BERKELEY
LIBRARY
UNiVERSlTY OF
CALIFGRNIA
MATM/S-^AT
LIBRAHY
RÉCRÉATIONS
MATHÉMATIQUES
RÉCRÉAT:];(3iM,$l-'::;S^--!A
MATHÉMATIQUES
Edouard LUCAS,
Comme il y a une infinité de choses sages
qui sont menées d'une manière très folle, il y
a aussi des folies qui sont conduites d'une
manière très saoe,
(Montesquieu).
DEUXIEME EDITION
\ Les Traversées. — Les Tonts. s
Les Labyrinthes. — Les 'Heines. — Le Solitaire.
La U^umération.
Le ^agiienaudier. — Le Taquin.
PARIS,
GAUTHIER-VILLARS ET FILS. IMPRIMEURS-LIBRAIRES,
QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55.
1891
(Tous droits réservés. )
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PREFACE
-< L'homme est si malheureux, qu'il s'ennuierait
même sans aucune cause d'ennui, par l'état propre de
sa complexion ; et il est si vain, qu'étant plein de mille
causes essentielles d'ennui, la moindre chose, comme
un billard et une balle qu'il pousse, suffit pour le
divertir.
^< Mais, direz-vous, quel objet a-t-il en tout cela?
Celui de se vanter demain entre ses amis de ce qu'il a
mieux joué qu'un autre. Ainsi les autres suent dans leur
cabinet pour montrer aux savants qu'ils ontrésolu une
question d'algèbre qu'on n'aurait pu trouver jusqu'ici.»
[ Pascal. — Pensées.)
DANS le monde, il y a mauvaise grâce à parler de soi ou
des siens. Dans une préface, c'est la loi, loi dont on a
beaucoup médit, dont on médira toujours, -par conve-
nance, — mais qui fait trop joli jeu à la vanité des auteurs, pour
jamais mourir. On me permettra donc d'insister un peu sur ce
livre.
Il y a vingt ans qu'il a été projeté. Je rêvai en même temps
d'éditer les écrits encore épars d'un des plus grands génies de
l'humanité, les Œuvres de Fermât; puis de publier un ouvrage
sur la Théorie des Nombres. Ces méditations difficiles et pro-
E. Lucas — Récréations math. a
609847
VI Préface.
fondes devaient offrir plus d'une obscurité, en un temps et dans
un pays où l'Arithmétique Supérieure est délaissée par les
géomètres et par renseignement officiel. Sur elles, je greffai la
plupart de mes travaux et les ramifications ordinaires de la
recherche personnelle.
Ce n'est pas tout. Les Œuvres de Fermât soulèvent d'impor-
tants problèmes bibliographiques qui ne sont pas encore réso-
lus Des manuscrits étaient à retrouver, des méthodes à restituer,
toutes choses qui, je l'espère, seront prochainement menées à
bonne tin (^). Bref, l'édition a nui au livre, le livre à l'édition;
à tous deux les labeurs du devoir professionnel, et peut-être
aussi cette nécessité de nature qui veut, dit Beaumarchais, « que
les ouvrages de l'esprit soient^ comme les enfants des femmes,
conçus avec volupté, menés à terme avec fatigue, enfantés avec
douleur. »
Le lecteur s'étonnera peut-être que je me sois amusé à des
choses de si petite conséquence, et demandera : A quoi bon ce
livre? Je suis bien tenté de lui répondre sentimentalement avec
Bachet : « Que les livres sont les enfants de nos esprits, et que,
outre l'inclination naturelle qu'ont tous les pères d'aimer leurs
enfants généralement, ils portent encore une affection particu-
lière à leurs premiers-nés. C'est pourquoi, ce livre étant le pre-
mier qui soit sorti de ma main et comme l'enfant premier-né de
mon esprit, c'est avec juste raison que je le chéris particulière-
ment, et que je ne me contente pas de l'avoir mis au monde,
(') Le premier volume de la Théorie des Nombres vient de paraître; les
autres suivront, avec mon Commentaire sur les Œuvres de Fermât; puis
V Histoire, la Pratique et les Progrès du Calcul, dans tous les temps, che^
tous les peuples.
Préface. vu
mais je veux encore prendre le soin de sa conservation et de son
accroissance. »
Bachet ajoute plus solidement, et ce sera aussi ma défense :
« En outre, je ne crois pas que ceux qui auront pénétré dans ce
livre plus avant que Técorce le jugent de si peu de valeur que
feront ceux-là qui n'en auront lu que le titre; car encore que ce
ne soient que des jeux dont le but principal est de donner une
honnête récréation, et d'entretenir avec leur gentillesse une
compagnie, si est-ce qu'il faut bien de la subtilité d'esprit pour
les pratiquer parfaitement, et faut être plus que médiocrement
expert en la science des nombres pour entendre les démonstra-
tions et pour se savoir aider de plusieurs belles inventions que j'ai
ajoutées. »
D'ailleurs, à quoi n'a-t-on pas objecté l'inutilité? Entendant
louer le commentaire de Bachet sur Diophante, Malherbe de-
mande s'il fera diminuer le prix du pain. Roberval^ au sortir
du théâtre, dans l'âge d'or de la tragédie, lance ce mot devenu
classique : Qu'est-ce que cela prouve? Il y eut toujours et tou-
jours il y aura des savants pour dénigrer la fantaisie, des poètes
pour répondre : A quoi bon la science ? des gens pratiques pour
envelopper poètes et savants dans un inépuisable dédain d'abstrait
et d'idéal. Et tout cela est bien heureux.
Savoir^ c'est pouvoir; ce mot est vrai de tous les savoirs.
Incarner dans une phrase musicale ou parlée un rythme inou-
bliable et inentendu, dans une toile des tons inobservés et typi-
ques, dans un marbre les enchantements et les défaillances de la
forme, c'est pouvoir, si créer pour toujours un monde de sensa-
tions et d'idées, c'est pouvoir. Recueillir avec la piété du néo-
phyte des fragments du passé, et revêtir ces reliques de toutes
^■^11 Préface.
les magies du style, c'est pouvoir, si ressusciter des personnalités
éteintes, c'est pouvoir. Voyager à travers l'espace, le temps et le
mouvement, sans autre limite possible que l'effort du coup
d'aile, c'est pouvoir, si tisser des composés inconnus de la nature,
diriger la foudre, évoquer les mondes disparus, unir par quelques
chiffres des globes destinés à s'ignorer toujours, c'est pouvoir.
Vrai pour l'artiste, Térudit, le chimiste, le physicien, l'astro-
nome, le mot de Bacon est également vrai pour le géomètre. En
disséquant les résultats du calcul, en créant des abstractions, en
les combinant, variant, tourmentant, le géomètre fortifie le rai-
sonnement et acquiert sur cet universel outil un pouvoir infini.
Le livre, a-t-on dit, est une conversation avec les amis in-
connus. La partie de cet ouvrage qui a été publiée dans la pre-
mière édition ne m'a point seulement révélé des sympathies, elle
a fait naître des collaborations qui m'ont permis de présenter le
nouvel ouvrage en quatre volumes.
Souvent j'aurai à enregistrer de gracieuses communications :
remarques ingénieuses, solutions élégantes ; chaque fois que l'oc-
casion s'en présentera, je citerai les noms. Mais, dés à présent,
j'adresse mes plus vifs remerciements à mon ami sincère et
dévoué, Henry Delannoy, qui a contribué pour la plus grande
part à la seconde édition de cet ouvrage.
Un dernier mot. Si ces pages plaisent à quelques savants, si
elles intéressent quelques gens du monde, si elles inspirent à
quelques jeunes intelligences le goût du raisonnement et le désir
des jouissances abstraites, je serai satisfait.
Paris, mai 1891.
INTRODUCTION.
« La dernière chose qu'on trouve en faisant un
ouvrage est de savoir celle qu'il faut mettre la pre-
mière. »
(Pascal. — Pensées.)
LA. GEOMETRIE DE SITUATION.
UN des hommes à qui les sciences doivent le plus de
découvertes, et surtout le plus de vues originales et
fécondes, Leibniz, était persuadé que l'analyse des
géomètres ne pouvait s'appliquer à toutes les questions de la
philosophie naturelle. Pour soumettre au calcul les rapports des
différents corps, considérés uniquement dans Tordre de leurs
positions, il souhaitait qu'on inventât une Géométrie nouvelle
qu'il a nommée Geometria sitiis, c'est-à-dire Géométrie de
situation (^). «Après tous les progrès que j'ai faits en ces matières,
écrivait-il à Huygens à la date du 8 septembre 1679, je ne suis
(M Histoire de VAcaiémie royale des Sciences de Paris pour l'année 1771 ;
p. 55.
Introduction,
pas encore content de l'Algèbre, en ce qu'elle ne donne ny les
plus courtesvoyes^ ny les plus belles constructions de Géométrie.
C'est pourquoy, lorsqu'il s'agit de cela, je croy qu'il nous faut
enccr une autre analyse proprement géométrique ou linéaire,
qui nous exprime directement situm, comme l'Algèbre exprime
magnitudinem. Et je croy d'en voir le moyen et qu'on pourrait
représenter des figures et mesme des machines et mouvemens en
caractères, comme l'Algèbre représente les nombres ou gran-
deurs; et je vous envoyé unessay qui me paroist considérable (' j. ^>
Leibniz est revenu souvent sur cette idée fondamentale, notam-
ment dans ses remarques ingénieuses sur \QJeu du solitaire, que
'on doit considérer comme le point de départ des remarquables
travaux du docteur Reiss et du capitaine Hermary, exposés et
développés dans notre cinquième Récréation.
LE PREMIER MEMOIRE DEULER.
Euleraconsacré plusieurs mémoires à la Géométrie de situation.
Dans un travail qui fait partie des Mémoires de V Académie des
Sciences de Berlin pour l'année lySg, et reproduit en français
sous ce titre : Solution d'une question ingénieuse qui ne paraît
soumise à aucune analyse i^), l'illustre géomètre étudie la marche
(') Christiani Hugenii aliorumque seculi XVII virorum celebrium exer-
citationes mathematicce et philosophicce^ ex manuscriptis in bibliotheca
Academice Lugduno-Batavœ servatis edidit P. J. Uylknbroek; fasc. I, p. 9.
HagseComitum, i833.- A partir de la page 6 du second fascicule, on trouve
la reproduction de l'essai de Leibniz dont il est question dans sa lettre à
Huygens.
{') Leonardi EuLERi. Commentûtiones arithmeticœ collectœ. Petropoli ;
1849. Tome I, p. 337.
Introduction.
du cavalier au jeu des échecs et la manière de lui faire parcourir
toutes les cases de l'échiquier sans qu'il passe deux fois sur la
même. Bien qu'il n'ait pas donné la solution générale, il a indiqué
une méthode qui permet de résoudre le problème en partant d'une
case quelconque, parla considération des routes dites rentrantes
ou circulaires. Avant lui, cet intéressant problème avait été
abordé par trois géomètres français : de Montmort, Moivre,
de Mairan. Postérieurement, le sujet fut successivement repris
par Lelio délia Volpe; par Vandermonde, qui étend la question
à l'échiquier cubique ; par Collini, par Warnsdorf, par Legendre
qui recherche infructueusement, dans sa Théorie des Nombres,
le nombre des solutions du problème ; par deLavernèdCj qui donne
la méthode des quarts; par Minding, qui publie un important
mémoire dans le Journal de Crelle; par Giccolini, qui indique
plusieurs routes rentrantes sur l'échiquier de cent cases et consi-
dère aussi l'échiquier circulaire. Plus récemment, les derniers
obstacles imposés au saut du cavalier semblent franchis : Wen-
zelidès, dans la Schach^eitiirig de Berlin, construit des routes
qui, figurées en nombres, produisent des carrés magiques;
de Lavernède, Libri, le docteur Roget, l'abbé Durand, Trou-
penas, etc., dans la Régence, dans le Palamède, etc. ; le comte de
Basterot, dans son Traité élémentaire du jeu des échecs ;\q major
Jaenisch, dans son Traité des applications de l'Analyse mathé-
matique au jeu des échecs, perfectionnent les travaux de leurs
devanciers. Enfin, dans ces derniers temps, les résultats les plus
nombreux et les plus intéressants sont obtenus par Volpicelli, qui
s'occupe de l'échiquier quelconque, carré ou rectangulaire, à
V Académie des Nuoui Lincei; par M. le prince C. de Polignac,
dans les Comptes rendus de V Académie des Sciences de Paris ;
Introduction.
par le révérend A. -H. Frost, dans l'Jie Qiiaterly Journal of
pure and applied Mathematics; par M. Flye-Sainte-Marie, dans
le "Bulletin de la Société Mathématique de France; et par
M. Laquière, dans sa Géométrie de l'échiquier.
En 1823, C. de Warnsdorf a proposé une règle pour résoudre
le problème du cavalier, avec une rigueur scientifique, sans aucun
tâtonnement, sans faux pas. Voici la traduction de son énoncé :
i" A chaque coup, on joue le cavalier sur la case voisine qui
communique par le plus petit nombre d'issues avec la partie
encore inoccupée de l'échiquier. 2° Si, à un coup quelconque, il
se présente plusieurs cases qui offrent le même nombre minimum
d'issues, on est libre de passer sur l'une quelconque d'entre elles.
Malheureusement ce procédé ne conduit qu'aux solutions les
moins élégantes du problème; son application rigoureuse est
assez pénible et les nombreuses infractions que l'on peut com-
mettre, bien que constituant une ressource empirique très pré-
cieuse, ne reposentsur aucun principe certain. Mais il faut dire
qu'à défaut d'une démonstration mathématique rigoureuse, le
nombre prodigieux d'essais faits jusqu'à ce jour ne permet
guère de douter de l'exactitude de la première partie de la règle.
Et celle-ci, cependant, n'est pour ainsi dire que la formule, que
la Loi de prudence, qu'il y a lieu d'appliquer dans la vie à tous
les moments d'indécision, lorsqu'il faut choisir entre plusieurs
routes, pour parvenir à des positions différentes.
Depuis l'apparition de notre premier volume de Récréations, la
Géométrie de situation a fait des progrès notables; sur le .pro-
blème particulier du saut du cavalier, de nombreux et impor-
tants résultats ont été obtenus par M. l'abbé Jolivald, dans ses
recherches surles méthodes d'Euler et de Vandermonde; parExner
Introduction. xiii
et par M. le vicomte du Ligondès sur la polygraphie du cavalier
appliquée à la recherche des carrés magiques. Notre Récréation
sur le Jeu de laFasioulette tsi consacrée à l'étude de ce problème
et aux derniers résultats obtenus par M. l'intendant Delannoy
et par M. le général Parmentier.
LE SECOND MÉMOIRE d'eULER.
Un autre mémoire d'Euler ayant pour titre : Solutio proble-
matis ad Geometriam situs pertinentis, est consacré à la solution
du fameux problème des ponts de la Pregel. Notre deuxième
Récréation, sur le jeu des ponts et des îles, n'est, pour ainsi
dire, que le commentaire et le développement de cette étude, qui
est devenue le point d'attache d'un rameau de la Géométrie de
situation. On donne une figure quelconque formée de points en
nombre arbitraire, réunis par des lignes droites ou courbes;
quel est le nombre minimum de traits continus, sans arrêt ni
répétition, qui sont nécessaires à sa description complète? Tel
est l'énoncé de ce problème général qui sert d'introduction à la
théorie des courbes algébriques ou transcendantes, et en parti-
culier aux figures d'un seul trait, aux courbes unicursales. Nous
démontrerons, dans notre troisième Récréation, détruisant ainsi
le préjugé de l'inextricabilité des labyrinthes, que l'on peut tou-
jours décrire complètement un réseau géométrique quelconque
par un double trait continu; la solution fort ingénieuse que nous
exposons est due à la collaboration de Trémaux, ancien élève
de l'École Polytechnique.
Pour parcourir complètement, deux fois, toutes les allées d'un
labyrinthe, en partant d'un point quelconque, il suffit d'observer
lutroduction ,
les règles posées par Trémaux, en marquant chaque fois le pas-
sage aux différents carrefours, à l'entrée et à la sortie; ces règles
se résument en celle-ci : Eviter autant que possible le passage des
carrefours déjà visités, puis éviter le parcours des chemins
déjà parcourus. N'est-ce pas encore une loi de prudence qui
trouverait son application dans la vie ordinaire?
Nous avons donné dans le premier volume de notre Théorie
des Nombres, au chapitre VII sur la Géométrie de situation, une
étude complète du second mémoire d'Euler. Mais nous avons pu
y ajouter une seconde partie dans laquelle il ne suffit plus de
déterminer les conditions du tracé des réseaux en un ou plusieurs
traits, mais de déterminer, dans chaque cas, le nombre des tracés.
Cette partie est autrement difficile que la première; jusqu'à ces
dernières années le problème paraissait inaccessible; on ne con-
naissait qu'un exemple particulier de cette question, traité parle
docteur Reiss sous la forme suivante : De combien de manières
peut-on placer, en ligne droite^ les vingt-huit dés d'un jeu de
dominos, conformément à la règle du jeu ? Ce problème revient
à celui-ci : De combien de manières peut-on décrire, sans arrêt,
ni répétition, le réseau géométrique formé par les côtés et les
diagonales d'un polygone régulier de sept côtés, sans frag-
menter les diagonales? On se rend facilement compte de l'iden-
tité des deux problèmes, après la suppression des doubles, en
numérotant par o, 1,2, 3, 4, 5, 6, les sommets de l'heptagone.
Mais la solution du docteur Reiss était particulière et vraiment
trop longue, difficile à vérifier. M. Tarry, contrôleur des contri-
butions diverses, à Alger, a donné une solution très simple, au
moyen de deux beaux théorèmes que nous exposons dans cet
ouvrage.
Introduction.
LE TROISIEME MEMOIRE DEULER.
Le troisième mémoire d'Euler a été publié dans les Comptes
rendus de la Société des Sciences deFlessingue; il a pour titre :
Recherches sur une nouvelle espèce de quarrés magiques, et
commence ainsi : <( Une question fort curieuse, qui a exercé pen-
dant quelque temps la sagacité de bien du monde_, m'a engagé à
faire les recherches suivantes, qui semblent avoir une nouvelle
carrière dans l'analyse, et en particulier dans la doctrine des com-
binaisons. Cette question rouloit sur une assemblée de trente-
six officiers de six difîérens grades et tirés de six régimens difîé-
rens qu'il s'agissoit de ranger dans un carré, de manière que
sur chaque ligne, tant horizontale que verticale, il se trouvât six
officiers tant de différens caractères que de régimens différens.
Or, après toutes les peines qu'on s'est données pour résoudre ce
problème, on a été obligé de reconnoître qu'un tel arrangement
est absolument impossible, quoiqu'on ne puisse pas en donner
de démonstration rigoureuse. » Ce mémoire de 154 pages in-S*^
donne, sous une forme intéressante, la solution du problème des
carrés magiques. Mais qu'est-ce donc qu'un carré magique?
8 I 6
3 3 7
492
Écrivons les neuf premiers nombres dans un carré de neuf cases.
Introduction .
conformément au tableau. Cette tigure possède les propriétés
suivantes : i° La somme des nombres renfermés dans la même
ligne horizontale est égale à i5 pour chacune des trois lignes;
2° la somme des nombres renfermés dans la même colonne verti-
cale est égale à i 5 pour chacune des trois colonnes ; 3° la somme
des nombres renfermés dans chacune des deux diagonales du
carré est encore égale à i5 ; on dit que cette figure forme un
carré magique de neuf éléments. Si l'on écrit les seize premiers
nombres dans l'ordre suivant, on obtient une figure telle, que
la somme des nombres renfermés dans une même ligne, dans
une même colonne, ou dans une même diagonale, est toujours
i6
3
1 1
i3
3
9
10
8
6
7
14
12
'
15
I
égale à 34. C'est le carré magique de seize cases qui se trouve
déjà représenté dans la célèbre oMelencholia d'Albert Durer,
burinée en i5i4 'i.Plus généralement, si l'on dispose dans
un échiquier de «^ cases, les n- premiers nombres entiers, de
telle sorte que la somme des nombres renfermés dans chacune
des n colonnes, dans chacune des n lignes, ou dans chacune des
(') Thausing. — Albert Durer. Sa vie et ses œuvres. Trad. par Gruyer ;
Paris, 1878. La date i5i4 se lit sur le carré.
Introduction .
deux diagonales, soit constamment la même, on forme le carré
magique de 72- éléments. Ces figures étaient connues bien des
siècles avant Euler.
On ne sait pas l'origine des carrés magiques, mais on attribue
leur découverte aux Indiens. Dans la relation de son voyage de
1687, M. delà Loubère, envoyé extraordinaire auprès du roi de
Siam, rapporte ce qui suit: (c M. Vincent, dont j'ay souvent
parlé dans ma Relation, me voyant un jour dans le vaisseau,
pendant notre retour, ranger par amusement des carrés magiques
à la manière de Bachet, me dit que les Indiens de Surate les
rangeoient avec bien plus de facilité, et m'enseigna leur méthode
pour lesquarrés impairs seulement, ayant, disoit-il, oublié celle
des pairs (^). « Cependant il y a beaucoup d'apparence que ces
carrés ont tiré leur nom des opérations superstitieuses auxquelles
ils étaient employés, telles que la construction des talismans ; car,
selon la puérile philosophie de ceux qui donnaient des vertus aux
nombres, quelle vertu ne devaient pas avoir des nombres si
merveilleux? « Ce qui a donc commencé par être une vaine pra-
tique de Faiseurs de Talismans, ou de Devins, est devenu dans
la suite le sujet d'une recherche sérieuse pour les mathématiciens,
non qu'ils aient cru qu'elle les pût mener à rien d'utile ni de
solide ; les quarrés magiques se sentent toujours de leur origine sur
ce pointj ils ne peuvent être d'aucun usage; ce n'est qu'un jeu
dont la difficulté fait le mérite, et qui peut seulement faire naître
sur les nombres quelques vues nouvelles dont les mathématiciens
ne veulent pas perdre l'occasion (2). »
(') De LA Loubère. —Du royaume de Siam, t. II, p. 237. Amsterdam, 169 1.
(-) Histoire de l'Académie royale des Sciences pour Tannée lyoS; p. 70.
Paris, 1706.
Introduction.
Parmi les savants qui se sont occupés, avant Euler, de ce
problème, on doit citer: Moschopulos i^), Agrippa, Théophraste,
Paracelse, Cardan, Stifel, Bachet, Kircher, Frénicle, et plus
spécialement Fermât, de la Hire et Sauveur ^^). Les recherches de
Fermât sont consignées dans deux lettres adressées à Mersenne.
« En voila assés. écrivait-il, pour donner de l'exercice à M. de
Frénicle, car je ne sçay gueres rien de plus beau en l'Arithmétique
que ces nombres que quelques-uns appellent Tlanetarios, et les
autres Magicos;aàQ fait j'ay veu plusieurs talismans où quel-
ques-uns de ces quarrés rangez de la sorte sont décrits, et parmy
plusieurs un grand d'argent, qui contient le 49 rangé selon la
méthode de Bachet, ce qui fait croire que personne n'a encore
connu la générale, ny le nombre des solutions qui peuvent arriver
à chaque quarré; si la chose est sceuë à Paris, vous m'en éclair-
cirez; en tout cas, je ne la dois qu'à moy seul (''). «Après Euler,
on doit citer FrankHn, qui donne une nouvelle solution du carré
magique de 16^ éléments, et invente les cercles magiques. Au
xtx« siècle, les principaux auteurs sont : en Allemagne, Moll-
weide, Hûgel, Pessl qui s'occupe de cylindres magiques; en
Angleterre, Horner, Drach, Thompson, Holditch et Frost; en
France, VioUe, qui écrit un grand traité sur ce sujet.
Ainsi qu'on vient de le voir, l'étude des carrés magiques était
(', Dans une très intéressante monographie survies carrés magiques
( Vevmischte Untersuchungen, ch. IV), M. Gûnther, membre du parlement
de Berlin, a publié le texte grec du manuscrit de Moschopulos, auteur byzantm
de la fin du moyen âge. „ ^ , •„
(M M. Mansion, professeur à l'Université de Gand, a expose dans M^^i/Ze
' t XVIII p. 222-225 ) le principe de la méthode de Sauveur qui repose sur
la considération des systèmes de numération, et diffère peu de la méthode
d'F.uler. .
( ) Fermât. — Varia opéra niMhematica. Tolosoe, 1O79; p. 17D-177.
Introduction.
regardée, et l'est encore aujourd'hui, comaie un jeu d'une
extrême difficulté, mais ne pouvant être d'aucun usage; c'était
aussi l'opinion de Franklin qui, dans une lettre à Collinson ^'),
les appelle « difficiles nugœ ». Au contraire, nous montrerons
qu'il n'en est plus ainsi lorsque Ton ajoute aux conditions ordi-
naires du carré magique de nouvelles conditions telles, que le
carré reste magique après une permutation circulaire quelconque
des lignes ou des colonnes. En d'autres termes, si l'on divise un
tel carré en deux rectangles égaux ou inégaux, par une ligne
horizontale ou verticale, le carré doit demeurer magique, après
l'échange des deux fragments du carré; par suite, un nombre
quelconque du carré peut occuper une case quelconque. Pour les
distinguer des autres, nous appellerons ceux-ci Carrés Diabo-
liques; ils ont été entrevus par de la Hire^ Euler et Sauveur.
Voici, par exemple, deux carrés diaboliques :
i5
6
3
9
i6
4
10
5
8
r3
2
7
1 1
I
12
H
23
6
19
2
i5
16
4
12
18
25
8
10
1 1
I
14
22
24
7
20
3
17
5
i3
21
9
Ce sont des carrés diaboliques de 16 cases et de 2 5 cases.
(') Franklin. — Experiments and Observations on Electricity, p. 35o.
London, 1764.
Introduction.
Lorsque l'on cherche à déterminer la multitude des carrés
diaboliques, on se trouve directement conduit à la connaissance
d'une nouvelle fonction numérique dont l'étude trouvera son
importance dans l'Arithmétique Supérieure. Mais, à côté de cette
application théorique du problème des carrés diaboliques, vient
s'en placer une autre plus pratique. En effet, nous ferons voir
que notre méthode de construction des carrés diaboliques ne
diffère pas de celle que nous avons indiquée, en 1867, pour la
construction de l'armure des satins réguliers. En d'autres termes,
l'étude des carrés diaboliques est le principe arithmétique d'une
branche de la Géométrie de situation que nous avons appelée
Géométrie du tissage, et dont nous allons indiquer les origines.
LE MÉMOIRE DE VANDERMONDE.
En 1774, paraissait dans les Mémoires de V Académie des
Sciences de Paris pour 1771, sous ce titre vraiment modeste :
Remarques sur les problèmes de situation, un remarquable
travail de Vandermonde. Ce mémoire débute ainsi : ( Quelles
que soient les circonvolutions d'un ou de plusieurs fils dans l'es-
pace, on peut toujours en avoir une expression par le calcul des
grandeurs ; mais cette expression ne serait d'aucun usage dans les
arts. L'ouvrier qui fait une tresse, un réseau, des nœuds, ne
les conçoit pas par les rapports de grandeur, 'mais par ceux de
situation : ce qu'il y voit, c'est l'ordre dans lequel sont entrela-
cés ces fils. Il serait donc utile d'avoir un système de calcul plus
conforme à la marche de l'esprit de l'ouvrier, une notation qui
ne représentât que l'idée qu'il se forme de son ouvrage, et qui
pût suffire pour en faire un semblable dans tous les temps. » Le
Introduction.
but de Tauteur est de faire entrevoir la possibilité d'une pareille
notation, et son usage dans les questions sur les tissus de fils ; ce
mémoire contient ainsi le germe de la géométrie du tissage, que
Leibniz avait aussi entrevue. C'est la véritable introduction à
cette géométrie, car on y trouve l'indication importante de l'em-
ploi du système des coordonnées cartésiennes de la géométrie
analytique à l'étude de tous les problèmes qui concernent la po-
sition indépendamment de la grandeur. Cependant Tidée de
Vandermonde appartient plutôt à la géométrie des fils curvi-
lignes ; c'est à celle-ci qu'il faut rapporter les procédés qui ser-
vent à tricoter, à fabriquer les filets, les diverses espèces de nœuds
en usage dans l'artillerie, dans la marine, dans le tissage, etc.
C'est encore à cette géométrie qu'il faut rattacher le problème
suivant dont on trouve l'origine dsius les Récréations d'Ozanam
( t. IV, p. 222 de l'édition de 1725 ), dans le jeu nommé Sigil-
lum Salomonis^ décrit dans le même ouvrage, et dans quelques
autres complications de ficelles, de la nature du nœud Gor-
dien : On dessine sur le papier une courbe fermée contenant
des points doubles en nombre quelconque, et l'on suppose que
le trait représente un fil continu, sans fin ; puis on indique par
un signe quelconque quelle est celle des deux portions du fil
qui se trouve au-dessus de l'autre, à chacun des points de croi-
sement. Cela posé, quel est le nombre minimum des nœuds qui
resteront formés lorsque l'on cherchera à débrouiller ce fil?
LA TOPOLOGIE DE LISTING.
Dans deux importants mémoires, trop ignorés aujourd'hui,
Listing a posé les principes généraux de la Géométrie de situa-
E. Lucas. — Récréations mathém. b
Introduction.
tion. Ses Vorstudien \iir Topologie (1847) ont été l'objet d'un
rapport sommaire dans le Traité d'Electricité et de Magnétisme
de Glerk-Maxwell, et d'un exposé élémentaire par M. Cayley,
dans le Messenger of Mathematics (1873). Dans son mémoire
de 1861, intitulé Der Census raumîicher Complexe, Listing
s'occupe de la formation et de la classification des nœuds ; cette
idée a été reprise dans plusieurs mémoires présentés à la Société
royale des Sciences d'Edimbourg, par M. Tait qui a retrouvé la
plupart des résultats de Listing, à propos de l'idée de M. Thom-
son sur les Vortex-Atoms. La géométrie des nœuds est un des
chapitres de la géométrie du tissage.
LA GÉOMÉTRIE DU TISSAGE.
La géométrie des tissus à fils rectilignes a pour objet la con-
struction et la classification de tous les systèmes possibles d'entre-
croisement des fils de chaîne et de trame. Les premiers essais
sur ce sujet ont été publiés, en 1 867, dans notre opuscule intitulé :
Application de l Arithmétique à la construction de l'armure
des satins réguliers. Mais, depuis, nous avons ajouté de nou-
veaux développements dans des communications aux divers
congrès de l'Association française. Cette théorie a donné lieu
à d'autres travaux analogues, parmi lesquels nous citerons ceux
de M. Gand, à la Société industrielle et à l'Académie d'Amiens ;
de MM. Thiele, Broch et Tchebychef, aux congrès de Lille et de
Paris; de MM. Laisant, Laquière et de Polignac, à la Société
mathématique de France ; de M. Cerruti, à l'École profession-
nelle de Biella. Dans notre opuscule : Principii fondamentali
délia geometria dei tessuti, nous avons donné le premier cha-
Introduction .
pitre de cette géométrie. Il contient la définition et la construction
des armures fondamentales, qui reproduisent toutes les autres,
par combinaison ou par mélange, de même que les corps simples
de la Chimie composent tous les corps artificiels ou naturels.
Les armures fondamentales sont divisées en deux classes : les
sergés et les satins réguliers, en considérant l'armure de la toile
comme le sergé le plus simple. Si l'on numérote successivement
les divers points de liage ou de croisement des fils d'un satin,
ainsi que ceux de satins parallèles soumis à certaines lois, de
manière à couvrir le quadrille de l'armure, on obtient les carrés
diaboliques; inversement, ceux-ci représentent toutes les com-
binaisons des armures fondamentales. Ainsi, les carrés que nous
avons figurés précédemment contiennent les armures du satin
contredit sur quatre fils de chaîne et du satin carré sur cinq fils.
En outre, nous avons constaté l'identité de construction des
carrés magiques des Indiens et des armures des sergés compo-
sés. Qui sait s'il ne faut pas chercher dans l'observation de la
structure des anciens châles du royaume de Cachemire, l'origine
des carrés magiques ?
Nous arrêterons ici cette rapide revue, car dans le cours de ce
livre l'occasion se présentera nécessairement de citer et de déve-
lopper les recherches plus récentes. Nous aurions pu également
remonter plus haut, mais cette face de la question historique se
précisera par le développement même de notre travail et par la
lecture de l'Index bibliographique qui termine ce volume.
Dans son Essai d'éducation nationale, La Chaiotais insiste à
diverses reprises sur la nécessité et sur l'utilité d'instruire les
enfants par les récréations. « Je suppose, dit-il, qu'un enfant
sache déjà lire et écrire, qu'il sache même dessiner, ce que je
Introduction.
regarde comme nécessaire, je dis que les premiers objets dont on
doit l'occuper depuis cinq à six ans jusqu'à dix sont l'Histoire^
la Géographie, l'Histoire naturelle, des Récréations physiques et
mathématiques; connaissances qui sont à sa portée, parce qu'elles
tombent sous les sens, parce qu'elles sont les plus agréables et par
conséquent les plus propres à occuper l'enfance. » Et plus loin :
« La Géométrie ne demande pas plus d'application que les jeux
de piquet et de quadrille. C'est aux mathématiciens à trouver
une route qui n'ait pas encore été frayée. On pourrait peut-être
commencer par des Récréations mathématiques (^). »
Nous serions heureux de contribuer à rendre l'expérience pos-
sible et concluante.
(') Essai d'Éducation nationale, ou Plan d'études pour la jeunesse, par
messire Louis-René de Caradeuc de La Chalotais, procureur général du
Roi au Parlement de Bretagne; 1763.
PREMIÈRE RÉCRÉATION.
LE JEU DES TRAVERSÉES EN BATEAU,
A Monsieur V amiral de Jonquières, membre
de rinstitut.
M C'est le principal défaut de beaucoup de savants,
qu'ilsnes'amusent qu'à des discours vagues et rebattus,
pendant qu'il y a un si beau champ à exercer leur
esprit dans des objets solides et réels, avec l'avantage
du public. Les chasseurs, les pêcheurs, les marchands,
les mariniers voyageurs et même les jeux tant d'adresse
que de hasard fournissent de quoi augmenter considé-
rablement les sciences utiles. Il y a presque dans les
exercices des enfants ce qui pourrait arrêter le plus
grand mathématicien. »
(Leibniz. — Optr, phil.)
PREMIÈRE RÉCRÉATION.
LE JEU DES TRAVERSÉES EN BATEAU,
HISTORIQUE. — BIOGRAPHIE DE BlCHET.
CETTE première récréation contient la discussion, la recti-
fication et la généralisation de plusieurs problèmes de
l'antiquité, qui se rapportent à la géométrie de l'ordre et
de la situation.
Quant à l'origine des problèmes qui suivent, nous la croyons
inconnue, comme celle du baguenaudier, dont nous donnons la
théorie dans la septième récréation. Peut-être y a-t-il une con-
nexion entre le problème des trois maris jaloux et le jeu du
baguenaudier de trois anneaux. C'est une question à élucider.
11 est facile de réaliser le jeu des traversées en se servant des
partes d'un jeu de piquet, pour le problème de trois ou de
quatre ménages; s'il y a plus de ménages, on prendra plusieurs
jeux. On peut aussi remplacer les cartes par des jetons numé-
rotés blancs et roses, ou de deux couleurs quelconques. En lisant
E. Lucas. — Récréations mathém. '
'Première récréa tien.
attentivement la discussion du problème que nous donnons
plus loin, d'après Bachet lui-même, on apprendra assez rapi-
dement la manœuvre de ce jeu intéressant. Bachet est l'un
des premiers auteurs français qui aient écrit sur l'arithmétique et
sur la géométrie de situation ; nous extrayons de *la Préface de
nos Recherches sur V Analyse indéterminée et sur V Arithmé-
tique de Diophante (Moulins, 1873), la notice biographique sui-
vante :
Gaspar Bachet, sieur de Méziriac, né à Bourg-en-Bresse, en
i58i, et mort en i638, était un géomètre et un littérateur dis-
tingué. Il fut, à la suite d'un voyage en Italie avec le grammai-
rien Vaugelas, proposé comme précepteur de Louis XIII; mais
comme il n'était pas ambitieux, il quitta précipitamment la capi-
tale, tout effrayé, et disant qu'il n'avait jamais été si en peine,
s'imaginant déjà porter sur ses épaules le lourd fardeau du
royaume. De retour dans sa ville natale, il se maria, et son choix
fut heureux à ce qu'il paraît, car il avoue lui-même que c'était
la meilleure chose qu'il eût jamais faite. C'est au milieu du
calme de cette vie intérieure qu'il découvrit la résolution de
l'équation indéterminée du premier degré en nombres entiers,
publia deux éditions successives de son Recueil de Problèmes
plaisants et délectables qui se font par les Nombres (Lyon, 1 6 1 3
et 1624), et son commentaire sur V Arithmétique de Diophante
(Paris, 1621).
Les traversées en bateau.
LA TRAVERSEE D UN REGIMENT DANS UN BATELET.
Une compagnie d'infanterie s'avance sur le bord d^ un fleuve;
mais le pont est brisé, la rivière est profonde. Le capitaine
aperçoit^ sur le bord, deux enfants qui jouent dans un petit
canot; ce bateau est si petit, qu'il ne peut porter plus d'un
soldat. Comment s'y prendra le capitaine pour faire passer
le fleuve aux soldats de sa compagnie?
Les deux enfants traversent la rivière; l'un d'eux reste sur la
seconde rive, et l'autre ramène le bateau. Puis l'un des soldats
traverse la rivière, et l'enfant passé ramène le bateau.
Par cette tactique^ de deux allers et de deux retours, un
soldat passe. On la recommencera autant de fois qu'il y a
d'hommes dans la compagnie, en y comprenant le capitaine et
ses lieutenants.
LA TRAVERSÉE DU BATELIER,
Sur le bord d'une rivière se trouvent un loup, une chèvre et un
chou; il ny a qu'un bateau si petit, que le batelier seul et l'un
d'eux peuvent j- tenir. Il est question de les passer tous trois,
de telle sorte que le loup ne mange pas la chèvre, ni la chèvre
le chou, pendant l'absence du batelier.
Le batelier commencera par passer la chèvre ; puis il retour-
nera prendre le loup; quand il aura passé le loup, il ramènera la
chèvre, qu'il laissera sur la première rive pour passer le chou du
^Première récréation.
côté du loup. Enfin il retournera prendre la chèvre, et la passera.
Parce moyen, le loup ne se trouvera donc avec la chèvre, ni la
chèvre avec le chou, qu'en présence du batelier.
•*:s^
L.\ TRAVKRSKE DES TROIS MENAGES.
Trois maris jaloux se trouvent avec leurs femmes au passage
d'une rivière, et rencontrent un bateau sans batelier; ce bateau
est si petit, quHl ne peut porter plus de deux personnes à la/ois.
On demande co?nment ces six personnes passeront, de telle sorte
qu' aucune femme ne demeure en la compagnie d'un ou de deux
hommes, si son maii n est présent.
La solution de ce problème antique est contenue dans les vers
latins que voici :
It duplex mulier, redit una, vehitque manentem ;
Itque una, utuntur tune duo puppe viri.
Par vadit, redeunt bini; mulierque sororc;n
Advehit; ad propriam sive mari tus abit.
En d'autres termes, désignons les maris jaloux par les grandes
lettres A, B, G, et leurs femmes respectives par les petites lettres
correspondantes a, b, c; on a, au départ,
Première rive. \ Deuxième rive.
G B A I ...
c b a I ...
On opérera de la manière suivante, en observant qu'après
chaque voyage le bateau est amarré à la seconde rive.
Les traversées en bateau.
Deux femmes passent d'abord :
G B A . .
c . . . b .
Une femme revient et emmène la troisième :
G B A
II.
II L — Une femme revient^ reste avec son mari, et les deux
autres maris passent :
G . . I . B A
c . . I . b a
IV. — Un mari revient avec sa femme qu'il laisse, et emmène
l'autre mari :
I G B A
c b . I . . a
V. — La femme passée revient chercher Tune des deux autres :
G B A
c , . . b a
VI. — Une femme (ou le mari) revient chercher la dernière :
G B A
c b a
Au moyen de la réalisation du jeu par des cartes ou des jetons,
il sera facile de comprendre le raisonnement de Bachet, que nous
reproduisons ci-dessous : « Il semble que cette question ne soit
fondée en aucune raison; mais toutefois la condition apposée
qu'il ne faut point qu'aucune femme demeure accompagnée
d'aucun des hommes si son mari n'est présent, nous peut guider
Première r.écréation.
pour trouver la solution d'icelle par un discours infaillible. Car il
est certain que pour passer deux à deux, il faut ou que deux
hommes passent ensemble ou deux femmes, ou un homme avec
sa femme. Or, au premier passage, on ne peut faire passer deux
hommes (car alors un homme seul demeurerait avec les trois
femmes, contre la condition) ; donc il est nécessaire que deux
fenitaes passent, ou qu'il passe un homme avec sa femme; mais
ces deux façons reviennent à une, d'autant que si deux femmes
passent, il faut que Tune ramène le bateau ; partant une seule se
treuve en l'autre rive; et si un homme passe avec sa femme, le
même adviendra, d'autant que l'homme doit ramener le bateau
(car si la femme le ramenait , elle se treuverait avec les deux
autres hommes sans son mari).
(i Au second passage, deux hommes ne peuvent passer, car
l'un deux lairrait sa femme accompagnée d'un autre homme;
un homme aussi avec sa femme ne peut passer (car, étant passé,
il se treuverait seul avec deux femmes); il est donc nécessaire que
les deux femmes passent: ainsi les trois femmes étant passées, il
faut que Tune d'icelles ramène le bateau. Quoi fait, au troisième
passage, oîi restent à passer les trois hommes et une femme, on
voit bien que deux femmes ne peuvent passer, puisqu'il n'y en a
qu'une; un homme aussi avec sa femme ne peut passer (car étant
passé il se treuverait seul avec les trois femmes) ; donc, il faut que
deux hommes passent et allent vers leurs deux femmes, laissant
l'autre avec la sienne. Or, qui ramènera le bateau?
(( Un homme ne peut le faire (car il lairrait sa femme accom-
pagnée d'un autre homme); une femme [ou deux femmes) (') ne
(') Les mots en italique ne sont pas dans Bachet; c'est un oubli.
Les traversées en bateau.
peut aussi (car elle irait vers un autre homme en laissant son
mari) ; que si les deux hommes le ramenaient, ce serait ne rien
faire, car ils retourneraient là d'où ils sont venus. Partant, ne
restant autre moyen, il faut qu'un homme avec sa femme ramène
le bateau.
« Au quatrième passage, où restent à passer deux hommes avec
leurs deux femmes, il est certain qu'un homme avec sa femme
ne doit passer (car ce serait ne rien faire) ; les deux femmes aussi
ne peuvent passer (car alors les trois femmes seraient avec un seul
homme) ; donc il faut que les deux hommes passent. Alors pour
ramener le bateau, deux hommes ne peuvent être employés (car
ce serait retourner là d'où ils sont venus); un homme seul aussi
ne peut (car, cela fait, il se treuverait seul avec deux femmes);
donc il faut que ce soit la femme qui, en deux fois, aille quérir les
deux autres femmes qui restent à passer, et voilà le cinquième
et le sixième passage. Partant, en six fois, ils sont tous passés sans
enfreindre la condition ('). »
Le raisonnement qui précède nous montre que le problème
proposé ne comporte qu'une seule solution en six passages, au
plus.
L ERREUR DE TARTAGLIA.
Tartaglia, illustre mathématicien italien, naquit à Brescia
vers iSiOj et mourut en iSSy. Il a donné, avant Pascal, la
(^ ) Bachet, Problèmes plaisants et délectables qui se font par les Nombres
Quatrième édition, revue, simplifiée et augmentée par A. Labosne, Paris,
Gauthier- ViLLARS, 1879, P- i4^"^5o.
Première récréation.
théorie du triangle arithmétique, et avant Cardan, la résolution
de l'équation du troisième degré. Dans son Traité d'Arithmé-
tique, il s'est proposé de résoudre le problème pour quatre mé-
nages, en conservant les conditions de l'énoncé précédent; mais
ce grand savant s'est trompé. Bachet, qui le fait remarquer, a
reconnu que la chose esc impossible, mais sans donner de dé-
monstration.
Voici comment on peut démontrer l'impossibilité de ce pro-
blème, lorsqu'on ne peut faire passer plus de deux personnes à la
fois. On observera d'abord que d'un passage au suivant le
nombre des personnes passées, s'il augmente, ne peut augmenter
que d'une unité. Par conséquent, supposons qu'on ait fait passer
deux, puis trois, puis quatre personnes avec les conditions impo-
sées, et voyons si l'on pourra faire passer cinq personnes Ces
cinq personnes peuvent être passées de Tune des quatre façons
suivantes :
4 femmes. i 3 femmes. ! 2 femmes. | i femme.
I
i homme. | 2 hommes. | 3 hommes. ; 4 hommes.
Mais les deux premiers cas sont impossibles, d'après l'énoncé,
puisque sur la seconde rive les femmes seraient en majorité, et,
par suite, il y aurait quelque femme qui se trouverait avec un
homme sans son mari; de même, le troisième cas est impossible,
puisque sur la première rive les femmes seraient encore en majo-
rité sur les hommes présents.
Quant au dernier cas, s'il peut avoir lieu, c'est que le dernier
passage a amené deux hommes, ou un homme et une femme. Or
il n'a pu amener deux hommes, car alors il y aurait eu sur la
première rive deux hommes et trois fem.mes, ce qui est impos-
Les traversées en bateau.
sible comme dans le second cas; il n'a pu amener non plus un
homme et une femme, car il y aurait eu sur la première rive un
homme et quatre femmes, ce qui est impossible comme dans le
premier cas.
Donc on ne peut faire passer cinq personnes, par suite des
exigences de l'énoncé du problème.
LA TRAVERSÉE DE QUATRE MENAGES.
Cependant le problème de la traversée de quatre ménages peut
être effectué, si le bateau peut contenir jusqu'à trois personnes,
en conservant les autres conditions imposées, ainsi que l'a dé-
montré M. Labosne.
Désignons les maris ou les rois des quatre couleurs du jeu de
cartes parles grandes lettres A, B, C, D, et les femmes ou les
reines respectives, parles petites lettres correspondantes a, by c, d;
on a, au départ,
Première rive. Deuxième rive.
D G B A ....
d c b a î ....
En admettant que le bateau puisse contenir jusqu'à trois per-
sonnes, on opérera conformément au tableau suivant :
I. — Trois reines passent d'abord :
D G B A I ....
d , . , I . c b a
Première récréation.
II. — Une reine (ou deux) revient et emmène la quatrième :
D C B A
III. — Une reine revient, reste avec son mari; les trois autres
rois passent :
D . . . , . C 3 A
d . . . i . c b a
IV. — Un roi revient avec sa femme et emmène l'autre roi ;
D G B A
d
c b a
V. — Enfin le dernier des rois revient chercher sa femme :
! D G B A
I d c b a
PROBLEME GENERAL DES TRAVERSEES.
En suivant la même voie, on généralise le problème précédent
que l'on peut énoncer ainsi :
Des maris en nombre quelconque n se trouvent avec leurs
femmes au passage d'une îHvière et aperçoivent un bateau sans
batelier; ce bateau ne peut porter plus de (n— i ) personnes. On
demande comment ces 2w personnes passeront, de telle sorte
qu'aucune femme ne demeure en la compagnie d^un autre homme ^
ou de plusieurs autres, si son mari n'' est présent.
Les traversées en bateau.
i3
Pour la solution de ce problème, nous supposerons qu'il y a
plus de quatre ménages; nous désignerons
les maris par les lettres M L B A,
et leurs femmes par ml ba.
Les deux traits horizontaux représentent un ou plusieurs
ménages, en nombre quelconque.
On a, au départ :
Première rive.
ML
ml
- BA
- ba
Deuxième rive.
On opérera conformément au tableau suivant :
L — D'abord (n — i] femmes passent :
ML BA
m .
. l
\l. ~ Une femme revient chercher la dernière
ML BA . . . .
ml —
ba
ba
IIL — Une femme revient, reste avec son mari, et les autres
maris passent :
M . L BA
' m . / ba
IV. — Un couple repasse la rivière et ramène le couple restant :
ML BA
ml
ba.
T^remière récréation.
La traversée est effectuée en quatre voyages, tandis que pour
quatre ménages il en faut cinq; dans ce cas, le dernier voyage
se dédouble, puisqu'il reste quatre personnes sur la première rive,
après le troisième passage.
^^s^
AUTRE GENERALISATION DU PROBLEME.
L'énoncé général qui précède a été proposé par M. Labosne,
qui a donné une solution de ce problème dans son édition des
Problèmes plaisants et délectables àt Bachet de Méziriac. Mais
la solution que nous venons d'exposer est beaucoup plus simple
que celle de l'éditeur.
D'ailleurs, nous observerons ici que cette généralisation ne
nous semble pas complète; elle ne concorde pas entièrement avec
l'idée renfermée dans l'énoncé du problème des trois maris jaloux.
D'après le tableau précédent,, on voit que l'on peut faire passer
neuf ménages avec un bateau contenant huit personnes au plus.
Cependant il est facile de voir que cette traversée peut être effec-
tuée avec un bateau contenant deux personnes de moins, c'est-à-
dire contenant six personnes au plus. En effet, dans la solution
du problème des trois ménages, chacun d'eux peut être considéré
comme triple, et la traversée pourra s'effectuer conformément au
premier tableau que nous avons donné, en y supposant que Aa,
Bè, Ce représentent des triples ménages.
En conséquence, l'énoncé général du problème des traversées
de n ménages est le suivant :
Les traversées en bateau.
Des maris en nombre quelconque n se trouvent avec leurs
femmes au passage d'une rivière; quel doit être le plus petit
nombre x de personnes quun bateau peut au plus contenir , pour
effectuer la traversée, sans batelier, avec la condition qu'au-
cune femme ne demeure dans le bateau ou sur Vune des rives
en compagnie d'un ou de plusieurs hommes, si son mari n'est
présent.
Nous donnerons la solution de ce problème dans la note I.
placée à la fin du volume.
LA STATION DANS UNE ILE.
Nous ajouterons, pour terminer cette récréation, qu'il y a une
autre manière de généraliser le problème des maris jaloux par
une méthode très simple et très ingénieuse, dont l'idée nous a
été suggérée au Congrès de VAssociation française pour V avan-
cement des sciences^ à Montpellier, en 1879, par un jeune élève
du lycée de cette ville, M. Cadet de Fontenay. En effet, il suffit
de supposer que, dans la traversée du fleuve, on peut s'arrêter
dans une île; dans ce cas, en conservant toutes les autres con-
ditions du premier problème, on peut effectuer avec un bateau,
contenant deux personnes au plus, la traversée d'un nombre
quelconque de ménages. En d'autres termes, nous donnerons la
solution complète du problème suivant :
Des maris^ en nombre quelconque, se trouvent avec leurs
femmes au passage d'une rivière ; ils rencontrent un bateau si
i6 Première récréation.
petite qu'il ne peut porter plus de deux personnes. De plus^ la
rivière renferme une île sur laquelle on peut s^ arrêter. On de-
mande comment toutes ces personnes passeront la rivière, de
telle sorte qu aucune fimme ne demeure, soit sur les deux rives,
dans le bateau ou dans l'île, en la compagnie d'un ou de plu-
sieurs hommes, si son mari n'est présent.
Nous supposerons d'abord que le nombre des maris est au
moins égal à quatre. La traversée se composera toujours de trois
phases distinctes.
Phase de départ. — Dans cette première partie, il s'agit de
faire passer un ménage sur la seconde rive, et un autre dans Tîle ;
on arrive à ce résultat par cinq voyages; après chacun d'eux^ le
bateau est amarré dans l'île.
Les deux traits horizontaux représentent encore un ou plu-
sieurs ménages.
Première rive. \ Ile. \ Deuxième rive.
I. — Deux femmes passent dans l'île :
D G B A I .... 1 ... .
dc..\.-ba\...*
II. — L'une d'elles revient chercher la troisième :
D G B A .... .....
d . . . . c b a ....
III. _ Une femme revient, reste avec son mari, et deux maris
rejoignent leurs femmes :
D G . . . . B A j . . . .
de.. . . b a \ . . ' '
Les traversées en bateau.
IV. — Les femmes de l'île passent sur la deuxième rive, et
Tune d'elles revient dans l'île :
D G . . I . . B A ! .
-— d c . . \ . . b . \ . . . a
V. — Les hommes de l'île traversent le second bras, et l'un
d'eux revient dans l'île avec sa femme :
DG..i..B.|...A
— - d c . . , . , b . \ . . . a
Phase intermédiaire. — Il s'agit : i° d'aller chercher un couple
sur la première rive pour l'amener dans l'île ; 2° de faire passer un
couple de l'île sur la seconde rive, le bateau restant toujours
amarré dans l'île après chaque voyage; cette phase comprend
quatre voyages.
I. — L'homme de l'île revient sur la première rive et deux
femmes rejoignent l'île :
■ — - D G B . j ; . . . j . . .A
. . . \ d c b . \ . . , a
II. — Une femme revient, reste avec son mari, et les deu>c
autres rejoignent leurs femmes dans l'île :
- D . . . I . G B . ; . . . A
d...\.cb,\,,.a
III. — Les deux maris traversent le second bras, et la femme
revient dans l'île :
■ ^D...j.,..!GBA
■ d . . . \ . c b a \ .
E. Lucas. — Récréations mathcm. 2
Première récréation. — Les traversées en bateau.
IV. — Deux femmes de Tîle traversent le second bras, et le
mari C revient dans l'île :
On répétera cette phase intermédiaire jusqu'à ce qu'il ne reste
plus qu'un seul ménage sur la première rive.
Dernière phase. — Il s'agit de faire passer sur la deuxième rive
le ménage resté sur la première, et celui qui est resté dans l'île.
Il faut trois voyages, le dernier étant compté pour un seul.
I. — L'homme de l'île revient chercher le dernier mari :
I D G . . I . . B A
d . . . \ . c . . \ . . b a ■
II. — Les hommes de l'île passent sur la seconde rive, et une
femme revient dans l'île :
1 D C B A
c b . \ . . . a
III. — Les femmes de l'île passent le second bras, et Tune^
d'elles revient chercher la dernière femme :
D C B A
d c b a ■
Donc, s'il n'y a que quatre ménages, la traversée s'effectue en
douze passages; et s'il y a ;2 ménages, elle peut s'effectuer en un
nombre de voyages au plus égal à 4 {n — i).
DEUXIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DES PONTS ET DES ILES.
A Mcnszeiir Edouard Collignon^ inspecteur général
des Ponts et Chaussées.
« Il est des esprits de toutes les trempes, comme des
caractères et des visages différents. Ce qu'un ordre
d hommes honore d'une profonde indifférence d'autres
en font leurs délices. C'est en cela que consiste l'har-
monie de l'univers. »
(OzANAM. — Préface à&s Re'créations.)
e Quand le pont est passé, on se mocque du sainct.»
[J'ro'uerLi' du moyen âfre.)
DEUXIEME RECREATION.
LE JEU DES PONTS ET DES ILES.
PARMI les divers travaux des mathématiciens sur cette branche
de la science de l'étendue que l'on nomme Géométrie de
situation, on rencontre, dès Torigine, un fameux Mémoire
d'Euler, connu sous le nom de Problème des Ponts de Kœnigs-
berg; nous donnons, d'après les Nouvelles Annales de Mathéma-
tiques, un commentaire de cet opuscule, qui a paru en latin
dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Berlin pour
Tannée lySg, et qui a pour titre : Solutio problematis ad Geo-
metriam situs pertinentis.
LE MEMOIRE D EULER.
i*" Outre cette partie delà Géométrie qui s'occupe de la gran-
deur et de la mesure, et qui a été cultivée dés les temps les plus
reculés, avec une grande application^ Leibniz a fait mention, pour
la première fois, d'une autre partie encore très inconnue actuelle-
ment, qu'il a appelée Geome^r/a situs. D'après lui, cette branche
Deuxième récréation.
de la science s'occupe uniquement de l'ordre et de la situation,
indépendamment des rapports de grandeur. Mais quels sont les
problèmes qui appartiennent à cette géométrie ; quelles sont les
méthodes qu'il faut employer à leur résolution? C'est ce qui n'a
pas encore été nettement défini. Récemment j'ai entendu parler
d'un problème qui paraît se rapporter à la Géométrie de situation,
puisqu'il ne contient^ dans son énoncé, que des considérations
d'ordre et non de mesure ; aussi ai-je résolu d'exposer ici, comme
un spécimen^ la méthode que j'ai trouvée pour résoudre ce
problème.
2° A Kœnigsberg, en Poméranie, il y a une île appelée Kneip-
hof; le fleuve qui l'entoure se divise en deux bras {fig. i), sur les-
Fig. I.
C
Les ponts de Kœnigsberg en lySg.
quels sont jetés les sept ponts a, b, c, d, e,/. g. Cela posé, peut-
on arranger son parcours de telle sorte que l'on passe sur chaque
Le jeu des ponts et des îles. 23
pont, et que l'on ne puisse y passer qu'une seule fois? Cela
semble possible, disent les uns; impossible, disent les autres;
cependant personne n'a la certitude de son sentiment. Je me suis
donc proposé le problème suivant, qui est très général :
Quelle que soit la forme d'un fleuve, sa distribution en bras,
par des îles en nombre quelconque, et quelque soit le nombre des
ponts jetés sur le fleuve, trouver si V on peut franchir celui-ci en
passant imefois, et une seule, sur chacun des ponts.
3° Quant au problème particulier des sept ponts de Kœnigs-
berg, on pourrait évidemment le résoudre en faisant l'énumé-
ration complète de tous les parcours possibles ; on reconnaîtrait
ainsi s'il existe ou non un chemin qui réponde à la question.
MaiSj par suite du grand nombre de permutations, cette méthode,
déjà difficile et laborieuse dans le cas particulier, serait imprati-
cable pour un plus grand nombre de ponts ; d'autre part, parmi ces
permutations, beaucoup d'entre elles sont inutiles, de telle sorte
qu'après avoir terminé l'opération on aurait rencontré un grand
nombre de choses qui ne sont pas en question ; c'est en cela^ sans
aucun doute, que réside la cause d'une aussi grande difficulté (').
Donc, en laissant de côté ces considérations, j'ai recherché s'il
n'était pas préférable d'imaginer une méthode qui permît de
juger, au premier abord, de la possibilité ou de l'impossibilité du
problème ; je pensais, en effet, qu'une telle méthode devait être
beaucoup plus simple (*).
(^) C'est pour la même raison, très probablement, que ron n'a pas encore
trouvé la solution du problème des reines lorsque le nombre de celles-ci
dépasse huit; voir à ce sujet notre quatrième récréation sur le problème des
huit reines au jeu des échecs. Quant aux permutations qu'il y aurait lieu
de considérer ici, ce sont les permutations avec répétition.
(2) Cette remarque d'Euler comporte un très grand caractère de généralité
qu'elle ne paraît pas avoir toutd'abord. J'ai observé que, dans un grand nombre
24 Deuxième récréation.
4*^ Or, toute la méthode repose sur une manière convenable
de représenter les divers chemins; pour cela, je me sers des lettres
majuscules A, B, G, D, ... pour désigner les diverses régions
séparées par les bras du fleuve; alors, si l'on passe de la région A
dans la région B, soit par le pont a^ soit par le pont b, je désigne
ce chemin par AB ; la première lettre indique la région de départ,
et la seconde la région d'arrivée. Maintenant^ si le voyageur
passe de la région B dans la région D, par le pont f par exemple,
je désigne la seconde traversée par BD, et l'ensemble des deux
passages successifs par ABD; ainsi, la lettre intermédiaire B
désigne en même temps la région d'arrivée après la première
traversée, et la région de départ pour la seconde.
5"" Si le voyageur passe ensuite de D en G par le pont g, je
désigne l'ensemble des trois passages successifs par les quatre
lettres ABDG. Ainsi, la notation ABDG signifie que le voya-
geur, situé primitivement dans la région A, est parvenu dans la
région G, après avoir occupé successivement les régions B et D,
mais, puisque ces quatre régions sont séparées les unes des autres
par le bras du fleuve, le voyageur a dû franchir trois ponts; de
même, tout parcours dans lequel on traverse quatre ponts sera dé-
signé par cinq lettres. En général, si le voyageur traverse n ponts,
la notation de son parcours contiendra n -h i lettres. Ainsi,
de problèmes de la Géométrie desituation, ily a souventunedillérence consi-
dérable dans la manière de traiter la possibilité et l'impassibilité ; en géné-
ral, l'impossibilité se manifeste plus facilement que la possibilité, ainsi
que l'on pourra s'en convaincre dans les théories du solitaire, du taquin
et de quelques autres jeux. Dans le paragraphe suivant, Euler ajoute que
toute sa méthode repose sur une notation spéciale ; nous ferons voir encore
que dans tous ces problèmes il en est toujours ainsi. On verra, dans notre
récréation sur le jeu de baguenaudier, comment la notation si ingénieuse
de M. Gros simplifie considérablement la théorie do ce jeu.
Le jeu des ponts et des îles. 25
dans le problème des sept ponts de Kœnigsberg, tout chemin
possible doit être de'signé par huit lettres.
6° On observera que, dans cette notation^ il n'est pas tenu
compte de la désignation des ponts par lesquels le passage s'ef-
fectue; il est évident_, en effet, que les ponts qui réunissent les
mêmes régions peuvent être, dans chaque parcours, remplacés
les uns par les autres. Par conséquent, dans le problème des sept
ponts, tout parcours est représenté par huit lettres; mais, de plus,
ces huit lettres doivent être disposées de telle sorte que la suc-
cession immédiate des lettres A et B^ dans Fordre AB ou BA, se
présente deux fois, puisqu'il y a deux ponts qui réunissent les
rives des régions A et B; de même, le voisinage des lettres A et C
doit aussi apparaître deux fois; pour la même raison^ il est néces-
saire que les lettres B et D^ ou G et D soient voisines une seule
"•t'ois.
7° Le problème particulier se réduit donc à former avec les
quatre lettres A, B, G, D une série de huit lettres, dans laquelle
tous ces voisinages apparaissent autant de fois qu'il a été indiqué;
mais, avant de chercher à effectuer une telle disposition, il est
bon de se demander si celle-ci est réalisable. En effet, si l'on
démontrait, et c'est ce qui a lieu ici, qu'un tel assemblage de
lettres est impossible, il serait inutile de continuer. Aussi ai-je
trouvé une règle qui donne, pour tous les cas, la condition indis-
pensable pour que le problème des ponts et des îles ne soit pas
impossible.
8"^ Pour cela, je considère uniquement la région A, dont la
rive est réunie à celle des autres régions par un nombre quel-
conque de ponts a, b, c, d^ e, ... En commençant par le pont a,
j'observe que si le voyageur traverse ce pont, ou bien le voya-
20 Deuxième récréation.
geur se trouvait en A avant le passage, ou s'y trouvera après;
par conséquent, en franchissant le pont a dans un sens ou dans
l'autre, la lettre A paraîtra une seule fois dans la notation. Sup-
posons maintenant que trois ponts a, b, c conduisent dans la
région A ; si le voyageur traverse les trois ponts, la lettre A appa-
raîtra deux fois dans la notation, soit qu'au début le voyageur
parte de cette région ou d'une autre quelconque. De même, si
cinq ponts conduisent en A, la lettre A sera comprise trois fois
dans la notation du passage à travers tous ces ponts. En général,
si le nombre des ponts qui aboutissent à la rive de la région A
est impair (une telle région sera appelée région impaire]^ la
lettre A apparaîtra, dans la notation du passage complet, un
nombre de fois égal à la moitié du nombre des ponts augmenté
d'une unité. En d'autres termes, si le nombre des ponts est
2n -\- I, le nombre d'apparitions de A sera la moitié de 2^ + 2
ou 72 4- I .
9° Dans le cas du problème de Kœnigsberg,cinq ponts abou-
tissent à la région A, et trois ponts à chacune des régions B, C, D ;
donc, dans la notation du parcours complet, la lettre A doit
apparaître trois fois, et chacune des lettres B^ C, D doit être
écrite deux fois; par conséquent cette notation devrait renfer-
mer neuf lettres, et non huit, ainsi que nous l'avions trouvé par
d'autres considérations. Ainsi le problème de franchir une seule
fois tous les ponts de Kœnigsberg n'est pas possible.
10° On appliquera exactement le même raisonnement pour
tous les cas dans lesquels le nombre des ponts qui aboutissent
aux différentes régions est toujours impair; on pourra déterminer
Le jeu des ponts et des îles.
des cas d'impossibilité du parcours. En effet, s'il arrive que le
nombre total des apparitions de toutes les lettres n'égale pas le
nombre de tous les ponts augmenté de Tunité, le problème est
alors impossible. On observera que la règle donnée pour obtenir
le nombre des répétitions de la lettre A par le nombre impair des
ponts de la région s'applique toujours, soit que tous les ponts
issus de la rive A aboutissent à une seule région B, soit qu'ils
aboutissent à un nombre quelconque de régions.
1 1° Mais, lorsque le nombre des ponts issus de A est pair, on
doit considérer deux cas, suivant que le voyageur est parti de A
ou d'une autre région. En effet, si deux ponts conduisent en A,
et si le voyageur est parti de A, alors la lettre A doit être répétée
deux fois : une première fois pour le départ par l'un des ponts,
et une deuxième fois pour le retour par l'autre pont; mais si le
voyageur a commencé ses pérégrinations par une autre région,
la lettre A ne se trouvera écrite qu'une seule fois et désignera tout
aussi bien, ainsi qu'il est convenu, l'arrivée en A par l'un des
ponts et le départ par l'autre.
12° Supposons que quatre ponts conduisent dans la région A,
et que le voyageur parte de celle-ci; alors la notation du parcours
contiendra trois fois la lettre A s'il passe une fois, et une seule,
sur chacun de ces ponts; mais s'il est parti d'une autre région,
la lettre A ne sera répétée que deux fois. De même, lorsque six
ponts aboutissent à la région A, la notation du parcours renfer-
mera quatre fois ou trois fois la lettre A, suivant que le départ
s'est effectué de la région A ou d'une autre. En général, lorsque le
nombre des ponts d'une rive est pair {région paire), la notation
correspondante renferme la lettre de cette région un nombre de
fois égal à la moitié du nombre des ponts, si le départ s'est établi
Deuxième récréation.
d'une autre région, et à ce nombre augmenté de l'unité, si le
commencement du voyage a eu lieu dans cette région.
i3° Mais il est évident que, dans le parcours complet, on ne
peut partir que d'une seule région; par conséquent je prendrai
toujours pour le nombre des répétitions d'une lettre la moitié du
nombre des ponts pour une région paire, et la moitié du nombre
des ponts augmenté d'une unité, si la région est impaire. Nous
aurons alors deux cas à considérer, suivant que le départ s'ef-
fectue d'une région impaire ou d'une région paire.
Dans le premier cas, le problème sera impossible si le nombre
total des répétitions des lettres ne surpasse pas d'une unité le
nombre total des ponts. Dans le cas de départ d'une région paire,
le problème sera impossible, si le nombre total des répétitions des
lettres n'égale pas le nombre des ponts; car, en commençant par
une région paire, on devra augmenter d'une unité pour cette
région, et pour celle-là seulement, le nombre des répétitions de
la lettre correspondante.
4" Considérons donc une disposition quelconque des ponts et
des îles d'un fleuve. Pour savoir si le parcours complet de tous
les ponts n'est pas impossible à priori^ on opère de la manière
suivante : i° On désigne chacune des régions séparées les unes
des autres par les lettres A, B, C, D; 2° on prend le nombre de
tous les ponts, et on le place en tête du tableau de calcul que
nous allons indiquer; 3° on écrit dans une colonne verticale
chacune des lettres A, B, C, D, et dans une seconde colonne, le
nombre des ponts qui aboutissent à ces différentes régions; 4° on
Le jeu des ponts et des îles.
marque d'un astérisque les régions paires, c'est-à-dire celles
auxquelles aboutissent des ponts en nombre pair; 5° on écrit
dans une troisième colonne verticale les moitiés des nombres
pairs, et les moitiés dts nombres impairs, augmentés d'une unité,
de la colonne précédente; 6° on fait la somme de tous les nom-
bres de cette dernière colonne. Lorsque cette somme est égale
au nombre de tous les ponts ou lui est supérieure d'une unité, le
passage complet peut être effectué, sinon le problème est impos-
sible. Mais il faut observer que, dans le premier cas, le départ
doit commencer par une région paire, marquée d'un astérisque;
dans le second cas, le départ doit s'effectuer d'une région non
marquée d'astérisque, ou impaire. Ainsi l'on a, pour le le pro-
blème de Kœnigsberg :
Nombre des ponts : 7.
A 5
B 3
C 3
D 3
TOTAT
Comme le total est plus grand que 8 ou 7 -^ i, le problème est
impossible.
iS" Considérons la disposition formée par deux îles A et B,
réunies entre elles et aux rives d'un fleuve par quinze ponts,
ainsi que l'indique la fig. 2. On demande si l'on peut voyager
de manière à passer sur tous les ponts, sans jamais repasser
3o
Deuxième récréation.
sur l'un deux. D'abord, je désigne les six re'gions par les
Fig. 2.
lettres A, B, C, D, E, F; puis je construis le tableau d'après les
explications données ci-dessus :
Nombre des ponts : i5.
A^
8
B^
. . A.
G*
. . . A.
D
3
E
5
F^
fi
Total
i6
Dans cet exemple, le problème est possible, pourvu que l'on
Le jeu des ponts et des îles.
parte de la région D, et alors on arrive à la région E, ou inver-
sement; le parcours pourra s'effectuer ainsi :
EaFbBcFdAeFfC^AhCiDkAmEnApBqElD,
ou dans l'ordre inverse; dans cette notation, nous avons intercalé
entre les lettres majuscules, qui indiquent les régions, les lettres
minuscules qui désignent les quinze ponts.
i6° En dehors de la méthode précédente, pour juger de l'im-
possibilité, nous indiquerons un moyen plus simple et plus
expéditif. Nous observerons d'abord que la somme des nombres
de la seconde colonne verticale du tableau est exactement égale
au double du nombre des ponts ; cela tient à ce que nous avons
compté chaque pont deux fois, puisque par chacune de ses extré-
mités il aboutit à deux régions distinctes.
17° Il résulte évidemment de cette remarque, que la somme
des nombres renfermés dans la seconde colonne verticale est un
nombre pair, puisque sa moitié représente le nombre des ponts.
Par conséquent, il n'est pas possible que le nombre des régions
impaires soit un, trois, cinq, etc. ; ainsi dans tous les tableaux de
calcul, la seconde colonne renferme toujours un nombre pair de
nombres impairs; en d'autres termes, le nombre des régions
impaires est nécessairement zéro ou un nombre pair. C'est, en
particulier, ce que nous avons trouvé pour le problème de Kœ-
nigsberg, et aussi pour le problème du n° i5.
18° Il ressort de ces conF'dérations que le problème n'est pas
impossible si toutes les régions sont paires. Alors tous les nom-
bres de la seconde colonne verticale sont pairs, et le total des
32 Deuxième récréation.
nombres de la troisième colonne est égal au nombre des ponts ;
et l'on verra que le problème est toujours possible en prenant
pourpoint de départ uns région quelconque.
Ainsi, dans l'exemple de Kœnigsberg, on pourrait franchir
tous les ponts par deux fois ; par exemple :
ababcdcde ff g g e.
En effet, chaque pont est dédoublé, et toutes les régions de-
viennent paires (^).
19° Supposons encore qu'il y aitdeux régions impaires, toutes
les autres étant paires; dans ce cas, la somme des nombres de la
troisième colonne surpasse d'une unité le nombre des ponts; on
s'assurera encore que le problème est possible, à la condition de
prendre pour point de départ ou d'arrivée Tune ou l'autre des deux
régions impaires. On voit encore que si le nombre des régions
impaires était de quatre^ six, huit, la somme des nombres de la
troisième colonne surpasserait de deux, trois, quatre unités le
nombre total des ponts ; par conséquent le problème serait impos-
sible.
20" En résumé, étant donnée une disposition quelconque, il
sera facile de savoir s'il est possible de franchir, une seule fois,
tous les ponts. Le problème est impossible, lorsqu'il y a plus de
deux régions impaires; il est possible : 1° lorsque toutes les
régions sont paires, et alors le point de départ peut se faire arbi-
trairement d'une région quelconque; 2° lorsqu'il n'y a que deux
régions impaires, et alors le parcours commence par l'une de
celles-ci et finit par l'autre, ou inversement.
(*) Ce raisonnement s'applique évidemment à une distribution quel-
conque des pontset des îles dans les bras d'un fleuve, à la condition de passer
deux fois sur chaque pont.
Le jeu des ponts et des îles. 33
21° Lorsque l'on a conclu à la possibilité du problème, il reste
à résoudre la question de savoir comment on doit diriger sa
course; à cet effet, je me sers de la règle suivante : a On supprime
par la pensée, autant de fois qu'on le peut, les couples de ponts
qui conduisent d'une région dans une autre; de cette manière,
le nombre des ponts est considérablement diminué; on cherche
ensuite la course à effectuer avec le reste des ponts. Cela fait,
on rétablit les ponts supprimés, ce qui devient très facile avec
un peu d'attention. Aussi je ne crois pas qu'il soit nécessaire
d'en dire davantage sur la loi de formation des parcours. »
Ici se termine le Mémoire d'Euler. Cet illustre géomètre n'a
traité pour ainsi dire que la question d'impossibilité. On trou-
vera dans la Note 11^ placée à la fin du volume, la théorie de la
possibilité, que l'on doit considérer comme la suite du Mémoire
qui précède.
LES PONTS DE PARIS EN I
Nous ferons maintenant l'application des règles démontrées
dans ce Mémoire au problème suivant : Est-il possible de passer
successivement sur tous les ponts de Paris sans passer deux
fois sur Vun d'eux?
Nous ne comprenons dans ce problème que les ponts jetés sur
la Seine, sans tenir compte des canaux. Dans le parcours du
fleuve à travers Paris^ on ne rencontre que trois îles, à savoir :
l'île Saint-Louis, la Cité et l'île des Cygnes. Par conséquent
on doit compter cinq régions différentes : les deux rives et les
trois îles.
E. Lucas. — Récréations mathém. 3
3_j. Deuxième récréation.
Mais, parmi ces cinq régions, l'île des Cygnes et la Cité sont
des régions paires; à la première aboutissent les deux parties du
pont de Grenelle; à la Cité aboutissent dix ponts, savoir : i° au
sud, le pont de l'Archevêché, le pont au Double, le Petit-Pont, le
pont Saint-Michel et la partie méridionale du Pont-Neuf; 2° au
nord, le pont Saint- Louis, le pontd'Arcole, le pont Notre-Dame,
le pont au Change et la partie septentrionale du Pont- Neuf.
L'île Saint-Louis est une région impaire à laquelle aboutissent
sept ponts : au sud, la partie méridionale du pont Sully, le pont
delà Tournelle et le pont Saint- Louis; au nord, la partie sep-
tentrionale du pont Sully, le pont Marie et le pont Louis-Phi-
lippe; mais il faut ajouter VEstacade, pont en bois qui aboutit à
la rive droite. Quant aux deux rives, il n'est pas nécessaire de
connaître le nombre des ponts ; il est facile de voir que Tune d'elles
est une région impaire et l'autre une région paire. En effet, il
a été démontré au n" 17 que le nombre des régions impaires est
toujours pair; or, sur les cinq régions, deux sont paires et une
impaire; il est donc nécessaire que l'une des rives soit le point
de départ d'un nombre impair de ponts.
D'autre part, puisqu'il n'y a que deux régions impaires, le
problème proposé est toujours possible. En d'autres termes, un
voyageur peut disposer son parcours de telle sorte qu'il puisse
passer une fois, et une seule, sur tous les ponts qui aboutissent
à la Cité et à l'île Saint- Louis et sur un nombre quelconque de
ponts joignant directement les deux rives de la Seine. Mais le
promeneur est toujours forcé de prendre l'île Saint- Louis pour
point de départ ou d'arrivée .
On observera d'ailleurs que si l'on ne tient pas compte de
VEsiacade, le problème devient d'une très grande simplicité.
Le jeu des ponts et des îles.
LES FIGURES D UN SEUL TRAIT. — LA SIGNATURE DE MAHOMET.
On se propose quelquefois de dessiner, d'un seul trait non
doublé, la figure formée parles quatre côtés d'un rectangle et
ses deux diagonales. Ce problème est semblable à celui des ponts
deKœnigsberg; soient A, B, C, D les sommets du rectangle, E
l'intersection des diagonales. On peut considérer les cinq points
A, B, C, D, E comme les centres de cinq régions; quatre d'entre
elles, A, B,G, D, sont impaires; donc le problème est impossible
Cependant on pourrait dessiner cette figure en doublant tous les
traits.
Fie. 3.
Fig. 4.
Ces considérations s'appliquent à la description par un seul
trait de toutes les figures de Géométrie formées de lignes droites
ou courbes, dans le plan ou dans l'espace. Ainsi on démontrera
très facilement que l'on peut décrire d'un seul trait la figure for-
mée par les côtés et toutes les diagonales d'un polygone convexe
d'un nombre impair de côtés, et que le problème est impossible
pour les polygones d'ordre pair, comme le carré, l'hexagone. De
même, on peut décrire d'un seul trait l'ensemble des arêtes de
3b
Deuxième récréation.
Toctaèdie régulier, tandis qu'on ne peut le faire pour les quatre
autres polyèdres réguliers convexes.
Je me suis laissé dire que Mahomet dessinait d'un seul coup,
avec la pointe de son cimeterre, sa signature formée de deux
croissants opposés, conformément à la Jîg-. 5. En effet, cette
Fiiî. 5.
figure ne contient que des points d'ordre pair, et peut se décrire
d'un seul trait continu,
Lafig. 6 ne contient que deux points impairs A et Z; par
conséquent, on peut la décrire d'un seul trait continu allant de
A à Z ou inversement. On peut réaliser un jeu, en dessinant
cette figure en grand sur une feuille de carton ; on place de petits
jetons sur le milieu de toutes les lignes qui joignent deux points
Le jeu des ponts et des îles.
37
voisins; il s'agit alors de déterminer le parcours à suivre pour
enlever tous les jetons successivement. Cette figure est extraite
de l'opuscule ayant pour titre : Vorsludien \iir Topologie, par
Johann Benedict Listing; cet ouvrage curieux m'a été gracieu-
sement communiqué par M. Moritz Cantor, professeur à
l'Université de Heidelberg.
La Jîg. 7 contient huit points impairs et ne peut être décrite
en moins de quatre traits continus; ce théorème a été énoncé par
Fig. 7.
Fig. 8.
Clausen, dans le n° 494 des Astronomische Nachrichten. La
fig. 8 représente un fragment de mur en maçonnerie; elle con-
tient douze points impairs, et ne peut être décrite en moins de
six traits continus.
De même, la figure qui représente l'échiquier ordinaire de
soixante-quatre cases renferme vingt-huit points impairs, et ne
peut être décrite en moins de quatorze traits; la figure du damier
de cent cases nécessite la succession de dix-huit traits con-
tinus.
Si l'on divise les côtés d'un triangle en n parties égales, et si
l'on joint les points de division correspondants par des lignes
parallèles aux côtés, on obtient une figure qui ne contient que
38 Deuxième récréation, — Le jeu des ponts et des îles.
des points d'ordre pair_, et que l'on peut décrire d'un seul trait, etc.
LES VOYAGES D UN CONTREBANDIER.
On ramène encore au problème des ponts de Kœnigsberg celui
du voyage d'un contrebandier qui se propose de traverser succes-
sivement toutes les frontières respectives des divers pays d'un
continent, et de ne les traverser qu'une seule fois. 11 est évident
que les divers pays et leurs frontières correspondent exactement
aux régions et aux bras du fleuve sur lesquels serait jeté un
seul pont, pour chaque frontière commune à deux pays. Ainsi,
puisque la Suède, l'Espagne et le Danemark ont des frontières
en nombre impair, il est impossible de traverser^ une seule fois
seulement, toutes les frontières des différents pays de l'Europe.
Il y a encore lieu de considérer le problème géométrique corré-
latif pour les figures du plan et de l'espace. Ainsi, par un mou-
vement continu sur la surface, il est possible de traverser une
seule fois toutes les arêtes du cube, mais non pas les arêtes des
autres polygojies réguliers convexes.
TROISIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DES LABYRINTHES
A Monsieur le prince Camille de Polignac, vice-président
de la Société 7nathématique de France.
« Il est rare que les géomètres soient fins, et que Ic:
fins soient géomètres. »
( Pascal. — Pensées.)
« Cet esprit philosophique qui doit dominer partout
et qui est le fil de tous les labyrinthes. »
(Voltaire. — Eloge de la Marq. du Châtelet.)
« Les hommes d'esprit ne sont pas rares, et les géo-
mètres le sont. »
(Casanova de Seingalt. — Solution
du problème deTiaque.)
TROISIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DES LABYRINTHES,
LE PETIT POUCET.
LECTEUR, supposez-vous égaré dans les carrefours d'un laby-
rinthe, dans les galeries d'une mine, dans les carrières des
catacombes, sous les allées ombreuses d'une forêt. Vous
n'avez point dans votre main le Fil d'Ariane, et vous êtes dans
la situation du Petit Poucet, après que les oiseaux ont mangé
les miettes de pain semées sur sa route. Que faire pour retrouver
rissue du labyrinthe, le puits de la mine, l'entrée des catacombes,
la cabane du bûcheron? Cette récréation va vous apprendre que
l'on peut toujours retrouver le chemin perdu.
LES LABYRINTHES DE l'ÉGYPTE ET DE LA GRÈCE.
Les anciens auteurs considéraient les labyrinthes comme
inextricables; c'est peut-être encore un préjugé de nos jours. On
42 Troisième récréation.
donnait ce nom à des édifices composés d'allées ou de galeries
dont les innombrables ramifications mettaient le visiteur dans
l'impossibilité de sortir. Les ouvrages de l'antiquité sont pleins
de descriptions de ces monuments merveilleux qui servaient de
tombeaux, et dont il ne reste presque plus de trace aujourd'hui.
En Egypte, il y en avait deux : le labyrinthe de Mendcs, situé
dans Tîle du lac Mœris, et celui des Dou\e Seigneurs, construit
au sud-est dM même lac, par Psammetichus, près de sept siècles
avant l'ère chrétienne. Pline rapporte que c'était un monument
consacré au Soleil; il se composait d'une série de temples reliés
ou superposés les uns aux autres, occupant une étendue prodi-
gieuse; les rues formaient des circuits et des détours inextricables.
Mais, de tous ces monuments, celui qui a été le plus chanté
par les poètes, est le labyrinthe de Crète, construit par ordre du
roi Minos, pour servir de prison au Minotaure :
Minos veut que dans l'ombre un vaste labyrinthe,
Prison du monstre affreux, le cache en son enceinte.
L'ingénieur Dédale, architecte fameux,
Traça les fondements de ses murs sinueux,
Et, dans de longs détours, sans terme et sans issue.
Par l'erreur des sentiers embarrassa la vue.
Tel qu'amoureux de suivre un tortueux chemin,
Le méandre se joue en son cours incertain,
Et vingt fois sur ses pas ramené dans sa courte,
Se rencontre lui-même et retrouve sa source,
De détours en détours sur sa route égaré:
D'innombrables circuits par Dédale entoure.
Tel est le labyrinthe, et l'inventeur lui-même
Put à peine en sortir, tant son art est extrême!
(Ovide, Métamorphoses, liv.VIII.)
L'idée d'inextricabilité apparaît dans ce passage d'Ovide, dont
la traduction possède au moins le mérite de donner, dans le
Le jeu des labyrinthes.
nombre des épithètes, une image de la multiplicité des carre-
fours du labyrinthe. On retrouve encore cette idée dans les Lettres
à Emilie par Demoustier : « Cet édifice immense, dit-il, con-
tenait une infinité de circuits ménagés avec une adresse perfide :
Hélas! il ressemblait au cœur de l'infidèle,
Dont l'innocence ignore les détours;
Sans le savoir, on s'engageait comme elle,
On se perdait comme elle pour toujours.
Peut-être n'y a-t-il dans tout cela qu'une légende poétique;
aucun auteur de l'antiquité ne dit avoir vu ce labyrinthe; du
temps de Diodore et de Pline, on n'en découvrait plus de vestiges
extérieurs. Cependant il existe encore dans l'île de Crète (aujour-
d'hui Candie) plusieurs cavernes à galeries couvertes que les
Candiotes n'hésitent pas à reconnaître pour les débris du laby-
rinthe où s'engagea la belle Ariane, fille de Minos.
^^
TOURNEFORT DANS UNE CAVERNE.
Le célèbre botaniste Tournefort visita, vers 1702, l'une de
ces cavernes, creusée au pied du mont Ida. Dans ses lettres au
ministre Pontchartrain, publiées sous le titre de Voyage du
Levant^ il raconte qu'après avoir erré quelque temps à travers un
réseau de corridors souterrains, les explorateurs arrivèrent à une
grande et large avenue qui les conduisit à une fort belle salle,
située au fond du labyrinthe. « Nous fîmes^ dit-il, en une demi-
heure de temps 1460 pas dans cette principale allée sans nous
écarter ni à droite ni à gauche. Elle est haute de sept pieds,
lambrissée d'une couche horizontale de rochers et toute plate,
44 Troisième récréation.
comme le sont la plupart des lits de pierre de ce quartier-là. Il y a
pourtant quelques endroits où il faut un peu baisser la tête, et un,
entre les autres^ que Ton rencontre vers le milieu du chemin, où
l'on est obligé, comme on dit, de marcher à quatre pattes. Cette
allée est ordinairement assez large pour laisser passer deux ou
trois personnes de front. Le pavé est uni; il ne faut ni monter,
ni descendre considérablement. Les murailles sont taillées à
plomb, ou faites des pierres qui embarrassaient le chemin, et que
l'on a pris la peine de ranger fort proprement, comme on fait
celles des murailles où l'on n'emploie point de mortier; mais il
se présente tant de chemins de tous côtés, que l'on s'y perdrait
indubitablement sans les précautions nécessaires. Comme nous
avions grande envie d'en revenir, nous postâmes : i° un de nos
guides à l'entrée de la caverne, avec ordre d'aller chercher du
monde au village prochain pour venir nous délivrer, supposé
que nous ne fussions pas de retour avant la nuit; 2" chacun de
nous portait à la main un flambeau; 3° nous attachions sur la
droite des papiers numérotés dans tous les détours qui nous pa-
raissaient difrîciles à pouvoir être repris; 4*^ un de nos Grecs
laissait à gauche de petits fagots d'épines dont il avait fait pro-
vision, et un autre prenait soin de semer sur le chemin de la
paille dont il portait un sac sous le bras. »
LES AUTRES LABYRINTHES.
Il existe encore des ruines de plusieurs autres labyrinthes : à
Lemnos, à Agrigente, à Clusium. On a sur ce dernier édifice,
qui servit de sépulture à Porsenna, le témoignage de Marcus
Le j eu des labyrinthes. 45
__ _ ^ . . __
Varron, cité par Pline : Sa base renfermait un labyrintne
inextricable; si quelqu'un s'y engageait sans peloton de fil^ il ne
pouvait retrouver l'issue. Cet édifice/ ajoute Pline, était un
monument de la folie et de la vanité humaines.
Au moyen âge, le labyrinthe devient une disposition particu-
lière du pavage des églises gothiques. L'arrangement, la coupe et
la couleur des pavés forment, par leurs agencements, des lignes
sinueuses conduisant par de nombreux détours à différentes sta-
tions, et finalement à un calvaire figuré. Parmi les plus fameux
labyrinthes de ce genre, sur lesquels on effectuait des pèlerinages
en miniature, on doit citer ceux des cathédrales d'Amiens, de
Sens, de Reims, de Chartres, de Bayeux; ces deux derniers
subsistent encore, ainsi que celui de la collégiale de Saint-
Quentin.
Aujourd'hui nous avons encore à Paris deux labyrinthes, sans
compter le dédale de nos rues, de nos boulevards et de nos
égouts : celui des anciennes carrières, sous la rive gauche de la
Seine, et celui du Jardin des Plantes. Avec une autorisation
spéciale, le public peut visiter la partie du premier, que l'on
nomme Ossuaire des Catacombes; il renferme les débris des
sépultures des anciens cimetières. On ne peut s'y égarer, car les
visiteurs, comptés à l'entrée et à la sortie, se suivent procession-
nellement, guidés par une large traînée noire, sorte de fil d'Ariane,
que la fumée des bougies a tracée sur la voûte des carrières.
Quant au labyrinthe du Jardin des Plantes^ c'est, aux jours de
soleil, un lieu de réunion pour les enfants qui courent et se
cachent dans les ailées circulaires bordées de sapins et de rocailles^
à l'ombre des grands cèdres.
46 Troisième récréation.
DEFINITION GEOMETRIQUE DU PROBLEME DES LABYRINTHES.
Nous pouvons considérer les carrefours d'un labyrinthe
comme des points géométriques; les allées, corridors, rues, gale-
ries, comme des lignes droites ou courbes, planes ou gauches,
réunissant ces points deux à deux. Nous dirons que ces points et
ces lignes forment un réseau géométrique ou un labyrinthe
lorsqu'un point mobile placé sur l'une des lignes du réseau peut
passer à un autre point quelconque, sans quitter les lignes du
système. Gela posé, nous allons démontrer que ce point mobile
peut décrire successivement toutes les lignes du réseau, sans
saut brusque, et sans passer plus de deux fois sur chacune d'elles.
En d'autres termes, un labyrinthe ti est jamais inextricable.
Vous réaliserez un jeu de la manière suivante : Choisissez
arbitrairement sur une feuille de papier blanc un nombre quel-
conque de points; joignez-les deux à deux et autant de fois que
vous voudrez par un nombre quelconque de lignes, droites ou
courbes, de telle sorte qu'aucun point du système ne reste isolé
des autres; vous avez ainsi un réseau géométrique. Dessinez,
par exemple, le réseau des lignes d'omnibus et de tramways
d'une grande ville, le réseau des chemins de fer d'un pays, le
réseau des fleuves, des rivières et des canaux d'une contrée quel-
conque, en y ajoutant, à volonté, les côtes et les frontières.
On recouvre le dessin d'une feuille de carton opaque, de
manière à ne pas conserver le souvenir du plan du labyrinthe;
cette feuille de carton est percée d'un trou que nous appellerons
oculaire, et qui permet seulement d'apercevoir une petite frac-
tion du réseau. On déplace le carton ou Vécranj de telle sorte
Le jeu des labyrinthes. 47
que l'oculaire se trouve placé sur un carrefour A. Il s'agit
ensuite de faire parcourir deux fois à l'oculaire toutes les lignes
du réseau, d'une manière continue, et de revenir ensuite au
point de départ A. Pour conserver le souvenir du passage de
l'oculaire sur chacun des chemins qu'il parcourt^ on trace sur
chaque ligne suivie un petit trait transversal^ à l'entrée et à la
sortie des carrefours. Par conséquent, les deux extrémités de
chaque chemin devront, après les pérégrinations du voyage,
avoir été marquées deux fois^ mais non davantage.
Dans un labyrinthe effectif, ou dans une galerie de mines, le
promeneur égaré déposera une marque, un caillou, à l'entrée et
à la sortie de chaque carrefour, dans l'allée qu'il vient de quitter
et dans celle qu'il vient de prendre.
^^
SOLUTION DE M. TREMAUX.
Parmi les diverses solutions de ce curieux problème de la Géo-
métrie de situation, dont nous venons de donner Ténoncé, nous
choisirons, comme la plus simple et la plus élégante, celle qui nous
a été gracieusement communiquée par M. Trémaux, ancien élève
de l'Ecole Polytechnique, ingénieur des télégraphes; mais nous
en avons modifié légèrement la démonstration.
Première règle. — En partant du carrefour initial, on suit
une voie quelconque, jusqu'à ce que l'on arrive à une impasse ou
à un nouveau carrefour: 1° si le chemin qu'on a suivi aboutit à
une impasse, on revient sur ses pas, et Ton peut alors considérer
le chemin parcouru comme supprimé, puisqu'il a été traversé
deux fois; 2° si le chemin aboutit à un carrefour, on prend
Troisième récréation.
une voie quelconque, au hasard, en ayant soin de marquer d'un
trait transversal la voie d'arrivée dans le sens de la flèche /, et la
voie de départ dans le sens delà flèche^ (^^.9). Dans cette
figure et dans les trois suivantes, nous avons distingué les an-
ciennes marques des nouvelles, en surmontant celles-ci d'une
petite croix.
Fig. 9.
Fis. 10.
On continue l'applicationdela première règle, chaque fois que
l'on arrive à un carrefour inexploré; au bout d'un certain par-
cours, on arrivera nécessairement à un carrefour déjcà exploré;
mais cette situation peut se présenter de deux manières différentes,
selon que le chemin d'arrivée a déjà été suivi une première fois
ou ne contient encore aucune trace de passage. Alors on applique
l'une des deux règles suivantes :
Deuxième règle. - En arrivant à un carrefour déjà exploré,
par une voie nouvelle, on doit rétrograder, en marquant par deux
traits l'arrivée au carrefour et le départ, ainsi qu'on le voit dans
la^^. 10.
Troisième règle. - Lorsqu'on arrive à un carrefour de)à
exploré par une voie antérieurement suivie, on prendra d'abord
Le jeu des labyrinthes.
49
une voie qui n'aura pas été parcourue, s'il en existe, ou, à son
défaut,, une voie qui n'aura été parcourue qu'une seule fois ; ces
deux cas sont représentés dans iQsJig. 1 1 et 12.
Fig. II.
Fiff. 12.
DÉMONSTRATION. — En cxécutaut rigoureusement l'application
des règles précédentes, on parcourra nécessairement deux fois
toutes les lignes du réseau. D'abord on fera les remarques sui-
vantes :
I. Au départ du carrefour A, on y introduit une sjule marque
initiale.
II. Le passage à travers un carrefour, par l'emploi de l'une
des trois règles, ajoute deux marques aux lignes qui aboutissent
à ce carrefour.
III. A un moment quelconque de l'exploration du laby-
rinthe, avant l'arrivée au carrefour ou après le départ du carre-
four, le carrefour initial contient un nombre impair de marques,
et tout autre carrefour en contient un nombre pair.
IV. A un moment quelconque de l'exploration, avant ou
après le passage au carrefour, le carrefour initial ne peut avoir
E. Lucas. — Récréations mathém. 4
5o Troisième récréation.
qu'un seul chemin, marqué une seule fois; tout autre carrefour
exploré ne peut avoir que deux chemins marqués une seule fois.
V. Après l'exploration complète, tous les carrefours doivent
être couverts de deux marques sur chaque chemin; c'est la con-
dition imposée par l'énoncé.
Gela posé, il est facile de voir que, lorsque le voyageur arrive
dans un carrefour M différent du carrefour initial A, il ne peut
être arrêté dans sa course par les difficultés du problème. En
effet, on ne peut arriver à ce carrefour M que par une voie
nouvelle, ou par une voie déjà parcourue une seule fois. Dans le
premier cas, on applique la première ou la deuxième règle; dans
le second cas, l'entrée au carrefour produit un nombre impair
de marques; il reste donc, d'après la Remarque III, à défaut
d'une voie nouvelle, une ligne qui n'a été traversée qu'une
seule fois.
Ainsi, il ne peut y avoir d'arrêt qu'en revenant au carrefour
initial A. Soit ZA le chemin qui conduit au repos forcé, en
venant du carrefour Z; ce chemin est nécessairement un chemin
parcouru une première fois, car sans cela on pourrait continuer
le voyage. Puisque le chemin ZA a déjà été traversé, il n'existe
dans le carrefour Z aucune voie n'ayant point encore été tra-
versée, car sans cela on aurait oublié d'appliquer le premier cas
de la troisième règle; d'ailleurs, il y avait en dehors de ZA une
voie, et une seule, YZ, parcourue une seule fois, d'après la
Remarque IV. Par conséquent, au moment de l'arrêt en A, toutes
les routes du carrefour Z ont été traversées deux fois; on démon-
trera, de même, que toutes les voies du carrefour précédent Y
l'ont été deux fois, et ainsi des autres carrefours. C'est ce qu'il
fallait démontrer.
Le jeu des labyrinthes. 5 i
Remarque. — On peut remplacer la deuxième règle par la sui-
vante, quand il ne s'agit pas d'un carrefour ferme'. Si l'on arrive.
par une voie nouvelle, à un carrefour déjà exploré, on peut
prendre une nouvelle voie , à la condition d'affecter les deux
marques du passage au carrefour d'indices correspondants a et
a' \ alors, si l'on retourne au carrefour par l'une de ces deux voies^
on doit reprendre l'autre. Cela revient, pour ainsi dire, à placer
un pont aa' au-dessus du carrefour. Cette règle nous a été indi-
quée par M. Maurice, ancien élève de TÉcole Polytechnique
SUR LA THEORIE DES ARBRES GEOMETRIQUES.
Nous avons vu que, dans l'application de la seconde règle, on
doit rétrograder quand on arrive, par une voie nouvelle, à un
carrefour exploré. Supposons que l'on supprime, dans le réseau^
un petit fragment du chemin qui aboutit à ce carrefour, et que
l'on fasse la même opération à tous les endroits de recul; le
réseau se transforme alors dans une autre figure géométrique
que l'on désigne indistinctement sous le nom à' arbre, de rami-
fication, d'arborescence; les chemins prennent le nom de bran-
ches ou de rameaux, et les carrefours le nom d'embranchements
ou de nœuds. De pareilles configurations ont été étudiées par
MM. Jordan, Sylvester, Gayley, Septimus Tebay, et tout récem-
ment par M. le prince C. de Polignac (').
On donne habituellement de l'arbre géométrique la déflation
(^) Jordan, Journal de Borchardt. — Sylvester, Educational Times.—
Cayley, British Association Report, iSyS. — De Polignac, Bulletin delà
Société mathématique, t. VIII, p. 120.
Troisième récréatioyi.
suivante : De chaque nœud on peut, en suivant les branches,
parvenir à un nœud quelconque, mais par un seul chemin.
Cette théorie a été considérablement simplifiée par M. de Poli-
gnac au moyen d'une remarque fondamentale. En effet, toute
ramification peut être tracée au moyen d'un certain nombre de
traits continus, sans répétition ni arrêt, c'est-à-dire en partant
de l'extrémité d'une branche et en continuant jusqu'à ce que
l'on arrive à l'extrémité d'une autre branche ou à une branche
déjà parcourue. Observons que le trait doit traverser une ligne
quoique déjà tracée, s'il peut continuer au delà, sans cheminer
le long de cette ligne. Cela posé :
Remarque fondamentale. ~ De quelque manière que Von
trace une ramification sans répétition ni arrêt, le nombre des
parcours sera toujours le même.
En effet, faisons une coupure à toutes les branches joignant
deux nœuds, on décomposera la ramification en une série
d'étoiles. On recomposera la ramification en rendant aux
étoiles leurs rayons communs. Pour chaque étoile, prise séparé-
ment, la propriété fondamentale est évidente. Désignons par
Ni, N2, N3, ..., N;,, les nombres des traits relatifs à chaque étoile ;
par;? le nombre des nœuds ou des étoiles. Si Ton réunit main-
tenant les deux premières étoiles, on perd un trait sur la somme
des parcours relatifs à chaque étoile; réunissons la deuxième
étoile à la troisième, nous perdons encore un trait; par suite,
si l'on désigne par N le nombre des traits qui ont servi à
tracer la ramification, on a
N = Ni -f- N2 -i- N3 -h ... -1- Np ~ (p - I ).
Nous appellerons le nombre N la base de la ramification; on
Le jeu des labyrinthes. 53
peut exprimer les nombres Ni, N2, . . . , et par suite le nombre N
lui-même d'après l'ordre des nœuds, ou étoiles, c'est-à-dire par le
nombre de branches ou de rayons qui y aboutissent. Le nœud
le plus simple est le nœud ternaire ou d'ordre 3 ; soit, en général,
triq l'ordre d'un nœud on a d'abord m au moins égal à trois ; le
nombre N^ des traits qui permettent de dessiner ce nœud est égal
à la moitié de m^, si niq est pair, et à la moitié de w^ -i- i , lorsque
mq est impair; c'est donc, dans tous les cas, le plus grand nombre
entier contenu dans la fraction '' "*
2
Ce nombre est habituellement représenté par le symbole
L 2 J^
par conséquent la formule précédente peut s'écrire
N
2
_._ r ^n^ -- 1 1 ^ ^ ïmq-\- il
p—i
On détermine ainsi la base de la ramification connaissant le
nombre et l'ordre des nœuds.
Désignons par / le nombre des extrémités libres des branches,
et supposons que la ramification n'ait que des nœuds d'ordre
ternaire ; on a alors, quel que soit le nombre des nœuds ternaires,
la formule
N=/- I.
Cette formule est évidente pour une étoile à trois rayons; si l'on
ajoute un nœud ternaire à l'extrémité libre d'une branche, on
remplace celle-ci par deux autres, et Ton ajoute un trait; lorsque
l'on forme un nœud ternaire par l'addition d'un rameau sur une
branche, on ajoute un trait et une extrémité libre. Dans les deux
34 Troisième récréation.
cas, les deux membres de la formule précédente augmentent
d'une unité. Donc cette formule est générale.
Désignons en général par p^- le nombre des nœuds d'ordre k; on
a, pour deux nœuds séparés d'ordre quaternaire {p\ Qt p\ étant
l'unité),
En réunissant deux nœuds quaternaires par une extrémité
commune, le nombre total des traits diminue d'une unité, mais
deux extrémités disparaissent; on a donc
N-hi = N'-i-N% /'-hr=r/4-2, p'.-i-p^^p,;
par suitCj on a pour la ramification des deux nœuds quaternaires
^ = l-i-p,;
cette formule s'applique à une ramification formée d'un nombre
quelconque de nœuds quaternaires. On démontrera de même
que la base d'une ramification ne contenant que des nœuds de
cinquième ordre en nombre ^5 est donnée par la formule
^■^l-i-p,.
Plus généralement, lorsqu'une ramification ne contient que
des nœuds d'ordre 2 (x, on a
N = / — I — (|x— r)i72ix;
et lorsqu'elle ne contient que des nœuds d'ordre 2{ji-h i, on a
encore
N=r/— I — ((X— l)^2ix-f-i.
Le jeu des labyriyithes.
55
Par suite, en réunissant deux ou plusieurs ramifications par
deux extrémités libres, on obtient la formule générale
Nous indiquerons dans la Note III placée à la fin du volume
les divers rapprochements que l'on peut établir entre la théorie
des arbres et le jeu des ponts et des îles.
QUATRIÈME RÉCRÉATION.
LE PROBLÈME DES HUIT REINES
AU JEU DES ECHECS.
A Monsieur le général Th. Parmentier^ membre du Comité
des fortifications ^
inspecteur général de la défense des côtes.
<t Que dirai-je de l'esprit du jeu ? Pourrait-on me le
définir? Ne faut-il ni prévoyance, ni finesse, ni habileté
pour jouer l'hombre ou les échecs? Et s'il en faut, pour-
quoi voit-on des imbéciles qui y excellent, et de très
beaux génies qui nont pu même atteindre la médio-
crité. »
(La Bruyère — Des Jugements.)
« Car, si l'on peut être homme d'esprit et grand joueur
d'échecs comme Légal , on peut être aussi un grand
joueur d'échecs et un sot, comme Foubert et Mayot. »
(Diderot. — Le Neveu de Rameau.)
QUATRIÈME RÉCRÉATION.
LE PROBLÈME DES HUIT REINES
AU JEU DES ÉCHECS.
LE problème qu'il s'agit de résoudre est le suivant : Déter-
miner toutes les manières déplacer huit reines sur V échi-
quier ordinaire, formé de soixante-quatre cases, de telle
sorte qu'aucune des reines ne puisse être prise par une autre;
en d'autres termes, sur huit des cases de l'échiquier, disposer
huit reines de telle façon que deux quelconques d^entre elles ne
soient jamais situées sur une même ligne parallèle à l'un des
bords ou à Pune des diagonales de V échiquier.
^^
HISTORIQUE.
Ce problème a été proposé pour la première fois par Nauck à
l'illustre Gauss, que les Allemands ont surnommé Princeps ma-
thematicorum ; cette question fut l'objet d'une correspondance
5o Quatrième récréation.
entre ce dernier et l'astronome Schumacher. Après avoir trouvé
76, puis 72 solutions, Gauss trouva enfin le nombre de 92 solu-
tions, qui a été reconnu dénnitivement pour le nombre exact. Le
docteur S. Gûnther, membre du Parlement de Berlin, a donné,
il y a quelques années, une intéressante histoire de ce problème
célèbre ('). lia indiqué en même temps une nouvelle méthode
de recherche pour parvenir à la résolution du problème en
question, en supposant que l'échiquier de 64 cases soit rem-
placé par un échiquier carré de grandeur quelconque ; il en a
fait l'application à la recherche du problème de 4, 5 reines
pour les échiquiers de 16, 25 cases; de plus, cette même
méthode a été étendue par M. le professeur J.-W.-L. Glaisher,
de l'Université de Cambridge, dans le Philosophical Magasine,
au problème de 6, 7 ou 8 reines pour les échiquiers carrés
de 36, 49 et 64 cases ("i.
Antérieurement, le sujet avait été traité par G. Bellavitis,
qui a donné aussi les 92 solutions ('). Plus tard, le problème
a été proposé, comme question à résoudre, par M. Lionnet (').
En 1867, la même question avait été proposée à MM. Par-
mentier, lieutenant-colonel du Génie, et de La Noë, capitaine
du Génie, par un joueur d'échecs, qui pensait que ce problème
n'avait que fort peu de solutions; ayant trouvé, par tâtonne-
ments, un certain nombre d'entre elles, ils se sont efforcés de
{') Archiv der Mathematik und Physik, de Grunert, vol. LVI, part. 3,
p. 291-292.— Zur mathematischen Théorie des Schachbretts. Leipzig, 1874.
i,^)On the problem oftheeight qiieens.{Ex\.vdi\tdM Philosophical Maga:{ine,
décembre 1874.)
(') Atti delV Istituto Veneto, t. VI, p. 134. Venise, mars 1861.
(*) Nouvelles Annales de Mathématiques, 2"» Série, t. III, p. 56o. Paris,
novembre 1869.
Le problème des huit reines.
6i
rechercher méthodiquement toutes les dispositions possibles,
ignorant tous deux que la question eût été abordée et résolue
depuis longtemps. Dans les pages qui suivent, nous indiquerons
d'abord en quelques mots la méthode du docteur Gûnther;
puis nous développerons la méthode de recherche dont tout
l'honneur revient à M. le capitaine de La Noë, et que M. le
général Th. Parmentier a bien voulu me communiquer au Con-
grès de Y Association française pour V avancement des Sciences,
à MontpelHer, au mois d'août 1879.
NOTATIONS ET CONVENTIONS.
Nous indiquons, par des cases noires, sur les cases blanches ou
grises de l'échiquier, la position des huit reines; nous donnons
dans l^fig. i3 une des solutions du problème. Nous la représen-
Fig. i3,
F]g. 14.
Position I. Position IL
tons par le nombre de huit chiffres 68241753; le premier chiffre
6 indique la hauteur de la reine dans la première colonne, à la
62 Quatrième récréation.
gauche de l'échi]ui€r; le deuxième chiffre 8 montre que dans la
deuxième colonne il y a une reine en haut de l'échiquier, et ainsi
de suite; nous désignerons donc, dorénavant, les rangées verti-
cales de cases par le mot colonnes^ et les rangées horizontales
par celui de lignes; les colonnes seront comptées de i jusqu'à 8,
de la gauche vers la droite; les lignes seront également comptées
de I jusqu'à 8, et de bas en haut. Par conséquent, la solution de
Idifig. 1 3 pourrait s'écrire :
(A) ^'Snes . .
Colonnes
8 j 2 I 4 ; I 7
2 I 3 I 4 i 5
3
Mais, pour abréger, nous indiquerons cette solution, ainsi que
nous Tavons dit, par le nombre de huit chiffres 68241753; ce
nombre est la reproduction de la première ligne du tableau pré-
cédent.
DES SOLUTIONS ADJOINTES.
La^«-. 14 représente une première solution adjointe à celle de
la fig, 1 3 ; on l'obtient en faisant tourner l'échiquier d'un quart
de tour, et dans le sens opposé au mouvement des aiguilles
d'une montre. Pour l'obtenir numériquement, au moyen de la
première, il suffit de ranger les colonnes du tableau (A), de telle
sorte que les chiffres de la première colonn'e suivent l'ordre dé-
croissant; ainsi :
(B) ^'f"
Colonnes....
8
7
6
5
4
3
^
ï
2
6
I
7
4
8
3
5
On a la notation abrégée de cette seconde solution, en conser-
Le problème des huit reines.
63
vaut la seconde ligne déchiffres du tableau (B), c'est-à-dire le
nombre 26174835.
Les Jîg. i5 et i6 représentent une deuxième et une troisième
solution adjointes à celle de la fig-. i3 ; on les obtient en faisant
Fis. i5. Fis. i6.
Position III. Position IV.
encore tourner l'échiquier d'un et de deux quarts de tour autour
de son centre, et dans le sens convenu. On peut déduire numé-
riquement la solution de la /^. i5 de la position II , et la
position IV de la position III, par le procédé qui nous a permis
de déduire la seconde position de la première; mais on peut en-
core obtenir la position III au moyen de la position I, et la posi-
tion IV au moyen de la position II, de la manière suivante. Les
solutions des fg. i3 et 14 sont désignées par les nombres
68241753 et 26174835.
Ecrivons les chiffres de ces deux nombres dans Tordre inverse
35714286 et 53847162;
retranchons chacun des chiffres de 9, nous obtenons
64285713 et 46152837;
ce sont les notations des fig, i5 et 16.
64
Quatrième récréation.
DES SOLUTIONS IRUEGULIERES ET SEMI-REGULIERES.
Ainsi, en général, une solution quelconque du problème des
reines, pour un échiquier carré quelconque, donne lieu à quatre
solutions adjointes. Nous disons que cela a lieu dans le cas géné-
ral; mais il faut supposer que la solution considérée est irrégn-
lière.
Nous donnons dans la. fig. 17 une solution semi-régulière du
problème des huit reines; elle ne donne qu'une seule solution
Fig. 17.
Fig. 18.
adjointe; en effet, si l'on tourne l'échiquier d'un aemi-tour, on
retrouve la même disposition. Le nombre 46827135, qui repré-
sente cette solution, possède cette propriété que la somme de
ce nombre et du nombre retourné donne 99999999.
DES SOLUTIONS REGULIERES.
Il peut arriver, bien que cela n'ait pas lieu pour l'échiquier de
64 cases, mais pour d'autres échiquiers carrés, qu'une solution
Le problème des huit reines. 55
du problème des reines ne donne aucune disposition nouvelle
lorsqu'on fait tourner l'échiquier d'un quart de tour ou de
plusieurs. On observera d'abord que la notation employée ci-
dessus s'applique à tous les échiquiers, en admettant que chaque
chiffre de la notation puisse être remplacé par un nombre qui ne
dépasse pas le nombre des cases contenues dans le côté de l'échi-
quier; cependant nous ferons remarquer que la solution dont
nous parlons^ et que nous désignerons sous le nom de solution
régulière, ne peut se présenter, à cause des quatre points de vue
sous lesquels on peut envisager l'échiquier, que lorsque le
nombre des cases contenues sur le côté est un multiple de 4,
comme 4, 8, 12, r6 (bien que cela n'ait pas lieu pour Téchiquier
de 64 cases); ou lorsque le nombre des cases contenues sur le côté
est égal à un multiple de 4 augmenté de l'unité.
Telles sont, par exemple, les solutions 2413, pour l'échiquier
de 16 casesj et 25314 pour l'échiquier de 2 5 cases. Nous dési-
gnerons la solution semi-régulière, en faisant suivre sa notation
numérique d'un *, et la solution régulière, en faisant suivre sa
notation numérique de deux **,
Ainsi on a, par exemple,
46827135*, 2413**, 25314**.
DES SOLUTIONS RENVERSEES.
Considérons une disposition quelconque régulière, semi-régu-
lière ou irréguliére du problème des reines ; intervertissons sur
la figure l'ordre des lignes ou des colonnes ; ou, ce qui revient au
même, écrivons en sens inverse la notation numérique qui repré-
E. Lucas. — Récréations mathém. -5
66 Quatrième récréation.
sente cette disposition; nous obtiendrons ainsi une solution ren-
versée; d'ailleurs, il est facile de constater que cette solution
nouvelle diffère de l'une quelconque des solutions adjointes. On
l'obtiendrait encore géométriquement en la regardant dans un
miroir, ou en retournant l'échiquier. Il résulte évidemment de
la considération des formes adjointes et renversées que :
1° Toute solution irrégulière simple fournit quatre solutions
adjointes et quatre renversées, en tout huit;
2° Toute solution semi-régulière simple fournit deux solutions
adjointes et deux renversées, en tout quatre;
S'' Toute solution régulière simple ne fournit qu'une solution
renversée, en tout deux.
Cependant on doit excepter, dans cette classification et dans
ce dénombrement, Tunique solution du problème des reines, dans
l'échiquier d'une seule case.
PROBLÈME DES TOURS.
La marche de la reine, au jeu des échecs, est, comme on sait,
la résultante de la marche de la tour et de la marche du Jou. En
effet, dans un échiquier sur lequel on ne supposerait qu'une
seule tour, le déplacement de celle-ci s'effectue sur une case
quelconque située dans une rangée, ligne ou cblonne, parallèle à
l'un des bords de l'échiquier; de même, le déplacement du fou ne
peut s'effectuer que sur une ligne parallèle à Tune des deux dia-
gonales de l'échiquier. Il résulte immédiatement de cette obser-
vation que les solutions du problème des huit reines doivent
être prises parmi les solutions du problème des huit tours, qui
Le problème des huit reines. 67
consiste à disposer sur l'échiquier huit tours qui ne peuvent se
prendre mutuellement, tout aussi bien que parmi les solutions du
problème des huit fous, qui consiste à disposer, sur l'échiquier
de 64 cases, huit fous qui ne peuvent se prendre mutuellement.
Le problème des huit tours sur l'échiquier de 64 cases, ou de 9,
10, II,... tours sur les échiquiers de 81,100,121,... cases, est
bien connu, sous une forme purement arithmétique. En nous
bornant à l'échiquier ordinaire et en nous servant de la notation
numérique du problème des reines, il suffit, en effet, de per-
muter les huit premiers nombres de toutes les manières pos-
sibles.
LES PERMUTATIONS RECTILIGNES.
Pour réchiquier de 2 cases de côté, on a les deux solutions :
12 et 21;
pour celui de 3 cases de côté, il suffit de placer le chiffre 3 avant
ou après l'un ou l'autre des chiffres des deux nombres précédents;
on a ainsi les six solutions :
312, 132, 123 et 321, 231, 213.
De même, pour l'échiquier de 4 cases de côté, on placera le
chiffre 4 à toutes les places possibles, pour chacun des six
nombres qui précèdent ; chaque nombre donne lieu à quatre
places, ce qui fait en tout vingt-quatre solutions pour le problème
des 4 tours sur l'échiquier de 16 cases.
En continuant, pour obtenir le nombre des solutions du pro-
blème des cinq tours sur l'échiquier de vingt-cinq cases, il fau-
68 Quatrième récréation.
drait multiplier par 5 le nombre des solutions du problème des
quatre tours, et ainsi de suite. Ainsi le nombre des solutions du
problème des huit tours sur l'échiquier ordinaire est égal au pro-
duit des huit premiers nombres,
1x2x3x4x5x6x7x8^:= 40320 ,
et, sur le damier de loo cases, le nombre des solutions distinctes
du problème des dix tours est égal à 3628800.
Lorsque la permutation des lettres d'un mot ou d'une phrase
forme un nouveau mot ou une nouvelle phrase, la permutation
prend le nom dC anagramme. Ainsi les mots logarithme et algo-
rithme sont formés des mêmes lettres dans un ordre différent.
Quelques anagrammes sont restées célèbres; ainsi dans frère
Jacques Clément^ on trouve : C'est l'enfer qui m'a créé; dans
Révolution française, on trouve : Un veto corse la finira; mais
de toutes les anagrammes, la plus curieuse a été donnée par
Pascal; jusqu'à ces dernières années, elle a exercé la sagacité et la
patience des érudits. On lit, dans les Pensées : « La manière
d'écrire d'Épictète, de Montaigne et de Salomon de Tultie est la
plus d'usage, qui s'insinue le mieux, qui demeure le plus dans la
mémoire et qui se fait le plus citer, parce qu'elle est toute com-
posée de pensées nées sur les entretiens ordinaires de la vie (^). »
Le commentateur a ajouté au bas de la page cette observation :
« Salomon de Tultie n'existe point. C'est évidemment un pseu-
(') Pascal, Œuvres complètes, t. I, p. 288, édition Hachette, 1864.
Le problème des huit reines. 69
donyme de Finvention de Pascal. » Or, en changeant l'ordre des/
lettres de Salomon de Tultie^ on trouve Louis de Montalte,
nom sous lequel l'auteur de la théorie des combinaisons fit
paraître les Lettres Provinciales,
^^ ,
PROBLÈME DES FOUS.
Le nombre des solutions du problème des fous est beaucoup
plus grand et présente des développements bien plus difficiles;
en effet, on observera que, non seulement il est facile de placer
8 fous sur l'échiquier, mais que l'on peut en placer jusqu'à 14,
sans qu'ils soient mutuellement en prise. Ainsi, par exemple,
8 sur les cases de la première colonne, et 6 sur celles de la der-
nière, en supprimant les deux cases extrêmes. Il est donc préfé-
rable de revenir sur les diverses solutions du problème des tours,
pour ne conserver, parmi celles-ci, que les solutions qui convien-
nent au problème des reines.
Au point de vue arithmétique, le problème des huit tours se
ramène, ainsi que nous l'avons vu, à effectuer toutes les permu-
tations des huit premiers nombres; le problème des huit reines
revient à choisir, parmi celles-ci, toutes les permutations dans
lesquelles la différence absolue de deux chiffres quelconques
n'est pas égale à la différence des rangs occupés par ces deux
chiffres dans la permutation considérée.
Cette nouvelle condition revient, comme il est facile de s'en
apercevoir, à la marche du fou, que Ton joint à celle de la tour
pour obtenir celle de la reine.
Par conséquent, résoudre le problème des huit reines revient
70
Quatrième récréation.
à trouver tous les nombres de huit chiffres, formés des huit pre-
miers chiffres, tous différents, mais dans un ordre quelconque,
dételle sorte que la différence de deux d'entre eux soit distincte
de la différence des rangs qu'ils occupent; c'est ainsi que le
problème a été posé naguère par M. Lionnet dans les Nouvelles
Annales de Mathématiques.
^2^
METHODE DE M. GUNTHER.
Cette méthode se distingue peu, au fond, de la méthode arith-
métique dont nous venons de parler; nous allons l'expliquer sur
un échiquier de vingt-cinq cases, que nous représenterons ainsi
qu'il suit :
^2 ^3 /4 ^5 h
Cz ^4 ^5 /g gl
dk Cr^ bo J: /s
^5 do C-! bs ^9
Chaque case est représentée par un élément composé d'une
lettre et d'un indice; les éléments ayant la même lettre sont
situés sur une parallèle à l'une des diagonales de l'échiquier, et
correspondent à l'une des directions de la marche du fou; les
éléments ayant le même indice sont situés sur une parallèle à
l'autre diagonale de Téchiquier, et correspondent à l'autre direc-
tion de la marche d'un fou. Supposons donc que l'on écrive,
dans un ordre quelconque, tous les termes formés de cinq élé-
Le problème des huit reines. 71
ments, mais de telle sorte que ces termes ne puissent contenir
deux éléments appartenant à une même ligne ou à une même
colonne, nous aurons représenté de cette façon les 120 solutions
du problème des cinq tours. Cela fait, supprimons parmi ces solu-
tions toutes celles dans lesquelles deux éléments contiennent la
même lettre ou le même indice, il ne restera plus que les dispo-
sitions qui conviennent au problème des cinq reines.
Il n'est pas nécessaire d'écrire toutes les solutions du problème
des cinq tours, que l'on pourrait former au moyen des solutions
du problème des quatre tours, ainsi que nous l'avons expliqué
plus haut. On trouve de grandes simplifications dans l'application
de cette méthode, en se servant des ressources d'une importante
théorie d'algèbre, connue sous le nom àQ thé or îe des déterminants ;
cependant, malgré toute l'habileté montrée par MM. Gûnther
et Glaisher dans cette question, le problème des neuf reines ou
des dix reines, sur les échiquiers de 81 et de 100 cases, semble
presque inabordable par cette méthode.
METHODE DE M. DE LA NOE.
Cette méthode consiste dans la décomposition de l'échiquier
en carrés concentriques; le premier forme un carré intérieur ou
première bande de 4 cases, dont l'une est a\ nous désignerons
sous le nom de deuxième bande l'espace formé par les 1 2 cases qui
entourent le premier carré; par troisième bande, l'espace formé
par les 20 cases qui entourent la deuxième bande; par quatrième
bande, l'espace formé par les 28 cases qui entourent la troisième
bande; on continuerait ainsi pour un échiquier pair de grandeur
72
Quatrième récréation.
quelconque, c'est-à-dire pour un échiquier dont le nombre des
cases contenues sur le côté est un nombre pair; le nombre des
cases de chaque bande augmente de 8 lorsque l'on passe à la
Fig. 19.
b'
c
m
M
m
1
bande suivante. Pour un échiquier impair, la première bande
serait formée de i carré; la seconde bande, de 8 carrés, et les
suivantes, de 16, 24, 32, ... carrés.
Partons de la première bande, et plaçons une reine en a; on
observera que cette reine peut occuper, après un seul déplacement,
28 cases de Féchiquier, nombre toujours égal au nombre des
cases de la bande extérieure de l'échiquier ; dans la deuxième bande,
une reine commande 26 cases; dans la troisième 24, et dans la
quatrième 22. Maintenant, cherchons à placer le plus grand
nombre de reines sur la seconde bande, de toutes les manières
possibles. On voit que l'on peut placer deux reines sur la deuxième
Le problème des huit reines. •jS
bande, en b etc, ou bien en b' et c' \ il est inutile de conserver,
pour ilnstant, cette seconde disposition syme'trique de la pre-
mière. En effets en se bornant à l'échiquier de i6 cases, la pre-
mière disposition [abc) s'écrirait 0241; la solution renversée
serait 1420, et en faisant faire à Téchiquier trois quarts de tour,
on obtiendrait la disposition 4203, qui est précisément la même
que [b'ac'). Pour une raison semblable à la précédente, on voit
qu'il n'est pas nécessaire de déplacer la reine a sur les autres
cases delà première bande.
En partant de {abc), on placera le plus de reines possible sur
la troisième bande, en d et e, par exemple; il restera donc à
placer trois reines sur la bande extérieure, et l'on constatera faci-
lement que cela est impossible; donc, en plaçant les cinq reines
{abcde), on n'arrive à aucune solution. On essayera alors de n'en
conserver qu'une seule sur la troisième bande^ soit en d. soit
en e, et l'on verra qu'aucune de ces dispositions ne conduit à
une solution; d'ailleurs on ne peut placer cinq reines sur une
seule bande; par conséquent, le commencement [abc) ne peut
conduire à aucune solution.
En conservant la reine a, on essayera successivement, tout en
maintenant b ou c, de placer les six autres reines sur les deux
dernières bandes; mais on ne trouve aucune solution ; d'oii l'on
tire cette conclusion que les deux premières bandes ne peuvent
être simulianément occupées par les reines; c'est là un fait
observé sur tous les échiquiers, jusqu'à celui de 64 cases,
par M. Parmentier; mais cela n'a plus lieu pour l'échiquier de
100 cases.
On conserve encore la reine j, et Ton cherche à placer le plus
de reines sur la troisième bande; on peut en placer trois de
74 Quatrième récréation.
diverses manières ; puis, en excluant les solutions adjointes ou
renversées, on place les quatre reines sur la quatrième bande; on
trouve ainsi les quatre solutions simples irrégulières :
35841726, 46152837, 48157263, 42751863,
qui correspondent au type 1034. Les chiffres du type représen-
tent successivement le nombre des reines placées dans chaque
bande.
En supprimant la reines, et plaçant trois reines, puis deux,
puis une seule sur la seconde bande, on trouve les solutions
simples irrégulières :
72631485; pour le type 0314,
57263148, 16837425; — 0233,
61528374, 57263184, 51468273; - 0224,
58417263, - 0134.
Enfin, si l'on ne place aucune reine sur les deux premières
bandes, on trouve la solution semi-régulière de la fig. 6, qui
appartient au type 0044. Ainsi, en tout, le problème des huit
reines comporte douze solutions simples dont onze irrégulières
et une semi-régulière; au total, quatre-vingt-douze solutions
distinctes.
Pour résumer le problème des huit reines , nous donne-
rons le tableau des douze solutions simples dans l'ordre sui-
vant ;
Le problème des huit reines.
73
Tableau des solutions simples du problème des huit reines.
N»» d'ordre.
NOTATION.
TYPE.
NO» d'ordre.
NOTATION.
TYPE.
I
72631485
0314
7
16837425
0233
2
61528374
0224
8
57263184
0224
3
58417263
0134
9
48157263
1034
4
35841726
1034
10
51468273
0224
5
46152837
1034
1 1
42751863
1034
6
57263148
0233
12
35281746-
0044
(^g^^
PROCEDES MNEMOTECHNIQUES.
On peut se rappeler la première solution, dont on déduit régu-
lièrement les six suivantes, au moyen d'une phrase mnémotech-
nique telle que celle-ci :
j C'est difficile si tu veux que huit cadrent,
\ sept deux six trois un quatre huit cinq.
On déduit ensuite la deuxième solution, et la troisième, en
abaissant d'un rang toutes les reines de la première solution, et
en reportant en haut de l'échiquier la reine qui se trouvait sur la
première ligne; on obtient les solutions des numéros 4, 5 et 6 en
avançant d'un rang vers la droite, les reines des solutions de
rangs i, 2 et 3; on déduit la septième solution de la sixième en
élevant d'un rang toutes les reines, et en les reportant d'un rang
vers la droite.
76
Quatrième récréation.
Oa peut encore se servir de la méthode suivante : On suppose
l'échiquier entouré de huit autres, que l'on est censé replacer
ensuite sur le premier, avec les reines; on dessine la Jig. 20,
formée de deux lignes de quatre cavaliers, en prenant pour le
Fig. 20.
Fig. 21.
5'
2'
4'
3'
n
J
6
I
5
'-i
4
:^
7
1
6'
i'
1 1
point de départ, figuré par la case A, l'une des cases numérotées
de la ^^. 21; les numéros i, 2, 3, 4, 5, 6, 7 donnent les sept
premières solutions, et les numéros i', 2', 3', 4', 5', 6\ 7^ donnent
les solutions renversées.
Pour les cinq autres, on opère comme il suit :
La huitième solution s'obtient au moyen de la sixième, en
échangeant seulement les deux dernières reines.
La neuvième solution s'obtient au moyen de la huitième, en
faisant avancer toutes les reines de trois cases ,vers la droite, et
en échangeant ensuite la première reine avec la troisième.
La dixième solution se déduit de la neuvième, en remontant
d'une case toutes les reines situées au-dessus de la troisième ligne
horizontale, et, corrigeant la position, en élevant la reine de la
troisième colonne verticale de la première case à la quatrième.
Le problème des huit reines.
77
La onzième solution peut aussi se déduire de la neuvième, en
laissant en place les reines des quatre lignes horizontales du
milieu et en déplaçant symétriquement les quatre autres reines,
par rapport à la quatrième colonne verticale.
Quant à la douzième solution, elle est symétrique et facile à
retenir.
^^
MOINS DE HUIT REINES.
En appliquant la méthode précédente aux échiquiers de moins
de 64 cases, M. Parmentier a trouvé les résultats consignés dans
le tableau suivant :
Tableau des solutions simples du problème des 4, 5, 6, 7 reines.
n.
N.
TOTAL.
TYPE.
NOTATION,
4
16
2
04
2413**
5
25
10
104
023
25314**
53142
6
36
4
024
246135*
7
49
40
0124
1024
»
0214
0133
»
6357142
5724613*
3724615*
4613572
1357246
3572461
La colonne n désigne le nombre de cases sur chaque côté, et
la colonne N donne le nombre total des cases de l'échiquier;
ainsi N = ii^.
yg Quatrième récréation.
La troisième colonne indique le nombre total des solutions
réellement distinctes ; la quatrième colonne donne le type; enfin
la cinquième donne la notation des solutions simples. Il n'y a
aucune solution pour les échiquiers de 4 cases et de 9 cases.
On retrouve ainsi les nombres des solutions qui ont été don-
nés, d'une part, par MM. Gûnther et Glaisher, et, d'autre part,
par Bellavitis, dans sa lo*» Rivisîa dei Giornali (p. 8 et 9).
LES 92 POSITIONS DES HUIT REINES.
Le tableau suivant contient les 92 solutions possibles du pro-
blème des huit reines; c'est, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
rensemble de tous les nombres formés des chiffres différents, de
1 à 8. de telle sorte que la différence de deux chiffres n'est jamais
égale à la différence des rangs qu'ils occupent. C'est la reproduc-
tion du tableau dressé en 1867, à Constantine, par M. Parmen-
tier. On remarquera que ce tableau contient :
4 solutions commençant ou finissant par les chiffres i ou 8;
o — 2 ou 7;
16 _ - - 3 ou 6;
18 - - - ' 4 ou 5.
Les huit colonnes de 92 chiffres ont toutes le même total :
414 ou 18 fois 23. Dans chaque colonne, il y a nécessairement
autant de chiffres i que de chiffres 8, de 2 et de 7, de 3 et de 6,
de 4 et de 5. Cette remarque peut servir de vérification.
Le problème des huit reines. 79
Tableau des 92 solutions du problème des huit reines.
I
i586 3724
24
368i 5724
47
5146 8273
70
63 18 5247
2
i683 7425
25
3682 4175
48
5184 2736
71
6357 1428
3
1746 8253
26
3728 5146
49
5i86 3724
72
6358 1427
4
1758 2463
27
3728 6415
5o
5246 83i7
73
6372 4815
5
2468 3175
28
3847 1625
5i
5247 386i
74
6372 85i4
6
2571 3864
29
4i58 2736
52
5261 7483
75
6374 1825
7
2574 i863
3o
4i58 6372
53
5281 4736
76
6415 8273
8
2617 4835
3i
4258 6137
54
53i6 8247
77
6428 5713
Q
2683 1475
32
4273 68i5
55
5317 2864
78
6471 3528
10
2736 85i4
33
4273 685i
56
5384 7162
79
6471 8253
1 1
2758 1463
34
4275 i863
57
5713 8642
80
6824 1753
12
2861 3574
35
4285 7i36
58
5714 2863
81
71 38 6425
i3
3175 8246
36
4286 1357
59
5724 8i36
82
7241 8536
H
3528 1746
37
4615 2837
60
5726 3148
83
7263 1485
i5
3528 6471
38
4682 7135
61
5726 3184
84
7316 8524
16
3571 4286
39
4683 1752
62
5741 3862
85
7382 5164
17
3584 1726
40
4718 5263
63
5841 3627
86
7425 8i36
18
3625 8174
41
4738 25i6
64
5841 7263
87
7428 6i35
IQ
3627 1485
42
4752 6i38
65
6i52 8374
88
7531 6824
20
3627 5184
43
4753 1682
66
6271 3584
89
8241 7536
21
3641 8572
44
4813 6275
67
6271 4853
90
8253 1746
22
3642 8571
45
4815 7263
68
63i7 5824
91
83i6 2574
23
368i 4752
46
4853 1726
69
63i8 4275
92
8413 6275
MÉTHODE DE GAUSS.
Dans le tableau précédent, toutes les solutions sont rangées
dans l'ordre numérique. On peut construire ce tableau par un
8o Qttatrième récréation.
procédé systématique, dont l'application est très simple et qui a
été imaginé par Gauss, puis retrouvé par M. Laquière_, en 1881.
On place d'abord une reine dans la case la moins élevée de
la première colonne à gauche ; on place ensuite une seconde
reine dans la seconde colonne, sur la case la moins élevée qu'il
soit possible, et ainsi de suite, en cherchant toujours à placer
une reine dans une nouvelle colonne à droite, le plus bas qu'il
soit possible, d'après les conditions du problème, c'est-à-dire en
ayant égard aux positions des reines déjà placées à gauche. Lors-
qu'il arrive un moment où l'on ne peut plus placer aucune reine
dans sa colonne, on élève celle de la colonne précédente de une,
deux, . . . , cases, et l'on continue toujours, d'après le même principe,
de n'élever une reine que lorsqu'il n'y a plus de positions admis-
sibles pour l'ensemble des reines à placer à la droite.
Chaque fois qu'une solution est trouvée, on l'inscrit d'après
la notation convenue, et les solutions se trouvent ainsi rangées
dans l'ordre numérique de la notation. D'ailleurs, on vérifie le
tableau obtenu par cette méthode, en renfermant ensuite dans
le même groupe toutes les solutions que Ton peut déduire
d'une première, par la rotation ou le renversement de l'échi-
quier, ainsi que nous l'avons expliqué aux paragraphes sur les
solutions adjointes et sur les solutions renversées.
En suivant cette méthode, M. L-.quière a fait effectuer par un
enfant, dans une après-midi, le tableau des 92 solutions de l'échi-
quier de 64 cases. Ce tableau, facile à vérifier, ne contenait que
trois erreurs provenant d'une seule omission et de deux solutions
inexactes (').
(*)En appliquant le calcul des probabilités à cet essai, M. Laquière a obtenu
le résultat suivant. Soit N le nombre des solutions, e la probabilité d'une
Le problème des huit reines.
8i
AUTRE ÉNONCÉ DU PROBLÈME DES REINES.
Au moyen de ce tableau, il est facile de donner la solution du
problème des huit reines, énoncé sous la forme suivante :
On place une reine sur Vune quelconque des 64 cases de
V échiquier ordinaire ; déterminer ensuite toutes les manières de
disposer sept autres reines^ de telle sorte qu'aucune déciles ne
puisse être prise par une autre.
Pour résoudre complètement ce nouveau problème, il est bon
d'observer qu'il n'est pas nécessaire de considérer indistinctement
Fig. 22.
!
44
33
43
22
32
42
1 1
21
3i
41
toutes les cases sur lesquelles on peut poser la première reine,
mais seulement les cases numérotées de la fig. 22; celles-ci
erreur sur l'une d'elles j la probabilité devoir subsister une erreur, après la
comparaison des huit tableaux formés en écrivant les solutions adjointes ou
renversées du premier tableau, est donnée par la formule
Ne*
^" (N-i)(N-2)...(rN-7)'
mais onaN = 96, car la solution semi-régulière est comptée pour 8; de
plus, dans l'essai on a s = •— ^ ; donc
96'
P =
96'.9D.94 ... 69'
E. Lucas. — Récréations mathém.
ou P<
3 000 000 000
è2
Quatrième récréation.
couvrent un peu plus du huitième de l'échiquier; on obtiendra
les solutions qui correspondent aux autres cases par des procédés
de symétrie, suivant les quatre axes de symétrie de Téchiquier.
Pour obtenir toutes les solutions qui proviennent de la case
initiale ii, il suffira de prendre dans le tableau complet des
92 solutions toutes celles dont \q premier chiffre à gauche est wn,-
pour obtenir toutes les solutions qui proviennent de la case 22,
on choisira celles dont le deuxième chiffre est deux] pour obtenir
toutes les solutions qui correspondent à la case 43, on prendra,
dans le tableau^ tous les nombres dont le quatrième chiffre est
trots, et ainsi des autres.
Le tableau suivant contient trois colonnes, la première indique
le numéro de la case initiale; la deuxième colonne contient le
nombre de solutions pour cette case, et la troisième colonne, les
numéros des solutions pour lesquelles il faut se reporter
au tableau de la page 79.
1 1
21
3i
41
22
32
42
33
43
44
NOMBRE.
16
18
16
14
8
4
12
8
NUMÉROS d'ordre DES SOLUTIONS.
I, 2, 3, 4.
13,29,30,47,48,49,65,81.
8,37,40,44,45,54,55,57,58,68,69,70,76,84,91,92.
6,12,16,21,23,24,52,53,62,63,64,66,67,78,79,82,81
31,32,33,34,35,36,50,51,52,53,66,67,82,83,89,90.
14,15,18,19,20,26,27,59,60,61,77,80,86,87.
22,25,38,42,65,73,74,85.
10,41,81,88.
2,9,32,33, 39,43,44.46,57»83,9o,92.
7,17,48,55,53,59,75,80.
Le problème des huit reines.
On observera que les cases ir et 33 sont beaucoup moins
favorisées que les autres; mais il y a toujours quatre solutions
au moins, et dix-huit au plus, en prenant pour case initiale
une case quelconque de l'échiquier.
DESIDERATUM.
Nous venons d'indiquer tout ce qui est connu, ou à peu près,
sur le problème des reines. Mais si l'échiquier a 9 ou lo cases
sur le côté, le problème se complique de telle sorte que l'on ne
connaît pas le nombre de solutions. Peut-être y aurait-il quelque
intérêt à déterminer le nombre des solutions du problème pour
les échiquiers de 81,100, 121 et 144 cases. Alors il se pourrait
que l'observation du tableau du nombre des solutions pour tous
les échiquiers de 2 à 12 cases de côté pût conduire soit à d'autres
méthodes de recherche, soit à des propriétés nouvelles des nombres
entiers. La grande difficulté du problème tient à ce que le
nombre des permutations de n objets augmente considérablement
avec n, et que, par suite, le nombre des permutations qui ne
conviennent pas au problème des k reines augmente lui-même
très rapidement.
Pour l'échiquier de 11 cases de côté, on peut trouver immé-
diatement diverses solutions simples, que l'on déduit de la con-
sidération de la progression arithmétique. Désignons, pour
abréger, par a le nombre dix, et par b le nombre onze; formons
les progressions arithmétiques suivantes, dans lesquelles nous
supprimons les multiples de onze, le nombre b pouvant être
remplacé par zéro :
8^ Quatrième récréation.
Progression i, 3, 5, 7, 9, Z', 2,4, 6, 8, ^, déraison 2
— i,4,7^^»2,5,8/^,3,6,9, — 3
— 1,5,9,2,6,^,3,7,^,4,8, — 4
— 1,6, b, 5, a, ^,g, 3, S, 2, 7, — 5
— 1,7,2,8,3,9,4,^,5,^,6, ~ 6
— 1,8,4,^,7,3,^,6,2,9,5, — 7
— 1,9,6,3,^,8,5,2,^,7,4, — 8
— 1,^,8,6,4,2,^,9,7,5,3, — 9
Toutes ces solutions conviennent au problème des onze reines;
sur l'échiquier, ces solutions représentent encore ce que l'on ap-
pelle les armures des satins réguliers sur on:{e lames, dont
nous avons donné la théorie générale dans l'opuscule : Principii
fondamentali délia geometria dei tessuti[').
THÉORÈMES d'aRITHMÉTIQUE.
Considérons une progression arithmétique de raison r :
^a, a-\-r^a-\~2r,a-^ 3r, ... ;
si l'on prend les restes de la division des différents termes par un
nombre i?, il ne peut y avoir plus dep restes différents; d'ailleurs,
ces restes se reproduisent périodiquement de p 'en p. Pour que
tous les restes soient distincts, il faut et il suffit que le nombre j?
soit premier avec la raison r. En effet, désignons par r^ et r^, les
(') LIngegneria Civile e le Arti Industriali. Anno VI, fasc. 7» ed 8».
Torino, 1880.
Le problème des huit reines. 85
restes de rangs m et w, on a (')
r,n^a-\- [m- i)r, (Mod. p),
rn^ a-\-[n— \)r^ (Mod. p),
et, par différence,
r,n — rn^{m — n)r, (Mod.;?).
Par conséquent, si les restes r,n et rn étaient identiques, le
produit {m — n)r serait divisible par p; mais p étant supposé
premier avec r diviserait le nombre {m — n) plus petit que lui;
ce qui est impossible. Donc :
Théorème \. — Si Von divise par un nombre p premier avec
la raison, p termes consécutifs d'une progression arithmétique
formée de tiomhres entiers, tous les restes sont différents.
On dit alors que ces restes forment un système complet de
résidus suivant le module p.
Supposons, de plus, que p désigne un nombre premier avec
la raison, et avec la raison augmentée ou diminuée de l'unité;
on a alors le théorème suivant :
Théorème II. — Si Von divise p termes consécutifs d'aune pro-
gression arithmétique de raison r par un nombre p premier
avec chacun des nombres r, r -i- i, r — i, /a différence de deux
restes quelconques n'est jamais, en valeur absolue, égale à la
différence des rangs qu'ils occupent dans la progression.
(') La notation a ^ b, (Mod. p), veut dire que a ti b diffèrent d'un
multiple quelconque de p] elle se lit a congru à b suivant le module p. Elle
a été imaginée par Gauss; c'est une excellente notation qui, malheureu-
sement, n'a pas encore été adoptée, en France, d'une manière générale.
86 Quatrième récréation. — Problème des huit reines.
En effet, si l'on supposait
r„, — r„=ih(m~?î), [Mod. p],
on en déduirait, d'après ce qui précède,
{m — n}r^±:[m~n)^ (Mod.;;),
ou bien
(m — w) (r liz i) = o, (Mod. j?).
Doncp premier avec r =t i diviserait le nombre (m — n) plus
petit que lui; ce qui est impossible.
Il résulte de ces deux théorèmes que l'on peut, dans beaucoup
de cas, trouver un grand nombre de solutions du problème des
p reines, en supposant que p désigne un nombre impair, non
divisible par 3.
CINQUIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DU SOLITAIRE.
A M. H. Hermary^ ancien élève de VÉcole Polytechnique,
capitaine au Comité (Vartilleric,
« Les premières notions de mathématiques doi-
vent faire partie de l'éducation de l'enfanee. Les
chiffres, les lignes parlent plus qu'on ne croit à
leur imagination naissante, et c'est un moyen sûr
de l'exercer sans l'égarer. »
(GoNDORCET, Discours sur les Mathématiques. )
a II faut jouer au solitaire,
Quand on n'est plus dans les beaux ans. »
(PanarDj Chansons, t. IIL)
-m^'r
-mm^^^^-m^^-é^
CINQUIEME RECREATIOî.^
LE JEU DU SOLITAIRE.
COMME son nom l'indique, le Jeu du solitaire est joué par
une seule personne; il consiste, au point de vue le plus
général, dans la recherche de problèmes concernant la
géométrie de situation. Cependant ce jeu peut être effectué par
deux ou plus de deux personnes, qui se proposeraient récipro-
quement la résolution de problèmes de plus en plus compliqués.
Cette remarque s'applique d'ailleurs à tous les jeux qui sont étu-
diés dans ce volume; tous peuvent être joués par un seul parte-
naire ou par plusieurs.
HISTORIQUE.
D'après Y Encyclopédie méthodique , ce jeu nous viendrait
d'Amérique, où un voyageur français en aurait conçu l'idée et
90 Cinquième lécréation.
réglé la marche, en regardant des sauvages qui revenaient de la
chasse, et plantaient leurs flèches en différents trous disposés ré-
gulièrement sur la paroi de leurs cabanes. Le Dictionnaire des
origines fait observer, mais sans en dire plus^ que le jeu du soli-
taire dérive ànjeu des mages, ou des carrés magiques. Il est fort
possible qu'il y ait une relation étroite entre ces deux jeux : c'est
là une question intéressante que nous soumettons à la perspi-
cacité de nos lecteurs. D'autres font naître le solitaire en Chine,
à une époque très reculée.
Quoi qu'il en soit, le jeu du solitaire était bien connu dès le
commencement du dernier siècle. Le premier volume des Mé-
moires de l'Académie des Sciences de Berlin [Miscellane Bero-
linensia^ ijio) contient un Mémoire de Leibniz ayant pour
titre : Annotatio de quibusdam ludis, etc., et qui débute ainsi :
« Non ita pridemincrebuit ludi genus singulare quQmSolitarium
appelant (').» On y trouve encore le pasage suivant: a Saepe
noîavimus nusquam homines quam in ludicris ingeniosiores esse:
atque ideo ludos Mathematicorum curam mereri, non per se, sed
artis inveniendi causa. » Plus tard, dans une lettre adressée à M. de
Montmort, le 17 janvier 17 16, Leibniz s'exprimait ainsi : « Le
jeu nommé le Solitaire m'a plu assez. Je l'ai pris d'une manière
renversée, c'est-à-dire qu'au lieu de défaire un composé de pièces
selon la loi de ce jeu, qui est de sauter dans une place vide et d'ôter
la pièce sur laquelle on saute, j'ai cru qu'il serait plus beau de
rétablir ce qui a été défait, en remplissant un trou sur lequel on
saute; et par ce moyen on pourrait se proposer de former une telle
ou telle figure proposée, si elle est faisable, comme elle l'est sans
(0 Voir le Dictionnaire mathématique de Klûgel, continué par Mollweide
iKligel's math. Wôterbuch, IV^ partie, p. 466).
Le jeu du solitaire.
91
doute si elle est défaisable. Mais à quoi bon cela? dira-t-on. Je
réponds : à perfectionner l'art d'inventer. Car il faudrait avoir des
méthodes pour venir à bout de tout ce qui peut se trouver par
raison. »
^^
DEFINITION DU SOLITAIRE.
Ce jeu se compose essentiellement d'une planchette ayant la
forme d'un octogone régulier, et percée de trentesejpt trous
placés aux sommets de carrés, conformément à la figure suivante.
Fig. 23.
Tous ces trous sont garnis d'une cheville, en os ou en ivoire,
appelée fiche. Cependant, depuis quelques années, on a remplacé
la planchette octogone par une planchette circulaire, les trous
g 2 Cinquième récréation.
par des creux hémisphériques, et les fiches par des billes ou des
boules.
Lorsqu'on n'a pas de jeu de solitaire à sa disposition, on y
supplée facilement, en utilisant certaines cases du damier, et en
se servant des pions. Mais il est encore plus simple de dessiner sur
une feuille de carton la figure suivante^ en plaçant les numéros
correspondants dans le même angle de chacun des carrés de l'échi-
quier. On observera que la notation dont nous nous servons est
entièrement conforme aux principes delà géométrie analytique;
nous ajouterons que c'est la notation qui a été proposée pour l'échi-
quier (*) par un illustre mathématicien français de la fin du
siècle dernier, que la science française a trop laissé jusqu'à présent
dans l'oubli : je veux parler de Vandermonde.
Dans la figure, nous laisserons de côté, pour l'instant, les carrés
ou cases numérotées 04, 40, 48, 84, qui n'appartiennent pas au
solitaire que l'on trouve le plus communément dans le commerce.
Nous appellerons coins du solitaire les cases numérotées, 13
et 31, 15 et 51, 37 et 73, 57 et 75 ; milieux, les cases numérotées, 14
et 41, 26 et 62, 47 et 74, 22 et 66;/ron^5, l'ensemble des trois
cases contiguës, telles que 13, 14, 15, ou 31, 41, 51, ou 37, 47, 57,
ou 73, 74, 75; pourtour ou périmètre, l'ensemble des coins et des
milieux limitant le solitaire, et enfin centre^ la case 44.
Nous dirons que plusieurs cases sont consécutives^ lorsqu'elles
(1) Remarques sur les problèmes de situation, par Vandermonde. —
Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Paris pour l'année 177 1,
p. 566-574. On trouve dans ce Mémoire une solution curieuse du problème
du cavalier des échecs sur un échiquier cubique, et les premiers éléments
scientifiques de la géométrie des tissus à fils curvilignes, qui comprend, en
particulier,la fabrication des articles de bonneterie (tricots, bas, chaussettes,
caleçons, bonnets de coton, etc.).
Le jeu du solitaire.
93
se succèdent sans interruption sur une même ligne horizontale
ou sur une même colonne verticale; ainsi les cases 32, 33, 34, 35
sont consécutives sur la même colonne. Dans ce cas, le premier
chiffre de la notation des cases est le même, et le second chiffre
représente les nombres entiers successifs; de même, les cases 23,
Fig. 24.
Y
f
1
'"17
1
37
47
57
26
36
— 1
46
56
66
04
i5
25
35
45
55
65
75
14
24
34
44
5^
64
74
84 \
i3
23
33
43
53
63
73
22
32
42
52
62
3i
41
5i
40
o
33, 43, 53 sont consécutives dans la même ligne; alors le second
chiffre de la notation est constant^ tandis que le premier chiffre
représente les nombres entiers successifs. En général, nous dési-
gnerons le premier chiffre de la notation de la case, c'est-à- dire
le rang de la colonne où elle se trouve par le mot abscisse^ et le
second chiffre de la notation de la case, c'est-à-dire le rang de la
ligne où se trouve cette case, par le mot ordonnée.
<^g^^
94 Cinquième récréation.
REGLE DU JEU DU SOLITAIRE.
Lorsque le solitaire est entièrement couvert de boules, on com-
mence par retirer l'une d'elles; cela fait, lorsque le solitaire pré-
sente une ou plusieurs cases vides, une boule quelconque peut
prendre une autre boule qui lui est contiguë, dans le sens hori-
zontal ou dans le sens vertical, lorsqu'en sautant par-dessus, soit
horizontalement, soit verticalement, elle peut venir se placer, en
continuant son mouvement, sur la case vide immédiatement
voisine. Par exemple, la boule 34 peut prendre :
i** La boule 35 en venant se placer sur la case vide 36
2^—33 - — 32
30—24 — — 14
4« — 44 — — 54.
Nous indiquerons cette manœuvre, que Ton appelle un coup
somtractif^ par une fraction ayant pour numérateur la case de
départ de la boule qui prend, et pour dénominateur la case
d'arrivée. Ainsi, pour chacun des quatre coups hypothétiques
qui précèdent, la notation serait
34 34 34 34
36' 32' 14' 54*
On observera que, dans chacune de ces fractions qui représen-
tent la notation d'un coup, les premiers ou les derniers chiffres
diffèrent nécessairement de deux unités.
On peut se proposer sur le solitaire des problèmes très variés.
Suivant la méthode analytique, nous commencerons par donner
Le jeu du solitaire. gb
la solution de quelques problèmes très simples qui feront mieux
comprendre la règle du jeu.
PREMIERS EXERCICES.
Dans les Exercices suivants, on couvre de boules plusieurs cases
du solitaire; il s'agit, en suivant la règle, de prendre toutes les
boules, à l'exception d'une seule. Ces problèmes sont extraits,
en très grande partie, d*un ouvrage ayant pour titre : Recherches
sur le jeu du solitaire^ livre posthume du chevalier Paul
Busschopp, publié par les soins de son frère, Jules Busschopp.
Nous avons d'ailleurs modifié la notation incommode de l'auteur,
ainsi que l'ordre de ces exercices ; mais nous avons conservé les
titres de ces problèmes, qui sont basés, en général, sur la forme
initiale ou finale de l'ensemble des boules qui couvrent le solitaire.
Le lecteur qui tient à se familiariser avec la pratique de ce jeu
devra répéter ces exercices plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il puisse
les réaliser de mémoire.
Problème I. — La Croix de six boules. — On dispose six boules
sur les cases 35, 43, 44, 45, 46, 55; réduire à une boule au centre
du solitaire.
On manœuvre successivement d'après la série des cinq coups :
45 43 35 65 46^
65' 45' 55' 43' 44
Problème H. — L\ Croix de neuf boules. — On dispose neuf
boules sur les cases 24, 34, 42-46, 54, 64; réduire à une boule au
11
centre du solitaire.
QÔ Cinquième récréation.
La notation 42-46 veut dire que l'on place des boules sur les
cases consécutives 42, 43, 44, 45, 46. Pour abréger, nous nous
servirons de cette notation tout aussi bien dans le sens vertical
que dans le sens horizontal du solitaire. On a successivement
43 45 24 44 64 41 43 46
41 40 44 42 44 40 45 44
Problème III. — Le Triangle. — Neuf boules en : 23, 33, 34,
43-45, 53, 54, 63.
53 5^336344352342
55' 35' 53' 43' 42' 33' 43' 44'
Problème IV. — La Cheminée. — Onze boules en : 34-37,
45-47, 54-57.
45 37 57 34 37 25 46 54 66 46
25' 33' 37' 36' 35' 43' 66' 56' 46' 44'
Problème V. — - Le Calvaire. — Quinze boules en : 25, 31,
32, 35, 41-47, 51, 52, 55, 65.
32 5£ 43 41 33 63
33' 53' 63' 43' 53' 43*
Après six coups, on retrouve la Croix de neuf boules du
Problème II. On observera que cette croix est déplacée, carie
centre se trouve ici sur la case 45. On terminera sur cette case.
Problème VI. — La Pyramide. — Seize boules en : 14, 24,
25, 34-36, 44-47, 54-56, 64, 65, 74.
55 74 53 55 57 35 14 33 36 44 56 25 87 35 65
53' H' 55' 5^' 3^' r3' 3^' 35' 56' 46' 36' 45' 35' 55' 45*
Le jeu du solitaire. g y
Problème VIL — La double Croix. — Vingt et une boules
en : 14, 22, 24, 26, 33-35, 41-47, 53-55, 62, 64, 66, 74.
54 52 2^ 33 41 43 74 62 45 54 66 74 35 54 33
52^ 32^ 42' 53' 43' 63' V 64' 65' 74' 64' H' 33' 3^' 35'
47 45 14 26 24
45 25 34 24 44
ProblèmeYlU. — Les cinq Croix entrelacées. —Vingt et une
boules en : 14, 23-25, 32, 34, 36, 41-47, 52, 54, 56, 63-65, 74.
^, 44, Zi, 1^ ^ ^ 44 47 24 26 46 44 14 42 22
62' 64' 54' 66' 64' 44 46' 45' 26' 46' 44' 24' 34' 22' 24'
24 44 41 62 42
44' ^' ^' ^' ^*
Problème IX. — Le Pentagone. — Vingt-quatre boules en :
14, 23-25, 32-36, 42-47, 52-56, 63-65, 74.
^ ^ ^ 44 ^3 42 63 25 45 43 55 35 33 i3 i5
5i' 52' 53' 42' 43' 44' 43' 23' ^' ^' 35' 33' 73' 75' 35'
3537575574536546
37' 57' 55' 53' 54' 55' 45' 44*
Problème X. — Le Carré incliné. — Vingt-quatre boules en :
14, 23-25, 32-36, 41-43, 45-47, 52-56, 63^65, 74.
53 5i 55 75 73 64 35 37 57 55 34 46 14 26 23
5i' 3i' 75' 73' 53' 44' 37' 57' 55' 35' 36' "26' 3^' ^' ^'
4425325334 3_i2342
24' 23' 34' 33' 32' 33' 43' 44*
Problème XL — L'Octogone. — Le solitaire est entièrement
couvert, à l'exception des huit coins.
E. Lucas. — Récréations mathém. y
98
Cinquième récréation.
53 32 5i 54 74 44 A^ £^, ±1, M, 1?^ 22^ 62^ 64^ ^4^
57' 5^' Ï3' 3i' 54 42' 32' 42 43 22 23 24 64 44 34
14 66 64 56 35 54 33 35 47, 1.5 25 26 46.
H' 6^' 44' H' 33' 3^' 35' 55' 45' 35 45 46 44
Problème XII. — La triple Croix. -- Le solitaire est entière-
ment couvert, à l'exception des cinq cases 22, 66, 26, 62 et 44.
Al 5a 5i 74 54 62 73 32 3i 43 5i 63 56 75
If' Û' 11' H' 5!' ï.' ^' 5^' 57' 63' 53' Ï3' H' 53'
54 35 47 45 57 65 37 34 il il 43 £3 32 24
W 5T' 2' 65' 55' Ï5' 35' 3^' 33' i3' 23' 33' 34' 26'
34 26 46^
36' 46' 44*
Il y a aussi lieu de s'exercer à réussir ces problèmes en sens
inverse, en modifiant la règle du jeu contormément à l'idée émise
par Leibniz, et reproduite au début de cette récréation. Consi-
dérons trois cases consécutives A, B, C, soit dans le sens hori-
zontal (Jg. 25), soit dans le sens vertical (^^. 26).
Fig. 25.
A
B
C
Fig. 26.
Supposons vides les cases B et C, et une boule en A. Passons la
boule A en C, et plaçons une boule en B ; nous aurons ainsi un
coup additif. Cela posé, on pourra reprendre les problèmes pré-
cédents. On place une boule sur la case du solitaire, occupée par
Le jeu du solitaire. qg
la dernière boule, et dont le numéro est le dénominateur de la
fraction qui représente le dernier coup. On opère par des coups
additifs dont la lecture se fait : i° en renversant les deux termes
de chaque fraction ; 2° en renversant l'ordre des fractions, la
dernière devenant la première.
PROBLEMES SUR LE SOLITAIRE DECENTRE.
Dans les problèmes suivants, nous prendrons pour figure ini-
tiale le solitaire de trente-sept cases, entièrement couvert, à l'ex-
ception de la case centrale 44. On doit, après un certain nombre
de coups, obtenir des figures convenues, formées par les boules
restantes. La première série de fractions indique le nombre et la
suite des coups soustractifs; nous indiquons ensuite la position
des boules restantes par des chiffres gras ou par les désignations
que nous avons définies plus haut.
Problème XIII. — Le Chapelet.
^ Ê^ 4^ ^ 24 26 46 66 64 34 54 52 32 24
44' 64' 62' 42' 22' 24' 26' 46' 66' 54' 52' 32' 34' 44'
Il reste le pourtour et les boules 35, 43 à 46, 55 formant la
Croix de six boules.
Problème XIV. — L'Equateur.
1^ 22 24 ^ i^ ^ 5^ 42 ^6 46 34 55 36 53 56
44' 42' 22' 43' 53' 63' 64' 62' 24' 26' 36' 35' 34' 55' 54*
Il reste le pourtour et la ligne horizontale 14 à 74.
Cinquième récréation.
Problème XV. — La Croix et sa Couronne.
24 36 55 25 33 53 23 56 36 73 65 53 5£ 32 53
^' H' 35' Ï5' 35' 33' 43' 36' 34' 53' 63' 73' 53' 52' 51*
Il reste le pourtour et cinq boules au centre.
Problème XVI. — La pleine Lune.
64 52 33 54 66 46 44 24 26 46 £4 22 34 42 62 64^
^' 54' 53' Y2 64' 66' 46' 44' 24' 26' 34' 24' 14' 22' 42' 62'
Il reste le pourtour et les quatre boules 42, 44, 35, 55.
Proft/ème XVII. — La Croix de Malte.
24 54 74 42 44 46 34 54 62 63 3^ 22 25 26 56 66^
^' 34' 54' 44' 64' 44' 54' 74' 42' 4^' 34' 24' 45' 46' 54' 64'
Il reste les boules des fronts, de la ligne et de la colonne
moyennes, à l'exception du centre.
Problème XVIII. — Quatre cavaliers cernés par seize
SOLDATS.
42 45 64 43 66 46 26 46 24 44 22 24 41 62^ 43^ 64^
^' p' ^' ^' 64' 66' 46' 44' 26' 24' 42' 22' 43' 42' 41' 62
Il reste le pourtour et les quatre boules 33, 53, 35, 55 représen-
tant les cavaliers, qui n'ont pas bougé pendant la manœuvre.
Problème XIX. — Trois cavaliers cernés par seize soldats.
64 34 42 44 36 56 26 46 65 24
^' H' 44' 6i' H' 36' 46' 44' 45' 26' •
Les huit derniers coups sont semblables aux huit derniers du
problème précédent. Il reste le pourtour et les trois boules 33, 53,
45 représentant les cavaliers
Le jeu du solitaire.
Problème XX. ^ Adam et Eve dans le paradis terrestre.
46 43 23 25 45 42 63 43 65 45 22 26 66 62 42 24
^' p' :p' ^' ^' 44' 43' 45' 63' 65' 42' 24' 46' 64' 62' 22'
46 64
26' M'
Il reste le pourtour et les deux boules 34 et 54, représentant
Adam et Eve, qui n'ont pas bougé pendant la manœuvre.
Problème y^ya. — Le Lecteur au milieu de son auditoire. —
On commence par le problème du chapelet [Problème XIII), et
l'on termine par le Problème I. Il reste alors le pourtour et le
centre.
Problème XXII. — Le Jugement^dernier,
24325235325557656343363555^r533
44 34' 32' 33' 34' 35' 55' 45' 65' 63' 56' 55' 57' 33' i3' 35'
35 73 75 5| 5|
i5' 53' 73' 55' 75*
Après le dernier coup, il reste la boule centrale 44 et les deux
parties du pourtour, représentant les bons et les méchants^ sépa-
rés par les cases vides 14 et 74.
Problème XXIII. — Le grand Bol.
24325^343£5233456443563|54666326
44' 34' 33' 32' 33' 32' 3i' 43' 44' 45' 54' 55' 56' 64' 65' 24'
23 37 47 57
^' 35' p' 5~5"*
Il reste la ligne 15 à 75, et le pourtour de 15 à 41 et de 41 à 75.
Cinquième récréation.
Problème XX.IY . — Les quatre Évangélistes et les douze
Apôtres.
42 62 64 44 41 74 46 44 66 64 47 24 44 26 46 14
44 42 62 64 43 54 44 64 46 66 45 44 46 24 26 34
22 24 44 42
24' 44' 42' 22
Il reste les boules du pourtour, à l'exception des quatre boules
14, 41, 47, 74, ce qui représente les douze Apôtres, et en plus les
boules 33, 35, 53, 55, qui représentent les Évangélistes.
Problème XXV. — La Trinité et les douze Apôtres.
42 45 24 43 64 56 54 36 34 i5 57 3? 35 2^ 3^ 3^
:^' p' ^' ^' ^' H' 34' 56' 36' 35' 5d' 5;' 3;' i5' i3' 33'
5£ 53 73 75 5^5
3i' 5i' 53' 73' 75"*
Il reste douze boules du pourtour, comme dans le problème
précédent, et^ en plus, les trois boules 33, 53, 45.
Problème XXVI. — Jésus et les douze Apôtres.
42 63 5r 3£ 33 5_3 23 35 3^ H 44 4^ ^ ^ 47 ^
44' 43' 5l' 57' 3i' 33' 43' 33' 53' 34' 24' 44' 46' 26' 45' 46'
54 46 74 75 4 5^ 53 55
56' 66' 54' 55' 65' 55' 75*
Il reste douze boules du pourtour, comme dans les deux pro-
blèmes précédents, et, en plus, la boule centrale 44.
Problème XXVII. — Le Galice.
46 65 57 37 54 57 45 52 32 34 36 £5 22 2^ 34 £4
ï^' ^' 55' 5^' 56' 55' 65' 54 52' 32 34' 35' 42' 33' 32' 34'
75 55 74 5^ 73 5^ 32 62
53' 53' 54' 55' 53' 54' 52' 42'
Le jeu du solitaire. ic>3
Il reste douze boules 26, 31, 34, 35, 41-44, 51, 54, 55, 66.
Problème XXVIII. — La Trinité.
46 25 37 45 ^ 34 26 54 65 57 45 75 74 54 47
^' ^' 35' 25' 35' 36' 46' 34' 45' 55' 65' 55' 54 56' 45'
66 52 32 34 14 62 42 73 54 ^ 1? ^ 4^ Ll 1^
^' H' 5^' 3^' 'H' 42' 44 53' 52' 42' 33' 32' 43' 33' 23'
41 5[ 43
43' 53' 63 ■
Il reste les trois boules 23, 63 et 46.
Problème XXIX. — Les deux Pôles. — On joue vingt coups
comme dans le problème précédent, puis on fait :
45 73 62 54 5j[ 53 4£ 22 34 £3 43 3_[ 2_3 43
^' 53' 4^' 52' 53' 33' 43' ^' 32' 33' 23' 33' 43' 41'
Il reste alors les deux boules 41 et 47.
Problème XXX. — Le Corsaire. — On couvre le solitaire, on
enlève la boule 51, on fait ensuite :
53 73626275545i4_3 732325454732 3^
57' 53' 6^ 64' 73' 52' 53' 63' 53' 43' 23' 20' 45' 33' 3j'
i3 43 22 14 35 i5 45 26 37 66
33' ^' ^' 34' ^' ^' 25' ^4' 35' 46'
Puis la boule 41, qui représente le Corsaire, prend successi-
vement les neuf boules 42, 33, 24, 35, 55, 64, 53, 44, 46, et vient
se placer en 47, où elle est prise par la boule 57 qui vient eu 37.
J^i^
I04 Cinquième récréation.
LES LETTRES EN BOULES.
Nous venons de donner les solutions de trente problèmes gra-
dués sur le jeu du solitaire. Il paraît que l'ouvrier typographe
chargé de la composition de l'article publié dans la Revue Scien-
tifique n'était pas très content d'avoir à manier une si grande
quantité de chiffres et de fractions. Ce n'était pas l'avis de mon
fils Paul, qui n'a pas six ans, mais qui sait manipuler les numé-
ros avec une grande dextérité; il y a déjà longtemps qu'il ne joue
plus au loto, d'abord parce que c'est un jeu de hasard, ensuite
parce que ce jeu est ennuyeux. C'est lui qui a corrigé les épreuves
de l'article en question, assisté de sa grande sœur Madeleine,
qui n'a pas sept ans. J'avais dessiné sur une feuille de carton
un solitaire numéroté; puis j'avais expliqué à tous deux les nota-
tions si simples du jeu du solitaire. Pendant que Tun appelait les
coups successifs, l'autre les réalisait sur l'échiquier; je n'ai donc
eu à revoir qu'un petit nombre de problèmes, c'est-à-dire seu-
lement ceux qui les avaient arrêtés.
Aussi, pour les récompenser, je leur ai promis d'écrire leurs
noms en lettres de boules sur le jeu du solitaire; dans cette
intention, j'ai réuni quelques nouveaux problèmes que Ton déduit
du solitaire complet, et qui se terminent par un ensemble de boules
représentant aussi bien que possible les lettres de l'alphabet qui
servent à former leurs noms.
Le jeu du solitaire.
LA RECREATION DE PAUL ( ).
Cette récréation se compose de quatre parties successives qui
correspondent aux quatre lettres P, A, U, L.
La lettre p. — Du solitaire complet on enlève la boule 44;
puis on joue les vingt-trois coups suivants :
42 63 5i 43 73 54 62 41 74 33 54 22 52 56
5^' p' 53' 63' 53' 5i' 4^' 43' H' 53' 5^' 4^' 32^ 54'
36 34 75 45 i3 14 i5 26 56
56' 36' 55' 65' 33' 34' 35' 46' 36'
Il reste les treize boules 31-37, 44, 47, 54, 57, 65, 66.
La lettre a. — Du solitaire complet on enlève la boule 44;
puis on joue les vingt-six coups suivants :
6456355466574737453426^75 £4
44' 54' 55' 56' 64' 55' 45' 35' 65' 36' 46' 35' 55' 34'
74 22 43 3i 23 53 41 33 63 5i 43 62
54' 24' 23' 33' 43' 33' 43' 53' 43' 53' 63' 64'
Il reste les dix boules 13,73,24-64,35,55,46.
La lettre U. — Du solitaire complet on enlève la boule 64;
puis on joue les vingt-quatre coups suivants :
66 45 57 25 37 45 47 54 52 32 34 75 73 62
Ô4 65 55 4D 35 25 45 56 54 52 32 55 53 42
54 74 5i 32 i3 43 45 i5 i3 /i3
52 54 53 D2 66 26 43 16 66 26
(^) Nous recommandons ces exercices aux pères de famille qui n'ont
malheureusement pas toujours le temps d'être dérangés de leurs travaux
par leurs entants.
io6 Cinquième récréation.
11 reste les douze boules 22-26, 31, 41, 52-56.
La lettre L. — Du solitaire complet on enlève la boule 33;
puis on joue les vingt-sept coups suivants :
?i 34 5i 3i 36 34 56 54 52 y3 64 74 57 54
33' 32' 37' 33' 34' 32' 36' 56' 54' 5^' 52' 34' 5"5' 56'
66 75 55 43 36 i5 i3 45 i5 34 37 47 45
^' 55' 33' ^' 3^:' 35' 73' ^' 35' 36' 35' 45' 25*
Il reste les neuf boules 22-26, 32-62.
LA RÉCRÉATION DE MADELEINE.
Cette récréation se compose de cinq parties nouvelles qui cor-
respondent aux lettres M, D, E, I, N.
La LETTRE M. — ^ Du solitaire complet on enlève les boules 33
et 53; puis on joue les vingt-deux coups suivants :
55 i3 436352 4^35233_i434£r5£343
53' 33' ■^' 43' 53' 63' 33' 43' 33' 23' 43' 73' 33' 23'
55' 75' 65' 55' 45' 65' 35' 55'
Il reste les treize boules 22-26, 35, 44, 55, 62-66.
La lettre D. — Du solitaire complet on enlève la boule 44,
puis on joue les vingt coups suivants :
42 23 35 43 54 46 34 65 63 75 45 53 55 22
^' p' 33' ^' 34' 44' 54' 45' 65' 55' 65' 55' 75' 42'
52 i3 14 i5 26 56
32' 31' 3^' 35' 46' 36'
Le jeu du solitaire. 107
Il reste les seize boules 31-37, 41, 47, 51, 57, 62, 66, 73-75.
La LETTRE E. — Du solitaire complet on enlève la boule 44;
puis on joue les vingt-trois coups suivants :
42 62 54 73 52 41 22 43 34 54 56 75 54 74
44 42 52 53 04 4> 42 41 32 34 ^^ 5d 5b 54
46 26 34 i3 14 i5 47 66 45
44 40 6b 66 34 3d 45 4Ô 47
Il reste les treize boules 31-37, 41, 44, 47, 51, 54, 57.
La lettre I. — Du solitaire complet on enlève les boules 13
et 73 ; puis on joue les vingt-quatre coups suivants :
75 54 66 74 i5 34 26 14 46 54 66 52 32 34
y 6 74 04 54 16 14 24 34 bb 5b 4b 54 52 32
36 i3 22 34 5i 32 53 73 54 62
34' 33' 42' 32^ 53' 52' 5i' 53' 52' 42
Il reste les onze boules 31, 37, 41-47, 51, 57.
La lettre N. — Du solitaire complet on enlève les boules 52
et 33; puis on joue les vingt-deux coups suivants :
54 56 75 54 57 45 25 37 45 47 73 75 45 i3
52 54 5^ 56 53 b5 4D 3d 25 45 75 5^ 65 33
43 i5 i3 33 3i 41 43 5i
23'' 73' 37' 35'3'3' p'23'' 53'
Il reste les treize boules 22-26, 35, 44, 53, 62-66.
io8 Cinquième récréation.
LES RÉUSSITES DU SOLITAIRE A 3/ CASES.
Le problème que l'on résout le plus communément sur le soli-
taire s'appelle réussite; il consiste à enlever une boule du soli-
taire complet, puis on doit réduire le solitaire à une seule boule,
en suivant la règle du jeu. Nous désignerons alors sous le nom
de case initiale la première et unique case vide, et par case finale
ou terminale la dernière et unique case pleine. Nous avons déjà
obtenu la réussite ayant 51 pour case initiale et 37 pour case
finale, dans la solution du problème du Corsaire. Nous donne-
rons une seconde réussite, en partant de la case 73; le tableau
successif des trente-cinq coups est le suivant :
53 5 1 43 73 23 ^ 43 ^ 4^ 65 57 45
^' 53' 63' 53' 43' 33' 23' 33' 43' 45' 55' 65'
75 25 37 45 i5 43 64 62 74 4£ 34 £4
5"5' Ï5' 35' ^' 3"5' 63' 44 64 H 43' 36' 34
47 26 4^ 54 66 43 22 47 4^ ^ 44o„4?
45' 46' 47' 56' 46' 23' 24' 45' 43' 44' 42 45
On retient assez facilement cette marche en se fixant dans l'es-
prit les figures représentant l'état du solitaire après le 17' coup,
et après le 26'.
Quant au dernier coup, il est possible de deux façons diffé-
rentes, et la case finale est 42 dans le premier cas, et 45 dans le
second. Cette observation sera très utile dans la suite.
Le jeu du solitaire. 109
DE LA SYMETRIE HORIZONTALE.
Au lieu de prendre 73 pour case initiale, on pourrait prendre
une autre case, et il y aurait ainsi lieu de considérer les réussites
qui correspondent à toutes les cases du solitaire, prises successi-
vement pour case initiale. Mais la forme régulière du solitaire
permet de réduire considérablement ces problèmes, ainsi qu'on
va le voir.
Si Ton prend 75 pour case initiale, on observera que les cases 73
et 75 sont placées symétriquement par rapport à la ligne
moyenne 14-74 qui est un axe de symétrie de la figure formée
par les cases du solitaire. Dans le cas général, les premiers chiffres
des notations de deux cases symétriques par rapport à la ligne
moyenne sont égaux; ainsi les cases symétriques 73 et 75, 32
et 36, etc., ont le même premier chiffre. Quant aux seconds chif-
fres, ils ont constamment la même somme égale à huit.
Par conséquent, pour résoudre le problème de la réussite, qui
convient à la case initiale 75^ il suffira de reprendre le tableau
précédent, en conservant l'ordre et la disposition des fractions;
on conservera encore le premier chiffre de chacun des termes de
la fraction, mais on remplacera le second chiffre de chaque terme
par son complément à 8; ainsi, pour le second chiffre, on rem-
placera
I par 7, 2 par 6, 3 par 5, 4 par 4,
et réciproquement. Le tableau des premiers coups de la réus-
site 75 sera donc
55 57 45 75
75' 55' 65' 55' ■••*
Cinquième récréation.
DE LA SYMETRIE VERTICALE.
Le solitaire est encore symétrique par rapport à la colonne
moyenne 41-47; et ainsi les cases 13 et 73 sont symétriques. Pour
deux telles cases, le second chiffre de la notation est le même, et
la somme des deux premiers chiffres est constamment égale à huit.
Par conséquent, on déduira le tableau de la réussite 13 de celui
de la réussite 73, en conservant l'ordre des fractions donnant
les coups et le second chiffre des termes, et en remplaçant le pre-
mier chiffre de chaque terme par son complément à huit. Ainsi,
par exemple, la réussite de case initiale 13 commence par
33 32 43 £3
i3' 33' 23' 33' ■•••
DE LA SYMETRIE CENTRALE.
On peut déduire la solution de la réussite de case initiale 15
de Fune des réussites ayant pour case initiale 13 ou 75, soit par
symétrie horizontale, soit par symétrie verticale. Mais on peut
opérer plus rapidement, en remplaçant, dans le tableau de la suc-
cession des coups de la réussite de case initiale 73, chacun des
chiffres par son complément à huit. On fait ainsi l'application
de ce théorème de Géométrie : Lorsqu'une figure est symétrique
par rapport à deux axes perpendiculaires^ elle est symétrique
par rapport au point d'intersection des axes. Ainsi le solitaire
possède la symétrie centrale, c'est-à-dire que toutes les cases
sont opposées deux à deux, et également distantes de la case
Le jeu du solitaire.
centrale 44 ('). Ainsi, les premiers coups de la réussite 15 déduits
centralement de la réussite 73 sont les suivants :
35 37 45 ]^
i5' 35' 25' 35' ■* "
DE LA SYMETRIE INCLINEE.
Les cases du solitaire octogone sont encore placées symétrique-
ment par rapport à la ligne diagonale 22-66. Pour deux cases
symétriques de cette manière, les notations sont telles que cha-
cune d'elles est égale à la notation renversée de Tautre. Par con-
séquent, on déduira la solution de la réussite 37 de celle de la
réussite 73, en renversant l'ordre des chiffres de chacun des
termes des fractions qui indiquent la succession des coups.
Ainsi les premiers coups de la réussite 37 déduits de la réus-
site 73 sont :
35 £5 34 3^7
37' 35' 36' 35' *"*
En résumé, il résulte de ces considérations de symétrie, que
Tétude des réussites du solitaire de trente-sept cases ne doit être
faite que pour une seule des cases d'un même groupe symétrique.
(^ ) Pour se rapprocher des conventions adoptées en Géométrie analytique,
on aurait dû désigner la case 44 par 00, et la prendre pour origine des coor-
données. On aurait désigné toutes les cases par deux chiffres, de 0 à 3, en
indiquant les cases de coordonnées négatives par le signe — . placé au-dessus
du chiffre représentant la coordonnée négative, comme dans l'emploi de la
caractéristique négative des logarithmes. On peut encore désigner les coor-
données négatives par des chiffres accentués; c'est ainsi que Fa fait Reiss,
dans le Mémoire que nous citons plus loin. Mais sa notation est un peu
confuse; c'est pourquoi nous préférons la notation actuelle.
Cinquième récréation.
D'après cela, on classera les cases du solitaire en huit groupes
que nous indiquons dans le tableau suivant :
Tableau des groupes de cases symétriques.
GROUPES.
CASES.
r
44.
ir
14, 41, 47, 74.
iir
22, 26, 62, 66.
IV
24, 42, 46, 64.
V*
33, 35, 53, 55.
VI
34,43,45,54.
VII
13,15,31,37,51,57,73,75.
viir
23,25,32,36,52,56,63,65.
Il suffit donc d'étudier le problème des réussites pour l'une
quelconque des cases de chaque groupe. Mais nous démontrerons
plus loin, dans la théorie des impossibilités du solitaire général^
que la réussite proposée est impossible pour toutes les cases ap-
partenant aux groupes marqués d'un astérisque, dans le tableau
précédent. Il ne nous reste donc que l'étude des groupes IV et VI,
dans lesquels nous choisirons respectivement pour cases initiales
celles qui ont pour notation 42 et 45.
<^ê^%f
Le jeu du solitaire. 1 1 3
PROCEDE GENERAL DE RECIPROCITE.
Nous avons donné plus haut la solution du solitaire pour la
case initiale 73, et nous avons obtenu la boule finale 42. Par
conséquent on peut, par une marche renversée de coups additifs,
remplir le solitaire, en prenant pour case initiale 42, mais la
case finale 73 restera vide. Nous avons vu que l'on obtient l'écri-
ture de cette solution en coups additifs: i°en renversant Tordre
des fractions; 2° en échangeant les termes de chaque fraction.
Cela posé, considérons deux solitaires complémentaires, c'est-
à-dire tels que les cases pleines de l'un correspondent toujours
aux cases vides àt l'autre, et réciproquement; alors les coups
additifs de l'un correspondent aux coups soustractifs de l'autre.
Par conséquent, si l'on part d'une boule initiale 42, et qu'on
remplisse le solitaire par coups additifs, à Texception de la
case 73, on obtient une réussite ordinaire, par coups soustractifs,
sur le solitaire complémentaire ne contenant que la case vide 42;
il reste la boule finale 73.
Pour déduire immédiatement la réussite de case initiale 42 et
de boule finale 73, de la réussite de case initiale 73 et de boule
finale 42, il suffit de renverser, dans la solution de cette dernière,
l'ordre des fractions, mais sans renverser les termes de chacune
d'elles. Ainsi, la réussite de case initiale 42, déduite de la réus-
site 73, sera
44 24 45 47 5£ 53
42' 44' 43' 45' *■'' 53'^'
C'est en cela que consiste le procédé général de réciprocité.
E. Lucas. — Récréations mathér
114 Cinquième récréation.
PROCÉDÉ GÉNÉRAL d'ÉCHANGE.
Nous avons vu que la réussite de case initiale 73 peut se ter-
miner indifféremment par la case 42 ou par la case 45. Par con-
séquent, la réussite de case initiale 45 a pour solution
43 24 45 47 _ ^ ^.
45' 44' 43' 45' ' 53' 73
Elle ne diffère de la précédente que par le premier coup.
En général, désignons par a, b, c,^ quatre cases consécutives,
et supposons que la réussite se termine par le coup -; on pourra
tout aussi bien terminer par le coup ^- De même, si une réussite
C
commence par le coup -, sur l'ensemble de quatre cases consé-
cutives A, B, G, D. on pourra échanger la case A par la case D,
et la réussite ne différera de la précédente que par le premier
coup p au lieu de ^. C'est en cela que consiste le procédé
général d'échange des cases initiales ou des cases terminales.
Il résulte de ces considérations de symétrie, de réciprocité et
d'échange, que nous avons donné les réussites possibles du soli-
taire de trente-sept cases, en prenant successivement pour case
initiale toutes les cases convenables.
COUPS TRIPLES DU SOLITAIRE ACCÉlÉRÉ.
On peut, dans un grand nombre de problèmes, accélérer la
marche du solitaire par le coup ?np/e imaginé par M. Hermary.
Le jeu du solitaire.
iib
Considérons l'ensemble formé par trois cases consécutives pleines
B, C, D, et par deux autres cases A et A'^ dont l'une pleine et
l'autre vide, conformément à Fune des quatre dispositions que
nous avons représentées dans hs/ig, 27, 28, 29 et 3o
Fig. 27.
Fig. 28.
Fig. 29.
Fig. 3o.
A
B
A'
A
B
A'
A
B
A'
13
C
G
D
D
C
D
A
B
.a'
Si la case A' est vide et les quatre autres pleines, on fera suc-
cessivement les trois coups
A D A '
A'' B' A^
si la case A est vide, et les quatre autres pleines, on fera
A ' p A
a' b' A''
Dans ces deux cas^ les trois boules consécutives B, G, D ont
disparu, pendant que la quatrième est revenue à sa place. On
peut effectuer cette manœuvre d'un seul coup, en enlevant les
trois boules B, C, D, sans toucher à A ou à A'. Nous désignerons
B
D
ce coup triple par Tune des fractions r^ ou -r-) mais en chiffres
gras. Nous donnerons quelques exemples de ce procédé.
Exemple I. — Marche accélérée du Lecteur au milieu de son
auditoire. — On enlève d'abord du solitaire complet la boule
centrale 44, et par un coup simple — ? on enlève la boule 54; on
ii6 Cinquième récréation.
effectue ensuite les six coups triples :
43 45 32 36 33 23
63' 65' 52' 56' 35' 25'
Comparer celte solution, due à M. Hermary, avec celle que
nous avons donnée dans le Problème XXI.
Exemple II. — Marche accélérée des dju^e Apôtres. — On
enlève la boule centrale 44, puis on fait les huit coups triples :
34 24 45 46 54 64 43 42
36' 26' 65' 66' 52' 62' 23' 22*
Exemple III. —Le Carré de vingt-cinq boules, — On dispose
sur le solitaire vingt-cinq boules en carré ayant pour sommets
les cases 22, 26, 62, 66.
On réduit la figure à une seule boule au centre par les huit
coups triples :
2434 46 4564544243
26' 36' 66' 65' 62' 52' 22' 23*
Cette marche est peu différente de la précédente; chaque paire
de coups triples est intervertie.
Exemple IV. — Le Tricolet. — Du solitaire complet on en-
lève la boule 44; puis on fait successivement quatre groupes
de coups superposables, en tournant à chaque fois le solitaire
d'un quart de tour; ces groupes sont formés d'un coup triple,
marqué d'un astérisque, suivi de deux coups simples :
25* 47 26 32* 14 22 63;; 41 62 56;; 74 66
45' ^'46' 34' 34' 24^ 43' 43' 42^ 54' 54' 64*
Le jeu du solitaire.
117
Il reste seize boules que l'on ramène à douze en jouant les
quatre coups simples
4_5, H, il, H(').
47' h' 41' 74
Exemple V. — Réussite sur le solitaire de quarante et une
cases.
Le solitaire de quarante et une cases a la forme représentée
dans lajig. 3i.
Firr. 3i.
m
J
48
1
9
j
37
47
57
1
«
■
26
36
46
56
66
L
1
J
i5
25
35
45
55
G5
73
L
Ë
H
24
34
44
54
64
74
84
\
i3
23
33
43
53
63
73
r
1
n
22
32
42
52
62
1
J
1
1
3i
41
5i
r
J
n
40
J
C'est le solitaire ordinaire bordé des quatre cases 04, 40, 48
et 84. Nous donnerons le tableau des coups de la réussite que Ton
obtient en prenant 46 pour case initiale. Ce tableau renferme un
(* ) Encyclopédie méthodique. — Dictionnaire des jeux mathématiques.
Paris, an VII, p. 202.
ii8 Cinquième récréation.
mélange de coups simples et de coups triples :
66 54 75 55* 46* 64* 34 15^ 04_* 37 45 26 23 43 22
Ï6' 56' 53' 57' 48' W 54' 35' ^4' 35' 25' 24' 25' 23' 24'
25 £3 5i_* 4£ 3i_* 73 54 62 43 40
l3' 33' "53' 43' 33' 53' 52' 42' 41' 42'
Cette réussite est due à M. Hermary.
Remarque. — Dans les solutions des trente premiers pro-
blèmes, on rencontre un assez grand nombre de coups triples.
Ainsi dans le grand Bol {Prob, XXIII), le premier coup est
suivi de quatre coups triples.
EXTENSIONS DU SOLITAIRE ET DE LA REGLE DU JEU.
Pour démontrer l'impossibilité de certains problèmes du soli-
taire, tels que les réussites, on se sert d'un procédé fort ingé-
nieux, imaginé par Reiss, et perfectionné par M. Hermary (\). On
facilite le jeu : i" par l'extension de la règle ordinaire; 2" par
l'extension indéfinie des limites du solitaire; on prouve ensuite
(') Reiss. — Beitrage zur Théorie des Solitar-Spiels {Journal de Crellc,
t. LIV. Berlin). , .
RucHONNET. — Théorie du Solitaire, par feule D^ Reiss; librement traduit
deVaUemanàiNouvelle correspondance mathématique, t. Hl, p. 234. Bruxelles,
1877).
Hermary. — Sur le jeu du Solitaire. Association française pour 1 avan-
cement des sciences. Congrès de Montpellier, 1879.
Nous pensons que ce procédé appartient réellement au docteur Reiss ;
cependant nous devons dire que la théorie des impossibilités du solitaire a
des origines beaucoup plus anciennes. En effet, dans le tome 1- du Bulletin
des Sciences de Fcrussac (p. i37), on trouve le passage suivant, qui cor-
respond à une autre notation du solitaire : « Si, dans le solitaire octogone
Le jeu du solitaire. 1 19
que, même dans ce cas plus général, tout en profitant de la règle
étendue, le problème proposé n'est pas possible. Par conséquent
le problème proposé sera impossible, à plus forte raison_, dans le
cas du solitaire restreint.
Extension I. — Le solitaire est supposé indéfini dans tous lej-
sens.
Extension IL — On a la faculté de jouer successivement, et
dans un ordre quelconque, des coups additifs et soustractifs.
Extension I IL — On peut placer plusieurs boules à la fois,
sur la même case, par des coups additifs. Si Ton veut suivre le
raisonnement, la boule à la main^ il suffira de prendre un carton
quadrillé, ainsi que nous Pavons déjà dit, et des pions comme
ceux que Ton emploie au jeu de dames.
Extension IV. — Une case vide peut être garnie par provision
d'une ou de plusieurs boules en nombre quelconque; en d'autres
termes, une case vide peut emprunter des boules, directement,
sans rintermédiaire des coups additifs, à la condition de pouvoir
les rendre à la fin de la partie.
Ainsi on peut, par exemple, sur une case vide placer une
boule directement, continuer l'application des coups additifs ou
soustractifs, et retirer ensuite, après la manœuvre, la boule ajou-
tée quand elle est revenue sur cette case (*).
à 37 fiches, pour commencer on laisse vide i'un des trous 2, 4, 14, 20, 32,
il est impossible que la dernière fiche reste dans l'un d'eux, »
Ce théorème paraît être une conséquence des théorèmes VII, VIII, IXetX,
que nous démontrons plus loin. Il est extrait d'un ouvrage que nous n'avons
pas eu le loisir de consulter, et intitulé : Natûrliche Maga:^ine , de Christ
Benedict Funck. Berlin, 1783; in-S».
(') Cette extension revient à supposer, dans certains cas, un nombre
négatif de boules. Cela revient encore à supposer le solitaire placé sur une
pile de solitaires indéfinis et entièrement garnis,
Cinquième récréation.
Nous désignerons cette règle du jeu, que nous avons à consi-
dérer pour les besoins de la théorie, sous le nom de règle com-
plète^ et la règle ordinaire sous le nom de règle restreinte.
Toute solution déduite de la règle complète sera dite solution
théorique, et toute solution déduite de la règle restreinte sera
dite solution pratique.
DES POSITIONS ET DES CASES CONGRUENTES.
Nous dirons que deux positions de boules sur le solitaire indé-
fini sont congruentes lorsque Ton peut passer de l'une à l'autre
par les divers systèmes de coups qui résultent de l'emploi de la
règle complète. Nous allons d'abord montrer l'effet de la règle
complète sur un certain nombre de positions, par une marche
accélérée, analogue à celle des coups triples.
Théorème I. — On peut toujours enlever trois boules situées
sur trois cases consécutives.
En effet, il suffit de se reporter à la marche du coup triple
ordinaire. La règle ordinaire suppose vide l'une des cases A et A^
et l'autre pleine; mais par les extensions III et IV, les deux con-
ditions précédentes ne sont plus nécessaires ; ces deux cases peu-
vent être, en même temps, vides ou remplies; nous avons alors
le coup triple théorique.
Théorème II. — On peut toujours enlever ou ajouter deux
boules^ ou un nombre pair de boules sur une case quelconque G.
En effet, considérons trois cases consécutives B, G, D; nous
pouvons jouer, même lorsque les cases B et D sont vides, par
Le jeu du solitaire.
l'extension IV, les deux coups soustractifs ^^j -^r; l'état des cases
B et D n'a pas changé, mais la case G possède deux boules de
moins. Par deux coups additifs, on peut ajouter deux boules sur
la case G.
Théorème III. — On peut toujours faù^e franchir à une
boule quelconque deux cases consécutives dans un sens quel-
conque, soit sur une ligne ou sur une colonne.
En effet, considérons quatre cases consécutives A, B, G, D,
situées sur la même ligne, ou sur la même colonne, et une boule
en A. Par un coup additif de A en C, et par un coup soustractif
de B en D, on amène une boule de A en D, sans modifier l'état
des cases B et G.
En répétant plusieurs fois la même opération, on peut déplacer
une boule sur des cases A, D, . . ., en franchissant chaque fois
deux cases consécutives. Toutes les cases séparées par deux cases
consécutives seront dites congruentes , et Ton peut porter les
boules d'une case dans l'une de ses congruentes (^).
^^
EFFETS SUCCESSIFS DE LA RÈGLE COMPLÈTE.
Si Ton se reporte aux généralisations indiquées dans les exten-
sions III et IV, on observera facilement qu'un coup quelconque
{*) Si (x, y) et (x',jr') désignent les coordonnées de deux cases congruen-
tes, les différences x — x' e\. y — y' sont simultanément des multiples de
trois. En arithmétique, cette relation s'écrit ainsi :
x= x', (Mod. 3).
y =y', (Mod. 3)
Cinquième récréation.
additif OU soustractif de la règle complète a pour effet de changer
la parité du nombre de boules situées sur trois cases consécutives.
En d'autres termes, les nombres de boules situées sur les trois
cases varient d'une unité dans un sens ou dans l'autre ('),
RESIDU CONGRUENT SUR UN CARRE DE NEUF CASES.
Par l'application de la règle complète, on peut démontrer le
théorème suivant, qui est le fondement de la théorie du docteur
Reiss.
Théorème IV. — Quelle que soit la position des boules du
solitaire indéfini, on peut toujours réunir toutes ces boules dans
un carré formé par neuf cases contiguës et choisi arbitraire-
ment.
En effet, sur l'étendue du solitaire indéfini^ prenons arbitrai-
rement un carré de neuf cases contiguës; on peut déplacer une
boule quelconque du solitaire (Théorème III), de trois en trois
rangs, dans le sens horizontal, jusqu'à ce qu'elle se trouve sur une
colonne ou sur le prolongement d'une colonne du carré choisi;
cela fait, on peut ensuite déplacer cette boule de trois en trois
rangs, dans le sens vertical, jusqu'à ce qu'on l'amène sur une des
i\)S\[a,b, c) et (a', b\ c') désignent les nombres de boules situées sur
trois cases consécutives A, B, G, avant ou après un coup additif ou sous-
tractif portant sur ces trois boules, on a
<3 = a'+ I, (Mod. 2),
b = b'-\-ï, (IVfod. 2),
c = c'+ I, (Mod. 2).
Le jeu du solitaire. i23
cases du carré. Il est facile de voir qu'une case quelconque pos-
sède toujours une case congruente, et une seule, sur un carré de
neuf cases arbitrairement clioisi.
En opérant successivement pour toutes les boules du solitaire,
on les placera sur le carré de neuf cases; cette nouvelle position
est ce que nous appellerons un résidu congruent sur un carré
de neuf cases, choisi arbitrairement.
On peut déduire de ce théorème la théorie des impossibilités
par remploi de la règle complète, ainsi que l'a fait le docteur
Reiss; mais il est préférable de se servir des théorèmes suivants,
imaginés par M. Hermary, qui d'ailleurs les avait obtenus direc-
tement sans connaître les travaux de ses prédécesseurs.
POSITION REDUITE.
Théorème V. — Quelle que soit la position des boules du
solitaire indéfini., on peut toujours les remplacer, par l'emploi
de la règle complète, par une position congruente renfermée
davs un carré formé de quatre cases et choisi arbitrairement.
En effet, choisissons d'abord un carré de quatre cases, indiqué
par les cases couvertes de Idfig. 32, sans nous occuper, pour
l'instant, des lettres qui la recouvrent, et bordons ce carré de cinq
cases vides; nous formons ainsi un carré de neuf cases sur les-
quelles nous pouvons établir le résidu congruent, par l'applica-
tion du théorème précédent.
Désignons par ao, ^o, ^o ; <^i? ^i, Ci ; a^, b^^ Ca, les nombres de
124
Cinquième récréation.
boules qui se trouvent placées sur chacune des neuf cases; nous
formons ainsi Isl fig, 32 :
Fig. 32.
^8
^.
c^
ai
bi
Ci
^0
ào
Co
Par trois coups additifs^ de haut en bas, on obtient {fig, 33) :
Fig. 33.
ûi -h a^
bi-hbo
1
^0+^2
bo+b.
Cû+Cj
Le jeu du solitaire.
Par deux coups additifs, de droite à gauche, on obtient {Jîg. 34)
Fig. 34.
+ (3l + <^2
+ Cl + Ta
+ ^1+^2
+ C, + C2
+ ^0+^2
+ Co + C,
+ Co4-C2
Par conséquent, nous avons remplacé la position quelconque
du solitaire indéfini par une position congruente sur un carré
formé de quatre cases et choisi arbitrairement.
Mais, par l'application de la règle complète (Théorème II ), on
peut supprimer ou ajouter un nombre pair de boules sur une
case quelconque. Par conséquent, sur ce carré de quatre cases, on
pourra continuer l'opération jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une seule
boule sur chaque case, ou qu'il n'en reste plus. On obtient alors
ce que l'on appelle le résidu ou la position réduite de la position
considérée sur le solitaire par rapport au carré donné. Cela posé,
on a encore la proposition suivante :
Théorème VI. — Toutes les positions congruentes du soli-
taire indéfini ont la même position réduite par rapport à un
même carré de quatre cases.
En effet, supposons qu'avant d'avoir effectué la position con-
126 Cinquième récréation.
graente sur le carré de neuf cases, on ait joué un coup, par l'ap-
plication de la règle complète; ce coup aurait modifié d'une
unité, en plus ou en moins, trois nombres, tels que Ji, a-2, ^3 de
même lettre, ou les trois nombres ^1, Z^i, Ci, de même indice; les
nombres du carré de quatre cases {fig. 3/\) auraient été modifiés
de o ou de 2 unités, et leur parité n'aurait pas changé.
Un nombre quelconque de coups n'altère donc pas la parité
du nombre des boules du carré de quatre cases, et, par suite,
n'altère pas la position réduite. c. q. f. d.
(^^^^
LES SEIZE FORMES DE POSITIONS REDUITES.
En général, on appelle arrangemeîits complets de p objets pris
q à q, les différentes dispositions rectilignes contenant q objets
pris une ou plusieurs fois parmi les p objets donnés. Ainsi les
arrangements complets des deux chiffres o et i pris quatre par
quatre sont les seize dispositions suivantes :
0000
0001
0010
001 1
0100
OIOI
01 10
01 II
1000
II 00
lOOI
I lOI
lOIO
II 10
lOI I
1 1 1 1
De même, les arrangements complets des dix chiffres décimaux
pris 6 à 6 est l'ensemble de tous les nombres qui n'ont pas plus
de six chiffres; leur nombre est 1000 000 où 10°. Dans le cas
général, le nombre des arrangements complets de p objets pris
^ à ^ est p'^.
Cela posé, sur un carré formé de quatre cases et choisi arbi-
trairement, la position réduite peut affecter sei{e forâmes diffé-
rentes qui sont les arrangements complets de o et de i sur les
Le jeu du solitaire.
quatre cases du carré. Nous les rangerons d'après le tableau
suivant :
Tableau des sei:{e formes dépositions réduites.
!■"« CLASSE :
0 O
oc
\V CLASSE :
0 o GO o I
1 o ' O I ' 0 o '
0 O 0 1 II
II' 0 I ' o o '
I O
0 0 '
1 o II
I O ' II'
m'' classe:
II II 10 CI lO OI
Ol' lo' II' II' Ol' lo'
La première classe ne contient qu'une forme, qui est con-
gruente à deux boules dans une même case, ou à trois boules
dans trois cases consécutives, ou encore à deux boules séparées
par deux cases consécutives.
La deuxième classe comprend neuf formes réductibles à une
seule boule dans le carré de neuf cases.
La troisième classe comprend les six autres formes, qui ne
sont jamais réductibles à moins de deux boules, quelles que
soient les transformations qu'on leur fasse subir sur le carré de
neuf cases. Ces formes comprennent toujours deux boules, au
moins, qui ne sont jamais situées ni dans la même ligne^ ni dans
la même colonne.
28 Cinquième récréation.
On voit ainsi que^ pour déterminer la classe (o, i ou 2 boules
dans le résidu), il n'est pas nécessaire de réduire sur le carré de
quatre cases; mais on peut opérer sur celui de neuf. La position
réduite sur quatre cases est, comme nous l'avons dit, fort utile
pour la théorie et très ingénieuse; c'est précisément en cela que
consiste, pour la plus grande part, l'avantage de la méthode
de M. Hermary sur celle du docteur Reiss.
^^
APPLICATIONS DE LA THEORIE.
Il est évident que l'on peut concevoir des solitaires limités
dont la forme est quelconque, ainsi que le nombre des cases; on
peut même supposer des solitaires irréguliers^ que Ton peut dé-
duire des solitaires de forme régulière en supprimant des cases
dans l'intérieur ou sur les bords. Mais, quelle que soit la forme
du solitaire, il est évident que tout problème impossible sur le
solitaire indéfini l'est, à fortiori, sur le solitaire limité.
On a le théorème suivant, inverse du précédent :
Théorème VII. — Pour pouvoir passer, par la règle complète,
d'une position donnée du solitaire indéfini à une autre aussi
donnée, il faut et il suffit que les deux positions aient la même
position réduite sur le même carré de quatre cases.
En effet, on peut passer de la première position à la position
réduite; puis, on peut passer de celle-ci à la seconde position en
renversant le sens des coups qui permettent de passer de la
seconde position à la même position réduite, et en renversant
encore l'ordre des coups. Renverser le sens d'un coup, c'est rem-
placer le coup additif par le coup soustractif; par conséquent, le
Le jeu du solitaire. 120
coup soustractif ou additif -r doit être remplacé par le coup
v^
G
additif ou soustractif — -
A
Par conséquent, dans le cas du solitaire restreint, si l'on se
propose de passer d'une position à une autre, il faut d'abord que
ces deux positions aient la même position réduite sur le carré de
quatre cases; mais on doit observer que cette condition n'est pas
suffisante. En supposant citte condition admise^ le problème
pourrait encore être impossible; cette théorie laisse donc une
grande part à la sagacité du joueur; mais elle lui épargne cepen-
dant des recherches nécessairement infructueuses, en lui permet-
tant de reconnaître les problèmes qui ne comportent pas de solu-
tion théorique.
Dans le théorème précédent, nous avons considéré le problèir/*
général du solitaire, qui consiste à passer d'une position donnée
à une autre également donnée; dans les théorèmes suivants, nous
ne considérons que le cas de la réussite, qui consiste, comme
nous l'avons dit, à réduire une position donnée à une seule boule.
En se reportant à une position congruente sur un carré de neuf
cases déduite de l'une des seize classes de positions réduites, on
obtient les trois théorèmes suivants :
Théorème VIII. — Lorsqu'une position initiale donnée permet
d'obtenir une réussite de plusieurs manières différentes, les
cases terminales sont nécessairement congruentes.
Théorème IX. — Lorsquhine position initiale domiée ne peut
être réduite à une seule boule sur une case terminale, elle
ne peut être réduite à une seule boule sur une case terminale
congruente.
E. Lucas. — Récréations ma! hem. n
i3o Cinquième récréation.
Théorème X. — Si Von ne peut obtenir une réussite en par-
tant d'une certaine case initiale, on ne pourra obtenir de réus
site en partant d'une case initiale congruente.
Ces trois théorèmes ne sont que des cas particuliers du théo-
rème VII.
IMPOSSIBILITÉS DU SOLITAIRE DE 3 7 CASES.
Examinons d'abord la position réduite du solitaire complet.
On tait les quatre coups triples théoriques :
13 31 37 73
15' 51' 57' 75*
On ramène ainsi à la position congruente formée par un carré
de vingt-cinq boules (Ex. III, page ii6); par le procédé
indiqué en cet endroit, on ramène à une boule unique en 44.
Ainsi, le solitaire complet de Sj cases donne une position
réduite de deuxième classe.
Le cas considéré est purement théorique, puisque l'on ne pour-
rait pas jouer le premier coup avec la règle restreinte; mais le
résultat que nous venons d'obtenir va nous permettre de déter-
miner la position réduite lorsqu'on aura choisi une case initiale
quelconque. En effet, on observera qu'au point de vue théorique,
il est indifférent de retrancher ou d'ajouter une boule sur une
case, puisque la règle complète permet d'en ajouter deux sur une
même case (Théorème II); donc la position réduite du solitaire
complet, moins une case, revient à une boule sur la case cen-
trale, et à une autre sur la case congruente de la case initiale, la
Le jeu du solitaire. \ 3 r
plus voisine de la case centrale. Si la case congruente de la case
initiale, la plus voisine de la case centrale, est Tune des cases
44, 33, 35, 53, 55, la réussite est donc impossible. Nous avons
démontré qu'elle était possible dans les autres cas, par Temploi
de la règle restreinte.
En résumé, sur le solitaire de 3/ cases, la réussite est possible
lorsque l'on prend pour case initiale l'une des seize cases dont
l'ensemble forme la. finale du Tricolet [ Ex. IV, page 1 16) :
13, 15, 24, 31, 34, 37, 42, 43,
45, 46, 51, 54, 57, 64, 73, 75;
elle est impossible dans tous les autres cas.
ÉTUDE DU SOLITAIRE DE 4I CASES.
Le solitaire complet de 41 cases diffère du précédent par l'addi-
tion des cases 04, 40^ 48, 84. Transportons ces boules sur les
cases congruentes 34, 43, 45, 54 ; enlevons, par un coup triple,
les boules 34, 44, 54; ajoutons deux boules en 44 (Théorème II),
et enlevons, par un coup triple, les boules 43, 44, 45; il reste
une boule en 44 ; donc le solitaire complet de 41 cases donne
une position réduite de deuxième classe, comme le solitaire de
37 cases. Il comporte donc les mêmes solutions théoriques que
ce dernier, et, en outre, celles qui correspondent aux cas où l'on
prend pour initiales les cases additionnelles formant les som-
mets du carré.
Quant aux solutions pratiques, on ne connaît actuellement que
celle que nous avons indiquée (page 1 17). Cette réussite a pour
i32 Cinquième récréation.
case initiale 46 et pour case finale 42; par le procédé de récipro-
cité, tout aussi bien que par symétrie horizontale, on en déduit
la réussite de case initiale 42 et de case finale 46. Pour les autres
cas théoriquement possibles, M. Hermary pense que la solution
pratique n'existe pas. mais il n'est pas parvenu à le démontrer.
Nous engageons le lecteur à étudier cette question, dont la solu-
tion donnerait peut-être l'indication de nouveaux critériums
d'impossibilité (Voir la note V, à la fin du volume.)
ÉTUDE DU SOLITAIRE DE 33 CASES.
Le solitaire de 33 cases est le plus habituellement usité en
Allemagne; il ne diffère du solitaire de 37 cases que par la sup-
pression des quatre cases 22, 26, 62, 66 {fig-. 35). Si l'on
effectue les coups triples théoriques
13 23 63 73 31 32 33 34 35 36 37
15' 25' 65' 75' 51' 52' 53' 54' 55' 56' 57'
il ne reste aucune boule; donc le solitaire complet de 33 cases
donne une position réduite de première classe. Il en résulte
que la solution théorique existe toujours. Nous allons montrer,
d'après le docteur Reiss, que la solution pratique existe encore,
même en posant cette condition de prendre une case initiale
quelconque, et, pour case finale, une case congruente quelconque
de la case initiale.
Nous devons d'abord prendre une case initiale quelconque;
mais par suite des considérations de symétrie que nous avons expo-
sées précédemment, nous devons nous reporter au tableau des
Le jeu du solitaire.
i33
groupes de cases symétriques du solitaire de 2>y cases, en suppri-
mant le groupe III, dont les cases n'appartiennent pas au solitaire
que nous considérons actuellement. Il nous suffit donc de prendre
pour case initiale l'une des cases de chacun des sept autres
groupes; nous prendrons les cases initiales
44, 74, 54, 57, 24, 55, 52.
Les deux premières sont congruentes; les trois suivantes le
sont aussi; il en est de même des deux dernières.
Fig. 33.
37
47
57
36
46
56
i5
25
35
45
55
65
75
14
24
34
44
54
G4
74
i3
23
33
43
53
63
73
32
42
52
3i
41
5i
Combinons maintenant chacune des cases initiales que nous
venons de choisir, avec l'une quelconque des cases congruentes,
prise pour case finale; nous formerons le tableau suivant, dans
lequel la première colonne indique l'ordre des parties distinctes;
la deuxième colonne CI représente la case initiale, et h troisième
colonne CF indique la case finale de la réussite. Ce tableau con-
:^4
Cinquième récréation.
tient vingt-huit réussites; mais, en tenant compte des observa-
tions contenues dans la quatrième colonne, il ne faudra plus
conserver que les réussites pour lesquelles la quatrième colonne
ne renferme aucune observation.
Tableau des vingt-huit réussites du solitaire de 33 cases.
N-.
CI.
I
44
'1
»
3
»
4
»
5
»
6
74
7
»
8
y>
9
»
10
»
1 1
54
12
»
i3
•
14
)i
i5
57
i6
))
17
»
i8
»
19
24
20
»
21
»
2 2
»
23
55
24
»
25
))
26
52
27
))
28
M
CF.
74
47
14
41
44
74
47
14
41
54
57
24
51
54
57
24
51
54
57
24
51
55
52
25
55
52
25
OBSERVATIONS.
Symétrique inclinée du n" 2. .
Symétrique verticale du n° 2. .
Symétrique horizontale du n" 3
Réciproque du n" 2
Symétrique horizontale du n» 8
j byméirique horizontale du n» 12
Réciproque du n» 12
Réciproque du n" i3.
Réciproque du n° 17.
Symétrique horizontale du n" 20
Symétrique inclinée du n" 24.
Réciproque du n° 24
Le jeu du solitaire.
i35
Il ne nous reste plus à considérer que sei:{e réussites princi-
pales que nous désignerons parles chiffres romains.
Tableau des sei:(e réussites principales du solitaire de 33 cases.
I
De
44
à
44
IX
De
54
à
24
II
»
44
»
74
X
))
57
))
24
III
»
74
»
74
XI
»
57
»
51
IV
M
74
»
47
XII
»
24
»
24
V
))
74
»
14
XIII
))
55
»
55
VI
))
54
»
54
XIV
»
55
»
52
vu
))
54
»
57
XV
))
52
»
52
VIII
))
57
»
57
XVI
»
52
»
25
LES REUSSITES DU DOCTEUR REISS.
Jre
RÉUSSITK. -
-De
44 à
44.
64^
44'
56
H'
44
04'
52
H'
73
53'
75
43
63'
73
51'
54
5^'
35
5d'
65
43'
i5
3d
45,
23'
37
33'
57
37'
34
36'
£2,
35'
25
4^'
4^,
44'
23
43'
3i
33
43^
5i
: — y
D I
52
32
3i
33'
14
H'
34
i3
33'
32
04
34
H'
64^
44
Cela représente une autre solution de la triple croix [Prob. XI I ,
page 98) sans empiéter sur le solitaire de 3y cases.
11*^ RÉUSSITE. — De 44 à 74.
5 1
Remplacer le dernier coup de la réussite précédente par —,
74
d'après le procédé général d'échange des cases finales.
Qiiiauièmc récréatioii.
IIP RÉUSSITE. — De 74 à 74.
Remplacer Je premier coup de la réussite précédente par — ,
conformément au procédé général d'échange des cases initiales.
IV^ RÉUSSITE. — De 74 à 47.
54 52 44 73 74 54 5i 3i 32 43 5i 63
74 :)4 54 DD :)4 D2 d3 5i 52 63 do 43
34 1 3 £5 43 ][3 32 56 75 54 5 7 37 36
32' '33' i3' 23' 33' 34' 54' 53' 56' 55' 5^' 56'
45 57 65 24 44 25 45
65 55' 45' 44' 46' 45' 47
Cette réussite comporte trois coups triples, de part et d'autre des
coups ayant les rangs 11, 20, 26.
V« RÉUSSITE. — De 74 à 14.
On joue les vingt-quatre premiers coups de la réussite précé-
dente; puis on fait :
34 55 57 25 55 36 34
ob 5d 3d 4d 0 3 34 14
VI' RÉUSSITE. — Dj 54 à 54.
5673 ^Z4^73 4lll^£3£i53
54' 53' 3b' 54' 55' 53' b3' 53' 43' 53' 43' 33'
23 3i 43 i3 i5 25 34 i3 32 45 37 5?
43 65 25 55 i3 23 32 d5 34 23 DD jy
34 37 23 _56 44 36 56
36 33 43 30 46 56 54
Cette réussite comporte six coups triples, de part et d'autre des
coups ayant les rangs 2, 8, 11, 14, 20, 29.
Le ieu du solitaire. i37
VI I^ RÉUSSITE. — De 54 à 57.
55
Remplacer le dernier coup de la re'ussite précédente par — •
VHP RÉUSSITE. — De 57 à 57.
Remplacer le premier coup de la réussite précédente par — •
IX^ RÉUSSITE. — De 54 à 24.
On joue les vingt-sept premiers coups de la VIII* réussite, puis
l'on fait
56 54 46 44
54' 34' 44' 25*
X« RÉUSSITE. — De 57 à 24.
55
Remplacer le premier coup de la réussite précédente par -p— •
XP RÉUSSITE. — De 57 à 51.
On joue d'abord les six premiers coups de la réussite précédente ;
les vingt-quatre coups qui suivent se déduisent, par symétrie
horizontale, des coups correspondants de la VP réussite; on ter-
53
mine par -—'
XI 1° RÉUSSITE
. - De24à24.
44 36
24 34
i5
33'
34 37
36' 35'
57^
56
36'
45
ÏÏ5'
0
35'
25
4^'
32 i3
55' 33'
34 3r
5r
52 43
3i
23
54
75
73
45 75
32' 33'
3i^
32 23
33^
43'
56'
55'
73'
6"5' '5:.'
56 64
54 44
44^
42'
63 42
Ï3' ï-4'
'4
44.
24
i38 Cinquième récréation.
Cette réussite comporte cinq coups triples, de part et d'autre
des coups ayant pour rangs 3, 9, 12, 18, 28.
XIII° RÉUSSITE. — De 55 à 55.
53 73 75 65 52 73 54 5i 3i 32 43 5i
DD :)j 73 (jj D4 d3 52 DJ 5i 52 bj 3j
63 45 57 65 35 47 55 25 37 45 t5 i3
rrr 5 — z- 5 77-r j — 5
OD 2D OD 10
î^'
6d'
53'
4^'
55'
• — r )
4^
33'
— -y
4^
23
25'
34
36'
i5
35'
36
34'
33
53'
34,
h'
53^
d5
Cette réussite comporte six coups triples, de part et d'autre des
coups ayant pour rangs 6, 12, i5, 18, 21, 27.
XIV^ RÉUSSITE. — De 55 à 52.
54
Remplacer le dernier coup de la réussite précédente par — •
XV" RÉUSSITE. — De 52 à 52.
54
Remplacer dans la réussite précédente le premier coup par — •
XVI° RÉUSSITE. — De 52 à 25.
On joue les vingt-huit premiers coups delà réussite précédente,
puis on fait
i£, 11, 1^
20 24 25
Remarque. — Il y aurait lieu de traiter, de' la même manière,
le problème du solitaire de quarante et une cases; mais la ques-
tion paraît beaucoup plus difficile. On pourrait encore considérer
beaucoup d'autres solitaires. Avec M. Hermary, nous signale-
rons plus spécialement à l'attention de nos lecteurs, celui que Ton
déduit du solitaire de quarante et une cases, en supprimant les
Le jeu du solitaire. l'Sq
deux cases opposées 40 et 48. Sa position réduite est de première
classe; il donne lieu à des solutions plus intéressantes que celles
du solitaire de quarante et une cases; ces solutions existent pour
plusieurs cas, et peut-être pour tous. C'est une question à élucider.
DES SOLITAIRES DES DIVERS ORDRES.
La question des solitaires des divers ordres repose sur la règle
suivante : Faire franchir à une boule n cases consécutives, et en-
lever une boule dans chacune des cases franchies. Telle sera la
règle du coup dans le jeu du solitaire du n'è"'''^ ordre.
On peut établir la théorie de ce jeu comme celle du solitaire
ordinaire ou de premier ordre. En admettant les quatre extensions
de la règle restreinte, on obtient comme conséquences les théo-
rèmes suivants :
Théorème XI. — On peut toujours faire franchir à une boule
quelconque n 4- i cases consécutives, dans un sens quelconque,
soit sur une ligne, soit sur une colonne.
La démonstration est semblable à celle du théorème III.
Théorème XII. — On peut toujours faire franchir à d3ux
boules d'une même case n cases consécutives.
En effet, soient A et B, deux cases séparées par n cases consécu-
tives a^, a^, ..., a;i,; on jouera un coup additif de A en B; puis
un coup soustractif de A en B.
Théorème XIII. — On peut transporter deux boules d'une
case quelconqueà une autre quelconque.
140 Cinquième récréation.
En effet, il suffit de démontrer que Ton peut transporter deux
boules d'une case A sur la case contiguë B; mais, par le théo-
rème XI, on peut faire franchir îî + i cases consécutives à deux
boules de la case A dans le sens AB; par le théorème XII, en opé-
rant en sens inverse, on ramène les deux boules sur la case B.
Théorème XIV. — On peut ajouter ou enlever deux boules
en même temps sur n cases quelconques.
En effet, d'après le théorème précédent, on peut supposer que
les n cases sont consécutives; on fera alors deux coups soustrac-
tifs sur les n cases, par aller et retour.
En appliquant ces divers théorèmes_, on peut énoncer ainsi
qu'il suit les théorèmes concernant la position réduite :
Étant donné un carré quelconque de (n + i)" cases, on peut
y former la position réduite d'une position quelconque du so-
litaire de r ordre n. Cette réduite comprendra 0 ou i boule dans
chaque case du carré, et en outre un certain nombre déboules
qui peuvent être placées n'importe oii, à la condition qu'elles
marcheront toujours par groupes de deux; le nombre de ces
groupes pourra être l'un des îiombres 0,1.2, ..., {n — i). La ré-
duite peut donc affecter n {n + informes distinctes qui carac-
térisent autant de sj^stèmes de positions congruentes, tels quon
ne peut passer de Vun à Vautre, quel que soit le nombj^e de coups
que l'on joue.
On peut encore ajouter une nouvelle extension de la règle, qui
consisterait à modifier simultanément d'une unité 72+ 2 cases
consécutives, la modification pouvant être positive ou négative,
individuellement pour chaque case. Dans ce cas, les boules qui
Le jeu du solitaire.
141
marchent par groupes de deux peuvent être supprimées, et le
nombre des systèmes distincts se réduit à ( «H- i)*.
Quant au nombre des systèmes réductibles à une seule boule,
il est toujours égala («H- 2)'.
Ces théorèmes ont été donnés par M. Hermary, à propos des
questions que je lui avais indiquées sur les solitaires des divers
ordres.
SIXIÈME RECRÉATION.
LA NUMERATION BINAIRE,
A Monsieur J.-J. Sylvester, correspondant de l'Institut,
professeur
de l'Université J. Hopkins, à Baltimore.
« La réflexion jointe à l'usage donne des idées nettes;
et alors on trouve des méthodes abrégées dont l'invention
flatte Tamour-propre, dont la justesse satisfait l'esprit,
et qui font faire avec plaisir un travail ingrat par lui-
iriè.ne. »
[].-]. Rousseau. — Les Confessions.)
« La vérité semble quelquefois courir au-devant de
celui qui la cherche; souvent il n'y a point d'intervalle
ïntre le désir, l'espoir et la jouissance. »
(MoNTESguiF.u. — Rapport sur l'usage
ces Glandes Rénales. )
SIXIEME RECREATION.
LA NUMERATION BINAIRE,
DE LA NUMERATION.
ON regarde habituellement la numération comme Topé-
ration fondamentale de l'arithmétique , comme le
principe de toutes les opérations que Ton peut effec-
tuer sur les nombres. C'est là une faute grave de logique, puisque
les propriétés des nombres existent indépendamment de tout
système de numération.
La numération est une langue de pure convention, qui permet
de parler et d'écrire les nombres au moyen de plusieurs autres
représentés par des mots pour le langage^ et par des chiffres pour
l'écriture. L'opération fondamentale de l'arithmétique est la loi
de formation des nombres, c'est-à-dire l'addition. La numération
décimale est une opération plus complexe, contenant à la fois
l'addition et la multiplication; ainsi, par exemple, le nombre 45
^ représente dans le système décimal le résultat de la multiplication
de quatre par dix, et l'addition postérieure de cinq unités. On sait
E. Lucas. — Récréations mathém, lo
146 Sixième récréation.
d'ailleurs que celte numération décimale est une création relati-
vement tardive de l'arithmétique.
On conçoit bien qu'au lieu de compter les nombres par
dizaines, par centaines ou groupes de dix dizaines, par mille
ou groupes de dix centaines, on aurait pu remplacer le nombre
dix par tout autre, et ainsi par dou:^e. Déjà Aristote avait ob-
servé que le nombre quatre pourrait très bien remplacer le
nombre dix; Weigel publia, à ce sujet, en 1687, le plan d'une
Arithmétique tétractique.
Le choix presque unanime du nombre dix^ comme base de la
numération, provient probablement de la conformation de la main.
De même, la plupart des unités, chez les anciens peuples, déri-
vent ordinairement des dimensions du corps humain : ainsi, par
exemple, le pied, la coudée, etc. Au xvu« siècle, Melchisédec
Thévenot cherchait une mesure universelle, dans la régulante et
l'égalité de la cire des ruchers ('). Les nouvelles mesures sont
étabhes sur des bases plus stables, et proviennent de rapports
géodésiques, physiques, etc., comme le mètre, le pendule.
SYSTÈME BINAIRE.
Tout système de numération est donc fondé sur l'emploi d'u-
nités de divers ordres, dont chacune contient la précédente un
même nombre de fois. Ce nombre d'unités de chaque ordre, qui
est nécessaire pour former une unité de l'ordre suivant est appelé
(') Voir la noie complémentaire VI à la fin du volume.
La numération binaire.
147
la base du systèaie de numération. Cette base doit être au moins
égale à deux; en effet, si l'on prenait un pour base, les unités
des divers ordres seraient égales entre elles, et il n'y aurait plus,
à proprement parler, de système de numération. On doit à Leibniz
la connaissance de V arithmétique binaire. Dans ce système, la
base est le nombre deux, et Ton peut écrire tous les nombres avec
les chiffres o et i,en adoptant cette seule convention, analogue
à la convention de la numération écrite du système décimal, que
tout chiffre placé immédiatement à la gauche représente des
unités deux fois plus fortes. Ainsi, dans ce système, les nombres
deux, quatre, huit, seize...., s'écrivent
10,100,1000, 10000, ...,
et les nombres trois, cinq, onze, vingt-neuf s'écrivent
11, 101. 1011, 11101.
^^g^^
SYSTEME DUODECIMAL.
Simon Stevin, de Bruges (mort en i633), avait autrefois
proposé le système de numération duodécimale, se rapprochant
beaucoup plus de notre manière de compter les mois de l'année,
les heures du jour, et les degrés de la circonférence; mais le chan-
gement du système actuel produirait trop d'inconvénients relati-
vement aux petits avantages qui résulteraient du choix de la base
dou\e. Plus tard, Auguste Comte avait observé que la structure
de la main, composée de quatre doigts à trois phalanges, ou de
douze phalanges opposées au pouce, permettait de représenter,
\4^ Sixième récréation.
avec les aeux pouces posés sur deux piialanges, tous les nombres
jusqu'à treize fois douze; par suite, on pourrait ainsi compter
sur ses phalanges, dans le système duodécimal^ plus facilement
et plus loin que sur ses doigts, dans le système décimal. Mais
de cet ingénieux système on ne connaît plus guère aujourd'hui
que la comparaison faite par Auguste Comte, des quatre doigts
et du pouce au peloton des quatre hommes et du caporal.
AVANTAGES DU SYSTÈME BINAIRE.
Dans ce système^ les opérations ordinaires de l'arithmétique
sont réduites à leur expression la plus simple ; les résultats de
l'addition sont réduits à ceci : 1 et 1 font deux, je pose 0 et je
retiens 1. Quant à la table de Pyihagore, elle n'existe pas ici, on
a seulement ceci : 1 multiplié par 1 donne 1; en sorte que la mul-
tiplication se fait par le déplacement transversal du multiplicande.
Pour la division, il n'y a aucun tâtonnement. De plus, ce système
se prêterait plus naturellement que tout autre à la confection des
machines arithmétiques, si Ton ne possédait pas aujourd'hui
l'admirable Arithmomètre de Thomas (de Golmar). Cependant je
dois ajouter que la numération binaire m'a permis de trouver des
nombres premiers beaucoup plus grands que ceux que l'en con-
naissait jusqu'à présent, et que j'en ai déduit le plan d'une machine
qui donnerait de très grands nombres premiers (*). Mais ce sys-
tème est incommode à cause de la grande quantité de caractères
I*) Voir mon Mémoire intitulé : Recherches sur plusieurs ouvrages de
Léonard de Pise, et sur diverses questions d'arithmétique supérieure. —
Rome, 1877.
La numcratiGn binaire.
149
qui sont nécessaires pour figurer un nombre un peu considérable.
Voici un moyen très rapide indiqué par Legendre, dans la
Théorie des Nombres, pour exprimer un grand nombre en carac-
tères binaires. Soir^ par exemple, le nombre 1 1 183445; jeledivise
par 64, j'ai le reste 21 et le quotient 174 741 ; celui-ci divisé par 64
donne le reste 21 et le quotient 2780; enfin 2780 divisé par 64
donne le reste 42 et le quotient 42; mais 21 s'exprime dans le
système binaire par 10101, et 42 par 101010. Donc le nombre
proposé s'exprimera par
101010 101010 010101 010101.
LE JEKIM.
Le système delà numération binaire donne l'explication d'un
symbole chinois portant le nom de Je-Kim ou Jeking (livre des
mutations), attribué à Fohi, le plus ancien législateur delà Chine.
Ce symbole est composé de 64 petites figures formées chacune de
six lignes horizontales superposées, les unes entières, les autres
brisées par le milieu. Il avait fait le désespoir des lettrés chinois
et des savants européens, qui n'avaient pu parvenir à l'expliquer
d'une manière satisfaisante, lorsque Tillustre Leibniz, comparant
les différents caractères du Je-Kim à la suite des nombres écrits
dans le système binaire, reconnut que cette arithmétique pouvait
servir à interpréter l'énigme, et que le Je-Kim n'était autre
chose que la suite des 64 premiers nombres écrits dans le système
de numération qui a pour base 2, mais intervertis de leur ordre
naturel. En effet, si l'on représente l'unité par un trait horizontal
simple — , et le zéro par un trait brisé — ^ ; si,
Sixième récréation.
de plus, on convient d'écrire les unités des divers ordres non plus
de droite à gauche, mais bien de bas en haut; comme d'ailleurs les
zéros placés à gauche d'un nombre n'en changent pas la valeur, on
trouvera que les caractères chinois, composés de six lignes hori-
zontales et représentés ci-dessous, peuvent être interprétés de
la manière suivante:
CARACTERES CHINOIS
du Jekim.
TRADUCTION
dans le système binaire.
VALEU.1
SOUS forme ordinaii
000000
000001
000010
OCOOll
000100
000101
Leibniz voyait encore dans cette énigme qu'il avait si heureu-
sement déchiffrée, une image de la création tirée du néant par la
volonté de Dieu, de même que, disait-il, tous les nombres sont
engendrés, dans le système binaire, par le zéro et l'unité. Cette
idée lui plut tellement, qu'il engagea le P. Bouvet, missionnaire
en Chine, à la développer devant l'empereur régnant, pour leçon-
La numération binaire.
>^ertir au christianisme. Nous ne prétendons aucunement justifier
cette application douteuse de la science aux mystères théolo-
giques. Nous la citons comme un document curieux de l'histoire
de l'arithmétique binaire, et nous ajouterons, avec un savant
illustre, que l'idée de Leibniz était une idée pythagoricienne
échappée à l'imagination active de ce grand génie, et sur laquelle
il n'eût sans doute pas insisté plus qu'elle ne le méritait.
LES BOÎTES DE POIDS.
Nous donnerons d'abord le tableau des trente-deux premiers
nombres écrits dans le système binaire :
J
1
Q
1001
17
10001
25
11001
2
10
10
1010
18
10010
26
11010
3
11
1 1
1011
iq
10011
^7
11011
4
100
I 2
1100
20
10100
28
11100
5
101
i3
1101
21
10101
2g
11101
6
110
14
1110
22
10110
3o
11110
7
111
i5
1111
23
10111
3i
mil
8
1000
16
10000
24
11000
32
100000
Il est facile de continuer ce tableau aussi loin que l'on veut ;
on voit immédiatement qu'un nombre quelconque peut être formé
par l'addition des nombres suivants :
I, 2, 4, 8, 16, 32, ...,
qui représentent, avec l'unité, toutes les puissances de deux.
[52 Sixième récréation.
Mais dans cette addition^ chaque nombre ne doit être pris qu'une
seule fois. En d'autres termes, un nombre entier quelconque est
une somme de puissances de deux, toutes dift'érenteSj en admet-
tant l'unité comme puissance d'exposant :{éro. Cette propriété
pourrait être utilisée dans le commerce; ainsi, pour peser un
nombre entier de grammes, on peut employer une boîte contenant
chacun des poids suivants :
lS% 2S% 4»% 88% 168% 32S%
Avec six poids, on pourrait ainsi peser jusqu'à ôSs""; avec
n poids, on pourrait peser jusqu'à un nombre de grammes re-
présenté par la formule
2"— I.
Mais les boîtes sont composées d'une manière bien différente,
car elles contiennent les poids :
!«'-, 2S% 28% 5^';
1^', 2*^8, 2^^ 5'^^^\
et ainsi de suite. On voit, en effet, qu'avec les nombres i, 2, 2, 5,
on peut former, par addition, tous les nombres de i à 10. Ces
boîtes présentent l'avantage d'êire plus en rapport avec le système
ordinaire de la numération décimale, et, par conséquent, l'opéra-
tion de la pesée n'exige aucun effort d'esprit; mais, jusqu'à une
limite quelconque, il faut moins de poids dans le système binaire
que dans le système décimal.
Les nombres de la progression triple
I, 3, 9, 27, 81, ...,
La numération binaire. id3
ont une propriété analogue, qui consiste en ce qu'en les ajoutant
ou en les retranchant d'une certaine manière, on forme tous les
nombres entiers possibles. Cette propriété remarquable se dé-
montre très simplement au moyen du système de la numération
ternaire ou de base 3, modifié par l'introduction de caractères
négatifs. Ainsi, en convenant qu'un petit trait placé au-dessus
d'un chiffre i, 2, 3, . . ., exprimée que le nombre indiqué par ce
chiffre avec sa valeur de position doit être retranché, on peut
écrire tous les nombres du système décimal avec les cinq premiers
chiffres significatifs i, 2, 3, 4, 5, et le caractère o. Par exemple,
6 serait exprimé par 14; 7 par i3, et ainsi de suite. Si l'on
applique cette considération au système ternaire, on arrive à
écrire tous les nombres avec les caractères i, i et o. Ainsi, les
nombres
I, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
peuvent être représentés par les symboles
I, II, 10, II, III, iio, III, loi, 100.
On pourrait encore utiliser cette propriété pour la pesée, en
répartissant convenablement les poids de i^"", 3°'', g»"", 2-]^% ....
entre les deux plateaux d'une balance, pour évaluer^ avec le
moindre nombre possible de poids différents, les masses qui peu-
vent être exprimées en nombres entiers.
Ainsi, avec quatre poids de i^^, 3^% gs"", 27s'", on pourra
peser jusqu'à 40^''; avec les cinq poids de i^', 3=% qS"", 27^'", SiS",
on pourra peser jusqu'à I2I°^ En général, avec n poids
j 3 32 33 3«— 1
on pourra peser jusqu'à un nombre de grammes représenté par
54 Sixième récréation.
l'expression- (3"— i). La progression géométrique de raison 3
résout le problème énoncé par M. Labosne sous la forme sui-
vante : Trouver une série de poids avec lesquels on puisse faire
toutes les pesées en nombres entiers, depuis i jusqu^à la somme
des poids employés, cette somme étant la plus grande possible
relatipement au nombre de poids (').
L EVENTAIL MYSTERIEUX.
Reprenons le tableau que nous avons construit (page i5i),
et écrivons les uns au-dessous des autres, dans une première
colonne à droite, tous les nombres tels que leur dernier chiffre
dans le système binaire soit l'unité; écrivons dans une seconde
colonne tous les nombres tels que leur deuxième chiffre, à partir
de la droite^ dans le système binaire, soit Tunité ; dans une troi-
sième colonne, tous les nombres tels que leur troisième chiffre,
à partir de la droite, soit l'unité, et ainsi de suite. On peut
s'arrêter à une colonne quelconque, à la cinquième, par exemple,
les nombres écrits étant limités à 3 1 ,et, en général , pour la iv^^^ co-
lonne à 2«— I . Cela fait, on présente le tableau ainsi formé à une
personne quelconque; on lui dit de penser un nombre jusqu'à 3i,
et d'indiquer ensuite dans quelles colonnes ce nombre se trouve
écrit. On devine facilement le nombre ptînsé en écrivant à la suite
(') Voir à ce sujet la 4» édition de Bachet, publiée par M. Labosne,
p. i54-i56.
La numération binaire.
[55
et de droite à gauche, 1 pour toute colonne dans laquelle le nombre
pensé se trouve e'crit, et 0 pour toute colonne dans laquelle ce
nombre n'est pas e'crit. On a ainsi représenté le nombre pensé
dans le système de la numération binaire.
Tableau de Véventail my^stérieux.
5
4
3
1
2
I
i6
8
4
2
I
^7
9
5
3
3
i8
10
6
6
5
19
î I
7
7
7
20
12
12
10
9
21
i3
i3
1 1
1 1
22
14
14
14
i3
23
i5
i5
i5
i5
24
24
20
18
ï7
25
25
21
19
19
26
26
22
22
21
27
27
23
23
23
28
28
28
26
25
29
29
29
27
-7
3o
3o
3o
3o
29
3i
3i
3i
3i
3i
16
1
8
4
2
■
î55 Sixième récréation.
On simplifie le calcul, en écrivant au bas des colonnes les puis-
sances correspondantes du nombre 2. Ces nombres sont habituelle-
ment écrits sur des cartons disposés en éventail; pour deviner un
nombre qu'une personne a pensé, il suffira de lui présenter les
cartons l'un après l'autre, en lui demandant si le carton contient
le nombre pensé; puis de faire la somme des puissances de deux
inscrites au bas de chacun des cartons où le nombre se trouve.
D'ailleurs, on pourrait fair^ un jeu semblable avec les puissances
de trois, mais ce serait un peu moins simple.
LA PROGRESSION DOUBLE.
Nous donnons, dans le tableau suivant, les trente-deux pre-
miers nombres obtenus en doublant continuellement le nombre
précédent, à partir de 2; ces nombres forment les puissances suc-
cessives du nombre 2 ; dans le système binaire^ on écrit ces nombre >
en faisant suivre l'unité de un, deux, trois,..., soixante-quatre
zéros; en Algèbre, on fait suivre le chiffre 2 d'un autre en plus
petit caractère, placé au-dessus, nommé exposant, qui indique
combien de fois le nombre 2 a été pris comme ûicteur.
Ce tableau représente ce que Fermât appelait \di progression
double.
On observera que pour multiplier les puissances de 2, la neu-
vième et la onzième, par exemple, il suffit d'ajouter les exposants
9 et 1 1 , ce qui fait 20 ; on a ainsi :
29 y^^ oii= 2-^ ou 5 12 X 2048= I 048 5;6.
La numération bùiaire.
i57
En général, l'exposant du produit de deux puissances d'un
même nombre est égal à la somme des exposants des deux puis-
sances; de même, l'exposant du quotient de deux puissances est
égal à la différence des exposants du dividende et du diviseur.
Tableau des puissances de 2.
n
I
2«
n
'7
2« :
2
i3i 072
2
4
18
262 144
:>
8
19
524 288
4
16
20
I 048 576
3
32
2 I
2 097 l52
6
64
22
4 194 304
7
128
23
8 388 608
8
256
24
16 777 216
0
5l2
25
33 554 432
10
I 024
26
67 108 864
1 1
2 048
27
i34 217 728
12
4 096
28
268 435 456
i3
8 192
29
536 870 912
H
16 384
3o
I 073 741 824
i5
32 768
3i
2 147 488 648
16
65 536
32
4 294 967 296
C'est sur l'observation et sur la généralisation de ces propriétés
des puissances que repose, comme l'on sait, la théorie des loga-
rithmes. Ainsi encore, si l'on veut calculer rapidement la soi-
xante-quatrième puissance de 2, il faut multiplier par elle-même
la trente-deuxième puissance, ce qui donne
2'* = 4 294 967 296 X 4 294 967 296=18 446 744 073 709 55 1 6 1 6.
58 Sixième recréation.
On raconte que l'inventeur du jeu d'échecs avait demandé,
comme récompense de sa découverte, un grain de blé pour la
première case de l'échiquier^ deux pour la seconde, quatre pour la
troisième, et ainsi de suite en doublant, jusqu'à la soixante-
quatrième, qui aurait dû recevoir 2''^ grains de blé. On a, d'après
une formule bien connue dans la théorie des progressions géomé-
triques, et que Ton peut vérifier sur le tableau,
I _^ 2 + 1--\-2^ 4- ... 4-2"-* ==r. 2" — I .
Dans Texemple précédent, le nombre total des grains de blé eût
été de 2^^ — I ; c'est le nombre de vingt chiffres que nous avons
écrit plus haut, et que l'on diminue d'une unité.
^^
LES NOMBRES PARFAITS.
La progression double conduit à la connaissance des nombres
parfaits; on appelle ainsi tout nombre entier qui est égal à la
somme de ses diviseurs, ou préférablement, comme on disait au-
trefois, à la somme de ses parties aliquotes , attendu que cette
dénomination exclut le nombre lui-même du rang de ses di-
viseurs. De plus, on appelait nombre déficient, tout nombre plus
grand que la somme de sts^2.n\QSd\\(\v\o\QS\,Q\. nombre abondant,
'un nombre plus petit que la somme de celles-ci.
La théorie des nombres parfaits impairs n'est pas complètement
connue; quant aux nombres parfaits pairs, ils sont, sans excep-
tion, donnés par la formule
N = 2«-* (2"— 1),
La numération binaire.
iSg
dans laquelle le second facteur doit être un nombre premier;
ainsi, dans cette formule, il ne faut pas donner à a toutes les
valeurs entières, mais seulement toutes celles pour lesquelles le
nombre ?»= 2*— i est premier. Cette règle était connue d'Eu-
clide ; mais ce géomètre ne savait pas démontrer que l'on ob-
tenait ainsi tous les nombres parfaits pairs.
On voit facilement que ?« ne peut être premier que si l'expo-
sant a est lui-même un nombre premier; mais cela ne suffit pas.
Il faudra s'assurer que 2*— i est un nombre premier; c'est là
une théorie très difficile, et, dans l'état actuel de la science, l'A-
ritlimétique supérieure est impuissante à résoudre cette ques-
tion lorsque l'exposant a est un nombre premier supérieur à 100.
Les nombres parfaits connus actuellement sont les huit nombres
du tableau suivant :
Tableau des nombres parfaits.
a
2»-!
2«— I
NOMBRES PARFAITS.
I
2
2
3
6
2
3
4
7
28
3
5
16
3r
496
4
7
64
127
8 128
5
i3
4 096
8101
?3 55o336
6
17
65 536
i3i 071
8 58g 869056
7
19
262 144
524287
137 438 691 328
8
3r
I 073741824
2 147 483 647
2 3o5 843 008 139 952 128
Dans la seconde colonne, on ne trouve pas pour a les valeurs
II, 23 et 29 ; cela tient à ce que les trois nombres
Ai
I 2'
1 , 2'^ — I
Sixième récréation. — La numération binaire.
ne sont pas premiers, puisqu'ils sont respectivement divisibles
par 23, 47 et 233.
On observera que les nombres parfaits sont toujours termine's
par l'un des deux chiffres 6 ou 8; il en sera toujours ainsi, comme il
est facile de le démontrer. Cela tient, d'une part, à la périodicité
du dernier chiffre dans les puissances de deux, et, d'autre part,
à ce que les nombres premiers a sont nécessairement, à l'exception
des nombres 2 et 3, des multiples de 6 augmentés ou diminués
de l'unité. Ainsi, lorsque a est un multiple de 6 diminué de l'u-
nité, le nombre N est terminé par un 6, sans qu'il soit nécessaire
que a soit premier; lorsque a est un multiple de 6 augmenté
de l'unité, le nombre N est terminé par un 8. (Fo/r la Note VI, à
la fin du volume.)
SEPTIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DU BAGUENAUDIER
A Monsieur le docteur O.-J. Broch, ancien ministre
de Norrj^ége, correspondant de V Institut.
« Comment peut estre créance d'homme si legiere que
telles ba/îuenaudes soient prinses pour doctrine, ou
telles superstitions pour vraye religion, »
(Alain Chartier.)
« Les hommes sont si nécessairement fous, que ce
serait être fou par un autre tour de folie, de ne pas être
fou. »
(Pascal. — Pensées.)
« La science ne nous a pas encore appris si la folie
est ou n'est pas le sublime de l'intelligence; si presque
tcut ce qui est la gloire, si tout ce qui est la profondeur.
ne vient pas d'une maladie delà pensée. »
(Edgar Poi. — Histoires extraordinaires.)
E. LucAG, — Récréations mathéi
SEPTIEME RECREATION.
LE JEU DU BAGUENAUDIER.
LE baguenaudier est un instrument de jeu, formé d'an-
neaux enchevêtrés dans une navette, qu'il s'agit de
séparer du système des anneaux. Nous conseillons l'em-
ploi du baguenaudier de 7, 8 ou 9 anneaux; on le trouve faci-
lement dans le commerce. Avec un plus grand nombre d'anneaux,
le jeu devient absurde, car le nombre des opérations à faire pour
P. 23
monter ou pour démonter le baguenaudier double continuellement
par l'addition d'un anneau; on verra plus loin qu'il faudrait des
164 Septième récréation.
milliards de siècles pour démonter complètement un baguenaudier
de 64 anneaux.
^^
HISTORIQUE.
L'invention de ce jeu est fort ancienne ; on le trouve mentionné
pour la première fois, je crois, parmi l'un des 222 traités deCardan,
dans l'ouvrage intitulé : De suhiilitate libri XXI, dont la pre-
mière édition parut à Nuremberg en 1 5 5o; il existe plusieurs autres
éditions de cet ouvrage, et notamment une traduction française
publiée par Richard Leblanc (Paris, i556, in-4), sous le titre:
Les livres d' Hier ony mus Cardanus, de la Subtilité et subtiles
Inventions^ ensemble les causes occultes et les raisons d'ic elles.
Le XV^ Livre de cet ouvrage, que l'on doit considérer comme une
sorte d'encyclopédie de la science et de l'industrie au xvi^ siècle,
est consacré aux Subtilités inutiles et incertaines ; nous repro-
duisons ici la traduction du passage concernant la description
du baguenaudier, d'après Richard Leblanc (p. 291) :
a L'instrument, composé de sept anneaus, est inutile et est tel :
Une paillette de fer large d'un doigt, longue d'une paume^ mince
et déliée^ en laquelle sont sept trous rons^ estrois et d'espaces
égales, disposés selon la longueur de la paillette ou lamine : ces
trous reçoivent sept vergettes menues presque de la hauteur d'une
once, mobiles en bas, circonflexes en haut, à fin qu'elles retien-
nent les anneaus enclos de la graiideur d'un doigt, et les vergettes
sont contenues par l'anneau ensuivant sous le fléchissement et
curvature. Pour cette cause, tous les anneaus, excepté le pre-
mier, sont engardés par le précédent, qui ne bautent librement
Le jeu du baguenaudier. i63
hors la verge antérieure : tout est de fer, et mesmement la navette
ou navicule est de fer, de laquelle i'ai exactement rendu la figure
que voies présente. Elle est longue et large selon la grandeur de
la paillette ou lamine supposée. Par cet instrument un ieu est
inventé de subtilité admirable. >>
Après l'indication de la manœuvre de l'appareil, on trouve la
conclusion suivante : « Ceci de soi est inutile; toutefois on peut
le transférer aux serrures artificieuses de coffres (*). Telle subtilité
est au ieu des échets; mais elle est plus délectable pour cause de
la variété et contention; car, comme la navicule est d'invention
très subtile en son genre, ainsi entre tous ieus les échets sont de
grande subtilité. Autrefois^ i'ai écrit et composé quatre livres des
ieux. »
BIOGRAPHIE DE CARDAN.
La vie de Jérôme Cardan est l'une des plus étranges et des
plus extraordinaires dont il soit fait mention dans l'histoire des
sciences; c'est un tissu d'extravagances, d'actions incohérentes,
viles et parfois criminelles, puisqu'il en vint à assassiner un homme
qui l'avait volé au jeu. Scaliger a dit de lui qu'il était supé-
rieur à tous les hommes, mais que souvent il descendait plus bas
que les petits enfants; Leibniz, qui l'a déclaré fou et insensé, n'en
admirait pas moins la supériorité de son esprit. •
L'un des premiers, Cardan trouva la résolution de l'équation du
(') M. le docteur O.-J. Broch, président de lacommissioa du rojaume de
Norwége à l'Exposition universelle de 1878, m'a dit que, dans son pay?,
les habitants des campagnes se servent encore du baguenaudier pour
fermer leurs bahuts et leurs sacs.
i66 Septième récréation.
troisième degré et démontra la formule qui porte encore son nom ;
il entrevit la résolution de l'équation du quatrième degré, que
l'on doit à son disciple Ferrari; il imagina un appareil employé
dans la marine pour la suspension des boussoles, et probablement
aussi l'engrenage connu sous le nom de joint universel.
Né à Pavie, en i5oi, il professa successivement la dialectique,
la métaphysique, les mathématiques ; il exerça la médecine à
Milan, de 1529 à i55o; après avoir parcouru l'Ecosse, l'Angle-
terre, les Pays-Bas et l'Allemagne, il revint à Milan, où il vécut
encore quelques années, partageant son temps entre le travail, la
débauche et le jeu. Son fils aîné, médecin comme lui, empoisonna
sa femme, et fut décapité; son second fils tomba dans de grands
désordres ; il le fit incarcérer plusieurs fois, puis lui coupa l'oreille
et finalement le chassa de sa maison. Enfin il termina son exis-
tence infortunée, à Rome, à l'âge de soixante-quinze ans; il était
alors pensionné par le pape Grégoire XIII. Scaliger et de Thou
prétendent qu'ayant fixé lui-même l'année et le jour de sa mort,
il se laissa mourir de faim pour que sa prédiction fût justifiée. La
Nouvelle Biographie générale (Firmin Didot) contient une
longue et intéressante biographie de Cardan, par M. Victorien
Sardou, de laquelle nous avons extrait quelques-uns des rensei-
gnements qui précèdent.
t^g^m^
Le jeu du baguenaudier, 167
BIOGRAPHIE DE WALLIS.
Le second auteur qui a écrit sur le baguenaudier est un illustre
mathématicien anglais, du nom de Wallis, auquel on doit une
formule bien curieuse pour la détermination du rapport de la
circonférence au diamètre (i).Néen 16 16, mort en lyoS, Wallis
possédait à fond toutes les connaissances de son temps. « Dès mon
enfance, dit-il, j'ai toujours, dans toutes sortes de sciences, voulu
savoir le fond des choses, non par routine, ce qui les fait oublier
bientôt, mais par raison et par principes, afin de former mon
jugement. » Il fut professeur de géométrie à l'Université d'Oxford,
en 1649; il fut ensuite chapelain du roi, au rétablissement des
Stuarts. Doué d'une mémoire prodigieuse, il lui arriva, une nuit,
d'extraire de tête la racine carrée d'un nombre de cinquante
chiffres, et delà dicter le lendemain.
Le tome II de son Traité d'Algèbre (p. 472) contient la
description et la manœuvre du baguenaudier, avec un grand luxe
de détails et de figures très bien faites.
(<) Au Congrès de l'Association française, à Montpellier, M. Éd. Collignon,
inspecteur général des Ponts et Chaussées, a présenté des développements
fort curieux sur la formule de Wallis, afin d'arriver à démontrer l'incom-
mensurabilité de toutes les puissances du rapport de la circonférence au
diamètre.
C'est un préjugé, partagé par beaucoup de personnes, de croire à l'impos-
sibilité démontrée de la quadrature du cercle. On sait bien que les nombres
iretii- sont incommensurables; cependant si l'un des nombres 71*, u^ u'%...
était commensurable, on aurait résolu le problème de la quadrature du
cercle. Cette observation n'a pas pour but d'engager quelques lecteurs dans
cette recherche extrêmement difficile. Arago disait autrefois à l'Académie
des Sciences qu'il avait constaté que les prétendues solutions de la quaira-
ture du cercle étaient beaucoup plus nombreuses au printemps qu'à toute
autre époque de l'année {Voir le tome II, p. i56.) ,.,
i08 Septième récréation.
(c G-iidan, dit-il, en son livre de la Subtilité, parle de ce que
nous allons faire connaître sur les anneaux enlacés; il classe cette
subtilité parmi les inutiles, c'est-à-dire parmi celles qui ne tou-
chent pas au gain, et qui se recommandent seulement comme
pouvant mettre l'esprit en action; mais il en parle en termes si
obscurs, que celui qui ne connaîtrait pas autrement la chose ne
pourrait que difficilement deviner de quoi il s'agit. Nous nous
sommes efforcé d'expliquer par des paroles l'objet en question;
mais il serait plus facile de le faire connaître avec les doigts
qu'avec la plume. La chose est d'une si grande subtilité et va si
bien de pair avec l'Algèbre, qu'il est impossible de lui refuser ici
un refuge. Toute la difficulté consiste à composer et à résoudre,
à enlacer et à délacer.
« 11 m'est impossible de dire quelle est l'ancienneté de cet
objet; certainement on le connaissait avant Cardan, car cet au-
teur n'en parle pas comme d'une invention à lui propre. »
®®
Ozanam, dans ses Récréations mathématiques, ne parle pas
du bagutnaudicr-^VEncyclopédie méthodique, dictionnaire des
jeux, en fait mention, mais c'est pour le placer après le jeu :
J'aime mon amant par B, et pour décrire la suite des change-
ments que l'on fait en démontant le baguenaudier quand tous les
anneaux sont élevés, et en le ramenant à cet état.
Enfin, en 1872, un auteur ingénieux, qui avait gardé l'ano-
nyme, a publié une brochure de seize pages in-8°, dont je dois la
Le jeu du baguenaudier. 169
communication à la bienveillance de M. le général Parmentier. Cet
opuscule intitulé: Théorie du Bag-uenodier, par un clerc de
notaire Ij^o?mais (^), commence ainsi : ,« Lyon attire sur lui
l'attention publique par son Exposition; chacun des enfants de
cette grande cité doit produire tout ce qui peut plaire aux visi-
teurs. Ce motif décide un modeste clerc de notaire à publier ses
études sur le baguenodier; le sujet est frivole, mais la théorie est
neuve; de plus, elle a été imaginée à Lyon. Cet opuscule aura
atteint son but s'il montre que le baguenodier est un jouet in-
structif. ))
L'auteur se livre d'abord à une discussion étymologique, de
laquelle il paraît résulter que l'on doit écrire le nom de l'instru-
ment avec un o, puisque ce nom vient probablement de nœud
(nodus) de bagues. Après avoir indiqué les sources historiques
que nous venons de mentionner, il expose une notation aussi
simple qu'élégante des diverses configurations du baguenaudier,
qui permet de fixer à chaque instant Tordre du déplacement des
anneaux; aussi nous regrettions que l'auteur n'eût pas cru devoir
livrer son nom au public, lorsque nous avons appris que l'esti-
mable continuateur de Cardan et de Wallis est M. Louis Gros,
conseillera la cour d'appel de Lyon. La théorie qui va suivre
n'est que le développement de Tidée fondamentale de Fauteur
lyonnais et des observations qui nous ont été communiquées par
M. Parmentier; nous y avons ajouté quelques considérations
qui feront comprendre que ce petit appareil, que bien des per-
sonnes regardent comme un joujou, renferme cependant, dans
sa contexture variable à chaque instant, la représentation des diffé-
{') Lyon, imprimerie d'Aimé' Vingtrinier, rus Bellc-Cordière.
lyo Septième récréation.
rentes propriétés du système de la numération binaire et de la
théorie des combinaisons.
DISCUSSION ETYMOLOGIQUE DE M. GROS.
« Au lieu de décrire longuement un objet qui est dans le com-
merce, rassurons le lecteur, déjà choqué de l'orthographe que j'ai
adoptée : baguenodier, et non baguenxudier. Je ne suis pas un
libre penseur, pas plus en orthographe qu'en religion et en poli-
tique; je me soumets à toutes les autorités légitimes, surtout à
celle de TAcadémie française.
« Cependant, j'ai un grain d'indépendance, et, quand je vois un
mot orthographié d'une manière compliquée et contraire à l'éty-
mologie, je propose une réforme.
(( Quelle est la véritable étymologie du mot baguenodier? Con-
sultons Ménage- il ne dit pas un mot du jouet dont nous nous
occupons; mais il a des articles sur bague, baguenaude, bague-
nauder, baguenaudier.
c( Il fait dériver bague à^ bacca, que les Latins ont dit d'une
perle, à cause de la ressemblance quont les perles pour leur
rondeur avec les bacques ou baies.
« Les annotateurs de Ménage ne sont point satisfaits de cette
explication ; ils remarquent que bague ne vi^nt point de bacca ;
ni une baie, ni une perle ne ressemblent à une bague.
ce Ils font venir bague de la langue des Francs, de celle des
Goths, de celle des Cimbres et de celle des Saxons; ils trouvent
des mots analogues dans l'anglo-saxon, dans le vieux franc, dans
l'allemand, dans l'irlandais, dans le suédois et dans l'anglais.
Le jeu du baguenaudier. 171
c( Ces estimables annotateurs vivaient à une époque où le
sanscrit n'était pas étudié; ne pourrait-on pas^ à présent, trouver
la racine primitive dans la langue sacrée des Indous, puisqu'elle
est la mère de toutes les anciennes langues européennes?
« Baguenaude, fruit, et baguenaudier, arbuste, dérivent, sui-
vant Gaseneuve, de bacca, qui est proprement le fruit rond de
certains arbres, tels que sont le laurier, le lierre, le myrte et
le houx; ce nom a été donné au baguenaudier à cause du petit
fruit rond contenu dans sa cosse.
ce Ménage dit que de bacca on a fait baccana, baccanalda,
baccanaldarius,
« Les annotateurs ne trouvent rien à redire à cela; je suis plus
difficile qu'eux : la graine du colutea, pour parler le langage offi-
ciel moderne^ ne ressemble point à celle du lierre et du houx; elle
a la forme allongée d'un très petit haricot.
« Ce sont les mots extrêmement usuels qui se transforment
beaucoup dans le langage; or, je ne crois pas que l'on ait jamais
eu à parler souvent des grains renfermés dans les petites vessies
du colutea et à leur donner trois noms successifs ou simultanés.
« Un glossaire de Rabelais fait dénwtï baguenaude, futilité,
de bague, et nade {nulle bague).
« Ces conjectures n'ont point de fondements; j'ai d'autres idées,
et les voici :
a Lebaguenodier est un j^^u très ancien; nous verrons bientôt
que ce n'était pas une nouveauté il y a trois cents ans; on a dû
lui donner un nom; celui qui s'est présenté tout naturellement
est nœud de bagues; ce sont, en effet, des anneaux qui retiennent
la navette par une certaine combinaison^ comme deux brins de
fil sont unis par une certaine manière de les contourner.
Septième récréation.
« Le mot bague^ dans le sens (ï anneau^ était dans la langue
depuis longtemps; en y joignant le mot nodus, ou son dérivé
français nœud (avec œ en souvenir de Vo de nodus)^ on a fait ba-
guenodier,
<c Celui qui voit un homme sérieux passer de longs moments à
élever et baisser les anneaux du baguenodier est invinciblement
porté à dire : « En voilà un qui perd son temps; » de là s'occuper
du nœud de bagues, bagiienoder a pris la signification que nous
connaissons bien.
« Faire éclater entre ses doigts le fruit du colutea est un plaisir
champêtre auquel s'attache aussi forcément l'idée de perte de
temps sans profit; on a donc employé dans cette circonstance le
mot baguetîoder^ fait pour le nœud de bagues, et, par suite, l'ar-
buste a reçu le nom du jouet.
« Pourquoi a-t-on écrit baguenauder et non baguenoder? Il y
a trois ou quatre cents ans, l'orthographe n'avait rien de fixe;
chaque auteur avait la sienne, et même beaucoup d'auteurs ne
s'occupaient point de ce détail : ils s'en rapportaient aux impri-
meurs; Montaigne dit qu'il se contentait de recommander l'em-
ploi de l'orthographe la plus ancienne dans l'impression de ses
Essais (Livre III, Ch. IX). Tantôt on compliquait l'orthographe,
comme lorsque àliomo on a fait homme; tantôt on la simplifiait,
comme lorsque à'auris on a fait oreille, et d'aiidere, oser. Ba-
guenoder a eu la mauvaise chance d'être compliqué d'un au;
puis, pour justifier cet au, l'abbé Ménage a imaginé baccana,
baccanalda, baccanaldarius.
a Ami lecteur, j'espère que, cela dit, vous me pardonnerez de
ramener le mot baguenodier à l'orthographe étymologique. »
Le jeu du baguenaudier.
17^
DESCRIPTION DU BAGUENAUDIER.
Cet instrument (fig. 36) se compose de deux parties princi-
pales : la navette et le système des anneaux.
La navette se compose essentiellement d'un fil métallique,
ayant la forme d'un rectangle très allongé. Pour la commodité de
la manœuvre, l'une des extrémités est munie d'une poignée, que
l'on tient dans la main gauche pendant que l'on déplace les
anneaux avec la main droite.
Le système des anneaux est formé :
1° D'un nombre quelconque d'anneaux égaux, dont le dia-
mètre est à peu près le double de la largeur de la navette, et dont
l'épaisseur est environ le quart de celle-ci; par conséquent, on
peut faire passer la navette à travers l'anneau, tout aussi bien
qu'un seul anneau, et même deux pris ensemble, à travers la
navette ;
2° D'une petite planchette rectangulaire de dimensions pa-
reilles à celles de la navette ; elle est percée, sur sa longueur, de
trous équidistants, en nombre égal à celui des anneaux de l'in-
strument;
3° De petites tiges ou verges métalliques, en nombre égal à
celui des anneaux ; l'une des extrémités de chaque tige passe
librement dans l'un des trous de la planchette, derrière laquelle
cette tige est retenue par un crochet; l'autre extrémité entoure
l'un des anneaux.
Le système est agencé de telle sorte que chacune des tiges qui
retient Tanneau se trouve passée dans l'intérieur de l'anneau sui-
vant. Ainsi la tige au premier anneau est passée dans le deuxième ;
in A .Septième récréation.
celle du deuxième dans le troisième , et ainsi de suite ; mais la tige
du dernier anneau ne passe dans aucun autre. Il y a donc une
très grande différence dans la disposition du premier anneau et
du dernier; dorénavant, nous distinguerons les anneaux par les
nombres 1,2,3,4,..., et nous supposerons la planchette disposée
de telle sorte que le premier anneau soit placé à la droite.
On dit qu'un anneau est monté ou levé lorsque la tige qui lui
correspond est passée dans l'intérieur de la navette, et que la na-
vette est passée dans riniéricur de l'anneau; on dit que l'anneau
tslbaisséoM descendu, dans le cas contraire; le baguenaudier
est monté, lorsque tous ses anneaux sont levés ; il est démonté^
lorsque tous ses anneaux sont baissés; alors la navette se trouve
complètement séparée du système des anneaux.
DU DÉPLACEMENT d'uN ANNEAU.
Supposons que l'on tienne horizontalement, et de la main
gauche, la navette du baguenaudier complètement monté, ainsi
qu'on le vend dans le commerce ; il est facile de constater que le
premier anneau peut être baissé; pour cela, on le prend de la
main droite, on tire la navette à gauche, et Ton passe l'anneau
dans l'intérieur de la navette ; de cette fnçon le premier anneau
se trouve baissé; on le remonte par l'opérati'on inverse. Lorsque
le premier anneau est baissé, on ne peut déplacer le second, et
on ne peut baisser que le troisième, ou le remonter par l'opéra-
tion inverse ; mais si le premier et le troisième anneau sont bais-
sés, on ne peut en baisser aucun autre.
Dans le cas général, il résulte de la construction même du
Le jeu du baguenaudier. iy5
baguenaudier, que Je déplacement d'un seul anneau est soumis
aux principes suivants :
1° Dans une position quelconque des anneaux du baguenau-
dier, on peut toujours baisser le premier anneau s'il est levé, ou
le lever s'il est baissé.
2" Pour qu'un anneau de rang quelconque puisse être déplacé,
c'est-à-dire levé ou baissé, il faut et il suffit qu'il se trouve placé
immédiatement à la gauche d'un anneau monté, et que celui-ci
soit le seul anneau monté à la droite de l'anneau considéré.
Dans le cas où l'on ne déplace qu'un seul anneau à la fois, la
marche du jeu est appelée marche Of^dinaire.
'^^^
DU DEPLACEMENT DE DEUX ANNEAUX.
Il y a exception, dans le déplacement des anneaux, pour la
marche des deux premiers anneaux, qui peuvent être montés ou
descendus, pris simultanément ; mais il n'existe aucun groupe
de deux autres anneaux, ou de plus de deux anneaux, que l'on
puisse faire marcher en même temps. Lorsque l'on emploie cette
manœuvre simultanée des deux premiers anneaux, la marche du
jeu est plus rapide; nous l'appellerons marche accélérée. On
peut monter ou baisser simultanément les deux premiers anneaux
dans une position quelconque des autres anneaux de l'appareil ,
mais on verra facilement que si l'on doit les monter tous deux
en même temps_, on descend ensuite le premier. Dans ce qui suit,
nous ne nous occuperons tout d'abord que de la marche ordinaire
qui est plus commode à considérer théoriquement ; nous donne-
Septième rccréjition.
rons ensuite un tableau qui permet d'en conclure immédiate-
ment la théorie du Jeu dans sa marche accélérée.
Pour représenter les diverses phases du jeu, nous figurerons la
navette par une droite horizontale, les anneaux levés par des
ronds placés au-dessus, dans leur situation respective, et les
anneaux baissés_, par des ronds placés au-dessous. Ainsi {fig. oj).
Fig. 37.
765432
0000000
o o c c o o o
c c c o c o
o
c c o o o o
o
00000
000 o
A
B
c
D
E
F
A désigne le baguenaudier de 7 anneaux, complètement démonté;
B désigne le même appareil entièrement monté. Par un seul
mouvement, on peut déduire G ou D de B, soit en baissant le
premier anneau, soit en baissant le second; on peut aussi dé-
duire E de B par un seul mouvement, en baissant simultané-
ment les deux premiers anneaux; on peut aussi déduire E de D
par le déplacement du premier anneau,, toujours libre ; mais on
ne pourrait déduire immédiatement E de G. Ges observations
s'appliquent encore, quelles que soient les positions des an-
neaux 4, 5, 6 et 7.
Dans la position C, on ne peut baisser que le troisième anneau ;
Le jeu du baguenaudier. lyy
de même, dans la position E, on ne peut baisser que le qua-
trième, pour produire la position F. Dans celle-ci, si Ton veut
baisser le troisième anneau, il faut d'abord remonter les deux
premiers, puis baisser le premier pour descendre le troisième.
PROBLEME GENERAL DU BAGUENAUDIER.
Cela posé, le problème général que nous allons résoudre est
le suivant : On donne deux dispositions quelconques des an-
neaux^ sur la navette d'un baguenaudier de grandeur arbi-
traire ; déterminer V ordre et le nombre des déplacements à
opérer, pour passer d'une disposition à Vautre, en supposant
que le nombre des mouvements des anneaux soit le plus petit
possible. En particulier^ déterminer V ordre et le nombre mini-
mum des déplacements des anneaux^ pour monter ou pour dé-
monter entièrement le baguenaudier.
Nous supposerons d'abord qu'il s'agisse delà marche ordinaire
en ne déplaçant qu'un seul anneau à la fois. Le problème géné-
ral du baguenaudier se résout immédiatement au moyen de la
notation ingénieuse de chacune des dispositions du baguenau-
dier, qui a été imaginée par l'auteur lyonnais. Tous les anneaux
sont représentés, dans l'ordre de gauche à droite, par l'un des
caractères 0 et 1, avec les conventions suivantes. Le premier
anneau levé, à partir de la gauche, est désigné par 1, et les an-
neaux levés, situés à droite, sont alternativement représentés par
0 et 1, sans tenir compte, dans cette alternance, des anneaux
baissés; quant aux anneaux baissés, ils sont indiqués, à leurs
places respectives, par le signe du premier anneau levé à leur
E. Lucas. — Récréations matlicm. 12
178 Septième récréation.
gauche, et par 0, lorsqu'il ne s'en trouve aucun. En d'autres
termes, en allant de gauche à droite, tout anneau levé implique
une variation du signe de l'anneau, levé ou baissé, à gauche;
tout anneau baissé implique une permanence du signe de l'an-
neau à gauche. On trouvera plus loin le tableau des coups
successifs du baguenaudier avec la figuration ordinaire dans la
colonne Baguenaudes^ et la notation de M. Gros dans la colonne
Binaïj^cs.
MARCHE ORDINAIRE.
La notation du baguenaudier, que nous venons d'exposer^ repré-
sente un nombre écrit dans le système de numération binaire.
Considérons une position quelconque du baguenaudier :
^ ^ ° 110 10 0 0;
dans cette position, on peut passer à deux autres : la première,
en élevant le premier anneau, à la droite, ce qui donne
^ ^ " ^ 110 10 01;
la seconde, en baissant le quatrième anneau,. ce qui donne
^ Z 110 0 111.
0000
Dans le premier déplacement, on a augmenté la notation cor-
respondante du système binaire d'une unité ; dans le second, on
a diminué cette notation d'une unité. Il en est de même pour
Le jeu du baguenaudier. lyQ
toute disposition des anneaux. Par conséquent, la marche ordi-
naire du baguenaudier correspond exactement à la formation
successive de tous les nombres écrits dans la numération binaire;
on monte le baguenaudier, en formant les nombres successivement
à partir de zéro ; on démonte le baguenaudier, en suivant Tordre
décroissant des nombres entiers. D'ailleurs, on observera que
pour monter le baguenaudier il suffit de déplacer, en commen-
çant par la droite, le premier anneau représenté par 0; pour le
démonter, au contraire, il faut déplacer le premier anneau à
droite représenté parle chiffre 1.
Pour résoudre le problème général que nous avons posé, c'est-
à-dire pour passer d'une disposition quelconque à une autre, on
écrit les deux dispositions dans le système binaire, on prend la
différence ; puis on transforme ce nombre dans le système déci-
mal; on obtient ainsi le nombre minimum de déplacements
pour passer de l'une à l'autre position. On effectuera ce change-
ment en montant ou en démontant le baguenaudier, suivant que
le premier nombre de la notation est plus petit ou plus grand que
le second.
NOMBRE DES COUPS DE NAVETTE.
Il est facile, d'après cela, de déterminer le nombre des coups
dans la marche complète du baguenaudier de 7 anneaux. Lors-
que tous les anneaux sont montés, on a pour la notation
10 10 10 1,
ou, dans le système décimal,
26 4_ 2^- 2- 4- I -.85.
i8o Septième récréation.
Donc, il faut opérer 85 déplacements pour monter ou pour
démonter le baguenaudier de sept anneaux, dans la marche ordi-
naire. De même, pour le baguenaudier de dix anneaux, il faut
682 coups de navette, puisque l'on a
29 + 2'^ -f- 2^ -f- 2^ + 2 = 682.
En général, si l'on désigne par Pn le nombre des déplacements
nécessaires pour monter ou pour démonter le baguenaudier
de n anneaux, on a, pour n pair égal à 2k,
22/.-t-l o
P2/,= 22/'^-l-i- 2-^'-^-{- ... -f- 2^4- 2= ^ -,
et pour n impair égal k 2k -\- i ,
0 2A-4-2 _ ^
P2/,+i— 22/^- +22^-2+ ... -1-224- I = r^
On peut réunir ces deux formules en une seule, en disant
que Pn est toujours égal au plus grand nombre entier contenu
dans le tiers de 2"^-^^
Nous donnons, dans le tableau qui termine cette récréation,
la fissuration des seize premiers coups ascendants du baguenaudier
de 5, 6 ou 7 anneaux; la colonne n indique la succession des
coups dans la marche ordinaire, le tableau contient aussi la figu-
ration des quinze derniers coups du baguenaudier de 7 anneaux ;
on observera, en effet, que, bien que le baguenaudier soit monte
par 85 changements, on peut encore compliquerTétat de situation
des anneaux jusqu'au 127*^ coup, pour se préparer à monter le
huitième anneau comme s'il existait. C'est à cette différence entre
le baguenaudier monté et le baguenaudier plus compliqué, que
Ton doit attribuer la divergence des calculs des trois auteurs qui
ont écrit sur cet instrument. En général, pour arriver à l'état le
Le jeu du bagueuaudier.
plus compliqué du baguenaudier de n anneaux dans la marche
ordinaire, il faut un nombre de dérangements égal au nombre
formé par n unités dans le système binaire, c'est-à-dire 2" — i.
Ce nombre est précisément le total des combinaisons de n ob-
jets pris un à un^ deux à deux, . . . , « à /î, de telle sorte que
ce jeu donne la représentation de toutes les combinaisons, sans
répétition, des n objets, ainsi que l'ordre dans lequel on doit
numéroter les combinaisons.
SUR LES COMBINAISONS
En général, on sait que l'on appelle combinaisons simples, ou
sans répétition, de n lettres prises p k p, toutes les dispositions
de p lettres qui ne diffèrent que par le choix des objets, et non
par l'ordre dans lequel ils sont placés. On désigne habituellement
ce nombre par C„,p, et l'on a
I 4-C,,,i -f.C„,.-l- ... -f-C„,„=r 2^^.
Dans les cours d'algèbre_, on démontre ce théorème par la for-
mule du binôme de Newton, qui donne le développement
de [x 4- i)'*, en supposant ensuite a- égal à l'unité. Cependant ce
théoième sur les combinaisons paraît avoir été connu bien avant
la formule du binôme; voici la démonstration donnée par les
anciens auteurs; elle repose sur l'idée fondamentale qui préside
à l'accroissement des sciences mathématiques, c'est-à-dire sur
l'observation et sur l'induction.
Prenons, par exemple, quatre lettres a, b^ c^ d\ formons toutes
Septième récréation.
les combinaisons possibles de ces quatre lettres; ajoutons-y
l'unité; nous avons le tableau suivant :
a, b, c, d,
ab, ac^ ad^ bc^ bd, cd^
abc, abd^ acd, bcd,
abcd.
Le nombre total des combinaisons est 2*; prenons maintenant
une cinquième lettre c, formons un nouveau tableau en ajoutant
cette lettre à toutes les combinaisons du tableau précédent, nous
avons, en plus,
ae, be, ce, de,
abe, ace, ade, bce, bde, cde,
abce, abde, acde, bcde,
abcde.
Le nombre des combinaisons possibles de cinq lettres est le
double de celui de quatre lettres ou 2^ et ainsi de suite. On re-
tranche ensuite l'unité du tableau.
DURÉE DE LA MANŒUVRE.
Depuis la publication, dans la Revue scientifique, de notre
article sur le baguenaudier, nous avons reçu de M. L. Gros une
lettre intéressante, de laquelle nous extrairons le passage suivant :
a Je regrette de n'avoir pas indiqué, dans ma théorie, le temps
Le jeu du baguenaudier. i83
qui est nécessaire pour monter ou démonter le baguenodier.
Je l'ai fait dans une note très réduite que je n'ai pas publiée. Je
vais vous donner ces indications dont vous pourrez tirer parti,
si vous les trouvez bonnes.
« Le baguenodier est toujours livré avec un nombre impair
d'anneaux. Cela est utile à ceux qui savent que, pour démonter
le baguenodier dont tous les anneaux sont élevés, il tant com-
mencer par abaisser le premier, puis le troisième anneau. Celui
qui n'est pas averti abaisse les deux premiers anneaux, puis le
quatrième; il s'éloigne de son but et il tend vers l'état extrême,
où la navette ne contient que la verge du dernier anneau.
(c Combien faut-il de temps pour monter ou démonter le ba-
guenodier? On fait sans peine 64 changements par minute :
en se hâtant beaucoup, on peut arriver à 80. Mais admettons 64
comme un nombre moyen :
5 anneaux tous élevés exigent 21 changements, soit 20^;
7 — — — 85 — i°^2o';
9 — — — 341 — 5^20';
II — — — i365 — 21 "'20'';
l3 — — 5461 — I^25'"20^
(( De même, 2 5 anneaux exigeraient plus de 349 5 00™; par
conséquent, pour démonter un baguenodier de 25 anneaux,
il faudrait, à raison de 10 heures par jour, plus de 582 jours. »
MARCHE ACCÉLÉRÉE. - r ,
Nous avons encore donné, dans le tableau final, une co-^
lonne N qui indique le nombre des déplacements dans la marché
184 Septième récréation.
accélérée. Ce tableau fait voir que la marche accélérée est soumise
aux règles suivantes :
1° Lorsque l'on monte le premier anneau, on doit monter en
même temps le second;
2° Lorsque Ton a monté les deux premiers anneaux, on doit
ensuite baisser le premier.
Le tableau montre, de plus, que huit coups consécutifs de la
marche ordinaire_, de i à 8, de 9 à 1 6, ... , correspondent à six dans
la marche accélérée; par conséquent, si ^désigne le quotient,
et r=: I, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ou o le reste de la division de 72 par 8,
on a le tableau suivant de correspondance
;2z=8^+i,2, N = 6^4-i,
Wr= 8^ 4- 3,4,5, N rr: 6^ -+- 2,3,4,
7î = Sq-{- 6,j, N — 6^ -f- 5 ,
n^Sq. N = 6^.
Il sera facile de déterminer, dans la marche accélérée, le
nombre de coups nécessaires pour passer d'une position à une
autre. En particulier, si l'on désigne par Q,,, le nombre des dépla-
cements dans le montage ou dans le démontage accéléré, on
trouve, suivant que n est impair et égal à 2 /c-f- i, ou pair, et
égal à 2 /.'_,
Qu-^,= 2^-'- et Q2/.= 2^'-^-i,
résultat obtenu par M. Parmentier par une voie différente.
On trouvera encore que l'expression
3. 2«-2— I
représente le nombre des coups qui correspondent à l'état le plus
compliqué du baguenaudier de n anneaux dans la marche accé-
lérée. ' .
Le jeu du baguenaudier,
i85
TABLEAU DES DEUX MARCHES DU BAGUENAUDIER,
Les sei\e premiers coups.
N.
n.
BAGUENAUDES.
BINAIRES.
1
2
3
4
5
6
I
2
3
4
5
(>
7
8
O
0 0 0 0 0 0 1
0 0 0 0 0 10
0 0 0 0 0 11
0 0 0 0 10 0
0 0 0 0 10 1
0 0 0 0 110
0 0 0 0 111
0 0 0 10 0 0
O O C O O O
o o
C' o o o o
o
o o o o c c
c o
o o o o o
o o o
o o o o
o o
c c c o o
o
o o o o o o
o o
c c o ce
7
8
9
10
11
12
9
10
1 1
12
i3
H
i5
i6
o o o
0 0 0 10 0 1
0 0 0 10 10
0 0 0 10 11
0 0 0 110 0
0 0 0 110 1
0 0 0 1110
0 0 0 1111
0 0 10 0 0 0
o o o o
o o o o
o c o
o o o
o o o o
o o
o o o o o
c c o
o c o o
o o
o o o o o
o
o o o o o o
o o
o o o o o
i86
Septième récréation. — Le jeu du baguenaudier.
TABLEAU DES DEUX MARCHES DU BAGUENAUDIER.
Les quinze derniers coups.
N.
85
86
87
88
89
90
i3
14
i5
16
17
18
19
20
BAGUENAUDES.
000
00 00
o 000
00 O
O c o
00 o o
o 0000
o o
o 000
00 o
o 000
00 00
o 00
00 00
o c
o c o 00
o 00
000 o
o 000
000
o 00
o c o o
o o
0000 o
o 00
0000
o o
o c o o o
o
BINAIRES.
1 1 1 0 0 0 1
1110 0 10
1110 0 11
1110 10 0
1110 10 1
1110 110
1110 111
11110 0 0
9i
92
93
94
95
22
23
24
25
26
27
000000
11110 0 1
11110 10
11110 11
111110 0
111110 1
1111110
1111111
HUITIÈME RÉCRÉATION.
LE JEU DU TAQUIN
ri Monsieur Ange Laisant, député de la Loire- Inférieure^
docteur es sciences mathématiques.
<c Ah! ah! vous voilà, monsieur le philosophe! Que
faites-vous ici parmi ce tas de fainéants? Est-ce que
vous perdez aussi votre temps à pousser le bois? »
(Diderot. — Le Ne'veu de Rameau.)
HUITIEME RÉCRÉATIOxN.
LE JEU DU TAQUIN.
HISTORIQUE.
LE jeu connu actuellement sous le nom de Jeu du Taquin a
été imaginé en Amérique, vers la fin de 1878, par un
sourd-muet qui se proposa, par hasard, de ranger dans une
boîte des numéros qui s'y trouvaient déplacés, sans les en faire
sortir. C'est là l'origine qui m'a été indiquée, au congrès de
Reims de l'Association française pour l'Avancement des Sciences,
par M. Sylvester, correspondant de l'Académie des Sciences de
Paris, professeur de l'Université J. Hopkins, à Baltimore.
Dès son apparition, il obtint une grande vogue à Baltimore, à
Philadelphie et dans les principales villes des États-Unis de
l'Amérique du Nord. Peu après, il fut importé en France, et
offert en prime, par divers journaux politiques et illustrés, sous
le nom de double casse-tête gaulois. Son succès en Europe a été
encore plus grand qu'en Amérique. Ce n'est pas la première fois
;qo Huitième récréation.
qu'un pareil engouement s'est produit chez nous. Baciiaumont
raconte qu'en 1746 les polichinelles et les arlequins, à pieds et à
bras mobiles, faisaient fureur. « On ne peut plus aller, dit-il,
dans aucune maison, qu'on n'en trouve de pendus à toutes les
cheminées. On en fait présent à toutes les femmes et filles, et la
faveur en est au point que les boulevards en sont remplis pour
les étrennes. y^
La théorie mathématique de ce jeu a été publiée pour la pre-
mière fois, dans le Journal de mathématiques de M. Sylvester (').
Cette théorie a été donnée par M. Woolsey Johnson, d'Annapolis,
etgénéraliséepar M. W.-E. Story. Nous avons d'abord profité des
Notes on the iS^Tu^^le de ces deux auteurs; mais depuis, nous
avons simplifié les démonstrations; nous indiquons ultérieu-
rement des généralisations et des extensions considérables de ce
jeu. Ce jeu fort intéressant est la représentation sensible d'une
partie d'une importante théorie d'algèbre, imaginée par Leibniz,
et connue actuellement sous le nom de théorie des déterminants.
Aussi, avec les rédacteurs de VoAmeric an journal, doit-on consi-
dérer la théorie et la manœuvre de ce jeu comme une sorte d'in-
troduction à l'étude de cette partie de l'algèbre moderne.
(') American Journal of mathematics pure and applied, publied under
the auspices of the Johns Hopkins University. Baltimore, 1879.
Le jeu du taquin.
91
DEFINITION DU TAQUIN.
Sur le fond d'une boîte carrée, ou sur un échiquier de seize cases,
on place dans un ordre quelconque seize cubes ou pions numé-
rotés de I à 16; puis, on enlève du casier un cube quelconque, de
telle sorte qu'il se trouve une case vide. Cela fait, il faut par le
glissement des cubes, en profitant de la case vide, ramener les
Fig. 38.
Position fondamentale.
pions dans l'ordre régulier, puis replacer le cube enlevé sur la
case vide, de manière à obtenir la position fondamentale repré-
sentée dans la Jîg. 38.
192
Huitième récréation.
Supposons que Ton ait placé les cubes sur le fond de la boîte
et enlevé le numéro 16, conformément à la/^. 39, qui est l'une
39.
7
4 6
II
8
5
2
9
3
14
12
i5
i3 I
10
Une position initiale.
des positions initiales. Dans celle-ci, on ne peut déplacer tout
d'abord que l'un des cubes numérotés 5, 6, 2 ou 14, en faisant
glisser Tun deux sur la case vide ; puis on peut continuer de même.
Il y a donc lieu de se demander combien il existe de positions
initiales, puis de rechercher si l'on peut ramener à la position fon-
damentale toutes les positions initiales; enfin quelle doit être la
marche à suivre pour résoudre le problème proposé.
Nous démontrerons qu'il existe plus de vingt trillions de posi-
tions initiales; on peut doncdire^ avec raison, que le taquin est un
jeu à combinaisons toujours nouvelles. Plus exactement, le
nombre des positions initiales est
20 922 789 888 000;
on peut ramener la moitié d'entre elles à Tune quelconque des
quatre positions directes, dans lesquelles le numéro i est placé
Lii jeu du ta:jiiin.
193
aux extrémités de la première diagonale du carré {Jïg- 40 à 43} :
Fig. 40. — Ordre L,.
Fig. 41. — Ordre G,
■
2
3
4
I
5
9
10
i3
5
6
7
S
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6
14
9
10
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14
i5
16
4
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12
16
Fig. 42. — Ordre C3.
Fig. 43. — Ordre U
16
12
8
7
4
16
12
i5
14
10
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1 1
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9
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14
10
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7
6
i3
9
5
j
4
3
^
I
Les quatre positions directes.
On peut toujours ramener l'autre moitié à l'une quelconque
des quatre positions inverses dans lesquelles le numéro i est placé
E. Lucas. — Récréations tnathém. i3
194
Huitième récréation.
aux extrémités de la seconde diagonale du carré [fig. 44 à 47)
Fig. 44. — Ordre Lj. Fig. 45. — Ordre Cj.
Fig. 46. — Ordre G,.
4
3
2
■
I
i3
9
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16
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4
Fig. 47. — Ordre L^.
4
8
12
16
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14
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16
7
1 1
i5
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10
6
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6
10
14
8
I
5
9
i3
I
2
6
4
Les quatre positions inverses.
En d'autres termes, nous démontrerons que l'on peut toujours
ranger les cubes du taquin ordinaire de seize cases, suivant
l'ordre naturel, en plaçant le premier à un coin quelconque du
carré, ou au coin adjacent.
Mais, pour la résolution de ces divers problèmes, il est indis-
pensable d'entrer dans quelques explications élémentaires sur
Le jeu du taquin. iq5
la théorie des permutations rectilignes et des permutations
circulaires.
LES PERMUTATIONS RECTILIGNES.
Nous avons déjà indiqué, dans notre quatrième récréation, sur
le problème des huit reines, la formule principale de cette théorie,
en démontrant que le nombre des manières de ranger en ligne
droite dix objets différents est égal au produit des dix premiers
nombres. Plus généralement, en désignant par n le nombre des
objets, et par N le nombre des arrangements en ligne droite, ou
à.Qs permutations rectilignes^ on a la formule
N — I X 2 X 3 X ... X 72.
Ainsi, pour sept objets, il y a 5040 permutations. On trouve ce
résultat dans un ancien ouvrage qui a pour titre : Récréations
mathématiques et -physiques qui contiennent les problèmes et les
questions les plus remarquables, et les plus propres à piquer la
curiosité, tant des mathématiques que de la physique: le tout
traité d'une manière à la portée des lecteurs qui ont seulement
quelques connaissances légères de ces sciences, par M. Ozanam,
de l'Académie royale des sciences. Paris, 1778.
La première édition de cet ouvrage amusant date de 1692; la
seconde édition renferme quelques erreurs. On y rencontre la
question suivante : 0 Sept personnes devant dîner ensemble, il s'é-
lève entre elles un combat de politesse sur les places (c'est, sans
aucun doute, dans quelque ville de province éloignée de la capi-
tale, ajoute naïvement le commentateur) ; enfin quelqu'un voulant
terminer la contestation propose de se mettre à table comme l'on
iô6 Huitième récréation.
se trouve, sauf à dîner le lendemain et les jours suivants, jusqu'à
ce qu'on ait épuisé tous les arrangements possibles. On demande
combien de dîners devront être donnés pour cet effet. »
Le nombre des permutations est de 5040 ; à un dîner par jour,
cela fait près de quatorze ans pour vider la querelle. Et dire que
si l'on se fût trouvé treize à table, il eût fallu, pour cela, plusieurs
millions d'années. Cela donne à penser et tend à prouver qu'il ne
faut pas livrer un tel combat de politesse, sur les places, dans un
dîner où il y a beaucoup de monde.
LES PERMUTATIONS CIRCULAIRES,
Nous devons faire une remarque sur la solution d'Ozanam ;
l'auteur considère toutes les places comme absolument distinctes ;
cependant lorsque les convives sont placés autour d'une table
ronde, et que l'on ne tient pas compte du voisinage de la chemi-
née, de la porte ou d'une fenêtre, la position respective ne change
pas, si, à un signal donné, les convives se lèvent tous et vont
s'asseoir sur le siège de leur voisin de droite ; doit-on alors consi-
dérer ces deux dispositions comme distinctes ? Non, en vérité, si
la table est ronde ; et comme les convives peuvent encore se dépla-
cer simultanément d'un rang vers la droite, et ainsi six fois suc-
cessivement, on est amené à reconnaître que l'auteur a compté
comme distinctes sept permutations rectilignes qui ne font
qu'une seule et mèvaQ permutation circulaire. En conséquence,
le nombre des dîners des sept convives ou des permutations
circulaires de sept objets n'est que le septième de 5040 ou 720.
Le jeu du taquin. jgj
En outre, on doit observer qu'au lieu de se placer de gauche à
droite, les convives peuvent tous se placer de droite à gauche, de
telle sorte que le voisin de droite est devenu celui de gauche, et
inversement. Il faut donc encore diviser par 2 le nombre trouvé;
cela ne fait plus que 3 60 dîners, et les convives en seront quittes
à la fin de l'année.
Il nous reste à parler des dérangements produits par ces per-
mutations; cela fait, nous reprendrons le casse-tête.
LES DERANGEMENTS.
Avec deux objets, les chiffres 1 et 2, par exemple, on forme les
deux permutations rectilignes
12 et 21.
Dans la première, les objets sont rangés dans l'ordre naturel;
dans la seconde, il y a inversion de cet ordre; on dit alors que la
permutation contient un dérangement^ parce que le chiffre 2 est
placé avant le chiffre 1.
Pour former les permutations des trois chiffres i, 2, 3, on place
le chiffre 3 après l'une des deux permutations précédentes, et l'on
a ainsi
123 et 213;
on n'a introduit aucun dérangement nouveau, puisque le chiffre
3 vient après 1 et 2, dans l'ordre naturel. Mais si nous faisons
avancer ce chiffre d'un rang vers la gauche,
132 et 231,
[qS Huitième récréation.
nous introduisons alors un dérangement dans la première per-
mutation, et un nouveau dérangement dans la seconde; en fai-
sant avancer encore le chiffre 3, comme ci-dessous,
312 et 321,
la permutation 312 contient deux dérangements, et la suivante
321 en contient trois. Il y a lieu, dès maintenant, de donner la
définition du dérangement; il y a dérangement ou inversion
dans une suite dénombres différents écrits sur une ligne horizon-
tale dans un ordre quelconque, toutes les fois qu'un nombre se
trouve placé à la gauche d'un nombre plus petit.
Pour compter le nombre des inversions d'une permutation,
on peut procéder de deux manières différentes : i° en comptant
pour chaque terme le nombre des termes qu'il commande^ ou qui
sont à sa droite, plus petits que lui, et faisant le total pour tous
les termes ; 2° en comptant pour chaque terme le nombre de ceux
qu'il subit, ou qui sont à sa gauche plus grands que lui. Il est
évident que, par les deux procédés, on obtiendra le même résul-
tat final; cependant, suivant les cas, il est préférable d'employer
Tun ou l'autre de ces deux procédés.
LES DEUX CLASSES DES PERMUTATIONS.
Cela posé, on divise les permutations de n nombres en deux
classes; on range dans h première classe, avec celle qui ne con-
tient aucun dérangement, en écrivant les nombres dans l'ordre
naturel, toutes les permutations qui contiennent un nombre
Le jeu du taquin. 199
pair de dérangements ; on range dans la seconde classe toutes
les permutations qui contiennent un nombre impair de déran-
gements. Pour indiquer qu'une permutation est de la première
classe, nous la ferons précéder du signe -H, et pour indiquer
qu'une permutation est de la seconde classe, nous la ferons
précéder du signe ^. Ainsi la permutation h- 12 donne
+ 123, - 132, T- 312,
et la permutation — 21 donne
- 213, f- 231, - 321.
On constate que les classes des permutations de Jeux ou de
trois nombres sont également partagées; il en est toujours ainsi.
En effet pour former les permutations de quatre éléments 1,2,3,4,
on place d'abord le nombre 4 à la fin de chacune des permuta-
tions de trois éléments, ce qui ne change pas la classe de la per-
mutation ; en faisant rétrograder le chiffre 4 successivement vers
la gauche, on change successivement le signe de la permutation ;
ainsi -r 231 donne successivement, pour quatre éléments,
^ 2314, - 2341, t- 2431, - 4231.
Le tableau suivant renferme toutes les permutations de quatre
éléments, avec le signe de la classe à laquelle elles appartiennent;
nous indiquons, dans les deux premières lignes, les deux permu-
tations de deux éléments, et les six permutations de trois élé-
ments, qui permettent d'établir la généalogie des permutations
des quatre éléments.
Huitième récréation.
Généalogie des permutations.
+ 12
-21
^123
-132
4- 312
-213
4 231
-321
— 1234
— 1243
-r 1423
— 41-3
— 1324
-h 1342
— T432
4-4132
^- 3r?.4
— 3142
-+- 3412
-4?i--^
-2134
4-2143
-24X3
4-4213
-4 23l4
-2341
4- 2431
— 4231
-3214
4-3.41
-34'ix
-4321
On voit que le nombre des signes 4- est égal au nombre des
signes — ; par suite, le nombre des permutations de chaque classe
est le même. Il est facile de généraliser et de voir qu'il en est
toujours ainsi. On a donc la proposition suivante, dans laquelle
on considère zéro comme un nombre pair :
Théorème I. — Les permutations de n objets se divisent en
deux classes également nombreuses^ suivant que le nombre
des inversions est pair ou impair.
On détermine facilement la classe d'une permutation en cal-
culant le nombre de ses inversions, ainsi qu'il a été dit plus haut,
et en supprimant continuellement les multiples de 2.
LES ÉCHANGES.
Il est facile devoir que si l'on échange dans une permutation
les places de deux nombres consécutifs, on produit un change-
ment de classe, puisque l'on a ainsi augmenté ou diminué le
Le jeu du taquin. 2ox
nombre des inversions d'une unité. Plus généralement, si l'on
déplace un élément de manière à lui faire franchir un nombre
quelconque p d'autres éléments, le nombre des inversions est
modifié d'une quantité qui est de mê;ne parité que p ; en d'autres
termes, si Ton déplace un élément en lui faisant franchir 2, 4,
6, 8, ... autres, la classe de la permutation n'est pas modifiée, et
si l'ondéplace un élément en lui faisant franchir i, 3,5, y,. . . autres
éléments consécutifs, la classe de la permutation est changée.
Cela posé, on a la proposition suivante, connue sous le nom de
théorème de Bé^out.
Théorème IL — L'échange de deux éléments quelconques
d'une permutation change la classe de la permutation. Plus gé-
néralement^ un nombre pair d'échanges d'éléments quelconques
d'une permutation n'en modifie pas la classe; un nombre impair
d'échanges produit sur la permutation primitive un changement
de classe.
En effet, il suffit évidemment de démontrer que l'échange de
deux éléments quelconques produit un changement de classe.
Supposons que l'on échange dans la permutation
... Rabc... kl S...,
les éléments R et S séparés par^ éléments; si Ton fait franchir
à S les ^ éléments qui précèdent, on obtient
...RSabc ...kl...;
puis, si l'on fait franchir à R les (^-h j) éléments qui suivent,
on obtient
,..Sabc... klR...;
202 Huitième récréation.
le nombre des inversions est donc modidé d'un nombre de même
parité que {2p --h i) et, par suite, d'un nombre impair.
G. Q. F. D.
On peut encore démontrer le théorème suivant : Le nombre total de<i
iywersions pour toutes les permutatioyis de n lettres est la moitié du produit
du nombre P„ des permutations de n lettres par le nombre C„,2 des combinai-
sons des n lettres prises deux à deux. On peut arriver à ce résultat de deux
manières différentes : par la méthode analytique ou par la méthode synthé-
tique.
Méthode analytique. — Désignons par D„ le nombre total des dérange-
ments ou des inversions pour toutes les permutations de n lettres. Écri-
vons d'abord (n -h i) fois le tableau des permutations de n lettres ; nous
avons ainsi (n -~ i ) D„ dérangements; plaçons maintenant le (?2+i)'""'
élément à la dernière place, à l'avant-dernière, ..., à la seconde, à la pre-
mière place dans chacune des permutations précédentes, nous produisons,
successivement
o, I, 2, ..., {n— i), n
n 'n -h I ) ,
nouveaux dérangements, ou en tout ; on a aonc
^ n (n -^- i)
D«+i = {n -^ i) Dn -\-Pn
Posons D/i == P/i Q.«, il vient la formule
Par suite, pour n --^ 1,2, 3, ..., on a successivement
Q2 = Qi -i- - > Q3 = Q2 4- ^ ' .-•, Qyt = Q«-i H ~ ;
et en ajoutant toutes ces égalités
] -h 2 -^ . . . -^ (n — t) _ n (n — \)
Q« = - — p- •
Méthode synthétique. — Le nombre total des inversions d'une permu-
tation et de la permutation écrite dans l'ordre renversé est égal au nombre
des combinaisons de n objets pris deux à deux, ou €«, 2 ^ - n[n—i)'.
Le jeu du taquin. 2o3
par conséquent, en réunissant les deux permutations, on trouve au total
D/j = — P/i C/i,2. C. Q. F. D.
Remarque. — On trouverait de même la somme de tous les nombres
formés par les permutations des deux, trois, quatre,..,, neuf premiers
chiffres. Ainsi la somme des nombres formés par les permutations des cinq
chiffres i, 2, 3, 4, 5 est
^^
LES CYCLES,
On peut encore déterminer la classe d'une permutation par la
méthode plus expéditive, dite des cycles, due à Cauchy. Consi-
dérons une permutation quelconque,
8, 6, 12, 1,5, 14, 2, II, i3, i5, 4, 9, 3, 10, 7;
plaçons au-dessus de chacun de ses termes les nombres de la
suite naturelle, ainsi qu'il suit :
Nombres : i, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, i3, 14, i5;
Pions: 8, 6, 12, i, 5, 14, 2, 1 1, i3, i5, 4, 9, 3, 10,7.
Au-dessous du nombre i se trouve le numéro 8; au-dessous
de 8 le numéro 1 1 ; au-dessous de 1 1 le numéro 4, au-dessous
de 4 nous retrouvons le numéro i . On forme ainsi
Premier cycle : i, 8, 11,4;
en partant du nombre 2, on forme
Second cycle : 2, 6, 14, 10, i5, 7;
204 Huitième récréation.
en partant du nombre 3, qui ne figure pas dans les cycles précé-
dents, on forme
Troisième cycle ; 3, 12, 9, 1 3;
enfin il reste le cycle formé par un seul nombre
Quatrième cycle : 5.
Il est facile de voir que l'échange de deux pions quelconques
augmente ou diminue d'une unité le nombre des cycles de la
permutation, suivant que les pions échangés appartiennent au
même cycle ou à des cycles différents. Par suite, la variation du
nombre des cycles est de mêaie parité que le nombre des échanges
entre les termes de la permutation. Donc :
Théorème III. - Deux permutations appartiennent à une
même classe ou à deux classes distinctes, suivant que les nom-
bres de leurs cycles sont ou ne sont pas de même parité.
Pour déterminer la classe, on remarquera que la permutation
suivant Tordre naturercontient un nombre de cycles égal au
nombre des éléments de la permutation ( ' ) .
(*} Le numéro du ib septembre 1880 du journal la Nature contient un
article intitulé : Le dernier mot du taquin, par M. Piarron de Mondésir. On y
retrouve, sous une forme peu difFérente, le procédé des cycles. Si l'on range
les cycles en deux ordres, suivant qu'ils contiennent un nombre pair ou
impair de termes, on a le théorème suivant •. Deux permutations appar-
tiennent à la première classe ou à la seconde, suivant que le nombre des
cycles d'ordre pair est pair ou impair. D'un autre côté, ce résultat m'a éié
indiqué par M. Delannoy, ancien élève de l'École Polytechnique.
Le jeu du taquin. 20 5
L!:S ECARTS.
Considérons une permutation quelconque des n premiers
nombres
ai, ^2, ^3, . • . , <3^, . . ., an)
appelons écart d'un terme la différence entre sa valeur numé-
rique et le rang qu'il occupe; désignons-le par e, nous aurons
Gela poséj on a le théorème suivant :
Théorème IV. — Si^ dans une permutation des n premiers
nombres j on supprime un terme quelconque., la variation du
nombre des inversions est de même parité que l'écart du terme.
Soient ap le terme enlevé, Cp et Sp le nombre des inversions
commandées et subies par lui; la variation du nombre des inver-
sions est évidemment Cp 4- Sp. Mais le nombre des termes qui
précèdent Up est (;? — i), parmi lesquels s^, sont plus grands que
lui, et {p — i—Sp) sont plus petits que lui. D'autre part, le
nombre des termes plus petits qui le suivent est Cp ; en ajoutant
les deux dernières expressions, on trouve le nombre total des
nombres plus petits que ap^ c'est-à-dire (a^ — i); on a donc
<îp — I — i? — I — s^ -i- Cp,
ou bien
dp — ~ P • dp -*"" Op j
2oC Huitième récréation.
par suite, en ajoutant le nombre pair 2Sp, on a
Cp = Cn -h s„, (Mod. 2). c. Q. F. D.
NOMBRE DES POSITIONS INITIALES.
Si Ton désigne la case vide par 0, on peut représenter la situa-
tion du taquin, à un instant quelconque, en écrivantdans l'ordre
de la position fondamentale de la Jîg. 38 les numéros des cubes
mobiles ; ainsi la fig-. 3g donne la permutation des seize nombres
7, 4, 6, II ! 8, 5, 0, 2 I 9, 3, 14, 12 I i5, i3, i, 10.
La position de la case vide étant arbitraire, le nombre des po-
sitions initiales du taquin est égal au nombre des permutations
rectilignes de seize éléments ou au produit des seize premiers
nombres, c'est-à-dire à
20 922 789 888000
positions initiales. Dans le cas 011 on laisse toujours la même case
à découvert, le nombre des positions initiales est seize fois plus
petit.
LES IMPOSSIBILITÉS DE POSITION,
Dans chacune des positions initiale et finale, on suppose un
cube portant le numéro !{éro dans la case vide; on trace dans la
position finale un chemin quelconque passant par toutes les cases,
Le jeu du taquin. 207
et une seule fois par chacune d'elles, en admettant même que ce
chemin procède par bonds quelconques ; on trace le même chemin
dans la position initiale; on considère les deux permutations for-
mées par la succession des numéros des cubes dans ces deux che-
mins; de plus, on suppose que les cases du taquin sont alternati-
vement noires et blanches, comme celles de l'échiquier. Gela fait;,
on a la proposition suivante :
Théorème V. — Si les cases vides sont de même couleur, il est
impossible de passer d'une position initiale à une position finale
de classe différente; si les cases vides sont de couleurs diffé-
rentes, il est impossible de passer d'une position initiale à une
position finale de même classe.
En effet, la règle du jeu revient à échanger le cube fictif zéro
à chaque coup, avec un autre occupant une case de couleur
différente; donc, dans le premier cas, on ne pourra passer d'une
position à l'autre que par un nombre pair d'échanges, c'est-
à-dire sans changer la classe delà permutation; dans le second
cas, on ne pourra passer d'une position à l'autre que par un
nombre impair d'échanges, c'est-à-dire en changeant la classe
de la permutation. Ce théorème s'apphqueà un jeu plus général,
dans lequel on échangerait le cube fictif ^éro avec un cube
placé sur une case de couleur différente.
On peut évidemment supprimer le nombre 0 dans les deux
suites, s'il donne lieu dans l'une et l'autre à des écarts de même
parité. Dans la pratique, on tracera le chemin de manière que,
dans la position finale, il donne la suite naturelle des nombres;
on joue ensuite quelques coups sur la position initiale, de manière
à amener la case vide à la place correspondante de la position
^^^ Huitième récréation.
finale; alors on peut se dispenser de tenir compte du léro dans
les permutations. En effet, il est fcicile de voir que si, dans deux
permutations, des termes plus grands ou plus petits que les autres
occupent les mêmes rangs, on peut les supprimer sans changer
la parité de la différence des nombres de leurs inversions.
Par la considération de Téchiquier, on peut étendre la règle
du jeu, en admettant que l'on puisse enlever un numéro d'une
case de couleur opposée à la cass vide, pour le placer ensuite sur
celle-ci. La théorie reste la même.
LA PRATIQUE DU TAQUIN.
Reprenons la permutation des quinze nombres
8, 6, 12, I, 5, 14, 2, II, i3, i5, 4, 9, 3, 10, 7,
et admettons que Ton ait le droit de faire avancer un pion quel-
conque de deux rangs vers la gauche ou vers la droite; il est facile
de voir que l'on peut ranger tous les numéros dans l'ordre, si la
permutation est de première classe. En effet, faisons avancer le
numéro i de deux rangs vers la gauche, il arrive au second rang;
puis, en déplaçant 8 de deux rangs vers la droite, on obtient
I, 6, 8, 12, 5, 14, 2, II, i3, i5, 4, 9, 3, 10, 7.
Le numéro i est à sa place; faisons avancer à son tour le
numéro 2 de deux en deux rangs, il arrive au troisième, et en
déplaçant 6 de deux rangs vers la droite, on obtient
I, 2, 8, 6, 12, 5, izL. II. i3. i5, 4, 9, 3, 10, 7.
Le jeu du taquin.
209
En déplaçant le numéro 3 de deux en deux rangs vers la
gauche, puis le numéro 4, on obtient
1,2,3,4,8,6, 12, 5, 14, II, i3,i5, 9, 10,7.
Et ainsi de suite ; de cette façon on peut toujours placer dans
l'ordre les treize premiers pions; les deux derniers se trouveront
dans l'ordre 14, iS, si la permutation est de première classe, et
dans l'ordre i5, 14, si la permutation est de seconde classe. Ainsi,
par cette manœuvre, on peut ranger une permutation quel-
conque dans l'ordre
1,2, 3, ..., i3, 14, i5;
ou dans Tordre
1,2,3,..., i3, 15,14
Cela posé, considérons le taquin de forme suivante {fig. 48) :
Fig. 4?.
A
B
G
D
E
F
G
H
P
0
N
M
L
K
J
l
Le taquin élémentaire.
dans laquelle la ligne pleine est une barrière infranchissable;
en profitant de la case vide, on peut sans changer l'ordre des
termes dans le circuit AHIP, amener un numéro quelconque
en B, puis la case vide en O; cela fait, si l'on glisse le cube de B
en O, le terme B est avancé de deux rangs vers la gauche du
circuit; par le mouvement inverse on l'avance de deux rangs
E. Lucas. — Récréations mathém, 14
Huitième récréation.
vers la droite (*). Par conséquent, il résulte des considérations
exposées au commencement de ce paragraphe, que Ton peut
toujours amener dans un ordre donné une permutation de même
classe; et dans l'ordre donné, à V exception des deux derniers
numéros, une permutation de classe différente.
Il est d'ailleurs parfaitement évident que le même procédé de
raisonnement s'applique au taquin ordinaire, en restreignant la
règle du jeu par l'emploi de barrières figurées par des lignes
pleines ; les cases forment alors un circuit fermé {fîg, 49).
Fig. 49.
A
B
G
D
P
0
N
E
K
L
M
F
J
I
H
G
Le taquin gêné.
En résumé^ par la considération des cycles, on détermine
d'abord la classe de la position initiale donnée; pour plus de
commodité, on mettra immédiatement la cas^ vide en G. Cela
fait, on rangera facilement les cubes des deux premières lignes
ou des deux premières colonnes dans l'une des quatre positions
directes ou des quatre positions inverses suivant que la position
donnée est de première ou de seconde classe; il reste ensuite à
(*) Cette démonstration, très simple, m'a été indiquée par M. Laisant.
Le jeu du taquin.
placer les sept autres cubes dans un taquin élémentaire de huit
cases, par la manœuvre indiquée pour le taquin de la^^. 48.
On peut encore résoudre le problème du taquin de la manière
suivante. On détermine d'abord, par la méthode expéditive des
cycles, la classe de la position donnée; si cette position est de
première classe, on la ramène, comme il a été dit, à la position
fondamentale; si cette position est de seconde classe, on échange
deux éléments quelconques ; elle devient de première classe, et
peut encore être ramenée, après cet échange, à la position fonda-
mentale.
On peut remplacer cet échange par l'enlèvement d'un cube
situé sur une case de même couleur que la case vide, en le plaçant
sur cette case.
ORDRE MAGIQUE.
Il existe encore d'autres ordres réguliers pour disposer les cubes
du taquin; ainsi on peut les ranger suivant un ordre tel, qu'après
avoir replacé le cube enlevé, la somme des numéros soit la même
dans toutes les lignes, dans toutes les colonnes et dans les deux
diagonales; on obtient alors ce que l'on appelle V ordre magique.
Cette théorie appartient à une autre récréation, Itjeu des carrés
magiques, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Cepen-
dant, nous donnerons ici la manière d'obtenir le carré magique
pour le taquin de 16 cases.
Pour cela, reprenons la position fondamentale de Isifig, 38; ne
touchons pas aux huit nombres des deux diagonales; échangeons
Huitième récréation.
les autres cubes placés symétriquement par rapport au centre du
carré, c'est-à-dire
2eti5, 3 et 14, 5 et 12, 8 et 9.
Par ces quatre substitutions, nous ne changeons pas la classe
de la permutation, et nous obtenons le carré magique (fig. 5o) :
Fig. 5o.
Fis. 5i.
I
i5
14
4
12
6
7
9
8
10
II
5
i3
3
2
16
4
14
i5
I
9
7
6
12
5
1 1
10
8
16
2
3
i3
Ordre magique direct.
Ordre magique inverse.
dans lequel la somme des cubes de chaque ligne, de chaque
colonne, ou de chaque diagonale est égale à 34. On peut donc
ramener une position quelconque de première classe à cet ordre
magique; si la position initiale est de seconde classe, on pourra
toujours la ramener à l'ordre magique inverse obtenu en renver-
sant l'ordre des cubes de toutes les lignes [fi§. 5 1 ), ou de toutes
les colonnes de l'ordre magique direct.
(J|^/9^
Le jeu du taquin. 2i3
LE TAQUIN CONTINENTAL.
On peut généraliser d'une infinité de manières la forme du
taquin. Nous appellerons taquin continental un assemblage
quelconque de carrés juxtaposés suivant un côté commun ; pour
faire comprendre la variété de forme que cet assemblage peut
présenter, nous dirons qu'il est assujetti seulement à former un
continent^ dans l'intérieur duquel on peut rencontrer des mers
intérieures {fig. 53).
On place sur les carrés des cubes distingués par une lettre ou
par un numéro spécial, et on enlève l'un deux de manière à
former une case vide; cela fait, il s'agit de faire glisser les cubes
sur la case vide contiguë, et de passer ainsi d'une position initiale
donnée à une position finale également donnée.
Il est évident qu'un tel jeu peut présenter deux sortes d'impos-
sibilités : les premières proviennent de l'incompatibilité des posi-
tions initiale et finale, comme dans le taquin ordinaire; les autres
proviennent de la forme du taquin.
'^Sâsi
THEORIE DU GARAGE.
Considérons d'abord comme taquin continental le taquin formé
par un carré de quatre cases ABCD, et un circuit de forme
quelconque aboutissant par ses deux extrémités à deux cases con-
tiguës A et B du carré. On peut fermer ce circuit, soit par AB,
214
Huitième récréation.
soit par ACDB; de là deux circuits distincts qui se confondent
sur la plus grande partie de leur parcours. On peut considérer ce
taquin comme un taïuin élémentaire, et, par suite, il est tou-
jours possible d'échanger deux positions de même classe; nous
dirons que les quatre cases A, B, G et D constituent un garage
Fig. 52.
A B
Taquin simple à garage.
Considérons maintenant un taquin plus complexe, formé d'un
garagCj d'un circuit quelconque et d'un réseau formé d'em^r<^«-
chements qui s'insèrent les uns sur les autres, ou sur la ligne
principale, en des points différents, et de telle sorte qu'il n'y ait
aucune tête de ligne {fig. 53).
Supposons que, dans la position initiale, la case vide soit dans
la même portion de ligne que le garage, c'est-àdire de telle sorte
qu'il n'y ait aucune bifurcation entre le garage et la case vide ; si
cette condition n'était pas remplie, on jouerait quelques coups afin
de l'obtenir. Supposons qu'il en soit de même pour la position
finale ; si cette condition n'est pas remplie, on jouera quelques coups
pour arriver k une j^osition intermédiaire; on pourra toujours
Le jeu du taquin.
remettre la case vide à sa place dans la position finale, en renversant
l'ordre du mouvement qui a permis de passer de la position finale
à la position intermédiaire.
Fig. 53.
Taquin à embranchements et garage.
Cela posé, il est facile de voir que, dans un embranchement
quelconque, on peut déplacer un cube quelconque de deux rangs;
en effet, on forme un circuit fermé passant par le garage et le cube
Fig. 54.
H
considéré : on rentre ainsi dans le cas que nous venons d'indiquer ;
cela fait, on ramène tous les autres cubes, à l'exception des trois
cubesconsidérés. au moyen du mouvement de circulation (/^. 54)
2i6 Huitième récréation.
Cependant, s'il s'agissait de faire sauter G au-dessus de FH,
la méthode ne s'appliquerait pas, parce que les cubes GFH ne
peuvent se trouver dans un même circuit avec le garage ; alors
on fait passer G par-dessus F et E; de cette façon E se trouve à la
bifurcation; puis on fait sauter G par-dessus E et H ; on obtient
encore le résultat désiré.
Par conséquent, dans un taquin à embranchements quelcon-
ques, sans tête de ligne, on peut toujours, par le moyen du garage,
faire franchir à un cube quelconque deux cubes consécutifs, sans
déranger l'ordre de tous les autres cubes. Par ce procédé, on peut
remplir un embranchement quelconque dans Tordre de la posi-
tion intermédiaire; on immobilise les cubes de cet embranchement,
de telle sorte que l'on a diminué d'une unité le nombre des
em.branchements du taquin.
En simplifiant successivement le réseau, on en déduit ce théo-
rème :
Théorème XIV. — Dans untaquin formé d'un nombre quel-
conque d'embranchements et d'un garage sans aucune tête de
ligne, on peut passer d'une position quelconque à une autre
position de même classe.
LES IMPOSSIBILITES DE FORME,
Pour déterminer les impossibilités de la forme du taquin conti-
nental dans l'application de la théorie du garage, on trace d'abord
un circuit le long des côtes du continent, et d'autres circuits, s'il
y a lieu, le long du rivage des mers intérieures; puis on fait choix
Le jeu du taquin.
217
d'un garage sur la côte ou dans l'intérieur, et l'on trace des
embranchements suivant les lignes ou suivant les colonnes du
taquin; d'après cela, il est évident que le problème de ramener une
position quelconque à une position de même classe ne peut ren-
contrer d'impossibilité que dans les deux cas suivants :
1° Si le taquin renferme des presqu'îles ou des péninsules que
nous figurons plus loin;
2° Si le continent est partout trop étroit pour permettre l'éta-
blissement d'un garage.
<^g^^
LE TAQUIN A PENINSULE.
Lorsque les côtes de l'Océan ou des mers intérieures présentent
l'un des accidents indiqués dans la^^. 55, on dit que le taquin
Fig. 55.
1
Isthme orthogonal. Isthme diagonal.
Taquins à péninsule.
renferme une péninsule; alors le taquin se divise en deux autres
séparés par une seule case, qui forme ce que l'on peut appeler
isthme orthogonal ou isthme diagonal.
2 1 8 Huitième récréât iou.
Alors, dans le cas général, il y a impossibilité de forme; en effet,
il est facile de voir qu'il est impossible de faire entrer dans l'isthme
aucun autre cube que celui qui lui est contigu, de telle sorte que
l'on ne peut effectuer le passage d'un cube dans l'isthme. Cepen-
dant, pour ce taquin à péninsule, le problème du taquin peut être
possible lorsque la solution n'exige pas le passage de l'isthme.
Pour que le problème soit possible, il faut et il suffit que, pour le
continent et pour la péninsule considérés séparément, les posi-
tions initiale et finale appartiennent à la même classe, et, de plus,
que Ton puisse établir un garage de part et d'autre.
Enfin, si la péninsule a plus d'un isthme, on rentre dans le cas
général du continent avec mer intérieure sans péninsule.
LE TAQUIN COMPLET.
On peut considérer le jeu du taquin d'une autre manière; on
suppose le taquin complètement couvert, et le joueur a la faculté
d'enlever à son choix un cube quelconque, puis de jouer suivant
la marche ordinaire et de replacer, à la fin de la partie, le cube
enlevé sur la case vide. Il s'agit de choisir le cube à enlever de telle
sorte que Ton puisse arriver à une position finale convenue.
Pour résoudre ce nouveau problème, on trace dans la position
finale convenue un chemin, de manière à obtenir la suite natu-
relle des nombres; on trace le même chemin dans la position ini-
tiale, et l'on détermine le nombre des inversions de la permutation
correspondante. Si la permutation est de première classe^ il faut
Le jeu du taquin. 219
enlever un cube d'écart pair, et, si la permutation est de seconde
classe, il faut enlever un cube d'écart impair.
Il y a ainsi lieu de se demander si le problème est toujours pos-
sible ; en d'autres termes, existe-t-il des positions initiales pour les-
quelles tous les cubes aient des écarts de même parité? Nous allons
faire voir qu'il peut y avoir toujours possibilité ou toujours impos-
sibilité pour tout cube choisi dans la permutation initiale. En effet,
la position finale, disposée suivant l'ordre naturel, ne contient que
des écarts nuls ; donc, si l'on exécute un nombre quelconque N
d'échanges entre des cubes de même parité, tous les écarts reste-
ront pairs, et il n'y aura aucun écart impair; par conséquent, si
N est impair, la permutation considérée après les N échanges
est de seconde classe; par suite, quel que soit le cube enlevé, la
permutation reste de seconde classe et ne peut être ramenée à la
position finale; il y a donc impossibilité pour un cube quel-
conque.
Dans le cas contraire, si N est pair, la permutation considérée
après les N échanges est de première classe, comme la position
finale; il y a donc possibilité pour un cube quelconque.
Lorsque le nombre total des cubes est pair, il existe une seconde
série de positions initiales pour lesquelles il y a encore possibilité
ou impossibilité complète. En effet, reprenons la permutation
naturelle des n premiers nombres, échangeons chaque cube de
numéro impair, avec le cube de numéro pair qui le suit; tous
les écarts deviendront impairs; faisons ensuite un nombre quel-
conque d'échanges entre les cubes de même parité, nous obtien-
drons alternativement des permutations de première et de seconde
classe; les premières donnent l'impossibilité complète, et les der-
nières donnent la possibilité complète.
Huitième récréation. — Le jeu du taquin.
Lorsque le nombre total des cubes est impair, il existe toujours
nécessairement un cube d'écart pair; alors les positions de la
deuxième série comportent une seule exception, pour ce cube.
Remarque. — Les ingénieuses théories du Taquin continental
et du Taquin complet sont dues, pour la plus grande partie, à
M. Hermary,
NOTES,
NOTE I.
Sur le jeu des traversées.
Nous avons donné ( p. 1 5 ), l'énoncé d'un problème général sur les traversées.
Voici la solution très simple qui nous a été adressée par M. Delannoy, ancien
élève de l'École Polytechnique.
11 y a deux cas à examiner, suivant que le bateau peut contenir quatre
personnes, ou moins de quatre. Dans le premier cas, on fait passer deux
ména,L;es à la fois, et l'un d'eux revient chercher un autre couple. En répétant
cette manœuvre, les n couples passeront la rivière en n voyages.
Dans le cas où le bateau ne peut contenir deux couples, le nombre x des
personnes que le bateau peut au plus contenir est 2 ou 3. Alors, on est
obligé de commencer par faire passer un certain nombre de femmes, ou bien
un seul couple, afin de satisfaire à la condition de ne pas laisser une femme
sans son mari en présence d'autres hommes. On démontre, comme à la
page 10, que l'on ne peut faire passer 6 ménages avec un bateau contenant
moins de quatre personnes. Il reste donc à donner le tableau de la traversée
des cinq ménages avec un bateau contenant trois personnes.
On a au départ :
Première rive. Deuxième rive.
F. D G B A
e d c b a
I. — Trois femmes passent d'abord :
E D C B A I
e d . . . I . , c b a
Note IL
II. — Une femme (ou deux) revient et emmène la quatrième:
E D G B A I
e . . . . I . d c b a
III. — Une femme revient, et trois maris rejoignent leurs femmes :
ED... I . . G B A
e d . . . I . . c b a
IV. — Un couple revient, et trois maris passent :
I E D G B A
e d c . . I . . . b a
V et VI. — Une femme revient chercher successivement les trois dernières
femmes :
E D G B A
e d c b a
En re'sumé, en de'signant par n le nombre des ménages, par x le nombre
des personnes que le bateau peut au plus contenir, et par N le nombre des
voyages, on a le tableau suivant :
« = 2
n = 3
n = 5
n>5
X = 2
X — 1
X = 3
N = 3
N = 6
N = 5
N = 6
N = n.
NOTE IL
Sur le jeu des ponts et des îles.
Nous avons vu (p. 35) que le jeu des ponts se ramène à la description
par un ou plusieurs traits continus, sans répétition,' 'de toutes les figures
formées de lignes droites ou courbes, dans le plan ou dans l'espace. Gette
étude se résume dans les deux théorèmes suivants :
Théorème I. — D^ns tout réseau géométrique formé de lignes droites
ou courbes, le nombre des points impairs est toujours :{éro ou un nombre
pair.
Ge théorème se trouve complètement démontré dans le mémoire d'EuIer
Note IL 223
(p. 3i); on peut encore donnera la démonstration la forme suivante : Dési-
gnons par A, B, C, D, ..., les diverses stations du réseau, les divers points
d'embranchement, les têtes de ligne; soient P et Q. deux stations voisines,
c'est-à-dire telles que l'on puisse aller de P en Q. par un ou plusieurs chemins,
sans rencontrer d'autres stations du réseau. Si l'on supprime l'un de ces
chemins PQ., le nombre des chemins qui aboutissent en P et en Q
diminue d'une unité et change de parité. Par conséquent, si P et Q sont
des points impairs, ils deviennent pairs par cette suppression; si P et Q sont
pairs, ils deviennent impairs; enfin si P et Q sont de parité différente, ils
demeurent de parité différente. Donc la parité du nombre des points im-
pairs ne change pas par cette suppression. Par suite, en supprimant successi-
vement tous les chemins qui unissent deux stations voisines, jusqu'à ce qu'il
n'en reste aucun, le nombre des points impairs est nul; ce nombre était
donc zéro ou un nombre pair, avant la suppression.
C.Q.F.D.
Remarque. — Ce théorème s'applique aux canevas géodésiques. Dans une
chaîne de triangles, il y a toujours un nombre pair de sommets où abou-
tissent, en nombre impair, des angles réduits à l'horizon, tandis que le
nombre des sommets où aboutissent des triangles en nombre pair peut
être pair ou impair.
Théorème II. — Tout réseau géométrique qui contient 2m points impairs
peut être décrit par un nombre minimum de n traits sans répétition. Tout
réseau géométrique, qui ne contient que des points pair s j peut être décrit par
un seul trait sans répétition.
On suppose que le réseau est continu, c'est-à-dire que l'on peut aller d'un
point quelconque du réseau à un autre par un chemin continu. D'ailleurs,
dans le cas de plusieurs réseaux séparés, il suffit d'appliquer à chacun d'eux
les théorèmes précédents. Cela posé, si l'on part d'un point impair A et
si l'on chemine au hasard, sans repasser sur la même voie, on sera forcé
de s'arrêtera un certain moment; en observant que dans cette marche on
ne change point la parité des stations que l'on traverse, on en conclura
que le point d'arrêt est un point impair B. En supprimant le parcours AB,
on obtient ainsi une figure qui ne possède plus que {in — i) points impairs.
Après n parcours analogues, il ne restera donc qu'un réseau dont les sta-
tions sont d'ordre pair.
Maintenant, si l'on part d'un point quelconque M du réseau restreint, et
si l'on chemine au hasard, on ne se trouvera arrêté qu'en revenant au point
de départ M, après avoir décrit une courbe fermée. Après avoir décrit un
certain nombre de boucles semblables, on aura parcouru tout le réseau.
Mais, puisque le réseau est continu, ces boucles peuvent venir se souder
224 Note III.
soit les unes sur les autres, puis sur les n chemins qui ont été décrits primi-
tivement. Par suite, le réseau peut être décrit en n traits continus au plus.
C.Q.F.D.
Remarque. — Une figure dont tous les points sont pairs peut être consi-
dérée, de plusieurs façons, comme une seule courbe fermée. Cette observation
trouve son emploi dans la théorie des courbes unicursales.
^^
NOTE III.
Sur le jeu des labyrinthes.
Le problème des labyrinthes est un cas particulier du problème des ponts
et des îles ; en effet, puisque l'on doit parcourir deux fois chaque chemin, cela
revient à la description d'un réseau qui ne contient que des points d'ordre
pair. Mais, dans ce cas particulier, on peut décrire le réseau sans en con-
naître la forme, tandis qu'il n'en est plus de même dans le cas général.
La théorie des ramifications se ramène encore au problème d'Euler.
D'ailleurs il résulte immédiatement du second théorème de la note précé-
dente, que le nombre N, base de la ramification, est égal à la moitié du
nombre des points impairs, c'est-à-dire du nombre /des extrémités libres
augmenté du nombre des nœuds d'ordre impair. Désignons par i le nombre
des nœuds d'ordre impair, par j le nombre des nœuds d'ordre pair, on a, en
se reportant aux formules de la page 53,
N = -:^ et p = î-i-j.
En combinant les diverses expressions du nombre N, on obtiendra quel-
ques autres formules.
RicMARQUE. — Dans le premier volume de la Théorie des Nombi^es, nous
avons consacré un chapitre spécial à la Géométrie de situation. Ce chapitre
renferme de nombreux et nouveaux développements ^ur le jeu des ponts et
des ÎL'S et sur le jeu des labyrinthes au paragraphe intitulé : Les Réseaux.
On y trouve d'autres développements sur l'emploi des échiquiers arith-
métiques, sur les polygones et sur les polyèdres, sur les régions et sur
des théorèmes de Guthrie et d'Hamilton, de MM. Tait et G. Tarry.
^'^
Note IV.
225
NOTE IV.
Le problème des neuf reines et des dix reines.
Depuis l'apparition de notre premier volume, un géomètre distingué,
M. le docteur P. H. Schoute, professeur à TUniversité de Groningue, a publié,
dans Eigen Haard, journal illustré de la Hollande, une suite d'articles ayant
pour titre : Wiskundige Verpoo:^iitgen. On y trouve plusieurs développe-
ments des problèmes que nous avons traités. M. Schoute a donné le tableau
des solutions simples du problème des neuf reines sur l'échiquier deSi cases;
mais ce tableau contient deux erreurs rectifiées par M. Delannoy, qui est
fort habile dans ce genre de recherches. Le problème des neuf reines a 46 so-
lutions simples, dont 4 semi-régulières, ce qui fait un total de 352 positions.
Si l'on supprime l'unité des quatorze premières solutions, et si l'on
diminue d'une unité tous les autres chiffres, on obtient une solution du
problème des huit reines. Inversement, toute solution du problème des
neuf reines, dans laquelle l'une des diagonales ne contient pas de reine,
donne naissance à deux solutions du problème des dix reines, en ajoutant
une reine à l'un des coins extérieurs de cette diagonale. La solution
358297146, qui n'a pas de reine sur l'une ou l'autre des diagonales, donne
quatre solutions simples du problème des dix reines; on en trouve ainsi 32,
M. Delannoy a dressé le tableau des solutions du problème des dix reines;
il y a 92 solutions simples dont 3 semi-régulièresj donc, en tout, 724 po-
sitions. Dans ce tableau, la dixième ligne est désignée par o.
I" Tableau des solutions simples du problème des neuf reines.
368
372
386
463
468
479
483
5 79
579
596
683
748
748
2417
247 1
24975
8 5946
92574
92857
25397
82596
25863
97526
38246
42863
42837
74295
35926
39625
96358
39685
2483
2497
2497
2579
2579
2 58i
2 58 I
2586
2586
2594
26 I 3
2617
2619
263 I
2693
2751
9615
3 I 68
53 16
3641
48 I 3
3 69 7
9637
9314
93 I 7
i863
7948
5394
5847
8497
5841
9468
2796
2814
28 53
2869
3582
3582
3592
3629
368 I
3685
3697
3728
386 I
4279
3 1485
79635
96417
31475
96 I 74
97146
47 I 86
5 1847*
59247*
I 9724
41825
59164
92574
18536
E. Lucas. — Récréations mathém.
226
Note IV.
2» Tableau des solutiojis simples du problème des dix reines.
368o
3697
3697
3970
4693
4702
47o3
4706
4 708
4708
4708
4958
4972
4970
4079
5704
58o3
5807
5069
6470
6470
6497
6407
59247
04258
04285
42 586
08257
95386
92 5 86
Q25 38
25369
35926
52936
03627
o3685
36258
35286
29368
72469
42963
24738
39258
82539
30258
93528
i683
1680
1693
1693
1695
i6o3
I 796
I 849
1 869
2468
2483
2480
2497
2407
2571
2 58 I
2584
2586
2 5 8 o
2591
2594
2637
2637
7925
04
4935
72
8420
57
0742
58
0842
7 ^
7942
58
3o85
24
7306
25
3047
52
01 35
7 9*
9601
75
5961
37
5 0 I 6
83
Q 6 3 I
85
069384 1
7o36
49
7 0 3 I
69
3071
49
369 i
47
047D
86
086 3
I 7
019584
o85 I
49
2 6 3 o
2683
2 68 3
2691
2697
2603
2793
2706
2839
2859
2803
2804
2918
2938
2930
2950
2961
2963
2968
2973
2970
3528
3570
859417
I 95047
740 I 95
85 3074
o I 3 5 84
7941 58
804615
195384
750164
160374
964175
159637
530746
046137
74 15 86
146837
307485
041857
013574
085146
4 1586 3
074196
461928
359160
359207
359410
362019
364019
368 147
368019
368041
369147
369147
369105
372861
382710
386205
386910
380162
396027
425910
428013
469501
483501
485201
485910
7248
41 86
8627
5847
5827
0295
5247
5297
0 2 58*
0825
7248
o594
5964
1497
5724
5794
1485
8637
6975
3827
9627
7936
2637*
Depuis quelques années, de nouveaux et nombreux résultats ont été ob-
tenus sur le problème des tours (p. 66), sur le problème des fous (p. 69), et
sur celui des reines. Cependant, on n'a pu trouver jusqu'à présent des for-
mules générales pour les problèmes des fous et des reines, tandis que l'on
peut obtenir complètement la solution de diverses questions sur le problème
des tours, en s'imposant certaines conditions. Dans notre Mémoire Sur
l'Arithmétique figurative (Congrès de Rouen, 188 3), nous avons donné d'une
manière générale les nombres des solutions du problème des tours ou des
permutations figurées dans les cas suivants :
I» Solutions symétriques par rapport au centre de l'échiquier;
2» » » ■» à une diagonale ;
30 „ )> » aux deux diagonales;
4° Solutions qui coïncident avec elles-mêmes en faisant tourner V échiquier
d'un quart de tour;
Note IV. '2.^']
6° Solutions n'ayant aucune tour sur une diagonale;
6" Solutions symétriques par rapport à une diagonale et n'ayant aucune
tour sur cette diagonale;
7» Solutions symétriques par rapport au centre et n'ayant aucune tour
sur l'une des diagonales ;
8", 9° Solutions symétriques par rapport aux deux diagonales et ne con-
tenant aucune tour sur une ou sur deux diagonales.
En particulier, le cinquième cas, traité par Euler, donne la solution du
fameux et di f^cUe problème des rencontres, qui revient à de'terminer le
nombre des permutations de n éléments dans lesquelles chacun des éléments
ne peut occuper la place qu'il occupe dans l'ordre naturel. On doit surtout
remarquer dans notre travail la très élégante méthode indiquée par M. Neu-
berg, professeur à l'Université de Liège. Celle-ci s'applique à un grand
nombre d'autres problèmes et_, en particulier, à l'étude des arrangements
discordants d'un arrangement donné, c'est-à-dire des arrangements tels que
chacun des éléments occupe une place différente de celle qu'il occupe dans
un arrangement désigné à l'avance. Il y a lieu de chercher encore le nombre
des arrangements discordants de deux arrangements donnés et, en parti-
culier, le nombre des permutations figurées n'ayant aucune tour sur une
diagonale, ni sur une ligne parallèle obtenue en élevant toutes les cases de
cette diagonale d'un même nombre de rangées. Plus particulièrement, le
problème de déterminer toutes les solutions du problème des tours, n'ayant
aucune tour sur une diagonale et sur la parallèle contiguë_, revient au Pro-
blème des n ménages que l'on énonce ainsi : Des femmes en nombre n .sont
assises dans un ordre déterminé autour d'une table ronde; de combien de
manières leurs maris peuvent-ils se placer, de telle sorte que chaque homme
soit placé entre deux femmes, mais sans se trouver immédiatement à la di'oite
ou à la gauche de la sienne? — On observera que si l'on n'impose qu'une seule
condition, à savoir que le mari ne peut se trouver à la droite (ou à la gauche)
de sa femme, afin d'éviter le mariage de la main droite ou de la main gauche
le problème des ménages revient à celui des rencontres. 11 fallait donc
résoudre le problème des rencontres avant celui des ménages.
Nous avons encore démontré que, sur l'échiquier de n' cases, on peut
placer un nombre maximum de fous égal à ^n — 2, de 2" manières diffé-
rentes, en supposant que deux fous quelconques ne soient pas en prise^
Dans ce cas, les fous doivent toujours être placés sur les bords de l'échi-
quier.
Enfin, nous avons fait voir que, dans le problème des tours, le nombre
des tours placées sur les cases de même couleur que celle des cases de la
diagonale principale est toujours un nombre pair.
Dans le même volume du Compte rendu de l'Association française, au
228
Note IV,
Congrès de Rouen, nous devons encore signaler les intéressants Mémoires
de MM. Mantel et Parmentier. Dans son travail sur les Combinaisons d'élé-
menîs dispersés dans un plan, M. Mantel, professeur à Delft, a déterminé
le nombre X, des manières distinctes de placer deux reines, non en prise,
sur un échiquier de m» cases, et a donné la formule
X, = i«(«-i)(«-2)(3«-i)
Il a montré que le nombre des manières de placer p reines non en prise,
Sur l'échiquier de w* cases, en supposant p <n, peut être représenté par un
polynôme en n de degré ^p.
Dans son Mémoire sur le problème des n reines, M. le général Parmentier
a donné le tableau complet des solutions pour n = 7,8,9. En outre, il a
donné les nombres des solutions du problème des reines énoncé à la page 81,
pour 9 reines. En plaçant les nombres des solutions dans les cases qui cor-
respondent à la position initiale d'une première reine, on forme ainsi pour
les échiquiers de 8* et 9» cases, les figures suivantes :
Fig. 22 bi
Fig. 22 ter.
40
8
36
20
4
12
28
38
38
16
14
8
32
44
48
44
4
8
16
18
28
3o
47
44
54
Au lieu de se donner une seule position initiale, on peut prendre les po-
sitions initiales de deux reines. En particulier, il existe des groupes de posi-
tions de deux reines pour lesquels le problème des huit reines est impossible.
En complétant la notation de l'échiquier, d'après \2ifig. 22 (p. 81), et en
ne considérant que les positions de deux reines non en prise, on trouve que
Note IV.
229
le problème des huit reines est impossible lorsque l'on se donne comme
cases initiales
11 avec 23, 24, 28, 36, 37, 46, 47, 56, 68, 78;
12 avec 55, 57, 63, 66, 74, 75, 86, 87;
i3 avec 36, 52, 76;
14 avec 53;
23 avec 36, 66;
24 avec 47, 63, 66, 75;
34 avec 46, 75,
ou des positions symétriques par rapport à une diagonale; d'autre part, avec
la case 1 1, on peut choisir de 35 manières différentes une autre case, de telle
Fig. 22 quatcr.
4
1
2
5
6
3
3
5
6
1
2
4
5
1
•
4
3
6
2
6
3
2
3
•
•
4
5
1
5
6
•
1
2
4
2
4
1
6
•
3
5
•
6
2
3
4
5
1
•
1
•
4
5
2
3
•
6
■ sorte que le problème des huit reines soit possible, en ajoutant six reines
aux deux premières.
On peut encore se proposer cet autre problème de superposer, sans con-
23o Note IV.
usion, plusieurs solutions du problème des reines. Ainsi, pour l'échiquier
de 8^ cases, on peut superposer jusqu'à six positions du problème des huit
reines; en particulier, nous avons trouvé la solution suivante, dans laquelle
les mêmes chiffres correspondent à une même solution du problème des
reines. On résout ainsi la question suivante : Etant donnés 6 groupes de
8 jetons et de couleurs différentes, placer les 48 jetons sur les cases d'un
échiquier ordinaire, de telle sorte que deux jetons de même couleur ne puis-
sent se trouver sur une même ligne horizontale, verticale ou diagonale.
On peut encore superposer, mais d'une façon moins symétrique, les six
solutions qui correspondent aux numéros de la page 79, à savoir :
8, i5, 43, 5o, 78, 85,
ou encore
2, i3, 3i, 62, 80, 91.
Dans le Bulletin de la Société mathématique de France (tome XI),
M. Perolt a ajouté une contribution importante au problème des tours et à
celui des fous. En particulier, il a trouvé que sur les Zz cases blanches (ou
noires) de l'échiquier ordinaire, on peut placer r fous, non en prise, pour
r = I, 2, 3, 4, 5, 6, 7, de//, manières différentes. Les nombres v et fr sont
donnés dans le tableau (p. 229 ).
r :
I,
2,
3,
4,
5,
6,
7;
fr:
32,
356,
1704,
3532,
2816,
632,
16;
d'ailleurs/,. = o pour r > 7. En outre, si n désigne l'un des quatorze pre-
miers entiers, le nombre F„ de manières de placer n fous, non en prise,
sur l'échiquier ordinaire de 64 cases, est donné par la formule
E7/ = f,i +/t fn - 1 +/2 fn - 2 -I- • • . +/» - 1 /i +/«•
Ainsi pour n = 8, on peut placer huit fous, non en prise, sur l'échiquier
ordinaire, de 22522960 manières différentes.
M. le docteur Pein, professeur à la Realschule de Bochum, a repris d'une
manière complète l'historique et l'exposé des diverses méthodes du problème
des reines (').
Dans cet ouvrage de 62 pages in-4', on trouve sept planches gravées don-
nant les figures de toutes les positions du problème des n reines pour
n = 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10. L'auteur nous apprend que c'est à Gauss que l'on
doit la méthode que nous avions attribuée à M. Laquière. Dans une lettre à
Schumacher, datée de i85o, Gauss a encore indiqué le moyen de faciliter
(*) AuGUST Pein. — Jufstellung von n Kôniginnen aufeinen Schachbrette von n* Fel-
dern, von n = 4. his n= 10. — Leipzig, Teubner; 1889.
Note IV. 23 1
le triage des positions des reines par l'emploi de cartons mobiles découpés
en étoiles et servant à masquer les cases commandées par la position d'une
reine.
Au mois d'octobre 1889, M. Claude Botton nous adressait de Montvazon,
près Valognes, les résultats de ses recherches sur le nombre des solutions
du problème des on^e reines et des observations intéressantes sur la filia-
tion ou la généalogie des solutions quand on passe d'un échiquier de m= cases
à l'échiquier de (n + if cases. En même temps, M. Henri Tarry, ancien élève
de l'École Polytechnique, inspecteur des finances à Alger, nous envoyait
le tableau des solutions simples du problème des onze reines. Les résultats
trouvés par nos deux collaborateurs sont identiques. Il existe 341 solutions
simples du problème des onze reines, parmi lesquelles 12 sont semi-régu-
lières, ce qui fait un total de 2680 solutions.
M. Tarry a présenté au congrès de Limoges (1890) les tableaux de ses
calculs; en outre, il a dressé le tableau des solutions qui commencent par i
dans le problème des doui^e reines ; il en a trouvé 248 qui correspondent à
124 solutions simples. De plus, il a donné des formules qui permettent
de calculer le nombre de positions que peuvent occuper les deux, trois,
quatre, cinq premières reines^ sur l'échiquier de «' cases. Ainsi, sur l'échi-
quier de deux cases de largeur et de n cases de hauteur, en supposant n > 4,
le nombre des positions de deux reines non en prise est égal à
sur l'échiquier de trois cases de largeur et de n cases de hauteur, en
supposant riyÇ», le nombre des positions de trois reines non en prise est
égal à
(m— 3)(m= — 6«-f-i2);
sur l'échiquier de quatre cases de largeur et de n cases de hauteur, en
supposant «^8, le nombre des positions de quatre reines non en prise est
égal à
n' — i8n' + i3o?î' — 534n -4- 840.
Pour compléter ces renseignements, nous ajouterons que nous avons
publié sur le sujet qui nous occupe, au point de vue de l'exécution pratique,
sans voir l'échiquier, deux articles dans les numéros 697 et 701 du journal
la Nature de M. Gaston Tissandier. Mais, malgré tant d'efforts, la solution
générale du problème des n reines est loin d'être connue; cependant, dans
une Note qui termine l'opuscule de M. le général Frolow (*), naus avons
C) Frolow. Les carrés magiques, nouvelle e'^ude, avec des Notes par MM. Delannoy
et Ed. Lucas. Paris, Gauthier- Villars; 1886.
232 Note V,
démontré que le nombre des solutions ordonnées du problème des n reineS;.
par progression arithmétique [voir p. 83-86), est égal à la fonction numé-
rique
dans laquelle a, b, c, ... , désignent les différents facteurs premiers qui
divisent n.
NOTE V.
Sur le Solitaire à 41 cases.
Nous avons donné aux pages 117, 118, i3i et i32 quelques dévelop
pements sur le solitaire à quarante et une cases. Mais, depuis, on est par-
venu à la solution complète des possibilités et des impossibilités des réus-
sites, en prenant une case initiale quelconque (/ig: 3r, p. 117). Au mois
d'avril i883, M.Mantel, professeur àDelft, nous a adressé la réussite suivante,
en prenant 13 pour case initiale et 42 pour case finale.
il h 245i24^?5.M?!Z45!i457^^4l 6254
i3' 14' 24' 34' 26' 37/ 48' 54' 64' 65' 5^' 65* 63' 64' 74'
84 55* 65 73 23 4.3 5i 3i 63 43 i3 41 34 22 43 40
6^' "Tô ' 63' 53' p' 63' 53' 33' ^3' Tî' 33' ^3' 3^' ^* ^7' ^'
Au mois de février 1887, M. Chicandard, pharmacien à Paris, nous a
adressé deux autres réussites, en prenant 37 pour case initiale et 37 ou 64
pour case finale; elles contiennent sept coups triples et débutent ainsi :
37 45 26 34 1^ 04_* 1£ 36 ££ .'52 22
57' 47' 46' 36' 35' 24' 33' 34' 33' 32' 42'
34 3^ 62 54 73 402 51^ 43 46^ 6^ 55_*
32 ' 52 ' 42 ' 52 ' 53 ' 42 ' 53 ' 45 ' 48 ' 84 ' 75 '
Elles se terminent par l'une ou l'autre des opérations
66 45 57 57 45 66
Ï6' T7'W 55' r5' 6i'
Note V. 233
Les huit derniers coups de la réussite de M. Hermary, que nous avons
décrite à la page ii8, peuvent être remplacés par les six derniers de la
réussite de M. Ghicandard. En rapprochant ces divers résultats, on voit que
l'on obtient particulièrenient les solutions théoriques possibles en prenant
pour case initiale ou finale 13, 24 et toutes celles qui correspondent par
rotation ou par symétrie. Il nous reste à démontrer que les autres solutions,
théoriquement possibles, ne peuvent être réalisées sur le solitaire restreint.
Supposons que les cases du solitaire soient garnies alternativement des
couleurs blanche et noire, et que la case 44 soit noire. Dans chaque coup
simple du solitaire, un pion quelconque ne peut prendre qu'un ou plusieurs
pions] situés sur une ou plusieurs cases de couleur opposée à celle de
la case qu'il occupe, pour venir se placer sur une case de même cou-
leur que la sienne. Mais le solitaire de quarante et une cases renferme
seize cases blanches, et seize cases noires sur le pourtour; si l'on prend
une case blanche pour case initiale de la réussite, il reste quinze boules
sur cases blanches et seize sur les cases noires du pourtour; d'autre part, les
boules situées sur les cases du pourtour ne peuvent être prises avant d'avoir
été déplacées, c'est-à-dire avant d'avoir pris un nombre de boules, au
moins égal, situées sur des cases blanches. Par conséquent, quelle que
soit la manœuvre, il restera au moins deux boules sur les cases noires du
pourtour.
Ce critérium d'impossibilité peut s'appliquer à des solitaires de forme
quelconque et peut s'énoncer ainsi '.Lorsqu'un solitaire contient des cases
de même couleur garnies de boules qui ne peuvent être prises qu'après avoir
été déplacées et que le nombre de ces cases n'est pas plus petit que celui des
cases de couleur opposée, la réussite est impossible en prenant pour initiale
une case de cette couleur opposée.
Ainsi, pour le solitaire de 41 cases, la réussite est impossible lorsque
Ton prend pour case initiale une case de couleur opposée à celle de 44. De
même, la réussite est encore impossible, lorsque l'on prend pour initiale
l'une des cases 04, 40, 48, 84, attendu, qu'après le premier coup, on est
ramené au cas précédent. Il en est de même lorsque l'on prend pour ini-
tiale l'une des cases 22, 26, 62, 66.
La démonstration précédente, due à M. Mantel, complète ainsi la solution
du problème des réussites sur l'échiquier de quarante et une cases.
Il reste à élucider la question du solitaire de trente-neuf cases dont nous
avons parlé dans la remarque de la page iSg.
Nous donnerons une autre méthode pour obtenir les Réussites du solitaire
à 41 cases; cette jolie solution nous a été adressée par M. Paul Redon, au
mois de juin 1888. Les réussites possibles sont comprises dans le tableau
suivant.
234
Note V.
Tableau des vingt-huit réussites du Solitaire à 41 cases.
9
10
1 1
12
i3
14
i5
16
17
18
ï9
20
21
22
23
24
2 5
26
27
28
CI.
13
»
15
»
24
»
))
31
»
37
»
42
»
»
46
»
»
51
»
57
»
64
»
73
»
75
»
CF.
15
42
13
46
31
37
64
24
51
24
57
13
46
73
15
42
75
31
64
37
64
24
51
57
42
75
46
73
OBSERVATIONS.
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Réussite C.
Symétrique
Réussite D.
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Réussite A,
Réussite B.
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
Symétrique
inclinée du n» 9. . .
inclinée du n° S. . .
inclinée du n° 18 . .
inclinée du n^ 19 . .
horizontale du n» 5 .
verticale du n» 19 . .
verticale du n» 18 . .
centrale du n» 19 . .
centrale du n° 18 . .
inclinée du n" 5. . .
inclinée du n° 7. . .
inclinée du n° 6. . .
inclinée du n° 23 . .
inclinée du n" 22 . .
inclinée du n" 24 . .
horizontale du n" 18.
horizontale du n" 19.
verticale du n" 7. . .
verticale du n° 5. . ,
centrale du n° 5, . .
inclinée du n" 10 . .
inclinée du n° 1 1 . .
inclinée di^ n° 21 . .
inclinée du n» 20 . .
Il nous reste à exposer la succession des coups pour les Réussites A, B,
C, D, portant les numéros 18, 19, 5, 7.
Réussite A. — De 51 à 31. — On joue d'abord les treize coups suivants,
dont deux triples :
Note VI. .2 35
3i 43 22 34 > 3 04* 15* 32 37 56 26 34 36
57' ^' ^' 3i' 33' Z4' 35' 34' 35' 36' 46' 36' 56*
On ajoute ensuite les trois coups
48 45 40^
46' 43' 42'
Enfin, on joue les treize coups suivants, symétriques des treize coups
du début. On les obtient en écrivant les treize fractions dans l'ordre inverse,
et en retranchant de 8 les premiers chiffres des deux termes de chaque
fraction.
56 54 65 36 57 52 75^ 84^ 73 54 62 43 5£
36' 56' ^' 56' 55' 54' 55' 64' 53' 52' 42' 41' 3:*
Réussite B. — De 51 à 64. — Remplacer les trois derniers coups de la
réussite précédente par
5i 43 62
53' 63' 65'
Réussite C. — De 24 à 31. — Remplacer, dans la réussite A, les trois pre-
miers coups par
22 43 3i
24' 23' 33
Réussite D. — De 24 à 64. — Remplacer, dans la réussite B, les trois pre-
miers coups par les trois premiers de la réussite C.
NOTE VI.
Sur les nombres parfaits.
Nous avons vu (p. i58) que les nombres parfaits proviennent des nom-
bres premiers de la forme N = 2'^ — i.
Dans la Préface générale des Cogiiata physico-mathematica, Mersenne
affirme que les nombres premiers N correspondent aux valeurs
w = I, 2, 3, 5, 7, i3, 17, 19, 3i, 67, 127, 257.
236 Note VI.
et qu'il n'en existe pas d'autres pour » plus petit que 257. Il résulte de ce
curieux passage, remis en lumière par M. Genocchi, que Mersenne était
en possession d'une méthode importante dans la théorie des nombres; mais
cette méthode ne nous est point parvenue. En cherchant à vérifier l'asser-
tion précédente, nous avons d'abord rencontré le théorème suivant :
Si « = 4^-f-3 est un nombre premier^ en même temps que 2M4-i, le
nombre N = 2" — i est divisible par 2»+ i. Par suite, en consultant la
table des nombres premiers, on en conclut que, pour les valeurs de n suc-
cessivement égales à
II, 23, 83, i3i, 179, 191, 239, 25i,
le nombre N n'est pas premier. Pour d'autres valeurs du nombre premier
M, Fermât a trouvé que 2" — i est divisible par 223; Plana a trouvé que
2*' — I est divisible par 1 3 367 ; M. Landry a trouvé que les nombres 2" — i ,
2" — I, 2=' — I, 2" — I, sont respectivement divisibles par 43i, 235i, 636i
et 179951; enfin M. Le Lasseur a montré que, pour les exposants n
73, 79, 97, ii3, i5i, 211, 223, 233,
les nombres 2" — i sont respectivement divisibles par
439, 2687, 11447, 3391, 18121, 15193, 18287, 139g.
De plus, M. SeelhofF, de Brème, a démontré que 2«* — i est premier, ce
qui donne le neuvième nombre parfait.
Il reste donc à déterminer la nature des nombres N pour les vingt-trois
exposants
67, 71, 89, loi, io3, 107, 109, 127, 137, 139, 149, 157,
i63, 167, 173, 181, 193, 197, 199, 227, 229, 241, 257.
PoAir vérifier la dernière assertion de Mersenne, sur le nombre supposé
premier 2"' — i, et qui a 78 chiffres, il faudrait, en se servant des anciennes
méthodes, que l'humanité, formée de mille millions d'individus, calculât
simultanément et sans interruption, pendant un temps au moins égal à
un nombre de siècles représenté par un nombre de vingt chiffres. Nous
avons indiqué dans notre Théorie des fonctions numériques simplement pé-
riodiques {Journal de Sylvester^t. I, p. 304; Baltimore, 1878), une nou-
velle méthode qui permettait à une seule personne de résoudre la question
en moins de trois mois, avec V Arithmomètre de Thomas.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Finito libro, sit laus et gloria Christo!
Detur pro pœna scriptori pulcra puella.
Penna, precor, cessa, quoniam manus est mihi fessa,
Explicit hic totum, pro pœna da mihi potum.
LES joyeux vers qui précèdent sont placés à la fin de plusieurs ma-
nuscrits conservés à Dresde et à Padoue et qui ont pour titre : Sola-
tium ludi Scacchorum, scilicet regiminis ac morum liominum, et
officium Virorum Nobilium, quorum formas si quis menti impresserii^
bellum Ipsum ^ et Ludi virtutem corde faciliter poterit obtinere. C'est
l'œuvre d'un moine picard, de l'ordre des Frères Prêcheurs, Jacobus de
Cessolis, né à Césoles, au xiii" siècle. La Bibliothèque Nationale de Paris
possède plusieurs manuscrits de cet auteur, sur le jeu des échecs, sous le
titre : Moralitates super ludo Scacchorum, n°' 8234, 4319, 6287, 6492,
6493, 6705 à 6709, 6782, 6783 du fonds latin.
Nous donnons ci-après, suivant l'ordre chronologique, l'indication des
principaux livres, mémoires, extraits de correspondance, qui ont été pu-
bliés sur l'Arithmétique de position et sur la Géométrie de situation. Nous
avons surtout choisi les documents qui se rapportent aux sujets que nous
avons traités ou que nous traiterons ultérieurement.
^^
2 38 Index bibliographique.
XVF SIECLE.
Chuquet. — Jeux et Esbatemens qui par la science des nombres se font.
— F" 206-210 d'un manuscrit de la Bibliothèque Nationale (1346 du F"*'
Français) intitulé : Triparty en la science des nombres. On y trouve la
notation des exposants et la règle des signes (1484).
Lucas de Burgo. — Euclidis opéra a Campano interprète fidissime trans-
lata Lucas Paciolus, theologus insignis, altissima mathematicarum disci-
plinarum scientia rarissimus.judicio castigatissimo detersit. VenQÙis, ibog.
Damiano. — Livro da imparare giuocare a Scacchiy etc. Romae, i5i2. —
On attribue à cet auteur portugais le coup du gambit, qui consiste à sacri-
fier, au troisième coup de la partie d'échecs, le cavalier du roi.
Albert DOrer donne dans la Melencholia, gravée en 1 5 14, la figure d'un
carré magique de seize cases.
S'ensuit jeux, partis des Esche:ç, compose:^ nouvellement pour récréer
tous nobles cueurs et pour éviter oysiveié à ceulx qui ont voulonté, désir et
affection de le sçavoir et apprendre, et est appelé ce Livre, le jeu des Princes
et Danioiselles. Paris, vers i53o. — On y trouve la course du cavalier sur la
moitié (32 cases) de l'échiquier ordinaire.
Agrippa von Nettesheim. — De occulta philosophia libri très. Goloniae,
i533.
De Bouvelles. — Livre singulier et utile, touchant l'art et practique de
Géométrie, nouvellement en françoys, par maître Charles de Bouvelles,
chanoyne de Noyon. Paris, 1542. — Caroli Bovilli Samarobrini Geometri-
cum opus duobus libris comprehensum. Lutetiae, iSSy.
Propositiones arithmeticœ ad acuendos juvenes. — Cet ouvrage, imprimé
sous le nom de Bède, en i543, inséré dans les Œuvres d'ALcuiN, par l'abbé
de Saint-Emeran, en 1777, doit être considéré, d'après Montucla {Histoire
des Mathématiques, t. I, p. 496), comme le germe des Récréations mathé-
matiques.
Stiefel. — Arithmetica intégra. Norimbergae, i 544.
Riese. — Rechenung nach der lenge, auffder Linichen und Feder. Leipzig,
i55o. ,
Cardan. — De subtilitate libri XXL Norimbergae, i55o. — Cet ouvrage
a été traduit en français par Richard Leblanc, sous le titre : Les Livres
d'Hieronymus Cardanus, de la Subtilité et subtiles Inventions, ensemble les
causes occultes et les raisons d'icelles. Paris, i556.
Tartaglia. — Quesiti et inventioni diverse. Venetia, 1654.
Rythomachiœ, sive Arithmomachia ludi mathematici ingeniosissimi des-
criptiones duœ. Erphordiae, 1577.
GiANUTio della Mantia. — Libro nel quale si traita délia maniera di
Index bibliographique. 2 3q
giuocar a scacchi, con alcuni sottilissimipartiti. Turin, iSgy. — On y trouve
une course du cavalier sur le demi-échiquier de 32 cases; en prenant la
symétrique, et en réunissant les deux courses, on obtient un circuit donné
par EuLER, deux siècles plus tard.
MoNANTEuiL. — Liidus astromathematicus. Paris, iSgy.
Diego Palomino a publié un ouvrage sur les carrés magiques. Madrid,
1599.
'mSi
XVII' SIECLE.
Bachet de Méziriac. — Problesmes plaisans et délectables qui se font
par les nombres. Paris, 16 12. Deuxième édition, en 1624. Troisième et
quatrième, par Labosne, en 1874 et en 1879, à Paris.
D. H. P. E. M. (D. Henrion, professeur es mathématiques). — Deux
cens questions ingénieuses et récréatives, extraictes et tirées des œuvres
mathématiques de Valentin Menher, Allemand, avec quelques annotations
de Michel Coignet sur aucune d'icelles questions. Paris, 1620.
Van Etten. — Récréation mathématique. Paris, 1626.
ScHWENTER. — DcUcice physico-mathematicœ. Norimbergae, 1626. — Cet
ouvrage a été augmenté de deux volumes en i65i, par Harsdorffer.
Récréations mathématiques composées de plusieurs problèmes d'Arithmé-
tique, Géométrie, etc. Rouen, 1628.
Remmelin. — Adyta numeri reclusa. Kempten, 1629.
Mersenne. — Questions inouyes, ou récréation des sçavants. Paris, i633.
WiNANT VAN Westen, — Récréatious mathématiques contenant plusieurs
problèmes, etc. Nimègue, i636.
Bettinus. — Apiaria universce philosophiœ mathematicce. Bononiae, 1645.
— Un troisième volume en i656.
Caspar ens. — Thaumaturgus mathematicus. Coloniae, i636 et i65i.
Forset:(ung der mathematischen und philosophischen Erquickstunden.
Nûrnberg, i65i. — Le même, avec figures, i653.
Leake. — Mathematical récréations. London, i653.
La maison académique contenant un recueil général de tous les jeux
diveriissans pour se réjouyr agréablement dans les bonnes compagnies.
Paris, 1654. — Dans son Dictionnaire des ouvrages anonymes, Barbier
attribue ce livre au sieur de la Marinière.
'Q^iym\5s>. — Recreationum mathematicarum apiaria novissima duo cim,
accessit Coronidis loco appendix. Bononiae, i658
240 Index bibliographique.
Aureoli Philippi Theophrasti Paracelsi ab Hohenheim opéra. Genevae,
i658.
ScHOTT. — Cursus mathematicus. Herbipoli, 1661. — Ce volume con-
tient, sous le titre : Arithmetica divinatoria, des problèmes plaisants et dé-
lectables.
FiJRSTENBACH. — Maunkafter Kunstpiegel. Augsburg, i663.
ScHOTT. — Technica curiosa, seu mirât ilia artis. Norimbergge, 1664.
KiRCHER. — Arithmologia sive de abditis Numerorum mysteriis. Romae,
i665.
OuGHTRED. — Mathematical récréations lately compiled by H. VanEtten,
invented and written by W. Oughtred. London, 1667.
La maison des jeux académiques contenant un recueil général de tous
les jeux divertissans pour se réjouir et passer le temps agréablement.
Paris, 1668.
Récréations mathématiques, composées de plusieurs problèmes plaisans et
facétieux, etc. Lyon, 1669 et 1680.
Blierstrop. — Arithm. geom. quadrat. cubic und costische Erquick-
stunden. Glùckstadt, 1670.
Leybourn. — Arithmetical Récréations. London, 1676.
Knorr von Rosenroth. — Kabbala denudata. Sulzbaci, 1677,
Fermât. — Varia opéra mathematica, Tolosae, 1679.
E. W. — Ludus mathematicus. London, 1682.
KocHANSKi. — Considerationes qucedam circa Qiiadrata et Cubos magi-
coSy nec non aliquot Problemata omnibus Arithmophilis ad investi g ayidum
proposita (Acta Eruditorum, p. 391), 1686.
La Loubère. — Du Royaume de Siam. Amsterdam, 1691. — On y trouve
des renseignements sur les carrés magiques des Indiens.
Danxt. — Ai'iihm. geom. algebr. und historische Ergôt^^lichkeiten. Co-
penhngue, 1691.
Frénicle de Bessy. — Des Quarrés ou Tables magiques. Table générale
des quarrés magiques de quatre [Mém. de VAcad. Roy. des Se, depuis
1666 jusqu'à 1699, t. V, p. 209 et 3o3). Paris, 1729.
Ozanam. — Récréations mathématiques. Paris, 1694. — Cet ouvrage a eu
beaucoup d'éditions avec additions successives.
Divertissemens innocens contenant les règles du jeu des échecs, du bil-
lard, etc. La Haye, 1696.
^»
Index bibliographique. 241
XVIIl» SIECLE.
Poignard. — Traité des Quarrês sublimes. Bruxelles, 1704.
R. P. SÉBASTIEN Truchet. — Mémoire sur les combinaisons {Mém. de
VAcad. Roy. des Se. pour l'année 1704, p. 363). Paris, 1706.
De La Hire. — Nouvelles constructions et considérations sur les quarrés
magiques^ avec leurs démonstrations. — Construction des quarrés magiques
dont la racine est un nombre pair {Mém. de VAcad. Roy. des Se. pour
l'année 1705, p. 167). Paris, 1706.
De Montmort. — Essai d'analyse sur les jeux de hasard. Paris, 1708 et
1714,
Sauveur. — Construction générale des quarrés magiques {Mém. de
VAcad. des Se. pour l'année 17 10, p. 92). Paris.
Leibniz. — Annoiatio de quibusdam ludis imprimis de ludo quodam
Sinico, differentiaque scacchici et Latrunculorum {Mise. Soc. reg., t. L)
Berlin, 1710. Voir aussi Leibni{ii Epistol.a Kortholto editis, t. II. p. 278,
et Fellerii monum. inédit., p. 642.
Pescheck. — Alte und neue arithmetische und geometrische Erquick-
stundenund E)gôt:(lichkeiten. Budithin, 1716.
Leirtig. — Ludus mathemaiicus, sive crux geometrica. Jenae, 171 6.
Halken. — Deliciœ mathematicœ. Hamburg, 171g.
Otia mathematica. Salisbury, 171 9.
Maier. — De arithmetica figurata ejusque usibus aliquot{Comm. Acad.
Petropol.., t. III). Saint-Pétersbourg, 1735.
Stamma. — Essai sur le jeu des échecs. Paris. 1737.
RoHLFS. — Kiinstliches Zahlenspiel oder grundliche Anweisung^wie die
sogenannten magischsn Quadrate p[u verfertigen. Buxtehude, 1742.
RosT. — Mathematischen Lost und Nut:(garten. Nûrnberg, 1745.
Ressing. — Arithmetischer und algebraischer Zeitbertreib. Hamburg,
1747.
Les Amusements mathématiques. Paris et Lille, 1749.
D'ons en Bray. — Méthode facile pour faire tels quarrés magiques que
l'on voudra {Mém. de VAcad. Roy. des Se. de Paris pour l'année 1750).
Arnaud. — Nouveaux éléments de géométrie. Paris, 1768.
ëuler. — Solutio problematis ad geometriam situs pertinentis {Mém. de
VAcad. des Se). Berlin, 1759.
Euler. — Solution d'une question curieuse qui ne paraît soumise à au-
cune analyse {Hist. de VAcad. des Se. de Berlin, t. XV, p. 3io).
Euler. — Problema algebraicum ob affectiones prorsus singulares mémo-
rabile {Nov. Comm. Acad. Petrop., t. XV, p. 75 ).
E. Lucas. — Récréations mathém. i6
242 ■ Index bibliographique.
EuLER. — Recherches sur une nouvelle espèce de quarrés magiques {Mém.
de la Soc. des Se. de Flessingue, t. IX, p. 85).
BoNAVENTURE. — Amuscments philosophiques. Amsterdam, lyôS,
Rallier des Ourmes. — Mémoire sur les quarrés magiques {Mém. de
l'Acad. Roy. des Se. de Paris pour l'année 1763).
Benjamin Franklin. — Experiments and observations on Electricity...
to which are added Letters and Papers on philosophical subjects. London,
1764.
Veritas quadrata mathematica, physica, philologica, theologica. Amste-
lodami, 1765.
Lelio della Volpe. — Corsa del cavallo per tutfi scacchi dello scac-
chiere. Bononia, 1766.
Capito. — Aile magischen Qiiadrattafeln :(u'verfertigen^ d. i. die Zahlen
aller geraden und nngeraden Quadraten grundlich ausiurechnen, leicht j^m
ordnen, und viele Millionenmal eben so leicht ^u veràndeni, dass sie in die
Lange, Breite und uber's Creut^ einerlei, und die verlangte Summe
bringen. Gluckstadt, 1767.
Vandermonde. — Remarques sur les problèmes de situation {Mém. de
VAc. des Se. de Paris pour l'année 1771, p. 566).
GuYOT. — Nouvelles récréations physiques et mathématiques. Paris, 1772.
MoNGE. — Réflexions sur un tour de cartes {Mém. des Sav. étr., t. VII,
p. 390). Paris, 1773.
GoLUNi. — Solution du problème du cavalier au jeu d'échecs. Mann-
heim, 1773; chez Tobie Leffler, au Chandelier d'Or.
HuTTON. — Miscellanea mathematica. London, 1775.
Chaula. — Récréations mathématiques. Paris, 1778. — Cet ouvrage est
attribué à Montucla.
LuYA. — Amusements arithmétiques et algébriques de la campagne.
Genève, 1779.
Bai^lièredeLaisement.— Essaisurles problèmes de situation. Rouen^i'j82.
FoNTANA. — Opuscoli matcmatici sopra il teorema della conifosi^ione
délie for^e, e sopra il calcolo intégrale délie différencie finite. Pavia, 1789.
— On trouve à la page 45 de cet ouvrage la solution du problème de la
tour au jeu des échecs. ,
VoN C'LK\]?,?.'BEKG. — Démonstrative Rechenkunst. Leipzig, 1795.
Index bibliographique. 248
XIX' SIECLE.
GiACOMETTi. — // miovo giuocho di Scacchi, ossia il giuocho délia guerra.
Geneva, 1801.
LoRENz. — Lehrbegriff der Syntaktik und Kombinationslehre. Magde-
burg, 1806.
Brunacci. — Compendio di calcolo sublime. Milan, 181 1. — Dans le t. I,
p. 74, l'auteur traite le problème de la tour au jeu des échecs.
MoLLWEiDE. — De quadratis magicis commentatio. Lipsiae, 1816.
G. GiccoLiNi. — Il tentativo di un nuovo giuocho di Scacchi. Roma, 1820.
Cet ouvrage contient deux circuits du cavalier sur l'échiquier de 100 cases.
Warnsdorf. — Des Rosselsprungs einfachste und allgemeinste LiJsung,
1823.
Jackson, — Rationul amusements for rvinter evenings. London, 1824.
Pratt. — Studies of Chess. London, 1825.
HiNDENBURG. — Uebcr Gitter und Gitterschrift {Journal de Crelle, t. II,
p. 87). Berlin.
Legendre. — Théorie des nombres, 3« édition. Paris. — On trouve, t. II,
p. 187, quelques recherches sur le saut du cavalier.
Muser. — Récréations arithmétiques. Munster, i83i.
T. CiccoLiNi. — Del cavallo degli Scacchi. Paris, i836.
HoHNDELL. — Praktische Anleiiung ^ur Bildung und Berechnung magis-
cher oder sogenannter Zauberquadrate. Leipzig, 1837.
VioLLE. — Traité complet des carrés magiques. 1 vol. in- 8 avec atlas
contenant 400 figures. Paris et Dijon, i838.
ZucKERMANDEL. — Rcgcln, nach denen aile Zauberquadrate^ mit gleichen
Liniensummen, leicht und schnell, auf eine spielende Art, gebildet rverden
kônnen. Nûrnberg, i838.
De Lavernède. — Froblème de situation, dans les Mémoires de l'Aca-
démie du Gard (1839).
Du Hays. — Sur le jeu de loto {Journal de Liouville, t. VII, p, iq2).
Paris, 1842.
LiBRi. — Sur remploi, dans V analyse^ des fonctions discontinues, pour la
recherche des formules générales {Comptes rendus de VAcad. des Se). Paris,
1842.
ToMLiNSON. — Amusements in Chess. Londres, 1845.
Listing. — Vorstudien ^ur Topologie (Abgedrûckt aus den Gôttinger
Studien). Gottingue, 1848.
Rbiss. — Beitrage ^ur Théorie des Solitàr-Spiels {Journal de Crelle,
t. LIV). Berlin.
244 Index bibliographique.
Cattois. — Calendrier mental grégorien, ou les Curiosités mathématiques,
utiles, instructives et amusantes. Orléans, i852.
MiNDiNG. — Sur la course du cavalier {Journal de Crelle, t. XLIV,
i852).
Lamarle. — Solution d'un coup singulier du jeu de dames {Mém. de
VAcad. des Se, t. XXVII). Bruxelles, i852.
Slyvons. — Application de V Analyse aux sauts du cavalier du jeu des
échecs; Bruxelles, i856.
Hamilton. — Mémorandum respecting a new System of roots of unity
{Philosophical Magasine). London, i856.
Lange. — Handbuch des Schachspiels. Halle, i856.
HuGEL. — Die magischen Quadrate mathematisch behandelt und bewiesen.
Ansbach, iSSg.
Listing. — Der Census raûmlichen Complexe {Gottinger Abhandlungen,
1861).
C. DE Polignac. — Sur la course du cavalier au jeu des échecs {Comptes
rendus de VAcad. des Se, t. LU, p. 840). Paris, 1861.
Jaenisch. — Traité des applications de V analyse mathématique au jeu
des échecs. Saint-Pétersbourg, 1862.
Cretaine. — Études sur le problème de la marche du cavalier au jeu des
échecs et solution du problème des huit dames. Paris, i865.
Plateau. —Sur une récréation arithmétique {Bulletin de VAcad. de Bel-
gique, t. XVI, p. 62. Bruxelles, i863, et t. XXXVIIL Bruxelles, 1874).
Ed. Lvcas. — Application de V Arithmétique à la construction de l'armure
des satins réguliers. Paris, 1867.
MooN. — On the Knights move at Chess {Cambridge and Dublin math.
Journ., V série, t. III, p. 333).
Frost. — General solution and extension of the problem ofihe i5 schools
girls {The Quarterly Journal, t. VI, VII, VIII et IX). London, 1867-
1870).
Thompson. — On magie Squares ( The Quarterly Journal of pure and
applied mathematics,t. X, p. 186. London, 1869; t. XI, p. 57, 12 3, 2x3).
Borner. — On the algebra of magie squares. { The Quarterly Journal,
t. XI, p. 57 et 123; t. XII, p. 2i3) London, 1870.
Reiss. — Évaluation du nombre de combinaisons, desquelles les 28 dés
dhinjeu de dominos sont susceptibles d'après la règle de ce jeu (Annali di
matematica, t. V, p. 63). Milano, 1871.
VoLPicELLi. — Solu^^ione compléta e générale mediante la geometria di
situa^ione del problema relativo aile corse del cavallo sopra qualunque
scacchiere. Roma, 1872.,
L. Gros. — Théorie du baguenodier, par un clerc de notaire lyonnais.
Lyon, 1872.
Index bibliographique. 245
ExNER. — Der Rosselspriing als Zaïiberquadrat. Hirschberg, 1872.
Drach. — An easy gênerai rule for JUding up ail magie squares ( The
Messenger of mathematicsy t. II). Cambridge, 1873.
Von Pessl. — Ueber eine besondere Art magischer Quadrate. Amberg,
1873.
Broch. — Sur la représentation graphique des nombres complexes ( Assoc.
franc, pour l'A vanc. des Se; Congrès de Lille, 1874).
GiJNTHER. — Zur mathematischen Théorie des Schachbretts {Archiv der
Math, und Physik, t. LVI). Leipzig, 1874.
Glaisher. — On the problem of the eight queens {Philosophical Maga-
^j^ine). London, 1874.
GiJNTHER. — Beweis eines fundamental Sat:{es von den magischen Qua-
draten {Archiv der Mathetnatik und Phys., t. LVII, p. 285). Leipzig, 1875.
Frost. — Two simple methods of tracing the Knighfs path {The Quart
Jomn.). London, 1876 et 1877.
P. SiMONS. — Le jeu des mages, nouveau jeu breveté. Lierre, 1876 et
1878.
Ed. Lucas. — Sur un problème d'Euler relatif aux carrés magiques
{Nouv. Corr, Math., t. II, p. 97). Bruxelles, 1876.
Glnther. — Vermischte Untersuchungen :{ur Geschichte der mathema-
tischen Wissenschaften. Leipzig, 1876. — Cet ouvrage très important
contient deux monographies, l'une» sur les Polygones et les Polyèdres
étoiles, et l'autre sur les Carrés magiques.
Mansion. — Sur les carrés magiques {Nouv. Corr. math., t. II, p- 161
et 193 ). Bruxelles, 1876.
Flyb-Sainte-Marie. — Note sur un problème relatif à la marche du
cavalier sur l'échiquier {Bulletin de la Soc. math., t. V, p. 144). Paris,
1876.
Ed. Lucas. — Sur l'échiquier anallagmatique de M. Sylvester (Assoc.
franc, pour l'Avanc. des Se. ; Congrès du Havre^ p. 2i3), 1877.
Ed. Lucas. — Théorème sur la Géométrie des Quinconces {Bulletin de la
Soc. math., t. VI, p. 9). Paris, 1877.
Laisant. — Note sur la Géométrie des Quinconces {Bulletin de la Soc,
math., t. VI, p. i56). Paris, 1877.
C. de Polignac. — Représentation graphique de la résolution en nombres
entiers de l'équation indéterminée du premier degré {Bulletin de la Soc.
math., t. VI, p. i58). Paris, 1877.
RucHONNET. — Théorie du solitaire, par feu le docteur Reiss, librement
traduit de l'allemand (Nouv. Corr. math., t. III, p. 23i). Bruxelles, 1877.
Ed. Lucas. — Problèmes sur la Géométrie des Quinconces dans le plan
et dans l'espace {Nouv. Corr. math., t. III, p. 412). Bruxelles, 1877.
BusscHOP. — Recherches sur le jeu du solitaire. Bruges, 1879.
'-4-^ Index bibliographique.
Hermary. — Sur le jeu du solitaire (Association française pour l'Avance-
ment des sciences; Congrès de Montpellier, 1879).
Fleury. — La clé du taquin, ou la solution des quinine. Marseille, 1880.
W. Johnson. — Note on the i5" Pu^^^le (Journal de Sylvester). Balti-
more, 1879.
W. E. Story. —Notes on the i5" Pu:{ile (Journal de"^ Sylvester). ^Balti-
more, 1879.
Ed. Lucas. — Principii fondamentali délia geometria dei Tessuti {L'in-
gegneria civile e le Arti industriali, t. VI). Torino, 1880.
D. André. — Sur un problème d'Atialyse combinatoire {Bulletin de
la Soc. math., t. V). Paris, 1877. — Détermination du nombre des arran-
gements complets oii les éléments consécutifs satisfont à des conditions
données. {Id., t. VU). — Cet intéressant Mémoire contient des problèmes sur
l'alphabet, sur la musique, sur les marches du pion au jeu de dames et
sur les sauts du cavalier aux échecs.
De Mondésir. — Le dernier mot du taquin {La Nature du 25 septembre
1880).
C. de PoLiGNAc. — Sur la théorie des ramifications [Bulletin de la
Soc. 77tath., t. VIII). Paris, 1880. — Note sur la inarche du cavalier {Id.,
t. IX).
E. Lemoine. — Quelques questions de Géométrie de position sur les
figures qui peuvent se tracer d'un seul trait. Congrès d'Alger, 1881.
Laisant. — Régions d'un plan et de l'espace (Congrès d'Alger, 1881 ). —
Remarques sur la théorie des régions et des aspects {Bulletin de la Soc.
math., t. X). Paris, 1882.
Perrin. — Sur le problème des aspects {Bulletin de la Soc. math., t. X),
Paris, 1882.
Paul de Hijo. — Le problème du cavalier des échecs, d'après les mé-
thodes qui donnent la symétrie par rapport au centre. Ouvrage contenant
plus de 4i3ooo parcours du cavalier. Metz, 1882.
Perott. -- Sur le problème des fous {Bulletin de la Soc. math., t. XI).
Paris, i883.
Ed. Lucas. —Sur l'Arithmétique figurative et les permutations.-— Calen-
drier perpétuel julien et grégorien. Congrès de Rouen, a'883.
Tait. — Note on a Theorem in Geometry of Position. Edimbourg,
i883.
Ed. Lucas. — Le problème géographique des quatre couleurs {Revue
scientifique). Paris, i883.
Mantel. — Sur les combinaisons d'éléments dispersés dans un plan. Con-
grès de Rouen, i883.
G'^ Parmentier. — Le problème des n reines. Congrès de Rouen, i883.
Tait. — Listings Topologie {Philos. Maga^.), 1884.
Index bibliographique. 247
Palamède (V'o du Ligondès). — Poly graphie du cavalier appliquée à la
recherche des carrés magiques. Orléans, 1884.
Ed. Lucas. — Le calcul et les machines à calculer. Conférence au Congrès
de Blois, 1884.
ScHOUTE.— 5Mr les carrés magiques à enceintes. Congrès de Grenoble, 188 5.
G"' Frolow. — Le problème d'Euler. — Les carrés magiques, nouvelle
étude, avec des notes par MM. Delannoy et Ed. Lucas. Paris, Gauthier-
Villars, 1884- 1886.
Ed. Lucas. — Calendrier perpétuel à roulette. — Appareils à calculs
exacts et instantanés. Quatre boîtes de réglettes multiplicatrices, multisec-
trices, financières, népériennes. Paris, Belin; i885.
Fleury. — Deux problèmes de Géométrie de situation {Journal de Math,
élém.) Paris, i885.
DoRMOY. — Théorie mathématique des jeux de Bourse. — Théorie mathé-
matique de l'écarté. Congrès de Nancy, 1886.
G. Tarry. — Géométrie de situation et le problème des dominos. Congrès
de Nancy, 1886.
V. Coccoz. — Carrés magiques impairs à enceintes successives. Congrès
de Nancy, 1886.
G*' Frolow. — Nouvelles recherches sur les carrés magiques. Congrès
de Nancy, 1886.
H. Delannoy. — Emploi de l'échiquier pour la solution des problèmes
arithmétiques. Congrès de Nancy, Paris et Limoges.
Ed. Lucas. — Les carrés magiques de Fermât. [Journ. de Math, élém., )
Paris, 1887.
Ed. Lucas. — L'Arithmétique en boules. — L'Arithmétique en bâtons.^
Le Jeu militaire. — Amusements par les jetons. — Le problème des reines.
(articles publiés dans les n"^ 696, 697, 701, 73 1, 784 du journal La Na-
ture). Paris, 1888.
Ed. Lucas. Teux scientifiques pour servir à l'histoire, à l'enseignement
et à la pratique du calcul et du dessin. Première série :
i" La Fasioulette;
2* La Pipopipette ;
3° La Tour d'Hanoï;
4» L'Icosagonal ou le Jeu des vingt forts ;
5° L'Arithmétique diabolique ou le Calcul infernal;
6° Les Pavés florentins du père Sébastien.
Six brochures in-8% avec planches. Paris, 1889.
Ed. Lucas. — Les appareils de calcul et les jeux de combinaisons [Revue
scientifique). Paris, 1890.
R. P. Le Cointe. — Le Jeu des Réseaux. Deux mémoires extraits du
Cosmos. Paris, 1890.
248
Index bibliographique.
H. Tarry. — Le problème des reines. Congrès de Limoges, 1890.
Ed. Lucas. — Chinoiserie arithmétique. ■— Un carré magique de 64 siècles
(n» 874 du journal La Nature). Paris, 1890.
Ed. Lucas. — Conférences sur le Diagrammomètre du colonel Ko:^lofff
faites au Conservatoire national des Arts et Métiers. Paris, 1890. — Voir
aussi le n» 896 du journal La Nature.
FIN,
TABLE DES MATIERES,
Préface V
Introduction - ix
^^
Première Récréation . — Le jeu des traversées en bateau.
Dédicace et épigraphe i
Historique. — Biographie de Bachet 3
La traversée d'un régiment dans un batelet b
La traversée du batelier 5
La traversée des trois ménages 6
L'erreur de Tartaglia » g
La traversée de quatre ménages ii
Problème général des traversées 12
Autre généralisation du problème 14
La station dans une île , 1 5
Deuxième Récréation. — Le jeu des ponts et des îles.
Dédicace et épigraphes ig
Le mémoire d'Euler 21
Table des matières.
Les ponts de Paris en 1880 33
Les figures d'un seul trait. — La signature de Mahomet 35
Les voyages d'un contrebandier 33
Troisième Récréation. — Le jeu des labyrinthes.
^9
Dédicace et épigraphes
Le Petit Poucet. — Le fil d'Ariane 41
Les labyrinthes de l'Egypte et de la Grèce 41
Tournefort dans une caverne 43
Les autres labyrinthes 44
Définition géométrique du problème des labyrinthes , . . . 46
Solution de M. Trémaux 4y
Sur la théorie des arbres géométriques 5 1
Quatrième Récréation. — Le problème des huit reines au jeu des échecs
DéJicace et épigraphes 5^^
Historique 5g
Notations et conventions 61
Des solutions adjointes 62
Des solutions irrégulières et semi-régulières 64
Des solutions régulières 64
Des solutions renversées 65
Problème des tours 66
Les permutations rectilignes 67
L'anagramme de Pascal 68
Problème des fous 6g
Méthode de M. Gùnther 70
Méthode de M. de la Noô 71
Procédés mnémotechniques 75
Moins de huit reines 77
Table des matières. 23 1
Les 92 positions des huit reines , y8
Méthode de Gauss yg
Autre énoncé du problème des huit reines 81
Desideratum 83
Théorèmes d'arithmétique 84
Cinquième Récréation. — Le jeu du solitaire.
Dédicace et épigraphes 87
Historique 89
Définition du solitaire 01
Règle du jeu du solitaire g^
Premiers exercices. — La croix de six boules. — La croix de neuf bou-
les. — Le triangle. — La cheminée. — Le calvaire. — La pyramide.
— La double croix. — Les cinq croix entrelacées. — Le pentagone.
— Le carré incliné. — L'octogone. — La triple croix g5
Problèmes sur le solitaire décentré. — Le chapelet. — L'équateur, — La
croix et sa couronne. — La pleine lune. — Lacroix de Malte. — Quatre
cavaliers cernés par seize soldats. — Trois cavaliers cernés par seize
soldats. — Adam et Eve dans le Paradis terrestre. — Le lecteur au
milieu de son auditoire. — Le jugement dernier. — Le grand bol. —
Les quatre évangélisies et les douze apôtres. — La Trinité et les
douze apôtres. — Jésus et les douze apôtres. — Le calice. — La Tri-
nité. — Les deux pôles. — [>e corsaire gg
Les lettres en boules 1 04
La récréation de Paul i o5
La récréation de Madeleine ,06
Les réussites du solitaire à Sy cases 108
De la symétrie horizontale log
De la symétrie verticale no
De la symétrie centrale 1 1 o
De la symétrie inclinée 1 1 j
Procédé général de réciprocité 1 1 3
Procédé général d'échange 114
■i52 Table des matières.
Coups triples du solitaire accéléré. — Marche accélérée du lecteur au
milieu de son auditoire. — Marche accélérée des douze apôtres. — Le
carré de vingt-cinq boules. — Le tricolet. — Réussite sur le solitaire
de quarante et une cases j j^
Extensions du solitaire et de la règle du jeu , ii8
Des positions et des cases congruentes 120
Effets successifs de la règle complète 121
Résidu congruent sur un carré de neuf cases 122
Position réduite j 03
Les seize formes de positions réduites 126
Applications de la théorie , _ 128
Impossibilités du solitaire de Sy cases i3o
Étude du solitaire de 41 cases i3i
Étude du solitaire de 33 cases 1^2
Les réussites du docteur Reiss 1 35
Des solitaires des divers ordres i3q
;tJit
Sixième Récréation. — La Numération binaire.
Dédicace et épigraphes 143
De la numération 145
Système binaire 146
Système duodécimal 147
Avantages du système binaire 148
Le Jekim , 14g
Les boîtes de poids i5i
L'éventail mystérieux ,.'. 154
La progression double 1 56
Les nombres parfaits 1 58
ÎS^S^
Table des matières. ^53
Septième Récréation. — Le jeu du baguenaudier.
Dédicace et épigraphes lo ^
Historique ' ^^4
Biographie de Cardan ^^^
Biographie de Wallis 167
Imagination d'un clerc de notaire 168
Discussion étymologique de M. Gros 17°
Description du baguenaudier 17^
Du déplacement d'un anneau i74-
Du déplacement de deux anneaux 17^
Problème général du baguenaudier I77
Marche ordinaire 17°
N ombre des coups de navette ï 79
Sur les combinaisons 181
Durée de la manœuvre - 182
Marche accélérée 10^
Tableau des deux marches du baguenaudier i85
Huitième Récréation. — Le jeu du taquin.
Dédicace et épigraphe 187
Historique 189
Définition du taquin 191
Les permutations rectilignes 1 95
Les permutations circulaires 196
Les dérangements 197
Les deux classes de permutations 198
Les échanges." 200
Les cycles 2o3
Les écarts 2o5
Nombre des positions initiales 206
Les impossibilités de position 206
:54
Table des matières.
La pratique du taquin 208
Ordre magique 211
Le taquin continental 2x3
Théorie du garage 2 1 3
Les impossibilités de forme 216
Le taquin à péninsule 217
Le taquin complet 218
^^
Note L — Sur le jeu des traversées 221
Note II. — Sur le jeu des ponts et des îles 222
Note III. — Sur le jeu des labyrinthes 224
Note IV. — Le problème des neuf reines et des dix reines 225
Note V. — Sur le solitaire à 41 cases 282
Note VI. — Sur les nombres parfaits 235
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Index bibliographique 237
Paris. — Imp. Gauthier- Villars et fils, 55, quai des Grands-Augustins.
7 1988
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