO'., Iv-G'., T'.V£Ç, (paO"'., CtC.
En certains cas, il est possible d'indiquer quelle était la
source, au moins la source la plus éloignée, que Plutarque a
omis de citer; on le verra piécisément au chapitre XXIX pour
Nympliodore et pour Hécatée d'iVbdère. De même, sans doute,
beaucoup d'auteurs que Plutarque ne cite pas dans le De fside
avaient dû laisser des traces dans les compilations, par exemple,
Istros, Léon de Pella (6 -k -cpl twv xax' AtyjTCTOv ^ewv Tipay^ua-
Tet>(Tà[jL£vo; Clément, Stromata, I, 21, p. 68, 18 Stàhlin), Lysi-
maque d'Alexandrie, Alexandre Polyhistor, Démotélès (?) et bien
d'autres. Peu de temps après Plutarque, le péripatélicien Aristo-
klès de Messana consacrait encore au seul Sarapis un ouvrage
spécial : Ilepl lapàTcwo; (Suidas s. v.).
En présence d'une tradition aussi longue et aussi abondante,
on doit admettre que très fréquemment, au moins à partir du
P' siècle avant J.-C, les auteurs de compilation n'allaient plus
prendre leurs extraits dans les écrivains mèuies qu'ils citaient.
Us répétaient indirectement une tradition Jont le courant ancien
allait s'amincissant de plus en plus et qu'ils enrichissaient de
quelques éléments d'une valeur douteuse.
— 8 -
Cette observation générale sur la nature de l'information de
Plutarque a son importance ici pour la critique du texte. Si
Plutarque ne fait que liquider rapidement une série d'explica-
tions de Sarapis, qui lui sont déjà fournies de seconde main par
telle ou telle compilation qui juxtaposait elle-même hâtivement
les théories antérieures, il n'est pas étonnant que son résumé
présente des difficultés particulières de texte, d'origine et d'inter-
prétation.
RECHERCHES
SUR I.E
TRAITÉ D'ISIS ET DOSIRIS
DE PLUTARQUE
Sarapis-Hadès et Dionysos-Osiris
Au début du chapitre XXVUl du De fside, Plutarque raconte
à la suite de quels événements Ptolémée Soter établit à Alexan-
drie le culte de Sarapis. Averti par un songe, le roi fait ame-
ner à Alexandrie une statue colossale qui était à Sinope. Les
théologiens de la cour, « Timothée l'exégète et Manéthon le
Sébennytain, reconnaissent au Cerbère et au serpent que c'est
une statue de Pluton et persuadent à Ptolémée que le dieu
(ju'elle représente n'est autre que Sarapis. En effet, la statue
amenée de Sinope ne s'appelait pas Sarapis, mais c'est après son
arrivée à Alexandrie qu'elle reçut le nom égyptien de Pluton,
c'est-à-dire Sarapis ».
A la fin du chapitre XXVII qui précède, Plutarque a déjà dit
qu'Archémaque d'Enbée et Héraclide Pontique avaient identifié
— 10 —
le Sarapis égyptien avec le Pluton grec (*). Les prétendus
exégètes de Ptolémée ont donc fait simplement la même iden-
tification dans le sens égyptien.
La fin du chapitre XXVIIÏ est consacrée à corroborer et à
développer l'identification de Sarapis avec Pluton ou Hadès (^).
Kal fJiÉvTO', 'llpaxAc'iTO'j toO '^jt'.xoO XéyovTOç ce "At,oY|; xal A'.ov'jto;
oOtoç, OTe ouv ('^) p.a'!vovTa'. xal AYipa'ivo'JT'.v », cCç TauTY.v ÛTràvo'jo-^. tt,v
oô^av * ol yàp à^wOvTeç 'AtoYjv XÉvsT.S^a'. tô Tojjjia t/,; ']>'-''/^<; oïov
TrapacppovoùiTTjç xal tjL£3joû(T7i<; sv aÛTcji, yX'!<T^pwç âXAviyopOLiT'.. BsXtwv
os tÔv "Oo't.p'.v £»'; TauTO fT'jvàys'.v TO) Atovù(J(}), Tw t' 'Oo-ipioi TÔV
Sàpa7:!,v, 0T£ ttiv cp'JT'.v usTsJiiaAc, TaÛTT,; TJ'/ovTa (■^) Tr,; 7:poTr,yop{aç.
(*) Où yàp à'XXov sTvai SoépaTiiv i^ xôv IlXoûxwvà cpaat xal "^f Jiv tt)v Il£paré(paffaav,
à)*; 'Ap'^£{jia^oç EtOTjxsv ô Eùposuç, xal 6 Ilovxtxo; 'HpaxXsîof)? xô ^pTjcrcr,piov èv
KavwPqj llXouxwvoç t)you{j.êvo(; slvat. Archémaque, auteur de M£xwvu[i.tai, écrivait
au plus tard au Ille siècle avant J.-C. Cf. Schwartz dans Pauly-Wissowa, s. v.
(«j Pour les chapitres XXVIII et XXIX, j'ai examiné à Paris les codd. 1671 et 167i>.
qui dérivent, comme on sait, du recueil de Planude (cf. Max Theu, Zm- Ge-schich/c
der Ueberlieferiing von Pliitarchs Moralia, I, pp. ix et suiv.), et à Venise le
Marciamis 248 (daté de 1455, écrit par loannes Rhosus) qui provient de la même
source. Au lieu de 248, l'édition de Parlhey (p. xiii) donne inexactement à ce Venetus
la côte 250, qui est celle d'un autre manuscrit des Moralia où l'on ne trouve pas le
De hide. Au Corpus Planudeiim remonte encore VAmbrosianus C 126 inf. (n» 859
du catalogue de Martini et liassi; XlIIe-XIVe siècle). Comme je l'ai constaté à Milan,
ce manuscrit ne donne nulle part pour nos chapitres un texte meilleur que les deux
Parkini. Il en est de même de VAmbrosiamis H 113 sup. (n» 448 de Martini et
Bassi; daté de 1481, écrit par lo. Rhosus) qui contient, à la suite de VÉthique à
iSicomaque d'ARisïOTE, et du Banquet des Sept Sages de Plutarque, une copie par-
ticulièrement fautive du De hide. J'avais espéré que le Cod. Vindobonensis Pliilosoph.
Gr. 74 (cf. Lambecius-Kollar, t. VII, pp. 258 et suiv.), qui présente les traités de
Plutarque dans un ordre différent des Parisini, pourrait offrir des variantes inté-
ressantes, et je me suis procuré, par l'obligeante intervention de M. le professeur
A. Wilhelm, une photographie des chapitres XXVIII et XXIX. Ici encore, nous
n'avons rien trouvé qui permette d'améliorer la tradition de Planude. Il serait donc
sans profit d'énumérer les fautes diverses de tous ces manuscrits.
(3) ouxo; ô'x£ ouv : la leçon de Clément wuxô; ... ôxe(ii représente sûrement mieux
le texte original ; voir ci-dessous.
(*) La correction de Squire xu^dvxi, généralement admise, n'est pas indispensable.
— H —
Aw Trào-', xo'.vôç 6 ilâpaTi'!; éo-Tiv, (bç or, (^) xôv "Oatp',v ol tojv Uptov
(c Comme Heraclite dit « Hadès est le même que Dionysos,
pour qui ils délirent et divaguent », ils (c'est-à-dire les parti-
sans de l'identification Hadès-Sarapis) ramènent cela à leur
opinion. Car ceux qui prétendent que le corps se nomme Hadès
parce qu'en lui l'âme déraisonne et est ivre, font une piètre
allégorie. Mieux vaut identifier Osiris à Dionysos, et à Osiris
Sara pis, qui a obtenu ce nom quand il a changé de nature. C'est
pourquoi Sarapis est commun à tous, comme les initiés le savent
également d'Osiris. )>
L'identification d'Osiris avec Dionysos se trouve déjà chez
Hérodote (H, 42, 144) et était devenue classique. Partant de là,
et invoquant une phrase d'Heraclite, les exégètes que suit Plu-
tarqne avaient donc raisonné comme il suit : Dionysos, c'est-
à-dire Osiris, est le même qu'Hadès; or, Sarapis à son tour n'est
qu'Osiris devenu dieu; il se confond donc lui aussi avec Hadès.
Le passage d'Heraclite est cité plus au long chez Clément
d'Alexandrie, Protrepticiis (I, 26, 6, Stàhlin; Herac. Fragm.,
127 Bywater; 15 Diels) :
« Ef' |i.Ti yàp A!.ovuo-(}3 7ro|jnrYiv iTrowOvTO xal U|jLveov oco-jjia aîSoîoicnv,
àvat.^£(TTaTa S'rpyaaT' av (^) », cpT,o-lv 'RpàxleLTOç' « w-jtoç 5s 'AiSy;;
xal ^lovu^o^y Ôt£(o \k(jJ.vrj-ncf.i xal ÀTjvaLÇouo-'-v », où ^t-à ttjv {jl£.S:'/)v to'j
TWjjiaToç, wç iyw ol^(xi, totoùto^j otov Bià ttjV sitoveîStffTOv 'ZT^ç
Pour comprendre Plutarque, il faut bien, avec Wyttenbacli,
rétablir dans son texte, d'après Clément, (ojtoç, otew au lieu de
O'JTOÇ, ÔT£ O'JV.
Quant à XY^paivojfTw, si l'on peut hésiter à le remplacer chez
Plutarque par XYiva!!Çojart.v de Clément, comme l'a tait M. Hernar-
dakis, il ne paraît pas douteux que XTiva!!Çou(Ti.v soit la leçon origi-
(*) OT) Bernardakis, ôè manuscrits, xal Markland.
(*) s't'pYaaxai Clément. La correction est de Schleiermacher.
— 12 -
nale, et il a été préféré à bon droit par les deux éminents éditeurs
d'Heraclite, Bywater et Diels.
Dans le passage en question de Tobscur Éphésien, il me
paraît certain que l'interprétation doit partir du jeu de mots sur
les trois expressions a^Bowiai-v, âvaiosaraTa, 'XiZr\^. C'est là un
procédé qui n'est pas rare chez Heraclite : voir par exemple
fr. 20 (Diels) jeu de mots sur {Jiôpou;; fr. 48 sur j3w; et ,3'.o;;
fr. 114 $ùv vo(}) et ^uyôi.
Naturellement, lorsque l'expression de la pensée s'assujettit à
de tels jeux de son, la phrase est impossible à traduire. « Si ce
n'était pas en l'honneur de Dionysos qu'ils faisaient leur pro-
cession, et s'ils ne chantaient pas leur chant en l'honneur des
œ2oioL (en l'honneur des parties honteuses ; je comprends a''Bo{ot^'.v
comme un datif correspondant à Dionysos), les choses qu'ils
font seraient avaiBéaraTa (tout à fait é/iontées) ; mais c'est le
même qu'Aidés et Dionysos en l'honneur de qui ils délirent el
ils divaguent (^). » On voit comment, en jouant sur les sons,
par l'intermédiaire de dva',5£(7TaTa, on passe des awora à Aior.ç :
en célébrant les a^Sota, leur conduite est tout autre qu'avai8é;,
puisque c'est à AîSriç {= Dionysos) qu'ils s'adressent ainsi.
Si dans le premier membre Awvjo-w et a''ooio',arL se correspon-
dent, il me paraît que les deux verbes qui viennent après ôtcw
doivent être choisis suivant le même parallélisme. Or, de même
que (jiaivovTai convient au premier terme Awvùdù) TtofjLUïiv éiro'.oGvTo,
on va voir que le sens que l'on est amené à donner à XYivaiÇoixr'.v
le fait semblablement correspondre au second terme jjjivcov aaaa
Si l'on néglige Suidas où le mot est noté sans explication, le
verbe ).7ivaiÇw n'apparaît, à ma connaissance, en grec qu'une
seconde fois, et cette fois encore dans le Protrepticus de Clément.
(*) Il me semble que l'interprétation de M. Diels (Herakleitos von Ephesos,
2« édit.) est assez différente : Denn wenn es nicht Dionysos wàre, dem sie die Pro-
zession veranstalten und das Phalloslied singen, so wàr's ein ganz schândliches
Tun. Ist doch Hades eins mit Dionvsos, dem sie da toben und Fastnacht feiern!
— \s —
Dans ce passage, tout au début du Protrepticus (toù; XT,va(-
wOVTaç TTGU.Tâ;, TsXcOv 7,07, TTapoivoùvTaç, etc., p. 4, 4 Stâhlin),
l'emploi du mot semble bien être déjà une réminiscence du
fragment d'Heraclite qui sera cité un peu plus loin par Clément.
D'après une scolie très digne d'attention sur ce passage de
Clément (^), le verbe Xr.vait^oj s'appliquait particulièrement au
chant qui accompagnait l'ivresse des orgies bachiques, et il
convient donc mieux au contexte que la variante Â7ipatvot>Tiv.
Celle-ci paraît être une lectio facilior, bien que le verbe Aripaivw
soit, lui aussi, rarement attesté (^).
11 est très remarquable que les interprètes dont Plutarque
reproduit le raisonnement avaient dû écarter une explication du
passage d'Heraclite (01 yàp aEwOvTe; "Aw7iv ÀsysT^at tô Twjjia Tïiç
^'jyri^ olo'^ Tiapacppovoùa'Ti; xal \kz^\jo\j<yr\q év aÙT(p, Y).{a'yp(i)ç âX/r,-
yopo'jT'..) OÙ nous retrouvons trace de celle que Clément a connue
également (ou o',à tV {xÉ^tiv toÛ o-wii-axoç, wç éyw o^fjia'., p. 26, 9;
cf. p. 4, 4 : XT^vaiÇovraç . . . Trapo'.voGvxaç...).
Une telle rencontre pourrait faire penser à une ancienne
source commune où le passage d'Heraclite était accompagné
d'un commentaire analogue. Il faut toutefois prendre garde que
la rencontre est en elle-même assez naturelle, parce qu'il s'agit
de l'explication qui, en somme, se dégage le plus facilement
de la vraie pensée d'Heraclite. Pour celui-ci, la vie présente
elle-même peut être appelée mort (fr. 21 Diels, avec la note ; cf.
(*) P. 297, -4, Stahlin : XT,vaf^ov'ca(;J àypotxtXT) qi^rj èttI xtp Xïjvtf) qt8o[j.£VTj, % xat
aùxT) Trepieï^Ev xAv Atovucrou airapaYfJi-ov. Tràvu 8è eù<pu(0(; xat ^àpixoç èfJiTrXétoç xo
cf xtxxtî!) àvaoT^aavxs; » x^^eixev, ôjjiou [xèv xô 6'xt Aiovuatjj xà Ai^vaia àvaxeixai evôst^â-
{j.Evo<;, é(jLoij 8è xai w^; Trapotvîqc xauxa xfiù Trapoivoucxiv àv^pwTroK; xat (X£.Sûoufftv
auYxexpdxTjxat, Et plus loin, p. 307, 19 : XïjvafiloujtvJ pax^euouatv Aïjvat yàp
al Bàxyat (cf. HERACLITE, fr. 14, Diels). De même Hesychius s. v» XTjveuouaf
Paxy^euoufft. Cf. la variante Xïivai^oufftvJYp. xat XTjveûouatv P* dans Clém. Prot.,
p. 26, 9. Sur les Lénées en lonie, voir Nilsson, Griechische Feste, pp. 275 et suiv.
(*) Philon, Legum allegor., II, 16, t. I, p. 102, 8 Cohn (à propos de l'ivresse de
Noé); Tatien, Or, ad. Graecos, 33; Grég. de Naz., (h'at., IV, 113. Il est à noter
que Platon, Lysis, p. 206 A, réunit les deux termes XTjpel xe xat (xat'vsxat.
— U —
fr. 02, 77) ; l'ivresse qui rend l'âme humide (<£v->ip 6xoTav fxe5u<T5y;
... 6ypT|v TT^v ^J/Yiv ^/wv, ïr. 117) est ce qui l'éloigné le plus
de la nature de la vraie vie qui est le feu (fr. 118). De là à
appliquer l'image d'ivresse à l'état de toute âme attachée au
corps, il n'y a qu'une extension de l'idée héraclitique qui a été
déjà faite par Platon, Phédon, 79 C : (yj ^^X'^) ^'^^'«s'^ai Otto toO
o-WjjiaTo; eîç Ta oùSsuoTe xaxà tolÙtol 'éyo^noL, xal a'JTY, TiXavaTa». xa».
TapaTTSTat. xai eCkiyyi^ wiTTrep p.£5ùoL»<Ta, te towutojv é(pa7CT0|jL£vrj.
Cette conception voisine avec la théorie bien connue, d'ori-
gine orphique et pythagoricienne, que le corps est le tombeau
de l'âme où celle-ci expie ses fautes : Platon, Gorgias, 493 A,
Cratyle, 400 C. Citons seulement le fragment de Philolaos 14
(Diels, Vorsokratiker, I, 245, 2^ éd.) : piapTupeovTat. oè xal ol
TraXatol 3eoXdyot, xe xal pLavTLeç, wç $!.à TLva; T'.piwpiaç b. ^'J'^à
Tù) (7(i)p.aTt. a"uvÊÇeuxTat, xal xa.5à7:£p ev a-àjjiaTt. toutw Te^auTai. En
réunissant les deux conceptions, nous avons tous les éléments
qui ont servi à former l'explication allégorique rapportée ici
par Plutarque.
La fin de notre chapitre XXVIII s'éclaire parfaitement si on
la rapproche de la fin du chapitre qui précède. Là, il a été dit
quTsis et Osiris, de bons démons qu'ils étaient, ont passé au
rang de dieux [de, 5eoù<; peTajSaXôvTe;) , de même qu'Héraclès et
Dionysos : ajjia xal 3£wv xal 8ai.|Ji6vwv oux ànzo rpoTTOu |JL£|jLLy{jL£va;
Tt.fi.ac ïjODfJif TtavTa^ou [xÉv, év 8k to^ç UTtkp vtJv xal 'jtto yT,v S'jvàp.£VG'-
|jL£Yt.<TTov. C'est en ce sens qu'il faut entendre que Sarapis est
commun à tous, Tràat y.oi^6^. La même explication, à propos
d'Osiris, est encore répétée au début du chapitre LXI (375 E) .
— 15 -
II
L'interprétation des Phrygia Grammata
Le chapitre XXIX va nous présenter successivement non
moins de six explications de Sarapis. La première est empruntée
aux c( Écrits phrygiens » :
Où yàp a?',ov 7rpoa-£^£t.v Toiç *ï>puy{o5.ç ypajjLfjiaa'iv, ev oîç ÀsveTa'.
yoLpOTZh^ç Toùç ijL£v TO'ji 'HpaxXsouç yevéo-^at. .SuyàxT^p (^uyaTpo;, COrr.
Venetus) (^), 'lo-ataxoG Ôe TO'J 'HpaxXeo'jç 6 Tucpwv.
Le texte est corrompu, et les chances de le rétablir avec
sûreté sont d'autant moindres que l'altération porte en partie
sur des noms propres.
Tout d'abord, il semble certain, chacune des cinq autres sec-
tions du chapitre étant consacrée à une explication de Sarapis,
que toute correction qui ne fait pas intervenir ici également le
nom de Sarapis ne peut pas résoudre la difficulté.
C'est le cas, par exemple, pour la correction d'Emperius que
M. Bernardakis a admise dans son texte et que Ton en vient quel-
quefois maintenant à citer (^) comme la vraie version de Plu-
tarque : ...£v oïç X£y£Ta', XàpoTioç jjlÈv toC» 'HpaxXÉoj; y£V£(T5at. ir'jyârrjp
"l(T'.<;, Af'axoO 5È Tou HpaxXioj; 6 Tucpwv. Il faudrait alors à tout le
moins supposer la chute d'un membre où il était question de
Sarapis, et s'engager ainsi dans un second remaniement arbi-
traire.
Autrement ingénieuses et dignes de mention sont les correc-
(') Dans le Venetus 248, Tpd<; est écrit dans l'interligne au-dessus de xTjp, proba-
blement par une seconde main; la valeur traditionnelle de la leçon est donc
douteuse.
(-) Par exemple, Reitzenstein {Poimandres, p. 164, et Zwei religionsgeschicht-
licke Fragen, p. 94) qui se fonde sur ce texte plus que suspect pour faire descendre
Isis d'Héraklès. De même Pauly-Wissowa, s. v. Charops 4 b.
— 1(> —
lions proposées par les savants éininents qui restent des maîtres
en la critique de Plutarque, Ueiske et Wyttenhacli :
ÀéyÊTat, Sàpa7tt.ç jjikv r^ç zoù 'lipaxXéouç Y£vé<T5a'. .Sryyarpôç 'lo-a^aç,
X'IoLxoù 8è ToO 'HpaxXeo'jç h Tucpwv Reiske.
ÀÉyeTaî. aÙTo; p-èv (sci/. Osiris) ilapaTto'jç r?i(; 'HpaxXéou*; yevé<T3a'.
.S'jyaTpoç, 'laataxou 5e toû 'HpaxAeouç ô Tu'^wv Wyttenbach (^).
A la rigueur, on pourrait se passer d'exprimer è SàpaTriç
comme sujet de XéyeTa',, car il se supplée facilement, étant le
sujet de la phrase précédente. Néanmoins dans cette dernière
phrase, le nom de Sarapis est suivi de celui d'Osiris et il en
résulte une certaine amphibologie à laquelle Wyttenbach, dans
sa correction, s'est laissé prendre en faisant d'Osiris le sujet de
liyezoLi. De plus, pour la symétrie de la phrase, on s'attend
à voir exprimer un premier sujet qui doit balancer, à la fin du
premier membre, celui qui termine le second : h Tjcpwv. Dès
lors, rétablissant ô Sàpaut; et se tenant le plus près possible^ du
texte transmis, on pourrait lire :
ev oïç XeyeTat, XapoTcoO; tyiç p.£v tol» 'HpaxXéouç yev£<T.3-a'. 5'jyaTpèç
< 0 liÔLpoLTz > iç, At-'axoL» 8e ToG 'HpaxXéouç 6 T'jcpwv.
Je dois dire qu'il m'est impossible de traiter sérieusement la
leçon 'l<TataxoLi et qu'elle m'apparaît invinciblement comme la
bévue d'un scribe chrétien.,
Il faudrait peut-être supposer un archétype ancien en onciales
où l'un des deux groupes identiques OC qui se suivent aurait été
sauté, BYrATPOCOCAPAniCAIAKOr devenant eiTAïPOCAPA-
IIICAIAKOT. Le scribe, hanté par un nom biblique, aurait
rattaché IC au groupe AIAKOT et laissé tomber le groupe de
lettres APAIT devenu inintelligible. Ceci n'est d'ailleurs qu'une
des façons, entre plusieurs autres, de s'expliquer une faute qui
a sans doute une très longue histoire. En tout cas SrjyàTr.p
apparaît visiblement comme une correction malheureuse et pos-
térieure.
(*) Voir dans l'édition de Parthey d'autres corrections de Semler et de Parthey
lui-même que je crois inutile de mentionner.
— 17 —
Je ne sache pas qu'il soit parlé ailleurs d'une filiation entre
Éaqne et Héraklès. Mais en faveur de l'attribution à Héraklès
(l'une fille nommée XapoTrw (^), nous avons du moins un indice
chez Pausanias, IX, 84, 4 : AvwTipw U (il s'agit du mont
Laphystion, en Béotie) ettiv 'HpaxÀYi<; Xâpo(|> i7rixAYi(T!.v evraG^a
ok ol Bo',(OTol Xiyoua'.v àva[3'?jva', tov HpaxÀéa àvovxa toO "Aioo'j tov
xûva.
C'est ici le uioment de rappeler une remarque profonde
d'Otfried Mûller C^) : « Héraklès sortant des enfers aurait été
appelé par les Béotiens Charops, le joyeux )>. Pour les 4>pLiy'.a
ypâjjLjjLotTa, Sarapis, le dieu bienfaisant, descendrait donc de la
fille engendrée par Héraklès rendu à la lumière. La fille, comme
l'enfant l'est fréquemment, aurait été nommée d'après une qua-
lité caractéristique du père (^). Typhon, le dieu malfaisant des
ténèbres, serait issu d'un fils d'Héraklès, Eaque, qui vit dans
l'obscurité infernale.
Jusqu'ici nous ne voyons pas encore manifestement, dans
cette première explication, une étymologie de Sarapis, comme
il y en aura une dans chacune des cinq explications qui vont
suivre et comme il paraît être de méthode régulière dans tout
ce chapitre. C'est que Plutarque résume ici très négligemment
(^) C'est uniquement la leclio un peu ditïicilior qui me fait préférer la forme
XapoTToui; à XapoTiTi; qui serait plus usuelle; cf. Mépot|^, MspoTrTj, KaXXtoTnrj, etc. Le
suffixe ui, en général diminutif et hypocorisliqUc (cf. Zeu^w, Zeu^îirTiTj, etc.), aurait
donné plutôt régulièrement Xapw (et. <l>aiyo^, 4>atva)). Mais on voit que dans cette
forme la relation avec l'épithèle d'Héraclès X<xpo<\i ne serait plus apparente; w aurait
donc fonctionné ici simplement comme suffixe do nom propre féminin. Cf. 'Epaxto
en regard de epàxTi.
[^) Dorier, ïî« éd., I, p. 423.
(5) Entre autres exemples analogues, cilons Astyanax Z 403 (cf. PlatOiN, Cralylc,
392 C), Eurysakès, fils d'Ajax, Télémachos (parce qu'Ulysse combat au loin), Méga-
penthès (à cause de la douleur de Ménélas pour la perte d'Hélène), Gorgophone,
tille de Perseus (à cause de l'exploit de son père, Pausanias, II, 21, 7), Alkyone
(à cause de la douleur de sa mère Marpessa, I, 562); voir quelques autres exemples
dans un article récent de R. Hildebrandt, Philologus, LXX (1911), pp. 73 et suiv.
— 18 —
(ou yào aÇwv itpo<jé^e'-v) ; s'il avait accordé un peu plus d'attention
à l'opinion qu'il transmet, il aurait vu que pour le fond elle
dérive sans doute d'une étymologie égyptienne qu'il signalera
lui-même un peu plus loin : éyw os, e^ f/kv XiyùnTiôv é^'. Touvojxa
ToO Sapâuwoç, eù^poa-uvY)v olÙto O'rjXoOv 010^7.1 xal y7.^\k0<7'x/y;/, Texjjia».-
oduevoç OTt. Tf\^ éopTYjv A^yy7rT!.ot. ik yapfJLOo-jva « Ta(p£'. » xaAoOa'.v.
Il y avait donc une étymologie qui dérivait le nom de Sarapis
du mot égyptien sairei, lequel signifie yapjjLOTJVYi, joie. On voit
que la généalogie attribuée à Sarapis dans notre passage dérive
précisément de l'épithète CharopSy joyeux, et ne fait que tra-
duire en grec l'idée qui est dans l'étymologie égyptienne (*).
Ce rapprochement achève de mettre hors de doute la nécessité
de donner Sarapis comme sujet à la phrase extraite des « Ecrits
phrygiens ».
Pour ce qui est des Phrygia grammata que nous voyons citer
ici, la question n'a pas encore fait l'objet d'une étude spéciale.
Il faut placer l'invention de l'existence d'écrits de ce genre au
moins au second siècle avant Jésus-Christ. Je dis l'invention de
l'existence, et non la composition comme œuvre à part, car il
est certain, par exemple, que lorsqu'un Denys Skytobrachion
(iP siècle av. J.-C.) prétend utiliser, chez Diodore, III, 07, 5,
pour son roman mythographique un antique ouvrage phrygien,
il en invente à la fois l'existence, le titre et l'auteur. Faut-il
entendre comme des <i>pL»yt.a ypâ|jL|jLaTadu même genre les Plirygiac
litterae que mentionne Cicéron (^), évidemment de seconde
main, à propos d'un Hercule Nilo natus Aegyptius, qitem aiunt
Phrygias litteras conscripsisse ? La question est obscure. En
tout cas, Lysimaque d'Alexandrie, qui est sans doute plus
(*) Il y a peut-être lieu de mentionner ici le passage de Porphyre, De p/iilosophia
exoracidis haurienda, éd. G. Wolff, p. 131 (cité par Eusèbe, Praep. Evang., V,
13, p. 201 B), où il est dit de Sarapis : jSojTpu^/^ov s/. xsœaXTj; veâxT|(; ■^apo-noiai
|xexto7roi<; | à{x^i<; latvdjxsvov.
(2) De nat. deor., III, 42. Cf. Ampelius, Lib. meni., 9; Lvdus, De memibtis, IV, 46
et MiCHAELis, De origine indicù deornm cognominmn (Diss. Berlin. 1898), p. 76.
— 19 —
ancien (^) que Cicéron, cite 6 toù; 4>p'jyioj; IrWouç ypà^j^a;, à
propos précisément, comme chez Plutarque, d'une généalogie,
celle d'Achille, qui différait de la tradition ordinaire (^).
Tout en ne partageant pas tout à fait le scepticisme de
M. Isidore Lévy (^) à l'égard du rôle religieux d'un Eumolpide
Timothée à Alexandrie au temps de l'un des Ptolémées, je crois
qu'il faut en tout cas renoncer à l'hypothèse qui voudrait voir
en lui également l'auteur de <I>p'jy'.a ypâjjLfxaTa ('^).
En effet, chez Plutarque, chapitre XXVIll, l'Eumolpide
Timothée identifie Sarapis à Pluton ou Hadès {^= Dionysos-
Osiris). 11 ne peut donc être l'auteur de l'écrit dit phrygien où
l'on donnait de Sarapis l'explication en tout cas différente que
nous venons d'examiner.
Au surplus, il est dans les nécessités mêmes du genre que
des écrits supposés, comme les Phrjjgia grammata, soient
pseudépigraphiques (^). On vient de voir que chez Cicéron
on attribuait peut-être une œuvre de ce genre à un Hercule
égyptien. Dans le passage de Diodore (111, 67, 4-5) signalé plus
(•) Cf. SiJSEMiHL, Geschichte der gr. Litteratur in der Alexandrinerzeit, I, pp. 479
et suiv.
(2) ScoL. Apollon. Rh., Arg., I, 558; dans Muli.er, FHG, III, p. 338, fr. 11.
(3) Revue de l'Histoire des Religions, LXl (1910), p. 195.
(*) C'est, semble-t-il, une phrase, trop larcfement interprétée, de M. Franz Cumoni
qui a donné lieu au renouvellement de cette hypothèse (elle était déjà dans
MuLLER, FH(w, II. p. 614) : « L'Eumolpide Timothée... s'instruisit aussi des antiques
mythes phrygiens » [Les religions orientales dans le paganisme romain] 2^ éd.,
p. 77). Partant de là, M. J. Toutain écrit à propos du récit phrygien du
mythe de Cybèle, transmis par Arjsobe, Adversus nationes, V, 5-7 : « Arnobe l'a
emprunté à un spécialiste nommé Timothée, qui parait être, selon l'hypothèse fort
vraisemblable de M. Franz Cumoni, l'Eumolpide Timothée, appelé en Egypte par
Ptolémée I... etc. » Revue de l'Histoire des Religions, LX (1909), p. 299. Même com-
binaison chez P. Wendland, Die hellenistisch-rOmische Kultur, p. 129, 2« éd.
(•^) Cf. pour l'Egypte les ouvrages attribués au vieux roi Néchepso et à son
prêtre Pétosiris, à Hermès et à Asklépios; pour la Perse, Zoroastre; pour la Phé-
nicie, Sanchuniathon; pour la guerre de Troie, les romans de Diktys le grec et de
Darès le phrygien, etc.
— 20 —
haut comme emprunté à Dcnys Skytol)racliion (*), il estd'aboid
parlé (Je Linus comme ayant écrit d'antiques ouvrages en carac-
tères pélasgiques, ensuite d'Orphée; après les noms de iees
auteurs mythiques, on lit : Trpô; oe toûtoi; BujxoiTY.v tôv HjjjLO'iToj
-zoO AaojjLéoovToç xaxà t'>,v T,Auîav yeyovÔTa ' rViv 'Op'^éwç TjvTa-
;a(T5a!. T'>,v 4>pi>ytav ovojJiaÇojJLSVYjV 7:oÎYiTt.v, dpyjxiyMi; (^) tt, T£ o'.aAÉxTw
xal toi; ypâ{ji{jLaa'. ';(p7iarâ|ji£vov. Ici donc on inventait une version
phrygienne que l'on attribuait à ïhymoitès, petit-fils du phry-
gien Laomédon, dont le peuple passait fréquemment, comme
on sait, pour être le plus ancien de la terre.
Vient maintenant le passage d'Arnobe [Adv. nationès, \ , -j-'j
sur la légende de la déesse phrygienne : Apud Timotheum, non
ignobilem theologorum unum nec non apud alios aeque doctos
super Magna deorum Matre superque sacris eius origo haec
sita est, ex reconditis antiquitatum libris et ex intimis eruta,
quemadmodum ipse scribit insinuatque, mysteriis.
Pas plus que le passage de Diodore ne garantit l'existence
de la poésie phrygienne d'un Thymoitès, le texte d'Arnobe ne
prouve rien au sujet de la réalité des écrits du ïimothée le
tlieologiis et des alii aeque docti. 11 est possible qu'un faussaire
d'époque tardive se soit paré lui-même (^), ou plutôt ait paré
sa source du nom et du titre de l'exégète Éleusinien. Mais il est
tout à fait invraisemblable que même ce pseudo-Timothée ait
fourni, comme le suggère M. Lévy, l'extrait de Plutarque sur
Sarapis qui est précisément en contradiction avec l'interprétation
donnée par le Timothée, historique ou légendaire, pour lequel
le faussaire voulait se faire passer.
(1) Cf. ScHWARTZ dans Pauly-Wissowa, .s. v. Diodoros, V, col. 673.
(2) Dindorf et Vogel corrigent en àpjaixoiç.
(5) C'est l'opinion d'IsiDORE Lévy, Revue de VHistoire des Religiom, LXI (1910),
p. 196.
21
m
Sarapis = <TOLipciy tô t.7.v
oùoï <I>'Aâpyo'j (*) (JLT, xaTacppove^v ypàcpovToç ot'- TcpwToç s''; A'Iy'jTTTov
£Ç IvOWV A'.ÔVJTOÇ 'fîYOL'^fS. oÙo Po'JÇ, WV YjV TW {JL£V ^AtTI? O^OIâOL TO)
o' "Oo-tp'.ç, Sâparciç o' ovo^kx toO to iràv xoo-jjio'jvtÔç sctt'. -apà to
Ta'^pc'.v, 0 xaXAÛv£!.v T'.vk; xa'. xoTjxsrv Xsyo'JT'-v. "ATOua yàp Ta'JTa to'j
^^•.Aapyo'j, ...
a Et on ne peut non plus que dédaigner Pliylarque écrivant
que, le premier, Dionysos amena en Egypte de l'Inde deux
bœufs dont l'un avait nom Apis et l'autre Osiris, et que Sarapis
est le nom de celui qui ordonne l'univers, d'après le verbe
a-a(pc'.v qui, suivant quelques-uns, a le sens d'embellir
d'ordonner. Absurde est cette explication de Pbylarque... )>
Phylarque, contemporain d'Aratus fin du IIP siècle), avait
écrit des McrToptat que Plutarque a lues et cite fréquemment.
A coup sur, notre extrait pourrait appartenir à ces Histoires
qui, d'après les nombreux fragments conservés, renfermaient
des digressions et des anecdotes extraordinaires de toute sorte
(par exemple sur l'Inde, fr. 80 et 87; sur l'Egypte, fr. 20 et 40;
MiiLLEH, IHG, I, pp. 334 et suiv.). Mais il avait écrit d'autres
ouvrages aussi, notamment une 'Et:!.to{jlyi {juj^tx-r, et des "Aypacpa,
sans doute également de contenu mytbographique (^). 11 nous
sutïit de constater que Plutarque paraît bien citer ici d'après
un résumé de seconde main, comme le montre le caractère
imprécis et incomplet de l'extrait. 11 ne devait d'ailleurs avoir
aucun goût de recbercber et de présenter à ses lecteurs les
(') Aucun des manuscrits que j'ai collationnés n'écrit (puXap'/^oo.
(«) Cf. SrsEMiHL. GeschicfUe der griechùclien Litteratiir in der Alexandriney'zeit ^
I, p. 631, n. 5:if).
_ -22 —
détails (l'une opinion dont le caractère rationaliste était bien
tait pour lui être antipatiiique.
D'après le fr. 40" où il parle de Philadelphe avec beaucoup
de liberté, on a supposé très vraisemblablement que Pbylarque
n'a pas écrit à Alexandrie ni sous l'influence de la cour égyp-
tienne. On le voit de même ici, semble-t-il, traiter sans respect
les dieux et l'antiquité vénérable de l'Egypte en plaçant Apis et
Osiris parmi le butin rapporté dé l'Inde par Dionysos. De plus,
on dirait que l'étymologie de Sarapis, tirée du grec Taîps'.v to
7:àv, est inventée précisément pour être opposée à l'étymologie
égyptienne sairei que nous avons signalée plus baut et dont
nous aurons l'occasion de montrer l'antiquité.
Comment d'ailleurs Pbylarque passait- il de la mention
d'Osiris et Apis, qui fait penser pour Sarapis à l'analyse bien
connue Osiris -|- Apis, à Sarapis lui-même et à l'étymologie
toute différente o-aips'.v to uàv, c'est ce que l'état du texte, que
Plutarque lui-même trouvait déjà absurde, ne donne guère
moyen de conjecturer. Le plus probable est que Pbylarque
prétendait que Sarapis n'avait rien de commun avec Osiris et
Apis.
— 23 —
IV
Sarapis = ^opôç "Amooç
"XzoTzy. yàp TaÙTa toO <l>!.Xàpyoj, tcoÀXw o' âTOTroWepa < Ta > (*) twv
asyÔvtwv oÛx e'Jva'. .reôy tov ïlàpaTr'-v, âA^à Tr,v "Atiwoç iropov olJtwç
ovo|JLâÇ£(T5a!,, xal '^aAxà; Tivaç sv Msjjicpet, TT'jXa; A/,5t,ç xal xwxjto'j
TrpoaayopcUOfJisvaç, oTav ^y.iz'Zb)^^. -o^^ Wtzlv, àvoîvecr^a'., [iiap'j xal
rj'Àkr^^o-^ ^o^o\j<70Lq ' o',b -avTÔ; r,^cOvToç 'h{^àç ya^xo^ixaToç £-'.)>au-
|jàv£a-5a'..
11 y a dans celte phrase trois propositions. Quant au sens
littéral, les deux premières, A) oùx s^vau.. ovojjLàÇeo-^at., B) xal
yaAxàç... t];o!poLK7a; , n'offrent pas de difficulté et l'on peut mettre
(les noms sur les détails qu'elles nous transmettent.
Le sens du troisième membre, C) ow... sTi'AajjLpâvea-.Sat., et sa
liaison avec ce qui précède n'ont pas encore été expliqués d'une
façon satisfaisante et devront nous arrêter assez longuement.
.4) « Beaucoup plus absurde est l'explication de ceux qui
disent que Sarapis n'est pas un dieu, mais que c'est le cercueil
d'Apis que l'on nomme ainsi. «
Le plus ancien garant qui nous soit cité pour cette étymo-
logie Topôç "A7r',8o; est Nymphodore chez Clément d'Alexandrie,
Stromata, 1, 2i, i06, 6 (p. 08, 28, Stàhlin) :
N'JIJLCpÔOWpOÇ Be 6 'Ap.Cp?.7roXiTY|Ç £V XpiTW NOjUilJKOV 'Ao-iaç TGV ^Att'.v
TGV TaOpov T£X£UT7ja'avTa xal Tap'.'/^£u3£VTa eiç o-opôv oLTzoTe^eï'jBai £v tw
vaw ToO Tt.(jLOi{i.£vo'j BaijJLOVo;, xàvT£'j5£v 2op6a7r!.v xX7i.S:r,va!. xal Sàpa-'.v
T'JVTi.Srfiîa Twl Twv é'j'ywpiwv 'jaxEpov.
Ce Nymphodore, auteur de Nomima barbarica, n'est appelé
AjjLcpiTcoX'iTTiÇ que dans ce seul passage de Clément; il est très
vraisemblablement le même que le paradoxographe qu'Athénée
(1) xà suppl. Squire.
— 24 —
appelle Nvinpliodore de Syracuse et qui avait écrit un ouvrage
Ilepl Twv év lt.x£A'!a .Srau|j.aÇo(jL£vwv et un UepiTzkou^ (*) .
On le place généralement à l'époque de Pliiladelphe, et même
il a dû écrire avant 260 si l'on admet avec le scoliaste d'Apol-
lonius de Rhodes que celui-ci l'a utilisé pour des détails ethno-
graphiques de ses Argonautiques : Scol. Apoll. Hhod., 111,
202 = fr. 17... (oç «p/j^t, N'j{ji.cp6owpo; w /.xoÀoij.rTia-e [scil. 'AiroA-
Ao'jvwç)... Cf. le même scoliaste, 11, 1010 = fr. i5.
Nymphodore ne paraît pas s'être fait scrupule de reproduire
ses devanciers. Par exemple, le fragment 21 (Scol. Sophoc,
OEd. Col., 337), sur les mœurs des Egyptiens, est emprunté à
Hérodote, avec une seule et curieuse addition dont voici le sens :
Sésostris a imposé aux hommes les travaux des femmes et aux
femmes les travaux des hommes, par politique, pour efféminer
les hommes et les empêcher de revendiquer l'égalité et de ren-
verser son autorité.
Cette interprétation rationaliste des institutions s'inspire
exactement de l'esprit qui poussait HécaLée d'Ahdère à inventer
également des explications politiques, par exemple Diodore, 1,
89, 5 (= Plutarque, De fside, ch. LXXU, p. 380) {^) : les rois
d'Egypte, pour empêcher leur peuple de s'unir contre eux, ont
(*) Les fragments empruntés aux Nomiina et aux deux autres œuvres sont écrits
dans le même esprit. 11 y a même quelque chose de caractéristique dans la
rencontre d'expressions comme sv Tcp vatf» Toy xtfjitofjLÉvou ôatuiovoc; chez Clément et
'Aôpavou vswç Èiriytopto'j oat'fxovoi; chez Émen, N. à., XI, 20 (Nymphodore. fr. 3;
MuLLER, FHG, II, p. 376). On sait combien souvent les anciens sont désignés, tantôt
par leur lieu de naissance, tantôt par leur résidence.
(2) Pour l'attribution à Hécatée, cf. Ed. Schwartz dans Pauly-Wissowa, V.
col. 674, s. V. Diodoros. Il faut rapprocher de ce passage d'Hécalée le récit d'un
auteur juif (Artapanos) qui attribue l'honneur de ce stratagème politique à Moïse,
conseiller du roi Chenephrès : e'-ri 8e tt)v ttoXiv etç Xç' vofAoù; ôteXslv xat £xà(rccf> xtov
vopiàiv aTTOxâ^at xôv 3eôv aB(pBri<sE<sBai xi X£ Upà Ypà(ji(i.axa xoiç lepeùdiv elvai Se xai
alXoupouj; xat xuvaç xal t'pei<;... xauxa 8e iràvxa irotTjcrat ^àpiv xou xijv {xovap^îav
P^Païav xqj XevE(ppfi StacpuXà^at. EusÈBE, Pra^p Evang., IX, 27, p. 432 B; Muller,
FHG, III, p. 221.
— 25 —
introduit des cultes d'animaux différents selon les régions, ce
qui a engendré entre leurs sujets d'interminables querelles (^).
Que Nyuiphodore soit ou non son premier auteur, l'étymo-
logie (Topo; ' Att^oo; éniane donc du mên)e rationalisme superficiel
qui caractérisait l'œuvre d'Hécatée.
En lisant chez Clément les phrases qui précèdent le texte
transcrit ci-dessus, on voit que l'explication était mise en rap-
port par divers auteurs avec une identitication évhémérique de
l'Apis égyptien et d'un Apis grec mythique qui avait régné sur
le Péloponèse. Celte identification se rattache à un ordre de
questions que nous étudierons dans leur ensemble au cha-
pitre XIII.
Plutarque se contente de déclarer l'étymologie absurde, et
la brève mention qu'il en fait ne nous permet d'entrevoir
aucune allusion au récit qui expliquait la divinisation d'un roi
grec Apis à Memphis. Mais il ne faudrait pas conclure de là
que Plutarque ignore ce récit; il n'a sans doute pas voulu s'y
arrêter à cause de son antipathie déclarée pour la tendance de
l'impie Evhémère (De hide, XXIII). Comme nous le verrons plus
loin, l'étymologie rationaliste rropo;, "A-ioo; était déjà bien connue
de Varron, d'après qui saint Augustin s'est donné le plaisir de
la reproduire (^). Elle a été répétée d'après Clément par Eusèbe,
et Rufin la rappelle encore, à la fin du chapitre même où il
raconte la destruction du temple du grand dieu égyptien (^).
(i; Ailleurs iNymphodore paraît voisiner de près avec Éphore. Comparez fr. 45 et
16 avec Éphoke, fr. 82, 81, Millier; cf. Hécatée de Milet, fr. 193.
(«) atédelMeu.XMW.^.
(•') Eusèbe, Prnep, Evang., X, 12. p. 499 C; Kufln, Hist. EccL, XI. 23.
26
Le tombeau d'Apis
B) « et qu'à Memphis des portes d'airain, appelées d'oubli
et de lamentation, lors de l'enterrement d'Apis, s'ouvrent, en
rendant un bruit grave et dur. »
Il y a longtemps que l'on a reconnu le parallélisme qui existe
entre cette phrase et un passage de Diodore, I, 96, 9 : E'Tva'. 5k
AsyojTt. TzhTi'jioy twv tottwv toÙtwv xal <7xozixç 'ExaTYiç Ucôv xal Tcû/.a;
xwxuToù xal X'/i^y^ç oiei\'/]^<^éy(x.ç y(xkv.oZz, oy£'j<Tt,v.
Ce passage de Diodore appartient à une section (I, 96-98, 9;
cf. I, 69) que M. Ed. Schwartz, par d'excellentes raisons, fait
remonter à Hécatée d'Abdère (^). La tendance de toute cette
section de Diodore est très claire :
C'est à l'Egypte que les sages de la Grèce doivent leur
science. En particulier, c'est à elle qu'Orphée a emprunté la
plupart des cérémonies des mystères et sa mythologie de
l'enfer (ï, 96, 4). Homère s'inspire des enseignements d'Orphée
pour sa description de l'Hadès (w, v. 1-14). Par exemple,
Hermès Kyllénios (v. 1) est l'Hermès psychopompe des
Égyptiens qui remet le corps d'Apis à celui qui a la tète de
Cerbère (Hermanubis; Diod., I, 96, 6).
Okeanos (w 11) signifie le Nil en langue égyptienne; les
\WJ.Qio TT'jAa', (w 12) désignent la ville d'Héliopolis; la prairie
(1) Pauly-Wissowa, s. v. biodoros, col. 671. Cf. également l'ariicle de Schwartz,
Hekataeos von, Teos dans Rheinisches Muséum, XL (1885), pp. 223 el suiv. — La théo-
rie qui attribue aux Égyptiens le mérite d'avoir enseigné aux Grecs leur théologie est
antérieure à Hécatée d'Abdère et se trouve déjà chez Hérodote, II, 49 et suiv.
— 27 —
(a£1{jlo)v, w 13), séjour des âmes, se retrouve près de Memphis
(Diod., 1, 96, 7) (1).
La suite (Diod. I, 96-8 à 97, 8) signale l'existence en Egypte
(les traits les plus caractéristiques de l'enfer des Orphiques :
1 . Le passage du fleuve en barque, l'obole payée à un nocher
(|ui s'appelle en égyptien « charon « (cf. Kinkel, Ep. fragm.,
1, p. 215; Aristophane, Grenouilles, 183) et le lac de TAchéron
(cf. Euripide, Alceste, 443).
2. Le temple d' 'Exârri axoT'ia (cf. vLjyiav 'ExaTY.v, Lucien,
Ménippe ou Nekyomanteia, 469) ; il s'agit sans doute d'un
temple souterrain d'Hécate (cf. Johannes Malalas, Chrono-
(irapliia, XU, p. 307, 1. 17, éd. Bonn).
3. Les portes d'airain de lamentation et d'oubli ; les portes
métalliques de l'Hadès sont bien connues depuis Homère, B 15;
Hésiode, Theogon., 732 : -uAaç oèrd.^r^xc ITocre'.owv y/AxsioLç: plus
souvent ydXxeoç oùoôç, 6 15, Hésiode, Theogon., 811 (cf. Scol.
Soph. (Ed. Col., 58 = Apollod. fragm.,SS dans Mùller, FHG,
1, p. 434). La nouveauté de la source de Diodore paraît être
d'appliquer à ces portes les noms infernaux bien connus de Ay.5y.
et de KwxjToç (cf. \ri.^-r\c, TreSiov, Aristoph., Gren., 186; Platon,
Hép., 10, 62i A; KwxjtoO ... xuveç, Aristoph., ibid., 472).
('j On n'a pas encore sig-nalé, à ma connaissance, que justement le même
|);issage d'HoMÈR'' (eu 1-14) se trouve cité et commenté, également pour montrer la
dépendance relii^ieuse des Grecs vis-à-vis des Égyptiens, dans le texte relatif aux
Naasséniens clio/- Hippolytk, l\efut. omn. kaer. V, pp. 144 et suiv. Scimeidewin;
voir la reconstitution de Reitzenstein, Poimandres, pp. 88 et suiv. M. Keitzen-
STEiN {Zwei rcJigionsgefchicfUliche Fragen, pp. 95-96) suppose, avec raison je
pense, pour ce texte des Naasséniens une source égypto-grecque à tendance
stoïcienne. En ce cas, cette source aurait utilisé le même auteur que iHodore, et il
n'y aurait pas lieu d'ajouter comme argument que « la source stoïcienne se trahit
fortement par l'utilisation d'Homère ». Il est également curieux de constater que
l'explication étudiée plus haut ("AiÔtiv Àsysa^at xo <Tc5(jLa, p. 43) a aussi son pen-
dant dans le texte des Naasséniens à propos des doctrines phrygiennes : Xéyouîi 8è
01 <^puY£<; <tôv> aùxôv toutov xal vexuv, oiovît iv {j.vT^|jLaTi xai Ta'fio èyy.(xxMpMy-
piévov £v Tjp (TcofjLaTi (Keitzenstein, Poimandres, \t. 93).
— 28 —
i. Pareillement, Diodore appelle [)ortes de vérité (j-âpyc'.v
o£ xal àXXa; -jAaç £kf,iv.cf.^) ce que les autres réminiscences
orphiques appellent ordinairement iteoiov dA'r^.btia^ (Platon,
Phèdre, 248 B; Axioc/ms, 871 B; Plutarque, A>e defectu orac,
22, 422 B).
5. La mention de la présence, dans les mêmes lieux, d'une
statue de la Aixri (e'I'owXov dxéz^aXov £7Tâva'. A'ixY,;) confirme ce que
M. Diels a très bien vu de l'importance de la Mxr, dans la
mystique orphique (^).
6. Dans la ville d'Akanthos, non loin de Memphis, on
retrouve la fameuse jarre trouée (7r{.ro; TcTpr^aÉvo;) qui sert chez
Jes Grecs au supplice infernal des non-initiés (Platon, GorgiaSy
498 B; Pausanias, X, 8i, 9 et li), et dans une fête on repré-
sente le mythe d'Oknos qui, dans l'enfer des Grecs, tresse
interminablement une corde sans cesse détruite (cf. Pausanias.
X, 29, 2; Kratinos, fr. 848 Kock; Plutarque, De tranqu. an.,
14, p. 478 C, etc.).
7. Finalement si, comme il est vraisemblable, Hécatée, signa-
lant des portes roulant sur des gonds d'airain (Diod., I, 96, 9),
avait insisté sur leur bruit spécial (le détail manque chez
Diodore), son intention avait dû être d'y retrouver quelque
analogie orphique, notamment avec Vr^yeio^ d'Eleusis dont nous
nous occuperons plus loin, p. 52.
En présence de la tendance manifeste de tout ce morceau
de Diodore-Hécatée, il paraît évident que Plutarque n'a pas
emprunté à un tel contexte le détail commun. Dans sa source,
si le souvenir du texte primitif a fait conserver le nom de
portes d'oubli et de lamentation, ce n'est cependant pas l'inten-
tion de signaler spécialement cette ressemblance avec les mythes
grecs qui a fait reproduire le détail. Ce qui, chez Plutarque, est
(^) Parmenides Lekrgedicht, p. 11 ; sur r'AXiQ^sta et la Ai'xtj voir aussi p. 15.
Comparez le rôle de la Aîxt) aux enfers chez Plutarque, De sera numinis vindicta,
22, p. 564 F. Cf Sophocle, Antigone, 451.
— 29 —
mis en relief, c'est le tait de portes de bronze (/aXxà; en tète
au lieu de o'.sdriijLiJLeva; y^xlyjjiq ry^e'j<7'.y Diodore), et surtout la
particularité nouvelle du grondement spécial de ces portes lors
de l'enterrement d'Apis (,3apj xal ^xAYipôv ^o-foùrroL^) ,
La qualité de son que les Grecs désignaient par le mot
^ylfipôc, nous est clairement définie par Aristote, De aiid.,
SO^B, 29 :
llxAr^oal B' sîo-l twv cpwvtov OTa», ,3t,a'io)(; Tipoç tV àxoriv ttgoo-— {tito-jo*!. *
o'.ô xal {jiàX'.a-Ta TzoLpéyowji tovtovov. TcaÙTai. o' £'>lv al O'jTX'.VTiTÔTepa'.
xal (jL£Tà Tu).£'>Tr|ç cpcpôjjLevat. ,3'ia;. Et un peu plus loin, 802 B, 89 :
llàvTe; vào 0'. '^ioL'.o'. [sc. '\f6z)0\) yiyvoyTO!.: lyXr^^oi^ xa.SrâTzep xal twv
x'.[Î1wtIo)v xal Twv o-Tpocpéwv, OTav àvolywvTa». jB'.aiwç, xal to'j ya)sXO'j
xal TO'J a-WT.pO'j (^).
On voit que ces dernières lignes semblent avoir été écrites
exactement pour s'appliquer à notre passage : les bruits appelés
7x/Yipol sont produits avec violence et le terme se dit en parti-
culier des gonds des portes qui s'ouvrent avec force et de la
sonorité du ter ou de l'airain.
C'était donc un bruit de cette sorte que faisaient entendre
les portes de bronze de Memphis, lorsqu'elles pivotaient sur
leurs gonds rouilles à l'occasion des funérailles d'Apis. Qu'un
tel bruit frappât les esprits et fit penser à la voix du taureau
divin que l'on enterrait, c'est là une conséquence qui devait en
(juelque sorte se produire nécessairement. Le grondement d'une
lourde porte et le mugissement du taureau sont des impressions
qui s'associent si facilement que les deux bruits sont déjà dési-
gnés par le même mot cbez Homère : comparez ï 580 6 lï
|j.axpà ue|i.jx(t); (d'un taureau), <^ï> 237 [jl£|jl'jxw; 7/jtc TaOpo; avec
M iOO [Ji.£ya o' âjjLcpl TzîikoLi [jluxov, E 749 (= B 898) aÙTÔ{i.aTa!. 0£
71'jXa'. {jL'jxov oùpavoO; cf. également le passage très caractéristique
'j 47 : .S'-jpÉwv o' àv£X07CT£v O'/^TJaç I avxa Tt.T'j(TxopisvTi ' Ta o' àviJBpay^cv
y''jt£ Ta'jpoç ! poa'xôjjL£vO(; \zvjmv\.
(*) La suite continue à développer le même thème d'une façon inléressante. Cf.
chez Plutarque, Quaest. conviv., I, 7, p. 625 B; Vie de Cicéron, 3.
1
— .30 —
Quant à la signification religieuse spéciale que la version ici
résumée par Plutarque devait attacher au bruit des portes de
Memphis, la question relève d'une étude d'ensemble sur le son
de l'airain que nous devons réserver pour le chapitre suivant.
Au début de toute la phrase, Plutarque a annoncé qu'il allait
rapporter des opinions absurdes (dTOT.MzeooL au pluriel). Absurde
peut paraître l'étymologie Topo; "Ar'.oo;. Mais le fait que des
portes de bronze s'ouvrent en résonnant ne peut offrir en soi, ni
pour Plutarque ni pour nous, rien de particulièrement absurde.
11 est même vraisemblable que les gardiens des temples égyp-
tiens montraient de telles portes aux voyageurs grecs (*).
Dès lors, il faut penser que la chose que Plutarque signale
en second lieu comme absurde, ce n'est pas précisément le bruit
des portes, mais que c'est la relation, établie par ow, entre ce
bruit et l'opinion nouvelle que nous allons maintenant examiner
dans le troisième membre de la phrase. C'est en vue de l'opinion
exprimée dans ce troisième membre que la source de Plutarque
a reproduit et amplifié le détail commun avec Hécatée.
(1) Il me souvient qu'à Home, au Baptistère du Latran, un guide manœuvre
ainsi une antique porte de bronze devant les visiteurs, en appelant l'attention sur
le bruit qu'elle rend.
31 —
yï
Le son de Fairain
Ce passage est resté une crux pour tous les interprètes.
Squire considère tout le développement xal ^aAxàç Ttvaç jusque
£7riXa|jLJBàv£cr.5a!. comme une glose de copiste. Xylander et,
après lui, Reiske et Wyttenbach corrigent éTriXapiSàvecT.Srat. en
£7r!.Aav.Sràv£T5a!. (^) et ils aboutissent ainsi dans leur traduction à
l'idée étrange : scilicet quia quovis aereo opère résonante nos
oblivio invadat.
Dans la traduction de Parthey « deshalb wùrden wir von
jedem Klange eines ehernen Geràthes ergriffen w, je ne puis
voir qu'à la t'ois un contre-sens et un non-sens. Je ne connais
pas d'autre interprétation.
Je maintiens à dessein cette dernière phrase telle que je
l'avais d'abord écrite, car ce n'est qu'après avoir entièrement
rédigé mon travail qu'il me vint le scrupule de consulter aussi
la traduction d'Amyot. C'est sans doute sa qualité de monument
littéraire de la langue française qui nous fait oublier le mérite
philologique que possède l'œuvre de cet helléniste délicat. Or,
voici ce que j'ai lu chez Amyot :
(c ... et qu'il y a dedans la ville de Memphis des portes de
bronze nommées d'oubliance et de deuil que Ion ouvre quand
Ion inhume Apis, et qu'elles mènent un bruit bas et rude quand
on les ouvre, et que c*est pourquoy nous mettons la main sur
0) Portasse eirtXav^àvôj.Sra'. legendum, quasi dicat -.fris slrepilu oblivionem
eorum, quae animum nostrum moeslilia atficerent, conciliari. Xylander.
— 32 —
tout vase de bronze et de cuijvre qui nous juil du bruit pour le
/aire cesser )>. Je souligne ces derniers mots qui donnent
exactement la traduction que j'avais trouvée et que je vais
mettre de nombreuses pages à justifier.
La traduction des Œuvres morales de Plntarque par Amyot a
paru en 1572. Celle de Xylanderdate de 1570; et donc Amyot,
qui a dû la connaître, a eu le mérite de ne pas se laisser égarer
par elle comme l'ont fait ses successeurs. Un abbé français du
XVIIP siècle, Dominique Ricard, qui passa presque toute sa vie
à traduire et à annoter IMutarque [Œuvres morales , 1783-1793)
n'a rien su apprendre de son éminent devancier et il traduit :
(c de là vient que le son de tout corps d'airain nous étonne et
nous saisit de peur ».
En lui-même, cependant, le sens du grec est clairet la phrase
ne comporte qu'une seule interprétation : « C'est pourquoi
tout objet d'airain qui est en train de résonner, nous le tou-
chons, c'est-à-dire que nous en arrêtons le son en le touchant ».
Il est entendu que, dans toute cette étude, le mot a airain »
sera simplement employé comme un équivalent pour le grec
yotXxôç dans ses divers sens et que, par conséquent, il pourra
aussi désigner simplement le cuivre.
Le plus ancien emploi d'sTr'AatjLpâvea-^a'. dans le sens de toucher
un objet d'airain pour en arrêter le son se trouve chez Platon,
Protagoras, 329 A : wo-Trep rà ^aXxe^a TrÀYjyevTa [xaxpôv r^'/eï xal
aTTOTsivet. éàv [jiti èizikà.^riTai tiç. Cf. Cratyle, 430 A : tj^o'^eCv eywy'
av cpaiYiV TÔv toloùtov [xaTYiv aÛTov sauTov x'.vo'JVTa, (ùTizep av ei tic
^aXxsLov y.iy^f\<7Eie xpouaaç.
La résonance prolongée de l'airain et l'arrêt de cette réso-
nance à la suite d'un contact avait attiré l'attention des physi-
ciens grecs et ils en discutaient la cause entre les écoles.
Dans ses Quaeàtiones convivales, VIII, 3. pp. 721 et suiv.,
Plutarque fait tour à tour exposer et réfuter à ce sujet la théorie
d'Épicure. Suivant celle-ci, le vide est ce qui rend facile la
transmission du son : 'Op^ç yàp ôrt. xal twv âyyeîwv Ta xevà
TuXrjTTÔjjLeva (jiàXXov UTraxoùe'. TzkriyoLiç xal tov riyo'^ aTtoTeive». uaxpàv.
— 33 —
TcoXXàxt.; 0£ xal xûxAw 7T£p'.cp£po(ji£vov o'.aoîowo-', Tzokù (^) • TO o' âyYcCov (*)
é|jt.7iX-^T.3'£v Ti aT£p£0'J aw{jLaTOç ri Tivo; Oypo'j uavTàTraTî. yîy>/£Ta'. xwcpov
xal ava'jSov, 6*^07 oux é^où<rr,ç ojos ywpav 7) 8{£î.(T'. t/Jç c&wvyJç.
Parmi les corps, c'est l'airain qui offre le plus de vide et est
le plus sonore; le son s'y propage dans le vide jusqu'à ce que,
par un contact, on lui barre la marche : Aùtwv oe twv TwjjiàTwv
'/p'jTOç ixïy xal XLBoç imh TrAripoTYiTOç Lo^vôcpwva xal ouir^/r^ xal Ta^-j
xaTao-pivvjo-'. tg'jç cp.S-ovy^^'-'? ^v aOToC; ' £'j(pu)vo<; 8s xal XàXoç h ^aXxô;,
r, TToXûxsvo; xal ôyxov ekQL'fpo^ xal A£7rTdç, ... x'fBoyoy ïytùw to r/jç
£7r'.£',xoO; xal àvacpoùç |JL£(JLt.y{jL£vov oùariaç, y, -zcci^ t' àXXai; x'.vr,(T£a-î.v
£Ù7:opiav olôwtî. tt,v T£ cpwvriv £Ùtx£V(o; OTioXap-Pâvoua-a 7rapa7:£ijL7r£i,
{jiéyp', av à^âjJL£vo; tlç w<T7r£p év 68w xaTaXâ^Tj xal T'jcpAoWrj to xevov *
Ivraù-Sa o' l'aTT, xal âuETra-Jo-aTO to'J Trpôorw }(wp£^v O'.à tt|V avTicppaq'.v.
(721 B-D.)
On voit qu'à la fin de cette phrase, a~T£T^a'. est employé tout
à fait dans le même sens et pour le même effet que iTrdaijLpàvcTira'.
chez Platon et dans notre passage du De Iside.
Plutarque ne conteste pas l'observation des Épicuriens; il
prétend seulement que c'est l'air, et non le vide, qui en donne
l'explication : '/aXx(j) ok x£voO [Jikv oôdi'zy |ji.£T£0'Tt.v, o|i.aXôï os -v£Û{jiaT!.
xal Xziiù x£xpa|i.£voç £'J7cX'rixTÔ; éo-Tî, xal YiywoY];. (721 B; cf. 722 C.)
Naturellement, les mêmes questions avaient déjà occupé Aris-
tote. Par exemple, De aiid., 802 A, 37, il fait cette remarque
curieuse : Quand on lime les plis et les franges des statues
d'airain, il se produit un bruit considérable. Mais si l'on enroule
un bandeau autour de la statue, le bruit cesse : av os t^; ajrà
Ta!.v{a 8Lao'/i<Trj, 7raÛ£a-.^a', a-tj{jLJ3a'iv£', tov Ti/oy.
Enfin, une troisième allusion à la sonorité de l'airain, que
l'on arrête par un contact de la main (t^ y£'.pl . . . £-'.Xa|jLJBavô|j£voç),
se trouve chez Plutarque, De nsu carnium, 995 EF : 01 xsvol
Tzl^oi xpoua-5£VT£; i^yoOo"'., ysvofjLSVo', os TtXrips'.; oiiy v-axoûouo-'. tckx^
(*) TToXuv Wyltenbach et Usener.
(') aYYsiov est rejeté par Usener.
3
— u —
TrV/^yaCç ' twv '^aXxwfxàTwv Ta \emoL Toù; tj^o^ouç év xOxXc}) otaoiowo-iv,
a';^p'. ou é|JL«ppâ5'^ xal T-j'^ÂoWr) tî,; tt, yeipl tyjç TtXyjvr,; 7r£pt.(p£po|i.r/Y|ç
è7;t,Xaii.j3avô[jievoç .
Ces rapprochements éclairent le sens qu'il faut donner dans
notre passage à éTC'.ÂajjLJBâvÊ<T.Sra'. et à yà\y.{à^0L. Avec ce dernier
mot, de même que Platon avec le mot /olIxiiow, Plutarque pense
sans doute à quelque récipient ou en général à quelque objet
d'airain ou de cuivre d'usage commun : vase, urne, bassin,
couvercle, clef, bouclier, clochette, etc. Le même sens général
doit être donné à yoîkxôç dans le mot célèbre de Paul, I Corinth.,
13, 1 : yéyoyix yaXxoç '^yàSv 7^ xùix^cdo'/ àXaAaÇov (^). Nous disons
d'ailleurs, par une semblable synecdoque, un bronze, un cuivre
pour tout objet de bronze ou de cuivre.
Mais avec le sens ainsi obtenu pour notre passage pris en
lui-même, on ne voit pas encore ce que l'idée vient faire dans
le contexte ni comment elle a pu être mise par 010 en relation
avec ce qui précède.
Il faut ici tout d'abord indiquer un emploi fréquent de 010
dans le genre d'explication mythique que donne le De hide.
Aïo sert à introduire l'énoncé d'une croyance ou d'un usage,
en les rattachant à un détail mythique considéré comme leur
cause; c'est le mythe qui a existé en premier lieu et l'explica-
tion consiste à retrouver par lui le sens propre de la coutume
existante.
Par exemple, Osiris est mort le dix-sept du mois, le jour où
la lune est à son apogée : c'est pourquoi (ow) les Pythagoriciens
appellent ce jour antip/iraxis et, en général, abominent le
nombre dix-sept (chap. XLII, p. 367 EF).
(*) Cf. R. IIii.DEBRANDT, Zii bekantiten Stellen, Philologus, LXX (1911), pp. 64 et
suiv., où sont cités de nombreux exemples pour cet emploi de -^aAxôq, entre autres
Apoix. Rh., I, 1236 ^aXxôv... Tj^i^evxa désignant une hydrie ou vase à eau.
— 35 —
Par exemple encore, la mer qui est Typhon fait disparaître
le Nil qui n'est autre qu'Osiris : c'est pourquoi (ow) les prêtres
abominent la mer, nomment le sel l'écume de Typhon et pro-
hibent de placer du sel sur la table (chap. XXXU, p. 863 E) (^).
Isis, recherchant le corps mutilé d'Osiris, a parcouru les
marais dans un canot de papyrus : c'est pourquoi (ici o^ev) les
crocodiles ne font aucun mal à ceux qui naviguent dans des
barques de papyrus (chap. XVIII).
D'après ces analogies, on est en droit de supposer que nous
avons ici l'énoncé d'un usage, à savoir celui d'arrêter par
contact la résonance des objets d'airain, usage que la source
de Plutarque, d'une fa(,on sans doute plus explicite que notre
extrait, avait mis dans un rapport d'effet à cause avec le gron-
dement des portes d'airain du tombeau d'Apis.
Comme signification du son de l'airain dans les superstitions
populaires, je ne vois guère signaler d'une façon précise que la
vertu apotropaïque (^) . Les exemples que l'on cite à cet égard
se rapportent surtout aux éclipses de lune (^). Pendant la durée
de celles-ci, c'était, semble-t-il, un usage universel de provoquer
de toutes manières le plus de bruit possible, surtout en agitant
des objets d'airain. 11 faut être très défiant à l'égard des hypo-
thèses sur le sens primitif de cette coutume qui doit remonter
aux âges les plus anciens. Dans les textes où elle nous est
signalée, les explications que l'on en donne ne peuvent rien
nous apprendre sur son sens originel et elles témoignent sim-
plement de l'état des croyances contemporaines.
(*) Cf. p. Frisch, De compositione libri Plutarchei qui inscrihitur Ilepl "I(noo<; xal
'Oai'ptooc; (Diss.. 1907), p. 14.
(2) KoHDE, Psyché, l'eéd., p. 248, n. 2. Pauly-Wissowa, Aberglattbe, l. I, col. 51.
F. CuMONT, Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, 1, p. 68.
0. Gruppe, Griechùche Mythologie, p. 897.
(3) Voir surtout Boll, s. v. Finsternisse dans Pauly-Wissowa. t. VI, col. 2331-2334.
l
— 36 —
Une mention du rite qui est simplement descriptive et sans
mélange d'interprétation tendancieuse se trouve chez Plutarque
[Paul-Emile, 17, p. ^64 B) : yj teat.vyj ... //^avixry,. Twv Ze
'Po)[jLaio)v, WTTtep é-rrl vevojJLt^tJLévov, /^xlxo'j te -aTâyo'.; âvaxaAoyjxévwv
TÔ cow; aÙTT,; xal Tijpà 7roX)và oaXoC; xal oao-lv âveyovTwv Ttpô; tov
oùpavov ... (^). On rappelle donc la lumière de la lune parle
bruit de l'airain et on lève des torches allumées vers le ciel.
Si l'on interprète ces actes simplement et sans théorie pré-
conçue, il n'y a peut-être là rien autre que cette conception
primitive : guider par des sons très i)ruyants et par des torches
lumineuses l'astre qui est pour un temps caché par les ténèbres.
La comparaison de l'ensemble des textes montre qu'il ne s'agit
pas ici d'une vertu spécifique de l'airain : ce qu'il faut, c'est
produire le plus de bruit possible par des cris et par toute
espèce d'instruments.
Une opinion, à laquelle Aristophane fait déjà allusion (^),
attribuait aux incantations de sorcières, surtout thessaliennes,
le pouvoir de faire descendre la lune sur la terre (^) ; c'est pour-
quoi, à l'époque romaine, nous voyons expliquer le bruit de
l'airain comme un moyen de neutraliser leur action magique
(Tibulle, I, 8, 2i) :
Cantus et e curru Lunam deducere tentât,
Et faceret, si non aéra repuisa sonenl.
(*) Description assez semblable — sans mention de torches — Tacite, Ann., I,
28; allusion chez Tite-Live, XXVI, 5, 9. Apollodore aussi, semble-t-il, avait parlé du
bruit de l'airain pendant les éclipses, fr. 36, Muller FHG. 1. 1, p. 4S4(Sro/. Théocr.
II, 36).
(2) Nuées, 749 et suiv. Cf. Sophron dans Kaibel, Comic graec. fragm., I,
p. 154; HiPPOCRATE, ïlepi IpT^ç voûaou 1 (voN Wilamowitz, Gr. Lesebiich, p. 272);
Platon. Gorgias, 513. A; Scol. Apoll. Rhod., III. 533; Ménandre chez PunE^Hist.
Nat., XXX, 7. Virgile, ÉgL, 8, 69. Horace, Épod., 5, 46. 17, 78. Tibulle, I, 2, 45.
Properce, I, i, 19. Ovide, Héroid., VI, 85.
1^) Le type par excellence de cette sorcière thessalienne avait même reçu un
nom, celui d'Aglaoniké ou Aganiké, Plutarque, Conjug. praec, 48, De defectn. or.,
13, ScoL. Apoll. Rhod., IV, 59.
— 37 —
Le bruit de l'airain a donc un pouvoir qui triomphe des
incantations magiques; en général, il est présenté comme une
aide qui est apportée à la lune dans sa détresse, et cela devient
une sorte de lieu commun littéraire, ce qui explique le grand
nombre de passages que l'on peut citer ici; Ovide, Métam,,
IV, 332 :
... sub candore lubenli
Cum frustra résonant aéra auxiliaria lunae.
Stace, Thébàide, VI, 685 :
Sic eadit, attonitis quotics avellitur astris,
SolJs opaca soror : procul aiixiliantia gentes
Aéra crêpant frustraque timent; at Thessala victrix
Ridel anhelantes audito carminé bigas.
Autres passages : Stace, ibid,, I, 105; Juvénal, VI, 442 et
suiv. ; Sénèque, Médée, 791 et suiv. ; Phèdre^ 788 et suiv. ;
Manilius, 1, 227; Martial, XII, 57, 16 et suiv.; Pline, Hist.
Nat., II, 54; Claudien, De hello Gothico, 238 et suiv. L'évèque
Maxime de Turin (V" siècle) combattait encore cette superstition
chez les chrétiens de son temps. De def. lun., I et lï, Migne,
PL, LVII, 483.
Un rile évocatoire analogue nous est attesté pour l'île de
Céos à l'époque du lever de l'étoile Sirius, Scol. Apoll, Rh.,
II, 498 et 526 : xar' sv.auTov [jie^' ô'tcXwv èTz^Tr\^eh T7\v Itcitoâtiv toG
Kuvô; xal .Srûeiv ajTtJ) ; cf. Hcraclide Pontique chez Cicéron, De
divin., I, 57, 130. En Egypte, l'étoile Sirius (Sothis) était
dite Oopayo^yo; (De Iside, chap. XXX VIII) et consacrée à Isis
[ibid., XXXVIII, XXI, LXI).
Il importe de ne pas négliger que ces interprétations du lait
ne valent que pour l'époque de l'auteur et quelquefois pour un
état d'esprit momentané de celui-ci.
Ainsi Plutarque, que nous avons vu tout à l'heure décrire
— 38 —
simplement la coutume, explique ailleurs (De facie in orbe
liniae, chap. XXIX, p. 944) que pendant les éclipses, tandis
que les âmes des bons sont dans la lune, les âmes des méchants
gémissent et hurlent dans l'air obscur, et c'est pour les effrayer
que les hommes font alors du vacarme : Bw xal xporeCv h Taî;
éxXe{<[te(Tt.v e^w^ao-Lv ol TcXer^Tot. yaXxwjjiaTa xal ^6'fov TroieCv y.a<. -âra-
yov ettI Tàç ^uyà.ç. Le vieil usage est ici mis en rapport avec
toute une théorie démonologique qui lui est infiniment posté-
rieure et qui est empruntée à Xénocrate.
Que tout bruit retentissant, et en particulier celui de l'airain,
effraie et mette en fuite les esprits, cela est d'ailleurs une con-
ception si naturelle qu'il y a lieu de s'étonner qu'on ne la
rencontre pas plus fréquemment et qu'en somme elle n'appa-
raisse, formellement exprimée, que chez des auteurs tardifs. En
effet, la plus ancienne mention d'un bruit quelque peu rituel
fait à l'adresse d'un être divin se trouve peut-être chez Homère,
au chant IX de l'Iliade; dans l'épisode de Méléagre, il est dit de
la mère de celui-ci, Althaia, 1, 566 et suiv. :
TzoXV àyéo'jo-' 7^0^70 xaa-!.yvTiTO?.o cpovow,
TîoXXà ùï xal yarav TToAucpoppYjV y^p^'^"^ à\oî(x
x'.xXrio-xo'Jo-' 'A'ISyiv xal £T:at.VYiv Ilepa-ecpôvsiav,
TTpoyvu xa^eÇojJiev/], oeûovTo oï oôi.y.p'jf7i xôX-oî.,
7rat.8l oô|Ji£v .^âycczoy ' Tf,ç r/r^Boo(^oï'ziç 'EpLvù;
exAuev è^ 'Epépso-cpiv, ap.eiXt.yov Y,Top eyo'jo-a.
Ici les mains d'Althaia qui battent la terre comme on bat le
blé dans l'aire font du bruit, non pas pour chasser, mais pour
évoquer les dieux infernaux (*).
(*) Cf. à propos de Héra appelant Gaia, Ouranos et les Titans, Hyitw Apoll.,
333 .- X^'P^ xaTa7rpTjv£"t 8' eXaae )r6ova et 340 : YjxaaE ^ôova X*'p'' '^^Y}^"^-
— 39 -
11 faut de plus analyser exactement la portée des passa^çes
que l'on invoque avant d'y voir une preuve formelle d'un rite
originairement apotropaïque. Tel est le cas, par exemple, pour
Plutarque (De Iside, chap. LXIIl). Là, à propos du sistre
égyptien, entre autres explications symboliques, il est dit que
son bruit a pour effet d'écarter Typhon. Mais il faut prendre
garde que le sistre est l'instrument consacré à Isis et qu'il sert
aux fidèles à appeler la présence et la protection de la déesse,
tout comme, nous le verrons, c'est le cas pour le bruit de l'airain
dans le culte de Déméter à qui Isis est déjà identifiée par Héro-
dote. Telle est bien la fonction du sistre de Délie dont nous
parle Tibulle, I, 3, 28 :
Quid tua nunc Isis mihi, Délia? Quid mihi prosunt
Illa tua tolies aéra repuisa manu?
Ce n'est donc que secondairement que l'on peut être amené
à dire que le bruit du sistre, en appelant Isis, a pour effet de
mettre en fuite son ennemi Typhon.
Je ne trouve le sens apotropaïque du battement de l'airain
affirmé expressément que dans des textes assez tardifs. Lucien
[P/iilopseudès, 15), opposant la conduite d'une certaine dame,
que le tintement de l'argent attire, à celle des esprits, dit que
le bruit de l'airain ou du fer est un moyen de chasser les
spectres : Exevva (se. Ta '^âo-[/aTa) ijikv vàp t,v (|>6cpov âxo-Ja-r, yjxXxo'j
y\ (7f.ùr\po'j, Tcécpeuve. Un peu plus tard, Alexandre d'Aphrodisiade
[ProbL, 2, 46, p. 65, 28 Id.) écrit formellement (*) : x'.vojt'.
yoLky.6y xal o-'loYipov àv5pw7rot. TcàvTSç wç Toùç oaipiovaç âireXa'JvovTeç.
Tzetzes [ad Lijcop/iron., 77, 1, p. 368 M) dit : 6 yàp xûwv pajÇa;
Xust. Ta ^âo-jUaTa, w; xal yjxkxo^ xpoTr,.Seiç, être t», toioOtov. Pour 06
qui est de la première partie de cette remarque, nous allons
voir bientôt qu'au lieu de chasser les esprits, l'aboiomenl des
0) Ce passage est cité par Rohde, Psyché, i'^ éd., p. 365, n. 12, en même temps que
quelques autres textes dont l'interprétation apotropaïque est beaucoup moins sûre.
— 40 —
chiens annonce leur arrivée. En général, c'est au fer plutôt qu'à
Tairain qu'on attribue la vertu (i*effrayer les spectres; Scol.
Q. Od. X, 48 : xoiv/j tî.; Ttapà âv-SpcoTtoiç èttIv 'J7:oXt/}»i.ç ot». vexpol
xal oa{{i.oveç (jLOYipov ^oPoGvTat. (^).
Au surplus, les superstitions relatives à un même objet
peuvent se multiplier, se superposer et même se contredire
suivant les temps, les milieux et les circonstances. Pour ce qui
est de la sonorité mystérieuse de l'airain, je ne crois pas que la
vertu apotropaïque soit la plus ancienne ni la principale qui lui
ait été attribuée. Dans les pages qui vont suivre, je voudrais
montrer que le son de l'airain, soit provoqué dans certaines
circonstances rituelles, soit produit en apparence fortuitement
ou d'une façon singulière, a été souvent interprété comme la
manifestation de la présence d'un dieu ou d'un démon.
Parmi les textes invoqués le plus souvent à l'appui de la
valeur apotropaïque de l'airain, il me paraît étrange de voir
figurer (^) un passage des Magiciennes (^) de Théocrite, II, 35 :
Beo-T'jX'i, Tal y.'jveç afxijL'.v àvà tttÔàlv tôo'jovTat. *
(1) 11 n'y a cerlainement pas lieu de faire intervenir dans cette question (comme
le fait A. B. Cook, Journal ofhell. studies, t. XXÏI, 1902. p. 17) l'instrument bruyant
dont Héraclès se servit pour chasser les oiseaux du lac Stymphale. 11 s'agit là sim-
plement d'un épouvantail naturel, mais particulièrement formidable comme il
convient au héros, soit xaXxîj TzXx-zoLyTi inventée ingénieusement par Héraclès lui-
même (9iXoT£)(^vo; eTTtvotx, DiODORE, IV, 13, 2), soit ^iXxsa xpdxaXa, œuvre d'Hé-
phaistos et présent d'Athéna (Apollod., 11, 5, 6). La TiXaTayii était déjà mentionnée
chez Phérécyde et chez Hellanicus de Mytilène. Ce dernier en attribuait la fabrica-
tion à Héraclès, Scol. Apollon, fl/i., II, 1052, 1055.
(*) Par exemple Kohde, Psycke, l^*^ éd., p. 248, n. 2.
(') On sait que cette pièce de Théocrite est imitée d'un mime de Sophron : Tai
yuvalxec; a'i xàv Gsdv {çavxt e^eXôtv, cf. Kaibel, Comic. graec. fragm., I, p. 154.
— 44 —
La jeune fille est occupée à préparer son filtre d'amour. La
roue magique en airain est en train de tourner sous l'action
d'Aphrodite : ^^w; 6tver5' ôôe po^jL^ot; o yôàxeo^ éÇ 'AcppoSiTaç (v. 30).
Artémis, c'est-à-dire Hécate, vient d'être invoquée (v. 83). Voici
que les chiens se mettent à hurler dans la ville, ce qui est un
signe certain de l'approche de la déesse infernale. Nous le
savons par Virgile (^), Enéide, Vï, 257 :
visaeque canes ululare per umbram,
Adventante dea.
Plutarque lui-même, dans le De Iside, chap. LXXI, dit
expressément que le chien est l'animal sacré d'Artémis, comme
la colombe est celui d'Aphrodite, le serpent celui d'Athéna, le
corbeau celui d'Apollon, et il invoque un vers d'Euripide :
'ExaT-Aj; y.ja.XyiOL cpwo-cpôpoj x'jwv ^^r^ ('^) .
A ce moment donc, la magicienne de Théocrite dit à son
aide : « La déesse est dans les carrefours. Fais résonner au plus
vite le gong d'airain )> (vers 36). Quel moyen de penser ici à un
rite apotropaïque? Il ne s'agit pas pour la magicienne d'écarter
Hécate, il s'agit au contraire de l'évoquer, de l'appeler et de
s'en faire écouter (^), car sa présence lui est nécessaire dans ses
0) Cf. Ovide, Métam., XIV, 410 Horace, Sut., I, 8, 33 et suiv. Le même
détail était déjà chez Sophron, fr. 6 (Kaibel) : xuwv 7:pô (Asyapiwv (Asya jXaxxiwv.
Cf Théocrite, II. 12.
(2) Nalck, 2« éd., fr. 968. Cf. Sophron, fr. 8 (Kaibel) --=-- Scol. Lycoph.. 77 : xal
yàp Swcppiov £v xol; Mtfjiotç (prjcrlv cc'jxf^ (i. e. ttî 'ExâxTj) xuvaç 6ûecr6at.
(3) Je me suis interdit les rapprochements empruntés au folklore des autres
peuples. Kn voici un cependant qui à lui seul en évoquera toute une série. Je le
dois à l'érudition lettrée de mon ami Paul Thomas, professeur à l'Université de
Gand. v Tout son avoir de pauvre vieille délaissée avait dû passer à acheter cette
petite offrande qu'elle vint poser sur l'autel, devant le dieu souriant, colossal,
étincelant d'or. Kt puis elle commença de frapper le gong et de sonner la cloche des
Esprits, comme pour dire : « Viens voir, Bouddha, ce que j'ai mis là pour toi; j'ai
fait de mon mieux pour ce cadeau ; prends-moi en pitié, aie /compassion, accorde ce
que je te demande... » (Pierre Loti, Propos d'exil, p. 98).
— 42 ^
opérations, comme elle le sera encore aux sorcières de Macbeth.
Le son de l'airain est le signe de la présence d'un dieu. En
produisant le signe, la magie appelle la présence de la chose
signifiée, c'est-à-dire du dieu lui-même (^).
Pour terminer ce paragraphe, je ferai ici un rapprochement
qui m'a été suggéré par mon savant et regretté collègue de
Bruxelles, Alphonse Willems. 11 s'agit d'un usage antique
appartenant à un ordre d'idées tout différent, mais où l'on voit
également le son de l'airain employé à une fin qui est le contre-
pied du rite apotropaïque. Quand au printemps un essaim
d'abeilles quitte la ruche, Virgile recommande de heurter les
cymbales [Géorgiques, IV, 64) :
Tiniiitusque cie et Matris quate cymbala circum.
Le son du métal charme les abeilles et les attire dans la
ruche (^) qui servira de berceau à la colonie : c'est ainsi qu'elles
avaient déjà suivi le fracas des Curetés (Curetum sonitus crepi-
tantiaque aéra secutae, ibid,, i51) qui protégèrent en Crète le
berceau de Jupiter. Cette attirance du son de l'airain sur les
abeilles nous est attestée également par Pline, Hist. Nat., XI,
68 : Gaudent plausu atque tinnitu aeris eoque convocantur;
cf. Didym. in Geopon., XV, 8, 7; Élien, Hist. anim., V, 13;
Varron, R. R., 111, 16, 7. La même croyance est signalée par
Aristote (Hist. an., IX, 40, p. 627 A, 15-19), mais il se demande
si ce n'est pas plutôt par crainte que par plaisir que les abeilles
agissent ainsi : fo-xi. jjlÉvto!. aBïiXov okw^ d axowouo-'.v, xal TcÔTepov 01
T,8ovYiv toOto 7ro'.oO(Tt.v Tj o'.à (fô^ow. C'est un exemple caractéristique
(•) Pour expliquer ce passaf^e, le scoliaste de Théocrite, II, 36, invoque à tort
Apollodore (fr. 3(5, F//G, I, p. 434). D'après la citation même du scoliaste, ApoUo-
dore avait simplement parlé de l'emploi de l'airain pendant les éclipses de lune et
dans les funérailles : Atoirsp irpô; uaaav àcpoatwcrtv xai àTtoxaSapatv a'jxo) (se. xif»
■^al-K^i) e^pôivxo, ux; (pTr)<rt xai 'ATioXXooiopoç èv xîj!) Tiept 6e(ov.
(^) J'ai vu dans mon enfance le même procédé employé encore par les éleveurs
d'abeilles de mon pays.
— 43 —
de la manière dont un savant ancien en vient déjà, par le rai-
sonnement, à transformer en son contraire, comme le font en
général les modernes, un rite populaire d'évocation sympa-
thique.
Il existe d'ailleurs un exemple célèbre du sens démoniaque
que certaines croyances donnaient au son de Tairain. C'est
l'oracle de l'airain (/aXxewv) dont des témoignages attestent
l'existence à Dodone au moins depuis le IV'' siècle (^). Les
conditions où se produisait le son nous ont été rapportées de
deux façons.
D'après une version qui remonte à Démon (^), l'appareil
consistait en une série de chaudrons ou trépieds juxtaposés qui
servaient de murs au sanctuaire de Zeus; quand on en touchait
un, la résonance se communiquait par le contact à chacun et le
bruit persistait jusqu'à ce qu'on en touche (écpà(|;T,Ta'.) à nouveau
un (pour arrêter le son) (^).
D'après cette description d'un auteur du IV'' siècle, l'oracle
(^) Tous les textes relatifs à l'oracle de Dodone ont été rassemblés et commentés
avec un très grand soin par Arthur Bernard Cook, The gong al Dodona dans The
Journal of Hellenic Sludies, XXII (1902). pp. 5-28. Conformément à l'opinion cou-
rante, M. Cook continue à envisager même ici le bruit de l'airain comme un moyen
apotropaïque contre les démons; de même 0. Gruppe, Griecliische Mythologie,
p. 897, n. 3. D'autre part Faunell, Cuits of'Gr. st., I, 88 C, va jusqu'à contester que
les X£fiT)T£<; de Dodone aient joué un rôle dans la prophétie.
(2) Muu.er, FHCw, I. pp. 381 et suiv., fr. 17. Démon, antérieur à Philochore, est
de la fin du IVe siècle. Les autres allusions les plus anciennes à l'airain bruyant
de Dodone se trouvent chez Ménandre, fr. 66 Kock et chez Calijmaque, Hyynne IV,
286. Il servit dans un proverbe très souvent cité comme terme de comparaison
avec les personnes bavardes (Zenob., 6,5, etc).
(5) MOller, ihid. : 8ca{jL£vetv xèv fi/o^ ^XP"» «^^''î "^o^ '^^^^ ioi'^Ti-zoLi. Ce dernier
mot a ici exactement le même sens que è7rtXa(i.3av£a8ai dans notre passage de
Plutarque, sens qui est encore confirmé par Phii.ostrate, hnag., II, 33 : /^aXx£tov
àv£X£txo T(f) Aù xaxà AtoÔwvTjv T|youv è; ttoXù ttj^ Tjpiepa; xat, {AS^pt Xàpoito xt;
aÙToG, (J.T) aitoTTwv. Pour avoir méconnu le sens d'âœdtirTSffÔat, Millier 'p. 381) s'est
mépris sur l'interprétation du passage de Démon.
— -44 —
de Dodone à l'époque primitive n'aurait donc pas eu de murailles
et les trépieds votifs auraient été arrangés comme clôture de
l'enceinte sacrée. Je ne vois nulle raison de révoquer le fait en
doute, pas plus que le phénomène acoustique qui en avait été
la conséquence.
Une seconde version, qui remonte à Polémon (Il siècle av.
J.-C.) et peut-être par lui à Apollodore (*), disait qu'à Dodone
il y avait deux colonnes voisines; sur l'une se trouvait un vase
d'airain (^aXxeiov), pas bien grand et semblable aux chaudrons
(XéJBTiTeç) ordinaires ; à sa gauche, une autre colonne porte un
gamin qui tient dans sa droite un fouet. Lorsque le vent souille,
les lanières d'airain touchent le vase et cela dure ainsi tant que
le vent persiste. Strabon (VU, fr. o), qui puise sans doute à la
même source, ajoute, entre autres détails, que cet appareil était
un présent des Corcyréens et que l'on pouvait compter jusqu'à
quatre cents en mesurant la durée du son : éVo; g fjieTpojv tôv
y^ôvov y.Tzo T-^ç ^PX^^ '^^^ ^^KP^ l^^X?'' '^^'^O'jç xal Itzi TSTpaxôo't.a
Tzpoél^oi. On peut supposer, avec iM. Cook, qu'après la construc-
tion d'un temple, ce second appareil a remplacé celui que nous
avons décrit en premier lieu (^). Un engin analogue existait
dans le temple de la déesse syrienne à Hiérapolis (^).
Un commentateur de Grégoire de Nazianze, Nonnus, qui a
conservé des choses intéressantes, décrit en détail connnent
aurait fonctionné l'oracle {*). Les consultants priaient le dieu.
(*) Polémon, fr. 30. Muller, FHG, III, 124; IV, 3-26. Cf. Ed. Meyer, Forsckungen
z. ait. Gesch., 1. pp. 50 et suiv. Voir les textes au complet chez Cook, art. cité,
pp. 8 et suiv. Il est possible que le périégète Polémon ait parlé comme témoin ocu-
laire. En revanche, il est douteux qu'Aristote se soit aussi occupé de cette question,
comme le croit Cook, p. 9.
(*) Clément d'Alexandrie distingue, parmi les oracles, le Atoocovalov yaXxelov et
le Xé^Ti? BeaupwTto;, Protrept.. pp. 10, 21 et suiv., et scoiie, p. 299, Stàlilin.
(3) Lucien, De Syna dm, 29 : xpoxÉEi :roÎ7j(jia ^(^âXxeov, xo àstSet piéya xal xpTj^o
xtv£d(jL£vov. On peut encore rapprocher les appareils qui ornaient les cinq pyramides
du mausolée de Porsenna à Clusium (Pline, Hist. Nnt., XXXVI, 92. citant Varron).
{*) NoNNUs, Ad Greg. Naz. Or. cont. M., V, 32. PG, XXXVI, col. 1045 A. Même
texte à peu près chez Cosmas dans Mai, Spic. Rom-., II, 172.
— 45 —
Quand celui-ci voulait leur répondre, la statue frappait le vase
d'airain Ç/Âi6-r\ç). Celui-ci rendait un son harmonieux et les pro-
phétesses se remplissaient du dieu et disaient ce qu'il leur
inspirait : xal svscpopo'JVTO al TtpocpriT'.Oc; xal sAsvov a aJTaCç o oat[jL(»)v
£V£J3aAA£ .
Il faudrait probablement combiner ces détails avec un passage
de Cicéron {De divin., I, 34, 76) oii l'on voit que des sortes
étaient, avant la consultation, déposées dans le vase d'airain.
Suidas, s. v. AwSwvt), résumant la même donnée que Nonnus,
interprète plus expressément encore le bruit de l'airain comme
étant la voix d'un démon : xal STraiev g dyùpiàic, t6v \épy{ZOL • si oO
7,yô; T'.; svapjjiôvw; àirsTeXslTG. al os twv Ga'.jjiovwv cpwval œ^oLp.B^oi slo-î..
De même, Schol. MS. Clark, in Greg. JSaz. (Catal. p. 47) (^) :
cp'^<jl os xal Tcepl âvop'.àvTo; tivÔ;, xal o'jto; 8è sv AeXcpor; YiV ctwvï^v
svap.^pov airoÀ'Jwv s? svspyela; oatfJLOvwriÇ ' àvap^pot. yàp al twv oa'.^jLOvwv
(pwval 0!.à tÔ tJiT; sycLv opyava Trpô; 05.aTU7r(i)a-t.v tt,; s^LO'jarj; (pwvr,;.
En présence de ces textes, auxquels on peut en ajouter
d'autres (^), il me paraît impossible de contester que l'on
attribuait à l'airain de Dodone un caractère démoniaque et ora-
culaire. Je rie vois nulle raison de supposer, comme le fait
M. A. B. Cook, que la fonction oraculaire s'est développée
d'une façon secondaire et tardive de la fonction apotropaïque.
Le procédé inverse me paraît beaucoup plus naturel. Pour
prendre une analogie dans un rite de nos religions modernes,
le signe de la croix a dû servir d'abord à appeler la présence et
le secours de Dieu, par exemple dans le baptême, avant la
(') Je cite ce texte d'après Cook, art. cité, pp. 20 et suiv.
("-j Voir le passage de Clément cité plus haut, p. 44, n. 2. Callimaque, Hymne l\,
*286, appelle les prêtres de Dodone yrikz'^hq .SrspfCTiovxec; àatyiixoto X£Ptjxo(;. D'après
Zknob., II, 84, citant Héraclide (Pontique?), un théore thébain jeta dans un chau-
dron (XÉpTixa) d'eau chaude la propliétesse de Dodone, Myrtila, qui venait de lui
rendre un oracle. Le môme texte parle à propos de ce fait d'un devin, Bombos,
qui est peut-êlre « l'éponyme de la résonance prophétique », (Cook, art. cit.^
p. 22). M. Cook (pp. 22 et suiv.) rapproche très ingénieusement du gong de Dodone
le jeu du kottabos qui servait à des oracles erotiques.
— 46 —
prière, devant un danger, et c'est parce qu'il arme ainsi d'une
façon générale le fidèle de la force divine qu'il a pu bientôt être
employé secondairement pour mettre en fuite le» démons (*).
C'est par une association d'idées analogue que des clochettes,
par exemple, ont souvent été considérées comme amulettes
préservatrices {^).
Quant à la tendance innée et naturelle d'attribuer une origine
démoniaque à des bruits dont on ne s'explique pas la cause,
les exemples abondent, non seulement dans l'antiquité, mais
aujourd'hui même et tout près de nous. iN'avons-nous pas vu
dans le dernier siècle se créer toute une démonologie autour du
phénomène des tables tournantes, et nos journaux ne nous
racontent -ils pas périodiquement des liistoires de maisons
hantées ?
Aux époques de grande culture, de telles superstitions res-
taient sans doute confinées dans certaines couches inférieures,
et Ménandre (fr. 66) et beaucoup d'autres après lui trouvaient
simplement dans l'airain de Dodone un terme plaisant de com-
paraison avec une personne bavarde. Néanmoins, le silence de
la littérature éclairée, depuis Homère jusqu'à Ménandre, ne doit
pas nous faire méconnaître l'antiquité et l'extension que devaient
avoir certaines croyances populaires.
De même que les prêtresses de Dodone étaient possédées du
dieu quand l'airain résonnait, la pythie de Delphes n'était
inspirée qu'après être montée sur le trépied d'airain (^). A
Delphes, même pour pratiquer la cléromancie, il fallait placer
sur le trépied d'airain la phiale qui contenait les sorts prophé-
tiques; quand on interrogeait le dieu, ceux-ci jaillissaient du
(*) Voir l'article Kreuzeszeichen de Victor ScHULTZE-dans Herzog-Hauck, Realen-
cyklopàdie fur protestantische Théologie, 3« éd., t. XI, pp. 93 et suiv.
(*) Exemples chez Cook, art. cité, pp. 17 et suiv.
(5) Cf. le texte des Pythagoriciens cité plus loin, p. ol.
— 47 —
vase, et la pythie inspirée rendait alors l'oracle (*). Dès lors,
c'est peut-être par Tinfliience inconsciente de cette vieille super-
stition que, déjà chez Homère, les sorts sont toujours placés
dans un casque d'airain (^). '
On sait qu'à son origine le sort est un moyen de connaître
la volonté divine, et qu'il a été une sorte de jugement de Dieu
avant de devenir, avec le temps, une institution simplement
démocratique. Il est caractéristique que dans une inscription
relative à l'Orgas d'Eleusis (852 av. J.-C.) et où il s'agit du
tirage au sort entre deux décisions inscrites sur des plaques
d'étain, il est expressément spécifié que les deux plaques seront
placées dans une hydrie d'airain (^).
Un procédé de divination oraculaire qui paraît analogue se
trouve indiqué dans une inscription de Démétrias (Thessalie),
relative à l'oracle d'Apollon Koropaios (première moitié du
IP siècle av. J.-C.) (4).
(*) Suidas, s, v. IluOa).
(2jr3l6:
xXrjpouç èv xuvéri ^aXxi^peï TtàXXov IXo'vxe*;,
OTiTTOTepoç Otj irpo'aôev àcpEtT) ^àXxeov ey/^ç.
Aaol Ô'ïipT^aavxo, ôsoïat âè jz'ipa(; àv£a^ov.
Cf. plus loin, 824 :
irâXXev Se [i-iyaç xopuôat'oXoi; ''Exxwp
oi^ opdwv nàptoç Ôè 6o(J5<; èx xXfjpoç opouaEv,
De même W 861, x 206; cf. H 176 et suiv.
(5) Michel, Recueil d'inscr. grecques, I, 674, 1. 30 et suiv. : 6 £7ri(rcàTTi<; 6 èx tûv
irpoÉôpwv cjuvEtXt^dexw tov xaTTÎT£pov Ixàrspov xal xaxôtXî^aç Ipt'oK; et(; uôpîav
è[Xj3aX£xto yaXxfjv Ivavxt'ov xoO ^T^fJLOu... 6 o'£Tri(Txâx7i; àvaasîffac; xtjv uôpiav xtjv
^aXxTJv sXxsxto xôv xaxxixspov àxâxspov etc. Les è'pia qui enroulent les plaques ont
aussi une valeur rituelle, la laine étant, comme on sait, une substance douée d'un
pouvoir magique.
(*■) Michel, Recueil^ 1, 842 A, 1. 40 et suiv. : lorsque fonctionne l'oracle, les auto-
rités du temple reçoivent les demandes (xà Tcivàxta) des consultants et les jettent
dans un vase (eli; àYY£"tov) qui est ensuite scellé. L'àYYe"tov en question est certai-
nement ici encore un vase d'airain. Pour le tirage au sort des magistrats (dont
l'existence est attestée depuis Dracon), tirage qui avait lieu dans le temple de
Thésée, on se servait sans doute également d'urnes en airain.
— 48 —
La superstition relative au son de l'airain intervient sans
doute également dans le caractère sacré qui, dès une haute
antiquité, a été attribué au bouclier (*).
A l'époque classique, l'exemple typique à cet égard est celui
des nncilid de Rome, les douze boucliers sacrés qui, en s'entre-
choquanl, manifestent la volonté divine (-).
Les Saliens, gardiens des anciles, font penser aux Curetés
auxquels Denys d'Halicarnasse (^) les comparaît déjà. On sait
que les Curetés se livraient à des danses effrénées ^ agitant
avec fracas leurs boucliers d'airain. Ici encore on considère
généralement qu'il s'agit d'un rite apotropaïque {*), et l'on
explique de même les danses des Corybantes, Dactyles, TelcUines,
Cabires et celles d'autres cultes orgiastiques.
Les Curetés, par exemple, disaient déjà les anciens, avaient
couvert les cris de Zeus enfant par le choc de leurs boucliers,
et l'avaient ainsi protégé contre Kronos ("*). Mais il est évident
que le rite a une valeur beaucoup plus générale et qu'il est bien
antérieur aux anecdotes mythiques qui veulent expliquer l'un
ou l'autre de ses emplois (^).
(1/ Cf. la savante élude de Ad. J. Reinach, Itanos et V a Invenlio Senti >i dans
Revue de l'Histoire des Religions, LX et LXI (1909 et 1910), pp 309 et suiv. et
197 et suiv. En particulier sur le bouclier d'Argos, plein d'une force divine.
voir LXI, pp. 216 et suiv.
(2) Pour des manifestations analogues, voir par exemple chez Cicéron, De divin.,
I, 34, les armes qui, avant la bataille de Leuctres, s'entrechoquent dans le temple
d'Héraclès à Lacédémone.
(3) Antiquit. rom., II, 70.
(*) Par exemple, Rohde, Psyché, 1"^ éd . p. 248. n. 2. Cf. l'article très complet
d'iMMiscH, Kureten dans le Lexikon de Roscher. co!. 1613, 1615. En revanche,
Ad. J. Reinach ^Itanos et VInventio Senti dans Rev. Hist. des Religions, 1910, p 229)
donne une explication voisine de la nôtre : « leurs boucliers se chargeaient en
quelque sorte de la force divine et devenaient, comme les ancilia des Saliens,
capables de manifester ses volontés ».
(") Callimaque, Hymne I, 52 et suiv. ; Strabon X, 3, p. 468, etc. Chez Diodore,
V, 65, la même explication est donnée dans un récit de tendance nettement
évhémérique.
(6) Le rôle des Curetés dans la légende de Zeus est transporté à Éphèse dans la
légende d'Artémis (Strabon, XIV, 20, p. 640) : leur vacarme protège Léto pendant
son enfantement contre les embûches d'Héra. D'après le scoliaste d'Apollonius-
^ 49 —
Si l'on s'en tient au texte de Strabon (X, 8, pp. 462 et suiv.),
le plus important sur toute cette question, les Curetés, de même
que les Satyres, Silènes, Bakchoi et Tityres, et aussi que les
Corybantes, les Cabires, les Dactyles Idéens et les Telcbines,
sont des démons ou des serviteurs des dieux (^aijjiova; r, T.por.okouç
5cwv) ; ce sont tous des êti'es possédés de l'esprit divin (àTravTaç
£v5ojo't.a<TT!.xoùç T'.vaç xal pax^uoj;) (^), se livrant à dés danses avec
un grand fracas de cymbales, de tambours et d'armes (p. 4G(I), et
à qui l'entbousiasme procure une inspiration divine et une
qualité prophétique : o re éy.,^oumaaiJ.bç STiiTrveja-iv Tt.va 5c{av 'éyeiv
hoxel xal T(jj |i.avT(.x(ji yévet. Tzkri^TiiÇz'.v (467).
En présence de cette explication générale, l'interprétation
apotropaïque que nous avons rencontrée dans certaines anec-
dotes mythiques apparaît comme une étiologie tardive de rites
très anciens. De même, l'explication apotropaïque ou prophy-
lactique que l'on donne d'un vieux rite du triomphe romain
(la cloche et le fouet attachés au cbar du triomphateur) ne me
paraît guère plus sûre que l'explication rapportée par Zonaras
(VU, 21, t. II, p. 150, 19 et suiv. Dindorf) : « C'était pour
montrer que le triomphateur pouvait tomber dans l'infortune
et même subir les outrages et la peine de mort. Car les
condamnés à mort devaient aussi porter une cloche pour que
personne ne se souille à leur contact )). Le battement de l'airain
était sans doute à l'origine un moyen d'invoquer les dieux et
de les associer à la fête du triomphe.
En réalité, dans tous les cultes orgiastiques, ce que voulaient
les fidèles, c'était arriver à l'extase, se remplir du dieu, s'assi-
de Rhodes, I, 1134, la danse bruyante a pour objet d'empêcher d'entendre la
lamentation funèbre (8u(jcpr,{jL0(; cptovT^); cf. une interprétation analogue chez Pi-u-
TARQUE, De superstitione, 13 : à Carlhuge, le fracas des tambourins doit éloutfer les
plaintes des victimes humaines sacrifiées. *
(*) Cf. DiODORE V, 49 3, k propos des Corytranles : xoùi; èm xol<; ttj; [ATjxpàç
kpoTç svôoua-.àaavTat;.
— 50 —
miler aux êtres démoniaques qui lui faisaient cortège (*). En se
livrant à un délire frénétique (xopu,3avT'.wvTe; ou ^axy eûovxe;) , ils
voulaient devenir comme les Corybantes ou les Bakchoi eux-
mêmes. Le fracas de l'airain était un des moyens d'évoquer et
de manifester la présence du dieu et de se remplir de son
esprit {^).
Le caractère démoniaque et prophétique que l'on attril)uail
facilement au son de l'airain paraît avoir été connu de Philon
lorsqu'il dit du vrai prophète qu'il est un instrument de Dieu,
un Tj^^eiov, heurté et frappé d'un façon invisible par lui : ô'pyavov
.Sreo'j é<TTi,v Yj^erov, xpouôjjievov xal 7rAr|TTC)p.£vov âopaTwç Ott' auToO (^).
11 me paraît peu utile d'entrer ici dans le domaine du folklore
général pour y rechercher des croyances analogues. Je citerai
cependant, pour montrer qu'elles se sont prolongées dans
l'époque chrétienne, un passage d'un texte curieux qui a été
publié pour la première fois par M. Reitzenstein. Il s'agit d'une
amulette (cpjXaxTYip!.ov) qui nous a été conservée dans le Pari-
sinus gr. 2816 (XV*' siècle) :
opxîÇw up-àç Ta £vaxô(T',a kçTiXOVTa Tzweù^oLza ttJç sxxXrjTia; toO
TTOVY^po'j Ta d|Jiôa-avTa tw ^oLOiikel SoXop.wvT',, ote à7i£xA£!.a-£v 'Jfi.à; eîç
Ta; ^aXxàç 6opiaç 8ià Toi> âpyayyÉXo'J TaPpiTiA toO è'^^ovTOç ttjV i^ou-
T'iav IttI Triç Bao"xaviaç (^), x. t. X.
Les esprits mauvais ont donc été enfermés par l'archange
(' Pour un évêque comme Théodoret, les païens qui célèbrent leurs fêtes
bachiques sont encore des possédés du démon, Hist. EccL. III, 6, 2 : ùttô oè xwv
6£pa7ceuo(Ji,£vtov pax^eudfievoi oatfxdviov, Xutxwvtsç xal xopupavciûvreç, etc.; cf. III,
20, 1 ; IV, 24, 3.
{-) La valeur magique de certains instruments rituels doit sans doute être envi-
sagée pour expliquer le sens de la fameuse formule des initiés aux mystères : èx
Tup-iràvou ecpayov, ex xuix^dtXou euiov, x. x. X.
(3) Quis rer. div. hères, 52, p. 510, M, t. III, p. 59, 15 Wendland. Cf. un peu plus
oin, 53, p. 61, 4 : xe^vt) âè àopàxtjj xat Tra{Ji{JLou<Tt{j xaûxa xpouwv (sc. E'xepo;) sutj^a
xai itavapfjidviocxal Yé{J.ovxa cr'jfxcpiovîaç xt)<; TrâdTj*; àTioxeXET.
v*j Reitzenstein, Poimandres, p. 295. Reitzenstein considère ici comme source
un écrit de Salomon appelé Les sept Cieux, dont l'usage en Egypte est déjà attesté
par Zosime (Berthelot, La chimie au moyen âge, II, p. 265). Dans cet écrit, les
sept vases où Salomon renferme les esprits étaient en électrura.
— 51 —
Gabriel dans des hj^dries d'airain. Naturellement, dans le texte
chrétien, tout ce qui pour les Grecs est simplement dieu ou
démon est devenu esprit du mal. Mais l'idée de présenter l'airain
comme siège d'un esprit dérive directement de la superstition
antique qui nous occupe, et les textes qui vont suivre le mon-
treront avec plus d'évidence encore.
Nous devons ces textes à la tradition néo-pythagoricienne
qui a conservé la trace de tant de superstitions anciennes;
Porphyre, Vie de Pythagore, 41 : tôv o èx -/cCk-koù xpouofxévov
yt.vô|i.evov -T^'/oy (poivxiv £^vaî tlvo; twv oa'.p.ôvwv £va7r£'Ari(j(.iAévT,v (éva-
Tzv,\-r\\k\xi^oi> Nauck) T(j) /aXxô). On attribuait donc formellement
à Pythagore l'opinion que le bruit venant de l'airain frappé
était la voix d'un démon enfermé dans l'airain. Cf. Eustathe,
p. 1067, 59 et suiv. : xal ol liu3ayop!.xo{ cpao"'. tôv jcùxo^ Travrl
(7\jyriyBVj ^eioxépiù 7rve'jp.aT!. " oib xal tw 'AiroXXwvt, tg^ttouç to'.O'jtoç
àvàxetTai; ici encore donc, il est dit que l'airain résonne par
l'action d'un souffle divirf. Enfin, il faut sans doute expliquer
par la même idée l'opinion prêtée à Pythagore chez Élien,
HlSt. var., IV, il : h uoXXàxt.ç é|i.7ctTCTwv Tor? walv r;/o^ '^wvy^ twv
xpsLTTÔvojv ; le son qui frappe les oreilles en se répétant est la
voix des esprits (^).
C'est donc particulièrement dans l'école pythagoricienne que
Ton avait traité d'une façon superstitieuse la résonance de
l'airain. Dès l'origine, les Pythagoriciens avaient été hostiles
aux cultes orgiastiques, tels que ceux de Dionysos et de la Mère
des Dieux {^). Leur idéal, c'est Apollon, les Muses, la tempê-
ta) Ces trois textes se trouvent déjà cités chez Lobeck, Aglaophamus, pp. 895 et
suiv. Il faut également se rappeler les textes sur l'airain de Dodone que nous avons
commentés plus haut, p. 45.
(2) Maass iOrpheus, pp. i63 et suiv.) insiste très exactement sur ce point et il
distingue avec raison la doctrine orphique et pythagoricienne des orgies diony-
siaques. La pythagoricienne Phintys (Stobée, Flor., IV, 23, 61, t. IV, p. 390.
— 52 -
fartce et l'harmonie, non point Dionysos, Cybèle, les Ménades
et les Corybantes. Leur but est de s'approcher de Dieu par la
science, la piété et la vertu (* , et non par une extase qui est le
résultat de l'ivresse et de bruits désordonnés.
Si l'on examine les ouï-dire et les symboles (âxoÛTjjiaTa xal
(jûfxpoXa) (^) que l'on mettait sous l'autorité de Pythagore, on
voit qu'un grand nombre justifient et dogmatisent en quelque
sorte des croyances déjà existantes, avec l'intention de témoigner
au divin et à ses manifestations le respect le plus scrupuleux.
Du moment que le son de l'airain avait un caractère sacré, les
Pythagoriciens ont dû en condamner un abus profane et le
traiter avec un respect égal à celui que, par exemple, ils prescri-
vaient pour les portes, également sacrées à leurs yeux : « la
porte étant sacrée, les Pythagoriciens et les sages d'Egypte
défendaient de parler en franchissant les portes (tj TiûXa; r, Srjpa;),
vénérant par le silence le dieu principe de l'univers (^) ».
Dans les mystères orphiques, un appareil d'airain nommé
riy^dov avait un emploi sacré. L'hiérophante le frappait pour
invoquer Coré, comme nous l'apprend Apollodore, fr. 36 (MùUer,
hHG, I, 434= Scol. Théocr., II, 36) : 16 oi/ei ^vtI -oO ^ô-^c'.,
xooOs. 'ËTtel 6 ToG joikxoîj V/o? oixewç toÏç, xaTOi^ouivo'.;. ^^r.-rlv
'ATco)^Xô8ti)po(; 'A^YivYia-i tÔv Upo!fàvTT,v TYi; KopTjç é7r5.xaÂoy|jiévyjç è^z'.-
xpO'J£t.v To Xeyo|jt.evov -ri'j^eiov. Kal uapà Aàxwo-t., (âaatXswç â7ro5avôvTo;,
£''w5a(Tt. x^oùe'.'/ AéP'/jTà.
Parmi les trois détails conservés dans cette scolie et qui
7 Hense) prescrit aux femmes |xt) ypéea.S'ac xol; dpyiaafxoti; xal (j.axpiîJaa{j.ot<;. Sur
le fracas des instruments d'airain dans le culte rendu à Cybèle par les femmes, cf.
Athénée, XIV, 636 A.
(*) A cet égard, on peut dire que le chapitre II du De Iside par exemple est d'un
esprit parfaitement néo-pythagoricien.
(*) Voir DiELS, Frcbgm. der Vorsokratiker, t. I, ^i* édit , pp. 279-281.
(') Porphyre, De antro Nympharum, 27. Ici encore les Pythagoriciens dogma-
tisent une superstition populaire; par exemple Tibuu.e, 1, 3, 19-20: 0 quoties
ingressus iter, mihi tristia dixi \ Offensum in porta signa dédisse pedem ! Cf.
Valère Maxime, I, 4. 2.
— 53 —
remontent sans doute tous à ApoUodore, celui du milieu (^)
attribue donc au son de l'airain une vertu non pas apotropaïque,
mais expressément évocatrice : Tr\c, Kopri; £7:'.xaXoj|ji£VT]ç.
La coutume, évidemment très antique, de frapper un vase
lors des funérailles d'un roi de Sparte ne me paraît guère non
plus pouvoir, comme on le prétend, s'expliquer originairement
par l'intention de chasser les esprits; en effet, parmi ceux-ci
il faudrait bien comprendre l'esprit du roi lui-même que l'on
veut honorer. C'était plutôt, à ce moment solennel, une façon
de marquer la survie et de manifester la présence de cet esprit
(jui, comme un puissant oa{{jLwv ou r^pMç, allait continuer à pro-
téger le pays (^). Au surplus, le fait que l'on rendait aux rois
de Sparte les honneurs propres aux héros nous est formelle-
ment attesté par Xénophon (^) qui est, à cet égard, un témoin
particulièrement bien informé.
Sur le même sujet des funérailles royales à Sparte, Hérodote
(Vf, 58) nous apprend qu'à la mort d'un roi des cavaliers par-
courent toute la Laconie pour annoncer la nouvelle, et que
dans la ville des femmes circulent en frappant un chaudron :
*) (-f. Velleius, I, 4, 1; OiuoN, FJym., p. 18, 24 et suiv.; Pindare, Isthm., Vil,
3; Sr,OL. AiusTOPH., Àcliarn., 709; Ovide, Ars am., II, 609 et suiv.; Lobeck,
Aylaoph., Il p. 12i'5. Gruppe, Gr. Myth., p. 54, n. 9, veut encore donner ici au
rite une valeur apotropaïque. Dans sa série de comparaisons entre les mystère?
ii^recs et les choses d'Egypte (plus haut, p. 28), il est probable qu'Hécatée avait
mis en rapport le bruit de cet -n'/^s^ov sacré avec celui des portes du lombeau d'Apis.
(^) Cf. Oresle, dont les ossements retrouvés précisément dans la forge d'un
chalkeus donnent la victoire à Sparte (Hérodote, I, 67-68); Plutarque, Thésée, 35
/A la fin, etc. Au sujet de l'importance nouvelle du culte des PauiXtxol Satixovî; à
l'époque alexandrine, voir par exemple l'inscription d'Antiocluis I, Michel, Recueil
d'Insc. gr.. I, 7^15.
(') Rép. Lacèd., XV, 9 : ai Se xsXcux-nuavxt Tijjial ^a.<sikzi SsSovxat, x^8e pouXovxa'.
OTjXouv o\ Auxoupyou vdp.ot 6xi où^ w^ àv.SptoTcouc; àXX' wç Tjp(oa(; xoùç Aaxeoat(xovi(ov
PaatXslc; 7rpoxExi|x-nxaCTtv. Cf. Helléniques, III, 3, 1, à propos des funérailles du roi
Agis : £xuy_c asfjLvoxépaç t^ xaxà àv^pwTrov xacptjç.
(*) Le singulier Xépïjxa a pour lui l'autorité des bons manuscrits, et il est arbi-
traire de le changer en XspTjxat; comme le fait encore le dernier éditeur, Uude.
— 54 —
Hérodote semble donc interpréter le rite comme n'ayant
d'autre objet que d'annoncer la funèbre nouvelle, à la façon de
notre glas. H y a quelque analogie entre ce rite et l'usage
d'exécuter des danses, accompagnées du fracas des épées et des
boucliers, à l'occasion de funérailles solennelles. L'auteur du
dernier chant de l'Odyssée est sans doute le premier à men-
tionner de pareilles danses, quand il dit à propos des funérailles
d'Achille, w 08 et suiv. :
TzoXkrA o' ïlpwe; 'Xyjxioi
Teuy£a"t.v sppwo-avTO irupYiV Trép?. xa'.ofJiÉvo'.o,
TceÇo»! 8' lirTcrjÉç te* ttoX'j; o' dpjiJLayoo; opwps'-.
Plus tard, Apollonius de Rhodes signale la même coutume
comme spéciale aux funérailles d'un roi; les Dotions dansent
en armes autour du tombeau de leur roi Kyzikos (I, 1059) :
Tplç TTsp', yjxkxeioiç o-ùv Te'jyso"', SivYiOevTe;
t'J{jlP(i) svexTepet^av...
En revanche, un peu plus loin, une danse armée analogue a
pour objet d'empêcher d'entendre les lamentations funèbres
pendant un sacrifice offert par les Argonautes à Rhéa, et c'est
pourquoi l'usage de tels bruits stridents est devenu spécial au
culte de cette déesse (I, 1135 et suiv.) :
(jxa'ipovTeç jiiTiTap{i.ôv évoTtAwv elXio-o-ovTO,
xal (Taxea Çt.cpsea'O'tv eTrexTUTTOv. wç xev '!(i)t,
8ua-QTi|jL0ç TzkÔL^oiTO Si' "inspoç, V î'zi Xaol
x^f\oeir^ ^oltCKtioç àvéo-Tevov " è'v.S-sv so-aicl
pô[jip(}) xal T'jTcâv({) 'Pe'/^v 4>pLiY£; IXaaxovra». .
On voit comment les explications varient selon les circon-
stances. Les divergences prouvent simplement qu'il ne faut pas
— 55 —
prétendre ramener à une signification immuable des rites
d'origine oubliée et dont l'interprétation a varié au cours des
temps (0-
Par une rencontre significative, nous trouvons un détail com-
parable aux rites qui nous occupent dans la fête funèbre annuelle
qui fut instituée au V" siècle, à Platée, en l'honneur des guer-
riers béroisés qui étaient tombés sur le champ de bataille.
L'organisation de la fête, que Plutarque rapporte à Aristide,
doit être plus vraisemblablement attribuée au roi de Sparte,
Pausanias (Thucydide, 111, 58). Parmi les cérémonies curieuses
que décrit Plutarque (Aristide, 21), le détail qui nous intéresse
particulièrement est le suivant. Au jour de la fête, l'archonte ae
Platée, qui en tout autre temps ne peut pas toucher du fer et
ne doit porter que des vêtements blancs, s'habille d'une tunique
rouge, il porte une hydrie qu'il prend dans le local des archives
et, muni également d'une épée, il traverse la ville pour se rendre
aux tombeaux : àpàjjievôç te jôpiav âTiô toù vpa|jL[jiaTocpyAaxîou ^t.^r^z■r^ç
Là, il accomplit certaines cérémonies, immole un taureau et
évoque les morts au festin : xal xaTejiâjJievo; \d xal 'EptJLr; /.Srov'ici)
TcapaxaAer Toù? àva.ro'jç avSpaç Toùç (jTzïp tt^; EX/.ôiZoç aTTO.SavovTa;
£7cl TÔ ocCtcvov xcù. t>,v altj.axoup'iav . Ici donc, nous voyons une
hydrie, évidemment en airain, qui est conservée et consaci'ée
pour l'usage religieux et qui, comme Tv/eiov d'Eleusis et comme
le Ae^Ti; de Sparte, joue un rôle dans les rites évocatoires. Le
xpÔToç de l'airain appelait la présence des morts et, lorsque le
glaive de l'archonte égorgeait la victime, c'est sans doute dans
l'hydrie même que l'on recueillait le sang que les morts devaient
boire.
(1) De nos jours encore, de tels rites sont cliariçés de toute une série de signifi-
cations. Vivos voco. Mortuos plango. FiUgura franco, ces trois termes sont loin
d'épuiser les sens du chant de la cloche. Dans les campagnes wallonnes, le jour
des morts (Toussaint) s'appelle « le jour des âmes », et le soir, tandis que sonne le
glas, on croit que celles-ci errent aux (alentours. Oui nous dira le sens exact de ce
glas traditionnel? Évoque-t-il les âmes et chante-t-il leur plainte, ou appelle-t-il les
vivants à la prière et exprime-t-il leur propre douleur?
— 56 —
Ces rites antiques et ces honneurs spéciaux ne se sont con-
servés que dans les cultes des rois et des héros. Au temps
historique, la législation a fortement réj];lementé et simplifié
les cérémonies privées des funérailles (^). Néanmoins, il y
avait sans doute dans chaque État une fête générale des
morts (^).
A cet égard, c'est pour Home que nous sommes le mieux
renseignés. La fête des morts, les Lémuries, s'y célébrait les
9, Il et 13 mai, et Ovide [Fastes, V, i^l et suiv.) a donné de
certains de ses rites une description assez détaillée. Ici encore
nous voyons apparaître, avec une signification spéciale, le son
de l'airain. « A minuit..., l'homme qui se souvient du rite
antique et qui craint les dieux se lève; il reste pieds-nus, et de
ses doigts réunis avec le milieu du pouce il fait des signaux, de
peur que dans le silence une ombre légère ne vienne à sa ren-
contre. Trois fois, il purifie ses mains dans l'eau d'une fontaine;
il se tourne et prend dans sa bouche des fèves noires. Il les
jette ensuite derrière lui et, en les jetant, il dit : « Je les jette
et, avec ces fèves, je me rachète moi et les miens. » 11 prononce
neuf fois ces paroles sans regarder en arrière. On croit que
l'ombre ramasse les fèves et suit ses pas sans être vue. De nou-
veau il touche l'eau et frappe l'airain de Temèse {Temesaeaqiic
concrepat afera, 441), et il conjure l'ombre de quitter sa
demeure. Après avoir dit neuf.fois : « Mânes paternels, sortez! »,
il regarde derrière lui et croit avoir accompli purement la céré-
monie. «
Ce n'est pas ici le lieu d'essayer une analyse de rites dont le
sens primitif échappait à coup sur à Ovide lui-même.
Remarquons simplement que dans cette succession d'actes, le
(*) O'après la loi de Iulis sur les funérailles, on devait porter le mort silencieu-
sement jusqu'à son tombeau, attoTif, [xr/^pt stti tô <TTj[xa, Michel, Recueil d'Insc.gr.^
I. 398. Même prescription à Delphes, ibid., 99o C. Cf. Plutarque, Salon, 2-1. Cf.
[)0ur Sparte, Plutarque, InstitiUa Laconica, 18 (238 D); Lycurgue, 27.
(') Cf. NiLSSON, Griechisvhe Fe.ste, p. 4%.
— 57 -
battement de l'airain n'est pas du tout présenté comme un
moyen apotropaïque, ainsi qu'on l'admet généralement.
J'entendrais plutôt : le dévot paie à l'ombre son tribut et,
après s'être acquitté de ce devoir, il l'évoque particulièrement
en frappant l'airain pour la supplier de quitter sa demeure. Si
le bruit de l'airain avait pour vertu en soi de chasser l'ombre,
pourquoi le dévot devrait-il ensuite répéter neuf fois sa prière?
Dans tous ces actes, il y a certes un scrupule superstitieux de
se tenir pur du contact ou de la vue du mort, mais il y a aussi
le souci religieux de lui rendre les honneurs auxquels il a droit
dans la fête, et le battement de l'airain ne peut pas être conçu
originairement comme un moyen hostile et violent de l'efïrayer
et de le mettre en fuite.
La série de textes que l'on vient d'examiner explique assez
comment Apollodore a pu dire que le bruit de l'airain était
oixeioc, ToCç xaTO'.)(0|jL£voiç, c'est-à-dire appartenait aux trépassés.
L'opinion attribuée chez Élien à Pythagore qu'un tel bruit est
la voix des meilleurs (cpwvVxwv xpeiTTovwv) ne fait que dire la
môme chose sous une forme plus réaliste.
Revenant enfin à l'usage rappelé dans notre passage de Plu-
tarque, ma conclusion serait celle-ci : 11 y avait une croyance,
spécialement accueillie par certains Pythagoriciens, qui considé-
rait la résonance prolongée de l'airain comme une manifesta-
tion démoniaque. Dès lors, un tel bruit devait être l'objet d'une
crainte superstitieuse, au même titre que les autres phénomènes
attribués à de semblables interventions surnaturelles. N'est-ce
pas la crainte de^ esprits qui, en Grèce, a donné son nom même
à la superstition (SetcrtSatfjiovia), et n'est-ce pas cette crainte
encore qui se trahit dans l'euphémisme (ol xpeirTove;) par lequel
nous venons de voir qu'on désignait les âmes des morts? On
croyait écarter la présence d'un esprit qui pouvait être redou-
- 58 —
table en touchant l'airain ou le cuivre en train de résonner et
en éteignant ainsi son bruit.
Assurément, il nous paraît extraordinaire qu*une certaine
étiologie ait rattaché cette superstition aux funérailles du boeuf
Apis et qu'une des sources de Plutarque ait pu faire un raison-
nement qui devait être à peu près comme ceci : lorsqu'on
enterre Apis, les portes d'airain ont une résonance grave et
dure et c'est parce que nous savons ainsi qu'un tel bruit mani-
feste la présence d'un démon que nous avons l'habitude d'inter-
rompre, en les touchant, la résonance des objets d'airain.
Cette étiologie est étrange, j'en tombe d'accord, mais elle doit
l'être, car il faut bien qu'elle soit telle pour que Plutarque l'ait
rangée parmi les explications qu'au début de sa phrase il a
qualifiées de stupides (âTOTrwtepa) .
Au fond, cependant, est-elle beaucoup plus absurde que
d'autres explications qui ramènent également, de la façon la
plus inattendue, des coutumes ou des croyances grecques à une
origine égyptienne? Par exemple, plus haut, chez Plutarque
[De fside, chap. XLII), nous avons vu expliquer l'horreur des
Pythagoriciens pour le nombre dix- sept par le fait que le
dix-sept est la date de la mort d'Osiris. De même encore, la
superstition qu'inspiraient les portes avait été mise par les
Pythagoriciens en rapport avec la sagesse égyptienne (*). Enfin.
Plutarque lui-même dit formellement dans le De fside (chap. X)
que la plupart des préceptes énigmatiques des Pythagoriciens
imitent le symbolisme des Égyptiens, qu'ils ont une valeur
mystérieuse et qu'ils ne le cèdent en rien à cet égard à l'écriture
hiéroglyphique (^). Aussi, les âxoûdjjiaTa pythagoriciens servaient
au jeu des explications les plus arbitraires; Jamblique, Vie de
Pijt/iagore, 86 : Al ùï upo(TT'.5£a.£va'. eUo-zoXoyioLi -sol twv toloûtwv
(*) Porphyre, De anlr,) Nxjmpharum, 27; cf. plus haut, p. 52. Une des raisons
que l'on donnait de l'abstinence ries fèves était leur ressemblance avec les portes de
l'Hadès (DiOGÈNE Laerce. VIII, 34).
(«) Cf. De educ. puer., 47, p. 42 D.
— 59 —
[scil. âxo'jT;jtâT(i>v) oùx s.i'7'. llu.Srayop'-xaî, âXX' éviwv £ço)5ev ènivfx^iZo-
|ji.év(ov xal 7r£!.pw{j.£V(i)v upoTotuTeiv £''xÔTa Aovov.
Déjà Aristote, sans doute dans son livre IlEpl twv Uu^ayopetwv,
s'était occupé des âxoiia-pLaxa pythagoriciens (^). Probablement
dès le IV" siècle également, le médecin Androkydès écrivait en
dialecte ionien un ouvrage Ikpl Ib^ayopixwv o-ujjipoXwv (^). Une
indication malheureusement très vague chez Suidas (s. v. Ava;'!-
(jiavopoç) et chez Diogène Laerce (II, 2) mentionne un historien
Anaximandre de Milet, différent de son célèbre homonyme et
contemporain d'Artaxerxès Mnémon (405-359 av. J.-C), qui
avait composé, aussi en ionien, un écrit sur les symboles
pythagoriciens, EjjjipoAwv TIu.rayopE'iwv £^T,yYi(T!.ç.
Enfin, un quatrième ouvrage sur le même sujet est mentionné
par Clément d'Alexandrie (Strom., p. i4, 7 et suiv., Stàhlin) :
'A)^£Savopo; £v 7(^ 7r£pl ll'j3ayop!.x(ov (T'J|xj36awv. Cet Alexandre,
qui est sûrement Alexandre Polyhistor, faisait notamment de
Pythagore le disciple de l'Assyrien Zaratos, des Gaulois et des
Brahmanes.
Il n'est pas douteux qu'à l'époque de l'érudition historique
et du syncrétisme, le rapprochement des symboles de Pythagore
avec des superstitions et des coutumes étrangères ait contribué
à faire dériver sa sagesse de celle de peuples barbares, considérés
comme particulièrement anciens, Phéniciens, Chaldéens, Perses,
Indiens, Arabes, Juifs, et même ïhraces, Gaulois et Etrusques (^).
(1) Sur cette question, voir surtout (1. Holk, De acusmatis sive symbolis Pythu-
goricis, Diss., Kiel. 4894.
(*) Zei.ler, Die Philosophie der Griechen, III. 2, 4« édit., p. 118, considère cet
écrit comme l'œuvre d'un faussaire, et de même Hôlk qui place sa date au premier
siècle avant J.-('.. {livre cité, p. 45). Tout récemment M. P. Cohssen \Die Schrift des
Arztes Androkydès Ilspl Tru^ayopixàiv a-jajBdXwv dans Rheinisches Muséum, LXVII,
(lOl'i), pp. 240 et suiv. | me paraît avoir apporté d'importants arguments en faveur
de l'authenticité.
(5) Cf. Zei.ler, Die Philosophie der Grieclien, I, 1, 5« édit., pp. 300 et suiv., où les
principaux témoignages sont cités. Pour les rapports avec les Étrusques, cf. Zeller,
ibid., p. 296, n. 2, et Plutarque, Vie de Numa, 14.
— 60 —
Entre tous ces peuples, ce sont les Égyptiens qui naturelle-
ment durent les premiers appeler l'attention des Grecs. Tout en
ne parlant pas encore d'un séjour de Pythagore en Egypte,
Hérodote (II, 81) remarque l'analogie d'un rite sacerdotal
égyptien avec un usage pythagoricien et il fait venir d'Egypte
en Grèce la croyance à la métem psychose (II, 123) (^). A partir
d'isocrate {Busiris, 11,28), l'assertion (jue Pythagore a emprunté
sa science et surtout ses prescriptions religieuses à Técole des
Égyptiens est répétée à l'infini {^).
En particulier pour ce qui concerne le De hide, une étude
détaillée ferait voir que, d'un hout à l'autre du traité, une
place importante était faite dans les sources aux explications
empruntées à l'école pythagoricienne. Un grand nouibre d'entre
elles remontent en dernière analyse à Eudoxe de Cnide, qui est
fréquemment cité :
Chapitre VI, sur l'abstention du vin, Eudoxe est combiné
avec Hécatée d'Abdère (Diodore, I, 70, il); comparez ce qui
est dit des prêtres d'Héliopolis qui ne boivent pas de vin le
jour (wç O'j TTpoo-r^xov Yijjispaç Tiivs'.v, ToO x'jp'.O'j xal Pao-iXew; è'fo-
poSvToç) avec Jamblique, Vie de Pythagore, 97 et 98 : o'I'voj oï ae.^'
Tlfjiipav où p.£T£'ryov (sc. ol ïlu.Srayopew.) ; cf. Diogène, Vlll, 19 (').
— Chapitre XXI, sur l'emplacement du tombeau d'Osiris. —
Chapitre XXX, sur la puissance démoniaque de Typhon;
cf. chapitres XL VIII, LXXVl, LXXX et Wellmann, tiennes,
XXXI (1896), pp. 243 et suiv. — Chapitres LU et LXIV sur
Isis. déesse de l'amour; chapitre LXIl, sur le Zeus égyptien.
L'attribution à Eudoxe est moins sûre là où les Pythagori-
ciens sont cités en général : Chapitre XXXIl, la mer est une
larme de Kronos; cf. Porphyre, Vie de Pi/thagore, il ; Clément,
(*) Cf. Zeller, oiivr. cité, I, 1, 5^ édit., p. 305, n. 1 .
(2) Voir notamment Plut arque, (^î^oeA/. conviv., Vlll, 8, 2, 1, De Iside, chap. X.
(3) Les parfums que brûlent les prêtres égyptiens pendant le jour (De Iside,
LXXIX) sont également à rapprocher des pratiques pythagoriciennes décrites par
Jamblique, Vie de Pythagore, 98. L'adoration du soleil levant était un des comman-
dements pythagoriciens, Jamblique, ibid., 2o6.
— 61 —
Strom.y V, p. 860, 21, Stàhlin. C'est justement Eudoxe qui est
donné comme ayant emprunté une autre image analogue aux
prêtres égyptiens : le vin est le sang de ceux qui jadis ont fait
la guerre aux dieux et dont les cadavres, mêlés à la terre, ont
fait poussier les vignes {De Iside, VI) (^. — Chapitre XLII, sur
le nombre dix-sept. — Cf. encore chapitres LXXV et X, notam-
ment Apollon, expliqué par d-T.olùç.
Une étude complète devrait naturellement tenir compte de
passages où il n'y a pas expressément de rapprochement avec
le pythagorisme. Par exemple, le port de vêtements de lin était
commun aux prêtres égyptiens {De hide, IV) et aux Néo-
pythagoriciens (Jamblique, Vie de Pythagore, 100, 149).
I/abstinence pythagoricienne des poissons (Diogène, VIÏI,
84; Eustathe, p. 1720, 31 et suiv.) avait aussi été rapprochée
de la même pratique chez les prêtres d'Egypte (Plutarque, De
Iside, VII; Quaest. conviv., VIII, 8, 2).
Plutarque {Ue Iside, LXU) explique, d'après Manéthon, que
le fer est l'os de Typhon. La pensée offre bien le même genre
d'image que nous venons de rencontrer chez les Pythagoriciens
à propos de la mer « larme de Kronos », et du vin « sang des
ennemis des dieux ». Et, en effet, les Pythagoriciens (Lydus,
De mensibus, I, 35) avaient l'horreur du fer qui symbolise la
matière : '0 yàp o-iSyipoç xarà toÙç IIu^aYopeiouç x^ \jkr\ âvàxetTa!. '
[jLsXaç yàp xal auTo; xal oià to'JTO éyyjç aveioeo;, 7:oXuxji.7|To; re xal
TToXûypYiTToç (ùX oux (XTra^Tiç £(3Tt.v. Aussi prescrivaicut-ils aux
prêtres de n'employer que des ciseaux d'airain (^). Nous avons
vu plus haut que le magistrat de Platée, chargé d'évoquer une
fois l'année les esprits des héros, était de même soumis à
l'interdiction de toucher du fer.
(*) Androkydès se fondait sur quelque symbolon pythagoricien analogue quand
il écrivait à Alexandre le Grand. Pline, Hist. Nat., XIV, 58 : Vinumpotitrus, rex,
mémento bibere te sanguinem terrœ.
(2) Sur l'emploi sacré des ciseaux d'airain, cf. Sophocle, fr. 491 Nauck, 2« édit.;
Macrobe, V, 19, 13; Servius, Ad Aen., I, 448.
— 62 -
VU
SarapiS = ^oGo-ira'. tô Tcàv
{lexpiwTepov oï < ol > (*) uapà tô T£ÙeT5a?. xal to ToOaira». ttjv toO
TiavToç afjia xivYi(7!.v e^pTio-^at. cpâoxovTeç.
La première explication du nom de Sarapis a paru à Plu-
larque négligeable, la seconde absurde, la troisième plus absurde
encore; en voici une enfin qui lui paraît assez raisonnable :
(c Plus modérée est l'opinion que c'est d'après l'élan (to Tcjso-.ra'.
xal TÔ aoûo-^ai) donné au mouvement simultané de l'univers qu'il
est nommé ».
Sarapis est donc dérivé ici de 'seùefy^ai ou (joù^^oli et de 7:àv.
Il n'y a pas lieu de proposer des corrections (^). Surtout, il ne
faut pas songer à supprimer xal -o (Toûcr5a',, comme le voulait
Squire, car cette leçon inattendue est précisément ce qui garantit
le mieux l'authenticité du passage et ce qui lui donne son prin-
cipal intérêt. La forme o-oCîa-^at., avec la voyelle o, a été choisie
évidemment pour préciser et spécialiser le sens de TsûsT^ai, et
nous devons rechercher quelle raison particulière a pu donner
à cette forme une pareille fonction. Cette raison, je crois qu'il
est possible de l'indiquer avec une grande vraisemblance. Nous
savons, en effet, que le substantif «roOç avait été adopté par
Démocrite comme un terme technique pour désigner une sorte
(*) [jLExpitoxEpot Baxter et Bernardakis; <ol> a été suppléé par Xylander. Il ne
aut pas vouloir mettre trop de correction grammaticale dans cette succession
rapide de notes.
C^) aupsd^at de Semler pour aEÛôa.Sat est vraiment mauvais; dstsu^at serait
également un changement arbitraire, bien qu'à première vue il soit assez tentant,
cf. De Iside^ LXUI, p. 376 C : ÈfA^aivet xal xô ffetaxpov ôxi aeisa^ai 8eî xà ovxa xal
|jLTi8i7roxe 7tau£a3^ai cpopaç. A rapprocher une étymologie de Seipto;, Scol. Apollon.
Rh., II, 517 : il Tcapà xà <y£i£<j3ai xal 7ràXX£a.Sai.
— 63 —
de mouvement : «priTl yàp [se. AïijjioxpiTo;) oJx eî; Ev ipjxàv tov (toOv,
Xévojv u Toùv » TT|V x'-VYio"'-v Twv àvo) (pepo{i.év(«)v (TWfjiâTwv (Aristol. ,
De eaelo, IV. 6, 313 B, 4 — Diels, Vorsokratiker 1, 2* édit.,
p. 363, 41) (*). Le terme toO; désignait donc le mouvement des
atomes les moins lourds (air et feu) qui étaient poussés dans la
région élevée (^). C'est de là sans doute que le verbe tjoOtjBat. a
été choisi comme s'appliquant spécialement au mouvement des
sphères supérieures.
La source même à laquelle remonte ici Plutarque est de
tendance stoïcienne et suppose une théorie cosmique au sujet
de laquelle on peut voir les principaux passages réunis chez
L von Arnim (^) : au centre du monde, la terre est un globe
immobile autour duquel tournent les sphères qui constituent
l'univers supérieur. C'est ce mouvement que notre étymologie
attribue ici à Sarapis (^).
Plus loin dans le De Iside, une allusion au même rôle du dieu
est donnée comme empruntée aux livres d'Hermès (chap. LXI,
p. 375 F) : 'Ev 8e TaCç 'EpjJioG 'keyo^é^joLiç ^i^Xoiç lo-TopoOTî. yeypâcp.^a',
TtSpl TWV UpWV OVO tJLOCTWV OTL TTjV |JI.£V IttI TT,; TO'J YiXîoU TTEplOOpâç
T£TayfJL£VT^v 8uvaijL!.v '^Qpov, 'EXXriVcç o' ATToXXwva xaAo'Jo-t. • ty^v o' èul
TO'J TTveujjiaTOç ol (Jikv "Oo-t.pt.v, ol oï ]2àpa7rt.v, ol 8k Sw^l Aiyu7rTt<JT{.
Osiris-Sarapis préside ici au mouvement du 7rveO|jia et nous
savons assez que ce mot appartient à la terminologie stoï-
(*) Platon signale un sens analogue du mot aoù(; chez les Lacédémoniens,
Cratyle, 412 B : àXXà è€i Ix tûv ttoiti-ciov àva(jLt(ji.v7^<Txea3'ai 6'ti 7roXXa-^o5 Xeyoudiv
TTspl ÔTou âv Tu^axjiv T(J5v àpy^o{jL£vwv xa^ù TtpoïEvat « èau^Tj » ^adîv Aaxwvixtji Se
àvSpl Ttov sùSoxifAtov xat ovofxa tJv « Sout; »• xr)v yàp xayelav 6p[AT)v ol Aaxsoaifxovtot
xouxo xaXoGfftv.
, (-) Cf. Zeller, Die philos, der Gr., I, 5« édit., pp. 887 et suiv.
{*) Stoiconwi veterum fragmenta, II, pp. 173 et suiv., particulièrement p 175, fr.
o.*)5 de Chrysippe : xôoraàptov ouv ovxiov xc5v (rzoïjEÎMv, aufjLps^Tjxs xô irûp xal xov
àspx, xoucpdxaxa ovxa, iul xtjv àvto cpopàv s^etv X7)v ôpfXTjv xal irepiÔtvsTa^at.
(*) Pour l'idée fondamentale de celte explication, où Sarapis est envisagé comme
le moteur des sphères célestes, cf. F«anz Cumont, La théologie solaire du paganisme
romain {Mémoires présentés à l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, t. XH.
2« part., pp. 455 et suiv.).
— 64 —
cienne (*). Remarquons, en passant, que la fonction prêtée par
certains à Sothis dans ce passage est également connue de
l'auteur de Tétymologie "^eipioç • Trapà tô veUv^ai xal nillevBa'.,
que nous avons rapportée plus haut (^).
(*) Voir le paragraphe Tuveufxa chez Arnim, Stoic. vei. fr., II, pp. 144 et suiv., fr.
442 : xô irvcGjAa yEYOvôç âx Tcupd^ tî xat T-içto^ otà Travxwv Tre^ot'xTixe x. x. X. Cf. DiELS,
Doxogr. graeci, 310«7. 292«23, 302''22, 305«15 et suiv. : o\ Sxwtxot vospôv ^sôv
aTcocpatvovxai. . . xal TTveufjia (xèv ôtïjxov St' ô'Xoi» xoù xoct{xo'j. De même, dans d'autres
passages du De Iside, le mol Tcveufxa révèle une tendance sûrement stoïcienne,
ch. XXXVI (36^^ D). XL (367 C). LXVI (377 D).
(«) P. 62, n. 2.
J
65
VIII
Sarapis = Osiris-Apis
01 ô£ TiXeCo-Tot. Twv lepiwv £''<; Taùxo cpaTi tov "Oo-'.p'.v T'jfjnteTrXéy^ai
xal TOV ^Attî-v, iÇ-riyoup-Êvo'. xal 8t.Bà<rxovT£<; TjjjLàç w; eLi{jt.Oû<pov c''xdva
^pTl VO{i.{Ç£!,V T7,; '0c7'!p!.00Ç '\f'jyj\^ TOV ""AtCIV.
ce Le plus grand nombre des prêtres disent qu'Osiris et Apis
se confondent dans le même mot, nous expliquant et nous
enseignant qu'il faut considérer Apis comme une belle image
de l'âme d'Osiris. »
D'après cette étymologie Osiris + Apis, qui a encore des par-
tisans modernes (*), Sarapis représente donc la réunion des
deux dieux égyptiens, Osiris et Apis. L'âme d'Osiris, incarnée
dans le bœuf Apis, prendrait le nom de Sarapis après la mort
de celui-ci. L'explication théologique du culte du taureau Apis
comme une incarnation de Ptah ou d'Osiris est sans doute très
ancienne en Egypte. Chez les Grecs, Hérodote n'en parle pas
et cite simplement comme déjà connue l'identification d'Apis
avec Epaphos (^). L'explication reproduite chez Plutarque s'est
trouvée sans doute également chez Hécatée d'Abdère, si, comme
il le paraît bien (^), c'est lui que suit Diodore (I, 85, 4) : 17,;
(*) Sarapis s'explique (déjà pour Champoliion) par l'hellénisalion d'Oserapis, ce
dernier nom représentant la transcription régulière de l'égyptien; voir Isidore
Lévy, Sarapis dans Revue de l'hist. des Religions, LX (1909), pp. 286 et suiv.
(^) II, 153 : 6 §£ '*k.Tzi<; xaxà xr)v 'EXXTnviov y^wairâv z<rz\. "E7ra<poc; cf. III, 27 et 28.
(3) Cf. ScHWARTZ, Hekataeos von Teos dans Rh. }fus., XL (lt<85), pp. 230 et suiv.
Pour Plutarque, il ne remonte ici en tout cas pas directement à Hécatée, ni même
peut-être indirectement. Il s'agit d'une même interprétation sacerdotale que plu-
sieurs auteurs ont pu recueillir et reproduire indépendamment l'un de l'autre.
— 06 —
0£ TO'J poôç TO'JTOU T!.fxri; aiT'iav fv!.ot. 'jfépou7i XeyovTe; ot». TcXE'jTTjTavTo;
'Odipioo; eîç toutov yi 4"^/ri p-eréTr/i, xal oià xaÙTa oiareXer (xé'/pi toO
vGv iel xaxà Taç àvaSei^et.; aiÎToO [xe^torajxévTi Ttpoç Toùç ixéTayeveorépouç.
Avant Plularque encore, elle apparaît également comme connue
chez le stoïcien Athénodore de Tarse (^), qui fut le maître
d'Auguste : o-uv^etov dnô T£ Oo-ip'.oo; xal "Attioç YcVOjJievov 'Oa-ipaTZ'.;,
et chez Strabon, l'anii de cet Athénodore (XVII, i, H\ [807 C]) :
To T£ (se. lepov) TO'J "Xni^joq o; éo-Ttv ô auTÔ; xal "Oo"t.ot.ç, ottou 6 ,3o'j<;
6 ''AtT'.; £V 0-YjX(j) TLV!. Tp£(p£Ta',, 3£0Ç (bç IcpriV VO{Jlî.î^ÔjJl£VO<;.
Au temps de Plutarque, la conception était devenue banale
et elle revient plus d'une fois dans notre traité, chapitre XX
(359 B) : 'Ev 8e Méi^^fei Tpé^eT^œ. xôv "'Atti.v, elotà'ko'^ ovTa Tfj; èxeiyo'j
(se. 'Oo-ipiSo;) ^uyri^ ; chapitre XLIII (368 C) : Tov 8' "Auiv eûôva
jjikv 'Oo-ipwoç l|jnpu';(ov £Lvat.; chapitre LXXIII (380 E) : '0 yàp \\7r'.ç
ôûxEÙ .. Upoç dyoLi Toù 'Oa-ipt-ooi;.
Dans notre passage, l'épithète £Ù|jLop'^o; donnée à elxwv a paru
suspecte à Wyttenbach et sa correction £{i|jLopcpoç a passé dans le
texte de Bernardakis. Dans les deux endroits de Plutarque sur
lesquels on s'appuie [Numa, 8, p. 65 B et De def. orae,, 35,
p. 428 F), £|ji|jLopcpoç s'oppose à l'absence complète de forme
(àjjiopcpia) , idée dont il ne peut être question ici.
Quant aux corrections ai^^riTTiv ou lunj^u^ov, elles introduiraient
sans doute des leçons très naturelles, mais dont rien n'expli-
querait l'altération (^).
Les autres passages du De Iside où eîxwv apparaît avec un
sens analogue sont, outre le chapitre XLIII (£Û6va jjikv 'Oo-ipioo;
ïii^uyoy) cité plus haut, le chapitre XLIX (371 B) : 'Ev 8è y?) xal
n^zù'^oLTi xal ûSaxt. xal oupavép xal aorpo!.; to T£Tay|i.£vov xal xa^Eonrixoç
(*) Dans Clément, Hrotrept., p. 38, 4 Stahlin. Cf. Cyrill. Alex., Contra Ivl.^
I, p. 13, éd. Spanheim =Migne, PG, 76, col. 521 D : touTrep i\ èvôç auv^ïifxaxoç
Q\i\k^z^t\y.6xtc, elt; ô|«.otpcovi'av, 'OatpaTciv, tv' èv Taùxtji "Oaipiç T£ xal "^Atck; vooito...
xô 8e (jiaxpov ï^oc àTroPs^Xtixô*; xo 'Offt, SàpaTrtv xo ^péxaç £uoiT)a£v ovoixà^eci^'at,
(*) Je signale comme tentante la correction aôfji(xopcpov que me propose M. Franz
Cumont, en rapprochant Ep. Rom., 8, 29 : ffu(j.jjLdpcpou(; xîj; elxovoc.
— 67 ~
xal {jY'.x'.yoy wpaiç xal xpaTcO"'. xal ttso'.ooo'.ç 'ÔT'ipwo; àTioppori (^) xal
eLxwv £fjLcpa',vo|X£V7i ; enfin, le chapitre LUI (372 F) : e^xwv yàp e^Tiv
oùa-{aç £v uXr, < r j > (^J y£VcTî,ç xal {jiî|jt.'^ijLa to'j Ôvtoç to y!.-p^{X£VOV et
le chapitre LIV (873 B) : ... tov ''Qpoy, ôv ri ^Itî.; eîxova zo\J voyitoO
xôo-|xoj a'^o-^TiTov ovTa y£vvà, — (leux chapitres qui appartiennent
certainement à une même section. Cf. aussi les chapitres LVI
et LXIV.
Dans tous ces passages, £''xo)v paraît avoir un sens bien
consacré et nettement théologique. Je croirais volontiers que le
point (le départ de cet emploi du mot se trouve chez Platon,
dans la fm célèbre du Timée, 92 C : ... oo£ 6 xoo-ulo; o'jtw, Çyov
opaTov xà ôpaTa rcep'Âyoy, £ixwv toO vo'r\'ZO\J ("^j, .3^£Ô; a''o-57|Td(;,
liéyKT'oq xal àpî-o-To; xà^ÀiTTOç tô xal TcXswraTOç yiyovEv £Ïç
oùpavoç ôo£ (jLovoyEVYjç wv. Ces termes rappellent le dernier pas-
sage du De Iside (chap. LIV) que nous venons de citer, et ici
l'influence, si l'on veut lointaine, du Timée peut s'affirmer
d'autant mieux qu'au début du chapitre LUI (cf. chap. XXXIV
et surtout chap. LVI) Platon est cité pour des mots caracté-
ristiques (t!.5tivti xal 7ravo£^riç) qui sont empruntés précisément
au Timée.
Eixwv a ainsi fourni un terme pour rendre une idée favorite
de la théologie égyptienne. On peut lire, par exemple, dans la
fameuse inscription trilingue de Rosette, du 27 mars 196 avant
Jésus-Christ (Dittenberger, Orientis graeci inscr., 90) : BaT'.-
(*) à-KoppoTi « émanation », comme nous le verrons pour slxcov, a ici un sens
ihéologique (de même chap. XXXVIII, LUI), qu'il a conservé chez certaines sectes
chrétiennes (cf. Alexandre d'Alexandrie chez Théodoret, I, 4, 46). Reitzenstein
{Poirnandres, p. 16, n. 4) prétend que cet usage du mot est purement égyptien.
C'est cependant un terme qui fut employé de bonne heure dans la philosophie
grecque On sait que le mot appartient aussi au vocabulaire astrologique.
(^) r) est ajouté par Keiske.
(3) voTjxoij FY TuoiT)xoû AP Stob. (Bumct). Dans son édition du Timée, Archer-Hind
défend, par des arguments intéressants, la leçon tcoitjxoO (the image of its makor).
Si notre rapprochement est exact, la source de Plutarque parlerait plutôt en fa\cur
de voT)xou, sans d'ailleurs trancher la question pour le texte de Platon, car la
variante doit être très ancienne.
— 68 —
XeuovTOç Toû veou (Ptolémée Epiphane) e^xôvo; s^o-r,; ToO
Aiôç, X. T. X. On sait qu'et^xwv est un des termes qui ont passé
plus tard dans la théologie chrétienne : // Cor, 4, 4; Col, 1, 15,
ô'ç éoTtv eûwv ToO ^^eoû (*) ; cf. / Cor. il, 7.
(*) Voir d'autres rapprocliements instructifs entre la langue de l'inscription de
Rosette et celle de l'Écriture chez P. Wendland, Die hellenistisch-rôinische Ktdtur,
l'o édit., p. 76.
69 —
IX
Sarapis et Tégyptien « sairei »
'Eyw ô£, ei |ji.èv XiyùizTio'j éori TO'JvofJia toG SapautBoç, eû^po(TÛvTiv
aÛTO ÔYlXoUV OlOfXa'. Xal ^apjJLOO-UVYJV, T£X|JLa!.ÛO|Jl£VOÇ ÔTt. TYIV èopT/jV
A^YtJ7tT!.ot. Ta ^appLOo-uva « aa^pe', » xaXoûo-Lv.
(c Pour moi, si le nom de Sarapis est égyptien, j'estime qu'il
signifie joie et allégresse, le conjecturant parce que les Egyptiens
appellent sairei la fête des réjouissances. »
Hérodote (lU, 27) rapporte qu'au temps du séjour de Cambyse
à Memphis un nouveau bœuf Apis apparut et que les Egyptiens
se mirent aussitôt en fête : aÛTLxa ol A^yu7rTi.ot. diiaTÔ. xe écpopeov xà
xotXXLo-Ta xal Tjaav év ^<xkir^(7i. (^). Cambyse, croyant qu'ils faisaient
cela comme une réjouissance (yapjjLOfTjva tolùtol izoïéev/) pour son
échec, interrogea les magistrats de Memphis qui lui expliquèrent
pourquoi les Égyptiens célébraient universellement cette fête :
01 3k ecppaÇov w; a"(pt ^eoç eir\ «pavelç oià y^poyou ttoXXoO £w5wç èizi-
cpa{v£a-5a!., xal w; £7r£àv ^avrj, t6t£ TcàvTeç A''Y'J7rT!.o'- x£^apYjxÔT£ç
bp-zôi'Çoiey. Le rapport avec l'explication de Plutarque est mani-
feste, d'autant plus que le mot yapjjiGT'jva (^), en dehors de ces
deux passages, n'apparaît, à ma connaissance, que très rarement.
(«) Cf. ÉLiEN, Nat. an., XI, 10.
(2) HÉSYCHius, S, V, : XapfjLoauva lopxal 'A.5Tiv;fi<Ti • xal ^ap(jLO<juva. C'esf aller trop
loin que de conclure (avec Wyttenbach^ de ce texte et de celui de Plutarque qu'il y
avait à Athènes une fête spéciale nommée Xapp-ocruva. Le terme convient pour
exprimer les manifestations extérieures de la joie générale dans certaines fêtes çt
c'est en ce sens que Grégoire de Nazinnze l'a employé, Oratio XL au début (I, p. 691,
éd. des Bénédictins) : \^ïq xr^ XotjjiTrpa xâiv <I>a)xàiv TjjjiÉpqt TravTjyupîdavTEç • xai yàp
STipsTiE 5(_ap{jio'CTuva .S'Éa^ai ttj; crtoTTjpîa; t9j<; T)fX£X£pa<;,
XapfxoauvTj, mot assez rare également en dehors de la Septante^ apparaît toujours
— 70 —
La fêle de la découverte d'un nouvel Apis s'appelait sans
doute par excellence Xapjjioauva, « liesse ». Le rapprochement
du terme d'Hérodote avec le nom égyptien de la fête doit être
très ancien et les déductions de caractère orphique qui suivent
chez Plutarque me font penser à attribuer cette fantaisie étymo-
logique à Hécatée d'Abdère. Nous avons supposé plus haut que
l'explication des Phi^ygia grammata avait déjà raisonné sur
l'équivalence des mots yapà et sairei.
Suit maintenant chez Plutarque une phrase qui, de nouveau,
n'a pas encore reçu d'explication satisfaisante.
dans un sens analogue; Plutarque, Non posse snaviler vivi sec. Ep., 21, p. 1102 A :
'Ev Se 'KoiJ.Tzxiq xal B'uulonç. . . xal o'ixo'xpt^si; xal «S'tjTEi; utio yrj^ouç xat y^apfxoaûvTiç
àvacpÉpovxat. Hymn. Orph. (aux Charités), 60, 3, Abel : 'A^ia^Tj ©aXiTj xs xal
EùippoffuvTj TtoXuoXpE, I XapfjLoauvTjç yevéxetpai, £pà<T[jitat, cu^ppovtq, àyvat. Dans la
Septante, I Rois, 18, 6 : xal e^YjX^ov al yopeuouaat ûç (juvavxTjaiv Aauelô... Iv
xufjiTràvotç xal ev yap(xoauvTi xal ev xu[j.°àXoi;; cf. Lévitiqiie, 22, 29. Judith, 8 6. Le
mot est réuni, comme chez Plutarque, à eucppoduvTj dans Jérémie, 33, Il : owvtj
£U(ppoauvT,ç xal cpcovT] yapfjioaûvTQç. Constantini or. ad. sanct. coetum (EusEBiUS,
I, 186, 11, Heikel) : y apfxoauvTiv yatT).; xe xal oùpavou i^Se 3^aXàffaTj<;.
— 71
Ka!. yàp IlXâxwv tov "A',0'^v wç a''oouç ulov toCç Trap' aÛToG -/cvouiévo'.;
xal Trpoo-Yivïi 3'eôv ojvojjLaar^a!. <pT,a-{.
L'intention de cette phrase est claire. Le caractère aimable
et joyeux qui vient d'être attribué à Sarapis y reçoit une nou-
velle confirmation de l'autorité de Platon; celui-ci, en effet, a
dit quelque chose d'analogue d'Hadès, lequel, on l'a vu plus
haut, n'est autre que Sarapis. Voyons comment, dans le détail,
on a jusqu'aujourd'hui interprété la phrase de Plutarque.
Xylander et, après lui, Reiske et Wyttenbach traduisent :
(c Nam et Plato Aden, id est Ditem, tanquam Aedus, quae est
Verecundia, filium ait nominatum utpote comem benignumque
deum erga eos qui ad ipsum pervenerunt )>. En note, Wyttenbach
remarque : « aîSoùç ulôv] Nec hoc, nec Squirii 7t£t.^oOç ulov probo.
Ex loco Platonis Cratyl. p. ^65 G (== 408 E) apparet taie quid
Plutarchum SCripsisse tov "A!.otjV wç aÎTWv Torç 7:ap' auT(j) yvwaewç
xal 7rpo<TTivri .vsôv, x. t. X. »
La note de Reiske est d'une critique plus ingénieuse que
vraisemblable : a Recte habet aiSoO;. Plato "A8t,v dictum voluit,
quasi a''8{8r,v, a verecundia, quasi verecundaretur et parceret illis
qui ad se venissent. Frigida quidem etymologia et futilis, digna
tamen auctoris ingenio, cuius plura talia commenta proslant.
Et quamvis fortassis in eius editis ea non legatur, potest tamen
in perditis olim exstitisse et lecta Plutarcho fuisse ».
Parthey interprète : « Platon fiihrt an, dass Hades als der
Sohn der Scham (Aido) selbst ein milder Gott fin- die bei ihm
Weilenden genannt werde ».
Ici, le bon Amyot s'est égaré comme les autres; il traduit
— 72 —
dans sa langue savoureuse : « Car Platon mesme escrit que
Ades, qui signifie Plulon, est fils d'Aido, c'est-à-dire de ver-
gongne et de honte, doulx et clément dieu à ceux qui sont par
devers luy ».
L'abbé Ricard admet une correction de Squire : àooj ulôv
(àoo; Ti ewcppocTuvri, Etym. Mag., 18, 12), et il comprend : « Platon
dit que le nom d'Adès signifie le fils de la douceur, et ce dieu
est doux et facile pour ceux qui sont auprès de lui ». Cette
interprétation fait songer à l'étymologie "Aior;; — àv^àvw à
laquelle avaient déjà pensé certains anciens; Cornutus, Theolog.
gr. compendiiim , 5 (p. 5, Lang) : KaAer-a'. oï "Aior,; t, o-zi xol^
èauTàv iopaxoç eo-Tt.v, 6'<^£v xal ôLatpo'JVTeç 'A»!'8y,v aOrôv ovoii-àÇouo-iv, yj
xaT' âvTiç)pa(7iv wo-àv o àvôàvwv r\iny ' eiç toùtov yàp /wperv 7|[i.rv xarà
Tov 5àvaT0V al ^''-'X^'* 5oxoGa-!.v T-xt-a-Ta àvSâvovToç TjjjLrv toG ^ol^Atoj.
Mais pas plus que pour les étymologies précédentes, on ne peut
invoquer pour la dérivation de àvôâvw aucun texte de Platon.
On remarquera que toutes ces traductions supposent le chan-
gement de Tcap' aÛTou des manuscrits en Trap' aÛTô) (ou icap' auTov
Reiske). Bernardakis introduit ce Tiap' aÛTw dans son texte; de
plus, il n'hésite pas à y remplacer a^ôoiiç ulov par la correction
bizarre à8oùa-wv qu'il me paraît superflu de discuter.
Toutes ces traductions interprètent aïoojç comme le génitif
■o^^/ (Je Xio6ç ce la Pudeur », et elles admettent comme naturelle
une filiation d'Hadès inconnue de toute l'antiquité, et en
particulier de Platon lui-même qui, dans le passage invoqué du
Cratyle (404 A), parle expressément de la paternité de Kronos.
En réalité, nous sommes ici en présence d'une méprise initiale
qui s'est maintenue de commentaire en commentaire, en vertu
de la même force d'inertie qui perpétue dans les textes certaines
fautes d'une édition princeps.
Il n'y a rien à corriger dans les manuscrits au mot di^oùq, et
dans nos éditions on doit simplement changer la place de l'esprit
, et écrire àiooOç ou aîiSoj;, montrant ainsi dans le mot sa qualité
de génitif de aiS/iç, « invisible ».
Une des causes de la méprise est sans doute la façon fautive
— 73 —
dont, en général, nos textes imprimés confondent les deux
formes d',8ri; et deiù'r\^. Cependant, dans les deux cas les plus
anciens où apparaît l'une de ces formes, la graphie a'.o/iç, à
l'exclusion d'âcw/iç, est parfaitement établie par la prosodie
dans le sens de « invisible ». Hésiode, Bouclier, kll : toû oè
Totcpov xal iîr\\L aiôkç Trotria-ev "Avaupo; ; Bacchylide, fr. 40, Bergk :
ôu(Tfx£V£wv S'aiS/iÇ (^). Or, si l'on s'en rapporte au Lexicon Pla-
tonicum d'Ast, le mot âwriç n'existe même pas chez Platon;
Ast ne connaît que la forme âewri;, et il en est de même, je
pense, de toutes les éditions de Platon antérieures à la plus
récente, celle d'Oxford. C'est, entre beaucoup d'autres, un des
mérites de M. Burnet d'avoir rétabli d\^r\q partout dans le texte
de Platon et d'avoir montré que cette forme a pour elle l'autorité
des manuscrits. |
Nous savons maintenant par l'excellente édition qu'a donnée
récemment M. Pasquali du Commentaire de Proclus sur le
Cratyle que Proclus lisait encore dans le Cratyle et qu'il écri-
vait lui-même diU^ et non âeiBsç (p. 87, 11. 7, 13, 15); à plus
forte raison en est-il de même de Plutarque.
Après Platon, les auteurs instruits ont dû distinguer par
l'écriture aioriç et âe',8ri;, le premier mot gardant son sens
consacré « invisible », le second laissant apparaître (cf. eùeioriç)
le substantif zlooç dont il est formé, et étant synonyme de
à'jjLopcpoç, comme l'indique Aristote, De coelo, III, 8, 306 B,
17 : deioïq xal àfxopcpov oeC to uTroxe'lfjievov s'Iva».. Rapprochez, par
exemple, Plutarque, De placitis, I, 2, 875 D (Diels, Doxog. gr.,
275", 30) : -f] ukr^ a{jLopcpo; o'jo-a xal dEior\q xal to etSoç, h xaXoOjjiev
èyzeki'/eicn.v , xal r\ <rzép'f\'7i<;. On lit encore àe'.Sri; chez Plutarque,
par exemple. Galba, 9, i056 E (d'une femme) : oùx âewT) tV
o^iy oùo-av. Ici, cependant, il faut tenir compte d'un troisième
mot que les manuscrits peuvent confondre avec âewriç ou atSiriç.
C'est le mot driSriç qui serait dans ce passage tout aussi bien à
(1) Cf. Cramer, Anecd. gr. Oxon., l. 6n, 20 et suiv.; II, 180, 42.
— 74- —
sa place que âew/i;. En revanche [liey. et imp. apophth., 175 D),
nos textes imprimés l'ont dire à Denys l'Ancien qui, au moment
où ses amis le sollicitent de renoncer à la tyrannie de peur
d'être tué, voit un boucher égorger un bœuf en un instant :
cpo(3Yj5£VTaç Yi|jLà; àpy->iv éyxaTa).',TC£rv TT|At.xaÛTr,v ; » Il faut manifeste-
ment écrire simplement : oùx àeioeç (*) sor^v, « n'est-il pas laid
ou honteux )>. Inversement (De fort. Roman., 4, p. 817 E), où
il s'agit des vicissitudes de la fortune, de son arrivée rapide et
de sa disparition soudaine, nos éditions impriment la leçon
impossible : evr' à7r£!.Ti.v àr,OTj;. C'est évidemment eh' àVs'.a'.v atlor,;
qu'il faut écrire.
Qu'il ait été ou non le premier (^) à associer les deux termes,
c'est Platon [Phédon, 79 et suiv.) qui a consacré l'opposition
entre le domaine de l'a^os; ou de l'àme et celui de l'oparôv ou du
corps [Phédon, 81 B) : t6 8k toÏ<; ojjijjiaa-t, o-xotwBe; xal âwiç, vot|TÔv
8e xal cpi.Xoo-o«p'!qt alpsTOv; cf. 81 A : eiç t6 Ô[jlo!.ov aÛTY] (sc. t^ ^'-'X^j)
To dt.8eç aTcsp^sTat,, to ^e^ov ts xal d^àvaTov xal (ppôv.jjLov; cf. 83 A
et B : 7rt,<TT£Ù£!.v 8k [se. TTjV ^l'X'h^) p.Yl8£vl aXX(}) OtXX' T, aiÎTT.V a'JT^,
OTt av voY^o-rj aÙTri xa-S"' auxT^v auTÔ xaB"' auTo tc5v o'vtwv * oTt o'av oi'
àXXwv o-xoTT^ £v oXXoi.; ov aXXo, {jl -/iokv r^-YeiT^ai dXriBéç ' ehcci 8k to ji-èv
toloOtov aCo-^TiTOV T£ xal ôpaTOv, o 8k aÛTr^ opa ^or^zôv 7£ xal âi.8£ç.
C'est lui aussi qui a consacré le rapprochement étymologique
de dwTÎç et de "kilr^q (P/iédon, 80 D) : 'H 8k t|;u^T, àpa, to diUq,
TO eiq TOt-ouTOv TOTcov £T£pov oi'^6\k.e^^oy yEvvaCbv xal xa«vapov xal dwTÎ,
£!.<; 'Al8ol> tbç àXyj^^wç, Tuapà tov dya^ôv xal cppôv'.|i.ov ^eôv ; cf. 81 C :
('h ^'-^yS) £^^>'«£'^3r-'- T^âXiv £Lç TÔv opoLTOw TOTiov '^ô[^(i) TO'j à'.8o'j; T£ xal
Awou.
La même étymologie est encore mentionnée dans le Gorgias
(*) Wytlenbacli proposait e'jtj^î'; âaxtv, Bernardakis oveiÔo; èffxtv.
(*) On verra plus loin, p. 79, que Parménide, [k. 13 (Diels), avait peut-être précédé
Platon dans cette voie. Mais l'idée est surtout conforme aux doctrines orphico-
pythagoriciennes qui sont partout latentes dans le Phédon. L'étymologie "Atôr,;,
ctiU^ semble déjà présentée comme étant courante dans le Cratyle, 403 A.
— 75 —
(49t3 B) et elle est discutée tout au long dans le Cratyle
(4-03 A-404 A), dans un passade difficile où Platon joue suc-
cessivement avec diverses étymologies : âi^éç, hc\ « il attache »,
TcàvTa Ta xaXà £'!o£va'.. Ce passage du Cratyle était certainement
dans la mémoire de Plutarque et c'est lui qu'il a directement
en vue quand il écrit dans le De siiperstitione, 13 : ... Tcji "Aiot),
Âoyw xoLTéyoy-coL zy.ç fluyjxç, 'A'.oyiv (ovo{jiâa-3at,. Dans la phrase du
De Iside, le rapport spécial avec le Cratyle est moins étroit;
Plutarque, qui songe également au Phédon, se souvient d'une
façon générale du rapprochement "A',8r,; - â-.or,; et de la bien-
veillance à l'égard des âmes qu'implique chez le dieu une origine
commune.
Dans notre passage du De Iside, la méprise qui a fait voir
dans diooitç le génitif de A^8w; a conservé au mot son ancienne
orthographe exacte. Mais dans tous les autres endroits de
Plutarque où est rappelée la même étymologie d'Hadès, nos
éditions impriment fautivement àet-Sri; au lieu de diùr^q (^), par
exemple, De primo frigido, 9 (948 F).
Je citerai en particulier deux de ces passages, parce qu'ils
peuvent servir à éclairer la phrase qui nous occupe. De latenter
vivendo, (i (1130 A) : ô^ev Sri tov aev tIXî.ov 'ATTÔXXwva xarà to'j;
TiaTpfio'jç xal uaAawjç ^eorfjioùç vo|j(.{ÇovTe; AtjX'.ov (^) xal FIu^iov
Trpoo-ayope'JO'jo-'. * tôv ôè tt,; ivavT^aç xjpt.ov (jLoipaç, eÎts ^eo; eîVe ôaî|jL(i)v
é3":{v, "AwTiv dvotJLâî^O'j(Tiv, wç av e^ç a'.^s; (a£',Bs; éditions) xal àôpaTOv
(*) Quant aux manuscrits des Moralia, même si l'appareil critique des éditions
actuelles méritait confiance, on comprend que leur témoignage aurait fort peu
d'importance en une pareille question. Naturellement, la même faute se rencontre
dans d'autres auteurs, par exemple Cornutus, Theol. gr. comp., 35, p. 74, (> (Lang) :
xov 8£-/^o{jL£vov Tac 4'^'/.°'^ '^^P* "AiSt^v, w; EcpTjv, ôià TÔ àctoè; rpoarjYops'Jdav ; ici la
faute àeiôéç est d'autant plus étonnante qu'à l'endroit rappelé par l'auteur dans ux;
l'cp-rjv (= 5, p. 5, 3), on a la graphie exacte : xaXe"txai ôè "AiSti; ^ 6xt xa5' lauxôv
àopaxd; ÈCTxtv, è'.^sv xal ôtatpouvxsc 'AfSrjv aùxov dvofAotJ^oucriv.
(*) Jeu étymologi(iue sur 8r,Xdto : le soleil montre les objets.
— 76 —
r,{ji(5v, oTav ot.aA'j3w|ji.£v, [jao'.î^ôvTWv « vuxTÔ; aiovâç èji^^n ^t^ry/j ^ j-voj
xoipavov ».
Le second passage se trouve dans le De /sï(/e même, cha-
pitre LXXVIII. Pliitarque y revient sur l'identité d'Osiris, qui
règne sur les morts, avec Hadès et Pluton, et il développe une
idée parente de celle du Phédon : 'Av^pwTrwv ok '^j/ar? v^tj^qT
[xev iiTzh TwjJLaTwv xal 7ra5wv 7:cpt.e^0|JL£va!.ç oùx lori |jt.£Tou(TÎa toO
^■soû, ttXtjV oo-ov dveipaxoç âfjLaupoG ^{.ve^v vor,T£t. oià '^'.Aoo'O'^iaç * oTav
8k âuoXu^Ero-aî. |jL£TaaTà)(T!,v ziç to àwk; (â£t.ok; éditions) xal iôza.'zoy
xal (XTra^kç xal bLyyôv, outoç aÙTaiTç Y|y£ti.(i)v £tt?. xal jja(T'./£'j; 6 5£o;,
£5ripT-^|jt.£vat.ç (^) lôç av au' aûxoO xal 3£W|ji£vai(; â7rÀY,aTw<; xal T-o^o-Jo-a'.;
TO {JLYi cpaTOV (JLTiôk ^JT^TOV àv-^pw^TOt.; xàXXoç.
Si le sens à donner à oliùoùç dans notre passage est main-
tenant établi, il s'en faut que le texte de Plutarque soit devenu
entièrement acceptable. En effet, de mênie que pour des raisons
de fait et de contexte, Plutarque n'a pu faire d'Hadès le fils
d'Aidos, il est également impossible qu'il l'ait appelé « le fils »
de l'invisible. Ce titre, c'est plutôt aux âmes elles-mêmes qu'à
Hadès qu'il conviendrait. Hadès, lui, est non pas le fils, mais
le x'jpwç, le ^a<7ikeùq, OU, si l'on veut, avec le poète, le xo'ipavo; de
l'invisible, comme on l'a vu dans les deux endroits de Plutarque
qui' ont été cités en dernier lieu. C'est donc le mot jIôv qui est
corrompu.
Au contraire, il ne faut pas toucher aux mots zoï^ -ap' aÙToO
y£vo|ji£vot.<; ; il s'agit seulement de les bien traduire, et l'on verra
qu'ils constituent une leçon précieuse et essentielle parce qu'elle
donne justement la raison de l'affirmation de toute la phrase :
Hadès étant le roi ou le maître de l'invisible, il est naturelle-
ment un dieu accueillant pour ceux (les âmes) qui proviennent
(1) wc av è^7ipTT]fjL£vatç Wyttenbaeh. Mais la faute ^i\. sans doute dans av aTrà.
Dans tous les passages que j'ai pu vérifier (plus de vingt), Plutarque construit
È^ap-càofjLat avec le génitif seul; wi; introduisait peut-être un terme de comparaison.
L'emploi du verbe fait ici penser à Platon, loti, 536 A, et aux liens dont il est parlé
dans le Cratyk, 403 G.
de lui. On comprend aussi pourquoi Tiap' olùzoù vsvoaévo'.; con-
vient mieux ici à l'idée que e; olùtoù. I/àme n'est pas proprement
Ixyovoç d'Hadès. Elle provient simplement de son domaine et
elle doit retourner plus tard auprès de lui; elle a ainsi avec
Hadès une communauté naturelle. Cf. Pliédon, 79 D : w; ffjwevr.ç
QU'ioL aiÎTO'j; cf. 81 A : TÔ ôjjlo'.ov ajTr,. Nous verrons bientôt que
telle paraît être si bien l'idée fondamentale du passage qu'elle
sera reprise à nouveau et développée dans la phrase suivante.
11 est plus facile de retrouver le sens général de notre phrase
que d'en établir un texte tout à fait correct, si tant est d'ailleurs
qu'une telle correction ait jamais existé. Quant à la lettre, ici
Platon ne peut guère nous aider; Plutarque, en effet, s'est
simplement souvenu de l'étymologie d'Hadès et de la conception
générale de Platon, surtout dans le P/iédon où il est dit du dieu,
80 D : Tiapà Tov àva.^ôv xal 'j^oôv.ixoy 3^£0v; cf. 81 A : eCç to oao'.ov
atjTrj TÔ â'.Sk; àTrepysTa'., to .^erôv ts xal a.vàvaTov xal cppôv.txov, ol
dcpuofjLsvTj ûîràpys'. auTrj eûSatjjLov!. civai. On voit que Plutarque ne
reprend aucune des épithètes données au dieu chez Platon, par
exemple àyai^ôv (cf. [xéya; sùepyÉTTiÇ, Cratyle, 403 E) ; il se
contente d'exprimer la même idée à l'aide d'un de ses mots
favoris 7rpo<TT,vYi, que l'on ne trouve nulle part chez Platon. Si le
décbiffrement du sens général de la phrase semble assez certain,
la restitution des termes grecs eux-mêmes ne pourra viser qu'à
quelque vraisemblance.
A cet égard, la substitution de xupwv à jIôv me paraît très
tentante. Kûpwç est en quelque sorte consacré chez Plutarque
pour le sens que nous attendons, par exemple Moratia, ii30 A
(cité plus haut, p. 75) : tôv 8è tt,? èycty-ioLç x'jp'.ov jjLoipa; s'appli-
quant justeuient à Hadès comme maître des ténèbres. En général,
chez Plutarque, tout dieu est dit y^ùpio^ de l'élément ou du
domaine auquel il préside ; cf. dans le De Iside même, chap. XL,
p. 307 A, à propos d'Isis : f, xupia ttjÇ vt;; 5eô;; chap. XXXIV,
p. 304 D : xal TGV A'.ovjTov « 'Jïjv » (se. xa^oGo-i) w; xôpio"^ t^ç
uypàç cpûaew;; cf. chap. XXXV, 305 A : A'.Ôvjtov ... TzaTT.ç 6ypâç
<pu(7£wç ... x'jpwv et Quaest. coiiviv., V, 3, 1, p. 075 F ; De Iside,
— 78 —
chap. XLIX, p. 37i A : o tcÔv âpîa-xwv Tràvxwv 'f^'/eiJ.hy/ /.y.', /.j'^-.o;
"O^tpt;; (Je même, /Je t/cY'. orac, 7, p. 413 C, à propos d'Apol-
lon : eize r{ki6^ è^zi eiVe xûpw; r|)viou xal r.azr^p. Ce passage est
important parce qu'il condamne à nouveau la leçon jlov : le dieu
est si loin d'être appelé le fils de son élément qu'il est dit en
être le père; la même idée est développée en détail dans le
De def. orac, 4^, p. 438 E. Dans le même traité encore
(29j p. 4:26 A), Zeus est dit XLipw; âuàvTwv xal TraTrip.
Si xLtpwv est la vraie leçon, ulov viendrait-il d'une ancienne
revision, causée par la même méprise que celle des éditeurs
modernes? A^ooùç étant pris pour le génitif du nom propre
Aiùb)ç, xûpLov devenait inexplicable et l'on aurait écrit l>Iôv. Je ne
sais si Ton peut supposer dans un archétype ancien d'auteur
profane une abréviation chrétienne comme KN qui expliquerait
paléographiquement la confusion avec TN.
Il reste encore que, pour avoir une phrase vraiment correcte,
on attendrait l'article devant àtSouç et que le xal ne s'explique
guère placé comme il est après zoiç Trap' aûroj yevojj.évotç. Sur ce
dernier point, on peut naturellement faire bien des conjectures.
Le plus facile serait de supposer que le xal est fourvoyé et
d'écrire : wç diooùç x'jpt.ov xal toÏç izolo auToO y£voii.£vot,ç T^^o^'r;n^
5eov wvojjLào-^a!. (sc. "AiSriv). Cf. le passage du De super stitione,
13, rappelé plus haut à la page 75 : "Xiùt^ ôv 6 nXàTwv or.o-l
oi'Aàv^pwTTov ovTa xal <70(^ov ... 'AiBriv wvo{jLà(r3ai.. Mais on pourrait
aussi chercher dans une autre voie et songer à la chute d'un
membre qui était coordonné par xal avec ce qui précède, par
exemple : -coïq Tcap' aÙToO yevoiJLévoiç xal < uap' aÛTov dTcep^O{JL£VO!.ç > .
On va reconnaître qu'une pareille restitution du texte cadrerait
particulièrement avec l'idée, telle que nous allons la voir conti-
nuée et développée dans la phrase suivante.
79 —
Amenthès
Kal Tiap' XiruTiTioiç oiXky. Te uoXXà xwv dvoui.âT(i)v Aoyo'- £''Ti xal tov
ÛTzoy^^oyio^ tÔttov £''ç ôv o'!ovTat. Ta; '|''-'X^; omé^yea^oLi ijLeTà ttjv
TeÀeuTTiv, 'Ajxev^riv xaXo'Jo-!., a-rip.a{vovToç toO (Jvd|JLaTO(; tov XajjijSàvovTa
xal o'.SovTa.
M Chez les Egyptiens beaucoup d'autres noms encore sont
(les explications du sens (*) et le lieu souterrain dans lequel ils
pensent que les âmes se rendent après la mort, ils l'appellent
Amenthès, nom qui signifie prenant et donnant. «
Cette explication du mot Amenthès nous importe fort peu,
en tant qu'elle prétend être une étymologie. Mais il est intéres-
sant de voir d'où vient Tidée qu'elle a voulu ainsi faire expri-
mer par le mot égyptien. Cette idée se trouve impliquée dans
notre passage du P/iédon, mais elle remonte plus haut encore,
jusqu'à la mystique du VP/V^ siècle. Simplicius {P/iys., 39,
18), après avoir cité le fragment 13 (Diels) de Parménide :
TTpwT'.o-Tov iJiàv "EpojTa ^swv li-TiTto-aTo TtàvTwv, ajoute, sous la forme
indirecte, comme appartenant à la suite du poème : xal tolç
<i^'jyy,<; 7l£|jLTC£t.V 7rOT£ |JL£V £X TO'J éjJlCpaVO'JÇ £''<; TO dioéç (^), TTOTÈ 8k
dyy.Tzyliy cprio-',. M. Diels (^) fait remarquer que les termes employés
ici ne sont point sans doute ceux de Parménide, mais il montre
en même temps que l'idée qu'ils expriment était déjà cou-
(♦) Pour ce sens de Xdyo;, cf. plus loin De Iside, LXI, l'emploi du mot Xdyo; à
■propos des étymologies d'Osiris et d'Anubis; De animae procr. in Timoeo^ 27,
p. 1026 A : Xôvoi; 8è Xs^t; èv <ptov^ afjfjLavxtxfj oiavoiaç.
(2) Je corrige àsiôs; en àiôs;. Le sujet de la phrase pour Simplicius est 8aî(jLtov ^
Tiàvxa xupspvqc, fr. 42, 3.
(5) Parmenides Lehrgedicht, pp. 109 et suiv.
— 80 —
ranle au V® siècle, même en dehors des cercles orphico-pytha-
goriciens.
Nous avons vu plus haut (pp. 27 et suiv.) que beaucoup
d'autres doctrines orphiques avaient été ramenées, déjà par
Hécatée d'Abdère, à une origine égyptienne; de même ici un
égyptomane, qui est vraisemblablement encore Hécatée, a voulu
trouver dans le nom même de l'Amenthès l'expression de la
vieille théorie de la palingénésie.
Après avoir ainsi servi à une sorte de syncrétisme gréco-
égyptien, le terme Ament/iès a trouvé un nouvel emploi analogue
dans les écrits des gnostiques chrétiens qui admettaient, eux
aussi, un cycle d'existences. Le mot apparaissait, en effet, dans
une œuvre gnostique écrite originairement en grec, mais connue
seulement par une traduction copte (^). 11 y offre encore un
sens qui se concilie parfaitement avec l'explication de Plutarque.
L'enfer, en effet, est décrit comme comprenant trois régions :
l'Amente, le Chaos et les Ténèbres extrêmes. L'Amente lui-
même joue le rôle d'un purgatoire, d'où les âmes, après un
châtiment temporaire, sont renvoyées sur la terre pour entrer
dans un nouveau corps.
(1) Gnostische Scfiriften in Kopiischer Sprache, herausg.. ûbers. und bearbeitet
von Carl ScHMiDT dans lexte und Untersuchungen zur Gesch. der altehr. Literatur
von Gebhardt und Harnack, t. VIII (1892), pp. 410 et suiv. Le mot est transcrit
Ameute dans la traduction de C. Schmidt. La date de l'œuvre originale est placée
vers la première moitié du III^ siècle, p. 598.
— 81
XII
Étymologies grecques et égyptiennes
L'explication d'un mot par l'égyptien est fréquente dans le
De Iside, et le cas d'Amenthès, de même que plus haut celui
de sairei, n'aurait besoin d'aucun commentaire, si la phrase
qui suit chez Plutarque, la dernière de notre chapitre, ne posait,
à ce qu'il me paraît, un petit problème intéressant dans ce
domaine de l'étymologie grecque :
El 0£ xal TOUTO Twv èx TT^ç 'EAAàooç à7r£À5ôvTa)v -àXa». xal asTaxo-
|jt.'.a-3£VT(i)v dvojJLaTWv sv saTiv, JTTepov éTTî.orxetj^dtji.e.S'a.
« Si c'est là encore un des noms qui sont partis anciennement
de la Grèce et qui ont été transportés, nous l'examinerons plus
tard. »
Il s'agirait de savoir quelle est exactement la raison et la
portée de la question ainsi indiquée ; à cet égard, malgré sa pro-
messe, Plutarque ne s'explique guère par la suite. On croit voir
ici, au sujet de la véritable origine des mots, une certaine trace
de scrupule historique dont les Grecs ne sont guère coutumiers.
D'une façon générale, en effet, pour les écrivains grecs l'étymo-
logie* n'appartient pas à la grammaire, surtout à la grammaire
historique comme nous l'entendons, et Plutarque a grandement
raison d'appeler Xôyot. les explications qu'ils donnent des mots.
L'étymologie est un des arguments auxiliaires dont ils se
servent pour donner une confirmation verbale à telle ou telle
thèse, dans tous les genres d'investigation ou de discussion,
philosophie, dialectique, sophistique, rhétorique, histoire ou
théologie. Elle n'est fréquemment qu'un jeu d'esprit et elle se
moque des exigences de la phonétique, de Thistoire et même
(>
— 82 —
de toute conséquence avec elle-même. On sait avec quelle
virtuosité déconcertante l'ironie de Platon a joué de ce procédé
cher aux Héraclitéens de son temps.
Ainsi comprise, on conçoit que l'étymologie, quand elle
s'applique aux noms de personnes, aura, en général, une ten-
dance étiologique : déjà chez Homère, le destin d'Odysseus fait
rapprocher son nom de douKraa^at. (a 6:2, t 407 et suiv.). Suivant
ce qu'est la thèse de l'écrivain, le nom propre s'expliquera par
le caractère de la personne, par son rôle ou son pouvoir, par
tel ou tel événement déterminé de sa -vie. Inversement, c'est
souvent de l'analyse du nom lui-même que l'on déduira les cir-
constances historiques qui l'ont fait donner (^).
Pour ce qui concerne spécialement les dieux, le polythéisme
des Grecs envisage en quelque sorte naturellement le culte de
tous les peuples comme s'adressant aux mêmes puissances
divines qui sont simplement désignées par des noms différents;
c'est là pour lui une vérité bien antérieure à l'affirmation dog-
matique que nous en trouvons chez Plutarque (De Isidc, LXVIl) :
... 5£où; évop.i(TajJL£v, ou^ eTspou; Tcap' ï'i^oi^ oùos ,3apJjâpo'j; xal
''EXXrjvaç oùoï vo-yio'jç xal {iopeiouç x. t. A. Hérodote identifie déjà
les dieux égyptiens et grecs et Tacite fera encore de même pour
les dieux germaniques et romains. Pour expliquer de telles
identifications, la liberté étymologique des anciens peut pro-
céder de diverses façons. Par exemple, pour les noms des dieux
grecs, Hérodote,. conformément à sa haute idée de l'antiquité
de la culture égyptienne, suppose simplement que la plupart (^)
sont venus du pays du Nil (11, 50) : H^eSov 5s xal 7ràvT(i)v -x
Si Hérodote n'est pas allé plus loin dans la voie étymolo-
(1) Cette méthode est déjà très employée par Hécatée de Milet qui l'a transmise à
Hérodote, et elle a eu ses partisans jusqu'à nos jours. Cf. Diei.s. Die Anfànge der
Philologie bei den Griecheri dans Nette Jahrbiicher, XXV (1910), pp. 4 et suiv.
\}) Seuls, les noms de Héra, Hisiia, Thémis, les Charités et les Néréides ne se
retrouvent pas en Egypte ; il faut leur ajouter Poséidon qui vient des Libyens, et
les Dioscures qui viennent des Pélasges.
— 83 —
gique, c'est évidemment qu'il a cru que les noms divins ne
pouvaient s'expliquer par le grec et que ce n'était pas sa tâche
de les analyser dans la langue du pays dont ils étaient origi-
naires. 11 faut admirer le père de l'histoire de s'être placé tout
de suite au-dessus du point de vue naïf qui décompose les mots
en des éléments significatifs, sans tenir aucun compte des diffé-
rences de nation et de langue. Après lui, en effet, avec une
candeur parfaite et sans aucun scrupule, presque tous les éty-
mologistes anciens se servent du grec pour retrouver dans
les mots étrangers le sens qui convient le mieux à leur thèse du
moment.
Les exemples sont innombrables. Le juif Eupolémos (II* siècle
av. J.-C.) n'est sans doute guère moins épris de l'antiquité et
de la supériorité judaïques que son coreligionnaire Artapanos
(même siècle), lequel faisait de Moïse (^), en le nommant MwJto;,
le Mousaios des Grecs et le maître d'Orphée. Néanmoins,
Eupolémos ne voit aucune inconséquence à expliquer Jérusalem
par Upôv SoXofjLwvoç (^). Des écrivains de tendance analogue, soit
juifs, soit chrétiens, ont rapproché Sarapis du patriarche Joseph
et ont enrichi d'un spécimen hybride gréco-judaïque, Sâppa;
Tra^ç, la collection d'étymologies que nous avons examinées (^).
De telles explications de mots, en raison de leur tendance
(1) EusÈBE, Praep. Evang., IX, 27, p. 432 A.
(2) Ibid.y IX, 34, p. 451 B. De telles étymologies grecques sont fréquentes pour
des noms hébraïques chez Josèphe, Philon et dans le Talmud, cf. FreudenthaIm
llellenistiscke Studien, I. II, p. 120 note. Même procédé pour les noms italiques,
par ex. Alexand. Polyhist., fr. 29, 150 dans MOu.ek, F//G, III, pp. 231 et 244, et
pour les noms asiatiques, par ex. le même, fr. 92 : Tapao; ... 8ià tô tôv Ur^yiao^
Ytttcov iy,zi xov xapaôv xXâcravxa... Naturellement, on retrouve ailleurs des exemples
de la méthode plus saine qu'avait pratiquée Hérodote, par ex. Steph. Byz., s. v.
iïouàysXa : ville de Carie, ainsi nommée d'après les mots cariens doOav = xôv tc -fov
etYéXav:=xôv paatXea; Charès DE MïTiLÈNB chez Athénée, I, 27 D : le dieu de
l'Inde 2opoà8eto<; expliqué par ohoTzoi6<;.
(3; IuL. FiRMicus, De err. prof, rel., 13, 2 s.; cf. Kufin, Hist. eccL, XI, 23; Suidas,
s. V. Sâpa7tt<;; Tertullien, Ad nationes, II, 8; Ps. Augustin, De mirabilibus sacrae
scripturae, I, 15, dans MiGiNE, PL, t. XXXV, col. 2163.
— 84 —
apologétique, provoquaient naturellement la riposte d'adver-
saires et l'étymologie devenait ainsi une arme dans la polémique
des partis. Le nom même Jérusalem (*) était expliqué par
'Iepôaru>.a [tol lepà auXàv) chez l'antisémite alexandrin Lysimaque
(iry^' siècle av. J.-C.) et servait à démontrer le pillage et la
destruction des temples dont on accusait Moïse et ses compa-
triotes. Un autre antisémite, inconnu par ailleurs, Nicarque.
observant que Moïse était surnommé Alpha par les Juifs, expli-
quait le fait par les stigmates de la lèpre (àXcpo»!) que les Hébreux
avaient eue en Egypte (*).
En ce qui concerne le pays du Nil, l'égyptomanie, qui était
traditionnelle chez les Grecs depuis Hérodote et qu'Hécatée
d'Abdère avait encore contribué à renforcer, exposait moins à
de pareilles fantaisies étymologiques. On tendit fréquenunent à
expliquer les noms des dieux par des éléments indigènes, et
comme on visait naturellement à un syncrétisme théologique,
chacun retrouvait dans ces noms un sens allégorique analogue
à celui que sa propre spéculation prêtait aux dieux grecs.
Dans le De ïside de Plutarque, les étymologies égyptiennes
sont les plus nombreuses et, à part quelques exceptions que
nous indiquerons, elles paraissent traitées avec une certaine
préférence. On a les meilleures raisons d'admettre que plusieurs
de ces étymologies remontent, directement ou Indirectement,
à Manéthon ou plutôt au Pseudo-Manéthon qui était l'auteur de
l'ouvrage théologique intitulé Hiera Biblos. Plutarque le cite à
cinq reprises à ce sujet (chap. XLIX, LXII, LXXHl; Manéthon
(*) JosÈPHE, Cont. Apionem, I, 3i.
(*) Bekker, Anecdota graeca, p. 381, 27 et suiv. : "AXoa... Kal Mwoffij; ôè
6 vofAO^ÉxTii; ^TTO 'Iou§aitov §ià xô 7roXXoù(; s^stv àX<poù<; £v T(f> atoaaxt ojtco^ sxaXeTxo.
'AXXà xoGxo Ntxap^o<; 6 xou 'A|j.[jl(ovÎou èv xq) Tcspt 'louôat'cov oXuapâT. Cf. Télymo-
logie de aà^paxov par l'égyptien aa^pâxwaK; =. poupwvo^ àXyo; chez JosÈPHE. Cont.
Apionem, II, 2.
— 85 —
ô ïsliievvjTY.ç chap. IX, XXVIll) et il y a des indices d'emprunts
analogues dans d'autres passages où il n'est pas mentionné (^).
En particulier, à propos d'explications de noms égyptiens,
Manéthon est invoqué trois fois : chapitre IX, pour 'A(jloOv, ici,
en même temps qu'Hécatée d'Abdère ; on sait qu'Hérodote
(II, 42) s'était aussi occupé du mot, d'ailleurs déjà connu de
Pindare {Pyth., IV, 16 et fragm. 36). — Chapitre XLIX,
Tuoîwv et B£[3wv (cf. chap. LXII).
Les autres étymologies égyptiennes, dont nous allons men-
tionner les principales, ne remontent pas toujours nécessaire-
ment à la même source; à côté de Manéthon, il est d'autres
auteurs qui interviennent dans ce domaine, notamment Hécatée
d'Abdère dont, ici encore, nous devons nous attendre à retrouver
plus d'une fois l'influence.
Osiris est interprété de plusieurs façons différentes : Au cha-
pitre X, il est expliqué par uoXjôcp^aXtjLo;, o; signifiant en
égyptien uoXù, et ip». signifiant dcp^aX^aôç (cf. chap. LI ; Macrobe,
Sat., 1, 21, 11) ; même étymologie chez Diodore, I, 11,2; nous
avons vu que de telles rencontres parlent en faveur de la pro-
venance d' Hécatée. — Chapitre XXXVII, d'après Alexarque, le
nom égyptien de Dionysos est, non pas Osiris, mais ApTa'^riç,
mot qui exprime le courage (to àvopeCov) {^). Ce détail se trouve
dans un passage obscur que nous devrons examiner spéciale-
ment au chapitre suivant. On y verra que, bien qu'Arsaphès
soit vraiment le nom d'un dieu de l'Egypte, il n'y a pas ici à
proprement parler d'étymologie égyptienne, Alexarque ayant
dû choisir ce nom pour l'interpréter suivant ses théories sur
la formation des mots en grec. — Au chapitre XXXVII égale-
ment, Hermaios (^) (ev tt, TcpwT-r, Trspl twv A''Y'jTCTt(i)v) traduit le
(«j Par exemple chapitres VIII ip. 353 F) et LXXX rapprochés de Manéthon,
fr. 79 et 84 bù Muli.er, FHG, 11, pp 614 et 616. Cf. aussi chapitre LXVI et Mané-
thon, fr. 81.
(-) Ce nom d'Arsaphès témoigne d'une bonne érudition égyptienne; voyez
RoscHER Lexikon^ s v. Har-schafet..
(5) Cet Hermaios est tout à fait inconnu. Cf. Photius, Bibliothèque, Cod. 279,
p. 536 A 9 (Bekker)?
— 86 —
nom d'Osiris par ojjL,3p'.{jLo; ; et au chapitre XlJl il lui donne un
second nom, Omphis, qu'il traduit par £'j£py£T-r,ç. — Au même
chapitre XLJl, sans indiquer de source, Plutarque explique
Osiris par âya^oTcoiôç et il insiste sur les nomhreux sens du nom :
TO'Jvop.a 7ro).Xà cppâJ^ei, oû^ r^xiora ok xpàxo; ivepyo'jv xal aya^oiroiov ô
Xéyouo-i.
Isis, au chapitre LX, est l'objet d'une interprétation par
l'égyptien, que nous examinerons un peu plus loin à propos
de l'étymologie égyptienne d'Athéna.
Maneros : Chapitre XVII, aux explications évhéméristes du
nom, la source de Plutarque ajoute une interprétation étymo-
logique qui est d'un rationalisme bien conforme à la manière
d'Hécatée : "Evtot. oi cpao-iv ovo^a p.£v oÙoevoç £ivat., o'-aAcXTOv o*
7:{vou(Tt.v âv3pw7ro!.ç xal 5aX£t.àÇou(rt. (^) Tup£7roua"av « cflTi^a Ta TOia'JTa
Tiapei'fi. » La suite du passage s'inspire d'Héiodote, II, 78.
Memphis : Chapitre XX, le nom de la ville signifie opi^o^
aya5wv OU bien Tacpoç 'Oo-îpt.oo;. On ne peut sans douté rien con-
clure de ce que le passage qui suit cette étymologie correspond
à Diodore, I, 22, 3-6 = Hécatée {^).
Seth : Chapitre XLI, nom égyptien de Typhon, il signifie
oTTEp éo-Tl xaTaouva(TT£Ùov Yj xa-raPiaÇotjLEvov . La même étymologie
est mentionnée à côté de celle de Bébon (= xà^E^iç r, xwXjtiç)
au chapitre XLIX, et elle est rappelée encore avec celle de Sjjlû
(= uTX£vavTii»)(Tt.ç T, àvaaTpocpr,) au chapitre LXII ; elles doivent
sûrement toutes les trois provenir de Manéthon, qui est cité aux
chapitres XLIX et LXII.
Min (^) et Isis : Chapitre LVI, Min, nom égyptien d'Horus,
signifie ôpwjJiEvov * a''a-5ï)TÔv yàp xal opaTov ô xôo-fjLOç.
Suit l'explication de trois noms égyptiens d'Isis, Moù.^, ''A.5jp'-
(1) Cf. Plutarque, Qnaest. conviv., VII, 8, 4, p. 712 F : sufpTrjjxa xal TipÉTrovxa
B'aXiàCouaiv àv^pwTiOK; qcôovxsç. Ibid., IX, 14. 7, p. 746 E : Ttjc 8è è7rt3^u{jLia<; xô {xèv
Tt£pl eSwÔtjv xal TTOfftv ^ BâXsta xoivtovTjxtxôv TTotsT xal aupiTroxtxôv... 8tà xoù^
çpiXocppo'vwc; xal tXapwi; auvdvxaç àXXT^Xoti; èv oi^tiù « .S^aXtà^stv » XsyoïjLîv.
(2) Cf. SCHWARTZ, /î/i. .Ww^., XL {1885), p. 231, n. 1.
(3) Les manuscrits ont, paraît-il : wpov £la).Sa(Tt xat'fjitv TrpoaayopsÛEtv. La correc-
tion xal Mlv Pinder) est admise par les Égyptologues.
— 87 —
et Ms^ûsp. Le premier nom, Mouth, signifie {JL'/|TYip. — Le second
nom, Atliyri, désigne la maison d'Horus : oIyjov "Qpou xotjjlwv, w;
xal nXaTwv X^pav yevéo-ewç xal 8eia|ji,£V7jV. Cf. le début du même
chapitre : 'H 5è xpeiTTwv xat. ^ewrépa '^ùo-tç éx Tptwv édTt, toO vor,TO'j
xal Tr^ç ÛXyiç xal toG éx toutwv, ov xoo-fxov "EXXviveç dvojjiâ^oua'î.v . '0 {i.kv
0!jv nXàxwv TÔ [Ji£v vo'riTov xal {^eav xal TrapâSeiyijia xal TcaTSpa, tyjv os
'jX-^v xal jjLYiTepa xal Tt.i"/iVYiv â'^pav ts xal X^pav ysvs^ewç, to o' é^
à|j(.ï)orv exyovov xal ysveo-iv dvo(jLâÇet.v eL'w5ev.
Le troisième nom, Methyer, est composé de deux mots qui
signifient TrAvipeç et aî'TWv : uX/ipTiç vâp loriv Yi 'jXrj ToO xôo-jJLOJ xal
TÔ) àya5(o xal xa^apcj) xal x£xoTp.T,p.£V({) o-uveoT'.v. Comparez la fin du
Timée de Platon : ^vr,Tà yàp xal â.SrâvaTa Çwa Xa^wv xal (TjjjL-Arr
pw.S^elç ôoc 6 xoo-fjioç o'jtw, Çwov opaxàv Ta opaxà Trep'.é^ov, £''xwv to'j
voYiToG 5£0(; a''(T5T,TÔç, X. T. X. Comme je l'ai indiqué plus haut
(p. 61), toute cette section du De Isicle trahit fortement
l'influence (hi Timée de Platon, et elle ne se sert de l'inter-
prétation des noms égyptiens que comme d'un argument en
faveur de la théologie que cette œuvre avait rendue familière
aux esprits.
C'est toujours de même à l'appui de quelque théorie rationa-
liste ou religieuse que d'autres mots égyptiens sont expliqués.
1/Egypte s'appelle Xyijxîa, comme le noir de l'œil, parce que
sa terre est noire (chap. XXXIII). Le nom de la myrrhe,
[BâX, se traduit par « suppression de la sottise »,• tt,; Xyipr.aswç
£X(TxopTr'.a-tjLÔç (chap. LXXIX) ! Le nom du jonc, 5pL»ov, en égyp-
tien signifie tiotict^ulôç xal x(vT,T'.; TràvTwv (chap. XXXVI). Le
lierre x5.ttoç se dit ^£vô(7'.p'.ç, ce qui veut dire « plante d'Osiris »
(chap. XXXVII). Ce dernier détail remonte à Hécatée, comme
le prouve la correspondance exacte avec Diodore, 1,17, 4-5, et
il est possible qu'il en soit de même pour l'un ou l'autre de
ceux qui précèdent.
Dès lors, il n'y a aucune raison spéciale d'attribuer à VHiera
biblos de Manéthon, comme songe à le faire M. Lévy (*), les
(1} Revue de l'Hist. des Religions, LXI (1910), p. 195.
— 88 —
étymologies sairei et Ainenthès (chap. XXIX) que nous avons
étudiées. Nous avons montré que l'étymologie sairei, si facile
à combiner avec le texte d'Hérodote, paraît avoir été connue
de Phylarque et des P/irygia grammata et qu'elle pourrait donc
avoir été signalée déjà par Hécatée. Quant à Amenthès, la ten-
dance orphique de l'interprétation qui en est proposée fait
penser plutôt à Hécatée d'Abdère; nous avons vu, en effet, qu*il
avait voulu retrouver en Egypte la plupart des doctrines et des
rites des mystères (^).
A la suite de cette série d'étymologies égyptiennes, je signa-
lerai dans le De Iside deux passages qui ont une portée toute
différente et qui offrent un intérêt particulier. Ici il ne s'agit
plus d'explications de mots égyptiens par l'égyptien, mais bien
d'explications de mots grecs par l'égyptien. Hérodote s'était
contenté d'affirmer la provenance égyptienne des dieux de la
Grèce. Il a eu des continuateurs qui ont voulu prouver cette
thèse au moyen de l'étymologie.
Le premier exemple est le nom même d'Athéna, chapi-
tre LXII : "Eoixe 8k toutoiç xal Ta A![y'j7:T',a. TtjV |ji£v yàp "^laiv
tzqWôlxk; tôj ttÎç A^'^vàç ovcp-aT». xaXoOo"». cppâÇovT', •zovj'j'zoy ).oyov
« r)^^oy dTi' lp.a'jT-^ç », OTuep eo-tIv œjToxiW^-zo'j 'foc^ or,X(j)T',xov.
ic Les Egyptiens appellent souvent Isis (^) du nom d'Athéna;
ce nom, en effet, a le sens (Aôyoç) « j'allai de moi-même », ce
qui indique un mouvement qui procède de soi. »
Ce raisonnement implique que les Egyptiens retrouvaient
dans le nom d'Athéna, ainsi interprété, un sens qu'ils donnaient
de leur côté au nom d'Isis elle-même. En effet, on n'a pas
remarqué, à ma connaissance, que la même explication du nom
(*) Voir plus haut, pp 26 et suiv.
(2) Atliéna est le plus souvent assimilée à Neith (cf. Platon, Timée, 21 E, etc.),
mais le s.yncrétisme avait assimilé la Neith de Sais elle-même à Isis (Plutarque,
De Iside, IX).
— 89 —
d'Isis, mentionnée un peu auparavant (chap. LX), est, non
point grecque comme l'a fait croire l'exposé un peu ambigu de
Plutarque, mais bien égyptienne par son origine. Plutarque
lui-même veut que le nom d'Isis soit hellénique et il tient à la
dérivation de dùévoLi qui est un beau thème à développements
philosophiques, chapitre 11 : (^lo-iv) (rocp-Viv xal cp'.XÔTocpov ouaav, wç
TO'Jvo[Jià T£ ^pdJ^ei''^ £0',xe TcavTÔç [xàXXov auT-^ to eîoevat xal t/jv kTzi(TTr\^r\y
TTpoa-riXO'ja'av. 'EXXtjvixov yàp r^ ^Icrîç eot!. Tou 8e lepoO Touvo|JLa
xal (Tacpwç éTtayyeXXeTat. xal yvwTiv xal eîoTiTt.v to'j o'vtoç ' ovcijJiâJ^eTat.
yàp 'la-£rov w; eto-oaevwv to ov...
Au chapitre LX, Plutarque n'abandonne pas cette conception,
mais comme il s'agit là de mettre la déesse également en rap-
port avec le mouvement de la nature, il combine l'étymologie
eiBévas. avec une dérivation nouvelle, celle de tea^ai :
Aw TO [i.£v ^l<Tt.v xaXoùa-t, irapà to Ut^oli {jl£t' èTzi<7Tr\ii'f](; xal cpÉpeT^aî,,
xi^y\f7iy o'jo-av £jJi.t|^tj^ov xal (ppov?.|JLOV. Où yàp £<JTt. TO'Jvo[JLa PapjBapuov,
dXX' war7r£p ToCç 3£or<; Tcàa-t.v aTto Sueiv ^TjfjiàTWv (^) toG .Sr£aToO xal toO
.SioVTOÇ £a-T!.V ÔvOîJia X0t.v6v, OUTW TTiV 5£0V TaÙT'A^V (XTrO T7); £7r',a-T'/iii.TjÇ
àp.a xal TYJç xt.VTia-£(i)ç ^l(nv p.£v rip-Erç, ^laiv 8* ACyuTrTtOL xaXoOa',v.
En présence du sens de mouvement que l'interprétation
égyptienne donnait au nom d'ïsis, Plutarque n'a donc pas
voulu renoncer à garder pour la déesse une origine hellénique,
et comme l'étymologie grecque se prête à tout ce qu'on veut (^),
il a retrouvé cette même idée de mouvement dans une autre
explication du nom, en recourant en seconde ligne à une dériva-
tion du verbe IW^at.. Pour ce système, il s'autorise de l'exemple
de la double étymologie de 5êoç, que l'on rapproche également
de 5É0V (5£rv, Platon, Cratyle, 397 D) et de 5eaTÔv. La suite du
passage Ojtw ok xal IIXâT(ov. . . invoque encore d'autres endroits du
(•) j^Tjfxâxtov Markl;ind, Ypa|jL[jLaTajv ms.
(2) Plus lard, Porphyre, pour appuyer son interprétation d'Isis, aura à sa disposi-
tion une autre étymologie encore : 8tà xtjv tdo'xTj-ca, Kusèbe, Praep. Evang., lil, 11,
49, p. 115 D; cf. J. BiDEZ, Vie de Porphyre le néoplatonicien. Appendice I, Ilepl
àyaXfjLàxwv. p. 19* [Gand, 1913J.
— 90 —
Cratyle, 401 C (singulièrement fiélbrméî), 4M D, 4fr> I). La
conséquence d'un tel système — à laquelle d'ailleurs IMutarque
ne songe pas ici — serait d'admettre, avec les Héraclitéens, que
les mots expriment l'essence (fùviç) des choses. Quoi qu'il en
soit, il y a ici, à propos du noui d'Isis, trace d'une polémique
où Plutarque joue le rôle de conciliateur entre les prétentions
grecques et égyptiennes.
Quant à l'étymologie égyptienne d'Athéna, je la rapporte-
rais volontiers à Manéthon qui est cité immédiatement après
(chap. LXll) pour des interprétations analogues des noms Seth,
Bebon et Smy. Mais lui-même doit l'avoir trouvée déjà exis-
tante. Chose caractéristique, en effet, cette égyptisation d'un
nom grec divin a justement pour objet de revendiquer Athéna,
la grande déesse de cette ville de Sais où, nous le verrons
bientôt, se heurtèrent et se combattirent de très bonne heure
les prétentions grecques et égyptiennes.
C'est tout de suite avant l'explication du nom d'Athéna, à la
fm du chapitre LXI qui précède, que se trouve la seconde
étymologie d'un mot grec par l'égyptien dont nous allons nous
occuper. Il est tout à fait dans la manière des égyptomanes
qu'elle soit présentée comme un emprunt aux soi-disant livres
d'Hermès. ïà At.'yu7iT'.a, en tète du chapitre LXII, doit désigner
la mên)e source.
'Ev 0£ TOL^ç 'Ep(Jio'J X£YO[Ji£vat,ç '^î^Xoi^ if7Topoî)7i yeypâ'^^a'. Trspl twv
UpWV OVOfJlàTWV, ÔTi TY^V {A£V ETzi TTjÇ TOU r\Xio\J TTEpiCpOpàç T£Tayji.£V"iriV
SLivajjLiv '^Qpo'^^ "EXX'^vEç 8' 'A7tdX)vWva xaXoÛTt. * ttiv o' ettI TO'J ttveu-
[jLaToç ol {ji£v "Oo-'.p!.v, 01 8k }jàpa-'.v, ol 8s ISw.^l Ac'yuTUTior'! ' G-^tjLaivs'.
8k xù'f\(7iv Ti To xùeiy. At.6 -xal TrapaTpoTrriç y£vo|i.£vr,; to'j dv6|i.aT0ç,
'E^Xyivio-tI x'jwv xéyX'f\TciLi -zo OLcr-zpov, oizep îBwv Tr,ç "Ict'.ooç vo{jL'Zo'JTt.v (^).
La puissance qui préside au pneuma s'appelle en égyptien
Sot/ii, ce qui signifie xjyi(7'.ç « grossesse » ou xl»£'.v « être grosse ».
C'est pourquoi, par altération du nom (c'est-à-dire du nom qui
(*) Cf. chapitre XXI, p. 359 1) : xal xaXeTa.S'at x'jva tjièv xV "laioo^ 'jcp' 'EXX7iv(
Ùtt' AiYUTrxitov oè -ôi.S'tv.
— 01 —
rendait exactement ce sens égyptien), en grec on appelle xjory
(c chien » l'astre que l'on attribue à Isis. L'égyptornane qui a
trouvé cela a ingénieusement raisonné ; en somme, il a invoqué
avec dextérité à l'appui de sa thèse un procédé dont les modernes
ont groupé les cas sous le nom d'étymologie populaire.
Il existait donc une école qui, en présence des explications
fantaisistes des dieux de l'Egypte au moyen de la langue
grecque, maintenait une interprétation par l'égyptien, et qui,
en outre, avait la prétention d'appliquer cette méthode aux
noms des dieux helléniques eux-mêmes, et aussi des constella-
tions, — par exemple, ici, le Chien et, comme nous le verrons
plus loin, Sirius. C'est qu'en effet, dans les discussions qui exis-
taient entre les peuples au sujet de l'ancienneté de leur origine,
les Egyptiens se vantaient d'être nés, non pas seulement avant
la lune comme les Arcadiens, mais même avant tous les astres;
c'est eux qui avaient discerné la nature des constellations et qui
leur avaient donné leurs noms (*).
Quelle est l'attitude de Plutarque en face de ces diverses
tendances?
Sur ce sujet, Plutarque est tout à fait conciliant et il l'est
d'autant plus facilement, on pourrait dire plus naïvement, que
le côté liistorique de la question ne l'intéresse pas et lui est
parfaitement indifférent. Nous l'avons déjà vu plus haut, à
propos du nom d'Isis et aussi à propos d'autres interprétations
différentes d'un même dieu (par exemple, Osiris) qu'il signale
côte à côte. On pourrait appliquer à son procédé étymologique
ce qu'il dit lui-même au sujet des mythes au début du cha-
pitre LVIII : Xpri(TT£Ov 8k TOi^ {jLÛ^ot.; oùy wç Xôyo!.; 7:â|jt.7cav o\j<7i'^,
dXkk To Tzp6'7z>opov éxào-TO'j TÔ xaTa tyjv 6|i.0î.0TT,Ta XaijL,3âvovTa;. Il
(^) ScHOL. Apollon. Khod., IV, 262, p. 494, \0 : ysYovsvai oè aÙToû<; (se. toù;
AlyurTiou^) çpTjdiv 6 'AitoXXtovtoç Tzpo xoij uàvxa xà àdxpa (pavfivat, xa3à xt^v x£ ^ûciiv
xaxavoTJaac aùxtov ooxouat xal xà ovdjxaxa ^tlivat.
— 92 ~
reproduit toute interprétation de mot qui lui parait édifiante et
conforme à la tendance du dévelop|)ement qui l'occupe pour le
moment (*). Dans ces conditions, il va de soi qu'il n'a pu
s'imposer de se priver des ressources que lui offrait l'étymologie
grecque, même pour les noms égyptiens.
La ville de Kopto tire son nom du deuil d'Isis ( ;. Suivant
d'autres, le nom signifie TTéprjO-Lç, « privation » : tô yàp i-oTzzzih
« xouTe^v » Xéyojo^!. (chap. XIV). Il est probable que cette seconde
explication provient d'un sens que l'on dérivait du nom de la
ville en égyptien. Cependant, le sens pourrait avoir été tiré
aussi du grec même; l'acception spéciale qui est ici donnée à
xÔTiTEiv (= àTtoaxeperv) rappellerait la signification également
forcée que nous avons vu attribuer à (rawsiv • o xaAAÛveiv Tivkç
xal xoa-p.£rv X^youa-LV (cliap. XXIX).
Le nom de lieu « Taphosiris )» signifie naturellement « tom-
beau d'Osiris » (chap. XXI). Horus est rapproché de wpa
(chap. XXXVIII) et de wp^^jjiÉvoç (chap. LV).
Osiris, dont le nom est déjà si gros de sens en égyptien
(cf. chap. XLll), augmente encore sa puissance d'expression
par le grec. Le chapitre XXXIV, après avoir donné des argu-
ments, étymologiques et autres, en faveur de l'eau comme pre-
mier principe, ajoute : Kal tov Aiovjcrov « 'jry » w; xûpî.ov ttîç
yypàç «pLio-swç, oùy STSpov ovTa to'J 'Oo-'ip'.ôo; [sc. "EXXt,v£ç xaXo'ja-».) *
xal yàp TOV "Oo-ipiv 'EX)vâvixo(; "Ta-i.pt.v e^-rixev (^) àxr,xo£vai Otco twv
lepÉwv Xeyôfjievov * o'jtw yàp dvo[JLà^wv oiaTeXei tov .S-eôv, eCxÔTO); àizh
TYJ; «pûo-ewç xal t-^ç eûpeTewç (^).
L'attribution de ce fragment à Hellanicus de Mytilène est
(') On peut lire chez Strabon, X, p. 474, des rétlexions curieuses sur ce genre
d'interprétation théologique.
(2) Cf. ÉLiEN, Nat. an., X, 23.
(3) Sans doute à corriger en sotxsv avec Valckenaer.
(*) Ces derniers mots sont généralement considérés comme corrompus. On a
proposé beaucoup de corrections raisonnables entre lesquelles il est impossible
de faire un choix sûr : vidscaç (Saumaise) xal xîjç ÙYpsûdetUi; (Reiske) ou pûatox;
(Schwartz) ; ucyew; est très séduisant, mais je ne sais s'il est prudent de faire dis-
— 93 —
contestée (*). La tendance à déformer les noms, afin de leur
faire exprimer le sens qui lui plaît, paraît cependant bien un
trait propre au vieil Hellanicus. Cf. fr. 100 (Steph. Byz.) :
©eo-Tioewv, tcôXiç SefT<ToiXixr\. 'EXÀàvî,xoç oe oiyjx xoù <7 «prio-iv, ctTco
Bétwo;; fr. 97, le nom de l'Italie était à l'origine OûiTaXia,
d'après vitulus. Dans les cas assez fréquents où, sans ajouter
d'explication, on cite Hellanicus comme ayant donné une forme
spéciale à des noms, il y a lieu de supposer parfois qu'il avait
obéi à la même tendance : fr. 96, 'VixepjBôpsw'. au lieu de
T7cepj36p£0!. ; fr. 106, Oiâv.Sre'.a pour O^âv^Yi; fr. 120, Aâ-ri pour
Nàuri; fr. 134, ràpyaTov au lieu de râpyapa; fr. 135, Aij|jLjip'.o; au
lieu de eû|jL(3pw;; fr. 153, 'Epeixpoi pour "ApajSe; (cf. 161 et 167).
Si donc la graphie "W'.p',<; est bien d'Hellanicus, elle a dû avoir
pour objet d'expliquer le nom par le grec, et nous trouverions
pour l'Egypte elle-même, chez un contemporain d'Hérodote,
un représentant de la naïve tendance étymologique à laquelle
celui-ci avait résisté.
Aux chapitres LJ et LU, Osiris étant envisagé comme dieu
du soleil, on cite une nouvelle étymologie grecque conforme à
cette thèse (chap. LU) : Eia-l yàp oi t6v "Oa-Lp!.v àvTWpj; t,A5.ov etvat
xal dvo(ji(x!^ea-5a'. o-eiptov ucp' 'EX/-/;V(j)v XéyovTeç, e»' xal Tiap' ACyuTTTÎo'.ç
r\ 7rp65£T',ç TO'j oip.Bpo'j TO'Jvojjia TceTtoirjxev à{jL<pt.yvo£ra-5a'., T7\v o' ""It'.v
oûy^ STSpav TYJç o-eXrjVTiÇ ocTcocpa'ivovTe;.
Osiris est donc le soleil et il porte le nom grec o-eipw;, bien
que l'addition de l'article (6 o-eipw; — "Oo-ipt.;) ait entraîné l'alté-
ration du mot. En soi, le procédé ici invoqué est ingénieux, et
l'étude historique des langues en a fait observer de fréquentes
applications; les Égyptiens auraient emprunté le mot muni de
l'article étranger, comme nous l'admettons en français pour les
paraître de celle ex|)lication la Irace de l'idée du verbe âjpslv. Cf. Juvénal, Vlil, 29 :
populus quod clamât Osiri invenlo, et le scoliaste : Populus Aeg>'pti invente Osiri
dicit : soprjxafjLEv, (juY)(^atpojxev ; cf. SÉNÉQUE, ApocoL, 13, 4; AthÉnagoke, 22, p. i40,
1. 20 et p. 210, dans Geffcken, Zwei griechisdie Apologeten.
(1) MiiLLEK, FHG, I, p. XXX.
— 94 —
cas de alcoran, alcade, alchimie, etc. Comparez en latin, chez
Fulgeniiiis Planciades, la formation bizarre à laquelle a donné
lieu le grec 6 7rot|jiàvop7i; : « Hermès in Opimandrae libro ait (*). »
L'ancienneté du rapprochement Osiris-Seirios est attestée
par Diodore I, 11, 1-3 = Hécatée. Après avoir, comme Plu-
tarque, identifié Osiris et Isis au soleil et à la lune, et indiqué
l'explication égyptienne Osiris =■■ TzoXuô'^^cd.^ko^ que nous avons
étudiée plus haut, le texte de Diodore continue :
ïwv 6£ Ttap' "E^Xyio*!, TiaXat-wv {xu^oAoywv Tivèç TÔv "Oo-ipiv Aî.ôvjo'ov
TcpoTOvofJLàÇoua-t xal Seîpwv TuapwvûjJiwç ' wv E'jjxoAtcoç jjlsv év toÎ";
â(7TpO!paTi A!.dvL»(TOV 'év âxTÎVEa-O-?, TtUpWTTOV.
'Opçpsùç 5s •
Toùvexâ p,!.v xa^eouo"'. <ï>ocvr^Tà Te xal Aiovjtov.
« Certains anciens mythologues chez les Grecs appellent
Osiris Dionysos et Seirios par déformation. )>
Il faut se garder de conclure de ce rapprochement, comme
on l'a fait prématurément, que Plutarque dérive ici d'Hécatée.
L'analyse du texte d'Hécatée (Diodore) prouve que sa thèse est
justement l'inverse de celle de Plutarque. D'après Hécatée, en
effet, conformément à sa tendance constante — surtout, comme
nous l'avons vu, en matière d'origines orphiques — ce sont des
Grecs qui ont emprunté le nom d'Osiris pour le donner à
Dionysos, et ils l'ont déformé en Seirios. Plutarque, au con-
traire, suit un auteur qui, afin de faire pièce à cette dérivation
étrangère, avait imaginé l'étymologie grécisante ô ^eîpio; —
"0<Tt.p!.;. Un autre indice que Plutarque ne suit pas Hécatée, c'est
qu'il ne reproduit nulle part l'interprétation égyptienne d'Isis
(= 7raXat.à) qui devait venir dans le même contexte et qui se
trouve, en effet, dans le paragraphe suivant de Diodore. Les
(1) Mitologiarum lib,, I, 15, p. 26, 18, éd. Helm.
— 95 —
vers orphiques cités par Diodore doivent être reproduits d'une
façon incomplète, car ils ne contiennent pas le mot ^eipwç
comme on l'attendrait. Quoi qu'il en soit, nous trouvons un
exemple certain du terme <jeipioq appliqué au soleil, et c'est
précisément dans un texte orphique, Orp/i. Argon., 120
(Abel) (') :
Quant à Plutarque lui-même, l'explication du nom d'Osiris
qui a toute sa préférence, évidemment parce qu'elle est la plus
religieuse et la plus édifiante, est celle qui décompose le mot
en 6<7ioq et Upô;, « saint et sacré » : '0 8k "Oo-'.piç éx toj o<7io'j xal
Upoû Touvo|i.a |^£ti.!.Y|ji£vov IV/Tixe • xoi'^bç yàp eo-Ti twv ev oùpavw xal
Twv £v "Xioo'j Xoyoç • (5v xà (jikv Upà Ta o' oVia xor? TraXocor? e^oq TjV
TcpGTayop£Û£tv (chap. LXI; cf. chap. XXVIII, à la fin, et plus haut,
p. 14).
Immédiatement après, il tire également du grec une expli-
cation religieuse correspondante pour le nom d'Anubis :
'0 B' àvacpaivwv xà oijpàv!.a xal twv avw '^£po[Ji£vwv "Avo'jp',; ko^^o^, è'ort
o' Ôt£ xal 'Epp-àvou^iç dvop,à^£Tat,, t6 |jl£v wç toîT; avw, TÔ 8' w; TOtç
XaTW TCpOfTTiXWV.
En tout cas, Plutarque tient par-dessus tout à revendiquer
comme hellénique Osiris, de même qu'il a fait pour isis
(chap. Il et LX). C'est que, comme nous l'avons rappelé plus
haut, il adresse son traité à une femme pieuse de Delphes,
Kléa, initiée aux mystères d'Osiris (toi; 8' 'Oaipiaxorç xa^wo-iw-
jjiÉvYiv Upor? aTTo TiaTpo; xal jjiTjTpô;, chap. XXXV), et qui, en
adressant ses prières à Dionysos-Osiris, veut avoir le sentiment
de pratiquer un culte hellénique, et non point barbare. Si on
(1) Cf. Suidas s. v. Sstptoi;... Kat Ssîp, asipo;, 6 ti'Xio;. Sstptov. xôv Kûva* 6xÈ
xal xov -fiXiov. Cf. TzETZÈs, In Lycophr.^ 397, pp. 577 et suiv., éd. Millier.
-^. 96 —
laisse aux Grecs Osiris, Plutarque consentirait à ahanflounor
Sarapis aux Égyptiens (chap. LXI à la fin) :
"Hxtora jjikv ouv Set <pt.XoTi|xer(T5ai Tiepl twv ovofxaTwv, ou {xt^v o/Xt.
jjiàXXov av ucpet{JLYiv xoO SapaTrtooç AiyuTTT'Iotç 7, toO 'O^îptooç, éxeCvo
|jiev ^evixdv, toOto o' 'EXXyjvwÔv, afjLcpa) o' svôç 5eo'j xal 'Ji'-à; O'jvâasw;
riyoLijJievoç.
*
(c II ne faut pas », dit Plutarque, « mettre d'amour-propre
dans cette affaire de noms. » Son avertissement prouve juste-
ment qu'il avait eu des devanciers qui y en mettaient beaucoup.
Essayant de caractériser les étymologies diverses que nous
avons passées en revue, nous pourrions les grouper en les
répartissant d'après trois tendances.
J^a première considère surtout le sens et le caractère uni-
versels des dieux eux-mêmes, et se plaît à les trouver exprimés
dans les noms, prenant en fait d'interprétation son bien où elle
le trouve, ne s'embarrassant guère des questions d'histoire, de
langue ou de nationalité. C'est à cette tendance qu'adhère
Tesprit pacifique et religieux de Plutarque : « Tous les hommes
possèdent et connaissent Isis et les dieux de son groupe, et si
quelques-uns ne sont appelés de leurs noms égyptiens que
depuis peu de temps, la puissance de chacun est connue et
vénérée depuis l'origine » (chap. LXVi).
Un second groupe, dans lequel nous avons rencontré notam-
ment les noms d'Hécatée d'Abdère et de Manéthon, interprète
par la langue égyptienne les noms des dieux égyptiens, et
même quelquefois des noms grecs (plus haut, Athéna, Kyon,
Seirios ; plus loin, nous verrons bientôt le mot àV:j). On peut
lire, comme spécimen des prétentions incohérentes de cette
école, le chapitre I, 1:2, de Diodore-Hécatée : on y voit comment
les Égyptiens ont donné, les premiers, à chaque dieu le nom
convenable et que, par exemple, c'est à eux qu'il appartient
d'expliquer aux Grecs le vrai sens d'une épithète telle que
rXa'JXWTTLÇ.
— 97 —
C'est à de telles exagérations que pense Plutarqiie lorsqu'il
écrit (chap. LXVl), immédiatement avant le passage que je
viens de traduire : Kal Bsivôv oùùév, av TrpwTov {jikv 7i|jLrv toùç 5eoùç
cpuXaTTwa-!. Tioivo'ji; xal {jlt, 7ro!.W(T',v A^yjTtTÎwv î^iouç, |XY,8è NetXov fjV
T6 NeTXoç apoet. {jlÔvt^v ytùpoL-v 'zoi<; dvôp.a(n toutolç xaTaAa{jL[3âvovTeç,
!jL-r|ôe é'Xri [j.t,0£ Xwto-jç |jly, ^soTcouav Xéyovreç, âTroa-Tepwa-i p.eyût)v{«)v
5cwv Toù; àXÀouç àv3pa)7rouç, oîç NeiXoç [Jiev oiîx Ittlv oûSe BoOtoç
oùoe MsfjLcpLç. « Passe encore, du moment qu'ils gardent les dieux
comme communs avec nous et qu'ils n'en font pas un bien
propre aux Egyptiens, du moment que, sous les noms de Nil et
d'Egypte, ils ne comprennent pas uniquement leur Nil et la
contrée qu'arrose le Nil, du moment enfin que, consentant à
ne pas dire que marais et lotus font naître les dieux, ils ne
dépouillent pas de grands dieux les autres hommes qui n'ont
pas de Nil, ni de Boutos, ni de Memphis (^). «
En face de ces prétentions égyptiennes, il y eut des Grecs
qui ne se résignèrent pas à l'attitude neutre et conciliante de
Plutarque. A l'annexion de dieux grecs à l'Egypte, une ten-
dance hellénique répondit par des revendications contraires.
Trois des étymologies égyptiennes que nous avons vues, sairei
pour Sarapis [De Iside, XXIX), Osiris pour Seirios (Diodore,
I, H, 3) et enfin Amenthès (De hide, XXIX) se rattachent à
des idées orphiques, et cette communauté de tendance vient
encore à l'appui de leur attribution à Hécatée qui nous a paru
la plus vraisemblable. Aux deux premières de ces étymologies,
nous avons déjà vu qu'on avait opposé des dérivations grecques,
(jaipsiv et 6 Seipw; (= Osiris). Ce qui démontre que cette polé-
(*) Ma traduction montre, je i)ense, que ce texte que l'on prétend corrompu
(notamment pour le mot essentiel .^soTroitav) s'interprète avec sûreté. Pour l'idée
ici critiquée, rapprochez Manéthon (?), fr. 81 dans Muller, FHG, II, p. 615, et
surtout DiODOUE (Hécatée), 1, 12, 6 : xôv irap' aoToT; TroTajjiôv NslXov, irpôi; tp xal
zkc, Twv 3^ct5v YsvsaEt? uTiâpçat. Cf. I, 9, 6. Comparez aussi Porphyre chez Eusèbe,
Praep. Evamj., V, 10, p. 198 B et suiv.
— 98 —
mique s'était faite d'une façon conséquente et suivie, c'est que
pour Amenthès également, le texte de Plutarque implique que
certains avaient retrouvé à l'aide du grec le sens orphique (tov
Xap-^âvovTa xal oiôôvTa) que d'autres avaient voulu dériver de
l'égyptien.
Plutarque en effet se demande si, au lieu d'être vraiment
égyptien, Amenthès n'est pas encore un des mots importés
anciennement de la Grèce en Egypte et il remet à plus tard
l'examen de la question : uo-Tcpov èTzifjxe^o^eBoL. En réalité, Plu-
tarque ne donne point par la suite l'examen qu'il promet ici et
qui aurait été si intéressant. Le seul passage qui se rapporte
un peu à la même question se trouve au chapitre LXI, où il sert
à justifier la dérivation grecque que Plutarque vient de donner
pour Isis, Osiris et Anubis :
O'j oeï 5k 3^aup.àî^et.v twv ovojjiàTwv TriV eîç tô 'EaAyjV!.xov âvà-XaTiv *
xal yàp oiXkoL ^upioL Toïç p.e^'.o-Taijiévot.ç éx tïJç 'EXXâBoç o-jvexireTÔvTa
{jie^pi, vOv Trapajjisvei. xal ^eviTeuei Trap' eTépoiç, wv Iv5.a tt,v T:o!,TjTt.xr,v
âvaxaXou{Ji£V7iv ùia^yXkouaiv wç (3apPap{Çoua-av ol yXwTTa; Ta TO'.xjTa (*)
7rpO(Tayop£ÛovT£ç.
(c II ne faut pas s'étonner de la restauration des noms en
langue grecque. En effet, des milliers d'autres noms qui sont
sortis de la Grèce avec les émigrants subsistent jusqu'à présent
et sont en usage à l'étranger; lorsque la poésie veut en rappeler
quelques-uns, elle est taxée de barbarisme par ceux qui nomment
yAwTTa!. de tels mots. »
En disant « Il ne faut pas s'étonner », Plutarque répond
évidemment à une objection et son texte nous révèle l'existence
d'une polémique au sujet de la légitimité de l'étymologie
grecque. Pour protester contre les fantaisies de celle-ci, les
égypton:ianes avaient dû invoquer l'histoire et se prévaloir de
l'antiquité de la langue du pays du Nil. Plutarque nous apprend
que les hellénistes s'étaient préoccupés de leur répondre et
(*) xà Totaîjxa Xylander, xà; xoiaûxa; ms.
— 99 —
comment, à leur tour, ils s'étaient servis curieusement d'un
argument historique. Platon déjà (^) avait fait remarquer que
les Grecs en général, et surtout ceux qui habitaient parmi les
étrangers, avaient emprunté beaucoup de mots aux Barbares.
Appliquant à une langue étrangère un raisonnement analogue,
les hellénistes prétendaient que les Egyptiens, comme en
général les peuples qui avaient reçu des colonies de la Grèce,
avaient adopté très anciennement des mots grecs dont l'aspect
s'était peu à peu défiguré.
En eux-mêmes, d'ailleurs, l'un et l'autre raisonnement sont
légitimes et ils prouvent que les Grecs, s'ils avaient songé à s'y
appliquer avec suite, étaient capables de faire sur le langage des
observations d'un caractère historique et scientifique. Un lin-
guiste moderne raisonne comme Platon quand il retrouve dans
le français des mots celtiques ou germaniques; il raisonne
comme Plutarqne quand il revendique pour le vieux français
certains mots de l'anglais actuel.
(«) Cratyle, 409 E.
— 100
XIII
Colonisation grecque et égyptienne
L'argumentation étymologique de Plutarque s'appuie sur une
thèse qu'il ne développe aucunement : c'est que très ancienne-
ment il y avait eu en Egypte une colonisation hellénique.
La thèse inverse est mieux connue, surtout par la légende de
Danaos et des Danaïdes [Ep. gr. fr., 1, p. 78, Kinkel ; Eschyle,
Suppliantes et Prométhée; Hérodote, II, 91, etc.) qui était
familière à tous les Grecs. Plus tardive, mais aussi plus inté-
ressante pour le sujet qui nous occupe, est une autre version
qui voulait faire d'Athènes elle-même une colonie de la ville
égyptienne de Sais.
Un de ses plus anciens garants paraît être Hécatée d'Abdère,
à qui remonte (^) la section relative aux colonies des Égyptiens
chez Diodore (I, 28; 29, 1-4). Après avoir énuméré la colo-
nisation de Babylone (Bèlos), d'Argos (Danaos), de la Colchide
du Pont et de la Judée, le texte (28, 4) ajoute : « Quant aux
Athéniens, ils (c'est-à-dire les Égyptiens) prétendent qu'ils sont
une colonie originaire de Sais en Egypte et ils s'efforcent
d'apporter des preuves de cette parenté «.
Entre ces preuves, la première a un caractère linguistique
qui nous intéresse particulièrement : Trapà |jlovo'.; yàp twv 'EXXt.vwv
TzoLp (xÙToiç oirTzeoç, (c Seuls des Grecs, les Athéniens appellent la
ville ao-T'j, d'un mot qu'ils ont emporté de Sais. )> Au fond de
ce raisonnement naïf, il y a peut-être cette observation : de
(*) Cf. ScHWARTZ, S. V. Diodoros dans Pauly-Wissowa. V, col. 670, 66 et suiv.
— iOl —
même que l'Athénien appelle sa ville par excellence ao-rj, de
même les Ioniens établis dans le Delta appelaient a^Tj le quar-
tier grec de Sais par opposition aux agglomérations indi-
gènes (*). En tout cas, nous avons ici un nouvel exemple, plus
hardi encore que ceux que nous avons rencontrés, d'argumenta-
tion linguistique en faveur de l'égyptomanie.
Les autres preuves données ensuite chez Diodore ("28, 4-5)
sont de prétendues ressemblances entre les institutions; ici,
Hécatée me parait avoir voulu retourner une thèse que l'on
trouve chez Platon {Timée, 24 A), comme on va le voir bientôt.
Enfin (28, 6 et suiv.), sont cités des Égyptiens qui ont régné à
Athènes : « Pétès, père du Ménesthée qui alla à Troie, est
manifestement un Egyptien qui obtint plus tard à Athènes la
cité et la royauté {^). Comme il était ainsi de deux natures
(o'.cpjTiç) , les Athéniens n'en peuvent pas donner la vraie cause,
à savoir évidemment sa participation à deux cités, une grecque
et une barbare, ce qui le fit considérer comme oicpjviç, en ce sens
qu'il était moitié bête, moitié iiomme ».
Sans aucun doute, bien que son nom ne soit pas cité, il s'agit
de Cécrops (^), pour qui nous avons ainsi ici la plus ancienne
mention d'une origine égyptienne. S'il y a une lacune dans le
résumé de Diodore, j'entendrais cependant qu'Hécatée n'avftit
pas parlé de Pétès et de Cécrops comme de deux rois différents ;
(1) 11 est intéressant de rapprocher ici pour le mot àorTu une inscription du musée
gréco-romain d'Alexanirie publiée dans Arcliiv f. Papy rus forsch., II (1903), 570,
n» 445 : Dpcotox; IlsTptovto; KexpOTri^tov à'jxu SaïTÔiv Ilpâ^aç TpiTOYSvoû; lôpucjàfxriv
çdavov. Naturellement la présence du mot KsxpouTÎtov prouve que l'auteur de
l'inscription veut justement insister ici sur l'antique parenté des deux villes
d'Athènes et de Sais.
(5) cpavepû; AlyÔTtitov uTcàpçavTa xu^elv -jd-epov 'Ai^TîVTjffi TroXixei'a; te xat ^aai-
Idctç. Ici l'éditeur Vogel note : « hic orationem hiare monent, cum quœ sequuntur
unum in Cecropem conveniant ».
(3) Cf. entre autres Chahax, fr. iO et 11 dans Muller, FHG, IU, pp. 638-639;
Plutarque, De sera numinis vindicta, 6, p. 55i F; Clément d'Alexandrie, Stromata,
I, 21, p. 66, 16, Stâhlin.
— 102 —
cf. *0{xo{o3; ok TouTCj) (non pas toÛto».;) xal tov 'Epey^ea qui suit
immédiatement. Le nom même de Pétès (partout ailleurs ïleTEO)?,
Iliade, B 552, etc.) a dû servir à montrer de quelque manière
l'origine égyptienne du personnage à double nature dont le
second nom était Cécrops.
Après Pétès, c'est Érechthée lui-même qui est présenté
comme un Egyptien; pendant une disette, il apporte du blé à
ses frères de race et, pour Hécatée, il faut bien naturellement
que ce soit cet Egyptien qui enseigne aux Athéniens les mystères
d'Eleusis (Diodore, I, 29, 1-4). La remarque sceptique qui chez
Diodore (^) termine tout cet exposé montre que les prétentions
des Egyptiens avaient paru exagérées, sinon à Hécatée lui-
même, du moins à d'autres esprits quelque peu critiques. Cepen-
dant la thèse était lancée (^) et, à l'époque de Ptolémée Évergète,
Istros pouvait écrire tout un traité sur les Aivu-t^wv âiroixîat
(Mùller, FHG, 1, p. 423).
Il est probable que la thèse égyptienne ne faisait que répondre
à une prétention des Grecs de revendiquer Sais comme une de
leurs anciennes colonies. Cette prétention, en effet, est anté-
rieure à Hécatée d'Abdère. A coup sûr, dans le Timée, la pensée
de Platon hante des régions bien supérieures à l'arène où se
mesurent les rivalités nationales; il faut noter cependant qu'à
propos de notre question, on pouvait citer Platon comme ayant
pris parti, dans le fameux récit de Solon, en faveur de l'antiquité
d'Athènes (21 E) :
« Il y a en Egypte «, dit Critias, « dans le Delta au sommet
duquel le Nil divise son cours, une province nommée Saïtique,
(*) 29, 5 : IloXXà oè xat àXXa xo'JTot<; TrapairXTjCTta Xsyovxei; (piXoTi(j.dTepov fjTrsp
àXïi^tvtoxcpov, toc; y' Ifxol cpaîvsxai, ttjç aTTOixtac; xaûtTj;; àfjiotapTjxoOtn 8ià xtjv od^av
Tîj; TtdXewc Ce texte fait penser que Diodore avait connaissance d'une polémique
qui s'était engagée autour de la question.
(2) Je ne parle pas des autres conquêtes faites jadis en Grèce par les Égyptiens
d'après Diodore, par exemple, naturellement la Macédoine, la Thrace, l'Attique
encore (Diodore, 1, 18 et 20). La source ici s'inspirait d'une tendance analogue à
celle d'Hécatée; cf. P. Wendi-and, Die hellenistisch-rômische Kultur, 2« éd., p. 117,
n. 4.
— i03 —
et de cette province, la plus grande ville est Sais, d'où provient
le roi Amasis; de cette ville, la fondatrice est une déesse dont
le nom égyptien est Neith, et le nom grec, à ce qu'ils disent,
Athéna; ils se donnent pour grands amis des Athéniens et pré-
tendent avoir avec eux une certaine parenté ». Or, la déesse
commune aux deux peuples a fondé Athènes il y a neuf mille
ans, c'est-à-dire mille ans avant Sais, et c'est aux Athéniens
qu'elle a d'abord enseigné les institutions qui depuis se sont
conservées en Egypte mieux que chez eux (23 E et suiv.).
Parmi ces institutions, Platon (24 A) mentionne en Egypte
les castes réparties en trois gioupes : les prêtres; les différentes
espèces d'artisans (démiurges) et, avec eux, les bergers, les
chasseurs et les laboureurs; enfin, les guerriers. Cette classifi-
cation porte une marque bien platonicienne et elle rappelle les
trois ordres de citoyens qui, dans la République (^), sont établis
pour correspondre aux trois principes de l'âme humaine. Elle
ne coïncide pas avec celle d'Hérodote (II, 164) qui, après les
prêtres et les guerriers, énumère cinq classes toutes différentes
d'hommes de métier. En signalant certaines ressemblances des
mœurs helléniques avec le système des castes, Hérodote (II, 167),
sans vouloir se prononcer formellement, paraît cependant enclin
à admettre, comme d'habitude, une influence de l'Egypte sur la
Grèce. Nous venons de voir que la fantaisie poétique de Platon
se plaît à affirmer la thèse contraire. Toutefois, sachant qu'un
peu d'ombre et de vague conviennent au récit mythique oîi il
introduit cette thèse, Platon ne s'applique pas à préciser quelles
étaient, dans l'ancienne Athènes, les institutions analogues aux
castes de l'Egypte.
En présence de la question ainsi remise à Tordre du jour par
le récit du Timée, on devine qu'Hécatée prendra une attitude
toute diflerente de celle de Platon ; il ne connaîtra même plus
les réserves et les hésitations d'Hérodote. A ses yeux, toute
(<) Répw/;/z</we, IV, 435441.
— 104 —
communauté que l'on découvre entre les institutions ne peut
être interprétée que comme une preuve de l'influence de l'Egypte
sur Athènes. C'est pourquoi, de même que Platon, Hécatée
(Diodore, I, 28, 5) ne distingue en Egypte que trois castes, les
prêtres, les guerriers et les artisans (^), et il se donne la satis-
faction puérile de les retrouver exactement dans les eupatrides,
les géomores et les démiurges que lui fournissait la tradition
athénienne.
Le commentaire du Timée de Proclus (^) nous a conservé
quelques autres indices de la polémique qui s'était élevée, en
tout cas dès le IV*" siècle, autour de la colonisation de Sais.
Callisthène d'Olynthe, disciple et neveu d'Aristote, et l'atthido-
graphe Phanodème avaient fait d'Athènes la métropole de Sais.
Au contraire. Théopompe, ou plutôt Anaximène de Lampsaque (^)
dans son pamphlet Tp'.xàpavoç, disait qu'Athènes était une colonie
de la ville égyptienne. Proclus ajoute que le platonicien Atticus
(deuxième moitié du IP siècle après J.-C.) voyait la une trans-
formation de l'histoire inspirée par l'envie à Théopompe; du
temps d' Atticus, en effet, des gens de Sais étaient venus à
Athènes pour renouer leur parenté. Le point de départ de toutes
ces discussions, comme l'a déjà bien vu Ottfried Miiller (^), se
(*) On retrouve encore chez Diodore, I, 74, 1, les bergers et les laboureurs
(xd x£ Twv vo(xéwv xal xo xwv ycwpyôiv) mentionnés à côté des artisans dans les
mêmes termes que dans le Timée, 2i A; toutefois, chez Diodore, il n'est pas parlé
des 3^T)peuxat.
(2) I, p. 97, 27, Diehl : Toù; Ôè 'A3^T)vatou<; KaXXta3'£VTiç {jlÈv x«l <ï>avdÔT)jj.O(; na-zipac:
xwv SatxiX(J5v taxopo'jai yôvÉar.S'at, ©îdirofjLTroç oè àvdtTraXiv aTroîxo'ji; aùxtiv eTvaî
«pYjaiv 'Axxixôc ôè 6 IlXaxwvtxôi; 8tà paaxavi'av «pTjal jjLSTaTioiTjdai xt)v laxopfav
xov OsoTTOfATtov ETi' aùxov) yàp i(piY.i<jBoLi xivà; £X XTJ; ^Sàsux; àvav£ou|JL£vou^ xtjv tzooq
'A^Tjvaiouf; (Tuyyévctav.
{^) L'indication du Trikaranos est fournie par Eusèbe (d'après Africanus), Praep.
Evang.^ X, iO, 491 A. Le Tptxàpavo<; est un pamphlet qu'Anaximène écrivit dans le
style de Théopompe et fit circuler sous le nom de celui-ci pour le discréditer ; cf.
Brzoska, s. V. Anaximenes dans Pauly-Wissowa, I, col. 2096, 42 et suiv.
(*) Orckomenos, pp. 106 et suiv. (= 2® éd. [Breslau, 1844], pp. 99 et suiv.). Déjà
Proclus (Diehl, I, p. 98, 5) fait remarquer que la parenté dont parle Platon peut
s'expliquer ainsi : ôûvaxat Se xoùto XéyEtv Sià xtjv ttoXioO^^ov [jLi'av oudav.
— 105 —
trouve en ceci que les Ioniens de Sais avaient reconnu dans la
déesse locale Neith leur Athéna nationale (^).
Une fois qu'elle eut pris place dans le Timée, la fable de la
colonisation athénienne en Egypte, de même que celle de
l'Atlantide, dut retenir l'attention de tous les savants qui suc-
cessivement lurent et expliquèrent cette œuvre célèbre. Déjà
Crantor, le disciple de Xénocrate, qui, d'après Proclus, ouvre
la longue série des commentateurs du Timée, avait pris parti
au sujet de la valeur historique du récit que Critias attribue à
Solon, 20 D : "Axoue oti, w HwxpaTe;, Xôyo'j {jiàXa jjlev ôtTOTcou,
Fallait- il accepter à la lettre le récit comme vrai ou bien n'y
voir qu'un mythe ou une allégorie? (Crantor, dit Proclus, le
considère comme de l'histoire pure : Platon, accusé d'avoir dans
sa République copié les Égyptiens, répliqua par le récit du
Timée, que confirment des inscriptions encore existantes en
Egypte p.
Parmi les anciens émigrants que l'on alléguait au temps de
Plutarque comme importateurs de mots grecs en Egypte, il faut
donc envisager en premier lieu les habitants de Sais, la pré-
tendue antique colonie d'Athènes.
Dans notre traité même de Plutarque, il se trouve un passage
qui va nous permettre d'indiquer avec vraisemblance le nom et
l'œuvre d'un des auteurs qui s'étaient occupés de toute cette
question (chap. XXXVll) :
'Ap'idTwv Totvuv ô ysypacpwç 'A^Yivaiwv aTrou'Iav é-iTToAT) tî-v.
'AAsçàpyo'j *j* 7rep!.7r£T£t.e vtiCoo; iTTOpzïzoLi oe.xal "lorioo; -jIoç wv b
A'.ov'ja-oç Otc' AiyjTTTiwv oiix "Oariptç âXXà 'Apo-acpT^ç év Téji oXcpa ypâjji-
uaT!. X£y£a-.5a!., SyjXoCivToç to àyopEiTov tol» ovép-aTo;. Au lieu de
(•) Lorsque Wilkinson (Manners and Customs of the anc. Egyptians, I, 47. 4, 248,
cité d'après Roscher, s. v. Nit, col. 434, 51) s'avise d'expliquer Nil (NH8) comme
étant le nom d'Atliéna retourné avec l'addition de deux a, il imagine une élymologie
qui est admirablement dans le goût des Grecs anciens.
(«) 1, p. 75, 30 et p. 7(3, 1-10, Dielil.
~ 106 —
Tzepnzé7eie vt/'Ioo; i^Tope^zœ. ok, le texte des éditions donne la jolie
correction de Valckenaer : rcepUTteo-ev, év r, Aïo; iTTopevrat. Elle
prête cependant à quelque doute, à cause de la suppression du os
qu'elle entraîne. Il y a donc lieu de craindre qu'il n'y ait devant
l^ToperTa'. une lacune irrémédiable, où peut-être il était parlé
d'un nom égyptien ^ritb pour Isis, de même qu'est cité ensuite
le nom Arsaphès pour Dionysos.
Pour un ouvrage qui s'intitule 'A^Tjvaiwv d^oiycia et qui signale
des recherches sur les noms des dieux égyptiens, on ne voit
guère d'autre sujet que l'étude de la colonie athénienne en
Egypte. Malheureusement, nous n'avons de cette œuvre que la
mention faite ici par Plutarque, et sur son auteur Ariston, de
même que sur l'Alexarque qu'il citait, on est réduit à des
conjectures.
Strabon (XVII, p. 790) rapporte qu'un de ses contemporains,
le péripatéticien Ariston, avait écrit un livre sur le xNil (tô Tzspl
ToG Neilou (3t.pX(ov) et qu'un autre philosophe, Eudoros, l'accu-
sait de l'avoir plagié (^). Cet Ariston est appelé Alexandrinus
par Apulée et il avait appartenu d'abord à l'Académie (-). Entre
les six Ariston que mentionne Diogène, celui-ci est le seul
auquel on pourrait penser.
Autre chose cependant est de consacrer un traité au problème
du Nil qui, depuis Thaïes, est un thème traditionnel des philo-
sophes, autre chose est d'écrire un livre d'érudition historique
sur la colonisation; il reste donc possible que l'Ariston de
Plutarque n'ait que le nom de commun avec le philosophe
d'Alexandrie. Il faut toutefois rappeler ici que, depuis le Timée,
(<) Cf. MiJLLER, FHG, III, pp. 324 et suiv. Les quelques textes relvitifs à cet Ariston
philosophe sont indiqués par Diels, Doxogr. gr.^ pp. 81 et suiv. ; cf. Zeller,
Philosophie der Gr., t. III, 4« édit., pp. 649 et suiv. Le Scolîaste d'Apollonius de
Rhodes, IV, 269, mentionne un Aristias de Chios pour une explication des crues du
Nil. On a corrigé en Ariston, mais il vaut mieux ici ne rien tirer de ce texte où il
faut, semble-l-il, rétablir Oinopidès de Chios avec Uiels, Doxogr. gr., p. 228, n. 5.
(2) Apuld opéra, III, p. 193, 16 rec. Paul Thomas. Cf. Diogène, VII, 164 et
Academicorum philosophorum index Herculanensis, éd. S. Mekler, col. 35, 8.
— 107 —
la question de la colonisation athénienne en Egypte était du
ressort des philosophes de l'Académie. Précisément Eudoros,
le rival d'Ariston, avait écrit un Commentaire du Timée : cf.
Plutarque, De animae procr, in Tim., 1013 B et 1019 B et suiv.
D'après 1020 C, dans son exégèse du Timée, Eudoros suivait
Crantor qui, nous l'avons vu, admettait le caractère historique
du récit de Solon.
Quoi qu'il en soit, le sujet que traite ici Ariston fait aussi
penser à l'Aristias de Chios qui est cité par le scoliaste d'Apol-
lonius de Rhodes comme un auteur de Kt{(T£lç et qui, prenant le
parti des Grecs dans la rivalité des peuples pour l'ancienneté,
avait appelé les Arcadiens Sélénites (^).
Pour achever de mettre la confusion dans cette question de
nom, nous allons voir bientôt intervenir encore un Aristéas
argien à propos d'une autre prétendue colonisation grecque en
Egypte.
En ce qui concerne l'Alexarque dont Ariston avait cité une
lettre, il faut songer au frère de Cassandre, le tils d'Antipater,
un bizarre érudit que Strahon (VII, p. 331, fr. 35) donne
comme le fondateur de la ville d'Ouranopolis. Héraclide Lembos
(IP siècle av. J.-C. ; chezr"Athénée, 111, 98 D et suiv.) rapporte
que cet Alexarque avait la manie de créer des mots : o'-a/véx-ou;
irAcnq zi<sryz^^y.zv , dp5poj36av p-sv tov àXexxp'Jova xaXéwv xal j3poToxépTT,v
Tov xoupéa xal tt^v Bpa^|jiYiV àpyjpioa, ttiv oe ^oiv.xa r,|jLepoTpo!^{oa xal
TÔv xT.p'jxa a7rÙTT,v. 11 cite ensuite quelques lignes d'une lettre
qu'Alexarque adressait aux magistrats de la ville de Cassandrea
(Potidée), et qui étaient inintelligibles pour l'auteur du Banquet
des Sophistes comme elles le sont encore pour nous : « Ce que
veut dire cette lettre, je pense qu'Apollon Pylhien lui-même ne
le devinerait pas w.
(*) ScOL. Apollon. Hh., IV, 264 : ol 'Apxâoe; ooxouat Ttpo tf,; (T£Xt^vti<; Ysyovsvai,
ojt; xal Euûo^o^ èv Fy]; Treptdôqj... Kat 'Aptcrcta; 6 XTo; sv xaKç Ktîffîat (corr. Rulgers
au lieu de .SrÉaEai ms.) xal Aiovuaiof; ô XaXxiosù; âv Trpioxtji Ktiaetuv xal e3vo; çpaalv
Apxa8ta<; HsXTjvtxa; etvai. Mvaasa;; Bé cpT^di Ilpoaî'XTivov 'Apxâowv ^SaffiXeOffat.
— 108 —
Par une rencontre singulière, un grammairien nommé Alexar-
que, vaniteux au point de s'être assimilé au Soleil, avait été
cité par Aristos de Salamine, auteur d'une histoire d'Alexandre
(IP siècle av. J.-C.) (^). Cette rencontre prouve qu'Alexarque a
joui d'une certaine notoriété, mais elle n'autorise pas à écrire
dans notre texte de Plutarque "Api^rTo; au lieu d'Ariston.
Puisque, d'après Héraclide Lembos, Alexarque se créait une
langue spéciale, il a pu être de ces gens qui, selon Plutarque
(chap. LXI), allaient chercher au loin des locutions particu-
lières, des yXwTTai que l'on taxait de barbarisme. Il aura ainsi
choisi comme équivalent de Dionysos en Egypte, non point
Osiris, mais Arsaphès (Har-schafet), un dieu dont le nom (âvrip
cracpYiç ; cf. SriXoOvToç to ày^peioy toO dvô(i.aToç) s'expliquait mieux
suivant ses théories linguistiques. L'énigmatique sv tkjj à//^a
ypâjjitjLaT!. indique peut-être aussi une valeur symbolique que cet
original attribuait à la lettre a (^).
*
Nous avons rappelé, au début de ce chapitre, combien la
thèse de la colonisation égyptienne dans le Péloponèse était
fortement établie par les anciennes traditions. Il n'en est que
plus intéressant de montrer que cette thèse, elle aussi, a été
retournée dans le sens hellénique.
0» Clément, Protrept., IV, 54, 3, p. 42, 12, Stâhlin : Ti ijle o€i xaraX^/eiv
'AXsçap^ov (Ypa[X|j.XTtxô(; outO(; ttjv ETriaxT^fXTjv ysyovûy^, (bç laxopzi "Aptcno; 6
SaXa(jLivtoç, aÙTov )caT£(T^T)[jLàxi^Ev etç 'HXtov) ; Ce qui rend la question encore
plus embrouillée, c'est qu'il y a eu un autre Alexarque, auteur û'Italika (Muller,
FHG, IV, pp. 298 et suiv.), lequel, d'après une bonne conjecture (sicnt alexar
historiciis graecns et AristoniciLS referunt chez Servius, Ad Virgil. Aen., Ill, 334),
est cité à propos des mots C/iaonios Campos justement à côté d'Aristonikos, le
grammairien de l'époque d'Auguste.
(2j A la fin de l'article sur "AXcpa que nous avons cité plus haut p. 84, à propos
de Moïse, on lit (Bekker, Anecd. graeca, p. 382, 2) : àXcpa ôè xaXeTxai xal 6 "Oatpt;
uuo BipXîoov. Ce rapprochement indique tout au moins comment, à propos de la
lettre alpha, on peut trouver une mention d'Osiris, — et aussi d'Arsaphès.
— 109 —
Ici, les Grecs possédaient tout d'abord, pour y rattacher leurs
prétentions, la fable de l'antiquité prélunaire des Arcadiens.
Entre ceux-ci, les Égyptiens et les Phrygiens, il existait à ce
sujet une rivalité bien connue et l'on peut lire, notamment chez
le scoliaste d'Apollonius de Rhodes (IV, 262 et 264), les noms
de beaucoup d'écrivains qui avaient pris parti en faveur des uns
ou des autres dans la question. Hippys de Rhégiinn passait
pour avoir donné le premier, dès le V* siècle, le nom de
npoTsVovot anx Arcadiens (Vj.
Les arguments allégués de part et d'autre étaient déjà bien
connus à Athènes en 428. En effet, lorsque le Socrate d'Aristo-
phane, pour montrer au vieux Strepsiade combien il retarde
sur son temps, le traite de pexx£<T£ÀYive, il forge un mot qui
combine l'épithète lunaire des Arcadiens avec le mot phrygien
signifiant « pain », psxxôç ou pexôc, : c'est le mot qui, lors de la
fameuse expérience du roi d'Egypte Psammélique, avait fait
trancher en faveur des Phrygiens la question d'antiquité C'^).
On sait aussi que la légende conduisait l'argienne lo dans ses
courses jusqu'aux rives du Nil, où elle donnait à Zeus un fils
nommé Épaphos (^). Il épousait Memphis, la fille <hi ]\il, et
appelait du nom de celle-ci la ville qu'il fondait {*). Hérodote
dit — et il semble le dire comme une chose déjà notée avant
lui — qu'Épaphos est le nom grec de l'Apis égyptien (II, 153;
IIÏ, 27). Celui-ci, cependant, est toujours pour lui simplement
le taureau divin de Memphis. Avec sa tendance ordinaire en ces
questions d'origine, Hérodote entend par là certainement, non
point que les Égyptiens ont animalisé l'Épaphos des Grecs,
mais, au contraire, que les Grecs ont humanisé l'Apis des
Égyptiens. En tout cas, ceux ci n'acceptaient pas l'identification
(•) STEPHAN. ByZ., s. V. 'Apxâs; = MULLEK, FHG, II, p. 13.
(-) Aristophane, Nuées, 398, avec le scoliaste; Hérodote, II, 2.
(3) Eschyle, Suppliantes, 17, 45 el suiv. ; Prométhée., 844 cl suiv. (éd. Kirchhoff).
Bacchylide, XVllI. 39 etsuiv. Apollod., liibL, II, 1, 3, 6-8.
(*) Apollod., Bibl., II, i, 4, 1. Pindare, Ném., X, 5.
— HO —
de leur Apis avec Epaphos ni sa descendance de Targienne lo et
ils revendiquaient pour le premier Apis une antiquité infiniment
plus reculée (^). J/Apis grec ayant été présenté déjà par Eschyle
comme un grand médecin (^j, une autre version, dont rien
ne nous permet de déterminer la date, avait prétendu que l'Apis
égyptien avait le premier apporté la médecine dans l'Hellade {^) ;
c'est peut-être le même Apis qui, suivant d'autres, avait sur leur
demande donné aux Grecs leur première législation ('*).
Pour constituer la thèse hellénique que nous recherchons, il
fallait donc enlever Apis lui-même aux Egyptiens, voir dans son
nom un mot importé de l'Hellade et tirer de là les conséquences
historiques dont les Grecs sont coutumiers. Ici, les prétentions
grecques furent de nouveau servies par une de ces coïncidences
de noms que l'on trouve toujours quand on les cherche de parti
pris. Une vieille appellation du Péloponèse, Apia, avait natu-
rellement fait imaginer un héros éponyme Apis (^) et c'est du
nom de cet ancêtre que la tendance évhémériste s'arma pour
s'annexer l'Apis égyptien. La fable à laquelle finit par aboutir
cette assimilation nous est rapportée le plus complètement par
saint Augustin [Cité de Dieu, XVIII, 5) qui suit ici Varron :
(c En ce temps-là, le roi des Argiens, Apis, ayant passé en
» Egypte avec ses navires et y étant mort, devint Sérapis, le
)) plus grand de tous les dieux des Égyptiens. Pourquoi après sa
)) mort il fut appelé non plus Apis, mais Sérapis, Varron en a
(») ÉUEN, Nat. an., XI, 10.
(«) Suppliantes, 252-260.
i^) Suidas : "Atciç. ^eo; AtyoTixtcov. "Oxi 6 "Attiç 6 AiY'J7rTio<; xtjv taxpiXTjv Trpôixo;;
sic X7)v 'EXXàôa [XExaxofJLiaat Xéyexat. Cf. SuiDAS, s. V. rpà{X|xaxa = ThéodoRET,
Graec. affect. curatio, I, 20, p. 10. 5 et suiv., éd. Raeder, d'après Clément
d'Alexandrie, Stromata, I, 16, p. 48, 13, Stahlin.
(*) Porphyre, De abstinentia^ III, 15, p. 204. 21, Nauck. D'autres atlribuaient
cette législation à Phoroneus, père de l'Apis péloponésien. Cf. Roscher, s. v.
Phoroneus, col. 2436, 44 et suiv.
{^) Eschyle, Suppliantes, 250 et suiv. ; Agamemnon, 243, éd. Kirclihoff' — et très
souvent après lui.
— 111 —
donné une excellente explication. Le cercueil où l'on dépose
un mort, que nous appelons tous maintenant sarcophage, se
dit en grec (7op6ç, et c'est dans son cercueil qu'on commença
à honorer Apis après sa sépulture, avant de lui avoir construit
un temple : à cause des mots soros et Apis, il fut appelé
d'abord Sorapis, puis, par le changement d'une lettre comme
il arrive fréquemment, Sérapis. Il fut, en outre, ordonné que
quiconque aurait dit qu'il avait été un homme subirait la peine
capitale. Presque dans tous les temples où l'on honorait Isis
et Sérapis, il y avait une statue qui, un doigt placé sur les
lèvres, semblait avertir de garder le silence : cela signifie,
pense Varron, que l'on devait taire qu'ils avaient été des
hommes. Quant au bœuf que par l'effet d'une vaine et éton-
nante illusion l'Egypte nourrissait dans les délices en l'hon-
neur du dieu, comme on l'adorait vivant sans sarcophage, on
l'appelait Apis et non Sérapis ».
La même donnée se trouve dans h Chronique d'Eusèbe et de
Jérôme (^) :
'Apyeiwv y' éjBao-iXe'jo-sv ^Xiziç Itt^ Xe. Ïo'jtov tov ''Atc'Iv <^r\v',... xal
HàpaTit-v xkr\.Br\ycfL'.. OOtoç tov àoeX^pov Aiyt-aAsa Triç 'XyjxioL^, wç cpao-».,
xaT£a-T7i(T£ paTt.Xsa' aùxoç £''; A'ryjTiTov £(TTâÀTj aùv oyAw. De là, chez
Jérôme : « Aiunt hune Apim esse Serapim. Siquidem cum fra-
trem Aegialeum regem praefecisset Achaiae, ipse cum populo ad
Aegyptum navigavit )>.
Je transcris ces textes parce que les termes aùv oy).iù, cum
populo, montrent qu'on avait parlé de l'arrivée, non d'un héros
isolé, mais d'une véritable troupe colonisatrice. C'est ce qu'im-
plique aussi l'expression de saint Augustin : Apis 7iavibus
transvectus in Aegyptum.
Sans doute, il serait vain de vouloir établir avec précision
quel est l'auteur qui a mis le premier en circulation la légende
de la colonisation de iMemphis par le roi péloponésien Apis.
(1) KusÈBE, CÂron., éd. A. Schoene, vol. II, p. 17, anno 271 a Abr.
— H-2 —
En tout cas, elle a été opposée de bonne heure aux fantaisies
d'Hécatée d'Abdère. En effet, les termes comme le contexte de
Tétymologie de Sarapis, çropô; "XtjZo^, qui est attribuée à Nym-
phodore, supposent déjà la légende connue de celui-ci (Clément
d'Alexandrie. Stromata, I, !21, 106, 4, p. 68, 20, Stàhlin) :
""Att!,; t£ 0 "Apyo'jç [Bao-iXeù; MÉp-'^t-v oCxiÇei, wç (pT,0"t.v 'Ap'!aT'.7:7roç év
TTpwT'/] 'ApxaoLxwv. TouTov os 'Ap'.TTÉaç ô 'Apysioç é7rovoii.aa-5f,va{ '^7,ot.
SàpaTi'.v xal toGtov eiva', ôv ki-^diziioi a-épo'jo-'.v, N'j|i.»ôoo)po; ok 6
'Ap.(p!.TCoXiTT,;, X. T. X.; la suite est le texte de Nymphodore que
nous avons étudié plus haut (chap. IV, pp. 23 et suiv.).
On a vu (p. 24) que Nymphodore a écrit au temps de Pliila-
delphe et probablement avant 260. Il est de beaucoup le |)lus
naturel d'attribuer l'invention de l'argivo-égyptien Apis à l'amour-
propre local d'un auteur d'Arkadika, tel que cet Arislippe que
Clément mentionne avec l'argien Aristéas avant Nymphodore
lui-même. Malheureusement, sur cet Arislippe, nous ne savons
rien de précis et nous n'avons que quatre brefs fragments (iMiiller,
FHG, IV, p. 827). Quant à notre Aristéas d'Argos, il n'est cité
nulle part ailleurs, si bien que son nom même a été oublié dans
l'Encyclopédie de Pauly-Wissowa. Il a été question plus haut
d'un autre écrivain à peu près homonyme, Aristias o Xw;, qui avait
appelé Sélénites un peuple de l'Arcadie (^). M. Ed. Schwartz (^)
place Aristippe au plus tard au IP siècle avant Jésus-Christ.
L'antériorité qu'il paraît avoir vis-à-vis de Nymphodore serait
une raison pour faire remonter l'époque de sa vie jusqu'au
IIP siècle. Peut-être même pourrait-on aller au delà et le dater
du IV*' siècle.
En effet, Diogène Laërce (II, 83), énumérant quatre Aristippe
(*) Voir le texte du Schol. d'Appollon. Rhod., IV, 264, rappelé plus haut, p. 107,
n. 1. On ne peut rien conclure de la coïncidence curieuse qui fait qu'en 272, lors
de la présence de Pyrrhus dans le Péloponèse, un Aristippe était à Argos le chef
du parti favorable à Antigone Gonatas, tandis qu'un Aristéas était le chef de l'autre
faction qui afipela Pyrrhus (Plutarque, Pyrrhus, 30).
(*) Pauly-Wissowa, s. V. Aristippos 7.
— 113 —
dans un ordre qui semble bien chronologique, place le nôtre au
second rang (oeÙTspo; 6 -à Tiepl 'Apxaoiaç yeypa^wç) après Aristippe
de (]yrène, et avant un troisième Aristippe qui est le fils de la
fille du premier et qu'il eût été très naturel de rapprocher de
son grand-père. L'historien patriote de l'Arcadie pourrait donc
être encore plus ancien et avoir appartenu à la première généra-
tion qui suivit celle d'Aristippe de Cyrène (ujort vers 356).
C'est, comme on sait, l'époque où, depuis la bataille de Leuctres,
l'Arcadie connaissait une renaissance politique et nationale.
Ces divers textes montrent que la relation de l'Apis pélo-
ponésien avec Sarapis s'est accréditée de bonne heure. On n'est
pas en droit cependant d'invoquer à ce sujet Apollodore lui-
même, car la mention qu'on lit dans sa prétendue Bibliothèque
(II, i, 1, 4) ne peut, dans sa teneur actuelle, provenir d'un
savant tel que lui : « Apis, fils de Phoroneus, gouverne tyran-
niquement le Péloponèse auquel il donne le nom d'Apia; il est
tué par ïhelxion et Telchin, ne laisse pas d'enfant et, considéré
comme dieu, il est appelé Sarapis ». A prendre à la lettre cette
notice où sont rasseniblées des données inconciliables, Apis
n'aurait point passé en Egypte et l'on devrait admettre que
le culte de Sarapis lui-même avait son origine en Grèce. Cet
abrégé informe est à retenir simplement parce qu'il montre
que la légende a été popularisée par les manuels mythogra-
phiques (^j.
(*) On sait qu'il a plus tard existé dans l'Egypte byzantine une province appelée
Arcadia, depuis 386 au plus tôt; cf. M. Gelzer, Studien zur byzantinischen Ver-
waltung Aegypens dans Leipziger histor. Abfiandl.^ XIII, pp. 8-9. D'après Eustathe,
(Comment, in Dionys. Perieg.,'iM dans MOller, Geogr. gr. minores, II, p. 261), ce nom
fut donné à l'ancienne province Heplanomia en l'honneur de l'Auguste Arcadius
(depuis le 16 janvier 383). On peut se demander si les rapports mythiques de cette
région avec le Péloponèse n'ont pas contribué à la faire choisir pour recevoir le
nom d'Arcadie. Mentionnant, à propos de la vie d'Antoine l'Ermite, la ville d'Héra-
clée, SozoMÈNE {Hist. eccL, 1, 13, 2) ajoute : tt)? Trap' AlyoTcxtoi; 'Apxotffi. Ce mode
d'expression pourrait être antérieur à la dénomination officielle de la province.
8
— il4 —
Laissant de côté cette source suspecte, nous rencontrons, en
tout cas dès le II" siècle avant Jésus-Christ, un nouvel écrivain
péloponésien, Mnaséas, qui avait traité les légendes anciennes
in majorem Arcadum gloriam. Mnaséas, un généalogiste for-
cené, était de Patrae, et non de Patara en Lycie comme l'indi-
quent souvent les sources; sa tendance fournit pour sa véritable
origine un indice que l'on n'aurait pas dû méconnaître. Lui
aussi (^) vante l'antiquité fabuleuse des Arcadiens; un de leurs
rois s'appelait Prosélénos (fr. 4) ; chez eux, Endymion a décou-
vert le cours de la lune (fr. i); chez eux aussi, semble-t-il,
Athéna Hippia, pour qui l'on avait une généalogie indépendante,
avait enseigné à atteler les chars (fr. ^; cf. Cicéron, De nat.
deor., m, 59) ; c'est encore dans le Péloponèse que l'on a trouvé
l'élevage des bœufs (fr. 7) et l'usage du miel (fr. 5). On sait
que, de même qu'ils rivalisaient pour l'origine des dieux et des
hommes, les divers pays revendiquaient à l'envi les inventions
utiles : pour les égyptomanes, par exemple, même « l'invention »
de l'olivier était l'œuvre de l'Egypte, non d'Athènes (^). D'après
cette tendance générale, il est vraisemblable que parlant de
Dardanos (fr. 28), Mnaséas avait été de ceux qui rattachaient la
race troyenne à l'Arcadie et préparaient ainsi à celle-ci des titres
à une parenté avec Rome (^).
A propos de l'Egypte, Mnaséas avait connu l'identification
Dionysos-Osiris-Sérapis, et naturellement il les avaient réunis
tous les trois avec le grec Epaphos (Plutarque, De hide,
XXXVH). En fait d'identifications du même genre, Antikleidès
d'Athènes (Plutarque, ibid.), qui écrivait au IIP siècle (^), avait
fait d'Isis la fille de Prométhée et la femme de Dionvsos. Isis
(*) MuLLER, FHG, III, 149-158.
(«) DiODORE, 1, 16, 2.
(') Denys d'Halicarnasse, Antiquit. Rom., I, 61, 62, 68, 69.
(*) Scriptores rerum Alex. Magni, Mullkr, pp. 147-152. Cf. Schwartz dans Pauly-
WissowA, s. V. Antikleidès 2.
— 115 —
était peut-être ici identifiée à lo comme elle l'est par Istros, qui
rapportait également cette généalogie (*).
*
*
Je ne songe pas à épuiser les témoignages relatifs à de pré-
tendus établissements antiques des Grecs en Egypte, et il n'y a
pas lieu de faire, par exemple, intervenir ici des expéditions
comme celles de Persée, d'Héraklès ou des Argonautes qui ont
un caractère vraiment trop mythique (^). Mais je crois devoir
m'arrêter encore quelque peu à un groupe de données qui se
rapportent aux retours des héros de la guerre de Troie, car ce
sont là des traditions qui, pour la généralité des Grecs, avaient
un caractère parfaitement historique.
On sait que l'Odyssée (o 126,2^8,851) et, sans doute avec
plus de détails, les Nostoi faisaient aborder en Egypte Hélène et
Ménélas à leur retour de Troie. C'était là, suivant Hérodote
(II, 116), une trace de la vérité historique, qu'Homère avait
déformée dans un but poétique, mais qui s'était conservée
fidèlement par la tradition des prêtres égyptiens (II, 112-120) :
Alexandre et Hélène avaient été jetés par les vents à l'embou-
chure kanobique du Nil. Les serviteurs d'Alexandre fuient dans
un temple d'Héraklès qui a le privilège d'affranchir les esclaves
et ils dénoncent le rapt d'Hélène aux prêtres et à Thonis, le
gardien de la bouche du Nil. Alexandre est envoyé à Memphis
(*) ClémExNT, Stromata, I, 21 106, 1, p. 68, lo, Stâhlin. Cf. Apollod., Biblioth,,
II, 1, 3, 8.
(*) Dans un travail tout récent {Kyrene. SagevyescfiichUichâ und histœ^che (Jn-
tersuchnngen, 1^1), M. Ludolf Malien suppose que le poète liésiodique des Éées
avait transporté la patrie de l'éponyme libyenne, la nymphe Kyréné, dans le sud
de la Thessalie, pour la faire aller de là en Afrique avec Apollon. Le détail est
à rapprocher de faits analogues que nous avons indiqués, et il montrerait dès le
Vile siècle une tendance politique à étendre la suprématie de l'Apollon Delphien
bien au delà des limites de la Grèce.
— ilG —
auprès du roi d'Egypte, Proteus, qui épargne sa vie, mais garde
Hélène et ses biens jusqu'à ce que Ménélas vienne les reprendre.
On sait la fortune poétique qu'obtint une forme analogue de
cette légende chez Stésichore et chez Euripide. Envisageant
uniquement ici ce qu'elle est devenue dans la littérature histo-
rique, je rappellerai que M. Diels (^) a découvert à la base du
récit d'Hérodote des explications étymologiques provenant de
son prédécesseur Hécatée de Milet. Celui-ci avait notamment
donné comme éponyme de la ville de Kanobos le pilote
( xupepvTiTYiç ) de Ménélas, Kanobos, qui était mort en cet
endroit (^) ; Hélène elle-même avait laissé son nom à un lieu
voisin (^). La critique rationaliste d'Hécatée de Milet avait donc,
suivant la coutume invétérée des Grecs, cherché des renseigne-
ments historiques dans les étymologies : Hélène et Ménélas
étaient réellement allés en Egypte parce que les noms Hélène,
Proteus, ïhonis, Kanobos, Pharos (*), qui jouent un rôle dans
(*) Herodot und Hekataios dans Hermès, XXII (1887), pp. 441 et suiv. Cf. Diels, Die
Anfànge der Philologie bei den Griechen dans Neue Jahrbiicher, XXV (1910). p. 5-
(2) Strabon, XVII, 801; Aristide, II, 48-2; Skylax, p. 43 H, 32 Fabr. Ces trois
textes sont cités par Diels. Ajoutons que dans un récit intéressant de Rufin {Hist.
eccL, XI, 26; cf. le texte grec de Georges le Moine, p. 485 éd. Murait, dans l'éd.
Mommsen p. 1033), il se trouve la mention curieuse d'une vieille statue de Canope
qui passait pour représenter le pilote de Ménélas : TtaXaiou àyaXfjLaTo*; ttjv xE^aXi^v,
oirsp eXsysTo MeveXdtou Ttvo(; xupepviQXou yByevr^a^cn.
(3) Fr. 288 : 'EXév£tO(;, iÔtzo^ Tcepl xq> KavtoPy 'Exaxaîoç TrEptTjyTîaet At^uxâiv.
(*) Fr. 287 : ^àpo<;... "'Eati yàp àpasvixov ootw yàp eTri M£veXaou èxaXstxo
itpi}>peu<;* àXXà yàp tô ^tjXuxÔv èitl ttjç vt^(tou au' autou to ovo(xa Xa^oûffr,;;, cîx;
^T|<Tiv 'Exaxoto;.
Je signale à propos de Pharos un texte que l'on n'a pas encore rapproché et qui
pourrait avoir conservé quelque chose d'Hécatée ; Scol. Hom., o 35o (=*= Anticlides,
fr. 12, dans Scriptores rerum Alex. Magni, Mûller, p. 149) : 'AvxixXEi'oTi; laxopei
Sxi TTO^oùaa MevÉXaov 'EXê'vt) Xdt^pa è'^eidi xt^<; TzôXtoiç, xat Rapixôv eupoûffa
TrXoTov TrapaxaXet xôv vauxXripov, Sç ExaXelxo <^àpoç, Et; AaxEÔat'fxova aùxTiv
aTTOxaxaaxTÎaai. XEtixaa^evxE*; SI ^xov eI; A'rfUTzzov. xat èw.^ih xtj; vEtix; airoSâvxa
xôv $àpov o(pt(; àvatpsT. 'H Se 3^à<];a(Ta aùxôv ouxca; wvdfxaaE x^jv vîjaov. Ici Pharos
porte le titre vague de vauxXTQpoç, tandis que chez Hécatée son titre de 'jzpt^pzûç
(second) le distingue du pilote (xupepvT^xYj;), Kanobos.
— 117 —
cette légende, peuvent être mis en rapport avec des mots
égyptiens. Ainsi, devançant les prétentions athéniennes et pélo-
ponésiennes que nous avons d'abord étudiées, l'époque ionienne
avait appuyé sur les noms là thèse des rapports anciens entre
la Grèce et l'Egypte.
118 —
XIV
L'origine sinopique de Sarapis
Au début de cette étude, j'annonçais que je ne croyais pas à
l'origine sinopique du culte de Sarapis, telle qu'elle est rap-
portée par Plutarque, par Tacite [Hist., IV, 83 et suiv.) et par
Clément d'Alexandrie {Protrepticus , IV, 48, p. 37, 5, Stàhlin).
M. Isidore Lévy dans un travail récent en a démontré définitive-
ment, me paraît-il, le caractère légendaire et je ne reprendrai
pas dans le détail la question après lui. Une seule chose dans
la version sinopique intéresse le sujet que nous avons traité :
c'est son origine étymologique.
Comme le soupçonnaient Jablonski et Guigniaut, comme
l'ont nettement aperçu Brugsch et Lumbroso, le nom de la
ville pontique est entré dans la légende pour expliquer l'épi-
thète de Sinopites qui était quelquefois donnée au grand dieu
alexandrin (^).
Denys le Périégète (^) parle du Sarapeion comme de la
grande demeure du Zeus sinopite :
Avec les égyptologues qui viennent d'être cités, je suis tout
disposé à admettre que Sarapis était sinopite parce que Sivwtiwv,
transcription de Se-(n)-Hpi qui, dans le décret de Rosette,
répond à 'ATiierov, est le nom du temple d'Apis. Le commenta-
(*) Je résume ici Isidore Lévy, Sarapis, Revue de VHistoire des Religions, LXI
(1910), p. 171, qui donne également l'énumération des travaux de ses devanciers.
(2) Vers 255, dans Geogr. gr. min., t. II, p. 116, Muller.
— 119 ~
teur de Denys glose ainsi le vers cité plus haut : S'.vwTrixr,; 6Ï
Zeûç, T» ô MsucpiTYi;. i:woj7rwv yàip opoc; Mejjicpioo; (^), et le Pseudo-
Callisthène sait également que le Sinopion est le grand sanc-
tuaire memphite (^).
La majorité des critiques récents (^) considère l'introduction
de la Sinope pontique dans l'histoire de Sarapis comme l'œuvre
d'un étvmologiste expliquant un terme memphite (twwttwv)
dont le sens était oublié ou intentionnellement méconnu. Xe
pourrait-on pas conjecturer en outre que le Sarapeion d'Alexan-
drie (Rhakotis), élevé très haut non loin de la mer, avait reçu,
par opposition avec le temple de Memphis, quelque épithète
tirée de la mer (ttovto;), ce qui aurait donné une raison de plus
de songer à la Sinope pontique?
Quoi qu'il en soit, il me paraît que l'explication étymologique
reçoit une confirmation nouvelle grâce aux cas analogues où
nous avons vu les mots ainsi interprétés, par une sorte de
calembour, en faveur d'une thèse nationale. C'est ainsi que le
sairei égyptien a fait penser à craipetv grec, l'Apis de Memphis à
celui du Péloponèse, Osiris à 6 Ssîpwç, Kopto à xottte'.v, et ainsi
de suite. Après tout, il n'est guère plus étrange de voir un
helléniste ancien songer à la ville de Sinope à propos de l'ori-
gine de Sarapis Sinopitès qu'il ne l'est de voir un savant
moderne de premier ordre s'expliquer le nom Sarapis en invo-
quant un vague homonyme babylonien, Sar apsi, qu'il fait
arriver en Egypte par la voie de Sinope (^).
(*) EusTATHE dans Geogr. gr. min., t. II, p. 262. Je noierai que le Sarapeion
d'Alexandrie était aussi très élevé : on y montait par plus de cent degrés (Rufin,
Hist. eccL, XI, 23).
(2) Pseudo-Callisth., I, 3, éd. Muller, p. 3, note, leçon du Cod. L : Les Égyptiens,
interrogeant Héphaistos après la disparition du roi Neclanébo, sont renvoyés icpi;
TÔv àopatov xoû Sivcottiou. Cf. ISIDORE LÉVY, art. cité, p. 171, n. 10. — Pausanus,
I, 18, 4, dit aussi que le temple le plus ancien de Sarapis est à Memphis et la
version est connue également de Tacite, Hist., IV, 84.
(5) Voir l'indication de leurs noms et de leurs travaux chez Lévy, art. cité, p. 173.
{*). Lehmann-Haupt, dans le Lexikon de Roscher. s. v. Sarapis, col. 340.
— 120 —
Il est assez vraisemblable que, suivant l'opinion de MM. Bou-
ché-Leclercq et Isidore Lévy, Apion a, je ne dirais pas inventé
de toutes pièces, mais auiplifié le conte sinopique et qu'il a
ensuite été la source des auteurs latins, à savoir de Tacite et
peut-être avant lui déjà de Pline (*). En tout cas. la légende
paraît récente et elle n'est pas encore connue de Varron dont
nous avons rapporté plus haut (p. ilO) la version relative à
Sarapis.
Quant à Plutarque, je croirais plutôt qu'il dérive d'une des
sources d'Apion. En tout cas, Plutarque ne semble pas connaître
la version parallèle qui fait venir la statue de Sarapis de Séleucie
de Syrie, version remontant à Isidore (de Charax, géographe
contemporain d'Auguste?), et que Tacite et Clément (^) ont
peut-être connue indirectement par le récit déjà contaminé
d'Apion. Nous verrons que Clément, pour supprimer le miracle
païen du récit sinopique, lui substitue le thème de l'envoi de
blé fait en faveur de Sinope par Ptolémée Philadelphe, thème
qu'il emprunte à la version séleucienne. A propos de cette
dernière version, M. Isidore Lévy fait observer très justement :
« Dans la pensée de l'auteur syrien (Isidore), la statue qu'Ever-
gète reçut des Séleuciens et dont il orna le Sérapéum n'était
sans doute pas identique au colosse » (art. cité, p. 177). L'his-
toire d'un envoi de blé fait par Ptolémée n'est pas à sa place
dans la version de Sinope. Mais justement elle ne se trouve pas
chez Plutarque, et le fait qu'elle apparaît chez Clément est une
preuve de contamination.
Tout en n'admettant pas comme historique le fait du transfert
d'une statue de Sinope à Alexandrie, je n'irais pas cependant,
avec M. Isidore Lévy, jusqu'à affirmer que Sinope ne rendait
aucun culte à Pluton.
On n'a pas remarqué en effet que, chez Plutarque, chaque
(^) Isidore Lévy, art. cité, p. 186, n. 6.
(2) Tacite, HisL, IV, 84; Clément, Protrept., IV, 48, 3, p. 37, 18, Stahlin.
— 121 —
fois qu'il s'agit du dieu de Sinope (*), le nom employé est
toujours celui de IIaojtwv. Au contraire, dans les explications
de Sarapis qui suivent aux chapitres XXVIII et XXIX de
Plutarque et qui sont toutes, nous l'avons vu, beaucoup plus
anciennes que la fable sinopique, le dieu qui est comparé à
Sarapis s'appelle toujours "kù>r^ç. L'auteur de l'invention du
transfert avait donc les meilleures raisons de se servir à son
tour de ce nom d'Hadès pour présenter son original sinopique.
S'il ne l'a pas fait, c'est précisément qu'il était lié par une
réalité historique, je veux dire le fait que le dieu vénéré à
Sinope s'appelait Pluton, et c'est encore cette réalité historique
qui a corroboré à ses yeux l'étymologie dont il s'était avisé.
Chez Clément d'Alexandrie (^), nous lisons, au sujet de
l'origine de Sarapis, d'abord une première variante du récit
sinopique où apparaît, très visible, une tendance chrétienne au
dénigrement. Les habitants de Sinope font don à Ptolémée
Philadelphe de la statue de Pluton, en témoignage de recon-
naissance pour le blé qu'il leur avait envoyé pendant une
disette : ce motif banal est introduit afin de supprimer le
miracle de la version païenne (^). Ptolémée élève le temple de
Sarapis à Rhakotis et y transporte les restes de la courtisane
Blistiché, que l'auteur chrétien voudrait peut-être ici substituer
à Isis ou à Koré.
Vient ensuite une seconde variante : "Xllo'. U (oadi tcovtuov
eivat. PpsTaç tov SàpaTriv, (jLSTriy^.S'a'. os £•'? 'AXeÇâvopeiav tjieTà TiaT.ç
TravYiyjpwYii;. « D'autres disent que Sarapis est une idole pontique
et qu'elle fut transportée en grande pompe à Alexandrie. »
(*) De Iside, XX VIII; De sollertia an., 36, p. 984 B; de même chez Clément,
p. 37, 12, Stâhlin. Toutefois, c'est aussi du nom de Plulon que s'étaient servis
Archémaque d'Eubée et Héraclide Pontique pour désigner Sarapis ; cf. Plutarque,
De Iside, XXVII, et plus haut, pp. 9 et 10.
(*) Protreplicus, pp. 37, 5 et suiv., Stâhlin.
(5) Nous avons vu que cette explication est inconnue de Plutarque et est emprun-
tée à la version séleucienne d'Isidore de Charax, version qui vient un peu plus loin
chez Clément et que Tacite a aussi reproduite, peut-être d'après Apion.
— 122 —
Au fond, il ne peut s'agir, ici encore, que du récit sinopique,
et même du récit véritablement accrédité dans la tradition
païenne, d'un récit à tendance religieuse tel qu'il se présente
chez Plutarque et chez Tacite. Mais Clément, ou l'auteur qu'il
copie, après s'être complu à exposer l'arrangement tendancieux
qui est l'interprétation des esprits forts chrétiens, indique la
version purement païenne en deux lignes où il fait encore entrer
un mot de nuance plutôt péjorative « ppéTa; ». Avec le contexte
et dans leur obscurité, ces deux lignes doivent faire croire à
tout lecteur pressé et non instruit par ailleurs que les mots
7rovT',xôv jiipÉTaç veulent suggérer pour Sarapis une origine tout à
fait nouvelle et qui n'a plus rien de commun avec l'arrivée de
Sinope.
M. Ernst Schmidt (^) a bien vu que c'est ainsi qu'il faut
entendre le passage, et il propose d'y attribuer au mot ttgvt'.xôç
le sens nouveau de « provenant de la mer ». Mais ce sens, en
supposant qu'il ait existé, éveillait encore une idée de miracle
que les chrétiens ne pouvaient accepter et qu'ils devaient chercher
à tourner en dérision. Le premier d'entre eux qui a isolé
l'expression tuovtwov |3p£Taç n'aurait pas songé à un pareil arti-
fice, s'il n'avait découvert un moyen de la faire servir ainsi à
quelque intention méprisante.
Détachons maintenant de tout contexte les mots : ttovtlxov
sivat ppÉTaç Tov Hàpaut-v ; rappêlons-nous qu'au rapport unanime
des historiens, Alexandrie est la ville où les luttes religieuses
se déchaînèrent aux premiers siècles avec le plus de passion et
de violence : nous aurons l'impression que dans les mots
7rovT!.xov ppÉTaç il y a un spécimen des injures que les fidèles du
Christ lançaient aux adorateurs de Sarapis.
11 s'y trouve une injure — et un calembour peut-être ! A force
de voir nos auteurs faire pour les besoins de leurs polémiques
les jeux de mots les plus extraordinaires, on en viendrait à se
(*) Kutlûbertragimgen, p. 34, n. 6.
— 1:23 —
demander si quelqu'un des chrétiens qui employa l'expression
ne songea pas à un sens bien connu, mais ici singulièrement
forcé et inattendu, du mot tcovtuoç (i), et s'il ne s'avisa pas de
faire dire à ce mot lui-même que l'idole n'était qu'une « statue
à rats ». On sait combien les polémistes chrétiens (') s'amu-
sèrent de l'idée que, en fait de présence réelle, il n'y avait, dans
la charpente des chefs-d'œuvre de Bryaxis et de Phidias, avec
des toiles d'araignées, que des nids de rongeurs. Cette plai-
santerie facile contre l'idolâtrie doit remonter assez haut et on
la rencontre notamment chez Lucien (^).
Est-ce en raison d'un calembour sur le mot ttovtixô; ou sim-
plement à titre de lieu commun que le détail des rats habitants
des statues a trouvé place dans la tradition que nous possédons
de la destruction du temple de Sarapis? Cette tradition nous
est représentée par deux récits ("^j, celui de Rufin et celui de
Théodoret, lequel, comme il arrive fréquemment, voisine ici de
près avec son prédécesseur latin. Tandis que Rufin ne mentionne
pas le détail des rats, Théodoret se garde bien de priver la
narration d'un ornement qu'y avait sans doute introduit de
longue date la malignité alexandrine. Il s'exprime à peu près
comme il suit :
« I/évêque (Théophile d'Alexandrie) monta au temple (c'était,
(*) Aristote, Hist. an., VIII, 17, p. 600 B, 13 : 6 (xu; 6 IIovtixo^; ibid., IX, 30,
p. 632 B, 9 : d( te (xuec o\ IlovTtxot. Pline, Hist. nat., VIII, 132; X, 200 : Pontici
mures. La rareté du mot dans les textes littéraires ne prouve aucunement qu'il n'a
pas été de bonne heure employé d'une façon courante dans la langue parlée. Ainsi,
c'est un hasard qui fait qu'Évagrius nous apprend quel était de son temps le nom
vulgaire du chat, Hist. eccL, VI, 23 : ai'Xoupov... Vjv xàxxav ii auvT^^si* Xiyti, —
On sait qu'en grec actuel le mot ancien (jlû; a complètement disparu de la langue
parlée pour céder la place et donner tous ses sens au mot wovrfxi; cf. Byzantinische
Zeitschrift, VIII (1899), p. 539, 1. 23.
(*) Arnobe, Xdversus nationes, VI, 16; MiNUCius Félix, Octavius, 22, 6; Tertul-
LiEN, Apologétique, 12, 7.
(5) Lucien, Le Songe ou le Coq, 24 : ew XÉystv (jl-jûv ttXtj^oc t^ (jLUYaXûv èfjiico-
Xtx£uo(jLSva)v auxoT<; eviote.
{*) Rufin, Hùt. eccl., XI, 23; Théodoret, Hisl. eccL, V, 22.
— \u —
» disent certains, le plus grand et le plus beau de la terre
» entière) ; il y vit la statue énorme et qui par sa grandeur
» effrayait l'assistance. Outre sa grandeur, une tradition nien-
» songère voulait que, si l'on y touchait, la terre tremblerait
» et qu'il y aurait une destruction universelle. Mais ne voyant
» là que des contes de vieilles femmes ivres et méprisant le
» colosse inanimé, l'évêque ordonna à un homme porteur d'une
» hache de frapper résolument Sarapis. Quand il eut frappé,
» tous clamèrent, par peur de la prédiction. Mais Sarapis, le
» coup reçu, n'eut pas de mal (car il était de bois) et il ne
» poussa pas de cri, étant privé de vie. Seulement, quand sa
» tête fut détachée, des rats se précipitèrent par troupes de
» l'intérieur : car ce n'était qu'une demeure de rats que ce dieu
» des Égyptiens (^). Alors on le découpa et on jeta au feu les
» morceaux; quant à la tête, on la traîna par toute la ville sous
M les yeux de ses sectateurs et en raillant l'impuissance de celui
» qu'ils adoraient. »
Il était dans la destinée du grand dieu égyptien, qui avait
fourni si longtemps un thème aux spéculations subtiles de la
science grecque, de terminer son existence cultuelle au milieu
des sarcasmes et des lazzi de la religion nouvelle qui triomphait.
1*) 'EtteiSt) 8è TT]v xs'faXTjv àcpTipe^'Tj, {xueç àycXTiôôv Èç£opa|j.ov è'vSoi'sv jx-jûv
yàp oIxTiTT^piov ^v 6 AiyuTrxtwv 3^£o<;.
TABLE ALPHABÉTIQUE
abeilles, 42, 43.
àeiSTic, 73-76.
aTjÔTri;, 73, 74.
Alaxoç, lo-17.
àtÔYi;, 71-78.
AlSwc, 71, 72, 75, 76, 78.
Alexandre Polyhistor, 7, 59, 83, n. 2.
Alexarqiie, 6, 83, 105 108.
Amen.thès, 79, 80, 88, 98.
'A|JLOUV, 85.
Amyot, 31, 32, li.
Anaximandre de Milet, pythagoricien,
59.
Androkydès, 59, 61, n. 1.
Antikleidès, 114, 116, n. 4.
Anubis, étymologie, 95.
Apion, 5, 6, 120.
Apis, 21, 22, 65, 66, 69. 70, 109, 110,
118. — aopàci "AttiSoc;, 23-31, 35, 58,
110-112.
Apis péloponésien, 25, 110-113.
Apollodore, Bibliothèque, 11,1,1,4: 113.
- II, 5, 6 : 40. n. 1. - Fragm. 36 :
36, n. 1 ; 42, n 1 ; 52.
Apollonius de Rhodes, I, 1059, 1135 :
54.
Arcadia, province d'Egypte, 113, n. 1.
Arcadiens (antiquités des), 91, 107, 109,
112, 114.
Archémaque, 9, 10, 121, n. 1.
Aristéas (argien), 107, 112.
Aristias de Chios, 106, n. 1; 107, 112.
Aristippe (auteur d'Arkadika), 112, 113.
Arislon ('A3T)vaitov aTrotxta), 105-108.
Aristophane, Grenouilles, 183, 186, 472 :
27. — Nuées, 398 : 109. - 749 : 36,
n. 2.
Aristote, De aud., 802 A, 37 : 33. —
802 B, 29, 39 : 29. - De coelo, III, 8,
306 B : 73. — IV, 6, 313 B : 63. -
Hist. an., VIII, 17, p. 600 B, 13 : 123,
n. 1. - IX, 40, 627 A, 15 : 42.
Arnobe, Adversus nationes, V, 5-7 : 19,
n.4;20. — VI, 16:123, n. 2.
Arsaphès, étymologie, 85, 105, 106, 108.
Artapanos, 24, n. 2; 83.
à(JTU, 100,101.
Athéna, étymologie, 88-90, 96, 105.
Alhénodore de Tarse, 66.
Athyri, 87.
Alticus (platonicien), 104.
Augustin, Cilé de Dieu, XVIII, 5 : 25,
110, m.
BfltX, 87.
Bs^wv, 85, 86.
BsxxécxsXTive, 109.
boucliers sacrés, 48.
— i26
Callistliène d'Olynthe, 104.
casques d'airain, 47.
castes d'Egypte, 103, 104.
Cécrops, 101, 102.
Xapfxdffuva, 18. 69, 70.
Xfltpo<]/, XapoTTO), 15-18.
y^evdatpK;, 87.
XTjfji.'a, 87.
chien i aboiement du), 39, 41.
Chrysippe, 63, n. 3.
Cicéron, De divin., I, 34 : 45, 48, n. 2,
— I, 57, 130 : 37. — De nat. deorum,
111,42:18.-111,59: 114.
Clément d'Alexandrie, Protrepticus, IV,
48:118.120-123.
Cornutus, Theolog. gr. compendium, 5 :
72.-35:75, n. 1.
Crantor, 105, 107.
Curetés, 42, 48-50.
Démocrite, 62.
Démon, fragm. 17 : 43.
Denys Skytobrachion, 18, 20.
AixTj, 28.
Diodore, 1, 9, 6; 12, 6 : 97, n. 1. — I,
11, 1-3 : 85, 94. — I, 16, 2 : 114. —
I, 17, 4-5 : 87. - I, 18 et 20 : 102,
n. 2. — I, 28; 29, 1-4: 100-104. —
1, 70, 11 : 60. - 1, 74, 1 : 104, n. 1.
— I, 85, 4 : 65. — I, 89, 5 : 24. —
I, 96, 4-97, 3 : 26-29. - 111, 67, 4-5 :
18-20. - IV, 13, 2 : 40, n. 1. — V,
49, 3:49, n. l.-V, 65:48, n. 5.
Diogène Laërce, II, 83 : 112, 113. —
Vlll, 19 : 60. — VllI, 34 : 58, n. 1 ;
61.
Dionysos, = Osiris et Hadès, 10-14, 85,
92, 94, 114. - Dans l'Inde, 21-22.
Dodone (oracle), 43-46.
éclipses de lune (bruit pendant les).
35-38.
elxu)v, 65-68.
Élien, Hist, var., IV, 17 : 51. — Nat.
anim., V, 13 : 42. - XI, 10 : 69,
110, n. 1.
Épaphos, 65, 109, 110, 114.
Éphore, iragm. 81, 82 : 25, n. 1.
Epicure (théorie sur le son), 32, 33.
Eudoxe de Cnide, 60, 61.
Eudoros, 106, 107.
Eupolémos, 83.
Euripide, fragm. 968 ; 41.
Eustathe, p. 1067, 59 : 51. — p. 1720,
31 : 61.
Évhémère, 25, 110.
•nx£"Eov, 28, 50, 52, 53, n. 1 ; 55.
Hadès, = Sarapis et Dionysos, 10-12,
121. — = To at5{jLa, 13-14. — Descrip-
tion de l'Hadès, 26-28. — Étymologie,
72-78.
Hécate, 27, 41.
Hécatée d'Abdère, 24-28, 53, n. 1 ; 60,
65, 70, 80, 84-88, 94, 96, 97, 100-104,
112.
Hécatée de Milet, 25, n. 1 ; 82, n. 1 ; 116.
Hélène, 11.5-116.
Hellanicus de Mytilène, 92, 93.
Héraclide Pontique, 9, 10, 37, 121, n. 1.
Heraclite, fragm. 15 : 10-13.
Hérakiès, 15-18, 115.
Hermaios, 85.
Hermanubis, 26, 95.
Hermès (livres d'), 7, 63, 90, 94.
Hérodote, I, 67, 68 : 53, n. 2. - II, 2 :
109, n. 2. - II, 42: 11. — II, 49:
26, n. 1. — 11, 50 : 82. — IL 78 : 86.
— 11, 81 : 60. - II, 112-120 : 115,
— i27 —
116. - 11,123:60.-11,144:11.-
II, 153 : 65, n. 2; 109. - II, 164, 167 :
103. - III, 27 : 69. - VI, 58 : 53.
Hippolyte, Refiit. omn. fiaer., V, p. 144 :
27, n. 1.
Homère, Iliade, Y, 316, 324 : 47. —
- I, 566 : 38. — Odijssée, ô, 126, 228,
351:115, 116. — w, 1-14:26, 27,
n. 1. — w, 68 : 54.
Horus, étymologie, 86, 87, 92.
hydries d'airain, 47, 50, 51, 55.
lo, 109, 115.
'Iffataxoç, 15, 16.
Isidore de Charax, 120, 121.
Isis, 15 35, 37, 39, 114. - Étymologie,
86-90. 94-96.
Isocrate, Busiris, II, 28 : 60.
Islros, 102, 115.
Jamblique, Vie de Pythagore, 86 : 58.
-97,98:60. -100,149:61.
Jérusalem, étymologie, 83, 84.
Johannôs Malalas, Chronograpliia, XII,
p. 307 : 27.
Juvénal, VIII, 29 : 92, n. 4.
Kanobos, 116.
xàxxa (chat), p 123, n. 1.
Kopto, étymologie, 92.
xupio<;, 77, 78.
Kuwv, étymologie, 91, 96.
XépTi;, à Dodone, 44, 45. — aux funé-
railles des rois de Sparte, 52-55.
Lémuries, 56, 57.
XTjvaf^o), 11-13.
XTjpaivw, 11, 13.
XdYoc:,79, n. 1;81,88, 95.
Lucien, De Syria dea, 29 : 4i, n. 3. —
Ménippe, 469 : 27. — Philopseudès, 15 :
39. — Songe ou Coq, 24 : 123, n. 3.
Lydus, De Tnensibus, I, 35 : 61.
Lysimaque d'Alexandrie, 18, 84.
Manéros, étymologie, 86.
RIanéthon, 9, 61, 84-87, 90, 96, 97,
n. 1.
Maxime de Turin, 37.
Memphis, étymologie, 86.
Méthyer, 87.
Min, 86.
Mnaséas, 7, 114.
Moïse, 24, n. 2. - Étymologie, 83, 84.
Mouth, 87.
Neith, 88, n. 2; 103, 105, 106.
Nicarque, 84.
Nonnus, Ad Greg. Naz, Or. V, 32 : 44.
Nymphodore, 23-25, 112.
Orphée, 20, 26-28, 51, 52, 70, 74, n. 2 ;
80, 83. 94, 96, 97, 98.
Osiris. 21, 22, 34, 35, 63, 65-67. — =
Dionysos, 9-14, 114. — Étymologie,
85, 86, 92-96.
Ovide, Fastes, V, 421 : 56,57. - Métam.,
IV, 332 : 37.
Parménide, 28, n. 1. — Fragm. 13 :
79.
Pausanias, I, 18, 4 : 119, n. 2. — IX.
34, 4 : 17.
Pétès, 101,102.
Phanodème, 104.
Pharos, 116.
Philolaos, fragm, 14 : 14.
Philon, Quis rer. div. hères, 52 : 50.
— 128 —
Philostrate, Imag., II, 33 : 43, n. 3.
Phylarque, 21, 22.
TcXaxayT^ : 40, n. 1.
Platée (fête funèbre de), 55.
Platon, Axioclius, 371 B : 28. — Cra-
lyle, 397 D : 89. - 400 C : 14. -
401 C : 90. - 403-404 A : 72, 74-77.
409 E : 99. - 411 D : 90. - 412 B :
63, n. 1. - 415 D : 90. - 430 A : 32.
- Gorgias, 493 A, B : 14, 28, 74. -
513 A : 36, n. 2. — Ion, 536 A : 76,
n. 1. — Phédon, 79-83 : 14, 74-77. -
Phèdre, 248 B : 28. — Protagoras,
329 A : 32. — République, 621 A : 27.
- Timée, 20 D : 105. - 21 E : 102,
103. — 23 E, 24 A : 103, 104. —
92 C : 67, 87.
Pline, Hisl. nat., VIII, 132; X, 200 :
123, n. 1. — XI, 68 : 42. — XIV, 58 :
61, n. 1. - XXXVI, 92 : 44, n. 3.
Plutarque, manuscrits, 10, n. 2. — Mo-
ralia : De def. orac, 1 : IS. — De
fade in orbe lunœ, 29 : 38. — De fort.
Roman., 4 : 74. — De Iside, 2 : 52,
n. 1; 89. —4:61. — 6:60, 61. -
7:61. - 10:58, 61. - 18:35. -
20 : 66. - 21 : 37, 60. — 32 : 35, 60.
- 34, 35 : 77. - 37 : 105-108, 114.
- 40: 64, n. 1; 77. — 42:34, 58,
60, 61. - 43 : 66. - 49 : 66, 78. -
53, 54, 56 : 67. - 60 : 89. - 61 : 14,
63, 98, 108. — 62 : 60, 61. 63 : 39.
62, n. 2. - 64 : 60, 67. - 66 : 97. -
67 : 82. — 71 : 41. — 72 : 24. - 73 :
66. — 78 : 76. — De latenter vivendo,
6 : 75, 77. — De primo frigido, 9 : 75.
- De super stitione, 13 : 48, n. 6; 75,
78. — De usu carnium, p. 995 EF :
33. — Quaest conviv., V, 3, 1 : 77. —
VIII, 3, p. 721 : 32, 33. - VIII, 8, 2 :
61. — Reg. et imp. apophth., 175 D :
74. - Vies : Aristide, 21 : 55. —
Galba, 9 : 73. - Paul-ÉmiU, 17 : 36.
— Thésée, 35 : 53, n. 2.
Pluton, 9, 10,120, 121.
irv£Û(xa : 63, 64, 90.
Polémon, 44.
TtovTt'xt, 123, n. 1.
TTovTtxôv ppExai;, 121-124.
Porsenna (tombeau de), 44, n. 3.
portes de bronze, 26-30. — sacrées, 52.
Pythagoriciens, 14, 34, 51, 57. -
àxouaixaxa xal aupL^oXa, 52, 58-61.
rats (dans les statues), 123, 124.
Rufin, Hùt. eccl., XI, 23 : 25, 119, n. 1;
123. — XI. 26 : 116, n. 2.
?airei, 18, 69, 70, 88.
ffaîpetv, 21.22, 92, 119.
Sais, 90. 100-107.
Sarapeion, 118-124.
Sarapis, = Hadès, 9-14, 71. - Étymo-
logie, 15-18, 21-25, 62-66, 69, 83, 96,
liO-112, 119. — Origine et statue,
120-124.
Seiros, 37. 62, n. 2; 64, 93-96, 119.
Seth, étymologie, 86, 90.
StvwTTiov, 2tva)TrtTTi<;, 118, 119.
sistre, 39, 62, n. 2.
Smy, étymologie, 86, 90.
Sophocle, Antigonc, 451 : 28, n. 1. —
Fragm.mi : 61, n. 2.
sort (tirage au), 47.
Solhis, 37, 63, 64, 90.
aoî3<;, 62, 63.
Sozomène, Hist. eccL, 1, 13, 2 : 113, n. 1.
Stace, Thébaide, 1, 105; VI, 685 : 37.
i29
Stoïciens, 63. 64.
Strabon, VII, f'ragm. 3 : 44. — X, 3,
pp. 462 et suiv. : 49. - XVII, 1. 31 : 66.
Tacite, A/m/., IV, 83, 84 : 118-121.
Tapliosiris, 92.
Théorrite, 11, 35 : 40-42.
Théodoret, Hist. eccL, XI, 23 : 123, 124.
Thucydide, III. 58 : 55.
Tibulle, I, 3, 19 : 52. n. 3. I, 3. 23 :
39.-1,8,21 :36.
Timothée l'exégète, 9, 19, 20.
trépied d'airain, 43, 46, 51.
Trikaranos, 104.
triomphe romain, 49
3puov, 87.
To(pi()v 15-17, 35, 39, 60, 61. 85, 86.
Tatptc;, 92, n. 4; 93.
Virgile, Enéide, VI, 257 : 41. - Geor-
gifjuex, IV, 64 : 42.
Xénocrate, 38.
Xériophon, Helléniques. III 3, 1; Rép.
Lacéd., XV, 9 : 53.
9
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Introduction. . . '. . 3
1. — Sarapis-Hadès et Dionysos-Osiris . . 9
II. — L-inlerpréiaiion des Phrygia Grammata 15
III. — Sarapis = aaipsiv xô ttôcv 21
IV. — Sarapis = aopô; "AttiSoç .......... 23
V. — Le tombeau d'Apis 26
VI. — Le son de l'airain 31
VII. — Sarapis = aoua^at xô ttôcv 62
VIII. — Sarapis = Osiris-Apis 65
IX. — Sarapis et l'égyptien « sairei » 69
X. — "AiSt)<;, àiôiQÇ. àe'.Si)? 71
XI. — Amenlhès 79
XII. — Élymologies grecques et égyptiennes 81
XIII. — Colonisation grecque et égyptienne . 100
XIV. — L'origine sinopique de Sarapis .... .... 118
Table alphabétique 125
c?
BINDm^
juu 3 * •^^*'
PA Parmentier, Léon
il368 Recherches sur le traité
Dii7P3'7 d'Isis
PLEASE DO NOT REMOVE
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