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Full text of "Récréations mathématiques"

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BERKELEY 

LIBRARY 

UNiVERSlTY  OF 
CALIFGRNIA 


MATM/S-^AT 
LIBRAHY 


RÉCRÉATIONS 

MATHÉMATIQUES 


RÉCRÉAT:];(3iM,$l-'::;S^--!A 

MATHÉMATIQUES 


Edouard  LUCAS, 


Comme  il  y  a  une  infinité  de  choses  sages 
qui  sont  menées  d'une  manière  très  folle,  il  y 
a  aussi  des  folies  qui  sont  conduites  d'une 
manière  très  saoe, 

(Montesquieu). 


DEUXIEME    EDITION 

\  Les  Traversées.  —  Les  Tonts.  s 

Les  Labyrinthes.  —  Les  'Heines.  —  Le  Solitaire. 

La  U^umération. 

Le  ^agiienaudier.  —  Le  Taquin. 


PARIS, 

GAUTHIER-VILLARS  ET  FILS.  IMPRIMEURS-LIBRAIRES, 

QUAI     DES     GRANDS-AUGUSTINS,     55. 

1891 

(Tous  droits  réservés.  ) 


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PREFACE 


-<  L'homme  est  si  malheureux,  qu'il  s'ennuierait 
même  sans  aucune  cause  d'ennui,  par  l'état  propre  de 
sa  complexion  ;  et  il  est  si  vain,  qu'étant  plein  de  mille 
causes  essentielles  d'ennui,  la  moindre  chose,  comme 
un  billard  et  une  balle  qu'il  pousse,  suffit  pour  le 
divertir. 

^<  Mais,  direz-vous,  quel  objet  a-t-il  en  tout  cela? 
Celui  de  se  vanter  demain  entre  ses  amis  de  ce  qu'il  a 
mieux  joué  qu'un  autre.  Ainsi  les  autres  suent  dans  leur 
cabinet  pour  montrer  aux  savants  qu'ils  ontrésolu  une 
question  d'algèbre  qu'on  n'aurait  pu  trouver  jusqu'ici.» 
[  Pascal.    —  Pensées.) 


DANS  le  monde,  il  y  a  mauvaise  grâce  à  parler  de  soi  ou 
des  siens.  Dans  une  préface,  c'est  la  loi,  loi  dont  on  a 
beaucoup  médit,  dont  on  médira  toujours,  -par  conve- 
nance, —  mais  qui  fait  trop  joli  jeu  à  la  vanité  des  auteurs,  pour 
jamais  mourir.  On  me  permettra  donc  d'insister  un  peu  sur  ce 
livre. 

Il  y  a  vingt  ans  qu'il  a  été  projeté.  Je  rêvai  en  même  temps 

d'éditer  les  écrits  encore  épars  d'un  des  plus  grands  génies  de 

l'humanité,  les  Œuvres  de  Fermât;  puis  de  publier  un  ouvrage 

sur  la  Théorie  des  Nombres.  Ces  méditations  difficiles  et  pro- 

E.  Lucas    —  Récréations  math.  a 


609847 


VI  Préface. 

fondes  devaient  offrir  plus  d'une  obscurité,  en  un  temps  et  dans 
un  pays  où  l'Arithmétique  Supérieure  est  délaissée  par  les 
géomètres  et  par  renseignement  officiel.  Sur  elles,  je  greffai  la 
plupart  de  mes  travaux  et  les  ramifications  ordinaires  de  la 
recherche  personnelle. 

Ce  n'est  pas  tout.  Les  Œuvres  de  Fermât  soulèvent  d'impor- 
tants problèmes  bibliographiques  qui  ne  sont  pas  encore  réso- 
lus Des  manuscrits  étaient  à  retrouver,  des  méthodes  à  restituer, 
toutes  choses  qui,  je  l'espère,  seront  prochainement  menées  à 
bonne  tin  (^).  Bref,  l'édition  a  nui  au  livre,  le  livre  à  l'édition; 
à  tous  deux  les  labeurs  du  devoir  professionnel,  et  peut-être 
aussi  cette  nécessité  de  nature  qui  veut,  dit  Beaumarchais,  «  que 
les  ouvrages  de  l'esprit  soient^  comme  les  enfants  des  femmes, 
conçus  avec  volupté,  menés  à  terme  avec  fatigue,  enfantés  avec 
douleur.  » 

Le  lecteur  s'étonnera  peut-être  que  je  me  sois  amusé  à  des 
choses  de  si  petite  conséquence,  et  demandera  :  A  quoi  bon  ce 
livre?  Je  suis  bien  tenté  de  lui  répondre  sentimentalement  avec 
Bachet  :  «  Que  les  livres  sont  les  enfants  de  nos  esprits,  et  que, 
outre  l'inclination  naturelle  qu'ont  tous  les  pères  d'aimer  leurs 
enfants  généralement,  ils  portent  encore  une  affection  particu- 
lière à  leurs  premiers-nés.  C'est  pourquoi,  ce  livre  étant  le  pre- 
mier qui  soit  sorti  de  ma  main  et  comme  l'enfant  premier-né  de 
mon  esprit,  c'est  avec  juste  raison  que  je  le  chéris  particulière- 
ment, et  que  je  ne  me  contente  pas  de  l'avoir  mis  au  monde, 


(')  Le  premier  volume  de  la  Théorie  des  Nombres  vient  de  paraître;  les 
autres  suivront,  avec  mon  Commentaire  sur  les  Œuvres  de  Fermât;  puis 
V Histoire,  la  Pratique  et  les  Progrès  du  Calcul,  dans  tous  les  temps,  che^ 
tous  les  peuples. 


Préface.  vu 

mais  je  veux  encore  prendre  le  soin  de  sa  conservation  et  de  son 
accroissance.  » 

Bachet  ajoute  plus  solidement,  et  ce  sera  aussi  ma  défense  : 
«  En  outre,  je  ne  crois  pas  que  ceux  qui  auront  pénétré  dans  ce 
livre  plus  avant  que  Técorce  le  jugent  de  si  peu  de  valeur  que 
feront  ceux-là  qui  n'en  auront  lu  que  le  titre;  car  encore  que  ce 
ne  soient  que  des  jeux  dont  le  but  principal  est  de  donner  une 
honnête  récréation,  et  d'entretenir  avec  leur  gentillesse  une 
compagnie,  si  est-ce  qu'il  faut  bien  de  la  subtilité  d'esprit  pour 
les  pratiquer  parfaitement,  et  faut  être  plus  que  médiocrement 
expert  en  la  science  des  nombres  pour  entendre  les  démonstra- 
tions et  pour  se  savoir  aider  de  plusieurs  belles  inventions  que  j'ai 
ajoutées.  » 

D'ailleurs,  à  quoi  n'a-t-on  pas  objecté  l'inutilité?  Entendant 
louer  le  commentaire  de  Bachet  sur  Diophante,  Malherbe  de- 
mande s'il  fera  diminuer  le  prix  du  pain.  Roberval^  au  sortir 
du  théâtre,  dans  l'âge  d'or  de  la  tragédie,  lance  ce  mot  devenu 
classique  :  Qu'est-ce  que  cela  prouve?  Il  y  eut  toujours  et  tou- 
jours il  y  aura  des  savants  pour  dénigrer  la  fantaisie,  des  poètes 
pour  répondre  :  A  quoi  bon  la  science  ?  des  gens  pratiques  pour 
envelopper  poètes  et  savants  dans  un  inépuisable  dédain  d'abstrait 
et  d'idéal.  Et  tout  cela  est  bien  heureux. 

Savoir^  c'est  pouvoir;  ce  mot  est  vrai  de  tous  les  savoirs. 
Incarner  dans  une  phrase  musicale  ou  parlée  un  rythme  inou- 
bliable et  inentendu,  dans  une  toile  des  tons  inobservés  et  typi- 
ques, dans  un  marbre  les  enchantements  et  les  défaillances  de  la 
forme,  c'est  pouvoir,  si  créer  pour  toujours  un  monde  de  sensa- 
tions et  d'idées,  c'est  pouvoir.  Recueillir  avec  la  piété  du  néo- 
phyte des  fragments  du  passé,  et  revêtir  ces  reliques  de  toutes 


^■^11  Préface. 

les  magies  du  style,  c'est  pouvoir,  si  ressusciter  des  personnalités 
éteintes,  c'est  pouvoir.  Voyager  à  travers  l'espace,  le  temps  et  le 
mouvement,  sans  autre  limite  possible  que  l'effort  du  coup 
d'aile,  c'est  pouvoir,  si  tisser  des  composés  inconnus  de  la  nature, 
diriger  la  foudre,  évoquer  les  mondes  disparus,  unir  par  quelques 
chiffres  des  globes  destinés  à  s'ignorer  toujours,  c'est  pouvoir. 
Vrai  pour  l'artiste,  Térudit,  le  chimiste,  le  physicien,  l'astro- 
nome, le  mot  de  Bacon  est  également  vrai  pour  le  géomètre.  En 
disséquant  les  résultats  du  calcul,  en  créant  des  abstractions,  en 
les  combinant,  variant,  tourmentant,  le  géomètre  fortifie  le  rai- 
sonnement et  acquiert  sur  cet  universel  outil  un  pouvoir  infini. 

Le  livre,  a-t-on  dit,  est  une  conversation  avec  les  amis  in- 
connus. La  partie  de  cet  ouvrage  qui  a  été  publiée  dans  la  pre- 
mière édition  ne  m'a  point  seulement  révélé  des  sympathies,  elle 
a  fait  naître  des  collaborations  qui  m'ont  permis  de  présenter  le 
nouvel  ouvrage  en  quatre  volumes. 

Souvent  j'aurai  à  enregistrer  de  gracieuses  communications  : 
remarques  ingénieuses,  solutions  élégantes  ;  chaque  fois  que  l'oc- 
casion s'en  présentera,  je  citerai  les  noms.  Mais,  dés  à  présent, 
j'adresse  mes  plus  vifs  remerciements  à  mon  ami  sincère  et 
dévoué,  Henry  Delannoy,  qui  a  contribué  pour  la  plus  grande 
part  à  la  seconde  édition  de  cet  ouvrage. 

Un  dernier  mot.  Si  ces  pages  plaisent  à  quelques  savants,  si 
elles  intéressent  quelques  gens  du  monde,  si  elles  inspirent  à 
quelques  jeunes  intelligences  le  goût  du  raisonnement  et  le  désir 
des  jouissances  abstraites,  je  serai  satisfait. 

Paris,  mai  1891. 


INTRODUCTION. 


«  La  dernière  chose  qu'on  trouve  en  faisant  un 
ouvrage  est  de  savoir  celle  qu'il  faut  mettre  la  pre- 
mière. » 

(Pascal.   —   Pensées.) 


LA.    GEOMETRIE    DE    SITUATION. 


UN  des  hommes  à  qui  les  sciences  doivent  le  plus  de 
découvertes,  et  surtout  le  plus  de  vues  originales  et 
fécondes,  Leibniz,  était  persuadé  que  l'analyse  des 
géomètres  ne  pouvait  s'appliquer  à  toutes  les  questions  de  la 
philosophie  naturelle.  Pour  soumettre  au  calcul  les  rapports  des 
différents  corps,  considérés  uniquement  dans  Tordre  de  leurs 
positions,  il  souhaitait  qu'on  inventât  une  Géométrie  nouvelle 
qu'il  a  nommée  Geometria  sitiis,  c'est-à-dire  Géométrie  de 
situation  (^).  «Après  tous  les  progrès  que  j'ai  faits  en  ces  matières, 
écrivait-il  à  Huygens  à  la  date  du  8  septembre  1679,  je  ne  suis 

(M  Histoire  de  VAcaiémie  royale  des  Sciences  de  Paris  pour  l'année  1771  ; 
p.  55. 


Introduction, 


pas  encore  content  de  l'Algèbre,  en  ce  qu'elle  ne  donne  ny  les 
plus  courtesvoyes^  ny  les  plus  belles  constructions  de  Géométrie. 
C'est  pourquoy,  lorsqu'il  s'agit  de  cela,  je  croy  qu'il  nous  faut 
enccr  une  autre  analyse  proprement  géométrique  ou  linéaire, 
qui  nous  exprime  directement  situm,  comme  l'Algèbre  exprime 
magnitudinem.  Et  je  croy  d'en  voir  le  moyen  et  qu'on  pourrait 
représenter  des  figures  et  mesme  des  machines  et  mouvemens  en 
caractères,  comme  l'Algèbre  représente  les  nombres  ou  gran- 
deurs; et  je  vous  envoyé  unessay  qui  me  paroist  considérable  (' j.  ^> 
Leibniz  est  revenu  souvent  sur  cette  idée  fondamentale,  notam- 
ment dans  ses  remarques  ingénieuses  sur  \QJeu  du  solitaire,  que 
'on  doit  considérer  comme  le  point  de  départ  des  remarquables 
travaux  du  docteur  Reiss  et  du  capitaine  Hermary,  exposés  et 
développés  dans  notre  cinquième  Récréation. 


LE    PREMIER    MEMOIRE    DEULER. 

Euleraconsacré  plusieurs  mémoires  à  la  Géométrie  de  situation. 
Dans  un  travail  qui  fait  partie  des  Mémoires  de  V Académie  des 
Sciences  de  Berlin  pour  l'année  lySg,  et  reproduit  en  français 
sous  ce  titre  :  Solution  d'une  question  ingénieuse  qui  ne  paraît 
soumise  à  aucune  analyse  i^),  l'illustre  géomètre  étudie  la  marche 

(')  Christiani  Hugenii  aliorumque  seculi  XVII  virorum  celebrium  exer- 
citationes  mathematicce  et  philosophicce^  ex  manuscriptis  in  bibliotheca 
Academice  Lugduno-Batavœ  servatis  edidit  P.  J.  Uylknbroek;  fasc.  I,  p.  9. 
HagseComitum,  i833.-  A  partir  de  la  page  6  du  second  fascicule,  on  trouve 
la  reproduction  de  l'essai  de  Leibniz  dont  il  est  question  dans  sa  lettre  à 
Huygens. 

{')  Leonardi  EuLERi.  Commentûtiones  arithmeticœ  collectœ.  Petropoli  ; 
1849.  Tome  I,  p.  337. 


Introduction. 


du  cavalier  au  jeu  des  échecs  et  la  manière  de  lui  faire  parcourir 
toutes  les  cases  de  l'échiquier  sans  qu'il  passe  deux  fois  sur  la 
même.  Bien  qu'il  n'ait  pas  donné  la  solution  générale,  il  a  indiqué 
une  méthode  qui  permet  de  résoudre  le  problème  en  partant  d'une 
case  quelconque,  parla  considération  des  routes  dites  rentrantes 
ou  circulaires.   Avant  lui,  cet  intéressant  problème  avait   été 
abordé  par  trois    géomètres  français  :    de  Montmort,   Moivre, 
de  Mairan.  Postérieurement,  le  sujet  fut  successivement  repris 
par  Lelio  délia  Volpe;  par  Vandermonde,  qui  étend  la  question 
à  l'échiquier  cubique  ;  par  Collini,  par  Warnsdorf,  par  Legendre 
qui  recherche  infructueusement,  dans  sa  Théorie  des  Nombres, 
le  nombre  des  solutions  du  problème  ;  par  deLavernèdCj  qui  donne 
la  méthode  des  quarts;  par   Minding,  qui  publie  un  important 
mémoire  dans  le  Journal  de  Crelle;  par  Giccolini,  qui  indique 
plusieurs  routes  rentrantes  sur  l'échiquier  de  cent  cases  et  consi- 
dère aussi  l'échiquier  circulaire.  Plus  récemment,  les  derniers 
obstacles  imposés  au  saut  du  cavalier  semblent  franchis  :  Wen- 
zelidès,  dans  la  Schach^eitiirig  de  Berlin,  construit  des  routes 
qui,    figurées    en   nombres,  produisent   des    carrés    magiques; 
de  Lavernède,   Libri,  le  docteur  Roget,  l'abbé  Durand,  Trou- 
penas,  etc.,  dans  la  Régence,  dans  le  Palamède,  etc.  ;  le  comte  de 
Basterot,  dans  son  Traité  élémentaire  du  jeu  des  échecs  ;\q  major 
Jaenisch,  dans  son  Traité  des  applications  de  l'Analyse  mathé- 
matique au  jeu  des  échecs,  perfectionnent  les  travaux  de  leurs 
devanciers.  Enfin,  dans  ces  derniers  temps,  les  résultats  les  plus 
nombreux  et  les  plus  intéressants  sont  obtenus  par  Volpicelli,  qui 
s'occupe  de  l'échiquier    quelconque,  carré  ou  rectangulaire,   à 
V Académie  des  Nuoui  Lincei;  par  M.  le  prince  C.  de  Polignac, 
dans  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des  Sciences  de  Paris  ; 


Introduction. 


par  le  révérend  A. -H.  Frost,  dans  l'Jie  Qiiaterly  Journal  of 
pure  and  applied  Mathematics;  par  M.  Flye-Sainte-Marie,  dans 
le  "Bulletin  de  la  Société  Mathématique  de  France;  et  par 
M.  Laquière,  dans  sa  Géométrie  de  l'échiquier. 

En  1823,  C.  de  Warnsdorf  a  proposé  une  règle  pour  résoudre 
le  problème  du  cavalier,  avec  une  rigueur  scientifique,  sans  aucun 
tâtonnement,  sans  faux  pas.  Voici  la  traduction  de  son  énoncé  : 
i"  A  chaque  coup,  on  joue  le  cavalier  sur  la  case  voisine  qui 
communique  par  le  plus  petit  nombre  d'issues  avec  la  partie 
encore  inoccupée  de  l'échiquier.  2°  Si,  à  un  coup  quelconque,  il 
se  présente  plusieurs  cases  qui  offrent  le  même  nombre  minimum 
d'issues,  on  est  libre  de  passer  sur  l'une  quelconque  d'entre  elles. 
Malheureusement  ce  procédé  ne  conduit  qu'aux  solutions  les 
moins  élégantes  du  problème;   son    application   rigoureuse  est 
assez   pénible   et  les  nombreuses  infractions  que  l'on  peut  com- 
mettre,  bien  que  constituant  une  ressource  empirique  très  pré- 
cieuse, ne  reposentsur  aucun  principe  certain.  Mais  il  faut  dire 
qu'à  défaut  d'une  démonstration  mathématique  rigoureuse,   le 
nombre  prodigieux    d'essais   faits   jusqu'à    ce  jour   ne   permet 
guère  de  douter  de  l'exactitude  de  la  première  partie  de  la  règle. 
Et  celle-ci,  cependant,  n'est  pour  ainsi  dire  que  la  formule,  que 
la  Loi  de  prudence,  qu'il  y  a  lieu  d'appliquer  dans  la  vie  à  tous 
les  moments  d'indécision,  lorsqu'il  faut  choisir  entre  plusieurs 
routes,  pour  parvenir  à  des  positions  différentes. 

Depuis  l'apparition  de  notre  premier  volume  de  Récréations,  la 
Géométrie  de  situation  a  fait  des  progrès  notables;  sur  le  .pro- 
blème particulier  du  saut  du  cavalier,  de  nombreux  et  impor- 
tants résultats  ont  été  obtenus  par  M.  l'abbé  Jolivald,  dans  ses 
recherches  surles  méthodes  d'Euler  et  de  Vandermonde;  parExner 


Introduction.  xiii 


et  par  M.  le  vicomte  du  Ligondès  sur  la  polygraphie  du  cavalier 
appliquée  à  la  recherche  des  carrés  magiques.  Notre  Récréation 
sur  le  Jeu  de  laFasioulette  tsi  consacrée  à  l'étude  de  ce  problème 
et  aux  derniers  résultats  obtenus  par  M.  l'intendant  Delannoy 
et  par  M.  le  général  Parmentier. 

LE    SECOND    MÉMOIRE    d'eULER. 

Un  autre  mémoire  d'Euler  ayant  pour  titre  :  Solutio  proble- 
matis  ad  Geometriam  situs  pertinentis,  est  consacré  à  la  solution 
du  fameux  problème  des  ponts  de  la  Pregel.  Notre  deuxième 
Récréation,  sur  le  jeu  des  ponts  et  des  îles,  n'est,  pour  ainsi 
dire,  que  le  commentaire  et  le  développement  de  cette  étude,  qui 
est  devenue  le  point  d'attache  d'un  rameau  de  la  Géométrie  de 
situation.  On  donne  une  figure  quelconque  formée  de  points  en 
nombre  arbitraire,  réunis  par  des  lignes  droites  ou  courbes; 
quel  est  le  nombre  minimum  de  traits  continus,  sans  arrêt  ni 
répétition,  qui  sont  nécessaires  à  sa  description  complète?  Tel 
est  l'énoncé  de  ce  problème  général  qui  sert  d'introduction  à  la 
théorie  des  courbes  algébriques  ou  transcendantes,  et  en  parti- 
culier aux  figures  d'un  seul  trait,  aux  courbes  unicursales.  Nous 
démontrerons,  dans  notre  troisième  Récréation,  détruisant  ainsi 
le  préjugé  de  l'inextricabilité  des  labyrinthes,  que  l'on  peut  tou- 
jours décrire  complètement  un  réseau  géométrique  quelconque 
par  un  double  trait  continu;  la  solution  fort  ingénieuse  que  nous 
exposons  est  due  à  la  collaboration  de  Trémaux,  ancien  élève 
de  l'École  Polytechnique. 

Pour  parcourir  complètement,  deux  fois,  toutes  les  allées  d'un 
labyrinthe,  en  partant  d'un  point  quelconque,  il  suffit  d'observer 


lutroduction , 


les  règles  posées  par  Trémaux,  en  marquant  chaque  fois  le  pas- 
sage aux  différents  carrefours,  à  l'entrée  et  à  la  sortie;  ces  règles 
se  résument  en  celle-ci  :  Eviter  autant  que  possible  le  passage  des 
carrefours  déjà  visités,  puis  éviter  le  parcours  des  chemins 
déjà  parcourus.  N'est-ce  pas  encore  une  loi  de  prudence  qui 
trouverait  son  application  dans  la  vie  ordinaire? 

Nous  avons  donné  dans  le  premier  volume  de  notre  Théorie 
des  Nombres,  au  chapitre  VII  sur  la  Géométrie  de  situation,  une 
étude  complète  du  second  mémoire  d'Euler.  Mais  nous  avons  pu 
y  ajouter  une  seconde  partie  dans  laquelle  il  ne  suffit  plus  de 
déterminer  les  conditions  du  tracé  des  réseaux  en  un  ou  plusieurs 
traits,  mais  de  déterminer,  dans  chaque  cas,  le  nombre  des  tracés. 
Cette  partie  est  autrement  difficile  que  la  première;  jusqu'à  ces 
dernières  années  le  problème  paraissait  inaccessible;  on  ne  con- 
naissait qu'un  exemple  particulier  de  cette  question,  traité  parle 
docteur  Reiss  sous  la  forme  suivante  :  De  combien  de  manières 
peut-on  placer,  en  ligne  droite^  les  vingt-huit  dés  d'un  jeu  de 
dominos,  conformément  à  la  règle  du  jeu  ?  Ce  problème  revient 
à  celui-ci  :  De  combien  de  manières  peut-on  décrire,  sans  arrêt, 
ni  répétition,  le  réseau  géométrique  formé  par  les  côtés  et  les 
diagonales  d'un  polygone  régulier  de  sept  côtés,  sans  frag- 
menter les  diagonales?  On  se  rend  facilement  compte  de  l'iden- 
tité des  deux  problèmes,  après  la  suppression  des  doubles,  en 
numérotant  par  o,  1,2,  3,  4,  5,  6,  les  sommets  de  l'heptagone. 
Mais  la  solution  du  docteur  Reiss  était  particulière  et  vraiment 
trop  longue,  difficile  à  vérifier.  M.  Tarry,  contrôleur  des  contri- 
butions diverses,  à  Alger,  a  donné  une  solution  très  simple,  au 
moyen  de  deux  beaux  théorèmes  que  nous  exposons  dans  cet 
ouvrage. 


Introduction. 


LE    TROISIEME    MEMOIRE    DEULER. 


Le  troisième  mémoire  d'Euler  a  été  publié  dans  les  Comptes 
rendus  de  la  Société  des  Sciences  deFlessingue;  il  a  pour  titre  : 
Recherches  sur  une  nouvelle  espèce  de  quarrés  magiques,  et 
commence  ainsi  :  <(  Une  question  fort  curieuse,  qui  a  exercé  pen- 
dant quelque  temps  la  sagacité  de  bien  du  monde_,  m'a  engagé  à 
faire  les  recherches  suivantes,  qui  semblent  avoir  une  nouvelle 
carrière  dans  l'analyse,  et  en  particulier  dans  la  doctrine  des  com- 
binaisons. Cette  question  rouloit  sur  une  assemblée  de  trente- 
six  officiers  de  six  difîérens  grades  et  tirés  de  six  régimens  difîé- 
rens  qu'il  s'agissoit  de  ranger  dans  un  carré,  de  manière  que 
sur  chaque  ligne,  tant  horizontale  que  verticale,  il  se  trouvât  six 
officiers  tant  de  différens  caractères  que  de  régimens  différens. 
Or,  après  toutes  les  peines  qu'on  s'est  données  pour  résoudre  ce 
problème,  on  a  été  obligé  de  reconnoître  qu'un  tel  arrangement 
est  absolument  impossible,  quoiqu'on  ne  puisse  pas  en  donner 
de  démonstration  rigoureuse.  »  Ce  mémoire  de  154  pages  in-S*^ 
donne,  sous  une  forme  intéressante,  la  solution  du  problème  des 
carrés  magiques.   Mais  qu'est-ce   donc  qu'un    carré  magique? 


8  I  6 

3  3  7 

492 


Écrivons  les  neuf  premiers  nombres  dans  un  carré  de  neuf  cases. 


Introduction . 


conformément  au  tableau.  Cette  tigure  possède  les  propriétés 
suivantes  :  i°  La  somme  des  nombres  renfermés  dans  la  même 
ligne  horizontale  est  égale  à  i5  pour  chacune  des  trois  lignes; 
2°  la  somme  des  nombres  renfermés  dans  la  même  colonne  verti- 
cale est  égale  à  i  5  pour  chacune  des  trois  colonnes  ;  3°  la  somme 
des  nombres  renfermés  dans  chacune  des  deux  diagonales  du 
carré  est  encore  égale  à  i5  ;  on  dit  que  cette  figure  forme  un 
carré  magique  de  neuf  éléments.  Si  l'on  écrit  les  seize  premiers 
nombres  dans  l'ordre  suivant,  on  obtient  une  figure  telle,  que 
la  somme  des  nombres  renfermés  dans  une  même  ligne,  dans 
une  même  colonne,  ou  dans  une  même  diagonale,  est  toujours 


i6 

3 

1 1 

i3 

3 
9 

10 

8 

6 

7 
14 

12 

' 

15 

I 

égale  à  34.  C'est  le  carré  magique  de  seize  cases  qui  se  trouve 
déjà  représenté  dans  la  célèbre  oMelencholia  d'Albert  Durer, 
burinée  en  i5i4  'i.Plus  généralement,  si  l'on  dispose  dans 
un  échiquier  de  «^  cases,  les  n-  premiers  nombres  entiers,  de 
telle  sorte  que  la  somme  des  nombres  renfermés  dans  chacune 
des  n  colonnes,  dans  chacune  des  n  lignes,  ou  dans  chacune  des 

(')  Thausing.  —  Albert  Durer.  Sa  vie  et  ses  œuvres.  Trad.  par  Gruyer  ; 
Paris,  1878.  La  date  i5i4  se  lit  sur  le  carré. 


Introduction . 


deux  diagonales,  soit  constamment  la  même,  on  forme  le  carré 
magique  de  72-  éléments.  Ces  figures  étaient  connues  bien  des 
siècles  avant  Euler. 

On  ne  sait  pas  l'origine  des  carrés  magiques,  mais  on  attribue 
leur  découverte  aux  Indiens.  Dans  la  relation  de  son  voyage  de 
1687,  M.  delà  Loubère,  envoyé  extraordinaire  auprès  du  roi  de 
Siam,  rapporte  ce  qui  suit:  (c  M.  Vincent,  dont  j'ay  souvent 
parlé  dans  ma  Relation,  me  voyant  un  jour  dans  le  vaisseau, 
pendant  notre  retour,  ranger  par  amusement  des  carrés  magiques 
à  la  manière  de  Bachet,  me  dit  que  les  Indiens  de  Surate  les 
rangeoient  avec  bien  plus  de  facilité,  et  m'enseigna  leur  méthode 
pour  lesquarrés  impairs  seulement,  ayant,  disoit-il,  oublié  celle 
des  pairs  (^).  «  Cependant  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ces 
carrés  ont  tiré  leur  nom  des  opérations  superstitieuses  auxquelles 
ils  étaient  employés,  telles  que  la  construction  des  talismans  ;  car, 
selon  la  puérile  philosophie  de  ceux  qui  donnaient  des  vertus  aux 
nombres,  quelle  vertu  ne  devaient  pas  avoir  des  nombres  si 
merveilleux?  «  Ce  qui  a  donc  commencé  par  être  une  vaine  pra- 
tique de  Faiseurs  de  Talismans,  ou  de  Devins,  est  devenu  dans 
la  suite  le  sujet  d'une  recherche  sérieuse  pour  les  mathématiciens, 
non  qu'ils  aient  cru  qu'elle  les  pût  mener  à  rien  d'utile  ni  de 
solide  ;  les  quarrés  magiques  se  sentent  toujours  de  leur  origine  sur 
ce  pointj  ils  ne  peuvent  être  d'aucun  usage;  ce  n'est  qu'un  jeu 
dont  la  difficulté  fait  le  mérite,  et  qui  peut  seulement  faire  naître 
sur  les  nombres  quelques  vues  nouvelles  dont  les  mathématiciens 
ne  veulent  pas  perdre  l'occasion  (2).  » 

(')  De  LA  Loubère.  —Du  royaume  de  Siam,  t.  II,  p.  237.  Amsterdam,  169 1. 
(-)  Histoire  de  l'Académie  royale  des  Sciences  pour  Tannée  lyoS;  p.  70. 
Paris,  1706. 


Introduction. 


Parmi  les  savants  qui  se  sont  occupés,  avant  Euler,  de  ce 
problème,  on  doit  citer:  Moschopulos  i^),  Agrippa,  Théophraste, 
Paracelse,  Cardan,    Stifel,  Bachet,    Kircher,   Frénicle,   et  plus 
spécialement  Fermât,  de  la  Hire  et  Sauveur  ^^).  Les  recherches  de 
Fermât  sont  consignées  dans  deux  lettres  adressées  à  Mersenne. 
«  En  voila  assés.  écrivait-il,  pour  donner  de  l'exercice  à  M.  de 
Frénicle,  car  je  ne  sçay  gueres  rien  de  plus  beau  en  l'Arithmétique 
que  ces  nombres  que  quelques-uns  appellent  Tlanetarios,  et  les 
autres  Magicos;aàQ  fait  j'ay  veu  plusieurs  talismans  où  quel- 
ques-uns de  ces  quarrés  rangez  de  la  sorte  sont  décrits,  et  parmy 
plusieurs  un  grand  d'argent,  qui  contient  le  49  rangé  selon  la 
méthode  de  Bachet,  ce  qui  fait  croire  que  personne  n'a  encore 
connu  la  générale,  ny  le  nombre  des  solutions  qui  peuvent  arriver 
à  chaque  quarré;  si  la  chose  est  sceuë  à  Paris,  vous  m'en  éclair- 
cirez;  en  tout  cas,  je  ne  la  dois  qu'à  moy  seul  ('').  «Après  Euler, 
on  doit  citer  FrankHn,  qui  donne  une  nouvelle  solution  du  carré 
magique  de   16^  éléments,  et  invente  les  cercles  magiques.  Au 
xtx«  siècle,  les  principaux  auteurs  sont  :  en  Allemagne,  Moll- 
weide,    Hûgel,   Pessl  qui  s'occupe  de  cylindres  magiques;  en 
Angleterre,  Horner,  Drach,  Thompson,  Holditch  et  Frost;  en 
France,  VioUe,  qui  écrit  un  grand  traité  sur  ce  sujet. 

Ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  l'étude  des  carrés  magiques  était 

(',  Dans  une  très  intéressante  monographie  survies  carrés  magiques 
(  Vevmischte  Untersuchungen,  ch.  IV),  M.  Gûnther,  membre  du  parlement 
de  Berlin,  a  publié  le  texte  grec  du  manuscrit  de  Moschopulos,  auteur  byzantm 

de  la  fin  du  moyen  âge.  „  ^  ,    •„ 

(M  M.  Mansion,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  a  expose  dans  M^^i/Ze 
'  t  XVIII  p.  222-225  )  le  principe  de  la  méthode  de  Sauveur  qui  repose  sur 
la  considération  des  systèmes  de  numération,  et  diffère  peu  de  la  méthode 

d'F.uler.  . 

(  )  Fermât.  —  Varia  opéra  niMhematica.  Tolosoe,  1O79;  p.  17D-177. 


Introduction. 


regardée,  et  l'est  encore  aujourd'hui,  comaie  un  jeu  d'une 
extrême  difficulté,  mais  ne  pouvant  être  d'aucun  usage;  c'était 
aussi  l'opinion  de  Franklin  qui,  dans  une  lettre  à  Collinson  ^'), 
les  appelle  «  difficiles  nugœ  ».  Au  contraire,  nous  montrerons 
qu'il  n'en  est  plus  ainsi  lorsque  Ton  ajoute  aux  conditions  ordi- 
naires du  carré  magique  de  nouvelles  conditions  telles,  que  le 
carré  reste  magique  après  une  permutation  circulaire  quelconque 
des  lignes  ou  des  colonnes.  En  d'autres  termes,  si  l'on  divise  un 
tel  carré  en  deux  rectangles  égaux  ou  inégaux,  par  une  ligne 
horizontale  ou  verticale,  le  carré  doit  demeurer  magique,  après 
l'échange  des  deux  fragments  du  carré;  par  suite,  un  nombre 
quelconque  du  carré  peut  occuper  une  case  quelconque.  Pour  les 
distinguer  des  autres,  nous  appellerons  ceux-ci  Carrés  Diabo- 
liques; ils  ont  été  entrevus  par  de  la  Hire^  Euler  et  Sauveur. 
Voici,  par  exemple,  deux  carrés  diaboliques  : 


i5 

6 
3 

9 
i6 

4 

10 

5 

8 

r3 

2 

7 

1 1 

I 

12 

H 

23 

6 

19 

2 

i5 
16 

4 

12 

18 

25 

8 

10 

1 1 

I 

14 

22 

24 

7 

20 

3 

17 

5 

i3 

21 

9 

Ce  sont  des  carrés  diaboliques  de  16  cases  et  de  2  5  cases. 

(')  Franklin.  —  Experiments  and  Observations  on  Electricity,  p.  35o. 
London,   1764. 


Introduction. 


Lorsque  l'on  cherche  à  déterminer  la  multitude  des  carrés 
diaboliques,  on  se  trouve  directement  conduit  à  la  connaissance 
d'une  nouvelle  fonction  numérique  dont  l'étude  trouvera  son 
importance  dans  l'Arithmétique  Supérieure.  Mais,  à  côté  de  cette 
application  théorique  du  problème  des  carrés  diaboliques,  vient 
s'en  placer  une  autre  plus  pratique.  En  effet,  nous  ferons  voir 
que  notre  méthode  de  construction  des  carrés  diaboliques  ne 
diffère  pas  de  celle  que  nous  avons  indiquée,  en  1867,  pour  la 
construction  de  l'armure  des  satins  réguliers.  En  d'autres  termes, 
l'étude  des  carrés  diaboliques  est  le  principe  arithmétique  d'une 
branche  de  la  Géométrie  de  situation  que  nous  avons  appelée 
Géométrie  du  tissage,  et  dont  nous  allons  indiquer  les  origines. 


LE    MÉMOIRE    DE    VANDERMONDE. 


En  1774,  paraissait  dans  les  Mémoires  de  V Académie  des 
Sciences  de  Paris  pour  1771,  sous  ce  titre  vraiment  modeste  : 
Remarques  sur  les  problèmes  de  situation,  un  remarquable 
travail  de  Vandermonde.  Ce  mémoire  débute  ainsi  :  (  Quelles 
que  soient  les  circonvolutions  d'un  ou  de  plusieurs  fils  dans  l'es- 
pace, on  peut  toujours  en  avoir  une  expression  par  le  calcul  des 
grandeurs  ;  mais  cette  expression  ne  serait  d'aucun  usage  dans  les 
arts.  L'ouvrier  qui  fait  une  tresse,  un  réseau,  des  nœuds,  ne 
les  conçoit  pas  par  les  rapports  de  grandeur,  'mais  par  ceux  de 
situation  :  ce  qu'il  y  voit,  c'est  l'ordre  dans  lequel  sont  entrela- 
cés ces  fils.  Il  serait  donc  utile  d'avoir  un  système  de  calcul  plus 
conforme  à  la  marche  de  l'esprit  de  l'ouvrier,  une  notation  qui 
ne  représentât  que  l'idée  qu'il  se  forme  de  son  ouvrage,  et  qui 
pût  suffire  pour  en  faire  un  semblable  dans  tous  les  temps.  »  Le 


Introduction. 


but  de  Tauteur  est  de  faire  entrevoir  la  possibilité  d'une  pareille 
notation,  et  son  usage  dans  les  questions  sur  les  tissus  de  fils  ;  ce 
mémoire  contient  ainsi  le  germe  de  la  géométrie  du  tissage,  que 
Leibniz  avait  aussi  entrevue.  C'est  la  véritable  introduction  à 
cette  géométrie,  car  on  y  trouve  l'indication  importante  de  l'em- 
ploi du  système  des  coordonnées  cartésiennes  de  la  géométrie 
analytique  à  l'étude  de  tous  les  problèmes  qui  concernent  la  po- 
sition indépendamment  de  la  grandeur.  Cependant  Tidée  de 
Vandermonde  appartient  plutôt  à  la  géométrie  des  fils  curvi- 
lignes ;  c'est  à  celle-ci  qu'il  faut  rapporter  les  procédés  qui  ser- 
vent à  tricoter,  à  fabriquer  les  filets,  les  diverses  espèces  de  nœuds 
en  usage  dans  l'artillerie,  dans  la  marine,  dans  le  tissage,  etc. 
C'est  encore  à  cette  géométrie  qu'il  faut  rattacher  le  problème 
suivant  dont  on  trouve  l'origine  dsius  les  Récréations  d'Ozanam 
(  t.  IV,  p.  222  de  l'édition  de  1725  ),  dans  le  jeu  nommé  Sigil- 
lum  Salomonis^  décrit  dans  le  même  ouvrage,  et  dans  quelques 
autres  complications  de  ficelles,  de  la  nature  du  nœud  Gor- 
dien :  On  dessine  sur  le  papier  une  courbe  fermée  contenant 
des  points  doubles  en  nombre  quelconque,  et  l'on  suppose  que 
le  trait  représente  un  fil  continu,  sans  fin  ;  puis  on  indique  par 
un  signe  quelconque  quelle  est  celle  des  deux  portions  du  fil 
qui  se  trouve  au-dessus  de  l'autre,  à  chacun  des  points  de  croi- 
sement. Cela  posé,  quel  est  le  nombre  minimum  des  nœuds  qui 
resteront  formés  lorsque  l'on  cherchera  à  débrouiller  ce  fil? 

LA    TOPOLOGIE    DE    LISTING. 

Dans  deux  importants   mémoires,  trop  ignorés  aujourd'hui, 
Listing  a  posé  les  principes  généraux  de  la  Géométrie  de  situa- 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  b 


Introduction. 


tion.  Ses  Vorstudien  \iir  Topologie  (1847)  ont  été  l'objet  d'un 
rapport  sommaire  dans  le  Traité  d'Electricité  et  de  Magnétisme 
de  Glerk-Maxwell,  et  d'un  exposé  élémentaire  par  M.  Cayley, 
dans  le  Messenger  of  Mathematics  (1873).  Dans  son  mémoire 
de  1861,  intitulé  Der  Census  raumîicher  Complexe,  Listing 
s'occupe  de  la  formation  et  de  la  classification  des  nœuds  ;  cette 
idée  a  été  reprise  dans  plusieurs  mémoires  présentés  à  la  Société 
royale  des  Sciences  d'Edimbourg,  par  M.  Tait  qui  a  retrouvé  la 
plupart  des  résultats  de  Listing,  à  propos  de  l'idée  de  M.  Thom- 
son sur  les  Vortex-Atoms.  La  géométrie  des  nœuds  est  un  des 
chapitres  de  la  géométrie  du  tissage. 

LA    GÉOMÉTRIE    DU    TISSAGE. 

La  géométrie  des  tissus  à  fils  rectilignes  a  pour  objet  la  con- 
struction et  la  classification  de  tous  les  systèmes  possibles  d'entre- 
croisement des  fils  de  chaîne  et  de  trame.  Les  premiers  essais 
sur  ce  sujet  ont  été  publiés,  en  1 867,  dans  notre  opuscule  intitulé  : 
Application  de  l Arithmétique  à  la  construction  de  l'armure 
des  satins  réguliers.  Mais,  depuis,  nous  avons  ajouté  de  nou- 
veaux développements  dans  des  communications  aux  divers 
congrès  de  l'Association  française.  Cette  théorie  a  donné  lieu 
à  d'autres  travaux  analogues,  parmi  lesquels  nous  citerons  ceux 
de  M.  Gand,  à  la  Société  industrielle  et  à  l'Académie  d'Amiens  ; 
de  MM.  Thiele,  Broch  et  Tchebychef,  aux  congrès  de  Lille  et  de 
Paris;  de  MM.  Laisant,  Laquière  et  de  Polignac,  à  la  Société 
mathématique  de  France  ;  de  M.  Cerruti,  à  l'École  profession- 
nelle de  Biella.  Dans  notre  opuscule  :  Principii  fondamentali 
délia  geometria  dei  tessuti,  nous  avons  donné  le  premier  cha- 


Introduction . 


pitre  de  cette  géométrie.  Il  contient  la  définition  et  la  construction 
des  armures  fondamentales,  qui  reproduisent  toutes  les  autres, 
par  combinaison  ou  par  mélange,  de  même  que  les  corps  simples 
de  la  Chimie  composent  tous  les  corps  artificiels  ou  naturels. 

Les  armures  fondamentales  sont  divisées  en  deux  classes  :  les 
sergés  et  les  satins  réguliers,  en  considérant  l'armure  de  la  toile 
comme  le  sergé  le  plus  simple.  Si  l'on  numérote  successivement 
les  divers  points  de  liage  ou  de  croisement  des  fils  d'un  satin, 
ainsi  que  ceux  de  satins  parallèles  soumis  à  certaines  lois,  de 
manière  à  couvrir  le  quadrille  de  l'armure,  on  obtient  les  carrés 
diaboliques;  inversement,  ceux-ci  représentent  toutes  les  com- 
binaisons des  armures  fondamentales.  Ainsi,  les  carrés  que  nous 
avons  figurés  précédemment  contiennent  les  armures  du  satin 
contredit  sur  quatre  fils  de  chaîne  et  du  satin  carré  sur  cinq  fils. 
En  outre,  nous  avons  constaté  l'identité  de  construction  des 
carrés  magiques  des  Indiens  et  des  armures  des  sergés  compo- 
sés. Qui  sait  s'il  ne  faut  pas  chercher  dans  l'observation  de  la 
structure  des  anciens  châles  du  royaume  de  Cachemire,  l'origine 
des  carrés  magiques  ? 

Nous  arrêterons  ici  cette  rapide  revue,  car  dans  le  cours  de  ce 
livre  l'occasion  se  présentera  nécessairement  de  citer  et  de  déve- 
lopper les  recherches  plus  récentes.  Nous  aurions  pu  également 
remonter  plus  haut,  mais  cette  face  de  la  question  historique  se 
précisera  par  le  développement  même  de  notre  travail  et  par  la 
lecture  de  l'Index  bibliographique  qui  termine  ce  volume. 

Dans  son  Essai  d'éducation  nationale,  La  Chaiotais  insiste  à 
diverses  reprises  sur  la  nécessité  et  sur  l'utilité  d'instruire  les 
enfants  par  les  récréations.  «  Je  suppose,  dit-il,  qu'un  enfant 
sache  déjà  lire  et  écrire,  qu'il  sache  même  dessiner,  ce  que  je 


Introduction. 


regarde  comme  nécessaire,  je  dis  que  les  premiers  objets  dont  on 
doit  l'occuper  depuis  cinq  à  six  ans  jusqu'à  dix  sont  l'Histoire^ 
la  Géographie,  l'Histoire  naturelle,  des  Récréations  physiques  et 
mathématiques;  connaissances  qui  sont  à  sa  portée,  parce  qu'elles 
tombent  sous  les  sens,  parce  qu'elles  sont  les  plus  agréables  et  par 
conséquent  les  plus  propres  à  occuper  l'enfance.  »  Et  plus  loin  : 
«  La  Géométrie  ne  demande  pas  plus  d'application  que  les  jeux 
de  piquet  et  de  quadrille.  C'est  aux  mathématiciens  à  trouver 
une  route  qui  n'ait  pas  encore  été  frayée.  On  pourrait  peut-être 
commencer  par  des  Récréations  mathématiques  (^).  » 

Nous  serions  heureux  de  contribuer  à  rendre  l'expérience  pos- 
sible et  concluante. 

(')  Essai  d'Éducation  nationale,  ou  Plan  d'études  pour  la  jeunesse,  par 
messire  Louis-René  de  Caradeuc  de  La  Chalotais,  procureur  général  du 
Roi  au  Parlement  de  Bretagne;  1763. 


PREMIÈRE  RÉCRÉATION. 

LE  JEU  DES  TRAVERSÉES  EN  BATEAU, 


A  Monsieur  V amiral  de  Jonquières,  membre 
de  rinstitut. 


M  C'est  le  principal  défaut  de  beaucoup  de  savants, 
qu'ilsnes'amusent  qu'à  des  discours  vagues  et  rebattus, 
pendant  qu'il  y  a  un  si  beau  champ  à  exercer  leur 
esprit  dans  des  objets  solides  et  réels,  avec  l'avantage 
du  public.  Les  chasseurs,  les  pêcheurs,  les  marchands, 
les  mariniers  voyageurs  et  même  les  jeux  tant  d'adresse 
que  de  hasard  fournissent  de  quoi  augmenter  considé- 
rablement les  sciences  utiles.  Il  y  a  presque  dans  les 
exercices  des  enfants  ce  qui  pourrait  arrêter  le  plus 
grand  mathématicien.  » 

(Leibniz.  —  Optr,  phil.) 


PREMIÈRE  RÉCRÉATION. 


LE  JEU  DES  TRAVERSÉES  EN  BATEAU, 


HISTORIQUE.  —  BIOGRAPHIE  DE  BlCHET. 

CETTE  première  récréation  contient  la  discussion,  la  recti- 
fication et  la  généralisation  de  plusieurs  problèmes  de 
l'antiquité,  qui  se  rapportent  à  la  géométrie  de  l'ordre  et 
de  la  situation. 

Quant  à  l'origine  des  problèmes  qui  suivent,  nous  la  croyons 
inconnue,  comme  celle  du  baguenaudier,  dont  nous  donnons  la 
théorie  dans  la  septième  récréation.  Peut-être  y  a-t-il  une  con- 
nexion entre  le  problème  des  trois  maris  jaloux  et  le  jeu  du 
baguenaudier  de  trois  anneaux.  C'est  une  question  à  élucider. 
11  est  facile  de  réaliser  le  jeu  des  traversées  en  se  servant  des 
partes  d'un  jeu  de  piquet,  pour  le  problème  de  trois  ou  de 
quatre  ménages;  s'il  y  a  plus  de  ménages,  on  prendra  plusieurs 
jeux.  On  peut  aussi  remplacer  les  cartes  par  des  jetons  numé- 
rotés blancs  et  roses,  ou  de  deux  couleurs  quelconques.  En  lisant 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  ' 


'Première  récréa  tien. 


attentivement  la  discussion  du  problème  que  nous  donnons 
plus  loin,  d'après  Bachet  lui-même,  on  apprendra  assez  rapi- 
dement la  manœuvre  de  ce  jeu  intéressant.  Bachet  est  l'un 
des  premiers  auteurs  français  qui  aient  écrit  sur  l'arithmétique  et 
sur  la  géométrie  de  situation  ;  nous  extrayons  de  *la  Préface  de 
nos  Recherches  sur  V Analyse  indéterminée  et  sur  V Arithmé- 
tique de  Diophante  (Moulins,  1873),  la  notice  biographique  sui- 
vante : 

Gaspar  Bachet,  sieur  de  Méziriac,  né  à  Bourg-en-Bresse,  en 
i58i,  et  mort  en  i638,  était  un  géomètre  et  un  littérateur  dis- 
tingué. Il  fut,  à  la  suite  d'un  voyage  en  Italie  avec  le  grammai- 
rien Vaugelas,  proposé  comme  précepteur  de  Louis  XIII;  mais 
comme  il  n'était  pas  ambitieux,  il  quitta  précipitamment  la  capi- 
tale, tout  effrayé,  et  disant  qu'il  n'avait  jamais  été  si  en  peine, 
s'imaginant  déjà  porter  sur  ses  épaules  le  lourd  fardeau  du 
royaume.  De  retour  dans  sa  ville  natale,  il  se  maria,  et  son  choix 
fut  heureux  à  ce  qu'il  paraît,  car  il  avoue  lui-même  que  c'était 
la  meilleure  chose  qu'il  eût  jamais  faite.  C'est  au  milieu  du 
calme  de  cette  vie  intérieure  qu'il  découvrit  la  résolution  de 
l'équation  indéterminée  du  premier  degré  en  nombres  entiers, 
publia  deux  éditions  successives  de  son  Recueil  de  Problèmes 
plaisants  et  délectables  qui  se  font  par  les  Nombres  (Lyon,  1 6 1 3 
et  1624),  et  son  commentaire  sur  V Arithmétique  de  Diophante 
(Paris,  1621). 


Les  traversées  en  bateau. 


LA  TRAVERSEE  D  UN  REGIMENT  DANS  UN  BATELET. 

Une  compagnie  d'infanterie  s'avance  sur  le  bord  d^  un  fleuve; 
mais  le  pont  est  brisé,  la  rivière  est  profonde.  Le  capitaine 
aperçoit^  sur  le  bord,  deux  enfants  qui  jouent  dans  un  petit 
canot;  ce  bateau  est  si  petit,  qu'il  ne  peut  porter  plus  d'un 
soldat.  Comment  s'y  prendra  le  capitaine  pour  faire  passer 
le  fleuve  aux  soldats  de  sa  compagnie? 

Les  deux  enfants  traversent  la  rivière;  l'un  d'eux  reste  sur  la 
seconde  rive,  et  l'autre  ramène  le  bateau.  Puis  l'un  des  soldats 
traverse  la  rivière,  et  l'enfant  passé  ramène  le  bateau. 

Par  cette  tactique^  de  deux  allers  et  de  deux  retours,  un 
soldat  passe.  On  la  recommencera  autant  de  fois  qu'il  y  a 
d'hommes  dans  la  compagnie,  en  y  comprenant  le  capitaine  et 
ses  lieutenants. 

LA  TRAVERSÉE  DU  BATELIER, 

Sur  le  bord  d'une  rivière  se  trouvent  un  loup,  une  chèvre  et  un 
chou;  il  ny  a  qu'un  bateau  si  petit,  que  le  batelier  seul  et  l'un 
d'eux  peuvent  j-  tenir.  Il  est  question  de  les  passer  tous  trois, 
de  telle  sorte  que  le  loup  ne  mange  pas  la  chèvre,  ni  la  chèvre 
le  chou, pendant  l'absence  du  batelier. 

Le  batelier  commencera  par  passer  la  chèvre  ;  puis  il  retour- 
nera prendre  le  loup;  quand  il  aura  passé  le  loup,  il  ramènera  la 
chèvre,  qu'il  laissera  sur  la  première  rive  pour  passer  le  chou  du 


^Première  récréation. 


côté  du  loup.  Enfin  il  retournera  prendre  la  chèvre,  et  la  passera. 
Parce  moyen,  le  loup  ne  se  trouvera  donc  avec  la  chèvre,  ni  la 
chèvre  avec  le  chou,  qu'en  présence  du  batelier. 


•*:s^ 


L.\  TRAVKRSKE  DES  TROIS  MENAGES. 


Trois  maris  jaloux  se  trouvent  avec  leurs  femmes  au  passage 
d'une  rivière,  et  rencontrent  un  bateau  sans  batelier;  ce  bateau 
est  si  petit,  quHl  ne  peut  porter  plus  de  deux  personnes  à  la/ois. 
On  demande  co?nment  ces  six  personnes  passeront,  de  telle  sorte 
qu' aucune  femme  ne  demeure  en  la  compagnie  d'un  ou  de  deux 
hommes,  si  son  maii  n  est  présent. 

La  solution  de  ce  problème  antique  est  contenue  dans  les  vers 

latins  que  voici  : 

It  duplex  mulier,  redit  una,  vehitque  manentem  ; 
Itque  una,  utuntur  tune  duo  puppe  viri. 
Par  vadit,  redeunt  bini;  mulierque  sororc;n 
Advehit;  ad  propriam  sive  mari  tus  abit. 

En  d'autres  termes,  désignons  les  maris  jaloux  par  les  grandes 
lettres  A,  B,  G,  et  leurs  femmes  respectives  par  les  petites  lettres 
correspondantes  a,  b,  c;  on  a,  au  départ, 

Première  rive.  \  Deuxième  rive. 


G       B      A  I  ... 

c       b       a  I  ... 

On   opérera  de  la  manière  suivante,   en   observant  qu'après 
chaque  voyage  le  bateau  est  amarré  à  la  seconde  rive. 


Les  traversées  en  bateau. 


Deux  femmes  passent  d'abord  : 

G      B      A  .        . 

c       .        .  .        b       . 

Une  femme  revient  et  emmène  la  troisième  : 

G      B      A 


II. 


II L  —  Une  femme  revient^  reste  avec  son  mari,  et  les  deux 
autres  maris  passent  : 

G       .        .  I  .       B      A 

c        .        .  I  .        b       a 

IV.  —  Un  mari  revient  avec  sa  femme  qu'il  laisse,  et  emmène 
l'autre  mari  : 

I  G      B      A 

c       b        .  I  .        .        a 

V.  —  La  femme  passée  revient  chercher  Tune  des  deux  autres  : 

G       B      A 
c        ,        .  .        b       a 

VI.  —  Une  femme  (ou  le  mari)  revient  chercher  la  dernière  : 

G      B      A 

c       b       a 

Au  moyen  de  la  réalisation  du  jeu  par  des  cartes  ou  des  jetons, 
il  sera  facile  de  comprendre  le  raisonnement  de  Bachet,  que  nous 
reproduisons  ci-dessous  :  «  Il  semble  que  cette  question  ne  soit 
fondée  en  aucune  raison;  mais  toutefois  la  condition  apposée 
qu'il  ne  faut  point  qu'aucune  femme  demeure  accompagnée 
d'aucun  des  hommes  si  son  mari  n'est  présent,  nous  peut  guider 


Première  r.écréation. 


pour  trouver  la  solution  d'icelle  par  un  discours  infaillible.  Car  il 
est  certain  que  pour  passer  deux  à  deux,  il  faut  ou  que  deux 
hommes  passent  ensemble  ou  deux  femmes,  ou  un  homme  avec 
sa  femme.  Or,  au  premier  passage,  on  ne  peut  faire  passer  deux 
hommes  (car  alors  un  homme  seul  demeurerait  avec  les  trois 
femmes,  contre  la  condition)  ;  donc  il  est  nécessaire  que  deux 
fenitaes passent,  ou  qu'il  passe  un  homme  avec  sa  femme;  mais 
ces  deux  façons  reviennent  à  une,  d'autant  que  si  deux  femmes 
passent,  il  faut  que  Tune  ramène  le  bateau  ;  partant  une  seule  se 
treuve  en  l'autre  rive;  et  si  un  homme  passe  avec  sa  femme,  le 
même  adviendra,  d'autant  que  l'homme  doit  ramener  le  bateau 
(car  si  la  femme  le  ramenait ,  elle  se  treuverait  avec  les  deux 
autres  hommes  sans  son  mari). 

(i  Au  second  passage,  deux  hommes  ne  peuvent  passer,  car 
l'un  deux  lairrait  sa  femme  accompagnée  d'un  autre  homme; 
un  homme  aussi  avec  sa  femme  ne  peut  passer  (car,  étant  passé, 
il  se  treuverait  seul  avec  deux  femmes);  il  est  donc  nécessaire  que 
les  deux  femmes  passent:  ainsi  les  trois  femmes  étant  passées,  il 
faut  que  Tune  d'icelles  ramène  le  bateau.  Quoi  fait,  au  troisième 
passage,  oîi  restent  à  passer  les  trois  hommes  et  une  femme,  on 
voit  bien  que  deux  femmes  ne  peuvent  passer,  puisqu'il  n'y  en  a 
qu'une;  un  homme  aussi  avec  sa  femme  ne  peut  passer  (car  étant 
passé  il  se  treuverait  seul  avec  les  trois  femmes)  ;  donc,  il  faut  que 
deux  hommes  passent  et  allent  vers  leurs  deux  femmes,  laissant 
l'autre  avec  la  sienne.  Or,  qui  ramènera  le  bateau? 

((  Un  homme  ne  peut  le  faire  (car  il  lairrait  sa  femme  accom- 
pagnée d'un  autre  homme);  une  femme  [ou  deux  femmes)  (')  ne 

(')  Les  mots  en  italique  ne  sont  pas  dans  Bachet;  c'est  un  oubli. 


Les  traversées  en  bateau. 


peut  aussi  (car  elle  irait  vers  un  autre  homme  en  laissant  son 
mari)  ;  que  si  les  deux  hommes  le  ramenaient,  ce  serait  ne  rien 
faire,  car  ils  retourneraient  là  d'où  ils  sont  venus.  Partant,  ne 
restant  autre  moyen,  il  faut  qu'un  homme  avec  sa  femme  ramène 
le  bateau. 

«  Au  quatrième  passage,  où  restent  à  passer  deux  hommes  avec 
leurs  deux  femmes,  il  est  certain  qu'un  homme  avec  sa  femme 
ne  doit  passer  (car  ce  serait  ne  rien  faire)  ;  les  deux  femmes  aussi 
ne  peuvent  passer  (car  alors  les  trois  femmes  seraient  avec  un  seul 
homme)  ;  donc  il  faut  que  les  deux  hommes  passent.  Alors  pour 
ramener  le  bateau,  deux  hommes  ne  peuvent  être  employés  (car 
ce  serait  retourner  là  d'où  ils  sont  venus);  un  homme  seul  aussi 
ne  peut  (car,  cela  fait,  il  se  treuverait  seul  avec  deux  femmes); 
donc  il  faut  que  ce  soit  la  femme  qui,  en  deux  fois,  aille  quérir  les 
deux  autres  femmes  qui  restent  à  passer,  et  voilà  le  cinquième 
et  le  sixième  passage.  Partant,  en  six  fois,  ils  sont  tous  passés  sans 
enfreindre  la  condition  (').  » 

Le  raisonnement  qui  précède  nous  montre  que  le  problème 
proposé  ne  comporte  qu'une  seule  solution  en  six  passages,  au 
plus. 


L ERREUR    DE   TARTAGLIA. 

Tartaglia,  illustre  mathématicien  italien,  naquit  à  Brescia 
vers    iSiOj  et  mourut  en   iSSy.  Il  a  donné,  avant  Pascal,    la 

(^  )  Bachet,  Problèmes  plaisants  et  délectables  qui  se  font  par  les  Nombres 
Quatrième  édition,  revue,  simplifiée  et  augmentée  par  A.  Labosne,  Paris, 
Gauthier- ViLLARS,  1879,  P-  i4^"^5o. 


Première  récréation. 


théorie  du  triangle  arithmétique,  et  avant  Cardan,  la  résolution 
de  l'équation  du  troisième  degré.  Dans  son  Traité  d'Arithmé- 
tique, il  s'est  proposé  de  résoudre  le  problème  pour  quatre  mé- 
nages, en  conservant  les  conditions  de  l'énoncé  précédent;  mais 
ce  grand  savant  s'est  trompé.  Bachet,  qui  le  fait  remarquer,  a 
reconnu  que  la  chose  esc  impossible,  mais  sans  donner  de  dé- 
monstration. 

Voici  comment  on  peut  démontrer  l'impossibilité  de  ce  pro- 
blème, lorsqu'on  ne  peut  faire  passer  plus  de  deux  personnes  à  la 
fois.  On  observera  d'abord  que  d'un  passage  au  suivant  le 
nombre  des  personnes  passées,  s'il  augmente,  ne  peut  augmenter 
que  d'une  unité.  Par  conséquent,  supposons  qu'on  ait  fait  passer 
deux,  puis  trois,  puis  quatre  personnes  avec  les  conditions  impo- 
sées, et  voyons  si  l'on  pourra  faire  passer  cinq  personnes  Ces 
cinq  personnes  peuvent  être  passées  de  Tune  des  quatre  façons 
suivantes  : 

4  femmes.        i  3  femmes.        !  2  femmes.        |   i   femme. 

I 

i  homme.        |  2  hommes.       |  3  hommes.       ;  4  hommes. 

Mais  les  deux  premiers  cas  sont  impossibles,  d'après  l'énoncé, 
puisque  sur  la  seconde  rive  les  femmes  seraient  en  majorité,  et, 
par  suite,  il  y  aurait  quelque  femme  qui  se  trouverait  avec  un 
homme  sans  son  mari;  de  même,  le  troisième  cas  est  impossible, 
puisque  sur  la  première  rive  les  femmes  seraient  encore  en  majo- 
rité sur  les  hommes  présents. 

Quant  au  dernier  cas,  s'il  peut  avoir  lieu,  c'est  que  le  dernier 
passage  a  amené  deux  hommes,  ou  un  homme  et  une  femme.  Or 
il  n'a  pu  amener  deux  hommes,  car  alors  il  y  aurait  eu  sur  la 
première  rive  deux  hommes  et  trois  fem.mes,  ce  qui  est  impos- 


Les  traversées  en  bateau. 


sible  comme  dans  le  second  cas;  il  n'a  pu  amener  non  plus  un 
homme  et  une  femme,  car  il  y  aurait  eu  sur  la  première  rive  un 
homme  et  quatre  femmes,  ce  qui  est  impossible  comme  dans  le 
premier  cas. 

Donc  on  ne  peut  faire  passer  cinq  personnes,  par  suite  des 
exigences  de  l'énoncé  du  problème. 

LA  TRAVERSÉE  DE  QUATRE  MENAGES. 

Cependant  le  problème  de  la  traversée  de  quatre  ménages  peut 
être  effectué,  si  le  bateau  peut  contenir  jusqu'à  trois  personnes, 
en  conservant  les  autres  conditions  imposées,  ainsi  que  l'a  dé- 
montré M.  Labosne. 

Désignons  les  maris  ou  les  rois  des  quatre  couleurs  du  jeu  de 
cartes  parles  grandes  lettres  A,  B,  C,  D,  et  les  femmes  ou  les 
reines  respectives,  parles  petites  lettres  correspondantes  a,  by  c,  d; 
on  a,  au  départ, 

Première  rive.  Deuxième  rive. 

D       G       B      A  .... 

d        c        b       a  î  .... 

En  admettant  que  le  bateau  puisse  contenir  jusqu'à  trois  per- 
sonnes, on  opérera  conformément  au  tableau  suivant  : 

I.  —  Trois  reines  passent  d'abord  : 

D       G      B      A  I  .... 

d        ,         .        ,  I  .        c        b        a 


Première  récréation. 


II.  —  Une  reine  (ou  deux)  revient  et  emmène  la  quatrième  : 
D      C      B      A 


III.  —  Une  reine  revient,  reste  avec  son  mari;  les  trois  autres 
rois  passent  : 

D        .        .        .  ,  .       C       3       A 

d        .        .        .  i  .       c       b       a 

IV.  —  Un  roi  revient  avec  sa  femme  et  emmène  l'autre  roi  ; 

D      G      B      A 


d 


c       b       a 


V.  —  Enfin  le  dernier  des  rois  revient  chercher  sa  femme  : 

!  D      G      B      A 

I  d       c       b       a 


PROBLEME  GENERAL  DES  TRAVERSEES. 

En  suivant  la  même  voie,  on  généralise  le  problème  précédent 
que  l'on  peut  énoncer  ainsi  : 

Des  maris  en  nombre  quelconque  n  se  trouvent  avec  leurs 
femmes  au  passage  d'une  îHvière  et  aperçoivent  un  bateau  sans 
batelier;  ce  bateau  ne  peut  porter  plus  de  (n—  i  )  personnes.  On 
demande  comment  ces  2w  personnes  passeront,  de  telle  sorte 
qu'aucune  femme  ne  demeure  en  la  compagnie  d^un  autre  homme  ^ 
ou  de  plusieurs  autres,  si  son  mari  n'' est  présent. 


Les  traversées  en  bateau. 


i3 


Pour  la  solution  de  ce  problème,  nous  supposerons  qu'il  y  a 
plus  de  quatre  ménages;  nous  désignerons 


les  maris  par  les  lettres  M  L  B  A, 

et  leurs  femmes  par  ml    ba. 


Les  deux  traits  horizontaux  représentent   un   ou   plusieurs 
ménages,  en  nombre  quelconque. 
On  a,  au  départ  : 


Première  rive. 


ML 
ml 


-  BA 

-  ba 


Deuxième  rive. 


On  opérera  conformément  au  tableau  suivant  : 
L  —  D'abord  (n  —  i]  femmes  passent  : 
ML       BA 


m  . 


.  l 


\l.  ~  Une  femme  revient  chercher  la  dernière 

ML      BA  .    .        .  . 

ml        — 


ba 


ba 


IIL  —  Une  femme  revient,  reste  avec  son  mari,  et  les  autres 
maris  passent  : 

M .  L BA 

'  m .  /       ba 

IV.  —  Un  couple  repasse  la  rivière  et  ramène  le  couple  restant  : 

ML      BA 


ml 


ba. 


T^remière  récréation. 


La  traversée  est  effectuée  en  quatre  voyages,  tandis  que  pour 
quatre  ménages  il  en  faut  cinq;  dans  ce  cas,  le  dernier  voyage 
se  dédouble,  puisqu'il  reste  quatre  personnes  sur  la  première  rive, 
après  le  troisième  passage. 


^^s^ 


AUTRE  GENERALISATION  DU  PROBLEME. 

L'énoncé  général  qui  précède  a  été  proposé  par  M.  Labosne, 
qui  a  donné  une  solution  de  ce  problème  dans  son  édition  des 
Problèmes  plaisants  et  délectables  àt  Bachet  de  Méziriac.  Mais 
la  solution  que  nous  venons  d'exposer  est  beaucoup  plus  simple 
que  celle  de  l'éditeur. 

D'ailleurs,  nous  observerons  ici  que  cette  généralisation  ne 
nous  semble  pas  complète;  elle  ne  concorde  pas  entièrement  avec 
l'idée  renfermée  dans  l'énoncé  du  problème  des  trois  maris  jaloux. 
D'après  le  tableau  précédent,,  on  voit  que  l'on  peut  faire  passer 
neuf  ménages  avec  un  bateau  contenant  huit  personnes  au  plus. 
Cependant  il  est  facile  de  voir  que  cette  traversée  peut  être  effec- 
tuée avec  un  bateau  contenant  deux  personnes  de  moins,  c'est-à- 
dire  contenant  six  personnes  au  plus.  En  effet,  dans  la  solution 
du  problème  des  trois  ménages,  chacun  d'eux  peut  être  considéré 
comme  triple,  et  la  traversée  pourra  s'effectuer  conformément  au 
premier  tableau  que  nous  avons  donné,  en  y  supposant  que  Aa, 
Bè,  Ce  représentent  des  triples  ménages. 

En  conséquence,  l'énoncé  général  du  problème  des  traversées 
de  n  ménages  est  le  suivant  : 


Les  traversées  en  bateau. 


Des  maris  en  nombre  quelconque  n  se  trouvent  avec  leurs 
femmes  au  passage  d'une  rivière;  quel  doit  être  le  plus  petit 
nombre  x  de  personnes  quun  bateau  peut  au  plus  contenir ,  pour 
effectuer  la  traversée,  sans  batelier,  avec  la  condition  qu'au- 
cune femme  ne  demeure  dans  le  bateau  ou  sur  Vune  des  rives 
en  compagnie  d'un  ou  de  plusieurs  hommes,  si  son  mari  n'est 
présent. 

Nous  donnerons  la  solution  de  ce  problème  dans  la  note  I. 
placée  à  la  fin  du  volume. 


LA  STATION  DANS  UNE  ILE. 

Nous  ajouterons,  pour  terminer  cette  récréation,  qu'il  y  a  une 
autre  manière  de  généraliser  le  problème  des  maris  jaloux  par 
une  méthode  très  simple  et  très  ingénieuse,  dont  l'idée  nous  a 
été  suggérée  au  Congrès  de  VAssociation  française  pour  V avan- 
cement des  sciences^  à  Montpellier,  en  1879,  par  un  jeune  élève 
du  lycée  de  cette  ville,  M.  Cadet  de  Fontenay.  En  effet,  il  suffit 
de  supposer  que,  dans  la  traversée  du  fleuve,  on  peut  s'arrêter 
dans  une  île;  dans  ce  cas,  en  conservant  toutes  les  autres  con- 
ditions du  premier  problème,  on  peut  effectuer  avec  un  bateau, 
contenant  deux  personnes  au  plus,  la  traversée  d'un  nombre 
quelconque  de  ménages.  En  d'autres  termes,  nous  donnerons  la 
solution  complète  du  problème  suivant  : 

Des  maris^  en  nombre  quelconque,  se  trouvent  avec  leurs 
femmes  au  passage  d'une  rivière  ;  ils  rencontrent  un  bateau  si 


i6  Première  récréation. 


petite  qu'il  ne  peut  porter  plus  de  deux  personnes.  De  plus^  la 
rivière  renferme  une  île  sur  laquelle  on  peut  s^ arrêter.  On  de- 
mande comment  toutes  ces  personnes  passeront  la  rivière,  de 
telle  sorte  qu  aucune  fimme  ne  demeure,  soit  sur  les  deux  rives, 
dans  le  bateau  ou  dans  l'île,  en  la  compagnie  d'un  ou  de  plu- 
sieurs hommes,  si  son  mari  n'est  présent. 

Nous  supposerons  d'abord  que  le  nombre  des  maris  est  au 
moins  égal  à  quatre.  La  traversée  se  composera  toujours  de  trois 
phases  distinctes. 

Phase  de  départ.  —  Dans  cette  première  partie,  il  s'agit  de 
faire  passer  un  ménage  sur  la  seconde  rive,  et  un  autre  dans  Tîle  ; 
on  arrive  à  ce  résultat  par  cinq  voyages;  après  chacun  d'eux^  le 
bateau  est  amarré  dans  l'île. 

Les  deux  traits  horizontaux  représentent  encore  un  ou  plu- 
sieurs ménages. 

Première  rive.       \  Ile.  \      Deuxième  rive. 


I.  —  Deux  femmes  passent  dans  l'île  : 

D     G     B     A  I       ....       1       ...        . 

dc..\.-ba\...* 

II.  —  L'une  d'elles  revient  chercher  la  troisième  : 

D     G     B    A         ....  ..... 

d      .       .       .  .       c       b       a  .... 

III.  _  Une  femme  revient,  reste  avec  son  mari,  et  deux  maris 
rejoignent  leurs  femmes  : 

D     G      .       .  .       .      B      A      j       .       .       .       . 

de..  .       .      b       a       \       .       .       '       ' 


Les  traversées  en  bateau. 


IV.  —  Les  femmes  de  l'île  passent  sur  la  deuxième  rive,  et 
Tune  d'elles  revient  dans  l'île  : 

D    G      .      .   I      .       .      B     A      !      . 

-—     d     c       .      .   \      .       .       b       .       \      .       .       .       a 

V.  —  Les  hommes  de  l'île  traversent  le  second  bras,  et  l'un 
d'eux  revient  dans  l'île  avec  sa  femme  : 

DG..i..B.|...A 

— -     d     c       .      .    ,       .       ,       b       .       \       .       .        .      a 

Phase  intermédiaire.  —  Il  s'agit  :  i°  d'aller  chercher  un  couple 
sur  la  première  rive  pour  l'amener  dans  l'île  ;  2°  de  faire  passer  un 
couple  de  l'île  sur  la  seconde  rive,  le  bateau  restant  toujours 
amarré  dans  l'île  après  chaque  voyage;  cette  phase  comprend 
quatre  voyages. 

I.  —  L'homme  de  l'île  revient  sur  la  première  rive  et  deux 
femmes  rejoignent  l'île  : 

■ — -     D     G    B      .   j       ;       .       .       .       j      .       .       .A 

.  .       .    \      d      c       b       .        \       .        .        ,       a 

II.  —  Une  femme  revient,  reste  avec  son  mari,  et  les  deu>c 
autres  rejoignent  leurs  femmes  dans  l'île  : 

-     D      .      .       .    I       .      G      B      .       ;       .        .       .      A 

d...\.cb,\,,.a 

III.  —  Les  deux  maris  traversent  le  second  bras,  et  la  femme 
revient  dans  l'île  : 

■ ^D...j.,..!GBA 

■ d      .       .       .    \       .       c       b       a       \       . 

E.  Lucas.  —  Récréations  mathcm.  2 


Première  récréation.  —  Les  traversées  en  bateau. 


IV.  —  Deux  femmes  de  Tîle  traversent  le  second  bras,  et  le 
mari  C  revient  dans  l'île  : 


On  répétera  cette  phase  intermédiaire  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste 
plus  qu'un  seul  ménage  sur  la  première  rive. 

Dernière  phase. —  Il  s'agit  de  faire  passer  sur  la  deuxième  rive 
le  ménage  resté  sur  la  première,  et  celui  qui  est  resté  dans  l'île. 
Il  faut  trois  voyages,  le  dernier  étant  compté  pour  un  seul. 

I.  —  L'homme  de  l'île  revient  chercher  le  dernier  mari  : 

I      D      G       .        .       I    .      .      B     A     

d       .        .        .        \       .       c       .        .        \     .      .      b      a      ■ 

II.  —  Les  hommes  de  l'île  passent  sur  la  seconde  rive,  et  une 
femme  revient  dans  l'île  : 

1   D     C     B     A     

c       b       .        \    .       .      .       a     

III.  —  Les  femmes  de  l'île  passent  le  second  bras,  et  Tune^ 
d'elles  revient  chercher  la  dernière  femme  : 

D     C     B     A    

d     c      b      a     ■ 

Donc,  s'il  n'y  a  que  quatre  ménages,  la  traversée  s'effectue  en 
douze  passages;  et  s'il  y  a  ;2  ménages,  elle  peut  s'effectuer  en  un 
nombre  de  voyages  au  plus  égal  à  4  {n  —  i). 


DEUXIÈME  RÉCRÉATION. 

LE  JEU  DES  PONTS  ET  DES  ILES. 


A  Mcnszeiir  Edouard  Collignon^  inspecteur  général 
des  Ponts  et  Chaussées. 


«  Il  est  des  esprits  de  toutes  les  trempes,  comme  des 
caractères  et  des  visages  différents.  Ce  qu'un  ordre 
d  hommes  honore  d'une  profonde  indifférence  d'autres 
en  font  leurs  délices.  C'est  en  cela  que  consiste  l'har- 
monie de  l'univers.  » 


(OzANAM.  —  Préface  à&s  Re'créations.) 

e  Quand  le  pont  est  passé,  on  se  mocque  du  sainct.» 
[J'ro'uerLi'  du  moyen âfre.) 


DEUXIEME  RECREATION. 


LE  JEU   DES  PONTS  ET  DES  ILES. 


PARMI  les  divers  travaux  des  mathématiciens  sur  cette  branche 
de  la  science  de  l'étendue  que  l'on  nomme  Géométrie  de 
situation,  on  rencontre,  dès  Torigine,  un  fameux  Mémoire 
d'Euler,  connu  sous  le  nom  de  Problème  des  Ponts  de  Kœnigs- 
berg;  nous  donnons,  d'après  les  Nouvelles  Annales  de  Mathéma- 
tiques, un  commentaire  de  cet  opuscule,  qui  a  paru  en  latin 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  pour 
Tannée  lySg,  et  qui  a  pour  titre  :  Solutio  problematis  ad  Geo- 
metriam  situs pertinentis. 


LE    MEMOIRE   D  EULER. 

i*"  Outre  cette  partie  delà  Géométrie  qui  s'occupe  de  la  gran- 
deur et  de  la  mesure,  et  qui  a  été  cultivée  dés  les  temps  les  plus 
reculés,  avec  une  grande  application^  Leibniz  a  fait  mention,  pour 
la  première  fois,  d'une  autre  partie  encore  très  inconnue  actuelle- 
ment, qu'il  a  appelée  Geome^r/a  situs.  D'après  lui,  cette  branche 


Deuxième  récréation. 


de  la  science  s'occupe  uniquement  de  l'ordre  et  de  la  situation, 
indépendamment  des  rapports  de  grandeur.  Mais  quels  sont  les 
problèmes  qui  appartiennent  à  cette  géométrie  ;  quelles  sont  les 
méthodes  qu'il  faut  employer  à  leur  résolution?  C'est  ce  qui  n'a 
pas  encore  été  nettement  défini.  Récemment  j'ai  entendu  parler 
d'un  problème  qui  paraît  se  rapporter  à  la  Géométrie  de  situation, 
puisqu'il  ne  contient^  dans  son  énoncé,  que  des  considérations 
d'ordre  et  non  de  mesure  ;  aussi  ai-je  résolu  d'exposer  ici, comme 
un  spécimen^  la  méthode  que  j'ai  trouvée  pour  résoudre  ce 
problème. 

2°  A  Kœnigsberg,  en  Poméranie,  il  y  a  une  île  appelée  Kneip- 
hof;  le  fleuve  qui  l'entoure  se  divise  en  deux  bras  {fig.  i),  sur  les- 

Fig.  I. 

C 


Les  ponts  de  Kœnigsberg  en  lySg. 


quels  sont  jetés  les  sept  ponts  a,  b,  c,  d,  e,/.  g.  Cela  posé,  peut- 
on  arranger  son  parcours  de  telle  sorte  que  l'on  passe  sur  chaque 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles.  23 


pont,  et  que  l'on  ne  puisse  y  passer  qu'une  seule  fois?  Cela 
semble  possible,  disent  les  uns;  impossible,  disent  les  autres; 
cependant  personne  n'a  la  certitude  de  son  sentiment.  Je  me  suis 
donc  proposé  le  problème  suivant,  qui  est  très  général  : 

Quelle  que  soit  la  forme  d'un  fleuve,  sa  distribution  en  bras, 
par  des  îles  en  nombre  quelconque,  et  quelque  soit  le  nombre  des 
ponts  jetés  sur  le  fleuve,  trouver  si  V  on  peut  franchir  celui-ci  en 
passant  imefois,  et  une  seule,  sur  chacun  des  ponts. 

3°  Quant  au  problème  particulier  des  sept  ponts  de  Kœnigs- 
berg,  on  pourrait  évidemment  le  résoudre  en  faisant  l'énumé- 
ration  complète  de  tous  les  parcours  possibles  ;  on  reconnaîtrait 
ainsi  s'il  existe  ou  non  un  chemin  qui  réponde  à  la  question. 
MaiSj  par  suite  du  grand  nombre  de  permutations,  cette  méthode, 
déjà  difficile  et  laborieuse  dans  le  cas  particulier,  serait  imprati- 
cable pour  un  plus  grand  nombre  de  ponts  ;  d'autre  part,  parmi  ces 
permutations,  beaucoup  d'entre  elles  sont  inutiles,  de  telle  sorte 
qu'après  avoir  terminé  l'opération  on  aurait  rencontré  un  grand 
nombre  de  choses  qui  ne  sont  pas  en  question  ;  c'est  en  cela^  sans 
aucun  doute,  que  réside  la  cause  d'une  aussi  grande  difficulté  ('). 
Donc,  en  laissant  de  côté  ces  considérations,  j'ai  recherché  s'il 
n'était  pas  préférable  d'imaginer  une  méthode  qui  permît  de 
juger,  au  premier  abord,  de  la  possibilité  ou  de  l'impossibilité  du 
problème  ;  je  pensais,  en  effet,  qu'une  telle  méthode  devait  être 
beaucoup  plus  simple  (*). 

(^)  C'est  pour  la  même  raison,  très  probablement,  que  ron  n'a  pas  encore 
trouvé  la  solution  du  problème  des  reines  lorsque  le  nombre  de  celles-ci 
dépasse  huit;  voir  à  ce  sujet  notre  quatrième  récréation  sur  le  problème  des 
huit  reines  au  jeu  des  échecs.  Quant  aux  permutations  qu'il  y  aurait  lieu 
de  considérer  ici,  ce  sont  les  permutations  avec  répétition. 

(2)  Cette  remarque  d'Euler  comporte  un  très  grand  caractère  de  généralité 
qu'elle  ne  paraît  pas  avoir  toutd'abord.  J'ai  observé  que,  dans  un  grand  nombre 


24  Deuxième  récréation. 


4*^  Or,  toute  la  méthode  repose  sur  une  manière  convenable 
de  représenter  les  divers  chemins;  pour  cela,  je  me  sers  des  lettres 
majuscules  A,  B,  G,  D,  ...  pour  désigner  les  diverses  régions 
séparées  par  les  bras  du  fleuve;  alors,  si  l'on  passe  de  la  région  A 
dans  la  région  B,  soit  par  le  pont  a^  soit  par  le  pont  b,  je  désigne 
ce  chemin  par  AB  ;  la  première  lettre  indique  la  région  de  départ, 
et  la  seconde  la  région  d'arrivée.  Maintenant^  si  le  voyageur 
passe  de  la  région  B  dans  la  région  D,  par  le  pont  f  par  exemple, 
je  désigne  la  seconde  traversée  par  BD,  et  l'ensemble  des  deux 
passages  successifs  par  ABD;  ainsi,  la  lettre  intermédiaire  B 
désigne  en  même  temps  la  région  d'arrivée  après  la  première 
traversée,  et  la  région  de  départ  pour  la  seconde. 

5""  Si  le  voyageur  passe  ensuite  de  D  en  G  par  le  pont  g,  je 
désigne  l'ensemble  des  trois  passages  successifs  par  les  quatre 
lettres  ABDG.  Ainsi,  la  notation  ABDG  signifie  que  le  voya- 
geur, situé  primitivement  dans  la  région  A,  est  parvenu  dans  la 
région  G,  après  avoir  occupé  successivement  les  régions  B  et  D, 
mais,  puisque  ces  quatre  régions  sont  séparées  les  unes  des  autres 
par  le  bras  du  fleuve,  le  voyageur  a  dû  franchir  trois  ponts;  de 
même,  tout  parcours  dans  lequel  on  traverse  quatre  ponts  sera  dé- 
signé par  cinq  lettres.  En  général,  si  le  voyageur  traverse  n  ponts, 
la   notation   de  son  parcours    contiendra  n  -h  i   lettres.   Ainsi, 

de  problèmes  de  la  Géométrie  desituation,  ily  a  souventunedillérence  consi- 
dérable dans  la  manière  de  traiter  la  possibilité  et  l'impassibilité  ;  en  géné- 
ral, l'impossibilité  se  manifeste  plus  facilement  que  la  possibilité,  ainsi 
que  l'on  pourra  s'en  convaincre  dans  les  théories  du  solitaire,  du  taquin 
et  de  quelques  autres  jeux.  Dans  le  paragraphe  suivant,  Euler  ajoute  que 
toute  sa  méthode  repose  sur  une  notation  spéciale  ;  nous  ferons  voir  encore 
que  dans  tous  ces  problèmes  il  en  est  toujours  ainsi.  On  verra,  dans  notre 
récréation  sur  le  jeu  de  baguenaudier,  comment  la  notation  si  ingénieuse 
de  M.  Gros  simplifie  considérablement  la  théorie  do  ce  jeu. 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles.  25 

dans  le  problème  des  sept  ponts  de  Kœnigsberg,  tout  chemin 
possible  doit  être  de'signé  par  huit  lettres. 

6°  On  observera  que,  dans  cette  notation^  il  n'est  pas  tenu 
compte  de  la  désignation  des  ponts  par  lesquels  le  passage  s'ef- 
fectue; il  est  évident_,  en  effet,  que  les  ponts  qui  réunissent  les 
mêmes  régions  peuvent  être,  dans  chaque  parcours,  remplacés 
les  uns  par  les  autres.  Par  conséquent,  dans  le  problème  des  sept 
ponts,  tout  parcours  est  représenté  par  huit  lettres;  mais,  de  plus, 
ces  huit  lettres  doivent  être  disposées  de  telle  sorte  que  la  suc- 
cession immédiate  des  lettres  A  et  B^  dans  Fordre  AB  ou  BA,  se 
présente  deux  fois,  puisqu'il  y  a  deux  ponts  qui  réunissent  les 
rives  des  régions  A  et  B;  de  même,  le  voisinage  des  lettres  A  et  C 
doit  aussi  apparaître  deux  fois;  pour  la  même  raison^  il  est  néces- 
saire que  les  lettres  B  et  D^  ou  G  et  D  soient  voisines  une  seule 
"•t'ois. 

7°  Le  problème  particulier  se  réduit  donc  à  former  avec  les 
quatre  lettres  A,  B,  G,  D  une  série  de  huit  lettres,  dans  laquelle 
tous  ces  voisinages  apparaissent  autant  de  fois  qu'il  a  été  indiqué; 
mais,  avant  de  chercher  à  effectuer  une  telle  disposition,  il  est 
bon  de  se  demander  si  celle-ci  est  réalisable.  En  effet,  si  l'on 
démontrait,  et  c'est  ce  qui  a  lieu  ici,  qu'un  tel  assemblage  de 
lettres  est  impossible,  il  serait  inutile  de  continuer.  Aussi  ai-je 
trouvé  une  règle  qui  donne,  pour  tous  les  cas,  la  condition  indis- 
pensable pour  que  le  problème  des  ponts  et  des  îles  ne  soit  pas 
impossible. 

8"^  Pour  cela,  je  considère  uniquement  la  région  A,  dont  la 
rive  est  réunie  à  celle  des  autres  régions  par  un  nombre  quel- 
conque de  ponts  a,  b,  c,  d^  e,  ...  En  commençant  par  le  pont  a, 
j'observe  que  si  le  voyageur  traverse  ce  pont,  ou  bien  le  voya- 


20  Deuxième  récréation. 


geur  se  trouvait  en  A  avant  le  passage,  ou  s'y  trouvera  après; 
par  conséquent,  en  franchissant  le  pont  a  dans  un  sens  ou  dans 
l'autre,  la  lettre  A  paraîtra  une  seule  fois  dans  la  notation.  Sup- 
posons maintenant  que  trois  ponts  a,  b,  c  conduisent  dans  la 
région  A  ;  si  le  voyageur  traverse  les  trois  ponts,  la  lettre  A  appa- 
raîtra deux  fois  dans  la  notation,  soit  qu'au  début  le  voyageur 
parte  de  cette  région  ou  d'une  autre  quelconque.  De  même,  si 
cinq  ponts  conduisent  en  A,  la  lettre  A  sera  comprise  trois  fois 
dans  la  notation  du  passage  à  travers  tous  ces  ponts.  En  général, 
si  le  nombre  des  ponts  qui  aboutissent  à  la  rive  de  la  région  A 
est  impair  (une  telle  région  sera  appelée  région  impaire]^  la 
lettre  A  apparaîtra,  dans  la  notation  du  passage  complet,  un 
nombre  de  fois  égal  à  la  moitié  du  nombre  des  ponts  augmenté 
d'une  unité.  En  d'autres  termes,  si  le  nombre  des  ponts  est 
2n  -\-  I,  le  nombre  d'apparitions  de  A  sera  la  moitié  de  2^  +  2 

ou  72  4-  I  . 

9°  Dans  le  cas  du  problème  de  Kœnigsberg,cinq  ponts  abou- 
tissent à  la  région  A,  et  trois  ponts  à  chacune  des  régions  B,  C,  D  ; 
donc,  dans  la  notation  du  parcours  complet,  la  lettre  A  doit 
apparaître  trois  fois,  et  chacune  des  lettres  B^  C,  D  doit  être 
écrite  deux  fois;  par  conséquent  cette  notation  devrait  renfer- 
mer neuf  lettres,  et  non  huit,  ainsi  que  nous  l'avions  trouvé  par 
d'autres  considérations.  Ainsi  le  problème  de  franchir  une  seule 
fois  tous  les  ponts  de  Kœnigsberg  n'est  pas  possible. 

10°  On  appliquera  exactement  le  même  raisonnement  pour 
tous  les  cas  dans  lesquels  le  nombre  des  ponts  qui  aboutissent 
aux  différentes  régions  est  toujours  impair;  on  pourra  déterminer 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


des  cas  d'impossibilité  du  parcours.  En  effet,  s'il  arrive  que  le 
nombre  total  des  apparitions  de  toutes  les  lettres  n'égale  pas  le 
nombre  de  tous  les  ponts  augmenté  de  Tunité,  le  problème  est 
alors  impossible.  On  observera  que  la  règle  donnée  pour  obtenir 
le  nombre  des  répétitions  de  la  lettre  A  par  le  nombre  impair  des 
ponts  de  la  région  s'applique  toujours,  soit  que  tous  les  ponts 
issus  de  la  rive  A  aboutissent  à  une  seule  région  B,  soit  qu'ils 
aboutissent  à  un  nombre  quelconque  de  régions. 

1 1°  Mais,  lorsque  le  nombre  des  ponts  issus  de  A  est  pair,  on 
doit  considérer  deux  cas,  suivant  que  le  voyageur  est  parti  de  A 
ou  d'une  autre  région.  En  effet,  si  deux  ponts  conduisent  en  A, 
et  si  le  voyageur  est  parti  de  A,  alors  la  lettre  A  doit  être  répétée 
deux  fois  :  une  première  fois  pour  le  départ  par  l'un  des  ponts, 
et  une  deuxième  fois  pour  le  retour  par  l'autre  pont;  mais  si  le 
voyageur  a  commencé  ses  pérégrinations  par  une  autre  région, 
la  lettre  A  ne  se  trouvera  écrite  qu'une  seule  fois  et  désignera  tout 
aussi  bien,  ainsi  qu'il  est  convenu,  l'arrivée  en  A  par  l'un  des 
ponts  et  le  départ  par  l'autre. 

12°  Supposons  que  quatre  ponts  conduisent  dans  la  région  A, 
et  que  le  voyageur  parte  de  celle-ci;  alors  la  notation  du  parcours 
contiendra  trois  fois  la  lettre  A  s'il  passe  une  fois,  et  une  seule, 
sur  chacun  de  ces  ponts;  mais  s'il  est  parti  d'une  autre  région, 
la  lettre  A  ne  sera  répétée  que  deux  fois.  De  même,  lorsque  six 
ponts  aboutissent  à  la  région  A,  la  notation  du  parcours  renfer- 
mera quatre  fois  ou  trois  fois  la  lettre  A,  suivant  que  le  départ 
s'est  effectué  de  la  région  A  ou  d'une  autre.  En  général,  lorsque  le 
nombre  des  ponts  d'une  rive  est  pair  {région  paire),  la  notation 
correspondante  renferme  la  lettre  de  cette  région  un  nombre  de 
fois  égal  à  la  moitié  du  nombre  des  ponts,  si  le  départ  s'est  établi 


Deuxième  récréation. 


d'une  autre  région,  et  à  ce  nombre  augmenté  de  l'unité,  si  le 
commencement  du  voyage  a  eu  lieu  dans  cette  région. 

i3°  Mais  il  est  évident  que,  dans  le  parcours  complet,  on  ne 
peut  partir  que  d'une  seule  région;  par  conséquent  je  prendrai 
toujours  pour  le  nombre  des  répétitions  d'une  lettre  la  moitié  du 
nombre  des  ponts  pour  une  région  paire,  et  la  moitié  du  nombre 
des  ponts  augmenté  d'une  unité,  si  la  région  est  impaire.  Nous 
aurons  alors  deux  cas  à  considérer,  suivant  que  le  départ  s'ef- 
fectue d'une  région  impaire  ou  d'une  région  paire. 

Dans  le  premier  cas,  le  problème  sera  impossible  si  le  nombre 
total  des  répétitions  des  lettres  ne  surpasse  pas  d'une  unité  le 
nombre  total  des  ponts.  Dans  le  cas  de  départ  d'une  région  paire, 
le  problème  sera  impossible,  si  le  nombre  total  des  répétitions  des 
lettres  n'égale  pas  le  nombre  des  ponts;  car,  en  commençant  par 
une  région  paire,  on  devra  augmenter  d'une  unité  pour  cette 
région,  et  pour  celle-là  seulement,  le  nombre  des  répétitions  de 
la  lettre  correspondante. 


4"  Considérons  donc  une  disposition  quelconque  des  ponts  et 
des  îles  d'un  fleuve.  Pour  savoir  si  le  parcours  complet  de  tous 
les  ponts  n'est  pas  impossible  à  priori^  on  opère  de  la  manière 
suivante  :  i°  On  désigne  chacune  des  régions  séparées  les  unes 
des  autres  par  les  lettres  A,  B,  C,  D;  2°  on  prend  le  nombre  de 
tous  les  ponts,  et  on  le  place  en  tête  du  tableau  de  calcul  que 
nous  allons  indiquer;  3°  on  écrit  dans  une  colonne  verticale 
chacune  des  lettres  A,  B,  C,  D,  et  dans  une  seconde  colonne,  le 
nombre  des  ponts  qui  aboutissent  à  ces  différentes  régions;  4°  on 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


marque  d'un  astérisque  les  régions  paires,  c'est-à-dire  celles 
auxquelles  aboutissent  des  ponts  en  nombre  pair;  5°  on  écrit 
dans  une  troisième  colonne  verticale  les  moitiés  des  nombres 
pairs,  et  les  moitiés  dts  nombres  impairs,  augmentés  d'une  unité, 
de  la  colonne  précédente;  6°  on  fait  la  somme  de  tous  les  nom- 
bres de  cette  dernière  colonne.  Lorsque  cette  somme  est  égale 
au  nombre  de  tous  les  ponts  ou  lui  est  supérieure  d'une  unité,  le 
passage  complet  peut  être  effectué,  sinon  le  problème  est  impos- 
sible. Mais  il  faut  observer  que,  dans  le  premier  cas,  le  départ 
doit  commencer  par  une  région  paire,  marquée  d'un  astérisque; 
dans  le  second  cas,  le  départ  doit  s'effectuer  d'une  région  non 
marquée  d'astérisque,  ou  impaire.  Ainsi  l'on  a,  pour  le  le  pro- 
blème de  Kœnigsberg  : 


Nombre  des  ponts  :  7. 


A 5 

B 3 

C 3 

D 3 

TOTAT 


Comme  le  total  est  plus  grand  que  8  ou  7  -^  i,  le  problème  est 
impossible. 

iS"  Considérons  la  disposition  formée  par  deux  îles  A  et  B, 
réunies  entre  elles  et  aux  rives  d'un  fleuve  par  quinze  ponts, 
ainsi  que  l'indique  la  fig.  2.  On  demande  si  l'on  peut  voyager 
de  manière  à  passer  sur  tous  les  ponts,  sans  jamais  repasser 


3o 


Deuxième  récréation. 


sur    l'un   deux.    D'abord,   je    désigne    les  six  re'gions   par   les 

Fig.  2. 


lettres  A,  B,  C,  D,  E,  F;  puis  je  construis  le  tableau  d'après  les 
explications  données  ci-dessus  : 

Nombre  des  ponts  :  i5. 


A^    

8 

B^       

.  .          A. 

G* 

.  .  .         A. 

D 

3 

E 

5 

F^ 

fi 

Total 

i6 
Dans  cet  exemple,  le  problème  est  possible,  pourvu  que  l'on 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


parte  de  la  région  D,  et  alors  on  arrive  à  la  région  E,  ou  inver- 
sement; le  parcours  pourra  s'effectuer  ainsi  : 

EaFbBcFdAeFfC^AhCiDkAmEnApBqElD, 

ou  dans  l'ordre  inverse;  dans  cette  notation,  nous  avons  intercalé 
entre  les  lettres  majuscules,  qui  indiquent  les  régions,  les  lettres 
minuscules  qui  désignent  les  quinze  ponts. 


i6°  En  dehors  de  la  méthode  précédente,  pour  juger  de  l'im- 
possibilité, nous  indiquerons  un  moyen  plus  simple  et  plus 
expéditif.  Nous  observerons  d'abord  que  la  somme  des  nombres 
de  la  seconde  colonne  verticale  du  tableau  est  exactement  égale 
au  double  du  nombre  des  ponts  ;  cela  tient  à  ce  que  nous  avons 
compté  chaque  pont  deux  fois,  puisque  par  chacune  de  ses  extré- 
mités il  aboutit  à  deux  régions  distinctes. 

17°  Il  résulte  évidemment  de  cette  remarque,  que  la  somme 
des  nombres  renfermés  dans  la  seconde  colonne  verticale  est  un 
nombre  pair,  puisque  sa  moitié  représente  le  nombre  des  ponts. 

Par  conséquent,  il  n'est  pas  possible  que  le  nombre  des  régions 
impaires  soit  un,  trois,  cinq,  etc.  ;  ainsi  dans  tous  les  tableaux  de 
calcul,  la  seconde  colonne  renferme  toujours  un  nombre  pair  de 
nombres  impairs;  en  d'autres  termes,  le  nombre  des  régions 
impaires  est  nécessairement  zéro  ou  un  nombre  pair.  C'est,  en 
particulier,  ce  que  nous  avons  trouvé  pour  le  problème  de  Kœ- 
nigsberg,  et  aussi  pour  le  problème  du  n°  i5. 

18°  Il  ressort  de  ces  conF'dérations  que  le  problème  n'est  pas 
impossible  si  toutes  les  régions  sont  paires.  Alors  tous  les  nom- 
bres de  la  seconde  colonne  verticale  sont  pairs,  et  le  total  des 


32  Deuxième  récréation. 


nombres  de  la  troisième  colonne  est  égal  au  nombre  des  ponts  ; 
et  l'on  verra  que  le  problème  est  toujours  possible  en  prenant 
pourpoint  de  départ  uns  région  quelconque. 

Ainsi,  dans  l'exemple  de  Kœnigsberg,  on  pourrait  franchir 
tous  les  ponts  par  deux  fois  ;  par  exemple  : 

ababcdcde  ff  g  g  e. 

En  effet,  chaque  pont  est  dédoublé,  et  toutes  les  régions  de- 
viennent paires  (^). 

19°  Supposons  encore  qu'il  y  aitdeux  régions  impaires,  toutes 
les  autres  étant  paires;  dans  ce  cas,  la  somme  des  nombres  de  la 
troisième  colonne  surpasse  d'une  unité  le  nombre  des  ponts;  on 
s'assurera  encore  que  le  problème  est  possible,  à  la  condition  de 
prendre  pour  point  de  départ  ou  d'arrivée  Tune  ou  l'autre  des  deux 
régions  impaires.  On  voit  encore  que  si  le  nombre  des  régions 
impaires  était  de  quatre^  six,  huit,  la  somme  des  nombres  de  la 
troisième  colonne  surpasserait  de  deux,  trois,  quatre  unités  le 
nombre  total  des  ponts  ;  par  conséquent  le  problème  serait  impos- 
sible. 

20"  En  résumé,  étant  donnée  une  disposition  quelconque,  il 
sera  facile  de  savoir  s'il  est  possible  de  franchir,  une  seule  fois, 
tous  les  ponts.  Le  problème  est  impossible,  lorsqu'il  y  a  plus  de 
deux  régions  impaires;  il  est  possible  :  1°  lorsque  toutes  les 
régions  sont  paires,  et  alors  le  point  de  départ  peut  se  faire  arbi- 
trairement d'une  région  quelconque;  2°  lorsqu'il  n'y  a  que  deux 
régions  impaires,  et  alors  le  parcours  commence  par  l'une  de 
celles-ci  et  finit  par  l'autre,  ou  inversement. 

(*)  Ce  raisonnement  s'applique  évidemment  à  une  distribution  quel- 
conque des  pontset  des  îles  dans  les  bras  d'un  fleuve,  à  la  condition  de  passer 
deux  fois  sur  chaque  pont. 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles.  33 

21°  Lorsque  l'on  a  conclu  à  la  possibilité  du  problème,  il  reste 
à  résoudre  la  question  de  savoir  comment  on  doit  diriger  sa 
course;  à  cet  effet,  je  me  sers  de  la  règle  suivante  :  a  On  supprime 
par  la  pensée,  autant  de  fois  qu'on  le  peut,  les  couples  de  ponts 
qui  conduisent  d'une  région  dans  une  autre;  de  cette  manière, 
le  nombre  des  ponts  est  considérablement  diminué;  on  cherche 
ensuite  la  course  à  effectuer  avec  le  reste  des  ponts.  Cela  fait, 
on  rétablit  les  ponts  supprimés,  ce  qui  devient  très  facile  avec 
un  peu  d'attention.  Aussi  je  ne  crois  pas  qu'il  soit  nécessaire 
d'en  dire  davantage  sur  la  loi  de  formation  des  parcours.  » 

Ici  se  termine  le  Mémoire  d'Euler.  Cet  illustre  géomètre  n'a 
traité  pour  ainsi  dire  que  la  question  d'impossibilité.  On  trou- 
vera dans  la  Note  11^  placée  à  la  fin  du  volume,  la  théorie  de  la 
possibilité,  que  l'on  doit  considérer  comme  la  suite  du  Mémoire 
qui  précède. 


LES   PONTS    DE   PARIS    EN     I 

Nous  ferons  maintenant  l'application  des  règles  démontrées 
dans  ce  Mémoire  au  problème  suivant  :  Est-il  possible  de  passer 
successivement  sur  tous  les  ponts  de  Paris  sans  passer  deux 
fois  sur  Vun  d'eux? 

Nous  ne  comprenons  dans  ce  problème  que  les  ponts  jetés  sur 
la  Seine,  sans  tenir  compte  des  canaux.  Dans  le  parcours  du 
fleuve  à  travers  Paris^  on  ne  rencontre  que  trois  îles,  à  savoir  : 
l'île  Saint-Louis,  la  Cité  et  l'île  des  Cygnes.  Par  conséquent 
on  doit  compter  cinq  régions  différentes  :  les  deux  rives  et  les 
trois  îles. 

E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  3 


3_j.  Deuxième  récréation. 


Mais,  parmi  ces  cinq  régions,  l'île  des  Cygnes  et  la  Cité  sont 
des  régions  paires;  à  la  première  aboutissent  les  deux  parties  du 
pont  de  Grenelle;  à  la  Cité  aboutissent  dix  ponts,  savoir  :  i°  au 
sud,  le  pont  de  l'Archevêché,  le  pont  au  Double,  le  Petit-Pont,  le 
pont  Saint-Michel  et  la  partie  méridionale  du  Pont-Neuf;  2°  au 
nord,  le  pont  Saint- Louis,  le  pontd'Arcole,  le  pont  Notre-Dame, 
le  pont  au  Change  et  la  partie  septentrionale  du  Pont- Neuf. 
L'île  Saint-Louis  est  une  région  impaire  à  laquelle  aboutissent 
sept  ponts  :  au  sud,  la  partie  méridionale  du  pont  Sully,  le  pont 
delà  Tournelle  et  le  pont  Saint- Louis;  au  nord,  la  partie  sep- 
tentrionale du  pont  Sully,  le  pont  Marie  et  le  pont  Louis-Phi- 
lippe; mais  il  faut  ajouter  VEstacade,  pont  en  bois  qui  aboutit  à 
la  rive  droite.  Quant  aux  deux  rives,  il  n'est  pas  nécessaire  de 
connaître  le  nombre  des  ponts  ;  il  est  facile  de  voir  que  Tune  d'elles 
est  une  région  impaire  et  l'autre  une  région  paire.  En  effet,  il 
a  été  démontré  au  n"  17  que  le  nombre  des  régions  impaires  est 
toujours  pair;  or,  sur  les  cinq  régions,  deux  sont  paires  et  une 
impaire;  il  est  donc  nécessaire  que  l'une  des  rives  soit  le  point 
de  départ  d'un  nombre  impair  de  ponts. 

D'autre  part,  puisqu'il  n'y  a  que  deux  régions  impaires,  le 
problème  proposé  est  toujours  possible.  En  d'autres  termes,  un 
voyageur  peut  disposer  son  parcours  de  telle  sorte  qu'il  puisse 
passer  une  fois,  et  une  seule,  sur  tous  les  ponts  qui  aboutissent 
à  la  Cité  et  à  l'île  Saint- Louis  et  sur  un  nombre  quelconque  de 
ponts  joignant  directement  les  deux  rives  de  la  Seine.  Mais  le 
promeneur  est  toujours  forcé  de  prendre  l'île  Saint- Louis  pour 
point  de  départ  ou  d'arrivée . 

On  observera  d'ailleurs  que  si  l'on  ne  tient  pas  compte  de 
VEsiacade,  le  problème  devient  d'une  très  grande  simplicité. 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


LES   FIGURES   D  UN   SEUL   TRAIT.  —  LA    SIGNATURE    DE    MAHOMET. 

On  se  propose  quelquefois  de  dessiner,  d'un  seul  trait  non 
doublé,  la  figure  formée  parles  quatre  côtés  d'un  rectangle  et 
ses  deux  diagonales.  Ce  problème  est  semblable  à  celui  des  ponts 
deKœnigsberg;  soient  A,  B,  C,  D  les  sommets  du  rectangle,  E 
l'intersection  des  diagonales.  On  peut  considérer  les  cinq  points 
A,  B,  C,  D,  E  comme  les  centres  de  cinq  régions;  quatre  d'entre 
elles,  A,  B,G,  D,  sont  impaires;  donc  le  problème  est  impossible 
Cependant  on  pourrait  dessiner  cette  figure  en  doublant  tous  les 
traits. 


Fie.  3. 


Fig.  4. 


Ces  considérations  s'appliquent  à  la  description  par  un  seul 
trait  de  toutes  les  figures  de  Géométrie  formées  de  lignes  droites 
ou  courbes,  dans  le  plan  ou  dans  l'espace.  Ainsi  on  démontrera 
très  facilement  que  l'on  peut  décrire  d'un  seul  trait  la  figure  for- 
mée par  les  côtés  et  toutes  les  diagonales  d'un  polygone  convexe 
d'un  nombre  impair  de  côtés,  et  que  le  problème  est  impossible 
pour  les  polygones  d'ordre  pair,  comme  le  carré,  l'hexagone.  De 
même,  on  peut  décrire  d'un  seul  trait  l'ensemble  des  arêtes  de 


3b 


Deuxième  récréation. 


Toctaèdie  régulier,  tandis  qu'on  ne  peut  le  faire  pour  les  quatre 
autres  polyèdres  réguliers  convexes. 

Je  me  suis  laissé  dire  que  Mahomet  dessinait  d'un  seul  coup, 
avec  la  pointe  de  son  cimeterre,  sa  signature  formée  de  deux 
croissants  opposés,  conformément   à  la  Jîg-.  5.  En   effet,  cette 

Fiiî.  5. 


figure  ne  contient  que  des  points  d'ordre  pair,  et  peut  se  décrire 


d'un  seul  trait  continu, 


Lafig.  6  ne  contient  que  deux  points  impairs  A  et  Z;  par 
conséquent,  on  peut  la  décrire  d'un  seul  trait  continu  allant  de 
A  à  Z  ou  inversement.  On  peut  réaliser  un  jeu,  en  dessinant 
cette  figure  en  grand  sur  une  feuille  de  carton  ;  on  place  de  petits 
jetons  sur  le  milieu  de  toutes  les  lignes  qui  joignent  deux  points 


Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


37 


voisins;  il  s'agit  alors  de  déterminer  le  parcours  à  suivre  pour 
enlever  tous  les  jetons  successivement.  Cette  figure  est  extraite 
de  l'opuscule  ayant  pour  titre  :  Vorsludien  \iir  Topologie,  par 
Johann  Benedict  Listing;  cet  ouvrage  curieux  m'a  été  gracieu- 
sement communiqué  par  M.  Moritz  Cantor,  professeur  à 
l'Université  de  Heidelberg. 

La  Jîg.  7  contient  huit  points  impairs  et  ne  peut  être  décrite 
en  moins  de  quatre  traits  continus;  ce  théorème  a  été  énoncé  par 


Fig.  7. 


Fig.  8. 


Clausen,  dans  le  n°  494  des  Astronomische  Nachrichten.  La 
fig.  8  représente  un  fragment  de  mur  en  maçonnerie;  elle  con- 
tient douze  points  impairs,  et  ne  peut  être  décrite  en  moins  de 
six  traits  continus. 

De  même,  la  figure  qui  représente  l'échiquier  ordinaire  de 
soixante-quatre  cases  renferme  vingt-huit  points  impairs,  et  ne 
peut  être  décrite  en  moins  de  quatorze  traits;  la  figure  du  damier 
de  cent  cases  nécessite  la  succession  de  dix-huit  traits  con- 
tinus. 

Si  l'on  divise  les  côtés  d'un  triangle  en  n  parties  égales,  et  si 
l'on  joint  les  points  de  division  correspondants  par  des  lignes 
parallèles  aux  côtés,  on  obtient  une  figure  qui  ne  contient  que 


38  Deuxième  récréation,  —  Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


des  points  d'ordre  pair_,  et  que  l'on  peut  décrire  d'un  seul  trait,  etc. 


LES    VOYAGES   D  UN    CONTREBANDIER. 

On  ramène  encore  au  problème  des  ponts  de  Kœnigsberg  celui 
du  voyage  d'un  contrebandier  qui  se  propose  de  traverser  succes- 
sivement toutes  les  frontières  respectives  des  divers  pays  d'un 
continent,  et  de  ne  les  traverser  qu'une  seule  fois.  11  est  évident 
que  les  divers  pays  et  leurs  frontières  correspondent  exactement 
aux  régions  et  aux  bras  du  fleuve  sur  lesquels  serait  jeté  un 
seul  pont,  pour  chaque  frontière  commune  à  deux  pays.  Ainsi, 
puisque  la  Suède,  l'Espagne  et  le  Danemark  ont  des  frontières 
en  nombre  impair,  il  est  impossible  de  traverser^  une  seule  fois 
seulement,  toutes  les  frontières  des  différents  pays  de  l'Europe. 

Il  y  a  encore  lieu  de  considérer  le  problème  géométrique  corré- 
latif pour  les  figures  du  plan  et  de  l'espace.  Ainsi,  par  un  mou- 
vement continu  sur  la  surface,  il  est  possible  de  traverser  une 
seule  fois  toutes  les  arêtes  du  cube,  mais  non  pas  les  arêtes  des 
autres  polygojies  réguliers  convexes. 


TROISIÈME   RÉCRÉATION. 

LE  JEU  DES  LABYRINTHES 


A  Monsieur  le  prince  Camille  de  Polignac,  vice-président 
de  la  Société  7nathématique  de  France. 


«  Il  est  rare  que  les  géomètres  soient  fins,  et  que  Ic: 
fins  soient  géomètres.  » 

(  Pascal.  —  Pensées.) 

«  Cet  esprit  philosophique  qui   doit  dominer  partout 
et  qui  est  le  fil  de  tous  les  labyrinthes.  » 

(Voltaire.  —  Eloge  de  la  Marq.  du  Châtelet.) 

«  Les  hommes  d'esprit  ne  sont  pas  rares,  et  les  géo- 
mètres le  sont.  » 

(Casanova  de  Seingalt.  —  Solution 
du  problème  deTiaque.) 


TROISIÈME  RÉCRÉATION. 
LE    JEU    DES    LABYRINTHES, 


LE    PETIT  POUCET. 


LECTEUR,  supposez-vous  égaré  dans  les  carrefours  d'un  laby- 
rinthe, dans  les  galeries  d'une  mine,  dans  les  carrières  des 
catacombes,  sous  les  allées  ombreuses  d'une  forêt.  Vous 
n'avez  point  dans  votre  main  le  Fil  d'Ariane,  et  vous  êtes  dans 
la  situation  du  Petit  Poucet,  après  que  les  oiseaux  ont  mangé 
les  miettes  de  pain  semées  sur  sa  route.  Que  faire  pour  retrouver 
rissue  du  labyrinthe,  le  puits  de  la  mine,  l'entrée  des  catacombes, 
la  cabane  du  bûcheron?  Cette  récréation  va  vous  apprendre  que 
l'on  peut  toujours  retrouver  le  chemin  perdu. 


LES    LABYRINTHES    DE   l'ÉGYPTE    ET    DE   LA   GRÈCE. 

Les   anciens    auteurs    considéraient  les  labyrinthes  comme 
inextricables;  c'est  peut-être  encore  un  préjugé  de  nos  jours.  On 


42  Troisième  récréation. 


donnait  ce  nom  à  des  édifices  composés  d'allées  ou  de  galeries 
dont  les  innombrables  ramifications  mettaient  le  visiteur  dans 
l'impossibilité  de  sortir.  Les  ouvrages  de  l'antiquité  sont  pleins 
de  descriptions  de  ces  monuments  merveilleux  qui  servaient  de 
tombeaux,  et  dont  il  ne  reste  presque  plus  de  trace  aujourd'hui. 
En  Egypte,  il  y  en  avait  deux  :  le  labyrinthe  de  Mendcs,  situé 
dans  Tîle  du  lac  Mœris,  et  celui  des  Dou\e  Seigneurs,  construit 
au  sud-est  dM  même  lac,  par  Psammetichus,  près  de  sept  siècles 
avant  l'ère  chrétienne.  Pline  rapporte  que  c'était  un  monument 
consacré  au  Soleil;  il  se  composait  d'une  série  de  temples  reliés 
ou  superposés  les  uns  aux  autres,  occupant  une  étendue  prodi- 
gieuse; les  rues  formaient  des  circuits  et  des  détours  inextricables. 
Mais,  de  tous  ces  monuments,  celui  qui  a  été  le  plus  chanté 
par  les  poètes,  est  le  labyrinthe  de  Crète,  construit  par  ordre  du 
roi  Minos,  pour  servir  de  prison  au  Minotaure  : 

Minos  veut  que  dans  l'ombre  un  vaste  labyrinthe, 

Prison  du  monstre  affreux,  le  cache  en  son  enceinte. 

L'ingénieur  Dédale,  architecte  fameux, 

Traça  les  fondements  de  ses  murs  sinueux, 

Et,  dans  de  longs  détours,  sans  terme  et  sans  issue. 

Par  l'erreur  des  sentiers  embarrassa  la  vue. 

Tel  qu'amoureux  de  suivre  un  tortueux  chemin, 

Le  méandre  se  joue  en  son  cours  incertain, 

Et  vingt  fois  sur  ses  pas  ramené  dans  sa  courte, 

Se  rencontre  lui-même  et  retrouve  sa  source, 

De  détours  en  détours  sur  sa  route  égaré: 

D'innombrables  circuits  par  Dédale  entoure. 

Tel  est  le  labyrinthe,  et  l'inventeur  lui-même 

Put  à  peine  en  sortir,  tant  son  art  est  extrême! 


(Ovide,  Métamorphoses,  liv.VIII.) 


L'idée  d'inextricabilité  apparaît  dans  ce  passage  d'Ovide,  dont 
la  traduction  possède  au  moins  le  mérite  de  donner,  dans  le 


Le  jeu  des  labyrinthes. 


nombre  des  épithètes,  une  image  de  la  multiplicité  des  carre- 
fours du  labyrinthe.  On  retrouve  encore  cette  idée  dans  les  Lettres 
à  Emilie  par  Demoustier  :  «  Cet  édifice  immense,  dit-il,  con- 
tenait une  infinité  de  circuits  ménagés  avec  une  adresse  perfide  : 

Hélas!  il  ressemblait  au  cœur  de  l'infidèle, 
Dont  l'innocence  ignore  les  détours; 
Sans  le  savoir, on  s'engageait  comme  elle, 
On  se  perdait  comme  elle  pour  toujours. 

Peut-être  n'y  a-t-il  dans  tout  cela  qu'une  légende  poétique; 
aucun  auteur  de  l'antiquité  ne  dit  avoir  vu  ce  labyrinthe;  du 
temps  de  Diodore  et  de  Pline,  on  n'en  découvrait  plus  de  vestiges 
extérieurs.  Cependant  il  existe  encore  dans  l'île  de  Crète  (aujour- 
d'hui Candie)  plusieurs  cavernes  à  galeries  couvertes  que  les 
Candiotes  n'hésitent  pas  à  reconnaître  pour  les  débris  du  laby- 
rinthe où  s'engagea  la  belle  Ariane,  fille  de  Minos. 


^^ 


TOURNEFORT  DANS  UNE  CAVERNE. 


Le  célèbre  botaniste  Tournefort  visita,  vers  1702,  l'une  de 
ces  cavernes,  creusée  au  pied  du  mont  Ida.  Dans  ses  lettres  au 
ministre  Pontchartrain,  publiées  sous  le  titre  de  Voyage  du 
Levant^  il  raconte  qu'après  avoir  erré  quelque  temps  à  travers  un 
réseau  de  corridors  souterrains,  les  explorateurs  arrivèrent  à  une 
grande  et  large  avenue  qui  les  conduisit  à  une  fort  belle  salle, 
située  au  fond  du  labyrinthe.  «  Nous  fîmes^  dit-il,  en  une  demi- 
heure  de  temps  1460  pas  dans  cette  principale  allée  sans  nous 
écarter  ni  à  droite  ni  à  gauche.  Elle  est  haute  de  sept  pieds, 
lambrissée  d'une  couche  horizontale  de  rochers  et  toute  plate, 


44  Troisième  récréation. 


comme  le  sont  la  plupart  des  lits  de  pierre  de  ce  quartier-là.  Il  y  a 
pourtant  quelques  endroits  où  il  faut  un  peu  baisser  la  tête,  et  un, 
entre  les  autres^  que  Ton  rencontre  vers  le  milieu  du  chemin,  où 
l'on  est  obligé,  comme  on  dit,  de  marcher  à  quatre  pattes.  Cette 
allée  est  ordinairement  assez  large  pour  laisser  passer  deux  ou 
trois  personnes  de  front.  Le  pavé  est  uni;  il  ne  faut  ni  monter, 
ni  descendre  considérablement.  Les  murailles  sont  taillées  à 
plomb,  ou  faites  des  pierres  qui  embarrassaient  le  chemin,  et  que 
l'on  a  pris  la  peine  de  ranger  fort  proprement,  comme  on  fait 
celles  des  murailles  où  l'on  n'emploie  point  de  mortier;  mais  il 
se  présente  tant  de  chemins  de  tous  côtés,  que  l'on  s'y  perdrait 
indubitablement  sans  les  précautions  nécessaires.  Comme  nous 
avions  grande  envie  d'en  revenir,  nous  postâmes  :  i°  un  de  nos 
guides  à  l'entrée  de  la  caverne,  avec  ordre  d'aller  chercher  du 
monde  au  village  prochain  pour  venir  nous  délivrer,  supposé 
que  nous  ne  fussions  pas  de  retour  avant  la  nuit;  2"  chacun  de 
nous  portait  à  la  main  un  flambeau;  3°  nous  attachions  sur  la 
droite  des  papiers  numérotés  dans  tous  les  détours  qui  nous  pa- 
raissaient difrîciles  à  pouvoir  être  repris;  4*^  un  de  nos  Grecs 
laissait  à  gauche  de  petits  fagots  d'épines  dont  il  avait  fait  pro- 
vision, et  un  autre  prenait  soin  de  semer  sur  le  chemin  de  la 
paille  dont  il  portait  un  sac  sous  le  bras.  » 


LES   AUTRES    LABYRINTHES. 


Il  existe  encore  des  ruines  de  plusieurs  autres  labyrinthes  :  à 
Lemnos,  à  Agrigente,  à  Clusium.  On  a  sur  ce  dernier  édifice, 
qui  servit  de  sépulture  à  Porsenna,  le  témoignage  de   Marcus 


Le  j  eu  des  labyrinthes.  45 

__  _  ^     .  .  __ 

Varron,  cité  par  Pline  :  Sa  base  renfermait  un  labyrintne 
inextricable;  si  quelqu'un  s'y  engageait  sans  peloton  de  fil^  il  ne 
pouvait  retrouver  l'issue.  Cet  édifice/  ajoute  Pline,  était  un 
monument  de  la  folie  et  de  la  vanité  humaines. 

Au  moyen  âge,  le  labyrinthe  devient  une  disposition  particu- 
lière du  pavage  des  églises  gothiques.  L'arrangement,  la  coupe  et 
la  couleur  des  pavés  forment,  par  leurs  agencements,  des  lignes 
sinueuses  conduisant  par  de  nombreux  détours  à  différentes  sta- 
tions, et  finalement  à  un  calvaire  figuré.  Parmi  les  plus  fameux 
labyrinthes  de  ce  genre,  sur  lesquels  on  effectuait  des  pèlerinages 
en  miniature,  on  doit  citer  ceux  des  cathédrales  d'Amiens,  de 
Sens,  de  Reims,  de  Chartres,  de  Bayeux;  ces  deux  derniers 
subsistent  encore,  ainsi  que  celui  de  la  collégiale  de  Saint- 
Quentin. 

Aujourd'hui  nous  avons  encore  à  Paris  deux  labyrinthes,  sans 
compter  le  dédale  de  nos  rues,  de  nos  boulevards  et  de  nos 
égouts  :  celui  des  anciennes  carrières,  sous  la  rive  gauche  de  la 
Seine,  et  celui  du  Jardin  des  Plantes.  Avec  une  autorisation 
spéciale,  le  public  peut  visiter  la  partie  du  premier,  que  l'on 
nomme  Ossuaire  des  Catacombes;  il  renferme  les  débris  des 
sépultures  des  anciens  cimetières.  On  ne  peut  s'y  égarer,  car  les 
visiteurs,  comptés  à  l'entrée  et  à  la  sortie,  se  suivent  procession- 
nellement,  guidés  par  une  large  traînée  noire,  sorte  de  fil  d'Ariane, 
que  la  fumée  des  bougies  a  tracée  sur  la  voûte  des  carrières. 
Quant  au  labyrinthe  du  Jardin  des  Plantes^  c'est,  aux  jours  de 
soleil,  un  lieu  de  réunion  pour  les  enfants  qui  courent  et  se 
cachent  dans  les  ailées  circulaires  bordées  de  sapins  et  de  rocailles^ 
à  l'ombre  des  grands  cèdres. 


46  Troisième  récréation. 


DEFINITION    GEOMETRIQUE    DU    PROBLEME    DES    LABYRINTHES. 

Nous  pouvons  considérer  les  carrefours  d'un  labyrinthe 
comme  des  points  géométriques;  les  allées,  corridors,  rues,  gale- 
ries, comme  des  lignes  droites  ou  courbes,  planes  ou  gauches, 
réunissant  ces  points  deux  à  deux.  Nous  dirons  que  ces  points  et 
ces  lignes  forment  un  réseau  géométrique  ou  un  labyrinthe 
lorsqu'un  point  mobile  placé  sur  l'une  des  lignes  du  réseau  peut 
passer  à  un  autre  point  quelconque,  sans  quitter  les  lignes  du 
système.  Gela  posé,  nous  allons  démontrer  que  ce  point  mobile 
peut  décrire  successivement  toutes  les  lignes  du  réseau,  sans 
saut  brusque,  et  sans  passer  plus  de  deux  fois  sur  chacune  d'elles. 
En  d'autres  termes,  un  labyrinthe  ti  est  jamais  inextricable. 

Vous  réaliserez  un  jeu  de  la  manière  suivante  :  Choisissez 
arbitrairement  sur  une  feuille  de  papier  blanc  un  nombre  quel- 
conque de  points;  joignez-les  deux  à  deux  et  autant  de  fois  que 
vous  voudrez  par  un  nombre  quelconque  de  lignes,  droites  ou 
courbes,  de  telle  sorte  qu'aucun  point  du  système  ne  reste  isolé 
des  autres;  vous  avez  ainsi  un  réseau  géométrique.  Dessinez, 
par  exemple,  le  réseau  des  lignes  d'omnibus  et  de  tramways 
d'une  grande  ville,  le  réseau  des  chemins  de  fer  d'un  pays,  le 
réseau  des  fleuves,  des  rivières  et  des  canaux  d'une  contrée  quel- 
conque, en  y  ajoutant,  à  volonté,  les  côtes  et  les  frontières. 

On  recouvre  le  dessin  d'une  feuille  de  carton  opaque,  de 
manière  à  ne  pas  conserver  le  souvenir  du  plan  du  labyrinthe; 
cette  feuille  de  carton  est  percée  d'un  trou  que  nous  appellerons 
oculaire,  et  qui  permet  seulement  d'apercevoir  une  petite  frac- 
tion du  réseau.  On  déplace  le  carton  ou  Vécranj  de  telle  sorte 


Le  jeu  des  labyrinthes.  47 


que  l'oculaire  se  trouve  placé  sur  un  carrefour  A.  Il  s'agit 
ensuite  de  faire  parcourir  deux  fois  à  l'oculaire  toutes  les  lignes 
du  réseau,  d'une  manière  continue,  et  de  revenir  ensuite  au 
point  de  départ  A.  Pour  conserver  le  souvenir  du  passage  de 
l'oculaire  sur  chacun  des  chemins  qu'il  parcourt^  on  trace  sur 
chaque  ligne  suivie  un  petit  trait  transversal^  à  l'entrée  et  à  la 
sortie  des  carrefours.  Par  conséquent,  les  deux  extrémités  de 
chaque  chemin  devront,  après  les  pérégrinations  du  voyage, 
avoir  été  marquées  deux  fois^  mais  non  davantage. 

Dans  un  labyrinthe  effectif,  ou  dans  une  galerie  de  mines,  le 
promeneur  égaré  déposera  une  marque,  un  caillou,  à  l'entrée  et 
à  la  sortie  de  chaque  carrefour,  dans  l'allée  qu'il  vient  de  quitter 
et  dans  celle  qu'il  vient  de  prendre. 

^^ 

SOLUTION    DE    M.    TREMAUX. 

Parmi  les  diverses  solutions  de  ce  curieux  problème  de  la  Géo- 
métrie de  situation,  dont  nous  venons  de  donner  Ténoncé,  nous 
choisirons,  comme  la  plus  simple  et  la  plus  élégante,  celle  qui  nous 
a  été  gracieusement  communiquée  par  M.  Trémaux,  ancien  élève 
de  l'Ecole  Polytechnique,  ingénieur  des  télégraphes;  mais  nous 
en  avons  modifié  légèrement  la  démonstration. 

Première  règle.  —  En  partant  du  carrefour  initial,  on  suit 
une  voie  quelconque,  jusqu'à  ce  que  l'on  arrive  à  une  impasse  ou 
à  un  nouveau  carrefour:  1°  si  le  chemin  qu'on  a  suivi  aboutit  à 
une  impasse,  on  revient  sur  ses  pas,  et  Ton  peut  alors  considérer 
le  chemin  parcouru  comme  supprimé,  puisqu'il  a  été  traversé 
deux  fois;  2°  si  le  chemin   aboutit  à  un  carrefour,  on  prend 


Troisième  récréation. 


une  voie  quelconque,  au  hasard,  en  ayant  soin  de  marquer  d'un 
trait  transversal  la  voie  d'arrivée  dans  le  sens  de  la  flèche  /,  et  la 
voie  de  départ  dans  le  sens  delà  flèche^  (^^.9).  Dans  cette 
figure  et  dans  les  trois  suivantes,  nous  avons  distingué  les  an- 
ciennes marques  des  nouvelles,  en  surmontant  celles-ci  d'une 
petite  croix. 


Fig.  9. 


Fis.  10. 


On  continue  l'applicationdela  première  règle,  chaque  fois  que 
l'on  arrive  à  un  carrefour  inexploré;  au  bout  d'un  certain  par- 
cours, on  arrivera  nécessairement  à  un  carrefour  déjcà  exploré; 
mais  cette  situation  peut  se  présenter  de  deux  manières  différentes, 
selon  que  le  chemin  d'arrivée  a  déjà  été  suivi  une  première  fois 
ou  ne  contient  encore  aucune  trace  de  passage.  Alors  on  applique 

l'une  des  deux  règles  suivantes  : 

Deuxième  règle.  -  En  arrivant  à  un  carrefour  déjà  exploré, 
par  une  voie  nouvelle,  on  doit  rétrograder,  en  marquant  par  deux 
traits  l'arrivée  au  carrefour  et  le  départ,  ainsi  qu'on  le  voit  dans 

la^^.  10. 

Troisième  règle.  -  Lorsqu'on  arrive  à  un  carrefour  de)à 
exploré  par  une  voie  antérieurement  suivie,  on  prendra  d'abord 


Le  jeu  des  labyrinthes. 


49 


une  voie  qui  n'aura  pas  été  parcourue,  s'il  en  existe,  ou,  à  son 
défaut,,  une  voie  qui  n'aura  été  parcourue  qu'une  seule  fois  ;  ces 
deux  cas  sont  représentés  dans  iQsJig.  1 1  et  12. 


Fig.  II. 


Fiff.  12. 


DÉMONSTRATION.  —  En  cxécutaut  rigoureusement  l'application 
des  règles  précédentes,  on  parcourra  nécessairement  deux  fois 
toutes  les  lignes  du  réseau.  D'abord  on  fera  les  remarques  sui- 
vantes : 

I.  Au  départ  du  carrefour  A,  on  y  introduit  une  sjule  marque 
initiale. 

II.  Le  passage  à  travers  un  carrefour,  par  l'emploi  de  l'une 
des  trois  règles,  ajoute  deux  marques  aux  lignes  qui  aboutissent 
à  ce  carrefour. 

III.  A  un  moment  quelconque  de  l'exploration  du  laby- 
rinthe, avant  l'arrivée  au  carrefour  ou  après  le  départ  du  carre- 
four, le  carrefour  initial  contient  un  nombre  impair  de  marques, 
et  tout  autre  carrefour  en  contient  un  nombre  pair. 

IV.  A  un  moment  quelconque  de  l'exploration,  avant  ou 
après  le  passage  au  carrefour,  le  carrefour  initial  ne  peut  avoir 

E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  4 


5o  Troisième  récréation. 


qu'un  seul  chemin,  marqué  une  seule  fois;  tout  autre  carrefour 
exploré  ne  peut  avoir  que  deux  chemins  marqués  une  seule  fois. 

V.  Après  l'exploration  complète,  tous  les  carrefours  doivent 
être  couverts  de  deux  marques  sur  chaque  chemin;  c'est  la  con- 
dition imposée  par  l'énoncé. 

Gela  posé,  il  est  facile  de  voir  que,  lorsque  le  voyageur  arrive 
dans  un  carrefour  M  différent  du  carrefour  initial  A,  il  ne  peut 
être  arrêté  dans  sa  course  par  les  difficultés  du  problème.  En 
effet,  on  ne  peut  arriver  à  ce  carrefour  M  que  par  une  voie 
nouvelle,  ou  par  une  voie  déjà  parcourue  une  seule  fois.  Dans  le 
premier  cas,  on  applique  la  première  ou  la  deuxième  règle;  dans 
le  second  cas,  l'entrée  au  carrefour  produit  un  nombre  impair 
de  marques;  il  reste  donc,  d'après  la  Remarque  III,  à  défaut 
d'une  voie  nouvelle,  une  ligne  qui  n'a  été  traversée  qu'une 
seule  fois. 

Ainsi,  il  ne  peut  y  avoir  d'arrêt  qu'en  revenant  au  carrefour 
initial  A.  Soit  ZA  le  chemin  qui  conduit  au  repos  forcé,  en 
venant  du  carrefour  Z;  ce  chemin  est  nécessairement  un  chemin 
parcouru  une  première  fois,  car  sans  cela  on  pourrait  continuer 
le  voyage.  Puisque  le  chemin  ZA  a  déjà  été  traversé,  il  n'existe 
dans  le  carrefour  Z  aucune  voie  n'ayant  point  encore  été  tra- 
versée, car  sans  cela  on  aurait  oublié  d'appliquer  le  premier  cas 
de  la  troisième  règle;  d'ailleurs,  il  y  avait  en  dehors  de  ZA  une 
voie,  et  une  seule,  YZ,  parcourue  une  seule  fois,  d'après  la 
Remarque  IV.  Par  conséquent,  au  moment  de  l'arrêt  en  A,  toutes 
les  routes  du  carrefour  Z  ont  été  traversées  deux  fois;  on  démon- 
trera, de  même,  que  toutes  les  voies  du  carrefour  précédent  Y 
l'ont  été  deux  fois,  et  ainsi  des  autres  carrefours.  C'est  ce  qu'il 
fallait  démontrer. 


Le  jeu  des  labyrinthes.  5  i 


Remarque.  —  On  peut  remplacer  la  deuxième  règle  par  la  sui- 
vante, quand  il  ne  s'agit  pas  d'un  carrefour  ferme'.  Si  l'on  arrive. 
par  une  voie  nouvelle,  à  un  carrefour  déjà  exploré,  on  peut 
prendre  une  nouvelle  voie ,  à  la  condition  d'affecter  les  deux 
marques  du  passage  au  carrefour  d'indices  correspondants  a  et 
a'  \  alors,  si  l'on  retourne  au  carrefour  par  l'une  de  ces  deux  voies^ 
on  doit  reprendre  l'autre.  Cela  revient,  pour  ainsi  dire,  à  placer 
un  pont  aa'  au-dessus  du  carrefour.  Cette  règle  nous  a  été  indi- 
quée par  M.  Maurice,  ancien  élève  de  TÉcole  Polytechnique 


SUR    LA    THEORIE    DES    ARBRES    GEOMETRIQUES. 

Nous  avons  vu  que,  dans  l'application  de  la  seconde  règle,  on 
doit  rétrograder  quand  on  arrive,  par  une  voie  nouvelle,  à  un 
carrefour  exploré.  Supposons  que  l'on  supprime,  dans  le  réseau^ 
un  petit  fragment  du  chemin  qui  aboutit  à  ce  carrefour,  et  que 
l'on  fasse  la  même  opération  à  tous  les  endroits  de  recul;  le 
réseau  se  transforme  alors  dans  une  autre  figure  géométrique 
que  l'on  désigne  indistinctement  sous  le  nom  à' arbre,  de  rami- 
fication, d'arborescence;  les  chemins  prennent  le  nom  de  bran- 
ches ou  de  rameaux,  et  les  carrefours  le  nom  d'embranchements 
ou  de  nœuds.  De  pareilles  configurations  ont  été  étudiées  par 
MM.  Jordan,  Sylvester,  Gayley,  Septimus  Tebay,  et  tout  récem- 
ment par  M.  le  prince  C.  de  Polignac  ('). 

On  donne  habituellement  de  l'arbre  géométrique  la  déflation 

(^)  Jordan,  Journal  de  Borchardt.  —  Sylvester,  Educational  Times.— 
Cayley,  British  Association  Report,  iSyS.  —  De  Polignac,  Bulletin  delà 
Société  mathématique,  t.  VIII,  p.  120. 


Troisième  récréatioyi. 


suivante  :  De  chaque  nœud  on  peut,  en  suivant  les  branches, 
parvenir  à  un  nœud  quelconque,  mais  par  un  seul  chemin. 
Cette  théorie  a  été  considérablement  simplifiée  par  M.  de  Poli- 
gnac  au  moyen  d'une  remarque  fondamentale.  En  effet,  toute 
ramification  peut  être  tracée  au  moyen  d'un  certain  nombre  de 
traits  continus,  sans  répétition  ni  arrêt,  c'est-à-dire  en  partant 
de  l'extrémité  d'une  branche  et  en  continuant  jusqu'à  ce  que 
l'on  arrive  à  l'extrémité  d'une  autre  branche  ou  à  une  branche 
déjà  parcourue.  Observons  que  le  trait  doit  traverser  une  ligne 
quoique  déjà  tracée,  s'il  peut  continuer  au  delà,  sans  cheminer 
le  long  de  cette  ligne.  Cela  posé  : 

Remarque  fondamentale.  ~  De  quelque  manière  que  Von 
trace  une  ramification  sans  répétition  ni  arrêt,  le  nombre  des 
parcours  sera  toujours  le  même. 

En  effet,  faisons  une  coupure  à  toutes  les  branches  joignant 
deux  nœuds,  on  décomposera  la  ramification  en  une  série 
d'étoiles.  On  recomposera  la  ramification  en  rendant  aux 
étoiles  leurs  rayons  communs.  Pour  chaque  étoile,  prise  séparé- 
ment, la  propriété  fondamentale  est  évidente.  Désignons  par 
Ni,  N2,  N3,  ...,  N;,,  les  nombres  des  traits  relatifs  à  chaque  étoile  ; 
par;?  le  nombre  des  nœuds  ou  des  étoiles.  Si  Ton  réunit  main- 
tenant les  deux  premières  étoiles,  on  perd  un  trait  sur  la  somme 
des  parcours  relatifs  à  chaque  étoile;  réunissons  la  deuxième 
étoile  à  la  troisième,  nous  perdons  encore  un  trait;  par  suite, 
si  l'on  désigne  par  N  le  nombre  des  traits  qui  ont  servi  à 
tracer  la  ramification,  on  a 

N  =  Ni  -f-  N2  -i-  N3  -h  ...  -1-  Np  ~  (p  -  I  ). 

Nous  appellerons  le  nombre  N  la  base  de  la  ramification;  on 


Le  jeu  des  labyrinthes.  53 


peut  exprimer  les  nombres  Ni,  N2,  .  . . ,  et  par  suite  le  nombre  N 
lui-même  d'après  l'ordre  des  nœuds,  ou  étoiles,  c'est-à-dire  par  le 
nombre  de  branches  ou  de  rayons  qui  y  aboutissent.  Le  nœud 
le  plus  simple  est  le  nœud  ternaire  ou  d'ordre  3  ;  soit,  en  général, 
triq  l'ordre  d'un  nœud  on  a  d'abord  m  au  moins  égal  à  trois  ;  le 
nombre  N^  des  traits  qui  permettent  de  dessiner  ce  nœud  est  égal 
à  la  moitié  de  m^,  si  niq  est  pair,  et  à  la  moitié  de  w^  -i-  i ,  lorsque 
mq  est  impair;  c'est  donc,  dans  tous  les  cas,  le  plus  grand  nombre 

entier  contenu  dans  la  fraction     ''  "* 


2 
Ce  nombre  est  habituellement  représenté  par  le  symbole 

L  2         J^ 

par  conséquent  la  formule  précédente  peut  s'écrire 


N 


2 


_._  r ^n^  --  1 1  ^ ^  ïmq-\-  il 


p—i 


On  détermine  ainsi  la  base  de  la  ramification  connaissant  le 
nombre  et  l'ordre  des  nœuds. 

Désignons  par  /  le  nombre  des  extrémités  libres  des  branches, 
et  supposons  que  la  ramification  n'ait  que  des  nœuds  d'ordre 
ternaire  ;  on  a  alors,  quel  que  soit  le  nombre  des  nœuds  ternaires, 
la  formule 

N=/-  I. 

Cette  formule  est  évidente  pour  une  étoile  à  trois  rayons;  si  l'on 
ajoute  un  nœud  ternaire  à  l'extrémité  libre  d'une  branche,  on 
remplace  celle-ci  par  deux  autres,  et  Ton  ajoute  un  trait;  lorsque 
l'on  forme  un  nœud  ternaire  par  l'addition  d'un  rameau  sur  une 
branche,  on  ajoute  un  trait  et  une  extrémité  libre.  Dans  les  deux 


34  Troisième  récréation. 

cas,  les  deux  membres  de  la  formule  précédente  augmentent 
d'une  unité.  Donc  cette  formule  est  générale. 

Désignons  en  général  par  p^- le  nombre  des  nœuds  d'ordre  k;  on 
a,  pour  deux  nœuds  séparés  d'ordre  quaternaire  {p\  Qt  p\  étant 
l'unité), 

En  réunissant  deux  nœuds  quaternaires  par  une  extrémité 
commune,  le  nombre  total  des  traits  diminue  d'une  unité,  mais 
deux  extrémités  disparaissent;  on  a  donc 

N-hi  =  N'-i-N%    /'-hr=r/4-2,    p'.-i-p^^p,; 

par  suitCj  on  a  pour  la  ramification  des  deux  nœuds  quaternaires 

^  =  l-i-p,; 

cette  formule  s'applique  à  une  ramification  formée  d'un  nombre 
quelconque  de  nœuds  quaternaires.  On  démontrera  de  même 
que  la  base  d'une  ramification  ne  contenant  que  des  nœuds  de 
cinquième  ordre  en  nombre  ^5  est  donnée  par  la  formule 

^■^l-i-p,. 

Plus  généralement,  lorsqu'une  ramification  ne  contient  que 
des  nœuds  d'ordre  2  (x,  on  a 

N  =  /  — I  — (|x—  r)i72ix; 

et  lorsqu'elle  ne  contient  que  des  nœuds  d'ordre  2{ji-h  i,  on  a 
encore 

N=r/— I  —  ((X— l)^2ix-f-i. 


Le  jeu  des  labyriyithes. 


55 


Par  suite,  en  réunissant  deux  ou  plusieurs  ramifications  par 
deux  extrémités  libres,  on  obtient  la  formule  générale 

Nous  indiquerons  dans  la  Note  III  placée  à  la  fin  du  volume 
les  divers  rapprochements  que  l'on  peut  établir  entre  la  théorie 
des  arbres  et  le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


QUATRIÈME   RÉCRÉATION. 

LE  PROBLÈME  DES  HUIT  REINES 


AU    JEU    DES    ECHECS. 


A  Monsieur  le  général  Th.  Parmentier^  membre  du  Comité 

des  fortifications  ^ 

inspecteur  général  de  la  défense  des  côtes. 


<t  Que  dirai-je  de  l'esprit  du  jeu  ?  Pourrait-on  me  le 
définir?  Ne  faut-il  ni  prévoyance,  ni  finesse,  ni  habileté 
pour  jouer  l'hombre  ou  les  échecs?  Et  s'il  en  faut, pour- 
quoi voit-on  des  imbéciles  qui  y  excellent,  et  de  très 
beaux  génies  qui  nont  pu  même  atteindre  la  médio- 
crité. » 

(La  Bruyère    —  Des  Jugements.) 

«  Car,  si  l'on  peut  être  homme  d'esprit  et  grand  joueur 
d'échecs  comme  Légal ,  on  peut  être  aussi  un  grand 
joueur  d'échecs  et  un  sot,  comme  Foubert  et  Mayot.  » 

(Diderot.  —  Le  Neveu  de  Rameau.) 


QUATRIÈME  RÉCRÉATION. 


LE  PROBLÈME  DES  HUIT  REINES 


AU    JEU    DES    ÉCHECS. 


LE  problème  qu'il  s'agit  de  résoudre  est  le  suivant  :  Déter- 
miner toutes  les  manières  déplacer  huit  reines  sur  V échi- 
quier ordinaire,  formé  de  soixante-quatre  cases,  de  telle 
sorte  qu'aucune  des  reines  ne  puisse  être  prise  par  une  autre; 
en  d'autres  termes,  sur  huit  des  cases  de  l'échiquier,  disposer 
huit  reines  de  telle  façon  que  deux  quelconques  d^entre  elles  ne 
soient  jamais  situées  sur  une  même  ligne  parallèle  à  l'un  des 
bords  ou  à  Pune  des  diagonales  de  V échiquier. 

^^ 

HISTORIQUE. 

Ce  problème  a  été  proposé  pour  la  première  fois  par  Nauck  à 
l'illustre  Gauss,  que  les  Allemands  ont  surnommé  Princeps  ma- 
thematicorum  ;  cette  question  fut  l'objet  d'une  correspondance 


5o  Quatrième  récréation. 


entre  ce  dernier  et  l'astronome  Schumacher.  Après  avoir  trouvé 
76,  puis  72  solutions,  Gauss  trouva  enfin  le  nombre  de  92  solu- 
tions, qui  a  été  reconnu  dénnitivement  pour  le  nombre  exact.  Le 
docteur  S.  Gûnther,  membre  du  Parlement  de  Berlin,  a  donné, 
il  y  a  quelques  années,  une  intéressante  histoire  de  ce  problème 
célèbre  (').  lia  indiqué  en  même  temps  une  nouvelle  méthode 
de  recherche  pour  parvenir  à  la  résolution  du  problème  en 
question,  en  supposant  que  l'échiquier  de  64  cases  soit  rem- 
placé par  un  échiquier  carré  de  grandeur  quelconque  ;  il  en  a 
fait  l'application  à  la  recherche  du  problème  de  4,  5  reines 
pour  les  échiquiers  de  16,  25  cases;  de  plus,  cette  même 
méthode  a  été  étendue  par  M.  le  professeur  J.-W.-L.  Glaisher, 
de  l'Université  de  Cambridge,  dans  le  Philosophical  Magasine, 
au  problème  de  6,  7  ou  8  reines  pour  les  échiquiers  carrés 
de  36,  49  et  64  cases  ("i. 

Antérieurement,  le  sujet  avait  été  traité  par  G.  Bellavitis, 
qui  a  donné  aussi  les  92  solutions  (').  Plus  tard,  le  problème 
a  été  proposé,  comme  question  à  résoudre,  par  M.  Lionnet  ('). 
En  1867,  la  même  question  avait  été  proposée  à  MM.  Par- 
mentier,  lieutenant-colonel  du  Génie,  et  de  La  Noë,  capitaine 
du  Génie,  par  un  joueur  d'échecs,  qui  pensait  que  ce  problème 
n'avait  que  fort  peu  de  solutions;  ayant  trouvé,  par  tâtonne- 
ments, un  certain  nombre  d'entre  elles,  ils  se  sont  efforcés  de 


{')  Archiv  der  Mathematik  und  Physik,  de  Grunert,  vol.  LVI,  part.  3, 
p.  291-292.— Zur  mathematischen  Théorie  des  Schachbretts.  Leipzig,  1874. 

i,^)On  the  problem  oftheeight  qiieens.{Ex\.vdi\tdM  Philosophical  Maga:{ine, 
décembre  1874.) 

(')  Atti  delV  Istituto  Veneto,  t.  VI,  p.  134.  Venise,  mars  1861. 

(*)  Nouvelles  Annales  de  Mathématiques,  2"»  Série,  t.  III,  p.  56o.  Paris, 
novembre  1869. 


Le  problème  des  huit  reines. 


6i 


rechercher  méthodiquement  toutes  les  dispositions  possibles, 
ignorant  tous  deux  que  la  question  eût  été  abordée  et  résolue 
depuis  longtemps.  Dans  les  pages  qui  suivent,  nous  indiquerons 
d'abord  en  quelques  mots  la  méthode  du  docteur  Gûnther; 
puis  nous  développerons  la  méthode  de  recherche  dont  tout 
l'honneur  revient  à  M.  le  capitaine  de  La  Noë,  et  que  M.  le 
général  Th.  Parmentier  a  bien  voulu  me  communiquer  au  Con- 
grès de  Y  Association  française  pour  V  avancement  des  Sciences, 
à  MontpelHer,  au  mois  d'août  1879. 


NOTATIONS    ET    CONVENTIONS. 

Nous  indiquons,  par  des  cases  noires,  sur  les  cases  blanches  ou 
grises  de  l'échiquier,  la  position  des  huit  reines;  nous  donnons 
dans  l^fig.  i3  une  des  solutions  du  problème.  Nous  la  représen- 


Fig.  i3, 


F]g.  14. 


Position  I.  Position  IL 

tons  par  le  nombre  de  huit  chiffres  68241753;  le  premier  chiffre 
6  indique  la  hauteur  de  la  reine  dans  la  première  colonne,  à  la 


62  Quatrième  récréation. 


gauche  de  l'échi]ui€r;  le  deuxième  chiffre  8  montre  que  dans  la 
deuxième  colonne  il  y  a  une  reine  en  haut  de  l'échiquier,  et  ainsi 
de  suite;  nous  désignerons  donc,  dorénavant,  les  rangées  verti- 
cales de  cases  par  le  mot  colonnes^  et  les  rangées  horizontales 
par  celui  de  lignes;  les  colonnes  seront  comptées  de  i  jusqu'à  8, 
de  la  gauche  vers  la  droite;  les  lignes  seront  également  comptées 
de  I  jusqu'à  8,  et  de  bas  en  haut.  Par  conséquent,  la  solution  de 
Idifig.  1 3  pourrait  s'écrire  : 


(A)       ^'Snes  . . 
Colonnes 


8  j  2  I  4  ;   I      7 

2   I   3   I  4  i  5 


3 


Mais,  pour  abréger,  nous  indiquerons  cette  solution,  ainsi  que 
nous  Tavons  dit,  par  le  nombre  de  huit  chiffres  68241753;  ce 
nombre  est  la  reproduction  de  la  première  ligne  du  tableau  pré- 
cédent. 


DES    SOLUTIONS   ADJOINTES. 

La^«-.  14  représente  une  première  solution  adjointe  à  celle  de 
la  fig,  1 3  ;  on  l'obtient  en  faisant  tourner  l'échiquier  d'un  quart 
de  tour,  et  dans  le  sens  opposé  au  mouvement  des  aiguilles 
d'une  montre.  Pour  l'obtenir  numériquement,  au  moyen  de  la 
première,  il  suffit  de  ranger  les  colonnes  du  tableau  (A),  de  telle 
sorte  que  les  chiffres  de  la  première  colonn'e  suivent  l'ordre  dé- 
croissant; ainsi  : 

(B)       ^'f" 

Colonnes.... 


8 

7 

6 

5 

4 

3 

^ 

ï 

2 

6 

I 

7 

4 

8 

3 

5 

On  a  la  notation  abrégée  de  cette  seconde  solution,  en  conser- 


Le  problème  des  huit  reines. 


63 


vaut  la  seconde  ligne  déchiffres  du  tableau  (B),  c'est-à-dire  le 
nombre  26174835. 

Les  Jîg.  i5  et  i6  représentent  une  deuxième  et  une  troisième 
solution  adjointes  à  celle  de  la  fig-.  i3  ;  on  les  obtient  en  faisant 

Fis.  i5.  Fis.  i6. 


Position  III.  Position  IV. 

encore  tourner  l'échiquier  d'un  et  de  deux  quarts  de  tour  autour 
de  son  centre,  et  dans  le  sens  convenu.  On  peut  déduire  numé- 
riquement la  solution  de  la /^.  i5  de  la  position  II  ,  et  la 
position  IV  de  la  position  III,  par  le  procédé  qui  nous  a  permis 
de  déduire  la  seconde  position  de  la  première;  mais  on  peut  en- 
core obtenir  la  position  III  au  moyen  de  la  position  I,  et  la  posi- 
tion IV  au  moyen  de  la  position  II,  de  la  manière  suivante.  Les 
solutions  des  fg.  i3  et  14  sont  désignées  par  les  nombres 

68241753  et  26174835. 
Ecrivons  les  chiffres  de  ces  deux  nombres  dans  Tordre  inverse 

35714286  et  53847162; 
retranchons  chacun  des  chiffres  de  9,  nous  obtenons 

64285713  et  46152837; 

ce  sont  les  notations  des  fig,  i5  et  16. 


64 


Quatrième  récréation. 


DES   SOLUTIONS    IRUEGULIERES    ET    SEMI-REGULIERES. 

Ainsi,  en  général,  une  solution  quelconque  du  problème  des 
reines,  pour  un  échiquier  carré  quelconque,  donne  lieu  à  quatre 
solutions  adjointes.  Nous  disons  que  cela  a  lieu  dans  le  cas  géné- 
ral; mais  il  faut  supposer  que  la  solution  considérée  est  irrégn- 
lière. 

Nous  donnons  dans  la.  fig.  17  une  solution  semi-régulière  du 
problème  des  huit  reines;  elle  ne  donne  qu'une  seule  solution 


Fig.  17. 


Fig.  18. 


adjointe;  en  effet,  si  l'on  tourne  l'échiquier  d'un  aemi-tour,  on 
retrouve  la  même  disposition.  Le  nombre  46827135,  qui  repré- 
sente cette  solution,  possède  cette  propriété  que  la  somme  de 
ce  nombre  et  du  nombre  retourné  donne  99999999. 


DES    SOLUTIONS    REGULIERES. 


Il  peut  arriver,  bien  que  cela  n'ait  pas  lieu  pour  l'échiquier  de 
64  cases,  mais  pour  d'autres  échiquiers  carrés,  qu'une  solution 


Le  problème  des  huit  reines.  55 


du  problème  des  reines  ne  donne  aucune  disposition  nouvelle 
lorsqu'on  fait  tourner  l'échiquier  d'un  quart  de  tour  ou  de 
plusieurs.  On  observera  d'abord  que  la  notation  employée  ci- 
dessus  s'applique  à  tous  les  échiquiers,  en  admettant  que  chaque 
chiffre  de  la  notation  puisse  être  remplacé  par  un  nombre  qui  ne 
dépasse  pas  le  nombre  des  cases  contenues  dans  le  côté  de  l'échi- 
quier; cependant  nous  ferons  remarquer  que  la  solution  dont 
nous  parlons^  et  que  nous  désignerons  sous  le  nom  de  solution 
régulière,  ne  peut  se  présenter,  à  cause  des  quatre  points  de  vue 
sous  lesquels  on  peut  envisager  l'échiquier,  que  lorsque  le 
nombre  des  cases  contenues  sur  le  côté  est  un  multiple  de  4, 
comme  4,  8,  12,  r6  (bien  que  cela  n'ait  pas  lieu  pour  Téchiquier 
de  64  cases);  ou  lorsque  le  nombre  des  cases  contenues  sur  le  côté 
est  égal  à  un  multiple  de  4  augmenté  de  l'unité. 

Telles  sont,  par  exemple,  les  solutions  2413,  pour  l'échiquier 
de  16  casesj  et  25314  pour  l'échiquier  de  2  5  cases.  Nous  dési- 
gnerons la  solution  semi-régulière,  en  faisant  suivre  sa  notation 
numérique  d'un  *,  et  la  solution  régulière,  en  faisant  suivre  sa 
notation  numérique  de  deux  **, 

Ainsi  on  a,  par  exemple, 

46827135*,  2413**,  25314**. 


DES  SOLUTIONS    RENVERSEES. 

Considérons  une  disposition  quelconque  régulière,  semi-régu- 
lière ou  irréguliére  du  problème  des  reines  ;  intervertissons  sur 
la  figure  l'ordre  des  lignes  ou  des  colonnes  ;  ou,  ce  qui  revient  au 
même,  écrivons  en  sens  inverse  la  notation  numérique  qui  repré- 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  -5 


66  Quatrième  récréation. 


sente  cette  disposition;  nous  obtiendrons  ainsi  une  solution  ren- 
versée; d'ailleurs,  il  est  facile  de  constater  que  cette  solution 
nouvelle  diffère  de  l'une  quelconque  des  solutions  adjointes.  On 
l'obtiendrait  encore  géométriquement  en  la  regardant  dans  un 
miroir,  ou  en  retournant  l'échiquier.  Il  résulte  évidemment  de 
la  considération  des  formes  adjointes  et  renversées  que  : 

1°  Toute  solution  irrégulière  simple  fournit  quatre  solutions 
adjointes  et  quatre  renversées,  en  tout  huit; 

2°  Toute  solution  semi-régulière  simple  fournit  deux  solutions 
adjointes  et  deux  renversées,  en  tout  quatre; 

S''  Toute  solution  régulière  simple  ne  fournit  qu'une  solution 
renversée,  en  tout  deux. 

Cependant  on  doit  excepter,  dans  cette  classification  et  dans 
ce  dénombrement,  Tunique  solution  du  problème  des  reines,  dans 
l'échiquier  d'une  seule  case. 

PROBLÈME    DES    TOURS. 

La  marche  de  la  reine,  au  jeu  des  échecs,  est,  comme  on  sait, 
la  résultante  de  la  marche  de  la  tour  et  de  la  marche  du  Jou.  En 
effet,  dans  un  échiquier  sur  lequel  on  ne  supposerait  qu'une 
seule  tour,  le  déplacement  de  celle-ci  s'effectue  sur  une  case 
quelconque  située  dans  une  rangée,  ligne  ou  cblonne,  parallèle  à 
l'un  des  bords  de  l'échiquier;  de  même,  le  déplacement  du  fou  ne 
peut  s'effectuer  que  sur  une  ligne  parallèle  à  Tune  des  deux  dia- 
gonales de  l'échiquier.  Il  résulte  immédiatement  de  cette  obser- 
vation que  les  solutions  du  problème  des  huit  reines  doivent 
être  prises  parmi  les  solutions  du  problème  des  huit  tours,  qui 


Le  problème  des  huit  reines.  67 

consiste  à  disposer  sur  l'échiquier  huit  tours  qui  ne  peuvent  se 
prendre  mutuellement,  tout  aussi  bien  que  parmi  les  solutions  du 
problème  des  huit  fous,  qui  consiste  à  disposer,  sur  l'échiquier 
de  64  cases,  huit  fous  qui  ne  peuvent  se  prendre  mutuellement. 
Le  problème  des  huit  tours  sur  l'échiquier  de  64  cases,  ou  de  9, 
10,  II,...  tours  sur  les  échiquiers  de  81,100,121,...  cases,  est 
bien  connu,  sous  une  forme  purement  arithmétique.  En  nous 
bornant  à  l'échiquier  ordinaire  et  en  nous  servant  de  la  notation 
numérique  du  problème  des  reines,  il  suffit,  en  effet,  de  per- 
muter les  huit  premiers  nombres  de  toutes  les  manières  pos- 
sibles. 

LES   PERMUTATIONS    RECTILIGNES. 

Pour  réchiquier  de  2  cases  de  côté,  on  a  les  deux  solutions  : 

12    et    21; 

pour  celui  de  3  cases  de  côté,  il  suffit  de  placer  le  chiffre  3  avant 
ou  après  l'un  ou  l'autre  des  chiffres  des  deux  nombres  précédents; 
on  a  ainsi  les  six  solutions  : 

312,  132,  123    et    321,  231,  213. 

De  même,  pour  l'échiquier  de  4  cases  de  côté,  on  placera  le 
chiffre  4  à  toutes  les  places  possibles,  pour  chacun  des  six 
nombres  qui  précèdent  ;  chaque  nombre  donne  lieu  à  quatre 
places,  ce  qui  fait  en  tout  vingt-quatre  solutions  pour  le  problème 
des  4  tours  sur  l'échiquier  de  16  cases. 

En  continuant,  pour  obtenir  le  nombre  des  solutions  du  pro- 
blème des  cinq  tours  sur  l'échiquier  de  vingt-cinq  cases,  il  fau- 


68  Quatrième  récréation. 


drait  multiplier  par  5  le  nombre  des  solutions  du  problème  des 
quatre  tours,  et  ainsi  de  suite.  Ainsi  le  nombre  des  solutions  du 
problème  des  huit  tours  sur  l'échiquier  ordinaire  est  égal  au  pro- 
duit des  huit  premiers  nombres, 

1x2x3x4x5x6x7x8^:=  40320 , 

et,  sur  le  damier  de  loo  cases,  le  nombre  des  solutions  distinctes 
du  problème  des  dix  tours  est  égal  à  3628800. 


Lorsque  la  permutation  des  lettres  d'un  mot  ou  d'une  phrase 
forme  un  nouveau  mot  ou  une  nouvelle  phrase,  la  permutation 
prend  le  nom  dC anagramme.  Ainsi  les  mots  logarithme  et  algo- 
rithme sont  formés  des  mêmes  lettres  dans  un  ordre  différent. 
Quelques  anagrammes   sont  restées   célèbres;  ainsi  dans  frère 
Jacques  Clément^  on  trouve  :  C'est  l'enfer  qui  m'a  créé;  dans 
Révolution  française,  on  trouve  :  Un  veto  corse  la  finira;  mais 
de  toutes  les  anagrammes,  la  plus  curieuse  a  été  donnée  par 
Pascal;  jusqu'à  ces  dernières  années,  elle  a  exercé  la  sagacité  et  la 
patience  des  érudits.  On  lit,  dans  les  Pensées  :  «  La  manière 
d'écrire  d'Épictète,  de  Montaigne  et  de  Salomon  de  Tultie  est  la 
plus  d'usage,  qui  s'insinue  le  mieux,  qui  demeure  le  plus  dans  la 
mémoire  et  qui  se  fait  le  plus  citer,  parce  qu'elle  est  toute  com- 
posée de  pensées  nées  sur  les  entretiens  ordinaires  de  la  vie  (^).  » 

Le  commentateur  a  ajouté  au  bas  de  la  page  cette  observation  : 
«  Salomon  de  Tultie  n'existe  point.  C'est  évidemment  un  pseu- 

(')  Pascal,  Œuvres  complètes,  t.  I,  p.  288,  édition  Hachette,  1864. 


Le  problème  des  huit  reines.  69 

donyme  de  Finvention  de  Pascal.  »  Or,  en  changeant  l'ordre  des/ 
lettres  de   Salomon  de  Tultie^  on  trouve  Louis  de  Montalte, 
nom  sous  lequel  l'auteur  de  la   théorie  des    combinaisons  fit 
paraître  les  Lettres  Provinciales, 

^^     , 

PROBLÈME  DES  FOUS. 

Le  nombre  des  solutions  du  problème  des  fous  est  beaucoup 
plus  grand  et  présente  des  développements  bien  plus  difficiles; 
en  effet,  on  observera  que,  non  seulement  il  est  facile  de  placer 
8  fous  sur  l'échiquier,  mais  que  l'on  peut  en  placer  jusqu'à  14, 
sans  qu'ils  soient  mutuellement  en  prise.  Ainsi,  par  exemple, 
8  sur  les  cases  de  la  première  colonne,  et  6  sur  celles  de  la  der- 
nière, en  supprimant  les  deux  cases  extrêmes.  Il  est  donc  préfé- 
rable de  revenir  sur  les  diverses  solutions  du  problème  des  tours, 
pour  ne  conserver,  parmi  celles-ci,  que  les  solutions  qui  convien- 
nent au  problème  des  reines. 

Au  point  de  vue  arithmétique,  le  problème  des  huit  tours  se 
ramène,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  à  effectuer  toutes  les  permu- 
tations des  huit  premiers  nombres;  le  problème  des  huit  reines 
revient  à  choisir,  parmi  celles-ci,  toutes  les  permutations  dans 
lesquelles  la  différence  absolue  de  deux  chiffres  quelconques 
n'est  pas  égale  à  la  différence  des  rangs  occupés  par  ces  deux 
chiffres  dans  la  permutation  considérée. 

Cette  nouvelle  condition  revient,  comme  il  est  facile  de  s'en 
apercevoir,  à  la  marche  du  fou,  que  Ton  joint  à  celle  de  la  tour 
pour  obtenir  celle  de  la  reine. 

Par  conséquent,  résoudre  le  problème  des  huit  reines  revient 


70 


Quatrième  récréation. 


à  trouver  tous  les  nombres  de  huit  chiffres,  formés  des  huit  pre- 
miers chiffres,  tous  différents,  mais  dans  un  ordre  quelconque, 
dételle  sorte  que  la  différence  de  deux  d'entre  eux  soit  distincte 
de  la  différence  des  rangs  qu'ils  occupent;  c'est  ainsi  que  le 
problème  a  été  posé  naguère  par  M.  Lionnet  dans  les  Nouvelles 
Annales  de  Mathématiques. 


^2^ 


METHODE    DE    M.    GUNTHER. 

Cette  méthode  se  distingue  peu,  au  fond,  de  la  méthode  arith- 
métique dont  nous  venons  de  parler;  nous  allons  l'expliquer  sur 
un  échiquier  de  vingt-cinq  cases,  que  nous  représenterons  ainsi 
qu'il  suit  : 

^2     ^3    /4     ^5    h 

Cz        ^4        ^5        /g       gl 

dk     Cr^      bo      J:    /s 

^5      do        C-!       bs       ^9 

Chaque  case  est  représentée  par  un  élément  composé  d'une 
lettre  et  d'un  indice;  les  éléments  ayant  la  même  lettre  sont 
situés  sur  une  parallèle  à  l'une  des  diagonales  de  l'échiquier,  et 
correspondent  à  l'une  des  directions  de  la  marche  du  fou;  les 
éléments  ayant  le  même  indice  sont  situés  sur  une  parallèle  à 
l'autre  diagonale  de  Téchiquier,  et  correspondent  à  l'autre  direc- 
tion de  la  marche  d'un  fou.  Supposons  donc  que  l'on  écrive, 
dans  un  ordre  quelconque,  tous  les  termes  formés  de  cinq  élé- 


Le  problème  des  huit  reines.  71 

ments,  mais  de  telle  sorte  que  ces  termes  ne  puissent  contenir 
deux  éléments  appartenant  à  une  même  ligne  ou  à  une  même 
colonne,  nous  aurons  représenté  de  cette  façon  les  120  solutions 
du  problème  des  cinq  tours.  Cela  fait,  supprimons  parmi  ces  solu- 
tions toutes  celles  dans  lesquelles  deux  éléments  contiennent  la 
même  lettre  ou  le  même  indice,  il  ne  restera  plus  que  les  dispo- 
sitions qui  conviennent  au  problème  des  cinq  reines. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'écrire  toutes  les  solutions  du  problème 
des  cinq  tours,  que  l'on  pourrait  former  au  moyen  des  solutions 
du  problème  des  quatre  tours,  ainsi  que  nous  l'avons  expliqué 
plus  haut.  On  trouve  de  grandes  simplifications  dans  l'application 
de  cette  méthode,  en  se  servant  des  ressources  d'une  importante 
théorie  d'algèbre,  connue  sous  le  nom  àQ  thé  or  îe  des  déterminants  ; 
cependant,  malgré  toute  l'habileté  montrée  par  MM.  Gûnther 
et  Glaisher  dans  cette  question,  le  problème  des  neuf  reines  ou 
des  dix  reines,  sur  les  échiquiers  de  81  et  de  100  cases,  semble 
presque  inabordable  par  cette  méthode. 


METHODE    DE    M.    DE    LA    NOE. 


Cette  méthode  consiste  dans  la  décomposition  de  l'échiquier 
en  carrés  concentriques;  le  premier  forme  un  carré  intérieur  ou 
première  bande  de  4  cases,  dont  l'une  est  a\  nous  désignerons 
sous  le  nom  de  deuxième  bande  l'espace  formé  par  les  1 2  cases  qui 
entourent  le  premier  carré;  par  troisième  bande,  l'espace  formé 
par  les  20  cases  qui  entourent  la  deuxième  bande;  par  quatrième 
bande,  l'espace  formé  par  les  28  cases  qui  entourent  la  troisième 
bande;  on  continuerait  ainsi  pour  un  échiquier  pair  de  grandeur 


72 


Quatrième  récréation. 


quelconque,  c'est-à-dire  pour  un  échiquier  dont  le  nombre  des 
cases  contenues  sur  le  côté  est  un  nombre  pair;  le  nombre  des 
cases  de  chaque  bande  augmente  de  8  lorsque  l'on  passe  à  la 


Fig.  19. 


b' 


c 


m 


M 

m 


1 


bande  suivante.  Pour  un  échiquier  impair,  la  première  bande 
serait  formée  de  i  carré;  la  seconde  bande,  de  8  carrés,  et  les 
suivantes,  de  16,  24,  32,  ...  carrés. 

Partons  de  la  première  bande,  et  plaçons  une  reine  en  a;  on 
observera  que  cette  reine  peut  occuper,  après  un  seul  déplacement, 
28  cases  de  Féchiquier,  nombre  toujours  égal  au  nombre  des 
cases  de  la  bande  extérieure  de  l'échiquier  ;  dans  la  deuxième  bande, 
une  reine  commande  26  cases;  dans  la  troisième  24,  et  dans  la 
quatrième  22.  Maintenant,  cherchons  à  placer  le  plus  grand 
nombre  de  reines  sur  la  seconde  bande,  de  toutes  les  manières 
possibles.  On  voit  que  l'on  peut  placer  deux  reines  sur  la  deuxième 


Le  problème  des  huit  reines.  •jS 

bande,  en  b  etc,  ou  bien  en  b'  et  c' \  il  est  inutile  de  conserver, 
pour  ilnstant,  cette  seconde  disposition  syme'trique  de  la  pre- 
mière. En  effets  en  se  bornant  à  l'échiquier  de  i6  cases,  la  pre- 
mière disposition  [abc)  s'écrirait  0241;  la  solution  renversée 
serait  1420,  et  en  faisant  faire  à  Téchiquier  trois  quarts  de  tour, 
on  obtiendrait  la  disposition  4203,  qui  est  précisément  la  même 
que  [b'ac').  Pour  une  raison  semblable  à  la  précédente,  on  voit 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  déplacer  la  reine  a  sur  les  autres 
cases  delà  première  bande. 

En  partant  de  {abc),  on  placera  le  plus  de  reines  possible  sur 
la  troisième  bande,  en  d  et  e,  par  exemple;  il  restera  donc  à 
placer  trois  reines  sur  la  bande  extérieure,  et  l'on  constatera  faci- 
lement que  cela  est  impossible;  donc,  en  plaçant  les  cinq  reines 
{abcde),  on  n'arrive  à  aucune  solution.  On  essayera  alors  de  n'en 
conserver  qu'une  seule  sur  la  troisième  bande^  soit  en  d.  soit 
en  e,  et  l'on  verra  qu'aucune  de  ces  dispositions  ne  conduit  à 
une  solution;  d'ailleurs  on  ne  peut  placer  cinq  reines  sur  une 
seule  bande;  par  conséquent,  le  commencement  [abc)  ne  peut 
conduire  à  aucune  solution. 

En  conservant  la  reine  a,  on  essayera  successivement,  tout  en 
maintenant  b  ou  c,  de  placer  les  six  autres  reines  sur  les  deux 
dernières  bandes;  mais  on  ne  trouve  aucune  solution  ;  d'oii  l'on 
tire  cette  conclusion  que  les  deux  premières  bandes  ne  peuvent 
être  simulianément  occupées  par  les  reines;  c'est  là  un  fait 
observé  sur  tous  les  échiquiers,  jusqu'à  celui  de  64  cases, 
par  M.  Parmentier;  mais  cela  n'a  plus  lieu  pour  l'échiquier  de 
100  cases. 

On  conserve  encore  la  reine  j,  et  Ton  cherche  à  placer  le  plus 
de  reines  sur  la  troisième  bande;  on  peut  en  placer  trois  de 


74  Quatrième  récréation. 


diverses  manières  ;  puis,  en  excluant  les  solutions  adjointes  ou 
renversées,  on  place  les  quatre  reines  sur  la  quatrième  bande;  on 
trouve  ainsi  les  quatre  solutions  simples  irrégulières  : 

35841726,  46152837,  48157263,  42751863, 

qui  correspondent  au  type  1034.  Les  chiffres  du  type  représen- 
tent successivement  le  nombre  des  reines  placées  dans  chaque 
bande. 

En  supprimant  la  reines,  et  plaçant  trois  reines,  puis  deux, 
puis  une  seule  sur  la  seconde  bande,  on  trouve  les  solutions 
simples  irrégulières  : 

72631485;  pour  le  type  0314, 

57263148,  16837425;  —  0233, 

61528374,  57263184,  51468273;  -  0224, 

58417263,  -  0134. 

Enfin,  si  l'on  ne  place  aucune  reine  sur  les  deux  premières 
bandes,  on  trouve  la  solution  semi-régulière  de  la  fig.  6,  qui 
appartient  au  type  0044.  Ainsi,  en  tout,  le  problème  des  huit 
reines  comporte  douze  solutions  simples  dont  onze  irrégulières 
et  une  semi-régulière;  au  total,  quatre-vingt-douze  solutions 
distinctes. 

Pour  résumer  le  problème  des  huit  reines ,  nous  donne- 
rons le  tableau  des  douze  solutions  simples  dans  l'ordre  sui- 
vant ; 


Le  problème  des  huit  reines. 


73 


Tableau  des  solutions  simples  du  problème  des  huit  reines. 


N»»  d'ordre. 

NOTATION. 

TYPE. 

NO»  d'ordre. 

NOTATION. 

TYPE. 

I 

72631485 

0314 

7 

16837425 

0233 

2 

61528374 

0224 

8 

57263184 

0224 

3 

58417263 

0134 

9 

48157263 

1034 

4 

35841726 

1034 

10 

51468273 

0224 

5 

46152837 

1034 

1 1 

42751863 

1034 

6 

57263148 

0233 

12 

35281746- 

0044 

(^g^^ 


PROCEDES    MNEMOTECHNIQUES. 

On  peut  se  rappeler  la  première  solution,  dont  on  déduit  régu- 
lièrement les  six  suivantes,  au  moyen  d'une  phrase  mnémotech- 
nique telle  que  celle-ci  : 

j     C'est    difficile    si    tu    veux    que    huit    cadrent, 
\     sept        deux     six  trois   un   quatre   huit      cinq. 

On  déduit  ensuite  la  deuxième  solution,  et  la  troisième,  en 
abaissant  d'un  rang  toutes  les  reines  de  la  première  solution,  et 
en  reportant  en  haut  de  l'échiquier  la  reine  qui  se  trouvait  sur  la 
première  ligne;  on  obtient  les  solutions  des  numéros  4,  5  et 6 en 
avançant  d'un  rang  vers  la  droite,  les  reines  des  solutions  de 
rangs  i,  2  et  3;  on  déduit  la  septième  solution  de  la  sixième  en 
élevant  d'un  rang  toutes  les  reines,  et  en  les  reportant  d'un  rang 
vers  la  droite. 


76 


Quatrième  récréation. 


Oa  peut  encore  se  servir  de  la  méthode  suivante  :  On  suppose 
l'échiquier  entouré  de  huit  autres,  que  l'on  est  censé  replacer 
ensuite  sur  le  premier,  avec  les  reines;  on  dessine  la  Jig.  20, 
formée  de  deux  lignes  de  quatre  cavaliers,  en  prenant  pour  le 


Fig.  20. 


Fig.  21. 


5' 

2' 

4' 

3' 

n 
J 

6 

I 

5 

'-i 

4 

:^ 

7 

1 

6' 

i' 

1       1 

point  de  départ,  figuré  par  la  case  A,  l'une  des  cases  numérotées 
de  la  ^^.  21;  les  numéros  i,  2,  3,  4,  5,  6,  7  donnent  les  sept 
premières  solutions,  et  les  numéros  i',  2',  3',  4',  5',  6\  7^  donnent 
les  solutions  renversées. 

Pour  les  cinq  autres,  on  opère  comme  il  suit  : 

La  huitième  solution  s'obtient  au  moyen  de  la  sixième,  en 
échangeant  seulement  les  deux  dernières  reines. 

La  neuvième  solution  s'obtient  au  moyen  de  la  huitième,  en 
faisant  avancer  toutes  les  reines  de  trois  cases  ,vers  la  droite,  et 
en  échangeant  ensuite  la  première  reine  avec  la  troisième. 

La  dixième  solution  se  déduit  de  la  neuvième,  en  remontant 
d'une  case  toutes  les  reines  situées  au-dessus  de  la  troisième  ligne 
horizontale,  et,  corrigeant  la  position,  en  élevant  la  reine  de  la 
troisième  colonne  verticale  de  la  première  case  à  la  quatrième. 


Le  problème  des  huit  reines. 


77 


La  onzième  solution  peut  aussi  se  déduire  de  la  neuvième,  en 
laissant  en  place  les  reines  des  quatre  lignes  horizontales  du 
milieu  et  en  déplaçant  symétriquement  les  quatre  autres  reines, 
par  rapport  à  la  quatrième  colonne  verticale. 

Quant  à  la  douzième  solution,  elle  est  symétrique  et  facile  à 
retenir. 

^^ 

MOINS    DE    HUIT   REINES. 

En  appliquant  la  méthode  précédente  aux  échiquiers  de  moins 
de  64  cases,  M.  Parmentier  a  trouvé  les  résultats  consignés  dans 
le  tableau  suivant  : 

Tableau  des  solutions  simples  du  problème  des  4,  5,  6,  7  reines. 


n. 

N. 

TOTAL. 

TYPE. 

NOTATION, 

4 

16 

2 

04 

2413** 

5 

25 

10 

104 
023 

25314** 
53142 

6 

36 

4 

024 

246135* 

7 

49 

40 

0124 
1024 

» 
0214 
0133 

» 

6357142 

5724613* 

3724615* 

4613572 

1357246 

3572461 

La  colonne  n  désigne  le  nombre  de  cases  sur  chaque  côté,  et 
la  colonne  N  donne  le  nombre  total  des  cases  de  l'échiquier; 
ainsi  N  =  ii^. 


yg  Quatrième  récréation. 


La  troisième  colonne  indique  le  nombre  total  des  solutions 
réellement  distinctes  ;  la  quatrième  colonne  donne  le  type;  enfin 
la  cinquième  donne  la  notation  des  solutions  simples.  Il  n'y  a 
aucune  solution  pour  les  échiquiers  de  4  cases  et  de  9  cases. 

On  retrouve  ainsi  les  nombres  des  solutions  qui  ont  été  don- 
nés, d'une  part,  par  MM.  Gûnther  et  Glaisher,  et,  d'autre  part, 
par  Bellavitis,  dans  sa  lo*»  Rivisîa  dei  Giornali  (p.  8  et  9). 


LES    92    POSITIONS    DES    HUIT   REINES. 

Le  tableau  suivant  contient  les  92  solutions  possibles  du  pro- 
blème des  huit  reines;  c'est,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
rensemble  de  tous  les  nombres  formés  des  chiffres  différents,  de 
1  à  8.  de  telle  sorte  que  la  différence  de  deux  chiffres  n'est  jamais 
égale  à  la  différence  des  rangs  qu'ils  occupent.  C'est  la  reproduc- 
tion du  tableau  dressé  en  1867,  à  Constantine,  par  M.  Parmen- 
tier.  On  remarquera  que  ce  tableau  contient  : 

4  solutions  commençant  ou  finissant  par  les  chiffres  i  ou  8; 

o  —  2  ou  7; 

16  _  -  -  3  ou  6; 

18  -  -  -    '  4  ou  5. 

Les  huit  colonnes  de  92  chiffres  ont  toutes  le  même  total  : 
414  ou  18  fois  23.  Dans  chaque  colonne,  il  y  a  nécessairement 
autant  de  chiffres  i  que  de  chiffres  8,  de  2  et  de  7,  de  3  et  de  6, 
de  4  et  de  5.  Cette  remarque  peut  servir  de  vérification. 


Le  problème  des  huit  reines.                                    79 

Tableau  des  92  solutions  du  problème  des  huit  reines. 

I 

i586  3724 

24 

368i  5724 

47 

5146  8273 

70 

63 18  5247 

2 

i683  7425 

25 

3682  4175 

48 

5184  2736 

71 

6357  1428 

3 

1746  8253 

26 

3728  5146 

49 

5i86  3724 

72 

6358  1427 

4 

1758  2463 

27 

3728  6415 

5o 

5246  83i7 

73 

6372  4815 

5 

2468  3175 

28 

3847  1625 

5i 

5247  386i 

74 

6372  85i4 

6 

2571  3864 

29 

4i58  2736 

52 

5261  7483 

75 

6374  1825 

7 

2574  i863 

3o 

4i58  6372 

53 

5281  4736 

76 

6415  8273 

8 

2617  4835 

3i 

4258  6137 

54 

53i6  8247 

77 

6428  5713 

Q 

2683  1475 

32 

4273  68i5 

55 

5317  2864 

78 

6471  3528 

10 

2736  85i4 

33 

4273  685i 

56 

5384  7162 

79 

6471  8253 

1 1 

2758  1463 

34 

4275  i863 

57 

5713  8642 

80 

6824  1753 

12 

2861  3574 

35 

4285  7i36 

58 

5714  2863 

81 

71 38  6425 

i3 

3175  8246 

36 

4286  1357 

59 

5724  8i36 

82 

7241  8536 

H 

3528  1746 

37 

4615  2837 

60 

5726  3148 

83 

7263  1485 

i5 

3528  6471 

38 

4682  7135 

61 

5726  3184 

84 

7316  8524 

16 

3571  4286 

39 

4683  1752 

62 

5741  3862 

85 

7382  5164 

17 

3584  1726 

40 

4718  5263 

63 

5841  3627 

86 

7425  8i36 

18 

3625  8174 

41 

4738  25i6 

64 

5841  7263 

87 

7428  6i35 

IQ 

3627  1485 

42 

4752  6i38 

65 

6i52  8374 

88 

7531  6824 

20 

3627  5184 

43 

4753  1682 

66 

6271  3584 

89 

8241  7536 

21 

3641  8572 

44 

4813  6275 

67 

6271  4853 

90 

8253  1746 

22 

3642  8571 

45 

4815  7263 

68 

63i7  5824 

91 

83i6  2574 

23 

368i  4752 

46 

4853  1726 

69 

63i8  4275 

92 

8413  6275 

MÉTHODE    DE    GAUSS. 

Dans  le  tableau  précédent,  toutes  les  solutions  sont  rangées 
dans  l'ordre  numérique.  On  peut  construire  ce  tableau  par  un 


8o  Qttatrième  récréation. 


procédé  systématique,  dont  l'application  est  très  simple  et  qui  a 
été  imaginé  par  Gauss,  puis  retrouvé  par  M.  Laquière_,  en  1881. 
On  place  d'abord  une  reine  dans  la  case  la  moins  élevée  de 
la  première  colonne  à  gauche  ;  on  place  ensuite  une  seconde 
reine  dans  la  seconde  colonne,  sur  la  case  la  moins  élevée  qu'il 
soit  possible,  et  ainsi  de  suite,  en  cherchant  toujours  à  placer 
une  reine  dans  une  nouvelle  colonne  à  droite,  le  plus  bas  qu'il 
soit  possible,  d'après  les  conditions  du  problème,  c'est-à-dire  en 
ayant  égard  aux  positions  des  reines  déjà  placées  à  gauche.  Lors- 
qu'il arrive  un  moment  où  l'on  ne  peut  plus  placer  aucune  reine 
dans  sa  colonne,  on  élève  celle  de  la  colonne  précédente  de  une, 
deux, . . . ,  cases,  et  l'on  continue  toujours,  d'après  le  même  principe, 
de  n'élever  une  reine  que  lorsqu'il  n'y  a  plus  de  positions  admis- 
sibles pour  l'ensemble  des  reines  à  placer  à  la  droite. 

Chaque  fois  qu'une  solution  est  trouvée,  on  l'inscrit  d'après 
la  notation  convenue,  et  les  solutions  se  trouvent  ainsi  rangées 
dans  l'ordre  numérique  de  la  notation.  D'ailleurs,  on  vérifie  le 
tableau  obtenu  par  cette  méthode,  en  renfermant  ensuite  dans 
le  même  groupe  toutes  les  solutions  que  Ton  peut  déduire 
d'une  première,  par  la  rotation  ou  le  renversement  de  l'échi- 
quier, ainsi  que  nous  l'avons  expliqué  aux  paragraphes  sur  les 
solutions  adjointes  et  sur  les  solutions  renversées. 

En  suivant  cette  méthode,  M.  L-.quière  a  fait  effectuer  par  un 
enfant,  dans  une  après-midi,  le  tableau  des  92  solutions  de  l'échi- 
quier de  64  cases.  Ce  tableau,  facile  à  vérifier,  ne  contenait  que 
trois  erreurs  provenant  d'une  seule  omission  et  de  deux  solutions 
inexactes  ('). 

(*)En  appliquant  le  calcul  des  probabilités  à  cet  essai,  M.  Laquière  a  obtenu 
le  résultat  suivant.  Soit  N  le  nombre  des  solutions,  e   la  probabilité  d'une 


Le  problème  des  huit  reines. 


8i 


AUTRE    ÉNONCÉ   DU   PROBLÈME    DES   REINES. 

Au  moyen  de  ce  tableau,  il  est  facile  de  donner  la  solution  du 
problème  des  huit  reines,  énoncé  sous  la  forme  suivante  : 

On  place  une  reine  sur  Vune  quelconque  des  64  cases  de 
V  échiquier  ordinaire  ;  déterminer  ensuite  toutes  les  manières  de 
disposer  sept  autres  reines^  de  telle  sorte  qu'aucune  déciles  ne 
puisse  être  prise  par  une  autre. 

Pour  résoudre  complètement  ce  nouveau  problème,  il  est  bon 
d'observer  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  considérer  indistinctement 

Fig.  22. 


! 



44 

33 

43 

22 

32 

42 

1 1 

21 

3i 

41 

toutes  les  cases  sur  lesquelles  on  peut  poser  la  première  reine, 
mais  seulement  les  cases  numérotées  de  la  fig.  22;  celles-ci 

erreur  sur  l'une  d'elles  j  la  probabilité  devoir  subsister  une  erreur,  après  la 
comparaison  des  huit  tableaux  formés  en  écrivant  les  solutions  adjointes  ou 
renversées  du  premier  tableau,  est  donnée  par  la  formule 

Ne* 
^"  (N-i)(N-2)...(rN-7)' 
mais  onaN  =  96,  car  la  solution  semi-régulière   est  comptée  pour  8;  de 

plus,  dans  l'essai  on  a  s  =  •— ^  ;  donc 
96' 


P  = 


96'.9D.94  ...  69' 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém. 


ou    P< 


3  000  000  000 


è2 


Quatrième  récréation. 


couvrent  un  peu  plus  du  huitième  de  l'échiquier;  on  obtiendra 
les  solutions  qui  correspondent  aux  autres  cases  par  des  procédés 
de  symétrie,  suivant  les  quatre  axes  de  symétrie  de  Téchiquier. 

Pour  obtenir  toutes  les  solutions  qui  proviennent  de  la  case 
initiale  ii,  il  suffira  de  prendre  dans  le  tableau  complet  des 
92  solutions  toutes  celles  dont  \q premier  chiffre  à  gauche  est  wn,- 
pour  obtenir  toutes  les  solutions  qui  proviennent  de  la  case  22, 
on  choisira  celles  dont  le  deuxième  chiffre  est  deux]  pour  obtenir 
toutes  les  solutions  qui  correspondent  à  la  case  43,  on  prendra, 
dans  le  tableau^  tous  les  nombres  dont  le  quatrième  chiffre  est 
trots,  et  ainsi  des  autres. 

Le  tableau  suivant  contient  trois  colonnes,  la  première  indique 
le  numéro  de  la  case  initiale;  la  deuxième  colonne  contient  le 
nombre  de  solutions  pour  cette  case,  et  la  troisième  colonne,  les 
numéros  des  solutions  pour  lesquelles  il  faut  se  reporter 
au  tableau  de  la  page  79. 


1 1 
21 
3i 

41 
22 

32 

42 
33 
43 

44 


NOMBRE. 


16 
18 
16 

14 
8 

4 
12 

8 


NUMÉROS    d'ordre     DES    SOLUTIONS. 


I,  2,  3,  4. 

13,29,30,47,48,49,65,81. 

8,37,40,44,45,54,55,57,58,68,69,70,76,84,91,92. 

6,12,16,21,23,24,52,53,62,63,64,66,67,78,79,82,81 

31,32,33,34,35,36,50,51,52,53,66,67,82,83,89,90. 

14,15,18,19,20,26,27,59,60,61,77,80,86,87. 

22,25,38,42,65,73,74,85. 

10,41,81,88. 

2,9,32,33, 39,43,44.46,57»83,9o,92. 

7,17,48,55,53,59,75,80. 


Le  problème  des  huit  reines. 


On  observera  que  les  cases  ir  et  33  sont  beaucoup  moins 
favorisées  que  les  autres;  mais  il  y  a  toujours  quatre  solutions 
au  moins,  et  dix-huit  au  plus,  en  prenant  pour  case  initiale 
une  case  quelconque  de  l'échiquier. 


DESIDERATUM. 


Nous  venons  d'indiquer  tout  ce  qui  est  connu,  ou  à  peu  près, 
sur  le  problème  des  reines.  Mais  si  l'échiquier  a  9  ou  lo  cases 
sur  le  côté,  le  problème  se  complique  de  telle  sorte  que  l'on  ne 
connaît  pas  le  nombre  de  solutions.  Peut-être  y  aurait-il  quelque 
intérêt  à  déterminer  le  nombre  des  solutions  du  problème  pour 
les  échiquiers  de  81,100,  121  et  144  cases.  Alors  il  se  pourrait 
que  l'observation  du  tableau  du  nombre  des  solutions  pour  tous 
les  échiquiers  de  2  à  12  cases  de  côté  pût  conduire  soit  à  d'autres 
méthodes  de  recherche,  soit  à  des  propriétés  nouvelles  des  nombres 
entiers.  La  grande  difficulté  du  problème  tient  à  ce  que  le 
nombre  des  permutations  de  n  objets  augmente  considérablement 
avec  n,  et  que,  par  suite,  le  nombre  des  permutations  qui  ne 
conviennent  pas  au  problème  des  k  reines  augmente  lui-même 
très  rapidement. 

Pour  l'échiquier  de  11  cases  de  côté,  on  peut  trouver  immé- 
diatement diverses  solutions  simples,  que  l'on  déduit  de  la  con- 
sidération de  la  progression  arithmétique.  Désignons,  pour 
abréger,  par  a  le  nombre  dix,  et  par  b  le  nombre  onze;  formons 
les  progressions  arithmétiques  suivantes,  dans  lesquelles  nous 
supprimons  les  multiples  de  onze,  le  nombre  b  pouvant  être 
remplacé  par  zéro  : 


8^  Quatrième  récréation. 


Progression     i,  3,  5,  7,  9,  Z',  2,4,  6,  8,  ^,  déraison     2 

—  i,4,7^^»2,5,8/^,3,6,9,  —  3 

—  1,5,9,2,6,^,3,7,^,4,8,  —  4 

—  1,6, b, 5, a, ^,g, 3, S, 2, 7,  —  5 

—  1,7,2,8,3,9,4,^,5,^,6,  ~  6 

—  1,8,4,^,7,3,^,6,2,9,5,  —  7 

—  1,9,6,3,^,8,5,2,^,7,4,  —  8 

—  1,^,8,6,4,2,^,9,7,5,3,  —  9 

Toutes  ces  solutions  conviennent  au  problème  des  onze  reines; 
sur  l'échiquier,  ces  solutions  représentent  encore  ce  que  l'on  ap- 
pelle les  armures  des  satins  réguliers  sur  on:{e  lames,  dont 
nous  avons  donné  la  théorie  générale  dans  l'opuscule  :  Principii 
fondamentali  délia  geometria  dei  tessuti['). 

THÉORÈMES    d'aRITHMÉTIQUE. 

Considérons  une  progression  arithmétique  de  raison  r  : 

^a,  a-\-r^a-\~2r,a-^  3r,  ...  ; 

si  l'on  prend  les  restes  de  la  division  des  différents  termes  par  un 
nombre  i?,  il  ne  peut  y  avoir  plus  dep  restes  différents;  d'ailleurs, 
ces  restes  se  reproduisent  périodiquement  de  p  'en  p.  Pour  que 
tous  les  restes  soient  distincts,  il  faut  et  il  suffit  que  le  nombre  j? 
soit  premier  avec  la  raison  r.  En  effet,  désignons  par  r^  et  r^,  les 

(')  LIngegneria  Civile  e  le  Arti  Industriali.  Anno  VI,  fasc.  7»  ed  8». 
Torino,  1880. 


Le  problème  des  huit  reines.  85 

restes  de  rangs  m  et  w,  on  a  (') 

r,n^a-\-  [m-  i)r,       (Mod.  p), 
rn^  a-\-[n—  \)r^       (Mod.  p), 

et,  par  différence, 

r,n  —  rn^{m  —  n)r,       (Mod.;?). 

Par  conséquent,  si  les  restes  r,n  et  rn  étaient  identiques,  le 
produit  {m  —  n)r  serait  divisible  par  p;  mais  p  étant  supposé 
premier  avec  r  diviserait  le  nombre  {m  —  n)  plus  petit  que  lui; 
ce  qui  est  impossible.  Donc  : 

Théorème  \.  —  Si  Von  divise  par  un  nombre  p  premier  avec 
la  raison,  p  termes  consécutifs  d'une  progression  arithmétique 
formée  de  tiomhres  entiers,  tous  les  restes  sont  différents. 

On  dit  alors  que  ces  restes  forment  un  système  complet  de 
résidus  suivant  le  module  p. 

Supposons,  de  plus,  que  p  désigne  un  nombre  premier  avec 
la  raison,  et  avec  la  raison  augmentée  ou  diminuée  de  l'unité; 
on  a  alors  le  théorème  suivant  : 

Théorème  II.  —  Si  Von  divise  p  termes  consécutifs  d'aune  pro- 
gression arithmétique  de  raison  r  par  un  nombre  p  premier 
avec  chacun  des  nombres  r,  r  -i-  i,  r  —  i,  /a  différence  de  deux 
restes  quelconques  n'est  jamais,  en  valeur  absolue,  égale  à  la 
différence  des  rangs  qu'ils  occupent  dans  la  progression. 

(')  La  notation  a  ^  b,  (Mod.  p),  veut  dire  que  a  ti  b  diffèrent  d'un 
multiple  quelconque  de  p]  elle  se  lit  a  congru  à  b  suivant  le  module  p.  Elle 
a  été  imaginée  par  Gauss;  c'est  une  excellente  notation  qui,  malheureu- 
sement, n'a  pas  encore  été  adoptée,  en  France,  d'une  manière  générale. 


86  Quatrième  récréation.  —  Problème  des  huit  reines. 

En  effet,  si  l'on  supposait 

r„,  —  r„=ih(m~?î),       [Mod.  p], 
on  en  déduirait,  d'après  ce  qui  précède, 

{m  —  n}r^±:[m~n)^       (Mod.;;), 
ou  bien 

(m  — w)  (r  liz  i)  =  o,       (Mod.  j?). 

Doncp  premier  avec  r  =t  i  diviserait  le  nombre  (m  —  n)  plus 
petit  que  lui;  ce  qui  est  impossible. 

Il  résulte  de  ces  deux  théorèmes  que  l'on  peut,  dans  beaucoup 
de  cas,  trouver  un  grand  nombre  de  solutions  du  problème  des 
p  reines,  en  supposant  que  p  désigne  un  nombre  impair,  non 
divisible  par  3. 


CINQUIÈME    RÉCRÉATION. 


LE  JEU  DU  SOLITAIRE. 


A  M.  H.  Hermary^  ancien  élève  de  VÉcole  Polytechnique, 
capitaine  au  Comité  (Vartilleric, 


«  Les  premières  notions  de  mathématiques  doi- 
vent faire  partie  de  l'éducation  de  l'enfanee.  Les 
chiffres,  les  lignes  parlent  plus  qu'on  ne  croit  à 
leur  imagination  naissante,  et  c'est  un  moyen  sûr 
de  l'exercer  sans  l'égarer.  » 

(GoNDORCET,  Discours  sur  les  Mathématiques.  ) 

a  II  faut  jouer  au  solitaire, 
Quand  on  n'est  plus  dans  les  beaux  ans.  » 

(PanarDj  Chansons,  t.  IIL) 


-m^'r 


-mm^^^^-m^^-é^ 


CINQUIEME  RECREATIOî.^ 


LE   JEU    DU   SOLITAIRE. 


COMME  son  nom  l'indique,  le  Jeu  du  solitaire  est  joué  par 
une  seule  personne;  il  consiste,  au  point  de  vue  le  plus 
général,  dans  la  recherche  de  problèmes  concernant  la 
géométrie  de  situation.  Cependant  ce  jeu  peut  être  effectué  par 
deux  ou  plus  de  deux  personnes,  qui  se  proposeraient  récipro- 
quement la  résolution  de  problèmes  de  plus  en  plus  compliqués. 
Cette  remarque  s'applique  d'ailleurs  à  tous  les  jeux  qui  sont  étu- 
diés dans  ce  volume;  tous  peuvent  être  joués  par  un  seul  parte- 
naire ou  par  plusieurs. 

HISTORIQUE. 


D'après  Y  Encyclopédie  méthodique ,  ce  jeu  nous  viendrait 
d'Amérique,  où  un  voyageur  français  en  aurait  conçu  l'idée  et 


90  Cinquième  lécréation. 


réglé  la  marche,  en  regardant  des  sauvages  qui  revenaient  de  la 
chasse,  et  plantaient  leurs  flèches  en  différents  trous  disposés  ré- 
gulièrement sur  la  paroi  de  leurs  cabanes.  Le  Dictionnaire  des 
origines  fait  observer,  mais  sans  en  dire  plus^  que  le  jeu  du  soli- 
taire dérive  ànjeu  des  mages,  ou  des  carrés  magiques.  Il  est  fort 
possible  qu'il  y  ait  une  relation  étroite  entre  ces  deux  jeux  :  c'est 
là  une  question  intéressante  que  nous  soumettons  à  la  perspi- 
cacité de  nos  lecteurs.  D'autres  font  naître  le  solitaire  en  Chine, 
à  une  époque  très  reculée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  jeu  du  solitaire  était  bien  connu  dès  le 
commencement  du  dernier  siècle.  Le  premier  volume  des  Mé- 
moires de  l'Académie  des  Sciences  de  Berlin  [Miscellane  Bero- 
linensia^  ijio)  contient  un  Mémoire  de  Leibniz  ayant  pour 
titre  :  Annotatio  de  quibusdam  ludis,  etc.,  et  qui  débute  ainsi  : 
«  Non  ita  pridemincrebuit  ludi  genus  singulare  quQmSolitarium 
appelant  (').»  On  y  trouve  encore  le  pasage  suivant:  a  Saepe 
noîavimus  nusquam  homines  quam  in  ludicris  ingeniosiores  esse: 
atque  ideo  ludos  Mathematicorum  curam  mereri,  non  per  se,  sed 
artis  inveniendi  causa.  »  Plus  tard, dans  une  lettre  adressée  à  M.  de 
Montmort,  le  17  janvier  17 16,  Leibniz  s'exprimait  ainsi  :  «  Le 
jeu  nommé  le  Solitaire  m'a  plu  assez.  Je  l'ai  pris  d'une  manière 
renversée,  c'est-à-dire  qu'au  lieu  de  défaire  un  composé  de  pièces 
selon  la  loi  de  ce  jeu,  qui  est  de  sauter  dans  une  place  vide  et  d'ôter 
la  pièce  sur  laquelle  on  saute,  j'ai  cru  qu'il  serait  plus  beau  de 
rétablir  ce  qui  a  été  défait,  en  remplissant  un  trou  sur  lequel  on 
saute;  et  par  ce  moyen  on  pourrait  se  proposer  de  former  une  telle 
ou  telle  figure  proposée,  si  elle  est  faisable,  comme  elle  l'est  sans 

(0  Voir  le  Dictionnaire  mathématique  de  Klûgel,  continué  par  Mollweide 
iKligel's  math.  Wôterbuch,  IV^  partie,  p.  466). 


Le  jeu  du  solitaire. 


91 


doute  si  elle  est  défaisable.  Mais  à  quoi  bon  cela?  dira-t-on.  Je 
réponds  :  à  perfectionner  l'art  d'inventer.  Car  il  faudrait  avoir  des 
méthodes  pour  venir  à  bout  de  tout  ce  qui  peut  se  trouver  par 
raison.  » 


^^ 


DEFINITION  DU  SOLITAIRE. 


Ce  jeu  se  compose  essentiellement  d'une  planchette  ayant  la 
forme  d'un  octogone  régulier,  et  percée  de  trentesejpt  trous 
placés  aux  sommets  de  carrés,  conformément  à  la  figure  suivante. 

Fig.  23. 


Tous  ces  trous  sont  garnis  d'une  cheville,  en  os  ou  en  ivoire, 
appelée  fiche.  Cependant,  depuis  quelques  années,  on  a  remplacé 
la  planchette  octogone  par  une   planchette  circulaire,    les  trous 


g 2  Cinquième  récréation. 


par  des  creux  hémisphériques,  et  les  fiches  par  des  billes  ou  des 
boules. 

Lorsqu'on  n'a  pas  de  jeu  de  solitaire  à  sa  disposition,  on  y 
supplée  facilement,  en  utilisant  certaines  cases  du  damier,  et  en 
se  servant  des  pions.  Mais  il  est  encore  plus  simple  de  dessiner  sur 
une  feuille  de  carton  la  figure  suivante^  en  plaçant  les  numéros 
correspondants  dans  le  même  angle  de  chacun  des  carrés  de  l'échi- 
quier. On  observera  que  la  notation  dont  nous  nous  servons  est 
entièrement  conforme  aux  principes  delà  géométrie  analytique; 
nous  ajouterons  que  c'est  la  notation  qui  a  été  proposée  pour  l'échi- 
quier (*)  par  un  illustre  mathématicien  français  de  la  fin  du 
siècle  dernier,  que  la  science  française  a  trop  laissé  jusqu'à  présent 
dans  l'oubli  :  je  veux  parler  de  Vandermonde. 

Dans  la  figure,  nous  laisserons  de  côté,  pour  l'instant,  les  carrés 
ou  cases  numérotées  04,  40,  48,  84,  qui  n'appartiennent  pas  au 
solitaire  que  l'on  trouve  le  plus  communément  dans  le  commerce. 

Nous  appellerons  coins  du  solitaire  les  cases  numérotées,  13 
et  31, 15  et 51, 37  et  73,  57  et  75  ;  milieux,  les  cases  numérotées,  14 
et  41,  26  et  62,  47  et  74,  22  et  66;/ron^5,  l'ensemble  des  trois 
cases  contiguës,  telles  que  13, 14, 15,  ou  31,  41,  51,  ou  37,  47,  57, 
ou  73,  74,  75;  pourtour  ou  périmètre,  l'ensemble  des  coins  et  des 
milieux  limitant  le  solitaire,  et  enfin  centre^  la  case  44. 

Nous  dirons  que  plusieurs  cases  sont  consécutives^  lorsqu'elles 

(1)  Remarques  sur  les  problèmes  de  situation,  par  Vandermonde.  — 
Mémoires  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de  Paris  pour  l'année  177 1, 
p.  566-574.  On  trouve  dans  ce  Mémoire  une  solution  curieuse  du  problème 
du  cavalier  des  échecs  sur  un  échiquier  cubique,  et  les  premiers  éléments 
scientifiques  de  la  géométrie  des  tissus  à  fils  curvilignes,  qui  comprend,  en 
particulier,la  fabrication  des  articles  de  bonneterie  (tricots,  bas,  chaussettes, 
caleçons,  bonnets  de  coton,  etc.). 


Le  jeu  du  solitaire. 


93 


se  succèdent  sans  interruption  sur  une  même  ligne  horizontale 
ou  sur  une  même  colonne  verticale;  ainsi  les  cases  32,  33,  34,  35 
sont  consécutives  sur  la  même  colonne.  Dans  ce  cas,  le  premier 
chiffre  de  la  notation  des  cases  est  le  même,  et  le  second  chiffre 
représente  les  nombres  entiers  successifs;  de  même,  les  cases  23, 

Fig.  24. 

Y 


f 

1 

'"17 

1 

37 

47 

57 

26 

36 

— 1 
46 

56 

66 

04 

i5 

25 

35 

45 

55 

65 

75 

14 

24 

34 

44 

5^ 

64 

74 

84  \ 

i3 

23 

33 

43 

53 

63 

73 

22 

32 

42 

52 

62 

3i 

41 

5i 

40 

o 

33,  43,  53  sont  consécutives  dans  la  même  ligne;  alors  le  second 
chiffre  de  la  notation  est  constant^  tandis  que  le  premier  chiffre 
représente  les  nombres  entiers  successifs.  En  général,  nous  dési- 
gnerons le  premier  chiffre  de  la  notation  de  la  case,  c'est-à-  dire 
le  rang  de  la  colonne  où  elle  se  trouve  par  le  mot  abscisse^  et  le 
second  chiffre  de  la  notation  de  la  case,  c'est-à-dire  le  rang  de  la 
ligne  où  se  trouve  cette  case,  par  le  mot  ordonnée. 


<^g^^ 


94  Cinquième  récréation. 


REGLE    DU    JEU    DU    SOLITAIRE. 

Lorsque  le  solitaire  est  entièrement  couvert  de  boules,  on  com- 
mence par  retirer  l'une  d'elles;  cela  fait,  lorsque  le  solitaire  pré- 
sente une  ou  plusieurs  cases  vides,  une  boule  quelconque  peut 
prendre  une  autre  boule  qui  lui  est  contiguë,  dans  le  sens  hori- 
zontal ou  dans  le  sens  vertical,  lorsqu'en  sautant  par-dessus,  soit 
horizontalement,  soit  verticalement,  elle  peut  venir  se  placer,  en 
continuant  son  mouvement,  sur  la  case  vide  immédiatement 
voisine.  Par  exemple,  la  boule  34  peut  prendre  : 

i**  La  boule  35  en  venant  se  placer  sur  la  case  vide  36 
2^—33  -  —  32 

30—24  —  —  14 

4«      —         44  —  —  54. 

Nous  indiquerons  cette  manœuvre,  que  Ton  appelle  un  coup 
somtractif^  par  une  fraction  ayant  pour  numérateur  la  case  de 
départ  de  la  boule  qui  prend,  et  pour  dénominateur  la  case 
d'arrivée.  Ainsi,  pour  chacun  des  quatre  coups  hypothétiques 
qui  précèdent,  la  notation  serait 

34    34    34    34 
36'  32'  14'  54* 

On  observera  que,  dans  chacune  de  ces  fractions  qui  représen- 
tent la  notation  d'un  coup,  les  premiers  ou  les  derniers  chiffres 
diffèrent  nécessairement  de  deux  unités. 

On  peut  se  proposer  sur  le  solitaire  des  problèmes  très  variés. 
Suivant  la  méthode  analytique,  nous  commencerons  par  donner 


Le  jeu  du  solitaire.  gb 


la  solution  de  quelques  problèmes  très  simples  qui  feront  mieux 
comprendre  la  règle  du  jeu. 


PREMIERS    EXERCICES. 

Dans  les  Exercices  suivants,  on  couvre  de  boules  plusieurs  cases 
du  solitaire;  il  s'agit,  en  suivant  la  règle,  de  prendre  toutes  les 
boules,  à  l'exception  d'une  seule.  Ces  problèmes  sont  extraits, 
en  très  grande  partie,  d*un  ouvrage  ayant  pour  titre  :  Recherches 
sur  le  jeu  du  solitaire^  livre  posthume  du  chevalier  Paul 
Busschopp,  publié  par  les  soins  de  son  frère,  Jules  Busschopp. 
Nous  avons  d'ailleurs  modifié  la  notation  incommode  de  l'auteur, 
ainsi  que  l'ordre  de  ces  exercices  ;  mais  nous  avons  conservé  les 
titres  de  ces  problèmes,  qui  sont  basés,  en  général,  sur  la  forme 
initiale  ou  finale  de  l'ensemble  des  boules  qui  couvrent  le  solitaire. 

Le  lecteur  qui  tient  à  se  familiariser  avec  la  pratique  de  ce  jeu 
devra  répéter  ces  exercices  plusieurs  fois,  jusqu'à  ce  qu'il  puisse 
les  réaliser  de  mémoire. 

Problème  I.  —  La  Croix  de  six  boules.  —  On  dispose  six  boules 
sur  les  cases  35,  43,  44,  45,  46,  55;  réduire  à  une  boule  au  centre 
du  solitaire. 

On  manœuvre  successivement  d'après  la  série  des  cinq  coups  : 

45    43    35    65    46^ 
65'  45'  55'  43'  44 

Problème  H.  —  L\  Croix  de  neuf  boules.  —  On  dispose  neuf 

boules  sur  les  cases  24,  34,  42-46,  54,  64;  réduire  à  une  boule  au 

11 
centre  du  solitaire. 


QÔ  Cinquième  récréation. 


La  notation  42-46  veut  dire  que  l'on  place  des  boules  sur  les 
cases  consécutives  42,  43,  44,  45,  46.  Pour  abréger,  nous  nous 
servirons  de  cette  notation  tout  aussi  bien  dans  le  sens  vertical 
que  dans  le  sens  horizontal  du  solitaire.  On  a  successivement 

43     45     24    44    64    41     43    46 
41     40    44    42    44    40    45    44 

Problème  III.  —  Le  Triangle.  —  Neuf  boules  en  :  23,  33,  34, 
43-45,  53,  54,  63. 

53     5^336344352342 
55'    35'   53'   43'   42'    33'   43'   44' 

Problème  IV.  —  La  Cheminée.  —  Onze  boules  en  :  34-37, 
45-47,  54-57. 

45     37     57     34     37     25     46     54    66    46 
25'    33'    37'    36'    35'   43'    66'    56'    46'   44' 


Problème  V.  — -  Le  Calvaire.  —  Quinze  boules  en  :  25,  31, 
32,  35,  41-47,  51,  52,  55,  65. 

32     5£     43    41     33     63 

33'    53'   63'  43'    53'   43* 

Après  six  coups,  on  retrouve  la  Croix  de  neuf  boules  du 
Problème  II.  On  observera  que  cette  croix  est  déplacée,  carie 
centre  se  trouve  ici  sur  la  case  45.  On  terminera  sur  cette  case. 

Problème  VI.  —  La  Pyramide.  —  Seize  boules  en  :  14,  24, 
25,  34-36,  44-47,  54-56,  64,  65,  74. 

55    74    53    55    57    35     14    33    36    44    56    25    87    35    65 
53'  H'  55'  5^'  3^'  r3'  3^'  35'  56'  46'  36'  45'  35'  55'  45* 


Le  jeu  du  solitaire.  g  y 


Problème  VIL  —  La  double  Croix.  —  Vingt  et  une  boules 
en  :  14,  22,  24,  26,  33-35,  41-47,  53-55,  62,  64,  66,  74. 

54    52     2^    33    41    43    74    62    45    54    66    74    35    54    33 
52^  32^  42'  53'  43'  63'  V  64'  65'  74'  64'  H'  33'  3^'  35' 
47    45     14    26    24 
45     25     34    24    44 

ProblèmeYlU.  —  Les  cinq  Croix  entrelacées.  —Vingt  et  une 
boules  en  :  14,  23-25,  32,  34,  36,  41-47,  52,  54,  56,  63-65,  74. 

^,  44,  Zi,  1^    ^    ^    44    47    24    26    46    44    14    42    22 
62'  64'  54'  66'  64'  44    46'  45'  26'  46'  44'  24'  34'   22'  24' 
24    44   41    62    42 
44'  ^'  ^'  ^'  ^* 

Problème  IX.  —  Le  Pentagone.  —  Vingt-quatre  boules  en  : 
14,  23-25,  32-36,  42-47,  52-56,  63-65,  74. 

^    ^    ^    44    ^3    42    63     25    45    43    55    35    33    i3    i5 
5i'  52'  53'  42'  43'  44'  43'   23'  ^'  ^'  35'  33'  73'  75'  35' 

3537575574536546 
37'  57'  55'  53'  54'  55'  45'  44* 

Problème  X.  —  Le  Carré  incliné.  —  Vingt-quatre  boules  en  : 
14,  23-25,  32-36,  41-43,  45-47,  52-56,  63^65,  74. 

53    5i    55    75    73    64    35    37    57    55    34    46    14    26    23 
5i'  3i'  75'  73'  53'  44'  37'  57'  55'  35'  36'  "26'  3^'   ^'  ^' 
4425325334    3_i2342 
24'  23'  34'  33'  32'  33'  43'  44* 

Problème  XL  —  L'Octogone.  —  Le  solitaire  est  entièrement 
couvert,  à  l'exception  des  huit  coins. 

E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  y 


98 


Cinquième  récréation. 


53  32  5i  54  74  44  A^  £^,  ±1,  M,  1?^  22^  62^  64^  ^4^ 
57'  5^'  Ï3'  3i'  54  42'  32'  42  43  22  23  24  64  44  34 
14  66  64  56  35  54  33  35  47,  1.5  25  26  46. 
H'  6^'  44'  H'  33'  3^'  35'  55'  45'  35  45  46  44 

Problème  XII.  —  La  triple  Croix.  --  Le  solitaire  est  entière- 
ment couvert,  à  l'exception  des  cinq  cases  22,  66,  26,  62  et  44. 

Al     5a  5i  74  54  62  73  32  3i  43  5i  63  56  75 

If'  Û'   11'  H'  5!'  ï.'  ^'  5^'  57'  63'  53'  Ï3'  H'  53' 

54  35  47  45  57  65  37  34  il    il  43  £3  32  24 

W    5T'  2'  65'  55'  Ï5'  35'  3^'  33'  i3'  23'  33'  34'  26' 

34  26  46^ 
36'  46'  44* 

Il  y  a  aussi  lieu  de  s'exercer  à  réussir  ces  problèmes  en  sens 
inverse,  en  modifiant  la  règle  du  jeu  contormément  à  l'idée  émise 
par  Leibniz,  et  reproduite  au  début  de  cette  récréation.  Consi- 
dérons trois  cases  consécutives  A,  B,  C,  soit  dans  le  sens  hori- 
zontal (Jg.  25),  soit  dans  le  sens  vertical  (^^.  26). 


Fig.  25. 


A 

B 

C 

Fig.  26. 


Supposons  vides  les  cases  B  et  C,  et  une  boule  en  A.  Passons  la 
boule  A  en  C,  et  plaçons  une  boule  en  B  ;  nous  aurons  ainsi  un 
coup  additif.  Cela  posé,  on  pourra  reprendre  les  problèmes  pré- 
cédents. On  place  une  boule  sur  la  case  du  solitaire,  occupée  par 


Le  jeu  du  solitaire.  qg 


la  dernière  boule,  et  dont  le  numéro  est  le  dénominateur  de  la 
fraction  qui  représente  le  dernier  coup.  On  opère  par  des  coups 
additifs  dont  la  lecture  se  fait  :  i°  en  renversant  les  deux  termes 
de  chaque  fraction  ;  2°  en  renversant  l'ordre  des  fractions,  la 
dernière  devenant  la  première. 


PROBLEMES   SUR   LE    SOLITAIRE  DECENTRE. 

Dans  les  problèmes  suivants,  nous  prendrons  pour  figure  ini- 
tiale le  solitaire  de  trente-sept  cases,  entièrement  couvert,  à  l'ex- 
ception de  la  case  centrale  44.  On  doit,  après  un  certain  nombre 
de  coups,  obtenir  des  figures  convenues,  formées  par  les  boules 
restantes.  La  première  série  de  fractions  indique  le  nombre  et  la 
suite  des  coups  soustractifs;  nous  indiquons  ensuite  la  position 
des  boules  restantes  par  des  chiffres  gras  ou  par  les  désignations 
que  nous  avons  définies  plus  haut. 

Problème  XIII.  —  Le  Chapelet. 

^    Ê^    4^     ^     24     26     46    66    64    34    54     52     32     24 
44'  64'  62'   42'    22'    24'    26'  46'  66'   54'   52'    32'    34'   44' 

Il  reste  le  pourtour  et  les  boules  35,  43  à  46,  55  formant  la 
Croix  de  six  boules. 

Problème  XIV.  —  L'Equateur. 

1^     22    24    ^    i^    ^    5^    42    ^6    46    34    55    36    53    56 
44'  42'  22'  43'  53'  63'  64'  62'  24'  26'  36'  35'  34'  55'  54* 

Il  reste  le  pourtour  et  la  ligne  horizontale  14  à  74. 


Cinquième  récréation. 


Problème  XV.  —  La  Croix  et  sa  Couronne. 

24    36    55    25    33    53    23    56    36    73    65    53    5£    32    53 
^'  H'  35'  Ï5'  35'  33'  43'  36'  34'  53'  63'  73'  53'  52'  51* 
Il  reste  le  pourtour  et  cinq  boules  au  centre. 

Problème  XVI.  —  La  pleine  Lune. 

64   52    33    54   66   46   44   24   26   46   £4   22    34  42   62   64^ 
^'  54'  53'  Y2    64'  66'  46'  44'  24'  26'  34'  24'  14'  22'  42'  62' 

Il  reste  le  pourtour  et  les  quatre  boules  42,  44,  35,  55. 

Proft/ème XVII.  —  La  Croix  de  Malte. 

24   54  74  42   44   46   34   54   62   63    3^   22   25    26    56   66^ 
^'  34'  54'  44'  64'  44'  54'  74'  42'  4^'  34'  24'  45'  46'  54'  64' 

Il  reste  les  boules  des  fronts,  de  la  ligne  et  de  la  colonne 
moyennes,  à  l'exception  du  centre. 

Problème    XVIII.   —    Quatre   cavaliers   cernés   par  seize 

SOLDATS. 

42   45    64   43   66  46   26   46   24  44   22   24  41    62^  43^  64^ 
^'  p'  ^'  ^'  64'  66'  46'  44'  26'  24'  42'  22'  43'  42'  41'  62 

Il  reste  le  pourtour  et  les  quatre  boules  33,  53,  35,  55  représen- 
tant les  cavaliers,  qui  n'ont  pas  bougé  pendant  la  manœuvre. 

Problème  XIX.  —  Trois  cavaliers  cernés  par  seize  soldats. 
64   34   42   44   36    56    26   46    65    24 
^'  H'  44'  6i'  H'  36'  46'  44'  45'  26'       • 
Les  huit  derniers  coups  sont  semblables  aux  huit  derniers  du 
problème  précédent.  Il  reste  le  pourtour  et  les  trois  boules  33,  53, 
45  représentant  les  cavaliers 


Le  jeu  du  solitaire. 


Problème  XX.  ^  Adam  et  Eve  dans  le  paradis  terrestre. 

46  43  23  25  45  42  63  43  65  45  22  26  66  62  42  24 
^'  p'  :p'  ^'  ^'  44'  43'  45'  63'  65'  42'  24'  46'  64'  62'  22' 
46    64 

26'  M' 

Il  reste  le  pourtour  et  les  deux  boules  34  et  54,  représentant 
Adam  et  Eve,  qui  n'ont  pas  bougé  pendant  la  manœuvre. 

Problème  y^ya.  —  Le  Lecteur  au  milieu  de  son  auditoire. — 
On  commence  par  le  problème  du  chapelet  [Problème  XIII),  et 
l'on  termine  par  le  Problème  I.  Il  reste  alors  le  pourtour  et  le 
centre. 

Problème  XXII.  —  Le  Jugement^dernier, 

24325235325557656343363555^r533 
44   34'  32'  33'  34'  35'  55'  45'  65'  63'  56'  55'  57'  33'  i3'  35' 
35    73    75    5|    5| 
i5'  53'  73'  55'  75* 

Après  le  dernier  coup,  il  reste  la  boule  centrale  44  et  les  deux 
parties  du  pourtour,  représentant  les  bons  et  les  méchants^  sépa- 
rés par  les  cases  vides  14  et  74. 

Problème  XXIII.  —  Le  grand  Bol. 

24325^343£5233456443563|54666326 
44'  34'  33'  32'  33'  32'  3i'  43'  44'  45'  54'  55'  56'  64'  65'  24' 
23    37   47    57 
^'  35'  p'  5~5"* 

Il  reste  la  ligne  15  à  75,  et  le  pourtour  de  15  à  41  et  de  41  à  75. 


Cinquième  récréation. 


Problème  XX.IY .  —  Les  quatre  Évangélistes  et  les  douze 
Apôtres. 

42    62    64   44   41    74   46   44   66    64   47    24   44   26   46    14 
44  42   62    64   43    54   44   64  46    66   45    44   46    24   26    34 
22    24   44   42 
24'  44'  42'  22 

Il  reste  les  boules  du  pourtour,  à  l'exception  des  quatre  boules 
14,  41,  47,  74,  ce  qui  représente  les  douze  Apôtres,  et  en  plus  les 
boules  33,  35,  53,  55,  qui  représentent  les  Évangélistes. 

Problème  XXV.  —  La  Trinité  et  les  douze  Apôtres. 
42   45    24  43    64    56    54   36    34    i5    57    3?    35   2^    3^    3^ 
:^'  p'  ^'  ^'  ^'  H'  34'  56'  36'  35'  5d'  5;'  3;'  i5'  i3'  33' 
5£    53    73    75    5^5 
3i'  5i'  53' 73' 75"* 

Il  reste  douze  boules  du  pourtour,  comme  dans  le  problème 
précédent,  et^  en  plus,  les  trois  boules  33,  53,  45. 

Problème  XXVI.  —  Jésus  et  les  douze  Apôtres. 

42    63    5r    3£    33    5_3    23    35    3^    H   44   4^   ^   ^   47    ^ 
44'  43'  5l'  57'  3i'  33'  43'  33'  53'  34'  24'  44'  46'  26'  45'  46' 

54   46    74   75    4 5^    53    55 
56' 66'  54'  55'  65'  55'  75* 

Il  reste  douze  boules  du  pourtour,  comme  dans  les  deux  pro- 
blèmes précédents,  et,  en  plus,  la  boule  centrale  44. 

Problème  XXVII.  —  Le  Galice. 
46   65    57   37   54   57   45    52   32    34   36   £5    22   2^    34   £4 
ï^'  ^'  55'  5^'  56'  55'  65'  54   52'  32    34'  35'  42'  33'  32'  34' 
75    55    74    5^    73    5^    32    62 
53'  53'  54'  55'  53'  54'  52'  42' 


Le  jeu  du  solitaire.  ic>3 


Il  reste  douze  boules  26,  31,  34,  35,  41-44,  51,  54,  55,  66. 

Problème  XXVIII.  —  La  Trinité. 

46    25    37    45    ^    34    26    54    65    57    45    75    74    54    47 
^'  ^'  35'  25'  35'  36'  46'  34'  45'  55'  65'  55'  54    56'  45' 

66  52    32     34    14    62    42    73     54    ^    1?    ^    4^     Ll    1^ 

^'  H'  5^'   3^'  'H'  42'  44    53'   52'  42'  33'  32'  43'   33'  23' 

41  5[     43 

43'  53'   63 ■ 

Il  reste  les  trois  boules  23,  63  et  46. 

Problème  XXIX.  —  Les  deux  Pôles.  —  On  joue  vingt  coups 
comme  dans  le  problème  précédent,  puis  on  fait  : 

45    73    62    54    5j[     53    4£    22    34    £3   43    3_[     2_3    43 
^'  53'  4^'  52'  53'  33'  43'  ^'  32'  33'  23'  33'  43'  41' 

Il  reste  alors  les  deux  boules  41  et  47. 

Problème  XXX.  —  Le  Corsaire.  —  On  couvre  le  solitaire,  on 
enlève  la  boule  51,  on  fait  ensuite  : 

53    73626275545i4_3    732325454732     3^ 
57'  53'  6^  64'  73'  52'  53'  63'  53'  43'  23'  20'  45'   33'   3j' 

i3    43    22    14    35     i5    45    26    37    66 
33'  ^'  ^'  34'  ^'  ^'  25'  ^4'  35'  46' 

Puis  la  boule  41,  qui  représente  le  Corsaire,  prend  successi- 
vement les  neuf  boules  42,  33,  24,  35,  55,  64,  53,  44,  46,  et  vient 
se  placer  en  47,  où  elle  est  prise  par  la  boule  57  qui  vient  eu  37. 


J^i^ 


I04  Cinquième  récréation. 


LES   LETTRES   EN    BOULES. 

Nous  venons  de  donner  les  solutions  de  trente  problèmes  gra- 
dués sur  le  jeu  du  solitaire.  Il  paraît  que  l'ouvrier  typographe 
chargé  de  la  composition  de  l'article  publié  dans  la  Revue  Scien- 
tifique n'était  pas  très  content  d'avoir  à  manier  une  si  grande 
quantité  de  chiffres  et  de  fractions.  Ce  n'était  pas  l'avis  de  mon 
fils  Paul,  qui  n'a  pas  six  ans,  mais  qui  sait  manipuler  les  numé- 
ros avec  une  grande  dextérité;  il  y  a  déjà  longtemps  qu'il  ne  joue 
plus  au  loto,  d'abord  parce  que  c'est  un  jeu  de  hasard,  ensuite 
parce  que  ce  jeu  est  ennuyeux.  C'est  lui  qui  a  corrigé  les  épreuves 
de  l'article  en  question,  assisté  de  sa  grande  sœur  Madeleine, 
qui  n'a  pas  sept  ans.  J'avais  dessiné  sur  une  feuille  de  carton 
un  solitaire  numéroté;  puis  j'avais  expliqué  à  tous  deux  les  nota- 
tions si  simples  du  jeu  du  solitaire.  Pendant  que  Tun  appelait  les 
coups  successifs,  l'autre  les  réalisait  sur  l'échiquier;  je  n'ai  donc 
eu  à  revoir  qu'un  petit  nombre  de  problèmes,  c'est-à-dire  seu- 
lement ceux  qui  les  avaient  arrêtés. 

Aussi,  pour  les  récompenser, je  leur  ai  promis  d'écrire  leurs 
noms  en  lettres  de  boules  sur  le  jeu  du  solitaire;  dans  cette 
intention,  j'ai  réuni  quelques  nouveaux  problèmes  que  Ton  déduit 
du  solitaire  complet,  et  qui  se  terminent  par  un  ensemble  de  boules 
représentant  aussi  bien  que  possible  les  lettres  de  l'alphabet  qui 
servent  à  former  leurs  noms. 


Le  jeu  du  solitaire. 


LA  RECREATION   DE   PAUL  (    ). 

Cette  récréation  se  compose  de  quatre  parties  successives  qui 
correspondent  aux  quatre  lettres  P,  A,  U,  L. 

La  lettre  p.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  44; 
puis  on  joue  les  vingt-trois  coups  suivants  : 

42  63  5i  43  73  54  62  41  74  33  54  22  52  56 

5^'  p'  53'  63'  53'  5i'  4^'  43'  H'  53'  5^'  4^'  32^  54' 

36  34  75  45  i3  14  i5  26  56 

56'  36'  55'  65'  33'  34'  35'  46'  36' 

Il  reste  les  treize  boules  31-37,  44,  47,  54,  57,  65,  66. 

La  lettre  a.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  44; 
puis  on  joue  les  vingt-six  coups  suivants  : 

6456355466574737453426^75     £4 
44'   54'   55'   56'    64'   55'  45'   35'   65'   36'  46'    35'    55'    34' 
74    22    43     3i     23     53    41     33    63     5i     43    62 
54'  24'   23'   33'  43'   33'  43'  53'  43'    53'  63'  64' 

Il  reste  les  dix  boules  13,73,24-64,35,55,46. 


La  lettre  U.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  64; 
puis  on  joue  les  vingt-quatre  coups  suivants  : 

66  45  57  25  37  45  47  54  52  32     34    75     73     62 

Ô4  65  55  4D  35  25  45  56  54  52     32     55     53     42 

54  74  5i  32  i3  43  45  i5  i3  /i3 

52  54  53  D2  66  26  43  16  66  26 

(^)  Nous  recommandons  ces  exercices  aux  pères  de  famille  qui  n'ont 
malheureusement  pas  toujours  le  temps  d'être  dérangés  de  leurs  travaux 
par  leurs  entants. 


io6  Cinquième  récréation. 


11  reste  les  douze  boules  22-26,  31,  41,  52-56. 

La  lettre  L. —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  33; 
puis  on  joue  les  vingt-sept  coups  suivants  : 

?i  34  5i     3i     36  34  56     54     52     y3     64     74    57    54 

33'  32'  37'   33'   34'  32'  36'    56'    54'    5^'   52'    34'   5"5'   56' 

66  75  55     43     36  i5  i3    45     i5     34    37    47    45 

^'  55'  33'  ^'   3^:'  35'  73'  ^'   35'   36'   35'  45'  25* 

Il  reste  les  neuf  boules  22-26,  32-62. 

LA  RÉCRÉATION  DE  MADELEINE. 

Cette  récréation  se  compose  de  cinq  parties  nouvelles  qui  cor- 
respondent aux  lettres  M,  D,  E,  I,  N. 

La  LETTRE  M.  — ^  Du  solitaire  complet  on  enlève  les  boules  33 
et  53;  puis  on  joue  les  vingt-deux  coups  suivants  : 

55     i3    436352    4^35233_i434£r5£343 
53'   33'  ■^'  43'   53'   63'   33'  43'   33'    23'   43'    73'    33'    23' 

55'  75'   65'   55'  45'   65'   35'    55' 
Il  reste  les  treize  boules  22-26,  35,  44,  55,  62-66. 

La  lettre  D.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  44, 
puis  on  joue  les  vingt  coups  suivants  : 

42  23  35    43     54    46     34    65     63     75     45     53     55     22 

^'  p'  33'  ^'   34'  44'   54'  45'    65'    55'    65'    55'    75'   42' 

52  i3  14     i5     26     56 

32'  31'  3^'    35'   46'    36' 


Le  jeu  du  solitaire.  107 


Il  reste  les  seize  boules  31-37,  41,  47,  51,  57,  62,  66,  73-75. 

La  LETTRE  E.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  la  boule  44; 
puis  on  joue  les  vingt-trois  coups  suivants  : 

42  62  54  73  52  41  22  43  34  54  56  75  54  74 
44  42  52  53  04  4>  42  41  32  34  ^^  5d  5b  54 
46     26     34     i3     14     i5     47     66    45 

44    40     6b     66     34    3d     45     4Ô    47 

Il  reste  les  treize  boules  31-37,  41,  44,  47,  51,  54,  57. 

La  lettre  I.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  les  boules  13 
et  73  ;  puis  on  joue  les  vingt-quatre  coups  suivants  : 

75  54    66    74     i5     34  26     14    46  54     66     52     32     34 

y  6  74    04     54     16     14  24     34    bb  5b     4b     54     52     32 

36  i3    22     34    5i     32  53    73     54  62 

34'  33'  42'   32^   53'   52'  5i'   53'   52'  42 

Il  reste  les  onze  boules  31,  37,  41-47,  51,  57. 

La  lettre  N.  —  Du  solitaire  complet  on  enlève  les  boules  52 
et  33;  puis  on  joue  les  vingt-deux  coups  suivants  : 

54  56    75  54    57    45     25     37     45     47     73     75     45     i3 

52  54    5^  56     53     b5     4D     3d     25     45     75     5^     65     33 

43  i5     i3  33    3i     41    43     5i 
23''  73'  37'  35'3'3'  p'23''   53' 

Il  reste  les  treize  boules  22-26,  35,  44,  53,  62-66. 


io8  Cinquième  récréation. 


LES   RÉUSSITES    DU    SOLITAIRE    A    3/    CASES. 

Le  problème  que  l'on  résout  le  plus  communément  sur  le  soli- 
taire s'appelle  réussite;  il  consiste  à  enlever  une  boule  du  soli- 
taire complet,  puis  on  doit  réduire  le  solitaire  à  une  seule  boule, 
en  suivant  la  règle  du  jeu.  Nous  désignerons  alors  sous  le  nom 
de  case  initiale  la  première  et  unique  case  vide,  et  par  case  finale 
ou  terminale  la  dernière  et  unique  case  pleine.  Nous  avons  déjà 
obtenu  la  réussite  ayant  51  pour  case  initiale  et  37  pour  case 
finale,  dans  la  solution  du  problème  du  Corsaire.  Nous  donne- 
rons une  seconde  réussite,  en  partant  de  la  case  73;  le  tableau 
successif  des  trente-cinq  coups  est  le  suivant  : 


53    5 1    43    73    23    ^  43    ^  4^  65    57   45 
^'  53'  63'  53'  43'  33'  23'  33'  43'  45'  55'  65' 
75    25    37   45    i5    43    64   62    74  4£   34   £4 
5"5'  Ï5'  35'  ^'  3"5'  63'  44   64   H  43'  36'  34 
47    26   4^    54   66   43    22   47   4^    ^  44o„4? 
45'  46'  47'  56'  46'  23'  24'  45'  43'  44'  42       45 

On  retient  assez  facilement  cette  marche  en  se  fixant  dans  l'es- 
prit les  figures  représentant  l'état  du  solitaire  après  le  17'  coup, 
et  après  le  26'. 

Quant  au  dernier  coup,  il  est  possible  de  deux  façons  diffé- 
rentes, et  la  case  finale  est  42  dans  le  premier  cas,  et  45  dans  le 
second.  Cette  observation  sera  très  utile  dans  la  suite. 


Le  jeu  du  solitaire.  109 


DE   LA    SYMETRIE  HORIZONTALE. 

Au  lieu  de  prendre  73  pour  case  initiale,  on  pourrait  prendre 
une  autre  case,  et  il  y  aurait  ainsi  lieu  de  considérer  les  réussites 
qui  correspondent  à  toutes  les  cases  du  solitaire,  prises  successi- 
vement pour  case  initiale.  Mais  la  forme  régulière  du  solitaire 
permet  de  réduire  considérablement  ces  problèmes,  ainsi  qu'on 
va  le  voir. 

Si  Ton  prend  75  pour  case  initiale,  on  observera  que  les  cases  73 
et  75  sont  placées  symétriquement  par  rapport  à  la  ligne 
moyenne  14-74  qui  est  un  axe  de  symétrie  de  la  figure  formée 
par  les  cases  du  solitaire.  Dans  le  cas  général,  les  premiers  chiffres 
des  notations  de  deux  cases  symétriques  par  rapport  à  la  ligne 
moyenne  sont  égaux;  ainsi  les  cases  symétriques  73  et  75,  32 
et  36,  etc.,  ont  le  même  premier  chiffre.  Quant  aux  seconds  chif- 
fres, ils  ont  constamment  la  même  somme  égale  à  huit. 

Par  conséquent,  pour  résoudre  le  problème  de  la  réussite,  qui 
convient  à  la  case  initiale  75^  il  suffira  de  reprendre  le  tableau 
précédent,  en  conservant  l'ordre  et  la  disposition  des  fractions; 
on  conservera  encore  le  premier  chiffre  de  chacun  des  termes  de 
la  fraction,  mais  on  remplacera  le  second  chiffre  de  chaque  terme 
par  son  complément  à  8;  ainsi,  pour  le  second  chiffre,  on  rem- 
placera 

I  par  7,  2  par  6,  3  par  5,  4  par  4, 

et  réciproquement.  Le  tableau  des  premiers  coups  de  la  réus- 
site 75  sera  donc 

55    57   45    75 

75'  55'  65'  55'  ■••* 


Cinquième  récréation. 


DE    LA    SYMETRIE    VERTICALE. 

Le  solitaire  est  encore  symétrique  par  rapport  à  la  colonne 
moyenne  41-47;  et  ainsi  les  cases  13  et  73  sont  symétriques.  Pour 
deux  telles  cases,  le  second  chiffre  de  la  notation  est  le  même,  et 
la  somme  des  deux  premiers  chiffres  est  constamment  égale  à  huit. 
Par  conséquent,  on  déduira  le  tableau  de  la  réussite  13  de  celui 
de  la  réussite  73,  en  conservant  l'ordre  des  fractions  donnant 
les  coups  et  le  second  chiffre  des  termes,  et  en  remplaçant  le  pre- 
mier chiffre  de  chaque  terme  par  son  complément  à  huit.  Ainsi, 
par  exemple,  la  réussite  de  case  initiale  13  commence  par 


33    32   43    £3 

i3'  33'  23'  33'  ■••• 


DE    LA    SYMETRIE    CENTRALE. 


On  peut  déduire  la  solution  de  la  réussite  de  case  initiale  15 
de  Fune  des  réussites  ayant  pour  case  initiale  13  ou  75,  soit  par 
symétrie  horizontale,  soit  par  symétrie  verticale.  Mais  on  peut 
opérer  plus  rapidement,  en  remplaçant,  dans  le  tableau  de  la  suc- 
cession des  coups  de  la  réussite  de  case  initiale  73,  chacun  des 
chiffres  par  son  complément  à  huit.  On  fait  ainsi  l'application 
de  ce  théorème  de  Géométrie  :  Lorsqu'une  figure  est  symétrique 
par  rapport  à  deux  axes  perpendiculaires^  elle  est  symétrique 
par  rapport  au  point  d'intersection  des  axes.  Ainsi  le  solitaire 
possède  la  symétrie  centrale,  c'est-à-dire  que  toutes  les  cases 
sont  opposées  deux  à  deux,  et  également  distantes  de  la  case 


Le  jeu  du  solitaire. 


centrale  44  (').  Ainsi,  les  premiers  coups  de  la  réussite  15  déduits 
centralement  de  la  réussite  73  sont  les  suivants  : 

35    37   45    ]^ 

i5'  35'  25'  35'  ■*  " 


DE   LA   SYMETRIE   INCLINEE. 

Les  cases  du  solitaire  octogone  sont  encore  placées  symétrique- 
ment par  rapport  à  la  ligne  diagonale  22-66.  Pour  deux  cases 
symétriques  de  cette  manière,  les  notations  sont  telles  que  cha- 
cune d'elles  est  égale  à  la  notation  renversée  de  Tautre.  Par  con- 
séquent, on  déduira  la  solution  de  la  réussite  37  de  celle  de  la 
réussite  73,  en  renversant  l'ordre  des  chiffres  de  chacun  des 
termes  des  fractions  qui  indiquent  la  succession  des  coups. 

Ainsi  les  premiers  coups  de  la  réussite  37  déduits  de  la  réus- 
site 73  sont  : 

35   £5    34   3^7 

37'  35'  36'  35'  *"* 


En  résumé,  il  résulte  de  ces  considérations  de  symétrie,  que 
Tétude  des  réussites  du  solitaire  de  trente-sept  cases  ne  doit  être 
faite  que  pour  une  seule  des  cases  d'un  même  groupe  symétrique. 

(^  )  Pour  se  rapprocher  des  conventions  adoptées  en  Géométrie  analytique, 
on  aurait  dû  désigner  la  case  44  par  00,  et  la  prendre  pour  origine  des  coor- 
données. On  aurait  désigné  toutes  les  cases  par  deux  chiffres,  de  0  à  3,  en 
indiquant  les  cases  de  coordonnées  négatives  par  le  signe — .  placé  au-dessus 
du  chiffre  représentant  la  coordonnée  négative,  comme  dans  l'emploi  de  la 
caractéristique  négative  des  logarithmes.  On  peut  encore  désigner  les  coor- 
données négatives  par  des  chiffres  accentués;  c'est  ainsi  que  Fa  fait  Reiss, 
dans  le  Mémoire  que  nous  citons  plus  loin.  Mais  sa  notation  est  un  peu 
confuse;  c'est  pourquoi  nous  préférons  la  notation  actuelle. 


Cinquième  récréation. 


D'après  cela,  on  classera  les  cases  du  solitaire  en  huit  groupes 
que  nous  indiquons  dans  le  tableau  suivant  : 

Tableau  des  groupes  de  cases  symétriques. 


GROUPES. 

CASES. 

r 

44. 

ir 

14, 41, 47, 74. 

iir 

22,  26,  62,  66. 

IV 

24, 42, 46, 64. 

V* 

33, 35,  53,  55. 

VI 

34,43,45,54. 

VII 

13,15,31,37,51,57,73,75. 

viir 

23,25,32,36,52,56,63,65. 

Il  suffit  donc  d'étudier  le  problème  des  réussites  pour  l'une 
quelconque  des  cases  de  chaque  groupe.  Mais  nous  démontrerons 
plus  loin,  dans  la  théorie  des  impossibilités  du  solitaire  général^ 
que  la  réussite  proposée  est  impossible  pour  toutes  les  cases  ap- 
partenant aux  groupes  marqués  d'un  astérisque,  dans  le  tableau 
précédent.  Il  ne  nous  reste  donc  que  l'étude  des  groupes  IV  et  VI, 
dans  lesquels  nous  choisirons  respectivement  pour  cases  initiales 
celles  qui  ont  pour  notation  42  et  45. 


<^ê^%f 


Le  jeu  du  solitaire.  1 1 3 


PROCEDE  GENERAL  DE  RECIPROCITE. 

Nous  avons  donné  plus  haut  la  solution  du  solitaire  pour  la 
case  initiale  73,  et  nous  avons  obtenu  la  boule  finale  42.  Par 
conséquent  on  peut,  par  une  marche  renversée  de  coups  additifs, 
remplir  le  solitaire,  en  prenant  pour  case  initiale  42,  mais  la 
case  finale  73  restera  vide.  Nous  avons  vu  que  l'on  obtient  l'écri- 
ture de  cette  solution  en  coups  additifs:  i°en  renversant  Tordre 
des  fractions;  2°  en  échangeant  les  termes  de  chaque  fraction. 

Cela  posé,  considérons  deux  solitaires  complémentaires,  c'est- 
à-dire  tels  que  les  cases  pleines  de  l'un  correspondent  toujours 
aux  cases  vides  àt  l'autre,  et  réciproquement;  alors  les  coups 
additifs  de  l'un  correspondent  aux  coups  soustractifs  de  l'autre. 

Par  conséquent,  si  l'on  part  d'une  boule  initiale  42,  et  qu'on 
remplisse  le  solitaire  par  coups  additifs,  à  Texception  de  la 
case  73,  on  obtient  une  réussite  ordinaire,  par  coups  soustractifs, 
sur  le  solitaire  complémentaire  ne  contenant  que  la  case  vide  42; 
il  reste  la  boule  finale  73. 

Pour  déduire  immédiatement  la  réussite  de  case  initiale  42  et 
de  boule  finale  73,  de  la  réussite  de  case  initiale  73  et  de  boule 
finale  42,  il  suffit  de  renverser,  dans  la  solution  de  cette  dernière, 
l'ordre  des  fractions,  mais  sans  renverser  les  termes  de  chacune 
d'elles.  Ainsi,  la  réussite  de  case  initiale  42,  déduite  de  la  réus- 
site 73,  sera 

44   24  45    47  5£    53 

42' 44' 43' 45'  *■''  53'^' 

C'est  en  cela  que  consiste  le  procédé  général  de  réciprocité. 


E.  Lucas.  —  Récréations  mathér 


114  Cinquième  récréation. 


PROCÉDÉ   GÉNÉRAL   d'ÉCHANGE. 

Nous  avons  vu  que  la  réussite  de  case  initiale  73  peut  se  ter- 
miner indifféremment  par  la  case  42  ou  par  la  case  45.  Par  con- 
séquent, la  réussite  de  case  initiale  45  a  pour  solution 

43    24   45    47      _    ^   ^. 
45'  44'  43'  45'        '  53'  73 

Elle  ne  diffère  de  la  précédente  que  par  le  premier  coup. 

En  général,  désignons  par  a,  b,  c,^  quatre  cases  consécutives, 

et  supposons  que  la  réussite  se  termine  par  le  coup  -;  on  pourra 

tout  aussi  bien  terminer  par  le  coup  ^-  De  même,  si  une  réussite 

C 

commence  par  le  coup  -,  sur  l'ensemble  de  quatre  cases  consé- 
cutives A,  B,  G,  D.  on  pourra  échanger  la  case  A  par  la  case  D, 
et  la  réussite  ne  différera  de  la  précédente  que  par  le  premier 

coup  p  au  lieu  de  ^.   C'est   en   cela  que   consiste   le  procédé 

général  d'échange  des  cases  initiales  ou  des  cases  terminales. 

Il  résulte  de  ces  considérations  de  symétrie,  de  réciprocité  et 
d'échange,  que  nous  avons  donné  les  réussites  possibles  du  soli- 
taire de  trente-sept  cases,  en  prenant  successivement  pour  case 
initiale  toutes  les  cases  convenables. 


COUPS   TRIPLES   DU    SOLITAIRE   ACCÉlÉRÉ. 

On  peut,  dans  un  grand  nombre  de  problèmes,  accélérer  la 
marche  du  solitaire  par  le  coup  ?np/e  imaginé  par  M.  Hermary. 


Le  jeu  du  solitaire. 


iib 


Considérons  l'ensemble  formé  par  trois  cases  consécutives  pleines 
B,  C,  D,  et  par  deux  autres  cases  A  et  A'^  dont  l'une  pleine  et 
l'autre  vide,  conformément  à  Fune  des  quatre  dispositions  que 
nous  avons  représentées  dans  hs/ig,  27,  28,  29  et  3o 


Fig.  27. 


Fig.  28. 


Fig.  29. 


Fig.  3o. 


A 
B 

A' 

A 
B 
A' 

A 

B 

A' 

13 
C 

G 

D 

D 

C 

D 

A 

B 

.a' 

Si  la  case  A'  est  vide  et  les  quatre  autres  pleines,  on  fera  suc- 
cessivement les  trois  coups 

A    D   A  ' 
A''  B'  A^ 

si  la  case  A  est  vide,  et  les  quatre  autres  pleines,  on  fera 

A  '   p    A 

a'  b'  A'' 

Dans  ces  deux  cas^  les  trois  boules  consécutives  B,  G,  D  ont 
disparu,  pendant  que  la  quatrième  est  revenue  à  sa  place.  On 
peut  effectuer  cette  manœuvre  d'un  seul  coup,  en  enlevant  les 
trois  boules  B,  C,  D,  sans  toucher  à  A  ou  à  A'.  Nous  désignerons 


B 


D 


ce  coup  triple  par  Tune  des  fractions  r^  ou  -r-)   mais  en   chiffres 

gras.  Nous  donnerons  quelques  exemples  de  ce  procédé. 

Exemple  I.  —  Marche  accélérée  du  Lecteur  au  milieu  de  son 
auditoire.  —  On  enlève  d'abord  du  solitaire  complet  la   boule 

centrale  44,  et  par  un  coup  simple  — ?  on  enlève  la  boule  54;  on 


ii6  Cinquième  récréation. 


effectue  ensuite  les  six  coups  triples  : 

43    45    32    36    33    23 
63'  65'  52'  56'  35'  25' 

Comparer  celte  solution,  due  à  M.  Hermary,  avec  celle  que 
nous  avons  donnée  dans  le  Problème  XXI. 

Exemple  II.  —  Marche  accélérée  des  dju^e  Apôtres.  —  On 
enlève  la  boule  centrale  44,  puis  on  fait  les  huit  coups  triples  : 

34    24    45    46    54    64    43    42 
36'  26'  65'  66'  52'  62'  23'  22* 

Exemple  III.  —Le  Carré  de  vingt-cinq  boules,  —  On  dispose 
sur  le  solitaire  vingt-cinq  boules  en  carré  ayant  pour  sommets 
les  cases  22,  26,  62,  66. 

On  réduit  la  figure  à  une  seule  boule  au  centre  par  les  huit 
coups  triples  : 

2434    46    4564544243 
26'  36'  66'  65'  62'  52'  22'  23* 

Cette  marche  est  peu  différente  de  la  précédente;  chaque  paire 
de  coups  triples  est  intervertie. 

Exemple  IV.  —  Le  Tricolet.  —  Du  solitaire  complet  on  en- 
lève la  boule  44;  puis  on  fait  successivement  quatre  groupes 
de  coups  superposables,  en  tournant  à  chaque  fois  le  solitaire 
d'un  quart  de  tour;  ces  groupes  sont  formés  d'un  coup  triple, 
marqué  d'un  astérisque,  suivi  de  deux  coups  simples  : 

25*  47   26    32*    14   22    63;;  41    62    56;;  74    66 
45' ^'46'  34'  34'  24^  43' 43' 42^  54'  54' 64* 


Le  jeu  du  solitaire. 


117 


Il  reste  seize  boules  que  l'on  ramène  à  douze  en  jouant  les 
quatre  coups  simples 

4_5,   H,  il,   H('). 
47'    h'  41'   74 

Exemple  V.  —  Réussite  sur  le  solitaire  de  quarante  et  une 
cases. 

Le  solitaire  de  quarante  et  une  cases  a  la  forme  représentée 
dans  lajig.  3i. 

Firr.  3i. 


m 

J 

48 

1 

9 

j 

37 

47 

57 

1 

« 

■ 

26 

36 

46 

56 

66 

L 

1 

J 

i5 

25 

35 

45 

55 

G5 

73 

L 

Ë 

H 

24 

34 

44 

54 

64 

74 

84 

\ 

i3 

23 

33 

43 

53 

63 

73 

r 

1 

n 

22 

32 

42 

52 

62 

1 

J 

1 

1 

3i 

41 

5i 

r 

J 

n 

40 

J 

C'est  le  solitaire  ordinaire  bordé  des  quatre  cases  04,  40,  48 
et  84.  Nous  donnerons  le  tableau  des  coups  de  la  réussite  que  Ton 
obtient  en  prenant  46  pour  case  initiale.  Ce  tableau  renferme  un 


(*  )  Encyclopédie  méthodique.  —  Dictionnaire  des  jeux  mathématiques. 
Paris,  an  VII,  p.  202. 


ii8  Cinquième  récréation. 


mélange  de  coups  simples  et  de  coups  triples  : 

66    54  75    55*  46*  64*   34  15^   04_*    37  45    26    23   43    22 
Ï6'  56'  53'   57'  48'  W  54'  35'   ^4'  35'  25'  24'  25'  23'  24' 
25    £3    5i_*    4£    3i_*    73    54    62    43    40 
l3'  33'  "53'  43'    33'   53'  52'  42'  41'  42' 

Cette  réussite  est  due  à  M.  Hermary. 

Remarque.  —  Dans  les  solutions  des  trente  premiers  pro- 
blèmes, on  rencontre  un  assez  grand  nombre  de  coups  triples. 
Ainsi  dans  le  grand  Bol  {Prob,  XXIII),  le  premier  coup  est 
suivi  de  quatre  coups  triples. 


EXTENSIONS    DU    SOLITAIRE    ET    DE   LA    REGLE   DU    JEU. 

Pour  démontrer  l'impossibilité  de  certains  problèmes  du  soli- 
taire, tels  que  les  réussites,  on  se  sert  d'un  procédé  fort  ingé- 
nieux, imaginé  par  Reiss,  et  perfectionné  par  M.  Hermary  (\).  On 
facilite  le  jeu  :  i"  par  l'extension  de  la  règle  ordinaire;  2"  par 
l'extension  indéfinie  des  limites  du  solitaire;  on  prouve  ensuite 

(')  Reiss. —  Beitrage  zur  Théorie  des  Solitar-Spiels  {Journal  de  Crellc, 

t.  LIV.  Berlin).  ,    . 

RucHONNET.  —  Théorie  du  Solitaire,  par  feule  D^  Reiss;  librement  traduit 
deVaUemanàiNouvelle  correspondance  mathématique,  t.  Hl,  p.  234.  Bruxelles, 

1877). 

Hermary.  —  Sur  le  jeu  du  Solitaire.  Association  française  pour  1  avan- 
cement des  sciences.  Congrès  de  Montpellier,  1879. 

Nous  pensons  que  ce  procédé  appartient  réellement  au  docteur  Reiss  ; 
cependant  nous  devons  dire  que  la  théorie  des  impossibilités  du  solitaire  a 
des  origines  beaucoup  plus  anciennes.  En  effet,  dans  le  tome  1-  du  Bulletin 
des  Sciences  de  Fcrussac  (p.  i37),  on  trouve  le  passage  suivant,  qui  cor- 
respond à  une  autre  notation  du  solitaire  :  «  Si,  dans  le  solitaire  octogone 


Le  jeu  du  solitaire.  1 19 


que,  même  dans  ce  cas  plus  général,  tout  en  profitant  de  la  règle 
étendue,  le  problème  proposé  n'est  pas  possible.  Par  conséquent 
le  problème  proposé  sera  impossible,  à  plus  forte  raison_,  dans  le 
cas  du  solitaire  restreint. 

Extension  I.  —  Le  solitaire  est  supposé  indéfini  dans  tous  lej- 
sens. 

Extension  IL  —  On  a  la  faculté  de  jouer  successivement,  et 
dans  un  ordre  quelconque,  des  coups  additifs  et  soustractifs. 

Extension  I IL  —  On  peut  placer  plusieurs  boules  à  la  fois, 
sur  la  même  case,  par  des  coups  additifs.  Si  Ton  veut  suivre  le 
raisonnement,  la  boule  à  la  main^  il  suffira  de  prendre  un  carton 
quadrillé,  ainsi  que  nous  Pavons  déjà  dit,  et  des  pions  comme 
ceux  que  Ton  emploie  au  jeu  de  dames. 

Extension  IV.  —  Une  case  vide  peut  être  garnie  par  provision 
d'une  ou  de  plusieurs  boules  en  nombre  quelconque;  en  d'autres 
termes,  une  case  vide  peut  emprunter  des  boules,  directement, 
sans  rintermédiaire  des  coups  additifs,  à  la  condition  de  pouvoir 
les  rendre  à  la  fin  de  la  partie. 

Ainsi  on  peut,  par  exemple,  sur  une  case  vide  placer  une 
boule  directement,  continuer  l'application  des  coups  additifs  ou 
soustractifs,  et  retirer  ensuite,  après  la  manœuvre,  la  boule  ajou- 
tée quand  elle  est  revenue  sur  cette  case  (*). 

à  37  fiches,  pour  commencer  on  laisse  vide  i'un  des  trous  2,  4,  14,  20,  32, 
il  est  impossible  que  la  dernière  fiche  reste  dans  l'un  d'eux,  » 

Ce  théorème  paraît  être  une  conséquence  des  théorèmes  VII,  VIII,  IXetX, 
que  nous  démontrons  plus  loin.  Il  est  extrait  d'un  ouvrage  que  nous  n'avons 
pas  eu  le  loisir  de  consulter,  et  intitulé  :  Natûrliche  Maga:^ine ,  de  Christ 
Benedict  Funck.  Berlin,  1783;  in-S». 

(')  Cette  extension  revient  à  supposer,  dans  certains  cas,  un  nombre 
négatif  de  boules.  Cela  revient  encore  à  supposer  le  solitaire  placé  sur  une 
pile  de  solitaires  indéfinis  et  entièrement  garnis, 


Cinquième  récréation. 


Nous  désignerons  cette  règle  du  jeu,  que  nous  avons  à  consi- 
dérer pour  les  besoins  de  la  théorie,  sous  le  nom  de  règle  com- 
plète^ et  la  règle  ordinaire  sous  le  nom  de  règle  restreinte. 
Toute  solution  déduite  de  la  règle  complète  sera  dite  solution 
théorique,  et  toute  solution  déduite  de  la  règle  restreinte  sera 
dite  solution  pratique. 


DES    POSITIONS    ET   DES    CASES    CONGRUENTES. 

Nous  dirons  que  deux  positions  de  boules  sur  le  solitaire  indé- 
fini sont  congruentes  lorsque  Ton  peut  passer  de  l'une  à  l'autre 
par  les  divers  systèmes  de  coups  qui  résultent  de  l'emploi  de  la 
règle  complète.  Nous  allons  d'abord  montrer  l'effet  de  la  règle 
complète  sur  un  certain  nombre  de  positions,  par  une  marche 
accélérée,  analogue  à  celle  des  coups  triples. 

Théorème  I.  —  On  peut  toujours  enlever  trois  boules  situées 
sur  trois  cases  consécutives. 

En  effet,  il  suffit  de  se  reporter  à  la  marche  du  coup  triple 
ordinaire.  La  règle  ordinaire  suppose  vide  l'une  des  cases  A  et  A^ 
et  l'autre  pleine;  mais  par  les  extensions  III  et  IV,  les  deux  con- 
ditions précédentes  ne  sont  plus  nécessaires  ;  ces  deux  cases  peu- 
vent être,  en  même  temps,  vides  ou  remplies;  nous  avons  alors 
le  coup  triple  théorique. 

Théorème  II.  —  On  peut  toujours  enlever  ou  ajouter  deux 
boules^  ou  un  nombre  pair  de  boules  sur  une  case  quelconque  G. 

En  effet,  considérons  trois  cases  consécutives  B,  G,  D;  nous 
pouvons  jouer,  même  lorsque  les  cases  B  et  D  sont  vides,  par 


Le  jeu  du  solitaire. 


l'extension  IV,  les  deux  coups  soustractifs  ^^j  -^r;  l'état  des  cases 

B  et  D  n'a  pas  changé,  mais  la  case  G  possède  deux  boules  de 
moins.  Par  deux  coups  additifs,  on  peut  ajouter  deux  boules  sur 
la  case  G. 

Théorème  III. —  On  peut  toujours  faù^e  franchir  à  une 
boule  quelconque  deux  cases  consécutives  dans  un  sens  quel- 
conque, soit  sur  une  ligne  ou  sur  une  colonne. 

En  effet,  considérons  quatre  cases  consécutives  A,  B,  G,  D, 
situées  sur  la  même  ligne,  ou  sur  la  même  colonne,  et  une  boule 
en  A.  Par  un  coup  additif  de  A  en  C,  et  par  un  coup  soustractif 
de  B  en  D,  on  amène  une  boule  de  A  en  D,  sans  modifier  l'état 
des  cases  B  et  G. 

En  répétant  plusieurs  fois  la  même  opération,  on  peut  déplacer 
une  boule  sur  des  cases  A,  D,  . . .,  en  franchissant  chaque  fois 
deux  cases  consécutives.  Toutes  les  cases  séparées  par  deux  cases 
consécutives  seront  dites  congruentes ,  et  Ton  peut  porter  les 
boules  d'une  case  dans  l'une  de  ses  congruentes  (^). 

^^ 

EFFETS    SUCCESSIFS   DE    LA    RÈGLE  COMPLÈTE. 

Si  Ton  se  reporte  aux  généralisations  indiquées  dans  les  exten- 
sions III  et  IV,  on  observera  facilement  qu'un  coup  quelconque 

{*)  Si  (x,  y)  et  (x',jr')  désignent  les  coordonnées  de  deux  cases  congruen- 
tes, les  différences  x  —  x'  e\.  y  — y'  sont  simultanément  des  multiples  de 
trois.  En  arithmétique,  cette  relation  s'écrit  ainsi  : 

x=  x',    (Mod.  3). 
y  =y',     (Mod.  3) 


Cinquième  récréation. 


additif  OU  soustractif  de  la  règle  complète  a  pour  effet  de  changer 
la  parité  du  nombre  de  boules  situées  sur  trois  cases  consécutives. 
En  d'autres  termes,  les  nombres  de  boules  situées  sur  les  trois 
cases  varient  d'une  unité  dans  un  sens  ou  dans  l'autre  ('), 


RESIDU   CONGRUENT   SUR    UN   CARRE   DE    NEUF    CASES. 

Par  l'application  de  la  règle  complète,  on  peut  démontrer  le 
théorème  suivant,  qui  est  le  fondement  de  la  théorie  du  docteur 
Reiss. 

Théorème  IV.  —  Quelle  que  soit  la  position  des  boules  du 
solitaire  indéfini,  on  peut  toujours  réunir  toutes  ces  boules  dans 
un  carré  formé  par  neuf  cases  contiguës  et  choisi  arbitraire- 
ment. 

En  effet,  sur  l'étendue  du  solitaire  indéfini^  prenons  arbitrai- 
rement un  carré  de  neuf  cases  contiguës;  on  peut  déplacer  une 
boule  quelconque  du  solitaire  (Théorème  III),  de  trois  en  trois 
rangs,  dans  le  sens  horizontal,  jusqu'à  ce  qu'elle  se  trouve  sur  une 
colonne  ou  sur  le  prolongement  d'une  colonne  du  carré  choisi; 
cela  fait,  on  peut  ensuite  déplacer  cette  boule  de  trois  en  trois 
rangs,  dans  le  sens  vertical,  jusqu'à  ce  qu'on  l'amène  sur  une  des 

i\)S\[a,b,  c)  et  (a',  b\  c')  désignent  les  nombres  de  boules  situées  sur 
trois  cases  consécutives  A,  B,  G,  avant  ou  après  un  coup  additif  ou  sous- 
tractif portant  sur  ces  trois  boules,  on  a 

<3  =  a'+  I,  (Mod.  2), 
b  =  b'-\-ï,  (IVfod.  2), 
c  =  c'+  I,    (Mod.  2). 


Le  jeu  du  solitaire.  i23 


cases  du  carré.  Il  est  facile  de  voir  qu'une  case  quelconque  pos- 
sède toujours  une  case  congruente,  et  une  seule,  sur  un  carré  de 
neuf  cases  arbitrairement  clioisi. 

En  opérant  successivement  pour  toutes  les  boules  du  solitaire, 
on  les  placera  sur  le  carré  de  neuf  cases;  cette  nouvelle  position 
est  ce  que  nous  appellerons  un  résidu  congruent  sur  un  carré 
de  neuf  cases,  choisi  arbitrairement. 

On  peut  déduire  de  ce  théorème  la  théorie  des  impossibilités 
par  remploi  de  la  règle  complète,  ainsi  que  l'a  fait  le  docteur 
Reiss;  mais  il  est  préférable  de  se  servir  des  théorèmes  suivants, 
imaginés  par  M.  Hermary,  qui  d'ailleurs  les  avait  obtenus  direc- 
tement sans  connaître  les  travaux  de  ses  prédécesseurs. 


POSITION   REDUITE. 

Théorème  V.  —  Quelle  que  soit  la  position  des  boules  du 
solitaire  indéfini.,  on  peut  toujours  les  remplacer,  par  l'emploi 
de  la  règle  complète,  par  une  position  congruente  renfermée 
davs  un  carré  formé  de  quatre  cases  et  choisi  arbitrairement. 

En  effet,  choisissons  d'abord  un  carré  de  quatre  cases,  indiqué 
par  les  cases  couvertes  de  Idfig.  32,  sans  nous  occuper,  pour 
l'instant,  des  lettres  qui  la  recouvrent,  et  bordons  ce  carré  de  cinq 
cases  vides;  nous  formons  ainsi  un  carré  de  neuf  cases  sur  les- 
quelles nous  pouvons  établir  le  résidu  congruent,  par  l'applica- 
tion du  théorème  précédent. 

Désignons  par  ao,  ^o,  ^o  ;  <^i?  ^i,  Ci  ;  a^,  b^^  Ca,  les  nombres  de 


124 


Cinquième  récréation. 


boules  qui  se  trouvent  placées  sur  chacune  des  neuf  cases;  nous 
formons  ainsi  Isl  fig,  32  : 


Fig.  32. 


^8 

^. 

c^ 

ai 

bi 

Ci 

^0 

ào 

Co 

Par  trois  coups  additifs^  de  haut  en  bas,  on  obtient  {fig,  33)  : 

Fig.  33. 


ûi  -h  a^ 

bi-hbo 

1 

^0+^2 

bo+b. 

Cû+Cj 

Le  jeu  du  solitaire. 


Par  deux  coups  additifs,  de  droite  à  gauche,  on  obtient  {Jîg.  34) 

Fig.  34. 


+  (3l  +  <^2 

+  Cl  +  Ta 

+  ^1+^2 

+  C,  +  C2 

+  ^0+^2 
+  Co  +  C, 

+  Co4-C2 

Par  conséquent,  nous  avons  remplacé  la  position  quelconque 
du  solitaire  indéfini  par  une  position  congruente  sur  un  carré 
formé  de  quatre  cases  et  choisi  arbitrairement. 

Mais,  par  l'application  de  la  règle  complète  (Théorème  II  ),  on 
peut  supprimer  ou  ajouter  un  nombre  pair  de  boules  sur  une 
case  quelconque.  Par  conséquent,  sur  ce  carré  de  quatre  cases,  on 
pourra  continuer  l'opération  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  qu'une  seule 
boule  sur  chaque  case,  ou  qu'il  n'en  reste  plus.  On  obtient  alors 
ce  que  l'on  appelle  le  résidu  ou  la  position  réduite  de  la  position 
considérée  sur  le  solitaire  par  rapport  au  carré  donné.  Cela  posé, 
on  a  encore  la  proposition  suivante  : 

Théorème  VI.  —  Toutes  les  positions  congruentes  du  soli- 
taire indéfini  ont  la  même  position  réduite  par  rapport  à  un 
même  carré  de  quatre  cases. 

En  effet,  supposons  qu'avant  d'avoir  effectué  la  position  con- 


126  Cinquième  récréation. 


graente  sur  le  carré  de  neuf  cases,  on  ait  joué  un  coup,  par  l'ap- 
plication de  la  règle  complète;  ce  coup  aurait  modifié  d'une 
unité,  en  plus  ou  en  moins,  trois  nombres,  tels  que  Ji,  a-2,  ^3  de 
même  lettre,  ou  les  trois  nombres  ^1,  Z^i,  Ci,  de  même  indice;  les 
nombres  du  carré  de  quatre  cases  {fig.  3/\)  auraient  été  modifiés 
de  o  ou  de  2  unités,  et  leur  parité  n'aurait  pas  changé. 

Un  nombre  quelconque  de  coups  n'altère  donc  pas  la  parité 
du  nombre  des  boules  du  carré  de  quatre  cases,  et,  par  suite, 
n'altère  pas  la  position  réduite.  c.  q.  f.  d. 

(^^^^ 

LES    SEIZE    FORMES    DE   POSITIONS    REDUITES. 

En  général,  on  appelle  arrangemeîits  complets  de  p  objets  pris 
q  à  q,  les  différentes  dispositions  rectilignes  contenant  q  objets 
pris  une  ou  plusieurs  fois  parmi  les  p  objets  donnés.  Ainsi  les 
arrangements  complets  des  deux  chiffres  o  et  i  pris  quatre  par 
quatre  sont  les  seize  dispositions  suivantes  : 


0000 
0001 
0010 
001 1 


0100 

OIOI 
01  10 
01  II 


1000 

II  00 

lOOI 

I  lOI 

lOIO 

II  10 

lOI  I 

1 1 1 1 

De  même,  les  arrangements  complets  des  dix  chiffres  décimaux 
pris  6  à  6  est  l'ensemble  de  tous  les  nombres  qui  n'ont  pas  plus 
de  six  chiffres;  leur  nombre  est  1000 000  où  10°.  Dans  le  cas 
général,  le  nombre  des  arrangements  complets  de  p  objets  pris 
^  à  ^  est  p'^. 

Cela  posé,  sur  un  carré  formé  de  quatre  cases  et  choisi  arbi- 
trairement, la  position  réduite  peut  affecter  sei{e  forâmes  diffé- 
rentes qui  sont  les  arrangements  complets  de  o  et  de  i   sur  les 


Le  jeu  du  solitaire. 


quatre  cases   du  carré.  Nous  les  rangerons  d'après  le  tableau 
suivant  : 

Tableau  des  sei:{e  formes  dépositions  réduites. 


!■"«   CLASSE  : 

0  O 

oc 

\V  CLASSE  : 

0  o                 GO                 o   I 

1  o    '         O  I     '         0  o     ' 

0  O                 0   1                  II 
II'         0  I     '         o  o     ' 

I   O 

0  0     ' 

1  o                 II 

I  O      '           II' 

m''  classe: 

II                   II                   10                 CI                   lO                 OI 
Ol'           lo'           II'           II'          Ol'           lo' 

La  première  classe  ne  contient  qu'une  forme,  qui  est  con- 
gruente  à  deux  boules  dans  une  même  case,  ou  à  trois  boules 
dans  trois  cases  consécutives,  ou  encore  à  deux  boules  séparées 
par  deux  cases  consécutives. 

La  deuxième  classe  comprend  neuf  formes  réductibles  à  une 
seule  boule  dans  le  carré  de  neuf  cases. 

La  troisième  classe  comprend  les  six  autres  formes,  qui  ne 
sont  jamais  réductibles  à  moins  de  deux  boules,  quelles  que 
soient  les  transformations  qu'on  leur  fasse  subir  sur  le  carré  de 
neuf  cases.  Ces  formes  comprennent  toujours  deux  boules,  au 
moins,  qui  ne  sont  jamais  situées  ni  dans  la  même  ligne^  ni  dans 
la  même  colonne. 


28  Cinquième  récréation. 


On  voit  ainsi  que^  pour  déterminer  la  classe  (o,  i  ou  2  boules 
dans  le  résidu),  il  n'est  pas  nécessaire  de  réduire  sur  le  carré  de 
quatre  cases;  mais  on  peut  opérer  sur  celui  de  neuf.  La  position 
réduite  sur  quatre  cases  est,  comme  nous  l'avons  dit,  fort  utile 
pour  la  théorie  et  très  ingénieuse;  c'est  précisément  en  cela  que 
consiste,  pour  la  plus  grande  part,  l'avantage  de  la  méthode 
de  M.  Hermary  sur  celle  du  docteur  Reiss. 

^^ 

APPLICATIONS    DE    LA    THEORIE. 

Il  est  évident  que  l'on  peut  concevoir  des  solitaires  limités 
dont  la  forme  est  quelconque,  ainsi  que  le  nombre  des  cases;  on 
peut  même  supposer  des  solitaires  irréguliers^  que  Ton  peut  dé- 
duire des  solitaires  de  forme  régulière  en  supprimant  des  cases 
dans  l'intérieur  ou  sur  les  bords.  Mais,  quelle  que  soit  la  forme 
du  solitaire,  il  est  évident  que  tout  problème  impossible  sur  le 
solitaire  indéfini  l'est,  à  fortiori,  sur  le  solitaire  limité. 

On  a  le  théorème  suivant,  inverse  du  précédent  : 

Théorème  VII.  — Pour  pouvoir  passer, par  la  règle  complète, 
d'une  position  donnée  du  solitaire  indéfini  à  une  autre  aussi 
donnée,  il  faut  et  il  suffit  que  les  deux  positions  aient  la  même 
position  réduite  sur  le  même  carré  de  quatre  cases. 

En  effet,  on  peut  passer  de  la  première  position  à  la  position 
réduite;  puis,  on  peut  passer  de  celle-ci  à  la  seconde  position  en 
renversant  le  sens  des  coups  qui  permettent  de  passer  de  la 
seconde  position  à  la  même  position  réduite,  et  en  renversant 
encore  l'ordre  des  coups.  Renverser  le  sens  d'un  coup,  c'est  rem- 
placer le  coup  additif  par  le  coup  soustractif;  par  conséquent,  le 


Le  jeu  du  solitaire.  120 


coup  soustractif  ou  additif  -r  doit   être   remplacé  par   le  coup 

v^ 

G 

additif  ou   soustractif  —  - 
A 

Par  conséquent,  dans  le  cas  du  solitaire  restreint,  si  l'on  se 
propose  de  passer  d'une  position  à  une  autre,  il  faut  d'abord  que 
ces  deux  positions  aient  la  même  position  réduite  sur  le  carré  de 
quatre  cases;  mais  on  doit  observer  que  cette  condition  n'est  pas 
suffisante.  En  supposant  citte  condition  admise^  le  problème 
pourrait  encore  être  impossible;  cette  théorie  laisse  donc  une 
grande  part  à  la  sagacité  du  joueur;  mais  elle  lui  épargne  cepen- 
dant des  recherches  nécessairement  infructueuses,  en  lui  permet- 
tant de  reconnaître  les  problèmes  qui  ne  comportent  pas  de  solu- 
tion théorique. 

Dans  le  théorème  précédent,  nous  avons  considéré  le  problèir/* 
général  du  solitaire,  qui  consiste  à  passer  d'une  position  donnée 
à  une  autre  également  donnée;  dans  les  théorèmes  suivants,  nous 
ne  considérons  que  le  cas  de  la  réussite,  qui  consiste,  comme 
nous  l'avons  dit,  à  réduire  une  position  donnée  à  une  seule  boule. 
En  se  reportant  à  une  position  congruente  sur  un  carré  de  neuf 
cases  déduite  de  l'une  des  seize  classes  de  positions  réduites,  on 
obtient  les  trois  théorèmes  suivants  : 

Théorème  VIII. — Lorsqu'une  position  initiale  donnée  permet 
d'obtenir  une  réussite  de  plusieurs  manières  différentes,  les 
cases  terminales  sont  nécessairement  congruentes. 

Théorème  IX.  —  Lorsquhine  position  initiale  domiée  ne  peut 
être  réduite  à  une  seule  boule  sur  une  case  terminale,  elle 
ne  peut  être  réduite  à  une  seule  boule  sur  une  case  terminale 
congruente. 

E.  Lucas.  —  Récréations  ma! hem.  n 


i3o  Cinquième  récréation. 


Théorème  X.  —  Si  Von  ne  peut  obtenir  une  réussite  en  par- 
tant d'une  certaine  case  initiale,  on  ne  pourra  obtenir  de  réus 
site  en  partant  d'une  case  initiale  congruente. 

Ces  trois  théorèmes  ne  sont  que  des  cas  particuliers  du  théo- 
rème VII. 


IMPOSSIBILITÉS   DU    SOLITAIRE   DE    3 7  CASES. 

Examinons  d'abord  la  position  réduite  du  solitaire  complet. 
On  tait  les  quatre  coups  triples  théoriques  : 

13    31    37    73 
15'   51'   57'   75* 

On  ramène  ainsi  à  la  position  congruente  formée  par  un  carré 
de  vingt-cinq  boules  (Ex.  III,  page  ii6);  par  le  procédé 
indiqué  en  cet  endroit,  on  ramène  à  une  boule  unique  en  44. 
Ainsi,  le  solitaire  complet  de  Sj  cases  donne  une  position 
réduite  de  deuxième  classe. 

Le  cas  considéré  est  purement  théorique,  puisque  l'on  ne  pour- 
rait pas  jouer  le  premier  coup  avec  la  règle  restreinte;  mais  le 
résultat  que  nous  venons  d'obtenir  va  nous  permettre  de  déter- 
miner la  position  réduite  lorsqu'on  aura  choisi  une  case  initiale 
quelconque.  En  effet,  on  observera  qu'au  point  de  vue  théorique, 
il  est  indifférent  de  retrancher  ou  d'ajouter  une  boule  sur  une 
case,  puisque  la  règle  complète  permet  d'en  ajouter  deux  sur  une 
même  case  (Théorème  II);  donc  la  position  réduite  du  solitaire 
complet,  moins  une  case,  revient  à  une  boule  sur  la  case  cen- 
trale, et  à  une  autre  sur  la  case  congruente  de  la  case  initiale,  la 


Le  jeu  du  solitaire.  \  3  r 


plus  voisine  de  la  case  centrale.  Si  la  case  congruente  de  la  case 
initiale,  la  plus  voisine  de  la  case  centrale,  est  Tune  des  cases 
44,  33,  35,  53,  55,  la  réussite  est  donc  impossible.  Nous  avons 
démontré  qu'elle  était  possible  dans  les  autres  cas,  par  Temploi 
de  la  règle  restreinte. 

En  résumé,  sur  le  solitaire  de  3/  cases,  la  réussite  est  possible 
lorsque  l'on  prend  pour  case  initiale  l'une  des  seize  cases  dont 
l'ensemble  forme  la.  finale  du  Tricolet  [  Ex.  IV,  page  1 16)  : 

13,  15,  24,  31,  34,  37,  42,  43, 

45,  46,  51,  54,  57,  64,  73,  75; 

elle  est  impossible  dans  tous  les  autres  cas. 

ÉTUDE    DU    SOLITAIRE    DE    4I    CASES. 

Le  solitaire  complet  de  41  cases  diffère  du  précédent  par  l'addi- 
tion des  cases  04,  40^  48,  84.  Transportons  ces  boules  sur  les 
cases  congruentes  34,  43,  45,  54  ;  enlevons,  par  un  coup  triple, 
les  boules  34,  44,  54;  ajoutons  deux  boules  en  44  (Théorème  II), 
et  enlevons,  par  un  coup  triple,  les  boules  43,  44,  45;  il  reste 
une  boule  en  44  ;  donc  le  solitaire  complet  de  41  cases  donne 
une  position  réduite  de  deuxième  classe,  comme  le  solitaire  de 
37  cases.  Il  comporte  donc  les  mêmes  solutions  théoriques  que 
ce  dernier,  et,  en  outre,  celles  qui  correspondent  aux  cas  où  l'on 
prend  pour  initiales  les  cases  additionnelles  formant  les  som- 
mets du  carré. 

Quant  aux  solutions  pratiques,  on  ne  connaît  actuellement  que 
celle  que  nous  avons  indiquée  (page  1 17).  Cette  réussite  a  pour 


i32  Cinquième  récréation. 


case  initiale  46  et  pour  case  finale  42;  par  le  procédé  de  récipro- 
cité, tout  aussi  bien  que  par  symétrie  horizontale,  on  en  déduit 
la  réussite  de  case  initiale  42  et  de  case  finale  46.  Pour  les  autres 
cas  théoriquement  possibles,  M.  Hermary  pense  que  la  solution 
pratique  n'existe  pas.  mais  il  n'est  pas  parvenu  à  le  démontrer. 
Nous  engageons  le  lecteur  à  étudier  cette  question,  dont  la  solu- 
tion donnerait  peut-être  l'indication  de  nouveaux  critériums 
d'impossibilité  (Voir  la  note  V,  à  la  fin  du  volume.) 

ÉTUDE    DU    SOLITAIRE    DE    33    CASES. 

Le  solitaire  de  33  cases  est  le  plus  habituellement  usité  en 
Allemagne;  il  ne  diffère  du  solitaire  de  37  cases  que  par  la  sup- 
pression des  quatre  cases  22,  26,  62,  66  {fig-.  35).  Si  l'on 
effectue  les  coups   triples  théoriques 

13    23    63    73    31    32    33    34    35    36    37 

15'   25'   65'   75'   51'   52'   53'   54'   55'   56'   57' 

il  ne  reste  aucune  boule;  donc  le  solitaire  complet  de  33  cases 
donne  une  position  réduite  de  première  classe.  Il  en  résulte 
que  la  solution  théorique  existe  toujours.  Nous  allons  montrer, 
d'après  le  docteur  Reiss,  que  la  solution  pratique  existe  encore, 
même  en  posant  cette  condition  de  prendre  une  case  initiale 
quelconque,  et,  pour  case  finale,  une  case  congruente  quelconque 
de  la  case  initiale. 

Nous  devons  d'abord  prendre  une  case  initiale  quelconque; 
mais  par  suite  des  considérations  de  symétrie  que  nous  avons  expo- 
sées précédemment,  nous  devons  nous  reporter  au  tableau  des 


Le  jeu  du  solitaire. 


i33 


groupes  de  cases  symétriques  du  solitaire  de  2>y  cases,  en  suppri- 
mant le  groupe  III,  dont  les  cases  n'appartiennent  pas  au  solitaire 
que  nous  considérons  actuellement.  Il  nous  suffit  donc  de  prendre 
pour  case  initiale  l'une  des  cases  de  chacun  des  sept  autres 
groupes;  nous  prendrons  les  cases  initiales 

44,  74,  54,  57,  24,  55,  52. 

Les  deux  premières  sont  congruentes;  les  trois  suivantes  le 
sont  aussi;  il  en  est  de  même  des  deux  dernières. 


Fig.  33. 


37 

47 

57 

36 

46 

56 

i5 

25 

35 

45 

55 

65 

75 

14 

24 

34 

44 

54 

G4 

74 

i3 

23 

33 

43 

53 

63 

73 

32 

42 

52 

3i 

41 

5i 

Combinons  maintenant  chacune  des  cases  initiales  que  nous 
venons  de  choisir,  avec  l'une  quelconque  des  cases  congruentes, 
prise  pour  case  finale;  nous  formerons  le  tableau  suivant,  dans 
lequel  la  première  colonne  indique  l'ordre  des  parties  distinctes; 
la  deuxième  colonne  CI  représente  la  case  initiale,  et  h  troisième 
colonne  CF  indique  la  case  finale  de  la  réussite.  Ce  tableau  con- 


:^4 


Cinquième  récréation. 


tient  vingt-huit  réussites;  mais,  en  tenant  compte  des  observa- 
tions contenues  dans  la  quatrième  colonne,  il  ne  faudra  plus 
conserver  que  les  réussites  pour  lesquelles  la  quatrième  colonne 
ne  renferme  aucune  observation. 

Tableau  des  vingt-huit  réussites  du  solitaire  de  33  cases. 


N-. 

CI. 

I 

44 

'1 

» 

3 

» 

4 

» 

5 

» 

6 

74 

7 

» 

8 

y> 

9 

» 

10 

» 

1 1 

54 

12 

» 

i3 

• 

14 

)i 

i5 

57 

i6 

)) 

17 

» 

i8 

» 

19 

24 

20 

» 

21 

» 

2  2 

» 

23 

55 

24 

» 

25 

)) 

26 

52 

27 

)) 

28 

M 

CF. 


74 
47 
14 
41 
44 
74 
47 
14 
41 
54 
57 
24 
51 
54 
57 
24 
51 
54 
57 
24 
51 
55 
52 
25 
55 
52 
25 


OBSERVATIONS. 


Symétrique  inclinée  du  n"  2.  . 
Symétrique  verticale  du  n°  2.  . 
Symétrique  horizontale  du  n"  3 
Réciproque  du  n"  2 


Symétrique  horizontale  du  n»  8 


j     byméirique  horizontale  du  n»  12 
Réciproque  du  n»  12 


Réciproque  du  n"  i3. 
Réciproque  du  n°  17. 


Symétrique  horizontale  du  n"  20 


Symétrique  inclinée  du  n"  24. 
Réciproque  du  n°  24 


Le  jeu  du  solitaire. 


i35 


Il  ne  nous  reste  plus  à  considérer  que  sei:{e  réussites  princi- 
pales que  nous  désignerons  parles  chiffres  romains. 


Tableau  des  sei:(e  réussites  principales  du  solitaire  de  33  cases. 


I 

De 

44 

à 

44 

IX 

De 

54 

à 

24 

II 

» 

44 

» 

74 

X 

)) 

57 

)) 

24 

III 

» 

74 

» 

74 

XI 

» 

57 

» 

51 

IV 

M 

74 

» 

47 

XII 

» 

24 

» 

24 

V 

)) 

74 

» 

14 

XIII 

)) 

55 

» 

55 

VI 

)) 

54 

» 

54 

XIV 

» 

55 

» 

52 

vu 

)) 

54 

» 

57 

XV 

)) 

52 

» 

52 

VIII 

)) 

57 

» 

57 

XVI 

» 

52 

» 

25 

LES    REUSSITES    DU    DOCTEUR    REISS. 


Jre 

RÉUSSITK.  - 

-De 

44  à 

44. 

64^ 

44' 

56 
H' 

44 
04' 

52 

H' 

73 
53' 

75 

43 

63' 

73 
51' 

54 
5^' 

35 

5d' 

65 
43' 

i5 

3d 

45, 

23' 

37 

33' 

57 
37' 

34 
36' 

£2, 
35' 

25 

4^' 

4^, 
44' 

23 

43' 

3i 
33 

43^ 

5i 

: — y 
D  I 

52 
32 

3i 

33' 

14 
H' 

34 

i3 

33' 

32 
04 

34 

H' 

64^ 

44 

Cela  représente  une  autre  solution  de  la  triple  croix  [Prob.  XI I , 
page  98)  sans  empiéter  sur  le  solitaire  de  3y  cases. 

11*^  RÉUSSITE.  —  De  44  à  74. 

5  1 
Remplacer  le  dernier  coup  de  la  réussite  précédente  par  —, 

74 

d'après  le  procédé  général  d'échange  des  cases  finales. 


Qiiiauièmc  récréatioii. 


IIP  RÉUSSITE.  —  De  74  à  74. 

Remplacer  Je  premier  coup  de  la  réussite  précédente  par  — , 
conformément  au  procédé  général  d'échange  des  cases  initiales. 

IV^  RÉUSSITE.  —  De  74  à  47. 

54  52  44  73  74  54  5i  3i  32  43  5i  63 

74  :)4  54  DD  :)4  D2  d3  5i  52  63  do  43 

34  1 3  £5  43  ][3  32  56  75  54  5  7  37  36 

32'  '33'  i3'  23'  33'  34'  54'  53'  56'  55'  5^'  56' 

45  57  65  24  44  25  45 

65  55'  45'  44'  46'  45'  47 


Cette  réussite  comporte  trois  coups  triples,  de  part  et  d'autre  des 
coups  ayant  les  rangs  11,  20,  26. 

V«  RÉUSSITE.  —  De  74  à  14. 

On  joue  les  vingt-quatre  premiers  coups  de  la  réussite  précé- 
dente; puis  on  fait  : 

34   55   57   25   55   36   34 
ob   5d       3d   4d   0  3   34   14 

VI'  RÉUSSITE.  —  Dj  54  à  54. 

5673  ^Z4^73  4lll^£3£i53 

54'      53'  3b'      54'      55'      53'  b3'     53'    43'     53'     43'     33' 

23       3i  43       i3       i5       25  34      i3      32      45      37      5? 

43        65  25        55        i3        23  32       d5       34       23       DD       jy 

34      37  23      _56      44      36  56 

36       33  43       30       46       56  54 

Cette  réussite  comporte  six  coups  triples,  de  part  et  d'autre  des 
coups  ayant  les  rangs  2,  8,  11,  14,  20,  29. 


Le  ieu  du  solitaire.  i37 


VI I^  RÉUSSITE.  —  De  54  à  57. 

55 
Remplacer  le  dernier  coup  de  la  re'ussite  précédente  par  —  • 

VHP  RÉUSSITE.  —  De  57  à  57. 

Remplacer  le  premier  coup  de  la  réussite  précédente  par  —  • 

IX^  RÉUSSITE.  —  De  54  à  24. 

On  joue  les  vingt-sept  premiers  coups  de  la  VIII*  réussite,  puis 
l'on  fait 

56       54      46      44 
54'     34'     44'      25* 

X«  RÉUSSITE.  —  De  57  à  24. 

55 
Remplacer  le  premier  coup  de  la  réussite  précédente  par  -p— • 

XP  RÉUSSITE.  —  De  57  à  51. 

On  joue  d'abord  les  six  premiers  coups  de  la  réussite  précédente  ; 

les  vingt-quatre  coups   qui  suivent  se  déduisent,  par  symétrie 

horizontale,  des  coups  correspondants  de  la  VP  réussite;  on  ter- 

53 
mine  par  -—' 


XI 1°  RÉUSSITE 

.  -  De24à24. 

44   36 

24      34 

i5 

33' 

34   37 
36'  35' 

57^ 

56 
36' 

45 
ÏÏ5' 

0 

35' 

25 

4^' 

32   i3 
55'  33' 

34   3r 

5r 

52   43 

3i 

23 

54 

75 

73 

45   75 

32'   33' 

3i^ 

32    23 

33^ 

43' 

56' 

55' 

73' 

6"5'  '5:.' 

56   64 
54   44 

44^ 
42' 

63   42 
Ï3'  ï-4' 

'4 

44. 
24 

i38  Cinquième  récréation. 


Cette  réussite  comporte  cinq  coups  triples,  de  part  et  d'autre 
des  coups  ayant  pour  rangs  3,  9,  12,  18,  28. 

XIII°  RÉUSSITE.  —  De  55  à  55. 

53   73   75  65       52   73   54   5i   3i  32  43  5i 

DD   :)j   73  (jj       D4   d3   52   DJ   5i  52  bj  3j 

63   45   57   65   35   47   55   25   37  45  t5  i3 

rrr  5  — z-  5  77-r  j  —  5 

OD  2D  OD  10 


î^' 

6d' 

53' 

4^' 

55' 

• — r  ) 

4^ 

33' 

— -y 

4^ 

23 

25' 

34 
36' 

i5 

35' 

36 

34' 

33 

53' 

34, 

h' 

53^ 

d5 

Cette  réussite  comporte  six  coups  triples,  de  part  et  d'autre  des 
coups  ayant  pour  rangs  6,  12,  i5,  18,  21,  27. 

XIV^  RÉUSSITE.  —  De  55  à  52. 

54 
Remplacer  le  dernier  coup  de  la  réussite  précédente  par  —  • 

XV"  RÉUSSITE.  —  De  52  à  52. 

54 
Remplacer  dans  la  réussite  précédente  le  premier  coup  par  —  • 

XVI°  RÉUSSITE.  —  De  52  à  25. 

On  joue  les  vingt-huit  premiers  coups  delà  réussite  précédente, 
puis  on  fait 

i£,    11,     1^ 

20  24  25 

Remarque.  —  Il  y  aurait  lieu  de  traiter,  de' la  même  manière, 
le  problème  du  solitaire  de  quarante  et  une  cases;  mais  la  ques- 
tion paraît  beaucoup  plus  difficile.  On  pourrait  encore  considérer 
beaucoup  d'autres  solitaires.  Avec  M.  Hermary,  nous  signale- 
rons plus  spécialement  à  l'attention  de  nos  lecteurs,  celui  que  Ton 
déduit  du  solitaire  de  quarante  et  une  cases,  en  supprimant  les 


Le  jeu  du  solitaire.  l'Sq 


deux  cases  opposées  40  et  48.  Sa  position  réduite  est  de  première 
classe;  il  donne  lieu  à  des  solutions  plus  intéressantes  que  celles 
du  solitaire  de  quarante  et  une  cases;  ces  solutions  existent  pour 
plusieurs  cas,  et  peut-être  pour  tous.  C'est  une  question  à  élucider. 


DES  SOLITAIRES  DES  DIVERS  ORDRES. 

La  question  des  solitaires  des  divers  ordres  repose  sur  la  règle 
suivante  :  Faire  franchir  à  une  boule  n  cases  consécutives,  et  en- 
lever une  boule  dans  chacune  des  cases  franchies.  Telle  sera  la 
règle  du  coup  dans  le  jeu  du  solitaire  du  n'è"'''^  ordre. 

On  peut  établir  la  théorie  de  ce  jeu  comme  celle  du  solitaire 
ordinaire  ou  de  premier  ordre.  En  admettant  les  quatre  extensions 
de  la  règle  restreinte,  on  obtient  comme  conséquences  les  théo- 
rèmes suivants  : 

Théorème  XI.  —  On  peut  toujours  faire  franchir  à  une  boule 
quelconque  n  4-  i  cases  consécutives,  dans  un  sens  quelconque, 
soit  sur  une  ligne,  soit  sur  une  colonne. 

La  démonstration  est  semblable  à  celle  du  théorème  III. 

Théorème  XII.  —  On  peut  toujours  faire  franchir  à  d3ux 
boules  d'une  même  case  n  cases  consécutives. 

En  effet,  soient  A  et  B,  deux  cases  séparées  par  n  cases  consécu- 
tives a^,  a^,  ...,  a;i,;  on  jouera  un  coup  additif  de  A  en  B;  puis 
un  coup  soustractif  de  A  en  B. 

Théorème  XIII.  —  On  peut  transporter  deux  boules  d'une 
case  quelconqueà  une  autre  quelconque. 


140  Cinquième  récréation. 


En  effet,  il  suffit  de  démontrer  que  Ton  peut  transporter  deux 
boules  d'une  case  A  sur  la  case  contiguë  B;  mais,  par  le  théo- 
rème XI,  on  peut  faire  franchir  îî  +  i  cases  consécutives  à  deux 
boules  de  la  case  A  dans  le  sens  AB;  par  le  théorème XII,  en  opé- 
rant en  sens  inverse,  on  ramène  les  deux  boules  sur  la  case  B. 

Théorème  XIV.  —  On  peut  ajouter  ou  enlever  deux  boules 
en  même  temps  sur  n  cases  quelconques. 

En  effet,  d'après  le  théorème  précédent,  on  peut  supposer  que 
les  n  cases  sont  consécutives;  on  fera  alors  deux  coups  soustrac- 
tifs  sur  les  n  cases,  par  aller  et  retour. 

En  appliquant  ces  divers  théorèmes_,  on  peut  énoncer  ainsi 
qu'il  suit  les  théorèmes  concernant  la  position  réduite  : 

Étant  donné  un  carré  quelconque  de  (n  +  i)"  cases,  on  peut 
y  former  la  position  réduite  d'une  position  quelconque  du  so- 
litaire de  r ordre  n.  Cette  réduite  comprendra  0  ou  i  boule  dans 
chaque  case  du  carré,  et  en  outre  un  certain  nombre  déboules 
qui  peuvent  être  placées  n'importe  oii,  à  la  condition  qu'elles 
marcheront  toujours  par  groupes  de  deux;  le  nombre  de  ces 
groupes  pourra  être  l'un  des  îiombres  0,1.2, ...,  {n —  i).  La  ré- 
duite peut  donc  affecter  n  {n  +  informes  distinctes  qui  carac- 
térisent autant  de  sj^stèmes  de  positions  congruentes,  tels  quon 
ne  peut  passer  de  Vun  à  Vautre,  quel  que  soit  le  nombj^e  de  coups 
que  l'on  joue. 

On  peut  encore  ajouter  une  nouvelle  extension  de  la  règle,  qui 
consisterait  à  modifier  simultanément  d'une  unité  72+ 2  cases 
consécutives,  la  modification  pouvant  être  positive  ou  négative, 
individuellement  pour  chaque  case.  Dans  ce  cas,  les  boules  qui 


Le  jeu  du  solitaire. 


141 


marchent  par  groupes  de  deux  peuvent  être  supprimées,  et  le 
nombre  des  systèmes  distincts  se  réduit  à  (  «H-  i)*. 

Quant  au  nombre  des  systèmes  réductibles  à  une  seule  boule, 
il  est  toujours  égala  («H- 2)'. 

Ces  théorèmes  ont  été  donnés  par  M.  Hermary,  à  propos  des 
questions  que  je  lui  avais  indiquées  sur  les  solitaires  des  divers 
ordres. 


SIXIÈME   RECRÉATION. 


LA   NUMERATION   BINAIRE, 


A  Monsieur  J.-J.  Sylvester,  correspondant  de  l'Institut, 

professeur 

de  l'Université  J.  Hopkins,  à  Baltimore. 


«  La  réflexion  jointe  à  l'usage  donne  des  idées  nettes; 
et  alors  on  trouve  des  méthodes  abrégées  dont  l'invention 
flatte  Tamour-propre,  dont  la  justesse  satisfait  l'esprit, 
et  qui  font  faire  avec  plaisir  un  travail  ingrat  par  lui- 
iriè.ne.  » 

[].-].  Rousseau.   —  Les  Confessions.) 

«  La  vérité  semble  quelquefois  courir  au-devant  de 
celui  qui  la  cherche;  souvent  il  n'y  a  point  d'intervalle 
ïntre  le  désir,  l'espoir  et  la  jouissance.  » 

(MoNTESguiF.u.  —  Rapport  sur  l'usage 
ces  Glandes  Rénales.  ) 


SIXIEME  RECREATION. 


LA  NUMERATION    BINAIRE, 


DE  LA   NUMERATION. 

ON  regarde  habituellement  la  numération  comme  Topé- 
ration  fondamentale  de  l'arithmétique  ,  comme  le 
principe  de  toutes  les  opérations  que  Ton  peut  effec- 
tuer sur  les  nombres.  C'est  là  une  faute  grave  de  logique,  puisque 
les  propriétés  des  nombres  existent  indépendamment  de  tout 
système  de  numération. 

La  numération  est  une  langue  de  pure  convention,  qui  permet 
de  parler  et  d'écrire  les  nombres  au  moyen  de  plusieurs  autres 
représentés  par  des  mots  pour  le  langage^  et  par  des  chiffres  pour 
l'écriture.  L'opération  fondamentale  de  l'arithmétique  est  la  loi 
de  formation  des  nombres,  c'est-à-dire  l'addition.  La  numération 
décimale  est  une  opération  plus  complexe,  contenant  à  la  fois 
l'addition  et  la  multiplication;  ainsi,  par  exemple,  le  nombre  45 
^  représente  dans  le  système  décimal  le  résultat  de  la  multiplication 
de  quatre  par  dix,  et  l'addition  postérieure  de  cinq  unités.  On  sait 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém,  lo 


146  Sixième  récréation. 


d'ailleurs  que  celte  numération  décimale  est  une  création  relati- 
vement tardive  de  l'arithmétique. 

On  conçoit  bien  qu'au  lieu  de  compter  les  nombres  par 
dizaines,  par  centaines  ou  groupes  de  dix  dizaines,  par  mille 
ou  groupes  de  dix  centaines,  on  aurait  pu  remplacer  le  nombre 
dix  par  tout  autre,  et  ainsi  par  dou:^e.  Déjà  Aristote  avait  ob- 
servé que  le  nombre  quatre  pourrait  très  bien  remplacer  le 
nombre  dix;  Weigel  publia,  à  ce  sujet,  en  1687,  le  plan  d'une 
Arithmétique  tétractique. 

Le  choix  presque  unanime  du  nombre  dix^  comme  base  de  la 
numération,  provient  probablement  de  la  conformation  de  la  main. 
De  même,  la  plupart  des  unités,  chez  les  anciens  peuples,  déri- 
vent ordinairement  des  dimensions  du  corps  humain  :  ainsi,  par 
exemple,  le  pied,  la  coudée,  etc.  Au  xvu«  siècle,  Melchisédec 
Thévenot  cherchait  une  mesure  universelle,  dans  la  régulante  et 
l'égalité  de  la  cire  des  ruchers  (').  Les  nouvelles  mesures  sont 
étabhes  sur  des  bases  plus  stables,  et  proviennent  de  rapports 
géodésiques,  physiques,  etc.,  comme  le  mètre,  le  pendule. 

SYSTÈME  BINAIRE. 

Tout  système  de  numération  est  donc  fondé  sur  l'emploi  d'u- 
nités de  divers  ordres,  dont  chacune  contient  la  précédente  un 
même  nombre  de  fois.  Ce  nombre  d'unités  de  chaque  ordre,  qui 
est  nécessaire  pour  former  une  unité  de  l'ordre  suivant  est  appelé 

(')  Voir  la  noie  complémentaire  VI  à  la  fin  du  volume. 


La  numération  binaire. 


147 


la  base  du  systèaie  de  numération.  Cette  base  doit  être  au  moins 
égale  à  deux;  en  effet,  si  l'on  prenait  un  pour  base,  les  unités 
des  divers  ordres  seraient  égales  entre  elles,  et  il  n'y  aurait  plus, 
à  proprement  parler,  de  système  de  numération.  On  doit  à  Leibniz 
la  connaissance  de  V arithmétique  binaire.  Dans  ce  système,  la 
base  est  le  nombre  deux,  et  Ton  peut  écrire  tous  les  nombres  avec 
les  chiffres  o  et  i,en  adoptant  cette  seule  convention,  analogue 
à  la  convention  de  la  numération  écrite  du  système  décimal,  que 
tout  chiffre  placé  immédiatement  à  la  gauche  représente  des 
unités  deux  fois  plus  fortes.  Ainsi,  dans  ce  système,  les  nombres 
deux,  quatre,  huit,  seize....,  s'écrivent 

10,100,1000,  10000,  ..., 

et  les  nombres  trois,  cinq,  onze,  vingt-neuf  s'écrivent 
11,  101.  1011,  11101. 


^^g^^ 


SYSTEME  DUODECIMAL. 


Simon  Stevin,  de  Bruges  (mort  en  i633),  avait  autrefois 
proposé  le  système  de  numération  duodécimale,  se  rapprochant 
beaucoup  plus  de  notre  manière  de  compter  les  mois  de  l'année, 
les  heures  du  jour,  et  les  degrés  de  la  circonférence;  mais  le  chan- 
gement du  système  actuel  produirait  trop  d'inconvénients  relati- 
vement aux  petits  avantages  qui  résulteraient  du  choix  de  la  base 
dou\e.  Plus  tard,  Auguste  Comte  avait  observé  que  la  structure 
de  la  main,  composée  de  quatre  doigts  à  trois  phalanges,  ou  de 
douze  phalanges  opposées  au  pouce,  permettait  de  représenter, 


\4^  Sixième  récréation. 


avec  les  aeux  pouces  posés  sur  deux  piialanges,  tous  les  nombres 
jusqu'à  treize  fois  douze;  par  suite,  on  pourrait  ainsi  compter 
sur  ses  phalanges,  dans  le  système  duodécimal^  plus  facilement 
et  plus  loin  que  sur  ses  doigts,  dans  le  système  décimal.  Mais 
de  cet  ingénieux  système  on  ne  connaît  plus  guère  aujourd'hui 
que  la  comparaison  faite  par  Auguste  Comte,  des  quatre  doigts 
et  du  pouce  au  peloton  des  quatre  hommes  et  du  caporal. 

AVANTAGES    DU    SYSTÈME    BINAIRE. 

Dans  ce  système^  les  opérations  ordinaires  de  l'arithmétique 
sont  réduites  à  leur  expression  la  plus  simple  ;  les  résultats  de 
l'addition  sont  réduits  à  ceci  :  1  et  1  font  deux,  je  pose  0  et  je 
retiens  1.  Quant  à  la  table  de  Pyihagore,  elle  n'existe  pas  ici,  on 
a  seulement  ceci  :  1  multiplié  par  1  donne  1;  en  sorte  que  la  mul- 
tiplication se  fait  par  le  déplacement  transversal  du  multiplicande. 
Pour  la  division,  il  n'y  a  aucun  tâtonnement.  De  plus,  ce  système 
se  prêterait  plus  naturellement  que  tout  autre  à  la  confection  des 
machines  arithmétiques,  si  Ton  ne  possédait  pas  aujourd'hui 
l'admirable  Arithmomètre  de  Thomas  (de  Golmar).  Cependant  je 
dois  ajouter  que  la  numération  binaire  m'a  permis  de  trouver  des 
nombres  premiers  beaucoup  plus  grands  que  ceux  que  l'en  con- 
naissait jusqu'à  présent,  et  que  j'en  ai  déduit  le  plan  d'une  machine 
qui  donnerait  de  très  grands  nombres  premiers  (*).  Mais  ce  sys- 
tème est  incommode  à  cause  de  la  grande  quantité  de  caractères 

I*)  Voir  mon  Mémoire  intitulé  :  Recherches  sur  plusieurs  ouvrages  de 
Léonard  de  Pise,  et  sur  diverses  questions  d'arithmétique  supérieure.  — 
Rome,  1877. 


La  numcratiGn  binaire. 


149 


qui  sont  nécessaires  pour  figurer  un  nombre  un  peu  considérable. 
Voici  un  moyen  très  rapide  indiqué  par  Legendre,  dans  la 
Théorie  des  Nombres,  pour  exprimer  un  grand  nombre  en  carac- 
tères binaires.  Soir^  par  exemple,  le  nombre  1 1  183445;  jeledivise 
par  64,  j'ai  le  reste  21  et  le  quotient  174  741  ;  celui-ci  divisé  par  64 
donne  le  reste  21  et  le  quotient  2780;  enfin  2780  divisé  par  64 
donne  le  reste  42  et  le  quotient  42;  mais  21  s'exprime  dans  le 
système  binaire  par  10101,  et  42  par  101010.  Donc  le  nombre 
proposé  s'exprimera  par 

101010  101010  010101  010101. 

LE   JEKIM. 

Le  système  delà  numération  binaire  donne  l'explication  d'un 
symbole  chinois  portant  le  nom  de  Je-Kim  ou  Jeking  (livre  des 
mutations),  attribué  à  Fohi,  le  plus  ancien  législateur  delà  Chine. 
Ce  symbole  est  composé  de  64  petites  figures  formées  chacune  de 
six  lignes  horizontales  superposées,  les  unes  entières,  les  autres 
brisées  par  le  milieu.  Il  avait  fait  le  désespoir  des  lettrés  chinois 
et  des  savants  européens,  qui  n'avaient  pu  parvenir  à  l'expliquer 
d'une  manière  satisfaisante,  lorsque  Tillustre  Leibniz,  comparant 
les  différents  caractères  du  Je-Kim  à  la  suite  des  nombres  écrits 
dans  le  système  binaire,  reconnut  que  cette  arithmétique  pouvait 
servir  à  interpréter  l'énigme,  et  que  le  Je-Kim  n'était  autre 
chose  que  la  suite  des  64  premiers  nombres  écrits  dans  le  système 
de  numération  qui  a  pour  base  2,  mais  intervertis  de  leur  ordre 
naturel.  En  effet,  si  l'on  représente  l'unité  par  un  trait  horizontal 
simple — ,  et  le  zéro  par  un  trait  brisé  — ^     ;  si, 


Sixième  récréation. 


de  plus,  on  convient  d'écrire  les  unités  des  divers  ordres  non  plus 
de  droite  à  gauche,  mais  bien  de  bas  en  haut;  comme  d'ailleurs  les 
zéros  placés  à  gauche  d'un  nombre  n'en  changent  pas  la  valeur,  on 
trouvera  que  les  caractères  chinois,  composés  de  six  lignes  hori- 
zontales et  représentés  ci-dessous,  peuvent  être  interprétés  de 
la  manière  suivante: 


CARACTERES    CHINOIS 

du  Jekim. 


TRADUCTION 

dans  le  système   binaire. 


VALEU.1 

SOUS  forme    ordinaii 


000000 
000001 
000010 
OCOOll 
000100 
000101 


Leibniz  voyait  encore  dans  cette  énigme  qu'il  avait  si  heureu- 
sement déchiffrée,  une  image  de  la  création  tirée  du  néant  par  la 
volonté  de  Dieu,  de  même  que,  disait-il,  tous  les  nombres  sont 
engendrés,  dans  le  système  binaire,  par  le  zéro  et  l'unité.  Cette 
idée  lui  plut  tellement,  qu'il  engagea  le  P.  Bouvet,  missionnaire 
en  Chine,  à  la  développer  devant  l'empereur  régnant,  pour  leçon- 


La  numération  binaire. 


>^ertir  au  christianisme.  Nous  ne  prétendons  aucunement  justifier 
cette  application  douteuse  de  la  science  aux  mystères  théolo- 
giques. Nous  la  citons  comme  un  document  curieux  de  l'histoire 
de  l'arithmétique  binaire,  et  nous  ajouterons,  avec  un  savant 
illustre,  que  l'idée  de  Leibniz  était  une  idée  pythagoricienne 
échappée  à  l'imagination  active  de  ce  grand  génie,  et  sur  laquelle 
il  n'eût  sans  doute  pas  insisté  plus  qu'elle  ne  le  méritait. 

LES    BOÎTES    DE   POIDS. 

Nous  donnerons  d'abord  le  tableau  des  trente-deux  premiers 
nombres  écrits  dans  le  système  binaire  : 


J 

1 

Q 

1001 

17 

10001 

25 

11001 

2 

10 

10 

1010 

18 

10010 

26 

11010 

3 

11 

1 1 

1011 

iq 

10011 

^7 

11011 

4 

100 

I  2 

1100 

20 

10100 

28 

11100 

5 

101 

i3 

1101 

21 

10101 

2g 

11101 

6 

110 

14 

1110 

22 

10110 

3o 

11110 

7 

111 

i5 

1111 

23 

10111 

3i 

mil 

8 

1000 

16 

10000 

24 

11000 

32 

100000 

Il  est  facile  de  continuer  ce  tableau  aussi  loin  que  l'on  veut  ; 
on  voit  immédiatement  qu'un  nombre  quelconque  peut  être  formé 
par  l'addition  des  nombres  suivants  : 

I,   2,  4,  8,   16,  32,  ..., 


qui  représentent,  avec   l'unité,  toutes  les  puissances  de   deux. 


[52  Sixième  récréation. 


Mais  dans  cette  addition^  chaque  nombre  ne  doit  être  pris  qu'une 
seule  fois.  En  d'autres  termes,  un  nombre  entier  quelconque  est 
une  somme  de  puissances  de  deux,  toutes  dift'érenteSj  en  admet- 
tant l'unité  comme  puissance  d'exposant  :{éro.  Cette  propriété 
pourrait  être  utilisée  dans  le  commerce;  ainsi,  pour  peser  un 
nombre  entier  de  grammes,  on  peut  employer  une  boîte  contenant 
chacun  des  poids  suivants  : 

lS%    2S%    4»%    88%     168%    32S% 

Avec  six  poids,  on  pourrait  ainsi  peser  jusqu'à  ôSs"";  avec 
n  poids,  on  pourrait  peser  jusqu'à  un  nombre  de  grammes  re- 
présenté par  la  formule 

2"—  I. 

Mais  les  boîtes  sont  composées  d'une  manière  bien  différente, 
car  elles  contiennent  les  poids  : 

!«'-,  2S%  28%  5^'; 

1^',   2*^8,    2^^   5'^^^\ 

et  ainsi  de  suite.  On  voit,  en  effet,  qu'avec  les  nombres  i,  2,  2,  5, 
on  peut  former,  par  addition,  tous  les  nombres  de  i  à  10.  Ces 
boîtes  présentent  l'avantage  d'êire  plus  en  rapport  avec  le  système 
ordinaire  de  la  numération  décimale,  et,  par  conséquent,  l'opéra- 
tion de  la  pesée  n'exige  aucun  effort  d'esprit;  mais,  jusqu'à  une 
limite  quelconque,  il  faut  moins  de  poids  dans  le  système  binaire 
que  dans  le  système  décimal. 

Les  nombres  de  la  progression  triple 

I,  3,  9,  27,  81,  ..., 


La  numération  binaire.  id3 


ont  une  propriété  analogue,  qui  consiste  en  ce  qu'en  les  ajoutant 
ou  en  les  retranchant  d'une  certaine  manière,  on  forme  tous  les 
nombres  entiers  possibles.  Cette  propriété  remarquable  se  dé- 
montre très  simplement  au  moyen  du  système  de  la  numération 
ternaire  ou  de  base  3,  modifié  par  l'introduction  de  caractères 
négatifs.  Ainsi,  en  convenant  qu'un  petit  trait  placé  au-dessus 
d'un  chiffre  i,  2,  3,  . . .,  exprimée  que  le  nombre  indiqué  par  ce 
chiffre  avec  sa  valeur  de  position  doit  être  retranché,  on  peut 
écrire  tous  les  nombres  du  système  décimal  avec  les  cinq  premiers 
chiffres  significatifs  i,  2,  3,  4,  5,  et  le  caractère  o.  Par  exemple, 
6  serait  exprimé  par  14;  7  par  i3,  et  ainsi  de  suite.  Si  l'on 
applique  cette  considération  au  système  ternaire,  on  arrive  à 
écrire  tous  les  nombres  avec  les  caractères  i,  i  et  o.  Ainsi,  les 
nombres 

I,    2,     3,     4,      5,       6,       7,       8,        9, 

peuvent  être  représentés  par  les  symboles 

I,   II,   10,   II,   III,   iio,   III,   loi,   100. 

On  pourrait  encore  utiliser  cette  propriété  pour  la  pesée,  en 
répartissant  convenablement  les  poids  de  i^"",  3°'',  g»"",  2-]^%  .... 
entre  les  deux  plateaux  d'une  balance,  pour  évaluer^  avec  le 
moindre  nombre  possible  de  poids  différents,  les  masses  qui  peu- 
vent être  exprimées  en  nombres  entiers. 

Ainsi,  avec    quatre  poids  de    i^^,  3^%   gs"",    27s'",  on    pourra 
peser  jusqu'à  40^'';  avec  les  cinq  poids  de  i^',  3=%  qS"",  27^'",  SiS", 
on  pourra  peser  jusqu'à  I2I°^  En  général,  avec  n  poids 
j     3    32    33  3«— 1 

on  pourra  peser  jusqu'à  un  nombre  de  grammes  représenté  par 


54  Sixième  récréation. 


l'expression-  (3"— i).  La  progression  géométrique  de  raison  3 
résout  le  problème  énoncé  par  M.  Labosne  sous  la  forme  sui- 
vante :  Trouver  une  série  de  poids  avec  lesquels  on  puisse  faire 
toutes  les  pesées  en  nombres  entiers,  depuis  i  jusqu^à  la  somme 
des  poids  employés,  cette  somme  étant  la  plus  grande  possible 
relatipement  au  nombre  de  poids  ('). 


L  EVENTAIL    MYSTERIEUX. 


Reprenons  le  tableau  que  nous  avons  construit  (page  i5i), 
et  écrivons  les  uns  au-dessous  des  autres,  dans  une  première 
colonne  à  droite,  tous  les  nombres  tels  que  leur  dernier  chiffre 
dans  le  système  binaire  soit  l'unité;  écrivons  dans  une  seconde 
colonne  tous  les  nombres  tels  que  leur  deuxième  chiffre,  à  partir 
de  la  droite^  dans  le  système  binaire,  soit  Tunité  ;  dans  une  troi- 
sième colonne,  tous  les  nombres  tels  que  leur  troisième  chiffre, 
à  partir  de  la  droite,  soit  l'unité,  et  ainsi  de  suite.  On  peut 
s'arrêter  à  une  colonne  quelconque,  à  la  cinquième,  par  exemple, 
les  nombres  écrits  étant  limités  à  3 1  ,et,  en  général ,  pour  la  iv^^^  co- 
lonne à  2«—  I .  Cela  fait,  on  présente  le  tableau  ainsi  formé  à  une 
personne  quelconque;  on  lui  dit  de  penser  un  nombre  jusqu'à  3i, 
et  d'indiquer  ensuite  dans  quelles  colonnes  ce  nombre  se  trouve 
écrit.  On  devine  facilement  le  nombre  ptînsé  en  écrivant  à  la  suite 

(')   Voir  à  ce   sujet  la  4»  édition   de   Bachet,  publiée   par   M.  Labosne, 
p.  i54-i56. 


La  numération  binaire. 


[55 


et  de  droite  à  gauche,  1  pour  toute  colonne  dans  laquelle  le  nombre 
pensé  se  trouve  e'crit,  et  0  pour  toute  colonne  dans  laquelle  ce 
nombre  n'est  pas  e'crit.  On  a  ainsi  représenté  le  nombre  pensé 
dans  le  système  de  la  numération  binaire. 

Tableau  de  Véventail  my^stérieux. 


5 

4 

3 

1 
2 

I 

i6 

8 

4 

2 

I 

^7 

9 

5 

3 

3 

i8 

10 

6 

6 

5 

19 

î  I 

7 

7 

7 

20 

12 

12 

10 

9 

21 

i3 

i3 

1 1 

1 1 

22 

14 

14 

14 

i3 

23 

i5 

i5 

i5 

i5 

24 

24 

20 

18 

ï7 

25 

25 

21 

19 

19 

26 

26 

22 

22 

21 

27 

27 

23 

23 

23 

28 

28 

28 

26 

25 

29 

29 

29 

27 

-7 

3o 

3o 

3o 

3o 

29 

3i 

3i 

3i 

3i 

3i 

16 

1 

8 

4 

2 

■ 

î55  Sixième  récréation. 


On  simplifie  le  calcul,  en  écrivant  au  bas  des  colonnes  les  puis- 
sances correspondantes  du  nombre  2.  Ces  nombres  sont  habituelle- 
ment écrits  sur  des  cartons  disposés  en  éventail;  pour  deviner  un 
nombre  qu'une  personne  a  pensé,  il  suffira  de  lui  présenter  les 
cartons  l'un  après  l'autre,  en  lui  demandant  si  le  carton  contient 
le  nombre  pensé;  puis  de  faire  la  somme  des  puissances  de  deux 
inscrites  au  bas  de  chacun  des  cartons  où  le  nombre  se  trouve. 
D'ailleurs,  on  pourrait  fair^  un  jeu  semblable  avec  les  puissances 
de  trois,  mais  ce  serait  un  peu  moins  simple. 


LA    PROGRESSION   DOUBLE. 

Nous  donnons,  dans  le  tableau  suivant,  les  trente-deux  pre- 
miers nombres  obtenus  en  doublant  continuellement  le  nombre 
précédent,  à  partir  de  2;  ces  nombres  forment  les  puissances  suc- 
cessives du  nombre  2  ;  dans  le  système  binaire^  on  écrit  ces  nombre  > 
en  faisant  suivre  l'unité  de  un,  deux,  trois,...,  soixante-quatre 
zéros;  en  Algèbre,  on  fait  suivre  le  chiffre  2  d'un  autre  en  plus 
petit  caractère,  placé  au-dessus,  nommé  exposant,  qui  indique 
combien  de  fois  le  nombre  2  a  été  pris  comme  ûicteur. 

Ce  tableau  représente  ce  que  Fermât  appelait  \di  progression 
double. 

On  observera  que  pour  multiplier  les  puissances  de  2,  la  neu- 
vième et  la  onzième,  par  exemple,  il  suffit  d'ajouter  les  exposants 
9  et  1 1 ,  ce  qui  fait  20  ;  on  a  ainsi  : 

29  y^^  oii=  2-^  ou  5  12  X  2048=  I  048  5;6. 


La  numération  bùiaire. 


i57 


En  général,  l'exposant  du  produit  de  deux  puissances  d'un 
même  nombre  est  égal  à  la  somme  des  exposants  des  deux  puis- 
sances; de  même,  l'exposant  du  quotient  de  deux  puissances  est 
égal  à  la  différence  des  exposants  du  dividende  et  du  diviseur. 

Tableau  des  puissances  de  2. 


n 

I 

2« 

n 

'7 

2«      : 

2 

i3i  072 

2 

4 

18 

262  144 

:> 

8 

19 

524  288 

4 

16 

20 

I  048  576 

3 

32 

2  I 

2  097  l52 

6 

64 

22 

4  194  304 

7 

128 

23 

8  388  608 

8 

256 

24 

16  777  216 

0 

5l2 

25 

33  554  432 

10 

I  024 

26 

67  108  864 

1 1 

2  048 

27 

i34  217  728 

12 

4  096 

28 

268  435  456 

i3 

8  192 

29 

536  870  912 

H 

16  384 

3o 

I  073  741  824 

i5 

32  768 

3i 

2  147  488  648 

16 

65  536 

32 

4  294  967  296 

C'est  sur  l'observation  et  sur  la  généralisation  de  ces  propriétés 
des  puissances  que  repose,  comme  l'on  sait,  la  théorie  des  loga- 
rithmes. Ainsi  encore,  si  l'on  veut  calculer  rapidement  la  soi- 
xante-quatrième puissance  de  2,  il  faut  multiplier  par  elle-même 
la  trente-deuxième  puissance,  ce  qui  donne 

2'*  =  4  294  967  296  X  4  294  967  296=18  446  744  073  709  55 1  6 1 6. 


58  Sixième  recréation. 


On  raconte  que  l'inventeur  du  jeu  d'échecs  avait  demandé, 
comme  récompense  de  sa  découverte,  un  grain  de  blé  pour  la 
première  case  de  l'échiquier^  deux  pour  la  seconde,  quatre  pour  la 
troisième,  et  ainsi  de  suite  en  doublant,  jusqu'à  la  soixante- 
quatrième,  qui  aurait  dû  recevoir  2''^  grains  de  blé.  On  a,  d'après 
une  formule  bien  connue  dans  la  théorie  des  progressions  géomé- 
triques, et  que  Ton  peut  vérifier  sur  le  tableau, 

I   _^  2  +  1--\-2^  4-  ...  4-2"-*  ==r.  2"  —  I  . 

Dans  Texemple  précédent,  le  nombre  total  des  grains  de  blé  eût 
été  de  2^^  —  I  ;  c'est  le  nombre  de  vingt  chiffres  que  nous  avons 
écrit  plus  haut,  et  que  l'on  diminue  d'une  unité. 

^^ 

LES   NOMBRES   PARFAITS. 

La  progression  double  conduit  à  la  connaissance  des  nombres 
parfaits;  on  appelle  ainsi  tout  nombre  entier  qui  est  égal  à  la 
somme  de  ses  diviseurs,  ou  préférablement,  comme  on  disait  au- 
trefois, à  la  somme  de  ses  parties  aliquotes ,  attendu  que  cette 
dénomination  exclut  le  nombre  lui-même  du  rang  de  ses  di- 
viseurs. De  plus,  on  appelait  nombre  déficient,  tout  nombre  plus 
grand  que  la  somme  de  sts^2.n\QSd\\(\v\o\QS\,Q\.  nombre  abondant, 
'un  nombre  plus  petit  que  la  somme  de  celles-ci. 

La  théorie  des  nombres  parfaits  impairs  n'est  pas  complètement 
connue;  quant  aux  nombres  parfaits  pairs,  ils  sont,  sans  excep- 
tion, donnés  par  la  formule 

N  =  2«-*  (2"— 1), 


La  numération  binaire. 


iSg 


dans  laquelle  le  second  facteur  doit  être  un  nombre  premier; 
ainsi,  dans  cette  formule,  il  ne  faut  pas  donner  à  a  toutes  les 
valeurs  entières,  mais  seulement  toutes  celles  pour  lesquelles  le 
nombre  ?»=  2*—  i  est  premier.  Cette  règle  était  connue  d'Eu- 
clide  ;  mais  ce  géomètre  ne  savait  pas  démontrer  que  l'on  ob- 
tenait ainsi  tous  les  nombres  parfaits  pairs. 

On  voit  facilement  que  ?«  ne  peut  être  premier  que  si  l'expo- 
sant a  est  lui-même  un  nombre  premier;  mais  cela  ne  suffit  pas. 
Il  faudra  s'assurer  que  2*—  i  est  un  nombre  premier;  c'est  là 
une  théorie  très  difficile,  et,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  l'A- 
ritlimétique  supérieure  est  impuissante  à  résoudre  cette  ques- 
tion lorsque  l'exposant  a  est  un  nombre  premier  supérieur  à  100. 
Les  nombres  parfaits  connus  actuellement  sont  les  huit  nombres 
du  tableau  suivant  : 


Tableau  des  nombres  parfaits. 


a 

2»-! 

2«—  I 

NOMBRES  PARFAITS. 

I 

2 

2 

3 

6 

2 

3 

4 

7 

28 

3 

5 

16 

3r 

496 

4 

7 

64 

127 

8  128 

5 

i3 

4  096 

8101 

?3  55o336 

6 

17 

65  536 

i3i  071 

8  58g  869056 

7 

19 

262  144 

524287 

137  438  691  328 

8 

3r 

I  073741824 

2  147  483  647 

2  3o5  843  008  139  952  128 

Dans  la  seconde  colonne,  on  ne  trouve  pas  pour  a  les  valeurs 
II,  23  et  29  ;  cela  tient  à  ce  que  les  trois  nombres 


Ai  


I     2' 


1 ,  2'^  —  I 


Sixième  récréation.  —  La  numération  binaire. 


ne  sont  pas  premiers,  puisqu'ils  sont  respectivement  divisibles 
par  23,  47  et  233. 

On  observera  que  les  nombres  parfaits  sont  toujours  termine's 
par  l'un  des  deux  chiffres  6  ou  8;  il  en  sera  toujours  ainsi,  comme  il 
est  facile  de  le  démontrer.  Cela  tient,  d'une  part,  à  la  périodicité 
du  dernier  chiffre  dans  les  puissances  de  deux,  et,  d'autre  part, 
à  ce  que  les  nombres  premiers  a  sont  nécessairement,  à  l'exception 
des  nombres  2  et  3,  des  multiples  de  6  augmentés  ou  diminués 
de  l'unité.  Ainsi,  lorsque  a  est  un  multiple  de  6  diminué  de  l'u- 
nité, le  nombre  N  est  terminé  par  un  6,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
que  a  soit  premier;  lorsque  a  est  un  multiple  de  6  augmenté 
de  l'unité,  le  nombre  N  est  terminé  par  un  8.  (Fo/r  la  Note  VI,  à 
la  fin  du  volume.) 


SEPTIÈME   RÉCRÉATION. 

LE  JEU  DU  BAGUENAUDIER 


A  Monsieur  le  docteur  O.-J.  Broch,  ancien  ministre 
de  Norrj^ége,  correspondant  de  V Institut. 


«  Comment  peut  estre  créance  d'homme  si  legiere  que 
telles  ba/îuenaudes  soient  prinses  pour  doctrine,  ou 
telles  superstitions  pour  vraye  religion,  » 

(Alain  Chartier.) 

«  Les  hommes  sont  si  nécessairement  fous,  que  ce 
serait  être  fou  par  un  autre  tour  de  folie,  de  ne  pas  être 
fou.  » 

(Pascal.  —   Pensées.) 

«  La  science  ne  nous  a  pas  encore  appris  si  la  folie 
est  ou  n'est  pas  le  sublime  de  l'intelligence;  si  presque 
tcut  ce  qui  est  la  gloire,  si  tout  ce  qui  est  la  profondeur. 
ne  vient  pas  d'une  maladie  delà  pensée.  » 

(Edgar  Poi.  —  Histoires  extraordinaires.) 


E.  LucAG,  —  Récréations  mathéi 


SEPTIEME  RECREATION. 


LE  JEU   DU   BAGUENAUDIER. 


LE  baguenaudier  est  un  instrument  de  jeu,  formé  d'an- 
neaux enchevêtrés  dans  une  navette,  qu'il  s'agit  de 
séparer  du  système  des  anneaux.  Nous  conseillons  l'em- 
ploi du  baguenaudier  de  7,  8  ou  9  anneaux;  on  le  trouve  faci- 
lement dans  le  commerce.  Avec  un  plus  grand  nombre  d'anneaux, 
le  jeu  devient  absurde,  car  le  nombre  des  opérations  à  faire  pour 


P.  23 


monter  ou  pour  démonter  le  baguenaudier  double  continuellement 
par  l'addition  d'un  anneau;  on  verra  plus  loin  qu'il  faudrait  des 


164  Septième  récréation. 


milliards  de  siècles  pour  démonter  complètement  un  baguenaudier 
de  64  anneaux. 


^^ 


HISTORIQUE. 

L'invention  de  ce  jeu  est  fort  ancienne  ;  on  le  trouve  mentionné 
pour  la  première  fois,  je  crois,  parmi  l'un  des  222  traités  deCardan, 
dans  l'ouvrage  intitulé  :  De  suhiilitate  libri  XXI,  dont  la  pre- 
mière édition  parut  à  Nuremberg  en  1 5  5o;  il  existe  plusieurs  autres 
éditions  de  cet  ouvrage,  et  notamment  une  traduction  française 
publiée  par  Richard  Leblanc  (Paris,  i556,  in-4),  sous  le  titre: 
Les  livres  d' Hier ony mus  Cardanus,  de  la  Subtilité  et  subtiles 
Inventions^  ensemble  les  causes  occultes  et  les  raisons  d'ic elles. 
Le  XV^  Livre  de  cet  ouvrage,  que  l'on  doit  considérer  comme  une 
sorte  d'encyclopédie  de  la  science  et  de  l'industrie  au  xvi^  siècle, 
est  consacré  aux  Subtilités  inutiles  et  incertaines  ;  nous  repro- 
duisons ici  la  traduction  du  passage  concernant  la  description 
du  baguenaudier,  d'après  Richard  Leblanc  (p.  291)  : 

a  L'instrument,  composé  de  sept  anneaus,  est  inutile  et  est  tel  : 
Une  paillette  de  fer  large  d'un  doigt,  longue  d'une  paume^  mince 
et  déliée^  en  laquelle  sont  sept  trous  rons^  estrois  et  d'espaces 
égales,  disposés  selon  la  longueur  de  la  paillette  ou  lamine  :  ces 
trous  reçoivent  sept  vergettes  menues  presque  de  la  hauteur  d'une 
once,  mobiles  en  bas,  circonflexes  en  haut,  à  fin  qu'elles  retien- 
nent les  anneaus  enclos  de  la  graiideur  d'un  doigt,  et  les  vergettes 
sont  contenues  par  l'anneau  ensuivant  sous  le  fléchissement  et 
curvature.  Pour  cette  cause,  tous  les  anneaus,  excepté  le  pre- 
mier, sont  engardés  par  le  précédent,  qui  ne  bautent  librement 


Le  jeu  du  baguenaudier.  i63 

hors  la  verge  antérieure  :  tout  est  de  fer,  et  mesmement  la  navette 
ou  navicule  est  de  fer,  de  laquelle  i'ai  exactement  rendu  la  figure 
que  voies  présente.  Elle  est  longue  et  large  selon  la  grandeur  de 
la  paillette  ou  lamine  supposée.  Par  cet  instrument  un  ieu  est 
inventé  de  subtilité  admirable.  >> 

Après  l'indication  de  la  manœuvre  de  l'appareil,  on  trouve  la 
conclusion  suivante  :  «  Ceci  de  soi  est  inutile;  toutefois  on  peut 
le  transférer  aux  serrures  artificieuses  de  coffres  (*).  Telle  subtilité 
est  au  ieu  des  échets;  mais  elle  est  plus  délectable  pour  cause  de 
la  variété  et  contention;  car,  comme  la  navicule  est  d'invention 
très  subtile  en  son  genre,  ainsi  entre  tous  ieus  les  échets  sont  de 
grande  subtilité.  Autrefois^  i'ai  écrit  et  composé  quatre  livres  des 
ieux.  » 

BIOGRAPHIE    DE    CARDAN. 

La  vie  de  Jérôme  Cardan  est  l'une  des  plus  étranges  et  des 
plus  extraordinaires  dont  il  soit  fait  mention  dans  l'histoire  des 
sciences;  c'est  un  tissu  d'extravagances,  d'actions  incohérentes, 
viles  et  parfois  criminelles,  puisqu'il  en  vint  à  assassiner  un  homme 
qui  l'avait  volé  au  jeu.  Scaliger  a  dit  de  lui  qu'il  était  supé- 
rieur à  tous  les  hommes,  mais  que  souvent  il  descendait  plus  bas 
que  les  petits  enfants;  Leibniz,  qui  l'a  déclaré  fou  et  insensé,  n'en 
admirait  pas  moins  la  supériorité  de  son  esprit.  • 

L'un  des  premiers,  Cardan  trouva  la  résolution  de  l'équation  du 

(')  M.  le  docteur  O.-J.  Broch,  président  de  lacommissioa  du  rojaume  de 
Norwége  à  l'Exposition  universelle  de  1878,  m'a  dit  que,  dans  son  pay?, 
les  habitants  des  campagnes  se  servent  encore  du  baguenaudier  pour 
fermer  leurs  bahuts  et  leurs  sacs. 


i66  Septième  récréation. 


troisième  degré  et  démontra  la  formule  qui  porte  encore  son  nom  ; 
il  entrevit  la  résolution  de  l'équation  du  quatrième  degré,  que 
l'on  doit  à  son  disciple  Ferrari;  il  imagina  un  appareil  employé 
dans  la  marine  pour  la  suspension  des  boussoles,  et  probablement 
aussi  l'engrenage  connu  sous  le  nom  de  joint  universel. 

Né  à  Pavie,  en  i5oi,  il  professa  successivement  la  dialectique, 
la  métaphysique,  les  mathématiques  ;  il  exerça  la  médecine  à 
Milan,  de  1529  à  i55o;  après  avoir  parcouru  l'Ecosse,  l'Angle- 
terre, les  Pays-Bas  et  l'Allemagne,  il  revint  à  Milan,  où  il  vécut 
encore  quelques  années,  partageant  son  temps  entre  le  travail,  la 
débauche  et  le  jeu.  Son  fils  aîné,  médecin  comme  lui,  empoisonna 
sa  femme,  et  fut  décapité;  son  second  fils  tomba  dans  de  grands 
désordres  ;  il  le  fit  incarcérer  plusieurs  fois,  puis  lui  coupa  l'oreille 
et  finalement  le  chassa  de  sa  maison.  Enfin  il  termina  son  exis- 
tence infortunée,  à  Rome,  à  l'âge  de  soixante-quinze  ans;  il  était 
alors  pensionné  par  le  pape  Grégoire  XIII.  Scaliger  et  de  Thou 
prétendent  qu'ayant  fixé  lui-même  l'année  et  le  jour  de  sa  mort, 
il  se  laissa  mourir  de  faim  pour  que  sa  prédiction  fût  justifiée.  La 
Nouvelle  Biographie  générale  (Firmin  Didot)  contient  une 
longue  et  intéressante  biographie  de  Cardan,  par  M.  Victorien 
Sardou,  de  laquelle  nous  avons  extrait  quelques-uns  des  rensei- 
gnements qui  précèdent. 


t^g^m^ 


Le  jeu  du  baguenaudier,  167 


BIOGRAPHIE    DE    WALLIS. 

Le  second  auteur  qui  a  écrit  sur  le  baguenaudier  est  un  illustre 
mathématicien  anglais,  du  nom  de  Wallis,  auquel  on  doit  une 
formule  bien  curieuse  pour  la  détermination  du  rapport  de  la 
circonférence  au  diamètre  (i).Néen  16 16,  mort  en  lyoS,  Wallis 
possédait  à  fond  toutes  les  connaissances  de  son  temps.  «  Dès  mon 
enfance,  dit-il,  j'ai  toujours,  dans  toutes  sortes  de  sciences,  voulu 
savoir  le  fond  des  choses,  non  par  routine,  ce  qui  les  fait  oublier 
bientôt,  mais  par  raison  et  par  principes,  afin  de  former  mon 
jugement.  »  Il  fut  professeur  de  géométrie  à  l'Université  d'Oxford, 
en  1649;  il  fut  ensuite  chapelain  du  roi,  au  rétablissement  des 
Stuarts.  Doué  d'une  mémoire  prodigieuse,  il  lui  arriva,  une  nuit, 
d'extraire  de  tête  la  racine  carrée  d'un  nombre  de  cinquante 
chiffres,  et  delà  dicter  le  lendemain. 

Le  tome  II  de  son  Traité  d'Algèbre  (p.  472)  contient  la 
description  et  la  manœuvre  du  baguenaudier,  avec  un  grand  luxe 
de  détails  et  de  figures  très  bien  faites. 

(<)  Au  Congrès  de  l'Association  française,  à  Montpellier,  M.  Éd.  Collignon, 
inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées,  a  présenté  des  développements 
fort  curieux  sur  la  formule  de  Wallis,  afin  d'arriver  à  démontrer  l'incom- 
mensurabilité de  toutes  les  puissances  du  rapport  de  la  circonférence  au 
diamètre. 

C'est  un  préjugé,  partagé  par  beaucoup  de  personnes,  de  croire  à  l'impos- 
sibilité démontrée  de  la  quadrature  du  cercle.  On  sait  bien  que  les  nombres 
iretii-  sont  incommensurables;  cependant  si  l'un  des  nombres  71*,  u^  u'%... 
était  commensurable,  on  aurait  résolu  le  problème  de  la  quadrature  du 
cercle.  Cette  observation  n'a  pas  pour  but  d'engager  quelques  lecteurs  dans 
cette  recherche  extrêmement  difficile.  Arago  disait  autrefois  à  l'Académie 
des  Sciences  qu'il  avait  constaté  que  les  prétendues  solutions  de  la  quaira- 
ture  du  cercle  étaient  beaucoup  plus  nombreuses  au  printemps  qu'à  toute 
autre  époque  de  l'année  {Voir  le  tome  II,  p.  i56.)  ,., 


i08  Septième  récréation. 


(c  G-iidan,  dit-il,  en  son  livre  de  la  Subtilité,  parle  de  ce  que 
nous  allons  faire  connaître  sur  les  anneaux  enlacés;  il  classe  cette 
subtilité  parmi  les  inutiles,  c'est-à-dire  parmi  celles  qui  ne  tou- 
chent pas  au  gain,  et  qui  se  recommandent  seulement  comme 
pouvant  mettre  l'esprit  en  action;  mais  il  en  parle  en  termes  si 
obscurs,  que  celui  qui  ne  connaîtrait  pas  autrement  la  chose  ne 
pourrait  que  difficilement  deviner  de  quoi  il  s'agit.  Nous  nous 
sommes  efforcé  d'expliquer  par  des  paroles  l'objet  en  question; 
mais  il  serait  plus  facile  de  le  faire  connaître  avec  les  doigts 
qu'avec  la  plume.  La  chose  est  d'une  si  grande  subtilité  et  va  si 
bien  de  pair  avec  l'Algèbre,  qu'il  est  impossible  de  lui  refuser  ici 
un  refuge.  Toute  la  difficulté  consiste  à  composer  et  à  résoudre, 
à  enlacer  et  à  délacer. 

«  11  m'est  impossible  de  dire  quelle  est  l'ancienneté  de  cet 
objet;  certainement  on  le  connaissait  avant  Cardan,  car  cet  au- 
teur n'en  parle  pas  comme  d'une  invention  à  lui  propre.  » 


®® 


Ozanam,  dans  ses  Récréations  mathématiques,  ne  parle  pas 
du  bagutnaudicr-^VEncyclopédie  méthodique,  dictionnaire  des 
jeux,  en  fait  mention,  mais  c'est  pour  le  placer  après  le  jeu  : 
J'aime  mon  amant  par  B,  et  pour  décrire  la  suite  des  change- 
ments que  l'on  fait  en  démontant  le  baguenaudier  quand  tous  les 
anneaux  sont  élevés,  et  en  le  ramenant  à  cet  état. 

Enfin,  en  1872,  un  auteur  ingénieux,  qui  avait  gardé  l'ano- 
nyme, a  publié  une  brochure  de  seize  pages  in-8°,  dont  je  dois  la 


Le  jeu  du  baguenaudier.  169 


communication  à  la  bienveillance  de  M.  le  général  Parmentier.  Cet 
opuscule  intitulé:  Théorie  du  Bag-uenodier,  par  un  clerc  de 
notaire  Ij^o?mais  (^),  commence  ainsi  :  ,«  Lyon  attire  sur  lui 
l'attention  publique  par  son  Exposition;  chacun  des  enfants  de 
cette  grande  cité  doit  produire  tout  ce  qui  peut  plaire  aux  visi- 
teurs. Ce  motif  décide  un  modeste  clerc  de  notaire  à  publier  ses 
études  sur  le  baguenodier;  le  sujet  est  frivole,  mais  la  théorie  est 
neuve;  de  plus,  elle  a  été  imaginée  à  Lyon.  Cet  opuscule  aura 
atteint  son  but  s'il  montre  que  le  baguenodier  est  un  jouet  in- 
structif. )) 

L'auteur  se  livre  d'abord  à  une  discussion  étymologique,  de 
laquelle  il  paraît  résulter  que  l'on  doit  écrire  le  nom  de  l'instru- 
ment avec  un  o,  puisque  ce  nom  vient  probablement  de  nœud 
(nodus)  de  bagues.  Après  avoir  indiqué  les  sources  historiques 
que  nous  venons  de  mentionner,  il  expose  une  notation  aussi 
simple  qu'élégante  des  diverses  configurations  du  baguenaudier, 
qui  permet  de  fixer  à  chaque  instant  Tordre  du  déplacement  des 
anneaux;  aussi  nous  regrettions  que  l'auteur  n'eût  pas  cru  devoir 
livrer  son  nom  au  public,  lorsque  nous  avons  appris  que  l'esti- 
mable continuateur  de  Cardan  et  de  Wallis  est  M.  Louis  Gros, 
conseillera  la  cour  d'appel  de  Lyon.  La  théorie  qui  va  suivre 
n'est  que  le  développement  de  Tidée  fondamentale  de  Fauteur 
lyonnais  et  des  observations  qui  nous  ont  été  communiquées  par 
M.  Parmentier;  nous  y  avons  ajouté  quelques  considérations 
qui  feront  comprendre  que  ce  petit  appareil,  que  bien  des  per- 
sonnes regardent  comme  un  joujou,  renferme  cependant,  dans 
sa  contexture  variable  à  chaque  instant,  la  représentation  des  diffé- 

{')  Lyon,  imprimerie  d'Aimé'  Vingtrinier,  rus  Bellc-Cordière. 


lyo  Septième  récréation. 


rentes  propriétés  du  système  de  la  numération  binaire  et  de  la 
théorie  des  combinaisons. 


DISCUSSION    ETYMOLOGIQUE    DE    M.    GROS. 

«  Au  lieu  de  décrire  longuement  un  objet  qui  est  dans  le  com- 
merce, rassurons  le  lecteur,  déjà  choqué  de  l'orthographe  que  j'ai 
adoptée  :  baguenodier,  et  non  baguenxudier.  Je  ne  suis  pas  un 
libre  penseur,  pas  plus  en  orthographe  qu'en  religion  et  en  poli- 
tique; je  me  soumets  à  toutes  les  autorités  légitimes,  surtout  à 
celle  de  TAcadémie  française. 

«  Cependant,  j'ai  un  grain  d'indépendance,  et,  quand  je  vois  un 
mot  orthographié  d'une  manière  compliquée  et  contraire  à  l'éty- 
mologie,  je  propose  une  réforme. 

((  Quelle  est  la  véritable  étymologie  du  mot  baguenodier?  Con- 
sultons Ménage-  il  ne  dit  pas  un  mot  du  jouet  dont  nous  nous 
occupons;  mais  il  a  des  articles  sur  bague,  baguenaude,  bague- 
nauder, baguenaudier. 

c(  Il  fait  dériver  bague  à^  bacca,  que  les  Latins  ont  dit  d'une 
perle,  à  cause  de  la  ressemblance  quont  les  perles  pour  leur 
rondeur  avec  les  bacques  ou  baies. 

«  Les  annotateurs  de  Ménage  ne  sont  point  satisfaits  de  cette 
explication  ;  ils  remarquent  que  bague  ne  vi^nt  point  de  bacca  ; 
ni  une  baie,  ni  une  perle  ne  ressemblent  à  une  bague. 

ce  Ils  font  venir  bague  de  la  langue  des  Francs,  de  celle  des 
Goths,  de  celle  des  Cimbres  et  de  celle  des  Saxons;  ils  trouvent 
des  mots  analogues  dans  l'anglo-saxon,  dans  le  vieux  franc,  dans 
l'allemand,  dans  l'irlandais,  dans  le  suédois  et  dans  l'anglais. 


Le  jeu  du  baguenaudier.  171 

c(  Ces  estimables  annotateurs  vivaient  à  une  époque  où  le 
sanscrit  n'était  pas  étudié;  ne  pourrait-on  pas^  à  présent,  trouver 
la  racine  primitive  dans  la  langue  sacrée  des  Indous,  puisqu'elle 
est  la  mère  de  toutes  les  anciennes  langues  européennes? 

«  Baguenaude,  fruit,  et  baguenaudier,  arbuste,  dérivent,  sui- 
vant Gaseneuve,  de  bacca,  qui  est  proprement  le  fruit  rond  de 
certains  arbres,  tels  que  sont  le  laurier,  le  lierre,  le  myrte  et 
le  houx;  ce  nom  a  été  donné  au  baguenaudier  à  cause  du  petit 
fruit  rond  contenu  dans  sa  cosse. 

ce  Ménage  dit  que  de  bacca  on  a  fait  baccana,  baccanalda, 
baccanaldarius, 

«  Les  annotateurs  ne  trouvent  rien  à  redire  à  cela;  je  suis  plus 
difficile  qu'eux  :  la  graine  du  colutea,  pour  parler  le  langage  offi- 
ciel moderne^  ne  ressemble  point  à  celle  du  lierre  et  du  houx;  elle 
a  la  forme  allongée  d'un  très  petit  haricot. 

«  Ce  sont  les  mots  extrêmement  usuels  qui  se  transforment 
beaucoup  dans  le  langage;  or,  je  ne  crois  pas  que  l'on  ait  jamais 
eu  à  parler  souvent  des  grains  renfermés  dans  les  petites  vessies 
du  colutea  et  à  leur  donner  trois  noms  successifs  ou  simultanés. 

«  Un  glossaire  de  Rabelais  fait  dénwtï  baguenaude,  futilité, 
de  bague,  et  nade  {nulle  bague). 

«  Ces  conjectures  n'ont  point  de  fondements;  j'ai  d'autres  idées, 
et  les  voici  : 

a  Lebaguenodier  est  un  j^^u  très  ancien;  nous  verrons  bientôt 
que  ce  n'était  pas  une  nouveauté  il  y  a  trois  cents  ans;  on  a  dû 
lui  donner  un  nom;  celui  qui  s'est  présenté  tout  naturellement 
est  nœud  de  bagues;  ce  sont,  en  effet,  des  anneaux  qui  retiennent 
la  navette  par  une  certaine  combinaison^  comme  deux  brins  de 
fil  sont  unis  par  une  certaine  manière  de  les  contourner. 


Septième  récréation. 


«  Le  mot  bague^  dans  le  sens  (ï anneau^  était  dans  la  langue 
depuis  longtemps;  en  y  joignant  le  mot  nodus,  ou  son  dérivé 
français  nœud  (avec  œ  en  souvenir  de  Vo  de  nodus)^  on  a  fait  ba- 
guenodier, 

<c  Celui  qui  voit  un  homme  sérieux  passer  de  longs  moments  à 
élever  et  baisser  les  anneaux  du  baguenodier  est  invinciblement 
porté  à  dire  :  «  En  voilà  un  qui  perd  son  temps;  »  de  là  s'occuper 
du  nœud  de  bagues,  bagiienoder  a  pris  la  signification  que  nous 
connaissons  bien. 

«  Faire  éclater  entre  ses  doigts  le  fruit  du  colutea  est  un  plaisir 
champêtre  auquel  s'attache  aussi  forcément  l'idée  de  perte  de 
temps  sans  profit;  on  a  donc  employé  dans  cette  circonstance  le 
mot  baguetîoder^  fait  pour  le  nœud  de  bagues,  et,  par  suite,  l'ar- 
buste a  reçu  le  nom  du  jouet. 

«  Pourquoi  a-t-on  écrit  baguenauder  et  non  baguenoder?  Il  y 
a  trois  ou  quatre  cents  ans,  l'orthographe  n'avait  rien  de  fixe; 
chaque  auteur  avait  la  sienne,  et  même  beaucoup  d'auteurs  ne 
s'occupaient  point  de  ce  détail  :  ils  s'en  rapportaient  aux  impri- 
meurs; Montaigne  dit  qu'il  se  contentait  de  recommander  l'em- 
ploi de  l'orthographe  la  plus  ancienne  dans  l'impression  de  ses 
Essais  (Livre  III,  Ch.  IX).  Tantôt  on  compliquait  l'orthographe, 
comme  lorsque  àliomo  on  a  fait  homme;  tantôt  on  la  simplifiait, 
comme  lorsque  à'auris  on  a  fait  oreille,  et  d'aiidere,  oser.  Ba- 
guenoder  a  eu  la  mauvaise  chance  d'être  compliqué  d'un  au; 
puis,  pour  justifier  cet  au,  l'abbé  Ménage  a  imaginé  baccana, 
baccanalda,  baccanaldarius. 

a  Ami  lecteur,  j'espère  que,  cela  dit,  vous  me  pardonnerez  de 
ramener  le  mot  baguenodier  à  l'orthographe  étymologique.  » 


Le  jeu  du  baguenaudier. 


17^ 


DESCRIPTION   DU   BAGUENAUDIER. 

Cet  instrument  (fig.  36)  se  compose  de  deux  parties  princi- 
pales :  la  navette  et  le  système  des  anneaux. 

La  navette  se  compose  essentiellement  d'un  fil  métallique, 
ayant  la  forme  d'un  rectangle  très  allongé.  Pour  la  commodité  de 
la  manœuvre,  l'une  des  extrémités  est  munie  d'une  poignée,  que 
l'on  tient  dans  la  main  gauche  pendant  que  l'on  déplace  les 
anneaux  avec  la  main  droite. 

Le  système  des  anneaux  est  formé  : 

1°  D'un  nombre  quelconque  d'anneaux  égaux,  dont  le  dia- 
mètre est  à  peu  près  le  double  de  la  largeur  de  la  navette,  et  dont 
l'épaisseur  est  environ  le  quart  de  celle-ci;  par  conséquent,  on 
peut  faire  passer  la  navette  à  travers  l'anneau,  tout  aussi  bien 
qu'un  seul  anneau,  et  même  deux  pris  ensemble,  à  travers  la 
navette  ; 

2°  D'une  petite  planchette  rectangulaire  de  dimensions  pa- 
reilles à  celles  de  la  navette  ;  elle  est  percée,  sur  sa  longueur,  de 
trous  équidistants,  en  nombre  égal  à  celui  des  anneaux  de  l'in- 
strument; 

3°  De  petites  tiges  ou  verges  métalliques,  en  nombre  égal  à 
celui  des  anneaux  ;  l'une  des  extrémités  de  chaque  tige  passe 
librement  dans  l'un  des  trous  de  la  planchette,  derrière  laquelle 
cette  tige  est  retenue  par  un  crochet;  l'autre  extrémité  entoure 
l'un  des  anneaux. 

Le  système  est  agencé  de  telle  sorte  que  chacune  des  tiges  qui 
retient  Tanneau  se  trouve  passée  dans  l'intérieur  de  l'anneau  sui- 
vant. Ainsi  la  tige  au  premier  anneau  est  passée  dans  le  deuxième  ; 


in  A  .Septième  récréation. 


celle  du  deuxième  dans  le  troisième ,  et  ainsi  de  suite  ;  mais  la  tige 
du  dernier  anneau  ne  passe  dans  aucun  autre.  Il  y  a  donc  une 
très  grande  différence  dans  la  disposition  du  premier  anneau  et 
du  dernier;  dorénavant,  nous  distinguerons  les  anneaux  par  les 
nombres  1,2,3,4,...,  et  nous  supposerons  la  planchette  disposée 
de  telle  sorte  que  le  premier  anneau  soit  placé  à  la  droite. 

On  dit  qu'un  anneau  est  monté  ou  levé  lorsque  la  tige  qui  lui 
correspond  est  passée  dans  l'intérieur  de  la  navette,  et  que  la  na- 
vette est  passée  dans  riniéricur  de  l'anneau;  on  dit  que  l'anneau 
tslbaisséoM  descendu,  dans  le  cas  contraire;  le  baguenaudier 
est  monté,  lorsque  tous  ses  anneaux  sont  levés  ;  il  est  démonté^ 
lorsque  tous  ses  anneaux  sont  baissés;  alors  la  navette  se  trouve 
complètement  séparée  du  système  des  anneaux. 

DU    DÉPLACEMENT     d'uN    ANNEAU. 

Supposons  que  l'on  tienne  horizontalement,  et  de  la  main 
gauche,  la  navette  du  baguenaudier  complètement  monté,  ainsi 
qu'on  le  vend  dans  le  commerce  ;  il  est  facile  de  constater  que  le 
premier  anneau  peut  être  baissé;  pour  cela,  on  le  prend  de  la 
main  droite,  on  tire  la  navette  à  gauche,  et  Ton  passe  l'anneau 
dans  l'intérieur  de  la  navette  ;  de  cette  fnçon  le  premier  anneau 
se  trouve  baissé;  on  le  remonte  par  l'opérati'on  inverse.  Lorsque 
le  premier  anneau  est  baissé,  on  ne  peut  déplacer  le  second,  et 
on  ne  peut  baisser  que  le  troisième,  ou  le  remonter  par  l'opéra- 
tion inverse  ;  mais  si  le  premier  et  le  troisième  anneau  sont  bais- 
sés, on  ne  peut  en  baisser  aucun  autre. 

Dans  le  cas  général,  il  résulte  de  la  construction  même  du 


Le  jeu  du  baguenaudier.  iy5 


baguenaudier,  que  Je  déplacement  d'un  seul  anneau  est  soumis 
aux  principes  suivants  : 

1°  Dans  une  position  quelconque  des  anneaux  du  baguenau- 
dier, on  peut  toujours  baisser  le  premier  anneau  s'il  est  levé,  ou 
le  lever  s'il  est  baissé. 

2"  Pour  qu'un  anneau  de  rang  quelconque  puisse  être  déplacé, 
c'est-à-dire  levé  ou  baissé,  il  faut  et  il  suffit  qu'il  se  trouve  placé 
immédiatement  à  la  gauche  d'un  anneau  monté,  et  que  celui-ci 
soit  le  seul  anneau  monté  à  la  droite  de  l'anneau  considéré. 

Dans  le  cas  où  l'on  ne  déplace  qu'un  seul  anneau  à  la  fois,  la 
marche  du  jeu  est  appelée  marche  Of^dinaire. 


'^^^ 


DU    DEPLACEMENT  DE   DEUX   ANNEAUX. 

Il  y  a  exception,  dans  le  déplacement  des  anneaux,  pour  la 
marche  des  deux  premiers  anneaux,  qui  peuvent  être  montés  ou 
descendus,  pris  simultanément  ;  mais  il  n'existe  aucun  groupe 
de  deux  autres  anneaux,  ou  de  plus  de  deux  anneaux,  que  l'on 
puisse  faire  marcher  en  même  temps.  Lorsque  l'on  emploie  cette 
manœuvre  simultanée  des  deux  premiers  anneaux,  la  marche  du 
jeu  est  plus  rapide;  nous  l'appellerons  marche  accélérée.  On 
peut  monter  ou  baisser  simultanément  les  deux  premiers  anneaux 
dans  une  position  quelconque  des  autres  anneaux  de  l'appareil , 
mais  on  verra  facilement  que  si  l'on  doit  les  monter  tous  deux 
en  même  temps_,  on  descend  ensuite  le  premier.  Dans  ce  qui  suit, 
nous  ne  nous  occuperons  tout  d'abord  que  de  la  marche  ordinaire 
qui  est  plus  commode  à  considérer  théoriquement  ;  nous  donne- 


Septième  rccréjition. 


rons  ensuite  un  tableau  qui  permet  d'en  conclure  immédiate- 
ment la  théorie  du  Jeu  dans  sa  marche  accélérée. 

Pour  représenter  les  diverses  phases  du  jeu,  nous  figurerons  la 
navette  par  une  droite  horizontale,  les  anneaux  levés  par  des 
ronds  placés  au-dessus,  dans  leur  situation  respective,  et  les 
anneaux  baissés_,  par  des  ronds  placés  au-dessous.  Ainsi  {fig.  oj). 


Fig.  37. 
765432 


0000000 

o   o   c   c   o   o   o 

c   c   c   o   c   o 

o 
c   c   o   o   o      o 

o 
00000 

000      o 


A 
B 

c 

D 
E 
F 


A  désigne  le  baguenaudier  de  7  anneaux,  complètement  démonté; 
B  désigne  le  même  appareil  entièrement  monté.  Par  un  seul 
mouvement,  on  peut  déduire  G  ou  D  de  B,  soit  en  baissant  le 
premier  anneau,  soit  en  baissant  le  second;  on  peut  aussi  dé- 
duire E  de  B  par  un  seul  mouvement,  en  baissant  simultané- 
ment les  deux  premiers  anneaux;  on  peut  aussi  déduire  E  de  D 
par  le  déplacement  du  premier  anneau,,  toujours  libre  ;  mais  on 
ne  pourrait  déduire  immédiatement  E  de  G.  Ges  observations 
s'appliquent  encore,  quelles  que  soient  les  positions  des  an- 
neaux 4,  5,  6  et  7. 

Dans  la  position  C,  on  ne  peut  baisser  que  le  troisième  anneau  ; 


Le  jeu  du  baguenaudier.  lyy 

de  même,  dans  la  position  E,  on  ne  peut  baisser  que  le  qua- 
trième, pour  produire  la  position  F.  Dans  celle-ci,  si  Ton  veut 
baisser  le  troisième  anneau,  il  faut  d'abord  remonter  les  deux 
premiers,  puis  baisser  le  premier  pour  descendre  le  troisième. 


PROBLEME  GENERAL  DU  BAGUENAUDIER. 

Cela  posé,  le  problème  général  que  nous  allons  résoudre  est 
le  suivant  :  On  donne  deux  dispositions  quelconques  des  an- 
neaux^ sur  la  navette  d'un  baguenaudier  de  grandeur  arbi- 
traire ;  déterminer  V ordre  et  le  nombre  des  déplacements  à 
opérer,  pour  passer  d'une  disposition  à  Vautre,  en  supposant 
que  le  nombre  des  mouvements  des  anneaux  soit  le  plus  petit 
possible.  En  particulier^  déterminer  V  ordre  et  le  nombre  mini- 
mum des  déplacements  des  anneaux^  pour  monter  ou  pour  dé- 
monter entièrement  le  baguenaudier. 

Nous  supposerons  d'abord  qu'il  s'agisse  delà  marche  ordinaire 
en  ne  déplaçant  qu'un  seul  anneau  à  la  fois.  Le  problème  géné- 
ral du  baguenaudier  se  résout  immédiatement  au  moyen  de  la 
notation  ingénieuse  de  chacune  des  dispositions  du  baguenau- 
dier, qui  a  été  imaginée  par  l'auteur  lyonnais.  Tous  les  anneaux 
sont  représentés,  dans  l'ordre  de  gauche  à  droite,  par  l'un  des 
caractères  0  et  1,  avec  les  conventions  suivantes.  Le  premier 
anneau  levé,  à  partir  de  la  gauche,  est  désigné  par  1,  et  les  an- 
neaux levés,  situés  à  droite,  sont  alternativement  représentés  par 
0  et  1,  sans  tenir  compte,  dans  cette  alternance,  des  anneaux 
baissés;  quant  aux  anneaux  baissés,  ils  sont  indiqués,  à  leurs 
places  respectives,  par  le  signe  du  premier  anneau  levé  à  leur 
E.  Lucas.  —  Récréations  matlicm.  12 


178  Septième  récréation. 


gauche,  et  par  0,  lorsqu'il  ne  s'en  trouve  aucun.  En  d'autres 
termes,  en  allant  de  gauche  à  droite,  tout  anneau  levé  implique 
une  variation  du  signe  de  l'anneau,  levé  ou  baissé,  à  gauche; 
tout  anneau  baissé  implique  une  permanence  du  signe  de  l'an- 
neau à  gauche.  On  trouvera  plus  loin  le  tableau  des  coups 
successifs  du  baguenaudier  avec  la  figuration  ordinaire  dans  la 
colonne  Baguenaudes^  et  la  notation  de  M.  Gros  dans  la  colonne 
Binaïj^cs. 


MARCHE    ORDINAIRE. 


La  notation  du  baguenaudier,  que  nous  venons  d'exposer^  repré- 
sente un  nombre  écrit  dans  le  système  de  numération  binaire. 
Considérons  une  position  quelconque  du  baguenaudier  : 


^     ^     ° 110  10  0  0; 


dans  cette  position,  on  peut  passer  à  deux  autres  :  la  première, 
en  élevant  le  premier  anneau,  à  la  droite,  ce  qui  donne 


^    ^     " ^       110  10  01; 


la  seconde,  en  baissant  le  quatrième  anneau,. ce  qui  donne 

^ Z 110  0  111. 

0000 

Dans  le  premier  déplacement,  on  a  augmenté  la  notation  cor- 
respondante du  système  binaire  d'une  unité  ;  dans  le  second,  on 
a  diminué  cette  notation  d'une  unité.  Il  en  est  de  même  pour 


Le  jeu  du  baguenaudier.  lyQ 


toute  disposition  des  anneaux.  Par  conséquent,  la  marche  ordi- 
naire du  baguenaudier  correspond  exactement  à  la  formation 
successive  de  tous  les  nombres  écrits  dans  la  numération  binaire; 
on  monte  le  baguenaudier,  en  formant  les  nombres  successivement 
à  partir  de  zéro  ;  on  démonte  le  baguenaudier,  en  suivant  Tordre 
décroissant  des  nombres  entiers.  D'ailleurs,  on  observera  que 
pour  monter  le  baguenaudier  il  suffit  de  déplacer,  en  commen- 
çant par  la  droite,  le  premier  anneau  représenté  par  0;  pour  le 
démonter,  au  contraire,  il  faut  déplacer  le  premier  anneau  à 
droite  représenté  parle  chiffre  1. 

Pour  résoudre  le  problème  général  que  nous  avons  posé,  c'est- 
à-dire  pour  passer  d'une  disposition  quelconque  à  une  autre,  on 
écrit  les  deux  dispositions  dans  le  système  binaire,  on  prend  la 
différence  ;  puis  on  transforme  ce  nombre  dans  le  système  déci- 
mal; on  obtient  ainsi  le  nombre  minimum  de  déplacements 
pour  passer  de  l'une  à  l'autre  position.  On  effectuera  ce  change- 
ment en  montant  ou  en  démontant  le  baguenaudier,  suivant  que 
le  premier  nombre  de  la  notation  est  plus  petit  ou  plus  grand  que 
le  second. 

NOMBRE    DES    COUPS    DE    NAVETTE. 

Il  est  facile,  d'après  cela,  de  déterminer  le  nombre  des  coups 
dans  la  marche  complète  du  baguenaudier  de  7  anneaux.  Lors- 
que tous  les  anneaux  sont  montés,  on  a  pour  la  notation 

10  10  10  1, 

ou,  dans  le  système  décimal, 

26  4_  2^-  2-  4-  I  -.85. 


i8o  Septième  récréation. 


Donc,  il  faut  opérer  85  déplacements  pour  monter  ou  pour 
démonter  le  baguenaudier  de  sept  anneaux,  dans  la  marche  ordi- 
naire. De  même,  pour  le  baguenaudier  de  dix  anneaux,  il  faut 
682  coups  de  navette,  puisque  l'on  a 

29  +  2'^  -f-  2^  -f-  2^  +  2  =  682. 

En  général,  si  l'on  désigne  par  Pn  le  nombre  des  déplacements 
nécessaires  pour  monter  ou  pour  démonter  le  baguenaudier 
de  n  anneaux,  on  a,  pour  n  pair  égal  à  2k, 

22/.-t-l o 

P2/,=  22/'^-l-i-  2-^'-^-{-  ...  -f-  2^4-  2=  ^ -, 

et  pour  n  impair  égal  k  2k  -\-  i , 

0  2A-4-2  _  ^ 
P2/,+i—  22/^- +22^-2+  ...  -1-224-  I  = r^ 

On  peut  réunir  ces  deux  formules  en  une  seule,  en  disant 
que  Pn  est  toujours  égal  au  plus  grand  nombre  entier  contenu 
dans  le  tiers  de  2"^-^^ 

Nous  donnons,  dans  le  tableau  qui  termine  cette  récréation, 
la  fissuration  des  seize  premiers  coups  ascendants  du  baguenaudier 
de  5,  6  ou  7  anneaux;  la  colonne  n  indique  la  succession  des 
coups  dans  la  marche  ordinaire,  le  tableau  contient  aussi  la  figu- 
ration des  quinze  derniers  coups  du  baguenaudier  de  7  anneaux  ; 
on  observera,  en  effet,  que,  bien  que  le  baguenaudier  soit  monte 
par  85  changements,  on  peut  encore  compliquerTétat  de  situation 
des  anneaux  jusqu'au  127*^  coup,  pour  se  préparer  à  monter  le 
huitième  anneau  comme  s'il  existait.  C'est  à  cette  différence  entre 
le  baguenaudier  monté  et  le  baguenaudier  plus  compliqué,  que 
Ton  doit  attribuer  la  divergence  des  calculs  des  trois  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  cet  instrument.  En  général,  pour  arriver  à  l'état  le 


Le  jeu  du  bagueuaudier. 


plus  compliqué  du  baguenaudier  de  n  anneaux  dans  la  marche 
ordinaire,  il  faut  un  nombre  de  dérangements  égal  au  nombre 
formé  par  n  unités  dans  le  système  binaire,  c'est-à-dire  2" —  i. 

Ce  nombre  est  précisément  le  total  des  combinaisons  de  n  ob- 
jets pris  un  à  un^  deux  à  deux,  . . .  ,  «  à  /î,  de  telle  sorte  que 
ce  jeu  donne  la  représentation  de  toutes  les  combinaisons,  sans 
répétition,  des  n  objets,  ainsi  que  l'ordre  dans  lequel  on  doit 
numéroter  les  combinaisons. 


SUR   LES    COMBINAISONS 

En  général,  on  sait  que  l'on  appelle  combinaisons  simples,  ou 
sans  répétition,  de  n  lettres  prises  p  k  p,  toutes  les  dispositions 
de  p  lettres  qui  ne  diffèrent  que  par  le  choix  des  objets,  et  non 
par  l'ordre  dans  lequel  ils  sont  placés.  On  désigne  habituellement 
ce  nombre  par  C„,p,  et  l'on  a 

I  4-C,,,i  -f.C„,.-l-  ...  -f-C„,„=r  2^^. 

Dans  les  cours  d'algèbre_,  on  démontre  ce  théorème  par  la  for- 
mule du  binôme  de  Newton,  qui  donne  le  développement 
de  [x  4-  i)'*,  en  supposant  ensuite  a-  égal  à  l'unité.  Cependant  ce 
théoième  sur  les  combinaisons  paraît  avoir  été  connu  bien  avant 
la  formule  du  binôme;  voici  la  démonstration  donnée  par  les 
anciens  auteurs;  elle  repose  sur  l'idée  fondamentale  qui  préside 
à  l'accroissement  des  sciences  mathématiques,  c'est-à-dire  sur 
l'observation  et  sur  l'induction. 

Prenons,  par  exemple,  quatre  lettres  a,  b^  c^  d\  formons  toutes 


Septième  récréation. 


les  combinaisons  possibles  de    ces  quatre  lettres;    ajoutons-y 
l'unité;  nous  avons  le  tableau  suivant  : 

a,  b,  c,  d, 

ab,  ac^  ad^  bc^  bd,  cd^ 

abc,  abd^  acd,  bcd, 

abcd. 

Le  nombre  total  des  combinaisons  est  2*;  prenons  maintenant 
une  cinquième  lettre  c,  formons  un  nouveau  tableau  en  ajoutant 
cette  lettre  à  toutes  les  combinaisons  du  tableau  précédent,  nous 
avons,  en  plus, 

ae,  be,  ce,  de, 

abe,  ace,  ade,  bce,  bde,  cde, 

abce,  abde,  acde,  bcde, 

abcde. 

Le  nombre  des  combinaisons  possibles  de  cinq  lettres  est  le 
double  de  celui  de  quatre  lettres  ou  2^  et  ainsi  de  suite.  On  re- 
tranche ensuite  l'unité  du  tableau. 


DURÉE    DE  LA    MANŒUVRE. 


Depuis  la  publication,  dans  la  Revue  scientifique,  de  notre 
article  sur  le  baguenaudier,  nous  avons  reçu  de  M.  L.  Gros  une 
lettre  intéressante,  de  laquelle  nous  extrairons  le  passage  suivant  : 
a  Je  regrette  de  n'avoir  pas  indiqué,  dans  ma  théorie,  le  temps 


Le  jeu  du  baguenaudier.  i83 


qui  est  nécessaire  pour  monter  ou  démonter  le  baguenodier. 
Je  l'ai  fait  dans  une  note  très  réduite  que  je  n'ai  pas  publiée.  Je 
vais  vous  donner  ces  indications  dont  vous  pourrez  tirer  parti, 
si  vous  les  trouvez  bonnes. 

«  Le  baguenodier  est  toujours  livré  avec  un  nombre  impair 
d'anneaux.  Cela  est  utile  à  ceux  qui  savent  que,  pour  démonter 
le  baguenodier  dont  tous  les  anneaux  sont  élevés,  il  tant  com- 
mencer par  abaisser  le  premier,  puis  le  troisième  anneau.  Celui 
qui  n'est  pas  averti  abaisse  les  deux  premiers  anneaux,  puis  le 
quatrième;  il  s'éloigne  de  son  but  et  il  tend  vers  l'état  extrême, 
où  la  navette  ne  contient  que  la  verge  du  dernier  anneau. 

(c  Combien  faut-il  de  temps  pour  monter  ou  démonter  le  ba- 
guenodier? On  fait  sans  peine  64  changements  par  minute  : 
en  se  hâtant  beaucoup,  on  peut  arriver  à  80.  Mais  admettons  64 
comme  un  nombre  moyen  : 

5  anneaux  tous  élevés  exigent     21  changements,  soit         20^; 

7        —  —  —  85  —  i°^2o'; 

9        —  —  —         341  —  5^20'; 

II         —  —  —        i365  —  21  "'20''; 

l3  —  —  5461  —  I^25'"20^ 

((  De  même,  2  5  anneaux  exigeraient  plus  de  349  5 00™;  par 
conséquent,  pour  démonter  un  baguenodier  de  25  anneaux, 
il  faudrait,  à  raison  de  10  heures  par  jour,  plus  de  582  jours.  » 

MARCHE   ACCÉLÉRÉE.  -  r  , 

Nous  avons  encore  donné,  dans  le  tableau  final,  une  co-^ 
lonne  N  qui  indique  le  nombre  des  déplacements  dans  la  marché 


184  Septième  récréation. 


accélérée.  Ce  tableau  fait  voir  que  la  marche  accélérée  est  soumise 
aux  règles  suivantes  : 

1°  Lorsque  l'on  monte  le  premier  anneau,  on  doit  monter  en 
même  temps  le  second; 

2°  Lorsque  Ton  a  monté  les  deux  premiers  anneaux,  on  doit 
ensuite  baisser  le  premier. 

Le  tableau  montre,  de  plus,  que  huit  coups  consécutifs  de  la 
marche  ordinaire_,  de  i  à  8,  de  9  à  1 6, ... ,  correspondent  à  six  dans 
la  marche  accélérée;  par  conséquent,  si  ^désigne  le  quotient, 
et  r=:  I,  2,  3,  4,  5,  6,  7  ou  o  le  reste  de  la  division  de  72  par  8, 
on  a  le  tableau  suivant  de  correspondance 

;2z=8^+i,2,  N  =  6^4-i, 

Wr=  8^  4-  3,4,5,  N  rr:  6^  -+-  2,3,4, 

7î  =  Sq-{-  6,j,  N  —  6^  -f-  5 , 

n^Sq.  N  =  6^. 

Il  sera  facile  de  déterminer,  dans  la  marche  accélérée,  le 
nombre  de  coups  nécessaires  pour  passer  d'une  position  à  une 
autre.  En  particulier,  si  l'on  désigne  par  Q,,,  le  nombre  des  dépla- 
cements dans  le  montage  ou  dans  le  démontage  accéléré,  on 
trouve,  suivant  que  n  est  impair  et  égal  à  2  /c-f-  i,  ou  pair,  et 
égal  à  2  /.'_, 

Qu-^,=  2^-'-    et    Q2/.=  2^'-^-i, 

résultat  obtenu  par  M.  Parmentier  par  une  voie  différente. 
On  trouvera  encore  que  l'expression 

3.  2«-2—  I 

représente  le  nombre  des  coups  qui  correspondent  à  l'état  le  plus 
compliqué  du  baguenaudier  de  n  anneaux  dans  la  marche  accé- 
lérée. '    . 


Le  jeu  du  baguenaudier, 


i85 


TABLEAU    DES    DEUX    MARCHES    DU    BAGUENAUDIER, 

Les  sei\e  premiers  coups. 


N. 

n. 

BAGUENAUDES. 

BINAIRES. 

1 

2 
3 
4 

5 

6 

I 
2 

3 

4 
5 
(> 

7 
8 

O 

0  0  0  0  0  0  1 
0  0  0  0  0  10 
0  0  0  0  0  11 
0  0  0  0  10  0 
0  0  0  0  10  1 
0  0  0  0  110 
0  0  0  0  111 
0  0  0  10  0  0 

O          O          C          O          O          O 

o       o 

C'       o        o        o        o 

o 

o       o       o       o       c                c 
c       o 

o       o       o       o                       o 
o       o       o 

o       o       o       o 

o               o 

c       c       c       o                o 
o 

o       o       o       o                o       o 
o       o 

c       c       o                        ce 

7 

8 
9 

10 
11 

12 

9 

10 

1 1 

12 

i3 

H 
i5 
i6 

o       o               o 

0  0  0  10  0  1 
0  0  0  10  10 
0  0  0  10  11 
0  0  0  110  0 
0  0  0  110  1 
0  0  0  1110 
0  0  0  1111 
0  0  10  0  0  0 

o       o       o                        o 

o       o       o       o 

o       c       o 

o       o       o 

o       o       o                                 o 
o                o 

o       o       o                o                o 
c                c       o 

o       c       o               o 

o                        o 

o       o       o               o       o 

o 

o       o       o               o       o       o 
o       o 

o       o                        o       o       o 

i86 


Septième  récréation.  —  Le  jeu  du  baguenaudier. 


TABLEAU    DES    DEUX    MARCHES    DU    BAGUENAUDIER. 
Les  quinze  derniers  coups. 


N. 

85 

86 
87 
88 
89 

90 


i3 
14 
i5 
16 

17 
18 

19 
20 


BAGUENAUDES. 


000 
00  00 

o  000 

00  O 

O  c  o 

00  o  o 

o  0000 

o       o 
o  000 

00  o 

o  000 

00  00 

o  00 

00  00 

o  c 

o        c        o  00 

o  00 

000  o 

o  000 

000 

o  00 

o       c       o  o 

o  o 

0000  o 

o  00 

0000 
o  o 

o       c       o       o       o 
o 


BINAIRES. 

1  1  1  0  0  0  1 

1110  0  10 

1110  0  11 

1110  10  0 

1110  10  1 

1110  110 

1110  111 

11110  0  0 

9i 

92 
93 
94 
95 


22 

23 

24 

25 

26 
27 


000000 


11110  0  1 
11110  10 
11110  11 
111110  0 
111110  1 
1111110 
1111111 


HUITIÈME   RÉCRÉATION. 

LE  JEU    DU    TAQUIN 


ri  Monsieur  Ange  Laisant,  député  de  la  Loire- Inférieure^ 
docteur  es  sciences  mathématiques. 


<c  Ah!  ah!  vous  voilà,  monsieur  le  philosophe!  Que 
faites-vous  ici  parmi  ce  tas  de  fainéants?  Est-ce  que 
vous  perdez  aussi  votre  temps  à  pousser  le  bois?  » 

(Diderot.  —  Le  Ne'veu  de  Rameau.) 


HUITIEME  RÉCRÉATIOxN. 


LE    JEU     DU    TAQUIN. 


HISTORIQUE. 

LE  jeu  connu  actuellement  sous  le  nom  de  Jeu  du  Taquin  a 
été  imaginé  en  Amérique,  vers  la  fin  de  1878,  par  un 
sourd-muet  qui  se  proposa,  par  hasard,  de  ranger  dans  une 
boîte  des  numéros  qui  s'y  trouvaient  déplacés,  sans  les  en  faire 
sortir.  C'est  là  l'origine  qui  m'a  été  indiquée,  au  congrès  de 
Reims  de  l'Association  française  pour  l'Avancement  des  Sciences, 
par  M.  Sylvester,  correspondant  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Paris,  professeur  de  l'Université  J.  Hopkins,  à  Baltimore. 

Dès  son  apparition,  il  obtint  une  grande  vogue  à  Baltimore,  à 
Philadelphie  et  dans  les  principales  villes  des  États-Unis  de 
l'Amérique  du  Nord.  Peu  après,  il  fut  importé  en  France,  et 
offert  en  prime,  par  divers  journaux  politiques  et  illustrés,  sous 
le  nom  de  double  casse-tête  gaulois.  Son  succès  en  Europe  a  été 
encore  plus  grand  qu'en  Amérique.  Ce  n'est  pas  la  première  fois 


;qo  Huitième  récréation. 


qu'un  pareil  engouement  s'est  produit  chez  nous.  Baciiaumont 
raconte  qu'en  1746  les  polichinelles  et  les  arlequins,  à  pieds  et  à 
bras  mobiles,  faisaient  fureur.  «  On  ne  peut  plus  aller,  dit-il, 
dans  aucune  maison,  qu'on  n'en  trouve  de  pendus  à  toutes  les 
cheminées.  On  en  fait  présent  à  toutes  les  femmes  et  filles,  et  la 
faveur  en  est  au  point  que  les  boulevards  en  sont  remplis  pour 
les  étrennes.  y^ 

La  théorie  mathématique  de  ce  jeu  a  été  publiée  pour  la  pre- 
mière fois,  dans  le  Journal  de  mathématiques  de  M.  Sylvester  ('). 
Cette  théorie  a  été  donnée  par  M.  Woolsey  Johnson, d'Annapolis, 
etgénéraliséepar  M.  W.-E.  Story.  Nous  avons  d'abord  profité  des 
Notes  on  the  iS^Tu^^le  de  ces  deux  auteurs;  mais  depuis,  nous 
avons  simplifié  les  démonstrations;  nous  indiquons  ultérieu- 
rement des  généralisations  et  des  extensions  considérables  de  ce 
jeu.  Ce  jeu  fort  intéressant  est  la  représentation  sensible  d'une 
partie  d'une  importante  théorie  d'algèbre,  imaginée  par  Leibniz, 
et  connue  actuellement  sous  le  nom  de  théorie  des  déterminants. 
Aussi,  avec  les  rédacteurs  de  VoAmeric  an  journal,  doit-on  consi- 
dérer la  théorie  et  la  manœuvre  de  ce  jeu  comme  une  sorte  d'in- 
troduction à  l'étude  de  cette  partie  de  l'algèbre  moderne. 

(')  American  Journal  of  mathematics  pure  and  applied,  publied  under 
the  auspices  of  the  Johns  Hopkins  University.  Baltimore,  1879. 


Le  jeu  du  taquin. 


91 


DEFINITION  DU  TAQUIN. 

Sur  le  fond  d'une  boîte  carrée,  ou  sur  un  échiquier  de  seize  cases, 
on  place  dans  un  ordre  quelconque  seize  cubes  ou  pions  numé- 
rotés de  I  à  16;  puis,  on  enlève  du  casier  un  cube  quelconque,  de 
telle  sorte  qu'il  se  trouve  une  case  vide.  Cela  fait,  il  faut  par  le 
glissement  des  cubes,  en  profitant  de  la  case  vide,  ramener  les 


Fig.  38. 


Position  fondamentale. 


pions  dans  l'ordre  régulier,  puis  replacer  le  cube  enlevé  sur  la 
case  vide,  de  manière  à  obtenir  la  position  fondamentale  repré- 
sentée dans  la  Jîg.  38. 


192 


Huitième  récréation. 


Supposons  que  Ton  ait  placé  les  cubes  sur  le  fond  de  la  boîte 
et  enlevé  le  numéro  16,  conformément  à  la/^.  39,  qui  est  l'une 


39. 


7 

4           6 

II 

8 

5 

2 

9 

3 

14 

12 

i5 

i3          I 

10 

Une  position  initiale. 

des  positions  initiales.  Dans  celle-ci,  on  ne  peut  déplacer  tout 
d'abord  que  l'un  des  cubes  numérotés  5,  6,  2  ou  14,  en  faisant 
glisser  Tun  deux  sur  la  case  vide  ;  puis  on  peut  continuer  de  même. 
Il  y  a  donc  lieu  de  se  demander  combien  il  existe  de  positions 
initiales,  puis  de  rechercher  si  l'on  peut  ramener  à  la  position  fon- 
damentale toutes  les  positions  initiales;  enfin  quelle  doit  être  la 
marche  à  suivre  pour  résoudre  le  problème  proposé. 

Nous  démontrerons  qu'il  existe  plus  de  vingt  trillions  de  posi- 
tions initiales;  on  peut  doncdire^  avec  raison,  que  le  taquin  est  un 
jeu  à  combinaisons  toujours  nouvelles.  Plus  exactement,  le 
nombre  des  positions  initiales  est 

20  922  789  888  000; 

on  peut  ramener  la  moitié  d'entre  elles  à  Tune  quelconque  des 
quatre  positions  directes,  dans  lesquelles  le  numéro  i  est  placé 


Lii  jeu  du  ta:jiiin. 


193 


aux  extrémités  de  la  première  diagonale  du  carré  {Jïg-  40  à  43}  : 


Fig.  40.  —  Ordre  L,. 


Fig.  41.  —  Ordre  G, 


■ 

2 

3 

4 

I 

5 

9 
10 

i3 

5 

6 

7 

S 

" 

6 

14 

9 

10 

1 1 

12 

3 

7 

■■ 

i3 

i3 

14 

i5 

16 

4 

' 

12 

16 

Fig.  42.  —  Ordre  C3. 


Fig.  43.  —  Ordre  U 


16 

12 

8 

7 

4 

16 
12 

i5 

14 
10 

i3 

i5 

1 1 

3 

I  r 

9 

5 

14 

10 

6 

8 

7 

6 

i3 

9 

5 

j 

4 

3 

^ 

I 

Les  quatre  positions  directes. 


On  peut  toujours  ramener  l'autre  moitié  à  l'une  quelconque 
des  quatre  positions  inverses  dans  lesquelles  le  numéro  i  est  placé 
E.  Lucas.  —  Récréations  tnathém.  i3 


194 


Huitième  récréation. 


aux  extrémités  de  la  seconde  diagonale  du  carré  [fig.  44  à  47) 
Fig.  44.  —  Ordre  Lj.  Fig.  45.  —  Ordre  Cj. 


Fig.  46.  —  Ordre  G,. 


4 

3 

2 

■ 

I 

i3 

9 

5 
() 

I 

8 

7 

6 

5 

'4 

IC 

3 

12 

1 1 
i5 

10 

9 

i5 

II 

7 
8 

16 

.4 

î3 

16 

Î2 

4 

Fig.  47.  —  Ordre  L^. 


4 

8 

12 

16 

i3 

14 

i5 

16 

7 

1 1 

i5 

9 
5 

10 

6 

1 1 

7 

12 

- 

6 

10 

14 

8 

I 

5 

9 

i3 

I 

2 

6 

4 

Les  quatre  positions  inverses. 

En  d'autres  termes,  nous  démontrerons  que  l'on  peut  toujours 
ranger  les  cubes  du  taquin  ordinaire  de  seize  cases,  suivant 
l'ordre  naturel,  en  plaçant  le  premier  à  un  coin  quelconque  du 
carré,  ou  au  coin  adjacent. 

Mais,  pour  la  résolution  de  ces  divers  problèmes,  il  est  indis- 
pensable d'entrer  dans  quelques  explications  élémentaires  sur 


Le  jeu  du  taquin.  iq5 


la  théorie   des  permutations  rectilignes  et   des  permutations 
circulaires. 


LES   PERMUTATIONS   RECTILIGNES. 

Nous  avons  déjà  indiqué,  dans  notre  quatrième  récréation,  sur 
le  problème  des  huit  reines,  la  formule  principale  de  cette  théorie, 
en  démontrant  que  le  nombre  des  manières  de  ranger  en  ligne 
droite  dix  objets  différents  est  égal  au  produit  des  dix  premiers 
nombres.  Plus  généralement,  en  désignant  par  n  le  nombre  des 
objets,  et  par  N  le  nombre  des  arrangements  en  ligne  droite,  ou 
à.Qs  permutations  rectilignes^  on  a  la  formule 

N  —    I   X  2  X  3  X    ...   X   72. 

Ainsi,  pour  sept  objets,  il  y  a  5040  permutations.  On  trouve  ce 
résultat  dans  un  ancien  ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Récréations 
mathématiques  et  -physiques  qui  contiennent  les  problèmes  et  les 
questions  les  plus  remarquables,  et  les  plus  propres  à  piquer  la 
curiosité,  tant  des  mathématiques  que  de  la  physique:  le  tout 
traité  d'une  manière  à  la  portée  des  lecteurs  qui  ont  seulement 
quelques  connaissances  légères  de  ces  sciences,  par  M.  Ozanam, 
de  l'Académie  royale  des  sciences.  Paris,  1778. 

La  première  édition  de  cet  ouvrage  amusant  date  de  1692;  la 
seconde  édition  renferme  quelques  erreurs.  On  y  rencontre  la 
question  suivante  :  0  Sept  personnes  devant  dîner  ensemble,  il  s'é- 
lève entre  elles  un  combat  de  politesse  sur  les  places  (c'est,  sans 
aucun  doute,  dans  quelque  ville  de  province  éloignée  de  la  capi- 
tale, ajoute  naïvement  le  commentateur)  ;  enfin  quelqu'un  voulant 
terminer  la  contestation  propose  de  se  mettre  à  table  comme  l'on 


iô6  Huitième  récréation. 


se  trouve,  sauf  à  dîner  le  lendemain  et  les  jours  suivants,  jusqu'à 
ce  qu'on  ait  épuisé  tous  les  arrangements  possibles.  On  demande 
combien  de  dîners  devront  être  donnés  pour  cet  effet.  » 

Le  nombre  des  permutations  est  de  5040  ;  à  un  dîner  par  jour, 
cela  fait  près  de  quatorze  ans  pour  vider  la  querelle.  Et  dire  que 
si  l'on  se  fût  trouvé  treize  à  table,  il  eût  fallu,  pour  cela,  plusieurs 
millions  d'années.  Cela  donne  à  penser  et  tend  à  prouver  qu'il  ne 
faut  pas  livrer  un  tel  combat  de  politesse,  sur  les  places,  dans  un 
dîner  où  il  y  a  beaucoup  de  monde. 

LES  PERMUTATIONS  CIRCULAIRES, 

Nous  devons  faire  une  remarque  sur  la  solution  d'Ozanam  ; 
l'auteur  considère  toutes  les  places  comme  absolument  distinctes  ; 
cependant  lorsque  les  convives  sont  placés  autour  d'une  table 
ronde,  et  que  l'on  ne  tient  pas  compte  du  voisinage  de  la  chemi- 
née, de  la  porte  ou  d'une  fenêtre,  la  position  respective  ne  change 
pas,  si,  à  un  signal  donné,  les  convives  se  lèvent  tous  et  vont 
s'asseoir  sur  le  siège  de  leur  voisin  de  droite  ;  doit-on  alors  consi- 
dérer ces  deux  dispositions  comme  distinctes  ?  Non,  en  vérité,  si 
la  table  est  ronde  ;  et  comme  les  convives  peuvent  encore  se  dépla- 
cer simultanément  d'un  rang  vers  la  droite,  et  ainsi  six  fois  suc- 
cessivement, on  est  amené  à  reconnaître  que  l'auteur  a  compté 
comme  distinctes  sept  permutations  rectilignes  qui  ne  font 
qu'une  seule  et  mèvaQ permutation  circulaire.  En  conséquence, 
le  nombre  des  dîners  des  sept  convives  ou  des  permutations 
circulaires  de  sept  objets  n'est  que  le  septième  de  5040  ou  720. 


Le  jeu  du  taquin.  jgj 


En  outre,  on  doit  observer  qu'au  lieu  de  se  placer  de  gauche  à 
droite,  les  convives  peuvent  tous  se  placer  de  droite  à  gauche,  de 
telle  sorte  que  le  voisin  de  droite  est  devenu  celui  de  gauche,  et 
inversement.  Il  faut  donc  encore  diviser  par  2  le  nombre  trouvé; 
cela  ne  fait  plus  que  3  60  dîners,  et  les  convives  en  seront  quittes 
à  la  fin  de  l'année. 

Il  nous  reste  à  parler  des  dérangements  produits  par  ces  per- 
mutations; cela  fait,  nous  reprendrons  le  casse-tête. 


LES  DERANGEMENTS. 

Avec  deux  objets,  les  chiffres  1  et  2,  par  exemple,  on  forme  les 
deux  permutations  rectilignes 

12    et    21. 

Dans  la  première,  les  objets  sont  rangés  dans  l'ordre  naturel; 
dans  la  seconde,  il  y  a  inversion  de  cet  ordre;  on  dit  alors  que  la 
permutation  contient  un  dérangement^  parce  que  le  chiffre  2  est 
placé  avant  le  chiffre  1. 

Pour  former  les  permutations  des  trois  chiffres  i,  2,  3,  on  place 
le  chiffre  3  après  l'une  des  deux  permutations  précédentes,  et  l'on 
a  ainsi 

123    et    213; 

on  n'a  introduit  aucun  dérangement  nouveau,  puisque  le  chiffre 
3  vient  après  1  et  2,  dans  l'ordre  naturel.  Mais  si  nous  faisons 
avancer  ce  chiffre  d'un  rang  vers  la  gauche, 


132    et    231, 


[qS  Huitième  récréation. 


nous  introduisons  alors  un  dérangement  dans  la  première  per- 
mutation, et  un  nouveau  dérangement  dans  la  seconde;  en  fai- 
sant avancer  encore  le  chiffre  3,  comme  ci-dessous, 

312    et    321, 

la  permutation  312  contient  deux  dérangements,  et  la  suivante 
321  en  contient  trois.  Il  y  a  lieu,  dès  maintenant,  de  donner  la 
définition  du  dérangement;  il  y  a  dérangement  ou  inversion 
dans  une  suite  dénombres  différents  écrits  sur  une  ligne  horizon- 
tale dans  un  ordre  quelconque,  toutes  les  fois  qu'un  nombre  se 
trouve  placé  à  la  gauche  d'un  nombre  plus  petit. 

Pour  compter  le  nombre  des  inversions  d'une  permutation, 
on  peut  procéder  de  deux  manières  différentes  :  i°  en  comptant 
pour  chaque  terme  le  nombre  des  termes  qu'il  commande^  ou  qui 
sont  à  sa  droite,  plus  petits  que  lui,  et  faisant  le  total  pour  tous 
les  termes  ;  2°  en  comptant  pour  chaque  terme  le  nombre  de  ceux 
qu'il  subit,  ou  qui  sont  à  sa  gauche  plus  grands  que  lui.  Il  est 
évident  que,  par  les  deux  procédés,  on  obtiendra  le  même  résul- 
tat final;  cependant,  suivant  les  cas,  il  est  préférable  d'employer 
Tun  ou  l'autre  de  ces  deux  procédés. 


LES   DEUX   CLASSES    DES    PERMUTATIONS. 

Cela  posé,  on  divise  les  permutations  de  n  nombres  en  deux 
classes;  on  range  dans  h  première  classe,  avec  celle  qui  ne  con- 
tient aucun  dérangement,  en  écrivant  les  nombres  dans  l'ordre 
naturel,  toutes  les  permutations   qui  contiennent  un  nombre 


Le  jeu  du  taquin.  199 


pair  de  dérangements  ;  on  range  dans  la  seconde  classe  toutes 
les  permutations  qui  contiennent  un  nombre  impair  de  déran- 
gements. Pour  indiquer  qu'une  permutation  est  de  la  première 
classe,  nous  la  ferons  précéder  du  signe  -H,  et  pour  indiquer 
qu'une  permutation  est  de  la  seconde  classe,  nous  la  ferons 
précéder  du  signe  ^.  Ainsi  la  permutation  h-  12  donne 

+  123,  -  132,  T-  312, 

et  la  permutation  —  21  donne 

-  213,    f-  231,  -  321. 

On  constate  que  les  classes  des  permutations  de  Jeux  ou  de 
trois  nombres  sont  également  partagées;  il  en  est  toujours  ainsi. 
En  effet  pour  former  les  permutations  de  quatre  éléments  1,2,3,4, 
on  place  d'abord  le  nombre  4  à  la  fin  de  chacune  des  permuta- 
tions de  trois  éléments,  ce  qui  ne  change  pas  la  classe  de  la  per- 
mutation ;  en  faisant  rétrograder  le  chiffre  4  successivement  vers 
la  gauche,  on  change  successivement  le  signe  de  la  permutation  ; 
ainsi -r  231  donne  successivement,  pour  quatre  éléments, 

^  2314,  -  2341,   t-  2431,  -  4231. 

Le  tableau  suivant  renferme  toutes  les  permutations  de  quatre 
éléments,  avec  le  signe  de  la  classe  à  laquelle  elles  appartiennent; 
nous  indiquons,  dans  les  deux  premières  lignes,  les  deux  permu- 
tations de  deux  éléments,  et  les  six  permutations  de  trois  élé- 
ments, qui  permettent  d'établir  la  généalogie  des  permutations 
des  quatre  éléments. 


Huitième  récréation. 


Généalogie  des  permutations. 


+  12 

-21 

^123 

-132 

4-  312 

-213 

4   231 

-321 

—  1234 

—  1243 

-r     1423 

—  41-3 

—  1324 
-h  1342 

—  T432 

4-4132 

^-  3r?.4 
—  3142 
-+-  3412 
-4?i--^ 

-2134 
4-2143 

-24X3 

4-4213 

-4  23l4 

-2341 

4-  2431 

—  4231 

-3214 
4-3.41 
-34'ix 
-4321 

On  voit  que  le  nombre  des  signes  4-  est  égal  au  nombre  des 
signes  —  ;  par  suite,  le  nombre  des  permutations  de  chaque  classe 
est  le  même.  Il  est  facile  de  généraliser  et  de  voir  qu'il  en  est 
toujours  ainsi.  On  a  donc  la  proposition  suivante,  dans  laquelle 
on  considère  zéro  comme  un  nombre  pair  : 

Théorème  I.  —  Les  permutations  de  n  objets  se  divisent  en 
deux  classes  également  nombreuses^  suivant  que  le  nombre 
des  inversions  est  pair  ou  impair. 

On  détermine  facilement  la  classe  d'une  permutation  en  cal- 
culant le  nombre  de  ses  inversions,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut, 
et  en  supprimant  continuellement  les  multiples  de  2. 

LES   ÉCHANGES. 


Il  est  facile  devoir  que  si  l'on  échange  dans  une  permutation 
les  places  de  deux  nombres  consécutifs,  on  produit  un  change- 
ment de   classe,  puisque  l'on  a  ainsi  augmenté  ou  diminué  le 


Le  jeu  du  taquin.  2ox 


nombre  des  inversions  d'une  unité.  Plus  généralement,  si  l'on 
déplace  un  élément  de  manière  à  lui  faire  franchir  un  nombre 
quelconque  p  d'autres  éléments,  le  nombre  des  inversions  est 
modifié  d'une  quantité  qui  est  de  mê;ne  parité  que  p  ;  en  d'autres 
termes,  si  Ton  déplace  un  élément  en  lui  faisant  franchir  2,  4, 
6,  8,  ...  autres,  la  classe  de  la  permutation  n'est  pas  modifiée,  et 
si  l'ondéplace  un  élément  en  lui  faisant  franchir  i,  3,5, y,.  .  .  autres 
éléments  consécutifs,  la  classe  de  la  permutation  est  changée. 
Cela  posé,  on  a  la  proposition  suivante,  connue  sous  le  nom  de 
théorème  de  Bé^out. 

Théorème  IL  —  L'échange  de  deux  éléments  quelconques 
d'une  permutation  change  la  classe  de  la  permutation.  Plus  gé- 
néralement^ un  nombre  pair  d'échanges  d'éléments  quelconques 
d'une  permutation  n'en  modifie  pas  la  classe;  un  nombre  impair 
d'échanges  produit  sur  la  permutation  primitive  un  changement 
de  classe. 

En  effet,  il  suffit  évidemment  de  démontrer  que  l'échange  de 
deux  éléments  quelconques  produit  un  changement  de  classe. 
Supposons  que  l'on  échange  dans  la  permutation 

...  Rabc...  kl  S..., 

les  éléments  R  et  S  séparés  par^  éléments;  si  Ton  fait  franchir 
à  S  les  ^  éléments  qui  précèdent,  on  obtient 

...RSabc  ...kl...; 

puis,  si  l'on  fait  franchir  à  R  les  (^-h  j)  éléments  qui  suivent, 
on  obtient 

,..Sabc...  klR...; 


202  Huitième  récréation. 


le  nombre  des  inversions  est  donc  modidé  d'un  nombre  de  même 
parité  que  {2p  --h  i)  et,  par  suite,  d'un  nombre  impair. 

G.  Q.  F.  D. 

On  peut  encore  démontrer  le  théorème  suivant  :  Le  nombre  total  de<i 
iywersions  pour  toutes  les permutatioyis  de  n  lettres  est  la  moitié  du  produit 
du  nombre  P„  des  permutations  de  n  lettres  par  le  nombre  C„,2  des  combinai- 
sons des  n  lettres  prises  deux  à  deux.  On  peut  arriver  à  ce  résultat  de  deux 
manières  différentes  :  par  la  méthode  analytique  ou  par  la  méthode  synthé- 
tique. 

Méthode  analytique.  —  Désignons  par  D„  le  nombre  total  des  dérange- 
ments ou  des  inversions  pour  toutes  les  permutations  de  n  lettres.  Écri- 
vons d'abord  (n  -h  i)  fois  le  tableau  des  permutations  de  n  lettres  ;  nous 
avons  ainsi  (n  -~  i  )  D„  dérangements;  plaçons  maintenant  le  (?2+i)'""' 
élément  à  la  dernière  place,  à  l'avant-dernière,  ...,  à  la  seconde,  à  la  pre- 
mière place  dans  chacune  des  permutations  précédentes,  nous  produisons, 
successivement 

o,  I,  2,  ...,  {n—  i),  n 

n  'n  -h  I  )  , 

nouveaux  dérangements,  ou  en  tout ;  on  a  aonc 

^    n  (n  -^-  i) 
D«+i  =  {n  -^  i)  Dn  -\-Pn 

Posons  D/i  ==  P/i  Q.«,  il  vient  la  formule 

Par  suite,  pour  n  --^  1,2,  3,  ...,  on  a  successivement 

Q2  =  Qi  -i-  -  >  Q3  =  Q2  4-  ^  '  .-•,   Qyt  =  Q«-i  H ~  ; 

et  en  ajoutant  toutes  ces  égalités 

]  -h  2  -^  . . .  -^  (n  —  t)  _  n  (n —  \) 
Q«  =  -  — p-  • 

Méthode  synthétique.   —  Le  nombre  total  des  inversions  d'une  permu- 
tation et  de  la  permutation  écrite  dans  l'ordre  renversé  est  égal  au  nombre 

des   combinaisons  de  n  objets   pris  deux  à  deux,  ou    €«,  2  ^  -  n[n—i)'. 


Le  jeu  du  taquin.  2o3 


par  conséquent,  en  réunissant  les  deux  permutations,  on  trouve  au  total 

D/j   =    —  P/i  C/i,2.  C.   Q.   F.    D. 

Remarque.  —  On  trouverait  de  même  la  somme  de  tous  les  nombres 
formés  par  les  permutations  des  deux,  trois,  quatre,..,,  neuf  premiers 
chiffres.  Ainsi  la  somme  des  nombres  formés  par  les  permutations  des  cinq 
chiffres  i,  2,  3,  4,  5  est 


^^ 


LES   CYCLES, 


On  peut  encore  déterminer  la  classe  d'une  permutation  par  la 
méthode  plus  expéditive,  dite  des  cycles,  due  à  Cauchy.  Consi- 
dérons une  permutation  quelconque, 

8,  6,  12,  1,5,  14,  2,  II,  i3,  i5,    4,    9,    3,    10,    7; 

plaçons  au-dessus  de  chacun  de  ses  termes  les  nombres  de  la 
suite  naturelle,  ainsi  qu'il  suit  : 

Nombres  :  i,  2,    3,  4,  5,  6,   7,  8,    9,    10,  11,  12,  i3,    14,  i5; 
Pions:        8,  6,  12,  i,  5,  14,  2,  1 1,  i3,  i5,  4,     9,    3,    10,7. 

Au-dessous  du  nombre  i  se  trouve  le  numéro  8;  au-dessous 
de  8  le  numéro  1 1  ;  au-dessous  de  1 1  le  numéro  4,  au-dessous 
de  4  nous  retrouvons  le  numéro  i .  On  forme  ainsi 

Premier  cycle  :  i,  8,  11,4; 

en  partant  du  nombre  2,  on  forme 

Second  cycle  :  2,  6,  14,  10,  i5,  7; 


204  Huitième  récréation. 


en  partant  du  nombre  3,  qui  ne  figure  pas  dans  les  cycles  précé- 
dents, on  forme 

Troisième  cycle  ;  3,  12,  9,  1 3; 

enfin  il  reste  le  cycle  formé  par  un  seul  nombre 

Quatrième  cycle  :  5. 

Il  est  facile  de  voir  que  l'échange  de  deux  pions  quelconques 
augmente  ou  diminue  d'une  unité  le  nombre  des  cycles  de  la 
permutation,  suivant  que  les  pions  échangés  appartiennent  au 
même  cycle  ou  à  des  cycles  différents.  Par  suite,  la  variation  du 
nombre  des  cycles  est  de  mêaie  parité  que  le  nombre  des  échanges 
entre  les  termes  de  la  permutation.  Donc  : 

Théorème  III.  -  Deux  permutations  appartiennent  à  une 
même  classe  ou  à  deux  classes  distinctes,  suivant  que  les  nom- 
bres de  leurs  cycles  sont  ou  ne  sont  pas  de  même  parité. 

Pour  déterminer  la  classe,  on  remarquera  que  la  permutation 
suivant  Tordre  naturercontient  un  nombre  de  cycles  égal  au 
nombre  des  éléments  de  la  permutation  (  '  ) . 

(*}  Le  numéro  du  ib  septembre  1880  du  journal  la  Nature  contient  un 
article  intitulé  :  Le  dernier  mot  du  taquin,  par  M.  Piarron  de  Mondésir.  On  y 
retrouve,  sous  une  forme  peu  difFérente,  le  procédé  des  cycles.  Si  l'on  range 
les  cycles  en  deux  ordres,  suivant  qu'ils  contiennent  un  nombre  pair  ou 
impair  de  termes,  on  a  le  théorème  suivant  •.  Deux  permutations  appar- 
tiennent à  la  première  classe  ou  à  la  seconde,  suivant  que  le  nombre  des 
cycles  d'ordre  pair  est  pair  ou  impair.  D'un  autre  côté,  ce  résultat  m'a  éié 
indiqué  par  M.  Delannoy,  ancien  élève  de  l'École  Polytechnique. 


Le  jeu  du  taquin.  20 5 


L!:S    ECARTS. 


Considérons   une  permutation   quelconque  des  n    premiers 
nombres 

ai,  ^2,  ^3,  .  • . ,  <3^,  .  . .,  an) 

appelons  écart  d'un  terme  la  différence  entre  sa  valeur  numé- 
rique et  le  rang  qu'il  occupe;  désignons-le  par  e,  nous  aurons 


Gela  poséj  on  a  le  théorème  suivant  : 

Théorème  IV.  —  Si^  dans  une  permutation  des  n  premiers 
nombres  j  on  supprime  un  terme  quelconque.,  la  variation  du 
nombre  des  inversions  est  de  même  parité  que  l'écart  du  terme. 

Soient  ap  le  terme  enlevé,  Cp  et  Sp  le  nombre  des  inversions 
commandées  et  subies  par  lui;  la  variation  du  nombre  des  inver- 
sions est  évidemment  Cp  4-  Sp.  Mais  le  nombre  des  termes  qui 
précèdent  Up  est  (;?  —  i),  parmi  lesquels  s^,  sont  plus  grands  que 
lui,  et  {p  —  i—Sp)  sont  plus  petits  que  lui.  D'autre  part,  le 
nombre  des  termes  plus  petits  qui  le  suivent  est  Cp  ;  en  ajoutant 
les  deux  dernières  expressions,  on  trouve  le  nombre  total  des 
nombres  plus  petits  que  ap^  c'est-à-dire  (a^  — i);  on  a  donc 

<îp  —  I  —  i?  —  I  —  s^  -i-  Cp, 

ou  bien 

dp  — ~  P    • dp  -*""  Op  j 


2oC  Huitième  récréation. 


par  suite,  en  ajoutant  le  nombre  pair  2Sp,  on  a 

Cp  =  Cn  -h  s„,         (Mod.  2).  c.  Q.  F.  D. 


NOMBRE   DES   POSITIONS    INITIALES. 

Si  Ton  désigne  la  case  vide  par  0,  on  peut  représenter  la  situa- 
tion du  taquin,  à  un  instant  quelconque,  en  écrivantdans  l'ordre 
de  la  position  fondamentale  de  la  Jîg.  38  les  numéros  des  cubes 
mobiles  ;  ainsi  la  fig-.  3g  donne  la  permutation  des  seize  nombres 

7,  4,  6,  II    !  8,  5,  0,  2  I  9,  3,  14,  12  I  i5,  i3,  i,  10. 

La  position  de  la  case  vide  étant  arbitraire,  le  nombre  des  po- 
sitions initiales  du  taquin  est  égal  au  nombre  des  permutations 
rectilignes  de  seize  éléments  ou  au  produit  des  seize  premiers 
nombres,  c'est-à-dire  à 

20  922  789  888000 

positions  initiales.  Dans  le  cas  011  on  laisse  toujours  la  même  case 
à  découvert,  le  nombre  des  positions  initiales  est  seize  fois  plus 
petit. 

LES    IMPOSSIBILITÉS  DE  POSITION, 

Dans  chacune  des  positions  initiale  et  finale,  on  suppose  un 
cube  portant  le  numéro  !{éro  dans  la  case  vide;  on  trace  dans  la 
position  finale  un  chemin  quelconque  passant  par  toutes  les  cases, 


Le  jeu  du  taquin.  207 


et  une  seule  fois  par  chacune  d'elles,  en  admettant  même  que  ce 
chemin  procède  par  bonds  quelconques  ;  on  trace  le  même  chemin 
dans  la  position  initiale;  on  considère  les  deux  permutations  for- 
mées par  la  succession  des  numéros  des  cubes  dans  ces  deux  che- 
mins; de  plus,  on  suppose  que  les  cases  du  taquin  sont  alternati- 
vement noires  et  blanches,  comme  celles  de  l'échiquier.  Gela  fait;, 
on  a  la  proposition  suivante  : 

Théorème  V.  —  Si  les  cases  vides  sont  de  même  couleur,  il  est 
impossible  de  passer  d'une  position  initiale  à  une  position  finale 
de  classe  différente;  si  les  cases  vides  sont  de  couleurs  diffé- 
rentes, il  est  impossible  de  passer  d'une  position  initiale  à  une 
position  finale  de  même  classe. 

En  effet,  la  règle  du  jeu  revient  à  échanger  le  cube  fictif  zéro 
à  chaque  coup,  avec  un  autre  occupant  une  case  de  couleur 
différente;  donc,  dans  le  premier  cas,  on  ne  pourra  passer  d'une 
position  à  l'autre  que  par  un  nombre  pair  d'échanges,  c'est- 
à-dire  sans  changer  la  classe  delà  permutation;  dans  le  second 
cas,  on  ne  pourra  passer  d'une  position  à  l'autre  que  par  un 
nombre  impair  d'échanges,  c'est-à-dire  en  changeant  la  classe 
de  la  permutation.  Ce  théorème  s'apphqueà  un  jeu  plus  général, 
dans  lequel  on  échangerait  le  cube  fictif  ^éro  avec  un  cube 
placé  sur  une  case  de  couleur  différente. 

On  peut  évidemment  supprimer  le  nombre  0  dans  les  deux 
suites,  s'il  donne  lieu  dans  l'une  et  l'autre  à  des  écarts  de  même 
parité.  Dans  la  pratique,  on  tracera  le  chemin  de  manière  que, 
dans  la  position  finale,  il  donne  la  suite  naturelle  des  nombres; 
on  joue  ensuite  quelques  coups  sur  la  position  initiale,  de  manière 
à  amener  la  case  vide  à  la  place  correspondante  de  la  position 


^^^  Huitième  récréation. 


finale;  alors  on  peut  se  dispenser  de  tenir  compte  du  léro  dans 
les  permutations.  En  effet,  il  est  fcicile  de  voir  que  si,  dans  deux 
permutations,  des  termes  plus  grands  ou  plus  petits  que  les  autres 
occupent  les  mêmes  rangs,  on  peut  les  supprimer  sans  changer 
la  parité  de  la  différence  des  nombres  de  leurs  inversions. 

Par  la  considération  de  Téchiquier,  on  peut  étendre  la  règle 
du  jeu,  en  admettant  que  l'on  puisse  enlever  un  numéro  d'une 
case  de  couleur  opposée  à  la  cass  vide,  pour  le  placer  ensuite  sur 
celle-ci.  La  théorie  reste  la  même. 


LA    PRATIQUE    DU    TAQUIN. 

Reprenons  la  permutation  des  quinze  nombres 

8,  6,   12,   I,  5,   14,  2,   II,   i3,   i5,  4,  9,  3,   10,  7, 

et  admettons  que  Ton  ait  le  droit  de  faire  avancer  un  pion  quel- 
conque de  deux  rangs  vers  la  gauche  ou  vers  la  droite;  il  est  facile 
de  voir  que  l'on  peut  ranger  tous  les  numéros  dans  l'ordre,  si  la 
permutation  est  de  première  classe.  En  effet,  faisons  avancer  le 
numéro  i  de  deux  rangs  vers  la  gauche,  il  arrive  au  second  rang; 
puis,  en  déplaçant  8  de  deux  rangs  vers  la  droite,  on  obtient 

I,  6,  8,   12,  5,    14,  2,   II,   i3,   i5,  4,  9,  3,   10,  7. 

Le  numéro  i  est  à  sa  place;  faisons  avancer  à  son  tour  le 
numéro  2  de  deux  en  deux  rangs,  il  arrive  au  troisième,  et  en 
déplaçant  6  de  deux  rangs  vers  la  droite,  on  obtient 

I,  2,  8,  6,   12,  5,   izL.   II.   i3.   i5,  4,  9,  3,   10,  7. 


Le  jeu  du  taquin. 


209 


En  déplaçant  le  numéro  3  de  deux  en  deux  rangs  vers  la 
gauche,  puis  le  numéro  4,  on  obtient 

1,2,3,4,8,6,  12,  5,  14,  II,  i3,i5,  9,  10,7. 

Et  ainsi  de  suite  ;  de  cette  façon  on  peut  toujours  placer  dans 
l'ordre  les  treize  premiers  pions;  les  deux  derniers  se  trouveront 
dans  l'ordre  14,  iS,  si  la  permutation  est  de  première  classe,  et 
dans  l'ordre  i5,  14,  si  la  permutation  est  de  seconde  classe.  Ainsi, 
par  cette  manœuvre,  on  peut  ranger  une  permutation  quel- 
conque dans  l'ordre 

1,2,  3,  ...,  i3,  14,  i5; 
ou  dans  Tordre 

1,2,3,...,  i3,  15,14 
Cela  posé,  considérons  le  taquin  de  forme  suivante  {fig.  48)  : 

Fig.  4?. 


A 

B 

G 

D 

E 

F 

G 

H 

P 

0 

N 

M 

L 

K 

J 

l 

Le  taquin  élémentaire. 

dans  laquelle  la  ligne  pleine  est  une  barrière  infranchissable; 
en  profitant  de  la  case  vide,  on  peut  sans  changer  l'ordre  des 
termes  dans  le  circuit  AHIP,  amener  un  numéro  quelconque 
en  B,  puis  la  case  vide  en  O;  cela  fait,  si  l'on  glisse  le  cube  de  B 
en  O,  le  terme  B  est  avancé  de  deux  rangs  vers  la  gauche  du 
circuit;  par  le  mouvement  inverse  on  l'avance  de  deux  rangs 
E.  Lucas.  —  Récréations  mathém,  14 


Huitième  récréation. 


vers  la  droite  (*).  Par  conséquent,  il  résulte  des  considérations 
exposées  au  commencement  de  ce  paragraphe,  que  Ton  peut 
toujours  amener  dans  un  ordre  donné  une  permutation  de  même 
classe;  et  dans  l'ordre  donné,  à  V exception  des  deux  derniers 
numéros,  une  permutation  de  classe  différente. 

Il  est  d'ailleurs  parfaitement  évident  que  le  même  procédé  de 
raisonnement  s'applique  au  taquin  ordinaire,  en  restreignant  la 
règle  du  jeu  par  l'emploi  de  barrières  figurées  par  des  lignes 
pleines  ;  les  cases  forment  alors  un  circuit  fermé  {fîg,  49). 

Fig.  49. 


A 

B 

G 

D 

P 

0 

N 

E 

K 

L 

M 

F 

J 

I 

H 

G 

Le  taquin  gêné. 


En  résumé^  par  la  considération  des  cycles,  on  détermine 
d'abord  la  classe  de  la  position  initiale  donnée;  pour  plus  de 
commodité,  on  mettra  immédiatement  la  cas^  vide  en  G.  Cela 
fait,  on  rangera  facilement  les  cubes  des  deux  premières  lignes 
ou  des  deux  premières  colonnes  dans  l'une  des  quatre  positions 
directes  ou  des  quatre  positions  inverses  suivant  que  la  position 
donnée  est  de  première  ou  de  seconde  classe;  il  reste  ensuite  à 

(*)  Cette  démonstration,  très  simple,  m'a  été  indiquée  par  M.  Laisant. 


Le  jeu  du  taquin. 


placer  les  sept  autres  cubes  dans  un  taquin  élémentaire  de  huit 
cases,  par  la  manœuvre  indiquée  pour  le  taquin  de  la^^.  48. 

On  peut  encore  résoudre  le  problème  du  taquin  de  la  manière 
suivante.  On  détermine  d'abord,  par  la  méthode  expéditive  des 
cycles,  la  classe  de  la  position  donnée;  si  cette  position  est  de 
première  classe,  on  la  ramène,  comme  il  a  été  dit,  à  la  position 
fondamentale;  si  cette  position  est  de  seconde  classe,  on  échange 
deux  éléments  quelconques  ;  elle  devient  de  première  classe,  et 
peut  encore  être  ramenée,  après  cet  échange,  à  la  position  fonda- 
mentale. 

On  peut  remplacer  cet  échange  par  l'enlèvement  d'un  cube 
situé  sur  une  case  de  même  couleur  que  la  case  vide,  en  le  plaçant 
sur  cette  case. 


ORDRE    MAGIQUE. 

Il  existe  encore  d'autres  ordres  réguliers  pour  disposer  les  cubes 
du  taquin;  ainsi  on  peut  les  ranger  suivant  un  ordre  tel,  qu'après 
avoir  replacé  le  cube  enlevé,  la  somme  des  numéros  soit  la  même 
dans  toutes  les  lignes,  dans  toutes  les  colonnes  et  dans  les  deux 
diagonales;  on  obtient  alors  ce  que  l'on  appelle  V ordre  magique. 
Cette  théorie  appartient  à  une  autre  récréation,  Itjeu  des  carrés 
magiques,  sur  laquelle  nous  reviendrons  ultérieurement.  Cepen- 
dant, nous  donnerons  ici  la  manière  d'obtenir  le  carré  magique 
pour  le  taquin  de  16  cases. 

Pour  cela,  reprenons  la  position  fondamentale  de  Isifig,  38;  ne 
touchons  pas  aux  huit  nombres  des  deux  diagonales;  échangeons 


Huitième  récréation. 


les  autres  cubes  placés  symétriquement  par  rapport  au  centre  du 
carré,  c'est-à-dire 

2eti5,     3  et  14,     5  et  12,     8  et  9. 

Par  ces  quatre  substitutions,  nous  ne  changeons  pas  la  classe 
de  la  permutation,  et  nous  obtenons  le  carré  magique  (fig.  5o)  : 


Fig.  5o. 


Fis.  5i. 


I 

i5 

14 

4 

12 

6 

7 

9 

8 

10 

II 

5 

i3 

3 

2 

16 

4 

14 

i5 

I 

9 

7 

6 

12 

5 

1 1 

10 

8 

16 

2 

3 

i3 

Ordre  magique  direct. 


Ordre  magique  inverse. 


dans  lequel  la  somme  des  cubes  de  chaque  ligne,  de  chaque 
colonne,  ou  de  chaque  diagonale  est  égale  à  34.  On  peut  donc 
ramener  une  position  quelconque  de  première  classe  à  cet  ordre 
magique;  si  la  position  initiale  est  de  seconde  classe,  on  pourra 
toujours  la  ramener  à  l'ordre  magique  inverse  obtenu  en  renver- 
sant l'ordre  des  cubes  de  toutes  les  lignes  [fi§.  5 1  ),  ou  de  toutes 
les  colonnes  de  l'ordre  magique  direct. 


(J|^/9^ 


Le  jeu  du  taquin.  2i3 


LE   TAQUIN   CONTINENTAL. 

On  peut  généraliser  d'une  infinité  de  manières  la  forme  du 
taquin.  Nous  appellerons  taquin  continental  un  assemblage 
quelconque  de  carrés  juxtaposés  suivant  un  côté  commun  ;  pour 
faire  comprendre  la  variété  de  forme  que  cet  assemblage  peut 
présenter,  nous  dirons  qu'il  est  assujetti  seulement  à  former  un 
continent^  dans  l'intérieur  duquel  on  peut  rencontrer  des  mers 
intérieures  {fig.  53). 

On  place  sur  les  carrés  des  cubes  distingués  par  une  lettre  ou 
par  un  numéro  spécial,  et  on  enlève  l'un  deux  de  manière  à 
former  une  case  vide;  cela  fait,  il  s'agit  de  faire  glisser  les  cubes 
sur  la  case  vide  contiguë,  et  de  passer  ainsi  d'une  position  initiale 
donnée  à  une  position  finale  également  donnée. 

Il  est  évident  qu'un  tel  jeu  peut  présenter  deux  sortes  d'impos- 
sibilités :  les  premières  proviennent  de  l'incompatibilité  des  posi- 
tions initiale  et  finale,  comme  dans  le  taquin  ordinaire;  les  autres 
proviennent  de  la  forme  du  taquin. 


'^Sâsi 


THEORIE  DU  GARAGE. 


Considérons  d'abord  comme  taquin  continental  le  taquin  formé 
par  un  carré  de  quatre  cases  ABCD,  et  un  circuit  de  forme 
quelconque  aboutissant  par  ses  deux  extrémités  à  deux  cases  con- 
tiguës  A  et  B  du  carré.  On  peut  fermer  ce  circuit,  soit  par  AB, 


214 


Huitième  récréation. 


soit  par  ACDB;  de  là  deux  circuits  distincts  qui  se  confondent 
sur  la  plus  grande  partie  de  leur  parcours.  On  peut  considérer  ce 
taquin  comme  un  taïuin  élémentaire,  et,  par  suite,  il  est  tou- 
jours possible  d'échanger  deux  positions  de  même  classe;  nous 
dirons  que  les  quatre  cases  A,  B,  G  et  D  constituent  un  garage 


Fig.  52. 


A       B 

Taquin  simple  à  garage. 


Considérons  maintenant  un  taquin  plus  complexe,  formé  d'un 
garagCj  d'un  circuit  quelconque  et  d'un  réseau  formé  d'em^r<^«- 
chements  qui  s'insèrent  les  uns  sur  les  autres,  ou  sur  la  ligne 
principale,  en  des  points  différents,  et  de  telle  sorte  qu'il  n'y  ait 
aucune  tête  de  ligne  {fig.  53). 

Supposons  que,  dans  la  position  initiale,  la  case  vide  soit  dans 
la  même  portion  de  ligne  que  le  garage,  c'est-àdire  de  telle  sorte 
qu'il  n'y  ait  aucune  bifurcation  entre  le  garage  et  la  case  vide  ;  si 
cette  condition  n'était  pas  remplie,  on  jouerait  quelques  coups  afin 
de  l'obtenir.  Supposons  qu'il  en  soit  de  même  pour  la  position 
finale  ;  si  cette  condition  n'est  pas  remplie,  on  jouera  quelques  coups 
pour  arriver  k  une  j^osition  intermédiaire;  on  pourra  toujours 


Le  jeu  du  taquin. 


remettre  la  case  vide  à  sa  place  dans  la  position  finale,  en  renversant 
l'ordre  du  mouvement  qui  a  permis  de  passer  de  la  position  finale 
à  la  position  intermédiaire. 

Fig.  53. 


Taquin  à  embranchements  et  garage. 

Cela  posé,  il  est  facile  de  voir  que,  dans  un  embranchement 
quelconque,  on  peut  déplacer  un  cube  quelconque  de  deux  rangs; 
en  effet,  on  forme  un  circuit  fermé  passant  par  le  garage  et  le  cube 

Fig.  54. 


H 


considéré  :  on  rentre  ainsi  dans  le  cas  que  nous  venons  d'indiquer  ; 
cela  fait,  on  ramène  tous  les  autres  cubes,  à  l'exception  des  trois 
cubesconsidérés.  au  moyen  du  mouvement  de  circulation  (/^.  54) 


2i6  Huitième  récréation. 


Cependant,  s'il  s'agissait  de  faire  sauter  G  au-dessus  de  FH, 
la  méthode  ne  s'appliquerait  pas,  parce  que  les  cubes  GFH  ne 
peuvent  se  trouver  dans  un  même  circuit  avec  le  garage  ;  alors 
on  fait  passer  G  par-dessus  F  et  E;  de  cette  façon  E  se  trouve  à  la 
bifurcation;  puis  on  fait  sauter  G  par-dessus  E  et  H  ;  on  obtient 
encore  le  résultat  désiré. 

Par  conséquent,  dans  un  taquin  à  embranchements  quelcon- 
ques, sans  tête  de  ligne,  on  peut  toujours,  par  le  moyen  du  garage, 
faire  franchir  à  un  cube  quelconque  deux  cubes  consécutifs,  sans 
déranger  l'ordre  de  tous  les  autres  cubes.  Par  ce  procédé,  on  peut 
remplir  un  embranchement  quelconque  dans  Tordre  de  la  posi- 
tion intermédiaire;  on  immobilise  les  cubes  de  cet  embranchement, 
de  telle  sorte  que  l'on  a  diminué  d'une  unité  le  nombre  des 
em.branchements  du  taquin. 

En  simplifiant  successivement  le  réseau,  on  en  déduit  ce  théo- 
rème : 

Théorème  XIV.  —  Dans  untaquin  formé  d'un  nombre  quel- 
conque d'embranchements  et  d'un  garage  sans  aucune  tête  de 
ligne,  on  peut  passer  d'une  position  quelconque  à  une  autre 
position  de  même  classe. 


LES    IMPOSSIBILITES    DE   FORME, 


Pour  déterminer  les  impossibilités  de  la  forme  du  taquin  conti- 
nental dans  l'application  de  la  théorie  du  garage,  on  trace  d'abord 
un  circuit  le  long  des  côtes  du  continent,  et  d'autres  circuits,  s'il 
y  a  lieu,  le  long  du  rivage  des  mers  intérieures;  puis  on  fait  choix 


Le  jeu  du  taquin. 


217 


d'un  garage  sur  la  côte  ou  dans  l'intérieur,  et  l'on  trace  des 
embranchements  suivant  les  lignes  ou  suivant  les  colonnes  du 
taquin;  d'après  cela,  il  est  évident  que  le  problème  de  ramener  une 
position  quelconque  à  une  position  de  même  classe  ne  peut  ren- 
contrer d'impossibilité  que  dans  les  deux  cas  suivants  : 

1°  Si  le  taquin  renferme  des  presqu'îles  ou  des  péninsules  que 
nous  figurons  plus  loin; 

2°  Si  le  continent  est  partout  trop  étroit  pour  permettre  l'éta- 
blissement d'un  garage. 


<^g^^ 


LE  TAQUIN  A  PENINSULE. 


Lorsque  les  côtes  de  l'Océan  ou  des  mers  intérieures  présentent 
l'un  des  accidents  indiqués  dans  la^^.  55,  on  dit  que  le  taquin 

Fig.  55. 


1 

Isthme  orthogonal.  Isthme  diagonal. 

Taquins  à  péninsule. 


renferme  une  péninsule;  alors  le  taquin  se  divise  en  deux  autres 
séparés  par  une  seule  case,  qui  forme  ce  que  l'on  peut  appeler 
isthme  orthogonal  ou  isthme  diagonal. 


2 1 8  Huitième  récréât iou. 


Alors,  dans  le  cas  général,  il  y  a  impossibilité  de  forme;  en  effet, 
il  est  facile  de  voir  qu'il  est  impossible  de  faire  entrer  dans  l'isthme 
aucun  autre  cube  que  celui  qui  lui  est  contigu,  de  telle  sorte  que 
l'on  ne  peut  effectuer  le  passage  d'un  cube  dans  l'isthme.  Cepen- 
dant, pour  ce  taquin  à  péninsule,  le  problème  du  taquin  peut  être 
possible  lorsque  la  solution  n'exige  pas  le  passage  de  l'isthme. 
Pour  que  le  problème  soit  possible,  il  faut  et  il  suffit  que,  pour  le 
continent  et  pour  la  péninsule  considérés  séparément,  les  posi- 
tions initiale  et  finale  appartiennent  à  la  même  classe,  et,  de  plus, 
que  Ton  puisse  établir  un  garage  de  part  et  d'autre. 

Enfin,  si  la  péninsule  a  plus  d'un  isthme,  on  rentre  dans  le  cas 
général  du  continent  avec  mer  intérieure  sans  péninsule. 


LE  TAQUIN  COMPLET. 

On  peut  considérer  le  jeu  du  taquin  d'une  autre  manière;  on 
suppose  le  taquin  complètement  couvert,  et  le  joueur  a  la  faculté 
d'enlever  à  son  choix  un  cube  quelconque,  puis  de  jouer  suivant 
la  marche  ordinaire  et  de  replacer,  à  la  fin  de  la  partie,  le  cube 
enlevé  sur  la  case  vide.  Il  s'agit  de  choisir  le  cube  à  enlever  de  telle 
sorte  que  Ton  puisse  arriver  à  une  position  finale  convenue. 

Pour  résoudre  ce  nouveau  problème,  on  trace  dans  la  position 
finale  convenue  un  chemin,  de  manière  à  obtenir  la  suite  natu- 
relle des  nombres;  on  trace  le  même  chemin  dans  la  position  ini- 
tiale, et  l'on  détermine  le  nombre  des  inversions  de  la  permutation 
correspondante.  Si  la  permutation  est  de  première  classe^  il  faut 


Le  jeu  du  taquin.  219 


enlever  un  cube  d'écart  pair,  et,  si  la  permutation  est  de  seconde 
classe,  il  faut  enlever  un  cube  d'écart  impair. 

Il  y  a  ainsi  lieu  de  se  demander  si  le  problème  est  toujours  pos- 
sible ;  en  d'autres  termes,  existe-t-il  des  positions  initiales  pour  les- 
quelles tous  les  cubes  aient  des  écarts  de  même  parité?  Nous  allons 
faire  voir  qu'il  peut  y  avoir  toujours  possibilité  ou  toujours  impos- 
sibilité pour  tout  cube  choisi  dans  la  permutation  initiale.  En  effet, 
la  position  finale,  disposée  suivant  l'ordre  naturel,  ne  contient  que 
des  écarts  nuls  ;  donc,  si  l'on  exécute  un  nombre  quelconque  N 
d'échanges  entre  des  cubes  de  même  parité,  tous  les  écarts  reste- 
ront pairs,  et  il  n'y  aura  aucun  écart  impair;  par  conséquent,  si 
N  est  impair,  la  permutation  considérée  après  les  N  échanges 
est  de  seconde  classe;  par  suite,  quel  que  soit  le  cube  enlevé,  la 
permutation  reste  de  seconde  classe  et  ne  peut  être  ramenée  à  la 
position  finale;  il  y  a  donc  impossibilité  pour  un  cube  quel- 
conque. 

Dans  le  cas  contraire,  si  N  est  pair,  la  permutation  considérée 
après  les  N  échanges  est  de  première  classe,  comme  la  position 
finale;  il  y  a  donc  possibilité  pour  un  cube  quelconque. 

Lorsque  le  nombre  total  des  cubes  est  pair,  il  existe  une  seconde 
série  de  positions  initiales  pour  lesquelles  il  y  a  encore  possibilité 
ou  impossibilité  complète.  En  effet,  reprenons  la  permutation 
naturelle  des  n  premiers  nombres,  échangeons  chaque  cube  de 
numéro  impair,  avec  le  cube  de  numéro  pair  qui  le  suit;  tous 
les  écarts  deviendront  impairs;  faisons  ensuite  un  nombre  quel- 
conque d'échanges  entre  les  cubes  de  même  parité,  nous  obtien- 
drons alternativement  des  permutations  de  première  et  de  seconde 
classe;  les  premières  donnent  l'impossibilité  complète,  et  les  der- 
nières donnent  la  possibilité  complète. 


Huitième  récréation.  —  Le  jeu  du  taquin. 


Lorsque  le  nombre  total  des  cubes  est  impair,  il  existe  toujours 
nécessairement  un  cube  d'écart  pair;  alors  les  positions  de  la 
deuxième  série  comportent  une  seule  exception,  pour  ce  cube. 

Remarque.  —  Les  ingénieuses  théories  du  Taquin  continental 
et  du  Taquin  complet  sont  dues,  pour  la  plus  grande  partie,  à 
M.  Hermary, 


NOTES, 


NOTE  I. 
Sur  le  jeu  des  traversées. 

Nous  avons  donné  (  p.  1 5  ),  l'énoncé  d'un  problème  général  sur  les  traversées. 
Voici  la  solution  très  simple  qui  nous  a  été  adressée  par  M.  Delannoy,  ancien 
élève  de  l'École  Polytechnique. 

11  y  a  deux  cas  à  examiner,  suivant  que  le  bateau  peut  contenir  quatre 
personnes,  ou  moins  de  quatre.  Dans  le  premier  cas,  on  fait  passer  deux 
ména,L;es  à  la  fois,  et  l'un  d'eux  revient  chercher  un  autre  couple.  En  répétant 
cette  manœuvre,  les  n  couples  passeront  la  rivière  en  n  voyages. 

Dans  le  cas  où  le  bateau  ne  peut  contenir  deux  couples,  le  nombre  x  des 
personnes  que  le  bateau  peut  au  plus  contenir  est  2  ou  3.  Alors,  on  est 
obligé  de  commencer  par  faire  passer  un  certain  nombre  de  femmes,  ou  bien 
un  seul  couple,  afin  de  satisfaire  à  la  condition  de  ne  pas  laisser  une  femme 
sans  son  mari  en  présence  d'autres  hommes.  On  démontre,  comme  à  la 
page  10,  que  l'on  ne  peut  faire  passer  6  ménages  avec  un  bateau  contenant 
moins  de  quatre  personnes.  Il  reste  donc  à  donner  le  tableau  de  la  traversée 
des  cinq  ménages  avec  un  bateau  contenant  trois  personnes. 

On  a  au  départ  : 

Première  rive.  Deuxième  rive. 

F.    D    G    B     A 
e     d     c     b     a 

I.  —  Trois  femmes  passent  d'abord  : 

E    D    C    B    A  I  

e    d      .      .      .  I  .     ,     c    b    a 


Note  IL 


II.  —  Une  femme  (ou  deux)  revient  et  emmène  la  quatrième: 

E    D    G    B    A  I  

e      .      .      .     .  I  .     d     c    b    a 

III.  —  Une  femme  revient,  et  trois  maris  rejoignent  leurs  femmes  : 

ED...  I  .     .     G    B    A 

e     d     .     .     .  I  .     .     c     b     a 

IV.  —  Un  couple  revient,  et  trois  maris  passent  : 

I  E    D    G     B    A 

e    d    c     .     .  I  .      .      .     b     a 

V  et  VI.  —  Une  femme  revient  chercher  successivement  les  trois  dernières 
femmes  : 


E     D    G     B    A 

e     d     c     b     a 


En  re'sumé,  en  de'signant  par  n  le  nombre  des  ménages,  par  x  le  nombre 
des  personnes  que  le  bateau  peut  au  plus  contenir,  et  par  N  le  nombre  des 
voyages,  on  a  le  tableau  suivant  : 


«  =  2 
n  =  3 

n  =  5 
n>5 


X  =  2 
X  —  1 

X  =  3 


N  =  3 
N  =  6 
N  =  5 
N  =  6 
N  =  n. 


NOTE  IL 


Sur  le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 


Nous  avons  vu  (p.  35)  que  le  jeu  des  ponts  se  ramène  à  la  description 
par  un  ou  plusieurs  traits  continus,  sans  répétition,' 'de  toutes  les  figures 
formées  de  lignes  droites  ou  courbes,  dans  le  plan  ou  dans  l'espace.  Gette 
étude  se  résume  dans  les  deux  théorèmes  suivants  : 

Théorème  I.  —  D^ns  tout  réseau  géométrique  formé  de  lignes  droites 
ou  courbes,  le  nombre  des  points  impairs  est  toujours  :{éro  ou  un  nombre 
pair. 

Ge  théorème  se  trouve  complètement  démontré  dans  le  mémoire  d'EuIer 


Note  IL  223 


(p.  3i);  on  peut  encore  donnera  la  démonstration  la  forme  suivante  :  Dési- 
gnons par  A,  B,  C,  D,  ...,  les  diverses  stations  du  réseau,  les  divers  points 
d'embranchement,  les  têtes  de  ligne;  soient  P  et  Q.  deux  stations  voisines, 
c'est-à-dire  telles  que  l'on  puisse  aller  de  P  en  Q.  par  un  ou  plusieurs  chemins, 
sans  rencontrer  d'autres  stations  du  réseau.  Si  l'on  supprime  l'un  de  ces 
chemins  PQ.,  le  nombre  des  chemins  qui  aboutissent  en  P  et  en  Q 
diminue  d'une  unité  et  change  de  parité.  Par  conséquent,  si  P  et  Q  sont 
des  points  impairs,  ils  deviennent  pairs  par  cette  suppression;  si  P  et  Q  sont 
pairs,  ils  deviennent  impairs;  enfin  si  P  et  Q  sont  de  parité  différente,  ils 
demeurent  de  parité  différente.  Donc  la  parité  du  nombre  des  points  im- 
pairs ne  change  pas  par  cette  suppression.  Par  suite,  en  supprimant  successi- 
vement tous  les  chemins  qui  unissent  deux  stations  voisines,  jusqu'à  ce  qu'il 
n'en  reste  aucun,  le  nombre  des  points  impairs  est  nul;  ce  nombre  était 
donc  zéro  ou  un  nombre  pair,  avant  la  suppression. 

C.Q.F.D. 

Remarque.  —  Ce  théorème  s'applique  aux  canevas  géodésiques.  Dans  une 
chaîne  de  triangles,  il  y  a  toujours  un  nombre  pair  de  sommets  où  abou- 
tissent, en  nombre  impair,  des  angles  réduits  à  l'horizon,  tandis  que  le 
nombre  des  sommets  où  aboutissent  des  triangles  en  nombre  pair  peut 
être  pair  ou  impair. 

Théorème  II.  —  Tout  réseau  géométrique  qui  contient  2m  points  impairs 
peut  être  décrit  par  un  nombre  minimum  de  n  traits  sans  répétition.  Tout 
réseau  géométrique,  qui  ne  contient  que  des  points  pair  s  j  peut  être  décrit  par 
un  seul  trait  sans  répétition. 

On  suppose  que  le  réseau  est  continu,  c'est-à-dire  que  l'on  peut  aller  d'un 
point  quelconque  du  réseau  à  un  autre  par  un  chemin  continu.  D'ailleurs, 
dans  le  cas  de  plusieurs  réseaux  séparés,  il  suffit  d'appliquer  à  chacun  d'eux 
les  théorèmes  précédents.  Cela  posé,  si  l'on  part  d'un  point  impair  A  et 
si  l'on  chemine  au  hasard,  sans  repasser  sur  la  même  voie,  on  sera  forcé 
de  s'arrêtera  un  certain  moment;  en  observant  que  dans  cette  marche  on 
ne  change  point  la  parité  des  stations  que  l'on  traverse,  on  en  conclura 
que  le  point  d'arrêt  est  un  point  impair  B.  En  supprimant  le  parcours  AB, 
on  obtient  ainsi  une  figure  qui  ne  possède  plus  que  {in  —  i)  points  impairs. 

Après  n  parcours  analogues,  il  ne  restera  donc  qu'un  réseau  dont  les  sta- 
tions sont  d'ordre  pair. 

Maintenant,  si  l'on  part  d'un  point  quelconque  M  du  réseau  restreint,  et 
si  l'on  chemine  au  hasard,  on  ne  se  trouvera  arrêté  qu'en  revenant  au  point 
de  départ  M,  après  avoir  décrit  une  courbe  fermée.  Après  avoir  décrit  un 
certain  nombre  de  boucles  semblables,  on  aura  parcouru  tout  le  réseau. 
Mais,  puisque  le  réseau  est  continu,  ces  boucles  peuvent  venir  se  souder 


224  Note  III. 


soit  les  unes  sur  les  autres,  puis  sur  les  n  chemins  qui  ont  été  décrits  primi- 
tivement. Par  suite,  le  réseau  peut  être  décrit  en  n  traits  continus  au  plus. 

C.Q.F.D. 

Remarque.  —  Une  figure  dont  tous  les  points  sont  pairs  peut  être  consi- 
dérée, de  plusieurs  façons,  comme  une  seule  courbe  fermée.  Cette  observation 
trouve  son  emploi  dans  la  théorie  des  courbes  unicursales. 

^^ 

NOTE  III. 
Sur  le  jeu  des  labyrinthes. 

Le  problème  des  labyrinthes  est  un  cas  particulier  du  problème  des  ponts 
et  des  îles  ;  en  effet,  puisque  l'on  doit  parcourir  deux  fois  chaque  chemin,  cela 
revient  à  la  description  d'un  réseau  qui  ne  contient  que  des  points  d'ordre 
pair.  Mais,  dans  ce  cas  particulier,  on  peut  décrire  le  réseau  sans  en  con- 
naître la  forme,  tandis  qu'il  n'en  est  plus  de  même  dans  le  cas  général. 

La  théorie  des  ramifications  se  ramène  encore  au  problème  d'Euler. 
D'ailleurs  il  résulte  immédiatement  du  second  théorème  de  la  note  précé- 
dente, que  le  nombre  N,  base  de  la  ramification,  est  égal  à  la  moitié  du 
nombre  des  points  impairs,  c'est-à-dire  du  nombre  /des  extrémités  libres 
augmenté  du  nombre  des  nœuds  d'ordre  impair.  Désignons  par  i  le  nombre 
des  nœuds  d'ordre  impair,  par  j  le  nombre  des  nœuds  d'ordre  pair,  on  a,  en 
se  reportant  aux  formules  de  la  page  53, 

N  =  -:^    et   p  =  î-i-j. 

En  combinant  les  diverses  expressions  du  nombre  N,  on  obtiendra  quel- 
ques autres  formules. 

RicMARQUE.  —  Dans  le  premier  volume  de  la  Théorie  des  Nombi^es,  nous 
avons  consacré  un  chapitre  spécial  à  la  Géométrie  de  situation.  Ce  chapitre 
renferme  de  nombreux  et  nouveaux  développements  ^ur  le  jeu  des  ponts  et 
des  ÎL'S  et  sur  le  jeu  des  labyrinthes  au  paragraphe  intitulé  :  Les  Réseaux. 

On  y  trouve  d'autres  développements  sur  l'emploi  des  échiquiers  arith- 
métiques, sur  les  polygones  et  sur  les  polyèdres,  sur  les  régions  et  sur 
des  théorèmes  de  Guthrie  et  d'Hamilton,  de  MM.  Tait  et  G.  Tarry. 


^'^ 


Note  IV. 


225 


NOTE  IV. 
Le  problème  des  neuf  reines  et  des  dix  reines. 

Depuis  l'apparition  de  notre  premier  volume,  un  géomètre  distingué, 
M.  le  docteur  P.  H.  Schoute,  professeur  à  TUniversité  de  Groningue,  a  publié, 
dans  Eigen  Haard,  journal  illustré  de  la  Hollande,  une  suite  d'articles  ayant 
pour  titre  :  Wiskundige  Verpoo:^iitgen.  On  y  trouve  plusieurs  développe- 
ments des  problèmes  que  nous  avons  traités.  M.  Schoute  a  donné  le  tableau 
des  solutions  simples  du  problème  des  neuf  reines  sur  l'échiquier  deSi  cases; 
mais  ce  tableau  contient  deux  erreurs  rectifiées  par  M.  Delannoy,  qui  est 
fort  habile  dans  ce  genre  de  recherches.  Le  problème  des  neuf  reines  a  46  so- 
lutions simples,  dont  4  semi-régulières,  ce  qui  fait  un  total  de  352  positions. 

Si  l'on  supprime  l'unité  des  quatorze  premières  solutions,  et  si  l'on 
diminue  d'une  unité  tous  les  autres  chiffres,  on  obtient  une  solution  du 
problème  des  huit  reines.  Inversement,  toute  solution  du  problème  des 
neuf  reines,  dans  laquelle  l'une  des  diagonales  ne  contient  pas  de  reine, 
donne  naissance  à  deux  solutions  du  problème  des  dix  reines,  en  ajoutant 
une  reine  à  l'un  des  coins  extérieurs  de  cette  diagonale.  La  solution 
358297146,  qui  n'a  pas  de  reine  sur  l'une  ou  l'autre  des  diagonales,  donne 
quatre  solutions  simples  du  problème  des  dix  reines;  on  en  trouve  ainsi  32, 
M.  Delannoy  a  dressé  le  tableau  des  solutions  du  problème  des  dix  reines; 
il  y  a  92  solutions  simples  dont  3  semi-régulièresj  donc,  en  tout,  724  po- 
sitions. Dans  ce  tableau,  la  dixième  ligne  est  désignée  par  o. 


I"  Tableau  des  solutions  simples  du  problème  des  neuf  reines. 


368 
372 
386 
463 
468 

479 
483 
5  79 
579 
596 
683 
748 

748 
2417 

247  1 


24975 
8  5946 
92574 
92857 
25397 
82596 
25863 
97526 
38246 
42863 
42837 
74295 
35926 
39625 
96358 
39685 


2483 
2497 

2497 
2579 
2579 
2  58i 
2  58  I 
2586 
2586 
2594 
26  I  3 
2617 
2619 
263  I 
2693 
2751 


9615 
3  I  68 
53  16 
3641 
48  I  3 
3  69  7 
9637 
9314 
93  I  7 
i863 
7948 
5394 

5847 
8497 
5841 
9468 


2796 
2814 
28  53 
2869 
3582 
3582 
3592 
3629 
368  I 
3685 
3697 
3728 
386  I 
4279 


3  1485 

79635 

96417 

31475 

96  I  74 

97146 

47  I  86 

5  1847* 

59247* 

I  9724 

41825 

59164 

92574 

18536 


E.  Lucas.  —  Récréations  mathém. 


226 


Note  IV. 


2»  Tableau  des  solutiojis  simples  du  problème  des  dix  reines. 


368o 
3697 

3697 
3970 
4693 
4702 
47o3 
4706 

4  708 
4708 
4708 
4958 
4972 
4970 
4079 
5704 
58o3 
5807 
5069 
6470 
6470 

6497 
6407 


59247 
04258 
04285 
42  586 
08257 
95386 
92  5  86 
Q25  38 
25369 
35926 
52936 
03627 
o3685 
36258 
35286 
29368 
72469 
42963 
24738 
39258 
82539 
30258 
93528 


i683 
1680 
1693 
1693 
1695 
i6o3 
I  796 
I  849 

1  869 
2468 
2483 
2480 

2497 
2407 

2571 

2  58  I 
2584 
2586 
2  5  8  o 
2591 
2594 
2637 
2637 


7925 

04 

4935 

72 

8420 

57 

0742 

58 

0842 

7  ^ 

7942 

58 

3o85 

24 

7306 

25 

3047 

52 

01  35 

7  9* 

9601 

75 

5961 

37 

5  0  I  6 

83 

Q  6  3  I 

85 

069384  1 

7o36 

49 

7  0  3  I 

69 

3071 

49 

369  i 

47 

047D 

86 

086  3 

I  7 

019584 

o85  I 

49 

2  6  3  o 
2683 
2  68  3 
2691 
2697 
2603 
2793 
2706 
2839 
2859 
2803 
2804 
2918 
2938 
2930 
2950 
2961 
2963 
2968 
2973 
2970 
3528 
3570 


859417 
I  95047 
740  I  95 
85  3074 
o I  3  5  84 
7941  58 
804615 
195384 
750164 
160374 
964175 
159637 
530746 
046137 
74  15  86 
146837 
307485 
041857 
013574 
085146 
4  1586  3 
074196 
461928 


359160 
359207 
359410 
362019 
364019 
368  147 
368019 
368041 
369147 
369147 
369105 
372861 
382710 
386205 
386910 
380162 
396027 
425910 
428013 
469501 
483501 
485201 
485910 


7248 
41  86 
8627 

5847 

5827 

0295 

5247 

5297 

0  2  58* 

0825 

7248 

o594 

5964 

1497 
5724 
5794 
1485 
8637 
6975 
3827 
9627 
7936 
2637* 


Depuis  quelques  années,  de  nouveaux  et  nombreux  résultats  ont  été  ob- 
tenus sur  le  problème  des  tours  (p.  66),  sur  le  problème  des  fous  (p.  69),  et 
sur  celui  des  reines.  Cependant,  on  n'a  pu  trouver  jusqu'à  présent  des  for- 
mules générales  pour  les  problèmes  des  fous  et  des  reines,  tandis  que  l'on 
peut  obtenir  complètement  la  solution  de  diverses  questions  sur  le  problème 
des  tours,  en  s'imposant  certaines  conditions.  Dans  notre  Mémoire  Sur 
l'Arithmétique  figurative  (Congrès  de  Rouen,  188  3),  nous  avons  donné  d'une 
manière  générale  les  nombres  des  solutions  du  problème  des  tours  ou  des 
permutations  figurées  dans  les  cas  suivants  : 

I»  Solutions  symétriques  par  rapport  au  centre  de  l'échiquier; 
2»  »  »  ■»  à  une  diagonale  ; 

30  „  )>  »  aux  deux  diagonales; 

4°  Solutions  qui  coïncident  avec  elles-mêmes  en  faisant  tourner  V échiquier 
d'un  quart  de  tour; 


Note  IV.  '2.^'] 


6°  Solutions  n'ayant  aucune  tour  sur  une  diagonale; 

6"  Solutions  symétriques  par  rapport  à  une  diagonale  et  n'ayant  aucune 
tour  sur  cette  diagonale; 

7»  Solutions  symétriques  par  rapport  au  centre  et  n'ayant  aucune  tour 
sur  l'une  des  diagonales  ; 

8",  9°  Solutions  symétriques  par  rapport  aux  deux  diagonales  et  ne  con- 
tenant aucune  tour  sur  une  ou  sur  deux  diagonales. 

En  particulier,  le  cinquième  cas,  traité  par  Euler,  donne  la  solution  du 
fameux  et  di f^cUe  problème  des  rencontres,  qui  revient  à  de'terminer  le 
nombre  des  permutations  de  n  éléments  dans  lesquelles  chacun  des  éléments 
ne  peut  occuper  la  place  qu'il  occupe  dans  l'ordre  naturel.  On  doit  surtout 
remarquer  dans  notre  travail  la  très  élégante  méthode  indiquée  par  M.  Neu- 
berg,  professeur  à  l'Université  de  Liège.  Celle-ci  s'applique  à  un  grand 
nombre  d'autres  problèmes  et_,  en  particulier,  à  l'étude  des  arrangements 
discordants  d'un  arrangement  donné,  c'est-à-dire  des  arrangements  tels  que 
chacun  des  éléments  occupe  une  place  différente  de  celle  qu'il  occupe  dans 
un  arrangement  désigné  à  l'avance.  Il  y  a  lieu  de  chercher  encore  le  nombre 
des  arrangements  discordants  de  deux  arrangements  donnés  et,  en  parti- 
culier, le  nombre  des  permutations  figurées  n'ayant  aucune  tour  sur  une 
diagonale,  ni  sur  une  ligne  parallèle  obtenue  en  élevant  toutes  les  cases  de 
cette  diagonale  d'un  même  nombre  de  rangées.  Plus  particulièrement,  le 
problème  de  déterminer  toutes  les  solutions  du  problème  des  tours,  n'ayant 
aucune  tour  sur  une  diagonale  et  sur  la  parallèle  contiguë_,  revient  au  Pro- 
blème des  n  ménages  que  l'on  énonce  ainsi  :  Des  femmes  en  nombre  n  .sont 
assises  dans  un  ordre  déterminé  autour  d'une  table  ronde;  de  combien  de 
manières  leurs  maris  peuvent-ils  se  placer,  de  telle  sorte  que  chaque  homme 
soit  placé  entre  deux  femmes,  mais  sans  se  trouver  immédiatement  à  la  di'oite 
ou  à  la  gauche  de  la  sienne?  —  On  observera  que  si  l'on  n'impose  qu'une  seule 
condition,  à  savoir  que  le  mari  ne  peut  se  trouver  à  la  droite  (ou  à  la  gauche) 
de  sa  femme,  afin  d'éviter  le  mariage  de  la  main  droite  ou  de  la  main  gauche 
le  problème  des  ménages  revient  à  celui  des  rencontres.  11  fallait  donc 
résoudre  le  problème  des  rencontres  avant  celui  des  ménages. 

Nous  avons  encore  démontré  que,  sur  l'échiquier  de  n'  cases,  on  peut 
placer  un  nombre  maximum  de  fous  égal  à  ^n  —  2,  de  2"  manières  diffé- 
rentes, en  supposant  que  deux  fous  quelconques  ne  soient  pas  en  prise^ 
Dans  ce  cas,  les  fous  doivent  toujours  être  placés  sur  les  bords  de  l'échi- 
quier. 

Enfin,  nous  avons  fait  voir  que,  dans  le  problème  des  tours,  le  nombre 
des  tours  placées  sur  les  cases  de  même  couleur  que  celle  des  cases  de  la 
diagonale  principale  est  toujours  un  nombre  pair. 

Dans  le  même  volume  du  Compte  rendu  de  l'Association  française,  au 


228 


Note  IV, 


Congrès  de  Rouen,  nous  devons  encore  signaler  les  intéressants  Mémoires 
de  MM.  Mantel  et  Parmentier.  Dans  son  travail  sur  les  Combinaisons  d'élé- 
menîs  dispersés  dans  un  plan,  M.  Mantel,  professeur  à  Delft,  a  déterminé 
le  nombre  X,  des  manières  distinctes  de  placer  deux  reines,  non  en  prise, 
sur  un  échiquier  de  m»  cases,  et  a  donné  la  formule 

X,  =  i«(«-i)(«-2)(3«-i) 

Il  a  montré  que  le  nombre  des  manières  de  placer  p  reines  non  en  prise, 
Sur  l'échiquier  de  w*  cases,  en  supposant  p  <n,  peut  être  représenté  par  un 
polynôme  en  n  de  degré  ^p. 

Dans  son  Mémoire  sur  le  problème  des  n  reines,  M.  le  général  Parmentier 
a  donné  le  tableau  complet  des  solutions  pour  n  =  7,8,9.  En  outre,  il  a 
donné  les  nombres  des  solutions  du  problème  des  reines  énoncé  à  la  page  81, 
pour  9  reines.  En  plaçant  les  nombres  des  solutions  dans  les  cases  qui  cor- 
respondent à  la  position  initiale  d'une  première  reine,  on  forme  ainsi  pour 
les  échiquiers  de  8*  et  9»  cases,  les  figures  suivantes  : 


Fig.  22  bi 


Fig.  22  ter. 


40 

8 

36 

20 

4 

12 

28 

38 

38 

16 

14 

8 

32 

44 

48 

44 



4 

8 

16 

18 

28 

3o 

47 

44 

54 

Au  lieu  de  se  donner  une  seule  position  initiale,  on  peut  prendre  les  po- 
sitions initiales  de  deux  reines.  En  particulier,  il  existe  des  groupes  de  posi- 
tions de  deux  reines  pour  lesquels  le  problème  des  huit  reines  est  impossible. 
En  complétant  la  notation  de  l'échiquier,  d'après  \2ifig.  22  (p.  81),  et  en 
ne  considérant  que  les  positions  de  deux  reines  non  en  prise,  on  trouve  que 


Note  IV. 


229 


le  problème  des  huit  reines  est  impossible  lorsque  l'on  se  donne  comme 
cases  initiales 

11  avec  23,  24,  28,  36,  37,  46,  47,  56,  68,  78; 

12  avec  55,  57,  63,  66,  74,  75,  86,  87; 
i3  avec  36,  52,  76; 

14  avec  53; 

23  avec  36,  66; 

24  avec  47,  63,  66,  75; 
34  avec  46,  75, 

ou  des  positions  symétriques  par  rapport  à  une  diagonale;  d'autre  part,  avec 
la  case  1 1,  on  peut  choisir  de  35  manières  différentes  une  autre  case,  de  telle 

Fig.  22  quatcr. 


4 

1 

2 

5 

6 

3 

3 

5 

6 

1 

2 

4 

5 

1 

• 

4 

3 

6 

2 

6 
3 

2 

3 

• 

• 

4 

5 

1 

5 

6 

• 

1 

2 

4 

2 

4 

1 

6 

• 

3 

5 

• 

6 

2 

3 

4 

5 

1 

• 

1 

• 

4 

5 

2 

3 

• 

6 

■        sorte  que  le  problème  des  huit  reines  soit  possible,  en  ajoutant  six  reines 
aux  deux  premières. 
On  peut  encore  se  proposer  cet  autre  problème  de  superposer,  sans  con- 


23o  Note  IV. 


usion,  plusieurs  solutions  du  problème  des  reines.  Ainsi,  pour  l'échiquier 
de  8^  cases,  on  peut  superposer  jusqu'à  six  positions  du  problème  des  huit 
reines;  en  particulier,  nous  avons  trouvé  la  solution  suivante,  dans  laquelle 
les  mêmes  chiffres  correspondent  à  une  même  solution  du  problème  des 
reines.  On  résout  ainsi  la  question  suivante  :  Etant  donnés  6  groupes  de 
8  jetons  et  de  couleurs  différentes,  placer  les  48  jetons  sur  les  cases  d'un 
échiquier  ordinaire,  de  telle  sorte  que  deux  jetons  de  même  couleur  ne  puis- 
sent se  trouver  sur  une  même  ligne  horizontale,  verticale  ou  diagonale. 

On  peut  encore  superposer,  mais  d'une  façon  moins  symétrique,  les  six 
solutions  qui  correspondent  aux  numéros  de  la  page  79,  à  savoir  : 

8,  i5,  43,  5o,  78,  85, 
ou  encore 

2,  i3,  3i,  62,  80,  91. 

Dans  le  Bulletin  de  la  Société  mathématique  de  France  (tome  XI), 
M.  Perolt  a  ajouté  une  contribution  importante  au  problème  des  tours  et  à 
celui  des  fous.  En  particulier,  il  a  trouvé  que  sur  les  Zz  cases  blanches  (ou 
noires)  de  l'échiquier  ordinaire,  on  peut  placer  r  fous,  non  en  prise,  pour 
r  =  I,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  de//,  manières  différentes.  Les  nombres  v  et  fr  sont 
donnés  dans  le  tableau  (p.  229 ). 


r    : 

I, 

2, 

3, 

4, 

5, 

6, 

7; 

fr: 

32, 

356, 

1704, 

3532, 

2816, 

632, 

16; 

d'ailleurs/,.  =  o  pour  r  >  7.  En  outre,  si  n  désigne  l'un  des  quatorze  pre- 
miers entiers,  le  nombre  F„  de  manières  de  placer  n  fous,  non  en  prise, 
sur  l'échiquier  ordinaire  de  64  cases,  est  donné  par  la  formule 

E7/  =  f,i  +/t  fn  -  1  +/2  fn  -  2  -I-  •  • .  +/»  -  1  /i  +/«• 

Ainsi  pour  n  =  8,  on  peut  placer  huit  fous,  non  en  prise,  sur  l'échiquier 
ordinaire,  de  22522960  manières  différentes. 

M.  le  docteur  Pein,  professeur  à  la  Realschule  de  Bochum,  a  repris  d'une 
manière  complète  l'historique  et  l'exposé  des  diverses  méthodes  du  problème 
des  reines  ('). 

Dans  cet  ouvrage  de  62  pages  in-4',  on  trouve  sept  planches  gravées  don- 
nant les  figures  de  toutes  les  positions  du  problème  des  n  reines  pour 
n  =  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10.  L'auteur  nous  apprend  que  c'est  à  Gauss  que  l'on 
doit  la  méthode  que  nous  avions  attribuée  à  M.  Laquière.  Dans  une  lettre  à 
Schumacher,  datée  de  i85o,  Gauss  a  encore  indiqué  le  moyen  de  faciliter 

(*)  AuGUST  Pein.  —  Jufstellung  von  n  Kôniginnen  aufeinen  Schachbrette  von  n*  Fel- 
dern,  von  n  =  4.  his  n=  10.  —  Leipzig,  Teubner;  1889. 


Note  IV.  23 1 


le  triage  des  positions  des  reines  par  l'emploi  de  cartons  mobiles  découpés 
en  étoiles  et  servant  à  masquer  les  cases  commandées  par  la  position  d'une 
reine. 

Au  mois  d'octobre  1889,  M.  Claude  Botton  nous  adressait  de  Montvazon, 
près  Valognes,  les  résultats  de  ses  recherches  sur  le  nombre  des  solutions 
du  problème  des  on^e  reines  et  des  observations  intéressantes  sur  la  filia- 
tion ou  la  généalogie  des  solutions  quand  on  passe  d'un  échiquier  de  m=  cases 
à  l'échiquier  de  (n  +  if  cases.  En  même  temps,  M.  Henri  Tarry,  ancien  élève 
de  l'École  Polytechnique,  inspecteur  des  finances  à  Alger,  nous  envoyait 
le  tableau  des  solutions  simples  du  problème  des  onze  reines.  Les  résultats 
trouvés  par  nos  deux  collaborateurs  sont  identiques.  Il  existe  341  solutions 
simples  du  problème  des  onze  reines,  parmi  lesquelles  12  sont  semi-régu- 
lières, ce  qui  fait  un  total  de  2680  solutions. 

M.  Tarry  a  présenté  au  congrès  de  Limoges  (1890)  les  tableaux  de  ses 
calculs;  en  outre,  il  a  dressé  le  tableau  des  solutions  qui  commencent  par  i 
dans  le  problème  des  doui^e  reines  ;  il  en  a  trouvé  248  qui  correspondent  à 
124  solutions  simples.  De  plus,  il  a  donné  des  formules  qui  permettent 
de  calculer  le  nombre  de  positions  que  peuvent  occuper  les  deux,  trois, 
quatre,  cinq  premières  reines^  sur  l'échiquier  de  «'  cases.  Ainsi,  sur  l'échi- 
quier de  deux  cases  de  largeur  et  de  n  cases  de  hauteur,  en  supposant  n  >  4, 
le  nombre  des  positions  de  deux  reines  non  en  prise  est  égal  à 

sur  l'échiquier  de  trois  cases  de  largeur  et  de  n  cases  de  hauteur,  en 
supposant  riyÇ»,  le  nombre  des  positions  de  trois  reines  non  en  prise  est 
égal  à 

(m— 3)(m=  —  6«-f-i2); 

sur  l'échiquier  de  quatre  cases  de  largeur  et  de  n  cases  de  hauteur,  en 
supposant  «^8,  le  nombre  des  positions  de  quatre  reines  non  en  prise  est 
égal  à 

n' —  i8n'  +  i3o?î'  —  534n  -4-  840. 

Pour  compléter  ces  renseignements,  nous  ajouterons  que  nous  avons 
publié  sur  le  sujet  qui  nous  occupe,  au  point  de  vue  de  l'exécution  pratique, 
sans  voir  l'échiquier,  deux  articles  dans  les  numéros  697  et  701  du  journal 
la  Nature  de  M.  Gaston  Tissandier.  Mais,  malgré  tant  d'efforts,  la  solution 
générale  du  problème  des  n  reines  est  loin  d'être  connue;  cependant,  dans 
une  Note  qui  termine  l'opuscule  de  M.  le  général  Frolow  (*),  naus  avons 

C)  Frolow.  Les  carrés  magiques,  nouvelle  e'^ude,  avec  des  Notes  par  MM.  Delannoy 
et  Ed.  Lucas.  Paris,  Gauthier- Villars;  1886. 


232  Note  V, 


démontré  que  le  nombre  des  solutions  ordonnées  du  problème  des  n  reineS;. 
par  progression  arithmétique  [voir  p.  83-86),  est  égal  à  la  fonction  numé- 
rique 

dans  laquelle  a,  b,  c,  ... ,  désignent  les  différents  facteurs  premiers  qui 
divisent  n. 


NOTE  V. 
Sur  le  Solitaire  à  41  cases. 

Nous  avons  donné  aux  pages  117,  118,  i3i  et  i32  quelques  dévelop 
pements  sur  le  solitaire  à  quarante  et  une  cases.  Mais,  depuis,  on  est  par- 
venu à  la  solution  complète  des  possibilités  et  des  impossibilités  des  réus- 
sites, en  prenant  une  case  initiale  quelconque  (/ig:  3r,  p.  117).  Au  mois 
d'avril  i883,  M.Mantel,  professeur  àDelft,  nous  a  adressé  la  réussite  suivante, 
en  prenant  13  pour  case  initiale  et  42  pour  case  finale. 

il    h     245i24^?5.M?!Z45!i457^^4l     6254 
i3'   14'   24'  34'   26'  37/  48'  54'  64'  65'  5^'  65*  63'   64'  74' 

84    55*     65     73     23     4.3    5i     3i     63     43     i3     41     34     22     43     40 
6^'  "Tô  '  63'  53'  p'  63'  53'  33'  ^3'  Tî'  33'  ^3'  3^'  ^*  ^7'  ^' 

Au  mois  de  février  1887,  M.  Chicandard,  pharmacien  à  Paris,  nous  a 
adressé  deux  autres  réussites,  en  prenant  37  pour  case  initiale  et  37  ou  64 
pour  case  finale;  elles  contiennent  sept  coups  triples  et  débutent  ainsi  : 

37    45     26     34     1^     04_*     1£     36     ££    .'52      22 
57'  47'  46'  36'   35'    24'    33'   34'    33'    32'    42' 

34     3^     62     54     73     402    51^    43     46^    6^    55_* 
32  '  52 '  42 '  52 '  53 '   42  '    53  '  45 '   48  '    84  '   75  ' 

Elles  se  terminent  par  l'une  ou  l'autre  des  opérations 

66     45    57  57    45     66 

Ï6'  T7'W  55' r5'  6i' 


Note  V.  233 


Les  huit  derniers  coups  de  la  réussite  de  M.  Hermary,  que  nous  avons 
décrite  à  la  page  ii8,  peuvent  être  remplacés  par  les  six  derniers  de  la 
réussite  de  M.  Ghicandard.  En  rapprochant  ces  divers  résultats,  on  voit  que 
l'on  obtient  particulièrenient  les  solutions  théoriques  possibles  en  prenant 
pour  case  initiale  ou  finale  13,  24  et  toutes  celles  qui  correspondent  par 
rotation  ou  par  symétrie.  Il  nous  reste  à  démontrer  que  les  autres  solutions, 
théoriquement  possibles,  ne  peuvent  être  réalisées  sur  le  solitaire  restreint. 
Supposons  que  les  cases  du  solitaire  soient  garnies  alternativement  des 
couleurs  blanche  et  noire,  et  que  la  case  44  soit  noire.  Dans  chaque  coup 
simple  du  solitaire,  un  pion  quelconque  ne  peut  prendre  qu'un  ou  plusieurs 
pions]  situés  sur  une  ou  plusieurs  cases  de  couleur  opposée  à  celle  de 
la  case  qu'il  occupe,  pour  venir  se  placer  sur  une  case  de  même  cou- 
leur que  la  sienne.  Mais  le  solitaire  de  quarante  et  une  cases  renferme 
seize  cases  blanches,  et  seize  cases  noires  sur  le  pourtour;  si  l'on  prend 
une  case  blanche  pour  case  initiale  de  la  réussite,  il  reste  quinze  boules 
sur  cases  blanches  et  seize  sur  les  cases  noires  du  pourtour;  d'autre  part,  les 
boules  situées  sur  les  cases  du  pourtour  ne  peuvent  être  prises  avant  d'avoir 
été  déplacées,  c'est-à-dire  avant  d'avoir  pris  un  nombre  de  boules,  au 
moins  égal,  situées  sur  des  cases  blanches.  Par  conséquent,  quelle  que 
soit  la  manœuvre,  il  restera  au  moins  deux  boules  sur  les  cases  noires  du 
pourtour. 

Ce  critérium  d'impossibilité  peut  s'appliquer  à  des  solitaires  de  forme 
quelconque  et  peut  s'énoncer  ainsi  '.Lorsqu'un  solitaire  contient  des  cases 
de  même  couleur  garnies  de  boules  qui  ne  peuvent  être  prises  qu'après  avoir 
été  déplacées  et  que  le  nombre  de  ces  cases  n'est  pas  plus  petit  que  celui  des 
cases  de  couleur  opposée,  la  réussite  est  impossible  en  prenant  pour  initiale 
une  case  de  cette  couleur  opposée. 

Ainsi,  pour  le  solitaire  de  41  cases,  la  réussite  est  impossible  lorsque 
Ton  prend  pour  case  initiale  une  case  de  couleur  opposée  à  celle  de  44.  De 
même,  la  réussite  est  encore  impossible,  lorsque  l'on  prend  pour  initiale 
l'une  des  cases  04,  40,  48,  84,  attendu,  qu'après  le  premier  coup,  on  est 
ramené  au  cas  précédent.  Il  en  est  de  même  lorsque  l'on  prend  pour  ini- 
tiale l'une  des  cases  22,  26,  62,  66. 

La  démonstration  précédente,  due  à  M.  Mantel,  complète  ainsi  la  solution 
du  problème  des  réussites  sur  l'échiquier  de  quarante  et  une  cases. 

Il  reste  à  élucider  la  question  du  solitaire  de  trente-neuf  cases  dont  nous 
avons  parlé  dans  la  remarque  de  la  page  iSg. 

Nous  donnerons  une  autre  méthode  pour  obtenir  les  Réussites  du  solitaire 
à  41  cases;  cette  jolie  solution  nous  a  été  adressée  par  M.  Paul  Redon,  au 
mois  de  juin  1888.  Les  réussites  possibles  sont  comprises  dans  le  tableau 
suivant. 


234 


Note  V. 


Tableau  des  vingt-huit  réussites  du  Solitaire  à  41  cases. 


9 
10 
1 1 
12 
i3 
14 
i5 
16 

17 

18 

ï9 
20 
21 
22 

23 

24 

2  5 

26 
27 

28 


CI. 


13 

» 
15 

» 
24 

» 

)) 
31 

» 
37 

» 
42 

» 

» 
46 

» 

» 
51 

» 
57 

» 
64 

» 

73 

» 
75 

» 


CF. 


15 
42 
13 
46 
31 
37 
64 
24 
51 
24 
57 
13 
46 
73 
15 
42 
75 
31 
64 
37 
64 
24 
51 
57 
42 
75 
46 
73 


OBSERVATIONS. 


Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Réussite  C. 

Symétrique 

Réussite  D. 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Réussite  A, 

Réussite  B. 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 

Symétrique 


inclinée  du  n»  9.    .  . 

inclinée  du  n°  S.    .  . 

inclinée  du  n°  18  .  . 

inclinée  du  n^  19  .  . 

horizontale  du  n»  5  . 

verticale  du  n»  19  .  . 

verticale  du  n»  18  .  . 

centrale  du  n»  19 .  . 

centrale  du  n°   18 .  . 

inclinée  du  n"  5.  .  . 

inclinée  du  n°  7.  .  . 

inclinée  du  n°  6.  .  . 

inclinée  du  n°  23  .  . 

inclinée  du  n"  22  .  . 

inclinée  du  n"  24 .  . 

horizontale  du  n"  18. 
horizontale  du  n"  19. 

verticale  du  n"  7.   .  . 

verticale  du  n°  5.   .  , 

centrale  du  n°  5,   .  . 

inclinée  du  n"  10  .  . 

inclinée  du  n°  1 1  .  . 

inclinée  di^  n°  21  .  . 

inclinée  du  n»  20  .  . 


Il  nous  reste  à  exposer  la  succession  des  coups  pour  les  Réussites  A,  B, 
C,  D,  portant  les  numéros  18,  19,  5,  7. 

Réussite  A.  —  De  51  à  31. —  On  joue  d'abord  les  treize  coups  suivants, 
dont  deux  triples  : 


Note  VI.  .2  35 


3i     43     22     34     >  3    04*    15*     32     37     56     26     34     36 
57'  ^'  ^'  3i'  33'    Z4'    35'  34'   35'  36'  46'  36'  56* 

On  ajoute  ensuite  les  trois  coups 

48     45     40^ 
46'  43'    42' 

Enfin,  on  joue  les  treize  coups  suivants,  symétriques  des  treize  coups 
du  début.  On  les  obtient  en  écrivant  les  treize  fractions  dans  l'ordre  inverse, 
et  en  retranchant  de  8  les  premiers  chiffres  des  deux  termes  de  chaque 
fraction. 

56     54     65     36     57     52     75^    84^     73     54    62     43     5£ 
36'   56'  ^'  56'  55'  54'    55'    64'  53'  52'  42'  41'  3:* 

Réussite  B.  —  De  51  à  64.  —  Remplacer  les  trois  derniers  coups  de  la 
réussite  précédente  par 

5i     43     62 
53'  63'  65' 

Réussite  C.  —  De  24  à  31.  —  Remplacer,  dans  la  réussite  A,  les  trois  pre- 
miers coups  par 

22     43     3i 
24'  23'  33 

Réussite  D.  —  De  24  à  64.  —  Remplacer,  dans  la  réussite  B,  les  trois  pre- 
miers coups  par  les  trois  premiers  de  la  réussite  C. 


NOTE  VI. 

Sur  les  nombres  parfaits. 


Nous  avons  vu  (p.  i58)  que  les  nombres  parfaits  proviennent  des  nom- 
bres premiers  de  la  forme  N  =  2'^ —  i. 

Dans  la  Préface  générale  des  Cogiiata  physico-mathematica,  Mersenne 
affirme  que  les  nombres  premiers  N  correspondent  aux  valeurs 

w  =  I,  2,  3,  5,  7,  i3,  17,  19,  3i,  67,  127,  257. 


236  Note  VI. 


et  qu'il  n'en  existe  pas  d'autres  pour  »  plus  petit  que  257.  Il  résulte  de  ce 
curieux  passage,  remis  en  lumière  par  M.  Genocchi,  que  Mersenne  était 
en  possession  d'une  méthode  importante  dans  la  théorie  des  nombres;  mais 
cette  méthode  ne  nous  est  point  parvenue.  En  cherchant  à  vérifier  l'asser- 
tion précédente,  nous  avons  d'abord  rencontré  le  théorème  suivant  : 

Si  «  =  4^-f-3  est  un  nombre  premier^  en  même  temps  que  2M4-i,  le 
nombre  N  =  2"  —  i  est  divisible  par  2»+  i.  Par  suite,  en  consultant  la 
table  des  nombres  premiers,  on  en  conclut  que,  pour  les  valeurs  de  n  suc- 
cessivement égales  à 

II,  23,  83,  i3i,  179,  191,  239,  25i, 

le  nombre  N  n'est  pas  premier.  Pour  d'autres  valeurs  du  nombre  premier 
M,  Fermât  a  trouvé  que  2"  —  i  est  divisible  par  223;  Plana  a  trouvé  que 
2*'  —  I  est  divisible  par  1 3  367  ;  M.  Landry  a  trouvé  que  les  nombres  2"  —  i , 
2"  —  I,  2=' —  I,  2" —  I,  sont  respectivement  divisibles  par  43i,  235i,  636i 
et  179951;  enfin  M.  Le  Lasseur  a  montré  que,  pour  les  exposants  n 

73,  79,  97,         ii3,  i5i,  211,  223,        233, 

les  nombres  2" —  i  sont  respectivement  divisibles  par 

439,      2687,       11447,      3391,       18121,       15193,       18287,       139g. 

De  plus,  M.  SeelhofF,  de  Brème,  a  démontré  que  2«*  —  i  est  premier,  ce 
qui  donne  le  neuvième  nombre  parfait. 

Il  reste  donc  à  déterminer  la  nature  des  nombres  N  pour  les  vingt-trois 
exposants 

67,  71,  89,  loi,  io3,  107,  109,  127,  137,  139,  149,  157, 
i63,  167,  173,  181,  193,  197,  199,  227,  229,  241,  257. 

PoAir  vérifier  la  dernière  assertion  de  Mersenne,  sur  le  nombre  supposé 
premier  2"'  —  i,  et  qui  a  78  chiffres,  il  faudrait,  en  se  servant  des  anciennes 
méthodes,  que  l'humanité,  formée  de  mille  millions  d'individus,  calculât 
simultanément  et  sans  interruption,  pendant  un  temps  au  moins  égal  à 
un  nombre  de  siècles  représenté  par  un  nombre  de  vingt  chiffres.  Nous 
avons  indiqué  dans  notre  Théorie  des  fonctions  numériques  simplement  pé- 
riodiques {Journal  de  Sylvester^t.  I,  p.  304;  Baltimore,  1878),  une  nou- 
velle méthode  qui  permettait  à  une  seule  personne  de  résoudre  la  question 
en  moins  de  trois  mois,  avec  V Arithmomètre  de  Thomas. 


INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE 


Finito  libro,  sit  laus  et  gloria  Christo! 

Detur  pro  pœna  scriptori  pulcra  puella. 

Penna,  precor,  cessa,  quoniam  manus  est  mihi  fessa, 

Explicit  hic  totum,  pro  pœna  da  mihi  potum. 


LES  joyeux  vers  qui  précèdent  sont  placés  à  la  fin  de  plusieurs  ma- 
nuscrits conservés  à  Dresde  et  à  Padoue  et  qui  ont  pour  titre  :  Sola- 
tium  ludi  Scacchorum,  scilicet  regiminis  ac  morum  liominum,  et 
officium  Virorum  Nobilium,  quorum  formas  si  quis  menti  impresserii^ 
bellum  Ipsum  ^  et  Ludi  virtutem  corde  faciliter  poterit  obtinere.  C'est 
l'œuvre  d'un  moine  picard,  de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs,  Jacobus  de 
Cessolis,  né  à  Césoles,  au  xiii"  siècle.  La  Bibliothèque  Nationale  de  Paris 
possède  plusieurs  manuscrits  de  cet  auteur,  sur  le  jeu  des  échecs,  sous  le 
titre  :  Moralitates  super  ludo  Scacchorum,  n°'  8234,  4319,  6287,  6492, 
6493,  6705  à  6709,  6782,  6783  du  fonds  latin. 

Nous  donnons  ci-après,  suivant  l'ordre  chronologique,  l'indication  des 
principaux  livres,  mémoires,  extraits  de  correspondance,  qui  ont  été  pu- 
bliés sur  l'Arithmétique  de  position  et  sur  la  Géométrie  de  situation.  Nous 
avons  surtout  choisi  les  documents  qui  se  rapportent  aux  sujets  que  nous 
avons  traités  ou  que  nous  traiterons  ultérieurement. 


^^ 


2  38  Index  bibliographique. 


XVF  SIECLE. 

Chuquet.  —  Jeux  et  Esbatemens  qui  par  la  science  des  nombres  se  font. 
—  F"  206-210  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  (1346  du  F"*' 
Français)  intitulé  :  Triparty  en  la  science  des  nombres.  On  y  trouve  la 
notation  des  exposants  et  la  règle  des  signes  (1484). 

Lucas  de  Burgo.  —  Euclidis  opéra  a  Campano  interprète  fidissime  trans- 
lata Lucas  Paciolus,  theologus  insignis,  altissima  mathematicarum  disci- 
plinarum scientia  rarissimus.judicio  castigatissimo  detersit.  VenQÙis,  ibog. 

Damiano.  —  Livro  da  imparare  giuocare  a  Scacchiy  etc.  Romae,  i5i2.  — 
On  attribue  à  cet  auteur  portugais  le  coup  du  gambit,  qui  consiste  à  sacri- 
fier, au  troisième  coup  de  la  partie  d'échecs,  le  cavalier  du  roi. 

Albert  DOrer  donne  dans  la  Melencholia,  gravée  en  1 5 14,  la  figure  d'un 
carré  magique  de  seize  cases. 

S'ensuit  jeux,  partis  des  Esche:ç,  compose:^  nouvellement  pour  récréer 
tous  nobles  cueurs  et  pour  éviter  oysiveié  à  ceulx  qui  ont  voulonté,  désir  et 
affection  de  le  sçavoir  et  apprendre,  et  est  appelé  ce  Livre,  le  jeu  des  Princes 
et  Danioiselles.  Paris,  vers  i53o.  —  On  y  trouve  la  course  du  cavalier  sur  la 
moitié  (32  cases)  de  l'échiquier  ordinaire. 

Agrippa  von  Nettesheim.  —  De  occulta  philosophia  libri  très.  Goloniae, 
i533. 

De  Bouvelles.  —  Livre  singulier  et  utile,  touchant  l'art  et  practique  de 
Géométrie,  nouvellement  en  françoys,  par  maître  Charles  de  Bouvelles, 
chanoyne  de  Noyon.  Paris,  1542.  —  Caroli  Bovilli  Samarobrini  Geometri- 
cum  opus  duobus  libris  comprehensum.  Lutetiae,  iSSy. 

Propositiones  arithmeticœ  ad  acuendos  juvenes.  —  Cet  ouvrage,  imprimé 
sous  le  nom  de  Bède,  en  i543,  inséré  dans  les  Œuvres  d'ALcuiN,  par  l'abbé 
de  Saint-Emeran,  en  1777,  doit  être  considéré,  d'après  Montucla  {Histoire 
des  Mathématiques,  t.  I,  p.  496),  comme  le  germe  des  Récréations  mathé- 
matiques. 

Stiefel.  —  Arithmetica  intégra.  Norimbergae,  i  544. 

Riese.  —  Rechenung  nach  der  lenge,  auffder  Linichen  und  Feder.  Leipzig, 
i55o.  , 

Cardan.  —  De  subtilitate  libri  XXL  Norimbergae,  i55o.  —  Cet  ouvrage 
a  été  traduit  en  français  par  Richard  Leblanc,  sous  le  titre  :  Les  Livres 
d'Hieronymus  Cardanus,  de  la  Subtilité  et  subtiles  Inventions,  ensemble  les 
causes  occultes  et  les  raisons  d'icelles.  Paris,  i556. 

Tartaglia.  —  Quesiti  et  inventioni  diverse.  Venetia,  1654. 

Rythomachiœ,  sive  Arithmomachia  ludi  mathematici  ingeniosissimi  des- 
criptiones  duœ.  Erphordiae,  1577. 

GiANUTio  della  Mantia.  —  Libro  nel  quale  si  traita  délia  maniera  di 


Index  bibliographique.  2  3q 


giuocar  a  scacchi,  con  alcuni  sottilissimipartiti.  Turin,  iSgy.  —  On  y  trouve 
une  course  du  cavalier  sur  le  demi-échiquier  de  32  cases;  en  prenant  la 
symétrique,  et  en  réunissant  les  deux  courses,  on  obtient  un  circuit  donné 
par  EuLER,  deux  siècles  plus  tard. 

MoNANTEuiL.  —  Liidus  astromathematicus.  Paris,  iSgy. 

Diego  Palomino  a  publié  un  ouvrage  sur  les  carrés  magiques.  Madrid, 
1599. 


'mSi 


XVII'    SIECLE. 

Bachet  de  Méziriac.  —  Problesmes  plaisans  et  délectables  qui  se  font 
par  les  nombres.  Paris,  16 12.  Deuxième  édition,  en  1624.  Troisième  et 
quatrième,  par  Labosne,  en  1874  et  en  1879,  à  Paris. 

D.  H.  P.  E.  M.  (D.  Henrion,  professeur  es  mathématiques).  —  Deux 
cens  questions  ingénieuses  et  récréatives,  extraictes  et  tirées  des  œuvres 
mathématiques  de  Valentin  Menher,  Allemand,  avec  quelques  annotations 
de  Michel  Coignet  sur  aucune  d'icelles  questions.  Paris,  1620. 

Van  Etten.  —  Récréation  mathématique.  Paris,  1626. 

ScHWENTER.  —  DcUcice  physico-mathematicœ.  Norimbergae,  1626.  —  Cet 
ouvrage  a  été  augmenté  de  deux  volumes  en  i65i,  par  Harsdorffer. 

Récréations  mathématiques  composées  de  plusieurs  problèmes  d'Arithmé- 
tique, Géométrie,  etc.  Rouen,  1628. 

Remmelin.  —  Adyta  numeri  reclusa.  Kempten,  1629. 

Mersenne.  —  Questions  inouyes,  ou  récréation  des  sçavants.  Paris,  i633. 

WiNANT  VAN  Westen,  —  Récréatious  mathématiques  contenant  plusieurs 
problèmes,  etc.  Nimègue,  i636. 

Bettinus.  — Apiaria  universce  philosophiœ  mathematicce.  Bononiae,  1645. 
—  Un  troisième  volume  en  i656. 

Caspar  ens.  —  Thaumaturgus  mathematicus.  Coloniae,  i636  et  i65i. 

Forset:(ung  der  mathematischen  und  philosophischen  Erquickstunden. 
Nûrnberg,  i65i.  —  Le  même,  avec  figures,  i653. 

Leake.  —  Mathematical  récréations.  London,  i653. 

La  maison  académique  contenant  un  recueil  général  de  tous  les  jeux 
diveriissans  pour  se  réjouyr  agréablement  dans  les  bonnes  compagnies. 
Paris,  1654.  —  Dans  son  Dictionnaire  des  ouvrages  anonymes,  Barbier 
attribue  ce  livre  au  sieur  de  la  Marinière. 

'Q^iym\5s>.  —  Recreationum  mathematicarum  apiaria  novissima  duo  cim, 
accessit  Coronidis  loco  appendix.  Bononiae,  i658 


240  Index  bibliographique. 


Aureoli  Philippi  Theophrasti  Paracelsi  ab  Hohenheim  opéra.  Genevae, 
i658. 

ScHOTT.  —  Cursus  mathematicus.  Herbipoli,  1661.  —  Ce  volume  con- 
tient, sous  le  titre  :  Arithmetica  divinatoria,  des  problèmes  plaisants  et  dé- 
lectables. 

FiJRSTENBACH.  —  Maunkafter  Kunstpiegel.  Augsburg,  i663. 

ScHOTT.  —  Technica  curiosa,  seu  mirât ilia  artis.  Norimbergge,  1664. 

KiRCHER.  —  Arithmologia  sive  de  abditis  Numerorum  mysteriis.  Romae, 
i665. 

OuGHTRED.  —  Mathematical  récréations  lately  compiled  by  H.  VanEtten, 
invented  and  written  by  W.  Oughtred.  London,  1667. 

La  maison  des  jeux  académiques  contenant  un  recueil  général  de  tous 
les  jeux  divertissans  pour  se  réjouir  et  passer  le  temps  agréablement. 
Paris,  1668. 

Récréations  mathématiques,  composées  de  plusieurs  problèmes  plaisans  et 
facétieux,  etc.  Lyon,  1669  et  1680. 

Blierstrop.  —  Arithm.  geom.  quadrat.  cubic  und  costische  Erquick- 
stunden.  Glùckstadt,  1670. 

Leybourn.  —  Arithmetical  Récréations.  London,  1676. 

Knorr  von  Rosenroth.  —  Kabbala  denudata.  Sulzbaci,  1677, 

Fermât.  —  Varia  opéra  mathematica,  Tolosae,  1679. 

E.  W.  —  Ludus  mathematicus.  London,  1682. 

KocHANSKi.  —  Considerationes  qucedam  circa  Qiiadrata  et  Cubos  magi- 
coSy  nec  non  aliquot  Problemata  omnibus  Arithmophilis  ad  investi  g  ayidum 
proposita  (Acta  Eruditorum,  p.  391),  1686. 

La  Loubère.  —  Du  Royaume  de  Siam.  Amsterdam,  1691.  —  On  y  trouve 
des  renseignements  sur  les  carrés  magiques  des  Indiens. 

Danxt.  —  Ai'iihm.  geom.  algebr.  und  historische  Ergôt^^lichkeiten.  Co- 
penhngue,  1691. 

Frénicle  de  Bessy.  —  Des  Quarrés  ou  Tables  magiques.  Table  générale 
des  quarrés  magiques  de  quatre  [Mém.  de  VAcad.  Roy.  des  Se,  depuis 
1666  jusqu'à  1699,  t.  V,  p.  209  et  3o3).  Paris,  1729. 

Ozanam.  — Récréations  mathématiques.  Paris,  1694.  — Cet  ouvrage  a  eu 
beaucoup  d'éditions  avec  additions  successives. 

Divertissemens  innocens  contenant  les  règles  du  jeu  des  échecs,  du  bil- 
lard, etc.  La  Haye,  1696. 


^» 


Index  bibliographique.  241 


XVIIl»  SIECLE. 

Poignard.  —  Traité  des  Quarrês  sublimes.  Bruxelles,  1704. 

R.  P.  SÉBASTIEN  Truchet.  —  Mémoire  sur  les  combinaisons  {Mém.  de 
VAcad.  Roy.  des  Se.  pour  l'année  1704,  p.  363).  Paris,  1706. 

De  La  Hire.  —  Nouvelles  constructions  et  considérations  sur  les  quarrés 
magiques^  avec  leurs  démonstrations.  —  Construction  des  quarrés  magiques 
dont  la  racine  est  un  nombre  pair  {Mém.  de  VAcad.  Roy.  des  Se.  pour 
l'année  1705,  p.  167).  Paris,  1706. 

De  Montmort.  —  Essai  d'analyse  sur  les  jeux  de  hasard.  Paris,  1708  et 
1714, 

Sauveur.  —  Construction  générale  des  quarrés  magiques  {Mém.  de 
VAcad.  des  Se.  pour  l'année  17 10,  p.  92).  Paris. 

Leibniz.  —  Annoiatio  de  quibusdam  ludis  imprimis  de  ludo  quodam 
Sinico,  differentiaque  scacchici  et  Latrunculorum  {Mise.  Soc.  reg.,  t.  L) 
Berlin,  1710.  Voir  aussi  Leibni{ii  Epistol.a  Kortholto  editis,  t.  II.  p.  278, 
et  Fellerii  monum.  inédit.,  p.  642. 

Pescheck.  —  Alte  und  neue  arithmetische  und  geometrische  Erquick- 
stundenund  E)gôt:(lichkeiten.  Budithin,  1716. 

Leirtig.  —  Ludus  mathemaiicus,  sive  crux  geometrica.  Jenae,  171 6. 

Halken.  —  Deliciœ  mathematicœ.  Hamburg,  171g. 

Otia  mathematica.  Salisbury,  171 9. 

Maier.  —  De  arithmetica  figurata  ejusque  usibus  aliquot{Comm.  Acad. 
Petropol..,  t.  III).  Saint-Pétersbourg,   1735. 

Stamma.  —  Essai  sur  le  jeu  des  échecs.  Paris.  1737. 

RoHLFS.  —  Kiinstliches  Zahlenspiel  oder  grundliche  Anweisung^wie  die 
sogenannten  magischsn  Quadrate  p[u  verfertigen.  Buxtehude,  1742. 

RosT.  — Mathematischen  Lost  und  Nut:(garten.  Nûrnberg,  1745. 

Ressing.  — Arithmetischer  und  algebraischer  Zeitbertreib.  Hamburg, 
1747. 

Les  Amusements  mathématiques.  Paris  et  Lille,   1749. 

D'ons  en  Bray.  —  Méthode  facile  pour  faire  tels  quarrés  magiques  que 
l'on  voudra  {Mém.  de  VAcad.  Roy.  des  Se.  de  Paris  pour  l'année  1750). 

Arnaud.  —  Nouveaux  éléments  de  géométrie.  Paris,  1768. 

ëuler.  —  Solutio  problematis  ad  geometriam  situs  pertinentis  {Mém.  de 
VAcad.  des  Se).  Berlin,  1759. 

Euler.  —  Solution  d'une  question  curieuse  qui  ne  paraît  soumise  à  au- 
cune analyse  {Hist.  de  VAcad.  des  Se.  de  Berlin,  t.  XV,  p.  3io). 

Euler.  —  Problema  algebraicum  ob  affectiones  prorsus  singulares  mémo- 
rabile  {Nov.  Comm.  Acad.  Petrop.,  t.  XV,  p.  75  ). 

E.  Lucas.  —  Récréations  mathém.  i6 


242  ■  Index  bibliographique. 


EuLER.  —  Recherches  sur  une  nouvelle  espèce  de  quarrés  magiques  {Mém. 
de  la  Soc.  des  Se.  de  Flessingue,  t.  IX,  p.  85). 

BoNAVENTURE.  —  Amuscments  philosophiques.  Amsterdam,  lyôS, 

Rallier  des  Ourmes.  —  Mémoire  sur  les  quarrés  magiques  {Mém.  de 
l'Acad.  Roy.  des  Se.  de  Paris  pour  l'année  1763). 

Benjamin  Franklin.  —  Experiments  and  observations  on  Electricity... 
to  which  are  added  Letters  and  Papers  on  philosophical  subjects.  London, 
1764. 

Veritas  quadrata  mathematica,  physica,  philologica,  theologica.  Amste- 
lodami,   1765. 

Lelio  della  Volpe.  —  Corsa  del  cavallo  per  tutfi  scacchi  dello  scac- 
chiere.  Bononia,  1766. 

Capito.  —  Aile  magischen  Qiiadrattafeln  :(u'verfertigen^  d.  i.  die  Zahlen 
aller  geraden  und  nngeraden  Quadraten  grundlich  ausiurechnen,  leicht  j^m 
ordnen,  und  viele  Millionenmal  eben  so  leicht  ^u  veràndeni,  dass  sie  in  die 
Lange,  Breite  und  uber's  Creut^  einerlei,  und  die  verlangte  Summe 
bringen.  Gluckstadt,  1767. 

Vandermonde.  —  Remarques  sur  les  problèmes  de  situation  {Mém.  de 
VAc.  des  Se.  de  Paris  pour  l'année  1771,  p.  566). 

GuYOT.  —  Nouvelles  récréations  physiques  et  mathématiques.  Paris,  1772. 

MoNGE.  —  Réflexions  sur  un  tour  de  cartes  {Mém.  des  Sav.  étr.,  t.  VII, 
p.  390).  Paris,  1773. 

GoLUNi.  —  Solution  du  problème  du  cavalier  au  jeu  d'échecs.  Mann- 
heim,  1773;  chez  Tobie  Leffler,  au  Chandelier  d'Or. 

HuTTON.  —  Miscellanea  mathematica.  London,  1775. 

Chaula. —  Récréations  mathématiques.  Paris,  1778.  —  Cet  ouvrage  est 
attribué  à  Montucla. 

LuYA.  —  Amusements  arithmétiques  et  algébriques  de  la  campagne. 
Genève,  1779. 

Bai^lièredeLaisement.— Essaisurles  problèmes  de  situation. Rouen^i'j82. 

FoNTANA.  —  Opuscoli  matcmatici  sopra  il  teorema  della  conifosi^ione 
délie  for^e,  e  sopra  il  calcolo  intégrale  délie  différencie  finite.  Pavia,  1789. 
—  On  trouve  à  la  page  45  de  cet  ouvrage  la  solution  du  problème  de  la 
tour  au  jeu  des  échecs.  , 

VoN  C'LK\]?,?.'BEKG.  —  Démonstrative  Rechenkunst.  Leipzig,  1795. 


Index  bibliographique.  248 


XIX'    SIECLE. 

GiACOMETTi.  — //  miovo  giuocho  di  Scacchi,  ossia  il  giuocho  délia  guerra. 
Geneva,  1801. 

LoRENz.  —  Lehrbegriff  der  Syntaktik  und  Kombinationslehre.  Magde- 
burg,  1806. 

Brunacci.  —  Compendio  di  calcolo  sublime.  Milan,  181 1.  —  Dans  le  t.  I, 
p.  74,  l'auteur  traite  le  problème  de  la  tour  au  jeu  des  échecs. 

MoLLWEiDE.  —  De  quadratis  magicis  commentatio.  Lipsiae,  1816. 

G.  GiccoLiNi. —  Il  tentativo  di  un  nuovo  giuocho  di  Scacchi.  Roma,  1820. 

Cet  ouvrage  contient  deux  circuits  du  cavalier  sur  l'échiquier  de  100  cases. 

Warnsdorf.  —  Des  Rosselsprungs  einfachste  und  allgemeinste  LiJsung, 
1823. 

Jackson,  — Rationul  amusements  for  rvinter  evenings.  London,  1824. 

Pratt.  — Studies  of  Chess.  London,  1825. 

HiNDENBURG. —  Uebcr  Gitter  und  Gitterschrift  {Journal  de  Crelle,  t.  II, 
p.  87).  Berlin. 

Legendre.  —  Théorie  des  nombres,  3«  édition.  Paris.  —  On  trouve,  t.  II, 
p.   187,  quelques  recherches  sur  le  saut  du  cavalier. 

Muser.  —  Récréations  arithmétiques.  Munster,  i83i. 

T.  CiccoLiNi.  —  Del  cavallo  degli  Scacchi.  Paris,  i836. 

HoHNDELL.  —  Praktische  Anleiiung  ^ur  Bildung  und  Berechnung  magis- 
cher  oder  sogenannter  Zauberquadrate.  Leipzig,   1837. 

VioLLE.  —  Traité  complet  des  carrés  magiques.  1  vol.  in- 8  avec  atlas 
contenant  400  figures.  Paris  et  Dijon,   i838. 

ZucKERMANDEL.  —  Rcgcln,  nach  denen  aile  Zauberquadrate^  mit  gleichen 
Liniensummen,  leicht  und  schnell,  auf  eine  spielende  Art,  gebildet  rverden 
kônnen.  Nûrnberg,  i838. 

De  Lavernède.  —  Froblème  de  situation,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie du  Gard  (1839). 

Du  Hays.  —  Sur  le  jeu  de  loto  {Journal  de  Liouville,  t.  VII,  p,  iq2). 
Paris,  1842. 

LiBRi.  —  Sur  remploi,  dans  V analyse^  des  fonctions  discontinues,  pour  la 
recherche  des  formules  générales  {Comptes  rendus  de  VAcad.  des  Se).  Paris, 
1842. 

ToMLiNSON.  — Amusements  in  Chess.  Londres,  1845. 

Listing.  —  Vorstudien  ^ur  Topologie  (Abgedrûckt  aus  den  Gôttinger 
Studien).  Gottingue,  1848. 

Rbiss.  —  Beitrage  ^ur  Théorie  des  Solitàr-Spiels  {Journal  de  Crelle, 
t.  LIV).  Berlin. 


244  Index  bibliographique. 


Cattois.  —  Calendrier  mental  grégorien,  ou  les  Curiosités  mathématiques, 
utiles,  instructives  et  amusantes.  Orléans,  i852. 

MiNDiNG.  —  Sur  la  course  du  cavalier  {Journal  de  Crelle,  t.  XLIV, 
i852). 

Lamarle.  —  Solution  d'un  coup  singulier  du  jeu  de  dames  {Mém.  de 
VAcad.  des  Se,  t.  XXVII).  Bruxelles,  i852. 

Slyvons.  —  Application  de  V Analyse  aux  sauts  du  cavalier  du  jeu  des 
échecs;  Bruxelles,  i856. 

Hamilton.  —  Mémorandum  respecting  a  new  System  of  roots  of  unity 
{Philosophical  Magasine).  London,  i856. 

Lange.  —  Handbuch  des  Schachspiels.  Halle,  i856. 

HuGEL.  —  Die  magischen  Quadrate  mathematisch  behandelt  und  bewiesen. 
Ansbach,  iSSg. 

Listing.  —  Der  Census  raûmlichen  Complexe  {Gottinger  Abhandlungen, 
1861). 

C.  DE  Polignac.  —  Sur  la  course  du  cavalier  au  jeu  des  échecs  {Comptes 
rendus  de  VAcad.  des  Se,  t.  LU,  p.  840).  Paris,  1861. 

Jaenisch.  —  Traité  des  applications  de  V analyse  mathématique  au  jeu 
des  échecs.  Saint-Pétersbourg,  1862. 

Cretaine.  —  Études  sur  le  problème  de  la  marche  du  cavalier  au  jeu  des 
échecs  et  solution  du  problème  des  huit  dames.  Paris,  i865. 

Plateau.  —Sur  une  récréation  arithmétique  {Bulletin  de  VAcad.  de  Bel- 
gique, t.  XVI,  p.  62.  Bruxelles,  i863,  et  t.  XXXVIIL  Bruxelles,  1874). 

Ed.  Lvcas.  —  Application  de  V  Arithmétique  à  la  construction  de  l'armure 
des  satins  réguliers.  Paris,  1867. 

MooN.  —  On  the  Knights  move  at  Chess  {Cambridge  and  Dublin  math. 
Journ.,  V  série,  t.  III,  p.  333). 

Frost.  —  General  solution  and  extension  of  the  problem  ofihe  i5  schools 
girls   {The    Quarterly  Journal,  t.  VI,  VII,  VIII   et   IX).    London,    1867- 

1870). 

Thompson.  —  On  magie  Squares  (  The  Quarterly  Journal  of  pure  and 
applied  mathematics,t.  X,  p.  186.  London,  1869;  t.  XI,  p.  57,  12 3,  2x3). 

Borner.  —  On  the  algebra  of  magie  squares.  {  The  Quarterly  Journal, 
t.  XI,  p.  57  et  123;  t.  XII,  p.  2i3)  London,  1870. 

Reiss.  —  Évaluation  du  nombre  de  combinaisons,  desquelles  les  28  dés 
dhinjeu  de  dominos  sont  susceptibles  d'après  la  règle  de  ce  jeu  (Annali  di 
matematica,  t.  V,  p.  63).  Milano,  1871. 

VoLPicELLi.  —  Solu^^ione  compléta  e  générale  mediante  la  geometria  di 
situa^ione  del  problema  relativo  aile  corse  del  cavallo  sopra  qualunque 
scacchiere.  Roma,  1872., 

L.  Gros.  —  Théorie  du  baguenodier,  par  un  clerc  de  notaire  lyonnais. 
Lyon,  1872. 


Index  bibliographique.  245 


ExNER.  —  Der  Rosselspriing  als  Zaïiberquadrat.  Hirschberg,  1872. 

Drach.  —  An  easy  gênerai  rule  for  JUding  up  ail  magie  squares  (  The 
Messenger  of  mathematicsy  t.  II).  Cambridge,  1873. 

Von  Pessl.  —  Ueber  eine  besondere  Art  magischer  Quadrate.  Amberg, 
1873. 

Broch.  —  Sur  la  représentation  graphique  des  nombres  complexes  (  Assoc. 
franc,  pour  l'A vanc.  des  Se;  Congrès  de  Lille,  1874). 

GiJNTHER.  —  Zur  mathematischen  Théorie  des  Schachbretts  {Archiv  der 
Math,  und  Physik,  t.  LVI).  Leipzig,  1874. 

Glaisher.  —  On  the  problem  of  the  eight  queens  {Philosophical  Maga- 
^j^ine).  London,  1874. 

GiJNTHER.  —  Beweis  eines  fundamental  Sat:{es  von  den  magischen  Qua- 
draten  {Archiv  der  Mathetnatik  und  Phys.,  t.  LVII,  p.  285).  Leipzig,  1875. 

Frost.  —  Two  simple  methods  of  tracing  the  Knighfs path  {The  Quart 
Jomn.).  London,  1876  et  1877. 

P.  SiMONS.  —  Le  jeu  des  mages,  nouveau  jeu  breveté.  Lierre,  1876  et 
1878. 

Ed.  Lucas.  —  Sur  un  problème  d'Euler  relatif  aux  carrés  magiques 
{Nouv.  Corr,  Math.,  t.  II,  p.  97).  Bruxelles,  1876. 

Glnther.  —  Vermischte  Untersuchungen  :{ur  Geschichte  der  mathema- 
tischen Wissenschaften.  Leipzig,  1876.  —  Cet  ouvrage  très  important 
contient  deux  monographies,  l'une»  sur  les  Polygones  et  les  Polyèdres 
étoiles,  et  l'autre  sur  les  Carrés  magiques. 

Mansion.  —  Sur  les  carrés  magiques  {Nouv.  Corr.  math.,  t.  II,  p-  161 
et  193  ).  Bruxelles,  1876. 

Flyb-Sainte-Marie.  —  Note  sur  un  problème  relatif  à  la  marche  du 
cavalier  sur  l'échiquier  {Bulletin  de  la  Soc.  math.,  t.  V,  p.  144).  Paris, 
1876. 

Ed.  Lucas.  —  Sur  l'échiquier  anallagmatique  de  M.  Sylvester  (Assoc. 
franc,  pour  l'Avanc.  des  Se.  ;  Congrès  du  Havre^  p.  2i3),  1877. 

Ed.  Lucas.  —  Théorème  sur  la  Géométrie  des  Quinconces  {Bulletin  de  la 
Soc.  math.,  t.  VI,  p.  9).  Paris,  1877. 

Laisant.  —  Note  sur  la  Géométrie  des  Quinconces  {Bulletin  de  la  Soc, 
math.,  t.  VI,  p.  i56).  Paris,  1877. 

C.  de  Polignac.  —  Représentation  graphique  de  la  résolution  en  nombres 
entiers  de  l'équation  indéterminée  du  premier  degré  {Bulletin  de  la  Soc. 
math.,  t.  VI,  p.  i58).  Paris,  1877. 

RucHONNET.  —  Théorie  du  solitaire,  par  feu  le  docteur  Reiss,  librement 
traduit  de  l'allemand  (Nouv.  Corr.  math.,  t.  III,  p.  23i).   Bruxelles,  1877. 

Ed.  Lucas.  —  Problèmes  sur  la  Géométrie  des  Quinconces  dans  le  plan 
et  dans  l'espace  {Nouv.  Corr.  math.,  t.  III,  p.  412).  Bruxelles,  1877. 
BusscHOP.  —  Recherches  sur  le  jeu  du  solitaire.  Bruges,  1879. 


'-4-^  Index  bibliographique. 


Hermary.  —  Sur  le  jeu  du  solitaire  (Association  française  pour  l'Avance- 
ment des  sciences;  Congrès  de  Montpellier,  1879). 

Fleury.  —  La  clé  du  taquin,  ou  la  solution  des  quinine.  Marseille,  1880. 

W.  Johnson.  —  Note  on  the  i5"  Pu^^^le  (Journal  de  Sylvester).  Balti- 
more, 1879. 

W.  E.  Story.  —Notes  on  the  i5"  Pu:{ile  (Journal  de"^  Sylvester).  ^Balti- 
more, 1879. 

Ed.  Lucas.  —  Principii  fondamentali  délia  geometria  dei  Tessuti  {L'in- 
gegneria  civile  e  le  Arti  industriali,  t.  VI).  Torino,   1880. 

D.  André.  —  Sur  un  problème  d'Atialyse  combinatoire  {Bulletin  de 
la  Soc.  math.,  t.  V).  Paris,  1877.  —  Détermination  du  nombre  des  arran- 
gements complets  oii  les  éléments  consécutifs  satisfont  à  des  conditions 
données.  {Id.,  t.  VU).  —  Cet  intéressant  Mémoire  contient  des  problèmes  sur 
l'alphabet,  sur  la  musique,  sur  les  marches  du  pion  au  jeu  de  dames  et 
sur  les  sauts  du  cavalier  aux  échecs. 

De  Mondésir.  —  Le  dernier  mot  du  taquin  {La  Nature  du  25  septembre 
1880). 

C.  de  PoLiGNAc.  —  Sur  la  théorie  des  ramifications  [Bulletin  de  la 
Soc.  77tath.,  t.  VIII).  Paris,  1880.  —  Note  sur  la  inarche  du  cavalier  {Id., 
t.  IX). 

E.  Lemoine.  —  Quelques  questions  de  Géométrie  de  position  sur  les 
figures  qui  peuvent  se  tracer  d'un  seul  trait.  Congrès  d'Alger,  1881. 

Laisant.  —  Régions  d'un  plan  et  de  l'espace  (Congrès  d'Alger,  1881  ).  — 
Remarques  sur  la  théorie  des  régions  et  des  aspects  {Bulletin  de  la  Soc. 
math.,  t.  X).  Paris,  1882. 

Perrin.  —  Sur  le  problème  des  aspects  {Bulletin  de  la  Soc.  math.,  t.  X), 
Paris,  1882. 

Paul  de  Hijo.  —  Le  problème  du  cavalier  des  échecs,  d'après  les  mé- 
thodes qui  donnent  la  symétrie  par  rapport  au  centre.  Ouvrage  contenant 
plus  de  4i3ooo  parcours  du  cavalier.  Metz,  1882. 

Perott.  --  Sur  le  problème  des  fous  {Bulletin  de  la  Soc.  math.,  t.  XI). 
Paris,  i883. 

Ed.  Lucas.  —Sur  l'Arithmétique  figurative  et  les  permutations.-—  Calen- 
drier perpétuel  julien  et  grégorien.  Congrès  de  Rouen,  a'883. 

Tait.  —  Note  on  a  Theorem  in  Geometry  of  Position.  Edimbourg, 
i883. 

Ed.  Lucas.  —  Le  problème  géographique  des  quatre  couleurs  {Revue 
scientifique).  Paris,  i883. 

Mantel.  —  Sur  les  combinaisons  d'éléments  dispersés  dans  un  plan.  Con- 
grès de  Rouen,  i883. 

G'^  Parmentier.  —  Le  problème  des  n  reines.  Congrès  de  Rouen,  i883. 

Tait.  —  Listings  Topologie  {Philos.  Maga^.),  1884. 


Index  bibliographique.  247 


Palamède  (V'o  du  Ligondès).  —  Poly graphie  du  cavalier  appliquée  à  la 
recherche  des  carrés  magiques.  Orléans,  1884. 

Ed.  Lucas.  —  Le  calcul  et  les  machines  à  calculer.  Conférence  au  Congrès 
de  Blois,  1884. 

ScHOUTE.— 5Mr  les  carrés  magiques  à  enceintes.  Congrès  de  Grenoble,  188  5. 

G"'  Frolow.  —  Le  problème  d'Euler.  —  Les  carrés  magiques,  nouvelle 
étude,  avec  des  notes  par  MM.  Delannoy  et  Ed.  Lucas.  Paris,  Gauthier- 
Villars,  1884- 1886. 

Ed.  Lucas.  —  Calendrier  perpétuel  à  roulette.  —  Appareils  à  calculs 
exacts  et  instantanés.  Quatre  boîtes  de  réglettes  multiplicatrices,  multisec- 
trices,  financières,  népériennes.  Paris,  Belin;  i885. 

Fleury.  —  Deux  problèmes  de  Géométrie  de  situation  {Journal  de  Math, 
élém.)  Paris,  i885. 

DoRMOY.  —  Théorie  mathématique  des  jeux  de  Bourse.  —  Théorie  mathé- 
matique de  l'écarté.  Congrès  de  Nancy,  1886. 

G.  Tarry.  —  Géométrie  de  situation  et  le  problème  des  dominos.  Congrès 
de  Nancy,  1886. 

V.  Coccoz.  —  Carrés  magiques  impairs  à  enceintes  successives.  Congrès 
de  Nancy,  1886. 

G*'  Frolow.  —  Nouvelles  recherches  sur  les  carrés  magiques.  Congrès 
de  Nancy,  1886. 

H.  Delannoy.  —  Emploi  de  l'échiquier  pour  la  solution  des  problèmes 
arithmétiques.  Congrès  de  Nancy,  Paris  et  Limoges. 

Ed.  Lucas.  —  Les  carrés  magiques  de  Fermât.  [Journ.  de  Math,  élém.,  ) 
Paris,  1887. 

Ed.  Lucas.  —  L'Arithmétique  en  boules.  —  L'Arithmétique  en  bâtons.^ 
Le  Jeu  militaire.  —  Amusements  par  les  jetons.  —  Le  problème  des  reines. 
(articles  publiés  dans  les  n"^  696,  697,  701,  73 1,  784  du  journal  La  Na- 
ture). Paris,  1888. 

Ed.  Lucas. Teux  scientifiques  pour  servir  à  l'histoire,  à  l'enseignement 

et  à  la  pratique  du  calcul  et  du  dessin.  Première  série  : 
i"  La  Fasioulette; 

2*  La  Pipopipette  ; 

3°  La  Tour  d'Hanoï; 

4»  L'Icosagonal  ou  le  Jeu  des  vingt  forts  ; 
5°  L'Arithmétique  diabolique  ou  le  Calcul  infernal; 
6°  Les  Pavés  florentins  du  père  Sébastien. 
Six  brochures  in-8%  avec  planches.  Paris,  1889. 

Ed.  Lucas.  —  Les  appareils  de  calcul  et  les  jeux  de  combinaisons  [Revue 
scientifique).  Paris,  1890. 

R.  P.  Le  Cointe.  —  Le  Jeu  des  Réseaux.  Deux  mémoires  extraits  du 
Cosmos.  Paris,  1890. 


248 


Index  bibliographique. 


H.  Tarry.  —  Le  problème  des  reines.  Congrès  de  Limoges,  1890. 

Ed.  Lucas.  —  Chinoiserie  arithmétique.  ■—  Un  carré  magique  de  64  siècles 
(n»  874  du  journal  La  Nature).  Paris,  1890. 

Ed.  Lucas.  —  Conférences  sur  le  Diagrammomètre  du  colonel  Ko:^lofff 
faites  au  Conservatoire  national  des  Arts  et  Métiers.  Paris,  1890.  —  Voir 
aussi  le  n»  896  du  journal  La  Nature. 


FIN, 


TABLE  DES  MATIERES, 


Préface V 

Introduction - ix 

^^ 

Première  Récréation  .  —  Le  jeu  des  traversées  en  bateau. 

Dédicace  et  épigraphe i 

Historique.  —  Biographie  de  Bachet 3 

La  traversée  d'un  régiment  dans  un  batelet b 

La  traversée  du  batelier 5 

La  traversée  des  trois  ménages 6 

L'erreur  de  Tartaglia » g 

La  traversée  de  quatre  ménages ii 

Problème  général  des  traversées 12 

Autre  généralisation  du  problème 14 

La  station  dans  une  île ,  1 5 


Deuxième  Récréation.  —  Le  jeu  des  ponts  et  des  îles. 

Dédicace  et  épigraphes ig 

Le  mémoire  d'Euler 21 


Table  des  matières. 


Les  ponts  de  Paris  en  1880 33 

Les  figures  d'un  seul  trait.  —  La  signature  de  Mahomet 35 

Les  voyages  d'un  contrebandier 33 

Troisième  Récréation.  —  Le  jeu  des  labyrinthes. 


^9 


Dédicace  et  épigraphes 

Le  Petit  Poucet.  —  Le  fil  d'Ariane 41 

Les  labyrinthes  de  l'Egypte  et  de  la  Grèce 41 

Tournefort  dans  une  caverne 43 

Les  autres  labyrinthes 44 

Définition  géométrique  du  problème  des  labyrinthes , . . .  46 

Solution  de  M.  Trémaux 4y 

Sur  la  théorie  des  arbres  géométriques 5 1 


Quatrième  Récréation.  —  Le  problème  des  huit  reines  au  jeu  des  échecs 

DéJicace  et  épigraphes 5^^ 

Historique 5g 

Notations  et  conventions 61 

Des  solutions  adjointes 62 

Des  solutions  irrégulières  et  semi-régulières 64 

Des  solutions  régulières 64 

Des  solutions  renversées 65 

Problème  des  tours 66 

Les  permutations  rectilignes 67 

L'anagramme  de  Pascal 68 

Problème  des  fous 6g 

Méthode  de  M.  Gùnther 70 

Méthode  de  M.  de  la  Noô 71 

Procédés  mnémotechniques 75 

Moins  de  huit  reines 77 


Table  des  matières.  23 1 


Les  92  positions  des  huit  reines , y8 

Méthode  de  Gauss yg 

Autre  énoncé  du  problème  des  huit  reines 81 

Desideratum 83 

Théorèmes  d'arithmétique 84 


Cinquième  Récréation.  —  Le  jeu  du  solitaire. 

Dédicace  et  épigraphes 87 

Historique 89 

Définition  du  solitaire 01 

Règle  du  jeu  du  solitaire g^ 

Premiers  exercices. —  La  croix  de  six  boules.  —  La  croix  de  neuf  bou- 
les. —  Le  triangle.  —  La  cheminée.  —  Le  calvaire.  —  La  pyramide. 

—  La  double  croix.  —  Les  cinq  croix  entrelacées.  —  Le  pentagone. 

—  Le  carré  incliné.  —  L'octogone.  —  La  triple  croix g5 

Problèmes  sur  le  solitaire  décentré.  —  Le  chapelet.  — L'équateur,  —  La 

croix  et  sa  couronne.  —  La  pleine  lune.  —  Lacroix  de  Malte.  —  Quatre 
cavaliers  cernés  par  seize  soldats.  —  Trois  cavaliers  cernés  par  seize 
soldats.  —  Adam  et  Eve  dans  le  Paradis  terrestre.  —  Le  lecteur  au 
milieu  de  son  auditoire.  —  Le  jugement  dernier.  —  Le  grand  bol.  — 
Les  quatre  évangélisies  et  les  douze  apôtres.  —  La  Trinité  et  les 
douze  apôtres.  —  Jésus  et  les  douze  apôtres.  —  Le  calice.  —  La  Tri- 
nité. —  Les  deux  pôles.  —  [>e  corsaire gg 

Les  lettres  en  boules 1 04 

La  récréation  de  Paul i  o5 

La  récréation  de  Madeleine ,06 

Les  réussites  du  solitaire  à  Sy  cases 108 

De  la  symétrie  horizontale log 

De  la  symétrie  verticale no 

De  la  symétrie  centrale 1 1  o 

De  la  symétrie  inclinée 1 1  j 

Procédé  général  de  réciprocité 1 1 3 

Procédé  général  d'échange 114 


■i52  Table  des  matières. 


Coups  triples  du  solitaire  accéléré.  —  Marche  accélérée  du  lecteur  au 
milieu  de  son  auditoire.  —  Marche  accélérée  des  douze  apôtres.  —  Le 
carré  de  vingt-cinq  boules.  —  Le  tricolet.  —  Réussite  sur  le  solitaire 

de  quarante  et  une  cases j  j^ 

Extensions  du  solitaire  et  de  la  règle  du  jeu , ii8 

Des  positions  et  des  cases  congruentes 120 

Effets  successifs  de  la  règle  complète 121 

Résidu  congruent  sur  un  carré  de  neuf  cases 122 

Position  réduite j  03 

Les  seize  formes  de  positions  réduites 126 

Applications  de  la  théorie , _ 128 

Impossibilités  du  solitaire  de  Sy  cases i3o 

Étude  du  solitaire  de  41  cases i3i 

Étude  du  solitaire  de  33  cases 1^2 

Les  réussites  du  docteur  Reiss 1 35 

Des  solitaires  des  divers  ordres i3q 


;tJit 


Sixième  Récréation.  —  La  Numération  binaire. 

Dédicace  et  épigraphes 143 

De  la  numération 145 

Système  binaire 146 

Système  duodécimal 147 

Avantages  du  système  binaire 148 

Le  Jekim , 14g 

Les  boîtes  de  poids i5i 

L'éventail  mystérieux ,.'. 154 

La  progression  double 1 56 

Les  nombres  parfaits 1 58 


ÎS^S^ 


Table  des  matières.  ^53 


Septième  Récréation.  —  Le  jeu  du  baguenaudier. 

Dédicace  et  épigraphes lo ^ 

Historique ' ^^4 

Biographie  de  Cardan ^^^ 

Biographie  de  Wallis 167 

Imagination  d'un  clerc  de  notaire 168 

Discussion  étymologique  de  M.  Gros 17° 

Description  du  baguenaudier 17^ 

Du  déplacement  d'un  anneau i74- 

Du  déplacement  de  deux  anneaux 17^ 

Problème  général  du  baguenaudier I77 

Marche  ordinaire 17° 

N  ombre  des  coups  de  navette ï  79 

Sur  les  combinaisons  181 

Durée  de  la  manœuvre - 182 

Marche  accélérée 10^ 

Tableau  des  deux  marches  du  baguenaudier i85 


Huitième  Récréation.  —  Le  jeu  du  taquin. 

Dédicace  et  épigraphe 187 

Historique 189 

Définition  du  taquin 191 

Les  permutations  rectilignes 1 95 

Les  permutations  circulaires 196 

Les  dérangements 197 

Les  deux  classes  de  permutations 198 

Les  échanges." 200 

Les  cycles 2o3 

Les  écarts 2o5 

Nombre  des  positions  initiales 206 

Les  impossibilités  de  position 206 


:54 


Table  des  matières. 


La  pratique  du  taquin 208 

Ordre  magique 211 

Le  taquin  continental 2x3 

Théorie  du  garage 2 1 3 

Les  impossibilités  de  forme 216 

Le  taquin  à  péninsule 217 

Le  taquin  complet 218 

^^ 

Note  L  —  Sur  le  jeu  des  traversées 221 

Note  II.  —  Sur  le  jeu  des  ponts  et  des  îles 222 

Note  III.  —  Sur  le  jeu  des  labyrinthes 224 

Note  IV.  —  Le  problème  des  neuf  reines  et  des  dix  reines 225 

Note  V.  —  Sur  le  solitaire  à  41  cases 282 

Note  VI.  —  Sur  les  nombres  parfaits 235 

m 

Index  bibliographique 237 


Paris.  —  Imp.  Gauthier- Villars  et  fils,  55,  quai  des  Grands-Augustins. 


7     1988 


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