Skip to main content

Full text of "Recherches sur le traité d'Isis et d'Osiris de Plutarque"

See other formats


PURCHASED  FOR  THE 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 

FROM  THE 

CANADA  COUNCIL  SPECIAL  GRANT 


FOR 

CLASSICS  B 


RECHERCHES 


SUR  LE 


TRAITÉ  DISIS  ET  D'OSIRIS 

DE    PLUTARQUE 


Extrait  des  Mémoires  publiés  par  la  Classe  des  lettres  et  des  sciences  morales 
et  politiques  et  la  Classe  des  beaux-arts  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 
Deuxième  série,  collection  in-S»,  t.  XI,  1913. 


RECHERCHES 


SUR  LE 


TRAITÉ  D'ISIS  ET  DOSIRIS 


DE  PLUTARQUE 


PAR 


Léon  PARMENTIER 

PROFESSEUR     A    L'UNIVERSITE     DE     LIÉ(;E 


BRUXELLES 
Henri    LAMERTIN,    Libraire -Éditeur 

r)8-ti2,  rue  Coudenborg,  58-62 

1913 


A  MON  MAITRE  ET  AMI 

CHARLES    MICHEL 

1882-1912 


^   JUL161969 


INTRODUCTJON 


La  plus  grande  partie  de  cet  opuscule  traite  de  deux  chapitres 
du  De  Iside  et  Osmde  de  Plutarque,  dans  lesquels  il  n'est 
question  que  de  Sarapis.  Je  n'ai  pas  voulu  cependant  intituler 
mon  travail  Sarapis  chez  Plutai^que,  parce  que  ce  titre  aurait  pu 
donner  une  idée  inexacte  de  son  véritable  objet.  En  effet,  la 
raison  qui  m'a  déterminé  à  l'entreprendre  n'est  point  le  désir 
d'expliquer,  d'après  Plutarque,  la  nature  du  dieu  Sarapis,  son 
origine,  son  culte  ou  tel  ou  tel  de  ses  attributs.  Toutes  les 
questions  ont  été  ici  étudiées  dans  un  intérêt  simplement  philo- 
logique :  celui  de  la  critique  et  de  l'exégèse  de  Plutarque.  S'il 
se  trouve  que  ces  questions  se  rattachent  surtout  au  nom  de 
Sarapis,  c'est  qu'il  faut  bien  que  la  méthode  s'applique  à  un  cas 
concret. 

M'étant  efforcé  de  faire  du  traité  d'Isis  et  d'Osiris  une  lecture 
un  peu  approfondie,  j'ai  rencontré  de  nombreuses  difficultés  de 
texte  et  d'interprétation,  dont  les  solutions  n'ont  pas  encore 
été  données  ni  même  quelquefois  recherchées  sérieusement.  11 
m'a  paru  que  les  chapitres  XXVIII  et  XXIX,  consacrés  presque 
entièrement  à  l'explication  du  nom  de  Sarapis  et  formant  ainsi 
une  petite  section  facile  à  détacher,  posaient  à  eux  seuls  une 


_  4  _ 

série  de  problèmes  typiques  et  pouvaient  fournir  matière  à  une 
étude  qui  présenterait  une  certaine  unité. 

La  première  des  recherches  qui  ont  abouti  à  la  rédaction  de  ce 
travail  a  pour  objet  la  crux  :  oiô  Travro;  riyo'JvTo;  Tifxâç  ya/Jcw|xaT<5; 
£:Tda|jLpàv£7.Sa'„  et  son  résultat  se  trouve  exposé  maintenant  au 
chapitre  sixième.  Pour  comprendre  ici  le  texte,  il  a  paru  néces- 
saire de  reconstruire  une  explication  que  les  devanciers  immé- 
diats de  Plutarque  semblent  déjà  lui  avoir  transmise  sous  une 
forme  très  résumée  et  à  peu  près  inintelligible.  Les  problèmes 
se  posaient  dans  des  conditions  analogues  pour  la  plupart  des 
autres  interprétations  du  nom  de  Sarapis  contenues  dans  le 
chapitre  XXIX.  Il  convenait  donc  de  les  traiter  dans  leur 
ensemble  et  de  ne  point  en  détacher  arbitrairement  l'une  ou 
l'autre  du  contexte.  On  verra  que  certaines  conclusions  générales 
de  notre  étiide,  notamment  au  sujet  des  prétentions  réciproques 
des  Grecs  et  des  Égyptiens  en  matière  d'origine  et  d'étymologie, 
ont  pu  servir  à  éclairer  l'interprétation  de  plusieurs  passages 
pris  dans  d'autres  parties  du  De  Iside  et  Osiride. 

Comme  je  visais  simplement  à  comprendre  le  texte  de  Plu- 
tarque, mon  intention  n'a  jamais  été  de  discuter  pour  elle-même 
la  question  de  l'origine  de  Sarapis,  ni  l'histoire  fameuse  du 
transfert,  de  Sinope  à  Alexandrie,  d'une  statue  de  Pluton  que 
l'on  identifia  à  l'Hadès  égyptien.  A  cet  égard,  le  récit  de  Plu- 
tarque est  parfaitement  clair  et,  pour  ce  qui  est  de  sa  vérité  bis- 
torique,  je  pourrais  me  dispenser  de  prendre  parti  dans  la  polé- 
mique qui,  en  ces  dernières  années,  s'est  engagée  autour  du 
sujet.  Heureusement,  d'ailleurs,  la  question  est  à  mon  sens 
aujourd'hui  résolue  et  il  n'y  a  plus  lieu  de  contester  que  Sara- 
pis est  véritablement  un  dieu  égyptien  et  que  l'origine  sinopique 


I 


o    — 


est  une  invention  grecque  (^).  Si  néanmoins  j'ai  dans  un  dernier 
chapitre  consacré  quelques  pages  à  cette  fable,  c'est  qu'elle  a 
pour  point  de  départ  un  jeu  étymologique  d'un  caractère  ana- 
logue à  beaucoup  des  cas  étudiés  au  cours  de  mon  travail.  Sans 
contester  que  la  légende  sinopique  ait  été  racontée  et  sans 
doute  amplifiée  par  Apion,  j'indique  dans  ce  dernier  chapitre 
quelques  raisons  qui  me  font  beaucoup  hésiter  à  admettre,  avec 
M.  Isidore  Lévy,  que  Plularque  a  puisé  son  récit  directement 
chez  Apion  lui-même. 

On  est  porté  maintenant,  d'après  des  indices  dont  je  ne 
méconnais  pas  la  valeur,  à  donner  comme  source  principale  au 
De  Iside  et  Osiride  les  Aigyptiaka  d'Apion(^).  Avec  un  auteur 
qui  possède  la  grande  information  livresque  et  orale  de  Plutar- 
que,  qui  a  la  tête  remplie  d'une  immense  érudition  et  qui  a 
pratiqué  toute  sa  vie  l'art  de  combiner  des  renseignements 
empruntés  de  toutes  parts,  la  théorie  d'une  source  récente  et  à 
peu  près  unique  n'a  guère  de  chance  de  pouvoir  correspondre  à 
la  réalité  des  faits.  Particulièrement  pour  les  choses  d'Egypte, 
il  faut  se  souvenir  que  le  maître  de  Plutarque,  Ammonius,  était 
égyptien  (^),  que  Plutarque  lui-même  a  visité  Alexandrie  ('*)  et 


(<)  C'est  la  ihése  de  M.  Houché-Leclercq,  La  politique  religieuse  de  Plolénce 
S()ter  et  le  culte  de  Sérapis  dans  la  Revue  de  VHistoire  des  Religions,  t.  XLVI  (1902), 
pp.  1-30.  Cette  thèse  a  été  reprise  et  appuyée  de  nouveaux  arguments  par  M.  Lsidoke 
Lévy  dans  la  même  Revue,  Sarapù,  t.  LX  (1909),  pp.  285  et  suiv.,  et  t.  LXI  (1910), 
pp.  162  et  suiv.  On  trouvera  là  toute  la  bibliographie  du  sujet.  Cf.  aussi  Ernst 
ScHMiDT,  KuUiibertragnvgen  (Giossen,  1910),  pp.  47  et  suiv. 

(«)  M.  Wellmann,  Aegyptisches  dans  Hennés,  t.  XXXI  (1896),  pp.  221  et  suiv.; 
Isidore  Lévy,  articles  cités. 

(>)  EuNAPE,  Vitae  Sophist.  prooem.,  2. 

(*)  Quaest.  conviv.,  V,  .S,  p.  678  C. 


—  6  — 

enfin  qu'il  adresse  son  traité  d'Isis  et  d'Osiris  à  une  dame 
(le  Delphes,  Kléa,  supérieure  du  Collège  des  Thyiades  de  Dio- 
nysos et  initiée,  par  tradition  de  famille,  à  la  religion  d'Osiris 
(chap.  XXXV). 

Au  surplus,  en  ce  qui  concerne  ici  cette  question  de  source, 
l'hypothèse  d'Apion  fiit-elle  démontrée,  elle  n'aurait  guère  d'uti- 
lité pour  nous  et  ne  ferait  en  somme  que  déplacer  le  problème. 
Plutarque  ne  cite  nulle  part  Apion.  Qu'il  ait  pris  en  partie 
sa  science  à  celui-ci  ou  à  un  autre  compilateur,  il  ne  lui  a 
emprunté  que  des  renseignements  attrihués  dans  cette  source  à 
d'autres  auteurs;  ce  sont  ces  auteurs  seuls  que  Plutarque  a  cités, 
quand  il  le  jugeait  bon,  et  il  trouvait  leurs  noms  dans  la  com- 
pilation qui  les  résumait  soit  directement,  soit  sans  doute  plus 
souvent  encore  indirectement.  Pendant  les  six  siècles  qui 
s'écoulent  entre  Hécatée  de  Milet  et  Plutarque,  historiens, 
géographes,  périégètes,  paradoxographes,  spécialistes  (les 
Àigyptiaka  constituent  un  vrai  genre)  ont  multiplié  les  écrits 
sur  l'Egypte,  qui  ne  cessait  pas  d'exciter  la  curiosité  des  Grecs. 

Rien  que  pour  des  détails  purement  égyptiens  dans  le  De 
fside,  voici,  sauf  omission,  la  liste  touffue  des  auteurs  cités  par 
Plutarque,  lequel  est  cependant  assez  sobre  de  références  nomi- 
nales (^)  : 

Hellanicus,  Aristagoras  de  Milet,  Héraclide  Pontique,  Eudoxe, 
Hécatée  d'Abdère,  Manéthon,  Phylarque,  Alexarque  (sans  doute 
le  frère  du  roi  de  Macédoine,  Cassandre,  cité  d'après  un  Ariston 
de  date  inconnue),  Archémaque  d'Eubée,  Évhémère,  Antikleidès, 


(•)  Je  juge  inutile  d'indiquer  ici  les  passages  où  ces  noms  apparaissent.  On  peut 
les  trouver  facilement  dans  l'index  de  l'édition  ôe  Parlhev. 


—  7  — 

Mnaseas  de  Patrae,  Heimaios,  Castor.  Ce  dernier,  contemporain 
de  Cicéron,  paraît  être  l'écrivain  le  plus  récent  dont  le  nom  est 
mentionné.  En  fait  d'ouvrages  cités  simplement  par  leur  titre, 
on  trouve  -zk  <i>puyt.a  ypàjjiijLaTa  (chap.  XXIX),  £v  TO^;  Upor;  lîfJivoLç 
ToO  '0(T{p',5o(;  et  £v  -zoZc,  iTTvypacpOjUévo'.;  ycvs.^X'io».;  "lipo'j  (cliap.  LU), 
£v  -zalq  'EpfjLoù  À£yo|jL£va',;  p/fko^ç,  (chap.  LXI) .  Dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas,  Plutarque  s'en  réfère  d'une  façon  générale  à  un 

*  groupe    :    o\   Aiyû-Tio!.,    Ta   A'iyû-T'.a,    ol   Up£r;,    ol   riu5ayôp£'.0'-   OU 

ïlt^^ayop'.xrj';,  rj{  Utohxoî,  ol  <ï>p6ye<;,  OU  plus  vaguement  encore  à 

oi  [JL£V,  ol  5è,  TCoXàoI  |JI.£V,  TToXXol  0£,   O^AOt.,   £T£pO'.,  Iv-G'.,  T'.V£Ç,  (paO"'.,   CtC. 

En  certains  cas,  il  est  possible  d'indiquer  quelle  était  la 
source,  au  moins  la  source  la  plus  éloignée,  que  Plutarque  a 
omis  de  citer;  on  le  verra  piécisément  au  chapitre  XXIX  pour 
Nympliodore  et  pour  Hécatée  d'iVbdère.  De  même,  sans  doute, 
beaucoup  d'auteurs  que  Plutarque  ne  cite  pas  dans  le  De  fside 
avaient  dû  laisser  des  traces  dans  les  compilations,  par  exemple, 

Istros,   Léon  de  Pella  (6  -k  -cpl  twv  xax'  AtyjTCTOv  ^ewv  Tipay^ua- 

Tet>(Tà[jL£vo;  Clément,  Stromata,  I,  21,  p.  68,  18  Stàhlin),  Lysi- 
maque  d'Alexandrie,  Alexandre  Polyhistor,  Démotélès  (?)  et  bien 
d'autres.  Peu  de  temps  après  Plutarque,  le  péripatélicien  Aristo- 
klès  de  Messana  consacrait  encore  au  seul  Sarapis  un  ouvrage 
spécial  :  Ilepl  lapàTcwo;  (Suidas  s.  v.). 

En  présence  d'une  tradition  aussi  longue  et  aussi  abondante, 
on  doit  admettre  que  très  fréquemment,  au  moins  à  partir  du 
P'  siècle  avant  J.-C,  les  auteurs  de  compilation  n'allaient  plus 
prendre  leurs  extraits  dans  les  écrivains  mèuies  qu'ils  citaient. 
Us  répétaient  indirectement  une  tradition  Jont  le  courant  ancien 
allait  s'amincissant  de  plus  en  plus  et  qu'ils  enrichissaient  de 
quelques  éléments  d'une  valeur  douteuse. 


—  8    - 

Cette  observation  générale  sur  la  nature  de  l'information  de 
Plutarque  a  son  importance  ici  pour  la  critique  du  texte.  Si 
Plutarque  ne  fait  que  liquider  rapidement  une  série  d'explica- 
tions de  Sarapis,  qui  lui  sont  déjà  fournies  de  seconde  main  par 
telle  ou  telle  compilation  qui  juxtaposait  elle-même  hâtivement 
les  théories  antérieures,  il  n'est  pas  étonnant  que  son  résumé 
présente  des  difficultés  particulières  de  texte,  d'origine  et  d'inter- 
prétation. 


RECHERCHES 


SUR   I.E 


TRAITÉ  D'ISIS  ET  DOSIRIS 

DE    PLUTARQUE 


Sarapis-Hadès  et  Dionysos-Osiris 

Au  début  du  chapitre  XXVUl  du  De  fside,  Plutarque  raconte 
à  la  suite  de  quels  événements  Ptolémée  Soter  établit  à  Alexan- 
drie le  culte  de  Sarapis.  Averti  par  un  songe,  le  roi  fait  ame- 
ner à  Alexandrie  une  statue  colossale  qui  était  à  Sinope.  Les 
théologiens  de  la  cour,  «  Timothée  l'exégète  et  Manéthon  le 
Sébennytain,  reconnaissent  au  Cerbère  et  au  serpent  que  c'est 
une  statue  de  Pluton  et  persuadent  à  Ptolémée  que  le  dieu 
(ju'elle  représente  n'est  autre  que  Sarapis.  En  effet,  la  statue 
amenée  de  Sinope  ne  s'appelait  pas  Sarapis,  mais  c'est  après  son 
arrivée  à  Alexandrie  qu'elle  reçut  le  nom  égyptien  de  Pluton, 
c'est-à-dire  Sarapis  ». 

A  la  fin  du  chapitre  XXVII  qui  précède,  Plutarque  a  déjà  dit 
qu'Archémaque  d'Enbée  et  Héraclide  Pontique  avaient  identifié 


—  10  — 

le  Sarapis  égyptien  avec  le  Pluton  grec  (*).  Les  prétendus 
exégètes  de  Ptolémée  ont  donc  fait  simplement  la  même  iden- 
tification dans  le  sens  égyptien. 

La  fin  du  chapitre  XXVIIÏ  est  consacrée  à  corroborer  et  à 
développer  l'identification  de  Sarapis  avec  Pluton  ou  Hadès  (^). 

Kal  fJiÉvTO',  'llpaxAc'iTO'j  toO  '^jt'.xoO  XéyovTOç  ce  "At,oY|;  xal  A'.ov'jto; 
oOtoç,  OTe  ouv  ('^)  p.a'!vovTa'.  xal  AYipa'ivo'JT'.v  »,  cCç  TauTY.v  ÛTràvo'jo-^.  tt,v 
oô^av  *  ol  yàp  à^wOvTeç  'AtoYjv  XÉvsT.S^a'.  tô  Tojjjia  t/,;  ']>'-''/^<;  oïov 
TrapacppovoùiTTjç  xal  tjL£3joû(T7i<;  sv  aÛTcji,  yX'!<T^pwç  âXAviyopOLiT'..  BsXtwv 
os  tÔv  "Oo't.p'.v  £»';  TauTO  fT'jvàys'.v  TO)  Atovù(J(}),  Tw  t'  'Oo-ipioi  TÔV 
Sàpa7:!,v,  0T£  ttiv  cp'JT'.v  usTsJiiaAc,  TaÛTT,;  TJ'/ovTa  (■^)  Tr,;  7:poTr,yop{aç. 


(*)  Où  yàp  à'XXov  sTvai  SoépaTiiv  i^  xôv  IlXoûxwvà  cpaat  xal  "^f  Jiv  tt)v  Il£paré(paffaav, 
à)*;  'Ap'^£{jia^oç  EtOTjxsv  ô  Eùposuç,  xal  6  Ilovxtxo;  'HpaxXsîof)?  xô  ^pTjcrcr,piov  èv 
KavwPqj  llXouxwvoç  t)you{j.êvo(;  slvat.  Archémaque,  auteur  de  M£xwvu[i.tai,  écrivait 
au  plus  tard  au  Ille  siècle  avant  J.-C.  Cf.  Schwartz  dans  Pauly-Wissowa,  s.  v. 

(«j  Pour  les  chapitres  XXVIII  et  XXIX,  j'ai  examiné  à  Paris  les  codd.  1671  et  167i>. 
qui  dérivent,  comme  on  sait,  du  recueil  de  Planude  (cf.  Max  Theu,  Zm-  Ge-schich/c 
der  Ueberlieferiing  von  Pliitarchs  Moralia,  I,  pp.  ix  et  suiv.),  et  à  Venise  le 
Marciamis  248  (daté  de  1455,  écrit  par  loannes  Rhosus)  qui  provient  de  la  même 
source.  Au  lieu  de  248,  l'édition  de  Parlhey  (p.  xiii)  donne  inexactement  à  ce  Venetus 
la  côte  250,  qui  est  celle  d'un  autre  manuscrit  des  Moralia  où  l'on  ne  trouve  pas  le 
De  hide.  Au  Corpus  Planudeiim  remonte  encore  VAmbrosianus  C  126  inf.  (n»  859 
du  catalogue  de  Martini  et  liassi;  XlIIe-XIVe  siècle).  Comme  je  l'ai  constaté  à  Milan, 
ce  manuscrit  ne  donne  nulle  part  pour  nos  chapitres  un  texte  meilleur  que  les  deux 
Parkini.  Il  en  est  de  même  de  VAmbrosiamis  H  113  sup.  (n»  448  de  Martini  et 
Bassi;  daté  de  1481,  écrit  par  lo.  Rhosus)  qui  contient,  à  la  suite  de  VÉthique  à 
iSicomaque  d'ARisïOTE,  et  du  Banquet  des  Sept  Sages  de  Plutarque,  une  copie  par- 
ticulièrement fautive  du  De  hide.  J'avais  espéré  que  le  Cod.  Vindobonensis  Pliilosoph. 
Gr.  74  (cf.  Lambecius-Kollar,  t.  VII,  pp.  258  et  suiv.),  qui  présente  les  traités  de 
Plutarque  dans  un  ordre  différent  des  Parisini,  pourrait  offrir  des  variantes  inté- 
ressantes, et  je  me  suis  procuré,  par  l'obligeante  intervention  de  M.  le  professeur 
A.  Wilhelm,  une  photographie  des  chapitres  XXVIII  et  XXIX.  Ici  encore,  nous 
n'avons  rien  trouvé  qui  permette  d'améliorer  la  tradition  de  Planude.  Il  serait  donc 
sans  profit  d'énumérer  les  fautes  diverses  de  tous  ces  manuscrits. 

(3)  ouxo;  ô'x£  ouv  :  la  leçon  de  Clément  wuxô;  ...  ôxe(ii  représente  sûrement  mieux 
le  texte  original  ;  voir  ci-dessous. 

(*)  La  correction  de  Squire  xu^dvxi,  généralement  admise,  n'est  pas  indispensable. 


—  H  — 

Aw  Trào-',   xo'.vôç  6   ilâpaTi'!;   éo-Tiv,  (bç   or,  (^)   xôv  "Oatp',v  ol  tojv   Uptov 

(c  Comme  Heraclite  dit  «  Hadès  est  le  même  que  Dionysos, 
pour  qui  ils  délirent  et  divaguent  »,  ils  (c'est-à-dire  les  parti- 
sans de  l'identification  Hadès-Sarapis)  ramènent  cela  à  leur 
opinion.  Car  ceux  qui  prétendent  que  le  corps  se  nomme  Hadès 
parce  qu'en  lui  l'âme  déraisonne  et  est  ivre,  font  une  piètre 
allégorie.  Mieux  vaut  identifier  Osiris  à  Dionysos,  et  à  Osiris 
Sara  pis,  qui  a  obtenu  ce  nom  quand  il  a  changé  de  nature.  C'est 
pourquoi  Sarapis  est  commun  à  tous,  comme  les  initiés  le  savent 
également  d'Osiris.  )> 

L'identification  d'Osiris  avec  Dionysos  se  trouve  déjà  chez 
Hérodote  (H,  42,  144)  et  était  devenue  classique.  Partant  de  là, 
et  invoquant  une  phrase  d'Heraclite,  les  exégètes  que  suit  Plu- 
tarqne  avaient  donc  raisonné  comme  il  suit  :  Dionysos,  c'est- 
à-dire  Osiris,  est  le  même  qu'Hadès;  or,  Sarapis  à  son  tour  n'est 
qu'Osiris  devenu  dieu;  il  se  confond  donc  lui  aussi  avec  Hadès. 

Le  passage  d'Heraclite  est  cité  plus  au  long  chez  Clément 
d'Alexandrie,  Protrepticiis  (I,  26,  6,  Stàhlin;  Herac.  Fragm., 
127  Bywater;  15  Diels)  : 

«  Ef'  |i.Ti  yàp  A!.ovuo-(}3  7ro|jnrYiv  iTrowOvTO  xal  U|jLveov  oco-jjia  aîSoîoicnv, 
àvat.^£(TTaTa  S'rpyaaT'  av  (^)  »,  cpT,o-lv  'RpàxleLTOç'  «  w-jtoç  5s  'AiSy;; 
xal  ^lovu^o^y  Ôt£(o  \k(jJ.vrj-ncf.i  xal  ÀTjvaLÇouo-'-v  »,  où  ^t-à  ttjv  {jl£.S:'/)v  to'j 
TWjjiaToç,    wç     iyw    ol^(xi,    totoùto^j    otov    Bià    ttjV   sitoveîStffTOv    'ZT^ç 

Pour  comprendre  Plutarque,  il  faut  bien,  avec  Wyttenbacli, 
rétablir  dans  son  texte,  d'après  Clément,  (ojtoç,  otew  au  lieu  de 

O'JTOÇ,    ÔT£   O'JV. 

Quant  à  XY^paivojfTw,  si  l'on  peut  hésiter  à  le  remplacer  chez 
Plutarque  par  XYiva!!Çojart.v  de  Clément,  comme  l'a  tait  M.  Hernar- 
dakis,  il  ne  paraît  pas  douteux  que  XTiva!!Çou(Ti.v  soit  la  leçon  origi- 


(*)  OT)  Bernardakis,  ôè  manuscrits,  xal  Markland. 

(*)  s't'pYaaxai  Clément.  La  correction  est  de  Schleiermacher. 


—  12  - 

nale,  et  il  a  été  préféré  à  bon  droit  par  les  deux  éminents  éditeurs 
d'Heraclite,  Bywater  et  Diels. 

Dans  le  passage  en  question  de  Tobscur  Éphésien,  il  me 
paraît  certain  que  l'interprétation  doit  partir  du  jeu  de  mots  sur 
les  trois  expressions  a^Bowiai-v,  âvaiosaraTa,  'XiZr\^.  C'est  là  un 
procédé  qui  n'est  pas  rare  chez  Heraclite  :  voir  par  exemple 
fr.  20  (Diels)  jeu  de  mots  sur  {Jiôpou;;  fr.  48  sur  j3w;  et  ,3'.o;; 
fr.  114  $ùv  vo(})  et  ^uyôi. 

Naturellement,  lorsque  l'expression  de  la  pensée  s'assujettit  à 
de  tels  jeux  de  son,  la  phrase  est  impossible  à  traduire.  «  Si  ce 
n'était  pas  en  l'honneur  de  Dionysos  qu'ils  faisaient  leur  pro- 
cession, et  s'ils  ne  chantaient  pas  leur  chant  en  l'honneur  des 
œ2oioL  (en  l'honneur  des  parties  honteuses  ;  je  comprends  a''Bo{ot^'.v 
comme  un  datif  correspondant  à  Dionysos),  les  choses  qu'ils 
font  seraient  avaiBéaraTa  (tout  à  fait  é/iontées)  ;  mais  c'est  le 
même  qu'Aidés  et  Dionysos  en  l'honneur  de  qui  ils  délirent  el 
ils  divaguent  (^).  »  On  voit  comment,  en  jouant  sur  les  sons, 
par  l'intermédiaire  de  dva',5£(7TaTa,  on  passe  des  awora  à  Aior.ç  : 
en  célébrant  les  a^Sota,  leur  conduite  est  tout  autre  qu'avai8é;, 
puisque  c'est  à   AîSriç  {=  Dionysos)  qu'ils  s'adressent  ainsi. 

Si  dans  le  premier  membre  Awvjo-w  et  a''ooio',arL  se  correspon- 
dent, il  me  paraît  que  les  deux  verbes  qui  viennent  après  ôtcw 
doivent  être  choisis  suivant  le  même  parallélisme.  Or,  de  même 
que  (jiaivovTai  convient  au  premier  terme  Awvùdù)  TtofjLUïiv  éiro'.oGvTo, 
on  va  voir  que  le  sens  que  l'on  est  amené  à  donner  à  XYivaiÇoixr'.v 
le  fait  semblablement  correspondre  au  second  terme  jjjivcov  aaaa 

Si  l'on  néglige  Suidas  où  le  mot  est  noté  sans  explication,  le 
verbe  ).7ivaiÇw  n'apparaît,  à  ma  connaissance,  en  grec  qu'une 
seconde  fois,  et  cette  fois  encore  dans  le  Protrepticus  de  Clément. 


(*)  Il  me  semble  que  l'interprétation  de  M.  Diels  (Herakleitos  von  Ephesos, 
2«  édit.)  est  assez  différente  :  Denn  wenn  es  nicht  Dionysos  wàre,  dem  sie  die  Pro- 
zession  veranstalten  und  das  Phalloslied  singen,  so  wàr's  ein  ganz  schândliches 
Tun.  Ist  doch  Hades  eins  mit  Dionvsos,  dem  sie  da  toben  und  Fastnacht  feiern! 


—  \s  — 

Dans  ce  passage,  tout  au  début  du  Protrepticus  (toù;  XT,va(- 
wOVTaç  TTGU.Tâ;,  TsXcOv  7,07,  TTapoivoùvTaç,  etc.,  p.  4,  4  Stâhlin), 
l'emploi  du  mot  semble  bien  être  déjà  une  réminiscence  du 
fragment  d'Heraclite  qui  sera  cité  un  peu  plus  loin  par  Clément. 
D'après  une  scolie  très  digne  d'attention  sur  ce  passage  de 
Clément  (^),  le  verbe  Xr.vait^oj  s'appliquait  particulièrement  au 
chant  qui  accompagnait  l'ivresse  des  orgies  bachiques,  et  il 
convient  donc  mieux  au  contexte  que  la  variante  Â7ipatvot>Tiv. 
Celle-ci  paraît  être  une  lectio  facilior,  bien  que  le  verbe  Aripaivw 
soit,  lui  aussi,  rarement  attesté  (^). 

11  est  très  remarquable  que  les  interprètes  dont  Plutarque 
reproduit  le  raisonnement  avaient  dû  écarter  une  explication  du 
passage  d'Heraclite  (01  yàp  aEwOvTe;  "Aw7iv  ÀsysT^at  tô  Twjjia  Tïiç 
^'jyri^  olo'^  Tiapacppovoùa'Ti;   xal   \kz^\jo\j<yr\q    év    aÙT(p,    Y).{a'yp(i)ç    âX/r,- 

yopo'jT'..)  OÙ  nous  retrouvons  trace  de  celle  que  Clément  a  connue 
également  (ou  o',à  tV  {xÉ^tiv  toÛ  o-wii-axoç,  wç  éyw  o^fjia'.,  p.  26,  9; 
cf.  p.  4,  4  :  XT^vaiÇovraç . . .  Trapo'.voGvxaç...). 

Une  telle  rencontre  pourrait  faire  penser  à  une  ancienne 
source  commune  où  le  passage  d'Heraclite  était  accompagné 
d'un  commentaire  analogue.  Il  faut  toutefois  prendre  garde  que 
la  rencontre  est  en  elle-même  assez  naturelle,  parce  qu'il  s'agit 
de  l'explication  qui,  en  somme,  se  dégage  le  plus  facilement 
de  la  vraie  pensée  d'Heraclite.  Pour  celui-ci,  la  vie  présente 
elle-même  peut  être  appelée  mort  (fr.  21  Diels,  avec  la  note  ;  cf. 


(*)  P.  297,  -4,  Stahlin  :  XT,vaf^ov'ca(;J  àypotxtXT)  qi^rj  èttI  xtp  Xïjvtf)  qt8o[j.£VTj,  %  xat 
aùxT)  Trepieï^Ev  xAv  Atovucrou  airapaYfJi-ov.  Tràvu  8è  eù<pu(0(;  xat  ^àpixoç  èfJiTrXétoç  xo 
cf  xtxxtî!)  àvaoT^aavxs;  »  x^^eixev,  ôjjiou  [xèv  xô  6'xt  Aiovuatjj  xà  Ai^vaia  àvaxeixai  evôst^â- 
{j.Evo<;,  é(jLoij  8è  xai  w^;  Trapotvîqc  xauxa  xfiù  Trapoivoucxiv  àv^pwTroK;  xat  (X£.Sûoufftv 
auYxexpdxTjxat,  Et  plus  loin,  p.  307,  19  :  XïjvafiloujtvJ  pax^euouatv  Aïjvat  yàp 
al  Bàxyat  (cf.  HERACLITE,  fr.  14,  Diels).  De  même  Hesychius  s.  v»  XTjveuouaf 
Paxy^euoufft.  Cf.  la  variante  Xïivai^oufftvJYp.  xat  XTjveûouatv  P*  dans  Clém.  Prot., 
p.  26,  9.  Sur  les  Lénées  en  lonie,  voir  Nilsson,  Griechische  Feste,  pp.  275  et  suiv. 

(*)  Philon,  Legum  allegor.,  II,  16,  t.  I,  p.  102,  8  Cohn  (à  propos  de  l'ivresse  de 
Noé);  Tatien,  Or,  ad.  Graecos,  33;  Grég.  de  Naz.,  (h'at.,  IV,  113.  Il  est  à  noter 
que  Platon,  Lysis,  p.  206  A,  réunit  les  deux  termes  XTjpel  xe  xat  (xat'vsxat. 


—  U  — 

fr.  02,  77)  ;  l'ivresse  qui  rend  l'âme  humide  (<£v->ip  6xoTav  fxe5u<T5y; 
...  6ypT|v  TT^v  ^J/Yiv  ^/wv,  ïr.  117)  est  ce  qui  l'éloigné  le  plus 
de  la  nature  de  la  vraie  vie  qui  est  le  feu  (fr.  118).  De  là  à 
appliquer  l'image  d'ivresse  à  l'état  de  toute  âme  attachée  au 
corps,  il  n'y  a  qu'une  extension  de  l'idée  héraclitique  qui  a  été 
déjà  faite  par  Platon,  Phédon,  79  C  :  (yj  ^^X'^)  ^'^^'«s'^ai  Otto  toO 
o-WjjiaTo;  eîç  Ta  oùSsuoTe  xaxà  tolÙtol  'éyo^noL,  xal  a'JTY,  TiXavaTa».  xa». 
TapaTTSTat.  xai  eCkiyyi^  wiTTrep  p.£5ùoL»<Ta,  te  towutojv  é(pa7CT0|jL£vrj. 

Cette  conception  voisine  avec  la  théorie  bien  connue,  d'ori- 
gine orphique  et  pythagoricienne,  que  le  corps  est  le  tombeau 
de  l'âme  où  celle-ci  expie  ses  fautes  :  Platon,  Gorgias,  493  A, 
Cratyle,  400  C.  Citons  seulement  le  fragment  de  Philolaos  14 
(Diels,    Vorsokratiker,  I,  245,  2^  éd.)  :   piapTupeovTat.  oè  xal  ol 

TraXatol  3eoXdyot,  xe  xal  pLavTLeç,  wç  $!.à  TLva;  T'.piwpiaç  b.  ^'J'^à 
Tù)   (7(i)p.aTt.   a"uvÊÇeuxTat,  xal   xa.5à7:£p   ev   a-àjjiaTt.  toutw   Te^auTai.   En 

réunissant  les  deux  conceptions,  nous  avons  tous  les  éléments 
qui  ont  servi  à  former  l'explication  allégorique  rapportée  ici 
par  Plutarque. 

La  fin  de  notre  chapitre  XXVIII  s'éclaire  parfaitement  si  on 
la  rapproche  de  la  fin  du  chapitre  qui  précède.  Là,  il  a  été  dit 
quTsis  et  Osiris,  de  bons  démons  qu'ils  étaient,  ont  passé  au 
rang  de  dieux  [de,  5eoù<;  peTajSaXôvTe;) ,  de  même  qu'Héraclès  et 
Dionysos  :  ajjia  xal  3£wv  xal  8ai.|Ji6vwv  oux  ànzo  rpoTTOu  |JL£|jLLy{jL£va; 
Tt.fi.ac  ïjODfJif  TtavTa^ou  [xÉv,  év  8k  to^ç  UTtkp  vtJv  xal  'jtto  yT,v  S'jvàp.£VG'- 

|jL£Yt.<TTov.  C'est  en  ce  sens  qu'il  faut  entendre  que  Sarapis  est 
commun  à  tous,  Tràat  y.oi^6^.  La  même  explication,  à  propos 
d'Osiris,  est  encore  répétée  au  début  du  chapitre  LXI  (375  E) . 


—  15  - 


II 
L'interprétation  des  Phrygia  Grammata 

Le  chapitre  XXIX  va  nous  présenter  successivement  non 
moins  de  six  explications  de  Sarapis.  La  première  est  empruntée 
aux  c(  Écrits  phrygiens  »  : 

Où  yàp  a?',ov  7rpoa-£^£t.v  Toiç  *ï>puy{o5.ç  ypajjLfjiaa'iv,  ev  oîç  ÀsveTa'. 
yoLpOTZh^ç  Toùç  ijL£v  TO'ji  'HpaxXsouç  yevéo-^at.  .SuyàxT^p  (^uyaTpo;,  COrr. 
Venetus)   (^),  'lo-ataxoG  Ôe  TO'J  'HpaxXeo'jç  6  Tucpwv. 

Le  texte  est  corrompu,  et  les  chances  de  le  rétablir  avec 
sûreté  sont  d'autant  moindres  que  l'altération  porte  en  partie 
sur  des  noms  propres. 

Tout  d'abord,  il  semble  certain,  chacune  des  cinq  autres  sec- 
tions du  chapitre  étant  consacrée  à  une  explication  de  Sarapis, 
que  toute  correction  qui  ne  fait  pas  intervenir  ici  également  le 
nom  de  Sarapis  ne  peut  pas  résoudre  la  difficulté. 

C'est  le  cas,  par  exemple,  pour  la  correction  d'Emperius  que 
M.  Bernardakis  a  admise  dans  son  texte  et  que  Ton  en  vient  quel- 
quefois maintenant  à  citer  (^)  comme  la  vraie  version  de  Plu- 

tarque  :  ...£v  oïç  X£y£Ta',  XàpoTioç  jjlÈv  toC»  'HpaxXÉoj;  y£V£(T5at.  ir'jyârrjp 
"l(T'.<;,  Af'axoO  5È  Tou  HpaxXioj;  6  Tucpwv.  Il  faudrait  alors  à  tout  le 
moins  supposer  la  chute  d'un  membre  où  il  était  question  de 
Sarapis,  et  s'engager  ainsi  dans  un  second  remaniement  arbi- 
traire. 

Autrement  ingénieuses  et  dignes  de  mention  sont  les  correc- 


(')  Dans  le  Venetus  248,  Tpd<;  est  écrit  dans  l'interligne  au-dessus  de  xTjp,  proba- 
blement par  une  seconde  main;  la  valeur  traditionnelle  de  la  leçon  est  donc 
douteuse. 

(-)  Par  exemple,  Reitzenstein  {Poimandres,  p.  164,  et  Zwei  religionsgeschicht- 
licke  Fragen,  p.  94)  qui  se  fonde  sur  ce  texte  plus  que  suspect  pour  faire  descendre 
Isis  d'Héraklès.  De  même  Pauly-Wissowa,  s.  v.  Charops  4  b. 


—  1(>  — 

lions  proposées  par  les  savants  éininents  qui  restent  des  maîtres 
en  la  critique  de  Plutarque,  Ueiske  et  Wyttenhacli  : 

ÀéyÊTat,  Sàpa7tt.ç  jjikv  r^ç  zoù  'lipaxXéouç  Y£vé<T5a'.  .Sryyarpôç  'lo-a^aç, 
X'IoLxoù  8è  ToO  'HpaxXeo'jç  h  Tucpwv  Reiske. 

ÀÉyeTaî.  aÙTo;  p-èv  (sci/.  Osiris)  ilapaTto'jç  r?i(;  'HpaxXéou*;  yevé<T3a'. 
.S'jyaTpoç,  'laataxou  5e  toû  'HpaxAeouç  ô  Tu'^wv  Wyttenbach  (^). 

A  la  rigueur,  on  pourrait  se  passer  d'exprimer  è  SàpaTriç 
comme  sujet  de  XéyeTa',,  car  il  se  supplée  facilement,  étant  le 
sujet  de  la  phrase  précédente.  Néanmoins  dans  cette  dernière 
phrase,  le  nom  de  Sarapis  est  suivi  de  celui  d'Osiris  et  il  en 
résulte  une  certaine  amphibologie  à  laquelle  Wyttenbach,  dans 
sa  correction,  s'est  laissé  prendre  en  faisant  d'Osiris  le  sujet  de 
liyezoLi.  De  plus,  pour  la  symétrie  de  la  phrase,  on  s'attend 
à  voir  exprimer  un  premier  sujet  qui  doit  balancer,  à  la  fin  du 
premier  membre,  celui  qui  termine  le  second  :  h  Tjcpwv.  Dès 
lors,  rétablissant  ô  Sàpaut;  et  se  tenant  le  plus  près  possible^  du 
texte  transmis,  on  pourrait  lire  : 

ev  oïç  XeyeTat,  XapoTcoO;  tyiç  p.£v  tol»  'HpaxXéouç  yev£<T.3-a'.  5'jyaTpèç 
<  0  liÔLpoLTz  >  iç,  At-'axoL»  8e  ToG  'HpaxXéouç  6  T'jcpwv. 

Je  dois  dire  qu'il  m'est  impossible  de  traiter  sérieusement  la 
leçon  'l<TataxoLi  et  qu'elle  m'apparaît  invinciblement  comme  la 
bévue  d'un  scribe  chrétien., 

Il  faudrait  peut-être  supposer  un  archétype  ancien  en  onciales 
où  l'un  des  deux  groupes  identiques  OC  qui  se  suivent  aurait  été 
sauté,  BYrATPOCOCAPAniCAIAKOr  devenant  eiTAïPOCAPA- 
IIICAIAKOT.  Le  scribe,  hanté  par  un  nom  biblique,  aurait 
rattaché  IC  au  groupe  AIAKOT  et  laissé  tomber  le  groupe  de 
lettres  APAIT  devenu  inintelligible.  Ceci  n'est  d'ailleurs  qu'une 
des  façons,  entre  plusieurs  autres,  de  s'expliquer  une  faute  qui 
a  sans  doute  une  très  longue  histoire.  En  tout  cas  SrjyàTr.p 
apparaît  visiblement  comme  une  correction  malheureuse  et  pos- 
térieure. 


(*)  Voir  dans  l'édition  de  Parthey  d'autres  corrections  de  Semler  et  de  Parthey 
lui-même  que  je  crois  inutile  de  mentionner. 


—   17  — 

Je  ne  sache  pas  qu'il  soit  parlé  ailleurs  d'une  filiation  entre 
Éaqne  et  Héraklès.  Mais  en  faveur  de  l'attribution  à  Héraklès 
(l'une  fille  nommée  XapoTrw  (^),  nous  avons  du  moins  un  indice 
chez  Pausanias,  IX,  84,  4  :  AvwTipw  U  (il  s'agit  du  mont 
Laphystion,  en  Béotie)  ettiv  'HpaxÀYi<;  Xâpo(|>  i7rixAYi(T!.v  evraG^a 
ok  ol  Bo',(OTol  Xiyoua'.v  àva[3'?jva',  tov  HpaxÀéa  àvovxa  toO  "Aioo'j  tov 
xûva. 

C'est  ici  le  uioment  de  rappeler  une  remarque  profonde 
d'Otfried  Mûller  C^)  :  «  Héraklès  sortant  des  enfers  aurait  été 
appelé  par  les  Béotiens  Charops,  le  joyeux  )>.  Pour  les  4>pLiy'.a 
ypâjjLjjLotTa,  Sarapis,  le  dieu  bienfaisant,  descendrait  donc  de  la 
fille  engendrée  par  Héraklès  rendu  à  la  lumière.  La  fille,  comme 
l'enfant  l'est  fréquemment,  aurait  été  nommée  d'après  une  qua- 
lité caractéristique  du  père  (^).  Typhon,  le  dieu  malfaisant  des 
ténèbres,  serait  issu  d'un  fils  d'Héraklès,  Eaque,  qui  vit  dans 
l'obscurité  infernale. 

Jusqu'ici  nous  ne  voyons  pas  encore  manifestement,  dans 
cette  première  explication,  une  étymologie  de  Sarapis,  comme 
il  y  en  aura  une  dans  chacune  des  cinq  explications  qui  vont 
suivre  et  comme  il  paraît  être  de  méthode  régulière  dans  tout 
ce  chapitre.  C'est  que  Plutarque  résume  ici  très  négligemment 


(^)  C'est  uniquement  la  leclio  un  peu  ditïicilior  qui  me  fait  préférer  la  forme 
XapoTToui;  à  XapoTiTi;  qui  serait  plus  usuelle;  cf.  Mépot|^,  MspoTrTj,  KaXXtoTnrj,  etc.  Le 
suffixe  ui,  en  général  diminutif  et  hypocorisliqUc  (cf.  Zeu^w,  Zeu^îirTiTj,  etc.),  aurait 
donné  plutôt  régulièrement  Xapw  (et.  <l>aiyo^,  4>atva)).  Mais  on  voit  que  dans  cette 
forme  la  relation  avec  l'épithèle  d'Héraclès  X<xpo<\i  ne  serait  plus  apparente;  w  aurait 
donc  fonctionné  ici  simplement  comme  suffixe  do  nom  propre  féminin.  Cf.  'Epaxto 
en  regard  de  epàxTi. 

[^)  Dorier,  ïî«  éd.,  I,  p.  423. 

(5)  Entre  autres  exemples  analogues,  cilons  Astyanax  Z  403  (cf.  PlatOiN,  Cralylc, 
392  C),  Eurysakès,  fils  d'Ajax,  Télémachos  (parce  qu'Ulysse  combat  au  loin),  Méga- 
penthès  (à  cause  de  la  douleur  de  Ménélas  pour  la  perte  d'Hélène),  Gorgophone, 
tille  de  Perseus  (à  cause  de  l'exploit  de  son  père,  Pausanias,  II,  21,  7),  Alkyone 
(à  cause  de  la  douleur  de  sa  mère  Marpessa,  I,  562);  voir  quelques  autres  exemples 
dans  un  article  récent  de  R.  Hildebrandt,  Philologus,  LXX  (1911),  pp.  73  et  suiv. 


—  18  — 

(ou  yào  aÇwv  itpo<jé^e'-v)  ;  s'il  avait  accordé  un  peu  plus  d'attention 
à  l'opinion  qu'il  transmet,  il  aurait  vu  que  pour  le  fond  elle 
dérive  sans  doute  d'une  étymologie  égyptienne  qu'il  signalera 
lui-même  un  peu  plus  loin  :  éyw  os,  e^  f/kv  XiyùnTiôv  é^'.  Touvojxa 
ToO  Sapâuwoç,  eù^poa-uvY)v  olÙto  O'rjXoOv  010^7.1  xal  y7.^\k0<7'x/y;/,  Texjjia».- 
oduevoç  OTt.  Tf\^  éopTYjv  A^yy7rT!.ot.  ik  yapfJLOo-jva  «  Ta(p£'.  »  xaAoOa'.v. 

Il  y  avait  donc  une  étymologie  qui  dérivait  le  nom  de  Sarapis 
du  mot  égyptien  sairei,  lequel  signifie  yapjjLOTJVYi,  joie.  On  voit 
que  la  généalogie  attribuée  à  Sarapis  dans  notre  passage  dérive 
précisément  de  l'épithète  CharopSy  joyeux,  et  ne  fait  que  tra- 
duire en  grec  l'idée  qui  est  dans  l'étymologie  égyptienne  (*). 
Ce  rapprochement  achève  de  mettre  hors  de  doute  la  nécessité 
de  donner  Sarapis  comme  sujet  à  la  phrase  extraite  des  «  Ecrits 
phrygiens  ». 

Pour  ce  qui  est  des  Phrygia  grammata  que  nous  voyons  citer 
ici,  la  question  n'a  pas  encore  fait  l'objet  d'une  étude  spéciale. 
Il  faut  placer  l'invention  de  l'existence  d'écrits  de  ce  genre  au 
moins  au  second  siècle  avant  Jésus-Christ.  Je  dis  l'invention  de 
l'existence,  et  non  la  composition  comme  œuvre  à  part,  car  il 
est  certain,  par  exemple,  que  lorsqu'un  Denys  Skytobrachion 
(iP  siècle  av.  J.-C.)  prétend  utiliser,  chez  Diodore,  III,  07,  5, 
pour  son  roman  mythographique  un  antique  ouvrage  phrygien, 
il  en  invente  à  la  fois  l'existence,  le  titre  et  l'auteur.  Faut-il 
entendre  comme  des  <i>pL»yt.a  ypâ|jL|jLaTadu  même  genre  les  Plirygiac 
litterae  que  mentionne  Cicéron  (^),  évidemment  de  seconde 
main,  à  propos  d'un  Hercule  Nilo  natus  Aegyptius,  qitem  aiunt 
Phrygias  litteras  conscripsisse  ?  La  question  est  obscure.  En 
tout   cas,  Lysimaque   d'Alexandrie,   qui  est   sans   doute   plus 


(*)  Il  y  a  peut-être  lieu  de  mentionner  ici  le  passage  de  Porphyre,  De  p/iilosophia 
exoracidis  haurienda,  éd.  G.  Wolff,  p.  131  (cité  par  Eusèbe,  Praep.  Evang.,  V, 
13,  p.  201  B),  où  il  est  dit  de  Sarapis  :  jSojTpu^/^ov  s/.  xsœaXTj;  veâxT|(;  ■^apo-noiai 
|xexto7roi<;  |  à{x^i<;  latvdjxsvov. 

(2)  De  nat.  deor.,  III,  42.  Cf.  Ampelius,  Lib.  meni.,  9;  Lvdus,  De  memibtis,  IV,  46 
et  MiCHAELis,  De  origine  indicù  deornm  cognominmn  (Diss.  Berlin.  1898),  p.  76. 


—  19  — 

ancien  (^)  que  Cicéron,  cite  6  toù;  4>p'jyioj;  IrWouç  ypà^j^a;,  à 
propos  précisément,  comme  chez  Plutarque,  d'une  généalogie, 
celle  d'Achille,  qui  différait  de  la  tradition  ordinaire  (^). 

Tout  en  ne  partageant  pas  tout  à  fait  le  scepticisme  de 
M.  Isidore  Lévy  (^)  à  l'égard  du  rôle  religieux  d'un  Eumolpide 
Timothée  à  Alexandrie  au  temps  de  l'un  des  Ptolémées,  je  crois 
qu'il  faut  en  tout  cas  renoncer  à  l'hypothèse  qui  voudrait  voir 
en  lui  également  l'auteur  de  <I>p'jy'.a  ypâjjLfxaTa  ('^). 

En  effet,  chez  Plutarque,  chapitre  XXVIll,  l'Eumolpide 
Timothée  identifie  Sarapis  à  Pluton  ou  Hadès  {^=  Dionysos- 
Osiris).  11  ne  peut  donc  être  l'auteur  de  l'écrit  dit  phrygien  où 
l'on  donnait  de  Sarapis  l'explication  en  tout  cas  différente  que 
nous  venons  d'examiner. 

Au  surplus,  il  est  dans  les  nécessités  mêmes  du  genre  que 
des  écrits  supposés,  comme  les  Phrjjgia  grammata,  soient 
pseudépigraphiques  (^).  On  vient  de  voir  que  chez  Cicéron 
on  attribuait  peut-être  une  œuvre  de  ce  genre  à  un  Hercule 
égyptien.  Dans  le  passage  de  Diodore  (111,  67,  4-5)  signalé  plus 


(•)  Cf.  SiJSEMiHL,  Geschichte  der  gr.  Litteratur  in  der  Alexandrinerzeit,  I,  pp.  479 
et  suiv. 

(2)  ScoL.  Apollon.  Rh.,  Arg.,  I,  558;  dans  Muli.er,  FHG,  III,  p.  338,  fr.  11. 

(3)  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  LXl  (1910),  p.  195. 

(*)  C'est,  semble-t-il,  une  phrase,  trop  larcfement  interprétée,  de  M.  Franz  Cumoni 
qui  a  donné  lieu  au  renouvellement  de  cette  hypothèse  (elle  était  déjà  dans 
MuLLER,  FH(w,  II.  p.  614)  :  «  L'Eumolpide  Timothée...  s'instruisit  aussi  des  antiques 
mythes  phrygiens  »  [Les  religions  orientales  dans  le  paganisme  romain]  2^  éd., 
p.  77).  Partant  de  là,  M.  J.  Toutain  écrit  à  propos  du  récit  phrygien  du 
mythe  de  Cybèle,  transmis  par  Arjsobe,  Adversus  nationes,  V,  5-7  :  «  Arnobe  l'a 
emprunté  à  un  spécialiste  nommé  Timothée,  qui  parait  être,  selon  l'hypothèse  fort 
vraisemblable  de  M.  Franz  Cumoni,  l'Eumolpide  Timothée,  appelé  en  Egypte  par 
Ptolémée  I...  etc.  »  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  LX  (1909),  p.  299.  Même  com- 
binaison chez  P.  Wendland,  Die  hellenistisch-rOmische  Kultur,  p.  129,  2«  éd. 

(•^)  Cf.  pour  l'Egypte  les  ouvrages  attribués  au  vieux  roi  Néchepso  et  à  son 
prêtre  Pétosiris,  à  Hermès  et  à  Asklépios;  pour  la  Perse,  Zoroastre;  pour  la  Phé- 
nicie,  Sanchuniathon;  pour  la  guerre  de  Troie,  les  romans  de  Diktys  le  grec  et  de 
Darès  le  phrygien,  etc. 


—  20  — 

haut  comme  emprunté  à  Dcnys  Skytol)racliion  (*),  il  estd'aboid 
parlé  (Je  Linus  comme  ayant  écrit  d'antiques  ouvrages  en  carac- 
tères pélasgiques,  ensuite  d'Orphée;  après  les  noms  de  iees 
auteurs  mythiques,  on  lit  :  Trpô;  oe  toûtoi;  BujxoiTY.v  tôv  HjjjLO'iToj 

-zoO  AaojjLéoovToç  xaxà  t'>,v  T,Auîav  yeyovÔTa  '  rViv  'Op'^éwç  TjvTa- 

;a(T5a!.  T'>,v  4>pi>ytav  ovojJiaÇojJLSVYjV  7:oÎYiTt.v,  dpyjxiyMi;  (^)  tt,  T£  o'.aAÉxTw 
xal  toi;  ypâ{ji{jLaa'. ';(p7iarâ|ji£vov.  Ici  donc  on  inventait  une  version 
phrygienne  que  l'on  attribuait  à  ïhymoitès,  petit-fils  du  phry- 
gien Laomédon,  dont  le  peuple  passait  fréquemment,  comme 
on  sait,  pour  être  le  plus  ancien  de  la  terre. 

Vient  maintenant  le  passage  d'Arnobe  [Adv.  nationès,  \  ,  -j-'j 
sur  la  légende  de  la  déesse  phrygienne  :  Apud  Timotheum,  non 
ignobilem  theologorum  unum  nec  non  apud  alios  aeque  doctos 
super  Magna  deorum  Matre  superque  sacris  eius  origo  haec 
sita  est,  ex  reconditis  antiquitatum  libris  et  ex  intimis  eruta, 
quemadmodum  ipse  scribit  insinuatque,  mysteriis. 

Pas  plus  que  le  passage  de  Diodore  ne  garantit  l'existence 
de  la  poésie  phrygienne  d'un  Thymoitès,  le  texte  d'Arnobe  ne 
prouve  rien  au  sujet  de  la  réalité  des  écrits  du  ïimothée  le 
tlieologiis  et  des  alii  aeque  docti.  11  est  possible  qu'un  faussaire 
d'époque  tardive  se  soit  paré  lui-même  (^),  ou  plutôt  ait  paré 
sa  source  du  nom  et  du  titre  de  l'exégète  Éleusinien.  Mais  il  est 
tout  à  fait  invraisemblable  que  même  ce  pseudo-Timothée  ait 
fourni,  comme  le  suggère  M.  Lévy,  l'extrait  de  Plutarque  sur 
Sarapis  qui  est  précisément  en  contradiction  avec  l'interprétation 
donnée  par  le  Timothée,  historique  ou  légendaire,  pour  lequel 
le  faussaire  voulait  se  faire  passer. 


(1)  Cf.  ScHWARTZ  dans  Pauly-Wissowa,  .s.  v.  Diodoros,  V,  col.  673. 

(2)  Dindorf  et  Vogel  corrigent  en  àpjaixoiç. 

(5)  C'est  l'opinion  d'IsiDORE  Lévy,  Revue  de  VHistoire  des  Religiom,  LXI  (1910), 
p.  196. 


21 


m 

Sarapis  =  <TOLipciy  tô  t.7.v 

oùoï  <I>'Aâpyo'j  (*)  (JLT,  xaTacppove^v  ypàcpovToç  ot'-  TcpwToç  s'';  A'Iy'jTTTov 

£Ç       IvOWV     A'.ÔVJTOÇ    'fîYOL'^fS.    oÙo     Po'JÇ,     WV     YjV    TW    {JL£V    ^AtTI?     O^OIâOL     TO) 

o'  "Oo-tp'.ç,  Sâparciç  o'  ovo^kx  toO  to  iràv  xoo-jjio'jvtÔç  sctt'.  -apà  to 
Ta'^pc'.v,  0  xaXAÛv£!.v  T'.vk;  xa'.  xoTjxsrv  Xsyo'JT'-v.  "ATOua  yàp  Ta'JTa  to'j 
^^•.Aapyo'j,    ... 

a  Et  on  ne  peut  non  plus  que  dédaigner  Pliylarque  écrivant 
que,  le  premier,  Dionysos  amena  en  Egypte  de  l'Inde  deux 
bœufs  dont  l'un  avait  nom  Apis  et  l'autre  Osiris,  et  que  Sarapis 
est  le  nom  de  celui  qui  ordonne  l'univers,  d'après  le  verbe 
a-a(pc'.v  qui,  suivant  quelques-uns,  a  le  sens  d'embellir 
d'ordonner.  Absurde  est  cette  explication  de  Pbylarque...  )> 

Phylarque,  contemporain  d'Aratus  fin  du  IIP  siècle),  avait 
écrit  des  McrToptat  que  Plutarque  a  lues  et  cite  fréquemment. 
A  coup  sur,  notre  extrait  pourrait  appartenir  à  ces  Histoires 
qui,  d'après  les  nombreux  fragments  conservés,  renfermaient 
des  digressions  et  des  anecdotes  extraordinaires  de  toute  sorte 
(par  exemple  sur  l'Inde,  fr.  80  et  87;  sur  l'Egypte,  fr.  20  et  40; 
MiiLLEH,  IHG,  I,  pp.  334  et  suiv.).  Mais  il  avait  écrit  d'autres 
ouvrages  aussi,  notamment  une  'Et:!.to{jlyi  {juj^tx-r,  et  des  "Aypacpa, 
sans  doute  également  de  contenu  mytbographique  (^).  11  nous 
sutïit  de  constater  que  Plutarque  paraît  bien  citer  ici  d'après 
un  résumé  de  seconde  main,  comme  le  montre  le  caractère 
imprécis  et  incomplet  de  l'extrait.  11  ne  devait  d'ailleurs  avoir 
aucun  goût  de  recbercber  et  de  présenter  à  ses  lecteurs  les 


(')  Aucun  des  manuscrits  que  j'ai  collationnés  n'écrit  (puXap'/^oo. 
(«)  Cf.  SrsEMiHL.  GeschicfUe  der  griechùclien  Litteratiir  in  der  Alexandriney'zeit ^ 
I,  p.  631,  n.  5:if). 


_  -22  — 

détails  (l'une  opinion  dont  le  caractère  rationaliste  était  bien 
tait  pour  lui  être  antipatiiique. 

D'après  le  fr.  40"  où  il  parle  de  Philadelphe  avec  beaucoup 
de  liberté,  on  a  supposé  très  vraisemblablement  que  Pbylarque 
n'a  pas  écrit  à  Alexandrie  ni  sous  l'influence  de  la  cour  égyp- 
tienne. On  le  voit  de  même  ici,  semble-t-il,  traiter  sans  respect 
les  dieux  et  l'antiquité  vénérable  de  l'Egypte  en  plaçant  Apis  et 
Osiris  parmi  le  butin  rapporté  dé  l'Inde  par  Dionysos.  De  plus, 
on  dirait  que  l'étymologie  de  Sarapis,  tirée  du  grec  Taîps'.v  to 
7:àv,  est  inventée  précisément  pour  être  opposée  à  l'étymologie 
égyptienne  sairei  que  nous  avons  signalée  plus  baut  et  dont 
nous  aurons  l'occasion  de  montrer  l'antiquité. 

Comment  d'ailleurs  Pbylarque  passait- il  de  la  mention 
d'Osiris  et  Apis,  qui  fait  penser  pour  Sarapis  à  l'analyse  bien 
connue  Osiris  -|-  Apis,  à  Sarapis  lui-même  et  à  l'étymologie 
toute  différente  o-aips'.v  to  uàv,  c'est  ce  que  l'état  du  texte,  que 
Plutarque  lui-même  trouvait  déjà  absurde,  ne  donne  guère 
moyen  de  conjecturer.  Le  plus  probable  est  que  Pbylarque 
prétendait  que  Sarapis  n'avait  rien  de  commun  avec  Osiris  et 
Apis. 


—  23  — 


IV 
Sarapis  =  ^opôç  "Amooç 

"XzoTzy.  yàp  TaÙTa  toO  <l>!.Xàpyoj,  tcoÀXw  o'  âTOTroWepa  <  Ta  >  (*)  twv 
asyÔvtwv  oÛx  e'Jva'.  .reôy  tov  ïlàpaTr'-v,  âA^à  Tr,v  "Atiwoç  iropov  olJtwç 
ovo|JLâÇ£(T5a!,,  xal  '^aAxà;  Tivaç  sv  Msjjicpet,  TT'jXa;  A/,5t,ç  xal  xwxjto'j 
TrpoaayopcUOfJisvaç,  oTav  ^y.iz'Zb)^^.  -o^^  Wtzlv,  àvoîvecr^a'.,  [iiap'j  xal 
rj'Àkr^^o-^  ^o^o\j<70Lq  '  o',b  -avTÔ;  r,^cOvToç  'h{^àç  ya^xo^ixaToç  £-'.)>au- 
|jàv£a-5a'.. 

11  y  a  dans  celte  phrase  trois  propositions.  Quant  au  sens 
littéral,  les  deux  premières,  A)  oùx  s^vau..  ovojjLàÇeo-^at.,  B)  xal 
yaAxàç...  t];o!poLK7a; ,  n'offrent  pas  de  difficulté  et  l'on  peut  mettre 
(les  noms  sur  les  détails  qu'elles  nous  transmettent. 

Le  sens  du  troisième  membre,  C)  ow...  sTi'AajjLpâvea-.Sat.,  et  sa 
liaison  avec  ce  qui  précède  n'ont  pas  encore  été  expliqués  d'une 
façon  satisfaisante  et  devront  nous  arrêter  assez  longuement. 

.4)  «  Beaucoup  plus  absurde  est  l'explication  de  ceux  qui 
disent  que  Sarapis  n'est  pas  un  dieu,  mais  que  c'est  le  cercueil 
d'Apis  que  l'on  nomme  ainsi.  « 

Le  plus  ancien  garant  qui  nous  soit  cité  pour  cette  étymo- 
logie  Topôç  "A7r',8o;  est  Nymphodore  chez  Clément  d'Alexandrie, 
Stromata,  1,  2i,  i06,  6  (p.  08,  28,  Stàhlin)  : 

N'JIJLCpÔOWpOÇ    Be    6   'Ap.Cp?.7roXiTY|Ç     £V    XpiTW    NOjUilJKOV    'Ao-iaç    TGV   ^Att'.v 

TGV  TaOpov  T£X£UT7ja'avTa  xal  Tap'.'/^£u3£VTa  eiç  o-opôv  oLTzoTe^eï'jBai  £v  tw 
vaw  ToO  Tt.(jLOi{i.£vo'j  BaijJLOVo;,  xàvT£'j5£v  2op6a7r!.v  xX7i.S:r,va!.  xal  Sàpa-'.v 
T'JVTi.Srfiîa  Twl  Twv  é'j'ywpiwv  'jaxEpov. 

Ce  Nymphodore,  auteur  de  Nomima  barbarica,  n'est  appelé 

AjjLcpiTcoX'iTTiÇ  que  dans  ce  seul  passage  de  Clément;  il  est  très 

vraisemblablement  le  même  que  le  paradoxographe  qu'Athénée 


(1)  xà  suppl.  Squire. 


—  24  — 

appelle  Nvinpliodore  de  Syracuse  et  qui  avait  écrit  un  ouvrage 
Ilepl  Twv  év  lt.x£A'!a  .Srau|j.aÇo(jL£vwv  et  un  UepiTzkou^  (*) . 

On  le  place  généralement  à  l'époque  de  Pliiladelphe,  et  même 
il  a  dû  écrire  avant  260  si  l'on  admet  avec  le  scoliaste  d'Apol- 
lonius de  Rhodes  que  celui-ci  l'a  utilisé  pour  des  détails  ethno- 
graphiques de  ses  Argonautiques  :  Scol.  Apoll.  Hhod.,  111, 
202  =  fr.  17...  (oç  «p/j^t,  N'j{ji.cp6owpo;  w  /.xoÀoij.rTia-e  [scil.  'AiroA- 
Ao'jvwç)...  Cf.  le  même  scoliaste,  11,  1010  =  fr.  i5. 

Nymphodore  ne  paraît  pas  s'être  fait  scrupule  de  reproduire 
ses  devanciers.  Par  exemple,  le  fragment  21  (Scol.  Sophoc, 
OEd.  Col.,  337),  sur  les  mœurs  des  Egyptiens,  est  emprunté  à 
Hérodote,  avec  une  seule  et  curieuse  addition  dont  voici  le  sens  : 
Sésostris  a  imposé  aux  hommes  les  travaux  des  femmes  et  aux 
femmes  les  travaux  des  hommes,  par  politique,  pour  efféminer 
les  hommes  et  les  empêcher  de  revendiquer  l'égalité  et  de  ren- 
verser son  autorité. 

Cette  interprétation  rationaliste  des  institutions  s'inspire 
exactement  de  l'esprit  qui  poussait  HécaLée  d'Ahdère  à  inventer 
également  des  explications  politiques,  par  exemple  Diodore,  1, 
89,  5  (=  Plutarque,  De  fside,  ch.  LXXU,  p.  380)  {^)  :  les  rois 
d'Egypte,  pour  empêcher  leur  peuple  de  s'unir  contre  eux,  ont 


(*)  Les  fragments  empruntés  aux  Nomiina  et  aux  deux  autres  œuvres  sont  écrits 
dans  le  même  esprit.  11  y  a  même  quelque  chose  de  caractéristique  dans  la 
rencontre  d'expressions  comme  sv  Tcp  vatf»  Toy  xtfjitofjLÉvou  ôatuiovoc;  chez  Clément  et 
'Aôpavou  vswç  Èiriytopto'j  oat'fxovoi;  chez  Émen,  N.  à.,  XI,  20  (Nymphodore.  fr.  3; 
MuLLER,  FHG,  II,  p.  376).  On  sait  combien  souvent  les  anciens  sont  désignés,  tantôt 
par  leur  lieu  de  naissance,  tantôt  par  leur  résidence. 

(2)  Pour  l'attribution  à  Hécatée,  cf.  Ed.  Schwartz  dans  Pauly-Wissowa,  V. 
col.  674,  s.  V.  Diodoros.  Il  faut  rapprocher  de  ce  passage  d'Hécalée  le  récit  d'un 
auteur  juif  (Artapanos)  qui  attribue  l'honneur  de  ce  stratagème  politique  à  Moïse, 
conseiller  du  roi  Chenephrès  :  e'-ri  8e  tt)v  ttoXiv  etç  Xç'  vofAoù;  ôteXslv  xat  £xà(rccf>  xtov 
vopiàiv  aTTOxâ^at  xôv  3eôv  aB(pBri<sE<sBai  xi  X£  Upà  Ypà(ji(i.axa  xoiç  lepeùdiv  elvai  Se  xai 
alXoupouj;  xat  xuvaç  xal  t'pei<;...  xauxa  8e  iràvxa  irotTjcrat  ^àpiv  xou  xijv  {xovap^îav 
P^Païav  xqj  XevE(ppfi  StacpuXà^at.  EusÈBE,  Pra^p  Evang.,  IX,  27,  p.  432  B;  Muller, 
FHG,  III,  p.  221. 


—  25  — 

introduit  des  cultes  d'animaux  différents  selon  les  régions,  ce 
qui  a  engendré  entre  leurs  sujets  d'interminables  querelles  (^). 

Que  Nyuiphodore  soit  ou  non  son  premier  auteur,  l'étymo- 
logie  (Topo;  '  Att^oo;  éniane  donc  du  mên)e  rationalisme  superficiel 
qui  caractérisait  l'œuvre  d'Hécatée. 

En  lisant  chez  Clément  les  phrases  qui  précèdent  le  texte 
transcrit  ci-dessus,  on  voit  que  l'explication  était  mise  en  rap- 
port par  divers  auteurs  avec  une  identitication  évhémérique  de 
l'Apis  égyptien  et  d'un  Apis  grec  mythique  qui  avait  régné  sur 
le  Péloponèse.  Celte  identification  se  rattache  à  un  ordre  de 
questions  que  nous  étudierons  dans  leur  ensemble  au  cha- 
pitre XIII. 

Plutarque  se  contente  de  déclarer  l'étymologie  absurde,  et 
la  brève  mention  qu'il  en  fait  ne  nous  permet  d'entrevoir 
aucune  allusion  au  récit  qui  expliquait  la  divinisation  d'un  roi 
grec  Apis  à  Memphis.  Mais  il  ne  faudrait  pas  conclure  de  là 
que  Plutarque  ignore  ce  récit;  il  n'a  sans  doute  pas  voulu  s'y 
arrêter  à  cause  de  son  antipathie  déclarée  pour  la  tendance  de 
l'impie  Evhémère  (De  hide,  XXIII).  Comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  l'étymologie  rationaliste  rropo;,  "A-ioo;  était  déjà  bien  connue 
de  Varron,  d'après  qui  saint  Augustin  s'est  donné  le  plaisir  de 
la  reproduire  (^).  Elle  a  été  répétée  d'après  Clément  par  Eusèbe, 
et  Rufin  la  rappelle  encore,  à  la  fin  du  chapitre  même  où  il 
raconte  la  destruction  du  temple  du  grand  dieu  égyptien  (^). 


(i;  Ailleurs  iNymphodore  paraît  voisiner  de  près  avec  Éphore.  Comparez  fr.  45  et 
16  avec  Éphoke,  fr.  82,  81,  Millier;  cf.  Hécatée  de  Milet,  fr.  193. 
(«)  atédelMeu.XMW.^. 
(•')  Eusèbe,  Prnep,  Evang.,  X,  12.  p.  499  C;  Kufln,  Hist.  EccL,  XI.  23. 


26 


Le  tombeau  d'Apis 

B)  «  et  qu'à  Memphis  des  portes  d'airain,  appelées  d'oubli 
et  de  lamentation,  lors  de  l'enterrement  d'Apis,  s'ouvrent,  en 
rendant  un  bruit  grave  et  dur.  » 

Il  y  a  longtemps  que  l'on  a  reconnu  le  parallélisme  qui  existe 
entre  cette  phrase  et  un  passage  de  Diodore,  I,  96,  9  :  E'Tva'.  5k 
AsyojTt.  TzhTi'jioy  twv  tottwv  toÙtwv  xal  <7xozixç  'ExaTYiç  Ucôv  xal  Tcû/.a; 
xwxuToù  xal  X'/i^y^ç  oiei\'/]^<^éy(x.ç  y(xkv.oZz,  oy£'j<Tt,v. 

Ce  passage  de  Diodore  appartient  à  une  section  (I,  96-98,  9; 
cf.  I,  69)  que  M.  Ed.  Schwartz,  par  d'excellentes  raisons,  fait 
remonter  à  Hécatée  d'Abdère  (^).  La  tendance  de  toute  cette 
section  de  Diodore  est  très  claire  : 

C'est  à  l'Egypte  que  les  sages  de  la  Grèce  doivent  leur 
science.  En  particulier,  c'est  à  elle  qu'Orphée  a  emprunté  la 
plupart  des  cérémonies  des  mystères  et  sa  mythologie  de 
l'enfer  (ï,  96,  4).  Homère  s'inspire  des  enseignements  d'Orphée 
pour  sa  description  de  l'Hadès  (w,  v.  1-14).  Par  exemple, 
Hermès  Kyllénios  (v.  1)  est  l'Hermès  psychopompe  des 
Égyptiens  qui  remet  le  corps  d'Apis  à  celui  qui  a  la  tète  de 
Cerbère  (Hermanubis;  Diod.,  I,  96,  6). 

Okeanos  (w  11)  signifie  le  Nil  en  langue  égyptienne;  les 
\WJ.Qio  TT'jAa',  (w  12)  désignent  la  ville  d'Héliopolis;  la  prairie 


(1)  Pauly-Wissowa,  s.  v.  biodoros,  col.  671.  Cf.  également  l'ariicle  de  Schwartz, 
Hekataeos  von,  Teos  dans  Rheinisches  Muséum,  XL  (1885),  pp.  223  el  suiv.  —  La  théo- 
rie qui  attribue  aux  Égyptiens  le  mérite  d'avoir  enseigné  aux  Grecs  leur  théologie  est 
antérieure  à  Hécatée  d'Abdère  et  se  trouve  déjà  chez  Hérodote,  II,  49  et  suiv. 


—  27  — 

(a£1{jlo)v,  w  13),  séjour  des  âmes,  se  retrouve  près  de  Memphis 
(Diod.,  1,  96,  7)  (1). 

La  suite  (Diod.  I,  96-8  à  97,  8)  signale  l'existence  en  Egypte 
(les  traits  les  plus  caractéristiques  de  l'enfer  des  Orphiques  : 

1 .  Le  passage  du  fleuve  en  barque,  l'obole  payée  à  un  nocher 
(|ui  s'appelle  en  égyptien  «  charon  «  (cf.  Kinkel,  Ep.  fragm., 
1,  p.  215;  Aristophane,  Grenouilles,  183)  et  le  lac  de  TAchéron 
(cf.  Euripide,  Alceste,  443). 

2.  Le  temple  d'  'Exârri  axoT'ia  (cf.  vLjyiav  'ExaTY.v,  Lucien, 
Ménippe  ou  Nekyomanteia,  469)  ;  il  s'agit  sans  doute  d'un 
temple  souterrain  d'Hécate  (cf.  Johannes  Malalas,  Chrono- 
(irapliia,  XU,  p.  307,  1.  17,  éd.  Bonn). 

3.  Les  portes  d'airain  de  lamentation  et  d'oubli  ;  les  portes 
métalliques  de  l'Hadès  sont  bien  connues  depuis  Homère,  B  15; 
Hésiode,  Theogon.,  732  :  -uAaç  oèrd.^r^xc  ITocre'.owv  y/AxsioLç:  plus 
souvent  ydXxeoç  oùoôç,  6  15,  Hésiode,  Theogon.,  811  (cf.  Scol. 
Soph.  (Ed.  Col.,  58  =  Apollod.  fragm.,SS  dans  Mùller,  FHG, 
1,  p.  434).  La  nouveauté  de  la  source  de  Diodore  paraît  être 
d'appliquer  à  ces  portes  les  noms  infernaux  bien  connus  de  Ay.5y. 
et  de  KwxjToç  (cf.  \ri.^-r\c,  TreSiov,  Aristoph.,  Gren.,  186;  Platon, 
Hép.,  10,  62i  A;  KwxjtoO  ...  xuveç,  Aristoph.,  ibid.,  472). 


('j  On  n'a  pas  encore  sig-nalé,  à  ma  connaissance,  que  justement  le  même 
|);issage  d'HoMÈR''  (eu  1-14)  se  trouve  cité  et  commenté,  également  pour  montrer  la 
dépendance  relii^ieuse  des  Grecs  vis-à-vis  des  Égyptiens,  dans  le  texte  relatif  aux 
Naasséniens  clio/-  Hippolytk,  l\efut.  omn.  kaer.  V,  pp.  144  et  suiv.  Scimeidewin; 
voir  la  reconstitution  de  Reitzenstein,  Poimandres,  pp.  88  et  suiv.  M.  Keitzen- 
STEiN  {Zwei  rcJigionsgefchicfUliche  Fragen,  pp.  95-96)  suppose,  avec  raison  je 
pense,  pour  ce  texte  des  Naasséniens  une  source  égypto-grecque  à  tendance 
stoïcienne.  En  ce  cas,  cette  source  aurait  utilisé  le  même  auteur  que  iHodore,  et  il 
n'y  aurait  pas  lieu  d'ajouter  comme  argument  que  «  la  source  stoïcienne  se  trahit 
fortement  par  l'utilisation  d'Homère  ».  Il  est  également  curieux  de  constater  que 
l'explication  étudiée  plus  haut  ("AiÔtiv  Àsysa^at  xo  <Tc5(jLa,  p.  43)  a  aussi  son  pen- 
dant dans  le  texte  des  Naasséniens  à  propos  des  doctrines  phrygiennes  :  Xéyouîi  8è 
01  <^puY£<;  <tôv>  aùxôv  toutov  xal  vexuv,  oiovît  iv  {j.vT^|jLaTi  xai  Ta'fio  èyy.(xxMpMy- 
piévov  £v  Tjp  (TcofjLaTi  (Keitzenstein,  Poimandres,  \t.  93). 


—  28  — 

i.  Pareillement,  Diodore  appelle  [)ortes  de  vérité  (j-âpyc'.v 
o£  xal  àXXa;  -jAaç  £kf,iv.cf.^)  ce  que  les  autres  réminiscences 
orphiques  appellent  ordinairement  iteoiov  dA'r^.btia^  (Platon, 
Phèdre,  248  B;  Axioc/ms,  871  B;  Plutarque,  A>e  defectu  orac, 
22,  422  B). 

5.  La  mention  de  la  présence,  dans  les  mêmes  lieux,  d'une 
statue  de  la  Aixri  (e'I'owXov  dxéz^aXov  £7Tâva'.  A'ixY,;)  confirme  ce  que 
M.  Diels  a  très  bien  vu  de  l'importance  de  la  Mxr,  dans  la 
mystique  orphique  (^). 

6.  Dans  la  ville  d'Akanthos,  non  loin  de  Memphis,  on 
retrouve  la  fameuse  jarre  trouée  (7r{.ro;  TcTpr^aÉvo;)  qui  sert  chez 
Jes  Grecs  au  supplice  infernal  des  non-initiés  (Platon,  GorgiaSy 
498  B;  Pausanias,  X,  8i,  9  et  li),  et  dans  une  fête  on  repré- 
sente le  mythe  d'Oknos  qui,  dans  l'enfer  des  Grecs,  tresse 
interminablement  une  corde  sans  cesse  détruite  (cf.  Pausanias. 
X,  29,  2;  Kratinos,  fr.  848  Kock;  Plutarque,  De  tranqu.  an., 
14,  p.  478  C,  etc.). 

7.  Finalement  si,  comme  il  est  vraisemblable,  Hécatée,  signa- 
lant des  portes  roulant  sur  des  gonds  d'airain  (Diod.,  I,  96,  9), 
avait  insisté  sur  leur  bruit  spécial  (le  détail  manque  chez 
Diodore),  son  intention  avait  dû  être  d'y  retrouver  quelque 
analogie  orphique,  notamment  avec  Vr^yeio^  d'Eleusis  dont  nous 
nous  occuperons  plus  loin,  p.  52. 

En  présence  de  la  tendance  manifeste  de  tout  ce  morceau 
de  Diodore-Hécatée,  il  paraît  évident  que  Plutarque  n'a  pas 
emprunté  à  un  tel  contexte  le  détail  commun.  Dans  sa  source, 
si  le  souvenir  du  texte  primitif  a  fait  conserver  le  nom  de 
portes  d'oubli  et  de  lamentation,  ce  n'est  cependant  pas  l'inten- 
tion de  signaler  spécialement  cette  ressemblance  avec  les  mythes 
grecs  qui  a  fait  reproduire  le  détail.  Ce  qui,  chez  Plutarque,  est 


(^)  Parmenides  Lekrgedicht,  p.  11  ;  sur  r'AXiQ^sta  et  la  Ai'xtj  voir  aussi  p.  15. 
Comparez  le  rôle  de  la  Aîxt)  aux  enfers  chez  Plutarque,  De  sera  numinis  vindicta, 
22,  p.  564  F.  Cf  Sophocle,  Antigone,  451. 


—  29  — 

mis  en  relief,  c'est  le  tait  de  portes  de  bronze  (/aXxà;  en  tète 
au  lieu  de  o'.sdriijLiJLeva;  y^xlyjjiq  ry^e'j<7'.y  Diodore),  et  surtout  la 
particularité  nouvelle  du  grondement  spécial  de  ces  portes  lors 
de  l'enterrement  d'Apis  (,3apj  xal  ^xAYipôv  ^o-foùrroL^) , 

La  qualité  de  son  que  les  Grecs  désignaient  par  le  mot 
^ylfipôc,  nous  est  clairement  définie  par  Aristote,  De  aiid., 
SO^B,  29  : 

llxAr^oal  B'  sîo-l  twv  cpwvtov  OTa»,  ,3t,a'io)(;  Tipoç  tV  àxoriv  ttgoo-— {tito-jo*!.  * 
o'.ô  xal  {jiàX'.a-Ta  TzoLpéyowji  tovtovov.  TcaÙTai.  o'  £'>lv  al  O'jTX'.VTiTÔTepa'. 

xal  (jL£Tà  Tu).£'>Tr|ç  cpcpôjjLevat.  ,3'ia;.  Et  un  peu  plus  loin,  802  B,  89  : 

llàvTe;  vào  0'.  '^ioL'.o'.  [sc.  '\f6z)0\)  yiyvoyTO!.:  lyXr^^oi^  xa.SrâTzep  xal  twv 
x'.[Î1wtIo)v  xal  Twv  o-Tpocpéwv,  OTav  àvolywvTa».  jB'.aiwç,  xal  to'j  ya)sXO'j 
xal  TO'J  a-WT.pO'j  (^). 

On  voit  que  ces  dernières  lignes  semblent  avoir  été  écrites 
exactement  pour  s'appliquer  à  notre  passage  :  les  bruits  appelés 
7x/Yipol  sont  produits  avec  violence  et  le  terme  se  dit  en  parti- 
culier des  gonds  des  portes  qui  s'ouvrent  avec  force  et  de  la 
sonorité  du  ter  ou  de  l'airain. 

C'était  donc  un  bruit  de  cette  sorte  que  faisaient  entendre 
les  portes  de  bronze  de  Memphis,  lorsqu'elles  pivotaient  sur 
leurs  gonds  rouilles  à  l'occasion  des  funérailles  d'Apis.  Qu'un 
tel  bruit  frappât  les  esprits  et  fit  penser  à  la  voix  du  taureau 
divin  que  l'on  enterrait,  c'est  là  une  conséquence  qui  devait  en 
(juelque  sorte  se  produire  nécessairement.  Le  grondement  d'une 
lourde  porte  et  le  mugissement  du  taureau  sont  des  impressions 
qui  s'associent  si  facilement  que  les  deux  bruits  sont  déjà  dési- 
gnés par  le  même  mot  cbez  Homère  :  comparez  ï  580  6  lï 
|j.axpà  ue|i.jx(t);  (d'un  taureau),  <^ï>  237  [jl£|jl'jxw;  7/jtc  TaOpo;  avec 
M  iOO  [Ji.£ya  o'  âjjLcpl  TzîikoLi  [jluxov,   E  749   (=  B  898)   aÙTÔ{i.aTa!.  0£ 

71'jXa'.  {jL'jxov  oùpavoO;  cf.  également  le  passage  très  caractéristique 

'j  47  :  .S'-jpÉwv  o'  àv£X07CT£v  O'/^TJaç  I  avxa  Tt.T'j(TxopisvTi  '  Ta  o'  àviJBpay^cv 
y''jt£  Ta'jpoç  !  poa'xôjjL£vO(;  \zvjmv\. 


(*)  La  suite  continue  à  développer  le  même  thème  d'une  façon  inléressante.  Cf. 
chez  Plutarque,  Quaest.  conviv.,  I,  7,  p.  625  B;  Vie  de  Cicéron,  3. 


1 


—  .30  — 

Quant  à  la  signification  religieuse  spéciale  que  la  version  ici 
résumée  par  Plutarque  devait  attacher  au  bruit  des  portes  de 
Memphis,  la  question  relève  d'une  étude  d'ensemble  sur  le  son 
de  l'airain  que  nous  devons  réserver  pour  le  chapitre  suivant. 

Au  début  de  toute  la  phrase,  Plutarque  a  annoncé  qu'il  allait 
rapporter  des  opinions  absurdes  (dTOT.MzeooL  au  pluriel).  Absurde 
peut  paraître  l'étymologie  Topo;  "Ar'.oo;.  Mais  le  fait  que  des 
portes  de  bronze  s'ouvrent  en  résonnant  ne  peut  offrir  en  soi,  ni 
pour  Plutarque  ni  pour  nous,  rien  de  particulièrement  absurde. 
11  est  même  vraisemblable  que  les  gardiens  des  temples  égyp- 
tiens montraient  de  telles  portes  aux  voyageurs  grecs  (*). 

Dès  lors,  il  faut  penser  que  la  chose  que  Plutarque  signale 
en  second  lieu  comme  absurde,  ce  n'est  pas  précisément  le  bruit 
des  portes,  mais  que  c'est  la  relation,  établie  par  ow,  entre  ce 
bruit  et  l'opinion  nouvelle  que  nous  allons  maintenant  examiner 
dans  le  troisième  membre  de  la  phrase.  C'est  en  vue  de  l'opinion 
exprimée  dans  ce  troisième  membre  que  la  source  de  Plutarque 
a  reproduit  et  amplifié  le  détail  commun  avec  Hécatée. 


(1)  Il  me  souvient  qu'à  Home,  au  Baptistère  du  Latran,  un  guide  manœuvre 
ainsi  une  antique  porte  de  bronze  devant  les  visiteurs,  en  appelant  l'attention  sur 
le  bruit  qu'elle  rend. 


31  — 


yï 

Le  son  de  Fairain 

Ce  passage  est  resté  une  crux  pour  tous  les  interprètes. 
Squire  considère  tout  le  développement  xal  ^aAxàç  Ttvaç  jusque 
£7riXa|jLJBàv£cr.5a!.  comme  une  glose  de  copiste.  Xylander  et, 
après  lui,  Reiske  et  Wyttenbach  corrigent  éTriXapiSàvecT.Srat.  en 
£7r!.Aav.Sràv£T5a!.  (^)  et  ils  aboutissent  ainsi  dans  leur  traduction  à 
l'idée  étrange  :  scilicet  quia  quovis  aereo  opère  résonante  nos 
oblivio  invadat. 

Dans  la  traduction  de  Parthey  «  deshalb  wùrden  wir  von 
jedem  Klange  eines  ehernen  Geràthes  ergriffen  w,  je  ne  puis 
voir  qu'à  la  t'ois  un  contre-sens  et  un  non-sens.  Je  ne  connais 
pas  d'autre  interprétation. 

Je  maintiens  à  dessein  cette  dernière  phrase  telle  que  je 
l'avais  d'abord  écrite,  car  ce  n'est  qu'après  avoir  entièrement 
rédigé  mon  travail  qu'il  me  vint  le  scrupule  de  consulter  aussi 
la  traduction  d'Amyot.  C'est  sans  doute  sa  qualité  de  monument 
littéraire  de  la  langue  française  qui  nous  fait  oublier  le  mérite 
philologique  que  possède  l'œuvre  de  cet  helléniste  délicat.  Or, 
voici  ce  que  j'ai  lu  chez  Amyot  : 

(c  ...  et  qu'il  y  a  dedans  la  ville  de  Memphis  des  portes  de 
bronze  nommées  d'oubliance  et  de  deuil  que  Ion  ouvre  quand 
Ion  inhume  Apis,  et  qu'elles  mènent  un  bruit  bas  et  rude  quand 
on  les  ouvre,  et  que  c*est  pourquoy  nous  mettons  la  main  sur 


0)  Portasse  eirtXav^àvôj.Sra'.  legendum,  quasi  dicat  -.fris  slrepilu  oblivionem 
eorum,  quae  animum  nostrum  moeslilia  atficerent,  conciliari.  Xylander. 


—  32  — 

tout  vase  de  bronze  et  de  cuijvre  qui  nous  juil  du  bruit  pour  le 
/aire  cesser  )>.  Je  souligne  ces  derniers  mots  qui  donnent 
exactement  la  traduction  que  j'avais  trouvée  et  que  je  vais 
mettre  de  nombreuses  pages  à  justifier. 

La  traduction  des  Œuvres  morales  de  Plntarque  par  Amyot  a 
paru  en  1572.  Celle  de  Xylanderdate  de  1570;  et  donc  Amyot, 
qui  a  dû  la  connaître,  a  eu  le  mérite  de  ne  pas  se  laisser  égarer 
par  elle  comme  l'ont  fait  ses  successeurs.  Un  abbé  français  du 
XVIIP  siècle,  Dominique  Ricard,  qui  passa  presque  toute  sa  vie 
à  traduire  et  à  annoter  IMutarque  [Œuvres  morales ,  1783-1793) 
n'a  rien  su  apprendre  de  son  éminent  devancier  et  il  traduit  : 
(c  de  là  vient  que  le  son  de  tout  corps  d'airain  nous  étonne  et 
nous  saisit  de  peur  ». 

En  lui-même,  cependant,  le  sens  du  grec  est  clairet  la  phrase 
ne  comporte  qu'une  seule  interprétation  :  «  C'est  pourquoi 
tout  objet  d'airain  qui  est  en  train  de  résonner,  nous  le  tou- 
chons, c'est-à-dire  que  nous  en  arrêtons  le  son  en  le  touchant  ». 

Il  est  entendu  que,  dans  toute  cette  étude,  le  mot  a  airain  » 
sera  simplement  employé  comme  un  équivalent  pour  le  grec 
yotXxôç  dans  ses  divers  sens  et  que,  par  conséquent,  il  pourra 
aussi  désigner  simplement  le  cuivre. 

Le  plus  ancien  emploi  d'sTr'AatjLpâvea-^a'.  dans  le  sens  de  toucher 
un  objet  d'airain  pour  en  arrêter  le  son  se  trouve  chez  Platon, 
Protagoras,  329  A  :  wo-Trep  rà  ^aXxe^a  TrÀYjyevTa  [xaxpôv  r^'/eï  xal 
aTTOTsivet.  éàv  [jiti  èizikà.^riTai  tiç.  Cf.  Cratyle,  430  A  :  tj^o'^eCv  eywy' 
av  cpaiYiV  TÔv  toloùtov  [xaTYiv  aÛTov  sauTov  x'.vo'JVTa,  (ùTizep  av  ei  tic 
^aXxsLov  y.iy^f\<7Eie  xpouaaç. 

La  résonance  prolongée  de  l'airain  et  l'arrêt  de  cette  réso- 
nance à  la  suite  d'un  contact  avait  attiré  l'attention  des  physi- 
ciens grecs  et  ils  en  discutaient  la  cause  entre  les  écoles. 

Dans  ses  Quaeàtiones  convivales,  VIII,  3.  pp.  721  et  suiv., 
Plutarque  fait  tour  à  tour  exposer  et  réfuter  à  ce  sujet  la  théorie 
d'Épicure.  Suivant  celle-ci,  le  vide  est  ce  qui  rend  facile  la 
transmission  du  son  :  'Op^ç  yàp  ôrt.  xal  twv  âyyeîwv  Ta  xevà 
TuXrjTTÔjjLeva   (jiàXXov   UTraxoùe'.   TzkriyoLiç   xal   tov  riyo'^  aTtoTeive».  uaxpàv. 


—  33  — 

TcoXXàxt.;  0£  xal  xûxAw  7T£p'.cp£po(ji£vov  o'.aoîowo-',  Tzokù  (^)  •  TO  o'  âyYcCov  (*) 
é|jt.7iX-^T.3'£v  Ti  aT£p£0'J  aw{jLaTOç  ri  Tivo;  Oypo'j  uavTàTraTî.  yîy>/£Ta'.  xwcpov 
xal  ava'jSov,  6*^07  oux  é^où<rr,ç  ojos  ywpav  7)  8{£î.(T'.  t/Jç  c&wvyJç. 

Parmi  les  corps,  c'est  l'airain  qui  offre  le  plus  de  vide  et  est 
le  plus  sonore;  le  son  s'y  propage  dans  le  vide  jusqu'à  ce  que, 
par  un  contact,  on  lui  barre  la  marche  :  Aùtwv  oe  twv  TwjjiàTwv 
'/p'jTOç  ixïy  xal  XLBoç  imh  TrAripoTYiTOç  Lo^vôcpwva  xal  ouir^/r^  xal  Ta^-j 
xaTao-pivvjo-'.  tg'jç  cp.S-ovy^^'-'?  ^v  aOToC;  '  £'j(pu)vo<;  8s  xal  XàXoç  h  ^aXxô;, 
r,  TToXûxsvo;  xal  ôyxov  ekQL'fpo^  xal  A£7rTdç,  ...  x'fBoyoy  ïytùw  to  r/jç 
£7r'.£',xoO;  xal  àvacpoùç  |JL£(JLt.y{jL£vov  oùariaç,  y,  -zcci^  t'  àXXai;  x'.vr,(T£a-î.v 
£Ù7:opiav  olôwtî.  tt,v  T£  cpwvriv  £Ùtx£V(o;  OTioXap-Pâvoua-a  7rapa7:£ijL7r£i, 
{jiéyp',  av  à^âjJL£vo;  tlç  w<T7r£p  év  68w  xaTaXâ^Tj  xal  T'jcpAoWrj  to  xevov  * 
Ivraù-Sa  o'  l'aTT,  xal  âuETra-Jo-aTO  to'J  Trpôorw  }(wp£^v  O'.à   tt|V   avTicppaq'.v. 

(721  B-D.) 

On  voit  qu'à  la  fin  de  cette  phrase,  a~T£T^a'.  est  employé  tout 
à  fait  dans  le  même  sens  et  pour  le  même  effet  que  iTrdaijLpàvcTira'. 
chez  Platon  et  dans  notre  passage  du  De  Iside. 

Plutarque  ne  conteste  pas  l'observation  des  Épicuriens;  il 
prétend  seulement  que  c'est  l'air,  et  non  le  vide,  qui  en  donne 
l'explication  :  '/aXx(j)  ok  x£voO  [Jikv  oôdi'zy  |ji.£T£0'Tt.v,  o|i.aXôï  os  -v£Û{jiaT!. 
xal  Xziiù  x£xpa|i.£voç  £'J7cX'rixTÔ;  éo-Tî,  xal  YiywoY];.   (721  B;  cf.  722  C.) 

Naturellement,  les  mêmes  questions  avaient  déjà  occupé  Aris- 
tote.  Par  exemple,  De  aiid.,  802  A,  37,  il  fait  cette  remarque 
curieuse  :  Quand  on  lime  les  plis  et  les  franges  des  statues 
d'airain,  il  se  produit  un  bruit  considérable.  Mais  si  l'on  enroule 
un  bandeau  autour  de  la  statue,  le  bruit  cesse  :  av  os  t^;  ajrà 

Ta!.v{a  8Lao'/i<Trj,  7raÛ£a-.^a',  a-tj{jLJ3a'iv£',  tov  Ti/oy. 

Enfin,  une  troisième  allusion  à  la  sonorité  de  l'airain,  que 
l'on  arrête  par  un  contact  de  la  main  (t^  y£'.pl . . .  £-'.Xa|jLJBavô|j£voç), 
se  trouve  chez  Plutarque,  De  nsu  carnium,  995  EF  :  01  xsvol 
Tzl^oi  xpoua-5£VT£;  i^yoOo"'.,   ysvofjLSVo',  os  TtXrips'.;  oiiy  v-axoûouo-'.  tckx^ 


(*)  TToXuv  Wyltenbach  et  Usener. 
(')  aYYsiov  est  rejeté  par  Usener. 

3 


—  u  — 

TrV/^yaCç  '  twv  '^aXxwfxàTwv  Ta  \emoL  Toù;  tj^o^ouç  év  xOxXc})  otaoiowo-iv, 
a';^p'.  ou  é|JL«ppâ5'^  xal  T-j'^ÂoWr)  tî,;  tt,  yeipl  tyjç  TtXyjvr,;  7r£pt.(p£po|i.r/Y|ç 
è7;t,Xaii.j3avô[jievoç . 

Ces  rapprochements  éclairent  le  sens  qu'il  faut  donner  dans 
notre  passage  à  éTC'.ÂajjLJBâvÊ<T.Sra'.  et  à  yà\y.{à^0L.  Avec  ce  dernier 
mot,  de  même  que  Platon  avec  le  mot  /olIxiiow,  Plutarque  pense 
sans  doute  à  quelque  récipient  ou  en  général  à  quelque  objet 
d'airain  ou  de  cuivre  d'usage  commun  :  vase,  urne,  bassin, 
couvercle,  clef,  bouclier,  clochette,  etc.  Le  même  sens  général 
doit  être  donné  à  yoîkxôç  dans  le  mot  célèbre  de  Paul,  I Corinth., 
13,  1  :  yéyoyix  yaXxoç  '^yàSv  7^  xùix^cdo'/  àXaAaÇov  (^).  Nous  disons 
d'ailleurs,  par  une  semblable  synecdoque,  un  bronze,  un  cuivre 
pour  tout  objet  de  bronze  ou  de  cuivre. 


Mais  avec  le  sens  ainsi  obtenu  pour  notre  passage  pris  en 
lui-même,  on  ne  voit  pas  encore  ce  que  l'idée  vient  faire  dans 
le  contexte  ni  comment  elle  a  pu  être  mise  par  010  en  relation 
avec  ce  qui  précède. 

Il  faut  ici  tout  d'abord  indiquer  un  emploi  fréquent  de  010 
dans  le  genre  d'explication  mythique  que  donne  le  De  hide. 
Aïo  sert  à  introduire  l'énoncé  d'une  croyance  ou  d'un  usage, 
en  les  rattachant  à  un  détail  mythique  considéré  comme  leur 
cause;  c'est  le  mythe  qui  a  existé  en  premier  lieu  et  l'explica- 
tion consiste  à  retrouver  par  lui  le  sens  propre  de  la  coutume 
existante. 

Par  exemple,  Osiris  est  mort  le  dix-sept  du  mois,  le  jour  où 
la  lune  est  à  son  apogée  :  c'est  pourquoi  (ow)  les  Pythagoriciens 
appellent  ce  jour  antip/iraxis  et,  en  général,  abominent  le 
nombre  dix-sept  (chap.  XLII,  p.  367  EF). 


(*)  Cf.  R.  IIii.DEBRANDT,  Zii  bekantiten  Stellen,  Philologus,  LXX  (1911),  pp.  64  et 
suiv.,  où  sont  cités  de  nombreux  exemples  pour  cet  emploi  de  -^aAxôq,  entre  autres 
Apoix.  Rh.,  I,  1236  ^aXxôv...  Tj^i^evxa  désignant  une  hydrie  ou  vase  à  eau. 


—  35  — 

Par  exemple  encore,  la  mer  qui  est  Typhon  fait  disparaître 
le  Nil  qui  n'est  autre  qu'Osiris  :  c'est  pourquoi  (ow)  les  prêtres 
abominent  la  mer,  nomment  le  sel  l'écume  de  Typhon  et  pro- 
hibent de  placer  du  sel  sur  la  table  (chap.  XXXU,  p.  863  E)  (^). 

Isis,  recherchant  le  corps  mutilé  d'Osiris,  a  parcouru  les 
marais  dans  un  canot  de  papyrus  :  c'est  pourquoi  (ici  o^ev)  les 
crocodiles  ne  font  aucun  mal  à  ceux  qui  naviguent  dans  des 
barques  de  papyrus  (chap.  XVIII). 

D'après  ces  analogies,  on  est  en  droit  de  supposer  que  nous 
avons  ici  l'énoncé  d'un  usage,  à  savoir  celui  d'arrêter  par 
contact  la  résonance  des  objets  d'airain,  usage  que  la  source 
de  Plutarque,  d'une  fa(,on  sans  doute  plus  explicite  que  notre 
extrait,  avait  mis  dans  un  rapport  d'effet  à  cause  avec  le  gron- 
dement des  portes  d'airain  du  tombeau  d'Apis. 

Comme  signification  du  son  de  l'airain  dans  les  superstitions 
populaires,  je  ne  vois  guère  signaler  d'une  façon  précise  que  la 
vertu  apotropaïque  (^) .  Les  exemples  que  l'on  cite  à  cet  égard 
se  rapportent  surtout  aux  éclipses  de  lune  (^).  Pendant  la  durée 
de  celles-ci,  c'était,  semble-t-il,  un  usage  universel  de  provoquer 
de  toutes  manières  le  plus  de  bruit  possible,  surtout  en  agitant 
des  objets  d'airain.  11  faut  être  très  défiant  à  l'égard  des  hypo- 
thèses sur  le  sens  primitif  de  cette  coutume  qui  doit  remonter 
aux  âges  les  plus  anciens.  Dans  les  textes  où  elle  nous  est 
signalée,  les  explications  que  l'on  en  donne  ne  peuvent  rien 
nous  apprendre  sur  son  sens  originel  et  elles  témoignent  sim- 
plement de  l'état  des  croyances  contemporaines. 


(*)  Cf.  p.  Frisch,  De  compositione  libri  Plutarchei  qui  inscrihitur  Ilepl  "I(noo<;  xal 
'Oai'ptooc;  (Diss..  1907),  p.  14. 

(2)  KoHDE,  Psyché,  l'eéd.,  p.  248,  n.  2.  Pauly-Wissowa,  Aberglattbe,  l.  I,  col.  51. 
F.  CuMONT,  Textes  et  monuments  figurés  relatifs  aux  mystères  de  Mithra,  1,  p.  68. 
0.  Gruppe,  Griechùche  Mythologie,  p.  897. 

(3)  Voir  surtout  Boll,  s.  v.  Finsternisse  dans  Pauly-Wissowa.  t.  VI,  col.  2331-2334. 


l 


—  36  — 

Une  mention  du  rite  qui  est  simplement  descriptive  et  sans 
mélange  d'interprétation  tendancieuse  se  trouve  chez  Plutarque 
[Paul-Emile,  17,  p.  ^64  B)  :  yj  teat.vyj  ...  //^avixry,.  Twv  Ze 
'Po)[jLaio)v,  WTTtep  é-rrl  vevojJLt^tJLévov,  /^xlxo'j  te  -aTâyo'.;  âvaxaAoyjxévwv 
TÔ  cow;  aÙTT,;  xal  Tijpà  7roX)và  oaXoC;  xal  oao-lv  âveyovTwv  Ttpô;  tov 
oùpavov  ...  (^).  On  rappelle  donc  la  lumière  de  la  lune  parle 
bruit  de  l'airain  et  on  lève  des  torches  allumées  vers  le  ciel. 
Si  l'on  interprète  ces  actes  simplement  et  sans  théorie  pré- 
conçue, il  n'y  a  peut-être  là  rien  autre  que  cette  conception 
primitive  :  guider  par  des  sons  très  i)ruyants  et  par  des  torches 
lumineuses  l'astre  qui  est  pour  un  temps  caché  par  les  ténèbres. 
La  comparaison  de  l'ensemble  des  textes  montre  qu'il  ne  s'agit 
pas  ici  d'une  vertu  spécifique  de  l'airain  :  ce  qu'il  faut,  c'est 
produire  le  plus  de  bruit  possible  par  des  cris  et  par  toute 
espèce  d'instruments. 

Une  opinion,  à  laquelle  Aristophane  fait  déjà  allusion  (^), 
attribuait  aux  incantations  de  sorcières,  surtout  thessaliennes, 
le  pouvoir  de  faire  descendre  la  lune  sur  la  terre  (^)  ;  c'est  pour- 
quoi, à  l'époque  romaine,  nous  voyons  expliquer  le  bruit  de 
l'airain  comme  un  moyen  de  neutraliser  leur  action  magique 
(Tibulle,  I,  8,  2i)  : 

Cantus  et  e  curru  Lunam  deducere  tentât, 
Et  faceret,  si  non  aéra  repuisa  sonenl. 


(*)  Description  assez  semblable  —  sans  mention  de  torches  —  Tacite,  Ann.,  I, 
28;  allusion  chez  Tite-Live,  XXVI,  5,  9.  Apollodore  aussi,  semble-t-il,  avait  parlé  du 
bruit  de  l'airain  pendant  les  éclipses,  fr.  36,  Muller  FHG.  1. 1,  p.  4S4(Sro/.  Théocr. 
II,  36). 

(2)  Nuées,  749  et  suiv.  Cf.  Sophron  dans  Kaibel,  Comic  graec.  fragm.,  I, 
p.  154;  HiPPOCRATE,  ïlepi  IpT^ç  voûaou  1  (voN  Wilamowitz,  Gr.  Lesebiich,  p.  272); 
Platon.  Gorgias,  513. A;  Scol.  Apoll.  Rhod.,  III.  533;  Ménandre  chez  PunE^Hist. 
Nat.,  XXX,  7.  Virgile,  ÉgL,  8,  69.  Horace,  Épod.,  5,  46.  17,  78.  Tibulle,  I,  2,  45. 
Properce,  I,  i,  19.  Ovide,  Héroid.,  VI,  85. 

1^)  Le  type  par  excellence  de  cette  sorcière  thessalienne  avait  même  reçu  un 
nom,  celui  d'Aglaoniké  ou  Aganiké,  Plutarque,  Conjug.  praec,  48,  De  defectn.  or., 
13,  ScoL.  Apoll.  Rhod.,  IV,  59. 


—  37  — 

Le  bruit  de  l'airain  a  donc  un  pouvoir  qui  triomphe  des 
incantations  magiques;  en  général,  il  est  présenté  comme  une 
aide  qui  est  apportée  à  la  lune  dans  sa  détresse,  et  cela  devient 
une  sorte  de  lieu  commun  littéraire,  ce  qui  explique  le  grand 
nombre  de  passages  que  l'on  peut  citer  ici;  Ovide,  Métam,, 
IV,  332  : 

...  sub  candore  lubenli 
Cum  frustra  résonant  aéra  auxiliaria  lunae. 

Stace,  Thébàide,  VI,  685  : 

Sic  eadit,  attonitis  quotics  avellitur  astris, 
SolJs  opaca  soror  :  procul  aiixiliantia  gentes 
Aéra  crêpant  frustraque  timent;  at  Thessala  victrix 
Ridel  anhelantes  audito  carminé  bigas. 

Autres  passages  :  Stace,  ibid,,  I,  105;  Juvénal,  VI,  442  et 
suiv.  ;  Sénèque,  Médée,  791  et  suiv.  ;  Phèdre^  788  et  suiv.  ; 
Manilius,  1,  227;  Martial,  XII,  57,  16  et  suiv.;  Pline,  Hist. 
Nat.,  II,  54;  Claudien,  De  hello  Gothico,  238  et  suiv.  L'évèque 
Maxime  de  Turin  (V"  siècle)  combattait  encore  cette  superstition 
chez  les  chrétiens  de  son  temps.  De  def.  lun.,  I  et  lï,  Migne, 
PL,  LVII,  483. 

Un  rile  évocatoire  analogue  nous  est  attesté  pour  l'île  de 
Céos  à  l'époque  du  lever  de  l'étoile  Sirius,  Scol.  Apoll,  Rh., 
II,  498  et  526  :  xar'  sv.auTov  [jie^'  ô'tcXwv  èTz^Tr\^eh  T7\v  Itcitoâtiv  toG 
Kuvô;  xal  .Srûeiv  ajTtJ)  ;  cf.  Hcraclide  Pontique  chez  Cicéron,  De 
divin.,  I,  57,  130.  En  Egypte,  l'étoile  Sirius  (Sothis)  était 
dite  Oopayo^yo;  (De  Iside,  chap.  XXX VIII)  et  consacrée  à  Isis 
[ibid.,  XXXVIII,  XXI,  LXI). 


Il  importe  de  ne  pas  négliger  que  ces  interprétations  du  lait 
ne  valent  que  pour  l'époque  de  l'auteur  et  quelquefois  pour  un 
état  d'esprit  momentané  de  celui-ci. 

Ainsi  Plutarque,  que  nous  avons  vu  tout  à  l'heure  décrire 


—  38  — 

simplement  la  coutume,  explique  ailleurs  (De  facie  in  orbe 
liniae,  chap.  XXIX,  p.  944)  que  pendant  les  éclipses,  tandis 
que  les  âmes  des  bons  sont  dans  la  lune,  les  âmes  des  méchants 
gémissent  et  hurlent  dans  l'air  obscur,  et  c'est  pour  les  effrayer 
que  les  hommes  font  alors  du  vacarme  :  Bw  xal  xporeCv  h  Taî; 
éxXe{<[te(Tt.v  e^w^ao-Lv  ol  TcXer^Tot.  yaXxwjjiaTa  xal  ^6'fov  TroieCv  y.a<.  -âra- 
yov  ettI  Tàç  ^uyà.ç.  Le  vieil  usage  est  ici  mis  en  rapport  avec 
toute  une  théorie  démonologique  qui  lui  est  infiniment  posté- 
rieure et  qui  est  empruntée  à  Xénocrate. 

Que  tout  bruit  retentissant,  et  en  particulier  celui  de  l'airain, 
effraie  et  mette  en  fuite  les  esprits,  cela  est  d'ailleurs  une  con- 
ception si  naturelle  qu'il  y  a  lieu  de  s'étonner  qu'on  ne  la 
rencontre  pas  plus  fréquemment  et  qu'en  somme  elle  n'appa- 
raisse, formellement  exprimée,  que  chez  des  auteurs  tardifs.  En 
effet,  la  plus  ancienne  mention  d'un  bruit  quelque  peu  rituel 
fait  à  l'adresse  d'un  être  divin  se  trouve  peut-être  chez  Homère, 
au  chant  IX  de  l'Iliade;  dans  l'épisode  de  Méléagre,  il  est  dit  de 
la  mère  de  celui-ci,  Althaia,  1,  566  et  suiv.  : 

TzoXV  àyéo'jo-'  7^0^70  xaa-!.yvTiTO?.o  cpovow, 
TîoXXà  ùï  xal  yarav  TToAucpoppYjV  y^p^'^"^  à\oî(x 
x'.xXrio-xo'Jo-'  'A'ISyiv  xal  £T:at.VYiv  Ilepa-ecpôvsiav, 
TTpoyvu  xa^eÇojJiev/],  oeûovTo  oï  oôi.y.p'jf7i  xôX-oî., 
7rat.8l  oô|Ji£v  .^âycczoy  '  Tf,ç  r/r^Boo(^oï'ziç  'EpLvù; 
exAuev  è^  'Epépso-cpiv,  ap.eiXt.yov  Y,Top  eyo'jo-a. 

Ici  les  mains  d'Althaia  qui  battent  la  terre  comme  on  bat  le 
blé  dans  l'aire  font  du  bruit,  non  pas  pour  chasser,  mais  pour 
évoquer  les  dieux  infernaux  (*). 


(*)  Cf.  à  propos  de  Héra  appelant  Gaia,  Ouranos  et  les  Titans,  Hyitw    Apoll., 
333  .-  X^'P^  xaTa7rpTjv£"t  8'  eXaae  )r6ova  et  340  :  YjxaaE  ^ôova  X*'p''  '^^Y}^"^- 


—  39  - 

11  faut  de  plus  analyser  exactement  la  portée  des  passa^çes 
que  l'on  invoque  avant  d'y  voir  une  preuve  formelle  d'un  rite 
originairement  apotropaïque.  Tel  est  le  cas,  par  exemple,  pour 
Plutarque  (De  Iside,  chap.  LXIIl).  Là,  à  propos  du  sistre 
égyptien,  entre  autres  explications  symboliques,  il  est  dit  que 
son  bruit  a  pour  effet  d'écarter  Typhon.  Mais  il  faut  prendre 
garde  que  le  sistre  est  l'instrument  consacré  à  Isis  et  qu'il  sert 
aux  fidèles  à  appeler  la  présence  et  la  protection  de  la  déesse, 
tout  comme,  nous  le  verrons,  c'est  le  cas  pour  le  bruit  de  l'airain 
dans  le  culte  de  Déméter  à  qui  Isis  est  déjà  identifiée  par  Héro- 
dote. Telle  est  bien  la  fonction  du  sistre  de  Délie  dont  nous 
parle  Tibulle,  I,  3,  28  : 

Quid  tua  nunc  Isis  mihi,  Délia?  Quid  mihi  prosunt 
Illa  tua  tolies  aéra  repuisa  manu? 

Ce  n'est  donc  que  secondairement  que  l'on  peut  être  amené 
à  dire  que  le  bruit  du  sistre,  en  appelant  Isis,  a  pour  effet  de 
mettre  en  fuite  son  ennemi  Typhon. 

Je  ne  trouve  le  sens  apotropaïque  du  battement  de  l'airain 
affirmé  expressément  que  dans  des  textes  assez  tardifs.  Lucien 
[P/iilopseudès,  15),  opposant  la  conduite  d'une  certaine  dame, 
que  le  tintement  de  l'argent  attire,  à  celle  des  esprits,  dit  que 
le  bruit  de  l'airain  ou  du  fer  est  un  moyen  de  chasser  les 
spectres  :  Exevva  (se.  Ta  '^âo-[/aTa)  ijikv  vàp  t,v  (|>6cpov  âxo-Ja-r,  yjxXxo'j 
y\  (7f.ùr\po'j,  Tcécpeuve.  Un  peu  plus  tard,  Alexandre  d'Aphrodisiade 
[ProbL,  2,  46,  p.  65,  28  Id.)  écrit  formellement  (*)  :  x'.vojt'. 

yoLky.6y  xal  o-'loYipov  àv5pw7rot.  TcàvTSç  wç  Toùç  oaipiovaç  âireXa'JvovTeç. 
Tzetzes  [ad  Lijcop/iron.,  77,  1,  p.  368  M)  dit  :  6  yàp  xûwv  pajÇa; 
Xust.  Ta  ^âo-jUaTa,  w;  xal  yjxkxo^  xpoTr,.Seiç,  être  t»,  toioOtov.  Pour  06 
qui  est  de  la  première  partie  de  cette  remarque,  nous  allons 
voir  bientôt  qu'au  lieu  de  chasser  les  esprits,  l'aboiomenl  des 


0)  Ce  passage  est  cité  par  Rohde,  Psyché,  i'^  éd.,  p.  365,  n.  12,  en  même  temps  que 
quelques  autres  textes  dont  l'interprétation  apotropaïque  est  beaucoup  moins  sûre. 


—  40  — 

chiens  annonce  leur  arrivée.  En  général,  c'est  au  fer  plutôt  qu'à 
Tairain  qu'on  attribue  la  vertu  (i*effrayer  les  spectres;  Scol. 
Q.  Od.  X,  48  :  xoiv/j  tî.;  Ttapà  âv-SpcoTtoiç  èttIv  'J7:oXt/}»i.ç  ot».  vexpol 
xal  oa{{i.oveç  (jLOYipov  ^oPoGvTat.  (^). 

Au  surplus,  les  superstitions  relatives  à  un  même  objet 
peuvent  se  multiplier,  se  superposer  et  même  se  contredire 
suivant  les  temps,  les  milieux  et  les  circonstances.  Pour  ce  qui 
est  de  la  sonorité  mystérieuse  de  l'airain,  je  ne  crois  pas  que  la 
vertu  apotropaïque  soit  la  plus  ancienne  ni  la  principale  qui  lui 
ait  été  attribuée.  Dans  les  pages  qui  vont  suivre,  je  voudrais 
montrer  que  le  son  de  l'airain,  soit  provoqué  dans  certaines 
circonstances  rituelles,  soit  produit  en  apparence  fortuitement 
ou  d'une  façon  singulière,  a  été  souvent  interprété  comme  la 
manifestation  de  la  présence  d'un  dieu  ou  d'un  démon. 


Parmi  les  textes  invoqués  le  plus  souvent  à  l'appui  de  la 
valeur  apotropaïque  de  l'airain,  il  me  paraît  étrange  de  voir 
figurer  (^)  un  passage  des  Magiciennes  (^)  de  Théocrite,  II,  35  : 

Beo-T'jX'i,  Tal  y.'jveç  afxijL'.v  àvà  tttÔàlv  tôo'jovTat.  * 


(1)  11  n'y  a  cerlainement  pas  lieu  de  faire  intervenir  dans  cette  question  (comme 
le  fait  A.  B.  Cook,  Journal  ofhell.  studies,  t.  XXÏI,  1902.  p.  17)  l'instrument  bruyant 
dont  Héraclès  se  servit  pour  chasser  les  oiseaux  du  lac  Stymphale.  11  s'agit  là  sim- 
plement d'un  épouvantail  naturel,  mais  particulièrement  formidable  comme  il 
convient  au  héros,  soit  xaXxîj  TzXx-zoLyTi  inventée  ingénieusement  par  Héraclès  lui- 
même  (9iXoT£)(^vo;  eTTtvotx,  DiODORE,  IV,  13,  2),  soit  ^iXxsa  xpdxaXa,  œuvre  d'Hé- 
phaistos  et  présent  d'Athéna  (Apollod.,  11,  5,  6).  La  TiXaTayii  était  déjà  mentionnée 
chez  Phérécyde  et  chez  Hellanicus  de  Mytilène.  Ce  dernier  en  attribuait  la  fabrica- 
tion à  Héraclès,  Scol.  Apollon,  fl/i.,  II,  1052,  1055. 

(*)  Par  exemple  Kohde,  Psycke,  l^*^  éd.,  p.  248,  n.  2. 

(')  On  sait  que  cette  pièce  de  Théocrite  est  imitée  d'un  mime  de  Sophron  :  Tai 
yuvalxec;  a'i  xàv  Gsdv  {çavxt  e^eXôtv,  cf.  Kaibel,  Comic.  graec.  fragm.,  I,  p.  154. 


—  44  — 

La  jeune  fille  est  occupée  à  préparer  son  filtre  d'amour.  La 
roue  magique  en  airain  est  en  train  de  tourner  sous  l'action 
d'Aphrodite  :  ^^w;  6tver5'  ôôe  po^jL^ot;  o  yôàxeo^  éÇ  'AcppoSiTaç  (v.  30). 
Artémis,  c'est-à-dire  Hécate,  vient  d'être  invoquée  (v.  83).  Voici 
que  les  chiens  se  mettent  à  hurler  dans  la  ville,  ce  qui  est  un 
signe  certain  de  l'approche  de  la  déesse  infernale.  Nous  le 
savons  par  Virgile  (^),  Enéide,  Vï,  257  : 

visaeque  canes  ululare  per  umbram, 
Adventante  dea. 

Plutarque  lui-même,  dans  le  De  Iside,  chap.  LXXI,  dit 
expressément  que  le  chien  est  l'animal  sacré  d'Artémis,  comme 
la  colombe  est  celui  d'Aphrodite,  le  serpent  celui  d'Athéna,  le 
corbeau  celui  d'Apollon,  et  il  invoque  un  vers  d'Euripide  : 

'ExaT-Aj;  y.ja.XyiOL  cpwo-cpôpoj  x'jwv  ^^r^  ('^) . 

A  ce  moment  donc,  la  magicienne  de  Théocrite  dit  à  son 
aide  :  «  La  déesse  est  dans  les  carrefours.  Fais  résonner  au  plus 
vite  le  gong  d'airain  )>  (vers  36).  Quel  moyen  de  penser  ici  à  un 
rite  apotropaïque?  Il  ne  s'agit  pas  pour  la  magicienne  d'écarter 
Hécate,  il  s'agit  au  contraire  de  l'évoquer,  de  l'appeler  et  de 
s'en  faire  écouter  (^),  car  sa  présence  lui  est  nécessaire  dans  ses 


0)  Cf.  Ovide,  Métam.,  XIV,  410  Horace,  Sut.,  I,  8,  33  et  suiv.  Le  même 
détail  était  déjà  chez  Sophron,  fr.  6  (Kaibel)  :  xuwv  7:pô  (Asyapiwv  (Asya  jXaxxiwv. 
Cf  Théocrite,  II.  12. 

(2)  Nalck,  2«  éd.,  fr.  968.  Cf.  Sophron,  fr.  8  (Kaibel)  --=--  Scol.  Lycoph..  77  :  xal 
yàp  Swcppiov  £v  xol;  Mtfjiotç  (prjcrlv  cc'jxf^  (i.  e.  ttî  'ExâxTj)  xuvaç  6ûecr6at. 

(3)  Je  me  suis  interdit  les  rapprochements  empruntés  au  folklore  des  autres 
peuples.  Kn  voici  un  cependant  qui  à  lui  seul  en  évoquera  toute  une  série.  Je  le 
dois  à  l'érudition  lettrée  de  mon  ami  Paul  Thomas,  professeur  à  l'Université  de 
Gand.  v  Tout  son  avoir  de  pauvre  vieille  délaissée  avait  dû  passer  à  acheter  cette 
petite  offrande  qu'elle  vint  poser  sur  l'autel,  devant  le  dieu  souriant,  colossal, 
étincelant  d'or.  Kt  puis  elle  commença  de  frapper  le  gong  et  de  sonner  la  cloche  des 
Esprits,  comme  pour  dire  :  «  Viens  voir,  Bouddha,  ce  que  j'ai  mis  là  pour  toi;  j'ai 
fait  de  mon  mieux  pour  ce  cadeau  ;  prends-moi  en  pitié,  aie  /compassion,  accorde  ce 
que  je  te  demande...  »  (Pierre  Loti,  Propos  d'exil,  p.  98). 


—  42  ^ 

opérations,  comme  elle  le  sera  encore  aux  sorcières  de  Macbeth. 
Le  son  de  l'airain  est  le  signe  de  la  présence  d'un  dieu.  En 
produisant  le  signe,  la  magie  appelle  la  présence  de  la  chose 
signifiée,  c'est-à-dire  du  dieu  lui-même  (^). 

Pour  terminer  ce  paragraphe,  je  ferai  ici  un  rapprochement 
qui  m'a  été  suggéré  par  mon  savant  et  regretté  collègue  de 
Bruxelles,  Alphonse  Willems.  11  s'agit  d'un  usage  antique 
appartenant  à  un  ordre  d'idées  tout  différent,  mais  où  l'on  voit 
également  le  son  de  l'airain  employé  à  une  fin  qui  est  le  contre- 
pied  du  rite  apotropaïque.  Quand  au  printemps  un  essaim 
d'abeilles  quitte  la  ruche,  Virgile  recommande  de  heurter  les 
cymbales  [Géorgiques,  IV,  64)  : 

Tiniiitusque  cie  et  Matris  quate  cymbala  circum. 

Le  son  du  métal  charme  les  abeilles  et  les  attire  dans  la 
ruche  (^)  qui  servira  de  berceau  à  la  colonie  :  c'est  ainsi  qu'elles 
avaient  déjà  suivi  le  fracas  des  Curetés  (Curetum  sonitus  crepi- 
tantiaque  aéra  secutae,  ibid,,  i51)  qui  protégèrent  en  Crète  le 
berceau  de  Jupiter.  Cette  attirance  du  son  de  l'airain  sur  les 
abeilles  nous  est  attestée  également  par  Pline,  Hist.  Nat.,  XI, 
68  :  Gaudent  plausu  atque  tinnitu  aeris  eoque  convocantur; 
cf.  Didym.  in  Geopon.,  XV,  8,  7;  Élien,  Hist.  anim.,  V,  13; 
Varron,  R.  R.,  111,  16,  7.  La  même  croyance  est  signalée  par 
Aristote  (Hist.  an.,  IX,  40,  p.  627  A,  15-19),  mais  il  se  demande 
si  ce  n'est  pas  plutôt  par  crainte  que  par  plaisir  que  les  abeilles 
agissent   ainsi  :    fo-xi.  jjlÉvto!.  aBïiXov  okw^  d  axowouo-'.v,  xal  TcÔTepov  01 

T,8ovYiv  toOto  7ro'.oO(Tt.v  Tj  o'.à  (fô^ow.  C'est  un  exemple  caractéristique 


(•)  Pour  expliquer  ce  passaf^e,  le  scoliaste  de  Théocrite,  II,  36,  invoque  à  tort 
Apollodore  (fr.  3(5,  F//G,  I,  p.  434).  D'après  la  citation  même  du  scoliaste,  ApoUo- 
dore  avait  simplement  parlé  de  l'emploi  de  l'airain  pendant  les  éclipses  de  lune  et 
dans  les  funérailles  :  Atoirsp  irpô;  uaaav  àcpoatwcrtv  xai  àTtoxaSapatv  a'jxo)  (se.  xif» 
■^al-K^i)  e^pôivxo,  ux;  (pTr)<rt  xai  'ATioXXooiopoç  èv  xîj!)  Tiept  6e(ov. 

(^)  J'ai  vu  dans  mon  enfance  le  même  procédé  employé  encore  par  les  éleveurs 
d'abeilles  de  mon  pays. 


—  43  — 

de  la  manière  dont  un  savant  ancien  en  vient  déjà,  par  le  rai- 
sonnement, à  transformer  en  son  contraire,  comme  le  font  en 
général  les  modernes,  un  rite  populaire  d'évocation  sympa- 
thique. 


Il  existe  d'ailleurs  un  exemple  célèbre  du  sens  démoniaque 
que  certaines  croyances  donnaient  au  son  de  Tairain.  C'est 
l'oracle  de  l'airain  (/aXxewv)  dont  des  témoignages  attestent 
l'existence  à  Dodone  au  moins  depuis  le  IV''  siècle  (^).  Les 
conditions  où  se  produisait  le  son  nous  ont  été  rapportées  de 
deux  façons. 

D'après  une  version  qui  remonte  à  Démon  (^),  l'appareil 
consistait  en  une  série  de  chaudrons  ou  trépieds  juxtaposés  qui 
servaient  de  murs  au  sanctuaire  de  Zeus;  quand  on  en  touchait 
un,  la  résonance  se  communiquait  par  le  contact  à  chacun  et  le 
bruit  persistait  jusqu'à  ce  qu'on  en  touche  (écpà(|;T,Ta'.)  à  nouveau 
un  (pour  arrêter  le  son)  (^). 

D'après  cette  description  d'un  auteur  du  IV''  siècle,  l'oracle 


(^)  Tous  les  textes  relatifs  à  l'oracle  de  Dodone  ont  été  rassemblés  et  commentés 
avec  un  très  grand  soin  par  Arthur  Bernard  Cook,  The  gong  al  Dodona  dans  The 
Journal  of  Hellenic  Sludies,  XXII  (1902).  pp.  5-28.  Conformément  à  l'opinion  cou- 
rante, M.  Cook  continue  à  envisager  même  ici  le  bruit  de  l'airain  comme  un  moyen 
apotropaïque  contre  les  démons;  de  même  0.  Gruppe,  Griecliische  Mythologie, 
p.  897,  n.  3.  D'autre  part  Faunell,  Cuits  of'Gr.  st.,  I,  88  C,  va  jusqu'à  contester  que 
les  X£fiT)T£<;  de  Dodone  aient  joué  un  rôle  dans  la  prophétie. 

(2)  Muu.er,  FHCw,  I.  pp.  381  et  suiv.,  fr.  17.  Démon,  antérieur  à  Philochore,  est 
de  la  fin  du  IVe  siècle.  Les  autres  allusions  les  plus  anciennes  à  l'airain  bruyant 
de  Dodone  se  trouvent  chez  Ménandre,  fr.  66  Kock  et  chez  Calijmaque,  Hyynne  IV, 
286.  Il  servit  dans  un  proverbe  très  souvent  cité  comme  terme  de  comparaison 
avec  les  personnes  bavardes  (Zenob.,  6,5,  etc). 

(5)  MOller,  ihid.  :  8ca{jL£vetv  xèv  fi/o^  ^XP"»  «^^''î  "^o^  '^^^^  ioi'^Ti-zoLi.  Ce  dernier 
mot  a  ici  exactement  le  même  sens  que  è7rtXa(i.3av£a8ai  dans  notre  passage  de 
Plutarque,  sens  qui  est  encore  confirmé  par  Phii.ostrate,  hnag.,  II,  33  :  /^aXx£tov 
àv£X£txo  T(f)  Aù  xaxà  AtoÔwvTjv  T|youv  è;  ttoXù  ttj^  Tjpiepa;  xat,  {AS^pt  Xàpoito  xt; 
aÙToG,  (J.T)  aitoTTwv.  Pour  avoir  méconnu  le  sens  d'âœdtirTSffÔat,  Millier  'p.  381)  s'est 
mépris  sur  l'interprétation  du  passage  de  Démon. 


—  -44  — 

de  Dodone  à  l'époque  primitive  n'aurait  donc  pas  eu  de  murailles 
et  les  trépieds  votifs  auraient  été  arrangés  comme  clôture  de 
l'enceinte  sacrée.  Je  ne  vois  nulle  raison  de  révoquer  le  fait  en 
doute,  pas  plus  que  le  phénomène  acoustique  qui  en  avait  été 
la  conséquence. 

Une  seconde  version,  qui  remonte  à  Polémon  (Il  siècle  av. 
J.-C.)  et  peut-être  par  lui  à  Apollodore  (*),  disait  qu'à  Dodone 
il  y  avait  deux  colonnes  voisines;  sur  l'une  se  trouvait  un  vase 
d'airain  (^aXxeiov),  pas  bien  grand  et  semblable  aux  chaudrons 
(XéJBTiTeç)  ordinaires  ;  à  sa  gauche,  une  autre  colonne  porte  un 
gamin  qui  tient  dans  sa  droite  un  fouet.  Lorsque  le  vent  souille, 
les  lanières  d'airain  touchent  le  vase  et  cela  dure  ainsi  tant  que 
le  vent  persiste.  Strabon  (VU,  fr.  o),  qui  puise  sans  doute  à  la 
même  source,  ajoute,  entre  autres  détails,  que  cet  appareil  était 
un  présent  des  Corcyréens  et  que  l'on  pouvait  compter  jusqu'à 
quatre  cents  en  mesurant  la  durée  du  son  :  éVo;  g  fjieTpojv  tôv 
y^ôvov    y.Tzo    T-^ç    ^PX^^    '^^^     ^^KP^    l^^X?''    '^^'^O'jç    xal   Itzi    TSTpaxôo't.a 

Tzpoél^oi.  On  peut  supposer,  avec  iM.  Cook,  qu'après  la  construc- 
tion d'un  temple,  ce  second  appareil  a  remplacé  celui  que  nous 
avons  décrit  en  premier  lieu  (^).  Un  engin  analogue  existait 
dans  le  temple  de  la  déesse  syrienne  à  Hiérapolis  (^). 

Un  commentateur  de  Grégoire  de  Nazianze,  Nonnus,  qui  a 
conservé  des  choses  intéressantes,  décrit  en  détail  connnent 
aurait  fonctionné  l'oracle  {*).  Les  consultants  priaient  le  dieu. 


(*)  Polémon,  fr.  30.  Muller,  FHG,  III,  124;  IV,  3-26.  Cf.  Ed.  Meyer,  Forsckungen 
z.  ait.  Gesch.,  1.  pp.  50  et  suiv.  Voir  les  textes  au  complet  chez  Cook,  art.  cité, 
pp.  8  et  suiv.  Il  est  possible  que  le  périégète  Polémon  ait  parlé  comme  témoin  ocu- 
laire. En  revanche,  il  est  douteux  qu'Aristote  se  soit  aussi  occupé  de  cette  question, 
comme  le  croit  Cook,  p.  9. 

(*)  Clément  d'Alexandrie  distingue,  parmi  les  oracles,  le  Atoocovalov  yaXxelov  et 
le  Xé^Ti?  BeaupwTto;,  Protrept..  pp.  10,  21  et  suiv.,  et  scoiie,  p.  299,  Stàlilin. 

(3)  Lucien,  De  Syna  dm,  29  :  xpoxÉEi  :roÎ7j(jia  ^(^âXxeov,  xo  àstSet  piéya  xal  xpTj^o 
xtv£d(jL£vov.  On  peut  encore  rapprocher  les  appareils  qui  ornaient  les  cinq  pyramides 
du  mausolée  de  Porsenna  à  Clusium  (Pline,  Hist.  Nnt.,  XXXVI,  92.  citant  Varron). 

{*)  NoNNUs,  Ad  Greg.  Naz.  Or.  cont.  M.,  V,  32.  PG,  XXXVI,  col.  1045  A.  Même 
texte  à  peu  près  chez  Cosmas  dans  Mai,  Spic.  Rom-.,  II,  172. 


—  45  — 

Quand  celui-ci  voulait  leur  répondre,  la  statue  frappait  le  vase 
d'airain  Ç/Âi6-r\ç).  Celui-ci  rendait  un  son  harmonieux  et  les  pro- 
phétesses  se  remplissaient  du  dieu  et  disaient  ce  qu'il  leur 
inspirait  :  xal  svscpopo'JVTO  al  TtpocpriT'.Oc;  xal  sAsvov  a  aJTaCç  o  oat[jL(»)v 

£V£J3aAA£ . 

Il  faudrait  probablement  combiner  ces  détails  avec  un  passage 
de  Cicéron  {De  divin.,  I,  34,  76)  oii  l'on  voit  que  des  sortes 
étaient,  avant  la  consultation,  déposées  dans  le  vase  d'airain. 

Suidas,  s.  v.  AwSwvt),  résumant  la  même  donnée  que  Nonnus, 
interprète  plus  expressément  encore  le  bruit  de  l'airain  comme 
étant  la  voix  d'un  démon  :  xal  STraiev  g  dyùpiàic,  t6v  \épy{ZOL  •  si  oO 
7,yô;  T'.;  svapjjiôvw;  àirsTeXslTG.  al  os  twv  Ga'.jjiovwv  cpwval  œ^oLp.B^oi  slo-î.. 
De  même,  Schol.  MS.  Clark,  in  Greg.  JSaz.  (Catal.  p.  47)  (^)  : 
cp'^<jl  os  xal  Tcepl  âvop'.àvTo;  tivÔ;,  xal  o'jto;  8è  sv  AeXcpor;  YiV  ctwvï^v 
svap.^pov  airoÀ'Jwv  s?  svspyela;  oatfJLOvwriÇ  '  àvap^pot.  yàp  al  twv  oa'.^jLOvwv 
(pwval  0!.à  tÔ  tJiT;  sycLv  opyava  Trpô;  05.aTU7r(i)a-t.v  tt,;  s^LO'jarj;  (pwvr,;. 

En  présence  de  ces  textes,  auxquels  on  peut  en  ajouter 
d'autres  (^),  il  me  paraît  impossible  de  contester  que  l'on 
attribuait  à  l'airain  de  Dodone  un  caractère  démoniaque  et  ora- 
culaire.  Je  rie  vois  nulle  raison  de  supposer,  comme  le  fait 
M.  A.  B.  Cook,  que  la  fonction  oraculaire  s'est  développée 
d'une  façon  secondaire  et  tardive  de  la  fonction  apotropaïque. 
Le  procédé  inverse  me  paraît  beaucoup  plus  naturel.  Pour 
prendre  une  analogie  dans  un  rite  de  nos  religions  modernes, 
le  signe  de  la  croix  a  dû  servir  d'abord  à  appeler  la  présence  et 
le  secours  de  Dieu,   par  exemple  dans  le  baptême,  avant  la 


(')  Je  cite  ce  texte  d'après  Cook,  art.  cité,  pp.  20  et  suiv. 

("-j  Voir  le  passage  de  Clément  cité  plus  haut,  p.  44,  n.  2.  Callimaque,  Hymne  l\, 
*286,  appelle  les  prêtres  de  Dodone  yrikz'^hq  .SrspfCTiovxec;  àatyiixoto  X£Ptjxo(;.  D'après 
Zknob.,  II,  84,  citant  Héraclide  (Pontique?),  un  théore  thébain  jeta  dans  un  chau- 
dron (XÉpTixa)  d'eau  chaude  la  propliétesse  de  Dodone,  Myrtila,  qui  venait  de  lui 
rendre  un  oracle.  Le  môme  texte  parle  à  propos  de  ce  fait  d'un  devin,  Bombos, 
qui  est  peut-êlre  «  l'éponyme  de  la  résonance  prophétique  »,  (Cook,  art.  cit.^ 
p.  22).  M.  Cook  (pp.  22  et  suiv.)  rapproche  très  ingénieusement  du  gong  de  Dodone 
le  jeu  du  kottabos  qui  servait  à  des  oracles  erotiques. 


—  46  — 

prière,  devant  un  danger,  et  c'est  parce  qu'il  arme  ainsi  d'une 
façon  générale  le  fidèle  de  la  force  divine  qu'il  a  pu  bientôt  être 
employé  secondairement  pour  mettre  en  fuite  le»  démons  (*). 
C'est  par  une  association  d'idées  analogue  que  des  clochettes, 
par  exemple,  ont  souvent  été  considérées  comme  amulettes 
préservatrices  {^). 

Quant  à  la  tendance  innée  et  naturelle  d'attribuer  une  origine 
démoniaque  à  des  bruits  dont  on  ne  s'explique  pas  la  cause, 
les  exemples  abondent,  non  seulement  dans  l'antiquité,  mais 
aujourd'hui  même  et  tout  près  de  nous.  iN'avons-nous  pas  vu 
dans  le  dernier  siècle  se  créer  toute  une  démonologie  autour  du 
phénomène  des  tables  tournantes,  et  nos  journaux  ne  nous 
racontent -ils  pas  périodiquement  des  liistoires  de  maisons 
hantées  ? 


Aux  époques  de  grande  culture,  de  telles  superstitions  res- 
taient sans  doute  confinées  dans  certaines  couches  inférieures, 
et  Ménandre  (fr.  66)  et  beaucoup  d'autres  après  lui  trouvaient 
simplement  dans  l'airain  de  Dodone  un  terme  plaisant  de  com- 
paraison avec  une  personne  bavarde.  Néanmoins,  le  silence  de 
la  littérature  éclairée,  depuis  Homère  jusqu'à  Ménandre,  ne  doit 
pas  nous  faire  méconnaître  l'antiquité  et  l'extension  que  devaient 
avoir  certaines  croyances  populaires. 

De  même  que  les  prêtresses  de  Dodone  étaient  possédées  du 
dieu  quand  l'airain  résonnait,  la  pythie  de  Delphes  n'était 
inspirée  qu'après  être  montée  sur  le  trépied  d'airain  (^).  A 
Delphes,  même  pour  pratiquer  la  cléromancie,  il  fallait  placer 
sur  le  trépied  d'airain  la  phiale  qui  contenait  les  sorts  prophé- 
tiques; quand  on  interrogeait  le  dieu,  ceux-ci  jaillissaient  du 


(*)  Voir  l'article  Kreuzeszeichen  de  Victor  ScHULTZE-dans  Herzog-Hauck,  Realen- 
cyklopàdie  fur  protestantische  Théologie,  3«  éd.,  t.  XI,  pp.  93  et  suiv. 
(*)  Exemples  chez  Cook,  art.  cité,  pp.  17  et  suiv. 
(5)  Cf.  le  texte  des  Pythagoriciens  cité  plus  loin,  p.  ol. 


—  47  — 

vase,  et  la  pythie  inspirée  rendait  alors  l'oracle  (*).  Dès  lors, 
c'est  peut-être  par  Tinfliience  inconsciente  de  cette  vieille  super- 
stition que,  déjà  chez  Homère,  les  sorts  sont  toujours  placés 
dans  un  casque  d'airain  (^).  ' 

On  sait  qu'à  son  origine  le  sort  est  un  moyen  de  connaître 
la  volonté  divine,  et  qu'il  a  été  une  sorte  de  jugement  de  Dieu 
avant  de  devenir,  avec  le  temps,  une  institution  simplement 
démocratique.  Il  est  caractéristique  que  dans  une  inscription 
relative  à  l'Orgas  d'Eleusis  (852  av.  J.-C.)  et  où  il  s'agit  du 
tirage  au  sort  entre  deux  décisions  inscrites  sur  des  plaques 
d'étain,  il  est  expressément  spécifié  que  les  deux  plaques  seront 
placées  dans  une  hydrie  d'airain  (^). 

Un  procédé  de  divination  oraculaire  qui  paraît  analogue  se 
trouve  indiqué  dans  une  inscription  de  Démétrias  (Thessalie), 
relative  à  l'oracle  d'Apollon  Koropaios  (première  moitié  du 
IP  siècle  av.  J.-C.)  (4). 


(*)  Suidas,  s,  v.  IluOa). 

(2jr3l6: 

xXrjpouç  èv  xuvéri  ^aXxi^peï  TtàXXov  IXo'vxe*;, 
OTiTTOTepoç  Otj  irpo'aôev  àcpEtT)  ^àXxeov  ey/^ç. 
Aaol  Ô'ïipT^aavxo,  ôsoïat  âè  jz'ipa(;  àv£a^ov. 

Cf.  plus  loin,  824  : 

irâXXev  Se  [i-iyaç  xopuôat'oXoi;  ''Exxwp 
oi^  opdwv  nàptoç  Ôè  6o(J5<;  èx  xXfjpoç  opouaEv, 

De  même  W  861,  x  206;  cf.  H  176  et  suiv. 

(5)  Michel,  Recueil  d'inscr.  grecques,  I,  674,  1.  30  et  suiv.  :  6  £7ri(rcàTTi<;  6  èx  tûv 
irpoÉôpwv  cjuvEtXt^dexw  tov  xaTTÎT£pov  Ixàrspov  xal  xaxôtXî^aç  Ipt'oK;  et(;  uôpîav 
è[Xj3aX£xto  yaXxfjv  Ivavxt'ov  xoO  ^T^fJLOu...  6  o'£Tri(Txâx7i;  àvaasîffac;  xtjv  uôpiav  xtjv 
^aXxTJv  sXxsxto  xôv  xaxxixspov  àxâxspov  etc.  Les  è'pia  qui  enroulent  les  plaques  ont 
aussi  une  valeur  rituelle,  la  laine  étant,  comme  on  sait,  une  substance  douée  d'un 
pouvoir  magique. 

(*■)  Michel,  Recueil^  1,  842  A,  1.  40  et  suiv.  :  lorsque  fonctionne  l'oracle,  les  auto- 
rités du  temple  reçoivent  les  demandes  (xà  Tcivàxta)  des  consultants  et  les  jettent 
dans  un  vase  (eli;  àYY£"tov)  qui  est  ensuite  scellé.  L'àYYe"tov  en  question  est  certai- 
nement ici  encore  un  vase  d'airain.  Pour  le  tirage  au  sort  des  magistrats  (dont 
l'existence  est  attestée  depuis  Dracon),  tirage  qui  avait  lieu  dans  le  temple  de 
Thésée,  on  se  servait  sans  doute  également  d'urnes  en  airain. 


—  48  — 

La  superstition  relative  au  son  de  l'airain  intervient  sans 
doute  également  dans  le  caractère  sacré  qui,  dès  une  haute 
antiquité,  a  été  attribué  au  bouclier  (*). 

A  l'époque  classique,  l'exemple  typique  à  cet  égard  est  celui 
des  nncilid  de  Rome,  les  douze  boucliers  sacrés  qui,  en  s'entre- 
choquanl,  manifestent  la  volonté  divine  (-). 

Les  Saliens,  gardiens  des  anciles,  font  penser  aux  Curetés 
auxquels  Denys  d'Halicarnasse  (^)  les  comparaît  déjà.  On  sait 
que  les  Curetés  se  livraient  à  des  danses  effrénées  ^  agitant 
avec  fracas  leurs  boucliers  d'airain.  Ici  encore  on  considère 
généralement  qu'il  s'agit  d'un  rite  apotropaïque  {*),  et  l'on 
explique  de  même  les  danses  des  Corybantes,  Dactyles,  TelcUines, 
Cabires  et  celles  d'autres  cultes  orgiastiques. 

Les  Curetés,  par  exemple,  disaient  déjà  les  anciens,  avaient 
couvert  les  cris  de  Zeus  enfant  par  le  choc  de  leurs  boucliers, 
et  l'avaient  ainsi  protégé  contre  Kronos  ("*).  Mais  il  est  évident 
que  le  rite  a  une  valeur  beaucoup  plus  générale  et  qu'il  est  bien 
antérieur  aux  anecdotes  mythiques  qui  veulent  expliquer  l'un 
ou  l'autre  de  ses  emplois  (^). 


(1/  Cf.  la  savante  élude  de  Ad.  J.  Reinach,  Itanos  et  V  a  Invenlio  Senti  >i  dans 
Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  LX  et  LXI  (1909  et  1910),  pp  309  et  suiv.  et 
197  et  suiv.  En  particulier  sur  le  bouclier  d'Argos,  plein  d'une  force  divine. 
voir  LXI,  pp.  216  et  suiv. 

(2)  Pour  des  manifestations  analogues,  voir  par  exemple  chez  Cicéron,  De  divin., 
I,  34,  les  armes  qui,  avant  la  bataille  de  Leuctres,  s'entrechoquent  dans  le  temple 
d'Héraclès  à  Lacédémone. 

(3)  Antiquit.  rom.,  II,  70. 

(*)  Par  exemple,  Rohde,  Psyché,  1"^  éd  .  p.  248.  n.  2.  Cf.  l'article  très  complet 
d'iMMiscH,  Kureten  dans  le  Lexikon  de  Roscher.  co!.  1613,  1615.  En  revanche, 
Ad.  J.  Reinach  ^Itanos  et  VInventio  Senti  dans  Rev.  Hist.  des  Religions,  1910,  p  229) 
donne  une  explication  voisine  de  la  nôtre  :  «  leurs  boucliers  se  chargeaient  en 
quelque  sorte  de  la  force  divine  et  devenaient,  comme  les  ancilia  des  Saliens, 
capables  de  manifester  ses  volontés  ». 

(")  Callimaque,  Hymne  I,  52  et  suiv.  ;  Strabon  X,  3,  p.  468,  etc.  Chez  Diodore, 
V,  65,  la  même  explication  est  donnée  dans  un  récit  de  tendance  nettement 
évhémérique. 

(6)  Le  rôle  des  Curetés  dans  la  légende  de  Zeus  est  transporté  à  Éphèse  dans  la 
légende  d'Artémis  (Strabon,  XIV,  20,  p.  640)  :  leur  vacarme  protège  Léto  pendant 
son  enfantement  contre  les  embûches  d'Héra.   D'après  le  scoliaste  d'Apollonius- 


^  49  — 

Si  l'on  s'en  tient  au  texte  de  Strabon  (X,  8,  pp.  462  et  suiv.), 
le  plus  important  sur  toute  cette  question,  les  Curetés,  de  même 
que  les  Satyres,  Silènes,  Bakchoi  et  Tityres,  et  aussi  que  les 
Corybantes,  les  Cabires,  les  Dactyles  Idéens  et  les  Telcbines, 
sont  des  démons  ou  des  serviteurs  des  dieux  (^aijjiova;  r,  T.por.okouç 
5cwv)  ;  ce  sont  tous  des  êti'es  possédés  de  l'esprit  divin  (àTravTaç 
£v5ojo't.a<TT!.xoùç  T'.vaç  xal  pax^uoj;)  (^),  se  livrant  à  dés  danses  avec 
un  grand  fracas  de  cymbales,  de  tambours  et  d'armes  (p.  4G(I),  et 
à  qui  l'entbousiasme  procure  une  inspiration  divine  et  une 
qualité  prophétique  :  o  re  éy.,^oumaaiJ.bç  STiiTrveja-iv  Tt.va  5c{av  'éyeiv 
hoxel  xal  T(jj  |i.avT(.x(ji  yévet.  Tzkri^TiiÇz'.v  (467). 

En  présence  de  cette  explication  générale,  l'interprétation 
apotropaïque  que  nous  avons  rencontrée  dans  certaines  anec- 
dotes mythiques  apparaît  comme  une  étiologie  tardive  de  rites 
très  anciens.  De  même,  l'explication  apotropaïque  ou  prophy- 
lactique que  l'on  donne  d'un  vieux  rite  du  triomphe  romain 
(la  cloche  et  le  fouet  attachés  au  cbar  du  triomphateur)  ne  me 
paraît  guère  plus  sûre  que  l'explication  rapportée  par  Zonaras 
(VU,  21,  t.  II,  p.  150,  19  et  suiv.  Dindorf)  :  «  C'était  pour 
montrer  que  le  triomphateur  pouvait  tomber  dans  l'infortune 
et  même  subir  les  outrages  et  la  peine  de  mort.  Car  les 
condamnés  à  mort  devaient  aussi  porter  une  cloche  pour  que 
personne  ne  se  souille  à  leur  contact  )).  Le  battement  de  l'airain 
était  sans  doute  à  l'origine  un  moyen  d'invoquer  les  dieux  et 
de  les  associer  à  la  fête  du  triomphe. 

En  réalité,  dans  tous  les  cultes  orgiastiques,  ce  que  voulaient 
les  fidèles,  c'était  arriver  à  l'extase,  se  remplir  du  dieu,  s'assi- 


de  Rhodes,  I,  1134,  la  danse  bruyante  a  pour  objet  d'empêcher  d'entendre  la 
lamentation  funèbre  (8u(jcpr,{jL0(;  cptovT^);  cf.  une  interprétation  analogue  chez  Pi-u- 
TARQUE,  De  superstitione,  13  :  à  Carlhuge,  le  fracas  des  tambourins  doit  éloutfer  les 
plaintes  des  victimes  humaines  sacrifiées.  * 

(*)  Cf.  DiODORE    V,  49   3,  k  propos  des  Corytranles  :  xoùi;  èm  xol<;  ttj;  [ATjxpàç 
kpoTç  svôoua-.àaavTat;. 


—  50  — 

miler  aux  êtres  démoniaques  qui  lui  faisaient  cortège  (*).  En  se 
livrant  à  un  délire  frénétique  (xopu,3avT'.wvTe;  ou  ^axy eûovxe;) ,  ils 
voulaient  devenir  comme  les  Corybantes  ou  les  Bakchoi  eux- 
mêmes.  Le  fracas  de  l'airain  était  un  des  moyens  d'évoquer  et 
de  manifester  la  présence  du  dieu  et  de  se  remplir  de  son 
esprit  {^). 

Le  caractère  démoniaque  et  prophétique  que  l'on  attril)uail 
facilement  au  son  de  l'airain  paraît  avoir  été  connu  de  Philon 
lorsqu'il  dit  du  vrai  prophète  qu'il  est  un  instrument  de  Dieu, 
un  Tj^^eiov,  heurté  et  frappé  d'un  façon  invisible  par  lui  :  ô'pyavov 
.Sreo'j  é<TTi,v  Yj^erov,  xpouôjjievov  xal  7rAr|TTC)p.£vov  âopaTwç  Ott'  auToO  (^). 

11  me  paraît  peu  utile  d'entrer  ici  dans  le  domaine  du  folklore 
général  pour  y  rechercher  des  croyances  analogues.  Je  citerai 
cependant,  pour  montrer  qu'elles  se  sont  prolongées  dans 
l'époque  chrétienne,  un  passage  d'un  texte  curieux  qui  a  été 
publié  pour  la  première  fois  par  M.  Reitzenstein.  Il  s'agit  d'une 
amulette  (cpjXaxTYip!.ov)  qui  nous  a  été  conservée  dans  le  Pari- 
sinus  gr.  2816  (XV*'  siècle)  : 

opxîÇw  up-àç  Ta  £vaxô(T',a  kçTiXOVTa  Tzweù^oLza  ttJç  sxxXrjTia;  toO 
TTOVY^po'j  Ta  d|Jiôa-avTa  tw  ^oLOiikel  SoXop.wvT',,  ote  à7i£xA£!.a-£v  'Jfi.à;  eîç 
Ta;  ^aXxàç  6opiaç  8ià  Toi>  âpyayyÉXo'J  TaPpiTiA  toO  è'^^ovTOç  ttjV  i^ou- 
T'iav  IttI  Triç  Bao"xaviaç  (^),  x.  t.  X. 

Les  esprits  mauvais  ont  donc  été  enfermés   par  l'archange 


('  Pour  un  évêque  comme  Théodoret,  les  païens  qui  célèbrent  leurs  fêtes 
bachiques  sont  encore  des  possédés  du  démon,  Hist.  EccL.  III,  6,  2  :  ùttô  oè  xwv 
6£pa7ceuo(Ji,£vtov  pax^eudfievoi  oatfxdviov,  Xutxwvtsç  xal  xopupavciûvreç,  etc.;  cf.  III, 
20,  1  ;  IV,  24,  3. 

{-)  La  valeur  magique  de  certains  instruments  rituels  doit  sans  doute  être  envi- 
sagée pour  expliquer  le  sens  de  la  fameuse  formule  des  initiés  aux  mystères  :  èx 
Tup-iràvou  ecpayov,  ex  xuix^dtXou  euiov,  x.  x.  X. 

(3)  Quis  rer.  div.  hères,  52,  p.  510,  M,  t.  III,  p.  59, 15  Wendland.  Cf.  un  peu  plus 
oin,  53,  p.  61,  4  :  xe^vt)  âè  àopàxtjj  xat  Tra{Ji{JLou<Tt{j  xaûxa  xpouwv  (sc.  E'xepo;)  sutj^a 
xai  itavapfjidviocxal  Yé{J.ovxa  cr'jfxcpiovîaç  xt)<;  TrâdTj*;  àTioxeXET. 

v*j  Reitzenstein,  Poimandres,  p.  295.  Reitzenstein  considère  ici  comme  source 
un  écrit  de  Salomon  appelé  Les  sept  Cieux,  dont  l'usage  en  Egypte  est  déjà  attesté 
par  Zosime  (Berthelot,  La  chimie  au  moyen  âge,  II,  p.  265).  Dans  cet  écrit,  les 
sept  vases  où  Salomon  renferme  les  esprits  étaient  en  électrura. 


—  51  — 

Gabriel  dans  des  hj^dries  d'airain.  Naturellement,  dans  le  texte 
chrétien,  tout  ce  qui  pour  les  Grecs  est  simplement  dieu  ou 
démon  est  devenu  esprit  du  mal.  Mais  l'idée  de  présenter  l'airain 
comme  siège  d'un  esprit  dérive  directement  de  la  superstition 
antique  qui  nous  occupe,  et  les  textes  qui  vont  suivre  le  mon- 
treront avec  plus  d'évidence  encore. 


Nous  devons  ces  textes  à  la  tradition  néo-pythagoricienne 
qui  a  conservé  la  trace  de  tant  de  superstitions  anciennes; 
Porphyre,  Vie  de  Pythagore,  41  :  tôv  o  èx  -/cCk-koù  xpouofxévov 
yt.vô|i.evov  -T^'/oy  (poivxiv  £^vaî  tlvo;  twv  oa'.p.ôvwv  £va7r£'Ari(j(.iAévT,v  (éva- 
Tzv,\-r\\k\xi^oi>  Nauck)  T(j)  /aXxô).  On  attribuait  donc  formellement 
à  Pythagore  l'opinion  que  le  bruit  venant  de  l'airain  frappé 
était  la  voix  d'un  démon  enfermé  dans  l'airain.  Cf.  Eustathe, 
p.  1067,  59  et  suiv.  :  xal  ol  liu3ayop!.xo{  cpao"'.  tôv  jcùxo^  Travrl 
(7\jyriyBVj  ^eioxépiù  7rve'jp.aT!.  "  oib  xal  tw  'AiroXXwvt,  tg^ttouç  to'.O'jtoç 
àvàxetTai;  ici  encore  donc,  il  est  dit  que  l'airain  résonne  par 
l'action  d'un  souffle  divirf.  Enfin,  il  faut  sans  doute  expliquer 
par  la  même  idée  l'opinion  prêtée  à  Pythagore  chez  Élien, 
HlSt.  var.,  IV,  il  :  h  uoXXàxt.ç  é|i.7ctTCTwv  Tor?  walv  r;/o^  '^wvy^  twv 
xpsLTTÔvojv  ;  le  son  qui  frappe  les  oreilles  en  se  répétant  est  la 
voix  des  esprits  (^). 

C'est  donc  particulièrement  dans  l'école  pythagoricienne  que 
Ton  avait  traité  d'une  façon  superstitieuse  la  résonance  de 
l'airain.  Dès  l'origine,  les  Pythagoriciens  avaient  été  hostiles 
aux  cultes  orgiastiques,  tels  que  ceux  de  Dionysos  et  de  la  Mère 
des  Dieux  {^).  Leur  idéal,  c'est  Apollon,  les  Muses,  la  tempê- 


ta) Ces  trois  textes  se  trouvent  déjà  cités  chez  Lobeck,  Aglaophamus,  pp.  895  et 
suiv.  Il  faut  également  se  rappeler  les  textes  sur  l'airain  de  Dodone  que  nous  avons 
commentés  plus  haut,  p.  45. 

(2)  Maass  iOrpheus,  pp.  i63  et  suiv.)  insiste  très  exactement  sur  ce  point  et  il 
distingue  avec  raison  la  doctrine  orphique  et  pythagoricienne  des  orgies  diony- 
siaques. La  pythagoricienne  Phintys  (Stobée,  Flor.,  IV,  23,  61,  t.  IV,  p.  390. 


—  52   - 

fartce  et  l'harmonie,  non  point  Dionysos,  Cybèle,  les  Ménades 
et  les  Corybantes.  Leur  but  est  de  s'approcher  de  Dieu  par  la 
science,  la  piété  et  la  vertu  (*  ,  et  non  par  une  extase  qui  est  le 
résultat  de  l'ivresse  et  de  bruits  désordonnés. 

Si  l'on  examine  les  ouï-dire  et  les  symboles  (âxoÛTjjiaTa  xal 
(jûfxpoXa)  (^)  que  l'on  mettait  sous  l'autorité  de  Pythagore,  on 
voit  qu'un  grand  nombre  justifient  et  dogmatisent  en  quelque 
sorte  des  croyances  déjà  existantes,  avec  l'intention  de  témoigner 
au  divin  et  à  ses  manifestations  le  respect  le  plus  scrupuleux. 
Du  moment  que  le  son  de  l'airain  avait  un  caractère  sacré,  les 
Pythagoriciens  ont  dû  en  condamner  un  abus  profane  et  le 
traiter  avec  un  respect  égal  à  celui  que,  par  exemple,  ils  prescri- 
vaient pour  les  portes,  également  sacrées  à  leurs  yeux  :  «  la 
porte  étant  sacrée,  les  Pythagoriciens  et  les  sages  d'Egypte 
défendaient  de  parler  en  franchissant  les  portes  (tj  TiûXa;  r,  Srjpa;), 
vénérant  par  le  silence  le  dieu  principe  de  l'univers  (^)  ». 

Dans  les  mystères  orphiques,  un  appareil  d'airain  nommé 
riy^dov  avait  un  emploi  sacré.  L'hiérophante  le  frappait  pour 
invoquer  Coré,  comme  nous  l'apprend  Apollodore,  fr.  36  (MùUer, 
hHG,  I,  434=  Scol.  Théocr.,  II,  36)  :  16  oi/ei  ^vtI  -oO  ^ô-^c'., 

xooOs.  'ËTtel  6  ToG  joikxoîj  V/o?  oixewç  toÏç,  xaTOi^ouivo'.;.  ^^r.-rlv 
'ATco)^Xô8ti)po(;  'A^YivYia-i  tÔv  Upo!fàvTT,v  TYi;  KopTjç  é7r5.xaÂoy|jiévyjç  è^z'.- 
xpO'J£t.v  To  Xeyo|jt.evov  -ri'j^eiov.  Kal  uapà  Aàxwo-t.,  (âaatXswç  â7ro5avôvTo;, 
£''w5a(Tt.  x^oùe'.'/  AéP'/jTà. 

Parmi   les  trois  détails  conservés  dans  cette  scolie  et  qui 


7  Hense)  prescrit  aux  femmes  |xt)  ypéea.S'ac  xol;  dpyiaafxoti;  xal  (j.axpiîJaa{j.ot<;.  Sur 
le  fracas  des  instruments  d'airain  dans  le  culte  rendu  à  Cybèle  par  les  femmes,  cf. 
Athénée,  XIV,  636  A. 

(*)  A  cet  égard,  on  peut  dire  que  le  chapitre  II  du  De  Iside  par  exemple  est  d'un 
esprit  parfaitement  néo-pythagoricien. 

(*)  Voir  DiELS,  Frcbgm.  der  Vorsokratiker,  t.  I,  ^i*  édit  ,  pp.  279-281. 

(')  Porphyre,  De  antro  Nympharum,  27.  Ici  encore  les  Pythagoriciens  dogma- 
tisent une  superstition  populaire;  par  exemple  Tibuu.e,  1,  3,  19-20:  0  quoties 
ingressus  iter,  mihi  tristia  dixi  \  Offensum  in  porta  signa  dédisse  pedem  !  Cf. 
Valère  Maxime,  I,  4.  2. 


—  53  — 

remontent  sans  doute  tous  à  ApoUodore,  celui  du  milieu  (^) 
attribue  donc  au  son  de  l'airain  une  vertu  non  pas  apotropaïque, 
mais  expressément  évocatrice  :  Tr\c,  Kopri;  £7:'.xaXoj|ji£VT]ç. 

La  coutume,  évidemment  très  antique,  de  frapper  un  vase 
lors  des  funérailles  d'un  roi  de  Sparte  ne  me  paraît  guère  non 
plus  pouvoir,  comme  on  le  prétend,  s'expliquer  originairement 
par  l'intention  de  chasser  les  esprits;  en  effet,  parmi  ceux-ci 
il  faudrait  bien  comprendre  l'esprit  du  roi  lui-même  que  l'on 
veut  honorer.  C'était  plutôt,  à  ce  moment  solennel,  une  façon 
de  marquer  la  survie  et  de  manifester  la  présence  de  cet  esprit 
(jui,  comme  un  puissant  oa{{jLwv  ou  r^pMç,  allait  continuer  à  pro- 
téger le  pays  (^).  Au  surplus,  le  fait  que  l'on  rendait  aux  rois 
de  Sparte  les  honneurs  propres  aux  héros  nous  est  formelle- 
ment attesté  par  Xénophon  (^)  qui  est,  à  cet  égard,  un  témoin 
particulièrement  bien  informé. 

Sur  le  même  sujet  des  funérailles  royales  à  Sparte,  Hérodote 
(Vf,  58)  nous  apprend  qu'à  la  mort  d'un  roi  des  cavaliers  par- 
courent toute  la  Laconie  pour  annoncer  la  nouvelle,  et  que 
dans  la  ville  des  femmes  circulent  en  frappant  un  chaudron  : 


*)  (-f.  Velleius,  I,  4, 1;  OiuoN,  FJym.,  p.  18,  24  et  suiv.;  Pindare,  Isthm.,  Vil, 
3;  Sr,OL.  AiusTOPH.,  Àcliarn.,  709;  Ovide,  Ars  am.,  II,  609  et  suiv.;  Lobeck, 
Aylaoph.,  Il  p.  12i'5.  Gruppe,  Gr.  Myth.,  p.  54,  n.  9,  veut  encore  donner  ici  au 
rite  une  valeur  apotropaïque.  Dans  sa  série  de  comparaisons  entre  les  mystère? 
ii^recs  et  les  choses  d'Egypte  (plus  haut,  p.  28),  il  est  probable  qu'Hécatée  avait 
mis  en  rapport  le  bruit  de  cet  -n'/^s^ov  sacré  avec  celui  des  portes  du  lombeau  d'Apis. 

(^)  Cf.  Oresle,  dont  les  ossements  retrouvés  précisément  dans  la  forge  d'un 
chalkeus  donnent  la  victoire  à  Sparte  (Hérodote,  I,  67-68);  Plutarque,  Thésée,  35 
/A  la  fin,  etc.  Au  sujet  de  l'importance  nouvelle  du  culte  des  PauiXtxol  Satixovî;  à 
l'époque  alexandrine,  voir  par  exemple  l'inscription  d'Antiocluis  I,  Michel,  Recueil 
d'Insc.  gr..  I,  7^15. 

(')  Rép.  Lacèd.,  XV,  9  :  ai  Se  xsXcux-nuavxt  Tijjial  ^a.<sikzi  SsSovxat,  x^8e  pouXovxa'. 
OTjXouv  o\  Auxoupyou  vdp.ot  6xi  où^  w^  àv.SptoTcouc;  àXX'  wç  Tjp(oa(;  xoùç  Aaxeoat(xovi(ov 
PaatXslc;  7rpoxExi|x-nxaCTtv.  Cf.  Helléniques,  III,  3,  1,  à  propos  des  funérailles  du  roi 
Agis  :  £xuy_c  asfjLvoxépaç  t^  xaxà  àv^pwTrov  xacptjç. 

(*)  Le  singulier  Xépïjxa  a  pour  lui  l'autorité  des  bons  manuscrits,  et  il  est  arbi- 
traire de  le  changer  en  XspTjxat;  comme  le  fait  encore  le  dernier  éditeur,  Uude. 


—  54  — 

Hérodote  semble  donc  interpréter  le  rite  comme  n'ayant 
d'autre  objet  que  d'annoncer  la  funèbre  nouvelle,  à  la  façon  de 
notre  glas.  H  y  a  quelque  analogie  entre  ce  rite  et  l'usage 
d'exécuter  des  danses,  accompagnées  du  fracas  des  épées  et  des 
boucliers,  à  l'occasion  de  funérailles  solennelles.  L'auteur  du 
dernier  chant  de  l'Odyssée  est  sans  doute  le  premier  à  men- 
tionner de  pareilles  danses,  quand  il  dit  à  propos  des  funérailles 
d'Achille,  w  08  et  suiv.  : 

TzoXkrA  o'  ïlpwe;  'Xyjxioi 
Teuy£a"t.v  sppwo-avTO  irupYiV  Trép?.  xa'.ofJiÉvo'.o, 
TceÇo»!  8'  lirTcrjÉç  te*  ttoX'j;  o'  dpjiJLayoo;  opwps'-. 

Plus  tard,  Apollonius  de  Rhodes  signale  la  même  coutume 
comme  spéciale  aux  funérailles  d'un  roi;  les  Dotions  dansent 
en  armes  autour  du  tombeau  de  leur  roi  Kyzikos  (I,  1059)  : 

Tplç  TTsp',  yjxkxeioiç  o-ùv  Te'jyso"',  SivYiOevTe; 
t'J{jlP(i)  svexTepet^av... 

En  revanche,  un  peu  plus  loin,  une  danse  armée  analogue  a 
pour  objet  d'empêcher  d'entendre  les  lamentations  funèbres 
pendant  un  sacrifice  offert  par  les  Argonautes  à  Rhéa,  et  c'est 
pourquoi  l'usage  de  tels  bruits  stridents  est  devenu  spécial  au 
culte  de  cette  déesse  (I,  1135  et  suiv.)  : 

(jxa'ipovTeç  jiiTiTap{i.ôv  évoTtAwv  elXio-o-ovTO, 
xal  (Taxea  Çt.cpsea'O'tv  eTrexTUTTOv.  wç  xev  '!(i)t, 
8ua-QTi|jL0ç  TzkÔL^oiTO  Si'  "inspoç,  V  î'zi  Xaol 
x^f\oeir^  ^oltCKtioç  àvéo-Tevov  "  è'v.S-sv  so-aicl 
pô[jip(})  xal  T'jTcâv({)  'Pe'/^v  4>pLiY£;  IXaaxovra». . 

On  voit  comment  les  explications  varient  selon  les  circon- 
stances. Les  divergences  prouvent  simplement  qu'il  ne  faut  pas 


—  55  — 

prétendre  ramener  à  une  signification  immuable  des  rites 
d'origine  oubliée  et  dont  l'interprétation  a  varié  au  cours  des 
temps  (0- 

Par  une  rencontre  significative,  nous  trouvons  un  détail  com- 
parable aux  rites  qui  nous  occupent  dans  la  fête  funèbre  annuelle 
qui  fut  instituée  au  V"  siècle,  à  Platée,  en  l'honneur  des  guer- 
riers béroisés  qui  étaient  tombés  sur  le  champ  de  bataille. 
L'organisation  de  la  fête,  que  Plutarque  rapporte  à  Aristide, 
doit  être  plus  vraisemblablement  attribuée  au  roi  de  Sparte, 
Pausanias  (Thucydide,  111,  58).  Parmi  les  cérémonies  curieuses 
que  décrit  Plutarque  (Aristide,  21),  le  détail  qui  nous  intéresse 
particulièrement  est  le  suivant.  Au  jour  de  la  fête,  l'archonte  ae 
Platée,  qui  en  tout  autre  temps  ne  peut  pas  toucher  du  fer  et 
ne  doit  porter  que  des  vêtements  blancs,  s'habille  d'une  tunique 
rouge,  il  porte  une  hydrie  qu'il  prend  dans  le  local  des  archives 
et,  muni  également  d'une  épée,  il  traverse  la  ville  pour  se  rendre 
aux  tombeaux  :  àpàjjievôç  te  jôpiav  âTiô  toù  vpa|jL[jiaTocpyAaxîou  ^t.^r^z■r^ç 

Là,  il  accomplit  certaines  cérémonies,  immole  un  taureau  et 

évoque  les  morts  au  festin  :  xal  xaTejiâjJievo;  \d  xal  'EptJLr;  /.Srov'ici) 
TcapaxaAer  Toù?  àva.ro'jç  avSpaç  Toùç  (jTzïp  tt^;  EX/.ôiZoç  aTTO.SavovTa; 
£7cl  TÔ  ocCtcvov  xcù.  t>,v  altj.axoup'iav .  Ici  donc,  nous  voyons  une 
hydrie,  évidemment  en  airain,  qui  est  conservée  et  consaci'ée 
pour  l'usage  religieux  et  qui,  comme  Tv/eiov  d'Eleusis  et  comme 
le  Ae^Ti;  de  Sparte,  joue  un  rôle  dans  les  rites  évocatoires.  Le 
xpÔToç  de  l'airain  appelait  la  présence  des  morts  et,  lorsque  le 
glaive  de  l'archonte  égorgeait  la  victime,  c'est  sans  doute  dans 
l'hydrie  même  que  l'on  recueillait  le  sang  que  les  morts  devaient 
boire. 


(1)  De  nos  jours  encore,  de  tels  rites  sont  cliariçés  de  toute  une  série  de  signifi- 
cations. Vivos  voco.  Mortuos  plango.  FiUgura  franco,  ces  trois  termes  sont  loin 
d'épuiser  les  sens  du  chant  de  la  cloche.  Dans  les  campagnes  wallonnes,  le  jour 
des  morts  (Toussaint)  s'appelle  «  le  jour  des  âmes  »,  et  le  soir,  tandis  que  sonne  le 
glas,  on  croit  que  celles-ci  errent  aux  (alentours.  Oui  nous  dira  le  sens  exact  de  ce 
glas  traditionnel?  Évoque-t-il  les  âmes  et  chante-t-il  leur  plainte,  ou  appelle-t-il  les 
vivants  à  la  prière  et  exprime-t-il  leur  propre  douleur? 


—  56  — 

Ces  rites  antiques  et  ces  honneurs  spéciaux  ne  se  sont  con- 
servés que  dans  les  cultes  des  rois  et  des  héros.  Au  temps 
historique,  la  législation  a  fortement  réj];lementé  et  simplifié 
les  cérémonies  privées  des  funérailles  (^).  Néanmoins,  il  y 
avait  sans  doute  dans  chaque  État  une  fête  générale  des 
morts  (^). 

A  cet  égard,  c'est  pour  Home  que  nous  sommes  le  mieux 
renseignés.  La  fête  des  morts,  les  Lémuries,  s'y  célébrait  les 
9,  Il  et  13  mai,  et  Ovide  [Fastes,  V,  i^l  et  suiv.)  a  donné  de 
certains  de  ses  rites  une  description  assez  détaillée.  Ici  encore 
nous  voyons  apparaître,  avec  une  signification  spéciale,  le  son 
de  l'airain.  «  A  minuit...,  l'homme  qui  se  souvient  du  rite 
antique  et  qui  craint  les  dieux  se  lève;  il  reste  pieds-nus,  et  de 
ses  doigts  réunis  avec  le  milieu  du  pouce  il  fait  des  signaux,  de 
peur  que  dans  le  silence  une  ombre  légère  ne  vienne  à  sa  ren- 
contre. Trois  fois,  il  purifie  ses  mains  dans  l'eau  d'une  fontaine; 
il  se  tourne  et  prend  dans  sa  bouche  des  fèves  noires.  Il  les 
jette  ensuite  derrière  lui  et,  en  les  jetant,  il  dit  :  «  Je  les  jette 
et,  avec  ces  fèves,  je  me  rachète  moi  et  les  miens.  »  11  prononce 
neuf  fois  ces  paroles  sans  regarder  en  arrière.  On  croit  que 
l'ombre  ramasse  les  fèves  et  suit  ses  pas  sans  être  vue.  De  nou- 
veau il  touche  l'eau  et  frappe  l'airain  de  Temèse  {Temesaeaqiic 
concrepat  afera,  441),  et  il  conjure  l'ombre  de  quitter  sa 
demeure.  Après  avoir  dit  neuf.fois  :  «  Mânes  paternels,  sortez!  », 
il  regarde  derrière  lui  et  croit  avoir  accompli  purement  la  céré- 
monie. « 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'essayer  une  analyse  de  rites  dont  le 
sens  primitif  échappait  à  coup  sur  à  Ovide  lui-même. 

Remarquons  simplement  que  dans  cette  succession  d'actes,  le 


(*)  O'après  la  loi  de  Iulis  sur  les  funérailles,  on  devait  porter  le  mort  silencieu- 
sement jusqu'à  son  tombeau,  attoTif,  [xr/^pt  stti  tô  <TTj[xa,  Michel,  Recueil  d'Insc.gr.^ 
I.  398.  Même  prescription  à  Delphes,  ibid.,  99o  C.  Cf.  Plutarque,  Salon,  2-1.  Cf. 
[)0ur  Sparte,  Plutarque,  InstitiUa  Laconica,  18  (238  D);  Lycurgue,  27. 

(')  Cf.  NiLSSON,  Griechisvhe  Fe.ste,  p.  4%. 


—  57    - 

battement  de  l'airain  n'est  pas  du  tout  présenté  comme  un 
moyen  apotropaïque,  ainsi  qu'on  l'admet  généralement. 

J'entendrais  plutôt  :  le  dévot  paie  à  l'ombre  son  tribut  et, 
après  s'être  acquitté  de  ce  devoir,  il  l'évoque  particulièrement 
en  frappant  l'airain  pour  la  supplier  de  quitter  sa  demeure.  Si 
le  bruit  de  l'airain  avait  pour  vertu  en  soi  de  chasser  l'ombre, 
pourquoi  le  dévot  devrait-il  ensuite  répéter  neuf  fois  sa  prière? 
Dans  tous  ces  actes,  il  y  a  certes  un  scrupule  superstitieux  de 
se  tenir  pur  du  contact  ou  de  la  vue  du  mort,  mais  il  y  a  aussi 
le  souci  religieux  de  lui  rendre  les  honneurs  auxquels  il  a  droit 
dans  la  fête,  et  le  battement  de  l'airain  ne  peut  pas  être  conçu 
originairement  comme  un  moyen  hostile  et  violent  de  l'efïrayer 
et  de  le  mettre  en  fuite. 

La  série  de  textes  que  l'on  vient  d'examiner  explique  assez 
comment  Apollodore  a  pu  dire  que  le  bruit  de  l'airain  était 
oixeioc,  ToCç  xaTO'.)(0|jL£voiç,  c'est-à-dire  appartenait  aux  trépassés. 
L'opinion  attribuée  chez  Élien  à  Pythagore  qu'un  tel  bruit  est 
la  voix  des  meilleurs  (cpwvVxwv  xpeiTTovwv)  ne  fait  que  dire  la 
môme  chose  sous  une  forme  plus  réaliste. 


Revenant  enfin  à  l'usage  rappelé  dans  notre  passage  de  Plu- 
tarque,  ma  conclusion  serait  celle-ci  :  11  y  avait  une  croyance, 
spécialement  accueillie  par  certains  Pythagoriciens,  qui  considé- 
rait la  résonance  prolongée  de  l'airain  comme  une  manifesta- 
tion démoniaque.  Dès  lors,  un  tel  bruit  devait  être  l'objet  d'une 
crainte  superstitieuse,  au  même  titre  que  les  autres  phénomènes 
attribués  à  de  semblables  interventions  surnaturelles.  N'est-ce 
pas  la  crainte  de^  esprits  qui,  en  Grèce,  a  donné  son  nom  même 
à  la  superstition  (SetcrtSatfjiovia),  et  n'est-ce  pas  cette  crainte 
encore  qui  se  trahit  dans  l'euphémisme  (ol  xpeirTove;)  par  lequel 
nous  venons  de  voir  qu'on  désignait  les  âmes  des  morts?  On 
croyait  écarter  la  présence  d'un  esprit  qui  pouvait  être  redou- 


-  58  — 

table  en  touchant  l'airain  ou  le  cuivre  en  train  de  résonner  et 
en  éteignant  ainsi  son  bruit. 

Assurément,  il  nous  paraît  extraordinaire  qu*une  certaine 
étiologie  ait  rattaché  cette  superstition  aux  funérailles  du  boeuf 
Apis  et  qu'une  des  sources  de  Plutarque  ait  pu  faire  un  raison- 
nement qui  devait  être  à  peu  près  comme  ceci  :  lorsqu'on 
enterre  Apis,  les  portes  d'airain  ont  une  résonance  grave  et 
dure  et  c'est  parce  que  nous  savons  ainsi  qu'un  tel  bruit  mani- 
feste la  présence  d'un  démon  que  nous  avons  l'habitude  d'inter- 
rompre, en  les  touchant,  la  résonance  des  objets  d'airain. 
Cette  étiologie  est  étrange,  j'en  tombe  d'accord,  mais  elle  doit 
l'être,  car  il  faut  bien  qu'elle  soit  telle  pour  que  Plutarque  l'ait 
rangée  parmi  les  explications  qu'au  début  de  sa  phrase  il  a 
qualifiées  de  stupides  (âTOTrwtepa) . 

Au  fond,  cependant,  est-elle  beaucoup  plus  absurde  que 
d'autres  explications  qui  ramènent  également,  de  la  façon  la 
plus  inattendue,  des  coutumes  ou  des  croyances  grecques  à  une 
origine  égyptienne?  Par  exemple,  plus  haut,  chez  Plutarque 
[De  fside,  chap.  XLII),  nous  avons  vu  expliquer  l'horreur  des 
Pythagoriciens  pour  le  nombre  dix- sept  par  le  fait  que  le 
dix-sept  est  la  date  de  la  mort  d'Osiris.  De  même  encore,  la 
superstition  qu'inspiraient  les  portes  avait  été  mise  par  les 
Pythagoriciens  en  rapport  avec  la  sagesse  égyptienne  (*).  Enfin. 
Plutarque  lui-même  dit  formellement  dans  le  De  fside  (chap.  X) 
que  la  plupart  des  préceptes  énigmatiques  des  Pythagoriciens 
imitent  le  symbolisme  des  Égyptiens,  qu'ils  ont  une  valeur 
mystérieuse  et  qu'ils  ne  le  cèdent  en  rien  à  cet  égard  à  l'écriture 
hiéroglyphique  (^).  Aussi,  les  âxoûdjjiaTa  pythagoriciens  servaient 
au  jeu  des  explications  les  plus  arbitraires;  Jamblique,  Vie  de 
Pijt/iagore,  86  :  Al  ùï  upo(TT'.5£a.£va'.  eUo-zoXoyioLi  -sol  twv  toloûtwv 


(*)  Porphyre,  De  anlr,)  Nxjmpharum,  27;  cf.  plus  haut,  p.  52.  Une  des  raisons 
que  l'on  donnait  de  l'abstinence  ries  fèves  était  leur  ressemblance  avec  les  portes  de 
l'Hadès  (DiOGÈNE  Laerce.  VIII,  34). 

(«)  Cf.  De  educ.  puer.,  47,  p.  42  D. 


—  59  — 

[scil.  âxo'jT;jtâT(i>v)  oùx  s.i'7'.  llu.Srayop'-xaî,  âXX'  éviwv  £ço)5ev  ènivfx^iZo- 
|ji.év(ov  xal  7r£!.pw{j.£V(i)v  upoTotuTeiv  £''xÔTa  Aovov. 

Déjà  Aristote,  sans  doute  dans  son  livre  IlEpl  twv  Uu^ayopetwv, 
s'était  occupé  des  âxoiia-pLaxa  pythagoriciens  (^).  Probablement 
dès  le  IV"  siècle  également,  le  médecin  Androkydès  écrivait  en 
dialecte  ionien  un  ouvrage  Ikpl  Ib^ayopixwv  o-ujjipoXwv  (^).  Une 
indication  malheureusement  très  vague  chez  Suidas  (s.  v.  Ava;'!- 
(jiavopoç)  et  chez  Diogène  Laerce  (II,  2)  mentionne  un  historien 
Anaximandre  de  Milet,  différent  de  son  célèbre  homonyme  et 
contemporain  d'Artaxerxès  Mnémon  (405-359  av.  J.-C),  qui 
avait  composé,  aussi  en  ionien,  un  écrit  sur  les  symboles 
pythagoriciens,  EjjjipoAwv  TIu.rayopE'iwv  £^T,yYi(T!.ç. 

Enfin,  un  quatrième  ouvrage  sur  le  même  sujet  est  mentionné 
par  Clément  d'Alexandrie  (Strom.,  p.  i4,  7  et  suiv.,  Stàhlin)  : 
'A)^£Savopo;  £v  7(^  7r£pl  ll'j3ayop!.x(ov  (T'J|xj36awv.  Cet  Alexandre, 
qui  est  sûrement  Alexandre  Polyhistor,  faisait  notamment  de 
Pythagore  le  disciple  de  l'Assyrien  Zaratos,  des  Gaulois  et  des 
Brahmanes. 

Il  n'est  pas  douteux  qu'à  l'époque  de  l'érudition  historique 
et  du  syncrétisme,  le  rapprochement  des  symboles  de  Pythagore 
avec  des  superstitions  et  des  coutumes  étrangères  ait  contribué 
à  faire  dériver  sa  sagesse  de  celle  de  peuples  barbares,  considérés 
comme  particulièrement  anciens,  Phéniciens,  Chaldéens,  Perses, 
Indiens,  Arabes,  Juifs,  et  même  ïhraces,  Gaulois  et  Etrusques  (^). 


(1)  Sur  cette  question,  voir  surtout  (1.  Holk,  De  acusmatis  sive  symbolis  Pythu- 
goricis,  Diss.,  Kiel.  4894. 

(*)  Zei.ler,  Die  Philosophie  der  Griechen,  III.  2,  4«  édit.,  p.  118,  considère  cet 
écrit  comme  l'œuvre  d'un  faussaire,  et  de  même  Hôlk  qui  place  sa  date  au  premier 
siècle  avant  J.-('..  {livre  cité,  p.  45).  Tout  récemment  M.  P.  Cohssen  \Die  Schrift  des 
Arztes  Androkydès  Ilspl  Tru^ayopixàiv  a-jajBdXwv  dans  Rheinisches  Muséum,  LXVII, 
(lOl'i),  pp.  240  et  suiv.  |  me  paraît  avoir  apporté  d'importants  arguments  en  faveur 
de  l'authenticité. 

(5)  Cf.  Zei.ler,  Die  Philosophie  der  Grieclien,  I,  1,  5«  édit.,  pp.  300  et  suiv.,  où  les 
principaux  témoignages  sont  cités.  Pour  les  rapports  avec  les  Étrusques,  cf.  Zeller, 
ibid.,  p.  296,  n.  2,  et  Plutarque,  Vie  de  Numa,  14. 


—  60  — 

Entre  tous  ces  peuples,  ce  sont  les  Égyptiens  qui  naturelle- 
ment durent  les  premiers  appeler  l'attention  des  Grecs.  Tout  en 
ne  parlant  pas  encore  d'un  séjour  de  Pythagore  en  Egypte, 
Hérodote  (II,  81)  remarque  l'analogie  d'un  rite  sacerdotal 
égyptien  avec  un  usage  pythagoricien  et  il  fait  venir  d'Egypte 
en  Grèce  la  croyance  à  la  métem psychose  (II,  123)  (^).  A  partir 
d'isocrate  {Busiris,  11,28),  l'assertion  (jue  Pythagore  a  emprunté 
sa  science  et  surtout  ses  prescriptions  religieuses  à  Técole  des 
Égyptiens  est  répétée  à  l'infini  {^). 

En  particulier  pour  ce  qui  concerne  le  De  hide,  une  étude 
détaillée  ferait  voir  que,  d'un  hout  à  l'autre  du  traité,  une 
place  importante  était  faite  dans  les  sources  aux  explications 
empruntées  à  l'école  pythagoricienne.  Un  grand  nouibre  d'entre 
elles  remontent  en  dernière  analyse  à  Eudoxe  de  Cnide,  qui  est 
fréquemment  cité  : 

Chapitre  VI,  sur  l'abstention  du  vin,  Eudoxe  est  combiné 
avec  Hécatée  d'Abdère  (Diodore,  I,  70,  il);  comparez  ce  qui 
est  dit  des  prêtres  d'Héliopolis  qui  ne  boivent  pas  de  vin  le 
jour  (wç  O'j  TTpoo-r^xov  Yijjispaç  Tiivs'.v,  ToO  x'jp'.O'j  xal  Pao-iXew;  è'fo- 
poSvToç)  avec  Jamblique,  Vie  de  Pythagore,  97  et  98  :  o'I'voj  oï  ae.^' 
Tlfjiipav  où  p.£T£'ryov  (sc.  ol  ïlu.Srayopew.)  ;  cf.  Diogène,  Vlll,  19  ('). 
—  Chapitre  XXI,  sur  l'emplacement  du  tombeau  d'Osiris.  — 
Chapitre  XXX,  sur  la  puissance  démoniaque  de  Typhon; 
cf.  chapitres  XL VIII,  LXXVl,  LXXX  et  Wellmann,  tiennes, 
XXXI  (1896),  pp.  243  et  suiv.  —  Chapitres  LU  et  LXIV  sur 
Isis.  déesse  de  l'amour;  chapitre  LXIl,  sur  le  Zeus  égyptien. 

L'attribution  à  Eudoxe  est  moins  sûre  là  où  les  Pythagori- 
ciens sont  cités  en  général  :  Chapitre  XXXIl,  la  mer  est  une 
larme  de  Kronos;  cf.  Porphyre,  Vie  de  Pi/thagore,  il  ;  Clément, 


(*)  Cf.  Zeller,  oiivr.  cité,  I,  1,  5^  édit.,  p.  305,  n.  1 . 

(2)  Voir  notamment  Plut  arque,  (^î^oeA/.  conviv.,  Vlll,  8,  2,  1,  De  Iside,  chap.  X. 

(3)  Les  parfums  que  brûlent  les  prêtres  égyptiens  pendant  le  jour  (De  Iside, 
LXXIX)  sont  également  à  rapprocher  des  pratiques  pythagoriciennes  décrites  par 
Jamblique,  Vie  de  Pythagore,  98.  L'adoration  du  soleil  levant  était  un  des  comman- 
dements pythagoriciens,  Jamblique,  ibid.,  2o6. 


—  61   — 

Strom.y  V,  p.  860,  21,  Stàhlin.  C'est  justement  Eudoxe  qui  est 
donné  comme  ayant  emprunté  une  autre  image  analogue  aux 
prêtres  égyptiens  :  le  vin  est  le  sang  de  ceux  qui  jadis  ont  fait 
la  guerre  aux  dieux  et  dont  les  cadavres,  mêlés  à  la  terre,  ont 
fait  poussier  les  vignes  {De  Iside,  VI)  (^.  —  Chapitre  XLII,  sur 
le  nombre  dix-sept.  —  Cf.  encore  chapitres  LXXV  et  X,  notam- 
ment Apollon,  expliqué  par  d-T.olùç. 

Une  étude  complète  devrait  naturellement  tenir  compte  de 
passages  où  il  n'y  a  pas  expressément  de  rapprochement  avec 
le  pythagorisme.  Par  exemple,  le  port  de  vêtements  de  lin  était 
commun  aux  prêtres  égyptiens  {De  hide,  IV)  et  aux  Néo- 
pythagoriciens (Jamblique,  Vie  de  Pythagore,  100,  149). 

I/abstinence  pythagoricienne  des  poissons  (Diogène,  VIÏI, 
84;  Eustathe,  p.  1720,  31  et  suiv.)  avait  aussi  été  rapprochée 
de  la  même  pratique  chez  les  prêtres  d'Egypte  (Plutarque,  De 
Iside,  VII;  Quaest.  conviv.,  VIII,  8,  2). 

Plutarque  {Ue  Iside,  LXU)  explique,  d'après  Manéthon,  que 
le  fer  est  l'os  de  Typhon.  La  pensée  offre  bien  le  même  genre 
d'image  que  nous  venons  de  rencontrer  chez  les  Pythagoriciens 
à  propos  de  la  mer  «  larme  de  Kronos  »,  et  du  vin  «  sang  des 
ennemis  des  dieux  ».  Et,  en  effet,  les  Pythagoriciens  (Lydus, 
De  mensibus,  I,  35)  avaient  l'horreur  du  fer  qui  symbolise  la 
matière  :  '0  yàp  o-iSyipoç  xarà  toÙç  IIu^aYopeiouç  x^  \jkr\  âvàxetTa!.  ' 
[jLsXaç  yàp  xal  auTo;  xal  oià  to'JTO  éyyjç  aveioeo;,  7:oXuxji.7|To;  re  xal 
TToXûypYiTToç  (ùX  oux  (XTra^Tiç  £(3Tt.v.  Aussi  prescrivaicut-ils  aux 
prêtres  de  n'employer  que  des  ciseaux  d'airain  (^).  Nous  avons 
vu  plus  haut  que  le  magistrat  de  Platée,  chargé  d'évoquer  une 
fois  l'année  les  esprits  des  héros,  était  de  même  soumis  à 
l'interdiction  de  toucher  du  fer. 


(*)  Androkydès  se  fondait  sur  quelque  symbolon  pythagoricien  analogue  quand 
il  écrivait  à  Alexandre  le  Grand.  Pline,  Hist.  Nat.,  XIV,  58  :  Vinumpotitrus,  rex, 
mémento  bibere  te  sanguinem  terrœ. 

(2)  Sur  l'emploi  sacré  des  ciseaux  d'airain,  cf.  Sophocle,  fr.  491  Nauck,  2«  édit.; 
Macrobe,  V,  19,  13;  Servius,  Ad  Aen.,  I,  448. 


—  62  - 


VU 

SarapiS  =  ^oGo-ira'.  tô  Tcàv 

{lexpiwTepov  oï  <  ol  >   (*)  uapà  tô  T£ÙeT5a?.  xal  to  ToOaira».  ttjv  toO 

TiavToç  afjia  xivYi(7!.v  e^pTio-^at.  cpâoxovTeç. 

La  première  explication  du  nom  de  Sarapis  a  paru  à  Plu- 
larque  négligeable,  la  seconde  absurde,  la  troisième  plus  absurde 
encore;  en  voici  une  enfin  qui  lui  paraît  assez  raisonnable  : 
(c  Plus  modérée  est  l'opinion  que  c'est  d'après  l'élan  (to  Tcjso-.ra'. 
xal  TÔ  aoûo-^ai)  donné  au  mouvement  simultané  de  l'univers  qu'il 
est  nommé  ». 

Sarapis  est  donc  dérivé  ici  de  'seùefy^ai  ou  (joù^^oli  et  de  7:àv. 
Il  n'y  a  pas  lieu  de  proposer  des  corrections  (^).  Surtout,  il  ne 
faut  pas  songer  à  supprimer  xal  -o  (Toûcr5a',,  comme  le  voulait 
Squire,  car  cette  leçon  inattendue  est  précisément  ce  qui  garantit 
le  mieux  l'authenticité  du  passage  et  ce  qui  lui  donne  son  prin- 
cipal intérêt.  La  forme  o-oCîa-^at.,  avec  la  voyelle  o,  a  été  choisie 
évidemment  pour  préciser  et  spécialiser  le  sens  de  TsûsT^ai,  et 
nous  devons  rechercher  quelle  raison  particulière  a  pu  donner 
à  cette  forme  une  pareille  fonction.  Cette  raison,  je  crois  qu'il 
est  possible  de  l'indiquer  avec  une  grande  vraisemblance.  Nous 
savons,  en  effet,  que  le  substantif  «roOç  avait  été  adopté  par 
Démocrite  comme  un  terme  technique  pour  désigner  une  sorte 


(*)  [jLExpitoxEpot  Baxter  et  Bernardakis;  <ol>  a  été  suppléé  par  Xylander.  Il  ne 
aut  pas  vouloir  mettre  trop  de  correction  grammaticale  dans  cette  succession 
rapide  de  notes. 

C^)  aupsd^at  de  Semler  pour  aEÛôa.Sat  est  vraiment  mauvais;  dstsu^at  serait 
également  un  changement  arbitraire,  bien  qu'à  première  vue  il  soit  assez  tentant, 
cf.  De  Iside^  LXUI,  p.  376  C  :  ÈfA^aivet  xal  xô  ffetaxpov  ôxi  aeisa^ai  8eî  xà  ovxa  xal 
|jLTi8i7roxe  7tau£a3^ai  cpopaç.  A  rapprocher  une  étymologie  de  Seipto;,  Scol.  Apollon. 
Rh.,  II,  517  :  il  Tcapà  xà  <y£i£<j3ai  xal  7ràXX£a.Sai. 


—  63  — 

de  mouvement  :  «priTl  yàp  [se.  AïijjioxpiTo;)  oJx  eî;  Ev  ipjxàv  tov  (toOv, 
Xévojv  u  Toùv  »  TT|V  x'-VYio"'-v  Twv  àvo)  (pepo{i.év(«)v  (TWfjiâTwv  (Aristol. , 
De  eaelo,  IV.  6,  313  B,  4  —  Diels,  Vorsokratiker  1,  2*  édit., 
p.  363,  41)  (*).  Le  terme  toO;  désignait  donc  le  mouvement  des 
atomes  les  moins  lourds  (air  et  feu)  qui  étaient  poussés  dans  la 
région  élevée  (^).  C'est  de  là  sans  doute  que  le  verbe  tjoOtjBat.  a 
été  choisi  comme  s'appliquant  spécialement  au  mouvement  des 
sphères  supérieures. 

La  source  même  à  laquelle  remonte  ici  Plutarque  est  de 
tendance  stoïcienne  et  suppose  une  théorie  cosmique  au  sujet 
de  laquelle  on  peut  voir  les  principaux  passages  réunis  chez 
L  von  Arnim  (^)  :  au  centre  du  monde,  la  terre  est  un  globe 
immobile  autour  duquel  tournent  les  sphères  qui  constituent 
l'univers  supérieur.  C'est  ce  mouvement  que  notre  étymologie 
attribue  ici  à  Sarapis  (^). 

Plus  loin  dans  le  De  Iside,  une  allusion  au  même  rôle  du  dieu 
est  donnée  comme  empruntée  aux  livres  d'Hermès  (chap.  LXI, 

p.  375  F)  :  'Ev  8e  TaCç  'EpjJioG  'keyo^é^joLiç  ^i^Xoiç  lo-TopoOTî.  yeypâcp.^a', 

TtSpl     TWV     UpWV     OVO  tJLOCTWV     OTL    TTjV     |JI.£V    IttI     TT,;     TO'J     YiXîoU    TTEplOOpâç 

T£TayfJL£VT^v  8uvaijL!.v  '^Qpov,  'EXXriVcç  o'  ATToXXwva  xaAo'Jo-t.  •  ty^v  o'  èul 
TO'J  TTveujjiaTOç  ol  (Jikv  "Oo-t.pt.v,  ol  oï  ]2àpa7rt.v,  ol  8k  Sw^l  Aiyu7rTt<JT{. 
Osiris-Sarapis  préside  ici  au  mouvement  du  7rveO|jia  et  nous 
savons  assez   que  ce   mot  appartient  à  la  terminologie  stoï- 


(*)  Platon  signale  un  sens  analogue  du  mot  aoù(;  chez  les  Lacédémoniens, 
Cratyle,  412  B  :  àXXà  è€i  Ix  tûv  ttoiti-ciov  àva(jLt(ji.v7^<Txea3'ai  6'ti  7roXXa-^o5  Xeyoudiv 
TTspl  ÔTou  âv  Tu^axjiv  T(J5v  àpy^o{jL£vwv  xa^ù  TtpoïEvat  «  èau^Tj  »  ^adîv  Aaxwvixtji  Se 
àvSpl  Ttov  sùSoxifAtov  xat  ovofxa  tJv  «  Sout;  »•  xr)v  yàp  xayelav  6p[AT)v  ol  Aaxsoaifxovtot 
xouxo  xaXoGfftv. 
,    (-)  Cf.  Zeller,  Die  philos,  der  Gr.,  I,  5«  édit.,  pp.  887  et  suiv. 

{*)  Stoiconwi  veterum  fragmenta,  II,  pp.  173  et  suiv.,  particulièrement  p  175,  fr. 
o.*)5  de  Chrysippe  :  xôoraàptov  ouv  ovxiov  xc5v  (rzoïjEÎMv,  aufjLps^Tjxs  xô  irûp  xal  xov 
àspx,  xoucpdxaxa  ovxa,  iul  xtjv  àvto  cpopàv  s^etv  X7)v  ôpfXTjv  xal  irepiÔtvsTa^at. 

(*)  Pour  l'idée  fondamentale  de  celte  explication,  où  Sarapis  est  envisagé  comme 
le  moteur  des  sphères  célestes,  cf.  F«anz  Cumont,  La  théologie  solaire  du  paganisme 
romain  {Mémoires  présentés  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres,  t.  XH. 
2«  part.,  pp.  455  et  suiv.). 


—  64  — 

cienne  (*).  Remarquons,  en  passant,  que  la  fonction  prêtée  par 
certains  à  Sothis  dans  ce  passage  est  également  connue  de 
l'auteur  de  Tétymologie  "^eipioç  •  Trapà  tô  veUv^ai  xal  nillevBa'., 
que  nous  avons  rapportée  plus  haut  (^). 


(*)  Voir  le  paragraphe  Tuveufxa  chez  Arnim,  Stoic.  vei.  fr.,  II,  pp.  144  et  suiv.,  fr. 
442  :  xô  irvcGjAa  yEYOvôç  âx  Tcupd^  tî  xat  T-içto^  otà  Travxwv  Tre^ot'xTixe  x.  x.  X.  Cf.  DiELS, 
Doxogr.  graeci,  310«7.  292«23,  302''22,  305«15  et  suiv.  :  o\  Sxwtxot  vospôv  ^sôv 
aTcocpatvovxai. . .  xal  TTveufjia  (xèv  ôtïjxov  St'  ô'Xoi»  xoù  xoct{xo'j.  De  même,  dans  d'autres 
passages  du  De  Iside,  le  mol  Tcveufxa  révèle  une  tendance  sûrement  stoïcienne, 
ch.  XXXVI  (36^^  D).  XL  (367  C).  LXVI  (377  D). 

(«)  P.  62,  n.  2. 


J 


65 


VIII 
Sarapis  =  Osiris-Apis 

01  ô£  TiXeCo-Tot.  Twv  lepiwv  £''<;  Taùxo  cpaTi  tov  "Oo-'.p'.v  T'jfjnteTrXéy^ai 
xal  TOV  ^Attî-v,   iÇ-riyoup-Êvo'.   xal  8t.Bà<rxovT£<;   TjjjLàç  w;    eLi{jt.Oû<pov  c''xdva 

^pTl   VO{i.{Ç£!,V   T7,;    '0c7'!p!.00Ç    '\f'jyj\^   TOV   ""AtCIV. 

ce  Le  plus  grand  nombre  des  prêtres  disent  qu'Osiris  et  Apis 
se  confondent  dans  le  même  mot,  nous  expliquant  et  nous 
enseignant  qu'il  faut  considérer  Apis  comme  une  belle  image 
de  l'âme  d'Osiris.  » 

D'après  cette  étymologie  Osiris  +  Apis,  qui  a  encore  des  par- 
tisans modernes  (*),  Sarapis  représente  donc  la  réunion  des 
deux  dieux  égyptiens,  Osiris  et  Apis.  L'âme  d'Osiris,  incarnée 
dans  le  bœuf  Apis,  prendrait  le  nom  de  Sarapis  après  la  mort 
de  celui-ci.  L'explication  théologique  du  culte  du  taureau  Apis 
comme  une  incarnation  de  Ptah  ou  d'Osiris  est  sans  doute  très 
ancienne  en  Egypte.  Chez  les  Grecs,  Hérodote  n'en  parle  pas 
et  cite  simplement  comme  déjà  connue  l'identification  d'Apis 
avec  Epaphos  (^).  L'explication  reproduite  chez  Plutarque  s'est 
trouvée  sans  doute  également  chez  Hécatée  d'Abdère,  si,  comme 
il  le  paraît  bien  (^),  c'est  lui  que  suit  Diodore  (I,  85,  4)  :  17,; 


(*)  Sarapis  s'explique  (déjà  pour  Champoliion)  par  l'hellénisalion  d'Oserapis,  ce 
dernier  nom  représentant  la  transcription  régulière  de  l'égyptien;  voir  Isidore 
Lévy,  Sarapis  dans  Revue  de  l'hist.  des  Religions,  LX  (1909),  pp.  286  et  suiv. 

(^)  II,  153  :  6  §£  '*k.Tzi<;  xaxà  xr)v  'EXXTnviov  y^wairâv  z<rz\.  "E7ra<poc;  cf.  III,  27  et  28. 

(3)  Cf.  ScHWARTZ,  Hekataeos  von  Teos  dans  Rh.  }fus.,  XL  (lt<85),  pp.  230  et  suiv. 
Pour  Plutarque,  il  ne  remonte  ici  en  tout  cas  pas  directement  à  Hécatée,  ni  même 
peut-être  indirectement.  Il  s'agit  d'une  même  interprétation  sacerdotale  que  plu- 
sieurs auteurs  ont  pu  recueillir  et  reproduire  indépendamment  l'un  de  l'autre. 


—  06  — 

0£  TO'J  poôç  TO'JTOU  T!.fxri;  aiT'iav  fv!.ot.  'jfépou7i  XeyovTe;  ot».  TcXE'jTTjTavTo; 
'Odipioo;  eîç  toutov  yi  4"^/ri  p-eréTr/i,  xal  oià  xaÙTa  oiareXer  (xé'/pi  toO 
vGv  iel  xaxà  Taç  àvaSei^et.;  aiÎToO  [xe^torajxévTi  Ttpoç  Toùç  ixéTayeveorépouç. 
Avant  Plularque  encore,  elle  apparaît  également  comme  connue 
chez  le  stoïcien  Athénodore  de  Tarse  (^),  qui  fut  le  maître 
d'Auguste  :  o-uv^etov  dnô  T£  Oo-ip'.oo;  xal  "Attioç  YcVOjJievov  'Oa-ipaTZ'.;, 
et  chez  Strabon,  l'anii  de  cet  Athénodore  (XVII,  i,  H\  [807  C])  : 
To  T£  (se.  lepov)  TO'J  "Xni^joq  o;  éo-Ttv  ô  auTÔ;  xal  "Oo"t.ot.ç,  ottou  6  ,3o'j<; 

6  ''AtT'.;   £V   0-YjX(j)   TLV!.  Tp£(p£Ta',,    3£0Ç   (bç   IcpriV   VO{Jlî.î^ÔjJl£VO<;. 

Au  temps  de  Plutarque,  la  conception  était  devenue  banale 
et  elle  revient  plus  d'une  fois  dans  notre  traité,  chapitre  XX 

(359  B)  :  'Ev  8e  Méi^^fei  Tpé^eT^œ.  xôv  "'Atti.v,  elotà'ko'^  ovTa  Tfj;  èxeiyo'j 
(se.  'Oo-ipiSo;)  ^uyri^  ;  chapitre  XLIII  (368  C)  :  Tov  8'  "Auiv  eûôva 
jjikv  'Oo-ipwoç  l|jnpu';(ov  £Lvat.;  chapitre  LXXIII  (380  E)  :  '0  yàp  \\7r'.ç 

ôûxEÙ ..  Upoç  dyoLi  Toù  'Oa-ipt-ooi;. 

Dans  notre  passage,  l'épithète  £Ù|jLop'^o;  donnée  à  elxwv  a  paru 
suspecte  à  Wyttenbach  et  sa  correction  £{i|jLopcpoç  a  passé  dans  le 
texte  de  Bernardakis.  Dans  les  deux  endroits  de  Plutarque  sur 
lesquels  on  s'appuie  [Numa,  8,  p.  65  B  et  De  def.  orae,,  35, 
p.  428  F),  £|ji|jLopcpoç  s'oppose  à  l'absence  complète  de  forme 
(àjjiopcpia) ,  idée  dont  il  ne  peut  être  question  ici. 

Quant  aux  corrections  ai^^riTTiv  ou  lunj^u^ov,  elles  introduiraient 
sans  doute  des  leçons  très  naturelles,  mais  dont  rien  n'expli- 
querait l'altération  (^). 

Les  autres  passages  du  De  Iside  où  eîxwv  apparaît  avec  un 
sens  analogue  sont,  outre  le  chapitre  XLIII  (£Û6va  jjikv  'Oo-ipioo; 
ïii^uyoy)  cité  plus  haut,  le  chapitre  XLIX  (371  B)  :  'Ev  8è  y?)  xal 
n^zù'^oLTi  xal  ûSaxt.  xal  oupavép  xal  aorpo!.;  to  T£Tay|i.£vov  xal  xa^Eonrixoç 


(*)  Dans  Clément,  Hrotrept.,  p.  38,  4  Stahlin.  Cf.  Cyrill.  Alex.,  Contra  Ivl.^ 
I,  p.  13,  éd.  Spanheim  =Migne,  PG,  76,  col.  521  D  :  touTrep  i\  èvôç  auv^ïifxaxoç 
Q\i\k^z^t\y.6xtc,  elt;  ô|«.otpcovi'av,  'OatpaTciv,  tv'  èv  Taùxtji  "Oaipiç  T£  xal  "^Atck;  vooito... 
xô  8e  (jiaxpov  ï^oc  àTroPs^Xtixô*;  xo  'Offt,  SàpaTrtv  xo  ^péxaç  £uoiT)a£v  ovoixà^eci^'at, 

(*)  Je  signale  comme  tentante  la  correction  aôfji(xopcpov  que  me  propose  M.  Franz 
Cumont,  en  rapprochant  Ep.  Rom.,  8,  29  :  ffu(j.jjLdpcpou(;  xîj;  elxovoc. 


—  67  ~ 

xal  {jY'.x'.yoy  wpaiç  xal  xpaTcO"'.  xal  ttso'.ooo'.ç  'ÔT'ipwo;  àTioppori  (^)  xal 
eLxwv  £fjLcpa',vo|X£V7i  ;  enfin,  le  chapitre  LUI  (372  F)  :  e^xwv  yàp  e^Tiv 
oùa-{aç  £v  uXr,  <  r j  >  (^J  y£VcTî,ç  xal  {jiî|jt.'^ijLa  to'j  Ôvtoç  to  y!.-p^{X£VOV  et 
le  chapitre  LIV  (873  B)  :  ...  tov  ''Qpoy,  ôv  ri  ^Itî.;  eîxova  zo\J  voyitoO 
xôo-|xoj  a'^o-^TiTov  ovTa  y£vvà,  —  (leux  chapitres  qui  appartiennent 
certainement  à  une  même  section.  Cf.  aussi  les  chapitres  LVI 
et  LXIV. 

Dans  tous  ces  passages,  £''xo)v  paraît  avoir  un  sens  bien 
consacré  et  nettement  théologique.  Je  croirais  volontiers  que  le 
point  (le  départ  de  cet  emploi  du  mot  se  trouve  chez  Platon, 
dans  la  fm  célèbre  du  Timée,  92  C  :  ...  oo£  6  xoo-ulo;  o'jtw,  Çyov 
opaTov  xà  ôpaTa  rcep'Âyoy,  £ixwv  toO  vo'r\'ZO\J  ("^j,  .3^£Ô;  a''o-57|Td(;, 
liéyKT'oq  xal  àpî-o-To;  xà^ÀiTTOç  tô  xal  TcXswraTOç  yiyovEv  £Ïç 
oùpavoç  ôo£  (jLovoyEVYjç  wv.  Ces  termes  rappellent  le  dernier  pas- 
sage du  De  Iside  (chap.  LIV)  que  nous  venons  de  citer,  et  ici 
l'influence,  si  l'on  veut  lointaine,  du  Timée  peut  s'affirmer 
d'autant  mieux  qu'au  début  du  chapitre  LUI  (cf.  chap.  XXXIV 
et  surtout  chap.  LVI)  Platon  est  cité  pour  des  mots  caracté- 
ristiques (t!.5tivti  xal  7ravo£^riç)  qui  sont  empruntés  précisément 
au  Timée. 

Eixwv  a  ainsi  fourni  un  terme  pour  rendre  une  idée  favorite 
de  la  théologie  égyptienne.  On  peut  lire,  par  exemple,  dans  la 
fameuse  inscription  trilingue  de  Rosette,  du  27  mars  196  avant 
Jésus-Christ  (Dittenberger,  Orientis  graeci  inscr.,  90)  :   BaT'.- 


(*)  à-KoppoTi  «  émanation  »,  comme  nous  le  verrons  pour  slxcov,  a  ici  un  sens 
ihéologique  (de  même  chap.  XXXVIII,  LUI),  qu'il  a  conservé  chez  certaines  sectes 
chrétiennes  (cf.  Alexandre  d'Alexandrie  chez  Théodoret,  I,  4,  46).  Reitzenstein 
{Poirnandres,  p.  16,  n.  4)  prétend  que  cet  usage  du  mot  est  purement  égyptien. 
C'est  cependant  un  terme  qui  fut  employé  de  bonne  heure  dans  la  philosophie 
grecque  On  sait  que  le  mot  appartient  aussi  au  vocabulaire  astrologique. 

(^)  r)  est  ajouté  par  Keiske. 

(3)  voTjxoij  FY  TuoiT)xoû  AP  Stob.  (Bumct).  Dans  son  édition  du  Timée,  Archer-Hind 
défend,  par  des  arguments  intéressants,  la  leçon  tcoitjxoO  (the  image  of  its  makor). 
Si  notre  rapprochement  est  exact,  la  source  de  Plutarque  parlerait  plutôt  en  fa\cur 
de  voT)xou,  sans  d'ailleurs  trancher  la  question  pour  le  texte  de  Platon,  car  la 
variante  doit  être  très  ancienne. 


—  68  — 

XeuovTOç    Toû    veou    (Ptolémée    Epiphane)    e^xôvo;   s^o-r,;   ToO 

Aiôç,  X.  T.  X.  On  sait  qu'et^xwv  est  un  des  termes  qui  ont  passé 
plus  tard  dans  la  théologie  chrétienne  :  //  Cor,  4,  4;  Col,  1,  15, 
ô'ç  éoTtv  eûwv  ToO  ^^eoû  (*)  ;  cf.  /  Cor.  il,  7. 


(*)  Voir  d'autres  rapprocliements  instructifs  entre  la  langue  de  l'inscription  de 
Rosette  et  celle  de  l'Écriture  chez  P.  Wendland,  Die  hellenistisch-rôinische  Ktdtur, 
l'o  édit.,  p.  76. 


69  — 


IX 
Sarapis  et  Tégyptien  «  sairei  » 

'Eyw  ô£,  ei  |ji.èv  XiyùizTio'j  éori  TO'JvofJia  toG  SapautBoç,  eû^po(TÛvTiv 

aÛTO     ÔYlXoUV     OlOfXa'.     Xal     ^apjJLOO-UVYJV,     T£X|JLa!.ÛO|Jl£VOÇ      ÔTt.     TYIV     èopT/jV 

A^YtJ7tT!.ot.  Ta  ^appLOo-uva   «  aa^pe',  »    xaXoûo-Lv. 

(c  Pour  moi,  si  le  nom  de  Sarapis  est  égyptien,  j'estime  qu'il 
signifie  joie  et  allégresse,  le  conjecturant  parce  que  les  Egyptiens 
appellent  sairei  la  fête  des  réjouissances.  » 

Hérodote  (lU,  27)  rapporte  qu'au  temps  du  séjour  de  Cambyse 
à  Memphis  un  nouveau  bœuf  Apis  apparut  et  que  les  Egyptiens 
se  mirent  aussitôt  en  fête  :  aÛTLxa  ol  A^yu7rTi.ot.  diiaTÔ.  xe  écpopeov  xà 
xotXXLo-Ta  xal  Tjaav  év  ^<xkir^(7i.  (^).  Cambyse,  croyant  qu'ils  faisaient 
cela  comme  une  réjouissance  (yapjjLOfTjva  tolùtol  izoïéev/)  pour  son 
échec,  interrogea  les  magistrats  de  Memphis  qui  lui  expliquèrent 
pourquoi  les  Égyptiens  célébraient  universellement  cette  fête  : 
01  3k  ecppaÇov  w;  a"(pt  ^eoç  eir\  «pavelç  oià  y^poyou  ttoXXoO  £w5wç  èizi- 
cpa{v£a-5a!.,   xal   w;   £7r£àv    ^avrj,    t6t£   TcàvTeç  A''Y'J7rT!.o'-   x£^apYjxÔT£ç 

bp-zôi'Çoiey.  Le  rapport  avec  l'explication  de  Plutarque  est  mani- 
feste, d'autant  plus  que  le  mot  yapjjiGT'jva  (^),  en  dehors  de  ces 
deux  passages,  n'apparaît,  à  ma  connaissance,  que  très  rarement. 


(«)  Cf.  ÉLiEN,  Nat.  an.,  XI,  10. 

(2)  HÉSYCHius,  S,  V,  :  XapfjLoauva  lopxal  'A.5Tiv;fi<Ti  •  xal  ^ap(jLO<juva.  C'esf  aller  trop 
loin  que  de  conclure  (avec  Wyttenbach^  de  ce  texte  et  de  celui  de  Plutarque  qu'il  y 
avait  à  Athènes  une  fête  spéciale  nommée  Xapp-ocruva.  Le  terme  convient  pour 
exprimer  les  manifestations  extérieures  de  la  joie  générale  dans  certaines  fêtes  çt 
c'est  en  ce  sens  que  Grégoire  de  Nazinnze  l'a  employé,  Oratio  XL  au  début  (I,  p.  691, 
éd.  des  Bénédictins)  :  \^ïq  xr^  XotjjiTrpa  xâiv  <I>a)xàiv  TjjjiÉpqt  TravTjyupîdavTEç  •  xai  yàp 
STipsTiE  5(_ap{jio'CTuva  .S'Éa^ai  ttj;  crtoTTjpîa;  t9j<;  T)fX£X£pa<;, 

XapfxoauvTj,  mot  assez  rare  également  en  dehors  de  la  Septante^  apparaît  toujours 


—  70  — 

La  fêle  de  la  découverte  d'un  nouvel  Apis  s'appelait  sans 
doute  par  excellence  Xapjjioauva,  «  liesse  ».  Le  rapprochement 
du  terme  d'Hérodote  avec  le  nom  égyptien  de  la  fête  doit  être 
très  ancien  et  les  déductions  de  caractère  orphique  qui  suivent 
chez  Plutarque  me  font  penser  à  attribuer  cette  fantaisie  étymo- 
logique à  Hécatée  d'Abdère.  Nous  avons  supposé  plus  haut  que 
l'explication  des  Phi^ygia  grammata  avait  déjà  raisonné  sur 
l'équivalence  des  mots  yapà  et  sairei. 

Suit  maintenant  chez  Plutarque  une  phrase  qui,  de  nouveau, 
n'a  pas  encore  reçu  d'explication  satisfaisante. 


dans  un  sens  analogue;  Plutarque,  Non  posse  snaviler  vivi  sec.  Ep.,  21,  p.  1102  A  : 

'Ev  Se  'KoiJ.Tzxiq  xal  B'uulonç. . .  xal  o'ixo'xpt^si;  xal  «S'tjTEi;  utio  yrj^ouç  xat  y^apfxoaûvTiç 
àvacpÉpovxat.  Hymn.  Orph.  (aux  Charités),  60,  3,  Abel  :  'A^ia^Tj  ©aXiTj  xs  xal 
EùippoffuvTj  TtoXuoXpE,  I  XapfjLoauvTjç  yevéxetpai,  £pà<T[jitat,  cu^ppovtq,  àyvat.  Dans  la 
Septante,  I  Rois,  18,  6  :  xal  e^YjX^ov  al  yopeuouaat  ûç  (juvavxTjaiv  Aauelô...  Iv 
xufjiTràvotç  xal  ev  yap(xoauvTi  xal  ev  xu[j.°àXoi;;  cf.  Lévitiqiie,  22,  29.  Judith,  8  6.  Le 
mot  est  réuni,  comme  chez  Plutarque,  à  eucppoduvTj  dans  Jérémie,  33,  Il  :  owvtj 
£U(ppoauvT,ç  xal  cpcovT]  yapfjioaûvTQç.  Constantini  or.  ad.  sanct.  coetum  (EusEBiUS, 
I,  186,  11,  Heikel)  :  y  apfxoauvTiv  yatT).;  xe  xal  oùpavou  i^Se  3^aXàffaTj<;. 


—  71 


Ka!.  yàp  IlXâxwv  tov  "A',0'^v  wç  a''oouç  ulov  toCç  Trap'  aÛToG  -/cvouiévo'.; 
xal  Trpoo-Yivïi  3'eôv  ojvojjLaar^a!.  <pT,a-{. 

L'intention  de  cette  phrase  est  claire.  Le  caractère  aimable 
et  joyeux  qui  vient  d'être  attribué  à  Sarapis  y  reçoit  une  nou- 
velle confirmation  de  l'autorité  de  Platon;  celui-ci,  en  effet,  a 
dit  quelque  chose  d'analogue  d'Hadès,  lequel,  on  l'a  vu  plus 
haut,  n'est  autre  que  Sarapis.  Voyons  comment,  dans  le  détail, 
on  a  jusqu'aujourd'hui  interprété  la  phrase  de  Plutarque. 

Xylander  et,  après  lui,  Reiske  et  Wyttenbach  traduisent  : 
(c  Nam  et  Plato  Aden,  id  est  Ditem,  tanquam  Aedus,  quae  est 
Verecundia,  filium  ait  nominatum  utpote  comem  benignumque 
deum  erga  eos  qui  ad  ipsum  pervenerunt  )>.  En  note,  Wyttenbach 
remarque  :  «  aîSoùç  ulôv]  Nec  hoc,  nec  Squirii  7t£t.^oOç  ulov  probo. 
Ex  loco  Platonis  Cratyl.  p.  ^65  G  (==  408  E)  apparet  taie  quid 

Plutarchum   SCripsisse   tov  "A!.otjV  wç  aÎTWv  Torç  7:ap'  auT(j)  yvwaewç 
xal  7rpo<TTivri  .vsôv,  x.  t.  X.    » 

La  note  de  Reiske  est  d'une  critique  plus  ingénieuse  que 
vraisemblable  :  a  Recte  habet  aiSoO;.  Plato  "A8t,v  dictum  voluit, 
quasi  a''8{8r,v,  a  verecundia,  quasi  verecundaretur  et  parceret  illis 
qui  ad  se  venissent.  Frigida  quidem  etymologia  et  futilis,  digna 
tamen  auctoris  ingenio,  cuius  plura  talia  commenta  proslant. 
Et  quamvis  fortassis  in  eius  editis  ea  non  legatur,  potest  tamen 
in  perditis  olim  exstitisse  et  lecta  Plutarcho  fuisse  ». 

Parthey  interprète  :  «  Platon  fiihrt  an,  dass  Hades  als  der 
Sohn  der  Scham  (Aido)  selbst  ein  milder  Gott  fin-  die  bei  ihm 
Weilenden  genannt  werde  ». 

Ici,  le  bon  Amyot  s'est  égaré  comme  les  autres;  il  traduit 


—  72  — 

dans  sa  langue  savoureuse  :  «  Car  Platon  mesme  escrit  que 
Ades,  qui  signifie  Plulon,  est  fils  d'Aido,  c'est-à-dire  de  ver- 
gongne  et  de  honte,  doulx  et  clément  dieu  à  ceux  qui  sont  par 
devers  luy  ». 

L'abbé  Ricard  admet  une  correction  de  Squire  :  àooj  ulôv 
(àoo;  Ti  ewcppocTuvri,  Etym.  Mag.,  18,  12),  et  il  comprend  :  «  Platon 
dit  que  le  nom  d'Adès  signifie  le  fils  de  la  douceur,  et  ce  dieu 
est  doux  et  facile  pour  ceux  qui  sont  auprès  de  lui  ».  Cette 
interprétation  fait  songer  à  l'étymologie  "Aior;;  —  àv^àvw  à 
laquelle  avaient  déjà  pensé  certains  anciens;  Cornutus,  Theolog. 
gr.  compendiiim ,  5  (p.  5,  Lang)  :  KaAer-a'.  oï  "Aior,;  t,  o-zi  xol^ 
èauTàv  iopaxoç  eo-Tt.v,  6'<^£v  xal  ôLatpo'JVTeç  'A»!'8y,v  aOrôv  ovoii-àÇouo-iv,  yj 
xaT'  âvTiç)pa(7iv  wo-àv  o  àvôàvwv  r\iny  '  eiç  toùtov  yàp  /wperv  7|[i.rv  xarà 
Tov  5àvaT0V  al   ^''-'X^'*  5oxoGa-!.v   T-xt-a-Ta   àvSâvovToç  TjjjLrv  toG    ^ol^Atoj. 

Mais  pas  plus  que  pour  les  étymologies  précédentes,  on  ne  peut 
invoquer  pour  la  dérivation  de  àvôâvw  aucun  texte  de  Platon. 

On  remarquera  que  toutes  ces  traductions  supposent  le  chan- 
gement de  Tcap'  aÛTou  des  manuscrits  en  Trap'  aÛTô)  (ou  icap'  auTov 
Reiske).  Bernardakis  introduit  ce  Tiap'  aÛTw  dans  son  texte;  de 
plus,  il  n'hésite  pas  à  y  remplacer  a^ôoiiç  ulov  par  la  correction 
bizarre  à8oùa-wv  qu'il  me  paraît  superflu  de  discuter. 

Toutes  ces  traductions  interprètent  aïoojç  comme  le  génitif 
■o^^/  (Je  Xio6ç  ce  la  Pudeur  »,  et  elles  admettent  comme  naturelle 
une  filiation  d'Hadès  inconnue  de  toute  l'antiquité,  et  en 
particulier  de  Platon  lui-même  qui,  dans  le  passage  invoqué  du 
Cratyle  (404  A),  parle  expressément  de  la  paternité  de  Kronos. 
En  réalité,  nous  sommes  ici  en  présence  d'une  méprise  initiale 
qui  s'est  maintenue  de  commentaire  en  commentaire,  en  vertu 
de  la  même  force  d'inertie  qui  perpétue  dans  les  textes  certaines 
fautes  d'une  édition  princeps. 

Il  n'y  a  rien  à  corriger  dans  les  manuscrits  au  mot  di^oùq,  et 
dans  nos  éditions  on  doit  simplement  changer  la  place  de  l'esprit 
,  et  écrire  àiooOç  ou  aîiSoj;,  montrant  ainsi  dans  le  mot  sa  qualité 
de  génitif  de  aiS/iç,  «  invisible  ». 

Une  des  causes  de  la  méprise  est  sans  doute  la  façon  fautive 


—  73  — 

dont,  en  général,  nos  textes  imprimés  confondent  les  deux 
formes  d',8ri;  et  deiù'r\^.  Cependant,  dans  les  deux  cas  les  plus 
anciens  où  apparaît  l'une  de  ces  formes,  la  graphie  a'.o/iç,  à 
l'exclusion  d'âcw/iç,  est  parfaitement  établie  par  la  prosodie 
dans  le  sens  de  «  invisible  ».  Hésiode,  Bouclier,  kll  :  toû  oè 
Totcpov  xal  iîr\\L  aiôkç  Trotria-ev  "Avaupo;  ;  Bacchylide,  fr.  40,  Bergk  : 
ôu(Tfx£V£wv  S'aiS/iÇ  (^).  Or,  si  l'on  s'en  rapporte  au  Lexicon  Pla- 
tonicum  d'Ast,  le  mot  âwriç  n'existe  même  pas  chez  Platon; 
Ast  ne  connaît  que  la  forme  âewri;,  et  il  en  est  de  même,  je 
pense,  de  toutes  les  éditions  de  Platon  antérieures  à  la  plus 
récente,  celle  d'Oxford.  C'est,  entre  beaucoup  d'autres,  un  des 
mérites  de  M.  Burnet  d'avoir  rétabli  d\^r\q  partout  dans  le  texte 
de  Platon  et  d'avoir  montré  que  cette  forme  a  pour  elle  l'autorité 
des  manuscrits.  | 

Nous  savons  maintenant  par  l'excellente  édition  qu'a  donnée 
récemment  M.  Pasquali  du  Commentaire  de  Proclus  sur  le 
Cratyle  que  Proclus  lisait  encore  dans  le  Cratyle  et  qu'il  écri- 
vait lui-même  diU^  et  non  âeiBsç  (p.  87,  11.  7,  13,  15);  à  plus 
forte  raison  en  est-il  de  même  de  Plutarque. 

Après  Platon,  les  auteurs  instruits  ont  dû  distinguer  par 
l'écriture  aioriç  et  âe',8ri;,  le  premier  mot  gardant  son  sens 
consacré  «  invisible  »,  le  second  laissant  apparaître  (cf.  eùeioriç) 
le  substantif  zlooç  dont  il  est  formé,  et  étant  synonyme  de 
à'jjLopcpoç,  comme  l'indique  Aristote,  De  coelo,  III,  8,  306  B, 
17  :  deioïq  xal  àfxopcpov  oeC  to  uTroxe'lfjievov  s'Iva»..  Rapprochez,  par 
exemple,  Plutarque,  De  placitis,  I,  2,  875  D  (Diels,  Doxog.  gr., 
275",  30)  :  -f]  ukr^  a{jLopcpo;  o'jo-a  xal  dEior\q  xal  to  etSoç,  h  xaXoOjjiev 
èyzeki'/eicn.v ,  xal  r\  <rzép'f\'7i<;.  On  lit  encore  àe'.Sri;  chez  Plutarque, 
par  exemple.  Galba,  9,  i056  E  (d'une  femme)  :  oùx  âewT)  tV 
o^iy  oùo-av.  Ici,  cependant,  il  faut  tenir  compte  d'un  troisième 
mot  que  les  manuscrits  peuvent  confondre  avec  âewriç  ou  atSiriç. 
C'est  le  mot  driSriç  qui  serait  dans  ce  passage  tout  aussi  bien  à 


(1)  Cf.  Cramer,  Anecd.  gr.  Oxon.,  l.  6n,  20  et  suiv.;  II,  180,  42. 


—  74-  — 

sa  place  que  âew/i;.  En  revanche  [liey.  et  imp.  apophth.,  175  D), 
nos  textes  imprimés  l'ont  dire  à  Denys  l'Ancien  qui,  au  moment 
où  ses  amis  le  sollicitent  de  renoncer  à  la  tyrannie  de  peur 
d'être  tué,  voit  un  boucher  égorger  un  bœuf  en  un  instant  : 

cpo(3Yj5£VTaç  Yi|jLà;  àpy->iv  éyxaTa).',TC£rv  TT|At.xaÛTr,v  ;  »  Il  faut  manifeste- 
ment écrire  simplement  :  oùx  àeioeç  (*)  sor^v,  «  n'est-il  pas  laid 
ou  honteux  )>.  Inversement  (De  fort.  Roman.,  4,  p.  817  E),  où 
il  s'agit  des  vicissitudes  de  la  fortune,  de  son  arrivée  rapide  et 
de  sa  disparition  soudaine,  nos  éditions  impriment  la  leçon 
impossible  :  evr'  à7r£!.Ti.v  àr,OTj;.  C'est  évidemment  eh'  àVs'.a'.v  atlor,; 
qu'il  faut  écrire. 

Qu'il  ait  été  ou  non  le  premier  (^)  à  associer  les  deux  termes, 
c'est  Platon  [Phédon,  79  et  suiv.)  qui  a  consacré  l'opposition 
entre  le  domaine  de  l'a^os;  ou  de  l'àme  et  celui  de  l'oparôv  ou  du 
corps  [Phédon,  81  B)  :  t6  8k  toÏ<;  ojjijjiaa-t,  o-xotwBe;  xal  âwiç,  vot|TÔv 
8e  xal  cpi.Xoo-o«p'!qt  alpsTOv;  cf.  81  A  :  eiç  t6  Ô[jlo!.ov  aÛTY]  (sc.  t^  ^'-'X^j) 
To  dt.8eç  aTcsp^sTat,,  to  ^e^ov  ts  xal  d^àvaTov  xal  (ppôv.jjLov;  cf.  83  A 
et  B  :  7rt,<TT£Ù£!.v  8k  [se.  TTjV  ^l'X'h^)  p.Yl8£vl  aXX(})  OtXX'  T,  aiÎTT.V  a'JT^, 
OTt  av  voY^o-rj  aÙTri  xa-S"'  auxT^v  auTÔ  xaB"'  auTo  tc5v  o'vtwv  *  oTt  o'av  oi' 
àXXwv  o-xoTT^  £v  oXXoi.;  ov  aXXo,  {jl -/iokv  r^-YeiT^ai  dXriBéç  '  ehcci  8k  to  ji-èv 
toloOtov  aCo-^TiTOV  T£  xal  ôpaTOv,  o  8k  aÛTr^  opa  ^or^zôv  7£  xal  âi.8£ç. 

C'est  lui  aussi  qui  a  consacré  le  rapprochement  étymologique 
de  dwTÎç  et  de  "kilr^q  (P/iédon,  80  D)  :  'H  8k  t|;u^T,  àpa,  to  diUq, 
TO  eiq  TOt-ouTOv  TOTcov  £T£pov  oi'^6\k.e^^oy  yEvvaCbv  xal  xa«vapov  xal  dwTÎ, 
£!.<;  'Al8ol>  tbç  àXyj^^wç,  Tuapà  tov  dya^ôv  xal  cppôv'.|i.ov  ^eôv  ;  cf.  81  C  : 
('h  ^'-^yS)  £^^>'«£'^3r-'-  T^âXiv  £Lç  TÔv  opoLTOw  TOTiov  '^ô[^(i)  TO'j  à'.8o'j;  T£  xal 
Awou. 

La  même  étymologie  est  encore  mentionnée  dans  le  Gorgias 


(*)  Wytlenbacli  proposait  e'jtj^î';  âaxtv,  Bernardakis  oveiÔo;  èffxtv. 

(*)  On  verra  plus  loin,  p.  79,  que  Parménide,  [k.  13  (Diels),  avait  peut-être  précédé 
Platon  dans  cette  voie.  Mais  l'idée  est  surtout  conforme  aux  doctrines  orphico- 
pythagoriciennes  qui  sont  partout  latentes  dans  le  Phédon.  L'étymologie  "Atôr,;, 
ctiU^  semble  déjà  présentée  comme  étant  courante  dans  le  Cratyle,  403  A. 


—  75  — 

(49t3  B)  et  elle  est  discutée  tout  au  long  dans  le  Cratyle 
(4-03  A-404  A),  dans  un  passade  difficile  où  Platon  joue  suc- 
cessivement avec  diverses  étymologies  :  âi^éç,  hc\  «  il  attache  », 
TcàvTa  Ta  xaXà  £'!o£va'..  Ce  passage  du  Cratyle  était  certainement 
dans  la  mémoire  de  Plutarque  et  c'est  lui  qu'il  a  directement 
en  vue  quand  il  écrit  dans  le  De  siiperstitione,  13  :  ...  Tcji  "Aiot), 

Âoyw  xoLTéyoy-coL  zy.ç  fluyjxç,  'A'.oyiv  (ovo{jiâa-3at,.  Dans  la  phrase  du 
De  Iside,  le  rapport  spécial  avec  le  Cratyle  est  moins  étroit; 
Plutarque,  qui  songe  également  au  Phédon,  se  souvient  d'une 
façon  générale  du  rapprochement  "A',8r,;  -  â-.or,;  et  de  la  bien- 
veillance à  l'égard  des  âmes  qu'implique  chez  le  dieu  une  origine 
commune. 

Dans  notre  passage  du  De  Iside,  la  méprise  qui  a  fait  voir 
dans  diooitç  le  génitif  de  A^8w;  a  conservé  au  mot  son  ancienne 
orthographe  exacte.  Mais  dans  tous  les  autres  endroits  de 
Plutarque  où  est  rappelée  la  même  étymologie  d'Hadès,  nos 
éditions  impriment  fautivement  àet-Sri;  au  lieu  de  diùr^q  (^),  par 
exemple,  De  primo  frigido,  9  (948  F). 

Je  citerai  en  particulier  deux  de  ces  passages,  parce  qu'ils 
peuvent  servir  à  éclairer  la  phrase  qui  nous  occupe.  De  latenter 
vivendo,  (i  (1130  A)  :  ô^ev  Sri  tov  aev  tIXî.ov  'ATTÔXXwva  xarà  to'j; 
TiaTpfio'jç  xal  uaAawjç  ^eorfjioùç  vo|j(.{ÇovTe;  AtjX'.ov  (^)  xal  FIu^iov 
Trpoo-ayope'JO'jo-'.  *  tôv  ôè  tt,;  ivavT^aç  xjpt.ov  (jLoipaç,  eÎts  ^eo;  eîVe  ôaî|jL(i)v 
é3":{v,  "AwTiv  dvotJLâî^O'j(Tiv,  wç  av  e^ç  a'.^s;  (a£',Bs;  éditions)  xal  àôpaTOv 


(*)  Quant  aux  manuscrits  des  Moralia,  même  si  l'appareil  critique  des  éditions 
actuelles  méritait  confiance,  on  comprend  que  leur  témoignage  aurait  fort  peu 
d'importance  en  une  pareille  question.  Naturellement,  la  même  faute  se  rencontre 
dans  d'autres  auteurs,  par  exemple  Cornutus,  Theol.  gr.  comp.,  35,  p.  74,  (>  (Lang)  : 
xov  8£-/^o{jL£vov  Tac  4'^'/.°'^  '^^P*  "AiSt^v,  w;  EcpTjv,  ôià  TÔ  àctoè;  rpoarjYops'Jdav  ;  ici  la 
faute  àeiôéç  est  d'autant  plus  étonnante  qu'à  l'endroit  rappelé  par  l'auteur  dans  ux; 
l'cp-rjv  (=  5,  p.  5,  3),  on  a  la  graphie  exacte  :  xaXe"txai  ôè  "AiSti;  ^  6xt  xa5'  lauxôv 
àopaxd;  ÈCTxtv,  è'.^sv  xal  ôtatpouvxsc  'AfSrjv  aùxov  dvofAotJ^oucriv. 

(*)  Jeu  étymologi(iue  sur  8r,Xdto  :  le  soleil  montre  les  objets. 


—  76  — 

r,{ji(5v,  oTav  ot.aA'j3w|ji.£v,  [jao'.î^ôvTWv  «  vuxTÔ;  aiovâç  èji^^n ^t^ry/j  ^   j-voj 
xoipavov  ». 

Le  second  passage  se  trouve  dans  le  De  /sï(/e  même,  cha- 
pitre LXXVIII.  Pliitarque  y  revient  sur  l'identité  d'Osiris,  qui 
règne  sur  les  morts,  avec  Hadès  et  Pluton,  et  il  développe  une 
idée  parente  de  celle  du  Phédon  :  'Av^pwTrwv  ok  '^j/ar?  v^tj^qT 
[xev  iiTzh  TwjJLaTwv  xal  7ra5wv  7:cpt.e^0|JL£va!.ç  oùx  lori  |jt.£Tou(TÎa  toO 
^■soû,  ttXtjV  oo-ov  dveipaxoç  âfjLaupoG  ^{.ve^v  vor,T£t.  oià  '^'.Aoo'O'^iaç  *  oTav 
8k  âuoXu^Ero-aî.  |jL£TaaTà)(T!,v  ziç  to  àwk;  (â£t.ok;  éditions)  xal  iôza.'zoy 
xal  (XTra^kç  xal  bLyyôv,  outoç  aÙTaiTç  Y|y£ti.(i)v  £tt?.  xal  jja(T'./£'j;  6  5£o;, 
£5ripT-^|jt.£vat.ç  (^)  lôç  av  au'  aûxoO  xal  3£W|ji£vai(;  â7rÀY,aTw<;  xal  T-o^o-Jo-a'.; 
TO  {JLYi  cpaTOV  (JLTiôk  ^JT^TOV  àv-^pw^TOt.;  xàXXoç. 

Si  le  sens  à  donner  à  oliùoùç  dans  notre  passage  est  main- 
tenant établi,  il  s'en  faut  que  le  texte  de  Plutarque  soit  devenu 
entièrement  acceptable.  En  effet,  de  mênie  que  pour  des  raisons 
de  fait  et  de  contexte,  Plutarque  n'a  pu  faire  d'Hadès  le  fils 
d'Aidos,  il  est  également  impossible  qu'il  l'ait  appelé  «  le  fils  » 
de  l'invisible.  Ce  titre,  c'est  plutôt  aux  âmes  elles-mêmes  qu'à 
Hadès  qu'il  conviendrait.  Hadès,  lui,  est  non  pas  le  fils,  mais 
le  x'jpwç,  le  ^a<7ikeùq,  OU,  si  l'on  veut,  avec  le  poète,  le  xo'ipavo;  de 
l'invisible,  comme  on  l'a  vu  dans  les  deux  endroits  de  Plutarque 
qui'  ont  été  cités  en  dernier  lieu.  C'est  donc  le  mot  jIôv  qui  est 
corrompu. 

Au  contraire,  il  ne  faut  pas  toucher  aux  mots  zoï^  -ap'  aÙToO 
y£vo|ji£vot.<;  ;  il  s'agit  seulement  de  les  bien  traduire,  et  l'on  verra 
qu'ils  constituent  une  leçon  précieuse  et  essentielle  parce  qu'elle 
donne  justement  la  raison  de  l'affirmation  de  toute  la  phrase  : 
Hadès  étant  le  roi  ou  le  maître  de  l'invisible,  il  est  naturelle- 
ment un  dieu  accueillant  pour  ceux  (les  âmes)  qui  proviennent 


(1)  wc  av  è^7ipTT]fjL£vatç  Wyttenbaeh.  Mais  la  faute  ^i\.  sans  doute  dans  av  aTrà. 
Dans  tous  les  passages  que  j'ai  pu  vérifier  (plus  de  vingt),  Plutarque  construit 
È^ap-càofjLat  avec  le  génitif  seul;  wi;  introduisait  peut-être  un  terme  de  comparaison. 
L'emploi  du  verbe  fait  ici  penser  à  Platon,  loti,  536  A,  et  aux  liens  dont  il  est  parlé 
dans  le  Cratyk,  403  G. 


de  lui.  On  comprend  aussi  pourquoi  Tiap'  olùzoù  vsvoaévo'.;  con- 
vient mieux  ici  à  l'idée  que  e;  olùtoù.  I/àme  n'est  pas  proprement 
Ixyovoç  d'Hadès.  Elle  provient  simplement  de  son  domaine  et 
elle  doit  retourner  plus  tard  auprès  de  lui;  elle  a  ainsi  avec 
Hadès  une  communauté  naturelle.  Cf.  Pliédon,  79  D  :  w;  ffjwevr.ç 
QU'ioL  aiÎTO'j;  cf.  81  A  :  TÔ  ôjjlo'.ov  ajTr,.  Nous  verrons  bientôt  que 
telle  paraît  être  si  bien  l'idée  fondamentale  du  passage  qu'elle 
sera  reprise  à  nouveau  et  développée  dans  la  phrase  suivante. 

11  est  plus  facile  de  retrouver  le  sens  général  de  notre  phrase 
que  d'en  établir  un  texte  tout  à  fait  correct,  si  tant  est  d'ailleurs 
qu'une  telle  correction  ait  jamais  existé.  Quant  à  la  lettre,  ici 
Platon  ne  peut  guère  nous  aider;  Plutarque,  en  effet,  s'est 
simplement  souvenu  de  l'étymologie  d'Hadès  et  de  la  conception 
générale  de  Platon,  surtout  dans  le  P/iédon  où  il  est  dit  du  dieu, 
80  D  :  Tiapà  Tov  àva.^ôv  xal  'j^oôv.ixoy  3^£0v;  cf.  81  A  :  eCç  to  oao'.ov 
atjTrj  TÔ  â'.Sk;  àTrepysTa'.,  to  .^erôv  ts  xal  a.vàvaTov  xal  cppôv.txov,  ol 
dcpuofjLsvTj  ûîràpys'.  auTrj  eûSatjjLov!.  civai.  On  voit  que  Plutarque  ne 
reprend  aucune  des  épithètes  données  au  dieu  chez  Platon,  par 
exemple  àyai^ôv  (cf.  [xéya;  sùepyÉTTiÇ,  Cratyle,  403  E)  ;  il  se 
contente  d'exprimer  la  même  idée  à  l'aide  d'un  de  ses  mots 
favoris  7rpo<TT,vYi,  que  l'on  ne  trouve  nulle  part  chez  Platon.  Si  le 
décbiffrement  du  sens  général  de  la  phrase  semble  assez  certain, 
la  restitution  des  termes  grecs  eux-mêmes  ne  pourra  viser  qu'à 
quelque  vraisemblance. 

A  cet  égard,  la  substitution  de  xupwv  à  jIôv  me  paraît  très 
tentante.  Kûpwç  est  en  quelque  sorte  consacré  chez  Plutarque 
pour  le  sens  que  nous  attendons,  par  exemple  Moratia,  ii30  A 
(cité  plus  haut,  p.  75)  :  tôv  8è  tt,?  èycty-ioLç  x'jp'.ov  jjLoipa;  s'appli- 
quant  justeuient  à  Hadès  comme  maître  des  ténèbres.  En  général, 
chez  Plutarque,  tout  dieu  est  dit  y^ùpio^  de  l'élément  ou  du 
domaine  auquel  il  préside  ;  cf.  dans  le  De  Iside  même,  chap.  XL, 
p.  307  A,  à  propos  d'Isis  :  f,  xupia  ttjÇ  vt;;  5eô;;  chap.  XXXIV, 
p.  304  D  :  xal  TGV  A'.ovjTov  «  'Jïjv  »  (se.  xa^oGo-i)  w;  xôpio"^  t^ç 
uypàç  cpûaew;;    cf.  chap.  XXXV,  305  A  :  A'.Ôvjtov   ...   TzaTT.ç   6ypâç 

<pu(7£wç  ...  x'jpwv  et  Quaest.  coiiviv.,  V,  3,  1,  p.  075  F  ;  De  Iside, 


—  78  — 

chap.   XLIX,  p.   37i  A  :    o  tcÔv  âpîa-xwv   Tràvxwv    'f^'/eiJ.hy/  /.y.',  /.j'^-.o; 

"O^tpt;;  (Je  même,  /Je  t/cY'.  orac,  7,  p.  413  C,  à  propos  d'Apol- 
lon :  eize  r{ki6^  è^zi  eiVe  xûpw;  r|)viou  xal  r.azr^p.  Ce  passage  est 
important  parce  qu'il  condamne  à  nouveau  la  leçon  jlov  :  le  dieu 
est  si  loin  d'être  appelé  le  fils  de  son  élément  qu'il  est  dit  en 
être  le  père;  la  même  idée  est  développée  en  détail  dans  le 
De  def.   orac,  4^,   p.   438  E.   Dans  le  même  traité  encore 

(29j  p.  4:26  A),  Zeus  est  dit  XLipw;  âuàvTwv  xal  TraTrip. 

Si  xLtpwv  est  la  vraie  leçon,  ulov  viendrait-il  d'une  ancienne 
revision,  causée  par  la  même  méprise  que  celle  des  éditeurs 
modernes?  A^ooùç  étant  pris  pour  le  génitif  du  nom  propre 
Aiùb)ç,  xûpLov  devenait  inexplicable  et  l'on  aurait  écrit  l>Iôv.  Je  ne 
sais  si  Ton  peut  supposer  dans  un  archétype  ancien  d'auteur 
profane  une  abréviation  chrétienne  comme  KN  qui  expliquerait 
paléographiquement  la  confusion  avec  TN. 

Il  reste  encore  que,  pour  avoir  une  phrase  vraiment  correcte, 
on  attendrait  l'article  devant  àtSouç  et  que  le  xal  ne  s'explique 
guère  placé  comme  il  est  après  zoiç  Trap'  aûroj  yevojj.évotç.  Sur  ce 
dernier  point,  on  peut  naturellement  faire  bien  des  conjectures. 
Le  plus  facile  serait  de  supposer  que  le  xal  est  fourvoyé  et 
d'écrire  :  wç  diooùç  x'jpt.ov  xal  toÏç  izolo  auToO  y£voii.£vot,ç  T^^o^'r;n^ 
5eov  wvojjLào-^a!.  (sc.  "AiSriv).  Cf.  le  passage  du  De  super stitione, 
13,  rappelé  plus  haut  à  la  page  75  :  "Xiùt^  ôv  6  nXàTwv  or.o-l 
oi'Aàv^pwTTov  ovTa  xal  <70(^ov  ...  'AiBriv  wvo{jLà(r3ai..  Mais  on  pourrait 
aussi  chercher  dans  une  autre  voie  et  songer  à  la  chute  d'un 
membre  qui  était  coordonné  par  xal  avec  ce  qui  précède,  par 
exemple  :  -coïq  Tcap'  aÙToO  yevoiJLévoiç  xal  <  uap'  aÛTov  dTcep^O{JL£VO!.ç  >  . 
On  va  reconnaître  qu'une  pareille  restitution  du  texte  cadrerait 
particulièrement  avec  l'idée,  telle  que  nous  allons  la  voir  conti- 
nuée et  développée  dans  la  phrase  suivante. 


79  — 


Amenthès 

Kal  Tiap'  XiruTiTioiç  oiXky.  Te  uoXXà  xwv  dvoui.âT(i)v  Aoyo'-  £''Ti  xal  tov 
ÛTzoy^^oyio^  tÔttov  £''ç  ôv  o'!ovTat.  Ta;  '|''-'X^;  omé^yea^oLi  ijLeTà  ttjv 
TeÀeuTTiv,  'Ajxev^riv  xaXo'Jo-!.,  a-rip.a{vovToç  toO  (Jvd|JLaTO(;  tov  XajjijSàvovTa 
xal  o'.SovTa. 

M  Chez  les  Egyptiens  beaucoup  d'autres  noms  encore  sont 
(les  explications  du  sens  (*)  et  le  lieu  souterrain  dans  lequel  ils 
pensent  que  les  âmes  se  rendent  après  la  mort,  ils  l'appellent 
Amenthès,  nom  qui  signifie  prenant  et  donnant.  « 

Cette  explication  du  mot  Amenthès  nous  importe  fort  peu, 
en  tant  qu'elle  prétend  être  une  étymologie.  Mais  il  est  intéres- 
sant de  voir  d'où  vient  Tidée  qu'elle  a  voulu  ainsi  faire  expri- 
mer par  le  mot  égyptien.  Cette  idée  se  trouve  impliquée  dans 
notre  passage  du  P/iédon,  mais  elle  remonte  plus  haut  encore, 
jusqu'à  la  mystique  du  VP/V^  siècle.  Simplicius  {P/iys.,  39, 
18),  après  avoir  cité  le  fragment  13  (Diels)  de  Parménide  : 
TTpwT'.o-Tov  iJiàv  "EpojTa  ^swv  li-TiTto-aTo  TtàvTwv,  ajoute,  sous  la  forme 
indirecte,   comme  appartenant  à  la  suite  du  poème  :   xal  tolç 

<i^'jyy,<;    7l£|jLTC£t.V    7rOT£      |JL£V    £X     TO'J      éjJlCpaVO'JÇ     £''<;     TO     dioéç     (^),     TTOTÈ     8k 

dyy.Tzyliy  cprio-',.  M.  Diels  (^)  fait  remarquer  que  les  termes  employés 
ici  ne  sont  point  sans  doute  ceux  de  Parménide,  mais  il  montre 
en  même  temps  que  l'idée  qu'ils  expriment  était  déjà  cou- 


(♦)  Pour  ce  sens  de  Xdyo;,  cf.  plus  loin  De  Iside,  LXI,  l'emploi  du  mot  Xdyo;  à 
■propos  des  étymologies  d'Osiris  et  d'Anubis;  De  animae  procr.  in  Timoeo^  27, 
p.  1026  A  :  Xôvoi;  8è  Xs^t;  èv  <ptov^  afjfjLavxtxfj  oiavoiaç. 

(2)  Je  corrige  àsiôs;  en  àiôs;.  Le  sujet  de  la  phrase  pour  Simplicius  est  8aî(jLtov  ^ 
Tiàvxa  xupspvqc,  fr.  42,  3. 

(5)  Parmenides  Lehrgedicht,  pp.  109  et  suiv. 


—  80  — 

ranle  au  V®  siècle,  même  en  dehors  des  cercles  orphico-pytha- 
goriciens. 

Nous  avons  vu  plus  haut  (pp.  27  et  suiv.)  que  beaucoup 
d'autres  doctrines  orphiques  avaient  été  ramenées,  déjà  par 
Hécatée  d'Abdère,  à  une  origine  égyptienne;  de  même  ici  un 
égyptomane,  qui  est  vraisemblablement  encore  Hécatée,  a  voulu 
trouver  dans  le  nom  même  de  l'Amenthès  l'expression  de  la 
vieille  théorie  de  la  palingénésie. 

Après  avoir  ainsi  servi  à  une  sorte  de  syncrétisme  gréco- 
égyptien,  le  terme  Ament/iès  a  trouvé  un  nouvel  emploi  analogue 
dans  les  écrits  des  gnostiques  chrétiens  qui  admettaient,  eux 
aussi,  un  cycle  d'existences.  Le  mot  apparaissait,  en  effet,  dans 
une  œuvre  gnostique  écrite  originairement  en  grec,  mais  connue 
seulement  par  une  traduction  copte  (^).  11  y  offre  encore  un 
sens  qui  se  concilie  parfaitement  avec  l'explication  de  Plutarque. 
L'enfer,  en  effet,  est  décrit  comme  comprenant  trois  régions  : 
l'Amente,  le  Chaos  et  les  Ténèbres  extrêmes.  L'Amente  lui- 
même  joue  le  rôle  d'un  purgatoire,  d'où  les  âmes,  après  un 
châtiment  temporaire,  sont  renvoyées  sur  la  terre  pour  entrer 
dans  un  nouveau  corps. 


(1)  Gnostische  Scfiriften  in  Kopiischer  Sprache,  herausg..  ûbers.  und  bearbeitet 
von  Carl  ScHMiDT  dans  lexte  und  Untersuchungen  zur  Gesch.  der  altehr.  Literatur 
von  Gebhardt  und  Harnack,  t.  VIII  (1892),  pp.  410  et  suiv.  Le  mot  est  transcrit 
Ameute  dans  la  traduction  de  C.  Schmidt.  La  date  de  l'œuvre  originale  est  placée 
vers  la  première  moitié  du  III^  siècle,  p.  598. 


—  81 


XII 

Étymologies  grecques  et  égyptiennes 

L'explication  d'un  mot  par  l'égyptien  est  fréquente  dans  le 
De  Iside,  et  le  cas  d'Amenthès,  de  même  que  plus  haut  celui 
de  sairei,  n'aurait  besoin  d'aucun  commentaire,  si  la  phrase 
qui  suit  chez  Plutarque,  la  dernière  de  notre  chapitre,  ne  posait, 
à  ce  qu'il  me  paraît,  un  petit  problème  intéressant  dans  ce 
domaine  de  l'étymologie  grecque  : 

El  0£  xal  TOUTO  Twv  èx  TT^ç  'EAAàooç  à7r£À5ôvTa)v  -àXa».  xal  asTaxo- 
|jt.'.a-3£VT(i)v  dvojJLaTWv  sv  saTiv,  JTTepov  éTTî.orxetj^dtji.e.S'a. 

«  Si  c'est  là  encore  un  des  noms  qui  sont  partis  anciennement 
de  la  Grèce  et  qui  ont  été  transportés,  nous  l'examinerons  plus 
tard.  » 

Il  s'agirait  de  savoir  quelle  est  exactement  la  raison  et  la 
portée  de  la  question  ainsi  indiquée  ;  à  cet  égard,  malgré  sa  pro- 
messe, Plutarque  ne  s'explique  guère  par  la  suite.  On  croit  voir 
ici,  au  sujet  de  la  véritable  origine  des  mots,  une  certaine  trace 
de  scrupule  historique  dont  les  Grecs  ne  sont  guère  coutumiers. 
D'une  façon  générale,  en  effet,  pour  les  écrivains  grecs  l'étymo- 
logie* n'appartient  pas  à  la  grammaire,  surtout  à  la  grammaire 
historique  comme  nous  l'entendons,  et  Plutarque  a  grandement 
raison  d'appeler  Xôyot.  les  explications  qu'ils  donnent  des  mots. 
L'étymologie  est  un  des  arguments  auxiliaires  dont  ils  se 
servent  pour  donner  une  confirmation  verbale  à  telle  ou  telle 
thèse,  dans  tous  les  genres  d'investigation  ou  de  discussion, 
philosophie,  dialectique,  sophistique,  rhétorique,  histoire  ou 
théologie.  Elle  n'est  fréquemment  qu'un  jeu  d'esprit  et  elle  se 
moque  des  exigences  de  la  phonétique,  de  Thistoire  et  même 

(> 


—  82  — 

de  toute  conséquence  avec  elle-même.  On  sait  avec  quelle 
virtuosité  déconcertante  l'ironie  de  Platon  a  joué  de  ce  procédé 
cher  aux  Héraclitéens  de  son  temps. 

Ainsi  comprise,  on  conçoit  que  l'étymologie,  quand  elle 
s'applique  aux  noms  de  personnes,  aura,  en  général,  une  ten- 
dance étiologique  :  déjà  chez  Homère,  le  destin  d'Odysseus  fait 
rapprocher  son  nom  de  douKraa^at.  (a  6:2,  t  407  et  suiv.).  Suivant 
ce  qu'est  la  thèse  de  l'écrivain,  le  nom  propre  s'expliquera  par 
le  caractère  de  la  personne,  par  son  rôle  ou  son  pouvoir,  par 
tel  ou  tel  événement  déterminé  de  sa  -vie.  Inversement,  c'est 
souvent  de  l'analyse  du  nom  lui-même  que  l'on  déduira  les  cir- 
constances historiques  qui  l'ont  fait  donner  (^). 

Pour  ce  qui  concerne  spécialement  les  dieux,  le  polythéisme 
des  Grecs  envisage  en  quelque  sorte  naturellement  le  culte  de 
tous  les  peuples  comme  s'adressant  aux  mêmes  puissances 
divines  qui  sont  simplement  désignées  par  des  noms  différents; 
c'est  là  pour  lui  une  vérité  bien  antérieure  à  l'affirmation  dog- 
matique que  nous  en  trouvons  chez  Plutarque  (De  Isidc,  LXVIl)  : 
...  5£où;  évop.i(TajJL£v,  ou^  eTspou;  Tcap'  ï'i^oi^  oùos  ,3apJjâpo'j;  xal 
''EXXrjvaç  oùoï  vo-yio'jç  xal  {iopeiouç  x.  t.  A.  Hérodote  identifie  déjà 
les  dieux  égyptiens  et  grecs  et  Tacite  fera  encore  de  même  pour 
les  dieux  germaniques  et  romains.  Pour  expliquer  de  telles 
identifications,  la  liberté  étymologique  des  anciens  peut  pro- 
céder de  diverses  façons.  Par  exemple,  pour  les  noms  des  dieux 
grecs,  Hérodote,. conformément  à  sa  haute  idée  de  l'antiquité 
de  la  culture  égyptienne,  suppose  simplement  que  la  plupart  (^) 
sont  venus  du  pays  du  Nil  (11,  50)  :  H^eSov  5s  xal  7ràvT(i)v  -x 

Si  Hérodote  n'est  pas  allé  plus  loin  dans  la  voie  étymolo- 


(1)  Cette  méthode  est  déjà  très  employée  par  Hécatée  de  Milet  qui  l'a  transmise  à 
Hérodote,  et  elle  a  eu  ses  partisans  jusqu'à  nos  jours.  Cf.  Diei.s.  Die  Anfànge  der 
Philologie  bei  den  Griecheri  dans  Nette  Jahrbiicher,  XXV  (1910),  pp.  4  et  suiv. 

\})  Seuls,  les  noms  de  Héra,  Hisiia,  Thémis,  les  Charités  et  les  Néréides  ne  se 
retrouvent  pas  en  Egypte  ;  il  faut  leur  ajouter  Poséidon  qui  vient  des  Libyens,  et 
les  Dioscures  qui  viennent  des  Pélasges. 


—  83  — 

gique,  c'est  évidemment  qu'il  a  cru  que  les  noms  divins  ne 
pouvaient  s'expliquer  par  le  grec  et  que  ce  n'était  pas  sa  tâche 
de  les  analyser  dans  la  langue  du  pays  dont  ils  étaient  origi- 
naires. 11  faut  admirer  le  père  de  l'histoire  de  s'être  placé  tout 
de  suite  au-dessus  du  point  de  vue  naïf  qui  décompose  les  mots 
en  des  éléments  significatifs,  sans  tenir  aucun  compte  des  diffé- 
rences de  nation  et  de  langue.  Après  lui,  en  effet,  avec  une 
candeur  parfaite  et  sans  aucun  scrupule,  presque  tous  les  éty- 
mologistes  anciens  se  servent  du  grec  pour  retrouver  dans 
les  mots  étrangers  le  sens  qui  convient  le  mieux  à  leur  thèse  du 
moment. 

Les  exemples  sont  innombrables.  Le  juif  Eupolémos  (II*  siècle 
av.  J.-C.)  n'est  sans  doute  guère  moins  épris  de  l'antiquité  et 
de  la  supériorité  judaïques  que  son  coreligionnaire  Artapanos 
(même  siècle),  lequel  faisait  de  Moïse  (^),  en  le  nommant  MwJto;, 
le  Mousaios  des  Grecs  et  le  maître  d'Orphée.  Néanmoins, 
Eupolémos  ne  voit  aucune  inconséquence  à  expliquer  Jérusalem 
par  Upôv  SoXofjLwvoç  (^).  Des  écrivains  de  tendance  analogue,  soit 
juifs,  soit  chrétiens,  ont  rapproché  Sarapis  du  patriarche  Joseph 
et  ont  enrichi  d'un  spécimen  hybride  gréco-judaïque,  Sâppa; 
Tra^ç,  la  collection  d'étymologies  que  nous  avons  examinées  (^). 

De  telles  explications  de  mots,  en  raison  de  leur  tendance 


(1)  EusÈBE,  Praep.  Evang.,  IX,  27,  p.  432  A. 

(2)  Ibid.y  IX,  34,  p.  451  B.  De  telles  étymologies  grecques  sont  fréquentes  pour 
des  noms  hébraïques  chez  Josèphe,  Philon  et  dans  le  Talmud,  cf.  FreudenthaIm 
llellenistiscke  Studien,  I.  II,  p.  120  note.  Même  procédé  pour  les  noms  italiques, 
par  ex.  Alexand.  Polyhist.,  fr.  29, 150  dans  MOu.ek,  F//G,  III,  pp.  231  et  244,  et 
pour  les  noms  asiatiques,  par  ex.  le  même,  fr.  92  :  Tapao;  ...  8ià  tô  tôv  Ur^yiao^ 
Ytttcov  iy,zi  xov  xapaôv  xXâcravxa...  Naturellement,  on  retrouve  ailleurs  des  exemples 
de  la  méthode  plus  saine  qu'avait  pratiquée  Hérodote,  par  ex.  Steph.  Byz.,  s.  v. 
iïouàysXa  :  ville  de  Carie,  ainsi  nommée  d'après  les  mots  cariens  doOav  =  xôv  tc -fov 
etYéXav:=xôv  paatXea;  Charès  DE  MïTiLÈNB  chez  Athénée,  I,  27  D  :  le  dieu  de 
l'Inde  2opoà8eto<;  expliqué  par  ohoTzoi6<;. 

(3;  IuL.  FiRMicus,  De  err.  prof,  rel.,  13, 2  s.;  cf.  Kufin,  Hist.  eccL,  XI, 23;  Suidas, 
s.  V.  Sâpa7tt<;;  Tertullien,  Ad  nationes,  II,  8;  Ps.  Augustin,  De  mirabilibus  sacrae 
scripturae,  I,  15,  dans  MiGiNE,  PL,  t.  XXXV,  col.  2163. 


—  84  — 

apologétique,  provoquaient  naturellement  la  riposte  d'adver- 
saires et  l'étymologie  devenait  ainsi  une  arme  dans  la  polémique 
des  partis.  Le  nom  même  Jérusalem  (*)  était  expliqué  par 
'Iepôaru>.a  [tol  lepà  auXàv)  chez  l'antisémite  alexandrin  Lysimaque 
(iry^'  siècle  av.  J.-C.)  et  servait  à  démontrer  le  pillage  et  la 
destruction  des  temples  dont  on  accusait  Moïse  et  ses  compa- 
triotes. Un  autre  antisémite,  inconnu  par  ailleurs,  Nicarque. 
observant  que  Moïse  était  surnommé  Alpha  par  les  Juifs,  expli- 
quait le  fait  par  les  stigmates  de  la  lèpre  (àXcpo»!)  que  les  Hébreux 
avaient  eue  en  Egypte  (*). 


En  ce  qui  concerne  le  pays  du  Nil,  l'égyptomanie,  qui  était 
traditionnelle  chez  les  Grecs  depuis  Hérodote  et  qu'Hécatée 
d'Abdère  avait  encore  contribué  à  renforcer,  exposait  moins  à 
de  pareilles  fantaisies  étymologiques.  On  tendit  fréquenunent  à 
expliquer  les  noms  des  dieux  par  des  éléments  indigènes,  et 
comme  on  visait  naturellement  à  un  syncrétisme  théologique, 
chacun  retrouvait  dans  ces  noms  un  sens  allégorique  analogue 
à  celui  que  sa  propre  spéculation  prêtait  aux  dieux  grecs. 

Dans  le  De  ïside  de  Plutarque,  les  étymologies  égyptiennes 
sont  les  plus  nombreuses  et,  à  part  quelques  exceptions  que 
nous  indiquerons,  elles  paraissent  traitées  avec  une  certaine 
préférence.  On  a  les  meilleures  raisons  d'admettre  que  plusieurs 
de  ces  étymologies  remontent,  directement  ou  Indirectement, 
à  Manéthon  ou  plutôt  au  Pseudo-Manéthon  qui  était  l'auteur  de 
l'ouvrage  théologique  intitulé  Hiera  Biblos.  Plutarque  le  cite  à 
cinq  reprises  à  ce  sujet  (chap.  XLIX,  LXII,  LXXHl;  Manéthon 


(*)  JosÈPHE,  Cont.  Apionem,  I,  3i. 

(*)  Bekker,  Anecdota  graeca,   p.  381,  27  et  suiv.  :  "AXoa...  Kal  Mwoffij;  ôè 

6  vofAO^ÉxTii;  ^TTO  'Iou§aitov  §ià  xô  7roXXoù(;  s^stv  àX<poù<;  £v  T(f>  atoaaxt  ojtco^  sxaXeTxo. 
'AXXà  xoGxo  Ntxap^o<;  6  xou  'A|j.[jl(ovÎou  èv  xq)  Tcspt  'louôat'cov  oXuapâT.  Cf.  Télymo- 
logie  de  aà^paxov  par  l'égyptien  aa^pâxwaK;  =.  poupwvo^  àXyo;  chez  JosÈPHE.  Cont. 
Apionem,  II,  2. 


—  85  — 

ô  ïsliievvjTY.ç  chap.  IX,  XXVIll)  et  il  y  a  des  indices  d'emprunts 
analogues  dans  d'autres  passages  où  il  n'est  pas  mentionné  (^). 

En  particulier,  à  propos  d'explications  de  noms  égyptiens, 
Manéthon  est  invoqué  trois  fois  :  chapitre  IX,  pour  'A(jloOv,  ici, 
en  même  temps  qu'Hécatée  d'Abdère  ;  on  sait  qu'Hérodote 
(II,  42)  s'était  aussi  occupé  du  mot,  d'ailleurs  déjà  connu  de 
Pindare  {Pyth.,  IV,  16  et  fragm.  36).  —  Chapitre  XLIX, 
Tuoîwv  et  B£[3wv  (cf.  chap.  LXII). 

Les  autres  étymologies  égyptiennes,  dont  nous  allons  men- 
tionner les  principales,  ne  remontent  pas  toujours  nécessaire- 
ment à  la  même  source;  à  côté  de  Manéthon,  il  est  d'autres 
auteurs  qui  interviennent  dans  ce  domaine,  notamment  Hécatée 
d'Abdère  dont,  ici  encore,  nous  devons  nous  attendre  à  retrouver 
plus  d'une  fois  l'influence. 

Osiris  est  interprété  de  plusieurs  façons  différentes  :  Au  cha- 
pitre X,  il  est  expliqué  par  uoXjôcp^aXtjLo;,  o;  signifiant  en 
égyptien  uoXù,  et  ip».  signifiant  dcp^aX^aôç  (cf.  chap.  LI  ;  Macrobe, 
Sat.,  1,  21,  11)  ;  même  étymologie  chez  Diodore,  I,  11,2;  nous 
avons  vu  que  de  telles  rencontres  parlent  en  faveur  de  la  pro- 
venance d' Hécatée.  —  Chapitre  XXXVII,  d'après  Alexarque,  le 
nom  égyptien  de  Dionysos  est,  non  pas  Osiris,  mais  ApTa'^riç, 
mot  qui  exprime  le  courage  (to  àvopeCov)  {^).  Ce  détail  se  trouve 
dans  un  passage  obscur  que  nous  devrons  examiner  spéciale- 
ment au  chapitre  suivant.  On  y  verra  que,  bien  qu'Arsaphès 
soit  vraiment  le  nom  d'un  dieu  de  l'Egypte,  il  n'y  a  pas  ici  à 
proprement  parler  d'étymologie  égyptienne,  Alexarque  ayant 
dû  choisir  ce  nom  pour  l'interpréter  suivant  ses  théories  sur 
la  formation  des  mots  en  grec.  —  Au  chapitre  XXXVII  égale- 
ment, Hermaios  (^)   (ev  tt,  TcpwT-r,  Trspl  twv  A''Y'jTCTt(i)v)  traduit  le 


(«j  Par  exemple  chapitres  VIII  ip.  353  F)  et  LXXX  rapprochés  de  Manéthon, 
fr.  79  et  84  bù  Muli.er,  FHG,  11,  pp  614  et  616.  Cf.  aussi  chapitre  LXVI  et  Mané- 
thon, fr.  81. 

(-)  Ce  nom  d'Arsaphès  témoigne  d'une  bonne  érudition  égyptienne;  voyez 
RoscHER  Lexikon^  s  v.  Har-schafet.. 

(5)  Cet  Hermaios  est  tout  à  fait  inconnu.  Cf.  Photius,  Bibliothèque,  Cod.  279, 
p.  536  A  9  (Bekker)? 


—  86  — 

nom  d'Osiris  par  ojjL,3p'.{jLo; ;  et  au  chapitre  XlJl  il  lui  donne  un 
second  nom,  Omphis,  qu'il  traduit  par  £'j£py£T-r,ç.  —  Au  même 
chapitre  XLJl,  sans  indiquer  de  source,  Plutarque  explique 
Osiris  par  âya^oTcoiôç  et  il  insiste  sur  les  nomhreux  sens  du  nom  : 

TO'Jvop.a  7ro).Xà  cppâJ^ei,  oû^  r^xiora  ok  xpàxo;  ivepyo'jv  xal  aya^oiroiov  ô 
Xéyouo-i. 

Isis,  au  chapitre  LX,  est  l'objet  d'une  interprétation  par 
l'égyptien,  que  nous  examinerons  un  peu  plus  loin  à  propos 
de  l'étymologie  égyptienne  d'Athéna. 

Maneros  :  Chapitre  XVII,  aux  explications  évhéméristes  du 
nom,  la  source  de  Plutarque  ajoute  une  interprétation  étymo- 
logique qui  est  d'un  rationalisme  bien  conforme  à  la  manière 
d'Hécatée  :  "Evtot.  oi  cpao-iv  ovo^a  p.£v  oÙoevoç  £ivat.,  o'-aAcXTOv  o* 
7:{vou(Tt.v  âv3pw7ro!.ç  xal  5aX£t.àÇou(rt.  (^)  Tup£7roua"av  «  cflTi^a  Ta  TOia'JTa 
Tiapei'fi.  »  La  suite  du  passage  s'inspire  d'Héiodote,  II,  78. 

Memphis  :  Chapitre  XX,  le  nom  de  la  ville  signifie  opi^o^ 
aya5wv  OU  bien  Tacpoç  'Oo-îpt.oo;.  On  ne  peut  sans  douté  rien  con- 
clure de  ce  que  le  passage  qui  suit  cette  étymologie  correspond 
à  Diodore,  I,  22,  3-6  =  Hécatée  {^). 

Seth  :  Chapitre  XLI,  nom  égyptien  de  Typhon,  il  signifie 
oTTEp  éo-Tl  xaTaouva(TT£Ùov  Yj  xa-raPiaÇotjLEvov .  La  même  étymologie 
est  mentionnée  à  côté  de  celle  de  Bébon  (=  xà^E^iç  r,  xwXjtiç) 
au  chapitre  XLIX,  et  elle  est  rappelée  encore  avec  celle  de  Sjjlû 
(=  uTX£vavTii»)(Tt.ç  T,  àvaaTpocpr,)  au  chapitre  LXII ;  elles  doivent 
sûrement  toutes  les  trois  provenir  de  Manéthon,  qui  est  cité  aux 
chapitres  XLIX  et  LXII. 

Min  (^)  et  Isis  :  Chapitre  LVI,  Min,  nom  égyptien  d'Horus, 
signifie  ôpwjJiEvov  *  a''a-5ï)TÔv  yàp  xal  opaTov  ô  xôo-fjLOç. 

Suit  l'explication  de  trois  noms  égyptiens  d'Isis,  Moù.^,  ''A.5jp'- 


(1)  Cf.  Plutarque,  Qnaest.  conviv.,  VII,  8,  4,  p.  712  F  :  sufpTrjjxa  xal  TipÉTrovxa 
B'aXiàCouaiv  àv^pwTiOK;  qcôovxsç.  Ibid.,  IX,  14.  7,  p.  746  E  :  Ttjc  8è  è7rt3^u{jLia<;  xô  {xèv 
Tt£pl  eSwÔtjv  xal  TTOfftv  ^  BâXsta  xoivtovTjxtxôv  TTotsT  xal  aupiTroxtxôv...  8tà  xoù^ 
çpiXocppo'vwc;  xal  tXapwi;  auvdvxaç  àXXT^Xoti;  èv  oi^tiù  «  .S^aXtà^stv  »  XsyoïjLîv. 

(2)  Cf.  SCHWARTZ,  /î/i.  .Ww^.,  XL  {1885),  p.  231,  n.  1. 

(3)  Les  manuscrits  ont,  paraît-il  :  wpov  £la).Sa(Tt  xat'fjitv  TrpoaayopsÛEtv.  La  correc- 
tion xal  Mlv   Pinder)  est  admise  par  les  Égyptologues. 


—  87  — 

et  Ms^ûsp.  Le  premier  nom,  Mouth,  signifie  {JL'/|TYip.  — Le  second 
nom,  Atliyri,  désigne  la  maison  d'Horus  :  oIyjov  "Qpou  xotjjlwv,  w; 
xal  nXaTwv  X^pav  yevéo-ewç  xal  8eia|ji,£V7jV.  Cf.  le  début  du  même 
chapitre  :  'H  5è  xpeiTTwv  xat.  ^ewrépa  '^ùo-tç  éx  Tptwv  édTt,  toO  vor,TO'j 
xal  Tr^ç  ÛXyiç  xal  toG  éx  toutwv,  ov  xoo-fxov  "EXXviveç  dvojjiâ^oua'î.v .  '0  {i.kv 
0!jv  nXàxwv  TÔ  [Ji£v  vo'riTov  xal  {^eav  xal  TrapâSeiyijia  xal  TcaTSpa,  tyjv  os 
'jX-^v  xal  jjLYiTepa  xal  Tt.i"/iVYiv  â'^pav  ts  xal  X^pav  ysvs^ewç,  to  o'  é^ 
à|j(.ï)orv  exyovov  xal  ysveo-iv  dvo(jLâÇet.v  eL'w5ev. 

Le  troisième  nom,  Methyer,  est  composé  de  deux  mots  qui 
signifient  TrAvipeç  et  aî'TWv  :  uX/ipTiç  vâp  loriv  Yi  'jXrj  ToO  xôo-jJLOJ  xal 
TÔ)  àya5(o  xal  xa^apcj)  xal  x£xoTp.T,p.£V({)  o-uveoT'.v.  Comparez  la  fin  du 

Timée  de  Platon  :  ^vr,Tà  yàp  xal  â.SrâvaTa  Çwa  Xa^wv  xal  (TjjjL-Arr 
pw.S^elç  ôoc  6  xoo-fjioç  o'jtw,  Çwov  opaxàv  Ta  opaxà  Trep'.é^ov,  £''xwv  to'j 
voYiToG  5£0(;  a''(T5T,TÔç,  X.  T.  X.  Comme  je  l'ai  indiqué  plus  haut 
(p.  61),  toute  cette  section  du  De  Isicle  trahit  fortement 
l'influence  (hi  Timée  de  Platon,  et  elle  ne  se  sert  de  l'inter- 
prétation des  noms  égyptiens  que  comme  d'un  argument  en 
faveur  de  la  théologie  que  cette  œuvre  avait  rendue  familière 
aux  esprits. 

C'est  toujours  de  même  à  l'appui  de  quelque  théorie  rationa- 
liste ou  religieuse  que  d'autres  mots  égyptiens  sont  expliqués. 
1/Egypte  s'appelle  Xyijxîa,  comme  le  noir  de  l'œil,  parce  que 
sa  terre  est  noire  (chap.  XXXIII).  Le  nom  de  la  myrrhe, 
[BâX,  se  traduit  par  «  suppression  de  la  sottise  »,•  tt,;  Xyipr.aswç 
£X(TxopTr'.a-tjLÔç  (chap.  LXXIX)  !  Le  nom  du  jonc,  5pL»ov,  en  égyp- 
tien signifie  tiotict^ulôç  xal  x(vT,T'.;  TràvTwv  (chap.  XXXVI).  Le 
lierre  x5.ttoç  se  dit  ^£vô(7'.p'.ç,  ce  qui  veut  dire  «  plante  d'Osiris  » 
(chap.  XXXVII).  Ce  dernier  détail  remonte  à  Hécatée,  comme 
le  prouve  la  correspondance  exacte  avec  Diodore,  1,17,  4-5,  et 
il  est  possible  qu'il  en  soit  de  même  pour  l'un  ou  l'autre  de 
ceux  qui  précèdent. 

Dès  lors,  il  n'y  a  aucune  raison  spéciale  d'attribuer  à  VHiera 
biblos  de  Manéthon,  comme  songe  à  le  faire  M.  Lévy  (*),  les 


(1}  Revue  de  l'Hist.  des  Religions,  LXI  (1910),  p.  195. 


—  88  — 

étymologies  sairei  et  Ainenthès  (chap.  XXIX)  que  nous  avons 
étudiées.  Nous  avons  montré  que  l'étymologie  sairei,  si  facile 
à  combiner  avec  le  texte  d'Hérodote,  paraît  avoir  été  connue 
de  Phylarque  et  des  P/irygia  grammata  et  qu'elle  pourrait  donc 
avoir  été  signalée  déjà  par  Hécatée.  Quant  à  Amenthès,  la  ten- 
dance orphique  de  l'interprétation  qui  en  est  proposée  fait 
penser  plutôt  à  Hécatée  d'Abdère;  nous  avons  vu,  en  effet,  qu*il 
avait  voulu  retrouver  en  Egypte  la  plupart  des  doctrines  et  des 
rites  des  mystères  (^). 


A  la  suite  de  cette  série  d'étymologies  égyptiennes,  je  signa- 
lerai dans  le  De  Iside  deux  passages  qui  ont  une  portée  toute 
différente  et  qui  offrent  un  intérêt  particulier.  Ici  il  ne  s'agit 
plus  d'explications  de  mots  égyptiens  par  l'égyptien,  mais  bien 
d'explications  de  mots  grecs  par  l'égyptien.  Hérodote  s'était 
contenté  d'affirmer  la  provenance  égyptienne  des  dieux  de  la 
Grèce.  Il  a  eu  des  continuateurs  qui  ont  voulu  prouver  cette 
thèse  au  moyen  de  l'étymologie. 

Le  premier  exemple  est  le  nom  même  d'Athéna,  chapi- 
tre LXII  :  "Eoixe  8k  toutoiç  xal  Ta  A![y'j7:T',a.  TtjV  |ji£v  yàp  "^laiv 
tzqWôlxk;  tôj  ttÎç  A^'^vàç  ovcp-aT».  xaXoOo"».  cppâÇovT',  •zovj'j'zoy  ).oyov 
«  r)^^oy  dTi'  lp.a'jT-^ç  »,  OTuep  eo-tIv  œjToxiW^-zo'j  'foc^  or,X(j)T',xov. 
ic  Les  Egyptiens  appellent  souvent  Isis  (^)  du  nom  d'Athéna; 
ce  nom,  en  effet,  a  le  sens  (Aôyoç)  «  j'allai  de  moi-même  »,  ce 
qui  indique  un  mouvement  qui  procède  de  soi.  » 

Ce  raisonnement  implique  que  les  Egyptiens  retrouvaient 
dans  le  nom  d'Athéna,  ainsi  interprété,  un  sens  qu'ils  donnaient 
de  leur  côté  au  nom  d'Isis  elle-même.  En  effet,  on  n'a  pas 
remarqué,  à  ma  connaissance,  que  la  même  explication  du  nom 


(*)  Voir  plus  haut,  pp   26  et  suiv. 

(2)  Atliéna  est  le  plus  souvent  assimilée  à  Neith  (cf.  Platon,  Timée,  21  E,  etc.), 
mais  le  s.yncrétisme  avait  assimilé  la  Neith  de  Sais  elle-même  à  Isis  (Plutarque, 
De  Iside,  IX). 


—  89  — 

d'Isis,  mentionnée  un  peu  auparavant  (chap.  LX),  est,  non 
point  grecque  comme  l'a  fait  croire  l'exposé  un  peu  ambigu  de 
Plutarque,  mais  bien  égyptienne  par  son  origine.  Plutarque 
lui-même  veut  que  le  nom  d'Isis  soit  hellénique  et  il  tient  à  la 
dérivation  de  dùévoLi  qui  est  un  beau  thème  à  développements 
philosophiques,  chapitre  11  :  (^lo-iv)  (rocp-Viv  xal  cp'.XÔTocpov  ouaav,  wç 
TO'Jvo[Jià  T£  ^pdJ^ei''^  £0',xe  TcavTÔç  [xàXXov  auT-^  to  eîoevat  xal  t/jv  kTzi(TTr\^r\y 

TTpoa-riXO'ja'av.  'EXXtjvixov  yàp  r^  ^Icrîç  eot!. Tou  8e  lepoO  Touvo|JLa 

xal  (Tacpwç  éTtayyeXXeTat.  xal  yvwTiv  xal  eîoTiTt.v  to'j  o'vtoç  '  ovcijJiâJ^eTat. 
yàp  'la-£rov  w;  eto-oaevwv  to  ov... 

Au  chapitre  LX,  Plutarque  n'abandonne  pas  cette  conception, 
mais  comme  il  s'agit  là  de  mettre  la  déesse  également  en  rap- 
port avec  le  mouvement  de  la  nature,  il  combine  l'étymologie 
eiBévas.  avec  une  dérivation  nouvelle,  celle  de  tea^ai  : 

Aw  TO  [i.£v  ^l<Tt.v  xaXoùa-t,  irapà  to  Ut^oli  {jl£t'  èTzi<7Tr\ii'f](;  xal  cpÉpeT^aî,, 
xi^y\f7iy  o'jo-av  £jJi.t|^tj^ov  xal  (ppov?.|JLOV.  Où  yàp  £<JTt.  TO'Jvo[JLa  PapjBapuov, 
dXX'  war7r£p  ToCç  3£or<;  Tcàa-t.v  aTto  Sueiv  ^TjfjiàTWv  (^)  toG  .Sr£aToO  xal  toO 

.SioVTOÇ   £a-T!.V   ÔvOîJia  X0t.v6v,     OUTW    TTiV    5£0V    TaÙT'A^V    (XTrO    T7);    £7r',a-T'/iii.TjÇ 

àp.a  xal  TYJç  xt.VTia-£(i)ç  ^l(nv  p.£v  rip-Erç,  ^laiv  8*  ACyuTrTtOL  xaXoOa',v. 

En  présence  du  sens  de  mouvement  que  l'interprétation 
égyptienne  donnait  au  nom  d'ïsis,  Plutarque  n'a  donc  pas 
voulu  renoncer  à  garder  pour  la  déesse  une  origine  hellénique, 
et  comme  l'étymologie  grecque  se  prête  à  tout  ce  qu'on  veut  (^), 
il  a  retrouvé  cette  même  idée  de  mouvement  dans  une  autre 
explication  du  nom,  en  recourant  en  seconde  ligne  à  une  dériva- 
tion du  verbe  IW^at..  Pour  ce  système,  il  s'autorise  de  l'exemple 
de  la  double  étymologie  de  5êoç,  que  l'on  rapproche  également 
de  5É0V  (5£rv,  Platon,  Cratyle,  397  D)  et  de  5eaTÔv.  La  suite  du 
passage  Ojtw  ok  xal  IIXâT(ov. . .  invoque  encore  d'autres  endroits  du 


(•)  j^Tjfxâxtov  Markl;ind,  Ypa|jL[jLaTajv  ms. 

(2)  Plus  lard,  Porphyre,  pour  appuyer  son  interprétation  d'Isis,  aura  à  sa  disposi- 
tion une  autre  étymologie  encore  :  8tà  xtjv  tdo'xTj-ca,  Kusèbe,  Praep.  Evang.,  lil,  11, 
49,  p.  115  D;  cf.  J.  BiDEZ,  Vie  de  Porphyre  le  néoplatonicien.  Appendice  I,  Ilepl 
àyaXfjLàxwv.  p.  19*  [Gand,  1913J. 


—  90  — 

Cratyle,  401  C  (singulièrement  fiélbrméî),  4M  D,  4fr>  I).  La 
conséquence  d'un  tel  système  —  à  laquelle  d'ailleurs  IMutarque 
ne  songe  pas  ici  —  serait  d'admettre,  avec  les  Héraclitéens,  que 
les  mots  expriment  l'essence  (fùviç)  des  choses.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  y  a  ici,  à  propos  du  noui  d'Isis,  trace  d'une  polémique 
où  Plutarque  joue  le  rôle  de  conciliateur  entre  les  prétentions 
grecques  et  égyptiennes. 

Quant  à  l'étymologie  égyptienne  d'Athéna,  je  la  rapporte- 
rais volontiers  à  Manéthon  qui  est  cité  immédiatement  après 
(chap.  LXll)  pour  des  interprétations  analogues  des  noms  Seth, 
Bebon  et  Smy.  Mais  lui-même  doit  l'avoir  trouvée  déjà  exis- 
tante. Chose  caractéristique,  en  effet,  cette  égyptisation  d'un 
nom  grec  divin  a  justement  pour  objet  de  revendiquer  Athéna, 
la  grande  déesse  de  cette  ville  de  Sais  où,  nous  le  verrons 
bientôt,  se  heurtèrent  et  se  combattirent  de  très  bonne  heure 
les  prétentions  grecques  et  égyptiennes. 

C'est  tout  de  suite  avant  l'explication  du  nom  d'Athéna,  à  la 
fm  du  chapitre  LXI  qui  précède,  que  se  trouve  la  seconde 
étymologie  d'un  mot  grec  par  l'égyptien  dont  nous  allons  nous 
occuper.  Il  est  tout  à  fait  dans  la  manière  des  égyptomanes 
qu'elle  soit  présentée  comme  un  emprunt  aux  soi-disant  livres 
d'Hermès.  ïà  At.'yu7iT'.a,  en  tète  du  chapitre  LXII,  doit  désigner 
la  mên)e  source. 

'Ev  0£  TOL^ç  'Ep(Jio'J  X£YO[Ji£vat,ç  '^î^Xoi^  if7Topoî)7i  yeypâ'^^a'.  Trspl  twv 

UpWV    OVOfJlàTWV,    ÔTi    TY^V     {A£V   ETzi    TTjÇ    TOU    r\Xio\J    TTEpiCpOpàç    T£Tayji.£V"iriV 

SLivajjLiv  '^Qpo'^^  "EXX'^vEç  8'  'A7tdX)vWva  xaXoÛTt.  *  ttiv  o'  ettI  TO'J  ttveu- 
[jLaToç  ol  {ji£v  "Oo-'.p!.v,  01  8k  }jàpa-'.v,  ol  8s  ISw.^l  Ac'yuTUTior'!  '  G-^tjLaivs'. 
8k  xù'f\(7iv  Ti  To  xùeiy.  At.6  -xal  TrapaTpoTrriç  y£vo|i.£vr,;  to'j  dv6|i.aT0ç, 
'E^Xyivio-tI  x'jwv  xéyX'f\TciLi  -zo  OLcr-zpov,  oizep  îBwv  Tr,ç  "Ict'.ooç  vo{jL'Zo'JTt.v  (^). 
La  puissance  qui  préside  au  pneuma  s'appelle  en  égyptien 
Sot/ii,  ce  qui  signifie  xjyi(7'.ç  «  grossesse  »  ou  xl»£'.v  «  être  grosse  ». 
C'est  pourquoi,  par  altération  du  nom  (c'est-à-dire  du  nom  qui 


(*)  Cf.  chapitre  XXI,  p.  359  1)  :  xal  xaXeTa.S'at  x'jva  tjièv  xV  "laioo^  'jcp'  'EXX7iv( 
Ùtt'  AiYUTrxitov  oè  -ôi.S'tv. 


—  01  — 

rendait  exactement  ce  sens  égyptien),  en  grec  on  appelle  xjory 
(c  chien  »  l'astre  que  l'on  attribue  à  Isis.  L'égyptornane  qui  a 
trouvé  cela  a  ingénieusement  raisonné  ;  en  somme,  il  a  invoqué 
avec  dextérité  à  l'appui  de  sa  thèse  un  procédé  dont  les  modernes 
ont  groupé  les  cas  sous  le  nom  d'étymologie  populaire. 

Il  existait  donc  une  école  qui,  en  présence  des  explications 
fantaisistes  des  dieux  de  l'Egypte  au  moyen  de  la  langue 
grecque,  maintenait  une  interprétation  par  l'égyptien,  et  qui, 
en  outre,  avait  la  prétention  d'appliquer  cette  méthode  aux 
noms  des  dieux  helléniques  eux-mêmes,  et  aussi  des  constella- 
tions, —  par  exemple,  ici,  le  Chien  et,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin,  Sirius.  C'est  qu'en  effet,  dans  les  discussions  qui  exis- 
taient entre  les  peuples  au  sujet  de  l'ancienneté  de  leur  origine, 
les  Egyptiens  se  vantaient  d'être  nés,  non  pas  seulement  avant 
la  lune  comme  les  Arcadiens,  mais  même  avant  tous  les  astres; 
c'est  eux  qui  avaient  discerné  la  nature  des  constellations  et  qui 
leur  avaient  donné  leurs  noms  (*). 

Quelle  est  l'attitude  de  Plutarque  en  face  de  ces  diverses 
tendances? 


Sur  ce  sujet,  Plutarque  est  tout  à  fait  conciliant  et  il  l'est 
d'autant  plus  facilement,  on  pourrait  dire  plus  naïvement,  que 
le  côté  liistorique  de  la  question  ne  l'intéresse  pas  et  lui  est 
parfaitement  indifférent.  Nous  l'avons  déjà  vu  plus  haut,  à 
propos  du  nom  d'Isis  et  aussi  à  propos  d'autres  interprétations 
différentes  d'un  même  dieu  (par  exemple,  Osiris)  qu'il  signale 
côte  à  côte.  On  pourrait  appliquer  à  son  procédé  étymologique 
ce  qu'il  dit  lui-même  au  sujet  des  mythes  au  début  du  cha- 
pitre LVIII  :  Xpri(TT£Ov  8k  TOi^  {jLÛ^ot.;  oùy  wç  Xôyo!.;  7:â|jt.7cav  o\j<7i'^, 
dXkk  To   Tzp6'7z>opov    éxào-TO'j   TÔ   xaTa  tyjv    6|i.0î.0TT,Ta  XaijL,3âvovTa;.    Il 


(^)  ScHOL.  Apollon.  Khod.,  IV,  262,  p.  494,  \0  :  ysYovsvai  oè  aÙToû<;  (se.  toù; 
AlyurTiou^)  çpTjdiv  6  'AitoXXtovtoç  Tzpo  xoij  uàvxa  xà  àdxpa  (pavfivat,  xa3à  xt^v  x£  ^ûciiv 
xaxavoTJaac  aùxtov  ooxouat  xal  xà  ovdjxaxa  ^tlivat. 


—  92  ~ 

reproduit  toute  interprétation  de  mot  qui  lui  parait  édifiante  et 
conforme  à  la  tendance  du  dévelop|)ement  qui  l'occupe  pour  le 
moment  (*).  Dans  ces  conditions,  il  va  de  soi  qu'il  n'a  pu 
s'imposer  de  se  priver  des  ressources  que  lui  offrait  l'étymologie 
grecque,  même  pour  les  noms  égyptiens. 

La  ville  de  Kopto  tire  son  nom  du  deuil  d'Isis  (  ;.  Suivant 
d'autres,  le  nom  signifie  TTéprjO-Lç,  «  privation  »  :  tô  yàp  i-oTzzzih 
«  xouTe^v  »  Xéyojo^!.  (chap.  XIV).  Il  est  probable  que  cette  seconde 
explication  provient  d'un  sens  que  l'on  dérivait  du  nom  de  la 
ville  en  égyptien.  Cependant,  le  sens  pourrait  avoir  été  tiré 
aussi  du  grec  même;  l'acception  spéciale  qui  est  ici  donnée  à 
xÔTiTEiv  (=  àTtoaxeperv)  rappellerait  la  signification  également 
forcée  que  nous  avons  vu  attribuer  à  (rawsiv  •  o  xaAAÛveiv  Tivkç 
xal  xoa-p.£rv  X^youa-LV  (cliap.  XXIX). 

Le  nom  de  lieu  «  Taphosiris  )»  signifie  naturellement  «  tom- 
beau d'Osiris  »  (chap.  XXI).  Horus  est  rapproché  de  wpa 
(chap.  XXXVIII)  et  de  wp^^jjiÉvoç  (chap.  LV). 

Osiris,  dont  le  nom  est  déjà  si  gros  de  sens  en  égyptien 
(cf.  chap.  XLll),  augmente  encore  sa  puissance  d'expression 
par  le  grec.  Le  chapitre  XXXIV,  après  avoir  donné  des  argu- 
ments, étymologiques  et  autres,  en  faveur  de  l'eau  comme  pre- 
mier principe,  ajoute  :  Kal  tov  Aiovjcrov  «  'jry  »  w;  xûpî.ov  ttîç 
yypàç  «pLio-swç,  oùy  STSpov  ovTa  to'J  'Oo-'ip'.ôo;  [sc.  "EXXt,v£ç  xaXo'ja-».)  * 
xal  yàp  TOV  "Oo-ipiv  'EX)vâvixo(;  "Ta-i.pt.v  e^-rixev  (^)  àxr,xo£vai  Otco  twv 
lepÉwv  Xeyôfjievov  *  o'jtw  yàp  dvo[JLà^wv  oiaTeXei  tov  .S-eôv,  eCxÔTO);  àizh 
TYJ;  «pûo-ewç  xal  t-^ç  eûpeTewç  (^). 

L'attribution  de  ce  fragment  à  Hellanicus  de  Mytilène  est 


(')  On  peut  lire  chez  Strabon,  X,  p.  474,  des  rétlexions  curieuses  sur  ce  genre 
d'interprétation  théologique. 

(2)  Cf.  ÉLiEN,  Nat.  an.,  X,  23. 

(3)  Sans  doute  à  corriger  en  sotxsv  avec  Valckenaer. 

(*)  Ces  derniers  mots  sont  généralement  considérés  comme  corrompus.  On  a 
proposé  beaucoup  de  corrections  raisonnables  entre  lesquelles  il  est  impossible 
de  faire  un  choix  sûr  :  vidscaç  (Saumaise)  xal  xîjç  ÙYpsûdetUi;  (Reiske)  ou  pûatox; 
(Schwartz)  ;  ucyew;  est  très  séduisant,  mais  je  ne  sais  s'il  est  prudent  de  faire  dis- 


—  93  — 

contestée  (*).  La  tendance  à  déformer  les  noms,  afin  de  leur 
faire  exprimer  le  sens  qui  lui  plaît,  paraît  cependant  bien  un 
trait   propre  au  vieil   Hellanicus.  Cf.  fr.  100  (Steph.  Byz.)  : 

©eo-Tioewv,  tcôXiç  SefT<ToiXixr\.  'EXÀàvî,xoç  oe  oiyjx  xoù  <7  «prio-iv,  ctTco 
Bétwo;;  fr.  97,  le  nom  de  l'Italie  était  à  l'origine  OûiTaXia, 
d'après  vitulus.  Dans  les  cas  assez  fréquents  où,  sans  ajouter 
d'explication,  on  cite  Hellanicus  comme  ayant  donné  une  forme 
spéciale  à  des  noms,  il  y  a  lieu  de  supposer  parfois  qu'il  avait 
obéi  à  la  même  tendance  :  fr.  96,  'VixepjBôpsw'.  au  lieu  de 
T7cepj36p£0!.  ;  fr.  106,  Oiâv.Sre'.a  pour  O^âv^Yi;  fr.  120,  Aâ-ri  pour 
Nàuri;  fr.  134,  ràpyaTov  au  lieu  de  râpyapa;  fr.  135,  Aij|jLjip'.o;  au 
lieu  de  eû|jL(3pw;;  fr.  153,  'Epeixpoi  pour  "ApajSe;  (cf.  161  et  167). 
Si  donc  la  graphie  "W'.p',<;  est  bien  d'Hellanicus,  elle  a  dû  avoir 
pour  objet  d'expliquer  le  nom  par  le  grec,  et  nous  trouverions 
pour  l'Egypte  elle-même,  chez  un  contemporain  d'Hérodote, 
un  représentant  de  la  naïve  tendance  étymologique  à  laquelle 
celui-ci  avait  résisté. 

Aux  chapitres  LJ  et  LU,  Osiris  étant  envisagé  comme  dieu 
du  soleil,  on  cite  une  nouvelle  étymologie  grecque  conforme  à 
cette  thèse  (chap.  LU)  :  Eia-l  yàp  oi  t6v  "Oa-Lp!.v  àvTWpj;  t,A5.ov  etvat 
xal  dvo(ji(x!^ea-5a'.  o-eiptov  ucp'  'EX/-/;V(j)v  XéyovTeç,  e»'  xal  Tiap'  ACyuTTTÎo'.ç 
r\  7rp65£T',ç  TO'j  oip.Bpo'j  TO'Jvojjia  TceTtoirjxev  à{jL<pt.yvo£ra-5a'.,  T7\v  o'  ""It'.v 
oûy^  STSpav  TYJç  o-eXrjVTiÇ  ocTcocpa'ivovTe;. 

Osiris  est  donc  le  soleil  et  il  porte  le  nom  grec  o-eipw;,  bien 
que  l'addition  de  l'article  (6  o-eipw;  —  "Oo-ipt.;)  ait  entraîné  l'alté- 
ration du  mot.  En  soi,  le  procédé  ici  invoqué  est  ingénieux,  et 
l'étude  historique  des  langues  en  a  fait  observer  de  fréquentes 
applications;  les  Égyptiens  auraient  emprunté  le  mot  muni  de 
l'article  étranger,  comme  nous  l'admettons  en  français  pour  les 


paraître  de  celle  ex|)lication  la  Irace  de  l'idée  du  verbe  âjpslv.  Cf.  Juvénal,  Vlil,  29  : 
populus  quod  clamât  Osiri  invenlo,  et  le  scoliaste  :  Populus  Aeg>'pti  invente  Osiri 
dicit  :  soprjxafjLEv,  (juY)(^atpojxev ;  cf.  SÉNÉQUE,  ApocoL,  13,  4;  AthÉnagoke,  22,  p.  i40, 
1.  20  et  p.  210,  dans  Geffcken,  Zwei  griechisdie  Apologeten. 
(1)  MiiLLEK,  FHG,  I,  p.  XXX. 


—  94  — 

cas  de  alcoran,  alcade,  alchimie,  etc.  Comparez  en  latin,  chez 
Fulgeniiiis  Planciades,  la  formation  bizarre  à  laquelle  a  donné 
lieu  le  grec  6  7rot|jiàvop7i;  :  «  Hermès  in  Opimandrae  libro  ait  (*).  » 

L'ancienneté  du  rapprochement  Osiris-Seirios  est  attestée 
par  Diodore  I,  11,  1-3  =  Hécatée.  Après  avoir,  comme  Plu- 
tarque,  identifié  Osiris  et  Isis  au  soleil  et  à  la  lune,  et  indiqué 
l'explication  égyptienne  Osiris  =■■  TzoXuô'^^cd.^ko^  que  nous  avons 
étudiée  plus  haut,  le  texte  de  Diodore  continue  : 

ïwv  6£  Ttap'  "E^Xyio*!,  TiaXat-wv  {xu^oAoywv  Tivèç  TÔv  "Oo-ipiv  Aî.ôvjo'ov 
TcpoTOvofJLàÇoua-t    xal    Seîpwv    TuapwvûjJiwç  '    wv    E'jjxoAtcoç    jjlsv    év    toÎ"; 

â(7TpO!paTi   A!.dvL»(TOV  'év   âxTÎVEa-O-?,   TtUpWTTOV. 

'Opçpsùç  5s  • 

Toùvexâ  p,!.v  xa^eouo"'.  <ï>ocvr^Tà  Te  xal  Aiovjtov. 

«  Certains  anciens  mythologues  chez  les  Grecs  appellent 
Osiris  Dionysos  et  Seirios  par  déformation.  )> 

Il  faut  se  garder  de  conclure  de  ce  rapprochement,  comme 
on  l'a  fait  prématurément,  que  Plutarque  dérive  ici  d'Hécatée. 
L'analyse  du  texte  d'Hécatée  (Diodore)  prouve  que  sa  thèse  est 
justement  l'inverse  de  celle  de  Plutarque.  D'après  Hécatée,  en 
effet,  conformément  à  sa  tendance  constante  —  surtout,  comme 
nous  l'avons  vu,  en  matière  d'origines  orphiques  —  ce  sont  des 
Grecs  qui  ont  emprunté  le  nom  d'Osiris  pour  le  donner  à 
Dionysos,  et  ils  l'ont  déformé  en  Seirios.  Plutarque,  au  con- 
traire, suit  un  auteur  qui,  afin  de  faire  pièce  à  cette  dérivation 
étrangère,  avait  imaginé  l'étymologie  grécisante  ô  ^eîpio;  — 
"0<Tt.p!.;.  Un  autre  indice  que  Plutarque  ne  suit  pas  Hécatée,  c'est 
qu'il  ne  reproduit  nulle  part  l'interprétation  égyptienne  d'Isis 
(=  7raXat.à)  qui  devait  venir  dans  le  même  contexte  et  qui  se 
trouve,  en  effet,  dans  le  paragraphe  suivant  de  Diodore.  Les 


(1)  Mitologiarum  lib,,  I,  15,  p.  26,  18,  éd.  Helm. 


—  95  — 

vers  orphiques  cités  par  Diodore  doivent  être  reproduits  d'une 
façon  incomplète,  car  ils  ne  contiennent  pas  le  mot  ^eipwç 
comme  on  l'attendrait.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  trouvons  un 
exemple  certain  du  terme  <jeipioq  appliqué  au  soleil,  et  c'est 
précisément  dans  un  texte  orphique,  Orp/i.  Argon.,  120 
(Abel)  (')  : 

Quant  à  Plutarque  lui-même,  l'explication  du  nom  d'Osiris 
qui  a  toute  sa  préférence,  évidemment  parce  qu'elle  est  la  plus 
religieuse  et  la  plus  édifiante,  est  celle  qui  décompose  le  mot 

en  6<7ioq  et  Upô;,  «  saint  et  sacré  »  :  '0  8k  "Oo-'.piç  éx  toj  o<7io'j  xal 
Upoû  Touvo|i.a  |^£ti.!.Y|ji£vov  IV/Tixe  •  xoi'^bç  yàp  eo-Ti  twv  ev  oùpavw  xal 
Twv  £v  "Xioo'j  Xoyoç  •  (5v  xà  (jikv  Upà  Ta  o'  oVia  xor?  TraXocor?  e^oq  TjV 
TcpGTayop£Û£tv  (chap.  LXI;  cf.  chap.  XXVIII,  à  la  fin,  et  plus  haut, 
p.  14). 

Immédiatement  après,  il  tire  également  du  grec  une  expli- 
cation religieuse  correspondante  pour  le  nom  d'Anubis  : 
'0  B'  àvacpaivwv  xà  oijpàv!.a  xal  twv  avw  '^£po[Ji£vwv  "Avo'jp',;  ko^^o^,  è'ort 
o'  Ôt£  xal  'Epp-àvou^iç  dvop,à^£Tat,,   t6  |jl£v  wç  toîT;  avw,  TÔ  8'  w;  TOtç 

XaTW   TCpOfTTiXWV. 

En  tout  cas,  Plutarque  tient  par-dessus  tout  à  revendiquer 
comme  hellénique  Osiris,  de  même  qu'il  a  fait  pour  isis 
(chap.  Il  et  LX).  C'est  que,  comme  nous  l'avons  rappelé  plus 
haut,  il  adresse  son  traité  à  une  femme  pieuse  de  Delphes, 
Kléa,  initiée  aux  mystères  d'Osiris  (toi;  8'  'Oaipiaxorç  xa^wo-iw- 
jjiÉvYiv  Upor?  aTTo  TiaTpo;  xal  jjiTjTpô;,  chap.  XXXV),  et  qui,  en 
adressant  ses  prières  à  Dionysos-Osiris,  veut  avoir  le  sentiment 
de  pratiquer  un  culte  hellénique,  et  non  point  barbare.  Si  on 


(1)  Cf.  Suidas  s.  v.  Sstptoi;...  Kat  Ssîp,  asipo;,  6  ti'Xio;.  Sstptov.  xôv  Kûva*  6xÈ 
xal  xov  -fiXiov.  Cf.  TzETZÈs,  In  Lycophr.^  397,  pp.  577  et  suiv.,  éd.  Millier. 


-^.  96  — 

laisse  aux  Grecs  Osiris,   Plutarque  consentirait  à  ahanflounor 
Sarapis  aux  Égyptiens  (chap.  LXI  à  la  fin)  : 

"Hxtora  jjikv  ouv  Set  <pt.XoTi|xer(T5ai  Tiepl  twv  ovofxaTwv,  ou  {xt^v  o/Xt. 
jjiàXXov  av  ucpet{JLYiv  xoO  SapaTrtooç  AiyuTTT'Iotç  7,  toO  'O^îptooç,  éxeCvo 
|jiev  ^evixdv,  toOto  o'  'EXXyjvwÔv,  afjLcpa)  o'  svôç  5eo'j  xal  'Ji'-à;  O'jvâasw; 
riyoLijJievoç. 

* 

(c  II  ne  faut  pas  »,  dit  Plutarque,  «  mettre  d'amour-propre 
dans  cette  affaire  de  noms.  »  Son  avertissement  prouve  juste- 
ment qu'il  avait  eu  des  devanciers  qui  y  en  mettaient  beaucoup. 
Essayant  de  caractériser  les  étymologies  diverses  que  nous 
avons  passées  en  revue,  nous  pourrions  les  grouper  en  les 
répartissant  d'après  trois  tendances. 

J^a  première  considère  surtout  le  sens  et  le  caractère  uni- 
versels des  dieux  eux-mêmes,  et  se  plaît  à  les  trouver  exprimés 
dans  les  noms,  prenant  en  fait  d'interprétation  son  bien  où  elle 
le  trouve,  ne  s'embarrassant  guère  des  questions  d'histoire,  de 
langue  ou  de  nationalité.  C'est  à  cette  tendance  qu'adhère 
Tesprit  pacifique  et  religieux  de  Plutarque  :  «  Tous  les  hommes 
possèdent  et  connaissent  Isis  et  les  dieux  de  son  groupe,  et  si 
quelques-uns  ne  sont  appelés  de  leurs  noms  égyptiens  que 
depuis  peu  de  temps,  la  puissance  de  chacun  est  connue  et 
vénérée  depuis  l'origine  »  (chap.  LXVi). 

Un  second  groupe,  dans  lequel  nous  avons  rencontré  notam- 
ment les  noms  d'Hécatée  d'Abdère  et  de  Manéthon,  interprète 
par  la  langue  égyptienne  les  noms  des  dieux  égyptiens,  et 
même  quelquefois  des  noms  grecs  (plus  haut,  Athéna,  Kyon, 
Seirios  ;  plus  loin,  nous  verrons  bientôt  le  mot  àV:j).  On  peut 
lire,  comme  spécimen  des  prétentions  incohérentes  de  cette 
école,  le  chapitre  I,  1:2,  de  Diodore-Hécatée  :  on  y  voit  comment 
les  Égyptiens  ont  donné,  les  premiers,  à  chaque  dieu  le  nom 
convenable  et  que,  par  exemple,  c'est  à  eux  qu'il  appartient 
d'expliquer  aux   Grecs  le  vrai   sens  d'une  épithète  telle  que 

rXa'JXWTTLÇ. 


—  97  — 

C'est  à  de  telles  exagérations  que  pense  Plutarqiie  lorsqu'il 
écrit  (chap.  LXVl),  immédiatement  avant  le  passage  que  je 
viens  de  traduire  :  Kal  Bsivôv  oùùév,  av  TrpwTov  {jikv  7i|jLrv  toùç  5eoùç 
cpuXaTTwa-!.  Tioivo'ji;  xal  {jlt,  7ro!.W(T',v  A^yjTtTÎwv  î^iouç,  |XY,8è  NetXov  fjV 
T6  NeTXoç  apoet.  {jlÔvt^v  ytùpoL-v  'zoi<;  dvôp.a(n  toutolç  xaTaAa{jL[3âvovTeç, 
!jL-r|ôe  é'Xri  [j.t,0£  Xwto-jç  |jly,  ^soTcouav  Xéyovreç,  âTroa-Tepwa-i  p.eyût)v{«)v 
5cwv  Toù;  àXÀouç  àv3pa)7rouç,  oîç  NeiXoç  [Jiev  oiîx  Ittlv  oûSe  BoOtoç 
oùoe  MsfjLcpLç.  «  Passe  encore,  du  moment  qu'ils  gardent  les  dieux 
comme  communs  avec  nous  et  qu'ils  n'en  font  pas  un  bien 
propre  aux  Egyptiens,  du  moment  que,  sous  les  noms  de  Nil  et 
d'Egypte,  ils  ne  comprennent  pas  uniquement  leur  Nil  et  la 
contrée  qu'arrose  le  Nil,  du  moment  enfin  que,  consentant  à 
ne  pas  dire  que  marais  et  lotus  font  naître  les  dieux,  ils  ne 
dépouillent  pas  de  grands  dieux  les  autres  hommes  qui  n'ont 
pas  de  Nil,  ni  de  Boutos,  ni  de  Memphis  (^).  « 

En  face  de  ces  prétentions  égyptiennes,  il  y  eut  des  Grecs 
qui  ne  se  résignèrent  pas  à  l'attitude  neutre  et  conciliante  de 
Plutarque.  A  l'annexion  de  dieux  grecs  à  l'Egypte,  une  ten- 
dance hellénique  répondit  par  des  revendications  contraires. 
Trois  des  étymologies  égyptiennes  que  nous  avons  vues,  sairei 
pour  Sarapis  [De  Iside,  XXIX),  Osiris  pour  Seirios  (Diodore, 
I,  H,  3)  et  enfin  Amenthès  (De  hide,  XXIX)  se  rattachent  à 
des  idées  orphiques,  et  cette  communauté  de  tendance  vient 
encore  à  l'appui  de  leur  attribution  à  Hécatée  qui  nous  a  paru 
la  plus  vraisemblable.  Aux  deux  premières  de  ces  étymologies, 
nous  avons  déjà  vu  qu'on  avait  opposé  des  dérivations  grecques, 
(jaipsiv  et  6  Seipw;  (=  Osiris).  Ce  qui  démontre  que  cette  polé- 


(*)  Ma  traduction  montre,  je  i)ense,  que  ce  texte  que  l'on  prétend  corrompu 
(notamment  pour  le  mot  essentiel  .^soTroitav)  s'interprète  avec  sûreté.  Pour  l'idée 
ici  critiquée,  rapprochez  Manéthon  (?),  fr.  81  dans  Muller,  FHG,  II,  p.  615,  et 
surtout  DiODOUE  (Hécatée),  1,  12,  6  :  xôv  irap'  aoToT;  TroTajjiôv  NslXov,  irpôi;  tp  xal 
zkc,  Twv  3^ct5v  YsvsaEt?  uTiâpçat.  Cf.  I,  9,  6.  Comparez  aussi  Porphyre  chez  Eusèbe, 
Praep.  Evamj.,  V,  10,  p.  198  B  et  suiv. 


—  98  — 

mique  s'était  faite  d'une  façon  conséquente  et  suivie,  c'est  que 
pour  Amenthès  également,  le  texte  de  Plutarque  implique  que 
certains  avaient  retrouvé  à  l'aide  du  grec  le  sens  orphique  (tov 
Xap-^âvovTa  xal  oiôôvTa)  que  d'autres  avaient  voulu  dériver  de 
l'égyptien. 

Plutarque  en  effet  se  demande  si,  au  lieu  d'être  vraiment 
égyptien,  Amenthès  n'est  pas  encore  un  des  mots  importés 
anciennement  de  la  Grèce  en  Egypte  et  il  remet  à  plus  tard 
l'examen  de  la  question  :  uo-Tcpov  èTzifjxe^o^eBoL.  En  réalité,  Plu- 
tarque ne  donne  point  par  la  suite  l'examen  qu'il  promet  ici  et 
qui  aurait  été  si  intéressant.  Le  seul  passage  qui  se  rapporte 
un  peu  à  la  même  question  se  trouve  au  chapitre  LXI,  où  il  sert 
à  justifier  la  dérivation  grecque  que  Plutarque  vient  de  donner 
pour  Isis,  Osiris  et  Anubis  : 

O'j  oeï  5k  3^aup.àî^et.v  twv  ovojjiàTwv  TriV  eîç  tô  'EaAyjV!.xov  âvà-XaTiv  * 
xal  yàp  oiXkoL  ^upioL  Toïç  p.e^'.o-Taijiévot.ç  éx  tïJç  'EXXâBoç  o-jvexireTÔvTa 
{jie^pi,  vOv  Trapajjisvei.  xal  ^eviTeuei  Trap'  eTépoiç,  wv  Iv5.a  tt,v  T:o!,TjTt.xr,v 
âvaxaXou{Ji£V7iv  ùia^yXkouaiv  wç  (3apPap{Çoua-av  ol  yXwTTa;  Ta  TO'.xjTa  (*) 
7rpO(Tayop£ÛovT£ç. 

(c  II  ne  faut  pas  s'étonner  de  la  restauration  des  noms  en 
langue  grecque.  En  effet,  des  milliers  d'autres  noms  qui  sont 
sortis  de  la  Grèce  avec  les  émigrants  subsistent  jusqu'à  présent 
et  sont  en  usage  à  l'étranger;  lorsque  la  poésie  veut  en  rappeler 
quelques-uns,  elle  est  taxée  de  barbarisme  par  ceux  qui  nomment 
yAwTTa!.  de  tels  mots.  » 

En  disant  «  Il  ne  faut  pas  s'étonner  »,  Plutarque  répond 
évidemment  à  une  objection  et  son  texte  nous  révèle  l'existence 
d'une  polémique  au  sujet  de  la  légitimité  de  l'étymologie 
grecque.  Pour  protester  contre  les  fantaisies  de  celle-ci,  les 
égypton:ianes  avaient  dû  invoquer  l'histoire  et  se  prévaloir  de 
l'antiquité  de  la  langue  du  pays  du  Nil.  Plutarque  nous  apprend 
que  les  hellénistes  s'étaient  préoccupés  de  leur  répondre  et 


(*)  xà  Totaîjxa  Xylander,  xà;  xoiaûxa;  ms. 


—  99  — 

comment,  à  leur  tour,  ils  s'étaient  servis  curieusement  d'un 
argument  historique.  Platon  déjà  (^)  avait  fait  remarquer  que 
les  Grecs  en  général,  et  surtout  ceux  qui  habitaient  parmi  les 
étrangers,  avaient  emprunté  beaucoup  de  mots  aux  Barbares. 
Appliquant  à  une  langue  étrangère  un  raisonnement  analogue, 
les  hellénistes  prétendaient  que  les  Egyptiens,  comme  en 
général  les  peuples  qui  avaient  reçu  des  colonies  de  la  Grèce, 
avaient  adopté  très  anciennement  des  mots  grecs  dont  l'aspect 
s'était  peu  à  peu  défiguré. 

En  eux-mêmes,  d'ailleurs,  l'un  et  l'autre  raisonnement  sont 
légitimes  et  ils  prouvent  que  les  Grecs,  s'ils  avaient  songé  à  s'y 
appliquer  avec  suite,  étaient  capables  de  faire  sur  le  langage  des 
observations  d'un  caractère  historique  et  scientifique.  Un  lin- 
guiste moderne  raisonne  comme  Platon  quand  il  retrouve  dans 
le  français  des  mots  celtiques  ou  germaniques;  il  raisonne 
comme  Plutarqne  quand  il  revendique  pour  le  vieux  français 
certains  mots  de  l'anglais  actuel. 


(«)  Cratyle,  409  E. 


—  100 


XIII 
Colonisation  grecque  et  égyptienne 

L'argumentation  étymologique  de  Plutarque  s'appuie  sur  une 
thèse  qu'il  ne  développe  aucunement  :  c'est  que  très  ancienne- 
ment il  y  avait  eu  en  Egypte  une  colonisation  hellénique. 

La  thèse  inverse  est  mieux  connue,  surtout  par  la  légende  de 
Danaos  et  des  Danaïdes  [Ep.  gr.  fr.,  1,  p.  78,  Kinkel  ;  Eschyle, 
Suppliantes  et  Prométhée;  Hérodote,  II,  91,  etc.)  qui  était 
familière  à  tous  les  Grecs.  Plus  tardive,  mais  aussi  plus  inté- 
ressante pour  le  sujet  qui  nous  occupe,  est  une  autre  version 
qui  voulait  faire  d'Athènes  elle-même  une  colonie  de  la  ville 
égyptienne  de  Sais. 

Un  de  ses  plus  anciens  garants  paraît  être  Hécatée  d'Abdère, 
à  qui  remonte  (^)  la  section  relative  aux  colonies  des  Égyptiens 
chez  Diodore  (I,  28;  29,  1-4).  Après  avoir  énuméré  la  colo- 
nisation de  Babylone  (Bèlos),  d'Argos  (Danaos),  de  la  Colchide 
du  Pont  et  de  la  Judée,  le  texte  (28,  4)  ajoute  :  «  Quant  aux 
Athéniens,  ils  (c'est-à-dire  les  Égyptiens)  prétendent  qu'ils  sont 
une  colonie  originaire  de  Sais  en  Egypte  et  ils  s'efforcent 
d'apporter  des  preuves  de  cette  parenté  «. 

Entre  ces  preuves,  la  première  a  un  caractère  linguistique 
qui  nous  intéresse  particulièrement  :  Trapà  |jlovo'.;  yàp  twv  'EXXt.vwv 

TzoLp  (xÙToiç  oirTzeoç,  (c  Seuls  des  Grecs,  les  Athéniens  appellent  la 
ville  ao-T'j,  d'un  mot  qu'ils  ont  emporté  de  Sais.  )>  Au  fond  de 
ce  raisonnement  naïf,  il  y  a  peut-être  cette  observation  :  de 


(*)  Cf.  ScHWARTZ,  S.  V.  Diodoros  dans  Pauly-Wissowa.  V,  col.  670,  66  et  suiv. 


—  iOl  — 

même  que  l'Athénien  appelle  sa  ville  par  excellence  ao-rj,  de 
même  les  Ioniens  établis  dans  le  Delta  appelaient  a^Tj  le  quar- 
tier grec  de  Sais  par  opposition  aux  agglomérations  indi- 
gènes (*).  En  tout  cas,  nous  avons  ici  un  nouvel  exemple,  plus 
hardi  encore  que  ceux  que  nous  avons  rencontrés,  d'argumenta- 
tion linguistique  en  faveur  de  l'égyptomanie. 

Les  autres  preuves  données  ensuite  chez  Diodore  ("28,  4-5) 
sont  de  prétendues  ressemblances  entre  les  institutions;  ici, 
Hécatée  me  parait  avoir  voulu  retourner  une  thèse  que  l'on 
trouve  chez  Platon  {Timée,  24  A),  comme  on  va  le  voir  bientôt. 
Enfin  (28,  6  et  suiv.),  sont  cités  des  Égyptiens  qui  ont  régné  à 
Athènes  :  «  Pétès,  père  du  Ménesthée  qui  alla  à  Troie,  est 
manifestement  un  Egyptien  qui  obtint  plus  tard  à  Athènes  la 
cité  et  la  royauté  {^).  Comme  il  était  ainsi  de  deux  natures 
(o'.cpjTiç) ,  les  Athéniens  n'en  peuvent  pas  donner  la  vraie  cause, 
à  savoir  évidemment  sa  participation  à  deux  cités,  une  grecque 
et  une  barbare,  ce  qui  le  fit  considérer  comme  oicpjviç,  en  ce  sens 
qu'il  était  moitié  bête,  moitié  iiomme  ». 

Sans  aucun  doute,  bien  que  son  nom  ne  soit  pas  cité,  il  s'agit 
de  Cécrops  (^),  pour  qui  nous  avons  ainsi  ici  la  plus  ancienne 
mention  d'une  origine  égyptienne.  S'il  y  a  une  lacune  dans  le 
résumé  de  Diodore,  j'entendrais  cependant  qu'Hécatée  n'avftit 
pas  parlé  de  Pétès  et  de  Cécrops  comme  de  deux  rois  différents  ; 


(1)  11  est  intéressant  de  rapprocher  ici  pour  le  mot  àorTu  une  inscription  du  musée 
gréco-romain  d'Alexanirie  publiée  dans  Arcliiv  f.  Papy  rus  forsch.,  II  (1903),  570, 
n»  445  :  Dpcotox;  IlsTptovto;  KexpOTri^tov  à'jxu  SaïTÔiv  Ilpâ^aç  TpiTOYSvoû;  lôpucjàfxriv 
çdavov.  Naturellement  la  présence  du  mot  KsxpouTÎtov  prouve  que  l'auteur  de 
l'inscription  veut  justement  insister  ici  sur  l'antique  parenté  des  deux  villes 
d'Athènes  et  de  Sais. 

(5)  cpavepû;  AlyÔTtitov  uTcàpçavTa  xu^elv  -jd-epov  'Ai^TîVTjffi  TroXixei'a;  te  xat  ^aai- 
Idctç.  Ici  l'éditeur  Vogel  note  :  «  hic  orationem  hiare  monent,  cum  quœ  sequuntur 
unum  in  Cecropem  conveniant  ». 

(3)  Cf.  entre  autres  Chahax,  fr.  iO  et  11  dans  Muller,  FHG,  IU,  pp.  638-639; 
Plutarque,  De  sera  numinis  vindicta,  6,  p.  55i  F;  Clément  d'Alexandrie,  Stromata, 
I,  21,  p.  66,  16,  Stâhlin. 


—  102  — 

cf.  *0{xo{o3;  ok  TouTCj)  (non  pas  toÛto».;)  xal  tov  'Epey^ea  qui  suit 
immédiatement.  Le  nom  même  de  Pétès  (partout  ailleurs  ïleTEO)?, 
Iliade,  B  552,  etc.)  a  dû  servir  à  montrer  de  quelque  manière 
l'origine  égyptienne  du  personnage  à  double  nature  dont  le 
second  nom  était  Cécrops. 

Après  Pétès,  c'est  Érechthée  lui-même  qui  est  présenté 
comme  un  Egyptien;  pendant  une  disette,  il  apporte  du  blé  à 
ses  frères  de  race  et,  pour  Hécatée,  il  faut  bien  naturellement 
que  ce  soit  cet  Egyptien  qui  enseigne  aux  Athéniens  les  mystères 
d'Eleusis  (Diodore,  I,  29,  1-4).  La  remarque  sceptique  qui  chez 
Diodore  (^)  termine  tout  cet  exposé  montre  que  les  prétentions 
des  Egyptiens  avaient  paru  exagérées,  sinon  à  Hécatée  lui- 
même,  du  moins  à  d'autres  esprits  quelque  peu  critiques.  Cepen- 
dant la  thèse  était  lancée  (^)  et,  à  l'époque  de  Ptolémée  Évergète, 
Istros  pouvait  écrire  tout  un  traité  sur  les  Aivu-t^wv  âiroixîat 
(Mùller,  FHG,  1,  p.  423). 

Il  est  probable  que  la  thèse  égyptienne  ne  faisait  que  répondre 
à  une  prétention  des  Grecs  de  revendiquer  Sais  comme  une  de 
leurs  anciennes  colonies.  Cette  prétention,  en  effet,  est  anté- 
rieure à  Hécatée  d'Abdère.  A  coup  sûr,  dans  le  Timée,  la  pensée 
de  Platon  hante  des  régions  bien  supérieures  à  l'arène  où  se 
mesurent  les  rivalités  nationales;  il  faut  noter  cependant  qu'à 
propos  de  notre  question,  on  pouvait  citer  Platon  comme  ayant 
pris  parti,  dans  le  fameux  récit  de  Solon,  en  faveur  de  l'antiquité 
d'Athènes  (21  E)  : 

«  Il  y  a  en  Egypte  «,  dit  Critias,  «  dans  le  Delta  au  sommet 
duquel  le  Nil  divise  son  cours,  une  province  nommée  Saïtique, 


(*)  29,  5  :  IloXXà  oè  xat  àXXa  xo'JTot<;  TrapairXTjCTta  Xsyovxei;  (piXoTi(j.dTepov  fjTrsp 
àXïi^tvtoxcpov,  toc;  y'  Ifxol  cpaîvsxai,  ttjç  aTTOixtac;  xaûtTj;;  àfjiotapTjxoOtn  8ià  xtjv  od^av 
Tîj;  TtdXewc  Ce  texte  fait  penser  que  Diodore  avait  connaissance  d'une  polémique 
qui  s'était  engagée  autour  de  la  question. 

(2)  Je  ne  parle  pas  des  autres  conquêtes  faites  jadis  en  Grèce  par  les  Égyptiens 
d'après  Diodore,  par  exemple,  naturellement  la  Macédoine,  la  Thrace,  l'Attique 
encore  (Diodore,  1, 18  et  20).  La  source  ici  s'inspirait  d'une  tendance  analogue  à 
celle  d'Hécatée;  cf.  P.  Wendi-and,  Die  hellenistisch-rômische  Kultur,  2«  éd.,  p.  117, 
n.  4. 


—  i03  — 

et  de  cette  province,  la  plus  grande  ville  est  Sais,  d'où  provient 
le  roi  Amasis;  de  cette  ville,  la  fondatrice  est  une  déesse  dont 
le  nom  égyptien  est  Neith,  et  le  nom  grec,  à  ce  qu'ils  disent, 
Athéna;  ils  se  donnent  pour  grands  amis  des  Athéniens  et  pré- 
tendent avoir  avec  eux  une  certaine  parenté  ».  Or,  la  déesse 
commune  aux  deux  peuples  a  fondé  Athènes  il  y  a  neuf  mille 
ans,  c'est-à-dire  mille  ans  avant  Sais,  et  c'est  aux  Athéniens 
qu'elle  a  d'abord  enseigné  les  institutions  qui  depuis  se  sont 
conservées  en  Egypte  mieux  que  chez  eux  (23  E  et  suiv.). 

Parmi  ces  institutions,  Platon  (24  A)  mentionne  en  Egypte 
les  castes  réparties  en  trois  gioupes  :  les  prêtres;  les  différentes 
espèces  d'artisans  (démiurges)  et,  avec  eux,  les  bergers,  les 
chasseurs  et  les  laboureurs;  enfin,  les  guerriers.  Cette  classifi- 
cation porte  une  marque  bien  platonicienne  et  elle  rappelle  les 
trois  ordres  de  citoyens  qui,  dans  la  République  (^),  sont  établis 
pour  correspondre  aux  trois  principes  de  l'âme  humaine.  Elle 
ne  coïncide  pas  avec  celle  d'Hérodote  (II,  164)  qui,  après  les 
prêtres  et  les  guerriers,  énumère  cinq  classes  toutes  différentes 
d'hommes  de  métier.  En  signalant  certaines  ressemblances  des 
mœurs  helléniques  avec  le  système  des  castes,  Hérodote  (II,  167), 
sans  vouloir  se  prononcer  formellement,  paraît  cependant  enclin 
à  admettre,  comme  d'habitude,  une  influence  de  l'Egypte  sur  la 
Grèce.  Nous  venons  de  voir  que  la  fantaisie  poétique  de  Platon 
se  plaît  à  affirmer  la  thèse  contraire.  Toutefois,  sachant  qu'un 
peu  d'ombre  et  de  vague  conviennent  au  récit  mythique  oîi  il 
introduit  cette  thèse,  Platon  ne  s'applique  pas  à  préciser  quelles 
étaient,  dans  l'ancienne  Athènes,  les  institutions  analogues  aux 
castes  de  l'Egypte. 

En  présence  de  la  question  ainsi  remise  à  Tordre  du  jour  par 
le  récit  du  Timée,  on  devine  qu'Hécatée  prendra  une  attitude 
toute  diflerente  de  celle  de  Platon  ;  il  ne  connaîtra  même  plus 
les  réserves  et  les  hésitations  d'Hérodote.  A   ses  yeux,  toute 


(<)  Répw/;/z</we,  IV,  435441. 


—  104  — 

communauté  que  l'on  découvre  entre  les  institutions  ne  peut 
être  interprétée  que  comme  une  preuve  de  l'influence  de  l'Egypte 
sur  Athènes.  C'est  pourquoi,  de  même  que  Platon,  Hécatée 
(Diodore,  I,  28,  5)  ne  distingue  en  Egypte  que  trois  castes,  les 
prêtres,  les  guerriers  et  les  artisans  (^),  et  il  se  donne  la  satis- 
faction puérile  de  les  retrouver  exactement  dans  les  eupatrides, 
les  géomores  et  les  démiurges  que  lui  fournissait  la  tradition 
athénienne. 

Le  commentaire  du  Timée  de  Proclus  (^)  nous  a  conservé 
quelques  autres  indices  de  la  polémique  qui  s'était  élevée,  en 
tout  cas  dès  le  IV*"  siècle,  autour  de  la  colonisation  de  Sais. 
Callisthène  d'Olynthe,  disciple  et  neveu  d'Aristote,  et  l'atthido- 
graphe  Phanodème  avaient  fait  d'Athènes  la  métropole  de  Sais. 
Au  contraire.  Théopompe,  ou  plutôt  Anaximène  de  Lampsaque  (^) 
dans  son  pamphlet  Tp'.xàpavoç,  disait  qu'Athènes  était  une  colonie 
de  la  ville  égyptienne.  Proclus  ajoute  que  le  platonicien  Atticus 
(deuxième  moitié  du  IP  siècle  après  J.-C.)  voyait  la  une  trans- 
formation de  l'histoire  inspirée  par  l'envie  à  Théopompe;  du 
temps  d' Atticus,  en  effet,  des  gens  de  Sais  étaient  venus  à 
Athènes  pour  renouer  leur  parenté.  Le  point  de  départ  de  toutes 
ces  discussions,  comme  l'a  déjà  bien  vu  Ottfried  Miiller  (^),  se 


(*)  On  retrouve  encore  chez  Diodore,  I,  74,  1,  les  bergers  et  les  laboureurs 
(xd  x£  Twv  vo(xéwv  xal  xo  xwv  ycwpyôiv)  mentionnés  à  côté  des  artisans  dans  les 
mêmes  termes  que  dans  le  Timée,  2i  A;  toutefois,  chez  Diodore,  il  n'est  pas  parlé 
des  3^T)peuxat. 

(2)  I,  p.  97,  27,  Diehl  :  Toù;  Ôè  'A3^T)vatou<;  KaXXta3'£VTiç  {jlÈv  x«l  <ï>avdÔT)jj.O(;  na-zipac: 
xwv  SatxiX(J5v  taxopo'jai  yôvÉar.S'at,  ©îdirofjLTroç  oè  àvdtTraXiv  aTroîxo'ji;  aùxtiv  eTvaî 
«pYjaiv  'Axxixôc  ôè  6  IlXaxwvtxôi;  8tà  paaxavi'av  «pTjal  jjLSTaTioiTjdai  xt)v  laxopfav 
xov  OsoTTOfATtov  ETi'  aùxov)  yàp  i(piY.i<jBoLi  xivà;  £X  XTJ;  ^Sàsux;  àvav£ou|JL£vou^  xtjv  tzooq 
'A^Tjvaiouf;  (Tuyyévctav. 

{^)  L'indication  du  Trikaranos  est  fournie  par  Eusèbe  (d'après  Africanus),  Praep. 
Evang.^  X,  iO,  491  A.  Le  Tptxàpavo<;  est  un  pamphlet  qu'Anaximène  écrivit  dans  le 
style  de  Théopompe  et  fit  circuler  sous  le  nom  de  celui-ci  pour  le  discréditer  ;  cf. 
Brzoska,  s.  V.  Anaximenes  dans  Pauly-Wissowa,  I,  col.  2096,  42  et  suiv. 

(*)  Orckomenos,  pp.  106  et  suiv.  (=  2®  éd.  [Breslau,  1844],  pp.  99  et  suiv.).  Déjà 
Proclus  (Diehl,  I,  p.  98,  5)  fait  remarquer  que  la  parenté  dont  parle  Platon  peut 
s'expliquer  ainsi  :  ôûvaxat  Se  xoùto  XéyEtv  Sià  xtjv  ttoXioO^^ov  [jLi'av  oudav. 


—  105  — 

trouve  en  ceci  que  les  Ioniens  de  Sais  avaient  reconnu  dans  la 
déesse  locale  Neith  leur  Athéna  nationale  (^). 

Une  fois  qu'elle  eut  pris  place  dans  le  Timée,  la  fable  de  la 
colonisation  athénienne  en  Egypte,  de  même  que  celle  de 
l'Atlantide,  dut  retenir  l'attention  de  tous  les  savants  qui  suc- 
cessivement lurent  et  expliquèrent  cette  œuvre  célèbre.  Déjà 
Crantor,  le  disciple  de  Xénocrate,  qui,  d'après  Proclus,  ouvre 
la  longue  série  des  commentateurs  du  Timée,  avait  pris  parti 
au  sujet  de  la  valeur  historique  du  récit  que  Critias  attribue  à 
Solon,    20   D   :    "Axoue   oti,    w    HwxpaTe;,    Xôyo'j    {jiàXa    jjlev    ôtTOTcou, 

Fallait- il  accepter  à  la  lettre  le  récit  comme  vrai  ou  bien  n'y 
voir  qu'un  mythe  ou  une  allégorie?  (Crantor,  dit  Proclus,  le 
considère  comme  de  l'histoire  pure  :  Platon,  accusé  d'avoir  dans 
sa  République  copié  les  Égyptiens,  répliqua  par  le  récit  du 
Timée,  que  confirment  des  inscriptions  encore  existantes  en 
Egypte  p. 

Parmi  les  anciens  émigrants  que  l'on  alléguait  au  temps  de 
Plutarque  comme  importateurs  de  mots  grecs  en  Egypte,  il  faut 
donc  envisager  en  premier  lieu  les  habitants  de  Sais,  la  pré- 
tendue antique  colonie  d'Athènes. 

Dans  notre  traité  même  de  Plutarque,  il  se  trouve  un  passage 
qui  va  nous  permettre  d'indiquer  avec  vraisemblance  le  nom  et 
l'œuvre  d'un  des  auteurs  qui  s'étaient  occupés  de  toute  cette 
question  (chap.  XXXVll)  : 

'Ap'idTwv  Totvuv  ô  ysypacpwç  'A^Yivaiwv  aTrou'Iav  é-iTToAT)  tî-v. 
'AAsçàpyo'j  *j*  7rep!.7r£T£t.e  vtiCoo;  iTTOpzïzoLi  oe.xal  "lorioo;  -jIoç  wv  b 
A'.ov'ja-oç  Otc'  AiyjTTTiwv  oiix  "Oariptç  âXXà  'Apo-acpT^ç  év  Téji  oXcpa  ypâjji- 
uaT!.    X£y£a-.5a!.,    SyjXoCivToç    to    àyopEiTov    tol»    ovép-aTo;.    Au    lieu    de 


(•)  Lorsque  Wilkinson  (Manners  and  Customs  of  the  anc.  Egyptians,  I,  47.  4,  248, 
cité  d'après  Roscher,  s.  v.  Nit,  col.  434,  51)  s'avise  d'expliquer  Nil  (NH8)  comme 
étant  le  nom  d'Atliéna  retourné  avec  l'addition  de  deux  a,  il  imagine  une  élymologie 
qui  est  admirablement  dans  le  goût  des  Grecs  anciens. 

(«)  1,  p.  75,  30  et  p.  7(3,  1-10,  Dielil. 


~  106  — 

Tzepnzé7eie  vt/'Ioo;  i^Tope^zœ.  ok,  le  texte  des  éditions  donne  la  jolie 
correction  de  Valckenaer  :  rcepUTteo-ev,  év  r,  Aïo;  iTTopevrat.  Elle 
prête  cependant  à  quelque  doute,  à  cause  de  la  suppression  du  os 
qu'elle  entraîne.  Il  y  a  donc  lieu  de  craindre  qu'il  n'y  ait  devant 
l^ToperTa'.  une  lacune  irrémédiable,  où  peut-être  il  était  parlé 
d'un  nom  égyptien  ^ritb  pour  Isis,  de  même  qu'est  cité  ensuite 
le  nom  Arsaphès  pour  Dionysos. 

Pour  un  ouvrage  qui  s'intitule  'A^Tjvaiwv  d^oiycia  et  qui  signale 
des  recherches  sur  les  noms  des  dieux  égyptiens,  on  ne  voit 
guère  d'autre  sujet  que  l'étude  de  la  colonie  athénienne  en 
Egypte.  Malheureusement,  nous  n'avons  de  cette  œuvre  que  la 
mention  faite  ici  par  Plutarque,  et  sur  son  auteur  Ariston,  de 
même  que  sur  l'Alexarque  qu'il  citait,  on  est  réduit  à  des 
conjectures. 

Strabon  (XVII,  p.  790)  rapporte  qu'un  de  ses  contemporains, 
le  péripatéticien  Ariston,  avait  écrit  un  livre  sur  le  xNil  (tô  Tzspl 
ToG  Neilou  (3t.pX(ov)  et  qu'un  autre  philosophe,  Eudoros,  l'accu- 
sait de  l'avoir  plagié  (^).  Cet  Ariston  est  appelé  Alexandrinus 
par  Apulée  et  il  avait  appartenu  d'abord  à  l'Académie  (-).  Entre 
les  six  Ariston  que  mentionne  Diogène,  celui-ci  est  le  seul 
auquel  on  pourrait  penser. 

Autre  chose  cependant  est  de  consacrer  un  traité  au  problème 
du  Nil  qui,  depuis  Thaïes,  est  un  thème  traditionnel  des  philo- 
sophes, autre  chose  est  d'écrire  un  livre  d'érudition  historique 
sur  la  colonisation;  il  reste  donc  possible  que  l'Ariston  de 
Plutarque  n'ait  que  le  nom  de  commun  avec  le  philosophe 
d'Alexandrie.  Il  faut  toutefois  rappeler  ici  que,  depuis  le  Timée, 


(<)  Cf.  MiJLLER,  FHG,  III,  pp.  324  et  suiv.  Les  quelques  textes  relvitifs  à  cet  Ariston 
philosophe  sont  indiqués  par  Diels,  Doxogr.  gr.^  pp.  81  et  suiv.  ;  cf.  Zeller, 
Philosophie  der  Gr.,  t.  III,  4«  édit.,  pp.  649  et  suiv.  Le  Scolîaste  d'Apollonius  de 
Rhodes,  IV,  269,  mentionne  un  Aristias  de  Chios  pour  une  explication  des  crues  du 
Nil.  On  a  corrigé  en  Ariston,  mais  il  vaut  mieux  ici  ne  rien  tirer  de  ce  texte  où  il 
faut,  semble-l-il,  rétablir  Oinopidès  de  Chios  avec  Uiels,  Doxogr.  gr.,  p.  228,  n.  5. 

(2)  Apuld  opéra,  III,  p.  193,  16  rec.  Paul  Thomas.  Cf.  Diogène,  VII,  164  et 
Academicorum  philosophorum  index  Herculanensis,  éd.  S.  Mekler,  col.  35,  8. 


—  107  — 

la  question  de  la  colonisation  athénienne  en  Egypte  était  du 
ressort  des  philosophes  de  l'Académie.  Précisément  Eudoros, 
le  rival  d'Ariston,  avait  écrit  un  Commentaire  du  Timée  :  cf. 
Plutarque,  De  animae  procr,  in  Tim.,  1013  B  et  1019  B  et  suiv. 
D'après  1020  C,  dans  son  exégèse  du  Timée,  Eudoros  suivait 
Crantor  qui,  nous  l'avons  vu,  admettait  le  caractère  historique 
du  récit  de  Solon. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  sujet  que  traite  ici  Ariston  fait  aussi 
penser  à  l'Aristias  de  Chios  qui  est  cité  par  le  scoliaste  d'Apol- 
lonius de  Rhodes  comme  un  auteur  de  Kt{(T£lç  et  qui,  prenant  le 
parti  des  Grecs  dans  la  rivalité  des  peuples  pour  l'ancienneté, 
avait  appelé  les  Arcadiens  Sélénites  (^). 

Pour  achever  de  mettre  la  confusion  dans  cette  question  de 
nom,  nous  allons  voir  bientôt  intervenir  encore  un  Aristéas 
argien  à  propos  d'une  autre  prétendue  colonisation  grecque  en 
Egypte. 

En  ce  qui  concerne  l'Alexarque  dont  Ariston  avait  cité  une 
lettre,  il  faut  songer  au  frère  de  Cassandre,  le  tils  d'Antipater, 
un  bizarre  érudit  que  Strahon  (VII,  p.  331,  fr.  35)  donne 
comme  le  fondateur  de  la  ville  d'Ouranopolis.  Héraclide  Lembos 
(IP  siècle  av.  J.-C.  ;  chezr"Athénée,  111,  98  D  et  suiv.)  rapporte 
que  cet  Alexarque  avait  la  manie  de  créer  des  mots  :  o'-a/véx-ou; 
irAcnq  zi<sryz^^y.zv ,  dp5poj36av  p-sv  tov  àXexxp'Jova  xaXéwv  xal  j3poToxépTT,v 
Tov  xoupéa  xal  tt^v  Bpa^|jiYiV  àpyjpioa,  ttiv  oe  ^oiv.xa  r,|jLepoTpo!^{oa  xal 
TÔv  xT.p'jxa  a7rÙTT,v.  11  cite  ensuite  quelques  lignes  d'une  lettre 
qu'Alexarque  adressait  aux  magistrats  de  la  ville  de  Cassandrea 
(Potidée),  et  qui  étaient  inintelligibles  pour  l'auteur  du  Banquet 
des  Sophistes  comme  elles  le  sont  encore  pour  nous  :  «  Ce  que 
veut  dire  cette  lettre,  je  pense  qu'Apollon  Pylhien  lui-même  ne 
le  devinerait  pas  w. 


(*)  ScOL.  Apollon.  Hh.,  IV,  264  :  ol  'Apxâoe;  ooxouat  Ttpo  tf,;  (T£Xt^vti<;  Ysyovsvai, 
ojt;  xal  Euûo^o^  èv  Fy];  Treptdôqj...  Kat  'Aptcrcta;  6  XTo;  sv  xaKç  Ktîffîat  (corr.  Rulgers 
au  lieu  de  .SrÉaEai  ms.)  xal  Aiovuaiof;  ô  XaXxiosù;  âv  Trpioxtji  Ktiaetuv  xal  e3vo;  çpaalv 

Apxa8ta<;  HsXTjvtxa;  etvai.  Mvaasa;;  Bé  cpT^di  Ilpoaî'XTivov  'Apxâowv  ^SaffiXeOffat. 


—  108  — 

Par  une  rencontre  singulière,  un  grammairien  nommé  Alexar- 
que,  vaniteux  au  point  de  s'être  assimilé  au  Soleil,  avait  été 
cité  par  Aristos  de  Salamine,  auteur  d'une  histoire  d'Alexandre 
(IP  siècle  av.  J.-C.)  (^).  Cette  rencontre  prouve  qu'Alexarque  a 
joui  d'une  certaine  notoriété,  mais  elle  n'autorise  pas  à  écrire 
dans  notre  texte  de  Plutarque  "Api^rTo;  au  lieu  d'Ariston. 

Puisque,  d'après  Héraclide  Lembos,  Alexarque  se  créait  une 
langue  spéciale,  il  a  pu  être  de  ces  gens  qui,  selon  Plutarque 
(chap.  LXI),  allaient  chercher  au  loin  des  locutions  particu- 
lières, des  yXwTTai  que  l'on  taxait  de  barbarisme.  Il  aura  ainsi 
choisi  comme  équivalent  de  Dionysos  en  Egypte,  non  point 
Osiris,  mais  Arsaphès  (Har-schafet),  un  dieu  dont  le  nom  (âvrip 
cracpYiç  ;  cf.  SriXoOvToç  to  ày^peioy  toO  dvô(i.aToç)  s'expliquait  mieux 
suivant  ses  théories  linguistiques.  L'énigmatique  sv  tkjj  à//^a 
ypâjjitjLaT!.  indique  peut-être  aussi  une  valeur  symbolique  que  cet 
original  attribuait  à  la  lettre  a  (^). 


* 


Nous  avons  rappelé,  au  début  de  ce  chapitre,  combien  la 
thèse  de  la  colonisation  égyptienne  dans  le  Péloponèse  était 
fortement  établie  par  les  anciennes  traditions.  Il  n'en  est  que 
plus  intéressant  de  montrer  que  cette  thèse,  elle  aussi,  a  été 
retournée  dans  le  sens  hellénique. 


0»  Clément,  Protrept.,  IV,  54,  3,  p.  42,  12,  Stâhlin  :  Ti  ijle  o€i  xaraX^/eiv 
'AXsçap^ov  (Ypa[X|j.XTtxô(;  outO(;  ttjv  ETriaxT^fXTjv  ysyovûy^,  (bç  laxopzi  "Aptcno;  6 
SaXa(jLivtoç,  aÙTov  )caT£(T^T)[jLàxi^Ev  etç  'HXtov)  ;  Ce  qui  rend  la  question  encore 
plus  embrouillée,  c'est  qu'il  y  a  eu  un  autre  Alexarque,  auteur  û'Italika  (Muller, 
FHG,  IV,  pp.  298  et  suiv.),  lequel,  d'après  une  bonne  conjecture  (sicnt  alexar 
historiciis  graecns  et  AristoniciLS  referunt  chez  Servius,  Ad  Virgil.  Aen.,  Ill,  334), 
est  cité  à  propos  des  mots  C/iaonios  Campos  justement  à  côté  d'Aristonikos,  le 
grammairien  de  l'époque  d'Auguste. 

(2j  A  la  fin  de  l'article  sur  "AXcpa  que  nous  avons  cité  plus  haut  p.  84,  à  propos 
de  Moïse,  on  lit  (Bekker,  Anecd.  graeca,  p.  382,  2)  :  àXcpa  ôè  xaXeTxai  xal  6  "Oatpt; 
uuo  BipXîoov.  Ce  rapprochement  indique  tout  au  moins  comment,  à  propos  de  la 
lettre  alpha,  on  peut  trouver  une  mention  d'Osiris,  —  et  aussi  d'Arsaphès. 


—  109  — 

Ici,  les  Grecs  possédaient  tout  d'abord,  pour  y  rattacher  leurs 
prétentions,  la  fable  de  l'antiquité  prélunaire  des  Arcadiens. 
Entre  ceux-ci,  les  Égyptiens  et  les  Phrygiens,  il  existait  à  ce 
sujet  une  rivalité  bien  connue  et  l'on  peut  lire,  notamment  chez 
le  scoliaste  d'Apollonius  de  Rhodes  (IV,  262  et  264),  les  noms 
de  beaucoup  d'écrivains  qui  avaient  pris  parti  en  faveur  des  uns 
ou  des  autres  dans  la  question.  Hippys  de  Rhégiinn  passait 
pour  avoir  donné  le  premier,  dès  le  V*  siècle,  le  nom  de 
npoTsVovot  anx  Arcadiens  (Vj. 

Les  arguments  allégués  de  part  et  d'autre  étaient  déjà  bien 
connus  à  Athènes  en  428.  En  effet,  lorsque  le  Socrate  d'Aristo- 
phane, pour  montrer  au  vieux  Strepsiade  combien  il  retarde 
sur  son  temps,  le  traite  de  pexx£<T£ÀYive,  il  forge  un  mot  qui 
combine  l'épithète  lunaire  des  Arcadiens  avec  le  mot  phrygien 
signifiant  «  pain  »,  psxxôç  ou  pexôc,  :  c'est  le  mot  qui,  lors  de  la 
fameuse  expérience  du  roi  d'Egypte  Psammélique,  avait  fait 
trancher  en  faveur  des  Phrygiens  la  question  d'antiquité  C'^). 

On  sait  aussi  que  la  légende  conduisait  l'argienne  lo  dans  ses 
courses  jusqu'aux  rives  du  Nil,  où  elle  donnait  à  Zeus  un  fils 
nommé  Épaphos  (^).  Il  épousait  Memphis,  la  fille  <hi  ]\il,  et 
appelait  du  nom  de  celle-ci  la  ville  qu'il  fondait  {*).  Hérodote 
dit  —  et  il  semble  le  dire  comme  une  chose  déjà  notée  avant 
lui  —  qu'Épaphos  est  le  nom  grec  de  l'Apis  égyptien  (II,  153; 
IIÏ,  27).  Celui-ci,  cependant,  est  toujours  pour  lui  simplement 
le  taureau  divin  de  Memphis.  Avec  sa  tendance  ordinaire  en  ces 
questions  d'origine,  Hérodote  entend  par  là  certainement,  non 
point  que  les  Égyptiens  ont  animalisé  l'Épaphos  des  Grecs, 
mais,  au  contraire,  que  les  Grecs  ont  humanisé  l'Apis  des 
Égyptiens.  En  tout  cas,  ceux  ci  n'acceptaient  pas  l'identification 


(•)   STEPHAN.  ByZ.,  s.  V.  'Apxâs;  =  MULLEK,  FHG,  II,  p.  13. 

(-)  Aristophane,  Nuées,  398,  avec  le  scoliaste;  Hérodote,  II,  2. 
(3)  Eschyle,  Suppliantes,  17,  45  el  suiv.  ;  Prométhée.,  844  cl  suiv.  (éd.  Kirchhoff). 
Bacchylide,  XVllI.  39  etsuiv.  Apollod.,  liibL,  II,  1,  3,  6-8. 
(*)  Apollod.,  Bibl.,  II,  i,  4,  1.  Pindare,  Ném.,  X,  5. 


—   HO  — 

de  leur  Apis  avec  Epaphos  ni  sa  descendance  de  Targienne  lo  et 
ils  revendiquaient  pour  le  premier  Apis  une  antiquité  infiniment 
plus  reculée  (^).  J/Apis  grec  ayant  été  présenté  déjà  par  Eschyle 
comme  un  grand  médecin  (^j,  une  autre  version,  dont  rien 
ne  nous  permet  de  déterminer  la  date,  avait  prétendu  que  l'Apis 
égyptien  avait  le  premier  apporté  la  médecine  dans  l'Hellade  {^)  ; 
c'est  peut-être  le  même  Apis  qui,  suivant  d'autres,  avait  sur  leur 
demande  donné  aux  Grecs  leur  première  législation  ('*). 

Pour  constituer  la  thèse  hellénique  que  nous  recherchons,  il 
fallait  donc  enlever  Apis  lui-même  aux  Egyptiens,  voir  dans  son 
nom  un  mot  importé  de  l'Hellade  et  tirer  de  là  les  conséquences 
historiques  dont  les  Grecs  sont  coutumiers.  Ici,  les  prétentions 
grecques  furent  de  nouveau  servies  par  une  de  ces  coïncidences 
de  noms  que  l'on  trouve  toujours  quand  on  les  cherche  de  parti 
pris.  Une  vieille  appellation  du  Péloponèse,  Apia,  avait  natu- 
rellement fait  imaginer  un  héros  éponyme  Apis  (^)  et  c'est  du 
nom  de  cet  ancêtre  que  la  tendance  évhémériste  s'arma  pour 
s'annexer  l'Apis  égyptien.  La  fable  à  laquelle  finit  par  aboutir 
cette  assimilation  nous  est  rapportée  le  plus  complètement  par 
saint  Augustin  [Cité  de  Dieu,  XVIII,  5)  qui  suit  ici  Varron  : 

(c  En  ce  temps-là,  le  roi  des  Argiens,  Apis,  ayant  passé  en 
»  Egypte  avec  ses  navires  et  y  étant  mort,  devint  Sérapis,  le 
))  plus  grand  de  tous  les  dieux  des  Égyptiens.  Pourquoi  après  sa 
))  mort  il  fut  appelé  non  plus  Apis,  mais  Sérapis,  Varron  en  a 


(»)  ÉUEN,  Nat.  an.,  XI,  10. 

(«)  Suppliantes,  252-260. 

i^)  Suidas  :  "Atciç.  ^eo;  AtyoTixtcov.  "Oxi  6  "Attiç  6  AiY'J7rTio<;  xtjv  taxpiXTjv  Trpôixo;; 
sic  X7)v  'EXXàôa  [XExaxofJLiaat  Xéyexat.  Cf.  SuiDAS,  s.  V.  rpà{X|xaxa  =  ThéodoRET, 
Graec.  affect.  curatio,  I,  20,  p.  10.  5  et  suiv.,  éd.  Raeder,  d'après  Clément 
d'Alexandrie,  Stromata,  I,  16,  p.  48,  13,  Stahlin. 

(*)  Porphyre,  De  abstinentia^  III,  15,  p.  204.  21,  Nauck.  D'autres  atlribuaient 
cette  législation  à  Phoroneus,  père  de  l'Apis  péloponésien.  Cf.  Roscher,  s.  v. 
Phoroneus,  col.  2436,  44  et  suiv. 

{^)  Eschyle,  Suppliantes,  250  et  suiv.  ;  Agamemnon,  243,  éd.  Kirclihoff'  —  et  très 
souvent  après  lui. 


—  111  — 

donné  une  excellente  explication.  Le  cercueil  où  l'on  dépose 
un  mort,  que  nous  appelons  tous  maintenant  sarcophage,  se 
dit  en  grec  (7op6ç,  et  c'est  dans  son  cercueil  qu'on  commença 
à  honorer  Apis  après  sa  sépulture,  avant  de  lui  avoir  construit 
un  temple  :  à  cause  des  mots  soros  et  Apis,  il  fut  appelé 
d'abord  Sorapis,  puis,  par  le  changement  d'une  lettre  comme 
il  arrive  fréquemment,  Sérapis.  Il  fut,  en  outre,  ordonné  que 
quiconque  aurait  dit  qu'il  avait  été  un  homme  subirait  la  peine 
capitale.  Presque  dans  tous  les  temples  où  l'on  honorait  Isis 
et  Sérapis,  il  y  avait  une  statue  qui,  un  doigt  placé  sur  les 
lèvres,  semblait  avertir  de  garder  le  silence  :  cela  signifie, 
pense  Varron,  que  l'on  devait  taire  qu'ils  avaient  été  des 
hommes.  Quant  au  bœuf  que  par  l'effet  d'une  vaine  et  éton- 
nante illusion  l'Egypte  nourrissait  dans  les  délices  en  l'hon- 
neur du  dieu,  comme  on  l'adorait  vivant  sans  sarcophage,  on 
l'appelait  Apis  et  non  Sérapis  ». 
La  même  donnée  se  trouve  dans  h  Chronique  d'Eusèbe  et  de 
Jérôme  (^)  : 

'Apyeiwv  y'  éjBao-iXe'jo-sv  ^Xiziç  Itt^  Xe.  Ïo'jtov  tov  ''Atc'Iv  <^r\v',...  xal 
HàpaTit-v  xkr\.Br\ycfL'..  OOtoç  tov  àoeX^pov  Aiyt-aAsa  Triç  'XyjxioL^,  wç  cpao-»., 
xaT£a-T7i(T£  paTt.Xsa'  aùxoç  £'';  A'ryjTiTov  £(TTâÀTj  aùv  oyAw.  De  là,  chez 
Jérôme  :  «  Aiunt  hune  Apim  esse  Serapim.  Siquidem  cum  fra- 
trem  Aegialeum  regem  praefecisset  Achaiae,  ipse  cum  populo  ad 
Aegyptum  navigavit  )>. 

Je  transcris  ces  textes  parce  que  les  termes  aùv  oy).iù,  cum 
populo,  montrent  qu'on  avait  parlé  de  l'arrivée,  non  d'un  héros 
isolé,  mais  d'une  véritable  troupe  colonisatrice.  C'est  ce  qu'im- 
plique aussi  l'expression  de  saint  Augustin  :  Apis  7iavibus 
transvectus  in  Aegyptum. 

Sans  doute,  il  serait  vain  de  vouloir  établir  avec  précision 
quel  est  l'auteur  qui  a  mis  le  premier  en  circulation  la  légende 
de  la  colonisation  de  iMemphis  par  le  roi  péloponésien  Apis. 


(1)  KusÈBE,  CÂron.,  éd.  A.  Schoene,  vol.  II,  p.  17,  anno  271  a  Abr. 


—  H-2  — 

En  tout  cas,  elle  a  été  opposée  de  bonne  heure  aux  fantaisies 
d'Hécatée  d'Abdère.  En  effet,  les  termes  comme  le  contexte  de 
Tétymologie  de  Sarapis,  çropô;  "XtjZo^,  qui  est  attribuée  à  Nym- 
phodore,  supposent  déjà  la  légende  connue  de  celui-ci  (Clément 
d'Alexandrie.  Stromata,  I,  !21,  106,  4,  p.  68,  20,  Stàhlin)  : 
""Att!,;  t£  0  "Apyo'jç  [Bao-iXeù;  MÉp-'^t-v  oCxiÇei,  wç  (pT,0"t.v  'Ap'!aT'.7:7roç  év 
TTpwT'/]  'ApxaoLxwv.  TouTov  os  'Ap'.TTÉaç  ô  'Apysioç  é7rovoii.aa-5f,va{  '^7,ot. 
SàpaTi'.v  xal  toGtov  eiva',  ôv  ki-^diziioi  a-épo'jo-'.v,  N'j|i.»ôoo)po;  ok  6 
'Ap.(p!.TCoXiTT,;,  X.  T.  X.;  la  suite  est  le  texte  de  Nymphodore  que 
nous  avons  étudié  plus  haut  (chap.  IV,  pp.  23  et  suiv.). 

On  a  vu  (p.  24)  que  Nymphodore  a  écrit  au  temps  de  Pliila- 
delphe  et  probablement  avant  260.  Il  est  de  beaucoup  le  |)lus 
naturel  d'attribuer  l'invention  de  l'argivo-égyptien  Apis  à  l'amour- 
propre  local  d'un  auteur  d'Arkadika,  tel  que  cet  Arislippe  que 
Clément  mentionne  avec  l'argien  Aristéas  avant  Nymphodore 
lui-même.  Malheureusement,  sur  cet  Arislippe,  nous  ne  savons 
rien  de  précis  et  nous  n'avons  que  quatre  brefs  fragments  (iMiiller, 
FHG,  IV,  p.  827).  Quant  à  notre  Aristéas  d'Argos,  il  n'est  cité 
nulle  part  ailleurs,  si  bien  que  son  nom  même  a  été  oublié  dans 
l'Encyclopédie  de  Pauly-Wissowa.  Il  a  été  question  plus  haut 
d'un  autre  écrivain  à  peu  près  homonyme,  Aristias  o  Xw;,  qui  avait 
appelé  Sélénites  un  peuple  de  l'Arcadie  (^).  M.  Ed.  Schwartz  (^) 
place  Aristippe  au  plus  tard  au  IP  siècle  avant  Jésus-Christ. 
L'antériorité  qu'il  paraît  avoir  vis-à-vis  de  Nymphodore  serait 
une  raison  pour  faire  remonter  l'époque  de  sa  vie  jusqu'au 
IIP  siècle.  Peut-être  même  pourrait-on  aller  au  delà  et  le  dater 
du  IV*'  siècle. 

En  effet,  Diogène  Laërce  (II,  83),  énumérant  quatre  Aristippe 


(*)  Voir  le  texte  du  Schol.  d'Appollon.  Rhod.,  IV,  264,  rappelé  plus  haut,  p.  107, 
n.  1.  On  ne  peut  rien  conclure  de  la  coïncidence  curieuse  qui  fait  qu'en  272,  lors 
de  la  présence  de  Pyrrhus  dans  le  Péloponèse,  un  Aristippe  était  à  Argos  le  chef 
du  parti  favorable  à  Antigone  Gonatas,  tandis  qu'un  Aristéas  était  le  chef  de  l'autre 
faction  qui  afipela  Pyrrhus  (Plutarque,  Pyrrhus,  30). 

(*)  Pauly-Wissowa,  s.  V.  Aristippos  7. 


—  113  — 

dans  un  ordre  qui  semble  bien  chronologique,  place  le  nôtre  au 
second  rang  (oeÙTspo;  6  -à  Tiepl  'Apxaoiaç  yeypa^wç)  après  Aristippe 
de  (]yrène,  et  avant  un  troisième  Aristippe  qui  est  le  fils  de  la 
fille  du  premier  et  qu'il  eût  été  très  naturel  de  rapprocher  de 
son  grand-père.  L'historien  patriote  de  l'Arcadie  pourrait  donc 
être  encore  plus  ancien  et  avoir  appartenu  à  la  première  généra- 
tion qui  suivit  celle  d'Aristippe  de  Cyrène  (ujort  vers  356). 
C'est,  comme  on  sait,  l'époque  où,  depuis  la  bataille  de  Leuctres, 
l'Arcadie  connaissait  une  renaissance  politique  et  nationale. 

Ces  divers  textes  montrent  que  la  relation  de  l'Apis  pélo- 
ponésien  avec  Sarapis  s'est  accréditée  de  bonne  heure.  On  n'est 
pas  en  droit  cependant  d'invoquer  à  ce  sujet  Apollodore  lui- 
même,  car  la  mention  qu'on  lit  dans  sa  prétendue  Bibliothèque 
(II,  i,  1,  4)  ne  peut,  dans  sa  teneur  actuelle,  provenir  d'un 
savant  tel  que  lui  :  «  Apis,  fils  de  Phoroneus,  gouverne  tyran- 
niquement  le  Péloponèse  auquel  il  donne  le  nom  d'Apia;  il  est 
tué  par  ïhelxion  et  Telchin,  ne  laisse  pas  d'enfant  et,  considéré 
comme  dieu,  il  est  appelé  Sarapis  ».  A  prendre  à  la  lettre  cette 
notice  où  sont  rasseniblées  des  données  inconciliables,  Apis 
n'aurait  point  passé  en  Egypte  et  l'on  devrait  admettre  que 
le  culte  de  Sarapis  lui-même  avait  son  origine  en  Grèce.  Cet 
abrégé  informe  est  à  retenir  simplement  parce  qu'il  montre 
que  la  légende  a  été  popularisée  par  les  manuels  mythogra- 
phiques  (^j. 


(*)  On  sait  qu'il  a  plus  tard  existé  dans  l'Egypte  byzantine  une  province  appelée 
Arcadia,  depuis  386  au  plus  tôt;  cf.  M.  Gelzer,  Studien  zur  byzantinischen  Ver- 
waltung  Aegypens  dans  Leipziger  histor.  Abfiandl.^  XIII,  pp.  8-9.  D'après  Eustathe, 
(Comment,  in  Dionys.  Perieg.,'iM  dans  MOller,  Geogr.  gr.  minores,  II,  p.  261),  ce  nom 
fut  donné  à  l'ancienne  province  Heplanomia  en  l'honneur  de  l'Auguste  Arcadius 
(depuis  le  16  janvier  383).  On  peut  se  demander  si  les  rapports  mythiques  de  cette 
région  avec  le  Péloponèse  n'ont  pas  contribué  à  la  faire  choisir  pour  recevoir  le 
nom  d'Arcadie.  Mentionnant,  à  propos  de  la  vie  d'Antoine  l'Ermite,  la  ville  d'Héra- 
clée,  SozoMÈNE  {Hist.  eccL,  1, 13,  2)  ajoute  :  tt)?  Trap'  AlyoTcxtoi;  'Apxotffi.  Ce  mode 
d'expression  pourrait  être  antérieur  à  la  dénomination  officielle  de  la  province. 

8 


—  il4  — 

Laissant  de  côté  cette  source  suspecte,  nous  rencontrons,  en 
tout  cas  dès  le  II"  siècle  avant  Jésus-Christ,  un  nouvel  écrivain 
péloponésien,  Mnaséas,  qui  avait  traité  les  légendes  anciennes 
in  majorem  Arcadum  gloriam.  Mnaséas,  un  généalogiste  for- 
cené, était  de  Patrae,  et  non  de  Patara  en  Lycie  comme  l'indi- 
quent souvent  les  sources;  sa  tendance  fournit  pour  sa  véritable 
origine  un  indice  que  l'on  n'aurait  pas  dû  méconnaître.  Lui 
aussi  (^)  vante  l'antiquité  fabuleuse  des  Arcadiens;  un  de  leurs 
rois  s'appelait  Prosélénos  (fr.  4)  ;  chez  eux,  Endymion  a  décou- 
vert le  cours  de  la  lune  (fr.  i);  chez  eux  aussi,  semble-t-il, 
Athéna  Hippia,  pour  qui  l'on  avait  une  généalogie  indépendante, 
avait  enseigné  à  atteler  les  chars  (fr.  ^;  cf.  Cicéron,  De  nat. 
deor.,  m,  59)  ;  c'est  encore  dans  le  Péloponèse  que  l'on  a  trouvé 
l'élevage  des  bœufs  (fr.  7)  et  l'usage  du  miel  (fr.  5).  On  sait 
que,  de  même  qu'ils  rivalisaient  pour  l'origine  des  dieux  et  des 
hommes,  les  divers  pays  revendiquaient  à  l'envi  les  inventions 
utiles  :  pour  les  égyptomanes,  par  exemple,  même  «  l'invention  » 
de  l'olivier  était  l'œuvre  de  l'Egypte,  non  d'Athènes  (^).  D'après 
cette  tendance  générale,  il  est  vraisemblable  que  parlant  de 
Dardanos  (fr.  28),  Mnaséas  avait  été  de  ceux  qui  rattachaient  la 
race  troyenne  à  l'Arcadie  et  préparaient  ainsi  à  celle-ci  des  titres 
à  une  parenté  avec  Rome  (^). 

A  propos  de  l'Egypte,  Mnaséas  avait  connu  l'identification 
Dionysos-Osiris-Sérapis,  et  naturellement  il  les  avaient  réunis 
tous  les  trois  avec  le  grec  Epaphos  (Plutarque,  De  hide, 
XXXVH).  En  fait  d'identifications  du  même  genre,  Antikleidès 
d'Athènes  (Plutarque,  ibid.),  qui  écrivait  au  IIP  siècle  (^),  avait 
fait  d'Isis  la  fille  de  Prométhée  et  la  femme  de  Dionvsos.  Isis 


(*)  MuLLER,  FHG,  III,  149-158. 
(«)  DiODORE,  1, 16,  2. 

(')  Denys  d'Halicarnasse,  Antiquit.  Rom.,  I,  61,  62,  68,  69. 
(*)  Scriptores  rerum  Alex.  Magni,  Mullkr,  pp.  147-152.  Cf.  Schwartz  dans  Pauly- 
WissowA,  s.  V.  Antikleidès  2. 


—  115  — 

était  peut-être  ici  identifiée  à  lo  comme  elle  l'est  par  Istros,  qui 
rapportait  également  cette  généalogie  (*). 


* 
* 


Je  ne  songe  pas  à  épuiser  les  témoignages  relatifs  à  de  pré- 
tendus établissements  antiques  des  Grecs  en  Egypte,  et  il  n'y  a 
pas  lieu  de  faire,  par  exemple,  intervenir  ici  des  expéditions 
comme  celles  de  Persée,  d'Héraklès  ou  des  Argonautes  qui  ont 
un  caractère  vraiment  trop  mythique  (^).  Mais  je  crois  devoir 
m'arrêter  encore  quelque  peu  à  un  groupe  de  données  qui  se 
rapportent  aux  retours  des  héros  de  la  guerre  de  Troie,  car  ce 
sont  là  des  traditions  qui,  pour  la  généralité  des  Grecs,  avaient 
un  caractère  parfaitement  historique. 

On  sait  que  l'Odyssée  (o  126,2^8,851)  et,  sans  doute  avec 
plus  de  détails,  les  Nostoi  faisaient  aborder  en  Egypte  Hélène  et 
Ménélas  à  leur  retour  de  Troie.  C'était  là,  suivant  Hérodote 
(II,  116),  une  trace  de  la  vérité  historique,  qu'Homère  avait 
déformée  dans  un  but  poétique,  mais  qui  s'était  conservée 
fidèlement  par  la  tradition  des  prêtres  égyptiens  (II,  112-120)  : 
Alexandre  et  Hélène  avaient  été  jetés  par  les  vents  à  l'embou- 
chure kanobique  du  Nil.  Les  serviteurs  d'Alexandre  fuient  dans 
un  temple  d'Héraklès  qui  a  le  privilège  d'affranchir  les  esclaves 
et  ils  dénoncent  le  rapt  d'Hélène  aux  prêtres  et  à  Thonis,  le 
gardien  de  la  bouche  du  Nil.  Alexandre  est  envoyé  à  Memphis 


(*)  ClémExNT,  Stromata,  I,  21  106,  1,  p.  68,  lo,  Stâhlin.  Cf.  Apollod.,  Biblioth,, 
II,  1,  3,  8. 

(*)  Dans  un  travail  tout  récent  {Kyrene.  SagevyescfiichUichâ  und  histœ^che  (Jn- 
tersuchnngen,  1^1),  M.  Ludolf  Malien  suppose  que  le  poète  liésiodique  des  Éées 
avait  transporté  la  patrie  de  l'éponyme  libyenne,  la  nymphe  Kyréné,  dans  le  sud 
de  la  Thessalie,  pour  la  faire  aller  de  là  en  Afrique  avec  Apollon.  Le  détail  est 
à  rapprocher  de  faits  analogues  que  nous  avons  indiqués,  et  il  montrerait  dès  le 
Vile  siècle  une  tendance  politique  à  étendre  la  suprématie  de  l'Apollon  Delphien 
bien  au  delà  des  limites  de  la  Grèce. 


—  ilG  — 

auprès  du  roi  d'Egypte,  Proteus,  qui  épargne  sa  vie,  mais  garde 
Hélène  et  ses  biens  jusqu'à  ce  que  Ménélas  vienne  les  reprendre. 
On  sait  la  fortune  poétique  qu'obtint  une  forme  analogue  de 
cette  légende  chez  Stésichore  et  chez  Euripide.  Envisageant 
uniquement  ici  ce  qu'elle  est  devenue  dans  la  littérature  histo- 
rique, je  rappellerai  que  M.  Diels  (^)  a  découvert  à  la  base  du 
récit  d'Hérodote  des  explications  étymologiques  provenant  de 
son  prédécesseur  Hécatée  de  Milet.  Celui-ci  avait  notamment 
donné  comme  éponyme  de  la  ville  de  Kanobos  le  pilote 
( xupepvTiTYiç )  de  Ménélas,  Kanobos,  qui  était  mort  en  cet 
endroit  (^)  ;  Hélène  elle-même  avait  laissé  son  nom  à  un  lieu 
voisin  (^).  La  critique  rationaliste  d'Hécatée  de  Milet  avait  donc, 
suivant  la  coutume  invétérée  des  Grecs,  cherché  des  renseigne- 
ments historiques  dans  les  étymologies  :  Hélène  et  Ménélas 
étaient  réellement  allés  en  Egypte  parce  que  les  noms  Hélène, 
Proteus,  ïhonis,  Kanobos,  Pharos  (*),  qui  jouent  un  rôle  dans 


(*)  Herodot  und  Hekataios  dans  Hermès,  XXII  (1887),  pp.  441  et  suiv.  Cf.  Diels,  Die 
Anfànge  der  Philologie  bei  den  Griechen  dans  Neue  Jahrbiicher,  XXV  (1910).  p.  5- 

(2)  Strabon,  XVII,  801;  Aristide,  II,  48-2;  Skylax,  p.  43  H,  32  Fabr.  Ces  trois 
textes  sont  cités  par  Diels.  Ajoutons  que  dans  un  récit  intéressant  de  Rufin  {Hist. 
eccL,  XI,  26;  cf.  le  texte  grec  de  Georges  le  Moine,  p.  485  éd.  Murait,  dans  l'éd. 
Mommsen  p.  1033),  il  se  trouve  la  mention  curieuse  d'une  vieille  statue  de  Canope 
qui  passait  pour  représenter  le  pilote  de  Ménélas  :  TtaXaiou  àyaXfjLaTo*;  ttjv  xE^aXi^v, 
oirsp  eXsysTo  MeveXdtou  Ttvo(;  xupepviQXou  yByevr^a^cn. 

(3)  Fr.  288  :  'EXév£tO(;,  iÔtzo^  Tcepl  xq>  KavtoPy  'Exaxaîoç  TrEptTjyTîaet  At^uxâiv. 
(*)  Fr.  287  :   ^àpo<;...   "'Eati  yàp    àpasvixov   ootw  yàp   eTri  M£veXaou  èxaXstxo 

itpi}>peu<;*  àXXà  yàp  tô  ^tjXuxÔv  èitl  ttjç  vt^(tou  au'  autou  to  ovo(xa  Xa^oûffr,;;,  cîx; 
^T|<Tiv  'Exaxoto;. 

Je  signale  à  propos  de  Pharos  un  texte  que  l'on  n'a  pas  encore  rapproché  et  qui 
pourrait  avoir  conservé  quelque  chose  d'Hécatée  ;  Scol.  Hom.,  o  35o  (=*=  Anticlides, 
fr.  12,  dans  Scriptores  rerum  Alex.  Magni,  Mûller,  p.  149)  :  'AvxixXEi'oTi;  laxopei 
Sxi  TTO^oùaa  MevÉXaov  'EXê'vt)  Xdt^pa  è'^eidi  xt^<;  TzôXtoiç,  xat  Rapixôv  eupoûffa 
TrXoTov  TrapaxaXet  xôv  vauxXripov,  Sç  ExaXelxo  <^àpoç,  Et;  AaxEÔat'fxova  aùxTiv 
aTTOxaxaaxTÎaai.  XEtixaa^evxE*;  SI  ^xov  eI;  A'rfUTzzov.  xat  èw.^ih  xtj;  vEtix;  airoSâvxa 
xôv  $àpov  o(pt(;  àvatpsT.  'H  Se  3^à<];a(Ta  aùxôv  ouxca;  wvdfxaaE  x^jv  vîjaov.  Ici  Pharos 
porte  le  titre  vague  de  vauxXTQpoç,  tandis  que  chez  Hécatée  son  titre  de  'jzpt^pzûç 
(second)  le  distingue  du  pilote  (xupepvT^xYj;),  Kanobos. 


—  117  — 

cette  légende,  peuvent  être  mis  en  rapport  avec  des  mots 
égyptiens.  Ainsi,  devançant  les  prétentions  athéniennes  et  pélo- 
ponésiennes  que  nous  avons  d'abord  étudiées,  l'époque  ionienne 
avait  appuyé  sur  les  noms  là  thèse  des  rapports  anciens  entre 
la  Grèce  et  l'Egypte. 


118  — 


XIV 

L'origine  sinopique  de  Sarapis 

Au  début  de  cette  étude,  j'annonçais  que  je  ne  croyais  pas  à 
l'origine  sinopique  du  culte  de  Sarapis,  telle  qu'elle  est  rap- 
portée par  Plutarque,  par  Tacite  [Hist.,  IV,  83  et  suiv.)  et  par 
Clément  d'Alexandrie  {Protrepticus ,  IV,  48,  p.  37,  5,  Stàhlin). 
M.  Isidore  Lévy  dans  un  travail  récent  en  a  démontré  définitive- 
ment, me  paraît-il,  le  caractère  légendaire  et  je  ne  reprendrai 
pas  dans  le  détail  la  question  après  lui.  Une  seule  chose  dans 
la  version  sinopique  intéresse  le  sujet  que  nous  avons  traité  : 
c'est  son  origine  étymologique. 

Comme  le  soupçonnaient  Jablonski  et  Guigniaut,  comme 
l'ont  nettement  aperçu  Brugsch  et  Lumbroso,  le  nom  de  la 
ville  pontique  est  entré  dans  la  légende  pour  expliquer  l'épi- 
thète  de  Sinopites  qui  était  quelquefois  donnée  au  grand  dieu 
alexandrin  (^). 

Denys  le  Périégète  (^)  parle  du  Sarapeion  comme  de  la 
grande  demeure  du  Zeus  sinopite  : 

Avec  les  égyptologues  qui  viennent  d'être  cités,  je  suis  tout 
disposé  à  admettre  que  Sarapis  était  sinopite  parce  que  Sivwtiwv, 
transcription  de  Se-(n)-Hpi  qui,  dans  le  décret  de  Rosette, 
répond  à  'ATiierov,  est  le  nom  du  temple  d'Apis.  Le  commenta- 


(*)  Je  résume  ici  Isidore  Lévy,  Sarapis,  Revue  de  VHistoire  des  Religions,  LXI 
(1910),  p.  171,  qui  donne  également  l'énumération  des  travaux  de  ses  devanciers. 
(2)  Vers  255,  dans  Geogr.  gr.  min.,  t.  II,  p.  116,  Muller. 


—  119  ~ 

teur  de  Denys  glose  ainsi  le  vers  cité  plus  haut  :  S'.vwTrixr,;  6Ï 

Zeûç,  T»  ô  MsucpiTYi;.  i:woj7rwv  yàip  opoc;  Mejjicpioo;   (^),  et  le  Pseudo- 

Callisthène  sait  également  que  le  Sinopion  est  le  grand  sanc- 
tuaire memphite  (^). 

La  majorité  des  critiques  récents  (^)  considère  l'introduction 
de  la  Sinope  pontique  dans  l'histoire  de  Sarapis  comme  l'œuvre 
d'un  étvmologiste  expliquant  un  terme  memphite  (twwttwv) 
dont  le  sens  était  oublié  ou  intentionnellement  méconnu.  Xe 
pourrait-on  pas  conjecturer  en  outre  que  le  Sarapeion  d'Alexan- 
drie (Rhakotis),  élevé  très  haut  non  loin  de  la  mer,  avait  reçu, 
par  opposition  avec  le  temple  de  Memphis,  quelque  épithète 
tirée  de  la  mer  (ttovto;),  ce  qui  aurait  donné  une  raison  de  plus 
de  songer  à  la  Sinope  pontique? 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  me  paraît  que  l'explication  étymologique 
reçoit  une  confirmation  nouvelle  grâce  aux  cas  analogues  où 
nous  avons  vu  les  mots  ainsi  interprétés,  par  une  sorte  de 
calembour,  en  faveur  d'une  thèse  nationale.  C'est  ainsi  que  le 
sairei  égyptien  a  fait  penser  à  craipetv  grec,  l'Apis  de  Memphis  à 
celui  du  Péloponèse,  Osiris  à  6  Ssîpwç,  Kopto  à  xottte'.v,  et  ainsi 
de  suite.  Après  tout,  il  n'est  guère  plus  étrange  de  voir  un 
helléniste  ancien  songer  à  la  ville  de  Sinope  à  propos  de  l'ori- 
gine de  Sarapis  Sinopitès  qu'il  ne  l'est  de  voir  un  savant 
moderne  de  premier  ordre  s'expliquer  le  nom  Sarapis  en  invo- 
quant un  vague  homonyme  babylonien,  Sar  apsi,  qu'il  fait 
arriver  en  Egypte  par  la  voie  de  Sinope  (^). 


(*)  EusTATHE  dans  Geogr.  gr.  min.,  t.  II,  p.  262.  Je  noierai  que  le  Sarapeion 
d'Alexandrie  était  aussi  très  élevé  :  on  y  montait  par  plus  de  cent  degrés  (Rufin, 
Hist.  eccL,  XI,  23). 

(2)  Pseudo-Callisth.,  I,  3,  éd.  Muller,  p.  3,  note,  leçon  du  Cod.  L  :  Les  Égyptiens, 
interrogeant  Héphaistos  après  la  disparition  du  roi  Neclanébo,  sont  renvoyés  icpi; 
TÔv  àopatov  xoû  Sivcottiou.  Cf.  ISIDORE  LÉVY,  art.  cité,  p.  171,  n.  10.  —  Pausanus, 
I,  18,  4,  dit  aussi  que  le  temple  le  plus  ancien  de  Sarapis  est  à  Memphis  et  la 
version  est  connue  également  de  Tacite,  Hist.,  IV,  84. 

(5)  Voir  l'indication  de  leurs  noms  et  de  leurs  travaux  chez  Lévy,  art.  cité,  p.  173. 

{*).  Lehmann-Haupt,  dans  le  Lexikon  de  Roscher.  s.  v.  Sarapis,  col.  340. 


—  120  — 

Il  est  assez  vraisemblable  que,  suivant  l'opinion  de  MM.  Bou- 
ché-Leclercq  et  Isidore  Lévy,  Apion  a,  je  ne  dirais  pas  inventé 
de  toutes  pièces,  mais  auiplifié  le  conte  sinopique  et  qu'il  a 
ensuite  été  la  source  des  auteurs  latins,  à  savoir  de  Tacite  et 
peut-être  avant  lui  déjà  de  Pline  (*).  En  tout  cas.  la  légende 
paraît  récente  et  elle  n'est  pas  encore  connue  de  Varron  dont 
nous  avons  rapporté  plus  haut  (p.  ilO)  la  version  relative  à 
Sarapis. 

Quant  à  Plutarque,  je  croirais  plutôt  qu'il  dérive  d'une  des 
sources  d'Apion.  En  tout  cas,  Plutarque  ne  semble  pas  connaître 
la  version  parallèle  qui  fait  venir  la  statue  de  Sarapis  de  Séleucie 
de  Syrie,  version  remontant  à  Isidore  (de  Charax,  géographe 
contemporain  d'Auguste?),  et  que  Tacite  et  Clément  (^)  ont 
peut-être  connue  indirectement  par  le  récit  déjà  contaminé 
d'Apion.  Nous  verrons  que  Clément,  pour  supprimer  le  miracle 
païen  du  récit  sinopique,  lui  substitue  le  thème  de  l'envoi  de 
blé  fait  en  faveur  de  Sinope  par  Ptolémée  Philadelphe,  thème 
qu'il  emprunte  à  la  version  séleucienne.  A  propos  de  cette 
dernière  version,  M.  Isidore  Lévy  fait  observer  très  justement  : 
«  Dans  la  pensée  de  l'auteur  syrien  (Isidore),  la  statue  qu'Ever- 
gète  reçut  des  Séleuciens  et  dont  il  orna  le  Sérapéum  n'était 
sans  doute  pas  identique  au  colosse  »  (art.  cité,  p.  177).  L'his- 
toire d'un  envoi  de  blé  fait  par  Ptolémée  n'est  pas  à  sa  place 
dans  la  version  de  Sinope.  Mais  justement  elle  ne  se  trouve  pas 
chez  Plutarque,  et  le  fait  qu'elle  apparaît  chez  Clément  est  une 
preuve  de  contamination. 

Tout  en  n'admettant  pas  comme  historique  le  fait  du  transfert 
d'une  statue  de  Sinope  à  Alexandrie,  je  n'irais  pas  cependant, 
avec  M.  Isidore  Lévy,  jusqu'à  affirmer  que  Sinope  ne  rendait 
aucun  culte  à  Pluton. 

On  n'a  pas  remarqué  en  effet  que,  chez  Plutarque,  chaque 


(^)  Isidore  Lévy,  art.  cité,  p.  186,  n.  6. 

(2)  Tacite,  HisL,  IV,  84;  Clément,  Protrept.,  IV,  48,  3,  p.  37,  18,  Stahlin. 


—  121  — 

fois  qu'il  s'agit  du  dieu  de  Sinope  (*),  le  nom  employé  est 
toujours  celui  de  IIaojtwv.  Au  contraire,  dans  les  explications 
de  Sarapis  qui  suivent  aux  chapitres  XXVIII  et  XXIX  de 
Plutarque  et  qui  sont  toutes,  nous  l'avons  vu,  beaucoup  plus 
anciennes  que  la  fable  sinopique,  le  dieu  qui  est  comparé  à 
Sarapis  s'appelle  toujours  "kù>r^ç.  L'auteur  de  l'invention  du 
transfert  avait  donc  les  meilleures  raisons  de  se  servir  à  son 
tour  de  ce  nom  d'Hadès  pour  présenter  son  original  sinopique. 
S'il  ne  l'a  pas  fait,  c'est  précisément  qu'il  était  lié  par  une 
réalité  historique,  je  veux  dire  le  fait  que  le  dieu  vénéré  à 
Sinope  s'appelait  Pluton,  et  c'est  encore  cette  réalité  historique 
qui  a  corroboré  à  ses  yeux  l'étymologie  dont  il  s'était  avisé. 

Chez  Clément  d'Alexandrie  (^),  nous  lisons,  au  sujet  de 
l'origine  de  Sarapis,  d'abord  une  première  variante  du  récit 
sinopique  où  apparaît,  très  visible,  une  tendance  chrétienne  au 
dénigrement.  Les  habitants  de  Sinope  font  don  à  Ptolémée 
Philadelphe  de  la  statue  de  Pluton,  en  témoignage  de  recon- 
naissance pour  le  blé  qu'il  leur  avait  envoyé  pendant  une 
disette  :  ce  motif  banal  est  introduit  afin  de  supprimer  le 
miracle  de  la  version  païenne  (^).  Ptolémée  élève  le  temple  de 
Sarapis  à  Rhakotis  et  y  transporte  les  restes  de  la  courtisane 
Blistiché,  que  l'auteur  chrétien  voudrait  peut-être  ici  substituer 
à  Isis  ou  à  Koré. 

Vient  ensuite  une  seconde  variante  :  "Xllo'.  U  (oadi  tcovtuov 

eivat.  PpsTaç   tov   SàpaTriv,  (jLSTriy^.S'a'.  os  £•'?    'AXeÇâvopeiav   tjieTà   TiaT.ç 

TravYiyjpwYii;.  «  D'autres  disent  que  Sarapis  est  une  idole  pontique 
et  qu'elle  fut  transportée  en  grande  pompe  à  Alexandrie.  » 


(*)  De  Iside,  XX VIII;  De  sollertia  an.,  36,  p.  984  B;  de  même  chez  Clément, 
p.  37,  12,  Stâhlin.  Toutefois,  c'est  aussi  du  nom  de  Plulon  que  s'étaient  servis 
Archémaque  d'Eubée  et  Héraclide  Pontique  pour  désigner  Sarapis  ;  cf.  Plutarque, 
De  Iside,  XXVII,  et  plus  haut,  pp.  9  et  10. 

(*)  Protreplicus,  pp.  37,  5  et  suiv.,  Stâhlin. 

(5)  Nous  avons  vu  que  cette  explication  est  inconnue  de  Plutarque  et  est  emprun- 
tée à  la  version  séleucienne  d'Isidore  de  Charax,  version  qui  vient  un  peu  plus  loin 
chez  Clément  et  que  Tacite  a  aussi  reproduite,  peut-être  d'après  Apion. 


—  122  — 

Au  fond,  il  ne  peut  s'agir,  ici  encore,  que  du  récit  sinopique, 
et  même  du  récit  véritablement  accrédité  dans  la  tradition 
païenne,  d'un  récit  à  tendance  religieuse  tel  qu'il  se  présente 
chez  Plutarque  et  chez  Tacite.  Mais  Clément,  ou  l'auteur  qu'il 
copie,  après  s'être  complu  à  exposer  l'arrangement  tendancieux 
qui  est  l'interprétation  des  esprits  forts  chrétiens,  indique  la 
version  purement  païenne  en  deux  lignes  où  il  fait  encore  entrer 
un  mot  de  nuance  plutôt  péjorative  «  ppéTa;  ».  Avec  le  contexte 
et  dans  leur  obscurité,  ces  deux  lignes  doivent  faire  croire  à 
tout  lecteur  pressé  et  non  instruit  par  ailleurs  que  les  mots 
7rovT',xôv  jiipÉTaç  veulent  suggérer  pour  Sarapis  une  origine  tout  à 
fait  nouvelle  et  qui  n'a  plus  rien  de  commun  avec  l'arrivée  de 
Sinope. 

M.  Ernst  Schmidt  (^)  a  bien  vu  que  c'est  ainsi  qu'il  faut 
entendre  le  passage,  et  il  propose  d'y  attribuer  au  mot  ttgvt'.xôç 
le  sens  nouveau  de  «  provenant  de  la  mer  ».  Mais  ce  sens,  en 
supposant  qu'il  ait  existé,  éveillait  encore  une  idée  de  miracle 
que  les  chrétiens  ne  pouvaient  accepter  et  qu'ils  devaient  chercher 
à  tourner  en  dérision.  Le  premier  d'entre  eux  qui  a  isolé 
l'expression  tuovtwov  |3p£Taç  n'aurait  pas  songé  à  un  pareil  arti- 
fice, s'il  n'avait  découvert  un  moyen  de  la  faire  servir  ainsi  à 
quelque  intention  méprisante. 

Détachons  maintenant  de  tout  contexte  les  mots  :  ttovtlxov 
sivat  ppÉTaç  Tov  Hàpaut-v  ;  rappêlons-nous  qu'au  rapport  unanime 
des  historiens,  Alexandrie  est  la  ville  où  les  luttes  religieuses 
se  déchaînèrent  aux  premiers  siècles  avec  le  plus  de  passion  et 
de  violence  :  nous  aurons  l'impression  que  dans  les  mots 
7rovT!.xov  ppÉTaç  il  y  a  un  spécimen  des  injures  que  les  fidèles  du 
Christ  lançaient  aux  adorateurs  de  Sarapis. 

11  s'y  trouve  une  injure  —  et  un  calembour  peut-être  !  A  force 
de  voir  nos  auteurs  faire  pour  les  besoins  de  leurs  polémiques 
les  jeux  de  mots  les  plus  extraordinaires,  on  en  viendrait  à  se 


(*)  Kutlûbertragimgen,  p.  34,  n.  6. 


—  1:23  — 

demander  si  quelqu'un  des  chrétiens  qui  employa  l'expression 
ne  songea  pas  à  un  sens  bien  connu,  mais  ici  singulièrement 
forcé  et  inattendu,  du  mot  tcovtuoç  (i),  et  s'il  ne  s'avisa  pas  de 
faire  dire  à  ce  mot  lui-même  que  l'idole  n'était  qu'une  «  statue 
à  rats  ».  On  sait  combien  les  polémistes  chrétiens  (')  s'amu- 
sèrent de  l'idée  que,  en  fait  de  présence  réelle,  il  n'y  avait,  dans 
la  charpente  des  chefs-d'œuvre  de  Bryaxis  et  de  Phidias,  avec 
des  toiles  d'araignées,  que  des  nids  de  rongeurs.  Cette  plai- 
santerie facile  contre  l'idolâtrie  doit  remonter  assez  haut  et  on 
la  rencontre  notamment  chez  Lucien  (^). 

Est-ce  en  raison  d'un  calembour  sur  le  mot  ttovtixô;  ou  sim- 
plement à  titre  de  lieu  commun  que  le  détail  des  rats  habitants 
des  statues  a  trouvé  place  dans  la  tradition  que  nous  possédons 
de  la  destruction  du  temple  de  Sarapis?  Cette  tradition  nous 
est  représentée  par  deux  récits  ("^j,  celui  de  Rufin  et  celui  de 
Théodoret,  lequel,  comme  il  arrive  fréquemment,  voisine  ici  de 
près  avec  son  prédécesseur  latin.  Tandis  que  Rufin  ne  mentionne 
pas  le  détail  des  rats,  Théodoret  se  garde  bien  de  priver  la 
narration  d'un  ornement  qu'y  avait  sans  doute  introduit  de 
longue  date  la  malignité  alexandrine.  Il  s'exprime  à  peu  près 
comme  il  suit  : 

«  I/évêque  (Théophile  d'Alexandrie)  monta  au  temple  (c'était, 


(*)  Aristote,  Hist.  an.,  VIII,  17,  p.  600  B,  13  :  6  (xu;  6  IIovtixo^;  ibid.,  IX,  30, 
p.  632  B,  9  :  d(  te  (xuec  o\  IlovTtxot.  Pline,  Hist.  nat.,  VIII,  132;  X,  200  :  Pontici 
mures.  La  rareté  du  mot  dans  les  textes  littéraires  ne  prouve  aucunement  qu'il  n'a 
pas  été  de  bonne  heure  employé  d'une  façon  courante  dans  la  langue  parlée.  Ainsi, 
c'est  un  hasard  qui  fait  qu'Évagrius  nous  apprend  quel  était  de  son  temps  le  nom 
vulgaire  du  chat,  Hist.  eccL,  VI,  23  :  ai'Xoupov...  Vjv  xàxxav  ii  auvT^^si*  Xiyti,  — 
On  sait  qu'en  grec  actuel  le  mot  ancien  (jlû;  a  complètement  disparu  de  la  langue 
parlée  pour  céder  la  place  et  donner  tous  ses  sens  au  mot  wovrfxi;  cf.  Byzantinische 
Zeitschrift,  VIII  (1899),  p.  539, 1.  23. 

(*)  Arnobe,  Xdversus  nationes,  VI,  16;  MiNUCius  Félix,  Octavius,  22,  6;  Tertul- 
LiEN,  Apologétique,  12,  7. 

(5)  Lucien,  Le  Songe  ou  le  Coq,  24  :  ew  XÉystv  (jl-jûv  ttXtj^oc  t^  (jLUYaXûv  èfjiico- 
Xtx£uo(jLSva)v  auxoT<;  eviote. 

{*)  Rufin,  Hùt.  eccl.,  XI,  23;  Théodoret,  Hisl.  eccL,  V,  22. 


—  \u  — 

»  disent  certains,  le  plus  grand  et  le  plus  beau  de  la  terre 
»  entière)  ;  il  y  vit  la  statue  énorme  et  qui  par  sa  grandeur 
»  effrayait  l'assistance.  Outre  sa  grandeur,  une  tradition  nien- 
»  songère  voulait  que,  si  l'on  y  touchait,  la  terre  tremblerait 
»  et  qu'il  y  aurait  une  destruction  universelle.  Mais  ne  voyant 
»  là  que  des  contes  de  vieilles  femmes  ivres  et  méprisant  le 
»  colosse  inanimé,  l'évêque  ordonna  à  un  homme  porteur  d'une 
»  hache  de  frapper  résolument  Sarapis.  Quand  il  eut  frappé, 
»  tous  clamèrent,  par  peur  de  la  prédiction.  Mais  Sarapis,  le 
»  coup  reçu,  n'eut  pas  de  mal  (car  il  était  de  bois)  et  il  ne 
»  poussa  pas  de  cri,  étant  privé  de  vie.  Seulement,  quand  sa 
»  tête  fut  détachée,  des  rats  se  précipitèrent  par  troupes  de 
»  l'intérieur  :  car  ce  n'était  qu'une  demeure  de  rats  que  ce  dieu 
»  des  Égyptiens  (^).  Alors  on  le  découpa  et  on  jeta  au  feu  les 
»  morceaux;  quant  à  la  tête,  on  la  traîna  par  toute  la  ville  sous 
M  les  yeux  de  ses  sectateurs  et  en  raillant  l'impuissance  de  celui 
»  qu'ils  adoraient.  » 

Il  était  dans  la  destinée  du  grand  dieu  égyptien,  qui  avait 
fourni  si  longtemps  un  thème  aux  spéculations  subtiles  de  la 
science  grecque,  de  terminer  son  existence  cultuelle  au  milieu 
des  sarcasmes  et  des  lazzi  de  la  religion  nouvelle  qui  triomphait. 


1*)  'EtteiSt)   8è  TT]v  xs'faXTjv  àcpTipe^'Tj,    {xueç   àycXTiôôv  Èç£opa|j.ov   è'vSoi'sv  jx-jûv 
yàp  oIxTiTT^piov  ^v  6  AiyuTrxtwv  3^£o<;. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


abeilles,  42,  43. 

àeiSTic,  73-76. 

aTjÔTri;,  73,  74. 

Alaxoç,  lo-17. 

àtÔYi;,  71-78. 

AlSwc,  71,  72,  75,  76,  78. 

Alexandre  Polyhistor,  7,  59,  83,  n.  2. 

Alexarqiie,  6,  83,  105  108. 

Amen.thès,  79,  80,  88,  98. 

'A|JLOUV,  85. 

Amyot,  31,  32,  li. 

Anaximandre  de  Milet,  pythagoricien, 

59. 
Androkydès,  59,  61,  n.  1. 
Antikleidès,  114,  116,  n.  4. 
Anubis,  étymologie,  95. 
Apion,  5,  6, 120. 
Apis,  21,  22,  65,  66,  69.  70,  109,  110, 

118.  —  aopàci  "AttiSoc;,  23-31,  35,  58, 

110-112. 
Apis  péloponésien,  25, 110-113. 
Apollodore,  Bibliothèque,  11,1,1,4: 113. 

-  II,  5,  6  :  40.  n.  1.  -  Fragm.  36  : 

36,  n.  1  ;  42,  n  1  ;  52. 
Apollonius  de  Rhodes,  I,  1059,  1135  : 

54. 
Arcadia,  province  d'Egypte,  113,  n.  1. 
Arcadiens  (antiquités  des),  91, 107, 109, 

112, 114. 


Archémaque,  9, 10, 121,  n.  1. 

Aristéas  (argien),  107, 112. 

Aristias  de  Chios,  106,  n.  1;  107, 112. 

Aristippe  (auteur  d'Arkadika),  112, 113. 

Arislon  ('A3T)vaitov  aTrotxta),  105-108. 

Aristophane,  Grenouilles,  183, 186, 472  : 
27.  —  Nuées,  398  :  109.  -  749  :  36, 
n.  2. 

Aristote,  De  aud.,  802  A,  37  :  33.  — 
802  B,  29,  39  :  29.  -  De  coelo,  III,  8, 
306  B  :  73.  —  IV,  6,  313  B  :  63.  - 
Hist.  an.,  VIII,  17,  p.  600  B,  13  :  123, 
n.  1.  -  IX,  40,  627  A,  15  :  42. 

Arnobe,  Adversus  nationes,  V,  5-7  :  19, 
n.4;20.  —  VI,  16:123,  n.  2. 

Arsaphès,  étymologie,  85, 105, 106, 108. 

Artapanos,  24,  n.  2;  83. 

à(JTU,  100,101. 

Athéna,  étymologie,  88-90,  96, 105. 

Alhénodore  de  Tarse,  66. 

Athyri,  87. 

Alticus  (platonicien),  104. 

Augustin,  Cilé  de  Dieu,  XVIII,  5 :  25, 
110,  m. 

BfltX,  87. 
Bs^wv,  85,  86. 
BsxxécxsXTive,  109. 
boucliers  sacrés,  48. 


—  i26 


Callistliène  d'Olynthe,  104. 

casques  d'airain,  47. 

castes  d'Egypte,  103, 104. 

Cécrops,  101,  102. 

Xapfxdffuva,  18.  69,  70. 

Xfltpo<]/,  XapoTTO),  15-18. 

y^evdatpK;,  87. 

XTjfji.'a,  87. 

chien  i  aboiement  du),  39,  41. 

Chrysippe,  63,  n.  3. 

Cicéron,  De  divin.,  I,  34  :  45,  48,  n.  2, 

—  I,  57, 130  :  37.  —  De  nat.  deorum, 
111,42:18.-111,59:  114. 

Clément  d'Alexandrie,  Protrepticus,  IV, 

48:118.120-123. 
Cornutus,  Theolog.  gr.  compendium,  5  : 

72.-35:75,  n.  1. 
Crantor,  105, 107. 
Curetés,  42,  48-50. 

Démocrite,  62. 

Démon,  fragm.  17  :  43. 

Denys  Skytobrachion,  18,  20. 

AixTj,  28. 

Diodore,  1,  9,  6;  12,  6  :  97,  n.  1.  —  I, 
11,  1-3  :  85,  94.  —  I,  16,  2  :  114.  — 
I,  17,  4-5  :  87.  -  I,  18  et  20  :  102, 
n.  2.  —  I,  28;  29,  1-4:  100-104.  — 
1,  70,  11  :  60.  -  1,  74,  1  :  104,  n.  1. 

—  I,  85,  4  :  65.  —  I,  89,  5  :  24.  — 
I,  96,  4-97,  3  :  26-29.  -  111,  67,  4-5  : 
18-20.  -  IV,  13,  2  :  40,  n.  1.  —  V, 
49,  3:49,  n.  l.-V,  65:48,  n.  5. 

Diogène  Laërce,  II,  83  :  112,  113.  — 
Vlll,  19  :  60.  —  VllI,  34  :  58,  n.  1  ; 
61. 

Dionysos,  =  Osiris  et  Hadès,  10-14,  85, 
92,  94, 114.  -  Dans  l'Inde,  21-22. 

Dodone  (oracle),  43-46. 


éclipses  de  lune  (bruit  pendant  les). 

35-38. 
elxu)v,  65-68. 
Élien,  Hist,  var.,  IV,  17  :  51.  —  Nat. 

anim.,  V,  13  :  42.  -  XI,  10  :  69, 

110,  n.  1. 
Épaphos,  65,  109, 110,  114. 
Éphore,  iragm.  81,  82  :  25,  n.  1. 
Epicure  (théorie  sur  le  son),  32,  33. 
Eudoxe  de  Cnide,  60,  61. 
Eudoros,  106,  107. 
Eupolémos,  83. 
Euripide,  fragm.  968  ;  41. 
Eustathe,  p.  1067,  59  :  51.  —  p.  1720, 

31  :  61. 
Évhémère,  25, 110. 
•nx£"Eov,  28,  50,  52,  53,  n.  1  ;  55. 

Hadès,  =  Sarapis  et  Dionysos,  10-12, 
121.  —  =  To  at5{jLa,  13-14.  —  Descrip- 
tion de  l'Hadès,  26-28.  —  Étymologie, 
72-78. 

Hécate,  27,  41. 

Hécatée  d'Abdère,  24-28,  53,  n.  1  ;  60, 
65,  70,  80,  84-88,  94,  96,  97, 100-104, 
112. 

Hécatée  de  Milet,  25,  n.  1  ;  82,  n.  1  ;  116. 

Hélène,  11.5-116. 

Hellanicus  de  Mytilène,  92,  93. 

Héraclide  Pontique,  9,  10,  37, 121,  n.  1. 

Heraclite,  fragm.  15  :  10-13. 

Hérakiès,  15-18,  115. 

Hermaios,  85. 

Hermanubis,  26,  95. 

Hermès  (livres  d'),  7,  63,  90,  94. 

Hérodote,  I,  67,  68  :  53,  n.  2.  -  II,  2  : 
109,  n.  2.  -  II,  42:  11.  —  II,  49: 
26,  n.  1.  —  11,  50  :  82.  —  IL  78  :  86. 
—  11,  81  :  60.  -  II,  112-120  :  115, 


—  i27  — 


116.  -  11,123:60.-11,144:11.- 
II,  153  :  65,  n.  2;  109.  -  II,  164, 167  : 
103.  -  III,  27  :  69.  -  VI,  58  :  53. 

Hippolyte,  Refiit.  omn.  fiaer.,  V,  p.  144  : 
27,  n.  1. 

Homère,  Iliade,  Y,  316,  324  :  47.  — 
-  I,  566  :  38.  —  Odijssée,  ô,  126,  228, 
351:115,  116.  —  w,  1-14:26,  27, 
n.  1.  —  w,  68  :  54. 

Horus,  étymologie,  86,  87,  92. 

hydries  d'airain,  47,  50,  51,  55. 

lo,  109,  115. 
'Iffataxoç,  15,  16. 

Isidore  de  Charax,  120,  121. 

Isis,  15  35,  37,  39,  114.  -  Étymologie, 

86-90.  94-96. 
Isocrate,  Busiris,  II,  28  :  60. 
Islros,  102,  115. 

Jamblique,   Vie  de  Pythagore,  86  :  58. 

-97,98:60.  -100,149:61. 
Jérusalem,  étymologie,  83,  84. 
Johannôs  Malalas,  Chronograpliia,  XII, 

p.  307  :  27. 
Juvénal,  VIII,  29  :  92,  n.  4. 

Kanobos,  116. 

xàxxa  (chat),  p  123,  n.  1. 

Kopto,  étymologie,  92. 

xupio<;,  77,  78. 

Kuwv,  étymologie,  91,  96. 

XépTi;,  à  Dodone,  44,  45.  —  aux  funé- 
railles des  rois  de  Sparte,  52-55. 
Lémuries,  56,  57. 
XTjvaf^o),  11-13. 
XTjpaivw,  11, 13. 
XdYoc:,79,  n.  1;81,88,  95. 


Lucien,  De  Syria  dea,  29  :  4i,  n.  3.  — 
Ménippe,  469  :  27.  —  Philopseudès,  15  : 

39.  —  Songe  ou  Coq,  24  :  123,  n.  3. 
Lydus,  De  Tnensibus,  I,  35  :  61. 
Lysimaque  d'Alexandrie,  18,  84. 

Manéros,  étymologie,  86. 

RIanéthon,  9,  61,    84-87,    90,    96,   97, 

n.  1. 
Maxime  de  Turin,  37. 
Memphis,  étymologie,  86. 
Méthyer,  87. 
Min,  86. 

Mnaséas,  7,  114. 

Moïse,  24,  n.  2.  -  Étymologie,  83,  84. 
Mouth,  87. 

Neith,  88,  n.  2;  103,  105,  106. 
Nicarque,  84. 

Nonnus,  Ad  Greg.  Naz,  Or.  V,  32  :  44. 
Nymphodore,  23-25,  112. 

Orphée,  20,  26-28,  51,  52,  70,  74,  n.  2  ; 

80,  83.  94,  96,  97,  98. 
Osiris.  21,  22,  34,  35,  63,  65-67.  —  = 

Dionysos,  9-14,  114.  —  Étymologie, 

85,  86,  92-96. 
Ovide,  Fastes,  V,  421  :  56,57.  -  Métam., 

IV,  332  :  37. 

Parménide,  28,  n.  1.  —  Fragm.  13  : 

79. 
Pausanias,  I,  18,  4  :  119,  n.  2.  —  IX. 

34,  4 :  17. 
Pétès,  101,102. 
Phanodème,  104. 
Pharos,  116. 

Philolaos,  fragm,  14  :  14. 
Philon,  Quis  rer.  div.  hères,  52  :  50. 


—  128  — 


Philostrate,  Imag.,  II,  33  :  43,  n.  3. 

Phylarque,  21,  22. 

TcXaxayT^  :  40,  n.  1. 

Platée  (fête  funèbre  de),  55. 

Platon,  Axioclius,  371  B  :  28.  —  Cra- 

lyle,  397  D  :  89.  -  400  C  :  14.  - 

401  C  :  90.  -  403-404  A  :  72,  74-77. 

409  E  :  99.  -  411  D  :  90.  -  412  B  : 

63,  n.  1.  -  415  D  :  90.  -  430  A  :  32. 

-  Gorgias,  493  A,  B  :  14,  28,  74.  - 
513  A  :  36,  n.  2.  —  Ion,  536  A  :  76, 
n.  1.  —  Phédon,  79-83  :  14,  74-77.  - 
Phèdre,  248  B  :  28.  —  Protagoras, 
329  A  :  32.  —  République,  621  A  :  27. 

-  Timée,  20  D  :  105.  -  21  E  :  102, 
103.  —  23  E,  24  A  :  103,  104.  — 
92  C  :  67,  87. 

Pline,  Hisl.  nat.,  VIII,  132;  X,  200  : 
123,  n.  1.  —  XI,  68  :  42.  —  XIV,  58  : 

61,  n.  1.  -  XXXVI,  92  :  44,  n.  3. 
Plutarque,  manuscrits,  10,  n.  2.  —  Mo- 

ralia  :  De  def.  orac,  1  :  IS.  —  De 
fade  in  orbe  lunœ,  29  :  38.  —  De  fort. 
Roman.,  4  :  74.  —  De  Iside,  2  :  52, 
n.  1;  89.  —4:61.  —  6:60,  61.  - 
7:61.  -  10:58,  61.  -  18:35.  - 
20  :  66.  -  21  :  37,  60.  —  32  :  35,  60. 

-  34,  35  :  77.  -  37  :  105-108,  114. 

-  40:  64,  n.  1;  77.  —  42:34,  58, 
60,  61.  -  43  :  66.  -  49  :  66,  78.  - 
53,  54,  56  :  67.  -  60  :  89.  -  61  :  14, 
63,  98,  108.  —  62  :  60,  61.      63  :  39. 

62,  n.  2.  -  64  :  60,  67.  -  66  :  97.  - 
67  :  82.  —  71  :  41.  —  72  :  24.  -  73  : 
66.  —  78  :  76.  —  De  latenter  vivendo, 
6  :  75,  77.  —  De  primo  frigido,  9  :  75. 

-  De  super stitione,  13  :  48,  n.  6;  75, 
78.  —  De  usu  carnium,  p.  995  EF  : 
33.  —  Quaest  conviv.,  V,  3,  1  :  77.  — 


VIII,  3,  p.  721  :  32,  33.  -  VIII,  8,  2  : 
61.  —  Reg.  et  imp.  apophth.,  175  D  : 
74.  -  Vies  :  Aristide,  21  :  55.  — 
Galba,  9  :  73.  -  Paul-ÉmiU,  17  :  36. 
—  Thésée,  35  :  53,  n.  2. 

Pluton,  9, 10,120, 121. 

irv£Û(xa  :  63,  64,  90. 

Polémon,  44. 

TtovTt'xt,  123,  n.  1. 

TTovTtxôv  ppExai;,  121-124. 

Porsenna  (tombeau  de),  44,  n.  3. 

portes  de  bronze,  26-30.  —  sacrées,  52. 

Pythagoriciens,  14,  34,  51,  57.  - 
àxouaixaxa  xal  aupL^oXa,  52,  58-61. 

rats  (dans  les  statues),  123, 124. 
Rufin,  Hùt.  eccl.,  XI,  23  :  25, 119,  n.  1; 
123.  —  XI.  26  :  116,  n.  2. 

?airei,  18,  69,  70,  88. 

ffaîpetv,  21.22,  92, 119. 

Sais,  90. 100-107. 

Sarapeion,  118-124. 

Sarapis,  =  Hadès,  9-14,  71.  -  Étymo- 

logie,  15-18,  21-25,  62-66,  69,  83,  96, 

liO-112,  119.  —  Origine  et  statue, 

120-124. 
Seiros,  37.  62,  n.  2;  64,  93-96,  119. 
Seth,  étymologie,  86,  90. 
StvwTTiov,  2tva)TrtTTi<;,  118,  119. 
sistre,  39,  62,  n.  2. 
Smy,  étymologie,  86,  90. 
Sophocle,  Antigonc,  451  :  28,  n.  1.  — 

Fragm.mi  :  61,  n.  2. 
sort  (tirage  au),  47. 
Solhis,  37,  63,  64,  90. 
aoî3<;,  62,  63. 

Sozomène,  Hist.  eccL,  1, 13, 2  :  113,  n.  1. 
Stace,  Thébaide,  1, 105;  VI,  685  :  37. 


i29 


Stoïciens,  63.  64. 

Strabon,  VII,  f'ragm.  3  :  44.  —  X,  3, 
pp.  462  et  suiv.  :  49.  -  XVII,  1.  31  :  66. 

Tacite,  A/m/.,  IV,  83,  84  :  118-121. 

Tapliosiris,  92. 

Théorrite,  11,  35  :  40-42. 

Théodoret,  Hist.  eccL,  XI,  23  :  123, 124. 

Thucydide,  III.  58  :  55. 

Tibulle,  I,  3,  19  :  52.  n.  3.         I,  3.  23  : 

39.-1,8,21  :36. 
Timothée  l'exégète,  9, 19,  20. 
trépied  d'airain,  43,  46,  51. 


Trikaranos,  104. 

triomphe  romain,  49 

3puov,  87. 

To(pi()v  15-17,  35,  39,  60,  61.  85,  86. 

Tatptc;,  92,  n.  4;  93. 

Virgile,  Enéide,  VI,  257  :  41.  -  Geor- 
gifjuex,  IV,  64  :  42. 

Xénocrate,  38. 

Xériophon,  Helléniques.  III    3,  1;  Rép. 
Lacéd.,  XV,  9  :  53. 


9 


TABLE    DES   MATIÈRES 


Pages. 

Introduction.     . .    '.     .  3 

1.  —  Sarapis-Hadès  et  Dionysos-Osiris .     .  9 

II.  —  L-inlerpréiaiion  des  Phrygia  Grammata 15 

III.  —  Sarapis  =  aaipsiv  xô  ttôcv 21 

IV.  —  Sarapis  =  aopô;  "AttiSoç   ..........  23 

V.  —  Le  tombeau  d'Apis 26 

VI.  —  Le  son  de  l'airain 31 

VII.  —  Sarapis  =  aoua^at  xô  ttôcv 62 

VIII.  —  Sarapis  =  Osiris-Apis 65 

IX.  —  Sarapis  et  l'égyptien  «  sairei  » 69 

X.  —  "AiSt)<;,  àiôiQÇ.  àe'.Si)? 71 

XI.  —  Amenlhès 79 

XII.  —  Élymologies  grecques  et  égyptiennes 81 

XIII.  —  Colonisation  grecque  et  égyptienne .  100 

XIV.  —  L'origine  sinopique  de  Sarapis     ....          ....  118 

Table  alphabétique 125 


c? 


BINDm^ 


juu  3  *  •^^*' 


PA  Parmentier,   Léon 

il368  Recherches  sur  le  traité 

Dii7P3'7    d'Isis 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY