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Vct. i-^.jr-3,, ,1^1
RECUEIL
DE ROMANS,
r
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RECUEIL
DE ROMANS
HISTORIQUES.
TOME PREMIER.
A LONDRES.
M. Dec. XL fit.
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(h oxporb
« «• -
>
PREFACE.
TT 'ON nous aecMe tous les jours d'un fi'
JLj grand nombre de mauvais Romans , que
j'ai cru faire plaifir au Public y de lui remet'»
tre devant Us yeux les plus rares , Us mieux
écrits y& les plfis curieux de ceux qui ont paru
dans U temps que cette agréabU Littérature
ctoit traitée avec autant d'efprit que de mena"
gment pour Us mœurs, Onfçalt que l'amour
étant é^aUment un bien €^ un mal nécejfaire ,
en eft obligé den donner des Uqons de prati"
que. Il eft utile défaire voir Us avantages qu'il
produit comme vertu 5 quand il tfl fagemént,
effnduit : 6* l*on doit faire appercevoir du/E Us
trifUs 6* fâcheux inconvéniens où iV jette ^
quand on s'y comporte d'une manière peu con^
^enabU. Il y a long- temps qu'on a dit : Ce
ti'eH pas famour qui nous perd ; c^eft h
tnamere de le faire. C'eft ce qu'ont peut ap*
pliqueraux Livres qui en parUni : ce n eft pas.
Tome I» d
\
'^ .M^l
L^ '.'-i
l
ij P R F F A C E.
la matière qui en eft odieufe ^ mais la maniera
d'en écrire.
Le but que j'ai eu d'écarter ce de/ordre y
éttijourd'huifi commun y m' a porté à préfentcA
ce Recueil y qui nt fera pas y comme je Vef* I
père > moins bien reçu > à titre de colleéHon f \
que Vont été en particulier les petits Ouvrages |
qfi'on y verra ; autrement je n'aurois point ha^
^ardé de les publier de nouveau»
Je n'ai pas cru devoir donner de longs
Romans , qui rebutent par détendue de leurs
Volumes ^ 6* quelquefois même par leur fa*
deur. Comme dans la matière qui en fait le
fiijet , la diverfité eft un des plus ponds agré'
mens j j'ai ptnfé qUe cette aimable variété fe*
foit auffi U mériu de ma coUeffion»
llfais j'ai fait une remarque , c'efi que dans
la portion du fiéele où nous vivons » on aime
l'Hiftoire, ou du moins ce qui en approche ,
ûu qui en aVakr i j'édfuivi ce goût^ 6^ je n'ai
^koifipour amufer utilement U Public , ^e des
Romans hifloriques» Rarement ai'je emprunté
des ffjftoins iVangaesn On y verra, brilter.k^
P R F F A C £• iîj
plus /buttent Us Héros de notre HîJBoîre,
Leur nom déjà connu & iUuftré jrar de
p'andes avions ^ doit au£i décorer ma colle*
Bion.
Je vais donc dire un mot de chacun enpar'^
ticulier. Je ne les fiaterai point fur leurs fau^
tes ; mais on fe fouviendra toujours que et
font des Romans , & non pas dts Hifiqires
que je publie ; & que s* il efl deshonorant aux
Hiftoriens d'aller contre la vérité, il eft per*
mis aux Romanciers de négliger fpuvent le
frai pour donner dans le vraifemblable ; c'ejl
mêmepar-lâ quon a coutume de dijlinguer le
Roman de rHifloire.
Je commence à rendre compte de ma colle--
&on par le morceau intérejjant qui regarde k
Connétable Charles de Bourbon > dont le
nom célèbre dans VJIiftoire dufebçiènejiécle ^
efl devenu odieux aux François par la fatale
démarche que fit ce Prince, en ahandonuant le
parti du Roi François I*fon légitime- SoMteralUf.
pourfe jeter en 1^22* dam celui de l^Empereu^
Charles-Quint ^ avffi coanu gar fa maavaifj^
aii
«••
ÎT PRFFACE. ^
foi & fon ingratitude que par fis grandes ac^
tions.
Quoique le motif de la défirtion du Con-
nétMefût une injuftice & un amour méprife j
cependant on ne fçauroit excufir cette démar-
che criminelle. Un Prince eft toujours con-
damnable d'abandonner la maifàn paternelle ^
ceft'â-dire le Royaume, pour fi jeter entre les-
bras d'un étranger , & par confiquent d^un:
ennemi. Il doitfiujfrir avec dignité fans rien
faire qui déroge à fa naijfance. Au£i l'hon-
neur du Connétable en fouffrit doublement. Le-
Parlement le condamna comme criminel de
lefi-Majefté ; & Charles-Quint y mit le com-
ble, en ne lui tenant aucune des paroles qu'il'
hii avoit données. Et pour comble de mal-
heur, le Connétable fi vit mourir en attaquant
la Ville de Rome y que Charles-Quint fit in-
humainement ajfiéger & piller en i$2'^.
Ce petit Ouvrage, qui confirve là vérité des
faits principaux de l'Hiftoire , ne tourne aw
Roman y que lorfqu il parlé d'amour. On fçaù
que Monficur BaudoC de JuiBi , connupar
^^
P R rF A C«E V
Vautres Ouvrages ^ lefitparoître en tâp6* Sa-
rareté & fort élégance m'afaitpenfer à luidon^
ner ici la premiefe place.
. VHifloire de h Comteffe de Montfort ,
qui fitit y ifiera d^unt main peut- être moins'
délicate ; mais elle ne doit pas faire moins^
de pLùfir, On y remarque la preuve d'une ma-
xime dont /ornais on n'a douté , que le coU"
rage &-la vertu héroïque ne connoiffent point
de fexe. On y voit une Princeffi qui fiait
Contenir parles armes &par les négociations 1er
droits que le Comte Jean de Montfort fonfils
avo'u au Duché de Bretagne, Loin itimplorer
U fecours des larmes , que l'on dit trop famh-
Hères à fon fexe y eUe met en ufage tous les
moyens qui font du reffbrt de la valeur y dé
f induite y & de la prudence y afin de fe pro^
curer un fuccès favorahU* Et enfin elle vient
à bout , après bien des traverfes foiuenues d'iin
eceur digne du Trêne , de pacifier les troubles
de la Bretagne. EUe infpire même au jeune
Comte de Montfort fon fils y la vertu dont
«lie étoit animée ; & le rend à la fin tranquille
tj PRFFACE.
pojfeffeitr de [on Duché, Mais ce qui doit en--
coft frûper dans cetu Princejfe , cjl de lui
voir abandonner noblement le Gouvernement y
pour goûter une retraite douce 6* tranquille :
modèle qui na pas toujours été fidvi par les
Princejfes qui dans les fiécîes poftérieurs fe font
trouvées à la tête du Gouvernement* Il ny a
peut-être à reprendre dans cet Ouvrage qu'un
ton trop MJhrique, qui l'écarté un peu du Ro*
man. Mais fi le cœur y perd quelque chofe,
Vefprit y pourra gagner, L'Auteur qui k fit
paroUre en i6^j y a publié d'autres Ouvrages ,
dont quelquesHins ^ mais non pas tous y ont
€u de la réujfae»
La Princeflè dePorden, qui termine le
premier Volume , fe raq^çcàe un peu plus de
nos jours » Il femble enlifant cette petite Hr
poire f que notre fiécle touche â la fin du fei*
^iéme^ tant nous femmes infifrmés & curieux de
tout ce qui s'y eftpaffe. Les noms qui paroiffeni
dans ce petit Rèman ^ ne font pas moins pré--
fens à notre mémoire, q^fi les ée^énemens s'en
étaient paffh fius nos yeux. On voit avec
_»
P R E' F A C E, vîi
pUifir Htm Duc d'Anjou f qui fui depuis
Roi de France , & Henri Duc de Guifi, qui
manqua de l*etre ^ porter leurs vues autant du
coté de l'amour que du coté des aéiions m'di"
taires ou des coups d'Etat. Si le portrait qu'on
y fait du Duc d'Anjou , n'eft pas entièrement
conforme à fes tableaux & à fes médailles , on
ne l*a vraifemblùf>lement embelli qu'en faveur
de l'amour. Et ce n'efipas un défaut dans un
Roman , dont les Héros doivent avoir toutes
les perfections qu'on peut leur accorder. S'il y
Aies portraits, raanqués, peut-être le font-ils
à deffein , pour faire mieux briller lis Héros du
Roman. MaU j^ ne pardonne point il^Auteur
d'avoir métamorphofé M. de Revol, Secrétaire
d'Etat j^ en Valet de chambre ( pag. 318),-
c'efi'là ce qui peut défigurer un Roman , ou
l'on ne doit jamais changer fes perfonnages que
pour leur donner une fortune plus brûlante que
celle dont ilsjouiffint^ Il en coûte fi peu pour
leur accorder des grades honorables ^ qu'on ne
ne doit pas les leur épargner. D'ailleurs l'Hi-^
poire du temps y efi ajfe^ agréablement mêlée:
avec lamour^.
BLâRv
ias PRFFACE
Fbilâ ce qui regarde le premier Volume de
cette coUe&ion : chacun des autres aura fon
jivertijfement particulier. Mais je dois avertir
que fi le commencement de ce Recueil efi goûté ^
je le continuerai avec toute l'attention que mé-^
rite le Public^
XE
...J*Œ»*"»«-
LE CONNETABLE
DE BOURBON.
[ A Cour de Louis XII. Roi de France ,
lit Fendue U pluï célèbre de l'Euro-
. en Aiivant des maximes oppofées à
I ccUetdesiutresRaii, Latcriu&lem£>
hte y éioicnc feub en reconunandaiion. LetuieScla
flaiccie en éioîeni tiannis. L'exemple du Roi atiachi
uniquemcnc à procurer le bien de rej peuples, éioît
palK pai une conti^ion tieuceuli: , à tous les Seigneurs
qui la comporoieni ; Et il fe âiloic un Teiupule de ne
ijiftrîbuer les hoimeuis & les lécompenfes qu'à ccus
qui encroicnt dans fes iniiifis.
La Coui ne UiObit pas d'être pompeufe & magnifi-
_ LE CONNETABLE
que.. La Reine Anne de Bretagne en foutenoit iVclat
.. dans toute fa majeflé ; elle fçavoit parfaitement faire
la Reine ; elle avoit une grandeur d'aine , qui patoif-
foit ç^ns ^ moindre 4^ fes aâions ; fou vifage étoic
. toujouirç ferein i Ton cœur n'étoit troublé que parle
çhagi^jnC^fi^^elle èvoiçeu dCrÂ*^ pouvoir élever dé fijs ;
elle dbnnbit Tes folnsvà- reducatlon de deux filles qui
lui étoient reftées ; elle tâclioit de rendre Madame
Claude » qUi étoit Paîtiée , digne de Tépou^ qu^elle
lui deftiooic : ç^étoit l^Archiduc Charles , Prince des
Pays-Bas.
Une infinité de jeunes Princes & Seigneurs ne con-
m
tribuoient pas peu à la fplendeur de la Coilr de Fran-
ce. Charles de Bourbon , Comte de Montpenfier ,
étoit Pur des plus confldérables. Il étoit le troifiéme
Prince du Sang Royal ; & Pon n'a voit encore jamais
Vu tant d'éminentes qualités réunies dans un même
(ujet : la majefté de fon vifage, la régularité de fes
traits , Pagilité de fon corps , la grâce de fon parler ,
& une taille proportionnée à de fi heureux talens,
ne laifibient rien à defirer en hii pour les perfèdiiens
du corps. Les vertus de l*ame effaçoient , pour ainfi
dire, ces avantages extérieurs , tant elles étoient
brillantes & folides. Il étoit parfaitement honnête
Homme , & encore plus grand Prince ; fon efprft pé-
nétrant & profond , fa générofité , fa franchife , fit
snagnificence , le diftiilguoicnt de la manière du xnon>>
• •
delaplusûoble.
DE BOURBON. 5
Ce Prince fî grand à la Cour , qu'il ne lui manquoit
aucune des qualités d*un parfait Courtifan y fi Ton en
excepte la didimulation & la flaterie , étoit en-
core plus eftimé dans les Armées ; & quoiqu'il fût
à la Heur de Ton âge , il avoit déjà acquis ja réputa-*
tiond*un des plus grands Capitaines du monde. Il
avoit joint une connoiflànce parfaite de toutes les
règles de TArt militaire à une expérience de huit
années. Il avoit fait autant de campagnes ; aucune
ne s^étoit paflée fans qu^il s*y diilinguât fur tous les
autres Princes ; il avoit commandé en chef dans les
deux dernières un corps confidérable. Enfin ce Prince
alloit fi vite dans le chemin de la gloire , qu'il ob-<
fcurciflbit les plus expérimentés Capitaines.
Monfîeur de Montpeii/ier étoit un Prince d*un ii
grand mérite, qu^il ne fe pouvoit qu'il ne fut très-cher
auRoi^qui lui avoit doimé la charge de Grand Cham*
brier de France , & une penfion très-confidérable*
Ces bien^ts le mettoient en ét^t de paroi tre à la
Cour avec avantage , mais non pas avec tout Téclat
dont fa naiilknce & fon mérite pouvoient le âater. ï|
n^étoit defcendu que d*une Branche puînée de la
Maifon de fiourbon , & il fe voyoit réduit à un do-
maine très-fuccint , pendant que le Duc de Bourbon»
aine de fa Maifon , po/Iédoit les Provinces de fiour-<
bonnois , Forêts , Beaujolois , Auvergne , & la Mar-^
che; mais comme fi la fortune de concert avec la na4
foie , eût voulu éjpuifer fes faveurs pour Monfîeur de
Aij
4 LE CONNETABLE
MontpenHer , Monfleur de fiourbon mourut , & ne
laiâa qu^une fille unique que fa fu^efllon ne regar-
doit point , parce qu'il y avoit une fubftitution en fa-
veur des mâles , contraâée dans la Maifon de Bour-
bon entre le père de Monfieur de fiourbon & celui de
MonHeur de MontpenHer. Il eft vrai que Madame de
Bourbon, fille du Roi Louis XI. & toute puiïïante à
la Cour , s^oppofa ouvertement à cette conventiori.
Elle prétendit qu'elle étoit injufte, comme oppofée
aux loix naturelles , qui rendent tous les enfâns héri'
tiers de leur père au moment de leur naiilance. On
intenta donc un procès entre Monfîeur de Montpen-
fler & Mademoifelle de Bourbon , oîi il s'agi/Ibit de
la propriété de cinq Provinces , & dont le gain de-
voit rendre Tun des deux le plus riche héritier de
France , & dont la perte eût réduit l'autre à une con-
dition extrêmement bornée.
Il y avoit de part & d'autre de puiilàntes raifons ,
& les amis communs confeillerent à tous les deux de
terminer ce différend par une alliance. Cette propo-
fidon étonna Monfieur de Montpenfier : ce n'çft pas
que Maden^oifelle de Bourbon ne fût un parti très-
avantageux*^ car outre qu'elle étoit fille du Roi Louis
XI. elle avoit été élev^é^par la plus belle' & la plus
fpirîtuelle Printeflè d<r la terre ; elle poflédoit élfe-
même ces deux qualités dans un fouverain degré.
£lle devoir avoir du côté de-& mère plus de cinquan-
i^ nuUe livre; 4ç rentes màS^lcriom (^I dd mariage
rC . •►,> "
•-îi».
*•>
^ t
f.'*'
1^
i— ifc ih
1^
D E BOURBON. 5
faifoit peur au Comte de Montpenfier. Il aîihoit fa
liberté ; il avoit vu les charmes de Mademoifelle de
Bourbon ; il les àvoft admirés , mais il n^en avoit
point été touché. Il étoit perfuadé que le mariage
n'*eft jamais heureux , quand il eft Touvrage de Tin-
térêt , & que la feule inclination en peut adoucir le
joug.
Cependant les perfuadons de Tes amis , la vue d*une
fucceiïion opulente qui alloit l'égaler aux Souverains,
les follicitations du Roi , qui eut la bonté de Ten pref»
fer , le déterminèrent à faire la recherche de Made-
moifeUe^^ Bourbon. Il fupplia le Roi de la deman->
der pour lui à Madame de Bourbon. Cette Princeffe
en reflcntit une joie extrême ; elle s*éioit apperçue
que fa fille aimoit Mondeur de MontpenHer , & el-
le-même l'eftimoit infiniment. Ce mariage fût con-
clu en trois jours. Dans le Contrat de mariage , oh
le Roi fut préfent , les Epoux fe firent une donation
réciproque de tous leurs biens , & même de leurs
droits. Monfieur de Montpenfier époufa Mademoi-
felle de Bourbon. Les noces furent accompagnées
d\ine magnificence Royale. L'Epoux prit le nom de
Duc de Bourbon.
Ce Prince goûta d^bord une jq|| aflez pure. Il
trouva une femme aimable , & qui ràimejt paâion-
nément : fa vertu , fa fageflè , & fon cfprit lui don-
nèrent de Teftime & de la confîdération pour elle ;
isaîs il feston bien qu*^il n'avoit pas les fentimen»
Aiij
^i^ynii
f
6 LE CONNETABLE
i^'û trouvoit en elle à fon égard. Madame de BouT'
bon le reconnoinbit aufli \ . elle efpéroît du tems un
changement favorable. Au refte elle n^avoit pas à fe
plaiq/dre du Prince Ton Epoux ; il lui avoit donné un
train magnifique , ' & lui-même en a? oit un d*autant
plus fuperbe y qu'ail étoit toujours entretenu fur le
même pied.
La tranquillité de la Cour fut troublée par la mort
de la Reine. Le Roi' fentit vivement cette perte : i\
Tavoit aimée dès le tems qu'il n*étbit que Duc d*Oi-
leans , & les liens du mariage fembloient avoir aa^
gmenté fa tendreflè. Elle pria le Roi énamourant ,
d^accomplir au plutôt le mariage de Madame avec
TArchiduc ; mais Tutilité publique remporta dans
refprit de ce Prince » fur la paiHon qu'il avoit eue
pour la Reine. Madame devoit fuccéder à la Reine
au Duché de Bretagne. La Loi Salique appelloit à la
fuccelHon du Royaume François d^Orleans , Duc de
Valois , couHn germain du Roi : ainfi ce puiUànt fief
du Duché de Bretagne , réuni (i hcuieufement à la
Couronne par le mariage de Charles VIII. & enfuite
par celui du Roi avec la Reine Anne , alloit encore
•
en être féparé . Madame en le portant pour fa dot à
r Archiduc , alloit enrichir ce Prince » déjà trop puif-
fant , & expofer la Monarchie aux mêmes malheurs
que le voiiinage des Maifons de Bretagne &de Bouf-
gogne lui avoit fait re/Tentir.
Le Roi touché par ces raifons , & prciTé par ks 'mi'
•^ ^ -^
DE BOURBON. 7
fiances des bons François , qui avoient toujours au-
près jde lui un accès facile » réfolut de la marier à
MonHeur de Valois , & il lui écrivit de fe rendre à
Faris. Ce Prince avoit toujours été élevé à Cog;nac
]»ar les foins de Louife de Savoye % Comceflè d* An-
goulême , fa mère. Le Roi lui avoit donné pour Gou-
verneur Artus Gouffier , Seigneur de Boifi , qui Pa-
▼oit rendu Tun àss Princes de l'Europe les plus ac-
complis. Il n'^toic &gé que de dix-huit ans , mais il
était formé à toutes les vernis qui font les grands
Rois : il avoit Pair & la taille dHm Héros , les yeux à
fieui de tcte & pieins de feu > le front gnmd , la
bouche admirable , le nez un peu gros , & les jambes
im peu courtes ; mais il h*en étok pas mokis adroit à
tous les exercices du corps , à la danfe & aux tour-
nois. Il avoic Pefprit relevé , proiApt Â: èncrepienant ;
un fonds inépuifable de bonté , degénéfetfité , de fitii»
cérité y de gtandeor d'aiiie ; une vflQefir & une intré-
pidité larhmnaiDe ; enfin la plus ^raïide partie des
difpoiitîons avec lefquelles on vit mohter ibr le Trô-
ne le fameux Alexandre ; mais adfi prefque tou9 fes
vices. Trop fenfîble aux plaifîrs de l^imouv , y fa-
ctifiant fes plus chers intérêt; préfomptueux & té-
méraire.
Lorfqu^ilparatà la Cour y fes vertus qui feules écla-
toient , & qui dans le fond Toccupoient bien plus
fDuvent que î^ vices , enchantèrent tellement les
peuples , que leurs cçeurs allèrent pour lui jufqu'^à IV
lllj
s LE CONNE'TASLE
doratîon. La joie des François étoît univerfelle , lorf-
qu'ils penfoient qu'un tel Succefîèur étoit deftiné an
bon Roi Louis XII. & que leur félicité n'étoit pas
prête dé finir. Le Rw reçut Monfieur de Valois avec
ia bonté qui lui étoit naturelle , & comme un Prince
à qui il deftinoit fa fille : il admira les excellentes
qualités dont il étoit orné ; mais il démêla cet amour
des plaifirs,* qui étoit la paflion dominante du jeune
Prince^ Il reconnut la pente qu'ail avoit à dépenfer;
il foupira àts maux qu^'en auroit un jour à foiifirir le
peuple, le feul objet de tous fes foins^
La plus grande partie de la Cour voyant le Roi
vieux & cafTé , & Monfieur de Valois , ion Succeflèur
défigné, fe tourna vers ce jeune Prince, & commença
à s'infinuer dans fes àffeâions. Monfieur de Bourbon
eut une conduite différente ; il en redoubla Ton afli-
duité auprès du Roi , mais il ne négligea pas Pamitié
d'un Prince qui devoit être bientôt fon Maître. Mon-
fieur de Valois rechercha la fienne avec empreflè-
ment : ils étoient de même âge , prefqiie de même
iniflination. Monfieur de Valois étoit charmé de la
haute réputation que Monfieur de Bourbon avoit ac-^
quife dans les armes , dans un âge où les Princes quit^
toîent à peine leurs exercices. Le Roi ferra lui-mêm£
leur union ; il reconnoifioit le génie de Monfieur de
Bourbon plus folide que celui de Monfieur de Valois^;
il defiroit qu'il le prit un jour pour Vappui defoo
Règne. Monfieur de Valois ne portoit pas fes penféft
BRP
DEBOURBOK. 9
fi loin : Mon/ieur de Bourbon lui plaifoit , fa fran-*
chife appprochoit: de la fîenne; & il y eut bientôt eiv
tr'euz ramitié la plus étroite.
Madame d^Angoulême , mère de Moniieur de Va-
lois , Mademoifelle de Valois fa fœur y & toute la
Kobleilè I qui avoit compofé fa Cour à Cognac durant
fes jeunes années , le fui virent à Paris. Monfieur de
£oifi , Ton Gouverneur , Monfieiu: fiomûvet , frère
de Monfieur Boifi , les jeunes Montmorenci , Chabot*
Chenu , Brion , Monberon , tous de même âge que
Moniieur de Valois , & qui avoient été nourris au-
près de lui en qualité d^Enfans d'honneur , écoient de
ce ixunbre , & ne laiflèrem pas degrofTir & d'embellir
la Cour de France. Madame d^Angoulême entroit
dans fa trente-feptiéme année , & pouvoit encore
paflèr pour une belle perfonne : elle étoit reftée veu-
ve à vingt'Un ans , & s^toit toujours beaucoup coa-
fervée; elle avoit infiniment d'efprit , mais elle étoic
fiere , impérieufe & vindicative. Monfieur de Valois
avoit toujours été élevé dans une grande crainte de
cette Princcfle : elle fçavoit tourner fon efprit , & il
n'y avoit rien au monde qu'il pût lui refufer.
Mais fi Madame d'Angoulême vouloit que fa beatu*
té fît du bruit à la Cour , elle ne devok pas 7 pro-
duire MademoHeHe de Valois, fa fille.. Cette jeune
Princeflè avoit les traits fi vifs & fî perçans , qu'il ne
lui cçhapoit aucune conquête, de celles qu'elle dai-
jnoit entreprendre* EUc étoit à la fieiu de fa jeik»^
to LE CONNECTABLE
nefle , & avoit tout ce qu^il falloit pour mfpSrer là
paillon la plus impétueafe : fa taille étoic grande &
fine , Tes cheveux bruns , fes yeux avoîentuae dou-
ceur & une vivacité incomparat>le » le r^e de Tes
traits étoit dans la plus parfaite régularité ; elle avoit
je ne fçais quoi de touchant dans la phyfionomie , la
plus belle bouche du monde , une gorge naiflante ca-
pable d*animer les pius infen(ibles , la peau unie &
4l*un blanc ébloiiiflànt. Enfin tous les agrémens s^é-
toient raflèmblés en elle , & les autres beautés étoient
ternies auprès de la fietine. Son efprit avoit encore
plus de charmes : elle patloît avec facilité , on l*é^
coutoit avec ravinement ; & quoiqu^Ue ne pofl^dât
pas encore cette fcience & cette éloquence qui la fit
depuis appeller la dixième Mufe , dès ce tems-là elle
fçavoît perfuader les chofes les plus incroyables ; elle
^tOTt douce , généreafe , modefte , & faifoit confi-
•fter tout Ton plaifir à ftlre du bien. £lle aimoit la
véritable gloire , protégoit le mérite & la vertu ; en-
tin elle étoit enjouée datis la converfation, heureufc
«n bons mots , éloignée de la médifance parmi la
raillerie , attachée à la plus auftere fagellè au milieu
^e Ton enjouement.
Il n*y avoit pas eu au monde un plus parfait couple
queMonfieur&Mademoifelle de Valois : auiiîétoienc-
lls bien moins unis par les biens de la nature , que
par le rapport de leurs humeurs & de leurs excellen-
tes qualités , & il regooit^eDtr'eux une amitié viveâc
DE BOURBON.. n
tendie qu^ils cul ti voient avec foin» quMls trouvoient
plus douce S^plus charmante que les grandeurs au^
quelles ils ^toient deftinés.
Ils arrivèrent à Paris au commencement deThiver»
où les plaiHrs abondent dans cette fuperbe Ville. Le
mariage de Madame avec MonHeur de Val(»s, qui de-
voir fe faire au carnaval , les devoit augmenter coiv-
fidérablement. Monfieur de Bourbon fe hâta d^aller
rendre Tes devoirs à Madame 4^ngoulême ; Mon»-
iieur de Valois voulut l*y conduire : prefque tous 1er
Seigneurs de la Cour y étoient. Après que Monfieur
-de Bourbon eut fait Ton compliment, Monfîeur ér
Valois le conduifit à l^ppartement de Mademoifelle
de Valois : m Voilà Monfîeur de Bourbon ( lui dit-il )
» que je vous amené moi-même ; il eft mon ami ,
M je vous prie qu^I fort le v6tre , & quMl faflè le tiers
)> dans nôtre amitié )}.. On peut à peine exprimer
V^tStt que produidt dans ces deux perfonnes cette
première vue. Ils avoicnt toiss les deux entendu par»
1er l^m de l^autré d^une manière à en fentir de l'ad-
miration , même avant que de s*être vus ; mais en fe-
voyant, ils fe trouvèrent fi fort au-dcflus de cequ^ils
avoient appfîs , que leurs coeurs reïïèntirent je ne
fçais quelle émotion , qui jrifques-là leur avoir été in-
connue. Leur trouble parut fur leur vifàge : on y
vo^oit la joie âc la confufion peintes. Enfin cette
fympathie , qui lie les cœurs Ci indiïïblublement, agit
«n même tenis fur Monsieur de Bourbon & Mademoîi^
iz LE CONNECTABLE
feUe de Valois ; & quoiqu'ils euilent peut-être va
quelques perfonnes auffi accomplies qù*eux ( ce qui
véritablement étoic afTez rare ) aucune ne les avok
touchés fi fenitblement , & n^avoit laiilë dans leurs
cœurs une il forte impreâlon»
Mûnfieur de Valois remarqua leur trouble , & de-
vina ime partie de leurs penfées. Il alloit leur en fai-
re la guerre , lorfque Mademoifelle de Valois confufe
de rétat où elle éto't , prit enfin la parole. Ce qu'el-
le dit , fut tout-à-fait obligeant pour Mondeur de
JSourbon ; mais ce Prince ne lui répondit qu'^avec un
air embarrallé , qui ne déplut pas à Mademoifelle de
Valois.
Madame d*Angoulê;ne arriva dans la chambre àch
fille. La vue de MonHeur de Bourbon ne lui avoit pas
été moins fatale qu'à Mademoifelle de Valois : char-
mée de fonair , elle avoit été furprife de fa majefté;
fon cœur frapé vivement , ne s'étoit point défendu
du penchant qu'elle avoit fenti pour lui , ou plutôt
elle ne s*en étoit point apperçue. Elle avoit remar-
qué que Monfieur de Valois l*avoit emmené ; elle
avoit jugé qu'ail le conduifoit chez fa fille ; & s'étant
débarrailëe de la foule de Seigneurs quf étoient avec
elle , elle s'y étoit rendue II fe commença entre' ces
quatre perfonnes une converfation aflez agréable;
elles vouloient plaire les unes aux autres ; elles
avoient toutes de Tefprit. Monfieur de Bourbon en
fie voir de fi folide & de fi brillant , qu'il acheva ce*
"^'^''^'^^
DE BOURBON. ij
deux conquêtes fi glotieufes. LorfçiuMl fiit dé retour
à fon hôtel , il réâccbit fur les mouvemens de fon
cœur. Jufques - là Tamour lui avoir été inconnu ;
mais les defcriptions qu^on lui en avoit &ites , lui
découvrirent allez qu^il étoit vaincu. » Voilà ( di-
» foit-il en lui-même ) les fentimens que je me de^
» mandois pour Madame de Bourbon , Vvant que je
)} l^époufaflê. Ah ! ( difoit-il ) devois-je m^engager
M avec elle fans être fur de Paimer } Mais ( repre-
» noit'il ) il n^y avoit que Mademoifelle de Valois
» qui pût m*infpirer de Pamour : qu^elle eft belle !
» qu^elle a d'*efprit ! qu^elle eft touchante ! Je vais
13 Paimer toute ma vie.
Il n^avoit pas été le premier à porter les chaînes de
cette belle Princeflè. Parmi les jeunes Seigneurs qui
avoient été élevés auprès de Monfieurs de Valois, il
n'y en avoit point eu qui eût plus de mérite que Mon«
fteur de Bonnivet. Il étoit frère de Monfieur de Boifîy
Gouverneur de Monfieur de Valois ; mais il étoit
beaucoup plus jeune que lui, n*étant que de Page de
ce Prince. On ne pouvoir être plus beau ni mieux
fait que Moniteur de Bonnivet , & Pamour fous de»
traits hwBaîns ne pouvoir donner de plus belle idée
que celi^u^inrpiroit ce jeune Seigneur : fon corps
étoit formé coflime Ion vifage , c''eft-à-dire , que c^é«
toit Je modèle de la plus belle taille du monde ; il
avoit de Pefprit & de la déUcateilè infiniment. U
«yoic mû fon unique écudc à plaire à Monûeur dq
n
x6 LE CONNECTABLE
de fa vertu . Elle trouvoit ce Prince aimable, elle fe
âatoic de fe rattacher pour ami ; elle fe trouvoit di-
gne de l'être , ne fongeant pas que Tamour fedéguife
fous ce vain nom d^amitié , & que toute amitié eft
amour entre deux perfonnes d*un feiedi/Térent» capa.
bles d^aimer & d-être aimées.
- Monfieur de fiourbon faifoit aflidument fa cour à
Monfleur de Valois & à Madame d*Angoulême : il y
trouvoit fouvent Mademoifelle de Valois ; fes regards
inquiets, fa contenance troublée marquoient. tou-
jours fon agitation , lorrqu^ii lavoyoit. LaPrinceflè
crut le remarquer : elle ne put s'empêcher de s'en ap-
plaudir. Il avoit auffî de grands égards, pour Madame
d' Angoulême : les bontés qu'elle lui prodiguoit, l'cn-
gageoient afièz ; il ne croyoit pas quVlle eût pour lui
d''autres fentimens que ceux de Teftime ; fes corn-
plaifances étoient autrement expliquées par cette
Princeilè; elles achevèrent d'enflammer fon cœur dé^
ja prévenu d'une forte paffioi\.
Le teilis s^approchoit du mariage de Monfieur de
Valois avec Madame. Ce Prince en témoifnoit peu
ë'empreilèment. Elle étoit petite , laide & boiteufe»
Monfieur de Valois en p^loit un jour à Monfieur de
jBôurbon : il n'y avoit avec eux que Mademoifelle de
Valois. » Je lens( difoit ce Prince ) une grande léptt-
m gnancc à époufer Madame : elle a le Duché de fire-
» tagnc pour fa dot; le Roi & Madame d'Angoulê-
:ui sne. le ibuhaitent ; je ne fuis point prévenu d'au-
» cune
Ir
î»-
DE BOURBON. 17
» eune paflîon : cependant je retarde autant que Je
» puis ce mariage. )> Ah t Monfîeur ( répondit Mon*
» Heur de Bourbon ) ne Tépoufez pas avec cette ré-
» pugnance. La cruelle chofe qu^un mariage dMnté-
» rêt î Votre coeur trouvera un jour la beauté qui
» doit vous vaincre , vous ferez alors le plus mal-
» hcux de tous les hommes. D*ailleurs quel chagrin
» ne cauferez-vous point à Madame ? ce if eft point
n à un Prince comme vous deftiné au Trône , à ren-
» dre par întéfêt une Princeïïè infortunée ». Sur ces
entrefaites le Roi entra chez Mademoifelle de Valois ;
Monfîeur de Vendôme , Monfieur de Longueville , &
Monfîeur de fionnivet étoient auprès de lui. La con-
▼erfation devint générale ; Monfieur de Bourbon fe
uouva entre Mademoifelte de Valois & Monfieur de
Bonnivet. Il ne- fçavoit pas que ce dernier prfr quel-
que intérêt à la PrincefTe ; il fe tourna vers elle , &
lui dit à demi-bas : » Détournez > Mademoifelle, Moil.
» fieur de Valois d*un mariage auquel il répugne :
» c>ft le dernier des malheurs de fe trouver dans un
3* pareil engagement. J'en fois Texpérience ; j'ai vu
» depuis quinze jours une perfonne qui eût fait tour
» le bonheur de ma vie , fi je Tinifie connue deux
i> mois plutôt ; & pour l'avoir vue fi- tard, elle en fera*
» toute l'infortune ».^ Ses yeux, s'exprimoient teiv-
drement à Mademoifelle de Valois , pendant qu^il pro-
nonçoit ces paroles^ Monfieur de Bonnivet les avoir
entendus ; il remarqua leur trouble ; ce fut un coup-
Tome h B
^8 LE CONNE'TABLE
de poignard pour ce malheureux. Il avoit démêlé une
partie de leurs femimens depuis quelques jours ; il fe
coniîrma dans tous fes foupçons de la manière du
monde la plus cruelle.
Depuis ce jour-là il les obferva plus particulière-
ment ; mais comme MonHeur de Bourbon ne trouvoic
pas facilement lesoccafîons de parler à Mademoifelle
de Valois , Monfieur de Bonnivet ne put remarquer
^ue leurs yeux & leurs contenances. Comme un
Amant fe trompe rarement fur cette matière > rie»
a'*échapa à Ùl curiofîté ; & il demeura perCuadé qu^ils
s^aimoient , & même que Mondeor de Bourbon sV-
toic expliqué.
Sa conjeâure alloit trop loin ; mais itétoit vrai que
ce Prince entnîné rapidement par fon inclination ^
brûloir du defir de parier à cette PrinceHè. Un jour
que l^on tenoit le cercle chez Madame , il fe trouva
fort heureufement auprès d^eUe. Le Roi & Monfreur
de Valois , entre lefquels ils étoient , fe trouvèrent
occupés à parler , Pun avec Monfieur de Boifi , Pau^
tre avec Madame > Monfieur de Bourbon adreilà lat
parole à Mademoifelle de Valois. » Voilà ( lui dit-il )
» le premier cercle qu^on ait tenu depuis la mort de
» la Reine ; mais il ne me fouvient pas d^en avoir
j» jamais vu aucun , même pendant ia vie , fi fuper-»
» be , ni il bien rempli. » J'ai oaï dir^ cependant
» ( répondit laPrinceflè ) qu'eile.avoit -me majefté-
» qui fe communiquoltà tous les lieux oIi elle étoit"
^
DE BOVR-BOFT. if
'<• Ah ! Mâdemoifelle ( reprit Moniieur de Éomhon )
» vous n^y étiez pas : fon plus bel éclat y manquoit,
« £n vérité, MonGeur 5 ( interrompit Mademoifelle
n de Valois ) voils m^avez attrapée bien grôlfiere-
» ment , & par ma léponTe naïve je ne pènfois pas
» m^attirer une galanterie fi forte» » Ne la pl>enez
» point , s*il vous plaît » pour une ftmple honnêteté
» ( reprit le Prin«e avec un air extrêmement fé-
M lieux ) je vous JAire <^e je le penfe comme je vou»
» le dis. Quand vous voudriez vous en défeisdre 9
» vous tie m^n defàbaferez pas. Rien encore ne sVft
3» préCenté à mts yeux de fi beau , ni de 'fi charmant
V que vous ; & la vie du plus-grand Prince du mon-
» de ne pourtoic être mretu employée , qu^à fervir &
n à adorer une fi grande & une fi '^énéreuTe Prin-
ï) ceflè. Je fçais que je n'ai plus à vous ^offrir ( a(joH^
» ta-t-il avec beaucoup de timidité ) 'que des vœux
» indignes de vous, qu'an coâir que vous ne pouvez
» légitimement recevoir : «Cependant j e çiàtcBle, ;. . .«
Dès le commencefMxft de fon âiTcoaisv^adiemcHfelle
de Valois avoir prévu ^11 alloit venir. ^Son vidage
s^étoit couvert d''un& rougettr qui Tavôic encO^e rcB-
^ue plus belle. Elle Vouloir M-rêier le cours du 'dif'^
cours de Motificur de Boùitfon : «ependant elle fou-
haitûk quHl le cofUtinaât. v* 'Qti^alleK-vous dice ( in-
a terrompit»eUe ) ii^àcbeVek'pas , Mon'fieiir ^ fevo«s
« Aipplie , un -difeouf s qui M^'c^iffe. » NFe eràignes
» ^înt < ajCHita ccPrlÂoe) jeâê ^lâi :pas une pttole
ao LE CONNE'TABLB
a» qui vous rende coupable. Pour moi comment le
u pourrois-je être , en vous difant que je meurs i^^Ar
» mour pour vous ^ Non , Mademoifelle ( continua»-
» t-il rapidement ) je ne fuis que malheureux. J*é-
M tois né ennemi du mariage , ou plutôt je ne pour
» vois croire qu'il fût heureux, fi l'inclination ne s^
I» jofgnoit. On n'a confulté que l'intérêt pour m^en
» Êdre contra^er un. Plaignez-moi. Je vous ai vue
» depuis , je vous ai aimée. PouvoiS'je avoir desyeuK
a> & de la raifon , & ne le pas faire ? Je ne vous de-
» mande pas que vous répondiez à ma paflion.. Quand
» vous m^aimeriez, je fçais que voue vertu va me
» défendre de vous voir. Je n'ai pu cependant vous
a* cacher plus long-tems ce que je feniois pour vous»
a» mais avant de me dire toutes les duretés que votre
» devoir va vousinfpirer y je vous conjure de foa-
» ger que nous ne fommes point les maîtres & d'air
a» mer & de haïr , & que ma tendreflè eft accompa.-
» gnée d^une foumiflion fi profonde , que je ferai
■ » tout ce que vous voudrez me prefcrire , pourvu que
a> vous ne me défendiez pas.de vous aimer, parce que
a* c^efl une chofe aHblument unpoflible.
Mademoif«Ue de Valois s^étoit remife infenfible-
nient de ia première ftirprife. «> Je fçais ( lui répoa.-
1» dit-elle en fouriant) que je fuis ici- oblige d^hon-
» neur à mVmporter bien fort contre vous , & à par
I* roitre fort irritée ; mais je vous trouve fi raifon*-
^ oahle & de û bonne foi , que je tou vous répoow
DÉ BOURBON. xi
» ffre de même; Vous êtes marié , Monsieur , &
» vous aimez. Rendez- vous juftice fur la déclaration
i> que vous me &ites. Vous deviez, me la lài/Ièr ignor
» rer toute ma vie. Vous étiez Pami de mon frère*
>3 & je vous eftimois. Jt ferai obligée de vous éviter;
]» & j*en ftiis fâchée, parce que vous avez du mérite,
a» & que votre converfation ne me déplaifoit pas>:
» au refte ne me parlez: jamais d^une paflion qui
» m^offenfe. Si cela vous arrive-, voue me contr ainr
» drez à ne vous voir jamais. Je vous prie de ne me
M pas. gêner jtifques^à ». Elle Te tourna enfuite du
côté de Moniieur de Valois., &.fe mêla à la converfa^
tioQ avec Madame..
Plufieurs perfonnes s*étoient apperçues que Mon»
fieur de Bourbon parloir avec attache à la Princèflè ;
mais Moniieur de Bonniiret fur-toux > il.n^avoit ôté
les yeux de defliis eux. Il étoit auprès de Madame
d^Angoulême , à qui ii fit appercevoir leur converfar
tion.. Madame d*Angoulême n^ignoroit'pas la paflion
de Moniieiu: de fionnivet pour fa fille. Elle crut d*a-
bord que le ohagrin ou là jaloufîe le faifoit parler \
mais s^étant attachée elle-même à les regarder , elle
vit avec douleur leur embarras , les changemens dt
leur vifage , leurs yeux enfin remplit de -feu & de ten-
dre/fe : alors le cœur de cette Princeïïe fe trouva por>«
iédéd^unefùrieufejalOufie , & d'autant plus redouta-
ble , quelle la couvrit d'abord de Tintérêt quelle de-
Koit prendre dans la. conduite de (a fiUe. Monfieur dt.
12 LE CONNETABLE
Bonnivet lui confirma toutes fes penfées. Il lui mcJon-
ta ce qu*il avoit entendu , & il lui donna fes imagi-
nations pour des vérités certaines. EUe fc pria d'olv
ferver \çs démarches de Monfîcui de fiourbon » & de
Ten avertir.
Il s'établit une confidence entre ces ééfeciperfbtines^
Sautant plus fidèle » qu^elles étoient également inté-
reflées ; & deflors Monfieur de Bonnivet s*apperçut
èiendu foible de Madame d'Angoulême poux Monfieui
^e Bourbon.
Le temps du Mariage de Madame appérocbûitr Mon*
£eur de Valois ne pouvoit vaincre fa répugnance ;
mais Monfieur de Boifi.fon Gouverneur , qui n'étoit
pas prévenu des maKimes de Monfieur de Bourbon r
lui fi^t fi bien remarquer les conféquenices du refus
quHl vouloit faire , & Toutrage fenfibie qu^il fêroit au
Roi , qu'il engagea ce Prince d^aller hii-même nou-
ver le- Roi , afin que Sa Majefté avançât Thonneur
qu'il vouloit bien lui faire » de \t recevoir j^our fo&
Gendre Ce boit Prince rembiafià tendrement, &
donna ordre que tout fût pr^t pour cette augufle cé-
rémonie. Enfin Monfieur de Valais épou fa Madame i
de laquelle il étoit palfibnnément aimé.
Il fe fit à ce nwiîage toutes les réjouiilànces y <{vi
étoient erviifâge dans ce temps-^à , & qui étoient pro*
^rtioniifl^ à la naiHance & à la dignité àes deux
Spoux.'J^ féfit unmagnifique Tournoi , où toute la
jeundlè de la Cour £e diftingua, Monfieur de Bourboa
. ~^.
^
DE BOURBON. ^i
j*y /jgnaJa par-dcfllis les autres » & la viâoire qu^il
remporta fur le Comte de Saim-Pol > le plus robuflc
Seigneur de la Cour ,. lui acquit une gloire , qui lui fut
beaucoup enviée. Mqnfieur de Bonnivet r qui ne le re^
gardoit qu^avec des yeux de jaioufie » encra dans la lied
pour lut dtfpuKcr le prix , que Madame d^Angoulêm'd
devoir donner au Vainqueur. Ils^approchadelui allez
fièrement. » Voulez-vous liitn » Monfieur ( lui dit-il
» à demi-bas ) que je vous demande à rompre une
» lance : auâi-bien nous fervons la même Maitrefiè n»
Monfieur de fiourbon fut choqué de la hardieflè de ce
jeune homme ., &'de la femiliarité de fa comparai'^
fon ; auiS lui répondant fur le même ton : » Vous
» allez juger( lui dit-il) par le fuccès de ce combat,de
n la réuiCte de votre téméritéi). Ils coururent enfuite
Pun contre Vautre , plutôt comme deux fiers rivaux »
que comme deux Cavaliers ammés par le feulplaifir ^
mais la partie n^écpit pas égale. Bonnivet fut terrailë
par une main puiiHuite y fans ébranler fon ennemi..
Monfieur de Bourbon fe tourna aufli^tôt *d^un autre
côté , comme pour chercher un nouveau combatant..
Moniieur de Bonnivet honteux & confus fortit de la.
Hce , & retourna chez lui. MonHeur de Valois eut
quelque dépit de la viâoire de Monfieur de Bourbon ;
car il écoit fendble à tout ce qui regardoit Beniuvet..
Il demanda un équipage , & voulut courîi oontre 16
Vainqueur ; mais Monfieur de Bourbon , quoiqu'il
fiùgoit de recevoir avec honneur la courCe de Monfieur
i4 LE CONNETABLE
de Valois , bai/Ta la lance , lorfqu^il fut joint par Te
Prince , & fe laiiTa dcfarçormer. Moniteur de Valois
rougit de fon honnêteté , & refufa te prix que Mon-
fieur de Bourbon lui déféroit. Ils revinrent joindre
les Dames dans cette conteftation , & enfin le Roi
Tadjugea à Monfieur de fiourbon. Il alla le recevoir
de Madame d^Angoulême. C^étoit un £cu d*un acier
très-fin , fur lequel étoit gravée la mort de Gafton de
Foiz , neveu du Roi y accablé fous la viâoire de Rs'
verme. Madame d^Angoulêmelelui préfenta avec un
air riant : t> Tenez ( lui dit-elle ) Monfieur , c'cft le
a> moindre des préfcns qu^on voudroît faire à un Chc-
a> valierauifi accompli que vous »► Le Prince fe bai^
profondément ; mais le fens caché de ces dernières
paroles l'étorma. Il avoit cru voir dans les yeux de
cette PrinceiTe une partie de ce qu^^lles (ignifiolent.
La difgrace de Monfieur de Bonni^et fervit quelque
temps d'entretien à la Cour. On Tàvoît vu attaquer
> Monfîeur de Bourbon avec animpHté. On publia que
Monteur de Bonnivet étoit au défefpoir , que Mon-
fieur de Bourbon partageât avec lui la faveur de Mon-
£eiu: de Valois. Mademoifelie de Valois avoit démêlé
kurs mouvemens : elle n'àvoit pu être infenfible à la
viâoire du Prince >■ aufS la cenvérfation s'*éfânt tour-
née fur ce fujet dans la chambre de Madame de Va-
lois , elle n'avoit pu s^e^ipêcber dé railler un peu
MdnHeur de Bonnivet. Cet Amant défefpéré s'ou-
^a. : » J^aurois été aufli heureux que lui ( lui dit-il ,
^ en
ÉîLiI * rr:^"^^ ^ >.^; ^_^^
■P'^^^'TP'
VE BOURBON. M
» entaitgaivfamcayec un air outré » mal» cependant
M d^un tonaiièz bas ) ii vous cuffîez partagé vos fou-
M isûo ; mais je neTçais ^ue trop quUl les oecupoit
u lui ieul ». Il la quitta a;«ès ces patolcs , fe la
kifià daavnne vémtUe colère. Monfieor de fiourboa
arriva fur ces enue6dtes. £lle né put s>mp£eher ,
en le comparant à fon rival ., de k regarder allez ik-
voraUement ; &le Prince animé parxet heureux ac-
cueil , fit voir tantd^efprit& d^enjouèmem , que tout
le monde crut lui devoir tout l^agiémentde la con-
verfation.
Madame d^Angoulême étoxt fcBur de Monfienr de
-Savoye. Lovfqti "elle éioit venue eni^rance pour épou-
ler le Comte d^AngouIême , elle avoit amené %vec
•elJeune'Danioifelle Piémontoife , pour laquelle elle
n^avon point de fecret : elle s^ppelloit Dona Léo-
nora. Mademoifelle de Valois jufques-^là Pavoit affèe
-négligée : elle commença à lui fairequelques honnê-
tetés. Dona Léonora s^apperçut avec joie de ces
avances : elle y répondit mieux que la Prîncellè ne
refpéroit. Elle lui découvrît les plus lectettes penflées
-de Madame d* Angoulème ; qu*elle avoit une forte in-
clination pourMonneur de Bourbon ; que d^abord elle
ravoJtpriSe pour de l^âmitié , mais qu^elle commen-
çoit à connoitre que c*ét0it defaoïour, par la jalou-
'fie quelle avOit prife de fa prof»re fille*
Ce I4ince malheureux pour être trop aimé , avoit
«rareconnottfekf'fetrtilaenr^t Madame d'Angou-
Tome /• C
é
a6 le connectable
lême. Ils lui avoient caufé une peine monelle » noA
feulement parce qu'ail étoit bien âoigné de railncr ,
mais encore parce qu'il prévit que ce feroit un puif-
iant obftacle à l^amour dont il étoic dévoré pour
Mademoifelle de Valois. Il lui fcmbloit que cette ai-
mable Princeilè n^voit pas été trop fâchée de la dé-
claration qu^il lui avoit faite ; & encore que fa verni
ne lui fît rien efpérer , il lui paroiflbit bien doux de
n'être pas haï d'une Princeilè fi accomplie.
Cependant Mademoifelle de Valois évitoit Monfieur
de Bonnivet , depuis la liberté qu*il s*étoit dorniée
avec elle. Ce malheureux Amant fiit encore obh'géde
demander pardon à cette Princeflè ; mais elle ne re^
luGi pas moins de le voir. Monfieur de Bonnivet en
tomba dans une mélancolie , qui dégénéra en unefié-
Tre violente. Monfieur de Valois , qui Paimoit d^une
tendrefiè infinie , devina la caufe de fon mal. Il alU
trouver fa fœur , qu^il conjura de lui rendre fon favo-
ri. La Princeilè avoit un grand fbiblc pour fon frère :
elle fuivit Madame d'Angoulême chez Monfieur de
JBonnivet : c^en fut ailèz pour lui rendre la fanté.
Monfieur de Bourbon en témoigna adroitement iàjsr
loufie à Mademoifelle de Valois ; & elle avec la mê-
me adreiTe lui fit entendre qu^elley avou été comme
£>rcée par Madame d^Angoulême.
Monfieur de Bourbon en haït davantage cette Prin-
ceilè y qui de jour en jour fontoit croître Pardeur qui
Pembrafoit. Un jour qu*jBlte était indifpofée » Moiv»
IPVP
Y>E BOURBON. 27
lieur de fiourbon Talla voir , & la trouva feule : ce
Prince lui fie la guerre fur fon embonpoint & fa bon«
ne mine , qui ne laiilbient pas juger que fa maladie
fût bien confidérable. £lle prie occafion de rhonnê«
teté de ce Prince , pour lui dire mille douceurs , qui
cuilcnt donné lieu à tout autre qu*à Monfieur de
Sourbon de «^enhardir auprès d*iine Princeilë > dont
la beauté li^étoit pas médiocre \ mais foit que ce
Prince fe piquât d^unc chafteté , ailèz extraordinaire
i la Cour , ou que Tidée de Mademoifelle de Valois
le foutînt dans cette occafion , il demeura dans le
plus profond refpcâ. Madame d*Angoulême adraim
la retenue , & en rougit de honte : elle alloit pour«
tant faire un dernier effort pour fonder le cœur du
Prince , lorfque Mademoifelle de Valois arriva. La
joie que ces deux Amans eurent de fe voir , & qu^ils
voulivent cacher en vain , augmenta le dépit de Ma-
dame d*Angoulême : elle vit fa fille fi belle, & Mon-
fieur de Bourbon lui en fembla fi amoureux , qu^elJe
ne put réfiiler davantage à laflireur dont elle fe trou-
va faifie. Elle pria qu^on la laifiat repoler , & ordon-
na cependant à fa fille de refter dans fa chambre ,
pour empcchcr que Monfieur de Bourbon ne la fuivîc
à fon appartement.
£lle ne parla pas le refte du j dur à Mademoifelle de
Valois \ mais lorfqu^elle fut feule , elle s^abandotma
aux tranfports de la plus fiirieufe jaloufie. « Ils s^ai-
» mcnc( s*écrioit-«lle ) j*en fais trop convaincue s
Cii
a8 le connectable
M peut-êtie onC'iU vumafoibiellè j ils en raïUenc 3:
» me méprifent. Je m*en vengerai : iIs.acheteiont
3» ce fbible plaiiîr de tout le bonheur de leur -vie.
Ix lendemain elle manda Monfieur de Valois , & lui
die qu^elle s'^fcoit apperçuo avec douleur que fa -fille
avoit conçu de HncUnacion pour Monûeur de Bour«
bon \ qu^elle en appréhendoit les fuites fimefies ;
qu^elle les vouloit prévenir en la mariant ; qneCon
époux feroit obligé de veiller fur fa conduite i & qu^ille
en feroit déchargée. Elle avoit d^abord fongé à loi
donner pour mari Monfieur de JBonnivet : par là fa
vengeance eût été remplie 4 mais eHe jugea aifiiément
que ce choix indigne du Sang iRoyaUdont fafiile étoit
defcendue , autoriferoit fon rffus , &' que le Roi lui-
même ne Tapprouveroit pas : ainfi elle propofa à
Monfièur de Valois le Duc d'Alençon y qui étoit le
fécond Prince du Sang , & le plus -riche de France
après Moniteur de Bourbon.
Madame d'Àngoulême ne pouvoit.pouâcr plus loin
fa vengeance. Monfîeur d'Alençon dtoh également
laid , mal-£ut » jaloux , de mauvaife humeur , avare,
lâche, k. peu fpirituel. Il n'étoit redevable unique-
ment qu^à fa naiJiàncede laconiidération qu'on avoit
pour lui i & c'étoit peut-être le feul Prince qui fît hon-
te au Sang Royal dont il étoit forti : cependant le Roi
avoit montré par fon exemple à fkiie rcfpeaer en lui
l'honneur de la Maifon de France. Il lui avoit donné
un Gouvernement , le Collier de fon Ordre > & une
aMl«i^>.^Mi^MiA
7^
DE EO^RRON, 29.
place au Confeil , ne youiancpa» rendre mépri(kble
un Prince , qui pouvoîc un jour porter la Couronne.
Monfieur èc Valois Rir un peu (Urprîs du choir de'
iàmere : il lui dit avec ailèz de nu>dénition, que ce*
n*étoitpas le moyen défaire oublier à fa fœurle Prin-
ce le mieux fait Se le plus fpiritud de PEurope, que'
de lui ^ireépoufer Monfieur d^AIençon ; mais Mada-
me d'AngoulêAie prenant le ton d»autoritié qu'elle
excrçoic fur fa fumilJe , lui répliqua que les mariages
des Princes àvt Sang Royal ne fe (aifoient pas par
amoiretces; qu'ion n*avoit pa»confultéfon inclination
pour lui faire époufer Madame , & qu^elle ne croyoit
pas fa fille encore ailèz perdue pour réfifter à fes
volontés ; qu^eUe e/péroit de lui qu'il Ik porterait k
cette alliance , mais qu^elle n^avoit befoin que de fk
volonté pour la conclure.
Monfieur de Valois n'ofa porter à fa fonir cette fa*
nefte nouvelle. Madame d' Angoulême fit dire à Mon-
fieur d'Aiençon , que s'il voulbit penfer à M^demoi«
felle deVsdois-, il ttouveroit famere favorable à fa re-
cherche , &qaUl' commençât par s'afllirerduRoi. £a
Maifond*Alençonfùt;a^ëab}ementfurprifb : Mada-
me d^Alençon la douairière alla trouver le Roi avec
fon fils ; ils lui apprirent Talliance qui fe préfentoit »
& fuppIierentSa Majeflé de vouloir faire la demande
de Madenoifelle de Valois pour Monfieur d^Alençon;
Ce bon Prince ne regardant que ^extérieur de ce'ma*-
xiage , & qu^iliUlOic unir le» deux presûeres Branches
Ciij
V
^e LE CONNECTABLE
de la Maifon Royale , en approuva extrêmement la
jréfolution : il alla trouver Madame d^Angoulême , &
lui demanda fa fille pour Monfieur d^Alençon. Elle
lui fut fur le cbamp accordée. A peine le Roi fut-il
forti , quVIle fit appeller fa fille : die lui apprit que
Sa Majefté venoit de lui faire l^honneur de la deman-
der en mariage pour Monfieur d^Alençon ; quMl Ta^
iroit fait avec une bonté furprenante ;' quelle lui en
avoit donné fa parole, & que ce mariage fe feroit in-
«eflàmment ; qu'elle fc difpoiat donc à recevoir Mon-
fieur d^Alençon , comme un Prince deftiné à être fon
époux.
£lle la quitta après ces paroles , & la laifià immo'
bile , & fans avoir la force de lui répondre» Lorfqu*eUc
lut feule , & qu'elle envifagea le malheur d'être unie
pour jamais au Duc d'Alençon , elle s^abandonna au
défcfpoir : elle recoimut que ce mariage partoit de la
haine & de la jaloufie de fa mère ; le fouvenir de
Monfieur de Bourbon lui faifoit encore trouver cette
alliance plus cruelle , par la cbmparaifon qu'elle &i'
foit de ces deux Princes : cependant elle chercha les
moyens d'empêcher un mariage , qui lui étoit fi odieux.
Elle envoya prier Monfieur de Valois de la venir voir :
elle fe promettoit tout de la bonté de fon frère. Ma-
dame d'Angoulême l'avoit prévu : elle Tavoit fait
éloigner , fous le prétexte de recevoir quatre mille
Orifons , qui venoient au Roi , & aufquels on don-
noit de» ^uartieri d'hiver en Bourgogne ; il oe dcf
i^
■ I«#<WJ7
DE BOURBON. 31
^ît reyenir que la veille de ce funefte mariage.
Mademoifclle de Valois foupira de douleur , lorf-*
qa*eUe apprit les cruelles précautions que fa mère
avoit prifes pour lui ôter toute efpérance : dans cette
extrémité , s^étanr rencontrée avec Monfieur de fion*
nivet » elle s^abaiHà jufqu^à le prier de ramener Pef-
prit de Madame d*Angoalême , & de tâcher de la
détourner de cette alliance précipitée. Monfieur de
Bonniyet étoît amoureifx & hardi i il crut qu'ail de-
iroit profiter de Toccafion qui fe préfentoit : << Oui ,
j» Mademoifelle ( lui dit-il ) ce mariage odieux vous
» doit déplaire , & il Ëiut vpus en affranchir ; mais
» pour qui vais-je travailler ? fera -ce pour un rival
a» que je détefte ^ il y auroit de rinjuftice. Vous
M fçavez que je meurs d^amour pour vous : permet-
u xormoi de croire que je pourrai afpirer à l'honneur
M dont je vais priver un Prince qui en eft indigne m.
La Princeflè rougit de colère , en entendant
Tinfolence de Monfieur de fionnivet : » Je vous avois
» ^'t injure (luidit-elle ) de vous croire capable
u d^une a^on généreufe. Retirez^vous ; je n^héfite
» pas dans le choix que j*ai à faire de Monfieur d*A«
» lençon ou de vous » . Elle entra dans fon cabinet »
& lai/Ik Monfieur de fionnivet fi outré & fi confus »
qu'il ne fc connoillbit pas. La colère remporta fur fa.
douleur : il alla preflèr Madame d^Angoulême de hâter
le malheur de Mademoifelle de Valois.
Cette f rinccflè ÎAfoctuaéc ne vie plus d^autre ref-
' n •*
32 LE CONNrTAREE
fource que dansMonfieur d^Alcnçonlui^-même. Ce
Prince lui avoit rendu plufîeuis vifites-^ âcelielTavolt
reçu avec afièz de&oideur : un joucqu!il étoit auprèo
d*elle, &qu^il fepbignoirde fa.trifieflè : <« Les liena-
M du Mariage m^étonnent ( lui dit^le ) fur-touc
M d*un. mariage- précipité » où {ans confulter les in-
» dinationsideftdeu:; époux , on fe hâte de les enga-
M' gèr. « On n^a pas befoin , Mademoifelle ( lui éât
» le Prince ) d^.examiner rhtuneur d!une Princefie
» comme vous : toute la. France connoît votre méri-
s> rite.- « Mais croye3>vous ,. Monfîeur ( répondit?
M Mademoifelle de Valois ) que cet esamen ne doîv»
M pas être réciproque ? « Ah ! ( reprit le Prince
» avec emprctilèment ) je ne^rétens avoir d'autre
>r humeur ni' d'autres fentimens que les vto^. « /a*
»» le veux croire ^répliqua laprii^ceflè } mais<au moin»'
» doitHon avoir le temps de fe connoitre & dfe s^aT»
» mer. La précipitation de notre mariage me fait
»• de la peine : modérei^la , je vous enconjure i fai>-
M tcf- que ma* mère le diâfere pour quelque temps :
»' cela dépend de vous. Je vous en aurai une parlai'
iy te obligation , & je commencerai par-là< à connoî'^
» tre votre complaifance pour moi; « Vous me de^
m mandiz , Màdismoifelle ( répondit Mbnfieur d*A<^
»> lençon ) que je retarda mon bonheur ? A Dieu ne-
»- plaife ! je ferai plutôt tfjut au mond^ pour Tavan»
» cer, « Mais [• reprit la Prineefle ) ne faut-il pas que-
» je trouve mom lionh«ur> oii vous- efpécoi trau?ep le
DE BOURBON. 3J
» vétre ^ Je ne puis écre beureufe , (1 vou» ne m^ao-
» coidez le romps que je vous demande. « Vous fe-
M rez heureafe » Mademoifelle ( lui dit-il) vous le (e-
M rez : Qa vous en embarrailèz point , il faut coin»
M meacer par achever un mariage pour lequel je
» meurs d'impatience. « Hé bien ( lui dit«eUe avec
» un air de dépit ) puifque vous ne faites aucun cai;
» de mon amour , ni de mon eitîme , à la bonnes
I» heure : époufez-moi , ma main eft prête , maia»
» roi^gezquemoncœurnel-eftpas ». MonAeurd^Ar*
len^Q ne réfléchit point fur ces demiere& paroles ;.
il courut avec précipitation faire donner les derniert
ordres pour Ton mariage. Mademoifelle de Valois de-
meura pénétrée, de la plus vive douleur. Elle alloit
être unie pour jamais à Monfieur d*Alençon. Cette.
idée triomphoit de toute fa confiance ; le fouvenir
de Monfieur de Bourbon ne la foutenoit point contre,
cet affreux malheur. £lle fe reprochoit rinclinationi
qu'elle fentoit pour lui : cVtoit cette inclination quL
lii avoit rendu fa propre mère pour ennemie ; c^étoici
elle qui lui.faifuit dotmer. pour époux le plus-indi^Oi
de tous les Princes.
Monfieur de Bourbon étoit bien éloigné de la*croi«
re prévenue de ces fâcheux fentimens contre lui : il
Sivoit appris avec douleur lanouvellede fon mariage »
non pas-que la perfonne de Monfieur di Alcnçon lui*
pût donner de la jaloufie , mais- parce qu^il plaignoiti
le fua de Ma4ca)oif«Ue de Valois. Il avoit cbfiti3h4
$4 LE CONNE'TABLE
les occafions de lui en témoigner (on chagrin : îl It
trouva feule un peu après que. Monfieur d'Alençoo
Teut quittée. Il l'aborda avec ce refpeft & cette fou-
miiConqu^elleinrpiroit à tous les hommes. <« Oferoit-
»> on y Mademoifelle [ lui dit-il ) s^intéreilèr au cfaa-
1» grin qui vous occupe ; & ferois-je aflèz heureux
I» pour pouvoir y apporter quelque foolagement » ^ La
Princeflè parut revenir tout d'un coup d'une profon-
de rêverie ; & fc levant avec quelque marque d'éton-
nement : "Ah ! Moniieur ( lui dit-elle J lailïèz-moi :
M vous êtes caufe de tous les malheurs de ma vi» v*
£lie Sortie de fa chaTnbre après ces ftmeftes paroles »
& y laifla Monfieur de Bourbon. Jufque-là ce Prince
n'avoit connu que les douceurs de Tamour : il en ref-
fcntit dans ce moment toutes les amertumes. La du-
reté des paroles de la Princeilè , qu^il ne s*étoit attirée
que par Tamour la plus tendre £ ta plusrefpeâueufe;
rinjuftice de ce reproche où il ne voyoit aucun fba>
dément ; tout cela le pénétra jufqu^au vif > &: accabla
fon ame de la plus fenfible douleur. «< Oeft vous ,
m cruelle ( s'écria-t-il , fans penfer au lieu oU il étoit)
M qui de la vie laplusheureufe en avez £iitla plasin«
a> fortunée ; &: la haine que vous avez ponr moi ,
M vous fait rejetcer vos malheurs fur un Prince qui
M en eft totalement innocent. Hé-bien ( pourfuivit-
u il avec empreilèment ) 'je vais vous priver d'une
M préfence odieufe. Si vous m^imputez votre inibr-
j» tiine»xl£iut vous en 6ter la çaufe »• Il fordt de
1
DE S OURS OIT. jy
f Hotd de Valois dans cette réfolucion , & donna dès
ordres chez lai , pour partir le lendemain matin pour
ChaAtelle. Chantelle eft une Maifon fuperbe de plai-
fance à deux lieues de Moulins , oîiles Ducs de Bour-
bon fàifoient ordinairement leur féjour. La régula-
rité de rArchitedure , la richeilë des ameuUemens ,
la pureté de Tair , 5c la beauté des jardins , la ren-
doienc la plus délicieufe de TEurope , & lui faîToient
difputer de la magnificence avec le Louvre m^me.
Les Ducs de Bourbon y avoient une Cour prefque
auHi groilè que celle du Roi ; & Cbantelle nVtoit pat ,
feulement agréable , c^étoit auffi une Fortereilè ca-
pable de faire beaucoup de réfiftance.
Monfieur de Bourbon communiqua fon deflein à
Madame de Bourbon , & il lui caufa une joie fenfi-
ble : elle aimoit palHonnément ce féjour , rhéritage
de Tes ancêtres ; & elle alloity poflëder feule le Prin^
ce fon époux. File s^étoit apperçue du penchant de
MonHeur de Bourbon pour Mademoifelle de Valois ;
mais ce Prince n'*ayant jamais manquent de comptai-
ûince , ni d^hoimêteté pour elle , elle avoit cru ne
devoir pas imiter ces femmes emportées , qui éloi-
gnent plus leurs maris qu'acnés ne les ramènent ; &
elle ne fàifoit parler en fa faveur que (a beauté , fa
douceur & ia fageilè.
Monfieur de Bourbon partît dès le matin : fon équi-
page eut ordre de le fuivre quelques jours après , &
ip Pnnce iaiilà uae Lctuc à Fomp^rjui » pour doQ^
5)5 LE CONNE'TABLE
œr en fecrec à Mademoirelle de Valois.
Pompéran étoit le premier Gentilhomme d^hon-
aeur de Moniieurde Bourbon : ilavoit de laïuûilànce,
de rcfprit & de TadrciTe. Lorfque Ton Maître fût par-
tî y il fongea à. exécuter fa commi0ion. Le départ de
Mon/ieur & de Madame de Bourbon furprit extrême-
ment la Cour , mais il aifiigea Madame d!AngQulèii)e :
die ne marioit %. fille que pour n^a voir plus de rivale
auprès de ce Prince ; toute fon erpérance étoit de le
revoir bientôt. Pomperan> avoir ordre de femer Je
bruit y que le vo^^age de MonHeui de Bourbon nefe-
roit que de fîx fdmaines.
Mademoi Celle de Valois fe reprocha PabCenoeda
Prince , lorfque le moment de fon injuâice fut pailé:
d'autres fois elle s*en applaudiflbit , parce qu^elle
croyoit perdre infenfiblement ce qu^elle fentoit pour
ce Prince ; mai» ce n^étoit qae le langage de fa vertu :
fon cœur n*y avoit point de part. Elle y révoit un jour
profondément , lorfque Pompéran Taborda, & lui.
remit la Lettre que le Prince lui avoit laxifée. £Ue ne
put fe difpenfer de~ la recevoir : elle étoit conçue en:
ces termes»
Fmj'jemepUindieaffizdtmên Ùûlt > MktkmoifilU,
fmi sfrit nPaviirfMt naMre avù »n defrvielmt dette
s ntrihner qn'à vttre bonheur ^ m*» f»it psrvtnir émfm*
nejle fort d^ être acettfe p^r vent même, de tmtes wr m*
fir$mnesT Cefl «m crime ^uejtne'fvnrrmjémAis ecofier ,
f^iijH$je flur frvfefedt nfieit ftmtp h reJUd» «i» v«fc.
j*-- ' •• ^' 'k
DE BOURBON. 37
Mw smofir tft forvenm à mn feiht , fn'Vi m ftut fMt
ifrttnuTt tien Ift^ , ftciffmtjt me frtvtdm fUtfir dt
vttre vm , ^m fixie mt le rehdtU fitppertabU ; mais c<
n'*tjlp4rs U mtrt , ^ui me farcit le flus grand des «m/-
heute : c^fl Phe/rreur dt vms d/pUin » d*itrt haï dt
V9its i 4y ^^^ reeiwir des duretés ftieje ne ereyeis fés
ëveir méritées.
Madcmokfelle de Valois fut touchée de cecteLettre ,
& fc repentit d*avoir >i] fi>n maltraité Moniteur de
Bourbon ; mais outre que Ton devoir ne lui permet*
toit pas de te rappeller , elle étoit trop attentive de
fes propres malheurs , pour être entièrement occupée
de ceux de ce Prince. Monfîeur d^Aiençon pteflbic
fon mariage , Madame d^Angoulcme & Monfîeur de
Bonnivet fembloient agités de la même fureur , &ne
croyoient pas en voir ailèz-tôt le jour déplorable. Il
vint enfin ce jour deftiné à rendre malheureufe la plis
aimable Princeilè de la terre. Monfîeur de Valois re-
vint de Dijon : Madame d^Angouléme devint fan
ombre , pour Tempêcher de parler à fa fœur. Le Roi
vouhit lui-même faire la dépenfe de ce mariage ,
bien éloigné de- croire qu'il fut en horreur à la Prin-
ceflè. La cérémonie des noces fe fit dans la Chapelle
du Roi. Madame d*Angoulêmey traîna fa fille com-
me une viéHme quVlle facrifîoit à fa jaloufie. Elle
paroiflbit infenfible à fon malheur. Ses regards étoient
mourans , fon vifage pâle & abatu ; mais quoiqu'elle
eût pu infpirer de la pitié aux cœurs les plus 1»rbi«
3« LE CONNECTABLE
Tes , elle n^ébranla point une mère fiirieuiê & an'
portée. Monneiir de Valois voyoit fa douleur , fans
y pouvoir remédier. Enfin Mademoifelle de Valois
épouia Monfieur d^Alençon. Monfieur de Bonnivet
fut préfent à ce fpeâacle , & goûta une vengeance
d*autant plus épouvantable , qu^elle ne rccomboit
guère moins fur lui que fur cette Princeflè infbnunéc
Madame d^Angouléme reifentit durant quelques
jours la joie d^avoir donné à ia fille un époux , qui
lui fut, poiu: ainfi dire , un furveillant à l^égaidde
Monfieur de Bourbon , & qui Tempèchât d'avoir au-
. cune liaifon avec ce Prince ; mais lorfque le temps
fut paile auquel il avoit fixé fon retour , & qu^elle ap'
prit qu^il ne (c difpofoit point à revenir , elle recoo'
dut bientôt que le malheur de Madame d'^Alençon
ne faifoit pas fa félicité; elle eut encore TinjufUce de
lui imputer fon chagrin , elle s^imagina même qu'elle
avoit défendu à ce Prince ^de reiter à la Cour. L'abfen-
ce qui guérit toutes les pafiions , aigrit & accrut la
fienne. Elle en fit tomber toute la mauvaife humeur
fur la Princefllè infortunée. Il n*y eut pcnnt de fujec
de querelle qu'elle n'inventât: elle mit-dans Ton par-
ti le mari de la Ducheflè , homme bizarre , & pour
lequel véritablement elle n*avoit pas de grandes coiD'
plaifances. Ces deux perfoimes perfécuterent horri-
blement cette Princeilè , déjà fi malheurcufe.
Miadame d'Alençon ne pouvoit deviner le fonde-
ment de ces pexfécutions : elle reconnut pourtaot
DE BOURBON. 3^9
èîen que les plus violentes venoient de fa mère. Elle
s'adreila à Dona Léonora , qu'elle n^avoit point vue
depuis fon mariage. Cette confidente lui découvric
tous les fecrets de Madame d^Angoulême. Madame
d*Alençon fut étonnée de la violence de la paflion de
fa mère -. elle avoit réfclu de domter la iîenne ; &
quoiqu^Ue plaignit le fort de Moniteur de Bourbon »
elle profitoitde fon abfence pour bannir de fon cœuc
des fentimens devenus encore plus criminels ; mais
fe trouvant tourmentée d*une manière qui lui ôtoic
le repos & la tranquillité , elle aima mieux faire re-*
venir ce Prince , dont la préfence & Pabfence lui
étoient également fatales. Peut-être que fon amour
fut ravi de devoir ce prétexte à la nécellité de fon re^
pos : cependant elle fe fortifia dans la réfolution de
ne le voir que très-rarement à fon retour , & feulement
dans les occafioDSoii elle ne pourroit s>n difpenfer»
Monfieur de Bourbon menoit à Chantelle la vie k
pluslanguiflàntç ; & ne pouvant la traîner dans Pin^
adion, ilavott depuis quelques jours formé le defièin
dequitter la France»5c d'aller acquérir de la gloire en
Hongrie. Il fe flaioit d*oublier Taimable Princeïïè »
que U folitude de Chantelle lui ramenoit plus vive->
ment dans Pefprit. Véritablement la gloire étoit la
paffion de ce Prince ; & il faifoit de férieufes réilé^
lions fur ce voyage , lorfqu^un jour il reçut une Lee*
tre d^un courier inconnu. Il rouvrit avec précipita*
tioQ ,& il y lut ces mocst
V
\.
40 ZjB COJ^NE'TASLE
Vont svez ftit dans un étr^vgtfnu , Moufitur > Ut
fértlts ^M*on vws » diits , la derniirt fds ^u^tnvttt
:S VU, FtMt'être tn avottm-'tUts mu fins ^avaiiU^Mf»
On pntrra vtus Ptoef tiquer ,JîU vm» , ^ne vmt avtz
fdit de f»itter U Cêur , nUft pss imdolahlt. Rtwntt
.dn:c > il y va de nunrtfot : «e etêyex, féu eependmrt >
tfu^ily ait rUn dam tctte Lettre fmi fiaU une pajim
■sâpu je n^ai jvmais épronvie, Jbes 0fp4reneee vms tn j
Tfcwretit denner IHiie j mais m vmt dikrvmtUtr* ffttt \
Ânigme : d*iatllemrt , je vwt crtét pirfmadi de ma ver-
■4m i car fi vus cpex, twceveir de iémt'r aires ejférancuj
je n*»ire^eriss jamais t^éxil f«r V9ms Vêut êtes imfifé,
\^ueljuu fuites fuHl pniffe évtir fout mH,
LaDuche/Iê D^ÀLEf^çbK.
. 'L^ânnnement de Monfieur dé Boturbon dl alfé à
Ttompréndre. Il relut plufieurs fois cette Lettre , fans
-y rien comprendre : enfin .11 >la troava aâ^<honnête
'-pour loi; &; comme Madame d^Aiençon lui marquoic
•que fan recour étoit important pour Ton repos , il le
(iiâcaauiant qu'il put. Dès 4e'leftdemain il prit la pofte ,
•& laiâà Madame de Bouirbon maitreilè de revenir ,
«quand elle lefouhaiteroit. Uprit pour pfétexte defon
-voys^e rapproche de la Campagne , oh il efpéroit
«dVoir de remploi : le Roi foutenam une guerre ef-
«ftoy^ble contre l'Empereur , les Pays-Bas, TAnglC'
terre , les Suiflès, &Ies PiiticM^^d'StaUca
Madame
^■^^
DE BOURBON. 41
Macfcame d^Angoutôme apprit avec toute la joie pof**
Hble l^arrivée de Monlleur de Bourbon : fon amouc
n'eut pourtant pas lieu d*en être fatisfait. Après quMl
eut falaé le Roi & Monsieur de Valoi» , il lui rendit
une vifîte de civilité , oii elle reconnut que la froi«>
deur de ce Prince n'*ëtoit pas diminuée. Il alla auIE
voir Moniîeur & Madame d^Alençon ; il les trouva
enfemble , â: illes complimenta fur leur mariage : il
avoir intérêt de ménager ce Duc.
Depuis qae M idame d*AIençon étoit mari^ 9 die
n^avoit point trouvé d'autre confolation' dans fou
chagrin que l^amitié de Madkme de Vendôme'. Cette
Princeflë étoit fœur de Mon/teur d^ Alençon , & avok
été mariée au Comte de Vendôme , puîné de la Mai-
ion de Bourbon , & entièrement attaché aux intérêtt
de MonHeur de Bourbon. Madame de Vendôme avot^
Tefprit fi bien iâit , & étoit d^une beauté il réguliers,
qiron ne pouvoit comprendre qu*elle fôtfeBur du Duc
cl*Alençon : auifi n'*approuvoit-eile pas la conduite de
ce Prince. Elle enmarquoit quelquefois fon chagrin à
Madame d^Alençon en la plaignant. Comme elles fe
voyoicni fouvent , qu'elles avoient beaucoup de m黫
rice & une cftime réciproque inine pour Pautre , il k
forma bientôt entrâtes une amirié folidi:. Elles n?eii»-
rent plus de (écret Pane pour Pautre; dc Madame d'A -
Icnçon fît confidence k Madame de Vendôme de tou
ce qui s*étoit pailë, tant entr*elle , MOniieur de Bouf.
bon & Monteur de Boxmivet > qu'entre Monfieuf de
Tome L D
■•'*" .». . '"■' * - .ii^ir*
41 i!e CONNETABLE
i Bourbon & Madame d^AngouIême. lUui étoitabfo«
lument nécelTaire de parler à ce Prince ; & Madame
de Vendôme offrit à Madame d*AIençon de le faire
venir chez elle. Le lendemain que Moniteur de Ven-
dôme avoit fait une partie de chaflè avec Monfieur
d^Alençon & Monfieur de la Roche-fur-Yon , Mon-
fieur de Bourbon reçut un billet de Madame de Ven-
dôme. Il ne manqua pas de fe rendre chez cette Prin-
celle. Il fut agréablement furpris de ne trouver arec
elle que Madame d* Alençon ; il devina en partie ce
quVUe avoit avoué à Madame deVendôme ; il la coa*
noiflbit particulièrement : la qualité de fœur de Mon-
fieur d^Alençon ne la lui rendit pas plus iufpeâe.
• La préfence de Madame deVendôme ( lui d.tMa-
•> dame d*Alençon après les premiers compliment )
» jufti/ie un peu ma conduite. £lle doit vous faire
t> connoître que ce rendez* vous que je vous ai fkii
j» donner , n*eft rien moins que criminel , & qu'il
M ne s^y paflèra rien dont Monfieur d^Alençon ne pût
[ a» être témoin , s'il ne s'y agiflôit de Pintérêc de quc!-
> » ques autres perfonnes. « Ah ! Madame ( répondit
a> Monfieur de Bourbon ) ne vous efforcez point de
» me prouver que vous n'ctes point fevorable à ma
s» tendreilè : j*en fuis trop perfuadé ; & fi perfoime
» au monde ne peut infpirer tant d^amour que vous,
» peifonne peut-être ne peut plus cruellement dé-
» fefpérer un Amant. « Je ne vous rappellerai point
u vd ce que je toi» ai déjà dit { répliqua Madanic
w^KW^^^^mmmf
DE BOURBON. 45
» d^Alençon) j'ai de Ja vertu & de la fierté. Nous
» fommes vous & moi engagés ; .'e moarrois plutôt
u que de vous entretenir dans une palfioa crioun.Ue
» de part & d'autre. « Hé quoi , Madame ( répliqua
n le Prince) ne mettez vous pjint de milieu entre
u répondre à une paflion ,& accabler de mépris un
w Prince malheureux \ Comment , dites le-moi ,
a> comment ai-je pu mériter le cruel reproche que
«> vous m'aviez fait de caufer votre infortune ? » Le
■> reproche que je vous ai fait ( répondit Madame
M d'Alençon } n^étoit que trop bi&n fondé ; mais il
»> eft vrai que vous n'en êtes pas plus co pable. Je ne
u vous ai prié de revenir de Cbantelle > ni je n*ai en-
M gagé Madame de Vendôme à vous mander ches
M elle , que pour vous en éclaircir. Il faut pour cela
M que je vous découvre des chofes dont ^c' récit ré-
•> pugne à mon honneur; mais j'ai tant foafTert de-
» puis deux mois , que je ferai peut-être excufable »'
M n je fors des bornes que la plus févere vertu m^a*
» voit prefcrites. Elle fit enfuite a/Ièoir le Prince, 9l
reprenant la parole : m Vous avez plu ( lui dit-elle )
• àunePrinceflè de qui mon fort a dépendu , & j'aî
w eu le malheur de plaire à un homme ailèz puillànc
» fur fon efprit : ils fe font apperçus des fentimens
a> que vous aviez pour moi. Ils leur ont donné une
i> furieufe jaloufie, j'en ai été la vidtime ; ils m'ont
» forcée d'époufer Moniteur d^Alençon \ ils conti*
9 xuienc à me counncAtci de la plus horrible manieie
^ LE CONNECTABLE
M du monde : Madame dt Vendôme en a fouvcntéié
» témoin.Hs croient que vou» m^aimez encore : tant
M qu'ils le croiront , je ferai malheureufe.Jene veux
M point defcendre dans le détail de mes chagrins : ils
» vous fèroicnt pitié. Vous pouvez aujourd'hui m'en
s> éviter une parrie. « Je ne vois pas , Madame ( ré-
M pondit Mx)n/Ieur de Bourbon ) ce que je dois hiK
m
>> pour cela. S'il ne tient qu'à punir Monficur de
j> fionnivet , je vous répons de mon bxas ; mais que.
M pui»-je contre Madame d'Angouîême ? « H faut ju-
») ftemcnt le contraire ( reprit Madame d'Alençon )
» il faut que vous ne vous apperceviez pa» des fenti"*
a> mens de Monfieur de fionnivet ; que vous ne me
» voyiez plus , & que voyiez fouvent Madame d*An-
» goulême. « Ah Dieu ! ( récria le Prince ) cft-cc
» pour celi que vous m*avez rappelle de Chantelle ^
•
» Je ne verrai point tout ce que j'adt)re; je feindr^a'
» d*aimer une Princefle queje hais, &qui vou^a
I» rendue malheureufe ? Je TaecableraS plutôt des plus
» outrageans mépris. <* Je me fuis trompée ( ajouta
•> Madame d'Alençon ) lorfque je vou» ai cru aflez
s» généreux pour me rendre le repos & la traiiquilli-
» té que j*ai perdue. Qu'efpérez-vous , Monfieur , de
» Tamour que vous avez pour moi ? Croyez-vous
»> me vaincre par vos aflîduirés > foupçoimez-vout
9> ma foibleflè ? « Ah ! Madame , je vous crois Cin-
I» terrompit Monfieur de Bourbon } inHirimenr aima«
• ble ^ vcrtueufe. Je fois prêt de fircrifier ma vit
"**-= — ■^.— ..^— . |„ Kt.iÉ
DE BOURBON. 4s
» pour von» obéir ; mais ce qiw vous me demandes
» eft plus difficile à £iire que de mourir, Y fongez-
i> yous bien > ne vous plus aimer ; aimer Madame
» d^Angoulêmc : cela n'arrivera jamais. Mes- y eus ^
» mes adions me trahiroient. Il &ut donc ( dit Ma-
» dame d'Alençon en fe levant ) que je me faflè uno
» habimde du malheur & de Taflliâion. Adieu
» Monfieur , du moins n^ajourez pas vos perTétu-
w tions' aux chagrins que je vais e/Tuyer » . Ces paro^»
les> accablenènc Tinforrané Prince. Il fentic toutes fn
forces Tabandonner , 8l Madame de Vendôme s*ap-
psrçBt qu'il tombait à demi évanoui. Alors le cœue
de Madame d*Alençon fut touché* de la plus vive pi-
tié. M^ame de Vendôme lui dit qu'elle portoit la fc-
férité trop loin , & qu'elle défefpéroit un Prince dont
la pafSon n'avoit rien dé criminel.
Monfieur dt Bourbon étoit heureufcmcnt retom-
bé fur fy chaife ; Madame de Vendôme futvcne-mê-
me chercher de l'eau. Elles en jetèrent fur le vifagtf
de ce Prince ,. qui peu après revint à lui; Madame de
Vendôme fongea à lui donner un peu d^efipérance.
" Jufqu'oîi vous laiflcz-vous abatre > Monfieur ( luî
„ dit-elle ) prenez-vous à la ri]|^ieur les paroles et
„ Madame d'Alençon ? Ce Prince jeta les yeux fur
Madame d^Alençon , ii les vit couverts de quelques
larmes. « Commandez-moi tout ce qu*H vous plairs
5, ( lui dit-3 ) ma belle Princeffe ; mai» permettez*
iy moi de tons voir quelquefois. Rien à ce prix nv
kl.
■^ - ^^J w u
'4<? LE CONNE'TABLE
Pi me fera difficile. Hélas ! je ne tous demande ri
^ qui ne convienne à votre vertu. «« Pourquoi me
t, voir ( reprit la Princefle) puifqu^il m^eft défendu
p, de vous aimer ^ quel.e cfpérance avez - vous f
** Point d*autre ( interrompit Monfieur de Bourbon)
SA que de vous voir , de vous aimer , de mourir*
*' Oui , généreux Prince ( dit Madame de Vendôme )
9» vous la verrez , je vous en allure ; vous avez tous-
f, deux trop de vertu , pour que vos vifites foient à
Pi craindre; & je vous promets de l'amener ici quand
f 9 vous le fouhaiterez. » Vous êtes une bonne (œur
», ( répondit Madame d*Alençon en fouriant ) & je
(, ferai bien Tons votre conduite.
Enfin Madama de Vendons fit confentir Madame
d*Alençon de voir quelquefois Monfieur de Bourbon
chez elle ; mais Madame d*Alençon lui défendit de
lui parler de fa paffion. Le Prince s^engagea à adou-
cir Madame d*Angoulême. Ils fe féparerent fort con*
tens Pun de Tautre. Il femhloit à Madame d^Alen-
çon que la préfence de Madame de Vendôme levoîc
une partie de fon fcrupule. La contrainte que Mon-
fieur de Bourbon alloit fe faire pour Tamour d'elle »
ne contribuoit pas peu k lui rendre ce Prince cher
& aimable.
Dès le foir même Monfieur de Bourbon alla voir Ma-»
dame d'AngouIême , & il lui témoigna plus d*cm-«
preiTement qu'il n'avoit accoutumé. Cette Princelle
fiVoit garde de s'imaginer qu'eUe dût à la fiJle les
DE B OURS If. 4f
Honnêtetés de ce Princ; ; elle s*en applaudit » comme
de la feule conquête qu^elle avoit fouhaicée. Le^ jourf
fuivans il continua à la chercher» Il n*évita plus fa
converfation. A la vérité il ne put fe forcer jurqu^à lui
dire qu^il Taimoit ; mais il voulut bien lui lai/Ter le
préfumer. Cette feule penfée calma tous les tranfportt
de Madame d^Angoulême ; eUâjhii rendit fa belle hu«
meur. Elle traita Madame d^Xrençon avec plus de
douceur : elle pria même Monfieur d^Alençoa ^^a**
Toir pour elle plus de conûdération ; elle p/it foo"
Tenc fon pa ti contre cet époux bizarre. Enfin , Ma-
dame d^Alençon commença à refpirer , & ne fentit
plus toute la pefanteur du joug donc on Tavoit acca**
biée.
II parut même que la généronté de Moniîeur de
Bourbon reçut une récompenfe proportionnée ; il
étoit avec Madame d^Angoulême , loHque Monfieur
de Valois lui vint apprendi^e que Monfieur de Mont-
pezat , Gouverneur du Languedoc , venoit de mourir.
Ce Prince les ayant quittés un moment, après : ««Aqui
9> jugez-vous que ce Gouvernement convienne } dit
Madame d^Angoulème à Monfieur de Bourbon ; &ce
Prince lui ayant marqué n*y prendre aucun intérêt :
*• C'cft voas feul ( pourfuivit-elle ) qui pouvez le
^„ remplir » . Elle fortit en même tems , & le fut de-
mander au Roi. Ce Prince le lui accorda avec joie. Le
lendemain Mônfleur de Bourbon s^habilloit encore*
lorfqu*il reçut ce biUec de cette Princeilè»
L ^|P
48. LE CONtmABLE
Je trpnve Psmkii ki€» fiikU » Mênfitnr , tfmânlék
mttendf9Mr ^tghfHt t*m AttretMtrs i elle. heRù w*4*
fermis de Mfpvfer dm GeMvervenunt dm^Zéjmpteiatyjt
vous le donne- i méis ne hvnux, pas mên cf^diti ^stre
ufrmêes agir»nt cette empagne , fmH tftGmieant» T^n-
tre en Italie , /« trvifihn enBtmr^egne , /«- fnatriémt
€n Ftcxfdie. Chnfijfti^ i* GtniraUt dt etlU ^ue wat
étniez commander i S- /îf «C fèrfnadé ftfil j»^ a rù»
fxe votre m^ritenrfmffi chtnir sufrèf dp mm,
Louise de Sapote.
Monfieur de Bourbon fut troublé de la Ie£(ure de ce
biUet : il fe trouvoit accabla d^un fi grand nombre de
bienfaits y. 8l ilappréhendoit qu^on exigeât de lui une
trop forte reconnoiilànce : cependant , comme k
étoit fcniible à tout ce qui pouvoit procurer de la
gloir<e » il fut ravi de trouver des occaiîons d'en ac-
^uézir. U alla fur le chaoïp remercier Madame d'An-
goulême , & il tâcha de paroître extrêmement touché
de fa libéralité. Il la pria d*y mettre des bornes , &
fe coiuenta de lui demander le commandement de
TArmée de Guienne ; mais elle le força de recevoir
les pFovifioas de l*un &de l*autrg. Monfieur de Bour-
bon alla remercier le Roi du choix quMl avoit voulu
faire de lut ; & il fit faire fon équipage. .VAiméc
commençoit à s*afllèmbler proche Bourdeaux.
Avant que de partir 9 il pria Madame de Vendôme
D E SO URBON. 49
«lia fair« Yoir Madame d'Alençon. Cette Prioceilè
s fentoic trop obligée à Moniteur de fiourbon pour
ni refufcr cette grâce. Leur cotirerfaâoa fut tendre
\l animée. Madame d*Alençon lui avoua qu'elle lui
koic redevable du repos dont elle jouiilbit. LePrinr
:e lui raconta tout ce qui s'étoit paifê enue lui&Mr*
lame d^Angoulêoae : il lui expliqua la peine que let
bienfaits de cette Princefiè kû faifoient. Madame
d^Alençon trouva ce (entimeat d*un par&ic bonnète
homme. <« Ne les refîifez point , MenHeur ( lui dit*
Y, elle ) Madame d*AngoMlême ne &it que prévenir
5, le Roi : ils vous font dûs. Il faut bien que la Sbr-
» tune répare d'un côté le mal qU*elle a fait de
>y l'autre.
Cependant les Armées fe mirent en campagne; &
cène Êitalc année penfa voir la fin de la Monarchie i
Monfieur de la TrimouiUe , qui conduifoit 1^ Armée
d'Italie» y perdit une bataille qui «oûtaaux Françoii
k Duché de Milan ; le Maréchal de la Palicc fîiit en
Bourgogne devant les Suillès. Ils aillégerent Dijon 9
Se Teuflènt emporté fans la prudence de Monfieûr de
la Trimouille qui s^étoit jeté dedans , & qui fauva la
France > en facrifiant la réputation de la Monarchie
à foQ (alut. Ide Duc de LongueviUe , qui étoit à la
tête dt l'Armée de Picardie « fiit encore plus malheu*
leui. L*£mpereur &Ie Roi d'Angletene s'étant joints
; enfemble 9 gagnèrent iur lui la bataille de Guincgate»
I où ils le prirent prisonnier « emportèrent Xçiou^ne ji
Tifmelx £
fo LE CONNETABLE
Se ne mdnquerent Paris que par leur inerintellîgenc&
Tant de funeftes xlevei'sde foitune ne fervirentqul
relever la gloire de Mûnfietir de Bourbon. La viâDire
^vic l'Armée qu*tl commandoic. U chaflà de Guiea-
ne le Roi <l^£rpagne qui avoic compté Air la conquête
de cette Province : il le fitigua , ruma (on Armée
hxis bazarder la fienne, «ntra même dans Ton pays ,
qu^il ravagea , & oii il fit un butin ineftimable.
^ Toute la Fianc« célébra le triomphe de Monfieor
de Bourbon. Soir Armée viâorieufe xa/Rira \e Roi. Ce
Prince fut reçu à Paris comme le libérateur <de PEtar.
Quelle joie pour Madame d*Angoutôme & Madame
d^Alençon ! La première s^attribnoit Phonneur que
Monfieur de Bourbon avoit acquis , parce que c^étoit
elle qui Pavoit mis en état d*en acquérir ; la (econde
içavoît bien que tous les lauriers de ce Prince ne fai'
ibient que grolfir le facrifice qu^il lui ofiroit fans cef-
le. Un fcrupule de vertu combattoit fa joie fecrette.
Durant la campagne elk avoit fouvent vu Madame
de Bourbon. Elle Ce flatoit qu*en s"artachant à la fèm^
Bie de fon Amant & à la fœurdefon mari , elleréfifle-
roit mieux au penchant qui la dominoit. M. de Bour-
bon vit à fon retour Madame d^Atigoulême & Mada-
me d^Alençon : Pune comme une Princënè qu^il hono-
roit & qu*il refpeâoit ; Pautre comme une Maitreilb
aimable qui étoit Pâme <le tous (es plailirs.
' Quelque confiance que le Roi prit en Monfieur de
Bourbon > le repos de fon {«uple lui paroiilôit bien
IDE BOURBON. jt
l^us précieux que PéfpéFance des conquêtes qu^il Te
promectoit : ainfi Monfieur de Longueville , qui écoic
prifonnier du Roi d* Angleterre , v^ lui eut pas plutôt
fait fçavoir 4iue ce Prince avoit de la difpontioa à U
paix , qù^ll lui envoya an pouvoir de traiter : elle
fiit conclue peu de jours arprès. La Prmceilè d* Angle-
terre fut le fceau de cette alliance. Le Roi la fît de-
mander en mariage , & Tobtiitt. Ce4H>n PriiKe ft fia-
toit d^avoir des fils : il ne faifoit pas féfksion qu^il
écoit extrêmement cailë , & qu*il ne pourioit les éle-
ver , quand même il feroit afièz heureux pour en
avoir ; tellement que leur minorité rejctteroit la
France dans les troubles dont le Règne de Cbaiies
VIII. Ton prédéceflèur -, lui foumiUbit l^zen^le.
Monfieur «de Valois, segarda ce marine avec de»
yeux afIèz tranquilles , quoique les &]s qui en pou^
voient naître , le duflènt priver du premier Royaume
du monde. Le Roi le chargea d'aller recevoir la nou-
velle Reiite à Boulogne. U s*y tranfporta'avec la plus
grande parrie de la Cour. Cette Princeflè éblouit les
yeux du jeune Prince par Ton incomparable beauté.
Uart & la nature s^étoietic épuifés en fa ^veur \ &
il lui parut qu'il n'avoit rien vu de fl beau dans la
Cour de France y .fertile en beautés éclatantes. £Ue
étoit accompagnée du Milord Brandon , Ambaflàdeui
du Roi d* Angleterre : c'étoit le Favori de ce Prince ;
& Ton pouvoir dire qu'il étoit parmi les Anglois , ce
que U Reine ^coic à l'égiasd des autres femsies. V«(
Si LE CONNETABLE
{tande trifleiTe le pénétroit : il aimoit la Reine ^^
îfa plus jeunes années. Il en étoit aimé > il l^airoit
j^rdre. Monfieui de Valois n^héiita pas à fui?re fes
premiers tranfports. Il devint amoureux de la Reine.
Toute occupée qu^elle étoit du Milord Brandon , die
trouva ce Prince infiniment aimable. £ile étoit un
peu coquette i elle écouta volontiers Tun & Tautre.
Dans cette difpoûtion elle arriva à Bans. Le Roi fon
^pouz devint lui-même fon Amant. Le Carnaval fe
pailà dans toutes \t^ fêtes qu^on a coutume de célé-
brer au mariage des Rois.
Monfieur de Boiii y Gouverneur de Mon/ienr deVa-
lois s^apperçut de lit nouvelle paffion de ce Prince
pour ja Reine. Il lui parut qu*ii la menoit trop loin :
Il alla le trouver. « Songez-vous bien à ce que vous
a> fait«s ( lui dit-il ) en aimant la Reine » & en cher-
» chant avec <mpreflèœent fes faveurs? Vous jouez à
« vous donner un Roi. Sa Majefté eft fur le bord du
9 toâSbeau , & bien éloignée devoir un fils j je le
1» fçais de its Médecins, Voulec-vous lui en donner
»» un à qui la Couronne appartieiuira ? c*eft acheter
H bi^n cher un plaifir frivote. Soyez fage > Monfieur,
a» |( ptemes garde que la Reine foit fage. On m*a die
« qii*$^ aime >titord Brandon : cet Anglois cft re-
1» ilé À la Cour ; qu'y fait-U? faites veillerfur ies ac-
» âons>i«Mon6eur de Valoir profita de cet avis. Il
alla trouver Monfieur de fioui^n : il lui raconta
1Ptt(«ç qtû fe p«£»U* Ils fin»t veair de ooncert le
DE BOURBON. 13
Milord. « Vous aimez la Reine ( lui dit MonHeur de
n Valois ) je Tai reconnu , mais je nVn abuferai pat»
» N*erpérez rien d^elle pendant la vie du Roi : je dois
» fuccéder à ce Prince ; je vous engaji^e ma parole de
» vous la &ire épouTer , auâi^tôt que j^aurai la Cou-
» roime fur la tcte : Moniteur de Bourbon fera mon
» garant ». Le Milord promit au Prince tout ce qu'il
voulut. On ne fe £a point tant à fa parole , qu^on
ne mit des Dames auprès de la Reine , qui étoient
autant de furveillantes. Madame de Valois trouva el-
le-même ie inayen de coucher avec la Reine , prefque
toutes les nuits que le Roi n*y coacfaoit pas.
La paix avec TAngletcrre mit le Rot en état de petw
fer à la conquête du Milanest : quarante mille hom-
mes y étoient deftinés , & MonHeur de Bourbon de-
voit les commander. Tant de gloire ne poitvoit le reiu
dre heureux , parce que fon cosur ne Pécoit pas. 11
était obligé de fe contraindre làns ceiiè avec Madame
d^Angottlème ; & qiioiqu^il ne lui témoignât rien qu*-
elle pût prendre poui de l^^mour, il fe reptochoit
d^entretenir le fien.
Madame d'Alençoo , depuis que ce Prince tenok
cette conduite, jouiilbit d'un entier repos du côté de
M. d^Alençon & de Madame d'Atigoulême ; comme
Ton eft ingénieux à fe faire des chagrins ,^elle reconnut
bientôt que fon coeur n'éioit pas tranquille. Les bien-
faits de Madame d' Angeulême avoient agi un peu îvx
iui'ils avoient infpîré de la reconnodilancc à M^de Bous*
I • W. *
'f4 LE CONNECTABLE
1x)n ; elle craignit quMls ne lui donnaflènt de ramour-
« Qiiefçais-je » difoit-elle ) s'il feint ▼é^itabIeraenr^
a> peut-être H aime Madame d*Angoiilême : elle eft
j» encore belle ; il en eft aimé ; il îux doit la grandeur
a> ou il eft élevé u. Un moment après elle faifoit ré-
flexion fur la caufede ces mouvemens. « Que me
» feit ( difoit-elte ) rameur quMf peut avoir pour cet-
1» te Piinceilè ? eft-ce la jalouire qui me tourmente ?
» Ah Dieu ! feroîs-j^e ailèz malheureufe pour aimer
an jr.ii]uesi>là Monfieur de Bourbon » } Il eft vrai que
la conduite de ce Prince , Tes belles & glorieufesqua'
lités , la pafldon de fa mère » & le peu de mérite de
Monfieur d'Alençon > avoient accru fa flamme, fans
même quelle y eût penfé. £tlc voulut combattre tor
vain des fendmens honteux pour elle , & avantageux
poucle Prince; ils fe trouvèrent allez forts pour trou^
bler fon repos. £Ue ne put sVmpêcher de les faire
paroitre à Monfieur deBourbortla première fois quM'-
]% le vit chez Madame de Vendôme. « Qu'^entre»
3» vois-je » Madame } ( s'écria le Pnnce ) vous paroif*-
a» fez condamner îa complaifance que j'ai pour Ma-
» dame d'Angoulême. Oùbliez^vous que c'eft vous-
» même qui me l'avez ordanné > « Vous vous ères
M facilement réfolu à m\>béir ( répondit Madame
» d'Alençon ) & vous avez dû en être afièz conten^
« Moi fatjsfàit , Madame >- ( reprit Monfieur de Bour-
» bon ) Ah ! c'a été feulament de fu v-e vos ordres \
» mais pourquoi apporcé^je des laifons oii lesaâxom
DE BOURBOK. %%
» peuvent parler ? Je ne la verrai de mes jours :
M qtfil me fera aîfé de le faire ! Voulez-vous que je
» je lui reinette les bienfaits , dont elle m*a comblé
j) moi , & qui me font odieux ? « Non ( lui dit Ma-
» dame d^Alençon ) voyez'la ; mais voyez'Ia comme
u une amie. Elle efpére que vous Paimerez : détrom-*
» pez-la; dites-lui que vous ne la pouvez aimer.
*< Ah, Madame ( interrompit Monfîeur de Bourbon)
u ne vaut-il pas bien mieux ne point avoir avec elle
» une explicadon qui me convient (i peu , & qui....
* Vous ne l^aimez pas , Monfieur ( lui répondit la
» Princeflè } mais , à ce que je vois , vous la mena-
» gez. Vous êtes le maitre'^de faire ce dont je vou9
» prie; mais ne venez plus me vanter ni votre fein.
» te ni votre amour : je fçanrai bien ce que vous en
» aurez fait. « J'obdirai , Madame ( s*écria lePrin-
» ce ) j*obéirai ; mais fongez que je vais fordr du
^ caradere d*im honnête homme , & que ma fincé-
» riié fera peut-être retomber fur vous « Ne
» vous en mettez point en peine ( iruerrompit Ma-
» dame d*Alençon ) je ne vous rmipute.ai pas »,
^ parlèrent quelque tems , & la PrincciTe crut s'ap-
P«rcevoit qu'elle étoit feule aimée de Monfîeur de
fiowbon ; ce Prince fe fîata de n'être point haï. Un
en;oucment agréable fuccéda à cette douce penfée 5
CK deux perfonnes oublièrent pour un moment la
iuicté de leur deflin , qui les avoit féparés pour ja^
"^l'URdcTautrc. Elles foncèrent feulement qu'eli-
;»'
55 LE CONNE' TA F LE
les s*aîmoient , & qu'elles méritoîent d'être ahaécs,.
Dès le foir même on joua chez Madame d'Angou-
lême : Monfieur de Bourbon étoit auprès d'elle , &
ils étoient adèz loin du reJfte de la compagnie pour
pouvoir parler fans être entendus^ Madame d^AIeU'
^on regardoit jouer Moniteur de Valois ; mais ayant
vu commencer la converfation entre Monfieur .de
Sourbon & Madame d* Angoulême , elle les regardoit
de tems en teras , fe doutant bien de ce qui en faifoit
le fujet. " Je me fçais bon gré ( dit Madame d'An-
» goulême à ce Prince ) de vous avoir procuré les
» occa/tons de vous iàire connoitre i fans cela la
?> France eût ignoré qu'elle avoir en vous un HéioJ
» & un Libérateur» « Je n*ai rien làît , Madame
» ( répondit Monfietu: de Bourbon ) que tout le mon*
» de n'eût fait en. ma place. Je dois ces événeniens
4> au bonheur ; mais c'eft à vous que je fuis redeva*
9> ble de la confiance que le Roi m'a témoignée , &
. » de l'honneur qu'il m*a procuré. Tout mon cha-
» grin , Madame , c'eft de n'avoir qu'une foiblc &
9> imparfaite reconnoii&nce. « £t pourquoi ( reprit
i> Madame d'Angoulême ) eft-<llc foibleccttcrccon-
» noifHmce que vous pouvez avoir & vive & empref-
» fée ? « Je l'appelle foible , Madame ( répondit le
n Prince) parce qu'eUe ne peut égaler vO» bienfaits-,
M mais du côté de mon cœur elle a une étendue pro-
u portioimée aux grâces que vous m'avez &ites. « Si
u cela étoh » Monfieur ( reprit Madame d^AngouIl*
... -•-■d^
DE BOURBON. j;
» me) nous ferions quittes , & je ne fçaîs fi je ne
» voas en devrois point de refte ; mais expliquez.
M moi , je vous prie , les bornes de votre reconnoif-
» fance. « Elle n^en a point , Madame ( reprit-il )
M elle a ajouté au refpe^l , à ia foumil&on , & à Te-
M ftime que j^avois pouf vous , une amitié , fi j^ofe
» me fervir de ce mot avec vous y qui a toute la vi-
u vadté y le zèle > & l^empreflèment que vous pou*
a> vez defirer. <« Quoi ! ( interrompit la Princeflè à
1» demi irritée ) votre ccsur ne connoit-il pour mo»
M -qu^une amitié languifiànte & inanimée ï n'a-t-it
v^ rien fenti auprès de moi , que des fentimens qu*ii
» auroit pris pour un Prince Ton bien£uâeiir> es Ab>
» Madsune ! ( répondit Monfieur de Bourbon ) il n>y
» a p<Mnt de Prince que j^bonore & que j^aîme au-
>» tant que vous. Mon aminé» .»...« Dé&kes-vous
» ( lui di^^e , toute tranfportée > & achevant de
» perdre toute modération ) d*un mot qui m^oflen-
1» lé. Pd voulu de vous des fentimens plus vifi: j^ea
» ai peut«êcre reiftntî mei-mème , ft votrç feule i»>
» gratitu^ a yx v^is aveugler jufques-là que vous
» ay« lèîm de i^en rien coimoltre ? « Non , Mada^-
» me ( lui dit lePïince ) je ne me fuis jamais flaté
tt d\me penfée fi téméraire ; mais quand j*enaafoisi^
a» été convaincu, fuis-je le maître de mon coeur ^ Si
M la raifon infpiroît rsunour , je vous aurois adoréey
» puifqu*il n^ a perfonne que j^aye plus de raifont
« 4?aimer que vous j^ mais cette malbeureufe liberté
\\^:.
fS LE CONNECTABLE
•> qui naît avec nous y ne nous quitte pas à noœ
» gré : elle eft aveugle & fourde ; elle £e roidit con-
M tre la raiibn ; elle eft invincible , lorOque ce n'eft
» pas elle-même qui travaille à fe vaincre. Je fuis né
9» avec une efpece de férocité ennemie de Tamour} &
» foit que je le méprife , ou que je ne le coiinoiflè
10 pas , j^y fuis inTcnfîble ; mais tour ce que le boa
» fens , la beauté , le mérite , Télévation , peuvent
» donner de fentimens outre Pamour , je lerellèns
»> pour voJis y Madame , &je ferai confifter maglci-
» re à fignaler ma reconnoiflànce. « Et que pouvez-
» vous faire ( interrompit Madame d'Angoulême )ii
9» je ne veux que de Tamour } mais.( reprit-elle avec
•> douceur ) je vaincrai cette fierté naturelle. Vous
» aimerez fans doute. . . r . •« Je vous eiv âaterois
a> envain ( reprit durement le Prince ) je dois mon
a» cœur à Madame de Bourbon : ma vertu m*a fait
» faire de graïuis efforts pour le lui donner ; cepeui-
»> dant je fens bien qu'elle ne Ta pas. Jugez > Mada.-
» tncyfî je puis vous le promettre. «Ah! c'eftpouilcx
w trop loin la fierté & Tinfolence ( dit laPrincefiè)
» & je les mériterai (l je les laiilè iàns vengeance.
Après CCS mots elle fe leva , rouge de bonté & dé
colère , & padà dans un cabinet oîi Dona Léonoia la
fuivit. Madame d*Alençon n'avoit pas perdu un feul
de its mouvemens. Quel triomphe pour elle ! £llc
pouvoir à peine fe contenir. Moniteur de Bourbon
{^approcha d'elle : il remarqua fa joie ^. fou cccureai
k
DE BOURBON. S9
•
trefikillit. «c Que je ferai heureux ( lui dit- il tout bas)
u n fa colère retombe fur moi feul » ! Madaïqe d*A-
lençon feignit <le ne le pas entendre ; mais en fe le-
Tant , lorfque le jeu fut fini : <« Elle ne retombera lii
a> fur !\in ni fur l^autre , » lui répondit-elie. Ces
deux Amans paflèrent uife heureufe nuit > Monfleur
de Bourbon convaincu qu^ilétoit armé. Madame d^ A»
lençon délivrée des tourmens de la jaloufle.
Madame d*Angoulême ne parut point le refte du
foir. Des mouvemens de fureur & de haine Pag'terent
avec une violence horrible : elle méditoitune furieufe
veng^nce ; elle fe repentit de fes faveurs : Tamour
fuccédoit à toutes fes réfolutions ; il les anéantiilbit.
Elle fe flatoit de toucher un jour Monfleur de Bour-
bon, w L^amitié ( dîibit-elle ) eft Pavant-coureur db
» Tamour ; contentons-nous de la CitnBlfif aimons-
» le. Pourra-t-il réfîfter à ma tendreflè î^ Malheureu-
u fe( reprenoit-elle ) aîmerois-je un ingrat , qui m^
M traitée fi indignement } Ne me fouvient-il plus die
» ma dignité , de ma vertu , ni de ma naiflànce » >
Souvent la paflîon qu'elle avoit cru voir à Monfieur de
Bourbon pour fa ÛXit , feifoit croître fa colère. « Peut-
» être ces deux Amans me trompent-ils f difoit-elle)
3» Ak , fî j'en pouvoîs £tre kiffaiiite » .'* Elle envoya
chercher Monfieur de Bonnivet pour s'en informer.
Ce Seigneur avoit été occupé depuis quelques mois db
fon mariage. Il avoit époufé Mademoifelle de Crevé*
«sur A l'une des plus riches héritières de Pkar4ie*|^
1 ..;
'
6o LE CONNECTABLE
mais ce qu*^il devoit à Ton époufe , ne put dégige
fon cœur d'une paflion violente. Il aima Madame
d^Alençon encore après fon mariage. «Jenefçais
a» que vous répondre ? ( dit-il à Madame d^Angoulë-
» me ) Madame d^Alençon me fuit & aie méprife >
» mais gonfleur de JSourbon ne la voie point. Je les
s» ezaininerai de plus près : ils ne peuvent long-
» tems tromper un Amant jaloux & malheureux.
Cepetidant le Roi tomba malade. On difoit que fon
amour pour la Reine lui en avoit fait donner da
preuves , qui s^accommodoient mal avec fa fbibleHê
& Ton âge» Son mal sirrita par Içs remèdes : ^a bui- '
tiéme jour on defefpéra de fa vie. II envoya cher-
cher Monfieur 8c Madame de Valois. Il leur recom-
manda la Reine , & les pria de ménager les peuples
fur lefqu||| ils aUoient régner ; il les embrailà l*an &
Tautre , a: les fit retirer. Le lendemain il moonit
dans la réputation du meiUeur & du plus grand de
tous les Rois»
Monfieur de fionmvet aHa (aluer le premier Mon-
fieur de Valois comme Roi » & toute la Cour fuivic
fon exemple. Le nouveau Roi fût facré peu de jouis
après à Reims avec la Reine , fous le nom de Fran-
çois I. Les peuples accompagnèrent fon élévados
d'acclamations & de fouhaits heureux» Il nes\>ccupa
d'abord qu'à élever lès amis. Il érigea le Comté JAn-
goulême en Duché en &veur de Madame d'Angoulc-
sie £ & déclara ^'il fouhaitoit ({u'oa Tappellât iSeu*
nE BOURBON. 6t
nnent Madame comme les FiUes de France ; il don-
a à Monfleur dcBoifi la Charge de Grand-Maitre de
'rance » celle d* Amiral à Monfleur deBonnivet f celle
le Chancelier à Monsieur du Prat. Il ne pouvoir ag-
;randir Moniteur de Bourbon , élevé par lui-même à
suit de dignités ; mais il créa Ton frère Duc de Châ-
:ellerauc ^ & Monsieur de Vendôme fon coufin eut
iufli fa Terre de Vendôme érigée en Duché & Pairie.
La faveur de Monsieur de Bonnivet furprit toute la
Fiance. On n*avoit jamais vu la Charge d^Amiral de
France » la féconde Charge du Royaume , conférée à
un jeune homme de vingt-deux ans ; mais fon bon^
heur n*en refta pas-là. Le Roi Phonora de fa plu9
étroite confiance : il ûiivoit aveuglément Tes con*
iêils. Le nouvel Amiral alla prendre poflèllion de ik
Charge à TAmirauté. Le Roi Sl toute la Cour y afli-
fterenc : Poyet y célèbre Avocat , fit le panégyrique de
TAmital ; il réleva au-deflùs de tous les Héros de
TAntiquité. Monfleur de Bourbon vit avec douleur le
crédit de fon Rival & de fon etmemi. Madame d*A-<
lençon h*en Htt gueres moins affligée. Le reile de la
Cour plia fous fa nouvelle puiflànce , âe^Madame el-
le-même, ^m véritablement recevoit de lui plufieurs
marques de rcfped Se de confiance. Li Cour étoic
chez la Reine un foir que le Roi étoit enfermé avec
l*Amiral. La converfation tomba fur ce dernier. « Il
)> ne peut plus riea attendre de la libéralité du Roi
» ( dit Madame de Vendôme) il lui a donné tom
6a le connectable
» ^MTi coup la plus belle Charge qu^il y ait dansl^
»» pée. « Vous oubliez ( répondit Madame d'Alcnçon)
M que celle de Connétable eft au-deflùs, « Il cft vrai
M ( dit Madanie ) mais elle ne fubiiflé plus , & c'eft
a» avec bien de la juftice : les Rois, pour aind è'rc »
M fe donnent àes Compagnons en faifant un Conné-
M table. Louis XL en penfa xeflèndr une funefte ex-
M périence.U a voit donné Tépée au Comte de SaÎQt-
M Pol. Ce Comte devint fi puiHànt , qu^H fit la gaer-
»> re à fon Maître. Il fe défendit coutre leRoid'Aii-
» gleterre , & contre le Duc de Bourgogne ; & ce ne
» flit que par le concours de ces trois Puiflànces qu'il
I» fut livxé au Roi , qui hii fit trancher la tête. Cet
u exemple a fait peur aux Rois Tes fiicceflèucs, &
M depuis nous n'avons point vu de Coimétable. «Je
a> ne penfc pas que le Roi rétabliflè cette Charge
*> ( dit Monfîcur de Chatelleraut , en fe mêlant en
» la converfation ) ou il faudroit pour cela qu*il fe
M trouvât une perforaje d'an mérire aflcz grand , &
» d'urie fidaité fi inviolable , que le Roi en fût pld-
•> nement convaincu. « Quand même cela fc trou-
» veroit ( reprit Madame ) il ne s^ expoferoic pas.
La Reine aimoii aflèz le jeu : elle propofad*en feire
«n. Madame l'accepta , & s'aflociâ avec Monfieur de
Bourbon. Chacun chercha aufli un aflôcié , afin qoe
.tout le monde fut intére/Té au jeu qui étok fbrtgroJ.
Madame d' Alençon s'aflbcia avec Monfieur Je Grand-
Maicrç; OMÛs je qc fçais ibus quel prétexte elle s'^r
"*'" • '*^ -fr^^
Vf /
DE BOURBON ^
loîgna de la table , & s'aiHt feule dans un fauteuil. I«
Koi peu de sems après (ortie avec TAmiral. Ce Prin^
ce écoit devenu amoureux de Madame de Château^
briant en voyant Ton portrait. C^étoit une Comteflè
bretonne , beUe tn perfedion , mais poflëdée par le
plus jaloux de tous les hommes. On Pavoit prié de
faire venir iaVemme à la Cour : il Pavoît refufé opt-
lultrement. L* Amiral avoit crbuvé un fecret de la
faire venir ; il quitta le Aoi pour l*aller mettre en
ufage. Le Roi joignit toute raflèn^lée, & fe plaignit
en riant qu*on eût fait la parde fans lui ; & voyanc
Madame d^Alençon feule , il alla la joindre. « Nous
» fommes donc les deux feuls qui ne jouons point
3> ( lui dit-il en badinant ) « Si vous vouliez f lui
» répondit-elle à demi bas ) nous jouerions enfem-
» bie ; mais j'ai peur que je ne vouluflè jouer trop
» gros jeu. « Il femble que vous parliez férteufemenc
» ( lui dit le Roi fur le même ton ) je vous promets
a> de jouer ce que vous voudrez. « Voudriez-voat
u bien ( lui dit-efle à Toreille ) jouer la Charge de
w Coimétable » \ Le Roi refta furpris, & ne dit mot
quelque tems. Tout d'un coup il reprit la parole en
riant , & lui dit : n Mais que jouerez-vous contre \
« Un redoublement d'amitié { répondit laPrincciTe)
M qui me fera regarder dans mon Roi le meilleur de
» tous les frères. << Si jegagnois (reprit le Roi )
» vous n*y trouveriez pas votre compte : feft pour»
M quoi il vaut mieux que nous perdions tous deus^
f4 LE CONNE'TABE
9 Donnes-moi un baifer pour gage de cette augmtn*
n tation d^amitié , & yt vous donne la Cbaige de
M ConnétaUe M. £n même tenu il emkndlà ùl ûzar.
« Je içais pour qui c*eft ( pourfuivit-il ) envoyez-le
» moi demain matin ; mais gardez le Secret Tun &
w Tautre, &foyezfages( ajouca-t-il' en riant ) «Âbi
M Monûeur \ ( répondit Madame d^ Alençon } n'ai- *
» lez rien imaginer contre ce que vous me devez : je
» vous jure que c^eft la piemiere &veur qu'il ait re-
» çue de moi. « Il auraun aiTez beau deftia ( reprit
fl> le Roi ) fi vous lui en accordée encore une oudeus
■m de cette nature.
Le Roi & Madame d^Aknçcm rejoignirent lacotn*
f agnie. Cette PrinceHè la quitta peu de tems après ,
•pour ne pas laiilêrvoir I4 joie qui roccupoxt.Madame
4s Vendôme ne jouoic pas : elle s*en alla avec elle'
À lui fit .part de ibn fecret : fX\it en partagea la joie,
files aUerent chez Madame de Vendôme, oii Mada-
me d* AlençoB écrivit ce biUet à Monfienr de Bourbon,
4e»aim ëm iêvtr du RH zj^tn si damé ms péték* ré
àonu ^Mtl^mefÊit dt fm^tr ^me vêtu dtvac <Mttc Vitr*
^âmdtwr i mwi main gnnemii»
Le lendemain le Roi manda dans hdModxi tout
Con Confeil , compofé des Princes du Sang & des
fxaads Officiers de U Couronne. Apeioe étoit-H af-
foablé,
DE BGUREGK. 6f
iemblé , que Moniieur de fiourbon arrîra , & fe plaça
à fon rang. Peu <le tems après le Roi entra dans Ton
cabinec, & en fortit, tenant en fa main une épée
«nTÎchie de pierreries. « Quelques-uns des Rois mes
ir Pfédéoeflèurs ( dit ce Prince atec tme majefté dt-^
M gnc de fon rang ) n^onr pas rempli la dignité
9> de Connétable. Je h^ofe Timputer à une politique-
» badè & foiUe ; je m*imagine plus facilement quMIs
sy n^onc pas rencontré un mérite afièz élevé » ou une
M expérience aflèz confommée. Je crois avoir trouvé-
f> Tun^ fautre dkns la perfonne deMonfleur de
M- Bouiboil : c*eft à lui que ;*ai confié Fépée de Con-
V nét^ble.
Le Roi finit fon difcours , & laUIà tout fon Con«
feil égafement furpris & conftrs ; car il ne Tavoit pas
convoqué pour écouter fes avis , mais poifriui décla-
rer fcs volontés : l'Amiral fur-tout frémi/Toi c de rage.-
Le Roi préfenta fon épée k Monfîeuf de Bourbon : it
a^étoit goere moins étonné qiie les autres. Il la re-
çut à genoict , & témoigna fa reconnoi/Tance an Roi
en des termes également forts & nobles. Un Héraut
puUia à haute voix , que Charles de' Bourboil étolt
Connétable : tout îe monde le félicita. L^Amiral lu^-
mfane fe vhlbrcé de luf feireune honnêteté : Mada-
me apprit le choix du Rot de la bouche de T Amiral ,.
fc en fentît un violent dépit. ïh coururent tous le*
ittnt trouver leRox. Madaitle ofà lui en faire des re-
piocbe?, &r Amiral des plaintes j mjùs il- leur répon;-
— ^
66 LE CONNECTABLE
dît d*une manière qui leur impofa filence.. « Je pTOW
3» drai vos confeiis ,. Madame ( ditwl à fa Mère ) lorf-
»> qu^il s^ agira de régler ma Maifon , ou de pourvoir
3» ma famille ; mais pour gouverner mon Etat , je
V n^ai befoin de pejrforme ». H. les quitca afièz du-
rement. Madame, reconnut alors qu*il ne s^agiUbit
plus d'ufer d^autorité avec lui-; qu'il: n^étpjt plus ce
Duc de Valois , fpuixiis à fa conduite ; & qu'il ne fâjr
loit employer auprès de lui. que Tadreilè & la dou-^
ceur: cependant elle fe ligua- avec l?Amiral , pour
iQuire au Connét^^blc : car elle croyoit que la haine
^voit.fuccédé à T Amour ; & elle fe trompait d'autant
plus » que c.ette haiiie.écoic la marque infaillihlede i»
tpndfcflè..
Le Connétable alla le jour même chez^ Madame dt
Vendôme ,. & y trouva-Madame d'Alençon. Il fe jetta
à[ fes pies touché de tendrelTc & de reconnoillànce :
« N'étois-^'e pas aflèz attaché à vous , Madame , ( lui
ai. dit-il) par les liens les plus forts } vous voulez que
» je devienne ingrat par. un bienfait au-deilus de la
» reconnoiilknce. Hé bien ^Madame , je |ç reçois;
•> je meplaindrois fi j'étois redevable en ce. point à
» tout autre qu'à vous.; mais il eft jufte que celai
» qui ne vit. que. pour vous , ne tierme rien que de
•» vous : car ne croyez pointque je tienne de Madame
■» les honneurs qu'elle m*a procurés : c'eft encore à
•». Touf que je les impute. C'eft mon amour fournis A^
\
mum^^mtmf
nE BOURBON, «7
» ceptant.. « Généreux Prince ( réponcUt Madame
M d^Alcnçon ) je vous dois quelque chofe déplus pré«
» deux que les honneurs & les dignités : cette der-
»^ niere étoit peut-être la feule digne de vous. Je ne
i> craindrai- plus les bienfaits de Madame : je vous
» l'avouerai , j'ai eu la fbiblefle d'appréhender qu'ils
i> ne vous gagna/Tent. Nous combattrons déformais
M à armes égales.. Voyez Madame , je vous Tordon»
Mr ne , regagnez fes bonnes grâces , il ne vous fera
» pas difficile , & je vous en tiendrai compte m.
Monfieur de Bourbon fut tranfporté des bontés de
cette Prineeilè , & il prit (à.main pour la baifer , mais
elle la retira avec viteilè. « Si mes bontés ( lui dit>-
» elle) vous font oublier que je fuis femme du Duc
» d^Alençon ,. fçachez , Monfieur , que je fçaurai
« vous en priver pour jamais ».. Le Connétftlc fut
obligé de lui en demander pardon : elle promit de le
voir le plus fouvent qu'elle pourroit.
Madame d^'AngoulêmjC flit furprifç des foins du
Connétable. Comme il eA naturel de fe ilaier ,.ellc
crut que ce Prince lui rendroit un jour judice. Elle
lui parla donc malgré toutfon dépit;, mais elle lut
uouva encore ces termes réfervés y qui ne. fortoient
jamais du rcfpeft & de la reconnoiflance : cependant
fon penchant l'emporta. Elle np çut s'empêcher d'ai»-
mer ce Prince , 8c de lui laiilèr voir qu'elle, avoitou-
bhé l'elpece d'affront qu'il lui.avoii fait.
icRoi tint exadçjncnt parole au Milord Brandon*-
•**^*11L ./ 't\
€9 LE CONNECTABLE
Xorfque les trois premiers mois du deiiil de la Reine
^uairiere furent paiTés , il con&nsh qu'il Tépoufat ,
& rifqua par cette conduite à fe brouiller avec le Roi
d'Angleterre ; mais le Miiord fut plus heureux qu'il
ne refpéroît. Le Roi d'Angleterre approuva ce ma*
riage après qu'il fut fait ; il rappella en Angleterre fa
fœur & fbn man , qu'il avoit créé Duc de Suflfblc. La
Princeflè Ton épouTe ne perdit point le titre qu'elle
avoit porté : on l'appella la Ducfaefiè Reine.
Presque auâi-tôt le Roi fe mit à la tcte de Ton Ar«
mée y & marcha avec le Connétable à la conquête de
Milan. Qui eût pu réiifter à un Prince pafSonné pour
la gloire > fiiivi dts plus braves foldats de l*£urope f
Se accompagné d'un Général expérimenté ? Les
François pafierent par les Alpes dans une faiibn &
par aes chemins impraticables. Le Connétable par
imb intrigue heureufement conduite conquit Gènes.
Les SuiUès éprouvèrent la valeur du Roi à Mari- '
gtian : le Connétable y commandait i*Avant-garde :
ce qui eft la principale & la plus honorable fbnâion
de fa Charge. Qu'il parut grand dans cette bataille!
Les François croyoient marcher à- la viâoire , en fui-
vant Tes ordres. Lés Suillès furent battus (ansreflour-
ce. Le Milanezfût le prix dt cet heureux fùccés. Le
Koi ne crut pas poQvt)ir le confier en de meilleures
mains qu'en celles du Connétable : il Pcn établit Vicr-
Koi , & revint à Paîrisi;oûtel' les fhiits de fa conquê-
te entre les bras die la b«llé cémteilb de Château^
èriant» .
DE BOURBONS %
Cette nouvelle élévation chagrina le Connétable :
clic réloignoit de Madame d^Alençon. Au milieu de
tant de lauriers , il foupiioit pour elle. Son bonheur
^toit de la voir : il> en étoit privé. Cette Princefiè-
n'étoh guère plus tranquille que loi» L^ Amiral
avoit £ait des efforts incroyables pour fe vaincre
fur la paâion qu^elle lui avoit infpirée. LMnégalicé dft
leur naiflànce , fk vertu , fes mépris , au lieu de
Tabatre , Tavoienc irrité. Depuis Pabfence du Conn6>
table , il ne la quittait prefquë jamais : il avoit même
fait en quelque maniereleRoironeotiiîdent. Ce Prin-
ce avoit témoigné à fa fœur , quelle ne lui feroit pat
plaifir de le bruTquer à tous propos >. comme elle faî-»
foit auparavant.
Moniteur le Grand-Msdtre pour qui le Roi confen*
voit de pands égards , étoit mort depuis peu: TAmi-
tal était reftéle feul favori. Sapuiflàncene connoili-
foit point de bornes » d*^tanrplu8 qu^ii ^étoitijoint
étroitement avec- Madame & Msdtoie de Château»»
briant. Il étoit un jour à la chailè , éloigné de foft
équipage , iaivi Asulement de deux Genritahommes ,
loffqu'il apperçutun^ courier. H le reconnue aulli-céc
pour être au Comiétsdïle : eMttMt heurenfement on
des efpibns qu'il avett mis auprès de ce Prince. li
fçnt de hif qu^l étoit chargé de ti*^s paquets. L*A«
mirai ouvrit fa vaISfe r il en trouva un pour le Roi $
le fécond pour M\2id^mehr Connétable-; le tfoifiéme-
s^adreffait k Xi»fiBiiedr)renétaic^ n v^xp^^w vm>^
u
7© L E CONNE TAS ZE
fiémc pouvoir réclaircir de ce qu'il fouhaitoit avec
«ant de paifîon de fçavoir. Il retourna à Paris à tou-
tes brides. Lorfqu^il fut arriva chez lui avec le cou-
^ rîer , il décacheta ce troifiémc paquet : il trouva de-
dans deux Lettres ; une fans adreflè r & une pour
Madame de Vendôme.. Il commença par cette der-
nière.
0«i , Madame , l'es mtmens*qHej*aifaJfcs avtcvtMSr
tn^tntflu davantage ifuela dignité on fin m^ a élevé: je
Us regréte tous Us jenrs y eSr ma douleur ejl de ne ff4*
v»ir quand je peurrai les reir9Mver,Je nef^aUfiPên mt
rend cette juflke :. m le deit» Vous aurez la henté it
vendre à cette aimable ferfeum la Lettre quefaijehiu »
la vitre, Ah I Madame , fi vems f enviez l^eng/'itr à
me faire répmfe > fueje veus aurois d'çbliiMiens : seU
fereit capable de charmer la dureté de mcn exU, Cefif
Jidadame , ^c*. « •- ■ • ..
l'Amiral extrêmement ému , ouvrit Tautre Lettre
avec une promptitude extraordinaire.; il y trouva ces
mots.:
Ki craifnez'V9us peint ,. Madame y d*P9arer la. vert» ?
99ili la treifiéme Lettre que je vous écris , ^ jfms per*-
fivérez dans m», cruel fiUnce, Ne déférerez pM, Mar
dame^ un malheureux > fui ne peut plus vivre tfans
sveir quelque liaifm avec veus ylerfque fétois à UCemrk
ëfaUeit que je véeujfe dans une ceutrainte éternelle i
mes jeux , mes parties éteient cempefées ,j*affe3aisjuft
qij^à.nwdiinêrtha imêit 9»finJ€ v^mvej^ ij^em^êOi
DE BOURBON. Lt
^ffez,^ Madétmt , et fUifir fenl mt fsijnftuhîitr mts
•éUhcnrs, Jt ne fon^tùs tnvêus vêyitnt y k rien ati&t
bâfc finpn fut jt vous simws .'ftttlfttefiit vtns timti'
'nitx. êtrt ftnJUlt à ma dtitUwr ; hmù k fréfentje mt
rcmvt djins nn smirt Kfj^OHmti féitr amiSf fans confils'
d'tfw. Hé fmêi y,tr9nvexrvous qn^tlfoit fini crimintl tTé"
virt qnt dtfarltr f jtnt V9us demsndt fos dtt fârtît»
fsttmfis ér UnJres pjutmUcrivmfnt u qmt votttmt di-
riez* 0l*ftjt voyt qut vms fin^tz i wti i mais hilas l
U ii*ti» tfi ftntrétrt ritn.Jd^aurieZ'Vti^ tnbliil U n'^tf*
timtrai fins ni la vit ni Us. posUturt ,Jije fais tim$6
dans etttt tffr<tyjbU difprac^
U Amiral ne Te trouva guère plus fçavantpar là lec»
ture de ces deux Lettres. : ce n*eft pas qu^il ne foup-
çonnât. la vérittî , mais il n7en étoit pas convaincu :
cependant comme tout convenoit aflèz^ à Madame
d' Alcnçon , il alla trouver Madame , Bc lui commu-
niqua ces deux Lettres» Cette Princeflè fiit de Ton
fentiment ; mais pour sVn aflurer davantage , ils re-»
cachetèrent ces LetJtres avec beaucoup d^adreilè , Se
les rendirent au courier , qui avoit- charge d'en rap«
porter la re'ponfe au Connétable. Ils le chargèrent de
la leur montrer auparavant^ En effet , deux jour»
après il leur remit une Letue d» Madame d» Vendô*
me ,.qui en contenoit une autre. Quel fut Tétonn»'
ment de Madame &de T Amiral , lorfque récriture de
Madame d^Alençon firapa leurs yeux ! ce fut un coup-
I de foudre pour tous les dois j «afin TAninl-y, OOVbf.
7* LE COITNE'TASLE
Je neffsit , Mmfitttr » fwriiUQi vous, mt frèffk. tis:
dt V9M* itrtrt» Votre vertu tfi bien relJkhée > / vms
Urtuvtx, Is nrienne rigide. Vpms iH^dvez. r ^^ ^^ fi"^^ '
sfftz, fait féùte de chofes cmtre Isféiférité fiuje nfHtis
mnfefée : fçxthesi f^j^ »« '*' reffreehe Ur.t les ^s.
Ne vous attendez fmt de reee^feir de moi régulier eramt
des Leitres y eeU tfi inutile , ér J€ ne fftureis ufj ri-
fimdre. Ne erejiez fat fuejevotee oublie jamais i jt ji-
trois feup-étre fius heur en fi , fi je le foeevoi* faire : j*
vous en dis trop^ ^ueferost-ce y fi faUeis veux mmUcf
fut je crains moè'mèïKe fue vous ue. n^^nhliez ^
Ils recacheterent ces Lettres avec la même adrei^
4ue les aatres , & renvoyèrent le Courier, à qui ils
donnèrent une groifc fomme d'argent pour récom-
f enfer fa trahifon , & pour Pezeirer à de nouvellesr
Ils refterent tous les deux dans Tétat du monde le plus
terrible. Laijaloufie » )» colère-, le d^it , la- fierté,
lestourmentercnr de la plus horrible manière da mon-
de. Toutes ces paillons aboutirenr à une réfolutioa
de fe vengjer du Connétable » qu'ils jurèrent T'un &
rautreavec des' fermeas proportionnés à leur foreur.
Madame d^ Alençon en efiliya les preaûers tranfports.
Madame la traica avec la demieie dureté : elle mfpira
à Moniieur d'Alençon des iênûmens injuftes. H re-
nouvella Tes premières brutalnsés : mus la Prince/Te
^en étant plainte au Roi en des termes extrêmement
Ibrts , il en fie une aigreréprimande à Monfieurd'A-
}KB^ïi ti 6%ric tiotfde&iaéfialtt > qui'lui obéit aveu-
DE BOURBON. 7}
flânent. Ainfi Madame &r Amiral tournèrent coûte
leur vengeance contre le Connétablcw Ils prajetterent
la. difgrace avec Madame de Chiteaubriant » en lui
promettant la Viceroyayté de Milan pour le Vicomte
de Latttrec fon frère : le Chancelier agit avi& de con-
cert avec eux. Tousenfemble détournèrent les fonde
Zl les munitions deftinés pour le Milanez. Le Duché
avoit été menacé par l^Empereur Maxîmilien^: ilav(»it
mis foixante mille hommes fur pié pour le conquérir •
Le Connétable crioit au lecours : on le traitoit auprès
du Roi de Prince timide. « L^Empereur ( difoit
w r Amiral ) eft bien éloigné de penfer à des
u conquêtes» lui qui n'a jamais fçu confcrver fee
u Eats».
Cependant TEmpereur defcendit comme un foudre
dans le Milanez. Lesennemisdu CoimétableTappri-
rent avec joie ^ croyant qu'il alloit fuccomber. Il les
trompa glorieuiement : ce grand Prince mit en ufage
toute ûi valeur & toute fon adreflè ; il maintint les
foldats dans le devoir £nis arg&nt ; il réTotut' de périr
fous les mines de Milan. Sa réfoluticm étonna TEm*
pereur » qui ne vouloit que des conquêtes ai(ëes« Le
Connétable lui débaucha une partie de. fee troupes: il
remplit fon efprit de foupçon & de défiance; enfin il
le réduUît à prendre faonteuiÎEment lïifiiite. Son armée
fe débanda prefqueauffi-tôt. LeConmltable demeure
vainqueur , fans avoir .perdu un -feul de ies foldats.
. Ces nottveUes jetèrent^ toute DfiuiQpe dans un
Tom€ L G
1/ 1 4k- ^ ^
74 \LE CONNECTABLE
jétonnement prodigieux. Le Connétable en devint
Tadmiration.' La Cour de France fut celle qui lui en
donna le moins. Madame , l'Amiral , Madame de
Châteaubriant,employerent tout leur efprit à diminuer
Xa gloire. Le Roi qui ne pénétroit pas leur malice *
cntroit dans leurs feutimens.
Le Connétable ne fut point fi aveuglé de fou bon-
heur , qu^il ne reconnût la grandeur du péril qu'il avoir
.évité : il ne fe flata point d'un pareil fuccès. Le refiis
qu^on avoir fait de lefecourir , lui fit connoître qu'on
avoit formé le dedèinde le lai/Ter périr : ainfien don-
nant avis au Roi du bonheur de fes armes , il lui de-
manda pour récompenfe qu^il lui envoyât un fuccef-
feur. Madame de Châteaubiiant embrafla avidement
cette occafion : elle demanda le Gouvernement de
Milan pour Monfieur de Lautrec. Le Roi fans faire
de réHexion fur l'injuftice quMl alloit faire ,1e lui ac-
corda ; & envoya ordre au Connétable de revenir à
la Cour.
Il eut plus de joie de fe rendre dans un lieu oîi il ti-
péroit de voir Madame d'Alençon , que de chagrin
d^être privé du premier Gouvernement de TEurope.
Il ne vit plus cette Prince/léchez Madame de Vendô-
me. M^ame d'Alençon avoit fçu de Dona Léonora,
que Madame étoit informée de Tintelligence que le
Connétable entretenoit avec elle par le moyen de
cettç Princeiîè. Ils ne pouvoient pénétrer amunent
cUe Tavoit apprife ; mais pour prévenir Itz fuites de
I ,
'DE BOURBON. n
t foupçon , ils convinrent qu^ils fe verroîent chez
icladame de la Roche-fur-Yon. Madame de Vendôme
!x5pondic de fa fidélité & de Ton aflfeâion : elle étoit
fa cotifine germaine & fa meilleure amie.
Cependant leRoi sWifpofoit de jour en jour contre le
Connétable. Sa mere/onÊtvori, fa maitreilê : tout ce
^u'il voyoit auprès de lui décrioit la conduite de ce
Piince. Ils failbient remarquer au Roi la fierté da
Connétable ; Ton train prefi|ue auifi fuperbe que celot
de Sa Majeiléi Ton crédit auprès des gens de guerre ;
fes richeilèsimmenfes ; la vafte étendue de fes terres;
& qu^il parugeroit le Royaume , lorfqu^il voudroit fe
foulever contre lui. Dans ce moment le Roiferepa>
toit d^avoîr élevé fi haut le Connétable.
Quelque temps après fe fit cette célèbre entrevue
des Rois de France & d'Angleterre entre Ardres ft
Gaines. Tous deux ctoient jeunes , galans ,' magnifi-
ques » accompagnés d\me Courfomptueufe : ils goû-
tèrent tous Its plaifirs que le luxe a introduits , flc
que la volupté U plus fine peut inventer. Leur entre-
vue Ce fit dans un camp fpacieux , orné de plulieun
tentes de drap d^or , rempli de tout ce que Tœil peut
imaginer de riche & de précieux. Les plus belles Da-
mes de la Cour rekvoient ce fuperbe fpeâacle ; lef
Tournois , les feitins , Tamour « la comédie , le jeu »
fe fuccédoient les uns aux autres : c*étoît-là Tempire
des plaiûrs & de la moUeilè.
Madame d^Alcnçon étoit peut-être le plus bel ov
Gij
76. LE CONNECTABLE
ççmem de çtv^c magnifique ailèmblée. Le Roid'AO'
^eterFefijt ébloui de fa beauté , &; Ton reconnut bien-
tôt que Ton ctturavoit été touché par cette belle Du-
cheflè. UAipiral toujours méprifé n^en étcHt pa
tfmos amourouc li Ce Uflà enfin d?ime confiance fi
ifiptile 9 & comme il n'avoir pas moins de hardieflè
^e d^amour , il réfolut à quelque prix'qixe-ce-fiît , de
iiips&ire enfin fd pa^ion &ra vengeance : ni la lerai,
9» Iq devoir, ne furent capfibles de le retenir. Il fcnna
ce projet avant l'entrevue des deux Rois , & reséca-
i|fi.d?une manière à laiilèr entrevoir , s^il avoit pli»
diefprit. que dMmpudqnce. Le Camp Royal , comm&
j^l^ai d^a dit » étoit entre Ardres & Guines : U pre-
mière de ces deux. Villes étoitau Roi , la fecondeétoit
jkKjRpi dTAngleterre. Onpafibit le jour dans Iç Camp»
ipaisJe Toir^ la Cour de France fe redroit à Afdrcs ,
celle dîAogietenpe: à. Guines« Le Roi avoit cbaigé
l!Atfi)ifal de pourvoir aux logemensd^la.Cour» U 1^«
HOic&it.dlune manière quxine poufoit êtxe mieus
«i>tpnduc t&jU.yayoit trouvé une cccafiop-âvorable
k fonidefleid. L;*appartemenc 4e Monfieurd*Alençon
amDÎ^ deux étages : ceBrince devoir avoir le fécond ,
li^amed^Alençon devoir o<^per le premin- , oii il*
)t avy>it.deux. chambres iêulement'; la première pour
]^:4U6s»<i*b<MBneur.de.la.Duchefib, la iecendepour
<}lo*même: or dans la^ chambre de- cette- Princeflè-
rAmiral avoit fait pratiquer JUÔté du lit une trapoqui
liB<Y0y6ifcd*«itantiinoins^ qiie4a.chiKnbre^t9itMfée
y
•.V.
DE SOVRSOJtf. 7t
& parquetée* Cette'triEpe dcouiok dam inippartemenii
de rAmiral : il avoit ett foîn qcf elle $'CmrrSic (khs '£dfb
ttocQii bruit.
Il réibliitl^trer-lanint dans la chatxibredfeMad^
sne d^Alençan par cecte crape, & d>mpk)yer la vio^
lenceMême pour ûds£dre un amour |)arv^a jofqaHk
-la fureur. Touce la ^récHMfion ^\\ prît au mffleu dh
ion emportement » Ibc d^hgager Brion & Rochépot ,
derk de fes amis , d*enWfCfr ce jour-Ià Monfidfr
d^AlesK^n jufqu'àtoi 6cerla faifo^. HÏutàaâement
t/béi. On emporta le DAc U4t Hnatt dafui fon li't.
Madame d!*AlençK>n joua tftfës là Rtînt jtiitpi^àiâi-
fiinc. A cette iietâ:e-l& ?^ fe retira ; & «''étant coû-
tée « fis filfies fttrdr«lit dé fa dïaffllbre. £fi6 ^Rendor-
mit prefotldésient. L^AmSralfôfrth dédiez la Reifliè
en même cempi iquè Madame d^Aleif^on ; k, i^étarit
enfeané àaeèa ^ thiÉi^Mt , 11 ^ficèuta prés là xtii^ ,
iiif(|n*à ce qu^l tmèndk fei fiilés de la iPriiïceilë Vk
^ttet. Alors il fe desMilla ^ jMÎt nfkib dblMàife j^ai^
lÎMaée , & une lObè d% tbainl^re i en t^t équi^a^
d*bomiite à bonne foi-tcrifiè ) 4l ^ouvtft là trape , & 'ciih
tra dans la chambi« êe Madame d^AléhçÀit.
Ik^dgré ion intré|Mhé & la vicHènfeedé fa pàâSbrt ,
il fe tzoava fàifi dfe ^yeitf ^ fut le pôlht d^àch^vtir
fi)h entitpril^ $ mais rejetaht bienvd't c6s tiiùidéè
pcnCées , il ^itta (a trht de chambre , & fe coucbà
auptés dfc la Prince^. Elle s^é? èiSa au bruit qu*il fît ;
mais il aditY^ Ucncôc d« l'évâHer par miHe baife^
Giij
78 LE CONNE'TABLE
pleins de flamme. Madame d^AIençon les recrroh
prévenu que c^étoit Monfieur d^Alençon.^ Elle dk
feulement .\« Quoi, c^eft vous » Monfieur » ? L^Ami-
jcal répondit à demi-bas , '^ Oui , MadSme ». Mais
.quelque déguifement qu'ail eût afifcâé , cette voix pa-
rut étrangère à laPrinceflè. « Comment ( lui dit-elle)
,M étes-vous venu fans lumière ^ » ( il avoit accoutu-
jné d'en apporter. ) L* Amiral ne répondit rien à cet-
te nouvelle demande ; mais il tlchoit d*av..ncer lis
affaires. Ce filence redoubla le foupçon de Madame
d'AIcnçon. E:ie repouïïà T Amiral , qui de fon côté
Tembrailbit aflcz fortement. « Parlez , ( lui dit-elle,
M en le levant à demi ) pourquoi vous taifez-vous ? »
Les plus tendres careilès étoicnt toute la réponfede
TAmant. £nân elle fe débarraHà de fes bras , & fe
voulut lever» » Où voulez-vous fuir , Madame ^ ( lui
» dit TAmiral ) fongez combien il y a de temps que
3» je meurs d*amour pour vous. Le moment eft f enu
u que vous devez .... <« Infolent ( lui dit la Du'
u chefTe) perds-tu la raifon & Thonneur } As-m
a» oublié que je fuis la fceur de ton Roi } « L^amouf
» ( répondit TAmiral ) ne connoît point de dignités,
M & il Êiut que je meure , ou que je vous poiTede.
<« Meurs donc ( répondit fièrement la Princefiè } car
» tu i)p me poiTéderas jamais. <* Ke Élites point ( loi
>» dit-il ) un éclat inutile : perfonne ne fçait que je
H Cuis ici i n^informezpas le ptblic de notre aventu-*
j» re. Je vous adofc : vQu^ êtjB$furedç moo le^pcâ
■K^^
DE BOURBON'. 79
» & de ma difcrénon. « Oh ( reprit la Duchdlè ) tu
» n^auras rien donc tu puifiès te vanter ».
- Alors véritablement il fe commença une efpece de
combat entre ces deux perfoimes. CAmiral avoit re-
masqué , qu^elle évitoit de faire du bruit malgré toute
fa réfolution : profitant de cette remarque , il cefla
de l^épargner , & la fit recoucher avec aflèz de vio^
lence. La Ducheflè ceflà à fon tour de fe contraindre :
elle écoit forte & vigoureufe y die fe défendit avec le»
pies & les mains. Ses oi^les enfoncèrent dans la
chair tendre & délicate de TAmiral. Elle lui fit cinq=
ou fiz ^ratignures au vifage , elle lui doima aulfî
des coups de poing ; enfin elle le mit tout en fang.
Il s*arrêta , honteux de Ton deflin , & las d^un com-
bat inégal : car il n^étoit pas aflfèz brutal pour fraper
Madame d*Alençon. « JBonnivet ( lui dit-elle)' tu
i> t^y prens mal : on lie gagne les Dames que par le
M refpeâ&lafoumiffion. » J^enai eu trop loi^- temps
i> inutilement ( lui répondit-il ) & en même temps
il recommença à la tourmenter. La Princeflè refen-
tit épuifée ; & craignant de fuccomber , elle appe^la
fes filles à haute voix , & die redoubla fes cris fi fré-
quemment , qu'elle les éveilla. L^ Amiral entendit du
bruit , & vit bien qu^il fâlioit fe fauver : il gémit &
foupira de rage ; mais enfin il ie bâu : il repafik par-
la irape & la referma.
Madame d* Alençon demeura dans uneagîtation es*
trême : die fit re&er une de fes filles dans Ta chancre ^
%o LE CONJ^E'TASLR
^ dès le matin elle alla trouver le Roi. Elle fe jeti
à fes pies » &lui demaiuLi juftice : elle hÀ ocmta tou-
te rinTolesice de 6m favori'; xnaiS'cUe.ne trouva pas
un Prince bien feniibJe à-foo. injure, il rembraffiivé-
xitablemeat avec tendreilè : « Que leoufez-vous ^
» >e fa/Te ( lui dit-il ) à im homme que Tamour maà
» extravagant ^ c^eft un effet de votre beauté : ctoyez-
1» moi X il eft afièz puni. Lui tiouverest-vous ub Top*
» plice plus grand que laoraifuiion &le défeipoir » \
Il eft vrai que PAmiral étoit pénétré ^des mouve-
mens d'iuie cage violente : il ^le fonit |»oim de qtÀH
ze jours » parce qu^ii lui £dhit ce iemps4à pour gué-
rir les égcatigmiees de fcn vidage. 3Le Itoi &t t&i
malicieux psurraUer voir. «^ Qu*SKve2-4FOU5 , ^Aini-
» rai (Itiidit-jl) n^c^tice point quelque feitaae
u amouFeolfe ï » i.*Amiral reconnut au vKàge 4ft
Roi , qu:41 àoit inÊKmé de £»& action : â fe tut &
soi^ de Ixttue. « Ne (byea point fôehé de vocre
a» aventture < conmiua Je Roi ) il v«us en aarott plus
M coûté , ù die vous avok mieux réuii ».
La Cour retourna à Paris , & l^ifoienœ et Bon»'
vct fut bientôt publiée. On «*étonna que le Roi eut
jufqu£-là de l'indulgence pour fon fa-vori. Le Connéta-
Ide iVpprit avec indignarion : il demanéa à Madaise
d'Aiençcm penailfion de la venger. « Tj confentt-
V rois volontiers ( reprit la Princeflc ) fi ma répnta-
» tion n*y étoit pas iméreiiëe; maiscefcroit l^eiq^o^
Il £er , & vous avez oop de coi^déntion poursni
•> pour le faire »»
DE BOURBON. «1
La CotinétaUe accoucha d*ime fille à ChatueUa
Le ComiiétaUe pna Je Roi 9l ia Reine de la tenir fur
les Fonts. Tome la Cour les fuivit à Charnelle. On
ne peut ezpsiiner la magadtcence k. la fuperbe lé*
ception que le Connétable £t à leurs Majeftés : X
alla les recevoir , îmvi de deux mille Gemilshommet
fes feudataiies , habillés de velours & la chaîne d*or
au cou. Toute la Cour fut logée commodément à
Chantelle. Tous les plaiiits qu*elle goûte à Paris »
8^ trouvèrent ; & ia table du Roi fut fcrvie avec une
propreté , une déHcateflè, & une magnl^cence in*
croyaUe. Le Connétable #t toute «ette dépeufe, ^
régaU tous les Courtiians de préfens. Sa bonne hu»
rnenr en iafpiEait au rcAe -de la Cour ; mais le Roi
avott un iÎBcret dépit de fe voir ^aler par un de ife»
iujets. lyfadaine & rAmiral ^ qui étoit parfakement
lentvé en grâce » empoâibiiiievent toutes fes aâions.
Le Roi fe repentit de Savoir fait û grand , & réfoIuK
éefabùflèr. 14 4.ouu t iiva àdcvenir phis froid à iba
éffld ; iSfc il (« 1k cffiifer<ées mortilicatibns , q«ii
enflent bientôt fait quitter la Cour aa Connétable »
fi Madame d^AJençon ne 1^ eût retenu. Madame
avoit engagé dans <bn parti le Duc d'Alençon feu
geaâre : ce fiit^de tii quVle fe fcrvit pour chagriner
le ConoéoMe^ la maïUere du monde la plus fen-
iible.
Après la mort de fEmpeieur MaxImiKien , le Roi
h l^Arobiduc d*A«akhc afokss pcétœdii à l'JEmpU
il LE CONNE'TABLE
rr. L* Archiduc ayant été le plus heureux , ftitélaiAT
cous les £Ieâeur3 & prit 'le nom de Chailes-Quint.
Vne guerre fanglante fut la fuite de cette concarreo*
ce. Les deux Princes fe mirent à la tête de leurs
troupes , & réfolurent de décider leur querelle dans
une bataille : les Armées fe trouvèrent en préicDce
près de Valenciennes. Madame étoic au Camp avec
le Roi ; & ce fut fur un théâtre fi célèbre , que cette
Prince/Ië , qui croyoit haïr le Connétable , rcfolit
de lui faire recevoir le plus fanglant ^e tous les af'
fronts. C^étoit un ordre auifi ancien que là Monarchiei
que les Connétables commandaflènt rAvant-ganle
aux batailles que le Roi donne en perfonne ; & c'^
toit la prérogative de leur Charge la plus glorieufe&
la plus eHèntielle. Madame excita Monfieur d'AlcQ'
çon à demander au Roi Thonneur de commander
l'*Avant^garde : il lui repréCenta qu*il a voit ravanta-
ge d*être fon beaurfrere , & le premier Prince de fon
Sang ; qu^il ne pouvoit fe réfoudre d*obéir au Cornié-
table,qui n^étoit que lefecond;que ce n^étoit pasqa*>^
prétendît égaler fon expérience à la fienne , mais qu'il
auroit fous lui le Maréchal de Cbâtillon , de ^babil^
té duquel Sa^Majefténc doutoit pis.
Le Roi eut quelque peine à fàke une injuâice fi
criante au Connétable ; mais il fut tellement perfé-
cuté par Madame, qu^il envoya dire au Connétable >
quHt lui avoit defUné le commandement de PAr riere-
Svde » iç qu*U le piipit d« céder c^iii de TATaoc*
»
^DE BOURBON. 8j
garde à Monfîeur d*Alençon. Ce fiit rAmlral qui
porta cet ordre au Connétable , & qui eut leplaifir do
lui voir rellèntir la plus cruelle douleur du inonde»
Il marcha fur le champ à la tente du Roi , & il de-
manda à Sa Majeftë avec une noble fierté , quelle
marque de lâcheté elle avoit remarquée en lui , qui
la portât à le priver de la principale fon^ion de fa
Charge. II lui remontra avec une éloquence foute-
nue de toute la vivacité poflible, que ce n^étoit point
dans les Armées que le rang des Princes du Sang
étoit marqué ; qu'à la Cour il fe feroit un hotmeur
de céder Je pas à Monsieur d'Alençon ; qu'il fçavoit
bien qu^un jour il pourroit être fon Roi ; & qu'alors
il le fcrviroit avec la même ibumiflion & la même
fidélité quUl fervoit Sa Majefté ; mais qu^aujoiird'hui
on étoit dans un Camp , ou Ton n'a de rangs que
ceux des dignités militaires \ qu^un Prince dans les
Volontaires obéit à fon Commandant , peut-être for-
tî d'un iâng obfcur. II fupplia le Roi de fe re/Ibuvex
nir , que Mon/leur d^Alençon n'avoit jamais fait cette
difficulté , & qu^à la conquête de Milan il avoit fervt
fous fes ordres \ enfin il finit par une fo le d'exem«
pies femblables , qu^il racontoit au Roi avec une ra<^
pidité , qui augmentoie la coufufion de ce Prince.
Mais la fbrce de fts raifons ne f?t pas revenir le
Roi } il fe contenta de lui répondre avec douceur ,'
qu^l ezamineroit fon droit en temps & lieu ; mai»
çu'il commençât par obéir, & qu'il le vouloit aiafi<. Lff
«4 lE CONNECTABLE
Connétable fordt défcfpéré , & ne jmt s^empScho
de dire au Roi : « Votre Majefté fçait bien que je
M n^ai point brigué liionaair qu^elle méfait; &
» il me ferait moins ienfiUe qu*eUe in!*âtât Tépée de
s» Connétable » que de me fai lalilèr avec cette infii'»
» mie ». Il «*en retooma en fon Quartier : là en
préfence des principaux Officiers il s^écria : «Quelle
» cruauté,qu\Bi iî grand Roi fe latflè gouvenMf ]W
» une femme » qui n'a pas plcK de jvftice que (TfaoïH
• neur » ! Ce difoours lîit raippmrté à Madame } k
dès ce mosnem elle jura de le |>crdre' : il Wi pmi
quVIle ne Taimoit phis. Elle prit pour de la bftine^
douleur qu^clle ref^nth de fc voir oucra(gée » datf
nne partie fi fenfîblc » par le leui Prince pour qai
ek avo't négligé les lois £éverm de la plus osât
kienféaxice.
La bataille ne fe donna point : le Maiédlsl éi
ChitiiJon manqua roccafion de défaite fiun feflbont
rSmpereus. Le CoaHétable le^t la iloavcik qitt ia
liile uht^se éioît morte » & que la OAmétàUeéioit
dangcf^emenc malade d*«iiie Êtûflè ooocbe» il de*
naada perfnifllîoa au Roi de Mler voir ; & rayant
obtenue , il prit la poAe pour Cbantette. Il arrivt
quelle tenoit d^expirer. Sadouleiif fut proportionnée
à la teodreflè qu^eUe avoit eue pour lui : il ne fafoit ja-
mais aimée fortement ; mais il <rn avoit nfé avec elle
comme un par£utement honnête hûmme : il aroit
eu pour elle de la coniîdémdoti & de reftime»
DE BOURBON. %%
tl demeura deux mois à Chancelle dans Taflidion ;
2 revint enfuite à Paris. Il lui paroiflbit qu'il luiécoit
plus permis d^atmer Madame d^Alençon. U n^alJa
plus j:bez (on mari » mais il la voyoit chez Madame
de la Rocbe-fur-Yon : il lui trouvoic une boitte âc une
vertu toujours égale» Madame ajipric d'abord aflès
indifféremment la mort de la Connétable : dans U
fuite die femic je ne fçais quel mouvement , qui lui
parloic en Ikveur de ce Ptincet « Daigné*je encore
n peafer à cet ingrate ( difoit-eUe en. elle-même ) il
9 m*a mépnfée, il me hait , M nfà infultée. Sx j'y
9 penie >.ce ne doit être que pourm'en venger ; mait
» < reprenoi^eUe J que voulois-je d'un Prinoe ver«
» tueuz, uni à une crès-beUePrinceflè? Pouvois-jé
» exiger fon amitié ^ il me Tavoit piomife. S'il s'eft
M emporté contre moi à quelque parole injurieufe »
» quelle horrible xnjuftice lui ai^je faite ? Il eH libre
» àpréfent, il.peat m'aimer. Malhettreufe( cond«
» nuoitfelle ) je me flaœ , je m'abufi?. Le perfide ^
• ringrat aime m» fille : je n'en fuis que trop oon«
» vaincue. Il n'importe , je fcns trop bien que je Ta*
» dore , tpttt' ingrat. & tout perfide qu^il eft; je ne
9 puis> vivre beureufeiàns lui, & il m'aimera lorCt
» queje ferai (a firmme. Il n'aimera plus Madame
» d^Ajençon que comme-fafiUe: jelepofiëderai, je
» le venw- toujours. Je peux Tépoufa , & je le
» veut;. il âb ambitieux , qu'impone > queUxiotif le
M fia»confenar iMna félicité f
tf i.-ft '.
86 LE CONNECTABLE^
Elle s*afiermit dans cette réfolution ; & plus die
fexamina , pl«s elle fc perfuada que le moment étoit
venu qu'elle allo.'t goûter une heureufe tranquillité.
Elle chargea le Chancelier de parler au Connétable,
& de le fonder fur ce mariage. Le Chancelier agit
avec beaucoup d''adrenè & de fidélité , quoiqu^il fût
ennemi du Connétable : il alla le trouver. Il le mit
infenfiblement fur le chagrin qu'il avoit eu de la pré-
férence du Duc d'Alençon ; il en etagéra l'injuftice,
& loi dit qu^il étoit le maître de fe la faire réparer;
que non feulement il feroit rétabli dans toutes les
fondions de fa Charge , mais encore qu^il pouvoit
ajouter aux biens immenfes qu^il avoit déjà , fept à
huit cens mille livres de rente.
Le Connétable fut frapé de Téclat de cette propo-
fition : il ne prévit pas ok le Chancelier voulait ve-
nir » il le preflà de parler plus clairement. Alors le
Chancelier lui propoia le mariage de Madame. Le
cœur du Prince le fouleva de courroux à cette pro-
pofition. Il répondit fans balancer qu^il .ne penfoit
point à un fécond mariage. Le Chancelier inHfta. Le
Prince lui répondit avec dédain , qu^il ne parloit pas
Krieufement , & qu'il fongeât que Madame auroit pu
être fa mère. Le Chancelier rendit réponfe à Mada^,
me 4 & ne lui cacha rien du mépris que le Conné-
table avoit témoigné. Une conduite Ci outrageante
ne fut pas capable de rebuter cette Princêflè;,& d'ao-
ont plus qu'^eile aoyoit avoir en main un moyen in^
n-y
fDE BOURBON. 87
fklJIîble pour funnonter fa fierté. Charles , premier
Duc de Bourbon , avoit eu deux enfans : Pierre
Duc de Bourbon , & Marguerite. Pierre n^avoit eu
(|u*une fille unique , qui étoit la Connétable qui ve-
noit de mourir fans enfàns ; & par conféquent ceux ,
de la PrinccfTe Marguerite lui dévoient fuccéder. Elle
avoit époufé Philippe Duc de Savoye. Madame étoit
leilée feule de ce mariage : ainfi elle prétendoit de-^
voir fuccéder à la Connétable , quant aux Provinces
4e Bourbonnois , Forêts , Beaujolois , Auvergne &
la Marche , que le Connétable polTédoit par fon ma«-
riage avec la Connétable. Madame fe fiata qu^il con-
ientiroit bien plutôt à Tépoufer , quelque répugnance
que fon coeur y eût , qu^à fe voir dépouillé de la plus
riche fuccefllon de TEurope. D^ailleurs elle y joignit
un motif d^ambition , capable de tenter le plus indif-
férent.
Le Connétable quelques jours après la vifite du
Chancelier , alla chez Madame de la Roche-fur-Yon,
ou il efpéroit voir Madame d'Alençon. Il montoit
en carroflè , lorfqu^un Page de Madame lui rendit
une lettre. L^empreflèment qu'il avoit de voir Mada->
me d'Alcnçon , lui fit négliger de la lire. Il la mit
dans (a poche , & fe hâta d'arriver chez la Princeflè
de la Roche-fur-Yon , oîi en effet il trouva Madame
d'Aiençon : Madame de Vendôme y étoit auiS. On
propofa une promenade dans le jardin de Madame
de la Roche-fur-Yon , & elle fut acceptée de tout
m LE CONNETABLE
le monde. Ils fe trouvèrent d^abord tous <]uatR en*
firmble , & la converÊitîon étoit générale ; mais m-
fentiblement Madame de Vendôme & Madame de la
IU>che-fur**Y<on s'éloignerenc Le Connétable étoir
feul avec Madame d'AIençon. Ilyavoit long-mns
fu*ils s^étoient vu». Ils^ s^inftniifirent fur plufieurt
cfaoTesw «Mais que me direz*yous ( dit Madame (TA*
m lençon ) fut une nouvelle que .j^appiitf hier de
w Monfieur- de Trivulce?' On dit que vous vous ma-
w nez; « te, puis-je fiôre , Madame ( répondit le
I» Connét&ble) tant que mon cœur fera engagé fous
» vos^loix } et Engagé ^ {' tepnx. la Ftincefl^ } je ^
«» prétens point que vou» foycz av«c moi dans au-
» cnn. engagements £ft-<:e*là la. feule raifon qui vous
u détourne du mariage ^ « J)b pourroîs m'en feire
Si un mérite auprès de vous ,. Madame f répliqua le
n Connétable ) mais non ; 11 eft certain que je n*é-
s». pouferois^ jamais Madame*, quand- même je^ n*ar
lar doreroispas la- Ptinceflè fa fille. « Quoi ( rejvit
t> Madame dlAlençon ) c^eft donc elle à qui l*on
» veut vou$^marier» l Le Connétable loi raconta
li-defltis la^ converfation qu^il avoit eue avec le Chan-
celier'; & il lui parla de la lettre quTil avoit reçue
d*un P^e de Madame , en venant chez Madame de
hk Roche-fur-Yon. Madame d'Alençon le bitma de
ion peu de«uriolité d^n air qui lui fît connohre
combien 'Cette indinéretice lui plaifoît : enfuîte elle
Ittidtmmdà^à vok cette lettre,: iUa lui donna toute
cachetée.
^w.
DE B OURS ON. f^
ocfîetéc. £Ue l'ounit , & y lut «f paroles r
vtrt. Ftm-^ire qui rnsfinuriti àt vms mirtrs >*r i^
i'^^veriUmfm qm véns sjîr^é i msit iufin jt nU.réi
«'« i mt rtpr^ehtr fi^ U éUfiùdt d^mn i rimt féi m^tfl
v^Hitm pas , ww tn eus , jt fmfi , w^ t.n-yAincni
V^' ytt^MU ér Ui difgrstts f«< jt ip*^/ aiprcem-étà
I^ugiv,n^nt, v^s Ptnp affcz ptrfnsdi Les frt^M
'xtV^itHt de vtms M9t ttndrtjft H^tmtUt , luàmtrtstin.
^tnt à mt venitr àt vttri mftnftkilHi. LUmmr (Mi
^•riiiae dts mns é' det émtrti, Mêlhtfirtufl y jt «Vf
^ w mt fsirt éimer ni vêtts Uir. Nt €r»yex,fàs f<rf
S\fmt vptfinHmtm : -vous ne m\,imtz pmt ^ ptfct^
**re vtMt tu simtx nne tntrtJ^ai istk' dt vous iiibiittt
*•«* «* fçtnHtx, vtni im^gintr fneU tfftrU j*M fait*
i*^ '^ri-mémt ptmr y rimjjir. Ms tmtilt defii^ék S
"-(•mphé, JtifpMt éimt fut ik^st, tcnt priitené ^Jt»
««4 ittt ftnr mnt MtN, Dts ftffirs inmHits fi. t uniw
"•» HCMf^H^n. Flsiéltt ftnr *infi dirt , fmf tt Ttén^
«*« nnfils fui m'ndort i mn ftnltnunê je ^en fmit
l^fr les fl^giH i mMt tntereje fois dùvwlt p» dtw
Mmts fni ^^i dmrné rtndtmp^klts, Ptff^t «ic#^r ^
y P»ii vms jUcMt. fyti dififnt, Stmi fiM$t dt vtm*
* *** /»«»-<wjre mn fin ag^gsm j fi jifirct vttri A«t
Tome I^ H
'
90 LE CONNECTABLE
elinstim fur vta* mnir à m»i. Msisqmiy lemt»^
rsi-ji À trentt-ftft *iu la froie du d feffvir é" ^ ^
dfiuUttrl II faut f élire un dernier cffert pour V9iu véàn-
tre i employer les surâtts dee flus flateatftf fremejfiSf
4ar Us herreeirs des fins terribles menâtes, ChHpffit
denCy Mwpenr , ds devenir en le fins pniffetaem te
fins mslhenreuM ïrinee de PEtrefe, Je ne cêntftef^
rien le frffent de men cœnr 3 fsrce qne je fçais qne vtat
ne teftimez f^s, M§n mireir mefiste envain fnejefids
tneere belle , vens me vcjex, f^ns doute avec des yenu
difftrens j. mais je vons offre un millien de rente ^ U
Lientenance (finirait de PEtat» Vous ^vez des dreiu
fur la Frevence y j^en aàftir la Savcye : je ferât vaUir
les uns ér les antres. Si vetts joi^ez ces detexFrf
vîntes anx ei/t^ dont vons jonijfez > vons m'êvonerct
fne vons ne différerez ^ne de nom des antres Rots le
tEnrope, Ces fromeffes s^aeeomfliront avant K4tre ma-
^H*'^*fi V0^^ obfiination efl ajfizj^antk fonr rejeter
. mne ftrtnne uni n'efi feint an'dtffms dû votre teear ^
tremhUz «« fonvenir de la vengeance fneje m dte, Ma'-
éâmeU'Connétaltle itoit ma tonjine germaine : elle tf
mtrte fatu enfans- i je frit fin héritière. N vêmt fa
miàfr dênatien , »f « ves droits : voeu œntuitrez f^
mne tripe enpêrience leur inutilité. Hélas- ^ à ^etei en
fiù-jt réduite y de menater nn Trinte à fuifaifaer^
* mtên ammr ! Scelle voit de fi faire aimer * Jngrst ^
Wngtffez-tn fenr vent ^ fur m$i , fattens vttre r/.
ftnfit Ut mtjttez fst eUutt tm défiffttr fwi nnufr^
- ._ ft
"TT
DE BOURBON. 9*
Connétable entendit la ledure de cette lettre
avec beaucoup de tranquillité ; mais on ne peut gue*
res exprimer tous \ts mouvemcns que reHentiiNfada-
me d^AIençon en la lifant. La jaloufie , la crainte »
rindignation , & la pitié fe firent relleniir tour à tour
dans fon cœur. En voyant toute la tendreïïè de Ma-
danie , il lui paroiilbit qae ceue Princefle fçavoic
trop bien aimer r elle en redoutoit les fuites. Tantôt
l'idée des grandeurs qu*elle lui offrait , la glaçoit :
elle appréhendoit que le Connétable ne s*y laifsât
Yaincre. Quelquefois la fôlblellè de fa mère lui fai-
foit honte. Enfuite elle envifageoit le fort du Conné'
table , s^il achevoit de l'irriter. Les menaces de Ma-
dame Tétonnoient. Elle plaignoit ce Prince infortu-
né ; mais elle nMuroit pu fe réfoudre à le voir plus
heureus par un bymen qu'elle dtteftoft : « Hé bien ,
» Monfieur( dit-elle au Connétable ) réfiftez-vousà
» des offres fî brillantes ? « La Princeffe pour qui je
» foupire { répondit-il ) mérite de plus grands facri-'
»fices. Madame a du mérite & de la naiflànce î maîy
» nous ne fommes pas nés Tun pour Tautre ; fonr
» âge& le mien, fon humeur & la mienne, ne s*ac-
» cordent pas. D'ailleurs je n'^ai plus de cceur à lui
» donner. Il eft. . . . <« Quoi ( reprit Madame d*A-'
» lençon ) vous voyez d^ln ail fi indifférent les
I » grandeurs & les iicheflès > « Je les eflime autant
» que le doit un honnête homme ( répondit le Con-
» notable ) ma» ce ne poorroit être qu'avec vous»'
1
..V.
9^ LE CONNECTABLE
» Le deftin m'en a éloigne pour jamais : je foiàâ*.
M terois vous en pouvoir facrifier de plus grandies. Ke
« craignez-vous point (intenompic Madame d*Akn-
» çon) les menaces ^u^elle vous a Eûtes ^ ttes-vous fi
s» infenfible à la mifcre \ <« Elle £ùt toute mon hoacur
•> ( dit le Prince ) je mourrois, fî j^étois réduit au ibrt
» dont elle me menace,après avoir vécu, fi jWe dire^
a» ailèz magnifiquement depuis mon mariage ; mais
■» je crois en être bien loin. Madame eft la plus pro*
»> che parente de la Connétable , ûms être fon béii-
•> ttere. Notre contrat de mariage porte une dona*
M tion récipro<)ue entre Mademoifdle de Bourbon &
M moi. Je fçais bien qu^elIe étoit mineure ; mais la
M préfence du Roi, de tous les Princes du Sang , & de
>x vingt Evêques , qui ont tous iigné ce contrat , la
»> rdevoit aAèz de la foibleilè de fon âge. D'ailkuis
» fans cette donation , il y' a toujours eu dans la
m Maifon de fiourbon une efpece de Loi Saliqoe , qui
M ezclud les filles des grands fiefs. Feu mon père
t) paflà avec le père de la Connétable une fubftini-
»> tion réciproque en ^vear des vmlUs , même ks
»> plus éloignés. J^ois en procès avec Mademoi-
» felle de Bourbon , lorfi^ue je Tépoufai ; & le feti
n Roi avoit trouvé ma caufe infaillible. «< Etes-vous-
» bien aiTuré de ce que vous me dites î ( reprit Mi'
IX dame d^Alençon. ) « J^en fuis Qicertain { répondit
I» le Prince ) que les menaces de Madame ne mHMU
» pas caufié U moindic ak6:aiioB» « Quoi ( dît ia
DE BOURBON. ^f
n Princeflè ) voui mépiirez (i fort iVNxafion de vous
» a^gnuidir , & vous cni^ncx fi peu U vengeance-
» de Madame ? « Oui ( ftépomUt J« Connétable X je
» nW' point d^aufre ambition que de vous aimer
M toute ma vie, & je brave la coJcre. <* Hébien(re-«
» prit Madame d^Alençoll ) fi vous voulez. m*en con*
» vaincce , il fiim qee vous vous mariez, « Moi ,
M Madame ( intenompic - il ) que me dites - vous ^
« Je ne pmsvous cacher ma foiUefiè t coûte avafi-*
» tagcufe qu^elle vous eft ( répliqua Madame d'A*
» lençon ) je mourrois- de douleur » fi. vous ^mAet
i> Madame. Tôt ou tard vous ne fçauriez lui riéfi*'
» fter. Raflùrcx-moi ; prenez une iêmme de mamain*.
« Ah ! vottles-vons , Madame ( ajouta le Connétable)
M que je ne puifiè jamais envifager de bonheur &de
» joie ^ Hélas ! lorfque vous n^étiez point engagée »
i> fi vous fttfiiea rcftéedans k même état , il me fe-
» loit penats aujourd'hui de vous pofiëder. Je ne
» puis me fiater de ce bonheur ; & vous vouiez que
i> j*aiUc y mettre un obAadc éitmei en m*etiga-»
» géant encore » afin que fi vous ne l^éiiea phis » je
» reftafiè Fauteur de mon défefpeiir. Entrez un peu »
» Madame , dans ma penfiée. « Mon je n*y encre*
» rai poim , Menfieiir ( répondit la Ducheflc avec
» une doueeur charmante > elle n*eft pas nifimnaUep.
I» Je ae dois januiî? penfer au-mameat qui me doia
» féparer de Monfienr d*AIençon.£nun mot fi vCin»
•w^^
94 LE CONNETABLE
» votre cour à Madame Renée. Elle eft 'fœur delx'
M Reine : elle a infiniment de mérite ; 8c vous ne
V regréterez p^s beaucoup les richeflès de Madame ;
n puifque cette Princefle , outre la dot des filles de
» France» aura le tiers du bien de la Reine Anne de
»> Bretagne. fa mère n. Madame Renée étoic emè'
mement laide. « Vous n^aurez pas' lieu d*êtrc jalou'
I» fe ( reprit' en fouriant le Connétable ) mais en£ir
I» ( ajouta- t-il ) je vous obéirai : je bome-4à toute
I» ma félicité », Madame d*Alençon lui fçut eitrc-
mement bon gré de cette foumiflîon.. Quelque tems
après ils rejoignirent Madame deVendôme & Mada-
me de là Roche-fur-Yon , 8c la compagnie fc fépanu
Madame attendoit avec impatience la réponfedu
Coimétable. Non feulement il ne lui en fit point ,
mais encore il alla fou vent voir Madaipe Renée, &
il afiîeâa d^avoir pour elle tous les égards qu'on ob>
ferve avec une Prineeilè qu^on veut époufer* LeCoiw
nétable ne prit pas des foins inutiles : il étoit auffi ai-
mable que grand & généreux Prince. Il plut infini-
ment à Madame Renée , & eUe lui fitcoimoître qa^d*
le s^eftimeroit heureufe avec lui.
On ne pouvoit gueres avoir une conduite plus mé^
prifante pour Madame r négliger de lui faire réponfe;
rechercher une Princefle petite , laide, malfeitc,d'utt
bien infiniment au-defibus de la ^rtime qu*elle lui
avoit offerte : aufii eUe s*abandonna à toute la fit-
jDm dont uQc &nunc déicfpécéç peut êaç capable»
DE SO URBÙN. 9f
« rextcrmintfral cet infolent ( s'écrioit-cUe pénétrée
» de rage ) je vais le haïr comme un monltre : ce
tt fera un exemple redoutable d*iine vengeance fii-
» rieufe. Je ne fonge à lui que pour l'avoir en hor-
» reur». Elle alla trouver le Roi tranfportée de
cette fureur : elle lui raconta en peu de mots ce
qu'elle avoit &ir pour le Connétable ; Ton fier & in-
fupponablc mépris. •< Je m*en vengerai ( lui dit-elle)
D je reconnoîtrai que vous êtes mon fils , à la ma«-
» niete dont vous fcrvirez ma vengeance u.
£n même tems elle envoya chercher le Chancelier
& l*Amiral , fcs principaux confidens. Elle lelir dir
qu'elle abandonnoit le Connétable à leur haine ;
qu'elle le baï/Ibit mille fois plus qu'eux ; Se qu'*elle
n'auroit jamais de repos qu'elle neU^eût réduira
mourir de honte $c de mifere. Elle donna une jofe-
fenfible à ces deux hommes. Le Chancelier n*avoir
pu pardonner le refus quMl lui avoit fait d'une grâce'
qu'il lui avoit demandée ; & T Ami rat poulie déj»
par fa furieufe jalouiîe , avoit d'ailleurs toujours re-
gardé a\ec des yeux d^nvie h fortune & le mérite
de ce Prince.
Dès le lendemain le Chancelier commença le pro*^
eês contre le Connétable , pour la propriété de I»
iuccelSon de la Maifon de B«nirbon fous le nom de
Madame. Ce Prince , qui en effet avo't de fon côté
un droit clair 8c évident , méprifa fes vains efforts;*
& Se sepoiant fur U juftice d^uae caufe que tout Ife^
96 LE CONNE'TASLE
monde auroit pa décider » il fe réfolut de condott
ion -mariage avec Madame Renée,
Madame avoit prévu qu'il porteroit >iirqiies*là fon
mépris. AuiH avoit-elle obtenu du Roi à force de
rimpor tuner , quM lui refuiieroitla Prkiceilè. L%)Hre
que le Roi alloic faire à un Prince du mérite duCoiK
nécahle , chagrino*t extrêmement Sa Majeâc : eUe
fe reflbuvenoit de Taaiitié dont elle Tavoii èonoré;
& elle fe reprochoit Taffront qu'elle lui avoit fàitàu*
près de Valenciennes : cependant comment nSakt
une mère irritée , & qui porcoit fa colère jufquta
dcmicr emportement >
Le Conziétable vint demander au Roi MadameRe-
née en mariage; & ce Prince la lui refufa le plus à'
vilement qu'ail put. Ce coup de foudre atterra leCon*
nét^le , & il ne vit plus* que malheurs & que cha^
grins arriver coup fur coup. Il alla voir fés Juges : ils
étoient tous gagnés par Madame : elle y aveit facrifié
des richefles prodigieufes. Les hotmeurs , leschargCf
les promeilès éclatantes , rien ft'avmt été épar^>
Elle écoit fure d'eux , & ils armoncerent tacitement
au Connétable qu^il alloit être dépouillé. En eflfet ils
n^attendoient pour prononcer que rârdredcMadaitie.
En même tems l'Amiral fit bâtir à Bonnivo: uncbi'»
teau d'un fi grand cxhaufièment , qu'il patoifibitplu'
tôt être une fortereflc qu\uie maifoa de plaîiir. Bon-
nivet étoit proche de Ghâtelleraut ^ qui appartenait
au ConotoblCi €c ckâiou coaunandoit cdui de ce
Ptince:
DE BOURBON. 97
jprince : c^étoit le plus infigne affront qu*un Prince
fût recevoir d^un Gentilhomme. Il acheva d*accablex
le Coimctable de la plus vive douleur.
Son fort effraya Madame d'AIençon : elle le mian**
da chez Madame de la Roche^ur-Yon. « En quel aby-
» me vous ai-je précipité , Moniieur ('lui dît-elle }
î> époufez Madame. Pouvez-vous réûfter à l'autorité
») Royale qu'elle a ulurpée ? « Que me ptopofez-
» vous , Madame ( répondit triftement le Connéta-
» ble ) me croyez-vous capable d*une pareille lâche«
» té ^ Ah ! il a été un tems que par pitié pour fa
» fbibleflè , j'euflè pu me faire cette épouvantable
1» violence ; mais, ô Dieu , à préfent ! comment en-
» vifaf erois-}e cette indigne Princellc ? Elle eft votre
3> mère. Madame ; je vous reCpede jufques-Ià degar^
s» der le filence à fon égard. <« Quoi , Monfieur (re^
» prit la Princcflc ) je vais vous voir réduit à un fort
» quim^étonne, & j'y aurai contribué ^ Ah! pcut-
u être fi vous ne m*aviez pas aimée , vous n'auriez
» point eu cette répugnance pour Madame. Je ferai
M la caufe de votre malheur. <« Je ne vous impute-
» rai jamais ( reprit le Connétable ) que tout le boi;i-
» bear de ma vie. Si mon deftin vous fait pitié , je
» ferai moins malheureuif. Plaignez-moi , fi vous
» m'*aimez , & je ferai moins à plaindre ; mais hé«
» las ! vous allez m*oubUcr.^on abfence va me bai^<«
3* nir de vocre cœur. « £t oii allez-vous , Prince ( s'é^
» ctia Madame d'Alcnçon les larmes aux yeux ) o&
Tomtjn I
/
jl LE CONNE'TABZÈ
m ftllez-vôus? « Je quitte ( répondiuii )xiu)n jografe
fi &in/îdelle pttrie ; je vais cbercher ailleais Thoq-
«• neur & le bien quV>n m'a ravi^ Hét}uoi * voodria.
m vous , -qu'après avoir poiTédé «inq Provinces , Fhé-
«» litage ée mes pères ^ je fulTe réduit à mendierta
#» grâces dNm Prince qui peut-èiçemc les refuferoit?
)• ou veulez-vo8s qu^on me voye encore paioîtreàb
ji Cour Comte de Montpenfier ? Kon , Madame « je
» ne dois plus lefter en France. Il fiiut aller cho*
m cher la mort dans lÊs fays étrangers ? je l'y trou*
«» verai avec gloire. Heureux , û eUe ne xnc £iicpoinl
M tr«p attendre ! « Ainii < reprit Madame d'Aleif
» çon toute €n;pleurs ) vous prenez ht jaéfolutioD ^
» me quitter pour jamais. « Ce cruel foavenirsM
3i défefpere ( répondit le Connétable ) mais qvm»
j» ne rouffririez'vous pas, ma Psinceflë , de me voii
•> malheureux > vous êtes H bonne que cet indigoe
9» état vous ferait de Ja peine : viâime d*une fûneuTe
» PrinceAè , Tobjet des mépris d*un favori itSekoi,
» Ah! il faut fe fouftraire auK ytux desFra&çois ac-
j» coutumes à me voir ^ans une autre poftufe «. 'i^
jfurent encore loivg*temsà fe'pkûndre ; eniiailsie
léparérent pleins de trifteflê & de douleur. Ilpiûtnit
à la PriiKeilê de lui écriie : elle «^engagea 4e loi to
^éponfe* Un baifer fut le terme de kux conveifation:
K*iétoit la première faveur qu'elle lut «voit aecoid^c.
I.eurcœurétoicri^4créj que ai4^«a«iraiint&'l^
DE BOURBON. 99
. iMlBdaaie «L^Aknçoa avoU déjà parlé au Rpl pouf
It prier 4<c &if e leixire juiiice au Connétable ; mai»
il lui avoit répondu qu'il fe contentoit de ne poiiK
prendre et |>arU entre fa mère &. ce Prince. £lle
^>t promis au Coimécable de £uie le .lendemain mi
Wnicr effort auprès du Roi ^ & de lui faire fçavoir Q
clic MT^it réuffi. £lle lui tint exaâemeot parole » ma^
le A<9i la rebuta. £lle fentit vivement la dureté de cç
Prince.
Le foir on joua chez la Reine , & le Coimétable f
alla. Tout le monde avoit les yeux tournés vers lui.
On voyait avec pitié te Prince H puiflànt , & qui
avoit fi bien ufé de fa grandeur , qui alloit être réduit
à une fortune déplorable. Pour lui il paroifibic immo-
bile , & d^une tranquillité qui alloit jurqu''à l'indolen-
ce. Ses yeux étoicnt troublés , & fentoient le défef-
poir. Il fit pitié à Madame toute irritée qu'elle étoit.
le Roi étoit entre elle & ce Prince. Elle lui fit figne
de 8*ôter , & s'approcha du Coimétable infenfible-
ment ; & parlant à demi-bas : « K'aurez-vous point
11 pitié de vous-çoêine ^ / lui .dit-elle ) Quand tout le
•> monde s'intérefiè à votre deftiuée , vous oppofez-
» fez^vous feul à votre bonheur n ? Le Connétable »
qui révoit profondément , jeta les yeux fur elle à ces
paroles. Il aSeda dans ce moment un regard tran-
quille ,;la marque du dernier (népris; & fans lui ré-
pondre il fe. leva d'auprès d^elle , & fortit de lacham-
are de la Reine. Il reocontr^ en forçant les yeux de
lii
Jf
Jfc
loo LE CONNECTABLE
Madame d'AIençon tournés langui/ïàmmem fur lu.
Ils lui firent fentir doublement la rigueur de foniO'
fortune.
Dès le lendemain le Connétable partit de la Cour,
te prit le chemin de Chancelle. Iln'avoit point d*||^
tre deilcin que de s^y difpofer à faire le voyagA
iSongrie fXÀx'û -efpéroit d'affronter la mort en autant
d*occafîons qu^ii la rencontreroit glorieufe ; mais la
fortune lui réfervoic tme autre deitinée. Toute TEu-
rope avoit été informée de Tinjuitice que* Tonfaifoit
à ce Prince. L Empereur en avoit appris toutes ks
particularités : il avoit cru y trouver une occa/ion de
triompher tlu Roi , contre lequel il avoit foutenu de-
puis trois ans une guerre doutei/fe. Cette occafioo
confiftoit à attirer dans Ton parti ie Connétable. H
^toit au Roi le phis itrave de fes Capitaines , & i^
Tacquéroic pour lui-^nême. Il fit partir le Comte de
Rœux pour aller ibiider k Connétable. Le Comtede
Rœux étoit de Ja Maifbn de Croi , & le plus habile
Kégociateur de la Cour Impériale. H fe dégûifa ea
payfan , & arriva à Chancelle peti de rems après le
Connétable. Il demanda à lui parler , un jour qu'il fe
promenoît fcul dans le jardin de fon Palais. Le Con-
nétable trouva la phyfionomie ile ce payfan au-deiTus
de fa condition. Le Comte lui ptéfenta une lettre, te
'Connétable la lut avec beaucoup de curiofité.
JfcrthrêiSf àétnjîear, tnsn^uer « ec^itt jt dits m
DE BOURBON. xé%
fulritt d*nn ?rince plut re€tmmsi$4sUt p4r fé v€rtu f «t
f» jM uaijftjice 9 Js dsr/i le Umt ^M*én ie .ptrfiettte dsn*
fép trie svic témt d'mjmftiee^ ér ^ ern^nté ^ je ne lui
tffircis pss nue reirsHe ajfmrce dsnt mes EîmU, Je n*si
fn.étenctre rejfentifi. vivement le pUifit d'être né fùf»
Jeffemr de* flpt riches Etau de PEitrepe > fu^àiujemr-
i'hr.i fme m.r fuiffancipmt être utile à un TrL.ce epfriç,
mé, Ljf Mille efi-te , Menfient t de la valeur^ de U cew
duitey de U i/nirtfiti ^ de ce fends J^kennettr iaifmfiir
hle , ;f «c V9US ent suite les diJîrsees d^ttne Cemr if^^râ»
tet U ne tiendra pss i mei qme ven% n'*en preiàex, nnt
vtûitétnee prepertiênnée à l^effeafe fn'ils vens entfaiUn.
Vetre fenl intérêt me fait pérlet^ Vens peuvtz sjenier
une patpiu cetifiéinee k celui fui vous rendra cette let-
tre : cV/? /( Cemte de Reeux , premier Gentilhemme de ms
Chamkrt. §luetfue chtfe fuUl arrête avec veus, je le ra-
tifierai ^ du memeut quUl me fera préfetité. Je lui ai don-
né un pUin peuveir» Ccfi la moindre marque que je veut
pMts donner dt la cenfidCration que f ai pour vouK
Ch A.KLES»
Le Connétable fut fùrprîs dé la générofîté defEm-
pcreur. Il fit loger Monfieux, de Rœuz dans une cham-
bre qui joignoit la Henné > & il eut avec lui de longs
& de fréquens entretiens. D^abord il rejetu forte-
ment la propoHtion qu^on lui fit de prendre les armes
coittre £oa Roû Le nom de lebcUe lui fit peur ; mais
^1^ ÏJB CDNNE'TABLTi
k^ raifons deMon/ieur deRceux , dt les magâifiqill
j^romeflès qu^on fit , levèrent Tes fcf upules. m Xe re«
I» gardez plus ( lid ^it Monfieur de RcfeQx ) le Roi de
* France conuiie totie Soaveraia : en vous metai
* en état de devenir f(»i égal. £fl-il donc définuii»
» de repoufîër la force par la fbree^ ïTêtes - voitt
!• point ra/Iàiié d^alFtonts & d^injurea > Pouvez-vooi
» abandonner le bien de vos aïaui ^ & paioitte eâ
» Prince dépouillé , après avoir tenu dans IciofOiài^
jk un rang proportionné à votre naiflànce }
Ainfi le Coimétabie fe laifik vaincre. Jufqaes-là il
fi*avoit été que malheureux » il commença à devcniff
criminel ; mais il étoit bien difficile de renfler au de-
fir de Ce venger dhin Prince qui avok fevorifé l^u«
JHce d'une mère aveugle. Sa vehgeMice étoit osturd'<
2e : on lui en avoit donné des fuj ets trop violens ; \t
mifere oUohalloit le réduire , ne lui repréfentoit qù^
^affreufes Idées. On lui oflTroit non feulement de
l*en tirer , mais encore de lui &ire porter une Cou^
xonne.
Le Connétable & MonHeur Rœuz firent donc uK
l*raité à Chantelle , par lequel ce Prince iVngàges
il à prendre les aânes coAtre le Roi > & à faire xé-
a» volter les cinq Provinces qu^on vouloir lui ravir»
j> Monfîcur de Kœux au nom de l'Empereur lui pro*
^ mcttoit en mariage Eléonor d'Autriche , iœur de
to ce Prince , & veuve du Rai de Portugal. II detoil
ir lui dotmet U Cmté 4« Bour^oçoe four (a. do^
t>M BOVRBOlf. t«|
^'ftvec les drQÛs de l^fimpereur fur la Duché. Le
to Coimétskble fe cbargeoit de la conquérir , dl^autant
» plus fiicilemenc que te Oouvcrneur d« cette Pro#
o vince étoit ùl créature. L*En4>creur t^ngageoiten«
o core de faire enorer cinq Armées en France , pout
o £idllter la^ révolte du Connétable : une en Picar*
» die , commandée par le Roi d*Angleterre , quif
» étoic obligé par un Traité ; une pat les Pays-Bas^
» commandiée par le Gouverneur de Flandres ; If
» troifiéme par la Comté de Bourgogne ; la quatrié^
» me par la Provence ; & la cinquième par le Rouf*
9 fiUoiu L^Empereur devoir comaciander cette det«
» niere , & amener lui-même au Connétable la Rei-
o nede Portugal. Le jour des noces le nouvel Etal
» du ConnâaUe devoit £tre étigé tn Royaume, Ibui
» le nom de Royaume de Bourgogne , en âveor dt
» ce PrincB » & indépendamment d'aucune Puif*
9 fanœ.
Le Connétable figna ce Traité, déjà flaté de fit
prochaine grandeur. Il envoya en Efpagne la Motc«
des Noyers , l*un de ht Gentilshommes , qui le fit ra^
tifier à. rEinpereur , & enfltite le lui rapporta. It
manda totis les amis It tous fes valTaux (bus prétexta
de raccompagner en Italie , oii le Roi marcboit k
grandes journées ; mais en efiet pour prendre les zï*
mes aulfi-côt que ce Prince auroit pailë les Alpes.
' Le départ du Connétable de la Cour avoit fait per-»
4fUnm m pea d'amis qa^il âvoit au Parlement ; di
1U>
■•w^"*»— ^"""•^ " ■■
»o4 LE CONNE'TASLE
Madame demandoit avec inftance un Arrêt de provW
lipn , qui dépouillât ce Prince. Le Roi donnoit à fx-
padion une partie de ce qu*eUe fouhaitoit , &d*ailleuis
il étoit occupé par fes grands deileins. Monficur de
Lautrec avoit perdu Tanpailë la Duché de Milan au-
tant par la faute de la Cour , que par la Henné. LeRor
brûloir du defîr delà reconquérir , & étoit parti pour
fç. mettre à la tête de fon Armée. Il étoit encore à
Saint-Pierre le Moutier , lorCcjue deux Gentilsbom-
xnes , amis du Connétable , mais plus fidèles fcrvi-
teurs de leur Roi , aUerenc luf découvrir une partie
de la confpiration. Le Roi frémit en les écoutant ^
cependant il ne conçut, point contre le Connétable
toute rindignarion que Ton crime méritOit , parce
qu^il fe reprochoit toute Tinjuilice qu*on lui avoit fai*
te : aufli au lieu d'écouter des confeils violens , le
Jloi prit le parti d^aller lui-même à Chamelle , oîi il
trouva le Connétable. Ces deux Princes fe parlèrent
^vec toute la (incérité de leurs cœurs infiniment no-
bles & généreux. Le Roi avoua que le Connétable
avoit (ujet de le plaindre. Il en rejetta. la faute fur
Madame , & lui promit de le maintenir dans tous fes
biens , &dans Thonneur de fa Charge. Le Connétable
déclara au Roi tout ce qu*H avoit faiit , reconnut que
la vengeance & le dépit Tavoient porté trop loin > &
promit à Sa Majefté une fidélité inviolable.
Le Omnétable étoit iadifpofé : il promit au Koi de-»
le fuivre en litière s en çflet 11 partit un Jout aprôi^
DE BOURBON. loï
lî n^^toit qu*à deiu b'eues de Chancelle, lorfqu^in
Courier lui apporta la nouvelle d^un Arrêt du Parle-
ment, qui ordonnoit le fequeflre de Tes biens; 'La
honte d*être dépouillé , contre toute forte de juAice-y.
& même contre la parole du Roi , le mit dsins un
ml défefpoir. Il retourna à Chancelle. Son honneur
combatit encore Ton déferpoîr , & lui £lc écrire une
Lettre au Roî«
Jejkis devtnn Ts viâfme it Ufnttmr it Mâ^émt t
tîU me cbajff du Inm it met sïenx, L^amteriti de Vetrt
Mâjefli affilie fin injmftice : me voilà réduit à Vimfofft^
èiîiti de paroitre à votre Comr ni dans ves Armées , fnif*
fffcje ne puis fins m'/tnuver en Vrince de vctreSsrg^
Je m^abandttmerûis k toute ta violence d*nn jnfte reffeif*
timent ^ fi je ne me reffonvenois des hontes 'de Votre M*"
jefè : elle m* s promis d*oppefisr fin atttorit: légitime k lé
pniffknee nfinrpée de Madsme , j*efi Ini demander Tr-
nkutlon de fa p .rote. Un Arrtt du Confiil peut cajfer
ithti du Parlement j éy une abolition en forme pert fal»
rt otbUer k toute t* Europe les fuites du défefpoir oh Ven
m'a jeté. Je les attens de VttreMajefl' ^ ér jt Ini pro"
mets, fi elle me Us accorde ^ plus de fidélité , s'*il eft
pojîtble, ^ue je-n\n avis , 1er fqn'' elle mUleva au com"
hit de V honneur ér de la fortune, ^ue Votre Majeflé nt
dftjpcre pas un Frince qu'elle ajugf. autrefois digne de
JW smttié > ér f'* »»* ^* perdue que pour avoir été ac-^
HMptr-unc^psffen éialemen^injuft^ ^ imféfnemfê,.
Cette Lettre fut fort inutHe : car k Cormécaibli
fi^eut pas phicôt repris le chemin deChaxuelle , qm
4es efpions de Madame & de TAmirat^ coururent let
en avertir. Alors ces deui furieux ennemis d^onPri»
ce infortuné allèrent aifiéger le Roi : ils cricrent qut
le Connétable étoit retourné à Chancelle ,. pour coin»
mencer la guerre civile ; qu^I iàlLoit étouffer ce mon*
ftre en fa naifiànce , qui accablcioit Sa Majefté» I
on lui laiilbit prendre-dcs forces. Le Rof avoit de U
])cine.à prendre une léfolution fi violn^tCt niais foA
Confexl éioit gagné par les ennemis du Connétable,
On&rça , pour ainfi dire, ce Kon Prince à doimerle*
derniers ordres pour la perte du Connétable. On if
partir le Maréchal de Cbabannes à l»tête de feptmil*
le hommes ; & ufant d*une précipitation que Ton cAf
évitée à regard du moindre fujet du Roi » on lui or<«
donni de s'a/Turer du Connétable mpr; ou viC U
Maréchal rencontra l^vcque d'Autun» quxalloirpor*
ter au Roi la Lettre de ce Prince» On n# refpcâa m
(bu cara^lere, ni fa qualité : on Tarrêta prifonmer;
on lui fît les dernières violencet. Un homme de fa
fuite courut en avertir le Connétable. Il s*enfuit auft«
t6t de Chantelle ; & àès H nuit fuivante il prit , ^«
vi du feul Pomperan » le chemin de la Franche-Cofa«
té , & trompa pas uiie extrême diligenee la pouifuitf
4e fes ennemis.
Aûifi du faîte de la giandeur , oîi un fujet peut êtit
DE BOURSON<< sof
ibup dans une efpece de néant. Ses cinq Province*
furent faifics & confifquée^ ; (es amis envoyés au fup*
plice ; fa maifon rafée i fon hotel noté d^inlaoïie *-
oifia il fut privé de toutes Tes dignités.
Les malheurs de ce Prince tomboient par contre*
coup fur Madame d'^Alençon ; & pendant que Mada*
me s^applaudiflbit de fa cruelle vengeance , cette Pnn<f
ceflè infortunée en reflèmoit toute la violence. <« Ccft
» moi rdifoit-cUe un jour à Madame de Vendôme)
» c^eft moi qui ai attiré fur la tête de ce Prince cc4
» épouvantables difgraceSiSM ne m'eût point aimée»
» W n'eût jamais refufé dMpoufer Madame. Quelle
» fortuné lui étolt deftinée , s'il eût vaincu fa répu<«
» gnance! Malbeureufe , j"^ âaté fa pa^ion. Que
• dis-je 9 j'en ai reilènti une, qui n'étoit ni plus ixv«
a nocente , ni moins vive que la lîenne.
Monfieur de Bourbon , car depuis fa fuite il quittf
le nom de Coimétable , paila de Franche-Comté ea
Italie , & s'apperçut par tous les lieus qu^il traverfa^
^ue fon malheur Pavoit prévenu r on lui fit un ac-
cueil glacé. L'Empereur a'étoit âaté que fa révolte
di?iferoit la France. LorfquMl en reconnut Pinutilité»
& que ce Prince ne trainoit après lui que fon mérite ^
il vint à le méprifer. Non feulement il différa focLma»
liage avec la Reine de Portugal , mais encore il pa-
rut n^avoir pas en lui une entière confiance. Il lui fit
Tafiiont de lui aflbcier au Généralat le Marquis d^
fcfisake , & buiiuû ViM-Bitt ik.>(aple9 • doiu k pce^
fm^
Xo8 LE CONNECTABLE
mier étoit fans honneur , le fécond fans mérite.
Au milieu de la cruelle douleur , que ce mavrà
traitement lui eaufa , il ne put sVmpêches d'êtie oc-
cupé de Madame d^Alençon. Il ne f^avoit deqael
oeil elle auroit vu fa malheareufedeûinée : il lu écri-
vit par Madame de Vendôme, n confia fa Lettre à un
homme fidèle , qui la porta à cette Prihceilè avecau-
tant d^adreiTe que de danger. Ce fut par fon canal
que Madame d^Alençon la reçut. Elle y eouva ce
qui fuit :
La firtmnt nt m*Â rien Uiffty Msddmt ; elt* ti^f
Ui en un jeux les fîtes grandes âignitls ér les hitni îtr
fins emfidérables ije ne fçais fi elle m^û fnnt nrirti »«
rif motion, Tarmi tant de difgraees » fif9ccmfe enetre
quelque place dans votre eeeur y jt n* fnis, n^JHmer
malhenre«M, 3*.H tout faerifU a cette fi'atenft fenfie\^
ee honheur , *fi je h foJJIdi , wi far eh fi grand , f «'«^
nte fera voir d*un œtl tranquille , t^ahyme iPinf/rtnÊtt
ein me f récif ite Vfiffrettft mifert À taquelle pn m*a r(r
dutt j mats htlas } que j*ai fitjtt de craindre les fenti'^
mens que vous fei-t injfirer le changement de mafvf
tune : le mifris a fuccr.d\ attx fins magnifiques frf
meffes. Je t.e trouva fartant que de Vingratttude ér ^
tinjrftice. ^edcvieudrai-je ^ fi mes adverfi^s avoteni
suffi refroidi ma l ri.xefpe f Raffurez-moi , je vous en
tonjure ^ -contre ee cruel foupçm, lent être trouverez
ffous qu^il vots offiftfe :je le feuhaite , ce fera une mar^
fng de votre efiimt, Sivpttt mi U anfirves^ ^ji- rei^o^^
DE BOURBON. x^
ittéi MVtc tranquillité Utttt Phorrekr tlg mm dtfiijêf
Scelle gloirt tn efftt paur tm ï rtncc t'anni df d^'pHiilléy
éTocemftr t^Melfue mcme„t U pitu aimailt ér U fltts
Uluftre i rincejft dt la ttrr* ! Je fit^f cependant avec
dttde* r , ^n^il tu m'tfi rUn refii fat r m.rtter cet hm^
ntitr , à mêinj ftu vom ne vons contentiez de mên ctenr.
Il n*a jamais été Jî tendre y fi reJpcdkemM »fi rempli d$
U Frùeejft fuUl sdve.
Madame d* Alençon fut touchée de cette Lettre s
elle fit beaucoup de difficulté de lui faire réponfe ^
mais enfin elle la fie : & la même perfo^nne , qui
avoit apporté la Lettre de Monfieur de fiojrbon, lui
porta celle de Madame d* Alençon. Le Prince rcflèn-
tit beaucoup de joie en la recevant : il rouvrit ave«
émotion.
Il efi vrM , Mmfietcr » ^neje veux âveis prtitit^tn^
tretensr avec v9MS un commerce d^amitii , hrffme v$m9
me parlâtes dm dejfeia qne vous aviez de quitter Is
Ctnr i mais je n*euffe eji préveir Pobflaciê invineUU
^e vens y avez, apporté : votts vez prisles^armu
ctnire le Roi. T avez'vei.s tfien forii, Monfieur ! veut
hes-vons fmvenu qu'il était vetre Souversi» ér mom
frère? Je ne puis plus vous écrire fans crime :jt nefgaif
mène fi les penfées que je pourrais avoir eu votre foi'
venr^ ftroient permifes. A quoi >a*aveZ'VOhs r:d Me »
ir où vous étes-voHS riduH ynu-mi/nt î Vwt m /«^«^'
%th LÉ CONNECTABLE
•fw HJHpm cntelît de ^nvt imMgintr f*f mm efinn
fdvt V9trefrrt»ne - il n\ftp<dfaâe »uditim9kj€f»ifft
fit méln^ner fur V9us, L*Akdi]f€ment $ù votrt msUnst
W#M 4 mk^ m\Pfl«t fenpblt f»*à vêms : cUft m€
ftnfit fKi nu défefptre , que ctlU £y ^vtir f»rt c»
•fueique mamtre ; je n^ entrât fiint dejne pht farfâitt
^9fe ulU decHitriknerÀ kfmirtftnr, Veus nUvtx. fM
àà en^tJke le Rêi etvtc MaddiM , ér vms Mmriex. dé
fins effirtr de fs êmté» fm des vMnet frwmeff'ts de
Jet enmemù. Je fenfe fme merns^ émreK MftfscHe Mcis ,
f VHU fpKhMitez, l* finder ,* Mine* As dijfenJez.-nM de
rteevHr de vet Lettres ,• mms m^en ferez fAs {nrfris , Jî
Wem veukx.'veMt rendre jetfUee, Hende^eir mHmptJi
êette Ut i ntéàs je me fête ffi< vHU ne perJifitrezfM
ilMT ime rihelliên qid ekfemtit vttre libère , liemme ven»
eus centraint de l^svemer. Je emferverM étu fmd démon
$œtir les fentimen^ f «r j^ai fenr «sn France fui m'tjl
Ijkr , jb/i«'i se que fn eeuduke v^Mt rendu ù Ukeni
' lie lut timet^nerfims firnfute mm tjlime ter nteu smstii,
' Qudquc raifonnablc que fiit la réponfe de Madame
ffAlcnçon « Monfieur de Bouriwn ne la put goûter i
mais les affaires ^ dont il fiit accablé , Toblgcrent de
fufpendre pour un tems fon chagrin. Le Roi avoit
envoyé TA^ral en Italie pour conquérir Milan. Mon-
"ficur de Bourbon aaroit bientôt triomphé de cefbible
'cnxœmi,s*i] eût eu lui feul le commandement del'Ar-
'Me de rCmpereur; mail Pefcaiie ScLannoi, ^
DE BOURBON. iH
firtafcoieiu avec hiirautorité , différèrent lon^temi
h viâoire. L^ Amiral fut enfin vaincu à EiagioRb,dù
feit bonteufement devant Monfîeur de Bourbon « qui
le pourfuiveit » pénéoré d*un violeikt defir de ven^
fcance.
Ce Prince , après cette viâoire , «ntra en Provence*
U eût mis la France à deux doi^s de fa perte , fi »
comme il le voulok , il eût percé jufqu^à Lyon, & de»
là fait révolter le fiourboimois , oii il étoit ador^
siais TEmpereur n^agiflbit que pour fon propre inté*
xêt, Moncsiie k. Levé , deux de fes fujeu , avoient
tout fon fccret : ils forcèrent MonAeur .de fiouibon
d'afliéger Marfcille* Le Roi eut le teins d^aiTemblcc
une Année : il força fon etuiemi de lever leufiëge; 1«
fuifit dans le Mllanez ; en conquit une pastie » ft»
affiégea Pavie.
Monfieiu de Bourbon n^oublia rien pour £ûre levet
ce iiége , & jamais il n^avoit paru fi grand Capitaiiie»
Il traverfa la Lombardie avec une diligence incroyai**
ble ; leva quatorae mille hommes en huit jouis; n»
vint les joindte au rette de f Armée Impériale : enfin
il alla présenter la bataille au Roi , qui Taccepta daoi
le parc de Pavie.
Il ne fe* pouvott que Monfieur de Bourbon ne fik
vainqueur : IHunour & la haine étoient jointes 4 foA
iniéfèt ; rAmIcal ^étoit auprès du Roi. > Monfieur de
Boulbon vOulcMt délivier Madame d*Alençon d^ua
^^aMUcJA&kac^iaipoittta» k^voutoit fe vens^i
tti LE CONNrTASLE
d*un ennemi cruel & implacable. Rien ne pat léfîiter
à la fureur de ce Prince irrité. L* Armée Françoife
fut taillée en pièces. Le Roi lui-même fut pris pxifon'
fiiec Monfieur de Bourbon chercha rAmiial , &ie
trouva ; mais comme fi ce Favori n*eut pas mérité de
recevoir la mort par les mains de ce grand Prince, il
.révita avec un trouble caufié par des mouvemens de
crainte & de honte ; & courut fe précipiter au milieu
des bataillons Allcmaas , oii de pl.;s indignes mains
lui ôterent la vie. Monfieur de Bourbon le fit dépouil'
1er ; & ra/Iàfiant fes yeux d*un fpeâade inhumain:
« Miierable \ s^écria-t-il ) tu es caufe de la pêne de
M la France & de la mienne ».
. Le Roi fut transféré en £(pagne par les ofdres de
f Empereur , qui le lailTa languir ailèz long-tems en
prifon, d%îi il ne vouloit le laiflèr fortir qu*it det
conditions bonteufes , enforte qu*il tonU» malade.
Madame d*Alençon Payant appris, obtint un paiTe-
*port pour aUer voir fe Roi fon frère : elle fe readit à
Madrid. Sa préfence, & la connoiflànce qu'elle avoit
du tempérament du Roi y ne contribua pas peu à iâ
guérifon.
Monfieur de Bourbon apprit avec joie que Madame
iTAlençon étoit à Madrid » & un rayon dVpérancç
lui parut pour la première fois. Monfieur d^Alençon
ftvoit commandé Parriere-garde à la bataille de Pavie»
k. au lieu de fecourir le Roi , il avoit fui honteuiê-
poeot. Il etoit xofxt à Lyon de bonté & de xage de ûi
DE BOURÉOK. irj
Idclieté. Monfieur de Bourbon fouhaitoit ardemment
de voir Madame d^Alençon , & de la voir dans un
écac Od il lui ferbic permis de l'aimer. II s*embarqux
à Gènes , & arriva en peu de temps à Madrid , fous
prétexte de venir discuter fes incérêis dans le Traité .
qui s*alloit conclure entre l'Empereur & le Roi.
L'Efpagnc ne vit point fans admiration ce grand
Prince , qui faifoit le deftin de 1*1 1. lie. On fe fouvinc
qu^il en avoi« cha/Té homeufement ^Empereur Maxi-
milien , lorfqu^il étoit à la tête At^ François , & que
ces mêmes François y avoient été vaincus , lorfqu'il
a^ét&it déclaré contre eux; Il alla faluer l^Empereur
& la Reine de Portugal. On n'*oublia point à lui ren-
^etous les b<mneurs dûs à l'on mérite. En effet c^é*
K)ii à lui » que l*^Empereur étoit redevable du gain de
la bataille de Pavie ; & (i Monfieur de Bourbon avoir
iûiihaité de fe venger du Roi , les fers dont il avoit
chargé ce Prince , fuififoient pour le fâtisiàire ; maie
au-t-avers des civilités afFeâéesdela Cour Impériale,
il reconnut, qu'il y étoit à charge. On lui avoit les
dernières obligations , & on ne les avoit payées que
par les plus cruelles injures.
L'Empereur acheva de fîgnaler fon ingratitude , e^i
préparaitt ce Prince à ne point époiifer la Reine de
Portugal. « Je vous en laiflè le maître ( lui éM TEm-
u pereur- ) ; mais le Roi de France eft veuf de la
» Reine Claude : il demande cette Princefïe en ma^
» liage , ce ferxle fccaû du Traité. On vous doit-
Tarât /*. K.
. .t
tt4 tE CONlfTETABLË
s> reflituer toutes vos ten%s;vous ne ferez pbiilt«K&
t> gé At retoamer en Franco : )t m*acquitteni de
A ce que je vous doit > ca mnsi doflftiatit le Duché
I» de Milan.
MonHeuc de BouilMn cOfina» tonte Tinfidélit^ de
fEmperctir, Ce n'elt pas qu'il ne fût ravi d'être dif-
^nfé d*époufer la Reine de Portugal ; qaaad on la
Kd auroit accordée , il eutre^fé cer honneur , deputf
^u^il fçavoît que Madame d'iAlençon étoit veuve i
Buds cela tac l^empêchoît pas de leconnohre la perfi*
tdie de l'Empereur , qui après atoir tiré de hii les fcr-
tîces les plus importans , n^exécilfoit audin des ar-
ticles du Traité qu"*!! avoit fait avec lui ^ & cîoyoit
l»amnfer de Toffre chimérique d*ua Duché qui n*étoi<
point à l*Empcrcur , & qui étoit p6(I^dé par Stbrce r
«urili conçut- il dès ce moment une haine violente con»
tre l'Empereur. Elle devint d'autant plus grande ^
^û*il là lui fallut renfef mer dans fbn eœur, 11 atten*
dît avec impatience roocaHon de s'en venger, elle
tiVtoit pas difficile à trouver : il avoir laifië en Iulie
tine Armée vidorieufe , commandée par des Cbefi
qui étoîent à lui , d*ailieuf9 difpofée à hû obéir avea«
gïément.
Le lendemiin il alla voir Madame d*Alençon : d Is
trouva heureufement accompagnée d'une feule /iBe
tti laquelle elle fe confioit. Ils fentirent je ne fçaii
quelle émotion , en fe voyant Tun l'autre. « Je veut
» revois , Madame ( lui dh-il J j\)ubli« tou» «00
JOE SOURSOm *xf
» malheurs , en goûtant ce plaifîr. Ke rempOii'oiw
» nez pas par des reproches , «}ui lont jufke^ à la vé<«
i> ricé , mais que ce n^ft pas à vous k me les faire,
« Je dois les augmenter c.es reproches ( répondit
» Madame d* Alcnçon } ; depuis que j e vous les ai
u faits « vous n^avezfong^ qu'à en mériter de plut
u grands. £nvifagez y Monfieur » julquVù a ét^
» votre vengeance : vous ?avcz portt^e fi loin , que
M vous vous y êtes vous-même compris. «^ Ah! lai£*
» Tons-là Madame (reprit Monfîeur.de Bourbon;)
p laiilôns un fouvenir fâcheux. Laiiïcz*moi goûter
» feuleiaent le plaiHr de vous voir , ^ de vous voir
» <^^ag^e d^un lien indigne de v.ous. Vous n'avez
t> plus à m'oppofer la vertu & le devoir : je vaiscotv
•> noître fi vous in'avez aimé. Vous me revotez »
ii après une longue abfence , plus amoureux niilk
t> fois que je ne Ta! jamais été : mon amour m^a
» fouteiHi.au milieu de mts adversités. Mon «.csu^
» me difoit , qu^un temps plus heureux fuccederoii
j» à mes diigraces. Parlez » Madame x que faifoit le
» vôtre pendant que le mien rfilbncois tant de ten^
» dreflè^ <« Hé quoi ! Monfieur ( interrompit la Dil»
s» cheiTe } vous me parlez encore comme il vous étiQZ
» ce Fonce fidèle % l'appui ^ le foutien des Fratir
u çois. Avcz-vous oublié que vpus avez mis cette
a» Monarchie fur le penchant 4e ia ruine ; ^ue votse
m Roi par v.o.ue infidellq valeur ^ languit dans uye
p, ^e «^tifitét«fi^vtt.y jeh-ppais (^'éccia te.lîri»
i
i
1
ti6 LE CONNECTABLE
» ce ) rEmpcreur abufe de fa viétojre. Il traité le
a» Roi comme un efdave , il ne me traite pas moior
» indignement, ^e punirai fon ingraiinide. Mi
1» Princeflè tous pouvez tout auprès du Roi , faites
» ma paix avec ce Prince ; peinez-moi fournis &
a» repentant : foyez pourtant le prix de notre récon-
w ciliation. Pour ma fortune ^ je vous Tabandonne.
a> Que Madame poflède , fi elle le veut , rhéritagc
•» de mes pères : fi je vous époufe , vous me tiendrez
a» lieu de tout ; je ferai trop heureux , pourvu que
I» vous ne vous oppofiez pas à mon bonheur. « Je
a> fouhaite ( reprit la Piincefiè } que le Roi accepte
a» votre repentir y vous connoîtrez que mon cœurn^a
a» point changé. Je m^eftiraerai heureufe , de pou-
» voir reconnoitre par une tendrefiè , que je ne fe-
i> rai plus obligée de dtfguifer, celle d^m Prince gé-
»> néreux n. Monfîeurde Bourbon fe jetca à fes pies
à ces flateufes paroles : ils fe dirent «ncore mille cho-
S^s tendres & obligeantes.
Madame d*Alençon alla voir le Roi ; elle lui racon-
ta la converfation quVUe avoit eue avec Monfieiir de
fiourbon. Il eft vrai que le Roi avoit toujours eu un
grand fonds de bonté pour ce Prince, «^ Otons-le ï
9» nos ennemis ( dit-il à Madame d^Alençon ) nous
» Pavons trait-é avec trop d*injufticç : cette aftion
a» d'équité ramènera la fortune dans nowe parti ;
», mais , ma fœur , il feut que vous contribuiez à k
w gagnejr, Xc îçm quU vous aimc> & que vous m
>^, • \ ./ -_
DE BOURBON: ri;
» îe haîflcz pas» Puis-je mieux réparer la conduite
» que j*ai eue à (on égard , qu>n lui donnant une
» fœur que j^aime & qiie je dois aimer avec tendreilè » ^
Madame d^Alençon embrailà Ton- frère en rougiilànt.
« Ne fongez plus ( reprit ce Prince ) qu'à le rendre
» digne de vous : tachez de Tamener demain dans
» les Jardins de Madrid ; nous y prendrons des mc-
» fures pour for tir tous les trois de captivité ».
La PrincelTi^uitta le Roi , & manda Mon/ieur dé
Bourbon , qui étoïc à Tolède. Lorfqu^il fut arrivé ,.
die le fit dégtxifer en Ecuyer : il y en avoir toujours
un qui Taccompagnoit chez le Roi. Cetoit au milieu
de l'Eté , que les promenades du foir font délicicufes;
Le Roi étoit dans un cabinet du jardin , entouré de
palillâdes de jafmins & d^erangers. Madame d'A-
lençon entra dans le jardin , fuivie du feint Ecuyer
& d'une fille d'honnetir. Lorfque Monfieur de Bour**
kon fat entré dans le lieu oii le Roi éioit fcul avec
Monpezat't il rejecca à fes pies : « Je fuis indigne
» devoir mon Roi (lui dit-il );-& fi fa bonté nefup*
» pailbit encore mon crime, je- refterois toute m«
M vie en proie au défefpoir & à fa fiireur. Je vien»
» Sire , vous demander un généreux pardon , 8c
» mourir à vos genoux* jufqu'à ce que je l'aye obre-»
» nu >>. Le Roi le releva' avec cette dliuceur , quf
^ attiroit tous les cœurs, et Oublions ( lui répon*-
» dit-il ) les fuieis que nous avons de nous plaindre
>^ Tua de Tautre : fi je n^ai gas mis de bornes àl^in?
• I
L
ti8 lE CONNE'TAJtLE
m juAice M ma Mcre » vous n'en ^vcz poinc mil i
■» votre venfeance.. Avouez que vous vous étesao
■I quitcé. <t J^avoucrai ( repm Mon(ie»r de fiour«
n bon ) que vous êtes le plus giand 9l le meUleur de
M tous les Rois ; & je ne goûterai jamais de bon«
I» heur que je n*aye iût oublier à Voue Majcfté pas
I» lenombre de mes fiervices f la grandeur de ma fau'*
M te M. Ils entrèrent en&iite dans le détail de leur»
affaires* « Sortez ( ditMonfieur deBi^bonauRoi)
•> fonez à quelque prix que ce foit des inaios de vocrt
it ennenû. Que la grandeur de Tes demandes ne vous
i> étonne point : accxïrdeZ'Jui tout. Vous se iercs
•» pas plus engagé , puiique la liberté vous manque »
• (ans laquelle on n'a jamais pu fiûre de Traité.
» iainèz agir votre Parlement & vos Su>ets. lU
•» vous difculperont fufBfamment des condition»
l> qu\>n vous aura impofées* Pour moi jVfpere
j» faire voir un jour', qu^il h*a pas dû traiter ainû ym
•> Roi , que la &rtune feule lui a livré i ni un Brin*
i> ce qui n'eft devenu malheureux , que pour s*éuc
s» fié à fa parole M. Moniteur de fiourbon ejtjHiqua
enfuiteau Roi , que ritalie n^voit pour délènic
qu'une Armée , que £es propres libéralités lui avoiem
'^brolument gagnée , & qu'il fe feroit d?autant inoîn»
«m fcrupule de la faire fôulever contre lui ^ qu'elle
mvoit été levée de Ton argent & par.fes (oins , & que
l'Empereur ne Pavoit jamais foudoyée. U ajouta que
T^percur n'avoic aucun droit 6» Vlxgdtt ^ & %ut
'DE SOURSOlf iif
f*H fjlaifoit à Sa Majefté ^ il s*y procureroît un éio*
Uiflèment digne d^^tre otkit à Madame d^Alençon.
Le Roi fourit & admira l*adre/Iè de ce Prince \ en«
fute il fe recira à un coin du cabinet , & laiilà en*
fembie ces deux Amans. Là le Roi tira fes tablettes %
k, y ayant ^crit ce qu'il fouhaitoit , il vint rejoindra
Monfieor de Bourbon , & lui dit en les lui préiên«
tant : « Votre repentir , & le confeil que vous ma
M donnez » réparent tout ce que vous avez hit con-^
» rrc mot : il eft jufle que je répare de mon câ<«
» té ce que je puis avoir fait contre vous ». Mon^
fieur de fioisbon ouvrit les tablettes , & y lut ce qui
fîiii.
Jt d9mt MM fâihlt t^yttt à Mênfitur de SêmrBêH ^
i'exéeuter hs emivtnthm châfrèi féry^ ^i frêmttê
fit ii CâVM&tr , afin i*y kre ing^ii , ér MmtM Roi ^
umme khmitt'hmme. J* hé, firai ttifiditr tn hmn$
firme des Ltttres d^nkélitien fcmr lf:i ér foftr fe^ smis^
Je bd àmue dès-à-fréfinS Madame d!*Altnfon ms fitrni^
en nuriêge , ^ /« jwltmni^î i'' enfers suffi tk qti*H snré
f«trr.' le fmrtr de fBmprewf, Lnfsvnr de ce MAris^e^
je Ini ddt têtu les drvèfs qnej^aijnr le Refsnme de Ks*
fies , ^ ffvmits de Psèdir à le tênftÊérir f d^ttne ^rméè
navâle de eetet voile* : e/tfin ^fi la ferttme M tfl tentrsiré
dânstetteton^nête yjehi rendrai tens Us èknt fn^il 41
pffidés m Frnnte , ^ U Charge de Cmnéuble rdrj^
^t^Mtmilm-dtfit àreMiJm h Frtitenu,
Fa^mçois»
xio LE CONNETABLE
' La générofîté du Roi charma Monfîair de Boûilna r
& augmenta fon repentir d'avoir combattu contre
lui. Il le remercia en des termes pleins de recon-
noiflànce & de tendrefle. Ces deux grand» Princes
s^embraflèrent , & le Roi ordonna \ Madame d*Alcn-
çon d*embraflèr Monfieiir de Bourbon. « Voilà va-
» tre époux f lui dit-il ) il y a long-temps qu*il eft
n digne de vous ; aimez-mor pour l'amour Tun de
» Pautre , & que rien au monde n^altere notre ami-
3» tié». Madame d*Alençon obéit au Roi avccmo-
deftie. « Défrndezr-nous donc de Madame i , . lui dit
dit agréablement cette Princeilè. « Je vous le pro-
» mets (' lui dit le Roi ) fon amour a fait répandre
n aflc-z de fang i>. Madame d'Alençon & Moniieur
de Bourbon quittèrent enfuite le Roi ^ & fe récitèrent.
dans Tappartement de cette Princefle -, mais quelle
joie ne faifît point ces tendres Amans , lorA)u*ih k
Tirent feuls y Si prêts d'être unis pour jamais , après
de fi cruelles traverfes» <* Eft-il bien vrai , Madame
j» ( dit Monfleur de Bourbon ) que je vais être heu-
y> reux ? Reflenter^vous la même impatience? Etcs-
» vous pénétrée d^un reflèmiment pateil au mien ?
« Oui , ' mon cher Prince ( répondit Madame d'A-
9> lençon ) je partage votre joie : je ne fçais niême fi
M la mienne n^t- ft point plus^rande que la vôtre»
9» Contrainte & gênée, jufqu^'ci ,. il m-a f^lti difli-
» muler ce que je fé tois pour vous : j^étois toujours
i^ combattue , tantôt par mon devoir , quelquefoi)
W par de cruelles raifons d*£tat » toujours par une
H vertu févere : aujourd'hui rien ne me^etient. Je
u puis vous dire à quel point je vous aime,& je vous
N le dirai légitimement. Connoi/Ièz mes plus fecrec*
» tes penfécs. £n vous voyant » je vous aimai , vouf
u feul m'avez rendu l'hymen odieux ; ma vertu a été
i> prête cent fois à m^abandonner : elle m'ordonne
M à préfent de vous aimer , quel heureux change-
M ment ! Que je vais lui obéir avec joie »» î Le Prin^
M ne feconnoiilbit pas:fes tranfports étoient au-deJTus
de fa raiibn. <« Peut-on ( s'écria-t-il ) être mieux
V payé des peines que j'ai endurées } Que n'en ai-je
]» fbufiert de plus cruelles » ? ajouta-t-il. Endifant
ces paroles , il baifoit les mains de Madame d'Alen-
çon. Sa paifion lui fit prendre un baifer qu'elle n'ofa
lui refiifer ^ mais cet amoureux Prince , ayant remar*
que qu'une fille , qui étoit refté feule avec Madame
d'Alençon » étoit fortie , il fe préparoit à de plus gran-
des faveurs* « Que faites-vous ( lui dit la Princeilè
M en l'arrêtant ) y penfez-vous bien ? Monfieur ».
Cet air férieux intimida Monfieur de Bourbon. <« Hé •
>> quoi ! Madame ( répondit-il ) ne fuis-jc pas votre
» époux ? ne vous en fouvient-H plus > <* Vous l'êtes,
» il cft vrai ( reprit la Princeflè ) mais vous ne l'êtes
M pas encore publiquement , & vous offenfez ma
m vertu de concevoir de pareils defîrs. « Ah pieu »
u quelles diftinâions ! ( reprit le Prince ) vous n*a-
m vez pas réfolu de me zendre fi-tôt heureux. Que'
Tome L L
Il* LE CONNETABLE
n penferois-je de votre refus , Madame > amufcz-
a> VOUS un qiialheureux , dont on craint le dérefpoir ?
n La parole du Roi eft « Qu'ofez vous dire ?
9) ( interrompit Madame d*Alençon ) vous foupçon-
» nez le Roi mon frère , d*une pareille indignité , &
»» vous pouvez vous in^giner que j''en fuis lacompli-
M ce? Ne m^outragez pas de tant de manières ,Mon-
» fieur. J*ai la parole du Roi ; je vous donne la
a> mienne de n*avoir jamais d'autre époux que vous.
M Sortons d*un pays ennemi. Si le Roi changeoic de
1» fentiment , je vous poomets de vous fuivre par
» toute la terre ; mais célébrons ce mariage aux yeuz
n de toute TEurope , qu*il n^y manque nen de tout
s» ce qui peut me conferyer votre eftime, après qu^il
M fera achevé ». £n tenant ce difcours elle fiatoic
doucement le Prince, & le rendoit capable de le goû^
ter par fcs manières engageantes. En effet elle le xa^
mena à £on fentiment , lui accorda encore toutes les
careffes qu'elle crut n*ctre point oppofées à la con-
duite qu'elle s'étoit impofée. Le Prince s'appcrçut
bien qu'il n'obtiehdroit rien d'elle au-delà. « Remet-
» tons donc ( lui dit-il ) notre félicité à un temps
» plus heureux , & allons la mériter peut-être par de
M nouvelles infortunes ». Madame d'Alençon s'af-
fligea de ce préfage : elle en parut plus tendre &
plus aimable à Monfîeur de Bourbon. Ils fe fépare-
rent avec des promeflès^. réciproques de coziciibuer
également à vaincre leur malj^eur.
DE BOURBON. izj
Monfieur de fiouiix)n inftruifit cette Princeilè du
fecret de la Cour Impériale. Elle en profita dans le
Traité qu^elle vouloit conclure pour la liberté duRof.
L'Empereur s^apperçut qu^on le trahiUbit , fans pou«
voir deviner qui c'étoit. Pour fe défaire d'une furveil**
lante fi habile , il propofa de la faire arrêter. £Ue
éioit venue à Madrid fous la foi d^un pallèport. iral<«
loit expirer ;| & la Princeilè ne s!*étoit pas preifêe de
le faire renouveller, parce qu'elle ne penfoit pasqu^on
en put faire difficulté. Un Miniftre Efpaj^nol , que le
mérite de Monfieur de Bourbon avoir charmé , lui dé^*
couvrit cette fupercherie. Ce Priace l'écrivit fur le
champ à Madame d*Alençon. Elle ae s^amufa point
à s*en plaindre à l'Empereur : elle prit à l'heure mê-
me la poftc , & fit une fi grande diligence , qu'elle
arriva furies terres de France avant la fin de foA
paflèport. L^Emperêur fut doublement afBigé, & d'a-
voir conçu un deilèin fi bas , & de l'avoir manqué.
Le Traité s'avança en peu de jours : il devoit ren-
dre au Roi fa liberté. Ce Prince avoit fuivi le confeil
de Monfieur de Bourbon , en accordant à TEmpereur
tout ce qu'il demandoit. La Reine de Portugal devoit
époufer ce Prince. L'Empereur en fit des excufcsà
Monfieur de Bourbon, qui difiimula fon dépit avec une
adreflè merveilleufe. Il demanda feulement à l'Empe^-
reur de n'être pas préfent à ce mariage. On confentit
qu'il partît pour l'Italie. Peu de joiurs après , 1« Roî
épouûi la Reine de Portugal,. On lui rendit la liberté
Lij
126 LE CONNECTABLE
là qu^il 4iéU à Fompéran cette Lettre d^une vok
moulante.
Jt nmflis mm deftin , Msddmt y ii ne s\Jt foimt di'
mtnti. Je meurt- , fsns vtu mvHr fêffèdie y éloiim k
V9US ^ Mcahli du plus fenphle regret, La fortune u^s
prutllemtnt trahi : ellt uCs smené un fié du trine fur
nfy immêler. HéUs .' fimpitêyshle m'a refitfi U mert ,
ierffne jt U demsudeis armé de foreur ér de déftjftir :
elle me la dorme aujourd*bui , fuselle meflatnt des f ha
dwces efférantts, Ceft vous feule , ma Frincejfe, fuejt
regrette. Je n^ai jamais confervé la viefuefcur vous, le
ta -perds en voulane vous eou^fuérir une Couronne , ^fd
m'^eÀt rendu digne de vetis . J e fçAts que vous plainArtt
ftn fort où vous daigniez vous intérejfer ér f «^ vous if
viex, partager avec moi i mais je me flatols trop, Mo»
amour m^avengUit. Je ne fujfc jamais parvenu à cette
félicité. Je ne f^ais mime ft je vous dévots fouhaiter un
époux fi malheureux : j'aurois peut-être fait pafftrjxf
fu*k vous mon infortune^ ^els cruels reproches me fi*
rois'je faits ? Non il falloit pour une fi aimable Frm-
««/«
Sa fbible/Iè redoubla en cet endroit. II fende que fa
lînapprochoit , &ra raifon s^fToiblit à mefure. QueU
ques-iuis de (es amis fondoiem en larmes au-tour de
ce Héros. Un des Officiers venoit de lui apprendre
(u*il étoit le maitre de Rome , lorfqu^il ezcpira ;
DE BOURBON. 117
linfi il mourut en triomphant > &Ia gloire le fuîvlt
jufque dans Ton tombeau.
Pompéran après avoir donné Tes foins à fafépuitu*'
re ,fe rendit en France , où il rendit à Madame d^A-
iençon les dernières preuves de la tendre/Te de Mon-
fieurde Bourbon. A peine put-elle réfifter à une dou-
leur , qui furmontoit fa confiance & fa raifbn. Un
tonrent de pleurs honora la mémoire de ce généreux
Prince. Elle n'eut point de honte d'apprendre à tou-
te la Cour combien elle Tavoit aimé. Sa douleur fuc
vive , longue & violente \ ou pour mieux dire , elle
dura toute fa vie : en effet Monfieur de Bourbon
n^étoit pas un Prince qu'on pût oublier. Le Roi ne
fut pas infenfible à cette perte : fon cœur & fon in-
térêt lui firent le regréter ; Madame elle-même fu€
tourmentée des plus cruels remors: fon injustice
avoit caufé les malheurs de ce Prince. Elle fe repro-
cha fa mort. Son cœur pendant la vie de Mondeut
de Bourbon avoit été fans ceffe agité. L'ombre de cf
Bérof troubla encore fon repos apràs (a motit
FIN,
t.ii9
«x8 LA COMTESSE
LA COMTESSE
DE MONFORT.
IL n'y aura qu'à lire cette nouvelle hiftorîque , pour
fe défabufcr de la prévention où Ton cft , que les
femmes ne font capables d*aucun Gouvernement
confidérable. On y verra Jeanne de Flandres , Corn-
tcflè de Monfort , faire des avions & tenir une con-
duite , dont les plus grands hommes aiiroicnt fujct de
fc croire honorés. Les Hiftoriens n'en ont rapporté
que la moindre partie ; mais j'ai trouvé des Mémoi-
res qui m'apprennent des particularités qu'ils ont
ignorées, ou négligé de donner au Public ; eUes m'ont
paru fi illuftres, & j'en ai été tellement touché , que
le n'ai pu réfiftér à la paflion de \t& écrire.
Il faut avant de commencer l'Hiftoire fî belle d'iuiC
perfonne qu'on peut nommer à jufte titre une Hé-
roïne , foire connoîrre fon extraélion.
Le Duc Artur de Bretagne époufa environ l'an 1 300
rhéritiere du Vicomte de Limoges , de qui il eut trois
«nfans ; Jean, qui fuccéda au Duché; Gui, Comte
de Pdmhievre, qui époufa l'héridere d'Avaugour; &
un troiiîéme , qui mourut jeune. Après la mort* de
rhéririere de Limoges , il époufa Yolande de Dreux ,
ComtcFc de Menfbn , de qui il eut Jean , qui prit 1^
«i
DE MO NFORT. tijjl
)aitt de Comte de Monfort , & fut marié avec Jean-
ne , fille du Comte de Flandres , belle & jeune Prin-
ceflè , que Robert, Seigneur d* Artois , aimoit paf-
fionnémcnt ; mais il n^avoit pu faire agréer Ton al-
liance au Comte de Flandres , parce qu'il étoit Prin-
ce fans Etats , tefligié chez le Comte de Flandres »
après avoir été chaifê de fa maifon par Philippe , Roi
de France , de qui il s'étoit atriré l'indignation , pour
avoir entretenu des intelligences avec Edouard , Rcl
d'Angleterre , auprès de qui il fe retira , am défefpo'r
de s"'être vu enlever la PrincefTe qu'il aimoit : ce qui
lui avoir readu la Cour de Gand infupportable.
Le Comte de Monfort , après avoir pafTé quelques
Biois à Gand dans des fêtes & des réjouiffances con-
tinuelles , voulut faire connoître tout fon bonheiur 4
la patrie , en amenant en Bretagne la Comteïïè (%
femme , fans contredit une des plus aimables per*
fonnes du monde. Elle avoit à fit fuite Madame de
Somardic , qui avoit eu foin de fon éducation , & qui
depuis fon mariage étoit fa Dame d'honneur. Mada-
me de Somardic avoit une fille à peu près de l*âge de
la Comteflè , laquelle avoit été auprès d'elle depiui
fon enfance. Cette longue habitude avoit donné à la
Comteilè une grande tendreflê pour Mademoifelle d»
Somardic , qu^elle avoit méritée par de grands ref-
pe£b. Elle avoit un attachement fi parfait pour la
Comteflè, qu'il n'étoit pas poflible de l'en féparer, &
qu'elle aima xnieuz la fuivrç en Bretagne > quoiqu'elle
A ^
ij^ LA COMTESSE
ci*y fût pas endbre Souveraine , que de fe marier m
Flandres , oii on lui propofoit des partis trés-avana-
geux, *
Le Comte & la Comteilè arrivèrent à Rennes , oîi
Jean III» qui avoit fuccédé à Artur , tenoit fa Cour'
(Tétoit un Prince magnifique , qui les reçut avec (!(
grandes pompes. Il fîc^des fêtes qui durèrent plufieurs
jours , & un tournoi oîi tous les Chevaliers de Tes
Ctats , & des Etats voifins avoient été conviés.
Un Chevalier inconnu entra en lice y & foutio(
contre tous venans , que la Dame qu^il fervoit > mé-
ritoit de donner la loi à toute la Terre. II avoit des
armes noires , & fon Ecuyer Itd donna fon écu , où
on voyoit un efclave peint en pofture d^un homme
qui veut rompre fes chaînes , avec ces mots : « XCal-
» heureux , de ne pouvoir m^en défaire m»
Tannegui duChatel , jeune Chevalier , qui arrtvoil
' de faire ^ts premières armes en France , fe préfenu,
& demanda qu^ lui fut permis de Soutenir qu'ail éwit
confiant qu'il y avoit une Dame qui ntéritoit de don-
ner la loi à toute k^Terre » mais que les Chevaliers
qui la fervoient , étoieçt indignes des chaînes qu'ils
portoient , s^ils vouloient les brifer. Le Duc & la Du^
che/Te lui permirent de combattre rinconixi , & di-
rent qu'il y avoit un prix que la DuchefTè donneroit
à quiconque conferveroit le champ de bataille contre
trois afTaillans. L^Inconnu fut donc le premier qui
.^prouva la force de du ChatcL La première courfeiif
.— <
DE MONFORT. t3<
fallk avec un avantage égal , puifqu^ils furent tous
deux ébranlés dans la felle, A la féconde du Chatel^
plus heureiCc donna un fi grand coup de lance qu^il
la brifa , & renverfa le Chevalier inconnu fans mou-*
vement fur la pouiHere. Du Chatel prit en pailànt une
autre lance des mains de, fon Ecuyer , & alla fe re«
mettre au bout de la carrière pour attendre un fécond
afTaillant. Il n*attendit pas long-tems , on vit entrer
£avalan , Chevalier de grande réputation , qui fem«
bloit méprifer la jeuneflè de du Chatel , & lui dit ar-»
rogamment qu'il étoit fiché d^avoir à lui arracher un
prix quMl avoît eu jufques-là lieu d^efpérer ; mais
qu'il étoit obligé de défendre les intérêts d\me Dame
à qui on vouloit faire tort en foutenant qu'ail y en eût
quelqu^autre digne de dotmer la loi à toute la Terre»
Du Cbatcl liii répondit modeftement pour une caufe
fi jufte & fi glorieufe » qu'il devoir n\)ublier aucuns
efforts pour 1^ foutenir , & qu'il efpéroit de conferver
l^avantage qu^il avoir déjà acquis. Ils coiururent , du
Chatel lui enleva la vifiere de fon cafque , & le fit
tomber de cheval du premier coup. Un troifiéme fe
préfcnta , qui n*eut pas un meilleur fort. Il fit dire à
du Chatel qu'il fe prpmettoit malgré les avantages
qu'il venoit de lui voir remporter , de lui faire avouer
que quelqu^autre perfonne avoit droit de difputer
l'Empire à celle qu^il avoit fi bien fervi jufques-là.Dn
Chatel répondit qu'ail eût mieux aimé mourir , que de
^die les c(^rances ^u'il avoit d'établir une Yéiitt}
a^t LA COMTESSE
|)Our laquelle il tenoit le champ de bataille. Cétoîc îc
Sire de Coëtmcn » qui aimoit éperduement , mais fe-
crectement » une Dame de la Cour. Il étoic fuperbe-
ment monté , & portoit des annesquibhlloient d\)t
& d^azur. Il fut vaincu comme les deux premiers. A
la première courfe il fît perdre la Telle à du ChaieUqui
bientôt remis de ce petit échec, partit avec tant d^^r*
deur pour fa féconde courfe , qu^il jeta Coëtmen fi
fort hors des arçons , qu*il ne pût s^mpécher d'aban»
doimer fon cheval. Le Héraut d* Armes entra aufiî-ccic
dans le champ de bataille , proclama duChatel pois
vainqueur « & le conduisit au Duc & à la DucheiTè »
qui étoientfur un amphithéâtre à un des bouts de la
caniere. Du Chatel mit pied à terre , & -alla rece-
voir des mains de la Ducheflè le prix qu*ii venoit de
mériter.! C^étoit une médaille d*or , enrichie de pier«
ries , oïl étoient gravées les images du Duc & de la
Ducheflè. Du Chatel reçut le préfent un genou en
terre avec tous \ts refpeéb qu'il con venoit ; mais»
iztisfaâion ne pouvoit être entière , puifqu"»il ne re-
cevoir pas ce fruit de fa viAoire de la main de cetK
Princeilè , pour la gloire de qui il étoit entré en lice.
Quelle félicité pour lui s^l eût pu mettre à fes pieds
le vainqueur & le prix qu*il venoit d'emporter! U en
étoit bien éloigné ; il nWoit même la regarder , de
peur de découvrir un fecret fi important : c^étoit h
Comte/Iè de Monfort qu'il adoroit » Priiiceflè d'une
koMxé & d'un mérite auquel on ne pouvoit réfiâcr»
DE MONFORT. ïj5f
Le Duc avoit commandé qu*on prit foin 4u Che-
f aller inconnu > mais il avoit refufé tous les fervice»
qu^on lui avoit offerts , & avoit ordoimé à fes gens
de le porter chez un Marchand Angleis , où il étoio
logé y & oa il fe tint fi reilèrré , que perfonne ne le
put voir y ni apprendre qui il etoit. On ne le fçut
qu^après fon départ de Saini-Malo , où il s'écoit em-«
barque pour repaflèr en Angleterre d'où il venoit. On
apprit que c^étoit le Seigneur d* Artois qui étoic fortî
d'Angleterre fur le bruit d*un tournoi en Bretagne»
Pluiieurs autres Chevaliers Bretons & étrangers
rompirent des lance> à Thonneur des Dames qu^ils
fervo ent , dont je ne fais pas le détail , n'ayant eiv
trepris de rendre compte que de ce qui a été fàitpouc
la gloire de la Comte/Te de Monfort.
Maleftroit , un des plus confidérables Seigneurs du
Duché , arriva en ce uiême tems-là à la Cour : il ve-
noit de faire un voyage en Italie. Il étoit fait à pein-
dre , & il avoit fait parler de fa valeur en plu/ieurs
occafions de guerre , où il avoit eu du commande-
ment fous le Duc de Milan contre le Roi deNaples.
Il étoit fâché de n'être pas venu aflcz tôt , pour faire
voir fon adrelTe dans le tournoi qui s'étoit tenu de-
puis pçu , & il eut une fecrette jaloufîe de Thonneur
que du Chatel y avoit acquis. Ce n'étoit que jaloufîe
de gloire : car il n'étoit pas encore animé de la même
palfion que du Chatel , il le fut bientôt. La première
vue de Mademoifelle de Somardiç le frapa : il fc iit
1
r
r34" LA COMTESSE
préfenter à la Coraté/Te de Monforc , dont il n^étoit
pas encore connu. II remarqua Mademoifelie de So-
mardic auprès d'elle ; & il en fut fi fabitement toa-
ché, qu'il ne ré^ndit qu'avec embarras à toutes Ici
queftions que le Comte & la Comteilè lui firent fur
toutes^ les particularités de fon voyage , tant il éioii
iléja occupé de Mademoifelie de Somardic.
Le premier homme qu'il rencontra , en fortant de
chez la Comteflè , fut fiavalan , fon ami&fonToifm.
Il lui demanda avec un empreflèment capable de dé'
couvrir ce qu'il ne vouloit pas qu'on fçût , qui étoit
Une perfonne qu'il venoit de voir auprès de la Com-
teilè f & qu'il n'avoit jamais vue à la Cour. fia?a'
lan, qui n'étoit pas un novice , connut à rembarras
& à l'cmpreflèment de Maleftroit, qu'il étoit fort
ântéreifé en ce qu'il vouloit fçavoir. Il eût pu ûuis-
faire fa curiofité dans ce même moment , mais il eut
]a malice de lui demander comment étoit faite cette
]>erfoime qu'il ne connoi/Ibit pas , lui qui avoit qaafi
toujoujs été à la Cour. Maleftroit , qui avoit déjà le
cœur plein de Mademoifelie de Somardic , lui en fit le
portrait : il lui dit que c'étoit une perfonne fi diftin-
guée par fa beauté, qu'il s'étonnoit comment il itf
pouvoit pas la nommer fur le champ. Il lui répéta
qu'elle étoit environnée de toutes les grâces , quelle
avoit une blancheur à éblouir & de grands yeux noin,
<lont il n'étoit pas poflible de foutenir les regards ,
«ne mine &un port iî relevés,qu'cUe étoit la majcftè
DE M ON FORT. ijY
même. Bavalan ne, voulut pas le laiHèr languir
plus long-tems dans fon incertitude , & lui dit que ce
ne pouvoit être que Mademoifclle de Somardic > que
la Comteflë de Monfort aimoit uniquemement ;
^u^dle étoic fille de Madame de Somardic , Dame
Flamande , qui avoit élevé la Comte/Iè en Flandres»
& étoit fa Dame d^honneur en Bretagne. Il lui reti^
dit compte comment Mademoifclle de Somardic
avoit pafië fon enfance auprès de laComteiTe, &
étoit fi étroitement attachée auprès d'elle , qu'elle
avoit renoncé k des établi/Temens confidérables en
fon pays , pour la fuivre en Bretagne. Maleftroit , fa
curiofité fadsfaite» changea de difcours , & quitta
Bavalan , pour aller chercher Toccafion de revoir
Mademoifclle de Somardic. Il alla le foir chez la Diu
cfaeflè , où il efpéroit qu'elle auroit fuivi la Comte/Iè;
il ne fut pas trompé. Il la rencontra retirée au bas de
la chambre de la DuchefTe en converfation avec des
Dames qu'il connoiilbit , & qu'il aborda , pour avoir
le moyen de la voir & de lui parler. Il leur dit que
n'étant à la Cour que depuis deux jours , il ne leur
faifoit pas d'excufe , s*il ne leur avoir pas encore ren-
du fes devoirs ; qu'il s'en aequitteroit dès le lende-
main : il dit à Madame de ClilTon , qui étoit fa pa-
rente , que Mademoifelle de Somardic auroit fujet de
le regaxder comme un étranger à la Cour, jufqu'à ce
qu'il lui eût été préfemé chez elle , & qu'il la fup-
plioic de lui £ure l'honneur de l'y conduire dès te
t3« LA COMTESSE
lendemair. Madame de Cliflbn lui répondit » qa*elle
le mcneroic chez Madame de Somardic à la fortie
de Ton diner ; que c*étoit la véritable heure de trou-
ver Mademoifelle de Somardic , qui étoic prefque à
toutes les autres heures du jour auprès de la Corn-
teïïe , qui ne pouvoir vivre fans elle. Maleftroic dit ,
OiM n*avoit pas de peine à le croire y & que le pre^
mier moment de là vue de Mademoifelle de Somar-
dic fuffifoit , pour faire defirer de la voir toujours.
Mademoifelle de Somardic répondit , |que la Corn-
teflè étoit une Princeilè généreufe , qui combloit de
(es &veurs les perfonnes qui lui étoient dévouées.
Après ces premiers difcours de civilité , la conver-
fation devine générale. On parla des agrémens & des
bontés de la Ducheilè , de Pembelliilèment , que la
Comtcflè f & les perfonnes quelle avoit attiiées,
caufoient à la Cour. On obligea Maleftroit à parler
de fes voyages , & fur- tout de la Cour de Milan , d'oii
il arrivoit. Il fe mtla infenfiblement quelques autres
perfonnes à cette converfation ; & conune c'étoii un
endroit prefque hors de la vue de la Ducheilè , les
Courtifans qui n'avoient pas encore vu Malefboit ,
depuis qu'il étoit de retour , le venoient embra/Ter.
Les Dames s'^allerent ranger auprès de la Duchefiè :
Maleftroit débarraflé de tous les complimens , qu*on
lui étoit venu faire ,' alla s'y ranger auffi : il y demeu'
ra tout le temps que la ComteÏÏc y fut. Elle prit «n
(fi retirant , Mademoifelle de Somardic fous le bras :
comme
a
DE MONFORT. 157
comme elle étoit connue pour la favorite de la Com-
teflê , on n^étoit pas Airpris de cette familiarité. Ma-
leftroit , qui n'avoir eu des yeux que pour Mademoi-
felle de Somardic , la fuivit de vue , & fe retira chez
lui très-occupé de fa nouvelle palHonr II paflà toute
la nuit dans un fommeil interrompu par les foins de
fa parure pour le lendemain , & de ÎA.vinte quMl avoit
à faire : il méditoit déjà les moyens de faire connoî-
tre à Maderaoifelle de Somardic , qu^il ne vouloit
vivre que pour la fervir. Il s'*habilla le lendemain de
la manière la plus galante qu'ail put , & pallà tout le
matin à remplir Tes devoirs^
£n fortant du lever du Comte , il rencontra Ma-
demoifelle de Somardic , qui entroit chez la Com-
tefle : c*étoit commencer fa journée par tout ce qu*if
pouvoit defîrer ; il la falua très^refpeâueufemenc ,
& la laiâà pailèr , fans lui rien dire , ne la connoif-
fant pas encore aifez » pour lui pouvoir parler :
il n'avoir garde de manquer d^aller dîner chez
Madame de Cliflbn , pour ne pas perdre Tocca-
fion d'être préfenté à Madame ed Somardic. Aulfi-
tôt après le diner , Madame de Cliflbn dit qu^il
falloit fonder à faire Va. vifite , oii elle dévoie
préfenter Malefboit , de peur qu^il n^arrivât quel-
qu'un y qui les arrêtât. L'ezaditude de Madame de
Cliflba fit grand plaiiir à Maleftroit , & lui épargna
bien des inquiétudes;ils trouvèrent Madame deSomar-
die, ^£lle fit des coa»plimei35 & dflp remercimens-à
If» LA CO MTESSE
Madame de Cliflbn , de lui avoir amené Maleftroit f
qu'elle fçavoit^déja être un des plus galans homme*
de la Cour , & à qui elle dit qu'elle lui étoit ibiL
obligée de l'être venu voir des premières. Makftroit
fépondit , qu'il fçavoit ce qui lui étoit dû , qu'il eût
été honteux pour lui d*y avoir manqué , & qu'il la
fupplioit de crt^i'e qu'il ne perdroit jamais les oca-
iions de lui rendre fes très-humbles refpeâs : il encra
du monde , la converfation devint générale > & on
fe prépara bientôt d'aller tous à la Cour , oii l'oa
paflbit les journées entières , prefqùe toujours chez
la Ducheiïe , qui étoit une fort aimable Princeflè.
La Comteflè avoir envoyé chercher Mademoifcllc
de Somardic par un £cuy«r qui lui donna la main :
Maleftroit n'eût pas perdu cette occafion , s'il eût
pu la difputer à l'Ecuyer de la Comteflè , il n'en per-
dit aucune autre de lui faire connoître ce qui fe paf-
foit en fon cœur ; mais elle n^y ^foit pas attention»
& elle n'en avoit que pour ce qui regardoit la Com-
teflè , à qui elle avoit donné toute fa tendreflè , ac-
compagnée d'un profond refpeft. L'indifférence de
Mademoifelle de Somardic nerebuta pas Maleftroit ,
elle l'empêcha feulementMe parler ; il voulut faire
parler pour lui fes loins , fes refpeâs , fa magnificen-
ce , & l'approbation générale qu*il méritoir.
La Cour du Duc pafla ainfi quelques années en paix
& en plaiflrs continuels : ils furent interrompus par
U mort de Guink Bretagne > Comte de £eintbievrc |
DE M ON FORT rjy
iéfitier prëfomptif du Duc 9 qui n'avoit point d'en*
uns.
Gui de Bretagne avoit laifl^ Jeanne fa fiUc unique,
fous la tutelle de fa mcre , & la proteftion du Duc ,
qui la rcgardoit comme fon héritière , prétendant
que repréfentation devoit avoir lieu dans le Duché ;
le Duc fît même réflexion , que le Comte de Mon-
fort , fon frère , étoit un Prince d'entreprifc , &
que fon mérite & celui de la Comteflc pouvoient loi
avoir acquis tant de Partifans , qu'il feroit à crain-
dre du moins après fa mort : ce qui Tobligea à fonger
b;en férieufement à marier fa Kiéce à un Prince ca-
pable de défendre fes droits j il jetta les yeux , par
les confeils de fes fervireursles plus affidés , fur Char*
les de ChâtiUon , frf re du Comte de filois , & ne-
veu du Roi de France » à qui il envoya des Anw
l>aflàd«urs , pour propofer ce mariage. Le Roi & le
Comte de filois envoyèrent incontinene Charles de
ChâtiUon, pour époufer Jeanne de Bretagne :( puif-
que THiftoire nomme Charles de ChâtiUon y Char*
les de filois, je ne te nommerai plus aurtement )••
Le Duc reçut donc Charles de Blois à Rennes , & lui
£t époufer fa Nièce , les déclara £e8 fucceflèurs au:
Duché, & obligea pktiîeurs de fes Barons à leurfai-
ic ferment de fidélité. Le Comte cependant Se la
Comteflc, qui vivoient dans une profonde diâîmula-
Qon , rendoient toujours de grands rofpeéb au Duc ;
mai n'imbUoi^nuien > poorg^gner Iccœar .des Couz»
Mil
I4P LÀ COMTESI^E
tiCans » & fe faire des amis ; deflein qu'ils coaiuv-
foient fi adroitement que le Duc , qui croyoit avoir
pourvu à tout , vivoit aflèz en repos.
La guerre s^alluma entre le Roi de France & Ife
Koi d^ Angleterre : le Duc alla jufqu^à Saint Quen«
lin , au fecours du Roi de France , qui y avoit une
armée formidable , pmCqu'^elIe étoit de foizante mille
hommes de pied > & de quatre mille hommes iTar-
nes , qui furent inutiles par la croyance qu'eut le
Roi en une prédiâion du Roi de Caftille > qui te pi-
quoit d'être fçavant en l^Aftrologie jitdidairey qui
lui manda que s^il combatoit le Roi d^ Angleterre en
perfonne , ij perdroit la bataille : ce qui G.t retirer le
Roi de France & Ton armée. Le Duc de Bretagne prit
. congé de lui , & mourut en revenant dans fes Etats ^
. ion corps y fût apporté & enterré à Pioërmel ; le
Comte & la Comteilède Montfortafiifterentàfcs fu-
nérailles , & sVn allèrent le lendemain à Hantes ,
9ii ils avoient pratiqué des amis. Ils ne trouverenc
aucune difficulté à fe rendre maîtres de la Ville , ils
reçurent le ferment de fidélité des habitans ; après
quoi ils envoyèrent des Lettres Patentes dans tout le
Duché, pour convoquer les Etats à Nantes : ils pri-
lent dans leurs Lettres les titres de Duc & de Du-
sheflè , fc y inférèrent toutes \ts raifôns » quî fà»-
feient pour eux. Pendant les délais , pour s^aflèm-
bler , portés par les Lettres , le Comte laiflànt la
Comteib à Mntes y. pour recevoir ceux ^ YΫn-
\
DE MOKFORf. 14»
danent , sVn alla en toute diligence à Limoges , oîï
k défunt Duc tenoit fes finances i il s'en laifit , prit
le ferment des habitans , & revint avec la même dr*
Hgence à Nantes , oîi il trouva le Sire de Léon , un
de ceux qui étoient fécrettement touchés du mérite
de la Comtefle^
Il n'y avoit pas à Nantes , quand le Comte y ar-
riva y autant de monde quMl avoit efpéré , mais il
employa ^argent qu*il avoit enlevé de Limoges y
comme un initrument propre à gagner les hommes ,.
& il s''attira bientéc par ik libéralité les meilleurs^
Capitaines du Duché » qui furent fuivîs de bons
&ldats ; il rencontra auâl des communautés , qui fé
rendirent à ce charme. Il fit enfin fi bien , qu^il fe
mit en; état de tenir la campagne ; il partit aufiî-tôc
avec la Comtefiè & les Dames de fa- Cour , traverfa
tout le Duché pour s^aller faîfîr de Breft , Place forte
oSi il y avoit un Port , qui liii étoit très-nécefiiiire 9
pour recevoir le fecours des Etrangers. Le Comte en
marchant s^empara de plufieurs Châteaux qui étoient
fur fa route , & la Comtefle s*empara de tous Jes
coeurs par les charmes de fa beauté & fes manières
gtadeuTes. Le Sire de Maleflroit , qui étoit ferviteur
très-paffionné de Mademoifelle de Somardic , le de-
vint du Comte , & lui mit fon Château entre les
mains } il fupplia la Comtefiè de recevoir fa fœiur
auprès d'elle , ce qu'elle fit volontiers , pour obliger
lULhoaune » qui avoit beaucoup de réputation», l^
R ^1
)I4* LA COMTESSE
Comte » qui s^écoit beaucoup fortifié en marchanr ^
arriva devant fireft avec une armée coniidéiable*
Gamier de Cliilbn , qui y commandoit , étoit un de
ceux qui a voient fait ferment de fidélité à Charles de
filois & à la Comteilè de Peinthievre fa &nunc : il
Toulut leur être fidèle , & réfolut de défendre fa Pla-
ce , le Comte de Monfort la fit inveftir ; & comme
Charles de Blois n^avoit pas d^armée en campagne ,
le Comte élargit la fienne pour la mieux £ure ûib-
fifter , & occupa tous les bons lieux du voifinage. Le
Château de Querouazle> qui étoit à une pecice lieue
de Breft , appartenoit à un jeune Seigneur , qui f
demeuroit avec fa mère & fa fœur.. Il étoit fils de
Penancoët de Querouazle , mort depuis quelques
années , lequel a voit été Amiral de Bretagne > fous
le règne du Duc Artur. Ce jeune Seigneur averti de
la marche du Duc de Monfort , étoit ailé lui ofiiir
fes fervices à la tête de plufieurs Gentilshonunes ,
fes parens ou fes voifins ; le Comte Pavoit reçu
très-favorablement , & agréé fa maifon pour loger
la Qnnfellè & fa Cour. Madame de Querouazle &
fa fille ., .qui ét6iej[it venues au-<levant de la Corn*
tefliè , la condiiifire^t au Château : cVtoit une mai-
fon fort logeable , oii les Dames de la fuite dl^la
Comteflè & fes Officiers étoion logés commqdément
auprès d'elle. Le Comte , en établi/Tant fes quar-
tiers , mie fon corps de réfervc au voifinage de Que-
louage pour la fureté de la Cop^teâè » & le lende*
^^ ^ riK
\
DE MONFORT, %4f
nain il commença Tes attaques : il trouva quelques
galiotes dans le Port , dont il fe fervit pour defcen»
dre la rivière » qui conduit quafi au.^ portes de Que-
rouazle , où il alloit tous les jours viHter la Corn-
tefîè , ou bien elle fe fervoic des mêmes galiotespour
venir au camp. Le Comte » au (iége 9 étoit fort con«
tent de Inapplication & de la valeur de Quereuazle ;
la Comteilè n^toit pas moins (atisfaite des foins de
la mère & de la fille , à qui elle uouvoit toutes le»
qualités imaginables. II eft vrai que Mademoifellc
de Querouazle étoit une belle perfonne , & qu'elle
avoir été élevée par les foins d^un père & d^une
mère fi fages , qu\)n ne pouvoir rien defirer à l'^édu-
cation qu'elle avoif eue. La Comteflc la trouva (l
fbn à fon gré , qu^elle la voulut avoir pour une de
{es Filles d'honneur ; & même elle^lui dit un jour
qu'^elle la demanderoit à fa mère , fi cela pouvoit lu»
faire plaifir : cette jeune perfonne fut fi touchée des^
bontés de la Comteilè , qu*elle lui 'innbraflà les ge->
noux , & la pria de lui pemtenre palier annonceiT
cette bonne nouvelle à fà mcre ,' qui? courut auffi'tôt
qu'elle Peut apprife , offrir fa fille à^^à 'Comteflfc , &
laibpplia très-humblement de recevoir toute fafà*
milîl^ fon fervice. Elle aimoit dépendant fort ten-»
dretnencrfon fils & (a fille , & eût eii beaucoup de
pane à s'en li^parér pour de Moindres ratfohs : 1»
Cotnteflè lui dit qu'elle recevoir de bon cœur le pré-
fem qO'cEe vouloit bien lui faire > & die loi ajoutst^
- V-
144 i-' COMTES&E
^u^elle lui feroit plaifir de ne pas quitter (on IHs X
ia fille , qu^on fçavoit quMle aimoit fi tendremeat ;
&;ique quand il lui plairoit d*être à la Cour , elle y
trouveroit les mêmes commodités , qu^on avoit tiO'>
vées chez elle.
Le Comte pourfuivoit toujours k fiége ; & ie Clil-
fon y qui fe défendoit avec beaucoup de valeur , fonii
un jour avec une partie de fa-garnifon v mais quand
il voulut fe retirer , il fut fuivi de fi près , qu^il eui
de la peine à rentrer dans la Place , & y rentra blciK
mortellement : il mourut de Tes blefllures trois jouis
après ; & la g^nifon fe voyant (ans Chef» demanàa
à capituler. Le Comte étoit fi fatis£ut de Querouaz-
le , qu'il lui donna le Gouvernement de fireft : coni-
me il étoic jeune & plein de valeur , le Comte qui
vouloit fe fervir de lui en d^autres occafîons , noiD-
sna un vieil Officier , pour y commander en fon âb-
iênce. Breft réduit & mis en état de dé&nfe , ie
Comte prit fapiarche droit à Rennes ,dont il fe ren-
flit maître en peu de jours , il y lai/Ta la Comteffe &
les Dames de fa Cour , & s^en alla faire de nouvel-
les conquêtes. Madame de Querouazle étoit û toa-
cbée des bontés de la Comteilè, â: étoit fi attachée
à fes cnÊms > qu'elle Tavoit fui vie jufqu^à Rennes:
die y demeura quelque temps, reçut des préfensmi-
f nifîques , & revint à fa maifon : fon fils quitta k
Comte poiu* la conduire chez elle, il vifita fonGoii-
^vcnuancnci, & retourna aufiUtôc trouver le Comtf ^
qui
.>» *S.-
DE MONFORT. 14$
achevoit de conquérir la plus grande par tie du Du-
cbé.
Comme le Comte prévoyo't qu'il auroit bientôt
Charles de Blois fur les bras avec \ç% forces du Roi
de France , il réibhit de palïèr en Angleterre , oîi le
Roi Edouard lui fît un accueil très-favorable; & ilfe
fît une ligue offennve & défenfive entr'eux . Le Roi
d'Angleterre qui avoit époufé Ifabelle de France »
difputoit Its Loix Saliques ; & prétendant avoir droit
au Royaume de France , il eût été bien-aife de s*y
faire un pafTage par la Bretagne. Après ce Traité
fait , le Comte de Monfort revint trouver la Corn-
teflè , qu^il rendit fatisfaite par la relation du fuccès
de fon voyage.
Charles de Blois , alarmé par les conquêtes du
Comte , & par la ligue qu'il venoit de conclure en
Angleterre , repréfenta au Eoi deFrance , qu'il étoit
à la veille de tout perdre , s'il n'étoît promptement
iècouru. Le Roi aflèmbla fes Pairs , & décida avec
eiLT que la querelle étant pour un Duché & Pairie •
il étoic raifoimable d'alligner le Comte de Monfort ,
pour expliquer Tes prétentions : le Comte , ayant com«
paru à PafTignation qu'on lui avoit dotmée , accom-
pagné de plufieurs Barons & Seigneurs de Ton parti ,
jugea par la converfation qu'il eut avec le Roi , qu'il
étoit engagé dans un mauvais pas ; que le Roi & fes
Pairs alloient le condamnera céder le Duché; &
fQ*onIe retiendroit jufqu'à ce qu'il eût rendu les PU*
Tome L N
-*-*- - ■-—
146 LA COMTES SE^
ces , dont il s^étoit rendu maître : ce qui le fit réfou-
dre de tout ha2arder , pour fe retirer dans fes Etats ;
il fcdéguifa en Marchand , fortit de Paris lui quatiié-
me , & fit une iî grande diligence , qu*il étoit en
Bretagne , avant qu^on fe fut apperça qu'il étoit
parti.
Le Roi fort irrité d^avoir été trompé par le Comte
à qui il avoit fait promettre , qu^il ne fortiroii pas
de Paris , fit donner un Arrêt en faveur de Charles
de filqis , fi connu fous le nom de PArrêt de Con'
i!ans : il le ^t Chevalier , & lui dit qu'il falloit em-
ployer fes amis , pour mettre fon Arrêt en exécution,
& qu'il lui foumiroit ce qu'il pourroit de troupes &
d'argent : ce qu'il fit , & ordonna au Duc de Nor-
mandie , Ton fils» d^aflèmbler une armée à Angers ,
pour entrer en Bretagne. Cette armée marcha à Nan-
tes f après avoir pris Chantoceaux. Le Comte de
Monfort défendoit Nantes avec une grande valeur î
mais les habiuns rebutés par la longueur du iîége t
U. par la perte de plufieurs des ieurs , capit^^^"^^
fecrettement , ouvrirent la nuit une porte , & inirc-
duifirent les François, qui marchèrent droit au Châ-
teau , & y furprirent le Comte , qu'ils conduiTircnt
à Paris , où il fut gaçdé dans la grofle Tour du Lou-
vre.
Cet événement arriva en 1^4». On orut la querelle
finie , quand on vit le Comte prifonnier , n'y ayan^
plus qu'une fenune pour lafoutenir. On fçavoit ^'
lyE MONFORT, 147
Jeanne de Flandres étoic une belle Princeiïè , & qui
avoic tous les agrémens de refpric ; mais on ne fça-
voit pas encore qu^elIe eût la valeur &Ia conduite des*
.plus grands Capitaines : elle écoit à Rennes , quand
d\c apprit remprifonneinent du Comte : cette dif^-
^race au lieu de l^abatre , lui enâamma le courage :
elle prit entre Tes bras Ton fils , âgé de trois ans , le
naontra aux gens de guerre & aux habitans , les af-
fura qu'*«nattendai\t qu^il fûten âge de les comman-
der , elle ne les abandonneroit pas , & quVlle efp^
roit de foutenir fesafiaires par le fecours de Tes amis
& de Tes bons fuj-ets , en qui elle avoit une entière
confiance : ce difcours écoit accompagné de tant
d'audace , qu'elle remplit toute la Ville d'efpérancc.
On Fut furpris dans la fuite de voir la perfonne dbi
monde la plus douce & la plus gracieufe , prendre la
hauteur d'un Général d'Armée, quand ils^agiilbit du
commandement : en toute autre occadononla trou- '
va toujours la bonté même & la ?j:ince/Iè la plus
affable.
Après avoir mis Reines en défenfe > & en avoij:
donné le commandement à Cadoudal , brave Cheva-
lier, elle alla pourvoir à Tes autres Places. Quand
elle fiit arrivée à Hennebon , fongeant à mettre foa
fils en fureté , elle envoya le Sire de CliUbn le con-
duire en Angleterre , fupplier le ^oi de le recevoir
fous fa pioteéUon , & de lai donner , s*îl lui plaifoit,
une d^ Princdiès fes filles en mariage , quand U
Nij
2l
14» LA COMTESSE
feroît en âge. Le Siro de Cliilbn repréfenta fort c-
vcment au Roi le befoin que la Comceflè avoit d'être
promptement fecourue. Le Roi fit partir fix mille
Archers , fous la conduite de Mauny , Chevalier An-
glois ; mais ils eurent le vent contraire , & cepen-
dant ceux de Rennes afllégés par Charles de Blob ,
furent après une longue réfiftance , obligés de capi-
tuler.
Charles de Blois après avoir établi de bons ordres
à Kennes , marcha à Hermebon , où il fçavoit que
la Comtefic étoit enfermée avec tous les plus bra?cs
gCDS de fon parti : il efpéroit , s*il fc pouvoit laifir
de la perfonne de la Comteflè & d'eux , d'ttre pai-
fible pofTelIcur du Duché ; c'étoit un théâtre que la
Fortune avoit préparé à la Comteflè , pour faire voir
de quoi une Princeflc de grand courage eft capable :
on va voir fur ce même théâtre des Chevaliers de
grande valeur , animés par \n appas de la ComtefTe,
qu'ils adoroient prefque tous en fecret , faire de fi
grandes actions , qu^on ne peut les attribuer qu'i
une grande paflion pour la gloire ou pour elle. On
étoit à Hcnnebon en une continuelle attente de
v^ir arriver de Cliiïbn avec le fccours dont le R«
d'»AngIeterre avoit fait aifurer la Comte/Te. De Clif-
lon étoit un Seigneur fort dévoué au parti du Comte
de Monfort , & tle plus fcrviteiur très-paflionné de
U Cômteilë , pour qui il avoit une eftime & des ref-
peâs qui alloiexit à Tadoration : c'éteit le fort de
♦>..
DE MON FORT. 149
tous ceux qui approchoîent de la Comte/Iè > d^être
très-pamonnément d^oués à fon fervice , fans qu*U
y en ait jamais eii un capable d^aucun defir audacieux.
Les plus zélés des Partifans de la Comteiïe » enfermés
avec elle dans la Place , étoient Maleftroic > Bava-
lan , Du Chacel & Querouazle.
Charles de Bloîs « regardoit , ai^je déjà dit « Ten-
treprife de Hennebon , comme la plus férieufe quHl
pût iàire , & où il avoit plus d'intérêt de réuilir ,
auifî s'y prit-il avec beaucoup d'ardeur ; il fît Tes ap-
proches , dreflk Tes batteries de machines , pour mi-
ner les défenfes de la Place , & il faifoit tous les
jours des efcarmouches jufqu^aux barrières , qui
étoient défendues de la Place , & par les gens déta-
chés , qu'on y mettoittle garde. Un jour qu'il avoit
entrepris avec un corps conTidérable de lt$ forcer &
de fe iaiiir d'une porte ; la Comteflë qui étolt à che«
val ,pour encourager les^ens , & faire foucenir ceux
9ui étoient ibrtis , voulant fçavoif ce qui fe pailbit
dans le camp , s^avifa de monter auhautd^une Tour,
oîi elle fit monter avec elle Du Chatel , qu'elle defti'
noit à quelque entreprife > après qu'elle auroit re-
connu la contenance des ennemis : quand elle fut au
baatde cette Tour ,fur le peu d'ordre qu'elle vit dans
le camp , elle jugea de pouvoir entreprendre une'ac-
ûon qui déconcerteroit Charles de Bloîs » & l'obli-
{eroit à abandonner l'attaque : ce qui lui fàifoit efpé*
Kf une grande répaution poujc fes aimes. Du>Cha^
Niy
ijo LA COMTESSE
td , qui crut qu^elIe lui alloit donner Tordre de cette
exécution , parce qu^elle lui avoit demandé û elle
pouvoir fe faire , PafTuraque, s^illuipkkifoit , il alloit
mettre le feu jufque dans les Pavillons de Charles de
Blois : la Comte/Iè lui répondît qu'elle fçavoit bien
qu^elIe pourroit à cet égard fc fifer à lui ; mais qu'utile
vouloit avoir elle-même Phonncur de cette expédi-
tion , & qu'il fortiroit avec elle. £Ile voulut obliger
fes filles d'honneiur à Tattendre dans la Place : elles^
avoient du courage , une grande tendreilè pour la
Comte/le , qui leur faifoit méprifer tous les dangers ^
& elles voulurent la fuivre. Elle commanda itir le
champ trois cens jrhcvaux qu'elle diipofa en cinq trou-
pes : elle mit du Chatel à la tête de la première ; lé
mit avec Tes Pilles à la tête de la féconde , donna Ul
troifiéme à Trefiquidy , la quatriémiC à Queroualze j
& elle mît fous les ordres dé PemAar la cinquième ^
pour la foutenir y & fevorîfer ià retraite. Elle mar-^
eha avec ces 'quatre troupes droit au camp , ayant
quelques âambeauit allumer, pour mettre le feu dani
les baraques & dans les tentes. Ces quatre trouper»
foutenues à quelque diflance par la cinquième » mi-
rent en un moment toiït le camp de Charles de Bloî^
en un grand défordré , & lui firent abandonner Iz
porte attaquée. La Comtefle prévoyant que pour ren-
trer dans Henntbon , elle auroit un grand combat à
rendre , qui lui couteroic de braves gens , fe retira ai»
grand troc à Aolray : elle fut fuivie daus ik retxaioe ;
îlîiV
DE MON FORT. xjt
mais Penmar , qui commandoit l*arriere-garde , fal-
ibit tête» quand il étoit prelTë , & joignoit laCom-
tellë au galop » quand il avoit rcpouffé ceux qui lefui-
voienc : ils l'attaquèrent trois ou quatre fois , & ils
furent toujours repouflës avec perte. Enfin la Com-
teflè eftt-ra dans Aulray , fans avoir perdu' un feui
homitM* dé marque. Maleitroit quelle avoit laiflë à
Hcnnebon , & tous Tes autres bons ferviteurs étoient
en de grandes inquiénides du fuccés d'aune entreprifc
î\ hardie , & de ce qu*ëtoit devenu la Comteiîe : ils
jugèrent cependant qu^elIe auroit du la prudence de
fe retirer à la plus proche de Tes places , qui étoit Aul-
ray ; mais ils n^en furent certains que le cinquième
jour : ils la virent revetiir par un côté du camp , oîi
jl n*y avoit qu'une'fimple garde qu'elle repoufla. Ils
lui ouvrirent \tz barri-eres , & elle rentra fuivie de
cinq cens chevaux , & fut reçue au bruit des tam-
bours &des trompettes.
Le Sire de Léon,le ferviteur le plus palHonné qu'eût
la Comtelïe, étoit dans le caiïip de Charles de Blois:il
avoit quitté le parti du Comte de Monfort à Nantes ,
& s'étoit jette dans cdui de fon ennemi , poiu: quel-
que reproche que lui avoit fait le Comte , d'avoir
manqué à fon devoir dans une fortie , oîi il avoit fait
des merveilles : 11 y avoit long-tems que le Comte
cherchoit un prétexte pour le maltraiter. Les vifîtes
trop alfîdue» qu'il rcndoii à la Comtefle , avoientdon^
oé de rinquictudc au Comte ; de Léon ne s'étoit pas
Nui]
ar_i.;-.._ ' :r -^^^
ifz LA COMTESSE
allez obfervé , quelque deilèin qu^il en eut. Tantîîeft
difficile d^être prudent ^ quand on eft prévenu d^ioe
grande paflîon : il n*eft pas même poffîUe de la oT
cher aux yeux d^un furveillant , quelque précautioii
^^on prenne. De Léon au dérefpoir s^étxût donc jeté
dans un parti oppofé à la Princeilè qu*U adoroit;iiiaif
depuis quS le Comte avoit été pris à Nantes , il avoi^
^t dire à la Comtellè qu^il étoit de tous Ces ferviteurs
le plus refpeâueux & le plus zélé , & qu*il étcài prêt
d^mbra/Ièr ouvertement Tes intérêts , (î elle le trou'
voit bon , au bazard de tous les reproches qu'^n lui
en pourroit faire. La Comteflè , qui fçavoit les foup-
çonsdu Comte > ayant peur de les alimenter , refufa
les offres du Sire de Léon , quoiqu'elle Teftimât beau-
coup , & quelle h*ignorât pas de quelle utilité il lui
eût pu être ; elle avoit aufli peur de bazarder fa ré-
j^utation : car elle étoit avertie que le public foiip-
çonnoit le Comte d'avoir eu des inquiétudes, &.qu'il
falloit même qu'elles fuflènc bien grandes , pour ra-
voir fait réfoudre à perdre un de Tes meilleurs fcrvi-
teurs.
De Léon fenHblement touché des refus de la Corn*
teflè , étoit au fiege » & f4iroit tout ce qu'il pouvoir
pour fervir Charles de Blois fi utilement , qu'il pût
être regrcté de la Comteiïè , de qui il vouloit quelque-
ibis fe venger ; il l'eut même voulu quelques autres
fois au pouvoir de Charles defilois , pour avoir occa<
ilon de lui rendre quelque fervicc inipor^^nt daos ik
r
DE MONFORT. i^
£i^ce : il étoit véritablement en des Incertitudes
continuelles de fes fentimens : rien n'étoit fur, Ci"
non qu'il ne pouvoit effacer de fon cœur une très-
ibrte paffion qu'ail avoit toujouis eue pour la Comtei^
fe ; il ne pouvoit non plus lui pardonner Tes mépris ;
il réfolut enfin de négocier avec les habitans & les
gens de guerre de Hennebon , par le moyen de TE-
vêquc de Léon , fon oncle , qui étoit auprès de la
ComteflTe , laquelle en ayant eu quelque connoiiTance,
en étoit en de monelles alarmes. Les habitans très-
puiflànsdans la ville étoient véritablement fort ébran-
lés : ils fe voyoient tous les jours fort preflés , &
craignoient de tout perdre , H on les prenoit Pépée à
la main. La Comteilè les foUicitoit de lui être fidé-^
les, leur promettant contimiellementle fecours d'An-
gleterre qu*elle attendoit; & comme tous les Chefs de
^ troupes lui étoient fort dévoués , fes foldats ga-
gnés tenoient les babitans en quelque refpeél , & re-
tardoient leurs réfolutions , quand tout à coup le fe-
cours pamt i laComteflcétantà une fenêtre qui avoit
vue fur la mer , fut la première^ le découvrir , & s'é*
cria : « Voilà le feçèurs , mes amis », Le bruit en fut
répandu aufli-tôt en toute la ville. Les habitans raf-
furés rompirent toutes les négociations , & jurèrent
tout de nouveau qu'ils n'abandonneroient pas la
Comteflè. L'Evèque de Léon ne fe croyant pas en fu-
reté parmi eux , demanda à la Comte/Te la liberté de
fc rétif er au camp ; ce qu^elle lui accorda généreu--
N
I0EC^^
y
i
tj4 LJ COMTESSE
feme&r , ^juoiquVlle eût été en droit de le faire anf-
ter , même de lui faire faire foil procès. De ClilTon ,
très-paffîonné ferviteurde la Comiefl[c,auffH6t qu'il
fiit entré dans la Vilfc avec le fecours d* Angleterre ,
qu'il conduifoit , demanda à Remployer : il fit une
forde avec une grande partie de fes Anglois , rca-
verCa les machines de batterie de Charles deBlois»
&fe retirait prefque fans perte , quand duChatei
fortit avec les meilleures troupes de la Comteire,pour
£iciliter Ta retraite ; tous deux jaloux de la gloire Tun
de Tautre, ils s^avancerent enfemble , mirent le camp
en un grand defordre ; & fe retirèrent après avoir ac-
quis beaucoup d'honneur , & fervx la Comteilè très-
utilement. Les mêmes mouvemens du cœur les &i'
foient agir tous deux ; mais ils fe tenoient û couverts,
que perfoone ne pouvoit s^en appercevoir ; & on n^é«
toit pas furpris de leur voir rendre des refpecb&des
foins continuels à leur Souveraine.
Charles de Blois rebuté par tant de mauvais fuccèf,
ne voyant pas d'appsu^ce de réduire une Place dé-
fendue par de (1 braves gens , & par la Comteflè elle-
même , abandonna Pentreprife , 8i s^en alla affi^ger
Aulray. La Comteflè , qui prévoyoit qu'après la prife
d'Aulray , Vannes feroit attaqué , réfolut d'envoyer
Maleftroic pour y commander. Il reçut les ordres de
la Comtelïc avec refpeft i mais il ne pouvoit quitter
la Cour qu'avec douleur , parce qu'il s'ék>igiM)it de
MademoiTcUe de Somardic , qu'U n'eût pu fe réfoudrc
DE MON FORT. isf
à quitter que pour la gloire , & la reconnoiilknce qu*il
devoir à la Comteilè de la confiance qu^elle mettoic
en lui. Il chercboit une occafion de parler à Made-»
moifcUe de Somardk , que la forhine lui donna bien-
Tôc : car la Comteflè étant montée à cheval pour vi~
fiier le camp que Charles de filoisvenoit d^abandon-^
ner , Mademoifelle de Somatdic demeura derrière
elle y & ne fut peut-être pas fâchée de donner moyeik
à Maleihoie -de rentre tenir. Il lui avoit parlé de fa
pafiton , à quoi elle ne s^étott pas trouvée de difpofi-
tion à répondre favorablement ; mais à la veille dMne
longiue abfence 8c d^un nouveau péril oU il'alloit être
espofé , elle s^étoit apperçuc qu'il ne lui étoît pasin*
différent , Maleftroic s!approcha d'elle avec tous les
embarras d'un homme paflîonné , qui craint plus
4u*il rt'éfpere; « La* Comreflç m'a fait trop d'hon-
» neùr ( dit-il ) eti me choififlànt pour défendre Van-
» nti ,ù Charles die £lois Tattaque , & j'ai paru tout
» prêt à hxî obéir ; mais ii elle fçavoit avec quelle
}> douleur je pars , ell^ ne pourroit fans kiliumanit^
» me deftîner à l'emploi qu'elle me donne ; j'aban-
i> donne pour lorig-tcrtis une Cour , où je laiflè la
n plus aimable perfonne du monde , à qui j'ai voué
M tous mes refpefts , fans avoir pu apprendre s'ils lu|
M font agréables; &jela laiflc aflîégée de beaucoup^
M d'honnêtes gens , qui ont fans doute le deffcin de
M lui faire agréer leur fervîtude auffi-bîen que moi ;
w ù vous jetiez les yeux favorablement fur qiielquHuk
'i
\S6 LA COMTESSE
» d*eux , rhonneur que la Coaiteflè me fait > ne me
i> coûteroit-il pas bien cher ^ GarandfIèz-moi,Made'
t> moirelle , des horretirsde cette penfée » fi vous êtes
» capable de quelque humanité m.
« Sur quelles apparences MonHeur deMaleftroit
» juge-t-il qu^il y ait ici quelqu^un que je puiilè re-
s> garder plus favorablement que lui > Ceux qui dC'
>» meurent en cette Cour > font fort honnêtes gens ;
s» mais comme ils ne penfent pas à moi , je puis af-
u furer que je n^ai jamais penfé à eux n.
M Ajoutez, MademoifcUe, que la douleur que je
a> reilèns de vous quitter , vous fait quelque peiof t
1» & qu^il ne feroit pas impolTible que mes ycbux vous
V fuflènt agréables un jour , & je pars content de
a> iponfort».
« Je fçais , Monfieur » la perte que fait la Cour ,
» quand vous vous éloignez , & elle ne me fproit
a> pas peut'être indifférente » fi vous ne partiez pas
» pour le fervice de la Comteflè 9 à qui nous dcroof
I» tout».
« Si ce qui me regarde » pouvoit ne vous Itrepc*
» indifférent^ Mademoifelle , je me promets de bien
a» fervir la Comteffe » & de revenir promptement.
» Partez , Monfieur , menagez-vousdans les occa-
a> fions y s^U efl pofllhle ^ & foyez perfuadé que votre
» retour fera plaifir ».
Maleftroit fe feroit jette à terre pour lui baifer les
picd9A,fi la Comteflè ne s'étoit aixêtée, &ne Teût afr
DE MONFORT. i^j
ftHé pour conférer avec lui fur les troupes , dont il
auroicbefoin pour défendre Vannes , & fur les moyens
de les y faire paflèr par mer ; parce que Charles de
filois éroic maître de la campagne. Maleftroic trouva
encore le moyen de dire un mot à Mademoifelle de
Somardic , & de la fupplier très-humblement de lui
écrire de fou exil , d*oîi il fe promeitoit d'envoyer pour
apprendre de fes nouvelles : die lui dit qu'elle ne fe^
lûit pas fichée d'apprendre des fiennes ; & c'eft tout
ce qu'il put obtenir.
Maleftroit ne flit pas plutôt arrivé à Vannes , que
Charles de Blois l'y vint attaquer , après avoir réduii
Aulray , qui l'avoir arrêté quelques jours : Maleftroic
s*y défendit en honune de courage , mais il fut obligé
de fe rendre : car les habitans Supérieurs à (es trou-
pes le forcèrent à capituler. Il lui fut permis d'aller
joindre la Comteflc à Hennebon : il efpéroit qu'elle
ferait (atisfaiie de fa réfiftance. Son grand embarras
étoii de s'approcher de Mademoifelle de Somardic : î|
fçavoit que la gloire fuît les bons fuccès, & qu'il eft
rare de trouver des perfonnes aflèz juftcs , pour don-
ner leur approbation à ceux qui n'ont pas été heureux
dans leurs entreprifes. Mademoifelle de Somardic ,
qui étoit capable de juger fainement de toutes chofe»,
liii fit un accueil , qui non feulement le raflùra , mais
lui donna même toute la joie que lui eût pu caufer la
confervation de Vannes. Sans ce fccours il eût été
accablé de fa difgrace & affligé au dcimer point , ée
■Q
^^n
*j« LA COMTESSE
n^avoir pu apprendre û une lettre qu^il lui avoir écrite
de Vannes, lui avoit été agréaUe. Il avoit fak fortir
dans le fort du fiége une couverte du Port, qui por-
toit un des tiens qu^il envoyoit.pour fçavoii des nou-
velles d*une perfonne qui le touchoit plus que la gloi'
re quHl eût pu efpérer de la coofervationde Vannes •
•fon homme porcoit des dépêches pour la Comtellè , i
^ui il reodoit compte du Iiége , & de la xnauvaifedif-
poiition des habitans qu''il commcnçoit à coimoitre.
Ils écoient iî puidàns , qu il n^en pouvoir être lemaî-
<re avec une fi fbible gamifon. Il écrivoit à Made-
liioifelle de Somardic qui avoit eu la bonté de le lui
^permettre > & on verra par (a lettre que voici jufqucs
oii alloient ies inquiétudes.
râvtU tfptri , Madtmoifillt , f m v»ms fomrtUz mt
^l^ritr de meilUnr «il , *fi j*a4futr»ss ftulqut b^n--
ntur tn emfervsnt Vannes fnw U Ctmtejft fmi me P*
€mfié ij'tn JtM iàen éUi^é, ^J€ ne ffjiû tnameut jt
fmrtM Mi fréfinUr divsnt vtms , MademnftlU , JtJL
iuii M^i dt CdfituUr. Lé Comteffît m*s ardêmmc de »*st-
4tndrt fAS À Pextrimiié ; cSr /«r hjtkitdus ^ni fmt »-
€êmparshUment plmsfirts fuê mm lârnifm yfcfmt J^ifis
dvfortUi 4sr mênscija dt f.irf Uur TréàU^fije mt
fêU le mu tu Veilk Pitat sffirtuji ak je nu trêMve :J^s-
voi* efi efpérer de mériter fne vms n^hmerâfpex, de
.ftulfHe efiime , en défendant bien Vmimt i fâàfeOt ce
'^en/âifetf ér ^ JMhitéiu nefifmt r$huéf f^mr U
V
DE MONFORT, IJ9 I
f
ftrU dtplttjteurt 4is Umrs » fmifmt dtmturh dstu Itt \
fr ftitnus ftrties fut fsifaitttf je croit mémt fut U j
Cêtrttefft en fers fstisfaite i msù qiu fers-ce fenr met >
ft véHS n'êtes fas sffiz, bonne , MademetfeVe , peur sf^
froHver ce fxeje ne fcmrrsi éviter de fsire ? Si vent «<
!»>< treuvez fss digne .de veire ejiime , je le fnit dn -
mêint de itetre eomp.tfpan fetnr les mst:x ^«e je feuffre ,
iUigné de la fins simsble -perfonne du mcnde , dr fsr
Itdefêfpeir en me jette ms mamvsife fortune j qui fers
peut-être méprtfer les plut parfait reJpeSs , ér •»< <«»-
^f'ir<»fij*»fe le dire, fui n* a jamais eu fa pareille,
Mademoifelle de Somardîc, qui avoit reçu cette
lettre, lui dit au(fi-t6t qu'elle le vit : " Vous me
>i croyez bien injuite , ou bien peu éclairée , Mon-
i> fieur,n vous me Ibupçonncz de ne juger de&af^
*> faires du monde que par les évenemens : votre
u réfiAance à Vannes vous a fait beaucoup d^honneur,
» & la Comieflè en eft fort fatisfàite , que pouvet-
» vous difirer de plus^ Mademoifelle de Somardic
étoîc touchée de Tembarras où elle le voyoit » & eut
la bonté de vouloir bien le confoler.
M Vous me donnez la vie ( lui dit-il ) Mademoifelle^
» & je n'ai plus rien à deilrer au monde , que de ^
» voqs faire agréer une étemelle fervitude à laquelle
M je me defline : Ci vous m^accordiez cette &veur
» MademoiCelle , & celle de ^ous îj^tcreiTèr un peu
a» pour moi^ je dcviendiois fans doute plus beuxcuc
t6e LA COMTESSE
» dans les emplois qu'il piédroit à la ComtelTe&me
a> confier.
« Vous pouvez hardiment a Monfieur , entrcprca-
M dre de bien fervir la Comteflè , s'il ne faut que mes
i> fouhaits pour vous y faire heureux.
Cette converfation remplit Maltftroit de confian-
ce , & lui fit embraflcr avec audace toutes les occa-
fîons qui fe préfcnterent pour le fervice de la Com-
teïïc.
Charles de Èlois , après avoir donné fes ordres i
Vanries , fit quelques autres conquêtes par loi ou par
fcs Lieute^ans , & retint afliégcr Hennebon , encou-
ragé par les grands renforts , que le Roi de France
lui avoir envoyés. La Comteflè , qui ctoit dans la
Place avec prefque tous les braves Chevaliers de fon
parti , n^avoit rien oublié pour fe mettre en état de
foutenlr un fiége. Charles de Blois fît mettre douze
machines en batterie , & commença vivement fcs
attaques. Un de fes lieutcnans généraux , qui avoir
écé depuis peu battu en campagne , & y avoit perdu
un de fes neveux , étoit enflammé d'un fî violem de-
Cr de fe venger , qu'ayant appris qu'on tenoit deux
Chevaliers prifonniers , il les demanda à Charles de
Blois , pour en difpofer , comme il lui plairoit : c'é'
toit Louis d'Efpagne , celui de tous fes Lieutcnans
, qu'il avoit plus de raifons de ménager , & qui oK'
xiaçoit de raban&onner', fi on ne le fatisfaifoit. Char-
les de filois le lui accorda > en lui repréfentantqu'i^
étoient
'"^ -^^ ' • ^'L^^,
DE MONFORT. i6i
éxoitox prifonnicrs de guerre , & n'étoicnt fuj«ts à
aucune peine qu'à la rançon. D'Efpagne n'y eut au"
Clin égard , & les condamna à perdre la tête dans le
)our , ce qu'on leur annonça. La Comtefiè Payant ap-
pris par Tes efpions , réfblut de les fauver : elle fit
fonir de Cliflbn de la place avec mille hommes de
pied , & trois cens chevaux , conduits par Que-
louazle. De ClilTbn s'en alla doimer tête baiiTée dans
le camp de Charles de srois avec grand bruit de tam-
bours & de trompettes. Toute l'Armée ayant pris les
armes , de Cliflbn fe retira y & gagna Tes barrières oii
il fut fuivi avec peu d^ordre : les barrières gagnées »
il y fît tête , pour donner le tems à Mauny avec trois
cens Archers , & du Chatcl à la tête de cent chevaux»
de fortir par une autre porte , ppur enlever les deux
Chevaliers qui n*avoient quime foible garde. Char-
les deBloîs voulut rappeller Tes troupes occupées
contre de Cli/Ibn , pour les oppofer à cette dernière
cntreprife; mais elles arrivèrent trop tard, de Mau-
ny étoit rentré dans la ville avec les deux Chevaliers
qu'il venoit d^enlever i & de Cliilbn moins prelTé y
rentra aulC prefque fans perte.
VoilÀ une belle a£(ion conçue par la Comte/Iè » &
nécutée par its Chevaliers de grande valeur , qui
ne refufoient aucun péril pour fon fervice. Tous les
Chevaliers de cttreCour étoient animés par deux
l^afllons; le defîr de la gloire feTamourles poiTé-
dotent abfotumeiit \ il n^y en àvcit pas un qui ne fML^
t .^j
»6i. LA COMTESSE
fccrettemcnt touché àss appas de la Comteflè , de^
FfUes d^honneur , ou de quelques autres Dames de la
Ceur , qui avoient au0i leurs Parti fans.
De Cli/Ibn & du Chatel adoroient la Comtèilè \
Maleftroit aimoii éperduement Mademoifelle de So-
xnardic i Penmaj: nouvellement arrivé à la Cour ,
après avoir voyagé , étoit très-vivement touché du
mérite de Mademoifelle deQuerouazle ; & Bavalan
étoit fcrviteui: déclaré de Mademoifelle de Malef-
troît.
D^Efpagne au déférpoir d*avoir manqué roccafioa
de fe venger , envoya par un Trompette un cartel de
défi à de Mauny & à duCbatel,qui lui avoient enlevé
^es vi^imes quM vouloit lacrifî«r aux mânes de Ton
neveu.. GeofTroi de la Rivière , Chevalier de grande
valeur , devoit combattre à fcs côtés contre du Cba-
tel : le défi fiit accepté ; & de Mauny & du Cbatel
offrirent de paHer dans le camp^de Charles deBlois,
f'il leur, promettoit fureté ; mais la. ComteHè , qui
étoit prudente, ne voulut pas hazarder deus hommes
qui lui étoient fi néceflàires , & renvoya le Trompet-
te avec une réponfè honnête pour d[*Efpagne » & des
cxcufes de ce qu'elle ne pouvoit. permettre c^ qu'il
£3uhaitoir..
Charles de Blois preiîbit toujours le fiége : maïs
une aâion de fi grande valeur, que; celle qui lu*
a?oit: fait perdre les deux prifonniers , & quelques
9iures des jours fuiv4n$ liii firinit ji^er qu^il s^o^'
..^^:. J
DE MONFORT: tCy
fifltrok inutilement devant une Place , oîi tant de
braves gens étoient enfermés , & le firent réfoudre
à lever eivx>re une fois le Ciégs, Il fit bien plus: quoi-
que maître de la campagne & des meilleures Ï^Iaces
ëii Duché, il propofa une trêve , dont on n*a jamais
paiétré les raifons. La Comteiîè , qui avoir befom de
prendre haleine , l'accepta avec joie : elle fut accor-
dée pour tout rhiver que la Comtefle alla pafier à la
Cour d''Edouard , Roi d'Angleterre. Elle y mena Ma-
dame de Somardic & fes trois Filles d'honneur ; du
CHhtel , Penmar , Bavàlan & Malcftroit la fuivirent»
La Comtefle fut reçue en Angleterre avec tous les
honneurs pcfiîbles. Le Roi Edouard , & la Reine Ifa-
bcUe de France la traitèrent avec mille bontés : elle
•
les ménagea fi bien pendant Thiver , qu'elle revint; au
printcms en Bretagne avec un fecours confidérable ,
que le Roi donna à commander au Seigneur d'Artois,
qui fut ravi de joie d^avoir occîifion d'employer fa vie
pour le iérvicc de la Comtefle qu'il avoit adorée de-
puis qu'elle étoh fortie de rènfevnce. On ne fçaii s'il
ne brigua pas mcme cet emploi ; ce qu'on fçait , eft
que durant l'hiver . il rendit continuellement mille
rtfpedfe à la Comtefle,
Madcmoifelle de Somardic s'accoutuma en Angle-
terre aux foins de Maleftroit , & trouva bon enfin
qu'il la demandât en mariage à Madame de Somarr
die, qui y confentit fous lebonplaifir de la Comtefle
q.ui y donna aufii les mains : & les noces furent ré-
O ij
1^4 LA COMTESSE
folues pour être faites , en arrivant en Bretagne. Vkt-
leftroit vivoit depuis dans toute la tranquillité d'aa
amant , qui a des promeflès légitimes : ce qu^il épioo'
ta fait voir , qu^il n^ a pas de félicité fi par&ite »
qu^elIe ne puiiZè être troublée. Chandos , Chc?aliet
Anglais , fe mit dans la tête de plaire à Mademoiféle
de S^mardio : il étoit continuellement auprès décile»
quoiqu'*!! n*y fut retenu par aucune des bontés qui
fondent les efpérances des amans ; il parla de fa paf-
ilon , & ne fût pas écouté. Il s^apperçut que Made-
xnoifelle deSomardicétoicprévenue pour Malefhoit;
& il apprit qu^elle lui étoit promife : ne pouvant fe
£ure aimer , il voulut £e venger de ce qu*6n le mé-
f rifoit , en brouillant Maleitroit avec MademoifeUe
de Somardic. II gagna une fille qui la fervoit , &lm
fit voler fon portrait. Quand il Teut en fa piûflàncc >
il fit dire adroitement par un hommeafiidéàPenmar,
^iii étoit ami de Maleftroit , tout ce qui pouvoit don-
aaer de Tinquiétude à un amant ; jufque-là , que Madc-
^^ifelle de Somardic lui avoit donné (on Portrait : die
s*étoit déjà plainte qu^ofti le lui avoit volé , Malefbx>xi le
fçavoit,&ne prit aucun foupçon contre MademoifeUe
de Somardic ; mais croyant devoir retirer ce Portrait
d^entre les mains de Chandos, il en parla à Penmar,qui
•ffrit de le fervir,& d*aller appellciChandos^ui n'ayant
pas refufé le combat , ils fé trouvèrent en lieu affigné
avec leurs épées feulement ; & quoique cet ufage ne
fut pas encore introduis dans le monde > ils fe bam-
D£ MONTORT. j6j
ffnt deux contre deux, & les Anglois furent battus r
Chandos bleflë & defarmé » fut obligjé de rendre 1er
Portrait y & d'avouer la fupercherie q^u^il avoir faite»
Le Roi Edouard ayaiu fçu cette affaire , en fut fi fort
en colère , qu*il baïuiit Chandos de Ci préfence , pouc
autant de temps qu^il plairoit à la Comteflè ; mais-
die lefitrappeller bientôt l c^étoitun homme de va->
leur, que la Comteflè était hien-aife de gagner , & qui
eut enfuite des comimandemens honorables enfireta*
fne y tant que dura la fuerre contre Charles de filois.
Bavalan ayant, ai^ trouvé un Anglois qui lui vou«
lut difputer le cœur de Mademoifelle de Maleflroit »
ie battit contre lui » & le tua : la Comteilè en fit mil-^
le excufes au Roi , k. renvoya Bavalan en Bretagne ;,
il sMtoit réfugié chez la Comteflè » qui lui lui fit une
(èvere réprimande & lui ordonna.de partir incefiàm-»
ment : on lui permit de prendre congé de Mademoi*
£ellc de Maleflroit. Il fe jetta à Tes pieds , & lui dit' r
« Je ne fçais , Mademoifelle , fi je me préfente de-^
>à vant vous , comme criminel ou Te plus malheureux
M des hommes : fe m'étois fiacé de quelque efpéran-^
» ce de pouvoîr un jour ne vous pas déplaire , j*ai~
•> cru voir que vous aviez beaucoup de complaifance:
x> pour un autre \ fzi eu peur qu^l devînt plus heu-»
a» reux que moi , & j^ai voulu le prier de me faire-
I» le plaifir de ne vous plus voir , en luidifant que-
» Ton mérite me donnoit de Tinquiétude. II m'a ré-^
» pondu que vous feule- aviez le droit de rempêchoBr
i66 LA COMTESSE
M de vous voir , & qu'il n'auroit cette déférence poor
» pérfonne.. Je ne pouvois ,. MademoifcUe , tous^
M prier de lui refufer voue porte , vous vous (ena
» moquée de moi ; & j'avoue q,ue je ne pouvois fouf-
» frir auprès de vous un homme , qui me paroiflbit
M redoutable. J'ai voulu éviter ce malheur-U ,. & je
M me fuis plongé dans mille autres , puifque je vois
» être éloigné de vous , Mademoifelle , & peut-ètit
» pour toujoiu-s ; car que fçaisHC fi quelqu'autre An-
I» glois ne voudra pas vous plaire ,. s'il n'y réuflîr»
» pas , & fi des établiiîèraens eiAette Cour né vouJ
» paroîtront pas préférables à ceux dont vous ères
» la maitreiîe en Bretagne? Voila , Mademoifelle ,
M les malheurs qui me menacent: je mourrai de
»y douleur , fi vous ne me trouvez digne de quelque
» co.iipaffion , & û v^us ne me rafllirez,
« Vous mériteriez , Monficur , que je vous aban-
M- donnafle à toutes vos folies ', mais elles me font
» pitié , & je vous trcuve trop puni par la douleur
» que vous marquez reflèntir : je ne veux ni ne puis
w me réfoudre à ^ous l'augmenter ; & c'eft pour ce-
M la que je veux bien vous dire que je m'intéreilè en
» ce qui vous touche » &:que je vous prie de panir
M inceflamment d*im lieu , oîi vous ne feriez pas en
» fureté : je vous promets même , pour vous rendre
>r votre départ plus fupportable , d'adoucir 1 efprit
»■ de la Cointeiîè pour vous ; vous pouvez encore
M croire , fi cela vous fait plai/îr , que les établiiTe-
S.Mi-^
1
. DE MON FORT. %6t
» mens qu'ion me pourroit offrir en cette Cour , ne-
n me paroîcront pas préférables à ceux <}u'on me pro*
» pofe en Bretagne m.
« Que vous êtei charmante , Mademoifelle , de
» vouloir flater un malheureux de quelque efpéran-
M ce l^j^en ofois prendre , je n^aurois plus à me
M pi JMfe que des maux , que va me caufer Tabfen*
» ce de la plus par£iite perfonne qu^il y ait ai».
» monde ».
« Vous fçavez bien » ( répondit Mademoifelle dé
u Maleftroit ) quelle ne peut pas être longue , puif-
M que la Trêve fera bientôt expirée. Partez donc ^
M Monsieur : la ComtelTe l'ordonne , & je ne puis
» vou^ fouffrir plus longtemps en un lieu oîi vous fe-
w riez en péril ».
« J^obéis , Mademoifelle >,mais oferai-je vous fup*
]» plier trés-humbJement de me pentiettre d'envoyer
M apprcîndre de vos nouvelles , & pourrois-je efpé-
» rcr d'en fçavoir de votre propre main ? cela feul.
u feroit capable d^adoucir la douleur , que va me
» caufer un H cruel éloignemenc » .
<« Je veux bien que' vous croyiez que je no ferai pas
» fâchée d^ apprendre , que vous foyez arrivé en fire-
w tagne , &jene refuferai pas de vous dire desnou-
}> vcUes de cette Coiu: , mais le trajet eft bien difii^
a» cile »>.
Bavalan mit un genou en terre , Madiemoifelle de-
Maleftioit lui lailTa piendre.fa main > qu'il haifa /ît
i68 LA COMTESSE
tendrement , qu^il ne la pouvoir quitter r^ elle larT'
tira , & lui dit qu^abfolument il falloit partir. Ufoi*
tit enfin avec beaucoup de peine > en jurant qu^il ^'
xoit d^une fidélité inviolable ; & arrivé à Sûnt-Malo
deux jours après y il fit repartir incontinent un de fcs j
gens , pour apprendre à Mademoifelle de Makftroit I
qu^il étoiten fureté » mais fi éloigné d'eDe %Ê^'^
pouvoit penferfans une douleur mortelle : elle trouva
cette douleur vivement peinte dans h Lettre que
voici»
It V9US M ciîi y Mademoifelle , ^ jtfufs trrhit
Séiint'Mslo y je crtf«is fn* en fartant avec futl^^tstf-
féranus , t^ite vttts nt m* avez, fss défendues t j' "^
fwvQts être maîbturemxi mais j* ai cmnu da iedw^r
^Me je n*av9is pas ifrouvéa : je n'*av»if fref^tf^
€<mnn celles ^t^onfer-ffre , truand mfaffe nnjear i^
^né d*une ferfwme faru laftulle en ne ff^nreit vivrt.
Minettes fmt vives ^ Mademoifelle , ses dmlerrs , 0*
fuel mejten de les fu-fptrtev ^ ^uand elles doivent i%i^
flufieters jeurs ? vHlà ce «[mi devrcit me ctnfoler i*^
fappretu m ^tie Charles de BUns affemkU déjafesTnn'
pes , ér jt prent la liberté d'en rendre ceinpte i U C**"
tejfe , 5«i »'^ ajoutera pettt-hre pas tonte la foi J»''*'
doit : car elU n^ ignore pas avec combien d^ifuf^i^tntt
f attendrai fm retour. Si Charles de Blois entre en te-
fion , elle peut s^afptrer e[itej^ajfemhlerai le pins futj*
fênrrai dt fes ferviteurs ponr faire tiU à fes eantf'i^*
s'tli
L
DE MON FOR T. x6i)
S'ils me Âmnoient ^mcl^ncs oeeajttns 4t r/farer Us fan-
us qice vfittscroyn, qt^€ fdi faites , é^ de me rétatlir
i*nsfo tfti^ne ér dans la vètre , Mademoifelle , ^nejû
ferois henreux ! ^tlle fJiciU ne fertit'Ce fasfî vvtri
ep/ne itoif ccof^ifa^née d'un peu de tendrejfe ? Mais è
quelle andjce je me parte l Hên , je ne fmis jamais far'
venir à un fi ira., d bonheur ije di>is me contenter de Pef"
firancede voms voir bie.,tU » dr de celle de vous faire
êffr'er une fervtnde éternelle, Fermettez-moi ces efpé»
TdttceS'là , Mademafellefft,votu vêsilez q*e je fnifft
fuppert^r les maux dh.ne cruelle abfence , f ni font lu plut
terribles , f «f puijfent tomber fur la tête des plhs mal»
beareux dss hommes,
rhoname que Bavalan avoît envoyé , s'en retour-
na inceilamment : il portoic les ordres de la Com-
celTe y &desafluranccs , que le fccours , qui lui étoit
accordé , sVuibarqueroic biencoc ; mais ce i|ui étoit
plus précieux pour Bavalan , il lui doana une Lettre
de ..ladcinouelle de Malekroic » dont il j^voit fujet
d\irc lacisfa.! : Isl vo^ci,
0» a jf » avec plaijtr , que voks étiez arrivé en Brcts^
gne i f^ la Cemicjfc a Oi.bli.' fa coUre , €kptjs qn^elle S
fçi: , que tohte l' ctc.id^ie de /• mer de la Msnchè eft en*
tr'e'UfSy vous : elle eji bien aife pour fcs propres i.u'rétst
que vous foytz eu yot.s êtes > affurée qu*elle eJi , que
vous vous oppoferez > avec toutes les forces que v«aj!
Tome L P
I70 LA COMTESSE
ffttrrez, raffemhkr , émx mtrefrifix dt fes «we-
'mfh : c*éft mu ebêfefn^tn ffsfM befvm de vtmt rrcm-
fHémder, Je f^ms , Mettptur , svee quelle f^ipo9 vnu
ftrvex, tme Vrhtctge , qni eftfi dfgm d*itre firvU : jt
n^si fins rien k vattt dire , qfu pmr ^eiu sffttrer fsc
is iMre 9 qite vêfu me^iurtrez c» lafirvmtt , mu dem'
aters wm viHtiAUfttisfséUm j ^ quejefrendrdi Um^
«MT^ de fart h tglle qtte vems en reuvrez» Jt vwdrùt
feuvêir quelqmt smirt ebefe , fenr vêtu ferjksder 9 fmt
je VHU tjHme trèt'pjtrfsftement.
Le Roi , qui , depuis le commencement du f^oai
-4e la Comteflè à la Cour , avoit trouva MâdemoîTcI-
le de Querouaize fort aimable, faifoit des parties &
des fêtes continuelles , pour avoir occafion de la voîn
£cla Comteflè , quoiqu'elle fut très-fenllblemciu
touchée de la prifon du Comte de Monfbic , fbn ma-
ri , fçavoit trop bien de quelle conféquence il lui
étoit de ménager le Roi pour manquer de complaî-
iance.
L^ Rein» iTaftïdle , qui ne fçavoit pas les raifons
de toutes les réjouiflànces que faifoit le Roi , étoii
de toutes les parties, 8l vouloit toujours avoir Made*
«loîfelle de Querouazle auprès d*clle : c*étoic une per-
ibnne fort aimaUé & fort iniînuame ; & la Reine
ravoit fi fort prife en amitié , qu'elle eut tou^jours
voulu la i-ecemr auprès d'elle.
Comme iien n*eà û pénétrant qu*un Amant,
Peiunar,«9iii Tétoit de Mademdi&Ufide Querouaize,
DE MO NFORT. 171
•connut bientôc Iç deflèin du Rot , dont il fut au défer*
poir. Le Roi aulfî pénétrant que loi , avoit connu lo
ibnd de fon cœur par Tes regards & par (a txifteflè.
Un jour que ie Roi étoit allé à Chocam , pour vifitec
<es vaiflèauz *, tous les Courtifans delà Comteflè pa*-
«oienc foivi , à la icferve de Penmar , qui y manqua
par nonchalance. Le Roi revint de ce voyage avec
^précipitation , & entra" chez la Comteflè : en arri-
privant , il rencontra Penmar , qui en fortoit ; il ne
dit rien , mais il parut embarraflë ; il le fut tout le
«temps qu^l demeura chez la Comteflè ; & fit à li(fad&-
moifeUe de Queroulaze quelque difcouts mal iiiivis »
<où elle n*entendoit rien : tout cela enfemble fit juger
i la Comteflè » que le Roi pouvoit avoir eu quelque
inquiétude de ce que Penmar étoh demeuré i Lon-*
'dres. Comme elle éttût une des phis habiles Prxnccf*
fcs de fon temps , & qu*eile ne vouloit manquer à
rien , pour fidre fes affaires , elle réfolut d^envoyer
Pnunaren Bretagne , fous le prétexte de le joindre à
fiavalan , pour obferver Charles de Blois , parce <iuc
la Trêve alloit expirer.
Peiunar partit avec toute Tafiliâion d*un homme
paflionné , qui avoit efpéré de pouvoir plaire , & qui
fe voyoit facrifiépar la Comteflè aux raifons de fa po-
litique. La Comteflè le renvoyoit , parce que v^rita*
Ucment il étoit homme à fe faire aimer : il étoit pour-
vu d*uii mérite importun y qui ne fexvit longtemps
Pij
a-jt LA Comtesse
qu^'à le faire malheureux : ce qu^on verra dans k
iuite de cette Hiftoire.
Il o^a faire Tes plaintes à MademoiSelle de Que-
rouazle de rinhumanité de la ComtelTe, qui le ren-
voyoit fous des prétextes mal colorés, & lui fit en-
tendre qu^ii connoiflbit Tes véritables railbns. Made-
moifelle de Querouazle , qui juCque-4à n^av«:t que de
Teftime pour lui , n'étoit gueres touchée de la dou-
leur quelle lui voyoit , & ne fe foucia pas beaucoup
de radoucir : elle lu! dit même quelle ne fçavoit pas
•comment il n^étoit pas plus fatisfait de la confiance»
que larComteffè pr^noit en lui ; quelle Tenvoyolt en
Bretagne , pour faire tête à £es ennemis , en atten-
dant qu'elle y pût être ; & que <queIquMmpatience
qu'il eût de Ty voir > il n*avoit pas de caifon de té-
moigner tant d'inquiétude ., puifqu'^il fçavoit que fet
afiaices ne lui permettroient pas d'être long-teros
en Angleterre. Penmar , qui vit qu'on ne le vouloit
pas entendre , ne s^expliqua pas davantage , & pacdc
au défefpoir de fon aventure. Le Roi fut fi fatisÊûtde
la ComtefTe après le départ de Penmar , qu'il accor«
da un plus grand fecours qu'elle n'avoit demandé ,
qu^il lui fit préparer fans perdre aucun tems : il con-
tinua fes fctes , fit des préfcns à la Comte/Te & à
toutes les Dames de fa Cour , pour avoir occafion
d'en faire de magnifiques à Mademoifclle de Que-
rouazle , & qu'elle ne put les rcfuCer.
Comme l'amour cil une pafiion qu^il eA trcs-diffi-
2)£ MONFORT. 173
«île de cacher long-temps , la Reine s'apperçut que
c'*étoic la caufe des parties continuelles quefaifoicle
Rot y. &inê.nequ^clles regardoient Mademoifelle de
QuerjuaUe. La Reine étoit une PrincciFe fort fage ,
qui avoïc de grandes complaifances pour le Roi , &
qui Ta voit fou vent rappelle par cette conduite-là ;
mais elle Te refroidit pourtant peu-à-peu pour Made-
mo^felle de Querouazle , & ne longea plus à la rete-
nir aiiprcs d'elle.
La Trêve expirée en Bretagne , la Comtedè ne
pouvant différer de partir , fupplia le Roi de le trou-
ver bon. Le Roj avoit de la peine à fc fcparer de la
Comtelle , qu*il eilimoit fort , & fur-tout de Made-
moiselle de Querouazle, qu'il avoit trouvée fort ai-
mable ; il la voulut combler de préfens y & PaHura
qu^il la verroit un jour.
JLa ComieiTe s^embarqua avec les troupes d^Angle-;
terre > que le Seigneur d^ Artois coniinandoit : Char-
les de Blois , averti 5 qu^cUe avoit obtenu un grand
fecours d'Angleterre , la fit attaquer au paffàge ; il y
avoit long-temps qu'on n'avoir vu un combat naval
fi rude & ii opiniâtre : laComteirey fît de fa main des
actions , que les plus braves Chevaliers pourroienc
avouer , & qui ne furent fuipailëes que par celles du
Seigneur d*Artois & de du Chatcl , qui étoient à fes^
côtés : on étoit venu à l'abordage , & on combattoit
main à main ; fes Filles d'Hoimeur étoient tou-
jours auprès d'elle avec une fermeté admirable'-
Piii
174 -2^ COMTESSE
lia nuit finit le combat , & il sMleva iine trmpfte r
^tti répara les deux Flottes : celle éc la Comteffi (e
fiouTa le Isnèemain à la côœ de Bretagne* La Cxxa-
tefie prit terre proche Vanties qa^elie alla alléger :
<'*étoit une bonne Place , défèndae par de braves gens;
tes attaques furent fréquentes & vives, & les défènfes
de même. La ComteiR', ennuyée d^une ù longue lé-
iiftance , fit £iire une attaque générale : elle fit ap-
procher des portes des galeries , dont on fe fervoic
pour y aller à couvert > Bc fit planter des échelles par-
tout i mais les altàillans furent repouffês d'ê tous les
côtés. LaComteilè, voulant paroître' rebutée, fit
battre la retraite : les adiégés > croyant être en fureté,
allèrent fe defarmer ; alors la Comteflè fit diftribaer
quelques rafi:aich;flèmens |k les troupes , & leur fie
prendre haleine ; après quoi favorifée'deJa nuit, elle
fit attaquer une porie par le Seigneur d'Artois ; les
babitans y coururent avec peu d'ordre , & la Coni'
teilè , épiant' Poccaiion , fit planter des échelles d'un
autre côté de la Ville , qu'elle trouva abandonné : ce
qui lui réufiit fi bien , que Tes meilleures troupes ,
commandées par de Mauny Se du Châtel , entrèrent
juTque dans le milieu de la Ville , fans avoir trouvé
de réfîilance ; les Officiers qui la déftndoient , fefan-
▼erent par une poterne à la faveur de la nuit, Atout
ce qu\)n trouva les armes à la main , fut pafië au B
de répée , malgré la précaution de la Comceiïè , qui
4Y0it chargé Tréfiguidi Se queltques atttres de eriei
t. _» ^^ÊlLm.^ *. ^ ■ m^^
DE AiONFORTi 175
aux foldats , qu^elle demaxvdoit qu^on épargnât le
fang.
£Ue entra dans h Place, quand il fut jour , montée
iur un beau cheval» ayant Tes Filles diionneur auprè»
d^elle magnifiquement vêtues : elle fit retirer d^entrc
les mains des ibldats toutes les femmes qui n^avxuent
pu fe refiigier dans les Eglifcs ; fît forcir celles qui y
étoienc , les remit dans leurs maifons , & donna de
fi bons ordres dans la Ville , qu^on n^ voyoit plus
aucune marque d^une Ville forcée. La Comreflè y de*
meura quelques jours pour tout rétablir 9. 8c donner
fes ordres pour la conTervation d'une Ville fi impor-
unte , qu'elle prévoyoit devoir erre bientôt attaquée.
£Ue pria le Seigneur d* Artois d^y demeurer pour la
défendre^, &s*en alla tenir fa Cour à Hennebon.
Quelque peine qu^eût le Seigneur d'Artois à quittes
la Comteflè de vue » ir ne put refufer cette occafîonr
de lui rendre fervice , en lui confervant une conquête
où il avoit eu tant de part.
Le Sire de Toumemine , un de ceux qui étoient
fbnis de la Place à la fayeiur de la nuit , étant au dé-
fefpoir de s'être loiilë furprendre, & voulant à quelque
prix qoe ce fut y réparer la perte de fon honneur , 8c
rentrer dans (a Place r jura à Charles de Blois qu^il y
rentrexoit ou mourroit à une des portes , s'il lui plai«
foit de lui doimer des troupes pour rentreprendre.
Le Sire de Beaun^moir, Maréchal de Bretagne , fus
•ominandé avec douze mille hommes pour cette en«>
Pittj
f
. tj6 LA CO MTESSË
trepriTc , & Tourncmine eut le principal commaiulf-
ment fous lui : le Seigneur d'Artois étoit dans Van-
nes , réfolu de fe bien défendre , & avec lui duCha-
tel , qui étoit jaloux de fa gloire & de toutes foen-
treprifes , dont il vouloit toujours partager le péril.
Beaumanoir & Tournemine firent faire une attaque
générale à toutes les portes, & firent planter des
échelles de tous côtés : \çs barrières furent fi mc-
ment attaquées à la porte que défendoit le Seigneur
d'Artois, qui étoit forti pour défendre fes dehors,
qu'elles furent forcées , lui dangereufement blcffif , &
la porte gagnée , après la mort de tous ceux qui h
défendoient. Le Seigneur d'Artois fe fentant blefl? ,
fe retira de la mêlée , gagna le port , & s'en alla par
mer à Hcnnebon,
La Comte/Te , qui ctoit au port , quand il débarqua,
le vit couvert de confufion d'un fi mauvais fucccs:
plus elle lui témoignoit de bontés ,- & le ùagm
qu'elle avoir de le voir bleiTé , plus eUe augmemoii
fon défefpoir ; il ne put fupporter fa préfence, nidc-
. meurer en des lieuse o^ il lui paroi/Ibit que tout lui
reprochoit d'avoir fi mal fervi la PrincefTe qu'il ado-
roit : il voulut fe faire tranfporter enAngleterrc , foiu
le pr/texte d y trouver de meilleurs Chirurgiens ; il y
moumt en arrivant. Le Roi Edouard jura qu'il vcn-
geroit fa mort , & il pa/Ta bientôt la mer ivec une
grande armée, pour mettre , difoii-il , Charles de
<Blois àlaraifon : guefçait-on fi la paflion qu'il con-
A
DE MONFORT. 177
fervoit pour Mademoifelle de Querouazle , & le defîr
de la revoir , n^avojeni pas plus de part à fa réfolu-
tion , que la vengeance ou les intérêts de la Comtef-
fe? Quoi quMl en fut, il paiîà la mer avec une grande
armée , & vint débarquer proche de Vannes qu'il in-
vcftit le même jour.
La Comteflê arriva te lendemain au camp avec Tes
meilleures troupes: le Roi monta à cheval, & allaau^
devant d'elle après l'avoir afïlirée qu'il étoit venu
très-volontiers \ fon fecours ; îl trouva le moyen de
demander à KTademoifelle deQuerouazle , qui étoit
auprès de la ComtefTe, fi elle ne fe fouvenoit pas qu'il
lui avoit dit qu*il la verroit encore une fois , & l'af-
fura qu'elle avoir autant de part à îa résolution qu*il
avoit prife , de palier Ja mer , que les intérêts de la
Comtcilè , quoiqu'ils lui fû^nt fort chers.
Le Roi apparemment bien-aife d*avoir un prétexte
pour être long-tems en Bretagne , tint confeil , &fuc
d'avis d^inveftir la Place de tous les côtés , même de
faire avancer quelques-uns de fes vaiHeaux à t'embou-
chure de la rivière > pour tmpêcher qu'il n'entrât du
fecours par la mer , efp^'rant par ce moyen d'affamer
la Place, voulant >difoit-il, conferver fes forces en-
tières pour donner bataille à Charles de Blois , s'il fé
préfèntoit ; & en attendant'dans l'oifiveté d*un camp,,
où on n*entreprenoit rien , il écoit occupé de fa paf-
fion , & ménageoit tous les momens poflibles pour
çmrcteair Mademoifelle de Querouazle ; îl trouvoit
j^ L^ COMTESSE
inavent Ftnmar auprès d*elle \ c^étoit un homme f
qui , quoiqu'il ne fut pas aimé y avoii toujours par fcs
aâiduités & pai 'fes refpeâs donné de l^nquiétudc à
tous ceux qui avoient des iFues far MademoiTeUe àc
Querouazle : le Roi n'en fut pas exemt , & nouva
Texpédient pour éloigner Penmar , de lui donna à
commander tous les corps de cavalerie qv^'û eavoyoit
du côté de Nantes, pour apprendre des nouvelles de
Charles de filois. Penmar fit des prifonniers qu^il en-
voya au Roi , qui apprit d^eux que le Duc de Nor-
mandie marchoit avec une année confidéraUe; &
qu'ayant joint Charles de Elois, ils s'avançoicni tous
deux à grandes journées, du côté de Vannes- Penmarr
qui étoit encore à la guerre, rencontra les gens com-
mandés à la tête de l'armée , les poiillà , ûx deux Of-
ficiers prifonniers , & fe retira eq diligence , poar
avertir le Roi 8l la Comteilè qu'ils (ereient bientôt
attaqués par une armée û nombreufe , qu'elle étoit
beaucoup fupérieure à la leur. Il eft vrai que leDucde
Normandie avoir quatre mille hommes d'amies , &
trente mille hommes de pied , & que te Roi n'avoit
pas vingt mille hommes en tout : il vouloir pourtant
ailler au-devant des ennemis ; mais le Confeil ayant
été ailemblé , Tàvis de la Comteflè reoiperta > qui
fiit de lever le (îégCj de fe faifîr d*Un tcrrein avanta-
geux , & de s'y retrancher^ Elle étoit prudente, & ne
Youloit |>as hazarder fa fortune en un jour contre une
année fupérieure en nombre > qui avoit à fa têt&u4
jeune Prince j^Iem^d'ardeur»^
t
DE MONFORT. 179
Le Due de Normandie, qui vouloit combattK , fut
obligé de camper vis^-vis du Roi , parce qu'il n'é-
toit pas praticable de TaUer attaquer dans £9n camp»
ibrcifié comme il écoit ; mais il campa fi>n proche
pour ne perdre aucune occafion , & profiter de tout
les mouvemens que le Roi feroit : il fe. retrancha au£&
pour éviter les furprifes^
Les deux armées furent long-tems en cette pofture
fans aucune adion remarquable : il fe ^ifoit feule-
ment de tems en tems quelques efcarmoiiches à coups
de trait le long d'un- ruiifèaa qui féparoit les deux ar-^
mées.
Un François die grand renom envoya demander par
un Trompette fi quelqu'un vouloit faire un coup dfr
lance : du Chatel s'avança , le mit par terre du pre-
mier coup , fe faiiit de fon cheval ,. & le lui rendit
dans le moment».
Quoique les fourrages le fiSènt par le derrière dèr
armées , on ne laiHk pas d'entreprendre quelquefois
de pouilèr les efcortes : Penmary étoit ordinairement
employé , foit qu'on cfpérât de s'en défaire dans les.
£-équentes occafions , ou qu'on voulût lui donner le
moyen d'aequérir- de la réputation..
te Comte dtGlocçfter ,. Prince du Sang du Roi
d'Ai^lcterfe , s'étoit auâi laiHé toucher du mérite de
MadAnoifeUe de Querduazle ; mais il ne fe dédaroîc
pas par refpeâ pour !e Roi , 4^ qui* il connoiflbic la
palfion. Il avoit , ^uffi bien que le Roi > remarqué les
1
i8(5 LA COMTESSE
regards pafTionnés de Penmar , de qui les aflidiiîtâ &
les profonds rcfpeds lui faifoient de la peine , &3
confeilloit toujours qu*on l'envoyât à la guerre, ii-
fant qu'il y éto.t heureux , & qu'il enlcvoir quelques
prifutiniers à tous \cs fourrages que les ennemis fai'
fbient ; Mademoifelle de Querouazle , qui neraimcit
point encore « n^avoit aucune inquiétude pour i;3
dangers où on l'cxpofoit ; au contraire , comme cV-
toit un homme de condition de fon voifinage qa'file
avoit vu dès fa première jeimeflè , elle étoii bxiv
aifc de lui voir acquérir de Thonneur : le Roi & If
Comte de Glocefter en jiigeo;ent autrement , &
Penmar leur étoit toujours à charge , ils trouvcrtni
encore moyen de Téloigner : car quoiqu'il fit bo.n:iK
de guerre , il étoit très-capable de négociation ^ & on
ry employa.
Le Pape avoit envoyé le Cardinal de Clermont poor
faire Aqs propofitions de pa:x?entf e le Roi Edouard &
le Duc de Normandie ; ori convint de.Maléftroit pair
les conférences , & \t$ Cominilîaires y furent envoyé!
de part & d'autre : le Duc de Bourbon y étoit pour
lie Duc de Normandie , le Sire de Beaumanoir pour
Charles de Bîois. Ix Roi d'Angleterre y envoya le
Comte Derbi , pour avoir foin de fcs intérêts , &
Penmar & de Quelen pour ceux de la ComteiHè de
Monfort.
Penmar chercha l'occadon de parlera Mademoifel-
le de Querouazle avant de partir peut fa n^ociatioa.
DE MONFORT i«i
a pria de faire (juclque réflexion fur tout ce i(ui lui
ivoit , & de confidércr qu^il avoir un fort bien bi-
rc d*ctre foupçonné d*un bonheur dont il eto:t bien
igné , lui difant : •< Mademoifelle , peribnne ne
lefçaic mieux que vous , &le peu deraifon qu*on a
de me donner tant de commlillons diâférentes qui
appartiendroient mieux à plufieurs autres *>.
« Dequoi fe plaint Monfieur de Penmar > ( lui ré-
pondit MademoifclledeQueroiiazle) on remploie
partout, parce qu*il a une capacité universelle , &
qu'on fçait qu^il réulHra en tous les emplois qu^on
lui confiera > & il Te plaint dans le tems que tous
les honnêtes gens de cette armée lui portent en-
vie »,
« On me fait bien de ITionneur ; mais je ne puis
être fatisfait du foin qu'on prend de m'éloigner de
vous , Mademoifelle : vous fçavez bien qu'on n'en
a aucune rai fon »•
* Comme je n'^entens pas ce que vous dites , Mon-
fieur , je ferois bien embarralTée , fi j'avois à y ré-
pondre n .
« Je m'expliquerpîs plus hardiment , fi vous me
pcnncttiez, Mademoifelle , de vous écrire de Ma-
leftroitoîi je vais tout préfentement ».
« Un Négociateur employé pour les intértts de la
Comteiïc , peut-il douter qu'on ne foit bicn-aife de
recevoir de fes lcttres,qui ne peuvent ctre remplies
que de matières graves , qu'il ne fera peut-être pas
i8i LA COMTESSE
» fâché que je montre à la Comteflè ».
« Je laidrai compte à laComtelIè de ce qui la re^
» gardera , & à vous , Mademoifelle , des chofes ou
«» je ferois heureux que vous voulufliez prendre quel'
n que intérêt» & qui font plus férieufes pour moi que
» les affaires de la ComtelTe ».
« Pavoue, MonHeur, que je verrai avec quelque
M airiofîté des chofes auffi XérieuTes que celles que
M vous j>romcttez ».
Auflî-tôt quePenraar &tàMaleftroît« & que les
matières furent entamées , il envoya en donner avis à
la Comteiïè par un Secrétaire qu^on lui avoit doimé,
qu)il fit conduire par un Trompette chargé pourJ^la-
demoifelle de Querouazle de ia lettre qui fuit :
Un 4fomm« éjni « un frtfind rtjfeff fonr vues > Md '
^mtifelltf ^tti ne vous oMvrde^ dr ne votts parle depuis
plnfitHTS années preffn^en tremblsnt , ^ fut V9us avez
$mj(/urs regardé avec tant d*indiffhrehce ,' ftu vus nt
vous eus pat apprrçne de fes emkarras cêntiuuels ; f m
etptndéf4 caufe de Pi.fuiétude à tws ceux fui $nt futf'^
fue dejfein de vers plaire , fui therchent tcujmrs à Ti -
hiffur^ n^a-t-il pas un fert bien Hx,arre9 jlveuez'it^
Mademeifelle^ fi V9us hesjujle îfi vous tétiez autauf
fue vous itu aimable » vous feriez péuétrét de e^mpMf-'
fien des peines fttt fouffire ily a long-tems le plus fuÇ'
fimné des hommts , nen feulement fans ofer Je plmindrty
mais mémefinu sveir jamais $ft dire fuUl édmtifes
DE MONFORT. ig|
regmrdt^ fis éffUttiUs , ér tant it reffiOs en tmtefirU
d*»c*Mpms , f«i tntfaft cttnnitre mélgri lui tetu viriti
m uns terx fui v§its spfrochtnt , ru vgms m •ni entêrt
rien spfris , p.-rce que vomi n"* avez f as d^^^gné j faire
siXUntitn : fi veus avùz la hanté tTen faire , vus een"
«oitriez 9 MadeiAoifelle , ta fafftm ta flus refpe3uenfi
ér îét fins tendre fui ait jamnis iti , ^ vks ne peur"
riiz refitthir fur les maux qui tafuivtnt fans en itr*
tjudfée , fi vus n'êtes dépourvue de tente humaniti, Vei"
là , MaicmtiCelley ce ficrei f. flrèeiisi potrr mai , quejt
n^euffe jamais eu la hardiejfe dt veus déclarer , fi veut
ne m'aviez dênni la îiherté de vous écrire. Je fuis per-
fuadi que vous le cacherez fii^neufemeut , «Cr que vous
avez tr^ foin de votre gloire , pour avouer une enquête
q;:i efi fi fert au-deffous de celles que vous faites tous les
jours , dont vous ne paroifpez fas même faire beaucoup
d'état. Voilà le fort de tons Les hommes qui v us votent •
h mien fer 4 de pajfer ma vie dans lafervitude ta plut
lu. tble , ér d^ad^tr ta plus infenfikle perfonnt qui séê
jamais été,
Mademoiielle cle Querouazle , qui étoh il y a?oît
long-tems plus inftruke de la pafllon de Penmar , &
de tout ce qu'il lui écrivoit , qu'elle n'uvoic paru l'ê-
tre , lui répondit feulement qu^elIe sVtonnoit qu^un
Ambifladeur chargé d^affaires û graves , eût voulu
s'amufcr à lui écrire des chofesqui Tétoient (i peu » fit
qu'elle réfervoit à lui en faire les reproches qu'il nié-
ntoit , quand elle le verroit.
ï84 ^^ C O MTESSE
On demeura à Maleftroit plufieurs jours en eonfe-
rcnces continuelles, fans pouvoir convenir d(S condi-
tions de la paix : on conclut feulement une trêve poui
trois ans.
Le Roi Edouard voulut aller conduire la Comtefiè
à Henncbon oîi il avoir réfolu de s'embarquer pour
palier dans fon Royaume. Le Comte de Glocefte-: pnt
le prétexte de quelques affaires pour partir avani te
Roi , & s'embarquer à Vannes : il avoir formé le del-
fcin d'enlever Mademoifellc de Querouaile; on ne
fçait fi c'étoit de troncertavec le Roi , ou fice n'étoit
point pour la j)onëder lui-même. Comme «près la
trêve la Ville & le Port étoieni devenus communs ,
ilavoit fait avancer des ohaloupes bien armées joT-
gu^aux portes de la Ville , & fe tenoit au camp pour
fe préparer à exécuter fon defllin , quoiqu'il eût dé-
jà pris congé du Roi & de la ComtefTe. Il avoit re-
connu il y avoit long-tems les avenues d'une maiioa
de bois , ou la ComtelTe étoit logée , & oà elle avoit
Xes Filles d'hormeur dans une chambre à côté de la
fienne ; le Comte y entra lui troifiémele matin ,lorf'
que Mademoifelle de Querouazle étoit encore au Ui«
& l'enleva auparavant que la garde de la Comte/Te
eût pris les armes. Il avoit derrière cette maifon dk
hommes bien armés & bien montés , & des chevaux
pour lui & pour ceux qui raffiftoient. Mademoifelle
de Querouazle fît de 15 hauts cris entre les mains de
fes ravilTeurs , que Penmar y qui , depuis les negocia-
OOPi
* a. «•
DE MONFORT. iSy
dons finies , avoit repris fon premier emploi ,. &
commandoit ce jour-li Tefcorte d*un petit fourrage
^u^on vouloit encore faire , courut à la têre d'une
troupe -, pour fçavoir ce que c^éioit : il reconnut une
perfunne pour laquelle il eût donné mille vies , mit
répée à la main , & fondit avec impétucfité fur ce-
lui qui tenoitMademoifelle de Querouazle,' lequel le
voyant venir , ne fongea qu'à la fureté > & lailîU tom-
ber cène aimable perfonne qu'il tenoitavec uneéchar-
pe liée autour du corps. Le Comte &'e toit avancé pour
cenCerver le tréibr qu'il vouloit s'approprier; mais il
vit qu6 la troupe , dont Penmar étoit fuivi , lui alloic
tomber fur les bras ; ayant peur d'être envclopé , il
prie la fuite avec ceux de fa fuite ,. & fe jet ta dans
fcs chaloupes , gagna fes vaifTeauz ,. & mit à la voile :
Penmar n'a voit pu le fuivre ; il n'avoit fongé qu'à re*-
lever Mademoifelle de Querouazle , qui tombée au
pied d*un cheval , pouvoit £tre bleiTée ; il la releva, &
lui aida à marcher jufqu^à fon appartement , où tout
^(oit en nuneiu: y^lz. Comteffe au défefpoir. Elle ne
fçavoit ce qui étoit arrivé à Mademoifelle de Que-
rouazle. Quel fpedade pour un homme paiTionné !
Mademoifelle de Querouazle avoit été prife dans le
lit, & on ne lui avoit donné qu'une robe de charn-
ière fur fes épaules..
Il eft facile de jdger qu^ine perfonne qui a le cœur
l>ienfàit, cft touchée de reçonnoiffance , & queMa-
^moifelle de Querouazle conçut quelque anûtié poux
Tome L Q.
w6& lA COMTESSE
ion libéramir » pour qui t\)t avoit déjà beaocoB^
4^^iIne. La Comtefië fit de grands remerdaieas i
Penmar , & l*aâ'ura qu^elle ne perdroit aucune oca*
fion de récompenier une a£bon qui lui étoit û agréa-
ble , & qu'il pouvoit demander hardiment ce qui dé-
pendrolc d^elle. Tout ce qui étoit capable de faire la
félicité de Peiunar , étoit Mademoifelle . de Que-
louazle , & il ne pouvoir rien defirer qui dépendit de
la Comteflè : il fçâvoit pourt^ir qu'elle avoit beau»
toup de pouvoir fur Mademoifelle de Querouazle;
fliais il ne vouloir devoir ceece «charmante peifonne
qu*à elle-même.
I.tRoi averti de Pentreprife, actourutà l^ppant*
ment de la Comceliè , & lui jura qu^il lui feroit Giir
juitke en Angletcrrre , fî le. Comte de Gloccfter s'y
éioit retiré : « C'étoit ( difoitle Roi) un jeune étour-
» di , qui avoit toujours été violent dans fespalfions»
w mais qu^il fçauroit bien le punnr d^un pareil atten.
» tat. ^ademoifelle de Querouazle, qui avoit befom
de repos , étoit retirée dans fa chambre > & le Roi oe
la vit qu^après -fon diner*: ce fiit pour lui denAândeit
mi&e pardons de Taudace de ion parent , & l^sdTuret
qu^ii le banniroit pour jamais de fa préfencc : le Roi
ajouta qu^il le plaignoit cependant de n^avoir pu lé-
fifter à une paffion qu^elle avoit infpirée à ceux mê~
Jli^s, qui , parce qu*ils étoiem pklk vieux , dévoient
être-moins iuiceptiUes , &^ue pour lui il avoudt
^*il i«psiffi»it avec jr«^codaai ict JBcats , avqraatar
> I
D£ MONFORT. itr
eune «fpérance de la revoir, à moins qn^eUe n'eik
trouvé fa Cour afièz agréable pour lui donner quelque
envie d'y revenir ; qu'en ce cas il oficoifi d'employer
toute fa pul/Iànce pour lui &ireépou&r un des Grands
de Ton Royaume , qii*il mettroi^en de fi grandes char»
ges à fa Cour , qu^il feroit obligé de fe tenir toujourf
auprès de luir & que c'étoit tout ce qn^il avoit à de^
fîrer » d^avoir ocçafion de" voir feuvent une pecfonne
que rien ne pouvoit jamais effaeer de Ton coeurs Ma-
deiRoi(elle de Querouasie répondit qu'elle rectvok
aveé Icrefpcéè qu'elle devoir , les bontés d'un fi grand
Roi , mais qu'^elle avoir voué (à vie à une Princefiè (i
aimable » quVUe ne voadroit pas s*en- féparer pou^
toutes les grandeurs du monde, r
La Comteflè qui approcha y interrcttnpit cette con*
verfaeion. On ne fongea pltis qu'à ordonner d^squa»»
tiers pour les troupes qur dévoient De lendemain fe
mettre en marcfae. Une partie de celles du Roi d'An*
gleterre s'avança dès ce jour pour aller s'embarquer •
& le Roi fic'la Cômte/Te marchèrent à Hennebon , eb
le Roi demeura quelques jours enTcpos» autant que
le peut un Princequi a «ne grande pafîiôn dans le cœur>-
& qui eft ma^ fa pui^ànce à la veiHe de quitter ce
qu^il aime , & apparenunent pour toute fa vie.
La Cdmtefiè fît- tout ce qu^ttUe put pour convainctt
le Roi de fa reconncHiEmce : i(;lefiir, âc^uctit, après
loi avoir dorme des aflurances que fila trêve & xom»
jfoky oa.qiMe tAt oocore bsfii|^,deJus « quand. oUe
i8« LA COMTESSE
-feroit expirée , elle pourroit toujours difpofer de tes
ibrces. Une des conditions de la trêve éioit que le
Comte de Monfort feroit mis en liberté, & remis dant
fcs Etats : ce qui finit le Gouvernement de la Com-
tcflè , & lui ôia pour un tems les occailons de con-
tinuer fes avions héroïques. Le Comte voulut qu'elle
prît du repos ; mais il fe fervoit de fes confdls en tou-
tes fortes d'affaires.
Oiv ne fongea plus qu'à récompenfer c«tt qù
avaient bien fervi.. Le Sire de Malèftroir detnandi
Mademoifelle de Soiiiardic qu'il regardoit comme une
récompenfe de fcs îerviccs • quoiqu'elle lui eût <ité déjà
promife > il fallut encore l'Obtenir de Madame fa mè-
re ; le Co»nte & la Coratefle s*y employereni,& com»
Uerent en réuiSilànt Maleftroit d'une parËûtc fér
cité.'
Le Conite inftruit de toutes*] es bonnes a^ons de
Penmar » le fit Capitaine de cent Gentilshommes de
£i garde. Madame deQuerouazle vint à la Cour, 1^
ComteiTe lui repréfenta tout le mérite de Pcnmar ,
ce qu'il avoit fak pour Mademoifelle de Querouazicr
& le refpcâ qu'il avoit toujours eu pour elle. Mada-
xie de Querouazle en fut touchée ; elle en parla à fon
fils qu'elle trouva difpofé à tout ce qu'il lui plairoit *
& fans pemc : car il connoifibit tout ce que Penmar
Yaloit. Mademoifelle de Querouazle répondit à Ma-
dame fa mère, quand elle lui en parla , qu'elle cfti-
mtnx fi>rtPeiumr9 ^u*cUe avoit beaucoup de reçoit'
DE MOtTFORT. i8>.
Rojflànce de ce qu'il avoîi fait pour elle , & qu^elIe
H'auroit aucune répugnance à Tépoufcr , fi la Com^
(e/re& elle le lui ordonnoient : ce qui s'exécuta bien*
rôt après. Le Comte & la Comteflè prirent foin de
icuf établiflèment , & Madame de Querouazle y con-
tribua : CCS deux perfonnes étoient fi dignes Tune de
l'autre , qu'elles paiTerent une vie fort heureufe.
La feule Mademoifelle* de Malcftroit demeura étroi-.
lement unie-à la Comteflè ,. & n'étoit capable de rien
defirer : elle avoit perdu Bavalan qu'elle avoit regar-»
de comme un homme qui pouvoir être, fon- mari , ce
qu'elle avoit même fouhaité pour fon mérite & la»
tendreflè qu'elle fçavoit qu'il avoit pour elle j mais 1»
fcriunc le lui avoit enlevé : il avoit été tué malheu^
reufement auprès du Seigneur f d'Artois y à ladéfcnfe
de Vannesi»,
Dès le comiïfBncemcnvde là trêve, quelques Cheva-
liers Bretons du parti de Charles de Blois étoient al-
lés à Paris fur le bruit d'un tournoi qui y étoit affi-*
gnë : le Roi de France eii fit arrêter dix , & leur fio
xtanchet là tête, fur un. avis qu'il avoit eu qu'ils,
avoient pris quelqu'cngagement avec le Roi d'Angle-
terre , & promis de le fervir , fi la guerre recommen-*
voit. Le Roi d'Angleterre s'en trouva fort offenfé : il*
lenoit dans fcs prîfons le Sire de Léon y Partifan der
Charles de Bloîs ; il le fit venir , & lui dit qu'il eût
pu lui faire couper la tête , s'il eût voulu fuivre Te-
«m^c diiUoi dcEiancc ,. mais, «pi'il. vouloit tcûitî
W99 LA COMTESSE
une conduite plus noble ; qjienon feul«iûei«aM
âonnoif la vie , mais qu*îl lui rendroit même U H-
Bcrté , quoiqu'il dût une groflè rançon,. à conAiôon
qu'il lui engageât fa parole d'aller tout droit à Paris ^
fc de direrau Roi de France «pie puisqu'il avoit ronapti'
la trêve , en faiiant mourir les Chevaliers Bretons ,
parce qa*il les crpyoit engagés afec lui, qu'il Vatten-
ék à avoir une forte guerre ; il voukirmème qiw de
Léon fc ebargeât de porter un défi au Roi de France
de la pcrfonne du Roi ^Angleterre à la fiennt. De
Léon arrivé à Paris , fupplia ïe Roi de trouver bon
çi'il s'acquittât d'une commifiîon dont il avoit été
obligé de fe chargçr pour (àuver ïia.têtc & obtenir û
liberté.
Le Rorde France averti qii*îl auroit bientôt lâgncr-
ft, s'y prépara. Le Roi d'Angleterre envoya des trou-
pes en Gafcogne , o\x lés boftili tés commeneerent ;
il envoya aufiî du fecours au Comte.de Montfon ,qui
Payant joint à fes troupes , marcba pour rDpie;-.dfe
Quimper, que Charles de-Blois avoit attaqné & prit
depuis hi rupture dé la trêve. Le Comte de Monfort
iTayant pu reprendre Qufmper , envoya- demander
du fecours en Flandres , & n'en put obtenir duCom'
te de Flandres , qcii avoit beaucoup d'affaires chez- lui;
il crut que It Roi d'Angleterre lui accorderott un
grand renfort de troupes &'de l'argent , s'il alloit IVo
felliciter en pcrfonne ; mais le Roi d'Angleterre , qui
svott coaameacé une forte fiiesre cnJFjance , nr Ji^
^
Î>E MONFQRT^ 19^
pi»t promettre des forces allez confidérables pour re^
lever fes afiàires. Le Comte affligé du mauvais fuccès
de fon voyage , revint eivfiretagpe , tomba malade »,
& mourut an peu de jours»
Voilà un accident qui va remettre làComteflè fur le
théâtre du monde .: elle reprend le gouvernail; & au
lieu de s^arrêter aux cérémoiûcs de deuil & à pleurer^.
elle ne fonge qu^auz intérêts de fon fils , & à lui con-
ferverfes Etats. Elleenvovarepréfenterau Roi d^An-
gietorre que s'il abandonnoit le jeune Comte deMoii-
Ibn- qui avoit époufé une des PrinceHes fes filles , il
étoit au bazard de tout perdre^ q,ue Charles de filois
étoit puiâàmment fecouru par le Roi de France , &
commençoit à faire* de nouvelles entrepriCes. Le Roi.
gleterre touché de fes raifons & des intérêts de
gendre » envoya le Comte de Noranton en Breta-
gne avee un corps de troupes confidérables.
Il fe pallà quelques rencontres en campagne , oii la.
fbrtune fe déclara louvem {tour Charles deBlois , ce-
qui lui fit prendre la réfblucion d^aller afGéger la Ro-
chederien avec une armée de douze mille hommes ;
il y trouva un homme de réfolution , qui défendit iî
bien la place , qu'it donna le tcms à la ComtelTe de
XConfortd^aflèmbler une armée. Elle fe mit à la tête,
de huit ou neuf mille homm^ ,. & marcha droit à la
Rochederien. Charles de filoîs, qui né^igeoit de tenir
des partis en. campagne^ fe laiilà furprendre : la Corn»
tfiilBlui tOfBbA iiuries biasàlarpointe -du jour ; fil
Ï9t LA COMTE S Sir
trois corps de (es troupes pour Tattaque , & fcpofa
â la tête de fa réfervc fur une éminencc d'où dlcpoa-
voit voir radion , & prendre fon parti d'huiler fcc»-
rir celui des fiens qui en auroit bcfoin. NorantOQi
ArtcccUe & du Chatel étoient chacun à la tête f«
des corps qui alloientà Patraque : ifs marchoientffl
telle diftance , qu'ils fe pretoient la main ; les pi^
du camp de Charles de Blois , & les troupes du pi-
quet furent poulTées , & fe renverfercnt fur FanMC
qui prenoit lès armes : Charles de Blois foutcâ
pourtant avec un corps confidérablc , & le comlaf
£ut rude & douteux ; mais le Commandant àe UP"-^'
ce fortit à la tête de cinq cens hommes , & rai^
oïl Charles de Blois faifoit tête à du Chatel. Chi-J»
de Blois ft voyant envelopé» après avoir perduii*
côtés les Seigneurs de Rohan , de Rieûx & de iav»
avec pluHeurs autres , fit appeller du Chatel à q^fl»
rendit. Du Chatel lé reçut avec tout le rcQ>eô ^
^oit dû à un illuftre malheureux, le dra de iafflâ^»
laiflà fes ordres pour fuivre la viftoire , & alla pt^-
fcnier fon prifonnier à la Comtefle, dont il était ircf'
iadsfait de pouvoir augmenter l'es triomphes : o^"
^toit en fccret lé plus paifionné de fbs adorateurs. Li
Comtefle dît à Charles de Blois qu'elle étoir toucha
dé fa difgrace ; mais comme il s'agiflbit des intérctJ
de fon fils , qu'elle ne pouvpit abahdotuier , ellciôn-
jea à le mettre en fureté , & à le faire conduire df
foâe en j>oftejufqu*à Vannes. La Comtdfe àePtf^
t>E MONFORT. 19J
lièvre » fa femme , demanda la liberté de le voir : ce
ue laComteilè lui accorda fore humainement. En»
iice les deux Comteflès , prenant le titre de DiKhef^
m
es , fe mirent chacune à la tête de leurs uoupes, non
tas pour agir *de la main fans néceiiité , comme 6x%
héroïnes de Romans , mais pour ^dre agir leurs Of-
Sciers , & connoitre par elles-mêmes le -bon parti
pour le prendre.
La Comte/Iè de Feinthievre , -^ui avoit fait recon-
noitre Vannes , pendant qu'elle y étoit enfermée avec
Charles de filois ion mari , après avoir eu quelques
petites rencontres avec la ComteHè de Monfort , &
avoir même paru vouloir faire quelquVntreprife du
côté de Saint-Brieux & de Dinan pour Tabufer , mar-
cha jour & nuit à Vannes avec deux mille cavaliers
qui portoient un fantallin chacun en croupe , croyant
pouvoir forcer Vannes par quelqu^ndroit qu'on \\x\
avoit fuppofé fbible. Elle y arriva au point du jour ,
£c mettre pied à terre à la moitié de fa cavalerie »
qu^elle joignit à Tes deux mille fantdffins, & les en-
voya pour forcer la place par Tendroit qu*on lui avoîc
dit qu'on pouvoir Tinfulter : elle fit attacher à des pi-
quets les mille chevaux des cavaliers qui étoient à
Tattaque, afin qu*un chacun pût fans confufion re-
trouver fon cheval ; & après y avoir laifle unegarde,
die alla fe pofter fur une éminence avec le relie de
fa cavalerie , pour faire tête à la ComteiTe de Mon-
fort , fi elle venoit. Comxne elle avoîc détaché de po*
jQmt h fil
194 l^ COMTESSE
tics partis pour pouvoir être avertie , le jour n'émit
encore gueres avancé , quand on lui amena un pri-
fonnier , par qui elle apprit que la Comteile de Mon-
iprt avoic'fàlt halte à deux lieues d*eile , pour pren*
dre haleine , & attendre des troupes d'Hennebon ,<]ui
dévoient la joindre. La Comteflè de Peinthievre fir
iîir le champ monter toute fa troupe à cheval , en-
voya en toute diligence ordotmer à Beaumanoir de
retirer ince/Iàmment de Tattaque les cavaliers qui
étoient pied à terre, & dç les lui amener au plutct,
même l'infanterie , s*il n*y a voit pas grande 'appa-
rence de réulfir , parce que la Comteilê de Moh/ôrr
venoit à elle avec un corps coniidérable. Beaumanoiri
qui avoit connu par la trop grande réfidance 90'^
avoit trouvée, que l'entreprife feroit vainc , nefon-
gea qu'à fe retirer , quand il en reçut Tordre : il Tex^-
cuta prompt«me;it , & s*en alla joindre la ComteTe
qui n'étoit pas loin. Il étoit forti cent chevaux de la
Place , pour chercher à le harceler dans fa retraite î
mais c'étoit trop peu pour lui faire de la peine, ils
furent feulement témoins du bon ordre de fa retraire
d6 hauteur en hauteur* Il arriva afièz tôt auprès de ia
Comteflè , pour jetter une partie de fon infanterie
aux deux côtés d^un défilé qui la couvroit. Du Chatel
parut dans ce moment à la tête de deux cens chC'
vaux , fuivi de près par la Com^e/Iè de Monfon à ^^
tête de toute la cavalerie : du Chatel 'pouïïà en arii'
vant une garde ék cavalerie, qu^on avoit pofiéc su*
DE MONFORT. ipy
delà du défilé , & qui le rcpafla à la faveur descraitf
de rinfânterie qui le bordoit. La Comceilè de Mon-
fort , qui s'étoit avancée , ayant reconnu qu'il n*étoit
pas praticable de forcer un défilé gardé par de la
bonne infanterie , voyant la Comte/Te de Pcinthievre
de Pautre côté à la tête de fa cavalerie , avec quel*-
ques pelotons dMnfanterie mêlés dans les intervalles
de fes efcadrons , jugea à la vue de tant d^infanterie»
que Tattaque étoit abandonnée i mais pour s'en ailu-
ter davantage , elle envoya par des chemins détour-
nés fur les ailes deux ou trois petites troupes , qui
lui rapportèrent que Vannes étoit dégagée: on lui
amena même quelques-uns des habitans fortis de la
Ville pour la chercher , qui lui rapportèrent que l'en-
treprife avoit été inntile , & qu'elle avoit coûté de
bons hommes à la Comteilê de Pcinthievre. Les deux
ComtefTes chacune à la tête de leurs troupes fe re-
gardèrent long-tems ; mais il n'eût pas été prudent
ni à Tune ni à l'autre d'entreprendre de padèr le
défilé.
LaComtefïè deMonfort,quî n'avoit prefque qu'une
plaine pour fe retirer à Aulray , y alla marchant tou-
jours en bon ordre.
La Comteilè de Peînthîevrc affligée d'avoir manqué
fon coup , côtoya Vaimes , & fe retira à Joffèlin qui
tenoit pour elle ; elle y demeura un jour pour rafraî-
chir Tes troupes , & y laiilà Beaumanoir , avec ordre
d*arrêter> s^U étoit polfible > les courfes quefaifoie
%96 LA COMTESSE
concinùeliement fur le plac pays fiembroAnglols, avet
U garnifon de Ploërmel , où il commando: t.
Beaumanoir employa tous (es foins pour ie rencon'
trer en campagne : comme il n'y a que deux licud
de JoITelin à Ploërmel , Beaumanoir étoit toujours
averti , quand Bembro étoit forti ; mais il eut beau le
chercher ., & s'embufquer même jufqu'aux portes de
Ploërmel, c'étoxt inutilement : car Bembro étoit un
vieux foldat rufé > & qui fçavoit parfaitement le pays.
Beaumanoir ennuyé de ne pouvoir le rencontrer , lui
envoya demander un iaulnconduit pour aller lui ren-
dre vifite à Ploërmel : il y alla, dina avec Bembro ,
•qui Ta voit reçu fort civilement. La converfation rou-
la entr'eux fur ce qui fe pa/Tbit dans le Duché : Beau-
manoir dit à Bembro qu^il avoit fait tout fon po/Tible
pour le trouver en campagne , qu*il avoit même été
averti toutes Jes fois quMl étoit forti de fa place; mais
qu^il avouoit qu^il avoit affaire à un H habile homme
qui fçavoit fe retirer par tant de détours , qu'il n'é-
toit pas poffible de le rencontrer. Benibro lui repartie
qu'il étoit fâché de lui avoir caufé tant de peine,
qu^il la lui épargneroit à Pavenir , & qu^il ne tien-
droit qu'à lui de le voir oîi-, & quand il lui plaimit,
& avec tel nombre de fes amis qu'il voudrait. Le dif-
çours s'anima , .& fe termina par un défi de trente
Gentilshommes Bretons contre trente Anglois , dans
une plaine à la moitié du chemin Ats deux places; &
«^cft /a^on que rmftoire aoxmne la Bataille des
-^ ^-^-'
DE MONFORT. 197
trente , oîi Bembro fut tué avec quelques autres des
fîens , & la vi<^oire demeura à Beaumanoir , & à fes
Chevaliers Bretons.
La ComtelTe de Mbnfbrt envoya , aufli-tôt qu*ellè
eut appris Ta mort de Bembro , Trefîguidy pour fe je-
ter dans Ploè'rmel , qu\m voifin comme Beaumanoir,
eût pu furprendre, & elle fit fur le champ conduire
Charles de Blois à Breft , pour le tenir plus à portée
tf cire tranfporte en Angleterre , où elle vouloir le
mettre en fureté r ce qu'elle fit , & il fut conduit à
la Tour de Londres i mais il avoir la liberté d^aller
tous les jours à la Cour , fur la parol'e qu^ donna d«
coucher toutes Tes nuits à là Tour. Le Roi , qui étoit
uès-honnCie homme , lui accorda facilement cette
grâce , à la prière de la Reine qui la demanda , par-^
ce que Charles de BIoîs étoit fbn coufin.
LaComtefle , qui n'avoit plus auprès d*elle que Ma-
demoifelle de Maleftroit y fut priée de recevoir Ma-
demoifelle du Pontcallec , jeune perfonne qui n'àvoit
encore été vue que de ^qs voifîns : ellfe étoit fî belle
& fi touchante , qu'elle gagna en arrivant tous ceux
qui n*étoienr pas prévenus ; elle fit même Ats infi-
dèles. Du Chatel touché du mérite de la ComtclTc ,
ne put réfifter à Madèmoifelle du PDntcallec. Uh
amour,qu"'aucunc efpérance ne foutient,nc peut être
étemel , quelque mérite qui l^àit fait naître. LaCôm-
teflè n'ignoroit pas la paflîon de du Chatel; & com-
me il étoit un des pus vaiUans & des plus expérimeiH-
aiii
198 LA COMTESS E
tés de Tes Officiers, elle avoit toujours paru l*îgnorer,
de peur d'être obligé de facrifier Tes intérêts à fa va-
nité, & de perdre du Chatel , fi elle le maltraitoit; &
elle fe conduifoit fi habilement , quVlIe le tenoitdans
une crainte perpétuelle , & un fi profond refped f
qu^il ne lui étoit jamais , pour ainfi dire , échapé un
feul regard audacieux. Ses affiduicés & fon zèle poux
le fervice de la Comtcflè , croient prefque les feules
preuves qu'elle eût de fa paâlon. Toute forte qu'elle
étoit , elle s^afFoiblit à la vue de Mademoifdie da
. Pontcallec. Du Chatel commença à fe plaire auprès
d'elle ; & les chaînes qu''il portoit il y avoit û long-
tems , relâchèrent imperceptiblement : la railbnvint
à fon fecours , il fe dit mille fois que quelque grand
que fut le mérite de la Comteilèy il ne fuffifoit pas
pour faire approuver les fentimens d^adoration où il
étoit , qui n'appartenoicnt pas à une mortelle , &
qu^un homme de courage ne devoit point pa/Ièr fa
Yie dans la fervitude. Plus il voyoitMademoifelle du
Pontcallec , plus fa raifon devenoit forte : elle prit
enfin le defîus d^me padîon qu^elle n'^eût jamais eu
la force de vaincre , fans le fecours de la beauté de
MademoifeUe du Pontcallec ; mais cette raifon vi'
âorieufe ne jouit pas long-tems de fes triomphes. Do
Chatel s'accoutuma infenflblemtnt à voir Mademoi-
feUe du Pontcallec , & devenoit fort inquiet , quand
il ne la voyoit pas. Il s'apperçut que c'étoit le com-
inencement d'une grande paffion , il appella à fon Te-
DE MONFORT. 199
COUTS cette raifon-à qui il croyoit avoir obligation de
lai avoir fait bxifer des £tis qu^il avoir portés fi long-
tems ; mais il fe trompoic : cVcoient les charmes de
Mademoifelle du Pontcallec , qui avoienc chaifê la
ComceHè de Ton cœur , & qui en cha/Ièrent bientôt
cette raiibn qui lui avoir paru H puiflànre , qu^il n*c*
coûta plus. Il fe livra donc tout entier à fa nouvelle
paffion : il redoubla Tes afHduités auprès de la Corn*
teile , parce qu^il ne pouvoit voir Mademoifelle du
PontCvilIec ailleurs ; il y étoit continuellement , & la
Comte flè s'apperçut bientôt que cette jeune perfonne
lui a voit fait perdre un cœur qu^elle poifêdoit fouve-
rainement depuis plufieurs années : elle en eut un fi
grand dépit, qu^elle eût voulu fe le cachet à elle-mê-
même , parce qu'elle y voyoit fa gloire intéreffôe. Ce
dépit alla cependant fi loin , qu'elle fentit que Ma-
demoifelle du Pontcallec lui devenoit moins agréable»
Du Chacel plus vif dans fa nouvelle paflion qu^il n'a^"
voit été dans celle qui s'étoit entretenue fans efpé-
rance , crut qu*il pouvoit entreprendre de toucher le
cœur de Mademoifelle du Pontcallec , & fe mit en tê-
te de répoufer ; il fçavoir pourtant qu'elle n'auroii
que peu de bien , n'étant qu'une cadette , quoique de
grande Maifon ; il étoit auili fort peu établi lui-mê-
me ; mais il croyoit que fon épée lui acquéreroir des
établiflèmens aïïèz grands pour pouvoir rendre Ma-
demoifelle du Pontcallec heureufe. Il avoit acquis une
grande réputation , ^fi bien fervi la Comteffe, qu'il
R uij
ioo LA COMTES SE
avoir droit de fe promettre tout de fes fervîccs. ZI
Toulut donc s^xpliquer , mais il n'*en put jamais tn»-
▼er les occa/ions : Mademoifçlle de Maleitroit ce
quittoit jamais cette jeune perfonne , peut-être par
ordre de la Comteflè ; &.c''eft ce qu'on n'*a jamais fço.
Du Chatel ne pouvant parler, prit le parti d^écrire^
& lui mit un billet dans la poche de fa robe • fans
quelle Peut vu : il lui dit feulement en la quittant :
« Vous apprendrez aujourd'hui- un fecret quHm n'i
a» pu vous faire fçavoir qu^en vous écrivant : ov\ vous
•» fupplie très*humblement , Mademoxfdle , qu'*il ne
» foit fçu que de vous » . Elle n^entendoit point da.
tout ce qu^on vouloit lui dire : quelques momens
après , en cherchant autre chofe , elle trouva ce bil-
let ; elle balança long-tems fi elle le donnero it à Ma-
demoifelle de Maleftroit pour le porter à la ComteiTe
tout cacheta ; elle fit enfin réflexion fur la prière qt»c
du Chatel lui avoit faite > que le fecret qu'il conte-
noie , ne fût fçu que d*eUe ; & comme c^étoft un
«
homme qu'on ne pouvoit méprifcr ,. 'elle prit le pan'
de cacher le billet, & d'attendre à être feule poark
lire : elle y trouva la déclaration d'une grande paf'
ûovti que vous ailes voir*.
On craint nn témoin ttnme Msdemêifelti de MéUf'
trnt^ qui ne vetts quitte f/u : en craint bien fins , A/4-
demêiftlUi en vus décUrs>.tqne vent- avex.féiit msitrt
9 srrivdm à U Cettr , Is fltu ir*nJt ^ Im fUts rtf
DE MON FORT. lar
iSutmft pJtJJi4n fui ait jamais it \ Je ferai bien en
'ine de etnuohrtfor L premier de v»s regards ,Ji elfe
tttrr»it «nJQtir vems être a^rr ble ijije ne vous trouve,
oint de colère dans les jeux , je ferai affurément dans
r premier moment le flus heureux de tous les hommes,
ourriez-vous , Mademoifele , refufer un Jîmfle r*-
«rdquiferoit une parfaite félicité ^ Si vous pot. vit Zi
wnoitre avte quelle inquiétude je vais attendre ce nu-^
nent qui doit décider de mon fort , vous en feriez *#«-
bée de compajjîon ^fi vous n*ites suffi inhumaine fu€
uns étu ddorahle,.
Mademoifelle du Pontcallec ne fut pas^ fâchée de
k voir un adorateur comme du Chatel , la conquête
d^un homme qui a une grande réputation , ne pou-
vant déplaire. Comme c^éioit le premier billet qtfelle
eût jamais reçu^ elleenétôit embarraflée, & elle
craignoit aiilHquele premiei: de Tes regards ne fut
«spliqué trop favorablement. Du Chatel arriva un
moment après qu^elle eut lu le billet; elle nWa lever
les yeux ,.& il en fut fort en peine : il étoit allez ha-^
bile homme pour ne pas ignorer qu^une jeune perfon*-
nc qui n*ofe regarder un homme , lui eft auflî favo-
rable que celle qui ne peut s'empêcher de le regarder
toujours : cependant cela ne le railuroit point , il
s^approcha d'elle , & trouva moyen de lui dire tout
bas qu'il y avoit bien de la crauté à retufcr un-feul re--
{ard qui pQuvoit faire un homme parfaitement ikeu--
1
xoz LA COMTES s E
reux. Ce regard lui échapa maigre elle , & du Oud
le crut voir tel qu^il pouvoir le defîrer : elle le quim
fans répondre » pour aller joindre Mademoifdle^
Maleflroit , & demeura û embarrailëe , qu^eile &•>
foit lever les yeux. Un homme > qui n'eût jMSÔé
il véritablement touché , eût bien expliqué cet on*
barras ; mais un Amant n^ofe s^aflUrex fur aucjtt
apparence. La Comteflc , qui prenoit plus ^'vA
en du Chatcl qu'elle n'avoit cru , robfervoit foigfl»J
fement) & fut bientôt confirmée dans les foupçoifl
qu'elle avoit eus que Mademoifelle du Pontcalleclâl
avoit enlevé un cœur qu'elle ne pouvoir mé^^^
quoique ce ne fut que le cœur d^un de fes fujets,dk
examina Mademoifelle du PontcaUec qu'elle tioA,
réveufe & embarrafTée aufli-tôt que du Chatel paroiP
foit. Malgré fa juftice & fa raifon , la Comtefiê la pôt
en averfion , & fut toute prête à la renvoyer à i
Biere ; mais le prétexte lui .manquoit : le premi*
parti qu'elle prit pour adoucir fes inquiétudes, âtj
de donner des ordres à du Chatel , qui l'éloignoicflt i
de Mademoifelle du PontcaUec : il obéit, eiï^ff^
promptement & parfaitement bien ce qui lui aroit
été commandé , & revint après avoir mis en èks^
un gros corps de cavalerie qui tenoit la campa^'-
cependant la Comteflc n'en fut pas contente, & trou-
va à redire à fa conduite, pour avoir occafiondcl*
maltraiter. Il en fut furpris , & en chercha la caev
(ans pouvoir la trouver : car il étoit bien élo^ ^
m
DE MONFORT. zoy
croire que la Comteflè eût pj:is quelqu^intérêt à c^
qui fe pafibic en Ton cœur.
Il étoic/i occupé de fa nouvelle paflion , qu^il ne
foageoic qu^à plaire à Mademoifelle du Ponccallec par
fes afiîduités & fa magnificence ; car il ne pouvoit
Tent retenir , & ne fçavoic comment découvrir ea
quelles difpontions elle étoit pour lui ; il la trouvoit
toujours xiéconcertée , & n*ofant le regarder. Quel-
ques regards qui lui échapoient malgré elle, lui don-
noient feulement quelques légères efpérances. La
Conatefle ne le traitoit pas fi civilement qu*à l'ordi-
naire , il en étoit fort inquiet , & il fut bientôt a£-
furé qu^elle avoit quelque mécontentement. Ses pen-
fîons&fesappointemens d'Officier général luiavoient
toujours été payés exaftement : il envoya à fon or-
dinaire chez le Tréforier ; on répondit qu'il n^."
avoit point de fonds ; il en parla lui-même au Tré-
forier , qui lui dit que la Comtefie, qui prévoyoit ap-
paremment d'avoir quelques dépenfes extraordinaire»
à faire , lui avoit commandé de ne payer perfonne ,
quVUe ne reCic precifément ordonné , & qte s'il lui
plaifoit de lui en parler , il croyoit bien qu'il feroit
excepté de l'ordre général. Du Chatel en pjirla à la
Comteflè , qui ne lui répondit que par on fouris mé-
prifant. L'on peut bien juger qu'il n'avoit pas Tefprit
en repos ; auifi tomba-t-il fur le chaitip en de nou-
velles inquiétudes.
Le jeune Comte de Monfbrt rjévenu depuis peik
Z04 LA C OMTESSE
^Angleterre , trouvoit Mademoifelle du ¥mi
fbrc aimable : il éioit connnuellement auprès (l'<
& lui parloir toujours : elle ne pouvoir refufc ^
coûter , il étoit ^on Souverain. Du Chatel éi
défcfpoir des aflîduités du Comte , ne fçavoir
remède apporter à un fi grand malheur ; il RC
▼oit s"*en plaindre à Mademoifelle du Pontcallcc,
Mademoitelle de Maleftroit ne quittoit , que
liuilèr le Comte de Monfort libre auprès dViit
Comteflè s'apperçut du défefpoir de duChaid,
étoit fi changé & fi abatu , qu^l nVtoit pas
Êible : elle voulut achever de Taccabler, &p^
une vengeance complette. Elle alla un jour fe
ncr à une Abbaye proche Je Hennebon , & nt
dans fon chariot que fes deux Filles d'honneur
n'en ramena qu'une : car elle îsâifst MademoiTeflf
Pontcallec entre les mhins de l'Abbeflc r à qui
commanda de ne la làiflcr voir à perfoiuie fi^
ception : ell« fit entendre que lès aflîduités du f
Comte de Monfort en étoient la caufe ; el'c dit©
cette raifon à fes ferviteurs les plus affidés , & <!«
feroit pour peu de tems, & qu'il fclloit laiflcr unp«
pailèr la fàntaifie du Comte.
Ce jeune Prince , qui pouvo?t trouver de Tam'
ment partour, fut bientôt confolé de ne pJ'JSvoiraBi\
perfonne qui lui avoit- cependant paru fort ai
il çommençoit à prendre le foin de fes aflaireJ; *^
&ii.en arriva hientdt:de fort férieufes».
DE MO NIORT. aoj
arles de Blois revenu depuis peu d^Angleterre «
}loic des croL.pes , le jeune Comte fît la même
Du Chacul , qui ne fe confola pas fi &cile-
que 1.1 Comceile , mit tout en ufage pour tâcher
ir Mademoifelle du Pontcallcc ; sxms tous les
ts qu'il y eixiploya , furent inutiles ; il s*en plai-
•
ï la Comte/Iè , à qui il voulut déclarer le def-
ifil avoicd^ipouferMademoirelle duPontcallec;
la Comteile ne lui répondit qu^en des termei
gus ; il n^en put jamais tirer une parole qu^ilpûc
idre. Ses penfioni ne lui étoient pas payées , &
lit le feul qu^on refufat de payer : il en fit enco-
> plaintes à la Comteflè y qui lui répondit enfin
aigreur , jufques-U même qu'elle lui dit qu*il ne
H)rcunât pas davantage. Il connut fa difgrace; &
ouvant faire autre chofe que de céder à la for-
) il partit i)rurquement , &s'en alla offrir fes fer-
( au Roi -de France , à qui fa réputation avoit
'^ p ;)ur lui. Il en fut ag éablement reçu , & eut
' la fuite beaucoup de>crédit , & des emplois con*
'ables à la Cour de France : c^«ft celui qui 6it
)Çonné d^avoir tué le Duc de Bourgogne. •
:u de tems après le départ de duChatel , laCom-
• laiflk le foin des affaires au jeune Comte qui en
i^noit fort capable : elle alla établir fa Cour au
^teau de Sufilniodans t'Iile deRuys, qui eftlaplufl
>^ble demeure du Duché ; retira fa belle priCbiv
re du Couvem oà elle Tavoit mife» & Peut loib*
À
lotf Ij4 comtesse, (x.
jours auprè» d'elle , jufqrfi ce qu'die eûi [ran*!
callon delà marier. Le jeune Comte lïi RKp"'
k Chailes de Slois ; Se cciHn apièi plulituii >
contres, la bataille d'Aulray fc donna, oJ^Î
relie fui décidife par la mort de Cbailes^BiJi
■ ie Comte de Monron fut Duc de Bretagne iH'
teOattoa , fous le nom de Jean le Vaillutt.
FIN.
i
207
LA PRINCESSE
) E PORTIEN.
L fembloit que la nature fe fût épuifée en faveur
de la Maifon de Cleves ; & Ton n^avoit jamais
1 vu de n beau , que les trois Prince/Tes » filles de
inçois de Cleves , Duc de Nevers. Leur bonheur
jîc égalé leuF beauté , & la foxcune leur avoit trou-
des partis dignes dVUes : Taînée t Ducheflè de Ne-
rs , avoit époufé un Prince de la Maifon de Man-
ue , le plus accompli Cavalier de TEurope i la fe-
nde étoit mariée à Antoine de Croi , Prince de
>rtien , Tun des plus riches Seigneurs de France ; &
troifiéme à Henri de Bourbon , Prince de Condé ,
li avoit Mionncur d'être le fécond Prince du Sang
oyal de France.
Madame de Portien fe trouva dans le fond la plut
eureufe des trois : elle rencontra dans Monfieur de
otiien un mari toujoursamoureuz de fa femme , &
ttentif à prévenir fes moindres fouhaits. D^ailieurs
t Prince avoH une foeur qui forma une amitié très-
•troite avec Madame de Portien , & cette amitié pa«
ûiflbit à cette Princeflè un bien fans prix.
^tademoifeUe de Portien étoit faite d'une nunicit
xoS LA PRINCESSE
à être Tadmiration de Ton iiécle. Sa beauté btk fi
.parfaite , qu'on ne remarquoit en elle aucun tniiii*
régulier.
£lle étoit brune , & néanmoins fon teint étoitéch'
tant , rien n^étoit plus majeftueux que fa taille, n'a
de plus heureux ni de plus engageant -que fa pbyfio-
nomie. Elle âvoitrefprit élevé; une vertu févcrcétoir
l'ame de fe$ aftions , une noble fierté les fouteoûit
toujours. Madame dePortien étoit d^un «ra&if
bien plus doux ; aufli une certaine complaifance ^
lui étoit naturelle > Tinfinua dans le cœur de Made-
moifelle de Portien , Se lui donna pour fa belle-fœuf
une amitié fi vive , qu'elles ne pouvoxent fe quittf^
fans fe faire beaucoup de peine.
- Monfîeur de Portien remarqua leur union avec me
joie fenfible. Toutes Ces afFeftions étoient partagée!
entre ces deux Princeflès. Son mariage s'étoit célébré
à Kevers , oli Madame de Portien avoit été éleîéc;
peu de tems après il les amena à la Cour. Les ré-
joui/Tances du mariage du Roi Charles IX. avec laâ^lc
de r Empereur Maximiiien , y duroient encore.
On fut ébloui de la beauté des deux Princeflès. Au-
cune Dame n'en pouvoir approcher , que Madsiiif
Marguerite fœur du Roi : encore les plus délicatf
trouvoient dans Mademoifelle de Portien une beauté
plus naturelle que celle de Madame. Cette Cour avoit
toute la grandeur de celle du feu Roi Henri II. & ^
tranquillité dont la France jouiâbit , ea ^^xçoesd^
tes
^idb^
«k
DE PORTIEN. X09
fes plaîflrs. Mon/ieur Henri de France, Duc d* Anjou,
ftere du Roi 5 & le Duc de Guife en faifoienc tout
rornement ; & Ton eût difficilement décidé duquel
elle recevoit plus d'éclat, tant ils avoient Tun &
l'autre de qualités héroïques.
Mondeur dans la fleur de fa jeanefTe avoit déjaac--
qitis la réputation du plus grand Capitaine de TEu-
xope. Il avoit gagné deux batailles , dans un. tems oii
les autres Princes n^onc pas achevé leurs exercices.
Il s'*étoit vu à (quinze ans Lieutenant Général de PË"
tat ; & s^il étoit H grand du côté de la gloire , il ne
paroiiToit pas moins aimable au milieu d'une Cour
paiiîble. La régularité de Tes traits lui fournifibit con-
quête fur conquête ; il' avoit Toeil charmant , la bou"
«he vermeille , L'air &. la taille d'un Héros ; fon efprit
répondoit à fa. nai/Tance ; fa douceur. & fa bonté, le
faifoient aimer de tout le monde..
Monfieur Henri de Lorraine , Duc de Guife, étoit
un peu plus âgé que Monfieur. Il avoit le teint beau ,
le front ferein, Tair riant ,.ies yeux vifs & perçans ,
le port animé > la démarche, grave ; fa phyfionomie
marquoit. en même tems de la douceur & del'audace.
Il avoit infiniment de Tefprit i & tout le monde
convenoit quUl feroit un jour auiïi grand Capitaine
que le Que de Guife ioa père , qu'on,avoit.nommé le-
Héros de la. France..
Monfieur & le Duc de Guife fe trouvant de même âge> •
k poiTédant à peu près les mêmes qualités , s'étoient.
Tome IL S.
X \
lo L^ PRINCESSE
paru dignes Tun de Tautre j ils s'éioicnt alandoonép
à rinclination qu'ails s'étoient fenti Tun pourFaiŒt:
la plus tendre amitié en avoit été la fuite. Ils atoicnt
les mêmes plaifîrs ; ils ne s^abandonnoicnt jamâs ;
leur goût fe trouvoit prefque toujours femblable.
Monfîeur aimoit Madamoifelle de Châteasoeuf :
c^étoit une des belles filles de France.
Son commerce étoit rempli d^agrémens; & qoai-
qu'il n'eût pas foupiré long-tems , il avouoit à Mon-
fiêur deGuife que MademoiftUe deChâteauneufaTok
trouvé le fecret d^arrêter un cœur pour jamais.
Monfîeur de Guife étoit deven^ amoureux de }^
âame ; & il avoic eu d'autant plus de &dlité à f&
faire aimer , qvCiï Tavoit trouvé prévenue à fon égaii
de la plus forte paflîon. II avoit bien ofé faire codE*
dence de fa conquête à Monfîeur, Ce Prince ne s^étoit
point formalifé qu^l ofât aimer fa fcsur : il lui repit)-
choit feulement qu*il ne lui avouoit pas tout le feat^
de fon amour.
Ces quatre Amans goûtoient les plaifirs les plot
part y lorfque Monfîeur de Portien arriva à la Cotir.
Madame de Portien & fa belle-fœur allèrent faluer la
Reine , qui les rc< m ivec toute la bonté poâible. Uœ
ÊMile de Princes étoient dans la chambre de la Reine?
qui ne parent fe lalTer d'admirer Mademoifelle ^
Portien. Monfîeur & le Duc de Guife s'y ttouTeitnt
Ton &rautre> & fentirent je ne fçais quelle émotion
tu la regardant» Vvtn & Pautre otdnUercnc pour (^
DE PORTIEN. xTT
temps leurs amours ; & Monsieur Tayant vu fortir
peu après avec Madame de Portien que le Roi recon-
duifoic , il donna la main à Mademoifelle de Portien,
&. la mena à fon carroHe : dans ce peu de tems il lui
parla. Ses réponfeslui femblerentjuftes&. faites avec
tant d'efprit , que long-tems après qu*il Peut quittée,
, il fe trouva encore occupé de fon idée. Il rejoignit
Monfieur de Guife. « Avez-vous rien vu ( lui dit il )
» qui approche de la beauté de la fœur du Prince de
» Portien ? Mais ( pourfuivit-il rapidement ) elle efi:
» aufli fpirituelle que belle m. Monfieur de Guife fut
fâché d*entendre Monfieur louer cette Princeflè ,
quoique dans fon cœur il lui donnât les mêmes
louanges.
Dès ce même jour Moniteur alla chez le Prince de
Portien , & y mena avec lui Monfieur de Guife. La
vue de Monfieur troubla Mademoifelle de Portien.
£lle avoit remarqué le matin ufle partie de fon em-
preflèment ; & elle Tavoit remarqué avec joie r fon
cœur s^étoit fenti vivement frapé, La vue de ce jeu-
ne Prince , dont la réputation étoit tant de fois par-
venue jufqu'à elle , & qui furpaflbit fa réputation y
avoit fait fon effet ordinaire fur Mademoifelle de Por-
tien. Il lui avoit paru le plus aimable de tous les
liommes ; &. cette fympachie , qui n^<^it jamais inu^
tilement , s^étant rencontrée entre cette Princefie &
>lonfieur , leur ayoit déjà <k)iiné cette difpofition à
aimer^ que tant de gens prcnnentpoux ramojii]: même»
Sij
o
iiA LA PRINCESSE
. Mademoifelle de Portien ne çonnoiilbit pas encoiC
tout l^effec que la vue deMonficur avoir produit dans
ibn cœur. Elle sMmaginoit que Tadmiration & Tefti*
me compofoient tous feS' Tentimens : la vifite quVile
en reçut, lui fît eonnoitre qu^il étoitbien plus avai^
ce. Les yeux de ce Prince tendres & animés loi di-
xenr beaucoup de chofes : les (lens lui en répondirent
plus qu^il ne penfoit. Tout le monde s^apperçut que
leur converfation leur plaifoit réciproquement : elle
fut lojigue , & lorfque Monfieur la fink , il croyok
^^elle n'avoit duré qu^un moment. .
Monileur.de Guife en cretenoit Madame de Portien-,.
& foutenoit un perfonnage extrêmement embarra/Ie.
Il étoit au défefpoir de Tattache de Mon/îeur; il re*
gardoitinceflàmment Mâdemoifelle de Portien ; il ne
fongeoit pas qu^il achevoit d'être vaincu , & queM«—
demoifelle de Portien s'appercevoit de fa diftraâion. .
Cette PrinceUè enpénétroit lacaufe ; elle enavoit
un fecret dépit : elle avoit trouvé Mondeur de Guife
aulfi aimable qu^il Pétoit en efTet ; & quoiqu'elle ai-*
mât Monfieur de Portien ,. elle ne laiïïà pas de ref-
iientir ce -que le procédé de ce Prince avoit d'indviK
Les deux. Princes fortirent de chez le Prince de
Portien , égalementamoureux ;jnais bien moins con-
tens Pun de loutre par une raifon bien afférente ;,
ils ne parlèrent point de Mademoifelle de Portien ;&
Us fe quittèrent „Moafîcui de. Guife d^'a un peu aii^-
«icQAtre Monfieur..
« .j
DE FORTIEN: 2rr3
Ce Prince vif & prompt ne fut pas plutôt féul, qu'il
s'occupa de fon- nouvel amour : celui qu*il avoit rcf-
fcnti pour Mademoifelle de Châteauneuf ne le com-
battit pas un- moment ; il le facrifia fans tiédter à
Mademoifelle de Portien. Il continua dfe voir cett»-
dernière ; Scû de jour en jour elle lui femblôit plus
aimable, die le uouvodt.de fon côté un Prince ac-
compli ;.
Monfîeur dé Guifé ne fut pas moins engagé i quoi-
que Mademoifelle de Portien ne contribuât en rien à (a .
défaite , & qu'Hun puiflànt obftacle la voulû^ retarder*
l.^s bontés de Madame n^avoient pas peu inquiété Te
Duc deGuife : il Pàimoit depuis un an ; & Madame
fans attendre Tordre du Roi , ni peut-être Tamour dû
Duc , avoir pour lui une inclination violente. L'élé-
vation de cette Princeflè , & fon extrême beauté vou-
lurent fouvent étouffer là palTton nai/fante de Mon-
iieiu: de Guife. Les reproches de Madame ne lui fàf—
foient pas moins de peines : « Vous ne m'aimez plus,.
» ingrat ( lui difoit-elle )'vous fuyez la gloire aifée :
» je ne remarque que trop la froideur de vos tranf-
» ports & la glace de vos dffcours. Vous ne m'aimez .
M plus-, vous allez (îgnaler ma foiblefl^ & votre in-
» confiance ». Monfîetir dé Guife lui fâifoit despro""
teflations qui ne la rafluroient j>oint ; & les yeux dè.-
ce Prince démentoient ^cs paroles;
Lorfqu*il fut retourné chez lui , il s'abandonna au»;
i^tts cnifils remors. « Madame mérice-trclle d^être-:
a!4 LA PRINCESSE
M fi indignement trahie ? ( fe rcprochoit-il à lui-mé-
» me ) Elle m*aime avec une tendrefie digne dtçlux
M de bonne foi. Ah ! déterminons-nous ; ne fouffiom
M point de partage : Madame & Mademoifeilc de
i> Portien méritent un cœur entier. Ceflbns d'aimer
a> l*une ou Vautre ; prenons garde (coniinua-wUflC
» faire une infidélité inutile , Monfieur aimcMade-
» moifclle de Portien, p#»ut-ctre elle Taime d^a.M':-
» 'rai-je expofer aune pareille difgracc ? Non( ajoû-
» ta-t-il ) Monfieur ne Taime point ftricufaneni;
•> des Filles de Roi lui font feulement deftinécs, ai-
«> Ions lui découvrir notre foibleflè ; qu'il me céic
%> Mademoifclie de Portien : elle ne peut faiie ioa
» bonheur , & elle fer» tout le mien. Je n'ai aia«
» Madame que par gloire ; mon ambition lui a fri
» offrir mon coeur ; facrifions-la à un amoui plus
» jufte & plus ardent. En effet il prit la réfoluriûo
d'ouvrir fon cœur à Monfieur U première fiw qa^
fe trouveroit feul avec h:i.
Ce Prince n'^avoit pas été long- temps fans iniw*
mer Madcmoifelle de Portien d'une flamme qu elle
avoit allumée : il trouva une occafion favorab'.e dt
s*expliqucr. Prefquc toute la Cour étoit chez laReist
JtCere ; & Pon avoit lait partie d'aller fe proaxQt^
.dans fon jardin ^es Taileries, qui étoit achcK de-
puis peu. Chaque Prince donna la main à une Daaif i
& Monfieur fe trouva avec Mademoifelle de Portiez.
Ils eurent quelque tems une converfation aifa i^^'
DE PORTIEN. 215
ilifi<5rente; mais enfm Mondeur prenant la parole :
« Sçavez-vous bien » Mademoifelle ( lui dit-il ) que
» je fouhaite depuis long -temps roccafion dont je
]» jouis ^ Je fuis feul avec vous , on ne nous entend
s» point 9 & je puis vous dire en fureté que je meurs
» d^unour pour vous ». Mademoifelle de Portien
fe troubla à ce difeours qu^ellc n*attendoit pas. Elle
r'avoit tant fouhaite , qu^elle ne pouvoit n^en pas
reilèntir de la joie ; mais il lui parut que le Prince
s^étoic expliqué avec beaucoup de liberté.. D^ailleurs
la fierté , qui eft fi naturelle aux Princeflès , Tobligea
d'y répondre d'un ton un peu fec. •* Que venez-vous
» de me dire , Moniieiu:.^ vous n'y faites pas de re-
i> flexion : vous croyez être avec Mademoifelle de
» Châteauneuf M . Ce repioche ne déplut pas à Mon-
iieur. <( Non , Mademoifelle ( lui repliqua-t-il , avec
» cet air charmant qui enlevoit tous les cœurs ) je
» fçais bien que je parle à vous. Il eft des amu£emens
» aufquels on permet quelquefois aux Princes de s'ar-
» rêter. Tel a été l'engagement que j'ai eu avec Ma^
» denooifelle de Châteauneuf ; & il eft des paATions
» véritables , qu'on reiTent pour des perfonnes com-
i> me vous. On donne à ces amulemens les momen»
» perdus de fa vie ; & l'on facrifie fa vie même à.
» ces palfions. £nfin on honore de quelques vifiter
» Mademoifelle de Châteauneuf , & on offre à Ma--
» demoifelle de Portien , de paruger avec elle tout
» ce <|ue Pon a reçu de laKawxe & de la Fortune » «.
■PI
J
xts la princesse
Kfademoifelle de Pprtien étoit <î agréablement fo-
^e par ce difcours obligeant , que le Prince pou^o '
lire dans fes yeux le tranfport de fon ame, quoiqu'elle
n'oubliât rien pour le cacher. Sa modëftieluifiierii
nfpondre à MonTieur : « Comme je n'ai point mérirf
» ( lui dît-elle ) lè comblé des honneurs que voiis
» m'offrez ,. permettez que je remontre à Votre Al- ,
» teflè Royale , qu'elle pouflfe trop 16in fon bonne-
» té , & qu^ll faut ... ... « Je lapouireroiy,juf(}ii'î
3» vous offrir le Trône ( interrompit le Prince )B
3» Fortune m'y avoit placé , & vous pouvez prétw*
n dre plus loin , s'il eft quelque chofe.au-deflus. Waiî
M moi , je ferois peu de cas & diti Trône & des pi»
M grands honneurs , s'il me lésfalloit pofféderlans
i> vous. Parlez donc & dites-moi , fi votre cœurn'i
» point de répugnance à m'aimcr; (î je puis mefli*
» ter que ma tendrefïè & ma cbnftance ne feionr
» point inutiles auprès de vous. • « AK ! Mônikni
3» ( lui répondit-elle ) vous êtes îsàt d'une manière
a> que vous ne pouvez' gueres aimer fans être aiin^i
» mais j'appréhende qu'après avoir infpiré dcJi-
9» mour,- vous ne ceflîez d'en avoir». Monfieui
fut charmé d'une crainte fi obligeante. Il Itii jura<l£
Paimer toute fa vie, & il l^ailura qu'elle enauroit
bientôt des preuves certaines. Lorfqu'on fut retour-
né chez la Reine , il quitta fa Màitreflè , leplus-araoi*-
xmx de tous les honunes.
Ujie put coacenif ik joie« B courut étiez- Mon/i^'"^
DE PORTIEN.^^ 117
de Guife. « Mon cher ami ( lui cria-t-il ) je vous d^
u mande pardon de vous avoir caché fi long-tempt
» une ps^ton qui m'eft cbere. J'aime Mademoifeile
M de Poriien , j'en fuis aimé , partagez tous met
« tranTports » . Le Duc de GuiTe refta immobile à ce
difcours qui perça jufqu^au fond de fon ame : il ré-
pondit avec un air -glacé aux careiTes du jeune Prin-
•cet « Je mVtois bien appei«çu ( lui répondi^il ) que
w vous aimiez ; mais je ne vous en avois point par-
M lé , parce que je ne veux fçavoir de mes amis que
» ce qu^ils veulent m^apprendre. Hé bien , Monfleur»
j» que prétendez-vous de Taroour de Mademoifeile de
M Portien } » Comment ( répliqua li^onTieur furpris
M de cette demande ) ce que je prétens } je prétens
w Taimer , en être aimé , À devenir le plus henreux
» de tous les hommes. <« Penfez-vous donc (ajouta
» Monfîeurde Guife) trouver dans Mademoifeile de
M Portien autant de facilité qu*avec Mademoifeile de
u Châteauneuf ^ « J^en feroisbien fâché ( répondit
M Monfieur ) je crois que fa vertu égale fon mérite ,
» & je la compare fi peu à la Châteauneuf , que je
» compte de Tépoufer » . Ce fut-là un coup de foudre
pour Monfieur de Guife. <* Croyez-vous ( lui dit-il
u froidement ) que le Roi fe tiouve de votre fentî-
M timent, & qu'il n'y ait pas quelque difproportion
•» entre la Maifon de France & celle de Croy » > Mon^
fieur fut choqué de la réfiftance qu'il trouvoit en fon
ami ; & prenant tout d^un coup un air de grandeur
Tome L X
«t8 LA PRINCESSE
qui ]« fit méconnoitre au Duc de Guife. « La Mniba
a» deCroy, répondit*il, eft ailèziUuftre, foaxvtt
fl» pas ftire rougir celle de France ; 8l d^aillcua voas
» devez Tçavoir <|u^il iiiffit aux fils de Rots de vou-
n loir s^allier dans une Maifon y pour la rendre safi-
» tôt digne d*euz ».
Monfieur quitta le Duc de Goire prefque auffi-tfit
Cette converfation ne refroidit pas peu leur amidé-
Monfieur de Guife voyoit par le projet de Monficm
toute refpérance de ion amour évanouie : il zCa
aimoit pas moins au fond du cœur.
« Quelle cruelle contrainte ! ( s*écrioit-il ) j*ainir^
3» on ignore mon amour ; lliotmeur & I^amitié me
a> défendent de le découvrir. Je le ferois peut-être
s» inutilement ; au milieu de cette gêne il me fiiBt
M feindre de Tamour pour une autre : du moins
» ètons-nbus ce dernier chagrin ; ne voyons plus
a> Madame ; j'ai trop de peine à la tromper , ftdle
» ne mérite pas de l^être ».
Mademoifelle de Portien s*abandonnoit à Viàét
d^époiifer le frère d*un Roi , pour lequel elle rr/ièn-
toit la plus vive tendreflè , & qui étoit d^aiUeurs le
plus digfie d^être aimé. Monfiëur la voyoit aiSdii-
ment : elle avoit tant de mérite , que tout le inon-
de regardoit fans envie la forttme qui lui écoit de*
Ainée.
Mon(ieur étoit fur le point de faire agréer cette
alliance au Roi > loxfque le Prince de Portien tombi
0'
1 t>.
DE PORTLEN. *if
malade > & fi dangereufement y qu^on craignit d*a«
tord poux fa vie. MademoifeUe de Ponien en fut
autant affligée que I*eKig«oient Tanion & raini<«
tié qui avoit été entce foa frère & eUe. On n^ou-
^lia aucun diçs f«»ins qu^on a accoutumé de prendre
dans ces occafions pour confenrer une vie » oiï ont
de gens s'intéreâôient. D*abord on efpéra de la jeu-
neflè i mais la violence du mal remporta. Le Prince
de Porcten connut qu*il iàHoic mourir ^ & on Tea
avertit : il s*y dirpofa avec confiance ; il fit venir
Madame de Porrien & fa foeur. «« La mort ( leur dit-
u il d^un ton aflèt ferme ) rompt une union digne
•> d^une plus longue;durée. Votre amitié va être ré-
o duite à deux j que ma mort ne la finilTe pas ; fer-
» rez-en les noeuds , je vous en conjure : ^imez-vous
i> à caufe de moi & à caufe de vous-mêoies » & fou-
» venez-vous quelquefois de moi ».
Elles fondoient en larmes auprès de Ton lit , & ne
lui répondoient que par des foupirs. Il mourut quel-
ques jours après. Le deuil des deux Princeilès $it ac-
compagné d*une longue retraite : elles ne parurent à
la Cour que trois mois après la mort de Monfieur de
Portien,
Monfieor les avoit quelquefois vues dans leur fo*
lirude. La douleur de Mademoifelle de Portien n^a-
voit pas diminué foa amour. Le deuil avoit tellement
rehaufie îsl beauté , que ce Prince paroifidit impatient
de le voir finir. Cette impatience donnoit à la Prix|«
_ A
ftio LA PRINCESSE
ceflè une joie fenfible. La mort de fon frère Favoic
rendue héritière de tout le bien de fa Maifon. EDe
n*avoit point quitté Madame de Portien , qui conô-
fiuoit à vivre avec elle dans une parfaite unioiu
Monfleur de Guife dévoré par une paffion qu^il ne
pouvoit vaincre , s^attacha par dépit à Madame i ft
tâcha par des ailîdtiicés forcées à réparer les firoideiin
qu^il avoir eues pour die. <« Vous revenez à moi
•> par caprice ( difoit cette Princeilè ). FoiUe qiKJe
s» fuis , je vous reçois toujours ! Je vous rendrais
9» plus confbirten puniflànt vos infidélités. Hélas!
a» vous profî tez bien du penchant que j*ai pour vouf U'
£n ce temps-là , on rapporta au Roi quelques pai-
dallantes de Tamour de Madame & de Monficur àe
Guife , peu favorables à la réputation de cette Prin-
ceflè. Le Roi étoit fort emporté. Il ordonna furk
champ à Monfieur d*Angou]ême d^aller défendre à
Monfîeur de Guife , de fa part , 4e voir Madame.
Monfieur d*Angoulême n^aimcMt pas œ Prince , avec
lequel il avoit eu quelque différend ; il s'acquitta de
cette commiffion avec joie. « Ne fçavez-vous point { lui
t> dit le Duc de Guife , lorfqu'il la lui ezpofa) la rai-
M fbn d*un ordre fi bizarre } « Non ( lui répondit^
»• il durement ) je fçais feulement que le Roi veut
» être obéi , 8c que vous devez le faire. Cet a vis dé-
plut à Monfieur de Guife. « je fçais aufli-bien que
«> vous ( lui repliqua-t-il ) jufqu*oii sVtend & mon
•» devoir & Tautoricé du Roi ; & ce ti*eà pas ainlî
"DE PORTIEN. 2.11
i> que les Prédéceflèur» de SaMajefté ont traité mes
a> aïeux w. EnCuite il lui tourna ie dos , & le quitta
pour aller voir Madame.
Monsieur d^Angoulême rapporta au Roi la réponfe
du Duc de Guife , & même Tempoifonna. Le Roi ap-
prit aufll que ce Prince depuis, fa défenfe voyoit M\i-
daxne plus aflidument : alors il entra dans le plus
violent courroux. » L'infolent ( s'ccria-t-il ) il mé#
ao prife mes ordres ! Allez ( dit>il à MonHeur d'An-
» goulême ) chcrchez-lc , & le tuez m. Celui-ci fe fît
un hoiuieur d'exécuter cet ordre. Il réfolut de tue;
Monfieur de Guife à Ton avantage.
La Maifon de Lorraine apprit la colère du Roi , de
lut faifîe d^une frayeur mortelle : elle h*avoit jamais
eu de Chef d'une fi grande efpérance. Le Cardinal de
Lorraine alla trouver le Roi ; il lui remontra la jeu*
neilè & l^iprudence de fon neveu , & le pria de lui
pardonner. Le Roi 6^ d'abord inflexible ; mais enfîn
l^emprei2èment du Cardinal Payant fatigué : ce Qu'il
3» fe marie ( lui dit-il ) il ne peut fauver fa vie qu^à ce
w prix ; & je ne lui donne que huit jours pour le
s» Elire i>. Le Cardinal promit au Roi que le Duc de
Guife obéiroit , & lui fit révoquer Tordre qu^il avoic
^onné à Monfieur d'Angoulcme.
Mais le Cardinal ne fiit pas peu embarralTé à faire
réfoudre Monfieur de Guife de tenir la parole qu'iî
avoir doimée pour lui. Outre que fon cœur ennemi de
la iervitude » y repugnoit par hauteur , il ne pouvoir
•m •• •
421 LÀ PRINCESSE
perdre pour jamais Terp^rance de poflidciMadani*
lelle de Pottien. <« Meî ( ^tfoit-il au Cardinal de Loi'
»> raine ) j^obéirai fervilem^M à «ne ordre iniafte ?
9 il me met donc aa fang du lefte de (n fiôea >
» Ah I ( s*écrioit-H avec un air farîenx ) fortoo; p}a-
» tôt d'un Rof atHne , dont it eSk redevable à h n*
1» leur de mes pcics , 9l n'y rentrons <}ue les anno
» à la main n,
Les raifons du Cardinal fi^cbirent enfin cet efpnt
Impérieux. II lui remontra ^ite fm fuite altok renver-
fer fa Maifon; qa'il aliok détruire en un moment as
ouvrage qui avoit coôtë un fiecle à ion père & à fôa
jiïeul; que Tes partiians perdroknt c«mr en ne le voyant
plus ; It que s^ft vouloit fe venger , il ne le pouvoit
faire plus Airement quVn demeuiaiit en France i nuài
^il fallott cemkiencer par obéir.
L*8mbîtion du Duc de Guife , 8c la penl^ cruelle
que Mademoifell^ de Portien^toit deftinée à Mon-
teur , déterminèrent ce Prince à fe marier ; laùi
lorfqu**]! voulut cfaoiiîr ime femme» il ne fçavoitriB
qui arrêter fcs penfées.
« Hélas ( dinoit-il en hô-même fur toutes ceBes dont
» le Cardinal de Lorraine lui parloir } eft-ce-Ià Ma-
s> demoifelle de Portien ? » Enfin ce même amour t
fource de (on défcfpoîr , le fit arrêter fur Madame de
Portien. <*- EHe aime Madame de Portien ( difoit et
» Prince ) die demeure avec elle , du moins je la
i> verrai tou» les jours iufqu*à ce qu^elle époofe Mpo-
nE PORTIEN. 22J
i> fieuT. Je ferrerai les nœuds de leur amitié; je ta-
u cherai d'oeil faire rejaillir une partie fur moi,; je la
» verrai enfin , & c^eft aflèz pour un Amant aufli
» malheureux que moi ».
On n^obferva pas à ce mariage toutes les formalités
que le rang des deux époux auroit demandées. Le
terme que ie Roi y avoit prefcrit , y apporta une
précipitation qui redoubla Rembarras deMonfieur de
Guife. Le Cardinal de Lorraine parla à Madame de
Portîen , & la réfolut facilement . à cette alliance.
Quoique le deuil de cette Princeflè ne fut pas enco-
te pafle , Ton inclination eut bientôt levé fon fcru-
pule. £lle aimoit Monfieur de Guife depuis long-'
tems : ce quelle devoit à Moniteur dePortien, avoit
étouffé cette ardeur naiflànte ; fa mort Tavoit rallih-
mé ; roccaiion fe préfentoit de la remplir. Elle ne
confulta pas trop fî Tinclination de ce Prince étoit
d^accord avec la fienne : elle fe flatta de la mériter.
Enfin Monfieur de Guife époufa Madame de Por-
tien.
Mademoifelle de Portien fut préfente à ces noces »
& Monfîcur de Guife y parut dans une triftefïc pro-
fonde. Elle lui en fît la guerre adèz agréablement en
lui en demandant la caufe. « Ah! Mademoifelle ( lui
>• répondit ce Prince) peut-on déguifer fon défef-
» poir , lorfqu'on aime tendrement , & qu'on perd
» pour jamais Tcfpérance de poflïder ce qu'on ai-
» me » ? Mademoifelle de Portien s'imagina que ces
T. • • •
lllj
ZX4 LA PRINC ESSE
paroles fe rapportoient à Madame. Cependant le Dar
les avoit proférées en la regardant fixement ; & eUe
avoir cru lire dans Tes yeux qu>lle-même y avoit
quelque part. Elle rejeta cette penfée; & une ?ifite
qu^elle reçut ce jour-là de Monfieur> Tempêchad'y
faire réflexion.
Madame fentit comme elle de voit » la perte de
Monfieur de Guife j ce rfeft pas qu'elle ne recoimûi
bien qiiMl ne raimoit plus ; elle n'avoit pas imité
/on inconftance. £lle l'aima encore tout, infidèle
qu'il cioit , & quoiqu'elle-même fût deftinée à époo
fer dans peu de jours le Roi de Navarre.
Toute la Cour fc difpo&>it à paroître à cette cété-
monie : elle n'avoir jamais été fî nombreuTe, parceqae
toute la Noblefîè Calvinifte , dont k Roi étoit leCfaeii
y étoit accourue. Madame de Guife & MademoifcHe
de Portien y dévoient tenir un rang confidérable.
Cette derruere demeuroit à l'Hôtel de Guife ; Mî'
dame de Guife n'ayoit pas yoîilii qu'eue l'abandon-
nât ; & Monfieur de Guife avoit eu foin d'obliger
Mademoifelle de Portien à y prendre un apparte*
ment. On ne fe fouvenoit pas en Frajice d'avoir m
une alliance contraébée fous de fi malheureux aufpi-
ces. Le Roi de Navarre &. Madame étoient d'une Re-
ligion différente ; ils. ne s'aimoient point Tun &raa-
tre ; leurs hume:ur$ étoieiu oppofées > 8l de violenK^
pafllons les dominoient.
I^s fuites de ce Qiariage répondirent icc$ toK&Sf
• )>
^: irlsaL J. ^-^'^.r-rnrL'.
JSHU
WÊm
DE PORTIEZ. zif
difpofîtions ; & Ja nuit de leurs noces, au lieu que
ramour eût du alliuner fcs flambeaux , la fureur & la
haine y fubftituerent les leurs. La Reine Mère avojl'
Élit (ervir leur mariage de fignal à la plus cruel-
le action , dont les fieclcs à venir puiflent conferver
la mémoire. On mallàcra toute la NoblefleCalvinifte
qu^on avoit invitée à cette cérémonie fous la foi pu-
blique ; Se Ton fit imiter cette fureur dans toutes les
Provinces. L'Amiral deColigny fut la plus noble vi-
âûne qu'on immola dans ce Sacrifice barbare. Ce
aiallacre eft coniui dans THi/loire fous le nom de la
Saint Barthélemi.
Les Cal vinifies devenus furieux avec tant de rai-
fon , renpuvellcrent la guerre civile ; & Monfieur »
comme Lieutenant Général de TEtat , fut obligé de
marcher pour les détruire. Cet accident chagrina
Madenvoifçlle de Portien. Monfieur avoit parlé au Ro^
de fon maiiage , & ce Prince Ta voit approuvé; mais
le temps nVtoic plus propre k des noces.
Toute la France étoit en feu. Monfieur alla prea-
Aie congé de Mademoifelle de Portien. « Je ne fçais
a» ( lui dit-elle avec tendrefiè J quel noir prefièntt-
» ment m'agite. Vous partez , je vous perds y je
» crains pour votre vie & pour votre cœur \ votre
» «valeur & Tabfence feront peut-être fûneftes à Tu;!
» ou à Tautre \ je mourrai , fi Pun des deux arrive.
« Je vous ferois obligé ( lui répondit Monfieur ) fi
«^ YQ.U9 Q^ gr^gniei que pour ma. vie ^ mais v.Qu»;
Uê LA PRINCESSE V
» m*outragez en foupçonnant ma fidélité. ."Misf ù
3» n^a pas tenu à moi que je ne fu/Iè heuxauravant
» cette guerre; & vous coiuooîcrez par la' qppidiië
» avec laquelle je vais tâcher de l^éteindre,l*enpie&
u femtnt que j^aurai à vous revoir ». -^
« Je me daterai , puifque vous le fouhaitez ( rd
I» pliq»a-t-elle ) que vous m*aimerez toujours ; mais»
» mon cher Prince , ménagez une vie fi précieuse.
j» >rexporez pas à la rage des rebelles le {dus pur
i> fang de nos Rois : écoutez plutôt votre amour que
» votre courage, vous avez afièz acquis de ^oire».
« Je ferai vidorieuz ( lui dit-il en la quittant )puiC'
» que vous vous intéreIKz pour moi r continuel » &
w fongez que je ne vetii vaincre que pour jrous «•.
Le lendemain MonHeur prit la pofte , 8l alla join*
dre fon armée : il acheva dans cette guerre d*acquéni
la réputation du plus ^rand Pnnce du monde. La
rebelles fuirent devant lui^ 3 emporta leurs plusfbP'
tes places ; Se les accabla dans la RoclieUe qa*ilaffi^
gca par mer & par terre.
Le bruit de fes viitoires fc fit entendre jufqu'à k
Dictte de Pologne , allèmblée à Varfovie pour l'éle^
Ôion d^ùn Roi. Elle ne crut pas s* en pouvoir donner
un plus grand ni plus illuftre. Le Duc d* Anjou fi«
élu Roi ; & le Sénat envoya en France une folcm-
nelle Amba/Iàde lui porter la Couronne Royale , &
lefupplier de venir en prendre poflfèflîon.
Cette niDuvelle caufa beaucoup d'émotion à Mad^
DE POUTIEN. 117
moifene de Portien. Sa joîe ëifbit vive , de voir que
coure l'* Europe recootioiflbic au(fi-bien qu^elle , Ton
.^hiant pour le plus grand des Princes ; mais elle
crafgnoit les fuites de cette dignité. Elle fçavoit que
leifeRoîs ne fuivem'qoe h politique dans leurs allian*
ces. On parloit d*iine Princeflè de Pologne deftinée
^u Roi élu. Elle eût bien' mieux aimé qu^il eût refté
Duc d* Anjou.
£I)e ne put s*emp^c^ de marquer Ton trouble 9m
nouTcan Rei. Vokkla Lettre qu^eile hii écrivir:
X^ r ertëmm /i' m^prtnd vn tritmfhtê » mêm Aew
Trittee , éf f *< ^* firfum , f -rs V9mt sfsH nskrt fsnf
C^wrtnne » s répétée fin injufkt, V$ms êtts éJmRti d^
F«/«X»«. Hcisi f f»f devitnJr^is-yt , fi dans h tems f«r
tmt U mênJt frtnd^yfmrt à ^trt jik , fittû dtflinit
ftttU i m'étj^iger f ït^'fiez'Vtm fds Jéj» tttf gtsmà
fmr mûf 1 Je er ins Us maximes d*mne fêlHique fatslt
fMt peut'étre vms enlèvera k in§n amour. Si vous rem
gardez l* naiffanee de la Prineejji de PoUine f ér fi Is
CêMrmmt fsi^wm vms $ffre y eft , fenr ofinfi dire , Ja
dtt , t^ai^fs fas ferdn pntr jamais mm ther Prince f
Il tft vrai fnefi vms cmfiHex, Pammr qu*m a pmr
VMSj V9ÊSS nefirez jamais f«*i la Pritsee/fe de Ptr*
tien , f«iiffm k fien ne petit être rj^all par ancum
évtre , f^niC il eft vident ér fintere. Raffitrez dme
nne amsitte effrafée , ^ fmgez qne votre retmr futi
f€9t pfdssift at tfftt. Ma&u »b C&oy»
iiS LA PRINCESSE:
Le Roî de Pologne fit réponfc à la Lettre llcM*-
demoifelle de Porticn le jour même qtfU Pcutir
Sa réponfc contcnoit ce peu de mots.
Tmfy«e méftnU fréfenet ftut hennir va diméw',
J^adem^tfeUe , je vais fserifitr à f^ire f^isfMi» U» .^j
inUréts de men frère. Je brûle ÀHmf xtienct ^étrt à v$f "
fieds fQtir voMSJm-er f«e U CottrotiKe de fUnhtrs ne
me détâthereit fat de ms ebert friyteefft . jt Vdim fha
^ue jamais , é-j^ n*acapterai foivt le Trine !•'•»"«
fr 'fente » que feur m*j ajfetir avec elle i il ne wVjl
€her que four le lui effirir, Rannijfex, dwc vctre eraite &
redenhlex, vetre ameur, Sfoebez *» refte que vms avez
une rivale bien redoutable : elU n'a fas befiin pmr vous
faire trembler» d'avoir u» Sceftre four fa dst, U ^
éndéfendant d'elle i mais en récomfeufe eUen^emtjof
mais un irait ri^ulier 9 & tUe a cinquante ans.
HENRY.
Le tranfpôrt de Madcmoifelle de Portien en rece-
vant cette Lettre , fe peut aflca imaginer. Elle aimoit
d'inclination le Roi de Pologne y Se Tamour de ce
Prince ne mettoit point de bornes au fien. Elle ne
croyoit jamais ?oir aflèz tôt cet Amant bien-aimé.
Lui-même avoit un defir ardent de retourner àPir
•ris. Ceft pourquoi il écouta les propofitions âes^o^
cbelois affi^gés; &j(a nouvelle qualité de Roi le itt*
r
DE PORTIEN. x*9
3ant iS^diateuT entre le Roi & ces Peuples , il enga«
^ea Sa Majefté à' leur accorder la paix à de certainet
conditions. Il prit auflî-tôt le. chemin <le la Cour ,
Buis ceifiï occupé de Madamoifelle de Portien.
Madame de Condé étok arrivée à Paris depuis la
publicarion de la paix ; & le Prince de Coihlé , fon
épous » qui étoit en Allemagne , y étoit attendu dans
peu de jours. Elle étoit foeur de Madame de GuiTe ;
& il étoit peu de Princeflès plus touchantes^ De grands
yeux bien fendus & languifiàns , un air tendre & un
peu mélancolique 5 lui donnoient un agrément que
'beaucoup dVnjouement n^eût pu égaler. Le Roi de-
voit lui donner le bal le jour même que le Roi de Po-
logne dcvoit arriver » & toute la Cour y étoit in-
|itéc.
Le Roi alla au-devant du Roi de Pologne & l*em-
'4
mena d*abord au Louvre , d^oii après (bupé , il le
conduiiic avec les Reines à THôtelde Condé. Ma-
dame de Guife & Mademoifeile de Portien y étoienc
déjà. La joie de cette dernière bisUloic dans ies yew^
Le Duc de Guife qui en remarqnoit la cauCe , s^aban-
donnoit à une trifleflè qu*il ne pouvok vaincre. Les
deux Rois entrèrent ; & le Roi après avoir faluéMa-
dame de Condé , la préfenta au Roi de Pologne.
Ce Prince ne Tavoit point encore vue.^ Il demeurs
interdit en la regardant; &il ne revin^e fon éton-
nemcnt que pour admirer la beauté & la grâce de
cette Princeflè. L'air trifte&modeileavec lequel elle
ija LA PRINCESSE
k regarda y & de certaines manières négligées qui
lui feyoient infînimenc » firent élever un fécond Rou-
ble dans le cœur du Roi de Pologne. Il fe fcndt agi-
té : Tes paroles tremblantes & incertaines k défigDc-
rent ailèz. En un mot , on ieul moment rendit ce
Prince incoaftant. Il fit céder tout ce qu^il a?Qit tb
jufques-là aux charmes de Madame de Condé \ & il
fe perfuada que le fouverain bonheur confiitoit à s'en
faire aimer.
Mademoifelle de Portien ne fût pas d^aboid furpri*
fe que le Roi de Pologne s*arrêtât quelque temps afec
Madame de Condé ; mais lorfqu'elle vit ce Prince
s*afIèoir auprès de la Reine avec un air rêveur & io-
quiet, de quelle douleur fùt-ellc pénétréei JElkignO'
roit encore tout Ton malheur.
Le Roi de Pologne iprès avoir été quelque tem[>s
appliqué à fes nouvelles idées , fe fouvint enfin lout-
à-coup que Mademoifelle de Portien étoit-U. U jca
ks yeux fur elle : il crut voir dans \& fiens qu'elle
a'appercevôit de tous les mouvemens de fon ame. La
bonté des noms de perfide & de trakre , la reftcs
d\uiepa(fionfi vive qvielques momens auparavant»
combattirent encore .quelque temps fon infidélité. Un
regard de Madame de Condé acheva de k vaincre.
Il courut fe mettre auprès d'elle : il fit ^r fes yeux
vi&ât perçanc , cette oonverfation tendre & animée;
enfin Tamour a des traits puiflàns : Madame de Condé
put bi^ recoanottre celui que k Prince svoit pour
elk.
k
DE PORTIEN. i5i.
On. prie Madame de Condé pour danfer. Le Roi
ie Pologne jugea qu'il y au roi t trop d'incivilité à ne
pas faluer Mademoilelle de Poitien ; elle écoit auprès
de Madame de Guife. Il s^appiocha d'elle , & lui fit
un compliment qui ne pailbit pas la plus exaâe civi-
lité. Cette P.ioceflè avoit reconnu pai fon attache
auprès de Madame de Condé , qu^il étoic changé
pour elle.
Sa froideur & l'horreur de cette trahifon la ûufirent :
un 6:oid mortel glaça Tes veines. Dans ce moment *
elle fit un cflfort fur elle , au-de/Iùs de fa coaftance »
& elle voulut répondre avec la même indifférence.
La douleur qui ferrbit fon cœur la trahit. Le Roi de
Pologne connut fon défefpoir. On le vint pren«
dre pour danfer. Sa nouvelle pailîon éloigna bientôt
de fa penfée ce fouvenir trifteâc défogréable.
L^eflfort que Mademoifelle de Porcien fit fur elle en
cette occafion , fut fi violent , qu'il lui penfa coûter
la vie. Elle (brtit du bal lorfqu'il ^t fini , avec une
fièvre brûlante qui la mit bientôt en danger. Elle aug«
menta les jours fuivans ; & l*on fçut bientôt à la
Cour que Mademoifelle de Portien étoit dangereufe-
ment malade.
Tout le monde devina la caufe de fa maladie , ft
Pimputa au Roi de Pologne ; lui feul peut-être y
penfoit le moins. Il étoit fans celle chez Madame de
Condé : il n'avoit plus d^eux ni de paroles que pour
«lie. Ses plaifurs & fes affaiics lui étoient d*une éga-
le indiSércnce.
aji LA PRINCESSE
Un infidèle ne fut jamais plus feverement pQnî.
Gc n'eft pas que Madame de Condé ne difBnguâtea
glorieufes qualités du Roi de Pologne ; mais elle fe
piquoit de la plus auftere vertu. Elle évitoit le Pria-
cc avec foin : elle le voyoitpeu feule : «Ue fiiivoittoa-
jours Madame de Condé la douairière ; enfin elle ne
Kndoit au Roi de Pologne que ce qu*elle ne poovok
refufer à fa naiflance & à fa dignité. Cette îé^éàté
xcdoubloit la palfion du Roi de Pologne , & par con-
séquent fa dureté pour M^emoifelle de Portien. Elle
languifI(Ht toujours entre la vie & la mort,^aleincnt
malade du corps & de Tefprit.
Monfîeur de GuifeaufTi mourant quelle , étoh Cms
ceilè auprès de fon lit. Il Texcitoit à Ce guérir ptr
une infinité de raifons. Sa conduite étoit pleine de
bonté , de foins &d'empreflèment.
Il étoit un jour feul auprès d^elle : « fianniilez ( \ù
» difoit-il ) les triiles penfées qui vous dominent :
I» Ah ! Mademoifelle , c^eft à vous feul à faire des
a» malheureux». JEUe écoutoit triftement undif-
cours qui avoir tant de rapport avec fa fbibleilè.
Cependant le Roi preflbit fon frère de partir |ioux
fon Royaume. Ce jeune Prince avoir à la Cour une
autorité qui iâifoit ombre à celle du Roî. Le Rot en
étoit jaloux & irrité. Madame de Condé empêchait,
quoiqu'innocemment , le départ du Roi de Poio^'
Il eût facrifié mille Trônes au feul plaifir de la voir.
« Que fai» donc mon frère en France ( difoitleRu
* 'Lrffr>' vjsj
C»- •*?,?;• s.
DE PORTIEJ^. Z33;
» 4 la Reine mère } )* ne devroit-il pas être parti
» pour fcs Etats ? qui le retient ? en fçavez-vous la
» raifon ? « Mais vous-même , Monfieur ( répondit
» la Reine ) d'*oîi vicnc votre empreilèment ? ne le
» perdrez-vous pas aflèz^tôt ? <* Ah ! qu'il parte ( re-
» pliqua durenîem le Roi ) ce n'eft pas ici la ten-
M dreflè qu^il faut confiilter ; qu'il parte , Tun de
» nous deux doit fortir de France »..
La Reine mère craignit les fuites de la violence du
Roi : elle aimoit tendrement le Roi de Pologne. Elle
Talla trouver & lui déclara enfin qu'il falloir partis.
« Hélas (Sierra trifteraentce Prince ) en quels lieux
» me baimifièz-vous } que ferai-je dans ce climat
o barbare i Je ne vous «ache point ma foiblclTe , je
» n^y trouverai pas Madame deCondé >>.. La Reine
ne lui répondit à cela rien autre chofe , finon qu'il
^Uoit partir. « Partez , mon fils , évitez un frère fur-
» rieux : allez, en Pologne , vous n'y ferez pas long-
» temps M ^
Il fe réfolut donc à partir , & il alla dire adieu à
Madame de Condé. Madame de Guife étoit avec elle,
mais elle ne fut pas capable de le contraindre. « On
» me force ( lui dit-il) de quitter tout ce que j'aime,
» pour aller commander à des peuples féroces. Je*
» pan défefpéré , & vous augmentez mon défefpois,,
a» car vous ne le partagez pas » ..
« Je ne vous avois point encore entendu parler de-
» la forte ( répondit modeftemcnt Madame de Con-p
Tome té V
*H ^^ PRINCESSE
» dé ) ; vous me permettrez , Sire , de n*y faîieaï-
» cune réponfe. Je ne fuis pas née pour caiiCa te
«» défefpoir de Votre Majefté , j'en ferois vériiaUc-
» ment affligée ; mais elle fçait bien que mcm devoir
w ne m« permettra j amais de lui donner aucune efp^-
«> jance. » Il m*en refte pourtant eneore ( reprit k
» Roi perdant toute cohfîdéradon ) ; & ians ce pea
3» qui me refte , je ne conferyerois pas kmg-iempj
» une vie odieufe ». Il la fakia après ce peu de mois
avec un air un peu trouUé , Se alla doimer les der-
niers ordres pour fon départ.
Le Roi le prefibit de la inaniere du monde h plus,
dure , 9l reilèntit beaucoup de joie for%ie le jour
en fut venu. Enfin lie Roi de Polégne partit dâef-
péré de quiner Madame de Cond^ , & ne fongeoit
non plus à Mademoifelle de ?of tien , que s*H ne re-
voit jamais connue.
La jeuneflê de Mademoifelle de PortSeiT îat rendît
prefque malgré elle à l^a vie; & Monfîeur de Gtàk en
reflèntir autant de joie , que S*il lè Rh agi de ht ficn-
nc propre, llavoit fans cefic été auprès d\rcencPrin-
cefle : & on Plavoit vu plus ou moins accaldé , àme-
(ïireque le mal augmentoit ou diimnu(Mt»
MademoifeNe de Pertien avoir remarqué fcs affi»
^rés , les avoir attribuées à l'aminé dontelïireFôyoii
que ce Prince Thonoroit.. Êlîc avoir jufqucs-Û W
pour lui une eflime que peu dfe gens pouvoieirtlui re-
fiiier, $g cojxMtx &i toAac èxDS ÎOA cwarbnaccKf
DE PORTIEN". iyj
de reconnoiflahce : elle quitta enfin le lit. Monfieur
de Guife s^en réjouit plus qu'elle :elle lui fît mille re-
mercimens de Ces bontés : elle ne cacha pas à Ma-
dame de Guife les fentimens qu'elles lui a voient inf-
pirés ; mais elles avoiem paru trop vives à cette Prin-
ce/Iè. Les foins de Monfieur de Guife avoient à fon
gré pallë les devoirs de Tamitié : il lui Tembleit que ce
Prince avoit plus d*égard pour Mademoifelle de Por-
tien , que pour elle-même. En effet , il ne fentoit
que de Teftime pour Madame de Guife , & il ne pou-
▼oit avoir rien de plus pour elle que de la eonfidén*
tien â: de liionnêteté.
Mademoifelle de Portien recouvra fa fanté : mais
Ion cœur n'en fut pas plus tranquille. Les cruelles
circonftances du mépris du Roi de Pologne » fon ou-
bli injurieux , fon infenfibilité , fon indifférence Uit
une maladie qu'il avoit cauféc , tout celay reftoit pro-
fondément gravé : & pour fon malheur tout le mé-
litedece jeune Prince paroi/Ibit fans ceilè à ia yeux r
ainfi elle étoit pâle » langui0ànte>& toujours occupée
de ce &tal foiivenir. MonHeur de Guife la furprit feu-
le un jour dans cewe rêverie , étant lui-même dévo-
ie d^une paffîon auffî malheureufe.
« Vous ne ferez point par&itcment rétablie ( Aii
% éit-il 3 en Tabofrdant ) que vous ne vous abandoa-
» niez à la joie ; cependant je vous trouve prefqae
» toujoiirf trifte & inquiète. <« Mes maliieurs ( ré-
I» poodit Mademoifelle de Poctien )-tous fembienc-
Vij
1^6 LA PRINCESSE
»> ils aflez légers , pour leur pouvoir faire fuccéécrfi
»> facilement le pîaifir & l'alégreflè ? « Hé ! quels fi
». grands malheurs ( reprit Monfieur de Guifc ) ?ouj
M ont condamnée à une thfteflè étemelle ? «Vous ne
» les ignorez pas C répondit-elle ) mais je veux bien
M que vous feigniez- de m'en devoir le récit : vous
» avez agi avec moi d''unemaniere qui me défend dV
»> voir rien de fecrct pour vous. J'ai aimé le Roi de
a» Pologne : il m*a laiffé croire qu^il m^aimoit : il m'a
m trahie: il m'*a abandonnée de la plus effroyable ma-
u niere du mondje ».
« Le Roi de Pologne ( interrompit le Prince ) oc
s» fe p:que pas d'une grande confiance > ni dans foa
>» afhour , ni dans fon amitié.. Il m'a autrefois hons-
tt ré de la ficnnc: il me Ta ôiée avec legeraé; &
■» après avoir vécu enfemble dans la plus étroite £t-
M miliarité, il me témoignoitaflez/de froideur, lorf-
tt qu'il eft parti pour la Pologne : mais , Mademoi-
w fellc , il fiiut Timiter : )!ai retiré mon amitié prêt-
» que auffi-tôt qu'il a retiré la fieime^ « Ahi AioO'
» ikur .' dit tendrement Mademoifelle de Portien)
» il xk*en eft. pas ainii en amour. Un ami eft foible-
» ment lié ; un léger dépit le dégage ; mais qui peut
» bannir une tendrefle emacinéc ? <» Quoi , Mad^
u moifelle ( repliqua-c>il , avec chagrin ) vous aime-
» ritt encore le Roi de Pologne , tout infidèle , tout
» ingrat qu'il eft ?• « Hélas (répondit-elle) je o'ofe
» CtTOttcr » ou plutôt il n*y a £eut-<ue qucMoiK
i>E pan TIEN. 237
»• /leur de Giiife à qui je le puiïïè avouer. Je Taime -
M- en déteftant Ton infidélité ;. mon cœur efl étnu de
1» tendre£è & de colère. Je le hais , c^eft a/Tez vous
1». dire que je n^ai pas celle de Taimer. Ke fuis-jepas
m la perfonne du mondeje plus à plaindre.^ << Et moi
3t> ( interrompit: le Duc de (^uife avec une efpecc de
a» fureur ) je fuis le plus miférable & le plus éék(pété
1» de tous les hommes. Ceft ce que vous venez ^de
a» xne dire qui eft la fource.de mon dféfefpoir.. Jclvous
•> aime à la fureur ; je vous ai aimée plutj5t que ce
» Prince ingrat. Le refpe£t que je devois à fon ami*
•» tié m^a impofé filence , lorfque je pou vois parler.
» Un Roi injuAe m^a forcé à une alliance que je ne
» foubaitois point.. Mon perfide ami m'a oublié «il
» vous a trahie.. Je vous aime encore. Je. me fiatois
» que vous cellèriez dePaimer ; & vous brûlez pQur
M lui d'une fiamme violente ! £n voila afTez pour m^ûf
)» ter le peu de raifon qui me refte » & pour porter
M mes tranfports jufqu'à la fureur ».
Ses yewc étinceloient véritablement de colère.
Mademoifelle de Porticn étoit. fi étonnée , qu^elle de-
meuroic immobile fur fon fiége , pendant que Mon-
fieur de Guife fe promenoit à grands pas dans la
chambre. II. fortit. enfin fans attendre une réponfe
qu'il fçavoitbien ne pouvoir eue avantageufe pour lui..
Mademoifelle de Portien fit alors réflexion fur la
conduite de ce Prince : elle sVtonna de n'avoir pas
]>Uuôtiecpmiu une pafiioa. qui s^étoic taxu..4f foi*}
tj9 LA PRINCESSE
déclarée : elle en vit les foires chagrinantes , lesper-
fécutions qu'elle allcrit fonffrir de ce Prince ansou'
leuX , la divifîon qui s'alloit mettre entre die & ACa-
dame de Guife , avec laquelle elle avoit vécu ja£quc»-
là comme Lvec £à fœur.
Pour éviter tanr de malheurs , elle cmt qn**!} étoh
à propos de fc retirer. La première fois qir*cnc ic
trouva avec Madame de Goife , elle lui dit , qo*iI j
avoir aflcz long-temps qu^cllc rimporomoii r ^u'il
étoit temps qu^elle fe fît une maifim & qa^eUe de-
meurât chez elle : mênM que fon amitié n'en feroôt
ni moins tendre ni moins a/fiduc. Madame de Gtiife
avertit Monfieur de Guife de la réfolution de Made-
nioiielle rfe Portien. A peine fe pnt-fl déguifcr devant
Madame de Gui£e. L'idée de ne plus vofr Mademoi-
felle de Portien Taccabia de la phis fenfible douleur.
Il réfolut de ne rien oublier pour la &ire changer.
Madame de Guife ne s'étoic pas trop oppofée i la
féfolution que MademoifeUe de I^rtfen avoft prifc
de fortir de chez elle : quelque modérée qu*dle fit ^
t\ y avoit long-temps qu'elle s'appercevoit de Tindi-
nation de MonHeur èe Guife pour cette Princeife ;
& elle n'avoit pu n'être pas fufceptiUe cfe jaloufie
pour un mari qu'elle aimoit éperdument»
Le parti que prenort Mademoifcllc de Pbnien lor
dotmoit beaucoup à penfer. ElTene fçavoît , fi b ver-
tu ou la raifoft y avoienr part : quel qu'en fut lenK^-
e rappiùuv6ic».£Ilt étoh occupée de sdUt
DE PORTIEN^ x)^
itâlexions » un foir %n^elle fe promenoic dans le jai*
ilîn de THocel de Guife y lorfqu*en approchant dou^
cernent d*un cabinet allez couvert » elle apperçutao-
travers Madcmoifeile de Pof tien qui éioir feule avec
Saveufe. Saveufe étoJt une fille qu'elle lui avoit elle-
même donnée , mais quelle croyoit être pour lors-
beaucoup plus dans les intérêts de fa M^hreilè que
dans les fiens. Elle fe perfuada que ce pouvoir bien
€tre-là un rendez-vous que Mademolfelle de Portieiv
eût donné à Moniieur de ûuife ; & elle fe confirma.
dans fa penfôe , lorrqutin moment après elle enten-
dit venir quelqu^n par une porte du cabinet , oppo-
fêe à fcndroir cil elle étoit , & qa*eHe reconnut que-
e'étott en effet ce Prince.
Le hazard avoit pourtant produit kvX cette ren-
contre que Monfieur de Guife foubaitoit avec tant
d'ardeui. Il n^apperçut pas plutôt MaderaoiCelle de
Portien y quMl fe jeta àfes pieds. « Je vous ai offei^
» fée ; mais je ne me lèverai point que vous ne m^en
» ayeraccordé un généreux pardon. Si- je vous ai tenu
» un difcoms trop hardi, fongez que j'ai été emporté:
» par une paifion dont je n'ai plus été le maître. Hé-
>» las ! dû pvemier momem que je tous ai vue>
» 'Ht vous a> aimée, ta phis rêfpeâueufe tendreife.
» du monde a^ok même piévefm Pactaebeda Ror
» de' Pologne : fongez à la v violence que je me fuis
» faitt pour mitt^KKer Ulence durant on fî' loMf:
tt tezD^ 2 Itfi tiM M rnSfoS^ itf-doic p» £»»«»
«40 LA PRINCESSE
» blïcr un peu de hardieflc » . Madame de Guifc hak
pénétrée de ce cruel difcours. Elle apprenoit m»-
feulement ^ue Ton mari ne Savoir jamais aiiâée ;
mais encore qu'il Tavoit époufée , prévenu d^uoc
violente paflion. Elle écouta les fuites de ceci^con-
▼erfation toute tremblante & touK confternéef.
<( Eft-ceen continuant à ofienfer ( répondit M»
m demoifelle de Pertien à Monfieux de Guife ) que
m Ton prétend mériter un pardon > croyez-TOUs •
» Monfieur, que je ne doive pas trouver aulfiétran-
•» ge ce que vous venea dé me dire , que ce que tous
» m'avez déjà dit ?. « Que ni l'un ni Tàutre ne tous
» déplaife (* reprit-il ) impofez-moi toute la peine
a» que vous croyez qui m^eft due : mais ne pcnTez
a» point au deiTein que vous avez, formé de qtÛKa
a» Madame de Guife i»v
« Je ne le &rai pas ( dit Mademoifelle de Portien )
M fans mecaufer à moi-même une véritable doukus.
M J*aime parfaitement Madame de Guife : je vous
m regardois comme mon ami : il faut qu« je me pri»-
» ve de dem perfonnes qui me (ont chères ; mais il k
» faut. Quoi reilerois-je ezpofée à vos pcrfécutions?
m Outre que la bienféance ne me permet pas de dc:-
a» meurer chez un Prince qui a ofé me déclarer qu'il
a» m'aimoit , fbngez quel cœur vous m'of&ez ; fon^
a» gez que vous êtes engagé pour jamais; que je
i» foupire encore pour un Prince perfide i que je ne
m nULTâingral jjunais fur uae paffioa cruelle née avec
ai ID^
JDE PORTIEN. ^ 241
n ma raifon ; & que quand tout cela ne feroic pas »
i> j*ai toujours regardé Madame de Guife comme
M ma fœur ; que je Taime avec delica celle ; que je
M mourrois fi je lui caufois le chagrin afireux de la
» jalou/Ie. « Ah! ( interrompit Monfieurde Guife)
» que vous me fçavez bien étaler mes malheurs ^
» mais non , vous ne ferez point importunée de ma
M palHon , Madame de Guife n^en concevra point
» d^ombrage : je me reftreindrai au plai/ir de vous
» voir. Reftez ici , vous ferez toujours la maitre/Iè
m à^en fortlr > mais reftez-y ( ajouta ce Prince 9 avec
» un air un peu violent ) & ne me jetez pas dans
» un défefpoir qui me feroit bien faire des extrava-
V gances »>•
Mademoifellede Portien s*apperçut de la chaleur
avec laquelle il avoit prononcé ces derniers mots ;
& elle tie jugea pas à propos d^achever de Tirriter*
«> Souvenez-vous bien ( lui dit-elle ) de ce que vous
n me promettez , MonHeur > j*aurai cette complai-
» fance pour votre foibleflè. Si j*ai lieu de m*en re«
M pentir , foyez alTuré que je ne prendrai point
1» d^autre parti pour me fauver de votre importa*
» lùté » que d^en découvrir la cauiê à Madame de
» Guife »•
Mademoifelle de Portien fe leva après ces paroles,
& reprit le chemin de fon appartement. Madame de
Gnife demeura allez fatisfaite de la vertu de fa belle*
(«ur ; mais fon coiar fut toujours aHIigé de la cruelle
Tome /« X
X41 LA PRINCESSE
"ptxùét qu^elle n*avolt auatne part à celui de (ôa
Inari.
Depuis ce temps-là , la 'MaîTan de Monfieur de
jDuife fut remplie de chagrin. Ce Prince contmod-
lement gêné dans les honnêtetés qu'ail &ifoit à Ma-
ilame de Guife y n^avoit que le plaifir de voir qoel-
'^uefoîs Mademoifelle de'Portien. Madame de Guife
avoit une trifteflè languillknte. MademoifeUe deR>r-
tien crut bien çxi démêler la caufe ; mais elle ne lui
âonna point fujet de ^augmenter. Au contraire ,
elle redoubloit fa tendreilb & fes foins auprès d^cUe.
Xe Roi de Pologne étoit encore plus malheureui
qu*eux. Il fe regardoit dans Ton îloyaume comme
dans un affreux exil. Il avoit emporté avec lui le
ponrait de Madame de Condë. Il pafibit la pios
grande partie des jours & des nuits à le regarder. Il
entretenoit dans fon cœur uh fouvenir lâtal ; & pour
rendre fa douleur au0î fenfible qu^elle le pouvoir être,
1rs Polonois vouloient lui i&îre époufer la Princefiè
de Pologne fœur de leur dernier Roi.
Sa vieillefTe , fa laideur , fon efprit fi oppofé à la
délicatelliè de la belle Princcfle de Condé , lui en inf-
pirerene tant d'horreur , qu*il fut un temps à laiiîèr
les.affairesdefon Etat -à Tabandon. Il sVn&mioit
iLvec deux ou trois François , fes confîdens , dans fon
l^alais. Les (pleurs & les foiipirs étoient foti partage:
Qn étoit quel^ueifois huit jours fans le voir.
Cependant le Roi Charles IX, pea après fon dé-
.^^Aài
part, eut une maladie bien «oitTiéérable. tes politi-i
i^ues s^itnaginerem , -que la«pi6ineilè .que la Aeixie
mère a^eii faite au Roi-de tPelogne-, qu^il seviendroxt
'bicntdt-en Pr&nee , «Voit beaucoup de part à cette
maladie. Quoi qn^il en feit , •touies\le5 marques d*u«
ne fin 'violente raccompagnèrent. Il jetait le £u^
par la bouche : il fouffroit -des toinmens horcUsles,
'Enfin ce Roi mourut à la fleur defon âge ^ laiffioit
aux peuples un regret fenfible de la perke d*un Pzbh
ce , qui fembloit être né le plus grand des faommet»
Conune le Koi ne lalflà qu^une fille , le iloi de
Pologne étoit Ton héritier 'préfomptif. La Reine
tnere fe hâu de lui envoyer des'Cfnxrieis avec ordxe
de ne point divulguer cette nouvelle , mais de ne
■rapprendre qu^à lui-même. Il la reçut comme k
* nouvelle de la fuprême félicité-, & il reUfentit une
joie -dont 4a grandeur ne peut être imagina. U
tremble déjà que la Pologne qui Tadoroic , ne s*op*
pofe à fon départ : il hait Paffeâion qu'ails ont pour
lui : 'à fe dérobe la. nuit , & "fîiit comme im crimi-
nel jufqu'àce qu^l foitarrivé'fur les Terres de l^Em-
pereur.
Toute la France attend fon Roi avec impattence;
Mademoifelle de Portien n^appread point ce bruit
avec tranquillité. Elle aimoit toujours ce Prince : fa
tendrefiê dont fa raifon ni fa vertu nMtoient point
les maitieilès , la fiatoit toujours d^un retour. £Ue
-{bufaahoit comme les aaues» -mais 'par jdes raiibxu[
Xij
i44 ^^ PRINCESSE
plus vives 9 farmée du Roî. Elle fut crueUemenc
détrompée. Henri III. ( côtoie le nom de ce Fiin-
ce ) arriva dans Ton Royaume. Toute la Cour fut aa-
devant de lui. Il méprifa tous les hoimeurs qu'on
lui rendit. Ses yeux >fes penfées n^étoient tournées
que vers Madame de Condé. Ce qui lui étoic dû , à
caufe de ia nouvelle élévation , engageoit cette Piio-
celle à quelques complaiiances pour lui ; & ces con-
plaifances achevèrent de porter fa paflion au comble
àt la fureur.
La Reine mère y aveugle pour tout ce qui regardolc
fes plaîHrs , le flatoit d^abord dans (es de/Ièins , &
lui piocuroit mille occafîons de voir Madame de
Condé ; mais cette Princeflè , quoique fenfihle au
Ibnd de fon coeur à Tamour d*un fi grand Prince »
■ne contribuoit point à Tentretenir. « Je ne connoî-
n trai jamais ( lui difoit-^lle un jour qu'il la prefibit
»» avec tendreflê ) d'autre palfion que celle de non
» devoir. Il eft vrai que Monfîeurde Condé eft ab-
«> fent : il a peut-être peu d'attache pour moi ; mais
w il eft mon époux : vous ne fçauriez le devenir : je
» ne vous aimerai jamais : quand je vous aimerois »
•> je xi^aurois point la ibibleflè de vous le dire »».
. Mademoifelle de Pordcn ne pouvoit être mieux
vengée. A la finl*amour du Roi devint undéfeTpair :
il réfolut depouflèr les chofes à la dernière excrémi'
té ; & Ton travailla par (on ordre à faire rompre le
mariage d'enue Moniieur & Madame de Condé. Ce
DE PORTIEN. X45
coup étonna toute la France : Ton en prévît les fui-
tes Funeftes. On fe reilbuvinc qu^un femblable évé-
nement avoir perdtt TAngleterre. Une main habile
y fçut pourvoir.
Madame de Condé tomba en langueur : la beauté
de cette Princèilè s'affoiblit ixL^enfiblement . La mai-
greur 8l les fuites d*une fièvre lente , la changèrent
entièrement. Le Roi au lieu d*en diminuer fa ten-
dreflè , la fentit augmentei , & fe fit un mérite de lui
faire connoitre , que fon amour étoit indépendant
des caprices de la nature. II ne quitoit pas le chevet
de fon lit : il la fupplioit de contribuer à fa guérifon :
21 l*y excitoit par ToffiC de fa Couronne : il s^écrioit
mille fois le jour , qu*il la facrifieroit volontiers pour
la vie de Madame de Condé.
Les tranfports du Roi ne purent guérir un mal in^
curable. Madame de Condé fe fentoit mourir ', & oh
lui annonça enfin qu*elle devoir s^ préparer. Le Rot
Hit plus accablé qu'elle de cette nouvelle. « Ne faites
» rien dMndigne de vous ( lui dit Madame de Con-
i> dé avec fa douceur ordinaire ) vous fçavez bien ,
M Sire , que nous n^étions pas nés I*un pour Tautre.
» Dormez à vos peuples une Reine , fans qu'ail vous
» en coûte un crime : vous ne m^auriez jamais fait
)i> confentir à le partager avec vous. Ce n\'ft pas que
» je ne fùflè touchée de vos foupirs. Ma vertu feule
M m^a défendu de vous en faire plutôt Paveu. Vous
X iij
a4d LA PRINCESSE
» n*en £te$ redevable qu?àma;mozt > que jeL^enslum
» être fort proche.
Le Roi oublia» ce q|]!il devok à ik.xaifQa & à fa. di-
gnité : il fe-jeta à genoux devant le. Ut de. Madame
de Condé.. Il puL là mainaxeç violence ;,&& cn&&
fes plaintes n^ayoieat point.de homa» :. ootraizacha
d!aupièa.de la Piiaceilè.. Wk. «pùailc lAndcmaia
avec un&focce d'efpdct aurdeffiiade fOn iexc
Le Bx)i fil encore- bien d^ exuavagancei^ H ea
prie un deuil zaÛh gcand que bizaixe. Son Psdsùs étoâ
tendu de drap, soir.. U ne vouloir 6tze. entousé que
de triiles objets : les. bau«>QS de ùm habit éuûeat
autant de têtes- de laort* Qa eau que ce Bciace aiL-
trefois fi gfand r éfioiii devenu iniicnfé.
Il fe confola enfin , & la. Coua Depot ialenfibicipeni
iapremijBjce fiuae- Le^tFanTuoFtad» BAlpous Mada-
me de Condé n*a>voient poixu guiriMadeoioi&Ile de
Portien : lorfquMle le vit revenu, de Ton eljptfçc de
fureur , elle s^imaginaque fa psemiere tendceifir pour-
soit le ramener à elle. Monfieur de Guife l^apprébca-
doit lui-même. L^humeur volage du Roi le» tira bleop
tôt d^incertitude.
Il devint amoureux de Mademoif<dIe de Vaudé-
mont. Sa beauté & Ton humeur avoient aflèz de rap"
port avec celles de feue Madame de Condé : on cnit
que cette idée avoic caufé Tamour du Roi. Quoi qu'il
en foit , le Comte de Vaudémont honoré par cette
recherche , accepta avidement le Trône qu*on ofitoir
à fa fille.
- DE PORTIEN. *47
fifle avoit été accordée au jeune Prince de Salins ;
& rindinaHon des deux aman$ avpit.agi dcconcerx
avec le projet de MonGeur de Vaudémout : mais; U
ne les confulta pas , il facrifia Mademoifelle de Vaur
démont à fon ambition. Elle monta fur le Trône ac:«
câblée de douleur & de trifteflè;. & de quelq^ç grapr
deur qu'elle fût enfuite environaée , ellereg^ta.toii**
jours le Prince de Salins. Ce j^une Pjîncc.i^^tJiii*
même à la Cour quelque temps aftrès le mariage du
Roi.
Le Eoi s^apperçut que la Reinene le voyoit pasjix^
différemment. U perdit infenfifalemcnt la padion qu^il
avoit eue pour elle ;.& ne garda qye le dehors, que;
tous les Princes ont accoutumé d'obfer^er.
Le mariagf du Roi ôta à Mademoifelle de PortieiV
le peu d^efpérance qui lui. reftoit , ^ 1^ livra au Vlén
pit & à la douleur : nuis ^u milieu de Ton cha^in. «^
fon cœur ne put fe détacher, du Roi. Elle tâchoi»^
cependant de cacher fa foiblejdè. > & de faire croira
par fes difcours à MonHeur & à Madame de Guife ,j
qu'^elle n'avoit phis que de rindifférenoe pour. le.
Roi.
Miis MonHeur de Guife lifoit dans fes yeax tout
ce qui fe paflbit au fond de fon. ame ; le Roi ne luî^
avoit rien témoigné de Tandenne amitié qu^ a;voic ■
autrefois eue pour lui» De la froideur d'abord , en*
fuite tout ce que la jaloude a de plus violent > lui
ôtcrertt infcnfiblcipciu ce q^Tii^avoit fenti autrefoia-
Xiiij
^4» ^A PRINCESSE
j)Our le Roî. Et quoiqu^il ne pût s*cmpèçhcr d'xfûr
une joie parfaite de rinconftance du Roi > laqudle
hii avoit ôté un rival fî redoutable , il trouvoit m
fond de fon cœur un mouvement de haine comre
lui 9 d^avoir rendu malheureufe la plus belle Pnncefe
de TEurope : en effet , elle traînoit une vie languif-
fante , & ne pouvoit oublier le Prince qui Tavoic
Uaitée fi indignement.
Le Duc de Guife prévenu de cette haine naiiTante ,
ne regarda plus le Roi avec les mêmes yeux ; & fon
ambition la fécondant à proportion , il ne fongea
qu^à s^aggrandir , fe datant quelquefois que ce n'é-
toit qu'en s^élevant quMl pouvoit affoiblir la paffion
de Mademoifelle de Porden pour le Roi. Dans cette
vue il donna Veffbi à Ton ambition ; & comme il
étoit le plus grand , le plus heureux , & le plus vail-
lant Capitaine de l'Europe ; que la fortune fe menoit
de moitié avec lui dans toutes Tes entreprifes , il fit
beaucoup de chemin en peu de temps. Les guerres
civiles contre les Calviniftes lui en fournirent les
occafions. Mille vidoires le fignalerent en France.
Il défit Monfieur de TboréàDormans ; & une bief-
fure qu*il eut à la joue , & qui le fit furnommer le-
balafré , le rendit refpeâable aux peuples, à qui de
fcrvoit de témoignage de fa valeur & de fa hardicflè.
Son ambition devint bientôt criminelle. II fe forma
un parti contre le Roi ] dont il fut , pour ainfi dire ,
reconnu le chef. Cretois la Ligue : elle paroi/Toit
^ _
DE PORTIEN. 249
ivoîr pour but Textinâion du Calvinifme , & n'en
avoir en effet point d'autre , que la diminution de
rautorité Royale.
La conduite du Roi facilitoit raccroi/Ièment de ce
parti. Les qualités héroïques qu*on avoit d^abord ad'
mirées en lui , la valeur , la vigilance , la libéralité ,
réloquence, fembloient avoir fait place au feul amour
des plaiflrs. Le repos & la tranquillité le cbarmoient.
Cen'étoitplus ce grand , cet illuftre Duc d'Anjou. Il
étoit inconftant & inquiet : il afiedoit comme les
Rois d'Orient de paroitre peu en public : au milieu
de ion repos les difficultés TeATrayolent ; fans celle
entraîné par Tamourdont il avoit épuifé les plaiHrs^
&n'amailànt des tréfors que pour \ts prodiguer à Tes
favoris.
Au contraire le Duc de Guife étoit généreux , of-
ficieux , careHknt. Il fembloità la vérité méprifer
Targent & le doimer à pleines mains : cependant il
fçavoit ne le diftribuer qu'à propos & à des gens qui
hii étoient utiles. Son train étoit magnifique , fa ta-
He ouverte à tout le monde : il paroi/Toit fouvent en
public ; il témoignoit dans les plus grands dangers
une parfaite fécurité. Patient à fouffrir les injures
qu'il ne pouvoit punir , prompt à Us pardonner «
quand il étoit le maître de fe venger ; hardi jufqu^à
la préfomption , & vaillant jnfqu^à la témérité : ex-
cité dans le péril même par la propre grandeur du
ptJrU,
ijo LA PRINCESSE
Lteuption de 50000 Reiftrcs cn.France en Cxttm
des Calviniftes > acheva de le rendie adorable à tous
les François. Il les fulvit , & les harcela depuis, la Lor-
raine jufqu'en.Beauce; Il avolt les deux tiers moins
d^hommes. qu*euz ; cependafttil les défît à Auneuifi
àbfolument) que la France fe vit délivrée de la> ter-
reur dont ils Tavoient remplie. Le Duc de Guife les
vainquit encore dans deux ou trois rencontres ; & il
revint à Paris, couvert de lauriers, jouir de^ firuiis de
fes viâoires.
Toute la France retentiflblt de cri» de. joîcr L'on
n?entendoit partout que les éloges de ce Prince ; &
quoique le Eoi eût vaillamment défendu 1^ paiTage
de la Loire contre ces fiers ennemis , on. enfcveliâôic
Tes exploits dans Toubli : on ne relevoit que ceux de
Monfieur de Guife. Le Duc de Parme lui écrivit que
lui feul en Europe pouvoit être appelle Général d*a^
mée. Le Pape lui envoya une épée comme au.défoi«
feur de la Religion.
Les Partifans de la Ligue le comparoient à David ;
Bc fans ofer encore nommer le Roi SaUI, ils s^écrioienr
que le Roi avoit tué mille Reiftres , mais que Mon-
iicur de Guife en avoit tué dix mille.
Cependant comme la haine du Roi & de Monfieui
de Guife ne paroi/Toit point encore à découven , &
<jue les.:progrès de cette campagne avoietil été extrê-
mement avantageux à la France , toute la Cour étœt
en joie. Il y avoit uA cercle magnifique chez la Rei«
k.
i
DE PORTIEN. 2.J1
ne ; MademoifcIIe de Pomen y paroiilbit avec éclat,
JLe Roi s'y rencomra un foir , & en fut luinnême fra-
pé ; U IJB pla^ auprès de cette Princefle; & Tocca-
fion ^éxam préfcmâ: dcJui fiiinequelques hpnnêteiés,
il s^en acquitta, avec quelques marques d*empreilè-
mcnt. Màdemoifelle dePorden en fuc^ému^y & Mon-^
fieiu: de Guife extr&nementv alarma
Vn événement fameux, fignala quelques jours après,
la. généroiîtié du,Roi. Henri,, Baî de Portugai > mou-
rut ;. âc fiiute d'avx>jx réglé fa fucccflion , il laiflà foa
Royaume expofé à la cupidité de pluiieurs concur-
rens. Don Antonio , neveu de Henri , & le^ IU>i. d'ET-
pagnç» firent feul&du mouvement. Le premier eut
d:abord d'heureux fuccès ; il &t proclamé B^i , 3c
cecoxmu non. feulement à Lisbonne ,. mais encore au»
Ifles Teiiceres. Le Roi d*£rpagne , qui précendoit quo
fa nail&nce n*étoit pas légitime > fit entrer deux ar-*
mées en Portug^ > dont Tune commandée par le Duc
d*Alve » défit le nouveau Roi en deux batailles , &
le contraignit d^abai^doQner fes Etats : il ie fauva.
dans un vaiilêau avec lequel il aborda à Breft.
Le Roi envoya au-devant de lui Monfieur de fielle-
garde ; il ordonna qu?on lui îit par toutes les Villes
des entrées conformes au rang quil avoir tenu ; & le
Roi d'Efpagne ayant voulu faire des eHfbrts auprès de
lui y pour robliger à le chaiTer de fes Etats , le Roi;
répondit avec fermeté que fon Royaume étoit raG^ae
des Frincesi xnalbeurfiusLi & que. fl le Roii d'Efpagott
*fi LA PRINCESSE
n^en étxÂi pas fatisfah , il fçauroit maintenir parfcf
atmes la fureté inviolable de fa Cour.
Le Roi de Portugal arriva à Paris. Cétoit unPnn-
ce fort bien fait , & qui étoit encore dans la fleoi de
fon âge. Le Roi le reçut avec une bonté capable de
hii faire oublier fes malheurs : on lui fit goûter tous
*es plaifîrs de cette Cour voluptueuTe ; il n^y vit liea
qui rattachât fi étroitement que Mademoifelle de
Portien. Il avoit appris que le Roi l^voit aimée; il s'ap*
perçut que M. de Guife Taimoit : tout cela ne fenh
pécha pas d^abandonner Ton cœur à fon penchant ;
mais il ne trouva pas Mademoifelle de Portien diïpo-
*ée à l'écouter. A peine s'apperçut-elle de iâ paflioR:
elle ne paroillbit que rarement à la Cour. Son cour
nVtoit pas fait pour recevoir de nouvelles impref-
fions ; les premières n'étoient point encore effacées.
Le Roi avoit promis du fecours au Roi de Portu-
gal. En attendant qu*il fût en état, il n^CHiblia riea
pour le divertir ; & ce fut pour lui faire voir toute Ii
Cour y qu^il réfolut de donner le bal à Madame d'£-
ptrnon.
Monfieur d^Epemon étoit Favori du Roi« & avrât
tout le mérite d*un honnête homme.
Le Roi n'oublia rien pour rendre ce bal digne de la
majef^é de fa Cour ; & lui-même y voulut paroître
avec toute la galanterie dont il étoit capable.
Toute la Cour s'y trouva , & même la Maifim de
Guiie 9 quoiqu'elle fût mal avec Mon(j€ur d^f pcfr
■"f '
DE PORTIEN. xn
non. Il efi vrai que Moniieur de Guife & MonHeuc
d^Epernon étant extrêmement généreux » leur haine
n^avoit rien de bas j ils ne laiïïbient pas de fe voir &
de fe parler.
Mademoifelle de Portien y fuivit Madame de Guife;
elle s^étoit parée plus qu*à fon ordinaire , fans qu^elle
fçût elle-même la caufe de fes foins : elle ne pou-
voit s^empêcher d^avoir de la joie d^aller dans un lieu
oîi le Roi étoit. Quelquefois le fouvenir du dernier
jour qu^elle avoit vu ce Prince» & qu'elle avoit cru
lui voir quelque diltiné^ion pour elle , frapoit fon
idée ; mais un moment après elle éloignoit d'elle cet-*
te penfée , & fe perfuadoit quVlle conferveroit un
violent redèntiment de la perfidie de ce Prince.
Le bal commença , & eut bientôt Péclat que pou-
voit produire une (1 belle aûemblée. Tout le monde
avoit les yeux fur Mademoifelle de Port-en. Sa beauté
avoit ce jour-là je ne fçaisquoi d^anîjv' qui la rebauf*
foit de beaucoup : elle étoit fuperbement habillée. Le
Roi de Portugal achevoit de fc perdre auprès d^elle ;
& confidérant la majeflé &: la bonne mine du Rci &
de Monfîeur de Guife , il déferpiroit de jamais fur-
jnonter ces deux Amans , & foupiroit de fon amour
infortuné.
Moniieur de Guife avoit fort bien remarqué ce
qu^il y avoit d'extraordinaire dans la parure de Ma<«
demoifellede Portien; & fe refibi venant delà jalou*
fie qu^il avoit eue du Roi la dernière fois que ce Prinr
^54 LA PRINCESSE
ce avolt vu cette Trinceflè, Il en tira un très-mau^
vais augure : mais loifqu^il vit entrer le Roi coQTeir
'des plus riches pierreries , avec on air lUgne en eSêt
de la Couronne , il fentit croître fes foupçons.
£n efTec la vue du Roi troubla Mademoifelle de
Portien ; les regards tendres '& animés de ce Prince
ébranlèrent Ton cœur ; elle craignit, &ellefouhaici
fon approche. Monfieur deGuife démêla tout ce qui
fe pafToit en elle-même ^ & la Reine Payant pris pour
danfer , il alla prendre enfuite Mademoifelle de Por-
tien , & en la conduifant vers le lieu où Ton com-
menyoit à danfer : « Je croyois ( lui dit-il ) n^avoir
» plus de malheur à craindre auprès de vous ; mais,
n Mademoifelle, j'en prévois un qui me &it frémir ».
La Princedè ne lui répondit rien. Ces paroles avoienc
tant de rapport avec Tétat oîi elle (è trouvoit pour
lors , qu^elles augnier4terent fon trouble. Le Roi re«
marqua qu^elle danfa avec un air embarraile.
Lorfqu*clle eut ceffé de danfer , elle prit le Roi ; &
en même temps fon vifage fe couvrit d^une extrême
rougeur. Ce Prince la ramena à fa place ; mais au
lieu de prendre une autre Dame pour danfer , il dit à
Monfieur d'Epernon de continuer le bal , & revint
s*aireoir auprès de la Princeilè. Tout ce que fiûfoit le
'Roi , redoubloit fon embarras. Ce Prince la regarda
avec un air charmant. « Croyez^vous bien , Made-
'» moifeile ( lui dit-il ) que le Roi de Portugal a peu
» de part au deiTein de ce bal > & que c>ft vous feule
DE PORTIEN. x^f
qui TaTCZ caufé ^ Je vous vois fi rarement > ^u^i|
n*a pas moÎQS fallu quMne aflèmblée aufli générale
pour VOUS tirer de votre retraite : vous laiflèz trop
coimoicre combien facilement vous oubliez vof
) amis a».
Dès que le Roi avoit commencé de parler, il avoit
«ris une grande émotion à la Princeilè. Lamour qu^elle
Lvoic pour lui , & l'indignation que fon infidélité lui
ivoic donnée , pattageoiênt Tes fentimens. Les der-
lieres paroles du Roi firent prendre le de/Tus à fon
refientiment.
« Votre Majefté ( lui dit-eile avec dépit ) a-t-elle
» accoutumé de traiter ceux <|ui font en ce rang ,
» airifi qu^elle m*a traitée ; ou bien a-t-elle formé le
» dedein de joindre la plaifanterie à Tinfidélité > « Je
M ne fçais point me défendre fbiblement ( reprit le
» Roi ) ni m^excufer de mon changement pour Ma-
» dame de Condé fur des (brtiléges que toute la Cour
» lui a imputés : faime miiux convenir de bonne
» foi que j*ai eu ton , & qu^il n*y avoit rien au mon-
a de qui me dût faire oublier MademoifeUe de Por-
M tien. Aufli n^ai-je formé la réfolution de lui parler
» que pour lui en témoigner mon repentir. Je me
» flate d\m pardon ; 1& je prétens le mériter par
M toute la tendrelTe tL toute la Toumiffion imagi-
» nable m'.
Le Roi'ajouta 1>eaucDUp de chofes qui paroiflbienc
îoit (inceres ^ & il les difoh d^m air capable de per«
xf6 LA PRINCESSE
fiiader. Il avoit à peine fini , & il en actendoic îiii{n-'
deimnenc la répotife » lorfque Monfieur de Guife vinc
brurquement prendre Mademoifelle de Porden poor
danfer. Il n^y avoic gueres que ce Prince capable d'al-
ler ainfî interrompre le Roi.
Tout le inonde s*étoît apperçu qu^îl parloit à Ma-
demoifelle de Portien avec beaucoup d^attache. Mon-
fieur de Guife en avoît une jaloufie A cuifante » qu'à
peine fe pouvoit-il contenir. AuHi lorfque Monfieur
d*£pernon , à qui le Roi avoir commandé de conti-
nuer le bal , eut danfé avec Madame de Montpcnfier,
il fe fit prendre par cette Princefie ; il la pria inftam-
ment de fe mettre auprès de Mademoifelle de Por-
tien , & d'empêcher que le Roi ne lui parlât. Madame
de Monpenfier étoit foeur de Monfieur de Guife : elle
fçavoit allez Piotérêt que fon frère prenoit en cette
Prince/Iè.
Comme elle adoroit jufqu^à Tes dé&uts , en même
temps qu'il Peut prife pour danfer , elle fe mit en fâ
place , ne doutant pas que cette Princefiè ne revint
s'ailèoir auprès d'elle.
Mademoifelle de Portien ne fçavolt fi elle étoit
bien-aife ou fâchée que Monfieur de Guife fut venu
Parracher d'auprès du Roi , parce que ia fierté com-
battoit toujours fon amour ; mais. ce Prince la regar-
dant a,vec des yeux pénétrés de douleur : n Cefldonc
» en V0)U 6ûfant des outrages ( lui dit-il) qu'ion peut
m efpérer « Mademoifelle « d'être écouté de vous »•
Ce
DE PORTIEN, 2/7
^e reprocïie panit hardi à la Princeffè ; mais elle n'eue
>as la force d'y répondre : elle alla en effet s'afèoir
auprès de Madame de Monpen/îer, qui ne la quitta
point le refle du bal.
Le Roi s^apperçut de la jaloufîe de Monfieur de
Guife ; il y trouva & trop de hardieïïè envers lui , &
trop de liberté avec Mademoifelle de Portien. On
lui avoir fouvent dit qu*il en étoit amoureux. Ilcom-
mença à s^en appercevoir ; la jalpuiie fe joignant, à
plufîeurs raifons d'Etat , il redoubla ik haine pour ce
Prince qu*il avoit autrefois tant aimé.
Le bal finit. Le Roi de Portugal reconduifît Made-
moifelle de Portien dans le même carrollè oU étoien»
Monfîeur & Madame de Guife. Ce Roi s*étoit apper-
çu de tous les mouvemens de fes Rivaux : il vouloir
fe détacher d'une paHion qui ne fervoit qu*à le tour-
menter ;. & il fentoit bien qu'il n'en étoit plus le
maître. Monfieur de Guife le reconduifît au Louvre »
& fe retira enfuite à fon Hôtel.
Il apprit que Madame de Guife & Mademoifelle de
Fonien étoient chacune à leur appartement. Aufli-tô(
poulépar je ne fçais quelle fureur qu'il ne put retenir^
il monta à celui de la Princeilè de Portien. Il heiurta
à fa porte avec une émotion extraordinaire; & il en-
tra avec ce même air après que Saveu(ê lui eut ou-
vert. Mademoifelle de Portien , qui elle-même étoit
alTez troublée , fut furprife de le voir : elle lui deman»
da ce qui Tamenoit dans fii chambre feul > & à une pa~
TQmtL Y
x5» LA PRINCESSE
reille heure. « Je viens , Mademoifelle ( lai dit !l
w avec un ton également violent & timide) fçavQir
3» fi je fuis le plus malheureux de tous les hommes. Je
» fors du tefpeâ que je vous dois ; mais c^eft pour I&
M première fois de ma vie , 8c vous devez me par*
n donner, fi prêt d'en perdre le repos , je manque à
I» quelque bienféance. Vous m^aviez dit plofîettrsfbîf,
a» Mademoifelle , que vous n'aimiez plus le Rm. Me
» trompiez-vous f vous tiompiez-vous vous-même*
» me iuis-je trompé aujourdïiui-.^ J^fçavois bien
n que vous ne m*aimiez point; mais j^ignorois que
» vous aimafliez encore un Prince peifide &inson-
•> ftant i>.
Mademoiftelle de Portien , quoiqu'^étonnée de h
HardSeflè de Monfieur de Guife , ne laiilà pas de trou>-
ver dkns fa conduite de la fincérité & beaucoup dV
mour. Tout cela jpint à la répugnance que ià laifon
lui donnoit contre le Roi , appaîTa le mouvement de
colère qu^elle avoit d'abord- reflenti. Elle prît donc la
parole avec affez de douceur.
• « Ne faites rien , Nfoniîeur ( lui dît-cUe ) con*
m tre ce que vous vous devez à vous-même. Yoos
» ne devez point être ici à l'heure qu'il eft ; n'au'^
m gmentez point les fujets de plaihte que Mada-
1» me de Guife a contre vous ; retirez-vous, ft cal'
w mez votre tranfport. Je vous ai toujotirs vu dcl^«
■> mour pour moi ; mais je ne vous en ai jamais fiùt
» efpérer ; je tous ai promis de Teftiaxc. Croyec 9»'
DE PORT TE y. XS9
> )c -ne ferai jamais rien qui me rende indigne de la,
* vôtre »>.
Mon/ieur de Guife voulut répliquer ; mais.elle prit
auHi tôt un air plus fier , auquel il ne put ré/ifter : il-
fortit. Mademoifelle de Portien pafîk la nuit dans une
cruelle agitation : elle fe repréfema . mille fois l^ior
clination violence ^ui l^attachoit au.Roi , iTinfidélité
«le ce Princc<, fon retour- qui fembloit avoir quelque
chofe de ftncere , l'auft^ritié de fa vertu >. qui lui dé«L
fendpit. d^^couter un Prince qui n'étoir plus à ltU«.
MonHeur de Guife ne goutoit pas. plus de rêpos^le
CoMvenir de ce que le Roi venoit de faire , & de la
manière dopt la-PrincelTe. Ta voit reçu , entretenoit
fa violence.
I^es dernières psgrqles de Mademoifelie 4P;Poptîen
fembloienc enfermer un fens avantageux pour lui» Ijl
ne failbit <iue de fe lever , lorfque $^«»f<î ontra danst.
fa chambre » 3c lui- apporta ua billet 4q Madempii^lM
àe Portien. II fut fiirpris ea le ijecQfiant ; il confioif-
foit adèz rhumeur de çetce PrinoeiTe > pour être per«
Cuad^ sffu» ce n^étoit pa^ une faveur* Il craignit d^ap*»
prendre en rouvrant quelque -f^cheufc di^contoïc^..
^ifîa il )E troïuvti. cos. paroles :
réftndrt; éy vohs m'avtz. Uujttrs, fm^ fwn ptf ^ttr\^
Yii
L
aCo LA PRINCESSE
futfâi tues fofcr vont , n^êut e».fèd>U it v^t^f^Br
stue fuites de Vitre amtur f «e fjti têujmrs truevé vl-
ritaàlement auemf ^^ué de reffeS ^ diferétiêu. Vêts we
fuvex, ignvrar Us raifvns qui tirent défend» de wra
ftr mettre Pefpéranee, Mais j* ai fait rîfexivn fue vnt
mmriiztref àftuffirirjji votre cmur éteit agiti eu «i*
me temps de la jaUufie ^ de'l^smêmr. Je veus deuaf
rsi t^eseemfle de vus vainere : eependaut fmveaet'
«Mtf que je vms difetis de me parler de Pu» m it
Fsutre»jufqu'*k se que je vms aye explifmi pUu ûmtr
mtmt ktfenUmitu dt m*n tetur^
Marie, pb Caot»
Monfieur deGulfe» après la ledure de cehîUet^
fat beaucoup plus tranquille qif auparavant , parce
^'û avoit craint d*y renconuer quelque chofe de plus
flcheuz. Il réfléchit long-temps fur le fens de toutes
les paroles qu^il ayoit lues : il ne tes comprcnoit pas
bien ; auâr n^éioient-elles pas fort dairer»
Il voyoit bien parmi tout cela qu\)n lui ordonnoit
de ne plus aimer , & qu\>n continuoit à lui défeadre
refpérance. C^en eût été ailèz dans un auue temp»
pour Taccabler de douleur ; mais depuis quelques
jours il étoit jaloux du Roi : on Tafluroit qu*on ledé-
livreroit de cette jalouiie : il ae pQU¥<Mt Itre (ènfiUe
i|ii*à cette feule joie.
XeRoi paffii la nuit bien plu» agréablement :ilt
DE PORTIEN. i6t
avoxt cru voir dans les yeux de Mademoifelle de For-
tien lin refte de fa première tendreilè ; & découvrant
dans cette Princeflè mille charmes «^ue fa propre in-
confiance lui avoir cachés , il en étoit plus amop-
reux que dans le temps même qu^il nVtoit que Duc
d*Anjou. A peine fe fut-il habillé avec tout le foin
d^un homme qui veut plaire , qu^il alla chez Mon-
fieur de Guife. Il monta à Pappartement de Madame
de Golfe ; & il la trouva avec Mademoifelle de Por-
tien. Monsieur de Guife averti de l'arrivée du Roi ,
s'y rendit aulfî-tôt ; il parut chagrin de iiionneur que
le Roi lui £ûfoit. Mademoifelle de Porrien étoit ex-
trêmement enjouée ; etie recevoit avec gaieté le^
honnêtetés du Roi ; ce Prince les lui prodiguoit : '
leurs yeux fe rencontioient fans ceflè» MonHeur de
Guife oublioit la Lettre qu^I avoir reçue de Made-*
moifelle de Pbrtien , & étoit dans un véritable défef-»
poir.
Le Roi fit partie avec les Princeflès d*aller fe pro-
mener ce jour-là à Saint-Cloud : il fortit enfuite de
chez Monsieur et Guife» qui fut obligé de reconduire
le Roi jufqu^u Louvre.
Lorfque Menteur de Guife fut de retour chez lui »
il tâcha de parler à Mademoifelle de Portien ; madf
comme elle s>n doutoit , elle affeébi de ne point
quitter Madame de Guife , jufqu'à ce qu'ion montât
en carrelle pour Sainc-Cloud. Depuis elle fit toujours^
enforte q^^U ne pût avoir d^occaûon de lut parler ^&
t6x LA PRINCESSE
lorfqu'clle fc retiroit le foir dans fon appartenttw i
eUedonnoic ordre dès la première antichaiDbrc,(tu'oa
dît qu^elIe repofoit.
Le Roi jnena les Reines à Saint- Cloud , &y tuia
toute la Coiir avec la magnificence qui lui étoit na-
turelle. On vit ià des arbres verds au milieu de Thi*
ver » des promenades exemtes d«s rigueurs de k ioi-
fon , & le foir im bai où rien ne manquoit de tout ce
que le luxe peut exiger. Le Roi par fabelle humotf cb
infpira à toute la Cour. Là il ne paroidôit pas que U
France fut agitée d^aucune divifion ; & chacun fem-
bloic goûter les,plaifi<:s dans toute lour piurctd Mon-
ficuf de Gui£e étpit le feul qui< n^avoit point de pan à
cette félicite publique : il voypic le Roi & Madc-
moifelledfi PortÂen da^» une paifaixe ÛKellig^^»
il acicufoi» cette Ptio^eire de perâdie. Qa.nepem dire
combien.il reilèntoit de haine contce le Bioi.
Ce Prince étoit animé par fefpérance que Made-
moifelle de Portien lui IsàSxnt concevoir. U avoit en
fcUHrent des occalioos de lui pailer ûuis êtie eoteoda
que d^eUe feule. Il lui avçit juré quMl Taimeioit ^f^^^
fa vie ; il lui avoit demandé pardon de ion infidélité ^
il lui en aKoix tco^oigné' un cependjc- iîncere ; il l*a^^
fujppliée d^e^iger de lui tous les céa^goages de ^
p^jQioa qu^elle pouvoit deOr^.; & il vfou iccoa^
gné ces proteâations de tout Tagr^nCAt qji'iï ^^^
accoutumée de donner à {es jfvaokSLp St des cbvo^
DE PORTIEN. i6j^
Mademoifelle de Porrien avoir paru l'écouter avec
bonté : elle a»oit fcmblé ajouter foi à tout ce qu'il
lui avoit dit. Ses yeux mêmes donnoicnt de temps en
temps des marques de joie ^ & quoiqu'elle n'eût
point Eût de réponfe avantageufe au Roi , elle avoit
reçu les témoignages de Ton amour avec des manie*
tes toutes femblables à celles qu^>n emploie pour ra-
mener un Amant infidèle.
Monfieur de GuiTe qui y étoit le plus îméreflë , ne
perdoit aucune d« Tes démarches ; mais elle Tévitoii
avec un foin furprenant. Elle changea tout d'un coup^
de conduite : elle qui meotoit une vie retirée , affe^
de fortir prefque tous, les jours , d*allet dans tous les
lieuK où elle croyok trouver le Roi, Madame de Gui*
fe agillbit comme de concert avec elle : elle fe fla-
toit que Monfîeiir' dcGuiie ceïïuoit d'aimer Mads-
moifelle de Poztiea> il elle contixiuoit à le mépiiiier
en écoutant la paifion du. Roi. Durant quinze jours
ce Priace la vie au bal» à la comédie » à toutes ItM
parties q^ic le c vnaval excite » &; que le Roi ËûToit
naîtte avec.des/oins qjiû irjâtoient Moofiew} deGiiiDcj^
& qui mettoient ia. patience à la demiece épreuve.
Un jour que Madame da Gui£e étoit iwû» , & que
Mademoifelle de Portien étoit r<Mile dans foa apparte-
ment, Monfieur deGuife réfolut abTolument de la.
voir. :D'im.aut{ro côté laccainte de lui. déplaire » dL
même de s*czpo(4r à d« nouveaux lefiis » comt>atcoient
£l rdfokmft : «Ik 9uicttiip«ut^^ été vaîasut» toxf*
x64 LA PRINCESSE
que Saveufe fortit de chez Mademoifelle de Poracn»
& vint prier Mon/leur de Guife de fa part de laK-
nir trouver dans fa chambre. Ce Prince fût pénésé
de furprife & de joie : il ne répondit pas un mot à
Saveufe i & il la fuivit jufques dans la chambre Ac
Mademoifelle de Portien , avec qui Saveufe refta.
Il la trouva af&fe dans un fauteuil auprès du feu, &
il y avoit une chaife auprès d^elle » appareniment de.
fb'née à Mon/îeur de Guife. Ce Pnnce ne fut pas piu-
côt en préfence de Mademoifelle de Portien , ({tt*il fe
jetta à fes pieds. «« Souffrez que je meute , Mademoi*
3» felle ( lui dit-il ) ou que je ne fois plus le témoin
M des bontés xnjufles que vous avez pour le Roi ».
Mademoifelle de Portien lui commanda de fe}eTer,&
fobligea de s*aflèoir.
« J'aurois lieu de me plaindre ( hn dft>elîe^ dtf
n peu de confiante que vous avez eue en moi ; mus
» je veux bien attribuer votre impatience à votre
» amour , & vous la pardonner. Ecoutez-moi donc ;
s» Monfîeur , tranquillement , & coxmoiflèz combien
1^ votre jaloufie a eu peu de fondement ».
«t Ke doutez pas que je ne m*en fois apperçue ;
•> mais j'àvois mes de/Teins ; je les ai exécuta. Je
a> vous cacherois vainement le fecret de ma vie ; je
m vous en ai parfaitement inftruit. J*ai aimé le Ror
w dès que j*at commencé à connoître la raiibn ; il y
»> a répondu d^abord avec toute la tettdrefiê quç je
I» pouyois deiirer. U m*a oubliée «yec la même faci-
al llté>.
DE PORTIEN. z6%
m llté ; \\ m*a préféré Madame de Condé. Pai ref-
» fend cette injure mortelle avec toute la douleur
a» dont une Princeilè fîere & tendre peut être capa-
» ble ; & fon mépris m*a été fenfible d^autant plus
j> long-temps , que je n*ai pu m^en venger. Son in^
» confiance ou fa bizarrerie m>n procure aujour-
» d^hui Toccafion : il m'a paru que fcs premiers feux
a» Ce rallumoient ; qu^il me regardoit avec des yeux
i> favorables. J*ai fécondé fon dellèin , au lieu de m^y
it rendre contraire ; j'*ai échauffé fes defirs; j*aibiea
» voulu lui laiflèr croire que j^ajoutois foi à fbs dif-
3» cours. Il m*axme ; je ne vous dirai point que je ne
» Taime plus ; jt tCen fçais peut-être rien moi-mê-*
» me ; mais il m^a ^t autrefois un affront monel ;
M & je n*ai tâché de le ramener à moi , que pour lui
a> Élire fentir que je ne lui avois jamais pardonné »,
M Je fuis réfolue de faire fuccéder les plus cruels
a> mépris aux efpérances que je lui ai permifes ; j^ai
» bien voulu vous en avertir. Ces mépris feront fans
M doute fuivis de l'oubli : je prétens me vaincre &
u bannir de mon coeur le penchant que j*y fens pour
M le Roi; mais ne vous flatezpas , Monfieur , quand
» je ferois oflèz heureufe pour l'oublier , qu^un autre
M y trouve place. Je vous eftime , je vous honore ;
» mais je ne puis vous aimer. Il faut que de votre
n côté vous tâchiez auflt à m'oublier ; que le eœur de'
u Tun & de Pautre jouiilè enfin de quelque tran^
» quilUté.
Tome /« TU,
I V
±66 LA PRINCESSE
<c Ke croyez pas , Mademoifeile ( mtcfrom|»t
« Monixeur de Guiie ) que je ceflè jamais de vous
t* aimer : mai^ pourquoi vous obftinez-voiis à me k
a> d^exidie > Vous ai-je aimée a?ec efpérance? yob
«• ai-je importunée de mes defirs ? les froideurs de
t» votre ccDur & votre prévention pour un autre ,
M m^ont - ils jamais rebuté > Permettez , peimettec
s» que je vous aime ; ne &vorifez plus feulement un
«> Prince qui eft indigne que vous Painncz , puifqu*il
M a pu ceUèr une Ibis de voi» aimer » .
« Mais quel eft l^e but de votie amotir ? f repnt Ma-
^ donoiielle de Portien ) n*êtes - vous pas attaché
•> pour jamais à Madame de Gui(ê > Nous fommes
.» liées d*une amitié étroite : elle eft veuve de mon
n irere ; elle connott votre paflîon , pourquoi ne
.» voulez-vous pas Péteindre? « Ne me pre/Rz point
M inutilement ( répondit Monfieur de Guifc ) vous
» ne me vaincrez jamais. Haïlîèz le Koi ; accor-
1* dez-moi votre amitié ; foiiffrcz que je vous aime;
» c'<ft tout ce que je vous demande » .
« Je ne vous répons point de haïr le Roi ( dit
» Mademoifeile de Portien ) ni je ne vous permets
m point de m*aimer ; mais foyez fur que îe Roi me
» trouvera autant oppof<i à fcs nouvelles ardeurs ,
« que je lui paroiïïbis favorable : pour mon amirîé ,
t» die eft due à votre mérite ; & je vous l'accorde-
' lÉ. rai de bûn cœur , pourvu que vous ne demandiez
u jamais d^amour« « J« ne vous demanderai jamais
DE PORTIEN. iLèf
^ <\ue ce que vous voudrez xn^accorder ( reprit le
9> Prin«c ) & cette amidé m^ft H prédeufe , que je
» facrifierai ma vie pour Jaconferver». Mademoifel'-
le de Portieti fe leva auâi-tôt , & Monteur de •Guife
fe retira.
Ce Prince reçut de cette fonverfaoon une joie &
une tranquillité d^ame qui le changea entieremeot.
Cet édaid/Ièmenc le tendit l'homme du inonde le
plus heureux ; & il fe flatoit que Mademoifeile de
VoTtiexi viendroit un jour à Paimer. Cependant le
Roi n*avoit jamais tant aimé MademoileUe de For-
tien ; 9l cherchant tous les jours de nouvelles occa-
fioAS pour la voir , il inventa lu>-mêiiie un ballet »
qui fut danfé dans la fale du Louvre par quatre hom-
mes & quatre fiemmes , & tellement rempli de ga«
laitterie & de nouveauté » que les plus vieux Cour-
ûfans ne fe fouvenoient pas d'avoir rien vu de pareil
fous le règne du Roi Henri II. qui avoit eu du goût
'pour ces fortes de divertiflèmens.
Le Roi étoit Tun des quatre , & avec lui le Prince
Dauphin , Moniteur de Rhetel » & Monfieur de Ne-
mours. La Reine menoit auffi les Dames , & avoit
choifi pour danfer avec elle , Mademoifdle de Ke-
mours , Madame de Luxembourg , & par un excès
de complaifance pouf le Roi , Mademoifeile de Por-
tien. IL n'y avoit point eu depuis long«temps un fpe-
âade plus fuperbe ; & il ne manquoit que Moniteur
^« Guife > pour quMl fût compoliî des Princes 'ki|
Zij
». '
if» LA PRINCESSE
mieux fiuts de la Cour. Le Roi s^étoic flaté d'y trou-
¥er pIuHeurs momens oîi il pourroit entretenir Ma-
demoifelle de Porden , & avoit pour cet effet ména-
gé pluiieurs repos , oii il devoit fe trouver feul auprès
d'*elle ; mais il lut bien furpris des manières qu'elle
mffeâa avec lui ; elle ne fordt pas du refpeéb le plut
]H:ofond ; elle feignit de n^entcndre rien de tout ce
qu41 lut di(bit : Tes regards étoient glacés , & iês
froideurs fi outrées , que le Roi en ftit démonté.
Jl n'*eut plus cette grâce ni cet air qui dans ces mo-
mens le diftinguoient des autres Princes; & pour
comble tl^infbrmne , Mademoifclle de Portien , qui
ce jour-là avoir paru d^une beauté incomparable, alla
joindre après le ballet Monfieur & Madame de Guife*
& eut pour ce Duc des difHn£tions qui lui firent hicn-
tàt oublier le dépit que le Roi lui avoit ùdt » de ne le
pas mettre de cette fête.
Le ballet finit , & le Roi vit fortir Mademoifdle
de Portien avec toute la douleur d^un Amant déTef-
péré. Il ne £çavoit à quoi attribuer ce changement ;
îl examina fa conduite , & il ne fe trouva coupabfe
d^aucune chofe depuis qu*il étoit retourné à cette
Princefièr. Il y étoit véritablement retourné de boime
fi>i.
La Reîne , pour laquelle il avoit fenti au commen-
cernent de fon mariage une paflion vive , ne lui inf-
pîroit plus que de Tcftime ; & il regardoit comme le
j^us grand des malheurs , de n'être pas sàsoé de Ma-
DE PORTIEN. i<S^
demoifelle de Portien. Le lendemain il alla à PHotd
de Ouife , & il trouva Moniieur de Guife avec «lie» *
La joie qui brilloic dans les yeux du Prince y 8l le
Ixoid que lui témoigna Mademoifelle de Portien , fît
entrevoir au Roi une partie de la vérité ; il fut con-
vaincu ce jour-là de la paillon de M. de Guife pour
cette Princellè ; & en tira fur le champ la conféquen^
ce que ce Prince en étoit aimé. La jalouiîe fuccéda
à la douleur , ou plutôt s^y joignit , & caufa beau-
coup d^altératîon dans Pefprit du Roi.
Comme il bruloit d^impatience de parler à Made<«
moifelle de Portien , il tâcha de s'en procurer le
moyen ; & tout d'un coup s^tant retourné vers Mon-
iieur de Guife : « Pavois promis à la Reine ( lui dit-
» il ) de diner avec elle ; 8c nous devions enfuite
» aller jouer chez Monfieur de Rets j cependant
a> Monfîeur de Bellegarde m^ engagé à une partie
» qvd ne me permettra pas de me rendre au diner de
» la Reine. Je vous prie d*aller dégager ma parole ;
n vous me ferez même plaifir , Ci vous voulez diner
M avec elle , & la conduire chez MonHeur de Rets.
» La Reine ma mère doit s^y trouver , & il y aura i n
» fort gros jeu. Le Comte de Hohenloë ( c'étoit un
» Allemand qui paroidbit depuis peu à la Cour ) ne
»> refufe aucun parti ». Moniieur de Guife fe trou-
bloit à mefure que le Roi lui parloir , parce qu^il étoîc
combattu du defir de s*excufer auprès du Roi , ce qui
ne pouvoit manquer de lui attirer quelque brufquerie»
t.
xjo LA PRINCESSE
n devinoît aifément ie deilèm du Roi » ii easad^
ibir fafeendant de ce Prace fur Madenioifdk it
Porden , ii tremUolt à la feule pcnfée qu^elle aUeh
avoir u^ converikfioa avec lui : cepen da nt ne troa-
Tant aucune escufe lailbniiaUc » & n'ctam pas ea
état d*offenfer le Roi Impvnémem , il partit ; mais il
laiflà voir au Roi tout Ton defefpoir.
Le Roi refta feul avec Mademoifelle de ionien'» it
troublé, qu*H fut quelque temps à fie remettre. « Par
a> oîi me fuis-je attiré ( lui dir-â enfin d^une voix
u fôible} le traitement que voui me fîtes faiei> M»-
» demoifelle , & que veos me faites eacoie auioui^
M d*hui ^ Suis-je devenu-plus crimihel > Vous auioift-
» je offcnféc fans m'en êtîre appei^u > Expliquez-
» voxxs^y & ne me Iaiflè2 pas dans Tétat du mon^e
« le pltes cruel. « Jt nt fuis point changée à voire
*» égard ( lux répondit la Princelïè ) & je ne crois pas
» avoir donné à Votre Majcfté aucun fiijet de fc
» plaindre ; mais vous-même aviez-vous reçu de
» moi quelque injure, lorsque vous me quittâtes
» pour Madame de Condé > « Je tous emens (reprit
» le Roi avec un air allez ûtt ) mon exemple vous
n autorrfe à changer , & Monfieur de Guife profitera
» de mon mconftance »>.
« Je ne comprens pas bien ce que vem direVo-
xf treMajefté( ajouta Mademoifelle de #orticnd*imc
» manière afTez féche) je lui ai déja<fit quejen'a-
'•• vois point change de conduite à fon égard ; & je
» nTal af»{K>rté rèxemple de Madame de Condé ,qi2e
s> pour fiùre voir aVotre Majefté» (juaad je fcrois ca* •
9» pable de n^avoir pas la même conduite,que cela poor-
»» roit arriver y fans <}u^on en eût de fort bonnes rai«
» tons. « A viez-vous oublié (répliqua le Roi) depuis
a» un xzM>i5 que je vous veis avec a(Hduité,que j'avois
u autrefois aiiné Madame de Condé > Que (fgni£e
» ce xK>uveau reproche ^ Vous ne m^entendez que
«» trop 9 Mademoifelle:j*ajouterai qu^il efl quelque-
» ÏK>i& dangereux d^imiter toutes les circonflances ;
a> mais puis-je vous parler à comr ouvert » & de vo«
» tre c6ié. . . .<« Jt n^ point d*autre fecret à dire à
» Votre Majcflé ( interrompit Mademoifelle dePor-
» ûen ) & je la fupplie de ne m'^en point dire ; car je
a> me fuis repentie de les avoir entendus dans uik
» temps oii je pouvois les entendre , & prélexue^
» menf cela m^cft défendu »»
Madame de Guife arriva fur ces entrefaites , & le
Roi ne voulut pas continuer deVant elle une conver-
iation qui l^igriilbit» Il quitta les Princeflès dans un
véritable défefpoir ; il demeura perfuadé que Made-
moifelle de Portien aimoit Monfieur de Guife. La
))aine qu^il commençoit de reflêntir contie cePrince*
redoubla ; & s'étant mêlée à l'intérêt d'Etat , qui dé*
)a Vavoit éloigné de ce Prince , il vint à le haïr au-
tant qu^U Pavoit aimé autrefois.
Le Roi de Portugal convaincu que Mademoifelle de
iPoruen aimoit le Roi , & qu^elle étoit aimée de
lUJ
lyx LA PRINCESSE
Monfienr de Guife , avoit cefl^ de la voir fans poci'
tant ceflèr de Tainier. Il avoit travaillé avec applia*
tion à Tarmement que le Roi lui avoit fait préparer i
Breft. Le Roi lui donna le Maréchal deStrozzi pour
commander cette flotte : elle étoit compofée de tren-
te gros vaiHeaux , &de dix mille hommes de combat*
Le Roi de Portugal fe flatoit avec ce fecours de re.
aïonter encore une fois fur le Trône. Lorfqu*il fii*
prêt de partir , il vint prendre congé de Mademoi-
felle de Portien. Elle ne s^aitendoit pas à un pardi
adieu. <• Je me fuis apperçu ( lui dit-il avec une ti-
» midité refped^neufe } que je vous ai fouvent in-
» portimée : peut-ttrc n'avez-vous pas démêlé U
» caufe de mon importunité ; j^ofe vous la décou-
M vrir , Mademoifelle , dans Tétat oîi je fuis. Jevais
•> reconquérir un Royaume, ou mourir : (i je réufis,
» Tamour d*un Roi qui vous offrira Ton Trône , n^aiT
»> ra rien de honteux pour vous ; fi j*y péris , ma
» mort effacera le fouvenir que vous pourrez avoir
» d'une flamme détagréable. Après cela je ne vous
»> dirai point que je vous aime , vous n^en pou?es
» douter ; mais je vous prierai de ne rien répondie
w de fâcheux à un Prince qui peut-être vous parie
» pour la dernière ibis de fa vie n.
Mademoifelle de Portien fut étoimée de la décli-
ration du Roi de Portugal : elle ne lui répondit tien
de pofltif ; elle lui fouhaita un heureux fuccês , le re-
«crcia de fa gétkérofité , & s^cxcufa d^ répondre bx
DE P ORTIE N. rjy
ta Tiéccflît^ qu'il auroit crélevcr fur le Trône une
Princeilè qui pût fy foucenir. Ce Roi partit le lende-
main pour fireft , 8c s'embarqua quelques jours après
avec Monfieur de Strozzi.
Cependant Monfieur de Guife s'eftinipit le plus
heureux de tous les hommes. Le défefpoir du Roi ,
dont il voyoit tant de marques , lui donnoit une joie
feniible. Madeinoifellede Portien lui avoit raconté la
converfation qu'elle avoit eue avec ce Prince. Il s'é-
tablifîbit entr'eux une efpece de confidence qui avoit
bien des charmes pour MonHeur de Guife. Il étoit
tous les jours avec ime Princeflè qu'il adoroit : elle
permettoit qu'il l'en afTurât quelquefois ; & bien
qu^^elle parût fort éloignée de répondre à fa pailîon ,
il fe flatoit de furmonter fa répugnance.
Il tâchoit de fe rendre agréable aux yeux de cette
Princeflè, il avoit pour elle tous les foins des Aman»
lés plus tendres ; & il ne fe pouvoit pas que tous ces
empreflèmens joints au refpeél qu'il gardoit fans ceflè
auprès d'elle , ne fi/Tent dans fon cœur une profonde
împreiTion. Madame de Guife commença à fe perfua-
der que Mademoîfelle de Portien ne fedéfcndoit plu»
avec tant de féverlté contre Monfieur de Guife.
La conduite de Mademoifelle de Portien n'affbiblit
point la pafiion du Rot. Il fit encore quelques effort»
pour lui parler , & la ramener à lui ; mais il recon -
nut a^ec douleur qu'elle le lîiyoit avec une obftina»
don invincible. Les égards qu*elk témoignoit poo»
iMtfMiâi
174 ^^ PRINCESSE
Monficur de Guife, & qu'eUe aScâoit qud^oefintdr
ftire paroître aux yeux du Roi , 9l les regards paiBoOf
nés de Monfieui deGuîte, fijrent t»eni6t pafla en&r
reur le défefpoir du Roi. Cependant U ne put baû
MademoifeUe de Pordeii ; fc ««le ia haine fe lOtfnt
contre TAmant .
La Cour s^apperçut de }*ék»gneiB<at que k Roi k
Monfieur deGuife avoiem Ton pour l*autie : kuo
«nnemis communs les irritèrent encore , & dans U
difpofition ou ils le trouvèrent, il ne fe pouvoit pal
que leur anintofité n^éclatât bientôt d^une manioe
funefte.
Le Duc de Joyeufe avoit été t«é à la bataille de
Coutras , & avoit laiffê vacans la charge d* Amiral iL
le Gouvernement de Normandie. Monûeur de Gui£e
avoit demandé au Roi la charge d^Amiral pour le Ma-
réchal de firillàc , qui étoit étroitement attaché au
intérêts de la maifbn de Lorraine ; mais qui d^aiUeui
avoit beaucoup de naidànce & de mérite.
Le Roi voyoit bien qu'il auroit beaucoup de peme à
refufer cette grâce aux (ervicesdeMonfieur de Bii£làc»
appuyés de la demande de Moitfîeur deGuife; mais
il ne pouvoit fe réfoudre à cendre û puiflànt un par-
tîfan de la Liguer L'hiver fè pailà dans cette incerti-
tude ; mais la jaloufie le détermina , & il fut ravi
d^avoir cette occafion de mortifier Moniteur de Guife ;
non feulement il refiifa de donner cette charge à Mon-
fieuc de Brifiàc , mais encore il chercha pouc Urcm-
1}E PORTIEN. X7J
ji&e , le plus mortel enncaû de Moafieur de GmCe ^
c^^toic Monfieur d^Epcmon. Le Roi le fit rece?oir
Admirai ; & pour défefpercr (on Rival, il lui doniui
cnccKe le Gouyernement de Normandie 9 quoiqtie
>^onfi6iir d*£pcmon en eue pluiSetirs autfts , & qu'il
fôc comblé des bienfaits du Roi.
Mc»iiieur de Guife enrefièntxt une douleur qu*ll eût
£iit éclater , fi en la di£iiiiulant , il n>ût cru pouvoir
ie venger plus furemeiu. Il reconnut fort bien que la
jaloufie du Roi lui avoir attiré cette difgrace : il alla-
troitver Mademoifelle de Portien pour fe plaindre Se
fe confoler avec elle. £Ue le reçut avec plus de hùnté
qu'*à fon (ordinaire.
Le chagrin qu*U reccvoît à fon occafion , £siroit.
partager fa douleur à laPrineeâè. Ces manières firent
oublier à Monfieur de Guife cet affront : il sVKima
heureux quMl lui eût procuré cet avançige ^ il ne ré*
folut pas moins de 8*en venger ; il réunit fes amis ;
il renouvella fes inteHigenees avec les Puiflàncetf
étrangères ; & il fentoit que de jour en jour il deve«*
noit & plus amoureux & plus ambitieux.
Le printemps qui approchoit , Tobligea de quîttet
Paris. Il prit congé de Mademoifelle de Portien , la
conjura de perféverer darvs les fentimens qu^elIe avoir
pour le Roi , & dans Inimitié qu^eUe lui avoit promi.
fe. Il hii jura qu'il Taimeroit éternellement , Bc qu'i^
feroit enforte de rendre fa pafHon légitime. Mademoi-*^
felle de Portien ne comprit pas le fens de ces demie-»
zj6 LA PRINCESSE
res paroles : cependant Monfîeur de Guife partît , &
fe rendit à Nanq^ , oii tous les Princes delà Mâ&si
dévoient fe rendre pour recevoir fes ocdies.
Le lendemain qu'il fut parti , Saveufc vint trouva
MademoifeHe de Portien. Cette fille étoit la confi-
dente de Madame de Guife & de Mademoiiêlk de
Portien ; mais Monfieur de Guife Tavoit encîeremcct
mife dans fes intérêts : Madame de Guife s'en éicic
apperçue , & avott vécu avec elle d^une manière plus
réfervée. Saveufe s^étoit eniieremem attachée i Ms-
demoifelle de Portien. En encrant dans la tbambie
de Monsieur de Guife » die avoit trouvé fur (a tsiiie
fes tablettes quPil avoit apparemment oubliées : la
curiofité les lui fit ouvrir ; mais elle y trouva do
chofes fi importantes pour Mademoifelle de Portien >
qu^elIe courut trouver cette Princdlè» & lui poita
ces tablettes.
Mademoifelle de Portien fit queh]ue difficulté de
les prendre : elle crut que c^étoit quelque galanceoie
de Monfieur de Guife ; mais Saveufe l^yant aifuiée
du contraire > elle les examina.
Elles pouvoient bien paflèr pour un préfent de ce
Prince magnifique. La couverture en étoit d^or pur ;
d*un côté on voy<Mt gravé au naturel François Duc
de Guife, père de Monfieur de Guife; de Tautrecôté
on avoit gravé au milieu la bataille de Dreux gagnée
par cet invincible Prince ; & aux quatre coins lo
quatre célèbres Villes de Metz , de Calais , de Ttûoft*
DE PORTIEN. *7r
nie » & d^Orleans , donc il avoic fidt ou foutenu let
éges : Tun des quatre auroit fufit pour immortalifer
n Prince. Il aTOit défendu Metz contre Charles-
}uinc qui rafliégcoît avec cent mille honunes;*il
voit pris Calais , la feule Ville qui reftoit en Fran-
:e aux Anglois ; Thionville avoit été aullî fa con«
luête ; enfin Orléans étoit fur le point de la deve«
lir , lorfqu^un parricide affreux l'enleva à fa partie.
Les tablettes fe fermoient avec deux agrafes de
àiamans : Mademoiielle de Porden les ouvrit; mais
quel fut fon étonnement 9 lorfque fur le revers du
çortraic de feu MonHeur de Guife , elle trouva le
fîen peint avec les plus vives couleurs , & fi parfaite-
ment reilcmblant , que perfonne ne Teût pu mécon«
noitre? Sa furprife redoubla infiniment , lorfqu^elle
remarqua qu*on lui avoit mis fur la tête une couron-
ne : cette couronne paroiflbit d^une main moins ha-
bile ; & au commencement de la première feuille
^s tablettes, elle lut ces mots quVlIe reconiuit pour
£tre écrits de la main deMonfieur de Guife. .
« Marie de Croy , Reine de France ».
Elle ne comprit pas ce qu^ils pouvoient fignifier.
Une fecrette frayeur s^empara de fon ame ; elle tour-
na en tremblant ces tablettes oîi elle trouva des cho«
fes terribles. A la féconde feuille elle lut ce qui fuit ,
toujours écrit de la main de Monfieur de Guife.
(« Généalogie de Henri de Lorraine Duc de GvàSci
s> iiOide mâle en mâle de Ourles Duc de Lotraine»
ft7« L^ PRINCESSE
w fils de Louis IV. Roi de France ».
<« Dédiions des JurifconTultes de Strasbourg, qui
n prouvent qu^après le dixième degré il n*y a plus de
» parenté ».
« ApJ)iication de cette décifion à Meffieurs àt
» Bourbon & au Roi ».
« Ces trois pièces font dans une cailètte de moa
n cabinet » .
La Princeilè lut ce qui fuit dans la quatrième.
« Comparaifon de Oiilderic III. & de Charles k
u Lorraine avec Henri III. Roi de France ».
» Excommunication du Roi de Kavarre Se du Fiis'
» ce de Condé »>,
« Ligue faite pour le foutien de la Religion Ci-
4
» tholique » olx ont fîgné. ...
«( Traité fait avec Sa Maj«âé Catholique, qui doit
a» me fournir 500000 livres par mois deux ans da«
» rant ».
«( Ces Originaux font dans la même caflctte ».
Dans la cinquième feuille.
« Noms des feize Capitames de Paris , &ce qo^on
» peut afièmbler de monde en huit jours ».
Dans la fixiéme feuille.
<( Généalogie des Maffbns de Lorraine & de Clc-
» ves , par kfquelles on connoit que Monficur &
»> Madame de Guife font parens du tiois att qu-
M triéme degré ».
' a Décifions de la Cour de Rome 9 ^ diUôlvcnc
■m^
DE f ORTIE N. %ii
i» les mariages &its du trois au quatrième degré ».
•( Mon/îeur le Cardinal d*0/lkt aura foia de cette
» difloiutioa ».
« Généalogie de la Maifon de Croy »•
« JExemple des n\ariages dii^Mis pour caufe de pa«
» rente entre Rois ou Princes ibuverains, au nombre
» de cent quatre ».
« Tout cela eft dans ma caflètte ».
Voilà tout ce que contenoient ces t^Iettes. Made«
moifelle de Portien en refta fi effrayée , qu^elle fut
long'temps fans dire un ieul root à Saveufe qui n*é-
«oit gueres moins «tonnée qu*elle. LaPrincefiè voyoit
queMonfieur de Ouife formoit trois projets égale-
ment criminels. Le premier , de détrâner le Roi pour
fe mettre en fa place ; le fécond , de répudier Ma-
•^ame de Guife ; le troiiîéme , de Tépoufer elle^nàne ,
Tant de chofes fe préfentoient à fon imagination ,
-que fa raifon n*avoit pas le temps de les difcerner.
Sa paflîon pour le Roi qu*elle croyoit ne plus ai-
mer , & dont ion cœur cependant confervoit un ten*
dxe Ibuvenir , lui donna d*abord de la frayeur pour
la grandeur du péril qu'il couroit : enfuite elle dt
fiatée par la fortune qui Tattend. Sa verm furmonte
ces deux idées : elle blâme dans ion cœur le de/lèin
de Mondeur de Guife ; mais elle n'en réfout pas
moins de garder fidèlement fon fecret. Pour I*efpé-
rance du Trône , elle la rejette comme un crime ;•&
le refte du pencbont qu'elle confcrvoit pourie Roi»
y"
PRINCESSE
Tt-il
:« i
X i^eulic une réfolutiea d^
Sic âc kii§-«eiiips ciuellcmcnt a^-
tnrnr . ât cha& bien loin d'elle li
^*cUe ne pomœt
d*ttn aime quila
« «>
-ranc est JEânoc àXanqf , s^pei-
QcicnB i â frémit en ie I^
lui. Madame
ioLaBflc ^ S£ k hazard les loi
jufqu'Stt
> Dans cette
•13C annAebpofte auCbe-
denVMiblici
diercbet,
où Madame
nies loi dépe^i
;&i]liii
[oiiMa-
pas
9t
U>£ PORtIEN. x%t
Chevalier de partir. Voici ce qu'eUe lui écrivoit :
SMVtrtft m*a rtmis tntre Ut maint , Idwjiewr > dts
tahUttcs qui veut affartitnnent, Ctmme UurftrU p««r-
rpit V9US inqmiittr , fat cru fut je devcit VQut tn
dcnntr avis : je vout les antcit envojiet , Jt j^enjfe crm
^tt^elks fc pnffent confier en itautret maint fuc les vi-
tres : a» refie , fi elles fntt Jiritufes , ce fue je ne fin-
baiu pas , il mtfemble fnt vont porteg, tref loin votre
vtiieance i ér jf *•« ^« *f^^ ' humblement é^y
fatrt réflexion. Vomr P autre projet , je ne veux foir-t
Venvifaitr zfifant eonfitlter mon honneur ér U vitre ,
vont avez, :'té capable Je le former , nefoyez, pas éton-
«^ >y« i« v*iw dis ftteje ne vous dois plus ni amitié tJ
eftime. Si voms faites éinelfue cas de l'une ir de Vautre^
éloiinez, de votre penfie un dtffein honteux à votre
gloire. Je meurrois plutit fut d^j tntrtr en aucune ma^
nitre,
Ma&ie de Croy.
Monfîeur de Guîlc reçut moins de joie d'avoir re-
couTert fes tablettes , qu'il ne reflentit de douleur de
la Lettre de Mademoifelle de Portien. Il étoit vrai
que fon ambition & fon amour étant parvenues juf-
qu'*à une violence qui lui ôtoit une partie de fa rai-
fon , il avoir réfolu de fatisfaire Tune & l^autre en
détrônant le Roi , & en répudiant Madame de Guifc»
Quelque difficiles que psiruiTenc ccsdeitx projets^
a»
j'-
.-i*.!^..:...^.^. .s>^-^ . i.^
aFt LA PRINCESSE
Monfieur dé Guife était comme afoé de les ibi-
monter.
Il étxÂt à la tête d^un parti qui rafTiiroic de tous les
Catholiques ; & les traités cités dans fes taUetm ,
lui dévoient fournir de Targent & Ats hommes ao-
tant qu'il en auroit befoin. Il étoit le pius gsand Ca-
pitaine de TEurope , eftimé des gens de guerre , kkv
lâtré des peuples. Le Roi par fon malheur autant qœ
par fa faute , leur étoit devenu o<Geuz. Ils raccufincnt
de fau/Ie dévotion , & il n''avoit point dVnfâns qui
£i/Iènt le fowtien de fa puiflknce.
I^ Roi de Kavarre étoit Calvinifte ; le Pape Paroi^
excommunié. Les Catholiques le regardoiem avec
horreur : ils cro/oient que le Roi le ^vorifoit. Une
partie de Teffroyable haine qu^ils portoient au Roi de
Navarre , étoit pafféeau Roi. Ainfî MonfîeurdeGui'
fe fe âatoit de ne pas trouver de grands obftacles»
détrôner le Roi ; & il étoit fur , lorfqu^il regneroft y
de faire Bientôt dillbudre Ton mariage avec Madame
de Guife y dont il defiinoit la ptace à Mademoifelle
de Portien.
Il récrivit â cette Prînceflè ; il la fupplia de fofpeiH
dre fon relTentiment jufqu^à fon retour ; il rafiôn
qu'il n'y avoir pas dians fes deflèins tant d'znjaftice
qu'elle fe fétoit imaginé , & que fî elle vouloir fe
fouvenir fans ceffc de Tinjure mortelle que le Rfii hn'
avoit faite, elle n'auroit pas tant de fiicilîtéàdtet
ïpn eiiime & fon amidé à «n Pfince qui Padorozi^
DE portien: i?r
Cependant il continua de prendre à Nanci Tes dcF-
nieres mefures pour commencer Tann^ prochaine à
exécuter Tes ambitieux deilèins ; & le Duc de fiouil*
Ion étant mort .dans ce temps-Jà , fa ville de Sedan
lui parut une place dont il deToit s^aïïiirer pour in<-
troduire les Allemans en France. Il fît donc valoir
quelques prétentions qu^il avoit fur les Etats de ce
Prince ; en peu de jours il fe rendit le maître des
principales villes.
Les feize Capitaines qu^il avoit mis dans Paris »
lui acquéraient de jour en jour un nombre prodigieux
de créatures. Le Roi fur informé de leurs brigues »
fans fçavoir pofitivement que Monfieur de Guife fît
Tame de leurs entreprifes. Il réfolut de punir ces re-
belles y & il fie venir des troupes pour foutenir fon
autorité.
Tout Paris fut ému de leur approche. Les Partifàns
de Moniieur de Guife prévirent le dellètn du Roi ; il»
le mandèrent à Monfieur dé Guife ,. &lui marquèrent
en mêtne temps que cette Ville puiflknte , qui femble
donner le branle au reAe du Royaume , alloit lui écha-
per, ^Û ne venoit lui-4nême la défendre» Ce Prince
£it furpris d^me nouvelle fi facheufe.
Il n^étoit point en état de commencer là guerre »
U. il veyoit fes mefures rompues : cependant comme
il lui étoic delà dernière importance de conferver
Farit » ii en prit auili-tôt le chemin*. Il étoit accoiH-
t^&Dé fftifcBMat de aoactcà «iiiq.càns
kU
x^
184. LA PRINCESSE
mes ; mais il domia des ordres fecrets à dcoz mille
hommes de fon parti 9 de fe rendre dans eettc Ville ,
par des chemins différens , à petites troupes , & aTCc
des habits ordinaires»
Le Roi fçut ]a marche de Mon6eur de Guife , &
•Mma^na qu*il voaloit s^oppofer au deâèin qu^il avoii
de réduire les Parifiens» Il lui envoya Monfieurde
Belliévrc lui défendre d^entrer dans Paris» Moniieui
de Guife fut fort embarraifé : il prévit combien £1
lenteur lui alloic attirer de malheurs : cependant il
fépondit à fieliiévre qu^il avoit des affaires à commua
niquer à Sa Majefté y qui ne lui permettoient pas dt
fufpendre fa marche ; qu^il retournât trouver le Roir
& que fi Sa Majefté perfîftoit dans la même réfola'
don , il lui en donnât avis le lendemain^ Monfieui
de Guife prévoyoit ce qui arriva. Le Roi commamia
à fietliévre de défendre phis exprefl<^ment au Prince
de venir à Paris : mais ce Miniftre mit fes Lettres i
la pofie. Monfieur de Guife feignit dé ne les avoir
pas reçues , & partit de Soiïïbns oii il étoit > avec
lèpt gentilshommes feulement.
Le Roî avoit choifî le lendemain' pour &ire entrer
fes troupes dans Paris. Cette vUle étoit remplie (ie
frayeur & de crainte : chacun eroyoit déjà la voir
teinte de fang y chaeun iîe croyoit du nombre dtf
]>fofcTxts. L^arrivée de Monfieur de Guife en cbofei
cntieremem la &ce r cette nouvelle f& répandit (Tod
|Mt à iraotzc de to Ville, ca im istftanw L'aû leifl»;
%
^
i
DE PORTIEN. ' i8j
tit des cris de joie : tout le monde s'emprcflc à voit
celui qu*ils appellent leur Libérateur.
I-a majefté du triomphe n'eut jamais l'agrément de
rentrée de Monfieur de Guife dans Paris.. Il fut obli-
gé de mettre pied à terre ; & il marcha au milieu de
fcj amis avec un air plein de confiance , mais éloi-
gné de rorgueil. Le peuple battoit des mains : le&
plus emportés fc meitoiem à genoux devant lui , &.
crioient : VivcGnift, Une Damoifellc qui le voyoit
paflèr d'une fenêtre oîi elle étoit , lui cria , en ten-
dant \ci mains : Généretix Frmce , fuifyue tu ts ici ^
nous fimmts Uns fauvêi. Lui de £bn côté fcmble ré-
pondre aux marques de leur tendreflè. Il (àlue celui-
ci : il regarde cet autre favorablement : des yeux »
des mains , de la tête , il fatisfàit tout le monde.
Au bruit de ces acclamations , il arrive à THotel
de Guife. Madame de Guife étoit à Joinville depuis
quelques jx)urs avec Madame de Nemours. Une légè-
re indifpoHtion avoit retenu Mademoifelle de Portien
à Paris» L'abfence de Madame de Guife ne déplut pas
au Prince» Il alla (aluer Mademoifelle de Portien j^
qui étoit feule avec Saveufc
« Comment fàut-il que je m^reflè à vous ? ( lus
» dit ce Prince en la regardant avec une tendrefle
» infinie ) £ft-ce comme un homme que vous n'ef-
s>- tiinez plus l eft'<e comme un malheureux à qui
a»'m£me le Trâne ieroit inutile pour gagnes votre
•k casn£ î «i Vous êtes le nuSue 4e ma répoxife {JixA
^
xt6 LA PRINCESSE
n i^pondSt Mademoifdk de Portien ) fi vous âkes
M quelques cas de mon eftime , il ne dent qù*à foos
» de la conferrer. m Ah ! MademoifeUe (reprit
» Monfieur de Guife ) à quel pris la mettez-foos >
m ne puis-je la garder fans vous perdre ? mon cvac
t> doit-il fouBaiter fans ceiSê ? ierois-je fî malfacorenx
» du côté de Tamour , quand m«n ambition eft for
» le point d*êtrc remplie ? Je le vois bien , Madc-
9> moifelle, vons aimez encore le Roi. Si vous ne rai*
M mjez pas, poarriez'vous refufer la main d^un Prin-
» ce qui vous adore , pour qui vous avez de fami*
1» tié, &qui ne foufaaitela grandeur que pour la
w partager avec vous .^ que trouvez-vous de fi ci-
» traordiûaire dans la difi^lution de mon. mariage^
»» eft'Ce la première êms qu*on a defuni deux cœurs
» mal afibrtis > Madame de Guiie ... « K'en par-
» Ions plu& , Monfreur y fi vous voulez que je coati'
» nue à vous voir ( interrompit Mademoifelle de
» Portien} ôtez-voos de rèfprit ce dèilèin bizanc.
a» Madame de Guife eft ma belle fonir , c^eft mon
I» amie ^ quand elle n^auroit pas ces deiL& qualités f
» jamais je n^accepterois une place remplie par une
M autre , & qii^on ne peut luiôter fans crime. « Ne
1^ croyez pas , Mademoifelle , ( reprît Monfienr de
^ Guife ) quMl y ait du crime , fouffrez . . .. * J«
* Épais^ qu'il y en a (interrompit encore Mademoifcl-
3» le de Portien ) toute votre éloquence ne me per-
^ ÙaàâOL pas le «ffatzairc»^ Ke m^ec» parlez itasà^
DE PORTIEN. x%f
9> Monfl^ur , ou vous m^oblfgerez à lâire un aveu à
» Madame de Goife , qui fêul pourioit me mettre en
» repos de votre pourfuite. Déjà mon cœuf s^'grit»
M notre amitié s^altere; fi vousm^imez, contentez-*-
te Tous-err , & ne me rendez |)a9 odieux un Prince
a> qui mérité d^être eftimé de toute la terre» . Elle lui
tendit la main en difant ces paroles > avec beaucoup
de bonté.
Monfieur de Gulfe la baîfa avec tranfport: « Aï-
» dez-moi donc à me vaincre , Matfemoifdle ( lut
M dît-il ) que votre vertu foutienne la mienne : que-
» la tendreiTe de votre amitié flate un peu ma paf*^
» fion : fongez qu^on ne peut pas d*abord quitter une-
» efpérance qu'en avoit conçue comme la feule ftli-
» ché de fa vie. « J'y confens , Monfieur ( répondit
» Mademoifelle de Portien ) ayez pour Madame^ de*
» Guife tous les égards diïs à fort mérite & au rang-
» qu'elle- tient auprès de vous : je vou» en tieikirai
» compte , cet effort eft digne de vous ».
Us parlèrent enfuite des troupes qui étoient aut.
portes de Paris , & que le Roi vouloit y faire entrer».
Monfieur de Guife lui avoua quMl étoit réfolu de s'y
oppofcr ; qu'il alloit trouver le Roi , & qu*il fe Ha-
toit de l'en empêcher pur fes raiféns. Mademoifetlft
de Portien lui dk quelle le troavoit bien hardi d'aller
an Louvre après les défènfes que tout le monde UfA*^
voit bien que le Roi lui avoit 6hes d^entror h Paris^.
U-ddTia otfe kù ^k dff 4tMi» q«rU afflH Ai d^ii
i88 LA PRINCESSE
trônei cç Prince : elle le pria d^enbien pefer riiqaT--
dce& les difficultés. Elle ne s^y arrêta pas fort long-
temps 9 parce qu^elle s^apperçut que Monfieur de
Guife s^irritoît , Àqu^ilattribuoit ce qu^dle lui difoit
k rincHnation quVUe avoit pour le Roi. Bk le
quitta donc , afin de ménager (on efprit fur lequd
elle crut avoir aflèz gagné.
Monfieur de Gnife mangea à la hâte y & monta en
carroflè pour aller au Louvre. La Reine mère lui avoic
mandé de la prendre. Il fut donc trouver cette Piia-
ceilè. Elle monta en chaife : Monfieur de Gmicmar-
choit à côté d'elle à pied , & le diapeau fous le bras.
Ses carroilès & ceux de la Reine fuivoîent. Tout le
peuple avoit les yeux fur ce Prince , & marquoit là
joie & fon emportement par des cris qui retentirent
jufqu^au Louvre,
Le Roi avoit été frapé jufqu^an vif lor{qu*on lin
avoit appris que Monfieur de Guife étoit arrivé à
Paris malgré fes ordres. On ne pouvoit pas £cie
i>lus mal difpofé à fon égard que Tétoit ce Prince :
ialoux de Monfieur de Guife jufqu'à la fureur : ayant
reçu depuis quelques jour$ de nouvelles rigueius de
Maderooifelle de Portien : cherchant les occafioos
d^abaifièr fon rival » il vient ft^vrer entre fes mains ,
coupable du crime irrémifiible d'avoir defobéi à fon
Roi.
Auffi le Roi ne confultant que fa fureur , aflèmUa
ibncoofidlcntusuilie » poudélibéccr ce qu'il y avoit
DE PORTIEN. 1.^9
\ ùdte àaXa cette occafion. Belliévre y expofa les
«rdres gu'il avoitj)ortés lui-même àMondeur de Gui-
fe , & qu^il lui avolt réitérés j>ar deux lettres écrites
coup furooup.^
Le Duc d^Epernon , homme fiévere & «msemi de
Monfieur de Guife , conclut le .premier qu^il falloit
Tarrêter ; & le Roi approuvant Ton avis , entraîna
tout le monde dans ce fcntiment. L^ordre en fut
donné à du Guaft Capitaine des Gardes , à un cer-
tain (îgnal que ie Roi devoit étonner ; & le Roi lui
commanda de ie tuer , Vil-faifoit réfiftance : mais
onn^avoit pas pris garde , en tenant ce conTeil dans
une chambre joignant la iale du Louvre , que cette
fale étoit femplie de Princes & de Frinceflès. La
Princeflè de Lorraine atuichée aux intérêts de Mon<«
(leur de Qvàic » avoit vu le Roi altéré. Elle fe coula
adroitement proche le lieu du confeil , & en entendit
aflèz.pour trembler du defUa de ce Prince.
Xa Reine mère & Monfieur de Guife entrèrent av
Louvre. Lorfque Monfieur de Guife fut pailé , on vou-
lut refermer la porte. Saint Paul » Capitaine des Gar^
des du Prince , frémiilànt du danger que fon Maître
alloit courir , met fon épée entre la pone , & la pouf-*
fant avec violence, entre dans la cour du Louvre 9
fuivi de quelques Gentilshommes & de vingt des Gar-
des du Duc » en difant avec aifez de hardiefiè ; Lm
ftèwê fM /<r jmtrs fstfMU mmt»
Monfieur de Guife fuit 1» Reûw * & entre dans 1%
Tome A B b
xyy LA PRIJ^C ESSE
£alc. La Rdne fy laide , & va trouver le Roi. Alcrs
Jfl Princeâè de Lorraine aborde Monfieur de Guife ,
ic lui apprend ce qu^elle a entendu. Ce Prince la xt-
mercieavec fa civilité ordinaire; & s^enflammant pat
la grandeur du péril » il retrouflè Ton manteau iiff
le bras gauche , & met la' main droite fur fon épÀ >
fféfolu de vendre chéreoient là. vie , & même d'aller
droit attaquer le Rd, Saint-Paul s^étoit glilTé dans
la (aie ; Moniieur de Gui£e lui fait figne de rœil «U
s^approcher.
Peu après le Roi vient » fulvî de la Reine mcie ,
de Monfîéur d*£pemon y deBelliévre , de du Guaft ,
& de Cloquante de fes gardes. Il aborde Mon£ear de
Guife avec un air furieux : ce Prince le ialue profon-
dément. « Comment ( lui dit le Roi ) avez-voos ofé
» au préjudice de mes ordres , venir dans une ville
» dont je vous avois défcfidu rentrée n > Moniieur
de Guife lui répondit avec une fermeté modefte, que
ces ordres dont il lui parloit , lui étoient inconnus.
n Belliévre(reprit le Roi )ne vous les a-t-il pas portés? d
M II eft vrai » Sire ( dit Monfieur de Guife; qu^ilme
» les a expofés à Soififons ; mais je le priai de fùn
n de très-humbles remontrances à Votre Xfajcfié ,
I» fur ce que j*avols à lui conununiquer ; & il me
» promit ii Votre Majefté perfifèoit dans les mêmes
i» fentimens , de me les faire (çavoir le -lendemain»*
Là •> defliis Belliévre prend la parole , lui demande
•.*il n» loi a pas émi dcui fois» Monfieur de Gnift
._ V
*i
VE PORTIEir. 19»
#flure qu^il n^a reçu aucune lettre : la conteftation
<dura quelque tems entr^euz.
Pendant ce tems-là le Roi chancelé , & ne fçaic
ce qu^il doit faire. Il voit bien à travers les défenfes
^e Monfieur de Guile , qu^il eft coupable. Il le hait.
Il fçait qu*il aime Mademoifelle de Portien : il Peu
croit aimé : du Guaft attend Pordre fatal. D*un au«
cre côté , les réponfes foumifes de Monfieur de Gui-
fc , rincer titude de fon crime , l'idée d'une guerre'
effroyable que fa mort va exciter , le fouvenir d*une
amitié tendre dont il Pa autrefois honoré , fufpendenc
û colère & calment fon rellènciment.
Sur ces entrefaites > on vient avertir la Reine
mère , que le peuple ayant appris que la vie de Mon-
ileur de Guife étoit expofée , s*a(IèmbIoit dans les
rues , & éclatoit en menaces : que Saint-Paul à un
certain Hgnal devoit être appuyé de trente amis de
MonHeur de GHife, Cette Prince/Iè , qui voit le Roi
balancer , & qui craint les fuites d^'un coup fi funefte y
tire le Roi à part , lui donne avis de ce qu'elle vient
d^apprendre , & achevé de Pappaifer. ^
Le Roi prend an air plus ferein , & reçoit les escufef
de Monfieur de Guife. II le mené dans les Tuileries ,
où il lui confie le deficin qu'il a de faire fortir de Pa-
ris les étrangers qui le remplifiènt. Monfieur de Guf-
ie tâche de Pen détourner ; mais fongeanc fans ceilè
que fa vie eft à la difpofition du Roi , il ne s'y op«
pofe que foiblement. Le Roi Pezhorte à y contribue^
4vec lui > & le congédie. B b ij
t^t LJ PRINCESSE
Lorfque Monfieut de Guife fut forti du Louvre , îl
i^étonna de fon imprudence j & moins {enfible au re-
pentir du Roi , quUrrité des préparatiâ de fa mort ,
îl en médita une furîeufe vengeance. Il courut à THo-
tel de Guife ; Se abordant Madcfioifelie de Portien:
«I Vous aviez raifon , Mademoifelle ( lui dît-il } de
•> me foliiciter pour le Roi. Le perfide avoit dcamé
» Pordre pour m*ailài&ner ; je ne dois ma vie qu'à
a» l^amour du peuple. Sans doute que par ma mort oa
I» vouloit k défaire d*un rival d^amour , plutôt que
»> d^ambition ; peut-être êtes-vous fâchée que le ha-
a» zard ne vous ait pas délivrée d'un Amant impor-
i» tun ». Mademoifelle de Portien s^irrita du dif-
cours de Monfieur de Guife : il étoit dur ; & lorfque
la première chaleur de ce Prince fut paflëe , il lux en
demanda pardon.
Cependant Mademoifelle de Portien lui voulut fai-
re remarquer qu*il regardoit Tadion du Roi d'un mau-
vais côté ; que ce Prince avoit eu un jufte fujetde
fi^ofienfer ; & que Moniteur de Guife étoit redevable
de fa vie à fa bonté : il ne put goûter ces raiibns ; &
il joignit au defir de s^élever celui de fa vengeance.
Le lendemain à peine le jour paroiflbit , que le Roi
fit entrer dans Paris les compagnies des gardes Suif-
Ces & Françoifes pour arrêter dans les maiibns fuf-
peôes les étrangers & les gens de guerre qu'il fç»-
voit bien qui s*y étoient coulés. MonHeur de Guife
8Moit pr^vu toutes ces dém^chi^s. Ses émiiTairof
DE'PORTIEN. 29J
avoîent fait entendre aux principaux Bourgeois , que
le moment écoit venu qu^on les alloit facrifier au
parti Calviniftc , détruire la Religion CathoHque , &
perdre les Princes de la Maifon de Lorraine. AuHT-
tôt les plus zélés prennent feu.
Ali feul nom de Monfieur de Ouifeychacun s^armc,
'& s'oppofe aux recherches des Comniiiïàires du Roi.
Monsieur de Guife lui-même , fuivi d'une foule pro-
digieufe de Noble/îc , fe trouve à la tête d\in corps
de deux mille hommes , invincible par ion Chef &
par Ton courage. Le menu peuple apprend que ce
Prince eft dans fes intérêts ; il fe foulevc d'un com-
mon accord , tend \ts chaînes , & barricade les rues.
Monfieur de Guife voit avec tranfport que les efforts
du peuple font au-deflus de fes efpérances ; il fe re-
tire à l'Hott I de Guife , & faille à Monfieur de Brif-
fac la conduite de riiureprife.
Jamais on ne vit tant de valeur d'un côté, ni tant
de frayeur de Tautre. Les troupes du Roi font repouf^
fées & battues partout. Les Suiflès qui avoient percé
jufqu^à la Cité, font prefquc tous aflbmmés ; le relie
le jeté à genoux , crie mifcricordc, vive Guife ; le
brave Samt-Paul enferme huit compagnies des gar-
des au milieu de fes troupes; les barricades fe pouf-
fent de rue en rue. Monfieur de Briffac , à qui le Roi
•voit reproché qu'il n*étoit bon ni fur terre ni fut
mer , lui mande infolemment qu'il a trouvé fon éle-
pem y qu*il cil bon fur un pavé. Le refpeél dû à 1»
Bbiij
X94 LA PRINCESSE
Majefté Royale fe perd & s'*évanoiiit. Monfieui &
BriHàG invcflit le Louvre par trois càiési Les baril'
cades sVtendenc jufqu^à cinquance pas duLouTie.
Un Bourgeois fa^'t reculer la première fcmineller
Le bruit court d\in bout de Paris à Tautre que I(
Louvre eft invefli ; que le Roi ne peut échaper ; il
parvit-nt jufqu*aux oreilles 'de Mademoifelle de Por-
tien. Alors cette Princefle , qui croyoit depuis long-
temps ne plus aimer ce Prince , fe fcnt pénétrée de
do .leur & de crainte du danger qui le menace : elk
fe Hâte que la pitié y a part elle feule ;n:iais las mou-
vcmcns de fon cœur lui font fentir quVlle eft esdiée
par une palTicn plus fî>rte ; elle apprend queMonficor
de Giiife cft dans la cour de fon Hotel ; elle a envie
de lui parler; tlle s'app^othe de la femtre, &le
yoit en effet qui marche h grands pas comme un hom-
jne agité, & méditant un grand projet.
Sur ces entrefaites , elle voit arriver Monfieur de
BriÏÏàc ; fes yeux étinceloient de joie. '< Vous êtes le
» maître du Roi & du Louvre , Monfieur ( lui dit-
» il ) donnez vos derniers ordres. « Huitcompagmes
» des gardes font enfermées par Saint-Paul : je me
M charge ( ajouta-t-ii en baidant la voix ) de vous
» répondre de la perfonne du Roi d. II continua de
Jui parler tout bas. Dans ce moment Mademoifelle de
Portien envoie prier Monfieur de Guife de venir lui
parler. Un moment plus tard elle l'eût manqué.
Il obéit aveugl^nent^ & vint trouvée cette PiAf
DE PORTIEN. 29J
a.vec cette foumiifîon qu'il lui avoir toujours té-
moig:n^e : <« Hé bien, >Conrieur( lui dit-elle avec un air
»s ailcz fier ) vous allez alliéger le Roi dans Ton Lou-
»» vre ; vous allez vous afTurer de lui ; peut>£tre faire
»> Ter VÎT fa mort au fuperbe deflêîn que vous avez con-
» çu : rien ne vous arrête-t-il dans ce moment i
m. Rien , Mademoifelle ( lui répondit MonHeur de
M Ouife ) que la cruelle penfée que vous refufez ce
a> Trône oîi j e vais monter ; & que ma joie fera com«
w bïittue fans celle par la douleur de ne pouvoir être
M uni à vous, a Moi ( reprit la Princeflè) je voudroif
<») unTrône de la main d^un perfide, qui va la tremper
» dans le fang de Ton Roi , qui ufurpe la Couronne
•> d'un Prince fon ami , fon parent , fon bien^deur,
» ion Roi enfin , & un Roi qui ne porte pas ce nom
n indignement ? •« Je n'ai jamais douté ( dit Mon*
»> Heur de Guife ) que vous n'aimaSlez le Roi. Vous
n ni*avez voulu faire croire en vain que votre ar-
»> deur étoit refroidie. Cependant die vous a trahie ;
•> & moi qui n*ai jamais ceffê de vous aimer , voilà
M ma récompenfe. Pour répondre cependant en peu
t> de mots à vos reproches , ce Roi , mon bienfac*
u 'teur , donna hier Tordre de ma mort ; & vous
M connoitrez par la fuite qui de nous deux doit por-
to ter la Couronne plus juftement & plus dignes
•) ment ».
« Vous fuivez trop facilement de méchans confciU
» (ajouta la PiinceiTc) craignez qu^il ne vous Toit plus
Bbiiij
a9Ô LA PRINCESSM^
n ai£é de perdre un Prince furpris, que de gagner i»
te grand Royaume. Pour l^ftime- & de vos amis &da
M gens de bien, je vois bien que vous n'y prétendez
« plus.Après une telle peifidio,peniiettez que je redit
a» la mienne , & même que* je vous évite la vue d*ane
» Princeflè qui ne peut que blâmer une aâion il in-
» jufte. Je fuis originaire de Flandres^ je vo^ enr»*
a» tourne : puiiTar-je être parôe d^hier ! Adieu ,Mon«
» Heur , ibuvenez-vous feulement cpie la gloire & h
» vertu doivent êtreplus recommandables à un grand
a» Prince , qu^une Couronne m . Elle lo voulut quitter
après ci$ mots ; mais Monfieor de Guife Parrêtant r
« Que me dites-vous , Mademoifelle ^ (. s*écria-t-il}
M vous voulez me punir f! cruellement ? vous voui
» intéreflèz jufques-là pour mon Rival > Ah ! voos
» ne partirez point*. « Uferez-vous aiiifi- de 'violence,
a» à mon égard ( reprit fièrement Madtoioifelle de
« Portien ) & fuis-je ici votre prifonniere » }
Monfîeur de Gûife fut terraflé de ces paroles. « Ah.»
» Mademoifelle ( kd dit-il } me prenez-vous pour ua
» barbare? oubliez - vous que je vous adore ? « Si
» vous m^aimez ( dit MademoifeHe de Portien )' que
». je le connoifle aujourd'hui. Sauvée le Roi , n'at-
, » tentez point à fes jours ni fur fa liberté. « Que je
». fauve mon Rival ! (répliqua MonfieuF de Guife J ne
» fera-cc point pour Vous que je le fauverai ? non ,
» je n'y puis confentîr. Quoi ! dois-je tout fairepour
m TOUS > & ne ferez-TOus rien pour moi l « Hclssi
y>E PORTIEN.
k97
» ( répondit Mademoifelle de Portien avec un foii-
> pir , le premier auquel Monfîeur de Guife eût eu
> part ) je ne puis rien faire pour vous ».
« N'*ai-je pas aficz fait de ne plus a*imer un Prince
• que j'*adorois , & qui étoit revenu à moi de bonne
* foi ? « Vous pouvez m'àimer ( ajouta Monfîeur de
» Guife ) aimez-moi j & difpofez de ma vie. « Je
» vous le promers ( répondît Mademoifelle de Por-
» tien) une aéïion fi héroïque va faire naître dans
» mon cœur de la reconnoiilànce. Je ferai fenfîble 4
» tant de fervices ; mais , Monfîeur , ne me deman*
» dez rien de plus. Madame de Guife eft liée à vous
» pour jamdis » ne parlez point d*un divorce qui
» m"*outrage. « Hé bien ( reprit Mon/leur àc Guife }
» ir faut donc fe rendre ^ difpofez du Roi 8c de Royau->^
» me. Vous me tromperez ; Tamour du Roi vous
» fait faire une promefïè que vous ne tiendrez pointu •
« Je la tiendrai ( interrompit Mademoifelle de Por^
» tien ) j'oublierai le Roi , je n*îiimerai que vous , je
M ne vous quitterai jamais. Raccommodez - vous.
» avec ce Prince , laillèz - le régner le refte de fa
>» vie^ Si vous avez des prétentions fur l'a Couronne
M de France , à Ta bonne heure , afiurez-vous-les ;,
M faites que fà fucçeffion vous appardénne. Difpofez
» tout pour monter fur It Trône après fà mort ; mais
» ne Pavancez pas. Oeù la dernière penfée que je
1» donnerai à ce Prince : votre gloire y cft autant ki*^
jtu léNfTéeque fii vie m..
xpt LA PRINCESSE
Monficur de Guife lui obéic \ & avec rétonnemem
et tout ri7nivers > il alla dégager les compagnies to
gardes que Saint Paul tenoit inveftics , & il les icn-
Toya au Roi. En niême temps il écrivit à la Reine
mère qu^il n'*étoit point Tauteur de la révolte des Pa-
rifiens , & qu^il la fupplioit de parler au Roi en kui
Civeur , offrant de foire ceïïer le défordre.
Mais la frayeur étoit fî grande au Xjouvre» ftil
étoit fi fadle à Monfieur de Guife de s^en rendre mai-
ue , qu*on n^ajouta aucune foi à fa Lettre .
Le Roi crut qu^il vouloit Tamufer , & il aflcmbli
ton Confeil allez à la hâte. Les plus braves cscitoienx
Vi Roi à fe fervir de la force , & à entrer dans Paris
avec ce q:fil avoit de gens de guerre , l^épée d^une
main, & le /lambeau de l*autre. Mais les plus fages^^
montrèrent le peu de . (rours que pouvoit donner une
poignée de foldats déjà battus & étonnés , contreciii*
quante à foisante mille hofnmes : ils ajoutèrent qœ
la perfonne du Roi étoit en la difpofîtion du Duc de
Guife , & q'.^il n*y avoit point de temps à perdre , fi
on vouîoit h mettre in fureté.
Lorfq'i^on eut ouvert les yeux au Roi fur le péril
^u^il cotiroit , la crainte de tomber entre les maint
du Duc de Guife qu*il avoir voulu faire mourir le jour
d^auparavant » lui fît précipiter fon départ. Il fe fao-
va à la hâte dans le jar lin , fuivi de quelques Sa*
gneurs & de peu de foldats : de-là il fe rendit auK
FeuilJans , & f aJa à c6cé de la Porte de Kcâet
DE PORTIEN. »99
Ce fut un fpeâaclebien furprenani ,que de voir ce
oi jufques-là toujours fuivi d^uiie Cour pompeufe »
lir à cheval de la Ville capitale de Ton Royaume , au
lilieu de quelques foldats étonnés fans Officiers , &
ans le plus grand ddbrdre du monde. A la Porte
e Neile il fût reconnu par un corps d^arquebuflers
ue les rebelles y avoiem mis. Ces infolens firent une^
lécharge fur le Roi ; & la populace en vint jufqu^à
e point d^efTronterie , de le fuivre avec des cils d^in*
dignation & de fureur.
La vîtelfe du cheval du Roi Tempêcha de tomber
entre les mains de ces furieux \ & il arriva enfin k
Samt-Cloiid. Là fe tournant vers Paris avec des yeux
enflammés : « Superbe Ville ( $*écria-t il ) jamais je
» ne rentrerai dans tes murs que par la brèche m II
fe rendit le lendemain à Chartres : cependant Mon-
fieur de Guife relta le maître de Paris ; & cette gran-»
de Ville fe trouva dans un aufii profond repos , que fi
elle n'eût point chaflë fon Roi de fon propre Palais»
La guerre civile fuivit ce fatal événement , & elle
découvrit la foibleffè & Timpuifiance du Roi ; plut
des deux tiers de la France fe déclara pour Monfieur
de Guife. Le Roi ignorait quelle proteôr'ce la fortu*
ne lui avoit deftinée. C^étoit Mademoifelle de Por*
tien : elle prellbit Monfieur de Guife de lui tenir fa
parole ; de jour en jour elle lui témoignoit de nou-
velles bontés. Ce qu'il avoit fait pour elle, s'il n«avoit
pu introduire de l^amour dans fon cœur , y avoit fiû(
3oa LA PRINCESSE
place à une TeconnoUIânce fi îotv^ , qu^elle appio^
choit beaucoup de cette paflîon. Lorfque les affaires
de ia Ligue âoriflbient davantage , MonHeur de Guife
conientic à la paix. Le Roi fut obligé d^oublier leiân-
glanc outrage des barricades ; le nom & la majefté de
Roi lui refta ; mais la plus grande partie de Taucoriié
paflà à Monf^eur de Guife. Le Roi Te nonuna Géné-
Talifllme ; on donna à fon parti des Villes de liueté;
& les Etats généraux furent convoqués à Blois,ott
Monfieur de Guife avoir fa partie faite , pour &ire
déclarer le Roi de Navarre inhabile à fuccéder au
Roi.
Il s^aginbit de régler Teittrevue du Roi & de Mon:-
fieur de Guife. Chaque parti craignoic leur reflênd-
ment ; cependant comme le Roi étoit à Chartres, H
paroiilbit à propos que le Duc de Guife 1^ allât troU'
Ter. Ce Prince n'en fit aucune difficulté ; comme il fe
reconcilioit de bonne foi avec le Roi , il fe perfuaila
que ce Prince en fàifoit de même ; il alla donc à
Chartres.
Il eft vrai quMl y fut fuivi de toute la-KobleiTe <ie
Ion parti , & d'une fi prodigieufe- quantité d^amis»
que le Roi n^eût pas pu nnfulter impunément. Mon-
lieur de Guife ncfe trompoit pas : le Roi lui avoir
pardonné ; l*amour du repos plus fort en lui que l»
▼engeance , & fa propre générofité , lui avoient Êit
prendre cette réfolution. Tout le monde reconnut
Ueo: qu*iLs.a^iiIbienc fineeicmexu. Monfieur deGuile
DE PORTIEN. }o#
iA>orda le Roi avec un air noble & fournis tout en-,
ieinble ; ille falua profondément.
Le Roi avec un vifa^e riant embralEi Monfieur de
Ouife ; il PaHura qu^il n^avoit rien fur le cœur contre
lui ; il lui promit de s^abandonner déformais à fiej
confeils ; il le combla de careflès & de bienfaits,
Monfieur de Guife de fon côté jura auR<»i un« obéif-
fance étemelle , & lui parla avec une entière fou-
miflion. La Cour -Te rendit à Chartres où les plaifirs U
fuivirent ; mais la vue de Mademoifelle de Portiea
ralluma les feux du Roi.
Le péril oîi il avoit été depuis qu^il ne ravoit.vue •
de perdre la vie & PEmpire , Tavoit empêché de don-
ner fes penfées à fon amour. Il en fentit le retour
avec douleur , parce que cecte-Princefïè parut extrê-
mement éloignée de lui , & entirement attachée à
fon Rival. La jalouHe fe mit encore entre eux , leuc
haine fe réveilla. Elle les accompagna à Blois , où le
Roi & toute la Cour fe tranfporterent , à caufe des
£tats généraux , dont l'ouverture éioit marquée au
15 de Septembre.
Quoique ces Etats fuilènt de la dernière impor-
tance pour le Roi , puifqu^on y avoit pris des mefu-
xes infaillibles pour rabaiHèr fon autorité, & a/Turec
Ùl fucceffion à Monfieur de Guife , il fe trouva tout
occupé de fa paflion. Les froideurs de Mademoifelle
de Portien , qui fembloient aller jufqu^au mépris,
|xe iui laiiSbient pas ailèz de liberté d'efprit» pow^
■i^-
jot LA PRINCESSE
prendre foin de fes afTaires ; il é toît tourmenté U
toutes les fureurs de ]a jalouHe. Il tenta plufiors
fois de parler à cette Princeflè en particulier ; imis
il n^ put jamais réuflir ; il ne la vit qu^en puUic,
toujours fiere , toujours avec lui dans une fioideat
qui le glaçoit.
Il ne doutoît pas que Monsieur de Guife ne fut la
caufe du changement de Madcmoifelle de Portien :il
jgnoroit cependant le fecret de leiu- intelligence ; i^
biuloit de k fçavoir ; il en cherchoit depuis ]or{-
temps les moyens. Il s^en étoit expliqué au Baionde
Lux, jeune Gentilhomme qui paroiflbit depuis penà
la Cour , & qui avoit autant d*adreilè que d^efprit.
Il s^étoit attaché au Roi avec une afliduité qui avoir
plu à ce Prince : il avoit été le témoin de tous Ic^
chagrins que l'amour de Mademoifelle de Portien lai
avoit donnés.
Il n^aimoit pas d'ailleurs Monfîeiir de Guife, deqni
S prétendoit n*avoir pas été reçu comme il de?oit
rêtre ; & ce fut autant pour fâtisfàire fa propre veo-
geance » que pour remplir la curiofîté du Roi , qu'i]
gagna un Valet de chambre de Monlieur de Guifc.
Ce domeftique manquoit également dVfprit & de
conduite , & Monfieur de Guife ne Pavoit gardé que
par une fuite de cette bonté qu^il avoit pour tout le
monde. Du Lux le trouva mécontent , fomenta fon
mécontentement , & commença par lui donner dix
mille livres : c^cn fut ailèz pour gagner ce fervitoïc
infidèle.
7>E PORTIEN. 30J
'T>e Lux lui fît entendre qu^il s^agillbit d^une afTal-*
e de galanterie ; que le Roi & Monfîeur de Guife
iimoient la même perfonne » & que s^il pouvoit dé-
rouvrir oii ce Prince mcctoit Tes Lettres , & les dé-«
rober , on oITfoit de lui faire tenir cent mille livres
en quelque Ville de TErrope quM voudroit choifir,
Le Valet de chambre accepta avidement la propor-
tion : il s^attacha à obferver dans quel endroit de foi»
cabinet Monfîeur de Guife mettoit fes Lettres ; &
ayant remarqué qu*un jour quM en reçut une d*un
homme inconnu , il Tavoit mife en une petite caflèt-
te qui étoit fous fon lit , il revint trouver de Lux , ft
lui promit de lui apporter cette ca/Iètte un certain
jour. Ce jour-là ce Valet de chambre fe trouva afl!-
dument au coucher du Prince ; & kt compagnons
rayant malheureufement laiflë feu! , il prit la caiTette
lorfque Monfîeur de Guife commençoit à dormir ; fiC
par un efcalier dérobé , il la porta droit à la chambra
du Roi i qui étoit logé dans le Château aufli-bien que
Monfîeur de Guife » mais dans Tappartement du Roi
Louis XII.
Le Roi attendoit avec impatience Tarrivée de ce
Valet de chambre. Son cœur fut agité d*un mouve-^
ment extraordinaire ^ lorfqu*il lui remit cette caflctte
entre les mains ; par une négligence infuportable elle
ti'étoit point fennée à clef: le Roi Pouvric avec pré^
cipitation.
Csi magnifiques ablettes lui fraperent b fuei If
I#4 LA PRINCESSE
examina peu le dehors , & il trouva au-|dedant c£
portrait fuperbe de Mademoifelle de Portien couion-
née en Reine de France : il la regarda avec indigna'
xion ; mais de quels mouvemens de colère » de fu-
reur & de rage fe trouva-t-U tranfponé , lorfqu*il lut
Its funeftes projets querainour& rambitionavoîent
fait tracer i Mondeur de Guife. Ils étoient fi épou-
vantables , que le Roi n'y ajouta aucune foi : il les
|»rit pour des inventions d^un efprit ambitieux , mais
chimérique. La fuite le détrompa bien cruellement ;
il trouva dans la caflètte tous les originaux doat Ici
tablettes n^avoient fait qa'un extrait.
Le Roi vit des chofes qui le firent frémir ; le Duc
de Guife lui parut le plus perfide de tous les hom-
mes. Il ne douta pas que Mademoifelle de Portien ne
lut de concert avec, lui pour un projet qui devoitia
couroimer : il fut long-temps fans avoir la force de
parler ; à la fin rompant le filence avec un air terrj-
ble : « Traître ( s^écria-t-il ) font-ce-là le» fuites de
I» cette reconciliation qui paroifloit fi fincere ? Après
» que tu m^as chaflé indignement de la Ville Capi«>
i» taie de mes Eats , tubiules encore de l'ardeur de
» régner , & tu ne peux Téteindre que dans mon
m iang ; les hoaneurs & les bien&its ne la peu-
m vent aflbuvir. Il ne te manque plus que le vais
nom de Roi; tu l*efBmes ^HSxz pour Tacheter aux
» dépens de ton hoimeur. Et vous , perfide Piinoef-
p icf indigne de mon affeâioa ,. le icélént vous »
. doaç
HÉ PORTÏEN. 305^
* ^onc corrompue ? il doit vous couronner : votre
» honneur a été le prix de ce Trône imaginaire u ..
Il fe promenoir à grands pas , & n^étoit occupé
que de fa douleur. Monliear d'Kpernon & le Maré-
chal d^Aumont écoienc arrivés depuis qu'il avoic
commcilcé de' fc plaindre , fans qu'il s*en fût apper-
çu. Enfin il fortit un peu de cette violente douleur ^^
il regarda fes amis. « Tenez ( leur dit-il ) voilà le
» falaire des bienfaits des Rois m . Il leur fit enfuite
examiner tous ces papiers qu^ifs lurent avec ffémi/Ic-»
ment : il leur demanda leur avis. Ifs convinrent tous-
qu'il fe falloir défaire dlm Prince fi criminel ; mai»
comme fon* appartement étoii rempli de plus de cinq
cens Gentilshommes , & que Blois renfcxmoit plus
de dix mille de ^cs créatures , ifs jugèrent à propos,
de n*y pas employer la violence , mais de Tattiret
avec adireffe. Pour cet effet on ordonna au Valet de.
chambre que de Lux avoir d'abord enfermé dans ua^
cabinet éloigné de la chambre du Roi , de reporter,
au même endroit la cadette.
On lui donna Ses billets dé change fur Londres,
pour cinquante mille livres , & on lui en promit pour
Ito autres cinquante mille livres , s'il étoit allez heu--
reux pour remettre la cailètte dans là chambre de
Monfieur de Guife fans qu^on le découvrît. Ce mal-
heureux rîfqua une féconde fbii fa viç pour achever
fa fortune : il rentra aifei heurcufemçnt chez Mon-
fieur de Guife.
tome h Ç^C^'
lÉMta
3o6 LA PRINCESSE
Ce Prince fc IcYoit aflêz madn; & comme ToA
étoit en hiver , le Valet de chambie cntn dans &
chambre plus mann qu!*à fon ordinaire. Il s*éiaii
chargé de rérciller i il remit auparavant la caficnt
fous le Ut , puis tira le rideau du Prince» Ainfi ii
négligence de Xfonfienr de Guife , & la confiance
^^îl avoit en Tes gens » firent exécuter fi fàrilfmfnt
tm projet de cette impoitance.
Le foii de c? jour même. Madame de Gnife aUi
Ceule chez la Reine ; & Monfieur de Guife entra dans
Tappartemcnt de Madcmoifelle de Ponîen. Ils étaient
l*un avec fautre dans la plus étroite confidence ,
fbit <)ue la reconnoiflànceêût agi fur le coeur de cette
Princeilê , (bit que la confiance de Monfieur de Gnife
Teut vaincue. Blc reflèntoit en le voyant cette ^-
tation qu^il lui avoit autrefois demandée avec tant
d'empreflcment : elle obligeoit ce Prince à vivre avet
die dans les règles de la plus auftere fageflc : c'étoic
plutôt une anutié épurée , que ce qu^in appelle
amour ; mais cette amitié étott vive » tendre » ani-
BBée. Elle ToUigeoit d*avoir de grands égards pour
Madame de Guife : enfin cette Prînceflc mettmt un
frein à liiumeur bouillàhte de Monfieur de Guife >
elle rcgioit fon ambition » & modéioit le cours di
Ion emportement.
II lui apprit que les Etats fuivoîcnt (es feules îiih
pressons ; quSl avoit ^t mettre à la tête de kors
mùkn^ que le Soi de Kavane ferait dédale iabilil
DE PORTIEN. %Qf
à fuccéder au Roi. «i Cette déclaration (ajouta-t-il )
» m^applanit le chemin du Trône : vous refUTez y
»> Mademoifelle , de vou9 y a/Ieoir avec moi , vous
w n^en régnerez pas moins. Je ne m*applaudirai de
»• mon autorité , que pour vous en iaire hommage,
w La fanté du Roi eft chancelante : il vivra , puifque
» vous Tavez ordonné ; mais je n'oublierai rien pour
» lui fuccéder. <« Ne regnezr-vous pas déjà ( lui ré«
W pondit Mademoifelle de Portien ) toute la France
i» fléchit fous vos loix ; on s*accoutume déjà à vou^
»> obéir. Mais , Monfieur > qu*avez-vous fait de ces
» tablettes que je vous ai rendues ? votre intérêt
»> m'oblige de vous les demander : votre impruden*^
9 ce les a compofées. Songez que votre gloire & ma
w vertu y font intéreiOTées ».
Mondeur de Guife lui avoiia qu^il les avoit encore ;
il les lui donna ce foir même. Elle en brûla tous les
feuillets, & biSa la couronne qu'il avoit mife furfon
portrait» .
Cependant le Roi ne confultant plus que fa rage
& fcm défefpoir , afièmbla fon Confeil fecret pour y
réfoudre la manière dont ^1 feroit mourir Monfieur
de Guiie.
Moniteur d*£pernon & le Maréchal d^Aumont lu
eonfeillerent de le faire arrêter, de foutsnir tou-
)ours le caradere de Roi , & de lui faire fahre fon
procès dans les formes. Rambouillet &BeauvaisNan*
fis répondirent ^'on ne poovoit fuivre ce premier
Ccij
30» LA P RINCES S t
confeil » fans expofer la Monarchie à un renverfe^
ment général. Ils demandereni fièrement oii feroicnt
les Juges qui piocéderoient contre Monfieur de Gui-^
fe y dans un temps où toute la France étoit conooi''
pue , n le crime n'étoit pa» avéré , & s^il y manquoic
quelque preuve. lis finirent en difant qu*il Cdloic
commencer par tuer le Duc de Guifc , & que fbn
procès fuivroit fa mort.
La Roi n^étoit guéres en état d^abandonner fa vcih
geance aux longueurs dHme chicane » dont le projet
ivcevoit de grandes difficultés. Il fe déclara pour le
fécond parti ; & ne fuivant que les trarifports de la
fureur , il s^enferma avec deux ou trois de fes plus
confidens ferviteurs > & y marqua le fécond jour
d^apr^ celui-là , pour le jour de la moit.de.fon en*
Bemi.
Quelque fecret que le Roi eut eu deflèin d'appot"
ter à fa réfolution , Payant communiquera fon Con-^
feil , elle ne fut pas long-temps fans fe répandre dans
la Cour. La Princefie de Lorraine en apprit quelques
particularités \ & aufli-tôt elle en donna avisàMon*
lieur de Guife. Il eft incroyable. le nombre de gens
qui vinrent trouver ce Prince , & qui TaflUrerent que
le Roi avoir de funeftes deilcins contre lui..
- Mais le nombre de ces gens , aufquels il n*y avoit
nulle apparence qu^on eût.confié ce fecret -y Its dif^
fiérentes drconftances qu*ils lui rapportèrent ; iepoo-^
^ ezceftf oU U étoit opat^ y qui faifoic.âédur k:
BE PORTTEN.. jo^
Cour devant lui i le nombre prodigieux d'amis qu'il
avoit à Bloîs , capables d*y détruire la puifTance du
Hoi ; le profond fecret qu*il croyoif avoir employé'
«lans fes négociations ; enfin (k confcience qui ne lu^
xcprochoir aucune entreprife fur la vie du Roi : touf
<îcla le frapa d'uh tel aveuglement , qu'il méprifa
tous les avertiïïèmens qui lui vinrent. Il lès prit
pour les derniers efforts du Roi dé Navarre , qui tâ-
choit à rélôigner de la Cour ; il plaignit fa foible/Te, *
& fe confirma daiis le deffein de poulTer à bout fonr
entreprife.
Dans le train heureik de fés affaires, iî'paroiflbit à*
fes amis beaucoup plus gai qu'à l'ordinaire ; & mê-
me il tâchoit à' faire palier en eux une partie de foti
cnjou^menr. Eux aii contraire , fe trou voient dans un
afibupiflèment qui leur paroiflbit d*ùn mauvais augu-
re, ir leur raconta le nombre d'avis qu'il avoit reçut '
il plaifanta fur l'air différent avec lequel ces timides
amis s'étoicnt expliqués.
Il étoit rheure du diné, & Ton fé mie à table. Ma-
cramé de Guife , lé Cardinal de Gaifé , frère de Mon"
iieur de Guife , Mademoifelle de Portien , & l'Ar-
ckcvêque de Tours- , dinoient avec ce Prince. En-
prenant fa ferviette , il trouva un billet • de/ïbus ^
« Nouvel avis ( dit-il au Cardinal en fouriant. ) Est. '
même temps il l'ouvrit , & y lut ces mots î Si -vmr
me vims'fsnvez > •» voatjtncra mn ntauvdit fnr, Tou-
irlïi. compagnie ne répondit point" à rcnjpucmcwfi
jio LA PRINCESSE
cle Monfiem de Guife. Il en railla ; & s'étant £n
apponer une écritoire , il écriTit au-dcflbut de Tavis
ces deux mots : en n'^êferêit» II le jeta enfuite fous U
table , & continua en dînant à plaifantcr far Pétoo»
nement que tout le monde faifoit voir.
Après diné Monfleur de Chlvemi vint voir Mon*
fieur de Guife. Les Ptincefles fe retirèrent , & l'on
parla de quelques affaires qui dévoient être ciaitécs le
lendemain au Confeil ; Cbiverni dit que c^étoit le
dernier jour du Confeil » parce qu^en effet les fttcs
de Noël approchoient , & que le Roi avoit promis dt
les expédier.
Cette vifite de Cbiverni fût un coup de VsÂxcik
é\x Roi , qui fit fçavoir à Monfieur de Guife par une
voie non fufpeâe , qu^on termineroit le lendemain
des affaires oii ce Prince prenoit beaucoup de part i
afin qu*il ne manquât pas de fe trouver au Confeil*
£n effet Monfieur de Guife réfolut d^ aller du ma'
tin , & le dit à Monfieur le Cardinal & à PArcfaevê-*
que de Tours , qui promirent de s^f rendre.
Lorfque Monfieur tie Chivettii fut forti y le Cardi-
nal'dit à Monfieur de Guife, que la diligence du R(»
lui étoit fufpeéte, & que s^il Pen vouloit croire, il
ii*iroit point au Confeil le lendemain. Monfieur de
Guife répondit en riant , s'il avoit été gagné par fet
ennemis , s^il fouhaitoit comme eux , que les aflàiics
qui s*y dévoient traiter , s*y terminaflènt à leur avan-
Ugtm Mtnfieur de Lyon fut du fentiment de Mon-
^
2)£ PORTIEN. )ii
fieur de Guire : le Cardinal n^ofa pas infîfter.
Monfîeur de Guife foupa chez le Duc d'Elbeuf. £a
airrivant chez lui » Saveufe le pria de la part de Ma-
demoifelle de Portien de monter à fa chambre. U
trouva cette Princellè alarmée : « Calmez mon ef-
»> froi y Monfîeur ( lui dit-elle) & n^allez point chç(
V le Roi ; quelque ami infidèle vous a trahi. Ce Prin*
»> ce fçait peut-être vos prenuers deflèins , & il igno^
» re les féconds. Il y a huit jours que nous ne Ta-
a> vous vu , il eft irrité contre moi ; il vous croit U
M caufe de mes froideurs : n^allez point chez le Roi »
» je vous en conjure. « Que ne dois*je point , Ma-
» demoifelle ( répondit Monfîeur de Guife ) à votre
» crainte obligeante ? que me peut-il arriver de fâ-»
M cbeux , puifque vous vous intére/Ièz pour moi >
» baimtflêz votre appréhenHon ; depuis que fv-
a» vaincu le Roi dans votre c«ur , il ne m*eft plut
a> redouuble ; votre pitié lui laiiTe leTrôtie , demain
1» je PaiTure à ma pofléritéi>»
« Au refte , s*il faut parler férieufcmem , je croît
t» ne devoir rien craindre de lui ; il m^a paru à Çhar-«
»• très parfaitement reconcilié ; il je Tai trpuvé îcî
w plus froid , la jaloufie nourrit cette froideur ; je
» ne le crois point capable d*un grand crime» « Je
m ne fçais , Monileur , quelle fecrette frayeur me
» toiurmente ( reprit Mademoifelle de Portien ) je
•» n^ point de raifon pour trembler j cependant je
1» tremble. Ke pouvez-voui déférer ce Conseil à uai
■•p
^|îx LÀ PRINCE SS£
» autre- jour > « Je ne le puis , Mademoifclle ( ré^
I» pondit le Duc de Guifè ) fans perdre le fruit dts
» plus longues & des plus bcoreufes négociations ,
» & même fsms m'cxpofer'à tout perdre. Vous le*
M connoîtrez par cette Lettre dii Roi d^Efpagne que
4» j*ai reçue m .
Il lut en mêpie temps à Mademoifellc de-Portieir
•e qu'houe contenoit..
Tàfprtns , mm cPH/in, fue Vtmr ftrjijltx, dsns Is rr-'
filmtif» de n'entreprendre rien centre U ferfinne dte
Rti men frère , éf je vems Une de votre ginirefiti'
Tent ce fueje vêns M premit , s*èxicnters exsSement,
De vetre cki ne msnjMez à rien» Je cemfte e[u*av*n9
Nê& Vins ferez, rendre U DécUrstien f m Hent sm-
^inee de Bearn nne fitccejpen qui vent cp deftimie r
C'*eft en U' fnfpofunt rendue que men érmie entrer s des-
Il mw de Jsnvier dans U kajfe' Nswsrre , penr dffei-'^
êâir vetre ennemii Vens tencherez » fnsnd vent vendres^
iftfind* nCceJfàiris à vitre cntrefrife,
MOI LE ROr.
liademoifellë de Portien reconnut ^Yéritablemenr
^ar la leéhire de cette Lettre la néceflîté qu^fl y avoir
que Monfieur de Guife fe trouvât au Confeil le jour
ftiivant. Ainfi cUe ne lui dit plus rien pour l'en dif-
jiiadcr, « Allez donc , Monfieur ( lui dit-elle ) jeveur
ai bien.
o
»£ PORTIEZ. jïj
l»ien condamner ma timidité ; & je m*eftiine h.eu-
» reufe quelle vous ferve de preuve de mon amitié»
<c Vous me la devez j Mademoifelle ^ cette amitié
3> ^ répondit MonHeur de Guife )ou plutôt vous me
» devez quelque chofe de plus ^ puiCqu^il n^y a %ue
»> cela qui pui/Iè répondre à une paâion comme la
a> mienne ».
ce Lai/Ions ( reprit Mademoifelle de Portien ) ua
m nom qui me choque. Je fouhaite <le vous voix ;
» j^appréhende de vous perdre ; je vous.eftime & je
s» vous admire. Mon cœur s^émut en vous voyant ;
m vous feul Totfcupez ; n^êtes-vous pas iâtisfaic de fes
•> Centimetis? » Qui , Mademoifelle ( s^écria Mon-
9> iieiir de Guife) il ne manque rien à mon bonheur;
«• & j^efHnoe plus ces fentimens que la Couronne de
w> rUnivers »,
<c Je les aurai toute ma vie pour vous ( ajouta cette
i> Princeflè ) & je fuis fâchée que vous ne foyez plus
a» en état de m*attacber plus étroitement à votre de^
»> ftinée i>. Monfieur de Guife fut tranfporté de jpie;
il prit la main à la Princellè , & la baifa mille fius;
Elle le fît enfin forcir ; mais (on cœur femhloit le re-
tenir : elle le vit aller le plus loin qu^elIe put ; &lorC||
qu'elle Peut perdu de vue , une fecrette & inconnue
douleur lui fit verfer un torrent de larmes.
Monfieur de Guife fe retira à fon app^emen^ O^
lui rendit cinq billets qui tous lui donnoien^ avis que
le Roi projettoii quelque exécution funef^e contre
Tome U D 4
T^
hiî. Ce Prince fm fatigué de rimtjortunité de tant
d^arîs , il les }eta' au ftu de dépit ; & s'étant couché ,
le fouvenlr des bontés de Madexnoifelle de Fortien le
fit endormir agréablement.
* LéRoi'étoitîbien éloigné de pafTer la nuit fî tran-
4quîilenîenti Phi* fehioment approchoit , gui devoit
affouvir fa vengeance , plus il fe trouvolt rempli d'ir-
¥éfoldtTon & de crainte, te n*étoit pas riiinocencc de
Monfieur tieGinfe qui coiribattoit fa paflion ; il k
eroyoit le -jAnz traître & le plus perfide de tous les
hommes ; mais 11 eilTifagcoit les fuitei de (a mort , &
il en' pfévcyoit tie%néftès.
La -puîflànte fôrmid^We^dc fon parti , dont il au-
roirà foutenir la'^fiirenrv^l^riîioit foname accoutu-
mée^ tout facrlfî^r au repos & iu ])làinr. 11 avoit
quelquefois la foibleflè de penfer à Mademoifelle de
Portien. Quelle haînfe is*iaIlolt-il attirer > comment
ïbuèiendn)it-fl les regards de cette Princellè , après
•a^tf «rtihd'fa ffldrt à Ton amâm? Querquéfbis la lâ-
chétëti'un aflàlîînar hii falfdit honte; mais il ne re-
•ftoft ^r'îbng-temps'dàtts cttte'dîfpéfitîon.
'^«^L'irifidéle ($'écrloît-îl ) il attend donc ma mort
% p(JUr monter fur le Trône? il n'a re(péôé m* fou
î> Hoî'fii fbn ami. LTwJrmeur que j'ai fait à fa nièce,
9> en la couronnant Reine , ne l'a point arrêté; il
i> ^Mè*âSirfè'atm()itlonfacnIcgeî il eft altéréde mon
ii'iHh'g J II iii'*à qté'lc cœur (d'une PrîncelTe que )'a-
ti'iib^ii . il Ta coft^mpue'en lui offrant m(te {mpi-
t>E PORTIEN. 31J
I» Fc & ma vie : ils comptent les momens que je ref-
s> plre« Va donc , traître , va régner aux enfers; m at
«• trop ^'abufé de ma facilité »•
Il paflà la plus grande partie de la nuit dans ces
'violetks tranfports* Sur \ss deux heures après minuic
il {e cQttelia ; mais les bouillons de fa cokre T^gitant
avec trop de fureur , il fe leva , & refta jufqû^à qua*
treikcUfes à fé promener en robe de chambre. Alor^
il donna les derniers ordres pour la mort deMonfieur
de Guife.
Dès le commencement des Etats craignant quelque
confpfration » il avoir fait bâtir autour dé fa chambre
dos cellules pour y placer fes gardes. De ik chambre
au côté droit » on eatrQicdans> ion cabinet par une alv
léequi conduifoit à là porte ; & au côté gauche de fa
chambre étoit une galerie par laquelle on pouvoit ve^
nir de la iâle dans la chambre du Roi. Depuis deux
jours le Roi a voit condamné la porte de foa cabinet,
& avoit fait faire une autre entrée fi étroite » qu'on
n^y pouToit padèr que de côté.
Le Roi alla lui-même fuivi d''un Page , & tenant
une bougie à la main, prendre vingt-un des quaran*^
ce-cinq gardes qui étoient toujours auprès de fa per-
sonne : ces quarante-cinq étoient une garde, nouvelle
que Monfieur d*£pernon avoit introduite pour la fu-
reté du Roi. *
Us éfioient choifis parmi les plus braves Soldats de
f xaqce y & l'Europe n'auroit pu trouver leurs pareil
Ddij
$i6 LA PRINCESSE
tu valeur , en adreflè » en intrépidité \ fur-tout ib
écoicnt dévoués au Roi , jufqu*à afiicontcr une nioi^
certaine au moindre de Ces ordres. Ils n^avoient rien
à defîrer de ce Prince pour la libéralité & la confian-
ce. Il ne fàlloit pas des hommes moins hardis pour
attenter fur la vie d*ua Prince qui paflôic pour un fé-
cond ^exandrc.
Lognac étoit leur Capitaine. C'écoic un Seigfleuc
de Guienne y que le Roi avoit fait premier Gentil-
homme de fa Chambre , & que des intérêts panicu-
tiers rendaient encore ennemi de Moniieur de Guife.
Le Roi condulfit chacun de ces vingt-un foldats dans
une des cellules de fa chambre, & les y enfemiaà
clef. Sur les fis heures on vint lui dire que les quatre
cens Suiilès de fes gardes & deux compagnies des
gardes Françoifes s'étoient rendues dans la cour du
Château. Alors le Roi tira les vingt-un des quarante-
cinq de leurs cellules , & les rangea dans fa chambre.
il leur dit en peu de mots que le Chiç de Guife abo-
fant du pouvoir qu*il iui avoit confié , & tournant
contre lui-même les t>ien£dts dont il l*avoit comblé ,
confpiroit contre fa vie ; qu^il n'avoit pas de moindie
t)bjet pour fon ambition que le Trône ; mais que fi
leur fidélité ne le trompoic point , Ton infoience au-
Toit un autre prix. Il leur ordoima , lorfqu^il paroî-
* troit y de le tuer ; & il diftribua à onze d^entr'euz
4es poigtiards à deux tranchans qu^il leur ût cacher
iff^ Icon cafaques : il' laiilk ceux-là dansûi diambiCy
_l,
DE PORTIEN. 5ir
ft il mît les dix autres à rentrée de fon cabinet. On
n'*y pouvoit aller qu^en levant la tapiflène.
Lognac étoit avec eux , &ils avoient tous Tépée
nue à la nxain : jamais on n*avoit pris tant de pré*
cautions pour la mort d^un feul homme. Le Roi en-
tra enfuite dans fon cabinet ; mais C\ agité » que fon
étonnement lui avoit changé le vifage.
Sur les huit heures Monfieur de Guife s*éveilla. Un
de fes Valets de chambre lui dit que le Roi Tavoit en-
voyé demander , & qu'il y avoit près de deux heures
<]ue Monfieur le Cardinal & Monfieur de Tours étoient
au Confeil. Monfieur de Guife s^habilla aufii-tôt avec
afiez de précipitation , & alla au Louvre fuivi feule*
ment d*un Page. A peine fut-il entfé , qu'on ferma
les portes du Château. Il monte Tefcalier, & il ar«
rive dans la fale où étoit le Confeil. Là tout d\in
coup fes yeux s'ouvrent ; il fe voit feul au milieu de
fes ennemis , & n'apperçoit que des vifages féveres »
que des créatures du Roi.
L^obfcurité du jour qui étoit fort fombre , quoi-
qu'il fut plus de huit heures & demie > contribue à.
augmenter fa frayeur : tant d'avis qu^il a reçus , &
qu^il a méprifés , lui repaifent devant les yeux. Il lui
prend une fueur froide dont il eft tranfi ; il demande
du feu ; & pendant qu'on lui en allume > il envoie
fon Page chercher un mouchoir.
Le Page rencontre Mademoifelle de Portien qui aU
iQic faire un dernier effort auprès de Monfieur de
Ddiii
3i8 LA PRINCESSE
Guife. MonHeur de Retêl , ami de cette Princeflè , &
qui fçavoit rintérêt qu'elle prenoit à- ce Prince , ve-
noit de lui écrire des circonflances terribles de la ré-
ibiution du Roi. 01e n^eut pas plutôt appris du Pâ^
te qu'il demandoit , qu^elle écrivit fur un morceau de
papier ces mots : Sanvez-vottr, Ht vous êtes m9rt. Elle
Je noua dans un coin du mouchoir , & ordoima au
Page de fe' bâter de le porter à fon Maître. Ce fut inu-
tilement ; perfonne ne fortoit plus du Louvre , ni n^f
entroit.
Une foibleiïè fuccéda à la fueur de Moniteur de
6uife. Un Page du Roi lui apporta des brugnons con-
fits. Peu après Revole, Valet de chambre du Roi , lu|
fient dire que le Roi eft dans fon cabinet , &qu^il le
demande. Alors Monfieur de Guife bannit ces vaines
terreurs qui font venues lefaifîr ; il s'arme d'un cou-
rge invincible , & fuit Revole. II grate à la porte
de la chambre du Roi ; l'Huiflier ouvre , le Prince
entre, on referme la porte. Les onze des quarante*
cinq le faluent profondément , & le conduifent com-
me par honneur jufqu'à la porte du cabinet du Roi ;
& tout prêt de lever la tapiflèrie , quatre d'entr^eux
tirent leurs poignards , fe jettent fur ce Prince , &
Ten frapent , l'un dans la gorge ', l'au(re dans les
jambes , celui-ci au dos , cet autre au côté.
Il eft certain que fi ce Prince eût pu feulement ti"
rer fon épée , il auroic fait une longue léfiftance ;
xkiais un des quarante-cinq fe jeta d'abord delBis»
! ■« WIVS.
^■^
DE PORTIEN. . 5»9
Malgré cela , Monfieur.de Guife les écarte , les traî-j
ne V ies fçcouc i &. fanç. jeter un foui, cri de fbibleflc ^
fedï.iôut ce qu'uno ^eur défefpérée.peut entreprend
dre ; m^ le nombre des aflaflin*, & leura coups re-
doublent : il en reçoit pJwfieurs de mortels; en. vain
traîne-t<-il ces aiTa^^ns d'un bout de la chambre à
l'autre ,.il y^, toï^bcr aux pieds du lit du Roi-; il
s''écrie : Rm fcrfitU \ âc meuri quelques moinens
après.
Cependant. LQgnac.é^tQit forti du cajùnet, ^leRo^
ay£^lt appris, qu'il étoi't^orx,, en fonit luirmême. U
vit ce redoutable Biv^l nageait' dans Ton iang ; fa-
contenance étoit encore fiere. Le Roi aflbuvit fes
yeux dcxe fpeâacle : « Voilà ( dit-il en Inirmême )
3» ce fuperbe Monarque ^ voilà T^poux de Mademoi*
M Telle de Fortien M* ^., , , \ <■
Les fuites de cette mort ffutg^fv^f^ g^eleR^iavoit
préyues^epafler^ t encQre,dans^i9i|igiQa.Mon.TQa|
Blois fe trouva dans une conilernarion-y uir tumulcq
&.un défordre épouvantable ; tout retentj/Ibit de cris»
de lamentations. Le Roi avoir donné des ordres pour
arrêter tou^ ^faosôlle de\(Qçdj(euz de Guife. Sten
râfec Mon(iettr, le Cardinal., Mçnfiei^r de Tour«s Moiv
lieur de Joinville , ^ plfufiçuf^, autres smvs, o^pi^W
de ce .Prince. fqriçnc ;uz.«fiés.; -pMfjursfe' fauverepiv
Madame de Guife ficMademoifeUe de Portion furenc
decenombre.
Quoiqu'après les avi» ^t Mademoifelle de Porciasi
DdiUi
^10 LA PRINCESSE
àvoît reçus , elle dût s'attendre à cette funcfte nou-
velle, cependiant eHe s'y trouva fi fenfitte , que fïi
èonilBnce ne fut pas capable de la fupportcr. Son
cœur fut d'abord faifi , tous fes" fens perdirent leur
iifage , elfe s^évanouit. Madame de Gnîfe étoit en un
état peu. différent : elle adoroit ce Prince , & avoir
fouffert avec une conftancc héroïque la paflton qu'el-
le lui avott reconnue pour MademoKelle de Por-*
lien.
Le Comte de Vilïars , ami de Monfieur de Gtiîfe ,
ne flit point £ accablé 'en apprenant îa mort- du Duc,
qu'A ne fongeâr aufli^tât à lé venger. Il vint pour cet
effet chez Madame de Guife ; il la trouva avec Made-
moifelle de Portien , & il les fit mettre dans un car-
foflè qu'il- avoir tout prêt , avçc lequel il s^éloigna de
JBlois , & arriva peu de jours après à Paris.
La vengeance du Roi ne sf*éteignit pas dans te fang
de Monsieur deGuife ;'il y ajouta là mort de Mou*
lieur fe Cardinal ; puis il fit brider leurs corps, &
jjeter leurs eendres au vent.. Cette conduite acheva
de mettre le feu dans le Royaume. L^ombre de Mon-
ficur de Guife le fit révolter fi abfolumeni, qu'il n'en
demeura pas la fiséme partie fidèle au Roi^ Paris fé
vépandit en injur'es '9i en ihveâiv'és effhjyables; i^
4^!dluma ta plus tiffreuTe- guerre civile , dont TEuropt
ait confervé la mémoire. Monfieur de Mayenne »
frère de Monfieur deGuife , fe déclara Ton vengeur»
Ca France fut un théâtre de fang & d'horreur»
'DE PORTIEN. 5ii
Le Roî fut obligé d'implorer le fecours du Roi de
Navarre , qu'il avoir Jufques-lâ traité en ennemi. Ce
fecours fut fi puiflant', qu'rî rendit IciCoi maître de
la campagne , & qu'il fe difpofa d'afliéger Paris , la
tête & le centre de là rébellion. Madame de Guife &
Mademoifclle de Portien s'y étoient retirées : la der-
nière vivoît dans la retraite & dans la folitude. La
mort de Monfieur de Guife étoit fans celle préfentè
à fa mémoire ; fes bontés , fa tendrelTe , teuchoient
encore fon coeur. Elle fe teprochoit quelquefois de
ii*avoîr pas ihftruit le Roi de Tinnoccnce de fes dc&
feins»
Elle apprît qu'il alloît aiïïéger Paris. Lldéc de tom-
ber entre fes mains , Wxi parut une difgrace affreufc ;
elle difpoïa tout pour fon dépan , & réfolut de fe re*
tirer aux Pays-Bas. La mort de Monfieur de Guife lui
avoir rendu le Roi odieux. Elle prit congé de Madame
de Guife , & partît poiir Bruxelles : elle ordorma à uii
Gentilhomme d'aller trouver le Roi , & de lui rendre
«ne Lettre qu'elle lui écrivoit. Lorfqu'elle fijt arrivée
à Bruxelles , eUe fé condamna à une éternelle folitu^
de. Jamais l*îmagc de Monfieur de Guife ne put fortir
de fà mémoire».
Cependant îe Roî aflîégea Pans , & prît ion quar-
tier à Saint-^CIoud. Son armée étoit fon puiflànte; 8e
Il efpéroit de réduire en peu de jours cette orgueil^
leufe Ville. Il fe flatoit d'y rencontrer Mademoifeller
fie Portien : il n'eût pas nioinseftiiné cette conque»
VK r,w-ri^
^ ?r
|zïr LA PRINCESSE
^ue celle de fon Royaume* II fongeoit aux moyens de
Tappaifer ; & il étoit dec moinens où il efpéroit qu'eL
le fe trouveroic innocente des projet^ ambitieux de
MonÂeur de Guifç. . .
Un jour qu^il étoit profondément occupe de ce,
penfées , en fe promenant dans le jardin de Suinta
Cloud y il crut voir dans un enlbncemenc un ho.xune
qui robfervoit. Il s^approcba pour connoître s^il fe
irompoit. £n s*avançant il fe fenrit faifî de-firayeur •
Sl lorf<]u^il fur dans une diftance raiformabie > kf
traits , la taille , & Miabillement de Monfîeur de Giô*
fe lui fraperent l'imagination. Il lui fembla qu'il ie
voyoit il recula quelques pas, en arrière ; mais cette
figure avançant à mefure > le conJrma dans la penfée
que c^étoit Nombre de Monfieur de Guife : fes fens
furent glacés à cette vue. I) fei&bloit que cette ombre
tenoic un poignard à la main ; &, Roi crut le reçon*
noître pour un de ceux quil âvoit diftribués aux qiia*
iante-<:inq.
Il jeta un cri ; alors l'ombre s'approchant , Je re-
garda d\m œil foudroyant , & lui dit : T» mùmrrM
éttnp» Ëlle-diO^vut à< ces mots > ^ les cris du Roi at-
tirèrent Monlîeur d'Epernon , qui trouva le Roi à de-
mi évanoui. .Ce Prince lui raconta ce quHl croyoit
fivoir vju » & lui avoua qu*U lui en reftoit au fond du
cœur une frayeur qu'ail ne pouvoir vaincre.
Le lendemain le Gentilhomme de MademoifeUe de
^oiciçn li^ appoita la {.e^çrc quVUe lui écrivoit^ L»
^^rsf
DE PORTIEN. ^x|
Koî la reçut avec étonnemem i & l'ayant ouverte »
voici ce qu^il y trouva : . ,
K#«i ferez fiirfris fam 49mte , lerfyue vofis reeevreiç,
mette Lettre i méU ce fers U dernière ftés que vont en-
tendrez fsrUr de m§i. Je fmU de vêfre ReyMwme , dont
vceis étvez hattni U trjin^Hsté en kant.ijfent Ujuflice^
Vous vyez bien que je vente -pArler de U mert de Mw
fiettr de Gnife, Vens Pdvez immeli à vu fêttpf^ns ; je
ne fçeis fi ^ejl i vetre jslmfte , en à vetre fêliti^imt^
0luei^ne f&ndement ^n'^ils sjtent eupiU nVw éteienifdt
wnoéns injnftes. Il m* m aimée , je n*en difconviendrai
fas i ér fin smemrfAit ms gleire i msis je n*j di ré"
feftdn qt:e cenformément à ma vert» (^ à ma naiffan»
ce, Refendant fi j*ÂVcti d4 aimer ^nelqu* un i fe^t t'té et
j^énéreux frince, U s eemmeneé à n^ aimer avant fuejt
temêuffe Vameur ; ^ ni Ut méfris ni une autre fa0m
don* j* ai été frévenue , n'ent jamais pu le rebnter. Peur
-veeex ^ qui veut êtes fiinalé à men é^ard par veire n^
tenfi^nee , jn^tz quelle diff/érenee ily a en entre fa <et»»
drfffe ér ^* vètre. Cependant men eeeur ^ qtci nefe Uif-
ftit pas louvtrner par U raifen , penchtH de vetrt eiti
ptutit que dufien : veut avez dé vtus en appereeveir,
iniret que vtus tut» Si fat paru m'attaeher à lui da^t
lafuiu, c\ft que féteis plus fére an fend de m'en dé-
fendre ; dr teut éleégné que ^§us étiez de meiy veut
étiez peut* être encere le plus fert, Fêur les deffeins de
^tnfitur de Gmfe « ils nUttitiH peint criminels^ Vetr^
^
âtfdMMBiaH^^^^MÉfl^
u
3*4 LA PRINCESSE
wétiiiû unjênrf étéfscfit i 4t jt ffMsfitrement ^U
m été une 9CCékp§n y 9n il vêus- s Uêffe k Tr«K ir U
j§mr. V§ns Ptn svex, M^ttement ric§mfgnfi , vfms âva
tm de le^erts Mffévenctw fmg V9Mt n^svex, pas fris U
ftine ^Mfp^ûfmiir. 31 y amrs freffe à fe faire aimer
de V9Ut ) fvifftte vtms traitez ainfi vu maUreJps éy
^pes amis. Vitre ernamU ne vems en s fins laiffi, Teur
mei je ne vente être an-rat^ ni des uns m des antres ,
^* 4^ je ne ver* attrns fos écrit cette Lettre »fi je n^tjft
\ tru deveir Vieîairciffement fneje vens denne , i J» ar-
I meire dn fins grand ^ dn fins ^énérenx ?rmu in
wemdtm.
Marie de Crot»
Les reproches de cette Lettre touchèrent vivemem
* leHoi. Il fît chercher le Gentilhomme pour fçavoir
* de lui oii étoit Maden^dle de PortieR » & peut-
I êrfe pottr lui écrire ; mais on ne le trouva plus : £i
fuite le Tailla dans un chi^rin & une in^ux^udemor'
telle. « Pourfjuoi ( s^écria-t-il ) m*êtcs-vous venu
» troubler ?- je vous croyois ingrate & criminelle ; je
t 10 croyois Monfîeur de Guife perfide & ambitieux.
«> Vous m^alTurez que vous m'avez toujours aimé ,
^ n 9c quMI n*a jamais confpiré contre ma vie ; bien
M plu» je la lui dois , fi je veux vous en croire. Ah f
I» que ne me îaifliez-vous dans mon ignorance. Je
I» ne me reprocherois pas une injuftice fi efftoyà>lc*
^ Mais ^ue dis-je f ( reprenoît ce Piince iroublf j
DE TORTIEN. jif
~9>
n*aî'je pas lu les traités criminels*, dont le moin*
dre eft-digne du Supplice ^ Ah Dieu ! s^il s^étoit re«
pend , quels remors ne fentirois-je point ? pui(fêi>
je ne réclairdr jamais n !
Il pallà tout le jour dans ces inquiétudes. On ve«
•noît en vain lui apprendre que la réduétion de Paris
•^toic infaillible , il 7 paroiflbit indifTérent. La nuit
fut encore plus trifte pour lui ; il ne fut occupé que
•de Monfieur de Guife. Les premières années de fa
vie , qu^il avoit pailles avec lui dans la plus étroite
amitié , Tappdloient fa-tcndreflè pour 'Ce Prince.
I.a générofîté avec laquelle il avoit dégagé fes gar«
des aux barricades ; cette paix qu'ail avoit faite avec
tant de fâdlité, lorfque la Ligue étoit triomphante ;
«nfin la bonne foi avec laquelle il étoit venu fe livrer
entre fes mains dans le Château de Blois j tout cela
-fetnbloit lui ouvrir les yeux , & lui montrer Tinno-
cence de ce Prince,
Il fe leva le marin dans ces tranfports , réfolu à
quelque prk que ce fut , de fçavoir oîi étoit Made-
nioifelle de Porden , &de s^ftruire plus particuUô-
renient de la conduite de cet infortuné Prince. L'a-
mour y agiflbit bien de moidé , pour revoir cette
charmante Princeflè. Malgïé lui il fut obligé de don-
ner quelques momens au foin de fes affaires. On lui
dit qu'il y avoit un Religieux qui vouloit lui parler,
& qui avoit quelque chofe à lui propofer de la pare
de Monfieur de Harlay , Premier Préfident & lecrec
ferviteur du Bx>ii Le Roi le ûf entrer.
^x6 £J PRINC£SS:E^&c.
i •. iJtle'RcIigiwx aié.Toalùt lui parler qa>n fecï<i:Ii
' ^ue/lc 9 Procureur Générai » lui dit de parler haut, &
/' fu^l n'y avoic-là que des ferriceurs du Roi ; mais le
Moine s*étant opiciâtré à ne rien dire , le Roi Sx re-
tirer la Guèfle & Monfieur de Bellegarde. Alois le
Moine s^approcfaa $ & tirant de fa manche un couteaa
k deux tranchans , îl Tenfonça dans le ventre du Roi
Ce Prince infoiivtié-fit un cri ; & ayant leticé h
couteaa » il en ftapa l!a(Iàfiîn , qui fot au£-t6t mis eo
|Keces par qudques-uns des gardes du Roi.
Sa.Majefté ïc trouva bleilëe à mort , & Ce piipn
i mourir avec cortftance; Le fouvenir de laaionàe
Monfienr de Guife hii caufa ks plus ouifans iepif^n*
21 mourut le lendemain ; À le malheuraocIlaBiie
Ouife fe trouva vengé dans r^néeoiêne^ià mon:,
Mademoifelle de Portien 9ppnt peu #. jours aprèi
4a mort du Roi. Toute prévenue qu'elle étoit de fon
crime , elle ne put s'empêcher d*y être fcmfiWe .: dk
|>a0à le refte de fa vie dans*Ia douleux & dans Teffî-
Àion , auTquelles les fuites d'une paÛion jnalbeureurc
dTavoient de bonne heure accoutumée» .
vF/iVÏ
I.
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